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Full text of "Histoire du Roussillon"

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lirSTOniE  l)(!  ROlSSILLOiV. 


HISTOIRE 

DU 

ROUSSILLON, 

PAR  JEAN  DE  GAZAMOLA, 


ET  AUGMENTEE  DE  QUELQUES  NOUVEAUX  DOCUMENTS  HISTOItlQUE^ . 


PERPIGNAN. 

J.   R.  AL/INt-:,  IMrniMËUftLIBRAlHK. 
RuedMTroii-Roii,  t. 


^S'Sia.  31.  G- 


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V 


AVERTISSEMENT  PRÉLIMINAIRE. 


Une  circonstance ,  aussi  douloureuse  que  fatale ,  est 
venue  se  rattacher  à  la  publication  de  cet  intéressant 
volume.  Celui  qui,  de  concert  avec  Théritière  de  M.  de 
Gazanyola,  s'était  fait  un  devoir  sacré  d'exécuter  les  in- 
tentions du  savant  écrivain,  l'éditeur  de  cette  œuvre,  le 
Ikiron  Guiraud  de  Saint- Marsal,  frappé  d'une  maladie 
organique,  a  été  rapidement  enlevé  du  milieu  de  nous, 
le  2  août  dernier,  presque  à  la  veille  du  jour  où  ce  livre 
allait  être  mis  en  vente. 

Cet  ouvrage  se  présente  donc  devant  les  Roussillonnais, 
en  quelque  sorte  comme  un  orphelin ,  privé  à  la  fois  du 
patronage  de  son  auteur  et  de  celui  de  son  éditeur,  qui, 
depuis  long-temps,  consacrait  tous  ses  soins  à  cette  im- 
portante publication ,  objet  de  sa  plus  grande  sollicitude. 

Heureusement,  cette  Histoire  se  recommande  assez 
par  elle-iriéme,  pour  aller  prendre  sa  place  parmi  les 


VI  AVERTISSEMENT  PRÉLIMINAIRE. 

monuments  scientifiques  et  littéraires ,  sans  avoir  l>esoin 
d'aucun  appui.  Le  nom  vénéré  de  son  auteur^  dont  riiii- 
mense  savoir  est  parfaitement  connu,  suffît  pour  l'accré- 
diter auprès  de  nos  concitoyens  comme  ailleurs  ;  et  une 
production  aussi  remarquable  qu'elle  était  impatiemment 
attendue,  ne  peut  manquer  d'être  universellement  ac- 
cueillie avec  tout  l'intérêt  <iu'elle  mérite. 

Ce  volume,  ainsi  que  l'annonce  son  titre,  a  été  aug- 
menté de  quelques  nouveaux  documents  historiques  par 
le  Baron  Guiraud  de  Saint-Marsal ,  (|ui  a  fait  précéder 
l'ouvrage  d'une  Motice  sur  M.  Jean  de  Gazanyola. 

Nous  allons,  à  notre  tour,  dire  en  peu  de  mots  ce 
qu'a  été  ce  digne  é<liteur ,  qui ,  après  avoir  parcouru  lui- 
même  une  des  plus  belles  carrières,  a  laissé  dans  notre 
pays,  depuis  plus  de  «{uarante  ans  devenu  le  sien  ,  de  si 
nobles  et  de  si  profondes  empreintes. 

Va^  Baron  Bavmond-Marc-Antoine  (luiraud  de  Saint- 
Marsal,  na(|uit  à  Limoux  le  "Hd  Janvier  178(1.  Après  avoir 
fait  «le  brillantes  études ,  d'abonl  au  collège  des  l>octri- 
naires,  dans  sa  ville  natale,  et  puis  à  celui  de  Sort»ze, 
il  fut  reçu,  en  17H8,  ii  TKcole  Polytechnique  d'où  il  sortit 
deux  ans  apK's ,  pour  entrer  dans  celle  du  génie. 

iW'S  tK(^,  il  débuta  à  la  ram|iagne  de  Hanovre;  ht 
.siKTessi\emeiil  toutes  celles  de  IKnipire.  jusqiies  et  \ 
comprises  celles  de  Hennis  et  de  Waterloo,  en  181.%,  v\ 


AVERTISSEMENT  PRÉLIMINAIRE.  VII 

c'est  sur  les  champs  de  bataille ,  où  plusieurs  fois  il  vetsa 
son  sang ,  qu'il  conquit  à  peu  près  tous  ses  grades  et  ses 
distinctions. 

Lieutenant  du  génie  en  1802,  capitaine  en  1805,  chef 
de  bataillon  de  la  garde  en  1811 ,  le  baron  Guiraud  fut 
nommé  le  26  mars  1816  lieutenant-colonel  du  génie, 
directeur  des  fortifications  à  Perpignan ,  où  il  continua 
sans  interruption  son  service  actif  jusqu'au  jour  où  il  prit 
sa  retraite,  après  avoir  été  promu,  en  1824,  au  grade 
de  colonel  dans  la  même  arme. 

Décoré  de  Tordre  de  la  Légion-d'Honneur  en  1807, 
après  le  siège  de  Dantzick  où  il  commandait  une  attaque , 
il  reçut  le  titre  d'Officier,  en  1812,  après  la  bataille  de 
la  Moscowa  où  il  fut  grièvement  blessé  à  la  tête. 

Le  12  octobre  1814,  il  joignit  au  titre  d'Officier  de  la 
Légion-d'Honneur ,  celui  de  Chevalier  de  Saint-Louis. 

Les  cours  de  France  et  d'Espagne  lui  donnèrent  k  la 
fois  des  témoignages  éclatants  de  leur  satisfaction  pour 
la  manière  si  habile  et  si  honorable  dont  il  n'avait  cessé 
de  remplir,  au  milieu  de  nous,  les  fonctions  non  moins 
difficiles  que  délicates,  de  directeur  des  fortifications.  Par 
lettres-patentes  du  29  mai  1825,  le  Roi  de  France  lui 
conféra  le  titre  de  Baron,  avec  adjonction  du  nom  de 
Saint-Marsal ,  qui  était  celui  de  la  famille  de  sa  femme; 
H,  le  12  mars  1829,  le  Roi  d'Espagne  le  nomma  Che- 


Vlll  AVERTISSEMENT  PRÉLIMINAIRE. 

valicr  de  deuxième  classe  de  l'ordre  de  Saint-Ferdinand. 
Enfin,  le  30  avril  1855,  le  Raron  Guiraud  fui  élevé  au 
grade  de  Commandeur  de  la  I^gion-d'llonneur. 

M.  Guiraud  de  Saint-Marsal  se  retira  du  service  en 
1840.  A  partir  de  ce  moment  s'ouvrit  devant  lui  une 
seconde  carrière.  La  vie  civile  d'un  officier  de  ce  mérite, 
qui  réunissait  tant  de  qualités  intellectuelles  et  morales, 
devait  être  digne  de  sa  brillante  vie  militaire.  Après  avoir 
été  soldat  aussi  brave  qu'instruit ,  il  devait  être  tour-à- 
tour  magistrat  éclairé  et  citoyen  plein  de  zèle  pour  le 
bien  de  son  pays. 

Le  14  février  IRil ,  il  fut  nommé  Maire  de  Perpignan. 
Doué  de  facultés  éminentes,  il  ne  tarda  pas  à  en  faife 
connaître  et  apprécier  l'étendue  dans  l'exercice  de  ses 
nouvelles  attributions.  Alliant  Tamour  du  travail  a  une 
imagination  des  plus  vives  et  à  la  solidité  du  jugement, 
il  concevait  et  traitait  parfaitement  les  affaires  adminis- 
tratives', et  se  consacrait  tout  entier  aux  intérêts  confiés 
à  sa  sollicitude. 

I^s  fonctions  «le  Maire,  aussi  bien  que  celles  de  Pré- 
sitlent  «le  la  Société  Agricole,  Scientifique  et  Littéraire 
des  Pyrénées-Orientales,  révélèrent  bientôt,  par  les  nom- 
breux discours  qu'il  eut  a  prononcer  dans  une  foule  de 
circonstances  diverses,  tout  ce  qu'il  y  avait  dans  son 
esprit  ardent  de  talent  littéraire  et  oratoire. 


AVERTISSEMENT   PKÉLIMINAIRE.  |\ 

A  peine  eul-il  cessé,  en  septembre  1846,  d'être  k  la 
tète  de  l'administration  de  la  ville,  qu'il  fut  immédiate- 
ment  porté  par  le  suffrage  unanime  de  ses  concitoyens 
ao  Conseil  Municipal,  où  il  a  siégé  jusqu'à  ses  derniers 
jours.  Membre  de  la  plupart  des  Commissions,  c'était 
toujours  lui  qui  se  chargeait  de  la  rédaction  des  rapports  ; 
et  dans  ces  écrits  se  montraient,  en  même  temps,  la 
dialectique  de  son  esprit ,  sa  merveilleuse  facilité  et  les 
ressources  de  son  intelligence.  Nul  ne  savait  exposer  les 
faits  avec  plus  de  clarté  et  de  logique,  et  discuter  le 
fond  de  la  question  avec  plus  de  méthode  et  de  sagacité. 

Plusieurs  administrations  et  établissements ,  tels  que 
les  hospices,  le  collège,  la  ferme- école,  etc.,  avaient 
simultanément  utilisé,  à  leur  profit,  la  haute  capacité  de 
M.  Guiraud  de  Saint-Marsal  ;  les  uns  et  les  autres  rece- 
vaient à  la  fois  le  tribut  de  son  zèle  et  de  ses  lumières. 

V 

Ni  la  multiplicité  des  travaux  auxquels  il  devait  se 
livrer,  ni  l'aridité  des  questions  qu'il  avait  si  souvent  à 
élucider,  rien  ne  pouvait  ralentir  son  infatigable  ardeur. 
Il  apportait  dans  l'accompHssement  de  tous  ses  devoirs 
un  courage,  une  persévérance  et  une  aptitude  qui  déce- 
laient en  même  temps  en  lui  l'homme  supérieur  et  le 
citoyen  entièrement  dévoué  au  bien  public. 

Une  si  noble  et  si  précieuse  existence  s'est  éteinte 
malheureusement  trop  tôt.  La  mort  de  M.  Guiraud  de 


X  AVERTISSEMENT   PRÉLlMir^iAlRE. 

Saint-Marsal  a  été  l'objet  d'un  regret  universel;  il  est 
descendu  dans  la  tombe,  entouré,  comme  il  l'avait  été 
pendant  tout  le  cours  de  sa  carrière ,  des  témoignages 
d'estime,  de  sympathie,  de  reconnaissance  et  de  véné- 
ration, qui  sont  toujours  le  plus  éloquent  éloge  du 
caractère  et  de  la  conduite  de  celui  qui  a  su  inspirer  de 
pareils  sentiments. 

La  veuve  Baronne  Guiraud  de  Saint- Marsal,  pleine 
de  respect  pour  la  mémoire  de  son  oncle,  dont  elle 
lient  a  transmettre  le  nom  à  la  postérité,  s'est  empressée 
de  faire  achever  l'œuvre  de  cette  publication,  qu'il  na 
pas  été  donné  à  l'éditeur  de  voir  accomplie. 


NOTICE 


SUR 


M.  JEAN  DE  GAZANYOLA. 


La  famille  de  Gazanyola  était  fort  ancienne.  Nous  ne 
remonterons  qu'à  Pierre  Gazanyola,  le  premier  dont  l'exis- 
tence est  bien  constatée  par  des  actes  publics,  et  qui 
vivait  à  Pia  en  1276.  Les  archives  de  cette  famille  portent 
dix-sept  générations,  entre  lui  et  l'auteur  de  l'ouvrage  que 
nous  publions.  A  cette  époque,  riches  bourgeois,  puis 
Bourgeois  honorés,  par  lettres-patentes  du  5  juillet  1650, 
les  Gazanyola  furent  anoblis,  avec  le  titre  de  Chevalier, 
par  ordonnance  de  Louis  XIV,  du  mois  de  mai  1695, 

ê 

dans  la  personne  de  Jérôme  de  Gazanyola.  Le  Roi, 
après  une  énumération  des  titres  de  ce  dernier  à  sa 
bienveillance,  ajoute  :  «  Et  pour  les  services  importants 
«  qu'il  nous  a  rendus,  depuis  longues  années,  dans  nos 
'<  armées  de  Catalogne  et  ailleurs.  »  Il  serait  inutile  d'en- 
trer dans  le  détail  des  positions  honorables  occupées  par 


\ll  NOTICE  SUR    M.    JEAN    DE    GAZANYOLA. 

les  chefs  (le  cette  famille,  souvent  |>remiers  Consuls  de 
la  ville  (le  Peri)ignan. 

Jean-llyacinthe-KudaNoseph  de  Gazanyola ,  na(|uit  le 
16  mars  1766,  de  François  -  Xavier  de  Gazanyola,  el 
d'Eudale  Bou  de  Villenouvette  ;  il  fit  ses  études  au  colleté 
des  Oratoriens,  a  Pézénas,  la  philosophie  et  une  année 
de  droit,  à  l'Université  de  Perpignan.  Élève,  en  1785, 
h  l'École  Rovale  d'Artillerie  de  Metz,  il  s'v  trouvait  ofli- 
cier  de  cette  arme,  en  1791,  lors  de  l'arrestation  de 
Louis  XVI  à  Varennes.  Les  événements  qui  suivirent, 
et  le  serment  qu'on  exigea  de  l'armée,  et  qu'il  refusa  de 
prêter,  le  décidèrent  h  émigrer.  Reçu  dans  le  corps  de 
la  Noblesse  française,  qu'organisa  le  Prince  de  Condé, 
il  fit  neuf  campagnes  avec  les  armées  autrichiennes  et 
russes,  pendant  les  guerres  de  la  Révolution.  En  1801, 
voyant  que  ce  n'était  plus  pour  le  rétablissement  des 
Bourbons,  mais  pour  leurs  propres  intérêts,  que  com- 
Imttaient  les  Puissances  étrangères,  il  quitta  lé  service, 
et  se  retira  en  Espagne,  près  des  frontières  de  cette 
France,  sa  patrie,  vers  laquelle  il  n'avait  cessé  de  tourner 
les  yeux.  En  s'éloignant  du  Prince  de  Condé,  il  reçut  un 
témoignage  flatteur  de  son  estime,  Tattestation  que,  dans 
toutes  les  aflaires,  il  s'était  comporté  avec  honneur,  zèlo 
ft  courage.  Arrivé  en  Catalogne,  au  mois  de  juillet  1801, 
il  v<Vut  hon(»rablement,  tirant  jiarti  de  ses  connaissances 


NOTICE   SLR   M.    JEAN   DE  GAZANYOLA.  XIII 

en  mathématiques.  Il  revit  la  France  en  1805,  où  sa  fa- 
mille raccueillit  avec  une  tendre  cordialité. 

Le  roi  Louis  XVIII  ayant  recouvré  la  couronne  de  ses 
pères,  M.  Jean  de  Gazanyola  fut  nommé,  dès  le  mois 
de  septembre  1814,  au  Conseil-Général  des  Pyrénées^ 
Orientales.  Créé  Chevalier  de  Saint-Louis  le  22  novem- 
bre 1815,  le  Roi  le  désigna,  en  1816,  pour  inspecter 
les  gardes  nationales  du  département.  Il  fut,  successi- 
vement. Membre  du  Conseil  municipal  de  Perpignan, 
en  1821,  et  Conseiller  de  Préfecture,  en  1822,  position 
qu'il  conserva   jusqu'aux   événements  de  juillet  1850. 
Ses  principes,  son  attachement  inviolable  h  la  Monarchie 
légitime,  ne  lui  permirent  point  de  continuer  à  exercer 
des  fonctions  publiques  sous   un  autre  Gouvernement. 
Quoique  son  dévoûment  à  la  cause  de  la  branche  ainéc 
des  Bourbons  fût  sans  bornes,  on  le  vit  porter  une  Jiieu- 
veillante  modération,  une  intelligence  supérieure,  dans 
les  nombreuses  et  importantes  opérations  dont  la  direc- 
tion lui  fut  confiée.  Ainsi,  chargé,  en  1814,  de  la  visite 
des  prisons ,  pour  constater  la  situation  politique  de  cha- 
cun des  prévenus ,  et  signaler  ceux  qui  avaient  droit  à  la 
clémence  du  Roi;  commissaire  délégué,  en  1815,  auprès 
du  corps  espagnol  qui  avait  envahi  le  territoire,  et  dont 
on  devait  suspecter   les   intentions,    il  sut,    dans  ces 
missions  délicates,   allier  la  prudence  à  la  fermeté.  La 


XIV  NOTICE  SUR   M.   JEAN   DR   f.AZANTOLA.  ' 

formation  du  Musée  de  la  ville  de  Perpignan,  la  réunion 
des  documents  pour  dresser  la  statistique  départementale, 
la  surveillance  de  la  Bibliothèque,  etc.,  furent  aussi  mises 
sous  sa  direction,  et,  partout,  il  apporta,  avec  un  zèle 
inaltérable,  le  tribut  de  ses  vastes  connaissances. 

Rentré  en  1850  dans  la  vie  privée,  il  se  livra  exclusi- 
vement à  l'étude.  L'histoire,  l'astronomie,  les  mathéma- 
tiques, l'économie  politique,  toutes  les  branches  de  la 
science  lui  étaient  familières,  et  occupaient  noblement 
ses  loisirs.  Il  ne  pouvait  mieux  les  employer  qu'en  n^u- 
nissant  des  matériaux  pour  l'histoire  de  son  pays  :  il  y 
travailla  avec  ardeur,  et  poursuivit  cette  œuvre  avec  une 
persévérante  activité  pendant  plus  de  vingt  ans;  mais, 
à  peine  l'avait-il  terminée,  que  la  mort  vint  le  surpren- 
dre, au  moment  où  il  se  proposait  de  la  livrer  à  la  publi- 
cité.*Son  tempérament  robuste  avait  long-temps  résisté 
à  une  affection  catarrhale ,  fruit  de  ses  campagnes  et  de 
ses  longues  veilles  :  il  expira  le  24  mai  1851 ,  vivement 
regretté  de  sa  famille,  de  tous  les  gens  de  bien,  et  sur- 
tout des  pauvres,  dont  il  s'appliqua  constamment  à  sou- 
lager les  misères. 

Ses  hautes  vertus,  sa  capacité,  son  érudition,  l'aménité 
de  son  caractère,  la  solidité  de  ses  relations  privées,  son 
inébranlable  fidélité  aux  princi|>es  politiques  qui  curent 
tant  d*innuence  sur  sa  vie,  lui  avaient  ac^piis  Testime,  le 


NOTICE  SUR  M.  JEAN  DE  GAZANYOLA.         XV 

respect  de  ses  coDcitoyens ,  les  sympathies  de  ses  nom- 
breux amis. 

M.  Jean  de  Gazanyola  avait  un  frère,  mort  long-temps 

avant  lui,  et  une  sœur,  qui  épousa  le  comte  Ange  Delpas 

de  Camporells  de  Saint-Marsal.  De  ce  mariage,  il  n'est 

.  resté  qu'une  fille  :  Angélique  Delpas  de  Saint-Marsal, 

mariée   au   baron  Guiraud,   colonel  du  génie.   Dernier 

rejeton  de  deux  familles  très  anciennes,  qui,  dans  chaque 

génération ,  fournirent ,  en  Espagne  et  en  France ,  une 

lai^e  part  au  service  de  l'État,  surtout  dans  la  carrière 

(les  armes,  elle  tient  a  cœur  d'exécuter  les  dernières 

intentions  d'un  oncle  qui  lui  fut  cher.  Puisse-t-elle  sauver 

son  nom  de  l'oubli,   en  publiant  un  ouvrage   si  plein 

d'érudition,    et   puissent  les  Roussillonnais  l'accueillir 

avec  tout  l'intérêt  que  nous  y  attachons  nous-méme  ! 


r 

L Editeur,  B«"  Guiraud  de  Saint-Marsal. 


AVERTISSEMENT  DE  L'AUTEUR. 


Habitué  de  bonue  beure  à  faire  des  extraits  des  livres 
classiques <,  je  continuai,  plus  tard,  à  noter  tout  ce  que 
les  ouvrages  scientifiques  et  littéraires  présentaient  de 
plus  saillant.  J'eus,  surtout,  un  goût  prononcé  pour  les 
études  historiques,  et  je  m'attachai  à  rechercher  dans 
les  auteurs  anciens  et  modernes,  ce  qui  pouvait  jeter 
du  jour  sur  l'histoire  du  Roussilion  ;  d'autant  plus  qu'il 
n'existait  rien  de  spécial  concernant  une  petite  province, 
qui,  située  entre  des  Etats  puissants,  eut  toujours  une 
importance  telle ,  que  sa  possession  fut  un  sujet  constant 
de  discorde  et  d'envie,  ce  que  prouvent  suffisamment 
les  douze  changements  de  domination  qu'elle  a  éprouvés 
dans  l'espace  de  vingt-deux  siècles.  Les  documents  tirés 
des  auteurs  qui  avaient  écrit  sur  cette  contrée ,  formèrent 
un  recueil,  qui  s'accrut  de  jour  en  jour.  Lorsqu'après 
douze  ans  d'exil ,  je  revis  cette  France ,  loin  de  laquelle 
m  avait  entraîné  la  tempête  révolutionnaire,  je  repris  mes 


XVIll  AVERTISSEMENT   DE   LALTEtR. 

études  sur  riiisloirc  de  mon  pays,  et  mis  en  ordre  toutes 
mes  notes,  de  manière  à  composer  un  tableau  chrono- 
logique et  raisonné  des  événements  concernant  le  Rous- 
sillon,  qui,  depuis  Tépoquc  la  plus  reculée  à  laquelle  les 
œuvres  des  anciens  nous  permettent  de  remonter,  ont 
laissé  dans  les  annales  du  monde  une  trace  authentique. 
Plusieurs  de  nos  compatriotes,  distingués  par  leur 
instruction  et  l'amour  du  travail  (MM.  Puiggari,  Jacques 
et  Jean-Baptiste  de  Saint-Malo)  faisaient  aussi  avec  zèle 
des  recherches  archéologiques,  et  publiaient  les  résultats 
de  leurs  laborieuses  investigations.  Kn  i855,  M  Henry, 
bibliothécaire  de  la  ville,  imprimait  son  histoire  du  Rous- 
sillon,  et  par  une  singulière  coïncidence,  de  l'autre  côté 
des  Pyrénées,  le  savant  auteur  catalan,  D.  Prosper  de 
Bofarull ,  indiquait  de  nombreuses  corrections  à  0|)érer 
dans  les  chronicpies  d'Kspagne,  et  particulièrement  dans 
la  série  des  Comtes  héréditaires  du  Roussillon.  Je  m'em- 
pressai de  joindre  a  mes  documents  ceux  que  m'oflraient 
les  écrits  d'hommes  de  ce  mérite.  Non  seulement  ils 
m'ont  beaucoup  appris;  mais  ils  m*ont  mis  dans  lobliga- 
tion  <le  faire  de  nouvelles  études,  au  moyeu  des  ouvrages 
imprimés  et  des  manuscrits  <|ui  m'étaient  inconnus,  ou 
que  j'avais  né|;ligé  de  consulter.  Pendant  que  je  m'occu- 
pais dr  cet  objet,  M.  Jcaii-ikqiliste  de  Saint-Malo,  s  atta- 
chait,  a\ec  une  admirable   persévérance,  à  exhumer  des 


AVERTISSEMENT   DE  L'aUTEUR.  XI\ 

débris  poudreux  de  nos  archives,  malheureusement  très 
maltraitées  par  le  vandalisme  de  1795,  tout  ce  qui  pou- 
vait intéresser  Thistoire,  les  mœurs,  les  usages,  les  arts, 
le  commerce  et  les  manufactures  du  pays  dans  les  xiii^, 
xïv«,  xv^  et  xvi^  siècles.  J'ai  puisé  largement  dans  cet 
important  recueil ,  et  je  me  plais  à  donner  à  ce  savant 
un  témoignage  de  ma  profonde  reconnaissance,  pour 
Textréme  bienveillance  avec  laquelle  il  m'a  communiqué 
son  précieux  travail.  On  doit  vivement  regretter  qu'on 
n'ait  rien  effectué  de  semblable ,  soit  en  Catalogne ,  soit 
ï  Majorque;  mais  une  opération,  qui,  sans  aucun  doute, 
aurait  de  grands  résultats  pour  compléter  l'histoire  du 
Roussillon,  serait  l'exploration  sérieuse  du  sol,  sur  une 
foule  de  points,  où  des  indications  positives  donnent  plus 
que  la  probabilité  d'importantes  découvertes.  Ne  pré- 
voyant pas  que  ces  deux  objets  puissent  s'exécuter  de  nos 
jours,  je  me  suis  efforcé  de  perfectionner  mon  œuvre,  en 
y  employant  le  grand  nombre  de  nouveaux  matériaux  que 

j'ai  eus  h  ma  disposition ,  et  je  pense  avoir  réussi  à  ren- 

* 

dre  sa  publication  utile. 

On  s'étonnera,  peut-être,  que  je  produise  un  travail 
sur  le  même  sujet  récemment  traité  par  M.  Henry.  J'ai 
long-temps  hésité;  mais  cet  estimable  auteur  n'a  pu, 
comme  moi,  puiser  dans  des  manuscrits  ignorés  lorsqu'il 
a  écrit.  Ces  manuscrits,  inappréciables  par  l'authenticité 


XX  AVERTISSEMENT   DE   L'aUTEUR.  • 

des  fails  qu'ils  révèlent,  fournissent  des  moyens  incon- 
testables de  rectifier  ceux  qu'ont  dénaturé  les  préjugés 
nationaux,  et  de  réfuter  un  grand  nombre  d'erreurs, 
transmises  par  tradition  et  des  écrits,  où  souvent  les 
présomptions  tiennent  lieu  de  réalités.  J'ajouterai  que  nous 
ne  voyons  pas  toujours  les  choses  de  la  même  manière. 
Si  on  désire  bien  connaître  une  histoire,  on  ne  saurait 
que  gagner  à  trouver  certains  objets  importants  présentés 
sous  des  aspects  divers.  M.  Henry  eut,  d'ailleurs,  princi- 
palement en  vue,  la  liaison  de  l'histoire  de  France  à  celle 
d'Aragon  :  mon  but  est  moins  élevé.  Je  ne  m'occuperai 
(|ue  de  l'ancien  Roussillon,  accru  des  territoires  formant 
ensemble  le  département  des  Pyrénées-Orientales. 

Resserré  dans  le  cadre  dont  je  viens  de  poser  les  limi- 
tes, mon  livre  diminuera,  sans  doute,  d'importance;  mais 
je  n'ai  pas  l'ambition  de  prétendre  élever  le  modeste  rôle 
({u'a  joué  notre  pays,  au  niveau  de  celui  des  grands  États 
limitrophes.  Je  me  borne  à  établir,  d'abord,  clairement, 
la  série  des  Princes  <]ui  ont  gouverné  le  Roussillon  ;  à 
narrer  exactement,  ou  à  rectifier  les  faits  qui  ont  illustré 
leur  règne;  à  exposer  les  progrès  de  la  civilisation,  des 
sciences  et  des  arts  dans  cette  contrée,  qui  changea  si 
souvent  de  maître  et  d'intérêts;  a  bien  faire  connaître, 
eiilin,  une  province,  dont  le  sol,  la  culture,  les  n^sources 
et  les  produits,   sont   loin  d'être   appréciés   comme    ils 


AVERTISSEMENT   DE  L'aUTEL'R.  XXI 

devraient  Tétre,  et  qui,  par  ses  établissements  et  les 
améliorations  de  tout  genre,  qui  ont  lieu,  surtout,  depuis 
quelques  années,  rivalise  avec  les  provinces  les  plus 
anciennes  de  la  France. 

Le  plan  que  j'ai, adopté  est  celui  de  toute  œuvre  histo- 
rique ;  il  se  trouve  naturellement  tracé  par  la  série  des 
événements.  Le  Roussillon  a  éprouvé  diverses  révolu- 
tions :  ^époques  remarquables  de  son  histoire,  elles  la 
divisent  en  douze  périodes. 

I*"®  Période.  —  Temps  antérieurs  a  la  conquête  par  les 
Romains. 

11^  Période. — Domination  romaine. 

III«  Période. — Domination  des  Yisigoths. 

IV'e  Période. —  Invasion  des  Arabes. 

V«  Période. — Règne  des  premiers  Carlovingiens. 

Vie  Période. — Gouvernement  des  Comtes  héréditaires. 

Vile  Période. — Gouvernement  des  Rois  d'Aragon. 

Ville  Période. — Gouvernement  des  Rois  de  Majorque. 

IX«  Période. — Retour  au  Royaume  d'Aragon. 

Xe  Période. — Occupation  française. 

Xl«  Période. — Domination  espagnole. 

XII®  Période. — Réunion  h  la  France,  en  1659. 

Nous  consacrerons  au  moins  un  chapitre  a  chacune 
des  onze  époques;  nous  ne  dirons  rien  de  la  douzième. 
Les  événements  qui  s'y  rapportent  sont  assez  connus,  ou 


XXII  AVERTISSEMENT   DE  L  AUTEUR. 

se  trouvent  décrits  dans  une  foule  d'ouvrages.  D'ailleurs, 
les  Roussillonnais ,  devenus  Français  par  le  traité  des 
Pyrénées,  cessent  de  former  un  peuple  particulier,  tel 
(]u'il  s'était  maintenu,  en  passant  successivement  du 
gouvernement  de  ses  Comtes  à  celui  des  Rois  d'Aragon, 
de  Majorque,  de  France  et  d'Espagne.  Son  histoire  se 
confond  maintenant  avec  celle  de  la  France.  Il  eût  été 
superflu  de  la  faire  précéder  d'une  introduction,  d'un 
discours  préliminaire,  qui  ne  seraient  que  la  reproduc- 
tion des  généralités  publiées  dans  plusieurs  ouvrages, 
tels  que  le  VMjage  pitimrsqm  en  France,  Yliinéraire 
de  de  Laborde,  V Histoire  récente  de  M.  Henry,  etc. 
J'entrerai  de  suite  en  matière,  présentant  les  faits  histo- 
riques, dépouillés  de  tout  artifice  de  style,  de  phrases 
ambitieuses,  de  pompeuses  descriptions;  je  serai,  sur- 
tout, impartial  dans  la  discussion  de  quelques  actes  im- 
portants, et  dans  l'appréciation  de  certains  événements, 
où  l'esprit  de  nationalité  pourrait  encore  se  faire  jour, 
apriîs  phis  de  deux  siècles  de  fusion. 


HISTOIRE 


Dlî 


ROUSSILLON 


CHAPITRE  PREMIER. 


PREMIÈRE  PÉRIODE. 

TE.MVS  Q\3l  ONT  PRÉCÉDÉ  L\  DOM\îi\T\ON  l\OMX\NF.. 

Les  anciens  ne  nous  ont  laissé  que  de  bien  faibles 
renseignements  sur  l'état  primitif  des  pays  qui  forment 
le  département  des  Pyrénées-Orientales.  Pour  y  suppléer, 
les  modernes  ont  eu  recours  à  des  conjectures  plus  ou 
moins  ingénieuses,  quelquefois  même  à  des  fables  qui 
ne  méritent  pas  d'être  réfutées.  Rapportant  fidèlement  ce 
que  nous  apprennent  d'une  manière  précise  des  écrivains 
dignes  de  foi ,  et  vivant  à  une  époque  où  ils  pouvaient 
puiser  à  des  sources  maintenant  perdues,  nous  passerons 
légèrement  sur  les  conjectures  formées  d'après  des  faits 
douteux  ou  des  témoignages  peu  positifs. 

César  nous  dit  que  les  peuples  de  la  partie  orientale 
des  Gaules,  appelés  Galli  par  les  Romains,  se  donnaient 
dans  leur  langue  le  nom  de  Celles;  Polybe  le  leur  donne 
également.  Ces  Galli  ou  Celtes  étaient  divisés  en  confé- 
dérations, formées  chacune  de  plusieurs  petits  peuples. 
La  contrée  comprise  entre  la  Méditerranée,  les  Pyrénées, 

1 


'1  IIISTOIHE   Dt*  nOLSSlLI.ON. 

la  Garoinie  et  le  Rhône,  était  occupée  par  la  confédération 
«les  Volces,  tant  Arécomiques  voisins  du  Rhône,  que  Tec- 
tosages  établis  vers  les  Pyrénées  (voyez  Cicéron,  César, 
Strabon,  Mêla,  Pline,  Ptolémée,  Justin).  Suivant  Pom- 
pouius  Mêla,  la  côte  du  Roussilloo  aurait  été  habitée  par 
les  Sardones  ;  Pline  les  y  place  aussi ,  leur  donnant 
pour  voisins,  vers  Tinlérieur  des  terres,  les  Consuarani, 
Ptolémée  attribue  aux  Volces- Tectosages  les  deux  villes 
d'Illibéris  et  de  Ruscino.  Quant  à  celle  de  Julia-Lybica, 
qu'il  donne  comme  Tunique  cité  des  Cerelani,  elle  paraît 
être  Livia,  petite  ville  espagnole,  enclavée  dans  la  Cer- 
dagnc  française  (canton  de  Saillagouso). 

►ooaT.J.-c,        Rufus-Festus-Aviénus  *  nous  fournit  sur  les  anciens 
habitants  de  notre  pays,  des  détails  plus  circonstanciés. 
«Marseille,  fondée  environ  600  ans  avant  Jésus-Christ, 
commerçait,  dit-il,  sur  nos  côtes,  habitées  par  lesiordi, 
peuple  à  demi  sauvage,  se  plaisant  dans  des  lieux  d'un 
acci>s  difficile,  n'ayant  d'autre  demeure  que  les  antres  des 
bétes  fauves.  Au  nord  des  Pyrénées,  s'étendait  une  plaine 
sablonneuse,  au  milieu  de  laquelle  coulait  le  fleuve  Ros- 
chynus  (la  Tet).   On  trouvait  ensuite  un  étang  entoun* 
de  vastes  marais  :  Sordken  était  le  nom  que  leur  don- 
naient les  habitants;  ils  appelaient  Sordvs,  une  rivière 
se  jetant  dans  la  mer  au  sortir  de  ces  lagunes.  Il  avait 
cependant  existé  dans  les  contins  du  pays  des  Sordi, 
une  ville  riche,  appelée  Pyrène,  dont  la  distance  aux 
Colonnes-d'Hercule  était  de  sept  journées  de  navigation 
pour  un  navire  bon  voilier.  Les  Marseillais  y  faisaient  un 
grand  commerce  d'échange  avec  les  Sordi.  w  Cette  des- 

1  Ct  poèl«-géo^pb« .  rontfnporun  di  fnnd  Th^odote .  a  rompoi^  àm  poiaet  utr  la 

g^ognphK*.  \o)ti  celui  qui  cul  intilult*  Ora  martlima,  dppui»  le  vrr»  ^52  juiqu'au  57i*.  m 
otfMtfiiU.  d'après  Utu\  \f%  rommenUlfom ,  qor  %f%  de«rnption«  *e  rapportant  loujottn  l 
rancitt<#tat  du  pa^^ 


CHAPITRE   PREMIKK.  3 

cription  d'Aviénus  s'accorde  assez  avec  l'étal  actuel  des 
lieux,  si  l'on  prend  en  considération  les  changements 
qu'ils  ont  nécessairement  éprouvés  dans  un  intervalle  de 
plus  de  vinp[t  siècles;  car,  d'un  côté,  les  débordements 
multipliés  de  la  Tet  doivent  avoir  recouvert  d'une  couche 
épaisse  de  limon,  et  rendu  fertile  la  plaine  sablonneuse 
qu'elle  traversait;  de  l'autre,  les  marais,  cédant  à  l'in- 
dustrie de  l'homme,  peuvent  avoir  diminué  au  point  que 
le  Sordus,  qui  paraissait  en  sortir,  fût  la  Gly,  dont  l'em- 
houchure  n'est  qu'a  3.000  mètres  de  l'étang  de  Salses. 
Quoi  qu'iî  en  soit,  les  Sardoiws  de  Mêla  et  de  Pline 
paraissent  tirer  leur  origine  des  Sordi  d'Aviénus,  et  non 
d'une  colonie  venue  de  Sardaigne,  colonie  dont  l'exis- 
tence n'est  appuyée  que  sur  l'assertion  d'un  auteur  mo- 
derne. On  demandera  peut-être  d'où  venaient  ces  Sordi. 
En  l'absence  de  tout  document  historique,  il  est  plus 
prudent  d'avouer  son  ignorance  que  d'avoir  recours  à 
des  conjectures  hasardées.  Nous  dirons  cependant  que 
Scymnus  de  Chio  place  les  Lygicns  ou  Ligures  sur  la 
c^te  orientale  des  Gaules  voisine  de  l'Ibérie,  et  que, 
plusieurs  siècles  avant  lui ,  Scylax  avait  donné  la  popu- 
lation de  cette  côte,  depuis  Emporium  jusqu'au  Rhône, 
pour  un  mélange  d'Ibériens  et  de  Lyges  ou  Ligures^  Mais 
ce  dernier  nom  est-il  celui  d'une  nation  particulière,  ou 
bien  est-ce  ici  une  dénomination  générale  donnée  à  des 
peuples  différents,  à  raison  d'une  situation  commune  a 
tous?  Il  est  bien  difficile  de  ne  pas  adopter  cette  der- 
nière opinion,  lorsqu'on  voit  dans  les  divers  auteurs,  des 
Lygîens  ou  Ligures,  depuis  le  Xucar  jusqu'au-delà  de 
Gènes;  surtout  si,  comme  on  le  prétend,  le  mot  Ligures 
est  composé  des  deux  racines  celtiques  Ly  et  Gures, 
qui,  dans  cette  langue,  signifient  habitants  de  la  cote. 
Plusieurs  autours  se  fondant  sur  lo  200*^  vers  do  Scvm- 


4  III6T0IHE   DU   ROUSSILI.O.N. 

nus  (le  CIlio,  et  sur  un  fragment  de  Dion  Cassius,  cité 
par  Zonaras  et  par  le  Scholiaste  de  Lycophron,  ont  voulu 
placer  en  Roussillon  les  Bébryces,  peuple  d'origine  ibère'; 
mais  on  peut  seulement  inférer  du  vers  de  Scymnus, 
qu'ils  étaient  établis  dans  la  Gaule  Narbonnaise.  Quant 
au  passage  de  Dion ,  cité  par  le  Scholiaste ,  il  en  résul- 
terait que  ce  peuple  habitait  entre  les  Pyrénées  et  les 
monts  Auvarauniens  :  a  la  vérité ,  ces  derniers  étant  un 
peu  trop  éloignés,  on  leur  a  substitué  les  monts  Géré- 
tains,  qui,  faisant  eux-mêmes  partie  des  Pyrénées,  ne 
peuvent  convenir.  M.  Letronne  propose  les  Cévennes  : 
cette  correction  faisant  accorder  Scymnus  et  Dion,  est  fort 
heureuse  ;  mais  elle  n'impose  pas  l'obligation  de  placer 
les  Bébr)xes  dans  la  contrée  formant  aujourd'hui  le  dé- 
partement, entièrement  occupée  par  les  Sardmics  et  les 
Consuarani  de  Pline,  et  par  les  Cerdani  de  Ptolémée*. 
Aviénus  ne  fait  aucune  mention  d'illibéris  ni  de  Ruscino. 
Ce  qu'il  dit  de  l'état  du  pays  démontre  assez  que  ces 
villes  n'existaient  pas  à  l'époque  dont  il  parle;  mais 
comme  elles  avaient  une  certaine  importance  lors  du 
passage  d'Annibal ,  on  peut  supposer  leur  fondation  an- 
térieure de  deux  h  trois  siècles  à  ce  grand  événement. 

Dags  un  ouvrage  intitulé  Inde:jc  Comitum  Rttscifwneu^ 
sium,  on  attribue  k  Ruscino  une  origine  punique,  sur  le 
seul  fondement  que  ce  nom,  porté  par  une  ville  d'Afri- 
que', appartient  à  la  langue  phénicienne^  dans  laquelle 
il  signifie  rhef.  La  découverte  de  médailles  puniques, 
quoique  très  rares  dans  ce  pays,  prêterait  quelque  appui 

1  ^iliUi  Italku»  parait  au«»î  aroir  pinbra«jiî  cvtte  opinion  ;  nuis  Tantoritc^  tif  rt  poète  n« 
unrait  rnotrebalancer.  wr  nn  point  de  géographie .  rrllf  de  IVnpontn«  llcU  «t  «Je  IMkm 
l'Am-ifa.  dont  il  ftait  à  |ifu  prè«  rootenporain. 

3  Journal  den  Sarantt .  6f  ftKrirr  18S9.  p.  112. 

.1  RniKAila.  matiiieiiant  «lura.  «nr  la  rt»te  nord  df  r.Miî.ne. 


CHAPITRE   PREMIER.  5 

à  cette  opÎDÎOD,  s'il  n'était  infiniment  vraisemblable  que 
ces  médailles  y  ont  été  apportées,  soit  par  les  soldats  d'An- 
nibal ,  soit  par  des  aventuriers  gaulois  ayant  servi  dans  les 
années  carthaginoises  ou  dans  celles  des  rois  de  Syrie. 
De  nos  jours,  un  habile  archéologue*  a  prouvé  que  plu- 
sieurs noms  de  lieux,  dans  cette  contrée,  dérivent  d'une 
racine  phénicienne,  et  ont,  dans  cette  langue,  une  signi- 
fication dont  le  rapport  avec  leur  situation  est*  des  plus 
frappants.  Les  travaux  de  cet  archéologue  donneraient  un 
fondement  plus  solide  à  l'opinion  de  l'auteur  de  l'Index, 
si  des  étymologies  seules,  quoique  très  bien  déduites, 
suffisaient  pour  démontrer  que  les  Phéniciens  ont  jadis 
fait  sur  nos  parages  un  établissement  ou  même  un  com- 
merce dont  on  ne  trouve  aucune  indication  dans  les  his- 
toriens et  les  géographes  de  l'antiquité.  D'ailleurs,  dans 
un  pays  occupé  par  les  Celtes,  dont  la  langue,  suivant  de 
savants  linguistes  * ,  vient  du  phénicien  ou  de  l'hébreu , 
serait-il  surprenant  qu'il  y  eât  des  villes,  des  montagnes, 
des  rivières,  dont  les  noms  dérivassent  de  l'un  de  ces 
deux  idiomes?  Cette  question  très  intéressante  mérite 
d'être  discutée  :  nous  la  renvoyons  à  l'appendice  à  cause 
de  l'étendue  de  la  dissertation.  (Appendice,  n°  1.) 

