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lirSTOniE l)(! ROlSSILLOiV.
HISTOIRE
DU
ROUSSILLON,
PAR JEAN DE GAZAMOLA,
ET AUGMENTEE DE QUELQUES NOUVEAUX DOCUMENTS HISTOItlQUE^ .
PERPIGNAN.
J. R. AL/INt-:, IMrniMËUftLIBRAlHK.
RuedMTroii-Roii, t.
^S'Sia. 31. G-
/ ^, (p
oia.i
(
•"'''^ (^^' V- y'
/
/
V
AVERTISSEMENT PRÉLIMINAIRE.
Une circonstance , aussi douloureuse que fatale , est
venue se rattacher à la publication de cet intéressant
volume. Celui qui, de concert avec Théritière de M. de
Gazanyola, s'était fait un devoir sacré d'exécuter les in-
tentions du savant écrivain, l'éditeur de cette œuvre, le
Ikiron Guiraud de Saint- Marsal, frappé d'une maladie
organique, a été rapidement enlevé du milieu de nous,
le 2 août dernier, presque à la veille du jour où ce livre
allait être mis en vente.
Cet ouvrage se présente donc devant les Roussillonnais,
en quelque sorte comme un orphelin , privé à la fois du
patronage de son auteur et de celui de son éditeur, qui,
depuis long-temps, consacrait tous ses soins à cette im-
portante publication , objet de sa plus grande sollicitude.
Heureusement, cette Histoire se recommande assez
par elle-iriéme, pour aller prendre sa place parmi les
VI AVERTISSEMENT PRÉLIMINAIRE.
monuments scientifiques et littéraires , sans avoir l>esoin
d'aucun appui. Le nom vénéré de son auteur^ dont riiii-
mense savoir est parfaitement connu, suffît pour l'accré-
diter auprès de nos concitoyens comme ailleurs ; et une
production aussi remarquable qu'elle était impatiemment
attendue, ne peut manquer d'être universellement ac-
cueillie avec tout l'intérêt <iu'elle mérite.
Ce volume, ainsi que l'annonce son titre, a été aug-
menté de quelques nouveaux documents historiques par
le Baron Guiraud de Saint-Marsal , (|ui a fait précéder
l'ouvrage d'une Motice sur M. Jean de Gazanyola.
Nous allons, à notre tour, dire en peu de mots ce
qu'a été ce digne é<liteur , qui , après avoir parcouru lui-
même une des plus belles carrières, a laissé dans notre
pays, depuis plus de «{uarante ans devenu le sien , de si
nobles et de si profondes empreintes.
Va^ Baron Bavmond-Marc-Antoine (luiraud de Saint-
Marsal, na(|uit à Limoux le "Hd Janvier 178(1. Après avoir
fait «le brillantes études , d'abonl au collège des l>octri-
naires, dans sa ville natale, et puis à celui de Sort»ze,
il fut reçu, en 17H8, ii TKcole Polytechnique d'où il sortit
deux ans apK's , pour entrer dans celle du génie.
iW'S tK(^, il débuta à la ram|iagne de Hanovre; ht
.siKTessi\emeiil toutes celles de IKnipire. jusqiies et \
comprises celles de Hennis et de Waterloo, en 181.%, v\
AVERTISSEMENT PRÉLIMINAIRE. VII
c'est sur les champs de bataille , où plusieurs fois il vetsa
son sang , qu'il conquit à peu près tous ses grades et ses
distinctions.
Lieutenant du génie en 1802, capitaine en 1805, chef
de bataillon de la garde en 1811 , le baron Guiraud fut
nommé le 26 mars 1816 lieutenant-colonel du génie,
directeur des fortifications à Perpignan , où il continua
sans interruption son service actif jusqu'au jour où il prit
sa retraite, après avoir été promu, en 1824, au grade
de colonel dans la même arme.
Décoré de Tordre de la Légion-d'Honneur en 1807,
après le siège de Dantzick où il commandait une attaque ,
il reçut le titre d'Officier, en 1812, après la bataille de
la Moscowa où il fut grièvement blessé à la tête.
Le 12 octobre 1814, il joignit au titre d'Officier de la
Légion-d'Honneur , celui de Chevalier de Saint-Louis.
Les cours de France et d'Espagne lui donnèrent k la
fois des témoignages éclatants de leur satisfaction pour
la manière si habile et si honorable dont il n'avait cessé
de remplir, au milieu de nous, les fonctions non moins
difficiles que délicates, de directeur des fortifications. Par
lettres-patentes du 29 mai 1825, le Roi de France lui
conféra le titre de Baron, avec adjonction du nom de
Saint-Marsal , qui était celui de la famille de sa femme;
H, le 12 mars 1829, le Roi d'Espagne le nomma Che-
Vlll AVERTISSEMENT PRÉLIMINAIRE.
valicr de deuxième classe de l'ordre de Saint-Ferdinand.
Enfin, le 30 avril 1855, le Raron Guiraud fui élevé au
grade de Commandeur de la I^gion-d'llonneur.
M. Guiraud de Saint-Marsal se retira du service en
1840. A partir de ce moment s'ouvrit devant lui une
seconde carrière. La vie civile d'un officier de ce mérite,
qui réunissait tant de qualités intellectuelles et morales,
devait être digne de sa brillante vie militaire. Après avoir
été soldat aussi brave qu'instruit , il devait être tour-à-
tour magistrat éclairé et citoyen plein de zèle pour le
bien de son pays.
Le 14 février IRil , il fut nommé Maire de Perpignan.
Doué de facultés éminentes, il ne tarda pas à en faife
connaître et apprécier l'étendue dans l'exercice de ses
nouvelles attributions. Alliant Tamour du travail a une
imagination des plus vives et à la solidité du jugement,
il concevait et traitait parfaitement les affaires adminis-
tratives', et se consacrait tout entier aux intérêts confiés
à sa sollicitude.
I^s fonctions «le Maire, aussi bien que celles de Pré-
sitlent «le la Société Agricole, Scientifique et Littéraire
des Pyrénées-Orientales, révélèrent bientôt, par les nom-
breux discours qu'il eut a prononcer dans une foule de
circonstances diverses, tout ce qu'il y avait dans son
esprit ardent de talent littéraire et oratoire.
AVERTISSEMENT PKÉLIMINAIRE. |\
A peine eul-il cessé, en septembre 1846, d'être k la
tète de l'administration de la ville, qu'il fut immédiate-
ment porté par le suffrage unanime de ses concitoyens
ao Conseil Municipal, où il a siégé jusqu'à ses derniers
jours. Membre de la plupart des Commissions, c'était
toujours lui qui se chargeait de la rédaction des rapports ;
et dans ces écrits se montraient, en même temps, la
dialectique de son esprit , sa merveilleuse facilité et les
ressources de son intelligence. Nul ne savait exposer les
faits avec plus de clarté et de logique, et discuter le
fond de la question avec plus de méthode et de sagacité.
Plusieurs administrations et établissements , tels que
les hospices, le collège, la ferme- école, etc., avaient
simultanément utilisé, à leur profit, la haute capacité de
M. Guiraud de Saint-Marsal ; les uns et les autres rece-
vaient à la fois le tribut de son zèle et de ses lumières.
V
Ni la multiplicité des travaux auxquels il devait se
livrer, ni l'aridité des questions qu'il avait si souvent à
élucider, rien ne pouvait ralentir son infatigable ardeur.
Il apportait dans l'accompHssement de tous ses devoirs
un courage, une persévérance et une aptitude qui déce-
laient en même temps en lui l'homme supérieur et le
citoyen entièrement dévoué au bien public.
Une si noble et si précieuse existence s'est éteinte
malheureusement trop tôt. La mort de M. Guiraud de
X AVERTISSEMENT PRÉLlMir^iAlRE.
Saint-Marsal a été l'objet d'un regret universel; il est
descendu dans la tombe, entouré, comme il l'avait été
pendant tout le cours de sa carrière , des témoignages
d'estime, de sympathie, de reconnaissance et de véné-
ration, qui sont toujours le plus éloquent éloge du
caractère et de la conduite de celui qui a su inspirer de
pareils sentiments.
La veuve Baronne Guiraud de Saint- Marsal, pleine
de respect pour la mémoire de son oncle, dont elle
lient a transmettre le nom à la postérité, s'est empressée
de faire achever l'œuvre de cette publication, qu'il na
pas été donné à l'éditeur de voir accomplie.
NOTICE
SUR
M. JEAN DE GAZANYOLA.
La famille de Gazanyola était fort ancienne. Nous ne
remonterons qu'à Pierre Gazanyola, le premier dont l'exis-
tence est bien constatée par des actes publics, et qui
vivait à Pia en 1276. Les archives de cette famille portent
dix-sept générations, entre lui et l'auteur de l'ouvrage que
nous publions. A cette époque, riches bourgeois, puis
Bourgeois honorés, par lettres-patentes du 5 juillet 1650,
les Gazanyola furent anoblis, avec le titre de Chevalier,
par ordonnance de Louis XIV, du mois de mai 1695,
ê
dans la personne de Jérôme de Gazanyola. Le Roi,
après une énumération des titres de ce dernier à sa
bienveillance, ajoute : « Et pour les services importants
« qu'il nous a rendus, depuis longues années, dans nos
'< armées de Catalogne et ailleurs. » Il serait inutile d'en-
trer dans le détail des positions honorables occupées par
\ll NOTICE SUR M. JEAN DE GAZANYOLA.
les chefs (le cette famille, souvent |>remiers Consuls de
la ville (le Peri)ignan.
Jean-llyacinthe-KudaNoseph de Gazanyola , na(|uit le
16 mars 1766, de François - Xavier de Gazanyola, el
d'Eudale Bou de Villenouvette ; il fit ses études au colleté
des Oratoriens, a Pézénas, la philosophie et une année
de droit, à l'Université de Perpignan. Élève, en 1785,
h l'École Rovale d'Artillerie de Metz, il s'v trouvait ofli-
cier de cette arme, en 1791, lors de l'arrestation de
Louis XVI à Varennes. Les événements qui suivirent,
et le serment qu'on exigea de l'armée, et qu'il refusa de
prêter, le décidèrent h émigrer. Reçu dans le corps de
la Noblesse française, qu'organisa le Prince de Condé,
il fit neuf campagnes avec les armées autrichiennes et
russes, pendant les guerres de la Révolution. En 1801,
voyant que ce n'était plus pour le rétablissement des
Bourbons, mais pour leurs propres intérêts, que com-
Imttaient les Puissances étrangères, il quitta lé service,
et se retira en Espagne, près des frontières de cette
France, sa patrie, vers laquelle il n'avait cessé de tourner
les yeux. En s'éloignant du Prince de Condé, il reçut un
témoignage flatteur de son estime, Tattestation que, dans
toutes les aflaires, il s'était comporté avec honneur, zèlo
ft courage. Arrivé en Catalogne, au mois de juillet 1801,
il v<Vut hon(»rablement, tirant jiarti de ses connaissances
NOTICE SLR M. JEAN DE GAZANYOLA. XIII
en mathématiques. Il revit la France en 1805, où sa fa-
mille raccueillit avec une tendre cordialité.
Le roi Louis XVIII ayant recouvré la couronne de ses
pères, M. Jean de Gazanyola fut nommé, dès le mois
de septembre 1814, au Conseil-Général des Pyrénées^
Orientales. Créé Chevalier de Saint-Louis le 22 novem-
bre 1815, le Roi le désigna, en 1816, pour inspecter
les gardes nationales du département. Il fut, successi-
vement. Membre du Conseil municipal de Perpignan,
en 1821, et Conseiller de Préfecture, en 1822, position
qu'il conserva jusqu'aux événements de juillet 1850.
Ses principes, son attachement inviolable h la Monarchie
légitime, ne lui permirent point de continuer à exercer
des fonctions publiques sous un autre Gouvernement.
Quoique son dévoûment à la cause de la branche ainéc
des Bourbons fût sans bornes, on le vit porter une Jiieu-
veillante modération, une intelligence supérieure, dans
les nombreuses et importantes opérations dont la direc-
tion lui fut confiée. Ainsi, chargé, en 1814, de la visite
des prisons , pour constater la situation politique de cha-
cun des prévenus , et signaler ceux qui avaient droit à la
clémence du Roi; commissaire délégué, en 1815, auprès
du corps espagnol qui avait envahi le territoire, et dont
on devait suspecter les intentions, il sut, dans ces
missions délicates, allier la prudence à la fermeté. La
XIV NOTICE SUR M. JEAN DR f.AZANTOLA. '
formation du Musée de la ville de Perpignan, la réunion
des documents pour dresser la statistique départementale,
la surveillance de la Bibliothèque, etc., furent aussi mises
sous sa direction, et, partout, il apporta, avec un zèle
inaltérable, le tribut de ses vastes connaissances.
Rentré en 1850 dans la vie privée, il se livra exclusi-
vement à l'étude. L'histoire, l'astronomie, les mathéma-
tiques, l'économie politique, toutes les branches de la
science lui étaient familières, et occupaient noblement
ses loisirs. Il ne pouvait mieux les employer qu'en n^u-
nissant des matériaux pour l'histoire de son pays : il y
travailla avec ardeur, et poursuivit cette œuvre avec une
persévérante activité pendant plus de vingt ans; mais,
à peine l'avait-il terminée, que la mort vint le surpren-
dre, au moment où il se proposait de la livrer à la publi-
cité.*Son tempérament robuste avait long-temps résisté
à une affection catarrhale , fruit de ses campagnes et de
ses longues veilles : il expira le 24 mai 1851 , vivement
regretté de sa famille, de tous les gens de bien, et sur-
tout des pauvres, dont il s'appliqua constamment à sou-
lager les misères.
Ses hautes vertus, sa capacité, son érudition, l'aménité
de son caractère, la solidité de ses relations privées, son
inébranlable fidélité aux princi|>es politiques qui curent
tant d*innuence sur sa vie, lui avaient ac^piis Testime, le
NOTICE SUR M. JEAN DE GAZANYOLA. XV
respect de ses coDcitoyens , les sympathies de ses nom-
breux amis.
M. Jean de Gazanyola avait un frère, mort long-temps
avant lui, et une sœur, qui épousa le comte Ange Delpas
de Camporells de Saint-Marsal. De ce mariage, il n'est
. resté qu'une fille : Angélique Delpas de Saint-Marsal,
mariée au baron Guiraud, colonel du génie. Dernier
rejeton de deux familles très anciennes, qui, dans chaque
génération , fournirent , en Espagne et en France , une
lai^e part au service de l'État, surtout dans la carrière
(les armes, elle tient a cœur d'exécuter les dernières
intentions d'un oncle qui lui fut cher. Puisse-t-elle sauver
son nom de l'oubli, en publiant un ouvrage si plein
d'érudition, et puissent les Roussillonnais l'accueillir
avec tout l'intérêt que nous y attachons nous-méme !
r
L Editeur, B«" Guiraud de Saint-Marsal.
AVERTISSEMENT DE L'AUTEUR.
Habitué de bonue beure à faire des extraits des livres
classiques <, je continuai, plus tard, à noter tout ce que
les ouvrages scientifiques et littéraires présentaient de
plus saillant. J'eus, surtout, un goût prononcé pour les
études historiques, et je m'attachai à rechercher dans
les auteurs anciens et modernes, ce qui pouvait jeter
du jour sur l'histoire du Roussilion ; d'autant plus qu'il
n'existait rien de spécial concernant une petite province,
qui, située entre des Etats puissants, eut toujours une
importance telle , que sa possession fut un sujet constant
de discorde et d'envie, ce que prouvent suffisamment
les douze changements de domination qu'elle a éprouvés
dans l'espace de vingt-deux siècles. Les documents tirés
des auteurs qui avaient écrit sur cette contrée , formèrent
un recueil, qui s'accrut de jour en jour. Lorsqu'après
douze ans d'exil , je revis cette France , loin de laquelle
m avait entraîné la tempête révolutionnaire, je repris mes
XVIll AVERTISSEMENT DE LALTEtR.
études sur riiisloirc de mon pays, et mis en ordre toutes
mes notes, de manière à composer un tableau chrono-
logique et raisonné des événements concernant le Rous-
sillon, qui, depuis Tépoquc la plus reculée à laquelle les
œuvres des anciens nous permettent de remonter, ont
laissé dans les annales du monde une trace authentique.
Plusieurs de nos compatriotes, distingués par leur
instruction et l'amour du travail (MM. Puiggari, Jacques
et Jean-Baptiste de Saint-Malo) faisaient aussi avec zèle
des recherches archéologiques, et publiaient les résultats
de leurs laborieuses investigations. Kn i855, M Henry,
bibliothécaire de la ville, imprimait son histoire du Rous-
sillon, et par une singulière coïncidence, de l'autre côté
des Pyrénées, le savant auteur catalan, D. Prosper de
Bofarull , indiquait de nombreuses corrections à 0|)érer
dans les chronicpies d'Kspagne, et particulièrement dans
la série des Comtes héréditaires du Roussillon. Je m'em-
pressai de joindre a mes documents ceux que m'oflraient
les écrits d'hommes de ce mérite. Non seulement ils
m'ont beaucoup appris; mais ils m*ont mis dans lobliga-
tion <le faire de nouvelles études, au moyeu des ouvrages
imprimés et des manuscrits <|ui m'étaient inconnus, ou
que j'avais né|;ligé de consulter. Pendant que je m'occu-
pais dr cet objet, M. Jcaii-ikqiliste de Saint-Malo, s atta-
chait, a\ec une admirable persévérance, à exhumer des
AVERTISSEMENT DE L'aUTEUR. XI\
débris poudreux de nos archives, malheureusement très
maltraitées par le vandalisme de 1795, tout ce qui pou-
vait intéresser Thistoire, les mœurs, les usages, les arts,
le commerce et les manufactures du pays dans les xiii^,
xïv«, xv^ et xvi^ siècles. J'ai puisé largement dans cet
important recueil , et je me plais à donner à ce savant
un témoignage de ma profonde reconnaissance, pour
Textréme bienveillance avec laquelle il m'a communiqué
son précieux travail. On doit vivement regretter qu'on
n'ait rien effectué de semblable , soit en Catalogne , soit
ï Majorque; mais une opération, qui, sans aucun doute,
aurait de grands résultats pour compléter l'histoire du
Roussillon, serait l'exploration sérieuse du sol, sur une
foule de points, où des indications positives donnent plus
que la probabilité d'importantes découvertes. Ne pré-
voyant pas que ces deux objets puissent s'exécuter de nos
jours, je me suis efforcé de perfectionner mon œuvre, en
y employant le grand nombre de nouveaux matériaux que
j'ai eus h ma disposition , et je pense avoir réussi à ren-
*
dre sa publication utile.
On s'étonnera, peut-être, que je produise un travail
sur le même sujet récemment traité par M. Henry. J'ai
long-temps hésité; mais cet estimable auteur n'a pu,
comme moi, puiser dans des manuscrits ignorés lorsqu'il
a écrit. Ces manuscrits, inappréciables par l'authenticité
XX AVERTISSEMENT DE L'aUTEUR. •
des fails qu'ils révèlent, fournissent des moyens incon-
testables de rectifier ceux qu'ont dénaturé les préjugés
nationaux, et de réfuter un grand nombre d'erreurs,
transmises par tradition et des écrits, où souvent les
présomptions tiennent lieu de réalités. J'ajouterai que nous
ne voyons pas toujours les choses de la même manière.
Si on désire bien connaître une histoire, on ne saurait
que gagner à trouver certains objets importants présentés
sous des aspects divers. M. Henry eut, d'ailleurs, princi-
palement en vue, la liaison de l'histoire de France à celle
d'Aragon : mon but est moins élevé. Je ne m'occuperai
(|ue de l'ancien Roussillon, accru des territoires formant
ensemble le département des Pyrénées-Orientales.
Resserré dans le cadre dont je viens de poser les limi-
tes, mon livre diminuera, sans doute, d'importance; mais
je n'ai pas l'ambition de prétendre élever le modeste rôle
({u'a joué notre pays, au niveau de celui des grands États
limitrophes. Je me borne à établir, d'abord, clairement,
la série des Princes <]ui ont gouverné le Roussillon ; à
narrer exactement, ou à rectifier les faits qui ont illustré
leur règne; à exposer les progrès de la civilisation, des
sciences et des arts dans cette contrée, qui changea si
souvent de maître et d'intérêts; a bien faire connaître,
eiilin, une province, dont le sol, la culture, les n^sources
et les produits, sont loin d'être appréciés comme ils
AVERTISSEMENT DE L'aUTEL'R. XXI
devraient Tétre, et qui, par ses établissements et les
améliorations de tout genre, qui ont lieu, surtout, depuis
quelques années, rivalise avec les provinces les plus
anciennes de la France.
Le plan que j'ai, adopté est celui de toute œuvre histo-
rique ; il se trouve naturellement tracé par la série des
événements. Le Roussillon a éprouvé diverses révolu-
tions : ^époques remarquables de son histoire, elles la
divisent en douze périodes.
I*"® Période. — Temps antérieurs a la conquête par les
Romains.
11^ Période. — Domination romaine.
III« Période. — Domination des Yisigoths.
IV'e Période. — Invasion des Arabes.
V« Période. — Règne des premiers Carlovingiens.
Vie Période. — Gouvernement des Comtes héréditaires.
Vile Période. — Gouvernement des Rois d'Aragon.
Ville Période. — Gouvernement des Rois de Majorque.
IX« Période. — Retour au Royaume d'Aragon.
Xe Période. — Occupation française.
Xl« Période. — Domination espagnole.
XII® Période. — Réunion h la France, en 1659.
Nous consacrerons au moins un chapitre a chacune
des onze époques; nous ne dirons rien de la douzième.
Les événements qui s'y rapportent sont assez connus, ou
XXII AVERTISSEMENT DE L AUTEUR.
se trouvent décrits dans une foule d'ouvrages. D'ailleurs,
les Roussillonnais , devenus Français par le traité des
Pyrénées, cessent de former un peuple particulier, tel
(]u'il s'était maintenu, en passant successivement du
gouvernement de ses Comtes à celui des Rois d'Aragon,
de Majorque, de France et d'Espagne. Son histoire se
confond maintenant avec celle de la France. Il eût été
superflu de la faire précéder d'une introduction, d'un
discours préliminaire, qui ne seraient que la reproduc-
tion des généralités publiées dans plusieurs ouvrages,
tels que le VMjage pitimrsqm en France, Yliinéraire
de de Laborde, V Histoire récente de M. Henry, etc.
J'entrerai de suite en matière, présentant les faits histo-
riques, dépouillés de tout artifice de style, de phrases
ambitieuses, de pompeuses descriptions; je serai, sur-
tout, impartial dans la discussion de quelques actes im-
portants, et dans l'appréciation de certains événements,
où l'esprit de nationalité pourrait encore se faire jour,
apriîs phis de deux siècles de fusion.
HISTOIRE
Dlî
ROUSSILLON
CHAPITRE PREMIER.
PREMIÈRE PÉRIODE.
TE.MVS Q\3l ONT PRÉCÉDÉ L\ DOM\îi\T\ON l\OMX\NF..
Les anciens ne nous ont laissé que de bien faibles
renseignements sur l'état primitif des pays qui forment
le département des Pyrénées-Orientales. Pour y suppléer,
les modernes ont eu recours à des conjectures plus ou
moins ingénieuses, quelquefois même à des fables qui
ne méritent pas d'être réfutées. Rapportant fidèlement ce
que nous apprennent d'une manière précise des écrivains
dignes de foi , et vivant à une époque où ils pouvaient
puiser à des sources maintenant perdues, nous passerons
légèrement sur les conjectures formées d'après des faits
douteux ou des témoignages peu positifs.
César nous dit que les peuples de la partie orientale
des Gaules, appelés Galli par les Romains, se donnaient
dans leur langue le nom de Celles; Polybe le leur donne
également. Ces Galli ou Celtes étaient divisés en confé-
dérations, formées chacune de plusieurs petits peuples.
La contrée comprise entre la Méditerranée, les Pyrénées,
1
'1 IIISTOIHE Dt* nOLSSlLI.ON.
la Garoinie et le Rhône, était occupée par la confédération
«les Volces, tant Arécomiques voisins du Rhône, que Tec-
tosages établis vers les Pyrénées (voyez Cicéron, César,
Strabon, Mêla, Pline, Ptolémée, Justin). Suivant Pom-
pouius Mêla, la côte du Roussilloo aurait été habitée par
les Sardones ; Pline les y place aussi , leur donnant
pour voisins, vers Tinlérieur des terres, les Consuarani,
Ptolémée attribue aux Volces- Tectosages les deux villes
d'Illibéris et de Ruscino. Quant à celle de Julia-Lybica,
qu'il donne comme Tunique cité des Cerelani, elle paraît
être Livia, petite ville espagnole, enclavée dans la Cer-
dagnc française (canton de Saillagouso).
►ooaT.J.-c, Rufus-Festus-Aviénus * nous fournit sur les anciens
habitants de notre pays, des détails plus circonstanciés.
«Marseille, fondée environ 600 ans avant Jésus-Christ,
commerçait, dit-il, sur nos côtes, habitées par lesiordi,
peuple à demi sauvage, se plaisant dans des lieux d'un
acci>s difficile, n'ayant d'autre demeure que les antres des
bétes fauves. Au nord des Pyrénées, s'étendait une plaine
sablonneuse, au milieu de laquelle coulait le fleuve Ros-
chynus (la Tet). On trouvait ensuite un étang entoun*
de vastes marais : Sordken était le nom que leur don-
naient les habitants; ils appelaient Sordvs, une rivière
se jetant dans la mer au sortir de ces lagunes. Il avait
cependant existé dans les contins du pays des Sordi,
une ville riche, appelée Pyrène, dont la distance aux
Colonnes-d'Hercule était de sept journées de navigation
pour un navire bon voilier. Les Marseillais y faisaient un
grand commerce d'échange avec les Sordi. w Cette des-
1 Ct poèl«-géo^pb« . rontfnporun di fnnd Th^odote . a rompoi^ àm poiaet utr la
g^ognphK*. \o)ti celui qui cul intilult* Ora martlima, dppui» le vrr» ^52 juiqu'au 57i*. m
otfMtfiiU. d'après Utu\ \f% rommenUlfom , qor %f% de«rnption« *e rapportant loujottn l
rancitt<#tat du pa^^
CHAPITRE PREMIKK. 3
cription d'Aviénus s'accorde assez avec l'étal actuel des
lieux, si l'on prend en considération les changements
qu'ils ont nécessairement éprouvés dans un intervalle de
plus de vinp[t siècles; car, d'un côté, les débordements
multipliés de la Tet doivent avoir recouvert d'une couche
épaisse de limon, et rendu fertile la plaine sablonneuse
qu'elle traversait; de l'autre, les marais, cédant à l'in-
dustrie de l'homme, peuvent avoir diminué au point que
le Sordus, qui paraissait en sortir, fût la Gly, dont l'em-
houchure n'est qu'a 3.000 mètres de l'étang de Salses.
Quoi qu'iî en soit, les Sardoiws de Mêla et de Pline
paraissent tirer leur origine des Sordi d'Aviénus, et non
d'une colonie venue de Sardaigne, colonie dont l'exis-
tence n'est appuyée que sur l'assertion d'un auteur mo-
derne. On demandera peut-être d'où venaient ces Sordi.
En l'absence de tout document historique, il est plus
prudent d'avouer son ignorance que d'avoir recours à
des conjectures hasardées. Nous dirons cependant que
Scymnus de Chio place les Lygicns ou Ligures sur la
c^te orientale des Gaules voisine de l'Ibérie, et que,
plusieurs siècles avant lui , Scylax avait donné la popu-
lation de cette côte, depuis Emporium jusqu'au Rhône,
pour un mélange d'Ibériens et de Lyges ou Ligures^ Mais
ce dernier nom est-il celui d'une nation particulière, ou
bien est-ce ici une dénomination générale donnée à des
peuples différents, à raison d'une situation commune a
tous? Il est bien difficile de ne pas adopter cette der-
nière opinion, lorsqu'on voit dans les divers auteurs, des
Lygîens ou Ligures, depuis le Xucar jusqu'au-delà de
Gènes; surtout si, comme on le prétend, le mot Ligures
est composé des deux racines celtiques Ly et Gures,
qui, dans cette langue, signifient habitants de la cote.
Plusieurs autours se fondant sur lo 200*^ vers do Scvm-
4 III6T0IHE DU ROUSSILI.O.N.
nus (le CIlio, et sur un fragment de Dion Cassius, cité
par Zonaras et par le Scholiaste de Lycophron, ont voulu
placer en Roussillon les Bébryces, peuple d'origine ibère';
mais on peut seulement inférer du vers de Scymnus,
qu'ils étaient établis dans la Gaule Narbonnaise. Quant
au passage de Dion , cité par le Scholiaste , il en résul-
terait que ce peuple habitait entre les Pyrénées et les
monts Auvarauniens : a la vérité , ces derniers étant un
peu trop éloignés, on leur a substitué les monts Géré-
tains, qui, faisant eux-mêmes partie des Pyrénées, ne
peuvent convenir. M. Letronne propose les Cévennes :
cette correction faisant accorder Scymnus et Dion, est fort
heureuse ; mais elle n'impose pas l'obligation de placer
les Bébr)xes dans la contrée formant aujourd'hui le dé-
partement, entièrement occupée par les Sardmics et les
Consuarani de Pline, et par les Cerdani de Ptolémée*.
Aviénus ne fait aucune mention d'illibéris ni de Ruscino.
Ce qu'il dit de l'état du pays démontre assez que ces
villes n'existaient pas à l'époque dont il parle; mais
comme elles avaient une certaine importance lors du
passage d'Annibal , on peut supposer leur fondation an-
térieure de deux h trois siècles à ce grand événement.
Dags un ouvrage intitulé Inde:jc Comitum Rttscifwneu^
sium, on attribue k Ruscino une origine punique, sur le
seul fondement que ce nom, porté par une ville d'Afri-
que', appartient à la langue phénicienne^ dans laquelle
il signifie rhef. La découverte de médailles puniques,
quoique très rares dans ce pays, prêterait quelque appui
1 ^iliUi Italku» parait au«»î aroir pinbra«jiî cvtte opinion ; nuis Tantoritc^ tif rt poète n«
unrait rnotrebalancer. wr nn point de géographie . rrllf de IVnpontn« llcU «t «Je IMkm
l'Am-ifa. dont il ftait à |ifu prè« rootenporain.
3 Journal den Sarantt . 6f ftKrirr 18S9. p. 112.
.1 RniKAila. matiiieiiant «lura. «nr la rt»te nord df r.Miî.ne.
CHAPITRE PREMIER. 5
à cette opÎDÎOD, s'il n'était infiniment vraisemblable que
ces médailles y ont été apportées, soit par les soldats d'An-
nibal , soit par des aventuriers gaulois ayant servi dans les
années carthaginoises ou dans celles des rois de Syrie.
De nos jours, un habile archéologue* a prouvé que plu-
sieurs noms de lieux, dans cette contrée, dérivent d'une
racine phénicienne, et ont, dans cette langue, une signi-
fication dont le rapport avec leur situation est* des plus
frappants. Les travaux de cet archéologue donneraient un
fondement plus solide à l'opinion de l'auteur de l'Index,
si des étymologies seules, quoique très bien déduites,
suffisaient pour démontrer que les Phéniciens ont jadis
fait sur nos parages un établissement ou même un com-
merce dont on ne trouve aucune indication dans les his-
toriens et les géographes de l'antiquité. D'ailleurs, dans
un pays occupé par les Celtes, dont la langue, suivant de
savants linguistes * , vient du phénicien ou de l'hébreu ,
serait-il surprenant qu'il y eât des villes, des montagnes,
des rivières, dont les noms dérivassent de l'un de ces
deux idiomes? Cette question très intéressante mérite
d'être discutée : nous la renvoyons à l'appendice à cause
de l'étendue de la dissertation. (Appendice, n° 1.)
S'il suffisait qu'une cité portât un nom dérivé d'une
langue ancienne , pour attribuer sa fondation au peuple
qui parlait autrefois cette langue, on pourrait dire qu'Illi-
béris, dont le nom signiGe ville neuve dans la langue qu'on
croit avoir été celle des anciens Ibères, a été bâtie par
une colonie venue de ce pays, dont le voisinage rendait
plus probable l'émigration attestée par le passage de Scy-
lax mentionné ci-dessus. Polybe compte Ruscino et Illi-
1 M. P. Puiggari.
' Voyez le phaleg de Bocharl. les mémoires sur la laague celtique de Bullet. la prOrncc
de Dorel snr les rechcn'hes gauloife^^.
6 HISTOIRE DU ROL'SSILLON.
béris parmi les villes celtiques. A la vérité, comme il
place dans la même catégorie des cités dont l'origine
grecque est certaine, on peut soupçonner qu'il a fait dans
leur classement moins d'attention a leur population pri-
mitive qu'à leur situation géographique. Quant a Pyrène,
son nom dérivé du grec, sa position sur une côte habitée
par un peuple à demi sauvage, et son commerce avec
Marseille, doivent nous la faire considérer comme l'un
des nombreux établissements que cette république com-
merçante avait formés sur les bords de la Méditerranée,
pour lui servir de comptoir et d'entrepôt. Quelque opinion
que l'on embrasse sur l'origine de ces villes, il n'est
pas douteux que leur fondation contribua puissamment a
civiliser les Sordi. [.es anciens habitants du Roussillon ,
faisant partie de la confédération des Volces-Tectosages ,
fournirent probablement leur contingent a la grande
migration de ces peuples vers la forêt Hercinienne, et,
ensuite, à leurs diverses expéditions dans la Grèce, la
Thrace et l'Asie. Mais nous ne connaissons, avec certi-
tude, rien de ce qui concerne l'histoire du Roussillon
jusqu'au passage d'Annibal.
Les Gaulois établis au pied des Pyrénées se condui-
sirent, dans cette circonstance dillicile, avec une sagesse
qu'on ne trouve pas toujours chez les nations les plus
civilisées. Leurs magistrats avaient ré|H)ndu avec dignité
et franchise aux envoyés de Home qui les engageaient à
disputer aux Carthaginois l'entrée de leur pays. D'un au-
tre côté, ils voyaient les Ibères, leurs voisins, contraints
de fournir des hommes et de l'argent à l'armée africaine,
et ils n'osaient ajouter foi aux discours des émissaires
d'Annibal, cherchant 1) leur persuader que ce général,
n'ayant d'autre projet que de passer au plutôt en Italie,
ne de\ait leur inspirer auctnie crainte, l'n (lani^er au>si
CHAPITRE PREMIER. 7
imminent n'abat point le courage des Sardoiies et de
leurs confédérés; ils preunent le parti le plus hardi, qui,
dans les situations critiques, est souvent le plus sage:
ils marchent en armes au-devant des Carthaginois, et
se postent auprès de Ruscino. Annibal ayant passé les
Pyrénées vint camper aux environs dlUibéris, vers le
milieu de Tété de Tan 556 de Rome. Pressé de fran- 2i7a?.j.-(
chir les Alpes avant la mauvaise saison , et craignant
bien moins la guerre avec ces petits peuples, que d'être
retardé dans sa marche, il envoya proposer une entrevue
à leurs chefs , offrant de se rapprocher de Ruscino , s'ils
n'aimaient pas mieux eux-mêmes s'avancer vers Illibéris.
Ceux-ci choisissent ce dernier parti, et viennent trouver
dans son camp le général africain. Gagnés par ses pro-
messes et ses présents, ils laissent passer librement son
armée le long des murs de Ruscino. Délivrés de ces
hôtes dangereux, les Sardones vécurent en paix, oubliés
par les deux nations belligérantes, tout le temps que dura
la seconde guerre punique. Pourquoi les Gaulois, atten-
dent-ils Annibal à Ruscino et non à Illibéris? Cette der-
nière position n'était pas plus hasardée que la première;
elle leur procurait le moyen de s'assurer de ses disposi-
tions avant le déploiement de son arnice dans la plaine,
et leur offrait l'avantage de couvrir une ville considérable,
dont ils auraient pu tirer de grandes ressources , qu'ils
abandonnaient aux Carthaginois. Cette conduite, dont il
ne sérail pas facile de deviner les motifs, en supposant
Illibéris une ville gauloise, s'expliquerait aisément, si cette
ville était habitée par les Ibères; car alors, étrangère à la
confédération des Tectosages, elle pouvait avoir fait un
traité particulier, et ne leur inspirer ni l'intérêt ni la
confiance, qu'ils devaient avoir en Ruscino.
l'ne des condilions du traité qui termina la seconde
s HISTOIRE DU UOISSILLO.N.
guerre punique, fut que les CarthagÎDois abaudonneraiefit
l'Espagne aux Romains. Les guerres que ces derniers y
tirent pour en achever la conquête; celles qu'ils entrepri-
rent contre les Liguriens et quelques autres peuples de
la Gaule-Cisalpine; l'étroite alliance qu'ils contractèrent
avec les Marseillais et les autres villes grecques situées
sur la côte, depuis les Alpes jusqu'à l'Ébre, furent com-
me des opérations préliminaires a la conquête de la Nar-
bonnaise. Ils ne passèrent point le Rliône avant l'an 655
21 av. J.-c. de Rome; mais il paraît que trois ans après, tout le pays
jusqu'aux Pyrénées leur était soumis. Pour s'en assurer
la possession, ils envoyèrent en l'an 656, une colonie k
Narbonne. Avant cette époque, deux nations puissantes,
les Bituriges et les Arvernes avaient été successivement
à la tête d'une confédération de tous les peuples compris
entre le Rhône, la Méditerranée, les Pyrénées et l'Océan.
Ce que Polybe dit de la route d'Empurias au Rhône; ce
qu'Athénée nous raconte, d'après Possidonius, du faste
et des richesses d'Aouernios, roi des Arvernes, nous
prouvent la civilisation avancée de cette partie des Gau-
les. On ne voit pas qu'après la défaite de Bituitus, fils
d'Aouernios, par le consul Domitius, l'an de Rome 655,
les armées romaines aient éprouvé la grande résistance à
laquelle on devait s'attendre de ces peuples réunis, bu
reste, leurs historiens ne nous ont laissé aucun détail
sur les opérations de la guerre qui eurent pour résultat
la conquête de ce pays.
Avant l'établissement de la colonie de Narbonne, les
armées romaines s'étaient montrées une seule ibis en
Roussillon. Caton l'Ancien, parti du port de Luna, l'an
de Rome 559, donna le Porlus Pyrenœi pour point de
ralliement à ses vaisseaux, et en sortit avec sa flotte
pour aller chasser les Espagnols de Rodon (Itoses), dont
CHAPITlîE PULMltR. 9
ils s'étaient emparés. Une flotte considérable ne pouvait ^iSa?. J -c.
être réunie que dans un port assez spacieux, et la sécu-
rité des navires qui y arrivaient isolément, exigeait que
ce port fut a une certaine distance du pays occupé par
l'ennemi. Le Port-Vendres seul pouvait dans ces parages
satisfaire à ces deux conditions; mais les règles de la
prudence permettaient-elles à Caton de choisir pour point
de ralliement un port appartenant aux Gaulois, Barbares
qu'aucun traité ne liait aux Romains? Sa conduite ne
serait pas difficile à expliquer, s'il était prouvé que le
Partîis Pyrenœi dont parle Tite-Live (liv. 34) n'était autre
chose que l'ancienne ville de Pyrène, toujours restée
sous le patronnage des Marseillais, les seuls alliés des
Romains dans les Gaules. Les rapports qu'ont entr'eux
les noms et la situation de ces deux endroits, doivent
faire présumer leur identité.
Quoique Tite-Live donne le nom de Reguli aux chefs
militaires des petits peuples réunis à Ruscino, il ne faut
pas croire qu'ils vécussent sous un gouvernement mo-
narchique. On voit, au contraire, les ambassadeurs ro-
mains chargés de parcourir les Gaules, des Pyrénées aux
Alpes, admis partout à expliquer leur mission dans l'as-
semblée générale du peuple , tenue sous la présidence des
magistrats, où tous les citoyens assistaient en armes,
suivant l'usage de la nation, ce qui étonna les Romains.
Rendus à Marseille, ils cherchent à y recueillir des infor-
mations plus précises sur le caractère et les dispositions
des Gaulois, dont ils viennent de traverser le pays. Les
Marseillais ne cachent point aux ambassadeurs que
l'esprit public y est tout en faveur d'Annibal ; mais ils
ajoutent, en même temps, qu'ayant affaire à des peuples
Gers et peu traitables , il lui sera difficile d'en tirer
parti, à moins qu'il ne gagne les notables de la contrée
10 HISTOIRE DU ROl'SSILLON.
à force d'ai^ent , dont cette nation se montre très
avide.
On ne s'était point occupé jusqu'à cette époque, de
rechercher les monuments celtiques qui pouvaient encore
exister dans le département. On a donné depuis peu ' les
dessins de deux de ces monuments, situés sur une mon-
tagne auprès de Molitg : on doit les ranger parmi les
dolmens ou autels druidiques, trop souvent ensanglantés
par d'horribles sacrifices.
Nous ne traiterons point de la religion , des lois , des
mœurs, du gouvernement des anciens habitants du pays,
qui, sur ces divers points, ne devaient pas différer des
autres Gaulois. On trouvera dans Polybe, César, Strabon,
Diodore de Sicile, etc., tout ce que l'on sait sur la nation
gauloise en général; nous nous sommes borné à faire
connaître ce que les écrivains de l'antiquité nous ont
appris de plus remarquable sur cette partie de la Gaule
Narbonnaisc.
1 M. de Jaubert de Réart. daas le Publicatcur de ooxembre 1832.
CHAPITRE DELXIÈME. 11
CHAPITRE IL
SECONDE PÉRIODE.
Neuf ans après rétablissement de la colonie de Nar- ^09av.J.-c.
bonne, un essaim de Barbares, venus du Nord (les
Cimbres, les Teutons) auxquels s'étaient joints quelques
peuples gaulois , se jetèrent sur la province romaine des
Gaules. 11 n'entre pas dans notre sujet de raconter les
défaites sanglantes des Romains sous les ordres de Sil-
lanus, d'Aurélius, de Cassius, de Popilius, de Cépion,
de Mallius, ni les exploits de Marins et de Sjila. Nous
nous contenterons de dire que les Volces-Tectosages
cherchèrent à tirer parti de l'invasion des Barbares, pour
secouer le joug de la République, en s'unissant à eux.
Les Cimbres, après leurs victoires, laissèrent les Teutons
et leurs nouveaux alliés opposés aux débris des armées
romaines, et pénétrèrent en Espagne; mais n'ayant pu
s'y établir, à cause de là résistance que leur opposa le
Préteur Marcus Fulvius, secondé par les Celtibériens, ils
rentrèrent dans les Gaules. Les auteurs ne nous ont laissé
qu'un récit très succinct dès événements de cette guerre,
antérieurs à la victoire de Marins. Ils nous assurent
seulement que les Cimbres maltraitèrent beaucoup les
12 HISTOIRE DU ROtSSlLLON.
8$ &▼. J.-C. amis cl les alliés des Romains. vSerail-il surprenant
(lulllibéris, surloul si elle était en effet colonie espa-
gnole, fût du nombre des villes qui restèrent fidèles à la
République, et que, s'élant trouvée deux fois sur le che-
min des Barbares, ils Taient complètement ruinée? On
ne saurait mettre en doute que cette ville éprouva, vers
ce temps, quelque catastrophe, dont elle ne s'est plus
relevée. Qualifiée du nom à' Oppidum (ville) par Tite-Live,
|)arlant du passage d'Annibal, Mêla ne lui donne plus
que le nom de Victts^ et ajoute que ce boui^ n'offrait
que de bien faibles traces de sa grandeur passée et de
son ancienne opulence.
Dans une capitale agitée par les factions, qui voyait
souvent combattre à ses portes les armées des deux partis
opposés, on s*occupait très peu d'une province éloignée.
La guerre suscitée en Espagne par Sertorius, rappela les
Romains vers les Pyrénées. Ce grand capitaine, appre-
nant que l'armée de Scipion, dont il se trouvait détaché,
avait abandonné ce général pour se ranger sous les dra-
peaux de SyUa, et prévoyant la ruine de son parti en
Italie, se décida à gagner l'Espagne, dont il avait été
nommé Propréteur. Arrivé en Roussillon avec peu de
troupes, il trouva les passages des montagnes gardés par
les Espagnols. Ne pouvant s'en emparer de vive force,
il y réussit au moyen d'un traité. Bien convaincu qu'il
serait attaqué dans sa province, aussitôt que Rome obéi-
rait à Sylla, il se prépara à la guerre, en s'attachant les
habitants du pays, en levant des troupes, et faisant des
approvisionnements d'armes et de munitions de toute
espèce. Il confia la défense des détih^ des Pyrénées,
dont il connaissait toute l'importance, ii Livius Salinator,
k qui il donna un coq)s de six mille hommes. Sertorius
ne s'était pas troiniH* : Sylla se pressa d'envoyer en Es-
CHAPITRE DEUXIÈME. 13
pagne Annius, qui y pénétra facilement, Livius ayant été 7^< «t. j.-c
assassiné par un de ses officiers, nommé Calpurnins
Laniarius, ce qui entraîna la dispersion des troupes qu'il
commandait. Cet événement obligea Sertorius à quitter
l'Espagne ; il y revint peu de temps après, appelé par les
Lusitaniens, et y ût la guerre avec tant d'habileté contre
Métellus Pius, que celui-ci fut obligé de faire venir L.
Haniiius, qui commandait dans la Narbonnaise. Mais a
peine ce général avait-il franchi les Pyrénées, à la tête
de trois légions et de 2.500 hommes de cavalerie , qu'il
éprouva une défaite complète , et fut réduit a se jeter,
presque seul, dans Lérida. Sertorius profitant de cette
victoire et des mouvements que Lépidus avait excités
dans la province romaine, y envoya des troupes, qui
s'emparèrent des principaux passages des Alpes, d'où
Pompée fut obligé de les déloger, pour exécuter la mis-
sion qu'on lui avait donnée de voler au secours de Mé-
tellus. Sa marche à travers la Narbonnaise fut retardée
par la révolte de plusieurs peuples ; il les soumit en pas-
sant, et les priva d'une partie de leurs terres, pour les
piinir de leur rébellion. Enfin, laissant a Fontéius, nom-
mé gouverneur de cette province, le soin de la pacifier
et d'exécuter les ordres rigoureux qu'il avait prescrits,
il entra en Espagne. Son arrivée n'y changea guère la
iace des affaires. Sertorius se soutint contre les forces
réunies de Métellus et de Pompée, et obtint même, dans
une campagne, des avantages si considérables sur ses
deux adversaires , qu'il les obligea à se retirer précipi-
tamment : le premier, dans l'Espagne ultérieure; le se-
cond, dans la Narbonnaise. Après la mort de Sertorius
et de son assassin Perpenna, Pompée, trop fier d'une
victoire facile et peu glorieuse, éleva, l'an de Rome 682, 72 av. J.c
ces fastueux trophées, dont il ne reste aucune trace in-
li HISTOIRE Hr ROL'SSIIXON.
<liquant leur véritable situation. Il parait, d'après Pline,
que l'inscription gravée sur ce monument, disait que,
des Alpes aux confins de l'Espagne ultérieure, il avait
soumis à ses armes 846 villes.
Nous n avons qu'une connaissance assez imparfaite de la
nature des troubles qui agitèrent la province romaine des
Gaules durant cette guerre ; mais nous pouvons aisément
présumer que la sévérité de Pompée ne fit pas aimer aux
Gaulois le gouvernement des Romains; que Sertorios,
connaissant leurs dispositions, les encouragea à se sou-
lever par des promesses et même par des secours effec-
tifs; qu'ils trouvèrent des alliés parmi les Aquitains,
auxquels les entreprises malheureuses de Valérius Pré-
coninus et de Lœlius Manilius contre leur liberté, avaient
inspiré une méfiance extrême des projets ambitieux de la
République. Ainsi , nous ne devons pas être surpris de
voir une armée de mécontents mettre le sié^çe devant la
colonie de Narbonne. Nous savons par le plaidoyer de
(^icéron en faveur de Fontéius, que ce magistrat guerrier
fit lever ce siège; qu'il soumit les Gaulois; et que, pour
entretenir les armées romaines en Espagne, il fit de gran-
des réquisitions d'hommes, d'argent et de vivres dans la
Narbonnaise. Cette province venait d'éprouver \e désastre
de deux mauvaises récoltes. Ces exactions, les impôts
extraordinaires qu'il établit, Tobligation imposée aux di-
verses cités de réparer les routes, les dettes qu'elles furent
forcées de contracter pour subvenir à toutes ces dépenses,
exaspérèrent tellement les habitants, qu'ils accusèrent leur
ancien gouverneur. Cicéron fit valoir pour sa défense les
témoignages des Marseillais, des colons de Narbonne et
des citoyens romains, déjà nombreux dans le pays : soit
les Publicains venus pour la levée des impôts généraux
et de la dime sur les terres qui y étaient sujettes, soit
CIIAPITUF. DELXIÈME. 15
les bergers qui faisaient dépaitre leurs troupeaux dans
les pâturages publics, dont la République, suivant Tusage,
conservait la propriété; soit, enfin, les fermiers qui culti-
vaient les terres confisquées. Le Roussillon, si voisin de
l'Espagne, eut sans doute beaucoup à souffrir des vexa-
tions qu'éprouva cette partie de la Gaule à cette époqile;
mais, contenu par la proximité de la colonie de Narbonne,
et par la ville latine de Ruscino, il est probable qu'il ne
prit aucune part aux mouvements qui agitèrent le nord
de la province à l'occasion de la conjuration de Catilina.
César ayant obtenu, après son consulat, la province
des Gaules, résolut, l'an de Rome 698, de soumettre .se av. j.-c
l'Aquitaine. II nous apprend (Com., liv. m) que quelques
années auparavant, un de ses lieutenants, L. Yalérius
Préconinus, avait été battu et tué, et le Proconsul L.
Manilius forcé de se retirer, en abandonnant ses bagages.
Dans la guerre contre les Aquitains, P. Cramer, son lieu-
tenant, fut chargé de venger ces affronts. Il marcha à
cette expédition avec une armée composée de douze co-
hortes, d'un corps de cavalerie et d'auxiliaires, sans
compter un assez grand nombre de volontaires de Tou-
louse, Carcassonne, Narbonne et des pays circonvoisins,
qu'il avait expressément appelés auprès de lui. Les succès
de Cramer assurèrent, pour quelque temps, la tranquillité
de ia province; mais cet état de calme ne fut pas de
longue durée : la guerre civile qui éclata entre César et
Pompée ramena les armées romaines en Roussillon.
Vers Tan de Rome 70o, Affranius, lieutenant de Pom- /,o av. J.-c
pée, s'était emparé des défilés des Pyrénées qui condui-
sent des Gaules en Espagne. César ordonna a son lieu-
tenant Fabius de prendre avec lui les trois légions qui
avaient hiverné dans les environs de Narbonne, et de
chasser l'ennemi de ces postes importants; il le suivit
in IIISTOIRR nu ROLSSILLON.
iMcntùl luMnême avec le reste de ses troupes; et, après
sa savante et glorieuse campagne contre Aflranîas et Pé^
tricitis , ayant congédié les soldats de leur année nés en
Espagne, il renvoya les antres à travers la Narbonnaise jus-
qu'au Var, ou ils furent licenciés. Poussant ensuite jusqoes
à Cadix, pour recevoir la soumission de Varron et des cités
espagnoles , il revint par mer à Tarragone ; il prit la route
de terre pour se rendre à Narbonne, et de là devant
Marseille. Ce fut à l'époque de ce voyage qu'il donna
l'ordre d'élever simplement un autel auprès des trophées
érigés ving-trois ans auparavant par son compétiteur. Il
traversa le Roussillon une seconde fois, pour aller com-
battre les fils de Pompée. Vingt-sept jours lui suffirent
pour se rendre de Rome à Cordoue. Afin de se distraire
des ennuis de ce long voyage, il en fit la description
dans un petit poème, où nous trouverions sans doute
quelques détails sur notre pays, si ses vers étaient par^
venus jusqu'à nous.
César avait divisé les Gaules en deux provinces : l'une
se composait des pays qu'il avait conquis; Tautre était
Tancienne province romaine. Dans la première, le tribut
était personnel ; dans la seconde, on l'avait établi sur les
terres. César ne négligea rien pour s'attacher les Gaulois,
dont il voulait se senir pour se rendre maître de Rome.
Lorsqu'il y eut réussi, il fit entrer dans le Sénat un grand
nombre de ses principaux habitants. C'est alors , vers l'an
707, qu'il envoya les vétérans de la 10« légion renforcer
la colonie de Narbonne.
Situé sur la limite méridionale de la province, le Rous-
sillon ne prit qu'une part trt^s indirecte aux divers événe-
ments qui , faisant passer le pouvoir d'une faction à une
anlre, finirent, après environ vingt ans de discordes, de
combats <, de malheurs et de crimes, par élever .\iiguste
CHAPITRE DFXIIÈME. i^
ï la suprême puissance. Ce changement, qui d'un très
mauvais citoyen fit un grand prince , eut lieu k la satis-
action de tout l'Empire. Cependant, la tranquillité ne
fut pas si complètement rétablie dans la Naii)onnaise,
qu'Auguste ne jugeât prudent, dans le partage des pro-
TÎnces qui eut lieu entre lui et le Sénat, de garder celle-ci
dans son lot spécial. On voit, en effet, que, l'an de Rome
725, Valérius Messala Corvinus, qu'il y avait envoyé pour 29 it. J -C
gouverneur, eut à combattre des rebelles sur les bords de
TAude, de la Garonne et aux environs des Pyrénées. La
paix ayant été entièrement rétablie en 729, Auguste confia
au Sénat l'administration de cette province, qui fut gouver-
née par un Proconsul. Il y fit plusieurs voyages; et dans ses
divers séjours à Narbonne, il en répara les édifices et cons-
tmisit plusieurs temples dans les environs. Comme ce prince
prétendait descendre de Vénus, et que Strabon, qui écrivit à
la fin de son règne et au commencement de celui de Tibère,
est le premier auteur qui ait parlé du temple de Vénus érigé
sur nos côtes, il serait possible que ce temple n'eàt été
biti que vers ce temps, et peut-être par les ordres d'Auguste.
La Gaule se ressentit des heureux effets de sa présence ; et
s'il ne répara point toutes les injustices, puisqu'il ne punit
pas ce traitant nommé Licinius, qui, entr'autres exactions,
avaîl trouvé le secret d'imposer aux Gaulois un sixième de
plus, en faisant les années de quatorze mois, du moins
est-3 certain que les nombreuses améliorations qu'il opéra
dans l'administration , quoique principalement introduites
m vue de l'augmentation des revenus publics, tournèrent
a l'avantage du pays par l'ordre qu'elles contribuèrent k
rétablir partout. Ce prince accorda à certaines villes les
droits du Latium, et même ceux de colonie romaine.
livia, qui parait être la Julia-Libyca de Ptolémée, et Rus-
cino, furent sans doute de ce nombre.
L
18 inSTOiRE DU ROtSSILLON.
Éloigné des frontières exposées aux incursions des Bar-
bares, des camps occupés par les grandes années, et dm
routes qu'elles suivaient pour marcher vers la capitale, le
Roussillon se trouva dans la position la plus heureuse pour
conserver quelque tranquillité au milieu des séditions mi-
litaires qui , se faisant un jeu de créer et de renverser les
Empereurs, affaiblissaient le gouvernement et préparaient
la chute de l'empire, dont elles livraient les diverses pro-
vinces aux dévastations des Barbares ou aux horreurs des
guerres civiles. Aussi l'histoire, négligeant les faits qui
n'ont aucune influence sur les destinées des nations, ne
nous apprend-elle pas grand'chose sur ce pays pendant
toute la période qui sépare le siècle d'Auguste, de celui
qui fut témoin de l'invasion des Vandales, des Suèves et
des Alains en Espagne. Le seul événement remarquable,
et qui pût intéresser le pays durant ce long intervalle, est
l'assassinat de Constant, l'un des fds du grand Constantm.
^^- Ce prince infortuné, surpris à Autun, l'an 550 de notre ère,
par la révolte de Magnence, prit la fuite vers l'Espagne, où
il espérait trouver des peuples et des troupes fidèles. Mais
il fut atteint et massacré à Elne par Caisson, officier franc,
que le tyran avait envoyé à sa poursuite '. C'est k l'occa-
sion du meurtre de Constant» que l'histoire iait mention,
pour la première fois, de la ville d'Elne. Saint Jérôme et
Eutrope l'appellent Ctislrum Hdena; Zozime, Aurélius
Victor et Orose, la nomment Oppidum Hdena. Cette
forteresse, bâtie non loin des ruines de Tantique Ulibéris,
et portant le nom de la mère de Constantin , ne peut avoir
été construite avant cet empereur, qui , le premier, fortifia
plusieurs places dans l'intérieur de l'empire.
I Lt tombeto de CousUnt. en mârbiv bUac, porUil le atonognuBiiie df ConslanUa.
f>ftniit depnii nn tièrie, oa n'a cooiené que la plafpie «lu mom»Kranmr. iocni«té« Uant U
mur ilu rioltrf »i n'inarqiabl<> M rantiqw é%\i*e
CUAPITRE DEUXIÈME 19
La contrée située au pied des PjTénées eut peut-être
moins à souiïrir que les autres parties de la Gaule, des
malheurs qui avaient affligé l'Empire d'Occident^ mais, ^*^^
vers l'an 409, les Barbares (Vandales, Suèves et Âlains)
après avoir ravagé la Narbonnaise, s'étendent jusqu'au pied
des montagnes qui la séparent de l'Espagne, et cherchent
à pénétrer dans cette province. Les habitants, h leur ap-
proche, s'étant emparés des défllés, les défendirent avec
courage, sous la conduite de deux seigneurs du pays,
nommés Didime et Vérinien. Les Barbares, repoussés,
se rejetèrent sur le Roussillon et les pays voisins, où ils
commirent les plus épouvantables atrocités. Ildetia dut
peut-être son salut aux fortifications dont on l'avait en-
tourée. M. de Marca conjecture, avec assez de vraisem-
blance, que les Vandales, qui ne manquaient pas de
ruiner les villes situées sur leur chemin , détruisirent alors
Ruscino, dont l'importance s'était accrue par la décadence
d'IUibéris. Elle avait acquis, suivant Pline, les droits du
Latium, et même était devenue une colonie, d'après Mêla,
dont l'opinion parait confirmée par quelques médailles,
si, toutefois, les mots Col. Rus., qui y sont inscrits, suf-
fisent pour les attribuer à Ruscino.
Cependant les Barbares, attendant une occasion favo-
rable de franchir les Pyrénées, dévastaient les provinces
voisines. Ils n'attendirent pas long-temps. Â la faveur
des discordes civiles, un simple soldat, nommé Cons-
tantin, avait pris la pourpre dans la Grande-Bretagne.
Reconnu dans les Gaules, et voulant joindre l'Espagne à
son Empire, il y avait fait passer son lils Constant, avec
Géronce, l'un de ses généraux. Celui-ci défit et prit dans
on combat les deux frères Didime et Vérinien , qui sou-
tenaient le parti de l'empereur Honorius^ leur parent.
Ces deux généreux citoyens payèrent de leur tête leur
'20 HISTOIRE DU liOUSSILLON.
fidélité au souverain légitime^ et les services qu'ils venaient
de rendre à la patrie. Après leur mort^ la défense des
Pyrénées fut confiée aux Honoriaques^ troupe probable-
ment composée de mercenaires de toutes les nations,
dont la faiblesse ou la trahison livra aux Barbares les
défilés de la Navarre, vers la fin de l'an 409. La Nar-
bonnaise n'en fut pas plus heureuse : elle devint le théâtre
de la guerre civile. Géronce, révolté contre Constantin,
y avait pénétré ; et, après avoir pris et fait périr, dans la
ville de Vienne, Constant, fils de ce dernier, il assiégeait
le père dans Arles. Cependant Constance, général d'Ho-
norius, attaque Géronce; le rejette vers l'Espagne, où il
est massacré par les siens; bat une armée de Francs et
d'Allemands , venue au secours de Constantin , et prend
par capitulation ce tyran, avec la ville où il s'était ren-
411. fermé. Ces victoires de Constance, remportées l'an 41 i,
ne rendirent point la paix à la Narbonnaise. Dès l'année
suivante, on voit Jovin, qui s'était fait proclamer em-
pereur h Mayence, occuper Valence, tandis que son
frère Sébastien s'emparait de Narbonne. Ataulphe , roi
des Visigoths, s'était jeté dans les Gaules, chargé des
dépouilles de l'Italie, et emmenant parmi ses prisonniers
la célèbre Placidie, sœur d'Honorius. Son dessein avait
été d'abord de se joindre à Jovin contre l'Empereur;
mais changeant de vues, il s'était lié avec Dardane, préfet
de la Gaule, contre Jovin, qu'il assiégea et prit dans Va-
lence. I^ roi Visigoth*, ne pouvant s'accorder avec Hono-
rius, songe it faire un établissement dans la Narbonnaise ;
battu devant Marseille, il marche sur Narbonne, qu'il
réussit à surprendre en 415; il s*étend ensuite le long
des Pyrénées et de la Garonne. L'an 414, il épouse Pla-
cidie, fille du grand Théodose, et sœur de l'Empereur
qui avait refusé l'alliance d'un roi barbare. Ce mariage.
CHAPITRE DEUXIÈME. 21
qa'il célébra à Narbonne avec toutes les cérémonies usi-
tées chez les Romains; les discours qu'il tint publique-
ment^ et ses liaisons avec les principaux citoyens, firent
espérer qu'il deviendrait le soutien de l'Empire. Il avait
même abandonné Narbonne à Honorius pour s'établir en
Espagne; mais il fut assassiné à Barcelone en 415. Wallia, 415.
son beau-frère, obtint des Romains le pays compris entre
l'Océan et Toulouse. Il fixa sa résidence dans cette ville
en 419. On ignore si les Goths conservèrent quelques-
uns de leurs établissements au-delà des Pyrénées; mais la
Narbonnaise fut l'objet constant de leur ambition. Aussi,
dès que les circonstances leur paraissaient favorables, ils
ne manquaient point de faire quelque entreprise sur cette
province : c'est ainsi que deux fois, l'une en 425, l'autre
en 429 ou 450, leur roi Théodoric avait poussé jusqu'à
Aries et assiégé cette ville, mais toujours inutilement.
L'an 456, les Visigoths assiégèrent Narbonne. La ville
était réduite aux dernières extrémités, lorsque le général
romain Littorius parvint à introduire dans la place un
secours d'hommes et de vivres, qui fit lever le siège. La
paix eut lieu en 458, après une bataille livrée près de
Toulouse, où Littorius fut battu et pris, mais qui coûta si
cher aux vainqueurs, que la paix leur était aussi néces-
saire qu'aux vaincus. Enfin, l'an 462, le comte Agripin,
lieutenant de Sévère, céda Narbonne et les pays circon-
voîsitts au roi Théodoric II, pour l'attacher au parti de
son maitre contre le comte Gillon, et c'est alors que le
Roossillon fut incorporé à la monarchie des Goths.
Sous la domination romaine, ce petit pays fit toujours
partie de la Gaule-Narbonnaise , gouvernée par un Pro-
consul, depuis Auguste jusqu'à Gratien. Ses principaux
citoyens, admis dès le temps de la République dans le
Sénat de Rome, y étaient nombreux sous le règne de
L
22 lllSTOinE DU ROUSSILLON.
Claude. Cet empereur leur accorda le droit d'aller, sans
en demander la permission , \isiter leurs domaines dans
cette province, qui se trouva, sous ce rapport, assimilée
^^7- à ritalie et k la Sicile. En 407, après la destruction de
Trêves par les Vandales, le préfet des Gaules, qui y ai-ait
résidé jusqu'alors, vint s'établir à Arles. Le Proconsulat de
la Narbonnaise disparut pour toujours ; et cette contrée,
qu'une lettre du tyran Maxime, en 588, et le Concile de
Turin, en 404, nous apprennent avoir été divisée en cinq
provinces, fut soumise à la préfecture des Gaules. Pétro-
nius, l'un de ses préfets, lui incorpora quelques pays
voisins, et la divisa en sept parties : la Viennoise, les
Alpes Maritimes , les deux Aquitaines , la Novem-Popu-
lanie et les deux Narboiinaises. Les députés de ces sept
provinces et les principaux magistrats s'assemblaient k
Arles pendant un mois, tous les ans, pour y traiter des
affaires publiques et régler les contributions.
La Narbonnaise était panenue à un si haut degré de
civilisation , qu'elle ressemblait bien plutôt à l'Italie qu'à
une province (Pl., liv. 5, c. 5). Les arts, les sciences,
les opinions de la capitale s'y communiquaient avec une
grande rapidité ; il est donc probable que la religion chré-
tienne, qui déjh Tan 6i comptait de nombreux prosélytes
k Rome, ne tarda pas a s'introduire dans celte contrée.
Si l'on en croit certains auteurs, saint Paul, premier
évoque de Narbonne, serait le Proconsul Sei^nus Paulus,
converti h la foi par l'Apôtre des Gentils. Mais Grégoire
de Tours, qui écrivait dans un siècle plus rapproché de
l'origine du christianisme, ne place qu'au iii« siècle l'é-
rection du siège de cette ville, yuoi qu'il en soit, il parait
que les sectateurs de la nouvelle religion étaient nom-
breux et puissants dnns les Gaules lorsque Constance-
Chlore, chargé du gouvernement de ce pays, en (pialiti*
CHAPITRE DEUXIÈME. 23
de César, l'an 292, crut pouvoir s'abstenir de faire exé-
cuter à la rigueur les lois portées contr'eux par Diocté-
tien, et donna même k quelques Chrétiens des emplois
à sa cour. Nous manquons de documents assez positifs
pour assurer que le christianisme était florissant en
Roussillon durant les premiers siècles, et que ce pays
fournit, comme on Ta prétendu, des martyrs à l'Église.
Sa proximité de Narbonne fut cause, qu'annexé au diocèse
de cette métropole, il n'eut point d'Évéque particulier
sous les Empereurs; car on ne trouve pas d'Évéque
d*Elne dans une notice des églises de la Narbonnaise ,
rédigée sous l'empire d'Honorius.
24 HISTOIRE DU R0US6ILL0N.
CHAPITRE m.
. \M\Q\J\TtS , MONUMENTS ET VOUS MlUTMIVtS OIS ROMMNS
EN KOUSSILLON.
Nous venons de voir que , pendant près de six siècles,
le Roussillon fit partie de Tempire romain, et toutefois
il n'offre que de très faibles témoignages de la domination
de ce peuple, qui, dans d'autres contrées, a laissé des
restes si imposants de son ancienne puissance. Il importe,
par ce motif, de ne pas négliger de mentionner les rares
monuments que le hasard a fait découvrir sur divers points
de la partie orientale du département, la plus exposée aux
invasions, et presque uniquement pratiquée par les armées
de toutes les nations, qui depuis l'apparition des Car-
thaginois sur nos côtes, se sont portées du midi au nord
des Pyrénées, et réciproquement. Les recherches opérées
k différentes époques sur les emplacements de Ruscino et
d'Illibéris, les deux plus anciennes villes de la contrée,
n'ont eu que des résultats insignifiants. On n'y ^ trouvé
que des briques, des poteries, et un bien petit nombre
de monnaies romaines. Une pièce de cuivre de Lucius
Vérus, trouvée auprès de Sahorre, dans une galerie de
mines qu'on rétablissait, prouve que nos richesses mi-
nérales n'avaient point été dédaignées par ces maîtres du
monde. On regarde comme une antiquité romaine Tautel
CHAPITRE TROISIÈME. 25
dePézîlla, qui n'offre cependant aucune inscription, au-
cun ornement qui puisse en déceler l'origine ou l'usage.
II y a vingt ans qu'on ne connaissait dans tout le dépar-
tement d'autre inscription vraiment romaine que celle
de Saint-André de Sorède, dont nous parierons bientôt.
Nous en devons trois nouvelles au zèle investigateur de
MM. Py, de Cosprons et Renard-de-Saint-Malo. Le pre-
mier en a découvert une sur un petit plateau de la mon-
tagne de Madelotte, appelé le Cimetière : elle est gravée
en sigles sur la table d'un tombeau fouillé et renversé
depuis long -temps, et dont les débris gisent sur un
terrain qui parait avoir été entouré d'un mur de clôture
sang issue. Cette inscription est composée des initiales
suivantes : Va. F. PP. M. I. V. S. C. L. I. E. EM.
M. Pierre Puiggari en a donné une explication satis-
&isante, en attribuant k ces sigles cette signification :
ValeriiÂS FUicus prefedus presidii monumenlum jussit
vivus sibi condi loco intersepto et emuniio. Cette inter-
prétation indiquerait, en ce lieu, la sépulture d'un offi-
cier romain, probablement centurion, auquel on pourrait
attribuer l'origine du nom Ad Centuriones ou Ad Cente-
narium, que portait une station de la voie romaine tra-
versant ce pays.
M. de Saint-Malo, à son tour, a découvert à Théza deux
inscriptions : la première, excessivement endommagée
par le temps ou la main des hommes, est cependant assez
conservée pour faire conjecturer avec infiniment de vrai-
semblance, qu'elle appartenait k un monument funéraire
élevé k une femme nommée Rustica; la seconde, est en
très bon état. M. Puiggari croit que la pierre sur laquelle
elle est gravée, était le piédestal d'une statue votive élevée
à Mercure par un certain Évangélùs, pour remercier ce
dieu, comme le dit rinscriplion , de l'avoir conservé
26 IIISTOIIIE DU ROUSSlLLOiN.
pendant quarante ans. On montre ù Angoustrina un autel
votif, avec cette inscription, dont on a donné l'inter-
prétation suivante :
I- 0- M- Il C- P- POLI II BIVS II V- S- L- M-
Javi optimo maximo Caius Publim Polibixis votum solvil
libem merilo.
InscriplioD de Saint-ABdré de Soréda.
IMP- CAESARI II M- ANTONIO II GORDIANO II PfO
FELICI- Il INVICTO AVG II P- M- TRIBVN II POT- II-
CÔS. Il P- P- Il DECVMANI II NARBONENS II
Cette inscription, h la fois, la plus anciennement connue
et la plus remarquable de toutes celles du département,
fut découverte à Saint-André, vers Tan 1681, en fouillant
le terrain pour la construction d'une chapelle; mais elle
n'a été lue en entier qu'en 1814-, époque où le cippe
sur lequel elle est gravée fut entièrement dégagé : il est
de marbre blanc, un peu veiné de gris, ayant un pied
d'épaisseur; le carré qui la renferme a trente pouces de
haut sur vingt-quatre de large; les lettres sont longues
de deux pouces dans les neuf premières lignes, el d'un
pouce seulemcnl dans la dernière. Des trois em|)ereurs
du nom de Gordien, les deux premiers n'ayant pas été
consuls durant leur règne, cette inscription n'a pu être dé-
diée qu'au troisième, qui, déclaré Auguste en juillet 258,
fut massacre en mars 214, après avoir été consul en 250
et en 241. L'inscription peut être rapportée à l'an 259,
deuxième année de son règne, mais il est plus probable
qu'elle se rapporte à 211, époque de son second consulat.
Gordien, créé César le 9 juillet 2»>7, renit en ménit»
temps, suivant l'usaf^i», la puissance tribnnitienne: rommr
ell«' rlail n'n<)»ivrl<''c ;mi premi'T janvi«T i\r chtique année.
CHAPITRE TROlSIÈ&ie. 27
Tan 258 en fut la seconde année , et alors il n'était pas
consul. En rapportant le chiffre II au consulat, l'inscrip-
tion aurait été posée en 241 .
Si le cippe sur lequel on Fa gravée avait été primiti-
vement élevé loin de Saint-André , on ne concevrait pas
trop comment on Vy eût trouvé en 1681 ; car considérée
comme matière brute, cette pierre, d'un assez grand vo-
lume et fort pesante, ne valait pas les frais du transport;
considérée comme inscription, outre qu'elle eût perdu
toute sa valeur par le déplacement, il n'est pas présu-
mable que la localité qui la possédait, surtout si c'était
Narbonne, en eût permis l'enlèvement. Il faut donc croire
que ce cippe avait originairement été placé dans le voisi-
nage de Saint-André, et qu'à une époque postérieure, les
religieux le recueillirent datis leur monastère pour en as-
surer la conservation. Adoptant cette hypothèse, la seule
qui paraisse d'ailleurs admissible, on est plus embarrassé
que jamais pour fixer la véritable signification des mots
Decttmani Narbonenses. Je conçois qu'on a pu conjec-
turer que les deux inscriptions élevées h Narbonne par ces
Decttmani Narbonenses étaient des hommages adressés
aux princes dont elles portent le nom, par les citoyens
de cette ville, qui auraient pris la qualification de Decn-
mani, à raison des vétérans de la 10© légion, dont une
colonie y fut envoyée par César; mais cette conjecture
n'est pas à l'abri de toute objection. D'abord, ces mots
Decumani Narbonenses peuvent avoir une autre signifi-
cation; en second lieu, tant dans les rî^édailles que dans
les inscriptions qui nous restent des deux siècles qui
suivirent l'établissement des vétérans de la 10« légion à
Narbonne, on ne voit pas que les citoyens de cette ville
se soient eux-mêmes donné une pareille dénomination * ;
i l'alerculus, Mcli, Pliue, appellcul N.urbonnc Mavhui Xarbo. Mêla ajoute qu'elle élail
M HISTOIRE DU ROUSSILLON.
troisièmement , les historiens et les géographes ne s'en
servent jamais en parlant d'eux. J'ignore si c'est par ces
considérations ou d'après d'autres motifs que pouvaient
lui suggérer ses vastes connaissances, que le savant Mu-
ratori, ainsi que nous le verrons plus bas, a proposé une
autre interprétation des mots Decumani Narbonenses,
pour les inscriptions trouvées h Narbonne. Or, s'il n'est
pas certain que dans cellefr-là les mots Decumani Nar^
bonenses signifient les citoyens de Narbonne, il est assu-
rément impossible de leur donner cette signification dans
celle qui fui élevée auprès de Saint- André. Est*il présu-
mable, en effet, que les citoyens de la capitale aient chotsi
pour élever ce cippe, témoignage de leur dévouement à
Gordien, plutôt un endroit de la province, éloigné et peu
connu, qu'une place remarquable de leur cité? On a bien
compris cette difficulté; et, pour l'éluder, on a supposé
que les citoyens de Narbonne, issus en partie des vété-
rans de la 10« légion, pouvaient, h ce titre, être tenus de
garder certains postes éloignés, et qu'un de leurs déta-
chements, se trouvant à Saint-André, y aurait élevé le
cippe découvert en 1681. Cette explication n'est basée
que sur une supposition inadmissible, tant qu'il ne sera
pas démontré que, sous les Empereurs, et vers le temps
des Gordiens, les habitants des colonies militaires étaient
organisés de manière à faire hors la ville un senice par-
ticulier, auquel n'étaient pas obligés les autres citoyens
romains. Or, bien loin que l'histoire nous offre dans ces
villes quelques traces d'une institution aussi peu en har-
monie avec l'esprit du gouvernement de cette époque,
tous les faits venus à notre connaissance s'accordent à
AtUuinorum Dedmanôrumq^ie Coionia. PIîm l'apprlle tratem^nt Dfmwuinôrvm Cél^^
nui. Ut baMliBlt d« cctip ti11« lont àéùgwbt àt diversM lunifret dau let iMcripilOM fli
1^* inttlaillcft !• Sarbohfitsf*, 2* Plebê Sarbonenêtum, .T .Variai Sarbo: 4* ColOHim
CHAPITRE TROISIÈME. 29
nous les présenter comme peu propres à défendre les pays
où elles étaient établies, contre les attaques des ennemis
intérieurs ou extérieurs. Il y avait sept ans que les cent
mille vétérans de Sylla avaient couvert l'Italie de leurs
nombreuses colonies, lorsque Spartacus, à la tête de cent
vingt esclaves mal armés , réussit à exciter parmi ces mal-
heureux un soulèvement, qui fit éprouver de sanglantes
défiiites aux armées, et donna de vives inquiétudes au
gouvernement de Rome. Plus tard, et dans la Narbon-
naise, on voit, cinquante ans avant Gordien, Maternus,
à la tète de quelles déserteurs et d'une bande de bri-
gands recrutés dans les prisons et parmi les esclaves,
dévaster impunément les campagnes, et piller les villes
les plus opulentes de cette province, peuplée de colonies
militaires. Quelques années après la mort de ce prince,
on voit encore un parti franc traverser cette contrée sans
éprouver la moindre opposition. Quant à Narbonne, dont
la courageuse résistance durant la guerre de Sertorius,
avait conservé la province k la République, on pourrait
inférer d'un passage de Mêla (liv. 2, c. 5) que déjà de
son temps, elle était plus propre à illustrer qu'à défendre
la contrée à laquelle elle donnait son nom.
Un écrivain moderne veut que le cippe de Saint-André
ait été élevé par les soldats de la légion décumane de
Narbonne : mais rien ne prouve qu'il y ait jamais eu une
légion Decuniana Narbonensis; et des soldats, pour pren-
dre le titre de Decumani Narbonenses, auraient dû appar-
tenir à nne légion de ce nom , et non à la dixième, placée
momentanément en garnison a Narbonne.
Le savant Muratori prétend que ces mots Decumani
Narbonenses indiquent dans les trois inscriptions où il les
a trouvées, les P\U)licains de la Narbonnaise. Et, en eiïet,
nous savons, parCicéron, que les fermiers des dîmes
30 histoire: bi roussillon.
perçues par TEtat s'appelaient Dccumani. Appien nous
apprend que le Gouvernement accordait aux particuliers
des terres de peu de valeur, pourvu qu'ils s'obligeassent
a payer la dlme. C'est sans doute sous cette condition
que les champs deaimates, dont parle Tacite (de Moribus
Germanarum), étaient possédés par des Gaulois. Plusieurs
peuples tributaires payaient aussi la dime. On voit César
(llirtius) imposer à un peuple de Sardaigne, qui avait pris
parti contre lui, un tribut du huitième de la récolte, au
lieu de la dime qu'il payait auparavant. Enfin, Asconius
Pedianus, qui écrivait sous Néron, mus dit (Corn, de
Divi^) que l'État affermait les dîmes, les péages, les
pâturages publics aux principaux Publicains, citoyens
romains, qui prenaient ces fermes par spéculation. Il est
évident que sous les Empereurs, l'Etat affermait les dîmes
(|u'il percevait sur certaines terres. Pourquoi les fermiers
qui, suivant Asconius, étaient les premiers des PubUcains,
auraient-ils cessé de prendre le nom de Decumani, que
leur donne Cicéron, et qui pouvait être considéré comme
une qualification distinguée dans leur classe? La seule
interprétation raisonnable qu'on puisse donner aux mots
Deciimani Narbotietises, au moins |>our l'inscription trou-
vée à Saint-André, étant celle que propose le célèbre ar-
chéologue italien, je l'adopte d'autant plus volontiers que
les Publicains, entreprenant quelquefois la réparation des
chemins * , on peut supposer que les Uécumans de la Nar-
1 Lm Mëntipet. fimniert oa entrpftrrnrart (TmiTniirM pnhlif». fuient des INiblkthis.
ftoiTanl Axoaias l^diaouA. Or, oa voit dans Onopkrittf l*ufu)iu. bm inicnplioa ftuiéiiiw
érigét par «a r«nm« i od rertain Cn. Conulio thtsfo Maneipi t-ùr Appùt. latiiè (AnnsL,
liv. 3) noas apprend que Cortmlon Uti chàTfé âe faire rf parer les cbemiiif d'Italie, m 9tr\
mauvais état , fraude Maneipum êl itttwrid Mê§Utrttuum » cosmiiêM» qi'il nflpUt .
moins dans l'inlérM do public . que pour le malheur des rou^obles. roalrr lesquels il sévit
avec vigurar. Ou toit dans Rer^fier (Ht. 1". c. 17) une inscription trouT#« à lIMIna, en
K»pifn(, ou Uoaitien dit avoir tarsiiué un chemin commencé |iar son père et rmtd iaacfetf^
l<ar \r roauxais vouloir dr« IhiMtrams. qu'il puuit par «Ic^ aiiwntWf . l't rn !«*« «lArlarant
iiirapahl^s dVxtTïer auruu rm|»|.ii
CHAPITRE TROISIÈME. 31
l>onnaise avaient entrepris celle de quelque partie de la
voie militaire passant dans le voisinage de Saint- André,
et qo'ayant terminé ce travail sous Gordien , ils avaient ,
suivant un usage assez général, dressé le cippe et Tins-
cription comme un hommage de leur dévouement à
l'empereur régnant.
Inscription de Saint-Hippolyle.
En fouillant le terrain auprès du maitre-autel de l'église,
on trouva, en octobre 1847, un tronçon de colonne cylin-
drique, sur lequel étaient gravés abréviativement les mots
Flavio Valerio Consiardino nobilissimo Ccesari. Ce tronçon
est parfaitement semblable à toutes les colonnes milliaires
découvertes dans le voisinage des anciennes voies romai-
nes, par exemple aux deux colonnes que l'on conserve
aux environs de Montpellier (V. Millin. Voyage dans les
départements du Midi de la France). Deux opinions furent
émises sur le prince auquel devait s'appliquer cette ins^
cription : l'une l'attribuait au grand Constantin ; l'autre,
à son fils, Constantin-le-Jeune. Il est évident qu'elle doit
appartenir à celui des deux princes qui satisfera le mieux
aux deux conditions suivantes : avoir porté quelquefois
les trois noms Flavitis Valeritis Constaniinus, et n'avoir
porté pendant un certain temps d'autre titre que celui de
nobilissimus Ccesar. Ces trois noms ne se trouvent pas
dans toutes les médailles, et les inscriptions relatives à
l'un ou k l'autre de ces princes, et lorsqu'ils s'y trouvent,
il est souvent difficile de décider lequel des deux est dé-
signé, de sorte que le père étant beaucoup plus connu,
c'est à lui qu'on attribue ordinairement tous ces monu-
ments douteux. Il en est cependant qu'on ne peut pas
disputer au fils : telle est l'inscription qu'on voit dans
Bergier(vol. l^r, p. 456); il y est appelé Flavim Ynlr-
32 HISTOIRE Dt nOlISSII.LON.
rius ConslafUinus , petit- fils divi Maximiani, et fils divi
Consianii; ce qui ne peut convenir qu'a Constantin-le-
Jeune, petit-fils de Maximien par sa mère Fausta. Comme
ce même prince n'a pris ni pu prendre pendant vingt ans
que le titre de nobilissimus Cœsar tout seul , il réunit tou-
tes les conditions pour qu'on lui attribue l'inscription de
Saint-Hippol} te. Quant au père , si les noms de Flavius
Valerius Constar^inus lui appartiennent aussi bien qu'à
son fils, rien ne prouve qu'il ait jamais pris le titre do
nobilissimus Cœsar tout seul. Du moins il ne parait ainsi
sur aucune des inscriptions produites par le zélé défenseur
de ses droits ; bien plus, tout fait présumer que, dans les
provinces qui avaient été l'apanage de son père, Constantin
ne prit jamais le titre de César, sans y joindre celui d'Em-
pereur ou d'Auguste, que lui avait décerné l'armée de la
Grande-Bretagne, ou le Dominus nosier, qui en était l'é-
quivalent. Constance-Chlore, son père, mourut à Y'orck
le 25 juillet 306; peu de jours après, le fils envoya à
Galère, qui résidait à Nicomédie, un de ses officiers, por-
teur d'une lettre écrite dans les termes les plus soumis,
où il excusait l'irrégularité de ses démarches sur la vio-
lence que lui avaient faite les soldat9. Il partit ensuite
pour les Gaules, dont les peuples et les armées lui avaient
témoigné tant de sympathies quelques mois auparavant,
lorsqu'il allait joindre son père, et il y attendit la réponse
de Galère. La fureur de ce prince, en apprenant la pro-
clamation de Constantin, fut telle qu'il voulait livrer aux
flammes sa lettre et son envoyé. La réflexion le ramena
a des sentiments plus modérés : il consentit à faire recan-
naître le fils de Constance comme héritier des Etals de son
père, mais seulement avec le titre de César. Il y avait 3704
milles d'Yorck à Nicomédie; 2115 de là dans les Gaules:
la vitesse des poslos chez les Romains était hien moindre
CIIAPITRK Tm)ISIKMK. .1:1
que chez les modernes (Appendice, n^ 2) ; la réponse de
Galère ne put parvenir à Constantin qu'environ deux
mois et demi après la mort de son père. Pendant ce
temps, il s'était iait proclamer et reconnaître Empereur par
les généraux, les soldats, les magistrats et les peuples.
Pouvait-il , en apprenant la décision de Galère, descendre
au rang de César? Sans doute la prudence lui conseillait
de ne pas pousser les choses à l'extrême ; mais elle lui
disait aussi, qu'après s'être compromis comme il l'avait
fait, le trône impérial était son unique asile contre la
vengeance de Galère ; qu'en se conformant à sa décision
il redevenait son sujet; qu'il perdait ses plus fermes ap-^
puis, l'opinion publique et la confiance des soldats, car
tout le monde déserte bientôt le parti d'im prince qui
s'abandonne lui-même. On ne peut imputer au grand
Constantin une faiblesse aussi inconsidérée, surtout dans
un moment où la révolte de Maxence, qui éclata le 28
octobre à Rome, devait rendre Galère moins exigeant k
l'égard du maître des Gaules. La neutralité gardée par
ce dernier entre Galère et Maxence, pendant la guerre
qu'ils se firent en 506 et 507 , prouve Tindépendance de
son pouvoir. S'il n'avait été qu'un lieutenant soumis à
l'Empereur, celui-ci aurait-il négligé de le faire entrer
en Italie, au moins pour réparer les malheurs de la pre-
mière campagne? Il n'est donc pas vraisemblable que
Constantin ait cessé de prendre dans les Gaules le titre
d'Auguste : mais se fût-il contenté pendant quelque temps
de celui de nobilissim%is Cœsar, il faudrait encore attri-
buer au fils plutôt qu'au père l'inscription de Saint-Hip-
polyte, par la raison que ce dernier ne pourrait avoir porté
ce titre seul que pendant quelques mois, tandis que le
premier n'en a pu porter d'autre pendant vingt ans. Son
père, dans les dernières années, l'avait établi k Arlfs^
'M HISTOIRE Di: ROUSSILLON.
on lui ronlianl le gouvernement particulier des Gaules.
C'est probablement vers cette époque que fut placée la
colonne de Saint-Hippolyte. Un chapiteau trouvé tont
auprès, peut lui avoir appartenu : brut sur une de ses fa-
ces, il parait avoir été appuyé contre un édifice; le travail
barbare de ses trois autres faces s'accorde assez avec
l'imperfection des lettres de l'inscription , pour (aire re-
garder le tout comme un ouvrage de ce temps, où la
décadence des. arts se lit surtout sentir dans les pro-
vinces occidentales de l'Empire par la nombreuse émi-
gration a Constantinople des artistes et des ouvriers ha-
biles qu'elles possédaient.
La colonne milliaire trouvée à Saint-Hippolyte , doit
avoir été placée originairement sur la voie romaine qui ,
allant de Ruscino à Saisulis, ne passait pas loin de ce
village, probablement près de la statioq de Cafnlnisia.
Découverte sous les ruines de cet édifice, après l'expul-
sion des Sarrasins, le nom de Constantin , si vénéré des
Chrétiens, aura engagé quelque pieux ecclésiastique k re-
cueillir dans son église la pierre sur laquelle il était gravé.
Les seuls édifices du département auxquels on puisse
attribuer une origine romaine, sont la voûte des bains
d'Arles et la grande arche du pont de Céret. M. Joseph
Anglada a fort bien déduit, dans son Traité des Eaux
mitiérales, les raisons qui militent en faveur du premier.
Quant au pont de Céret, M. de Marca veut, sans en
donner aucune preuve, qu'il ait été entrepris vers Tan
1515, par la commune de ce nom. I^ grande arche d<*
ce pont est, k peu près, un demi-cercle de 4o mètres
de diamètre , posé sur des rochers élevés de 2 à 5 mè-
tres au-dessus des basses eaux. Vn pareil ouvrage me
parait trop excéder les ressources d'une aussi petite vilk%
pour le lui attribuer.
CHAPITRE TROISIÈME. 35
On nous a fait connaître une quittance de 39 liv. 5 sols
8 deniers barcelonais, sous la date du 6 des calendes de
décembre 1541, devant Moncy, notaire de Perpignan : elle
est consentie en faveur des Consuls de Céret par un maçon
de Perpignan, qui déclare recevoir cette somme, due, tant
à lui qu'à dix de ses confrères de Baixas, dont il a la pro-
curation , ratione laboris per me et per, etc., facti in pmtte
de Cerelo. 32 liv. 16 s. 1 d. lui sont comptés en florins
ou monnaie d'or de France ; le reste avait déjà été donné
par les Consuls, avec son consentement, a un particulier
de Céret, cbez qui tous ces ouvriers avaient pris leurs
repas, dictum pontem operando, sans doute pour dido
potUi operando. Ce document, quoi qu'il en soit, ne peut
indiquer la construction de la grande arche du pont, la
somme énoncée , équivalant à peu près à 979 francs
15 centimes, serait infiniment trop modique. Les termes
dont on se sert deux fois, quoique difiërents, pour expri-
mer l'ouvrage fait, se rapportent toujours plutôt k une
réparation qu'à une construction nouvelle, et pourraient
tout au plus indiquer le rétablissement de quelques-wies
des petites arches, dont l'érection est certainement fort
postérieure à celle de l'arche principale.
Ces considérations, la forme de Farcbe en plein cintre^
forme peu usitée dans ce pays au xiy« siècle, l'espèce
d'appareil employé, me portent à juger ce pont beaucoup
plus ancien ; et je l'attribuerais volontiers aux temps qui
précédèrent ou suivirent de près la chute de l'Empire
d'Occident, à une époque, eniiu, oà l'on cousenait
encore la manièi^ de construire des Romains*
On chercherait vainement aux environs du boui*g actuel
d'Elue, des vestiges de cette importante cité d'IUibéris,
dont parle Pomponius Mêla : la charrue sillonne le sol
où fut jadis la ville latine ou la colonie de Huseino. Os
^'\^ HISTOIRE DL' ROUSSILUKN.
antiques chaussées qu'indiquent les ouvrages de Poiybe
et de Strabon; celles que décrivent les itinéraires, sont
entièrement détruites ou cachées à nos yeux par les sa-
bles et les terres qui les recouvrent. Le temple de Vénus,
les trophées de Pompée, œuvres des Romains dans cette
contrée, ont disparu. Quel était l'emplacement de ces édi-
fices? Quelle direction suivaient les voies romaines? Voilk
des questions qu'on ne peut se dispenser d'aborder, lors-
qu'on s'occupe de l'état du Roussillon sous la domination
des Romains. Elles sont très difficiles a résoudre dans un
pays qui , ravagé tour à tour par les Barbares du Nord ,
par les Sarrasins, par les pirates normands ou maures,
n'offre ni ruines ni vestiges assez caractérisés pour nous
guider dans nos recherches. Privé de ces ressources,
nous sommes réduit à former des conjectures plus ou
moins heureuses au moyen de quelques passages épars
chez les historiens et les géographes de l'antiquité,
ou d'après des renseignements fournis par la table de
Peutinger et l'itinéraire d'Antonin. Ces deux derniers
documents sont très précieux; mais l'incurie et l'igno-
rance des copistes y ont introduit des fautes qui nous
obligent à ne les employer qu'après les avoir corrigés à
l'aide d'une critique impartiale et sévère. Nous devrons
souvent, k cet effet, comparer les distances données en
milles romains par la T(Me ou VlUmraire, à ces mêmes
distances, exprimées en mètres, dans les cartes ou les
mesures géodésiques des modernes. De là nait pour nous
le besoin de connaître, au moins approximativement, le
rapport de ce mille aux mesures actuelles. Nous savons
qu'il contenait 5.000 pieds romains : ceux-ci ont été éva-
lués de diverses manières, ce qui ne doit pas étonner,
leur longueur pouvant avoir un peu varié avec le temps.
D'ailleurs, parmi les mesures romaines panenues jusqu'à
CHAPITRE TROISIÈME. ^
nous, et d'après lesquelles les métrologues oui établi leur
éraluation du pied, certaines, formées d'un métsd plus ou
moins oxydable, tel que le fer ou le cuivre, doivent avoir
éprouvé des diminutions plus ou moins sensibles. En pre-
nant un terme moyen entre quatorze évaluations diffé-
rentes, nous trouvons ce pied d'k peu près O^^SOT, ,ce
qui donne pour le mille 1 .485 mètres.
Si nous cherchons dans les divers géographes quel était
remplacement du temple de Vénus, Ptolémée nous dira
que ce premier point remarquable des Gaules, en venant
d'Es|iagne, était sur Tun des nombreux promontoires des
Pvrénées, avancés dans la Méditerranée. Les indications
données par Strabon sont plus précises : il dit (liv. 4) que
Citium (Cette) était plus près du temple de Vénus que d'un
promontoire situé k 100 stades k l'ouest de Marseille, et
il le place à 400 stades d'Empurias. Cette situation s'ac-
corde parfaitement avec celle que donne PHne (liv. 3, c. 3)
si son Tichis est la Fluvia ; car, suivant lui^ le temple de
Vends est a 40 milles du Tichis. Les 40 milles de Pline
ne faisant pas tout-a-fait les 400 stades de Strabon , il
s'en suit que le temple de Vénus est un peu plus près
de la Fluvia que d'Empurias, ce qui est réellement, puis-
que la ville était au midi de la rivière, dont l'embouchure
lui servait de port. Il résulte des deux passages du géo-
graphe grec, que le temple de Vénus doit se trouver sur
Tnn des caps les plus septentrionaux des Pyrénées. Pour
fixer sa position avec plus d'exactitude, il assure (liv. 4,
c. i^^) que la distance de Narbonne au temple de Vénus,
est ^le à celle d'Arles au cap de Marseille. Si l'on
prend cette dernière sur une bonne carte, et qu'on là
porte de Narbonne vers notre côte, elle aboutira juste à
Port-Vendres. A la vérité, M. de Marca prétend que le
Tirhis de Pline est la Muga, comme celui de Mêla, cl
38 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
qa'ii faut lire dans le premier 11 milles au lieu de Mi.
D'après lui , le temple de Vénus doit avoir été situé vers
le cap de Creus ; mais comme Pline et Mêla ne désignent
pas toujours les riTières de ce pays par les mêmes noms,
et que la correction proposée pour le texte du premier
n*est autorisée par aucun manuscrit, on peut aisément
soupçonner que, vu la commission dont il était chargé, le
Prélat finançais a discuté cette question plutôt en diplomate
cherchant k reculer les limites de son pays, qu'en critique
impartial qui veut déterminer un point géographique
contesté. En conséquence , nous admettrons le texte de
Pline „ tel qu'il est donné dans toutes les éditions; et
appliquant le nom de Tichis à la Fluvia * , ce qui met le
plus parfait accord entre le dire du naturaliste romain et
les textes formels du géographe d'Amasie, nous placerons
le temple de Vénus sur l'un ou l'autre des deux caps qui
embrassent le Port-Vendres, dont le nom dérivé de parius
Veneris, ajoute une singulière force k l'opinion que nous
avons cru devoir embrasser. En effet, il est aussi probable
que l'on a désigné ce port par le nom de la déesse dont
le temple avait été élevé dans le voisinage, qu'il le serait
|)eu qu'on lui efit imposé un pareil nom , si cet édifice
avait été cx)nstniit dans un endroit éloigné de sept à huit
lieues.
Pour panenir aux trophées de Pompée, nous suivrons
les mêmes guides qui nous ont conduit vers le promontoire
où parait avoir existé le temple de Vénus. Pline nous
1 On M roovainrrt ait^mrnt qut . par le nom àt Ttrhi*. PItne d^ifTw U Flutiâ . »i I'ini
l^t ■tl— tioa qv'eotne BâmIoM el le» l^rteée* . il m pc«l avoir Tooln Uirr ueattoa qve
dM viUe» el dct rivim* les pliii rrmaii|«ablet ; que pami rf« àemèrt*. In wnlet q«i aieat
fti^»e inportanre tont U Tord^rv. le T«y rt la Flnvia ; qu'aytat placé la preauère iom le
M« 4t Lammm, caUr les ville* dllliru et de BUndc ( llaUro et lUanea ) . U teconde io«»
le ooa û'Alèa, entre BUues et Kni|Miria4 . il ne Ini rratait |iJtt« que la troi>»«*aie à pov^mr
yïàctr *tMi« \r n.iuj Je Tu kit, ^tiXtf Fniparia*' ri lr« l*>r^cr>
CHAPITRE TROISIÈME. 39
apprend (liv. 5, c. 5) que Pompée fit élever des trophées
sur les Pyrénées. Strabon (liv. 5) les place sur la route
d'Italie en Espagne, k l'extrémité des Pyrénées (Append.,
n*^ 3) , expression qui ne peut signifier que la partie de ces
montagnes qui va se terminer à la Méditerranée. Pour
fixer avec (dus de précision la position des trophées, cet
auteur dit (liv. 4) qu'ils étaient à 65 milles de Narbonne,
ajoutant que les géographes n'étaient pas d'accord sur la
fimite des Gaules et de l'Espagne, que les uns plaçaient au
temple de Vénus, et les autres aux trophées de Pompée.
Il se déclare pour la première de ces opinions. Pomponius
Mêla, adoptant la seconde, termine la Gaule à Cervaria,
aujourd'hui Gerbera. G'est donc dans les environs de ce
dernier lieu qu'il faut chercher les trophées. Si Mêla n'en
bit pas mention, c'est sans doute parce que cet édifice,
construit depuis plus de cent ans, exposé à l'air destructif
de la mer, et ne pouvant pas être réparé (Plutarque,
Queutons romaines), tombait déjà en ruines lorsque
Pomponius écrivait. Du reste, ce pomt satisfait parfai-
tement aux indications données par Strabon : il est situé
à l'extrémité des Pyrénées, k environ 65 milles de Nar-
bonne. Cette situation du temple do Vénus et des tro-
phées sur le même passage, k travers les montagnes, qui
leur permettaient d'être aperçus de la mer et de la route
d'Italie en Espagne, explique fort bien pourquoi l'on avait
pris l'un ou l'autre de ces monuments pour y fixer la
limite des deux contrées voisines.
Des trophées de Pompée, établis sur la route d'Italie
en Espagne, nous passerons naturellement aux voies
romaines qui traversaient le département. Mais comme,
pour ne pas s égarer dans une pareille recherche, il est
utile d'avoir toujours présent a l'esprit les principes dont
tes Romains ne s'écartèrent jamais dans la construction
40 lll!»TOIRE DU ROt'SSlLLON.
de leurs clieiuins, exposons-les en peu de mots. On aurait
une fausse idée de leur système voyer, si l'on s'imaginait
(|u'il l'emporte autant sur celui des modernes par la
multiplicité et la largeur des routes, qu'il lui est effec-
tivement supérieur par la solidité de leur construction.
Un savant très respectable, Bergier, a accrédité ces deui
erreurs : 1<> en comptant dans l'évaluation de la lon-
gueur de ces routes, une lieue de France pour deux
milles romains, tandis qu'il faut trois * de ces milles pour
faire une lieue de 25 au degré; 2^ en supposant que
ces chemins avaient tonjonrs 60 pieds de largeur. Cette
seconde erreur vient de ce qu'il a supposé k chacun des
accotements la même largeur qu'à la partie pavée du
milieu, tandis qu'ils n'avaient, en effet, que la moitié de
cette largeur. De ces deux erreurs , la première est pid-
nement réfutée par un simple fait : la France et l'An-
gleterre, réunies, nous offrent aujourd'hui 71.562 kilo-
mètres de grandes routes ; et toutes les voies de l'Empire
romain mentionnées dans l'itinéraire d'Antonin , ne for-
ment que 78.598 kilomètres, total qui ne dépasse que de
7.056 kilomètres celui des grandes routes des deux Etats,
qui n'étaient que deux provinces de ce vaste Empire.
Quant à la seconde erreur. Rondelet ne croit pas, d'après
les mesures qu'il a prises auprès de Rome sur les restes des
voies Appienne, Latine, Labicane, Tiburtine, Pnenestine,
que l'on puisse supposer à ces voies, probablement les plus
laides de tout l'Empire, plus de 10 k 12 mètres de largeur.
Il n'est point surprenant que les Romains, dont les voitu-
res avaient une voie beaucoup plus étroite que les ndtres,
construisissent des routes moins larges que les modenies;
1 Kn efStl . le mille rtmiain a\ait ft «lades olympiques de (tOO )>ifil« frrc$ de 0*30(1 , d'uè
le »ladc ^le 185- M . et le mile t IK3- iO I>i>nr. 3 mile» funl 4440* . dîff^rtnl ie«te««it
lie r>* i\cc notre Utœ de 35 au degnS. Il > atirail une \é$*^c Aitléttntt »! l'on énluajl le
otillc ^11 \>i*^i' tumuL» (le 0' i'JI , liont il l«IUit ô«XI** il en ir»ui(rrait 1IH5* |HHir le JMiHe
CHAPITRE TROISIÈME. 41
et il» les ont moins multipliées que nous, parce qu'en les
construisant, ils cherchaient surtout à faciliter la marche
de leurs armées vers les contrées k conquérir, ou vers les
provinces k défendre. Le nom de voies militaires, qu'ils
leur donnaient, indique assez leur objet principal. Les
nations modernes, au contraire, plus industrielles et plus
commerçantes, ont cherché à ouvrir dans tous les sens
des communications propres à favoriser la circulation des
produits de leur sol et de leurs manufactures.
Les Romains se sont bien moins distingués par le nom-
bre des constructions de ce genre, que par leur constance
à entretenir, k améliorer et embellir les chemins qu'ils ont
trouvés établis ou qu'ils ont fait construire. C'est ainsi
qu'ils sont parvenus à laisser des routes dont, après tant
de siècles, nous admirons les restes imposants. Ils étaient
aussi économes du terrain qu'ils consacraient aux che-
mins, que prodigues de travaux, de dépenses et de soins
pour les rendre solides. Moins désireux d'innover que de
bien faire , ils n'entreprenaient les changements les plus
utiles, que lorsqu'une longue suite d'années et de ré-
flexions leur en avaient démontré les avantages. L'on en
jugera par l'exemple suivant : il est pris sur la route de
Rome à Brindes, qui, offrant la communication la plus
directe de la capitale avec l'Orient, était certainement le
chemin le plus fréquenté de l'Empire. Strabon dit (liv. 6,
c. 5) que cette route, qui jusques à Capoue n'était autre
chose que la voie Appienne, avait, long-temps avant lui,
été poussée par Bénevent et Tarente jusqu'à Brindes;
mais qu'une traverse, praticable seulement pour les pié-
tons et les cavaliers, conduisait directement de la pre-
mière de ces trois villes a la dernière, et abrégeait le
trajet d'une journée de marche. Cependant, on avait né-
lipé jusqu'alors, cl on négligea long-lemps encore, de
«r
42 HISTOIRE DU ROCSSILLON.
la rendre viable pour les voitures; car cette intéres^nte
entreprise ne fut exécutée que dans le siècle suivant par
Trajan.
Si c'est avec la plus grande circonspection que les
Romains entreprirent les changements^ même les plus
avantageux, dans la direction de leurs voies militaires,
on doit convenir qu'ils ne n^ligèrent rien pour entre-
tenir en bon état les routes existantes. Us s'acquittè-
rent de ce soin en quelque sorte avec obstination , par
exemple pour cette portion de la voie Appienne cons-
truite sur seize milles de longueur, à travers les marais
Pontins. Établie l'an 445 de Rome, elle fut détruite par
les eaux 152 ans après; rétablie alors pour s'abimer de
nouveau sous Auguste, on y fit des travaux immenses
pour la remettre en bon état, travaux cependant beau-
coup moins considérables que ceux exécutés par Trajan,
pour la relever d'un nouveau désastre.
Après ces observations, qui nous seront utiles par la
suite, il paraîtrait naturel de nous livrer à Texamen de
tout ce qu'on a écrit avant nous sur les voies romaines
qui traversaient le Roussillon; mais cet examen aurait
l'air d'une critique, el notre objet est bien moins de
discuter les opinions des autres, que d'exposer nos pro-
pres idées sur cette matière. Parmi les auteurs qui l'ont
traitée, les uns l'ont fait très légèrement, se contentant
dindiquer remplacement de quelques stations romaines,
n'appuyant souvent leurs conjectures que sur une bien
faible ressemblance entre les noms anciens et les nou-
veaux. C'est ainsi qu'ils ont placé Àd Viyesimum, ii Si-
gean. Ad Slabulum, au Boulon, Ad Centunoties, à (U*ret.
Les autres, beaucoup plus exacts « n'ont négligé aucun
moyen de nous offrir des routes h peu près semblables
il celles que décri\cnl les itinéi^aires , soit en plaçant les
CHAPITRE TROISIÈME. 43
slalious qui y sont mentionnées en des points où Ton
découvre encore des vestiges d'anciens sites romains,
soit en faisant accorder, au moyen de circuits plus ou
moins vraisemblables, les distances marquées par les iti-
néraires entre ces stations, avec celles que Ton observe
aujourd'hui entre les lieux où ils les ont placées. Mais,
quel que soit le mérite particulier de leur travail, sont-ils
bien certains de ne point s'être écartés de la vraie direc-
tion de la voie qu'ils ont voulu retrouver? Nous ne le
pensons point; et l'on peut craindre qu'un premier pas
fait hors de cette direction , ne les ait entrâmes loin de
la réalité. A notre avis , toute la question consiste à dé-
terminer la direction de ces routes, en flxant, avec toute
la précision possible, d'après les documents dont nous
pouvons disposer, la situation des principales stations.
CeUe»-ci nous serviront de jalons, entre lesquels il sera,
sinon facile, du moins peu important, de placer les autres.
Nous aUons essayer de résoudre, en suivant cette marche,
00 problème qui a souvent donné lieu à de vives et lon-
gues dissertations.
Le premier fait historique nous indiquant une route à
travers le Roussillon pour aller d'Espagne dans les Gaules^
est le passage d'Ânnibal, qui eut lieu 217 ans avant Jésus-
Christ (Tite-Live, liv. 21). Ce grand capitaine, après avoir
franchi les Pyrénées, campe à lUibéris; les Gaulois l'at-
tendent à Ruscino, sans doute parce que ces deux villes
étaient situées sur le chemin que l'on suivait alors; et la
|iosition du Carthaginois, dont le principal objet, pendant
qu'il traitait avec les Gaulois, devait être de couvrir ses
communications avec l'Espagne, dénote assez que la route
qu'il avait suivie pour venir à Illibéris ne devait pas s'é-
loigner de la côte. Environ un siècle après cet événement,
Polybe (liv. 5) nous apprend qu'une belle roule conduisait
4i HISTOIRE DU ROUSSILLON.
d'Kmpurias a|i Rhône ; que les distances y étaient mar-*
quées de huit stades en huit stades ( de mille en mille ) ,
et qu'elle avait 1.600 stades (200 milles romains) de
développement. Cette mesure s'accorde fort bien avec les
disiances marquées sur les itinéraires, et avec celles que
nous donnent les cartes actuelles. Polybe étant mort ii
quatre-vingt-deux ans, et au plus tard trois ou quatre ans
après la conquête de la Narbonuaise par les Romains, il
est inGniment probable que la route dont il parle était,
pour la partie comprise entre les Pyrénées et le Rhône,
l'ouvrage des Gaulois. A cette époque, Illibéris et Rus-
cino étaient les seules ou du moins les principales villes
du Roussillon; elles se trouvaient sur la ligne la plus
directe que l'on pût suivre pour aller d'Empurias au
Rhône, en passant par Narbonne. Les montagnes, moins
élevées aux approches de la mer, offraient un passage plus
facile que partout ailleurs. La civilisation du pays avait
commencé sur les côtes : c'était donc \\k qu'on avait plutôt
senti le besoin d'une route, et qu'on avait eu plutôt les
moyens de l'entreprendre. Tout, en un mot, doit nous
faire présumer que le chemin dont parle Polybe, était
celui qu'avait suivi Annibal , et qu'il passait par Illibéris
et Ruscino, traversant les montagnes dans le voisinage de
la mer. Nous avons déj^ vu (Strabon, liv. 5) que Pompée
plaça ses trophées à l'extrémité des Pyrénées, sur la roule
qui conduit d'Italie en Espagne, ce qui indique, pour celle
route, soit au temps de Pompée, soit au temps de Strabon,
la même direction qu'on peut lui assigner d'après Polybe
et Tite-Live. Cette roule est suivie par Pomponius Mêla
dans sa description du pays des Sardons. Il la fait entrer
par Saisulis, va de h à Ruscino, à Illibéris, nous montre
«»n laissant le Portu^s-Pifrenan, et sort des Gaules par Cer-
\î»ri;i. PliiK» et Ptojéméi», rn décri\an! cHle rontrée, ne
CHAPITRE TROISIEME. i5
font mention, comme Strabon et Mêla, que de quelques
points remarquables situés sur cette route ou dans son
voisinage, tels que Ruscino, lUibéris, le Templum-Veneris,
les embouchures du Tech et de la Tet. L'an 550 de notre
ère, l'empereur Constant, surpris à Âutun par la révolte
de Magnence, fuyait vers l'Espagne, où il espérait trouver
des troupes fidèles; il fut atteint et massacré à Elue par
les émissaires du tyran. Mais ce prince ne pouvait fuir
avec rapidité qu'en suivant la voie militaire , sur laquelle
seule se trouvaient les moyens de faire une grande dili-
gence : Elne devait donc alors être située sur cette .voie.
Vers la fin dy même siècle , saint Paulin écrit à Sévère
pour l'engager à venir le voir à Barcelone. Pour l'y déter-
miner, il cherche à lui persuader que la roiîte était sûre;
que le passage des Pyrénées n'avait rien d'eflrayant, ni
même de difficile. S'il y avait eu deux routes k travers
ces montagnes , il est fort probable que le saint n'aurait
pas manqué d'indiquer à son ami celle qu'il lui convenait
mieux de suivre. Julien de Tolède, écrivain contemporain
et témoin oculaire , nous a laissé le récit de l'expédition
du roi Vamba contre le comte Paul. Il nous y apprend
qu'après la défaite du rebelle, le roi, rentrant en Espa-
gne, s'arrêta deux jours à Elne; et que pour faciliter le
passage des Pyrénées à son armée, il la divisa en trois
colonnes, voulant que la première passât par Livia, la
seconde à travers le pays d'Ausone (de Vich), et la
troisième, par la voie publique, le long de la côte *. Il
résulte de ce passage remarquable, qu'à la fin du septième
siècle, il existait une grande route qui , passant par Elne,
conduisait de France en Espagne sans s'écarter de la côte,
i Ità ut (dîl-il ) una part ad Castrum Lybiœ, quod est Ceretaniœ caput perienderet;
steunia, per Autonentem civitatem Pyrenœi média peteret; tertia, per viam publicam
jvTtà oram maritimam graderetur.
Sr» HISTOIRE DU ROlSSILLOX.
ol que, comme il n'est point dit que les deux premières
colonnes de cette armée aient effectué leur retraite par
une grande route, il est très vraisemblable que celle qui
longeait le bord de la mer était le seul chemin de ce
genre traversant le Roussillon. On voit encore dans la
même direction et sur plusieurs points, des vestiges d'une
voie romaine, appelée Carrera de Carlos Magno, sans
doute parce que ce prince Tavait fait réparer *.
A tous ces laits indiquant une route unique, passant
par Ruscino, Illibéris, et suivant la côte pour pénétrer en
Espagne, nous ajouterons une considération qui ne laisse
point d'avoir quelque poids. On sait que les Romains
étaient dans Tusage de placer à portée des grandes rou-
tes, certains petits temples, des monuments funéraires,
et, en général , tous les édifices que la superstition , Tor-
gueil, la reconnaissance ou Tadulation, élevaient en
l'honneur des dieux, de princes, de magistrats ou de
particuliers opulents. Ces monuments étaient ordinai-
rement accompagnés d'une inscription indiquant le motif
de leur érection. No'us avons vu plus haut que le temple
de Vénus et les trophées de Pompée, avaient été construits
à peu près sur la direction que tous les faits historiques
attribuent a la route conduisant des Gaules en Espagne.
C'est aussi dans des endroits peu éloignés de ce chemin
(Théza, Saint-André, la montagne de la tour de Madelotlu
Saint-Hippolyte) qu'on a trouvé cinq de^ six inscriptions
romaines qui existent dans le département; et elles se
rapportent toutes à des objets que les Romains plaçaient
le long des voies publiques.
1 litaa (ki actes de iXAi, une \i|;ii«'âa Irrritnin' <Io <aint-\n<irr-«lr>S. n-df.rt un chàmy
a I*alo|, Mint dit» ronflai, dorirnl, à la muU' Af r.nrlvt M<itfHO \U' m» j'»r». on cite cei:-
ronti^ dan* l«i coafraotattonft d'un rhan|» y.'iî<* ju trrrrtoirr di* simt-Na/nr^'. <>ti |*<Mn i <
f)ir«> d'aylmi nUtionsi. Fit linuv»ill(>n , m» altrilMtr a ChMWm^çu^ tr>u« !•- • hriuiti^ ou I « u
a|itrMMl (|Ui'lqitr« >r*li;.'r> «!<• \<itr iom.Mlir
CHAPITRE TROISIÈME. 47
Il nous reste k examiner deux documents importants :
le premier, appelé V Itinéraire d'Antonin, est un relevé
des voies militaires de l'Empire romain, où sont mar-
qués les noms des stations situées sur ces routes, avec
leurs distances. On ne connaît ni l'auteur de cet ouvrage,
ni le temps où il fut publié pour la première fois : on le
croil formé de tableaux de routes, dressés en des temps
différents, et il parait qu'on en a fak diverses copies.
Le second est connu sous le nom de Tuble de PeuttJiger,
parce qu'il fut trouvé dans les papiers de ce savant pra-
ticien d'Ausbourg. Sur cette table sont tracés les chemins,
les fleuves, les montagnes, les côtes de l'Empire; on y voit
aussi les noms des villes et des provinces. Mais le tout y
a été placé sans s'astreindre a suivre aucune des projec-
tions employées par les géographes. On ignore également
l'époque où cette espèce de carte fut dressée. On consi-
dère généralement ces deux documents, tels que nous les
possédons, comme des copies d'originaux publiés avant la
chute de l'Empire d'Occident. Quelque défectueux qu'ils
nous soient parvenus, il n'en est pas moins vrai qu'ils peu-
vent jeter un grand jour sur la question qui nous occupe,
pourvu qu'en les comparant entr'eux et avec l'état actuel
des lieux, on cherche, k l'aide d'une sage critique, à faire
disparaître les fautes palpables qui se sont glissées, soil
dans l'énoncé de certaines distances, soit dans l'ortho-
graphe de quelques noms. On trouve, dans V Itinéraire,
deux routes traversant le Roussillon pour aller des Gaules
en Espagne. La Table de Peuiinger, au Contraire, s'ac-
cordant en cela avec toutes les inductions tirées des au-
teurs et des faits ci-dessus cités n'en offre qu'une seule,
qu'elle fait passer par Ruscino et par Illibéris. On verra,
dans les trois premières colonnes du tableau ci -joint
«page 56), la description de ces trois routes de Narbonne
\H HISTOIRE Dl ROISSII.LON.
à Girone, telles qu'on les a tracées dans Vlliiuraire et
dans la Table de PctUingcr.
Puisque, de ces deux documents, le premier est un
relevé des routes de l'Empire, et le second une espèce
de carie routière, il est infiniment probable que la route
unique tracée dans la Table, est la même que l'une des
deux décrites dans Y Itinéraire. On se convaincra de cette
identité , si Ton compare avec attention les parties com-
prises entre Narbonne et Aquis Voconis, des deuxième et
troisième colonnes du tableau. En effet, outre Narboune,
Ruscione, Summo Pyrenœo et Juncaria^ se trouvant dans
les deux colonnes, il est évident que le Ad CeiUuriones
de la seconde est la même chose que le Ad Cenleiiarium
de la troisième. De plus, la ressemblance des noms et
l'égalité des distances entr'elles, et de chacune d'elles à
Juncaria, prouvent assez que Cemuana et Vocons de la
Table, sont les mêmes stations que Cinniana et Agtiis
Voconis de VIlinéraire. C'est par des fautes des copistes
que ces noms sont écrits un peu différemment dans les
deux documents ; fautes très communes lorsqu'il s'agit
de noms de lieux éloignés et peu connus. Nos meilleures
cartes modernes n'en sont point exemptes, (férunda ne
se trouve pas dans la deuxième colonne; mais comme,
dans la troisième, on la voit entre Cemuana et Vocoiis,
a 12 milles de chacune de ces deux stations, dont la
distance est aussi de 24 milles dans la deuxième colonne,
il ne peut y avoir le moindre inconvénient k lui donner la
même position dans cette colonne. Pour faire accorder
parfaitement ces deux routes dans la partie comprise
entre Ruscino et Gérunda, il suflit de corriger certaines
distances, manifestement fautives dans la Table de Peu-
linger. Par exemple, elle compte 7 railles de Rusdone à
lllibeie . tandis que les mesures prises enln» ces deux
CHAPITRE TROISIÈME. 49
points, assez bien connus, obligent d'en compter au
moins huit. Celle d'Illibéris ii Ad CerUenartum restera de
12 milles, comme dans la Table. Celle-ci ne compte éga- '
lement que 8 milles de Summo Pyrenœo k Juncaria; mais
la position du premier endroit dans le centre de la chaîne,
et celle du second, k proximité du champ Joncaire, dont il
tirait son nom, rendent bien plus vraisemblable la distance
de 16 milles, telle qu'elle est toujours marquée dans 17/i-
néraire. Nous l'adopterons ainsi dans la quatrième colonne
du tableau ci-joint, destiné a représenter la route résultant
de la combinaison des deuxième et troisième colonnes du
tableau. Pour simplifier le travail, nous ne nous occupe-
rons point de fixer la position intermédiaire de Deciana,
ce qui nous entraînerait dans une longue et difficile dis-
cussion, étrangère à notre sujet, puisque Deciana est hors
do Roussillon.
L'identité des deux routes, pour la partie comprise entre
Ruscino et Gérunda, me parait parfaitement établie. Si
elle n'est pas aussi frappante pour la portion comprise
entré Ruscino et Narbonne, c'est qu'il y a dans la Table
une lacune entre ces deux villes; mais le chiffre VI, qui y
marque la distance de Ruscino k la première station du
côté de Narbonne, indique assez que, dans ce document,
s'il n'était tronqué en ce point, la première station serait
Combusta, ainsi que dans V Itinéraire, et les deux routes
n'en feraient qu'une seule, telle que nous Savons donnée
dans la quatrième colonne du tableau. Si nous la faisons
passer par Salsulis, qu'on ne voit ni dans la deuxième ni
dans la troisième colonne, c'est que la route de Narbonne
à Ruscino ne doit pas dépasser 40 milles , et que , pour
satisfaire à cette condition, il faut qu'elle passe h Salsulis.
Tout écart, soit k l'ouest, k travers les montagnes, soit
k Test, entre la mer et l'étang, l'allongerait de trois a
L.
50 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
quatre milles. Outre que ni l'un ni l'autre de ces écarts
n'est présumable, il est certain que, dans des problèmes
de ce genre, les distances bien connues, sont les données
les plus précieuses, tout comme elles sont les. conditions
auxquelles la solution doit nécessairement satisfaire pour
être vraie.
Des stations situées dans le département, et inscrites à
la quatrième colonne de notre tableau , nous connaissons
les positions de Saisulis, de Ruscino, d'Illibéris. Si nous
pouvions déterminer celle du point important de Summo
PyretuBo, la direction de cette voie romaine à travers le
Roussillon nous serait parfaitement connue. Pour y par-
venir, observons que le Col de la Ma^sana, les environs
de Cerbère et ceux de Bellegardc, sont les seuls points
par lesquels on puisse, sans trop de difficultés, conduire
à travers les Pyrénées une route allant de Ruscino à Gé-
runda. Il suit de là que le Summo Pyrencro doit se trouver
sur l'un de ces passages. L'épithète summo indique assez
qu'il faut le chercher dans la partie la plus élevée de la
route, c'est-à-dire presque sur la limite actuelle des deux
royaumes, qui suit à peu près la crête même des monta-
gnes. Cela posé, remarquons que V Itinéraire compte 68
milles romains, à peu près 100 kilomètres 080 mètres
de Ruscino à Gérunda, dont la distance, en ligne droite,
n'étant que de 82 kilomètres 248 mètres, lui est infé-
rieure de 18 centièmes, à peu près un sixième.
Les petites inégalités d'un terrain, même assez uni,
occasionnent des montées, des descentes, des sinuosités,
qui rendent la route la plus directe entre deux points,
toujours plus longue que leur distance mesun*e en ligne
droite sur ce terrain , ou prise sur une carte à grande
échelle. Cet excès varie suivant la nature du pays. Plu-
sieurs comparaisons faites sur des routes anciennes ou
CHAPITRE TROISIÈME.
51
modernes , m'ont prouvé que s'il est rare de trouver
l'excédant inférieur au vingtième, il ne dépasse guère le
dixième, a moins que le chemin ne doive forcément
s'écarter de la ligne droite pour contourner un obstacle,
aboutir k une ville importante, aller chercher un passage
commode k travers une chaîne de montagnes, ou pour
franchir un fleuve considérable.
Nous prendrons pour exemple Tétat des grandes routes
du Roussillon, en 1787, dont rétablissement à dû être
influencé par la nature du pays :
LOSGUBUR EH TOISES
RAPPORT
EXCÈS
à la
ISDICATIOH DES ROUTES.
"~^"^ "^
.
EN LIGNE
p.7o
LIGNE
RÉELLE.
DROfTB.
DROITE.
T.
T.
Oe Perpignan à ViUefranche.
24.52^
22.800
6,6S
Vu
De Perpignan k Pori-Vendres.
f4.833
' 45.600
9,21
Vn
De la fronliëre du Languedoc
■
9 ceUe d'Espagne
26.492
24.420
8,48
i/n
Du Boulon à Arles
40.423
O.SOO
7, 10
V,5
La différence d'un sixième, que nous avons trouvée
ci-dessus entre les deux distances de Ruscino k Gérunda,
prises l'une en ligne droite et l'autre en suivant la route,
est beaucoup trop considérable pour pouvoir être uni-
quement attribuée aux sinuosités ordinaires des cbe-
mins. Elle doit provenir de ce que cette voie romaine
s'écartait fortement de la ligne droite. Un coup-d'œil
jeté sur la carte, nous convaincra aisément que la seule
cause admissible d'une aussi grande déviation, est le pas-
k.
b'2 IIISTOIAE DL' ROLSSILLOM.
sage des Pyrénées. Il faut donc que la voie romaine ail
traversé cette chaîne par un point fort éloigné de la ligne
droite tirée de Ruscino à Gérunda. Si sur la feuille de
VAUas National comprenant le département des Pyré-
nées-Orientales, on place la ville de Girone, autrefois
Gerunda, ce qui est très facile, puisque Ton connaît sa
latitude et sa longitude, et si Ton tire une ligne droite
de cette ville k CasleU-Rossello , autrefois Ruscino, elle
passera entre Bellegarde et le Col de la Massana ; mais
trop près de ces deux points pour que ce très faible écart
eût pu produire une différence aussi énorme entre la
longueur de la route et celle de la ligne droite. On ne
peut donc supposer que la station de Stnmno Pyrenœo
ait existé auprès de Bellegarde ou sur le Col de la Mas-
sana, et on ne saurait la lixer convenablement qu'aux
environs de Cerbère, avec d'autant plus de fondement
que tous les renseignements fournis par les historiens,
les géographes, les monuments, les inscriptions, nous
indiquent la direction d*une voie romaine vers ce point,
qui est le seul de nos Pyrénées pouvant satisfaire à la
condition imposée au Siimtno Pyrenœo par les itinéraires,
d'être, à la fois, à io milles de Gérunda et k S5 de
Ruscino.
Nous connaissons la position de quatre des six stations
qu'elle nous offre sur le territoire roussillonnais, ce sont :
Salsulis, Ruscino, llliberis, Summo Pyrenœo. Les trois
premières sont indiquées par leurs ruines, ou par des
lieux voisins qui ont pris k peu près leur place, (juant a
Summo Pyrenœo, établi probablement dans un édifice
isolé, on n*en trouve plus de traces» Quoique la situation
de ces quatrfe stations ne soit pas donnée avec une préci*
sion mathématique, elle est cependant assez exacte pour
nous faire cunnaitre la véritable direction de la route« et
CHAPITRE TROlSliUE. 53
c'est sur cette direction que nous placerons Ad Ceniu-
rùmes et Combusta, En ce qui concerne la première,
nous ferons observer qu'elle doit se trouver entre Elne et
Summo Pyrenœo, h environ 12 milles de l'un et 5 milles
de l'autre. Si, à peu près sur la ligne de réunion des
deux stations, on prend un point qui satisfasse a ces
deux conditions , il tombera vers le pied de cette mon-
tagne de Maddoth, où nous avons dit qu'on avait trouvé
une inscription attribuée au tombeau d'un officier romain ,
dont le grade aurait pu être l'origine du nom donné à
cette station. Celle de Combmta doit être à 4 milles
de Salsulis et à six de Ruscino, sur la voie qui allait
de Tune de ces villes à l'autre, c'est-à-dire très près du
village actuel de Sainl-Hippolyte. Nous savons que cette
route ne s'écartait guère de la ligne droite, dont la
longueur, mesurée sur la carte, est de 14.510 mètres,
tandis que la route est de 10 milles ou 14.500 mètres.
Au sortir de Ruscino, elle passait probablement entre
le village actuel de Ronpas et la métairie de la Grange ,
dont quelques propriétés sont dites, dans un acte de 1565,
confiner avec la Carrera de Carlos Magno. De là, elle
se dirigeait vers le Pont Traucat, épithète indice d'une
grande vétusté, qu'il portait déjà en 1569, époque où
le chemin qui venait y aboutir, en partant de Pia , était
appelé indifféremment Cami del Pont Traucat, ou de
la Caussade, en langue vulgaire, ou Calciata, en latin,
dont la signification prouve assez qu'une chaussée avait
passé sur ce pont. De là , cette chaussée pénétrait dans
le territoire de Pia, traversant un terrain boisé, appelé la
Femia marte, jusqu'aux ruines d'un pont dit de Pacals.
C'est du moins ce que parait prouver l'acte suivant :
Le 6 juin 1415, chez Jacques Nadal, notaire de Perpi-
gnan, le roi d'Aragon inféode, pour un denier de cens.
54 HISTOIRE DU R0U8SILL0N.
à un propriétaire de Pia, un lambeau d'une ancienne
route de Salses, abandonnée depuis fort long-temps.
Ce lambeau, situé dans une partie du territoire de Pia,
portant alors comme aujourd'hui le nom de la Fenmm
morte, et touchant aux ruines du pont de Pacals, M
pouvait appartenir au Roi, qui n'était pas le seigneur
particulier de Pia, que comme ayant fait partie d'oae
grande route abandonnée. On voyait encore en ce lieu, il
y a cinquante ans, une substniction en briques, qu'M
disait avoir servi de fondement à la culée méridionale
d'un pont construit autrefois sur la Gly. On disait aoasi
que la Carrera de Carlos Magno avait passé par là.
Après le passage de la rivière, la route se dirigeait sans
doute vers Salses, à travers une plaine caillouteuse.,
aujourd'hui plantée en vignes. C'est donc à peu près
sur cette direction , et à 4 milles romains avant Salses,
qu'on pourrait trouver les ruines de CombusUt. On cher-
cherait vainement dans ces parages quelques traces d'ha-
bitations romaines; mais, dans le mois d'octobre 1847,
on a découvert, enfoui dans l'église de Saint-Hippolyle ,
village très voisin de la direction que j'avais supposée à
la voie romaine, l'inscription dont nous avons parlé plus
haut, qui doit avoir appartenu à une colonne miliiaire,
objet qu'on ne trouve guère que dans le voisinage des
anciennes voies militaires.
Occupons-nous k présent de la première des deux voies
de Vltinéraire. La partie de cette route comprise entre
Saisulis el Juncaria parait différer entièrement de la par-
tie correspondante de la voie décrite dans la quatrième
colonne du tableau. Elle offre moins de stations inter-
médiaires, et sa longueur est presque double. Observons
que celle de la quatrième colonne, étant bien certainement
lu même dont parlent Polybc et Strabon, existait par consc-
CHAPITRE TROISIÈME. 55
quent avant l'autre. Est-il probable que les Romains, si
économes du terrain qu'ils consacraient à leurs voies
militaires, ayant déjà de Salsulis à Juncariâ une route
passant par Ruscino et lUibéris, les deux villes les plus
considérables du pays, en aient construit une autre peu
distante de l'ancienne^ beaucoup plus longue, et ne pas-
sant point par ces villes? Une seule communication dans
cette partie, entre les deux royaumes, a toujours paru
sofllsante dans les temps modernes, où le mouvement
commercial est certainement plus fort qu'il ne fut jamais
sous la domination romaine. Pourquoi, sur un simple
énoncé de Y Itinéraire, admettrions-nous une seconde
route , dont on ne trouve aucunes traces sur le terrain ,
aucuns indices dans les chartes du moyen-âge, ni dans
les traditions locales, et qui parait avoir été inconnue a
tous les auteurs antérieurs à la chute de l'Empire d'Oc-
cident? Tous les lieux mentionnés par ces écrivains se
trouvent en effet sur l'autre. Nous avons fait voir plus
haut que la route de la Table de PetUinger est la même
que la seconde de Vllimraire : leur différence apparent^
vient de ce qu'elles sont données par deux documents
dont l'objet n'est pas le même. Dans la Table, on voulait
fidre connaître les côtes, les montagnes, les rivières, les
routes, les provinces , les villes de l'Empire ; dans V Iti-
néraire, au contraire, on n'a cherché qu'à indiquer les
noms et les distances des stations situées sur les routes.
La diversité apparente des deux voies de V Itinéraire
pourrait provenir d'une cause bien simple : il suffit que
l'administration romaine ait cru, par un motif quelconque,
devoir changer la place de certaines stations , pour que
V Itinéraire, composé de tableaux de routes dressés en
divers temps, nous présente aujourd'hui deux descrip-
tions différentes d'une même voie.
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HISTOIRE DU KOLSSILLUN.
Déteriiuué par toutes ces considérations, nous adop-
tons sans hésiter le système d'une seule voie romaine à
travers le Roussillon.
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CHAPITRE TROISIÈME. 57
Uoe conjecture assez naturelle nous donnerait l'étymo-
logie du nom de Slabulum, que porte la cinquième station.
Lors de la construction du Castrum Hdenœ, la popu-
lation d'Illibéris dut s'y porter. L'ancien bourg, réduit a
quelques hôtelleries, conserva la station, qu'on ne plaçait
jamais dans un lieu fermé, et elle aura pris avec le temps
le nom de StabtUum, des édifices où elle était établie.
Cette hjpothèse d'une seule voie romaine traversant
le Roussillon sans s'éloigner de la mer, je ne l'ai adoptée
qu'après avoir fait de vains efforts pour placer les trois
routes décrites dans ïlitinéraire ou la Table de Peutin-
ger, ou simplement deux de ces voies. Elle s'accorde
mieux avec le système voyer des Romains. La direction
que j'ai donnée à cette route, est la seule qui soit indi-
quée par les auteurs, par les faits historiques, par les
U^ditions locales, par les actes anciens, par une suite
d'inscriptions. Enfin, c'est sur cette route, ou dans son
voisinage, que l'on trouve tous les lieux, tels que Sol-
mUs, Ruscino, lUiberis, Helena, Caucolibe^is , Templum
Veneris, Cervaria, les Iropliées de Pompée, mentionnés
dans les historiens ou les géographes de l'antiquité.
Noiis sommes loin de prétendre qu'il n'y eut pas dans
DOS montagnes d'autres passages praticables, même pour
les charrettes romaines : leurs voies ne dépassant guère
trois pieds, elles pouvaient suivre des chemins qui n'a-
vaient que huit pieds de largeur; mais sur ces routes
de traverse on n'établissait ni mutationes ni mansiones,
et les itinéraires n'en ont jamais fait mention. On les
appelait simplement t;ecB, sans joindre à ce nom, comme
à celui des grandes routes, l'épithète de mililares, ou
toute autre dérivée du nom propre ou de la dignité du
personnage qui les avait fait construire.
Nous avons négligé deux sites, dont le nom mtitaliones
58 HISTOIRB DU ROUSSILLON.
parait avoir le plus grand rapport avec une voie romaine.
Notre motif a été, qu'éloignés de la direction de la route ;
n'étant mentionnés ni par les itinéraires ni par aucun
auteur ancien , le nom latin sous lequel on les désigne
pour la première fois dans des chartes écrites cinq ou
six siècles après la chute de l'Empire d'Occident, pour-
rait bien être une transformation bizarre de celui qu'ils
portaient dans la langue vulgaire de ce temps. Nous en
donnerons un exemple en citant le nom de Canamals,
qu'on a rendu en latin par Canibiis maUs, et celui de
Custodia, par lequel, dans les chartes du onzième siède,
on a désigné un village du second arrondissement, connu
auparavant, comme il l'est encore aujourd'hui, sous le
nom de Costuja * .
On s'étonnera peut-être de ne trouver aucune trace
de pont sur les points où notre voie traversait la Tel et
le Tech. Ces ponts peuvent avoir été faits en bois, genre
de construction usité chez les Romains, et, de nos jours
encore, dans les pays couverts de forêts, comme l'était
alors le nôtre. D'ailleurs, auraient-ils été construits en
maçonnerie, soumis, comme les autres édifices, à toutes
les causes de destruction qui ont fait disparaître dans ces
mêmes lieux des villes entières; exposés de plus anx
dégradations occasionnées par les torrents impétueux sur
lesquels ils étaient établis, ces ponts n'ont pu se sous-
traire à la ruine générale du pays, et leurs débris sont
probablement cachés sous les sables et les terres qui ont
si fort exhaussé le lit de nos rivières et les plaines envi-
ronnantes. On demandera sans doute quand et pourquoi
1 Cf nom irait fait foup^iitiner aver raiioa à on u%ant m^vl^rer, qu'il poavait y avoir en
dant cfi lira un pottf miliUire ronuia. d'oèi loi lirait vfoa W> non d« Custoéia. Ibb il r<Mi^
maffre ^iitr'rux \rs arlu ici LtH, 131). Ili rt ¥H du lf«rr« Hupamtea , on te romafam
himtôl t\nc If n<tm primilif Hati (Untujn, tran<k(orm«* pour la prfmifrr foi» en crinj 4e
t'.ustodia jMr I*' |«jpr ^«•fK*' IV . 'lio» une Imllo <\r 1011
CHAPITRE TROISIÈME. 59
cette ancienne route fiit abandonnée et remplacée par
celle qu'on suit aujourd'hui. Il est plus aisé de soup-
çonner les motifs de ce changement que d'en préciser
l'époque. Le Roussillon , envahi à plusieurs reprises par
les Sarrasins et les hordes africaines, leurs auxiliaires,
vit, dans le huitième siècle , détruire ses villes, brûler ses
TÎllages, massacrer ses habitants, si on ne les amenait
captifs au fond de l'Espagne. Probablement mal entre-
tenue depuis la décadence de la puissance romaine, l'an-
cienne voie militaire, ne traversant plus en quelque sorte
qu'on désert, fut abandonnée pendant plus de soixante
ans k l'action lente mais continue des éléments, et aux
ravages des nombreux torrents qui la traversaient. Charle-
magne vint enfin, et fit, sans doute, réparer ce chemin,
indispensable pour communiquer avec ses conquêtes au-
delà des Pyrénées. A la mort de ce grand homme, la
Marche d'Espagne étant mal défendue par ses faibles
successeurs , le Roussillon fut exposé à de nouvelles
dévastations de la part des Infidèles. Les Normands
ravagèrent à leur tour ce malheureux pays. A ces bri-
gands succédèrent les Maures , qui , établis aux iles
Baléares, ne cessèrent d'infester nos côtes pendant
les X®, XI® et xii® siècles. Peu éloignée de la mer,
la route d'Espagne était fort exposée aux incursions
subites de ces pirates, singulièrement favorisés par les
eriques nombreuses que l'on trouve de Collioure à la
frontière. On se dégoûta sans doute d'un chemin peu sûr.
Cependant Ruscino avait disparu; Elne avait été pillée
plusieurs fois; Perpignan, au contraire, plus éloigné de
la mer, s'agrandissait tous les jours par la protection
spéciale des Comtes. Ces motifs réunis engagèrent a
abandonner l'ancienne voie, pour suivre une autre route
allant de Salses au Perthus, et passant par la nouvelle
BO niSTOIRB DU ROUSSILLON.
ville. Aussi, dès Tan 1196 il est parlé du pont de Perpi-
gnan sur la Tet, soit qu'on Tait construit pour répondre
à la nouvelle direction de la route, soit que sa construc-
tion antérieure ait contribué il provoquer cette nouvelle
direction *. Une charte de 966 indique, qu'à cette épo-
que, on suivait encore l'ancienne route, qu'on pratiquait
aussi en 1S07; car le 9 des calendes de décembre de
cette année, Pierre II ordonne aux marchands et autres
voyageurs qui suivaient le chemin de l'Écluse pour entrer
en Catalogne, de passer désormais avec leurs marchan-
dises par Collioure et Banyuls. Ce fut encore par ce
même chemin, qu'après leur capitulation, en 1642, les
garnisons espagnoles de Perpignan et de Salses furent
renvoyées a Roses, avec armes et bagages.
1 Eu 1196. le roi d*Aragon . Alpboose II . en fit doo . »iasi que de< tcrraiof voiiiaf ,
MI Hospitalier, à charge d'entretien.
CHAPITRE QUATRIÈME. <!<
CHAPITRE IV.
TROISIÈME ÉPOQUE.
Peu de temps après la conquête de Narbonne , la mo-
narchie des Gotbs s'étendit des deux côtés des Pyrénées.
Le Roussillon se trouva presque au centre, et non loin de
Toulouse, sa capitale. On sait que dans les premières pro-
vinces qui leur furent cédées par les Empereurs, les Yisi-
goths, plus exigeants que les autres Barbares, enlevèrent
les deux tiers de leurs terres aux anciens habitants : ils
n'étaient,' à cette époque, qu'une horde de pâtres guerriers
voulant occuper un vaste terrain pour y vivre a l'aise avec
leurs nombreux troupeaux. Mais établis depuis quarante-
trois ans dans l'Aquitaine, et gouvernés par deé princes
habiles, ils y avaient formé un État puissant. Peut-être
le changement effectué dans leur oi^anisation politique,
leur avait inspiré d'autres maximes de conduite à l'égard
des peuples de la Narbonnaise, qu'ils ne possédèrent défi-
nitivement qu'en 462. On serait tenté de le croire, en 4C2.
voyant les habitants de cette province élevés aux premiers
emplois, même au ministère, sous le règne d'Euric. Les
détails donnés par Sidoine Apollinaire sur la visite qu'il
fit en 163 à Cosence, l'un des principaux citoyens de
02 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
Narbonne^ semblent prouver que cette ville n'avait pas
beaucoup perdu au changement de domination. Quoi qu'il
en soit de cette conjecture, quelques sacrifices qu'aient dû
faire les habitants de cette contrée, leur position fut plus
supportable que dans les derniers temps de la domina-
tion romaine. Us se trouvèrent délivrés pour toujours des
exactions des officiers impériaux, et à l'abri des ravages
exercés par les Barbares. On peut voir dans Salvien com-
bien était affreuse la condition des sujets de l'Empire dans
les Gaules. Un gouvernement tyrannique sous des formes
libérales, était sans force pour protéger un peuple, dont
il exigeait avec la dernière rigueur des impôts accablants
et inégalement répartis. Ces impôts étaient consentis par
une assemblée composée de fonctionnaires et de notables,
ayant la honteuse adresse de ne rien payer et de receler
toute la charge sur leurs malheureux concitoyens. H n'était
pas rare de voir des habitants, poursuivis par les agrats
du fisc, abandonner leurs biens et se réfugier chez les
Barbares, où les attendait un esclavage plus supportable
que la liberté dont ils pouvaient jouir parmi leurs compa-
triotes, sous la domination romaine.
Les rois Tbéodoric et Euric profitèrent des circonstances
malheureuses où se trouvait l'Empire, pour agrandir leurs
États, tant du côté des Gaules que du côté de l'Espagne.
Ils s'étendirent, dans le premier de ces pays, jusqu'à la
Loire et au Rhône. Euric passa même ce fleuve, et s'em-
para de la Provence. Les persécutions de ce prince arira
contre la religion catholique, professée par les Gaulois.,
les aliéna entièrement, et leur inspira contre le gouvefw
nement des Visigoths une répugnance, qui contribua
beaucoup k lui faire perdre la plupart des provinces des
.*so7. Gaules, lorsqu'Alaric , fils et successeur d'Euric, eut ëlé
vaincu et tué par Clovis, à la fameuse bataille de Vouillé.
CHAPITRE QUATRIÈME. G3
Tandis que le Roi franc , poursuivant avec chaleur les
débris de l'armée défaite, est arrêté par la forte place de
Carcassonne, où les Goths avaienti^nfermé tous les tré-
sors de la Couronne, la division se met parmi les vaincus :
les uns se déclarent pour Amalaric , fils légitime du der-
nier Roi, et emmènent cet enfant en Espagne; les autres,
proclament Gesalic, fils naturel d'Alaric. Ce nouveau Roi
cherche à justifier le choix de ses partisans, en opposant
quelque résistance aux ennemis de sa nation ; mais vaincu
par Gondebaud, roi des Bourguignons, alliés de.Clovis,
il est obligé de fuir au-delà des Pyrénées, abandonnant
au vainqueur Narbonne , qu'il livre au pillage. C'en était
fait de la monarchie des Visigoths, ou du moins elle eût
perdu pour toujours les provinces gauloises, si le grand
Thëodoric n'eût fait marcher à soq secours une armée
d'Ostrogoths. Ibas, son général, arrache aux Francs et
aux Bourguignons la Provence , qui fut annexée au royau-
me d'Italie, et les pays entre le Rhône et les Pyrénées,
qui, avec l'Espagne, lorsque Gesalic en eût été chassé,
forent gouvernés par Théodoric, aïeul maternel du jeune
Amalaric. Obligé de fuir de l'Espagne, Gesalic se réfugia
en Afrique, chez les Vandales. Ayant reçu quelque argent
de leur Roi, il rentre dans les Gaules, Parvenu à y lever
une armée , il traverse le Roussillon et pénètre jusqu'à
quatre lieues de Barcelone , où il est défait par les gé-
néraux de Théodoric. Échappé de ce combat, il repasse
les Pyrénées ; mais poursuivi chaudement par un gros de
cavalerie, il est atteint et tué au-delà de la Durance.
Délivré de ce rival, le petit-fils de Théodoric régna sur
les Visigoths. Après la mort de son grand-père, arrivée
en 526, il resta maître, par le traité qu'il fit avec son 52c.
cousin Athalaric, de la partie de la Narbonnaise soumise
aux Goths sur la rive droite du Rhône. Le nom de Sep-
r»i HI.^TOIRE DU ROUSSILLON.
timanie, qui parait avoir été donné primilrvenient a un
pays plus étendu , fut alors exclusivement affecté à cette
contrée, que l'on noAma aussi Gaule-Gothique. Amalaric
fixa sa résidence à Narbonne. Les mauvais traitements
qu'il faisait éprouver à Clotilde, sa femme, fille de Clovis,
irritèrent Childebert, frère de cette princesse. Le Roi franc
531 • pénètre dans la Septimanie, en 551 , bat Amalaric, prend et
pille Narbonne, avec plusieurs autres places, emmène sa
sœur, et fmit par abandonner un pays qu'il avait dévasté.
Ces désastres engagèrent Theudis, successeur d'Amalaric,
à transporter au-delà des Pyrénées le siège de la monarchie,
en laissant dans la Septimanie un Gouverneur, chargé de
la défendre contre les entreprises des princes français.
Théodcbert, l'un d'eux, réussit, en 335, k enlever quel-
ques places aux Goths. L'an «%7, Liuva, gouverneur
de la Septimanie, fut proclamé Roi, a Narbonne, et y fixa
son séjour. Un ou deux ans après, s'étant associé son
frère I^ovigilde, il lui abandonna l'Espagne, ne se réser-
vant que la (laule-Gothique, qui fut de nouveau réunie a
la monarchie par sa mort , arrivée en o7â. (^est sous le ^
règne de Liuva qu'on trouve le premier Êvéque d'Elne,
dont l'existence soit bien prouvée. Il s'appelait DonnM,
et jouissait d'une grande réputation de science sacrée et
56S. de sainteté : il occupa ce siège de l'an o(>8 h l'an 580.
On ignore l'époque de l'érection de cet évéché; mais on
est certain qu'il n'existait pas en 506, puisque le nom de
l'Évéque d'Elne ne se trouve pas sur l'état des Pères du
Concile, tenu à Agde cette année. Concile où tous les
Évéques des provinces gothiques en-de^*a des Pyrénées
assistèrent en personne ou par députés.
Les Rois francs convoitaient toujours la Septimanie.
En 5S8, Contran lit un armement considérable pour 8*en
emparer; mais le duc Claude, général de Rerarède, aj*ant
CHAPITRE QUATRIÈME. 65
marché contre l'armée française qui venait de prendre
Carcassonne, la défit et reprit la ville, qui n'était pas
éloignée du champ de bataille : les Visigoths restèrent
maîtres de la province, contre laquelle les Français ne
firent plus que des tentatives insignifiantes. Peu après cette
victoire, Recarède, renonçant à l'arianisme, entraîna dans
sa conversion la grande majorité de ses compatriotes : il
déclara son changement le 8 mars 589 , dans le troisième 5^^*
Concile de Tolède, où soixante-quatre évéques assistèrent en
personne et huit par députés. Cette révolution religieuse ne
s'opéra pas, cependant, sans éprouver quelque résistance :
l'Évéque arien Âutalacus, qui résidait à Narbonne, secondé
par deux Comtes de la même secte, y excita une sédition,
dans laquelle un grand nombre d'ecclésiastiques et de
moines catholiques furent massacrés. On y envoya des
troupes qui la comprimèrent : les deux Comtes et leurs
principaux partisans furent condamnés k mort; l'Évéque
arien , épargné à raison de son caractère , mourut de cha-*
grin. Le 1^^ novembre de la même année, les Évéques de
la Gaule-Gothique s'assemblèrent à Narbonne ; Bénénatus
d'Elue assista à ce Concile. Quelques-uns des quinze ca-
nons qu'on y arrêta n'étaient que la répétition de ceux faits
précédemment à Tolède. Nous citerons les quatre suivants,
parce qu'ils font connaître les mœurs et l'état du pays :
« Tout individu , dit l'un de ces canons, qu'il soit Goth,
Romain, Syrien, Grec ou Juif, s'abstiendra de tout travail le
dimanche, sous peine de six deniers d'or d'amende s'il est
Ubre, de cent coups de fouet s'il est esclave ; il est défendu,
par un autre canon, d'ordonner prêtre ou diacre un homme
qui ne sait pas lire : un troisième défend de consulter les
devins; ceux qui se disent tels seront fustigés et vendus; le
prix sera distribué aux pauvres : il est défendu par un qua-
trième canon de fêter le jeudi comme consacré à Jupiter. »
5
(>Vi HISTOIRE Dr ROUSSILLON.
Sisenand , gouverneur de la Gaule-Gothique, traversa le
csi Roussillon, en 651 , pour aller en Espagne, où rappelait on
parti nombreux; un gros corps de Français renforçait son
armée; et, avec l'aide de ces auxiliaires, il réussit à détrôner
Suintila, et à se mettre à sa place. Depuis cet événement
jusqu'à l'élection de Vamba, en 672, la Narbonnaise fut
assez tranquille. Ce bon prince avait accepté avec la plus
grande répugnance une couronne qu'il considérait en sage,
plutôt qu'en ambitieux. Â peine vient-il d'être élu, que les
Navarrais et les Âsturiens se soulèvent; il marche contre
eux. Hilderic, comte de Nîmes, profite de cette occasion
()Our chercher à se rendre indépendant. Varoba détache,
pour le mettre à la raison , une partie de son armée, sous
les ordres du duc Paul. Celui-ci séduit les troupes qui lui
sont confiées; attire à son parti Hilderic, qu'il devait com-
battre, et se fait proclamer Roi à Narbonne. Une partie de
la Tarraconaise et toute la Septimanie se rangent sous ses
lois; un corps nombreux de Francs et d'Allemands mardbe
•
sous ses drapeaux. Ces défections ne découragent pas le Ro*
légitime : il soumet les Navarrais en sept jours ; publie le
ban qui obligeait tous les Goths, sans exception, à joindre
l'armée royale; embarque une partie de ses troupes, les
envoie sur les côtes de la Tarraconaise, et attaque en même
temps ce pays par terre. Barcelone et Girone lui ouvrent
leurs portes. A cette nouvelle, Paul qui avait poussé l'in-
solence jusqu'à défier son Roi par une lettre injurieuse,
s'enfuit à Narbonne, après avoir confié la défense des Py-
rénées à ses plus dévoués partisans. Léofred et Guideigilde
devaient garder Collioure ; le duc Ranoscinde et le gir-
dingue Hildigisus défendaient l'Écluse ( Clausuras ) ; un
autre capitaine était placé au chiteau d'Oltréra ^ruttmti-
ria) ; l'Évêque Hyacinthus et Arangiscle gardaient Livia;
le duc Vittimir s'était jeté dans Sardonia. Vamba, arrive
CHAPITRE QUATRIÈME. 67
aux Pyrénées, donne deux jours de repos à ses troupes;
attaque et prend toutes ces places avant qu'elles aient pu
recevoir les secours envoyés par le duc Paul. De tous les
gouverneurs établis par celui-ci, Vittimir seul réussit à
s'échapper et a le rejoindre à Narbonne, qu'il fut chargé
de défendre. Paul etHilderic s'enferment dans Nîmes avec
les troupes étrangères. Les forces de Vamba se réunissent
autour de Narbonne ; il attaque et emporte d'assaut cette
\ille, après un combat de trois heures. Vittimir se réfugie
dans une église, où il cherche à résister ; mais étant blessé
et pris, il est sur le champ battu de verges, ainsi que ses
principaux officiers. Les Goths marchent sur Nimes, et sont
repoussés avec une perte considérable dans un premier
assaut; mais ayant reçu un renfort, ils attaquent de nou-
veau, et un combat sanglant les rend maîtres de la place.
Paul , Hilderic , les Français, les Allemands, tout tombe
au pouvoir de Vamba, qui, k la prière de l'Archevêque
de Narbonne, fait grâce de la vie aux deux rebelles. Il
congédie honorablement les troupes étrangères, et défait,
en se retirant, un Duc français , nommé Loup, qui était
venu ravager les environs de Béziers. Après cette expédi-
tion, il s'arrête deux jours a Elne, et divise son armée en
trois colonnes pour lui faire repasser les Pyrénées, par
les vallées de la Tet, du Tech et l'antique voie romaine,
comme nous l'avons dit dans le chapitre précédent. Le récit
de cette expédition, écrit par un témoin oculaire, Julien,
Archevêque de Tolède, fait mention de plusieurs villes ou
châteaux qui existent encore ou dont on voit les ruines : il
ne parle point de Ruscinp qui, sans doute, ne s'était pas re-
levé des malheurs éprouvés lors du passage des Vandales.
Trois ans après la défaite du comte Paul , Vamba s'oc-
cupa de fixer les limites incertaines des divers Diocèses
de son royaume. Cette incertitude occasionnait entre les
r>8 HISTOIRE Dt ROUSSILLON.
Kvéqucs des discussions interminables, et d'autant plus
fâcheuses, que ces Prélats, choisis souvent parmi les
nobles Visigoths, n'avaient point dépouillé toute la ru-
desse originaire de ce peuple. Je ne sais si cette délimi-
tation produisit alors tous les eiïets qu'en attendait ce. bon
Roi ; mais telle que nous la connaissons, et que je vais la
rapporter pour la Septimanie , d'après Duchesne , elle ne
parait guère avoir pu mettre un terme aux contestations.
Il était naturel de donner ici la composition des Evéebés
suflragants de l'Archevêché de Narbonne; mais le plus grand
nombre des lieux indiqués ci-dessous en latin est tout-à-fait
inconnu, etil parait même que la réalité de la délinaitation est
contestée * . D'après cette délimitation, les Diocèses d'Enc et
de Carcassonne étaient limitrophes ; dans la suite, ils ont
été séparés par celui de Narbonne. Nous observerons aussi
en passant que le nom de Rocinola, l'une des limites du
Diocèse d'Elne, a quelques rapports avec ceux de Ruscino
et de liosciliona, que portent les chartes du i\<^ siècle. Dans
687. l'intenalie écoulé entre les années 687 et 694, la Septi-
manie fut désolée par les incursions des Français et par la
peste, qui y exerça de si grands ravages, que le roi Egitza,
proposant au septième Concile de Tolède un règlement très
sévère contre les Juifs, pria l'assemblée d'en excepter ceux
de la Septimanie, alin que, par les tributs qu^ils payaient»
ils aidassent le Gouvernement, et contribuassent par leur
industrie à rétablir la province des malheurs que venaient de
lui faire éprouver les deux fléaux de la guerre et de la peste.
1 Narbcnm Metropoli tukjaeennt hâr Stdti
BUteris JUrc ttntût de Slaleth uêpu Barctmatui. ie Mûcût usqut lUUfêem
Agathû hac lenett ie N%ua uêqiui Bibtram, et dAllaê usquf Mirlam
Magûlùna hœe tentât et Susa utqut Ribo§tu. et CûsttU0 Millia uê^ut Anforûm
NtmauMO hitc tentât dt Butm utqnt An§0ram. de CéêttUo u$qut SëwMsm
Lutebé httc tentât dt Sûmk\a mçu^ Htbatal, de An^er usqut ad ntontem lhi|W«
fjirrationn h(gc ttntat dt monte /hi#o ui^fve Anferûm, de Angorm utfue MmMim
HlntL herc tenesi de An§era %»que RociDolan. de Uiteroea nêfue Utwuuam.
CHAPITRE QUATRIÈME. 6î>
La monarchie des Goths s'affaiblissait tous les jours^
malgré les talents et les vertus.de quelques-uns de ses
Rois. On doit attribuer cette décadence aux empiétements
successifs des Grands et des Évêques sur Tautorîté royale,
et surtout aux catastrophes fréquentes, qui, faisant passer
le sceptre d'un prince à un autre, entretenaient toujours
deux partis dans l'État, celui du nouveau Roi et celui du
Souverain détrôné. Les Goths, pleins de mépris pour les
Romains , dont ils différaient par la religion , la langue
et les mœurs, restèrent pendant deux siècles entièrement
isolés des habitants Gaulois ou Espagnols des pays qu'ils
avaient arrachés à l'Empire. Ils les laissèrent vivre suivant
les lois romaines, gardant pour eux-mêmes celles qui les
avaient régis de tout temps. Pasteurs et guerriers, ils se
réservèrent exclusivement le métier des armes, aban-
donnant les arts et l'agriculture aux peuples conquis.
Ariens fanatiques, ils persécutèrent quelquefois les ca-
tholiques, mais sans un projet suivi de détruire leur
religion. La couronne, d'abord héréditaire dans la mai-
son d'Alaric, devint élective lors de la mort d'Amalaric,
le dernier prince de cette race. Les premiers Rois élus
périrent misérablement. Recarède I^^ rendit héréditaires,
mais en réduisant faiblement leur pouvoir, les premières
charges de l'État. La puissance des Grands n'avait point
empêché le despotisme des Rois; mais devenus catho-
liques et réunis aux Evêques , pris souvent parmi eux ,
les seigneurs formèrent au moyen des Conciles, où l'on
traitait des affaires de l'État après avoir réglé celles de
l'Église, un pouvoir bien supérieur h celui des Souve-
rains, qu'ils élisaient ou déposaient à leur gré. Les vertus
et le génie des meilleurs Monarques ne purent remédier à
des maux qu'aggravaient toujours les vices et les défauts
des mauvais princes. Enfin, Vitiza, U) plus méchanl d(>
70 HISTOIRE DU ROLSSILLOX.
tous, porta, durant un règne de dix ans, les derniers
eoups à sa patrie par sa cruauté, son extravagance et ses
crimes. Favorisant les dérèglements du clergé, la mollesse
des gens de guerre, pour n'avoir rien à craindre ni des uns
ni des autres; détruisant les places fortes et les magasins
d'armes, pour qu'on ne pût s'en senir contre lui ; ennemi
des gens de bien, s'entourant des plus mauvais citoyens,
il corrompit les mœurs de la nation et détruisit tout esprit
public. On ne doit pas s'étonner qu'après un tel r^e,
quelques milliers de Sarrasins, débarqués à l'extrémité de
la Péninsule, aient suffi pour renverser en moins de deux
ans un État sapé depuis long-temps, et qui venait de re-
cevoir de si rudes atteintes.
LorsquQ les Goths se (ixèrent en Espagne et dans la
Narbonnaise, ces provinces étaient toutes romaines sous
le rapport de la langue, des lois, des institutions et des
mœurs. Les nouveaux venus, bien moins civilisés que les
anciens habitants, adoptèrent les poids, les mesures, les
monnaies qu'ils trouvèrent établis. On n'en doit pas élre
surpris: toutes ces institutions tiennent beaucoup à la
pratique des arts et du commerce , qu'ils avaient aban-
donnée aux Espagnols et aux Gaulois. Le sol d'or et les
diverses parties de cette monnaie, déjà usitée sous Cons-
tantin, et valant environ 1 4 francs 22 centimes, continua
à avoir cours. I/adoption par les vainqueurs de la religion
des vaincus contribua iniiuiment k ne former des uns ci
des autres qu'un seul et même peuple. Dans cet amal-
game, la langue latine, plus parfaite que celle des Gotlis,
et par constH]uent plus propre à exprimer toutes les idées,
obtint la pn^férence , mais en empruntant à sa rivale des
mots et des constructions qui ne st^r\irent qu*à la cor-
rompre. Il parait, au contraire, que la loi gothique fut
préférée îi la loi roniaini*. Vers Tan 170, Kurie, Hoi des
CUAPITUE QUATRIËUE. 71
Goths, avait fait recueillir les anciennes lois de ce peuple,
ainsi que celles qui avaient été promulguées par lui ou par
ses prédécesseurs (Voyez Sidoine, Isidore, Ferreras).
Son fils Alaric fit composer un abrégé (BreviariumJ du
Code Théodosien par le jurisconsulte Anien. C'est d'après
ce Breviarium, rédigé en S06, que devaient être jugés ^^6.
ceux de ses sujets qui suivaient la loi romaine. Vers le
milieu du vu^ siècle, ces deux recueils, fondus en un seul
par Tordre de Cbindasuinthe, formèrent la loi visigothique,
qu'il imposa k tous ses sujets, Romains ou Barbares.
Noos ne croyons pas hors de propos, en terminant ce
chapitre, d'examiner si les Goths, qui ont été maîtres du
Roussiilon pendant près de trois siècles, y ont laissé
quelques traces de leur existence. Nous ne pouvons en
douter en ce qui concerne les lois, les usages et les
mœurs. La suite de cette histoire en fournira la preuve.
Occupons -nous seulement ici des constructions encore
existantes ou ruinées qui peuvent avoir été leur ouvrage.
Nous avons dit, dans le chapitre précédent, que le pont
de Céret doit leur être attribué, s'il n'a pas été construit
peu de temps avant leur établissement dans ce pays.
Nous n'en dirons pas autant de la Villa Gothoinim des
chartes du moyen-àge, connue aussi sous le nom de
Malleolus ou Mailloles, parce qu'il est fort incertain qu'elle
ait jamais été une maison de campagne des rois Goths.
Il est bien plus vraisemblable qu'elle dut son nom à ce
qu'elle fut habitée par quelques-uns de ces Goths, qui,
fuyant la tyrannie des Infidèles, vinrent, sous les règnes
de Charlemagne et de son fils, se réfugier dans la Septi-
manie. Les misérables restes que nous avons été à même
d'y observer, il y a cinquante ans, n'indiquent aucune
construction importante. Il n'en est pas de même des
châteaux de ViUluraria el Clausuras, aujourd'hui OItréra
72 niSTOlRB DU ROUSSILLO?(.
et l'Écluse, dont parle Julien. Leurs ruines ne peuvent
nous faire distinguer s'ils furent l'ouvrage des Romains
ou celui des Goths ; car ceux-ci, dans les premiers temps
de leur établissement, employant toujours des architectes
et des ouvriers formés k l'école des Romains, leur ma-
nière de construire ne peut essentiellement différer de
celle usitée lors de la décadence de l'Empire. Pour dé-
cider la question de l'origine romaine ou gothique de ces
forts, nous devons avoir recours aux conjectures tirées
des faits historiques venus a notre connaissance. Nous
savons que durant les cinq siècles écoulés entre l'irrup-
tion des Cimbres en Espagne, et la première tentative
faite par les Alains, Suèves et Vandales pour y pénétrer,
les passages de nos Pyrénées, où l'on voit les ruines de
ces châteaux, ont été sept fois franchis, forcés ou dé-
fendus avec succès par des armées. Dans aucune relation
des historiens grecs ou latins on ne parle de ces forts,
ce qui serait extraordinaire s'ils eussent déjk existé. Ils
nous représentent seulement les passages comme des
positions importantes. César les désigne sous le nom de
Salins Pyrenams, en racontant leur occupation par les
troupes d^Affranius, qu'il en fit chasser par Fabius it la
tète de trois légions. Orose , en parlant de la défense de
ces passages par Didyme et Vérinien , les appelle daustra.
Or, ces mots de saltm et de claustra signiflent des défilés
dans les montagnes. Au contraire, k la première occasion
où il est question dans l'histoire des Goths, d'une opé-
ration militaire tendant k forcer les passages des Pyré-
nées, on fait mention de VuUuraria, de Claustiras et de
plusieurs autres forts. Cette considération me porte à
croire qu'ils ont été b&tis par les Goths pour la défense
des Pyrénées contre les Francs, que les conquêtes de
Clovis avaient extrêmement rapprochés de ces montagnes.
CHAPITRE CINQDIÈME. 73
CHAPITRE V.
QDATRIÈIIE ÉPOQUE.
\l^\Xa\ONS DE.S S\KK\S\NS.
A peine solidement établis en Afrique, les Arabes con-
voitaient l'Espagne. Mousa, lieutenant du Calife, avait déjà
reconnu la faiblesse réelle de la monarchie des Goths : il
comptait sur les Juifs, toujours ennemis des Chrétiens;
sur les partisans de Yitiza , détrdné depuis peu par Ro-
drigue. En 711, Tarik, envoyé par Mousa, descend aux 744.
environs d'Algéziras à la tête de 12.000 hommes. Les
Arabes n'éprouvent qu'une faible résistance; poussent
jusqu'à la Guadiana, et s'emparent de Séville. Ils durent
la rapidité de leurs conquêtes aux factions qui divisaient
les Chrétiens, aux trahisons qui en furent la suite, et
peut-être aussi à la conduite qu'ils tinrent envers les
habitants. La mort ou la servitude étaient le partage des
vaincus pris les armes à la main. Ceux qui se soumet-
taient sans combattre conservaient leur religion, leurs
lois, leurs biens, moyennant le tribut du dixième de
leurs revenus, tel qu'ils le payaient autrefois k leurs
Rois ; mais ce tribut fut doublé dans la suite et porté au
cinquième. On accordait même quelquefois des condi-
tions plus avanlageuses à ceux qui traitaient après s'être
/
74 HISTOIRK DU R0USS1U.0?(.
vaillaïuDient défendus. Les Goths qui, n'ayant pas voulu
courber la tête sous le joug des Infldèles, furent assez
heureux pour échapper à la mort ou à Tesclavage, se
réfugièrent dans les montagnes des Asturies ou derrière
les Pyrénées. Les premiers, se réunissant bientôt sous
les drapeaux de Pelage, opposent une noble résistance
aux efforts des Sarrasins, qui, Urompés peut-être par
leur faiblesse apparente, les négligèrent d'abord pour
tourner leurs armes contre les seconds, que le voisinage
de la France, dont ils pouvaient recevoir des secours,
leur faisait paraître plus dangereux. Si Ton en croit les
auteurs arabes, avant même 714, Mousa fit une incursion
718. jusqu'à Narbonne. L'expédition des Musulmans, en 718,
est plus certaine. Al-Haour, leur général, franchit les Py-
rénées ; et , traversant le Roussillon , il s'étendit jusqu'à
Nimes. Rappelé en Espagne par les mouvements qui
eurent lieu dans les Asturies, il n'est pas probable qu'il ait
consené des pays conquis où il n'avait pas eu le temps
de s'affermir ; mais, en se retirant, il emmena captifs une
multitude de femmes et d'enfants. En 721, Al-Samab (le
Zama de nos chroniques) entre dans la Gaule-Gothique
par le Roussillon, prend et fortifie Narbonne, et met le
siège devant Toulouse. Battu sous les murs de cette ville
par Eudes, duc d'Aquitaine, il perd la vie et la plus grande
partie de son armée. Son lieutenant, Abdel-Rhamau en
ramena les triâtes débris à Narbonne. Celui-ci , nommé
Émir, était occupé à contenir les Chrétiens de la Nar-
bonnaise, a étouffer la révolte de ceux (|ui habitaient les
Pyrénées , lors<|u*au bout de ({uelques mois il fut rem-
placé. Taudis qu'Ambiza, son successeur, ne songe qu'à
régler les affaires intérieures de TEspague, toute la Gaule-
Gotliique, à l'exception de la capitale, se soulève; le
nouvel Emir y cnvoir, on Ttii, une armée qui met tout
CHAPITRE CINQUIÈME. 75
a feu e( k saog, massacre les hommes, réduit eu captivité
les femmes et les enfants. Ambiza y passe lui-même Tan-
née suivante; prend d'assaut Carcassonne, qu'il livre à
la fureur du soldat. Intimidées par cet exemple, toutes
les villes, depuis Alby et Cahors, jusqu'au-delà du Rhône,
font leur soumission. Les Musulmans, ne pouvant laisser
partout des garnisons, se contentent de prendre des ota-
ges, qu'ils envoient k Barcelone. L'expédition d'Ambiza
ne finit pas aussi heureusement qu'elle avait commencé.
Battu par le duc Eudes, il périt au mois d'avril ou de
mai 725, des suites des blessures reçues dans le combat.
Hodeira, son lieutenant, ramena l'armée en Espagne. Il
est assez probable que les places où il ne laissa pas de
garnison secouèrent le joug. Aussi , dans les incursions
que les Sarrasins firent jusqu'en 729 pour les soumettre, '^^^*
ils commirent partout les plus affreux ravages.
Pendant les quatre dernières années, Othman-Abu-
Neza-al-Chemi, après avoir été Émir de toute l'Espagne,
n'était alors que le gouverneur des provinces situées en
deçà de l'Èbre. Le duc Eudes, qui avait souvent com-
battu contre ce vaillant capitaine, crut qu'en lui donnant
en mariage sa fille Lampagie, que ce Musulman avait fait
prisonnière * , et contractant avec lui une étroite alliance^
il afiDranchirait ses États des invasions des Arabes. Sa poli-
tique fîit cruellement trompée. Cette alliance donna lieu,
au contraire, k la plus terrible des invasions. Abdel-
Rhaman , nommé nouvellement Émir et gouverneur d'Es-
pagne, rassemblait une armée formidable du côté des
Pyrénées. Irrité contre Othman, qui refusait de rompre
une trêve faite a son insu avec les Chrétiens, il envoya
t J'ai suivi le récit de Condé. d'après les Arabes, plutôt que celui d'Isidore de Bcgn.
paire qu'il m'a paru pins probable qu'Eudes mariât sa fille, dOjà prisonni^e, h un do.<
(<hotipaux chefs l^a^a^ius , <|iic voloiilaircuieot el à un simple gouverneur de la C^niai^uc'.
76 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
un corps de troupes pour s'emparer de lui dans le châ-
teau qu'il habitait sur la frontière, au milieu des monta-
gnes. I^ nom d'Albàb, donné par les historiens arabes
k ce château, signiOe port ou porte, et peut convenir k
divers passages des Pyrénées. Les uns veulent que ce
soit Puycerda, d'autres Livia. Or, la première de ces villes
n'existait pas encore (Voir Fossa). Ce ne peut donc être
que la seconde, d'origine romaine. Surpris par les trou-
pes de l'Émir Othman fuyait à travers les montagnes ,
avec une épouse adorée et un petit nombre de serviteurs.
Voulant lui procurer quelque repos, et épuisé lui-même
de fatigue, il s'arrête auprès d'une fontaine, dans un frais
vallon, où il se croyait en sûreté. Atteint par Gedhi, chef
de l'expédition, abandonné des siens, Othman combat seul
avec le courage du désespoir, et tombe percé de coups aux
pieds de la belle et infortunée Lampagie, qui, au mépris
de sa naissance royale, fut envoyée au harem du Calife
7S3. de Damas. Bientôt après, en 752, les Sarrasins inondent
l'Aquitaine, la Septimanie, et marchent sur Bordeaux ,
qu'ils prennent. Ils y détruisent les églises, et massacrent
une partie des habitants; ils battent le duc Eudes, qui
les attendait sur la Dordognc, et s'avancent jusqu'à Tours,
pillant et dévastant tout le pays sur leur route. Cette ville
fut le terme de leurs succès. Gorgés de butin, embarrassés
d'équipages, ils sont attaqués et battus par les troupes
de Charles-Martel , auxquelles s'étaient réunis les débris
de l'armée d'Aquitaine. Abdel-Bhaman est tué; les tristes
restes de sa formidable armée sont poursuivis jusqu'à Nar-
bonne, qui résista au vainqueur. Plusieurs places de la
Septimanie tomlHTent en son pouvoir. Ce désastre n'ôt:
point encore aux Infidèles le désir et l'espoir de conquérir
la France. S'étant alliés, en 75i, à Mauronte, gouverneur
de Marseille , qui leur livre Avignon , ils s'emparent
CHAPITRE CINQUIÈME. 77
d'Arles , et pénètrent dans le Dauphiné et le Lyonnais.
Charles-Martel marche à eux, en 736, les repousse, et 736.
prend d'assaut Avignon , dont la garnison est passée au
fil de répée. Nimes, Maguelone, Agde, Béziers, tombent
entre ses mains; il en rase les fortifications, et met le
siège devant Narbonne. Les Arabes, venus par mer de
Tarragone , débarquent à La Nouvelle , et marchent au
secours de la place assiégée . Charles va à leur rencontre,
et les trouve campés sur la Berre, auprès de Sigean.
Après un combat sanglant, la victoire se décide en faveur
des Français : les Musulmans fuyent vers leurs vaisseaux,
et font des pertes énormes à leur rembarquement.
Il est difficile de se faire une idée exacte de l'état de
la Septimanie durant cette malheureuse période ; mais, en
combinant ensemble les récits des au teurs , soit Arabes
soit Chrétiens, on peut conjecturer que les peuples de
cette contrée, souvent obligés de céder sans résistance
aux forces trop supérieures des Sarrasins, ne leur furent
véritablement soumis que dans le voisinage des places
où ils laissaient de fortes garnisons. Quant à la plaine
du Roussillon, passage obligé de toutes les irruptions
des Infidèles , et éprouvant leurs premières fureurs , la
désolation y fut telle, dès les premières invasions, que
ceux des habitants qui furent assez heureux pour éviter
la captivité, se réfugièrent dans les montagnes, où il leur
était plus aisé de se cacher ou de se défendre, suivant la
nature des circonstances : les Sarrasins même ne purent
s'établir dans un pays qu'ils avaient totalement dévasté,
et dont leur rage imprévoyante avait fait un désert. Leur
expédition pour délivrer Narbonne, semble confirmer cette
conjecture ; car s'ils avaient occupé quelques points for-
tifiés en Roussillon , il eût été plus sûr de marcher au
secours de Narbonne par terre, que d'y transporter par
78 HISTOIRE DU nOt'SSILLON. «
mer une nombreuse armée ; et surtout bien pbis aise ,
après leur déroute , de se retirer vers leurs places , que de
se rembarquer devant une armée \ictorieuse. La défaite
des Arabes, les troubles qui eurent lieu immédiatement
après, tant en Espagne qu'en Afrique, fournirent aux
habitants de la Septimanie une occasion favorable de se-
_ •
747. Aiper le joug. Aussi voit-on qu'en 7i7, tandis que l'Emir
YOusouf s'occupait à composer la dernière des cinq pro-
vinces entre lesquelles il divisait l'Espagne, en y adjoi-
gnant les possessions musulmanes au-delà des Pyrénées,
il était si peu maître dans les Gaules qu'il fut obligé d'y
envoyer son fils Abdel-Rahman avec une armée pour en
contenir les habitants. Celui-ci les abandonna bientôt pour
voler au secours de son père, contre lequel s'était révolté
Amer, entraînant dans son parti les provinces espagnoles
voisines des Pyrénées. Affaiblis par cette guerre civile, les
Sarrasins ne pouvaient être forts dans la Gaule-Gothique;
et c'est sans doute parce qu'ils n'étaient pas en état de
contenir les Chrétiens, que le goth Ansemond réussit,
en 752, k livrer k Pépin, Mmes, Maguelone, Agde et
Béziers. C'était une politique assez ordinaire aux Arabes
de se contenter, lorsqu'ils avaient trop d'affaires ailleurs, de
la soumission plutôt apparente que réelle des Chrétiens :
ils les laissaient alors vivre sous le gouvernement d'un
Seigneur de leur nation, moyennant un tribut assez léger,
attendant une occasion favorable de donner plus d'exteiH
sioD it leurs droits de souveraineté. C'est ainsi qu'ils en
avaient agi pour le royaume de Murrie avec le prince
Théodomir, dont vingt-huit ans après ils dépouillèrent le
successeur, nommé Athanagilde. On croit qu'ils a^-aient
suivi le même svstème avec les Asturiens. Ansemond
était vraisemblablement un seigneur goth, k qui le com-
mandant arabe, obligé de se renfermer dans Narbonne«
CHAPITRE CINQUIÈME. 70
avait abandonné le gouvernement des villes qu'il ne pou-
vait occuper. C'est au moins à une mesure semblable que
les historiens arabes attribuent la perte de la Septimanie.
Quoi qu'il en soit, dès Tan 7S2, les troupes françaises, 7^2.
avec Ansemond et ses Goths, bloquaient Narbonne. Il
périt par la trahison d'un des siens sous les remparts de
cette ville : les secours qu'on y envoyait d'Espagne, étaient
le plus souvent interceptés par les montagnards du Rous-
sillon et de la Catalogne. Pour réduire ces Chrétiens, le
commandant arabe de la frontière flt marcher contre eux
son lieutenant Soleiman , qui périt avec là majeure partie
de son armée, dans un combat livré le 5 septembre 756.
Cette expédition malheureuse fut la dernière tëhtée par
les Sarrasins pour soutenir Narbonne. Les guerres civiles
qui déchirèrent la Péninsule jusqu'à ce que l'ommiade
Abdel-Rhaman fut devenu paisible possesseur du trône
de Cordoue, ne leur permirent pas de défendre une
province qui n'avait jamais été soumise que lorsqu'elle
était occupée par des troupes nombreuses. Les habitants
de Narbonne, enhardis par les discordes des InOdèles, et
ayant obtenu de Pépin l'assurance d'être gouvernés sui-
vant leurs lois, se jetèrent, de concert avec les Français,
sur la garnison arabe, qui fut passée au fil de l'épée. Cet
événement eut lieu en 759. Aussitôt après, le Roi de
France, suivant quelques écrivains contemporains, fit un
traité avec Abdel-Rhaman. Il est k croire qu'assez oc-
cupé contre les Bavarois et les Lombards, n'ayant rien a
craindre du côté de l'Espagne, il abandonna à leurs pro-
pres forces les Goths de la Septimanie ; aussi , huit ans
après, il fqt obligé de reprendre plusieurs villes de cette
province, dont le duc Vaiffre s'était emparé.
Tous les détails donnés dans ce chapitre sur les inva-
sions des Arabes dans la Gaule-Gothique, et sur les guerres
HO HISTOIRE I>L UOUSSILLON.
qu'ils y ont soutenues , prouvent qu'ils ne doivent avoir
laissé dans le Roussillon d'autres traces de leurs fréquents
passages et de leur court séjour, que la dévastation des
campagnes, l'incendie des édifices, la destruction des
villes. Les chartes des temps postérieurs confirment les
renseignements que nous fournit l'histoire. Nous ne sau-
rions donc attribuer aucune influence heureuse sur notre
civilisation, au séjour qu'ils ont fait dans notre pays. La
science de l'irrigation, en particulier, ne peut nous avoir
été enseignée par eux, comme nous le prouverons plus
loin, parce que le premier grand canal de ce genre, en
Espagne, celui d'Ecija, ne fut commencé que sous le
règne d'Abdel - Rhaman III, qui monta sur le trône
en 912. D'ailleurs les troupes qui en valurent la Pénin*
suie étaient composées , en grande partie , d'aventuriers
de toutes les nations, et surtout de Maures et d'Afiricains,
bien éloignés d'avoir atteint ce haut degré de civilisation
auquel les Arabes eux-mêmes ne par\inrent qu'après celle
époque. Ils ne songeaient à rien construire, surtout dans
une contrée où ils n'étaient pas encore établis solide-
ment. Les églises dont ils dépouillaient les ChrélîeiiSY
converties en mosquées, suffisaient à la célébration de
leur cidte. D'après ces considérations, on ne doil pas
être étonné de ne trouver en Roussillon d'autre témoi*
gnage matériel du séjour des Arabes, que les monnaies
qu'on y découvre même fort' rarement. D'ailleurs ils n*onl
rien laissé à Narbonne, dont ils ont été maîtres pendaiil
près de quarante ans. Nous avons placé en l'an 721 la
prise de Narbonne par les Sarrasins ; elle aurait eu lieu au
moins deux ans plus tôt, si nous pouvions nous appuyer
avec confiance sur l'article 40 de ÏAppetidijr du Marca
Hispanica. Cette charte; est une enquête tesUmooîaie
faite en 879, pour rétablir, suivant la loi gothique, des
CHAPITRE CINQUIÈME. 81
titres perdus. Les témoins y déposent sous la foi du
serment, que certains individus avaient vendu aux moi-
nes de Saint- André -d'Exalada le village de Pauliano,
dont ils avaient hérité de leurs pères et grands-pères,
fils de Mascaron, qui le possédait sous le règne d'Au-
mar, et tandis qu'Ibin-Aumar était gouverneur de Nar-
bonne. Ce ne peut être que le calife Omar II, mort le
10 février 720; car on ne voit, postérieurement à cette
époque, aucun Calife, ni même aucun de leurs lieute-
nants en Espagne, qui ait porté un nom approchant.
HÛ HISTOmK DU ROUSSILLON.
CHAPITRE VI.
GINQCitiR ÉPOQUB.
Gharlemagne ne s'occupa guère plus de la Septimanie
pendant les premières années de son règne, que ne l'a-
vait fait Pépin durant les dernières de sa vie. Les révoltes
fréquentes des divers cheb musulmans contre le nouveau
Roi de Gordoue, rendirent sa puissance peu dangereuse.
Les Infidèles avaient assez à faire pour contenir les Chré-
tiens du revers méridional des PjTénées, qui, aidés par
leurs compatriotes de la Gaule-Gothique, cherchaient k
Urer parti des divisions de leurs oppresseurs pour recon-
quérir la liberté, ou du moins pour rendre leur condition
meilleure. Aussi, Gharles, sans inquiétude de ce cAté,
employa toutes ses forces k soumettre à son Empire
l'Aquitaine, l'Italie, et à dompter les Saxons.
Après une lutte de dix-huit ans, Abdel-Rhamao avait
enfin abattu, en Espagne, la faction qui lui était opposée :
quelques années de paix lui auraient fourni les moyens
de cicatriser les plaies qu'une longue guerre civile avait
faites it ce pays ; il aurait pu réduire les montagnards de
la Gatalogne et de l'Aragon, et la Septimanie eut été
menacée d'une nouvelle invasion. Heureusement, Charie-
CHAPITRE SIXIÈME. 83
mague, vers lequel s'étaient réfugiés quelques chefs sar-
rasins mécontents de la révolution opérée en Espagne,
jugeant cette circonstance favorable pour étendre sa domi-
nation au-delà des Pyrénées, résolut de porter la guerre chez
les Infidèles. L'an 778, deux armées françai^s envahirent 778.
leur pays, l'une du côté de la Navarre, l'autre par le Rous-
sillon : cette expédition, très célèbre chez les romanciers ,
mais historiquement peu connue, est très diflëremment rap-
portée par les auteurs arabes et dans les chroniques des
Chrétiens. Cependant, on peut concilier aisément leurs
récits , en disant que si l'armée française éprouva quel-
que échec en se retirant de la Navarre, il n'en est
pas moins certain que Charles resta maître d'une grande
partie du pays appelé aujourd'hui Catalogne; qu'il y établit
des Comtes ou des gouverneurs dans les villes; qu'à la
Térité, il les prit quelquefois parmi les Sar;^sins, qui ne
loi ftirent pas toujours fidèles. Ainsi, en 785, celui dé
Girone se révolta et fut remplacé par un Comte chrétien.
, Le Monarque français trouva le Roussillon dans un état
d^>lorable : on n'y voyait rien qui méritât le nom de ville;
la plupart des villages étaient détruits; les monastères,
les temples, renversés; les terres, en friche. Il chercha à
remédier à cet état de choses, en construisant quelques
monastères ; car, alors , des habitants ne tardaient pas à
s'établir autour de ces édifices, comptant sur la protection
du Saint auquel ils étaient dédiés. Perpignan ne doit pro-
bablement son existence qu'à une fcmdation de ce genre,
bite par ce prince dans l'emplacement où se trouve au-
jourd'hui le vieux Saint- Jean. La ville d'Arles s'est égale-
ment formée aupiès de l'abbaye construite à cette époque^
dans un lieu désert et sur les ruines d'anciens édifices*
Saint-Panl-de-Fenottillèdes , Saint-Génis-des-Fcmtsûnes ,
Saint- André-de-Sorède , Saint-Estève*sur-la-Tet , etc . ,
K4 niSTOIHE DU ROLSSILLUN.
tirent aussi leur origine des habitations qui s'agglomérèreDl
autour des monastères fondés par ce prince ou ses pre-
miers successeurs. Non content de ces établissements,
Charles accorda aux Goths fuyant d'Espagne, des terrains
en friche pour les mettre en culture. C'est h ces conces-
sions qu'on doit attribuer le repeuplement du pays , et
l'émulation qu'elles excitèrent ranima notre agriculture
expirante. Le petit nombre de chartes de ce temps par-
venues jusqu'il nous , fait voir, de tout côté , les chapitres
des églises comme de celle d'Elne, les moines comme
ceux d'Arles, de Saint-Clément, etc., ainsi que plusieurs
particuliers, travaillant à l'emi au défrichement des terres
qui leur appartenaient, à quelque titre que ce fût, et s'el^
forçant ainsi de réparer les maux qui, depuis le commen-
cement du siècle, accablaient le Roussillou. Us avaient été
si grands, qu'il est fort présumable que le Diocèse d'Elue
resta sans Pasteur depuis Clams, qui occupait ce siège
vers la fin du siècle précédent : du moins , on ne trouve
aucune mention de ces Évéques jusqu'à Vénédurius, qui
assista au Concile de Narbonne, en 791, et y dispata
infructueusement le Rasés à l'Archevêque de cette ville,
si toutefois on ne révoque pas en doute, avec le P. Pagi ,
l'authenticité du fragment qui nous reste des actes de ce
Concile. On ne voit point sur quel fondement Vénédurios
réclamait le Rasés, comme faisant partie de son Diocèse.
Peut-être, fondait- il ses prétentions sur la délimitation
faite par le roi Vamba de ceux de la Septimanie , dans
laquelle, comme nous l'avons dit, les Diocèses d'Ehie et
de Carcassonne paraissaient limitrophes, ce qui ne pon-
vait être qu'en donnant à l'un ou à l'autre le canton qoi
les sépare.
Une nouvelle invasion des Sarrasins vint arrêter cel
élan vers la culture des terres que Cbarlemagne avait su
CHAPITKE SIXIÈME. 85
faire naître. Hescham ou Issem 1®^, Roi de Cordoue, ayant
(ait [Hiblier la guerre sainte dans ses États, assembla
deux années, dont l'une, dé 39.000 hommes, attaqua le
royaume naissant des Asturies ; et l'autre, beaucoup plus
considérable, sous les ordres d'AbdalIah-ben-Abdelmelec,
se dirigea contre les possessions françaises en Catalogne.
Suivant les relations toujours emphatiques des Arabes,
cette armée mit le siège devant Girone, qui fut prise
d'assaut en 792, après une défense opiniâtre. Cette place 792.
prise, les Infidèles franchirent les Pyrénées, poussant
devant eux les peuples qui fuyaient épouvantés vers les
montagnes les plus inaccessibles : la contrée fut ravagée,
Naii)onne prise de vive force, ses habitants massacrés.
Dom Vaissette et M. de Marca réduisent les conquêtes
des Sarrasins à la prise des faubourgs de cette ville. De
Narbonne, les Musulmans s'avancèrent vers Carcassonne ;
mais ils rencontrèrent sur leur chemin saint Guillaume,
duc de Toulouse , qui , ayant assemblé toutes les forces
dont il pouvait disposer, les attaqua dans les environs de
Villedagne. La victoire fut long-temps disputée : Guillaume
fit tout ce qu'on pouvait attendre d'un vaillant soldat et
d'un habile capitaine. Si les Sarrasins restèrent maîtres
du champ de bataille, ce ne fut qu'après avoir éprouvé
des pertes qui les obligèrent à se retirer, n'emportant
que le butin qu'ils avaient fait, sans conserver aucune
place dans les provinces françaises. En 797, les troupes
de Louis, roi d'Aquitaine, entrées sur les terres soumi-
ses aux Arabes, les traitèrent comme ceux-ci avaient traité
les provinces chrétiennes. Nous nous abstiendrons de
donner des détails sur les opérations militaires des Fran-
çais au-delà des Pyrénées. Les faits sont racontés d'une
manière un peu confuse et quelquefois contradictoire par
les historiens des deux nations. Il serait possible que, dans
86 niSTUIRE nu ROUSSILLON.
quelqu'une de ces expéditions, une armée musuimaiie eét
pénétré jusqu'à Narbonne et tout détasté sur la roule»
comme l'assurent leurs écrirains. C'est sans doute pov
obvier k une pareille entreprise que , lors du siège de Bar»
800. celone, en 800, Louis divisa son armée en trois corps,
dont Fun couvrait celui qui faisait le siège; le troisième,
qu'il commandait, resta en Roussilkm. Ce qui n'est pis
douteux, c'est qu'à la mort de Charlemagne, toute h
Catalogne, jusques et y compris Barcelone, était soumise
à ce prince, et gouvernée par des Comtes qu'il avait
nommés.
La Septimanie, qui comprenait alors la Marche d'Espt-
gne, faisait partie du royaume d'Aquitaine*, que Cbaries
avait créé pour son flis Louis aussitôt après sa naissance*
Ce prince succédant it son père en 814, n'oublia poîit
une province qu'il avait long-temps gouvernée. Les Chié-
tiens fiiyant les pays occupés par les Maures, avaieal
obtenu de la politique généreuse de Oiarlemagne des
terres à défricher, soit dans la Marche d'Espagne , aek
dans la Septimanie. A peine monté sur le trône, Loû^
non content de continuer k ces fugitife la protection que
leur avait accordée son père, rend une ordonnanee pour
régler d'une manière certaine leur état, qu'il assimile en
tout à celui des Français libres, ne leur imposant d'avtie
charge que celle de marcher k la guerre, sous les ordres
de leur Comte ; de faire la garde , de loger les Comtes,
les Ambassadeurs, et autres gens marchant par l'ordre du
Souverain; de leur fournir des montures, des charrois,
ce qu'on appelait facere paratas. Tant au civil qu'au cri-
minel , ils devaient être jugés par les Comtes ; mais les
1 Dif&ftiUs de c« njémme , f« 817 . pow «aroliit U pwtiM «te UliMyra. cm
lui teml retiréei ra 835 fmar le puoir àe »t* t^solXet muiUf^vèn, el ««er U f4<M
pêtiit de m KUU d'MleMafne «l ér Knnrf . f\\t% lonii^rrat Ir l<H de r.luri«Me-ClM«%^
CHAPITRE SIXIÈVB. 87
affaires peu importaDtes étaient décidées par des mi^is-
trais ^'îls elmsissaient evx-ménes. Le ttouvel Empereur
leur permit de distribuerai d'autres les teires nemmées ad-
prisianes ^ qu'on leur concédait, ou de les faire cultiver
par leurs esclaves. Il leur permit encore de se r»dre vas-
saux des Comtes pour les terres qu'ik en recevaient. Il fit
fidre trois copies de ce privilège : la première pour être
remise à TEvéque; la seconde, au Comte; les réfugiés
gardaient ta troisième. Toutes ces faveurs accordées aux
Goths déjà établis dsms la province, devaient l'être à ceux
qui, Aiyant les pays dont les Sarrasins étaient les maîtres,
viendrairat s'y établir. Les Chrétiens, attirés par ces avan-
tages , s'empressèrent d'arriver et repeuplèrent le R<ws-
sillon. La protection de Louis ne mit pas ses nouveaux
sujets à l'abri de la fiscalité des agents du Gouvernement.
Ceux-ci , considérant sans doute les adprisiones conmie
des bénéfice») prétendaient pouvoir les retirer aux dona-
taires suivant leur bon plaisir : ils attendaient pour le
faire que les terres eussent été mises en culture. Les
nouveaux colons, menacés de perdre le finit de leurs
travaux, se plaignirent à l'Empereur, qui, sentant que leur
réclamation était juste et la conduite des agents du fisc
dure et impolitique, ordonna, en 816, que les conces-
sions nommées adprisiones, faites d'abord pour trente
ans, seraient héréditaires. On dressa sept copies de ce
nouveau privilège, qu'on déposa aux archives de chacune
des villes de Narbonne, Carcassonne, Béziers, Rociliona,
Ampurias, Girone et Barcelone. C'était apparemment dans
les districts dépendants de ces villes que s'étaient réfugiés
les Goths, qu'on désignait sous le nom d'HostoUnses.
Nous voyons par cette charte que sur les ruines de
I Terres coDcédéc* saiLS autre charge ^uc leë obligations communes h toal bommc libre.
88 HISTOIRE DV ROUSSILLON.
l'antique Ruscino s'était élevée une ville nouvelle , qui en
avait pris, en Tahérant un peu, le nom qu'elle communiqua
ï tout le pays : elle ne parait pas avoir subsisté long-temps.
Le nom de RùscellerUium Episœpus, que prend Audesinde
au Concile de Thusi en 860, l'épitbète de RosciUUmeiisis
donnée ï l'Église d'Elne dans des chartes de 898 et 899,
ainsi que dans une bulle de 900, viennent plutôt du
nom du pays que de celui de la cité épiscopale. M. de
Marca croit que cette ville , bâtie sur l'emplacement de
Ruscino, fut détruite dans une invasion des Sarrasins,
qui eut lieu vers l'an 827 ou 828. Les historiens arabes
n'en parlent point; mais la conduite qu'ils font tenir k
leurs compatriotes dans une incursion faite quelques an-
nées après, rend l'opinion de Harca très vraisemblable,
ff Les Musulmans , disent^ils , enlevaient tout ce qu'ils
pouvaient emporter, emmenaient en captivité les hom-
mes, les femmes, les enfants, qui n'avaient pas eu le
temps de se sauver dans les montagnes; et quant aux
villes abandonnées par les habitants, ou dont ils venaient à
bout de s'emparer, ils les ruinaient ou les incendiaient. »
Aux dévastations des Maures succédèrent celle des Nor-
mands. Ces pirates ayant pillé les côtes d'Espagne, en
S59. 859, descendirent sur celles du Roussillon, prirent el
saccagèrent EIne ; puis , s'avançant dans les terres , ils
livrèrent pendant trois jours le monastère d'Arles an
pillage, et l'incendièrent en se retirant, comme on peut
le voir dans une lettre de l'abbé Uilpéric ii Cbarles4e-
Chauve.
Peu d'années après, l'an 864, suivant les écrivains ocô-
dentaux, car les Arabes n'en disent rien, ce prince conclut
un traité avec Mohamed 1^, roi de Cordoue. Les principtles
conditions furent que Charies ne donnerait aucun secours
aux Chrétiens d'Espagne; que Mohamed, do sou côté, re-
CHAPITRE SIXIEME. 89
Doncerait aux villes de Barcelone , Girone et Urgel. L'année
suivante, le Roi de France sépara la Marche d'Espagne
du Marquisat de la Septimanie. Jusqu'à cette époque, le
Roussillon, gouverné par des Comtes particuliers, se trou-
vant enclavé entre ces deux contrées, avait toujours fait
partie de la province qu'elles formaient. Il parait qu'après
cette séparation, il resta annexé a la Septimanie; du moins,
dans une charte de l'an 869, Gharles-le-Chauve donne à
Dodon le hameau de Prunet, qu'il dit être situé au-delà
de la Septimanie, dans un canton du Roussillon'. On
peut même croire que les Marquis de Septimanie conser-
vèrent une certaine juridiction sur le Comté de Roussillon,
au moins jusqu'en 875; car on trouve un jugement rendu
cette année par Isambert, lieutenant du comte Bernard II,
qui prescrit de rendre le lieu de Saint-Félix à l'Évéque
d'Elne, sur lequel il avait été usurpé par un nommé Aus-
valdos. Cette dépendance ne fut pas de longue durée; et si
tous les documents venus à notre connaissance prouvent
que les Comtes de Roussillon reconnurent toujours la su-
zeraineté des Rois de France, il n'en est aucun d'où Ion
puisse inférer qu'après l'an 900 ils aient dépendu des Mar-
quis de Septimanie ou des Comtes de Barcelone. Probable-
ment, le Comte de Roussillon, maître de ce paysan nord, et
du Comté d'Ampurias au sud des Pyrénées, limite naturelle
de la Marche d'Espagne et de la Septimanie, se trouva
assez puissant pour se soustraire à la dépendance du
Comte de Toulouse sans se soumettre à celui de Barce-
lone; et le titre d'ami que lui donne Lothaire dans une
charte de 981 , prouve assez qu'il était son vassal immé-
diat. Cependant, M. Henry et Don Prosper BofaruU, veu-
lent qu'il dépendit du Comte de Barcelone, que ce dernier
l Infrà SepUinnniœ rcgnum m pago lioHiUwncnift.
90 HISTOIRE OC R0t3SSILL0!<C.
prétend avoir été de droit et de fait indépendant du Roi
de France. (Appendice, n® 4.)
Sons les premiers Cariovingiens, le Roussillon ftit go«-
vemé par des Comtes qu'ils nommaient et révoquaient k
leur volonté. Il serait très dilDciie et peu intéressant de
débrouiller la suite de ces Comtes. Gouverneurs amo-
vibles d'une petite portion de la Septimanie, ils n'oot
laissé qu'une bien faible trace d'Une magistrature tem-
poraire et subalterne. Dans les chartes peu nombreuses
de cette époque reculée, les Seigneurs prennent souvent
le titre de Comte, sans désigner le pays soumis ii leur
autorité. On le connaît quelquefois lorsque la charte est
relative à des actes d'administration exercés dans im
lieu dont la situation actuelle est bien déterminée. Noos
sommes souvent privé de cette ressource par rapport
au Comté de Roussillon, dont les limites ne paraisseiit
pas avoir été toujours les mêmes. Il nous est impossSrie
de préciser l'époque et le mode de ce changement. Les
Rois de France, maîtres de la Septimanie, établirent des
Comtes dans les divers Diocèses, dont la circonscription,
si elle n'était pas trop considérable, fut aussi celle du
(x)mté. Le Diocèse d'Elne n'étant pas trop étendu , oe
renferma probablement que le seul Comté de Roussillon ;
aussi, dans le ix« siècle, le pays et FÉvéque sont déti»
gnés indifféremment, le premier, par le nom de paymê
ou comilalus Rmcilionnms ou Elnensis; le second, par
celui de Episcojms Elnensis ou Ruseiliotiensis, Cet usage
ne subsista point dans le \« siècle, et depuis cette ëpo*-
que, rÉvéque est toujours appelé Elnensis et le pays
Rusdliofiensis. Un voit aussi dans ce siècle plusieurs en-
droits désignés comme appartenant à la Cerdagne ou tu
Comté de liesalii, qui, dans le précédent, avaient fait
partie de relui de Uoussillon. Il est donc présumablr
CHAPITRE SIXIÈME. . 9t
qae ce Comté perdit, vers l'an 900, quelques parties du
Diocèse d'Elne.
Gaucelm, fils de saint Guillaume, est le premier Comte
de Roussillon dont il soit fait mention ; il est nommé le
second parmi les Comtes auxquels Charlemagne adresse
son ordonnance du 4 des noues d'avril 812, en faveur
de quelques Espagnols réfugiés dans ses États. Ce Sei-
' gneur possédait en 815, outre le Roussillon, le Comté
d'Ampurias. Louis-le-Débonnaire lui ôta ce gouvernement
en 850, pour le punir d'avoir trempé dans la conspiration
de son frère Bernard, duc de Septimanie. 11 rentra bientôt
en grâce auprès de l'Empereur, et fut en 854 victime de sa 854.
fidélité il le servir; car ayant vaillamment défendu Chàlons-
sur-^Saône contre les troupes de Lothaire , il fut pris et
décapité par les ordres de ce fils rebelle.
En 852, on voit un comte Bérenger tenir un plaid k
Elne, dans lequel on fit restituer à Babila, abbé d'Arles,
des terres usurpées sur ce monastère. Nous ne compte-
rons pas ce Seigneur parmi les Comtes amovibles du
Roussillon, parce qu'il parait être ce Bérenger, comte,
marquis ou duc de Septimanie, envoyé pour réformer les
abus qui s'étaient glissés dans l'administration du pays
par la négligence de Bernard.
De 845 à 850 , on trouve un Comte de Roussillon ,
appelé Suniaire; mais on ne connaît aucune particularité
de sa vie. On ignore même l'année de sa mort. Dans un
plaid tenu le 6 des calendes de septembre 868, par le
comte Salomon, on réclamait de Vitiza, abbé d'Exalada,
l'aleu de CanaveilIes-en-Conllent, donné k son monastère
par Anne et sa mère Rolrude , fille de Béra , comte de
Roussillon. Le mandataire de Salomon soutenait, qu'ap-
partenant au fisc, Béra n'avait pu l'aliéner. L'Abbé offrit de
prouver par témoins que, propriété particulière du comte
99 HISTOIRE Dt' R0US8ILL0?!.
Béra, cet aleu fut transmis, avec ses autres biens, à sa fille
Rotnide, qui en avait joui paisiblement pendant plus de trente
ans avant d'en disposer. D'après ces indications, le père de
Rotrude nous parait être Béra, comte de Barcelone, proscrit
en 820, et n'ayant eu d'autorité en Roussillon qu'en sa
qualité de gouverneur de la Marche d'Espagne. Quant k
Salomon, les chartes et les annalistes nous le représentent
comme ayant mission (missus), sans nous dire à quel titre, *
tantôt en Roussillon , tantôt en Gerdagne , tantôt dans h
Marche d'Espagne. Nous croyons qu'il gouverna en qua-
lité de Marquis ou Comte de cette Marche, dignité dans
laquelle il fut remplacé par Vuifred-le-Velu.
Quoi qu'il en soit, laisserons-nous le Roussillon sans
Comte depuis ce Salomon jusqu'à Suniaire II, regardé
comme la tige des Comtes héréditaires de cette proviDce,
900. et régnant vers l'an 900? Ou bien, une pareille lacune
n'étant guère probable, placerons-nous parmi ces Comtes
héréditaires ou amovibles, Radulphe et Miron , que Ton
croit frères de Vuifred-le-Velu, comte de Barcelone, fils
de Sunifred et d'Ermcssinde , propriétaires de domaines
considérables dans le Confient, sous le titre de Seigneurs
d'Arria (Ria), maintenant modeste village auprès de Pra*
des? (Ap])en(Uc€, n® 5.)
VArt de vérifier les Dates admet le premier, rejette le
second, admis par Dom Vaissette. M. Fossa a cru devmr
les exclure tous deux de la liste des Comtes de Roussillon,
où il les avait d'aliord inscrits. Examinons quels penvoil
avoir été leurs droits à y ligurer.
Radulphe parait dans plusieurs chartes avec le titre de
Comte : ces chartes nomment son |H*re, sa mère,
frères, son fils, sa femme; elles parlent des dons
par lui à diverses églises, mais ne font jamais connaître
le pa\s dont radiniiiistratinii lui rtail rnnliér.
CHAPITRE SIXIÈME. 93
On peul élever des prétentions mieux fondées en faveur
de Miron. Les chartes 54, 58, 59, 40, 41 et 60 du Marca
Hisp. rapportent des jugements rendus, de 874 à 882,
dans la vallée du Gonflent, sous la présidence d'un Comte
de ce nom. On y voit aussi le testament de Protasius, où
cet Abbé de Saint-Michel-de-Cuxa appelle à plusieurs re-
prises ce même Comte, mon maître et mon seigneur. Il
existait vers ce même temps un Comte de Roussillon
Dommé Miron, auquel le Pape Jean VIII écrivait, vers
Tan 878, pour lui ordonner, sous peine d'excommuni-
cation , de réparer les torts qu'il avait laits aux églises de
la Septimanie (Hist. du Lang., tom. 2, pag. 5 et 6).
Ces deux Miron sont très probablement le même person-
nage dont l'autorité s'étendait sur tout le Diocèse d'Elne,
formant alors le Comté de Roussillon. Il était contem-
porain de Yuifred-Ie-Yelu, comte de Barcelone, et possé-
dant à ce titre la Cerdagne. Il parait même résulter de la
combinaison de plusieurs chartes que ces deux Comtes
étaient frères : !<> Dans la charte 99 de VHist. du Lang.,
Tol. 1, c< Sigebodus, Archevêque de Narbonne, de 875 à
884 , dit être venu à Formiguéras , en Capcir, à la prièVe
des deux frères, les comtes Vuifred et Miron, et de deux
autres frères, les comtes Oliba et Ayfred, afin d'y consa-
crer une église , que ces Seigneurs avaient construite et
dotée pour l'expiation de leurs péchés. » On doit attribuer
nécessairement cette fondation à des Seigneurs du pays.
On ne peut jeter les yeux que sur Oliba et Ayfred , comtes
de Carcassonne et du Rasés , et sur Vuifred et Miron ,
maîtres de la Cerdagne et du Confient ; 2^ Oliba Cabréta,
petit-fils de Vuifred -le -Velu, dit dans la charte 110
du Marca Hisp., c( qu'un frère de son grand -père avait
bâti le monastère d'Arles, dans le Comté de Roussillon. »
Cette indication ne peut convenir à personne mieux qu'a
94 HISTOIRE Dl ROUSSILLON.
Mirou, iiounii de ce Comté quelques années après la des-
Iniction du monastère d'Arles par les Normands, en 858;
5» Suivant la charte 54 du Marca Hisp. , notre Miron
était fils du comte Sunifred. D'après Bofanill , Yoifired-^le-
Velu, fils d'un Sunifred, avait un frère nommé aussi Soni-
fred. Dans la charte 112 du premier volume de VUisi.
du Long., on voit figurer parmi les donateurs deux
Comtes, nommés Vuifred et Miron, tous deux tils et frè-
res d'un Sunifred. Ces deux Seigneurs paraissent deTOÎr
être Vuifred-le-Velu et Miron de Roussilion : les histo-
riens du Languedoc sont de cette opinion. A la vérité,
Bofarull , se fondant sur les nombreuses lacunes de cette
charte, et surtout sur sa date, ne croit pas qu'elle poisse
concerner Yuifred-le-Velu ; mais les lacunes peuvent être
remplies d'une manière fort naturelle, et une observation
assez simple fera évanouir la difficulté bien plus grave de
la date, provenant uniquement de la manière dont on Fa
expliquée; en effet, cette charte est datée de 877, année de
la mort de l'empereur Charles. On a voulu que ce Carofui
fût Charles-le-Gros et non Charles-le-Chauve : cependant
plusieurs actes, en Languedoc, sont datés de la mort de
ce dernier, Louis, son fils, n'ayant point été recoiinii
sur-le-champ dans cette province, et quant à Cbarlet-
le-Gros, il ne fut Empereur qu'en 880. Il n'est pas fort
aisé de dire quel était ce comte Sunifred, père de MirOB.
On voit à cette époque quatre Seigneurs de ce nom diM
la Marche d'Espagne. Le n<» 34 du Marca Hisp. ftnt
[^résumer que ce Simifred avait eu (|nf Ique autorité en
Uoussillon, ce qui ne peut convenir qu'à Sunifred, comle
de la Marche d'Espagne , de 84i à 848. Quoi qn'il en
soit, d'après les documents relatés ci-dessus, et d'antres
chartes que nous citerons , il parait que tout le Dioeète
d'Elne, compris sous le nom de Comté de RonssilkNi*
CHAPITRE SIXIÈME. 95
fui gouverné, depuis la fin de 875 jusqu'à 895, par un
comte Miron, fils de Sunifred et d'Ermessinde, frère d'un
Vttifired, très probablement Ynifired-le-Veln, comte de
Barcelone. Ce Miron doit avoir, dans les premières an-
nées de son administration , molesté quelques églises, et
s'être attiré par là une semonce du pape Jean YIII. Sans
doute il s'empressa de réparer ses injustices, qui ne de-
meit pas être d'une grande importance; car ce Pape, fort
prodigue d'excommunications, se contenta de le menacer.
D'ailleurs, on le voit contribuer k reconstruire l'abbaye
d'Arles et k bâtir et doter l'église de Formiguères; il
donna aussi avec ses frères , pour le soulagement de l'&me
de leur père et mère ', la ville de Prades à l'abbaye de la
Grasse. II mourut avant les ides de mars 895 (Fossa).
H avait fait, avant de mourir, de grandes libéralités k
Féglise d'Elne. Le Pape Romain les approuva par une
lettre ( art. 58 du Marccc Hisp.J. Mais comme elles
étaient prises en partie sur le domaine royal, elles furent
confirmées par le Souverain (art. 59 du Marca Hisp.);
el c'est une nouvelle preuve que Miron exerçait l'autorité
comtale sur le Roussillon. L'on voit par ces chartes, que
presque toutes les églises du Diocèse tombaient en rui-
nes, et qu'on n'avait aucun moyen de les réparer. L'évè-
Ben»ent le fins remarquable arrivé du vivant de ce Comte,
est une crue de la Tet, si forte qu'elle emporta le monas-
tère de Saint-Ândré-d'Exalada, construit, avant 84i, sur
on emplacement fort élevé au-dessus du lit de cette
rivière'. Tous les titres ayant été enlevés par les eaux^
on les refit suivant la loi des Goths , en appelant devant
1 PraplerremediumatUmœ, eic...
^ O qui rest« encore d» ruines de ce monastère , au point de la route de Mont-Loaic
qt'oD appelle lot Graus, étant à plus de iOO mètres au-dessus du niveau du lit de la Tet,
le« bStimnits qu'habitaient les Moines devaient sans doute occuper un emplacement inférieur.
96 HISTOIRE DU ROISSILLON.
les juges les témoins des actes perdus, ou à leur défaut les
personnes qui en avaient eu connaissance. On rétablit ces
titres d'après leur déclaration, reçue sous la foi du sermanl.
Les moines échappés k cette catastrophe se réunirent k
Saint-Michel-de*Cuxa. Le testament de Tabbé Protasius, bil
quatre ans après, nous apprend qu'ils étaient cinquante
moines. Nous y voyons aussi combien ils possédaient de
chevaux, d'ânes, de mulets, de brebis, etc. Nous nous
contenterons de noter ici que leur bibliothèque consistait
en trente volumes.
Malgré toutes ces preuves de l'existence d'un comte
Miron k la fin du i\^ siècle , Dom Yaissette est le seol
qui l'admette parmi les Comtes de Roussillon. Il Iç fint
même figurer dans les chartes n<» 56 et 60 du Marea
Itisp. , attribuées par Baluze aux années 898 et 9(M;
ce qui ne peut être, puisque le Miron de Dom Yaissette
mourut avant les ides de mars 895. C'est sans doute par
ce motif que notre savant compatriote Fossa , dont on a
suivi l'opinion dans VArt de vérifier les Dates, Fa exclu
de la liste de nos Comtes, où il l'avait d'abord placé.
Dom Prosper de Rofarull a prouvé que le Miron signa-
taire de la charte n» 56, est un Comte de Cerdagne, fils
de Vuifred-le-Velu. Quant k la charte n« 60, sa date
anno quarto régnante Carlono rege, me parait defoir
être la quatrième année de C^rloman, et non de Charles-
le-Simple. En eflet, dans le corps de cette charte, Chai^
les-le-Chauve est appelé par syncope Carlo au lien de
farolo ; pourquoi aurait-on donné le nom de CarUmo k
(iharles-le-Sirople ? Nest-il pas plus probable que CarUmo
est le nom syncopé de Carlomano, dont la quatrième
année est Tan 882, qui convient très bien à notre Miroo,
plein de vie à cette époque?
Les ronressions de terrain faites par les Carloringiens
CHAPITRE SIXIÈME. 97
aui églises, aux moines, ou a des particuliers, furent
l'origine de plusieurs villes ou villages; mais des édifices
construits alors, peut-être aucun ne subsiste aujourd'hui,
à moins qu'on n'attribue à ces princes l'érection de quel-
ques-unes de ces tours élevées sur plusieurs points de la
province. Rien n'y décèle la manière de bâtir des Ro-
mains, n'y l'usage qu'ils auraient pu en faire pour trans-
mettre, au moyen des signaux, les nouvelles importantes
d'une extrémité de l'empire à la capitale. Considérées
sous le rapport militaire, elles n'étaient d'aucune défense
contre des troupes pourvues de machines de guerre, ou
s'arrétant pour les bloquer; elles auraient bientôt suc-
combé sous les coups du bélier ou faute de vivres, car
elles ne pouvaient recevoir qu'une faible garnison , et
encore moins servir de refuge aux habitants. On sait que
le Roussillon fut pendant les ix^ , x^ , xi^ et xii^ siècles,
exposé aux irruptions subites et de courte durée des Nor-
mands et des Sarrasins des Baléares. Comme ces pirates
ne débarquaient qu'en petites troupes, et ne traînaient
pas avec eux de lourdes machines de guerre , un petit
nombre d'hommes déterminés, munis de provisions de
guerre et de bouche, pouvaient, dans ces tours, braver
pendant quelques jours les efforts de ces brigands, don-
ner, par des signaux convenus, l'avis de leur descente,
et, lors de leur rembarquement, rappeler par des moyens
semblables les habitants qui s'étaient enfuis dans les mon-
tagnes. Un expédient pareil avait été employé par les Juifs
sous le règne de Jordas et de son fils, contre les incur-
sions des voleurs arabes. Charlemagne fit également bâtir
quelques tours sur les côtes pour observer de la les flottes
des Normands. C'est peut-être dans des forts de cette
espèce que les réfugiés espagnols étaient tenus de faire le
guet , d'après une des clauses du privilège qui leur fut
98 HISTOIRE DL ROlSSILLO.N.
accordé |mr Loiiis-le-Débonnaire. On sentit dans la suite
la nécessité de construire sur la côte, depuis Collioure
jusqu'en Espagne, plusieurs de ces tours, d'où l'on pèt
suneiller les criques nombreuses dont elle est bordée,
et à la Taveur desquelles les Maures des Baléares débar-
quaient sans être aperçus, et venaient exercer leurs pira-
teries en Roussillon. Ne serait-ce pas pour cette raison
que ces tours sont plus multipliées dans cette partie do
pays que partout ailleurs? Comme à la guerre, on se sert
de tout ce qui peut offrir quelque moyen de défense, on
ne doit pas être étonné qu'on ait employé quelquefois
celles qui existaient, soit comme de petits forts isolés,
soit comme des réduits de fortifications plus étendues.
La permission donnée en 1175 par le roi Alphonse à
l'Abbé de Saint-Michel, de construire à Baho une for*
teresse en terre ou en pierre et même une tour, prouve
qu'on les regardait comme un accessoire important des
forts qu'on éfevait a cette époque. L'art de la guerre se
perfectionnant, ces tours perdirent toute leur importance
militaire, et redoînrent ce qu'elles avaient d'abord été,
des postes propres k observer l'ennemi et Ji faire des
signaux.
CHAPITRE SEPTIÈME. 99
I
CHAPITRE VIL
SIXIÈME ÉPOQUE.
COMTES HÉKÉDITMKES. — S\3mMKE l\.
VArt de vérifier les Dates nous donne Suniaire II
comme le premier Comte héréditaire de Roussillon : son
origine est incertaine , à moins qu'on ne le suppose fils
de Miron , dont nous avons parlé dans le chapitre précé-
dent. Cette opinion s'accorde avec le sentiment de Dom
Vaissette, qui, regardant Miron comme frère de Vuifred-
le-Velu, croit que les maisons de Barcelone et de Rous-
sillon ont une origine commune. Les documents que
nous possédons ne nous permettent pas d'affirmer que
Suniaire était fils de Miron ; un fait toutefois peut le faire
penser. Bencion, fils de Suniaire, possédait la terre de
Palatiolo, que Miron avait achetée trente - quatre ans
auparavant (Marc. Hisp., art. 43 et 66). Il dit, k
la vérité , en donnant ce domaine k l'église d'Elne, qu'il
avait appartenu a sa femme Godlane; mais on sait que,
d'après la loi gothique , le mari , sur ses biens propres ,
constituait à sa femme une dot, dans laquelle il rentrait
lorsqu'elle mourait ab intestat. Un plaid, tenu à Portus,
nous apprend que Suniaire était Comte d'Ampurias en
i. On ignore en quelle année il ajouta le Roussillon ^34.
100 HISTOIRE Ut ROiSSILLON.
à ce domaine : ce ne Tut probablement pas avant la mort
(le Miron , survenue eu 895. Il parait que jusqu'à cette
(époque, le Gonflent et le Vallespir avaient fait partie do
Comté de Roussillon. Il est possible qu'ils en aient été
séparés alors; du moins nous voyons dans BofarulK qn^
808. la mort de Vuifred-le-Velu , comte de Barcelone, en 898,
l'un de ses fils, nommé Miron, fut Comte de Cerdagne, et
posséda même le Conflent, qui appartint à ses enfants après
sa mort, en 9^, Nous ne savons presque rien de ce comte
Suniaire, qui pourrait bien être le même qu'un Comte de
ce nom, dont le Concile de Jonquières leva, en 909,
l'excommunication qu'il avait encourue avec ses fils, leurs
épouses et ses vassaux. Il est parlé de lui dans un plaid
tenu en Roussillon peu d'années après. Il était déjà
mort, à ce qu'il parait, laissant de sa femme Ermen-
garde, quatre fils, dont deux, Almérade et Vadalde * fii-
rent successivement Evêques d'Elne; les deux autres,
Bencion et Gauzbert, lui succédèrent dans le Comté de
Roussillon, qu'ils possédèrent par indivis.
Bencion, qu'on croit avoir été Comte d'Ampurias du
vivant de son père, ne lui sunécut pas long-temps; car
il était mort le i^^ septembre, dix-huitième année de
Charles-le-Simple, jour où TÉvéque d'Elne Almérade,
l'appelle « mon frère, le comte Bencion, d'heureuse mé-
moire. » Nous avons parlé dans Tarticle précédent du don
1 LVif^qiir \ a<lal(ir ri li* romlf (iaii/Urt f«<iil. $%niùl in unnm. un di»o à l'éf litfT 4'C1m,
tant fK»or ru\ quf |M>ur W tr\Ht% (lr>^ umi*» «lu ronilf Sutiiairi' , df mi f«*Biiiif iCnDra|(anlc.
du comlr |triKi>in. ilf rt%»Sjo*' Almi'-radf . «lu tirumlr Y ranron, ilf *a frmmr KirttJiMli», H é»
>icoiiitf (Mon Kail ^ti rummuii par rK\^<|u<' cl Ir (iotntf . et pour te» wtèmt* pWMtWMt, «t
dun »emhle in<|i<|urr qn*- l'olgri donn** «rtatt tndutt rulrr li*« tluiul<*ur». rt qoe ht 4#ftuits
poor lr9«]UrU il ^t.nl «•rFrrt.MaK'nl <S(alcm«'nt chrr\ a l'an et jranln*.rinnii%tafimi(«i m
itul fuerenin^cinr <|u'j «Irux fier"*» I»"tn Xii-x^lt»* jw-o"^ !•• .oulrjin* *ah* fohAewtfmi.
CHAPITRE SEPTIÈME. 101
qu'il lit à l'église d'EIne de la terre de Palaliolo : la
charte émise à cet effet, est datée du 4 des nones de
mars, dix-nemième année de Charles-Ie-Simple; comme
elle doit être antérieure à celle du l^r septembre, dix-
huitième année de Charles , il faut que dans celle-ci l'É-
vêque compte les années de Charles de Fan 900, tandis
que dans l'autre, le Comte les faisait commencer Tan 898,
à la mort d'Eudes (Dom Vaissette observe que Charles ne
fut universellement reconnu dans la Septimanie qu'en 900).
Bencion n'eut point d'enfants de sa femme Godiane, morte
avant lui. C'est sous le règne de ces deux Comtes, au î>
juin de la dix-huitième année de Charles, que, dans un
plaid tenu en Roussillon , on répara une injustice com-
mise par leur père. H avait enlevé à Viligius un tène-
ment, qu'on prétendait donné à titre de bénéfice à un
certain Tractérius. Recimi, fils du dépossédé, s'en était
emparé; le Comte le lui redemandait; il y fut maintenu
sur la déclaration des témoins, affirmant qu'ils avaient
vu son aïeul et son père posséder ce domaine à titre
A'adprision et non de bénéfice.
Ce Comte se trouva, par la mort de son frère, maître
de tous les domaines qu'ils avaient possédé par indivis.
Il assista le l^^^ septembre, dix-huitième année de Charles-
le-simple, à la consécration de l'église d'EIne. En 924, 92s.
les Hongrois, après avoir ravagé la Lombardie, franchirent
les Alpes, travei^sèrent le Rhône, pénétrèrent jusqu'aux
environs de Toulouse, dévastant le pays, et commettant
toute sorte de cruautés. Une épidémie fit périr une partie
de ces Barbares , et le Marquis de Gothie, Raymond Pons,
ayant assemblé des troupes de tous les côtés, réussit à
102 HISTOIRE Dl' R0lSSILLO?î.
expulser les autres de sa province. C'est, peut-être, par
quelque exploit contre ces Hongrois, que Gauzbert mérita
le titre de héros triomphant, qu'on lui donnait dans une
inscription gravée sur la porte de l'église de Saint-Marlio
d'Ampurias. On ignore l'année de sa mort. On sait qu'en
955 il fit quelques dons au monastère de Saint-Cyr-de-
Culléra. il eut de sa femme Trudegarde un fils nommé
Guifred ou Gauzfred, qui lui succéda dans les deux
943. Comtés de Roussillon et d'Ampuri^s, avant l'an 945, ou
il est parlé de lui dans un diplôme accordé par Louis-
d'outre-Mer au monastère de Saint-Pierre de Rhodes.
Ce Comte prenait le titre de Comte d'Ampurias, Pier-
relate et Roussillon, par la grâce de Dieu. Il est appelé
duc et ami par le roi Lothaire, dans une charte de 981,
où il lui accorde un vaste terrain inculte, entre Collioure
et Banyuls. Il l'appelle Duc de Roussillon, dans une autre
charte où, à sa prière, il prend sous sa protection le
monastère de Saint-Génis-des-Fontaines. Gauzfred ^eut
d'Ave, morte vers 961, trois fils* : Hugues, l'aîné, eut le
Comté d'Ampurias, Suniaire fut Evéque d'Elne, Guisla-
bert eut le Comté de Roussillon. Le père mourut avant le
28 février 991 , jour où ses exécuteurs testamentaires déli-
vrèrent à l'église d'Elne les objets qu'il lui avait laissés
dans son testament, soit dans le Comté de Pierrelate,
soit dans celui de Roussillon.
1 Lr Ivre Marcillo attribe<> j (Uoifï^ iiur t\\t iioDiaire Gottla . nuiiéf «en lOtT, «%ft
k (lonitif de Bartelooe li* rnijrer lSa>iiioiHi. 'lil \e t.uurt-' , nm*. »i l\.ri rufii|urc Ir» éxle* et
la nort de l'aD. et lia maruite ik I .lulrc. on «^ra p«»rtc a rn-ire q»«« »i »ell«" «owtr»» «le*-
•endail île (iauifred . t\te cUil plutm m |ietitf-fllir .|Hr m tiMi*
CHAPITRE SEPTIÈME. 103
G\1\LL\BE.KT ou G\5\SL\BE.RT .
Il est fait mention de ce Comte dans une charte du 5
des nones de novembre, onzième année du roi Robert
(1007). De concert avec son frère Hugues d'Ampurias, il y 1007,
donne au monastère de Saint-Pierre de Rhodes, quelques
terres situées dans les Comtés de Pierrelate et d'Ampurias,
et provenant de la succession de leur père. Guislabert
mourut, suivant Taverner, avant l'an 1014. On ne con-
naît pas le nom de sa femme ; il en eut au moins deux
61s : Gauzfred, qui lui succéda, et Suniaire. On les voit
Ggurer dans une vente faite de concert avec leur oncle
Hugues, Fan 1029, à l'abbaje de Saint-Pierre de Rhodes,
d'un vaste terrain inculte, qui s'étendait des terres du
monastère jusqu'au cap de Creux. H est possible que
Suniaire soit l'Évéque d'Elne de ce nom Ggurant , dans
une charte de 1031 .
G\i:ZVBÏ.D u.
Il était en bas-àge lors de la mort de son père. Son
oncle Hugues, se prévalant de cette circonstance, tenta de
le dépouiller; mais Bernard Taillefer, comte de Bésalu,
l'aida à repousser cette injuste agression. Son frère Oliba,
évéque d'Ausone, fut le médiateur de la paix conclue en
1020 entre l'oncle et le neveu. La protection accordée
au jeune Gauzfred par les deux fils d'Oliba-Cabréta, fait
supposer (|u'il était leur proche parent. Il assista, le 16
juin 102o, à la consécration de l'église du vieux Sainl- 1025.
Jean de Perpignan. Le Roussillon était, comme tous les
pays chrétiens, désolé par les guerres privées. Plusieurs *
Évéques avaient défendu , sous des peines canoniques ,
de commettre aucune violence le dimanche, afin de
pouvoir vaquer au service divin. Cette trêve qui devait
toi riISTOÎRE'DL* nOL'SSiLLOX.
s'observer le jour du Seigneur, fut par cette raison ap-
pelée trève-Dieu. Le premier règlement connu sur cette
matière fut fait dans un Synode, tenu te 16 mai 1027,
au Diocèse d'Elne, sons la présidence d'Oliba, évêqoc
d'Ausone el abbé de Sainl-Michel-de-Cuxa, chargé de
l'administration du Diocèse en Tabsence de Tévêque Bé-
renger III (voyez les Conciles du père Labbe). D'après
ce règlement, on ne pouvait, sous peine d'excommuni-
cation, convertie en anathème au bout de trois mois,
attaquer un moine ou un clerc sans armes, un homme
allant à Téglise ou en revenant, ou bien marchant avec
des femmes; les églises et les maisons qui n'étaient pas
éloignées de trente pas, devaient être respectées en tout
temps. Quant à un ennemi, il n'était défendu de l'attaquer
que depuis l'heure de nonc du samedi jusqu'à l'heure de
prime du lundi. Les heureux résultats de ce Synode, ou
peut-être le désir d'en perfectionner les règlements et
de les rendre plus utiles en les faisant exécuter dans
une plus vaste contrée , engagèrent des Prélats et quel-
ques Seigneurs de la province ecclésiastique de Narbonne
^041. à s'assembler, en lOU, dans le lieu de Tuluges, du Dio-
cèse d'Elne, sous la présidence de Guifred, archevêque
de Narbonne. On compta parmi ces Prélats les Evéques
de fiirone et d'KIne, et parmi les Seigneurs, le Comte de
Roussillon, avec son fils, les Comtes Pons d'Ampurias,
Guillaume de Bésalu , Raymond de Cerdagne , le Vicomte
de Castelnou. Ijk prohibition des hostilités eut lieu dans
un plus grand nombre de circonstances : on défendit de
commettre des violences dans les églises, les cimetières
et autres lieux consacrés, lorsqu'ils n'étaient pas fortifiés;
d'attaquer les clercs, les religieux, les religieuses, les veu-
ves; de brûler les maisons des clercs et des |>aysans; de
saisir les vaches, les ânes, les juments, les (mulains aii-
CHAPITRE SEPTIÈME. 105
dessous (le six mois. On y statua que quiconque n'aurait
pas réparé, quinze jours après en avoir été requis, les
dommages qu'il aurait causés, serait comdamné à payer
une amende double de la valeur, dont moitié pour le
Comte ou TÉvêque qui le contraindrait à la réparation.
La trève-Dieu devait avoir lieu à diverses époques de Tan-
née, et en outre, toutes les semaines, depuis le mercredi
soir jusqu'au lundi matin. On fut obligé, dans la suite,
d'en abréger la durée; elle ne commença plus que le
samedi soir. Le concours du pouvoir civil avec l'autorité
ecclésiastique devait donner une plus grande force aux
ordonnances faites dans cette réunion; et l'on avait eu
l'adresse d'intéresser les Évêques et les Comtes, à la pu-
nition des infracteurs. Mais que peuvent les lois, lorsque
les législateurs sont les premiers à les enfreindre! Au
sortir de l'assemblée de Tuluges*, son président, l'ar-
chevêque Guifred, attaquait le Vicomte de Narbonne ; et
au Concile tenu dans cette ville le 17 mars 1043, on
n'excepta que par pur ménagement les Comtes de Bésalu
et de Cerdagne, de l'excommunication lancée contre les
envahisseurs des biens du monastère de Cuxa. Les cha-
noines d'Elne n'étaient pas mieux traités que leç moines ,
de Saint-Michel, et c'était de plus, par un de leurs archi-
diacres, Uzalgar de Casteinou, qui, chargé par eux de
l'administration des biens du Chapitre, se les appropria
et s'y maintint à force ouverte jusqu'à ce qu'il eût péri
dans un combat livré pour les défendre. A sa mort, deux
de ses parents, le vicomte Uzalgar et l'archidiacre Guil-
laume, s'en saisirent comme d'un héritage, et ne les
restituèrent qu'en partie, lorsque l'évêque Raymond eut,
pour les y contraindre, fait fermer toutes les églises du
«
l Nous avons placé le Synode (l'Elne eu 10â7 i et adopté .la date de lOH pour cchn >k
Tulujes, satvaul Doin Vaisselle, donl l'opinion parall la mieux fondée.
106 HISTOIRE DU ROL'SSILLON.
diocèse. Ces faits dous sont transmis par une lettre ency*
clique du Chapitre d'Elne, que nous devons à M. Fossa.
Nous y voyons que les chanoines, pour faire rendre gorge à
l'archidiacre Uzalgar, s'étaient adressés a l'Archevêque de
Narbonne, au Comte de Roussillon, et à plusieurs autres
puissants Seigneurs, qui se rendirent tous à EIne, sans
pouvoir rien obtenir de l'Archidiacre. Cette réimion pour-
rait bien être celle dont il est question dans la charte
du A des ides de décembre 1053 (Marc. Hisp. ), où il
est dit que l'Archevêque Guifred, avec les Évêques de
Girone et de Carcassonne, les Comtes de Roussillon el de
Cerdagne, s'étaient réunis à Elue (ad reœdificandam) pour
restaurer l'église cathédrale de Sainte -Eulalie*. Quelque
sens qu'on attribue à ces expressions, il fallait d'abord
faire rentrer a la mense capitulaire, dont une partie étah
consacrée k l'entretien de l'église, les biens qui en avaieiil
été distraits. L'Évéque d'Elne s'exécuta en restituant la
terre de Saleilles, mais son exemple ne fut pas sui\i; au
moins les chartes contenant ces restitutions ne sont point
parvenues jusqu'à nous.
On n'a pas à reprocher à («auzfred les mêmes violences
(|u'aux autres Seigneurs de cette époque. Nous l'avons
vu, au contraire, figurer à deux assemblées où il s'agis-
sait d'en arrêter le cours ou de les réparer. En 1046, il
assista à la consécration de Téglise d'Arles. En 1060, il
contribua avec Adélaïde ou Azalais, sa femme, à la cons-
truction d*un autel a EIne. En 1071, il tit une donation à
1075 Tabbave de Saint-Pierre de Rhodes. Il était mort en 1075,
laissant un (ils nommé (îuislabort, qui lui succéda.
A^\A »ifillf tu 1M7 f H(tn Hup. i. mrn n"iH<li«|u<* qiiVilr ail «ti* r.^|»jrifc th»f>l7 à fiMt;
»ii \ lrj\iill.«it •Il fd.'t". .inii<*i- iiu [4 Kitnlr^w Krii.i^Mitilr. lir flinvlxii* . «lau» va IrtUa^at
iIh 25 r^iUcnitiri' . ii»iiiuil f.'itl mjnruH*^ atl Stilfui Snmtir-Kutalnr Hu»itlt6n%s. adtfâm
CHAPITRE SEPTIÈME. 107
G\3\S\ABE.KT W
Ce Comte régnait déjà en 1075, puisqu'il fut chassé, cette
année , de l'église de Saint-Michel-de-Cuxa par les soldats du
Comte de Cerdagne. On ignore s'il obtint réparation de cette
insulte. Il termina en 1085 les diflërends qu'il avait avec
Hugues II, comte d'Ampurias. Dans l'accord conclu entre
eux, le 4 des calendes de juin, Hugues s'engagea k as-
surer ses droits sur les Comtés d'Ampurias et de Pierre-
late, k employer la voie de la justice, et, au besoin, celle
des armes, pour châtier ceux qui voudraient lui faire tort.
On convint qu'ils s'appelleraient réciproquement aux plaids
tenus dans leurs terres ; qu'ils partageraient les composi-
tions et les amendes lorsqu'ils seraient tous les deux pré-
sents; et qu'en l'absence de l'un des deux, les bénéfices
seraient pour l'autre. Il y fut convenu encore que, lorsque
Guislabert irait à Ampurias, il y jouirait des mêmes droits
et prérogatives dont jouissait Hugues. Ce traité, plusieurs
plaids où le jugement est prononcé par le même magis-
trat, comme juge des deux Comtés, quelques dons faits
en commun aux églises, ont porté Taverner à croire
qu'issus de la même maison , les Comtes d'Ampurias et
ceux de Roussillon avaient gardé indivise la propriété
des deux Comtés, dont ils se contentaient de percevoir
séparément les revenus. Des arrangements de cette na-
ture ont été trop fréquents a cette époque, pour nier qu'il
en ait existé de semblables entre les deux branches de la
maison de Roussillon ; mais nous n'avons pas des preuves
assez fortes pour l'affirmer.
Le goût des pèlerinages lointains, si commun dans ce
siècle, s'était aussi introduit en Roussillon. On prétend
que, dès l'an 1027, Bérenger, évéque d'Elne, avait fait
celui de Jérusalem, el que peu d'années a|)rès, le comte
10H HISTOIRE m ROLSSIULt>N.
(«auzfred lil celui de Saint-Jacques. On voit daus les
chartes, un Comte de IVvsalu, en IO^m; Bernard de Cor-
neilla, en 1087; (Juillaunie, vicomte de Casteinou et archi-
diacre d'Elne, en KJÎM, se disposer à visiter les Saints
40ÎMÎ. lieux. Enfin, en lOTK), (iérard, lils aîné du comte Guis-
labert, partit, suivi de plusieurs vassaux de son père,
entr'autres de Guillaume de Canet, et se joignit à l'année
des Croisés, qui, sous la conduite de Raymond de Saint*
Giles, marcha à travei-s les Alpes, la Kombardie, le Frioul
et la Dalmatie, pour se réunir à ceux (|ui les avaient pré-
cédés à Cortstantinople, et aller à la conquête de la Terre-
Sainte. Gérard était Tun des sept principaux chefs de
cette moitié de Tarmée du (^.omte de Toulouse, qui partit
la première, et qui, avec une autre armée de Croisés,
arriva devant Nicée le (J mai 1(H)7. Après avoir contribué
à la prise de celle ville, à celle dWntioche, et k toutes
les victoires remportées par les Chrétiens, il ftit, dans ia
bataille livret? sous les murs de cette dernière ville, Tun
des chefs du onziènu» corps de l'armée chrétienne, com-
posi* de la cavalerie des provinces méridionales de la
France. Les Ooisés axant ensuite marché sur Jérusalem,
nous voyons au sié^^e <le cette ville, (lérard qui faisait
partie de Tattaque commandée par Godefroy de liouillon,
|)énétrer Tun des premiers dans la place. ApK's la défaite
de Tannée du Soudan d'Éj^ypte ii Ascalon, Gérard se dé-
tennina ii revenir en Occident par la voie <ie Conslan-
1100. tinople. Il était de retour au mois de septembre 1100.
Arnahlus Vilh^lmi, de Salses, avait lé(j[ué à l'église d*Eine
le tiers du lieu de Saint-Génis-de-Tanvères. I^ comte
(luislabert contestait la validité de cette donation. On
discuta cette atlaire dans une n'^union de nobles, de juges
et de |H'rsonnes d'un ran^' inférieur, qui eut lieu k Fine.
Comme on ne iléridait rien, le Comtt* ordonna ii Ravmonil
CHAPITRE SEPTIÈME. 109
Viilelmi , juge des Comtés de Roussillon , d'Âmpurias et
de Pérelada , de prononcer le jugement. Celui-ci déboula
le Comte , qui , furieux , se jeta avec son fils Gérard sur
les possessions de l'Evéque, abattant les maisons, cou-
pant les arbres, maltraitant les habitants ; mais ces prin-
ces, ramenés par les conseils et les reproches de leurs
amis et des gens de bien, consentirent, dans un accord
fait le 25 septembre 1100, à ratifier la donation d'Âr-
naldus de Salses, moyennant 700 sols que leur compta
rÉvêque.
Quoique disposés à soutenir par les moyens les plus
violents leurs prétentions contre l'église d'Elne, ces
Comtes se montrèrent généreux envers celle de Saint-
Jean de Perpignan. Guistabert lui donna, le 15 septem-
bre 1102, de concert avec sa femme Stéphanie et son
fils Gérard, la dime de toute la paroisse et quelques au-
tres objets, afin que les ecclésiastiques qui la desservaient
pussent vivre en communauté. La charte relative à ce don
est la dernière où il soit fait mention de Guislabert , ce
qui fait présumer qu'il mourut peu de temps après.
Ce Comte avait épousé avant 1102 Agnès, dont on ne
connaît pas la famille. La première Croisade, où nous
l'avons vu figurer avec honneur, ne l'avait pas dégoûté
de ces expéditions lointaines. La piété et l'ambition le
ramenèrent a la Terre-Sainte, où il se trouvait en 1109.
Comme il en revint en 1112, il est assez probable qu'il in2.
partit au commencement de mars 1109, à la suite de
Bertrand, comte de Toulouse, et que la mort de ce prince,
qui eut lieu le 21 avril 1112, le détermina à abandonner
la Palestine. Durant son absence, sa femme Agnès donna
110 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
à labbaye de la Grasse celle de Saint-André de Sorède,
sous la condition d'en réparer les bâtiments, qai tom-
baient en ruines, s'engageant a faire confirmer cette
donation par son mari, s'il revenait du Saint-Sépulcre.
La charte qu'elle lit expédier pour cet objet, est du 97
septembre 1101) : il parait, d'après la manière dont elle
s'exprime, qu'elle avait eu du Comte plusieurs enfants
de l'un et de l'autre sexe. Mais, comme aucun d'eux ne
signe cette charte , nous devons en inférer qu'ils étaient
tous en bas-âge, et qu'ainsi le contrat de mariage de
Gauzfred, Tun d'eux, fait le r> des ides de mai 1110,
avec t^rmengarde, fille de Bernard Athon, comte de Bé-
ziers et de Cécile, sa femme, contrat dont parlent Balme
et d'Achéri, nest, comme sa teneur semble Tindiquer,
qu'une simple promesse qui s'effectua plus tard. Ermen-
garde reçut en dot plusieurs fiefs , indépendamment des
châteaux d'Abeillan et de Mèze, dont elle ne devait jonir
qu'après la mort de ses parents. I^ Vicomte déclare, en
outre, que s'il venait k mourir sans enfants miles,
Ermengarde, ou toute autre de ses filles qu'épouserait
rtauzfred, hériterait de tous ses biens. Revenu de la P^
lestine vers la fin de 1H2, le Comte Gérard fut toé
Tannée suivante. On ignore les circonstances de sa mort»
ainsi que les événements qui eurent lieu dans le Rooik
sillon pendant les trois années suivantes
Hir». Une charte du 2 des ides d'avril 11 16, et une inscrip-
tion placée sur l'édifice , nous apprennent que ThApital
Saint-Jean de Perpignan, fut fondé le Ti avril de cette année^
par un Comte de Houssillon, appelé Amaldus Gaufredos
ou Gauffeiii, qui se trouve ainsi entre Gérard et son fils
(■auzfred III. l>om Vaissette suppose que ccSeîgneur^ fUs
de Gauzfred II , ne prit le titre de Comte de RoussilloB
(pi'en qualité de tuteur de son petit-neveu Gauzfred III.
CHAPITRE SEPTIÈME. 111
D'après ce que nous avons dit plus haut, cette tutelle
n'a rien d'invraisemblable, et cet Amaldus Gaufredi, qui
signe l'acte du 15 septembre, dont nous avons parlé à
la fin du règne précédent, immédiatement après le comte
Guisiabert, sa femme et son fils, devait être, en effet,
l'oncle et le tuteur de Gauzfred. Ne connaissant aucun
autre document qui fasse mention de cet Amaldus Gau-
firedi, nous adoptons volontiers l'explication de Dom
Vaissette, et nous ne donnerons point place à ce Comte
parmi ceux du Roussillon.
G\V3Z.F1V€.D \\\.
Pendant sa minorité , les Sarrasins , maîtres des îles
Baléares , désolaient par leurs pirateries toutes les côtes,
depuis Tortose jusqu'à Pise. Le Comte de Barcelone,
Raymond Bérenger III, s'étant concerté avec les Génois
et les Pisans pour armer contre ces brigands , plusieurs
Seigneurs du Languedoc, de la Provence et du Rous-
sillon firent partie de l'expédition. La flotte qui la portait
ayant mis à la voile en liH, fut dissipée par une forte
tempête, et ne se réunit de nouveau que le 24 juin 1115.
\prè8 s'être emparé de l'île d'Yviça, le 10 août, on atta-
qua, le 24, Majorque, qui ne se rendit que le 6 février
1116. L'île entière était soumise le 5 avril. Mais cet
exploit fut plus brillant que solide ; les Maures se révol-
tèrent peu après, recouvrèrent leur indépendance, et
continuèrent leurs brigandages. Ce n'est qu'à cette épo-
que, qu'on trouve, pour la première fois, le nom de
Catalogne donné à la Marche d'Espagne.
Au moment où Gauzfred prenait les rênes du Gouver-
nement, le Comte de Barcelone, dont les nouvelles acqui-
sitions des Comtés de Bésalu et de Cerdagne entouraient
M-2 HISTOIKE Dl ROtSSILLON.
presque le Koiissilloii et le pays d'Ainpurias, devenait un
voisin bien redoutable. Cette considération aurait dû les •
engager a resserrer ralliance qu'une origine commune ren-
dait si naturelle entre les deux familles. Loin de 1^, ils ne
surent pas vivre en bonne intelligence. Le Comte de Roufr*
sillon, vraisemblablement le plus faible, parait avoir en
recours au Comte de Barcelone, qui força , ik la vérité, en
1 128, le Comte d'Ampurias à satisfaire celui de Roussillon;
mais il profita de cette occasion pour étendre sa suzerai*
neté sur le premier, qui n'avait jamais dépendu de lui. Il
parait cependant que Pons-Ilugues et Gauzfred comprirent
le mal qu*ils s'étaient fait par leur brouillerie; et c'est,
ii.'o. sans doute, par suite de leur réconciliation, qu'en 1130,
le premier institua le second héritier du Comté d'Am-
purias, dans le cas où il mourrait sans enfants légitimes.
Cauzfred, qui avait eu recours à une assistance si dan-
gereuse |H)ur obtenir justice de son parent, laissait ra<*
vager impunément les côtes de ses Etats par les Sarra*
sins des Baléares; c'est ce <iue nous apprend Udalgar,
évêque d'Klne. Ce Prélat se plaignait au Synode tenu à
Narbonne en 1 iiO, que son Diocèse était désolé par ces
pirates; qu1ls avaient fait grand nombre de captifs, et
demandaient cent jeunes vierges pour le rachat de ces
malheureux. Il ajoutait, qu'ayant pris des engagements
avec ces Barbares pour la rançon des prisonniers, il im-
plorait la charité des iidèles afin de pouvoir les remplir.
Ce Concih* provincial accorda des indulgences à ceoi
(|ui, par leurs aumônes, contribueraient à cette bonne
(puvre. Kn lir>9, le ccmite iiauzfred, sa femme Er-
mengarde TrenraveL et leur fils Cuinard ou Gérard,
confirment la donation faite en IKKI de Tabliave de
Siiint-Aiidré de Sorède à relie iW la Crasse. Kn 1151,
Cian/fred donna à snn fils Gérard la Seigneurie alhHlialf
CHAPITRE SEPTIÈME. 113
de Perpignan et de Mailloles, ainsi que le tief qu'il tenait
du Vicomte de Narbonne, et le déclara l'unique héritier de
son Comté. Le Vicomte de Béziers, Raymond Trencavel,
oncle de Gérard, fut un des témoins de cette donation.
Gauzfred vivait très mal avec sa femme, qu'il ne tarda
pas k répudier pour en prendre une autre. La Comtesse
se retira au château de Mèze, en Languedoc, qu'elle avait
eu en dot, et porta ses plaintes au pape Eugène III : le
Pontife excommunia son mari. Ce fut peut-être pour
fenger l'outrage fait à sa sœur, que Raymond Trencavel
envahit le Roussillon , comme on l'apprend pdr son tes-
tament de 1154, où il donne ordre de réparer le tort
Ëiit, dans ses incursions, aux Templiers, aux Hospitaliers
et aux églises de ce pays. Adrien IV renouvela l'excom-
munication d'Eugène, et écrivit \k l'Archevêque de Nar-
bonne, à l'Évéque d'Elne et aux Barons du Roussillon,
pour déclarer adultérins les fils nés de la seconde femme,
et par conséquent privés de tout droit k la succession
paternelle. Nous ignorons si les foudres de l'Église pro-
duisirent quelque effet sur Gauzfred. Il parait que la bonne
intelligence. du père et du fils ne fut pas troublée; car,
dans one charte de 1162, ils accordent, de concert, à
Guillaume, Seigneur de Pia, la faculté de prendre deux
meules d'eau du ruisseau du Vernet, pour l'arrosage de
ses terres : Gérard s'y intitule , comme son père. Comte
de Roussillon. Gauzfred mourut le 6 des calendes de
mars 1165 (25 février 1164) , après avoir institué héritier j^^^y
de tous ses domaines, son fils Gérard, par un testament
verbal fait ce jour même , en présence de sept témoins.
G\3W\RD ou GÉRARD II.
Les sept témoins du testament de Gauzfred étaient,
suivant les lois, obligés d'en donner connaissance dans
8
114 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
le délai de six mois. Ils le déclarèrent doue à TÉvéque
d'Elne, ik Miron, juge du Comté, et 2i TÂbbé de Sainl*
André, le 8 des ides de mai 1164. Ils en attestèrent la
vérité par un serment prêté sur l'autel de Saint-Pierre
de l'église Saint- Jean de Perpignan, en présence éd
l'Évéque, de l'Abbé, du Juge, du Vicomte de Castelnoii^
de Pons de Rocha, de Bérenger d'Orla, de Bernard de
Castell-Rossello , de Gérard d'Ille, de Pons de Banyuis,
et de plusieurs autres Chevaliers. Malgré ce testament
et la déclaration faite par son père en 1151 , il paraît
que Gérard éprouva quelque opposition : elle provenait
de la femme épousée par son père, après la répudia-
tion d'Ermengarde et des enfants qu'il en avait eus. Noua
voyons le pape Alexandre III , à la sollicitation de Ra]h
mond Trencavel , écrire de Montpellier deux lettres k ce
sujet, le 10 août 1165. Dans la première» adressée à
Gérard , il confirme ses droits ; dans la seconde , il recom-
mande aux Archevêques de Narbonne et de Tarragone,
ainsi qu'aux Évêques d'Elue et de Girone, d'appuyer de
toutes leurs forces les prétentions du comte Gérard à la
succession de son père, prétentions qui, seules, étaient
fondées, d'après les décisions de ses prédécesseure.
Gérard avait, du vivant de son père, confirmé, conune
Seigneur particulier de Perpignan , les coutumes et bona
usages de cette ville, par une charte datée des nones de
juin 1162. Il fit une donation à l'hôpital de cette tille^
le 3 des nones de janvier 1167; et le 14 des calendes
de juin 1 170, il accorda de nouveaux privilèges il Perpi»
gnan. Il mourut [^u de temps afirès, le 4 des nones de
1472. juillet 1 172, jour où, par son testament, il institua pour
son héritier an (lointé de Roiissillon et h ce qu*il posscdail
dans ceux d'Ampurias et de Pierrelate, Alphonse II, roi
d'Aragon. Ce Monarqur n'a\ait aii( un droit il cet héritage.
CHAPITAE SEPTIÈME. 115
comme le dit Gérard lui-même dans son testament. Le
Comte ne manquait point de, parents, et Hugues III,
Comte d'Ampurias, descendait, comme lui, des premiers
Comtes de Roussillon. Mais Gérard voyait son héritage
fort convoité par le Roi d'Aragon ; il ne pouvait en dis-
poser en faveur d'aucun de ses parents, assez puissant
pour le défendre contre les entreprises d'Alphonse. Il
craignait que s'il venait à s'en emparer par les armes,
les dispositions auxquelles il tenait le plus restassent
sans exécution. Il préféra donc, en suivant les conseils
d'une sage politique, déclarer le Roi d'Aragon son héri-
tier, lui recommander ses parents, ses amis, et le charger
de l'exécution de ses dernières volontés. Quant au châ-
teau de Mèze, qu'il tenait du chef de sa mère, il en dis-
posa en faveur de Béatrix, sa cousine * . Les nombreuses
restitutions ordonnées par Gérard, restitutions dont on
trouve de fréquents exemples dans les testaments de
cette époque, nous prouvent que si les Seigneurs d'alors,
en cela semblables aux hommes puissants de tous les siè-
cles, commettaient des injustices, ils songeaient du moins
souvent à les réparer au moment de leur mort. La poli-
tique qui dicta le testament de Gérard s'accordait heu-
reusement avec le véritable intérêt des peuples ; et si le
Roussillon vit rompre les liens, devenus bien faibles, qui
l'attachaient k la France depuis plus de quatre siècles, il
eut du moins l'avantage de faire partie d'un Etat mieux
gouverné que ne l'étaient à cette époque la plupart des
monarchies de l'Europe.
Les Comtes de Roussillon , depuis Miron , étaient bien
loin de posséder la province entière qui, dans la suite, porta
1 Ou (loil être surpris dp le voir disposer de le rhâteau, ifu'il avait vendu eu 1152
^ ^tu oiirlo îtaxinoiid irfUiavel.
116 HISTOIRE DU ROUS81LL0N.
ce nom. Leur puissance ne s'étendait guère que sur les
deux cantons actuels de Perpignan, ceux d'Argelès^ de
Thuir, de Millas, de Rivesaltes, et sur quelques Tillagm
limitrophes. Le reste, devenu, après la mort de IGron,
la propriété des Comtes de Barcelone, fut annexé aux
Comtés de Cerdagne et de Bésalu, apanages de deux
branches cadettes de cette illustre maison. Les SoaTe»
rains de ces deux Comtés ayant possédé une partie tmti
considérable du département, nous ne pouvons nom
dispenser de consacrer quelques pages à leur histoire.
Nous le ferons en prenant pour guide Don Prosper de
BofaruU. Ce savant, en débrouillant la suite mal comitte,
avant lui, des Comtes de Barcelone, a jeté on grand
jour sur celle des premiers Comtes de Cerdagne ^
COMTES DE CERDAGNE.
MmoN .
Bofarull prouve très bien que Vuifred-le-Velu , premier
Comte héréditaire de Barcelone, eut cinq enfants miles:
Radulphe, Vuifrcd, dit aussi Borel, Suniaire, Hiron el
Sunifred; qu'à sa mort, arrivée le 11 août 898, Vuifred»
Borel lui succéda au Comté de Barcelone; qu'à celoi-d,
mort le 20 avril 012, succéda son frère Suniaire, qui,
peut-être, avait gouverné le Comté conjointement tree
lui; et qu'enfin Suniaire fut remplacé par ses deux fils«
Borel H et Miron , dont le premier survécut au secoiidt
laissa lignée, et mourut en 992. On ne peut donc placer^
comme on Ta fait jusqu'ici, Miron, fils de Vuifired-le-Vdi^
parmi les Comtes do Ftercelone : plusieurs doauneiils
1 VfHr, a l'4f>|»«H4<i<r. U n<»if :». t\»n% U/|tt^lk 0"Ui> 4tiin« ctn devoir ra{
lihalioii de ^unifrcil
CHAPITRE SEPTI&ME. 117-
doivent nous le faire considérer comme la t!ge des Comtes
liéréditaires de Cerdagne. Bofaroll cite entr'autres, une
charte des archives royales, datée du i8 février 900, où
Ton voit, dans un plaid tenu par le comte Miron, Renaldus
et Bioturius confesser que certaines terres du lieii de Sté-
gai, en Cerdagne, appartiennent à Fabbesse Hémon, sœur
de ce Comte, et non k eux. Plusieurs autres chartes nous
a|q[>rennent que d'Ave , sa femme , dont on ignore la fa-
mille, Miron eut quatre fils : Séniofred, Vuifred, Miron et
Oiiba-Cabréta. Dans son testament, des ides de juin 925,
après avoir fait quelques legs aux églises, à ses cinq
enduits naturels, et h leur mère Yirgilia , il institue héri-
tière sa feoune, si elle reste veuve, conjointement avec
les enfants qu'elle lui a donnés. U mourut avant le 5 des
ides de septembre 927, jour où ses exécuteurs testa-
mentaires délivrèrent deux legs faits par lui.
Séniofred, l'aîné des quatre fils de Miron, lui succéda
dans les Comtés de Berga , Cerdagne et Confient. Ses
frères Vuifred et Oliba prennent bien lé titre de Comtes
dans une donation faite au monastère de Saint-Michel-de-
Cuxa, en 941, conjointement avec leur frère Miron et
Ave , leur mère ; mais ils paraissent lui être inférieurs ,
car on voit dans la charte 73 du Marc. Hisp., Séniofired
envoyer son fi-ère Vuifred k Louis-d'outre-Mer, pour lui
demander la permission de donner au monastère de
Saint-Michel , quelques terres dépendantes de son Comté.
Suivant une charte du 5 des calendes d'août 955 , rela-
tive k la consécration de l'église de ce monastère, Sénio-
fred étant fort jeune , avait construit a pierre et k chaux
cette église, qui n'était auparavant bâtie qu'en cailloux
118 HISTOIRE Dt ROUSSILLON.
et terre grasse ; et lors de sa consécration , il lui fit de
grandes libéralités, de concert avec sa mère et wom frère
Oliba. Le comte Vuifred n'est point nommé dans cette
charte. Dès avant 950, il parait avoir été investi du
Comté de Bésalu, possédé par son oncle Suniaire, jus»
qu'au moment où il se trouva seul Comte de Barcelone.
Voifred mourut assassiné , avant le mois de juin 9Qi,
sans qu'on puisse en assigner l'époque exacte. Son frère
Séniofred vengea sa mort ; et, après avoir puni les mear»
triers, il ajouta le Comté de Bésalu à ses autres domaises.
11 fit son testament le jour des calendes d'octobre 986,
et mourut en 967. Nous avons de nombreuses chaitei
de ce Comte. S'il ne s'y intitule jamais Comte de Cer*
dagne, il ne prend pas non plus le titre de Marehio,
presque toujours distinctif des Comtes de Barcelone. Cet
actes sont toujours relatifs k des églises de Cerdagne, de
Bésalu et Conflent, tandis qu'on voit dans le même temps
une infinité de chartes émanées des Comtes ou Marquis
de Barcelone, et concernant cette ville, Girone et Aosone.
D'où il est aisé de conclure que Séniofred ne fut jamais
Comte de Barcelone, mais bien de Cerdagne, eonuM
l'avait été son père Miron.
Ce Comte succéda à son frère Séniofred, k la tin de
967. Il ét^Mt marié avec Ermengarde, dont il n'aviil pat
d'enfants. On voit aux archives de Ripoll une dotntioB
laite par eux au monastère de Sainte-Marie, pour en ob-
tenir; elle est datée du 17 des calendes de septembre 987 :
leurs vœux furent exaucés. Ils eurent quatre fils : Vw-
fred et Bemardj, le premier Comte de Cerdagne, Tivlre
de Bésalu; Oliba et liérenger, tous deux Kvéquea, le
CHAPITRE SEPTIÈME. 119
premier d'Âusone, le second d'Elne. Adélaïde, ruiie de
leurs filles, se maria à un Seigneur nommé Jean Aurioi;
l'autre, Ingerberge, fut Abbesse de Saint-Jean-Baptiste
de Rîpoll. Peu de princes ont donné, par leurs libéralités
envers les églises, plus de preuves de leur piété que ce
Comte. Cependant, quelques historiens, ne sachant com-
ment expliquer la perte des droits chimériques qu'ils lui
avaient attribués sur le Comté de Barcelone , ont imaginé
qu'il en fut exclu à cause de son irréligion. D'autres ont
donné de sa prétendue exclusion un motif plus extraor-
dinaire : c'était, disent-ils, un bégaiement et une diffi-
culté tels, qu'il ne pouvait parvenir à prononcer une
parole qu'après avoir frappé quatre ou cinq fois du pied
contre terre , comme font les chèvres , habitude d'où lui
était venu le surnom de Cabréta, BofaruU a rendu toute
explication inutile, en démontrant qu'il n'eut de droits
que sur le Comté de Cerdagne, qu'il obtint en effet.
Quant à celui de Bésalu, Miron, frère d'Oliba et de
Séniofred , parait en avoir eu la jouissance après la mort
de ce dernier; il obtint, peu de temps après, l'Évéché
de Girone, et mourut en 9R4. Oliba joignit alors à ses
autres Etats le Comté de Bésalu, consistant : !<> en un
petit district au midi des Pyrénées ; 2<> le Vallespir, com-
posé à peu près des trois cantons de Prats-de-MoUd,
Arles et Céret; 5o le Comté de Fenouillèdes , dont les
cantons de Soumia, Latour et Saint-Paul formaient la plus
grande partie. Le Vallespir appartenait déjà au Comté de
Bésalu, en 950; il parait avoir été distrait du Comté de
Roussillon en même temps que le Confient, a la mort
de Miron, frère de Vuifred-le-Velu, en 895. Le Fenouil-
lèdes était, suivant Dom Yaissette, un démembrement
de l'ancien Comté de Narbonne, effectué k peu près à la
même époque. Ces trois petits pays, quoique souvent
ISO HISTOIIIK DU R0US81LL0N.
désignés sous le nom de Comtés, n'eurent probablemesi
jamais de Comte particulier ; mais on voit quelquefois oa
Vicomte de Vallespir, toujours un Vicomte de Fenoiil*
lèdes et un Viguier du Confient.
Oliba-Cabréta avait voulu , en 981 , agrandir ses États
de tout le Rasés; mais vaincu {Mur le Comte de Carets*
sonne Roger l^^^ dans une bataille sanglante, où la vie»
toire fut disputée avec le plus grand achamemait, il
obtint de son rival la paix et la cession du Capcir. L'aa
888, touché par les exhortations de saint Romuald, akHV
retiré au monastère de Cuxa, il abandonna ses États, et
fut prendre Thabit monacal au Mont-Cassin , où il moarat
deux ans après. Il aurait pu faire choix de Coxa : ee
monastère possédait alors plusieurs personnages illustres,
attirés par la célébrité justement acquise de cette retraite
sou^ la sage direction de l'abbé Guérin. Parmi ces péoH
tents, on avait vu mourir en 987, Pierre Urséole, aneicD
Doge de Venise. Saint Romuald n'y finit pas ses jovt*
On raconte, qu'au bruit de son prochain départ, répande
dans la contrée, les habitants, inconsolables de le perdre
pour toujours, résolurent de le tuer, afin de conserver
au moins ses reliques. Komuald, prévenu de leur des»
sein, contrefit Tinsensé, et évita ainsi le sort que lai
préparait l'étrange piété des habitants du pa}*s. OKba,
en se retirant au Mont-Cassin, laissait des enfants ea
bas-àge; mais rien ne put Tan^êter dans l'exécution de
son projet : il partit après avoir confié Tadministration
de ses États a sa femme Erniengarde.
\\:\vt\v.V) o^i'.uwuKVv
Vuifred succéda à Oliba, sou |K*re, dans les Comtés
<U Berga, de Cerdu^ne, Av (ionfienl oi dans le Caficîr. De
CHAPITRE SEPTIEME. 121
concert avec sa femme Guisla, il entreprit, en 1001, la
construction du monastère de Saint-Martin-de-Ganigou ,
auquel il fit deux donations. Tune en 1005, et l'autre
en 1007. La dédicace de l'église eut lieu en 1009. La
bulle du Pape au sujet de cette fondation, est de l'an 1010.
Aucun document ne fournit la moindre trace du meurtre
pour l'expiation duquel, au rapport de certains auteurs,
il se serait décidé k construire cet immense édifice, au
milieu des rochers, et dans le site le plus sauvage. C'était
l'esprit d*un siècle, où l'on ne voyait que trop souvent
les princes allier une oi^eilleuse piété à la violation la
plus déboutée des préceptes de l'Église. Ce même Comte,
qui venait de bâtir et de doter un grand monastère, donna,
en 1016, au Vicomte de Narbonne et au Marquis de Go-
thie, cent mille sols pour assurer la nomination de son fils
Gttifired, qui n'avait pas dix ans, k l'Archevêché de Nar-
bonne. Le comte Guifred, marié en premières noces à
Guisla, fille du comte de Pallas, en secondes noces avec
Elisabeth, dont on ignore la famille, eut de ces deux
femmes cinq garçons et une fille, nommée Fide. Ray-
mond, Tainé de ses fils, lui succéda au Comté de Cer-
dagne; Bernard eut le Comté de Berga; Guillaume fîit
Évéque d'Urçel, et Bérenger d'Elne. Nous avons vu com-
ment Guifred avait obtenu l'Archevêché de Narbonne : sa
conduite y fut digne des moyens auxquels il dut son élé-
vation. Malgré plusieurs excommunications, il se maintint
soixante-trois ans dans son Evéché , qu'il pilla jusqu'à
vendre à des Juifs les vases sacrés , afin de se procurer
cent mille sols, dont il acheta l'Évéché d'Urgel, pour
son frère Guillaume. Après avoir fait son testament, le
8 novembre 1055, le comte Vuifred prit l'habit monacal
à Saint-Martin , et y mourut en 1050. Il n'avait point
encore renoncé au monde, lorsque son fils, Archevêque
12*2 HISTOIRE DU ROtSSILLON.
(te Narbonne, vint présider, le %2 juin 1035, k Sâinl»
Michel-de-Cusa, un Concile, où se trouvèrent les Évéqnet
(le Toulouse, Girone, Cominges, Maguelone, AuMUt^
Couserans, EIne, et un autre, dont le sî(^e n'esl pii
indiqué.
RA\MOND.
Ce Comte succéda a son père, vers Tan 1056; il assista
il l'assemblée de Tuluges, à la consécration de Téglise
d'Arles, en 1016. Il eut quelques démêlés avec ses trois
frères , Rernard , Guillaume et Bérenger, que souteniient
les Comtes d'I'rgel et de Barcelone : ils étaient tenninét
en 1050. Il eut de sa femme, Adèle, deux fils : Guillaonie,
qui lui succéda, et Henri, qui fut Vicomte de Cerdagne,
et se rendit cél('hre par sa valeur et par ses vertus. Le
comte Raymond mourut en 1068.
GV:\L\A\:MEr-R\\MOM>
Il succéda à son père. Il était déjà marié Tannée pié-
rédente avec Adélaïde, fille du Comte de CarcassonM,
puisque le 27 décembre 1007, il avait vendu au ConHe
de Ikircelone les droits de sa femme sur le Carcasses et
le Rasés, pour quatre mille mancuses d'or de Barcelone,
dont sept pesaient une once. Ses gens ayant employé la
violence, en 1075, pour chasser le Comte de RousailkNi
de l'église de Saint-Micbel-(le-(hixa, qui dé[)endait de aoB
(.omté, il se soumit 2i la pénitence canonique impooée
par rKvéque d'Elne pour expier ce sacrilège, conum
par s(m ordre. O^ielques années apK'S, il fonda Ville»
franche, en Confient. D'après les termes de la cJNUle«
cette fondation doit être postérieure au 6 des ides de wêkU
>ingt-S(*pti(»me ann('»e du roi Philippe (10R5K ot le jo«r
CHAPITRE SEPTIÈME. 123
même de la nomination d'Artal II k l'Évéché d'Elne. Ce
Comte mourut à la fin de 1093. Par son testament du
7 oetobre, il institua héritier universel de ses domaines ,
Guillaume-Jordan ^ son fils aîné , ne laissant an puiné ,
Bernard-Guillaume, que le Comté de Berga, pour le tenir
sous la dépendance féodale de son aine. Sa femme lui
survivait encore en H02.
G\3\LL\V3ME.-40KD\N.
Une des premières entreprises de ce Comte, fut de con-
tribuer de toutes ses forces à rétablir son cousin Bertrand,
fils de Baymond de Saint-Gilles, dans le Comté de Tou-
louse, d'où il avait été chassé par Guillaume, duc d'A-
quitaine, en l'absence de son père, parti pour la première
Croisade. Il ne tarda point à aller rejoindre, dans la Pa-
lestine, Baymond de Saint-Gilles. Il testa avant de partir,
le 13 avril H02, en faveur de son frère Bernard-Guil-
laume, qu'il institua son héritier universel, lui substituant
son oncle Henri, à celui-ci le Comte de Bésalu, et à ce
dernier le Comte de Barcelone. Arrivé, cette même an-
née, k la Terre-Sainte, il y combattit sous les drapeaux
du comte de Saint-Gilles, jusqu'à la mort de ce prince,
qui le fit héritier de ses conquêtes en Orient. Après les
avoir défendues pendant quatre ans contre les Infidèles,
et s'être distingué par les plus brillants exploits, il par-
tagea ce qu'il possédait dans ce pays avec Bertrand de
Toulouse, qui était venu réclamer l'héritage de son père.
Guillaume-Jordan mourut en 1109, suivant un auteur
contemporain, d'un coup de flèche que lui décocha un
de ses écuyers, avec qui il avait eu une querelle. Guil-
laume de Tyr, écrivain postérieur, mais plus judicieux,
dit que le Comte de Cerdagne, aiyant voulu apaiser une
124 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
rixe très sérieuse, élevée pour un sujet de peu d'impor-
tance entre ses gens et ceux du comte Bertrand , Ait tué
d'un coup de flèche tiré par une main inconnue. Il tjoiile
que Bertrand, qui, d'après leurs conventions, devait
succéder 2i ses Etats d'Orient, fut soupçonné d'tvoir été
l'instigateur secret du crime; mais que le £sût n'iYttt
jamais été bien éclairci.
BERti \rd-g\iilia\:me. .
Bernard-Guillaume succéda à son frère dans ses États
d'Europe. Peu après il voulut soutenir par les armes «
contre le Comte de Barcelone, ses droits sur les pays de
Bésalu, Vallespir, Fenouillèdes et Pierrepertuse , qoH
croyait devoir lui appartenir comme au plus proche pa-
rent, et à l'héritier naturel du dernier Comte. Il s'em-
para d'abord de quelques places; mais, craignant les
suites de celte guerre, vu l'infériorité de ses forces, fl
abandonna à son rival ses droits sur tous ces Comiél
par un acte dressé le 8 juin 1111. Il mourut en 1117,
et tous ses domaines rentrèrent dans la maison de Bar-
celone , dont la puissance se trouva singulièrement
accrue. Elle y gagnait en effet : au-delà des monts, h
Cerdagne espagnole et le Comté de Berga; en France,
les cantons de Saillagouse , Mont-l^uis , Olettc , Prades
et Vinça.
COMTES DE DÉSALI).
Nous avons dit, page I W), de (|urlles terres se coropoaail
le Comté de Ii4*salu, qui fut le partage de Bernard, Wàk
d'Oliba. Voici la série do ri»s Comtes :
CHAPITRE SEPTIÈME. 125
Bernard, que Ton croit Tainé des fils d'OHba-Cabréta,
loi succéda dans le Comté de Bésalu et ses dépendances.
Mous avons vu qu'il fit un noble usage de sa puissance
en protégeant le jeune Comte de Roussillon, Gauzfred II.
Des exploits peu connus lui firent donner le nom de
Taillefer; sa sagesse et sa bonté lui méritèrent celui
de Père de la pairie. Marié avant 997 avec Adélaïde ou
Tote, fille de Raymond Borel, Comte de Barcelone,
il en eut cinq garçons et trois filles. L'ainé, Guillaume,
loi succéda ; Vuifred et Henri devaient embrasser l'état
ecclésiastique ; Hugues et Bérenger n'eurent que quelques
aleus pour leur part; Garsinde, l'aînée des filles, avait
épousé, en 1010, Bérenger, vicomte de Narbonne;
Adélaïde fut religieuse; Constance eut seulement quel-
ques domaines peu considérables. Il laissa pour douaire à
sa femme, qui lui sunécut, le Vallespir. Ce Comte était
allé en Provence pour y négocier le mariage de son fils
aine. Au retour, le 29 novembre 1020, il se noya dans
le Rhône, qu'il voulait traverser à cheval. Cette mort
tragique causa des regrets universels.
G\31LL\\3ME..
Guillaume, surnommé le Gras, hérita des États, mais
non des vertus de son père. Avide d'argent, il vendit les
abbayes de ses domaines. Excommunié pour sa vénalité, il
se réconcilia avec l'Église avant sa mort, arrivée en 1052.
Il fut du nombre des Seigneurs qui assistèrent au Concile
de Tuluges. Il laissa, de sa femme, Adèle, deux fils, Guil-
laume et Bernard, qui lui succédèrent.
120 IIISTOIRE DU ROUSSILLON.
(iVi\LL.\V:MT£. W t\ BEHNXHD W.
Ces deux princes gouvernèrent en commun les États
dont ils avaient hérité de leur père. Ils étaient d'un ci-
ractère bien différent : le premier, violent et emporté,
parait avoir eu des discussions avec TÉvéque de Girone;
car, dans la donation qu'il lui fit en 1055 de la terre de
Bascara, il dit lui pardonner tous les sujets de plainte
qu'il avait eus contre lui, et témoigne le désir d'aller
visiter le Saint-Sépulcre , projet qu'il ne paraît pas cepen»
dant avoir exécuté. Détesté de ses sujets, il fut assassiié
vers l'an 1070. On accusa son frère Bernard de n'a?oir
point fait tout ce qu'il devait pour empêcher ce crime.
Cependant , ce prince , dont tous les historiens louent h
douceur, ne montra pas le moindre désir de régner
seul ; car, son frère ayant laissé de Stéphanie, sa femmet
un fils encore en bas-âge, il s'empressa de se l'associer
dès qu'il fut majeur. En mourant, après 1093, sans aYoir
des enfants de sa femme Ermengarde, il fit héritier de tons
ses domaines, ce neveu, nommé Bernard, comme Ini. Il
avait protégé, en 1077, les Légats du Pape, au Condie
de Girone, contre rarclievéque de Narbonne Guifred , et
leur avait donné asile dans son château de Bésalo, oè le
(Concile fut continué. On y excommunia Guifred, et on
y déposa, comme simoniaques, six Abl>és des Comtés
de Bésalu, Vallospir et Fenouillèdes. Afin de remettre
Tordre dans ces monastères, le Comte fut obligé de m-
oheter les Abbayes d'Arles et de Saint-Paul , qui aiaiel
été prises k lief, la première par Guifred, archeréqne
de Narbonne; la seconde, par le Vicomte de FenonU»
lèdes.
CHAPITRE SEPTIÈME. 1 27
BERîiXRD m.
Il fut le dernier Comte de Bésalu. A sa mort, survenue
en 1111, ses États passèrent à Bérenger III, Comte de
Barcelone , suivant les conventions faites entr'eux : elles
sont contenues dans deux chartes. Par la première, des
calendes d'octobre 1107, Bérenger donne sa fiUe en ma-
riage à Bernard, et lui assigne pour dot le Comté d'Au-
sone ; le mari devait en hériter si sa femme mourait sans
postérité. Dans la seconde charte, faite quelques jours
après, Bernard mstitue héritier de tous ses biens, dans
le cas où il n'aurait point d'enfants légitimes, le Comte
de Barcelone. Dans le cas contraire, il le nomme ad-
ministrateur de son Comté, jusqu'à ce que l'enfant ait
atteint sa quinzième année.
CONTES DE BARCELONE,
CONSIDÉRÉS COMME COMTES DE CERDAGNE ET DE BÉSAIJ'.
h\\moni)-békï:.isg¥:.iv \u.
A peine Raymond-Bérenger eut-il terminé ses discus-
sions^vec le Comte de Cerdagne , au sujet de la succes-
sion de la maison de Bésalu, qu'il disposa des terres de
Fenouillèdes et Pierrepertuse en faveur du Vicomte de
Narbonne, Amauri II , qui était son frère utérin ; mais il
s'en réserva la suzeraineté, car en 1150, il la transmit,
par testament, à spn fils aine Raymond-Bérenger IV.
Les Vicomtes de Narbonne ne prirent jamais le titre de
Comtes de Fenouillèdes ; ils jouirent seulement des droits
utiles, et reçurent l'hommage des Vicomtes de ce pays.
Cette dignité était, depuis Tan 1000, le partage d'une
128 UISTOIRE DU ROUSSILLON.
maison qui la conserva jusqu'en 1175, et dont riiéritière
la porta aloi^ dans une autre famille. Mais une branche
cadette de la maison de Fenouillet parait avoir conservé
la Vicomte de Pierrepertuse. Devenu maître de la Cer-
dagne , le Comte de liarcelone s'empressa de se rendre
dans ses nouveaux États, et le 2 des nones d'avril ill8,
ayant coq/boqué l'Évêque d'Elne, avec les autres Magnats
et les Chevaliers de sa nouvelle acquisition, il y statua, de
concert avec eux, une ordonnance de paix et de trèfe,
par laquelle il fut défendu , sous peine de soixante sols
d'amende, de s'emparer des iNBufs de labourage d'autmi,
d'en inquiéter les gardiens. Il établit dans le pays le court
de la monnaie de Barcelone, dont il promit de ne changer
durant sa vie ni le titre ni le poids, moyennant an drMt
de six deniers par bœuf, une fois payé. Ce prince était
pressé de faire acte de souveraineté dans un pays qni loi
était disputé, nous ignorons à quel titre, par Guillaonie
de Salsa. On voit dans Marca la transaction qui termina
cette contestation : elle est du 10 des calendes de dé-
cembre, vingt-septième année de Louis-le-Gros (il54).
Klle ne fut conclue qu'avec Raymond-Bérenger IV, son
fils et son successeur. Guillaume de Salsa y reconnaît le
Comte de ftarcelone pour son Seigneur, et en reçoit
quelques domaines. Raymond-Bérenger III, dont les
nouvelles acquisitions facilitaient lentrée en Languedoc,
ne négligea aucun moyen de se faire des alliés qui pui-
sent l'aider à défendre contre le Comte de Toulouse, les
droits de sa femme sur la Provence. I^ 14 juillet 1151 «
il prit riiabit de Templier, et mounit le 10 du même
mois, laissant de sa seconde femme. Douce de Provence,
Raymond-lk'Tenger IV, qui lui succéda dans les Comtés
de liarcelone, Ik'salu et Cenlagne, et Bérenger- Ray-
mond , qui fut Comte de IVovenre.
CHAPITRE SEPTIÈME. 129
RA\MON\>-BÉ.KEiNG!LR W
Ce Comte posséda la Cerdagne et le Bésalu, comme
avait fait son père jusqu'à sa mort, arrivée en 1162. On 41 62.
le voit donner quelques fiefs en Cerdagne an Vicomte de
Castelbon, le 26 février 1154, et terminer, la même
année, ses contestations avec Guillaume de Salsa. Ayant
eu trois fils de Pétronille, reine d'Aragon, il donna au
second, appelé Pierre, le Comté de Cerdagne avec le
droit de suzeraineté sur Carcassonne et sur les fiefs que
tenait Trencavel, et avec tous les droits qu'il avait sur
la Vicomte de Narbonne, le tout sous la dépendance
féodale de son frère aine Raymond ( depuis Alphonse ) ,
qui possédait le reste de ses États. Pierre étant mort
jeune, il lui substitua son troisième fils Sancho; mais
Alphonse ne se pressa pas de lui donner la Cerdagne.
n n'avait lui-même que dix ou onze ans lors de la mort
de son père; et ayant hérité du Roussillon en 1172, il 1172.
se trouva maître de tout le pays compris aujourd'hui dans
le département des Pyrénées-Orientales.
130 HISTOIRE DU ROUSSILLOlN
CHAPITRE VIII.
Lorsque les Goths se fixèrent dans le RoussQloii , ec
pays était entièrement romain, sous le rapport de lu
religion , de la langue , des lois et des mœurs. Les non-
veaux venus, moins civilisés que les anciens habitUItt,
ne changèrent rien à ce qu'ils trouvèrent établi. Il Mk
lut deux siècles pour que ces peuples Tussent UmI-
gaifiés de manière à ne former qu'une seule natkMl. iM
Sarrasins, tels que les torrents qui ravagent cette cônliéB»
ne laissèrent d'autre indice de leurs nombreuses invasioai
et de leurs séjours momentanés , que des ruines éi des
dévastations. Pour réparer ces désastres, les premien
Carlovingiens attirèrent les Goths qui fuyaient des ft^
yinces espagnoles occupées par les Infidèles. D'ipiès
l'usage de ce temps, où on laissait chaque peuple nnê
suivant sa loi, on ne chercha à rendre Français ni les
anciens ni les nouveaux habitants. C'est donc dans les
institutions des Romains, et surtout dans les lois golhi*
ques, qii*il faut chercher Torigine de celles qui fiureni en
vigueur dans le Koussillon s(»us les Comtes héréditaires.
Toutes les chartes de cette é|)oquo nous prouvent que la
loi pithiquo IVmporta, et fut s^MHe en usage dans celte
CHAPITRE HUITIÈMB. 131
province (Appendice, n^ 6). On la vit tCMitefoifi insen-
siblement remplacée par une coutume particulière, qui ,
introduite peu à peu et suivant le besoin des temps , ne
fat règlement importée dans tout le Comté que lonsque
Perpignan, où elle avait pris naissance, eut acquis une
^^ertaine importance. Enfin, Gérard U, notre dernier
Comte , ordcmna , dans l'article II de cette coutume ,
<|tte , pour ce qui ne s'y trouvera pas prévu , on suivra
les dispositions du droit commun et non les* usages de
Barcelone ou du code visigothique. Ce fut aussi sous ie
Gouvernement de ces Comtes que la langue latine, tou-
jours usitée dans les actes publics, cessa d'être la langue
vulgaire, et fut remplacée par la catalane. L'autorité des
Comtes s'étendait sur le militaire et le civil. Présidents-
nés des tribunaux qui rendaient la justice, ils exerçaient
-qveiqiieibis ces fonctions eux-mêmes : mais ils étaient
toujours aidés ou suppléés par des juges qu'ils nom-
laaieiit; les autres membres de ces tribunaux ét^ûent des
imd'iMinmes, probi hamines, choisis dans toutes les
fiasses de citoyens. Leur ind^ndance est démontrée
ittr ^Bsieurs jugements , dans lesquels on les voit con-
émBet des personnages puissants, et même débouter
les Conles des prétentions injustes qu'ils avaient soute-
nues avec ciialeur. Ces sortes d'assemblées où se ren-
^ la justice, étaient appelées plaids^ placUa; on y
^tait quelquefois d'autres affaires^ comme de la cons-
^Hm^cmi ou réparalion d'une église, d'un pont, d'un édi-
fice pubtic.
Les principales sources du revenu des Comtes, étaient :
l^le produit de leurs domaines particuliers ; S^ la Êi^rica-
^ de la monnaie; 5^ les amendes ou les comportions
résultant des jugements rendus en leur nom ; 4® quelques
droits de péage. Leur administration était paternelle, et
13:2 HISTOIRE OU ROCSSILLON.
aussi habile qu'elle pouvait l'être dans ces ficelés d'igno»
rance et de barbarie. Ils avaient trouvé le pays dépeuplé
par les malheurs des temps qui les avaient précédét.
Sous leur Gouvernement, en général paciûque, pliuûeiiii
villages se formèrent, et Perpignan devint une Yille. L*a*
griculture fit des progrès; ils l'encouragèrent par leur
exemple, f^ testament de Gérard II nous fait connaître
qu'il avait desséché un terrain considérable auprès de
Perpignan. Nous verrons plus bas, que c'est très proba-
blement sous leur règne que l'art de l'irrigation s'intro-
duisit dans le Roussillon , et qu'ils ne furent pas étrangers
aux progrès qu'il y fit. Outre les grandes abbayes, teUes
que celles de Saint-Michel , de Saint-Martin , d'Arks, de
Saint-Génis, de Saint- André, dont il a été plusieurs fois
question dans cette histoire, on avait constniit une înfinhé
de petits monastères, tels que ceux de Valbone, de Sainl*
Clément, de Saint-Estève , d'Espira, de Saint-Paul, etc.,
qui contribuèrent puissamment au défrichement des terres.
Les ruines de ces édifices, et quelques églises de campagne
nous montrent encore des fragments d'architecture el de
sculpture d'un assez bon style gothique. Les chartes an»
ciennes nous font voir que la province était beaueDU|i
plus boisée alors qu'aujourd'hui. O^oiqu'il y soit parlé
de mines, nous n'avons rien trouvé qui porte à eroûe
qu'on en tirât un grand parti * . Nous ignorons si la fabri-
cation* des draps, à laquelle ce département dut dans la
suite une grande partie de sa pros|R*rité, avait déjà eorn^
mencé sous les Comtes. Ce qui nous le ferait soupçonner^
c'est que dans les chartes, on voit parfois que les objets
vendus étaient dits confiner aux foulons (ad ftdiomms);
et on est certain, d'après nos archives, qu'en 1110 et
I IVh r«n 1011 il r«t question '1^ fortcf^ •hn« tin< \,et\y% arrhiTet. E« llfti. Alpteatt II
doanr «a moni«t«-fe ijr ('.ampfHoti , reWt* i|a'il p«#«^|ji( à l'y.
CHAPITRE HtlTlÈMI&. 133
M 88, il en existait à Yernet et à Arles. Ces anciens
4toeuments ne nous fournissent pas des renseignements
bien précis sur le commerce que faisait le Roussillon.
Cependant, il parait, suivant les expressions d'un privi-
lège accordé en 1109 par Bertrand, Comte de Toulouse,
aux Génois, qu'ils devaient fréquenter le Port-Vendres ;
et le testament du dernier comte Gérard nous indique
qu'il y avait à Perpignan des espèces de banquiers; car
cette restitution qu'il ordonne de faire, Petro Martino,
feneratori de Perpiniano, nous porte k croire que, dans
cette phrase, le mot de fetierator ne peut être traduit par
œlui d'usurier, mais bien par celui de banquier.
On emploie quelquefois, dans les transactions de cette
époque , les monnaies fabriquées à Perpignan*; mais le plus
souvent les sommes y sont exprimées en sols melgoriens,
monnaie d'argent d'un usage général dans la Septimanie
et la Marche d'Espagne. Cette monnaie se fabriquait au
château de Melgueil (Maugio) , auprès de Montpellier.
Il y avait originairement vingt k vingt -deux sols à la
livre d'argent fm; mais l'alliage qui n'était d'abord que
de 7t4 fiit porté au tiers ; de sorte qu'on n'employa que
huit onces, ou un marc de métal fin, pour fabriquer vingt
de ces sols. L'altération , qui d'abord n'avait affecté que
le titre de cette monnaie, eut bientôt lieu sur le poids, et
siila toujours croissant, a tel point que, dès l'an 1 loi, on
taillait quarante-huit de ces sols au marc; cinquante,
en H 67 et H 68, et qu'enfin , dans la suite, il y en eut
cinquante-deux, soixante et jusqu'à soixante-cinq au marc.
C'est ce qu'on doit conclure de plusieurs transactions de
cette époque, où l'on stipulait qu'en cas d'altération dans
ces sols, les sommes prêtées seraient rendues en marcs
d'argent, dont chacun compterait pour un certain nombre
de sols, le même sans doute qui était la valeur du marc
134 HISTOIRE DU ROCSSILLON.
lorsqu'on passa le contrat. On exprimait quelquefois les
sommes un peu fortes en livres d'argent fln do poids et
Perpignan, et vingt-et-un sols à la livre ; mais od se ssv^
vait plus ordinairement du sol appelé de Perpignan <mi jàt
Roussillon, ou bien sdidus denaricrum: il contenait doue
deniers, et était au titre de *Vt4 ^^ ^^' Il parait qo^a
1118 on n'en comptait encore que vingt-et-nn \ la livre.
Il existait aussi des sols et des morabatins d'or. Ces
derniers étaient plus usités; il y en avait quatre ao sd,
quatre-vingt-quatre à la livre.
Une charte du l^r décembre 1180 nous apprend qpe
le morabatin d'or valait sept sols melgoriens. Conne
l'once représentait sept morabatins, il en résulte qpe
l'once d'or valait quarante-neuf sols melgoriens, k pM
près un marc d'argent, dont la valeur était alors de da»
quante sols. Mais il est probable que l'or du morabetii
n'était qu'à dix-huit karats, et alors la valeur de Ter eti
été à celle de l'aident à très peu près, comme 10 Vt ^*t ^ ^ •
Nous voyons dans les chartes de ce temps qu'on mesi
rait les grains avec le muid et le ^i\et (modiusHsesiafim).
La mesure agraire était 'la modiaia , ayant probablement
tiré son nom de ce qu'elle était la quantité de
qu'on pouvait ensemencer avec un muid de grain;
nous n'avons pu découvrir quelle fut la valeur réelle et
ces mesures * . Le dextre de 0 coudées et 7t P'^i ^'^
I l>et autcart latiw fMriu»f«Dt d«s iiklicaliooit pour ikpprik^t re» MMUft. îm
agri {iihhIm^ ilu jugmimi Olait une kurfacc carréi* de 1 JU piod» de i<Âé (38* 0S),
1.5iiO rth'trcvrarré.». l.*li«NUir« exigeant SOO litres do ik*i»ence. il en ftrodrtH
letle MrfiK-e. qui r^md à la môdiala du \in* »ièclc . au qiart de l'ijwiaftlt
viifdtUM cuoleiuit dtfiir 3*1 litre>
l<r textariuM { le Krtier ) , d«^it(u«- |>.ir le^ ftiéoieii auteur» ( l'Iiue. l'.Ki^rul . VarroS)
• ••Ntntf te quart, iantûi ciimm« le «4»ixi^i« du mod%ug. diflrre iia|tuliiiltm
ic -lu'il fut jluf^. |»uiS4]ii<'. dju< n>»^ (oritriVi uH^ridioiul<>«. il rqirtVutr Iff quatre
mr% de l'iieilMlilrr
I 'a|>pré< utittR du tt€itrt («i |»4rf-ii(eHi« ut *'\At W
CHAPITRE HUlTl^li^E. 135
jàxre 9 pieds et 7t f était la mesure de longueur. Si le
pied mentioQué daqs qos anciens docuoieuts , est celui
des constitutions de Catalogne, qui a été usité dans ce
pays, et vaut 0°^ $09.463 de mètre , le dextre serait à peu
près % mètres 845 millimètres.
Nous ne dirons rien des mœurs et usages des habitants
du Boussillon durant cette période , parce que dans les
écrits venus à notre connaissance, nous n'avons rien vu
qui pût, sous ce rapport, les distinguer des peuples de la
Septimanie et de la Marche d'Espagne; et nous ne devons
pas être surpris de trouver les mœurs et les usages peu.
différents entre les habitants des diverses parties d'une
vaste contrée, qui avaient une origine commune,* Pro-
fessant tous depuis plusieurs siècles la religion catholique,
régis par les mêmes lois, soumis a l'influence d'un climat
semblable, ayant éprouvé les mêmes révolutions politiquep,
conunent auraient-ils pu offrir de grandes différences dans
ieurs habitudes et dans leur caractère? D'ailleurs, les
sources où nous avons puisé des renseignements et les
documents que nous avons consultés sont trop arides, trop
décousus, trop dénués de détail, pour nous permettre
<le traiter convenablement un sujet aussi important.
l.es églises de plusieurs monastères, celle du vieux
^int-Jean, U cathédrale d'Elue, construites ou réparées
^us le règne de nos Comtes, montrent que l'architecture
grandiose et élégante était souvent ornée de fines sculp-
tures.
Moiis c'est surtout l'art des irrigations qu'on y cultiva
dvec le plus de succès. Avant le xv^ siècle, l'irrigation
i)'était pratiquée que sur des terrains de peu d'étendue,
^it en Catalogne, soit dans le Midi de la France, tandis
qu'en 1300 le Roussillon offrait déjà presqu'autant de ter-
f^s arrosées qu'on en voit aujourd'hui, où elles occupent
13G HISTOIRB DU ROUSSILLON.
la vingt-troisième partie de la surface totale, et la huitième^
si on en distrait les vignes , les bois , les olivets , les terres
d'allavion, enfin tout ce qui n'est pas susceptible de
culture ou n'a pas besoin d'arrosage. C'est un objet de ii
haute importance, qu'on nous pardonnera de nous livrer,
pour le prouver, à une discussion approfondie sur Torigine
et le progrès de cette branche de la science agricole dan
le département des Pyrénées-Orientales. On ne peut te
défendre d'un étonnement bien naturel, eu voyant une
pratique si utile généralement établie dans un petit pays,
entouré de contrées où elle est à peine usitée. On doit
nécessairement se faire cette question : Quand et con-
ment cette industrie a-t-elle pénétré dans cette terre pri-
vilégiée? Pourquoi n'en a-t-elle pas dépassé les limites?