S'il  suffisait  qu'une  cité  portât  un  nom  dérivé  d'une 
langue  ancienne ,  pour  attribuer  sa  fondation  au  peuple 
qui  parlait  autrefois  cette  langue,  on  pourrait  dire  qu'Illi- 
béris,  dont  le  nom  signiGe  ville  neuve  dans  la  langue  qu'on 
croit  avoir  été  celle  des  anciens  Ibères,  a  été  bâtie  par 
une  colonie  venue  de  ce  pays,  dont  le  voisinage  rendait 
plus  probable  l'émigration  attestée  par  le  passage  de  Scy- 
lax  mentionné  ci-dessus.  Polybe  compte  Ruscino  et  Illi- 

1  M.  P.  Puiggari. 

'  Voyez  le  phaleg  de  Bocharl.  les  mémoires  sur  la  laague  celtique  de  Bullet.  la  prOrncc 
de  Dorel  snr  les  rechcn'hes  gauloife^^. 


6  HISTOIRE  DU   ROL'SSILLON. 

béris  parmi  les  villes  celtiques.  A  la  vérité,  comme  il 
place  dans  la  même  catégorie  des  cités  dont  l'origine 
grecque  est  certaine,  on  peut  soupçonner  qu'il  a  fait  dans 
leur  classement  moins  d'attention  a  leur  population  pri- 
mitive qu'à  leur  situation  géographique.  Quant  a  Pyrène, 
son  nom  dérivé  du  grec,  sa  position  sur  une  côte  habitée 
par  un  peuple  à  demi  sauvage,  et  son  commerce  avec 
Marseille,  doivent  nous  la  faire  considérer  comme  l'un 
des  nombreux  établissements  que  cette  république  com- 
merçante avait  formés  sur  les  bords  de  la  Méditerranée, 
pour  lui  servir  de  comptoir  et  d'entrepôt.  Quelque  opinion 
que  l'on  embrasse  sur  l'origine  de  ces  villes,  il  n'est 
pas  douteux  que  leur  fondation  contribua  puissamment  a 
civiliser  les  Sordi.  [.es  anciens  habitants  du  Roussillon , 
faisant  partie  de  la  confédération  des  Volces-Tectosages , 
fournirent  probablement  leur  contingent  a  la  grande 
migration  de  ces  peuples  vers  la  forêt  Hercinienne,  et, 
ensuite,  à  leurs  diverses  expéditions  dans  la  Grèce,  la 
Thrace  et  l'Asie.  Mais  nous  ne  connaissons,  avec  certi- 
tude, rien  de  ce  qui  concerne  l'histoire  du  Roussillon 
jusqu'au  passage  d'Annibal. 

Les  Gaulois  établis  au  pied  des  Pyrénées  se  condui- 
sirent, dans  cette  circonstance  dillicile,  avec  une  sagesse 
qu'on  ne  trouve  pas  toujours  chez  les  nations  les  plus 
civilisées.  Leurs  magistrats  avaient  ré|H)ndu  avec  dignité 
et  franchise  aux  envoyés  de  Home  qui  les  engageaient  à 
disputer  aux  Carthaginois  l'entrée  de  leur  pays.  D'un  au- 
tre côté,  ils  voyaient  les  Ibères,  leurs  voisins,  contraints 
de  fournir  des  hommes  et  de  l'argent  à  l'armée  africaine, 
et  ils  n'osaient  ajouter  foi  aux  discours  des  émissaires 
d'Annibal,  cherchant  1)  leur  persuader  que  ce  général, 
n'ayant  d'autre  projet  que  de  passer  au  plutôt  en  Italie, 
ne  de\ait  leur  inspirer  auctnie  crainte,   l'n  (lani^er  au>si 


CHAPITRE   PREMIER.  7 

imminent  n'abat  point  le  courage  des  Sardoiies   et  de 
leurs  confédérés;  ils  preunent  le  parti  le  plus  hardi,  qui, 
dans  les  situations  critiques,  est  souvent  le  plus  sage: 
ils  marchent  en  armes  au-devant  des  Carthaginois,  et 
se  postent  auprès  de  Ruscino.   Annibal  ayant  passé  les 
Pyrénées  vint  camper  aux  environs  dlUibéris,  vers  le 
milieu  de  Tété  de  Tan  556  de  Rome.   Pressé  de  fran-    2i7a?.j.-( 
chir  les  Alpes  avant  la  mauvaise  saison ,  et  craignant 
bien  moins  la  guerre  avec  ces  petits  peuples,  que  d'être 
retardé  dans  sa  marche,  il  envoya  proposer  une  entrevue 
à  leurs  chefs ,  offrant  de  se  rapprocher  de  Ruscino ,  s'ils 
n'aimaient  pas  mieux  eux-mêmes  s'avancer  vers  Illibéris. 
Ceux-ci  choisissent  ce  dernier  parti,  et  viennent  trouver 
dans  son  camp  le  général  africain.  Gagnés  par  ses  pro- 
messes et  ses  présents,  ils  laissent  passer  librement  son 
armée  le  long  des  murs  de  Ruscino.   Délivrés  de  ces 
hôtes  dangereux,  les  Sardones  vécurent  en  paix,  oubliés 
par  les  deux  nations  belligérantes,  tout  le  temps  que  dura 
la  seconde  guerre  punique.  Pourquoi  les  Gaulois,  atten- 
dent-ils Annibal  à  Ruscino  et  non  à  Illibéris?  Cette  der- 
nière position  n'était  pas  plus  hasardée  que  la  première; 
elle  leur  procurait  le  moyen  de  s'assurer  de  ses  disposi- 
tions avant  le  déploiement  de  son  arnice  dans  la  plaine, 
et  leur  offrait  l'avantage  de  couvrir  une  ville  considérable, 
dont  ils  auraient  pu  tirer  de  grandes  ressources ,  qu'ils 
abandonnaient  aux  Carthaginois.  Cette  conduite,  dont  il 
ne  sérail  pas  facile  de  deviner  les  motifs,  en  supposant 
Illibéris  une  ville  gauloise,  s'expliquerait  aisément,  si  cette 
ville  était  habitée  par  les  Ibères;  car  alors,  étrangère  à  la 
confédération  des  Tectosages,  elle  pouvait  avoir  fait  un 
traité  particulier,  et  ne  leur  inspirer  ni  l'intérêt  ni  la 
confiance,  qu'ils  devaient  avoir  en  Ruscino. 

l'ne  des  condilions  du  traité  qui  termina  la  seconde 


s  HISTOIRE   DU    UOISSILLO.N. 

guerre  punique,  fut  que  les  CarthagÎDois  abaudonneraiefit 
l'Espagne  aux  Romains.  Les  guerres  que  ces  derniers  y 
tirent  pour  en  achever  la  conquête;  celles  qu'ils  entrepri- 
rent contre  les  Liguriens  et  quelques  autres  peuples  de 
la  Gaule-Cisalpine;  l'étroite  alliance  qu'ils  contractèrent 
avec  les  Marseillais  et  les  autres  villes  grecques  situées 
sur  la  côte,  depuis  les  Alpes  jusqu'à  l'Ébre,  furent  com- 
me des  opérations  préliminaires  a  la  conquête  de  la  Nar- 
bonnaise.  Ils  ne  passèrent  point  le  Rliône  avant  l'an  655 
21  av.  J.-c.    de  Rome;  mais  il  paraît  que  trois  ans  après,  tout  le  pays 
jusqu'aux  Pyrénées  leur  était  soumis.  Pour  s'en  assurer 
la  possession,  ils  envoyèrent  en  l'an  656,  une  colonie  k 
Narbonne.  Avant  cette  époque,  deux  nations  puissantes, 
les  Bituriges  et  les  Arvernes  avaient  été  successivement 
à  la  tête  d'une  confédération  de  tous  les  peuples  compris 
entre  le  Rhône,  la  Méditerranée,  les  Pyrénées  et  l'Océan. 
Ce  que  Polybe  dit  de  la  route  d'Empurias  au  Rhône;  ce 
qu'Athénée  nous  raconte,  d'après  Possidonius,  du  faste 
et  des  richesses  d'Aouernios,  roi  des  Arvernes,  nous 
prouvent  la  civilisation  avancée  de  cette  partie  des  Gau- 
les. On  ne  voit  pas  qu'après  la  défaite  de  Bituitus,   fils 
d'Aouernios,  par  le  consul  Domitius,  l'an  de  Rome  655, 
les  armées  romaines  aient  éprouvé  la  grande  résistance  à 
laquelle  on  devait  s'attendre  de  ces  peuples  réunis,  bu 
reste,  leurs  historiens  ne  nous  ont  laissé  aucun  détail 
sur  les  opérations  de  la  guerre  qui  eurent  pour  résultat 
la  conquête  de  ce  pays. 

Avant  l'établissement  de  la  colonie  de  Narbonne,  les 
armées  romaines  s'étaient  montrées  une  seule  ibis  en 
Roussillon.  Caton  l'Ancien,  parti  du  port  de  Luna,  l'an 
de  Rome  559,  donna  le  Porlus  Pyrenœi  pour  point  de 
ralliement  à  ses  vaisseaux,  et  en  sortit  avec  sa  flotte 
pour  aller  chasser  les  Espagnols  de  Rodon  (Itoses),  dont 


CHAPITlîE   PULMltR.  9 

ils  s'étaient  emparés.  Une  flotte  considérable  ne  pouvait  ^iSa?.  J  -c. 
être  réunie  que  dans  un  port  assez  spacieux,  et  la  sécu- 
rité des  navires  qui  y  arrivaient  isolément,  exigeait  que 
ce  port  fut  a  une  certaine  distance  du  pays  occupé  par 
l'ennemi.  Le  Port-Vendres  seul  pouvait  dans  ces  parages 
satisfaire  à  ces  deux  conditions;  mais  les  règles  de  la 
prudence  permettaient-elles  à  Caton  de  choisir  pour  point 
de  ralliement  un  port  appartenant  aux  Gaulois,  Barbares 
qu'aucun  traité  ne  liait  aux  Romains?  Sa  conduite  ne 
serait  pas  difficile  à  expliquer,  s'il  était  prouvé  que  le 
Partîis  Pyrenœi  dont  parle  Tite-Live  (liv.  34)  n'était  autre 
chose  que  l'ancienne  ville  de  Pyrène,  toujours  restée 
sous  le  patronnage  des  Marseillais,  les  seuls  alliés  des 
Romains  dans  les  Gaules.  Les  rapports  qu'ont  entr'eux 
les  noms  et  la  situation  de  ces  deux  endroits,  doivent 
faire  présumer  leur  identité. 

Quoique  Tite-Live  donne  le  nom  de  Reguli  aux  chefs 
militaires  des  petits  peuples  réunis  à  Ruscino,  il  ne  faut 
pas  croire  qu'ils  vécussent  sous  un  gouvernement  mo- 
narchique. On  voit,  au  contraire,  les  ambassadeurs  ro- 
mains chargés  de  parcourir  les  Gaules,  des  Pyrénées  aux 
Alpes,  admis  partout  à  expliquer  leur  mission  dans  l'as- 
semblée générale  du  peuple ,  tenue  sous  la  présidence  des 
magistrats,  où  tous  les  citoyens  assistaient  en  armes, 
suivant  l'usage  de  la  nation,  ce  qui  étonna  les  Romains. 
Rendus  à  Marseille,  ils  cherchent  à  y  recueillir  des  infor- 
mations plus  précises  sur  le  caractère  et  les  dispositions 
des  Gaulois,  dont  ils  viennent  de  traverser  le  pays.  Les 
Marseillais  ne  cachent  point  aux  ambassadeurs  que 
l'esprit  public  y  est  tout  en  faveur  d'Annibal  ;  mais  ils 
ajoutent,  en  même  temps,  qu'ayant  affaire  à  des  peuples 
Gers  et  peu  traitables ,  il  lui  sera  difficile  d'en  tirer 
parti,  à  moins  qu'il  ne  gagne  les  notables  de  la  contrée 


10  HISTOIRE   DU   ROl'SSILLON. 

à  force  d'ai^ent ,    dont   cette    nation   se   montre   très 
avide. 

On  ne  s'était  point  occupé  jusqu'à  cette  époque,  de 
rechercher  les  monuments  celtiques  qui  pouvaient  encore 
exister  dans  le  département.  On  a  donné  depuis  peu  '  les 
dessins  de  deux  de  ces  monuments,  situés  sur  une  mon- 
tagne auprès  de  Molitg  :  on  doit  les  ranger  parmi  les 
dolmens  ou  autels  druidiques,  trop  souvent  ensanglantés 
par  d'horribles  sacrifices. 

Nous  ne  traiterons  point  de  la  religion ,  des  lois ,  des 
mœurs,  du  gouvernement  des  anciens  habitants  du  pays, 
qui,  sur  ces  divers  points,  ne  devaient  pas  différer  des 
autres  Gaulois.  On  trouvera  dans  Polybe,  César,  Strabon, 
Diodore  de  Sicile,  etc.,  tout  ce  que  l'on  sait  sur  la  nation 
gauloise  en  général;  nous  nous  sommes  borné  à  faire 
connaître  ce  que  les  écrivains  de  l'antiquité  nous  ont 
appris  de  plus  remarquable  sur  cette  partie  de  la  Gaule 
Narbonnaisc. 

1  M.  de  Jaubert  de  Réart.  daas  le  Publicatcur  de  ooxembre  1832. 


CHAPITRE  DELXIÈME.  11 


CHAPITRE  IL 


SECONDE  PÉRIODE. 

Neuf  ans  après  rétablissement  de  la  colonie  de  Nar-  ^09av.J.-c. 
bonne,  un  essaim  de  Barbares,  venus  du  Nord  (les 
Cimbres,  les  Teutons)  auxquels  s'étaient  joints  quelques 
peuples  gaulois ,  se  jetèrent  sur  la  province  romaine  des 
Gaules.  11  n'entre  pas  dans  notre  sujet  de  raconter  les 
défaites  sanglantes  des  Romains  sous  les  ordres  de  Sil- 
lanus,  d'Aurélius,  de  Cassius,  de  Popilius,  de  Cépion, 
de  Mallius,  ni  les  exploits  de  Marins  et  de  Sjila.  Nous 
nous  contenterons  de  dire  que  les  Volces-Tectosages 
cherchèrent  à  tirer  parti  de  l'invasion  des  Barbares,  pour 
secouer  le  joug  de  la  République,  en  s'unissant  à  eux. 
Les  Cimbres,  après  leurs  victoires,  laissèrent  les  Teutons 
et  leurs  nouveaux  alliés  opposés  aux  débris  des  armées 
romaines,  et  pénétrèrent  en  Espagne;  mais  n'ayant  pu 
s'y  établir,  à  cause  de  là  résistance  que  leur  opposa  le 
Préteur  Marcus  Fulvius,  secondé  par  les  Celtibériens,  ils 
rentrèrent  dans  les  Gaules.  Les  auteurs  ne  nous  ont  laissé 
qu'un  récit  très  succinct  dès  événements  de  cette  guerre, 
antérieurs  à  la  victoire  de  Marins.  Ils  nous  assurent 
seulement  que  les  Cimbres  maltraitèrent  beaucoup  les 


12  HISTOIRE   DU    ROtSSlLLON. 

8$  &▼.  J.-C.  amis  cl  les  alliés  des  Romains.  vSerail-il  surprenant 
(lulllibéris,  surloul  si  elle  était  en  effet  colonie  espa- 
gnole, fût  du  nombre  des  villes  qui  restèrent  fidèles  à  la 
République,  et  que,  s'élant  trouvée  deux  fois  sur  le  che- 
min des  Barbares,  ils  Taient  complètement  ruinée?  On 
ne  saurait  mettre  en  doute  que  cette  ville  éprouva,  vers 
ce  temps,  quelque  catastrophe,  dont  elle  ne  s'est  plus 
relevée.  Qualifiée  du  nom  à' Oppidum  (ville)  par  Tite-Live, 
|)arlant  du  passage  d'Annibal,  Mêla  ne  lui  donne  plus 
que  le  nom  de  Victts^  et  ajoute  que  ce  boui^  n'offrait 
que  de  bien  faibles  traces  de  sa  grandeur  passée  et  de 
son  ancienne  opulence. 

Dans  une  capitale  agitée  par  les  factions,  qui  voyait 
souvent  combattre  à  ses  portes  les  armées  des  deux  partis 
opposés,  on  s*occupait  très  peu  d'une  province  éloignée. 
La  guerre  suscitée  en  Espagne  par  Sertorius,  rappela  les 
Romains  vers  les  Pyrénées.  Ce  grand  capitaine,  appre- 
nant que  l'armée  de  Scipion,  dont  il  se  trouvait  détaché, 
avait  abandonné  ce  général  pour  se  ranger  sous  les  dra- 
peaux de  SyUa,  et  prévoyant  la  ruine  de  son  parti  en 
Italie,  se  décida  à  gagner  l'Espagne,  dont  il  avait  été 
nommé  Propréteur.  Arrivé  en  Roussillon  avec  peu  de 
troupes,  il  trouva  les  passages  des  montagnes  gardés  par 
les  Espagnols.  Ne  pouvant  s'en  emparer  de  vive  force, 
il  y  réussit  au  moyen  d'un  traité.  Bien  convaincu  qu'il 
serait  attaqué  dans  sa  province,  aussitôt  que  Rome  obéi- 
rait à  Sylla,  il  se  prépara  à  la  guerre,  en  s'attachant  les 
habitants  du  pays,  en  levant  des  troupes,  et  faisant  des 
approvisionnements  d'armes  et  de  munitions  de  toute 
espèce.  Il  confia  la  défense  des  détih^  des  Pyrénées, 
dont  il  connaissait  toute  l'importance,  ii  Livius  Salinator, 
k  qui  il  donna  un  coq)s  de  six  mille  hommes.  Sertorius 
ne  s'était  pas  troiniH*  :  Sylla  se  pressa  d'envoyer  en  Es- 


CHAPITRE   DEUXIÈME.  13 

pagne  Annius,  qui  y  pénétra  facilement,  Livius  ayant  été  7^<  «t.  j.-c 
assassiné  par  un  de  ses  officiers,  nommé  Calpurnins 
Laniarius,  ce  qui  entraîna  la  dispersion  des  troupes  qu'il 
commandait.  Cet  événement  obligea  Sertorius  à  quitter 
l'Espagne  ;  il  y  revint  peu  de  temps  après,  appelé  par  les 
Lusitaniens,  et  y  ût  la  guerre  avec  tant  d'habileté  contre 
Métellus  Pius,  que  celui-ci  fut  obligé  de  faire  venir  L. 
Haniiius,  qui  commandait  dans  la  Narbonnaise.  Mais  a 
peine  ce  général  avait-il  franchi  les  Pyrénées,  à  la  tête 
de  trois  légions  et  de  2.500  hommes  de  cavalerie ,  qu'il 
éprouva  une  défaite  complète ,  et  fut  réduit  a  se  jeter, 
presque  seul,  dans  Lérida.  Sertorius  profitant  de  cette 
victoire  et  des  mouvements  que  Lépidus  avait  excités 
dans  la  province  romaine,  y  envoya  des  troupes,  qui 
s'emparèrent  des  principaux  passages  des  Alpes,  d'où 
Pompée  fut  obligé  de  les  déloger,  pour  exécuter  la  mis- 
sion qu'on  lui  avait  donnée  de  voler  au  secours  de  Mé- 
tellus. Sa  marche  à  travers  la  Narbonnaise  fut  retardée 
par  la  révolte  de  plusieurs  peuples  ;  il  les  soumit  en  pas- 
sant, et  les  priva  d'une  partie  de  leurs  terres,  pour  les 
piinir  de  leur  rébellion.  Enfin,  laissant  a  Fontéius,  nom- 
mé gouverneur  de  cette  province,  le  soin  de  la  pacifier 
et  d'exécuter  les  ordres  rigoureux  qu'il  avait  prescrits, 
il  entra  en  Espagne.  Son  arrivée  n'y  changea  guère  la 
iace  des  affaires.  Sertorius  se  soutint  contre  les  forces 
réunies  de  Métellus  et  de  Pompée,  et  obtint  même,  dans 
une  campagne,  des  avantages  si  considérables  sur  ses 
deux  adversaires ,  qu'il  les  obligea  à  se  retirer  précipi- 
tamment :  le  premier,  dans  l'Espagne  ultérieure;  le  se- 
cond, dans  la  Narbonnaise.  Après  la  mort  de  Sertorius 
et  de  son  assassin  Perpenna,  Pompée,  trop  fier  d'une 
victoire  facile  et  peu  glorieuse,  éleva,  l'an  de  Rome  682,  72  av.  J.c 
ces  fastueux  trophées,  dont  il  ne  reste  aucune  trace  in- 


li  HISTOIRE   Hr    ROL'SSIIXON. 

<liquant  leur  véritable  situation.  Il  parait,  d'après  Pline, 
que  l'inscription  gravée  sur  ce  monument,  disait  que, 
des  Alpes  aux  confins  de  l'Espagne  ultérieure,  il  avait 
soumis  à  ses  armes  846  villes. 

Nous  n  avons  qu'une  connaissance  assez  imparfaite  de  la 
nature  des  troubles  qui  agitèrent  la  province  romaine  des 
Gaules  durant  cette  guerre  ;  mais  nous  pouvons  aisément 
présumer  que  la  sévérité  de  Pompée  ne  fit  pas  aimer  aux 
Gaulois  le  gouvernement  des  Romains;  que  Sertorios, 
connaissant  leurs  dispositions,  les  encouragea  à  se  sou- 
lever par  des  promesses  et  même  par  des  secours  effec- 
tifs; qu'ils  trouvèrent  des  alliés  parmi  les  Aquitains, 
auxquels  les  entreprises  malheureuses  de  Valérius  Pré- 
coninus  et  de  Lœlius  Manilius  contre  leur  liberté,  avaient 
inspiré  une  méfiance  extrême  des  projets  ambitieux  de  la 
République.  Ainsi ,  nous  ne  devons  pas  être  surpris  de 
voir  une  armée  de  mécontents  mettre  le  sié^çe  devant  la 
colonie  de  Narbonne.  Nous  savons  par  le  plaidoyer  de 
(^icéron  en  faveur  de  Fontéius,  que  ce  magistrat  guerrier 
fit  lever  ce  siège;  qu'il  soumit  les  Gaulois;  et  que,  pour 
entretenir  les  armées  romaines  en  Espagne,  il  fit  de  gran- 
des réquisitions  d'hommes,  d'argent  et  de  vivres  dans  la 
Narbonnaise.  Cette  province  venait  d'éprouver  \e  désastre 
de  deux  mauvaises  récoltes.  Ces  exactions,  les  impôts 
extraordinaires  qu'il  établit,  Tobligation  imposée  aux  di- 
verses cités  de  réparer  les  routes,  les  dettes  qu'elles  furent 
forcées  de  contracter  pour  subvenir  à  toutes  ces  dépenses, 
exaspérèrent  tellement  les  habitants,  qu'ils  accusèrent  leur 
ancien  gouverneur.  Cicéron  fit  valoir  pour  sa  défense  les 
témoignages  des  Marseillais,  des  colons  de  Narbonne  et 
des  citoyens  romains,  déjà  nombreux  dans  le  pays  :  soit 
les  Publicains  venus  pour  la  levée  des  impôts  généraux 
et  de  la  dime  sur  les  terres  qui  y  étaient  sujettes,  soit 


CIIAPITUF.   DELXIÈME.  15 

les  bergers  qui  faisaient  dépaitre  leurs  troupeaux  dans 
les  pâturages  publics,  dont  la  République,  suivant  Tusage, 
conservait  la  propriété;  soit,  enfin,  les  fermiers  qui  culti- 
vaient les  terres  confisquées.  Le  Roussillon,  si  voisin  de 
l'Espagne,  eut  sans  doute  beaucoup  à  souffrir  des  vexa- 
tions qu'éprouva  cette  partie  de  la  Gaule  à  cette  époqile; 
mais,  contenu  par  la  proximité  de  la  colonie  de  Narbonne, 
et  par  la  ville  latine  de  Ruscino,  il  est  probable  qu'il  ne 
prit  aucune  part  aux  mouvements  qui  agitèrent  le  nord 
de  la  province  à  l'occasion  de  la  conjuration  de  Catilina. 
César  ayant  obtenu,  après  son  consulat,  la  province 
des  Gaules,  résolut,  l'an  de  Rome  698,  de  soumettre  .se  av.  j.-c 
l'Aquitaine.  II  nous  apprend  (Com.,  liv.  m)  que  quelques 
années  auparavant,  un  de  ses  lieutenants,  L.  Yalérius 
Préconinus,  avait  été  battu  et  tué,  et  le  Proconsul  L. 
Manilius  forcé  de  se  retirer,  en  abandonnant  ses  bagages. 
Dans  la  guerre  contre  les  Aquitains,  P.  Cramer,  son  lieu- 
tenant, fut  chargé  de  venger  ces  affronts.  Il  marcha  à 
cette  expédition  avec  une  armée  composée  de  douze  co- 
hortes, d'un  corps  de  cavalerie  et  d'auxiliaires,  sans 
compter  un  assez  grand  nombre  de  volontaires  de  Tou- 
louse, Carcassonne,  Narbonne  et  des  pays  circonvoisins, 
qu'il  avait  expressément  appelés  auprès  de  lui.  Les  succès 
de  Cramer  assurèrent,  pour  quelque  temps,  la  tranquillité 
de  ia  province;  mais  cet  état  de  calme  ne  fut  pas  de 
longue  durée  :  la  guerre  civile  qui  éclata  entre  César  et 
Pompée  ramena  les  armées  romaines  en  Roussillon. 
Vers  Tan  de  Rome  70o,  Affranius,  lieutenant  de  Pom-  /,o  av.  J.-c 
pée,  s'était  emparé  des  défilés  des  Pyrénées  qui  condui- 
sent des  Gaules  en  Espagne.  César  ordonna  a  son  lieu- 
tenant Fabius  de  prendre  avec  lui  les  trois  légions  qui 
avaient  hiverné  dans  les  environs  de  Narbonne,  et  de 
chasser  l'ennemi  de  ces  postes  importants;  il  le  suivit 


in  IIISTOIRR   nu    ROLSSILLON. 

iMcntùl  luMnême  avec  le  reste  de  ses  troupes;  et,  après 
sa  savante  et  glorieuse  campagne  contre  Aflranîas  et  Pé^ 
tricitis ,  ayant  congédié  les  soldats  de  leur  année  nés  en 
Espagne,  il  renvoya  les  antres  à  travers  la  Narbonnaise  jus- 
qu'au Var,  ou  ils  furent  licenciés.  Poussant  ensuite  jusqoes 
à  Cadix,  pour  recevoir  la  soumission  de  Varron  et  des  cités 
espagnoles ,  il  revint  par  mer  à  Tarragone  ;  il  prit  la  route 
de  terre  pour  se  rendre  à  Narbonne,  et  de  là  devant 
Marseille.  Ce  fut  à  l'époque  de  ce  voyage  qu'il  donna 
l'ordre  d'élever  simplement  un  autel  auprès  des  trophées 
érigés  ving-trois  ans  auparavant  par  son  compétiteur.  Il 
traversa  le  Roussillon  une  seconde  fois,  pour  aller  com- 
battre les  fils  de  Pompée.  Vingt-sept  jours  lui  suffirent 
pour  se  rendre  de  Rome  à  Cordoue.  Afin  de  se  distraire 
des  ennuis  de  ce  long  voyage,  il  en  fit  la  description 
dans  un  petit  poème,  où  nous  trouverions  sans  doute 
quelques  détails  sur  notre  pays,  si  ses  vers  étaient  par^ 
venus  jusqu'à  nous. 

César  avait  divisé  les  Gaules  en  deux  provinces  :  l'une 
se  composait  des  pays  qu'il  avait  conquis;  Tautre  était 
Tancienne  province  romaine.  Dans  la  première,  le  tribut 
était  personnel  ;  dans  la  seconde,  on  l'avait  établi  sur  les 
terres.  César  ne  négligea  rien  pour  s'attacher  les  Gaulois, 
dont  il  voulait  se  senir  pour  se  rendre  maître  de  Rome. 
Lorsqu'il  y  eut  réussi,  il  fit  entrer  dans  le  Sénat  un  grand 
nombre  de  ses  principaux  habitants.  C'est  alors ,  vers  l'an 
707,  qu'il  envoya  les  vétérans  de  la  10«  légion  renforcer 
la  colonie  de  Narbonne. 

Situé  sur  la  limite  méridionale  de  la  province,  le  Rous- 
sillon ne  prit  qu'une  part  trt^s  indirecte  aux  divers  événe- 
ments qui ,  faisant  passer  le  pouvoir  d'une  faction  à  une 
anlre,  finirent,  après  environ  vingt  ans  de  discordes,  de 
combats <,  de  malheurs  et  de  crimes,  par  élever  .\iiguste 


CHAPITRE   DFXIIÈME.  i^ 

ï  la  suprême  puissance.  Ce  changement,  qui  d'un  très 
mauvais  citoyen  fit  un  grand  prince ,  eut  lieu  k  la  satis- 
action  de  tout  l'Empire.  Cependant,  la  tranquillité  ne 
fut  pas  si  complètement  rétablie  dans  la  Naii)onnaise, 
qu'Auguste  ne  jugeât  prudent,  dans  le  partage  des  pro- 
TÎnces  qui  eut  lieu  entre  lui  et  le  Sénat,  de  garder  celle-ci 
dans  son  lot  spécial.  On  voit,  en  effet,  que,  l'an  de  Rome 
725,  Valérius  Messala  Corvinus,  qu'il  y  avait  envoyé  pour    29  it.  J  -C 
gouverneur,  eut  à  combattre  des  rebelles  sur  les  bords  de 
TAude,  de  la  Garonne  et  aux  environs  des  Pyrénées.  La 
paix  ayant  été  entièrement  rétablie  en  729,  Auguste  confia 
au  Sénat  l'administration  de  cette  province,  qui  fut  gouver- 
née par  un  Proconsul.  Il  y  fit  plusieurs  voyages;  et  dans  ses 
divers  séjours  à  Narbonne,  il  en  répara  les  édifices  et  cons- 
tmisit  plusieurs  temples  dans  les  environs.  Comme  ce  prince 
prétendait  descendre  de  Vénus,  et  que  Strabon,  qui  écrivit  à 
la  fin  de  son  règne  et  au  commencement  de  celui  de  Tibère, 
est  le  premier  auteur  qui  ait  parlé  du  temple  de  Vénus  érigé 
sur  nos  côtes,  il  serait  possible  que  ce  temple  n'eàt  été 
biti  que  vers  ce  temps,  et  peut-être  par  les  ordres  d'Auguste. 
La  Gaule  se  ressentit  des  heureux  effets  de  sa  présence  ;  et 
s'il  ne  répara  point  toutes  les  injustices,  puisqu'il  ne  punit 
pas  ce  traitant  nommé  Licinius,  qui,  entr'autres  exactions, 
avaîl  trouvé  le  secret  d'imposer  aux  Gaulois  un  sixième  de 
plus,  en  faisant  les  années  de  quatorze  mois,  du  moins 
est-3  certain  que  les  nombreuses  améliorations  qu'il  opéra 
dans  l'administration ,  quoique  principalement  introduites 
m  vue  de  l'augmentation  des  revenus  publics,  tournèrent 
a  l'avantage  du  pays  par  l'ordre  qu'elles  contribuèrent  k 
rétablir  partout.  Ce  prince  accorda  à  certaines  villes  les 
droits  du  Latium,  et  même  ceux  de  colonie  romaine. 
livia,  qui  parait  être  la  Julia-Libyca  de  Ptolémée,  et  Rus- 
cino,  furent  sans  doute  de  ce  nombre. 


L 


18  inSTOiRE  DU   ROtSSILLON. 

Éloigné  des  frontières  exposées  aux  incursions  des  Bar- 
bares, des  camps  occupés  par  les  grandes  années,  et  dm 
routes  qu'elles  suivaient  pour  marcher  vers  la  capitale,  le 
Roussillon  se  trouva  dans  la  position  la  plus  heureuse  pour 
conserver  quelque  tranquillité  au  milieu  des  séditions  mi- 
litaires qui ,  se  faisant  un  jeu  de  créer  et  de  renverser  les 
Empereurs,  affaiblissaient  le  gouvernement  et  préparaient 
la  chute  de  l'empire,  dont  elles  livraient  les  diverses  pro- 
vinces aux  dévastations  des  Barbares  ou  aux  horreurs  des 
guerres  civiles.  Aussi  l'histoire,  négligeant  les  faits  qui 
n'ont  aucune  influence  sur  les  destinées  des  nations,  ne 
nous  apprend-elle  pas  grand'chose  sur  ce  pays  pendant 
toute  la  période  qui  sépare  le  siècle  d'Auguste,  de  celui 
qui  fut  témoin  de  l'invasion  des  Vandales,  des  Suèves  et 
des  Alains  en  Espagne.  Le  seul  événement  remarquable, 
et  qui  pût  intéresser  le  pays  durant  ce  long  intervalle,  est 
l'assassinat  de  Constant,  l'un  des  fds  du  grand  Constantm. 
^^-  Ce  prince  infortuné,  surpris  à  Autun,  l'an  550  de  notre  ère, 
par  la  révolte  de  Magnence,  prit  la  fuite  vers  l'Espagne,  où 
il  espérait  trouver  des  peuples  et  des  troupes  fidèles.  Mais 
il  fut  atteint  et  massacré  à  Elne  par  Caisson,  officier  franc, 
que  le  tyran  avait  envoyé  à  sa  poursuite  '.  C'est  k  l'occa- 
sion du  meurtre  de  Constant»  que  l'histoire  iait  mention, 
pour  la  première  fois,  de  la  ville  d'Elne.  Saint  Jérôme  et 
Eutrope  l'appellent  Ctislrum  Hdena;  Zozime,  Aurélius 
Victor  et  Orose,  la  nomment  Oppidum  Hdena.  Cette 
forteresse,  bâtie  non  loin  des  ruines  de  Tantique  Ulibéris, 
et  portant  le  nom  de  la  mère  de  Constantin ,  ne  peut  avoir 
été  construite  avant  cet  empereur,  qui ,  le  premier,  fortifia 
plusieurs  places  dans  l'intérieur  de  l'empire. 

I  Lt  tombeto  de  CousUnt.  en  mârbiv  bUac,  porUil  le  atonognuBiiie  df  ConslanUa. 
f>ftniit  depnii  nn  tièrie,  oa  n'a  cooiené  que  la  plafpie  «lu  mom»Kranmr.  iocni«té«  Uant  U 
mur  ilu  rioltrf  »i  n'inarqiabl<>  M  rantiqw  é%\i*e 


CUAPITRE   DEUXIÈME  19 

La  contrée  située  au  pied  des  PjTénées  eut  peut-être 
moins  à  souiïrir  que  les  autres  parties  de  la  Gaule,  des 
malheurs  qui  avaient  affligé  l'Empire  d'Occident^  mais,  ^*^^ 
vers  l'an  409,  les  Barbares  (Vandales,  Suèves  et  Âlains) 
après  avoir  ravagé  la  Narbonnaise,  s'étendent  jusqu'au  pied 
des  montagnes  qui  la  séparent  de  l'Espagne,  et  cherchent 
à  pénétrer  dans  cette  province.  Les  habitants,  h  leur  ap- 
proche, s'étant  emparés  des  défllés,  les  défendirent  avec 
courage,  sous  la  conduite  de  deux  seigneurs  du  pays, 
nommés  Didime  et  Vérinien.  Les  Barbares,  repoussés, 
se  rejetèrent  sur  le  Roussillon  et  les  pays  voisins,  où  ils 
commirent  les  plus  épouvantables  atrocités.  Ildetia  dut 
peut-être  son  salut  aux  fortifications  dont  on  l'avait  en- 
tourée. M.  de  Marca  conjecture,  avec  assez  de  vraisem- 
blance, que  les  Vandales,  qui  ne  manquaient  pas  de 
ruiner  les  villes  situées  sur  leur  chemin ,  détruisirent  alors 
Ruscino,  dont  l'importance  s'était  accrue  par  la  décadence 
d'IUibéris.  Elle  avait  acquis,  suivant  Pline,  les  droits  du 
Latium,  et  même  était  devenue  une  colonie,  d'après  Mêla, 
dont  l'opinion  parait  confirmée  par  quelques  médailles, 
si,  toutefois,  les  mots  Col.  Rus.,  qui  y  sont  inscrits,  suf- 
fisent pour  les  attribuer  à  Ruscino. 

Cependant  les  Barbares,  attendant  une  occasion  favo- 
rable de  franchir  les  Pyrénées,  dévastaient  les  provinces 
voisines.  Ils  n'attendirent  pas  long-temps.  Â  la  faveur 
des  discordes  civiles,  un  simple  soldat,  nommé  Cons- 
tantin, avait  pris  la  pourpre  dans  la  Grande-Bretagne. 
Reconnu  dans  les  Gaules,  et  voulant  joindre  l'Espagne  à 
son  Empire,  il  y  avait  fait  passer  son  lils  Constant,  avec 
Géronce,  l'un  de  ses  généraux.  Celui-ci  défit  et  prit  dans 
on  combat  les  deux  frères  Didime  et  Vérinien ,  qui  sou- 
tenaient le  parti  de  l'empereur  Honorius^  leur  parent. 
Ces  deux  généreux  citoyens  payèrent  de  leur  tête  leur 


'20  HISTOIRE  DU   liOUSSILLON. 

fidélité  au  souverain  légitime^  et  les  services  qu'ils  venaient 
de  rendre  à  la  patrie.  Après  leur  mort^  la  défense  des 
Pyrénées  fut  confiée  aux  Honoriaques^  troupe  probable- 
ment composée  de  mercenaires  de  toutes  les  nations, 
dont  la  faiblesse  ou  la  trahison  livra  aux  Barbares  les 
défilés  de  la  Navarre,  vers  la  fin  de  l'an  409.  La  Nar- 
bonnaise  n'en  fut  pas  plus  heureuse  :  elle  devint  le  théâtre 
de  la  guerre  civile.  Géronce,  révolté  contre  Constantin, 
y  avait  pénétré  ;  et,  après  avoir  pris  et  fait  périr,  dans  la 
ville  de  Vienne,  Constant,  fils  de  ce  dernier,  il  assiégeait 
le  père  dans  Arles.  Cependant  Constance,  général  d'Ho- 
norius,  attaque  Géronce;  le  rejette  vers  l'Espagne,  où  il 
est  massacré  par  les  siens;  bat  une  armée  de  Francs  et 
d'Allemands ,  venue  au  secours  de  Constantin ,  et  prend 
par  capitulation  ce  tyran,  avec  la  ville  où  il  s'était  ren- 
411.        fermé.  Ces  victoires  de  Constance,  remportées  l'an  41  i, 
ne  rendirent  point  la  paix  à  la  Narbonnaise.  Dès  l'année 
suivante,  on  voit  Jovin,  qui  s'était  fait  proclamer  em- 
pereur   h  Mayence,   occuper  Valence,   tandis  que  son 
frère  Sébastien  s'emparait  de  Narbonne.   Ataulphe ,  roi 
des  Visigoths,  s'était  jeté  dans  les  Gaules,  chargé  des 
dépouilles  de  l'Italie,  et  emmenant  parmi  ses  prisonniers 
la  célèbre  Placidie,  sœur  d'Honorius.  Son  dessein  avait 
été  d'abord  de  se  joindre  à  Jovin  contre  l'Empereur; 
mais  changeant  de  vues,  il  s'était  lié  avec  Dardane,  préfet 
de  la  Gaule,  contre  Jovin,  qu'il  assiégea  et  prit  dans  Va- 
lence. I^  roi  Visigoth*,  ne  pouvant  s'accorder  avec  Hono- 
rius,  songe  it  faire  un  établissement  dans  la  Narbonnaise  ; 
battu  devant  Marseille,  il  marche  sur  Narbonne,  qu'il 
réussit  à  surprendre  en  415;  il  s*étend  ensuite  le  long 
des  Pyrénées  et  de  la  Garonne.  L'an  414,  il  épouse  Pla- 
cidie, fille  du  grand  Théodose,  et  sœur  de  l'Empereur 
qui  avait  refusé  l'alliance  d'un  roi  barbare.  Ce  mariage. 


CHAPITRE   DEUXIÈME.  21 

qa'il  célébra  à  Narbonne  avec  toutes  les  cérémonies  usi- 
tées chez  les  Romains;  les  discours  qu'il  tint  publique- 
ment^ et  ses  liaisons  avec  les  principaux  citoyens,  firent 
espérer  qu'il  deviendrait  le  soutien  de  l'Empire.  Il  avait 
même  abandonné  Narbonne  à  Honorius  pour  s'établir  en 
Espagne;  mais  il  fut  assassiné  à  Barcelone  en  415.  Wallia,  415. 
son  beau-frère,  obtint  des  Romains  le  pays  compris  entre 
l'Océan  et  Toulouse.  Il  fixa  sa  résidence  dans  cette  ville 
en  419.  On  ignore  si  les  Goths  conservèrent  quelques- 
uns  de  leurs  établissements  au-delà  des  Pyrénées;  mais  la 
Narbonnaise  fut  l'objet  constant  de  leur  ambition.  Aussi, 
dès  que  les  circonstances  leur  paraissaient  favorables,  ils 
ne  manquaient  point  de  faire  quelque  entreprise  sur  cette 
province  :  c'est  ainsi  que  deux  fois,  l'une  en  425,  l'autre 
en  429  ou  450,  leur  roi  Théodoric  avait  poussé  jusqu'à 
Aries  et  assiégé  cette  ville,  mais  toujours  inutilement. 
L'an  456,  les  Visigoths  assiégèrent  Narbonne.  La  ville 
était  réduite  aux  dernières  extrémités,  lorsque  le  général 
romain  Littorius  parvint  à  introduire  dans  la  place  un 
secours  d'hommes  et  de  vivres,  qui  fit  lever  le  siège.  La 
paix  eut  lieu  en  458,  après  une  bataille  livrée  près  de 
Toulouse,  où  Littorius  fut  battu  et  pris,  mais  qui  coûta  si 
cher  aux  vainqueurs,  que  la  paix  leur  était  aussi  néces- 
saire qu'aux  vaincus.  Enfin,  l'an  462,  le  comte  Agripin, 
lieutenant  de  Sévère,  céda  Narbonne  et  les  pays  circon- 
voîsitts  au  roi  Théodoric  II,  pour  l'attacher  au  parti  de 
son  maitre  contre  le  comte  Gillon,  et  c'est  alors  que  le 
Roossillon  fut  incorporé  à  la  monarchie  des  Goths. 

Sous  la  domination  romaine,  ce  petit  pays  fit  toujours 
partie  de  la  Gaule-Narbonnaise ,  gouvernée  par  un  Pro- 
consul, depuis  Auguste  jusqu'à  Gratien.  Ses  principaux 
citoyens,  admis  dès  le  temps  de  la  République  dans  le 
Sénat  de  Rome,  y  étaient  nombreux  sous  le  règne  de 


L 


22  lllSTOinE   DU   ROUSSILLON. 