Tâchons de découvrir dans les écrits des anciens, dus
les chartes que nous pouvons consulter, dans les Bié-
moires modernes, enfin dans la pratique même des irri-
gations, les renseignements qui nous permettront d'assi»
gner l'époque probable de la construction de nos grands
canaux pour l'arrosage des terres; car il ne saurait être
question de remonter aux premiers essais, pour eoodnra
sur un champ l'eau d'une source, ou de la dérivation d'oM
rivière. Ces éléments informes précèdent de bien loin Tart
des irrigations. Ils ne supposent point un degré de eifiB»
sation supérieur à celui où étaient parvenus les Gaulois,
lorsqu'ils furent soumis par les Romains. (Append., n* 7.)
Dans les climats où les chaleurs sont excessives et les
pluies fort rares, il faut nécessairement, pour rendra les
terres productives, leur restituer l'humidité dont elles
sont totalement privées. Aussi , vit-on , dès les premiers
temps, l'irrigation usitée dans les contrées méridionales
parcourues par le Nil, le Tigre et l'Euphrate. Alors,
comme aujourd'hui en F4(ypte, ou s'attachait moins à
CHAPITRE HUITIÈME. 137
suTOser qu'a submei^er les terres au temps des crues,
4fai les laissaient, en se retirant à l'équinoxe d'automne,
couvertes d'un fertile limon. Cette méthode n'était pas
inconnue dans l'Assyrie ; mais on avait plus souvent re-
cours, comme on le pratique dans le Roussillon, à l'usage
de grands canaux, qui donnaient, dans toutes les saisons,
la Ëiculté de conduire les eaux sur les campagnes dessé-
chées * .' (Appendice, n» 8.)
Ces deux pays n'étaient pas les seuls, en Asie et en Afri-
que, où on employ&t les arrosages offerts naturellement
par les rivières ou créés par l'art. Strabon nous apprend
que les eaux du Chrysorrhoas étaient presque entièrement
absorbées pour fournira l'irrigation des environs de Damas.
Les Juifs , dans le territoire de Jéricho ; les Arabes, auprès
de Pétra , se servaient des eaux pour fertiliser leurs terres
(Pline, Josèphe, Strabon). Polybe (liv. 10, ch. 4j nous
donne une grande idée des travaux exécutés par les Per-
^s, dans le but d'arroser des campagnes arides. Leurs
ftois avaient fait la concession, pour cinq générations,
d'une vaste étendue de territoire dans la Médie, à condi-
^on qu'on y amènerait des eaux. On tira du mont Taurus
des sources abondantes, qu'on fit venir au moyen de ri-
Roles à découvert ou de canaux souterrains. Pline (liv.
*8, c. 22) nous présente, quoiqu'avec sa concision ordi-
i^aire, des détails très circonstanciés sur l'irrigation pra-
tiquée dans un rayon de trois milles, autour de Tacape,
Mlle d'Afrique (maintenant Cabés), et sur les effets mer-
veilleux qu'elle y produisait. (Appendice, n^ 9.)
n est inutile de citer un plus grand nombre d'exem-
ples pour prouver tout le parti , qu'en Asie et en
Afrique, on avait su tirer des rivières, afin de remédier
l Hérodote . Slralnjn , Xénopliyn , PoIjl)«, Pliuc, !'oni|K»nius MéU.
ns HISTOIRE DU ROUSSILLON.
à l'extrême sécheresse du climat. Il n'existait rien et
pareil en Europe , où la température était moins ehatde
et plus humide. En effet, si les Grecs et les RomaÎM M
négligèrent pas d'entretenir et même de perfectionner loi
ouvrages qu'ils trouvèrent construits, pour cet objet, dMi
les pays, dont ils firent la conquête, il ne parait pat ffali$
aient cherché a naturaliser dans les provinces où elle n'é^
tait pas connue, une pratique aussi intéressante poorTa^
griculture. Ce que nous avançons, ne sera pas eooteilé
sans doute en ce qui concerne les Grecs; mais conuM
la magnificence des constructions hydrauliques dee Ro»
mains, comme les vestiges si imposants qui nous rerteM
de ces grands ouvrages d'utilité publique, peuvait fme
croire que ce peuple posséda de grandes connaiaeaMes
dans l'art des irrigations , nous devons entrer ici
quelques détails propres à faire apprécier avec e]
le point auquel ils parvinrent dans cette branche de la
science agricole.
Parcourons d'abord les auteurs qui ont traité de Tafri»
culture. Nous verrons que Caton et Varron, dans lent
livres de lie Rusiica; que Columelle, dans un ouuay
bien plus étendu sur ce même sujet; que Pline (!!▼• M
et 19); que Palladius (liv. 1,5 et o)', parlant de rini»
gation pratiquée en Italie, nous apprennent seulemeBt
qu'on y arrosait des jardins, des prairies, des cl
vières (lorsqu'c'lles n'étaient pas établies sur des U
humides), les luzemiores, lorsqu'on pouv*ait le dire aisé»
ment : et encore en lisant avec attention ce que dit Cokh
nielle au sujet de la luzerne, on s'aperçoit fadlement,
qu'en princi|H\ il en prescrit Tirngation; mais qne ce
précepte n'était guère suivi, puisifu'en détaillant nfee
*•*.
• »-. i 1 1 1
CHAPITRÉ HUITIÈME. 139
l)eaucoup d'exactitude le nombre de journées qu'exige
chacune des opérations nécessaires à sa culture , il n'en
compte aucune pour son arrosage , qui , cependant , k la
manière dont il l'indique , exigerait beaucoup de temps.
Tirgile consacre à l'irrigation , neuf ou dix vers du pre-
mier livre des Géorgiques * ; mais l'élégante description
qu'il fait des plus simples opérations de cet art, ne nous
instruit guère de ses progrès chez ses compatriotes. Le
buitîtoie livre de l'architecture de Vitruve, est entièrement
consacré à décrire les moyens de rechercher et de con-
duire les eaux. (Appendice, n^ll. ) L'auteur y traite des
canaux destinés k les amener dans les villes et les habi-
tations particulières ; il ne dit pas un mot de ceux que
l'on voudrait construire pour l'irrigation. Son silence ne
peut que nous confirmer dans l'opinion , que cet art était
pea pratiqué chez les Romains , opinion déjà formée par la
lecture de leurs auteurs agronomiques. Les restes gigan-
tesques de leurs aqueducs , monuments admirables encore
aujourd'hui, après avoir résisté dix-huit ou vingt siècles
aux injures du temps et k la main encore plus destructive
des hommes ; ces restes magnifiques, nous en convenons,
penvent, au premier abord, donner une grande idée des
^vaox entrepris pour l'arrosement des terres ; mais un
examen plus attentif convaincra aisément que les Romains,
^Q les élevant, avaient bien moins songé aux avantagés
' C^&TfiftKt, traduction de Delislb , vers 123 4 130:
Pais d'un flcnve coupé par de nombreux canaux,
Coart dans chaque sillon distribuer le$ eanx.
Si te soleil brûlant flétrit l'herbe mourante,
Aussitôt, je le vois, par une douce pente.
Amener, do sommet d'an rocher sourcilleux,
In docile ruisseau, qui, sur un lit pierreux.
Tombe, écume, et roulant avec un doux niurmurr,
I»f> rhamii* dfcaltéré.s ranime la vcnluiT.
iU\ HISTOIRE DU ROUSSILLON.
qu'en pourrait tirer Tagriculture, qu'à procurer aux vil
aux maisons de campagne de l'Empereur et des Graiida,
tous les agréments dont le luxe ou les habitudes avaieat
fait un besoin , non-seulement pour les Romains opulenta»
mais encore pour les simples citoyens. Jetons un coup-
d'oeil rapide sur ces divers ouvrages.
Un canal dérivé de l'Anio conduisait des eaux i Tibur;
VÀqua Cabra ou Damnata était distribuée k des henrw,
et suivant des proportions déterminées, aux maisons de
campagne de Tusculum. On avait construit des aqueducs
l>our amener des sources abondantes à Catane, k Salone,
à Éphèse, à Alexandrie-Thoas , k Athènes, k Évort, k
Ségovie, à Metz, k Nimes, à Besançon, et dans plosieurs
autres villes; mais tous ces monuments somptueux k
cédaient encore aux aqueducs de Rome. Ce que nooi
allons en dire, d'après Pline (liv. 56, c. 15), et d'tprèi
Frontin, qui nous en a laissé une description très circoo»»
tanciée, nous apprendra leur destination , et nous meUn
à même de juger, par analogie , de celle des autres
lesquelles nous n'avons pas des reuseignemenis ai
précis. Lorsque Frontin fut nommé par Nerva, înspectav
de ces aqueducs, on en comptait neuf, dont sept porUisal
le nom commun de Aqva, et se distinguaient par les épk
thètes suivantes : Appia, Marlia, Tepula, Julia, Virgé,
Alsietina ou Augiista, Claudia ; les deux dérivés de TAnio ,
se nommaient : VAnio vetxuii^xVAnio nov\is. Ilsavaientloas
été construits de Tan de Rome iil k l'an 7H9. Ils pns
naient leur origine h des distances de la ville, comprises
entre sept et quatre milles. I^ longueur de leur cows
variait de 11.190 pas h 01.7IO,rK); leur développemail
total était de Tttrm pas (4()i kilom.), dont 206.585
{506 kil.) en constructions souterraines, qui s'enfonçaient
quelquefois jusqu'à TiO pio<ls au-dessous du niveau du sol^
CHAPITRE HUITIÈME. 141
So.918 pas (53 kil. ) en ponts aqueducs qui s'élevaient,
en certains endroits, jusqu'à la hauteur de 109 pieds, et
«nfin 30.240 pas (45 kil.) en canaux construits à fleur
de terre. Frontin évalue la quantité d'eau qu'ils fournis-
saient à 24.413 quinaires \ quoique, avant lui, on ne
comptât que 14.028 quinaires dans les registres de dis-
tribution, et seulement 12.383 dans ceux de recette ^
Près des trois quarts (soixante-et-onze centièmes) de cette
eau entrait dans la ville où, après avoir servi a divers
usages, elle se jetait dans les égouts, qui la portaient au
Tibre, chargée des immondices dont elle les avait déli-
vrés. La moitié environ des 0,29 restants était utilisée
hors de la ville pour le public ou pour les maisons de
campagne de l'Empereur; l'autre moitié était distribuée
ï des particuliers. Les concessions en faveur de l'agri-
culture ne pouvaient être tirées que de cette dernière
partie; et même le plus grand nombre des prises d'eau
qu'elle alimentait, avait pour destination les villas des
Grands, situées aux environs de la capitale. Les conces-
sions cessaient d'avoir leur efiet par la mort du conces-
sionnaire ou par la vente de la propriété, tandis que
celles des bains publics étaient perpétuelles : en changeant
de maître, le privilège devait être renouvelé. Il existait
dans le Code romain un grand nombre de dispositions sur
les cours d'eau et les dérivations pour les usages publics
et privés, qui ont fait et font encore loi chez presque
(ous les peuples. On ne saurait, toutefois, en conclure
que l'irrigation des terres, en fût le principal objet :
(ont prouve, au contraire, que l'emploi des canaux con-
cernait plus généralement l'embellissement des villes et des
1 On appelait ainsi la quantité d'ean qui coulait par un tuyau de 5/4 de doigt de diamètre.
i peu prH 0,02322 de mètre ; on 0,86 en pouces de Paris.
'2 C'est-à-dire qu'un huitième était compté pour lef pertes ou le» accident».
14*2 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
{xalais. Le diaoïèlre des orilices de distnvuuon, n'excédait
que bien rarement la vicénaire, réduite d'un demi-doigl)
ou 5 pouces 09 : dimension bien insignifiante pour des
arrosages de quelque importance. Souvent, on y adapuil,
pour récoulement, un tuyau long de 50 {ûeds. To
détails, dont l'exactitude nous est garantie par le
tère de Froiiiin et la charge qu'il avait exercée, promot
combien peu les Romains avaient songé à favoriser Tigri»
culture eu construisant ces ouvrages somptueux, liaii^
s'ils n'utilisèrent pas les eaux |K)ur l'irrigation dans lew
propre pays, à la porte de la capitale, l'anront-ili iih
dans les Gaules, en Espagne? C'est tont-à-Êik imptiH
bable. Et certainement les Barbares établis dans ces no^
vinces, à la décadence de l'Empire, n'auront pas enUeprii
une amélioration agricole négligée par les Ronuiîas.
La conclusion naturelle de tous ces faits , c'est qoe l'art
de fertiliser des terres arides au moyen de TirrigilkNi,
était peu pratiqué en Es| igne et dans la NirbosMiM
avant l'invasion des Ârab . Cet art, comme nous Pnmâ
vu plus baut, n'était | toutefois complètement iguoii
de ces peuples. La conquête de la Syrie et de rÉ|gfli
les familiarisa avec les travaux nécessaires pour b coat-
tmction et l'entretien des grands canaux d'irrigalmi.
Malheureusement pour l'Espagne, les soldats de T^nik 0
de Mousa , et surtout les renforts qui leur venaîeni d'A*
frique , comptaient peu d'Arabes dans leurs rangs : il
étaient composés en grande partie d'aventuriers de UNNëi
les nations, Juifs, Musulmans, Chrétiens même, q«e !*€•*
poir du pillage avait enrôlés sous les drapeaux du CnHfi
et des Maures, entraînés par le fanatisme de la nowwBi
religion. Ces hommes, bien inférieurs sous la rapport di
la civilisation aux conquérants de TAsie, se jetaient mi
rOc'(i<lent pour le pillt>r ou le soumettre il la loi da Pm
CHAPITRE HUITIÈME. 143
|)bète. Grossiers et indociles, ils ne pouvaient vivre eu
paix. De là, leurs fréquentes invasions en France, et la
continuité de leurs discordes civiles. Enfin, un prince
<ie la race des Oméyades, proscrite en Orient, Âbdel-
Rhaman I^ (Appendice^ n<) 12) ayant réussi, après une
longue guerre , à se rendre maître de la Péninsule, offrit
un asile dans ses États k tous les Syriens persécutés dans
leur patrie, à cause de leur attachement a la iamille dé-
trônée. A la suite de ces réfugiés, les sciences et les arts
passèrent de l'Asie ^i Europe : la poésie et l'éloquence
adoucireoi les mœurs ; l'architecture décora les villes ;
des temples , des palais , des fontaines furent élevés ; on
répara les routes; des nuinufactures s'établirent, «t l'on
chercha à faire refleurir l'agriculture, ruinée par la longue
4
domination des Goths et les guerres civiles des Musulmans.
Ce fot en 949, sous le règne d'Abdel-Rhaman III, que fut
terminé le grand canal d'irrigation d'Écija, le premier de
ce genre construit en Espagne. Son fils , Al-Hakan II ,
l'imita. Sous ce règne, qu'on put appeler l'âge d'or^ et
qoi finit trop tôt» en 976, on construisit dans les plaines
de Grenade, de Murcie, de Valence, et même dans l'A-
ngoo , des canaux et des lacs artificiels, destinés k con-
duire ou k fournir des eaux pour arroser les terres. Les
gneires firent pénétrer les Chrétiens d'Espagne, comme
eno^Bis on comme alliés , dans les pays des Infidèles ;
ils ne lardèrent point k profiter de leur exemple. Dès
^'aa 973, on trouve une donation laite par Borel, comte
de Barcelone , de quelques jardins situés dans le Comté
de Maneroc, jardins qu'il désigne par les mots de harios
9éregancos (pour subriguos), jardins arrosables. Le 6
avril 1021, la comtesse Ermessinde, et son fils le comte
et marquis Bérenger de Barcelone, vendent, pour quatre
mancuses, aux habitants de Corron, le droit d'arroser
144 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
leurs terres des eaux du canal, Àcequia de San^MiUo
(Rofarull). Dans une donation faite en 1053 par un
Comte d'Urgel à l'abbaye de Saint-Saturnin, Tobjet dont
on fait mention est donné avec les eaux desaquedoct,
avec leurs résenoirs et les conduites pour Tarrosage *•
L'acte de fondation du monastère de Santas^Creux , en
Catalogne, élevé en 1151, par un Seigneur de la maiaoD
de Moncade et par ses trois fils, parle d'un champ, ame
le droit de prendre l'eau pour l'arroser. En Tau 1180,
l'Abbé de Sant-Féliu-de-Guixols , accorde aux haUtaiita
la faculté de prendre et de conduire les eaux dans leon
propriétés, moyennant la redevance qu'a le droit d'eiiger
Guillaume Amifat , pour l'arrosage des jardins qui tirent
l'eau du sien*. Nous voyons la pratique des irrigaliom
pénétrer en Catalogne dès le \^ siècle , et s'y propager
dans le xi^ et le xiP. Vu les relations intimes qui en-
taient entre les deux pays, elle ne pouvait tarder k ala-
troduire dans le Roussillon. D'un autre edté, le relov
des Croisés, que les passions exaltées de l'époque ataieM
entraînés en Orient, à la suite de Guillaume de Cerdagie
et de Gérard de Roussillon , ramenait sur les rives de h
Tet des hommes tout disposés a favoriser riotrodocliM
d'une pratique, dont ils avaient admiré les prodigieux lé»
sultats en Asie. Aussi trouve-t-on , dès l'an 1123, on acte
authentique de concession d'arrosage pour le territoire de
Mailloles, près de Perpignan, en faveur du Chapitre d'Ehie.
Deux chartes, postérieures d'environ quarante ans,
font {K^nser que cette pratique si utile était usitée
quelque temps, et même sur des terrains assez éleiidw.
La première est la concession faite en 1 102, |Mir le coale
1 Cum nqmM n'pinrutn, «uni rtiruin fohtnmltM. fttf irngantM.
i Salvo hitc qvoé t.utVrlmut imiftit Mitet tunpgrf ex hyrfu f ni twmrnmt
m iUê
CHAPITRE HUITIÈME. 145
Gaozfred et son fils Gérard , à Guillaume, seigneur de Pia,
de deux meules d'eau, prises sur le ruisseau du Vernet,
pour l'arrosage de ses terres. La seconde est de Tan 1165.
Le Seigneur d'Ille et de Règlelles, y vend au Seigneur et
aux habitants de Millas, le droit de dériver un canal de la
Tet, pour arroser leurs terres et l'usage de leurs moulins.
Lors de la concession faite k Guillaume de Pia, le canal
du Vemet existait depuis plus d'un siècle, et arrosait pro-
bablement, comme aujourd'hui, les territoires supérieurs.
De même, suivant toutes les apparences, le Seigneur d'Ule
ne vendit pas k un autre le droit de prendre les eaux de la
Tel, avant d'en avoir largement usé déjà pour son propre
territoire. Le testament du dernier Comte de Roussillon ,
démontre l'existence du canal de Perpignan avant 1172. Le
ruisseau appelé Comitalis ou du Comte , dans les chartes
da xn® siècle, ne porte-t-il pas ce nom pour avoir été la
propriété, et sans doute l'ouvrage des Comtes?
Nous conclurons de tout ce qui précède, que l'irrigation
fut pratiquée en Roussillon avant l'année 1100. D'autre
part, ou doit admettre qu'on a commencé à en faire usage
lorsque les moulins k eau furent assez communs dans le
pays, puisqu'on a adopté pour mesure de la distribution
des eaux d'irrigation la meule, c'est-k-dire la quantité
d'eau nécessaire pour faire tourner la meule d'un moulin.
Ces usines sont mentionnées , pour la première fois eu
Roussillon, dans les chartes de la fin du ix® siècle, et il
n'est pas probable qu'on les y ait connues long-temps
avant cette époque. (Appendice, n® 13.).
Dans la description de nos canaux par Jaubert de Passa,
on trouve qu'il existait déjk un moulin k Millas en 10â7,
tandis que l'arrosage n'y date que de 1163. Le moulin
d'Elne fut établi avant 902, et ce ne fiit qu'en H8i que
TÉvéque et les habitants obtinrent une prise d'eau dans
10
U6 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
ie Tech pour l'irrigation. II serait superflu de produire
un plus grand nombre de preuves', et je consigne id mie
obsenation importante, résultant de soixante-dix chirtet
que j'ai parcourues. Dans les actes où Q est qoestian
d'eaux, d'aqueducs, de canaux, ceux des ix«, x« el xi^
siècles concernent leur usage pour les moolins, tandis
que dans la plupart de ceux d'une époque postérieore, M
s'occupe de leur destination pour l'arrosage des ferres.
L'art d'appliquer Teau comme moteur aux moalias k
farine naquit en Orient. Un siècle avant l'ère dirétieue,
aux limites de l'Asie, le moulin k eau , nouvellement in-
venté, remplaçait le moulin k bras, auquel on employait
les femmes et les esclaves * . D'autre part, le moulin com»
truit par les ordres de Mithridate k Cabyra^ aujowdlni
Tunkal, passait, au dire de Strabon, pour une cboM fort
curieuse : mais il ne parait pas qu'on se soit alors bien
empressé d'adopter généralement cette découverte; nr
un passage de l'oraison funèbre de Placilla, femme de
Théodose I^^^^ par gaînt Grégoire de Nice, prouTe, qnli
la fin du rv® siècle, on employait souvent la force des ani*
maux pour faire fonctionner ces sortes d'usines. Qnanl à
rOccident, ces moulins, déjà introduits en Grèce, ne le
furent que bien plus tard à Rome. On trouve dans Vitnife«
une description assez exacte, mais très succincte, d*i
moulin à eau, qu'il [)ouvait avoir vu en Asie; et
il Ta placé dans la partie du dixième livre consacrée à 11»-
dication des machines les moins usuelles, rien ne {umne
que, de son temps, on construisit en Italie de semblables
t liani dff ««•(% cnrirni , que non% a tran»mif ranthoittgie irrtr^if . AntiplUr 4t
»>iprtnait aïoi^i
• Cftên de Ttms donarr Ae la peine. . jranrt Allr« rmployM» à fïlrf tMVMr !•
r>rèi a coauaandr aux N}inpkf» df» «raox de rrapUr Vi4re tàrbc. A M Toii, fiàBêm à U
u*w, HIrt fenrenl la Innnie nwtilf S m- bi»*i»f nitralii' t 'ur *4»n a\f . ri h
iv^olutiun Ir hir •If^iiitr * Aiff rf<luit i-n (.iiiur •
CHAPITRE HUITIÈME. 147
usines (App., n^ 14.). Pline, pariant soixante ans après
(liv. i8, c. 10), des moyens employés en Italie pour mou-
dre le grain , se sert d'expressions qui paraissent indiquer
plutôt un mécanisme semblable au moulin k foulon hol-
landais, où la chute des pilons écraserait le blé, que celui
du moulin décrit par Vitruve. Dans le lUP siècle, au rapport
d'Hérodien, on distribuait encore aux soldats romains, le
grain , qu'ils devaient moudre eux-mêmes. Un fait raconté
par Fleury (Hist. Ecclés., Uy. 2), prouve qu'k la fin du iy^'
siècle on se servait de moulins k bras à Milan ^ La multi-
tude de ces machines que traînaient avec eux les Ostro-
goths, lors de leur invasion en 489, doit faire présumer
que ritalie, qui ne leur était pas inconnue, n'offirmt pas
de grandes ressources pour moudre le grain nécessaire à
nue année. Palladius est le premier auteur latin qui parle
des moulins i eaii, comme d'une chose usitée de son temps.
Dans son livre (De Re ruslica), il conseille d'établir dans
les fermes des moulins à Êirine, mus par l'eau dont on se
smit servi pour les bains. Ce conseil ne décèle pas , dans
cet auteur, une grande connaissance de la dépense d'eau
91e nécessitent ces usines. (App.^ n<> 15. ) On ne sait pas
trop ad quel temps il écrivait, et il pourrait bien ne pas
^ antérieur au v® siècle, k cette époque, Rome avait
d^'ii, ou ne tarda pas k avoir des moulins à eau; car
IWope nous apprend qu'en 557, durant le siège soutenu
pv BéUsaire dans cette ville , avec autant d'habileté que
de résolution , ce grand homme, ne pouvant se servir des
monHos existants sur les canaux, dont les Goths avaient
détourné les eaux, en fit établir sur des bateaux, au milieu
1 A U fin du nr* siècle . Géronce . diacre de Saint- Ambroise , w vanta d'avoir pris la nait
'<> OMMélide ( spectre ï jambes d'Ane ). de lui avoir rasé la tète poor l'envoyer an moulin .
'^'^I^ire loamer la meule. Le saint Archevêque, trouvant ce discours peu digne d'un
^'Qistrf i]u Seigneur , imposa une pénitence au Diacre.
148 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
du Tibre * . Si les moulins à eau n'étaient pas très com-
muns en Italie a cette époque, ils devaient être eooove
plus rares dans les Gaules. Aussi , quoique la loi ftaUqw,
rédigée k la fin du v^ siècle, fasse mention de ces osums,
et que Ton sache, par Fortunat et Grégoire de Tours, qvH
en existait en France au vi®, soit auprès de Metz, soH k
Dijon, les moulins k bras étaient généralement usités.
Pour des crimes assez graves, on condamnait souvent ï
tourner la meule; et on voit, vers la fin da Yi« siède,
infliger ce ch&timent k une gouvernante des enfiwtt de
Childebert II, convaincue d'avoir conspiré contre ce
prince *. Elle subit la peine dans le moulin destiné k
moudre le grain consommé par la maison royale.
Les moulins k eau étaient inconnus dans la Septimi*
nie, lors<]u'elle tomba sous la domination des Visigoths,
qui, par les ravages qu'ils exercèrent, minèrent Tigri»
culture et les arts. Aussi indolents et paresseux dans ht
paix , que farouches et actifs durant la guerre , ces Bsr*
bares, laissant les cultures entre les mains des esclaves,
aimaient mieux élever le bétail , seule richesse de lew
pays natal. Depuis cette époque, les arts, venant de
l'Italie, eurent encore plus de difficulté k pénétrer dans
une province soumise k des maitnrs peu favorables k l'in-
dustrie. D ailleurs^ s*il s'établit alors quelques-unes de
usines en Roussillon, elles disparurent bientôt,
loppées dans la ruine générale de ce pays, résultai des
invasions répétées des Sarrasins dans le cours du TOI*
siècle. .\près l'expulsion des Infidèles, une nouvdie èie
1 lUBf VfhêUnrt 4e l.\ iie.adetwe Àt \ Fmt'tre H^mMin. pu Ctïktm, «l
â€m\ fkjti nié* . rc«rrr«aat l>0TakiM«»rai àt l'iulif ra M», «f It Méf» éi Hmw m V«.
n qii rottirat tn^tt ^mte^ qi« W* w«ttlim k cm Mamt coas». au» |i« §
: //tirirt r *< t'^i'uf fvir lktfr>\ %'t en Heu. -f pu lljik*ta
CHAPITRE HUITIÈME. 149
de civilisation commença pour notre patrie. Les Chrétiens
fuyant d'Espagne, et peut-être quelques Français Joints aux
misérables restes des anciens habitants, entreprirent de re-
peupler et de remettre en culture une contrée que les mal-
heurs des derniers temps avaient rendue stérile et déserte.
Moins d'un siècle après ce commencement de restauration,
les chartes font mention des moulins a eau. Elles ne parlent
d'irrigation que deux cent cinquante ans plus tard, et alors
la mesure usitée pour la distribution des eaux est la meule.
De tous les faits cités dans ce chapitre, nous devons
tirer les conclusions suivantes : !<> les Romains, et encore
moins les Goths, ne peuvent avoir introduit la pratique
des irrigations en Roussillon ; 2» cette pratique ne doit y
avoir été connue qu'après l'établissement des moulins à
eau ; 5^ s'il y avait des usines de ce genre avant l'invasion
des Arabes, elles n'y étaient certainement pas très com-
munes, et les malheurs de cette époque les firent dispa-
raître avec tous les monuments de la civilisation ; i^ tandis
<iue le Roussillon se repeuple sous les premiers Carlovin-
gieos, les conquérants de l'Espagne deviennent indus-
trieux, et la pratique des irrigations, importée par eux
en Andalousie , se propage dans les environs de Valence
et en Aragon. Elle pénètre bientôt dans la Marche d'Espa-
gne. Les Roussillonnais ne restèrent point en arrière. Les-
chartes du xii© siècle , en nous instruisant de ce qu'on exé-
cuta alors, font présumer qu'on avait déjà, depuis quelque
temps, songé à utiliser les eaux de la Tet, pour procurer à
DOS terres l'humidité si nécessaire à la végétation. Depuis
deux siècles , les moulins à eau ' étaient usités dans le
1 Un anteur prétend que les mouliiu à eau ne furent usités en Europe qu'à la fin du xu*
tiède . sous le pape Célestin III , qui les soumit à la dlme. Il est rationnel de penser qu'il ne
les j assujettit que parce que , déjà fort communs , le produit de la dtme pouvait être de
qvelqiie importance.
150 HISTOISB DU EOUSSILLOM.
Roussillon. Les relations de dos ancêtres avec VEâpÊgoe^
leurs pèlerinages en Orient, contribuèrent sans dovte k
favoriser l'introduction de l'art des irrigations dans Imr
pays; et tout nous engage k indiquer les xi® et xn^ aiè>
clés comme l'époque de cette heureuse innovation , et à
regarder les Arabes comme nos véritables maîtres dass
cette partie intéressante de la science agricole. Le noai
(acequia), emprunté à leur langue, que l'on donna d'abôfd
k nos canaux d'irrigation, n'est^il pas une nouvelle preme
que c'est à ce peuple que nous devons l'art de les établir
et d'en distribuer les eaux avec tant d'intelligence, et de
simplicité? (Appendice, n® 16.)
CflAPJTHE NEtVIEMfi. ^51
CHAPITRE IX.
SBPTItHI ÉPOQUE.
PIVE.II\È.Kf: RÉUNION D\3 K0\3SS\LL0N \\3 U0\M3MEi
D*\K\GON.
L'héritier du comte Gérard fut, comme nous l'avons^
VQ, le roi d'Aragon Alphonse II, fils de Raymond-Bé-
r«nger IV , dernier Comte de Barcelone, et de Pétronille,
reine d'Aragon. Ce prince croyant, peut-être, devoir
^yer par sa présence ses droits à la succession de
Gérard, se rendit en Roussillou aussitôt après la mort
du Comte, pour fyire prêter à ses nouveaux sujets le
serment de fidélité. Reçu sans opposition, if mit son
premier soin à confirmer à la ville de Perpignan, par
wne charte du 19 juillet H72, les privilèges que lui avait ^•72:
accordés son dernier Seigneur. La même année, le 12
<les calendes d'août, il accorde sa protection k l'abbaye de
Font-Froide, dans une charte où il prend le titre de Comte
de Roussillon. Le 18 janvier 1 174, il se maria à Saragosse
avee Sancia , fille du roi de Castille Alphonse Vil , et le
(^mté de Roussillon , tel qu'il l'avait reçu de Gérard, fut
une des terres assignées pour douaire a cette princesse.
Quelque temps avant son mariage, il avait, dans une
'assemblée de Prélats et de Seigneurs, tenue à Fuentc
ib^ HISTOIRE DU ROUSSILLON.
de Aldara, promulgaé une constitutioD de paix et de trèfe,
qui devait être observée dans ses domaines, depuis Suites
jusqu'à Tortose et à Lérida* Les articles en sont à peu
près les mêmes que ceux de la constitution fidte à TVh
luges, en 104i. Le 16 des calendes d'anil 1175, ci
prince confirma une seconde fois les usages de Perpigntn,
4180. Jusques au Concile célébré ï Tarragone en 1180, on tfail
presque toujours, tant en Catalogne qu'en Roussillon, dtlé
les actes des années du règne des Rois de France , en y
ajoutant , tantôt Tannée de la Naissance de Jésus-Chriit
ou de son Incarnation , tantôt celle de Tère d'Espagne.
Il fut statué dans ce Concile, qu'on adopterait Fère de
l'Incarnation, le 25 mars étant le premier jour de Fan,
et qu'on ne ferait plus aucune mention de l'année du
règne des Rois de France. Cependant, on troure phn
sieurs actes postérieurs à l'an 1180, où l'andoi unce
est encore observé. Raymond -Bérenger, à qui le rai
Alphonse, son frère, avait donné le Comté de Proveiiee,
ayant été tué l'année suivante, ce Comté revint tu roi d'A-
ragon. Alphonse en disposa en faveur de son autre ùèn
Sanche, ou du moins il lui en laissa le gouvernement ]«•
qu'en 1 185. 11 le lui retira, cette année, en lui abandomml,
suivant Bouche, les Comtés de Roussillon et de CerdagM*
En 1102, Ermengarde ayant cédé à son neves Pknt
de l^ra la Vicomte de Narbonne^ se retira k PerpigntB^ oè
elle mourut deux ans apri's. Le nouveau Vicomte iniéodi
au Comte de Foix les pays et chiteaux de Fenooiilèdet et
de Pierrepertuse, dé|)endants d*Alphonse, en sa qulHé de
r/>mte de Barcelone. Celui-ci confirma, en 1195, b pot^
session de ces fiefs au Comte de Foix« son parent. L'aosée
suivante, il renouvela la constitution de paix et de trêve
faite en IITo : elle devait s étendre de Salses à Lérida,
i|u on din&igne comme les deux exln'mités de la Catalogne.
CHAPITRE NBUViiMB. 153
Le Roussillon servant a lier les États de ce priaee en
Espagne , avec ses terres en France , était pour lui une
possession fort importante; aussi témoigna-t-il toujours
une grande affection pour ce pays. Il résidait souvent k
Perpignan, où l'attiraient les guerres fréquentes qu'il eut
à soutenir contre le Comte de Toulouse au sujet de la
Provence. Il fit son testament dans cette ville, en décem-
bre 1194, et y mourut le 25 avril H 96. Il laissa à Pierre, 1 196.
son fils aine, le Royaume d'Aragon , les Comtés de Barce-
lone, de Roussillon, de Cerdagne, de Confient, de Pallas,
et, en général, tous les droits qu'il avait sur les pays
compris entre Béziers et la vallée d'Aspe ou d'Oléron.
Les Comtés de Provence , de Millaud , de Gévaudan , fu-
rent le partage d'Alphonse, le second de ses fils. Il desti-
nait Ferdinand , le troisième , h prendre l'habit religieux
dans le monastère de Poblet. Il laissa ses enfants sous
la tuteUe de sa femme. Parmi les nombreuses libéralités
qu'il fit aux églises de ses États, celles du Roussillon ne
6ur^t pas oubliées : les monastères de Saint-Michel-de-
Coxa et de Sainte-Marie d'Arles reçurent une rente de deux
cents sols; il en légua une de cent cinquante à ceux de
Saint- Martin et de Saint -André, ainsi qu'au prieuré de
Coinrilla. 11 laissa trois cents sols, une fois payés, à l'é-
giise de Perpignan, pour l'achat de deux calices. Sa
veuve ne vécut pas en bonne intelligence avec son fils
Pierre II, Roi d'Aragon; et k l'expiration de sa tutelle,
elle se retira, vers l'an 1200, au monastère de Sixéna,
qa'elle avait fondé, et où elle mourut en 1208.
Nous trouvons plusieurs chartes émanées de Pierre II ,
eacore mineur, où il n'est fait aucune mention de sa tu-
trice. De ce nombre, est celle où il institue le gouver-
nement municipal a Perpignan. 11 confirma, au commen-
cement de son règne, la donation du Roussillon et de la
I5i HISTOIRE DU ROUSSI IXON.
Cerdagne, faite par son père a Doo Sancho« Cehii-d ne
jouit de ces Comtés qu'à titre d'apanagiste, et qwMqall
reçoive souvent dans les chartes le titre de Comte, 0
se contentai de prendre celui de Seigneur du Ronasillon
et de la Cerdagne. Marié avec Doiia Sancia Nono, fiUe
de Don Nuno de Lara , un des premiers Seigneurs de k
CastiUe, i> en eut un fils nommé Nuno-Sancbo.
Quoique très proche parent du comte Aljriioiise de Pni*
vence, le Seigneur du Roussillon avait pris parti contre lu
dans la guerre qu'il faisait au Comte de Forcalquier. Le
Roi d'Aragon termina ce difiérend au moyen do traité
d'Aigues-Mortes, dont il fut le médiateur. Il partH de Bi
accompagné de son oncle Sancho, et se rendit k ModI-
pellier, où il épousa, le 15 juin 1904, Marie, fille el
héritière du Seigneur de cette ville. Le Roussillon, depû
Salses jusqu'à l'Écluse , fut assigné pour douaire k cette
princesse , et Sancho figure parmi les garants de eette
stipulation. Il accompagna ensuite le Roi en Provenee,
4212. et de là à Rome. Il le suivit encore en i2I2, dans le
guerre contre les Infidèles, et se trouva avec son file
Nuno k la fameuse bataille d'Ubéda ou de las Navas de
Tolosa, gagnée sur les Maures, le 16 juillet de cette
année, par les Rois de Castille, de Navarre et d'Aragoe.
Les troupes de ce dernier étaient k l'arrière-garde, soi-*
vaut Zurita ; à la gauche, suivant d'autres : mais tov lee
auteurs conviennent qu'elles contribuèrent puissameMiit
à la victoire. Le Roi y fut blessé d'un coup de lanee;
Nuno et son fils s'y distinguèrent : celui-ci , quoique très
jeune , Ait armé Chevalier, par le Roi , sur le champ de
bataille. Plusieurs guerriers du Roussillon faisaient perlie
de l'armée aragonaise : les historiens catalans citent per-
liculièremcut Guillaume d'Oms et Ariiauld de Uanyuls.
\Ais Comtes de Roussillon avaient c(»mmencé a travailler
i
j
CBAPITU NBUVIÈVB. 155
ï rémaDcipation des habitants de ce pays; les Rois d'A-
ragon les imitèrent. Devant consacrer un article Si la ville
de Perpignan , nous entrerons dans quelques détails au
siqet du régime municipal qui y flit établi en ii97 par
Pierre II. Mais, pour &ire mieux apprécier les change-
ments opérés à cette époque, nous croyons devoir donner
un extrait de Tacte d'affrtmchissement de Saint^-Laurentp*
de-4a-8alanque ' :
« Le 32 février i2i3, Pierre second, du conseil et 4213.
consentaient de son très cher cousin Nuno, Seigneur
particulier de ce lieu, afiHranchit les habitants de cette
commune de tous droits et servitudes auxquels ils étaient
tenus; accorde la faculté de vendre, d'échanger leurs
biens, et d'en disposer par testament. Il assure aux plus
prêches parmts, jusqu'au quatrième degré, la succession
de ses sujets morts intestats. Il règle, qu'a défaut de pa-
rents de ce degré, on fera trois parts de l'héritage, dettes
payées : le Bailli royal, assisté de trois prud'hommes du
lieu, recevra et distribuera en bonnes œuvres le premier
tiers; le second appartiendra au Roi; le troisième aux
pttrents jusqu'au septième degré, et, à leur défaut, au
Roi. Les habitants sont exemptés de tout péage, droit ou
service, hors celui d'host ou chevauchée. Chacun pourra
faire du sel pour les besoins de sa fiunille, ou l'acheter
ao même prix que le Roi. Il est défendu aux Baillis ou
Vigoiers de forcer les habitants d'assister à des plaids
tenus ailleurs que dans leur village ou son territoire. »
Ea 1242, Jacques I^ confirma ce privilège, toutefois en
se réservant le droit d'établir des leudes ou péages^
Pierre, zélé catholique, avait chassé de ses États les
Albigeois et leurs fauteurs. Par dévoûment au Pape, il
1 Coaimajuqtié par M. de Saint-Malo.
f56 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
avait mécontenté ses sujets, en soumettant son royanaie
à un tribut de deux cent cinquante mannodins en favcw
de la Chaire de Saint-Pierre. Beau-frère du Comte de
Toulouse , parent ou ami de plusieurs autres Seigneon
attaqués par les Croisés, il ne leur avait donné aoeui
secours. A la vérité, une garnison catalane avait àêknàm
pendant près de quatre mois le château de Termes, contre
Simon de Montfort ; mais le Roi n'avait pris aucone ptrt
ii cette défense. Raymond de Termes, maître de ce fort,
et mari d'Erméninde de Corsavi, fille d'un des prindptia
Seigneurs du Roussillon, avait recruté parmi les vassnx
des parents de sa femme % la majeure partie de celte
valeureuse troupe, devant laquelle auraient échoué les
Croisés, si elle avait pu se défendre aussi aisément coolre
les maladies que contre leurs attaques. Loin d'être Tes-
nemi de Montfort, Pierre lui avait confié son fils, ftgé de
trois ans, pour être élevé sous ses yeux, en attendanl
qu'il pût se marier avec sa fille. Cependant, il crut devoir
arrêter cet ambitieux, qui , sous prétexte de religion, ae
visait qu'a s'emparer des États du Comte de Toulouse. Il
marcha donc au secours de ce prince; mais, ayant impni»
demment livré, auprès de Muret, un combat aux Croitéft,
1213. il y périt le 17 septembre iSlS. Si, moins fougueux, il
avait suivi les conseils de son oncle Sancho et de quel-
ques autres Seigneurs, qui l'engageaient ii ne rien tenter
avant l'arrivée des renforts qu'ils lui amenaient, il âuriil
pu jouer le rôle glorieux de pacificateur, et l'Anigon ae
se serait pas trouvé dans la situation la plus critique. Eb
I Cette dame Mt de«x (Ils : OlîTter de Termes , l'aloé . fliit on des pits brivtt
de son temps. A|ir^ atoir svétI Janines !*' d'AnifMi à la eoaqoèle de M^JerfH , Il
pafoa saiat Ixwts dans set de» rroisadet. et rnoonit le i8 aoèt if7S, daas U
w il avait été envoyé en anil 1973 . par Philippe-le-Hardi . à la iHt de vinf(t-(ii
iicrset tmt arlialétriers. naymond de Serralonyoe . qii porUit ce noa d*aM tcnt 4ê
tnhf «itoér en Hi«a»Mllon . fat U second flis d'Erméninde de Coruvi.
CHAPITRE NEUVIÈME. 157
effet, il ne laissait pour héritier qu'un enfant de six ans,
au pouvoir de son ennemi.
L'absence et la minorité du nouveau Roi firent naître .
des factions, dont les chefs étaient Ferdinand et Sancho,
Tun frère, l'autre oncle de Pierre II. On prit cependant
les armes pour forcer Simon de Montfort \k rendre l'en-
fant royal. Nuno était l'un des chefs des troupes levées
à cet effet. Heureusement le Pape intervint dans cette
affaire, et ordonna k Simon de remettre le jeune Roi k
son Légat. Celui-ci le conduisit en Catalogne en 1214.
Sancho, son fils, la Noblesse , les députés des villes, allè-
rent le recevoir k Narbonne; les deux premiers s'enga-
gèrent, par serment, k ne point enlever le jeune prince
aux personnes k qui le Légat le donnerait en garde :
Jacques fut conduit k Lérida, où s'étaient réunis les
Grands, la Noblesse et dix députés de chaque ville. On
lui prêta serment de fidélité, ce qui n'avait jamais été
pratiqué en Aragon. Cette assemblée offre une autre inno-
vation remarquable. Les députés des villes n'assistaient
P9A aux réunions politiques de la Catalogne : dans cette
Occasion, ils y vinrent par zèle, bu y furent appelés k
Cause de la gravité des circonstances. Dans la suite, ils
^n firent une partie essentielle, sous le nom de Bras ou
État royal. Les Prélats, les Rarons et les Nobles, qui,
^euls , jusqu'alors avaient formé la Cort du Comte , réu-
nion assez semblable aux premiers Parlements de France,
se divisèrent en deux Rras ou États, l'ecclésiastique et le
militaire. L'Infant Don Ferdinand et le Seigneur du Rous-
sillon , occupés, chacun de son côté, k lever des troupes
pour profiter de la confusion qui régnait dans le royaume,
s'en approprier une partie et s'emparer de la personne du
Roi, n'assistèrent pas k cette assemblée, qui, par sa fer-
meté, déjoua leurs projets ambitieux. Elle confia la garde
158 HISTOIBB W ROOSSnXOlf.
et l'éducation du jeune Roi à Guillaume de IfontredM,
maître de la Milice du Temple en Aragon. Cdni-ci k
conduisit dans le chftteau fort de Monçon. On nonmit
trois Gouverneurs des frontières, un ponr la CtlalogM,
et deux pour FAragon ; Sancho fut Procureor-Géiiérd àt
toute la monarchie.
Quelque temps après la séparation de rassemblée àt
Lérida , les Prélats et les Seigneurs craignant qne le Rei
ne fftt pas en sûreté k Monçon contre les entreprises et
ses oncles, l'en retirèrent en i217, avec le
ment des Templiers, et le conduisirent sous bonne
k Huesca et ensuite k.Saragosse. Sancho, marehani h h
tête du cortège, calma ainsi les inquiétudes qu'A urit
dcmnées aux sujets fidèles; il les dissipa entièrement en
i218, aux Cortés tenues k Tarragone, où, se dénettant
de la charge de Procureur-Général, il reçut en édmÊgt
des terres pour quinze mille sols de rente ^ et «ne pen^
sion d'égale yaleur k percevoir sur les revenus de Bm^
lone et de Villefranche-dels- Panades. Après quoi, 3
prêta au Roi serment de le servir fidèlement B penH
que, depuis cette époque, renonçant k toute intrigne^
il resta tranquille dans ses terres. Qiercbant pem-éM à
mettre k profit la minorité du Souverain pour se rente
plus indépendant, il y fit cette même année, avee le
concours des Barons du pays et de Gualter, évêqoe d*Elne9
une constitution de paix et trêve, dont l'eflet denk
s'étendre sur tout ce Diocèse et la Cerdagne. Son fli,
Nuno ', au contraire, suivait la cour, et y dtspntait le
gouvernement de TÉtat k Tlnfiint Don Ferdinand et h
t Ccprinrtatail^fowé.MlilS.rMrvviBr.tttoftk^ritièfViIrCral^ni,
Ja S^ip^rmt At U Rim sir
CHAPITRE NBVYIÈMB. 159
Guillaume de Moneade, vicomte de Béarn. Fort Ué d'abord
avec ce dernier, ils se brouillèrent pour un motif des plus
frivoles, et leur querelle ramena la guerre dans le Rous-
sillon , qui aurait eu besoin de la paix pour réparer des
malheurs récents. Une sécheresse extraordinaire y avait
en 1219 détruit toutes les récoltes, perte qui fut cause 4249.
d'uoe famine, en même temps qu'une épizootie enleva la
(dus grande partie des bestiaux. Moncade, peu sensible à
ces désastres, assemble ses parents, ses amis, et entre en
RoussUlon, pour y faire du dégât sur les terres du père
de son ennemi. Sancho, pris au dépourvu, s'adresse au
Roi, lui représentant que si quelqu'un a des réclamations
àâever à raisi)n^^ Seigneurie du Roussillon, de la
Cerdagné^t du Gonflent, il est prêt k faire décider le sujet
de la contestation par les voies ordinaires de la justice ;
qu'il donne pour ses garants Don Atho de Four et Don
Bbsco Haça. Jacques en fit prévenir Moncade, et lui
défieadit toute voie de fait. Celui-ci, loin d'obéir, entra
en Roussillon, à la fin de 1222, prit le château d'Avalri,
aitpartenant a Raymonde de Castel-Rossello , et marcha
sor Perpignan. Un chevalier, nommé Gisbert de Barbera,
sert de la ville , à la tête des bourgeois et attaque Moncade ;
loais la fortune trahissant son courage, il est battu et pris
stQ commencement de l'an 1225. La guerre devint bientôt
générale, parce que d^un côté. Don Raymond Folch de
Cirdone, prit les armes en Gatalogne, où il était très
poiesant, en faveur des Seigneurs du Roussillon, et que
de l'autre, le Roi, indigné du mépris qu'on faisait de
son autorité, marcha, avec ses Aragonais, pour mettre
Goillaume à la raison. Jacques, quoique fort jeune, mon-
tn, dès lors, ce qu'il serait un jour. Dans peu de mois,
cent trente tours ou châteaux sont enlevés à Moncade ou
isies partisans. On prit celui de Cerveillon, près de Bar-
160 HISTOIRB DU R0U8SILL0N.
eelone, vers la fin d'août i 223; et Guillaume bn-Hiènef
assiégé dans son château de Moncade , aurait infiôUflile-
ment été forcé de se rendre faute de vivres, si« eomae le
dit Jacques dans ses mémoires, les Seigneurs, craignaM
l'abaissement du Vicomte, ne lui en eussent fidt passer m
secret. Sancho et son fils assistèrent k ces deux sièges :
mais le père mourut quelque temps après; car nous tmo*
vous un privilège accordé aux habitants de Clairai pov It
dépaissance de Végariu, le jour des ides de décembre I2SS,
par Nuno-Sancho , qui s'intitule Comte de RoosuDcmi et
de Çerdagne. Quoique la retraite du Roi eût rendo le
Vicomte de Béam plus audacieux , la paix se fit bieslôl
entre Moncade et Nuno. Tous deux, réunis k llBfiyiil
Don Ferdinand et k d'autres Seigneurs bctieux, formi»
rent le projet de s'emparer de la personne du Roi él éi
gouvernement. Nuno, oubliant le secours qu'il vraiil et
recevoir de son Souverain , le livra k ses nouveaux alliée.
Il eut lieu de s'en repentir, car toute l'autorité itat donnée
k l'Infant, et le Comte, quoique membre du conseil, reeta
1225. sans influence dans l'État jusqu'en 1225, oà Jacqnei
s*écbappa de leurs mains. Ce prince, rendu k la liberté «
employa les deux années suivantes k détruire les fiielioM^
k pacifier les troubles dont il avait été la victime dana mm
enfance. Il y réussit par son adresse et sa fimnelé. PMr
consolider son ouvrage, il résolut d'occuper coBire lea
Infidèles le courage inquiet des Catalans. En coaaé-
quence , ayant convoqué k Barcelone , pour le uum et
décembre 1228, une assemblée générale de la Princi-
pauté, où Ton admit, suivant Tusage qui s'était inlrodnit
durant sa minorité, non-seulement les Prélats et lea Nn»
blés, mais encore les députés dt^ villes, il y fil alatner
qu*il y aurait paix et trêve depuis la Gnca jusquli SalMa,
et que Ton entreprendrait la conquête de Tile de Majofqne.
CHAPITRE NEUVIÈME. |61
Les États accordèrent, à cet effet, un subside app^
bauatge, établi poar la première fois en 1211 : il était
réparti sur les biens meubles , en proportion du nombre
de paires de bœufe et de têtes de bétail que chaque contri-
buable possédait. Nuno ayant souscrit la trêve et le subside
pour le Roussillon, la Cerdagne et le Gonflent, s'engagea
volontiers dans cette expédition, et fut nommé Tun des
juges des discussions qui pourraient s'élever au sujet du
partage des terres dans les pays conquis. Ce Comte venait
d'augmenter son patrimoine des Vicomtes de Fenouillèdes
et de Pierrepertuse , qui lui avaient été données en fief,
M mois d'octobre 1226, par Louis VIII, roi de France, 4226,
etTdont la possession lui fut confirmée par saint Louis, en
juillet 1228, toujours sous la condition de les rendre au
Roi de France, dans le cas de guerre entre ce prince
et le Roi d'Aragon.
Nono partit pour la conquête de Majorque, k la tête
d'an corps nombreux, composé de ses vassaux : il fut un
des Seigneurs qui s'y distinguèrent le plus. La flotte étant
arrivée en vue de la capitale, il fut chargé, avec Raymond
de Moncade, de côtoyer l'ile pour choisir un lieu propre au
débarquement : ils se décidèrent pour le port de Sainte-
hace. A peine débarqué, le Comte eut à combattre
les Maures qui, dans cette première action, perdirent
quinze cents hommes. Pour se venger de leur défaite,
ib ne tardèrent point à livrer une bataille générale aux
Qirétiens. Comme on ne s'y attendait que pour le lende-
laaîn , chacun aurait voulu rester à l'arrière-garde. Après
de longs débats, elle fut dévolue k Nuiio; mais l'excel-
lant poste qu'il prit inspira une trop grande sécurité k ses
troupes. Attaquées k l'improviste, elles fléchirent d'abord;
mais ranimées par l'exemple et les reproches de leurs plus
braves guerriers, qui leur représentent la honte dont elles
11
16:2 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
vont 80 couvrir sous les yeux du Roi, elles s'arrêtent,
tiennent ferme; et, par une résistance opiniâtre , elles
donnent le temps à Jacques de venir k leur secoais â¥ee
sa garde. G^tte troupe d'élite, réunie aux Roussiilomiaii,
enfonce Tennemi et le met en fuite. Après cet édatint
succès, on assiège la capitale. Un aqueduc qui amoiait
de l'eau a la ville passait à travers le camp des Chrétient,
auxquels elle était indispensable. Les Maures envoyèrrat
cinq mille fantassins et cent cavaliers pour s'emparer
d'une hauteur d'où l'aqueduc se dirigeait vers le camp.
Ces troupes firent une coupure au canal et en détour*
nèrènt l'eau. Nuno fut détaché, avec trois cents caYaliera,
pour déloger les Maures. Il y réussit après un combat
sanglant, où les Infidèles perdirent cinq cents hommes
et leur général, dont la tête fut lancée dans la ville. Les
princi|>au\ habitants de File, atterrés par ce revers , ae
soumirent et envoyèrent des provisions au camp; le Roi
Maure lui-même proposa de capituler. Nuno, ohaigé de
traiter, le détermina à rendre la ville sous certaines condi*
tions, que le conseil du Roi refusa d admettre. La défenae
opiniâtre des assiégés et les {lertes des Chrétiens, fireot
souvent re|)cntir ces derniers de n*avoir pas suivi Tavis
du Comte de Roussillon. La ville fut enfin prise d'aaaaat
1229. le 5i décembre i!î29. Cet exploit termina glorieusement
I expédition commencée le !«■' septembre. Le Comte de
Roussillon avait voulu, avant de s*embarquer, assurer h
tranquillité de ses États {lendant son absence, eo
nant ses différends avec IHerre de FenouUlet. Ce
allié des .\lbigeois , avait |>erdu la Vicomte de ce
PossiHlant eniMire des terres eu RiHissillon, dans le Vil»
les|iir« le t>>nnent et le tapcir il %o\ait avec peine Nnfto
|irofiier th^ S4^ dèpouillt^, dont Tavait gratifié le Roi de
Kmiuv. P«>ur sVii \en|;er. il a\ail ravagé les terres du
CHAPITRE NEUVIÈME. 163
Comte; mais, sentant l'impossibilité de rentrer dans son
patrimoine, il crut prudent, pour conserver les domaines
qui lui restaient, de renoncer en faveur de Nuno k ses
droits sur la Vicomte. C'est, du moins, ce qu'on peut
inférer de l'acte du i^r juin 1229, par lequel Pierre,
pour indemniser le Comte des torts qu'il lui avait faits,
ainsi qu'à ses vassaux, lui cède, avec l'approbation de sa
mère Ave, tous ses droits sur la Vicomte de Fenouillèdes.
Nuik) termina aussi, en 1231, quelques discussions qu'il
avait avec les habitants de Montpellier. Il s'était élevé
des différends d'une nature assez compliquée entre Nuno
et les Comtes de Foix, père et Gis, au sujet de plusieurs
châteaux de la Cerdagne et du Donnézan : il en était résulté
une guerre assez vive, qui iinit par un traité conclu le 28
septembre 1223, sous la médiation de Raymond, vicomte
de Cardone, et de Bernard, évéque d'Ëlne. Il y fut con*
veno qu'on ne réclamerait rien de part et d'autre à raison
des dommages éprouvés ; que les châteaux de Quérigut, de
Son et le Donnézan, resteraient sous la dépendance féodale
€la Comte de Cerdagne; que chacun garderait ceux des
c^bàteaux en litige dont il se trouvait en possession, moyen-
siant quoi le Comte de Foix serait tenu k l'honmiage en-
vers Nuno, pour ceux de ces châteaux que cette clause lui
adjugerait, et que, du reste, ils ne pourraient plus être
^igrandis ni même réparés.
n existait entre le roi Jacques et le comte Nuno,- des
discussions sur des objets d'une toute autre importance.
Le dernier, se fondant sur la substitution faite par son
^rand-père Raymond-Bérenger IV, et la donation à son
père Sancho, par Alphonse II, prétendait k la suzeraineté de
la ville et du pays de Carcassonne , au domaine des Tren-
cavel, k la Vicomte de Narbonne, k la Provence, au Comté
de Milbaud. Le Roi, de son côté, lui demandait Collioure,
1G4 HISTOIRE DU R0US8ILL0N.
le Vallespir, le Capcir, la vallée de Prades. lleiireusemeal
pour le Comte, qui était le plus faible, Jacques le vojani
sans enfants, et se trouvant son héritier naturel, consentit
facilement k terminer les différends à l'amiable. Il choisit
pour son arbitre Guillaume de Cenera, moine de PoUet;
le Comte prit pour le sien Lopez Dias de Haro, seigneur
de la Biscaye. Ces deux arbitres s'adjoignirent Hagoet de
Montlaur, maître du Temple ; et les trois juges déddèient
que le Comte garderait le Roussillon et les pays qn^U
possédait dans le voisinage; que le Roi lui payerait nne
somme d'argent pour le reste. Après cet accord, concfai
en mai lâSo, le Comte partit pour l'expédition qoi ent
lieu cette année contre File d'Yviça. Il fut l'un des denx
cheis de l'armement dirigé par Guillaume, archevêque de
Tarragone, à qui Jacques avait donné les deux Iles d^Ynçi
et de Formentera, à condition qu'il ferait tous les finis
de l'expédition. En octobre 1256, il assista aux Cortés
d'Huesca. Il suivit, en 1258, le Roi d'Aragon à la con-
quête du Royaume de Valence, dont la capitale fiil prise
le 28 décembre de cette année. Ces diverses expéditions
avaient apparemment dérangé les flnances de Nnno, et
l'obligèrent à vendre à saint Louis, pour vingt mille sois
meigoriens, en 1250, le château de Pierrepertuse, acquis
précédemment de Guillaume , qui en était le Seignenr.
1241. Dans son testament, du 17 décembre 1241, Nuôo donne
tous ses Etats au Roi d'Aragon ; ordonne de vendre tous
ses biens pour payer ses dettes et réparer les injnatiees
qu'il avait commises ; il fait quelques legs k Dona
sa fille naturelle ; laisse h sa femme Thérèse Lopei,
les biens <|u'il possède dans los Royaumes de Castille et
de Léon , du chef de sa mère ; il veut , en outre , qn'on
lui restitue sa dot, qui était de six mille maravédis, et
désigne pour sa sépulture le cimetière des llospitalieri île
CHAPITRE NEUVIÈME. 165
^joles, près de Perpignan. Il mourut le 21 janvier 124S,
jour où ses exécuteurs testamentaires remirent au Roi
d'Aragon les actes exposant ses prétentions sur le Rous-
siilon et les autres États, qui rentrèrent alors dans le
domaine direct de la couronne d'Aragon ; mais ce ne flit
pas pour long-temps. Déjà, le 19 juin 1248, dans une
disposition publiée k Valence, le roi Jacques les donnait,
ainsi que Montpellier et quelques autres terres, à Ferdi-
nand, son troisième fils. Celui-ci étant mort sans enfants,
son apanage fut réuni k la Catalogne, qui formait celui
€]e Pierre, second fils de Jacques. En effet, ce prince,
soit dans une charte du 8 octobre 1261, où il ordonne
<le se servir en Roussillon de la monnaie de Barcelone,
soit dans son contrat de mariage avec Constance, fille
Mainfiroi , roi de Sicile , prend le titre de fils du Roi.
d'héritier présomptif de la Catalogne et du Roussillon.
Dans cette dernière charte, datée de Montpellier, le jour
^es ides de juin 1262, il assigne pour douaire à sa femme
les villes de Girone et de Collioure, avec tous leurs
i^evenus.
Depuis que la Catalogne et le Roussillon avaient été
i^onis au Royaume d'Aragon , ces provinces ne dépen-
<iaient plus, par le fait, des Rois de France, qui, cepen-
<iant, prétendaient avec raison en être Seigneurs suze-
rains. Les Monarques aragonais, de leur côté, avaient
des prétentions plus ou moins bien fondées sur diverses
parties du Languedoc et de la Provence. Saint Louis et
Jacques I®^ étaient des princes trop habiles, pour ne pas
sentir qu'il valait mieux, dans l'intérêt des deux Etats,
légitimer par un traité la possession des pays dont chaque
Roi jouissait par le fait, que de laisser k leurs successeurs
des droits incertains, d'où pourraient naître des guerres
désastreuses. En conséquence, ils convinrent, à CorbeiU
166 HISTOIRE Dt' ROUSSILLOX.
1258. en 1358, que Louis céderait à Jacques tous ses droits
sur les Comtés de Barcelone, d'Urgel , de Béstlo^ d'AB^
purias, de Girone, d'Ausone, de Cerdagne, de CmUemi ei
de Roussillon ; que le Roi d'Aragon , à son tour, rcMB*
cerait en Eiveur de Louis k toute prétention sur le Caiw
cassés, le Rasés, le Lanragais, le Tennenois, et en génénl
sur ce qui avait appartenu à Raymond, comte de Toulouse.
Les droits cédés par Louis étaient réels, inconteslaUet;
la plupart de ceux que céda Jacques étaient chimériqMi,
La perte que le Roi d'Aragon fit, deux ans après, de
son fils aine Alphonse , le détermina à Eure un nooTen
partage de ses États entre les deux fils qui lui restaient
11 assigna k Pierre, Tainé, TAragon, la Catalogne et Va»
lence ; Jacques, le second , eut pour sa part les Iles Baléo*
res, avec le titre de Roi de Majorque, le Roussillon, li
Cerdagne , le Confient, la Seigneurie de Montpellier : Ict
deux frères devaient être indépendants l'un de raotre.
11 confirma cet arrangement par son testament, bkk
1272. Montpellier, le 26 août 1272. Ce partage déphil fort à
Tainé; il tenait beaucoup k garder le Roussillon, qoî hn
avait été assigné autrefois, où il avait déjk, comme iiow
l'avons vu , exercé quelques actes d'autorité, et où il est,
avant la mort de son père , une occasion de signaler n
valeur de la manière la plus brillante. Traversant eelte
province, en 1275, pour aller à Toulouse faire une tinte
au Roi de France, son beau-frère, il était accompagné
par le Vicomte de C^istelnou, seigneur roussillonnaia^
alors en guerre avec son frère Arnaud de Corsari. Piam
donna ordre k ce dernier de lever le siège du cbàteM de
Montbolo, situé dans la vallée d'^ries, et appartenant an
\icomte Arnaud. Soutenu par (luillaume de Canet et pin»
sieurs Gentilshommes catalans; se trouvant }k b tète de
trois millo hommes do pied et de eent cinquante cavalière;
CHAPITnE NEtVIÈME. 167
fier de ses forces, il refusa d'obéir. Pierre, de retour de
sa visite, sort de Figuères, à l'entrée de la nuit, avec
ceot quatre*Yingts chevaux , et arrive avant le jour sur les
troapes assiégeantes; découvert par les gardes avancées,
il fond sur l'ennemi, le met en déroute, ravitaille le ehâ-
teaii, et fait uo grand butin en armes et chevaux. Il parait,
à la vérité, qu'il dut cet éclatant succès k ce que Guillaume
de Canet, reconnaissant la bannière de l'Infant, se retira
avec les siens, et ne prit aucune part au combat. Le 27
juillet de l'année suivante, 1276, Jacques I^i*, dit le 427&.
Omquérant, mourut k Xativa.
Durant toute la période que nous venons de parcourir, le
Roossillott ne cessa de faire partie intégrante de la Catalo-
^ne. Cependant, ciamme il fut presque^ toujours ou l'apanage
^e Sancho et de son fils, ou gouverné en particulier par
l'un des fils de Jacques, il ne parait pas qu'il ait envoyé
des députés aux Cortés de Catalogne; et l'on voit qu'il
continua k se régir d'après les usages de Perpignan, et
^ue la monnaie de cette ville eut toujours cours dans le
fiays, concurremment avec celle de Barcelone. Celle-ci
éprouva plusieurs changements : le sol de quem ou quof^
Mem, dé 44 au marc d'argent, de 11 7i deniers de fin, ftit
remplacé, le 6 des cal. de janvier 1221, par le sol dobUnca
^e 88 au marc. A cette monnaie succéda celle dite de iem,
<l<Hit nous parlerons dans un autre chapitre. Elle fut établie
par un édit du 1^ août 1258, et confirmée dans la suite par
une constitution des Cortés tenues à Barcelone en 1290.
On trouve quelquefois, dans les chartes de cette époque, une
monnaie dite jaccat^^ du lieu de Jacca, en Aragon, où
elle se fat^riquait. Dans le principe,* le sol de tem était
de même valeur que le sol jaccais. Le, 5 août 1273,
Jacques I^^ ordonna de stipuler dans le Roussillon en
monnaie de Barcelone , permettant cependant d'effectuer
168 HisTome ou aouhsiLLON.
les paiements en monnaie melgorienne ou tonte autre.
Nous voyons dans les actes de ce temps, que le sexlariiu
était encore la mesure des grains; la charge ou ioiunuâa^
celle du vin. Outre le revenu de leurs domaines, les Rob
percevaient des droits de passage (leudes) k certains points.
Aussi, voit-on les rois Pierre II et Jacques I^ assujettir
les marchandises k passer par Collioure et Banyulst pour
aller en Catalogne; par Estagel, pour aller vers Saint»
Paul, Alet et Limoux. Dans des cas extraordinaires, les
Cortés de Catalogne accordaient au Souverain la levée
d'un impôt appelé bouatje, dont nous avons déjà parlé.
Le gouvernement de ces trois Rois d'Aragon fut très fiivo-
rable au Roussillon. Nous avons dit ce que Perpignan et
Saint-Laurent-de-la-Salanque durent k Pierre II ; plusieors
autres communes firent, sous ces princes, les premiera
pas vers leur émancipation.
Les expéditions de Jacques I^r contribuèrent à donner
aux Catalans et aux Roussillonnais, le goût de la navigation
et du commerce. L'existence de plusieurs moulins à Snk
Ion , que les actes de cette époque nous indiquent dans les
vallées du Tech et de la Tet, prouvent que les manulactnrea
de drap étaient nombreuses dans la province. Les Juifs, qni
se jettent partout où il y a quelque spéculation à faire,
affluèrent dans le pays; mais le Gouvernement se trouva
bientôt obligé de mettre un frein k leur usure. Par nne
constitution faite aux Cortés de Tarragone, en 1228, il
leur avait été défendu de prêter k un taux plus élevé qnt
vingt pour cent. On dut renouveler cette défense en 1240,
quoique les Chrétiens ne pussent prêter qu'k douze. On
trouve une constitution de Jacques l^^^*, faite aussi à Tar-
ragone en 1255, dans laquelle ce prince, permettant an
Juifs et aux Sarrasins de se convertir au ChrisUanisnie ,
et même les y engagi^ajU , leur défend , sous peine de
CHAPITRB NBUyiÈME. 169
devenir esclaves, d'abandonner la loi de Moïse pour celle
de Mahomet, et vice versa. Il existait donc des Sarrasins
libres dans les États d'Aragon , et nous voyons aussi ,
par plusieurs actes de vente, qu'il y avait en Roussillon
des esclaves de cette nation. Le testament de Nuno-
Sancho nous apprend qu'on avait fait des projets et levé
des subsides pour l'amélioration du port de Collioure.
170 IIISTOIIIB DO ROUSSILLON.
CHAPITRE X.
HUlTliHK ÉPOQUE.
KO\S DE M\10KaVîE.
Jacques I^^*, roi de Majorque, né à Montpellier , la TeiUede
4243. la Pentecôte i2i5, s'était marié, à Perpignan, le 4 octo*
bre 1275, avec Esclarmonde de Foix, qui lui apporta en
dot deux cent cinquante mille sols melgoriens, fiaiisant trm
mille marcs du poids de Perpignan. Ce mariage fot câébvé
avec de grandes fêtes, consistant en joutes et tooroon,
suivant Tusage de ce temps. A la mort de JacquM-le-
Conquérant, la mésintelligence ne tarda pas k éclater entn
ses deux (ils. L'alné trouvait excessifs les avantages ù&tB
au cadet; il aurait voulu garder pour lui tous les États
formant la Monarchie aragonaise. Jacques n'était pas
d'humeur k céder la moindre parcelle de ce que son père
lui avait destiné ; mais, sentant combien ses forces étaiest
inférieures à celles de son rival , il traînait la négoeiatiM
en longueur, et cherchait en attendant k se faire des alliés.
Dans cette intention, il avait conclu, le 10 mai 1978,
avec le Comte de Foix, son beau-frère, une ligue contre
le Roi d*Aragon, s'il venait k lui déclarer la guerre. Cette
ligue devait durer cinq ans; mais son infidèle allié, ayant
fait sa i»aix avec horre, Jacques fut contraint d'accepter
CHAPITRE DIXIÈME. I7t
toates les conditions imposées par le traité signé dans le
courent des Frères Prêcheurs de Perpignan , le 20 jan*
vier 1279. Jacques s'y reconnaît Tassai du Roi d'Aragon : 4279.
s'engage pour lui et ses successeurs à le servir envers et
contre tous ; a lui livrer toutes les fois qu'il en sera requis
les villes de Perpignan , de Majorque et de Puycerda ; à
assister aux Cortés de Catalogne, lorsqu'il ne se trouvera
|)as dans son ile ; k iaire observer en Roùssillon les lois
et usages de Catalogne ; à n'y permettre d'autre monnaie
que celle de Barcelone. Il fut dispensé, sa vie durant, de
prêter foi et hommage en personne, d'aller aux Cortés et
de livrer les trois villes. Cet accord, entièrement contraire
au testament' du père commun, consenti et approuvé par
Pierre lui-même, fut en général regardé comme un acte
oppressif, que la force seule pouvait faire exécuter. Aussi,
Pierre^ non content de le faire signer par son frère, exigea
que les Comtes de Foix et d'Ampurias, le Vicomte de Cas«
telnou, Dalmau de Rocaberti, Raymond Doui^, Guillaume
de Canet, Bernard Hugues de Serrallongue, Dalmau de
Castdnou, Pierre Çagardia, Arnaud de Corsavi, Guillaume
de So, les Syndics de Perpignan et ceux de Majorque, se
^-endissent garants de son exécution. Dans les premières
années, le roi Jacques parut vouloir remplir les conditions
de cet accord : il conduisit des troupes au secours de son
ffrère contre le Comte de Foix et plusieurs Seigneurs cata-
lans, du nombre desquels était Guillaume de Canet. Il
9e distingua par sa valeur, en 1280, au siège de Balaguer,
défendu par ces Seigneurs contre le Roi d'Aragon. L'an-
née suivante, il accompagna celui-ci à Toulouse où il avait
été voir le Roi de France. Malgré toutes ces démarches,
il est présumable qu'il n'attendait qu'une occasion favorable
pour secouer le joug imposé par son frère ; elle parut se
présenter bientôt après. A la suite d'un soulèvement, qui
17:2 HISTOIRE DU IIOU88ILLON.
4282. avait pris naissance k Païenne, le 30 mare 1282, les
Siciliens ayaient massacré tous les Français établis dans
leur ile. Craignant la vengeance du roi Charles d*AnjiNi,
ils appelèrent à leur secoure Pierre d'Aragon. Celin-d
n'était peut-être pas étranger k la révolte de ces inta-
laires. Du moins, il parait ne s'être montré k cette ép<H
que, avec une flotte considérable sur les cdtes de Tunis,
qu'afin de se trouver à portée de soutenir cette insur-
rection, et d'en proliter pour s'emparer d'un royamne
sur lequel sa femme Constance avait des prétentions.
Mais le pape Martin IV, prenant le parti de Charles, son
vassal , déclare le Roi d'Aragon , non-seulement inctpeUe
de régner en Sicile , mais encore déchu du trône de ses
pères, et donne le Royaume d'Aragon à Charles-de-*Ve»
lois, second (ils de Philippe-le-Hardi , roi de France.
Il est impossible de justifier une pareille sentence,
dont l'exécution n'était pas aisée. Pour y réussir, le Psqie
publie une Croisade contre Pierre, qu'il avait eu soin
d'excommunier. A la voix du Pontife, des troupes nenn
breuses de Croisés accourent se réunir aux environs de
Toulouse, de Carcassonne et de Narbonne, sous la ban*
nière de Philippe, chef naturel d'une expédition, dont le
but était de donner une couronne à son fils. L'Aragonait,
de son cdté, ne se laissant pas intimider par l'excomnin-
nication, ne négligea aucune précaution contre l'invasion
des Croisés. Connaissant les liaisons du Roi de Miû^rqne
avec celui de France; se méliant surtout de son frère « k
raison des injustices qu'il lui avait faites, et peu saliafiil
de la manière dont il avait répondu à ses propositiona an
sujet d'une guerre regardée comme inévitable, il résoinl
de tout tenter |>our s'assurer de sa pereonne. Sûr d'avoir
des partisans parmi les principaux habitants du Roussillon,
il |iart inopinément du Limpourdan, ii la tête d*iin roqis
CHAPITRE DIXIÈME. 173
de cavalerie choisie, traverse les montagnes, et arrive de
oiiit, par des chemins détournés, devant Perpignan, sans
qae le Roi de Majorque ait eu avi» de sa marche. Le
Vicomte de Cardone, s'apercevant alors de ses projets
sur cette place, lui laisse les troupes qu'il a amenées;
mais se retire, en lui déclarant que les liens de parenté
qui l'unissent à la Reine de Majorque, ne lui permettent
pas de participer a une semblable expédition . Pierre s'ap-
prooha des murs avec son monde , et pénétra par une
porte, qui lui Ait probablement livrée : les habitants le
reçurent comme leur Souverain. Sans perdre du temps,
î| se rendit maître d'un édifice appelé las casas fueries
dd temple, où étaient les trésors de son frère, et les lit
porter au ch&teau, dont il s'était déjà emparé. U ne voulut
IMtsvoirleRoi de Majorque, qui était malade, se contentant
€le lui faire dire, par deux Chevaliers, de ne rien craindre, le
seul motif de sa conduite étant d'user du droit qu'il avait
<le se servir de ses forts pour défendre ses États. Jacques,
n'ajoutant pas une grande foi aux promesses de son frère,
firofita de la nuit et d'une issue souterraine pour s'enfuir
^u ch&teau de La Roca , abandonnant sa femme et ses
enfants au pouvoir de l'Aragonais. Le lendemain, il y
eut on grand tumulte dans la ville, où les partisans du
^oi de Majorque avaient répandu la nouvelle de sa mort.
Excités par ce faux bruit, les habitants prennent les armes
pour monter au château ; les Aragonais courent se réunir
autour de leur Roi. Dans la mêlée, les Perpignanais firent
prisonniers le Comte de Pallas, avec quelques autres
Chevaliers. Pierre s'empressa de faire sortir du château
la Reine , ses enfants et les trésors , pour les conduire
en lieu de sûreté. Il descendit ensuite dans la ville, afin
d'apaiser l'émeute. Il y réussit, et se fit rendre les pri-
sonniers ; mais n'ayant pas assez de troupes pour garder
174 HISTOIRI DU BOOSSILLON.
Perpignan, il l'abandonna et rentra en Catalogne,
nant avec loi ses neTeux , le trésor , le Vicomte de Rw»
bonne, et un neveu de l'Archevêque de cette vifle, qpi'9
avait trouvés auprès de son frère. Il chargea le Vieonie
de Cardone et le Comte de Pallas de ramener a« Roi
de Majorque sa femme et sa fille.
Les Croisés ne tardèrent point k entrer en Ronssflk» :
leur armée, d'après les rapports les plus modérés , était de
soixante mille hommes de pied et de douze mille cavalien.
La première colonne, où se trouvaient le Roi de Fnmee,
ses deux fils et le L t, assa par Salses; la seconde
avait pris le chemin montagnes. Philippe, lattMii^
ses troupes campées ai r ^ de Perpignan, fut troufar
Jacques au chiteau de La RiK^a : il demanda que la CÊft^
taie et toutes ses forter reçussent garnison françiiw;
qu'on lui livr&t cent ôtag et que les troupes de Miyon|W
se réunissent aux Croisés. Jacques, par crainte ou de bm
gré, consentit à tout. Philippe mit cent cinquante falMl-
sins et quarante cavaliers dans le château de La Roet;
cinquante hommes de pied et vingt chevaux au fort de
La Clusa. Les habitants de Perpignan, d'Elue, de Colliove
n'étaient pas trop d'avis de recevoir les Français ; mais les
premiers, menacés de voir leurs campagnes ravagées, n\
pérant aucun secours du Roi d'Aragon, et n'osant point
treprendre de se défendre seuls contre une aussi puiaatale
armée, consentirent k se soumettre au Roi de France, €1
à fournir des vivres aux Croisés, k condition qu'ils n'es»
treraient pas dans la ville. N'ayant plus k s'inquiéter de
cette place , les Français s'étendirent dans la plains dn
Roussillon , et y commirent tous les excès qu'on pomik
craindre d'une soldatesque aussi nombreuse que pe« din
oiplinée. Après avoir établi leur quartier-général an Bols,
ils envoyèrent un détachement se saisir du col de Panissss;
CHAPITRE DIXIÈME. 175
mais ils y avaient été prévenus parle Roi d'Aragon. N'osant
l'attaquer, ils tournèrent leurs efforts contre un château
appartenant à Ëlîsende de Montesquiou, dame d'un rang
distingué et attachée au parti aragonais. Ayant échoué
devant cette bicoque, les Français se portèrent à grande
hâte vers Perpignan, sur le faux bruit que Pierre y mar-
cbait, appelé par ses partisans. Philippe, à son arrivée,
maDde les principaux habitants ; ils se rendent à son invi-
tation, et sont arrêtés comme otages. Les bourgeois,
voyant qu'on se dispose à faire entrer des troupes dans
la ville, courent aux armes pour s'y opposer. On se bat ;
les Croisés pénètrent dans un quartier, qu'ils pillent ; mais
ils y perdent un capitaine et quelques soldats. Cependant,
le gros de l'armée étant arrivé, on se soumit : les Français
se saisirent des ^lises, des tours et des principaux postes.
Elne fit plus de résistance : un grand nombre d'habitants
de la campagne s'y étaient renfermés et avaient demandé
^n Roi d'Aragon quelques compagnies de cavalerie pour
les aider k se défendre. Raymond Dourg y pénétra, a la
faveur de la nuit, avec trente cavaliers; mais craignant
d'être livré aux ennemis, à cause de la discorde qui ré-
gnait dans ce ramas confus de gens, dont on ne pouvait
rien attendre de bon , il s'évada , abandonnant armes et
chevaux. Cependaùdt, la ville se défendit avec opiniâtreté;
les Français y entrèrent de vive force, en brûlèrent une
partie, et le reste éprouva toutes les horreurs qui suivent
un assaut. Les châteaux de Montesquiou et de Castebou
tenaient seuls en Roussillon pour le Roi d'Aragon, qui avait,
néanmoins , de nombreux partisans dans le pays. Tandis
que les Français étaient occupés au siège d'Elne, quelques
habitants de Collioure le firent avertir, que s'il pouvait se
présenter avec assez de troupes pour laisser garnison
dans le château, ils le lui livreraient. Cette place passait
176 HISTOIBB DC ROUSSILLON.
pour très forte. Pierre ne pooTant résister k la tentatk»
de s'en rendre maître, partit k cet effet avec einqnanle
chevaax et mille Almogavares ' ; arriva de nuit k travers
les montagnes auprès du château , et demanda k parler ta
gouverneur Arnaud de Sayas, qu'il croyait être dant ici
intérêts; mais celui-ci, fidèle au roi Jacques, et ayant en
quelque vent de la trame, se tenait sur ses gardes. Pierre,
qu'il avait feint de ne pas reconnaître, s'étant rapproché
du rempart, le Gouverneur ordonna k un arbalétrier de
lui tirer dessus. Le Roi s'en aperçut, évita le coup, et fbt
décharger sa colère sur le port contigu k la ville, brûlant
les vaisseaux et les galères qui s'y trouvaient. Cette aven**
tore inspira des craintes au Roi de Majorque pour Col*
lioure, et le décida a s'y rendre. On l'y reçut k condi-
tion qu'il ne livrerait pas le château aux Français. Les
Croisés avaient de fréquentes rencontres avec les An-
gonais. Le Comte d'Ampurias ayant appris que qninie
cents bêtes de somme étaient réunies k CoUioure pov
trans|K)rter au camp français un convoi arrivé de Mar-
seille , passa par le col de Banyuls ; et , s'étant placé ea
embuscade avec cinquante cavalière et cent fantassins,
il tomba avec impétuosité sur le convoi, mit en faite
lescorte, quoique fort su{HTicure k son détachement,
et kl pourauivit avec t^nt d*ardeur qu'il fut pris;
1 QoelqMt Mtrart rn font an prapif partiralier que lei mit diWBt chréCin. Uê
Bonlman. Il ett plo» probable q«f r'éuifot dn bomnet tirés 4n prwiMM
Rndams i la fatifruf par lf«r ftnrt de vif ; rendu» iaieaMbles à toatet let
riprft^ do rlinat dn montagDfit; n'ayant pour rhanuore qne det ab»r«t (m
poar Têtenrat . q«e de» gaHret. de* mlottei de pean et mot vnle;
lanre et nnc airona . ja\rlot lemblalile an yUum dr> llamains , il* Maitot
nent dani leA fnrti de la frontière npiKrtéc ant llauris . d'uà iIa fnaiest dMCOWMti
plu» hardtr» qu'il» pnnvaient pa^orr dfnx on trou jttor» ian« autre nountm qw
la terrr leur offrait »|K>ntanénieBl. Tes ronn>r« lenr avaient fait donner, pir let Xnèm» b
nom d'AImngawrr». lïHwé d'un mot d^ Irar hnpk* qu'on ponrrait tradwtt ptf Mfem
tVéclaireur lians lenr» fwerrtt, \f$ r\)i» d'Aragon formaient de rec vieni ffMat» 4'wwi
IrnI» Mitp* irtnriiiitriie |i^;.iri T'iMiirni !•■• iiiii|iirli*i* t\r D<'^j>mr>
CHAPITRE DIXIÈME. 177
délivré presque aussitôt par les siens, il réussit à s'em-
parer d'une grande partie de ce convoi.
On était au mois de- juin, et les Français, depuis vingt
jours au pied des montagnes, n'étaient pas trop d'accord
sur le point où ils tenteraient le passage. Enfin, le Comte
d'Armagnac et le Sénéchal de Toulouse, se saisirent du
col de la Massana, que l'on pouvait rendre praticable pour
une armée, d'après les renseignements que l'on devait,
suivant certains auteurs, à un Français, abbé de Yalbone,
monastère situé au pied des Pyrénées, et, suivant d'autres,
à Pierre de Santa-Pau ou au B&tard de Roussillon. Maîtres
de ce point important, ils réparèrent les chemins; et l'ar-
mée , ayant employé plusieurs jours à franchir les monta-
gnes avec tous ses bagages, fut se poster entre Saint-Pierre
de Rhodes et Casteillo d'Ampurias. Les détails de cette
campagne des Croisés en Espagne , sont étrangers à notre
histoire. Nous dirons seulement, qu'après s'être emparés
de quelques châteaux ; avoir occupé toute la cdte jusqu'à
Blanes et pris Girone, leur armée se trouva tellement
affaiblie par les combats , et surtout par la disette et les
maladies, que le roi Philippe, malade lui-même, crut
devoir lui faire repasser les Pyrénées, ce qu'il exécuta
dans les premiers jours d'octobre. Il vint mourir à Per-
pignan le 5 de ce mois, suivant l'opinion la plus vrai- 4285.
semblable. La garnison, laissée par les Français à Girone,
convint de rendre la place dans vingt jours, si elle n'était
pas secourue avant ce terme. L'exécution de cette con-
vention ayant eu lieu, les places du Roussillon furent
livrées aux Français, pour qu'en défendant ce pays, ils
missent le Roi de Majorque à couvert de la colère de
son frère. Cette campagne, qui devait écraser ce dernier,
ne fil qu'augmenter sa puissance. Non content de résister
sur le continent, il avait envoyé son fils Alphonse attaquer
12
178 IIISTOIKE Dt' HOLSSILLON.
Pile (le M:ij(»n|ue, peu aflectionnéc à son Hoi. Les Rous*
sillonnais avrc quelques Français qui s'y trouvaient, forent
presque les seuls qui v<»ulurent aiOer le Gouverneur k la
défendre. Si rentrée des Français en Koussillon avait été
Qicheuse pour le pa\s, leur retraite lui fut encore plus
fatale, puisqu'il se vit obligé de recueillir dans l'arnère-
saison les débris d*une année entièrement désorganisée.
I^s troupes aragonaises eurent aussi beaucoup k souffrir
de tous ces maux ; le Roi lui-même succomba aux fati-
gues de cette campagne, à Villefranche-deis-Panadés ,
le iO novembre l^itCi : son lils Alphonse lui succéda. Il
était alors occupé à la conquête de Tilc de Majorque «
dont il ne fut entièrement muitre qu*à la fin de Tannée.
Jacques, voulant profiter des embarras du nouveau Roi,
assiège C^stelnou et entre en Âmpourdan; mais U est
obligé de repasser bientôt les I\vrcnées.
Alphonse, ayant rassemblé des troupes à Figuères,
séjourna une partie des mois de juin et de juillet sur la
frontière, afin de pounoir à sa défense. Bientôt après «
une trêve fut conclue entre les Rois de France et d*A*
ragon et leurs alliés respectifs. Elle devait commencer
le 8 sept(*mbre 1281^ et durer jus(|u*au 2!l septembre de
Tannée suivante. Kn l!2K8, Jacques entre lians TAm-
[lourdan, assiège le château de (lort-A\ignon, et se re-
lire à Tapprorhe du Roi «TAragim. Quelques armements
eurent lieu Tannée suivante, tant en Cerdagne qu'en
Itoussillon; mais ils rt*stèrent s;ins autre n'sultat que la
|)rop(»sitiou d'un ronihat singulier, faite par le Roi de
MaJ4»npir à rrlui dWragon. proposition qui, ronanie
hMitrs ('('lli*s dr ce gi'ure entre* Sou\erains, n*eut auciUM
>u'i\v. Il parait i\\u\ durant rrtle guerre, Jacques reçv
ili: Uni <lr Fr.inri' ili's si^cours d'honnues et d*argen'
Hii .1 iininr mil- <iiiin:in(-(' tii* tinili* iiiilli' li\i'i'S |K.>tf
CHAPITRE DIXIÈME. 179
toaraois, qu'il fournit le 15 avril 1299 pour un reste des
subsides que lui accordait le Roi de France, à raison de la
guerre d'Aragon. Au commencement de février 1291, la
paix se fit à Tarascon , entre la France et le Pape , d'un
cité, et le Roi d'Aragon, de l'autre : celui de Alajorque
y fat sacrifié, suivant Zurita. Dom Yaissette assure qu'on
y stipula la restitution de l'Ile ; mais il avoue qu'elle ne fut
opérée qu'en 1298. On convint, dans ce traité, qu'Al-
phonse et Charies-4e-Yalois se verraient auprès du chà-
teaa de Betlegarde. L'entrevue eut effectivenient lieu.
Jaeqnes y as»sta, espérant en tirer quelque avantage; mais
on De décida rien à son sujet, Alphonse ayant déclaré
rooloir, auparavant, consulter les Cortés de Catalogne.
Des précautions extraordinaires Airent prises pour cette
entrevue : elles font voir jusqu'à quel point était portée
la défiance entre les princes de cette époque. Le 18 juin
de cette smnée, le Roi d'Aragon mourut à BarceloDe, 4 298.
laissant a son frère Jacques tous ses États, dans lesquels
il comprit le Royaume de Majorque, avec toutes ses dé-
pendances. Le nouveau Roi se montra plus disposé que
son frère à un arrangement avec son oncle. Dès l'an 1298,
il consentit à lui rendre 1^ lies Baléares, à condition qu'il
tiendrait tous ses États sous la dépendance féodale de
l'Aragon. Le Pape envoya, pour présider à cetlp restitution,
le cardinal de Saint-Clément. Ce Prélat était aussi chargé
de conduire Blanche, fille de Charles , roi de Naples , au
Roi d'Aragon , qui devait l'épouser. 11 ne termina point sa
mission , étant mort à Perpignan , où il fîit inhumé dans
l'église des Cordeliers : le Pape nomma pour le remplacer
m
deux Evéqnes français. Dans les lettres-patentes adressées
par r Aragonais à son oncle , le 20 juin 1298 , il lui promit
de faire la restitution le l^r août prochain. Elle fut cepen-
dant encore diflërée ; car le Vicomte de Cardone, lieutenant-
IHO 1IIST01R6 DU ROUSSILLON.
général en Catalogne, chargé de cette commission, ne
s'engagea k TaccompHr que pour la Noël. Dans la (wo*
messe qu'il en fit, il eut soin de spécifier les restitntkNis
que le Roi de Majorque était tenu de faire. Elles contii-
talent dans les lieux de Casteinou, Beipuîg, Saint-Féiia,
Céret , La Bastide , les châteaux de Raymond , Palalda ,
Fontanilles, Rocaberti, Capraria, Campmaing, Massanet,
Cantallops, La Junquéra, Requesens, Avalri. On Toii par
là que le Roi de Majorque avait pris quelques diileaox en
Catalogne ; quant aux terres du Roussillon , elles tppir»
tenaient sans doute aux Seigneurs de ce pays, qui avaiesl
suivi le parti du Roi d'Aragon. Les deux Rois s'aboochè*
rent au château d' Argelès , auprès d'Elne , où l'AragoMia
était venu voir son oncle. On y renouvela le traité fidi k
Perpignan en 1279; mais il Ait stipulé dans celai d'Ar»
gelés qu'on n'appellerait pas au Roi d'Aragon des j^e-
ments rendus par celui de Majorque ou par ses OflMen.
Tous les Seigneurs qui, dans la dernière guerre, avaiesl
suivi le parti du Roi d'Aragon, furent maintenus dans h
possession des terres qu'ils avaient dans le Royaoïne de
Majorque : de ce nombre furent Jazbert et Dalmaii de
Casteinou, Arnaud de Corsavi, 1(» fils de Bernard Hngiiea
de Cabrentz.
L*invasion des Français en 128o« la longue gnerie qii
en avait été la suite, les secours en hommes et en argest
que le Roi de Majorque reçut de la France, avaient intitH
duit en Roussillon une grande quantité de monnaie ton»
iousaine, et rendu celle de liarrelone fort rare, lacqi
sur la demande de ses sujets, onlonna, le jour des
UMi«k*s da^Mikt lôUO, que les dettes contractées avanl le
I'' no\enibre pn^tHlenl, seraient |a>i-«^ à raison de vingt-
mis si>ls toulousains |iour %iii|;t S4ïIs dt* tem« H qne« pour
irlies oontmctt^es di*(»ui> ivtio t*|MH|iii\ on donnerait vingt*
CHAPITRE DIXIÈME. 181
quatre et un-demi sols toulousains pour vingt sols de tern.
Il fixa la valeur du tournois à seize deniers de tern ; celle
de la maimondine fut fixée, six ans après, à cinq sols de
tem pour la simple , et k dix pour la double ; celle du
niorabatin k sept sols ; celle du éterling à quatre deniers.
Jacques avait été dispensé de prêter foi et hommage en
personne. Sancho, son second fil^ et son héritier pré-
somptif, parce que l'ainé, appelé Jacques, comme son
père, avait pris l'habit de Frère Mineur, s'acquitta de ce
devoir pour son père, le 19 octobre 1302. La cérémonie 4202i
eut lien à Girone en présence da Comte d'Ampurias; de
Dalmaa, vicomte de Rocaberti; de Jazbert, vicomte de
Casteinou ; de Guillaume Galceran de Rocaberti, seigneur
de Cabrentz; de Raymond de Canet; d'Arnaud de Cor-
savi ; de Bernard de So , et des Syndics de Perpignan * ,
de Majorque et de Puycerda, qui, avec la permission du
Uoi , jurèrent comme garants des promesses que faisait
en son nom l'Infant Don Sancho. L'an 1504, le Vicomte
de Narbonne et Pierre de Fenouillet, choisis pour arbitres
des difTéi^nds que le Roi de Majorque et le Comte de Foix
avaient au sujet des limites de la Cerdagne et du Capcir,
avec le Donnézan et le Sallerdès, ne purent les terminer, '
quoiqu'ils se fussent réunis k Perpignan pour cet objet,
qui ne fut arrangé qu'en 1508 par la reine Esclarmonde,
tante du Comte de Foix, assistée du Vicomte de Car*-
done. Le Roi de Majorque accompagna son neveu le Roi
1 Od Toit daos le Livre vert, qoe le il des calendes d'octobre 1903, toos les habitants,
f*)BToqQés par l'ordre du roi , se réuairent ea parlement général dans le cimelière de Saint-
^. raifant l'usage pour ces sortes d'assemblées; que lA, sous la présidence de leurs
(Cousais et en présence du Bailli et du Juge royal . ils élurent quatre bourgeois pour, au
■><»n de la ville , jurer au Roi d'Aragon d'user de toute leur influence auprès du Roi de
Majorque et de ses successeurs , pour les engager à garder les conditions du traité conclu en
1^, entre les deux Rois d'Aragon et de Majorque . déclarant qoe , dans le cas oti l'on des
^((csseurs du Roi actuel viendrait à k» violer, la ville ne lui fournirait aucun secours
'"BtreleRoid'Amgon.
18-i HISTOIRE 01 ROISSILLON.
d'Aragon à Lvou, où ils assistèrent, le 14 novembre 1305,
au couronnement du Pape.
Depuis la paix de 1208, le Roussillon jouissait de la
plus grande tranquillité. I.,es Seigneurs, qui ne poaviieot
s'accoutumer à cet état de calme , allaient chereber me
vie plus brillante et plus aventureuse au service des Rois
d'Aragon ou de Sicile^ de ce nombre fut Jazbert, viconile
de Casteinou, qui {partit en 1309, avec quelques galères
aragonaises , pour aider le Roi de Murcie à Cadre le aîége
de Ceuta. Le Musulman attaquait par terre, et CaslelMM
INir mer. Cette place, appartenant au Roi de Grenade, fat
prise d'assaut, et ce succès on le dut surtout au courage
du Vicomte et des siens. La réputation que ce Seigneur
roussillonnais acquit a ce siège, le fit nommer anûral de
Castille, emploi qu'il n'accepta que sur l'ordre du Roi
d'Aragon, qu'il regardait comme son Souverain. Quelques
années au|Miravant, son oncle, Dalmau de Casteloou^ Tua
des plus braves Chevaliers de son temps, était passé eu
Sicile avec cent cavaliers et deux cents fantassins, pour
V combattre en faveur du roi Fré<lérie 1^, frère du Roi
<r Aragon. I>e tous les guerriers roussillonnais qui servi»
rent dans les armées de ce prince* le plus illustre, tant
|»ar ses vertus que fiar sa naissance, fut Don Ferdinsad^
troisième iils du Roi de Majorque, dont nous parlemes
bientôt.
In événement, dont les conséquences se tirent seatir
dans tous les États Chrt'tiens, occupa les dernières années
du n>i Jacques !<*'' de Majorque. Le Pa|>e, 2i la sollicitation
du Roi de France, Pliilip|ie-le-Rel, avait engagé, dès b lin
ir«(i7. de \7Àyi^ tous les Souverains de riCuro|»e h faire.arréler les
Templiers de leur domination, et à examiner leur conduite.
Os Chevaliers eurent plus k souffrir en Aragon de Ta»
\rugle lAaltalitm des |>euple5. qui les n^ganlaient comme
V
k
CHAPITRE DIXIEME. 183
hérétiques, que de la sévérité du gouvernement. Aussi
n'y prirent-^ils les armes, comme dans la Catalogne, que
pour défendre leurs châteaux contre l'animosité popu-
laire : ils ne résistèrent jamais aux ordres du Roi. On les
avait déjà tous arrêtés, lorsque, dans la seconde session du
Concile général de Vienne, le 5 avril 1 51 2 , le Pape prononça 1 5 1 2
la dissolution de l'Ordre. Un Concile, convoqué et présidé
par l'Archevêque de Tarragone, jugea les Templiers des
États d'Aragon : la plupart furent déclarés innocents.
Quelques-uns, reconnus coupables, se rétractèrent, et
furent soumis à une pénitence canonique. On assigna une
petite partie des biens de ces malheureux, pour fournir à
leur subsistance pendant leur vie. Dans le Diocèse d'EIne,
réréque Raymond Costa commença l'information contre
ces Chevaliers en 1509 et la termina en 1510. Vingt-cinq
témoins furent entendus, et tous soutinrent avec fermeté
l'innocenee de l'Ordre. En septembre 151S, l'Archevêque
de Narbonne, convoquant un Concile provincial , y appela
Guillaume, évêque d'EIne, avec ordre d'amener les Tem-
pliers encore détenus. L'Éyéqne étant absent, ses Grands-
Vicaires se présentèrent à Perpignan , devant le Roi , au
eommencement d'octobre, pour lui faire part des ordres •
qu'ils venaient de recevoir. Le Roi leur fit répondre, par
Guillaume de Canet , son lieutenant , que , chargé de la
garde de ces Templiers par le pape Clément V, mort
récemment, il ne pouvait les remettre sans un ordre du
Pape futur. Jean XXII, élu en 1516, le donna. On ne
trouva pas un seul Templier coupable dans tout le res-
sort de l'Archevêché de Narbonne. On avait, en général,
disposé des domaines des Templiers en faveur de l'Ordre
de Saint-Jean de Jérusalem ; mais sur les représentations
des Rois de Castille, d'Aragon, de Portugal et de Ma-
jorque, on ajourna cette décision, en ce qui concernait
18i HISTOIRE DL ROLSSILLON.
leurs ÉtaU. Ces princes insistaient fort sur la nécesaîlé
où ils se trouvaient de défendre leurs frontières confie
les Infidèles ; le Roi d'Aragon demandait qu'on employât
ces biens pour doter un Ordre qui, k l'instar de celui de
Calatrava , fût constamment occupé à faire la guerre anx
Mahométans. Il offrit la ville de Montèze, dans le Royanr
me de Valence , pour chef-lieu du nouvel Ordre. Cette
affaire ne fut terminée qu'en 1522, par le pape Jean XUI^
Ce Pontife ordonna que toutes les propriétés des Templiers
et des Hospitaliers, dans le Royaume de Valence, il VeoLr
ception de ce que ces derniers possédaient dans le lerrir
toire de la capitale, seniraient à doter l'Ordre de Montèie,
et que celui de Saint-Jean de Jérusalem recevrait toul ee
(|ue les Templiers possédaient dans les autres proTinees
aragonaises.
Le roi Jacques de Majorque étant mort dans son île,
1511. très probablement vers la fin de juin 1311, ne vit poiol
terminer Taffaire des Templiers. Il avait eu d'Esdarmoode
de Foix quatre fils et deux filles. L'aîné, du même nom
que lui, étant prisonnier du Roi d'Aragon, avait pris h
résolution d'embrasser la Règle de Saint- François,
qu'il exécuta en 1303; Sancho, le second, succéda k
|)ère ; Ferdinand était le troisième; Philippe, le quatrièflie,
d*abord trésorier de Saint-Martin de Tours, ensuite Clin-
noine d'Elne, finit ses jours dans le tiers Ordre de Saint»
François, et prit une part très active aux querelles qui,
tlans ce siècle, s élevèrent au sein de cette CongrégalKNi
sur Tobsenauce de la Règle. Les filles de Jacques 1^ de
Majorque furent : Saiicie, l'une des meilleures princesses
«le son temps, mariée en 1304 à Roliert, roi de Naples,
t*t Isabelle. é(M>us4* de Jean-MauueK Infant de Castille.
Sanclio se trou\ait aupK*s de son père lorsqu'il mourut :
ou le \uit. le I juillet 1311, omfirmer li^ pri\ik^es de
CHAPITRE DIXIÈME. 185
Majorque. Après avoir mis ordre aux affaires de l'ile, il
partit pour le continent. Le 13 janvier 1312, il recevait,
à Frontignan , les hommages des Consuls et des notables
de Montpellier; mais appelé k Perpignan par la maladie
de sa mère, il délégua son lieutenant a Montpellier pour
recevoir le serment des habitants de cette ville. La veuve
de Jacques h^ ne succomba point ; mais elle fut assez en
danger pour se décider k faire son testament. Par acte ,
dalé de Perpignan, le 23 mars 1342, elle donne quinze
cents livres barcelonaises à son fils Ferdinand , le char-
geant de compter cinq mille sols à sa sœur Sancie, et
mille à chacun de ses frères, Philippe et Jacques. Elle
recommande ce dernier au roi Sancho, chaîné de lui
fournir tout ce qui lui sera nécessaire, si les soixante
livres de pension annuelle que lui avait laissées le Roi
défunt ne lui suffisaient pas. Sancho s'engagea à remplir
et à faire exécuter toutes les clauses de ce testament. Il
était aussi attiré en Roussillon par une autre affaire qui
lui tenait fort à cœur. Lors de la paix de 1298, la vallée
d'Aran, que se disputaient les Rois de France et d'Ara-
gon, avait été mise en séquestre entre les mains du Roi
de Majorque : elle y était encore. Sancho assembla les
commissaires français et aragonais, qui, s'étant adjomt,
comme troisième arbitre, le Cardinal de Tusculum , déci-
dèrent en faveur de l' Aragon. Le Roi de France ayant
adhéré à cette décision, celui de Majorque s'empressa d'en
prendre possession , par l'entremise de Pierre Duch&tel ,
qu'il nomma Gouverneur de cette vallée. Les arbitres
avaient également décidé que l'Aragonais paierait à San-
cho sept mille livres barcelonaises pour les frais de garde.
Cette affaire fut terminée le 9 juillet 1312, jour où Sancho 4512.
prêta foi et hommage au Roi d'Aragon pour tous les Etats
dépendants de ce prince. La cérémonie eut lieu dans le
186 IIISTOIRB DU ROL-SSILLON.
palais de Barcelone, en présence de plusieurs Seigneus,
dont quelques-uns, tels qu'Arnaud de CorsaTi , Pierre ei
Bernard de Fcnouillet, Guillaume de Canet, Dalmaa de
Castelnou, etc., étaient Roussillonnais. Le 18 décembre de
la même année, Sancho fit hommage au Roi de Fnnee,
pour la Seigneurie de Montpellier.
Ce fut sous le règne de Sancho que se termina la &-
meuse expédition des Catalans dans la Grèce. Nom consa-
crerons quelques pages au récit des hauts faits de ces
intrépides aventuriers, dont le plus grand nombre étaient
Roussillonnais. I/Infant de Majorque Don Ferdinand,
second (ils de Jacques I^^, y jAua d^ailleurs un grand rdie.
C'est un intéressant épisode de notre histoire.
La rivalité des deux Maisons d'Aragon et d'Anjon a?ail
attiré en Sicile une multitude d'Aragonais et de Catalans ,
dont la valeur contribua puissamment k établir dans cette
Ile la domination de Frédéric , qui y régnait depuis iS95.
Ix)rsque le calme fut rendu à ce pays en 1302, ce prînec
s'estima très heureux de pouvoir se délivrer de ces guer-
riers, dont le courage inquiet devenait aussi dangeretn en
temps de paix, qu'il lui avait été utile pendant la guem :
il leur facilita les moyens de se rendre k Constantinople,
où rKm|iereur les appelait à la défense de ses États, en-
vahis par les Iniidèles. Andronic II promit ii Roger de
Flor, leur général, sa nièce en mariage, avec la dignité
de Magaduc * , celle de Sénéchal h Corbaran d'Alet« qnalR
onces d'argent par mois à chaque homme d'armes^ deu
h chaque chevau-léger ou chef de marins, une it chaqne
soldat ou marin (il n'allouait que la moitié de cette solde
aux étrangers a son service). Arrivés h Constantinople,
454)3. en janvier 1ô05, au nombre d'environ huit mille honunes,
I lirjn-l l*ii< C''ni'ri!i<iiiif «If» nmr^*
CHAPITRE DIXIÈME. 187
uoe rixe , excitée par la jalousie des Génois , coûta trois
mille hommes a ces derniers. Peu après ils partent pour
la Natolie. Débarqués aux environs de Cyzique, ils battent
les Turcs; et en moins de dix-huit mois, les poussent, de
victoire en victoire, k plus de deux cents lieues de dis-
tance, des rives du Bosphore au mont Taurus.
L'Âsie-Mineure revit, à quatorze siècles d'intervalle,
flotter les étendards de ces Gaulois-*Tectosages , qui por-
tèrent leurs armes victorieuses du pied des Pyrénées au
Pont-Euxin. Maîtres de Byzance, ils fondèrent cent vmgt-
cinq ans avant Jésus-Christ, un État connu sous le nom
de Galatie ; et c'est précisément sur ce même théâtre des
exploits de leurs ancêtres, que ces indomptables guerriers
déployèrent, en 1304, l'impétueuse valeur qui, dans tous
les temps, caractérisa cette illustre nation.
La charge de Sénéchal, que remplissait Corbaran d'Alet,
tué dans un des premiers combats, est donnée k Bérenger
de Rocafort, arrivé depuis peu avec deux cents cavaliers
et mille Almogavares. Fernand Ximenés de Arénos, mé-
content de Roger de Flor, le quitte avec ses soldats, et
va servir le Duc d'Athènes. Cependant, ces hommes si
intrépides, moins propres à gouverner qu'à conquérir
des provinces, deviennent odieux aux peuples délivrés,
par eux , du joug musulman , et redoutables à l'Empe-
reor, qu'ils ont si glorieusement servi. Bientôt, les habi-
tants de Magnésie, réunis aux Alains, égorgent la foible
garnison laissée par Roger dans leur ville pour garder les
bagages de l'armée; ils lui ferment les portes, et repous-
sent ses attaques, lorsqu'il revient pour châtier cette
perfidie. D'autre part, Andronic le rappelant en Europe
avec ses troupes , sous un faux prétexte, les place à Gal-
lipoli et dans les environs. Là, peut-être pour affaiblir les
Catalans, en leur inspirant delà méfiance contre leurs chefs,
t88 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
tandis que la solde de rarmée est en retard, il crée leur
général César, et confère la dignité de Magaduc à Bé-
renger d'Entensa, grand Seigneur Catalan, ami de Roger,
arrivé depuis peu avec mille Almogavares et trois cents
hommes d'armes. Le nouveau César cherche à calmer
les esprits exaspérés par le retard de la solde ; Farmée
envoie une députation h Andronic pour réclamer ce qui
lui est dû. Roger va trouver k Andrinople le jeune Empe-
reur Michel , pour en faire hâter le paiement , et confërer
sur les opérations de la troisième campagne. Il y est as-
sassiné avec tous les siens ; et les députés de l'année , mat
reçus d'Andronic, sont massacrés par le peuple , ainsi que
lamiral catalan Daunes, qui se trouvait à Constantinople,
chez le père de sa femme, parente de TEmpereur. Les
Catalans, soldats ou négociants, répandus dans TEmpire^
furent égorgés. A ces nouvelles désastreuses, ceox de
Gallipi>li, no pouvant contenir leur fureur, en massacrent
les habitants. I/armée grecque^ forte de trente miDe
fantassins et quatorze mille chevaux, s'avançait vers h
ville , passant au fil de le|)ée tous les Catalans étabKs
aux environs, qui n'avaient |>as été assez heurenx ponr
se n'fugier dans la place. On apprit , dans ces circoos-
tances critiques, que Tlnfant Sancho se trouvait à Ilb
de Mt'telin « avec dix galères siciliennes. On le supplia de
venir Si Gallipoli, recevoir )K>ur le Roi de Sicile le sermeM
de lidélitê des troupes. Il vinl« en effet; et, entraîné pnr
le sentiment nationaK il promit de pnuêger ses conipn-
triotes. Dllnteusa le pressa de se j«>imlre a loi pour
ravager les côtes de l'Empire ; mais* considérant q«e,
iàènéral d'un Roi ami dWminmic* il ne iH^u^-ait* sans des
«mires fonnels* CiHV|H^rer à une {arville expédition « ce
lirince s'\ refusa et |urtit « au grand imvontentenienl des
t'^takins. h'Knteusa. apn^s |Jusi<4ir^ r«Mins«^ tles pins
CHAPITRE DISCIÈME. 189
heureuses, fut rencontré par dix-huit galères génoises.
ie fiant à la parole de l'Amiral, qui l'invitait à se rendre à
M>n bord , il y fut arrêté , conduit à Trébizonde, et ensuite
1. Gènes. On attaqua ses troupes, et, après un combat
opiniâtre, hommes et vaisseaux, tout fut tué ou pris. Les
Catalans renfermés dans Gallipoli n'étaient plus que douze
tents fantassios et deux cents cavaliers. Ne voulant devoir
eur salut qu'à leurs bras, ils brûlent leurs vaisseaux,
tommandés par Rocafort; ils repoussent les assiégeants
usqu'k trois journées de la place ; attaquent la nombreuse
irmée de Michel Palléologue, la défont complètement,
a s'emparent des villes de Rodosto et de Pavia. Femand
Limenés d'Arénos, instruit à Athènes de la Oicheuse situa-
ion de ses compatriotes, se dérobe aux pressantes solli-
stations du Duc, et vole à leur secours, sur un vaisseau
nonté de quatre-vingts soldats aguerris. Reçu, comme
le méritait son dévoùment, il recrute sa petite troupe de
quelques volontaires, court le pays et s'empare du châ-
teau de Modica, aux portes de Constantinople. Des quatre
villes occupées par les Catalans, Gallipoli était la plus sûre.
Us y placent les infirmes , les blessés, leurs magasins de
vivres, d'armes et d'habillement, sous les ordres de l'his-
torien Muntaner, à la fois commandant militaire et chef
de toute l'administration de l'armée. Tandis que celui-ci,
par sa valeur et ses sages dispositions, fait échouer l'en-
treprise hardie d'un partisan grec pour s'emparer de la
place, Rocafort et d'Arénos traversent rapidement qua-
rante lieues de pays , et vont prendre, sur les bords de
la mer Noire , la ville et le port d'Estranara ; y brûlent
cent trente bâtiments grecs; y recouvrent les quatre ga-
lères qu'on leur avait enlevées en massacrant leur amiral
Daunes ; les chargent de leur butin ; les envoient à Galli-
poli, en passant a la vue de Constantinople, et reviennent,
190 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
par terre, dans leurs places. Le désir de venger la mort
de Roger de Flor leur fit entreprendre une expéditioii
bien plus périlleuse. Les Alains et leur général Gireon,
principaux auteurs de ce meurtre, avaient obtenu la per*
mission de se retirer chez eux au nombre de neuf mille
hommes, dont trois mille de cavalerie, en traversant le
mont Hémus (le Balkan). Les Catalans abandoniiMt laus
places, à l'exception de Gallipoli, où ils envoient les bagt-
ges , les femmes et les eniants. Muntaner est chargé de dé-
fendre cette ville avec deux cents fantassins et vingt eavi-
liers. Ils traversent soixante-quinze lieues de pays; âtiâ-
gneni les Alains au pied du Balkan , les taillent en pîdces
dans un combat où leur chef perdit la vie, et reviennent
avec un butin immense, à travers une contrée ennemie,
où ils ne peuvent se procurer des subsistances qnli la
pointe de Tépée ^ Muntaner, qu'on n'avait pa déterminer
à rester qu*en lui représentant l'importance du poste dent
la garde lui était confiée, et qu'en lui promettant le qwn»
zième de tout le butin pour lui, et autant pour son monde,
eut aussi une large part de périls et de gloire. Il n'élttl
resté avec lui que cent trente-trois fantassins et sept ca-
valiers; les autres avaient suivi Tannée, malgré kn, la
nuit de son départ. L* Amiral génois , Antoine Spînola,
voyant la faiblesse de cette garnison , promît à Androttie
de s emparer de Gallipoli. Muntaner, aj^nt répondu avec
fermeté à une sonmiation arrogante , Spinob s*approcte
avec vingt-cinq galères, et met son monde à terre. Le
CHAPITRE DIXIÈME. 191
brave Gouverneur attaque les Génois au débarquement;
reçoit cinq blessures; a un cheval tué sous lui, et se retire
daas la place, dont il garnit les murs de deux mille fem-
mes, années de lances, d'épées et de pierres. Les Génois
sont repoussés dans deux assauts consécutife par ces fem-
mes rivalisant d'héroïsme. Muntaner, apercevant du dé«
sordre parmi les assaillants, fond sur eux avec ses cent
quarante soldats; les pousse jusqu'à la mer, et les force
il se rembarquer, après leur avoir fait perdre leur général
et la plus grande partie des troupes. La victoire donne tou-
jours des alliés : les Catalans en acquirent parmi les Chré-
tiens et les Musulmans ; les premiers furent mille cavaliers
tarcopoles , les seconds une horde de Turcs , comptant
deux mille combattants à pied et huit cents à cheval. On ac-
CMtla , aux uns et aux autres, pour solde , une part dans
le butin , égale à la moitié de celle d'un Catalan de même
classe 9 et on leur assura la liberté de revenir chez eux
quand ils voudraient. On donna le commandement des
Tarcopoles à Jean-Pierre de Caldés , chef catalan de la
famille noble existant alors à Perpignan. Peu de temps
après, on vit arriver à Gallipoli Bérenger d'Entensa, avec
cinq cents vieux soldats. Délivré de sa prison de Gènes,
par l'intermédiaire du Roi d'Aragon, mais n'ayant pu
obtenir de cette République une juste indemnité des
perles qu'elle lui avait occasionnées, ni d'aucun prince
des secours pour ses compatriotes en Grèce, d'Entensa
avait vendu une partie de ses domaines en Catalogne
pour lever les troupes qu'il amenait. Sa naissance * , ses
manières aimables, l'autorité qu'il avait eue autrefois, le
zèle qu'il venait de montrer pour ses anciens camarades,
lui attiraient des partisans dans l'armée , surtout parmi
I II éuit petit-fils de IMerre. roiule d'Ampuria», frire d'Alphonse IV . roi d'Aragon.
19i HISTOIRE DU ROUSSILLON.
les Chevaliers ; mais Rocafort avait pour lui la plus gnndo
partie des Almogavares, tous les Turcs et les Turcopoles.
D'ailleurs, commandant en chef depuis cinq ans dus des
circonstances fort difficiles, ses opérations avaient toojoars
été couronnées de succès éclatants. Pour prévenir les in»
convénients qui devaient naître d'une pareille rivalité, oo
convint que Rocafort, d'Entensa et d'Arénos serai»! re-
connus pour chefs, sons lesquels chacun poorrait se ranger
à son gré. Rocafort et d'Entensa furent, chacun de son edté,
assiéger une place; d'Arénos était à Modica; Mimlaner
resta à Gallipoli. Sur ces entrefaites, l'Infant Don F^di-
nand de Majorque arrive avec quatre galères, envoyé par
le Roi de Sicile , pour prendre en son nom le comman-
dement des Catalans. Muntaner, tout dévoué aux princes
de cette maison , le reconnut pour Lieutenant-Général dv
Roi de Sicile, et envoya prévenir les trois chefs. D'Entensa
et d'Arénos rinrent sur le champ ; Rocafort prétexta la
nécessité de sa présence au siège qu'il avait entrepris,
de sorte que l'Infiint, accompagné de Muntaner, se rendit
aupK's de lui. Rocafort lui lit, en apparence, le pins grand
accueil , pour plaire aux troupes, charmées de voir rinfimt
à larmée; mais il chercha, par des intrigues secrètes, k
faire prendre une détermination, qui, sans avoir l'air d*nn
refus, produisit le même effet. Ses émissaires travaillèrent
si bien, que Tarmée accepta avec enthousiasme l'Inftnt
pour général , mais sans aucune dépendance da Roi de
Sicile. Ferdinand était trop loyal |»our accepter une auto-
rité qu*il ne |>ouvait obtenir sans manquer à ses engage-
ments envers son cousin ; mais t^|H*rant ramener les es-
prits, il suivit TarmcV lorsi]ue« épui$iH'« aliandonnant la
Thrace, elle s«* dirigeait vers la Macé<loiiie. Dans cette
man*he , une ri\e , susiMitV sans d«iuto |»ar dessein pré->
in4mitê. entre les tnui|H^s «h* Rooafi»r! cl celles d'Entensa,
CHAPITRE DIXIÈME. 193
eoi les suites les plus funestes. Ce deroier, accourant sans
armes pour apaiser le tutnulte, fut tué de deux coups
<le lance par le frère de Rocafort et son oncle Saint-
MarlÎD. D'Arénos s'avançait aussi; mais, averti qu'on en
Tonlaît à ses jours, il s'entoura de ceux des siens qu'il
|Hit réunir, et se retira dans un fort voisin occupé par
les Grecs. Il «ntra ensuite au service de l'Empereur,
dont il épousa une parente, et fut foit Hagaduc. Il périt,
dans cette mtiée, cinq cents fantassins et cent cinquante
cavsli^v, ta plupart, des bandes d'Eotensa et d'Arénos.
Le carnage aurait été bien plus grand, si l'Infant, au
premier avis qui lui parvint , ne fût accouru armé , à la
tèle du petit nombre de guerriers qu'il avait auprès de
lai, pour s'opposer a la furie des Turcs. Rocafort, crai-
g^wt pour le prince, vint se mettre k ses côtés, et cdûtiri*
hua à rétablir l'ordre. Arrivés au lieu où gisait le cadavre
d'Entensa, l'Infant donna les témoignages les plus vifs de
ses regrets; et, prenant un ton sévère, il dit k Rocafort:
«Cet homme a été victime de la plus noire perfidie. n
La r^nse du Général fut respectueuse : il voulait faire
croire qu'Entensa n'avait pas été reconnu. Ne pouvant
punir, D. Ferdinand parut se contenter de cette excuse;
mais ses qua^e galères étant arrivées, il fit assembler le
conseil, réitéra ses propositions, et recevant la même
réponse , il s'embarqua , et cingla vers l'ile de Tasso , à
six milles du camp. Muntaner y arrivait, en même temps,
avec la flotte de Gallipoli , chaînée des femmes , des en-
fants et des bagages. Au récit que lui fit l'Infant des
scènes horribles dont il venait d'être le témoin , il s'em-
l»essa d'acquiescer k l'ordre qu'il lui donna de le suivre;
mais il voulut d'abord assurer aux femmes et aux enfants
des soldats d'Entensa et d'Arénos, les moyens d'aller où
bon leur semblerait, avec leurs biens , et rendre ensuite
f9i HISTOIRE Di: nOtSSILLO?!.
compte de sa commission au conseil. Il sut résister aox sol*
licitations générales de ses anciens frères d'armes^ et se di-
rigea vers la Sicile avec l'Infant. Il saccage en passant une
île du duché d'Athènes, pour se venger des habitants qui
avaient maltraité et pillé des gens que Ferdinand y avait
laissés pour préparer du biscuit. Contre l'avis de Muntaner,
ils entrent ensuite dans le port de N^[repOBt; ils y trouvent
dix galères vénitiennes , escortant Cypois, conunissaire de
Charles-de^Valois ; et, malgré la parole donnée de part et
d'autre, ainsi que par les Seigneurs du pays, on les arrête
en débarquant; on pille leurs effets; on prend leurs vais»
seaux, et Ferdinand est conduit prisonnier à Athènes.
Muntaner et un Chevalier aragonais sont livrés aux Ca-
talans, avec lesquels Cypois négociait pour les engager k
soutenir les prétentions de Charles-de» Valois à rEmpîre
d'Orient. A leur arrivée au camp, l'Aragonais fut déca*
pité par l'ordre de Rocafort; Muntaner, au contraire, fat
très bien reçu , car il avait beaucoup d'amis, et les Ture&
surtout lui étaient très dévoués. Il repartit chargé de^
présents, qu'il employa k adoucir la prison de Flnfiint*
qu'on lui permit de voir. Il rendit compte au Roi de
Sicile de tous ces événements, qui se passèrent en io08.
Ferdinand, renvoyé d'abord a Naples auprès du Roi son
beau-frère par rinter\'ention du Roi de France, recouTra
entièrement sa liberté l'année suivante, et se rendit par
mer à Collioure auprès de sa famille. Les Catalans pas-
sèrent au ser\ice de Charles-de- Valois , et reconnurent
Thibaud de Cypois pour son commissaire. Rocafort « dé-
livré de tout compétiteur* s'abandonna sans frein à tou&
les vices. Son orgueil, son avidité, lui firent des ennemis
parmi ses plus chauds partisans, (^pois, qu'il ne méiUK
geait pas, s entendit bientôt a\ec les principaux chefs pour
s<' (h'harnisser cfun hommr qui leur était odiriix. || nx
CHAPITRE DIXIÈME. 195
venir six galères pour assurer sa retraite s'il échouait
dans son entreprise. Ayant assemblé un grand conseil,
Rocafort s'y rend avec son frère : de tout côté des plaintes
s'élèvent contre ce chef, qui y répond avec son arrogance
habituelle; la querelle s'échauffe; on se lève, on l'entoure,
on se saisit des deux frères, et on les livre à Cypois. Les
Tores et les nombreux amis de Rocafort, inquiets toute
la nuit , s'apaisent le lendemain , en apprenant que leur
Généfal n'est pas mort. Cypois, voyant que tout est
calme, fait passer de nuit ses prisonniers sur la flotte,
décidé à abandonner une armée où il prévoit une aflreuse
sédition. Elle éclate, en effet, au départ des galères. On
se jette sur ceux qu'on regarde comme les auteurs de la
catastrophe : quatorze des principaux capitaines, et plu-
sieurs de leurs amis furent massacrés. Cypois livra les
Rocafort au Roi de Napftes , leur ennemi , qui les laissa
mourir de faim dans le château d'Averse.
L'armée se trouva ainsi, non-seulement sans chef,
mais encore dépourvue d'hommes en état de la com-
mander. On choisit quatre personnes, savoir : deux Che«-
vaKers, un Capitaine et un simple Almogavare, pour la
conduire, d'après les avis d'un conseil de douze, toujours
permanent. Elle était encore à Cassandria, lorsque le Duc
d'Athènes lui fit proposer d'entrer h son service , offrant
six mois de paie d'avance et les mêmes avantages que lui
avait faits l'Empereur grec. L'envoyé du Duc chargé de cette
négociation , était un Chevalier catalan , né en Roussillon ,
nommé Deslau par Moncada, et Deslaurd par d'autres au-
teurs, venu sans doute à Athènes avec d'Arénos, et déjà fixé
dansée pays. On le chargea de la négociation en sa qualité
de compatriote et d'ancien compagnon des Catalans. L'é-
poque de l'entrée de ces derniers au service du Duc, reste
fort incertaine. Ils n'avaient point de vaisseaux, et la route
196 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
par terre oiïrait des diflicultés jugées insiimioniablè**
Comme ils ne pouvaient vivre dans un pays miné, ils
marchèrent, au nombre de huit mille hommes, sur Thés*
salooique. Ils trouvèrent cette ville dans un état de défeMe
trop respectable pour l'attaquer; mais tous les passages pour
rentrer dans la Thrace étant occupés et fortîflés par 1m
Grecs, les Catalans se jettent dans des montagnes ditReiles,
et arrivent^ en trois marches forcées, vers remboachoredo
Salampria (anciennement le Pénée). Ils passent l'hiver dtni
la vallée de Tempe, contrée aussi abondante qa'agrés*
ble. Au retour du printemps, ils envahissent la ThesstHe
dont le prince, employant les prières et Targent, s'eoH
presse de leur fournir des vivres, et les décide à traverser
le pays des Blaques ' pour arriver en Achaîe. Cette marebe
à travers des montagnes habitées par des peuples fiers et
belliqueux, où Ton ne pouvait faise un pas sans combettie,
ne fut pas un des moindres exploits de ces avoiUuieim.
Ils liassent, enfin, les fameux défilés des Thermopyles, el
viennent s*établir sur les bords du Céphise , qui descend
du Mont-Parnasse. Là, ils entrent au service dm One
d* Athènes, qui, |>ar leur secours, triomphe de ses en-
nemis , et conclut des traités qui lui font recouvrer pins
de trente places. Ce prince paraît d'abord disposé à reeon*
naitre d*aussi grands senices, en donnant des ëUbKsne»
ments à cinq cents d Vntr eux. I^es autres en attendaîenl
autant, ou du moins la |»aie qui leur était due, lorsqnlls
reçurent Tordre de \îder le pa\$. Dinrlarer la guerre su
Duc, se saisir de quelques positions iro|M>rtantes, et vivrr
aux dé|H'ns des habitants, fut la n*|Mmse de ces guerriers
justement irritt's. Ijos cinq cents qui avaient reço des
CHAPITRE DIXIÈME. 197
établissements, y renoncent et veulent partager ie sort de
leurs camarades. Réunis, ils ne forment en tout, avec
les Tares et les Turcopoles , qu'un corps de trois mille
%\x cents chevaux et quatre mille hommes de pied. Le
Duc s'avance avec six mille quatre cents chevaux, dont
sept cents chevaliers français, et huit mille fantassins.
Comptant principalement sur la cavalerie , il en prend le
commandement; mais il s'engage imprudemment dans
un terrain inondé, où les chevaux embourbés, livrent
sans défense leurs cavaliers aux traits des Almogavares.
Les Turcs, craignant une trahison des Chrétiens, ne
conunencèrent k combattre que lorsqu'ils virent les Ca«-
tatans ne pas ménager les ennemis. Presque toute cette
cavalerie périt, avec le Duc, dans ce marais; deux Che-
vaUers seuls, Boniface de Vérone, et le Roussillonnais
Oeslau , échappèrent à la mort : tout le pays se soumit.
Les Catalans épousèrent les veuves, et fondèrent un non*
vel État; mais, n'ayant parmi eux personne capable de gou-
verner, ils offrirent le commandement à Boniface, et,
sur son refus, k Deslau, qui épousa la veuve du Seigneur
de la Sola , possédant une grande fortune. On proposa
aux Turcs et aux Turcopoles de rester; mais ceux-ci
préférèrent revenir dans leur patrie, pour y jouir des ri-
chesses acquises par tant de travaux et de combats. Ds
ne parvinrent ni les uns ni les autres a leur destination :
les Turcopoles entrèrent au service du prince des Ser-
viens; les Turcs voulurent se retirer par le chemin* que
l'armée avait suivi. Ne pouvant passer en Asie, faute de
vaisseaux, ils traitent avec les Grecs pour en obtenir.
Trompés par eux, ils ravagent de nouveau la Thrace, et
battent Michel Paléologue; mais, enfin, défaits à leur tour,
ils se jettent dans un château , sur le bord de la mer, où
ils sont bientôt assiégés par toutes les forces de l'Empire.
lilH HISTOIRE Dt ROLSSILLON.
IU;pouftHéft dans deux sorties, ils en tentent une troirièBic,
(|iii n'a pas pins de suèdes. Tous sont tués oa pris par les
(irecs et l(*s Génois, qui les bloquent du côté de la mer.
L(!S (^talans, maîtres du Duché d'Athènes depuît Tas
I5n, obéirent peu de temps h Roger Desiau, qui moiint
ou fut déposii. Ils s'adressèrent au Roi de Sicile pov arair
un cher. Ce prince leur envoya son second fils Ibûifirei;
<*t comme ce n'était encore qu'un enfant, il lui adjoignit
Itérenger Kstanyol , homme d'une grande capacité. Cdoi*
ci eut soin, pour les gouverner plus facilement , de les
ocru|)er 2i des guerres continuelles. Estanyol et le jenne
Mainfn)i étant morts, le Roi de Sicile donna aux Catalans
Alphonse (probablement son fils naturel )« Ils le marierait
iivec la fille de Roniface de Vérone, qui eut en dot le lien
de Tile de Négrepont et de treize châteaux en terre fenne.
I^s descendants de ce prince gouvernèrent pendant pvèn
de cent cinquante ans, sous la dépendance, an moins
nominale, des Rois de Sicile. En 1382, craignanl d'èlre
attaqués |>ar Louis de Navarre, gendre de Chariea de
Duras, roi de Naples, et ne pouvant espérer aocwi a^
(Hiurs de la Sicile , déchinée par les factions , ils proda-»
uK^rent, comme Suzerain « lierre IY« roi d'Aragon, et
im|dortVnt son assistance. l>e$ troupes et qvelqnea gn-*
lèrtn» leur furent envovt'cs: mais ces secours n'arriiticl
qiK' lorsque les Catalans et les Aragonais« d*aboid hattaa
|ar Louis de Na^am\ eurent réussi à reprendre Alkèaes et
d autrvs fortenn^'s« dont ce inince s était empaié
axaut cons«4it)e sa |missance« avec laide de Jcnn-F<
nathlei de lleirtlia* gnind- maître tle Rbodea*
IKMir l^^l\emeur le VictHute de K^vaberti* qd I
liitn«' «bus le j^^l\t'T1lenlellt d*\ihtiies et de Patna par
3^jm 1** . lïls et successeur tU- IVrrr IV
^)w«^.^»i«-»N jinteuTs «yfiT («rxMefhbi •|o«* ers
CHAPITHË DIXIÈME. 199
cl ont nous avons rapidement esquissé les prodigieui faits
d'armes, n'étaient qu'un ramassis de toutes les nations
crhrétiennes de l'Occident; d'autres en ont fait des Fran-^
^ais; mais il est impossible de nier que les sujets des
Hois d'Aragon et de Majorque , en formaient l'immense
majorité. Le nom de Roger de Flor, leur premier général^
est plutdt catalan qu'italien ou allemand. Mais, fût- il,
comme on l'a dit, fils d'im Seigneur allemand et d'une
demoiselle italienne, qu'importe, il était né à Tarragone
le 14 juillet 1262. Après avoir fait ses premières armes en
Espagne contre les Maures, il prit l'habit de Templier, et
lit sa profession à Barcelone , dans la maison de cet Ordre.
Il passa de là dans la Terre-Sainte, et y acquit par sa
valeur une grande réputation. Ayant sauvé le trésor de
rOrdre, lors de la prise de Saint-Jean-d'Acre par les
Sarrasins, il forma ime petite flotte, avec laquelle il ne
cessa d'inquiéter les Mahométans ; gagna de grandes ri-
chesses, et finit par s'attacher au service de Frédéric
d'Aragon, roi de Sicile. Tous ces faits, afiirmés par plu-
sieurs historiens, ne sauraient être contestés. On ne pui-
serait pas de meilleurs arguments dans la dénomination de
iMiins^ sous laquelle ces aventuriers sont désignés par les
Grecs, oii dans celle de Francs, qu^ils prirent eux-mêmes
à Gallipoli, après l'assassinat de Roger de Flor. On sait
que la seconde dénomination est donnée par les Grecs à
toos les Chrétiens occidentaux ; et quant à la première, ils
la prirent pour intéresser à leur cause tous les Latins ré-
pandus dans l'Empire Grec; mais ils combattirent toujours
sous les bannières d'Aragon ou de Sicile, et n'adressèrent
qu'à l'un de ces Rois, leurs plaintes, leurs demandes de
secours ou d'un chef. Bien plus, Muntaner, l'un de leurs
principaux officiers, cite, dans l'histoire qu'il a écrite
de cette expédition, le nom de quarante d'entr'eux,
âOO HISTOIRE Ot MHJSSIIXON.
les plus distingués par leur naissance, leurs emploiti iewt
senîces, et tons ces noms trahissent une origine
on aragonaise. Cette troupe, formée à Messine dm
étrangers au service de Frédéric, devenus inntilM ptr h
paix i ne pouvait être composée que des sqelft des Boit
d'Aragon et de Majorque. Les Français et les IldiMit
entraînés par l'influence du Roi de France on àm hpe,
avaient combattu pour la Maison d'Anjou. Roger de Flor,
entré au service de Frédéric, avec une flotte el de
richesses, y soutint la réputation qu'il s'était fidte an
tottant contre les Infidèles. Lié avec les principtu cbeik,
surtout avec Rérenger d'Entensa, le plus grand SeiBWWir
des Catalans, il dut à tous ces motifs le comnumdwert
qu'on lui déféra sur ces aventuriers, presque Ion An»
gonais, Valenciens, Catalans, Majorquina, Roussilkmnait.
Quant a ces derniers, ils provenaient des soldats de ce
pays qui avaient suivi en Sicile , soit llnEuit Feidinuid
de Majorque, soit balmau de CasteUiou. Muntaner citn
deux chevaliers du nom de Caldés , et un autre ^ipdé
Sau-Marti. tu document du milieu du xiv^ siècle nous
apprend (|u'il existait en Roussillon une fiimille du bobi
de San-Marti , k laquelle appartenait le village de Seint-
Martin-de-Fenouillet et un autre tief du voisinage. Dens
•des actes de la lin du xiii^' siècle et du commencement
du xiv<:, on trouve, à Perpignan, des Chevaliers dn nom
de C^dés, en latin de Calidis. ZuriU parie d'une BUÛfloa
do Franvoisde Caldés, exisUnt dans cette ville en 1546«
Pour ne pas interrompre la narration des exploits des
Catalans en Grèce ^ nous avons laissé Ferdinand de Ma^
jorque eu Roussillon. Il n*y resta pas long-temps; car,
rMi^r en IIîtR^ il se trouvait au siège dWlméria, avec rarmée
du Roi «rArai^on, et il l'ut mis |Kir ce prince à la tête du
roq>s rliar(;ê de contenir la ^'aniisim. |»endant que le Roi,
CHAPITRE DIXIÈME. 201
avec le gros de l'armée, marchait au devant des Infidèles
^ui venaient au secours de la place. Durant la bataillé
livrée le S4 août entre les Aragonais et les Grenadins,
les assiégés, conduits par le fils d'un Roi Sarrasin.» ten-
ifarent une grande sortie ; mais ils fiirent vigoureusement
Tepoassés par Ferdinand, qui tua leur chef de sa propre
main. Ce prince était de retour en Sicile avant 4314; et,
dans la guerre qui eut lieu cette année entre le fioi de
Naples, son beau^frère, et Frédéric de Sicile, son cousin,
il combattit pour ce dernier, dont il avait toujours suivi
les drapeaux: mais il ne négligea rien pour rétablir entre
eux la brane intelligence, que ses {nropres intérêts lui
raMlsient si nécessaire. Ayant enfin réussi k leur faire
conclure une trêve le 47 décembre 4344, il s'occupa
des moyens de fsûre valoir, par les armes, les droits
d'Isabelle d'Adria , sa femme , héritière de la Baronnie
de Matagrifo , en Grèce , et ayant des titres fondés à la
possession de la Morée. Tandis qu'il faisait des prépa-
ratife pour une expédition , Isabelle accoucha , à Catane ,
en Kcile, au mois d'avril 4545, d'un fils, qu'on nomma ^'^'*
Jacques, et que nous verrons, dans la suite, hériter du
Royaume de Majorque : Isabelle mourut un mois après ses
couches. Ferdinand envoya à Esclarmonde, sa mère, qui
se trouvait au château de Perpignan, l'enfant nouveau-né,
soos la conduite de l'historien Muntaner, et partit pour
la Morée , à la tête d'un corps nombreux d'infanterie
et de cino cents cavaliers. Il débarqua à deux milles de
Clarence ;^ défit une troupe considérable de cavalerie , qui
voulait s'opposer à la descente; prit Clarence, et emporta
le château de Belver, l'un des plus forts que l'on con-
nftt, suivant Muntaner. Avec l'aide deà Catalans établis
dans le Duché d'Athènes, il se rendit mailre d'une partie
de la Morée, et s'y maria avec une cousine du Roi
âOâ IIISTOIRB DU ROUSSILLO?!.
de Chypre, dont il eut un iils, ap|ielé Ferdinand. Hait,
Tannée suivante, Louis de Boui^ogne, son compÀîtev,
ayant débarqué à la tète de forces considérables pour M
en disputer la conquête , il se vit abandonné par la ptopirt
des Seigneurs du pays, qui l'avaient d'abord recooM.
Ferdinand ne se laisse point abattre par ces défectioM,
ui par le découragement et la mauvaise Tolonté de quel-
ques-uns des siens. U sort de Clarence h la tête d'n
faible détachement, pour observer la marche de l'ennemi;
et, croyant avoir trouvé une occasion favorable, il l'attaque
le 5 juillet 1316; mais, ti i par les uns, mal secondé par
les autres, il pénètre les rangs des BovgnignoM^
et y trouve la mort ec \ i petit nombre de braves qu
l'ont suivi. Sa tête, i ie k la garnison de ClareMe,
achève de démoraliser c hommes, qui, travaillëa parles
menées de quelques traitr ;, consentirent, contre Tavis
des plus fidèles, k rendre la place et les châteaux ToisÎM.
Ainsi périt, victime d'une trame dont les détails n'otti
jamais été bien connus, malgré l'enquête &ite dans la
suite , un prince , dont les ennemis mêmes admirèrent la
valeur et plaignirent la dest lée. Il égala par son eonrafe
et ses exploits les plus il »tres de ses ancêtres, et les
surpassa tous par ses vert . Né il Perpignan, vers Tan
1280, son corps y fut tra orté et enseveli dans Tëglise
4316. des Dominicains, le â novembre 1316, et non en 1318,
comme le portent certains auteurs.
On lit dans Muntaner, avec le plus ^if intérêt, cet épi*
sodé de sa chronique. Chargé d'un précieux bfdean, qni
lui est plus cher que la vie, le vieux guerrier, le héros
de Gallipoli, qui tant de fois brava la mort dans les com-
bats, ému de l'importance de sa mission, déploie la pins
touchante sollicitude pendant quatre-\ingt-onze jours de
navigation. Averti du voisinage de quatre galères, qni
CHAPITRE DIXIÈME. 203
^croisent pour enlever Tlufant, en butte aux tempêtes^ qui
engloutissent sept bâtiments autour de lui, privé du se*
^^ours des nourrices, attaquées du mal de mer, il porte
l'eofant dans ses bras, la nuit et le jour; il le presse, le
^-échauffe contre son cœur. Débarqué k Salou, près de
"Tarragone, Tlnfant fut transporté en litière, au milieu
4le8 démonstrations de respect et de joie des populations.
Jusqu'à Perpignan , où le fidèle serviteur eut le bonheur
4le remettre TenËmt royal, avec les solennelles formalités
<iu'exigeait la reconnaissance de son identité , aux deux
Ueines, Esclarmonde, sa grand'mère, et Marie d^Ânjou,
sa tante.
Tandis que son frère combattait et mourait sur une
terre étrangère, Sancho ne songeait qu'à maintenir la
paix dans son petit État. En 4520, le Vicomte de Nar-
bonne Amalric, s'était ligué avec Jazbert de Castebnou^
Arnaud de Corsavi et Bernard de So , pour faire la guerre
à Pierre de Fenouillet, vicomte d'Ille, soutenu par Guil-
laume de Canet. Sancho, leur Souverain, s'empressa
d'intervenir, et réussit à leur faire consentir une trêve
de six mois. C'était déjà beaucoup; le pape Jean XXII
lit le reste par une bulle datée d'Avignon, le 18 sep*
tembre 1520, dans laquelle il ordonna à ces Seigneurs
de prolonger cette trêve, avec menaces de les excom-
munier et de jeter l'interdit sur leurs terres, s'ils n'obéis-
saient à ses injonctions. Le bon roi Sancho, non moins
désireux de prévenir les procès entre particuliers, que
les guerres entre Seigneurs, avait rendu, à Majorque, le
<» des nones de mars 1520, une ordonnance très sage ^320.
au sujet des dettes qui, dans les anciens contrats laits
en Roussillon, avaient été souvent spécifiées en marcs
d'ai^ent, quoique le prêt eût été fait en monnaie cou-
rante. Chacun voulait attribuer au marc celle de ses
204 HISTOIRE DU ROVSSlLLOIf.
valeurs , aocieime ou actuelle , qui était la plus lavoraUe
à ses intérêts. Il régla, par cette ordonnance, que^ lors-
qu'on pourrait prouver par des écrits ou par témoins qw
la somme avait été réellement comptée en mares d'argent,
on serait tenu de rendre en nature le même nombre de
marcs; que, dans le cas contraire, on rendrait einquasle
sols de Barcelone par marc , si l'on avait payé en mon-
naie de Barcelone ; et que l'on y ajouterait la phis vaine
de la monnaie de Melgueil , si la somme avait été conqilée
en argent de cette espèce.
Malgré son amour de la paix, Sancho se trouva, comme
vassal du Roi d'Aragon, obligé de prendre part k la gnerve
qu'entreprit ce prince pour enlever la Sardaigne aux Pisaos.
L'Aragonais craignait que, se laissant aller aux suggestions
des Seigneurs français admis k sa Cour, le Roi de Hajorqne
ne lui refosàt ses services dans cette circonstance; aoan
lui flt^il pressentir qu'il les lui demanderait, bien déler*
miné à ne^as souffrir un refus. Sancbo, ennemi de lonle
discussion, et préférant pour ses États une guerre éloi-
gnée, où il ne serait qu'auxiliaire, k ceUe dont le nem-
çait son Suzerain, le (it assurer, par Guillaume de Canei
et par Saint-Just, son trésorier, qu'il se rendrait aux Cortét
de Catalogne. Ces Cortés se tinrent k Girone; et SandMK
imitant l'exemple des Catalans, qui avaient tout accordé à
leur Roi, lui offrit de le seconder avec vingt galères, doni
il paierait l'entretien pendant quatre mois. Les deux Rois
s'occupèrent de la réconciliation de deux Seigneurs rous-
silonnais, Guillaume de Canet et Raymond de Périllos. Ce
dernier se reconnut vassal de l'autre, et prit part ii l'expé»
dition de Sardaigne, avec plusieurs Chevaliers de la pro-
vince. De ce nombre fut Dalmau de Castelnou, dont nous
avons déjà parlé. Cet intrépide guerrier y périt. L'expé-
dition eut lioM n\ IÔ25, sous les ordres d* Alphonse, fils
CHAPITRE DIXIÈME. â05
du Roi d'Aragon. Les galères du Roussillon et de Majorque
y servirent avec distinction ; on en perdit une qui , s'ap-
prochant trop de la côte , au moment du débarquement ,
toucha le fond et s'entrouvrit. Alphonse, peu reconnais-
sant des services rendus par l'escadre majorcaine, s'em-
para de l'argent envoyé par Sancho pour la payer. A cette
nouvelle, les équipages se soulevèrent, menaçant d'aban-
donner un prince aussi injuste à leur égard. Ce ne fut
qu'avec la plus grande peine qu'il parvint à les cahner
et les retenir. Sancho n'assista point en personne à cette
expédition, qui, commencée en 152^, n'était pas ter- 4325.
minée en 1324. Le 5 des calendes de mai de cette année,
ce Roi posa la première pierre de la cathédrale actuelle
de Saint-Jean de Perpignan. Il mourut le 4 septembre
suivante Formiguères, dans le Capcir, où il avait passé
l'été pour se soustraire aux chaleurs extraordinaires qui
régnèrent. U ne laissa point d'enfants de Marie , fille de
Charles II, roi de Naples, qu'il avait épousée à CoUioure
en 1504. Nous avons vu que son frère Ferdinand avait
eu deux fils , Jacques et Ferdinand : le premier, de son
mariage avec Isabelle d'Adria; le second, de la nièce du
Roi de Chypre. Sancho fit héritier de tous ses États son
neveu Jacques, lui substituant Ferdinand, et à celui-ci
le Roi d'Aragon. Il donna pour tuteur k ses neveux le
plus jeune de ses frères, Philippe, chanoine et trésorier
de Saint-Martin de Tours. Sa veuve avait épousé Jacques
d'Exériea avant le 27 janvier 1526, jour où, à sa requête,
le tuteur du jeune Roi ordonna qu'on lui payât tous les
ans ,' sur le produit de la leude de CoUioure, la somme de
deux mille cinq cent cinquante-cinq livres barcelonaises,
pour l'intérêt de dix mille marcs d'argent, qui, k soixante-
treize sols le marc, faisaient trente-six mille cinq cents
livres l>arcelonaises, montant de sa dot et de son douaire.
:>06 HIHTOIRR nt R0CS8ILL0N.
Le testament de Sancho n'était nullement du goAl du
monarque aragonais, qui prétendait être le véritable hé-
ritier en vertu de la substitution faite par Jacqnes-ie-
Conquérant. Pour examiner la validité de ses droits, il
convoqua une assemblée à Lérida , et donna ordre k son
fds Alphonse de se saisir de Perpignan. L'assemblée ju-
geant apparemment ses prétentions peu fondées, et ne
voulant pas prononcer de peur de lui déplaire, se sé-
para sans rien décider. En effet , si le titre invoqué de-
vait exclure le jeune Roi de la succession de son oocle ,
il aurait dû précédemment exclure le Roi d'Aragon de la
succession de son frère Alphonse. Pour conjurer l'onge,
Philippe, oncle et tuteur du Roi de Majorque, cmt de-
voir aller trouver le Roi d'Aragon k Saragosse , et réus-
sit, après plusieurs conférences, k le convaincre de la
légitimité des droits du mineur. Dans une transaction dn
4325. 25 septembre 1525, le Roi d'Aragon renonça* en fiivear
de son jeune parent et de ses descendants, k ses pré-
tendus droits. Philippe, de son cAté, renonça,' au nom
de son neveu, k une somme de ^ingt-cinq mille florins
qne le roi Sancho avait prêtée k l'Aragonais. Il convînt,
en outre, que son pupille irait lui prêter foi et hommage,
et Ton arrêta le mariage du jeune Roi avec Constance «
fille de l'Infant Don Alphonse. Comme il ne pouvait en-
core avoir lieu vu l'âge des fiancés, on se donna réci-
proquement des châteaux en gage : Philippe remit ceini
de Quérol en Cerdagne. L'observation du traité fut jnrée
par le Roi, son fils Alphonse, l'Infant Don Philippe, et
par plusieurs Seigneurs dont le seul Roussillonnais était
Aymar de Mosset. Les Syndics de Majorque et de Poy-
cerda la jurèrent aussi; ceux de Perpignan ne prirent
aucune |)art k cette affaire, k cause des troubles survenus
en Rou^sillon, dont les habitants, au moment même où
CHAPITRE DIXIÈME. 207
Don Philippe rendait un service signalé au Roi et au
pays, se laissant entraîner par quelques factieux, comme
il n'arrive que trop souvent aux peuples, ne voulaient
plus de ce prince pour tuteur de leur Roi. Ils s'étaient
«mparés de cet enfant, lui avaient nommé des ofliciers,
un gouverneur; et, pour donner une apparence de lé-
galité k un mouvement séditieux, ils avaient fait exclure
Don Philippe de la tutelle^ par un arrêt du juge de la Vi-
^erie, Guillaume Saqué ti, faisant ainsi décider, par un
tribunal subalterne, une question qui intéressait tout le
royaume. Ils cherchèrent à se faire des alliés pour ré-
sister au Régent. On trouve un acte daté du château de
Perpignan, le 11 des calendes de juin 1523, dressé par
le Notaire du Roi de Majorque, en présence de deux
chevaliers et de deux bourgeois, dans lequel le Comte
de Foix s'engage k soutenir le jeune Roi envers et contre
tous , excepté le Roi de France ; et Jacques , k son tour,
s'oblige à lui payer, par jour, sept sols six deniers pour
chaque chevalier, et seize deniers pour chaque écuyer
(dientem) fournis par le Comte. La monnaie stipulée est
celle de Barcelone , dont soixante-cinq sols font un marc
du poids de Perpignan. Philippe ne pouvant venir à bout
de réprimer cette révolte, eut recours k l'Infant Don
Alphonse , et fit saisir et vendre k Majorque les marchan-
dises qui s'y trouvaient appartenant k des Perpignanais.
Cependant Otto de Moncade, commandant l'avant-garde
aragonaise , partit de Figuères et arriva le lendemain de-
vant le château de Perpignan. Les portes en étaient fer-
mées , et les remparts garnis de soldats. Deux chevaliers,
Pierre de Belcastel et Guillaume de Cerfonts , sortirent
pour conférer avec Don Philippe; et, après divers pour-
parlers, on consentit a le recevoir comme tuteur du Roi.
Don Alphonse n'entra dans la ville que le 5 janvier
208 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
I3S6 : sa présence contribua fort il y rétablir Tordre et
la paix.
Les historiens français rendent compte de ces événe-
ments d'une manière différente : ils prétendent que k
Comte de Foix et quelques autres Seigneurs , ayant fiût
un complot pour ôter la tutelle k l'Infant Don Philippe <»
Charies I\\ roi de France, l'avait maintenu. Cosune
Charles n'avait aucun titre pour s'ingérer dans les abires
du Royaume de Majorque, nous avons préiëré aoine
Zurita , mieux instruit de notre histoire , et dont le récit
s'accorde avec les documents contenus dans nos archives.
Il est possible seulement que l'autorité et les conseils da
Roi de France , aient contribué à détacher du parti opposé
au Régent» le Comte <le Foix, bien certainement Fan des
principaux auteurs de ces troubles, et celui dont Tappoi
avait donné le plus d'audace aux factieux.
Nous trouvons dans le Cartulaire roussillonnais , plu-
sieurs chartes qui jettent du jour sur les événements de
cette é|>oque. D'apns un acte passé au château de Pm^
pignan , le o des ides d'août 15â6, entre le roi Jacques II
de Majon]ue , assisté par son tuteur Philippe d'une put,
et les Consuls de Peq>ignan de Tautre, il parait qae
ceux en fonction au moment de la révolte, avaient bit
des réquisitions d'ar«rent et de blé; que le Roi, son onde,
le vicomte Pierre de Fenouillet et ses vassaux, aiaai
qn*Adhémar de Mosset , et des habitants de Poycerda et
de la Cerdagne « dévoués au gouvernement , avaisM
éprouvé des pertes dues a ces mouvements insorrectiiNK
nels. Pour indemniser tout le monde, ainsi que les ha
bitants de l^rpignan dont le tuteur a^-ait Elit saisir k
marchandises ii Majorque, on ctmvint que le prodnilëf
aides de cette ville « pendant cinq à six ans , serait à
|NiS(* là la Itauque: qu'on agirait de même |MHir le pi
CHAPITRE DIXIÈME. â09
duit des aides de Collioure, et pour tout ce qu'on reti-
rerait de Villefranche , des autres villes et villages , soit
des Ecclésiastiques, soit des Nobles qui avaient trempé
dans la révolte, et que le Roi retirerait les sommes dé-
posées pour payer toutes les indemnités ; que, cependant,
pour subvenir aux dépenses communales, le Roi donne-
rait annuellement aux Consuls trois cents livres de tem,
prises sur les versements faits à la Ranque par la ville.
Dans une charte datée du château de Perpignan, le 42 dès
calendes de février 4350, Jacques en son conseil, mais
sans assistance d'un tuteur, fait quelques dispositions
pour la distribution de ces indemnités. Dans une autre
diarte donnée k Majorque le 42 des calendes de mai 4554 ^
k la prière d'un Consul çt de deux Députés de Perpignan ,
qui loi représentent que, vu la guerre contre les Génois,
la ville ne peut subvenir k toutes ses dépenses sans établir
un impôt (tallium, sive questiam), qu'il serait peu opportun
de créer dans ce moment, le roi Jacques ordonne que, sur
l'argent remis il la Ranque pour les indemnités, on fasse k
la ville, tous les ans, un prêt de mille livres, qu'elle rem-
boursera lorsque, les indemnités étant payées, elle jouira
du produit de ses aides. Par une autre charte donnée k
Ibjorque, la veille des calendes de novembre 4552, k la
prière des Consuls de Perpignan , il rappelle de l'exil le
jorisconsulte Saquéti, condamné avec onze autres per-
sonnes, exceptées comme lui de l'amnistie générale ac-
oc^ée k tous les révoltés par son oncle Don Philippe.
Enfin, on trouve une transaction faite le 6 des calendes de
mai 4539, cfntre le roi Jacques de Majorque, les Consuls
de Perpignan , les administrateurs de la Ranque de cette
ville, les habitants de Collioure, Villefranche et autres
lieux, ayant pris part k la rébellion. Elle nous apprend
qne la somme totale des indemnités a payer, avait été de
14
210 IIISTOIRB Dt ROUSSILLON.
1 10.520 livres, 6 sols, 6 deniers de tem ; qu'à l'époque de
la transaction, 118.921 livres, 10 deniers et VfS^^aient été
soldés, au moyen : 1^ de 36.0o0 livres, 12 sols, S deniers
et 7i provenant de la vente des marchandises saisies ï
Majorque, sur des Pcrpignanais, par Don Philippe ; 9^ de
81.370 livres, 8 sols, 8 deniers, retirés de la Banque, et
3» de i.aOO livres, fournies par les Juifs. Le Roi lût
rémission de ce qui lui reste dû , ainsi que des intértia
auxquels il a droit de prétendre, à raison du retard des
paiements. Les Consuls , de leur côté , abandonnent ee
qui peut être dû aux aides de la ville, par les gêna du Roi.
On promet, réciproquement, de ne se rien demander,
syoutant que ceux qui doivent leur quote-part de Tinpo-
sition, seront tenus de la solder. .
Après avoir rétabli Tordre dans le RoussiUra , le tntenr
du jeune Roi s'empressa de terminer la guerre avec lea
Génois, qui inquiétaient le commerce msgorcain. C'étoto
la suite de la part que les galères de Sancho avaient priée
k l'expédition du Roi d'Aragon contre les Génois et lea
Pisans, maîtres d'une partie de la Sardaigne. Le tnilé
qui la lit cesser fut conclu le 21 janvier 1337, dans la
salle du conseil , au château de Perpignan , par le jeuae
Roi, avec Tassentiment de son oncle Philippe. Le I*
octobre 1327, toujours assisté de son tuteur, il prêta loi
et hommage au roi Jacques d'Aragon ; et, après la voit
de celui-ci, arrivée lui mois plus tard, il s'acquitta ém
même devoir à l'égard d'Alphonse, son successeur. Il te
H'ndit, a cet eiïel, a Barcelone, accompagné de son tien
Ferdinand; de Itérenger, évê4|ue d*Klne; de Don Pedr^ et
Fenouillet, vicomte dllle, et d'Aymar de Mosset. Us atais
ir>28. lèivul à la cérémonie, qui eut lieu le 25 octobre I38B.
Ia' Itoi, âgé de qiialor/e ans et demi, prête hommage,
Nuns être assiste ilt* suii tulrur, coninie cela avait eu Uen
CHAPITRE DIXIÈHB. 211
l'année précédente, et ce dernier ne figure plus dans
aucune charte postérieure. Ne devons-nous pas en con-
elore qtie Jacques Ait déclaré majeur aussitôt qu'il eut
accompli sa quatorzième année? Quant à son oncle Phi-
lippe , il parait qu'aussitôt aprës s'être débarrassé de la
tatelle, non content de renoncer aux atfaires tèmt)orelleâ,
il abdiqua les dignités ecclésiastiques pour se faire Corde-^
lier. En effet, on le toit peu après défendre, avec chaleuir,
contre lé pape Jean XXII , les opinions led plus éxag^es
%m l'observation stricte et littérale de la Règle de Sainte
François.
Le R<ri de Majorque avait d'abord assigné pôtli- àpftnage
à son frère Ferdinand, trois mille livres bal'i^loàaises de
rente. Pour en tenir lieu, il lui donna, par uné ehane,
datée de Perpignan, le 29 mai 1530, les l^comtéS d*Ù*
mêlas et de Cariât, et sa vie durant, le château de Froti-^
tignan et une partie du domaine de Montpellieir; Ebtre
plusieurs cotiditions imposées au donataire, il l'obligeait
à lui prêter foi et hommage pour toutes ces terres. Fer^
dinand étant fort jeune avait , pour se soustraire k l'op-
pression d'un gouverneur qu'il ne pouvait souffrir, fait
Tœu d'embrasser la Règle de Saint-François. Le Pape le
releva de ce vœu indiscret, le 21 août 1356, et il se maria
pen de temps après avec Esquive , fille de Bfugues IV,
roi de Chypre. Il mourut sans postérité, avant la fin de
1345, comme on peut le conclure d'une quittauce faite
cette année aux Consuls de Frontignan par le receveur
des droits royaux, d'une somme de cinquante livres, due
jadis à Ferdinand, frère du Roi. En 1350, les p\èteê de
Majorque se joignirent à celles d'Alphonse pour continuer
la guerre de Sardaigne. L'année suivante, Jacques se rendit
à la cour du Roi de France, et lui prêta foi et hommage le
28 avril : il assista peu après aux Certes tenues k Barcelone.
21:2 HISTOIRE ou roussillon.
Dans une charte datée des calendes de juillet 1338^ il
4lcfend il son Lieutenant dans les Comtés de RotissilloB
et de Cerdagne, de permettre qu'on applique à la ques-
tion aucun prévenu de crimes , autrement que dans les
cas autorisés par la loi. Son beau-père Alphonse ^ avec
qui il vécut dans la plus parfaite intelligence , mounit ca
janvier 1336. Sa femme Constance accoucha, à Perpi-
gnan, le 24 août suivant, d'un prince, nommé Jacques,
comme son père. Le 27 juin 1339, le Roi de H^orque,
ayant appris que ses officiers avaient reçu en paiemoit
de ce qui lui était dû des pièces d'or à un taux infërfeiir
à leur valeur réelle, leur ordonna de restituer ce qa'Qs
avaient reçu de trop.
Pierre IV, dit le Cérémonieux, avait succédé k son père
Alphonse. Après avoir fait sa paix avec la reine Éléooore»
sa belle-mère , il somma Jacques de Msyorque de Yenir hû
prêter foi et hommage. Celui-ci lui fit demander un délai ,
d'abord par Aymar de Mosset, ensuite par Pierre-Raymond
de Codalet, qui ne réussirent ni l'un ni l'autre. Le Roi
d'Aragon étant venu k Barcelone, son oncle , rinfimt Don
Pedro, fit une visite au Roi de Majorque, 2i Perpignan « et
le décida k aller prêter l'hommage demandé : il y lîil, en
4559. elTet, et la cérémonie eut lieu le 17 juillet 1330, dans la
chapelle du palais, en présence de son frère Ferdinand, de
l'Évéque d'Elne*, de Pierre de Fenouillet, vicomte dHle^
de Jean de So, vicomte d'Évol, de Bernard de So, ele.
t (>t Évèquc était Gni âe Tnrena , ronno mh» k nom de (lOî de rerp^C*»* Ni itn b
An da xnr sièrlc . il fit Mt étadet tt régit set fnutet à HJoncnité de Piflk HMlf *«
l'Ordre dee Cwinei, il en devint fénéral en 1348. Nomad Évèqw de Unimfm m Ml.i
pai^fa à riCvèrbé d'KInr en 1333 ; Hit promu l^triirrlic de JérwaleB , et BOiral
\r 15 Join 1353. Entfné dans réfcliw dn roavmt de «on Ordie. à PwpIgMi, M y
son épiUpbe «^n 17Mi. 11 à\Mi érnl rar la thifolofttf . la plulosophie . la menle. Il
et Ir droit. Lr> UanaMritji ik quriques-uoh df t4h ouvrag«*«. i^ont déposés aa ValiciB il à li
HiMtotlièfpif du Itoi. II doit M i-éléhrit^ rt If furnom dr Malleu* ArrfAi-eniM, à M '
intitulé S9mwu lUi Hérititt, qui a ihiui objet leur réftitatiun.
CHAPITRE DIXIÈME. 213
Il y eut des difficultés sur le cérémonial ; et le soin extrême
que mit TÂragonais à garder son rang dans cette occasioir;»
blessa le Majorcain , qu'on laissa long-temps debout , et k
qui on offrit un siège beaucoup plus bas que celui du Roi
d'Aragon, lorsqu'il fut décidé qu'on lui en donnerait un.
Jacques, mécontent, se retira dans ses États aussitôt après
qu'il se Tut acquitté de son devoir de vassal. Pierre fit,
cette même année , le voyage d'Avignon , afin de prêter
au Pape foi et hommage pour la Sardaignc II arriva , k
Perpignan, le 51 octobre, accompagné de Jacques, qui
fut le recevoir au Bolo, et le suivit k Avignon avec quel-
ques Seigneurs de sa Cour. Le Saint-Père les reçut en
grande pompe. La prestation de l'hommage eut lieu le len-
demain, 12 novembre. Les deux Rois sortirent à cheval,
avec un nombreux cortège, pour se rendre au palais du
Pape : leurs chevaux, conduits chacun par un Chevalier,
marchaient sur la même ligne. Gaston de Lévi conduisait
le coursier du Roi de Majorque ; il frappa de sa baguette
celui du Roi d'Aragon, qu'il trouvait trop avancé, et
s'oublia au point de traiter de même le Chevalier qui le
guidait. Jacques ne donnant aucun signe d'improbation
de ee procédé brutal, Pierre entra dans une telle fureur,
qu'il essaya par trois fois de tirer son épée du fourreau
pour en percer le Roi de Majorque; mais il ne put en
venir k bout. Cette scène mit le plus grand trouble dans
le cortège; et on en serait venu aux mains, si l'Infant
Don Pierre , oncle de l'Aragonais , n'eût enfin réussi à
l'apaiser, en lui représentant que , vu l'affection particu«-
lière du Pape et «de ses Cardinaux pour le Roi Jacquea,
il était prudent de ne pas donner suite k cette querelle.
Pierre se contint ; mais ^ n'ayant obtenu du Saint^Père
rien de ce qu'il demandait, il se retira le jour même k
Villeneuve, et partit de la pour son Royaume, en passant
S14 HISTOIRE 01 ROUSSILLON.
pur NoQlpeUier et Perpignaa. Jacques l'accomiMigMi jv»»
qu'au IkJo, lui dauwant rendre de grands honMors dans
ses États.
{fous avoBs donné tous ces détails, parce qu'ils nous
Tout couQsiirc les mœurs de ce temps, et que, ira le
caractère du Roi d'Aragon , il est présumable qoe cette
scène désagréable contribua beaucoup ii raffermir iuM
la résolution de dépouiller son beau-frère, qu'il regardait
comme la cause première de Tinsoleaee de son éenyer
et dçs refus du Pape. Du moins on vit, depuis, l'AiafS*
mis ne négliger aucune des mesures propres à readre
inévitable la perte du Roi de Majorque. Cehii-ci, de wom
cdté , panit avoir compris le danger de sa position , et I
chercha des alliés pour s'opposer aux projets amWliiwnr
de Pierre. 1^ 3 ju'dlet 1357, Arnaud de Lordat, mm
Vice-Chancelier, conclut en son non, à Touloase, an
traité avec le Comte de FoLx et le Vicomte de
Par ce traité, que ratilia Jacques, ii Palma, le 24 d«
mois, ces deux Seigneurs s'engagent ii le servir tonte
vie, envers et contre tous, excepté les Rois de Frawn et
de Navarre, leiurs frères et leurs beaux-frères; et le Iloi«
à son tour, |iromet une pension de cinq cents Girw an
premier, et une de tniis cents livres au seeoad.
Cette conduite était prudente; mais il eat H]
vibk^ maladresse de s*aliéner un Souverain, dont 1*^
niiv lui eût été bien {Jus avantageux. Vers b fin de 1540,
Philippenle-Valois Tarait sommé de lui pi^r Ibî et bon*
mage pour la Seigneurie de !itmt|iellier. lacqies %*y n*
ftna, |ii\^tendant que le Roi de France n^\M drail h eel
Iwmmago qu*en vertu d'un acte dV^kange fait avec 1^
\i^ue de Maguelone, acte nul p«mr n'amir pas reçn Ta»»
kmati«>n du l^i|t«\ Ihiisik au mois <k* février 1^1, il tint
«les jtMkies î M4Hii|>elli«^r, i^ui^ique k* IUm iW France eAt
CHAPITRE DIXIÈME. 2t5
défendu dans ses Etats ce genre de difertissenieMs, tant
^ae diq^rait la guerre contre rAiïgleteite ; et^ aussHèt,
;|iar une inconséquence qui donne une pantte idée de la
XN>Utique de ce prince, il réclame TappiÉi du Roi d'Ara^fon
^contre le ressentiment du Monarque firançais. Cehiî-ci,
^fm Tenait avec plaisir son beau-frère se jeter impHideiU'^
ment dans des embarras dont il espérait profiter^ lui faiisart
^es promesses vagues, et agissant très molleifï€fat atiprès
de PUtippe. i^ur mieux le tromper, il feignit nfn projet
d'aliiaiicé entre l'Angtetei^re, TAragon çt Majorqne Coàtte
la France ; et dans la conférence qu'il eut avec Jacques k
Saint-'Saloni , il joaa si bien sonrôley que les Sei^eàrs
présents loi offrirent leurs services pour cette guerre. Lé
Roi de Majorque, qui comptait sm* un puissant armement,
se disposa h la soutennr, et commença par mettre en état
de dâense le fort de Saisea. G*est ce que manda ato Rof Ae
France Girard de Roussillon, sénéchal de CarcaMonne,
eiiToyë il P^ignan pieur découvrir ce qlii se paissait^
Cq>eftéant, Philippe , a|Mi?ès avoir occupé Motftj^llier af^M
ses troupes, les foisait avancer du côté de Saint-Pàlil**
ëe-FeiiMîllet. Jacques, à cette iM)uveIle , prévient le Rw
d'Aiia^^n du danger dont le Roussillon est menafcé, et se
porte vers le Soler et Pézilla. De là, il envoie d*abor(f
Raynkond Roch , et puis Raymond de Codalet, réelamet^
de son So«Ërerain les secours qull lui devait d^api^ led
loÎB féodSiles'. Pierre répondit an premier ambassadeur,
que le Roi de Majorque vint le trouver au mois de févriei^.
Celui^et, s'étant excusé Sur F impossibilité de cette dé-
mardMe dans un pareil moment, le Roi d- Aragon,^ pi^essé
de s'esipliquep , prétendit, d'abord, n'être point tenir à
secourir son vassal dans une guerre injuste, entreprise
malgré les promesses du Roi de France de terminer le
différend paroles voies légales ; et, levant enfin le masque,
ill€ iiisTomB mj aoubsiixoN.
il ajouta que Jacques contrevenait aux trailés en frâiM
tmttre, à Perpignan, une monnaie diflCérente de p/Se de
Barcelone. Après avoir amusé qudque tempe ie donier
envoyé, il somma le Roi de Majorque de comparaîtra m
Certes, dont la réunion devait avoir lieu dans la capitale
de la Catalogne. Sentant alors tout le danger de an poat*
4541. tion, Jacques fut à Paris, vers la fin de i341, pféler foi
et hommage à Philippe. Ce voyage lui valut la remise dea
terres saisies en France. Mais, tandis r^'O eo^jonii
l'orage de ce cdté, on procédait contre lui sur le fint de
la monnaie , à Barcelone où il ne s'était pas rendiL
Le Concile de Tarragone avait accordé à Pierre des
subsides pour faire la guerre aux Maures en favrar de It
Castille. L'artiQcieux Aragonais se servait de cet argeat
pour de grands armements; mais il se gardait bien d'agir,
alléguant qu'il n'osait rien entreprendre avant de vdr lea
différends des Rois de France et de lb\[orque teroiinéa.
Lorsqu'il fut prêt, il fit citer Jacques, le S7 février ISèl,
k comparaître k sa Cour, pour répondre aux aeenaalMMU
portées contre lui. Elles consistaient toiyours en ee qw»
contre la teneur des traités, il faisait frapper one noB»
naie particulière, et en outre de la monnaie de BareekNie
à un titre différent de celui prescrit. La sommatioD e«l
lieu, à Perpignan, en présence des Vicomtes dUle el
d'Évol, et de Ponce de Uupia, tous les trois ofkierB de It
maison du Roi de Majorque; de l'inquisiteur Rayasond
Durfort, et de l'avocat Arnaud-Raymond Muntaner. Jae*
ques n'ayant point comparu , fut dédaré contumace par
arrêt du 19 avril. La France aurait dû, par poUtiqM,
soutenir ce prince infortuné ; mais la guerre contre lei
Anglais suscitait de grands embarras k Philippe-de-Valoia.
Pierre sut en profiter pour obtenir de ce prince une dé-
fense aux Seigneurs languedociens de prendre les armea
CBAPITRB DIIIÈIIE. 317
<<n bveor de Jacques ^ comme ils paraissaient disposés a
le frire. Celni-d , se voyant sans appui , fut forcé de se
^jBOometlre; et mimi d'un sauf-conduit par l'entremise du
Pape nouvellement élu , il se rendit par mer k Barcelone,
avec l'escorte de quatre galères. Suivant sa coutume , il
logea au couvent de Saint-François , et fit construire ,
en bois, une galerie couverte, pour aller de son vaisseau
k son logement. Cette précauûon, prise pour sa sûreté,
foQUÛt k son beau-frère l'occasion de l'accuser de n'être
venu que pour lui dresser des embûches , et tâcher de
l'enlever. Les détails de cette prétendue conspiration,
donnés par le Roi d'Aragon, n'étaient guère propres k y
Cure croire. En retenant Constance, sa sœur, venue avec
son mari, le Roi de liajorque, il fit assez voir qu'il ne
mettait ce complot en avant, que pour avoir un prétexte
de rompre avec son beau-frère. Celui-ci partit, en se
plaignant de la violation du sauf-conduit k l'égard de sa
Cênune, et se retira dans ses États, bien convaincu qu'il
ne pourrait plus éviter la guerre. Il ne tarda pas k en
éprouver les effets : les troupes aragonaises attaquèrent la
forteresse de las Cuevas, k l'entrée de la vallée de Ribas,
et 8*en emparèrent après un combat très vif. Voulant
appuyer la force des armes par une apparence de léga-
fité, Pierre fit, dès le commencement de l'année 4S43, 4543.
publier k Barcdoné, la sentence qui confisquait, au profit
du Roi d'Aragon, tous les domaines de celui de Majorque,
3'U ne comparaissait pas dans le délai d'un an.
On n'en attendit pas l'expiration pour commencer k le
dépouiller. Dès ]e i^^ mai de cette année, Pierre avait
conclu un traité avec quelques mécontents de llle de
Majorque, se donnant pour les représentants de tout le
pays. Fort de cette alliance, il part, le 18 de ce mois, avec
une flotte de cent seize vaisseaux; débarque k Péguéra
218 HISTOIRE DU RODSSlLLOff.
te 24, et bat les Biajorcains, doBt la défense est très molle.
Jacques, voyant combien pen il doit compter sur ces il
laires, abandonne leor lie, qni ne tarde pas k se
mettre an vainqueur. De retour de son eipédhion^ le SB
juin, le Roi d'Aragon se préparait à attaquer le Rousailloa,
dont plusieurs Seigneurs, tels qu'Aymar de Monel et
Pierre de Fenouillet, vicomte d'IUe, avaient déjà t»-
hrassé son parti. Arrivé à Girone, le Siuillet, 'ûj Irmivt «n
l/égat du Pape, venu pour l'exhorter à la paix ; mai^iovd
à ses remontrances, il refusa un sauF-conduît k laeques,
qui voulait venir le trouver. Campé k la Jnnquère, le SB,
il y reçut un nouveau message de son bean-Irèfe, et vm
lettre des Consuls, de Perpignan , denumdant k loir lee
pièces du procès lait à leur Souverain, ^rès amir lA*
jiondu fort durement aux uns et aux autres, il paiMi pv
le col de Panissas, le 29 , sans éprouver de résistance , ei
s'avança jusqu'à Saint-Jean-Pla-de-Corts. Un détacheoMM
chargé d'attaquer le château de Beliegarde, Ait repeoMé;
mais ce petit échec ne l'empêcha pas de marcher sur Elneu
Le lendemain , la tour de Nidoléras fut enlevée 4e wie
force, et la garnison passée au fd de l'épée. A son «rifée
(levant EIne, un nouvel envoyé du Roi de Majorque,
|K)ur réitérer les. propositions de ce prince, ftit Wfm
la même dureté que le pronier. Le 51 juillet^ Pienre %\
tant porté sur le château de Canet, somma le Vicomte ée
faire sa soumission; celui«-ci obéit de sa personne^ Giiil-*
laume de Cerfonts et François d'Oms se trouvaient daae
cette' place, avec quelques troupes de Jacques : ib n'étaient
]ias disposés à la rendre sans combat ; mais, s'a]
des dispositions bien différentes des habitants,* ils
crurent pas assez forts, et jugèrent prudent de se
il Perpignan. I^ lendemain, le Cardinal vint trouver le ilei
dWragon dans son camp, pour l'engager k un acceMOK^
CHAPHRB DIXIÈME. 319
at : ayaDt été fort mal reçu, U se retira à Pia, où il
na quelques jours. Cependaut, les Aragcmais, sans
s du temps, s'emparaient des cbâteam 4e Sanle-
-la^Mer et de Castel-Rossello , quil» foftiièrenl :
de Castel-Arnaud-^ubira fut bràlé ; le Yioomâe de
remit le sien le 5 août, se retirant, avec sa fÎMBflle,
les environs de Girone. Oo répara et approvisioana
soin cette forteresse, dont la gavde ftit ooofiée à
urne de Guiméra, cbevaUer de SaûilrJeaii. Mallre
os ces postes, Pierre i^t canper, le 0 aoM, eiftfe
^an et Bajoles, coramanderie des HospHa^fs. II
taqué au ceueher du soleil. Use sertie de la piaee
en Ue« par la porte de Canet, ii parvint à 1» »-
er, fit prisonnier Guittannie de Cerfents, qi» avait
essé, et perdit, de son eélé, avée quelque^ soldais,
1 de Sayas , pris 4ans Fintérieur de la lôlle de Per-
D , où it avait pénétré e» poursoivMt les fuyards,
ftoùl, Raymond de Copons, lieut^enaDt do Proeureur
i de Catalogne, somma la ville de se rendre; et
le elle ne fit aucune réponse , on en ravagea les
MIS jusqu'au Vemet, mettant le fes aux vignes et
livîers , malgré les nombreuses sorties de ta piaee
s'apposer k ces dévastations. Le ii, te Roi dTAragpn
«ra dm Scier, de Saint>-Estève, qoll brûla, et dont
nûsit les moulins. Apprenant qu^t »mait de ta Cer-^
ï un renfort au Roi de Majorque, it envoya a sa
Dtre un détachement pour le surprendre. €e petit
s'élant jeté dans le châtean d^* Rodés, réussît h
w Perpignan peu de jours après. L.e f3 août. Tannée
naise campa entre fa mer et le. cbàlean de Canet,
sta deux jours dans cette position , ponr reeeveir
vres qui lui arrivaient des cétes de la Catalogne.
I, elle alla ravager les environs de Claira; maïs le Lié-
iâO HISTOIRE DU ROUMILLON.
gat et rÉvèqae d'Hueftca, étant Ternis ce jo«p-lk tnmnt
Pierre dans son camp, parvinrent enfin k le fUre a»-
sentir k une. trêve, qui devait durer jusqu'au i^ mai. Il
décampa le SO, se porta le 21 sur le Bolo, et rentra le Sft
en Catalogne, passant par TÉduse, le Perthus et le col
de Panissas.
Cette expédition n'avait eu que de bien faibles réauhtle
sous le rapport militaire; mais elle produisit un grand dbt
moral sur les Roussillonnais, en leur donnant la oonvidioB
qur'il était impossible k Jacques de se défendre avec aee
seules forces. Le zèle des Perpignanais ponr leur Soewiain
fut donc singulièrement refroidi, k cause des ravages eiereéi
impunément sur leurs terres par les Aragonais. Masieut
des principaux Seigneurs de la province avaient cm pra»
dent de (aire leur paix particulière avec le plnsfoc^an lien
de hasarder leur fortune en restant fidèles au Roi de
jorque. De ce nombre furent, outre ceux dont nous a^
déjà parlé, Dalmau et Raymond de Taxo, Pauquel de Bel-
castel, Guillaume Albert, Thomas de Marça, Amiiid de
Fenouillet. Jacques, découragé par ces défections, nW»
blia rien , durant cette trêve , pour fléchir son oppressear,
mais avec si peu de succès que, le 29 mars, Pierre pro*
nonça, dans la chapelle du palais de Barcelone, la rënmies
irrévocable des États de son beau-frère k la
d*Aragon. Dès la fin d'avril, les hostilités
rent en Roussillon, entre la garnison de Perpignan el
les garnisons aragonaises placées dans le fort de Ganel
et les châteaux voisins. Le 11 mai, Tarroée de Piene
franchit le col de Panissas ; et, après avoir repoussé la gai^
nison de TËcluse, qui avait tenté d*inquiéter sa marche»
elle vint camper entre le Bolo et Saint-Jean-Pia-deCorU.
Ayant ravagé les deux rives du Tech, elle s'avança ven
Kliie« portant des vivres |>oiir quatre jours, et mit gamîsoii
CHAPITRE DIXIÈME. 22i
à VilleloDgue et dans une tour appelée de TÉvéque. Le
Jendemain , Dalmau de Taxo ftit détaché pour bloquer
Collioure, qu'on regardait comme une place très impor-
tante, et le gros de l'armée investit Ârgelès. Le camp
des assiégeants était du côté d'Elne, touchant presque k
la tour de Pujols, qui appartenait a l'Abbé de Font-
Froide, et où quelques troupes de Jacques s'étaient logées.
On fit sommer l'Âbbé de rendre cette tour, et Ton battit
les murs d'Argelès avec trois machines. La ruine du Rot de
Majorque était aisée k prévoir; aussi, quoiqu'en général
on fât unanime sur la justice de sa cause, on voyait des
villages fortifiés se soumettre sans essayer de se défendre,
et les Seigneurs traiter avec Pierre , pour s^assurer leurs
possessions. C'e^ ainsi que Bernard de So de soumit, k
condition que, si le Roussillon restait au Roi de Majorque,
on lui donnerait en Catalogne des terres qui valussent
celles de Hillas, dont il était Seigneur. D'autres montrè-
rent plus d'attachement k leur malheureux Souverain.
Zurita cite avec éloge deux valeureux Chevaliers de Saint-
Jean, Pierre d'Oms et Arnaud de Peyrestortes. Ils avaient
fortifié Palau et le Has-Deu , postes appartenant k leur
Ordre, dont ils comptaient se servir en faveur de Jac-
ques; mais Pierre réussit bientôt k le priver de cette
Gûble ressource , en faisant donner k ces Chevaliers, par
le Grand-Prieur de Catalogne, leur supérieur, Tordre de
les remettre k d'autres, qu'il savait lui être dévoués.
On avait décidé dans le conseil du Roi d'Aragon , de
livrer un assaut k Argelès Je dernier jour de mai. On
construisit une tour en bois pour battre une maison for-
tifiée, contigué k la place : le capitaine chargé de défendre
ce poste ayant été tué, la garnison se retira dans la ville.
L'assaut fut donné la nuit suivante avec une grande vi-
gueur; mais il fut repoussé par la résistance opiniâtre
322 niSTOIRB DU ROUSSILLOfl.
d'une troape génoise, commandée par Geoffiroi de l'Ëteo-
dart, vaillant chevalier français. Les habitants eftnyés de
la violence de l'attaque, et craignant de ne pouvoir résilier
à un nouvel assaut, offirirent de se^rendre s'ils n'étuMt
secourus dans trois jours. Ils se rendirent, en eflel^ le 6
juin : rÉtendart n'ayant pas voulu intervenir daftB tette
capitulation , resta prisonnier de guerre, et on établit G«l-
laume de Guiméra , commandant à Argelès. Après s'être
rendu maître du château de Pujols et de Saint-Jesn-Ph*
de-Corts, le Roi d'Aragon songea sérieusement à alIsqMr
CoUioure , dont il avait depuis quelque temps resserré le
blocus. Le si^e commença le iS juin. On s'empsra
d'abord d'une forte tour qui commandait le ikuboorg, et
l'on ne discontinua pas les travaux , quoique le GarAnl
d'Embrun fût venu trouver le Roi pour tâcher de le flé-
chir. On prit une autre tour située au-dessus du couvent
des Dominicains; on pénétra dans le quartier qu'elie
défendait, et on le livra au pillage. La garnison se relin
au fort; et le commandant, Raymond de Codalet, s'élint
convaincu de l'impossibilité de le défendre, se déddi il
capituler aux conditions suivantes : l^ que le Gouverneur
et la garnison pourraient se retirer où bon leur semblerrit^
avec chevaux, armes et bagages; ^ que les habitants ne
seraient point inquiétés , et qu'on leur rendrait même ee
qu'ils avaient perdu dans le quartier pillé ; 3^ qu'on sdnri^
nistrerait la justice suivant les usages de Rarcelone. Ce
jour-lii même , le Cardinal revint au camp pour oflKr h
soumission du Roi de Majorque, k condition qu'on ne le
retiendrait pas longtemps prisonnier, et qu'on le tniiterril
honorablement. Pierre y consentit ; mais de retour â Perpi-
gnan , le Cardinal lui fit dire que Jacques aimait miait
courir les chances de la guerre que do se livrer li lui. Lu
place de Collioure fut remise aux Aragonais le H juin : b
CHAPITRE DIIIÈMB. â23
garoifOQ prit le chemin de Perpignan, et fut escortée
jusqu'à Elne. Le lendemain, le Roi d'Aragon, dans une
charte datée du château de CoUioure, accorde aux habi-
tants de cette ville une rémissioq entière de tout c« qu'ils
peuvent avoir fait contre lui depuis son entrée en Rous-
sillon; Leur promet de Ie3 protéger contre Jacques de
Ibyocque; leur accorde quelques franchises, ainsi que le
droit d'être jugés d'après les usages de Barcelone, et les
dispense pour toujours de payer les sommes que la ville
OQ Les particuliers devaient aux. habitants des lieux qui
persistaient a soutenir la rébellion de Jacques de Ms^or-
que. Ces libéralités, faites aux dépens des autres, se
reproduisent souvent dans l'histoire des gouvernements
despotiques, et nous verions cette même ville traitée
avec une semblable générosité par Lonis XI.
La reddition d^ Collioure entraîna celle d'une tour si-
tuée sur une montagne voisine, ainsi que celle de Palau
et d'Ortpffa; elle ébranla toutes les places qui tenaient
encore pour le Roi de Majorque. Ce prince ne pouvait pas
Icop compter sur les habitants d'Elue; il s'était aliéné les
Perp^anais, qui, déjà désolés de voir leurs can^^agnes
rav^lgées par les ennemis, éprouvaient (suivant Bo8di)un
traitement tyrannique de la part de leur propre souve-
rain. Bosch, le seul qui ait donné quelques d^ails s«r hi
conduite de Jacques pendant le loi% blocus de Perpignan,
assure, d'après des docunients conservés de son temps
à l'Hôtel-de-Ville , . que ce prince occupant le château ,
avec une garnison composée d'aventuriers français et de
proiébûres du pays , avait recours aux exactions les plus
criaates pour payer ses soldats ; que mandant quelquefois
les principaux habitants , squs prétexte de conférer avec
eux sur. des objets importants , il ne les laissait sortir
qu'après leur avoir fait consentir des obligations pour dos
3:14 HISTOIRE DU ROUftSILLON.
sommes très considérables; qae d'autres fois il s^adremil
aux veuves et aux orphelins riches, dont fl exton|nit
l'argent par toute sorte de moyens ; que souvent il con-
fisquait, sans aucune formalité, les biens des dtojMs
soupçonnés de favoriser son ennemi; et, -qu'enfin, des
vœux pour la paix, exprimés en public, étaient considérés
comme un crime, et punis d'une manière totyoun ubi-
traire et souvent barbare. Les pièces sur lesquelles Bosch
appuie ces accusations, n'existent plus k l'HAld-de-VilIc ;
on n'y trouve que des traces de quelques faits ssses in-
signifiants, et auxquels on ne ferait guère attention anjoar-
d'hui \ Comme il faut, en général, se méfier des iiiad|is-
tions dont on accable les victimes d'une révolution; conune
Pierre IV n'a rien négligé pour rendre odieux on prince
qu'il voulait dépouiller, et que l'écrivain perpignansis pèdie
surtout par défaut de critique éclairée, il est probable qn'il
a puisé tout ce qu'il dit contre le Roi de Majorque, dsM
les chartes émanées de celui d'Aragon. Ce qu'il y a de
certain , c'est que les historiens aragonais, et sortoiit
rita, le plus judicieux de tous, nous donnent da nn
ques une idée qui ne s'accorde nullement avec les Mis
qui lui sont imputés par Bosch, et que confimMSt les
chartes émanées de ce prince. En effet, nous Tavons m,
k peine sorti de tutelle , rappeler le jurisconsulte
de l'exil où son tuteur l'avait condamné ; dans une
charte , il défend k ses lieutenants de permettre d'i
quer à la question les prévenus, lorsque la loi ne le
crit pas impérieusement ; dans une lettre du 27 juiii iSSB,
il enjoint aux agenu du fisc de restituer aux conlribaslles
ce qulls ont perçu de trop, en recevant en psifiMt
certaines monnaies d'or, k un taux inférieur à leur valc«r
I <iii\iat I jmsrtuii «ta vti4r.t »i IjU^nfii «i-rat4if(ir -tr ih* jr>fci««« Il J»
CHAPITRE DIXIÈME. 225
réelle. De tous les actes de la prétendue tyrannie du Roi
de Majorque, un seul serait prouvé, s'il pouvait l'être par
l'unique témoignage de son mortel ennemi : c'est celui
d'avoir fait pendre des habitants de Perpignan, pour s'être
rangés du côté de Pierre, contre leur légitime Souverain * .
Après la prise de Collioure, les Aragonais refusèrent de
marcher, parce qu'ils n'étaient pas payés; le Roi s'étant
procuré quelque argent, quitta cette ville le l^c juillet.
Le château de La Roca, Thuir, Millas, Hontesquiu, Rie,
Mosset, Boule, Maureillas, se rendirent sans se défendre
ou après une légère résistance. La tour de Madeloc et le
château d'Ultréra ouvrirent leurs portes le jour même où
Pierre mit le siège devant Elne. La discorde ne tarda pas
à se mettre dans cette dernière place, entre la garnison et
les habitants, qui y introduisirent l'ennemi. Les troupes
se retirèrent dans le fort, en se battant de roe en rue;
mais elles durent capituler faute d'eau, le dimanche iO
juillet. Les soldats français obtinrent la permission de se
retirer chez eux, et le commandant Roger de Révenac, les
officiers et gentilshommes roussillonnais restèrent prison-
niers de guerre. Pendant le siège d'Elue, la garnison arago-
naise de Canet, soutenue par les habitants de Saint-Laurent,
courait toute la Salanqu% jusqu'il Claira et Saint-Hippolyte.
Les Aragonais occupant tout le pays, la position du Roi de
Majorque devenait tous les jours plus critique, et ses pro-
{Hres soldats lui obéissaient mal. A Perpignan, on était fati-
gué de la guerre : le faubouig des Teinturiers , attenant k la
▼Ole, dont il gênait la défense, était occupé par trois cents
hommes ; au lieu de le brûler, comme elle en avait reçu
Tordre, la garnison se fortifia dans l'église, en attendant
l'arrivée du Roi d'Aragon. Celui-ci sentait trop bien l'avan-
tage de sa position,* pour accepter aucune ouverture;
1 HiMtoire du Rouaillon, par M. Henry, tome 1*'.
15
226 HISTOIBB DU ROCSftILLON.
aussi éluda*t-il celles qui lui furent dites par Jean, doc de
Normandie, fils aîné du Roi de France. Jacques, n'ijam
aucun espoir de ce côté, voyant tout le pays dévasté, prat-
que toutes les places au pouvoir de son ennemi, comprit
qu'il ne pouvait plus se défendre. Par l'entremise de Rif-
mond de Codalet, il eut, auprès de Perpignan, sur le chemin
d'Elne, une conférence avec Don Pedro de Exérica. On
convint que ce malheureux prince viendrait se livrer an Bm
d'Aragon , ce qu'il fit en effet. Ayant obtenu la promeaie
d'être traité avec les égards dus aux grandes infortmies, il
se rendit k Elne, donnant ordre k ses troupes et aux halulinls
de Perpignan de remettre les forts et la ville an vainqueur.
Celui-ci fit son entrée dans cette place, le vendredi i6 juil-'
i^w. let 1544. Claira se soumit le même jour. Une compagnie
de cavalerie française, au service du Roi de Majorque, ae
retirant fort mécontente de n'avoir pas été payée, se mit k
piller le village de Salses : la garnison du château ne put iné-
terle désordre, qu'en faisant un grand carnage des pillaidi.
Établi au château de Perpignan , le Roi d'Aragon s'oc-
cupa du gouvernement de sa nouvelle conquête : il nomma
cinq Consuls pour la ville; fit Guillaume Albert, baille, et
Raymond de Taxo, lieutenant-général des Comtés. Il oon*
voqua, pour le l^^* août, une assemblée générale des Pré-
lats, Barons et autres Nobles. Jacques se flattait enooro
d'être rétabli dans ses États ; ses partisans en ûûaai^t
courir le bruit; quelques-uns même n'avaient point poeé
les armes. Jean de So, vicomte d'Évol, l'un d'entr'eu,
s'empara d'Eus et le saccagea. L«a garnison de Bellegarde
avait tué quelques fantassins aragonais rentrant en Cala»
iogne; Pierre se plaignit vivement à son beau*frère de cet
infractions, et ordonna de le garder avec plus de vigilance.
En attendant , il envovait dans lou^* les cantons des offi«
ciers, cliargés do recevoir les soumissions des habitants :
CHAPITRE DIXIÈMI. 227
€ilabert de Centellas et Bérenger de Villarasa, se rendi-
rent, à cet effet, dans le Gonflent; Bérenger de Rocasalva,
alla fc Puycerda ; Bernard Fabre, dans la Salanque, et Ray»
mond de Rinsec, dans le Capcir. Forsa»Real, Salses,
Tamavel , Opol , Corsavi , reçurent des garnisons ; les
diftteaux de Canet et de Sainte-Marie , forent rendus au
Vicomte de Canet. Le 9i juillet, Pierre fit publier dans
Téglise Saint-Jean de Perpignan, Tacte de réunion des
Comtés de Roussillon et de Cerdagne k la couronne d'Ara-
gon , et le fit signer et jurer par les Consuls, les Barons
et les Chevaliers qui ne Tavaient pas encore fait. Plusieurs
gentilshommes refusèrent de prêter serment; de ce nombre
furent : Don Jean de So, vicomte d'Évol, Pierre-Raymond
de Godalet, Guillaume Roch, N. de Villanoya, Dalmau et
Guillaume du Bolo, Raymond de Vilamau, Monet, Zuyt,
Arnaud de Lordat, Raymond di Pallerols, Arnaud de Pier-
repertnse, Roger de Révenac, Rehelm de Yemet, François
de Llupia , Bernard-Guillaume de Téren , François d'Oms .
Pierre de Mora, etc. Le Roi leur accorda un délai pour le
prêter, et prononça, s'ils le refusaient, la confiscation de
leurs biens. Jacques, établi k Thuir, avec la permission de
son beau-frère, attendait ses ordres pour savoir où il fixerait
sa résidence. Manrésa lui fut d'abord assigné ; mais, dans
mue entrevue quil eut avec Pierre, k une demi-lieue de
Perpignan , il obtint la permission de résider k Berga et de
Toyager armé. Il ne reçut que des réponses peu satisfiii-
santes k toutes ses autres demandes dans cette conférence,
durant laquelle les deux Rois restèrent toujours k cheval.
Parti pour Bei^ le 6 aoAt, Jacques fut remplacé le 2$,
h Thuir, par le Roi d'Aragon. Ce prince partit bientôt pour
l^efranche, dans l'intention d'y châtia quelques habitants,
qui , en haine de la révolution opérée, avaient tué l'un des
Syndics de Puycerda, se rendant k Perpignan pour y prêter
228 HISTOIRE DU RUUSSILLON.
le serment exigé. Après avoir rempli son objet, et convoqué,
pour le 29 septembre, une assemblée des États de Catilogne
k Lérida, Pierre se rendit k Puycerda le 31 août; mais il en
partit k la hâte , le 4 septembre, k cause du froid survemi
tout-k-coup, et surtout de la neige qui, tombant en abon-
dance, menaçait d'intercepter les communications. Il diri-
gea sa route par Saint-André, évitant le Roi de liajorqne,
qui venait de Montserrat, pour avoir une entrevue avec Ini.
Ce prince infortuné, malgré la conduite peu rassurante de
son beau-frère, se flattait toujours de conserver une partie
de ses États. Les décisions de l'assemblée, qui, convoqoée
k Lérida, se tint k Barcelone, dissipèrent son illusion. On y
détermina la réunion irrévocable du Royaume de àfayorque
k œlui d'Aragon ; on accorda k Jacques en dédommagement
mfke pension de dix mille livres , jusqu'k ce qu'on pùl ha
donner une seigneurie de même valeur, et on lui abandonna,
sans exiger aucun signe de dépendance féodale, Honipeiliar
et les Vicomtes de Cariât et d'Omélas. On exigea que, ponr
jouir de cette misérable indemnité, il renonçât an litre de
Roi et aux États dont on le dépouillait. Cet acte opprowif
lui fut signifié k Badalona, où il résidait alors. Surpris el in-
digné, il protesta d'abord contre une décision si inattendne;
demanda ensuite du temps pour y réfléchir, et bientôt, ne
se croyant point en sûreté k Itadalona, il se retira k Sninl-
Vincent, envoyant au Roi d'Aragon , Raymond de Riuaec,
son vice-chancelier, Ilertrand de Rocaiixa et Ponce Calça,
membres de son conseil, pour lui faire des représentations
sur l'injustice et Tinhumanité de ces décisions; lui dire
que l'honneur ne lui permettait pas de renoncer k b
dignité royale; qu'on prétendait lui donner des terres
dont il jouissait légitimement; qu'on refusait de VeOr
tendre dans sa justilicatiou, et que, d*ailleurs, il ne s'était
livré au Roi d'Aragon, que sur la promesse faite |Mi.r Don
CHAPITRE DIXIÈME. 229
Pedro de Exérica qu'on se conduirait à son égard de ma-
nièfe à ne pas le mécontenter. Don Pedro, au contraire,
soutenait ne s'être mêlé de cette affaire qu'à la prière du
Roi de Mayorqué, et n'avoir rien promis. Ces assertions
opposées entraînèrent, suivant l'usage de ce temps, des
démentis, des défis, et même, dans une conférence. Don
Bérenger d'Oms faillit en venir aux mains avec les envoyés
du Roi d'Aragon : il n'y eut pas cependant de combat.
Jacques, ne comptant pas assez sur la loyauté de Pierre
pour permettre aux siens de l'accepter, se retira à Mar-
torell, et ne tarda point à quitter cette ville, avec tout son
monde, pour se rendre en Cerdagne, où l'appelaient ses
partisans, qui lui livrèrent Puycerda ; mais il ne put pousser
plus loin ses avantages. Outre les places dont nous avons
fiarié, Pierre occupait par des garnisons Llivia, Bellver,
La Roca, Castelnou , et en général toutes les forteresses
des deux. Comtés. D'ailleurs, ses dispositions étaient si
bien entendues, et il prit des mesures si promptes, qu'étant
sorti de Puycerda pour surprendre Villefranche, Jacques
échoua dans son projet ; et , trouvant , k son retour, le
parti aragonais maître de la ville, il fut obligé de se ré-
fbgier, dans l'état le plus déplorable, à Ax, et de Ik à Foix.
Il y fut bien reçu par le Comte, dont la générosité lui fournit
l'argent nécessaire pour se rendre k Montpellier avec ses
gens. Cette échauffourée fut encore plus funeste à ceux qui
l'avaient favorisée. Guillaume de Déliera, envoyé k Puycerda
par le Roi d'Aragon pour les ch&tier, fit décapiter Huguet
de Alcina, Arnaud de Pallarols, et quatorze autres, malheu-
reuses victimes de leur fidélité. Nous ferons connaitre dans
la suite, les tentatives des princes majorcains pour reeont-
quérir les Etats dont on lés avait dépouillés. Comme elles
furent toutes infructueuses, nous avons cru devoir tei*^
miner k cette année 1344 l'histoire des Rois de Majorque. «54
230 HISTOIRE DU IMHJ88ILL01I.
CHAPITRE XL
OBSWVMlOm SV3K lA HUlllillE tPOQW.
Jacques-lo-Conquérant, en créant ce royinme pow en
fiiire l'apanage de son second fils, avah pintAt mm IIm-
tinct ateugle de la tendresse paterndte , que les a^gas
conseils d'une politique éclairée. Nous a?ons ¥a qMie
source intarissable de dissensions il atait légvé k tes
descendants , par une disposition qui fiûsait dédmr h
Monarchie aragonaise de ce haut d^[ré de poistaiiee, oi
sa valeur l'avait élevée durant le cours d'un long
Composé de provinces sans aucune liaison entr'eUctt 61
avaient vu avec peine leur séparation, le nouveau
ne pouvait offrir ii ses Souverains les moyens de
ter aux entreprises des princes de la branche ataiée. La
traité de 1570, arraché it la iaiblesse du Roi deJAgor-
que, devait empirer sa position, en donnant as
verain d'Aragon des droits dont il pouvait aisément
D'autre part, les Seigneurs et les villes de la Cerdagne, éà
Roussillon et des Iles Baléares, n'ayant plus le droit d*4
trée aux États de Catalogne, se trouvaient privés de
influence dans le gouvernement du paj-s, et se voyait
avec peine soumis au pouvoir à fieu près illimité de lev
Souverain. On doit rependant convenir que ces princes
CHAPITRE ONZIÈME. 231
n'abusèrent pas de leur autorité. Leur résidence presque
habituelle au château de Perpignan, fut très avantageuse
i cette ville et k la province. La construction des canaux
d'irrigation de Finistret, Prades, Mosset, Rivesaltes, Tau-
tavel, etc., prouve assez que, sous le gouvemement des
trois Rois de Majorque, pendant une période de soixante-
huit ans, l'agriculture fit de notables progrès. On voit aussi,
en 1542, de grands travaux entrepris pour remettre ou
contenir le Tech dans son lit, au sud de la ville d'Elne.
Le 4 des ides de septembre 1505, Jacques I^ de Majorque,
donna, à Perpignan, une ordonnance très sage pour la
conservation des forêts du Roussillon et de la Cerdagne,
ordonnance qui servit de modèle à celles que ses suc-
cesseurs firent pour le même objet. Les progrès de l'in-
dustrie et du commerce ne furent pas moins sensibles
que ceux de t'agrieulture : on comptait à Perpignan,
en 1532, trois cent quarante-neuf maîtres fabricants de
drap, occupant un ou plusieurs métiers (Bosch). D'autres
communes : Thuir, Céret, Millas, Elne, Prats-de-Mollô,
VîUefiranche^ GoUioure, fabriquaient des étoffes de laine.
NoB fi>rges donnaient aussi du fer d'excellente qualité.
Les marchandises étaient exportées en différents pays, par
mer et par terre. En 1529 , on trouve une commission de
cinquante-trois pièces de drap livrées pour être exportées.
iConstantinople. Les minutes des notaires de cette ^oqu&
aoas offrent une multitude d'actes d'associations commer-
ciales. Tantôt , on s'associe pour une seule expédition ;
tantdl, on forme une compagnie qui d(Mt durer un temps li-
BiHé. Quelquefois, l'une des parties contractantes se charge
des marchandises ou de l'argent des autres , s'obligeant
à aller vendre les premières dans des parages déterminés,
ou a employer l'autre dans tel ou tel genre de spéculation,
moyennant que le quart du profit fait par ses négociations
>.^
â3:2 HISTOIRE DU ROCJSSILLON.
lui restera. De cette manière, tout le monde, jnsqn'au
Seigneurs de la Cour des Rois de Majorque, praïak om
part directe ou indirecte au commerce du pays. A celle
époque, les grandes affaires de négoce se eonduaient
principalement dans les foires. Perpignan en avait den :
la foire du mois d'août et celle du second dimanche de
Carême; elles étaient très fréquentées, puisqu'on voit le
7 des calendes d'octobre 1286, louer cent quinze sols
melgoriens , une chambre et un très modesle inagwhi
( wii soiid) , pour les deux foires de l'année sunniile.
(Arch. du Damaùie,)
Nous parlerons, dans un autre chapitre, des Irtvam cb-
trepris par ces princes pour agrandir, fortifier et embellir
Perpignan. Les principales sources de leurs revenue éliieHl
leur domaine particulier, les droits d'amortissement, le giÉi
qu'ils Élisaient sur la Gadirication de la monnaie, dont lepoMi
et le titre devaient être sur le pied de celle de Baicdmie«
quoique dans les actes de ce temps, les sommes soient aov-
vent désignées en livres et sols de Melgueil, dont le rappeil
il la livre et au sol de tem était comme 1 .246 est h 1 .000.
On doit encore compter dans le revenu de ces princes :
les amendes, les confiscations, les droits imposés wm
rentrée, la sortie ou le transport des marchandises. Les
bureaux où on les percevait» appelés Leudes, étaient éin»
blis dans les ports de mer et sur les routes, il v avail
des leudes k CoUioure, au Bolo, à Eslagel, à Sslses, h
Kormiguères, au Vemet, à Taxo-d'Avall , à PeqMgnan,
à Saint- Félin -dAvall, à Rivesaltes. Les marchandises
t|u*il était permis d exporter du Royaume payaient émq
tieniers par livre à rextréme frontière jusqu'en 1321, oi
re droit fut nkiuil à quatre deniers. On pouvait fiûre cn>
irer le nnmémire en i.alalogue par lUtlIioure ou le Boln«
sans > rien \và\er jus«|u a cent libres de Rarcdone; ponr
CHAPITRE ONZIÈME. :i33
les sommes plus fortes, on payait une maille ou demi-
denier par livre. Jacques-ie-Conquérant, par ordonnance
du 3 des nones de mai 1267, avait défendu, sous peine
de soixante sols d'amende , de faire sortir par un autre
lieu qu'Estagel, où l'on payait la leude, les marchandises
destinées à Saint-Paul , Alet, Limoux , etc. Cette ordon-
nance était encore en vigueur en 1522. Par ordonnance
de Jacques I^f de Majorque, les habitants des villages
français voisins, pouvaient entrer et sortir par Salses sans
payer la leude, pourvu qu'ils ne portassent, dans le pre-
mier cas, que du bois, de la chaux ou des vivres, et,
dans le second, du jardinage ou des vivres. Pour donner
une idée du rapport de ces leudes , nous dirons que celle
de CoHioure, certainement la plus considérable de toutes,
fut affermée, en 1542, pour deux ans, au prix de cinq
mille huit cents livres de Barcelone. On ne garantissait
au iermier que les accidents de guerre contre l'Aragon
et la France , et on se réservait de faire entrer en fran-
chise toutes les marchandises destinées au Roi ou k la
fteine, k la cassette de laquelle cette leude était affectée.
Sons le règne de ces princes, la justice était rendue
par les oflBciers royaux, gouverneurs, viguiers ou baillis,
assistés par des assesseurs pris parmi les gens de loi :
dans ces tribunaux, on suivait le plus souvent la coutume
de Perpignan. Ces mêmes officiers royaux étaient chargés
de l'administration, de la police et des finances. Cette
période fut, en général, très favorable au développement
<le la liberté. On voit Jacques I«r, en 1295 et 1294;
Sancho, en 1521, accorder des chartes de commune aux
villes de Thuir, CoHioure, Prats-de-Mollô , faveur que
Céret avait déjk obtenue de son Seigneur, le Vicomte de
Casteinou, en 1282, et que La Roca obtint, vers 1506, du
Umte d'Ampurias. Il est probable que plusieurs villages,
234 HISTOIRB DU BOUMILLON.
OÙ ToQ voit des Consuls pour la première fois fen cette
époque (Torreilles, Pia, Booipas, etc. ) datent leur afta^
ehissement du règne de ces Rois. On trouve aussi ptosieors
chartes où ils abolissent certains droits odieux, eonnas
sons le nom de mauvais usages, auxquels étaient Miunis
quelques*uns de leurs vassaux.
Ces princes entretenaient fort peu de troupes rëgléee,
composées en grande partie d'aventuriers français : oatre
leur garde particulière, elles fournissaient les gamiamis des
chftteaux de Perpignan, Collioure, La Roca, et des uirts
forts. En cas de guerre, tout citoyen était soldai : le Noble
combattait ii cheval ; le reste marchait sous les ordres des
Vigniers et autres officiers royaux. Lorsque le Roi mettait
une flotte en mer, les équipages étaient fournis per les
vassaux du Vicomte de Canet, et par les habitants de
CoUioure et d'Argelès. I>é|>endant directement du Souve-
rain, ils marchaient sous les ordres du Viguier du Rous-
sillon, chargé de leur donner à tous leur ration de psin
et d'eau (Rigaud). L'an 1554, la ville de Perpignan anna
cinq galères contre les Génois, sous le commandemeol du
Perpignanais Bérenger de Comella; car on trouve dsus
les papiers du notaire Imbert, sous la date du 6 des nones
de mars 1555, une déclaration des deux Clavaires de Per^
pignan chargés, en cette qualité, d'examiner les comptes
de Jean Mir-Parens, commis par les Consuls pour solder
les dé|>enses de cet armement, fait l'année préeédenie.
Ils y reconnaissent que le comptable leur a donné uu
compte lidèle des quatre mille cinq cent soixante-quime
livres, trois sols, trois deniers de tern, qu'il avait reçus k
cet eflet. Ix* commandant de ces galères avait été nommé
|)ar les Consuls de Perpignan , en vertu de rordonnance
rendue à Majorque lo 7 des calendes de novembre ISSU
|»ar le roi Jacques 11, ii la solliritaticm de ces magistrats.
CHAPITRB ONZIÈME. 235
Ce commandant, après sa nomination , devait prêter ser-
ment de se conformer en tout aux conventions Csiites entre
le Roi de Bfajorqne , la ville de Perpignan et le Roi d'Ara-
gon ; il avait aussi à s'entendre avec eux pour ses appoin-
tements. Réuni à la flotte majorcaine, il devait, quant aux
opérations militaires, obéir à l'officier qui la commandait;
mais il avait le droit d'être appelé au consdi, et il était
parfaitement indépendant, quant à la police particulière
de» galères roussillonnaises.
La canne de Montpellier se trouve usitée en Roussillon,
comme mesure de longueur, dès la fin du Im^ siècle ; elle
s'y était probablement introduite depuis que ces deux sei*
gnenries ai^mrtenaient au méitie prince : sa longueur est à
peaprès de i mètre 89. Elle servit k déterminer l'ayminate,
mesure de superficie, ordinairement rectangle de cinquante
eamnes de long sur trente de large. Nous la trouvons men-
tiomiée pour la première fois en i327. Elle est désignée
«ous k nom de denierata ou ayminata. Elle avait sans
doute emprunté ce dernier nom k Vaymine, mesure de
grains , qui parait avoir varié , soit dans sa contenance ,
6oit dans ses divisions ; <»ur, le 4 des calendes de février
1286, les Consuls de Perpignan, en présence du Railli
et d'un nombreux conseil de prud'hommes, statuent que
l'aymine sera de huit demi-cartons, mesure du Temple;
chaque demi-carton , de six cosses, et qu'on donnera un
surplus de quatre cosses par aymine. Or, on la trouve
toujours, dans le xv® siècle, de neuf mesures de Perpi-
gnan ; et, dans le xyi®, elle a dix mesures et se confond
avec la charge. La liêue fut fixée à deux mille cinq cents
cannes, k peu près l'étendue de cinq kilomètres, comme
on estime maintenant la lieue du pays.
La province était beaucoup plus boisée qu'elle ne l'est
aujourd'hui : nous citerons un fait qui prouve l'existence
236 HISTOIRB DU ROUSSILLON.
d'une forêt considérable à Périllôs , auprès d'Opol. Les
habitants de Perpignan prétendaient avoir le droit de cou*
per et de prendre du bois dans cette forêt; les Seignears
de Périllôs soutenaient le contraire ; les deux parties ayant
pris pour arbitre le roi Jacques l^^ de Majorque, convinrent,
la veille des calendes de novembre i296, que les habitants
de Perpignan pourraient, en payant un denier par chnge
de cheval ou de mulet, et un-demi denier par charge d'Ane,
prendre du bois dans un quartier déterminé, en suivant on
chemin désigné, pour le porter dans la plaine do Rons-
sillon. Le Seigneur s'interdit la faculté d'en vendre au
Français, celle d'établir des verreries, des fours ii chanx,
des forges et des fabriques de savon ; se réservant la venta
des pacages, celle des bois pour la construction des navires,
et le droit d'affouage pour les habitants de Périllôs et ponr
tous autres à qui il l'aurait accordé précédemment.
La grande fabrication de draps avait engagé ii cultiver
les chardons propres au peignage, et les plantes tinetoria-
les, telles que le pastel, la garance et la gaude. Il en résulta
une contestation entre les propriétaires et les décimatevs:
elle fut terminée sous révc<|uo Ilatlle, qui occupa le siège
d'Elne de 1317 a 13ô2, par un jugement arbitral, qm
décida que la dime serait de */,, de ces denrées lii où elle
était de Vio po^^r le blé; de V/,g, là où elle était de Vtt
pour le blé; et que, lorsque le taux de celle-ci serait exprimé
|)ar une autre fraction , on ajouterait deux unités k son
dénominateur., |K)ur avoir le taux de la dime pour ees
nouvelles cultures. L'accroissement du commerce et de
la navigation dut attirer l'attention du (iouvernement sur
nos |H)rts. On trouve, en effet, un règlement do 1^ sep-
tembre 131K, fait par le roi Sanrho, sur la police k ob-
scner dans le port de (lollioure, et celui de Port-Vendres
considéré romine unr ainiexe du premier. Il y établit on
CHAPITRE ONZIÈME. 237
garde, aux appoinlements de quatorze livres par an , qu'il
chargea de Texéeution de son ordonnance.
On espérait trouver a Sahorre du minerai d'argent ou
de plomb argentifère; car on connaît deux permissions
accordées, l'une en 1520, l'autre en 1521, par le roi
Sancho , pour y rechercher ce minerai , en profitant des
travaux précédemment entrepris.
L'inquisition fut probablement introduite en Roussillon
à la suite de la guerre des Albigeois, et peut-être seule-
ment après 1245, année où les Dominicains établirent
un couvent de leur Ordre à Perpignan ^ Ce qu'il y a de
certain, c'est qu'elle y existait en 1525; que les inqui-
siteurs étaient alors des Jacobins; qu'on enfermait les
prévenus d'hérésie dans une prison appelée la Murada.
\je% documents auxquels nous devons la connaissance de
ees faits, nous apprennent aussi que ce terrible tribunal
n'avait pas encore adopté le mode rigoureux de procéder
qui l'a rendu si odieux; car l'un est relatif h un détenu
•qui rentre dans la prison, dont il était sorti pendant un
mois pour raison de santé ; l'autre concerne un prisonnier
à qui l'on ôle ses fers, moyennant une consignation de
«eize livres de Barcelone, qui seront confisquées au profit
^u Roi , s'il abuse de cette faveur pour s'écliapper.
t Qaoiqii'il y ait en dès inqniuleurs dès la fin da xn* sitele, l'inqiaitition ne fbt léellenfnt
con»titoé€, que lorsqu'cn i233 , Inuocenl III en chargea les Frères Prêcheurs dans tontes les
ailles du ITidi de la France où ils avaient des couvents.
238 HISTOIRB DU ROUSSILLON.
CHAPITRE XII.
NEVTlfeHB tPOQIII.
hZ K0\3SS\LL0N GOllVflKNÊ V^^Z SECOllDÎ. VOIS
PAR LZS ROIS D\KAG01(.
Pierre avait le plus grand iniérét à s'assurer de Perpi-
gnan. Cette ville, la plus importante du pays, renfemuôl
encore beaucoup de partisans du Roi dépouillé. L'Ara-
gonais s'y rendit le 50 novembre : il y reçut le Vicomte de
Narbonne, les ambassadeurs du Pape, un envoyé da Rti
de Grenade, et plusieurs autres personnages distiiigiiét*
45U. Le 23 décembre 1544, voulant imposer k ses noavwm
sujets en se montrant à eux dans toute la pompe d'm
Souverain, il sortit du château, k cheval, accompagné
des Seigneurs de sa Cour et des Consuls, tous h pied,
pour parcourir les rues de la cité ; mais une finie averse
obligea le cortège k rentrer k la h&te. Le Roi chercha
k se dédommager de ce contre-temps, en offrant au Sei-
gneurs étrangers qui l'entouraient, le spectacle des joèiea
et des tournois. Cependant, Jacques de Majorque agimaK
beaucoup auprès du Saint-Père pour obtenir, par son inter^
vention, qu'on lui restituât ses États, et, pour sa femme,
la permission de venir le rejoindre, comme elle en avait le
dt'sir; le IW\ do Franco semblait aussi s'intéresser h ce
CHAPITRE DOUZliUB. 239
malheureux prince. Pierre n'était pas homme à céder sur
le premier article. Il crut ne pas devoir refuser le second
au Pape, dont il avait obtenu tout ce qu'il avait demandé;
mai&y pour que sa sœur ne traversât pas le Roussillon , il
fit armer k Collioure des galères qui , ayant été la prendre
au port de LIança, la débarquèrent à Leucate. Le Nonce
fut la recevoir, et la conduisit k Montpellier, où elle mourut
en i346. Cette précaution n'était peutrétre pas inutile; car
il se tramait une conspiration pour rendre Majorque à son
Roi, et se défaire, a Perpignan, de celui d'Aragon. Le
complot était-il réel? ou bien était-ce une invention de
Pierre? L'histoire, à la vérité, offre souvent des conspi-
rations dans les premières années d'un nouveau gouver-
nanient; mais ces complots, réels lorsqu'ils sont dirigés
caotre des princes faibles et inhabiles, sont ordinairement
supposés par des usurpateurs adroits, et Pierre doit être
nMÈgé dans cette dernière catégorie. Contentons-nous de
raf^mrler les Ëiits, tels que les écrits du temps nous les
ont transmis. Ils disent que, vers la fin d'octobre 1346, 4546.
une femme découvrit au Roi que son mari était instruit
du projet formé de le tuer d'un coup de flèche, lorsqu'il
^e promènerait dans les rues de la ville. Les scélérats
chargés de commettre ce crime, se retiraient chez un
certain François de Caldés; on devait, en même temps,
^'emparer de plusieurs forteresses, et entr'autres du châ-
teau de Perpignan, dont on s'était procuré de fausses clefs.
I^ierre fit arrêter ceux qu'on accusait d'avoir pris part
k cette conspiration. Les principaux étaient: François
d'Oms , Jean de Saint-Jean , Richelm de Vemet , Guillot
de Claira, etc., qu'on envoya k Barcelone, où ils furent
enfermés au Château -Neuf, et quelques-uns payèrent de
leur tête le crime, vrai on supposé. Dans le mois de
septembre de cette année, le Roi d'Aragon avait reçu, k
340 HISTOIRB DU ROUSSILLON.
Perpignan , des ambassadeurs de Venise, envoyés poor j
faire ratifier le traité d'alliance conclu par cette HépttUiqw
avec Don Guillaume de Cerveillon, gouvemeor de 111e ëe
Sardaigne. Il fut rappelé, quelque temps après, dans
anciens États, k cause des troubles qui s'y étaieDi
Jacques, voulant profiter de ces circonstances GivofiUes»
se présente avec quelques galères, soutenues par OM folle
française, devant l'Ile de Majorque, qu'il espérait hin sou-
lever en sa iaveur. N'ayant pas réussi, il assemble le phe
de troupes qu'il peut; entre en Roussillon du côté de Vinca,
s'empare de cette place, de Villefranche et de presfw
le Gonflent. Arnaud d'Ëril, gouverneur du Rotissilkwi»
attendre les renforts que Pierre s'occupe à réunir
Figuères, marche sur Vinça, qu'il attaque prédpit
Il est repoussé ; mais la garnison , fort maltrailée
combat, se retire la nuit suivante. Éril profite de ee
vement pour pénétrer dans la ville, et y faire un
carnage des troupes de Jacques. Une colonne <|iii sV
pait par la porte de la Tet, perdit beaucoup de
noyé dans cette rivière , grossie par une très fiMe
Le reste de la garnison se défendit dans Téglise; f IM
forcée, et il ne s'en serait pas sauvé un seul lieiMie, ei
l'attrait du pillage n'avait détourné les vainqMiini
poursuite des fuyards. Après ce succès, Éril aiafck
Codalet ; le Roi de Msyorque , sorti du chàlsta d*i
pour lui livrer bataille, change tout-à-coup de étmàm €l
fiût une pointe vers Puycerda. Gette opératkMi, doM le lé^
sultat immédiat fut de livrer Godalet» MarqeiiaMS el A»»
des aux Aragonais, ne produisit aucen eliel en fffwltg>a
Jacques revint dans le Gonflent^ où il pilla ViHefinMidie« et
se retira de Ui en France, laissant des gamisoiis k Afrift»
Puyvalador, et dans quelques autres châteaux. A le
velle du combat de Viuça, le Roi dWragon %*Mà
CHAPITRE DOUZIÈME. 241
par Saint-Jean-Pla-de-Corts, sur Thuir, à la tête de quatre-
vingts cavaliers. Cette marche contribua sans doute à
décider la retraite précipitée du Roi de Majorque : il était
temps , en effet, qu'il l'effectuât. Pierre s'avança jusqu'à
Sainl-Michel-de-Cuxa , où il s'arrêta huit jours; et, après
avoir repris tous les châteaux , hors celui d' Arria , il se
rendit k Perpignan vers la fin de juin 1547. Il y séjourna 4547.
environ un mois, occupé à rétablir l'ordre dans le pays.
Le Sénéchal de Carcassonne vint l'y trouver de la part
du Roi de France , pour lui donner des explications au
sujet des plaintes portées par Pierre à ce SouTcrain, sur
ce qu'étant en paix avec lui , il souffrait que ses sujets
fournissent des secours aux ennemis de l' Aragon.
Le peu de succès de sa dernière entreprise n'avait pas
découragé le Roi de Majorque. Ayant vendu pour cent
vingt mille écus la Seigneurie de Montpellier à Philippe-
de-Valois, il équipa en Provence, où il était favorisé par
la reine Jeanne de Naples, une flotte de quatorze galères
et de plusieurs autres grands vaisseaux. Ayant embarqué
trois mille hommes de pied et quatorze cents chevaux,
il descendit au commencement de juin 1549 dans l'ile
de Majorque. Gilabert de Centelles en était Gouverneur
pour le Roi d'Aragon, et recevait, presque dans le même
temps, un secours envoyé par son maître. Après divers
mouvements et quelques combats insignifiants , les deux
armées en vinrent k une bataille générale le 25 octobre.
Le Roi la perdit : tout son monde fut tué ou pris; il y
périt lui-même , après avoir fait des prodiges de valeur.
Son fils , nommé Jacques , n'ayant que treize ans , avait
absolument voulu combattre k ses côtés ; il fut blessé au
visage, et tomba au pouvoir des Aragonais. On l'enferma
d'abord dans le château de Xativa, et ensuite dans le petit
palais de Ilarcelone. Pierre fil porter à Valence le corps du
16
242 HISTOIRB DU ROUSSILLON.
RoideMajorque. On l'enterra dans lechœurdeiicatliédnle.
Par la mort de ce prince et la captivité de son fib, le Roi
d'Aragon, se trouvant paisible possesseur de leurs États,
résolut de réclamer, auprès du Roi de France, les droits
qui lui compétaient sur Montpellier, Cariai et Onélas,
dont il prétendait que la vente faite par Jacques ëc«t
nulle. Il lui envoya, à cet effet, Pierre de FeDOuillet,
vicomte d'Ille. Ce chevalier roussillonnais, très distÎBgsé
par son courage et sa prudence, avait lui-même des
réclamations k faire à la Cour de France , au sujet de h
Vicomte de Fenouillèdes. Durant la guerre des Allngeois,
cette terre avait été confisquée sur sa famille, qui s'étsbiil
alors en Roussillon , et y acquit, par un mariage, b
Vicomte d'Ille , k laquelle sa mère ajouta celle de G»<-
net dont elle était héritière. Il ne réussit point, ea ce
qui le concernait; et, quant à la négociation ddH il
était chargé , elle ne fut terminée que Tannée smvaate «
par les plénipotentiaires des deux Couronnes, remis il
Perpignan. La vente fut déclarée bonne et valable;
on convint que la partie du prix non soldée, serait
au Roi d'Aragon , toutefois avec le consentement de 11a-
fant de Majorque.
Éléonore, femme de Pierre IV, lui ayant donné im ib
4550. le 27 décembre i5ii0, le Roi appela k Rarcelone les Sfs-
dics des villes royales du Roussillon, pour leur fiûre prêter
serment de fidélité à cet enfant, son héritier présomptif
Les Syndics de Thuir, s'étant rendus au palais le 4
135t, observèrent que le jeune prince n'étant qœ
sa quatrième année, ils ne devaient faire le serment q«'<
leur demandait, que lorsque le Roi , comme tuteur de
fils, leur aurait juré de maintenir leurs privilèges,
que l'union des Comtés à la Catalogne et an Royaow
d'Amfn'fMi. PitTfe adhéra volontiers li leur demande. Ce
CHAPITRE DOUZIÈME. 243
prince venait souvent à Perpignan : il s*y trouvait le 16
décembre 135i, date de Tordre qu'il donna de remplacer
Tère des Augustes par celle de la Nativité y et d'aban-
donner la manière de compter des Romains par calendes^
ides et nones, en indiquant, soit en latin, soit en romance,
le quantième du mois. Cette ordonnance, motivée sur la
conflision introduite dans la chronologie par les divers
modes de dater les actes, fut adoptée par les Certes
tenues dans cette même ville, le i4> mars suivant. Depuis
cette époque. Tannée, au lieu du 25 mars, commença
au 25 décembre.
Nous avons un grand nombre d'ordonnances de ce
prince , soit concernant la ville de Perpignan , soit au su-
jet des affaires du pays. Nous nous contenterons de citer
les deux suivantes, propres à faire connaître son caractère.
Sur une fausse exposition , faite par les tisseurs de laine
de Perpignan , il avait transporté au Puig de Saint-Jacques
le marché de la laine, qui se tenait auparavant à la place
dds Clergues (aujourd'hui place d'Armes). Une réclamation
des Consuls fit révoquer cette ordonnance, qui fut ensuite
renouvelée, lu la demande des tisseurs, appuyée par un
don de cinquante florins. Les Consuls étant revenus k la
charge, le Roi abrogea de nouveau son ordonnance,
s'excusant sur la fragilité humaine, qui ne permet pas k
un homme chargé de tant d'affaires de se souvenir de
tout. Comme il n'est plus question des cinquante florins,
il est permis de croire qu'il oublia de les rendre. Il n'était
pas très délicat sur les moyens de se procurer de l'argent,
comme on pourra en juger par le fait suivant. Son fils Jean
étant Gouverneur des Comtés, le Bailli de Perpignan , se
fondant sur un ancien privilège , avait remis k un criminel
la peine du bannissement, moyennant une composition de
quarante sols. Le Chancelier du jeune prince ordonna au
UH HISTOIRE DU KOUSSILLON.
Bailli de bannir le coupable, en lui restituant les quarante
sols. I^ Roi écrivit h son tils, à la sollicitation, dit-il, dea
Députes de Perpignan , jaloux de conserver ce privilège,
lui ordonnant, toutefois, de maintenir la compoailioD.
fxHnnie il en percevait le montant, il tenait bien plus que
les Députés de la ville au maintien de cet absurde privilège.
La paix de la France avec l'Angleterre laissant les gens
de guerre sans occupation, ils se formèrent en compagnies,
sous la conduite de divers chefs , et pillèrent tous les pavs
où ils purent pénétrer. Tne bande de ces Malandrins (e'est
4561. ainsi qu'on les appelait ) entra dans la province en 1361,
et prit le château du Réart ; mais repoussée par le Conte
d'Ampurias, et craignant l'arrivée du Roi, elle se retira
en brûlant le Mas-Deu , après n'avoir séjourné que hail
jours dans le pays , et s'arn*ta sur la frontière. Pour se
prémunir contre une seconde visite, on plaça au ehlteao
de Perpignan , où se trouvait l'Infant Don Martin avee sa
gouvernante , une garnison fixe , payée deux mois 4'a-
vance; le Kolo fut occupé par Don Bernard d'Oms, et
la grange de Piijol confiée à Don Huguet de Banyuls. Le
premier signifia au (iouvemeur du Roussillon , qo'k moins
de grandes réparations à la place , et de six cents k mille
hommes do garnison, il ne pouvait la défendre comne
son h^mneur ot le service du Roi l'exigeraient. Le second
s'engagea , avec la permission du (iouvemeur, lorsqu'on
n'aurait plus it craindre les compagnies, à rendre sa place
à l'abbaye de Font -Froide, à laquelle elle appartenait,
(les détails nous sont consi'rvés par des actes de notaires,
étranges intermédiaires par lesquels avaient lieu alors les
relations de Tautorité avec ses agents. Nous y voyons
aussi qu'on ne craignait plus rien en octobre I3M2,
«*pnqiir oit le ronimaiMlanl d'Kliio mu'ii sa place au Gou-
veriHMir du HmissillMii.
CHAPITRE DOUZIÈME. 245
L'Infant de Majorque était gardé dans le Château-Neuf
€}e Barcelone avec tant de soin et de rigueur , que ses
S€dliers ne le quittaient qu'en renfermant dans une cage
^ fer. Malgré ces précautions, le i^i* mai i362, ses amis
s'introduisirent dans sa prison, au moyen de fausses clefs,
que leur procura Jacques de Saint-Clément, grand-chantre
de la cathédrale; ils égorgèrent Nicolas Rovira, chargé de
le garder ce jour-là, et firent évader, à minuit, et partir
po«r Naples le prince prisonnier. Il s'y maria avec la reine
Jeanne, veuve depuis peu. Cette évasion inspira de grandes
raquîétudes au Roi d'Aragon, qui, ayant déjà sur les bras
les Roisde Castille et de Navarre, chercha partout des alliés.
Aussi, le voit^n conclure, k Perpignan, le 25 septembre
1362, un traité avec Ayméri, vicomte de Narbonne ,
d'après lequel il lui assure une pension de mille sols
barcelonais, assignée sur les revenus du Vallespir: ils
y conviennent de se secourir mutudiement , le Roi avec
cent chevaliers entretenus à ses frais, le Vicomte avec
▼ingt^cinq glaives en Roussillon et en Cerdagne, et avec
cent partout ailleurs. Le Roi devait payer ce secours, h
raison de vingt florins par mois et par glaive. Le 12 juillet
précédent, la Reine d'Aragon avait mis au monde, a Per- 4362,
pîgnan, un enfant, qui reçut le nom d'Alphonse et mourut
en bas-âge.
Peu de princes ont été aussi ocxjupés que Pierre IV a
comprimer les révoltes de ses sujets, à exciter des troubles
chez ses voisins, ou à négocier avec eux. Le détail de ces
intrigues est étranger à notre objet; mais nous ne pouvons
nous empêcher de dire un mot d'un Roussillonnaîs , que
ses grands talents firent employer pendant vingt ans dans
toutes ces négociations. François de Périllos, vicomte de
Roda, était fils de Raymond, dont nous avons parlé sous le
rè^e de Sancho. Il passait à la fois pour un marin habile
346 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
et pour un intrépide chevalier. Pierre se l'attacha , ea le
nommant son Chambellan : il l'employa, de 1356 à ISTS,
a traiter avec les Rois de France, de Castille et d'Angle-
terre. Revenant en i373 de cette dernière miflak», qoî
avait pour but de négocier un traité d'alliance avec le Dm
de Lancastre, prétendant k la Couronne de CastiUe, Q fiu
arrêté sur les côtes de Grenade, où le Roi le retkii« ce
représailles de ce qu'un de ses vaisseaox avait été captnié
par les Aragonais sur la côte d'Afrique. Il avait reeowié
sa liberté en i375, puisque, se trouvant alors k Barcdone,
il accusa devant toute la CourD. Juan Ramirésde ArellaM,
seigneur castillan, d'avoir excité Jacques de MiyorqM h
faire la guerre au Roi d'Aragon, et offrit de soulenir eoii
assertion les armes a la main. Le défi fut accepté; le Roi ttut
le jour du combat, qui n'eut cependant pas lieu , parce que
Pierre, se rendant, quoiqu'k regret, k l'avis de ses cooteîl*
1ers , intimidés par tes menaces du Roi de Castille , ne le
permit pas, et reconnut Arellano incapable d'une pareille
action. Périllos, indigné d'avoir été ainsi abandoBué par
le Roi, renonça probablement k son service, du moÎM
on ne le voit plus employé ; et dans les Cortés de Toi^
tose, en 1383, il figure panni les Seigneurs refusant le
subside demandé pour la guerre de Sardaigne, déaip*
prouvée par les Catalans. Il fut un de ceux qu'on expulsa.
de l'assemblée, ou cette violence excita de grands troiH
blés (ZuKiTA, Ferreras).
Parmi les nombreux traités conclus par Pierre IV , an
13(m. seul, celui du 0 octobre 1363, par lequel il se Ue avec
Henri de Transtamarre contre Pierre -le -Cruel, rcM de
Castille, a quelque rapport avec l'histoire du RoussiDoo.
Il y fut convenu que ces princes se donneraient rédpro*
(|uenieiit des otages; que ceux du Roi seraient gardés
«lans le château cfOitol |>ar un oHicior du Comte, et
GH;4PlTftE DOUZIÈME. 247
de ce dernier, au château de Tautavel, sous la garde d'un
officier aragonais. Les compagnies de Uouiiers français
et anglais, qui devaient former l'armée de Transtamarre,
s» 'approchèrent de nos frontières, se logeant partout où
elles pouvaient. L'une d'elles s'empara , en 1564 , du
ohâteau de Tarrerach, dont on ne put la chasser que vers
la fin de 1365, au moyen de deux machines de guerre
appartenant k la ville de Perpignan, qu'elle fit réparer et
transporter à ses frais , pour être employées à ce siège.
Enfin , les principaux chefs de ces aventuriers, vont trou-
ver le Roi d'Aragon à Barcelone; en obtiennent une forte
somme d'argent, et la permission de traverser la province
dans le mois de décembre 1565. A cette nouvelle, les
Consuls de Perpignan s'empressent d'acheter deux cents
aymines de blé , pour fournir des rations à ces hôtes ,
toujours dangereux, surtout lorsqu'ils ne trouvaient pas
fies vivres. Le prix était de trente-trois sols l'aymine , et
s'il n'était pas payé au l^r avril 1566, la ville s'engageait
h vendre le droit d'aide qu'elle percevait sur le vin, et à
employer à solder cette dette, le premier paientient qu'on
lui ferait. Ces compagnies, sous les ordres de Duguesclin,
chassèrent Pierre-le-Cruel de la Castille ; mais, ayant été
Jbattnes à leur tour par le Prince de Galles, Henri dut
se réibgier en France. Ayant formé une nouvelle armée
aux environs du château de Pierrepertuse, il se disposait
en septembre 1567 à suivre la route qu'il avait prise en
1565; mais le Roi d'Aragon, réconcilié avec celui de
Castille, lui fit signifier, par le Gouverneur du Roussillon,
qu'il s'opposerait à son passage, et, pour cette fois, la
province fut délivrée d'une visite fort onéreuse. Plusieurs
quittances exhumées de nos archives prouvent, qu'en
juillet et août 1568, on fit de grandes réparations aux murs 1509,
de la ville, à la porte de VAxugador (entre Saint-Jean et
2i8 HISTOIRE DU ROt'SSILLON.
Saint-Doniilliquc ) , qu'on exhaussa, et aux denuMoim
contiguës k la porte Notre-Dame. On fortifia Tégliae de
ce nom, au faubourg, ainsi que le pont de comunui-
cation avec la ville, peux de ces pièces disent formeUe-
incnt, qu'on exécutait tous ces ouvrages pour « s'opposer
au passage de Duguesclin , dont on était menacé an temps
des vendanges de 1568. » On sait que ce grand ca|Mtaiiie
amenait six cents lances françaises au seoours de Don
Henri de Transtamarre , qu'il joignit peu de temps aient
la bataille de Montiel. Ces documents prouvent que eelte
bataille et la mort de Pierre-le-Cruel, ne peuvent avoir ea
lieu en mars 1368, comme le disent plusieurs auteovs,
4369. et qu'il faut les rapporter à l'an' 1369.
Le Roi titulaire de Majorque, peu satisfait des eoodi-
tiens qu'on lui avait imposées lors de son mariage avec
la Reine de Naples, et humilié de n'être que son siqel,
s'était réfugié à la Cour de Pierre-le-Cruel. Pris en 1368,
dans le château de Calahorra, par Henri de Transtamarre,
il recouvra sa liberté l'année suivante, moyennant une
rançon de soixante mille ducats, payée par sa feaunae,
qui ne put le retenir auprès d'elle. Retiré chez le Coorte
de Foix, il acheta les services de quelques compagnies
d'aventuriers français; et, soutenu par le Roi de Casiille,
il entra en Roussillon en 137i, passa à une lieue de
Perpignan, sans oser lattaquer, et marcha vers le col
de Panissas : mais, éprouvant de la résistance sur ce
point, il changea de direction; pénétra en Catalogiie par
Puycerda, et s*avança jusqu*k llrgel. Son armée ne troa-
vaut aucune s}m|iathie parmi les habitants, qui se réfÎH
giaient sous les places fortes avec leurs bestiaux et
drnrées, ne tarda pas à se fondre par le manque de
•*t la crainte du Roi d\\ragon,qui marchait à sa rencontre
Jacqurs repassa les Pxivnées; reçut des renforts fourni
CBAPIIHB DOUZiiMB. Si9
par le Duc d'Anjou, et rentra dans rAragon par la vallée
du Gallego. Cette seconde tentative ne fut jias plus heu-
reuse que la première. Harcelé par les troupes de Pierre ;
manquant de tout, il se retirait vers la Castille , lorsqu'il
mourut k Soria. Ses troupes rentrèrent en France avec
sa sœur Isabelle.
Cette princesse, encore enfant en 1546, lorsqu'on ren-
voya la Reine de Majorque à son mari, fut probablement
retenue k Barcelone par Pierre IV, son oncle, qui la fit
élever à sa Cour, et la maria, le 4 septembre 1358, k
Jean II Paléologue, marquis de Monferrat, en lui donnant
quarante mille florins d'or. Le Roussillonnais François 4e
Périllos fut chargé de la conduire en Italie, k son mari.
\eum en 1372, elle voulut accompagner son frère dans
sont expédition contre F Aragon. Après la mon de ce
piinoe, héritière de ses droits, elle les vendit le 13 juin
13814 à Louis, duc d'Anjou, frère du Roi de France, et 4381.
jreçolien échange, pour en jouir sa vie durant, la Baronnie
4le Lmel. Pierre, craignant ce nouveau compétiteur. Ta*
«nusa par des négociations , qui auraient été sans doute
terminées par la voie des armes, si le Duc, adopté par
ia hmne de Naples, n'eût été détourné de la poursuite
<le ses prétentions par les aflaires d'Italie. Il s'y rendit, et
mourut auprès de Baïa en 1384. Quant k Isabelle, nous
4a voyons, dès l'année 1382, revendiquer sur le Roi de
France la Baronnie de Montpellier , cet objet n'ayant pas
été compris dans la vente faite par son père de la ville
et de la baillie. Yolande, veuve de ce prince, en avait
joui k titre de douaire ; et , k sa mort , les gens du Roi de
France s'en étaient saisis en l'absence du jeune Jacques
de Majorque. Enfin, le 8 septembre 1395, cette afiaire
Tut entièrement terminée : Isabelle céda tous ses droits
au Roi , moyennant une pension viagère de douze cents
250 HISTOIRE DU ROU88ILLON.
franc8 d'or, et une somme de cinq mille francs d'or,
une fois payée.
La tranquillité du Roussillon semblait devoir être uan-
rée par la mort du Duc d'Anjou : elle fut cependant lor
le point d'être troublée en 1385. Des troupes firançaiaes
s'étaient réunies à Durban pour marcher au aecouv du
Comte d'Âmpurias, alors en guerre avec le Roi d'Aragon ;
mais elles se laissèrent surprendre par l'Infant Don Jets,
qui, parti de Figuères, à la tête de trois cents chevaoi, les il
prisonnières, et les conduisit à Perpignan. Ce prince, héri-
tier présomptif de la Couronne d'Aragon, parait avoir eiereé
une grande autorité dans la province du vivant de soa
père, qui lui avait donné, par lettres-patentes, datées de
I5G8. Itarcelone le 26 juin 1368, les revenus et droits rayan
du Roussillon et de la Cerdagne, a l'exception d« droit
d'amortissement , et des terres précédemment domiées a
sa mère Éléonore et à sa sœur Constance. Il lui accoidait,
de plus, la faculté de changer tous les officiers royau,
hors le gouverneur et ses assesseurs. Don Jeta avait
exercé dans ce pays un pouvoir fort étendu; car, le 1*^
juillet 1372, il ordonne à ses lieutenants dans les Cob-
tés, aux viguiers, aux officiers royaux et aux siens, de
faire observer les usages du pays, nonobstant les letlKS
surprises a son père, le 4 mars précédent, par rÉvèf|ee
d'Ëlne. Le 30 octobre 1381, il vendit, avec le consen-
tement de son père, la Itaronnie do Montesquio, a^
SCS justices et ses dépendances, ii Ikirthélemi Gasi, auqneB
il engagea, le lendemain, les villes et châteaux de
et du liolo. l'uc lettre de Pierre IV au Commissaire
amortisations des Comtés, datée de Barcelone, le S aoèi
1368, et une quittance de louvrier majeur du canal roj
de PeqHgnan , nous apprennent que, dans cet intervalle
on avait fait h Taqurdur de ce canal une ré|iaration i
CHAPITRE DOUZliMB. 251
tante, qui avait coûté quinze mille sols de Barcelone (Cart.
RoussiU.). Un document fourni par ce même recueil, nous
Tait présumer que c'est en 1369, qu'on éleva les deux
digues qui contiennent l'Agly, depuis Claira jusqu'à la
mer*. Pierre IV mourut à Barcelone le 5 janvier 1387, ^3^7.
après un règne de cinquante-et-un ans. Actif, habile,
courageux, il eut plusieurs des qualités d'un grand Roi;
mais une ambition démesurée le rendit souvent injuste,
perfide et même cruel. Il eut pour successeur son fils
aine, Jean !«', né à Perpignan, le 27 décembre 1350.
Le Roussillon devait encore éprouver sous le règne du
fils une invasion , suite funeste de la révolution opérée par
le père en 1344. Les arrangements qu'Isabelle de Majorque
avait pris au sujet de ses droits sur les États de son père
avec le duc Louis I^ d'Anjou , ayant été annulés par la .
mort de ce dernier, elle les vendit au Comte d'Armagnac, i
Bernard, firère de ce Comte, rassembla une armée de dix-
huit mille hommes, composée d'aventuriers français et an-
glais; entra dans la province vers la fin de décembre 1389,
sons prétexte de revendiquer les droits de son firère ; pé-
nétra même en Catalogne, et mit le siège devant le château
de Bésalu dans le mois de février 1390. Mais Ik se bornè-
rent ses exploits ; car sa conduite ultérieure, fut celle d'un
obef de brigands. Il n'osa point attendre le Roi s'avançant
|M>ur lui livrer bataille, et se retira k travers le Roussillon,
Y.oQJours poursuivi par Jean, qui s'arrêta a Perpignan jus-
«^u'au commencement de mai. A peine ce prince était-il de
t Les taritoires ritenins de l'Agly dtns la Saltnqne , éuieot oonstamment inondés ptf
«^c^iie ririèn. Pierre IV ordonna, en 1960. une visite générale des lieux, pour aTÎser aox
t^ r-iTau i foire . afin de donner un libre coors anx eaax et en délivrer les terres. Noos appre-
■>«as ces teits par une lettre de rinftmte' Jeanne anx Consnls de Claira et de Saint-
^i-^avcnt , où elle leur ordonne de payer hait sols de tem par joor, tant que dniera cett^
"*^i:*ile, à OD prêtre très expert dans ces matières, qu'elle y envoie pour veiller anx intérêts
*3^t^ coaunnnes , qui faisaient partie de son domaine particolicr.
2ô'2 HISTOIRB DU ROUSSILLON.
retour k Girone, que quelques-unes des compagnies qn'H
venait de chasser de ses États , tombèrent h Fimprofiste
sur Forsa-Real, qu'elles tentèrent en vain d'escaltder.
Elles cherchèrent, également sans y réussir, h s'empirer
par trahison de Mosset et de quelques autres lieux. Une
autre bande de ces aventuriers, ayant passé, au moyes de
quelques bateaux, dans l'île de l'étang de Salses, esatya
de surprendre le château de ce nom et celui de Saint-
Hippolyte. Gelabert de Érailles, gouverneur desOimtés«
résolut de ch&tier ces maraudeurs, en surprenant un de
leurs capitaines dans le ch&teau de Fraisse, dont il était
Seigneur. Le capitaine se sauva ; mais le chiteaa et le
village furent brûlés. Il attaqua , ensuite , les Seigneon
de Camps et de Cascastel. Cette expédition ne prodnisit
pas de grands résultats; car, peu de temps après, cinq
cents hommes de ces compagnies, sous les ordres du
Seigneur de Fraisse, de son frère et d'autres gentils-
hommes des Corbières et du Narbonnais, pénétrèrent
jusqu'au pont de Perpignan. Gelabert de Érailles les Ibrca
à la retraite; les poursuivit jusqu'à Rasiguières, oè ces
pillards se réfugièrent; mais, ayant voulu les y atlaqner,
il fut repoussé avec perte , quoiqu'il eût été renforcé par
les garnisons de Baixas et de Rivesaltes. Dans ane dépê-
che, adressée le 27 janvier 1500 au Gouvemenr des
Comtés, le Roi défendait à ses sujets, durant tout le conrs
de cette guerre, de traiter de rançon avec aucnn de
prisonniers faits sur ces brigands : il leur permet de
vendre à d*autres habitants de ses terres, qui se
gent de les garder jusqu'à la paix.
Le règne de Jean I^c n'offre aucun autre évènemen
qui intéresse la province. Ce Roi aimait prodigieni
la chasse : avant voulu prendre ce divertissement dans
fonM de Foxa, il tomba de cheval, ot mourut, de relte^
CHAPITIiB DOUZIÈMB. 253
chute, le 19 mai 1596. Il ne laissait que deux filles : la ^^^
première, née de son mariage avec Marthe d'Ârmagnae,
avait épousé, en 1392, Matthieu, comte de Foix; la se-
conde, fille d'Yolande de Bar, fut mariée, en 14Q0, avec
Louis II , duc d'Anjou , roi titulaire de Naples. Il avait
réglé, par son testament, qu'à défaut d'enfants mâles,
son firère Don Martin , duc de Montblanc, serait son suc-
cesseur. Sans être troubadour, comme plusieurs de ses
prédécesseurs, Jean, pour complaire à sa dernière femme,
avait formé k sa Cour une école de gaie science. Il y atti-
rait les poètes , les musiciens ; on ne s'occupait que de
fêtes, de bals, de festins, ce qui n'était pas trop du goût
de la Noblesse d'Aragon, qui trouvait que les plaisirs lui
faisaient négliger les affaires. Il eut le bon esprit de pro-
fiter des remontrances qu'oa lui fit à ce sujet. Généra-
lement aimé, il eut des amis très dévoués. De ce nombre
fut son premier chambellan , le RoussUlonnais Raymond
de Périllos, vicomte de Roda, fils de François de Périllos,
dont il a été question sous le règne précédent. Gaubert
Fabrice de Ragud, moine cistercien et historiographe des
Rois d'Aragon dans le xv^ siècle, raconte que ce Seigneur,
désolé de la niort désastreuse de son maître, et, surtout,
craignant pour soa salut, entreprit le voyage d'Irlande,
poor visiter une caverne connue sous le nom de Purga-
toire de saint Patrice, où l'on s'imaginait qu'on pouvait
s'instruire de l'état des âmes dans l'autre monde. Il y
passa une nuit, et prétendit avoir vu des choses merveil-
leuses. Dans la relation qu'il en publia, il affirma que le
Koi était condamné à de fortes peines, mais qui ne devaient
pas être étemelles. Cette caverne, où le bon chambellan
crut voir de si étrapges choses, est située dans une petite
île du lac de Dearq, sur la frontière du Comté de Fer-
manag, en Ultonie: le Pape la fit fermer en 1497, dans
^54 HISTOIRE DU ROUSSILLOM.
le but de couper court à toutes les superstitioos dont die
était l'objet.
Peu avant la mort du roi Jean , il y avait en qsdqMt
troubles en Cerdagne. Les communes et les ptitieiiliaB
arrosaient leurs terres, depuis un temps immémmal, des
eaux dérivées des rivières , sans autre titre que VuÊÊfjt.
Le Procureur Royal voulut, dans l'intérêt du fisc, les
contraindre k prendre des concessions royales, qoH ftliah
payer. Cette prétention occasionna des mouvements, que
François Batlle , envoyé dans ce pays par le Goovmnenr
de la province en octobre 1395, réussit Si apaiser, en
engageant les habitants à condescendre aux demandes
du Procureur Royal. Une de ces concessions, accOTdée
4395. à la commune de Quérol, est du 15 novembre I3B5.
On en trouve, vers la même époque, quelques anlTCt
accordées k des communes ou à des particuliers.
Yolande de Bar, veuve de Jean I«, mourut le 15 jrin
i431, à Barcelone, où elle avait fixé sa résidenee. La
ville de Collioure lui avait été donnée par son mari. On
trouve un acte passé à Perpignan, le 27 avril 1396, dans
lequel elle permet aux habitants de cette ville, de leeevnir
dans leur port les pirates et les corsaires; de leor Tendre
des vivres, et d'en acheter les marchandises, quelle qne
soit leur origine, pourvu qu'elles ne proviennent pas de
prises faites sur ses sujets.
Matthieu, comte de Foix, mari de la fille atnée de
Jean l«r, prétendit en vain succéder h son bean-père.
Repoussé par les États des trois provinces, il vnnlnt
soutenir ses prétentions par les armes. Les sages me-
sures prises par la Temme de D. Martin, et l'attachement
<les peuples pour le nouveau Roi , firent échouer tontes
ses tentatives. Il mourut sans |K>stérité en 1308 « après
avoir [lenlu toutes los terres qu*il |M>ss«Htait en Catalogne.
CHilPITRE DOUZIÈMB. 355
liC nouveau Roi d'Aragon, comptant sur le dévoûment
de ses sujets , et occupé en Sicile à assurer ce Royaume
a son fils, ne se pressait pas de venir en Catalogne.
Poor hâter son retour, les États lui envoyèrent des Dé-
putés, au nombre desquels était Pierre Grimau de Perpi-
gnan. Martin , avant de monter sur le Trdne, avait épousé
Marie, fille et héritière du Comte de Luna, proéhe parent
de Benoit XIII. Cette alliance le rendit chaud partisan de
ce Pape ; cependant, il fut entièrement étranger it la des-
cente faite en Provence, au mois de janvier 1599, par
des troupes catalanes, sous les ordres de Pierre de Luna.
Une multitude d'actes d'enrôlement et de nolis, faits à
ColUoure (Cart. Roussill.), prouvent que tout se fit au
nom du Pape , dont l'agent principal était son Camérier
Pierre de Çagarriga, Archidiacre de Lérida. Cette expé-
dition manqua son but , qui était de faire lever le blocus
da château d'Avignon, où Benoit s'était fortifié. Mais,
par l'intervention du Roi d'Aragon auprès du Duc d'Or-
léans, Benoit parvint à s'échapper et k se réfugier k Porto-
\enere, dans la rivière de Gènes. B en partit le 16 juin
1^408, après avoir convoqué ce jour même un Concile iAùs.
des Prélats de son obédience k Perpignan. Arrivé le 2
juillet devant Collioure, le vent l'obligea d'entrer k Port-
ITendres. Après avoir séjourné quelques jours k Collioure,
il fit son entrée k Elne le 25 juillet, et le lendemain k
Perpignan. Le Roi de Navarre vint lui rendre visite le
25 août. Ayant fait une promotion de Cardinaux le 22
septembre, le Pape procéda k l'ouverture solennelle du
Concile le l^r novembre, dans l'église de La Real : il
était composé de cent vingt Prélats Espagnols ou du Midi
de la France ; ils furent nombreux jusqu'au 5 décembre,
ou consultés sur ce qu'il fallait faire pour l'union de
l'Église, ils se divisèrent en deux partis. Dix-huit seule-
256 HISTOIRE DU ROL'SSILLON.
ment restèrent avec Benoit, et encore lui conseillèreai-ili,
le i^ février 1409, de travailler de tout son pouvoir à b
réunion , en envoyant des Nonces à son rival Grégmre, el
même k ses propres Cardinaux , assemblés alors à Pite.
Ce conseil , suivi par le Pape, n'eut aucun résultat, parce
que ses envoyés furent arrêtés en France, où il n'élah pas
reconnu. 'Enfin, Benoit, après avoir résidé à PrrpignMi
jusqu'au 10 février, craignant la peste, qui avait cmih
roencé k sévir dans cette ville, se détermina à aller
trouver le Roi k Barcelone.
A la fin d'août 1409, Martin, roi de Sicile, fils oniqae
du Roi d'Aragon, mourut sans laisser d'en&nts légitimes.
Son père, inconsolable de cette perte, mourut luiHiiéaie,
4410. le 21 mai 1410, sans vouloir désigner son suecessev.
Il se présenta cinq prétendants k la Couronne, et la pk»
grande confusion r^a dans toutes les provinces do
Royaume. Il serait hors de propos de raconter ici ^ cooh
ment on parvint k nommer une commission changée de
prononcer entre les cinq compétiteurs. Il nous soflira de
dire qu'elle fut composée de trois Députés de diaoBie
des trois provinces (Aragon, Catalogne et Valence) , et qoe
dans les commissions nommées par les Cortés de la Cata-
logne, soit pour conférer avec celles des autres proviBeta«
soit pour discuter diverses questions préliminaires^ oa voit
toujours figurer quelque Syndic de Perpignan, tels qoe
Pierre Grimau , Guillaume LIobet , Pierre Gaoat ^
Ribesaltes. On trouve aussi dans ces mêmes
sions, parmi les membres de la Noblesse, quelques
roussillonnais , tels que Pierre de Fenouillet, vicoMe
d'Ille et de Canot, désigné comme l'un des priocipooi
liarons de la Catalogne, Iton Bérenger et Don Araaod
d'Oms. Los neuf juges s'assembleront k Cas|)é; et le 14
UI2 juin I lia, ontrainôs |iar sainl Vinront-Forrier, l'un A\
CHAPITRE DOUZIÈME. 257
m Is décidèrent, à la majorité de six contre trois, que Fer-
<]inaDd de Castille était le Roi légitime. Deux Catalans,
^agarriga, archevêque de Tarragone , et le fameux juris-
consulte Yalséca , avaient donné leur voix au Comte
^'Urgel ; le Yalencien Bertrand refusa d^émettre un vote,
|Nrétextant qu'il n'avait pas eu le temps d'approfondir la
^luestion. Elle était certainement difficile à résoudre, dans
^nn pays où aucune loi positive ne réglait la succession à
la couronne. La violence des partisans du Comte d'Urgel,
le plus proche parent du dernier Roi dans la ligne mas-
culine, lui fit le plus grand tort. Les Français eurent
Tair de vouloir soutenir les prétentions du Duc d'Anjou;
et le Maréchal de Boucicaut s'adressa au Vicomte d'Ille,
l'un des plus puissants Seigneurs du pays, et à Raymond
de Çagarriga, gouverneur des Comtés, pour être reçu en
RoussiUon avec les troupes qu'il commandait. Celui-ci fit
part de cette proposition au Parlement de Catalogne, qui
pria la Reine de Naples, mère du Duc, de ne point faire
avancer des troupes ; donna ordre au Vicomte de Périllos,
capitaine-général de la province, de renforcer les garni-
sons, et de prendre toutes les mesures nécessaires contre
une invasion. On fit couper, au pied du château de Per-
pignan, une olivette, qui aurait pu favoriser une surprise.
Ferdinand, plus adroit, mieux servi, se fit demander des
troupes par les États d'Aragon; en inonda le pays; et
l'on ne peut douter que les forces castillanes, son âge,
son mérite personnel, n'aient contribué, plus que les
raisons déduites par ses Ambassadeurs devant les neuf
juges, à faire pencher la balance en faveur de l'Infant
de Castille.
Le nouveau Roi , après avoir réduit le Comte d'Urgel ,
qui ne pouvait se consoler de n'avoir pas obtenu une
couronne qu'il regardait comme son patrimoine, écouta
17
258 UlSTOmfi Mi ROUSSILLON.
les propositions faites par l*enpereur Sigismond, d'unir
leurs efforts pour rendre la paix à l'Église ; niiif M B^y
adhéra qu*avec la ferme résolution de garder to«A kt
ménagements possibles à l'égard de Benoll XIII , dom
l'intenention active avait tant contribué à son élecikiB*
Il ftit d'abord convenu que l'Empereur et le Roi se nr-
raient k Nice ; mais, ce dernier ne pouvant entrqmydn
ce voyage, à cause d'une grave inârmité dont il. 4Mb
affligé, on changea le lieu de l'entrevue^ et on envrint
que Ferdinand se rendrait it Perpignan , et Sigismond k
Narbonne. Benoit , de son côté , devait se trouver
la première de ces deux villes , où le Coudle de
tance, qui avait déjà obtenu l'abdication des deux aoUn
Antipapes , lui envoyait des Députés chargés de Vi
à imiter l'exemple de ses compétiteurs. Ferdinai
que très souffrant, se mit en route, et débarqua à Col-
4 un. lioure, d'où il se rendit ii Perpignan le 51 aoAl 141&
Benoit l'y avait précédé. Suivant Zurita, il avait exigé
que le Roi , les principaux Seigneurs de la Cour, le Gou-
verneur du Roussillon et les Consuls de la ville, loi ga^
rantissent qu'il n'y avait rien à craindre pour la aêrelé
de sa personne ; que son habitation A t au cbftteaiit àtmH
la garnison serait formée par des troupes à lui. Boidi
ne |»arle point de toutes ces précautions; Csût loger le Pipe
aux Cortleliors, et place au château le Roi avec son fils *•
L'Em|>ereur arrivait presque en même temps à Narbonne,
d'où ses Aml»assadcurs et ceux du Concile ne taidèrent
pas à se rendre à Perpignan. Ces derniers proposèrem à
Benoit de renoncer k sa dignité. Il assura être prêt à le
1 II <!•' "ijiBl-MaUt» QiMif j ftni rfimulirr «ne qulUicr de ^unate-Cfliq livfiftA
l»4i^. to «Ulf «lii 7 •trr«-ni!<ri* iïiU. (l'ist ik? ii-|'4i.it.\U> ju i! ^d mh . -iim* IVUt àc la taaiê
hiii- I. 'i' t .X..Ï -îc i|ittii:.M' ,■!.■ I.i. i. jolr /uritJ
CHAPITRE DOlZlàMB. 259
faire , si , lors de lear entrevue, l'Emperetir et le Roi lui
prouvaient que la paix de l'Église serait la suite de cette
^Sémarcbe. Le Roi étant toujours fort incommodé, Sigis-
xnond vint le trouver k Perpignan, le 49" septembre. II y
lîit reçu avec toute la pompe et la magnificence que cette
^îDe pouvait étaler dans ce siècle, pour la réception d'un
siussî grand Souverain, venu de si loin pour un objet
intéressant toute la chrétienté. Outre le Pape, l'Empereur
et le Roi, la capitale du Roussillon renfermait alors dans
ses tnurs, les Ambassadeurs de France, de Castille, de
Navarre, et une multitude de Seigneurs aragonais Ou
étrangers. Quoique l'Empereur ne reconnût pas Benoit
pour Pape, il lui fit la première visite, et ne se rendit
chez le Roi qu'en sortant de chez lui. Benoit évita tou-
jours de répondre d'une manière précise. Sigismond,
peu satisfait, serait reparti sur-le-champ pour Constance,
déterminé k employer, pour éteindre le schi^ne, tous les
moyens possib les , si Ferdinand n'eût réussi , k force de
sollicitations, k le retenir jusqu'au 7 novembre. Il partit, ce
jouf-lk, très mécontent du peu de succès de son voyage.
Il s'arrêta cependant k Narbonne, k la prière du Roi, pour
attendre la réponse de Benoit aux trois sommations de se
démettre, qu'on était convenu de lui faire. Celui-ci , pour
les éviter, partit de Perpignan , sous prétexte qu'il n'y était
pas en sûreté, et s'enfiiit k Peniscola, où il convoqua tous
les Prélats de son obédience. Les sommations lui furent
faites; sa réponse k la troisième arriva le 21 décembre
k Perpignan : comme c'était un refus d'adhérer aux propo-
sitions du Concile, le Roi et tous les Princes qui l'avaient
reconnu jusqu'alors, n'hésitèrent plus k l'abandonner. Saint
Vincent-Ferrier contribua beaucoup, par ses conseils, k les
aifermir dans cette résolution. Ferdinand était fort malade
lorsqu'il prit ce parti ; il avait fait son testament k Perpi-
260 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
gnan^ dès le 10 octobre 1415 : il mourut k Igualada, le
2 avril de Tannée suivante.
Son iils aîné, Alphonse V, lui succéda. Il parut d'aboid
vouloir forcer TAntipape Benoit, résidant k Peniacola^ k
abdiquer; car, dans une ordonnance publiée en aeplei»-
bre 1418, il ordonne à tous ses sujets de sortir de celle
ville, sous peine de la confiscation de leurs iMem; S
défend d'y porter des vivres ou des marchandisea, et
même d'en approcher plus près qu'k dix milles par mer,
qu'a une lieue par terre; les navires, les voitures, les
bétes de somme, pris en contravention, devaient éUt
saisis avec leurs charges.- 11 se relâcha dans la suite, et
4424. même, Benoit étant mort en 1424, il contribua k lui fiwe
élire un successeur, afin de contenir, par la crainte d*nn
compétiteur , le Pape Martin , qui , au sujet des affiûres
de Naples, s'était ligué contre lui avec le Duc de Milan.
Ce dernier fit sortir cette année du port de Gènes, dont
il était maître , une nombreuse flotte , qui , après avoir
agi contre les Àragonais dans le Royaume de Naples,
inspira a son retour quelques craintes pour les cAtes de
Catalogne, et surtout pour Collioure. On y fit de grands
préparatifs de défense : cent hommes de la milice peipi
gnanaise, avec un des Consuls, y restèrent quelque tonps.
i^ ville de Perpignan paya le tiers des Irais de l'eipé- -
dition. Quoique occupé constamment par ses guerres de ^
Corse, de Sardaigne, de Castille et de Naples, Alphonse "*
ne manqua pas d'envoyer des secours k Charles VII.
archives font foi, qu'en 1426, Bernard Albert, levn
Roussillon , dont il était Gouverneur, un corps de
d'armes, avec lequel il était entré, avant le 22 aoAl,
I^nguedoc , pour y soutenir l'armée royaliste contre
Anglais; qu'il était avec cette troupe, k Tours, en
lire M2(), et à Molun en février 1427. On v voit
CHAPITRE DOUZIÈME. 26t
«que, par suite de leurs relations amicales, Charlet envoya,
«n i4S8, de Bourges à Valence, où se trouvait Alphonse^
cies musiciens que celui-ci lui avait demandés. I^ bonne
intelligence qui régnait entre les deux Souverains, no mit
pas toujours les frontières des deux États à l'abri des
incursions de quelques, troupes de maraudeurs. En i438, 445S.
le Bfttard de Bourbon, chef de plusieurs bandes de
Houtiers, qui, n'étant point payés, vivaient k discrétion
dans le Languedoc, essaya de surprendre le château de
Salses; mais il échoua, et n'ayant pas mieux réussi dans
une escalade tentée sur un autre petit fort, ces pillards
rentrèrent en France. Comme ils menaçaient de revenir
au printemps suivant, on fit de grands préparatifs pour
les bien recevoir, non-seulement en Boussillon, mais
encore dans toute la Catalogne.
L'an li40, la galère de Perpignan fut envoyée au se-*-
cours de l'ile de Rhodes, menacée par le Soudan d'Egypte.
Étant entrée dans le port de la capitale avant le 25 sep-
tembre, jour de l'apparition de la flotte égyptienne, elle
fit partie de celle qui» sous le commandement du grand
Maréchal de l'Ordre, attaqua et défit les Infidèles dans
un combat où ils perdirent sept cents hommes, et les
Chrétiens seulement soixante. Ce fait nous est révélé par
un acte du S5 novembre 1440, où deux ou trois marins
de l'équipage de cette galère constituent un procureur,
pour réclamer ce qui leur est dû de leur solde , et leur
part des sommes données par le Grand-Mai tre. Quoique
la paix existât entre la France et l'Aragon , les frontières
des deux pays étaient désolées par les incursions des gens
de guerre. On avait cherché, dès 1450, k mettre un terme
à ces désordres. Enfin , les plénipotentiaires des deux
puissances, convinrent, à Montpellier, en 1454, que, pour
indemniser les particuliers des deux pays victimes de ces
269 UISTOIBB DU ROUSftlLLON.
liosUlitéiti on imposerait, pendant trente-etrim ans et
mois , un droit de cinq deniers par livre, sur tontes les
marchandises passant d'un État à l'autre : ee droit lii
affermé, le 30 septembre de cette année, ï
trois mille livres barcelonaises.
4439. Le 39 mai 14S3, la ville de Constantinople ftit
d'assaut par Mahomet, après un siégedeGinquinle)Mn.A
cette époque, la Catalogne, dont le RoussillonfiiisaHpeitie,
envoyait des aventuriers intrépides partout où H y aiait
des périls k affronter, de la gloire k acquérir. On coaiplsit
environ quinze cents guerriers de ces pays, ptmi les
quatre mille soldats latins qui, seuls de tous les ChiéiiSM
occidentaux , contribuèrent k la défense de cette ea|Ktile.
Dans les premières années du règne d'Alphonse V^ i
s'était formé, k Perpignan, une association entre nn
maitre-ès-arts , un bachelier et un étudiant, ponr eiéer
une école, où Ton enseignerait la grammaire, la iogiqne'Ct
la philosophie. Vers la même époque, le 4 décembre I49f7,
on attacha un canonicat et une prébende k la dMWS et
philosophie, nouvellement fondée dans Téglise Saint' Jean,
Pour obtenir cette chaire, il fallait être maltre-ès»ftrls et
l)achelier en théologie. Celui qui en était pourvu, était din»
I>ensé de la résidence , mais ne pouvait s*absenler de h vile
que pendant deux mois d'été; et outre le professent, y
était tenu a donner trente sermons par an. Ce qui est HAs
curieux , il de^-ait , les jours de fête , donner des
de lecture aux Chanoines, aux Bénéficiera et k nn
tique tonsuré de chacun de ces Ecclésiastiques.
i;58. On apprit k Perpignan, le 1t juillet 1458, h merl
d'Alphonse, arrivée k Naples le 28 juin précédent. Snn
fr^re, Jean 11, lui succétla. I/olistination de ce prinee à
ganter la Counmnc de Navarre « appartenant k ses tils
l>. Carlos. Prin<v Av \mu\ poussa celui*ci k des révohn
CUAFITIIB DOUZlàHB. 26^
c^onlinuelles , que le père réussit toujours à comprimer.
Don Carlos, arrêté le 2 décembre i460, est relâché peti
sprès, par la crainte des Catalans, dont il était l'idole:
kI meort le 25 septembre 1461. Attribuée au poisoa, sa
xnort anime les peuples contre le Roi. Louis^ XI , pour
se faire des {artisans, afiecte un grand regret de la perte
<la fik, et ses agents ne négligent rien pour indisposer
les Catalans contre le père; mais, voyant qu'il ne peut
ri^ti sur un peuple auquel il n'inspire aucune confiance^
il ne se montre pas éloigné de se lier avec le Roi d'Ara-
gon. Celui-ci, de son côté, craignant la protection du
Roi de France pour des sujets dont il prévoyait la révolte,
lui avait envoyé Charles d'Oms, l'un des principaux gen-
tQshommes du Roussillon. Les deux Souverains étant
dans ces dispositions, le Comte de Foix, gendre de l'un,
et allié à l'autre par son irère, n'eut pas grand'peine à
les décider à une entrevue. Louis se rendit k Sauvelerre,
dans le Béarn, et Jean à Sainte-Pélagie, dans le lerritoire
de Mauléon-d«-Soule, en Navarre. L'entrevue eut lieu, le
3 mai 1462, dans un champ auprès de Sauveterre. Il en f462.
résulta le fameux traité conclu k Saragosse, dont on peut
voir le texte dans Comines : la rédaction pourrait en être
moins prolixe, et surtout plus claire. Il ressort de l'taprit
du traité, que Louis Rengage, pour deux cent mille écus^
d'or, k fournir et solder quatre cents lances, qui resteront
au service de Jean jusqu'à l'entière soumission des Cata-
lans; et que, pour cent mille écus de plus, le Roi de
France fournira et soldera sept cents lances, pour servir le
roi Jean, pendant les guerres qu'il pourrait avoir a soutenir
dans les Royaumes d'Aragon ou de Valence. Jean, de
son c4té, engage, pour le paiement de cette dette de
deux k trois cent mille écus : i^ en général, les revenus,
entrées, émoluments, droits de tous ses Royaumes, tous
264 HISTOIRE DU IIOUSSILLO!«.
868 biens mobilière et immobilière ; 2^ en parUculier, les
revenus des Comtés de Cerdagne et de RoittiflloD. D
s'oblige k acquitter cette dette en deux ou tro»
ments de cent mille écus chacun , dont le premier
lieu un an après la soumission de la Catalogne; le second
un an après le [Premier, et le troisième, s'il y a lieo , m
an après le second. Jusqu'à l'entier paiement, le Roi de
France recevra, par les mains de Charles d'Oms, proeorav-
royal de ces Comtés, ou par celles de ses soceesieandiM
cet emploi, le produit net des revenus de ces Comtés, lovIeB
charges ordinaires déduites : ces sommes ne eomfH/tnÊi
point en déduction du capital. Les Procureurs-Royaux
sentiront une obligation, en bonne et due forme, dU
ces versements entre les mains des délégués du Roi de
France ; cinq des principaux Seigneure aragonais ctvIkMh
neront, sur leure biens, la gestion des Procoreurs-RayanL
Quelques joure avant l'entrevue de Sauveterre, Joaa,
qui amenait sa flUe Blanche, héritière de la Navanre, sois
le prétexte de la marier avec le Duc de Benry, l'avait m-
mise au Comte de Foix , qui l'enferma dans le diMon
d'Orthès , où elle périt misérablement. Cet acte bsiiMie
aigrit encore les esprits contre ce mauvais père, el a«f*
mente le nombre et l'audace des mécontents. Ils coonM
aux armes; et, dès la fin de mai 1462, une armée sortie de
Barcelone, sous les ordres du Comte de Pallas, marehe
vere Girone , où se sont retirés la Reine et llnSuH Dott
Ferdinand. I^ ville est prise d'assaut; la Reine et son ils
se réfugient dans l'ancienne forteresse, appelée GiroMlle«
dont le siège est poussé avec vigueur. Le Roi, malgré
ses efforts, ne peut réunir les forces nécessaires
voler au secoure de sa famille. Mais Ijouïs XI, qui um^gtuà
bien moins a secourir son nouvel allié, qu'à se remlie
maître chez hii, non routent d'envoyer les sept ceals
CHAPITRE DOUZIÈME. 265
Lances promises, faisait marcher une armée de vingt-deux
Knille hommes, dont cinq mille chevaux, commandés par
le Comte de Foix, ayant sous ses ordres deux Maréchaux
€le France. Elle arriva devant Salses le 9 juillet V Cette
Mnauvaise place, après s'être défendue jusqu'au 12, capi-
tula. Les Français paraissent alors avoir marché sur deux
colonnes : la première, allant traverser la Tet auprès du
Soler, soumit en passant Rivesaltes et Baixas, et se dirigea
wers le château de Perpignan ; la seconde colonne, prenant
son chemin le long de la côte, enleva tous les blés de la
plaine de la Salanque, qu'elle trouva déserte, et les fit
porter sur bateaux à Leucate. Elle attaqua et prit Canet,
et poussa vers CoUioure. Les habitants des villages sans
défense, s'étaient réfugiés, d'un côté, vers Pézilla, Cor-
neiUa et surtout vers Millas, où le Comte de Périllos,
qui en était Seigneur, avait songé, dès le 12 juillet, k prépa-
rer tous les moyens d'opposer une vive résistance. Perpi-
gnan et Canet reçurent , d'un autre côté , ceux qui s'é-
taient retirés de la Salanque. Charles et Bérenger d'Oms,
commandants pour le Roi d'Aragon dans les châteaux de
Perpignan et de Collioure, en avaient,' d'après ses ordres*.
I Cette date est constatée par deax témoins loeanx et contemporains. Antérieure de trois
à celle donnée par Dom Vaissette , elle peot seule s'accordir avec celle des érènements
•vivanU.
S Le traité de Saragosse ne dit point qne le roi Jean fftt obligé de litrer ces denx forte-
resees à Loois XI ; mais les premières notions de l'art de la guerre ne permettaient point à
me année. Tenant an secours dn Roi d'Aragon , de s'engager dans un pays étranger, sans
s'être assurée de quelques places pour appuyer ses opérations. L'entrée dans ces deux forte-
resses dut être le sujet de quelque couTention particulière entre les deux Rois. Les généraux
fraaçaie. i leur entrée en Roussillon , faisaient prêter au Roi d'Aragon serment de fidélité
par les habitants des lieux où ils entraient de gré ou de force. Lorsque Jean leur eut fiiit
Ifirrer les châteaux de Perpignan et de CoUioure . il ne fbt plus question du Roi d'Aragon :
on exigea le serment pour le Roi de France, même dans les lieux où il atait d'abord été prêté
au premier. Ces fSuts. consignés dans nos archives (Cart. RoutsUl.), prouTent que Louis XI.
une fois établi solidement dans les Comtés . donna au traité de Saragosse une interprétation
^n« la lettre de cette cooTciillon ne comportait pas.
266 HISTOIRB DU aOUSSlLL02<.
ouverl les portes aux Français. La première colonne
attaqua, le 22 juillet, le Bolo, et s'en étant empirée,
après on combat des plus sanglants, elle le Ihn an
pillage. Les deux colonnes s'étant réunies, marchèrent
sur le Perthus le 28 juillet, et y culbutèrent le jeme
Comte de Rocaberti , qui avait osé les attendre avec
des forces très inférieures. Ces succès intimidem les
rebelles : Figuères rentre sous l'obéissance du roi Jean;
le Comte de Pallas se retire sous Hostalrich; les habitants
deOirone implorent la clémence de la Reine; le Coate de
Foix n'arrive que le lendemain de leur soumission. Jean,
ayant, de son côté, remporté de grands avantagea, cède
bien malgré lui aux instances des Français, et se joint k
eux pour bloquer Barcelone. Obligés d'abandonner cette
entreprise, ils se séparent; et tandis que le Roi ptend
Tarragone, les Français se jettent dans i'Urgel.
Leur armée, qui n'avait pas ménagé son propre pnys,
exerça d'horribles ravages dans la plaine du RousaiHon;
elle imposa des contributions partout où on la reçut, de
gré ou par composition, i^s villages abandonnés
[lillés et souvent incendiés . Quant à ceux qui ne t'
pas trouvés sur son passage, tels que Millas et Céret, eDe
en exigea peu après de si fortes sommes (vingt mille Knet
de tem), que Louis XI , lui-môme, reconnaissant Timpo^
sibilité de les percevoir, leur lit remise de ce qui était
dû, par une ordonnance datée de Saint -Orner, le
i;c3. avril 1163.
CHAPITBE TREIZIEME. 267
CHAPITRE XÏII.
OBSÏ.KV\T\Oî^S S\3R LA PÉRIODE PïVÉCtDBNTB.
Dans la période que nous^ venons de parcourir, le Rons*
^illon s'était entièrement amalgamé à la Catalogne; en avait
adopté les lois, les mœurs, les usages. Réuni à un État
plus puissant, son commerce et son industrie acquirent
un plus grand développement. La conquête de la Sicile, de
la Sardaigne, les expéditions d'Alphonse en Italie, avaient
ouvert aux manu&ctures de drap de la Catalogne et des
Omîtes, des débouchés avantageux. Leur travail était fort
supérieur k celui des fabriques du Languedoc, dont les
draps venaient recevoir à Perpignan un perfectionnement,
qu'on ne savait pas leur donner. En 1424, on les soumit
à un droit d'entrée dans la province, ce qui fut proba-
l)lement une faute. Pour conserver leurs conquêtes et
leur influence en Italie, les Rois d'Aragon , ayant besoin
d'entretenir des flottes, favorisèrent le commerce mari-
time, qui pouvait seul leur procurer des matelots et
des navires. Les guerres des Catalans dans la Grèce,
leurs voyages sur toutes les côtes de la Méditerranée et
de la mer Noire , leur avaient fait acquérir, dès le xiv«
siècle, de grandes connaissances en géographie et en
navigation , comme le prouvent Y Atlas catalan dressé
268 mSTOIRB DU ROUSSILLOX.
en 1574, que l'on voit à la Bibliothèque Impériale de
Paris, et rappel de ce savant, nommé Jacques, qoe le
prince Henri de Portugal fut chercher à Majorque « en
1415, pour lui confier la direction de l'école naotiqne
qu'il établissait a Sagres. Déjà, sous Pierre IV, Coltioiire,
Saint-Laurent et Canet étaient des ports ou des plages
fréquentés par les bâtiments marchands. Ce prinee,
sentant toute l'importance du Port-Vendres, avait drané
des ordres pour son curage. On voit, k cette époque,
plusieurs Consuls étrangers résidant k Collioure , qui ne
tarda pas k avoir une juridiction consulaire, toat-h-fût
conforme k celle établie k Perpignan. Pour faciliter la
perception des droits que les marchandises payaient à
l'entrée et à la sortie de la province, le roi Martin avait
statué que tous les vaisseaux destinés pour le Ronssinon,
déchargeraient leurs cargaisons k Collioure. La reine Marie
leur permit, en 1422, de les décharger où ils voudraient,
poun^u, dit-elle, qu'on puisse y payer la leude. Elle mo-
tiva cette ordonnance, sur ce que la liberté du eommerce
est clairement stipulée dans les constitutions de Catalogne.
I..es nolissements se faisaient alors par acte devant notaire^
où l'on spécifiait la quantité et la valeur des marchandises
expédiées. Par des actes de ce genre, passés devant l'on
d'eux seulement * , on apprend que , dans les neuf mois
écoulés de février k novembre 1592, il fut expédié trob
mille cent quatre-vingt-dix-neuf pièces de drap, valant
trente mille, trente-neuf livres de tem. I^ chiffre de ces
expéditions serait bien autrement élevé , si noos possé-
dions les actes des noiis passés, durant cette année, par
tous les notaires de Perpignan et de Collioure. D'après
les nombreux documents qu*on a recueillis, il est bien
I Àèiift^ ^4iB#v. ih>lAir# » Prrptf ma
CHAPITBK TREIZlÈMiE. 269
prouvé que la ville de Perpignan était, à cette époque,
très commerçante et manufacturière; qu'elle expédiait,
tous les ans, de ta plage de Canet, et surtout du port
de Collioure, un grand nombre de navires, de noms
et de dimensions bien différents, et dont le port s'élevait
quelquefois jusqu'à trois cent soixante-quinze, et même
cinq cents tonneaux : les plus forts n'entraient qu'a Port-
Yendres. La destination de ces navires était : les côtes
d'Espagne, de France, d'Italie, de Barbarie, de Romanie;
les iles de Sardaigne, de Sicile, de Chypre, de Rhodes; les
ports d'Alexandrie, de Bairout et même ceux de Flandres.
Leur chargement, au départ, consistait généralement en
draps fabriqués dans le pays, en huile, fer, vin, orge, fro-
ment, en miel, riz, bestiaux, amandes, raisins secs, sel , noi-
seltes et peaux. Ils rapportaient, au retour, du sucre, du
poivre, des épiceries, du coton, de l'or, de l'argent,
des esclaves, du pastel , de la garance, quoiqu'on cultivât
ces plantes dans le pays ; mais elles étaient si nécessaires,
pour alimenter les nombreuses teintureries de Perpignan ,
que l'on voit plusieurs fois les Consuls de cette ville faire
des achats de pastel pour le besoin et l'utilité de leur
commune. On trouve qu'en 1565, ils le payèrent dix
livres dix sols de tern la charge, composée de trois quin-
taux de cent livres. Ces démarches n'étaient pas les seules
que lissent les administrations municipales dans l'intérêt
du commerce et des manufactures. Tantôt, les Consuls de
Perpignan obtiennent du Pape un induit , pour que leurs
négociants puissent envoyer un navire chargé k Alexan-
drie ; tantôt, ceux de Prats-de-Mollô achettent de la laine
pour donner du travail à leurs manufacturiers. Aussi,
voyait-on des fabricants ou des paraires k Prats-de-
Mollô, à Céret, à Elne, à Thuir, à Millas, à Villefranche ,
aille, a Arles, elc. Ils claient surtout nombreux à Perpi-
270 HISTOIRE DU RODSdILLON.
gnan , où venaient se réunir tous les produits mannGictiirés
de la proTince, pour être expédiés à l'étranger par Pentie-
mise des marchands et des riches banquiers qui habitaiail
cette ville , et s'associaient pour faire certains envois , ac-
compagnés souvent par l'un des intéressés. Lyon , Cons-
tance, Paris, Bruxelles, etc., y avaient des (acteurs. Ces
expéditions étaient parfois assurées ^ contre les dangers
de la mer, et ceux qui pouvaient provenir des emieniis
et même des amis. Pour plus grande sûreté, les embsr»
cations étaient montées par des équipages nombreox et
munis de toute espèce d'armes, parmi lesquelles on trômre
des bombardes dès la fin du xiv« siècle. Lapine d'un marin,
d'un négociant embarqué , était fort aventureuse : mais
aussi, elle formait des hommes capables de défendre le
territoire; et l'on ne doit pas être étonné de trouver ton-
jours dans les inventaires des marchands de cette épo-
que, des cuirasses, des brassards, des lances, des éfifes,
comme dans ceux d'un guerrier.
Ce vaste réseau d'affaires était, de nos jours, révoqué
en doute, comme peu proportionné lu l'importance de
Perpignan, faute d'idées historiques sur les temps passés,
consacrées maintenant, d'une manière non douteuse, par
le dépouillement récent de nos archives. On exécutait k
CoUioure des constructions navales, dont les forêts de la
Massane, de Conat, de Mosset, fournissaient les bois.
Les marins roussillonnais ou catalans se lançaient dans
des voyages lointains; et, toutefois, on n'y trouve trace
de la boussole (bayssola) ou d'instruments de pilotage
qu'au \v« siècle , des cartes i>our naviguer (de nareguar)
que vers 147«^, quoiqu'il existât des cartes géographiques
de Sanuto dès Tan 15S1.
I Ou tn>UTP . rn 1 111 . un ui t«: <ra!.5ur.ini-r j 10 p 0/0 ik> ('«illuMiri ^ l'itc , rn 1 Ut . u»
cil truu\c un i I l/j p. Ii.o |j.«ur jIIci >k i.MlItinin j <>rii-u<»<>
CHAPITRE TREIZIÈME. ^71
La constitution municipale fortement organisée, dont
la ville de Perpignan avait été dotée par ses anciens Sou-
verains, servit de modèle à toutes les concessions faites,
depuis, à des villes moins considérables, par les Reis ou
les Seigneurs. La liberté, les firancbises dont jouissaient
ces asiles privilégiés, ne tardèrent pas à y faire fleurir l'in-
dustrie et le commerce. D'un autre côté , les Comtes et
les^firemiers Rois , en favorisant tous les travaur entrepris
pour rirrigation des terres ; en augmentant, par dea aflran-
chissements partiels, la classe déjà nombreuse des hom-
mes libres, contribuèrent puissamment à l'amélioration
de l'agriculture. C'est surtout dans la période que nous
veuonfi de parcourir, que l'on trouve fréquemment des
actes où les Seigneurs , soit gratuitement, soit pour une
somme convenue, affranchissent des particuliers, même
des communes entières, de certains droits auxquels étaient
assujetties les terres relevant de leur Seigneurie. Ordinai-
rement, dans ces actes, les Seigneurs, abandonnant des
droits trouvés trop onéreux par leurs vassaux , et se ré-
servant la directe seigneurie , et un droit de lods en cas
de vente, convertissent en une censive assez modique,
payée en aident ou en grains, la portion fixe (7? ou 7s)
qu'ils percevaient auparavant sur les récoltes. Ces docu-
ments nous font connaître les charges féodales dont les
propriétés étaient grevées. Comme elles représentaient le
prix de leur acquisition , on doit convenir qu'en général
elles n'étaient point exorbitantes, excepté pour le petit
nombre de celles appelées amansatas ou abordatas,
sans doute, parce qu'elles étaient originairement attar
chées à un manoir, mansus ou borda. D^jus celles-ci, le
colon était souvent astreint à habiter le manoir, k monter
la garde au château, à faire pour le Seigneur certains
travaux non spécifiés, et, plus rarement, soumis à quel-
272 HISTOIRE OU ROUftSIlXON.
ques-uns de ces droits odieux, qui, sous le nom de
Ituas, furent dans le xv« siècle, en Catalogne, une
continuelle de guerres entre les Seigneurs et leurs Tatsiin.
En Roussillon, nous voyons souvent un vassal alNindoDiier
son Seigneur, en lui délaissant la terre dont il ne veut plus
remplir les obligations; s'attacher \ un autre, loi prêter
serment de le servir fidèlement, recevoir celui d'être dé*
Tendu comme doit le Taire un bon Seigneur, se déciver
son homo proprius et sdidus. Pour bien déterminer ce
qu'on entendait par cette expression , nous croyons de*
voir citer un exemple des actes nombreux où elle est
employée.
Le 13 mai 1376, Pierre Mancipii, cordonnier, qni avait
autreTois quitté , avec son père , l'habitation de Bonpas
pour celle de Perpignan , et s*était Tait hamo propriui et
solidus du Roi , veut rentrer k Bonpas et redevenir hamô
proprius et solidus du Prieur de Bajoles. H se prétenie,
à cet effet, devant le Consul de Bonpas, qui le reçoit,
par acte notarié , ne lui imposant d'autre condition
de ne pouvoir d'un an quitter Bonpas pour se Cure A4Mne
proprius et solidus d'un autre Seigneur; de marcher k la
guerre sous sa bannière ; de payer les Touages et aotiea
subsides royaux; de contribuer, comme les autres habi*
tants, à l'entretien des chemins, des murs, des fossés,
de l'église et de la Basse de Bonpas.
Tandis que le peuple roussillonnais marchait ainsi ven
son affranchissement général, on est étonné de trouver
dans ce pays un nombre considérable d'esclaves étran-
gers. Les guerres continuelles des Rois d'Aragon avec
les Maures d'Espagne, dans lesquelles les prisonniers,
de part et d'autre, étaient réduits en esclavage, auraient-»
elles Tamiliariso leurs sujets avec cette odieuse coutnnie?
La dénomination do tnms et mjttints, donnée à quelques-
CHAPITRE TREIZIÈME. 273
uns de ces malheureux dans les actes, ferait croire qu'ils
étaient les yictimes des hasards de la guerre ; mais on ne
peat douter que le commerce avec le Levant n'en fournit
le plus grand nombre. On en voit de toutes couleurs :
noirs , blancs , olivâtres ; de toutes nations : Sarrasins ,
maures , Turcs , Circassiens , Tartares , Égyptiens , et
jusqu'à des Russes. Ils appartenaient k des personnes de
toutes les classes : prêtres, nobles, marchands, artisans.
Dans l'inventaire des biens d'un marchand, on trouve
six esclaves, dont quatre femmes jeunes et blanches. On
les vendait au marché comme du bétail ; et lorsqu'on les
y conduisait, on payait un droit aux leudes : le plus
souvent on les vendait par acte devant notaire. On trouve
une multitude de ces actes de vente, d'échange et d'affran-
chissement d'esclaves. Dans le cas de certaines maladies
cachées, le vendeur était tenu de les reprendre et de
rembourser le prix , qui ne dépassait guère le tiers de ce-
lui d'une mule. Quelques affiranchissements, dictés par
la charité chrétienne , étaient gratuits. Le plus souvent, on
obligeait le nouvel affranchi à payer une certaine somme
^ans un délai fixé, ou à servir quelques années, moyen-
^«lant l'habillement, la nourriture et même des gages.
INous soupçonnons que les actes de cette dernière espèce
<svaient lieu pour ramener l'esclave en fuite, par l'espé-
«rance de recouvrer sa liberté. Du moins, l'administration
générale de la Catalogne, représentée en Roussillon par
Be Député local, avait recours à cet expédient,, lorsque
Vesclave qu'elle avait garanti sous une estimation eonve-
^■Qae, prenait la fuite, et qu'après avoir payé cette esti-
mation au maître, elle succédait à tous ses droits sur le
fugitif. Cette méthode de faire assurer les esclaves par
^'administration générale, dont on ne trouve aucune trace
dans les constitutions de Catalogne, parait avoir été parti-
18
274 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
culière au Roussiilon. I^ situation de cette proTÎnee
ia frontière de France , rendait la fuite des esclaves plus
facile, et l'administration générale, dont les employés
gardaient tous les passages d'un royaume à l'autre, pour
y percevoir les droits d'entrée et de sortie, pouvait leole
apporter quelque obstacle à leur évasion.
Cette administration, appelée lo General, que nous
ferons connaître plus particulièrement lorsque nous par»
lerons du gouvernement de la Catalogne, était une éma-
nation de la représentation nationale de cette province.
Elle était chargée de suneiller la rentrée, de toutes les
impositions, soit qu'elles fussent établies pour les besoins
particuliers de la province, soit que les Cortés les eussen
accordées momentanément au Roi, pour subvenir an
dépenses générales du Royaume. Le Souverain n'ajam
d'autres ressources linancières que ces subsides,
revenus de ses domaines , les profits sur les
quelques amendes * , et autres droits provenant de réta-
blissement féodal, n'était [»as assez riche pour entre*
tenir constamment de nombreuses trou|)es régulières.
Aussi, lorsque la guerre intéressait particulièrement le
Roussiilon, suilout s'il était menacé d'une invasion, to»
les Roussillonnais étaient soldats : la Noblesse montait ï
cheval; ses châteaux forts étaient à la disposition di
Souverain; les villes levaient des compagnies, tant pour
leur défense pro[>re, que pour les envoyer où besoin
serait. Le Roi nommait dans les villages, parmi les Gen-
tilshommes, des Capitaines qui examinaient « de concert
avec les habitants, si les forts existants pouvaient étie
mis en état de défense. Dans ce cas. ils prenaient les
t l II Mh'm. 1j Ii:!.!' .:•■ < --li-.tir* M air «là.l xK'tnKt I '.'A* l:«rr> ik un par M. Bl
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1411 no *fl'T*ii» \ 11" ! «'^ Jr« 'f '* ijr l* ■ fwr». .1* frr f *t-'ri/ ^i \ riMV
CHAPITRE TREIZIÈME. 275
dispositions nécessaires pour y déposer des munitions de
toute espèce ; dans le cas contraire, ils dirigeaient les habi-
tants sur les lieux les plus importants k défendre. Lorsque
la guerre, comme celle de Sicile ou de Sardaigne, n'inté-
ressait pas spécialement le pays, le Roi nommait des Capi-
taines, avec la commission d'enrôler des soldats, ce qu'ils
^usaient connaître par des publications k son de trompe.
Lies enrôlements étaient reçus par acte devant notaire , où
l'on spécifiait la durée du service, ordinairement de quel-
ques mois, la solde convenue, le genre de service exigé,
l'obligation, pour l'enrôlé, de fournir ui homme propre
au service, dans le cas où il ne pourrait marcher en per-
sonne à l'époque du départ. Le Roi promettait toujours
aux enrôlés, sûreté ^ur leurs personnes et pour leurs
biens, et quelquefois rémission des peines qu'ils pour-
raient avoir encourues pour quelques méfaits antérieurs.