Claude.  Cet  empereur  leur  accorda  le  droit  d'aller,  sans 
en  demander  la  permission ,  \isiter  leurs  domaines  dans 
cette  province,  qui  se  trouva,  sous  ce  rapport,  assimilée 
^^7-  à  ritalie  et  k  la  Sicile.  En  407,  après  la  destruction  de 
Trêves  par  les  Vandales,  le  préfet  des  Gaules,  qui  y  ai-ait 
résidé  jusqu'alors,  vint  s'établir  à  Arles.  Le  Proconsulat  de 
la  Narbonnaise  disparut  pour  toujours  ;  et  cette  contrée, 
qu'une  lettre  du  tyran  Maxime,  en  588,  et  le  Concile  de 
Turin,  en  404,  nous  apprennent  avoir  été  divisée  en  cinq 
provinces,  fut  soumise  à  la  préfecture  des  Gaules.  Pétro- 
nius,  l'un  de  ses  préfets,  lui  incorpora  quelques  pays 
voisins,  et  la  divisa  en  sept  parties  :  la  Viennoise,  les 
Alpes  Maritimes ,  les  deux  Aquitaines ,  la  Novem-Popu- 
lanie  et  les  deux  Narboiinaises.  Les  députés  de  ces  sept 
provinces  et  les  principaux  magistrats  s'assemblaient  k 
Arles  pendant  un  mois,  tous  les  ans,  pour  y  traiter  des 
affaires  publiques  et  régler  les  contributions. 

La  Narbonnaise  était  panenue  à  un  si  haut  degré  de 
civilisation ,  qu'elle  ressemblait  bien  plutôt  à  l'Italie  qu'à 
une  province  (Pl.,  liv.  5,  c.  5).  Les  arts,  les  sciences, 
les  opinions  de  la  capitale  s'y  communiquaient  avec  une 
grande  rapidité  ;  il  est  donc  probable  que  la  religion  chré- 
tienne, qui  déjh  Tan  6i  comptait  de  nombreux  prosélytes 
k  Rome,  ne  tarda  pas  a  s'introduire  dans  celte  contrée. 
Si  l'on  en  croit  certains  auteurs,  saint  Paul,  premier 
évoque  de  Narbonne,  serait  le  Proconsul  Sei^nus  Paulus, 
converti  h  la  foi  par  l'Apôtre  des  Gentils.  Mais  Grégoire 
de  Tours,  qui  écrivait  dans  un  siècle  plus  rapproché  de 
l'origine  du  christianisme,  ne  place  qu'au  iii«  siècle  l'é- 
rection du  siège  de  cette  ville,  yuoi  qu'il  en  soit,  il  parait 
que  les  sectateurs  de  la  nouvelle  religion  étaient  nom- 
breux et  puissants  dnns  les  Gaules  lorsque  Constance- 
Chlore,  chargé  du  gouvernement  de  ce  pays,  en  (pialiti* 


CHAPITRE  DEUXIÈME.  23 

de  César,  l'an  292,  crut  pouvoir  s'abstenir  de  faire  exé- 
cuter à  la  rigueur  les  lois  portées  contr'eux  par  Diocté- 
tien, et  donna  même  k  quelques  Chrétiens  des  emplois 
à  sa  cour.  Nous  manquons  de  documents  assez  positifs 
pour  assurer  que  le  christianisme  était  florissant  en 
Roussillon  durant  les  premiers  siècles,  et  que  ce  pays 
fournit,  comme  on  Ta  prétendu,  des  martyrs  à  l'Église. 
Sa  proximité  de  Narbonne  fut  cause,  qu'annexé  au  diocèse 
de  cette  métropole,  il  n'eut  point  d'Évéque  particulier 
sous  les  Empereurs;  car  on  ne  trouve  pas  d'Évéque 
d*Elne  dans  une  notice  des  églises  de  la  Narbonnaise , 
rédigée  sous  l'empire  d'Honorius. 


24  HISTOIRE  DU   R0US6ILL0N. 


CHAPITRE  m. 


.  \M\Q\J\TtS ,  MONUMENTS  ET  VOUS  MlUTMIVtS  OIS  ROMMNS 

EN  KOUSSILLON. 

Nous  venons  de  voir  que ,  pendant  près  de  six  siècles, 
le  Roussillon  fit  partie  de  Tempire  romain,  et  toutefois 
il  n'offre  que  de  très  faibles  témoignages  de  la  domination 
de  ce  peuple,  qui,  dans  d'autres  contrées,  a  laissé  des 
restes  si  imposants  de  son  ancienne  puissance.  Il  importe, 
par  ce  motif,  de  ne  pas  négliger  de  mentionner  les  rares 
monuments  que  le  hasard  a  fait  découvrir  sur  divers  points 
de  la  partie  orientale  du  département,  la  plus  exposée  aux 
invasions,  et  presque  uniquement  pratiquée  par  les  armées 
de  toutes  les  nations,  qui  depuis  l'apparition  des  Car- 
thaginois sur  nos  côtes,  se  sont  portées  du  midi  au  nord 
des  Pyrénées,  et  réciproquement.  Les  recherches  opérées 
k  différentes  époques  sur  les  emplacements  de  Ruscino  et 
d'Illibéris,  les  deux  plus  anciennes  villes  de  la  contrée, 
n'ont  eu  que  des  résultats  insignifiants.  On  n'y  ^  trouvé 
que  des  briques,  des  poteries,  et  un  bien  petit  nombre 
de  monnaies  romaines.  Une  pièce  de  cuivre  de  Lucius 
Vérus,  trouvée  auprès  de  Sahorre,  dans  une  galerie  de 
mines  qu'on  rétablissait,  prouve  que  nos  richesses  mi- 
nérales n'avaient  point  été  dédaignées  par  ces  maîtres  du 
monde.  On  regarde  comme  une  antiquité  romaine  Tautel 


CHAPITRE  TROISIÈME.  25 

dePézîlla,  qui  n'offre  cependant  aucune  inscription,  au- 
cun ornement  qui  puisse  en  déceler  l'origine  ou  l'usage. 
II  y  a  vingt  ans  qu'on  ne  connaissait  dans  tout  le  dépar- 
tement d'autre  inscription  vraiment  romaine  que  celle 
de  Saint-André  de  Sorède,  dont  nous  parierons  bientôt. 
Nous  en  devons  trois  nouvelles  au  zèle  investigateur  de 
MM.  Py,  de  Cosprons  et  Renard-de-Saint-Malo.  Le  pre- 
mier en  a  découvert  une  sur  un  petit  plateau  de  la  mon- 
tagne de  Madelotte,  appelé  le  Cimetière  :  elle  est  gravée 
en  sigles  sur  la  table  d'un  tombeau  fouillé  et  renversé 
depuis  long -temps,  et  dont  les  débris  gisent  sur  un 
terrain  qui  parait  avoir  été  entouré  d'un  mur  de  clôture 
sang  issue.  Cette  inscription  est  composée  des  initiales 
suivantes  :  Va.  F.  PP.  M.  I.  V.  S.  C.  L.  I.  E.  EM. 
M.  Pierre  Puiggari  en  a  donné  une  explication  satis- 
&isante,  en  attribuant  k  ces  sigles  cette  signification  : 
ValeriiÂS  FUicus  prefedus  presidii  monumenlum  jussit 
vivus  sibi  condi  loco  intersepto  et  emuniio.  Cette  inter- 
prétation indiquerait,  en  ce  lieu,  la  sépulture  d'un  offi- 
cier romain,  probablement  centurion,  auquel  on  pourrait 
attribuer  l'origine  du  nom  Ad  Centuriones  ou  Ad  Cente- 
narium,  que  portait  une  station  de  la  voie  romaine  tra- 
versant ce  pays. 

M.  de  Saint-Malo,  à  son  tour,  a  découvert  à  Théza  deux 
inscriptions  :  la  première,  excessivement  endommagée 
par  le  temps  ou  la  main  des  hommes,  est  cependant  assez 
conservée  pour  faire  conjecturer  avec  infiniment  de  vrai- 
semblance, qu'elle  appartenait  k  un  monument  funéraire 
élevé  k  une  femme  nommée  Rustica;  la  seconde,  est  en 
très  bon  état.  M.  Puiggari  croit  que  la  pierre  sur  laquelle 
elle  est  gravée,  était  le  piédestal  d'une  statue  votive  élevée 
à  Mercure  par  un  certain  Évangélùs,  pour  remercier  ce 
dieu,  comme   le  dit  rinscriplion ,   de   l'avoir  conservé 


26  IIISTOIIIE   DU    ROUSSlLLOiN. 

pendant  quarante  ans.  On  montre  ù  Angoustrina  un  autel 
votif,  avec  cette  inscription,  dont  on  a  donné  l'inter- 
prétation suivante  : 

I-  0-  M-  Il  C-  P-  POLI  II  BIVS  II  V-  S-  L-  M- 

Javi  optimo  maximo  Caius  Publim  Polibixis  votum  solvil 
libem  merilo. 

InscriplioD  de  Saint-ABdré  de  Soréda. 

IMP-  CAESARI  II  M-  ANTONIO  II  GORDIANO  II  PfO 
FELICI-  Il  INVICTO  AVG  II  P-  M-  TRIBVN  II  POT-  II- 
CÔS.  Il  P-  P-  Il  DECVMANI  II  NARBONENS    II 

Cette  inscription,  h  la  fois,  la  plus  anciennement  connue 
et  la  plus  remarquable  de  toutes  celles  du  département, 
fut  découverte  à  Saint-André,  vers  Tan  1681,  en  fouillant 
le  terrain  pour  la  construction  d'une  chapelle;  mais  elle 
n'a  été  lue  en  entier  qu'en  1814-,  époque  où  le  cippe 
sur  lequel  elle  est  gravée  fut  entièrement  dégagé  :  il  est 
de  marbre  blanc,  un  peu  veiné  de  gris,  ayant  un  pied 
d'épaisseur;  le  carré  qui  la  renferme  a  trente  pouces  de 
haut  sur  vingt-quatre  de  large;  les  lettres  sont  longues 
de  deux  pouces  dans  les  neuf  premières  lignes,  el  d'un 
pouce  seulemcnl  dans  la  dernière.  Des  trois  em|)ereurs 
du  nom  de  Gordien,  les  deux  premiers  n'ayant  pas  été 
consuls  durant  leur  règne,  cette  inscription  n'a  pu  être  dé- 
diée qu'au  troisième,  qui,  déclaré  Auguste  en  juillet  258, 
fut  massacre  en  mars  214,  après  avoir  été  consul  en  250 
et  en  241.  L'inscription  peut  être  rapportée  à  l'an  259, 
deuxième  année  de  son  règne,  mais  il  est  plus  probable 
qu'elle  se  rapporte  à  211,  époque  de  son  second  consulat. 
Gordien,  créé  César  le  9  juillet  2»>7,  renit  en  ménit» 
temps,  suivant  l'usaf^i»,  la  puissance  tribnnitienne:  rommr 
ell«'  rlail  n'n<)»ivrl<''c  ;mi  premi'T  janvi«T  i\r  chtique  année. 


CHAPITRE  TROlSIÈ&ie.  27 

Tan  258  en  fut  la  seconde  année ,  et  alors  il  n'était  pas 
consul.  En  rapportant  le  chiffre  II  au  consulat,  l'inscrip- 
tion aurait  été  posée  en  241 . 

Si  le  cippe  sur  lequel  on  Fa  gravée  avait  été  primiti- 
vement élevé  loin  de  Saint-André ,  on  ne  concevrait  pas 
trop  comment  on  Vy  eût  trouvé  en  1681  ;  car  considérée 
comme  matière  brute,  cette  pierre,  d'un  assez  grand  vo- 
lume et  fort  pesante,  ne  valait  pas  les  frais  du  transport; 
considérée  comme  inscription,  outre  qu'elle  eût  perdu 
toute  sa  valeur  par  le  déplacement,  il  n'est  pas  présu- 
mable  que  la  localité  qui  la  possédait,  surtout  si  c'était 
Narbonne,  en  eût  permis  l'enlèvement.  Il  faut  donc  croire 
que  ce  cippe  avait  originairement  été  placé  dans  le  voisi- 
nage de  Saint-André,  et  qu'à  une  époque  postérieure,  les 
religieux  le  recueillirent  datis  leur  monastère  pour  en  as- 
surer la  conservation.  Adoptant  cette  hypothèse,  la  seule 
qui  paraisse  d'ailleurs  admissible,  on  est  plus  embarrassé 
que  jamais  pour  fixer  la  véritable  signification  des  mots 
Decttmani  Narbonenses.  Je  conçois  qu'on  a  pu  conjec- 
turer que  les  deux  inscriptions  élevées  h  Narbonne  par  ces 
Decttmani  Narbonenses  étaient  des  hommages  adressés 
aux  princes  dont  elles  portent  le  nom,  par  les  citoyens 
de  cette  ville,  qui  auraient  pris  la  qualification  de  Decn- 
mani,  à  raison  des  vétérans  de  la  10©  légion,  dont  une 
colonie  y  fut  envoyée  par  César;  mais  cette  conjecture 
n'est  pas  à  l'abri  de  toute  objection.  D'abord,  ces  mots 
Decumani  Narbonenses  peuvent  avoir  une  autre  signifi- 
cation; en  second  lieu,  tant  dans  les  rî^édailles  que  dans 
les  inscriptions  qui  nous  restent  des  deux  siècles  qui 
suivirent  l'établissement  des  vétérans  de  la  10«  légion  à 
Narbonne,  on  ne  voit  pas  que  les  citoyens  de  cette  ville 
se  soient  eux-mêmes  donné  une  pareille  dénomination  *  ; 

i  l'alerculus,  Mcli,  Pliue,  appellcul  N.urbonnc  Mavhui  Xarbo.  Mêla  ajoute  qu'elle  élail 


M  HISTOIRE   DU   ROUSSILLON. 

troisièmement ,  les  historiens  et  les  géographes  ne  s'en 
servent  jamais  en  parlant  d'eux.  J'ignore  si  c'est  par  ces 
considérations  ou  d'après  d'autres  motifs  que  pouvaient 
lui  suggérer  ses  vastes  connaissances,  que  le  savant  Mu- 
ratori,  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  bas,  a  proposé  une 
autre  interprétation  des  mots  Decumani  Narbonenses, 
pour  les  inscriptions  trouvées  h  Narbonne.  Or,  s'il  n'est 
pas  certain  que  dans  cellefr-là  les  mots  Decumani  Nar^ 
bonenses  signifient  les  citoyens  de  Narbonne,  il  est  assu- 
rément impossible  de  leur  donner  cette  signification  dans 
celle  qui  fui  élevée  auprès  de  Saint- André.  Est*il  présu- 
mable,  en  effet,  que  les  citoyens  de  la  capitale  aient  chotsi 
pour  élever  ce  cippe,  témoignage  de  leur  dévouement  à 
Gordien,  plutôt  un  endroit  de  la  province,  éloigné  et  peu 
connu,  qu'une  place  remarquable  de  leur  cité?  On  a  bien 
compris  cette  difficulté;  et,  pour  l'éluder,  on  a  supposé 
que  les  citoyens  de  Narbonne,  issus  en  partie  des  vété- 
rans de  la  10«  légion,  pouvaient,  h  ce  titre,  être  tenus  de 
garder  certains  postes  éloignés,  et  qu'un  de  leurs  déta- 
chements, se  trouvant  à  Saint-André,  y  aurait  élevé  le 
cippe  découvert  en  1681.  Cette  explication  n'est  basée 
que  sur  une  supposition  inadmissible,  tant  qu'il  ne  sera 
pas  démontré  que,  sous  les  Empereurs,  et  vers  le  temps 
des  Gordiens,  les  habitants  des  colonies  militaires  étaient 
organisés  de  manière  à  faire  hors  la  ville  un  senice  par- 
ticulier, auquel  n'étaient  pas  obligés  les  autres  citoyens 
romains.  Or,  bien  loin  que  l'histoire  nous  offre  dans  ces 
villes  quelques  traces  d'une  institution  aussi  peu  en  har- 
monie avec  l'esprit  du  gouvernement  de  cette  époque, 
tous  les  faits  venus  à  notre  connaissance  s'accordent  à 

AtUuinorum  Dedmanôrumq^ie  Coionia.  PIîm  l'apprlle  tratem^nt  Dfmwuinôrvm  Cél^^ 
nui.  Ut  baMliBlt  d«  cctip  ti11«  lont  àéùgwbt  àt  diversM  lunifret  dau  let  iMcripilOM  fli 
1^*  inttlaillcft    !•  Sarbohfitsf*,  2*  Plebê  Sarbonenêtum,  .T  .Variai  Sarbo:  4*  ColOHim 


CHAPITRE  TROISIÈME.  29 

nous  les  présenter  comme  peu  propres  à  défendre  les  pays 
où  elles  étaient  établies,  contre  les  attaques  des  ennemis 
intérieurs  ou  extérieurs.  Il  y  avait  sept  ans  que  les  cent 
mille  vétérans  de  Sylla  avaient  couvert  l'Italie  de  leurs 
nombreuses  colonies,  lorsque  Spartacus,  à  la  tête  de  cent 
vingt  esclaves  mal  armés ,  réussit  à  exciter  parmi  ces  mal- 
heureux un  soulèvement,  qui  fit  éprouver  de  sanglantes 
défiiites  aux  armées,  et  donna  de  vives  inquiétudes  au 
gouvernement  de  Rome.  Plus  tard,  et  dans  la  Narbon- 
naise,  on  voit,  cinquante  ans  avant  Gordien,  Maternus, 
à  la  tète  de  quelles  déserteurs  et  d'une  bande  de  bri- 
gands recrutés  dans  les  prisons  et  parmi  les  esclaves, 
dévaster  impunément  les  campagnes,  et  piller  les  villes 
les  plus  opulentes  de  cette  province,  peuplée  de  colonies 
militaires.  Quelques  années  après  la  mort  de  ce  prince, 
on  voit  encore  un  parti  franc  traverser  cette  contrée  sans 
éprouver  la  moindre  opposition.  Quant  à  Narbonne,  dont 
la  courageuse  résistance  durant  la  guerre  de  Sertorius, 
avait  conservé  la  province  k  la  République,  on  pourrait 
inférer  d'un  passage  de  Mêla  (liv.  2,  c.  5)  que  déjà  de 
son  temps,  elle  était  plus  propre  à  illustrer  qu'à  défendre 
la  contrée  à  laquelle  elle  donnait  son  nom. 

Un  écrivain  moderne  veut  que  le  cippe  de  Saint-André 
ait  été  élevé  par  les  soldats  de  la  légion  décumane  de 
Narbonne  :  mais  rien  ne  prouve  qu'il  y  ait  jamais  eu  une 
légion  Decuniana  Narbonensis;  et  des  soldats,  pour  pren- 
dre le  titre  de  Decumani  Narbonenses,  auraient  dû  appar- 
tenir à  nne  légion  de  ce  nom ,  et  non  à  la  dixième,  placée 
momentanément  en  garnison  a  Narbonne. 

Le  savant  Muratori  prétend  que  ces  mots  Decumani 
Narbonenses  indiquent  dans  les  trois  inscriptions  où  il  les 
a  trouvées,  les  P\U)licains  de  la  Narbonnaise.  Et,  en  eiïet, 
nous  savons,  parCicéron,  que  les  fermiers  des  dîmes 


30  histoire:  bi  roussillon. 

perçues  par  TEtat  s'appelaient  Dccumani.  Appien  nous 
apprend  que  le  Gouvernement  accordait  aux  particuliers 
des  terres  de  peu  de  valeur,  pourvu  qu'ils  s'obligeassent 
a  payer  la  dlme.  C'est  sans  doute  sous  cette  condition 
que  les  champs  deaimates,  dont  parle  Tacite  (de  Moribus 
Germanarum),  étaient  possédés  par  des  Gaulois.  Plusieurs 
peuples  tributaires  payaient  aussi  la  dime.  On  voit  César 
(llirtius)  imposer  à  un  peuple  de  Sardaigne,  qui  avait  pris 
parti  contre  lui,  un  tribut  du  huitième  de  la  récolte,  au 
lieu  de  la  dime  qu'il  payait  auparavant.  Enfin,  Asconius 
Pedianus,  qui  écrivait  sous  Néron,  mus  dit  (Corn,  de 
Divi^)  que  l'État  affermait  les  dîmes,  les  péages,  les 
pâturages  publics  aux  principaux  Publicains,  citoyens 
romains,  qui  prenaient  ces  fermes  par  spéculation.  Il  est 
évident  que  sous  les  Empereurs,  l'Etat  affermait  les  dîmes 
(|u'il  percevait  sur  certaines  terres.  Pourquoi  les  fermiers 
qui,  suivant  Asconius,  étaient  les  premiers  des  PubUcains, 
auraient-ils  cessé  de  prendre  le  nom  de  Decumani,  que 
leur  donne  Cicéron,  et  qui  pouvait  être  considéré  comme 
une  qualification  distinguée  dans  leur  classe?  La  seule 
interprétation  raisonnable  qu'on  puisse  donner  aux  mots 
Deciimani  Narbotietises,  au  moins  |>our  l'inscription  trou- 
vée à  Saint-André,  étant  celle  que  propose  le  célèbre  ar- 
chéologue italien,  je  l'adopte  d'autant  plus  volontiers  que 
les  Publicains,  entreprenant  quelquefois  la  réparation  des 
chemins  * ,  on  peut  supposer  que  les  Uécumans  de  la  Nar- 

1  Lm  Mëntipet.  fimniert  oa  entrpftrrnrart  (TmiTniirM  pnhlif».  fuient  des  INiblkthis. 
ftoiTanl  Axoaias  l^diaouA.  Or,  oa  voit  dans  Onopkrittf  l*ufu)iu.  bm  inicnplioa  ftuiéiiiw 
érigét  par  «a  r«nm«  i  od  rertain  Cn.  Conulio  thtsfo  Maneipi  t-ùr  Appùt. latiiè  (AnnsL, 
liv.  3)  noas  apprend  que  Cortmlon  Uti  chàTfé  âe  faire  rf parer  les  cbemiiif  d'Italie,  m  9tr\ 
mauvais  état ,  fraude  Maneipum  êl  itttwrid  Mê§Utrttuum  »  cosmiiêM»  qi'il  nflpUt . 
moins  dans  l'inlérM  do  public .  que  pour  le  malheur  des  rou^obles.  roalrr  lesquels  il  sévit 
avec  vigurar.  Ou  toit  dans  Rer^fier  (Ht.  1".  c.  17)  une  inscription  trouT#«  à  lIMIna,  en 
K»pifn(,  ou  Uoaitien  dit  avoir  tarsiiué  un  chemin  commencé  |iar  son  père  et  rmtd  iaacfetf^ 
l<ar  \r  roauxais  vouloir  dr«  IhiMtrams.  qu'il  puuit  par  «Ic^  aiiwntWf .  l't  rn  !«*«  «lArlarant 
iiirapahl^s  dVxtTïer  auruu  rm|»|.ii 


CHAPITRE  TROISIÈME.  31 

l>onnaise  avaient  entrepris  celle  de  quelque  partie  de  la 
voie  militaire  passant  dans  le  voisinage  de  Saint- André, 
et  qo'ayant  terminé  ce  travail  sous  Gordien ,  ils  avaient , 
suivant  un  usage  assez  général,  dressé  le  cippe  et  Tins- 
cription  comme  un  hommage  de  leur  dévouement  à 
l'empereur  régnant. 

Inscription  de  Saint-Hippolyle. 

En  fouillant  le  terrain  auprès  du  maitre-autel  de  l'église, 
on  trouva,  en  octobre  1847,  un  tronçon  de  colonne  cylin- 
drique, sur  lequel  étaient  gravés  abréviativement  les  mots 
Flavio  Valerio  Consiardino  nobilissimo  Ccesari.  Ce  tronçon 
est  parfaitement  semblable  à  toutes  les  colonnes  milliaires 
découvertes  dans  le  voisinage  des  anciennes  voies  romai- 
nes, par  exemple  aux  deux  colonnes  que  l'on  conserve 
aux  environs  de  Montpellier  (V.  Millin.  Voyage  dans  les 
départements  du  Midi  de  la  France).  Deux  opinions  furent 
émises  sur  le  prince  auquel  devait  s'appliquer  cette  ins^ 
cription  :  l'une  l'attribuait  au  grand  Constantin  ;  l'autre, 
à  son  fils,  Constantin-le-Jeune.  Il  est  évident  qu'elle  doit 
appartenir  à  celui  des  deux  princes  qui  satisfera  le  mieux 
aux  deux  conditions  suivantes  :  avoir  porté  quelquefois 
les  trois  noms  Flavitis  Valeritis  Constaniinus,  et  n'avoir 
porté  pendant  un  certain  temps  d'autre  titre  que  celui  de 
nobilissimus  Ccesar.  Ces  trois  noms  ne  se  trouvent  pas 
dans  toutes  les  médailles,  et  les  inscriptions  relatives  à 
l'un  ou  k  l'autre  de  ces  princes,  et  lorsqu'ils  s'y  trouvent, 
il  est  souvent  difficile  de  décider  lequel  des  deux  est  dé- 
signé, de  sorte  que  le  père  étant  beaucoup  plus  connu, 
c'est  à  lui  qu'on  attribue  ordinairement  tous  ces  monu- 
ments douteux.  Il  en  est  cependant  qu'on  ne  peut  pas 
disputer  au  fils  :  telle  est  l'inscription  qu'on  voit  dans 
Bergier(vol.  l^r,  p.  456);  il  y  est  appelé  Flavim  Ynlr- 


32  HISTOIRE   Dt    nOlISSII.LON. 

rius  ConslafUinus ,  petit- fils  divi  Maximiani,  et  fils  divi 
Consianii;  ce  qui  ne  peut  convenir  qu'a  Constantin-le- 
Jeune,  petit-fils  de  Maximien  par  sa  mère  Fausta.  Comme 
ce  même  prince  n'a  pris  ni  pu  prendre  pendant  vingt  ans 
que  le  titre  de  nobilissimus  Cœsar  tout  seul ,  il  réunit  tou- 
tes les  conditions  pour  qu'on  lui  attribue  l'inscription  de 
Saint-Hippol}  te.  Quant  au  père ,  si  les  noms  de  Flavius 
Valerius  Constar^inus  lui  appartiennent  aussi  bien  qu'à 
son  fils,  rien  ne  prouve  qu'il  ait  jamais  pris  le  titre  do 
nobilissimus  Cœsar  tout  seul.  Du  moins  il  ne  parait  ainsi 
sur  aucune  des  inscriptions  produites  par  le  zélé  défenseur 
de  ses  droits  ;  bien  plus,  tout  fait  présumer  que,  dans  les 
provinces  qui  avaient  été  l'apanage  de  son  père,  Constantin 
ne  prit  jamais  le  titre  de  César,  sans  y  joindre  celui  d'Em- 
pereur  ou  d'Auguste,  que  lui  avait  décerné  l'armée  de  la 
Grande-Bretagne,  ou  le  Dominus  nosier,  qui  en  était  l'é- 
quivalent. Constance-Chlore,  son  père,  mourut  à  Y'orck 
le  25  juillet  306;  peu  de  jours  après,  le  fils  envoya  à 
Galère,  qui  résidait  à  Nicomédie,  un  de  ses  officiers,  por- 
teur d'une  lettre  écrite  dans  les  termes  les  plus  soumis, 
où  il  excusait  l'irrégularité  de  ses  démarches  sur  la  vio- 
lence que  lui  avaient  faite  les  soldat9.  Il  partit  ensuite 
pour  les  Gaules,  dont  les  peuples  et  les  armées  lui  avaient 
témoigné  tant  de  sympathies  quelques  mois  auparavant, 
lorsqu'il  allait  joindre  son  père,  et  il  y  attendit  la  réponse 
de  Galère.  La  fureur  de  ce  prince,  en  apprenant  la  pro- 
clamation de  Constantin,  fut  telle  qu'il  voulait  livrer  aux 
flammes  sa  lettre  et  son  envoyé.  La  réflexion  le  ramena 
a  des  sentiments  plus  modérés  :  il  consentit  à  faire  recan- 
naître  le  fils  de  Constance  comme  héritier  des  Etals  de  son 
père,  mais  seulement  avec  le  titre  de  César.  Il  y  avait  3704 
milles  d'Yorck  à  Nicomédie;  2115  de  là  dans  les  Gaules: 
la  vitesse  des  poslos  chez  les  Romains  était  hien  moindre 


CIIAPITRK  Tm)ISIKMK.  .1:1 

que  chez  les  modernes  (Appendice,  n^  2)  ;  la  réponse  de 
Galère  ne  put  parvenir  à  Constantin  qu'environ  deux 
mois  et  demi  après  la  mort  de  son  père.  Pendant  ce 
temps,  il  s'était  iait  proclamer  et  reconnaître  Empereur  par 
les  généraux,  les  soldats,  les  magistrats  et  les  peuples. 
Pouvait-il ,  en  apprenant  la  décision  de  Galère,  descendre 
au  rang  de  César?  Sans  doute  la  prudence  lui  conseillait 
de  ne  pas  pousser  les  choses  à  l'extrême  ;  mais  elle  lui 
disait  aussi,  qu'après  s'être  compromis  comme  il  l'avait 
fait,  le  trône  impérial  était  son  unique  asile  contre  la 
vengeance  de  Galère  ;  qu'en  se  conformant  à  sa  décision 
il  redevenait  son  sujet;  qu'il  perdait  ses  plus  fermes  ap-^ 
puis,  l'opinion  publique  et  la  confiance  des  soldats,  car 
tout  le  monde  déserte  bientôt  le  parti  d'im  prince  qui 
s'abandonne  lui-même.  On  ne  peut  imputer  au  grand 
Constantin  une  faiblesse  aussi  inconsidérée,  surtout  dans 
un  moment  où  la  révolte  de  Maxence,  qui  éclata  le  28 
octobre  à  Rome,  devait  rendre  Galère  moins  exigeant  k 
l'égard  du  maître  des  Gaules.  La  neutralité  gardée  par 
ce  dernier  entre  Galère  et  Maxence,  pendant  la  guerre 
qu'ils  se  firent  en  506  et  507 ,  prouve  Tindépendance  de 
son  pouvoir.  S'il  n'avait  été  qu'un  lieutenant  soumis  à 
l'Empereur,  celui-ci  aurait-il  négligé  de  le  faire  entrer 
en  Italie,  au  moins  pour  réparer  les  malheurs  de  la  pre- 
mière campagne?   Il  n'est  donc  pas  vraisemblable  que 
Constantin  ait  cessé  de  prendre  dans  les  Gaules  le  titre 
d'Auguste  :  mais  se  fût-il  contenté  pendant  quelque  temps 
de  celui  de  nobilissim%is  Cœsar,  il  faudrait  encore  attri- 
buer au  fils  plutôt  qu'au  père  l'inscription  de  Saint-Hip- 
polyte,  par  la  raison  que  ce  dernier  ne  pourrait  avoir  porté 
ce  titre  seul  que  pendant  quelques  mois,  tandis  que  le 
premier  n'en  a  pu  porter  d'autre  pendant  vingt  ans.  Son 
père,  dans  les  dernières  années,  l'avait  établi  k  Arlfs^ 


'M  HISTOIRE   Di:    ROUSSILLON. 

on  lui  ronlianl  le  gouvernement  particulier  des  Gaules. 
C'est  probablement  vers  cette  époque  que  fut  placée  la 
colonne  de  Saint-Hippolyte.  Un  chapiteau  trouvé  tont 
auprès,  peut  lui  avoir  appartenu  :  brut  sur  une  de  ses  fa- 
ces, il  parait  avoir  été  appuyé  contre  un  édifice;  le  travail 
barbare  de  ses  trois  autres  faces  s'accorde  assez  avec 
l'imperfection  des  lettres  de  l'inscription ,  pour  (aire  re- 
garder le  tout  comme  un  ouvrage  de  ce  temps,  où  la 
décadence  des.  arts  se  lit  surtout  sentir  dans  les  pro- 
vinces occidentales  de  l'Empire  par  la  nombreuse  émi- 
gration a  Constantinople  des  artistes  et  des  ouvriers  ha- 
biles qu'elles  possédaient. 

La  colonne  milliaire  trouvée  à  Saint-Hippolyte ,  doit 
avoir  été  placée  originairement  sur  la  voie  romaine  qui , 
allant  de  Ruscino  à  Saisulis,  ne  passait  pas  loin  de  ce 
village,  probablement  près  de  la  statioq  de  Cafnlnisia. 
Découverte  sous  les  ruines  de  cet  édifice,  après  l'expul- 
sion des  Sarrasins,  le  nom  de  Constantin ,  si  vénéré  des 
Chrétiens,  aura  engagé  quelque  pieux  ecclésiastique  k  re- 
cueillir  dans  son  église  la  pierre  sur  laquelle  il  était  gravé. 

Les  seuls  édifices  du  département  auxquels  on  puisse 
attribuer  une  origine  romaine,  sont  la  voûte  des  bains 
d'Arles  et  la  grande  arche  du  pont  de  Céret.  M.  Joseph 
Anglada  a  fort  bien  déduit,  dans  son  Traité  des  Eaux 
mitiérales,  les  raisons  qui  militent  en  faveur  du  premier. 
Quant  au  pont  de  Céret,  M.  de  Marca  veut,  sans  en 
donner  aucune  preuve,  qu'il  ait  été  entrepris  vers  Tan 
1515,  par  la  commune  de  ce  nom.  I^  grande  arche  d<* 
ce  pont  est,  k  peu  près,  un  demi-cercle  de  4o  mètres 
de  diamètre ,  posé  sur  des  rochers  élevés  de  2  à  5  mè- 
tres au-dessus  des  basses  eaux.  Vn  pareil  ouvrage  me 
parait  trop  excéder  les  ressources  d'une  aussi  petite  vilk% 
pour  le  lui  attribuer. 


CHAPITRE  TROISIÈME.  35 

On  nous  a  fait  connaître  une  quittance  de  39  liv.  5  sols 
8  deniers  barcelonais,  sous  la  date  du  6  des  calendes  de 
décembre  1541,  devant  Moncy,  notaire  de  Perpignan  :  elle 
est  consentie  en  faveur  des  Consuls  de  Céret  par  un  maçon 
de  Perpignan,  qui  déclare  recevoir  cette  somme,  due,  tant 
à  lui  qu'à  dix  de  ses  confrères  de  Baixas,  dont  il  a  la  pro- 
curation ,  ratione  laboris  per  me  et  per,  etc.,  facti  in  pmtte 
de  Cerelo.  32  liv.  16  s.  1  d.  lui  sont  comptés  en  florins 
ou  monnaie  d'or  de  France  ;  le  reste  avait  déjà  été  donné 
par  les  Consuls,  avec  son  consentement,  a  un  particulier 
de  Céret,  cbez  qui  tous  ces  ouvriers  avaient  pris  leurs 
repas,  dictum  pontem  operando,  sans  doute  pour  dido 
potUi  operando.  Ce  document,  quoi  qu'il  en  soit,  ne  peut 
indiquer  la  construction  de  la  grande  arche  du  pont,  la 
somme  énoncée ,  équivalant  à  peu  près  à  979  francs 
15  centimes,  serait  infiniment  trop  modique.  Les  termes 
dont  on  se  sert  deux  fois,  quoique  difiërents,  pour  expri- 
mer l'ouvrage  fait,  se  rapportent  toujours  plutôt  k  une 
réparation  qu'à  une  construction  nouvelle,  et  pourraient 
tout  au  plus  indiquer  le  rétablissement  de  quelques-wies 
des  petites  arches,  dont  l'érection  est  certainement  fort 
postérieure  à  celle  de  l'arche  principale. 

Ces  considérations,  la  forme  de  Farcbe  en  plein  cintre^ 
forme  peu  usitée  dans  ce  pays  au  xiy«  siècle,  l'espèce 
d'appareil  employé,  me  portent  à  juger  ce  pont  beaucoup 
plus  ancien  ;  et  je  l'attribuerais  volontiers  aux  temps  qui 
précédèrent  ou  suivirent  de  près  la  chute  de  l'Empire 
d'Occident,  à  une  époque,  eniiu,  oà  l'on  cousenait 
encore  la  manièi^  de  construire  des  Romains* 

On  chercherait  vainement  aux  environs  du  boui*g  actuel 
d'Elue,  des  vestiges  de  cette  importante  cité  d'IUibéris, 
dont  parle  Pomponius  Mêla  :  la  charrue  sillonne  le  sol 
où  fut  jadis  la  ville  latine  ou  la  colonie  de  Huseino.  Os 


^'\^  HISTOIRE  DL'    ROUSSILUKN. 

antiques  chaussées  qu'indiquent  les  ouvrages  de  Poiybe 
et  de  Strabon;  celles  que  décrivent  les  itinéraires,  sont 
entièrement  détruites  ou  cachées  à  nos  yeux  par  les  sa- 
bles et  les  terres  qui  les  recouvrent.  Le  temple  de  Vénus, 
les  trophées  de  Pompée,  œuvres  des  Romains  dans  cette 
contrée,  ont  disparu.  Quel  était  l'emplacement  de  ces  édi- 
fices? Quelle  direction  suivaient  les  voies  romaines?  Voilk 
des  questions  qu'on  ne  peut  se  dispenser  d'aborder,  lors- 
qu'on s'occupe  de  l'état  du  Roussillon  sous  la  domination 
des  Romains.  Elles  sont  très  difficiles  a  résoudre  dans  un 
pays  qui ,  ravagé  tour  à  tour  par  les  Barbares  du  Nord , 
par  les  Sarrasins,  par  les  pirates  normands  ou  maures, 
n'offre  ni  ruines  ni  vestiges  assez  caractérisés  pour  nous 
guider  dans  nos  recherches.    Privé  de  ces  ressources, 
nous  sommes  réduit  à  former  des  conjectures  plus  ou 
moins  heureuses  au  moyen  de  quelques  passages  épars 
chez  les  historiens   et   les  géographes   de  l'antiquité, 
ou  d'après  des  renseignements  fournis  par  la  table  de 
Peutinger  et  l'itinéraire  d'Antonin.  Ces  deux  derniers 
documents  sont  très  précieux;  mais  l'incurie  et  l'igno- 
rance des  copistes  y  ont  introduit  des  fautes  qui  nous 
obligent  à  ne  les  employer  qu'après  les  avoir  corrigés  à 
l'aide  d'une  critique  impartiale  et  sévère.  Nous  devrons 
souvent,  k  cet  effet,  comparer  les  distances  données  en 
milles  romains  par  la  T(Me  ou  VlUmraire,  à  ces  mêmes 
distances,  exprimées  en  mètres,  dans  les  cartes  ou  les 
mesures  géodésiques  des  modernes.  De  là  nait  pour  nous 
le  besoin  de  connaître,  au  moins  approximativement,  le 
rapport  de  ce  mille  aux  mesures  actuelles.  Nous  savons 
qu'il  contenait  5.000  pieds  romains  :  ceux-ci  ont  été  éva- 
lués de  diverses  manières,  ce  qui  ne  doit  pas  étonner, 
leur  longueur  pouvant  avoir  un  peu  varié  avec  le  temps. 
D'ailleurs,  parmi  les  mesures  romaines  panenues  jusqu'à 


CHAPITRE  TROISIÈME.  ^ 

nous,  et  d'après  lesquelles  les  métrologues  oui  établi  leur 
éraluation  du  pied,  certaines,  formées  d'un  métsd  plus  ou 
moins  oxydable,  tel  que  le  fer  ou  le  cuivre,  doivent  avoir 
éprouvé  des  diminutions  plus  ou  moins  sensibles.  En  pre- 
nant un  terme  moyen  entre  quatorze  évaluations  diffé- 
rentes, nous  trouvons  ce  pied  d'k  peu  près  O^^SOT,  ,ce 
qui  donne  pour  le  mille  1 .485  mètres. 

Si  nous  cherchons  dans  les  divers  géographes  quel  était 
remplacement  du  temple  de  Vénus,  Ptolémée  nous  dira 
que  ce  premier  point  remarquable  des  Gaules,  en  venant 
d'Es|iagne,  était  sur  Tun  des  nombreux  promontoires  des 
Pvrénées,  avancés  dans  la  Méditerranée.  Les  indications 
données  par  Strabon  sont  plus  précises  :  il  dit  (liv.  4)  que 
Citium  (Cette)  était  plus  près  du  temple  de  Vénus  que  d'un 
promontoire  situé  k  100  stades  k  l'ouest  de  Marseille,  et 
il  le  place  à  400  stades  d'Empurias.  Cette  situation  s'ac- 
corde parfaitement  avec  celle  que  donne  PHne  (liv.  3,  c.  3) 
si  son  Tichis  est  la  Fluvia  ;  car,  suivant  lui^  le  temple  de 
Vends  est  a  40  milles  du  Tichis.  Les  40  milles  de  Pline 
ne  faisant  pas  tout-a-fait  les  400  stades  de  Strabon ,  il 
s'en  suit  que  le  temple  de  Vénus  est  un  peu  plus  près 
de  la  Fluvia  que  d'Empurias,  ce  qui  est  réellement,  puis- 
que la  ville  était  au  midi  de  la  rivière,  dont  l'embouchure 
lui  servait  de  port.  Il  résulte  des  deux  passages  du  géo- 
graphe grec,  que  le  temple  de  Vénus  doit  se  trouver  sur 
Tnn  des  caps  les  plus  septentrionaux  des  Pyrénées.  Pour 
fixer  sa  position  avec  plus  d'exactitude,  il  assure  (liv.  4, 
c.  i^^)  que  la  distance  de  Narbonne  au  temple  de  Vénus, 
est  ^le  à  celle  d'Arles  au  cap  de  Marseille.  Si  l'on 
prend  cette  dernière  sur  une  bonne  carte,  et  qu'on  là 
porte  de  Narbonne  vers  notre  côte,  elle  aboutira  juste  à 
Port-Vendres.  A  la  vérité,  M.  de  Marca  prétend  que  le 
Tirhis  de  Pline  est  la  Muga,  comme  celui  de  Mêla,  cl 


38  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

qa'ii  faut  lire  dans  le  premier  11  milles  au  lieu  de  Mi. 
D'après  lui ,  le  temple  de  Vénus  doit  avoir  été  situé  vers 
le  cap  de  Creus  ;  mais  comme  Pline  et  Mêla  ne  désignent 
pas  toujours  les  riTières  de  ce  pays  par  les  mêmes  noms, 
et  que  la  correction  proposée  pour  le  texte  du  premier 
n*est  autorisée  par  aucun  manuscrit,  on  peut  aisément 
soupçonner  que,  vu  la  commission  dont  il  était  chargé,  le 
Prélat  finançais  a  discuté  cette  question  plutôt  en  diplomate 
cherchant  k  reculer  les  limites  de  son  pays,  qu'en  critique 
impartial  qui  veut  déterminer  un  point  géographique 
contesté.  En  conséquence ,  nous  admettrons  le  texte  de 
Pline „  tel  qu'il  est  donné  dans  toutes  les  éditions;  et 
appliquant  le  nom  de  Tichis  à  la  Fluvia  * ,  ce  qui  met  le 
plus  parfait  accord  entre  le  dire  du  naturaliste  romain  et 
les  textes  formels  du  géographe  d'Amasie,  nous  placerons 
le  temple  de  Vénus  sur  l'un  ou  l'autre  des  deux  caps  qui 
embrassent  le  Port-Vendres,  dont  le  nom  dérivé  de  parius 
Veneris,  ajoute  une  singulière  force  k  l'opinion  que  nous 
avons  cru  devoir  embrasser.  En  effet,  il  est  aussi  probable 
que  l'on  a  désigné  ce  port  par  le  nom  de  la  déesse  dont 
le  temple  avait  été  élevé  dans  le  voisinage,  qu'il  le  serait 
|)eu  qu'on  lui  efit  imposé  un  pareil  nom ,  si  cet  édifice 
avait  été  cx)nstniit  dans  un  endroit  éloigné  de  sept  à  huit 
lieues. 