Tous les villages, à cette époque, étaient entourés de
SDurs, ou avaient au moins une forteresse communale ou
vn ch&teau seigneurial, auprès duquel les habitants pou-
^waîent se réfugier. Perpignan, entouré d'un mur défendu
par des tours, dont les principales étaient placées k droite
^t à gauche de la porte Notre-Dame, était la première place
du pays. Il était gardé par ses nombreux habitants,
^lourvus d'armes et de machines de guerre. Le Roi entre-
^:«nait un Châtelain et une garnison constante de trente
Sioranes, qu'on augmentait au besoin, dans l'ancien chà-
^^^au des Rois de Majorque , qui servait de citadelle à la
"^ile. Il entretenait de plus, dans les châteaux suivants,
un Châtelain et une garnison de : six hommes, pour
C^ylliouré, Opol, Livia; de cinq hommes, à Forsa-Reaj
et Qoérol ; de trois, à Puyvalador ; de deux, aux châteaux
de Tautavel , de Rodés , de Belvcses , de Castelnou , de
Corsavi, de Bellegarde, de Montesauiu; d'un homme et
S76 BISTOIBB DU B0U88ILL0N.
un chien, à la tour de Tautavel. Ce dernier auxiliaire était
également attaché aux garnisons d'OpoI et de Fona-Real.
La garde de ces forts, et de quelques autres moins ifdpor-
tants , coûtait au Roi mille huit cent vingt-trois livres de
tem par an. L'ordonnance de Pierre IV, du 8 des ides de
mai 1346 ' , dont nous tirons ces détails, ne parle point
du ch&teau de Salses , qui existait déjà , et figura parmi
nos places fortes dès les premières années du xv^ siècle.
H est probable qu*on abandonna la plupart des forts dont
il est ici question, lorsque l'extinction de la Maison de •:
Majorque eut consolidé l'usurpation de Pierre IV.
Les Rois d'Aragon, comme nous venons de le voir« ^
ne faisaient pas de grands frais pour défendre le Roo»- —
sillon contre les invasions étrangères. Cependant, ni le ^^
Prince de Majorque , ni les compagnies de Routiera ^ ù ^
fatales au Midi de la France, ne purent s'établir dans ce-
pays; Duguesclin lui-même, se fit un devoir de res— >
IHHTter sa neutralité : on peut dire qu'il ne fut dëlendm
que par le courage et le patriotisme des habitants. Ces
belles qualités, avant leur origine dans une certaine
exaltation des esprits, on ne doit pas s'étonner de Iroo-
ver ces mêmes hommes inquiets et turbulents dans h paix.
Aussi, nos archives nous montrent-elles une multitude de
querelles entre particuliers, qui dégénéraient trop souvent
en guerres privtvs. Mais, |K»ur mieux faire connaître ee
genre de désontn^s , remontons à leur source. Lors de
la dt^adenoe de TEImpire de Charlemagne, les Seigneurs
de la Man*he d*Esi»agne et du Roussillon s*arrogèrent k
dn>it de poursuivn\ à main armée, la réparation des tort
qu'ils prt'tendaient avoir soufferts. I^ns la suite, les hov
mes libres, asst'/ nombreux, voulurent imiter les Seignem
CHAPITRE TREIZIÈME. 277
€t, pour 'soutenir leurs querelles, ils eurent recours k des
associations de parents- et d'amis : de là vint le nom de
èandosités qu'on leur donna , celui de guerre privée res-
tant aux querelles entre Seigneurs. Les Prélats, par des
censures, les Rois d'Aragon, par des promulgations de
paix et de trêve, qu'ils faisaient jurer k leurs principaux
Barons, cherchèrent à arrêter ces désordres. Mais ces
Princes sentirent bientôt, combien ces remèdes étaient
faibles contre un mal qui avait sa source dans les
mœurs de leurs peuples; et, au lieu de le combattre
directement, ils eurent l'air d'en adopter les conséquences,
d'est ainsi que Pierre II , en établissant la commune de
Perpignan , lui accorde le droit de venger, à main armée,
les insultes faites à ses citoyens; mais, ce droit étant un
octroi royal, il en règle l'usage. Le citoyen outragé devait
porter sa plainte devant un Conseil, composé des Officiers
royaux, Procureurs, Viguier, Bailli, etc., et des Consuls
de la ville. Ce Conseil mandait l'inculpé pour venir se
justifier. S'il comparaissait, l'affaire était jugée; s'il faisait
défaut, ou s'il refusait d'acquiescer au jugement, il était
mis hors la paix et trêve du Roi , et aloi^ seulement la
commune pouvait le poursuivre par la voie des armes :
elle n'y manquait pas; et, tout en croyant venger l'injure
d'un de ses citoyens, elle ne faisait que prêter sa forcé k
l'exécution d'un jugement. Ce droit accordé à Perpignan,
fut, dans la suite, concédé à plusieurs autres communes.
Les particuliers, voyant les bons effets produits par les
décisions des juges de la ma armada^ s'habituèrent a
porter plainte au magistrat, au lieu de venger eux-mêmes
les outrages qu'ils a\'aient reçus dans leurs personnes et
dans leurs biens. Celui qui refusait de comparaître, ou
n'acquiesçait pas au jugement, était, comme nous l'avons
<lit, mis hors la paix et trêve du Roi , et aIors}exposé aux
S78 HISTOIRE DU ROUSSlLLOlf.
poursuites de la partie publique: il n'avait daalhB puli ï
prendre que de s'exiler volontairement, pour, de là, tâ-
cher, par l'intermédiaire de parents et d'amis eonunms ,
de conclure un accommodement. Ces sortes d'actes « dont
on trouve de nombreux exemples , étaient fiiits par mi
notaire , quelquefois en présence du magistrat, d'autres fins
devant des arbitres. On en voit, où il est stipulé des dé-
dommagements pour la partie lésée; mais, presque tougovs,
le pardon et l'oubli sont accordés gratuitement, et par des
motife tirés de la religion et de la charité chrétienBe.
Dans les plus anciens de ces actes, le plaignant ateflit
la partie publique qu'il se désiste de toute poursuite, afin
qu'elle en fasse autant de son côté. Dans des actes ptas
modernes, il ne fait que Tiuviter à imiter son exem|de. Os
connaît un grand nombre de ces sortes de traités de paix,
dont on trouve des traces jusque dans le xvii® siècle.
Nous terminerons ce chapitre , en rapportant quelques
faits qjyii n'ont pu y trouver place, quoique propres k bim
connaître l'état du pays. Dans le xv® siècle, on foil k
Collioure, des Consuls de Venise, de Florence, de Loa
bardie, de Savoie, de France, de Gènes; ce qui prome
que cette ville était le centre d'un assez grand commerce.
Plusieurs actes indi(|uent qu'elle avait un Consulat de Mer
à l'instar de celui de Perpignan. Dans cette capitale, cer-
taines professions jouissaient d*une grande réputation d'ha-
bileté , puisque des jeunes gens venaient de pays éloigiiés
pour y faire leur apprentissage : c'est ce que nous indi-
quent des actes nombreux, laissés entre les maîtres et les
apprentis. Panni ces derniers , on voit figurer des Pari-
siens et des Allemands. Les professions de pareur, de
gantier^ de chapelier, sont celles qui nous offrent le phis
de ces sortes d'actes. Nous ne pouvons dire si Ion Ira-
\aillait la tapisserie dans cette ville; mais nous trouvons.
CflAPimB TREIZI6MB. 279
en 1420, un présent fait a la Fabrique de La Real d'une
tapisserie, qui représentait l'histoire de sainte Catherine.
En 1571, les Fabriciens de Mailloles vendent, pour treize
livres quatre sols de tern (environ cent soixante trois francs,
seize centimes * ), une Bible léguée k TŒuvre par le Sa-
cristain de cette église. En 1563, un Prêtre retire de chez
un Juif, en payant sa dette, un Bréviaire qu'il lui avait
donné en gage. La nation juive, exclue de toute asso-
ciation formée par des Chrétiens, vivait surtout d'usures
et de petits trafics. Elle fournissait des négociants et des
médecins ; mais, si les premiers , pour leurs affaires , et
les seconds, pour aller exercer leur profession, obtenaient
sous Pierre lY la permission de passer en France, ce n'é-
tait qu'en laissant leurs femmes et leurs enfants comme
otages , et en donnant caution pour leur quote-^rt du
iribol payé par l'Algamma (la Juiverie). Malgré ces en-
traves , quelques Juifs acquéraient de grandes richesses ;
et, alors, devenus fiers, ils s'arrogeaient le titre de Dan,
uniquement affecté à la Noblesse. Celle de Catalogne, peu
flattée de partager avec eux cette dénomination, l'aban-
donna, et ne la reprit que sous Charles-Quint. L'arro-
gance de ces nouveaux riches les rendit odieux aux classes
élevées, tandis que leurs coreligionnaires moins fortunés
s'attiraient, par leur usure, l'inimitié des habitants des
campagnes.
1 La lirre de lero qui , en 1258 , lors de la créaliou par Jacques I",'T&lait 10' 55' actuels»
^*^Ail d'^jà , eu 1371 . rWuile à \i' 50'.
2S0 HISTOIRB DU ROOSSILLON.
CHAPITRE XIV.
DIXIÊn ÉPOQUE.
Le Comte de Foix, pressé de pénétrer en Catalogne^
avait négligé Perpignan et Collioure, dont les habitaB
étaient moins disposés que les Gouvemears des chftletiK
à obéir à leur Roi. Les Perpignanais avaient creiué dev
fossés, élevé des retranchements, pour contenir h garni-
son du fort et Ty tenir bloquée. Hais le Duc de Nemooit,
détaché de Tarmée, et renforcé par des troupes iremMi
du Languedoc, prit ces retranchements de vive foroe : h
ville se rendit le 8 janvier 1463, et le Duc s'emptn m
peu de temps de la majeure partie des deux Comtét.
Maitre de ces pays, unique objet de son expédilÎM,
Inouïs y établit, pour son Lieutenant, Jean de Foix, eoMia
de Caudale ; le Seigneur de Montpeiroux , Viguier da RoM-
sillon et du Vallespir, fut nommé Gouvemeurde Bellegaide
<|ui résista jusqu'en octobre 1465. Les habitants d
l^erpignan , accusés de rébellion pour avoir vouhi défendi
cette ville contre le Duc de Nemours, furent tradnf
devant une commission , présidée i>ar le premier Plé
d«^nt de Toulouse. On confisqua les biens des uns;
rniHl;iinn;i les antn*s ;ni bannissement ou à des amcncf
CHAPITRB QUATQBZIÈME. 281
Dans la suite, on confisqua les biens de ceux qui étaient
restés au service du Roi d'Aragon ; et chaque Gouverneur
sut découvrir, dans son ressort, quelque rebelle dont il
put se faire donner les biens , ou , à défaut de rebelles ,
il y levait des contributions. Collioure fut un peu moins
maltraitée : le départ des plus riches avait fort diminué la
population. Louis,* craignant qu'elle ne diminu&t encore,
accorda à la ville une rémission entière du crime de ré-
bellion, par un acte daté de Toulouse, le 7 juin 1463;
et par un autre, du 14 du même mois, il dispensa la
commune et les particuliers du paiement des pensions
de rente dont ils étaient chargés.
Les Français, que nous avons laissés dans l'Urgel,
ayant pénétré en Aragon , Jean voulut s'en servir contre
les rebelles , commandés par Jean d'Hyjar. Le maréchal
d'Albret s'y refusa, ne voulant point agir contre les Cas-
tiUans, leurs auxiliaires, et conclut avec eux une trêve,
finissant au 51 mars 1463, dont le but était de faciliter,
entre les Rois de France et de Castille, une entrevue, où
l'on devait s'occuper de la pacification de la Catalogne.
Quoique mécontent des Français, et surtout de leur Sou-
verain, Jean ne voulant pas déplaire k celui-ci, au moment
où il allait prononcer entre le Castillan et lui, prit le parti
de dissimuler, et nomma, en janvier 1463, Louis, son
lieutenant-général dans les deux Comtés, avec les mêmes
pouvoirs qu'il avait eus lui-même, en e^^rçant cet emploi
âous le règne de son firère Alphonse (Zurita, Bosch).
L'un, en acceptant ce titre, n'avait d'autre but que de se
faire obéir plus aisément par les Roussillonnais ; l'autre,
toujours maitre de révoquer cette nomination, lorsque
les cbconstances lui paraîtraient favorables, ne croyait
pas hasarder grand'chose en légitimant momentanément
un pouvoir, dont Louis jouissait déjà en réalité.
28:1 niSTOiaB DU nOUSSILLON.
Après la mort de l'Infant de Portugal, Is da
dernier Comte d*Urgel, dont ils avaient fait 1 Roi«
les Catalans appelèrent à la couronne René d'Anjou, dnc
de Lorraine. Le Roi de France avait jusqu'alors joui tran*
quillement des deux Comtés, sans continuer k foanir à
celui d'Aragon les secours convenus'. Toot-k-coap, il
lève le masque, et, non content d'appuyer de ses troupes,
4466. en 140(), le lils de René, venu en Catalogne pour se mt^
tre à la tète des rebelles, il se conduit, dans radmini^
tration des Comtés, en véritable ennemi du Roi d'Aragon.
Par une ordonnance du 16 septembre 1467, il confisque
sur Jean Pa<^'ès\ vice-chancelier de ce Prince , la terre
de Saint - Jean -Pla- de -Corts. Le Vicomte d'IUe et les.
autres Gentilshommes au senice du Roi d'Aragon , ne
furent pas mieux traités. Le 11 décembre de cette aBoée^
il donne plusieurs de ces confiscations au Comte de Caa-
dale , de la Maison de Foix , lieutenant-général , dans ee
pays ( itoscn ) ; et, ne gardant plus de mesure , il mmum
son Lieutenant-Général dans les Comtés de RoussiHoa el
de Cerdagne, le Duc de Calabre, ce tils du roi René,
Général des Catalans révoltés contre le Roi d'AiagMi :
du moins, le Duc de Calabre |>rend-il ce titre, k la snle
de plusieurs autres, dans un sauf-conduit donné, le SI
mars 1168, à quelques négociants de Coliioure et él
Perpignan.
Le lils de René d*Anjou eut d*abord quelques saccès
grâces au\ secours français, et à une infirmité sunreni
au roi Jean. Ce Prince, aveugle depuis deux ans^ reco
1 Pour pruuviT >{»>' \j>u\> ri^uuwn À fjurnir ilff MTour» a Jran. un ritr uv lMf«4
ilr SatnU>-M3rii>-ta-Mfr, vu lli>ii»ill mi . If 31 août 1 W>i , au Ri>i àtt Vnnce ptr J«b4(
( Vai<*^IU. Vtmf ro; mais clli* iii*ii<* .i|i|irfnii «eulemctit «fuf lf« Krao(ait. i rÛM él
(M'tit Dumlire, juuaieut ru Ampuunlan uu ritU a^s**! insiiïuiAaut. L»r JMM flain'
r>liint , il'ar.-fitt i-ii •«•Ua\ff ,l<-« hioti>rrin« l'^iia^'nnU <iui nr |>arlfn( jaiuit àt$ Ff
<1iii« k fi<'it lf« ii'inntii-xix 'nmh»i« Irw'-* failli .*• pA\* •liUMit !••« mw^rt IMII. Oel
CHAPITRE QUATORZlàlIV. 383
vra la vue, en 1468, par l'opératioii de la cataracte, que
lui fit un médecin juif. Son concurrent étant mort le 13
décembre 1470, les affaires des Catalans commencèrent k 4470.
décliner; et le Roi d'Aragon, maître du col de Panissas,
envoya des troupes, sous les ordres du Châtelain d'Em-
posta et du Comte de Prades, vers Perpignan, que ses
partisans devaient lui livrer ' / L'entreprise échoua ; mais
l'esprit public se manifesta de la manière la plus éclatante
en sa faveur. Les Nobles .les plus distingués, tels que
Don Bernard et Don Guillaume d'Oms, Pierre d'Or-
taffa , les frères Duvivier, arborèrent la bannière d'Aragon
sur leurs châteaux. Maître de la Catalogne, Jean songea
sérieusement à chasser les Français des deux Comtés;
et, voulant seconder le désir manifesté par les villes de
Perpignan et d'Elne de secouer un joug odieux, il fit
partir de Barcelone, le 24 décembre 1472, une armée
commandée par le Châtelain d'Emposta, pour renforcer
les troupes laissées en Roussillon avec Don Pedro de
Rocaberti et Don Bertrand d'Armendarés : il la suivit, le
29 du même mois. Elne, Canet, Argelès, lui ouvrirent
leurs portes ; et Jean Blanca , premier Consul de Perpi-
1 Voici ce que les Livres de Saint-Jean et les Cvtnlaires ronssilloanais doqs appreanent ,
Sur les conspirations de cette époqne : Le 10 avril 1472, [on arrêta un bonnetier de Perpi-
%%MSi . nommé Terrades, principal agent des conspirateurs, n déclara que les chefli de cette
conspiration étaient Antoine et Micbel Duvivier, Bernard et Guillaume d'Oms, Piene
d*Ortaffa . Çaribera , Pierre Traguera , gentilshommes et castillo bourgeois. Cenx-d crai-
gnant sans doute les révélations de Terrades, se réfugièrent dans les cfiftteanx de Castelnou.
Cerbère . Rodés , Montesquiu et Forsa-Real . résolus de s'y défendre. 11 parait qi'iii dwva-
lier nommé R lambeau , qui ne 0gure pas dans nos documeots , (bt arrêté et exécuté comme
complice de cette conspiration.
Le 24 janvier 1473 . le roi Jean s'étant avancé jusqu'au couvent de Sainte-Claire, thm
situé hors la ville , plusieurs gentilshommes et bourgeois . du nombre desquels étaient
Nicolas de Llupia , Jean Redon , les frères Canta-Vilanova , les deux frères Taqui , Sampso.
etc. . te présentent en armes sur la Loge . portant la bannière, el poussant le cri d'Angoo ,
courent s'emparer de la porte Saint-Martin . qu'ils veulent livrer an roi Jean ; mais, ne trou-
>ant pas de sympathie parmi 1« peuple, qui répond au cri d'Aragon par celui de France, ils
Vont rejoindre le Roi.
284 niSTOlRB DU R0U8SILL0N.
gnan , secondé par les habitants , lui livra celte ville le
1475. 1er février 1475 : la garnison ser retira au chftieaa, qui,
avec Salses et Collioure , furent les seules places restées
aux Français.
Louis , instruit de ce qui se passait, ne perdit pas de
temps; et, dès le l«r avril, neuf cents lances étaient réo-
nies aux environs de Narbonne. Son année devait être de
trente mille hommes, et avoir pour chef Philippe de
Savoie, comte de Bresse. Au bruit de ces prépanliit,
les commandants des troupes de Jean le pressaient de
se retirer; mais, lui, ne se laissant pas intimider par les
menaces des ennemis , ni ébranler par les sollicitatioiit»
de ses amis, jura aux Perpignanais , dans l'église de
Saint-Jean, de s'ensevelir sous les ruines de lenr Tille,
plutôt que de les abandonner. Il tint parole ; et, enfermé
dans la place avec quelques troupes, il y brava fiteemcnl
les attaques d'une armée formidable : la ville fut investie
le 9 avril. Jean, âgé de soixante-^eize ans, se montrait
tous les jours à cheval, visitant tous les postes, se portant
partout où sa présence était nécessaire. Pour inqoiéler
les derrières des assiégeants, il poussait des partis dans
les pays de Fenouillèdes et de Sault, qu'ils ravageaient
jusqu'aux portes de Carcassonne. Son courage avait ins-
piré le plus vif enthousiasme aux bourgeois comme aux
soldats, au dehors comme au dedans de la ville. Plosienrs
Chevaliers catalans avaient bravé tous les dangers pour
y pénétrer; le vieux Connétable de Navarre, Péraha*,
s'y était introduit, déguisé en Cordelier, et à la fiivaar
de la langue française , qu'il parlait fort bien. Plosienrs
assauts, livrés avec la plus grande vigueur, furent re-
poussés. Les assiégés faisaient à leur tour de fréquentes
I \itt hi^t'Uieni rian<Jii« «•'«iirrnt. r^ftfitdaftl, 'iii'il •laii |»fn>ion«é piir VêêèM XI.
CHAPIVRB QUATORZIÈMB. S86
sorties. Dans un des nombreux combats qu'elles occa-
sionnèrent, Jean 'd'Armendarés, l'un des plus braves
chevaliers catalans , fut massacré par les soldats qui ve-
naient de le faire prisonnier. Jean, indigné, ordonne
qu'on saisisse à l'instant les plus distingués des prison-
niers français, et qu'on les conduise au supplice. Heu-
reusement, le Comte de Bresse, en étant prévenu, envoya
faire des excuses , attribuant la mort d'Armendarés à un
funeste malentendu. Cette démarche calma la colère du
Roi, et sauva ces malheureux.
La famine se faisait sentir dans la place, quoique
l'administrateur de l'Archevêché de Saragosse, fils na-
turel de Jean, ne négligeât aucun moyen d'y faire passer
des vivres d'Elne, où il s'était porté avec quelques com-
pagnies. Une nuit, les assiégeants furent introduits, par
un conduit souterrain, dans une maison voisine du rem-
part, dont le propriétaire leur était dévoué. Le Roi, qui
en fut averti , prit quatre cents hommes des troupes tou-
jours prêtes à marcher partout où le besoin les appellerait;
il attaqua les Français, et, avant le jour, tout le déta-
chement entré dans la ville, obligé de l'évacuer, laissa la
plus grande partie de son monde mort ou prisonnier.
Ferdinand ne voyait pas sans inquiétude les dangers de
la position de son vieux père ; il mettait tout en œuvre, en
Aragon, en Castille, en Catalogne et dans le Royaume
de Valence, pour lever une armée capable de le délivrer.
Y étant enfin parvenu, il franchissait le col de la Massana
le 24 juin 1475, résolu de marcher droit à Perpignan,
lorsqu'il reçut l'importante nouvelle du succès obtenu la
veille par le Roi d'Aragon , presque sous les murs de la
ville. Un convoi parti d'Elne arrivait aux assiégés. Dulau,
l'un des capitaines les plus estimés de l'armée française,
et le Sénéchal de Beaucaire , eurent ordre de l'enlever :
S86 HI8T0IRB DU ROUSSILLOIf.
ils l'attaquèrent avec un gros corps de cavalerie; el Tan»
raient indubitablement pris, si une forte sortie de la viDe
ne fût venue k son secours. Dulau et le Sénéchal, pris
entre deux feux, virent leur troupe détruite ou dispersée,
et tombèrent eux-mêmes entre les mains des assiégés.
Cet événement, et plus encore l'approche du Roi de Si-
cile, décidèrent les Français à lever le siège. I^ eavalme
légère de Ferdinand les poursuivit jusqu'à Salses; enleva
un très grand nombre de traînards, et leur aurait fait un
plus grand mal , si les cuirassiers de Don Dionis de Por-
tugal n'avaient protégé leur retraite. Ferdinand n'entra k
Perpignan que le 28 juin , son père ayant voulu pouvoir
lui préparer une brillante réception. Après cette cëré*
monie, Jean congédia les troupes castillanes, aragonaîses,
valenciennes , ne gardant que cinq cents cavaliers et fai
vieille infanterie navarraise. On croyait pouvoir d'autant
mieux prendre fce parti , que Philippe de Savoie avait
demandé une trêve à laquelle Jean avait consenti. Le
Comte de Prades fut chargé de cette négociation. Les
plénipotentiaires signèrent la trêve h Canet, le 14 joiDet,
et le Roi la ratifia le même jour, à Fine : elle devait expirer
le l<)r octobre suivant. Pendant sa durée, chaque parti
avait la faculté de ravitailler ses places, d'en renforcer
les garnisons : tons, bourgeois et militaires, pomraieot
parcourir librement le pays , communiquer les uns avec
les autres , entrer dans les diverses places avec ragrément
du Gouverneur. Antoine de Cardone et Matthieu de Mon*
cade, pour l'Aragon; le Railli de Gisors et le Sénéchal
de l'Angoumois, pour la France, furent nommés conser»
vateurs de cette trêve. Malgn'* cette précaution, Jean,
connaissant combien Louis désirait ri'Ster maître dn
Roussillnn , ne c<»mptait guère sur la soli<lité de Tarran-
gement : il ne voulut point sVloigner, afin de pourvoir
CHAPITRB QUÀTORZliVE. 287
plus énergiquement à la défense du pays. Les vivres étant
d'ailleurs très rares, et devant venir de Barcelone, il était
resté très peu de troupes avec le Roi. Cependant, on
s'apercevait de certains mouvements dans l'armée fran-
çaise, mouvements qui annonçaient son prochain retour.
Le conseil de Jean faisait tous ses efforts pour l'engager
à rentrer en Catalogne , où il pourrait réunir les Cortés ,
et en obtenir les subsides nécessaires pour la continuation
de la guerre : le vieux Roi &it inébranlable , se contentant
d'ordonner à son fils de venir à Girone, et à l'Archevêque
de Saragosse de se porter a Elne. Dès le 26 juillet, les
Français campèrent auprès de Perpignan; des escar-
mouches eurent lieu bientôt entre les troupes des deux
nations. Les nouveaux venus, sous prétexte de ravitailler
le château, voulaient-ils surprendre la ville? On l'ignore;
mais, si tel était leur projet, ils ne purent ou n'osèrent
pas l'exécuter, et ils se retirèrent vers le Languedoc, la
Guienne et la Provence. Cette retraite fut fort heureuse
pour le roi Jean, qui n'avait aucun secours k espérer, et
qui, d'ailleurs , tomba gravement malade , des suites des
fatigues essuyées pendant le siège. Cette circonstance
fâcheuse, et la nouvelle de la trêve conclue entre le Roi
de France et le Duc de Bourgogne , abattirent autant le
courage des Aragonais , qu'elles relevèrent celui des
Français. Toutes les instances pour engager le roi
Jean à quitter la ville furent vaines. Ce Prince, sen-
tant combien son départ aigrirait les esprits , resta
ferme dans sa première résolution. Sur ces entrefai-
tes. Don Pedro de Rocaberti revint de France, où il
avait été prisonnier, rapportant quelques propositions
de paix, qu'il fut chargé de négocier avec du Lude,
commissaire du Roi de France. Le premier se tenait à
Canet; le second, au château de Perpignan. Affectant
288 HISTOIRE DU R0US8ILL0N.
un grand désir de paix, Louis proposait de ntrior le
Dauphin avec la 611e de Ferdinand; mais il se teattl Mi
de la frontière , afin de prolonger la négocittioii 9 pir li
nécessité où l'on se trouvait souvent de le oonnAir.
L'article relatif k Perpignan, était le plus difficile à riffieri
chacun voulait avoir cette ville. On parvint, eoiii,.k
conclure un traité, signé, à Perpignan, le 10 octobmi pu
4475. le Roi d'Aragon, et, à Dampierre, le 10 novanbie, pu
le Roi de France. D'après cette convention, le
devait, dans l'année, payer trois cent mille coorMMi
second, et celui-ci restituer les deux Comtés : ea
dant, on les confiait à un Gouverneur nonmié par
sur deux personnes proposées par Jean. Cet offider
prêter serment aux deux Rois, de bien administrer el #
n'exécuter les ordres d'aucim des deux pendant 11
de sa commission. Sur quatre sujets proposés par
Louis devait en choisir deux pour commander : rm
le chiteau de Perpignan, l'autre dans celui de CoffiaoM.
Ces officiers prêteraient serment an Roi d'AngOA 4e
garder la paix , et de lui rendre ces places aussilêl firïl
aurait remboursé les trois cent mille couronnes. Ces
Gouverneurs, pendant leur conunandement, étiieal iê^
chargés des serments prêtés auparavant li leur
rain respectif, et s'engageaient à ne recevoir éum
places, de toute cette année, ni les deux R<hs, wà hê
personnes chargées de leurs ordres. Avant de
Perpignan, le Roi d'Aragon, en récompense des
rendus par les habitants, confirma les ancîeiis
de la ville et lui en accorda de nouveau. Gel acte
dressé en présence de Jean Pages, son vke-chiaeeKei^
el du Châtelain d'Emposla. Il partit eosttile pov BMot«>
lone, oà on lui fit une entrée triomphale.
Ea signant le traité dont notts venons de domner Texlndlt
CHÀPmiE QUATORZIÈME. 289
les deux Rois n'avaient guère songé aux moyens de l'exé-
cuter. Jean, n'étant pas en mesure de se défendre, avait
voulu gagner du temps, et Louis iaisait déjk ses préparatifs
pour envahir le Rouësillon. Les Ambassadeurs «nvoyés par
le Roi d'Aragon s'en aperçurent aisément dès leur entrée
en France. La conduite des Français, dans les deux Com-
tés, décelait également les intentions de leur maître; car,
non contents d'augmenter les fortifications du château de
Perpignan, de raser un mamelon qui masquait a leur
artillerie un certain quartier delà ville appelé Uatatorç,
ils poussèrent leurs entreprises jusqu'à enlever le château
de Saint-Jean-Pla-de-Corts , et k empêcher les vivres d'en-
trer dans la capitale, où l'on commençait k éprouver la
disette. Pour couper k cette ville sa communication avec
la mer, du Lude s gouverneur du château et général des
troupes françaises, tenta un coup de main sur Canet;
mais la femme de D. Pedro de Rocaberti fit de si bonnes
dispositions dans cette forteresse, que, quoique du Lude
y eût d'abord pénétré, il échoua complètement, Pierre
d'Ortaffii, lieutenant du gouverneur aragonais, ayant eu
le temps d'arriver cette nuit même au secours de Canet.
Les sages mesures prises par cette femme intrépide,
conservèrent cette place. Mais deux galères provençales,
stationnées sur cette plage, empêchaient le débarquement
des vivres : le hasard conduisit dans ces parages, deux
galères catalanes revenant de Sicile ; elles chassèrent la
croisière française, et rouvrirent les communications.
Les Espagnols parvinrent a les maintenir, quoique les
Français, maîtres de Salses, eussent fait passer dans la
Salanque , les troupes qu'ils avaient sur la frontière du
Languedoc.
En entrant en France, les Ambassadeurs aragonais
trouvèrent les routes encombrées de troupes, d'artillerie,
19
290 lllSTOIRB DU R0U8SILL0N.
de convois, se dirigeant vers les frontières : si on leur
donnait toujours des assurances de paix, ib voyaient
partout des préparatifs de gueire. Arrivés k Paris, on les
empêcha, sous divers prétextes, de voir le Roi; on anéliil
les courriers chargés de leurs dépêches; ils ne powaicnl
ni recevoir des nouvelles d'Espagne, ni écrire à lenr gon-
vemement. Fatigués de cet état de choses, ib primi le
parti de se rendre chez le chancelier d'Oriole, où s'as-
semblait le conseil du Roi ; et Ik , en présence de ThooMS
Thaqui, ambassadeur du roi Ferdinand de Napte, ib
donnèrent une note, où, après avoir exposé les princi-
pales conditions du traité conclu k b suite de Tratierae
de Sauveterre, ils ^joutaient, qu'en accompUssement de
ces conditions, Charles et Rérenger d'Qms avaient é»è
autorisés par Jean k prêtrer hommage k Louis, Ton pov
le château de Perpignan , l'autre pour celui de CoUioave,
en s'engageant k garder ces deux places pour les dnnx
Rois, jusqu'à ce que Jean eût payé les sommes stipnlées
dans le traité : ib ajoutaient qu'il était notoire fne Lonb
n'avait pas été aussi Adèle à remplir ses eogagemoMs,
puisque ses troupes, dans le peu de temps qu'elles
avaient élé au semce de Jean, n'avaient presque j
obtempéré k ses demandes; qu'ensuite, elles
combattu contre lui en laveur du Duc de Lorraine; qn'oi
conséquence, le Roi très chrétien devrait se conlenler
d'avoir relire pendant longues années les reveni
deux G>mtés, comme s*ils lui avaient appartenu c
pre« et rendre ces pays au Roi dWragon, sans exiger les
Irois cent mille écus ; que , cependant , leur Maître , ne
se refusait pas à pa\er cette somme, si le Roi de Franee
loxi^^'iMit absohimoiit. 1^^ conseil demanda jusqu'en II
mai |M>ur n^poiidre à cette note. » |K>u\ant |ias soutenir
que los rtmditioiis du traite t*ii^M'nt vir n^niplîes, ib
CHAPITRE QUATORZlàm. 291
passèrent cet article sons silence, se contentant de relever
la grandeur des services rendus, en délivrant la Reine et
le Prince enfermés dans Girone; la diflBculté de l'entre-
prise, la nécessité où avaient été les Français de prendre
qudqnes places du Roussillon qui auraient dû être re-
mises par le roi Jean ; les embarras qu'ils avaient éprouvés
à raison des dispositions hostiles des peuples à leur éfpirA^
et, enfin , les pertes qu'ils avaient faites en hommes et en
chevaux durant cette guerre. Les Ambassadeurs répon-
dai^it aisément k toutes ces récriminations, en disant
<iae toutes ces diflBcultés, ces embarras, ces travaux et
ces pertes, étaient la conséquence inévitable de la guerre
<Iiie Louis s'était engagé à faire aux rebelles ; que les trois
cent mille écus et les revenus des Comtés en étaient le
prix convenu. Pour pouvoir sortir de Paris, ils durent
ccMisentir à ne pas remettre la note qui contenait leur
réplique ; mais , plus libres après être sortis de la ville ,
ils firent devant Thomas Thaqui, ambassadeur de Naples,
une protestation contre le refus qu'on avait fait de recevoir
une seconde note, et contre la conduite tenue à leur égard.
Arrivés à Saint-Esprit, on les fit rétrograder jusqu'à Lyon,
oà on lés retint avec leur suite, composée de cent cinquante
Gentilshommes. Cependant, cinq cent cinquante lances
françaises, avec beaucoup d'infanterie et d'artillerie, s'a-
cheminaient vers le Roussillon. Jean, de son côté, voyant
la guerre inévitable, avait donné ordre de détruire, à Per-
pignan, l'élise de Sainte-Marie (Notre-Dame-du-Pont) et
un couvent d'Augustins, situé entre le faubourg et la porte
de la ville , parce que ces deux édifices en gênaient beau-
coup la défense de ce côté; il faisait, aussi, entrer des
Napolitains à Elne, dont il ordonnait de réparer les forti-
fications. Le 14 juin, l'armée française se porta entre le
Vemet et Perpignan , où commandaient Pierre d'Orlaffa
292 HISTOIRE DU ROU581LLON.
et le Bâtard de Cardone. La garnison italienne d'Due,
croyant n'en pouvoir défendre la ville basse, l'afait aban-
donnée et commençait à en démolir les maisons. Le gôo-
semeur Don Bernard d'Oms, n'approuvant pas ee projet»
■se rendit k Perpignan , dans l'espoir d'en tirer qnelqMS
troupes pour renforcer sa garnison et la mettre eo élat
'de défendre ce quartier. On le reconnut impossible; el il
revint le soir même à Elne , profitant du moment oà faL
communication entre les deux places était encore Kbre.
1474. Le 17 juin 1474, l'armée française, ayant mis gamisom
à Argelès, abandonné par les Aragonais, et occupé Mn-
relias «t Géret, pour fermer les passages aux'MCOors^
vint camper k une lieue d'Elne , dans un endroit appelé
los Casales de San Cypria. Elle était forte de cinq cents
lances et quatre mille quatre cents francs-archers. Ea
attendant un renfort de deux cents lances et de qndqnci
compagnies d'infanterie , amenées par le Comte de Gan-
date, elle se mit à faire du dq^ât, brûlant les blés, eoiqiaiit
les arbres et les lignes. Cependant, les Ambassadenrs^
toujours retenus à Lyon, y restèreni jusqu'au 10 jnillet»
jour où on leur permil de partir pour Montpellkr, d'oi
ils ne purent sortir qu'après la conquête du Roiteillon*
Le Roi d'Aragon, pour être à même de veiller plus atten-
tivement à la défense de cette province « s'était établi à
Castello de Ampurias.
Enfin, dans les premiers jours de novembre, Vt
française, rom|>osée de neuf cents lances, dix mille
archers, et munie d*un train considérable d*artiUerie,
entreprit le sié^e d*Elne , dont la prise devait Aler au
Espagnols tout es|H)ir de secourir Perpignan. La place,
mal |NHirvue des ohjots mVessaires à sa défense; man-
quant d*infanterie et surtout d\ir(*hers, ne pouvait tenir
Ifmg-tcinps contre une amuW* aussi formidable. Les Ara-
CHAPITRE QUATORZIÈME. 293
^onais firent tous les efforts possibles pour y introduire
des secours; mais ils forent toujours repoussés. Une
nouvelle tentative, faite le 29 novembre, lut infructueuse
comme les précédentes : elle eut les résultats les plus
funestes, le découragement s'étant mis parmi les assié-
gés. La démoralisation commença par le corps napolitain,
dont le commandant, Julien de Pise, donna l'exemple de
l'insubordination et de la mauvaise volonté. Les choses en>
vinrent au point, que D. Bernard d'Oms se vit contraint à
capituler le 5 décembre. Les Italiens et la cavalerie valen-
cieane eurent la permission de se retier où ils voudraient.
Don Bernard et quelques Gentilshommes roussillonnais
furent retenus prisonniers, et conduits au château de
Perpignan, où plusieurs d'entr'eux furent décapités, avec
leur chef, comme traîtres; les autres, transportés en
France, y restèrent dix ans prisonniers. L'-histoire nom-
me, parmi ces derniers : Jean Jou, Jean Du Vivier,
Galceran Ganta. Le supplice de ces malheureux fut au
moins un acte bien rigoureux, un cruel abus de la vic-
toire : les historiens aragonais le considèrent comme une
horrible violation du droit des gens. Certains auteurs
français, pour disculper Louis ^, veulent voir dans la
mort de ces infortunés la juste punition de leur révolte.
Si on leur demande d'où Louis tenait le droit de les
traiter en rebelles, ils invoquent en sa faveur la con-
quête, sans faire attention que le droit qui eu dérive,
variable comme les succès pendant la guerre , ne com-.
mence à exister en réalité qu'après avoir été reconnu et
sanctionné par le traité qui la termine. Mous examine-
rons dans une note particulière, si les Roussillonnais
étaient vraiment rebelles à Louis XI , et si Don Bernard
d'Oms se trouvait dans une position plus défavorable que
ses compatriotes.
S94 H18T0IRB DU ROUSSIIXON.
Après la prise d'Elne, Figoères se rendit, et le
de Perpignan, eommencé le i7 juin , Ait converti en mi§b
régulier. Jean fit vainement tons ses efforts popr inli^
duire dans la place des secours indispensables en nnet et
en homnies. Ne pouvant la secourir, il cherdia k
le courage des habitants en louant leur eonstuee,
bisant entrevoir un avenir plus heureux, et
h la ville le titre de très fidèle, par un privilège dni de
4475. Girone le 2i janvier 1475. Dans l'éUt déplorable ok ee
trouvaient ses finances, ce Prince ne pouvait riett ftfae
de mieux. On raconte qu'il lut, h cette époque, ohKpi de
mettre en gage une fourrure de marte, qui, h eoo ê§t
et dans la saison où Ton était, lui devenait fort néees
saire. Cependant, les Français poussaient vhremeal le
siège ; et quoique épuisés par les fatigues ^ h foin , les
assiégés se défendaient avec vigueur, et ûôsaient
fois dos sorties heureuses. Faute d'aliments plot
naliles, ils mangcaint les chevaux, les rats, les vieex
les cadavres des ennemis tués dans les combats : ea vit
même une mère faire cuire les chairs d'un de ses tÊÊÊÊM
mon de faim, pour consener les jours de edoi fn bn
restait. I.es assiégeants, maîtres du cbâteM, et %\
fortifiés avec intelligence dans les ruines de
du-Pont et du couvent démoli des Augustins , seiiaieBt la
ville de près. Ayant ouvert une brèche très
Il la place, ils tentèrent un assaut le 6 mars,
les assiégés lussent |)arvenus li le repousser, ils avMM
acquis la conviction qu*une |ilus longue dëieBse lev
était im|H)Ssibk\ surtout par le manque absolu de vhmt.
Presse^ par ces fatales cirtonsunces« les Coimdi et le
e«m$eil tte ville t^unnitent le 10, avec du "Lide et du
KaiK um^ négociation pour capituler. Le roi Jeen afiat
aiitorisi* la rtnldition dr tu place. A\c «mvrit ses perles
CHàHTRV QUATORZliMB. 995
le i4 mars, aux conditions suivantes : La garnison, qor
n'était phis que de quatre eents benunes, rentrerait en
Catalogne ; les habitants auraient quatre ans pour se^ dé-
cider à rester ou à abandonner leurs maisons; durant ce
d^ai, ils pourraient aller et venir des Comtés aux terres
d'Aragon, anporter leur or, leur stfgent,^ leurs marchan-
dises, faire toutes les agences nécessaires pour vendre
leurs biens; personne ne pouvait être recherché pour des
fiûts antériemrs; tes privilèges, libertés, us et coutumes
devaient être maintenus; Loms s'engageait à ne point
tou^er aux biens et aux revenus de la ville. Il y* avait
plusieurs autres conditions, toutes fort avantageuses aux
habitants de Perpignan et des Comtés, en faveur desquels
devaient être expliquées les expressions de la capitulation
qui pourraient offrir quelque incertitude. Ce traité étaîjL en
général si favorable aux assiégés, qu'on était f<Nrt surpris
qu'il leur eAt été accordé sans restriction. Aussi plu-^
sieurs gentilshommes et principaux citoyens , ne se fiant
pas trop ^ son exacte observation , se retirèrent avee le^
gouverneur Pierre d'Ortafia et les troupes. De ce mhw.
hre, furent Vines, Sampso, Jean Redo, Blanca et quelques,
autres. Le Roi d'Aragon accueillit de son mieux ces exilés
volontaires; et dans une lettre écrite de CasteUo-de-Ampu-
rias, le 15 mars 1475, à tous ses officiers, il leur ordonne^
de traiter comme ses plus fidèles sujets les habitants du
RoQSsillon en général , et ceux de Perpignan en particu-
lier, quoique tombés sous la domination du Roi de France;
il l'ordonne, en considécation du dévoûment qu'ils lui
avaient témoigné en défendant leur ville, et en ne la
rendant avec son consentement qu'après avoir livré plu-
sieurs combats, et enduré les horreurs de la plus cruelle
famine, jusqu'au point de se nourrir de chair humaine.
Non content de cette lettre, le SO juin suivant, il fit
â96 HISTOIRB DU R0U88ILL0II.
dresser, à Barcelone, un acte particulier en fomi^défriv
▼ilége, en faveur des habitants de Perpignan. Jlhm^wNm
donnerons pas le texte latin, k cause de at pitliilfi
nous nous bornerons k en faire connaître h
Il s'exprime à peu près ainsi : « Cbers et fidèles
liers, Bourgeois, Négociants et autres baMlants
pignan, soutenus par une faible garnison,
défendu très long4emps, en hommes couragemL A
fidèles, ?otre ville, où plusieurs brèches étaiem
contre une armée française bien pourvue d'i
de tous les moyens d -attaque. Vous vous êtes i
privations les plus dures pour ménager vos
lorsqu'elles ont été épuisées, par la longueur dn fiépSt
repoussant des propositions séduisantes, vous «vet
k vous procurer des vivres par des sorties
reuses, toujours fatales k rennemi. Enfin, rédnilikis
pouvoir traverser ses postes qu'en petites trompes SI à la
faveur de la nuit, vous alliez à quatre on dnq
rentriez chargés de blé comme des bêtes de
être eflrayés de la perte de ceux des vêtres, qni,
ces courses périlleuses, étaient anssitêt
les jours , dans la ville , plusieurs personnes
faim ; les autres ne prolongeaient leur existence qiA
nourrissant des aliments les phn dégoAtants, A
de chair humaine. Dans une position aussi hoirihls»
n'avez voulu écouter aucune proposition : une leHs
tance, une telle fidélité vous ont méfilé une
bit l'admiration de Ihinivers. Cependant,
secourir comme je l'aurais désM, je vons ai antoffisài k
capituler; vous n'y avez consenti quli regreL fl ni^f n
d'éloges, pas de récompenses que ne méfîlent
fidéHtë, une telle constance. Pour le moment»
tous les privilèges qui vous ont été accordés par nMS pié*
CHAPITRE QUATORZIÈME. â97
iléeesseurs , en vertu du présent, je m'engage , pour moi
et mes successeurs, k traiter comme mes plus fidèles
sQJets, vous et tous les Roussillonnais, quoique tombés
sous le pouvoir du Roi de France. Nous déclarons que,
quand bien même la guerre deviendrait plus vive, vos
personnes et vos biens seraient respectés par mes troupes,
tant en Roussillon que dans tout autre pays, et même en
mer, si on les trouvait sur les vaisseaux de mes ennemis.
De plus, je vous permete de voyager, de rester, de com-
mercer librement dans mes États, donnant, à cet effet,
les ordres les plus précis k tous «eux * qui sont sous ma
dépendance, depuis mon fils Ferdinand jusques au dernier
de mes officiers civils ou militaires. »
Op a voulu, dans la suite, embellir, par un épisode dra-
matique, le récit d'un siège déjk fort remarquable par le
courage et la constance des assiégés. On a lait égorger
le fils de Jean Blanca, prisonnier dans une sortie, sous
les yeux de son père, parce que celui-K^i, premier Consul,
refusait de livrer la place aux Français. Hais Blanca n'était
pas premier Consul cçtte année, et l'eût-il été, la reddition
de la place ne dépendait pas de lui : Pierre d'Ortaffa,
lieutenant du gouverneur du Roussillon , y commandait.
Zurita, écrivain exact, dont la relation esft fort circons-
tanciée, ne dit pas un mot de ce fait. Il n'en est pas non
plus question dans l'inscription : Hujus damûs Dominas
fiddUaU cundos superavit Romanos, placée, au dire de
Bosch, sur la maison de Blanca par ses concitoyens, Sfurès
la restitution de la province k l'Aragon. Toutes ces obser-
vations, faites long-temps avant nous par le savant Fessa,
et le silence du roi Jean sur un fait pareil, nous obligent à
considérer cette scène tragique comme un conte. Cepen-
dant, ce fait n'a pas été avancé sans quelque fondement
par André Bosch , qui écrivait au commencement du xwv^
â98 HI8T0I1IB DC R0U88ILL0H.
siècle : il nous a montré Jean Blanca j^ant, Am Imt é»
remparts, son poignard aux Français, qui
d'égorger son iils s'il ne livrait la place. En efiet,
les registres de Bonfil, notaire contemporain k PerpignaB,
où Ton trouve quelques dates fort exactes des évèncmts
de ce temps Y on lit : « Aujourd'hui, jour de sainte Laee
(13 décembre) on a exécuté, dans le chftteao, D. Bemvd
d'Oms et le fils de Jean Hanca. Ce malbenren ji
homme, victime de l'attachement de son père h la
nationale, périt presque sous ses yeux, puisque J.
était enfermé dans Perpignan. »
Louis XI avait abusé de la victoire après la prise d'Etalé,
et n'était pas mieux disposé k l'égard des Perp^[Daiiais. Il
destinait au supplice ou aux fers les principaux bonigeois
et les nobles des environs; mais les généraux françns
vendirent l'impunité a tous ceux qui parent Tacheter. D
avait permis au Cardinal d'Ail» de prendre pour lai Iss
meilleurs bénéfices , lui recommandant de ne doBBer les
bons qu'aux Français , de promettre les autres aux geas
du pays, sans toutefois se presser de les lear délinar.
Se méfiant de ce Prélat, il avait envoyé Du Bouekage
pour le surveiller. Dans ses instructions à cet oficier, Q
lui prescrit de donner au Gouverneur les noms de
qu'il regardait comme traîtres, pour qu'on les fit
piler, si« de lli k vingt ans, ils osaient se montrer
la ville. Il plaça lui-même à la tète de cette liste de
cription Ortosa et Vines, avec répithète de très mai
INMir le premier, de grand traître pour le second; fl y
mit aussi Maure, comme celui chez qui s'était traaiée la
conspiration pour livrer la ville au Hoi dWnigon. II ae*
corda au gouverneur Boufile la dé|HHiille de ceux qtt*il fe>
rait périr; mais, heureusement, cet officier, homme dlieii»
neur, au lieu de pmfitor de cette horrible iavear« pril«
CHAMTEB QOATORZlftm. S99
auprès du Roi de France, la défense de ceux dont il l'en-
gageait à dei^enir le bourreau ^ Louis, non content de
confisquer, en dépit de la capitulation, le bien des parti-
culiers; de faire racheter aux villes, par de fortes amen-
des, le crime d'avoir montré de rattachement à leuf patrie
et à leur légitime Souverain , voulut priver CoUioore de
'son anciai n<HB , et lui d^nna celui de Saint-Michel , pour
lequel il avait une dévotion particulière; maia^ sur ce
point, l'habitude triompha de son despotisme^
Les Ambassadeurs aragonais profitèrent de la clause qui
les concernait dans la capitulation de Perpignan; et, dès
le âl mars 1475, ils étaient rendus auprès du roi Jean. 4475.
On conclut, par leur entremise, une trêve qui devait durer
du 2 avril au 6 septembre : elle fut assez mal observée;
car on voit, durant cet intervalle, un capitaine français
s'emparer de Saint^-Laurent-d^la-Muga. On en fil une
nouvelle au mois de novembre : elle devait finir.au 1^
juillet 1476. Les Français, l'observant aussi mal que h
puéeédente, se rendirent maîtres du château de Uvia, en
Cerdagne; bloquèrent celui de Salses, dont le comman-
dant, lâche ou traître, se rendit sans attendre les secours,
qui auraient pu lui arriver â temps. L'Ampourdan et le
Roussillon eurent beaucoup k souflrir des troupes firan-
1 Nom parions^id da Booflle d'après l«t intaort frucaif; naît oot arcliifet l^t oopmttn
que , fil ne ftat pas croel , il ne s'oublia pas lui-même ni ses amis. Noos y croyons que les
^nuMles eonfiscations forent pour les principanx ofliciers; mais qu'il n'y eot presqoe pas de
saaple fcndanne qni n'obtint quelque petite confiscation on une part dans une grande. Lei
registres des notaires de cette époque, nous offlrent une multitude d'actes proovaot ces confi»-
cntioiis, qui frappent les partimliers les plus obscars, aussi bien que les principanx Seigneui.
Dt malimnent aussi un nombre infini de contrits relatif à des rachats de prisonieit; «t
comne ces malheureux appartiennent presque tous à la classe des propriétairei raranx, oo
doit en conclure que. dans ces temps désastreux, on ne pouvait guère sortir de son village
sans tenber entre les mains des hommes d'armes, dont on ne se tirait que moyennant finance.
On voit jusqu'à des fenunes prises par des gendarmes français, et obligées de sonserira des
actes de rachat . soit en Roussillun . soit en France, où elles avaient été conduites prison-
nières. (Cart Houitia.)
300 HISTOIRE DU ROUSSILLOn.
çaises ou espagnoles, celles-ci n'étant point payées : on
voit, dans un accord fait entre les gens du Roi et ob
capitaine nommé Louis Madnssa, fort distingué par sa
conduite k la défense de Perpignan, qu'outre plusieurs
montres, on lui devait le prix des chevaux tués pour
fournir de la viande à la garnison. Au mois de septembre
de cette année, le Roi de Portugal, arrivé kCoUioure sur
une escadre française , avec des troupes de sa nation , y
débarqua pour continuer sa route vers la Cour de Louis XI.
L'arrivée de ce Prince, dont les motifs du voyage étaient
inconnus, avait fait craindre aux Aragonais une entrqirise
des Français sur la Catalogne; mais son départ, el les
assurances que donna le Général français de garder la
trêve, dissipèrent ces craintes. Malgré ces protestations,
si , d'un côté, les Catalans faisaient quelques courses sur
la frontière ; de l'autre, cinq cents lances françaises, eom-
mandées par un capitaine renommé, appelé Cadet Re«
monnet ( Rémond d'Ossaigne), firent une incursion dans
l'Ampourdan. En 1477 et 1478, il y eut plusieurs trêves
conclues entre Boufilc-le-Juge et les généraux de Jean;
mais elles n'empêchèrent point des capitaines des deux
nations de parcoiirir en partisans et de piller le Rooa^
sillon, la Cerdagne, les frontières de la Catalogne et du
l^ngiiedoc. L'accord fait en 1178, entre Louis et Ferdi-
nand, n'ayant pas été accepté par le roi Jean, la situstioD
de tous ces pays ne fut pas changée. Quoique le Rons-
sillon fut séparé de la Catalogne, on voit, en 1477,
liernard Aibri, bourgeois de Perpignan, siéger aux Cor-
tés de la province, et même être envoyé en dépstatÎM
par cette assemblée au roi Jean. Ce prince consem
toujours une grande aifectioii pour un autre Perpignanais
e\|>atrié, Jean Pages, vice -chancelier d'Aragon : il le
iioniina 1*1111 de ses rxénileiirs lostamentaires quelque
CHAPITRE QUATORZIÈME. 301
temps avant sa mort, arrivée le 10 janvier 1479. Le 12 ^^«79.
septembre de cette année, la paix fut conclue entre Louis
et Ferdinand : ils convinrent, au sujet des deux Comtés,
de nommer chacun deux arbitres, et de se soumettre à
la décision de ces quatre juges, qui, en cas de partage,
auraient le droit d'en nommer un cinquième. Toujours
fidèle k sa politique tortueuse, Louis XI, en se soumet-
tant k un arbitrage illusoire, songeait uniquement k pro-
longer la durée de l'occupation des Comtés par ses trou-
pes, afin d'en tirer parti, la considérant comme un moyen
de parvenir à lui en assurer la possession définitive. De
son côté , le jeune rival , déjà capable de lutter avec lui
de ruse et de finesse, espérait, en laissant la question
indécise , trouver un jour, dans la vieillesse de Louis ou
la jeunesse de son fils, une conjoncture plus favorable
pour faire valoir ses droits. Les prétentions des Rois de
France et d'Aragon étaient jugées d'une manière fort
différente des deux côtés des Pyi'énées. Si les Français
considéraient le traité de Saragosse comme un engage-
ment réel de la propriété de ces Comtés Cait par Jean à
Louis, et dont ce dernier aurait rempli exactement toutes
les conditions, les Catalans, au contraire, soutenaient que
Jean n'avait pu ni voulu engager que les revenus royaux
de ces Comtés, et que d'ailleurs Louis n'avait point rempli
les conditions de cet engagement. L'on doit convenir que
la lettre du traité et la conduite de Louis semblent favo-
riser leur opinion. Dans cette divergence de manières
de voir, ne nous étonnons pas de lire dans Zurita, que
Louis XI , à sa mort, recommanda de restituer les Comtés
au Roi d'Aragon; et que les Ambassadeurs de Ferdinand
ayant insisté sur l'accomplissement des dernières volontés
du Monarque français , il leur lut répondu que cette resti-
tution ne pourrait se faire qu'à la majorité de Charles VIII,
30S HISTOIRB DU ROUSSILLOlf.
tandis qae certains historiens français prétendent que les
Confesseurs de Charles et de la dame de Beaajen, gagnés,
par Targent de Ferdinand, contribuèrent fort I cette
titution par les scrupules qu'ils firent naître dans les
ciences de leurs pénitents. Quoi qu'il en soit, tpiès le
traité de 1479, le Roussillon lut plus tranquille et moins
malheureux : on le traita comme une proTince française.
En effet, ses Députés assistèrent aux États-Généranz tenus
à Tours en janvier 1484. Sous le règne de Charles Tin,
on reprit k Perpignan la construction de l'église Saint-
Jean, qu'avait fait interrompre la domination tyranniqne
de Louis XI. Cette ville, ayant obtenu de Charles VIII ,
1488. le 29 août 1488, la propriété du ruisseau de las Ctmab,
presque hors de service, s'occupa à le réparer, et I rétabHr
des moulins, dont la proximité des fortifications avait rendn
la destruction nécessaire dans les dernières guerres. Le
gouvernement despotique de Louis avait fait place h une
administration douce et paternelle, qui, secondée par Téf^
blissement de plusieurs familles françaises dans le pajrs,
avait changé les dispositions des habitants ii Tégard des
Français. Ceux-ci comptaient, surtout k Perpignan et
dans la partie nord de la province, un grand nombre de
partisans. Les généraux du Roi de France et les officiels,
tant civils que militaires , employés sous leurs ordres en
Roussillon, mus par l'amour du bien public et par h
crainte de perdre leurs emplois, ne pouvaient voir avee
indifférence la restitution d'un pays regardé comme le
plus ferme boulevard du Languedoc. Aussi, dès le pie*
mier soupçon que les conférences tenues k Narbomie,
entre les commissaires des deux nations, étaient rehn
tives k cet objet, si, d'un côté, ces rumeurs vagiet
furent accueillies avec satisfaction par la majenre partie '
de la |K>pulation, d*iiii aiitro cA\C\ le |>arti français, ayant
CHAPITRB QUATORZIÈMI. 303
r chef Guillaume de Carmaing, seigneur de Venés et
teuant du GouYemenr, ne négligea rien pour faire
oaer cette négociation. Le 4 juin 1492, de Yenés
vit k la sœur du Roi , et lui fit écrire par les Consuls
Perpignan , dévoués k la France ou intimidés par ses
laces, pour représenter k cette princesse, combien
e restitution serait nuisible au Royaume, peu agréable
Roussillonnais, et la supplier, en conséquence, d'user
oute son influence pour en détourner le Rok Carmaing,
gnant apparemment que les Consuls, dont l'élection
lit avoir lieu le 24 juin , ne fussent disposés k contra-
ses vues, employa tous les moyens possibles, même
plus violents, pour l'empécber; et, y ayant réussi,- il
tti-méme la nomination. Cependant, les bourgeois en
tèrent au Roi des plaintes, appuyées par un Chevalier
une Joubert, qui avait été Député de la Province aux
B de Tours, et obtinrent la révocation des Consuls
unes par de Yenés. Les commissaires français se trans-
èrent de Narbonne k Perpignan , pour y protéger la
rté de la nouvelle élection , et examiner la conduite
]lannaing. Après avoir, le 6 septembre, installé les
:istrats élus suivant les formes ordinaires, ils condann
«t ie lendemain de Yenés, en présence de Jean de
t)onne, gouverneur d'Elne, k une amende de cinquante
es d'or, en punition de se» violences, et désignèrent
jour pour l'élection des autres membres du corps
licipal. Ce jour arrivé, Carmaing, escorté de ses sa-
les, se présente dans le lieu où se fait l'élection., en
ise les Consuls nouvellement nonunés, ainsi que le
palier Joubert, et les troupes qui doivent maintenir
Ire. Les commissaires n'étant pas les plus forts, se
'ent k Narbonne , et le vainqueur installe les Consuls
s par lui. Mais, le 28 septembre, Jean d'Ax, seigneur
304 niSTOIRB DU ROCSSILLON.
de la Serpent et viguier de Carcassonne, entre
pignan, k la tête d'un corps de troupes, chaigé éà
main forte k on joge de Carcaasonne, à qui let
aaires avaient confié l'exécution de leur arrêt. Dw^
du Roi , adressés k tous les capitaines, leur
sous peine de mort, de protéger les opérations d»
gistrat. En cotiséquence , celui-ci installa, dès te
bre, les véritables Consuls. Le 4, on procéda il
des autres membres du corps municipal, el
de Venés fut renvoyé par devant le Roi pour Im
compte de sa conduite. Les plénipotentîaiieft ém
nations avaient repris leurs conférences ; et
^495. en janvier 1495, le traité définitif, qui fut joié
temps par le Roi de France, à Tours, et par eehi #i^
ragon , k Barcelone. L'article principal prononçail te
titution des deux Comtés. Cette stipobtîon .élut
très mauvais œil en France ; mais, quoique te
pays dût être iaite dans quinze jours, Charles Iteft
coup k ce qu'elle eût lieu de suite, soit poor
sa conscience, soit pour s'assurer au moins te
de Ferdinand durant l'expédition de Naples.
pour laisser aux esprits le temps de se calmée,
positif du Roi de France de remettre les places
de Ferdinand, ne fut délivré que le 7 jsûltel
Dans cet intervalle, l'Évéque d'Albi, commissiii»^>4i
Chartes et Colomna , secrétaire et commissaire êm Vi
dinand , se tenaient k Claira , oè l'Espagnol ne
d'ourdir des trames avec ses partisans dans tes
pteces, pour en hiter la remise. Aucune de cet
vres ne réussit; et même, après l'ordre domé te 7 fti^»
tet, te garnison du château de Perpignan se
k obéir, sous prétexte qu'elle n*était pas payée,
sédition, TÉvéque d*Albi aurait couru des risques, si tes
S.
CHAPITRE QUATORZIÈME. 305
habitants de la ville n'eussent pris les armes en sa faveur;
et ce Prélat ne parvint a rétablir la tranquillité qu'en fai-
sant payer ce qui était dû k la garnison mutinée. Enfin,
lorsque les Français eurent retiré de ces diverses places
l'artOlerie et les munitions pour les transporter k Nar-
bonne, la remise commença le 2 septembre, par celle
du Castillet, où entra Jean d'Albion, officier aragonais;
le lendemain, Mossen Citjar et le capitaine Lutier prirent
possession du grand château. Des officiers partirent avec
quelques troupes pour recevoir les autres places, dont la
remise (ut entièrement effectuée le iO du même mois.
On voit, par la narration de Zurita, que Bellegarde était
considérée comme une des forteresses les plus impor-
tantes de la province. Des documents publics nous ap-
prennent que le roi Jean avait fait des réparations consi-
dérables k ce château; et que, pour fournir aux dépenses
qu'elles occasionnèrent, il avait établi un péage (Barra)
au Perthus.
L'occupation du Roussillon par les Français, avait duré
trente-deux ans. Ce chef-d'œuvre de la politique astu-
cieuse de Louis XI , sans résultat utile k la France, en eut
de bien funestes pour cette province * , dont les habitants
expièrent , par vingt ans d'une guerre cruelle ou d'un gou-
vernement des plus tyranniques , la gloire qu'ils acquirent
par leur patriotisme et leur courageuse fidélité. Ce pays
vivait joui, pendant environ trois cents ans, sous les Rois
d'Aragon ou de Majorque, d'une paix qui n'avait été
troublée que par deux guerres de quelque importance,
mais de peu de durée (la croisade de Pbilippe-le-Hardi,
l'invasion de Pierre IV d'Aragon). Durant cette heureuse
période, les guerriers dont la patrie ne réclamait point la
1 n est pennu de penser, aa contraire , que rien ne pooTait Itre plos utile à ce pa3rs qoe
et bire partie de la France. (L'Éditeur.)
20
306 niSTOIRB DU ROUSSILLON.
valeur pour sa défense , courarenl partager les périls et
la gloire des Catalans dans leurs conquêtes de Majorqiiie
et de Valence, dans leurs expéditions en Corse, en Sar-
daigne, en Sicile, en Grèce : le reste de la popabtkm se
livra entièrement à l'agriculture, à l'industrie, h h navi-
gation, au commerce. Cinquante canaux d'irrigation forent
creuses; on fabriqua des étoffes de laine dans tontes la
petites villes et dans plusieurs villages de la province.
Per|)ignan renferma jusqu'il cinq cents tisserands de draps,
dont chacun faisait travailler un ou plusieurs métiers; des
bâtiments, du port de cinquante k cinq cents tonnemi,
chargèrent a Port-Vendres, à Collioure, sur les plages de
Canet et de Saint-Laurent, les denrées et les produits des
manufactures du [tays , pour les transporter sur les divers
points des côtes de la Miditerranée, depuis Gibraltar ji
qu'il Constantinople ; ils entrèrent quelquefois dans b
Noire, et s'aventurèrent môme dans l'Océan. A la vérité,
peu d'années avant l'invasion française, la prise de Cons-
tantinople, la conquête d'une partie du continent et des Iles
de la Grèce par Mahomet 11 , et les troubles de la Syrie,
avaient fermé à nos armateurs leurs plus importants débon»
chés. Mais il leur restait encore rEsfiagne, l'Italie, avec
ses Iles, l'Kgypte, l'Afrique, et leur aotirité aurait hwaHl
surmonté d(*s embarras momentanés. L'exiNsdilion de
Louis \l priva le pays de toutes ses ressources; et
que la Catalogne, dont il st^ trouvait si^Miré, imposait
nos draps un droit énorme de cinquante p4>ur cent à levr
entrée, le Languedoc demandait instamment qu'ils fussent
lirohibés en TRinre. I>*ailleurs, comment aurail-on pn
continuer ii fabriquer dans une ville qui soutint trois
si('*ges, et fut prise deux fois en quelques années; dans
unt» pr(»\inrf ibrhinr par une guerre cruelle, et tour-
iiii'iitcf |»;ir li'> i'\;irtii)iis lr> plus arbitiain*s. Aussi, voit-
CHAPITRE QUATORZIÈME. 307
on, h Perpignan, le i^ décembre 1477, une assemblée
des tisserands en draps, qu'y n'y figurent plus qu'au
nombre de cent douze , ayant pour objet de procurer de
TouTrage aux plus malheureux, et de trouvar le moyen
de subtenir aux charges d'une corporation, naguère si
ridie et si nombreuse. Plusieurs ouTriers, sans doute,
ataient renoncé k leur profession ; d'autres avaient passé
dans les pays étrangers ' ; et c'est probablement au moyen
de ces réfugiés que Ferdinand d'Aragon, roi de Naples,
parvint, vers cette époque, à établir des manu&ctures de
lams^e dans sa capitale, avec laquelle Perpignan, malgré
les malheurs de ce temps, conserva toujours quelques
relations de commerce. La décadence de son industrie ne
fut pas le seul désastre éprouvé par le Roussillon durant
l'occupation française : pour en avoir une idée exacte,
joignons , au résumé des faits cités par des historiens
français, quelques détails dont la vérité nous est ga-
rantie par des documents conservés encore dans nos
archives.
Les Comtés, ainsi que la Catalogne, étaient divisés
en deux partis : celui du roi Jean et celui de la ville de
Barcelone. On n'avait donc pris aucune déterminatîoii
générale , soit pour se soumettre , soit pour résister au
Comté de Foix^ qui se présentait, en même temps,
comme Lieutenant-Général du Roi de France et do Roi
d'Aragon : c'est du moins, en cette dernière qualité, que,
le 13 ou le 14 juillet, il envoyait de Rivesaltes^ où il se
I taK n prcjet de règlement pour U corponlion des tiaenft de UiM . «t du» une rC-
rU— lion adretiée au viee-roi Boofile , on tronve la prenne qu'an gnnd nombre de cet
ovrriere , pour se soottraire aox impôts . aux emprunts , an serrice qn'on exigeait de la
corporation . l'avaient qnittée oa s'éUient retirés à Plortooe et tu d'aatna pays, et y avtieDt
apporté l'art de fabriquer les cadis qui n'y était pas eonnn. Cet ait fit de tels progrès dans ^
cette Tille, que les Florentins , qui auparavant recevaient de Perpignan tontes tes étolli»
éê ce genre . en interdirent l'entrée dans leur pays
308 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
trouvait alors, un commissaire pour faire prêter on nou-
veau serment d'obéissance au Roi d'Aragon par les habi-
tants d'Estagel. Nous avons vu que l'armée française arriva
jusqu'au Itolo sans avoir trouvé de résistance sérieuse, et
qu'elle signala son passage parle pillage et l'incendie. Noos
avons vu , qu'après la prise de Perpignan , le 8 janmr
1465, une commission , à la tête de laquelle était le pre-
mier président de Toulouse , prononça les peines dp
bannissement, de la confiscation des biens, ou au moins
de fortes amendes, contre une foule de citoyens de cette
ville, dont tout le crime était de s'être défendus pendant
quelques mois. Peqngnan une fois soumis, les Français
n'avaient pas un seul ennemi en armes dans la plaine du
Roussillon ; et cependant nos archives nous montrent,
en 1465 et 146i, un grand nombre de prisonniers bits
par eux et délivrés moyennant de fortes rançons. Coome
on voit quelquefois ces rançons extorquées par des
naces de mort, et qu'en même temps on trouve des
où des particuliers aisés disent ne pas s'être rendus à tel
ou tel endroit de peur de tomber entre les mains des gens
de guerre, ces prétendus prisonniers n'étaient sontent
que des propriétaires forcés par leurs affaires il se mettfv
en route, et ayant eu le malheur de rencontrer des gens de
guerre. lje& chefs fermaient les yeux, et, d'ailleurs, leur
conduite n'était guère meilleure ; nous nous bornerons
à citer le fait suivant : In commandant de Salses, qui
n'occupait ce |M>ste que depuis vingt mois, sachant qu'il
devait bientôt rentrer en France, et voulant récompenser —
les services que lui avaient rendus deux de ses
leur fit don des biens meubles qu*il y possédait,
lesquels ligurai«Mit a suixante-cinq juments, magnasetgroi ■'
nsiis, aver leur produil, poulains ou mulets, et quaU
M iMnils el \arhi's, awv six \rau\ gras. » Nous
CHAPITRE QUATORZIÈME 30^
lea eonAscations faites sur Le& RoassiUonnais restés
vice du roi Jean , avec lequel Louis. XI n'était pas
i en état de guerre ouverte» Lorsqu'elle fut décla-
e pays souiTrit beaucoup des exactions des deux
mais surtout en 1474, où Louis XI occupa son
, pendant tout le mois de juin, à brûler les récoltes
ment d'être moissonnées, à couper les oliviers, à
er les vignes. Perpignan capitula le 10 mars i475;
^s articles de la convention furent si mal observés,
uoiqu'il y fût stipulé que les habitants qui se retire-
avec la garnison aragonaise, auraient quatre années
sndre leurs biens, Louis, par lettres-patentes datées
is le 6 avril suivant , donnait ceux de Jean Blanca,
trouvait dans cette catégorie, k Duchesnoi^ comr
nt de Salses. Durant l'occupation française, on
très peu d'actes relatifs aux esclaves, si nombreux
I période précédente. On doit l'attribuer k la mi-
xtréme du pays, et k l'interruption de son corn-
avec le Levant.
'e industrie se releva sous le gouvernement plus
le Charles VllI. Si nos manufactures n'étaient plus
îlles avaient été quant k la quantité de leurs pro-
ies draps de Perpignan restaient toujours d'une
supérieure; on continuait d'y cultiver le pastel,
trdons et la garance. La dime des deux premiers
dans le petit territoire de Saint-Jean de Perpignan,
it k neuf livres , cinq sous de rente. Les arts y
; en honneur : il y avait plusieurs libraires, relieurs
mineurs, qui travaillèrent probablement k ce Missel
i qu'on voit a THôtel-de- Ville. Fait au commence-
lu xye siècle, ce Missel coûta 179 livres de Perpi-
dont 54 livres pour l'écriture , qui fut l'ouvrage d'un
de Saint-Jean; le reste, pour les images, l'enlu-
310 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
minure, la reliure, le parchemin, les fermoifs, le Ahv-
reau en velours. (Append., n^ i7.)
Déjh , dès i403 , le Chapitre et la Commwuwté de
Saint -Jean, possédaient une bibliothèque, dont oo me
prétait la clef que sur la recommandation de deux moB-
bres du Chapitre ou de la Communauté, et sous le tou-
rnent d'en ayoir le plus grand soin , et de ne pas lainer
seuls les étrangers qui viendraient la visiter. Ea 1481,
on voyait une autre bibliothèque au couvent de la 9mr
sion , Ordre de Saint-François.
Nous allons examiner, comme nous Tavons dxmnmré
plus haut, les deux questions suivantes : Les RoMafllos-
nais ont-ils été rebelles k Louis XI? D. Bernard dX)BS
a-t-il été plus coupable qu'eux? Pour les résoudre, éH»
blissons d'abord, avec exactitude, la position de ee
à regard du Roi de France. Ce Prince et le Roi é\
étaient liés par le traité de Saragosse , qui , sll eAl stipdé
l'engagement véritable de la souveraineté des deux Conléii»
était en opposition formelle aux lois du pays, et ne dennak
à Louis aucun droit k l'obéissance des RomeilkNwm.
Les deux Rois le savaient très bien : aussi, en evamhMt
les conditions de ce traité; en pesant les termes dool en se
sert pour les exprimer, cette hypothèse est inadniaoUe.
En effet, on engage au paiement de la dette, les
des Comtés avec les mémos expressions qu'on
pour ceux du Royaume d'Aragon . dont personne n'a ja-
mais prétendu que la souveraineté fût engagée. A b iràrilé,
les revenus des Comtés, s|HH:ialement destinés h servir les
intérêts de la dette, senmt compilas au Roi de Franee;
mais par qui? |Kir k^s PnK*un*urs ro>aux du Roi d'Arafoa
qui coiitinuenint d'administn*r ct'S |ia>s. Rien plu, ces
officiers contractant une obligation |R'rsonnelle , garaatie
|ur rinq «les princi|iau\ «Vî^ntMirs ara;!onais« de déttner
CUAPITBB QUJLTOBZIJUIE. 3H
aux délégués du Roi de France les cexenus des Comtés.
A quoi bon toutes ces précautions? Si la souveraineté-
eût été règlement engagée, on aurait remis les Comtés
à Louis, qui en eût perçu les revenus comme il l'aurait
entendu. On doit donc considérer le traité de Saragosse
comme une convention , où Louis consent k fournir à
Jean un secours qu'on évalue à deux ou trois cent mille
écus d'or ^ , au paiement desquels Jean engage en général
les revenus de tous ses États , et en particulier .ceux des
Comtés. Louis jouira de ces derniers jusqu'à l'entier
acquittement de la dette, dont ils serviront à payer les
intérêts. Nous ne sachons pas que, depuis ce traite, il y
ait eu de semblables stipulations entre Princes; mais, plus
anciennement, il en avait existé. Ainsi, nous pouvons citer
un accord fait en 1270 entre S^ Louis et le prince Edouard
d'Angleterre (V. actes de Rimer). Il faut convenir encore que
si le Roi de France n'avait été infiniment plus puissant que
le Roi d'Aragon, il n'aurait eu d'autre garantie de rentrer
dans ses déboursés que la bonne volonté de celui-ci. Mais le
traité donnait à Louis des droits positifs sur une somme très
considérable ; droits qui ne sont jamais perdus par le plus
fort, et ce Prince prit pour les assurer des mesures telles
que, sans les scrupules de Charles VIII, ou son ardent
désir de conquérir Naples, les deux Comtés seraient restés
indubitablement à la France. Observons de plus, que la
cession de la souveraineté des Comtés, ne pouvait, en
aucune manière, être stipulée dans un traité : elle aurait
1 Les leroors donnés par Louis à Jeao ôlatent bien payés : en effet , 200.000 écus d'or à
11 fr. i4 cent, chacun , font 2.228.000 fr. La solde d'une lance complète était alors (Daniel)
de 30 liv. an mois ; ponr sept cents lances. 21 .000 li?.. ce (|«i retient à iOS.îOO fr. d'tejœr-
dhni. D'où il Hiil qu'atee ces 200.000 écns d'or, il y avait de quoi payer le» sept cents
Uores |>€ndjint plus de vingt -el-un mois ; cl l'on ne saurait douter qu'avec ce secours , loya-
lement fonnii . Jean ne fût venu à bout des Catalans , puisqu'il réuseit en huit an» sans
en juair. et molgr*^ ceux que Louis leur donna an contraire i>endaut ciuq an:'.
3ia HISTOIRE DU ROUSSILLON.
aliéné au roi Jean le cœur de ses plus fidèles i^j^v ^
réuni les Catalans de tous les partis contre les Français.
Le traité de Saragosse convenait parfaitemettl à Louis;
car U ne décelait pas ses projets ultérieurs. Ses troupes
entraient en Roussillon sous le prétexte hononUe da
venir au secours d'un Roi allié : reçues dans les
pales places au pouvoir des partisans du Roi d'A..^^..,
il se rendit facilement maître des autres. Du reste, il
comptait^ pour la réussite de ses projets, sur son aimée,
sur les circonstances, sur son habileté k en profiler. Les
intentions du Roi de France ne furent bien 'h découvert ,
qu'au moment de l'exécution du traité. Au lieu de aapt
cents lances, il fait marcher vers le RoussiQon nue anuéa
considérable, sous les ordres du Comte de Foix. Ce gé^
néral, gendre du Roi d'Aragon, devait, à ce tilfe, avoir
une certaine influence sur les partisans de oe Prûaea.
Quoiqu'il fût entièrement dévoué au Roi de France, aea
troupes sont reçues dans les principales forteresses; eUea
enlèvent les autres, les occupent toutes avec de fortes
garnisons, et se contentent de laisser quelques compa-
gnies sur le revers méridional des Pyrénées, non pour
combattre les Catalans , mais pour les empêcher de com-
muniquer avec les Roussillonnais , qu'on cherchait à
soulever contre une domination étrangère. Les choses
restèrent dans cet état de 1465 k 1466; mais, il celte
époque, Louis, non content de livrer passage il travers
les Comtés au compétiteur du roi Jean , lui fournit dea'
secours en hommes et en vivres, et finit par prendre
ouvertement son parti. Cependant, les Comtés étaient
horriblement maltraités par les Français. Enfin, en 1471,
Jean , ayant pacifié la Catalogne , et voulant profiler de
l'exaspération des Roussillonnais contre leurs oppresaenrt,
envoie un coqis de trou|ies dans les Comtés. Partout oft
CBAPITMS QUATORZlàMB. SI 3
les Français ne furent pas assez forts pour comprimer
l'esprit public, toute la population se leva en faveur du
Roi d'Aragon, et reçut ses soldats comme des libérateurs :
Perpignan même réussit k secouer le joug en 1473. Il
faudrait être totalement insensible aux nobles impulsions
du sentiment national, pour prétendre qu'un peuple vic-
time d'un véritable guet-à-pens (quel autre nom peut-on
donner k la conquête de ce pays par Louis XI?) n'a pas
le droit de s'unir k l'armée de sa nation venant le déli-
vrer de l'oppression étrangère. Osera-t-on donner aux
Roussillonnais le nom de rebelles k un Roi, dont les
droits n'étaient dus qu'k la force et surtout k la perfidie?
Mais, dira-t-on, la position de Bernard d'Oms était bien
dîirérente : après avoir été Sénéchal de Beaucaire, il l'était
de Perpignan au moment de l'entrée des Aragonais. S'il
avait occupé la première de ces places, il eût dépendu
du Roi de France par sa charge, de celui d'Aragon par
sa naissance et ses fiefs. D'après les lois féodales encore
alors en vigueur, il pouvait combattre pour l'un des deux
Rois, en remettant k l'autre sa charge ou ses fiefe. N'étant
pins Sénéchal de Beaucaire, mais de Perpignan, il se
trouvait dans un cas plus favorable ; car, si Louis pré-
tendait lui avoir donné cet emploi, D. Bernard pouvait,
avec bien plus de raison , prétendre ne l'avoir reçu que
do Lieutenant-Général du Roi d'Aragon (voir plus haut),
et, par conséquent, ne devoir fidélité qu'k ce dernier.
Jean, souverain légitime aux yeux des Roussillonnais,
avait droit d'exiger ses services ; il les réclama en entrant
dans le Comté : que devait faire D. Bernard? [Disons-le
hardiment : il se devait a sa patrie et k son Roi ; et s'il
ne prit pas le parti le plus sûr, puisque ce n'était pas
celui du plus fort, assurément c'était le seul convenable a
un homme d'honneur, k un bon citoyen, et sa conduite
314 IIISTOIRB DU BOUSSILLON.
aurait dû lui attirer l'estime , ao moins rindulgence d'un
vainqueur généreux. Sa condamnation fut d'autant -plus
inique, que, par l'article douze du traité fait à Perpignan
le 16 septembre, ratifié par Louis le iO novembre i473,
les deux Rois accordent une amnistie pleine et entière,
pour tous les faits antérieurs, aux habitants originaires des
Comtés, ou qui y possédaient des terres. On dira peut-être
que ce traité était rompu lors de la capitulation de Bernard:
nous convenons que les deux Rois pouvaient se croire d^
gagés, l'un vis-k-vis de l'autre, de toutes les conditions qui
les regardaient personnellement ; mais ils n'en étaient pas
moins liés vis-k-^isdes particuliers, k qui ils avaient promis,
par un serment solennel , une amnistie sans restriction , la
plus complète qu'on pût imaginer. Louis y était d'autant
plus tenu, qu'il avait rompu la paix en faisant incendier les
récoltes du Roussillon , afin qu'on ne pût pas mitailler
Perpignan, dont le siège devait être sa preniiëre opéntion
militaire. On a dit que Louis n'avait fait qu'user de repré-
sailles, les Aragonais ayant fait pendre un capitaine du
parti français : mais cet olHcier fut-il puni pour un fiùt
militaire et antérieur au traité de 1475? Non; il fut éié-
cuté comme Tun de ces incendiaires chargés par Louis de
détruire par le fer et le feu toutes les récoltes du Conté.
CBAFITBB aUlMZlàVB. 315
CHAPITRE XV.
ONZIÈME ÉPOQDB.
LE R0\3SSILU)N Rllî^TRE BOVÎS LA MMIÎ^XTION
DES ROIS D*\R\GON.
Les États de Ferdinand et d'Isabelle Tonnèrent, par leur
réunion, une puissante monarchie : après l'ayoir pacifiée,
ils l'agrandirent par la conquête de Grenade, qui eut lieu
le 2 janvier 1492. Le i2 octobre suivant, Colomb décou- U92.
vrait un monde nouveau pour ces Princes, que la fortune
semblait vouloir accabler de ses faveurs. Le Roussillon
ne pouvait avoir pour eux toute l'importance qu'il avait
eue pour les Rois d'Aragon. Ils ne négligèrent, cepen-
dant, aucun moyen d'en hâter la remise. Ferdinand s'était
rendu à Barcelone pour être plus k portée de diriger ses
agents dans les Comtés. Il partit pour Perpignan, avec
la Reine, le 6 septembre 1495; ils y furent reçus avec
les plus grandes démonstrations de joie. Par une des
clauses du traité de restitution des Comtés , toutes les
confiscations faites par les Français, pendant leur occu-
pation, étaient annulées ; mais les ecclésiastiques, quoique
nés Français, conservaient leurs bénéfices en prêtant
serment de fidélité au Roi d'Aragon, qui avait le droit de
placer des gouverneurs et des garnisons dans les forts
316 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
et châteaux leur appartenant k raison de ces bénéfices.
Toutes les dignités ecclésiastiques de quelque impor-
tance, telles que rÉvécbé, les Arcbidiaconats, plusieurs
Canonicats d'Elne, les Abbayes de Saint-Micbel, d'Arles,
de I.a Real, de Saint-Génis, de Saint-André, de Sorède,
le Prieuré del Camp, étaient possédées par des Français.
Ferdinand s'empressa de faire exécuter une clause lu»
donnant les movens de rétablir dans leurs biens, des b-
milles qui ne les avaient perdus que par dévoûment k
TAragon , et de s'assurer de la soumission des principaux
membres du Clergé, qui ne pouvaient voir qu'avec peine
ce changement de domination. Quant aux dispositions
qu'avait prises Louis XI , en dispensant certaines villes de
payer les rentes dont elles étaient chargées, il régla,
dans son ordonnance rendue k Perpignan, le 1^ octo-
1493. bre 1495, que, provisoirement, la moitié du revenu de ces
villes serait destiné au paiement de ces rentes, sans que
les créanciers pussent réclamer les pensions arriérées.
Le 21 septembre i 493 , Ferdinand promulgue , k Per-
pignan, l'ordonnance qui expulse les Juifs des Comtés:
c'était une conséquence de celle rendue le 30 mars 149S|
|K)ur chasser ces malheureux des Royaumes de Castille
et d'Aragon. Dans la première, on leur accorde six mois
pour vendre leurs biens, iiercevoir et solder leurs dettes
actives et passives ; dans la seconde , le délai n'est qse
d'un mois, au bout duquel ils doivent avoir vidé le pjs
sous peine de la vie^ tant pour eux que pour les Chré-
tiens qui leur donneraient asile. Ces dispositions, d*niie
rigueur au miiins excessive, ne frappèrent heureusement
qu*un tri^s petit nombre d*iiidiviiliis. Les calamités qai
affligèrent le Koiissillon et surtout Perpignan, de 1402 à
1 179, y anéantirent le commerce, et contribuèrent beau-
coup à affaiblir la colonie que cette nation cosino|iolile v
CHAPITRE QUINZIÈME. 317
avait établie; colonie qui déclinait beaucoup depuis un siè-
cle , dans un pays où elle ne pouvait vivre que par l'usure
et le petit trafic dédaigné par les Chrétiens. D'ailleurs, la
restitution des Comtés était pressentie depuis deux ans,
et stipulée dans un traité depuis huit mois , lorsqu'elle fut
effectuée. Les Israélites peu nombreux établis dans la
province , eurent donc le temps de prendre des précau-
tions pour mettre en sûreté leurs familles et leurs fortu-
tunes : ils n'y manquèrent pas. Aussi, leur expulsion,
mesure certainement très cruelle pour ceux qu'elle frap-
pait^ passa comme inaperçue au milieu d'ime population
agitée par les passions politiques qu'excite toujours un
changement de gouvernement. Ce qu'il y a de certain,
c'est que leur dépouille ne tenta ra\idité de personne,
comme l'on peut s'en convaincre par l'inventaire que
dressèrent les officiers royaux, et conservé dans nos ar-
chives, avec la plupart des papiers relatif à cet objet.
Ces archives ne nous offrent rien concernant une autre
ordonnance de Ferdinand bien plus importante, celle qu'il
rendit sur les Vassallos de Remetisa. On appelait ainsi des
paysans sur lesquels les Seigneurs avaient certains droits,
dont la dénomination de mal usos (mauvais usages), in-
dique assez combien ils étaient durs pour les malheureux
qui y étaient soumis. Les six plus odieux de ces mal usos
étaient : i^ Remensa personal : un paysan ne pouvait quitter
la terre du Seigneur sans en avoir obtenu la permission en
payant ; 2^ Interslia : le Seigneur héritait du tiers du bien
de son vassal mort intestat , laissant femme et enfants , et
de la moitié s'il ne laissait qu'une femme ou des enfants ;
30 CogtUia : la dot de la femme adultère était partagée
entre le vassal et le Seigneur, qui la prenait tout entière
si le premier cherchait à cacher son malheur; A^ Exor-
(plia : si le vassal mourait intestat sans enfants, ce qu'on
318 UISTOIRB DU ROUSSILLON.
appelait exorch : la part qu'auraient eue les enbnts appir^
tenait au Seigneur, les héritiers naturels aYaient le reste;
50 Àrsia : le vassal était tenu de payer au Seigneur mw
certaine somme, si la métairie qu'il tenait de lui derenût
par sa faute la proie des flammes ; &* Forma de despofo
forçado : quand le vassal hypothéquait sur ses biens la
dot de sa femme , le Seigneur prenait le tiers du droit
de lods. Les Vassallos de Remensa s'étaient souvent lé-
voltés; et sous le règne agité de Jean I^^ ils eurent pres-
que toujours les armes à la main , soit pour soutenir le
Roi, soit pour combattre contre leurs Seigneurs. On avait
fait plusieurs projets pour tarir cette source de divisioas
intestines. Ferdinand, plus heureux que son père, avant
réussi h engager les deux parties k s'en remettre h sa
44S6. décision, rendit à Guadaloupe, en i480, une ordonnance
qui aflranchissait ces paysans de tous ces droits, moyen-
nant que chacun d'eux s'engageât h payer à son Seigneor
60 sols barcelonais, ou à lui senir une rente 5 p. */, de
ce capital. Si les Vassallos de Remensa eussent ëlé non*
breux dans le Roussillon lorsqu'il fut restitué & Ferdinand,
il n'est pas douteux que ce Prince aurait promulgué mw
ordonnance pour faire jouir ce pays du bienfait de cde
de 1486, ou bien qu*on aurait trouvé, postérieurement ï
cette époque, quelque exemple de l'existence de ces mtd
usos. Nos archives gardant sur ces objets un silence ab-
solu, nous devons en conclure que le Roussillon était
déjà délivré de tout ce que le régime fi^al avait de plH
odieux par les actes nombreux d'aflranchissement de ces
droits, et d'autres bien moins onéreux, que les Rois, les
Seigneurs et le Clergé avaient donnés ou vendus k des
communes ou à des particuliers durant les xni% xrr* et
xv<* siècles, actes dont nous avcms parlé ci-dessus.
Ferdinand ayant sc^journé un ukms à Perpignan, revint
CHAPITRE ftVINZlÈMC. 319
I Barcelone, où, le 4 novembre 1495, il ordonna, tant de sa
[)ropre autorité, que de celle qu'il tenait des Cortés, de
irapper dans cette ville et à Perpignan, une monnaie dite
Ttincipat, au titre et du poids des ducats de Venise, et ifis
;roats et demi-croats au titre de* 1 1 Vi deniers, k la taille
le 72 croats au marc , dont le coin devait être celui des
mciennes monnaies d'or pour les principats, et celui des
mciens croats pour les nouveaux. 11 veut, dans cette or-
limnance, que le principat ait cours pour 12 croats; qu'on
le puisse faire, qu'au poids, un paiement considérable en
irgent, et quel qu'il soit en or; qu'on ne soit tenu à
*ecevoir en billon que la valeur du quart d'un croat. Il
)rdonne, en même temps, que les carlins et les parpail"
oies cessent d'avoir cours en RoussiUon dans quatre mois :
es premiers étaient des carolus frappés sous Charles YIII,
alant iO deniers; les parpailloles, une monnaie déjà usitée
n Languedoc en 1451 (D. Vaissette). Le 9 juillet 1495,
Domma Gouverneur du RoussiUon, Louis, tils de Ber-
ard d'Oms, dont nous avons vu la fin tragique, et pour
apitaine-Général dans les Comtés , D. Henri Henriqnez,
>n cousin-germain. De ces deux nominations, la première
^compensait dans le fils les services du père ; par la se-
onde , il témoignait son affection k ses nouveaux sujets.
e 30 mars 1496, il permit de fabriquer, k Perpignan, de ^49$.
i monnaie de billon^ de la matière et du poids qu'il plairait
ox Consuls. Les concessions du Domaine de la Couronne
lites par les Rois de France, avaient probablement été
nnulées, puisqu'on voit, en 149o, le Procureur-Royal con-
éder une prise d'eau sur le canal de Perpignan , donné k
ette ville en 1488 par Charles VIIL Mais le Roi d'Aragon,
e voulant pas priver cette cité fidèle d'une faveur qu'elle
vail obtenue d'un Gouvernement illégitime k ses yeux,
onfirma en l.jOi la donation faite en 1488.
320 UISTOIRE DU ROCSSILLON.
I^ paix, que la restitution des Comtés à l'Aragon sem-
blait assurer pour long-temps entre la France et FEspagne*.
ne fut pas de longue durée. Ferdinand ne put Toir lan»
jalousie la rapidité des conquêtes de Charles VIII. Voulant
empêcher ce Prince d'affermir sa domination en Italie, il
conclut, le 51 mars 1495, un traité avec la RépobGqae
de Venise , le Pape , TEmpercur, le Duc de Milan. Par
suite de cette alliance, les Âragonais, indépendamment
de leur contingent k l'armée formée pour s'opposer k l'inva-
sion du Royaume de Naples par Charles VIII % devaieat
attaquer le Roussillon. D. Henri Henriqaez raaaemlih,
à cet effet y vers la mi-novembre , quatorze cents lances
et un corps d'infanterie à peu près d'égale force, aoprfcs
d'Opol ; pénétra jusqu'à deux lieues de Carcaasonne, et
revint par Tuchan , emmenant soixante prisonnier», vingt
mille bétcs à laine , et quatorze cents bétes k corne m
juments. Cette expédition devait attirer en Roussillon des
représailles : iK)ur s'en garantir, on résolut, Salses n'étant
pas tenable, de fortifier Claira, que l'on regardait comme
très avantageusement placé pour couvrir le pays. Dis le
commencement de janvier 1496, Don Henri marcha anr
Caladroy : le gouverneur, soit lâcheté, soit corroptiott,
rendit ce château, sans le défendre, à Jean de Leyna,
commandant l'avant- garde. Pendant cette expédition,
un corps français de sept cents fantassins, cent honnnes
d'armes et cent cinquante chevau-légers, entrait dans h
Salanque par le grau de Leucate , et enlevait quinie cents
têtes de menu liétail; mais quelque cavalerie, sortie de
Perpignan , renforcée par celle qu'on avait placée dans
les châteaux de la frontière, lui lit lâcher la plus grande
t I». l'ifrn' Itflpas. ly rpifl;naDai« . rumnaailail fo lulir U râvileric Mfèiv
Abi ri rum|ia|rmiD ilu irraud rapitainr r.uDMt^f de «'.urdoiie . il » 4i»tiBf"* <!*** c^
pif M. n icriniiu ytnrwiiwnM'iii m \\¥ i l.i haljille tit Uavrnw.
CHAPITRE QUINZIÈME. 321
partie de ce butin , et le poursuivit jusqu'à Leucate. Un
antre petit détachement avait enlevé, pendant la nuit, mille
têtes de bétail réfugié dans les fossés de Rivesaltes; mais
atteint par la garnison, il fut obligé d'abandonner sa
prise. Pour se mettre a couvert de ces incursions, on
répara à la hâte les fortifications de Salses, d'Elne, de
CoIIioure. On construisit sur le grau un château de bois
si fort et si bien placé qu'on ne pouvait l'attaquer qu'avec
de l'artillerie ; on y mit, pour commandant, un écuyer de
la compagnie de Bernard Francès, avec une garnison de
dix arquebusiers et autant d'arbalétriers ; on y plaça trois
ribaudequins ^ Pour plus de sûreté, on envoya dans
l'Ampourdan tous les troupeaux de la Salanque. Non
content de ces précautions. Don Henri fit, au mois de
mars, une course jusqu'à Narbonne, et l'un de ses capi-
taines prit et rasa le château de Montfort. On acquit la
certitude qu'un grand corps de troupes françaises s'avan-
çait vers la frontière. Pour que le Roussillon ne fût pas
sans défense, on y envoya mille Aragonais, moitié hommes
d'armes, moitié cavalerie légère, huit cent cinquante lances
castillanes, douze cents chevau-légers de la même nation,
et quatre mille hommes d'infanterie, composée à la manière
de ce temps, de piquiers, d'arbalétriers et d'archers. Ces
dispositions n'empêchèrent point un parti français de se
glisser jusqu'aux environs de Saint-Laurent, village situé
tout près du château de bois, pour enlever cent cinquante
juments qui dépaissaient dans la campagne. Don Henri,
averti à temps, fit sortir de Perpignan des troupes, qui,
s'étant placées en embuscade, tombèrent à l'improviste sur
les Français ; les battirent, et leur firent quelques prison-
niers, parmi lesquels se trouva le gouverneur de Leucate.
I Aurienn*' pière (rarlillcrie, lont^ue de 36 calibres, et laDçaat^n boulet de plomb pesant
1 U\re 3/4 . chassé par une rliargft «le même poiils.
21
322 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
Depuis le 29 juin 1496, jour où cette rencontre eut lien,
on resta tranquille de part et d*autre jusqu'au 28 octobre^
où le maréchal de Saint-André, ayant rassemblé dix-huit
mille hommes aux environs de Narbonne, sous prétexte
de les conduire en Italie, tomba de nuit et à Tîniproviste
sur Salses ; dressa ses batteries, et canonna le lendeouÛB
la place avec une telle furie , qu'il ouvrit le jour même
^soe. une brèche praticable. L'assaut fut aussi vif que la défioise
molle; car, quoique la place fût mauvaise, comme eik
avait sept cents hommes de garnison et vingt-neuf pièces
de canon, elle aurait pu opposer une plus longue réiii>
tance. Mais les deux principaux ofiiciers ayant été tués dès
le commencement de l'action, le désordre se mit parmi
les assiégés, qui abandonnèrent la brèche. Trois eeutt
hommes seulement réussiront à se retirer dans le fort;
on leur accorda, par capitulation , la vie sauve, condilioa
qu on ne tint pas exactement. D. Henri connaissait l'élat
de la place : assise sur une roche vive, sans fossés, n'ajSDt
qu'un mur vieux et peu épais , elle devait être démolie
aussitôt qu'on aurait construit une autre forteresse dans
la plaine. Aussi, à la première nouvelle de l'entrepriie
des Français, marcha-t-il, avec les troupes qu'il put ra^
sembler, au secours de la place, dont il apprit la redditioQ
à son arrivée à Rivesaltes. Il s'avança, cependant, k la lile
de deux mille chevaux et quatre mille hommes d'inCuH
terie, et campa à une petite lieue des ennemis, postés
sur la montagne qui domine Salses. Dans cette posilkm,
on conclut une trêve de deux mois et demi. Les Français
abandonnèrent leur récente conquête, et les Espagnob
le château de Caladroy. Comme on s*attendait à une nou-
velle attaqui' lors de Texpiration do la trêve, on se dérida
à fortifier KIne, Collioure et surtout Claira. I.es habitam
du Roussillon. soutenant que vvMc guerre n*avait pas
CHAPITRE QUINZIÈME. 323
objet la défense du pays, ne voulaient point contribuer à
la réparation de ces places, appuyant leur refus sur les
privilèges de la province, qu'il n'eût pas été prudent d'en-
fireîndre dans un moment où Ton avait besoin de son
«encours. D. Henri dut , pour se tirer d'embarras, con-
sentir k prolonger la trêve jusqu'en novembre 1497. 4497.
Durant cet intervalle, des envoyés de Ferdinand, venus en
Roussillon , négociaient la paix avec ceux de Charles YIII,
établis k Narbonne.
Les troupes aragonaises étaient distribuées dans les
forteresses du pays. La nombreuse garnison qui occupait
Perpignan , ne vivait pas en très bonne intelligence avec
les bourgeois : un mercadier nommé Serra, ayant eu une
rixe avec Don Alonso de Souza , fut tué par cet officier.
Les parents et amis du mort se portèrent en foule vers
la maison occupée par D. Jean de Leyna, où, disait-on, le
meurtrier s'était réfugié. Les soldats se mirent en devoir de
leur en défendre l'entrée ; et il s'ensuivit une violente lutte
entre les habitants et les militaires. Don Henri accourut
pour apaiser le tumulte, et fut atteint d'un coup de
pierre, dont il mourut peu de jours après. On envoya le
Comte de Ribagorce, avec quelque cavalerie, pour rétablir
Tordre dans la ville, et procéder sévèrement contre les
coupables, soldats ou citoyens. Ce Seigneur, l'Évéque
d'Ui^el et Louis d'Oms, gouverneur de Perpignan, firent
les inrformations les plus minutieuses pour découvrir le
meurtrier. On reconnut que la pierre, lancée par l'un
des défenseurs de la maison de D. Jean de Leyna, avait
atteint, par l'effet d'un malheureux hasard, le Capitaine-
Général, qu'on n'avait point visé, et on rejeta toute la faute
^ur D. Alonso de Souza, qui s'était réfugié en France.
Pour éviter toute occasion de querelle, on retira les
troupes de la ville, où elles étaient fort à charge a Tha-
324 HISTOIRE DU ROUSSI LLON.
bitant, n*eii laissant qu'au château et au CasUllet; les
autres fui^'ot distribuées dans les forteresses ou envovées
•
dans rAm|K)urdan. Après avoir rétabli l'ordre, le Comte
de Itibagorce fit visiter remplacement du fort projeté pour
Salses. On le choisit au-dessous de l'ancien , dans nn en-
droit où se trouvait une source que l'ennemi ne pouvait
détourner, et on se mit a \ travailler avec la plus gnnde
activité. Don Sancho de Castille, qui dans les guerres
précédentes avait servi en Roussillon , fut nommé pour
remplacer D. Henri; il lui fut recommandé d'être fienne
k l'égard des militaires. Le Gouverneur eut ordre d'en
agir de même à l'égard des bourgeois; car ou était mé*
content de la conduite des uns et des autres.
Le nouveau Capitaine-Général , après avoir reconnn h
province confiée à ses soins, jugea que Salses, Perpî*
gnan, KIne, Collioure et Puycerda, étaient les seules places
nécessaires pour la défendre; il regarda Gaira comme
sans utilité pour les Espagnols. Cependant, les envojës
de Ferdinand , dans le but do hâter la conclusion de b
pai\, furent a Narbonne s'aboucher avec les plénipolen-
tiaires français. On convint qu'ils se rapprocheraient ponr
accélérer la marche des ii('*goc'iations. Kn conséquence,
les premiers s'établirent à Itivesaltes, et les seconds à
^'|9S. Sijeau. <l.a paix <*onclue en ÏVM, fut comme le prélimi-
naire du trail<* d'alliance (|ue les Uois de France el d'A
ragon contractèrent bientôt apivs p<Mir la conquête èl
|iartage du Ro\nuine de Naplcs. Le but même de
alliance devait la rendre peu tliirable; et la mésintelli
gence qui la lit rompre en Italie, ne tartia |>as à
son l'tTrt en Uoussilhui. Dès le commencement de I50S'
I On \.:l j.ir Ml '.-■ j ,.-. i |.i|i^i..'i i- i' -.(.'. n Iii l'ii'.I . i nlrr UB pni
tiM'it»- tt.iii- .II* ' iiii l-ijt,:i ■■- .1» ..•r*. \ !! .,1;. .-. |.t--ii .•'■■»l t'n^ ••*«'* ^ui ril
•'il' lit ti'ip^.i.-i I - fj iii;:ir ■*■■ un l..i|"' ,i' I •■ I ■ vUt
CHAPITRE QUINZIEME. 325
les troupes rassemblées par le maréchal de Rieux sur la
frontière, firent naitre ^l^s craintes pour cette province.
On y dirigea les corps espagnols stationnés en Ampour-
dan ; on garnit d'infanterie Claira, Baixas, EIne, Millas et
la citadelle de Perpignan; on pourvut Collioure de tout
ce qui était nécessaire pour soutenir un siège dont on le
disait menacé. A la lin d'août, le maréchal de Rieux vint
avec une foile armée campera la Palme, et manifesta le
dessein d'entreprendre le siège de Salses. D. Frédéric de
Tolède, duc d'Albe, chargé de la défense du Roussillon,
n'avait que six mille hommes d'infanterie et quinze cents
chevaux. Il coniia Salses, dont les fortifications n'étaient
|)as terminées, à D. Sancho de Castille, avec mille hom- .
mes. Ayant jeté une faible garnison dans Collioure, il se
plaça avec le reste de ses troupes à Perpignan, où il
établit aussi ses magasins. Le iO septembre, le Général
français poussa une reconnaissance sur Salses, et se retira
dans son camp après avoir essuyé quelques coups de canon
de la place. Le duc d'Albe en ayant eu avis, partit avec
cinq cents hommes de cavalerie légère ; mais n'étant ar-
rivé qu'une heure après le départ des Français, iMes fit
suivre jusqu*aux environs de la Palme, sans pouvoir les
atteindre. Le 15, le Maréchal dressa son camp auprès
de la fontaine; occupa les hauteurs voisines avec de l'in-
^anlerie, qu'il fit avancer le lendemain vers la vieille for-
teresse, dans l'intention de tirer des montagnes à l'étang
Un retranchement propre, à la fois, à couvrir ses quartiers
et a envelopper le château. L'artillerie du nouveau fort et
les arbalétriers postés dans le vieux château, empêchèrent
les ennemis de travailler pendant tout le jour: ils s'en dé-
dommagèrent la nuit suivante. Leur position entre le grand
c^heniin et l'étang, était parfaitement couverte, le 16; ils
avaient mémo placé sur la dernière hauteur du côté de
326 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
Rivesaltes, une coulevrine, dont ils tirèrent qiidqie^
boulets sur le château, qu'ils dj|^sèrent toajoun. Tu^
dis que les Français cherchaient ainsi à couper les eoai^
munications de Salses avec Perpignan, le Duc d'Albe
rassemblait des troupes de tous côtés : il en étabUesait i
Rivesaltes et à l'entrée du grau; jetait, tant par ee pai»
sage que par les montagnes , des partis sur les déniera
des assiégeants ; recommandait à sa cavalerie légère A*uh
quiéter les convois destinés pour le camp , et de tonber
sur tout ce qui s'écarterait trop des retrandieneots.
L'infériorité de ses forces avait ôté toute confiance au
siens : pour relever leur courage, il résolut de prendre «
entre Saint-Laurent et l'étang, une position, d'où il pom^
rait, à la fois, soutenir son avant*garde, postée non loii
de Salses, et les coureurs envoyés par le grau. SAr
les Français n'abandonneraient pas le siège pour
l'attaquer, il avait Tair d'oifrir k une année su]
un combat, qu'il était toujours maître d'éviter en
rant par Claira sur Perpignan. Cette conduite, andacM
en apparence, mais sage en réalité, ne tarda pas à
renaître la contlance dans un général qui paraiaaaii
rien craindre. Les Français ne songeaient qu'à
le siège; ils avaient déjà attaché le mineur à la
carpe, et ouvert avec leur canon une brèche à la
principale. Le Duc parvint k faire entrer dans la plane
petit renfort de soixante hommes d*éiite , et fini
sous les murs de Rivesaltes. De là, il bitaii battre ,
moyen de sa cavalerie légère, le chemin de Salses h
Laurent, par où les partis ennemis allaient s'a|
de bois dans les villages de la Salanque « abandonnés
les habitants. Ces courses amenèrent quelques
ches, dont la plus forte eut lieu auprès du Mas de la
rigue, où deux cent trente Français furent tués.
CHAPITRE QUINZIÈME. 327
oa pris dans une embuscade. Après ce petit combat, le
Duc se retira sur Perpignan avec ses hommes d'armes,
se contentant d'inquiéter les frontières du Languedoc
par des détachements, dont l'un s*empara des châteaux
de Caladroy et de Bellesta. La garnison de Salses indi->
quait, par les signaux dont on était convenu, qu'elle
n'était pas encore réduite k la dernière extrémité. Le Duc
d'Albe, pour tracasser les assiégeants, se porta avec sa
petite armée sur Claira, et s'avança avec partie de sa
cavalerie légère sur Saint-Hippolyte , dans le dessein d'y
surprendre un parti ennemi, et de pousser par le grau
un détachement jusqu'aux environs de Narbonne. Cette
troupe trouvant le passage fermé par un fort de bois, ne
put aller plus loin , et l'armée dut se retirer sur Perpi-
gnan. Cependant, le siège était pressé avec vigueur; une
brèche considérable, pratiquée k un ouvrage encore im-
parfait, avait comblé le fossé de ses débris. D. Sancho,
ne le jugeant plus tenable, l'abandonna en le faisant
sauter au moment où les Français s'y logeaient. Cette
opération fit perdre beaucoup de monde aux assiégeants ;
mais la place, quoique souvent ravitaillée, commençait a
donner de Tinquiétude. Heureusement, l'armée espagnole
ayant reçu de nombreux renforts, et comptant dix mille
hommes d'infanterie, quatorze cents hommes d'armes et
quinze cents chevau-légers, le général ne craignit plus de
s'approcher du camp français et de lui envoyer quelques
décharges d'artillerie. Voyant que l'armée ennemie refusait
d'en venir a une action, il profita des facilités que lui donnait
la disposition des montagnes pour se poster entre la France
et le camp. Ce mouvement occasionna quelques petits com-
bats, dont le plus important eut lieu sur le chemin de Sal-
ses k Opol, et tourna k l'avantage des Espagnols, qui pour-
suivirent les Français jusque sous leurs retranchements.
:|28 IllSTOIRK DU ROUSSILLON.
Uieu résolu à faire lever le siège de Salses, Ferdinand.
après avoir envoyé de nombreux renforts à son armée dit
Roussillon, se rendit en personne à Perpignan le 19 oc-
tobre. Ce jour-la même, il fit attaquer par un groa déla*
chement le blockhaus construit par les Français k rentrée
du grau, et l'emporta de vive force, malgré rartillerie
dont il était muni. Alors, le comte de Dunois, nouTeau
général des Français, voyant que ce détachement pouvait
tomber sur ses derrières, tandis que le Roi , à la téta de
sou armée l'attaquerait de front, se décida k lever le aiége.
Il retira cette nuit même son artillerie par le chemin de
Narbonne, sans que les Espagnols en fussent informéa; et
le lendemain, descendant dans la plaine comme pour oflDrir
le combat , il continua sa retraite entre les monlagnea
et l'étang , abandonnant quelque artillerie et brûlant aes
tentes; ce qu*il exécuta sans être in(|uiété, Ferdinand ne
s'étant mis à sa poursuite i\\w le lendemain , âl octobre,
après avoir été rejoint par le détachement envoyé vera le
grau. D'ailleurs, à |>eine eut-il fait quelques lieues aiir le
territoire de France, ce Prince, manquant de vivrea et ne
trouvant pas d*eau pour son armée, où Ton comptait vingt
mille hommes d*infanterie et sept mille cavaliers, se retira
à Perpignan, après avoir armé Chevaliers, sur les terrea de
France, quelques Gentilshommes de sa suite, cérémoBie
regardée alors, dans de pareilles circonstances, comme
un témoignage de la victoire.
Ferdinand confia le soin de son année au Duc d'iJbe :
celui-ci l'ayant pourvue de tout ce dont elle avait beaoia,
mit le siège devant l^ucate le â8 octobre. Le Goavemew
voyant les liatteries établies dès le lendemain, rendit b pla-
ce, à condition que la garnison serait envoyée en France,
sans annes. mais aver ses habits. Sijeau, la Palme, Fitou,
Treilles, IUN|uel'ort se rendirent aussi: un prit d*
CHAPITRE QUINZIÈME. 329
Casteliuaure, après y avoir fait une brèche au moyen de
la sape ; ou s'empara de Saint-Jean-de-Barrou, de Freixa,
de Vilaseca, et on poussa les Français jusqu'à Narbonne,
en OaJsant un grand dégât dans le pays. La saison n'était
pas favorable pour entreprendre le siège de cette place.
Les Généraux français ayant proposé une trêve, le Duc y
consentit et se replia sur Perpignan. Les négociateurs l'y
suivirent, et l'on conclut, pour cinq mois, un armistice,
dans lequel n'étaient pa&. comprises les armées navales, ni
celles d'Italie. Ferdinand partit pour Barcelone, laissant
le commandement de ses troupes en Roussillon au mar*
quis de Dénia, et le gouvernement de Salses à D. Dimas
de Requesens. Ses Ambassadeurs en France réussirent à
faire prolonger la trêve pour trois ans. Ce fut un grand
bonheur pour le Roi d'Aragon, à qui la mort de la reine
Isabelle, arrivée le 26 novembre i5(^, suscita de grands VôOi,
embarras en Castille. Le mariage qu'il contracta, le 18
mars 1506, avec Germaine de Foix, nièce de Louis XII,
acheva d'assurer la tranquillité de -ses frontières du côté
de la France ; et cette paix permit a plusieurs guerriers
du Roussillon d'aller combattre au loin pour les intérêts
et la gloire de l'Espagne. C'est ainsi qu'en 1511, on voit
D. Bérenger et D. Jean d'Oms, l'un commandant quelques
galères, l'autre capitaine dans les troupes de débarque-
ment, aller au secours des Portugais enfermés dans la
place de Tanger, assiégée par le Roi de Fez. La garnison,
soutenue par ce renfort, fit une sortie vigoureuse, dont le
résultat fut la levée du siège par les Maures. Ce même
Bérenger commandait, en 1516, la flotte qui porta auprès
d'Alger l'armée de D. Diego de Vera. Ayant ramené en
Espagne les restes de cette malheureuse expédition, il
battit, l'année suivante, une escadre barbaresque , et lui
prit (jualre galères. Les con<iuéles de Ferdinand sur les
330 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
côtes d'Afrique, avaient été fort avantagenses au commeree
de la Catalogne et du Roussillon ; car, à la demande des
4510. Cortés, en 1510, ces provinces avaient obtenu le droit de
commercer librement avec Alger, Tunis, Tripoli et Bougie.
Le Bras ecdésiastique, dans ces mêmes Cortës de 1510,
obtint de Ferdinand que le Clergé du Ttoossillon , quoi-
que ne faisant point partie de la province de Tarragone,
jouirait des mêmes droits et immunités que celui de la
Catalogne. Sous le règne de ce Prince, nous troofou la
première ordonnance où il soit question de Bohémieiis
en Roussillon. Elle fut rendue en 1512 par Germaine de
Foix, Lieutenante-Générale du Roi son mari : cette ordon-
nance les bannit de la Principauté de Catalogne et dn
Comté de Roussillon , les condamnant à être fustigés slb
y rentraient. Ils y sont désignés sous les noms de Grecs
ou d'Égyptiens. Il ne parait pas qu'elle ait prodvit m
griatnd effet ; car on trouve, dans la suite, plusieurs antres
ordonnances rendues contr'eux par Charles -Qnint et
Philippe II.
|<>I6. Ferdinand-le-Catholique était mort le 25 janvier 1816;
le (Cardinal de Ximenés, à qui il avait conflé la régenee
du Royaume de Castille, mourut le 8 novembre 4SI7,
peu après l'arrivée de Charles-Quint en Espagne. Tons
les germes de division que l'habileté du Roi d'Aragon on
la fermeté du Cardinal avaient empêché de se dé?elo|ipar
durant leur administration, éclatèrent au commencenwnt
du règne d'un prince jeune, entouré de Ministres ,
leur qualité d'étrangers rendait odieux ou snspecta.
de Majorque et le Royaume de Valence furent, tontefbia,
les seules provinces des États d'Aragon où éclata b
civile. 1^ position du Roussillon inspirait quelques
tes, sa population étant en partie d'origine française.
gens de Riicrn» rliai^i^és do sa défense s étaient retirés
CHAPITRB QUINZIÈME. 334
eux, probablement faute d'être payés; car les gouverneurs
des forteresses ne recevaient point leur traitement, et ces
places manquaient de tout ce qui était nécessaire à leur
défense. Ces détails sont extraits des instructions données
au Député envoyé en 1516 par la ville de Barcelone à son
nouveau Souverain. Ces instructions nous offrent quelques
renseignements sur le gouvernement et l'administration de
la Catalogne et des Comtés, que nous aurions &it connaître,
si nous n'avions jugé plus convenable de nous en servir,
ainsi que de plusieurs autres documents, tant imprimés que
manuscrits, pour donner, ici, à nos lecteurs un ensemble
aussi complet qu'il nous a été possible des institutions
politiques qui , pendant plusieurs siècles, furent en vigueur
dans ces provinces.
Les Comtes de Barcelone, devenus héréditaires, ne
tardèrent pas k convoquer, dans le lieu de leur résidence,
une Assemblée composée des Évéques, des Prélats, des
Magnats, des Barons de leurs États, qui , sous le nom de
Cwria, Cort ou Parlement, avait quelque part à la légis-
lation et au gouvernement du pays. C'est dans une réu-
nion de ce genre , que furent promulgués les usages de
Barcelone, premier Code national, composé de 174 articles.
Pénétrés de la maxime que les peuples ne doivent payer
que les impôts consentis par eux, les Comtes de Barcelone
regardaient ces Assemblées comme indispensables à leur
gouvernement : aussi voit-on Raymond Bérenger III , k
peine établi dans le Comté de Cerdagne, convoquer, le S
des nones d'avril 1118, l'Ëvéque d'Elne, les Magnats et
les Chevaliers du pays, pour faire, de concert avec eux,
des ordonnances de police et de finances. Les nouvelles
acquisitions de ces Comtes s'amalgamant peu à peu avec
leurs anciennes possessions, la Cort des Comtes de Bar^
celone devint unique et générale pour tous les États, et
332 HISTOIRE DO R0U8SILL0N.
continua dexistcr sous la même forme jusqu'au règne de
Jac4iues-le-Conquérant. Nous avons vu que le Pape, ayant
ordonné à Simon de Montfort de rendre aux Aragonais
leur jeune Roi, les Grands, les Nobles, dix députés de
chaque ville, furent recevoir a Narbonne Teniant royal,
et le conduisirent à Lcrida, où tous lui prêtèrent serment
de iidélité. La puissance des villes se révéla dans cette
circonstance; et le zèle qu'elles y démontrèrent fit sans
doute qu'on crut ne pouvoir se dispenser d'appeler aux
Cortés ultérieures une partie aussi importante de la natioB.
On croit {généralement que leurs Syndics assistèrent pour
la première fois aux Corti^s de Tarragone en 1218. Depuis
lors« ces Assemblées se trouvèrent composées de trois Bras
ou Etats : Le Uras calésiastiqm, où assistaient en personne
les Kvé<|ues, les Abbés, les Commandeurs de Malte, et, par
députés, les Chapitres et les Ordres religieux, était présidé
par rx\rchevé(pie <Ie Tarraj^one. Dans le Bras fniUtaire,)ieê
Magnats, les Barons, les Sei<;neur$ de terre ayant justice,
assistaient en personne; les Chevaliers et Gentilshonunes
y envoyaient, par chaque Viguerie, un député, auquel
ils assuraient une indemnité : il était présidé par le Duc
de Cardone ; les Syndics envoyés par les trente-quatre
villes formaient, sous la présidence du Syndic de Barce-
lone, le liras royal. Ces Cortés furent d'abord tenues tous
les ans, ou« du moins, toutes les fois qu'on les crojrait
nécessaires : elles devinrent triennales en 1501 ; dans
la suite, on les tint a des époques plus éloignées. EUes
devaient toujours être convoquées par le Roi , et ouvertes
par le Souverain en |>ersonne. (Si elles l'ont été quelque-
fois par la Ueine, comme Lieutenante-Cénérale, les États
ont protesté pour que cela ne tirât fuis à conséquence.)
Cliatpie membre des (.ortés devait être pnWenu du jour
«*1 <hi liiMi où st' n'Minirail rAss«>mblée, deux ou au moins
CHAPITRE QUINZIÈME. 333
m mois avant son ouverture ; et il devait s'y trouver en
)ersonne, ou s'y faire représenter par un procureur, muni
ie ses pouvoirs. Les Évéques et les Abbés ne pouvaient
confier leur procuration qu'aux Ecclésiastiques ou Reli-
^ux les plus élevés en dignité; les Magnats et les
tarons pouvaient être représentés par des Chevaliers
[ui ne fussent pas tenus d'y assister eux-mêmes, car
lul ne devait y figurer à la fois pour lui et pour un au-
re. (Append,, n^ 19. ) Dans ces Assemblées, on réglait
ouïes les affaires relatives au bon ordre de l'État, k la
ranquillité et à la félicité publiques. La loi était faite
ur la proposition du Roi , adoptée par la majorité de cha-
cun des trois États , ou bien sur la proposition des trois
iltals et approuvée par le Roi : elle s*appelait Constitutùyn
les Coriés. Dans l'intervalle des sessions, les Rois faisaient
les lois provisoires, connues sous le nom de pragmatiques:
^Ues devenaient des lois, lorsqu'elles avaient été exécutées
>endant un long intervalle sans aucune réclamation des
Ëtats. Les impôts consistaient dans les droits perçus à
l'entrée ou ^ la sortie de la province sur les céréales,
l'huile, le vin, les bois, la laine, les draps, les matières
l'or ou d'argent, les pierres précieuses, etc. ; ils ne pou-
vaient être établis que par les Cortés ; ils étaient perçus
par les soins d'une espèce de commission intermédiaire,
choisie, dans le sein des Cortés, et appelée Députation,
Elle était de six députés, deux de chaque Rras et d'un
avocat. De ces six députés, trois, dont un de chaque Rras,
étaient particulièrement chargés de l'administration; les
trois autres, appelés auditeurs, devaient recevoir les
comptes de la Députation qui sortait, et remplacer les
Députés absents de leur Bras. La Députation parait n'avoir
jamais cessé d'exister; mais elle ne reçut une organi-
sation complète et définitive, que par les actes des Cortés
334 III8T0IBB M] BOL'881LLON.
tenues de 1413 a 1435. L'époque de l'élection de mi
membres fut fixée au commencement de juillet, pour en-
trer en exercice au l<^r août suivant. Ils étaient élnt par
les six membres sortants de la Députation, en présence de
six autres députés, pris deux dans chaque Bras. Ils ve^
taient trois ans en charge, et ne pouvaient être réélnt qne
six ans après leur sortie, intervalle qui, dans la suite, fat
porté à douze ans. La Députation résidait à BarceloBe:
chacun de ses membres devait, au moins une fois le jour,
se rendre dans le lieu de ses séances; l'avocat y Tmit
trois fois par semaine, et toutes les fois qu'il y était appelé.
Les trois députés chaînés de l'administration, ne poafsient
s'absenter que deux mois par an; les auditeurs avaient
quatre mois de vacances. Les appointements des dépotés
administrateurs, d'abord d'un florin ou 11 sols par jour et
par tête, furent portés à 15 sols en 1490, et à 16 sols, 6
deniers en 1455. Les auditeurs, payés en 1415 à raison de
5.000 sols par an , reçurent une augmentation de 300 sois
en 1455. Le traitement de l'avocat fixé à 100 florins par
an en 1415, fut porté a 1 .500 sols en 1490, et ii 2.000 en
1455. Les députés, auditeurs, avocat, obligés de voyager
pour affaires publiques, touchaient une indemnité de trois
florins par jour. La Députation était chargée de régler
toutes les affaires administratives de la prorince ; de bire
percevoir les im|)ôts votés par les Cortés ; de les aflermer
en une ou plusieurs [larties, suivant qu'elle le troafsit
plus avantageux; de juger, avec l'assistance de raioest,
son assesseur, toutes les affaires contentieuses en HHitière
d'imposition , et surtout de veiller ^ ce que le Gouver-
nement fit obsener les constitutions des Cortés, et n'en-
freignit eu aucune manière les privilèges de la provinee,
des villt*s et des particuliers. Klle était chargv'e aussi de
faire verser dans le Tn'*sor roval le subside accordé as
CHAPITRE QUINZIÈME. 335
Roi par les Cortés, pour subvenir aux besoins généraux de
rÉtat. Elle nommait, dans chaque Viguerie,un membre des
Certes pour Taider dans ses divers travaux. Elle pouvait le
prendre dans l'un des trois Bras k son gré. Ce député
local restait en place trois ans, pendant lesquels il ne
[>ouYait prendre part à la ferme des impôts ; mais il rece-
vait des appointements déterminés par la Députation, qui
Qommait aussi tous les employés subalternes , et fixait leur
salaire. Les auditeurs devaient avoir avec eux un com-
mis , habile dans la comptabilité , pour les aider à rece-
voir les comptes des députés locaux et ceux de la Dépn-
tation dont les pouvoirs expiraient. Nul compte ne pouvait
être considéré comme réglé et reçu, que lorsqu'il avait
été examiné et approuvé par chacun des trois auditeurs.
Le Roussillon et la Cerdagne ayant été irrévocablement
unis à la Catalogue en 1544, commencèrent seulement
alors à avoir des députés aux Cortés de cette province.
Perpignan, Salses, Ârgelès, Collioure, le Bolo,Thuir, Prats-
de-Mollô, Villefranche, étaient les seules villes royales du
Roussillon , et partant les seules qui eussent le droit d'en-
voyer leurs Syndics aux Cortés. Les Rois d'Aragon, avant
l'union de ce Royaume à celui de Castille, gouvernaient la
Catalogne par eux-mêmes, ou nommaient un Lieutenant-
Général pour les remplacer en leur absence. Cette place
n'était guère confiée qu'à la Reine, à l'héritier présomptif,
ou tout au moius à un Prince du sang. Le titulaire était
investi de tous les pouvoirs royaux, et nommait à tous
les emplois. Dans la suite, ce gouvernement fut confié à
un Vice-Roi , ou même a un Capitaine-Général, dont les
pouvoirs étaient bien moins étendus. Le Lieutenant-
Général , Vice-Roi ou Capitaine-Général , avait sous lui
deux Lieutenants (Portant-Veus)^ indépendants l'un de
Tautre, dont Tun avait le gouvernement particulier de la
336 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
Principauté de Catalogne; l'autorité du second s'étendail
sur les deux Comtés de Koussillon et de Cerdagne. Os
PoTtani" Vens avaient sous eux des officiers appelés
Viguiers. On comptait quatre Vigueries dans les Comtés:
\^ celle du Koussillon et du Vallespir, comprenant les
deux premiers arrondissements actuels, moins le eanfon
de Saint-Paul et la majeure partie de celui de Latonr :
son chef-lieu était Perpignan ; 2<> celle du Confient et da
Capcir, composée du troisième arrondissement, moins les
cantons de Saillagousc et de Souinia : Villefranche en était
le chef-lieu. I^s deux autres, formées par la Cerdagne
et la vallée de Ribas, avaient pour chefs-lieux Pnyeenb
et Ribas.
Le Porlaut'Vens des Comtés résidait à Perpignan; était
gouverneur du château do cette ville, et commandait, k ce
titre, toutes les troupes stationnées dans son ressort. Il
présidait un tribunal de sept membres, gradués en droit,
où venaient aboutir, par ap|H}l , toutes les causes jugées
en première instance par les Viguiers ou les Baillis assislés
de leur assesseur. Il y avait , en outre , un Procnrenr-
Cénéral chargé de Tadministration du domaine et des
revenus particuliers du Roi. Il présidait la Chambre du
patrimcûne , tribunal eonipos<' d*un assesseur, ë*nB
avocat et d*un Procureur-liscal , auquel, dans les
res importantes , il adjoignait «luatre jurisconsultes
prendre leur avis. On y jugeait,, tant au ci^il qu'an
minel, toutes les alVaires i*<mcernaiit le domaine,
eaux et forêts, les amortissements, la voirie. Le Porfanif— '
Ihis ])an'(>iir»it quelquefois les tlomtés pour examiner
la conduite de srs subaltrnies , t't réformer les abns. 1^
rendait roniptr de son administration au Roi lui-mémr
s'il se trouvait dans la |»ro\inrr, ou il son Lieutenan
Cénéral. r.t'Ini-ri rcrt^xait t't examinait les plaintes qu'
CHAPITRE QUINZIÈME. 337
avait à élever contre les Porlanl-Veus et les Vigiiiers.
II présidait la Royale Audience de Barcelone, tribunal
suprême , dont l'organisation varia avec le temps , et qui
pouvait évoquer toutes les grandes affaires, celles où
le Roi était intéressé , et celles qui exigeaient une justice
prompte et expéditive. Tous les officiers royaux de la
Catalogne , le Lieutenant-Général excepté , devaient être
nés dans la province et y avoir leur domicile. Il en était
de même pour les titulaires des dignités ecclésiastiques :
r Archevêché de Tarragone seul pouvait être donné à ua
étranger. Tous les employés, avant d'entrer en exercice,
devaient prêter serment de ne jamais violer les lois, les
usages, les privilèges généraux et particuliers, les consti-
tutions des Cortés. Les Rois d'Aragon eux-mêmes, avant
de recevoir le serment de fidélité des Catalans, devaient
jurer le maintien des usages de la monnaie de Barcelone,
des constitutions des Cortés, de tous les privilèges, les
us et coutumes de toutes les villes, et, enfin, de main-
tenir l'union , en un seul corps, des Royaumes d'Aragon ,
Valence et Majorque, de la Principauté de Catalogne, des
Comtés de Roussillon et de Cerdagne. La Députation et
les Corps municipaux, pouvoirs permanents, veillaient k
l'observation des lois, à la conservation de Içurs privi-
lèges, avec cette vigilance continue, mais tranquille, des
peuples vraiment libres, et leurs réclamations présentées
au Roi, d'une manière respectueuse, examinées par les
Cortés et appuyées au besoin par elles, ne manquaient
presque jamais d'obtenir le redressement des torts réels.
Charles-Quint vint en 1519 k Barcelone tenir les États 4519.
de Catalogne. Les Syndics de cette ville et ceux de Girone
y occupèrent, comme toujours, le premier et le second
rang parmi les Députés des villes. Perpignan et Tortose
n'ayant pu s'accorder sur le troisième rang, auquel elles
22
^38 HISTOIRE DU R0US6ILL0N.
prétendaient toutes deux, la dernière céda, en se réserant
de faire valoir ses droits dans une autre eirconttanee. Ces
Cortés ne négligèrent rien pour favoriser la fiibricalioB
et le commerce des draps. Elles obtinrent de TEmperav
la levée des entraves mises par les agents da fisc an
exportations de la province sur les côtes d'Afriqae. Les
drap» fabriqués ailleurs qu'en Espagne furent souus,
d'après leur demande , à un droit de SO p. */• àd km
valeur à leur entrée à Naples et en Sicile. Le conuMicg
ëtait fort inquiété par les corsaires barbaresques; oa anrait
fait à diverses époques certaines dispositions pour le
téger. On convint aux Cortés de 1520 d'armer, k eel
quelques galères : les frais de cet armement devaieni
à 13.000 ducats, dont Charles offrit de payer 7.000; des
6.000 restant, 2.300 devaient être payés par la Catilogae,
comme ayant soixante mille feux; 2.000 par le RoyauM
de Valence, où Ton comptait cinquante mille feux; Ma-
jorque et les lies voisines , dont le nombre de feux était
évalué à douze mille, durent fournir SOO ducats; d h
Sardaigne 1 .000 , car elle avait trente mille feux. Du»
Cortés postérieures, on proposa d'ordonner que
bâtiment de commerce aurait neuf hommes d'é(|«|Nii0S
et serait armé d'un canon par chaque cent tonaeMX
port, sans cependant être obligé d'avoir plus de
hommes, quel que fût son tonnage. Pour défirqper
capitaine, on l'autorisait à augmenter le noiis de
cent. Plus tard, on voit les États de Catalogue
d'armer en course une galère , si Valence s'
en faire autant, et TEmpereur 2i en armer deux.
1521. En ir>2l, quelques mouvements de troupes en
doc inspirèrent des craintes pour le Roussillon ; oa j Af
passer des bandes allemandes, précédemment employéM
en Navarre et en Hiscayt». (Lomme les fonds pour les solder
ClUPmE QDINZliME. 339
étaient point laits, elles furent, an moins en partie,
ttretenaes aox d^ns do pays. Loreqa'oa liquida ces
nmitures, en' mai {S36, le GouTemement se trouva
TCHT, à des commones ou k des particuliers , pins de
i-.OOO ducats, qu'on solda en bons payables sur les
emiers fonds qu'accorderaient les Cort^ de Catali^e.
les Français avaient songé k entrer en RonsuHon,
rrîvée de ces Allemands les fit changer de projet. Dans
mois de novembre 15^, ils pénétrèrent en Aragon par
▼allée d'Aran; mais ils furent obligés de rentrer en
■ance, n'étant pas assez forts ponr se maintenir an-deik
« Pjrrénées. Les habitants de la frontière étaient nngo-
vement inquiétés par les coureurs fï'ançais. Un acte du
( juillet 1534 nous apprend, qu'il raison de ces incnr-
ODS , le village de Réglelle fut abandonné par sa popa-
tion, qui se retira k lUe. La paix conclue peu d'années
>rè8, entre François l^ et Charles-Quint, vint mettre
1 terme ii ce tkcheux état de choses : mais elle (bt de
Hirte durée; car nous voyons, par des actes de 1S57,
l'à cette époque, on ne trouvait pas de fermiers à M91as,
Hit le territoire était fort exposé au pillage des habi-
jils du pays de Fenouillet, qui, soutenus par quelques
ildats français, poussaient leurs excursions jusque dans
! Confient. lAmis de Beaumont, capitaine-général des
omtés, ayant reçu l'ordre de chitier ces maraudeurs,
BSemUa un corps de huit ii neuf mille hommes , formé
e TÎngt-quatre enseignes d'infanterie espagnole ou roos-
illMinaise, de deux cents hommes d'armes et huit pièces
« canon, auxquels s'étaient jomts cinquante-dnq gentils-
lommes k cheval du pays, deux cent cinquante hommes
le milice bow^eoise de Perpignan, commandés par le troi-
àème Consul, qui, pendant cette expédition, portait pour
marque distinclive un petit chaperon écarlate. Arrivés à
:140 IIISTOiilB DU ROUSSILLON.
Estagel , de Beauniont y établit son camp , et eoYcie plo-
sieurs détachements faire du dégât dans le paj-s ennemi ,
et brûler Soumia , Saint-Paul, Paziols et Tuchan : fls ne
trouvèrent de résistance nulle part. Cette expédition,
commencée le 17 septembre 1557, ne dura que dix jours;
et là se bornèrent les exploits d'un corps qu'on aonit po
employer d'une manière moins barbare et plus ntile. Le 6
novembre suivant, on convint d'une trêve de trois mois,
et d'envoyer des plénipotentiaires à Leucate pour tnvtiller
a la paix. Ils s'assemblèrent aux cabanes de Fitoa; mais
il ne résulta de leurs conférences qu'une prolongation de
trêve jusqu'au 15 juin 1558.
Pendant cette trêve, Charles-Quint vint à Perpignan.
4^>8. Arrivé dans cette ville le 17 février 1558 , il visita plnsiean
fois les travaux de fortification qu'on exécutait alors anpiès
de la porte de Canet et vers le Castillet ; il alla inspecter
les forteresses de Salses et d'Elne , et repartit le 24 du
même mois pour aller coucher à Palalda. Les
gnanais crurent devoir faire à l'Empereur une
plus solennelle qu'aux Rois ses prédécesseurs : le
alla au devant de lui en procession à la porte
tin, pour le conduire à Saint-Jean; il se rendit de Vk
château, où il logea. Il y eut de grandes réjonisaai
dans la ville pendant son séjour : la Noblefsc donna «
son honneur, sur la place du Puy , des joutes au»
TEmperour voulut bien assister. Si nous pouvions
sur l'exactitude d'un manuscrit tombé par hasard dans
mains, les basti<ms de Saint-François et de Saint-]
étaient déjà ccmstruits lors de la visite de Charles-Qnin:
d'où l'on devrait conclure qu*on adopta, pour Perpigna^v^Ji.
le s\stèmr do fortification inventé, en 1533, par Si" ^n
Mùclieli , |XMi «raniiées apn^s qu*il I Vut appliqué ponr ' b
première fois ;i Vénmr.
CHAPITRB QUINZIÈMB. 341
Le voyage de Charles-Quint ne calma point la mésin-
telligence qui commençait à régner entre les habitants de
Perpignan et la garnison espagnole ; elle s'accrut à tel
point que, le 8 juin 1559, Louis de Beaumont, capitaine- 4:(59t.
général des Comtés, fit jouer Tartillerie de la citadelle
contre les maisons de la ville. Un acte aussi violent, et
qui , sans doute, ne fut pas conseillé par une justice im-
partiale, n'empêcha pas que le i^^ mars 1540 il n'y eût
une rixe nouvelle , qu'il chercha à apaiser par le même
moyen : le canon abattit le clocher de la Real.
Jusqu'en 1542, les guerres occasionnées par la riva-
lité de François I^^ et de Charles-Quint , ne produisirent
sor nos frontières que des incursions fôcheuses, mais
sans résultat. Le Roi de France tenant fort k ses droits
sur le Milanais, avait presque toujours dirigé vers l'Italie
le plus grand effort de ses armes. Ses vues changèrent
alors ; et le Roussillon , regardé comme la partie la plus
vulnérable de l'Espagne, devint le principal théâtre de
la guerre. D'après l'avis de Montpezat, son lieutenant-
général en Languedoc, il résolut d'assiéger Perpignan,
que cet officier assurait être en fort mauvais état et mal
pourvu d'artillerie et de munitions de toute espèce. Mont-
pezat était bien informé, si l'on* doit juger de l'état de la
capitale, par celui où se trouvaient, vers cette époque,
Puycerda., Carol et la Tour-Cerdane. Nos archives nous
apprennent fCart. R.) que N. d'Altarriba, gentilhomme
du pays, k qui ces places étaient confiées, se plaignait
en 1556, au Capitaine-Général et à un Inspecteur, que
toutes ces forteresses tombaient en ruines; qu'il n'avait
pour la garde de chacune d'elles, que vingt soldats, qui
n'étaient pas payés depuis huit ans ; qu'il s'épuisait en
efforts impuissants pouf les soutenir, et en réclamations
restées toujours sans réponse, quoique ces places fussent
342 HI8T01BB DU BOCSSlLLOlf.
constanuneni menacées par les Français des pajs de Foii
et de Sault.
Une entreprise telle que le r ; de Perpignan, eqgeait
de grands préparatifs : Tannée ce ndée par le Dn^m,
ayant sous lui le Maréchal d'Anneb; . et Montptxalv ëlah
de quarante mille hommes de pied , deux miUe
d'armes et autant de chevau-légers , faisant en Vomi
quante*-huit mille hommes ; car alors on en eomptait iMBt
par chaque homme d'armes : elle traînait k sasoîte
pièces de canon. Un mouvement de troupes auiai
breuses ne pouvait s'opérer promptement, ni échapper h
des hommes tels que du Guast et André Doria. Da s'ea-
pressërent d'en informer Charles-Quint; et- rAmiral,
doutant pas que Perpignan était menacé, ordonat à
neveu Jeanetin Doria, qui coi oandait une aaeadn
les côtes de Catalogne, de se hftter de poarvoir
place de toutes les munitions nécessaires pour
un siège. On y conduisit les douje pièces de
tant chacune le nom d'un Apôtre, que Barceloiie
de bire fondre pour les offrir à l'Empereur. De
le fameux Duc d'Albe, capitaine-général de la
ne négligea rien de ce qui pouvait contribuer k la
de Perpignan, qu'il contla à Jean d'Acuna. Profilait
la lenteur des mouvements de l'armée française, il EL
en Roussillon deux mille Castillans et dix enaeigMi dl
Catalans ou Uoussillonnais , s'élevant k trois mille
cents hommes, commandés : les Catalans, par le Vi
de Rocaberti, Don Gui Maça, Don Bernard de Pinor, Il
Baron de Llagostera , Mossen Vilanova, Alero de lladiî|pl
et Louis de Cardone; les Roussillonnais , par CMêj
d*(hns, gouverneur des Comtés, Don Bernard Albert tf
Mossen Vidal-Grimau. Le Duc porta ces Catalans et RiV*
sillonnais dans les montagnes au n<»rd de la provineei b>
CHAPITRE QUINZIEME. 343
[aisant soutenir par un corps de cavalerie formé par la
noblesse et les principaux habitants du pays, dont très
lem se dispensèrent de servir dans une circonstance aussi
MMxporixaie. II leur recommanda d'observer les Français
uuBS se compromettre, et de se replier sur la ville, k
'approche de forces imposantes, pour renforcer la gar^
ÛMm. Il mit im pied la milice bourgeoise, créée par
lean II, confirmée par Ferdinand en 1503, et par Charles-
ioSaot en 1S25 : cette milice rendit dans cette occasion
le grands services sous les ordres du premier Consul,
îaldéric Font. De phis, huit mille citoyens : prêtres,
naines, pères de famille, femmes et enfants, forent d'un
prand secours dans tous les travaux de démolition et de
xwstmction exigés pour la défense. On détruisit d'abord
m couvent de Clarisses , qui , situé hors la ville et à
Nnoximité du château, pouvait être utile aux assiégeants.
)n démolit ensuite l'église de Notre-Dame-du-Pont et
m couvent , qui se trouvaient entre -le pont de Pierre
il la porte Notre-Dame.
Enfin, le 3 août, l'armée française entra en Roussillon
par Estagel , qu'elle prit sans coup-férir. La nuit suivante,
me autre colonne , où se trouvaient les Italiens , entra
iaos la Salanque par le grau de Leucate. Les colonnes
[rançaises s'arrêtèrent quelques jours, ne s'occupant qu'à
faire arriver l'artillerie et les convois, et s'emparant de
tous les lieux compris entre la frontière et la capitale.
[Is n'y trouvèrent d'autre résistance que celle que leur
opposèrent quelques malheureux paysans , qui , prenant
leors clochers pour des places fortes, s'y retranchèrent et
cherchèrent k s'y défendre, pour leur malheur et celui de
leurs villages. Les Français, maîtres de tout le pays jus-
qu'à la Tet, établissent un camp en avant de Pia et de
Bonpas; passent la rivière vers S*«-Marie et Villelongue,
«
344 IIISTOIRB DU ROUSSILLON.
el occupent fortement les hauteurs de CasteU-RoHcild.
Us restèrent plusieurs jours dans cette positioo, fidnai
filer des troupes sur le Tech et le long de te mer,
pour couper à la ville de Perpignan toute comnmiiieatkNi
avec l'Espagne. Il ne restait plus à cette Puissanee q«e
les places de Salses, Elne, CoUioure et Perpignan: le
siège de cette dernière commença le 35 août. Les troupes
de Pia et Bonpas, pour attirer de leur cdté ratteotion
des assiégés, firent ce jour-là une grande démcmstnlion
de forces vers le pont de Pierre et la rive gauche de la
rivière, en aval. Il en résulta une vive escannooche dans
le lit et sur les bords de ce torrent, où l'artillerie dn Ca»*
tillet et celle du bastion Saint-Lazare, qui couvrait le pont,
firent éprouver quelque perte aux assiégeants. Le aoir
même, un gros corps, venant de Castell-Rosselld, dAon- ii
cha par les chemins d'Elne et de Cabestany. On onvrit h^^ p
tranchée dans cette partie; et, malgré le feu de te ptece^ , < I i
qui tua beaucoup de monde, on ne cessa d'y irtviUer^^ I i
nuit et jour. Aussi, dès le 29 août, l'assiégeant parnnl à^^^ 1 i
démasquer une batterie de trente pièces, où se tronvail^'^ | i
une coulevrine de 75 livres de balles. Quoique
énorme pièce ne pût tirer que quelques coups,
protection du feu des autres, les Français ne
d'avancer leurs travaux; et le i^^ septembre, ite avnienr
construit, vis-à«-vis la porte d'Elne, une nouvelle
qui n'était plus qu'à un jet de pierre des remparts.
situation, menaçante également pour la citadelle^ jeta
consternation parmi les assiégés, qui, naguère»,
quaient des Français, en les comparant à des ta
On ne pouvait être délivré de cette batterie que pur
coup de main hardi : il fut tenté. Deux capitaines
lans, Mortxura et Uessorro, descendent vers le aoir
U^ rosst'»s. |»;ir la fausse |N»rle de la citadelle, suivis
CHAPITRE QUINZIÈME. 345
trois cenls soldats d'élite; ils se glissent en silence le long
de la contrescarpe, jusque devant la porte d'Elne; se
jettent brusquement sur la batterie; en chassent la garde;
enclouent quelques pièces; en jettent d'autres dans le fossé,
et se retirent, par le même chemin, devant les renforts
qui arrivent, n'ayant eu que trois morts et huit blessés.
Brissac, colonel de l'infanterie française, qui, le premier,
avec quelques hommes, attaqua les trois cents Espagnols^
acquit une grande gloire parmi les siens. Sa valeur sauva
l'artillerie; mais elle ne put réparer Teffet moral produit
par ce combat. Deux ou trois jours après, les Français
abandonnèrent la batterie, pour en construire une autre un
peu en arrière et à droite de la première, sur -un coteau
au pied duquel était le moulin de l'Évéque. Cependant,
les assiégés et les garnisons voisines ne négligeaient rien
pour retarder les opérations du siège. D. N. d'Oms, cheva-
lier de Malte, prévenu qu'un convoi de barques françaises
allait partir de Leucate pour porter aux camps des muni-
tions de toute espèce , sort de Collioure sur un brigantin
bien armé, rencontre ce convoi en mer, lui donne la chasse,
et oblige les barques k se jeter à la côte, où les équipages
les abandonnent; il détruit une partie de leur cargaison,
s'empare de ce qu'il y a de meilleur, et saisit des papiers
qui donnaient des renseignements précieux sur l'état et la
situation de l'armée française. A peu près, dans le même
temps, un capitaine, aussi roussillonnais, nommé Fomer,
sortit de Perpignan, à la tète de soixante -dix de ses
compatriotes et de quelques autres soldats; marchant par
des sentiers qui lui sont connus, il évite tous les postes
français, et parvient sur le chemin de Salses, où il prend
un petit convoi. Encouragé par ce succès, il entre en
Languedoc, rencontre un convoi beaucoup plus considé-
rable et mieux escorté : il l'attaque; mais il est repoussé.