Pour  panenir  aux  trophées  de  Pompée,  nous  suivrons 
les  mêmes  guides  qui  nous  ont  conduit  vers  le  promontoire 
où  parait  avoir  existé  le  temple  de  Vénus.  Pline  nous 


1  On  M  roovainrrt  ait^mrnt  qut .  par  le  nom  àt  Ttrhi*.  PItne  d^ifTw  U  Flutiâ .  »i  I'ini 
l^t  ■tl— tioa  qv'eotne  BâmIoM  el  le»  l^rteée* .  il  m  pc«l  avoir  Tooln  Uirr  ueattoa  qve 
dM  viUe»  el  dct  rivim*  les  pliii  rrmaii|«ablet  ;  que  pami  rf«  àemèrt*.  In  wnlet  q«i  aieat 
fti^»e  inportanre  tont  U  Tord^rv.  le  T«y  rt  la  Flnvia  ;  qu'aytat  placé  la  preauère  iom  le 
M«  4t  Lammm,  caUr  les  ville*  dllliru  et  de  BUndc  (  llaUro  et  lUanea  ) .  U  teconde  io«» 
le  ooa  û'Alèa,  entre  BUues  et  Kni|Miria4 .  il  ne  Ini  rratait  |iJtt«  que  la  troi>»«*aie  à  pov^mr 
yïàctr  *tMi«  \r  n.iuj  Je  Tu  kit,  ^tiXtf  Fniparia*'  ri  lr«  l*>r^cr> 


CHAPITRE  TROISIÈME.  39 

apprend  (liv.  5,  c.  5)  que  Pompée  fit  élever  des  trophées 
sur  les  Pyrénées.  Strabon  (liv.  5)  les  place  sur  la  route 
d'Italie  en  Espagne,  k  l'extrémité  des  Pyrénées  (Append., 
n*^  3) ,  expression  qui  ne  peut  signifier  que  la  partie  de  ces 
montagnes  qui  va  se  terminer  à  la  Méditerranée.  Pour 
fixer  avec  (dus  de  précision  la  position  des  trophées,  cet 
auteur  dit  (liv.  4)  qu'ils  étaient  à  65  milles  de  Narbonne, 
ajoutant  que  les  géographes  n'étaient  pas  d'accord  sur  la 
fimite  des  Gaules  et  de  l'Espagne,  que  les  uns  plaçaient  au 
temple  de  Vénus,  et  les  autres  aux  trophées  de  Pompée. 
Il  se  déclare  pour  la  première  de  ces  opinions.  Pomponius 
Mêla,  adoptant  la  seconde,  termine  la  Gaule  à  Cervaria, 
aujourd'hui  Gerbera.  G'est  donc  dans  les  environs  de  ce 
dernier  lieu  qu'il  faut  chercher  les  trophées.  Si  Mêla  n'en 
bit  pas  mention,  c'est  sans  doute  parce  que  cet  édifice, 
construit  depuis  plus  de  cent  ans,  exposé  à  l'air  destructif 
de  la  mer,  et  ne  pouvant  pas  être  réparé  (Plutarque, 
Queutons  romaines),    tombait  déjà  en   ruines  lorsque 
Pomponius  écrivait.  Du  reste,  ce  pomt  satisfait  parfai- 
tement aux  indications  données  par  Strabon  :  il  est  situé 
à  l'extrémité  des  Pyrénées,  k  environ  65  milles  de  Nar- 
bonne.  Cette  situation  du  temple  do  Vénus  et  des  tro- 
phées sur  le  même  passage,  k  travers  les  montagnes,  qui 
leur  permettaient  d'être  aperçus  de  la  mer  et  de  la  route 
d'Italie  en  Espagne,  explique  fort  bien  pourquoi  l'on  avait 
pris  l'un  ou  l'autre  de  ces  monuments  pour  y  fixer  la 
limite  des  deux  contrées  voisines. 

Des  trophées  de  Pompée,  établis  sur  la  route  d'Italie 
en  Espagne,  nous  passerons  naturellement  aux  voies 
romaines  qui  traversaient  le  département.  Mais  comme, 
pour  ne  pas  s  égarer  dans  une  pareille  recherche,  il  est 
utile  d'avoir  toujours  présent  a  l'esprit  les  principes  dont 
tes  Romains  ne  s'écartèrent  jamais  dans  la  construction 


40  lll!»TOIRE  DU   ROt'SSlLLON. 

de  leurs  clieiuins,  exposons-les  en  peu  de  mots.  On  aurait 
une  fausse  idée  de  leur  système  voyer,  si  l'on  s'imaginait 
(|u'il  l'emporte  autant  sur  celui  des  modernes  par  la 
multiplicité  et  la  largeur  des  routes,  qu'il  lui  est  effec- 
tivement supérieur  par  la  solidité  de  leur  construction. 
Un  savant  très  respectable,  Bergier,  a  accrédité  ces  deui 
erreurs  :  1<>  en  comptant  dans  l'évaluation  de  la  lon- 
gueur de  ces  routes,  une  lieue  de  France  pour  deux 
milles  romains,  tandis  qu'il  faut  trois  *  de  ces  milles  pour 
faire  une  lieue  de  25  au  degré;   2^  en  supposant  que 
ces  chemins  avaient  tonjonrs  60  pieds  de  largeur.  Cette 
seconde  erreur  vient  de  ce  qu'il  a  supposé  k  chacun  des 
accotements  la  même  largeur  qu'à  la  partie  pavée  du 
milieu,  tandis  qu'ils  n'avaient,  en  effet,  que  la  moitié  de 
cette  largeur.  De  ces  deux  erreurs ,  la  première  est  pid- 
nement  réfutée  par  un  simple  fait  :  la  France  et  l'An- 
gleterre, réunies,  nous  offrent  aujourd'hui  71.562  kilo- 
mètres de  grandes  routes  ;  et  toutes  les  voies  de  l'Empire 
romain  mentionnées  dans  l'itinéraire  d'Antonin ,  ne  for- 
ment que  78.598  kilomètres,  total  qui  ne  dépasse  que  de 
7.056  kilomètres  celui  des  grandes  routes  des  deux  Etats, 
qui  n'étaient  que  deux  provinces  de  ce  vaste  Empire. 
Quant  à  la  seconde  erreur.  Rondelet  ne  croit  pas,  d'après 
les  mesures  qu'il  a  prises  auprès  de  Rome  sur  les  restes  des 
voies  Appienne,  Latine,  Labicane,  Tiburtine,  Pnenestine, 
que  l'on  puisse  supposer  à  ces  voies,  probablement  les  plus 
laides  de  tout  l'Empire,  plus  de  10  k  12  mètres  de  largeur. 
Il  n'est  point  surprenant  que  les  Romains,  dont  les  voitu- 
res avaient  une  voie  beaucoup  plus  étroite  que  les  ndtres, 
construisissent  des  routes  moins  larges  que  les  modenies; 

1  Kn  efStl .  le  mille  rtmiain  a\ait  ft  «lades  olympiques  de  (tOO  )>ifil«  frrc$  de  0*30(1 ,  d'uè 
le  »ladc  ^le  185-  M .  et  le  mile  t  IK3-  iO  I>i>nr.  3  mile»  funl  4440*  .  dîff^rtnl  ie«te««it 
lie  r>*  i\cc  notre  Utœ  de  35  au  degnS.  Il  >  atirail  une  \é$*^c  Aitléttntt  »!  l'on  énluajl  le 
otillc  ^11  \>i*^i'  tumuL»  (le  0'  i'JI ,  liont  il  l«IUit  ô«XI**    il  en  ir»ui(rrait  1IH5*  |HHir  le  JMiHe 


CHAPITRE  TROISIÈME.  41 

et  il»  les  ont  moins  multipliées  que  nous,  parce  qu'en  les 
construisant,  ils  cherchaient  surtout  à  faciliter  la  marche 
de  leurs  armées  vers  les  contrées  k  conquérir,  ou  vers  les 
provinces  k  défendre.  Le  nom  de  voies  militaires,  qu'ils 
leur  donnaient,  indique  assez  leur  objet  principal.  Les 
nations  modernes,  au  contraire,  plus  industrielles  et  plus 
commerçantes,  ont  cherché  à  ouvrir  dans  tous  les  sens 
des  communications  propres  à  favoriser  la  circulation  des 
produits  de  leur  sol  et  de  leurs  manufactures. 

Les  Romains  se  sont  bien  moins  distingués  par  le  nom- 
bre des  constructions  de  ce  genre,  que  par  leur  constance 
à  entretenir,  k  améliorer  et  embellir  les  chemins  qu'ils  ont 
trouvés  établis  ou  qu'ils  ont  fait  construire.  C'est  ainsi 
qu'ils  sont  parvenus  à  laisser  des  routes  dont,  après  tant 
de  siècles,  nous  admirons  les  restes  imposants.  Ils  étaient 
aussi  économes  du  terrain  qu'ils  consacraient  aux  che- 
mins, que  prodigues  de  travaux,  de  dépenses  et  de  soins 
pour  les  rendre  solides.  Moins  désireux  d'innover  que  de 
bien  faire ,  ils  n'entreprenaient  les  changements  les  plus 
utiles,  que  lorsqu'une  longue  suite  d'années  et  de  ré- 
flexions leur  en  avaient  démontré  les  avantages.  L'on  en 
jugera  par  l'exemple  suivant  :  il  est  pris  sur  la  route  de 
Rome  à  Brindes,  qui,  offrant  la  communication  la  plus 
directe  de  la  capitale  avec  l'Orient,  était  certainement  le 
chemin  le  plus  fréquenté  de  l'Empire.  Strabon  dit  (liv.  6, 
c.  5)  que  cette  route,  qui  jusques  à  Capoue  n'était  autre 
chose  que  la  voie  Appienne,  avait,  long-temps  avant  lui, 
été  poussée  par  Bénevent  et  Tarente  jusqu'à  Brindes; 
mais  qu'une  traverse,  praticable  seulement  pour  les  pié- 
tons et  les  cavaliers,  conduisait  directement  de  la  pre- 
mière de  ces  trois  villes  a  la  dernière,  et  abrégeait  le 
trajet  d'une  journée  de  marche.  Cependant,  on  avait  né- 

lipé  jusqu'alors,  cl  on  négligea  long-lemps  encore,  de 


«r 


42  HISTOIRE   DU   ROCSSILLON. 

la  rendre  viable  pour  les  voitures;  car  cette  intéres^nte 
entreprise  ne  fut  exécutée  que  dans  le  siècle  suivant  par 
Trajan. 

Si  c'est  avec  la  plus  grande  circonspection  que  les 
Romains  entreprirent  les  changements^  même  les  plus 
avantageux,  dans  la  direction  de  leurs  voies  militaires, 
on  doit  convenir  qu'ils  ne  n^ligèrent  rien  pour  entre- 
tenir en  bon  état  les  routes  existantes.  Us  s'acquittè- 
rent de  ce  soin  en  quelque  sorte  avec  obstination ,  par 
exemple  pour  cette  portion  de  la  voie  Appienne  cons- 
truite sur  seize  milles  de  longueur,  à  travers  les  marais 
Pontins.  Établie  l'an  445  de  Rome,  elle  fut  détruite  par 
les  eaux  152  ans  après;  rétablie  alors  pour  s'abimer  de 
nouveau  sous  Auguste,  on  y  fit  des  travaux  immenses 
pour  la  remettre  en  bon  état,  travaux  cependant  beau- 
coup moins  considérables  que  ceux  exécutés  par  Trajan, 
pour  la  relever  d'un  nouveau  désastre. 

Après  ces  observations,  qui  nous  seront  utiles  par  la 
suite,  il  paraîtrait  naturel  de  nous  livrer  à  Texamen  de 
tout  ce  qu'on  a  écrit  avant  nous  sur  les  voies  romaines 
qui  traversaient  le  Roussillon;  mais  cet  examen  aurait 
l'air  d'une  critique,  el  notre  objet  est  bien  moins  de 
discuter  les  opinions  des  autres,  que  d'exposer  nos  pro- 
pres idées  sur  cette  matière.  Parmi  les  auteurs  qui  l'ont 
traitée,  les  uns  l'ont  fait  très  légèrement,  se  contentant 
dindiquer  remplacement  de  quelques  stations  romaines, 
n'appuyant  souvent  leurs  conjectures  que  sur  une  bien 
faible  ressemblance  entre  les  noms  anciens  et  les  nou- 
veaux. C'est  ainsi  qu'ils  ont  placé  Àd  Viyesimum,  ii  Si- 
gean.  Ad  Slabulum,  au  Boulon,  Ad  Centunoties,  à  (U*ret. 
Les  autres,  beaucoup  plus  exacts  «  n'ont  négligé  aucun 
moyen  de  nous  offrir  des  routes  h  peu  près  semblables 
il  celles  que  décri\cnl  les  itinéi^aires ,  soit  en  plaçant  les 


CHAPITRE  TROISIÈME.  43 

slalious  qui  y  sont  mentionnées  en  des  points  où  Ton 
découvre  encore  des  vestiges  d'anciens  sites  romains, 
soit  en  faisant  accorder,  au  moyen  de  circuits  plus  ou 
moins  vraisemblables,  les  distances  marquées  par  les  iti- 
néraires entre  ces  stations,  avec  celles  que  Ton  observe 
aujourd'hui  entre  les  lieux  où  ils  les  ont  placées.  Mais, 
quel  que  soit  le  mérite  particulier  de  leur  travail,  sont-ils 
bien  certains  de  ne  point  s'être  écartés  de  la  vraie  direc- 
tion de  la  voie  qu'ils  ont  voulu  retrouver?  Nous  ne  le 
pensons  point;  et  l'on  peut  craindre  qu'un  premier  pas 
fait  hors  de  cette  direction ,  ne  les  ait  entrâmes  loin  de 
la  réalité.  A  notre  avis ,  toute  la  question  consiste  à  dé- 
terminer la  direction  de  ces  routes,  en  flxant,  avec  toute 
la  précision  possible,  d'après  les  documents  dont  nous 
pouvons  disposer,  la  situation  des  principales  stations. 
CeUe»-ci  nous  serviront  de  jalons,  entre  lesquels  il  sera, 
sinon  facile,  du  moins  peu  important,  de  placer  les  autres. 
Nous  aUons  essayer  de  résoudre,  en  suivant  cette  marche, 
00  problème  qui  a  souvent  donné  lieu  à  de  vives  et  lon- 
gues dissertations. 

Le  premier  fait  historique  nous  indiquant  une  route  à 
travers  le  Roussillon  pour  aller  d'Espagne  dans  les  Gaules^ 
est  le  passage  d'Ânnibal,  qui  eut  lieu  217  ans  avant  Jésus- 
Christ  (Tite-Live,  liv.  21).  Ce  grand  capitaine,  après  avoir 
franchi  les  Pyrénées,  campe  à  lUibéris;  les  Gaulois  l'at- 
tendent à  Ruscino,  sans  doute  parce  que  ces  deux  villes 
étaient  situées  sur  le  chemin  que  l'on  suivait  alors;  et  la 
|iosition  du  Carthaginois,  dont  le  principal  objet,  pendant 
qu'il  traitait  avec  les  Gaulois,  devait  être  de  couvrir  ses 
communications  avec  l'Espagne,  dénote  assez  que  la  route 
qu'il  avait  suivie  pour  venir  à  Illibéris  ne  devait  pas  s'é- 
loigner de  la  côte.  Environ  un  siècle  après  cet  événement, 
Polybe  (liv.  5)  nous  apprend  qu'une  belle  roule  conduisait 


4i  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

d'Kmpurias  a|i  Rhône  ;  que  les  distances  y  étaient  mar-* 
quées  de  huit  stades  en  huit  stades  (  de  mille  en  mille  ) , 
et  qu'elle  avait  1.600  stades  (200  milles  romains)  de 
développement.  Cette  mesure  s'accorde  fort  bien  avec  les 
disiances  marquées  sur  les  itinéraires,  et  avec  celles  que 
nous  donnent  les  cartes  actuelles.  Polybe  étant  mort  ii 
quatre-vingt-deux  ans,  et  au  plus  tard  trois  ou  quatre  ans 
après  la  conquête  de  la  Narbonuaise  par  les  Romains,  il 
est  inGniment  probable  que  la  route  dont  il  parle  était, 
pour  la  partie  comprise  entre  les  Pyrénées  et  le  Rhône, 
l'ouvrage  des  Gaulois.  A  cette  époque,  Illibéris  et  Rus- 
cino  étaient  les  seules  ou  du  moins  les  principales  villes 
du  Roussillon;  elles  se  trouvaient  sur  la  ligne  la  plus 
directe  que  l'on  pût  suivre  pour  aller  d'Empurias  au 
Rhône,  en  passant  par  Narbonne.  Les  montagnes,  moins 
élevées  aux  approches  de  la  mer,  offraient  un  passage  plus 
facile  que  partout  ailleurs.  La  civilisation  du  pays  avait 
commencé  sur  les  côtes  :  c'était  donc  \\k  qu'on  avait  plutôt 
senti  le  besoin  d'une  route,  et  qu'on  avait  eu  plutôt  les 
moyens  de  l'entreprendre.  Tout,  en  un  mot,  doit  nous 
faire  présumer  que  le  chemin  dont  parle  Polybe,  était 
celui  qu'avait  suivi  Annibal ,  et  qu'il  passait  par  Illibéris 
et  Ruscino,  traversant  les  montagnes  dans  le  voisinage  de 
la  mer.  Nous  avons  déj^  vu  (Strabon,  liv.  5)  que  Pompée 
plaça  ses  trophées  à  l'extrémité  des  Pyrénées,  sur  la  roule 
qui  conduit  d'Italie  en  Espagne,  ce  qui  indique,  pour  celle 
route,  soit  au  temps  de  Pompée,  soit  au  temps  de  Strabon, 
la  même  direction  qu'on  peut  lui  assigner  d'après  Polybe 
et  Tite-Live.  Cette  roule  est  suivie  par  Pomponius  Mêla 
dans  sa  description  du  pays  des  Sardons.  Il  la  fait  entrer 
par  Saisulis,  va  de  h  à  Ruscino,  à  Illibéris,  nous  montre 
«»n  laissant  le  Portu^s-Pifrenan,  et  sort  des  Gaules  par  Cer- 
\î»ri;i.  PliiK»  et  Ptojéméi»,  rn  décri\an!  cHle  rontrée,  ne 


CHAPITRE  TROISIEME.  i5 

font  mention,  comme  Strabon  et  Mêla,  que  de  quelques 
points  remarquables  situés  sur  cette  route  ou  dans  son 
voisinage,  tels  que  Ruscino,  lUibéris,  le  Templum-Veneris, 
les  embouchures  du  Tech  et  de  la  Tet.  L'an  550  de  notre 
ère,  l'empereur  Constant,  surpris  à  Âutun  par  la  révolte 
de  Magnence,  fuyait  vers  l'Espagne,  où  il  espérait  trouver 
des  troupes  fidèles;  il  fut  atteint  et  massacré  à  Elue  par 
les  émissaires  du  tyran.  Mais  ce  prince  ne  pouvait  fuir 
avec  rapidité  qu'en  suivant  la  voie  militaire ,  sur  laquelle 
seule  se  trouvaient  les  moyens  de  faire  une  grande  dili- 
gence :  Elne  devait  donc  alors  être  située  sur  cette  .voie. 
Vers  la  fin  dy  même  siècle ,  saint  Paulin  écrit  à  Sévère 
pour  l'engager  à  venir  le  voir  à  Barcelone.  Pour  l'y  déter- 
miner, il  cherche  à  lui  persuader  que  la  roiîte  était  sûre; 
que  le  passage  des  Pyrénées  n'avait  rien  d'eflrayant,  ni 
même  de  difficile.  S'il  y  avait  eu  deux  routes  k  travers 
ces  montagnes ,  il  est  fort  probable  que  le  saint  n'aurait 
pas  manqué  d'indiquer  à  son  ami  celle  qu'il  lui  convenait 
mieux  de  suivre.  Julien  de  Tolède,  écrivain  contemporain 
et  témoin  oculaire ,  nous  a  laissé  le  récit  de  l'expédition 
du  roi  Vamba  contre  le  comte  Paul.  Il  nous  y  apprend 
qu'après  la  défaite  du  rebelle,  le  roi,  rentrant  en  Espa- 
gne, s'arrêta  deux  jours  à  Elne;  et  que  pour  faciliter  le 
passage  des  Pyrénées  à  son  armée,  il  la  divisa  en  trois 
colonnes,  voulant  que  la  première  passât  par  Livia,  la 
seconde  à  travers  le  pays  d'Ausone  (de  Vich),  et  la 
troisième,  par  la  voie  publique,  le  long  de  la  côte  *.  Il 
résulte  de  ce  passage  remarquable,  qu'à  la  fin  du  septième 
siècle,  il  existait  une  grande  route  qui ,  passant  par  Elne, 
conduisait  de  France  en  Espagne  sans  s'écarter  de  la  côte, 

i  Ità  ut  (dîl-il  )  una  part  ad  Castrum  Lybiœ,  quod  est  Ceretaniœ  caput  perienderet; 
steunia,  per  Autonentem  civitatem  Pyrenœi  média  peteret;  tertia,  per  viam  publicam 
jvTtà  oram  maritimam  graderetur. 


Sr»  HISTOIRE   DU   ROlSSILLOX. 

ol  que,  comme  il  n'est  point  dit  que  les  deux  premières 
colonnes  de  cette  armée  aient  effectué  leur  retraite  par 
une  grande  route,  il  est  très  vraisemblable  que  celle  qui 
longeait  le  bord  de  la  mer  était  le  seul  chemin  de  ce 
genre  traversant  le  Roussillon.  On  voit  encore  dans  la 
même  direction  et  sur  plusieurs  points,  des  vestiges  d'une 
voie  romaine,  appelée  Carrera  de  Carlos  Magno,  sans 
doute  parce  que  ce  prince  Tavait  fait  réparer  *. 

A  tous  ces  laits  indiquant  une  route  unique,  passant 
par  Ruscino,  Illibéris,  et  suivant  la  côte  pour  pénétrer  en 
Espagne,  nous  ajouterons  une  considération  qui  ne  laisse 
point  d'avoir  quelque  poids.  On  sait  que  les  Romains 
étaient  dans  Tusage  de  placer  à  portée  des  grandes  rou- 
tes, certains  petits  temples,  des  monuments  funéraires, 
et,  en  général ,  tous  les  édifices  que  la  superstition ,  Tor- 
gueil,  la  reconnaissance  ou  Tadulation,  élevaient  en 
l'honneur  des  dieux,  de  princes,  de  magistrats  ou  de 
particuliers  opulents.  Ces  monuments  étaient  ordinai- 
rement accompagnés  d'une  inscription  indiquant  le  motif 
de  leur  érection.  No'us  avons  vu  plus  haut  que  le  temple 
de  Vénus  et  les  trophées  de  Pompée,  avaient  été  construits 
à  peu  près  sur  la  direction  que  tous  les  faits  historiques 
attribuent  a  la  route  conduisant  des  Gaules  en  Espagne. 
C'est  aussi  dans  des  endroits  peu  éloignés  de  ce  chemin 
(Théza,  Saint-André,  la  montagne  de  la  tour  de  Madelotlu 
Saint-Hippolyte)  qu'on  a  trouvé  cinq  de^  six  inscriptions 
romaines  qui  existent  dans  le  département;  et  elles  se 
rapportent  toutes  à  des  objets  que  les  Romains  plaçaient 
le  long  des  voies  publiques. 

1  litaa  (ki  actes  de  iXAi,  une  \i|;ii«'âa  Irrritnin'  <Io  <aint-\n<irr-«lr>S.  n-df.rt  un  chàmy 
a  I*alo|,  Mint  dit»  ronflai,  dorirnl,  à  la  muU'  Af  r.nrlvt  M<itfHO  \U'  m»  j'»r».  on  cite  cei:- 
ronti^  dan*  l«i  coafraotattonft  d'un  rhan|»  y.'iî<*  ju  trrrrtoirr  di*  simt-Na/nr^'.  <>ti  |*<Mn  i  < 
f)ir«>  d'aylmi  nUtionsi.  Fit  linuv»ill(>n  ,  m»  altrilMtr  a  ChMWm^çu^  tr>u«  !•-   •  hriuiti^  ou  I  «  u 

a|itrMMl  (|Ui'lqitr«  >r*li;.'r>  «!<•  \<itr  iom.Mlir 


CHAPITRE  TROISIÈME.  47 

Il  nous  reste  k  examiner  deux  documents  importants  : 
le  premier,  appelé  V Itinéraire  d'Antonin,  est  un  relevé 
des  voies  militaires  de  l'Empire  romain,  où  sont  mar- 
qués les  noms  des  stations  situées  sur  ces  routes,  avec 
leurs  distances.  On  ne  connaît  ni  l'auteur  de  cet  ouvrage, 
ni  le  temps  où  il  fut  publié  pour  la  première  fois  :  on  le 
croil  formé  de  tableaux  de  routes,  dressés  en  des  temps 
différents,  et  il  parait  qu'on  en  a  fak  diverses  copies. 
Le  second  est  connu  sous  le  nom  de  Tuble  de  PeuttJiger, 
parce  qu'il  fut  trouvé  dans  les  papiers  de  ce  savant  pra- 
ticien d'Ausbourg.  Sur  cette  table  sont  tracés  les  chemins, 
les  fleuves,  les  montagnes,  les  côtes  de  l'Empire;  on  y  voit 
aussi  les  noms  des  villes  et  des  provinces.  Mais  le  tout  y 
a  été  placé  sans  s'astreindre  a  suivre  aucune  des  projec- 
tions employées  par  les  géographes.  On  ignore  également 
l'époque  où  cette  espèce  de  carte  fut  dressée.  On  consi- 
dère généralement  ces  deux  documents,  tels  que  nous  les 
possédons,  comme  des  copies  d'originaux  publiés  avant  la 
chute  de  l'Empire  d'Occident.  Quelque  défectueux  qu'ils 
nous  soient  parvenus,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'ils  peu- 
vent jeter  un  grand  jour  sur  la  question  qui  nous  occupe, 
pourvu  qu'en  les  comparant  entr'eux  et  avec  l'état  actuel 
des  lieux,  on  cherche,  k  l'aide  d'une  sage  critique,  à  faire 
disparaître  les  fautes  palpables  qui  se  sont  glissées,  soil 
dans  l'énoncé  de  certaines  distances,  soit  dans  l'ortho- 
graphe de  quelques  noms.  On  trouve,  dans  V Itinéraire, 
deux  routes  traversant  le  Roussillon  pour  aller  des  Gaules 
en  Espagne.  La  Table  de  Peuiinger,  au  Contraire,  s'ac- 
cordant  en  cela  avec  toutes  les  inductions  tirées  des  au- 
teurs et  des  faits  ci-dessus  cités  n'en  offre  qu'une  seule, 
qu'elle  fait  passer  par  Ruscino  et  par  Illibéris.  On  verra, 
dans  les  trois  premières  colonnes  du  tableau  ci -joint 
«page  56),  la  description  de  ces  trois  routes  de  Narbonne 


\H  HISTOIRE   Dl    ROISSII.LON. 

à  Girone,  telles  qu'on  les  a  tracées  dans  Vlliiuraire  et 
dans  la  Table  de  PctUingcr. 

Puisque,  de  ces  deux  documents,  le  premier  est  un 
relevé  des  routes  de  l'Empire,  et  le  second  une  espèce 
de  carie  routière,  il  est  infiniment  probable  que  la  route 
unique  tracée  dans  la  Table,  est  la  même  que  l'une  des 
deux  décrites  dans  Y  Itinéraire.  On  se  convaincra  de  cette 
identité ,  si  Ton  compare  avec  attention  les  parties  com- 
prises entre  Narbonne  et  Aquis  Voconis,  des  deuxième  et 
troisième  colonnes  du  tableau.  En  effet,  outre  Narboune, 
Ruscione,  Summo  Pyrenœo  et  Juncaria^  se  trouvant  dans 
les  deux  colonnes,  il  est  évident  que  le  Ad  CeiUuriones 
de  la  seconde  est  la  même  chose  que  le  Ad  Cenleiiarium 
de  la  troisième.  De  plus,  la  ressemblance  des  noms  et 
l'égalité  des  distances  entr'elles,  et  de  chacune  d'elles  à 
Juncaria,  prouvent  assez  que  Cemuana  et  Vocons  de  la 
Table,  sont  les  mêmes  stations  que  Cinniana  et  Agtiis 
Voconis  de  VIlinéraire.  C'est  par  des  fautes  des  copistes 
que  ces  noms  sont  écrits  un  peu  différemment  dans  les 
deux  documents  ;  fautes  très  communes  lorsqu'il  s'agit 
de  noms  de  lieux  éloignés  et  peu  connus.  Nos  meilleures 
cartes  modernes  n'en  sont  point  exemptes,  (férunda  ne 
se  trouve  pas  dans  la  deuxième  colonne;  mais  comme, 
dans  la  troisième,  on  la  voit  entre  Cemuana  et  Vocoiis, 
a  12  milles  de  chacune  de  ces  deux  stations,  dont  la 
distance  est  aussi  de  24  milles  dans  la  deuxième  colonne, 
il  ne  peut  y  avoir  le  moindre  inconvénient  k  lui  donner  la 
même  position  dans  cette  colonne.  Pour  faire  accorder 
parfaitement  ces  deux  routes  dans  la  partie  comprise 
entre  Ruscino  et  Gérunda,  il  suflit  de  corriger  certaines 
distances,  manifestement  fautives  dans  la  Table  de  Peu- 
linger.  Par  exemple,  elle  compte  7  railles  de  Rusdone  à 
lllibeie .   tandis  que  les  mesures  prises  enln»  ces  deux 


CHAPITRE  TROISIÈME.  49 

points,  assez  bien  connus,  obligent  d'en  compter  au 
moins  huit.  Celle  d'Illibéris  ii  Ad  CerUenartum  restera  de 
12  milles,  comme  dans  la  Table.  Celle-ci  ne  compte  éga-  ' 
lement  que  8  milles  de  Summo  Pyrenœo  k  Juncaria;  mais 
la  position  du  premier  endroit  dans  le  centre  de  la  chaîne, 
et  celle  du  second,  k  proximité  du  champ  Joncaire,  dont  il 
tirait  son  nom,  rendent  bien  plus  vraisemblable  la  distance 
de  16  milles,  telle  qu'elle  est  toujours  marquée  dans  17/i- 
néraire.  Nous  l'adopterons  ainsi  dans  la  quatrième  colonne 
du  tableau  ci-joint,  destiné  a  représenter  la  route  résultant 
de  la  combinaison  des  deuxième  et  troisième  colonnes  du 
tableau.  Pour  simplifier  le  travail,  nous  ne  nous  occupe- 
rons point  de  fixer  la  position  intermédiaire  de  Deciana, 
ce  qui  nous  entraînerait  dans  une  longue  et  difficile  dis- 
cussion, étrangère  à  notre  sujet,  puisque  Deciana  est  hors 
do  Roussillon. 

L'identité  des  deux  routes,  pour  la  partie  comprise  entre 
Ruscino  et  Gérunda,  me  parait  parfaitement  établie.  Si 
elle  n'est  pas  aussi  frappante  pour  la  portion  comprise 
entré  Ruscino  et  Narbonne,  c'est  qu'il  y  a  dans  la  Table 
une  lacune  entre  ces  deux  villes;  mais  le  chiffre  VI,  qui  y 
marque  la  distance  de  Ruscino  k  la  première  station  du 
côté  de  Narbonne,  indique  assez  que,  dans  ce  document, 
s'il  n'était  tronqué  en  ce  point,  la  première  station  serait 
Combusta,  ainsi  que  dans  V Itinéraire,  et  les  deux  routes 
n'en  feraient  qu'une  seule,  telle  que  nous  Savons  donnée 
dans  la  quatrième  colonne  du  tableau.  Si  nous  la  faisons 
passer  par  Salsulis,  qu'on  ne  voit  ni  dans  la  deuxième  ni 
dans  la  troisième  colonne,  c'est  que  la  route  de  Narbonne 
à  Ruscino  ne  doit  pas  dépasser  40  milles ,  et  que ,  pour 
satisfaire  à  cette  condition,  il  faut  qu'elle  passe  h  Salsulis. 
Tout  écart,  soit  k  l'ouest,  k  travers  les  montagnes,  soit 
k  Test,  entre  la  mer  et  l'étang,  l'allongerait  de  trois  a 


L. 


50  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

quatre  milles.  Outre  que  ni  l'un  ni  l'autre  de  ces  écarts 
n'est  présumable,  il  est  certain  que,  dans  des  problèmes 
de  ce  genre,  les  distances  bien  connues,  sont  les  données 
les  plus  précieuses,  tout  comme  elles  sont  les.  conditions 
auxquelles  la  solution  doit  nécessairement  satisfaire  pour 
être  vraie. 

Des  stations  situées  dans  le  département,  et  inscrites  à 
la  quatrième  colonne  de  notre  tableau ,  nous  connaissons 
les  positions  de  Saisulis,  de  Ruscino,  d'Illibéris.  Si  nous 
pouvions  déterminer  celle  du  point  important  de  Summo 
PyretuBo,  la  direction  de  cette  voie  romaine  à  travers  le 
Roussillon  nous  serait  parfaitement  connue.  Pour  y  par- 
venir, observons  que  le  Col  de  la  Ma^sana,  les  environs 
de  Cerbère  et  ceux  de  Bellegardc,  sont  les  seuls  points 
par  lesquels  on  puisse,  sans  trop  de  difficultés,  conduire 
à  travers  les  Pyrénées  une  route  allant  de  Ruscino  à  Gé- 
runda.  Il  suit  de  là  que  le  Summo  Pyrencro  doit  se  trouver 
sur  l'un  de  ces  passages.  L'épithète  summo  indique  assez 
qu'il  faut  le  chercher  dans  la  partie  la  plus  élevée  de  la 
route,  c'est-à-dire  presque  sur  la  limite  actuelle  des  deux 
royaumes,  qui  suit  à  peu  près  la  crête  même  des  monta- 
gnes. Cela  posé,  remarquons  que  V Itinéraire  compte  68 
milles  romains,  à  peu  près  100  kilomètres  080  mètres 
de  Ruscino  à  Gérunda,  dont  la  distance,  en  ligne  droite, 
n'étant  que  de  82  kilomètres  248  mètres,  lui  est  infé- 
rieure de  18  centièmes,  à  peu  près  un  sixième. 

Les  petites  inégalités  d'un  terrain,  même  assez  uni, 
occasionnent  des  montées,  des  descentes,  des  sinuosités, 
qui  rendent  la  route  la  plus  directe  entre  deux  points, 
toujours  plus  longue  que  leur  distance  mesun*e  en  ligne 
droite  sur  ce  terrain ,  ou  prise  sur  une  carte  à  grande 
échelle.  Cet  excès  varie  suivant  la  nature  du  pays.  Plu- 
sieurs comparaisons  faites  sur  des  routes  anciennes  ou 


CHAPITRE  TROISIÈME. 


51 


modernes ,  m'ont  prouvé  que  s'il  est  rare  de  trouver 
l'excédant  inférieur  au  vingtième,  il  ne  dépasse  guère  le 
dixième,  a  moins  que  le  chemin  ne  doive  forcément 
s'écarter  de  la  ligne  droite  pour  contourner  un  obstacle, 
aboutir  k  une  ville  importante,  aller  chercher  un  passage 
commode  k  travers  une  chaîne  de  montagnes,  ou  pour 
franchir  un  fleuve  considérable. 

Nous  prendrons  pour  exemple  Tétat  des  grandes  routes 
du  Roussillon,  en  1787,  dont  rétablissement  à  dû  être 
influencé  par  la  nature  du  pays  : 


LOSGUBUR  EH  TOISES 

RAPPORT 

EXCÈS 

à  la 

ISDICATIOH  DES  ROUTES. 

"~^"^      "^ 

. 

EN  LIGNE 

p.7o 

LIGNE 

RÉELLE. 

DROfTB. 

DROITE. 

T. 

T. 

Oe  Perpignan  à  ViUefranche. 

24.52^ 

22.800 

6,6S 

Vu 

De  Perpignan  k  Pori-Vendres. 

f4.833 

'  45.600 

9,21 

Vn 

De  la  fronliëre  du  Languedoc 

■ 

9  ceUe  d'Espagne 

26.492 

24.420 

8,48 

i/n 

Du  Boulon  à  Arles 

40.423 

O.SOO 

7,  10 

V,5 

La  différence  d'un  sixième,  que  nous  avons  trouvée 
ci-dessus  entre  les  deux  distances  de  Ruscino  k  Gérunda, 
prises  l'une  en  ligne  droite  et  l'autre  en  suivant  la  route, 
est  beaucoup  trop  considérable  pour  pouvoir  être  uni- 
quement attribuée  aux  sinuosités  ordinaires  des  cbe- 
mins.  Elle  doit  provenir  de  ce  que  cette  voie  romaine 
s'écartait  fortement  de  la  ligne  droite.  Un  coup-d'œil 
jeté  sur  la  carte,  nous  convaincra  aisément  que  la  seule 
cause  admissible  d'une  aussi  grande  déviation,  est  le  pas- 


k. 


b'2  IIISTOIAE  DL'   ROLSSILLOM. 

sage  des  Pyrénées.  Il  faut  donc  que  la  voie  romaine  ail 
traversé  cette  chaîne  par  un  point  fort  éloigné  de  la  ligne 
droite  tirée  de  Ruscino  à  Gérunda.  Si  sur  la  feuille  de 
VAUas  National  comprenant  le  département  des  Pyré- 
nées-Orientales, on  place  la  ville  de  Girone,  autrefois 
Gerunda,  ce  qui  est  très  facile,  puisque  Ton  connaît  sa 
latitude  et  sa  longitude,  et  si  Ton  tire  une  ligne  droite 
de  cette  ville  k  CasleU-Rossello ,  autrefois  Ruscino,  elle 
passera  entre  Bellegarde  et  le  Col  de  la  Massana  ;  mais 
trop  près  de  ces  deux  points  pour  que  ce  très  faible  écart 
eût  pu  produire  une  différence  aussi  énorme  entre  la 
longueur  de  la  route  et  celle  de  la  ligne  droite.  On  ne 
peut  donc  supposer  que  la  station  de  Stnmno  Pyrenœo 
ait  existé  auprès  de  Bellegarde  ou  sur  le  Col  de  la  Mas- 
sana, et  on  ne  saurait  la  lixer  convenablement  qu'aux 
environs  de  Cerbère,  avec  d'autant  plus  de  fondement 
que  tous  les  renseignements  fournis  par  les  historiens, 
les  géographes,  les  monuments,  les  inscriptions,  nous 
indiquent  la  direction  d*une  voie  romaine  vers  ce  point, 
qui  est  le  seul  de  nos  Pyrénées  pouvant  satisfaire  à  la 
condition  imposée  au  Siimtno  Pyrenœo  par  les  itinéraires, 
d'être,  à  la  fois,  à  io  milles  de  Gérunda  et  k  S5  de 
Ruscino. 

Nous  connaissons  la  position  de  quatre  des  six  stations 
qu'elle  nous  offre  sur  le  territoire  roussillonnais,  ce  sont  : 
Salsulis,  Ruscino,  llliberis,  Summo  Pyrenœo.  Les  trois 
premières  sont  indiquées  par  leurs  ruines,  ou  par  des 
lieux  voisins  qui  ont  pris  k  peu  près  leur  place,  (juant  a 
Summo  Pyrenœo,  établi  probablement  dans  un  édifice 
isolé,  on  n*en  trouve  plus  de  traces»  Quoique  la  situation 
de  ces  quatrfe  stations  ne  soit  pas  donnée  avec  une  préci* 
sion  mathématique,  elle  est  cependant  assez  exacte  pour 
nous  faire  cunnaitre  la  véritable  direction  de  la  route«  et 


CHAPITRE  TROlSliUE.  53 

c'est  sur  cette  direction  que  nous  placerons  Ad  Ceniu- 
rùmes  et  Combusta,  En  ce  qui  concerne  la  première, 
nous  ferons  observer  qu'elle  doit  se  trouver  entre  Elne  et 
Summo  Pyrenœo,  h  environ  12  milles  de  l'un  et  5  milles 
de  l'autre.  Si,  à  peu  près  sur  la  ligne  de  réunion  des 
deux  stations,  on  prend  un  point  qui  satisfasse  a  ces 
deux  conditions ,  il  tombera  vers  le  pied  de  cette  mon- 
tagne de  Maddoth,  où  nous  avons  dit  qu'on  avait  trouvé 
une  inscription  attribuée  au  tombeau  d'un  officier  romain , 
dont  le  grade  aurait  pu  être  l'origine  du  nom  donné  à 
cette  station.  Celle  de  Combmta  doit  être  à  4  milles 
de  Salsulis  et  à  six  de  Ruscino,  sur  la  voie  qui  allait 
de  Tune  de  ces  villes  à  l'autre,  c'est-à-dire  très  près  du 
village  actuel  de  Sainl-Hippolyte.  Nous  savons  que  cette 
route  ne  s'écartait  guère  de  la  ligne  droite,  dont  la 
longueur,  mesurée  sur  la  carte,  est  de  14.510  mètres, 
tandis  que  la  route  est  de  10  milles  ou  14.500  mètres. 
Au  sortir  de  Ruscino,  elle  passait  probablement  entre 
le  village  actuel  de  Ronpas  et  la  métairie  de  la  Grange , 
dont  quelques  propriétés  sont  dites,  dans  un  acte  de  1565, 
confiner  avec  la  Carrera  de  Carlos  Magno.  De  là,  elle 
se  dirigeait  vers  le  Pont  Traucat,  épithète  indice  d'une 
grande  vétusté,  qu'il  portait  déjà  en  1569,  époque  où 
le  chemin  qui  venait  y  aboutir,  en  partant  de  Pia ,  était 
appelé  indifféremment  Cami  del  Pont  Traucat,  ou  de 
la  Caussade,  en  langue  vulgaire,  ou  Calciata,  en  latin, 
dont  la  signification  prouve  assez  qu'une  chaussée  avait 
passé  sur  ce  pont.  De  là ,  cette  chaussée  pénétrait  dans 
le  territoire  de  Pia,  traversant  un  terrain  boisé,  appelé  la 
Femia  marte,  jusqu'aux  ruines  d'un  pont  dit  de  Pacals. 
C'est  du  moins  ce  que  parait  prouver  l'acte  suivant  : 
Le  6  juin  1415,  chez  Jacques  Nadal,  notaire  de  Perpi- 
gnan, le  roi  d'Aragon  inféode,  pour  un  denier  de  cens. 