346 lilSTOlRB DU ROUSSILLOM.
el regagne avec peine, à travers les montagnes, le fNl
de Salses , d'où il continue d'inquiéter les defrières des
assiégeants.
La nouvelle batterie étant prête au bout de ipel^Ms
jours, canonna vivement le fort des Allemands ' , la poite
des Juifs et celle de la Mirande; et, sous la protMtÎQB
de son feu , les Français avancèrent tellement leon tnuH
chées, que la terre qu'ils en tiraient glissait dans le fbaié
du fort. Les sentinelles avancées des deux partis , n'ëlneil
éloignées que de dix mètres; et, par une conventkm Indle,
elles ne s'inquiétaient pas autrement qu'en parcriet. Les
Espagnols prodiguaient aux Français le nom de Itarti, à
cause de l'alliance de François l^^* avec Soliman^ et
de GawUxos, déjà usité; ceux-ci appdaient les
mange^rats, à cause du siège de Perpignan soubLoeis XI;
et quant aux Castillans, ils ne leur donnaient d'aetre
que celui de va-^nus^pieds. Au milieu de oeUe
d'injures, le feu de la place empêcha toujours la
truction des batteries de brèche contre le fbit des Al^
mands; et les Français, rebutés des efforts inutiles ifs^is
avaient fiiits, se retirèrent le 15 septembre sur Ciatel
Rossellë. Pendant ces atuques contre la ville lumle,
peu de jours s'étaient passés sans qu'il n'y eAt daM la
plaine des escarmouches , plus ou moins vives , eMie la
garnison et les Français campés entre Pia et
Ijcs succès furent variés, et les résultats ne peu^
avoir aucune importance , les vainqueurs étant toi
repoussés, ou par le feu de la place ou par les
venus du camp. Dans une de ces rencontres, D.
de Llupia (it prisonnier un Gentilhomme de la maison éM
1 Cet (Nivngt riiaTnit k bastion ictMl àê SainUJacqMf ; la porU te Mfe eajl à
Il porte Ue U Uiumle partit ^Ue r«lie de Canel, auprès de laqidle aisUit wm Wm
'krH, rabaissée en iHiO. 'liU la tour île» Sorciirri
GHAPHRB QUINZI&MB. 347
Dauphin. La plus chaude de ces affaires eut lieu vers la
fin du ttége : un parent de Mon^>ezat, à la tête d'un
détachement français, voulut enlever le troupeau de la
garnison, que l'on £ûsait sortir tous les jours pour dé-
paitre dans la plaine. Charles d'Oms, avec ses quatre
cents Roussillonnais et quelques Catalans, était chargé
ce jour-là de protéger la dépaissance. L'attaque fut plus
vive qu'à l'ordinaire , et la défense plus opiniâtre : les
assiégés conservèrent leur troupeau, et tuèrent le com-
mandant firançais, dont le corps, resté en leur pouvoir, fut
enseveli le lendemain avec de grands h<mnenrs dans la
chapelle de l'hdpital. Le 22 septembre, six enseignes
espagnoles, formant deux mille cent hommes, entrèrent
à Perpignan ; elles venaient d'Elne, ayant évité un corps
de six mille Français qui les attendait. Ce secours; les
mouvements du Duc d'Albe en Catalogne, les approches
de la mauvaise saison , déterminèrent le Dauphm à aban-
donner tout-k-fait le siège de Perpignan. L'armée repassa
la Tet et l'Agly, et vint camper à Claira, où elle resta
huit à dix jours, sans doute pour donner au corps détaché
sur le Tech le temps de rejoindre , et celui de fiiire filer
les munitions retirées du siège , sur Tautavel où elles fu-
rent rassemblées. On laissa dans- cette place, de Lorges,
colonel de légionnaires; et le 1<^ octobre, toute l'armée
française , après avoir dévasté le Roussillon ^ , rentra en
Languedoc par la route d'Estagel et par le grau. Dans
cette retraite, l'arrière-garde fut harcelée paroles Espa-
gnols, qu'elle parvint toujours à repousser. Nous avons
puisé quelques notions sur les localités, et toutes les dates
I Elle avait fort maltraité, entr'autres lieux, Pilao el Sages, dont les naiecNU iictadiées.
à celte époque, n'étaient pas encore rebâties en 1547. A Estagel. l'^liie et plosicnn vuàaom
forent brûlées ; on détruisit une partie do mur d'enceinte ; Millas paya une contribation de
2.300 écas au soleil . etc.
348 HISTOIRE DU ROU88ILLO;«.
dans une relation faite par l'un des assiégés : si Ton veut
faire concorder ces dates avec le calendrier grégorien,
qu'on établit quarante ans après, il faut les avancer toutes
de dix jours. On n'y fait pas du tout mention de ploies
et de torrents débordés, comme on le trouve dans les
récits français ; les registres de Saint-Jean , si soigneux
de relater les faits de ce genre, n'en disent pas un mot.
Ainsi se termina, au bout de deux mois^ une entreprise
dont tout l'honneur fut pour les assiégés. Mais François I*
acquit, par son humanité et sa générosité , une gloire pié^
férable à celle que procurent les plus beaux fiûts d'trmes.
Les Italiens de son armée avaient enlevé, en se retirant,
trois cents femmes ou filles roussillonnaises , quMIs refin
saient de rendre, alléguant, pour excuse de leur condinte,
l'exemple donné par l'armée du Connétable de Bourbon à
Rome. Le Roi paya^leur rançon, et rendit ces fenunes
à leurs maris et à leurs pères, venus jusqu'à Béziers pour
les réclamer.
Le 22 septembre 1543, quelques troupes espagnoles
se portèrent sur Tuchan , dont la garnison se rendit le 25 -
et fut envoyée à Narbonne. Le 35, Saint-Paul, attaqué,
fit mine de se défendre , mais capitula dès que le canon
eut commencé à jouer. Après avoir démoli ces deux CmIs,
on marcha sur la Palme; mais on se retira précipitanunenU^
à la vue de la flotte de Barberousse, et sur le bruh àm
l'arrivée d'un corps considérable de Français. L'appari^
lion de cette flotte dans nos mers alarma le pays; anaH
la ville d'Elne, dont une partie du rempart s'était écronlée
l>ar reflet d'une inondation, s'empressa, le 9 février 1514,
de donner avis au Roi de ce fach<ni\ événement, dana une
circonstance aussi critique.
L*annéc suivante, les Français craignant quelque entre-
prise des Kspagnols sur la villo de (larcassonne, en avaieat
CHAPITRE QUINZIEME. 349
renforcé la garnison par mille Toulousains, ayant à
leur tête l'un des Capitouls , qui , voyant qu'on no bou-
geait pas en Roussillon, y fit lui-même une rapide
irruption; pénétra jusqu'en Ampourdan, eUtse retira
chargé de butin. La paix entre François I^ et Charles-
Quint fut conclue le 17 septembre 1544. Le dernier siège 4544.
ayant démontré qu'il était indispensable d'ajouter quelques
ouvrages aux fortifications de Perpignan, on se hâta de
les entreprendre : cependant, les travaux faits à la porte
d'Elne, ainsi qu'au château, pour le transformer en eita-
delle, ne furent commencés qu'en 1552. Nous apprenons,
par un-acte de 1537, qu'il y avait^ à cette époque, une
espèce de poste établie en Roussillon : un jardinier était
chargé de fournir les chevaux à Perpignan. En 1542, Sé-
bastien Gasenove, damoiseau, avait l'entreprise des postes
royales, et logeait les courriers à Salses et à Perpignan.
L'article 10 d'une constitution des Corts de Honçon en
1542, nous apprend qu'on exportait encore beaucoup <le
draps de Perpignan pour la Sicile. Pans les premiers
jours de septembre 1548, l'Infant Don Philippe, s'étant
embarqué ^ Roses pour aller à Gênes, et de là à Bruxelles
joindre l'Empereur, prit terre à GoUioure, et vint à Perpi-
gnan; mais il ne resta que quelques jours en Roussillon.
Ce Prince était Lieutenant-Général de son père en Cata-
logne ; et c'est en cette qualité, que, sur la demande des
Gorts tenues à Honçon en 1555, il ordonna que, doré-
navant, les nouveaux anoblis dans le Diocèse d'EIne,
continueraient à payer la dime au même taux qu'avant
leur anoblissement. Jusqu'alors le taux de la dime était,
dans ce Diocèse, de 7io ^^ '^ récolte pour tous les nobles,
anciens et nouveaux. La province eut, cette année, beau-
coup à souffrir du débordement des rivières; la Tet em- 4555.
porta les quatre arches septentrionales du pont de Perpi-
350 HISTÛIRB DU ROUSSIIXON.
gnan , ci la Basse renversa pareillemenl deui arches da
pont situé k l'extrémité de la me de l'Ange, par leq«el
la ville communiquait avec les Tanneries. Le l«r jaafîer
1SS6, Charles-Quint abdiqua la couronne d'EqMgne, et
son fils Philippe II lui succéda. En 1560, la pesta, qm
ravageait le Languedoc, pénétra en Roussillon. Les pre-
miers lieux infectés furent : Salses, Torreilles, Cmei.
Elle disparut bientôt; mais, comme on ne prit a»ciuie
précaution , elle sérit de nouveau en 1865 : elle avait
sans doute cessé le 27 février i{(64, jour où le Roi écrivit
aux Consuls , pour leur enjoindre de fiiire allmner
feux dans divers endioits de la rille ; de purifier les
sons qui avaient été pestiférées ; de n'y pas laisser
pendant quarante jours les habitants qui s'étaienl
tés, et de iaire faire de fréquentes décharges d'i
par les pièces placées sur les remparts de la ville, de la
citadelle et du château. I^s pirates barbaresqoes
nuaient k infester la Méditerranée. Pour engager les
ticuliers à faire des armements contr'eux, Philippe II,
la prière des Corts tenues en Catalogne en 1S64,
au droit d'un cinquième, qui lui revenait sur les prises
tes par les vaisseaux armés en course contre les
le maintenant, toutefois, sur celles que feraient les
dont les équipages étaient à sa solde. Bofiaroll
prend que Pierre IV d* Aragon avait créé, en 4374 ,
la Noblesse de Catalogne , un Ordre de Chevalerie ,
l'invocation de Saint-Georges , et qu'il lui avait doBBé
rè^e particulière. Le chef-lieu de cet Ordre devait
le château d'Alfama ' : on l'établit à Perpignan en 488i.
I CeiU iB»uution aiail piivr bot de faniliariur les Nobles tntt Im turacn 4t
Valérie . au mnyra lie jotm i*t ilf tuonuiu, qoi lieraient avoir lira um* Itt «M A dct
àHerminèfi. Tf Ile «l l'ohiriiir dr rrs V.»nfrérir^ tW SH;«»rpr«. <|ai jvfunn^rnit
aprètda» le* pnoripalr» viile< rfe la CjtakipBr
CEAPITRE QUINZliUB. 351
La paix conclue à Cateau-Cambrésis en 1559, entre la ^559.
France et l'Espagne , scellée par le mariage de Philippe
avec la fille d'Henri II , semblait devoir assurer la tran-
quillité du Roussillon; mais les soldats espagnols, qui,
durant la guerre , avaient été fort à charge au pays , se
trouvant licenciés, formèrent, avec quelques mauvais su-
jets, des bandes de brigands, qui désolèrent la province.
Aussi, voit-on, en 1566, Prats-de-MoUd organiser, de
l'avis du Gouverneur «des Comtés, une troupe de cent
hommes pour leur donner la chausse, sous les ordres du
Bailli et du premier Consul. Le Viguier du Roussillon et
du VaDespir était aussi continuellement en campagne pour
le même objet. D'un autre côté, les guerres de R^igion
déchiraient les États des faibles successeurs d'Henri IL
Les Huguenots, regardant Philippe comme le plus impla-
cable de leurs ennemis , ne manquaient pas de faire des
incursions sur les terres de la domination e^gnole, toutes
les fois qu'ils se trouvaient en force vers cette firontière.
En 1370, une de leurs bandes s'avança jusqu'à Estagel,
brûlant les églises et massacrant les Prêtres. Elle aurait
poussé beaucoup plus loin, si les habitants du Roussillon,
renforcés par quelques troupes catalanes aux ordres du
Capitaine-Général, Prince de Mélito, n'eussent pris les
armes pour repousser cette incursion , et cootramt ce
corps, appartenant à l'armée de l'amiral Coligni, k rratrer
en France, pour suivre la route qu'avait prise ce général,
avec le gros de l'armée, vers Narbonne, Nîmes et le Vi-
varais. Le Roi d'Espagne , de son côté , fournissait des
secours aux Cathcriîques. En 1590, non content de jeter
sûr la côte de Leucate un corps de Isgisquenets , il or-
donnait à Hortense Armengol, gouverneur de Salses,
d'envoyer au Duc de Joyeuse, chef des Ligueurs, en
Languedoc, mille hommes d'infanterie catalane. Le 12
35â HISTOIRE DU ROUSSILLON.
•
4501. février 1591, il arriva en Roussillon mille hommes d'ar-
mes castillans , autant d'infanterie et cinq cents chefan-
légers, qui, le 30 mars, entrèrent en Languedoc par
Salses; furent reçus sur la frontière par le duc de Joj(
k la tète de cinq cents arquebusiers et deux cents
liers français, et marchèrent avec lui sur Carcassoone.
La nuit du 22 octobre 1582, cinq cents Huguenots sur»
prirent Vinça, et s'y maintinrent quatre heures ; mais les
habitants, revenus de leur frayeur,* résistèrent, et fioûrent
par les expulser, après leur avoir tué beaucoup de monde.
Peu de temps après, cette même troupe s'empara du ekl-
teau d'Estagel , dont elle fut presque aussitôt chassée par
le Capitaine-Général , à la tête de levées faites en Ron^
sillon. Enfin, en 1595, la guerre éclata entre la France et
l'Espagne. Dès le mois de juin 1597, les Français
échoué dans une entreprise sur Marquixanes. Le 19
de la même année , ils tentèrent un coup de main d*
Vô9i. toute autre importance : il ne s'agissait de rien
que de s'emparer de Perpignan par surprise. Le Doc
Ventadour , commandant en Languedoc , avait chaigé
cette expédition Alphonse d'Ornano. Les préparatifc
par ce Général, donnèrent l'éveil k la Noblesse et
Consuls de Perpignan : les uns et les autres se hàtènn
d'en instruire le capitaine-général Ferdinand de Tolède
Celui-ci fit aussitôt passer dans cette ville douae
hommes de milices, levées dans la Viguerie de Giroae ^
cinq cents du Comté de Péralada , toutes celles du Va^
lespir , et il s'y rendit lui-même , après avoir donné des
ordres |>our l'arrivée d*autres renforts: 11 (it, dès son arri-
vée, prendre les armes k tous les habitants, qui obéircai
avec enthousiasme : on vit quarante Prêtres de Sainl-Jeaa^
ayant 2i leur tête un Chanoine de cette église, garder
l»endaiit trois jours et (rois nuits un poste regardé connie
CHAPITRE QUINZIÈME. 353
le plas exposé. CependaDt , Ornano ignorant ces dispo-
sitions, ou ne les jugeant pas capables de faire avorter
son projet, s'avançait k la tête de cinq régiments de mi-
lices du Languedoc, et envoyait devant lui un détache-
ment composé d'infanterie et de cavalerie, qui, passant
par le grau de Leucate\ arriva, deux heures avant le
jour, sous la porte d'Elne, dans l'intention de la faire
sauter au moyen d'un pétard. Trouvant tout disposé
h la bien recevoir, cette troupe n'osa rien entreprendre,
et se rabattit sur Canet, qu'elle manqua aussi. Au bout de
trois jours v les Français se retirèrent, saccageant Tor-
reilles, Saint-Uippolyte, Saint-Laurent, et brûlant Ville-
longue. Ce dernier village fut plus maltraité que les autres,
parce que les Français apprirent que le premier avis de
leur marche nocturne avait été donné de cet endroit. En
effet, un Gentilhomme nommé Mircel Fomer, qui l'habi-
tait, les ayant vus passer, et s'étant assuré qu'ils allaient
traverser la Tet , partit à toute bride , le long de la rive
gauche, pour prévenir le Gouverneur de la ville. Le 12
mars de l'année suivante, cinq cents Calvinistes atta-
quèrent Vinça; mais ils furent repoussés par les habitants :
huit cents hommes qui insultèrent Mosset, ne furent pas
plus heureux, et, ayant voulu prendre leur revanche sur
Eus, ils échouèrent de même. Dans le mois de mai, trois
mille hommes entrèrent du Comté de Foix en Cerdagne;
mais, battus dans la vallée de Carol par les gens du pays
accourus de toutes parts, ils durent se retirer avec pré-
cipitation. Le 14 du même mois, une entreprise plus
sérieuse fut faite sur Ille : trois mille hommes arrivés
t Ce passage, souvent Irès praticable en été, et dont l'ocaipation de Leocate assurait l'en-
trée aux Français, n'était défendu, du côté du Roussillon , que par une tour ruinée , appelée
la Tour del Grau. 1^ Certes de 1585 avaient alloué 30.000 écus pour y conitmirc un fort
<bit«au ; nuii<; on ne donna aurnne suite à ce projet.
354 HISTOIBE DU ROU88ILLON.
8008 les murs de la ville, en firent sauter une tow an
moyen d'une fougasse, et pénétrèrent jusqu'à TégHae, oà
les habitants s'étaient retranchés. Le combat fut opiniâtre
et dura deux heures ; les assaillants , exposés aui coaps
partis du retranchement, aux pierres et aux tuiles laneées
des toits par les femmes et les enfants, furent obligés de
se retirer en désordre, laissant les rues jonchées de lews
morts, et sans attendre les troupes venant de Perpignan an
secours de la ville. Le seul avantage retiré parles Fkmcaîi
de toutes ces entreprises, fut la prise du château d'Opol,
tombé entre leurs mains le 19 mars de cette*- année. Ils
cherchèrent k s'y maintenir, en le fortifiant. La
4598. conclue k Vervins, le 2 mai 1508, entre la Fïanee
TEqMigne, mit fin sur la frontière du Rouseillon h
hostilités qui la désolaient sans aucun résultat. Pliilippe
ne survécut pas long-temps k ce traité , et moarnl le I
septembre 1588. La Couronne d'Espagne passa a ton
Philippe III.
En rentrant sous la domination aragonaise, en i405
le Roussillon parut regretter le Gouvernement
et, cependant, dans le siècle suivant, il ne cessa de
ner des preuves de son dévoùment à la Monarchie
gnole. La gloire du règne de Charles-Quint
beaucoup k ce changement : il fut opéré, surtout, par I
soin que ce Monarque et son fils Philippe II, prirent
resserrer les liens qui attachaient l'Espagne à b
logne. C'est probablement dans ces vues qn*en i
Philippe II ordcmna qu'en Qtalogne, Roussillon et
dagne, pays formant une seule province, et
par les mêmes lois, on se senit des poids et
usités k Barcelone , et on formftt, dans chaque \
une commission, de trois personnes, chargée de fééêMn
en poids et mesures de la capitale les poids et
CHAPnUE QUINZIÈME. 355
; dans le pays. Malheureusement, cette ordonnance
suivant toutes les apparences, le sort de beaucoup
-es, dont Futilité n'est pas contestée, mais dont
onme sans cesse l'entière exécution. Ces princes
fgligèrent pas non plus d'employer les hMnmes de
e nés en Roussillon; de ce nombre ftirent : i^ le
3 augustin Gaspar Py, mort à Perpignan, sa patrie,
avoir été confesseur de Charles-^uint ; 2<> François
ta, jurisconsulte, mort en 1569, régent de la Royale
^nce de Barcelone. (Charles-Quint lui donna cette
, en récompense des sacrifices qu'il avait faits i)our
fense de Perpignan en i542); S^ Antoine Ros, sa-
jurisconsulte , mort à la fin du xvi® siècle, membre
lonseil Royal d'Aragon; 4^ Côme-Damien Hortola,
ses profondes connaissances dans le droit, la théo-
et les langues anciennes, avaient fait choisir par
)pe II pour assister, comme Député de la Catalogne,
)ncile de Trente.
paix conclue en 1598 ne fut point troublée durant
^e de Philippe III. Les deux Puissances, long-temps
îs, parurent vouloir, en 1615, rendre cette paix dura-
lu moyen de la double alliance contractée entre les
maisons régnantes. En effet, Louis XIII épousa la
lu Roi d'Espagne, dont le fils, depuis Philippe IV,
;ait sa sœur Elisabeth. Mais la paix et même ces
ces n'empêchèrent point les deux Gouvernements de
sciter tous les embarras possibles, soit en donnant
main des secours k leurs ennemis , soit en fomentant
^contentement de leurs sujets respectifs. La politique
tte époque fournirait une abondante matière k l'écri-
qui se proposerait de décrire les intrigues des deux
ets ; mais elle ne pouvait faire du Roussillon le théâ-
évènemenls de quelque importance. Aussi n'avons-
356 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
nous presque rien ii dire sur riiistoire de ce pays depuis
1o98 jusqu'en 1652. Contentons-nous donc de reeaeillir
quelques faits locaux.
En 1602, rÊvêclié et le Giapitre d'Elne^ quoique cou-
servant leur ancienne dénomination, furent transférés k
Perpignan. Le 5 février 1605, il tomba dans la proTÎnce
une quantité extraordinaire de neige : on ne pouvait aller,
disent les mémoires du temps, ni à pied ni k cheval dans
les rues de Perpignan, couvertes partout de six palm^
(1 mètre oO) de neige. Les années 1609 et 16i2 flirent
remarquables par une sécheresse extrême*. Le J 4 juin
1614, il tomba h Per])ignan une grêle si épouvautaUe ,
que la consternation y fut universelle : les annales duRous-
sillon et celles des notaires, dont les actes avaient alois
une extension si précieuse pour l'histoire , n'offrent ries
de pareil dans les temps antérieurs. Philipiie III mounf
le 51 mars 1621. Â cette nouvelle, et par l'ordre dci
Consuls, les boutiques furent fermées pendant neuf jouis:
le cinquième, tous les crieurs publics, revêtus de nu-
teaux noirs, et suivis des corps des métiers, parcouruml
les rues de la ville, annonçant la mort du Roi au sonda
tambours et trompettes. Le neuvième jour, on denil
célébrer un service pompeux; mais il fut différé, pMe
que les Consuls, voyant arriver a riIôtel-de-Ville, oi ib
Taltendaient, le gouverneur I). Gabriel de Xatmar, précédé
de deux massiers, droit qu'ils prétendaient leur appaitctf
exclusivement, refusèrent d*aIU*r à la cérémonie. Elle Ml
lieu le leiid<*maiu, dans I Valise de Saint*Jeau : l'ÉfèqMJ
I I.f«- <'nii>iilo .i>.iiit i'ri\o)i^ .1 r.«htM\f >\r ^«ini-Mnrlin-'Ia-llanifEOa pTradictoHM**
•I* «aint «;.iMirif. li'j h.il.it.inifc il»- \ illrli.irnli»' "l'i |'«»MTf nt au |a*M|fe. Crudr !••••
rerpig:i;in. i>n il/^i'lorr l'i i^niJ.iri) il*- \» wn ,ini.iiiia It-s rorp» it« métier, la CIliallM^
Sal^t-^.•■•lr^^f^. *^ |mvUiii »ur N illtCrjuth** . un i'hiiiImI «'i'ukaiC''; il > fut df plrt ^i^^
»f** nii ri« •" if^«. Mt-»*t\ . Il* lvi|ii^'iini •■> I ifii|> •iteni . r\ \^ ih^o^if' *,iiiii lîaM'»'' " '
liii^ l 'ilii'f irii ni|>littl>* il.iii* liur \ilii
CHAPITRE QUINZIEME. 357
officia; le Gouverneur s'abstint d'y paraître, et fit célébrer,
de son côté, une messe dans l'église de Notre-Dame-<le-*
Grâce (les Augustins). Le 5 mai, les Consuls commencè-
rent une neuvaine, durant laquelle le premier Consu), en
costume de deuil , recevait chez lui trois fois par jour, la
visite des corps de métiers. Nous n'avons pas cru devoir
omettre ces détails, à la vérité de peu d'importance, tirés
d'un curieux manuscrit du notaire Pascal, parce qu'ils
nous font connaître les usages du temps.
Peu après la mort de Philippe commencèrent, en Rous-
sillon, des poursuites très actives contre un crime imagi-
naire. D'après l'opinion publique, la province était infectée
de sorcières ; les Magistrats avaient demandé à l'Église
des prières pour obtenir de Dieu la découverte de ces
suppôts de Satan. Par malheur, dans cette disposi-
tion des esprits, un misérable est amené de Bésalu k
Perpignan : ancien sorcier, il prétend connaître parfai-
tement des femmes de cette ville qui se mêlaient de sor-
cellerie; et, sur sa dénonciation, plusieurs sont arrêtées.
Chacune d'elles croit ne pouvoir mieux se laver d'une
pareille imputation, qu'en chargeant les autres. D'ailleurs,
le dénonciateur assure que toutes les sorcières portent
une marque, a laquelle on peut aisément les reconnaître,
et dont la forme est à peu près celle de la patte d'un coq.
On visite les femmes arrêtées , et malheur k celles sur
lesquelles on trouve quelque chose dont la forme a le
moindre rapport avec la patte fatale. Dénoncées par un
confrère, chargées par les dépositions de leurs coaccusées
et portant l'empreinte diabolique, comment échapper k
une condamnation? Deux infortunées expient bientôt à la
potence cet épouvantable crime, tenu pour avéré aux yeux
d'un peuple prévenu. La réputation de l'imposteur s'ac-
croît; de tous côtés, la justice le requiert pour l'aider k
358 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
découvrir les sorcières : il en trouve parloul. Le funetle
résultat de ces absurdes et barbares investigations» Ait
1619. qu'au mois de mai 1619, on comptait aieore qnannie
prétendues sorcières dans les prisons de Perpigun, oè
dix à douze avaient été déjà pendues. Plusieurs antres
eurent le même sort k La Roca, Sorède, Paiau, BanjnISt
Millas, nie, Nefflach. Le nombre des victimes eût été sans
doute plus grand , si l'Inquisition de Barcelone n'eti ré-
clamé le sorcier, pour l'examiner lui-même : son procès
n'était pas terminé lorsque fut écrite, sur les registres
de Saint-Jean , la note d'où nous avons tiré le réeil ëe
cette déplorable et honteuse aflkire. Toute grave qa'elleesl,
sufBt-elle pour dresser un acte particulier d'aecosstîsn
contre la superstition et l'ignorance de nos ancêtres
commencement du xvii® siècle? Non, puisque le
de la Maréchale d'Ancre, en 1617; celui d'Urbain
dier, en 1654, prouvent, qu'ailleurs, on n'était ni
sage ni plus éclairé. Ces faits joints à mille autres,
font voir quelles peuvent être les erreurs de b jnslice^
séduite ou intimidée par les passions populaires.
La mort de Philippe III ne changea rien k la ontare
des relations qui existaient entre la France et Tl
L'histoire du HoussiUon continue a nous ofinr la
stérilité d'événements dignes d'êtres cités.
L'ambition de Charies-Quint et de Philippe II svak M
&tale à l'Espagne, qui continua à s'affaiblir soos les règnes
suivants. Aux causes générales de la décadence éà ce
Royaume, se joignaient, pour le Iloussillon cl b Ccria
gne, les malheurs éprouvés par ces provinces à b fin dn
xv« siècle et durant le xyi«. Aussi, virent«elles
leur population, dis|)araitre leurs manufactures,
leur agriculture ot leur commerce, et, enlin, b mlsèrr
|iar\'enir ii un tel Ae^^rv. «|ue, vu i excessive rareté de Ter
CHAPITRE QUINZIÈMB. 359
et de l'argent, la monnaie de billon seule se montrait dans
la circulation. Inquiets d'un état aussi déplorable, les
citoyens éclairés en cherchaient les causes et les moyens
d'y remédier. En 1627, l'avocat Louis Palau, assesseur de
rHdteMe-Ville de Perpignan , fit imprimer un mémoire
sur cet objet. A la même époque, Louis Baldo, docteur
è»»lois, bourgeois honoré, syndic et député de cette même
Tille, faisait imprimer, à Barcelone, une supplique an Roi,
pour lui demander de form^^ des deux Comtés, une pro-
vince k part. Dans ces écrits, on représente leur union
à la Catalogne, comme la véritable cause de lair misère.
Toutes les maisons opulentes, y dit-on, attirées par les
agréments d'une grande cité, résidence du Lieutenant-
Général, ou obligées de s'y rendre pour les soins à donner
à leurs procès, qui finissaient toujours par aboutir au
Conseil Royal de Barcelone, vont s'établir dans cette ville.
D'ailleurs , toutes les affaires pouvant être évoquées à ce
tribunal, en première instance, lorsque l'objet en litige
vaut 500 livres catalanes, et en appel, lorsqu'il vaut iOO
réaux, il est évident que tous les plaideurs doivent venir
à Barcelone, et l'on évalue k 100.000 écus les sommes
qui sortent tous les ans des Comtés pour ce seul objet.
On s'y plaint, que les impôts levés par la Députation sur la
province entière , ne sont employés que pour l'avantage
particulier de la Principauté, tandis que les Comtés sont
obligés de pourvoir, par leurs propres ressources, à l'en-
tretien des fortifications, des armes et des munitions qui
servent k la défense de tout le Royaume. Outre ces plaintes
générales, ils citaient les faits suivants: l^' de 1551 k 1565,
la Députation n'avait voulu recevoir dans les Comtés, pour
le paiement de l'impôt, qu'k raison de 55 deniers, le réal
qui en valait 40, et qu'elle même y donnait k ce taux;
2o en 1590, elle avait soudoyé deux cents hommes d'ar-
3()0 HISTOIRE DU KOUSSILLON.
mes, aux dépens de toute la province, pour la délivrer
des brigands dont elle était infestée : on les chassi en
effet de la Principauté, et ils se réfugièrent dans les Comtés,
où on les laissa tranquilles, malgré les réclamations des
habitants; a» en 1507, Perpignan, menacé par les Fran-
çais, manquant d'armes et de moyens d'en acheter, pria
la Députation de lui prêter celles qu'elle avait k Barcdone,
et dont elle ne faisait rien : elle ne put les obtenir qa'en
s'obligeant a les payer, et cette dette fut exigée avec h
dernière rigueur. La réponse à ces mémoires fnt Fcenvre
de Fontanella et Sala , assesseurs de Magarola , iGacal de>
la Députation. Sans nier les faits cités, sans infirmer Ik.
vérité des plaintes, ils se contentent de dire qoe b
nion de ces pays à la Catalogne, ayant été comme
tionnée par plusieurs constitutions des Cortés, prooral—
guées dans cette hypothèse, le Roi seul ne poavait^
ainsi que le prétendait la ville de Perpignan, prononeer"
la sé|)aration qu'elle sollicitait. Il parait que le Souveraii»-
adopta cette opinion; car la séparation neut pas Ben*.
et les événements politiques qui suivirent, ne iirenS-
qu'aggraver la situation du pays, et lui rendirent moùm
pénible le changement de domination.
I62S. ^^ K octobre IliâH, les fossés de la citadelle de Per-*
pignan étant pleins d'eau, il s'y lit une rupture soudaine
à la coutrescaqH\ derrière l'église de Saint-Matthiea : loni
fut inondé, de la |H>rte Saint-Martin au Marché-Neuf. Ln
rues, les églises, les rez-de-chaussée des maisons faeal
couverts d'eau; il y eut beaucoup de vin« d'huile « et
meubles entraînés, de maisons renversées; des femmet»
dt*s enl'ants furent no\és. Kn Itiôl, une disette extrême
se lit sentir en Roussillon: le prix des denrées devint
exorbilanl : le Me. mêlé d'un tiers d'orge, se vendait
I ii\res "i s(i|> U inoure envinm le double-dëcalilrc);
CHAPITRE QUINZIÈME. 361
vin, 10 sols le carton (4 litres); l'huile, 5 liv. 14 sols
dourg (environ 16 litr. ^/^). Les Consuls, pour soulager
classe pauvre, firent vendre du blé k 1 livre 6 sols la
tesure. Il faut observer que tous ces prix sont donnés
1 monnaie de Perpignan , qui valait, à la même époque,
double de celle de France * . Cette excessive cherté des
vres ayant occasionné des maladies contagieuses, la
îste se déclara dans la ville, le 12 août 1631. Elle s*y
laintint jusqu'au mois de juillet de l'année suivante,
i enleva plus de six mille personnes, quoique les habi-
nts les plus riches eussent pris la fuite. A peine ce fléau
mait-il de cesser, que l'on vit arriver, le 13 novembre
^2, une armée de dix mille hommes. Le prix des dén-
ies, descendu k son taux ordinaire, tripla sur le champ.
es troupes avaient été probablement envoyées , quoique
1 peu tard, pour soutenir la révolte du Languedoc en
veur du Duc d'Orléans ; mais le Duc de Montmorency ,
)uverneur de la province, et auteur du soulèvement, ayant
é pris au combat de Castelnaudary, le 1«^ septembre,
ipparition des Espagnols en Roussillon, n'empêcha point
)uis XIII de réduire entièrement les rebelles, privés de
ur chef
Depuis long-temps la France et l'Espagne se faisaient
le guerre déguisée, en attaquant leurs alliés, et donnant
^8 secours a leurs ennemis respectifs, ce qui ne pou-
lit manquer de déterminer une rupture entre ces deux
lissances. Enfin, les Espagnols ayant surpris Trêves le
> janvier 1655, et fait prisonnier l'Électeur, allié de la I6^.
pance, un traité fut conclu, dès le 8 février, entre cette
uissance et la Hollande. Il avait pour but la conquête
îs Pays-Bas espagnols , et le partage de cette province
1 Ur l'argcut valail alu^^ en Fr.ince trois fois sa Taleur «Ktuellt.
362 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
entre les deux parties contractantes. Perpignan el le
Roussillon ne tardèrent pas k être inondés de
castillanes, qui y séjournèrent plus d'un an, IrailanI
aucun égard les habitants , chez qui elles étaieat logéet.
Le Duc de Cardone, vice-roi de Catalogne, les rénil
toutes, le 96 août i657, k Saint-Génis^es-Tanitoet, dus
le voisinage de Bonpas. Il s'y trouva quinie mille
d'inbnterie ou de cavalerie, trente-deux pièces de
et huit cents chariots de munitions. Au bout de trois jows,
il fit lever le camp, et Tannée, sous les ordres du Cesie
de Serbeloni et du Duc de Ciudad-Real, se dirign nn
Leucate, en passant par le grau : cette place Ait nivieatie le
2 septembre. Le gouverneur, Bourcier du Barri, n'ajiM
que peu de troupes, environ quatre-vingts hommes, se dé*
fendit avec vigueur. l..es attaques des Espagnols ne dis»
continuèrent pas jusqu'au 28: ce jour4k, entre quatre el
cinq heures du soir« larméc française, forte de dix nulle
hommes d*inianterie et de mille chevaux, soos les oïdiw*
de M. de Schoniberg, attaqua les lignes des assiégetntt,
qui, apK's deux heures de combat, se retirèrent, abtn»
donnant les tranchées « leur artillerie el leurs mnnilioni
(>n évalua à un million la perte de tout ce matériel. Heiunn
sèment pour les vaincus, les Français, étonnés de lenr
victoire, n>n profitèrent pas de suite, et n*en
même la certitmle que lorsque le jour leur eut
la r^raite des Elspagnols. Ces deraien ne s'arrélèranl fne
sous les murs de Perpignan , oà ils rwlècfnl
qu'au 8 octobfv, et ils furent alors cantonnés
ges cirroBvoisins. I/année suivante, le tbéAlre de la
du côté des iS renées, a^ant eie transporté des bonis dn
la Méditerranée à ceux de TlVèan, le Ronssillon rashi
ii<\» tranquille. Il n>n fiit pas de même en 1639. Dès le 10
juin. un«' jrnnv Inncai^e. Unxt de di\ bnil nnlle
GflAFITRR QUlNZliHK. 363
mes, dont trois mille de cavalerie, iiiTeatit Sakes. Le
lendemain, le château d'Opol est sommé, et sa garnison,
composée de soixante-douze hommes, commandés par
un lieutenant, se rend sans tirer un coup de fusîl : ren-
voyé k Perpignan, le commandant fut condamné à UKurt,
et exécuté, en punition de sa lâcheté. Toutes les troupes
espagnoles s'étant concentrées dans la cajHtale, les Fran-
çais s'emparèrent de Rivesaltes, de Claira, de toute la
Salanque, et établirent leur camp au Mas de la Garrigue,
poussant des détachements dans toutes les directkms.
Estagel se rendit, le 17, ^ un de ces partis; un autre,
fîit battu, le 22, par des troupes sorties de Peipignan.
On ne savait rien du siège de Salses, commencé le iO
juin; on en reçut des nouvelles ;le i®r Juillet, par une
voie assez extraordinaire. Un petit chien barbet, appar-
tenant â un soldat de la garnison de Salses, arriva h
Perpignan,, et courut trouver la femme de son maître,
restée dans cette ville. Celle-ci, en rendant â ce petit
animal les caresses qu'elle en recevait, s'aperçut qu'il
portait un collier artistement arrangé, où l'on trouva deux
lettres , l'une pour le Comte de Toralta , l'autre pour le
Gouverneur de la citadelle. D'après leur contenu, je siège,
commencé le iO juin, n'avait pas fait de grands progrès;
les premières batteries, placées trop loin sur la mon-
tagne , et plus tard rapprochées de la place , n'avaient
pss produit un grand effet; les Français avaient perdu
beaucoup de monde par le feu des assises, qui ne coo-
nient aucun danger. La maîtresse du chien fut récom-*
pensée par l'Évéque et les deux Généraux. La garnison
de Perpignan avait reçu un renfort de cinq cents hommes
d'infanterie et de trois cents chevaux ; de plus, on ne né-
gligeait rien pour mettre la place en état. On commença par
abattre, le 27 juin, l'église de Saint-Matthieu; on détruisit
3(>4 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
ensuite le couvent des Capucins, dont la position, sous
les murs de la ville, pouvait en géner la défense. Cepen-
dant, le 9 juillet, les Français, après avoir balta le fwt
de Salsas de quatre batteries, armées chacune de treiie
pièces dé canon , tentèrent un assaut infructueux : Os j
l>erdirent six cents hommes. Mécontents de l'effet de leor
artillerie, ils travaillèrent, dès le lendemain 10, à me
mine, et, par son explosion, ils parvinrent le i9 à oa?rir
une large brèche. La garnison, fort affaiblie, capitula le SD,
et fut conduite prisonnière à Narbonne. Toutes les forées
espagnoles ne s'élevant pas k douze mille hommes, étaieBL
concentrées à Perpignan, abandonnant la campagne
Français. Ceux-ci envoyèrent, le 25, un détachement
Baixas : quelques soldats s'y trouvaient en garnison ; ils
refusèrent de se rendre avant d'avoir obtenu la perm»-
sion d'envoyer un des leurs à Rivesaltes, pour s'asnrer
«le l'existence d'un parc de neuf pièces de canon, dont
on pouvait se servir contr'eux. En ayant acquis la eertH
tude, la garnison se rendit, sous condition d'être nn»
voyée à Perfngnan. Le Comte de Santa-Coloma, Tice-ni
de Catalogne, arriva le lendemain , k la tète de Tingt milk
lioninies. Les P'rançais, après avoir mis à Canet, dont iis
s'étaient emparés le !2ii, une garnison de deux cents bon-
ines, évacuèrent le Koussilion, ne gardant que cette pbee,
Rivesaltes, et les châteaux de Salses et d'OpoK Lenr
retraite fut célébrée par de grandes réjouissances h Pei^
l»ignan. Mais l'aggloméra tion des soldats castillans et ca-
talans, sur un même point, ne tarda pas k faire ëcbler
Tantipathie qui divisait les deux nations; et, le 29 jnillel,
les choses en vinrent au point, dans la ville et la citadelle,
(|ue, malgré tous les efforts du Vice-Roi, qui se portail
[partout où les esprits paraissaient les plus échaufles , ci
qiioiqn*il fit exposer dans toutes les églises te Saint-
CHAPITRE QUINZIÈME. 365
Sacrement , pour arrêter, par le respect de la Religiou ,
ces hommes exaspérés, il ne réussit qu'à éviter un combat
général, mais il ne put empêchai qu'il n'y eût des coups
de mousquet tirés, et des hommes tués de part et d'autre.
Le 12 août, quinze cents Catalans tentèrent l'escalade des
murs de Rivesaltes, qu'occupaient cinq cents Français. Les
échelles se trouvèrent un peu courtes ; toutefois, après une
attaque où la garnison perdit quarante hommes, elle posa
les armes , et rendit ce poste , a condition qu'elle serait
envoyée à Salses. Les vainqueurs rentrèrent à Perpignan
n'ayant perdu que vingt soldats. On y était occupé à orga*
niser les troupes nouvellement arrivées. En attendant, les
Français dévastaient la Salanque, et un de leurs partis,
poussé du côté de Tautavel , eut quelques affaires d'avant-
poste avec les troupes espagnoles, qui s'étaient avancées
jusques à Cases-de-Pèna. Le 51, le maréchal de camp.
Comte de Torrecasa, réunit, dans un camp près de la
porte Saint-Martin, un corps d'infanterie, où l'on comp-
tait trente drapeaux, autant de pièces de canon, et deux
cents chariots de munitions. Le 7 septembre, arriva k
Perpignan la çarnison du château de Tautavel, qu'elle
avait reudu la veille ; elle fut emprisonnée par ordre du
Vice-Roi, mécontent de sa conduite. Le même jour, le
Marquis de Spinola, venant de Collioure, où il avait dé-
barqué , entra à Perpignan , précédé d'un grand nombre
de chariots de munitions, et de quinze nlulets, chargés
d'argent. Ce général était attendu avec impatience : les
Consuls, le Comte de Torrecasa et le Vice-Roi lui-même,
allèrent le recevoir k une lieue de la ville. Le lendemain,
il passa la revue de l'armée, qui fut renforcée, le 15, par
un corps de six mille Castillans, aux ordres du Marquis
de Mortara. Quelques soldats de ce corps ayant enlevé des
raisins à un Catalan , il en résulta une querelle très vive
266 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
entre les troupes des deux nations, et plusieurs soldats y
perdirent la vie. Le 14, Spinola prit position entre le
Soler et Hillas : son amée se composait de trente mille
hommes d'infanterie, quatre mille chevaux, trente-qvatie
pièces de canon, cinquante chariots et cent mulets chaigës
de munitions. Trois jours après, les Français, campés
entre Estagel et Monner, se replièrent sur Salses; les
Espagnols suivirent leur mouvement, et campèrent, le 48,
devant Rivesaltes. Le 19, tandis que trois de lenrs régi-
ments s'emparaient de Castel-Viel , situé sur le chemia
de Salses k Vespeille , le reste de l'armée marcha sur le
nouveau fort, et commença \k le canonner vers la fin di
jour. La place ripostait chaudement; on réussit, cepen-
dant, ï s'établir dans une ancienne tranchée, qoe ki
Français avaient négligé de combler. Le 90, Mortara, ï
la tète de ses Castillans, et soutenu par quelques troupes
catalanes, attaqua un corps nombreux qui couvrait h
place , posté derrière un retranchement tiré de la mon-
tagne ï l'étang, et armé de trots pièces de canon : il Fea
chassa, et le poursuivit jusqu'au château, qu'il canonn
trois jours sans relâche, mais non sans éprouver de forM
pertes, surtout en blessés, par In mousqueterie. La gar-
nison comptait trois mille hommes d'infiinterie et trsb
cents chevaux. I^ 36 septembre, par un temps froid et
une forte pluie, elle fit une sortie vigoureuse, chaasMl
les assiégeants de la tranchée, et leur tuant beancoop de
monde. Ayant été repoussée dans la place, le feu recoBH
mença sans interruption jusqu'au 7 octobre. Ce joiir4h,
les assiégeants attaquèrent le fossé; s'en rendirent
très de vive force , et y firent un grand nombre de prît
nicrs. I^ lendemain, ils em|K)rtèrent un fortin, conatrml
|K)ur couvrir la porte du château : les trois cents hommes
qui le défendaient fiiront passifs au fil de Tépée. 1^ Vir^
CHAPITRE QUINZIÈME. 367
Roi ayant reçu divers renforts, fournis par les milices du
pays, et voulant reconnaître Tannée française, envoya
vers Estagel un corps de troupes, pour attirer de ce côté
l'attention des ennemis. Il fit passer, en même temps, par
le grau , un parti de mille cavaliers et cinq cents hommes
d'infanterie. Ce détachement rencontra la cavalerie fran-
çaise entre la Palme et Roquefort; la poussa jusque sur
l'infanterie, qu'il reconnut à son aise^ et revint par le
même chemin , emmenant une centaine de prisonniers.
Des barques, parties de Leucate, venaient, |)ar l'étang,
faire des signaux aux assiégés, et tentaient de leur ap-
porter des vivres. On réussit à leur donner la chasse, et
même on en prit quelques-unes , en armant des barques
du pays. Cependant, on avait appris, par la reconnaissance
dont nous venons de parler, que l'armée française avait
une infanterie nombreuse ; et le 23 octobre , on eut avis
qu'elle voulait attaquer les lignes , pour jeter du secours
dans la place. S'étant assuré de cette nouvelle, le Marquis
de Torrecasa, commandant le siège, fit brûler les bara-
ques de son camp , pour mieux se disposer k recevoir
l'ennemi, qui se présenta, en efiet, le 96; mais une pluie
extraordinaire, survenue au moment où il allait attaquer,
dispersa ses troupes, et l'obligea à abandonner, dans sa
retraite, quelques pièces d'artillerie. Il revint à la charge
le 2 novembre, et fut repoussé avec une perte de deux
cent cinquante tués et cinq cents blessés : celle des Espa-
gnols fut moindre. Après cet échec, les Français se reti-
rèrent sur Narbonne, et les assiégeants, ainsi que les
assiégés, restèrent fort tranquilles jusqu'au 28 décembre,
jour où il fut convenu, entre le Vice-Roi et le commandant
de Salses, que ce dernier rendrait la place le 6 janvier, si
ellç n'était secourue. En conséquence, la garnison, forte
de douze cents hommes, sortit ce jour-là du fort, avec les
368 UISTOIRE DU ROUSSILLON.
honneurs de la guerre, emmenant deux chariots poor
les malades, vingt-sept pour les munitions, une pièce
de canon , vingt-et-un drapeaux, dont dix seulemeni de-
vaient être déployés : la capitulation leur accordait ces
conditions honorables. Le Vice-Roi fit un accueil très
distingue k M. d'Espenan, gouverneur de la place, et
l'invita k visiter avec lui les tranchées : les batteries les
saluaient k leur passage. La défense faite par cet oflkier
méritait ces honneurs ; mais il n'est pas douteux que b
mésintelligence qui existait entre Santa-Coloma et Torr^
casa, depuis le commencement du siège, en proloDgei
beaucoup la durée. Si nous en croyons un mémoire do
temps, les fréquentes querelles des deux Généraux, fini-
rent par une scène des plus scandaleuses. A la suite d'une
discussion très vive, le Vice-Roi s'emporta jusqu'à frapper
le Général en présence de plusieurs personnes. Le Duc de
^^Saint-Georges, fils de Torrecasa, voyant son père traité
aussi indignement, courut, l'épée a la main, contre le
Comte de Santa-Coloma, qui le blessa, lit arrêter le père et
le fils, les envoya prisonniers k la citadelle de Perpignan,
et rendit compte au Roi de tout ce qui s'était passé.
Les malades et les blessés de l'aimée assiégeante étaient
dirigés sur Perpignan. I^s hôpitaux ne pouvant les conte-
nir, on prit, pour y suppléer, plusieurs maisons voisines de
Thôpital militaire, des bergeries auprès de la porte d'Elne,
les couvents des Cordeliers, <les Jacobins, des Cannes, des
Minimes; on plava jusqu*k huit cents malades dans chacuae
de leurs églises. Il résulta de cet eneombrement dans une
ville de iiiéditKTe étendue, une contagion pire que la pesie,
qui fit périr, depuis le 1 i septembre 1G57 jusqu'au 9 jan-
Ui to. vier !(>{(), plus de 7.(NK) habitants el autant de militaires *.
I II y a tr»-« |triiti.il>lrin^iil ik lV\.i):r]j(ii>n il.in» I** iHtmlrr ili"k Uiir^*^»!». rt
iiiriiii* <laii« icUïi iK* uiilii.iiri"«, tutinii*» «lu Tu- m
CHAPITRE QUINZIÈME. 369
Malgré cette épidémie , le Vice- Roi lit loger chez les
bourgeois trois mille cinq cents cavaliers. Cette mesure
Tut doublement vexatoire : elle était nouvelle, et les hom-
mes se conduisirent fort mal chez Thabitant.
Santa-Coloma se hâta , après la prise de Salses, de faire
raser les travaux de l'attaque, et de congédier tous les
renforts venus des divers points de l'Espagne. Le mécon-
tentement des Catalans allait toujours croissant ; de plus,
les quartiers que les troupes prirent chez eux après le siège,
ne contribuèrent pas k calmer les esprits, déjà très montés
contre le premier ministre Olivarés. Certaines mesures
ordonnées par le Vice-Roi, les aigrirent encore davantage.
Tamarit, membre de la Députa tion pour la Noblesse, qu'il
avait fait arrêter, fut délivré pir une émeute populaire.
L'Autorité, avilie par cet affront, ne put se rétablir. Enfin,'
le 7 juin 1640, Santa-Coloma périt, on ne sait comment, 4640.
pendant qu'il cherchait k gagner la mer pour sq soustraire
aux suites d'une sédition excitée par une cause très légère.
Barcelone ne tarda pas k se déclarer ouvertement, et le reste
de la province n'avait pas attendu son exemple pour tom-
l>er sur les troupes castillanes. Dès le 11 juin, six mille
hommes, la plupart infanterie, repoussés de la Catalogne
par une insurrection générale, passèrent au col de la Mas-
sana, et se replièrent sur Perpignan, où ils demandèrent
k être logés : ils ne pouvaient s'y présenter dans un mo-
ment moins opportun. Quelques jours auparavant, le 4
juin, sur le simple soupçon qu'un grand conseil, assemblé
par les Consuls, avait eu pour objet de faire consentir la
ville au logement des gens de guerre, le peuple s'était
porté sur la maison du premier Consul, Jean Descamps,
pour le tuer; et, ne l'ayant pas trouvé, avait saccagé son
habitation, maigri les efforts du poste établi dans le voi-
sinage, a la porte Saint-Martin, dont on avait tué ou blessé
'2\
370 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
plusieurs hommes, parmi lesquels se trouvait le capitaiue,
Jean Palegreu , qui le commandait : les mutins n'étaient
rentrés dans le devoir qu'à la fin du jour. Les Consob,
craignant des scènes encore plus fôcheuses, se refosèreni
obstinément à loger les Castillans, prétextant les privil^es
de la ville. Le Général commandant de la place, était le
Florentin Cheli , marquis de la Reyna, qui avait sons ses
ordres, à la citadelle, le Navarrais D.Martin de les Arcot:
c'étaient deux officiers jouissant d'une grande répatation
militaire. Le Marquis ne voulut point entendre les raisons
des Magistrats. Les troupes castillanes, commandées par
Arcé, attaquent une porte de la ville : les habitants pren-
nent les armes; élèvent des barricades, et défendent cette
porte avec acharnement. Enfin, le Marquis de la Reyna,
voyant que la nuit était venue sans que le combat eflt
cessé , monte à la citadelle , et fait tirer le canon sur h
ville, malgré les représentations de D. Martin. L'Évèqne
accourt pour calmer la colère du Gouverneur : <m contieit
qu'on cessera de tirer, à condition qu'on logera les Iroa-
pes; mais Cheli, ne voyant pas exécuter cette mesure,
fait recommencer le feu. Le 13 juin, la ville, intimidée,
députa vers le Gouverneur, Gabriel de Llupia, que l'Évé-
que voulut accompagner. I^ réponse fut la même ; et b
ville persistant dans son refus , la canonnade reprit avec
encore plus de force , et le combat recommença entre
les troupes et les habitants. I^ citadelle tira plus de six
cents boulets et quelques bombes sur la ville, dont elks
endommagèrent un tiers des maisons : une trentaine de
citoyens furent tués. Les troupes, favorisées par cetle
canonnade, forcèrent la porte et pillèrent plus de quinae
cents maisons, quoique les habitants eussent envoyé fiiire
leur soumission au Gouverneur. Le 29 juin, le Doc de
Cardone, nomniô depuis peu Vire-Hoi de Catalogne, arriva
CHAPITRE QUINZIÈME. 371
à Perpignan. Olivarés avait fait un très bon choix : ce Sei-
gneur, né Catalan, et doué d'un caractère conciliant et sage,
était très propre k calmer l'eflervescence des esprits, s'il
est donné à un homme d'en venir k bout, lorsqu'il trouve
le mal parvenu k un certain point. Indigné de la manière
dont on avait traité la ville, il fit arrêter et conduire en
prison le Marquis de la Reyna et le Général des troupes
castillanes : ce fut toute la satisfaction qu'obtinrent les
Perpignanais. Cardone étant mort le 22 juillet, fut uni-
versellement regretté, d'autant plus qu'on le dit mort du
chagrin d'avoir k exécuter des ordres entièrement con-
traires k ce que son cœur et son esprit lui suggéraient.
Ce Seigneur fut remplacé dans le gouvernement de la
province, par Don Jean de Garai. Les villes et villages
du Roussillon , qui n'étaient pas contenus pa; des gar-
nisons castillanes, avaient suivi l'impulsion donnée par
le Gouvernement qu'on venait d'organiser k Barcelone :
ils étaient soutenus par les troupes catalanes et quelques
faibles détachements français. Garai voulut signaler son
arrivée par une entreprise capable d'intimider les rebelles,
dontle parti dominait k Ille. Résolu k leur enlever cette place,
il sortit de Perpignan le 25 septembre, emmenant avec lui
un gros détachement d'infanterie, quelque cavalerie et qua-
tre canons. Il reçut en passant la soumission de Millas, ce
qui ne l'empccha pas d'en maltraiter le Seigneur, Philippe
d'Albert, et y manda les Consuls d'Ille; mais ceux-ci,
loin de s'y rendre, appelèrent k leur secours H. d'Aubigni,
qui entra dans la place, k la tête de six cents soldats fran-
çais ou catalans, et dirigea la défense contre les attaques
tentées par le Général espagnol. La première eut lieu le
24 septembre. Garai, après avoir battu la ville avec son
artillerie, voulut faire sauter une porte au moyen du pétard,
et pénétrer par ce point : rien ne lui réussit, car l'officier
372 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
chargé d'altacher le pétard fut blessé, et Garai dat se
retirer sur Saint-Féliu. Ayant fait venir de Perpignan m
pièces de canon et des renforts , qui portèrent sa petite
année k six mille fantassins et six cents cavaliers, il revint
le 29 septembre sur Ille; établit ses batteries; canonna b
place, depuis trois heures du matin jusqu'à quatre heures
du soir, et, ayant ouvert une- brèche de cinquante pieds de
large, il fit monter ses troupes à l'assaut. Elles s'y por-
tèrent avec mollesse : Garai, pour les animer, se mit à leur
tête, et reçut deux coups de mousquet. Les blessures do
Général décidèrent la retraite, qui s'effectua sur Saint-
Féliu, mais non sans des pertes très considérables.
ComeiUa-de-la-Rivière ne fut pas aussi heureux qu'Ole :
un détachement , envoyé par Garai , pilla ce village ; plu-
sieurs maisons, l'église, et tout ce qu'elles contenaient,
furent la proie des flammes. Après cette expédition, qui
ne fit pas grand honneur aux armes espagnoles , et peo
propre, d'ailleurs, a réconcilier les habitants avec le Go»:
vemement, l'armée rentra à Perpignan le 2 octobre.
Guillaume d'Armengol, châtelain du Perthus, ayant» pv
ordre de la République catalane, fait entrer des vivres et
de l'infanterie dans son château , on espérait empêcher les .
troupes espagnoles du Roussillon de se joindre à celles de
la Catalogne, et faciliter le [massage des secours demandés
k la France, qui consistaient en quatre mille hommes,
commandés par d'Ës|>enan. Ce Général traversa le Ron^
sillon; i>énétra en Catalogne par le Perthus, et marcha
surRarcelone et Tarragone; mais, mal secondé, dans b
<léfcnse de cette dernière place , par les milices du pays,
il fut obligé de capituler, en s*engageant à rentrer en
France avec toutes les troupes qu'il avait amenées. Cette
retraite, faisant craindre aux Catalans dVtre abandonnés,
les décida a se reconnaître sujets de Louis XIIL par une
CHAPITRE QUINZIÈME. 373
convention conclue le 20 février 1641, et à livrer, en icsi
conséquence, Barcelone aux Français. Les troupes espa-
gnoles , disséminées dans le Roussillon , et la presque
totalité de la population de la province, suivirent leur
exemple; de sorte que la garnison de Perpignan, trop
Taible pour tenir la campagne, se trouva dénuée de vivres.
Pour la faire subsister, on fut réduit, dans le mois de mars,
à enlever aux habitants toutes leurs provisions, ne leur
laissant qu'une charge de blé par ménage. Le 19 mai,
vingt-deux galères, chargées de grains, entrèrent \k Col-
lioure, et on dirigea cet approvisionnement sur Peijpignan,
d'où l'on retira des troupes de diverses nations, pour les
transporter en Catalogne sur ces galères : les Espagnols
comptaient y frapper de grands coups. Ces deux opéra-
tions furent exécutées foct à propos; car, déjk le 3 juin,
quatorze mille Français entrèrent en Roussillon par la
Salanque, et se présentèrent, le 5, devant Canet, dont la
garnison, forte de cent cinquante hommes, après avoir
fait mine de vouloir se défendre, se rendit prisonnière de
guerre, et fut conduite en France. Maîtres de ce fort, les
Français marchent sur Elne ; font une suspension d'armes
avec la garnison , et s'avancent vers La Roca-^d'Albère.
La garnison de ce château, composée de Wallons et d'Ita-
liens, le rendit le 15, moyennant la liberté de se retirer
à Perpignan, avec armes et bagages. Le siège d'Elne com*-
roença le li; la ville se rendit le 28, et douze cents
Napolitains, qui s'y trouvaient, prirent parti dans les
troupes françaises ou catalanes. A peine maîtresse d'Elne,
cette armée eut ordre de marcher au secours des Cata-
lans occupés au siège de Tarragone. Elle partit, en êflel,
laissant seulement en Roussillon quelques compagnies
d'infanterie et de cavalerie françaises ou catalanes, char-
gées de garder Thiiir, Millas, Elne, Canet, Claira et Rive-
374 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
saltes. Deux Koussillonnaîs, D. Gaspard de Uupia el D.
N. de VillaDova, commandaient, l'un \k Thuir, riotre ï
Millas. La garnison de Perpignan, entourée d'ennemia, ne
pouvait se procurer des vivres qu'en faisant des coanes;
qu'en livrant de petits combats, où elle perdait toujours do
monde. Des partis s'approchaient souvent de ses murailles,
d'où on devait les repousser au loin . L'impuissance où Fou se
trouvait, des deux côtés, d'entreprendre quelque chose de
décisif, prolongeait ainsi une guerre ruineuse pour le psji,
dont tous les villages étaient successivement pillés, la
uns pour avoir été fidèles au Roi d'Espagne, les sutra
pour avoir embrassé la cause des rebelles.
Pour ne point fatiguer le lecteur, nous nous contes-
terons de mentionner les affaires les plus considérsbief :
cela suffira pour donner une idée de la manière doot te
faisait cette guerre.
Le 15 septembre 1611, les Français et les CstslsM,
voulant enlever les chevaux de la garnison, qui pituraiesl
auprès du Vcrnet, celle-ci fit une sortie, et les pouM
jusqu'à Rivesaltes ; mais, ayant voulu les y attaquer, die
fierdit cent cinquante hommes, et fut obligée de se retirer.
I^ S6 du même mois, il y eut une vive escarmouche,
entre un parti sorti de Perpignan et la garnison de Caiiel,
qui |)erdit cent hommes, et fut repoussée jusque daus
son château. Le lU octobre, les Français, venus de Bages,
joints aux Catalans, sortis d'Elne, tombèrent sur un poste
de cavalerie placé a la tuilerie den Jorda, près de la ville;
tuèrent quelques cavaliers, en prirent une vingtaine, et
se retireront sans avoir souffert aucun mal du canon tiré
de la citadelle. Ce jour-là même, un fort détachement
partit de Perpignan, à neuf heures du soir; marcha anr
liages; enleva le cantonnement; saccagea le village, et
fut de retour, le lendemain, à cimi heures du matin. Ce-
CHAPITRE QUINZIÈME. 375
peiidaDt, les vivres étaient fort rares à Perpignan : on avait
commencé , le 5 septembre , à ne donner aux soldats que
quatre onces de biscuit, autant dejard et du riz. On dimi-
nua bientôt cette ration ; on flnit même, le 21 décembre,
par ne plus faire des distributions régulières. Le pays étant
complètement ruiné autour de la ville, les partis envoyés
pour faire des vivres devaient aller plus loin, et les courses
devenaient plus hasardeuses et iboins productives. Aussi,
toutes les personnes un peu aisées avaient abandonné la
place, que la famine aurait obligé de se rendre, si la flotte
espagnole n'avait débarqué à Collioure, le 15 novembre,
des troupes, des vivres et des munitions. Le commandant
se contenta, d'abord, de communiquer avec Perpignan
par Sainte-Marie, où la garnison envoyait de temps en
temps de forts partis; mais, cette communication étant
très difficile, il se décida a attaquer, le 21 décembre, les
Français et les Catalans postés à Argelès : il fut repoussé
après trois jours de combat. La famine devint alors extrême:
vers le l^r janvier 1642, on mangeait les cuirs, les parche- ^642.
mins, les chardons, les mauves, les orties. Un témoin digne
de foi assure avoir vu deux soldats, arracher, dans le cime-
tière Saint-Jacques, des herbes, et les manger crues avec
avidité. Salses avait fourni, le 19 décembre, vingt-trois
chariots de biscuit, et ne pouvait plus en livrer : les Gou-
verneurs de Collioure et de Perpignan concertèrent une
attaque combinée sur Argelès, afin d'enlever ce poste, qui
mettait obstacle au passage des vivres. L'attaque commença
le 4 janvier; et, après trois jours de combats acharnés,
ou réussit à s'en rendre maître , ainsi que de sa garnison ,
composée de huit cents Français ou Catalans : le 8 jan-
vier, un convoi de cent sept chaînes de blé entra dans
Perpignan. Cette ressource était bien faible, encore fut-
elle gaspillée : les soldats, mourant de faim, se jetaient
:)76 HISTOIRE m: koussillon.
^ sur le l)lé à peine réduit en farine, et le mangeaieni au
sans attendre qu'on fit cuire du pain. Le 29 janvier, h
garnison de Collioure marcha sur Perpignan, ayant tou-
jours les ennemis sur les bras jusqu'k Saint-^Nazaire. Celte
suite de combats fit périr environ mille hommes, de part
ou d'autre. Le 51, les deux garnisons réunies, après avoir
passé une revue , partirent pour Sainte-Marie ; surprirent
ce poste, occupé par quelques soldats français on catalans,
et le fortifièrent, afin qu'il servit d'entrepôt aux eonvois
venus par mer de Collioure, et qu'on se hâtait d^expëdier
par terre k Perpignan. Le corps employé k cette opératioB
pendant quelques jours, rentra le 6 février dans la place,
où l'encombrement fut extrême : les maisons, les convents,
les égliges ne suffisaient point pour loger tant de tronpei;
on ne pouvait même pas moudre le grain nécessaire k lev
subsistance, et le soldat, obligé de broyer entre deux piems
celui qu'il recevait, ne prenait qu'une nourriture insnll-
sante et malsaine. Cet état ne dura pas long-tempe : k
10 février, les troui>es venues de Collioure y retoumèrent,
et s'embarquèrent pour l'Espagne. I^ garnison de Perpk
f^nan avait été ravitaillée; mais les habitants n'en sont*
fraient pas moins de la disette. Aussi, le 18 février,
cents personnes , poussées par la faim , profitèrent d'i
sortie qui eut lieu par la porte Saint-Martin, pour s*é-
rJiapper de la ville et se rc'pandre dans les villages enti*
ronnants.
Le sort du. Koussillon dépendait des événements dont
la (!latalogne allait être le théâtre : ils furent entièreiMnt
défavorables aux Espagnols. Don Pedro de Aragon el de
Cardone , ('(uiimandant leur armée , avant été battu dans le
Vallès, se retiniit surTarragono, lorsque, |Kmrsuivi dans sa
M,;j n'iraitr, il tiit obli^^ô, \c TA) mars I()it2, de se rendre, avec
loiiios les troupes sous srs ordres. Cependant^ Louis XIII
CHAPITRE QUINZIEME. 377
s'avaDçait vers les Pyrénées, avec quinze mille hommes
de pied et quatre mille chevaux qu'il passa en revue, à
Lyon , dans les premiers jours de février. Le Maréchal de
la Meilleraye commandait cette armée , ayant pour Lieu-
tenant-Général Turenne, et pour Maréchaux de Camp,
d'Ëspenan, d'Argicourt et de Tréville. Le Roi arriva à
Narbonne le 10 mars; le 1€, le Maréchal fit attaquer
Argelès, où trois cents Espagnols se rendirent prisonniers
de guerre, après avoir essuyé cent soixante coups de
canon. Tandis que les troupes déjà établies en Roussillon
continuaient à bloquer la capitale, la Meilleraye s'avança
vers Collioure, et l'investit le 16 mars. Le Marquis de
Mortara y commandait une garnison de tiDis mille hom-
mes : il eu avait établi deux mille sur les hauteurs environ-
nant la place, au pied desquelles était postée l'avant-garde
Trançaise, formée par le premier bataillon des Gardes, que
commandait Fabert. Le Maréchal faisant grand cas de
cet officier, lui fit dire de venir lui parler; mais Fabert,
ne pouvant lui pardonner d'avoir, en sa présence, donné
aux Gardes le nom de chanoines de l'armée, parce que
depuis deux ans ils suivaient la Cour, s'obstina à ne point
quitter son poste, et répondit: «Qu'il était, avec son
a bataillon, prêt a exécuter tous les ordres qu'il voudrait lui
«r envoyer. JD La Meilleraye, comprenant, sans peine, le motif
de son refus , alla lui-même le trouver, le priant d'oublier
ce qui s'était passé, et de ne point en garder rancune; il
ajouta : « Je tiens fort k connaître votre avis; quel est-il?
« — C'est d'attaquer, répond Fabert. — Hé bien, marche,
«dit le Maréchal, et prenez la tête de l'attaque.» Les
Espagnols furent chassés de la position après un combat
très vif; les Gardes françaises emportèrent l'épée k la main
un petit fort défendu par cent Espagnols; les Gardes suisses
enlevèrent de même le fort neuf, encore plus rapproche
378 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
de la place. On ouvrit la tranchée, la nuit du i7 aa 18, dn
côté de la tour de Sainte-Thérèse*. La nuit suivante, les
assiégés firent une sortie, qu'ils ne poussèreni pas tfèt
vigoureusement. I^ lendemain, six cents fantassins, soute-
nus par cent cinquante cavaliers, attaquèrent la tranchée, et
en chassèrent les assiégeants, qui la reprirent sans donner
aux Espagnols le temps d'emmener six pièces de canon,
dont ils s'étaient emparés. Le 24, les Gardes françaises et
suisses, soutenues par le régiment de Champagne, priieat
la tour Sainte-Thérèse de vive force ; les troopes qû h
défendaient furent passées au fil de l'épée. Tons les elliNts
des Espagnols pour secourir Collioure, avaient échoné:
trois brèches étaient ouvertes; et, cependant, on avait jigé
l'assaut impossible, avant d'avoir détruit une tour qni avait
des vues sur les brèches. On essaya de la faire sauter par
la mine. L'effet n'ayant pas répondu k l'attente, les asné-
geants se décidèrent k attaquer les trois brèches à la fbii:
elles furent emportées en moins d'une heure. Les assail-
lants ne perdirent que douze hommes, parce que la gar-
nison se retira au château, après avoir fort moUemort
combattu. Tous les ouvrages étaient plongés ou pris de
revers des hauteurs de la tour Sainte-Thérèse , dont ks
bombes ayant détruit la citerne, le manque d'ean obligea
les assiégés k capituler le 1 1 avril : les Français y entri^
rent le 15. Collioure pris, le Maréchal resserra le bloev
de Perpignan. Louis XHI se rendit devant la place le S
avril, et établit son quartier dans la métairie de Jean Ptal',
tout près du village de Saint-Estève : il avait avec Ini, ks
fiardcs françaises et suisses, les chcvau-lcgers de la gaide,
les chevau-légers et les mousquetaires du Cardinal. Le
Maréchal campa dans un vallon, auprès de Taquedoc 4n
I C.r\ii- ti-iii fui tngloliV iljn> la ''•■ii>iruitiiiii ilu Miraih*u. «m hîTI
- Kll^ .i|ip.ir< ii*iit maiiil^nutt i ti tiH'n- ili> l'.tntmr ilf rti «•u^rapr
CHAPITRE QUINZIÈME. 379
ruisseau royal, avec le lieutenaut-général de Turenne,
ayant sous ses ordres les régiments d'infanterie de Cham-
pagne, d'Efiiat, de Béarn, d'Espenan, les compagnies
royales, et environ six cents chevaux; le Maréchal de
Schombei^ commandait les troupes du blocus, dans la
partie au nord, dont les régiments d'Enghien et de la
Meilleraye, cavalerie, furent postés à Pia : Enghien , Conti
et Polignac, infanterie, avec Brissac et Céran, cavalerie,
s'établirent à Bonpas, chaînés d'étendre leurs postes
jusqu'à la tour de Castell-Rossellô , où venait aboutir la
droite du corps de la Meilleraye ; le régiment italien de
Mazarin fut placé entre Bonpas et Saint-Estève. L'armée
était forte de vingt-deux mille hommes d'infanterie, et de
quatre mille de cavalerie, y compris treize cents gentils-
hommes volontaires, commandés par le Duc d'Enghien,
depuis grand Condé. Décidés à prendre la ville par famine,
les assiégeants formèrent une circonvallation, qui, partant
de la hauteur du moulin au midi, suivant la crête des
collines jusqu'au chemin d'Espagne, traversait la Basse et
la Tet, au moyen d'estacades ; allait de Malloles k Saint-
Estève , de là à Bonpas , et par un retour, venait se rat-
tacher à Castell-Rossellô ; la cavalerie occupait l'espace
entre la tour et la route de Collioure. Voulant abréger les
lenteurs d'un blocus, on proposa au Gouverneur, marquis
Flores d'Avila, une capitulation honorable, lui oflDrant
même de permettre à un de ses officiers de parcourir les
cantonnements de l'armée, afin qu'il pût rendre compte au
Roi d'Espagne de l'impossibilité de défendre long-temps la
place contre une armée aussi formidable, et obtenir l'auto-
risation de la rendre, pour sauver la garnison : le Gouver-
neur rejeta ces propositions. Il s'aperçut, d'ailleurs, de
bonne heure, par l'espèce des travaux exécutés contre la
place , <]u'on voulait la réduire par un blocus rigoureux ,
380 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
et non par un siège en règle ; il ne songea donc qu'à
épargner ses provisions, et qu'à maintenir sa garnison en
bon état, la ménageant autant que possible, afin de pou-
voir s'en servir avec énergie, si la flotte espagnole, soafent
en vue de la côte , parvenait à opérer un débarquement
pour jeter un secours dans la place. Il se contentait d'in-
quiéter les lignes ennemies avec son artillerie, et de fati-
guer les assiégeants par des sorties fréquentes, mais biUes,
et conduites avec circonspection. Vers les premiers joon
de juin , le Roi de France étant tombé malade, se retini ï
Narbonne : les Maréchaux de la Meilleraye et de Schon-
bei^ restèrent chaînés du siège. Perpignan, bloqué dq»
plusieurs mois, commençait à manquer de vivres. Les
eflbrts de la flotte espagnole, pour aborder la côte, sou-
tenaient la constance de Flores d'Avila; mais, tonjovi
repoussée par les vents, elle fut obligée de se réfugier
aux iles Baléares. Alors le Gouverneur, perdant tout es-
poir, proposa , le 29 août , de rendre la place le 9 8S|h
tembre , s'il ne recevait , avant cette époque , un seeoun
de deux mille hommes d'infanterie, mille chevaux et deux
c^nts charges de vivres. On accepta ses propositions, et
le secours n'étant pas arrivé, il rendit, le jour conYOnu, h
ville et la citadelle. On y trouva un arsenal des mieux fov^
nis : il contenait des armes pour vingt mille hommes, cent
vingt pièces de canon , trois cents milliers de poudre, ele«
Le siège de Salses fut aussitôt entrepris, et le gouTonieur,
I>. Hcnriquez de Quiroga, après s'être vaillamment défendu
jusqu'au 2o septembre, proposa de rendre ce fort le 99,
s'il n'était pas secouru, ce (|ui eut lieu en efiet. Les
deux garnisons de Perpignan et de Salses obtinrent les
honneurs do la guerre, et furent conduites en Espngne
par EIne, Collionre, Itanyuls, la Solva et Roses, en sui-
vant rantii|no rhomin do la ente. I.o Cardinal voulait faire
CHAPITRE QUINZIÈME. 381
raser Salses ; mais Schomberg représenta que cette forte-
resse était nécessaire pour s'assurer la communication de
la France avec Perpignan et Collioure. Les Catalans, faisant
partie des deux garnisons prisonnières, eurent la liberté
d'aller où ils voudraient. Après ces conquêtes, l'armée
française négligeant les autres places du Roussillon, telles
que Villeflranche et Prats-de-Moll6 , qui ne pouvaient avoir
d'action sur le passage en Catalogne, pénétra dans cette
province, afin d'y soutenir la révolte des peuples contre
le Gouvernement espagnol.
Il n'entre point dans notre sujet de rapporter les évène-
nements militaires, dont ce pays fut le théâtre pendant
plusieurs années. Les succès furent très cariés jusqu'en
1652. L'Espagne, profitant des troubles survenus en
France par l'animosité réciproque des Princes et du
Cardinal Mazarin, et par lés querelles de la Cour avec
les Parlements, réussit à faire rentrer dans le devoir les
Catalans, déjà fatigués de la domination française. Durant
ces dix années, la forme du Gouvernement en Roussillon
resta telle qu'elle avait été 'sous les Rois d'Espagne. Ce
pays faisait toujours partie de la Catalogne, où comman-
dait, souvent avec le titre de Vice-Roi, un Prince ou du
moins un Maréchal de France. Pour s'attacher les habi-
tants, on y percevait des impôts fort modérés, et l'on
avait donné le commandement particulier de la Cerdagne
et du Roussillon à un Gentilhomme du pays. D. Thomas
de Banyuls et de Oris, était à la fois Lieutenant du Gou-
vemeur-Général et Procureur-Royal dans les deux Comtés
de Cerdagne et du Roussillon. A ces emplois,. purement
administratifs, il joignait l'autorité militaire, comme com-
mandant de la ville et de la citadelle de Perpignan. Les
peuples, obéissant partout à l'impulsion donnée par la
Députation catalane de Barcelone, ne reconnaissaient que
38*2 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
le Roi de France, dans tous les endroits non œcaféê pu
des garnisons espagnoles. Les choses changent Mea ée
4652. face en 1652 : la ville de Barcelone étant rentrée um
Tobéissance du Roi d'Espagne, et la Représentation pi#>
vinciale qui s'y était formée ayant été dissoute, le fia
qui avait attaché la Catalogne à la France fiit toUkoMt
rompu. Les Catalans imitèrent la capitale partout oè II
ne furent pas contenus par les années françateee. Dim
le Roussillon même, qu'elles occupaient, les luMlaBCl«
entraînés par un penchant naturel , donnaient des piewm
non équivoques d'attachement k leur ancien Gonierne-
ment ; le Clei^é surtout, et les classes les pins étefétii
ne dissimulaiept point leurs vœux ; la Noblesse rgpwMwi
l'écharpe rouge; les soldats que la province avait kifél,
abandonnant leurs drapeaux, rentraient dans leors fejM;
et il ne restait avec les Francis que les principaoi dMft
de la révolte, et ceux que les événements avaient Hip
compromis. Il eût été bien difficile de s'opposer k efÊê
révolution générale des esprits. On soupçonna Josepk ia
Vivier, nommé par la France k l'Évécbé d'Etalé , et II
gouverneur D. Thomas de Banyuls, de l'avob ijiiwiiit
en secret. Soit que la chose fût vraie, soit qne,
d'un injuste soupçon , ils prissent ce prétexte pov
de faire leur paix avec le Gouvernement espagnol , nBM*
que et le Gouverneur quittèrent Perpignan : le pvenMr Si
retira k Barcelone, dans son Prieuré de Santa-Anaa; li
second, dans sa terre de Nyer, qui était, ainsi que la fÉMi
du Haut-Conflent, au pouvoir des Espagnob.
Cependant, Mazarin avait triomphé de ses ennonia : Il
Duc d'Orléans s'était soumis ; le Prince de Condé W!99k
été obligé de se réfugier dans les Pays-Bas ; son friWt
le Prince de Conti, s'était réconcilié avec le CardinI, «n
épousant une de ses nièces. La France « ainsi
CHAPITRE QUINZIÈME. 383
rournit à cet habile Ministre les moyens de pousser avec
plus d'énergie la guerre extérieure : il renonça k la Cata-
logne, où il comptait peu de partisans, et ne songea qu'a
s'établir solidement en Roussillon, dont la possession était
alors de la plus haute importance. On envoya le Prince de
Conti dans cette province, avec une armée. Sa première
opération fut le siège de Villefranche en Gonflent : cette
place se défendit vingt jours, et soutint plusieurs assauts;
emportée le 23 juillet 1654, partie de la garnison fut 4654.
passée au fil de l'épée. Après cette conquête, les Fran-
çais marchèrent sur Puycerda ; mais les démonstrations de
l'armée espagnole, donnant des craintes pour Roses, le
Prince de Conti fit faire un mouvement rétrograde k ses
troupes, pour se porter dans l'Attpourdan. Il éprouva*
quelques pertes en repassant les montagnes, harcelé par
D. Thomas de Banyuls, à la tête d'un détachement de la
garnison de Puycerda, et d'environ cinq cents paysans. Ce
petit échec n'empêcha pas les Français de continuer leur
marche sur Roses, où ils surprirent et mirent en déroute
un corps espagnol qui se gardait fort mal. Le Prince reprit
alors ses projets sur Puycerda, dont il commença le siège
le 30 septembre. La garnison se défendit d'abord avec
courage; mais le Gouverneur ayant été tué d'un coup de
canon , la discorde se mit parmi les chefs, qui ne surent
pas s'entendre pour le commandement. A ce malheur,
s'en joignit bientôt un autre : la foudre réduisit en cen-
dres le magasin des vivres. Cet événement entraîna la
capitulation de la ville, eiïectuée le 22 octobre; elle fut
suivie de la reddition de la Seu-d'Urgel et de Campredon.
Le Roussillon étant entièrement soumis, on porta la guerre
en Catalogne pendant les années 1655, 56, 57 et 58. Elle fut
une suite non interrompue de prises et reprises de villes, de
combats sans résultats, dont il serait superflu de donner le
384 HISTOIRE DU ROCSSILLOIf.
détail, tou8 ces faits, assez peu importants par enx-ménes,
n'ayant aucun rapport direct avec l'histoire de cette pfo*
vince. Les deux puissances, fatiguées d'une latte qui les
épuisait par sa longue durée, songèrent, eoGn, k se nqi-
procher : il y eut entr'elles une suspension d'armes dès k
4G59. mois de mai 1659, qui fut suivie de la paix des Pyrënéei,
signée le 7 novembre, et ratifiée le mois suivant. Piv
l'article 42* de ce traité, qui en contient 124, il fol eoB>
venu : que les Pyrénées sépareraient désormais les deii
Royaumes, comme elles avaient séparé, autrefois, l'Es-
pagne et les Gaules ; que tout le Roussillon et le ConSeiH
appartiendraient à la France, et toute la Catalogne el b
Cerdagne à l'Espagne, de manière, cependant, qoe si
quelques parties du Gonflent se trouvaient sur le revers
méridional des Pyrénées, ou quelques portions de la Cer-
dagne sur le revers septentrional , les premières seraient
adjugées k l'Espagne, les secondes à la France. On nonun
de part et d'autre des commissaires pour procéder k h
fixation des limites, d'après l'esprit de cet article 48, et
vérification faite, sur les lieux, des |)oints sujets à contes-
tation. M. de Marca, Archevêque de Toulouse, et TÉvéqne
d'Orange, furent les commissaires nommés par le Roi de
France; Michel Salba de Valgomera, Chevalier de Saint-
Jacques, IJeutcnant du Maître rational (FAragon, et Joseph
Ferrer, Conseiller de la Royale Audience de Catalogne,
furent ceux du Roi d'Espagne. Ces commissaires s'assem-
blèrent à Céret, au mois de mars 1(]60. l>?^s. confidences
durèrent jus<|u'ii la tin d'avril ; on envoya aux Ministres
des deux Cours les procès- verbaux de ces conférences,
contenant les avis des commissaires concernant les divers
points sur lesquels ils n*avaient pu se mettre d*accord.
Cette discussion , reprise à Llivia , ne fut terminée qne
le 12 novembre, en Tabsenre de M. de Marra, et aTff
CHAPITRE QUINZIÈME. 385
tant de précipitation, qu'il fallut réunir de nouveau les
commissaires peu de temps après, afin de procéder à une
meilleure délimitation, qui fut a peu près fixée, telle qu'elle
existe aujourd'hui.
Nous terminerons ici l'histoire du Roussillon. En l'écri-
vant, nous avons eu principalement pour but d'épargner a
ceux qui voudraient la connaître, de pénibles recherches,
pour lesquelles une foule de documents ne seraient point
à leur portée. Aussi, nous regardons notre tâche comme
remplie ; car les événements dont le pays a été le théâtre
depuis sa réunion à la France, sont très rapprochés de
nous, et se trouvent décrits dans plusieurs ouvrages fort
répandus. Je n'ai pas cru devoir répéter ce dont on peut
si aisément prendre connaissance ailleurs; mais, il m'a
paru intéressant d'entrer dans quelques détails sur l'ori-
gine, l'accroissement, la décadence de Perpignan, ancienne
capitale du Roussillon , et d'offrir, au lecteur, une notice
statistique et géographique sur cette province,. formant le
département actuel des Pyrénées-Orientales.
$
•i5
386 IIISTUIRB DU ROUSSILLON.
CHAPITRE XVI.
L^anlear, dant les deui derniers chapitres de son oii?rage, donae «v
notice statistique sor la province du Roussillon ; il y fait eonnallre les 9imè-
liorations qui ont eo lieu , et tout ce qa^on • exécuta ou projeté poar la
prospérité du pays, surtout pour la TÎUe de Perpijnto, aprit le«r rémaim
définitive k la France, en 4659. L^cditeur a cru iodispensaUe k rialellî-
geuce de ces chapitres, de les Caire précéder d^un aperçu concis des principut
éfènements concernant spécialement le Roussillon, devenu le départaoïcal
des Pyrénées-Orientales, depuis cette époque josqu^à celle de la mort de
Tauteur, en 4831.
4660. L.^ mariage de Louis XIV avec l'Infante d'Espagne, Ait
célébré le «S juin; la Cour, pendant Thiver qui précéda
cette union, visita les provinces du Midi. Le Roi vint à
Perpignan, capitale de celle récemment acquise par le
traité des Pyrénées : il y resta douze jours. I^s Conaols
lui donnèrent une fête dans la Loge de Mer. La création
du Conseil-Souverain , qui devait remplir, dans le Rous-
sillon , rollice des Parlements , date de cette époque :
redit fut rendu k Saint-Jean-de-Luz, le 18 juin. François
.^ Sagarre, dont la sévère et rigoureuse administration est
encore proverbiale, fut nommé Président k Mortier et
Gouverneur du Roussillon, sous les ordres du Duc de
Noailles, dont la famille a constamment, de 16H0 k 1789«
possédé le titre et l'emploi; il y avail. en outre, un com-
mandant général de la province.
CHAPITRE SEIZIÈME. 387
Le i2 mai, Thérèse de Campredon , Dame de Foix 4662.
et Béarn, jeune et belle, appartenant aux plus nobles
familles du Roussillon , fut décapitée à Perpignan , après
avoir subi quatre fois la question, sans qu'on put lui
arracher un aveu. Inculpée dans l'assassinat d'un Gentil-
homme nommé San-bionis, qui, d'après l'information,
avait été son amant, et condamnée, ainsi que plusieurs
complices, k la peine de mort par le tribunal suprême^
des traditions dignes de foi portent k croire, que des
causes politiques eurent plus de part que des intrigues
galantes au terrible résultat de cette remarquable affaire.
San-Dionis fut frappé de cinquante-deux coups de poi-
gnard, dirigés contre le dénonciateur d'ime conspiration,
tendant à se délivrer de la domination française, a la-
quelle le Roussillon fut long-temps rebelle. La réunion
de toute la Noblesse auprès du mari pendant l'exécution
de la femme, vient k l'appui de cette assertion, soit que
ce fut le vrai motif, soit qu'on voulût ainsi masquer la
honte d'un assassinat.
Révolte dans le Vallespir au sujet des gabelles. Les ^ees.
Angelets , nom que prirent les révoltés, résistèrent, avec
avantage, aux troupes envoyées pour les réduire dans la
haute vallée du Tech. Sagarre, qui s'était mis k la tête de
l'expédition, fut battu, et forcé de se sauver dans la plaine;
toutefois, les gardes du sel tinrent bon dans le Castell-Pé-
rilloux et le fort Lagarde, qui dominaient Prats-de-MoUô.
Vauban , dont le premier voyage en Roussillon date de
cette époque, dépeint pittoresquement les habitants de
cette frontière : c( Gens aguerris , dit-il , qui , du moment
n qu'ils ont porté l'obédience k l'un des partis , ne font
« pas didiculté de tirer sur l'autre; aimant naturellement
«r l'escoupéterio, et comme se faisant un grand plaisir de
«< chasser aux hommes. » C'était k des bandes de cette
38S HISTOIRE bU ROL'SSILLON.
4<(70. trempe qu'avait afïiiire Sagarre. Il Tallut, qu'en 1670, un
corps régulier de quatre mille hommes, sous M. de Cha-
milly, olficier général des plus distingués, dîspèrs&t ces
bandes, et obligeât Trinelierie, leur chef, à se réfugier
en Espagne. Cette circonstance décida k construire le
fort des Bains, pour battre le débouché de la vallée, ei
407 s. intercepter le passage. A peine terminé, ce petit fort
résista vigoureusement à Tattaque des Espagnols, sous le
Duc de San -Germa; tandis qu'a la même époque, le
cliâteau de Bellegarde, que sa position rendait en quelque
sorte inexpugnable, se rendit honteusement.
Nous devons mentionner une conspiration d'une assex
grande importance, découverte à Villefranche, le 90 mars
de cette année, ayant pour but de livrer aux Espagnols
cette place, ainsi que Salses et Perpignan : elle fut énergi-
quement réprimée par l'action ferme et habile de Sagarre,
dont le dévoûment à la France excitait l'antipathie des
Roussillonnais. Fidèles de cœur à la mère patrie, on ne
doit pas s'étonner qu'ils nous aient dépeint, sous d'af-
freuses couleurs, Thomme qui cimenta du sang des cons-
pirateurs la réunion définitive de la province conquise.
4G7.S. L*armée espagnole, secondée par les peuples de la Cata-
logne et les menées secrètes de la Noblesse du Roussilloo,
avait eu des avantages marqués sur l'armée française; mais
on dut Taflaiblir alors pour envoyer des renforts en Sicile.
La fortune changea : les Français reprirent Bellegarde, qui
ne tint que quatre jours. Rentrt's dans TAmpourdan , ils
eurent d*abord des succès, qui bientôt furent suivis di*
revers. Eniin, après une série d'opérations militaires qa*il
serait superflu d'énumérer, le traité de Nimègue, du 10
if,78. août 1678, mit un terme ii la (iuerre.
|j) même année, par un simple ordre du Roi, TÉvécht'
d'FIne rentra sons la Mi'lmpole de Narhonne.
CHAPITRE SEIZIÈME. 389
Les campagnes des années précédentes avaient fait ^G70.
sentir la nécessité de renforcer la frontière, en améliorant
les postes qui existaient, et en créant un établissement so-
lide au sommet de la vallée de la Tet. Vauban, l'ingénieur
le plus distingué de son siècle, visita tous les points for-
tifiés, et présenta des projets qu'on s'empressî^ d'exécuter.
I .es défenses de Bellegarde furent surtout considérablement
accrues. La construction de Mont-Louis donna une place
de dépôt, indispensable aux armées opérant par la vallée
<le la Tet, ou destinées à envahir la Cerdagne espagnole.
A la même époque remonte le projet de création de
l*ort-Vendres, sur les vives instances de Vauban, qui ne
concevait pas a qu'on eût négligé une position aussi im-
«< portante, pour s'établir à Collioure, place sans port et
<< sans eau. » Les travaux ne commencèrent qu'en 1692:
on donna au port une profondeur de seize pieds, suffisante
pour les galères.
Reprise de la guerre. Siège de Girone par le Maréchal <684.
rie Bellefonds, qui fut obligé de le lever.
Un édit de Louis XIV érige l'Hospice de la Miséri- <686.
corde , h Perpignan , en hôpital général « où seront en-
« fermés tous les pauvres valides ou invalides, de l'un et
<t de l'autre sexe, pour y être instruits et occupés. »
La guerre continue avec des chances diverses. Le Duc Dr i{>80 à
de Xoailles, nommé au commandement de l'armée de Ca- I607.
ialogne, arrive à Perpignan le 30 mars 1689. A la tête d'un
très faible corps, il manœuvre avec habileté; et, favorisé par
la disposition des Catalans , iinimés contre la domination
autrichienne, il soutint, pendant six ans, la supériorité
de nos armes, et s'empara de Girone, tant de fois assiégé
sans succès. Les excès de nos troupes, auxquelles nos
(iénéraux donnaient l'exemple, tirent perdre la Catalogne.
Vendôme succéda, en 169r), au Maréchal de Noailles :
390 HISTOIRE DC ROUSSILLON.
ii prit Barcelone. On eut beaucoup à se louer, dans cette
guerre, du senice des somatens, ou milices de la province.
Paix de Riswick.
Koo. Mort de Charles II, au mois de novembre; testament
en faveur du Duc d'Anjou, que Louis XIV se décida a
accepter. Cet événement changea la face de l'Europe, ei
alluma un incendie général, qui n'eut, au reste, pour k
Roussillon, d'autre effet que les passages de troupes et les
expéditions d'objets de tout genre, que nécessitèrent les
mouvements des armées en Catalogne jusqu'à la paix
d'Utrechl, en 1715.
De noo à On doit rapporter a cette période, la régénération poU-
^'^^^' tique du Roussillon. L'introduction de la langue française
dans les actes publics; son usage parmi les classes élevées,
furent des pas immenses dans cette voie. Ceux qui metr
taient encore en question si la réunion de cette province
à la France, avait été favorable ou contraire à ses intérêts,
témoins des maux auxquels la Catalogne était en proie,
apprécièrent enlin l'avantage de ne plus voir le Ronssilkm
devenir, dans toutes les guerres, le champ de bataille des
armées.
1707. I^ H octobre 1707, un convoi de poudre, composé de
sept charrettes, venant de Canet, prit feu entre la barrière
et la porte de la ville. L'explosion abima tout au-dessus du
sol ; elle n'eut aucun etlet au-dessous : les arches du pont
ne furent pas même ébranlées. C*est un fait très remar-
quable, que n'ont pas manqué de citer les ingénieurs
dans les traités de mines ou d'art militaire.
1722. ^^ plusieui^ ordonnances de police rendues k cette
époque, il résulte que la pluprt des rues de Perpignan
n'étaient point pavées, encore moins éclairées; qu'on
n'avait, |M>ur éteindre les incendies, que le faible secoure
de seringues de f(»rte dimension, etc., etc.
CHAPITRE SEIZIBIIE. 39!
Un acte 1res important, l'arrêt du Conseil d'État du 13 ^-^25.
mars 1725, réglemente l'usage des eaux du ruisseau de
las Canals, qui prend sa source au-dessus d'Ille. Concédé
en toute propriété à la ville de Perpignan , par lettres-pa-
tentes de Charles VIII, ce ruisseau est le plus considérable
de tous ceux qui servent a l'arrosage danft^le Rousstllon.
Sa longueur est de 28.872 mètres; sa pente de 0«>0051
par mètre : la dimension en largeur, devait être de quatre
mètres; mais, sur plusieurs points, on Ta réduite par des
empiétements, ou même, ce qu'on a peine à comprendre,
par des constructions en maçonnerie.
Exécution d'une digue de 1.100 mètres en amont, et Dei72U
400 en aval , du pont dit de la Pierre, k Perpignan, pour ^7^-
contenir les eaux de la Tet, qui, à la moindre crue, se
déversaient vers le nord, et causaient des dommages
incalculables aux terres de la vaste plaine , entre cette
rivière et TAgly : on lui donna vingt mètres d'épaisseur,
2 "3 66 d'élévation, avec un talus au double du côté des
terres. Construite sous l'intendance de M. Orry, elle en
prit le nom.
L'intendant qui lui succéda, Baûyn de Jallais, forma, i72a.
à l'entrée de la route de Prades, une promenade plantée
d'ormeaux, la seule dont la ville de Perpignan ait joui
pendant longues années.
Il fit, aussi, combler la partie de l'ancien canal royal, ^31.
qui occupait le milieu de la rue des Cordeliers (maintenant
Saint-Martin). Ses accotements étaient plantés d'orangers.
Ordonnance du 10 novembre, qui organise régulière- 1753.
ment le corps des somatens, ou milices préposées k la
garde des places fortes. Leur création remontait au xy«
siècle : elles étaient payées par l'extraordinaire des guer-
res. La totalité du corps fut portée k 2.960 hommes ,
répartis de la manière suivante :
39^ IIISTOIRK Dl* RUUSSILLON.
Pour la ville de Perpignan 1 .000 hommes.
Pour la Citadelle 320
Pour Collioure 520
Pour liellegarde 320
Pour le fort des Bains 80
Pour Prats-d€5-Mollo 200
Pour Villefranche 200
Pour Mont-I.ouis 320
TbTXL. . . 2.960 hommes.
lî.iT. Forte crue de la Tet, qui enlève une arche du poDt
des Ëaux-Yives et deux du pont de Pierre, à Perpignan:
ces arches ne furent rétablies qu'en 1742.
1744. Levée de deux bataillons de fusiliers des montagnes,
( les Miquelets ) a l'instar de ceux qui avaient fait va
service semblable dans les guerres de succession, et en
remontant plus haut, au xiv^ siècle, sous le nom d'Almo-
gavares. Armement et habillement, tout-à-fait propres k
l'agilité qu*exigeait leur destination : chaussure en apar»
terie et le bonnet catalan; point de tentes, coucher tou-
jours au bivouac. Ce cor|>s, aux ordres d'un Maréchal de
Camp roussillonnais, fut d'abord commandé par le Baroa
d'Ortafl'a, et dans la campagne de .Mahon, où il se dis-
tingua, par le Comte de Suint-Mars;il.
Le Comte de Maillv est nommé au commandement en
chef du Itoussillon. Son administration a fait époque dans
ses annales. Il v trouva toutes les branches du aervicf
fort négligées ; mais, en peu de temps, il rt^tablit rordre.
Il scrdii trop tiuig dVnumérer tout ce qu'il a créé ott.
amélioré ii Perpignan : la restauration de ri-niveraité, 1^
fondation dune Kcole- .Militaire, de rilospice des Repen —
lies, tie rKcole des Knseignantes, r\ raugmentation del^
iiihliothèqiie ; on lui doit de plus le rétablissement de IN
CHAPITRE SEIZIÈME. 3?)3
Vendres, la construction de la route d'Espagne, etc., etc.
Sa mémoire est, a juste titre, vénérée dans le Roùssillon.
Arrêt du Conseil-Souverain, en date du 12 juin, qui «762.
supprime les Jésuites.
Inondations désastreuses, par suite de trois jcrues consé- *^^'-
cutives dans le mois d'octobre. Le Tech fait d'immenses
ravages dans la vallée de Prats-de-Mollô k Arles.
Édit du 51 mai, portant règlement pour l'administra^on *7G«.
des communes. Le Maire, élu par le Roi, sur une liste de
trois candidats, présentés par l'Assemblée des Notables,
qui nommait aussi, au scrutin secret, tous les autres
membres des conseils municipaux. Ainsi, sous le pré-
tendu règne du bon-plaisir, le choix de l'autorité princi-
|)ale d'une ville admettait des conditions, dont on s'est
affranchi sous le régime de la liberté.
L'Ordre des Avocats adresse au Roi de vives réclama- ^''Cî^.
lions au sujet de cet édit et de celui de 1768, réglemen-
taire pour l'administration des communes du Roùssillon.
\je dernier établissait une distinction inusitée entre les
Docteurs en Droit et les Citoyens nobles, reconnus précé-
demment avec la simple qualification de Bourgeois honorés
et immatriculés. De volumineux mémoires furent publiés,
et le procès resta pendant jusqu'à la Révolution de 89,
où le Roi prononça le statu quo, pour faciliter les élec-
tions aux États-Généraux. Cette querelle mit au jour des
documents historiques précieux, dus à M. Fossa, de .
Tordre des avocats, qui déploya une profonde érudition.
Crue de la Tet, la plus considérable qu'on eût encore 1772.
vue. Les eaux s'élevèrent de 5»" 30 au-dessus du radier
du grand pont de Perpignan.
Mesures concernant la propreté, ralignement, les di- 1770,
niensions des rues, portées de deux à trois toises, ainsi
quo contre les auvents sur la voie publique. Ces au-
39 i HISTOIRE DL ROLSSILLON.
vents \ permis jusqu'à six pouces en 1338, oo
d'en faire de nouveaux en 1504; et, en 1774, un anél
du Conseil-Souverain en interdit même la réparation '.
1778. Création de canonniers gardes-côtes, pris parmi les
habitants du littoral.
Vers cette époque, on établit des lanternes dans les mes
de Perpignan, où, à défaut d'éclairage, se commettaient
beaucoup d'assassinats.
1779. Xfi^i dd Conseil du Roi contre les défrichements trop
étendus dans les terrains communaux, sur les versants
de la Tet.
1780. Perpignan manquait d'eau potable; l'Intendant Raymond
de Saint-5^uveur fit dresser des projets [K)ur en amener, et
établir sept fontaines : la Révolution en arrêta Texécution.
Cette ville doit à cet administrateur éclairé, de nombreuses
améliorations, entr'autres Télargissement de la rue Notre-
Dame, qui avait à [»eine l"'rîO.
1787. On a vu quVn 1725, un arrêt du Conseil-d'État avait
réglementé les droits et Tusage des eaux du ruisseau de
las Catuth. Il fut reconnu, par acte authentique, qu'il
nVxistait alors que vingt-et-un ceils ou prises d*eau; il
y en avait quatre-vingt-dix en 1787. On prit des mesures
pour mettre un terme à Tabus : un arrêté des Consuls, da
ri mai, homologué par le Conseil-Souverain et approuvé par
le Roi, annula les prises d*eau non reconnues en 1725;
toutefois, les abus ont continué pr des approbations suc-
cessi>es, qui ont |K>rté le nombre actuel à quatre-vingt-
Iniis.
I7^9. Convocation des Ktats-liénéraux pour le mois de jan-
I l.'jrri't du r.>«n*'il-i Kl il. <l'i i'A ;z<..\.n tT'tî. p-ntr '1m • U« •iukuu »odi Jeik uiUm
CHAPITRE SEIZIÈME. 395
vier 1789. La Noblesse du Roussillon s'empresse de dé-
clarer « qu'elle entend partager, à égalité, avec le Tiers-
« État, les charges publiques. »
Dans la nouvelle organisation du territoire français, on
forme le département des Pyrénées-Orientales, du ci-devant
Roussillon, du Gonflent, du Yallespir, de la Cerdagne fran-
V^ise, du Capcir et du pays de Fenouillèdes.
Le Port-Vendres, auquel, depuis 1772, six pontons
travaillaient constamment à draguer et enlever les vases,
pouvait, en 178P, recevoir des frégates.
Le 17 du mois d'avril, l'armée espagnole envahit le n»5.
territoire par Saint-Laurent-de-Cerdans. Elle descend dans
la plaine sans résistance; car on avait k peine pu réunir
pour la défense dix-huit cents hommes d'infanterie .et
deux cents cavaliers. Les Représentants du Peuple accou-
rent et animent les populations : on rassemble sous le
drapeau douze mille hommes, mal armés, sans instruc-
tion, mais pleins d'enthousiasme. Le 15 mai, arrivent les
généraux Dagobert et de Fiers. Le combat du Mas-Deu,
engagé avec trop de précipitation, dès le 17, ramena jus-
qu'à Perpignan les débris de nos troupes indisciplinées.
Réunis s^ement et formés au camp de l'Union, deux mille
mètres en avant de la citadelle, nos volontaires rivalisèrent
bientôt avec les anciens soldats. Le 17 juillet, ils repous-
sent une attaque, tandis que Dagobert battait l'ennemi au
col de la Perche et à Olette; plus tard, le 17 septembre,
la bataille de Peyrestortes eut des résultats décisifs, qui
obligèrent les Espagnols à repasser la Tet. A leur tour, ils
battent les Français k Trullas, et s'emparent de CoUioure^
par la trahison du commandant du fort Saint-Elme.
Dagobert et Dugommier reprennent toutes les places, 4794*
Ce dernier arriva le 16 janvier de Toulon, où il avait mon-
tré une grande capacité. Dagobert meurt quelques jours
VM IIISTOIIIE UL ROLSSILLON.
après la prise d'Ur^^eK où il avait été blessé le 18 avril.
Itataille du Uoulou : les Espagnols y éprouvent une défaite
complète. I^ 20 mai, reprise de Collioure et de ses forts,
défendus par sept mille hommes. Entrée en Catalogne le
7 juin : Dugommier est tué le 17 novembre, d'un éclat
d'obus, en enlevant les lignes de Figuères ou de la forêt
Noire. I.e 20, le général ennemi In Iniofi fut trouvé
percé de coups sur le champ de bataille. La prise de
Roses termina glorieusement cette campagne : le général
Pérignon avait pris le commandement; il .continua la série
de nos succès. Le i^^ août, la paix est proclamée, par
suite du traité de BâIeV
(>.> 177!) â Nous crovons utile de donner une notice des travaux
(^^>- importants exécutés par les Ingénieurs des Ponts et
(.haussées, dans la période de 1779 à 1802, pour main-
tenir dans leur lit la rivière de la Tet et son affluent la
Hasse, auprès de Perpignan. Ils eurent pour but la con-
sonation de la digue Urry, constamment attaquée et
souvent rompue par les crues : ils adoptèrent un système
de recouvrement des talus intérieurs, consistant en pavage
de gros cailloux encadn's, de quatre en quatre mètres,
par des chaînes de forts lihages; le bas îles talus, ren-
forcés d'une ligne de pilots et palplanches, pour prévenir
les alTouillements. On peut porter ii i ou TiOO.fMW francs*
la dé|)ense qui fut faite pendant ces \ingt années. L*ap-
[lareil exiVuté ne résista [las long-temps, et il reste à
peine «pielques vestiges d'un perré «pii devait être indes»
■
tructible.
IKOH Invasion de l'Espagne. Dès la lin de I>i07, divers corps
a\aicnt franrlii la frontière, sous des prétextes S|>écieui;
rt douze niillt* hoinmi's. sou< !«' général Hubesme,
CHAPITRE SEIZIÈMR:. 397
sèrenl à Perpignan, le 1^'* février, pour entrer en Cata-
logne. On s'empare par ruse des forteresses de Pampe-
lune. Saint -Sébastien, Roses, Figuères et Barcelone.
Girone soutint un siège long et meurtrier, pour lequel
on expédia de Perpignan les matériaux, les projectiles,
les approvisionnements de toute espèce.
L'Hôpital Saint-Jean ou de la Miséricorde, consacré aux I809.
malades, à Perpignan, depuis H 16, fut transféré^ le l^r jan-
vier, dans les locaux de l'hospice créé en 1637, et constitué
en hôpital général par l'édit de 1686, pour recevoir les
Enfants-Trouvés et les Orphelins de toute la province.
Ces derniers y prirent la place des malades.
Plantation de la promenade dite des Platanes, sur les
glacis de la porte Notre-Dame.
Un parti espagnol força une porte de Prats-de-Mollô. <8I5.
L'ennemi fut repoussé au bout de quelques heures d'occu-
pation ; on s'empressa de mettre en état de défense toutes
les places de cette frontière.
Arrivée de Ferdinand VII, le 20 mars : il rentre en ^^•*-
Espagne le 22, accompagné par lé Maréchal Duc d'Albu-
féra, venu à sa rencontre jusqu^à Perpignan. Restauration
et retour des Bourbons, dont le département s'empressa
d'accueillir l'avènement.
Débordement de toutes les rivières du Roussillon, qui
causent d'immenses ravages. La belle promenade des
Platanes, récemment créée, fut ravinée et couverte de
gravier; la Tet et la Basse rompirent leurs digues; les
communications avec Narbonne restèrent interceptées
pendant plusieurs jours. ,
Au mois d'août, les Espagnols, sous les ordres de isirj.
Castanos, pénètrent dans le Roussillon, sans annoncer
dans quel but. Le Duc d'Angoulême accourt de Paris, et se
montre leilemeut irrité de cette irruption, qu'il déclare au
398 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
Général, que, si ses troupes ne se retirent sur le champ, il
fera lever tout le Midi pour les expulser. Cette échauffoorée
coûta au département loO.OOO fr. d'imposition extraordi-
naire, pour faire face d'ui^cence aux réquisitions de linei.
Rien de particulier au département dans les meaum
concernant le retour de l'Empereur de l'Ile d'Elbe, et h
rentrée des Bourbons après les cent jours.
ists. Dans moins d'un an, la foudre tomba sur deux
gasins k poudre. La première fois au bastion B de Vi
ceinte haute de la citadelle de Perpignan ; les bombea et
les obus qu'il contenait, chargés depuis long-lempa, ne
prirent pas feu simultanément. La seconde, au Miradoii«
de Collioure, où l'explosion de quatre mille kilograinnies
de poudre, rasa la tour qui la renfermait, et fit un aaaei
grand nombre de victimes.
Création de la promenade de la Pépinière, ï Perpi-
gnan, sur le terrain planté de taillis, gagné sur la rivière
par les travaux des Ponts et Chaussées.
4820. L'assassinat du Duc de Berri, le 15 février, aflEscla
douloureusement la population, qui s'empressa d'adrester
au Roi des témoignages de Tindignalion qu'inspirait Cfl
horrible attentat
4S25. Guerre contre TEspagne révolutionnaire. Le Duc d'Au-
goulcme arrive à Perpignan le ±2 mars , pour passer en
revue le corps destiné k envahir la Catalogne, soua les
ordres du Maréchal Moncev. Un enlève, dès le début de
la campagne <, un détachement ennemi, qui manœuvrait
entre Figuères et Puycerda. L*arinée légitimiste eapa-
gnole, dite armée de la Foi, forme un camp sur les cA-
teaux de Saint-Estève. La Duchesse d'Angouléme vint aussi
à Perpignan le i i mai : peu a\ide de fêtes et d^honneuis,
elle s'occupa des hôpitaux, des casernes et des fortifica-
tidiis. l/armér reiilrn on France au mens de dt'Teinbre.
CHAPITRE SRIZI^.IIE. 399
Mort de Louis XVIII. — Charles X lui succède. <M^-
Rétablissement de l'Évéché d'Elne.
Exercices de piété pendant le Jubilé, auxquels la gar- «826.
nison fut appelée à prendre part. Nous dirons, pour
caractériser Tépoque, que des Missionnaires, parcourant
la France, s'efforçaient de ranimer la ferveur éteinte, par
trente-six ans d'indifférence et d'irréligion. A Perpignan,
secondés par l'autorité militaire, ils plantèrent, sur le
parvis de la Cathédrale, un Christ immense, qu'on a placé
depuis dans une chapelle intérieure.
Le 10 novembre, le Roi de Naples, la Reine, ses deux i829.
filles, la Duchesse de Berri et la Princesse Christine,
destinée au Roi d'Espagne, passent par Perpignan. Ils
logent à la Préfecture, et les principaux personnages de
leur suite sont répartis chez les habitants. Le Roi vouhit voir
nos établissements à la citadelle, et, pour mieux juger de
la conformation du pays, il monta sur le faite du Donjon.
Le Directeur des fortifications fit placer, sur le clocher,
une inscription en mémoire de cet événement.
Premier essai de forage d'un puits artésien au Mas Fraisse,
près de Toulouges. H réussit, quoique ne donnant qu'un
mince filet d'eau. Ce succès décida l'exécution d'un grand
nombre d'autres dans la plaine et k Perpignan , qui fut
doté ainsi de fontaines intarissables, d'un service bien su-
périeur à celles que projetait M. de Saint-Sauveur en 1780.
Expédition d'Afrique, l'un des actes les plus brillants I850.
du règne des Bourbons. Une partie des troupes et des
approvisionnements de toute e^èce , sont embarqués au
Port-»Vendres, dont la situation est la plus favorable aux
communications avec la côte nord de l'Afrique.
Le 5 août, on apprend les événements des 28 au 50
juillet : l'abdication de Charles X, la Régence du Duc
d'Orléans. Acte d'adhésion de l'armée , qui arbore le
400 lllSTOinS bL ROl'SSILLON.
drapeau tricolore. Cette catastrophe ne pouvait manquer
d'amener les plus grands désordres. Ceux qui édatèrenl
à Paris, eurent du retentissement dans les départements,
et furent imités par une population turbulente, qu'éga-
raient les déclamations passionnées des révolutionnaires.
I^ pillage du Séminaire, les ornements sacerdotaux de
Saint- Jean brûlés sur la place publique; Monseigneur
rÉvéque, les autorités civiles, les Dames du Sacré-Cœur,
les Frères de la Doctrine Chrétienne, chassés, menacés
de perdre la vie, en Turent le résultat : et tous ces excès ne
furent point réprimés par la garde-nationale ! Les troupes
réglées se virent assaillies, insultées; il y eut du sang '
répandu, quand leur patience fut poussée k bout, et
lorsque déjà quinze ii vingt soldats avaient été blessés.
is.'i. On doit au Baron Després, ancien Maire de la ville.
la belle fontaine qui orne la place Royale.
is.')2. Création d'un Musée de Peinture et de Dessin, ainsi
que d'un Cabinet d'Histoire Naturelle, au chef-lieu du
département.
i%\2 Au mois de fé\rîer. la reine Christine passe à
gnan. pour rentrer en Kspagne. par la Catalogne.
Le ir> juillet, mort fatale du Dur d'Orléans, prince à
jamais rei^rettable. «jui romprenait son sit^cle* et dont L
p4>pularité. toujours croissante, eût. sans doute, hv
("chouer les projets du radicah>me. Pour donner la mi
sure de la l'aeoii de penser de la majorité du Conseil ^
Municipal d'alors, mnis dirons qu'il refusa de voter,' à r» "^
sujet, une adresse au lliti.
I.«^ i\ août, la Villeneuve, qui relebniit la fête |iatnNi
uale de s;iint liarthelemi. fut inopinément envahie par un
erue si fi»rle de la lUssi*. «pi nii eut de la peine à se sai
\r\ ilii ri-/-«le-(*liaM>M-«> .iii\ el,i:;i's tjes habitations.
CHAPITRE SEIZIÈME. 401
Une ordonnance i^oyale du 25 mars approuva le plan d'ali- 4^'<5.
gnement de la ville de Perpignan. On restaura et régularisa
la façade de l'Hôtel-de-Ville. L'orgue de la Cathédrale, qui
datait de 1504, fut réparé de 1843 à 1845 '.
On adopte Téclairage de la ville par le gaz, et on en fait 4844.
de suite l'application , la dépense n'excédant pas celle de
l'éclairage k l'huile portée au budget.
Les opérations d'alignement commencent par les rues 4845.
de l'Argenterie et de la Cloche-d'Or. Les indemnités aux
propriétaires des maisons tenant à la première, jusqu'à la
place de la Prison seulement, s'élevèrent au prix excessif
de 119.000 francs, par jugement du jury d'expropriation.
Projets de reconstruction de la Halle-au-Blé, du clocher de
Saint-Jacques, de l'établissement d'une Halle-au-Poisson ,
approuvés, et exécutés au moyen d'un emprunt de 240
mille francs. Trottoirs aux rues de plus de cinq mètres
de largeur.
Le fils aîné du Vice -Roi d'ÉgjT[)te, Ibrahim - Pacha ,
célèbre par ses victoires et ses talents militaires, vint
aux bains du Vernet , pour rétablir sa santé : il y passa
une partie de la saison d'hiver.
A Perpignan, la démolition de la masse antique et dis- i84G.
gracieuse du clocher Saint- Jacques, qui tombait en ruine,
fut opérée. Dans la reconstruction on dut porter la plate-
forme à 81 mètres (249 pieds) au-dessus du niveau de la
mer; car c'était l'un des points importants de la triangu-
lation de Cassini.
On posa, d'abord, les vitraux de la croisée au-dessus De 1846 à
de la porte d'entrée de la Cathédrale , aux frais de Monsei- 4847.
I L'exéintion ayant été dératocuse . on traita de nouveau , en 1854. avec le Ricteor des
orgues de Saint-Denis et de la Magdelaine. 11 avait coûté 45.000 firancs en 1845; il en coûta
une somme semblable en i85C : l'orgue revient donc à 90.000 francs , sans compter le buffet
3noi«»u el d'une l»cllc raclure.
\0'2 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
gnour IVvrquc (le Saunliac; puis, ceux des trois grandes
croisses dt^ Tahsidc et des deux moins considérables des
chapelles latérales. La dépense, |)our les quatre derniers,
s'éleva ii I l.'iCXKr., y compris la restauration des enca-
drements en pierre de taille*.
isss. A la fin du mois de février, on proclame la République.
(let événement eut, comme dans toute la Knnce, les plus
funestes conséquences : la stupeur fut telle, qu'on ne fit
aucune opposition aux attentats des radicaux, qui s'em-
parèrent du pouvoir; |)artoul, les troupes, travaillées de
longue main, restèrent impassildes.
Au mois de décembre, la nomination d'un Président de
la Képuhliipu' causa de l'agitation dans le dé|)artement. Louis
Napoléon y obtint «piatorze mille voix; ses compétiteurs,
Ledni-ltollin, huit mille, et le général Cavaignac, six.
1850. (Iréation d'une Ferme-Mcolc déparlemeutale^ au domaine
de M. (icrmain ( Jiillé, près de Tliuir.
ts:;i. Le "i'y du mois dt; mai mourut Tauteiir de cette histoire,
Jean de (iazan\ola, que ses vertus, sa bienfaisance, sa
haute capacité, lircnt imiversellement regretter.
Le2déc(Mnbn\ renversement de l'Assemblée Nationale.
On arrête, ii i*aris, dans la rniil, tous h*s tiénéraux dont on
[pouvait avoir à craindre l'intluenre sur les trou|>es. On
connut il Perpignan, le 1, ce roup-d'Ktat, auquel toute
la France applaudit, .\insi s'i''\amMiit le fantôme qui me*
na(,*ait d't'lever, m LSTî^, le raibealisme sur les ruines de
toutes nos institutions.
t N>>:i- -r.'.T -A' l'.l ;i >;•' >i.'!iil-'r iiii> rrri 'ir i'i!r ■ l.jiti: «t |iM|iij;é« drpaife 11
r> .1:1. 'Il -lu 1. Mi'^.ll ■:) .1 1 1 I- r r. '■ "ii \ i! m t i» !■■<• I>'.;\ i.tr.iux !c ratiHilf , Im irafl
il« 1 1 i.i;- . ..ii\ ■ . .; ir- ... :..-■ . ; ■. ;: ;■ ' ••.'. •*■ .:'■•. Il i- .[• 'fif -J.' fjire rr«iTr# le»
arii, .1 . • I.". .1 . ; ■ . ^1. :.i . . . : I * ■.:... • i! .m u ■ ;i li*.»»i. \ xtw de réf»
ili iTirm- I r >■ |-r.i.:rii i. .{i;- -.'j ! -. M i'. ■ i ■!■:•• i s j i.M. | 1 tmi , i ..i.m-hiS' ju\ Arrhi«r«>
()■■>' ■•■.-'• il . ' '<i\.i|. •: 1 1:| _■ 1.1 |. • .iiii.- . ■! Ar.i^- -1, I |iili Jr (a««k
•llI '..:i . <. ■•ii|- i :.ji, l,.., I. .(, ..I ;.■ j. .<■ ,1 ■ . '. I ... »» . Il •'.*. |i>rl .1 •k»im -ti.
CHAPITRE SEIZIÈME. 403
Nous dirons quelques mots sur l'année suivante, remar- 4852.
quable par la disparition de plusieurs personnages émi-
nents ou d'une haute intelligence : Ms»* de Saunhac de
Belcastel, premier Évêque de Perpignan, depuis que cet
Évêché fut distrait de celui de Carcassonne, descendit
dans la tombe, vénéré de toute une population, dont il
fut le Pasteur et le modèle pendant trente ans. Le don
de sa fortune, répartie entre les Séminaires, la Cathédrale
et diverses Congrégations religieuses, atteste son zèle et
sa généreuse piété.
Le 25 juillet eut lieu l'installation et l'entrée solennelle
de son successeur, M?*" Gerbet, que précédait une grande
réputation de science.
MM. Renard de Saint-Malo, Puiggari et Jaubert-Cam-
pagne, terminèrent aussi, dans le courant de cette année,
leur laborieuse et si utile carrière. Avec les deux premiers
cessa, peut-être pour toujours, une œuvre de haute im-
portance : ils exhumaient des archives de nos principales
communes, des documents historiques, incontestables,
senant à rectifier les nombreuses erreurs des publications
modernes. Nous devons au dernier, des études fort inté-
ressantes sur les institutions municipales de Perpignan.
Bientôt après, le Roussillon perdit, aussi, un savant
d'une illustration européenne : l'astronome. François
Arago.
Le choléra sévit avec violence dans quelques localités
du département. La population se montra partout ferme
et courageuse ; les Sœurs de diverses Congrégations d'un
dévoùment admirable. Aussi, n'eut-on à déplorer, dans les
établissements publics, que le minimum des pertes proba-
bles, d'après la moyenne de la mortalité générale.
loi HISTOIRE DU ROUSSILLON.
CHAPITRE XVII.
NOTICE SUB PBBPI«!VAIi«
Bosch, auteur perpignanais, né vers la fin da xvi« siède,
a voulu gratifier sa patrie d'une très-haute antiquité. Suivant
lui, cette ville existait huit cents ans avant Jésua-Christ; son
assertion n'a aucun fondement, et ne mérite pas une réio-
tation. Perpignan a-t-il été bâti sur les ruines d*un munieipe
romain appelé Flavium Ebusum, comme parait Tadmettre
M. de Marca, d*après une inscription * placée sur le mur
de clôture d'un janlin de cette ^ille? Il serait difficile,
d'après Fossa, de ne pas rejeter cette opinion, quoiquV
ait été adoptée par des auteurs tK's-estimables : ainsi, oi
la ti-ouve admise dans la géographie de Malte-Brun,
savant compatriote prouve i|ue le mur sur lequel celtcrs
inscription était fixée, faisait partie de la maison d*ui — ^
iH'ntilhomme luunmé bavi. mort il Perpignan en 1S60 ^^
aprî's avoir été iiomerneur de Tile d'Yviça, appelée
latin Ehnsus. baprt^s ces données, le Municipium Fia
vium Ehisuni ne doit-il |uis avoir plutôt existe dans eett
île qu'en Koussillon? Kt si Tinscriplion se trouve il Peq»-*'
CHAPITRE DIX-SEPTIÈMB. 405
gnan, n'esl-ce point parce qu'elle y a été portée par
l'ancien Gouverneur d'Yviça? Ces conjectures acquièrent
une grande force par le silence de Bosch. Cet auteur, si
passionné pour l'antiquité de sa yiHe natale, ne peut avoir
négligé un document si expressif, que parce qu'il n'en
pouvait ignorer l'origine, ayant été presque contemporain
de Davi. Pujades, Beuter et la préface du Livre vert majeur,
(grand recueil de chartes, rédigé sous Jean I^^* et conservé
à riIôtel-de-^Ville) supposent la fondation de Perpignan
antérieure à Charlemagne, et même à l'invasion des Sar-
rasins. Cependant, cette ville n'est pas mentionnée, comme
tant d'autres endroits du Roussillon, dans le récit fait par
Julien de Tolède de l'expédition du roi Vamba contre le
comte Paul. Bien plus, on trouve dans le Cartulaire du
Chapitre de Saint-Jean, un statut capitulaire, à la vérité
sans date , mais qui , transcrit immédiatement avant un
autre de 1155, et revêtu des mêmes signatures, doit être
présumé d'une époque très-rapprochée. Il est dit dans ce
premier statut : qu'on ne voyait encore, sur l'emplacement
occupé depuis par Perpignan , qu'un monastère fondé par
Charlemagne, sous l'invocation de Sainte-Marie et des
SS. Jean-Baptiste, Pierre, Paul et Benoit, abbé. Lorsque
l'église de Saint-Jean fut consacrée, sous le pontificat et
d'autorité du pape* Serge II , une bulle de ce même Pape,
datée du 16 mai 84i, dont on possède une copie, semble
désigner ce monastère par ces expressions : Benediclionem
nostram œncedimus kuic loco de Correcho et Cenobio de
Santo-Pelro moiUis majoris. Il estMifficile, d'après ces
documents, cités par M. Fossa, de ne pas convenir avec
lui que Perpignan n'existait pas encore sous le pontificat
de Serge II, commencé en 844 et terminé en 847. La
première charte connue, où cette ville porte le nom de
Perpignan, est de l'an 922. Ce ne sérail donc qu'entre
406 HISTOIRE bU ROL'SSILLON.
cette époiiue et H^ii, qu'on aurait commencé a désigner
par ce nom le hameau formé auprès du monastère. 11 est
(juestion de ce hameau dans deux autres chartes du V
sircle; mais, toujours, conmie d'un endroit très pea consi-
dérable. Devenu la [propriété des Comtes de Roussillon,
il s'a<(randit aux dépens de quelques villages voisins; de
nouv(*lles coiistnictions furent ajoutées à Tancienne église,
que l'on consacra ih nouveau, en 102o, sous l'invocatioo
de Saint-Jean-Baptiste. Le comte Guislabert y fonda, en
li(K2, un Chapitre de quatorze Chanoines, une Commu-
nauté de quatorze Prêtres, avec un Chapelain majear.
On i{^nore [)ar quels liieniaits son (ils Gérard I^'' mérita le
titre de restaurateur, qu'on lisait au bas de son portrait,
à rilôtel-de-Yille. Le comte Arnaud-Causfred fonda, en
i I iO, niôpital S^-Jean. Comblé des faveurs des Comtes;
devenu, par leur résidence habituelle, et peut-être par
les malheurs d'LIne, la principale ville du pays, Perpi-
gnan \it naître insensiblement dans son sein une jurispru-
dence, ((ui, sous le nom il' l'saties, devint la loi générale
de tout h; Comté. Cependant, cette ville naissante n'appro-
chait, sous aucun rap|K)rt, de ce qu'elle est aujourd'hui.
L'article 2 dr ces L'saj^Ts, ronlirmés, en 1102, par le
comte (jérard II, nous apfireiid qu'on n*y trouvait, à
cette époque, qu'un seul tabellion [nmr recevoir les con-
trats de ses habitants. D'après Taete de confirmation de
ces mêmes ('sa«^'os, daté du li\ des calendes d'avril 1175,
par le Kni «l'Ara^'on Alphonse II. on y voyait des tas de
fumier dans les rues; il le (h'fendil, sous peine de dix
sols tlauieiide, dont la nioilié devait être employée à la
construetion des luurs et <l<*s tossés. La \ille ne s'étendait
pas au-delà de la paroisse actuelle de S;iint-Jean. Ce Roi
avait d'abord eu le projet de trans|K)rter les habitants au
Pu\ des Li'preuN, ctdline en^loIxT aujourd'hui dans la
CHAPITRE DIX-SEPTIÈME. 407
paroisse de Saint-Jacques; il y renonça , à leur prière, se
réservant, cependant, la faculté d'y établir des étrangers,
et ceux des bourgeois qui voudraient y aller habiter. On
se contenta, pour le moment, d'y bâtir quelques maisons,
continuant d'entourer l'ancienne ville de murs et de fos-
sés. Le pont sur la Tet existait déjk en 1196, année où
Pierre II le donna, avec quelques terrains abandonnés
par la rivière et des jardins attenants, aux Hospitaliers,
qui furent chargés de son entretien. Cette même année,
la ville , administrée jusqu'alors par les ordonnances du
Koi ou des Officiers royaux, acquit réellement le droit
de Commune, avec la faculté de gérer ses affaires par le
ministère de cinq Consuls, que nommaient ses citoyens.
La charte concédée par Pierre II, est du 24 février 1197.
D'après la teneur dudit acte, le renouvellement des Con-
suls avait lieu le l^^' mars de chaque année; ils devaient
être nommés par tous les habitants. Le Roi, en confirmant
de nouveau cette charte, accorde aux Consuls le droit de
poursuivre à main armée, de concert avec le Bailli royal
et le Viguier, celui qui aurait fait tort ou injure à un
habitant de Perpignan, lorsque le déHnquant, mis en
demeure, refuserait de réparer le mal. H ordonne à tous
les bourgeois, dans un cas pareil, de suivre les Consuls,
le Bailli et le Viguier, sous peine d'une amende de dix
sols, applicable à la constiiiclion des murs de la ville;
leur défendant, en même temps, de commettre aucun
acte d'hostilité, envers qui que ce soit, autrement que
sous les ordres de ces magistrats. Le 15 des calendes
d'octobre 1207, le même Roi, en confirmant les Usages
de Perpignan , ordonne que tout propriétaire, dans la ville
ou son territoire, qu'il soit noble, clerc ou moine, con-
tribue, en raison de sa propriété, k la construction des
fortificahons, et recommande à son Bailli de veiller .à
408 IIISTOIIIE DU ROUSSILLON.
Texécutiuii de cette ordonnance. Quelque zèle que mil
ce Prince k poursuivre l'achèvement de cet ouvrage, on
voit, |yar les ordonnances de Jacques -le-Conquérant,
en 1242 et 1262; par celle de Jacques I^ de Majorque^
en 1287, que, durant tout le xiiP siècle, on ne cessa de
construire ou réparer les murs de la ville. Cependant^
les effets de la charte instituant la commune, se Greirt
bientôt sentir par un accroissement de prospérité et de
population. Les Juifs, qui se jettent avec empressement
partout où le commerce leur offre quelque proflt, s'étanl
introduits h Perpignan, comme nous l'apprend la reine
Yolande, femme de Jacques I^^^ j^ns sa charte datée
de Collioure, le IG des calendes d'avril 1250, eHe lear
enjoint de déguerpir de la ville, pour aller s'établir aa
Puy des Lépreux. On |>eut conjecturer qu'ils n'étaient
venus à Perpignan qu'après 1160; car le rabin Benjamin
de Tudéla, dans la relation de ses voyages, publiée cette
année, notant tous les endroits où il trouvait des Israé-
lites , nous apprend qu'ils étaient très peu nombreni ii
liarcelone et à Girone; il en compte trois cents k Nar-
bonne, et ne dit pas un mot de ceux de Perpignan.
Tandis que le Puy des Lépreux se |>euplait de Jnib
expulsés de la ville, des moines s'établissaient autour de
son enceinte : vers la porte d'KIne, au-dehors, les Reli-
gieuses de Sainte-Cluire, en lôH!); au-dedans, celles de
Saint-Sauveur, en I2r>8; les Mercenaires, en lâOS, b&tn^
Kaient leurs cou\rnls sur les emplacements où on les voj'ait
encore en ITK!). Déjà, les Dominicains, en 1213, avaieal
revu de Jan|ues-le-(lon(|uérant, rancienne maison dei
Lépreux, oii ils se fixèrent peu après; vers ce méinr
temps, les iïères de la Pénitence oeeu|>aient le terrain
on est aujonnlhiii IVi^lisr de La Itéal. Depuis 1218, 1rs
ronlrlii^is :i\:iiiiM (niistiiiit de xastrs hâtimeuls dans h
CHAPITRE DIX-SEPTIÈME. 409
partie occidentale, au-delà du Pont dm Bastit\ Des
maisons s'intercalèrent bientôt entre tous ces couvents et
la ville; l'accroissement de la population eut naturellement
cet effet, comme il engagea Jacques l^^ de Majorque à
créer, en 1276, une seconde place de tabellion. La vieille
ville était limitée, au nord, par le rempart qui va de Saint-
Jean à la porte du Sel ou de la Sal ; le ruisseau royal venait
toucher les fortifications à ce point, et bornait la ville au
midi et à l'orient, parcourant la rue des Augustins, le
Marché-Neuf, la rue de la Fusterie, le Marché-au-Blé, la
place de l'Huile, se dirigeant de là vers la rue de la
Manega, pour sortir à la porte de YAocugador, située
entre Saint-Jean et Saint-Dominique. Les Souverains du
pays avaient établi leur demeure au château, renfermé
aujourd'hui dans la citadelle. On ignore l'époque de la
construction de cette résidence fortifiée. On a prétendu
qu'elle avait été habitée par les Comtes de Roussillon,
et l'on en donne pour preuve l'existence, dans le voisi-
nage , d'un bois appelé bosch del Compte, que les fortifi-
cations modernes ont fait disparaître. Quoi qu'il en soit,
déjà en 1285, ce château était vaste et fort; une issue
souterraine aboutissait au loin dans la campagne. Rési-
dence ordinaire des Rois de Majorque, c'était aussi la
demeure des Rois d'Aragon , lorsqu'ils venaient à Perpi-
gnan. On y voyait, probablement, une espèce de parc,
puisqu'on y élevait, en 1595, des cerfs et des paons.
Le terrain attenant, planté de figuiers, était arrosé au
moyen d'une noria, construite, en 1598, par un menuisier
I Le Fn rc Anj^e Delpas . né à Perpignan . avait fait profession dans cette Maison. Mort k
K«>me, eu 15%. Vicnire-Aposlolique, ayant refVisé, par humilité, le clia|teaa de Cardinal.
<|iie voulait lui douaer Sixlc V. il fut placé au nombre des Bienheurcax par ce Pape, qui
vi'iiOrail .>^;s vertus . il appartenait à la raroilie des Marquis de Saint-Marsal . dans laquelle
<H:ni vriiiK- ^r ToiDlro ccllo dfî Camporrelb. des plus illustres de la Catalogne, comptant parmi
Hv jmctrcs lU-riianl d'Entcnsa. oinle «lu lloi d'Aragon Pierre III.
flO HISTOIRE i)i: BorssiLLOX.
de IVrpijçnan. (Cart. Hottssill.) Le premier pas, pour h
réunion de la nouvelle à la vieille ville, fut fait le 29
juin l!2i)r>, jour oii l'on établit la Halle-au-BIé dans
remplacement qu'elle occupe ^ujounYhm ^ auprès de la
porte iVEIiu\ est-il dit dans la charte donnée à ce snjet,
au-delà des murs et dans les fossés de la vieille ville.
Une transaction, des calendes de mai 1295, désigne le
terrain compris entre le château et l'ancienne enceinte,
comme situé dans la ville, mais extérieurement ï ses
anciens remjiarls.
Jusipj'it la lin du \in^ siècle, la ville ne forma qu'âne
paroisse, c(*lle de Saint-Jean, dont le Chapelain majeur
était le duré : depuis I2ô(), ce Hénélicc était réuni ï
rKvêché, dont le titulaire avait le droit de s'emparer des
uieuhles existants dans la cltanihre <les habitants au mo-
in(*nt de leur mort. Il rabaiulonna, en 1267, pour une
pension de mille sols mel^'oriens, (ju'il échangea, le 5 des
noues <le srpleinbre l!i27(K contre une portion des dîmes
(h* di\ers l(MTiloires. Le pape (!Iément V, par un brefdi
1^ des calendes de lévrier 17)08, confirma ce concordlt
pass('> eiitn' rK\(M;iu' et hs Consuls. S;ûnt-Jean * était
rantii|u<' |>:in>iss(' d<' la ville en l:2Nr>; car son Sacristain
rrliraii les ollrandes l't la cire de Saint-Jacques * et des
îiiiliTs «'*^'lis<*s. !.<• i janvier ir»(M>, le Uoi de Majorqw
M'iHlil au\ Consuls de Pnpi^'nan, remplacement de V^
^lise v\ du cimctirrr de Ca lîi'aK pour y créer une église
|^a^ois^:al^^ i'.i» terrain, apparl^Mianl aux Frères de la Péni-
tenct*, a\ait «'ii' \rndu par ri'l\éque tKKIne h TAbbé àt
Saiiii-Miriii-i, de «pii h' Itoi Tolitint par voie d'échange.
I Ivrp:- M ■. ■•. [1 !.■■■: . î-.,-- M"; 'r- L- t.- r;. M .in i..i VlfK-nM'll <r \nffi
- !• i!i> ii.i '• 1 ■ .• :., • 1 7 >.•-- ' .(iiu • - •:• jiiiii l.'lii , • Il ii>-ii\i' Cil liv* t*****' l'f|iri>^
'*<.;.'-Ji ,!■ - ■■! I i.\ • II- ; ;. ..ti I i"i ■ _. ;i-i .!..[(,» 1,(1 -.ti fin 7 t|i*> rai il'itni iW.
■I ' i ■■<:..■'■'• . |. , . ,'. ^ !■• r ■■■ i-r 'II- -«.iiiitr-M.iiir-Miîiirteiar
CUAPiTRE DIX-SEPTIÈME. 411
l.a fondation des deux autres paroisses de Saint-Jacques
et de Saint-Matthieu, doit avoir eu lieu vers cette époque.
Kn effet, le Sacristain de Saint-Jean, ayant publié des mo-
nitoires et lancé des excommunications contre ceux qui
placeraient des tours pour quêter dans ces trois églises,
le roi Jacques I^^ dans des lettres-patentes, données a
Majorque, le 6 des ides de mai 1301, désapprouve ces
censures, par le motif que tel était l'usage des églises du
Roussillon , « usage, dit-il, qui doit aussi être observé dans
« les églises paroissiales, dont nous venons d'ordonner
« rétablissement dans la ville de Perpignan. » Le Puy des
Lépreux, séparé de la ville par un terrain non bâti, s'y
trouva réuni par une ordonnance de Sancho de Majorque,
des calendes de décembre 1517. Elle enjoignait k tous
les fabricants de drap d'aller s'établir dans ce lieu, dési-
\;né par ces mois : de platea podii prœdicti descejidendo
ad villarn : ces manufacturiers étaient déjà très nombreux.
Bosch dit avoir vu le procès-verbal d'une assemblée de ce
corps, tenue le jour des calendes de mai 1532, dans lequel
hguraieul trois cent quarante-neuf maîtres, chefs de fa-
mille; il ajoute que ce nombre s'éleva, dans la suite, a
cinq cents. Tous ces nouveaux quartiers se trouvèrent
enfermés dans les fortifications construites par les Rois de
Majorque, pour joindre leur château à l'ancienne >ille,
dont ils n'étaient séparés que par une branche du ruisseau
royal. Cette branche fournissait des rigoles pour entretenir
la propreté dans les rues basses : son lit fut transformé en
cloaque, au moyen d'une voûte, dont on le recouvrit par
la suite. Lue concession de demi-meule d'eau, prise sur
une branche supérieure de ce même ruisseau, donna la
faculté d'établir de semblables rigoles dans des quartiers
plus élevés. Celle concession fut faite en 1541, par le roi
Jac(|ues 11 de Majorque. Nous avons vu plusieurs églises
il 2 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
s'élever sous le règne de ces Rois : la plas ranarqnUe
fut, sans contredit, la cathédrale actueHe de Stiot-JetB,
dont Sancho posa la première pierre le 26 avril tSÊL
Lors de la destruction du Royaume de Majorque , Pei|i*
gnan était considéré comme la seconde ville de h Oh
talogne. Pierre IV, sentant toute son importance pov
la conservation du Roussillon , ne négligea aocun mojm
de s'attacher ses habitants. Nous verrons toiit-à4'heHe
les réformes que, d'accord avec eux, il fit dans leur oi|ih
nisation municipale. Par une charte, datée de
le 20 mars 1549, il y fonda une Université, doni Vi
occupait une partie de l'ancien Hôtel de la MoDMie.
Pierre venait souvent à Perpignan; il y convoqoa mèm
les Cortés de la Catalogne , où les Syndics de celle v9e
furent admis, probablement pour la première fois. Loi
bienfaits de ce Roi ne se bornèrent point là : le IS jdhl
1270, il fit don du territoire du Vemet à la capilaleèi
Roussillon. Cette ville avait alors deux fanboaigs : CiW
de France, où l'on voyait, depuis 1265, une église MUi
a Notre-Dame, et celui des DIanqueries, ainsi noHBé,
l>arce que Jacques l^^^ de Majorque y avait relëgoé Unm kl
tanneurs de la ville , par une ordonnance du 5 des iài
de mars 1502. Ce dernier était beaucoup plus élendv frt
ne Test aujourd'hui : habité, aussi, par les leinlmiis,
dont les- maisons avaient beaucoup souBerl en 18A«
Pierre leur permit, le 1 décembre 1574, de s'élabKr dM
la rue des Rains, aujourd'hui Saint-Dominique. LagnsHt
de 15^15 et 1511 fut très-fatale k la ville de Peipignst:^
|H)ur éteindre les dettes qu'elle s'était vue obGgée et
contracter à cette occasion, les Consuls aviieM éliUi
un droit sur chaque tète de bétail qu'on y inirodÉML
Lo Clori^é, S4« fondant sur st^s immunités, refosail dei^f
sounxMtn^ ; ri romine iinr mulliln«le de laîqnes éUil
CHAPITRE DIX-SEPTIÈME. 413
l'habitude de prendre la tonsure pour jouir du privilège
clérical , les Consuls , voyant que la taxe ne produirait
pas grand'chose, prirent des mesures pour contraindre
les récalcitrants à la payer. L'Évéque excommunia les
Magistrats ; le Roi , prenant leur défense, fit saisir le tem-
porel du Prélat. Celui-ci excommunia les Officiers royaux,
exécuteurs de cet ordre; et, ayant éprouvé mille désagré-
ments de leur part, abandonna le Diocèse. A peine fut-il
parti , qu'on pénétra dans son palais épiscopal d'Elne, en
brisant la porte : on mit le scellé sur ses effets ; on enleva
le blé de ses greniers. Le Pape, prenant sa cause en main,
lança contre les Officiers royaux et les Consuls, des ana-
thèmes, qui, d'abord, ne produisirent pas grand effet.
Cependant, la contestation, commencée en 1568, fut
terminée en 1576, par une transaction, dans laquelle il
fut convenu que l'impôt serait supprimé, et que la ville
paierait 5.750 florins k l'Évéque, pour l'indemniser de la
saisie de son temporel, du pillage de ses greniers et de
la dévastation de son palais.
On fabriquait déjà de la monnaie à Perpignan sous les
Comtes. L'atelier monétaire fut conservé par les pre-
miers Rois d'Aragon ; ceux de Majorque ne négligèrent
point un droit, qui formait, en ce temps-lk, une branche
importante de leurs revenus.. On voit, en effet, Pierre IV
d'Aragon, lors de sa querelle avec Jacques II de Major-
que, se plaindre de ce qu'il fabriquait en Roussillon,
contre la teneur des traités, une monnaie différente de
celle de Barcelone , et Jacques soutenir qu'il avait ce
droit comme tous les autres Grands. Biçn plus, le 27
février 15i2, l'Aragonais fait citer le Majorcain k com-
paraître, pour répondre k l'accusation portée contre lui
sur le fait de la monnaie : on voit qu'il était accusé, non
de faire battre de la monnaie à Perpignan , mais d'y eu
414 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
fabriquer d'une espèce particulière, oo bien de la
de Barcelone, k un titre différent de celui de cette ifle.
Après la destruction du Royaume de Majorque, les Hm
d'Aragon continuèrent à battre monnaie à PerpigÊmÊk : m
y frappait même les florins d'or d'Aragon, sous Pierre IT.
Jean I^% son fils, maintint le nombre des monnayeml
trente, comme il avait été jusque-lii. Les offieiars et kl
ouvriers de la Monnaie avaient le droit de n'étie jtgéi
que par des juges particuliers, et jouissaient d'un
nombre d'autres privilèges. Pour corriger les abos
tant de cet état de choses , Alphonse V restrdgvl la
jouissance de ces privilèges aux véritables emplojéa« it
seulement pour le temps où la Monnaie serait en aclMtfu
Le commerce de Perpignan était très florissant : 9 eoft-
sistait principalement en draps, dont on fabriquait h fin
grande partie dans ses murs ; en fers, apportés des WNii-
breuses usines établies dans les montagnes de la profinei.
Jean I^^, en considération de ce que cette viUe était Nm
des plus considérables et des plus commerçantes ée
États, accorda aux Consuls et aux habitants, par
charte du 22 décembre 1588, le droit d'élire, tow kl
ans , deux Consuls de Mer et un Juge d'appel , pour éé»
cider les contestations relatives aux affaires du néyeê.
Dans toute la Monarchie , 4>n ne vovait d'établiaaaMlA
pareil qu*à Majorque, Valence et Barcelone'. Ponr fMUnir
aux frais qu*il nécessitait, Jean permit d'imposer mm àNÊi
sur toutes les marchandises à rentrée et à h sortie éa
Roussillon et de la C^rdagne, pays soumis à la JurMieltei
de ce tribunal. Ce droit, origine de celui d'impériagê M
1 Louis M »'eliQt rrD'hi mailre d<r fVr|>ifnâa es 14(>3. ftit si SAtis^l éM
CoBMUi 4« lier de cette nlle . ^ve , àisa tt lettre ém ff »e|il«aitee 1183 . il
au l^oiunU <ie Her 4e lli>Bt{iHilier et cùu^lrt H dèrader umIm k» <
nanrluodi!4>< iV ^l^mli^lher. At^oe>a»wt.-- «-i \;.*f . ei la krm^ H
«'«^D^lit le Mer U* b ^ille 'ir IVrjM;r«»jo
CHAPITRE Di1[-SEPTIÈME. 415
ilel pariatge, fut fixé, dans le priucipe, à une obole ou
demi -denier par livre. On sentit, bientôt, la nécessité
d'avoir un local pour y placer les archives du Consulat
de Mer, et le siège de ce tribunal. Le roi Martin, par
ordonnance, rendue à Barcelone le 20 septembre 1397,
autorise les Consuls de Mer a prélever sur. ce nouveau
droit une somme de 4.000 florins d'or d'Aragon , pour
construire une Bourse ou Loge (Append,, n^ 20). Le nom
de Loge passa, de cet édifice, a la place sur laquelle on
réleva. Le commerce de banque était alors très consi*
dérable à Perpignan. Déjà, en 1339, Pierre IV avait
assimilé les banquiers de cette ville a ceux de Barcelone,
en les assujettissant, comme eux, à un cautionnement de
2.000 marcs d'argent; ceux des villes moins considé-
rables ne le fournissaient que de 1 .000 marcs. Il y avait
une Banque k Perpignan : nous croirions volontiers qu'elle
dut son origine à la Caisse communale, où l'on versait
d'abord les revenus de la ville, et d'où l'on tirait les fonds
pour ses dépenses. Les particuliers prirent l'habitude d'y
déposer des sommes d'argent et des objets précieux. Sous
le nom de Taula , elle faisait déjà des mouvements de
fonds au temps des Rois de Majorque. D'après une or-
donnance rendue le 27 mars 1437, par Alphonse V, à la
demande des Consuls, pour donner de la confiance aux
étrangers, il fut prescrit qu'on ne pouvait saisir les dépôts
que pour les dettes propres des déposants. Le 18 juin 1498,
un règlement, dressé par les Consuls et par neuf citoyens,
pris trois dans chaque classe, fut approuvé par le Roi. On
y voit que les dépôts judiciaires devaient être versés à cette
banque, ouverte trois fois par semaine, deux heures le
malin et deux heures le soir. On vérifiait la caisse, une
fois par semaine, devant tous les employés, et les Consuls
inspeclaient la Banque une fois tous les mois.
iU» HISTOIRE DU ROl'SSILLON.
Celte cité, si comuierçantc et si peuplée, n'avait cepen-
dant qu'une fontaine, appelée, comme aujourd'hui, la Fan!
i\ova. Des lettres -patentes du roi Martin, datées do 0
octobre 1 iOC , nous apprennent que sa source ayant tari
depuis peu, le Roi en avait concédé aux Consuls une
autre , récenunent découverte a un demi-qnart de lieue
<le la ville. Ces magistrats s'empressèrent d'amener partie
de cette eau a Tancienne fontaine, et disposèrent du reste
en faveur de la fontaine des Cannes, qu'ils construisirent
alors. Au commencement du siècle suivant , on se servit
de cette même source pour alimenter une troisième fon-
taine, dite de Na-P incarde ; mais, comme ces eaux sont
peu abondantes, souvent en été, les trois fontaines seraient
à sec, si le ruisseau de la ville ne venait à leur aide. Quant
a la fontaine de rilôpital , sa source est dans l'intérieur de
la ville, auprès du puits de las Colommas. Elle fut cons-
truite, suivant Bosch, en 1451 . Des actes publics de 1533,
et les registres de l'Hôpital, prouvent, suivant Fossa.
t|u*on ne la termina que cette année.
Des travaux exécutés avec constance par les diven
Souverains du Koussillon , avaient fait de Perpignan une
place de guerre importante pour le temps ; Tancicn chft-
(eau des Hois de Majorque lui senait de citadelle, du cAtf
du midi. Sa princi|>ale défense, au noni, était un fort,
construit en bonne maçonnerie de briques , appelé If
Castillet : on ignore répocpie de son établissement; on
sait seulement (|u*en 1 100 Louis XI , voulant apparem-
ment le transformer en prison d*Ktat, lit démolir les
maisons qui lui étaient adossées, et fermer la porte d*en-
irée de la ville, qui le traversait, pour la transporter un
peu ù droile, où existe aujourdlnii la porte Notre-Dame.
M. Ilenrv cite une sentence arbilrale <le Tan 110(1, oùcf
Tort «»st dt'sigrié sous le n«uu de fti^tillrhnn lh**iltv Maritr.
CHAPITRE DIX-SEPTIÈME. 417
Nous avons vu un manuscrit, où l'on donne ce petit châ-
teau pour logement au Roi de Navarre, venu à Perpignan
pour y faire une visite au pape Benoit XIII, en 1408. Il
n'existait pas en 1568, et la porte Notre-Dame était située
entre deux tours, qui la défendaient. Ces tours furent,
il cette époque, réparées et exhaussées, peut-être même
réunies par une galerie, construite au-dessus de la porte.
Itosch nous apprend que le Duc d'Albe se servit, en 1542,
des démolitions d'une église et d'un couvent, pour cons-
truire le petit bastion qui couvre le Castillet. Le siège que
soutint la ville de Perpignan, cette année, fit sentir à
Charles-Quint la nécessité d'ajouter k ses fortifications
une citadelle. Il se détermina à englober le château dans
la nouvelle forteresse. Son établissement nécessita la dé-
molition d'environ cinq cents maisons : ce sacritice eût été
fort sensible pour la ville , si la population , qui avait fort
diminué pendant les guerres de Louis XI , n'eût continué
à décroître. Un Évêque d'Elne, nous dit, dans un acte
dressé en 1552, que la population n'était que la moitié
de ce qu'elle avait été. La ville continua à déchoir, comme
nous l'apprend le docteur Oliba , dans un écrit imprimé
en 1600. Cette décadence fournit à divers Ordres reli-
gieux l'occasion d'acheter de vastes terrains, pour fonder
des couvents : c'est ainsi que les Augnstins et les reli-
gieuses de Sainte-Claire, qui, lors du siège de 1542,
avaient vu détruire leurs maisons, situées hors des mui*s
et k proximité de la ville, vinrent, peu de temps après,
s'établir dans son enceinte. Les Minimes, en 1574; les
Carmes déchaussés, en 1589, bâtirent leurs couvents
sur des terrains abandonnés par les fabricants de drap * .
1 Ajoaluiis iri. pour classer rordru tics principaux établisâcmcnts religieux qui exi&laieiit
jIVr|iip'iian. i|uc l«*>Ca|)utiii?; li.Uireul l«*'ii (uiiv«miI, iu\ Taiinerie>. eu !580, el le< J«*<uil«*«,
•»« .viilr»' lie II Mil.', en KîOO
L>7
il8 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
1.C chapitre 11 des Constitutions faites aux Certes de Bar-
celone en i599^ prouve que ces manuiactares étaient fort
tombées à cette époque; et les plaintes portées par h
ville de Perpignan au roi Philippe II, en 1585, dms
font connaître que certains abus, s'étant glissés dans h
perception des droits sur les fers, en avaient fort gêné
la circulation , et qu'en même temps, TintroducUon dans
la province du mauvais fer fabriqué dans quelques ibiges
nouvellement établies en Languedoc, notamment à Ginda,
fer que l'on vendait ensuite mêlé k celui do pays, avah
tellement discrédité ce dernier, qu'on ne venait pins le
chercher comme auparavant. Quoique le Roi, dans SM
ordonnance du 13 novembre de cette année, eût adofMé,
pour remédier au mal, les expédients proposés par la ville.
il ne parait pas que l'état des choses eût changé. La perte
de son commerce ne fut pas le seul malheur qn'épronn
Perpignan dans le cours du xvi^ siècle. Par la rémiN
de l'Aragon à la Castille, par son éloignement dn cenlie
de la Monarchie, son importance relative diminua. D le
défendait plus la partie la plus vulnérable de la firoiitîèK.
Ix» Souverains de l'Espagne négligèrent une ville, doit
les habitants, depuis la longue occupation bvaçmt^
n'étaient pas regardés comme ayant pour eux le inépt
dévoûment qu'ils avaient eu pour les Rois d'Aragon. Lm
changements de domination , et les malheurs du tcayi*
n'empêchèrent point les Perpignanais de continu» kl
travaux entrepris, en 1324, pour la construdioa d'
Téglise de Saint-Jean : on y consacrait les aumdnes dei
fidèles, les largesses des Rois et des Princes, mè^^
étrangers, ainsi que les revenus des bénéfices vacaaii*
On avait commencé on 1 lll les arceaux devant porter h
voùto, qui ne fut terminée qu'en 1 I9ô; la clef, au poW
de réunion de tous ces arceaux , est oniée de VéîM *
CHAPITRE DIX-SEPTIÈME. 419
France, alors semé de fleurs-de-lis : soit oubli, soit difli-
culté de ratieindre, il a échappé au vandalisme de 1795.
Kn 1500, on acheta des maisons contiguës k l'église, pour
y établir le cimetière; on plaça TorgMC en 1504, et Téglise
liit consacrée en 1509; mais le maître-autel, commencé
on 1020, ne fut placé qu'en 1651 : ses sculptures, el
surtout ses bas-reliefs, sont très remarquables.
La partie de l'Hôtel actuel de la Mairie, contigué au
Palais de Justice* , entreprise en 1591 , ne fut terminée
qu'en 1605. Malgré sa décadence, Perpignan était tou-
jours la principale ville de la province; aucune autre ne
pouvait même lui être comparée. EIne était tellement
déchue, qu'on résolut d'en transférer k la capitale le
Chapitre et l'Évéque : déjà ce dernier y résidait. La trans-
lation eut lieu le 2 juillet 1602; mais on continua a les
désigner par le titre de leur ancienne résidence : ce ne
lut même qu'en 1690 et 1698, que les circonstances
permirent de bâtir un Séminaire et un palais épisœpal.
Nous avons parlé de la fondation de l'Hôpital Saint-Jean,
laite, en 1116, par un Comte de Roussillon. Les Souve-
rains du pays continuèrent d'être les patrons de cet hos-
pice, jusqu'en 1266, où l'Infant d'Aragon, Jacques, depuis
Koi de Majorque, en céda le patronnât aux Consuls de
Perpignan, pour 15.000 sols melgoriens*. Il y avait, en
outre, une maison sous l'invocation de Saint-Lazare,
pour servir de lieu de réclusion aux femmes publiques
I Ce paUis fui construit peu après, le 18 janvier ii48. jour où Charles d'Oms, procureur
inal. vendit, pour le Roi, à Bernard Ajbri, auditeur irienoal, agissant pour la Députation.
l'emplacement qu'occupe cet édifice, pour y construire l'Hôtel de la Imputation . converti
•le|iuis> £u Palais de Justice.
i On trouve aux archives de l'Hospice Saïut-Jean, une lettre (caria real) do roi Jacques,
)>vrtant que son fils et lui, avaient vendu aux Consuls de Perpignan le patronnai, les renlc>.
les honneurs, etc., etc., de cet hôpital ; mais que n'ayant pas le droit de faire de semblable:*
^aliénations , ils devaient rendre la somme touchée de 15.000 sols malgonenses (melgoriens)
\'2ii HISTOIRE DU ROUSSILLON.
iriiiie condiiilc scandaleuse, et oii toutes, sans exception,
«étaient enfermées, chaque année ^ le jour du Jeudi-Saint.
La ville fonda encore, en 1657,. un hospice, dit de b
Miséricorde, pour y élever les pauvres orphelins et les
iMifanis-trouvés*.
Aux notions que nous venons de réunir sur l'origine.
ra<*croisscnient et la <lécadence de Perpignan , nous
rroyons devoir ajouter quelques mots sur ses anciennes
institutions municipales, qui ne furent pas sans infloeno*
sur les diverses vicissitudes qu'il suhit. Dans le principe.
\',\ ville était gouvernée par les officiers du Comte. Ces
SfMgneurs, convaincus, qu'en matière de police et ie
justice, une manière de procéder, constante et déter-
minée d'avance, est la meilleure garantie de la liberté
r\ de la prospérité des sociétés, s'astreignirent k suÎTrr
rrrlaincs règles, qui s'établirent a mesure que le besoio
son faisait sentir. Nous avons déjà parlé de ces usages:
toujours observés, ils Unirent par acquérir force de loi:
HMligés par écrit, peut-être avant llU!iî, ils furent coo-
tirmés, cette année, par Gérard II, seigneur particolier
(l<* Perpignan, et héritier présomptif de son i>ore GaosiM.
(omto de Koussillon. I^ Roi d'Aragon, Alphonse II, s'em-
pressa de les conlirmer. Son successeur, Pierre II, dV
rord avec les Perpignanais, crut devoir établir une fonw
d'administration plus libérale, et Tautorité sur la commaiH'
fut transférée des <»fliciers royaux à cinq Consuls, nom-
més tous les ans par les citoyens , et entrant en cbaqE**
\v l'-** «les calendes de mars. Les Nobles et les Clerr*
habitant la ville, y étaient considérés comme étrangers*
n'ayant aucune part au gouvernement de la cité, et m*
supportant d'autre charge que celle de contribuen suiwoi
I \'''|iiis .mx fM'< «If» l.i \ille. ri iiifut'Ir i».ir W i>ri>«!«it ilunc ^\ui\t , il fal niiâf»* f*'
•ilii 'te l.ouij \IV rn llMG. avec attriliulion de fv^fnu*
CHAPITRE DIX-SEPTIÈME. 421
leurs propriétés dans la ville ou son territoire, à la cons-
iruclion des remparts. Le reste des habitants, d'abord
divisé en deux classes , poptUum tàm parrum quàm
magnum , le fut ensuite en trois : la première était com-
posée des bourgeois vivant de leurs revenus, et des négo-
ciants, appelés moxadicrs. Plusieurs des familles qui en
faisaient partie, avaient acquis, dès le règne des Rois de
Majorque , une opulence qui les faisait vivre à l'égal de la
Noblesse la plus distinguée : on les voit k la Cour de ces
|)etits Souverains; et les emplois de premier et de second
Consul, exclusivement affectés k cette classe, ajoutaient à
sa richesse la considération que donne toujours l'exercice
du Pouvoir. Dans la seconde classe, étaient les notaires,
les marchands, les écrivains. Les jardiniers et les artisans
formaient la troisième. Un usage ou plutôt un abus, que
le temps avait consacré, mettait les Consuls en possession
d'élire leure successeurs, et même le Conseil de ville. Cet
état de choses fut réformé en 15i6, par une ordonnance
de Pierre IV, qui homologua une décision prise à ce sujet
par le Gouverneur, après en avoir délibéré avec ses asses-
seurs, les Consuls, les chefs des corporations et les nota-
bles. On avait agité, dans cette réunion, la question de
savoir si les Consuls, suivant l'usage, ou les chefs de cor-
poration , suivant la teneur d'un ancien privilège, devaient
élire les oUiciers municipaux. Pour accorder les préten-
tions opposées des deux partis, il fut décidé que cette
élection serait faite par les Consuls, assistés de douze
citoyens, élus, quatre dans chaque classe d'habitants.
Cette règle fut toujours observée depuis cette époque : mais
ime ordonnance de la reine Marie, épouse et Lieutenante-
(.énéralc d'Alphonse V, en date du 18 août 1449, fit quel-
(|uos changemcnls h la classification des habitants; com-
posant la première classe des bourgeois et des avocats,
422 HISTOIRE DU ROCSSILLON.
OU plaça les inercadiers dans la seconde. Les Consiik,
nouvellement élus, prêtaient au Roi serment de fidélité,
et à leurs concitoyens celui d'administrer dans rinlérit
de tous. Ils recevaient ensuite les comptes de leurs pié-
décesseurs, ceux de l'Hospitalier chargé de l'entretieii do
pont; et lorsqu'en 1266, ils eurent acheté le patronnât de
l'Hôpital de Saint-Jean, ils recevaient aussi les complet de
l'administrateur de cet hospice. D'après la charte de 1197,
lorsque la commune craignait une attaque, oo qu'elle Toahit
poursuivre la réparation d'une injure faite k Fiid de
citoyens, elle avait le droit et était dans l'usage d'i
une partie des habitants qui, sous la conduite d'un Contid,
et autorisée par la présence d'un officier royal , Bailli m
Viguier, marchait pour repousser l'agression el obteur
justice. Le roi Jean II, par une ordonnance rendne ï
Barcelone, le 17 juin 1174, chercha k former de eetle
trou|>e, jus(]u'alors tumultuairement levée, one force per*
manente, qui pût être utile à la défense de la ville : i
Torganisa en garde nationale, divisée en compagmei,
ayant chacune ses oHiciers; et le corps entier était eom-
mandé par le premier Consul; eu son absence par le
second , et successivement ainsi par les autres. DepM
cette ordonnance, les détachements partis de b ville pov
poursuivra* la réparation de quelque injure, furent eomr
posés d'une ou plusieurs compagnies, marchant sont kl
onln^s de Tun des Consuls, et ayant un drapean parti-
eulier. On vuit dans les rapports panenus jnsqnes k mom*
de quelques-unes de ces expéditions « que les préparatifc
exi^'i^, et certaines formalités nécessaires ï remplir avait
le départ, pouvaient quelquefois donner le temps au Goa*
\ernement tie s'inteqHiser entre les (larties belligéranles,
et de neutraliser ainsi les funestes effets d*un privilège «
n'avani. dan> ri>ri;:ine. fiautn' idijel que de rendre h
CIIAPITRB DIX-SEPTIÈME. 423
condition des villes égale à celle des Seigneurs, qui, dans
ces temps-là, jouissaient du droit de guerre privée. D'après
un ancien usage, confirmé le 7 mai 1448 par Alphonse V,
les Consuls gardaient les clefs de la ville. Depuis le siège
de 1542, il y eut toujours un Gouverneur particulier tant
il la ville qu'au château, et les Consuls cessèrent d'être
chaînés de la garde des clefs; mais ils continuèradt à
avoir le commandement de la bourgeoisie, sous les ordres
du Gouverneur. Aussitôt après leur installation, les nou-
veaux Consuls et le Conseil des Douze procédaient à la
nomination des Consuls de Mer et du Juge d'appel, dont
nous avons déjà parlé; des deux Clavaires, l'un tiré de
la première, et l'autre de la seconde classe des citoyens
I ces magistrats étaient chargés de toutes les branches de
la police urbaine, de surveiller les marchés, les travaux
publics, la rentrée des créances de la ville, etc.); des
sobre^posals de la horta , tirés de la classe des jardiniers,
et préposés à l'appréciation des dommages causés aux
riiamps, et des jugements des causes qu'ils entraînaient.
Les Consuls procédaient, enfin, à la nomination Ib plu*
sieurs autres employés inférieurs. Les charges munici-
pales étaient fort appréciées , puisque la Noblesse , long-
temps étrangère à la ville, chercha à les exercer. EUIe y
réussit, enfin, en 1601, où il fut réglé que, des deux
places de premier et de second Consul , l'une étant occu-
pée par un gentilhomme, l'autre le serait par un bourgeois
ou un avocat. A l'avènement du Roi , la ville envoyait un
Député pour le complimenter; elle en agissait de même
dans d'autres occasions, et, siulout, lorsqu'elle avait
quelques réclamations à faire ou des plaintes à porter
contre un officier royal. Ces Députés étaient toujours
accueillis avec bonté par le Souverain, qui faisait droit à
leurs demandes lorequ'elles étaient fondées.
4:2i HISTOIRE DU ROIjSSILLON.
Nous avons fait connaître quel était le rang des Dépoléfr
(le la capitale du Roussillon aux Cortés de Catalogne. Il
est certain qu'ils y assistèrent depuis 1546, sans qn'on
puisse assurer qu'ils y eussent paru avant cette époqoe.
Nous avons parlé de l'Université créée par Pierre IV,
dans laquelle on enseij^mait la théologie, le droit mil, le
droit canon , la médecine, la philosophie : les chaires de
cette science et de la théologie, étaient confiées, en partie.
aux moines des divers Ordres qui avaient des cosrents
dans la ville. Les docteurs en droit, fort nombreux à Per-
pignan, lors de cette fondation , fournirent les profiessevs
de cette Faculté. Le docteur Thomas Carrère, dans «ne
histoire manuscrite de cette Université, composée sor des
documents |»erdus plus tard , nous apprend que josqv*aa
siège de Perpignan, en I6i2, l'Université avait toojoon
fait enseigner la grammaire, le latin et la rhétorique, par
des professeurs ({u^elle nommait; que, pendant ce siège,
les Jésir *es, profitant des embarras de TUniversité, dont lo
bâtiments étaient occu|k!'s par les troupes, formèrent mt
f*s|)èee^le collège dans leur maison. Des conlestatieBS
s élevèrent à ce sujet : elles furent terminées on lflfl5«
par une tinnsaetion. Les Jin^uites consenèrent le collège;
mais reconnurent l'autorité de rUniversité sur kuff
elasses. Tous les ans , vers la Un de janvier, le Reclesr
>'\ niidait; faisait inscrire les l'coliers, et recevait k
MTinent d'oiièissance di*s professeurs. Cette Université a
produit. d«* tons les temps, des théologiens profonds,
de ^niiids juriseoiisultes et d'habiles médecins.
l/art de rimprimerie, iii\eiité en Allemagne, cinquante
;uis ;iiipara\aiit. l'ut introduit à Perpignan vers Tan Î3O0.
par Itoseiibaeli <l*lleidelber^. In traité sur la vie chn^-
henni'. eoiii|io>r m | lli pai Fraiirois Xiinénès, évëqae
•I Kliif . tut II- |ireiMit*i liMf liiipiniie à IVqiignain, en
CIlAPITIiE DIX-SEPTIÈME. 425
l'année 1502, vingt-huit ans après Paris. Il parait que
le commerce de la librairie acquit bientôt une certaine
importance clans le Roussillon ; car une ordonnance de
1512 nous apprend que les livres payaient un droit de
six deniers par livre à la sortie de la province; mais la
décadence de la capitale, qui date a peu près de cette
époque, arrêta les progrès de cet art nouveau.
Il y avait eu k Perpignan, dans certaines circonstances,
des représentations théâtrales. Une ordonnance de Phi-
lippe II, du 10 août 1587, défend de les donner dans un
autre lieu que celui désigné par Fadroinistrateur de THô-
pital Saint-Jean , et prescrit de payer la rétribution usitée
partout en faveur des hospices.
L'art de l'escrime était en grand honneur a Perpignan.
Il existe un acte de réception d'un prévôt, curieux à citer:
on lui fit jurer sur l'Evangile de défendre la foi catholique;
de oe pas montrer aux Juifs et aux Infidèles; de ne point
fréquenter les mauvais lieux, etc., etc. On trouve dans un
ouvrage de Jérôme Carranza , officier espagnol , intitulé ,
la Filosofia de las Armas, imprimé àiSan-Lucar, en 1569,
qu'un certain Pons, de Perpignan, y avait publié la Théorie
de VArt de VEscrinic, Plusieurs actes du wi^ siècle prou-
vent que cet art était très cultivé dans cette ville.
ï'26 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
CHAPITRE XVIll.
MOTICE
cUR LE DEPARTEMKHT DES PYRENSKS-ÛRIKITALSS.
Avant de décrire Tétât actuel du départemenl,
en peu de mots, ce qu'il était au moment de la cooquéle
l>ar les Français. Nous puiserons nos principaux roMei
gnements dans les mémoires publiés en 1627, pow m
contre la séparation de la Principauté de CatalogM des
Comtés de Roussillon et de Cerdagne.
Le Gouverneur-Général de toute la province avait ao«
lui , comme nous l'avons déjà mentionné sommaireBMl*
<leu\ Lieutenants , dits Poriafii^ Vcus : le premier eoiH
mandait dans la Principauté ; le second, dans les Comtëi,
et résidait à Perpignan. Son département était divisé ea
quatre Vigu^ries : le Roussillon et le Vallespir fomuMal
la première, où Ton comptait, outre Perpignan el Ehe,
cent soixante-dix villages ou châteaux, ayant chacun «a
ttTritoire particulier; la seconde, celle de Villefranche, ea
contenait soixanto-dix-huit, et se composait du ConOeal
rt du (4ipcir; les deux (A'nlagnes, française et espagnole,
rormaieni la troisième Viguerie, a\ant Puycenla pour che^
\wu. el renfermant qualre-\ingl-cinq villes, villages o«
CHAPITRE DIX-HUITIÈME. 427
châteaux ; la quatrième celle de Ribas , ne s'étendait pas
au-delà de la vallée de ce nom , et l'on n'y comptait que
dix villes, villages ou châteaux. Chacun de ces quatre
districts était régi par un officier nommé Yiguier, pris
dans la Noblesse ou dans les familles les plus honorables;
mais non parmi les habitants du district soumis à son
autorité. Presque toutes les trois cent quarante-trois com-
munes des deux Comtés étaient enveloppées d'un mur,
ou, du moins, possédaient un petit fort, une bâtisse à
murs épais, crénelés, où les habitants pouvaient se réfugier
en cas d'invasion. Les mieux fortifiées étaient Puycerda,
Livia, Villefranche, Prades, Vinça, Olette, Prats-de-Mollô,
Arles , Céret, Le Bolo , Argelès, CoUioure , Salses, Millas,
ille, Boule-Ternère, Thuir, Canet, Claira, Estagel, La Roca,
Elne. Perpignan, quoique n'ayant pas comme jadis six mille
feux, était, après Barcelone, la ville la plus importante de
toute la Catalogne. Il l'emportait, surtout, par les forti-
fications modernes dont il était entouré. II avait deux
châteaux, dont le plus grand, réparé d'abord par Charles-
Quint, fut ensuite agrandi par Philippe II, et disposé sur
le modèle de celui de Milan.
Outre les Yiguiers, les Portant^ Veus avaient sous leurs
ordres des Baillis royaux k Perpignan, à Thuir, à CoUioure,
à Prals-de-MoUô, à Villefranche, k Prades, k Vinça. Nous
avons vu que ces officiers avaient l'administration des
finances royales ; présidaient les tribunaux , et comman-
daient les milices dans leurs arrondissements respectifs.
Une telle accumulation de pouvoir sur les mêmes têtes,
aurait pu devenir dangereuse pour la liberté des citoyens,
si leur grande puissance, contrebalancée par une forte
constitution municipale , n'eût été contenue par les Cor-
tés, cl, surtout, par la Députation, spécialement chargée de
veiller constamment à l'observation des lois et au maintien
\'2H HISTOIRE DU ROUSSILLOtf.
(1rs privilèges. Tous les travaux n'intéressant que la pro-
vince, étaient dans les attributions de la Dépatatioa, qui,
pour fournir aux dépenses, faisait percevoir un impôt par-
ticulier, dont le premier établissement remontait aax G)r-*
lés de li81. Il consistait principalement dans les droits
de douanes, et produisait, dans les Comtés, lâ.OOO livres
catalanes (environ Oo.HHi fr. actuels). Les villes avaient
aussi des revenus particuliers; mais, par Teflet des au-
Iheurs des temps, elles étaient toutes obérées: la province
ne l'était pas moins ; et on calculait que si la séparation
des Comtés avait lieu, Tintérét de la dette restée k leur
charge, monterait à 1.700 livres catalanes (57.285 francs
10 centimes).
Le clergé était fort nombreux dans les Comtés. La
Cerdagne et la vallée de Ribas appartenaient k rÉvéché
d'IIrgel; le Capcir à rÉvéché d'Alet; le Roussillon, le
Contient et le Vallespir, formaient le Diocèse d'Elue, ou
ron trouvait quatre Abbayes (Arles, Saint-Michel, Sabl-
Martin et Saint-Génis); treize Prieurés, six Prévôtëi,
quatre Commanderies de Malte, neuf couvents de mea-
diants, cini] Chapitres, vingt-trois Communautés ccelé-
sias(i(pies. Le Chapitre d'KIne, composé de quatre digni-
taires et <le ving-et-un chanoines, avait été, depuis pei«
transféré à Perpignan avec l'Évéque, et établi dans Téglise
de Saint-Jean, Tune <les quatre paroisses, où n^sidait
Communauté de cent cinquante prêtres. Il y avait
Cha|)itre de quinze chanoines, et une Communauté dr
trente prêtres à La Uéal, Tune des paroisses de Perpi*
^'uau. On voyait, en outre, dans cette ville, dix-sept
couvents de nM»ines ou de n*li<;ieuses, quatre hôpiUuix.
une rniversité, où Ton enseignait le latin, la rliêtoriqne,
la logiqur, la tli4'H»|<»gie, lo droit, la niéderine. Los habi-
i.inis des Conil<'s idisrnt cm's uiéuioires'i sont forts.
j
CHAPITRE D1X*HL1T1ÈME. 429
husies, 1res propres aux travaux de Tagricullure et a la
i^uerrc, très attachés à TEspagne : cette affection existe
surtout dans les familles anciennes, encore assez nom-
breuses. iNon seulement, il y a des maisons nobles qui
remontent au temps des Comtes et même de Charle-
magne; mais, encore, on en trouve parmi les bourgeois
des villes, et, surtout, parmi les propriétaires résidant
à la campagne, dont le nom figurait dans l'histoire du
Itoussillon lorsque le roi Alphonse en hérita.
Quatre rivières : la Sègre, la Tet, le Tech et TAgly,
arrosaient et fertilisaient les Comtés ; on ramassait des
paillettes d'or dans les deux premières. Le Roussillon ,
très fertile en huile et en vin ^ fournissait ces denrées a
la Cerdagne et aux cantons limitrophes de la France qui
en étaient privés. Récoltant, alors, plus de froment, d'org»»
et de seigle qu'il n'en consommait, il expédiait pour Gènes
et pour Barcelone le superflu de ses productions. Aucune
province du Royaume d'Aragon n'élevait autant de bétes
k laine que les Comtés, et leurs toisons l'emportaient pour
la finesse sur celles des pays voisins. On comptait autre-
fois à Perpignan jusqu'à cinq cents métiers, et on en
trouvait aussi un grand nombre dans les autres villes ou
villages. On convertissait, dans le pays même, toute la
laine en étoffes de diverse nature. Depuis quelque temps,
la plus grande partie est exportée sans être ouvrée. L'im-
portance de cette fabrication avait engagé à cultiver le
chardon à foulon, le pastel et la gaude, nécessaires pour
peigner ou teindre les diverses espèces de tissus. La
soie récoltée dans la plaine du Roussillon , y était filée ,
tordue et teinte : on en fabriquait des taffetas et des da-
mas. On élevait dans les Comtés des chevaux, des ânes
et des mulets fort estimés ; des chèvres , des vaches ^
dont le lait servait a faire du beurre et des fromages.
430 HISTOIRE DC ROt'SSlLLOM.
Les abeilles y donnaient, eu abondance, du miel et de
la cire d'une excellente qualité. Les salines de Canet
fournissaient plus de sel que n'en exigeait la eonsom-
ination du pays. On cultivait le riz dans quelques com-
munes de la Salanque; le lin et le chanvre, dans le
(Gonflent et dans la plaine du Iloussillon. Les moutagnes
rtaient couvertes de lièges^ dont on exportait l'écorce;
de châtaigniers, de hêtres, de chénes-verts , de pins, de
sapins, propres aux constructions navales. On fabriquait
du savon, dont les matières premières étaient fournies
par le pays. On tirait un grand parti des minerais de fier.
si riches et si abondants; ils fournissaient environ soixante
mille quintaux de fer forjjé. L'abondance du bois avait
permis d'établir des verreries. On ne cite, dans ces mé-
moires, d'autres eaux minérales que celles d'Arles. Il n'y
avait dans le Comté qu'un port, celui de Port- Vendras,
plus sûr que vaste, dont rentrée était défendue par un fiwt:
les galères du Roi y avaient souvent trouvé un refuge
assuré contre les tempêtes, si fréquentes dans le golfr
de Lyon. Malgré tous les avantages dont la nature avait
doté ce pays, la situation , a cette époque, n'était rien
moins que prospère. Nous avons vu, dans le \vi* siècle,
^lisparaitre les manufactures, et, avec elles ^ tomber le
commerce et diminuer la population. Dans la premièn:
moitié du xyip siècle, l'argent y devint si rare, qu'os
ne voyait presque plus que de la monnaie de billon; eC
en l(><)0, la crainte d'être payé avec celte monnaie, dont
on craignait la dépréciation, arrêtait toutes les transac-
tions commerciales. Uppend,, n" 21. )
j
CHAPITRE DIX-IIUITIÈMR. 431
GÉOGRAPHIE ET STATISTIQUE.
L*histoire nous a montré les pays composant le dépar-
tement (les Pyrénées-Orientales, habités d'abord par des
peuples de race celtique , conquis par les Romains cent
vingt ans avant Jésus-Christ, cédés aux Visigoths en 462,
envahis par les Sarrasins en 718; et dévastés plutôt que
gouvernés par eux jusqu'en 759, ils furent alors réunis à
la Monarchie française. Pour organiser la contrée arrachée
aux Infidèles, Charlemagne, après y avoir attiré de nou-
veaux habitants, établit des Comtes et des Évéques dans
toutes les villes où il y avait eu des sièges épiscopaux.
Ije Comté de Roussillon et rÉvéché d'Elne , eurent pro-
bablement la même circonscription; c'est-à-dire, qu'ils
comprirent le premier arrondissement, moins le canton
de Saint-Paul et la presque totalité de celui de Latour,
dépendants du Languedoc, tout le second arrondissement
actuel, et les cantons de Yinça, de Prades et d'Olette,
formant le troisième. Le Comté ne conserva pas toujours
cette étendue ; et sans que l'on sache quand et comment,
il la perdit. On est certain que, dans les premières années
du X® siècle, lorsque les Comtés de la Marche d'Espagne
furent devenus héréditaires , les Comtes de Bésalu et de
Cerdagne , appartenant k des branches cadettes de la
Maison de Barcelone, possédèrent, le premier, toute la
partie montagneuse du deuxième arrondissement, avec
les cantons de Saint-Paul , Latour et Soumia, formant le
pays de Fenouillèdes; et, le second, le reste du troisième
arrondissement : tous ces territoires, à l'extinction de ces
deux branches , rentrèrent dans la Maison de Barcelone.
Celle du Roussillon ne posséda plus que le reste du dépar-
tement, avec le Comte d'Ampurias. Elle même se divisa
i:\'J. IllbTOIItl!; 1)L ROLSSILLOM.
4li' nouveau on doux branches a la lin du v* siècle : Anipu-
lias iiil le lot de Tainée; la cadetle eut le Roussillon.
dont le dernier Comte, Gérard II , mort sans postérité en
1172, fit héritier le Roi d'Aragon, Alphonse II. Celui-ci
parait avoir donné, en 1185, le Roussillon et la Cerdagne,
il titre d'apanage, a son frère Sancho. A ce dernier, sofr-
réda son fils Nuno Sancho, qui, étant mort sans enftnts
w
légitimes, en là il, laissa ses Etats au Roi d'Aragon, ht
Roussillon et la Cerdagne, unis aux Iles Baléares, foi^
nièrent le Royaume de Majorque, pour Jacques II, fik
de Jacques-le-Conquérant. Réunis de nouveau à T Aragon,
en ISii, les deux Comtés furent occupés par liouis XI,
4'n 1 iO!2, et rendus par la France à l'Espagne en 148S.
Par le traité des Pyrénées, en l(io9, le Comté de Roas-
sillon, avec quelques villages de celui de Cerdagne, bH
détinitivement cédé à la France. L'Assemblée ConslH
tuante ajouta à cette province vingt- huit commonei,
détachées du I^nguedoc, pour en former le départemeit
lies Pvrénées-Orieiitales.
Borné au nord par les départements de l'Aude et dr
TAriége ; au couchant par TAriége et la vallée dMn*
dorre; au sud par la Catalogne; a loriont |iar la Médi-
ternnée, le départemeni des PyréniH^s- Orientales m
compris entre le iâ'*20' et le 12".^)' de latitude noid,
et entre le iy^^uV est et le iV'û' ouest du méridien df
Paris. Les hautes montagnes où l'Aude, la Tet, la Sigrr
et \e Tech prennent leurs sources, dccupent sa partie
occidentale. On voit, dans sa partie centrale, le mool
tianigou. et les \allées parcourues |tar le Tech, la Tel
et TAgly. Il 4*st terminé, à Titrient. |»ar une plaine, à
travers laquelle ces trois ri\ières el quehpies torrents
Muit se jeter ilans la mer. lue hranche des Pvn*nto,
(le naUirr i;ranilii|iic. ii|<|ii li r TMlM-re. iloiii 1rs pics les
CHAPITRE DIX -HUITIÈME. 43)
plus élevés ne dépassent guère l.âOO à 1.500 mètres,
termine cette plaine au midi. Elle est bornée, au nord,
par les Corbières, chaine de collines calcaires, qui a son
origine dans les Pyrénées , et dont les sommets, dans la
partie qui touche au département, dépassent rarement
une hauteur de 500 mètres. Le terrain s'élevant, et même
avec assez de rapidité, a mesure qu'on avance de Test vers
l'ouest, on peut, en quelques heures de marche, éprouver
des températures très différentes. On n'a fait avec soin des
observations météorologiques qu'k Perpignan, situé au
centre de la plaine, et k Mont- Louis, au milieu des
montagnes. Sui\ies pendant douze ans dans la première
de ces villes, et six dans la SiBconde, elles ont donné
en résultat, suivant M. Cotter, qui les avait provoquées :
pour Perpignan, hauteur moyenne du baromètre â7 pouces
11,5 lignes, le plus grand degré de chaleur 26oR., le plus
grand degré de froid — 1?1 R., température moyenne +12^5
Réaumur; pour Mont-Louis, hauteur moyenne du baro-
mètre 25 pouces 2,4 lignes, le plus grand degré de chaleur
20o,5 R., le plus grand degré de froid — lO^ R., tempéra-
ture moyenne + 5», 2 R. Nous avons fait nous-méme des
observations de ce genre à Perpignan ; et si la hauteur
moyenne barométrique que nous avons pu déterminer,
s'accorde avec celle que nous fournit M. Cotter, il n'en
est pas de même pour le plus grand degré de chaleur, et
surtout de froid ; car nous avons vu, le 15 et le 51 janvier
1850, notre thermomètre descendre à — 5^ et — 5o,5 R. :
il était descendu, le 28 décembre précédent, à — 7®, 5 R.
Quelque imparfaits que soient ces renseignements, nous
sommes loin d'en posséder d'aussi exacts sur la quantité
moyenne de pluie tombée k Perpignan, année commune :
tout ce que nous pouvons dire, d'après nos propres obser-
vations, c'est qu'elle varie prodigieusement d'une année k
28
43 i HISTOIRE bU ROUSSILLON.
Tautre. Ainsi, vers la iin d'octobre et les premiers jours
de novembre 1814, on vit tomber des averses d'un poœe
d'eau par heure ; tandis que dans une année entière, ém 8
octobre 1816, k pareil jour de 1817, il n'en tomba que trois
pouces*. Nous obtiendrons des notions plus positives sur ces
divers points, si les observations entreprises par l'ettîmaUe
Directeur de TÉcole- Normale, à l'instigation de rilloitic
savant dont notre département s'honore , sont eontiniiées
encore pendant quelques années (App., n^ 22). La partie
montagneuse du pays jouit des avantages et sonflre des il-
convénients ordinaires a cette nature de terrain. Les allées
et la plaine où elles se terminent sont , à raison de lev
situation entre la mer et de hautes montagnes, sujettes ï
de grandes et brusques variations de température : eDes
éprouvent, tour-k-tour, des pluies ou des sécheresses de
trop longue durée, des brouillards ou des vents impétoess;
et lorsque ces diverses circonstances atmosphériqoes eoâ-
cident avec les é|K)ques de la végétation, elles nuisent h ses
progrès, et produisent des effets désastreux. Les montigMi
figurant d'une manière très-remarquable dans la géognylie
physique du dé|>artemcnt, nous avons jugé k propos de
placer ici une table où l'on trouvera les hauteurs de
qu'il renferme ou qui en sont voisines :
Haotear de qoelqaes lieai aa-dessns ila niveaa de la
HAirrauR HAirmm
N-.Ï3 Di3 LIEIX U'Jiprfs l'Annuaire d'inrèi d'aairti
de 1834.
Perpignan 19 met. 24,S5
Clocher de SainUJicques 7H nièlrei. | 80^
f Qnflquf ^tranfrf *\nf parai »!i^ r^tte i^^rrtion. H le ftl %raie ; et «on inflMBCt M
par exemple, la vigoe «loulTrit »i r<>rl que le pri\ de la charpe de vin »Vle«i dt IS à Ml
2 La diffrrrnoc de f« «leu\ ■"tf. \ii«n: •!*• -v •yiv r«in#* e«i irl.it i\r j |j plate forne.rnW
3U «ommft •)«'> tourelles
CirAPITRE DIS -HUITIÈME.
MAUTRtiR
it'ipnal'AHBUiK
dgl8U.
tcnict, lennaii
PoaldeCérat.. .
Itle
Phare de Purl- Vendrai, le (al. . . .
Biimd'ArlM
Arlet
SsiDl-Piul-de-Fenopillft
SoruiDït du cIrMhor de Prude*
Villefrancbc
Toor de Riillegards
MonUgne prèi d'&pin d« l'Aglf ,
Poru-Rêal
Tour de Taulanl
Bain* de V«nl»l ,
Tour de Madelolb ,
Saînt-Marsal.
Moalhrrer
SoiDinrl du clocher de Glofiuia.
Tour dr Ja Mauiiie
Sutnmul du Tauch
Pic de BugïMch
Puycfrda, clorher Sa in le- Mb rie.. .
Tour de Bsllirik-
Pic de Saiibi-Aliua , ormilage . , . ,
Pic de la Soque
Coupole de l'horloge de la eiUdcUa
de Monl-Louî»
Le Paslor du Caaigou
TrtUe.Vtnt.
Pic Méjaaél
Pir de Saau
Moni de MoMft
4230
1242
UT6
14H
2364
2570
tut
23<S
HISTOIRK DU ROUSStlXOH.
Midr»
Pic du'col di J*D
Pic du roc BUnc
Pie Tfdfrao
Pie du roi Mitji
PicCibren
Pic de Cimbrcilu
Pir orifnbl du col Rougt. . . .
Puj Prigu*
Pic du en) de Uoxt
Pic orridnlil du cdI R>iu(;t. .
Pu; Pf^rw
Pif de Font-Vi«»
Coin drl> Guirlit
Pn| du roi 4*1 Gtftal
PmTM.I
PaiCariiilc
Pi«de
VM
236S
se»
2«M
27W
2T85
2805
S8ID
2831
3870
2870
:.î
La sur&ce lolale du département est de II f .457 Kre»
tares, dont enTÎron 145.000 sont consacri's à b cuHnre
des céréales et des prairies, tant natarelles iin'ariifirielltf;
18.000 hectares, fertilisés par l'irrigatioa, |>r»(lii»iml,
tantiVt des grains, tantôt des roarrages oo des \
Environ 9.000 hectares sont |4.in<-'^ >l'olT^!''^^: b i
est cultivée sur 55.000 hectares; 47.900 aoM i
de bois d'essence et de qualités diverses, et, pw c
queni, d'uo produit irèK-difforent. Les lîffl.SS? t
CHAPITRE DIX-HUITIÈME. 437
restants, ne sont que rochers, sables, étangs, mauvaises
pâtures communales, chemins, lits de rivière ou de tor-
rent, ou autres terres de nature non imposable*.
Le département ne produit le grain nécessaire à sa
consommation , que lorsque la récolte est très-bonne; il
va, au contraire, un déficit d'autant plus considérable
lorsqu'elle est mauvaise, que les contrées voisines en
tirent une grande quantité de blé pour semence.
La vigne, cultivée en général sur des terrains impro-
pres à toute autre culture , est bien plus appréciable par
la qualité que par la quantité de ses produits. Si la fré-
quence des récoltes médiocres, et le bas prix auquel le
propriétaire est le plus souvent obligé de se défaire de
ses vins, rendent cette culture peu profitable pour lui, elle
est extrêmement utile par la masse des travaux qu'elle
procure à la classe ouvrière. On consomme dans le pays,
la majeure partie des vins qu'on y recueille; on évalue
l'exportation à environ 120.000 hectolitres, sans compter
ce qui est converti en eau-de-vie •.
Il n'y a pas de récolle aussi incertaine que celle des
olives; il est rare qu'elle soit généralement bonne: dans
ce cas, elle peut fournir 11.000 hectolitres d'huile, dont
on exporte à peu près le quart.
Environ 500.000 kilogrammes de laine de diverses qua-
lités, sortent toutes les années du département ; le reste
est ouvré et consommé dans le pays, où l'on fabrique k
I II convient de modifler ces chiffres, pour avoir l'état actuel de la culture dint le dépar-
tement : on y compte 43.000 hectares en céréales; 16.000 en caltnres diverses; 15.000 en
prairies natarelles ou artiOcielles ; 9.000 en olivettes; 37 .000 en jachères; en toni : 190.000
hectares, dont 18.000 à l'arrosage ; les vignes s'élèvent à 38.000 hectares; les bois à l'ÉUt
ou à des particuliers à 59.000 hecUrcs. Le surplus. 19*.*57 hecUres, en mauvaises pâtures,
étangs, sables, rochers, etc.
^ L'oïdium a fortement sévi dans le département depuis 1853; non^seulement les vignes,
mais le» arbres fruitiers en ont souffert. Le prix très élevé du vin a , pour quelques partnu-
liffs, • ompcusé le déflcit eu quantité. On a payé l'hectolitre de 80 à 90 francs.
438 HISTOIRE DU ROLSSILLOR.
peu près 1 .700 pièces de draps communs ou moletont,
et quelques centaines de bonnets.
Les forges du département fournissent 1 .480.000 kilo-
grammes de fer de bonne qualité, dont près des tnw-qurts
s'exportent. Cette fabrication nous serait très-aTantageose
si elle ne consommait une immense quantité de bois, qall
faudrait ménager. En effet, puisqu'il faut iOO kilogranmes
de charbon pour fabriquer 54 kilogrammes de fer, et iOO
kilogrammes de bois pour avoir 17 kilogr. de charbon,
on voit que, pour obtenir les 1.480.000 kilogrammes de
fer que donnent les forges du département, il faut brtfcr
23.607.612 kilogrammes de bois, masse de combnslible,
qui, jointe au bois nécessaire pour les constractions, k
chauffage , le brûlement de Teau-de-yie , forme on total
qui ne peut être fourni par les forêts du départomeiit
Aussi, tire-t-on, pour l'usage de ces forges, du ehirboo
de l'Espagne et des départements limitrq)hes. Celai de
l'Aude lui fournit des bois de construction et de chtofbge,
et, en revanche, il alimente quelques-unes de ses forges*
avec du minerai que lui envoie le troisième arrondissemeol.
Les haricots, les feverolles, la graine de luzerne, le gros et
le petit-millet, les fruits, le jardinage, le liège, soit en pbn-
che, soit ouvré en bouchons, le miel, le merrain, la sardine,
les cuirs et les peaux , sont des articles, qui, pris cbacon
en particulier, ont peu d*importance ; mais qui , réunis,
forment une exportation assez considérable. I^ soie, d'one
belle qualité, ne donne encore qu*un produit insignifiant:
mais , si le zèle avec lequel on s'est livré, depuis quelques
années, à la culture du mûrier ne se ralentit pas; si Too
s*applique à adopter les meilleurs procédés |K>ur la con*
duite dos magnaneries; si Ton a soin d'introduire dans
le pays les machines les plus avantageiisi^s pour la filature,
vviW inalièro poiina devenir un oWjvl très-iiuéressant.
CilAPlTilC DIX HUITIÈME. 439
autant pour le produit en argent, que par le travail qu'elle
procurera k la classe laborieuse ^
Avant sa réunion à la France, le Roussillon fabriquait
beaucoup de sel à Canet. L'abandon de ces salines l'avait
rendu tributaire du Languedoc pour une quantité de 5.500
hectolitres, non compris celui de Cardone, que la contre-
bande introduiiait par les montagnes limitrophes de la
Catalogue. La saline établie depuis quelques années à
Saint-Laurent, pourrait fournir au-delà de la consomma-
tion du pays.
Les sommes considérables qui entrent annuellement
dans le département, par l'exportation de ses divers
produits agricoles, sont compensées en très-grande partie
par celles qu'il emploie à se fournir des objets qu'il ne
produit pas. Il reçoit les toiles et les draps fins, les étoflfes
de soie et de coton, presque tous les papiers, la ver-
rerie, la faïence, la porcelaine, la poterie, divers articles
de droguerie et de mercerie; en général, tous les objets
de luxe et de modes. Il reçoit encore des bois, du char--
bon, du plâtre, des bœufs pour la boucherie et le labour,
des chevaux, des mules, des cochons, de la morue, des
harengs, du savon, etc.
Les exportations ou les importations ont lieu par mer
ou par terre. Dans le premier cas, les chargements et
déchargements se font sur la plage de Saint-Laurent, ou
dans les ports de Collioure et de Port-Vendres. Les
transports par la voie de terre , s'opèrent au moyen des
routes que nous allons décrire (Append,, n^ 23).
La plus importante est celle de Paris en Espagne : elle
traverse le département, du nord au sud, passant par
I nii doil rhorther siirloul à renrlrc lïHluration dt» wrs k une en qoflqar sorte populaire.
Il n'\ .1 pns do i.*»!!! uropriét^ire qui ne pnisse aisément faire éflore une ou deyx onces de
».r «Ml»- . ri , m gr-fh^r.»! . on t.!u>Mt n\\m\ ipjr dans lc< i(r««n«iç> c\ploil;ilioii>.
\\0 IIISTOIHE nt RorssiLLox.
Salses, Perpignan, le ikilo, le Pertliiis. Ile la rrontièrp
du Languedoc a Perpignan, elle a 10.974 toises, sur û
au moins de large ; de Perpignan aux limites de rEaptgne,
elle a 15.518 toises sur cinq de lai^e. Son état serait
satisfaisant , si l'on trouvait des ponts sur le Tech , le
Réart et la Cantarane*.
Une autre route traverse le département, de l'est ï
Touest, allant de Perpignan a Mont-I^uis et à Payceitb,
par le Soler, Saint-Féliu, Ule, Vinça, Prades, (Nette,
Bourg-Madame ; elle a vingt-quatre pieds de large josqu^a
Villefranche, sur 2i.3âi toises de long; de Ik k Pujcerda,
elle devait avoir dix-huit pieds de largeur, sur 52.240 toises
de long. Elle n'était achevée que jusqu'à Serdînya : on se
prépare à la terminer*. I^ première partie de cette roule
exigerait au moins deux ponts, l'un sur le Rolès, Taotra
sur le Lentilla.
La route de Perpignan à Toulouse, par Peyrestortcs,
Estagel, Maury, Saint-Paul, Caudiès et le col de Saint-
Louis, a, jusqu'à ce point, 27.252 toises de long, dont
12.552 seulement sont terminées : on travaille à la per-
fectionner.
1^1 route dv Perpignan ii Port-Vendres, a vingt-quatre
pieds de lap^'eur, sur une longueur d'environ 14.000 toises.
Un a construit dernièrement un pont en fil-de-fer sor le
t hu \i\* uni,' à lj lin du wii* ifttr ruutir \'d>t^a par lliie<ill«». coBMMMayi
f>>u» U'iUiiK rlau«f relative i|u'j pr^c^'iit. »u u-llrt ilf U SjLiii«|iif . nolMHBfOt
•-U i-ul iif,iiii.iiiip jujni» I 4 iiHUvellf ruutf fui lirrv fii li^rur ilruilr. «ieSal»«t aa kUMM éa
Ncruvl ou bia l.i Ijm.' Jr \>'riUialtiiu J» i>|^'rJli«<ns de M^liïiB ri DdMlblt. A Ht tell
•xirviiiiti'r. |Mr un {•.U>ii ^■•I.•1«■ ••ii iiiaçtinurrie. i>ù i pluMi ur^ toi% pru\uqaé k réUMîiMBKM
Je rauurii iTàMi r\ (T.'jrl/ IV\h.iu««fiiidil d'uue pailK lUouJrv \0f* de* met. bclIlUBt It
• wur» dtf» r^u\ \>tt ubf M-rie di* |ij»»Jt.r» \iiiiit(« . uji« l'AiiiirBiic dirtctioa allOf tnit U
•li»ljii<r i!t. \M} iii'iri « . »■: Id .Mit'im>r>.jn . (>eiidJii'. un .-u drui jour« e»l nu bwtt MfliBéi^
uial gui- 1.1 i^jHit.i-n de )'«(>j«t: lit^rv. d'où riSullerjil dailUiir*. vu èsi f WMf c^ tic*-
• ■iiiKiiiii\ 'U- lé Ki.r^M. j'i ih !*vurh^ dr> |iii|i<r4iii
CHAPITRE DIX-nUITIÈME. 4it
Tech, et un autre en maçonnerie sur la rivière d'Argelès :
ie Réart en exigerait un pareil. Du Boulou (le Bolo) k Arles,
sur une longueur de 10.175 toises, la route a aussi vingt-
quatre pieds de largeur. On se propose de la continuer
d'Arles k Prats-de-Mollô, sur une longueur de 10.236 toi-
ses; mais en réduisant la largeur à douze pieds.
On a entrepris ou projeté plusieurs autres routes : celle
de Baixas à la mer, par Rivesaltes et Saint-I^urent, est la
seule qu*on puisse considérer comme terminée ; mais c'est
aussi la seule dont Futilité réelle puisse dédommager de la
dépense.
Assises sur un sol généralement ferme, et peu distantes
des matériaux nécessaires à leur construction, nos routes,
favorisées par la sécheresse habituelle du climat, seraient
d'un entretien moins dispendieux que dans la plupart des
pays, si les rivières ou torrents qui les traversent n'en
dégradaient fortement certaines parties. Ces rivières à
sec , ou ne traînant qu'un fllet d'eau pendant les chaleurs
de l'été, prennent, quelquefois en automne, l'aspect d'un
fleuve imposant (Append., u^ 24); et malheureusement,
elles portent dans la plaine le ravage et la désolation,
lorsque d'abondantes neiges, tombées sur les plus hautes
montagnes, viennent k fondre subitement sous les torrents
de pluie que déversent les nuages amoncelés contre les
flancs du Canigou , par les vents chauds du sud et du sud-
ouest. Nous donnerons une courte notice sur ces cours
d'eau, dont le volume éprouve tant de variations.
L'Agly fut connue dans le moyen-âge, sous le nom de
(lumen aqnilinum. Pline est le seul des auteurs anciens
qui paraisse en avoir fait mention. Sa source est dans le
déparlement de l'Aude, au pied du pic deBugarach; ses
l^rincipaux aflluenls sont: la Boulsane , la Désia, le Ver-
double, qui prennent leur source, comme elle, dans le
if 2 lllSTOIRt: DU ROtSSILLON.
(léparteiiient de TAude. KUe entre dans celui des Pyréuées-
( orientales, auprès de Tenuitage de St-Auloine-de-Gadamus*
et va se jeter dans la mer entre Saint-Laurent et TorreOks,
a|)rès un parcours de U2 kilomètres, durant lequel 76.001)
hectares de terrain , presque tout calcaire , y déTeneni
leurs eaux : elle fournit, directement ou par ses afDueDtft, à
rirrigation de l.riUO hectares. Cette rivière, doot les craes
rendaient très marécageux le territoire de deux commanes,
est maintenue , dans la partie intérieure de son covs,
par deux fortes digues, appelée^ moitas, construites, en
liV)î), sous le roi Pierre IV.
La Tet, ancienne Rusa' no des Grecs, la Thdis ou Telis
de Mêla, a un cours de 110 kilomètres. EUe reçoit les esiu
qui s'écoulent d'une surface d'environ 155.000 bectam,
et fournit, soit par elle, soit |)ar ses aflluents (le Boiès, k
Lentilla* la Castellane >, à Tirrigation de lâ.OOO lieclares.
(iette rivière, dont la source est au pied du Puy ou Pbq
IVigué, et ronihouchure entre Sainte -Marie et CaneL
<u*rupe d(4)c le premier rang parmi les cours d'eM du
tlépartement.
Le Tech, \'llll/nri^ des (Irecs, le Tiihis de Mêla, le
TtUKs du nio\en-;ige« prend sa source dans la partie «wl-
ouest du département, au pied de la montagne de CosU-
houa, et se jette dans la mer un peu au-dessous d'Ebie,
apK's a\oir, dans son eonrs de IM kilomètres, reçu les
eaux dVn\irou 8:2. (MN) hectares, et fourni, |ar luÎHiiènr
(Ml SCS allluents, à l'irrigation d'en>inm â.^X) heclales.
(^utre ces ri\ières, plusieurs torrents se jettent direc-
tement à la nuT: mais le seul qui mérite qu'oo en faMr
nii'ution e.^t le lléart, ihuacn liinuJum ou AitfrdiMi da
mi»\en-;i^e. Il «niili* entre la Tet et le Tech; il reçoit.
|Mr lui-iiii uif fil Miu ail1:uiit l.i t.anianina, les eauK de
|s iMii) lèi'ii'i'N. .iiiiN N.i|) i.iiiiN li,- r*ii kili»mètres, qai
CHAPITRE DIX-HUITIÈME. 413
se terniiue à Tétang de Saint-Nazaire : il alimente quel-
ques faibles irrigations. La presque totalité du canton
d'Argelès, et une partie de celui de Rivesaltes, rendent
à la mer, par des ravines, les eaux des pluies que leurs
terres n'absorbent pas.
L'Aude et la Sègre prennent aussi leur source aux limi-
tes du département ; et, après avoir reçu les eaux d'environ
70.000 hectares, dans les cantons de Mont-Louis et de
Saillagouse, elles se jettent : la première, dans le dépar-
tement qui en tire son nom ; la seconde, en Espagne. C'est
donc du massif imposant des pics ou puigs de Prigué et
Carlitte, et du coi Rouge, élevé de 5.000 mètres au-dessus
de la mer, que jaillissent, à peu de distance de Mont-Louis^
quatre cours d'eau torrentiels, qui prennent immédiate-
ment les directions du nord, du midi et de l'orient : on ne
trouverait guère d'exemples d'une saillie aussi remarquable
de sources abondantes dans un espace si peu étendu.
Toutes ces rivières, enflées en automne, comme nous
l'avons dit, par la fonte des premières neiges, et par les
pluies qu'amènent les vents du sud, deviennent des fleu-
ves impétueux, qui , dans les montagnes a pente rapide ,
roulent, entraînent des blocs énormes de rocher, et dans
la plaine dévastent les cantons, où, peu auparavant, elles
coulaient à peine, épuisées par les irrigations. La mer,
soulevée par les mêmes vents, en repousse les eaux à
leur embouchure : il en résulte l'envahissement des par-
ties basses, qu'elles transforment en vastes étangs.
Des défrichements inconsidérés, sont-ils, comme on le
prétend, la principale cause de ces funestes débordements?
Sans doute, le déboisement de nos montagnes, dont on se
plaint depuis trois siècles, est un mal réel; car les eaux
entraînent plus facilement, de la surface des hauteui*s^
dépouilléos do toute végétation, les graviers et les pierres,
44i HISTOIRE DU ROUSSILLON.
qui , exhaussant le Ht de nos torrents, contribuent k lean
débordements : mais, cette cause, comparée k toutes celles
qui concourent a produire le même effet, et dont nous
venons de citer la plus importante, k notre avis, paraîtra
Men faible a ceux qui les examineront toutes sans pré-
vention. Si, d'ailleurs, elle avait la gravité qu'on lui sup-
pose, les débordements devraient être aujourd'hui plus
fréquents et plus funestes qu'autrefois; cependant, nos
annales des \iiic, xiv<^ et \\^ siècles prouvent qulb
causaient alors autant de désastres qu'k présent. Il y a
dix-huit cents ans, nos Pyrénées étaient très boisées, et
Pomponius Mêla disait de nos rivières, ce qu'on en dirait
de nos jours, parva flumina ubi acrevêre, persœva^. Pour
préserver de leurs ravages des terres précieuses, on a es
recours à toute espèce de moyens, tels que digues, camux,
redressement, creusement du lit, etc. Ces expédients, le
plus souvent insiguitiants, sont toujours trop coûteux.
I /expérience a prouvé depuis long-temps aux proprié-
taires éclairés, que rien n*était plus efficace que de lar^
ges plantations de bois taillis le long des deux rives:
elles les exhaussent en arrêtant les graviers, les sables,
le limon , charriés par les eaux débordées. En opposant,
ainsi, ii l'action sans cesse destructive de ces torrents.
la force toujours agissante de la végétation, on les
oblige il éle\er eux-mêmes des barrières contre leur
propre fureur.
Los maux que ces rivières occasionnent, sont compensés
l»ar les a\anta>:es quelles procurent. Leurs eaux donnent
le mouvenieni ii presque tcnites les usines du département,
qui consistent en trois cent dix-neuf moulins k farine,
rinquaiile-deuv nKMilins à huile • dont deux presses h}*
CIUPITRK lUX-liriTlEME.
4i5
drauliques), sept scieries, trois papeteries, deux méca-
niques pour la filature des iaiues, trente-un moulins a
foulon, dix-huit forges, dix-sept martinets, un laminoir.
De plus, elles fournissent k l'irrigation de nos terres, les
eaux qui leur sont distribuées par environ cinquante ca-
naux plus ou moins considérables, dérivés de ces rivières
ou de leurs affluents. (Append., n® 25).
Les détails que Ton trouvera dans le tableau suivant
sur quelques-uns de nos principaux canaux d'irrigation,
donneront une idée de leur utilité. La première colonne,
porte le nom du canal; la seconde, celui de la rivière
dont il est dérivé ; la troisième, la longueur de son cours
en mètres, de son origine à sa fin ; la quatrième, le nom-
bre d'hectares qu'il arrose; la cinquième, la quantité d'eau
allouée par la concession; la sixième, l'année de sa pre-
mière construction. Ces documents proviennent des archi-
ves des communes et du Domaine.
Tableaa des principaax Canaux d'irrigation do département en l8Sf .
NOMS
RIVIÈRES
LONGUEUR
NOMBRE
QUOTITÉ
=-î^
! mi
des
dont
dî
D'HECTARES
D'EAU
-«-1
1 ^»-i
CANAUX.
ILS DÉRIVENT.
COURS.
arrosés.
concédée.
Du Vernct
et Baho .
LaTet
mètres.
25.400
hectares.
^086
Indéterminée.
4040
Mailloles. .
Idem... .
Territoire.
Peu étendu.
Idem.
4 423
Pia
Idem... .
Idem . .
Idem.
Deux meules.
4162
nie
Idem... .
14000
732
Indéterminée.
4163
{Mil las ....
1
Idem... .
6 550
749
Sii roenlet ^
4483
Elne ... .Le Tech. . .
À reporler..
1
7.300
52.950
4.420
Indéterifiinée.
4484
3.657
il 1 ÏV tpiiip'
t iminéinorial ,
Millas M jnni
l que de trois n
iealr$.
\Ui
HISTOIRE DU ROL'SSILLON.
NOMS
des
i:an.\ix.
RIVIÈRES
ILS liKfllVKNT.
l
LONGUEUR
! du
coins.
mètres.
NOMBRE
U'IIECTAREA
arrosas.
h«ftarefi.
QuorrrÉ
D'SAU
concédée.
rincitrct . ,
Pradcs. . . ,
Rivesaltes.
Péxilla . . .
Perpignan
Tliuir. . .
Corbère. .
Report . . . .
,Le l^entilla.
I
ï-a Tet. . . .
I
XWgly
.l-.a Tet. . . .
Idem . . .
Idem . .
Idem . . .
:;2.î)50 : 3.037
I
9.000
10 000
ii.:m
7.000
7)0.800
r>.ioo
40.600
700
tôt
2.800
1.778
889
iliidétennincc.
Idem 1 .
Idem.
Idem,
i Sis meulei.
Idem.
Idem.
1282
1283
1510
4427'
M27>
14304
ii:>5 580 , II.G40^
i I'riiniiivt>nicDt truU meules. Par une charte de Jacques 1", en I3(KS. la qaoïilf
dVau fst iiid«HcriniiH^> ftautam quantam voluerit); lonlefuis saivant let
danii le terruir de Praiies.
'^ D'ajiri'.'i une chiTlft do 1111 ce canal existait avant le xii* siècle.
3 La .sV7U(a rral de Tnhyr, qui datait certainement do xi* siide, fnl détraîli
roininfnr¥nir>nt du xv*; on loi suli«titria, aviic les mAmes droits et dimensîoiii. Ici
canaux de ïVr|»ii;nan, Tliuir et Corbère. La quantité de six meules, spécifiée dlM 11
roDrc>^i<^| putir Thuir, est iloiir CiHiimuiic aux deux autres; et, de pins, on a ledrait
de nVrliincr. pour le prtMuier. les deux uicules destimVïS à la Tille et à la citaMk.
4 U^:talili daua le lit d(>lais»é, et rentnî au domaine de l'ancienne Sequia, ctcmi
a la primauté sur les autres.
'* Ces diilTres unt t'iirouvt' des ar(Toisi>cments impurtants depuis I8ji2. ctoi pMl
porter an double le dtSelopiiemnit du cours dejt cauaux. Les forages exécatét daMb
plaine du lîouMilloii. ont vucurc accru les arrusaj^fs.
3B
Ces «.M'nntls lrnvaii\, opérés pour reiiunlicr 2i la sécbe-
iTssi^ de notre climat , sont loin de satisfaire aux besoins
et aux v(eu\ des propriétaires, dont les terres ne joaisoeiri
pas de rirri^ation. On ne peut, cependant, demandera
n(»s rivières de nouvelles ean\ ; car elles sont presqw
épuisées par les canaux existants. Il est indispensable df
loriner dans lt*s inonta<;ncs i\o \asles réservoirs |HHir lei
CHAPITRE DIX-nUITlKME. 447
lemps de pénurie (Append., n^ 26). L'on a cherché,
(lun autre côté, à faire jaillir à la surface, les eaux captives
dans les entrailles de la terre. La Société d'Agriculture
comprit cette nécessité; et, pour favoriser les recherches,
elle fit, en 1828, l'acquisition d'une sonde, et offrit
non-seulement de la prêter gratuitement, mais d'accorder
une prime de 600 francs k celui qui réussirait le premier
à doter le pays d'une fontaine jaillissante (App., n^ 27).
Cet appel fut entendu; et, dès le mois de mars 1829, un
puits artésien avait été creusé, précurseur des nombreuses
opérations de ce genre, exécutées depuis avec succès.
Au i^r janvier 1857, on comptait vingt-quatre forages
sur divers points. Quinze avaient réussi : ils fournissaient
12.292 mètres cubes d'eau en vingt-quatre heures. Tous
les puits entrepris avaient donné lieu à 1 .649 mètres de
forage. Il est à désirer qu'un pareil succès excite les pro-
priétaires à rechercher des sources souterraines, qui, pour
rirrigation , si importante dans ce climat, peuvent seules
suppléer a l'insuffisance des eaux coulant à la surface
du sol.
EAUX MINÉRALES.
Sous ce rapport, la nature a été fort libérale pour le
département des Pyrénées-Orientales, comme l'on pourra
s'en convaincre par le résumé suivant, extrait du grand
travail que le docteur Joseph Anglada a publié en 1835.
EALX SULFUREUSES HYDROSULFATÉES ALCALINES.
(Apptndice , w^ 28 )
YaUèe de la haute Sègre. On trouve à las Escaldas deux
établissements thermaux, fréquentés surtout par les habi-
tants des deux Cerdagnes. La température de la grande
source est de 15'^,5; celle des deux autres, n'est que de
iV8 IIISTOIKK I>1' ROL'SSILL(i?(.
3.V,lâo. A Dorrcs, une source est a lO^^OSa. Des trois
sources de Lhi^ les deux premières élèvent le mercure à
20o,l 15, et la troisième k 27«>,50. I^ source de Quès fût
monter le mercure à 16o,2?>
Vallée de la Tel, Il y a, à Vemet, deux établissements
thermaux et cinq sources, dont les températures sont:
520, 75 — 52*», 50 — 55", 625 — 57o, 30 et 27o. Un «le
agréable , et les améliorations faites , depuis quelques
années, par les nouveaux propriétaires, attirent en ce
lieu, non-seulement les malades, mais encore les per-
sonnes qui , ne cherchant dans leurs excursions aux eini
qu'une diversion k leur genre de vie habituel , veulent y
jouir des mêmes agréments que chez elles. Molitg oflre
six sources, dont la température varie entre 27^,S0et
57", 75. Le nombre déjà considérable de visiteurs qu'at-
tire le meneilleux eiïet de ses eaux dans les maladies de
la peau , augmentera encore k mesure qu'on en rendra le
séjour plus agréable. Il y a, auprès de Vinça, une source,
dont la température est de 25^50. A Thuès, on trouve
quatre sources, dont la température est de 45"' k 7tt<*, ISi.
Les trois sources de Saint-Thomas, sont k 58^^, 125 — 45"
et r>l",25. La source de Canaveilles, marque al**, 375.
Celle de Nyer, 2>,12r>. Les eaux de ces quatre communes
ne sont fréquentées (]ue par les habitants des environs.
Vallée du Tech. Les bains d'Amélie, près d'Arlea, dont
Texistence remonte incontestablement jusqu a la domina-
tion romaine, offrent deux établissements et quatorze sour-
ces, dont la température varie enlre51«',875ettî2*\875.
Très ellica<'es [Miur la gu<'Tison des douleurs rhumatis-
males et des |>laies d'anih's à teu, on les verra bientôt
plus fréquentés, parce qu'ils sont en grande voie d'amé-
lioration. A La Preste, presque au scminiet do la vallée,
on trouve un élalilissemrnt et (pialre souires, dont Ij
CHAPITRE DIX-HUITIÈME. 449
lempéraluie varie de 51^25 a i¥. Ces eaux, 1res utiles
dans les maladies des voies urinaires, ne sont malheu-
reusement abordables que pour les personnes qui peuvent
soutenir le transport de six heures à dos de mulet.
\ota. Les sources n">* 1 et 2 des Escaldes, une de Vemet
et de Molity, celle de Vinça, les n^s 1 et 2 de Thuès, sept
<rArles et une de La Preste, ont été analysées parM. Anglada.
Toutes contiennent, quoique en proportions très diverses,
delà glairine, de Thydrosulfate de soude cristallisé, des
carbonates de soude, de potasse, de chaux, de magnésie,
de la silice, du chlorure de sodium, des sulfates de chaux
et de soude. Cependant, le iv^ 2 des Escaldes ne contient
pas du sulfate de chaux ni du carbonate de potasse ou
de magnésie. Vinça et le n« 1 du Vemet n'offrent point de
carbonate de potasse; le n*> 1 de Thuès n'a ni carbonate
ni sulfate de chaux.
Eaux thermales simples, dans la vallée de la Tel, à
Thuès et à En : leur température est de oo^, pour la
première; de oO'\ pour la seconde; dans la vallée du
Tech, a Ucynès, température 28^75.
lùnw acidulés alcalino' ferrugineuses. On eu trouve
dans le second arrondissement, au Bolo, à Saint-Marlin-
de-Fenouilla, à Sorède, a La Roca.
Eaux acidulés ferrui/inciises carbonalêes, à Collioure,
à Err, a Mont-Louis, à Vinça, a Millas, à Montner, à
Corneilla-de-la-Uivière, a Couchoux.
Eaux carbonalêes ferrugineuses, a Gloriaues, à Estoher,
à Nohèdes, à Perpignan.
Eaux acidulés ferrugineuses, à Valmanya.
Eaux salines sulfatées ioreuses, à Tautavel, à Saint-
Paul-de-Fenouillèdes, à NeWîach.
Eaux salines hi/drochloratêes alcalino-terreuses , à la
ronl-Eslrainé, el à la Tont-Dame, près de Salses.
29
lôU jn.sT<»II>.K DL ItOl'SSILLilN.
ÉTAMiS.
{ Appendice , n" 20 . )
Les deux fontaines situées près de Salses, dont nous
venons de parler, déversent en vingt-quatre heures, dans
I étang de ce nom : la première 2î)7. 109 mètres; la seconde
I80.(>I9 mètres cubes d'eau, contenant à peu près les
mêmes éléments (pie celle de la mer. Cet étang, dont
une partie appartient au département de l'Aude, a nue
surface de ?>.oOO hectares. Le niveau des eaux, en temps
ordinaire, est supérieur de trente centimètres h celui de
la mer. Il en est séparé par une langue de terre sablon-
neuse, d'une largeur variahle, et y communique par deux
ouvertures, appelées les graus de Salses et de I^ucate.
Lorsque la mer, soulevée par les vents d'est et do sud-
est, acquiert un niveau hien supérieur à celui de !*étang«
elle y |K'nètre, à son tour, par ces mêmes ouvertures.
Kn suivant la côte, on trouve, à deux lieues au sud,
celui de Saint -Nazaire, C(m)muniquant à la mer par un
grau souvent encombré* de sables. Sa surface est de 0-il
hectares ; il reçoit le lié'art et deux fossés de dessèche-
ment; il n'a pas une grande profondeur, ce qui fait que,
lorsque les étés sont très chauds, il se dessèche et se
couvre alors d'une couche de sel. Le même eflet a lieu
sur IVtang de Villeneuve, qui n'a que IT(> hectares de
superficie. Situé dans les terres , à une lieue sud-ouest
«le celui de Saint-Nazaire . il n'a pas d'écoulement , et
n'est alimente cpir par les eaux pluviales tombant sur
une pelili» eteihlui* de terrain : il si'rail facile d'en opi^per
le tit'ssèriienient '.
Les nonibreux eiMn;:^ «les nutulii^^nes i>nl peu «l'étendue.
CHAPITRE DIX-HUITIÈMB. 451
et sont plutôt les bassins des sources des quatre principales
rivières qui découlent du point culminant du Roussillon.
Ainsi, les étangs de Puig-Prigué, pour la Tet; ceux de
Balcère et Camporells, pour TAude; celui de La Noux,
pour TAriége; ceux de Carlite, pour la Sègre.
Nous mentionnerons, en outre, les étangs de Carensa,
dont les eaux se déversent dans la Tet, auprès de Thuès.
On trouve, encore, au sommet de la montagne, au nord
d'Olette, et très voisins l'un de l'autre, les étangs : Nègre,
Bleu et Estellat.
FOnTEnESSES.
Salses ' . — Le fort de Salses est situé à quatre lieues de
Perpignan, au débouché de la route de Narbonne, entre
Tétang et des montagnes escarpées. On en posa les fon-
dements en 1497, sur les ruines de l'ancienne ville et
du cbàteau , dévastés et détruits par les Français. Sans
glacis, sans chemin couvert, il n'offre d'intérêt que comme
monument de la fortification du xv^ siècle. C'est un carré
long, dont le petit côté n'a pas 100 mètres, et le grand
à peu près Ho. Les quatre angles sont pourvus de tours
rondes. Un donjon , qui sert ordinairement de magasin h
poudre, s'élève au-dessus des parapets du fort. On voit,
au-dehors, trois ouvrages détachés, sur l'entrée et sur
les deux courtines. Dans les fossés, d'une grande profon-
fondeur, on peut jeter plusieurs mètres de hauteur d'eau,
que fournissent deux fontaines abondantes, dont la source
est dans Tinlérieur du fort. Les maçonneries ont dix-huit
mètres d'épaisseur dans le haut et vingt-deux dans le bas,
y compris les talus ; mais il existe, partout, des galeries
I I-cs arflii\«> «lu funic purlcnl Snlccs; nous avons préft^rf suivre , comme plusiour?
ijN'tir- . unr crtliopnptH' r.ipjH'Iant r(»riiîim' romaine.
Syi fiisToiiu: di iiolssilukn.
dans (T massif. Ce petit fort, maintonaiit sans imporlancf ,
a, par sa position, joué un rùlo dans toutes Ioa {^i^nips
entre les deux Ktals. Assiéj^é en 117)8, HflC, ITiOS,
10r>9, KHO, tOi!2, il a résisté par répaissouret la dureti*
de ses nia(;onneri(»s. Kn 1705, le corps de troupes cani|r
sous sa protection, contrihna puissamment au ^în de b
bataille de Pevrestortes.
Perpitjmin, — Cette place est le c<pur des déteiises do
Roussillon, et le boulevard de cette partie de la frontière.
Ses fortitications, très irré^uliéres, construites à des i^po-
ques éloignées Tune d(^ l'autre, se composent de onze
fronts, à la ville, et de six, à la citadelle, i^ ville liil
ceinte de murs, vers la lin du xir siècle, et on suit encore
partout, même au travers de la citadelle, les contours de
cette première enveloppe. Le donjon, bâtiment carié.
entouré de fossés prolVmds. fut aussi , sans doute, cons-
truit alors : il servit de demeure aux Rois de Majorque.
La seconde enceinte de la citadelle, se compose de deux
parties fort distinctes : un |)elit ouvrage, à corne, k redans
et cinq fronts bastionnés. (|ui remplacèrent Tenceinte,
détruite mal a propos, et que M. de Vauban donna ordre
de relever, en améliorant beaucoup son tracé, à son secomi
voyage, en MuS), Quant à la première, ii lianes |)erpendiCD-
laires a la courtine, mais d'un beau relief, rinscription df
la porte d'entrée nous apprend iju'elle fut terminée en loTS.
Cinq <les bastions de la ville furent construits de loM si
1îiOt>. s(uis Cliarles-t^hiint et lliilippe IL Tout le reste est
Touvrap' de Vauban. (hi trouve sept demi-lunes terrassées
sur les courtines tb's fnmts exttTieurs. et quatre sur cent
de la citadellt'. du cutc de la ville. Au-delà de la Basse,
Vauban trava. a\er im art, dont il si* Iclicitait, un ouvragr
il cornr, nniiii d'unr tmaillr r\ d'une petite demi-lune.
CIIAFITKE DIX-HUITIÈME. 453
Depuis lors, eu 1792, on a défendu l'accès des deux fronts
(lu sud par des redoutes caseniatées. On a fortement amé-
lioré la place dans ces derniers temps, par le défdement
el le terrassement de ses ouvrages, ainsi que par le règle-»
ment des glacis, du côté de la ville et de la campagne.
On a considérablement accru le nombre des abris case-
mates. Les fronts de Test : Saint-François, Saint-Martin,
la Justice, ont été en partie reconstruits. L'approfondis-
sement des fossés, et la création d'un pont écluse, les
rend susceptibles d'être inondés *. La suppression des
couvents a fourni du logement pour les troupes, et pro-
curé, surtout, à l'administration militaire, des magasins,
dont elle était dépourvue. En général, les escarpes de
renceinle, très élevées, et presque toutes bâties en bri-
(jucs, laissent quelques parties à découvert; les angles
seuls et les cordons sont en pierre de taille.
Nous ne terminerons pas cette notice, sans mentionner
le Castillcl, tour voûtée, à trois étages, attenant à la porte
de France. On ne saurait assigner l'époque de sa cons-
truclion, aussi étrange que pittoresque. On doit la faire
remonter à la lin du \\\^ siècle.
Colliuiirc. Située a six lieues de Perpignan, cette place,
bâtie sur le bord de la mer, au pied des Pyrénées, en pro-
tège rcxlrénie gaucbe. Elle a pour objet la défense des
passages accessibles dans cette partie; et, pour l'oflen-
sive , on y réunirait les moyens ^e porter la guerre en
Calalogne : mais, combien toutes ces conditions seraient
mieux remplies par le Port-Vendres ! Connue des Romains
sous le nom de Cavco-Illiheris; ruinée successivement par
I La cuii.viiiK (iiin })r«.>rhaiiu> li'iin pool éc\\ïsé en aval , contribuera à soutenir rinondation ■
Kllf ••'in|il.i(Ma I" rrriiiciiin ilp lit <)r |.i Ma>;«o, cl ojM^rcrn U jonction de ranciennc ville
I'l\ T,l|ltl«Tli>
45 i HISTOIRE DU liOLSSlLLON.
les Goths ei les Maures, le comte Guifred la rétablît en 881 .
Quoique son port ne pût recevoir que des navires à fiûUe
tirant d'eau, qui même, dans les mauvais temps, n'y troo-
vaient pas un abri sûr, il suffisait à la marine du moyea*
âge. On accrut considérablement ses fortifications de 1670
a 1682. Le château, peu étendu, n'ayant pas au-delà de
1 1 7 mètres, dans sa plus forte dimension, existait eu 1285:
il défend la place du côté de la mer. En 1674, on cons-
truisit, au nord, le front du Miradou, qu'on relia, pair on
mur d'enceinte, au château , renforcé , du côté de tem,
d'une belle demi-lune. Le fort carré, indispensable pour
occuper la hauteur de la Justice et la tour des Moulins,
pour éclairer le profond ravin du Itavanel, datent de 17S5.
L'espace entre ces deux ouvrages forme le camp retrancbé,
borné par deux branches de parapet terrassé.
A 800 mètres du château, et sur un pic dominant» les
ilois d'Aragon élevèrent une tour défensive. L'impoitanee
de la position, appréciée par Charles-Quint, le décîdtk
l'entourer d'un fort étoile, aussi étendu que le pernûl
letroite surface du terrain environnant. Les hautes escarpes
<lu fort Saint-Cime , étant dominées elles-mêmes par une
hauteur voisine, on a dû récemment y établir un ouvrage
avancé.
Port'Vctulrc^, anciennement Portua-lhierU, il
demi-lieue au sud de Collioure, frappa l'œil pénétrant du
maréchal <ie Vauban , h son deuxième voyage en Rons-
sillon. <cll ne put (dit-il) contenir son indignation de ce
tpf aucun serviteur <lu Itoi n*avait encore signalé celle
situation.» Dans son enthousiasme, il voulait qu'on rasât
(iOllioure, |>lace sans port, sans eau douce, |M)ur trans-
porter sa |M)|»ulation à lN)rt-Ven(lres, oii, indépendamment
(ravanta$,'('s maritimes inappréciables, «m pouvait créer, à
CHAPITRE DIX-ULITIÈMC. 455
l>eu (le frais, une des plus importantes places de FEurope.
Bientôt, à sa voix, les redoutes du Fanal, de Béar et de la
Presqu'île, protégèrent le mouillage. Il donna l'esquisse
d'un projet, que la funeste guerre de la succession au
trône d'Espagne ne permit pas d'exécuter. Négligé dès
1709; presque abandonné jusqu'en 1772, malgré son
utilité, justiliée par les services qu'il rendit dans les guerres
de 1711, 1720, 1755, 1757, on n'y reprit les travaux
que sur les pressantes sollicitations de M. le maréchal
de Mail!) , zélé promoteur de tout ce qui pouvait contri-
buer au bien de la province, dont il était commandant
militaire. En 1751, on n'y voyait que quarante-cinq habi-
tants. Le port creusé pour les galères, en 1700, de seize
à trente-deux pieds, s'encombrait des débris des torrents:
il n'avait pas 100.000 mètres carrés de surface. Agrandi,
approfondi depuis, il pouvait, dès 1779, recevoir trente
bâtiments de guerre et 250 transports. On ajouta à ses
défenses, en 1781, la redoute de Mailly. Sa population
s'élève actuellement a 2.000 âmes. La dépense de ses
constructions, de 1772 h 1795, dépassa 1 .500.000 francs :
on a, dans ces derniers temps, construit un beau phare
sur le sommet du cap Béar, là où , sans doute existait le
temple de Vénus. L'agrandissement du port ; la déviation
des torrents qui y débouchaient; la création d'un bassin;
la construction de fortes jetées, sont maintenant en cours
d'exécution, et ont déjà coûté environ 2.500.000 francs.
1^ bassin de 520 mètres de longueur, sur 152 mètres de
large, offrira plus de 40.000 mètres de surface, dont
10.000 à neuf mètres de profondeur, le reste à six mè-
tres. De son côté, le Génie militaire s'occupe de projets
d'un vaste développement, pour la protection d'un port
destiné à devenir Tun des plus considérables établisse-
ments maritimes de la France.
i3r> HISTOIRE 1)1 ROUSSILLON.
Bdkijardc. — Ce Tort, établi justement sur la ligne firon-
tière, à six lieues de Perpignan, domine les cote oa passa-
ges du Perthus a l'est, de Panissas k l'ouest, et bat an long
développement de route dans la plaine de l'Ampoordan.
Il est.fôclieux, qu'a 5.000 mètres vers l'ouest, le col de
Portell ouvre à l'ennemi la vallée de Maurellas. Ce n'étaiu
au \i]^' siècle, qu'une grosse tour carrée, ayant des mon
épais (le 1 mètre 50, de 20 mètres de haut et 35 mènes
de coté , au milieu de laquelle, une tour plus élevée ser-
vait de donjon : entourée d'un chemin de ronde, un petit
ouvrage en couvrait l'entrée. L'occupation de ce poste Art
toujours considérée comme importante. Après la cm-
quête, on y tenait une garnison permanente de vingt-cinq
hommes, (|ui, en 1607, eut la gloire de repousser l'attaqDe
de 2.000 Espagnols, (|ui s'en emi)arèrent en 1674 et le
l»erdirent l'année suivante. Louis XIV en comprit alors h
valeur, et prescrivit de le fortider. L'enceinte, commencée
en 1677, sous la direction et les dessins de l'ingénieur
Saint-Hilaire , n'était pas terminée, lorsque Vauban y
vint en 1671). Il corrigea, autant qu'il put, le |>entigOBe
irrégulier, en exécution; lit i*as(T le d<mjon et former nne
enceinte intérieure, rachetant IVnorme massif de rocher,
(|u*il eilt fallu enlever. Trois demi-lunes, dont une case*
matc^e; des fossés, partout où Ti^scariiement le permit, et
un chemin c(»uvert étroit., complétèrent la défense d'un
lort, que la pente rapide et la nature du sol rendent, \
peu près, imprcnahle par les formes ordinaires d'one atta*
que. Le fortin, petit ouvrage :i corne. cas(*maté, dont la léte
toiirhi* il la liinit<*, (^st relié au lort |iar deux longues bran-
ches, d(»nt l'iiiir rst un reste des tra>aux des Ks|uignols« en
1671. h(>n\ r<Mloiites ranves, à mâchicoulis, éclain^nl les
lias-tniids it Irsl ri il roiicsl ; une titijsiciiic. étahlieau Per-
iliiis. liai il prtiir |Mit Icc II' passai^r \\ IVntréc du territoire.
CHAPITRE DIX-HUITIÈME. 457
^ Fort (te Hains. — Construit sur remplacement d'une
simple tour, démolie en 1668, ce, petit fort carré, bas-
tionné, de 70 a 80 mètres de côté extérieur, occupe
Télroil sommet d'une hauteur, d'où l'on peut inquiéter
un ennemi, qui, ayant forcé les passages de S^I^aurent
et de Prals-de-Moll(5 , pénétrerait par la vallée du Tech.
Au sud-est, un plateau, enveloppé d'un chemin couvert,
f>ermet de défendre les approches : le front qui répond a
cette partie, est le seul muni d'un excellent fossé. Dominés
de très près, ses parapets ne sont défilés des vues plon-
geantes, que par les bâtiments intérieurs. Vauban, ne
jugeant pas digne de grandes dépenses ce petit fort,
qu'il nommait une Gentilhommerie, n'y prescrivit que de
légères améliorations aux ouvrages faits par M. de Saint-
Hilaire. Ses maçonneries, soit par leur mauvaise qualité ,
soit faute de fondations bien assises, sont lézardées; et
tout ce qu'on a pu faire jusqu'ici pour arrêter le mou-
vement n'a |)as eu de succès.
PratS'dr^Mollo. — L'origine de Prats-de-Moll6 remonte
au xc siècle. Située sur le Tech , à la tête de la vallée du
Vîdles|)ir et à une lieue de la frontière, cette petite place
est destinée à surveiller les cols par lesquels le territoire
|)eut être envahi, pour se porter sur Arles ou sur Ville-
franche, en franchissant le Pla-Guillem, contre-fort du
Canigou. Sa |)osition dans un fond dominé, la rend peu
susceptible de remplir cet objet important. Une enceinte,
démolie mal a |)n)pos en 1669, lors de la révolte contre
rétablissement des gabelles, fut rétablie en 1684. Simple
mur crénelé, de l'^ôO d'épaisseur, sans autre flanque-
menl <|n<» les tambours couvrant les quatre portes, il ne
sert , en qHol(|ue sorte , que d'enveloppe à un camp re-
IranclK'. Tn réduil, anlour de l'église, couvre la commu-
f58 HISTOIRE l)t' ROUSSILLON.
nieatioii au fort Lsigardc, qui domine la place. I^ tour
(|ni servit de refuge a la garnison lors de la révolte, fat
ceinte d'une étoile, h dimensions très mesquines, que
M. de Vauban considérait comme le réduit d'un oDfnge
plus vaste, a établir sur le plateau nord, pour donner i
Prals-de-Molb) une valeur réelle.
Moni^Ijonis, — Cette place, élevée de 1.600 mètres an-
dessus du niveau de la nier, est située à quatre lienes de
la frontière. Envoyé pour organiser la défense du Rooi-
sillon, M. de Vauban, après une reconnaissance raisonnée
de sept |>ositions, fit choix, en 1680, de remplaccmenl dn
cliateau de Vilar, d'où l'on pouvait surveiller les déboiH
(liés des vallées de la Tet et de l'xVude. Des l'année s»-
vante, les travaux furent entrepris. M. de Noailles, en
1601, se portant sur la Seu-d'l;rgell , put déjà y établir
les magasins de son armée. Ses fortifications se conopiH
sent d'une citadelle, formant un carré, à bastions, avee
orillons, fermés, îi la gorge, par un rempart solide et
élevé. La ville est enceinte d'un ouvrage à conronne,
dont les longues branches se rattachent à la citadelle.
Heux des bastions ont des retranchements à leur gorge.
Les dehors consistent en trois demi-lunes et une contre-
garde ; de fortes traverses , en capitale des bastioM ,
défih^nt leurs para|»ets. La garnison, (|u'il faudrait porter
il quatre mille hommes , serait parfaitement il Tabri
dafis de vast<*s casemates. Le princi|>al mérite de Mont*
L(»uis, est d(* pouvoir établir un corps d'armée sons n
protection.
Vilh'fnttnlu\ i'.ftte place, bâtie sur la Tet, dans une
;4orge «*lroitr d(* ^2<NI mètres, ii la réunion des vallées
d'OliHle. dr r.onir||;i «>i «h» |- iilLi . ferme le long d«mié.
CHAPITRE DIX-HUITIÈME. 459
qu'on est forcé de suivre, pendant six lieues, en venant
de Mont-Louis. Dominée de très près par trois montagnes
escarpées et d'une grande hauteur, elle n'en est pas moins
susceptible d'une bonne résistance , par la disposition de
ses ouvrages , et par la difficulté d'amener du canon sur
des emplacements, d'où ils pourraient avoir quelque effet.
Enveloppée d'un mur, flanquée de tours en 1092, on
ignore l'époque précise de l'application du système bas-
tionné, et des couloirs couverts qui régnent sur presque
toute son enceinte. On trouve, dans les mémoires de
M. de Vauban, qui visita cette place en 1679 et 1680,
qu'en 1G08 on rétablit les murailles, détruites avant le
traité des Pyrénées; mais, «comme font les singes des
actions des hommes, c'est-à-dire, en gâtant beaucoup de
choses.» Il ne changea point le tracé des six fronts, quoique
défectueux, se contentant d'ajouter des tenailles aux cour-
tines du côté de la rivière, et des redans sur les portes;
mais il prescrivit, au nord, k 200 mètres au-dessus de la
Tet, sur la croupe de la montagne de Betlloch, la cons-
truction d'un fort, qui fait la principale défense de la place.
On a récemment établi, entre ce fort et la ville, une redoute
easematée, qui, en assurant les communications, bat avec
avantage les débouchés des vallées, et les points sur les*
quels pourrait s'établir l'assiégeant.
Cette place fut remise à Louis XI en 1462; Jean H y
rentra en 1475. Assiégée peu de temps après, elle se
rendit aux Français, sous M. du Lude. Elle ne subit pas,
en 1642, le sort des autres villes du ' Roussillon ; et ce
ne fut qu'en 1654, que le prince de Conti s'en empara,
après dix jours de tranchée ouverte. Les Espagnols n'y
entrèrent, en 1795, que par la trahison ou la lâcheté
du commandant du fort, qui n'attendit pas même qu'on
lirât le canon hissé sur la montagne d'Embulla, à neuf
iOO IIISTOIIIE I>L ROL'SSILLON.
cents iiièlres de distance. Un mois après, Dagoberi ayani
enlevé successivement les camps de la Perche et d'Olette,
poursuivit les Espagnols jusqu'aux portes de Vîllefraiiche,
(|ui les sauva. De ces événements^ rapidement esquissés,
nous conclurons, contre l'opinion vulgaire, que, malgré
sa situation, au fond d'un entonnoir, cette place a beau-
coup d'importance; et Vauhan la jugeait telle, Iorsqu*eii
iOSTi, ayant à proposer la suppression d'un grand nombre
de postes militaires, que l'état des finances ne permeltail
pas d'entretenir, il préférait sacrifier Mont-Louis, réceoi-
ment créé, d'après ses plans, regardant Villerranche eoo-
me la clef de la vallée de la Tet.
OBJETS DIVERS.
I^arcourons le département pour indiquer ce qu'il obe
de plus remarquable, et dont nous n'avons pas eu occa-
sion de parler. On voit, dans le canton de Rivesaltcs, ks
ruines de Castel-Vieil et du château d'Opol, où ToD teuttl
(Micore une garnison lors de la conquête par Louis XIU.
Ou a découvert, depuis peu, auprès du hameau de Gamns«
di'pendant de la commune de Salses, un tombeau
et les restes de» Tura, ville minée dans le xv« siècle,
sur la rive gauche de TAgly, non loin de Itivcsaltes; on v
a trouvé «piehpies médailles romaines.
Nous avons consacré un article particulier II la ville
de Perpignan. Il existe, dans ses deux cantons, {dusienrs
<>ndroits, dont les chartes <m l'histoire ont souvent fût
menti(m. Si nous n*en parlons pas, c'est qu'ils n'ont
jamais été hien considérahles, et qu*il n*en reste que peu
ou |H)int de vrstig(*s; mais nous ne pouvons passer soos^
silence r.astell-liosselh) , le Ituscino des anciens. Qwm
qu'en ait dit un ant<'ur moderne, on a fort exagéré Ti
porlaiire de |:i eite don dérive le nom du |>ays.
CHAPITRE blX-IlLITILME. 461
origine pliéiiicicnno n'a point de fondement; et il laul
Tavouer, un peuple navigateur aurait fait un bien mauvais
choix, en établissant, dans cette position, une colonie
pour protéger son commerce et ses expéditions maritimes.
Il est permis d'émettre un doute sur la grande prospérité
de cette ville sous la domination romaine; car, Sextus
UuiTus, auteur du iv^ siècle, n'en parle pas dans l'énu-
méralion de celles de la première Narbonnaise, tandis qu'il
j comprend Maguelonne, Agde, Lodève, Uzès. On peut,
aussi , ne pas ajouter foi au luxe de ses monuments dans
le moyen -âge , et a la magnificence du palais de ses
Comtes , orné de mosaïques. Ruiné par les Barbares, au
v*^ siècle, le palais, le château, furent rasés jusqu'aux
fondements, au xiii^ siècle, par Alphonse II, vengeur de
l'horrible forfait du féroce comte Raymond, qui avait fait
manger, a une épouse dont il soupçonnait la fidélité, le
cœur du troubadour Cabestany, son amant \ Qu'a-t-on
trouvé dans les profondes fouilles opérées h plusieurs re-
prises sur le sol de Castell-Rossellô? quelques misérables
débris de poteries, d'un style commun; des monnaies,
des médailles, sans valeur; des ustensiles grossiers, à
l'usage d'une population peu fortunée.
Elnt\ bâtie par Constantin, non loin des ruines de Tan-
tique Illibéris, fut, après la chute de l'Empire, la principale
ville de la contrée, jusqu'au xin*^ siècle, et le siège d'un
Évéché jusqu'au xvii^; mais excessivement maltraitée par
les Sarrasins, les Normands, les Croisés de Philippe-le-
Ilardi, les Aragoiiais de Pierre IV, les armées de Louis XI,
on doit être émerveillé d'y trouver encore debout la cathé-
t Le fait que nou.s mentionnons a contre lai , au moins, l'errear des dates. Gatllaame di*
r.abc>tany comlKitlit à la bataille de las Navas de Tolosa. en 12i3. et le roi Alphonse II
riait mort en \VX*. Ce n'est donc pas lui qui vengea l'humanité d'un acte atroce, au reste ,
f^n quclqu»^ .>orle à la nuKle an xiir siècle; car on peut citer la marquise d'Astorpi et Galirieltf
'If Vt'r;:> , .jiii . suiv.mi les li^i,'eudes de lu poésie romane , eurent une semblable destin^'.
462 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
(Irale, et surtout le cloitrc contigu , l'un des plus préciaix
restes (le l'arehitecture du moyen-âge. La dégradation de
ses sculptures est due k l'ère de la Révolution, pendant
laquelle des mains sacrilèges ont mutilé ce que les Bar-
bares avaient respecté.
Cmid a perdu ses salines, son commerce, le château de
ses anciens Seigneurs, fameux dans nos annales, tombé
en ruines.
On fabrique de la poterie, des cuirs, du papier d'em-
ballage, à Thuir, chef-lieu de canton. A une demi-Iieae
de cette petite ville, on voit les restes du châtean de
Casteinou, antique manoir des Vicomtes, dont la maison,
très puissante en Roussillon, a fourni plusieurs illostres
guerriers aux armées aragonaises.
Si Ton va visiter la grotte de Corbère, dans le canton
de Millas, on sera frapi)o du bruit d'un torrent qui se
précipite dans un abime. On trouve, auprès de NeflSadi,
des coteaux formés par des lits de coquilles fossiles, entre-
mêlés de couches de sable et de terre. On montre ik Péalh
un autel antique, attribué aux Romains.
A Kstagel, dans le canton de Latour, il existe une car*
rière de marbre, susceptible d'un beau poli*, et h Tm-
tavel, les ruines d'un château-fort, qui comptait encore
comme place de guerre en 1040. Non loin de Ib, sont
les restes d*une tour beaucoup plus ancienne, et les mi-
nes (les châteaux de Quéribus et de Pierre-Pertuse.
Saint-Paul , chef-lieu de canton , doit son origine & nn
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CHAPITRE DIX HUITIÈME. 4G3
monastère de Ik'iiéclictins , supprimé depuis long-temps.
A trois quarts de lieue vers Test, on va voir Termitage de
Sainl-Anloine-de-Galamus, dans un site, dont la beauté
serait diflîcile a décrire. A un quart de lieue à l'ouest de
Saint-Paul, TAgly, grossie des eaux de la Boulsane, s'est
frayé un passage à travers les rochers, et forme la gorge
sauvage de la Foux. La rivière y passe sous un pont très
élevé, auprès duquel des sources, les unes froides, les
autres tièdes, sortent, péle-méle, du sein de la terre.
L'agriculture de ce premier arrondissement, varie com-
me la nature des terres. Du côté de la mer, sur la plaine
basse, composée de terrains d'alluvion, connus sous le
nom de Salanque, on cultive du froment et des luzernes de
première qualité ; on y néglige trop la culture des prairies
naturelles et des plantes fourragères. Le retour alternatif
d'inondations et de sécheresses prolongées, ou, plutôt,
d'anciennes habitudes, ont empêché d'admettre un meil-
leur système d'assolement; les labours y sont exécutés avec
des chevaux d'une race indigène, de stature moyenne, mais
forts et vigoureux ; on y voit de nombreux troupeaux de
bétes à laine, dont les (ines toisons sont malheureusement
salies par les nuages de poussière, que leur piétinement et
des vents impétueux, font élever de ces terres argileuses,
desséchées par un soleil ardent. Le reste de la plaine,
beaucoup plus haute, se divise en deux parties. Celle où
Ton a pu conduire des canaux d'irrigation est propre aux
cultures les plus variées. Les céréales, le mais, les prairies
naturelles et arlilicielles, les plantes fourragères et légu-
mineuses, le lin et le chanvre, y prospérant, au moyen
des engrais et des arrosements, ont permis au cultivateur
d'adopter des modes d'assolement, qui ont obtenu les éloges
du fameux Arthur Young. Sur la partie de cette plaine, qui
ne peut être arrosée, on cultive les céréales, l'olivier, la
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Wi4 1IIST0IUE Dt noiSSILLON.
\i};ne; on l'U'W ilrs hrti\s ii hiiiic : on labuuri' avec ùv^
mulets. Les collines qui terminent le premier arroudis-
semenl à l'ouest, offrent des hois de chênc-Iiége, |iliis
souvent des oliviers, et surtout des vignes. Celles situées
au nord n'ont, pour toute verdun», ([ue des ristes et
quelques romarins.
Nous n'avons parhi (pie de Ctillioure et de l*ort-Ven-
Ires, appartenant au second arrondissement. Si on Iv
parcourt, en remontant la vallée du Tech, on trouve les
ruines, ou ce (pii reste encore des anciennes abbayes de
Valbona, de Saint-André, de Saint-Génis, des ebâteaui
d'Ullréra et de l'Kcluse de Vnlhiraria et le Clauftura de
Julien de Tolède), le pont de Céret, les Itains, avec le
Ibrt, que nous avons décrit. La ville d'Arles possède uoe
assez l»elle église, (pii appartenait à une ancienne abbave
de Bénédictins, dont le cloître mérite d'être vu.
Auprcs de Corsa\i, existe un ahiine si profond, que Too
compte dix-huit pulsations^ entre l'instant du jet d*ane
pierre et celui du hruit de sa chute, ce qui sup|K>se uim*
[U'ofondeur de plusieurs centaines de mètres.
L'excellent minerai extrait aux environs de Datera, est
converti en fer dans [ihisieurs for^^es à la catalane des can-
tons d'Arles et de Prats-dc-Molli». Nous avons déjà |Mrit'
de cette ville, où l'on fahrique des draps communs et de
la bonneterie.
Les curieux visitent r<''<;lis(* tie Coustou^'es, à laquelle
sa lom'dc et baihare architecture fait attribuer une liaulr
anticpiité.
La |)laine du second arrondissenii^it J»ieii moins élendot'
ipie celle du premier, offre la même \ariélé île culture. Les
collines, auprès de Colliuure et d<' Itanynls, sont converties
de vi^'iies très renonimiM's, par la qualili* île leurs pnNiuils.
ipii ne le cèdent i^uère aux meilleurs \ins d'Kspa^ne. \x
CHAPITRE DIX-HUITIÈME. 465
versanl septentrional de VAIbère, qui termine au sud cet
arrondissement, est assez boisé , surtout en chénes-Iiéges
d'un grand produit, et précieux pour l'occupation des
terrains les plus arides, les plus escarpés (App,, n^ 50).
La haute vallée du Tech, et celles qui y aboutissent,
quoique fort resserrées, offrent une culture très bien
entendue, sur tous les terrains qui en sont susceptibles.
Les flancs inclinés des montagnes sont couverts d'im-
menses taillis de châtaigniers; on y ajoute sans cesse,
peut-être trop, au détriment des substances alimentaires,
notamment la pomme de terre, d'une si grande impor-
tance dans cette contrée.
Si l'on passe du second dans le troisième arrondisse-
ment, en tournant le Canigou, on trouvera, enclavé dans
le canton de Saillagouse, Livia, bourg espagnol, proba-
blement la Julia-Lybica de Ptolemée : il ne communique à
l'Espagne que par une route déclarée neutre par les traités.
La vallée de Carol possède des mines de fer très riches;
k Estavar on en voit une de lignite.
On a découvert à Angoustrine ' un autel votif, avec
l'inscription suivante , expliquée par M. P. Puiggari :
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Joni optimo maximo Cavus Publius Polibius votum solvit
libeiUer metito.
Nous avons parlé des thermes des Escaldes et de Mont-
Louis, chef-lieu de canton. Non loin de cette ville, existe,
dans le hameau de Planés, une église d'une forme très
bizarre. Elle fut primitivement, suivant les uns, une mos-
quée; suivant d'autres, le tombeau d'un chef sarrasin ; et,
peut-être, n'at-elle jamais été que l'église d'un misérable
village.
i M. de Baslerol . arclulecle du départeraeni .
30
466 HISTOIRE DU ROUSSILLON.
On fabrique des draps à Olette, cheMiai de
Les minerais d'Escaro et d'A} tua , sont com^ertis en ier
ou en acier dans les forges de Nyer, d'En et de Sahem.
On n'exploite pas les mines de plomb et de cnine^ tel
on découvre des indices dans ce canton. La diflieullé été
transports a, peut-être, empêché jusqu'ici d'otUiser ks
carrières de marbre, à Py.
On entre dans le canton de Prades par Villefinncke,
place de guerre, que nous avons fait connaître; on y foil
des grottes vastes et curieuses par leurs belles eoncrtiiaM
calcaires. On fabrique des draps au chef-lieu. Un liminnir
est établi k Ria depuis quelques années. Les amatenn de
l'architecture du moyen-âge, visiteront les mines de
Michel, et, surtout, l'église de Comella; l'ancien
tère de Serrabona mérite également d'être vu : il enl stné
dans une gorge sauvage, au canton de Vinça. Ole Ml
renommé pour ses excellents fruits ; Rhodes par aiMi tna
de grenache. Auprès de ce village, la Tet s'onrril, liAft
anciennement, un étroit passage, au travers des roehoi
de granit, d'où elle se précipite, avec fracas, de
ressaut, jusqu'à ce que, débouchant dans la pbi
eaux reprennent le cours naturel que leur imprime
pente moyenne de O'^OOo.
Des canaux d'irrigation, conduits avec intelHgenee
les flancs des montagnes, vont fertiliser les plaines et kl
vallées de cet arrondissement. On y cultive les céréales,
les légumes, le chanvre, le lin, les fourrages natnralsel
artificiels : les coteaux, couverts de vignobles el d'oKfieitv
sont trop souvent livrés à la culture irréfléchie des céréaki;
les taillis de châtaigniers sont bien plus rares dam cet Wh
rondissement que dans le second. On voit quelques fNMl
dans les montagnes, principalement on bois essence de pin
sur le revers septentrional du C^nigou; on y lronve« en
CHAPITRB DlX-HUini»B. "^ MT
moindre quantité, le cbéne et le hêtre. Les plus beaux
arbres sont débités en planches, dont le débouché et le
transport s'effectuent assez facilement : le reste sert aux
forges et au chauffage. Dans le canton de Saillagouse,
abondant en pâturages, on élève une race très estimée
de chcTaux de selle.
Nous terminerons cette notice par un tableau de toutes
les communes du département, dressé par canton et par
arrondissement. On trouvera, dans la première colonne, le
nom de la commune au xvi® siècle; dans la seconde, le nom
actuel ; dans la troisième, sa population; dans la quatrième,
sa quote-part de l'imposition foncière; dans la dnqnième,
ce qu'elle payait de personnelle etmobilère^n 1850; dans
la sixième, le nom de l'ancienne division du pays ài laquelle
cette commune appartenait (Vallespir, Roussillon, Fenouil-
lèdes, Confient, Capcir et Cerdagne) ; la septième colonne
|K)rte l'année où on la trouve mentionnée pour la première
fois dans les chartes ou dans l'histoire; la huitième, indi-
({uc le nombre des feux accusés dans un dénombrement
fait en 1559. Les seconde, troisième, quatrième et cin-
«luicme colonnes, dressées d'après des documents authen-
tiques, offrent un moyen d'apprécier l'importance relative
(le ces communes , et les changements qu'elles ont sdM
depuis 1559. Les indications chronologiques de la sep-
tième colonne, ne sauraient être considérées comme pré-
cisant l'origine; car il n'est pas douteux que toutes ces
communes existaient avant l'époque assignée d'après nos
recherches.
468
HISTOIRE DU ROUSSILLON.
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APPENDICE.
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On trouve dans plusieurs auteurs, et la tradition a l^"" ^
propagé, d'âge en âge, l'opinion que les Phéniciens, isi (poges).
renommés, par l'étendue de leur commerce et par leurs
expéditions maritimes, ont fréquenté nos parages, fondé
une ville, et donné des noms à certaines localités*. Tenant
cette opinion pour mal fondée, j'ai fait de nombreuses
recherches, et parcouru avec soin tout ce que les écrivains
de l'antiquité nous ont appris sur ce peuple.
Venus de la mer Erythrée, les Phéniciens se lancèreat
bientôt sur la Méditerranée, en s'adonnant au commerce
et exerçant la piraterie. Cadmus, fils d'Agénor, fondateur
de Tyr, 140 ans après la construction de Sidon, alla bâtir,
en Béotie, la citadelle de Thèbes, et forma un établisse^
ment considérable dans l'ile de Thasus*, au fond de la
mer Egée, vers l'an 1590 avant Jésus-Christ. Bien cer-
tainement, ces deux villes existaient, lorsque, en 1600,
I l>'c>linial»lcs auteurs vionnonl de reproduire encore réceminenl celle frrcnr, qu'il importe
'\r faire disparaître, enfin, de uos tiironi«pic.s. (SoU <ie {'Éditeur. )
- M.iiii»rn,in1 T.i>80, daif» l'AniiiiKM.
486 APPENDICE.
Josué fit le partage de la Palestine en douze tribus,
puisque le canton assigné à celle d'Azer (Josut, di. 19)
confinait avec la grande Sidon et la forte ville de Tjr.
L'historien sacré a sans doute pris, pour désigner ees
deux cités, leur caractère le plus remarquable, d'où Ton
peut conjecturer, qu'à cette époque, elles se disaient
moins distinguer par leur commerce que par leur étaidM
et leur force. On voit (liv. III, ch. 9 des Rois, et Ihr. H,
chap. 8 et 9 des Paralipomènes ) que, mille ans ataat
Jésus-Christ, les flottes de Salomon et d'Hiram , numléet
par des marins de Tyr, allaient à Ophir et Tards % d'eè
elles rapportaient une grande quantité d'or monnayé, et
l'argent, de l'ivoire, des singes, des paons, des bois rares
et des pierres précieuses.
Les Phéniciens étaient bien plus habiles dans U» Ms
el la narigation que les Juifs, peuple adonné, fÊtÊÊtflÊ^
uniquement à l'agriculture. Divisés en deux petits ÈKÊÊÊ^
Sidon et Tyr; occupant, sur une côte pourrué de pliishWf»
ports, une lisière de terres, longue, mais étroite Aftfi
fertile, ils étaient forcés, par leur situation , d'aller
cher, h travers les mers, ce qu'ils ne trouvaient pir
eux, ne pouvant se procurer que, par le commereOi Mi
richesses et la puissance que la nature semblait lew
reftisées. Homère, venu environ un siècle après
accorde aux Phéniciens une grande supériorité SV las
Grecs , en ce qui concerne les arts. Il les cite
nariguant, en marchands et en pirates, dans tes
voisines de la Grèce; mais, il ne dit rien, d'oà ofi
inférer qu'ils étaient plus habiles marins que ses
triotes, et on savait que leurs plus forts vaisseMX li
portaient pas au-deik de cent vingt hommes : c'est-lk, dn
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.■.•.•j.iaj.-
APPEr<iDICE. 487
luoifis, la force de l'équipage des gros bàliiueiils de la
flotte d'AgamemnoD. Thucydide s'accorde assez avec
Homère : il nous apprend (liv. I^r) que jusqu'à Fan 700
avant Jésus-Christ, les Grecs n'eurent que des bâtiments
à cinquante rames , souvent non pontés , et montés par
cinquante hommes. Vers cette époque, Âminoclès de
Corinthe , ayant déjà construit des trirèmes pour sa ville
natale, alla en construire quatre à Samos. Les Cartha-
ginois perfectionnèrent beaucoup cet art; les Romains
les imitèrent,' et les flottes des Grecs, composées de
trirèmes, ne furent jamais comparables à celles mises
en mer par les deux Républiques, pendant la première
guerre punique, vers l'an 2fti; car on n'y voyait que
des quinquerèmes, montées par trois cents hommes et
cent vingt soldats (Polybe, Hv. I^^, chap. 14), et ces
vaisseaux, mieux construits, marchaient aussi beaucoup
mieux *.
Quant aux navires phéniciens, lors de l'invasion de
Xercès, ils étaient, suivant Hérodote (liv. VH, ch. 96),
les meilleurs voiliers de la flotte. Ce Prince ne montait
jamais que sur un vaisseau de Sidon. Ce n'était, cepen-
dant, comme ceux des Perses et des Grecs, que des tri-
rèmes, portant deux cent trente hommes, et pouvant
facilement être tirées sur le rivage. Il est essentiel de
rcmanjucr, que les flottes phéniciennes furent toujours
battues par celles des Grecs, comme on le vit sur les
côtes de Chypre, par les Ioniens, et à la bataille de
Salaminc, par les Athéniens. Il est donc certain, qu'à
l'époque de la guerre des Perses (l'an 481) la marine des
I Héro<loic ( Jiv. IV , ch. KJ ) n'évalue la vile&se moyenne d'un navire qu'à 27 (W 9B liene».
de âr» an ik»j:rt', par vingt-qualrf heures. En la fKtrlanl de 50 à 02, Pline (liv. XIX) allri-
I lie l'accéltTalion, à une meilleure dispo.silion de hi voilure; el . d'après le cinquième frag-
iiRMit du liv. \\\IV de Tolvhe, -m peul rnnjefturer i|irell(' (*Uil déjà ia même deux siècles
..,ijiiravrtiil.
488 APPENDICE.
Phéniciens n*étâit pas supérieure à celle des Grec8 ' , cU
par conséquent, ils ne pouvaient savoir eu, antérieurement,
des marins plus habiles ou des vaisseaux mieux construite,
en supposant, même, leur marine stationnaire depuis plu-
sieurs siècles. Il faut bien admettre, dès lors, qu'avec ces
frêles embarcations, privés de la boussole et de beaucoop
d'autres moyens employés par le navigateur moderne, ils
ne pouvaient, dans des mers inconnues, s'éloigner des
côtes, dont le voisinage est même toujours dangereux,
pour s'y réfugier a la moindre menace de tempête. 11
fallait bien, aussi, y arriver en force, pour y rester en
sûreté, à moins qu^elles ne fussent habitées par des peu-
ples amis ou du moins hospitaliers. Le meilleur moyen «
dans ce cas, de parer à tous ces inconvénients, est d'éta-
blir des colonies. C'est, dans ce but, que les Phéniciens
fondèrent Leptis, Adrumettes, Uippone, Utique et Car-
tilage. L'expédition d'Ilannon, le long des côtes occiden-
tales de l'Afrique, prescrite par le Sénat de Carthage, n'eut
pas d'autre objet ; et les Grecs, eux-mêmes, ne s'enrichi-
rent par le commerce, qu'après avoir établi de nombreuses
colonies sur les cotes d'Asie, de Sicile, de Thrace et du
Pont-Euxin. J'ai cru ce rapide exposé de l'étal de h
marine phénicienne , indispensable à la discussion sur la
probabilité des navigations qu*on leur attribue.
t l'nc intrr|iri4at trop lilU'rale d'un pn<$agr d'ilcrudote (jbv. VIII . rhap. iM) a l^i
ptTuer à rerUiii!! auteur», que les (irecu ne couiuiswiienl pas les mers i|ui ifpiriifit Èpm
fie SaRMiii, gu'il« regardaient roniine auui ^loi^rniHî que iei roionnes d'Heroile. Gt M ht pM
une HitV exa^'i^nr d^s (li»l.inn''t , qui lr<( em|MV ha ilo faire vnile |Hiur SamM , f«i ^i ■*Wsi-
t^rent |»as A allpr i hi'rrhfr la flulle de Xenvs ^D^ les rdtes Di^mes de l'Asie, et A bwrvr b
|iataillt> de Myralc ; iii.us It-^ (;riNi et les IVr»4's, qui a\,tient les I VnirieBs a%cc eu, MâmatL
d.in* une <-iini|i|rli> ijrniir.iiirr -ur le< fonr* rt l.i |ii>x|ij,.ti ,)e rrnnrini: qnant ant Gran. ris
rnmninniqaaifnl fr^iacniiiM'nt aviv les iiiMiljiriA de leur naliun et re» de larMcA'Aiie.
liénHliiie, lui-mrau-. r;i|q>..rU- (Ii\. 111 \ .|ui'. du U ui|i> de f ;.llllll)^4^, une eiradrr corn
[■.iit»i-.lori.i,\ir. .(v.i II .i- Miii* jiiiii.'- ,..ii- .li»l.in' ..uSjli,i|i>deSjiide>. rrlJkhaàS
ri. |iui 'le ti'iii|i> .»|ii.-- iiiit fl,.ii«- I h nli iii.Miif fil'- * tji, irf iiiir •li'.iinlr et fil . *-jHi» «iii,**
j-'-n-l^f' qiMr.iiiti- j..t|,. I, ,. ^, ,). I, . ,|..i ,1,
APPENDICE. 489
Nous poserons , d'abord , comme un fai^ incontestable,
c]ue les flottes de Salomon et d'Hiram allaient cbercb^,
au-delà de la Mer-Rouge, des objets précieux, qui ne se
trouvaient point dans la Palestine. Ces voyages n'étaient
pas d'une exécution bien difficile : la Mer-Rouge ayant
peu de largeur, les navires ne pouvaient pas s'^^arer;
ils trouvaient, sur ses rivages des nations amies. Anîvée
dans le grand Océan , la flotte, longeant la côte orientale
de l'Afrique, habitée par des peuplades peu considérables,
était maîtresse partout. Elle trouvait sur la côte du Zan-
guebar, l'or, l'ivoire, les bois précieux; tout ce qui est
rapporté dans l'Écriture. Si elle se dirigeait à l'est, en
sortant de la Mer-Rouge , elle arrivait, en moins d'un
mois, à l'extrémité orientale de l'Arabie, d'où elle allait
jusque dans l'Inde charger les mêmes objets, s'ils n'avaient
été déjà apportés par les Indiens. La révolte de Jéroboam,
fit perdre aux Israélites un commerce qu'ils n'avaient dû
qu'à la puissance et au génie de Salomon. Les Phéni-
ciens , trop intelligents pour abandonner une voie aussi
importante, s'emparèrent de Rhinocorura, port de la
Méditerranée, le plus voisin de la Mer-Rouge (Strabon,
liv. XIV), où ils faisaient- porter d'Élath, par terre, les
marchandises achetées dans l'Arabie, l'Ethiopie et l'Indé :
de là, leurs navires les transportaient à Typ.
L'histoire, fort suspecte, racontée en Egypte, à Héro-
dote, d'une navigation exécutée autour de l'Afrique, par
des vai^eaux phéniciens, d'après les ordres de Nécos,
vers l'an GiO, pourrait bien n'avoir eu d'autre fondement
que ces voyages de la flotte d'Hiram , antérieurs de quatre
siècles. Des circonstances de ce prétendu périple, deux
sont les mêmes : la nation des navigateurs, la durée du
voyage ; la troisième, celle d'avoir observé le soleil à leur
droite, nVxii^^o pas qiic la flotte eût fait le tour de l'Afri-
490 APP£NIHCE.
que ; quant à la quatrième, celle de deux ou trois s^Mn,
pour semer et récolter du blé, elle ne fut bxfeoUéé
pour prévenir l'objection de l'impossibilité d'un
sionnement de vivres pour trois ans. Les géognfhM
teneurs n'ont pas ajouté foi au rapport fait à Bértdale.
Strabon, Mêla, Pline, n'en disent pas un mot; & cîlMt^
cependant, le périple d'Hannon , les voyages d'Emàont M
de Sostaspés ; et, pour prouver que l'Afrique est
qu'île , Mêla invoque l'autorité de Cornélius Népos,
d'une relation des voyages d'Eudoxe, contredite
bon, ainsi que celle que nous a donnée Possidomos^
temporain du voyageur. A son tour, Polybe (liv. lU^ «lu 3)
dit que personne, encore, n'a pu distinguer si I'ÉIIm^
pie où l'Asie et l'Afrique se joignent, est un coBtinl»
s'étendant vers le midi , ou bien une Ile. Deux nSe-MS
après Nécos, les Portugais, dirigés vers le même iml^
des princes éclairés, munis de la boussole, montés
bâtiments qui tenaient la haute mer, n'ont exéeolé
entreprise qu'après quatre-vingts ans de tentatives,
parvenir du Cap-Noun à celui de Bonne-
Comment ne pas être convaincu, par cette CmI# 4e
considérations, que riiistoirc du périple des Pbénieieai^
racontée par Hérodote, n'est qu'une fable?
Tous les auteurs anciens parlent du conuoerce el ëss
établissements phéniciens sur la côte septentrîoMle et
l'Afrique. De plus, Strabon, Diodore, Velleius Patemriw
et Pline, leur attribuent la fondation de Cadii (Cadès^,
cent ans après la prise de Troie , c'est-à-dire sa oomh
mencement du xiii« siècle avant Jésus-Christ. Hëfodsis»
qui fut exprès h Tyr, pour s'instruire avec le» prèlfeSf
des antiquités de leur ville , donne aux Carthaginois
origine phénicienne. Leurs relations commerciales s^
daiont sur la côw d'Afrique, an-delà des colonnes d'Hef»
APPEI^DICE. 491
cule. Il ne mentionne l'Espagne, que pour vanter les
richesses d'Arganthonius , roi de Tartessus, et sa géné-
rosité, à l'égard des Phocéens, qui parurent sur cette
plage vers l'an 570. Il ne parle pas d'une colonie phé-
nicienne établie dans l'ile de Gadès, ni de la ville de ce
nom , qui ne devint florissante que par la décadence de
Tartessus. Diodore, au contraire (liv. V), fait, non-seule-
ment, fonder par les Phéniciens la colonie de Gadès,
mais leur attribue la découverte d'une île admirable, k
plusieurs journées k l'ouest de l'Afrique. Peu après, il
nous montre les Carthaginois, empêchant les Tyrrhen-
niens* de se fixer^ soit dans la colonie, soit dans l'ile,
et, tout cela, sans expliquer comment les Carthaginois
avaient remplacé les Phéniciens. Ne pent-on, d'après
une narration aussi confuse, émettre l'opinion que les
Phéniciens de Diodore, ne sont autres que ces Cartha-
ginois, déjà établis sur la côte septentrionale de l'Afrique?
On prouverait aisément, par plusieurs passages de cet
auteur, et d'Hérodote et de Thucydide, qu'on donnait
quelquefois le nom de Phéniciens aux Carthaginois. Po*-
lybe (liv. 1er, eh. i) assure, que, déjà avant la première
guerre punique, ces derniers possédaient plusieurs pro-
vinces dans ribérie. Pline (liv. II, chap. 67) nous fiiit
connaître, qu'au vi^ siècle, à l'apogée de la puissance
de Carthage, Hannon partait de Cadiz pour cette expé-
dition, dont il a laissé le journal, tandis qu'Himilcon
sortait du même port pour explorer les côtes occiden-
tales de l'Europe.
On voit, par le premier traité de Carthage avec les
Itomains, en 509, qu'elle possédait, au moins, l'Afrique,
la Sardaigne et partie do la Sicile. On ne saurait douter.
492 APPENDICE.
en conséquence, qu'elle était maîtresse de Cadii,
siècles avant Jésus-Christ. Pomponius Mêla, né dans It
voisinage de cette ville, dit (liv. I^r, ch. 7) qnUtiqM'Ct
Carthage étaient deux colonies des Phénici^is; M
apprend (liv. III, ch. 6) que sur Tun des deux
toires de l'ile de Gadès, les Phéniciens avaient élefé^ à
l'Hercule Égyptien, un temple' fort vénéré, parée l|ÉV
renfermait la dépouille du héros, et que, sur Faotie
montoire , il existait une ville opulente, portant le
nom que l'île; mais il n'indique pas son fondateur* S^
nèque , né à Cordone , donne f Consolaiio ad MmÊm)
une longue énumération des établissements de
peuples sur des terres étrangères. Il ne cite les
ciens que pour les colonies établies en Afrique, ei
bue aux Carthaginois seuls, les établissements fonnét^i
Espagne; et ces nombreux témoignages attestent, fMi
si réellement Cadiz dut son origine aux Phéniciens ^Am^
ils y furent bientôt supplantés par ceux d'Afrique, qpkm
firent le principal entrepôt de leur commerce «fee hs
côtes occidentales de l'Afrique et de l'Europe, y
iles Cassitérides (les Sorlingues). Nous poorrions
ajouter bien d'autres, si nous ne craignions de trop
longer cette dissertation ; mais nous ne saurions négijii
celui d'Ézéchiel. Ce prophète, considéré seulement
écrivain ordinaire, est l'autorité la plus imposantSt
qu'il parle aux Tyriens mêmes, de leur ville. Qi Uenl I
nous montre les Carthaginois, faisant déjà, avant an des»
truction par Nabuchodonosor, tout le commerce des pqfS
situés au-delà des colonnes d'Hercule; car, dans In Hm
I Us aarairnl po avoir coiiutniil ce leniple »ans être les fondalcurt de U villt
«lani l'anliqailé. pcnnellaicut des cunïtrurlions de ce genre aax étriofeit.
dans IkrtKj.iic (liv. Il . art 178) plusieurs villes grerquef, Mlir. à finii
d'Hcl»*uiUfii , à Nnurialis. m Kgypir; Ioj. KginiM'«. un a Jnpilrt ; le» Smiicm. nA
lo* MilésicD», lin \ Apollon , dan» la loAroc ville
APPENDICE. 49.1
peinture de la richesse et de la puissance de Tjr (cti. 26,
!27, 28) il nous la représente comme le centre du com-
merce du monde, et le marché général des peuples, qui
venaient tous (Assyriens, Grecs, Arabes, Hébreux, Per-
ses, Carthaginois), y apporter leurs marchandises. Il dé-
signe spécialement ces derniers, comme fournissant l'ar-
gent, le fer, Tétain, le plomb, objets qu'ils ne pouvaient
tirer que de l'Espagne et des îles Cassitérides.
Les Tyriens échappés au fer de Nabuchodonosor, ve-
naient d'élever une nouvelle ville, et la Phénicie commen-
çait à se relever des malheurs qu'Ézéchiel avait prédits ,
lorsque, tombant sous la domination des Perses, ses peuples
furent obligés d'employer leurs flottes au service de leurs
nouveaux maîtres, dans les guerres incessantes contre les
Ioniens, les Égyptiens et les Grecs, jusqu'à ce qu'après
la défaite de Darius, Tyr, ayant osé résister au conquérant,
fut ruinée, pour la deuxième fois, par Alexandre. Durant
toute cette période (de 625 à 536) l'histoire nous repré-
sente les Carthaginois dominant l'Espagne, et faisant la
police des mers, de concert avec les Tyrrhéniens; et
comme, en même temps, les Marseillais étendaient leur
commerce, de Nice à Ampurias, on conçoit que les Phé-
niciens, trop heureux de continuer celui de Tlnde, dont
ils rapportaient les provenances dans les ports du grand
roi, ne songeaient point à établir des relations d'aifaires
bien moins lucratives, dans les pays où les Carthaginois
et les Marseillais, les avaient prévenus ou supplantés. Ce
n'est donc qu'avant la destruction du vieux Tyr, au com-
mencement du VF siècle, qu'on pourrait supposer qu'ils
avaient formé des établissements sur nos côtes; mais elles
n'avîiient rien alors qui pût les y engager. Habitées par
(les Barbares, sans culture; privées de rivières navigables ;
n'ayant aucune denrée à exporter ou à recevoir, elles
i9i APPËNDICK.
ii'otfraieiit aucun de ces points avaulagcax pour le eon-
merce, indiquant à une nation civilisée, qu'il (aul s'établîr
là plutôt qu'ailleurs *. Aucun document historique ae
permet d*admettre la réalité de cet établissement; et nous
nous dispenserons de discuter la fable absurde, raooiHée
par Diodore (liv. V) d'un embrasement des Pyrénées, doà
découlèrent des ruisseaux de pur argent, qu'exploitèieiil
les Pbéniciens.
Nous avons fait voir quel était Tétat de la marine des
Phéniciens, lors de l'expédition de Xercès : nous en aYoni
tiré la conclusion naturelle, que leurs vaisseaux devaient,
antérieurement, être encore plus faibles et moins bisa
construits. Quelque hardis navigateurs, qu'on les ait sup-
posés, les habitants de T\ r et de Sidon ne |)0uvaient être
qu'excessivement timides avec de pareils bâtiments. Deux
routes leur étaient ouvertes pour venir jusifu'à nous: Pnoe,
au nord, longeant les rotes de la Méditerranée, de la Mei^
Noire, de la Thrace, de la Grèce et de l'Italie; l'antre, as
midi, suivant l'Kgypte, la côte septentrionale d'Afrique el
l'Espagne. Pres(|ue tous les auteurs sont d*accord, qn^ik
ne fondèrent des (colonies en Afrique que cent ans après
la prise de Troie. On peut conjecturer, qu1ls ne sorliienl
guère, jusqu'à cette époque, de la partie de la MédilCf-
ranée comprise entre Tile de (Chypre et la côte, depuis
l'Egypte jus(]u*à Tarsus ; et certes on n'en sera pas élonnë,
si Ton fait attention, que, peu fertile, et n'ayant que huit
mille kilomètres carrés de surface , cette contrée ne put
t On .1 iht, A\cf r.u<'i>[i. «lu'il étjit iii'li'>|ta>ii>.tli|i- à iiin' n:itiun r<)iiiuirr(aiilÉ 4f
roloiiirs Mir !• -. rAl.s il,-* t» rri*> n.iu^i'llfmi-iit o\|i|.'riVv Or. mi i iii- |urtmliHracBt R»-
rioo, ih-iir furlitirr. (ur «i rf><^ml.bi)i-r n\tv I. n riinf \i\\v •rAfrii|iM>. KfifiBiM ^H hl
l'h^iiM lfO^ avaifut tTim- oi-s «■t.f|i|i»sr*iiii'iti> il ni!> If llini>^iUiiii. lU jiirai^iit . ca WrUé, Ut
un rtr.ini;i- rh.«i\ . iii rn-u .t im ,'-iA'\ ir.tiii -l i-i- l.i |ii«i(i.>n iln Uu<>« iiu> iDlii|iir ,
TianH:.i«lHI-h»«<^<>ll" .1'...' 1 J.iiit Li|..ii..ir. li. ,. |.|i/.. i |>^ -i.- >(. i.bMr ant
APPENDICE. 495
acquérir que lentemenl une population qui lui permit de
donner un grand développement à ses opérations mari-
times. Après la mort de Salomon, qui leur avait contié la
conduite de ses flottes sur la Mer-Rouge, les Phéniciens
surent s'y maintenir seuls. Ils embrassaient ainsi tout le
commerce de la Méditerranée, depuis la Grèce jusqu'à
r.arthage, et celui de Tlnde, de FArabie et de TÉthiopie.
En outre, des manufactures où ils travaillaient le verre,
les étofles précieuses, les métaux, étaient bien suffisantes
pour occuper une population très active, et tirent acquérir
à la ville de Tyr, celte opulence citée par Ézéchiel. Sur la
première route , ils ne paraissent pas avoir dépassé les
colonies grecques du midi de Tltalie. Denis d'Alicarnasse,
qui , au commencement de notre ère, a donné des détails
circonstanciés, concernant les divers peuples qui, depuis
les temps les plus reculés, parurent sur le littoral de l'Ita-
lie, entre Terracine et Pise, ne parle point des Phéniciens.
Par la seconde route, puisqu'on admet que, dépassant les
colonnes d'Hercule, ils étendirent leur commerce et leurs
établissements sur les côtes occidentales de l'Europe, jus-
qu'aux îles Cassilérides , il est presque impossible qu'ils
aient pu , en même temps , s'établir sur la côte orientale ,
avant Fe vF siècle, époque de la ruine de Tyr et des progrès
des Carthaginois, qui, bien qu'infiniment plus puissants que
ne le furent jamais les Phéniciens, ne passèrent, pour la
première fois, TÈbre, sous la conduite d'Annibal, que trois
cents ans après leur établissement en Espagne. Le savant
Héeren, auteur d'un ouvrage très remarquable sur le com-
merce des peuples de l'antiquité, quoique très favorable à
Topinion qui attribue aux Phéniciens un immense com-
merce et de longues navigations, leur assigne, pour limhe
en Espagne, la frontière de Murcie, et ne pense pas qu'ils
aient cherché à fonder des colonies sur les côtes gauloises
496 APPENDICE.
de la Méditerranée, où les Grecs avaient déjii formé des
établissements.
Nous terminerons cette dissertation , en empmiHMt M
célèbre Robertson, les expressions dont il s'est ser?!^ dait
une occasion semblable à celle-ci; et nous dirons tvee hi«
que, si nous rejetons les traditions fabuleuses el
cures , . nous attachant uniquement aux lumières el
faits authentiques de l'histoire, sans y substituer tes
jectures de l'imagination et les rêves des étymoiog^sles,
il faut conclure, que les Phéniciens n'ont jamsis tûÊmé
d'établissement sur nos côtes. Par coûséqueni, ee ntel
pas eux qui ont donné les noms que portent
localités. Nous ne saurions, d'ailleurs, admettre qa'i
simple analogie de noms, permit d'attribuer 2i lew
blissement une origine commune.
NOTE SUR LA VITESSE DES POSTES ROIAMU.
^o 2, On a beaucoup exagéré la vitesse des postes
(pa§e s3). D'abord, leurs voitures, imparfaites, non suspendMS,
étaient bien plus fatigantes que les nôtres, et leurs nUà
bien plus longs, deux causes d'infériorité qu'on ne peit
révoquer en doute. Si Ton en croit Gibbon et Beiipsr,
les courriers, dans quelques circonstances, ont ftil as»
delà de sept milles par heure (2 lieues 7s) pendiBlfki»
sieurs jours. Appuyons-nous sur des faits précis^ iico>
testables : par exemple, un voyage de César, de RcMM I
Cordone, de 1 .728 milles en 27 jours; celui de Vtnwfi
de Constantin à Galère, de York a Nicomédie et de MHS
ville à Arles, dans les Gaules, de 4.819 milles en 75 jovsi
«m trouve, pour résultat, Gi milles en 21 heures, nmiw
d'une lieue a riieure. On pourrait encore tirer de den
...«S.^^^^^Y^
AITKNDICK. 497
rourst^s do UavtMuu* à Home , opérées eu irois jours,
(Tune [lar Ciirius, porteur de lellres de César au Sénat;
l'autre, par le courrier qui porta Tavis de la mort de
Maximieu) un troisième résultat; car, en divisant par ô
la dislance de 250 milles, on aura, par heure, 5 milles */^
ou une lieue <»t un cinquième, terme moyen qu'on peut
adopter.
Quant au trajet par mer, qu'on a aussi exagéré, on ne
saurait le porter au-delà de 54 lieues en 24 heures, savoir:
130.1)00 orgies ou 124.000 toises de Paris, Toi^e étant
à la toise : : 1.575 : 1.410 (Hérodote, liv. IV, ch. 86).
Pline (liv. XIX) dit, qu'avec une vitesse moyenne, on va
de Pouzzols à Alexandrie, en neuf jours : la distance est
de 450 lieues; d'Ostie à Cadiz, en sept jours : distance
r>80 lieues ou 54 lieues par jour. Polybe (liv. XXXIV,
cincjuième (ragnient) regarde comme une absurdité qu'on
prétendit avoir fart, avec une vitesse également soutenue,
les 4.000 stades, d'Alexandrie a Rhodes, en deux jours,
c'est-à-dire, Sô lieues par jour.
LES TROPHÉES DE POMPÉE.
Dans un passage précédent, Strabon avait déjà dit que Nos,
les trophées de Pompée étaient situés à l'extrémité des ./«.k .!•/).
Pyrénées; mais l'importance de celui-ci nous engage à le
rapporter en entier, d'après la traduction de M. Laporte
du Theil : « Une portion du pays qui appartient aux Em-
« poristes, dans l'intérieur des terres, est assez fertile;
« le reste ne produit (|ue du sparthum, espèce de jonc
«( qui se plail dans les marais, et (|ui n'est pas d'un grand
<( usage : le terrain qui le produit porte le nom de cham|)
«< joncaire. Ce peuple possède encore quelques terres, qui
3:>
498 APPENDICK.
c( s'étendent jusqu'à l'extrémité des Pyrénées, où mM lit
(f trophées de Pompée , sur la route qui conduit de Pltilit
H dans ribérie. »
Cette description fort claire , convient eneoit k KéM
actuel du pays : la côte basse et marécageote,
Ampurias jusqu'aux environs de Roses, est Vi
champ joncaire, où croissait cette espèce înférkMMét
sparth, le sparthum ligmm de Linnée. En s'
de la mer, on trouve un pays assez fertile : les
qui s'étendent jusqu'à l'extrémité des Pyrénées,
le canton compris entre Roses et Cerbère. M. de
veut, malgré les explications données par StrA^m^n^/lê
cet auteur ait parlé du véritable sparth , slypa
de Linnée, qui ne croit que sur des terrains
*
conséquence , il place le champ joncaire loin de le flMTi
et, traduisant par sommets des Pyrénées, les iMils fM
tous les traducteurs ont, ce me semble, rendes eiee ftas
de fidélité par ceux-ci, l'extrémité des Pyrénées M
équivalents, il change un passage clair, et qui ÎBdi
fort bien la direction de la route et la situation des
phées, en un autre qui n'indique plus rien ; et sepposilMt
gratuitement, que la voie romaine passait au Pertes,
comme y passe la route actuelle , il place les Irepbées
vers ce point.
DtPKNDANCB DES COMTES dV RODSSilMR.
\e 4 « La seule autorité sur laquelle on puisse se fondsf
(pagr 90). assurcr que le Roussillon dépendait des Comtes de
celone , est celle de l'auteur des gestes de ces CoflMSS
qui dit, que durant sa vie, Vuifred-le-Velu , peeséé
seul le Comté de Rarceloue , depuis Narbonne jnsqp'si
APPIINDICE. 499
pays des Infidèles (Hispaniam). Mais ses États pouvaient
s'étendre de Narbonne ad Hispaniam , sans que le Rous-
sillon en fît partie, puisque, par le Fenouillet, le Gonflent
et la Cerdagne , que son fils Miron posséda à sa mort ,
ils s'étendaient, en eflet, de Narbonne ad Hispaniam.
D'ailleurs, le témoignage de l'auteur des gestes, écri-
vant quatre siècles après Vuifred, et n'appuyant son
dire sur aucun document contemporain , ne pouvait être
d'un grand poids, puisque son livre n'est qu'un tissu de
fables, d'inexactitudes et d'erreurs, et que la charte de
869 et le jugement d'Isembert, cités plus haut, prouvent
suflisamment que le Roussillon ne dépendait pas de la
Marche d'Espagne. En outre, on peut voir, dans Bofarull,
les testaments des Comtes de Barcelone, Raymond-Bé-
renger I«% Raymond-Bérenger III, Raymond-Bérenger IV.
Dans ces trois actes , dont l'objet est le partage de la
succession du testateur entre ses enfants, on fait une
longue énumération des biens délaissés, sans oublier les
Évêchés , les Abbayes et d'autres fiefs moins impor-
tants, dépendant féodalement de la Seigneurie du testa-
teur. Est-il probable qu'on eût négligé de faire mention
du Comté de Roussillon, s'il avait relevé des Comtes de
Barcelone, ou seulement s'ils avaient eu cette prétention?
Nous voyons de plus, dans la charte 109 de Marca, Gauz-
fred, comte de Roussillon et d'Ampurias, faire à Saint-
Pierre-de-Rhodes un acte de haute administration, en
présence de plusieurs Prélats et d'un comte Borel, qui
ne peut être que Borel II , de Barcelone, sans que celui-ci
y intervienne autrement que pour signer avec les autres
témoins, après le comte Gauzfred.
Don Prosper de Bofarull convient que Vuifred-le-Velu
et ses prédécesseurs avaient dépendu des Rois de France,
dont ils tenaient leur dignité. Il faudrait donc produire
.'lihi vrrLMiicK.
le titre (|ui coiislak' rinilrpomluncc de Vuifred el de ses
successeurs : ne le pouvant pas, on allègue, |»our le
prouver, lein*s alliances avec des maisons souveraines,
les monnaies fra[)pées à leur coin, les lois promulguées
en leur nom , les guerres entr(*|)rises, les traités conclus
par eux, sans la moindre intervention de nos Rois. Ces
preuves sont assez faildes, puisque, durant Tanarcliie car-
lovin(;ienne, des Seigneurs bien moins puissants avaient
commis les mêmes enipiètements sur Tautorité ro\ale,
sans (|u*<m en ait jamais conclu leur indépendance. On
a voulu les fortilier par les expressions assez vagues de
quelques chartes postérieures. On veut, |iar exemple,
que la vente faite jiar Borel II d'un aleu, qu'il dît tenir
de ses ancêtres, et ceux-ci pn vorem precepti Régis
Francomm , qvod frn'i tjlon'osissimïi:s Carohs , de am*
nitfus /iscis irl rnntis' frrrtr Hlorum; on veut, dis-je, que
cette vente, ii raison <lu mot jisris, prouve que Ciiarles
avait doinié aux ancêtres de Borel la Marche d'Espagne :
mais, le mot /(v<//.v, ne veut souvent dire qu*une terre
cultivée, appartenant au <lomaine ro\al, et les mots iW
nemis, dont il est sui\i, «lémimtrent assez que c*est dans
ce sens qu*il doit être |)ris. .Nous ne voyons donc là que
la cessi<m des domaines cultivés et des vacants |>ossédés
par le lioi. Dans certaines chartes, les Comtes de Itarce-
lone dési<;iient les terres \eiidu(*s par les expressions
suivantes ou d'autres (Mpiiv«dentes : qinv nos traximus de
nrwft jitiwi hoiifnit'^ suh ditionr Fnimorum. On vou-
drait intii^rer de ers ex|)ressions, ({u'ils avaient été, mais
nVtaient plus \assaux <les Unis de France. Cette inter-
prétation est un |teu lorrce. Serait-elle plus naturelle,
<'lle ne prouverait p:is rinde|iendance de ces Comtes;
car, ils ne |)ou\ aient m* virn- di's droits par des actes
rmauo <t Vu\-nirnte.s.
AITENDICK. 50i
Op|>osons à ces chartes les iloeiinienls qui prouvenl la
suzeraineté des Rois de France sur la Marche d'Espagne :
\^ Saint Théodat, archevêque de Narbonne, a recours,
en 888 , au roi Eudes, pour remédier à certains désordres
des Eglises de Girone et d'Urgel , et fait confirmer, par
re Prince, les possessions de l'Église de Vich (Ferreras;
ytmra hif^panica); 2*^ en 891, Serviis Dci, évêque de
Tiirone, assiste a rassemblée de Meun-sur-FOise , et
obtient du roi Eudes la confirmation des privilèges de son
Église (Marc, liisp.); o'> Vuifred II donne à l'église de
Vich, le tiers de la monnaie de cette ville, et ses exécuteurs
testamentaires, en délivrant ce legs, recommandent à
rÉvêque de faire confirmer ce don par le Roi de France
(Marc, liisp.); i^ Louis d'Outre-Mer termine, en 941,
une contestation existant entre le monastère de Saint*
Pierre-de-Rhodes et celui de Saint-Étienne-de-Bagnoles
(Marc, liisp.): 5« en 972, l'Archevêque de Narbonne eut
recours, auprès du Pape, à l'intervention du Roi de France,
on qualité de suzerain de la Marche d'Espagne, pour em-
pêcher l'érection d'une métropole dans ce pays (Ferreras,
thdlc du Pape) ; (î» le fameux Gefbert, devenu Pape, sous
le nom de Sylvestre II, avait long-temps habité, quand il
était moine, la Marche d'Espagne, d'où il partit, en 970,
pour accompagner à Rome le comte Borel : il nous ap-
prend, dans sa 71e lettre, que ce Comte, après sa défaite
auprès de Barcelone, en 98o, s'empressa de donner avis
au roi de France Louis V, réclaniant le secours qu'il lui
devait comme à son vassal; et dans la 112^ lettre, il nous
dit qu'Hugues Capet écrivit, en 988, à ce même comte
Borel , lui promettant de marcher à son secours, lui en-
joignant de venir en personne en Aquitaine, soil pour lui
donner les assurances de sa fidélité, soit pour servir de
^niide à son armée. Aux mductions ipi'on pejil tirer de Ioih>
N" :.,
502 APPENDlCi:.
ces faits, vient se joindre le témoignage même des Comtes
de Barcelone. Ils ne manquent jamais, dans leurs chartes,
de faire mention du Roi régnant en France; et celle men-
tion ne peut être regardée comme un simple signe chro-
nologique, car elle est presque toujours précédée ou suivie
d*une date marquée par Tannée de l'ère d'Espagne on de
celle de la Nativité ou de Flncamation. Souvent même,
ils se bornent à nommer le Roi régnant, sans indiquer
Tannée de son règne. D*oii Ton doit conclure qu'ils em-
ploient cette formule , uniquement pour se conformer i
un usage suivi, tant en France qu'en Allemagne, k Fégaid
du Roi et de TKmpereur, par leurs vassaux. L'observation
suivante doit ajouter un degré de probabilité à cette opi-
nion : Le trône des Carlovingiens fut, quelquefois, occupé
par des Princes, dont les droits n'étaient pas universelle-
ment reconnus alors dans la Marcbe d'Espagne, comme
dans les autres provinces récalcitrantes; on employait
cette formule Cln'isdt mutante, regem expedanie, indiquant
la dépendance de la Monarchie française, mais non la re^
connaissance du Roi. Le concile de Tarragone, en 1180,
ordonna de dater 1rs actes de Tère de TIncarnation , sup-
primant celle (TEspagne, et défendant d\ relater les an-
nées des Rois de France. Ceux-ci n'en continuèrent pas
moins à se regarder connue les Suzerains des Comtes de
Barcelone ; et dos droits de ce genre sur la Catalogne et
le Roussillon , étaient les seuls que saint Louis pût céder
à Jacques-le-('Onquérant dans le traité de C^beil.