54  HISTOIRE  DU   R0U8SILL0N. 

à  un  propriétaire  de  Pia,  un  lambeau  d'une  ancienne 
route  de  Salses,  abandonnée  depuis  fort  long-temps. 
Ce  lambeau,  situé  dans  une  partie  du  territoire  de  Pia, 
portant  alors  comme  aujourd'hui  le  nom  de  la  Fenmm 
morte,  et  touchant  aux  ruines  du  pont  de  Pacals,  M 
pouvait  appartenir  au  Roi,  qui  n'était  pas  le  seigneur 
particulier  de  Pia,  que  comme  ayant  fait  partie  d'oae 
grande  route  abandonnée.  On  voyait  encore  en  ce  lieu,  il 
y  a  cinquante  ans,  une  substniction  en  briques,  qu'M 
disait  avoir  servi  de  fondement  à  la  culée  méridionale 
d'un  pont  construit  autrefois  sur  la  Gly.  On  disait  aoasi 
que  la  Carrera  de  Carlos  Magno  avait  passé  par  là. 
Après  le  passage  de  la  rivière,  la  route  se  dirigeait  sans 
doute  vers  Salses,  à  travers  une  plaine  caillouteuse., 
aujourd'hui  plantée  en  vignes.  C'est  donc  à  peu  près 
sur  cette  direction ,  et  à  4  milles  romains  avant  Salses, 
qu'on  pourrait  trouver  les  ruines  de  CombusUt.  On  cher- 
cherait vainement  dans  ces  parages  quelques  traces  d'ha- 
bitations romaines;  mais,  dans  le  mois  d'octobre  1847, 
on  a  découvert,  enfoui  dans  l'église  de  Saint-Hippolyle , 
village  très  voisin  de  la  direction  que  j'avais  supposée  à 
la  voie  romaine,  l'inscription  dont  nous  avons  parlé  plus 
haut,  qui  doit  avoir  appartenu  à  une  colonne  miliiaire, 
objet  qu'on  ne  trouve  guère  que  dans  le  voisinage  des 
anciennes  voies  militaires. 

Occupons-nous  k  présent  de  la  première  des  deux  voies 
de  Vltinéraire.  La  partie  de  cette  route  comprise  entre 
Saisulis  el  Juncaria  parait  différer  entièrement  de  la  par- 
tie correspondante  de  la  voie  décrite  dans  la  quatrième 
colonne  du  tableau.  Elle  offre  moins  de  stations  inter- 
médiaires, et  sa  longueur  est  presque  double.  Observons 
que  celle  de  la  quatrième  colonne,  étant  bien  certainement 
lu  même  dont  parlent  Polybc  et  Strabon,  existait  par  consc- 


CHAPITRE  TROISIÈME.  55 

quent  avant  l'autre.  Est-il  probable  que  les  Romains,  si 
économes  du  terrain  qu'ils  consacraient  à  leurs  voies 
militaires,  ayant  déjà  de  Salsulis  à  Juncariâ  une  route 
passant  par  Ruscino  et  lUibéris,  les  deux  villes  les  plus 
considérables  du  pays,  en  aient  construit  une  autre  peu 
distante  de  l'ancienne^  beaucoup  plus  longue,  et  ne  pas- 
sant point  par  ces  villes?  Une  seule  communication  dans 
cette  partie,  entre  les  deux  royaumes,  a  toujours  paru 
sofllsante  dans  les  temps  modernes,  où  le  mouvement 
commercial  est  certainement  plus  fort  qu'il  ne  fut  jamais 
sous  la  domination  romaine.  Pourquoi,  sur  un  simple 
énoncé  de  Y  Itinéraire,  admettrions-nous  une  seconde 
route ,  dont  on  ne  trouve  aucunes  traces  sur  le  terrain , 
aucuns  indices  dans  les  chartes  du  moyen-âge,  ni  dans 
les  traditions  locales,  et  qui  parait  avoir  été  inconnue  a 
tous  les  auteurs  antérieurs  à  la  chute  de  l'Empire  d'Oc- 
cident? Tous  les  lieux  mentionnés  par  ces  écrivains  se 
trouvent  en  effet  sur  l'autre.  Nous  avons  fait  voir  plus 
haut  que  la  route  de  la  Table  de  PetUinger  est  la  même 
que  la  seconde  de  Vllimraire  :  leur  différence  apparent^ 
vient  de  ce  qu'elles  sont  données  par  deux  documents 
dont  l'objet  n'est  pas  le  même.  Dans  la  Table,  on  voulait 
fidre  connaître  les  côtes,  les  montagnes,  les  rivières,  les 
routes,  les  provinces ,  les  villes  de  l'Empire  ;  dans  V Iti- 
néraire, au  contraire,  on  n'a  cherché  qu'à  indiquer  les 
noms  et  les  distances  des  stations  situées  sur  les  routes. 
La  diversité  apparente  des  deux  voies  de   V Itinéraire 
pourrait  provenir  d'une  cause  bien  simple  :  il  suffit  que 
l'administration  romaine  ait  cru,  par  un  motif  quelconque, 
devoir  changer  la  place  de  certaines  stations ,  pour  que 
V Itinéraire,  composé  de  tableaux  de  routes  dressés  en 
divers  temps,  nous  présente  aujourd'hui  deux  descrip- 
tions différentes  d'une  même  voie. 


jG 


HISTOIRE   DU   KOLSSILLUN. 


Déteriiuué  par  toutes  ces  considérations,  nous  adop- 
tons sans  hésiter  le  système  d'une  seule  voie  romaine  à 
travers  le  Roussillon. 


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CHAPITRE  TROISIÈME.  57 

Uoe  conjecture  assez  naturelle  nous  donnerait  l'étymo- 
logie  du  nom  de  Slabulum,  que  porte  la  cinquième  station. 
Lors  de  la  construction  du  Castrum  Hdenœ,  la  popu- 
lation d'Illibéris  dut  s'y  porter.  L'ancien  bourg,  réduit  a 
quelques  hôtelleries,  conserva  la  station,  qu'on  ne  plaçait 
jamais  dans  un  lieu  fermé,  et  elle  aura  pris  avec  le  temps 
le  nom  de  StabtUum,  des  édifices  où  elle  était  établie. 

Cette  hjpothèse  d'une  seule  voie  romaine  traversant 
le  Roussillon  sans  s'éloigner  de  la  mer,  je  ne  l'ai  adoptée 
qu'après  avoir  fait  de  vains  efforts  pour  placer  les  trois 
routes  décrites  dans  ïlitinéraire  ou  la  Table  de  Peutin- 
ger,  ou  simplement  deux  de  ces  voies.  Elle  s'accorde 
mieux  avec  le  système  voyer  des  Romains.  La  direction 
que  j'ai  donnée  à  cette  route,  est  la  seule  qui  soit  indi- 
quée par  les  auteurs,  par  les  faits  historiques,  par  les 
U^ditions  locales,  par  les  actes  anciens,  par  une  suite 
d'inscriptions.  Enfin,  c'est  sur  cette  route,  ou  dans  son 
voisinage,  que  l'on  trouve  tous  les  lieux,  tels  que  Sol- 
mUs,  Ruscino,  lUiberis,  Helena,  Caucolibe^is ,  Templum 
Veneris,  Cervaria,  les  Iropliées  de  Pompée,  mentionnés 
dans  les  historiens  ou  les  géographes  de  l'antiquité. 

Noiis  sommes  loin  de  prétendre  qu'il  n'y  eut  pas  dans 
DOS  montagnes  d'autres  passages  praticables,  même  pour 
les  charrettes  romaines  :  leurs  voies  ne  dépassant  guère 
trois  pieds,  elles  pouvaient  suivre  des  chemins  qui  n'a- 
vaient que  huit  pieds  de  largeur;  mais  sur  ces  routes 
de  traverse  on  n'établissait  ni  mutationes  ni  mansiones, 
et  les  itinéraires  n'en  ont  jamais  fait  mention.  On  les 
appelait  simplement  t;ecB,  sans  joindre  à  ce  nom,  comme 
à  celui  des  grandes  routes,  l'épithète  de  mililares,  ou 
toute  autre  dérivée  du  nom  propre  ou  de  la  dignité  du 
personnage  qui  les  avait  fait  construire. 

Nous  avons  négligé  deux  sites,  dont  le  nom  mtitaliones 


58  HISTOIRB  DU  ROUSSILLON. 

parait  avoir  le  plus  grand  rapport  avec  une  voie  romaine. 
Notre  motif  a  été,  qu'éloignés  de  la  direction  de  la  route  ; 
n'étant  mentionnés  ni  par  les  itinéraires  ni  par  aucun 
auteur  ancien ,  le  nom  latin  sous  lequel  on  les  désigne 
pour  la  première  fois  dans  des  chartes  écrites  cinq  ou 
six  siècles  après  la  chute  de  l'Empire  d'Occident,  pour- 
rait bien  être  une  transformation  bizarre  de  celui  qu'ils 
portaient  dans  la  langue  vulgaire  de  ce  temps.  Nous  en 
donnerons  un  exemple  en  citant  le  nom  de  Canamals, 
qu'on  a  rendu  en  latin  par  Canibiis  maUs,  et  celui  de 
Custodia,  par  lequel,  dans  les  chartes  du  onzième  siède, 
on  a  désigné  un  village  du  second  arrondissement,  connu 
auparavant,  comme  il  l'est  encore  aujourd'hui,  sous  le 
nom  de  Costuja  * . 

On  s'étonnera  peut-être  de  ne  trouver  aucune  trace 
de  pont  sur  les  points  où  notre  voie  traversait  la  Tel  et 
le  Tech.  Ces  ponts  peuvent  avoir  été  faits  en  bois,  genre 
de  construction  usité  chez  les  Romains,  et,  de  nos  jours 
encore,  dans  les  pays  couverts  de  forêts,  comme  l'était 
alors  le  nôtre.  D'ailleurs,  auraient-ils  été  construits  en 
maçonnerie,  soumis,  comme  les  autres  édifices,  à  toutes 
les  causes  de  destruction  qui  ont  fait  disparaître  dans  ces 
mêmes  lieux  des  villes  entières;  exposés  de  plus  anx 
dégradations  occasionnées  par  les  torrents  impétueux  sur 
lesquels  ils  étaient  établis,  ces  ponts  n'ont  pu  se  sous- 
traire à  la  ruine  générale  du  pays,  et  leurs  débris  sont 
probablement  cachés  sous  les  sables  et  les  terres  qui  ont 
si  fort  exhaussé  le  lit  de  nos  rivières  et  les  plaines  envi- 
ronnantes. On  demandera  sans  doute  quand  et  pourquoi 

1  Cf  nom  irait  fait  foup^iitiner  aver  raiioa  à  on  u%ant  m^vl^rer,  qu'il  poavait  y  avoir  en 
dant  cfi  lira  un  pottf  miliUire  ronuia.  d'oèi  loi  lirait  vfoa  W>  non  d«  Custoéia.  Ibb  il  r<Mi^ 
maffre  ^iitr'rux  \rs  arlu  ici  LtH,  131).  Ili  rt  ¥H  du  lf«rr«  Hupamtea ,  on  te  romafam 
himtôl  t\nc  If  n<tm  primilif  Hati  (Untujn,  tran<k(orm«*  pour  la  prfmifrr  foi»  en  crinj  4e 
t'.ustodia  jMr  I*'  |«jpr  ^«•fK*'  IV  .  'lio»  une  Imllo  <\r  1011 


CHAPITRE  TROISIÈME.  59 

cette  ancienne  route  fiit  abandonnée  et  remplacée  par 
celle  qu'on  suit  aujourd'hui.  Il  est  plus  aisé  de  soup- 
çonner les  motifs  de  ce  changement  que  d'en  préciser 
l'époque.  Le  Roussillon ,  envahi  à  plusieurs  reprises  par 
les  Sarrasins  et  les  hordes  africaines,  leurs  auxiliaires, 
vit,  dans  le  huitième  siècle ,  détruire  ses  villes,  brûler  ses 
TÎllages,  massacrer  ses  habitants,  si  on  ne  les  amenait 
captifs  au  fond  de  l'Espagne.  Probablement  mal  entre- 
tenue  depuis  la  décadence  de  la  puissance  romaine,  l'an- 
cienne voie  militaire,  ne  traversant  plus  en  quelque  sorte 
qu'on  désert,  fut  abandonnée  pendant  plus  de  soixante 
ans  k  l'action  lente  mais  continue  des  éléments,  et  aux 
ravages  des  nombreux  torrents  qui  la  traversaient.  Charle- 
magne  vint  enfin,  et  fit,  sans  doute,  réparer  ce  chemin, 
indispensable  pour  communiquer  avec  ses  conquêtes  au- 
delà  des  Pyrénées.  A  la  mort  de  ce  grand  homme,  la 
Marche  d'Espagne  étant  mal   défendue  par  ses  faibles 
successeurs ,   le  Roussillon  fut  exposé  à  de  nouvelles 
dévastations  de  la  part  des  Infidèles.    Les   Normands 
ravagèrent  à  leur  tour  ce  malheureux  pays.  A  ces  bri- 
gands succédèrent  les  Maures ,   qui ,  établis  aux  iles 
Baléares,    ne   cessèrent  d'infester   nos   côtes  pendant 
les  X®,  XI®  et  xii®  siècles.     Peu  éloignée  de  la  mer, 
la  route  d'Espagne   était  fort  exposée  aux  incursions 
subites  de  ces  pirates,  singulièrement  favorisés  par  les 
eriques  nombreuses  que  l'on  trouve  de  Collioure  à  la 
frontière.  On  se  dégoûta  sans  doute  d'un  chemin  peu  sûr. 
Cependant  Ruscino  avait  disparu;  Elne  avait  été  pillée 
plusieurs  fois;  Perpignan,  au  contraire,  plus  éloigné  de 
la  mer,  s'agrandissait  tous  les  jours  par  la  protection 
spéciale  des  Comtes.   Ces  motifs  réunis  engagèrent  a 
abandonner  l'ancienne  voie,  pour  suivre  une  autre  route 
allant  de  Salses  au  Perthus,  et  passant  par  la  nouvelle 


BO  niSTOIRB  DU   ROUSSILLON. 

ville.  Aussi,  dès  Tan  1196  il  est  parlé  du  pont  de  Perpi- 
gnan sur  la  Tet,  soit  qu'on  Tait  construit  pour  répondre 
à  la  nouvelle  direction  de  la  route,  soit  que  sa  construc- 
tion antérieure  ait  contribué  il  provoquer  cette  nouvelle 
direction  *.  Une  charte  de  966  indique,  qu'à  cette  épo- 
que, on  suivait  encore  l'ancienne  route,  qu'on  pratiquait 
aussi  en  1S07;  car  le  9  des  calendes  de  décembre  de 
cette  année,  Pierre  II  ordonne  aux  marchands  et  autres 
voyageurs  qui  suivaient  le  chemin  de  l'Écluse  pour  entrer 
en  Catalogne,  de  passer  désormais  avec  leurs  marchan- 
dises par  Collioure  et  Banyuls.  Ce  fut  encore  par  ce 
même  chemin,  qu'après  leur  capitulation,  en  1642,  les 
garnisons  espagnoles  de  Perpignan  et  de  Salses  furent 
renvoyées  a  Roses,  avec  armes  et  bagages. 

1  Eu  1196.  le  roi  d*Aragon  .   Alpboose  II .  en  fit  doo .  »iasi  que  de<  tcrraiof  voiiiaf , 
MI  Hospitalier,  à  charge  d'entretien. 


CHAPITRE  QUATRIÈME.  <!< 


CHAPITRE  IV. 


TROISIÈME  ÉPOQUE. 

Peu  de  temps  après  la  conquête  de  Narbonne ,  la  mo- 
narchie des  Gotbs  s'étendit  des  deux  côtés  des  Pyrénées. 
Le  Roussillon  se  trouva  presque  au  centre,  et  non  loin  de 
Toulouse,  sa  capitale.  On  sait  que  dans  les  premières  pro- 
vinces qui  leur  furent  cédées  par  les  Empereurs,  les  Yisi- 
goths,  plus  exigeants  que  les  autres  Barbares,  enlevèrent 
les  deux  tiers  de  leurs  terres  aux  anciens  habitants  :  ils 
n'étaient,' à  cette  époque,  qu'une  horde  de  pâtres  guerriers 
voulant  occuper  un  vaste  terrain  pour  y  vivre  a  l'aise  avec 
leurs  nombreux  troupeaux.  Mais  établis  depuis  quarante- 
trois  ans  dans  l'Aquitaine,  et  gouvernés  par  deé  princes 
habiles,  ils  y  avaient  formé  un  État  puissant.  Peut-être 
le  changement  effectué  dans  leur  oi^anisation  politique, 
leur  avait  inspiré  d'autres  maximes  de  conduite  à  l'égard 
des  peuples  de  la  Narbonnaise,  qu'ils  ne  possédèrent  défi- 
nitivement qu'en  462.  On  serait  tenté  de  le  croire,  en  4C2. 
voyant  les  habitants  de  cette  province  élevés  aux  premiers 
emplois,  même  au  ministère,  sous  le  règne  d'Euric.  Les 
détails  donnés  par  Sidoine  Apollinaire  sur  la  visite  qu'il 
fit  en   163  à  Cosence,  l'un  des  principaux  citoyens  de 


02  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

Narbonne^  semblent  prouver  que  cette  ville  n'avait  pas 
beaucoup  perdu  au  changement  de  domination.  Quoi  qu'il 
en  soit  de  cette  conjecture,  quelques  sacrifices  qu'aient  dû 
faire  les  habitants  de  cette  contrée,  leur  position  fut  plus 
supportable  que  dans  les  derniers  temps  de  la  domina- 
tion romaine.  Us  se  trouvèrent  délivrés  pour  toujours  des 
exactions  des  officiers  impériaux,  et  à  l'abri  des  ravages 
exercés  par  les  Barbares.  On  peut  voir  dans  Salvien  com- 
bien était  affreuse  la  condition  des  sujets  de  l'Empire  dans 
les  Gaules.  Un  gouvernement  tyrannique  sous  des  formes 
libérales,  était  sans  force  pour  protéger  un  peuple,  dont 
il  exigeait  avec  la  dernière  rigueur  des  impôts  accablants 
et  inégalement  répartis.  Ces  impôts  étaient  consentis  par 
une  assemblée  composée  de  fonctionnaires  et  de  notables, 
ayant  la  honteuse  adresse  de  ne  rien  payer  et  de  receler 
toute  la  charge  sur  leurs  malheureux  concitoyens.  H  n'était 
pas  rare  de  voir  des  habitants,  poursuivis  par  les  agrats 
du  fisc,  abandonner  leurs  biens  et  se  réfugier  chez  les 
Barbares,  où  les  attendait  un  esclavage  plus  supportable 
que  la  liberté  dont  ils  pouvaient  jouir  parmi  leurs  compa- 
triotes, sous  la  domination  romaine. 

Les  rois  Tbéodoric  et  Euric  profitèrent  des  circonstances 
malheureuses  où  se  trouvait  l'Empire,  pour  agrandir  leurs 
États,  tant  du  côté  des  Gaules  que  du  côté  de  l'Espagne. 
Ils  s'étendirent,  dans  le  premier  de  ces  pays,  jusqu'à  la 
Loire  et  au  Rhône.  Euric  passa  même  ce  fleuve,  et  s'em- 
para de  la  Provence.  Les  persécutions  de  ce  prince  arira 
contre  la  religion  catholique,  professée  par  les  Gaulois., 
les  aliéna  entièrement,  et  leur  inspira  contre  le  gouvefw 
nement  des  Visigoths  une  répugnance,  qui  contribua 
beaucoup  k  lui  faire  perdre  la  plupart  des  provinces  des 
.*so7.  Gaules,  lorsqu'Alaric ,  fils  et  successeur  d'Euric,  eut  ëlé 
vaincu  et  tué  par  Clovis,  à  la  fameuse  bataille  de  Vouillé. 


CHAPITRE   QUATRIÈME.  G3 

Tandis  que  le  Roi  franc ,  poursuivant  avec  chaleur  les 
débris  de  l'armée  défaite,  est  arrêté  par  la  forte  place  de 
Carcassonne,  où  les  Goths  avaienti^nfermé  tous  les  tré- 
sors de  la  Couronne,  la  division  se  met  parmi  les  vaincus  : 
les  uns  se  déclarent  pour  Amalaric ,  fils  légitime  du  der- 
nier Roi,  et  emmènent  cet  enfant  en  Espagne;  les  autres, 
proclament  Gesalic,  fils  naturel  d'Alaric.  Ce  nouveau  Roi 
cherche  à  justifier  le  choix  de  ses  partisans,  en  opposant 
quelque  résistance  aux  ennemis  de  sa  nation  ;  mais  vaincu 
par  Gondebaud,  roi  des  Bourguignons,  alliés  de.Clovis, 
il  est  obligé  de  fuir  au-delà  des  Pyrénées,  abandonnant 
au  vainqueur  Narbonne ,  qu'il  livre  au  pillage.  C'en  était 
fait  de  la  monarchie  des  Visigoths,  ou  du  moins  elle  eût 
perdu  pour  toujours  les  provinces  gauloises,  si  le  grand 
Thëodoric  n'eût  fait  marcher  à  soq  secours  une  armée 
d'Ostrogoths.  Ibas,  son  général,  arrache  aux  Francs  et 
aux  Bourguignons  la  Provence ,  qui  fut  annexée  au  royau- 
me d'Italie,  et  les  pays  entre  le  Rhône  et  les  Pyrénées, 
qui,  avec  l'Espagne,  lorsque  Gesalic  en  eût  été  chassé, 
forent  gouvernés  par  Théodoric,  aïeul  maternel  du  jeune 
Amalaric.  Obligé  de  fuir  de  l'Espagne,  Gesalic  se  réfugia 
en  Afrique,  chez  les  Vandales.  Ayant  reçu  quelque  argent 
de  leur  Roi,  il  rentre  dans  les  Gaules,  Parvenu  à  y  lever 
une  armée ,  il  traverse  le  Roussillon  et  pénètre  jusqu'à 
quatre  lieues  de  Barcelone ,  où  il  est  défait  par  les  gé- 
néraux de  Théodoric.  Échappé  de  ce  combat,  il  repasse 
les  Pyrénées  ;  mais  poursuivi  chaudement  par  un  gros  de 
cavalerie,  il  est  atteint  et  tué  au-delà  de  la  Durance. 

Délivré  de  ce  rival,  le  petit-fils  de  Théodoric  régna  sur 
les  Visigoths.  Après  la  mort  de  son  grand-père,  arrivée 
en  526,  il  resta  maître,  par  le  traité  qu'il  fit  avec  son        52c. 
cousin  Athalaric,  de  la  partie  de  la  Narbonnaise  soumise 
aux  Goths  sur  la  rive  droite  du  Rhône.  Le  nom  de  Sep- 


r»i  HI.^TOIRE  DU   ROUSSILLON. 

timanie,  qui  parait  avoir  été  donné  primilrvenient  a  un 
pays  plus  étendu ,  fut  alors  exclusivement  affecté  à  cette 
contrée,  que  l'on  noAma  aussi  Gaule-Gothique.  Amalaric 
fixa  sa  résidence  à  Narbonne.  Les  mauvais  traitements 
qu'il  faisait  éprouver  à  Clotilde,  sa  femme,  fille  de  Clovis, 
irritèrent  Childebert,  frère  de  cette  princesse.  Le  Roi  franc 

531  •  pénètre  dans  la  Septimanie,  en  551 ,  bat  Amalaric,  prend  et 
pille  Narbonne,  avec  plusieurs  autres  places,  emmène  sa 
sœur,  et  fmit  par  abandonner  un  pays  qu'il  avait  dévasté. 
Ces  désastres  engagèrent  Theudis,  successeur  d'Amalaric, 
à  transporter  au-delà  des  Pyrénées  le  siège  de  la  monarchie, 
en  laissant  dans  la  Septimanie  un  Gouverneur,  chargé  de 
la  défendre  contre  les  entreprises  des  princes  français. 
Théodcbert,  l'un  d'eux,  réussit,  en  335,  k  enlever  quel- 
ques places  aux  Goths.  L'an  «%7,  Liuva,  gouverneur 
de  la  Septimanie,  fut  proclamé  Roi,  a  Narbonne,  et  y  fixa 
son  séjour.  Un  ou  deux  ans  après,  s'étant  associé  son 
frère  I^ovigilde,  il  lui  abandonna  l'Espagne,  ne  se  réser- 
vant que  la  (laule-Gothique,  qui  fut  de  nouveau  réunie  a 
la  monarchie  par  sa  mort ,  arrivée  en  o7â.  (^est  sous  le  ^ 
règne  de  Liuva  qu'on  trouve  le  premier  Êvéque  d'Elne, 
dont  l'existence  soit  bien  prouvée.  Il  s'appelait  DonnM, 
et  jouissait  d'une  grande  réputation  de  science  sacrée  et 

56S.  de  sainteté  :  il  occupa  ce  siège  de  l'an  o(>8  h  l'an  580. 
On  ignore  l'époque  de  l'érection  de  cet  évéché;  mais  on 
est  certain  qu'il  n'existait  pas  en  506,  puisque  le  nom  de 
l'Évéque  d'Elne  ne  se  trouve  pas  sur  l'état  des  Pères  du 
Concile,  tenu  à  Agde  cette  année.  Concile  où  tous  les 
Évéques  des  provinces  gothiques  en-de^*a  des  Pyrénées 
assistèrent  en  personne  ou  par  députés. 

Les  Rois  francs  convoitaient  toujours  la  Septimanie. 
En  5S8,  Contran  lit  un  armement  considérable  pour  8*en 
emparer;  mais  le  duc  Claude,  général  de  Rerarède,  aj*ant 


CHAPITRE  QUATRIÈME.  65 

marché  contre  l'armée  française  qui  venait  de  prendre 
Carcassonne,  la  défit  et  reprit  la  ville,  qui  n'était  pas 
éloignée  du  champ  de  bataille  :  les  Visigoths  restèrent 
maîtres  de  la  province,  contre  laquelle  les  Français  ne 
firent  plus  que  des  tentatives  insignifiantes.  Peu  après  cette 
victoire,  Recarède,  renonçant  à  l'arianisme,  entraîna  dans 
sa  conversion  la  grande  majorité  de  ses  compatriotes  :  il 
déclara  son  changement  le  8  mars  589 ,  dans  le  troisième        5^^* 
Concile  de  Tolède,  où  soixante-quatre  évéques  assistèrent  en 
personne  et  huit  par  députés.  Cette  révolution  religieuse  ne 
s'opéra  pas,  cependant,  sans  éprouver  quelque  résistance  : 
l'Évéque  arien  Âutalacus,  qui  résidait  à  Narbonne,  secondé 
par  deux  Comtes  de  la  même  secte,  y  excita  une  sédition, 
dans  laquelle  un  grand  nombre  d'ecclésiastiques  et  de 
moines  catholiques  furent  massacrés.  On  y  envoya  des 
troupes  qui  la  comprimèrent  :  les  deux  Comtes  et  leurs 
principaux  partisans  furent  condamnés  k  mort;  l'Évéque 
arien ,  épargné  à  raison  de  son  caractère ,  mourut  de  cha-* 
grin.  Le  1^^  novembre  de  la  même  année,  les  Évéques  de 
la  Gaule-Gothique  s'assemblèrent  à  Narbonne  ;  Bénénatus 
d'Elue  assista  à  ce  Concile.  Quelques-uns  des  quinze  ca- 
nons qu'on  y  arrêta  n'étaient  que  la  répétition  de  ceux  faits 
précédemment  à  Tolède.  Nous  citerons  les  quatre  suivants, 
parce  qu'ils  font  connaître  les  mœurs  et  l'état  du  pays  : 
«  Tout  individu ,  dit  l'un  de  ces  canons,  qu'il  soit  Goth, 
Romain,  Syrien,  Grec  ou  Juif,  s'abstiendra  de  tout  travail  le 
dimanche,  sous  peine  de  six  deniers  d'or  d'amende  s'il  est 
Ubre,  de  cent  coups  de  fouet  s'il  est  esclave  ;  il  est  défendu, 
par  un  autre  canon,  d'ordonner  prêtre  ou  diacre  un  homme 
qui  ne  sait  pas  lire  :  un  troisième  défend  de  consulter  les 
devins;  ceux  qui  se  disent  tels  seront  fustigés  et  vendus;  le 
prix  sera  distribué  aux  pauvres  :  il  est  défendu  par  un  qua- 
trième canon  de  fêter  le  jeudi  comme  consacré  à  Jupiter.  » 


5 


(>Vi  HISTOIRE   Dr   ROUSSILLON. 

Sisenand ,  gouverneur  de  la  Gaule-Gothique,  traversa  le 
csi  Roussillon,  en  651 ,  pour  aller  en  Espagne,  où  rappelait  on 

parti  nombreux;  un  gros  corps  de  Français  renforçait  son 
armée;  et,  avec  l'aide  de  ces  auxiliaires,  il  réussit  à  détrôner 
Suintila,  et  à  se  mettre  à  sa  place.  Depuis  cet  événement 
jusqu'à  l'élection  de  Vamba,  en  672,  la  Narbonnaise  fut 
assez  tranquille.  Ce  bon  prince  avait  accepté  avec  la  plus 
grande  répugnance  une  couronne  qu'il  considérait  en  sage, 
plutôt  qu'en  ambitieux.  Â  peine  vient-il  d'être  élu,  que  les 
Navarrais  et  les  Âsturiens  se  soulèvent;  il  marche  contre 
eux.  Hilderic,  comte  de  Nîmes,  profite  de  cette  occasion 
()Our  chercher  à  se  rendre  indépendant.  Varoba  détache, 
pour  le  mettre  à  la  raison ,  une  partie  de  son  armée,  sous 
les  ordres  du  duc  Paul.  Celui-ci  séduit  les  troupes  qui  lui 
sont  confiées;  attire  à  son  parti  Hilderic,  qu'il  devait  com- 
battre, et  se  fait  proclamer  Roi  à  Narbonne.  Une  partie  de 
la  Tarraconaise  et  toute  la  Septimanie  se  rangent  sous  ses 
lois;  un  corps  nombreux  de  Francs  et  d'Allemands  mardbe 

• 

sous  ses  drapeaux.  Ces  défections  ne  découragent  pas  le  Ro* 
légitime  :  il  soumet  les  Navarrais  en  sept  jours  ;  publie  le 
ban  qui  obligeait  tous  les  Goths,  sans  exception,  à  joindre 
l'armée  royale;  embarque  une  partie  de  ses  troupes,  les 
envoie  sur  les  côtes  de  la  Tarraconaise,  et  attaque  en  même 
temps  ce  pays  par  terre.  Barcelone  et  Girone  lui  ouvrent 
leurs  portes.  A  cette  nouvelle,  Paul  qui  avait  poussé  l'in- 
solence jusqu'à  défier  son  Roi  par  une  lettre  injurieuse, 
s'enfuit  à  Narbonne,  après  avoir  confié  la  défense  des  Py- 
rénées à  ses  plus  dévoués  partisans.  Léofred  et  Guideigilde 
devaient  garder  Collioure  ;  le  duc  Ranoscinde  et  le  gir- 
dingue  Hildigisus  défendaient  l'Écluse  ( Clausuras )  ;  un 
autre  capitaine  était  placé  au  chiteau  d'Oltréra  ^ruttmti- 
ria)  ;  l'Évêque  Hyacinthus  et  Arangiscle  gardaient  Livia; 
le  duc  Vittimir  s'était  jeté  dans  Sardonia.  Vamba,  arrive 


CHAPITRE  QUATRIÈME.  67 

aux  Pyrénées,  donne  deux  jours  de  repos  à  ses  troupes; 
attaque  et  prend  toutes  ces  places  avant  qu'elles  aient  pu 
recevoir  les  secours  envoyés  par  le  duc  Paul.  De  tous  les 
gouverneurs  établis  par  celui-ci,  Vittimir  seul  réussit  à 
s'échapper  et  a  le  rejoindre  à  Narbonne,  qu'il  fut  chargé 
de  défendre.  Paul  etHilderic  s'enferment  dans  Nîmes  avec 
les  troupes  étrangères.  Les  forces  de  Vamba  se  réunissent 
autour  de  Narbonne  ;  il  attaque  et  emporte  d'assaut  cette 
\ille,  après  un  combat  de  trois  heures.  Vittimir  se  réfugie 
dans  une  église,  où  il  cherche  à  résister  ;  mais  étant  blessé 
et  pris,  il  est  sur  le  champ  battu  de  verges,  ainsi  que  ses 
principaux  officiers.  Les  Goths  marchent  sur  Nimes,  et  sont 
repoussés  avec  une  perte  considérable  dans  un  premier 
assaut;  mais  ayant  reçu  un  renfort,  ils  attaquent  de  nou- 
veau, et  un  combat  sanglant  les  rend  maîtres  de  la  place. 
Paul ,  Hilderic ,  les  Français,  les  Allemands,  tout  tombe 
au  pouvoir  de  Vamba,  qui,  k  la  prière  de  l'Archevêque 
de  Narbonne,  fait  grâce  de  la  vie  aux  deux  rebelles.  Il 
congédie  honorablement  les  troupes  étrangères,  et  défait, 
en  se  retirant,  un  Duc  français ,  nommé  Loup,  qui  était 
venu  ravager  les  environs  de  Béziers.  Après  cette  expédi- 
tion, il  s'arrête  deux  jours  a  Elne,  et  divise  son  armée  en 
trois  colonnes  pour  lui  faire  repasser  les  Pyrénées,  par 
les  vallées  de  la  Tet,  du  Tech  et  l'antique  voie  romaine, 
comme  nous  l'avons  dit  dans  le  chapitre  précédent.  Le  récit 
de  cette  expédition,  écrit  par  un  témoin  oculaire,  Julien, 
Archevêque  de  Tolède,  fait  mention  de  plusieurs  villes  ou 
châteaux  qui  existent  encore  ou  dont  on  voit  les  ruines  :  il 
ne  parle  point  de  Ruscinp  qui,  sans  doute,  ne  s'était  pas  re- 
levé des  malheurs  éprouvés  lors  du  passage  des  Vandales. 
Trois  ans  après  la  défaite  du  comte  Paul ,  Vamba  s'oc- 
cupa de  fixer  les  limites  incertaines  des  divers  Diocèses 
de  son  royaume.  Cette  incertitude  occasionnait  entre  les 


r>8  HISTOIRE   Dt    ROUSSILLON. 

Kvéqucs  des  discussions  interminables,  et  d'autant  plus 
fâcheuses,  que  ces  Prélats,  choisis  souvent  parmi  les 
nobles  Visigoths,  n'avaient  point  dépouillé  toute  la  ru- 
desse originaire  de  ce  peuple.  Je  ne  sais  si  cette  délimi- 
tation produisit  alors  tous  les  eiïets  qu'en  attendait  ce. bon 
Roi  ;  mais  telle  que  nous  la  connaissons,  et  que  je  vais  la 
rapporter  pour  la  Septimanie ,  d'après  Duchesne ,  elle  ne 
parait  guère  avoir  pu  mettre  un  terme  aux  contestations. 
Il  était  naturel  de  donner  ici  la  composition  des  Evéebés 
suflragants  de  l'Archevêché  de  Narbonne;  mais  le  plus  grand 
nombre  des  lieux  indiqués  ci-dessous  en  latin  est  tout-à-fait 
inconnu,  etil  parait  même  que  la  réalité  de  la  délinaitation  est 
contestée  * .  D'après  cette  délimitation,  les  Diocèses  d'Enc  et 
de  Carcassonne  étaient  limitrophes  ;  dans  la  suite,  ils  ont 
été  séparés  par  celui  de  Narbonne.  Nous  observerons  aussi 
en  passant  que  le  nom  de  Rocinola,  l'une  des  limites  du 
Diocèse  d'Elne,  a  quelques  rapports  avec  ceux  de  Ruscino 
et  de  liosciliona,  que  portent  les  chartes  du  i\<^  siècle.  Dans 
687.  l'intenalie  écoulé  entre  les  années  687  et  694,  la  Septi- 
manie fut  désolée  par  les  incursions  des  Français  et  par  la 
peste,  qui  y  exerça  de  si  grands  ravages,  que  le  roi  Egitza, 
proposant  au  septième  Concile  de  Tolède  un  règlement  très 
sévère  contre  les  Juifs,  pria  l'assemblée  d'en  excepter  ceux 
de  la  Septimanie,  alin  que,  par  les  tributs  qu^ils  payaient» 
ils  aidassent  le  Gouvernement,  et  contribuassent  par  leur 
industrie  à  rétablir  la  province  des  malheurs  que  venaient  de 
lui  faire  éprouver  les  deux  fléaux  de  la  guerre  et  de  la  peste. 

1  Narbcnm  Metropoli  tukjaeennt  hâr  Stdti 
BUteris  JUrc  ttntût  de  Slaleth  uêpu  Barctmatui.  ie  Mûcût  usqut  lUUfêem 
Agathû  hac  lenett  ie  N%ua  uêqiui  Bibtram,  et  dAllaê  usquf  Mirlam 
Magûlùna  hœe  tentât  et  Susa  utqut  Ribo§tu.  et  CûsttU0  Millia  uê^ut  Anforûm 
NtmauMO  hitc  tentât  dt  Butm  utqnt  An§0ram.  de  CéêttUo  u$qut  SëwMsm 
Lutebé  httc  tentât  dt  Sûmk\a  mçu^  Htbatal,  de  An^er  usqut  ad  ntontem  lhi|W« 
fjirrationn  h(gc  ttntat  dt  monte  /hi#o  ui^fve  Anferûm,  de  Angorm  utfue  MmMim 
HlntL  herc  tenesi  de  An§era  %»que  RociDolan.  de  Uiteroea  nêfue  Utwuuam. 


CHAPITRE  QUATRIÈME.  6î> 

La  monarchie  des  Goths  s'affaiblissait  tous  les  jours^ 
malgré  les  talents  et  les  vertus.de  quelques-uns  de  ses 
Rois.  On  doit  attribuer  cette  décadence  aux  empiétements 
successifs  des  Grands  et  des  Évêques  sur  Tautorîté  royale, 
et  surtout  aux  catastrophes  fréquentes,  qui,  faisant  passer 
le  sceptre  d'un  prince  à  un  autre,  entretenaient  toujours 
deux  partis  dans  l'État,  celui  du  nouveau  Roi  et  celui  du 
Souverain  détrôné.  Les  Goths,  pleins  de  mépris  pour  les 
Romains ,  dont  ils  différaient  par  la  religion ,  la  langue 
et  les  mœurs,  restèrent  pendant  deux  siècles  entièrement 
isolés  des  habitants  Gaulois  ou  Espagnols  des  pays  qu'ils 
avaient  arrachés  à  l'Empire.  Ils  les  laissèrent  vivre  suivant 
les  lois  romaines,  gardant  pour  eux-mêmes  celles  qui  les 
avaient  régis  de  tout  temps.  Pasteurs  et  guerriers,  ils  se 
réservèrent  exclusivement  le  métier  des  armes,  aban- 
donnant les  arts  et  l'agriculture  aux  peuples  conquis. 
Ariens  fanatiques,  ils  persécutèrent  quelquefois  les  ca- 
tholiques, mais  sans  un  projet  suivi  de  détruire  leur 
religion.  La  couronne,  d'abord  héréditaire  dans  la  mai- 
son d'Alaric,  devint  élective  lors  de  la  mort  d'Amalaric, 
le  dernier  prince  de  cette  race.  Les  premiers  Rois  élus 
périrent  misérablement.  Recarède  I^^  rendit  héréditaires, 
mais  en  réduisant  faiblement  leur  pouvoir,  les  premières 
charges  de  l'État.  La  puissance  des  Grands  n'avait  point 
empêché  le  despotisme  des  Rois;  mais  devenus  catho- 
liques  et  réunis  aux  Evêques ,  pris  souvent  parmi  eux , 
les  seigneurs  formèrent  au  moyen  des  Conciles,  où  l'on 
traitait  des  affaires  de  l'État  après  avoir  réglé  celles  de 
l'Église,  un  pouvoir  bien  supérieur  h  celui  des  Souve- 
rains, qu'ils  élisaient  ou  déposaient  à  leur  gré.  Les  vertus 
et  le  génie  des  meilleurs  Monarques  ne  purent  remédier  à 
des  maux  qu'aggravaient  toujours  les  vices  et  les  défauts 
des  mauvais  princes.  Enfin,  Vitiza,  U)  plus  méchanl  d(> 


70  HISTOIRE  DU   ROLSSILLOX. 

tous,  porta,  durant  un  règne  de  dix  ans,  les  derniers 
eoups  à  sa  patrie  par  sa  cruauté,  son  extravagance  et  ses 
crimes.  Favorisant  les  dérèglements  du  clergé,  la  mollesse 
des  gens  de  guerre,  pour  n'avoir  rien  à  craindre  ni  des  uns 
ni  des  autres;  détruisant  les  places  fortes  et  les  magasins 
d'armes,  pour  qu'on  ne  pût  s'en  senir  contre  lui  ;  ennemi 
des  gens  de  bien,  s'entourant  des  plus  mauvais  citoyens, 
il  corrompit  les  mœurs  de  la  nation  et  détruisit  tout  esprit 
public.  On  ne  doit  pas  s'étonner  qu'après  un  tel  r^e, 
quelques  milliers  de  Sarrasins,  débarqués  à  l'extrémité  de 
la  Péninsule,  aient  suffi  pour  renverser  en  moins  de  deux 
ans  un  État  sapé  depuis  long-temps,  et  qui  venait  de  re- 
cevoir de  si  rudes  atteintes. 

LorsquQ  les  Goths  se  (ixèrent  en  Espagne  et  dans  la 
Narbonnaise,  ces  provinces  étaient  toutes  romaines  sous 
le  rapport  de  la  langue,  des  lois,  des  institutions  et  des 
mœurs.  Les  nouveaux  venus,  bien  moins  civilisés  que  les 
anciens  habitants,  adoptèrent  les  poids,  les  mesures,  les 
monnaies  qu'ils  trouvèrent  établis.  On  n'en  doit  pas  élre 
surpris:  toutes  ces  institutions  tiennent  beaucoup  à  la 
pratique  des  arts  et  du  commerce ,  qu'ils  avaient  aban- 
donnée aux  Espagnols  et  aux  Gaulois.  Le  sol  d'or  et  les 
diverses  parties  de  cette  monnaie,  déjà  usitée  sous  Cons- 
tantin, et  valant  environ  1 4  francs  22  centimes,  continua 
à  avoir  cours.  I/adoption  par  les  vainqueurs  de  la  religion 
des  vaincus  contribua  iniiuiment  k  ne  former  des  uns  ci 
des  autres  qu'un  seul  et  même  peuple.  Dans  cet  amal- 
game, la  langue  latine,  plus  parfaite  que  celle  des  Gotlis, 
et  par  constH]uent  plus  propre  à  exprimer  toutes  les  idées, 
obtint  la  pn^férence ,  mais  en  empruntant  à  sa  rivale  des 
mots  et  des  constructions  qui  ne  st^r\irent  qu*à  la  cor- 
rompre. Il  parait,  au  contraire,  que  la  loi  gothique  fut 
préférée  îi  la  loi  roniaini*.  Vers  Tan  170,  Kurie,  Hoi  des 


CUAPITUE   QUATRIËUE.  71 

Goths,  avait  fait  recueillir  les  anciennes  lois  de  ce  peuple, 
ainsi  que  celles  qui  avaient  été  promulguées  par  lui  ou  par 
ses  prédécesseurs  (Voyez  Sidoine,  Isidore,  Ferreras). 
Son  fils  Alaric  fit  composer  un  abrégé  (BreviariumJ  du 
Code  Théodosien  par  le  jurisconsulte  Anien.  C'est  d'après 
ce  Breviarium,  rédigé  en  S06,  que  devaient  être  jugés  ^^6. 
ceux  de  ses  sujets  qui  suivaient  la  loi  romaine.  Vers  le 
milieu  du  vu^  siècle,  ces  deux  recueils,  fondus  en  un  seul 
par  Tordre  de  Cbindasuinthe,  formèrent  la  loi  visigothique, 
qu'il  imposa  k  tous  ses  sujets,  Romains  ou  Barbares. 

Noos  ne  croyons  pas  hors  de  propos,  en  terminant  ce 
chapitre,  d'examiner  si  les  Goths,  qui  ont  été  maîtres  du 
Roussiilon  pendant  près  de  trois  siècles,  y  ont  laissé 
quelques  traces  de  leur  existence.   Nous  ne  pouvons  en 
douter  en  ce  qui  concerne  les  lois,  les  usages  et  les 
mœurs.  La  suite  de  cette  histoire  en  fournira  la  preuve. 
Occupons -nous  seulement  ici  des  constructions  encore 
existantes  ou  ruinées  qui  peuvent  avoir  été  leur  ouvrage. 
Nous  avons  dit,  dans  le  chapitre  précédent,  que  le  pont 
de  Céret  doit  leur  être  attribué,  s'il  n'a  pas  été  construit 
peu  de  temps  avant  leur  établissement  dans  ce  pays. 
Nous  n'en  dirons  pas  autant  de  la  Villa  Gothoinim  des 
chartes  du  moyen-àge,  connue  aussi  sous  le  nom  de 
Malleolus  ou  Mailloles,  parce  qu'il  est  fort  incertain  qu'elle 
ait  jamais  été  une  maison  de  campagne  des  rois  Goths. 
Il  est  bien  plus  vraisemblable  qu'elle  dut  son  nom  à  ce 
qu'elle  fut  habitée  par  quelques-uns  de  ces  Goths,  qui, 
fuyant  la  tyrannie  des  Infidèles,  vinrent,  sous  les  règnes 
de  Charlemagne  et  de  son  fils,  se  réfugier  dans  la  Septi- 
manie.  Les  misérables  restes  que  nous  avons  été  à  même 
d'y  observer,  il  y  a  cinquante  ans,  n'indiquent  aucune 
construction  importante.  Il  n'en  est  pas  de  même  des 
châteaux  de  ViUluraria  el  Clausuras,  aujourd'hui  OItréra 


72  niSTOlRB  DU  ROUSSILLO?(. 

et  l'Écluse,  dont  parle  Julien.  Leurs  ruines  ne  peuvent 
nous  faire  distinguer  s'ils  furent  l'ouvrage  des  Romains 
ou  celui  des  Goths  ;  car  ceux-ci,  dans  les  premiers  temps 
de  leur  établissement,  employant  toujours  des  architectes 
et  des  ouvriers  formés  k  l'école  des  Romains,  leur  ma- 
nière de  construire  ne  peut  essentiellement  différer  de 
celle  usitée  lors  de  la  décadence  de  l'Empire.  Pour  dé- 
cider la  question  de  l'origine  romaine  ou  gothique  de  ces 
forts,  nous  devons  avoir  recours  aux  conjectures  tirées 
des  faits  historiques  venus  a  notre  connaissance.  Nous 
savons  que  durant  les  cinq  siècles  écoulés  entre  l'irrup- 
tion des  Cimbres  en  Espagne,  et  la  première  tentative 
faite  par  les  Alains,  Suèves  et  Vandales  pour  y  pénétrer, 
les  passages  de  nos  Pyrénées,  où  l'on  voit  les  ruines  de 
ces  châteaux,  ont  été  sept  fois  franchis,  forcés  ou  dé- 
fendus avec  succès  par  des  armées.  Dans  aucune  relation 
des  historiens  grecs  ou  latins  on  ne  parle  de  ces  forts, 
ce  qui  serait  extraordinaire  s'ils  eussent  déjk  existé.  Ils 
nous  représentent  seulement  les  passages  comme  des 
positions  importantes.  César  les  désigne  sous  le  nom  de 
Salins  Pyrenams,  en  racontant  leur  occupation  par  les 
troupes  d^Affranius,  qu'il  en  fit  chasser  par  Fabius  it  la 
tète  de  trois  légions.  Orose ,  en  parlant  de  la  défense  de 
ces  passages  par  Didyme  et  Vérinien ,  les  appelle  daustra. 
Or,  ces  mots  de  saltm  et  de  claustra  signiflent  des  défilés 
dans  les  montagnes.  Au  contraire,  k  la  première  occasion 
où  il  est  question  dans  l'histoire  des  Goths,  d'une  opé- 
ration militaire  tendant  k  forcer  les  passages  des  Pyré- 
nées, on  fait  mention  de  VuUuraria,  de  Claustiras  et  de 
plusieurs  autres  forts.  Cette  considération  me  porte  à 
croire  qu'ils  ont  été  b&tis  par  les  Goths  pour  la  défense 
des  Pyrénées  contre  les  Francs,  que  les  conquêtes  de 
Clovis  avaient  extrêmement  rapprochés  de  ces  montagnes. 


CHAPITRE  CINQDIÈME.  73 


CHAPITRE  V. 


QDATRIÈIIE  ÉPOQUE. 

\l^\Xa\ONS  DE.S  S\KK\S\NS. 

A  peine  solidement  établis  en  Afrique,  les  Arabes  con- 
voitaient l'Espagne.  Mousa,  lieutenant  du  Calife,  avait  déjà 
reconnu  la  faiblesse  réelle  de  la  monarchie  des  Goths  :  il 
comptait  sur  les  Juifs,  toujours  ennemis  des  Chrétiens; 
sur  les  partisans  de  Yitiza ,  détrdné  depuis  peu  par  Ro- 
drigue. En  711,  Tarik,  envoyé  par  Mousa,  descend  aux  744. 
environs  d'Algéziras  à  la  tête  de  12.000  hommes.  Les 
Arabes  n'éprouvent  qu'une  faible  résistance;  poussent 
jusqu'à  la  Guadiana,  et  s'emparent  de  Séville.  Ils  durent 
la  rapidité  de  leurs  conquêtes  aux  factions  qui  divisaient 
les  Chrétiens,  aux  trahisons  qui  en  furent  la  suite,  et 
peut-être  aussi  à  la  conduite  qu'ils  tinrent  envers  les 
habitants.  La  mort  ou  la  servitude  étaient  le  partage  des 
vaincus  pris  les  armes  à  la  main.  Ceux  qui  se  soumet- 
taient sans  combattre  conservaient  leur  religion,  leurs 
lois,  leurs  biens,  moyennant  le  tribut  du  dixième  de 
leurs  revenus,  tel  qu'ils  le  payaient  autrefois  k  leurs 
Rois  ;  mais  ce  tribut  fut  doublé  dans  la  suite  et  porté  au 
cinquième.  On  accordait  même  quelquefois  des  condi- 
tions plus  avanlageuses  à  ceux  qui  traitaient  après  s'être 


/ 


74  HISTOIRK   DU   R0USS1U.0?(. 

vaillaïuDient  défendus.  Les  Goths  qui,  n'ayant  pas  voulu 
courber  la  tête  sous  le  joug  des  Infldèles,  furent  assez 
heureux  pour  échapper  à  la  mort  ou  à  Tesclavage,  se 
réfugièrent  dans  les  montagnes  des  Asturies  ou  derrière 
les  Pyrénées.  Les  premiers,  se  réunissant  bientôt  sous 
les  drapeaux  de  Pelage,  opposent  une  noble  résistance 
aux  efforts  des  Sarrasins,  qui,  Urompés  peut-être  par 
leur  faiblesse  apparente,  les  négligèrent  d'abord  pour 
tourner  leurs  armes  contre  les  seconds,  que  le  voisinage 
de  la  France,  dont  ils  pouvaient  recevoir  des  secours, 
leur  faisait  paraître  plus  dangereux.  Si  Ton  en  croit  les 
auteurs  arabes,  avant  même  714,  Mousa  fit  une  incursion 
718.  jusqu'à  Narbonne.  L'expédition  des  Musulmans,  en  718, 
est  plus  certaine.  Al-Haour,  leur  général,  franchit  les  Py- 
rénées ;  et ,  traversant  le  Roussillon ,  il  s'étendit  jusqu'à 
Nimes.  Rappelé  en  Espagne  par  les  mouvements  qui 
eurent  lieu  dans  les  Asturies,  il  n'est  pas  probable  qu'il  ait 
consené  des  pays  conquis  où  il  n'avait  pas  eu  le  temps 
de  s'affermir  ;  mais,  en  se  retirant,  il  emmena  captifs  une 
multitude  de  femmes  et  d'enfants.  En  721,  Al-Samab  (le 
Zama  de  nos  chroniques)  entre  dans  la  Gaule-Gothique 
par  le  Roussillon,  prend  et  fortifie  Narbonne,  et  met  le 
siège  devant  Toulouse.  Battu  sous  les  murs  de  cette  ville 
par  Eudes,  duc  d'Aquitaine,  il  perd  la  vie  et  la  plus  grande 
partie  de  son  armée.  Son  lieutenant,  Abdel-Rhamau  en 
ramena  les  triâtes  débris  à  Narbonne.  Celui-ci ,  nommé 
Émir,  était  occupé  à  contenir  les  Chrétiens  de  la  Nar- 
bonnaise,  a  étouffer  la  révolte  de  ceux  (|ui  habitaient  les 
Pyrénées ,  lors<|u*au  bout  de  ({uelques  mois  il  fut  rem- 
placé. Taudis  qu'Ambiza,  son  successeur,  ne  songe  qu'à 
régler  les  affaires  intérieures  de  TEspague,  toute  la  Gaule- 
Gotliique,  à  l'exception  de  la  capitale,  se  soulève;  le 
nouvel  Emir  y  cnvoir,  on  Ttii,  une  armée  qui  met  tout 


CHAPITRE  CINQUIÈME.  75 

a  feu  e(  k  saog,  massacre  les  hommes,  réduit  eu  captivité 
les  femmes  et  les  enfants.  Ambiza  y  passe  lui-même  Tan- 
née suivante;  prend  d'assaut  Carcassonne,  qu'il  livre  à 
la  fureur  du  soldat.  Intimidées  par  cet  exemple,  toutes 
les  villes,  depuis  Alby  et  Cahors,  jusqu'au-delà  du  Rhône, 
font  leur  soumission.  Les  Musulmans,  ne  pouvant  laisser 
partout  des  garnisons,  se  contentent  de  prendre  des  ota- 
ges, qu'ils  envoient  k  Barcelone.  L'expédition  d'Ambiza 
ne  finit  pas  aussi  heureusement  qu'elle  avait  commencé. 
Battu  par  le  duc  Eudes,  il  périt  au  mois  d'avril  ou  de 
mai  725,  des  suites  des  blessures  reçues  dans  le  combat. 
Hodeira,  son  lieutenant,  ramena  l'armée  en  Espagne.  Il 
est  assez  probable  que  les  places  où  il  ne  laissa  pas  de 
garnison  secouèrent  le  joug.  Aussi ,  dans  les  incursions 
que  les  Sarrasins  firent  jusqu'en  729  pour  les  soumettre,  '^^^* 
ils  commirent  partout  les  plus  affreux  ravages. 

Pendant  les  quatre  dernières  années,  Othman-Abu- 
Neza-al-Chemi,  après  avoir  été  Émir  de  toute  l'Espagne, 
n'était  alors  que  le  gouverneur  des  provinces  situées  en 
deçà  de  l'Èbre.  Le  duc  Eudes,  qui  avait  souvent  com- 
battu contre  ce  vaillant  capitaine,  crut  qu'en  lui  donnant 
en  mariage  sa  fille  Lampagie,  que  ce  Musulman  avait  fait 
prisonnière  * ,  et  contractant  avec  lui  une  étroite  alliance^ 
il  afiDranchirait  ses  États  des  invasions  des  Arabes.  Sa  poli- 
tique fîit  cruellement  trompée.  Cette  alliance  donna  lieu, 
au  contraire,  k  la  plus  terrible  des  invasions.  Abdel- 
Rhaman ,  nommé  nouvellement  Émir  et  gouverneur  d'Es- 
pagne, rassemblait  une  armée  formidable  du  côté  des 
Pyrénées.  Irrité  contre  Othman,  qui  refusait  de  rompre 
une  trêve  faite  a  son  insu  avec  les  Chrétiens,  il  envoya 

t  J'ai  suivi  le  récit  de  Condé.  d'après  les  Arabes,  plutôt  que  celui  d'Isidore  de  Bcgn. 
paire  qu'il  m'a  paru  pins  probable  qu'Eudes  mariât  sa  fille,  dOjà  prisonni^e,  h  un  do.< 
(<hotipaux  chefs  l^a^a^ius ,  <|iic  voloiilaircuieot  el  à  un  simple  gouverneur  de  la  C^niai^uc'. 


76  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

un  corps  de  troupes  pour  s'emparer  de  lui  dans  le  châ- 
teau qu'il  habitait  sur  la  frontière,  au  milieu  des  monta- 
gnes. I^  nom  d'Albàb,  donné  par  les  historiens  arabes 
k  ce  château,  signiOe  port  ou  porte,  et  peut  convenir  k 
divers  passages  des  Pyrénées.  Les  uns  veulent  que  ce 
soit  Puycerda,  d'autres  Livia.  Or,  la  première  de  ces  villes 
n'existait  pas  encore  (Voir  Fossa).  Ce  ne  peut  donc  être 
que  la  seconde,  d'origine  romaine.  Surpris  par  les  trou- 
pes de  l'Émir  Othman  fuyait  à  travers  les  montagnes , 
avec  une  épouse  adorée  et  un  petit  nombre  de  serviteurs. 
Voulant  lui  procurer  quelque  repos,  et  épuisé  lui-même 
de  fatigue,  il  s'arrête  auprès  d'une  fontaine,  dans  un  frais 
vallon,  où  il  se  croyait  en  sûreté.  Atteint  par  Gedhi,  chef 
de  l'expédition,  abandonné  des  siens,  Othman  combat  seul 
avec  le  courage  du  désespoir,  et  tombe  percé  de  coups  aux 
pieds  de  la  belle  et  infortunée  Lampagie,  qui,  au  mépris 
de  sa  naissance  royale,  fut  envoyée  au  harem  du  Calife 
7S3.  de  Damas.  Bientôt  après,  en  752,  les  Sarrasins  inondent 
l'Aquitaine,  la  Septimanie,  et  marchent  sur  Bordeaux , 
qu'ils  prennent.  Ils  y  détruisent  les  églises,  et  massacrent 
une  partie  des  habitants;  ils  battent  le  duc  Eudes,  qui 
les  attendait  sur  la  Dordognc,  et  s'avancent  jusqu'à  Tours, 
pillant  et  dévastant  tout  le  pays  sur  leur  route.  Cette  ville 
fut  le  terme  de  leurs  succès.  Gorgés  de  butin,  embarrassés 
d'équipages,  ils  sont  attaqués  et  battus  par  les  troupes 
de  Charles-Martel ,  auxquelles  s'étaient  réunis  les  débris 
de  l'armée  d'Aquitaine.  Abdel-Bhaman  est  tué;  les  tristes 
restes  de  sa  formidable  armée  sont  poursuivis  jusqu'à  Nar- 
bonne,  qui  résista  au  vainqueur.  Plusieurs  places  de  la 
Septimanie  tomlHTent  en  son  pouvoir.  Ce  désastre  n'ôt: 
point  encore  aux  Infidèles  le  désir  et  l'espoir  de  conquérir 
la  France.  S'étant  alliés,  en  75i,  à  Mauronte,  gouverneur 
de  Marseille ,   qui   leur  livre   Avignon ,    ils  s'emparent 


CHAPITRE  CINQUIÈME.  77 

d'Arles ,  et  pénètrent  dans  le  Dauphiné  et  le  Lyonnais. 
Charles-Martel  marche  à  eux,  en  736,  les  repousse,  et  736. 
prend  d'assaut  Avignon ,  dont  la  garnison  est  passée  au 
fil  de  répée.  Nimes,  Maguelone,  Agde,  Béziers,  tombent 
entre  ses  mains;  il  en  rase  les  fortifications,  et  met  le 
siège  devant  Narbonne.  Les  Arabes,  venus  par  mer  de 
Tarragone ,  débarquent  à  La  Nouvelle ,  et  marchent  au 
secours  de  la  place  assiégée .  Charles  va  à  leur  rencontre, 
et  les  trouve  campés  sur  la  Berre,  auprès  de  Sigean. 
Après  un  combat  sanglant,  la  victoire  se  décide  en  faveur 
des  Français  :  les  Musulmans  fuyent  vers  leurs  vaisseaux, 
et  font  des  pertes  énormes  à  leur  rembarquement. 

Il  est  difficile  de  se  faire  une  idée  exacte  de  l'état  de 
la  Septimanie  durant  cette  malheureuse  période  ;  mais,  en 
combinant  ensemble  les  récits  des  au  teurs ,  soit  Arabes 
soit  Chrétiens,  on  peut  conjecturer  que  les  peuples  de 
cette  contrée,  souvent  obligés  de  céder  sans  résistance 
aux  forces  trop  supérieures  des  Sarrasins,  ne  leur  furent 
véritablement  soumis  que  dans  le  voisinage  des  places 
où  ils  laissaient  de  fortes  garnisons.  Quant  à  la  plaine 
du  Roussillon,  passage  obligé  de  toutes  les  irruptions 
des  Infidèles ,  et  éprouvant  leurs  premières  fureurs ,  la 
désolation  y  fut  telle,  dès  les  premières  invasions,  que 
ceux  des  habitants  qui  furent  assez  heureux  pour  éviter 
la  captivité,  se  réfugièrent  dans  les  montagnes,  où  il  leur 
était  plus  aisé  de  se  cacher  ou  de  se  défendre,  suivant  la 
nature  des  circonstances  :  les  Sarrasins  même  ne  purent 
s'établir  dans  un  pays  qu'ils  avaient  totalement  dévasté, 
et  dont  leur  rage  imprévoyante  avait  fait  un  désert.  Leur 
expédition  pour  délivrer  Narbonne,  semble  confirmer  cette 
conjecture  ;  car  s'ils  avaient  occupé  quelques  points  for- 
tifiés  en  Roussillon ,  il  eût  été  plus  sûr  de  marcher  au 
secours  de  Narbonne  par  terre,  que  d'y  transporter  par 


78  HISTOIRE  DU   nOt'SSILLON.  « 

mer  une  nombreuse  armée  ;  et  surtout  bien  pbis  aise , 
après  leur  déroute ,  de  se  retirer  vers  leurs  places ,  que  de 
se  rembarquer  devant  une  armée  \ictorieuse.  La  défaite 
des  Arabes,  les  troubles  qui  eurent  lieu  immédiatement 
après,  tant  en  Espagne  qu'en  Afrique,  fournirent  aux 
habitants  de  la  Septimanie  une  occasion  favorable  de  se- 

_  • 

747.  Aiper  le  joug.  Aussi  voit-on  qu'en  7i7,  tandis  que  l'Emir 
YOusouf  s'occupait  à  composer  la  dernière  des  cinq  pro- 
vinces entre  lesquelles  il  divisait  l'Espagne,  en  y  adjoi- 
gnant les  possessions  musulmanes  au-delà  des  Pyrénées, 
il  était  si  peu  maître  dans  les  Gaules  qu'il  fut  obligé  d'y 
envoyer  son  fils  Abdel-Rahman  avec  une  armée  pour  en 
contenir  les  habitants.  Celui-ci  les  abandonna  bientôt  pour 
voler  au  secours  de  son  père,  contre  lequel  s'était  révolté 
Amer,  entraînant  dans  son  parti  les  provinces  espagnoles 
voisines  des  Pyrénées.  Affaiblis  par  cette  guerre  civile,  les 
Sarrasins  ne  pouvaient  être  forts  dans  la  Gaule-Gothique; 
et  c'est  sans  doute  parce  qu'ils  n'étaient  pas  en  état  de 
contenir  les  Chrétiens,  que  le  goth  Ansemond  réussit, 
en  752,  k  livrer  k  Pépin,  Mmes,  Maguelone,  Agde  et 
Béziers.  C'était  une  politique  assez  ordinaire  aux  Arabes 
de  se  contenter,  lorsqu'ils  avaient  trop  d'affaires  ailleurs,  de 
la  soumission  plutôt  apparente  que  réelle  des  Chrétiens  : 
ils  les  laissaient  alors  vivre  sous  le  gouvernement  d'un 
Seigneur  de  leur  nation,  moyennant  un  tribut  assez  léger, 
attendant  une  occasion  favorable  de  donner  plus  d'exteiH 
sioD  it  leurs  droits  de  souveraineté.  C'est  ainsi  qu'ils  en 
avaient  agi  pour  le  royaume  de  Murrie  avec  le  prince 
Théodomir,  dont  vingt-huit  ans  après  ils  dépouillèrent  le 
successeur,  nommé  Athanagilde.  On  croit  qu'ils  a^-aient 
suivi  le  même  svstème  avec  les  Asturiens.  Ansemond 
était  vraisemblablement  un  seigneur  goth,  k  qui  le  com- 
mandant arabe,  obligé  de  se  renfermer  dans  Narbonne« 


CHAPITRE  CINQUIÈME.  70 

avait  abandonné  le  gouvernement  des  villes  qu'il  ne  pou- 
vait occuper.  C'est  au  moins  à  une  mesure  semblable  que 
les  historiens  arabes  attribuent  la  perte  de  la  Septimanie. 

Quoi  qu'il  en  soit,  dès  Tan  7S2,  les  troupes  françaises,  7^2. 
avec  Ansemond  et  ses  Goths,  bloquaient  Narbonne.  Il 
périt  par  la  trahison  d'un  des  siens  sous  les  remparts  de 
cette  ville  :  les  secours  qu'on  y  envoyait  d'Espagne,  étaient 
le  plus  souvent  interceptés  par  les  montagnards  du  Rous- 
sillon  et  de  la  Catalogne.  Pour  réduire  ces  Chrétiens,  le 
commandant  arabe  de  la  frontière  flt  marcher  contre  eux 
son  lieutenant  Soleiman ,  qui  périt  avec  là  majeure  partie 
de  son  armée,  dans  un  combat  livré  le  5  septembre  756. 
Cette  expédition  malheureuse  fut  la  dernière  tëhtée  par 
les  Sarrasins  pour  soutenir  Narbonne.  Les  guerres  civiles 
qui  déchirèrent  la  Péninsule  jusqu'à  ce  que  l'ommiade 
Abdel-Rhaman  fut  devenu  paisible  possesseur  du  trône 
de  Cordoue,  ne  leur  permirent  pas  de  défendre  une 
province  qui  n'avait  jamais  été  soumise  que  lorsqu'elle 
était  occupée  par  des  troupes  nombreuses.  Les  habitants 
de  Narbonne,  enhardis  par  les  discordes  des  InOdèles,  et 
ayant  obtenu  de  Pépin  l'assurance  d'être  gouvernés  sui- 
vant leurs  lois,  se  jetèrent,  de  concert  avec  les  Français, 
sur  la  garnison  arabe,  qui  fut  passée  au  fil  de  l'épée.  Cet 
événement  eut  lieu  en  759.  Aussitôt  après,  le  Roi  de 
France,  suivant  quelques  écrivains  contemporains,  fit  un 
traité  avec  Abdel-Rhaman.  Il  est  k  croire  qu'assez  oc- 
cupé contre  les  Bavarois  et  les  Lombards,  n'ayant  rien  a 
craindre  du  côté  de  l'Espagne,  il  abandonna  à  leurs  pro- 
pres forces  les  Goths  de  la  Septimanie  ;  aussi ,  huit  ans 
après,  il  fqt  obligé  de  reprendre  plusieurs  villes  de  cette 
province,  dont  le  duc  Vaiffre  s'était  emparé. 

Tous  les  détails  donnés  dans  ce  chapitre  sur  les  inva- 
sions des  Arabes  dans  la  Gaule-Gothique,  et  sur  les  guerres 


HO  HISTOIRE  I>L   UOUSSILLON. 

qu'ils  y  ont  soutenues ,  prouvent  qu'ils  ne  doivent  avoir 
laissé  dans  le  Roussillon  d'autres  traces  de  leurs  fréquents 
passages  et  de  leur  court  séjour,  que  la  dévastation  des 
campagnes,  l'incendie  des  édifices,  la  destruction  des 
villes.  Les  chartes  des  temps  postérieurs  confirment  les 
renseignements  que  nous  fournit  l'histoire.  Nous  ne  sau- 
rions donc  attribuer  aucune  influence  heureuse  sur  notre 
civilisation,  au  séjour  qu'ils  ont  fait  dans  notre  pays.  La 
science  de  l'irrigation,  en  particulier,  ne  peut  nous  avoir 
été  enseignée  par  eux,  comme  nous  le  prouverons  plus 
loin,  parce  que  le  premier  grand  canal  de  ce  genre,  en 
Espagne,  celui  d'Ecija,  ne  fut  commencé  que  sous  le 
règne  d'Abdel  -  Rhaman  III,  qui  monta  sur  le  trône 
en  912.  D'ailleurs  les  troupes  qui  en  valurent  la  Pénin* 
suie  étaient  composées ,  en  grande  partie ,  d'aventuriers 
de  toutes  les  nations,  et  surtout  de  Maures  et  d'Afiricains, 
bien  éloignés  d'avoir  atteint  ce  haut  degré  de  civilisation 
auquel  les  Arabes  eux-mêmes  ne  par\inrent  qu'après  celle 
époque.  Ils  ne  songeaient  à  rien  construire,  surtout  dans 
une  contrée  où  ils  n'étaient  pas  encore  établis  solide- 
ment. Les  églises  dont  ils  dépouillaient  les  ChrélîeiiSY 
converties  en  mosquées,  suffisaient  à  la  célébration  de 
leur  cidte.  D'après  ces  considérations,  on  ne  doil  pas 
être  étonné  de  ne  trouver  en  Roussillon  d'autre  témoi* 
gnage  matériel  du  séjour  des  Arabes,  que  les  monnaies 
qu'on  y  découvre  même  fort'  rarement.  D'ailleurs  ils  n*onl 
rien  laissé  à  Narbonne,  dont  ils  ont  été  maîtres  pendaiil 
près  de  quarante  ans.  Nous  avons  placé  en  l'an  721  la 
prise  de  Narbonne  par  les  Sarrasins  ;  elle  aurait  eu  lieu  au 
moins  deux  ans  plus  tôt,  si  nous  pouvions  nous  appuyer 
avec  confiance  sur  l'article  40  de  ÏAppetidijr  du  Marca 
Hispanica.  Cette  charte;  est  une  enquête  tesUmooîaie 
faite  en  879,  pour  rétablir,  suivant  la  loi  gothique,  des 


CHAPITRE  CINQUIÈME.  81 

titres  perdus.  Les  témoins  y  déposent  sous  la  foi  du 
serment,  que  certains  individus  avaient  vendu  aux  moi- 
nes de  Saint- André -d'Exalada  le  village  de  Pauliano, 
dont  ils  avaient  hérité  de  leurs  pères  et  grands-pères, 
fils  de  Mascaron,  qui  le  possédait  sous  le  règne  d'Au- 
mar,  et  tandis  qu'Ibin-Aumar  était  gouverneur  de  Nar- 
bonne.  Ce  ne  peut  être  que  le  calife  Omar  II,  mort  le 
10  février  720;  car  on  ne  voit,  postérieurement  à  cette 
époque,  aucun  Calife,  ni  même  aucun  de  leurs  lieute- 
nants en  Espagne,  qui  ait  porté  un  nom  approchant. 


HÛ  HISTOmK   DU   ROUSSILLON. 


CHAPITRE   VI. 


GINQCitiR  ÉPOQUB. 

Gharlemagne  ne  s'occupa  guère  plus  de  la  Septimanie 
pendant  les  premières  années  de  son  règne,  que  ne  l'a- 
vait fait  Pépin  durant  les  dernières  de  sa  vie.  Les  révoltes 
fréquentes  des  divers  cheb  musulmans  contre  le  nouveau 
Roi  de  Gordoue,  rendirent  sa  puissance  peu  dangereuse. 
Les  Infidèles  avaient  assez  à  faire  pour  contenir  les  Chré- 
tiens du  revers  méridional  des  PjTénées,  qui,  aidés  par 
leurs  compatriotes  de  la  Gaule-Gothique,  cherchaient  k 
Urer  parti  des  divisions  de  leurs  oppresseurs  pour  recon- 
quérir la  liberté,  ou  du  moins  pour  rendre  leur  condition 
meilleure.  Aussi,  Gharles,  sans  inquiétude  de  ce  cAté, 
employa  toutes  ses  forces  k  soumettre  à  son  Empire 
l'Aquitaine,  l'Italie,  et  à  dompter  les  Saxons. 

Après  une  lutte  de  dix-huit  ans,  Abdel-Rhamao  avait 
enfin  abattu,  en  Espagne,  la  faction  qui  lui  était  opposée  : 
quelques  années  de  paix  lui  auraient  fourni  les  moyens 
de  cicatriser  les  plaies  qu'une  longue  guerre  civile  avait 
faites  it  ce  pays  ;  il  aurait  pu  réduire  les  montagnards  de 
la  Gatalogne  et  de  l'Aragon,  et  la  Septimanie  eut  été 
menacée  d'une  nouvelle  invasion.  Heureusement,  Charie- 


CHAPITRE  SIXIÈME.  83 

mague,  vers  lequel  s'étaient  réfugiés  quelques  chefs  sar- 
rasins mécontents  de  la  révolution  opérée  en  Espagne, 
jugeant  cette  circonstance  favorable  pour  étendre  sa  domi- 
nation au-delà  des  Pyrénées,  résolut  de  porter  la  guerre  chez 
les  Infidèles.  L'an  778,  deux  armées  françai^s  envahirent  778. 
leur  pays,  l'une  du  côté  de  la  Navarre,  l'autre  par  le  Rous- 
sillon  :  cette  expédition,  très  célèbre  chez  les  romanciers , 
mais  historiquement  peu  connue,  est  très  diflëremment  rap- 
portée par  les  auteurs  arabes  et  dans  les  chroniques  des 
Chrétiens.  Cependant,  on  peut  concilier  aisément  leurs 
récits ,  en  disant  que  si  l'armée  française  éprouva  quel- 
que échec  en  se  retirant  de  la  Navarre,  il  n'en  est 
pas  moins  certain  que  Charles  resta  maître  d'une  grande 
partie  du  pays  appelé  aujourd'hui  Catalogne;  qu'il  y  établit 
des  Comtes  ou  des  gouverneurs  dans  les  villes;  qu'à  la 
Térité,  il  les  prit  quelquefois  parmi  les  Sar;^sins,  qui  ne 
loi  ftirent  pas  toujours  fidèles.  Ainsi,  en  785,  celui  dé 
Girone  se  révolta  et  fut  remplacé  par  un  Comte  chrétien. 
,  Le  Monarque  français  trouva  le  Roussillon  dans  un  état 
d^>lorable  :  on  n'y  voyait  rien  qui  méritât  le  nom  de  ville; 
la  plupart  des  villages  étaient  détruits;  les  monastères, 
les  temples,  renversés;  les  terres,  en  friche.  Il  chercha  à 
remédier  à  cet  état  de  choses,  en  construisant  quelques 
monastères  ;  car,  alors ,  des  habitants  ne  tardaient  pas  à 
s'établir  autour  de  ces  édifices,  comptant  sur  la  protection 
du  Saint  auquel  ils  étaient  dédiés.  Perpignan  ne  doit  pro- 
bablement son  existence  qu'à  une  fcmdation  de  ce  genre, 
bite  par  ce  prince  dans  l'emplacement  où  se  trouve  au- 
jourd'hui le  vieux  Saint- Jean.  La  ville  d'Arles  s'est  égale- 
ment formée  aupiès  de  l'abbaye  construite  à  cette  époque^ 
dans  un  lieu  désert  et  sur  les  ruines  d'anciens  édifices* 
Saint-Panl-de-Fenottillèdes ,  Saint-Génis-des-Fcmtsûnes , 
Saint- André-de-Sorède ,   Saint-Estève*sur-la-Tet ,    etc . , 


K4  niSTOIHE   DU   ROLSSILLUN. 

tirent  aussi  leur  origine  des  habitations  qui  s'agglomérèreDl 
autour  des  monastères  fondés  par  ce  prince  ou  ses  pre- 
miers successeurs.  Non  content  de  ces  établissements, 
Charles  accorda  aux  Goths  fuyant  d'Espagne,  des  terrains 
en  friche  pour  les  mettre  en  culture.  C'est  h  ces  conces- 
sions qu'on  doit  attribuer  le  repeuplement  du  pays ,  et 
l'émulation  qu'elles  excitèrent  ranima  notre  agriculture 
expirante.  Le  petit  nombre  de  chartes  de  ce  temps  par- 
venues jusqu'il  nous ,  fait  voir,  de  tout  côté ,  les  chapitres 
des  églises  comme  de  celle  d'Elne,  les  moines  comme 
ceux  d'Arles,  de  Saint-Clément,  etc.,  ainsi  que  plusieurs 
particuliers,  travaillant  à  l'emi  au  défrichement  des  terres 
qui  leur  appartenaient,  à  quelque  titre  que  ce  fût,  et  s'el^ 
forçant  ainsi  de  réparer  les  maux  qui,  depuis  le  commen- 
cement du  siècle,  accablaient  le  Roussillou.  Us  avaient  été 
si  grands,  qu'il  est  fort  présumable  que  le  Diocèse  d'Elue 
resta  sans  Pasteur  depuis  Clams,  qui  occupait  ce  siège 
vers  la  fin  du  siècle  précédent  :  du  moins ,  on  ne  trouve 
aucune  mention  de  ces  Évéques  jusqu'à  Vénédurius,  qui 
assista  au  Concile  de  Narbonne,  en  791,  et  y  dispata 
infructueusement  le  Rasés  à  l'Archevêque  de  cette  ville, 
si  toutefois  on  ne  révoque  pas  en  doute,  avec  le  P.  Pagi , 
l'authenticité  du  fragment  qui  nous  reste  des  actes  de  ce 
Concile.  On  ne  voit  point  sur  quel  fondement  Vénédurios 
réclamait  le  Rasés,  comme  faisant  partie  de  son  Diocèse. 
Peut-être,  fondait- il  ses  prétentions  sur  la  délimitation 
faite  par  le  roi  Vamba  de  ceux  de  la  Septimanie ,  dans 
laquelle,  comme  nous  l'avons  dit,  les  Diocèses  d'Ehie  et 
de  Carcassonne  paraissaient  limitrophes,  ce  qui  ne  pon- 
vait  être  qu'en  donnant  à  l'un  ou  à  l'autre  le  canton  qoi 
les  sépare. 

Une  nouvelle  invasion  des  Sarrasins  vint  arrêter  cel 
élan  vers  la  culture  des  terres  que  Cbarlemagne  avait  su 


CHAPITKE  SIXIÈME.  85 

faire  naître.  Hescham  ou  Issem  1®^,  Roi  de  Cordoue,  ayant 
(ait  [Hiblier  la  guerre  sainte  dans  ses  États,  assembla 
deux  années,  dont  l'une,  dé  39.000  hommes,  attaqua  le 
royaume  naissant  des  Asturies  ;  et  l'autre,  beaucoup  plus 
considérable,  sous  les  ordres  d'AbdalIah-ben-Abdelmelec, 
se  dirigea  contre  les  possessions  françaises  en  Catalogne. 
Suivant  les  relations  toujours  emphatiques  des  Arabes, 
cette  armée  mit  le  siège  devant  Girone,  qui  fut  prise 
d'assaut  en  792,  après  une  défense  opiniâtre.  Cette  place  792. 
prise,  les  Infidèles  franchirent  les  Pyrénées,  poussant 
devant  eux  les  peuples  qui  fuyaient  épouvantés  vers  les 
montagnes  les  plus  inaccessibles  :  la  contrée  fut  ravagée, 
Naii)onne  prise  de  vive  force,  ses  habitants  massacrés. 
Dom  Vaissette  et  M.  de  Marca  réduisent  les  conquêtes 
des  Sarrasins  à  la  prise  des  faubourgs  de  cette  ville.  De 
Narbonne,  les  Musulmans  s'avancèrent  vers  Carcassonne  ; 
mais  ils  rencontrèrent  sur  leur  chemin  saint  Guillaume, 
duc  de  Toulouse ,  qui ,  ayant  assemblé  toutes  les  forces 
dont  il  pouvait  disposer,  les  attaqua  dans  les  environs  de 
Villedagne.  La  victoire  fut  long-temps  disputée  :  Guillaume 
fit  tout  ce  qu'on  pouvait  attendre  d'un  vaillant  soldat  et 
d'un  habile  capitaine.  Si  les  Sarrasins  restèrent  maîtres 
du  champ  de  bataille,  ce  ne  fut  qu'après  avoir  éprouvé 
des  pertes  qui  les  obligèrent  à  se  retirer,  n'emportant 
que  le  butin  qu'ils  avaient  fait,  sans  conserver  aucune 
place  dans  les  provinces  françaises.  En  797,  les  troupes 
de  Louis,  roi  d'Aquitaine,  entrées  sur  les  terres  soumi- 
ses aux  Arabes,  les  traitèrent  comme  ceux-ci  avaient  traité 
les  provinces  chrétiennes.  Nous  nous  abstiendrons  de 
donner  des  détails  sur  les  opérations  militaires  des  Fran- 
çais au-delà  des  Pyrénées.  Les  faits  sont  racontés  d'une 
manière  un  peu  confuse  et  quelquefois  contradictoire  par 
les  historiens  des  deux  nations.  Il  serait  possible  que,  dans 


86  niSTUIRE  nu   ROUSSILLON. 

quelqu'une  de  ces  expéditions,  une  armée  musuimaiie  eét 
pénétré  jusqu'à  Narbonne  et  tout  détasté  sur  la  roule» 
comme  l'assurent  leurs  écrirains.  C'est  sans  doute  pov 
obvier  k  une  pareille  entreprise  que ,  lors  du  siège  de  Bar» 
800.  celone,  en  800,  Louis  divisa  son  armée  en  trois  corps, 
dont  Fun  couvrait  celui  qui  faisait  le  siège;  le  troisième, 
qu'il  commandait,  resta  en  Roussilkm.  Ce  qui  n'est  pis 
douteux,  c'est  qu'à  la  mort  de  Charlemagne,  toute  h 
Catalogne,  jusques  et  y  compris  Barcelone,  était  soumise 
à  ce  prince,  et  gouvernée  par  des  Comtes  qu'il  avait 
nommés. 