DKSCENnANCE DE SINIFRED.
Exposons en quelques liguch la situation des Princes
f.,yr if'/ de la Maison de Siinifred dWria, sur laquelle il existe.
dans Tliistnire, de Tobscuritc vi d(* l'incertitude, que
APPENDICE. 503
croyons élre eu étal de dissiper. L objet offre d'autant
plus d'intérêt, que, presque tous les Princes régnants de
l'Europe Méridionale, en descendent par les femmes.
Ceux, par exemple, de la Maison de Bourbon , s'y ratta-
chent par Marguerite de Provence, femme de saint Louis,
fille de Raymond-Bérenger IV, comte de Barcelone, qui
tenait le Comté de Provence de son père Alphonse II,
dont le père, aussi Comte de Barcelone, avait épousé la
dernière héritière d'Aragon.
D'après Bofarull, auteur catalan très estimé, la question^
est résolue. Sunifred fut père de Vuifred-le-Velu, premier
comte de Barcelone, qui commença à régner en 874 et
qui eut cinq fils :
Vuifred II, ou Borel, qui lui succéda;
Miron, qui eut pour apanage les Comtés de Cerdagne
et de Bésalu ;
Suniaire, d'abord Comte d'Urgel;
Radulphc, qui mourut moine à Ripoll, après avoir
gouverné le Roussillon;
Borel, dont aucun document n'a fait connaître le sort.
A Vuifred succéda Suniaire, troisième fils de Vuifred-
le-Velu, que remplacèrent ses deux fils: Borel II, et un
autre, du nom de Miron , qui mourut sans postérité.
Telle est la branche ainée, que nous ne suivrons pas
plus loin.
Miron, comte de Cerdagne, chef de la branche cadette,
eut quatre fils, dont le premier, Séniofred , fut son suc-
cesseur; le second mourut Évéque de Girone; le troi-
sième, Oliba-Cabréta , succéda a Séniofred, mort sans
enfants, ainsi qu'à son quatrième frère, Vuifred, comte
de Bésalu, qui fut assassiné. Plusieurs auteurs, entre
autres Zurita, veulent qu'Oliba ait tenté de réunir à ses
Etats le Comté de Barcelone, après la mort de Vuifred II.
.V)l APPEMHCl::.
Lrs liarniis s'\ o|)|)ost'renl, dit-il, parce qiril élait bègue,
et (111*011 le regardait ecHiinie un inécliant Prince, point
eathorK|iie. Ktranges motifs, dillieilesà admettre, atteedu
que riiérédité excluait riiitorvciitioii desltarons; co second
lieu , comment croire ii (*es scrupules religieux, lorsque,
quel(|ues années après, on voit un enfant de dix ans établi,
il prix d'argent, sur le siège de Narbone, qu'il proslitua
|»ar la plus iiiffime conduite.
liorel, fils de Suniaire, transmit le Comté de Barcelone
à son HIs aine, et donna l'rgel et Ausone ou Vich, a son
second iils, Krmengaud.
' Quant au C^omté de iioussillon, Uadulphe, qui se lit
moine, \ fut rem|)lacé |)ar le fils d'un de ses frères, Borel
ou Siiniaire, comte d'Ogel. Il devint Comte d'Ampurias,
ainsi que ses iils, Hencion et Caushert, et son petit-tik
(■au/fred, qui laissa ii lingues, son iils aine, le Comté
«rAnqiurias, et ii (luilalwM't, son second iils, le Roussillon.
LOIS VISUiOTniQLkS.
\ (. . Lorsque, au milieu du vil*' siècle, (Jiindasuinde imposa
,.,.„ / ;, la loi visigotliiqiie ii t<»us m's sujets, barbares ou romains',
il ne possiMlail guère, dans la S4'|)tiinanie, que cette portion
du LangiUMloe, eoiiqM»saiit les départements actuels du
Card, de riiéraull et <ie l'Aude, ii laquelle il faut ajouter
le territoire formant aiijounriiui le di^partc^menl des Pyré*
ii(*es-Orieiitales. Celle partie, ii cause des |K]SsagCS qu'ils
a\aieiit forlili<'s dans les montagnes, était tK'S im|iortante
pour les Cotlis. i:int pour assurer la eoiiimunicalion avec
I \t I.:. .)ii-. .1 . lin ,, ■. ji r Til ;■ I- II-.,!- .1'. :• -Mil l-i !■■' liHH4ilK iLib>
- tlltill'. il^ t ■ ■■■ I ■ Il ;. I î I : I .'1. : |. 'i|l ili.j.l/. i-l. <'jl.i|i<j*|l« H i-B
■ .,..,11..,
APPENDIOE. 505
leurs autres possessions dans les Gaules, que pour la
défense de TEspagne contre les Français. On n'y trouvait
aucune ville romaine, Ruscino même étant détruit depuis
plus de deux cents ans. Séparée, par le reste de la Gothîe,
de la Septinianie française, elle avait beaucoup plus de
rapports avec l'Espagne, qui lui était limitrophe, et ne
pouvait éprouver de la répugnance k adopter, comme elle,
la loi visigothique. Il n'en était pas de même de l'autre
portion de la Gothie : elle confinait avec les provinces
françaises où régnait la loi romaine, et avait avec elles
|dus de relations qu'avec l'Espagne; en outre, on y voyait
plusieurs anciennes villes romaines, telles que : Nimes,
Béziers, Narbonne, etc., où cette loi était nationale. Elle
dut résister à l'établissement de la nouvelle loi, avec toute
cette force d'une longue habitude, dont le temps seul peut
venir à bout, et l'invasion des Arabes ne lui permit pas de
produire son efTet ordinaire. Ces conquérants permirent
;iux vaincus de vivre suivant leurs lois. Les Goths cher-
clièrent à arrêter les Infidèles au passage des Pyrénées, et
ils y éprouvèrent une défaite, qui coûta fort cher au Rous-
sillon ; car les historiens arabes racontent que le pays fut
ravagé, et que tout ce qui ne put pas se sauver dans les
montagnes inaccessibles, fut tué ou réduit en captivité.
Quant au Languedoc, après la prise de Narbonne, il devint
une arène, où les Sarrasins se battirent trente ans contre
les Français de Charles-Martel et de Pépin. Après qu'ils
en furent expulsés, l'amour de la liberté et l'attachement
il la religion , engagèrent une multitude de Goths à se
réfugier dans les Gaules : ils repeuplèrent le Roussillon;
il y on eut aussi qui s'établirent dans les environs de
.Narbonne et de Héziers. Vers la tin du ix*^ siècle ou au
«'(unnieneeinenl du \'\ les Comtes de Roussillon, devenus
hfK'iliiirir.'s, |>oss(Mlai<MH i»|LîabMnenl le Comte» d'Anq>urias.
506 APPEKDICK.
Pendant tout ce temps, même lorsque ces Comtés devin-
rent l'apanage de deux branches séparées de la méiM
Tamille, ils n'eurent que les mêmes juges pour les daix
|>ays, ce qui prouve qu'on n'y suivait que la loi gothiqoe,
seule en vigueur au-deik des Pyrénées*. Ainsi, tandis
que dans les plaids tenus aux diocèses de Narbonne et
de Carcassonne, tels que ceux d'Alsonne, en 918 , et de
Narbonne, en 9^^ on voit constamment des juges GolAns,
Romanos, eiiam et Salicos* . Le seul document où il soit
question , en Roussillon , de la loi romaine, est la rédac-
tion de la coutume de Perpignan , faîte , peut-être , tm
l'an 1162; mais, certainement, bien postérieure k Tao
1068, puisqu'il y est fait mention des usages de Barce-
lone, rédigés, pour la première fois, cette année. N'est-fl
pas naturel de conclure, de tout ce qui précède, que si
quelques circonstances favorables permirent aux habitants
de la Septimanic, voisins de la Franco, de consenrer b
loi romaine ou de la reprendre après la disparition de h
Monarchie des (lOths, ceux du Roussillon, au contraire,
adoptèrent, comme les Espagnols, la loi visigothiqae, et
la suivirent uniquement jusqu'après Tan 1068?
NOTES SIR LIRRIGàTION.
N-7, 1^8 Romains trouvèrent les peuples du Berry et de
^nqf /J6 . rAuvergno i Rituriges, Alvorni ) à la tête d'une puissante
I (:'e»t >aii> iliiuii- pour «itii- rjiMtn. qiir \x^M\t> d'Oulrr-Mcr. «laDft um cfeBrU
|iri«.irli, W\u\r^ (.ilfii'li'^ •!<■ ..•■|iiriiitircl<:iK.piirtr. {Mniu IfsC.iimlH de laMirrbf d'I
'•■lui tiu ri<'^ii>Hl1ii!i. iim, ji>*>iii'j iftir /|ti<i)u«'. jv^it toiiji'iirit éU rrpardi^ ronu»
à la Sf|itim4ni^
- \i>rl Jltlili'v M r\ .V. ,iiv |'iri|\r. ih' \'H\.stt>\ie rflf /.(INyNrJvr . lOBir II. |Mft M
' **- juc'" ^t.iifiil .'Il ii-iiili> -il- \in^' •>.i\>iir l'i -trr (.mh- . huil Hniii4in« . huit Sabra» «i
APPENUMIE. 507
confédération, qui s'étendait jusqu'aux Pyrénées. Polybe
( liv. III, chap. 8) nous fait connaitre qu'il existait une
belle route, allant du Rhône à TÈbre, par Ampurias, sur
laquelle les distances étaient marquées de huit en huit
stades. Or, ce livre fut composé vers Tan 630, époque
qui précéda de trois ans l'invasion , par les Romains, de
cette partie des Gaules, qui forma depuis la Narbonnaise.
Ne doit-on pas en conclure que cette route était l'ouvrage
des Gaulois? Nous pourrions citer Possidonius, Strabon,
Athénée, et d'autres écrivains, qui nous ont laissé des
notions sur les mœurs, les lois et coutumes de cette na-
tion , pour prouver que la Gaule Méridionale était assez
;ivancée dans la civilisation. La langue grecque y était fami-
lière, et servait particulièrement dans les actes publics.
Suivant Pline (livr. V et VI) une vaste étendue de ter- n» s,
rain était arrosée entre le Tigre et l'Euphraie, par des (pnijttsi).
canaux qui en dérivaient. Les Grecs, dans la retraite des
dix mille, avaient déjà, avant de passer le Tigre, franchi
deux canaux creusés de main d'homme pour l'arrosage.
Pomponius Mêla (liv. I^r, ch. 11) en fait remonter l'origine
à Sémiramis*, u illustre par deux magniGques créations:
« la construction de Babvione, ville d'une merveilleuse
<( grandeur, et la dérivation des eaux de l'Euphrate et du
<( Tigre, pour fertiliser des contrées jusqu'alors arides. »
Ammien Marcellin nous fait connaître, que, dams la
partie haute de ce dernier fleuve, le territoire d'Amida,
maintenant Diarbékir, était aussi arrosé par des cours
deau qui en provenaient. Josèphe (livr. I«^ ch. 26 de
la guerre des Juifs), parie des environs de Jéricho, où
une source abondante servait à l'arrosage d'un terroir
1 Ihifl iiin.nuif cjifUniit opéra . roiistUtita ui'bs mirfr magttiliidxnts BtÊhyfoti . ar
\i< (K nlnii rrijiinuhtn^ Huphralfs ft Tigris immi##i.
:>08 4n*E.M)i(:K.
de 70 stades de long, sur 20 de Vàv^c. Il ajoute qu on ne
tirait aucun parti des eaux du Jourdain, dont, à l'exemphr
des Syriens, leurs voisins, ils auraient pu se senir si nli-
lement.
^„ *)^ Xous citerons en entier ce passage de Pline, très rcmar-
/;/ryr /./;' tpiable, non seidement parce (|u'il indique la prodigieuse
Icrtilité due à une source, au milieu d'un désert de sable;
mais parce qu'il nous fait connaître rapplication de la sage
mesure d'une répartition réglementée de ses eaux : « La
n source est abondante ; mais les habitants n'en jouissent
ti que pendant des espaces de temps dctcnniués. 1^,
<i Tolivier croît sous le très haut palmier; ici, le figuier;
« au-dessous, le grenadier; sous la vigne, on sème d'aboid
« du blé, auquel succèdent les légumes; enfin, des plantes
f' potagères, et tout cela dans le courant de la même année,
« et, toujours, une n^colte inférieure, pousse kTombiv
« d'une plus élevée * . »
N" lu, On |»ent n'»sumer ainsi les pn'»ce|»tes de Caton : « Si on
(i-tigr /:!f*. '< » de Tcau , il faut |)rinci|>alement faire des fourrages;
» et si on en manque, il faut en faire le plus qu*on pourra
«» dans les terrains secs-. »
Pline'* et Palladius^ rerommandenl t< d'arnisor large-
I l*LiMi'«. lib. NVlll , rap. a : ton» abiinilnt, largii» quuiem. $ed certii h
tpi/iîj diMpeuMiitur intcr iinolna. raltmr thi prtrgraiidi iubdttur olr«; kmte fUiu.
luo i*un\e(i : \Ui rifû mub vxtf ifninr frumfntum; mar Ugumett, dexHàii
filftn aiiho, ommiï'iui" alirna umbrd nluntur.
- Cato. .Il- \\e r.inli.a. arl.Relîl: i'niui irrigua, fi mtuum hahehiM. f&fitnmà
tnnto: ai tiqmnn nnn htihtliin. $iirn tiunmi'htnma fnrito.
1 l'ilMio. Iili. \I\. ).i|i. I Ihrtos iilhr jinttjfiiiUti unti fut dnhinm ,
tnfi.nm*' 'iiiff-/ii/ii.<r. XI I iiri/iui/iif . yrtt(\\ui itmm- Si Hiinlui. •' /■Hfrti ruM.
/inriaii^ffi' i< . ii'l /'i//« ifiiiiMifi funiA'u ri/ifn./ii.«
• l'\il\i>ii<> hli I irt :;t /Vi'i (/••><'>•> '-W . II. /, i,i/i r m. 'iri'iM ffrtHidrf rariBt
ii/l/.f //il' m/m /■• I .|..'ii I ./.,. , ;.r .,', I .; ■/ \, t.'iis .1, S'' mi.' ■ -i ■ i ■»!*■"■'«» ^»l r"'"" *
'• *lil ,'|i»'*'l> J'. ■ ■! -Ili !»■% • 'll.-fl.'lf l"l.
u innil li's jardins, si on est assez heureux pour que leur
« position permette de tirer Teau d'une rivière ou d'un
<( canal voisin§; dans le cas contraire, d'avoir recours aux
« puits, aux réservoirs, à l'action des machines hydrau-
« liques. »
Varron et Columelle parlent de l'arrosage dans le même
sens, le bornant a l'usage des jardins.
Si, après avoir consulté les agronomes sur les canaux et v h.
les arrosages des Romains, on puise dans les documents ^page im,
que nous ont laissés les architectes de Rome, on jettera
un nouveau jour sur cette question.
Viiruve a traité spécialement cet objet (liv. VIII, ch.
6 et 7). Le début indique sous quel point de vue, il a
considéré les canaux*. Il décrit les travaux à faire con-
cernant la conduite des eaux, dans l'hypothèse de leur
destination pour les villes et les maisons de campagne.
La pente de '/loo q"'*' prescrit, ne serait guère conve-
nable pour l'arrosage de plaines considérables. Ainsi, on
ne doit pas s'étonner qu'en France, les provinces voisines
du Roussillon, si long-temps occupées par les Romains, ne
pratiquent pas l'irrigation, tandis qu'en Espagne, dans les
provinces du Midi , où les Maures ont régné pendant huit
siècles, elle reçoit une vaste et intelligente application.
On remarquera qu'il reste a peine une trace du système
de mesurage et de répartition des eaux chez les Romains.
Nous croyons utile de donner ici un aperçu de leurs
mesures les plus usitées, afin qu'on apprécie la masse
d'eau qu'amenaient à Rome les neuf canaux décrits par
Fronlin :
t SuiH' ilf fifiuitinonibus (td habtidlionf» nuruiaque. ut fien uporleul . f.rph-
510
APPRNDICK
des
■ ISl'RBS.
Quinaria
Senaria
Octonaria
Denaria
Dnodenaria . . .
Quinaindenuin
VioeDaria
DIAMÈTRE
Uti TL'YAi:\.
I
KS DOIGTS EN POLTJ»
romains. < de Paris.
•>
a*
2 » \.
- Il
5
5 3/,
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0,S59Î
1,0512
•l,57r>0
1,7188
2,062:;
2,5781
5,^573
QfriNAIRES
rourniflt
par
les tnyaax.
1,00
2,56
4,00
5,76
9,00
16.00
•BSKRVATIONS.
I^ pifd romuD \ail 11
p6K«« ée l*arif
le duiirt vant (1.687 4i
poare de Firii . « ca
mklTe> U-.01K5.
Ledi.imr'tr» «le la qoioairp
e>m mrlmO-.UilSl
Nota. Il >erail >u|Mrrflu de ron!inu(*r re taltlfju.
La vicenaire. diminuée d'un demi doigt, ou ayant on
diamètre de 5 pouces 09 de Paris , était Touvertore en
usage pour les distributions, ouverture trop petite pour
des irrigations de quelque importance.
I^s Romains plaçaient dans la même cuvette ou bas-
sin, les divers orifices a la même profondeur; ils adap-
taient, en outre, un tuyau long de îSO pieds 2i chacuD
de ces orifices. Il s'en suivait que les petits débitaient
proportionnellement moins que les grands, puisque la
charge était plus forte sur ces derniers, et le frottement
moins considérable. Il ne parait pas qu'ils aient jamais*
comme nous, rapporté leurs mesures 21 une quantité d>au
écoulée par un orifice d*un diamètre constant « et sons
une même charge.
Des mesures romaines usitées pour la distribution des
eaux dans celte (îaiiie Narbonnaisr, qui au dire de Pline
Hivre III, chap. i< sVtait complètement identifié«* an\
mœurs et aux habitudes de l'Italie, et qui séparée de
APPENUICR. 511
l'Empire an V« siècle, n'abandonna qu'insensiblement les
usages et les institutions qu'elle avait reçus de ses pre-
miers maîtres, il ne reste plus que le denier^ dans la
Provence, qui, par sa position, eut moins a souffrir des
bouleversements , qu'occasionnèrent les fréquentes inva-
sions des Barbares et des Maures : c'est évidemment là
denaria romaine, modifiée de manière à se rapprocher
singulièrement de la quinaria. En effet, suivant Bélidor,
cette mesure vaut 8 pintes ou */< pouce d'eau, augmenté
de Vi- l^onr fournir un pareil écoulement, son diamètre
doit avoir 0, 82 du pouce de Paris, cote très rapproebëe
de celle du diamètre de la quinaria , portée au tableau
a 0, 8o94.
Abdel-Rahman I«% qui fonda l'Empire des Oméyades \o 42,
en Espagne, fut un très grand prince; mais les guerres ^pagf ns)
civiles, qui toujours précèdent et suivent l'établissement
d'une nouvelle dynastie, l'empêchèrent de faire à ses
sujets tout le bien dont il avait la pensée. D'ailleurs,
pour procurer le repos intérieur à ces peuples turbulents,
il fallait les entretenir dans l'espoir flatteur de soumettre
tout l'Occident k la loi de Mahomet.
Abdel-Rahman H, Abdel-Rahman III et Àl-Hakem II,
ses successeurs, furent dignes du fondateur de cet empire.
¥a\ fertilisant le sol par l'irrigation, ils rendirent au Midi de
l'Espagne un immense service. Avant eux, au contraire,
les Maures portaient partout la dévastation et l'incendie.
Les chartes du ix« siècle (Marc, hisp.) nous montrent les
prêtres, les moines, les seigneurs, occupés ^ réédifier les
églises, les couvents, et k remettre en culture les terres
restées en friche. Qu'on juge, par le rapide aperçu des
quarante malheureuses années d'occupation de notre
pays, s'il est possible d'attribuer aux Maures le beau
:i\'2 U'PRNDICK.
système de canaux iliiTigalioii (|ue possible le Kous-
sillon! Nest-il |>as, an contraire, plus naturel de penser
qu'ils ont, dans ce court passage, détruit les faibles restes
des connaissances acquises sous la dtunination romaineT
O peuple qui, plus tard, cultiva avec tant de gloire lei(
sciences et les arts, n'était alors que guerrier et conqué-
rant. A peine paisible possesseur de rAfrique^ lorsqu'il
envahit TEspagne, il ne pouvait à la fois contenir les
Chrétiens des |»ays conquis, combattre les Tioths réfugiés
dans les Asluries, inonder la France de ses amiées, el
fonder au nord des Pyrénées des colonies agricoles, qui
auraient naturalisé leur industrie. Ils ne purent s'adonner
aux arts de la paix, ([ue lorsque les Oniéyades eurent n*uni
sous leur enq)ire tous les Mahométans de la Péninsule.
V ir>, l^a meule qui sert encore aujourd'hui à la mesure des
'pnur nr. eaux, est d'un usage si ancien, qu'en remontant aux pre-
mières concessions des Souverains du Koussillon , relie
de la Seqnia real dt* Tohyv, par exemple, (|ui date du
commencement du \ir siècle, on désigne ainsi la |iartii'
réservée pour la noria du château de Perpignan : un wttti
V miUj (un moulin et demi). Dans celle de deux meules,
faite en llGâ, par le comte (lauzfred, au Seigneur de
Pîa, on ne les désigne pas autrement que |»ar ces mi>ts:
tluas monades (<leu\ unités i. Dans celle d(* 1285, pour
le canal de DaU, ii Prades, <ui dit : tria mohmdina (trois
moulins). Kn voyant cette mesure constamment employer
dans les actes d'inléodation, et les experts dmdant, au
simple as|>ect d*un canaL combien de meules il contient,
on doit croire que ce mot exprime une clnise |»arfailenieBl
ronniie et <léterminée. Il n'en est [dus de même, lors-
ipi^ui veut s*eii taire une idée précise.
Le volume d*r:Hi neeessaire pniir donner le iiMuneiueul
ai»pem»k:k. 513
il une meule, varie suivant la <*hute, la dimension de la
meule, celle du rouet, celle de rorilice d'écoulement;
or, comme il n'existe peut-être pas deux moulins, où ces
quatre éléments des effets du mécanisme soient absolu-
ment les mêmes, ayons recours a des moyennes, pour
lixcr nos idées sur le volume d'eau attribué à cette épo-
que au moteur d'une meule de moulin. Admettons un
réservoir constamment plein, d'où le fluide s'échappe par
un pertuis déterminé. Après de longues recherches et de
minutieuses observations sur les dimensions de toutes les
[)arties du mécanisme de nos plus anciennes usines de
retle nature, j'ai adopté les cotes suivantes:
Profondeur du réservoir. Go pouces, 1*",70.
Porluis vertical, 8^^ sur 4p<» C^ou 0"»,2l6sur0m,122.
Haiilc'ur au-dessus du centre du
pertuis, l'",59.
Surface du pertuis, 0" -^^OaGSîîS.
Vitesse due à la hauteur, 5"\58.
Dépense par seconde, i)^^ ,iil
Va p()iir2Hieurcs, ou 86100".... 12700"» ^ ou 1716»-^-
Sn()|)osanl la veine fluide, contractée dans le rapport
de IT) à l()ou 0,8125, la dépense d'une meule par vingt-
((uatre heures sera de 1.594 toises cubiques, volume que
tournissait ce qu'on a dû appeler, dans l'établissement de
nos canaux , la 7neule (Veau, Examinons si elle répond
il la réalité, d'après les indications fournies par des actes
légaux et dignes de foi.
Il existe deux évaluations d'experts, consignées dans
(les procès-verbaux d'opérations, exécutées par ordre de
l'autorité, et, par conséquent, hors de contestation. La
première concerne le canal de l'Urgel, en Catalogne. La
capacité de ce canal, estimée par des hommes compétents,
33
li (|iiai'aiile iiuMih's, lors ilrs plus liasses raiix de la S«»j5rf .
on trouva, on piniant les iii4'siin\s (l<* la largeur, «l«* la
profontlonr et do la vitesse du mnraiit, qirii roiimissail.
on vinj,'t-quatro Ih'iwi's. HT^.tifMr ' , ou pour une meulo
2.?>8()^ •', <pii , ranionôos h la îoist- ndiùpio ilo Franre,
donnent l.()5(); mais la vitesse tut |u-ise a la surface, où
elle est toujours plus forte «pie la moyenne. Itéduisani
le résultat d'un sixième, on trouvera l.rï^MV* , ce qui
diffère peu do notre évaluation.
Dans un autre proeès-\eil>al de visite, opérée du 21 an
27 mai 17?)!), par ordr«* de l'Intemlant du Itoiissillon ,
au ruisseau dit tie hfs i^mah^ dans lequel on a\iiil fait
entrer ti^nte l'eau ({li'il pou\ail rontenir, l'ingénieur et
les experts ré>aluèi('nt ii trei/e nn'ules. Kn donnant à \à
section tin eanal tît» ' . pie<ls carn-s :i"' 'î ,7S', et à la vilessi»
(lu rouranl 21 pouces ()=".. ')7i, les ealeids amenèrent eu
ré'sidtat, |»our la meule, nih' dipcnsf* de 1.11 i*** pendant
viii^t-(|uatre heures.
Venons à la dimension de l'oriliec. haiis une antrt*
visite au ruisseau d»' A/v i^nufiU, m I7r»7, on avait donne
le diamètre de U polI^r^ ;iu ri*rele qui doit fournir une
moule, puis 7 pouers ei i |»ou('es S li^^nos au diamètre
deso'ils <pii devaient fournir la demi et le quart de meule.
(In s*a|)ori;ut, plus tard, ipu', pour les ra|)port$ exacts des
surfaces, il fallait réduire les <liamètres de ces dernières
à f» pouces ^i lijjnes, et i [MUiees Ti lignes.
Pour<pril s'éeoule l.itM)^ • «Peau t»n vingtH|uatre heu-
res, par un ori(ie(^ iVim fmhn î> |)Ouees ou 0"n,2l5jf de
diamètre, il suilit que h.' Iluide pusse avee une \ilesse de 9
pieds l pouees 2 lignes 2.'» ou i Tt'o, 0.*i |Kir seconde, due à
l:i liauteur de 1 7 pouces ti liviics O"-, i7 i sur le eenfre do
l'orilioe : pressimi facile :i iditenir au ruisseau de Perpi-
gnan, dans lequel, la nioxcniie des cauv s'é'lève il 2 pîetls.
APPENDICE. .Vio
luniiiMO ; celle du haut est consacrée aux grandes réunions :
concerts, bals, distributions de prix, etc. On doit vivement
rof^ncller que le tableau de la Trinité, qui parait l'œuvre
d'un bon maître de Técole italienne au xv^ siècle, soit
relc^'ué dans une chapelle obscure de l'église de Saint-
Jacques; il figurerait infiniment mieux au Musée, où on
l'apprécierait, tant pour l'exécution, que par son ancien-
neté. Des soins intelligents le préseneraient de la des-
truction dont il est menacé.
DÉCADENCE DU COIIMERCE ROUSSILLONNAIS.
»
Si pondant un demi siècle après la conquête, on voyait N° 2i ,
<les Roussillonnais, et particulièrement les nobles et les (v^9^ *^^)
commerçants, manifester des regrets de la réunion de
celle province à la France, on doit, indépendamment de
laflection naturelle d'un peuple h la mère patrie, l'attri-
buer à la lésion qu'éprouvèrent ces deux classes dans leurs
inl(''réls. I.es premiers, qui n'avaient point perdu le sou-
venir du 1,'ouvernement despotique de Louis XI, et des
mauvais traitements qu'ils durent subir sous la domina-
lion d'un Prince dont la mémoire était en horreur parmi
eux ' , étaient déchus de la haute position que leur avaient
valu d'anciens services et des privilèges que ne main-
liendrait point leur nouveau maître. La suppression des
droits d'entrée sur les marchandises françaises, exposa les
seconds \\ une fatale concurrence. Prenons pour exemple
la principale industrie : les lainages. Déjà, sous l'occupa-
lion temporaire de Louis XI, qui bouleversa le pays, cette
branche de commerce avait considérablement souffert ; car,
I Cett»' ifiipi.'^Mf'n pwAo pncnrc.et *e manifesle dans tout lequi peul rappeler la m^fmoiro
Jf c l'nni.-
5i(> Ai'PËNDh r.
la France al)Sorl)aii jusqu'au monopole des traDsporls.
Aussi, le nombre de tisserands qui, en 1552^ s'élevait à
trois cent quarante-neuf a IVrpij^Mian, descendit alors à
cent douze. A la vérité, (>harlrsV|[I répara, autant qu'il fut
en lui, le mal que son père avait fait au Houssillon, traité
en pays conquis; mais dans r(\space de trente ans (de 1463
à 1495 ) cette im|)ortante industrie avait fortement décliné.
I^ mouvem<'nt continua, malgré les mesures prises par
les Rois d'Aragon [lour rovivilirr la fabrication. Les étoffes
étranj^rères abondt-rciil : (.1 (jiKind on tenta de les pros-
crire, on usa de représailK'S. Les maîtres les plus habiles
émi}j[rèrent a Florence, à (iénes. Le traité des Pyrénées
porta le dernier cou[) aux labri(|ues roussillonoaises : il
y eut débordement de la draperie lanji^uedocienne, tandis
que la nôtre |>erdait sans retour le débouché catalan. Nos
derniers ouvriers furent s'engager à Carcassonne, l^?aur.
Castres, etc. Il en fut de même de la plupart de nos
autres produits industriels.
Sous le rapport [politique, le Koussillon, jadis payi^
d'Ktat, devint pays soumis au régime des ordonnances.
l/incorporation a la Puissance aragonaise lui a\ait valu
la comnnme et ses libertés; la réuni(m, a la France, le
frustra de la re|UM!sentation provinciale, et le livra à la
prévoté d'un Intendant.
XOTES SIR LÉTAT ATMOSPHÉRIQIK.
N« 22, Nous avons réuni dans celle note, k* résultai des oliser-
. •- r^r vations faites à Per|.î;^îiaii sur rt'*l:it dr ralmosphére, suivies
avec une louable |irr>('\tian('c, [itihlant iloii/e années, à
!'Lt «M^'-Nnrma'if ' ; ^ !!« > ii..ii(M:t liiulr iniiliaiHe.
' *'f'j* h .hi<-' n if M II.,:! n
APPENDICE.
517
celte question, d'une précision malhémalique , et nous
voulons la mettre à la portée de tout le monde.
Quel est, dans no8 canaux, le volume d*eau fourni par
la meule d'arrosage?
La hauteur d'eau étant fixée à 50 centimètres, dimension
moyenne dans les canaux de la plaine du Roussillon , au^
dessus du point inférieur du cercle de l'œil, il est très facile
d'en déterminer l'écoulement. Prenons l'œil de 9 pouces
(0"',24), la hauteur d'eau sur le centre sera0™,58, d'où
résulte la vitesse de 2™, 75, qui, multipliée par la surface
de l'œil, donne le produit de 124 litres par seconde. Nous
avons formé le tableau suivant, en opérant de même sur
les œils des ruisseaux de Perpignan et de Corbère, et en
tenant compte de la contraction de la veine fluide, dont
le coeflicient, 0,8125, exprime la valeur.
DIAMÈTRE
DE L'ŒIL.
EN
MESURES
décimales
1
DÉBIT
par
SECONDE.
NOTES.
De 9 po.
" iig.
0"»,24
101 litres.
Meule, \
(;
5
0^,17
53
1/ .««..I- \Aa rnisseaa de las Ca-
Va meule, Ua/* ou de Perpignan.
;
G
0™,I2 27
V4 meule, f
8
8
ji '
G
n
G
0'»,25i 9^
0'",22 86
0™,20, 72
Le plus fort,
/An niissean de Corbère,
Le moyen, / aillait dont 3 font la
\ meule.
Le plus petit,
io
G
0'n,'i2 268
0£il qui fournirait à lui seul la
meule entière.
I^renant à Vœillal moyen de Corbère, Ille, Millas, consi-
déré comme le tiers de la meule, la valeur sera de 2o8
litres, iiemarquons que les cliiflres 53 et 27, sont plus
iorts qu'ils ne devraient Tétre pour représenter la demi
et le quart de meule : c'est le résultat de Faction de la
liauleiu deau, dont on n'avait pas jusqu'ici tenu compte.
:»is \M»KM»irE
Ij's \raics «liiiiciisions à iloniuM\ avec O'»^o(t de charge,
sur le foiuK sont : <> pouces 5 lignes pour la demi meule
.Oni,l(M); 1 |)ouces () lif^mes pour le (|uarl (()"», M îij, doni
les produits seront, en résullal, i'À) et 2^) litres par seconde.
Quel volume d'eau a-t-on accordé par les actes dlnféo-
dation, dans les(]uels on dési^^me ronstannnent TuDÎté par
le mot nteiih'.*
dette (|uesti4)n n'esl ni aussi lacile ii traiter, ni ne peut
l'êtrr aussi ri}^^)ureusement que la [trécédentc.
La premirrt' donn<'M' dont nous l'erons usaf^e pour tenter
la solution du |)nd»lènte, nous parait si naturelle, quMI \
a lieu de sVtonner <|u*on ne Tait pas employée jus4]irici.
Le ruisseau de Perpignan doit contenir IVau nécessaire à
rirri^ation de son territoire, et, de plus, constamment
deux meules pour la ville et la citadtdle, où les Uois de
Majorque avaient leur palais. Assimilé aux droits et privi-
léj^'es donI avait joui ranli(|U4> r{ primitive sciiaiu de Thuir«
il <lnit recevoir six inrulrs, auxquelles il tant annexer, plus
has, ime meule dérivée du ruisst>au <le Thuir, et «pu vient
s\\ d<*vrrs<*r vis-îi-\is l'ieil ihl Tntinnt. hansie procès-verlial
tir >isih' du mois de mai lTr>t>. par une rommissioii, dont
Taisait pariit» l'in^t'nirnr militaire l)rt'a\-l^(*villiers, on
preM rii l(> rt'tahiissrmi'nl des «linn'usinns m lar^^enr des
trois di\isions [Mutccs dans l'acte de création de la reine
Marie, «-ii I S^ri, sax^ii : i'", rii",;jO ri 7»"" , en allant de la
prisr «rean M'rs la \ille; on ord<inne (|iu' les leils, |H'rr(^
diins une [Merre dt* taille, "«eronl posi'S «le manière, qu'au-
dessous du et>r('Ie, il restera deux poiH'es entre le |ioinl
inlV'iieiu et les ti'nioihs du sol, {\\r> « n \lTu. Otte dis-
I" ^iliiiH. ii'uue pour sîilli'iiinte. ;ilin de {garantir la lourni-
ture des .li'ux meules ii l:i eitadellf. était sa<!enienl pn'^'ue
< i i:ti<'iix f'talilii' iliiMs If prorrs-\erlial que dressa la coni-
I ..-^ioii d<'l«'';-ii« « «ritr uièuie iinih'e, p;u' riuteudanl de
APPENDICE. 519
\a i*ioviiii'(\ On y donne au ressaul, entre l'œil et le sol,
doux pouces clans la partie supérieure du ruisseau, trois
dans la nioyenne et quatre dans rinfërieure, qui reçoit,
de plus, la meule de Thuir.
On peut, nous le pensons, tirer de ces documents et
riuiditions le volume de la meule de moulin ou de con-
cession. Aj^MSsant, comme on le ferait en cas de pénurie
pour allouer a chacun exactement la part que lui donne
son titre, nous admettrons une vanne barrant le ruisseau,
l»lacée, pour plus de simplicité, à la prise d'eau, et nous
dérobant ainsi à Tinlluence de la pente et de la vitesse.
Soulevant celte vanne de 2 pouces (0"™,0o4), sous la
<liari,^e de 0'", iTô (ou On\50, moins le */« pertuis 0"»,027),
on aura b*s cotes suivantes :
Lari^mr du canal 4"i,000.
Hauteur du pertuis 0'",054.
Hauteur d'eau sur la ligne centrale. 0"",473.
Vitesse due a cette hauteur 3"i,0o.
Le produit, en tenant compte de la contraction, est
( ) ' ,. irM, d'où la meule sera de 0in,270 litres. A la vérité, on
a ainsi un maximum en opérant isolément sur la partie infé-
rieure (le la vanne. Voyons ce que serait la meule, en opérant
sur le rectangle é(juivalant à l'ouverture de six meules.
La suilace de l'œil de meule, de 0"i,'i2 de diamètre,
c>i (le 0 ' 1 ,ir)8o; la hauteur d'eau, sur le centre, 0"i,29;
la vitesse, "2'",r)8o ; le produit 268 litres, et pour six meules,
I" ,t')()8. Même résultat en soulevant la vanne de 0"i,17;
ciir, le rectangle 4'" par 0'",17, donne 0'"*ï-,68. La 7t
(niiclie, t)'",()H;), d('Hluile de O'n,o0, laisse, pour l'action
sur le ( (Mille, 0"',41o. La vitesse correspondante étant
i! ',s:;, le produit, par 0'",r>8, donne 1.574 litres, d'où
la nieiili' T'-ale O'"'" ,2r)r>.
:»:^0 APPE.NDICE.
Les trois évaluations trouvées, varient de i58 à 270 li-
tres. On doit, de cette coïncidence, conclure que le chiffre
de o()() lit. , vul<|[airement attribué par les meuniers et les
experts au volume d'eau nécessaire |)ourle niouvcnient con-
venable et assuré d'une meule de moulin, est parfaitement
justilié, |>uis(|ue Texpérienceet le calcul sont si rapprochés
et méin<» i(lriili(|iu's ; car, les piMles , par les fuites et Tévapo-
ration, réduisant duu dixième le volume introduite la prise
d'eau. Aussi, «'l'ile évaluation, considérée comme approxi-
mativt' , et en (]uelque sorte consacrée |)ar un long usage,
doit être adopti^e; et nous ferons remarcpier que le moulan
du canal des Alpines, est rei^ardé, dans la Provence et le
Dau])l{iné, conimr fournissant ^(j«*> lit. par seconde.
Il <U:iit donc naturel, lorsqu^en 177)0 on jeta treize meu-
les dVau dans le ruisseau de Per|u^nan, qu'il y eut de forts
dé\erstMnrnts ii la division inférieure, puisipie lu partie la
plus rt'sscnve dii canal, n'ollVail (piime sectitui de trois
mètres, sur un dr pi nfondeur, tandis «pie les treize meules
en formaient une <le r>">,ôt>i. Il était tout simple, aussi,
qui* les deux |)ouces pouvant suflire, à la ri{^uear, pour
le passaj^'e de deux meules , avec (pialre mètres de largeur
du ruisseau, devinssent insullisants au?^ points de rétrécis-
sement de >»,,')() à r>i'». Hicn de plus rati<»nnel aloi-s, que
de stipuler, connue dans le procès-\erbal de 1757. que le
ressaut serait accru, «l'abord à trois, puis à quatre pouces.
D'après tout ce (pii précèdt», il ne saurait y avoir identité
eutn.' la meule de moulin et celle d'arrosap*, et il pourrait
bien se faire que Tadoption . pour cette dernière, d'mie
dési<^'nation qui s'est maintenue, |U'o\int de <'e qu*on lit
dans le principe, [mur la répartition, usa^e des meule>
de moulin hors de sirrvice, dont l'o'il ou le \ide circulain*
rentrai, \ariable de dimensicm, dminait issue à IVau, sui-
vant les dinjis d'ini chacun. '/.7t'///i'"r <
APPENDICE. 521
Ces iDoulins sont mus, dit Vitruve, par un aiode sem- ><* < <,
blable, l'impulsion même du cours d'eau. En outre, ils (page ni).
ont, à une extrémité de Taxe, un rouage denté, inclus
dans un tambour *.
dette description sommaire ressemble plutôt à une rela-
tion (le voyageur, (]ui veut donner une idée générale d'une
machine inconnue à ses concitoyens, et qu'il voyait lui-
même pour la première fois, qu'à l'exposé précis et détaillé
d'un homme de l'art. C'est, dans ce sens, qu'au premier
chapitre du méuie livre, il annonce qu'il fera connaître
des machines dont on fait peu d'usage.
Virgile, contemporain de Vitruve, en décrivant les tra-
vaux au\(piels on s'emploie à la campagne, lorsque le froid
retient l'agriculteur dans sa ferme, dit, traduction de De-
lisle : c( la meule met en poudre, ou le feu cuit les grains.»
Ainsi, on torréfiait encore les grains, qu'on écrasait ensuite
sous la pierre ou la njeule à main.
(lohnn(^lle, un demi siècle après lui, veut, auprès de
clia(]ue ferme, un Jour et un moulin, proportionnés au
nombre de colons. Bien certainement, il n'entendait point
parler d'un moulin à eau, la plus imparfaite de ces usines
|)ouvant sullire à un grand nombre de fermes.
Pline, qui vivait à la même époque, nous apprend que
la majeure partie de l'Ualie employait, pour moudre, le
|)ilon , ainsi ijue les roues que l'eau faisait tourner en pas-
sant'. Nul doute donc que, comme Vitruve, il connaissait
ces usines; mais il est certain qu'on en faisait rarement
usage, puis(]ue plusieurs années après sa mort, il n'en
1 \iiiu\. . hb. \. (M|i. 10, Do lU>li> a(|uarii> ol Hulralolis. Kiidem nitinnr rliatn
' r.sntiinr hijdraletfr , in quibus eadem tunl oinnia , prœterquàm quod in une capiU
i: I i.v ( li.ilM'iit 1 !'jin;'anum drntatum est inclutum. etc.
- l'iiMi-, lili \VIII. rap 10; Mnjor pars Italtœ ruido uUUir pilo . rvlts ftiam
«,"';> miiin ifrfrt ob\(ri\ rt molal.
tAisttùl aiu'iiih' ù Koiiio. hniis la (iosrriptioii «les aquciliics
(le n>t(i* ville, (Tritc cent ans |)iiis tard par Frontin, on
parle de moulins à foulon , i^t nullement do ceux à farine.
\> i.i. Palladius éerivail sur ra<^'riculture vers le milieu du v
.„.y. /;: siècle. Dans son œuvre, Dr II* tiislioi ( liv. I^r, art. -42
il conseille d'em]iloyer les eaux qui ont servi aux baios.
p(»ur mettre le moulin en mouvement , et épargner ainsi
le travail des luunmes ou des animaux. On comprendra
ais4''m<*nt rinsullisance d'un pareil moyen, même en tenant
compte du fn^pirut usai^e (pion faisait des bains à cette
<''po(pie. Prenant pour exemple une ferme de mille escla-
ves, il fallait tous les jiuirs moudre, au moins, l.tXX) kil.
de f^Tains. Les hains, t.'u leur attribuant (> pieds culies.
auraient fourni (î.O<X)i'* , ou !20o'" '^^•. Les résultats de
nondireuses e\p<''ri<>nc<*s prouvent ipie, dans les moulins
les mieux (►ri^'anisi's, nu dé|>ense 77 1"*^- d'eau par kilo-
,'ramme de mcMilure : h's Vy.iHH) pieds [U'ovenant des bai-
noires, siilliraient tout juste à la mouture de TH kiL de
i^rains, c'est-à-dire ii la trei/ième partie de la rcmsom-
nialion.
\> iii, Lt* dispositif le plus rnti>iil, r:dile de canalis;itiun qiic
d .7. i.-,n. nous pfisstMlions, est établi sur la ri\e droiti» de la Tel.
di>ist'* iiiaintenant en trois parties: les ruisseaux de (lor-
l'i'iw de Ihuir, de Peritii^nan, qui \u* formaient, dans le
principe, qu'un seul et unique cours d'4*au, dit : la St^piia
n'til (/e Tnliijr. (lomin<'n<'ant à un quart de lieue au-dessous
de Vini'ii. l'i «li'ÎHuirliiiiii «!:ins r.'l.iri.; «le Sainl-.Na/.aire |iar
Il riir'ili' «!e f.:ilM'si:iri\ . I.-^ d«ii\ pnjoK iAlrênn'S avaient
rnir'eiiv TiLiMMi mitres. i':i h-ie* «Iroitr. \\\\ ne s;uirail
■issii:iii-! Vr\. .."Il* |i|i«-jsi' i!r v.;i r< liishnetiou . 1.4* teslanieni
Im di-i!ii>i ' -imI: i|i I'.oii --ilioii {.iniiNr e|U'il existait CH
i
II
APPENDICE. 523
1172, |)uisqu*il fait mention de plusieurs moulins, qui
ne pouvaient être mus que par ses eaux; car, c'était à
Test et tout près de la ville : le moulin de Saint-Michel,
il la porte de Canet, et ceux dits le Royal et de la Juive,
sous la maison des Lépreux, au pied des hauteurs de
Saint-Jac(|ues. Nous pourrions tirer de l'usage des eaux de
(iorhère. acquis en 1020 par les moines de Saint-Michel-
(le-Cuxa, et du canal d'arrosage construit, en 1125, par
le Chapitre d'Elne pour le terroir de Malloles, auprès de
Perpi^nian. des inductions, qui feraient remonter très
haut le premier établissement de la sequia de Tohyr.
Écartons les hypothèses, les probabilités, et partons de
dates incontestables : la charte du roi Martin, du 15
décembre MOO, contient le texte du traité du 5 des ca-»
leiHles de septembre 1357, entre son procureur fondé
et les Consuls de Thuir, qui réclamaient des travaux
ur^<M)ts pour remettre l'eau dans la sequia, et faire mar-
<'lier (le Iront les six moulins de cette ville, ainsi que
pour le service du château de Perpignan. Le 5 novembre
ir>iK Jacques 11 de Majorque, lit ii la ville de Perpignan
la concession d'un «imI d'eau de 4»**' 10*'« de diamètre
' \ (le nienh^ * ). La teneur, les expressions de ces actes
aullienli(pies, indiquent un usage, une origine déjà an-
ciens, et on ne doit pas hésiter à admettre que la déri-
vation primitive de la sajuia de Tohyr eut lieu au com-
niencemenL du xiie siècle.
Le (Ion (pie le comte Gérard lit des moulins de Perpi-
«;nan. et I épith('te de royal que |)ortait le canal, prouvent
(piil appartenait aux anciens Souverains du pays, et on
ne saiirail douter qu'il ne frtt leur ouvrapo, si l'on consi-
I ' • (lit l< >.\ii MM <lc la iiieiili* !•( «ttMDic, foaniie par le niiaiieatt de Thuir, |HMir lesjar-
.!:i^ I •■i> 1 1 !•'! : lu jMlais .1 l.i iiUilollo, ainsi qae It* U\\ (nniMilr'* \c |Mi.Hf'»-\i'rt4l d^
iim . i'i\ . ,i\.i\. « •lii \\i\\ 'r.Vrai^'nii . If ir»Juilifl 1344.
iy2% APPENDICE.
(1ère rimportunce des constructions nécessaires pour son
[principal ol)jet, la conduite d^eau au château et à la vilk.
l/exécution d'une entreprise aussi vaste ^ indique assez
que Perpi{i[nan avait atteint, à cette époque, un degré
d*nccroissenient et de prospérité, qui justifiait la prédi-
lection de ces Souverains. Or, ce ne fut qu'en 1025,
qu'on y érigea une paroisse.
Les autres canaux <l'irrigation d'une certaine étendue, tels
que ceux deCuxa, Finestret, Prades, Mosset, Marquîxanes,
Pézilla, Kivesaltes, Ks|»ira-de-Connent, n'ont été cons-
truits (|u'apres le \ii<^ siècle. H résulte, pour nous, de
tout ce qui [précède, la conviction qu'on n'entreprit, dans
le Roussilion , des travaux considérables pour Tirrigatiou
des terres que vers Tan IKK); et Tliistoire des temps
antérieurs et |)ostérieurs à cette époque, s'accorde pariai-
teinent avec ce résultat. Kn etl'et, dans Tannée 948, on
avait terminé en llspagne le premier {^rand canal d'amk-
sa^^'o, celui «l'Kcija. On sait que, vers la tin du siècle pié*
cèdent^ les (Chrétiens de la Catalo{;ne s*isoIèrent de la
France, dont ils ne reconnurent les Uois que de nom.
Dès l'un IHM), cette province, le Koussillon et la Cerdagne
riaient devenus le partage des descendants de Sunifred.
Le Comte de Harcelone, le plus puissant de ces Princes*
se trouvait aussi le |)lus ex|H)sé à soutenir des guerres
rontn^ les Sarrasins. Les <li\isions <|ui entraînèrent h
rhute des Oniéyades, et dont il sut profiter habilemeal,
donnèrent de t'rtMpienles occasions à ses tronpcs, de par-
courir, en ennemies ou en alliées, diverses provinces
maliométanes. Dans ees e\|)éditions, qui, durant le cours
du w sièclt', conduisirent nos ancêtres sous les murs dr
Nalciicc, de Munie, de CunitMic, ils purent acqtu*rirk>
|)remiers (*lcmcnts de l'art iWs irri<^'ations. Fra|)ptfft des
prodii^Ts qu'(»pi*rail l'industrie des Arabes, sous le soleil
APPENDICE. 5^5
brûlaul de rAndalousie, Us admiraient leurs travaux et
sinstruisaient des pratiques d'une culture toute nouvelle
pour eux. Comprenant combien son introduction pouvait
être avantageuse à leur patrie, ils racontaient ce qu'ils
avaient vu , et disposaient ainsi les habitants à seconder
de toutes leurs forces l'application qu'on voudrait en
faire. On doit peut-être à ces aventuriers obscurs, aidés
par des captifs musulmans plus habiles, quelqu'un de
ces petits canaux dont l'époque de la création est in-
connue. Le système politique qui régissait alors les di-
vers États de l'Europe, n'était pas favorable à Texécu-
tion de grandes entreprises. L'empire de Charlemagne
était partagé entre une multitude de petits Seigneurs
féodaux, toujours en guerre avec leurs voisins. 11 était
bien dillicile de réunir dans un intérêt commun des
honinies aussi peu traitables. Un grand canal d'irriga-
tion , à I usage de plusieurs territoires ; était de ce genre ,
et ne pouvait être entrepris que sous les auspices d'un
puissant seigneur, propriétaire ou suzerain de tout le
terrain à arroser, et qui n'eût besoin que de la coopéra-
tion de voisins trop faibles , pour ne pas dépendre de lui
par le fait, s'ils n'en relevaient k titre féodal. Les Coiqtes
de Cerdagne et de Roussillon se trouvaient dans cette
position; mais les premiers ne possédaient que des ter-
rains élevés , froids , et des vallées étroites où l'arrosage
pouvait s'obtenir au moyen de légers travaux. Les do-
maines des seconds, occupant les vallées inférieures et
les plaines situées au pied des montagnes, semblaient
au contraire destinés par la nature à recevoir un système
(Hendu d'irrigation. Il est donc tout simple qu'on attri-
lu)e aux Comtes de Roussillon l'établissement des grands
raiiaux , qu'ils n'entreprirent toutefois qu'après en avoir
vu d'existants dans d'autres pays. Or, les voyages eii
526 AFI^NDIGE.
Kspagne, que lit, vers Tau 10(>9, le comie Gaiurfreé;
ses courses pour seconder les Comtes voisins eoBtM k»
Infidèles; la croisade de i097, k laquelle le coiBle Gé*
rard prit une |)art si glorieuse, durent inspirer le deseeii
d'imiter une pratique , dont on appréciait aisém^il %em
les avantages. I^e nom de Restaurateur de PerfNgBM,
donné ii ce dernier, fait supposer qu'il opéra qacjqvi
chose de grand dans Tintérèt de cette ville naioMiim;
et que pouvait-il Taire de plus utile qu'un canal, fMf
conduisit l'eau de la Tet, fécondât son territoire, dooBlI
le mouvement à plusieurs moulins, et entretint la sahiMlé
et la propreté dans ses rues! La modicité des iinuwi
d'un Prince, dont le Gouvernement était patemd, M M
permit point de mettre du luxe dans la réalisation de MW
grande œuvre; et c'est par la simplicité de rexéeoûoB,^pi
se distingue surtout le réseau de canalisation aiiqpa#iil
due la merveilleuse fertilité de la plaine du RoMHlMIi
* î
KOTE SUR LE MISSEL E!^LllML'\iÉ DE LA MkWm ^^
DE PERPIGNAN. " '
\o 17, En itôU, la calligraphie était fort pratiquée k l^ipi^
(Mge3fo) gnau. L'imprimerie commençait à peine à se r^fnaÉliK
Sur 185 volumes signalés dans vingt invealaiM él
notaires, i seulement étaient imprimés : 2
1 italien, 1 latin.
Une œuvre unique et digne détre citée, c'eslle
Missel des archives de la mairie , rédigé et ëeril fit
Jean Oliva, ecclésiastique de l'i^glise Saint-leaa. H m
compose de ol i feuillets in-folio illustrés de
de lini'S iiiiuialuri>. Il fui terminé en 1417 |ioiir l*{
ciaticui des merciers <( drs peintivs. Itien de fdwi^
• ^ ••.
«. *
s:
•^ i4
ai»i»endi(:k. :,2t
linix sous le i apport du liiii {\cs pcinluns, des iniliales
ri des eneadrcmenls. Le carmin et routre-nier v ahon-
detJl. Les vignettes les plus remar(|uables se trouvent à
la messe de T Assomption. On y voit un renard alTublé
d'une robe de moine, préebant en cliaire devant un au-
ditoire de poules. Des singes et divers animaux dVtude,
d'un costume semblable, ornent rencadrement. Le relû-
ebement ipii, au \\\^ siècle, s'était introduit dans la
plupart des ordres monastiques, altéra la vénération
qu'on leur portait dans les siècles précédeiiïs, et on ne
se scandalisait pas de ces bouflbnneries que Rabelais
[>oussa iini)unément à ses limites extrêmes. Les lumières
(onnnenraient h s'étendre aux laïques comme au clergé.
Dans la classe ouvrière, on possédait des livres de piété
et de grammaire en langue romane , l'Ancien et le Nou-
veau T(\stament, le Psautier, des livres de Boëce et du
vénérable lîède, la Passion de la Vierge, la Vie des
Saints, la Descente de Jésus-Cbrist aux enfers, par un
<'vè<|ne de Jaën , des miroirs liistoriaux des Troyens et
des lîomains, des romans de chevalerie, des recueils de
contes et d'anecdotes, des fables en rimes. Il ne faut
pas oublier un ouvrage sur la peinture, enregistré dans
l'inventaire d'un maréchal ferrant de Collioure. Un prêtre
de la Communauté d'Elne avait composé sa bibliothèque
de 48 manuscrits : outre des traités de science canoni-
que et les quatre évangélistes glossés, on y comptait
l»lusieurs livres de Cicéron , de saint Augustin, de saint
(irégoire, des tragédies de Sénèque, Ovide, Térence, un
Vocabulaire des synonymes , des Elégances de I^urent
Wals, une Rhétorique, une Logique.
Le î^iHii de la lecture et de la littérature était donc
répandu, j^ràce aux leçons de nos chaires universitaires.
I Kxlrail <l«*s Mi'nnu'rrs île ^t. ilr Sainl-Malo ; iii iHoo.)
528 APPENDICE.
m
DES MONNAIES USITÉES EN ROUSSILLON Dl L'AS
4258 A 1042.
N«48, Nous avons pensé qu'en réunissant dans une noie KM
(page 311). ce quî conceme les monnaies qui ont eu cours en Roo^
sillon, nous en donnerions une connaissance plus facOek
saisir, qu'en disséminant nos observations, suivant Fordie
des temps, dans les divers chapitres de cet ouvrage. Cette
note ne pouvait être mieux placée qu'a l'époque où la Une
de Perpignan, s'aflaiblissant par degrés, finît, en dmmiis
d'un siècle, par se trouver dans le rapport de trois à cinq
avec celle de Barcelone, quoique dans l'origine elles fil»-
sent à peu près de même valeur.
Avant de parler des monnaies, disons un mol des
poids, dont la connaissance est indispensable pour kv
évaluation.
Lors de l'établissement du système métrique, les malts
de Barcelone et de Perpignan, divisés chacun en 4.606
grains, pesaient : le premier, 268 grammes 1942; le se-
cond, 207 granïmes 7. Le poids de celui-ci fut déterminé,
h cette époque, par sa comparaison directe au kilograDune.
Quant au premier, on sait (V. les tables de VlUnéraùm éê
Ijibordc) qu'il est d'un sixième plus fort que le marc de
(^stille, trouvé de 7 onces, \ gros, 8 grains de Paris pir
l'Académie des Sciences en ]7G7. Son poids est donc de
8 onces, 0 gros, 9 grains et V'si ou 268^ 1942. Le mut
dont on se servait anciennement à liarcelone pour peser
l'or, contenait «>i grains de plus (2^^ 87), ce qui portai
le poids à 27 H^ 0042.
Aucun document ne peut faire soupçonner qae ks
marcs usités dans les derniers lem|)s pour peser Tor et
l'argent dans ces deux villes, fussent diiïérenis de
APPENDICE. 5t>D
iloiil OU se servait anciennement ù Barcelone pour l'ar-
j^aMit, et à Perpignan pour l'argent et pour Tor. Au con-
traire, les laits suivants semblent prouver que ces marcs
ont toujours été les mêmes. On verra plus bas que le
poids du croat, monnaie d'argent créée en 1283, fut fixé
au * ,j du marc catalan de cette époque, c'est-à-dire à
(M grains. Si le nouveau marc est le même que l'ancien,
tous les croats ayant dii perdre par le frai quelque chose
de leur poids, aucun ne doit peser 64 grains nouveaux :
mais les mieux conservés doivent s'éloigner peu de ce
poids ; c'est ce qui arrive effectivement, puisqu'ils pèsent
(i5 grains. Des expériences pareilles, faites sur les florins
d'or et sur les monnaies de billon, ont donné à peu près
les niiMnes résultats, avec la seule différence que la perte
par le frai a été moindre pour les monnaies d'or que pour
celles d'iirgent, et pour celles-ci que pour celles de billon
[\. Salât). Cela devait être ainsi; car, outre que ces
métaux sont d'autant moins altérables par le frai qu'ils
sont plus précieux, la circulation des monnaies est d'au-
tant moins frécpicnte que leur valeur est plus élevée : il
est donc infiniment probable que le marc de Barcelone a
toujours été tel qu'il était dans ces derniers temps. Quant
à celui de Perpignan, une ordonnance du roi Martin, du
h' njars 1 W)9 * , indique qu'il était plus faible que celui de
Barcelone ; et une autre ordonnance du même Boi, rendue
I <juaiiiili^ (Je florins ayant été rogués ne pesaient pas, comme )a loi le prescrifait, le
1 '4'»S «lu marc îles villes de Perpignan et de Barcelone où on les fabriquait. Pour prérenir les
(iisiussionâ, le Hui y statua qu'on prendrait les florins au poids; que ceux qui pèseraient
1/r»K (Ju niart de INrpignan, S4.>raieot donnés pour il sols de tcm; que la valeur des autres
Mi;;iniMiterail nu ilimiimerait d'un denier par chaque demi-grain qu'ils pèseraient de plus on
(Jt> tnoin>. Les florins de Perpignan les plus intacts, ne pouvaient peser au-delà du 1/68 du
iiiarr , poid> nonn.il , que les monnayeurs de cette ville étaient intéressés à ne jamais dépas-
s. r I es HortHN (U- Marcelone seuXs pouvaient peser davantage, sane excéder toutefois un grain.
|i;ir< 0 que le inarr pour l'or était, ^ Ilarrelone, de 54 grains plus fort que celui pour l'argent.
ilfii lih-ni.'^ii r un pni sii|Mrienr à relui de Perpignan , dont le florin devait peser le 1/fW.
.31
:>:to AppENbicK.
le l^i* décembre 1 107, prouve qu'il en diiïérail très peu*.
Nous avons fait voir plus haut que le marc de Barcelone,
pour Tarf^'ent, était le même au xiii*-' qu au xviuc siècle.
Les deux ordonnances citées nous montrent que celui
de Perpignan, en liOO, n était que de très peu inférieur
a celui de Barcelone, comme de nos jours. N'en devons*
nous pas conclure que Tautre aussi n'a pas changé? Par
conséquent, nous n'avons pas à craindre de commettre
des erreurs de quehpie gravité en délerminant la valeur
des anciennes monnaies de ce pays, d'après Thypothèse
de rinvariabilité du poids de ces marcs.
Par édil du h^^ août 1258, Jacques l^^ d'Aragon émit
en Catalogne la monnaie de Irni, sur le modèle de celle
de Jacca, en Aragon : elle lui était égale en valeur, et la
livre contenait 20 sols, 2iO deniers et 480 mailles, mon-
naie fictive pour les livres et les sols ; celle de tem était
réelle pour les deniers et les mailles. I)*un marc barce-
lonais, contenant \\ (0,2:MV' d'argent et */* (0,730) de
cuivre, on fabriquait 216 d<'niers ou 480 mailles. D*oà
il suit que deux mailles, quoi(pie ayant cours pour on
denier, nVn valaient etfectivement que les Vio. Douzi*
deniers de tern , valant un sol , contenaient en argent in
le '/„ du marc de Itarcelone, faisant 5,7240 grammes.
Comparé ii r<»ca de o francs , (pii contient 22 ««■■•, 5
I 1^ Hoi, ^pff- T 4vnir flx^ !•• |in& d*' r.ir,;ciil à 1(N» ^.i»U ilr ifrn pnar Ir narr dt Buw-
Iftfie . le fi\f A liHMiiK. It ili-iiii'is. Tn<tiiii.iii' il»- lVr|ii(rh4ii. j^-iir |r marr 4r nrtlr nIV
Uii'^i<|ii«* |»lu^ faillit' <{-f (•■lli- ■!•• ii>rn , (• tii- tliTiinMi' iniiiifijii* vn iliOî'rait m |vi qw,4Mtlr*
'liHiniif [il- il Iti- l'i'-^pj'' i-n II" \i<j( tniij>>iir<> |-ri«i« ifuiiiïi'-ri'ninii-nl l'nn^ puar l'iallt . rr
•{■Il n'iur.ii* p.is -Il ]• Il s, Il i|>fTr[i ni'** •!• <> •l''ii\ nriri" n'i l'it ••!»■ furl Iffs^rr rnmav^Mt k*
ii-rn -T» !• rnjit ««iiiiii i- 1. . .in:in* Mir - ■! iltiix \.il< , l> « m^iu^^ qsc cva éOBl ffttn
«^ iiTM^n» -n 1>!» ■■:>). ti p., rvl t |.. ,.iti! ji^h l'.'tf ^ranmi'c rt flW a IOOmI» érim
■M; ! liiT . '. lui -t. »•■ ri- ,m. h. j.. - mt ti' Tiii/. . r iiiin..» annil \Hn tW.NlMl wli 4ê IMS;
- -<^i'--ii '.«.'•>.. .. 1)1.7 . itMi . .U M .|.n -r* •il t IN".! lAl MtU 4r ■!•■■■■«
.!• !■• 'l'^n^n li'.n. !fiii'Mi„; . j, m-nnn.- .|. tvr|.>^niii i^W.KIMl «nl*<|e Irra. ri ^ •*!
'»
l'- ':■ ,.i«'i .« '. 1. ■■ - «'r*»»''!! .. I. .|. ». ij iiifTiMiiif rimv
APPENDICK. 531
d'ars^onl lin, le sol ou les 12 deniers de lern vaudraient
anjourdlnii Of' ,8277.
Le 27 juillet 1285, Pierre III créa, sous le nom de
rroift, une monnaie réelle d'argent, au titre de "/i4 ^^
lin, à la taille de 72 au marc, ayant cours pour un sol
ou 12 deniers de lern, quoique n'en valant que H 7t ^
puisq^ril contenait Vs* d'argent de moins. Ce croat vau-
tlrait donc, en monnaie actuelle, 0^ ,7935.
Pierre IV ordonna, en 1346, de fabriquera Perpignan
des florins d'or, aux mêmes titre et poids que ceux de Flo-
rence, connus en Roussillon dès le xin® siècle. L'or dont
on se servit n'était qu'à 22 '/i karats, et on en tailla 68
au marc de Perpignan : ils pesaient donc 3»™""«,9369H ,
dont Ti J'^^ ''"%731864 argent et 0 »^»""% 205047 cuivre.
En calculant la valeur actuelle de ces métaux, par com-
paraison à notre pièce de 20 fraises et à l'écu de 5 * ,
on trouve que leur valeur intrinsèque serait aujourd'hui
de 12^^ ,87, en moyenne, la différence entre les deux
valeurs n'étant que de 0^*^ ,04. On voulut qu'ils eussent
cours pour 1 1 sols de tern , quoique le prix de Tor n'étant
alors que décuple de celui de l'argent, ils ne valussent
réellement que 10,171 sols de tern. Celte infériorité de
valeur n'existerait pas aujourd'hui , où le rapport de l'or
à Targent est comme 31 est k 2.
Dans un système où les monnaies étaient d'autant plus
faibles que leur matière était plus précieuse, on n'avait
pas à craindre l'exportation de l'or et de l'argent mon-
navés : l'avidité inconsidérée de Pierre IV vint tout bou-
leverser. Un auteur anonyme, écrivant avec beaucoup
de bon sens sur celle matière en 1438, l'accuse formel-
lement d'avoir, vers l'an 1350, établi, dans une maison
iU' canipaf^ne auprès de Barcelone, un atelier de fausse
I (tiii |. 1 ni ."iStM",:. ;;r.iiiiiii«'v fi i:^.:» ^'iaiiiiiie« itcflurtiuu faite df l'allLi^'»*
monnaie de terii , avec laquelle il achetait les florins pour
les exporter. (>ii\-ri étant devonns fort rares, H engagea
les (Portés de Tortose k décider le 2 avril 1565, qu'on en
ferait une nouvelle émission du même poids que les an-
ciens, mais au titre de 18 karats seulement. Barcelone et
Peq)ignan fabri<|uérent de ces llorins. Dans la première
de ces villes, leur poids fut le ^'^.^ du marc usité pour Tor,
par conséquent de 5"'^^"""",9tCi!25. Dans la seconde , on
leur donna le V .^^ du marc du pays, fesant 5»'*""^,9369H.
La valeur intrinsèque des premiers serait aujourd'hui de
lOf^ ,2J>; celle des autres de 10'' ,17. Cette diflërence
de 12 centimes était bien moindre autrefois, k cause de
la moindre valeur de Tor : elle ne s'élevait guère qu'à 1,31
deniers de tern, fesant environ 0 centimes.
Le croat, placé entre le florin altéré légalement, et h
monnaie de tern falsiliée par le Itoi , ne |>ouvaît se main-
tenir à sa valeur. Aussi était-il exporté par les uns, rogné
par les autres ; et , mal{j;ré toutes les ordonnances de
Pierre IV sur le fait des monnaies, ou |)eut-étre même
à cause de ces ordonnances, cette branche de radminis»
tration se trouva dans l<; plus {,'rand désordre, et la pbre
de Perpi^^nan fut encombrée de mcmnaies françaises ayant
un cours très «devé par le défaut absolu d'espèces natio-
nales. Le roi .Martin chercha à v remédier en défendant,
par une ordonnance rendue à Saragosse le 8 mars 130K,
la circulation dans ses Ktats des monnaies d*or et d'argent
étrangères, «circulation qui leur était tn*s préjudiciable
I dit-il I, puisipie, avec mille écus de France, qui ne valent
pas réellement lU.2<M)sols de tern, on en solde 18.000«
on tout an moins 17.r>(NI*.» Nous avons vu« dans les
> (In vil! .|iii 1/ Il 111,1 \.ii.i:(. i-iiitiii iiiii .iti» |i|ii« tifit. .1 IV|HH)ui- An ir.iiU dr Si
, -.M ii:.ii i l4id I 1 1 rr II "^ un II. «'-. u- . «ti 1 1 1 10 fr .. }..i>«ifnt U» fiKi i«ilft (k> m* . fv ■
• I rr k;TT lîi \ I'. m 1 il.- T 1, iifi'rn- . |.|,. •':• t ■^«<.|i'ii'>- . i plu- ffiir rjiM»n. »'il* ^^
] I,' |s in»»
APPENDICE. 533
deux notes précédentes, comment il régla le cours des
ilorins et la valeur du marc d'argent. On en peut conclure
que, déjà, à cette époque, au lieu de tailler 18 sols de
monnaie de tem , d'un marc à 3 deniers de fin , on en
(aillait au moins 24. Par conséquent, cette moifnaie avait
perdu au moins un quart de sa valeur, et les nouveaux
ê
florins pouvaient valoir \\ sols de cette monnaie. Quant
aux croats dont on n'avait changé ni le poids ni le titre,
leur valeur, relativement au sol de tem et au florin, aurait
dû augmenter; mais les anciens avaient été tellement
rognes, qu'ils restèrent à i2 deniers de tern. Ceux qu'on
fabriqua à Barcelone en 1407, au poids et au titre de la
(TÔation, furent reçus à la Banque de cette ville pour 18
deniers, quoique leur cours ne fût forcé que pour 12.
La monnaie de Perpignan n'étant que de Vioo î*iférieure à
celle de tern, on ne doit pas être surpris que, dans l'usage
oi'dinaire','on prit indifleremment ces croats les uns pour
les antres. Le roi Martin changea un peu l'état des choses,
en affermant, le 19 novembre 1407, la monnaie de Perpi-
gnan à deux particuliers, et leur permettant de fabriquer
des croats à 1 1 deniers de fin et à la taille de 70 au marc,
et de la monnaie de billon au titre de 2 deniers, et à la
taille (le 21 à 22 sols au marc. La valeur du nouveau
croat diflérait peu de celle de l'ancien; mais le billon ne
\alait guère'que les Vt de la monnaie de tern, tant que
le croat ne dépassa point 18 deniers de cette monnaie.
Opendaiil, comme on continua à fabriquer à Perpignan
du billon ancien, on ne fit jusqu'en 1430, aucune diffé-
rence entre la monnaie de tern et celle de Perpignan.
Kn I i2i, le roi Alphonse ayant vendu a la ville de Bar-
celone le privilège exclusif de battre des croats et de la
nionnaie de tern, interdit cettç fabrication au maître de
la Sera de Perpignan sous les plus fortes peines. Au bout
ô3i api*bnum:r.
(le quelques années, le Roussillon se trouva enlièrement
dépourvu de monnaie nationale. Les Consuls adressèrent
en 1455, 56 et 57 plusieurs mémoires au Roi, demandant
qu'il aflermàt a la ville le droit de monnayage : ils Tob-
tinrent pour six ans, le 29 juillet 1457. Moyennant une
somme de mille ducals, il leur fut permis de fabriquer
52.000 marcs d argent en réaux, demi-réaux et billon.
Mais, |H)ur ne pas violer le privilège accordé précédemment
à Barcelone, il fut convenu qu*à Perpignan, les réaux et
demi-réaux sei*aient au titre de 11 deniers, 9 grains, et
a la taille de 7 i réaux au marc ; et le billon au titre de
2 deniers , à la taille de 21 ou 22 sols au marc. Telle
était la dilléreuce assez notable existant entre les mon-
naies courantes a Itarcelone et à Perpignan en 1462.
Quand Louis XI s'empara du Roussillon , elles continua
rent Tune et Tautre a s'affaiblir; et, dès Tan liUS, le réal
d argent valait en Catalogne 2 sols de tern , et, par con-
séquent, 10 réaux faisaient une livre. (L'est probablemeit
il cette épo(iue que les ailaiblissements successifs éprouvés
par la monnaie de teni, ceux (|u'on pouvait prévoir pour
l'avenir, engagèrent à adopter ronime monnaie de compte
iii\ariable, cette livn' barcelonaise valant 10 réaux d^ar-
gent. A |»eine maître du Roussillon, le i no\embre 1485,
Ferdinand supprime <leux monnaies iKargent, les caHénex
et les parpailloh's, qui s*} étaient introduites durant Foc-
cupation française. Il ordonne de frapper, à Per|ftignan, une
monnaie d'or dite prittrt'iHii, au même titre et au même
poids que le ducat de Venise, fixant à 12 réaux la valeur
de ce jirimifHit ou t/uaiL II prescrit d'y fabriquer aussi
des réaux et denii-nsiUN au litre de 11 \ deniers,
à la taille de 72 au marc de Perpignan; et, comme ces
ré;iu\ n'étaient que très jieu inIVTieurs à ceux de llarce-
l>»ne. il \cul t|u'ils soient pris au pair de ces tleniiers.
APPENDICE. 535
dans le paiement des dettes contractées avant leur créa-
tion. Dans ce même édit, et dans plusieurs autres suc-
cessifs, il permet aux Consuls de Perpignan de battre de
fortes quantités de monnaie de billon, dont il ne fixe ni
le titre ni le poids, et dont il abandonne le profit k la
ville, alors fort obérée, sous la condition de l'employer
à payer ses dettes , à réparer le pont Notre-Dame , ainsi
que ses remparts, et à acheter quelque artillerie. La ville
ne crut pouvoir remplir toutes ces obligations qu'en émet-
tant une monnaie très faible. Aussi, voit-on, dans les mé^
moires des notaires Baldo et Palau, que, dès l'an 1531,
le réal , qui jusqu'alors n'avait valu que 53 deniers de
bilion, passait couramment pour 40; de sorte que la livre
de 2i0 deniers ne valut plus que 6 réaux. Elle fiit comptée
à ce taux ou à 2 livres de France jusqu'à la fin du xvn«
siècle, quoique la livre de billon , devenue cuivre pur, ne
valût plus que 3 sols de la livre à 6 réaux, dès le com-
mencement de ce siècle. Mais il ne faut pas confondre la
livre de Barcelone à iO réaux avec la livre à 240 deniers.
Tandis que la première était fort supérieure à celle de
Perpi<^man ne valant que 6 réaux, la seconde différait peu
de la monnaie courante dans cette ville. Le fait suivant le
prouve parfaitement. (Cart. Rotiss.) Lors du siège de Per-
pignan en 1542, on avait démoli un couvent d'Augustins
situé près de la porte Notre-Dame, et employé les maté-
riaux à des ouvrages de fortifications. Sur la plainte des
moines, portée devant les juges de griefs nommés par les
Etats de Monçon en loo2, le Trésor fut condamné, esti-
mation faite de ces matériaux, à leur payer 5.236 livres
12 sols 0 deniers, monnaie de Perpignan, dont le ducat
vaut iO sols, et qui valent 5.142 livres 1 denier, monnaie
de Barcelone. Nous avons vu que le ducat valait 12 réaux;
d'où il suit que cette livre de Perpignan était de 6 réaux,
530 AIM'KNDKie.
valant alors iO deniers chacun. La livre de Barcelone, dont
il est ici question, ne pouvait être celle de 10 féaux: elle
doit être celle de 2i() deniers, qui était soldée avec 6 réaux
de Barcelone, un peu plus torts que cens de Perpignan^ et
la dilTérence de ces deux sommes ne venait que de la dif-
férence des marcs de Barcelone et de Perpignan , dont ces
réaux étaient le*/,^.
Nous n'avons point parlé de quelques monnaies an-
ciennes <|ui eurent cours en Roussîllon, même après
rétahlisscmcnl de celle de tern. Nous nous contenterons
de donner leur valeur, telle quelle lut fixée |>arles Certes
tenues à Perpi<,M)an en 15;>1 . On évalua l'once d*or pur à
t2K sols; le sol d*or à 10; le morabatin à l; l'once d'or de
Valence h 8 sols; la mancusse, valant Vs ^^ l'once, à 16
deniers de tern ; le sol d'arf^ent à 2 sols de tern : on sait
que la livre contenait alors 12 onces, 21 solsKi morabatins.
Si nous en juj^eons \k\v les <locunients qui nous restent,
la Si'' a ou Hôtel des Monnaies de IVrpi^man, pmliakiement
le plus ini|>ortant de la Calalo<<ne a|)ri*s celui de Barcelone,
n était en activité (pie par intervalles, quelquefois assez
éloi^Miés; mal fourni en instruments, machines et oulik,
on raflrrmait parfois, (pioiqu'ayant un ilirecteur en tîtie
fnh'.strr (Ui la Sxn), l)'a|M'ès cria, on ne doit pas être étonnt'
de voir cette |)lace si dépourvue de numéraire national qne.
dans de uonibreuses transactious romuMTciales, on stipule
en esprns élran^^rifs, surtout ru espèces françaises, dont
le prix, pri'Stpir toujours plus éh*\é que l(»ur valeur réelle,
\ari(' suivant Ir besoin qu'on «'prouve de numéniire. C'est
ainsi qui* Vrni iVur de Franre, qui m» \alait j,'nên» plus de
jtîsojsdr trrii, i*st <<iiiiph', dr irijOii ITillS, 17 sols S de-
niïTs, 20 sols t; di iiiers, 2:1 sols dr irrn, et de ir>$W à 1 WB,
;i IK dr ri*s sols. Lr /> /// dt* Kraiirr valant 27 sols tournois.
et» qui re\i«*nt à 2! sols 7 deniers fie Iitu, est dumié de
APPENDICE. 537
1551 à 154i, pour 17 sols 9 deniers, 20 sols 2 deniers,
2i , 22, 24 sols. Le papilloii d'or varie de 23 à 50 sols de
tern. Le mouton, Yagnelei, le franc à cheval, monnaies
d'or de France, sont toujours comptés, le premier pour i\
sols 6 deniers; le second pour 21 sols; le troisième pour
16 sols de tern. Le florin de Florence, qui, avant rémis-
sion du florin d'Aragon, avait cours pour 16 sols de tern,
ne fut compté dans la suite que pour 14 sols 6 deniers.
Le dncat de Venise est compté en 1416 pour 14 sols, et
en 1568 le hesan de Conslantinople est évalué 8 sols, 9
deniers de tern.
Nous ne jugeons pas hors de propos de consigner à la
suite de ce (|ue nous venons de dire sur les monnaies,
les notions que nous avons pu recueillir sur les prix des
denrées les plus communes durant le cours des xiv«
lU \v- siècles. Nous trouvons le blé vendu à 33 sols
en 15(k), et à 5(j sols de 1404 à 1416; mais, dans ces
deux circonstances, la vente est faite à crédit. De plus,
eu lôtM, ce sont les Consuls de Perpignan qui font un
approvisionnement pour fournir des rations aux bandes
de Henri de Transtamarre s'apprétant à traverser le Rous-
sillon: et, dans la seconde occasion , on se trouvait dans
un temps de pénurie, puisque les Consuls faisaient vendre
du blé aux pauvres à raison de 50 sols Taymine. Il est
naturel d'admettre que le prix de ces ventes est fort au-
dessus (lu prix ordinaire. Nous le trouvons vendu à 24 sols,
6 deniers en 1589; à 25 sols en 1118 et 1451. On peut
donc lixer le prix moyen du blé dans cette période à 2o sols
i'ayinine ' ; celui de Torge est toujours de 17 sols. Si nous
(ihservons que la monnaie de tern avait déjà perdu plus
I II pir.iit [ir.>hal.|p que relie mesure «orrespond a 6 ou 7 doubles dAcalilres, c'csl-à-dire au
niinimiiiii .!.* j.t -lunnlit** .le g^ra n alors usitée pour ensemencer une ayminate de lerre : surface
.1' I 5(KlroniiPs rariée^ île Monipellicr, qui fut jadis c« qu'elle est maintenant, environ 80 are».
538 APPENDICE.
(lu quart de sa valeur primitive, et que laymiue, quoique
n'ayant pas toujours conservé la même sous-divisioo.
parait ne pas ditVérer de la saumate, pesant 3 quintaui,
ni de la charge des derniers temps, égïtie a 184 Vt litres,
à cause du surplus de V^, qu'on donnait autrefois, on trou-
vera le prix moyen du blé à 7 ^' /Ji Tliectolitre * , celui de
lorgt^ il o^r , K). i^ bonne huile se vendait, en 1400, à 13s.
de tern le dourch (l(P'^,75i), ce qui revient à 4o^ ,31
riieclolitre. Vers ce même lemps, le prix du vin était de
10 *\ sols la saumatc, environ TiU ^^ Thectolitre. La laine,
vu 1 ilO, se vendait !2 sols de tern i 1^^ ,17 ; la toison. On
trouve le prix du fer à 2H sols de tern le quintal en 1385:
il !29 sols 0 deniers en 1 110, ce «pii revient à âl'^ ,23 et
2r> ^^ Jm les cent kilogrannnes. Li chaux se vendait, prise
au four, l'an 1^)89, ô sols <( deniers Tavuiine ou saumate,
pesant Ti quintaux, ce qui fait à pou près 1^^ ,64 les cent
kilo<,'rannnes. La grosse bricpio (nuroj se vendait vers la
fin du xiv* sièclr, Ty livres ITi sols à i livres le millier, ee
qui revient à li ou il francs.
Nous aurions désiré trouver des renseignements préds
sur le rev(*nu des terres (^t le prix de la journée de tra-
\ail. Nous donnerons ceux qui sont venus a notre connais»
sance, mais qui n'oil'rent rien de satisfaisant. 1<> L'n bail
à ferme de ir>ll , à raison de ici \ ay mines d*orge pour
quatre chanqis, n'en portant pas la contenance : il indique
^f'ulenient le mode d'aifermage des terres. S" l'n bail k
Icrnie de quelqu<'s terres à Montescot: il est stipulé que le
fermier fournira la semence, tous les travaux jusqu'à b rê-
eolie, ainsi qut* ceux du sol. On convient que du prodaît,
avant parta<|r, on tirera la moitié de la semence « les frais
' l 11 I' ' ■ >' ' » . • ■' :> 1^1 K • !•■ |< ■ :> >> i ■• iii-:-> . r ri:iiiiii m Mf r^lm *lf KOàii
!■ 'ir I I ■ ■ I ' ■ I ■ !-ii. .- ■ ij-;.- I ...ij il- «.t., |ii |-i,| ,r .|t \ ■! -I |i| t> l"!^ '.d^ 'fni -WH*. in
APPENDICE. 539
(le ia moisson et du battage par juments; que le niaitre
aura le tiers du reste, et le fermier les deux autres tiers
avec les pailles. 5» En 1428 , six a) minâtes (environ 3S6
ares) sont affermées à Palol, près d'Elne, pour quatre ans.
Le prix est de 16 aymines de blé, dont 8 seront données
au bout de la première année , et les 8 autres à la fin de
la quatrième, durant laquelle le fermier ne pourra laisser
^Tainer ni millet, ni trèfle. A^ En 1 424, les maîtres ou-
vriers, enlr'aulres un charpentier, reçoivent pour salaire
journalier 14 deniers de tern, environ 62 centimes.
DRIXIÈMË I^OTE CONCERNANT LES MONNAYES.
Nous avons cru nécessaire d'entrer dans le détail de NMSt»*.
Tapprécialion des poids et des valeurs intrinsèques des
monnaies de tern, du croat et du florin, que renferme
cet article si intéressant de l'ouvrage de M. de Gazanyola,
afin que la parfaite exactitude de ses calculs reconnue,
pour les trois sortes de monnaies, de l'usage le plus gé-
néral, on admette avec confiance, les résultats concernant
les variations subies par toutes celles qui ont eu cours en
Roussillon de I2o8 a 1642, époque de la substitution de
la monnaie française a celle du pays.
En 1767, l'Académie des Sciences fixa le poids du marc
de Castiile. Celui de Catalogne est d'un sixième en sus.
Le Bureau des Longitudes, dans V Annuaire de 1852,
reconnut (pie le marc de Caslille est de 250^^-,250; en
conséquence, celui de Catalogne est de 268^^^,1942, cote
complètement justifiée par sa liquidation à l'Hôtel des
Mnimaies de Paris *.
Ouanl au marc de Perpignan, déduit des manuscrits
. *^iii\.ui: M (.ii'-«t . MMiiini&saire a«ljuinl a l'Hôlcl des Monnaie» «le Pans.
5i0 APPENblCK.
de M. de Saint-Malo, traducteur si intelligent et si cons-
(ûencicux de nos antiques archives, et conforme k l'opi-
nion si éclairée de M. Tastu, qui a fait de longues re-
cherches dans nos Annales, on Ta coté à 267^" ,71, par
la comparaison directe au kilogramme lors de rétablisse-
ment du système métrique. Il paraîtra impossible que
M. de Gazanyola, homme si positif et écrivant précisé-
ment sur la matière , n'eût pas découvert et indiqué la
difTéronce cpii aurait pu exister entre Tancien marc de
Perpignan et celui de cette époque, tandis que les bits
cités et ses recherches ne permettent pas de douter
qu'elle ne l'iit très petite.
On peut donc , avec certitude, partir de ces deux bases«
et leur rapporter le poids des monnaies anciennes et
actuelles. Il en résulte d*ahord que la livre ( 12 onees'>
de Barcelone sera de 102^,291
celle de Perpignan, de 401 ^',363
Diiïérence très faihie et qui même, suivant Joseph
Bosch, aurait en (pieh|ue sorte disparu a la fm du xv^
siècle.
Pour conqKirer la monnaie de lern à celle en usage
de' nos j<»urs, nous étahlirons la |»ro|)ortion suivante: le
si}\ de lern ou -'*_]■'*- «ni ri-^'"" ,7:21U!2 : î22-\rî quantité
d'argenl que conlirnt IVcu de r;fr :: \ : Tî^f , d*o6 le
sol de lern égale 0^'^ ,X277. Or, h» sol actuel est le " ,^
th» r; francs, et conlienl ()i.'"""'"',22;i de lin. Le rap|K>rt
enlre le sol de lern rt Taclnel est ilonc 317*,^^ *^" comme
I est à ir),.Vi;i. Il s'ensuit (\nn\ Pi^S. ce qui est main-
hMianl *i'\ repn'srnlail une valeur de 82^', 77.%.
Nous i»|»rri'roiis d'iiiir nianièn* analogue pour le crtwl
tl«' Pirrif III . i'ni|»lM\:iiii tiMitcrMis un procède» difléreni
il plus siniplr.
APPENDICE. 441
Titre '\,, on 0,958553.
Le poids a la taille de 72 au marc est . . 5^,72492
Je croat coiUienl donc, en argent 3 ,569715
Kn imiliipliant par 0^'-,222, valeur du gramme d'argent,
on obtient pour la valeur du croat, à la fin du xiiF
siècle, fK,7932.
Traités [)ar la voie humide , ainsi que le mode en a
iHv adopté et prescrit exclusivement à tout autre par
l'ordonnance royale du 10 juin 1830, on obtiendrait,
pour les deux valeurs, 0^8362 et 0^,7953.
Le llorin de 1546 était au titre de 22 V^ karats, ou
0^,947705 de fin, représenté en or par
207,71 X 0,947765 égale 255^,72617
et en alliage 15 ,98583
total formant le marc de Perpignan. . . 267^,71000
qui, à la taille de 68, donnent. . . ^^ =5^,936911
le surplus en argent 0^,205047
la valeur intrinsèque de Tor du florin est donc 3^,751864
multiplié par 5^^,4444 (le kilogramme d'or étant coté
5414^'^, 4ij ce qui donne, en or.. . . ^2^854|
en argent Of,045i '
ou en compte rond le florin de Perpignan est. 12^90
Kn opérant de même pour le florin de Bar-
celone, on aurait, or fin 12^896
d'où résulte, avec celui de Perpignan, une dif-
férence de 0^042, or fin.
En eiïet, le florin de Perpignan contient, en
or fin 5«,751864
celui de Barcelone 3 ,744191
diflérence 0k,012327
qui, nmliipliés par 5^,4444 donnent 0^042
:A'2 ai»i»kndi(:k.
Nous iK' poussiMoiis pas plus loin rolle note, sullisantc
pour qu'on iircorde pleine confiance aux évaluations de
Tauteur, qui n*a écrit qu'après avoir tait des recherclies
qui souvent ne Pont conduit (|u'à faire loyalement l'aveu
de son inipuissanc<* à rendre plus clair un sujet dîflicile
à traiter. ( LHiUtnn. /
CO.NVOCVnOK DES CORTÉS.
N*» 10, Le Roi convo(|uait Ws Corlés par des lettres adressées
/r(T0f;7.-7;7 . au\ présidents des trois Hras^ ou aux communes et cor*
porations qui devaient nommer des Députés. 1^ jour et
le lieu de la réunion y étaient fixés; et le lieu ne pouvait
être chan^'é qu'avec le cimsentement des Ktats, lorsqu'ils
étaient assend)lés. Nous trouvons dans nos archives la
nomination d*un héputé du (Chapitre d'KIne, et celle des
Députés de la commune de Salses aux Mtals de 1319;
ces deux nominations a\ant été laites de la même ma-
nière, nous d<mnerons seidement celle de Salses, d*après
le (^artulaire roussillonnais.
(!liarles-Quint et sa mère a\ant écrit à cette commune
le V\ avril lolU, qu'ils convotpiaient les Cortés a Barce-
lone pour l(; là mai suivant, les T.onsuls réunissent, le 4
mai, les liabiiants, suivant l'usage, au son de la cloche;
on nomme les deux Députés; on leur donne, i»ar devant
n<»taire, les |)ouvoirs les plus anqdes, |Njur consentir wk
refuser un don ^^ratuit au Itoi , pour délibérer sur les al^
faires qui leur seront soumises, et on les charge de
poursuivre, au nom de la counnuiie, auprès du (louver-
n<'mt>nt ou des extM'uteurs testamentaires du roi Fer-
dinand, rindemnifé due à la \ille pour la recoiistnic*
tioii de MHi ('«^lisr . ilcmoljr lors de rétaldisseuienl du
APPENDICE. :)i7
PU(rio)nrtrc. Le relevé de la quanlilé de pluie loiubée
|)endaiit res douze années, a donné 6"™,484o, d'où résulte
la nioyeiine 0"\riiOi; celle du nombre de jours pluvieux a
été de cinquante-deux. Des observations semblables, faites
à la direction des fortifications, ont porté la moyenne, pour
un pareil nombre d'années, à 0»",5596. C'est donc, en
mesures anciennes, de 20 pouces, a 20 pouces 8 lignes,
quotité qui dilfère bien peu de celle admise pour la France.
Ces relevés indiquent d'étonnantes variations. Les
maxinui des années \HV) et 1855 ont atteint 0™,952 et
0'",lH)i, tandis que les minima des années 1841 et 1854
ne sé'levèrent pas au-delà de 0"™,285 et 0"S327, comme
si la Providence avait voulu établir une compensation entre
deux années consécutives. La chute d'eau la plus remar-
quable a eu lieu pendant le mois de décembre 1810 : elle
a atteint le chiffre de 0»",5627.
Trmprrafure. Le maximum de chaleur pendant ces douze
années, eut lieu en 1854 : il atteignit ^7^,50 centigrades;
le plus grand degré de froid , en 1853, fut de — 7». Cette
dernière cote est de beaucoup inférieure à celle citée par
Tauteur, a la date du 28 décembre 1829, qui répond à
9o,r)7o centigrades. Ce fut, en effet, un hiver fatal aux
orangers : ceux plantés en pleine terre périrent; mais la
plupart ne tardèrent pas h repousser du pied, surtout dans
les positions abritées; les oliviers même furent maltraités.
Vrnts. Les vents, et particulièrement le nord et le nord-
ouest jouent un grand rôle dans l'état atmosphérique du
Houssillon, où, du reste, on les considère, en général,
comme favorables à la salubrité. Les relevés de l'ÉcoIe-
Normale les portent comme vents dominants pendant ces
douze années ; et nous citerons, pour donner une idée de
la constance de ce rumb de vent, qu'ils ont régné 147
ei l()l jours, pendant les années 1838 et 1839.
APPENDICE. 549
NOTE SUR LES CRIES DES RIVIÈRES.
On se ferait diflicilement une idée de Teffet des fortes N» 24 ,
triies des trois fleuves du Roussillon , qui ont principa- (pagtut).
lenient lieu aux mois d'octobre et de novembre. On
lonservc, dans les archives des diverses administrations
(le la ville de Perpignan, des notes concernant celles de
la Tet. Nous nous bornerons a quelques citations :
En l"26i, le pont dit de la Pierre fut complètement
détruit. Rétabli, peu de temps après, il résista pendant
rent cinquante ans;
En 1421, les trois arches du côté du faubourg furent
♦ mportées et bientôt reconstruites;
Les quatre autres eurent le même sort en 1535;
Les premières furent encore détruites en 1737 et 1740.
On les reconstruisit en 1742.
Vauban avait prescrit, en 1679, rétablissement du pont
♦les Eaux-Vives, pour alléger le vieux pont, et rendre
possible lécoulement de l'excédant des eaux. Il fut mal
exécuté, et le passage trop restreint.
On construisit, en 1721, une digue de vingt mètres
<r<'|Kusseur et de trois de hauteur, s'étendant à 1.100
lut'tros au-dessus et à 400 mètres au-dessous du pont.
On comptait qu'elle maintiendrait les eaux dans leur lit;
mais, entamée, rompue à chaque crue considérable, on
a cessé d'en maintenir le massif à ses dimensions primi-
tives, et malgré le vaste débouché des deux ponts, on a
souvent éprouvé des désastres, auxquels, rien ne peut
{arer, quand les crues donnent 5<",50 d'élévation au-
«kssus (lu radier du pont de la Pierre, ou0"',54(2pouces)
au-dessus du sommet de l'arc de celui de Notre-Dame,
« ornmo on l'a vu en décembre 1772 et le 9 octobre 1855.
, a-ji
* •
5.V) ArPbNDICE.
O peu de succès des travuux opérés, suivant divers
systèmes, pour o[»poser un obstacle insurmontable au
débordement de la Tet , a décidé l'administration des
Ponts-et-Chaussée6 a n*employer que des enrocbeoients
au pied des rives, dans les parties menacées.
Les désastres sont dus à des pluies torrentielles de
plusieurs jours, qui s*étendent sur tout le territoire,
entre les Pyrénées et les Corbières, qui nous séparent du
bassin de l'Aude. Ainsi, la crue extraordinaire di^mois
d'octobre 1700, qui causa un mal immense dans la plaine
du Roussillon, fut terrible dans la vallée du Tech. A
Prats-de-Molb), tout près de sa source, il s'éleva, après
douze beures de cbute d'eau , de 50 à 55 pieds , et fit
d épouvantables rava<;es. Une commission en porta Téva-
luation à plus de 1.500.000 francs. Il périt beaueoop
de monde. On remarqua sur les flancs du Canigoa d'é*
normes jets d'eau, s*élançant à de grandes hauteurs. Il
existe aux arcbives du Génie militaire, un rapport des
ingénieurs , constatant que la rapidité du torrent sous le
pont était de 50 toises par seconde, et nous rappelleroDS,
à cette occasion , que vers la lin du i\^ siècle, une crue
extraordinaire détruisit le monastère d'Kxalada, situé sur
un point très élevé au-dessus du lit de la Tet.
NOTE SIR LES CAKAIX D'ARROSAGE
nr I)fj»AKTKMENT.
>» x\, ^^*t apervu, d'une époque déjà ancienne, exige, à
le son importance, quelques additions, que nous donne-
rons brièvement.
Les arrosaj^es du bassin k\v la lel, sont, depuis peu.
'usidêrabiemeiit accrus, notamment |)ar IVIargissement
Tï.Vi Ai*i>t:M»i(.i:.
des dispositions géiiérales sur cette matière, mais niodî-
(iécs [Kir les usaf^^es établis, et, en quelque sorte, un droit
eoutumier. Klle fixe les surfaces qui ont le privilq^c de
rirrigation, les heures de Tarrosage dans chaque canton.
les <limensions d(^s œils, confonnénient aux titres, les
larj^eurs et la hauteur des l'ranc-hords au-dessus du sol du
canal. Klle y |)roscrit le pacage et restreint les passages
il des points lixes. Klle règle le partage proportionnel des
eaux, en cas de pénurie; elle prononce des amendes
contre les infractions. Ainsi, l'arrosage est protégé par la
coutume et les règlements, ce qui n'empêche pas, cepen-
dant, l'introduction de nombreux abus, l'intérêt privé étant
toujours ingénieux pour se soustraire aux plus sages dis-
positions. Toutefois, le Itoussillon jouit depuis huit siècles.
|)ar le patriotisme, la sagesse du gouvernement de ses
Comtes et des Souverains aragonais, <run système d'irri-
gation parfaitement entendu, et d'un Code règlemenlaire
inconnu dans toute autre |)artie de la France.
Ajoutons (|uelques notes historiques sur les trois prin-
cipaux canaux de la [daine du Itoussilhm < Corlière, Thuir
et Perpignan). Ils ont remplacé Tunique, la Siequia rcal
(le Tolnjr, créé dans. I:i première moitié du xil* siècle.
détruit au commencement du \v*'. Les dates portées au
tableau, sont celles des chartes royales, qui ont, Ji la
même époque, autorisé des «Hablissements distincts pour
les terroii*s th* chacune de ces localités.
Ke canal de Corbère, dabord rétabli dans le lit même de
la partie supériiMire de l'antique srijuia , passait, via-^vis
lîodcs. de la rive droite à la ri\e gauche, et rentrait à la droitr
après nn trajet dt* i.!K"<hnrtres, au m<t\4 n de deux ponts-
aqueducs, d(»nt l'infé'rieur portait le nom historique dr
pont des Sarrasins. Ces |M»nts lurent ruinés par les inon-
latiniis, ei i»ii ITiT «»n transporta le canal sur la ri%c
APPENDICE. 553
tiroile, en opérant des travaux prodigieux dans la gorge
<le Uodès. A la vue de ce canal taillé dans le roc , porté
sur des murs de soutènement de 50 à 5o mètres d'élé-
\ation, on éprouve un sentiment d'admiration pour un si
liardi projet, conçu et exécuté par un simple particulier.
La ville de Perpignan a foit l'acquisition de ce cours d'eau
par acte du 10 mars 1857.
Le canal dit ruisseau de las Canals ou de Perpignan,
n'a j)as oiVert dans son établissement autant de difficultés
a vaincre, d'obstacles à surmonter. On remarque, toute-
lois, dans son parcours, un plus grand nombre d'ouvrages
d'art, des aqueducs sur plusieurs torrents, deux tunnels
ayant 2 mètres de largeur et 370 mètres de longueur
rnsenible , un pont-aqueduc de vingt-et-unc arches et
tllH) mètres de long. Malheureusement, sa prise d'eau,
<l<uU l'orf^anisation solide avait coûté 60.000 francs, au
moins, en 1851 et 185o, battue par l'action perpendi-
<nlaire du courant dans les grandes crues, n'a pu résister,
(juoique fondée sur le tuf, et la tète du canal est me-
nacée d'une complète destruction, qu'on ne préviendra
qu'à ^'rands frais.
Le canal de Thuir n'offre rien de remarquable dans
son cours. Il franchit celui d'ille au moyen d'un aqueduc,
cl passe au-dessous de celai de Corbère.
L'établissement des canaux du Roussillon peut être cité
(•(uiHue modèle d'économie et de simplicité. De faibles
harrages, aisément destructibles, dérivent les eaux dans
l'ouverture de la tête du ruisseau. Renversés par les fortes
(lues, on les rétablit a peu de frais, après récoulement.
ir< drplac(Mnents successifs, sont trop souvent nécessités
l»ar les clian<:,^ements du lit même du torrent : il en résulte
rl« s ebouleinents, des déchirements aux rives, qui rendent
•le plus en plus difficile le rallachement solide des barrages.
La répartition de détail des arrosages s*opère aussi
iiiiparfaiteiuent par des œils, dont on altère la dimen-
sion, et des vannes, qui laissent des vides tels, qae les
pertes sont très considérables. 11 ne serait pas moins
important de remédier à ces abus, qu'à la fragilité des
barrages, par des dispositions plus coûteuses, sans doute,
mais qui auraient pour ellet la sûreté de rintroduclion des
raux, et la conservation, ainsi que la juste répartition du
volume introduit. (L'Editeur,)
PROJET DE LA BOILLOVSE.
N«26, Pour répondre au vœu de Fauteur, qui n'est ici que
ipnqe ui). Técho de la population réclamant depuis long-temps qu'on
forme des réservoirs propres à prévenir les funestes effets
de la pénurie des eaux d arrosage, précisément k l'épo-
que où elles seraient le [dus nécessaires, nous ferons
connaître le projet de barrages a opérer au-dessus de
Mont-Louis, présenté au Conseil-Général par M. Tastn,
ingénieur des IN>nts-et-Qiaussées. Les détails de ce mé-
moire ayant un grand intérêt , nous pensons qu'on nous
siiura gré d'en d<»nnor Tanalyse.
De Mont-Louis à Perpignan, la Tet a quatre-vingt-
i|uinze prises d'eau <pii arrosent I l.92o*"*^^*^, 86. A
pirtir du canal de Corbère, Tun des plus importants sur
l(îs dix «pii restent, on doit en arroser 10.ol6"-*-,08.
Pour obvier à la pénurie qui n'existe onlinairement
qu'aux mois de juillet, août, septend^re, on propose
«iiMix réservoirs : 1'» à la liouUousc, ll.O^W mètres au-
dessus de Mont-Louis: i" au Pla th'M .l/W//<iiw, k 7.000
nètres du niéino point. Le (lonsciMiénéral des Ponts*
•'■-('Ji;niss(M*s les ap|tr(>u\.') I«* ."><* septembre IH47.
AIM'ENDICK.
a«>.>
La Boullouse est située au centre des montagnes , a
^1.000 mètres au-dessus du niveau de la mer, sur un
(ond de roche presque horizontal. Avec une élévation de
18 mètres au barrage, on y amassera 20.398.449 mètres
( :ul)es d'eau. Sa longueur serait de 484 mètres, l'épais-
seur do 8 mètres à 5 mètres oO, suivant les hauteurs
décroissantes par retraites extérieures de l"™,aO. Au Pla
Jt's Ahcillans, avec une retenue de i5 mètres de hauteur,
on réunirait 5.148.504 mètres cubes, qui remplaceraient
avantageusement 2 mètres d'exhaussement à la BotUlouse.
I)<''pense des barrages :
IhmUoxise
Pla (les Abeillans .
Total. .
Somme a valoir.
1.535.276^^ 84
380.849 68
1.916.126^^ 52
183.873 48
Dépense totale probable 2.100.000^^00
Don s'ensuivrait, pour la valeur capitale du mètre cubi-
<|ne d'approvisionnement, O'^ 10.
On estimera ainsi les pertes :
Tnite par les vannes des AbeiUans 1.000 '^'^"^•
Par révaporation à 0"S004 * par jour, sur
la surface de la Boullouse. 1.543.616"" *»
Sur celle des AbeiUans. . . 326.896
Sur un total de 1.870.412"'» 7.481 "*'•«»'
Perte par 24 heures 8.481 "'^'•««»»
On 0'"-^,i00 par seconde, à laquelle ajoutant une
'Laie perte pour le trajet, on arrivera comme M. Nadaud
!c lUitlon, an maximum d'un cinquième.
I . \a|MM,tlion . iuivaul Uclidor, n'csl aniiuellenit'iil «luc «le 32 |»ouic» (0*.8<;r>), la chute
pliini iii fouroil plus (le U moilié.
Il est posé en principe qif un demi litre |Mir seconde
suilit pour Tarrosage d'un hectare. Tous les canaux ac-
tuels en prennent bien plus. Ainsi , Ille a 2 mètres cubes
pour 850 hectares; ïhuir, 1™^',H() pour 1.558 hectares,
(*tr. ; mais il s'en perd prodi^^ieusement.
Les canau\ supérieurs, jusqu'à et y compris celui de
(lorbùre, nVprouvent jamais de |)énurie. En IRiO, année
cvceptionnelle, il débitait l'°^,7(>9, et même IIlc, après
kii, 0" ' ,8!2.'> |)ar seconde.
Hors de la pénurie, ils prennent :
Celui d'Iile 2'"^ ,00^
- deTluiir 1 ,80 ( 7» ^,00
— de Perpij,qian 1 ,()()isousCorbèrc,
de Millas I ,60/
Quand pour 0.1 15"'*, 85 de leur irrigation, il suffirait
de 5" • ,o:;7.
Sous Millas, (|uand la Tet est à sec, on trouve encore
au canal de Corneilla 0" ',i(M) par seconde; h celui de
IV/illa 0'"^,rH)0. (^eu\ du Vernet, de Pia, des Quatre-
(ia/als, ont aussi plus d'eau <pfil n*en faut pour l'irriga-
lirni en toute saison : c'est le produit de nappes souter-
raines. Ainsi, il n\ a qu'à |)oun'oir aux 6.115"-*-,83
di's <piatre territoires dille, Thuir, Millas et Perpignan.
Notre n'S(Mve d(» 25'" «^ ,ol(»{)55, qu'on dériverait un peu
au-dessus de la |»rise d'Ille, sullirait donc pour faire
ïwe à 5.88(»"',17 d'arrosaj^a* en sus, en tout 10.000
hectares.
Le bassin de la Tel , au-dessus de la Houlloffse , ayant
une surlaci* d'au moins 5.<NNI hectares, le remplissage
«les deux retenues n'est |)as <louteux. Kn rî*gleraentanl
les canaux suitérieurs à (iorbère, on ferait de notables
«T.onomies, au prolit des canaux intérieurs sujets il la
pénurie: ei même en appliquant le«i excédants aii\ mon-
n r."r
APPENDICE. 557
lagnes eiilre Monl-Louis et le canal d'Ille, on acquerrait
pour Tarrosage 5.000 hectares de plus.
Les 5 mètres cubes par seconde, dont on pourrait
<lisposer, seraient répartis ainsi :
Pour le canal d'Ille, arrosant. .
— de Thuir
de Perpignan. . .
de Millas
Fa pour le nouvel arrosage. . .
836" « — 0"^,418
1.338 -- 0 ,669
5.290 -^ 1 ,645
650 — 0 ,523
5.886 — l ,945
10.000"^ — o"^,000
Le barrage du nouveau canal qu'on établirait dans les
rochers sous Rodes, aurait : de longueur, 83 mètres;
de hauteur, sur les fondations, 4"™,20; d'épaisseur,
7)'", 20; il serait commun à tous les canaux; on lui don-
nerait de 2 à 3 mètres de large et au moins l'",20 do
profondeur.
On peut porter la dépense des canaux à 700. 000^
d'après le règlement des quotes-parts de chacun, suivant
qu'on arroserait des canaux anciens, ou qu'on ferait
partie des arrosages nouveaux, augmentées d'un cin-
(juième pour les frais d'administration.
Les arrosants du Canal d'Ille payeraient , par hectare. 25^
— de Thuir 169
— de Perpignan i69
de Millas 144
Lt ceux du nouveau. canal 654
L'entretien annuel serait assuré moyennant une dépense
( orrespondant à moins de 10^ pour les anciens, de 51^,50
pour les nouveaux arrosants. A l'égard du bassin du Tech,
il a éie constaté, par divers jaugeages, exécutés contra-
dirtoirement, que le débit d'étiage au Boulon s'élevait à
55S \pi»emh(:k.
l.KU litics par seconde, lue onloiinnnce du ait inarN
18tl, ne distrihnanl qne r>.r)(M> lilres entre les divers
eanaux anciens et modernes, ainsi qne pour les usines.
il en resterait 80:2 dont Céret et Maureillas réclament la
concession. On ponrrait aisément ménager des ressource>
pour les tem|)s de pénurie, plus rares au suqdus dans ce
bassin (pie dans relui de la Tet, en établissant à peu
de frais, sous Corsavi, au |)ont dit de la Fou, un bar-
rage solide rattaclH' à deux rochers. L'étang qui s'>
formerait culMMait -î.î2IO.(M)0 litres. O nombre, divisi*
par 5 minutes 181. (MM) secondes répondant à deux mois
de pénurie, donne ir)t> litres par seconde, qui founii-
raient à Tarrosage de HiVl hretares. Le bassin de TAgl)
ne parait guère susceptible d'angmentati<m.
NOTE SIR LES FORAGES.
\« 27 , D'après le tableau annexé au mémoire inséré dans le
o "K n7\. neuvième bullrlin de la Société des Pvrénées-Orienlales,
il y avait, à la lin de J^Cii, quatre-vingt-sept TorageN
exécutés, sur lesipiels cinquante- huit avaient réussi. La
({uantité de nn'tres forés sVIevait h T.IOr>, le produit à
près de ISri.tMMJ.tMM) de litres par jour; mais îles rensei-
gnements, auxcpiels nous scunnies fondé ii ajouter foi,
nous engagent à n'Mluire de intûtié, soit 18.(XNI.(KN) par
jour, ou !2<M) litres par seconde, qui sutlirait^nt à Tarro-
sage de itM) brctares. La moyenne des [irofundeurs des
rintpiantobuit forag(*s ipii (uit réussi donnerait 77 nit^
très. \v maximum des forag<'s tentés est 187 mètres; si
K:iges et à Toulouges. dans b* bassin de la Tet. la pro-
fondeur des foragi'N donnant de forts \olumes d*eau, est
dr 'kI mètrt's jiunr Ua'^os rt (i<i ponr Toulouges; à Ri>e-
:>riO AppKMhir.i:.
(les, (les plantations, des promenades piltoresques , «lê-
doninia^ent dt^ Tanstérité, de râpreté des lieux, et sa-
lislbnt autant aux exigences des moyens curatifs qu'à la
convenance de rendre lein* séjour a<{réal)le. Les bains
d'Amélie, dans la vallée du Tech, et ceux de Vernel, à
rentrée de la vallée de la Tet, peuvent maintenant entrer
en parall(Me avec les plus beaux, les plus complets éta-
blissements de ce {^enr(^ Des appareils à douches^ sous
toutes les inclinaisons, des \aporarimn, la caléfaction de
tous l(*s a[4)artements par des tuyaux fournis d'eau à 61^
degrés, des piscines de natation, des promenoirs cou-
verts, créations récentes, «dirent aux malades tout ce
qu'il est possible de n'^unir pour contribuer à la guérison.
De nondu'cux bâtiments, d'une architecture élégante, et
parfaitement appropriés ii leur destination ; des apparte-
ments meublés avec goût; une table abondamment ser-
vie; des salons de réunion, bien tenus, complètent le
confortable de c(*s établissem(Mits.
On voit (pie les eaux thermales du Roussillon oiïrenl
tous les degn'*s (pie la iin'decine peut appliquer. Leur
composition est à [k'U pivs la même : l'hydrosulfate de
soude, associé au carbonate alcalin, et une forte pro-
porti(Mi (1(^ silice. Tette similitude de c(unposition « le
peu d(* distance entre U'S nombreuses bouches des eaux.
f(Uit pivsum(*r (pfil existe un loyer dVlaboratiiui commun.
l/unilormité des ivsultats m* peut pro\enir «pie de Tuni-
formité des causes.
Les bains militaires (rAm(*li(\ de nou\elle création.
sont en actixité. L(>ur situation, le luxe des bâtiments.
le \oIuiiie, la haute teinpératun* des eaux, leur donnent
une supiM'idritc ihmi douteuse sur les établissemenls sem-
blables. Ils seront eniineinment utiles snrt(Mit pour les
malad(*spr(i\eiKin( dr rini|H»rlanteci)|iinie (rAfricpie, dont
APPENDICE.
561
le climat est à peu près celui de notre Roussillon. Les
blessés envoyés de la Crimée, particulièrement ceux qui
avaient eu des membres gelés au siège de Sébastopol,
se trouvèrent parfaitement bien de Tusage de ces bains.
Ce rapide exposé suffira pour faire reconnaître qu'on
ne voit nulle part des masses aussi considérables d'eaux
minérales, jouissant en outre d'énergiques propriétés
thérapeutiques. Si donc les établissements thermaux du
Roussillon n'ont pas encore toute la réputation à laquelle
ils ont droit, il faut l'attribuer aux causes signalées par
le docteur Anglada, causes qui n'existent plus. Ici, comme
à Toccident des Pyrénées, comme aux frontières de la
Suisse et aux bords du Rhin , on trouvera le repos et
des distractions, remèdes souvent plus efficaces que
Faction du soufre, des acides, des alcalis. On y jouira
en outre de ce qu'il est impossil)le de donner ailleurs,
d'une saison d'hiver, immense privilège singulièrement
apprécié par les hommes de l'art les plus capables, et
dont l'expérience confirme les effets merveilleux.
Nous donnons le tableau des principales sources ther-
males du département, pour qu'on puisse plus aisément
apprécier toutes les ressources qu'offire, sous ce rapport,
rextrémilé orientale de la chaîne des Pyrénées.
VALLEES.
ETABLISSEMENTS.
NOMBRE
SOURCES .
DEGRÉS
CENTIGRAOBS.
VOLUME
DIS EAUX
«n 24 heures.
Eaux TKtrnvaUs Sul^urtUMS.
Haite-Skciik. Les Escaldes . . . .
borres
Llo
Quès
5
3
4
De 330 à 43«,5
De 27%5 k 290
46»
met. cnb.
800
36
562
APPENDICE.
VAIJ.RRS.
ÉTABLISSEMENTS.
NOMBRE
de
50UIICI8.
DEGRÉS
GCmaRAOB.
VOUHB
MSIAirX
taiékMiw.
■«t.cmb.
SuUt d€» Eaux TWtroaXc* Su\fuTtuu».
La Tet
Saint-Tbomaf . . .
3
De 340 à 58*
600
CanaTeillet
4
54%5
Thuèi
4
De 430 à 76*
Nver
i
23»
Olelle»
2C
De 50o è 78»
1775
Le Vernel 5
De 27* è 36*
807
Molitp
6
De 270,3 k 37o,5
525
Vinca
i
230,3
Le Tech.. . .
La Prff te
. A
De3|oM4
545
Amélie-les-Baiaf .
n
De 32 i 63
890
LVtablitaemeDt
militaire
\
6|o
500
75
6040
Eaux TWrmaUs si
mpUa.
LiTet
Thucs
1
53«
Le Tech.. . .
I LVUbhsvn
En
A
\
p cnliypn*;
50«
290
mais nni]« a«on« ilA «if
saler TabM- 1
Re? net
«
danr« de» faux qui jaiUiK<«Dl Kur un nparf *\ rt'^li
Vint, vinf;t-iii lonrrf
s A de taiU 1
di»grfs lie rhaleur. C>^l , a la hllrf , un lorn-nl dt?
f«ni.
( F.'Ediic^ir. ï
APPENDICE. 563
NOTE SUR L ATTERRISSEMENT DE L'ÉTANG
DE SALSES.
L'immense avantage qui résulterait du dessèchement N»29,
de Tétang et des marécages, entre Salses et Leucate, a (p^geiso).
suggéré l'idée de tenter l'opération par le colmatage, en
y introduisant les eaux troubles de TAgly, lors des crues.
Le canal aurait vingt mètres de largeur sur deux de pro-
fondeur. La surface totale, y compris les marais, est de
8.000 hectares ou 80.000 mètres carrés. La coupe du
canal, réduit de 5 mètres au fond, serait de 57 mètres
cubes. Accordant aux eaux une vitesse de 2 mètres par
seconde, on introduirait journellement 6.395.600 mètres
cubes d'eau. En les supposant chargées de Vioo ^^ terre,
comme on les a trouvées, dans les expériences faites avec
soin et précision, pour des atterrissements projetés dans
les maremmes de Toscane, il en résulterait 191.808 mè-
tres par jour : il faudrait donc, pour combler l'étang, que
les crues de l'Agly eussent annuellement une durée de
huit jours et demi pendant cinquante ans.
Il existe, au sujet de la possibilité d'exécution, une
opinion Milgaire, qui mérite d'être discutée. On prétend
que jadis l'Agly se jetait dans l'étang. Parmi les auteurs
anciens, Pline est le seul qu'on pourrait croire avoir
voulu faire mention de l'Agly; mais il ne dit pas un mot de
son embouchure. Serait-ce le Sordus de Festus Aviénus?
Mais ce géographe ne parle que de sa sortie de l'étang;
or, ne faut-il pas croire que, sur la foi des navigateurs >
il aura pris son déversement dans la mer, au Grau, pour
l'embouchure d'une rivière? Au moyen-âge, une seule
charte , en 961 , parle de TAgly , qu'elle nomme flumen
564 APPENDICE.
aquilinum. Son cours était alors le même qu'aujourd'hui,
passant auprès de la chapelle de Saint-Satumio , et for^
mant une forte connexité vers le sud. Plusieurs actes du
w^ siècle établissent ses confrontations avec des champs
des territoires de Pia, Claira, Torrelles. Ainsi, avant le
xi<^ siècle, point d'indice que ce cours différât de celui
d'aujourd'hui; depuis, certitude qu'il n'en a pas dévié.
Examinons si le terrain offre des indications de la direction
qu'on prétend lui attribuer à une époque, que, d'ailleurs,
on n'assigne point. La pente, entre le canal de Qairat et
la rivière, qui ne peut la surmonter que lorsque ses crues
excèdent cinq pieds, rend, en quelque sorte, impossible
la direction naturelle vers l'étang; mais, dira-t-on , il
existe un fossé que, de temps immémorial, on appelle
la Gly vella. Ce misérable fossé commence au point où
le canal de Claira tourne au sud, pour se jeter dans
la rivière, à 900 mètres de distance. On y voyait, il
n'y a pas long-temps, une écluse en pierre de taille,
indiquant une prise d'eau de dérivation. Des actes an*
ciens le constatent : nous pouvons en citer un de 1661,
qui donne la confrontation occidentale d'un champ : cm»
alveo (Ur Clayra, nommai la Gbj vella. Ainsi donc, ce
n'est que le reste d'un ancien canal d'arrosage, on la
trace du déversement d'une forte crue de TAgly.
Nous ferons connaître, au sujet de l'étang de Salses,
qu'en \l\i\ on approuva un projet de canal de comma-
nication entre le Languedoc et le Roussillon, dressé pr
M. de Niquet, savant ingénieur. Il y eut même un com-
mencement d'exécution, comme on en voit l'amorce à la
Nouvelle, ainsi qu'une partie dans le territoire de Saint-
Hippolyte, à la sortie de Tétang de Leucate. Il est à
regretter qu'on n'ait pas donné suite k Imcontestable
utilité d'une op<'ration , qu'on croit avoir été jadis lenlée
APPENDICE. 565
par les Romains et les Goths. On n'eût, toutefois, obtenu
un succès réel, qu'en prolongeant la communication jus-
qu'au canal du Midi.
NOTE SUR LE CHÈNE-LIÉGE.
La culture du chêne-liége a pris dans le département, ^* ^^^
depuis quelques années, une grande extension. On a (pa§e46S).
compris tout le parti qu'on peut tirer d'un arbre qui ne
vient que dans le Midi, et qui donne d'excellents pro-
duits, sans autres frais que ceux de l'extraction de son
écorce. On y pratique trois modes de reproduction : le
semis, la transplantation, la greffe. On ne faisait naguère
usage que du semis: mais, comme d'abord le gland
|)onrril ou devient la proie des rats; comme il faut s'ar-
mer de patience pour garantir le jeune plant, et attendre
trente ans avant de faire la première récolte, on a cherché
h rapprocher le terme, en substituant au semis, la trans-
plantation de sujets de douze à quinze ans, venus natu-
rellement dans les forêts, et en telle abondance, qu'on se
voit forcé d'en sacrifier un grand nombre. On ne pensait
pas, jadis, qu'il fût possible de raccourcir le pivot qui
plonge profondément sous le sol; on le coupe maintenant
à six pouces, et l'arbre s'alimente parfaitement, au moyen
(les racines latérales.
Quant h la greffe, on ne conçoit pas qu'on l'eût regardée
jusqu'ici comme impraticable, ou même d'un succès dou-
teux. Ce problême, résolu en 1848 par un simple cultiva-
teur, a reçu depuis de nombreuses applications, primées
par la Société des Pyrénées-Orientales : on greffe sur le
chêne-vert, dont nos montagnes sont couvertes. Voyant,
dès la première année, surgir des pousses de 1"™ à l'",50.
566 APPENDICE.
on dut s'attendre aux plus beaux résultats. Cet espoir
n'a pas été complètement réalisé. Le temps apprendra si
la vigueur primitive se maintiendra. Il est \k craindre,
que, rattaché par un seul point à un tronc coupé rez-
terre, le jet, faiblement alimenté, ne prenne pas de corps,
et soit sujet k être arraché et abattu par les vents , si vio-
lents dans nos contrées.
APPINDICB.
ÉCRIVAINS CITÉS DANS L'OOTRAGE.
I
NOMS
des
AUTEURS.
Moïse
Josoé
Hannon
Homère
0
Ezéchiel
Scylax ,
Hérodote
Thucydide
Xénophon
Lycopbron
Caton Tancien
Polybe
Possidonius
Eudoie
Varron
Cicéron
César
Antipater de Sidon...
Plolémée
Hirtius
Caton d^Ulique
Vitruve
Scyninus de Chic. , .
Cornélius Nepos . . . .
Virgile
NATION.
Jaif..
Idem
Carthaginois. . .
Grec
Juif
Grec
Idem .
Idem
Idem
Idem
Romain
Grec
Idem
Asiatique
Romain
Idem
Idem
Grec
Idem
Romain,
Idem
Latin
Grec
Romain
Idem
NATURE
de
l'ouvragi.
Législation sacrée
LÎTre canonique .
Géographie
Poésie
Prophéties. . .
Géographie. .
Histoire
Idem
Idem
Poésie
Agricultore. .
Histoire
Astronomie.
Navigation.. .
Agriculture. .
Eloquence. . .
Histoire
Poésie
Astronomie . . .
Eloquence. . . .
Philosophie. . ,
Architecture.. ,
Géographie . . .
Histoire
Poésie
• • ....
DATE
delà
NAISSANCt.
Av. J.-C.
4574'
4534
4000
884
605
500
484
471
449
5<I0
250
206
455
425
446
407
400
400
400
98
95
80
80
72
70
* Il y a quelquefois incertitode lar l'époque de la naissanoe on de la mort. On n'a dû indiqisr
qij'approximatireroenl .
568
APPENDICE.
NOMS
des
AUTKDR8.
NATION.
Sirilien .
Latin . . .
■Grec. . . .
Diodore de Sicile. .
Tlle-Lire
StnboB
Deoii d^Hilicaroasse. Grec. . .
Asooaiut Pedianus. . . Latin . . .
Piterculuf Vclloius. . Romain .
Séoèque Kspagnol
NATURE
de
L'Ol'VRAGB.
Histoire. . . .
Idem . . . .
Géo(;raphir.
Iliitoire. . . .
Grammaire.
Histoire. . . .
Philosophie.
.Vgricalture.
Columellc Romain
Pomponins Mêla ; Espagnol .Géographie
Pline Faorien ' Latin 'Histoire naturelK-
Siliai Italiens ' Romain [Poésie
Jofèphe ,
:Juif.
Tacite... iLatin
Histoire.
Idem.
Piutarque ;Grec Littérature.. .
. I . I
Frontio Romain Hydrologie . .
Anpien [Grec i Histoire
! Antonin (empereur).. ; Latin ^Itinéraire.
Justin
Idem ; Histoire.
DATE
delà
NABSA?
Kl. i.-C.
70
59
50
50
50
49
3
ap. J.-O.
3
I
Athénée 'Lgyptit-n (îranimairc. .
Dion Cassius. .
-Latin
llérodien 'Grec.
Aarélius Virtor.
Ammien Marrellin..
Romain.
Idem.
. . . 'Latin
Histoire.
Idem.
Idem.
Idem .
Idem .
I f
. . Krriture .Mainte
f,
Eutrope
■
Saint Jén*>me Huimatc
Julien (enip4'n*ur). . . Romain ;I.itlt''raturt
Zozinie Gtvv Histoire.
I j
Rufus Festus .Vviéniik.^Lalin Idfm.
Orose I r.»p.ign(il ... Idrin .
Salvien . . .
"1
1
. Latin . . . .Religion . .
DATE
deU
■OBT.
At.J.-C.
10
il
a». J.-C.
55
Si
68
73
7
79
23
75
25
400
57
•
44
400
48
440
56
406
80
446
86
461
116
466
140
228
164
229
250
•
315
565
529
590
550
580
551
420
551
565
560
•
570
■
575
425
590
484
Gr^oiredaTonn..
Portuoat
l«idore de Bcji
Zuoara.
I Cuy ie Tcrrvti*. . ,
Pcutingir
ZoriU
PanTÎniu ODophrini .
BergÎM
I Muncida
BoKb
Mire.
; DondM
BocUrI
Ubbe
D'AcIitrf
BoppI
Biluu
TaTcrner
neury
Uipiel
Giulnit. .
Orée
Eiptgnol
Oreo. ..
CatikD..
PtamaBd.
AlUauiul
EqwgMl
lUlûo . .
Roiuûlloi
BAuiwii.
FnofHi
Agrieulliira. , . ,
lilUntOM
lUi^
Hiiloire *
Hitloire
6*ofrtphie
•Ion
ibqniU* •uUnulif m
rioiro ,
ArehMogic
HiilMfc
Idem
Idem
Idem
Iffam andinim.. . ,
DitloiM — Antiqnilii..
Hiiloire McUuuti^M- .
RATE
DATB
dflli
dtit
H/,aauia.
■«T.
Ap. J.-C.
430
4B9
•1»
SOS
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•
Mt
019
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1537
im
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tm
4671
tSM
4667
1607
4604
4«0»
40S9
4C40
4688
1«0
4689
1«50
474»
,
47«
16W
472S
1640
1738
ton
4785
570
APPENDICE.
W«ff
NOMS
des
AUTIDRf.
NATION.
RoUin iFrançais
Maratori i Italien
Botch : Roatsillonnais.
De Laborde. . . ,
Dom Vaiisette.
X«up7(rabbé]
Montetqaieu . .
Ballet
Linné
Velly
Carrera
Fofta
Français
Français
Roussillonnais
Français
Idem. . . .
Suédois
Français
Roussillonnais
Idem
! Français . . . .
Lelronne
Gibbon {Anglais
Jofellanos liispagnol
Millin ^Français.
NATURE
de
L'OUVRAOK.
Histoire
Littérature
Numismatique
Littérature
Histoire
Histoire. Anli<|uitéi,. . . .
Philosophie
Langues anciennes
Histoire naturelle
Histoire
Médecine
Histoire, Antiquités . . .
Economie politique
I Histoire
I
'Littérature
iArchéologic
DATB
deU
NAISSAIIGi.
Salât : Espagnol Numismatique.
Bofamll Catalan ; Histoire
Gonde Espagnol i Idrm
Ap. J.-C.
4664
4672
4680
4680
4685
4688
4689
4699
4707
4709
4744
4725
4748
4757
4749
4759
4772
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Tfr8l765
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4824
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TABLE. 57t
TABLE DES CHAPITRES
ET DES PIÈGES ET NOTES DE L'APPENDICE.
Avertissement préliminaire v.
Notice sur la famille de Gazanyola xi.
Avertissement de Fauteur xvii.
Chapitre I«^ — 1« Période. — Temps qui ont précédé
la domination romaine 1.
Anciens habitants do Roiusilion : Celtet, Volcet-Tectotages, Sar-
dnnes on Sordi. — Origine des villet de Pyrène , Rotcino , lUibé-
ris. — Les Phéniciens n^ont formé aucun élablitsenient sur nos
('«Mi>s. — Passage d^Anuibal , il traite aTec les Gaulois. — Colonie
narbonnaise. — Civilisation de cette partie des Gaules. — Monu-
ments celtiques.
Chapitre II. — 2« Période. — Domination romaine.. . H.
Invasion des Barbares. — Ruine dlllibéris. — 5>ertoriu8 , Pompée,
«ios trophées. — César défait set compétiteurs. — Auguste visite
plusieurs fois la Narbonnaise. — Temple de Vénus. — Assasainat de
Constant à Elne. — Les Vandales. — ilonorius. — Cession de
Nurbonne aux Visigoths. — Division de la contrée en cinq, pois
en si'pt parties. — Christianisme répandu k la fln du iii^ siècle.
Chapitre III. — Antiquités, monuments, voies mili-
taires des Romains en Roussillon 24.
his fouilles sur remplacement de Ruscino et d'Illibéris n^ont rien
donné de remarquable. — Autel de Pétilla. — Inscriptions de
S«iint-André, du cimetière de Madeloth, de Théia. — Autel Totif
d Anguslrina. — Inscription de Saint-Hyppolyte , dissertation k ce
^ujet. — Pont de Céret. ~- Voûte des bains d^Arles. — Voies ro-
maines à travers le Rousaillou. — Itinéraire d^Antonin , table de
IVutingcr. — Route suivie par Aunibal. — Eipédition de Vamba.
— nisMTlation sur la voie romaine.
Chapitre IV. — 3« Époque. — Domination des Goths. 61.
La monarchie des Gotbs aVtend des deux côtés des Pyrénées jusqu'au
572 TABLE.
Rhône el à la Luire , en France. -- Alaric vaincu et (uc ■ la hê'
taille de Vouillé. — Les Vi8i(;othf maîtres de la Septimsnie. -^
Révolte du dur Pnul comprimée par Vamba. — AfTaiMiiteiDCot
de la monarchie des Golhs. — langue latine conserfce. — La loi
i;olhiqne Temiiortc sur la loi romaine. — Forts à attribuer aoi
Golhs.
Chapitre V. — 4' Époque. — Invasion des Sarrasins. . 73.
l'rcfliière apparition de Tarik en 71-1 . — Rapidité de leurs conqoélea.
— Pelage se jette dans lt>s Asturies. — Mousa , Al-Haonr, Al-
/ama , passent les Pyrénées. — Ils sont défaits par le duc d^ Aqui-
taine. — Othman et Lampngie. — Bataille de Tours où Charles-
Martel détruit Parniée musulmane. — Le Roussillon, passage
oMii;é des armées. — F^>s habiLints de Narbonne massacrent et
chassent les Arabes en 7.*>0 ; après (|uarante aoi d'occapaiioo , il
ne reste aucun vestige de leur séjour.
Chapitre VI. — 5** Époque. — Le Roussillon sous les
premiers Carlovingiens 8î.
Charlomn^jne envahit ri-]«p.i{;nc en 778. — Ktat déplorable du Rods-
sillon. — \a*s populations s*af;f;lomèrent autour des monattmt.
— Il concède des terres aui Goths réfuijit'S. — Noufelle invasion
des Musulmans en 702 , ils sont n'pnussés — La Sept i ma nie letail
partie de rAquitaini*. — [^>s Normands font d(>s incursions sur les
côt4-«i. — (fouvernemrnt di>s Comtes amovibles sous les premiers
Carlovin};icn$. — Dissertations à ce sujet. — Tours élevées sur les
points dominants, surtout à la côte.
Chapitre Vil. — fi*- Époque 99.
t'.omtn hrrèditttirex : Suni.iire II , premier comte héréditaire. — Ben-
cion et (îau/hert. — C;iuzbert seul, — Gauzfred ou Gnifred* —
tiuiKl.-ilicrt. — (tauzfnMl II. — Gnislaliert II. — Gérard. — Gan-
frcd 111. — Gninnrd ou (iérard 11.
CinnttM tie Ctnlagnr : Miron. — Séniofred. — Oliba-Cabréla. — Vai-
frcd ou Guifrrd.- - Raymond. — Guillaume-Raymond. — Guil-
laume-Jordan — Hernard-CfUillauine.
CnmUn df liizalu ■ Homard. — Guillaume. — (tuillaume II et Ber-
nard II. -Herniird III.
f-nmiti de hauelone mniidrnt comme rois /ri de r.erdafne el de Bei^m :
Hawnond-Hrren};er lil. — Raymond-Itén*ni;er IV,
Chapitre VIII. — (rt)servalions sur la «' Époque. . . . 130.
La loi f;olhif|Uf' rt la coutume i\v Perpi|;nnn , l»asefl de la jnrîspm-
dcnc«> dans le Ron^^itlou. — La lanijue catalane remplace à celle
t-poipic la laii];iie latine— Revenus drs Cimites.— Administratioo
|)4lcinelle. — Rois, mines, fabrication de draps, commeree,
>iioiiiijii*s, iiie^iirrfc aj^raires, mndiata , setlarius, dextre. — Art
TABLE. 573
des irrigations en Asie, en Afrique, chfx les Grecs, les Romains.
— Les Arabes en firent en Espagne la première application. —
Premiers essais dans le Ronssillon k la (in du xi' siècle. — 1/usage
pour le jeu des moulins précéda la pratique de l*irrigation.
Chapitre IX. — 7« Époque. — Première réunion du
Roussillon au royaume d'Aragon 15t.
Alphonse II , iils de Raymond-Bérenger, dernier comte de Barce-
lone, hérite du comte Gérard. — I^ Concile de Tarragone adopte
l'ère de Tlncarnation , qui fait commencer l'année au 25 mars. —
Partage de ses Etats à sa mort. — Bataille de Las Mavas de Tolota
en 1212. — Combat de Muret où périt Pierre 11. — Minorité de
Jiirques 11. — Conquête de Tlle de Majorque et du royaume de
Valence. — Traite de Cerbeil en 1258. — Partage des Etats du
roi Jacques entre ses deui fils. — Création du royaume de
Majorque.
Chapitre X. — 8^ Époque. — Rois de Majorque .... 170.
Discussions entre les deux rois d^ Aragon et de Majorque. — Vêpres
siciliennes. — Croisade contre Pierre III. — Le roi de France
Philippe , chef de l'expédition , pénètre en Espagne. — Affaiblie
parles maladies, Parmée repasse les monts. — Philippe meurt
à Perpignan. — Peu de temps après meurt Pierre III. — Proeèt
des Templiers. — Fameuse expédition des Catalans dans la Grèce.
— L^Infant Don Ferdinand. — Pose de la première pierre de la
calhédrale de Perpignan. — Expédition de Sardaigne. — Hom-
mage au Pape. — Pierre IV s^empare du royaume de Majorque et
en prononce la réunion à celui d^Aragon le 29 mars 4345. — En*
treprises malheureuses de Jacques pour recouvrer ses Etats. —
Fin de Thistoire de Majorque en 1344.
Chapitre XI. — Observations sur la 8« Époque 230.
I.C partage des Etats de Jacques-le-Conquérant fut uu acte très im-
pulitique. — Sous les Rois de Majorque Pagriculture , le com-
merce, l'industrie, furent protégés. — Associations commerciales,
transactions, Nentes pardevant notaire. — La justice suirant la
coutume de Perpignan. — Chartes d'affranchissement des com-
nuines. — Etat militaire et de marine très modéré. — Mesures de
surface et de longueur en usage. — Plantes tinctoriales. — Inqui-
sition peu rigoureuse.
Chapitre XII. — 9« Époque.— Le Uoussilion gouverné
une seconde fois par les Rois d'Aragon 238.
Pierre IV prend possession de Perpignan. — Tentatives de Jacques
sur Majorque. — Combat où il périt le 25 octobre '1349. — Son
fils prisonnier. — 11 s^évade. — Abandon de Père d^Auguste. —
l/anniM} commence au 25 décembre. — Traité aTec Henri de
574 TABLE.
Transtarotrre oonU-e Pierre-lc-Cruel. — Malandrins. — Roolicn
tous Duguewiin. — J«an l«r succède à son pm en 4387.-^-11
meurt d'une chute de cheval. — Le roi Martin. — Le papt
Benoit Mil. — A la mort de Martin cin(| prétendants. — Neuf
juj^es réunis à Caspé donniMit la couronne , à la majorité de sii
voix , à Don Ferdinand de (^stille. — 11 travaille en vain, avec
rcmpcrcur $i{;isniond, à rendre la paix à riijjlise. — Prise de
Constantinopic. — Quinie cents Catalans la défendirent jusqo^au
dernier moment. — Kntrevue et traité de Sauveterre. •— Prise de
Gironne. — Une armée de vin(;t-denx mille hommes, envoyée par
Louis \l sous le Comte de Foix , s'empare de toutes les places dn
Roussillon.
Chapitre XIII. -- Observations sur la période précé-
dente 267.
Vaste étendue du commerce roussillonnais, que le dépouillement de
nos archives met hors do doute. — Affranchissement des comoio-
nés et des particuliers, d'où résulte la prospérité de ragricnllore,
surtout par rétablissement des canaux d'irrigation. — Ce que
c'était qu'un homme propriuf etio/iduf. — Esclaves de toute nation,
tandis que les Seijjneurs affranchissaient leurs vassaux.—* Orga-
nisation défensive en cas de {guerre. — Ma armada. — Juifs établis
dans le Koiissillon VAlgamma.
Chapitre XIV. — 10«" Époque. — Occupation du Rous-
sillon par les Français de \Uy2 à 149.'^ 280.
F/)ui8 M prête appui aux rebelles de Catalnf;ne contre le roi Jean ,
qui s'empare de tontes les places, à l'exception de Salses et Col*
lioure. — Sit'i;e de Perpi{;nan. — Défense vi};ourense malgré le
manque de vivres. — I^s Fran^jais l(>vent le siège. — Traité ponr
la restitution des Cunités moyennant ."00.000 couronnes. — Siège
et prise d'Elnr. — Les chefs, et particnlièrement I^)n Bernard
d^Oms, decapiti*s comme traîtres. — Sit>j;e de Perpi{;nan. — Famine
qui obli(;e l.i (rarni«ioii à m* nourrir des aliments les plus immondes.
— Kpi«H»de tra|;ique de Rlanca révoquée en doute. — Traitemenls
barbares prescrit* par I^niis XI. — Mort du roi Jean en 1179. —
Restitution des Comtés |»ar Charles VIII k Ferdinand. — IVsastre
de l'occupation fraiirais4> pendant trente-deux ans , comparé à la
prospérité du Uoussillon |M*ndant les tniis cents ans de la donina-
tion arafjonaise. — hon Bernard d'Dnis était-ii coupable de trahi-
son envers Louis XI?
Chapitre XV. — ll''ftpo(|ue. — l.e Uoussillon rentre
sous la domination dos Hois d'Aragon 315.
Ferdinand et ls.ilielle. — CoiiqutHe de (iren.ide. — Iléeouverle de
t'Ainénque en I i!l2. - Fxpulsion di*s Juifs.— r«faf/of et Br-
rii^nss. mal mus. — SaUe« pris et n-ndn.^ l>i'8onlres à Perpignan
TABLE. 575
par la maataÏM intelligenre entre la garnison et les babiUntt. —
Nouypau siège de Salses que le Dac d^Albe fait leter. — Charlet-
Quiiit. — loslilulions politiques de la Catalogne. — Charles II
Tint à Perpignan en ^1538. — 11 s^occupa beaucoup des fortifica-
tions. — Hixes entre les Perpignauais et la garnison espagnole.-—
Ia> conon de la citadelle tire sur la ville. — Siège de Perpignan
par le Dauphin en 4542. — Il est obligé de le lever.— Peste dans
le Roussillon. — Entreprise d^Ornano sans succès. — Poursuites
contre de prétendues sorcières. — Décadence de TEspagne au xvii«
siMe. — Disette de 'IGôl. — Combat de I^ucate. — Prise et
reprise de Salses qui reste aux Espagnols. — Contagion de ^1640. —
Nouveaux désordres au sujet du logement des troupes. — Le canon
de la ritadelle cause de grands dommages à la ville. — Siège de
Perpignan après la prise des petites places et notamment do Col-
liourc. — Investissement. — Dispositions des troupes sous les ma-
réchaux de la Meilleraye et de Schomberg. — Louis Xlll arrive le
25 avril. •— 11 en part malade au mois de juin — La place se
rend le 9 septembre. — Tout le Roussillon au pouvoir des Français.
— Traité de 4659.
Chapitre XVI. — Précis rapide des événements qui
ont spiicialcment rapport au Roussillon , de 1659 à
1851 , année de la mort de Tauteur 386.
Ce chapitre n'étant que l'indication des principaux faits qui ont si-
gnalé cotte longue période de près de deux siècles, il serait
suporilu d>n donner Panalyse.
Chapitre XVIÏ. — Notice sur Perpignan 404.
Origine do Perpignan. — L'église Saint-Jean consacrée en 1025. —
I/hopital fondé en HA^. — Etendue primitive de son enceinte. —
Pont sur laTet — Charte de 'Il 97 qui crée Padministration de cinq
Consuls. — Construction de ses murs. — Le Puy des U^preux. —
Couvents. — Le Château, résidence des Comtes de Roussillon et des
Rois de Majorque. — Noria pour Parrosage. — Création des trois
antres paroisses. — Concession d^eau à la ville par Jacques II. —
liniversité fondée par Pierre IV. — Faubourg Notre-Dame et des
Hlanquories. — Hôtel des monnaies. — Commerce florissant au
XI v' siocle. — Ctmsuls de Mer. — Fontaines. — Le Castillet. —
I^ Citadelle. — I/Kglise Saint-Jean terminée en AAOù. — L'orgue
on I50{, lo maître autel en IG5I. — L^bAtel de la mairie en 'I60.'>.
— Translation de FÉvéché en ^1602. — Hospice de la Miséricorde
en \(}7û. — Anciennes institutions monicipalee. — Usages rédigés
en 4 1 <)2. — Les habitants divisés en trois classes. — Consuls ,
(^nvairos. — Rang des députés de Perpignan aux Cortés. — Collège
iloK JosuiioM. — Imprimerie. — Représentations théâtrales. — Art
di' rosrrinu*.
r>7C TABLE.
Chapitre WIII. — Notice sur le déparlement des
Pvrénées-Orienlales 426.
w
Ktposé de la situation du pays au moment de la conquête. — > Goo-
vcrnenient divise en vigueries. — Bailly. — Revenus de la pro-
vince et des villes. — ClcrRc. — Produits. — Industrie: laioagef,
soieries , ujjriruUure, miel , salines, lin, riz, etc. ; toutefois, â la
fin du XMi*' sièi-le, la situation n'était pas prt>spère.
Géographie i:r SiATisiigrE : Variations subies dans son étendae par
le Comté du Roussillon. — Maistms de Barcelone et d'Ampurias.
-- Les Rois d\\rn{;on en héritent seuls. — Royaume de Majorque.
— Occupation frantjaisc sous Louis XI. — Retour k PRépaçoe.
- - Cession deiiniliTc à la France. — Département des PyrénccH
Orientales. — Ses limites.
APPENDICE.
Note première. — Les Phéniciens ont-ils formé d'éta-
blissement sur nos cotes? 48S.
Note sur la vitesse des postes romaines 496.
Les trophées de Pompée 497.
Dépendance des Comtes du Roussillon 498.
Descendance de Sunifred 509.
Lois vislgothi(]ues 5M.
Notes sur lirrij^ation 506.
Note sur le Missel enluminé de la mairie de Perpignan. 526.
Des monnaies usitées en Uoussillon, de Tan 1258 à
l«i-> 598.
Deuxième note concernant les monnaies 530.
Convocation dos Cortés 549.'
Note sur la Lo^e de Mer 544.
Décadence du commerce roussillonnais 545.
Noies sur iVtat atmosphérique 546.*
Note sur les communications 548.
Note sur les crues des rivièn»s 549.
Note sur les canaux d'arrosage du département. . . . 550.
Projet de la Itoullouse 554.
Note sur les forages 558.
Note sur les étahlissements thermaux 559.
Note sur lalterrisMMnent de l'étang de .Salses 563.
Note sur le chi^ne-liéj^e 565l
Lcrivains cités dans l'ouvrage 567.
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