La  Septimanie,  qui  comprenait  alors  la  Marche  d'Espt- 
gne,  faisait  partie  du  royaume  d'Aquitaine*,  que  Cbaries 
avait  créé  pour  son  flis  Louis  aussitôt  après  sa  naissance* 
Ce  prince  succédant  it  son  père  en  814,  n'oublia  poîit 
une  province  qu'il  avait  long-temps  gouvernée.  Les  Chié- 
tiens  fiiyant  les  pays  occupés  par  les  Maures,  avaieal 
obtenu  de  la  politique  généreuse  de  Oiarlemagne  des 
terres  à  défricher,  soit  dans  la  Marche  d'Espagne ,  aek 
dans  la  Septimanie.  A  peine  monté  sur  le  trône,  Loû^ 
non  content  de  continuer  k  ces  fugitife  la  protection  que 
leur  avait  accordée  son  père,  rend  une  ordonnanee  pour 
régler  d'une  manière  certaine  leur  état,  qu'il  assimile  en 
tout  à  celui  des  Français  libres,  ne  leur  imposant  d'avtie 
charge  que  celle  de  marcher  k  la  guerre,  sous  les  ordres 
de  leur  Comte  ;  de  faire  la  garde ,  de  loger  les  Comtes, 
les  Ambassadeurs,  et  autres  gens  marchant  par  l'ordre  du 
Souverain;  de  leur  fournir  des  montures,  des  charrois, 
ce  qu'on  appelait  facere  paratas.  Tant  au  civil  qu'au  cri- 
minel ,  ils  devaient  être  jugés  par  les  Comtes  ;  mais  les 


1  Dif&ftiUs  de  c«  njémme ,  f«  817 .  pow  «aroliit  U  pwtiM  «te  UliMyra.  cm 
lui  teml  retiréei  ra  835  fmar  le  puoir  àe  »t*  t^solXet  muiUf^vèn,  el  ««er  U  f4<M 
pêtiit  de  m  KUU  d'MleMafne  «l  ér  Knnrf  .  f\\t%  lonii^rrat  Ir  l<H  de  r.luri«Me-ClM«%^ 


CHAPITRE  SIXIÈVB.  87 

affaires  peu  importaDtes  étaient  décidées  par  des  mi^is- 
trais  ^'îls  elmsissaient  evx-ménes.  Le  ttouvel  Empereur 
leur  permit  de  distribuerai  d'autres  les  teires  nemmées  ad- 
prisianes  ^  qu'on  leur  concédait,  ou  de  les  faire  cultiver 
par  leurs  esclaves.  Il  leur  permit  encore  de  se  r»dre  vas- 
saux des  Comtes  pour  les  terres  qu'ik  en  recevaient.  Il  fit 
fidre  trois  copies  de  ce  privilège  :  la  première  pour  être 
remise  à  TEvéque;  la  seconde,  au  Comte;  les  réfugiés 
gardaient  ta  troisième.  Toutes  ces  faveurs  accordées  aux 
Goths  déjà  établis  dsms  la  province,  devaient  l'être  à  ceux 
qui,  Aiyant  les  pays  dont  les  Sarrasins  étaient  les  maîtres, 
viendrairat  s'y  établir.  Les  Chrétiens,  attirés  par  ces  avan- 
tages ,  s'empressèrent  d'arriver  et  repeuplèrent  le  R<ws- 
sillon.  La  protection  de  Louis  ne  mit  pas  ses  nouveaux 
sujets  à  l'abri  de  la  fiscalité  des  agents  du  Gouvernement. 
Ceux-ci ,  considérant  sans  doute  les  adprisiones  conmie 
des  bénéfice»)  prétendaient  pouvoir  les  retirer  aux  dona- 
taires suivant  leur  bon  plaisir  :  ils  attendaient  pour  le 
faire  que  les  terres  eussent  été  mises  en  culture.  Les 
nouveaux  colons,  menacés  de  perdre  le  finit  de  leurs 
travaux,  se  plaignirent  à  l'Empereur,  qui,  sentant  que  leur 
réclamation  était  juste  et  la  conduite  des  agents  du  fisc 
dure  et  impolitique,  ordonna,  en  816,  que  les  conces- 
sions nommées  adprisiones,  faites  d'abord  pour  trente 
ans,  seraient  héréditaires.  On  dressa  sept  copies  de  ce 
nouveau  privilège,  qu'on  déposa  aux  archives  de  chacune 
des  villes  de  Narbonne,  Carcassonne,  Béziers,  Rociliona, 
Ampurias,  Girone  et  Barcelone.  C'était  apparemment  dans 
les  districts  dépendants  de  ces  villes  que  s'étaient  réfugiés 
les  Goths,  qu'on  désignait  sous  le  nom  d'HostoUnses. 
Nous  voyons  par  cette  charte  que  sur  les  ruines  de 

I  Terres  coDcédéc*  saiLS  autre  charge  ^uc  leë  obligations  communes  h  toal  bommc  libre. 


88  HISTOIRE  DV  ROUSSILLON. 

l'antique  Ruscino  s'était  élevée  une  ville  nouvelle ,  qui  en 
avait  pris,  en  Tahérant  un  peu,  le  nom  qu'elle  communiqua 
ï  tout  le  pays  :  elle  ne  parait  pas  avoir  subsisté  long-temps. 
Le  nom  de  RùscellerUium  Episœpus,  que  prend  Audesinde 
au  Concile  de  Thusi  en  860,  l'épitbète  de  RosciUUmeiisis 
donnée  ï  l'Église  d'Elne  dans  des  chartes  de  898  et  899, 
ainsi  que  dans  une  bulle  de  900,  viennent  plutôt  du 
nom  du  pays  que  de  celui  de  la  cité  épiscopale.  M.  de 
Marca  croit  que  cette  ville ,  bâtie  sur  l'emplacement  de 
Ruscino,  fut  détruite  dans  une  invasion  des  Sarrasins, 
qui  eut  lieu  vers  l'an  827  ou  828.  Les  historiens  arabes 
n'en  parlent  point;  mais  la  conduite  qu'ils  font  tenir  k 
leurs  compatriotes  dans  une  incursion  faite  quelques  an- 
nées après,  rend  l'opinion  de  Harca  très  vraisemblable, 
ff  Les  Musulmans ,  disent^ils ,  enlevaient  tout  ce  qu'ils 
pouvaient  emporter,  emmenaient  en  captivité  les  hom- 
mes, les  femmes,  les  enfants,  qui  n'avaient  pas  eu  le 
temps  de  se  sauver  dans  les  montagnes;  et  quant  aux 
villes  abandonnées  par  les  habitants,  ou  dont  ils  venaient  à 
bout  de  s'emparer,  ils  les  ruinaient  ou  les  incendiaient.  » 
Aux  dévastations  des  Maures  succédèrent  celle  des  Nor- 
mands. Ces  pirates  ayant  pillé  les  côtes  d'Espagne,  en 
S59.       859,  descendirent  sur  celles  du  Roussillon,  prirent  el 
saccagèrent  EIne  ;  puis ,  s'avançant  dans  les  terres ,  ils 
livrèrent   pendant  trois  jours  le  monastère  d'Arles  an 
pillage,  et  l'incendièrent  en  se  retirant,  comme  on  peut 
le  voir  dans  une  lettre  de  l'abbé  Uilpéric  ii  Cbarles4e- 
Chauve. 

Peu  d'années  après,  l'an  864,  suivant  les  écrivains  ocô- 
dentaux,  car  les  Arabes  n'en  disent  rien,  ce  prince  conclut 
un  traité  avec  Mohamed  1^,  roi  de  Cordoue.  Les  principtles 
conditions  furent  que  Charies  ne  donnerait  aucun  secours 
aux  Chrétiens  d'Espagne;  que  Mohamed,  do  sou  côté,  re- 


CHAPITRE  SIXIEME.  89 

Doncerait  aux  villes  de  Barcelone ,  Girone  et  Urgel.  L'année 
suivante,  le  Roi  de  France  sépara  la  Marche  d'Espagne 
du  Marquisat  de  la  Septimanie.  Jusqu'à  cette  époque,  le 
Roussillon,  gouverné  par  des  Comtes  particuliers,  se  trou- 
vant enclavé  entre  ces  deux  contrées,  avait  toujours  fait 
partie  de  la  province  qu'elles  formaient.  Il  parait  qu'après 
cette  séparation,  il  resta  annexé  a  la  Septimanie;  du  moins, 
dans  une  charte  de  l'an  869,  Gharles-le-Chauve  donne  à 
Dodon  le  hameau  de  Prunet,  qu'il  dit  être  situé  au-delà 
de  la  Septimanie,  dans  un  canton  du  Roussillon'.  On 
peut  même  croire  que  les  Marquis  de  Septimanie  conser- 
vèrent une  certaine  juridiction  sur  le  Comté  de  Roussillon, 
au  moins  jusqu'en  875;  car  on  trouve  un  jugement  rendu 
cette  année  par  Isambert,  lieutenant  du  comte  Bernard  II, 
qui  prescrit  de  rendre  le  lieu  de  Saint-Félix  à  l'Évéque 
d'Elne,  sur  lequel  il  avait  été  usurpé  par  un  nommé  Aus- 
valdos.  Cette  dépendance  ne  fut  pas  de  longue  durée;  et  si 
tous  les  documents  venus  à  notre  connaissance  prouvent 
que  les  Comtes  de  Roussillon  reconnurent  toujours  la  su- 
zeraineté des  Rois  de  France,  il  n'en  est  aucun  d'où  Ion 
puisse  inférer  qu'après  l'an  900  ils  aient  dépendu  des  Mar- 
quis de  Septimanie  ou  des  Comtes  de  Barcelone.  Probable- 
ment, le  Comte  de  Roussillon,  maître  de  ce  paysan  nord,  et 
du  Comté  d'Ampurias  au  sud  des  Pyrénées,  limite  naturelle 
de  la  Marche  d'Espagne  et  de  la  Septimanie,  se  trouva 
assez  puissant  pour  se  soustraire  à  la  dépendance  du 
Comte  de  Toulouse  sans  se  soumettre  à  celui  de  Barce- 
lone; et  le  titre  d'ami  que  lui  donne  Lothaire  dans  une 
charte  de  981 ,  prouve  assez  qu'il  était  son  vassal  immé- 
diat. Cependant,  M.  Henry  et  Don  Prosper  BofaruU,  veu- 
lent qu'il  dépendit  du  Comte  de  Barcelone,  que  ce  dernier 

l  Infrà  SepUinnniœ  rcgnum  m  pago  lioHiUwncnift. 


90  HISTOIRE   OC   R0t3SSILL0!<C. 

prétend  avoir  été  de  droit  et  de  fait  indépendant  du  Roi 
de  France.  (Appendice,  n®  4.) 

Sons  les  premiers  Cariovingiens,  le  Roussillon  ftit  go«- 
vemé  par  des  Comtes  qu'ils  nommaient  et  révoquaient  k 
leur  volonté.  Il  serait  très  dilDciie  et  peu  intéressant  de 
débrouiller  la  suite  de  ces  Comtes.  Gouverneurs  amo- 
vibles d'une  petite  portion  de  la  Septimanie,  ils  n'oot 
laissé  qu'une  bien  faible  trace  d'Une  magistrature  tem- 
poraire et  subalterne.  Dans  les  chartes  peu  nombreuses 
de  cette  époque  reculée,  les  Seigneurs  prennent  souvent 
le  titre  de  Comte,  sans  désigner  le  pays  soumis  ii  leur 
autorité.  On  le  connaît  quelquefois  lorsque  la  charte  est 
relative  à  des  actes  d'administration  exercés  dans  im 
lieu  dont  la  situation  actuelle  est  bien  déterminée.  Noos 
sommes  souvent  privé  de  cette  ressource  par  rapport 
au  Comté  de  Roussillon,  dont  les  limites  ne  paraisseiit 
pas  avoir  été  toujours  les  mêmes.  Il  nous  est  impossSrie 
de  préciser  l'époque  et  le  mode  de  ce  changement.  Les 
Rois  de  France,  maîtres  de  la  Septimanie,  établirent  des 
Comtes  dans  les  divers  Diocèses,  dont  la  circonscription, 
si  elle  n'était  pas  trop  considérable,  fut  aussi  celle  du 
(x)mté.  Le  Diocèse  d'Elne  n'étant  pas  trop  étendu ,  oe 
renferma  probablement  que  le  seul  Comté  de  Roussillon  ; 
aussi,  dans  le  ix«  siècle,  le  pays  et  FÉvéque  sont  déti» 
gnés  indifféremment,  le  premier,  par  le  nom  de  paymê 
ou  comilalus  Rmcilionnms  ou  Elnensis;  le  second,  par 
celui  de  Episcojms  Elnensis  ou  Ruseiliotiensis,  Cet  usage 
ne  subsista  point  dans  le  \«  siècle,  et  depuis  cette  ëpo*- 
que,  rÉvéque  est  toujours  appelé  Elnensis  et  le  pays 
Rusdliofiensis.  Un  voit  aussi  dans  ce  siècle  plusieurs  en- 
droits désignés  comme  appartenant  à  la  Cerdagne  ou  tu 
Comté  de  liesalii,  qui,  dans  le  précédent,  avaient  fait 
partie  de  relui  de  Uoussillon.    Il  est  donc  présumablr 


CHAPITRE  SIXIÈME.  .      9t 

qae  ce  Comté  perdit,  vers  l'an  900,  quelques  parties  du 
Diocèse  d'Elne. 

Gaucelm,  fils  de  saint  Guillaume,  est  le  premier  Comte 
de  Roussillon  dont  il  soit  fait  mention  ;  il  est  nommé  le 
second  parmi  les  Comtes  auxquels  Charlemagne  adresse 
son  ordonnance  du  4  des  noues  d'avril  812,  en  faveur 
de  quelques  Espagnols  réfugiés  dans  ses  États.  Ce  Sei- 
'  gneur  possédait  en  815,  outre  le  Roussillon,  le  Comté 
d'Ampurias.  Louis-le-Débonnaire  lui  ôta  ce  gouvernement 
en  850,  pour  le  punir  d'avoir  trempé  dans  la  conspiration 
de  son  frère  Bernard,  duc  de  Septimanie.  11  rentra  bientôt 
en  grâce  auprès  de  l'Empereur,  et  fut  en  854  victime  de  sa  854. 
fidélité  il  le  servir;  car  ayant  vaillamment  défendu  Chàlons- 
sur-^Saône  contre  les  troupes  de  Lothaire ,  il  fut  pris  et 
décapité  par  les  ordres  de  ce  fils  rebelle. 

En  852,  on  voit  un  comte  Bérenger  tenir  un  plaid  k 
Elne,  dans  lequel  on  fit  restituer  à  Babila,  abbé  d'Arles, 
des  terres  usurpées  sur  ce  monastère.  Nous  ne  compte- 
rons pas  ce  Seigneur  parmi  les  Comtes  amovibles  du 
Roussillon,  parce  qu'il  parait  être  ce  Bérenger,  comte, 
marquis  ou  duc  de  Septimanie,  envoyé  pour  réformer  les 
abus  qui  s'étaient  glissés  dans  l'administration  du  pays 
par  la  négligence  de  Bernard. 

De  845  à  850 ,  on  trouve  un  Comte  de  Roussillon , 
appelé  Suniaire;  mais  on  ne  connaît  aucune  particularité 
de  sa  vie.  On  ignore  même  l'année  de  sa  mort.  Dans  un 
plaid  tenu  le  6  des  calendes  de  septembre  868,  par  le 
comte  Salomon,  on  réclamait  de  Vitiza,  abbé  d'Exalada, 
l'aleu  de  CanaveilIes-en-Conllent,  donné  k  son  monastère 
par  Anne  et  sa  mère  Rolrude ,  fille  de  Béra ,  comte  de 
Roussillon.  Le  mandataire  de  Salomon  soutenait,  qu'ap- 
partenant au  fisc,  Béra  n'avait  pu  l'aliéner.  L'Abbé  offrit  de 
prouver  par  témoins  que,  propriété  particulière  du  comte 


99  HISTOIRE  Dt'   R0US8ILL0?!. 

Béra,  cet  aleu  fut  transmis,  avec  ses  autres  biens,  à  sa  fille 
Rotnide,  qui  en  avait  joui  paisiblement  pendant  plus  de  trente 
ans  avant  d'en  disposer.  D'après  ces  indications,  le  père  de 
Rotrude  nous  parait  être  Béra,  comte  de  Barcelone,  proscrit 
en  820,  et  n'ayant  eu  d'autorité  en  Roussillon  qu'en  sa 
qualité  de  gouverneur  de  la  Marche  d'Espagne.  Quant  k 
Salomon,  les  chartes  et  les  annalistes  nous  le  représentent 
comme  ayant  mission  (missus),  sans  nous  dire  à  quel  titre,  * 
tantôt  en  Roussillon ,  tantôt  en  Gerdagne ,  tantôt  dans  h 
Marche  d'Espagne.  Nous  croyons  qu'il  gouverna  en  qua- 
lité de  Marquis  ou  Comte  de  cette  Marche,  dignité  dans 
laquelle  il  fut  remplacé  par  Vuifred-le-Velu. 

Quoi  qu'il  en  soit,  laisserons-nous  le  Roussillon  sans 
Comte  depuis  ce  Salomon  jusqu'à  Suniaire  II,  regardé 
comme  la  tige  des  Comtes  héréditaires  de  cette  proviDce, 
900.  et  régnant  vers  l'an  900?  Ou  bien,  une  pareille  lacune 
n'étant  guère  probable,  placerons-nous  parmi  ces  Comtes 
héréditaires  ou  amovibles,  Radulphe  et  Miron ,  que  Ton 
croit  frères  de  Vuifred-le-Velu,  comte  de  Barcelone,  fils 
de  Sunifred  et  d'Ermcssinde ,  propriétaires  de  domaines 
considérables  dans  le  Confient,  sous  le  titre  de  Seigneurs 
d'Arria  (Ria),  maintenant  modeste  village  auprès  de  Pra* 
des?  (Ap])en(Uc€,  n®  5.) 

VArt  de  vérifier  les  Dates  admet  le  premier,  rejette  le 
second,  admis  par  Dom  Vaissette.  M.  Fossa  a  cru  devmr 
les  exclure  tous  deux  de  la  liste  des  Comtes  de  Roussillon, 
où  il  les  avait  d'aliord  inscrits.  Examinons  quels  penvoil 
avoir  été  leurs  droits  à  y  ligurer. 

Radulphe  parait  dans  plusieurs  chartes  avec  le  titre  de 
Comte  :  ces  chartes  nomment  son  |H*re,  sa  mère, 
frères,  son  fils,  sa  femme;  elles  parlent  des  dons 
par  lui  à  diverses  églises,  mais  ne  font  jamais  connaître 
le  pa\s  dont  radiniiiistratinii  lui  rtail  rnnliér. 


CHAPITRE  SIXIÈME.  93 

On  peul  élever  des  prétentions  mieux  fondées  en  faveur 
de  Miron.  Les  chartes  54,  58,  59,  40,  41  et  60  du  Marca 
Hisp.  rapportent  des  jugements  rendus,  de  874  à  882, 
dans  la  vallée  du  Gonflent,  sous  la  présidence  d'un  Comte 
de  ce  nom.  On  y  voit  aussi  le  testament  de  Protasius,  où 
cet  Abbé  de  Saint-Michel-de-Cuxa  appelle  à  plusieurs  re- 
prises ce  même  Comte,  mon  maître  et  mon  seigneur.  Il 
existait  vers  ce  même  temps  un  Comte  de  Roussillon 
Dommé  Miron,  auquel  le  Pape  Jean  VIII  écrivait,  vers 
Tan  878,  pour  lui  ordonner,  sous  peine  d'excommuni- 
cation ,  de  réparer  les  torts  qu'il  avait  laits  aux  églises  de 
la  Septimanie  (Hist.   du  Lang.,  tom.  2,  pag.  5  et  6). 
Ces  deux  Miron  sont  très  probablement  le  même  person- 
nage dont  l'autorité  s'étendait  sur  tout  le  Diocèse  d'Elne, 
formant  alors  le  Comté  de  Roussillon.  Il  était  contem- 
porain de  Yuifred-Ie-Yelu,  comte  de  Barcelone,  et  possé- 
dant à  ce  titre  la  Cerdagne.  Il  parait  même  résulter  de  la 
combinaison  de  plusieurs  chartes  que  ces  deux  Comtes 
étaient  frères  :  !<>  Dans  la  charte  99  de  VHist.  du  Lang., 
Tol.  1,  c<  Sigebodus,  Archevêque  de  Narbonne,  de  875  à 
884 ,  dit  être  venu  à  Formiguéras ,  en  Capcir,  à  la  prièVe 
des  deux  frères,  les  comtes  Vuifred  et  Miron,  et  de  deux 
autres  frères,  les  comtes  Oliba  et  Ayfred,  afin  d'y  consa- 
crer une  église ,  que  ces  Seigneurs  avaient  construite  et 
dotée  pour  l'expiation  de  leurs  péchés.  »  On  doit  attribuer 
nécessairement  cette  fondation  à  des  Seigneurs  du  pays. 
On  ne  peut  jeter  les  yeux  que  sur  Oliba  et  Ayfred ,  comtes 
de  Carcassonne  et  du  Rasés ,  et  sur  Vuifred  et  Miron , 
maîtres  de  la  Cerdagne  et  du  Confient  ;  2^  Oliba  Cabréta, 
petit-fils  de  Vuifred -le -Velu,   dit  dans  la  charte  110 
du  Marca  Hisp.,  c(  qu'un  frère  de  son  grand -père  avait 
bâti  le  monastère  d'Arles,  dans  le  Comté  de  Roussillon.  » 
Cette  indication  ne  peut  convenir  à  personne  mieux  qu'a 


94  HISTOIRE  Dl    ROUSSILLON. 

Mirou,  iiounii  de  ce  Comté  quelques  années  après  la  des- 
Iniction  du  monastère  d'Arles  par  les  Normands,  en  858; 
5»  Suivant  la  charte  54  du  Marca  Hisp. ,  notre  Miron 
était  fils  du  comte  Sunifred.  D'après  Bofanill ,  Yoifired-^le- 
Velu,  fils  d'un  Sunifred,  avait  un  frère  nommé  aussi  Soni- 
fred.  Dans  la  charte  112  du  premier  volume  de  VUisi. 
du  Long.,  on  voit  figurer  parmi   les  donateurs  deux 
Comtes,  nommés  Vuifred  et  Miron,  tous  deux  tils  et  frè- 
res d'un  Sunifred.  Ces  deux  Seigneurs  paraissent  deTOÎr 
être  Vuifred-le-Velu  et  Miron  de  Roussilion  :  les  histo- 
riens du  Languedoc  sont  de  cette  opinion.  A  la  vérité, 
Bofarull ,  se  fondant  sur  les  nombreuses  lacunes  de  cette 
charte,  et  surtout  sur  sa  date,  ne  croit  pas  qu'elle  poisse 
concerner  Yuifred-le-Velu  ;  mais  les  lacunes  peuvent  être 
remplies  d'une  manière  fort  naturelle,  et  une  observation 
assez  simple  fera  évanouir  la  difficulté  bien  plus  grave  de 
la  date,  provenant  uniquement  de  la  manière  dont  on  Fa 
expliquée;  en  effet,  cette  charte  est  datée  de  877,  année  de 
la  mort  de  l'empereur  Charles.  On  a  voulu  que  ce  Carofui 
fût  Charles-le-Gros  et  non  Charles-le-Chauve  :  cependant 
plusieurs  actes,  en  Languedoc,  sont  datés  de  la  mort  de 
ce  dernier,  Louis,  son  fils,  n'ayant  point  été  recoiinii 
sur-le-champ  dans  cette  province,  et  quant  à  Cbarlet- 
le-Gros,  il  ne  fut  Empereur  qu'en  880.  Il  n'est  pas  fort 
aisé  de  dire  quel  était  ce  comte  Sunifred,  père  de  MirOB. 
On  voit  à  cette  époque  quatre  Seigneurs  de  ce  nom  diM 
la  Marche  d'Espagne.    Le  n<»  34  du  Marca  Hisp.  ftnt 
[^résumer  que  ce  Simifred  avait  eu  (|nf Ique  autorité  en 
Uoussillon,  ce  qui  ne  peut  convenir  qu'à  Sunifred,  comle 
de  la  Marche  d'Espagne ,  de  84i  à  848.  Quoi  qn'il  en 
soit,  d'après  les  documents  relatés  ci-dessus,  et  d'antres 
chartes  que  nous  citerons ,  il  parait  que  tout  le  Dioeète 
d'Elne,  compris  sous  le  nom  de  Comté  de  RonssilkNi* 


CHAPITRE  SIXIÈME.  95 

fui  gouverné,  depuis  la  fin  de  875  jusqu'à  895,  par  un 
comte  Miron,  fils  de  Sunifred  et  d'Ermessinde,  frère  d'un 
Vttifired,  très  probablement  Ynifired-le-Veln,  comte  de 
Barcelone.  Ce  Miron  doit  avoir,  dans  les  premières  an- 
nées de  son  administration ,  molesté  quelques  églises,  et 
s'être  attiré  par  là  une  semonce  du  pape  Jean  YIII.  Sans 
doute  il  s'empressa  de  réparer  ses  injustices,  qui  ne  de- 
meit  pas  être  d'une  grande  importance;  car  ce  Pape,  fort 
prodigue  d'excommunications,  se  contenta  de  le  menacer. 
D'ailleurs,  on  le  voit  contribuer  k  reconstruire  l'abbaye 
d'Arles  et  k  bâtir  et  doter  l'église  de  Formiguères;  il 
donna  aussi  avec  ses  frères ,  pour  le  soulagement  de  l'&me 
de  leur  père  et  mère  ',  la  ville  de  Prades  à  l'abbaye  de  la 
Grasse.  II  mourut  avant  les  ides  de  mars  895  (Fossa). 
H  avait  fait,  avant  de  mourir,  de  grandes  libéralités  k 
Féglise  d'Elne.  Le  Pape  Romain  les  approuva  par  une 
lettre  (  art.  58  du  Marccc  Hisp.J.  Mais  comme  elles 
étaient  prises  en  partie  sur  le  domaine  royal,  elles  furent 
confirmées  par  le  Souverain  (art.  59  du  Marca  Hisp.); 
el  c'est  une  nouvelle  preuve  que  Miron  exerçait  l'autorité 
comtale  sur  le  Roussillon.  L'on  voit  par  ces  chartes,  que 
presque  toutes  les  églises  du  Diocèse  tombaient  en  rui- 
nes, et  qu'on  n'avait  aucun  moyen  de  les  réparer.  L'évè- 
Ben»ent  le  fins  remarquable  arrivé  du  vivant  de  ce  Comte, 
est  une  crue  de  la  Tet,  si  forte  qu'elle  emporta  le  monas- 
tère de  Saint-Ândré-d'Exalada,  construit,  avant  84i,  sur 
on  emplacement  fort  élevé  au-dessus  du  lit  de  cette 
rivière'.  Tous  les  titres  ayant  été  enlevés  par  les  eaux^ 
on  les  refit  suivant  la  loi  des  Goths ,  en  appelant  devant 

1  PraplerremediumatUmœ,  eic... 

^  O  qui  rest«  encore  d»  ruines  de  ce  monastère ,  au  point  de  la  route  de  Mont-Loaic 
qt'oD  appelle  lot  Graus,  étant  à  plus  de  iOO  mètres  au-dessus  du  niveau  du  lit  de  la  Tet, 
le«  bStimnits  qu'habitaient  les  Moines  devaient  sans  doute  occuper  un  emplacement  inférieur. 


96  HISTOIRE  DU   ROISSILLON. 

les  juges  les  témoins  des  actes  perdus,  ou  à  leur  défaut  les 
personnes  qui  en  avaient  eu  connaissance.  On  rétablit  ces 
titres  d'après  leur  déclaration,  reçue  sous  la  foi  du  sermanl. 
Les  moines  échappés  k  cette  catastrophe  se  réunirent  k 
Saint-Michel-de*Cuxa.  Le  testament  de  Tabbé  Protasius,  bil 
quatre  ans  après,  nous  apprend  qu'ils  étaient  cinquante 
moines.  Nous  y  voyons  aussi  combien  ils  possédaient  de 
chevaux,  d'ânes,  de  mulets,  de  brebis,  etc.  Nous  nous 
contenterons  de  noter  ici  que  leur  bibliothèque  consistait 
en  trente  volumes. 

Malgré  toutes  ces  preuves  de  l'existence  d'un  comte 
Miron  k  la  fin  du  i\^  siècle ,  Dom  Yaissette  est  le  seol 
qui  l'admette  parmi  les  Comtes  de  Roussillon.  Il  Iç  fint 
même  figurer  dans  les  chartes  n<»  56  et  60  du  Marea 
Itisp. ,  attribuées  par  Baluze  aux  années  898  et  9(M; 
ce  qui  ne  peut  être,  puisque  le  Miron  de  Dom  Yaissette 
mourut  avant  les  ides  de  mars  895.  C'est  sans  doute  par 
ce  motif  que  notre  savant  compatriote  Fossa ,  dont  on  a 
suivi  l'opinion  dans  VArt  de  vérifier  les  Dates,  Fa  exclu 
de  la  liste  de  nos  Comtes,  où  il  l'avait  d'abord  placé. 
Dom  Prosper  de  Rofarull  a  prouvé  que  le  Miron  signa- 
taire de  la  charte  n»  56,  est  un  Comte  de  Cerdagne,  fils 
de  Vuifred-le-Velu.  Quant  k  la  charte  n«  60,  sa  date 
anno  quarto  régnante  Carlono  rege,  me  parait  defoir 
être  la  quatrième  année  de  C^rloman,  et  non  de  Charles- 
le-Simple.  En  eflet,  dans  le  corps  de  cette  charte,  Chai^ 
les-le-Chauve  est  appelé  par  syncope  Carlo  au  lien  de 
farolo  ;  pourquoi  aurait-on  donné  le  nom  de  CarUmo  k 
(iharles-le-Sirople  ?  Nest-il  pas  plus  probable  que  CarUmo 
est  le  nom  syncopé  de  Carlomano,  dont  la  quatrième 
année  est  Tan  882,  qui  convient  très  bien  à  notre  Miroo, 
plein  de  vie  à  cette  époque? 

Les  ronressions  de  terrain  faites  par  les  Carloringiens 


CHAPITRE  SIXIÈME.  97 

aui  églises,  aux  moines,  ou  a  des  particuliers,  furent 
l'origine  de  plusieurs  villes  ou  villages;  mais  des  édifices 
construits  alors,  peut-être  aucun  ne  subsiste  aujourd'hui, 
à  moins  qu'on  n'attribue  à  ces  princes  l'érection  de  quel- 
ques-unes de  ces  tours  élevées  sur  plusieurs  points  de  la 
province.  Rien  n'y  décèle  la  manière  de  bâtir  des  Ro- 
mains, n'y  l'usage  qu'ils  auraient  pu  en  faire  pour  trans- 
mettre, au  moyen  des  signaux,  les  nouvelles  importantes 
d'une  extrémité  de  l'empire  à  la  capitale.  Considérées 
sous  le  rapport  militaire,  elles  n'étaient  d'aucune  défense 
contre  des  troupes  pourvues  de  machines  de  guerre,  ou 
s'arrétant  pour  les  bloquer;  elles  auraient  bientôt  suc- 
combé sous  les  coups  du  bélier  ou  faute  de  vivres,  car 
elles  ne  pouvaient  recevoir  qu'une  faible  garnison ,  et 
encore  moins  servir  de  refuge  aux  habitants.  On  sait  que 
le  Roussillon  fut  pendant  les  ix^ ,  x^ ,  xi^  et  xii^  siècles, 
exposé  aux  irruptions  subites  et  de  courte  durée  des  Nor- 
mands et  des  Sarrasins  des  Baléares.  Comme  ces  pirates 
ne  débarquaient  qu'en  petites  troupes,  et  ne  traînaient 
pas  avec  eux  de  lourdes  machines  de  guerre ,  un  petit 
nombre  d'hommes  déterminés,  munis  de  provisions  de 
guerre  et  de  bouche,  pouvaient,  dans  ces  tours,  braver 
pendant  quelques  jours  les  efforts  de  ces  brigands,  don- 
ner, par  des  signaux  convenus,  l'avis  de  leur  descente, 
et,  lors  de  leur  rembarquement,  rappeler  par  des  moyens 
semblables  les  habitants  qui  s'étaient  enfuis  dans  les  mon- 
tagnes. Un  expédient  pareil  avait  été  employé  par  les  Juifs 
sous  le  règne  de  Jordas  et  de  son  fils,  contre  les  incur- 
sions des  voleurs  arabes.  Charlemagne  fit  également  bâtir 
quelques  tours  sur  les  côtes  pour  observer  de  la  les  flottes 
des  Normands.  C'est  peut-être  dans  des  forts  de  cette 
espèce  que  les  réfugiés  espagnols  étaient  tenus  de  faire  le 
guet ,  d'après  une  des  clauses  du  privilège  qui  leur  fut 


98  HISTOIRE    DL    ROlSSILLO.N. 

accordé  |mr  Loiiis-le-Débonnaire.  On  sentit  dans  la  suite 
la  nécessité  de  construire  sur  la  côte,  depuis  Collioure 
jusqu'en  Espagne,  plusieurs  de  ces  tours,  d'où  l'on  pèt 
suneiller  les  criques  nombreuses  dont  elle  est  bordée, 
et  à  la  Taveur  desquelles  les  Maures  des  Baléares  débar- 
quaient sans  être  aperçus,  et  venaient  exercer  leurs  pira- 
teries en  Roussillon.  Ne  serait-ce  pas  pour  cette  raison 
que  ces  tours  sont  plus  multipliées  dans  cette  partie  do 
pays  que  partout  ailleurs?  Comme  à  la  guerre,  on  se  sert 
de  tout  ce  qui  peut  offrir  quelque  moyen  de  défense,  on 
ne  doit  pas  être  étonné  qu'on  ait  employé  quelquefois 
celles  qui  existaient,  soit  comme  de  petits  forts  isolés, 
soit  comme  des  réduits  de  fortifications  plus  étendues. 
La  permission  donnée  en  1175  par  le  roi  Alphonse  à 
l'Abbé  de  Saint-Michel,  de  construire  à  Baho  une  for* 
teresse  en  terre  ou  en  pierre  et  même  une  tour,  prouve 
qu'on  les  regardait  comme  un  accessoire  important  des 
forts  qu'on  éfevait  a  cette  époque.  L'art  de  la  guerre  se 
perfectionnant,  ces  tours  perdirent  toute  leur  importance 
militaire,  et  redoînrent  ce  qu'elles  avaient  d'abord  été, 
des  postes  propres  k  observer  l'ennemi  et  Ji  faire  des 
signaux. 


CHAPITRE    SEPTIÈME.  99 


I 


CHAPITRE   VIL 


SIXIÈME  ÉPOQUE. 

COMTES  HÉKÉDITMKES.  —  S\3mMKE  l\. 

VArt  de  vérifier  les  Dates  nous  donne  Suniaire  II 
comme  le  premier  Comte  héréditaire  de  Roussillon  :  son 
origine  est  incertaine ,  à  moins  qu'on  ne  le  suppose  fils 
de  Miron ,  dont  nous  avons  parlé  dans  le  chapitre  précé- 
dent. Cette  opinion  s'accorde  avec  le  sentiment  de  Dom 
Vaissette,  qui,  regardant  Miron  comme  frère  de  Vuifred- 
le-Velu,  croit  que  les  maisons  de  Barcelone  et  de  Rous- 
sillon ont  une  origine  commune.    Les  documents  que 
nous  possédons  ne  nous  permettent  pas  d'affirmer  que 
Suniaire  était  fils  de  Miron  ;  un  fait  toutefois  peut  le  faire 
penser.  Bencion,  fils  de  Suniaire,  possédait  la  terre  de 
Palatiolo,  que  Miron  avait  achetée  trente  -  quatre  ans 
auparavant  (Marc.  Hisp.,  art.   43   et  66).    Il  dit,  k 
la  vérité ,  en  donnant  ce  domaine  k  l'église  d'Elne,  qu'il 
avait  appartenu  a  sa  femme  Godlane;  mais  on  sait  que, 
d'après  la  loi  gothique ,  le  mari ,  sur  ses  biens  propres , 
constituait  à  sa  femme  une  dot,  dans  laquelle  il  rentrait 
lorsqu'elle  mourait  ab  intestat.  Un  plaid,  tenu  à  Portus, 
nous  apprend  que  Suniaire  était  Comte  d'Ampurias  en 
i.  On  ignore  en  quelle  année  il  ajouta  le  Roussillon         ^34. 


100  HISTOIRE   Ut    ROiSSILLON. 

à  ce  domaine  :  ce  ne  Tut  probablement  pas  avant  la  mort 
(le  Miron ,  survenue  eu  895.  Il  parait  que  jusqu'à  cette 
(époque,  le  Gonflent  et  le  Vallespir  avaient  fait  partie  do 
Comté  de  Roussillon.  Il  est  possible  qu'ils  en  aient  été 
séparés  alors;  du  moins  nous  voyons  dans  BofarulK  qn^ 
808.  la  mort  de  Vuifred-le-Velu ,  comte  de  Barcelone,  en  898, 
l'un  de  ses  fils,  nommé  Miron,  fut  Comte  de  Cerdagne,  et 
posséda  même  le  Conflent,  qui  appartint  à  ses  enfants  après 
sa  mort,  en  9^,  Nous  ne  savons  presque  rien  de  ce  comte 
Suniaire,  qui  pourrait  bien  être  le  même  qu'un  Comte  de 
ce  nom,  dont  le  Concile  de  Jonquières  leva,  en  909, 
l'excommunication  qu'il  avait  encourue  avec  ses  fils,  leurs 
épouses  et  ses  vassaux.  Il  est  parlé  de  lui  dans  un  plaid 
tenu  en  Roussillon  peu  d'années  après.  Il  était  déjà 
mort,  à  ce  qu'il  parait,  laissant  de  sa  femme  Ermen- 
garde,  quatre  fils,  dont  deux,  Almérade  et  Vadalde  *  fii- 
rent  successivement  Evêques  d'Elne;  les  deux  autres, 
Bencion  et  Gauzbert,  lui  succédèrent  dans  le  Comté  de 
Roussillon,  qu'ils  possédèrent  par  indivis. 

Bencion,  qu'on  croit  avoir  été  Comte  d'Ampurias  du 
vivant  de  son  père,  ne  lui  sunécut  pas  long-temps;  car 
il  était  mort  le  i^^  septembre,  dix-huitième  année  de 
Charles-le-Simple,  jour  où  TÉvéque  d'Elne  Almérade, 
l'appelle  «  mon  frère,  le  comte  Bencion,  d'heureuse  mé- 
moire. »  Nous  avons  parlé  dans  Tarticle  précédent  du  don 

1  LVif^qiir  \  a<lal(ir  ri  li*  romlf  (iaii/Urt  f«<iil.  $%niùl  in  unnm.  un  di»o  à  l'éf  litfT  4'C1m, 
tant  fK»or  ru\  quf  |M>ur  W  tr\Ht%  (lr>^  umi*»  «lu  ronilf  Sutiiairi' ,  df  mi  f«*Biiiif  iCnDra|(anlc. 
du  comlr  |triKi>in.  ilf  rt%»Sjo*'  Almi'-radf .  «lu  tirumlr  Y  ranron,  ilf  *a  frmmr  KirttJiMli»,  H  é» 
>icoiiitf  (Mon  Kail  ^ti  rummuii  par  rK\^<|u<'  cl  Ir  (iotntf  .  et  pour  te»  wtèmt*  pWMtWMt,  «t 
dun  »emhle  in<|i<|urr  qn*-  l'olgri  donn**  «rtatt  tndutt  rulrr  li*«  tluiul<*ur».  rt  qoe  ht  4#ftuits 
poor  lr9«]UrU  il  ^t.nl  «•rFrrt.MaK'nl  <S(alcm«'nt  chrr\  a  l'an  et  jranln*.rinnii%tafimi(«i  m 
itul  fuerenin^cinr  <|u'j  «Irux  fier"*»  I»"tn  Xii-x^lt»*  jw-o"^  !••  .oulrjin*  *ah*  fohAewtfmi. 


CHAPITRE   SEPTIÈME.  101 

qu'il  lit  à  l'église  d'EIne  de  la  terre  de  Palaliolo  :  la 
charte  émise  à  cet  effet,  est  datée  du  4  des  nones  de 
mars,  dix-nemième  année  de  Charles-Ie-Simple;  comme 
elle  doit  être  antérieure  à  celle  du  l^r  septembre,  dix- 
huitième  année  de  Charles ,  il  faut  que  dans  celle-ci  l'É- 
vêque  compte  les  années  de  Charles  de  Fan  900,  tandis 
que  dans  l'autre,  le  Comte  les  faisait  commencer  Tan  898, 
à  la  mort  d'Eudes  (Dom  Vaissette  observe  que  Charles  ne 
fut  universellement  reconnu  dans  la  Septimanie  qu'en  900). 
Bencion  n'eut  point  d'enfants  de  sa  femme  Godiane,  morte 
avant  lui.  C'est  sous  le  règne  de  ces  deux  Comtes,  au  î> 
juin  de  la  dix-huitième  année  de  Charles,  que,  dans  un 
plaid  tenu  en  Roussillon ,  on  répara  une  injustice  com- 
mise par  leur  père.  H  avait  enlevé  à  Viligius  un  tène- 
ment,  qu'on  prétendait  donné  à  titre  de  bénéfice  à  un 
certain  Tractérius.  Recimi,  fils  du  dépossédé,  s'en  était 
emparé;  le  Comte  le  lui  redemandait;  il  y  fut  maintenu 
sur  la  déclaration  des  témoins,  affirmant  qu'ils  avaient 
vu  son  aïeul  et  son  père  posséder  ce  domaine  à  titre 
A'adprision  et  non  de  bénéfice. 

Ce  Comte  se  trouva,  par  la  mort  de  son  frère,  maître 
de  tous  les  domaines  qu'ils  avaient  possédé  par  indivis. 
Il  assista  le  l^^^  septembre,  dix-huitième  année  de  Charles- 
le-simple,  à  la  consécration  de  l'église  d'EIne.  En  924,  92s. 
les  Hongrois,  après  avoir  ravagé  la  Lombardie,  franchirent 
les  Alpes,  travei^sèrent  le  Rhône,  pénétrèrent  jusqu'aux 
environs  de  Toulouse,  dévastant  le  pays,  et  commettant 
toute  sorte  de  cruautés.  Une  épidémie  fit  périr  une  partie 
de  ces  Barbares ,  et  le  Marquis  de  Gothie,  Raymond  Pons, 
ayant  assemblé  des  troupes  de  tous  les  côtés,  réussit  à 


102  HISTOIRE   Dl'   R0lSSILLO?î. 

expulser  les  autres  de  sa  province.  C'est,  peut-être,  par 
quelque  exploit  contre  ces  Hongrois,  que  Gauzbert  mérita 
le  titre  de  héros  triomphant,  qu'on  lui  donnait  dans  une 
inscription  gravée  sur  la  porte  de  l'église  de  Saint-Marlio 
d'Ampurias.  On  ignore  l'année  de  sa  mort.  On  sait  qu'en 
955  il  fit  quelques  dons  au  monastère  de  Saint-Cyr-de- 
Culléra.  il  eut  de  sa  femme  Trudegarde  un  fils  nommé 
Guifred  ou  Gauzfred,  qui  lui  succéda  dans  les  deux 
943.  Comtés  de  Roussillon  et  d'Ampuri^s,  avant  l'an  945,  ou 
il  est  parlé  de  lui  dans  un  diplôme  accordé  par  Louis- 
d'outre-Mer  au  monastère  de  Saint-Pierre  de  Rhodes. 


Ce  Comte  prenait  le  titre  de  Comte  d'Ampurias,  Pier- 
relate  et  Roussillon,  par  la  grâce  de  Dieu.  Il  est  appelé 
duc  et  ami  par  le  roi  Lothaire,  dans  une  charte  de  981, 
où  il  lui  accorde  un  vaste  terrain  inculte,  entre  Collioure 
et  Banyuls.  Il  l'appelle  Duc  de  Roussillon,  dans  une  autre 
charte  où,  à  sa  prière,  il  prend  sous  sa  protection  le 
monastère  de  Saint-Génis-des-Fontaines.  Gauzfred  ^eut 
d'Ave,  morte  vers  961,  trois  fils*  :  Hugues,  l'aîné,  eut  le 
Comté  d'Ampurias,  Suniaire  fut  Evéque  d'Elne,  Guisla- 
bert  eut  le  Comté  de  Roussillon.  Le  père  mourut  avant  le 
28  février  991 ,  jour  où  ses  exécuteurs  testamentaires  déli- 
vrèrent à  l'église  d'Elne  les  objets  qu'il  lui  avait  laissés 
dans  son  testament,  soit  dans  le  Comté  de  Pierrelate, 
soit  dans  celui  de  Roussillon. 


1  Lr  Ivre  Marcillo  attribe<>  j  (Uoifï^  iiur  t\\t  iioDiaire  Gottla .  nuiiéf  «en  lOtT,  «%ft 

k  (lonitif  de  Bartelooe  li*  rnijrer  lSa>iiioiHi.  'lil  \e  t.uurt-' ,  nm*.  »i  l\.ri  rufii|urc  Ir»  éxle*  et 
la  nort  de  l'aD.  et  lia  maruite  ik  I  .lulrc.  on  «^ra  p«»rtc  a  rn-ire  q»««  »i  »ell«"  «owtr»»  «le*- 
•endail  île  (iauifred  .  t\te  cUil  plutm  m  |ietitf-fllir  .|Hr  m  tiMi* 


CHAPITRE    SEPTIÈME.  103 

G\1\LL\BE.KT  ou  G\5\SL\BE.RT . 

Il  est  fait  mention  de  ce  Comte  dans  une  charte  du  5 
des  nones  de  novembre,  onzième  année  du  roi  Robert 
(1007).  De  concert  avec  son  frère  Hugues  d'Ampurias,  il  y  1007, 
donne  au  monastère  de  Saint-Pierre  de  Rhodes,  quelques 
terres  situées  dans  les  Comtés  de  Pierrelate  et  d'Ampurias, 
et  provenant  de  la  succession  de  leur  père.  Guislabert 
mourut,  suivant  Taverner,  avant  l'an  1014.  On  ne  con- 
naît pas  le  nom  de  sa  femme  ;  il  en  eut  au  moins  deux 
61s  :  Gauzfred,  qui  lui  succéda,  et  Suniaire.  On  les  voit 
Ggurer  dans  une  vente  faite  de  concert  avec  leur  oncle 
Hugues,  Fan  1029,  à  l'abbaje  de  Saint-Pierre  de  Rhodes, 
d'un  vaste  terrain  inculte,  qui  s'étendait  des  terres  du 
monastère  jusqu'au  cap  de  Creux.  H  est  possible  que 
Suniaire  soit  l'Évéque  d'Elne  de  ce  nom  Ggurant ,  dans 
une  charte  de  1031 . 

G\i:ZVBÏ.D  u. 

Il  était  en  bas-àge  lors  de  la  mort  de  son  père.  Son 
oncle  Hugues,  se  prévalant  de  cette  circonstance,  tenta  de 
le  dépouiller;  mais  Bernard  Taillefer,  comte  de  Bésalu, 
l'aida  à  repousser  cette  injuste  agression.  Son  frère  Oliba, 
évéque  d'Ausone,  fut  le  médiateur  de  la  paix  conclue  en 
1020  entre  l'oncle  et  le  neveu.  La  protection  accordée 
au  jeune  Gauzfred  par  les  deux  fils  d'Oliba-Cabréta,  fait 
supposer  (|u'il  était  leur  proche  parent.  Il  assista,  le  16 
juin  102o,  à  la  consécration  de  l'église  du  vieux  Sainl-  1025. 
Jean  de  Perpignan.  Le  Roussillon  était,  comme  tous  les 
pays  chrétiens,  désolé  par  les  guerres  privées.  Plusieurs  * 
Évéques  avaient  défendu ,  sous  des  peines  canoniques , 
de  commettre  aucune  violence  le  dimanche,  afin  de 
pouvoir  vaquer  au  service  divin.  Cette  trêve  qui  devait 


toi  riISTOÎRE'DL*   nOL'SSiLLOX. 

s'observer  le  jour  du  Seigneur,  fut  par  cette  raison  ap- 
pelée trève-Dieu.   Le  premier  règlement  connu  sur  cette 
matière  fut  fait  dans  un  Synode,  tenu  te  16  mai  1027, 
au  Diocèse  d'Elne,  sons  la  présidence  d'Oliba,  évêqoc 
d'Ausone  el  abbé  de  Sainl-Michel-de-Cuxa,  chargé  de 
l'administration  du  Diocèse  en  Tabsence  de  Tévêque  Bé- 
renger  III  (voyez  les  Conciles  du  père  Labbe).  D'après 
ce  règlement,  on  ne  pouvait,  sous  peine  d'excommuni- 
cation, convertie  en  anathème  au  bout  de  trois  mois, 
attaquer  un  moine  ou  un  clerc  sans  armes,  un  homme 
allant  à  Téglise  ou  en  revenant,  ou  bien  marchant  avec 
des  femmes;  les  églises  et  les  maisons  qui  n'étaient  pas 
éloignées  de  trente  pas,  devaient  être  respectées  en  tout 
temps.  Quant  à  un  ennemi,  il  n'était  défendu  de  l'attaquer 
que  depuis  l'heure  de  nonc  du  samedi  jusqu'à  l'heure  de 
prime  du  lundi.  Les  heureux  résultats  de  ce  Synode,  ou 
peut-être  le  désir  d'en  perfectionner  les  règlements  et 
de  les  rendre  plus  utiles  en  les  faisant  exécuter  dans 
une  plus  vaste  contrée ,  engagèrent  des  Prélats  et  quel- 
ques Seigneurs  de  la  province  ecclésiastique  de  Narbonne 
^041.       à  s'assembler,  en  lOU,  dans  le  lieu  de  Tuluges,  du  Dio- 
cèse d'Elne,  sous  la  présidence  de  Guifred,  archevêque 
de  Narbonne.  On  compta  parmi  ces  Prélats  les  Evéques 
de  fiirone  et  d'KIne,  et  parmi  les  Seigneurs,  le  Comte  de 
Roussillon,  avec  son  fils,  les  Comtes  Pons  d'Ampurias, 
Guillaume  de  Bésalu ,  Raymond  de  Cerdagne ,  le  Vicomte 
de  Castelnou.  Ijk  prohibition  des  hostilités  eut  lieu  dans 
un  plus  grand  nombre  de  circonstances  :  on  défendit  de 
commettre  des  violences  dans  les  églises,  les  cimetières 
et  autres  lieux  consacrés,  lorsqu'ils  n'étaient  pas  fortifiés; 
d'attaquer  les  clercs,  les  religieux,  les  religieuses,  les  veu- 
ves; de  brûler  les  maisons  des  clercs  et  des  |>aysans;  de 
saisir  les  vaches,  les  ânes,  les  juments,  les  (mulains  aii- 


CHAPITRE  SEPTIÈME.  105 

dessous  (le  six  mois.  On  y  statua  que  quiconque  n'aurait 
pas  réparé,  quinze  jours  après  en  avoir  été  requis,  les 
dommages  qu'il  aurait  causés,  serait  comdamné  à  payer 
une  amende  double  de  la  valeur,  dont  moitié  pour  le 
Comte  ou  TÉvêque  qui  le  contraindrait  à  la  réparation. 
La  trève-Dieu  devait  avoir  lieu  à  diverses  époques  de  Tan- 
née, et  en  outre,  toutes  les  semaines,  depuis  le  mercredi 
soir  jusqu'au  lundi  matin.  On  fut  obligé,  dans  la  suite, 
d'en  abréger  la  durée;  elle  ne  commença  plus  que  le 
samedi  soir.  Le  concours  du  pouvoir  civil  avec  l'autorité 
ecclésiastique  devait  donner  une  plus  grande  force  aux 
ordonnances  faites  dans  cette  réunion;  et  l'on  avait  eu 
l'adresse  d'intéresser  les  Évêques  et  les  Comtes,  à  la  pu- 
nition des  infracteurs.  Mais  que  peuvent  les  lois,  lorsque 
les  législateurs  sont  les  premiers  à  les  enfreindre!  Au 
sortir  de  l'assemblée  de  Tuluges*,  son  président,  l'ar- 
chevêque Guifred,  attaquait  le  Vicomte  de  Narbonne  ;  et 
au  Concile  tenu  dans  cette  ville  le  17  mars  1043,  on 
n'excepta  que  par  pur  ménagement  les  Comtes  de  Bésalu 
et  de  Cerdagne,  de  l'excommunication  lancée  contre  les 
envahisseurs  des  biens  du  monastère  de  Cuxa.  Les  cha- 
noines d'Elne  n'étaient  pas  mieux  traités  que  leç  moines  , 
de  Saint-Michel,  et  c'était  de  plus,  par  un  de  leurs  archi- 
diacres, Uzalgar  de  Casteinou,  qui,  chargé  par  eux  de 
l'administration  des  biens  du  Chapitre,  se  les  appropria 
et  s'y  maintint  à  force  ouverte  jusqu'à  ce  qu'il  eût  péri 
dans  un  combat  livré  pour  les  défendre.  A  sa  mort,  deux 
de  ses  parents,  le  vicomte  Uzalgar  et  l'archidiacre  Guil- 
laume, s'en  saisirent  comme  d'un  héritage,  et  ne  les 
restituèrent  qu'en  partie,  lorsque  l'évêque  Raymond  eut, 
pour  les  y  contraindre,  fait  fermer  toutes  les  églises  du 

« 

l  Nous  avons  placé  le  Synode  (l'Elne  eu  10â7  i  et  adopté  .la  date  de  lOH  pour  cchn  >k 
Tulujes,  satvaul  Doin  Vaisselle,  donl  l'opinion  parall  la  mieux  fondée. 


106  HISTOIRE   DU    ROL'SSILLON. 

diocèse.  Ces  faits  dous  sont  transmis  par  une  lettre  ency* 
clique  du  Chapitre  d'Elne,  que  nous  devons  à  M.  Fossa. 
Nous  y  voyons  que  les  chanoines,  pour  faire  rendre  gorge  à 
l'archidiacre  Uzalgar,  s'étaient  adressés  a  l'Archevêque  de 
Narbonne,  au  Comte  de  Roussillon,  et  à  plusieurs  autres 
puissants  Seigneurs,  qui  se  rendirent  tous  à  EIne,  sans 
pouvoir  rien  obtenir  de  l'Archidiacre.  Cette  réimion  pour- 
rait bien  être  celle  dont  il  est  question  dans  la  charte 
du  A  des  ides  de  décembre  1053  (Marc.  Hisp.  ),  où  il 
est  dit  que  l'Archevêque  Guifred,  avec  les  Évêques  de 
Girone  et  de  Carcassonne,  les  Comtes  de  Roussillon  el  de 
Cerdagne,  s'étaient  réunis  à  Elue  (ad  reœdificandam)  pour 
restaurer  l'église  cathédrale  de  Sainte -Eulalie*.  Quelque 
sens  qu'on  attribue  à  ces  expressions,  il  fallait  d'abord 
faire  rentrer  a  la  mense  capitulaire,  dont  une  partie  étah 
consacrée  k  l'entretien  de  l'église,  les  biens  qui  en  avaieiil 
été  distraits.  L'Évéque  d'Elne  s'exécuta  en  restituant  la 
terre  de  Saleilles,  mais  son  exemple  ne  fut  pas  sui\i;  au 
moins  les  chartes  contenant  ces  restitutions  ne  sont  point 
parvenues  jusqu'à  nous. 

On  n'a  pas  à  reprocher  à  («auzfred  les  mêmes  violences 
(|u'aux  autres  Seigneurs  de  cette  époque.  Nous  l'avons 
vu,  au  contraire,  figurer  à  deux  assemblées  où  il  s'agis- 
sait d'en  arrêter  le  cours  ou  de  les  réparer.  En  1046,  il 
assista  à  la  consécration  de  Téglise  d'Arles.  En  1060,  il 
contribua  avec  Adélaïde  ou  Azalais,  sa  femme,  à  la  cons- 
truction d*un  autel  a  EIne.  En  1071,  il  tit  une  donation  à 
1075  Tabbave  de  Saint-Pierre  de  Rhodes.  Il  était  mort  en  1075, 
laissant  un  (ils  nommé  (îuislabort,  qui  lui  succéda. 

A^\A  »ifillf  tu  1M7  f  H(tn  Hup.  i.  mrn  n"iH<li«|u<*  qiiVilr  ail  «ti*  r.^|»jrifc  th»f>l7  à  fiMt; 
»ii  \  lrj\iill.«it  •Il  fd.'t".  .inii<*i- iiu  [4  Kitnlr^w  Krii.i^Mitilr.  lir  flinvlxii* .  «lau»  va  IrtUa^at 
iIh  25  r^iUcnitiri' .  ii»iiiuil  f.'itl  mjnruH*^  atl  Stilfui  Snmtir-Kutalnr  Hu»itlt6n%s.  adtfâm 


CHAPITRE   SEPTIÈME.  107 


G\3\S\ABE.KT  W 


Ce  Comte  régnait  déjà  en  1075,  puisqu'il  fut  chassé,  cette 
année ,  de  l'église  de  Saint-Michel-de-Cuxa  par  les  soldats  du 
Comte  de  Cerdagne.  On  ignore  s'il  obtint  réparation  de  cette 
insulte.  Il  termina  en  1085  les  diflërends  qu'il  avait  avec 
Hugues  II,  comte  d'Ampurias.  Dans  l'accord  conclu  entre 
eux,  le  4  des  calendes  de  juin,  Hugues  s'engagea  k  as- 
surer ses  droits  sur  les  Comtés  d'Ampurias  et  de  Pierre- 
late,  k  employer  la  voie  de  la  justice,  et,  au  besoin,  celle 
des  armes,  pour  châtier  ceux  qui  voudraient  lui  faire  tort. 
On  convint  qu'ils  s'appelleraient  réciproquement  aux  plaids 
tenus  dans  leurs  terres  ;  qu'ils  partageraient  les  composi- 
tions et  les  amendes  lorsqu'ils  seraient  tous  les  deux  pré- 
sents; et  qu'en  l'absence  de  l'un  des  deux,  les  bénéfices 
seraient  pour  l'autre.  Il  y  fut  convenu  encore  que,  lorsque 
Guislabert  irait  à  Ampurias,  il  y  jouirait  des  mêmes  droits 
et  prérogatives  dont  jouissait  Hugues.  Ce  traité,  plusieurs 
plaids  où  le  jugement  est  prononcé  par  le  même  magis- 
trat, comme  juge  des  deux  Comtés,  quelques  dons  faits 
en  commun  aux  églises,  ont  porté  Taverner  à  croire 
qu'issus  de  la  même  maison ,  les  Comtes  d'Ampurias  et 
ceux  de  Roussillon  avaient  gardé  indivise  la  propriété 
des  deux  Comtés,  dont  ils  se  contentaient  de  percevoir 
séparément  les  revenus.  Des  arrangements  de  cette  na- 
ture ont  été  trop  fréquents  a  cette  époque,  pour  nier  qu'il 
en  ait  existé  de  semblables  entre  les  deux  branches  de  la 
maison  de  Roussillon  ;  mais  nous  n'avons  pas  des  preuves 
assez  fortes  pour  l'affirmer. 

Le  goût  des  pèlerinages  lointains,  si  commun  dans  ce 
siècle,  s'était  aussi  introduit  en  Roussillon.  On  prétend 
que,  dès  l'an  1027,  Bérenger,  évéque  d'Elne,  avait  fait 
celui  de  Jérusalem,  el  que  peu  d'années  a|)rès,  le  comte 


10H  HISTOIRE   m    ROLSSIULt>N. 

(«auzfred  lil  celui  de  Saint-Jacques.  On  voit  daus  les 
chartes,  un  Comte  de  IVvsalu,  en  IO^m;  Bernard  de  Cor- 
neilla,  en  1087;  (Juillaunie,  vicomte  de  Casteinou  et  archi- 
diacre d'Elne,  en  KJÎM,  se  disposer  à  visiter  les  Saints 

40ÎMÎ.  lieux.  Enfin,  en  lOTK),  (iérard,  lils  aîné  du  comte  Guis- 
labert,  partit,  suivi  de  plusieurs  vassaux  de  son  père, 
entr'autres  de  Guillaume  de  Canet,  et  se  joignit  à  l'année 
des  Croisés,  qui,  sous  la  conduite  de  Raymond  de  Saint* 
Giles,  marcha  à  travei-s  les  Alpes,  la  Kombardie,  le  Frioul 
et  la  Dalmatie,  pour  se  réunir  à  ceux  (|ui  les  avaient  pré- 
cédés à  Cortstantinople,  et  aller  à  la  conquête  de  la  Terre- 
Sainte.  Gérard  était  Tun  des  sept  principaux  chefs  de 
cette  moitié  de  Tarmée  du  (^.omte  de  Toulouse,  qui  partit 
la  première,  et  qui,  avec  une  autre  armée  de  Croisés, 
arriva  devant  Nicée  le  (J  mai  1(H)7.  Après  avoir  contribué 
à  la  prise  de  celle  ville,  à  celle  dWntioche,  et  k  toutes 
les  victoires  remportées  par  les  Chrétiens,  il  ftit,  dans  ia 
bataille  livret?  sous  les  murs  de  cette  dernière  ville,  Tun 
des  chefs  du  onziènu»  corps  de  l'armée  chrétienne,  com- 
posi*  de  la  cavalerie  des  provinces  méridionales  de  la 
France.  Les  Ooisés  axant  ensuite  marché  sur  Jérusalem, 
nous  voyons  au  sié^^e  <le  cette  ville,  (lérard  qui  faisait 
partie  de  Tattaque  commandée  par  Godefroy  de  liouillon, 
|)énétrer  Tun  des  premiers  dans  la  place.  ApK's  la  défaite 
de  Tannée  du  Soudan  d'Éj^ypte  ii  Ascalon,  Gérard  se  dé- 
tennina  ii  revenir  en  Occident  par  la  voie  <ie  Conslan- 

1100.  tinople.  Il  était  de  retour  au  mois  de  septembre  1100. 
Arnahlus  Vilh^lmi,  de  Salses,  avait  lé(j[ué  à  l'église  d*Eine 
le  tiers  du  lieu  de  Saint-Génis-de-Tanvères.  I^  comte 
(luislabert  contestait  la  validité  de  cette  donation.   On 

discuta  cette  atlaire  dans  une  n'^union  de  nobles,  de  juges 
et  de  |H'rsonnes  d'un  ran^'  inférieur,  qui  eut  lieu  k  Fine. 
Comme  on  ne  iléridait  rien,  le  Comtt*  ordonna  ii  Ravmonil 


CHAPITRE  SEPTIÈME.  109 

Viilelmi ,  juge  des  Comtés  de  Roussillon ,  d'Âmpurias  et 
de  Pérelada ,  de  prononcer  le  jugement.  Celui-ci  déboula 
le  Comte ,  qui ,  furieux ,  se  jeta  avec  son  fils  Gérard  sur 
les  possessions  de  l'Evéque,  abattant  les  maisons,  cou- 
pant les  arbres,  maltraitant  les  habitants  ;  mais  ces  prin- 
ces, ramenés  par  les  conseils  et  les  reproches  de  leurs 
amis  et  des  gens  de  bien,  consentirent,  dans  un  accord 
fait  le  25  septembre  1100,  à  ratifier  la  donation  d'Âr- 
naldus  de  Salses,  moyennant  700  sols  que  leur  compta 
rÉvêque. 

Quoique  disposés  à  soutenir  par  les  moyens  les  plus 
violents  leurs  prétentions  contre  l'église  d'Elne,  ces 
Comtes  se  montrèrent  généreux  envers  celle  de  Saint- 
Jean  de  Perpignan.  Guistabert  lui  donna,  le  15  septem- 
bre 1102,  de  concert  avec  sa  femme  Stéphanie  et  son 
fils  Gérard,  la  dime  de  toute  la  paroisse  et  quelques  au- 
tres objets,  afin  que  les  ecclésiastiques  qui  la  desservaient 
pussent  vivre  en  communauté.  La  charte  relative  à  ce  don 
est  la  dernière  où  il  soit  fait  mention  de  Guislabert ,  ce 
qui  fait  présumer  qu'il  mourut  peu  de  temps  après. 

Ce  Comte  avait  épousé  avant  1102  Agnès,  dont  on  ne 
connaît  pas  la  famille.  La  première  Croisade,  où  nous 
l'avons  vu  figurer  avec  honneur,  ne  l'avait  pas  dégoûté 
de  ces  expéditions  lointaines.  La  piété  et  l'ambition  le 
ramenèrent  a  la  Terre-Sainte,  où  il  se  trouvait  en  1109. 
Comme  il  en  revint  en  1112,  il  est  assez  probable  qu'il  in2. 
partit  au  commencement  de  mars  1109,  à  la  suite  de 
Bertrand,  comte  de  Toulouse,  et  que  la  mort  de  ce  prince, 
qui  eut  lieu  le  21  avril  1112,  le  détermina  à  abandonner 
la  Palestine.  Durant  son  absence,  sa  femme  Agnès  donna 


110  HISTOIRE   DU   ROUSSILLON. 

à  labbaye  de  la  Grasse  celle  de  Saint-André  de  Sorède, 
sous  la  condition  d'en  réparer  les  bâtiments,  qai  tom- 
baient en  ruines,  s'engageant  a  faire  confirmer  cette 
donation  par  son  mari,  s'il  revenait  du  Saint-Sépulcre. 
La  charte  qu'elle  lit  expédier  pour  cet  objet,  est  du  97 
septembre  1101)  :  il  parait,  d'après  la  manière  dont  elle 
s'exprime,  qu'elle  avait  eu  du  Comte  plusieurs  enfants 
de  l'un  et  de  l'autre  sexe.  Mais,  comme  aucun  d'eux  ne 
signe  cette  charte ,  nous  devons  en  inférer  qu'ils  étaient 
tous  en  bas-âge,  et  qu'ainsi  le  contrat  de  mariage  de 
Gauzfred,  Tun  d'eux,  fait  le  r>  des  ides  de  mai  1110, 
avec  t^rmengarde,  fille  de  Bernard  Athon,  comte  de  Bé- 
ziers  et  de  Cécile,  sa  femme,  contrat  dont  parlent  Balme 
et  d'Achéri,  nest,  comme  sa  teneur  semble  Tindiquer, 
qu'une  simple  promesse  qui  s'effectua  plus  tard.  Ermen- 
garde  reçut  en  dot  plusieurs  fiefs ,  indépendamment  des 
châteaux  d'Abeillan  et  de  Mèze,  dont  elle  ne  devait  jonir 
qu'après  la  mort  de  ses  parents.  I^  Vicomte  déclare,  en 
outre,  que  s'il  venait  k  mourir  sans  enfants  miles, 
Ermengarde,  ou  toute  autre  de  ses  filles  qu'épouserait 
rtauzfred,  hériterait  de  tous  ses  biens.  Revenu  de  la  P^ 
lestine  vers  la  fin  de  1H2,  le  Comte  Gérard  fut  toé 
Tannée  suivante.  On  ignore  les  circonstances  de  sa  mort» 
ainsi  que  les  événements  qui  eurent  lieu  dans  le  Rooik 
sillon  pendant  les  trois  années  suivantes 
Hir».  Une  charte  du  2  des  ides  d'avril  11 16,  et  une  inscrip- 

tion placée  sur  l'édifice ,  nous  apprennent  que  ThApital 
Saint-Jean  de  Perpignan,  fut  fondé  le  Ti  avril  de  cette  année^ 
par  un  Comte  de  Houssillon,  appelé  Amaldus  Gaufredos 
ou  Gauffeiii,  qui  se  trouve  ainsi  entre  Gérard  et  son  fils 
(■auzfred  III.  l>om  Vaissette  suppose  que  ccSeîgneur^  fUs 
de  Gauzfred  II ,  ne  prit  le  titre  de  Comte  de  RoussilloB 
(pi'en  qualité  de  tuteur  de  son  petit-neveu  Gauzfred  III. 


CHAPITRE   SEPTIÈME.  111 

D'après  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut,  cette  tutelle 
n'a  rien  d'invraisemblable,  et  cet  Amaldus  Gaufredi,  qui 
signe  l'acte  du  15  septembre,  dont  nous  avons  parlé  à 
la  fin  du  règne  précédent,  immédiatement  après  le  comte 
Guisiabert,  sa  femme  et  son  fils,  devait  être,  en  effet, 
l'oncle  et  le  tuteur  de  Gauzfred.  Ne  connaissant  aucun 
autre  document  qui  fasse  mention  de  cet  Amaldus  Gau- 
firedi,  nous  adoptons  volontiers  l'explication  de  Dom 
Vaissette,  et  nous  ne  donnerons  point  place  à  ce  Comte 
parmi  ceux  du  Roussillon. 

G\V3Z.F1V€.D  \\\. 

Pendant  sa  minorité ,  les  Sarrasins ,  maîtres  des  îles 
Baléares ,  désolaient  par  leurs  pirateries  toutes  les  côtes, 
depuis  Tortose  jusqu'à  Pise.  Le  Comte  de  Barcelone, 
Raymond  Bérenger  III,  s'étant  concerté  avec  les  Génois 
et  les  Pisans  pour  armer  contre  ces  brigands ,  plusieurs 
Seigneurs  du  Languedoc,  de  la  Provence  et  du  Rous- 
sillon firent  partie  de  l'expédition.  La  flotte  qui  la  portait 
ayant  mis  à  la  voile  en  liH,  fut  dissipée  par  une  forte 
tempête,  et  ne  se  réunit  de  nouveau  que  le  24  juin  1115. 
\prè8  s'être  emparé  de  l'île  d'Yviça,  le  10  août,  on  atta- 
qua, le  24,  Majorque,  qui  ne  se  rendit  que  le  6  février 
1116.  L'île  entière  était  soumise  le  5  avril.  Mais  cet 
exploit  fut  plus  brillant  que  solide  ;  les  Maures  se  révol- 
tèrent peu  après,  recouvrèrent  leur  indépendance,  et 
continuèrent  leurs  brigandages.  Ce  n'est  qu'à  cette  épo- 
que, qu'on  trouve,  pour  la  première  fois,  le  nom  de 
Catalogne  donné  à  la  Marche  d'Espagne. 

Au  moment  où  Gauzfred  prenait  les  rênes  du  Gouver- 
nement, le  Comte  de  Barcelone,  dont  les  nouvelles  acqui- 
sitions des  Comtés  de  Bésalu  et  de  Cerdagne  entouraient 


M-2  HISTOIKE  Dl    ROtSSILLON. 

presque  le  Koiissilloii  et  le  pays  d'Ainpurias,  devenait  un 
voisin  bien  redoutable.  Cette  considération  aurait  dû  les  • 
engager  a  resserrer  ralliance  qu'une  origine  commune  ren- 
dait si  naturelle  entre  les  deux  familles.  Loin  de  1^,  ils  ne 
surent  pas  vivre  en  bonne  intelligence.  Le  Comte  de  Roufr* 
sillon,  vraisemblablement  le  plus  faible,  parait  avoir  en 
recours  au  Comte  de  Barcelone,  qui  força ,  ik  la  vérité,  en 
1 128,  le  Comte  d'Ampurias  à  satisfaire  celui  de  Roussillon; 
mais  il  profita  de  cette  occasion  pour  étendre  sa  suzerai* 
neté  sur  le  premier,  qui  n'avait  jamais  dépendu  de  lui.  Il 
parait  cependant  que  Pons-Ilugues  et  Gauzfred  comprirent 
le  mal  qu*ils  s'étaient  fait  par  leur  brouillerie;  et  c'est, 
ii.'o.  sans  doute,  par  suite  de  leur  réconciliation,  qu'en  1130, 
le  premier  institua  le  second  héritier  du  Comté  d'Am- 
purias,  dans  le  cas  où  il  mourrait  sans  enfants  légitimes. 
Cauzfred,  qui  avait  eu  recours  à  une  assistance  si  dan- 
gereuse |H)ur  obtenir  justice  de  son  parent,  laissait  ra<* 
vager  impunément  les  côtes  de  ses  Etats  par  les  Sarra* 
sins  des  Baléares;  c'est  ce  <iue  nous  apprend  Udalgar, 
évêque  d'Klne.  Ce  Prélat  se  plaignait  au  Synode  tenu  à 
Narbonne  en  1  iiO,  que  son  Diocèse  était  désolé  par  ces 
pirates;  qu1ls  avaient  fait  grand  nombre  de  captifs,  et 
demandaient  cent  jeunes  vierges  pour  le  rachat  de  ces 
malheureux.  Il  ajoutait,  qu'ayant  pris  des  engagements 
avec  ces  Barbares  pour  la  rançon  des  prisonniers,  il  im- 
plorait la  charité  des  iidèles  afin  de  pouvoir  les  remplir. 
Ce  Concih*  provincial  accorda  des  indulgences  à  ceoi 
(|ui,  par  leurs  aumônes,  contribueraient  à  cette  bonne 
(puvre.  Kn  lir>9,  le  ccmite  iiauzfred,  sa  femme  Er- 
mengarde  TrenraveL  et  leur  fils  Cuinard  ou  Gérard, 
confirment  la  donation  faite  en  IKKI  de  Tabliave  de 
Siiint-Aiidré  de  Sorède  à  relie  iW  la  Crasse.  Kn  1151, 
Cian/fred  donna  à  snn  fils  Gérard  la  Seigneurie  alhHlialf 


CHAPITRE  SEPTIÈME.  113 

de  Perpignan  et  de  Mailloles,  ainsi  que  le  tief  qu'il  tenait 
du  Vicomte  de  Narbonne,  et  le  déclara  l'unique  héritier  de 
son  Comté.  Le  Vicomte  de  Béziers,  Raymond  Trencavel, 
oncle  de  Gérard,  fut  un  des  témoins  de  cette  donation. 
Gauzfred  vivait  très  mal  avec  sa  femme,  qu'il  ne  tarda 
pas  k  répudier  pour  en  prendre  une  autre.  La  Comtesse 
se  retira  au  château  de  Mèze,  en  Languedoc,  qu'elle  avait 
eu  en  dot,  et  porta  ses  plaintes  au  pape  Eugène  III  :  le 
Pontife  excommunia  son  mari.  Ce  fut  peut-être  pour 
fenger  l'outrage  fait  à  sa  sœur,  que  Raymond  Trencavel 
envahit  le  Roussillon ,  comme  on  l'apprend  pdr  son  tes- 
tament de  1154,  où  il  donne  ordre  de  réparer  le  tort 
Ëiit,  dans  ses  incursions,  aux  Templiers,  aux  Hospitaliers 
et  aux  églises  de  ce  pays.  Adrien  IV  renouvela  l'excom- 
munication d'Eugène,  et  écrivit  \k  l'Archevêque  de  Nar- 
bonne,  à  l'Évéque  d'Elne  et  aux  Barons  du  Roussillon, 
pour  déclarer  adultérins  les  fils  nés  de  la  seconde  femme, 
et  par  conséquent  privés  de  tout  droit  k  la  succession 
paternelle.  Nous  ignorons  si  les  foudres  de  l'Église  pro- 
duisirent quelque  effet  sur  Gauzfred.  Il  parait  que  la  bonne 
intelligence. du  père  et  du  fils  ne  fut  pas  troublée;  car, 
dans  one  charte  de  1162,  ils  accordent,  de  concert,  à 
Guillaume,  Seigneur  de  Pia,  la  faculté  de  prendre  deux 
meules  d'eau  du  ruisseau  du  Vernet,  pour  l'arrosage  de 
ses  terres  :  Gérard  s'y  intitule ,  comme  son  père.  Comte 
de  Roussillon.  Gauzfred  mourut  le  6  des  calendes  de 
mars  1165  (25  février  1164) ,  après  avoir  institué  héritier  j^^^y 
de  tous  ses  domaines,  son  fils  Gérard,  par  un  testament 
verbal  fait  ce  jour  même ,  en  présence  de  sept  témoins. 

G\3W\RD  ou  GÉRARD  II. 

Les  sept  témoins  du  testament  de  Gauzfred  étaient, 
suivant  les  lois,  obligés  d'en  donner  connaissance  dans 

8 


114  HISTOIRE   DU   ROUSSILLON. 

le  délai  de  six  mois.  Ils  le  déclarèrent  doue  à  TÉvéque 
d'Elne,  ik  Miron,  juge  du  Comté,  et  2i  TÂbbé  de  Sainl* 
André,  le  8  des  ides  de  mai  1164.  Ils  en  attestèrent  la 
vérité  par  un  serment  prêté  sur  l'autel  de  Saint-Pierre 
de  l'église  Saint- Jean  de  Perpignan,  en  présence  éd 
l'Évéque,  de  l'Abbé,  du  Juge,  du  Vicomte  de  Castelnoii^ 
de  Pons  de  Rocha,  de  Bérenger  d'Orla,  de  Bernard  de 
Castell-Rossello ,  de  Gérard  d'Ille,  de  Pons  de  Banyuis, 
et  de  plusieurs  autres  Chevaliers.  Malgré  ce  testament 
et  la  déclaration  faite  par  son  père  en  1151 ,  il  paraît 
que  Gérard  éprouva  quelque  opposition  :  elle  provenait 
de  la  femme  épousée  par  son  père,  après  la  répudia- 
tion d'Ermengarde  et  des  enfants  qu'il  en  avait  eus.  Noua 
voyons  le  pape  Alexandre  III ,  à  la  sollicitation  de  Ra]h 
mond  Trencavel ,  écrire  de  Montpellier  deux  lettres  k  ce 
sujet,  le  10  août  1165.  Dans  la  première»  adressée  à 
Gérard ,  il  confirme  ses  droits  ;  dans  la  seconde ,  il  recom- 
mande aux  Archevêques  de  Narbonne  et  de  Tarragone, 
ainsi  qu'aux  Évêques  d'Elue  et  de  Girone,  d'appuyer  de 
toutes  leurs  forces  les  prétentions  du  comte  Gérard  à  la 
succession  de  son  père,  prétentions  qui,  seules,  étaient 
fondées,  d'après  les  décisions  de  ses  prédécesseure. 

Gérard  avait,  du  vivant  de  son  père,  confirmé,  conune 
Seigneur  particulier  de  Perpignan ,  les  coutumes  et  bona 
usages  de  cette  ville,  par  une  charte  datée  des  nones  de 
juin  1162.  Il  fit  une  donation  à  l'hôpital  de  cette  tille^ 
le  3  des  nones  de  janvier  1167;  et  le  14  des  calendes 
de  juin  1 170,  il  accorda  de  nouveaux  privilèges  il  Perpi» 
gnan.  Il  mourut  [^u  de  temps  afirès,  le  4  des  nones  de 
1472.  juillet  1 172,  jour  où,  par  son  testament,  il  institua  pour 
son  héritier  an  (lointé  de  Roiissillon  et  h  ce  qu*il  posscdail 
dans  ceux  d'Ampurias  et  de  Pierrelate,  Alphonse  II,  roi 
d'Aragon.  Ce  Monarqur  n'a\ait  aii(  un  droit  il  cet  héritage. 


CHAPITAE   SEPTIÈME.  115 

comme  le  dit  Gérard  lui-même  dans  son  testament.  Le 
Comte  ne  manquait  point  de, parents,  et  Hugues  III, 
Comte  d'Ampurias,  descendait,  comme  lui,  des  premiers 
Comtes  de  Roussillon.  Mais  Gérard  voyait  son  héritage 
fort  convoité  par  le  Roi  d'Aragon  ;  il  ne  pouvait  en  dis- 
poser en  faveur  d'aucun  de  ses  parents,  assez  puissant 
pour  le  défendre  contre  les  entreprises  d'Alphonse.  Il 
craignait  que  s'il  venait  à  s'en  emparer  par  les  armes, 
les  dispositions  auxquelles  il  tenait  le  plus  restassent 
sans  exécution.  Il  préféra  donc,  en  suivant  les  conseils 
d'une  sage  politique,  déclarer  le  Roi  d'Aragon  son  héri- 
tier, lui  recommander  ses  parents,  ses  amis,  et  le  charger 
de  l'exécution  de  ses  dernières  volontés.  Quant  au  châ- 
teau de  Mèze,  qu'il  tenait  du  chef  de  sa  mère,  il  en  dis- 
posa en  faveur  de  Béatrix,  sa  cousine  * .  Les  nombreuses 
restitutions  ordonnées  par  Gérard,  restitutions  dont  on 
trouve  de  fréquents  exemples  dans  les  testaments  de 
cette  époque,  nous  prouvent  que  si  les  Seigneurs  d'alors, 
en  cela  semblables  aux  hommes  puissants  de  tous  les  siè- 
cles, commettaient  des  injustices,  ils  songeaient  du  moins 
souvent  à  les  réparer  au  moment  de  leur  mort.  La  poli- 
tique qui  dicta  le  testament  de  Gérard  s'accordait  heu- 
reusement avec  le  véritable  intérêt  des  peuples  ;  et  si  le 
Roussillon  vit  rompre  les  liens,  devenus  bien  faibles,  qui 
l'attachaient  k  la  France  depuis  plus  de  quatre  siècles,  il 
eut  du  moins  l'avantage  de  faire  partie  d'un  Etat  mieux 
gouverné  que  ne  l'étaient  à  cette  époque  la  plupart  des 
monarchies  de  l'Europe. 

Les  Comtes  de  Roussillon ,  depuis  Miron ,  étaient  bien 
loin  de  posséder  la  province  entière  qui,  dans  la  suite,  porta 


1  Ou  (loil  être  surpris  dp  le  voir  disposer  de  le  rhâteau,  ifu'il   avait    vendu  eu   1152 
^   ^tu  oiirlo  îtaxinoiid  irfUiavel. 


116  HISTOIRE   DU    ROUS81LL0N. 

ce  nom.  Leur  puissance  ne  s'étendait  guère  que  sur  les 
deux  cantons  actuels  de  Perpignan,  ceux  d'Argelès^  de 
Thuir,  de  Millas,  de  Rivesaltes,  et  sur  quelques  Tillagm 
limitrophes.  Le  reste,  devenu,  après  la  mort  de  IGron, 
la  propriété  des  Comtes  de  Barcelone,  fut  annexé  aux 
Comtés  de  Cerdagne  et  de  Bésalu,  apanages  de  deux 
branches  cadettes  de  cette  illustre  maison.  Les  SoaTe» 
rains  de  ces  deux  Comtés  ayant  possédé  une  partie  tmti 
considérable  du  département,  nous  ne  pouvons  nom 
dispenser  de  consacrer  quelques  pages  à  leur  histoire. 
Nous  le  ferons  en  prenant  pour  guide  Don  Prosper  de 
BofaruU.  Ce  savant,  en  débrouillant  la  suite  mal  comitte, 
avant  lui,  des  Comtes  de  Barcelone,  a  jeté  on  grand 
jour  sur  celle  des  premiers  Comtes  de  Cerdagne  ^ 

COMTES  DE  CERDAGNE. 

MmoN . 

Bofarull  prouve  très  bien  que  Vuifred-le-Velu ,  premier 
Comte  héréditaire  de  Barcelone,  eut  cinq  enfants  miles: 
Radulphe,  Vuifrcd,  dit  aussi  Borel,  Suniaire,  Hiron  el 
Sunifred;  qu'à  sa  mort,  arrivée  le  11  août  898,  Vuifred» 
Borel  lui  succéda  au  Comté  de  Barcelone;  qu'à  celoi-d, 
mort  le  20  avril  012,  succéda  son  frère  Suniaire,  qui, 
peut-être,  avait  gouverné  le  Comté  conjointement  tree 
lui;  et  qu'enfin  Suniaire  fut  remplacé  par  ses  deux  fils« 
Borel  H  et  Miron ,  dont  le  premier  survécut  au  secoiidt 
laissa  lignée,  et  mourut  en  992.  On  ne  peut  donc  placer^ 
comme  on  Ta  fait  jusqu'ici,  Miron,  fils  de  Vuifired-le-Vdi^ 
parmi  les  Comtes  do  Ftercelone  :  plusieurs  doauneiils 

1  VfHr,  a  l'4f>|»«H4<i<r.  U  n<»if  :».  t\»n%  U/|tt^lk  0"Ui>  4tiin«  ctn  devoir  ra{ 
lihalioii  de  ^unifrcil 


CHAPITRE  SEPTI&ME.  117- 

doivent  nous  le  faire  considérer  comme  la  t!ge  des  Comtes 
liéréditaires  de  Cerdagne.  Bofaroll  cite  entr'autres,  une 
charte  des  archives  royales,  datée  du  i8  février  900,  où 
Ton  voit,  dans  un  plaid  tenu  par  le  comte  Miron,  Renaldus 
et  Bioturius  confesser  que  certaines  terres  du  lieii  de  Sté- 
gai,  en  Cerdagne,  appartiennent  à  Fabbesse  Hémon,  sœur 
de  ce  Comte,  et  non  k  eux.  Plusieurs  autres  chartes  nous 
a|q[>rennent  que  d'Ave ,  sa  femme ,  dont  on  ignore  la  fa- 
mille, Miron  eut  quatre  fils  :  Séniofred,  Vuifred,  Miron  et 
Oiiba-Cabréta.  Dans  son  testament,  des  ides  de  juin  925, 
après  avoir  fait  quelques  legs  aux  églises,  à  ses  cinq 
enduits  naturels,  et  h  leur  mère  Yirgilia ,  il  institue  héri- 
tière sa  feoune,  si  elle  reste  veuve,  conjointement  avec 
les  enfants  qu'elle  lui  a  donnés.  U  mourut  avant  le  5  des 
ides  de  septembre  927,  jour  où  ses  exécuteurs  testa- 
mentaires délivrèrent  deux  legs  faits  par  lui. 

Séniofred,  l'aîné  des  quatre  fils  de  Miron,  lui  succéda 
dans  les  Comtés  de  Berga ,  Cerdagne  et  Confient.  Ses 
frères  Vuifred  et  Oliba  prennent  bien  lé  titre  de  Comtes 
dans  une  donation  faite  au  monastère  de  Saint-Michel-de- 
Cuxa,  en  941,  conjointement  avec  leur  frère  Miron  et 
Ave ,  leur  mère  ;  mais  ils  paraissent  lui  être  inférieurs , 
car  on  voit  dans  la  charte  73  du  Marc.  Hisp.,  Séniofired 
envoyer  son  fi-ère  Vuifred  k  Louis-d'outre-Mer,  pour  lui 
demander  la  permission  de  donner  au  monastère  de 
Saint-Michel ,  quelques  terres  dépendantes  de  son  Comté. 
Suivant  une  charte  du  5  des  calendes  d'août  955 ,  rela- 
tive k  la  consécration  de  l'église  de  ce  monastère,  Sénio- 
fred étant  fort  jeune ,  avait  construit  a  pierre  et  k  chaux 
cette  église,  qui  n'était  auparavant  bâtie  qu'en  cailloux 


118  HISTOIRE   Dt    ROUSSILLON. 

et  terre  grasse  ;  et  lors  de  sa  consécration ,  il  lui  fit  de 
grandes  libéralités,  de  concert  avec  sa  mère  et  wom  frère 
Oliba.  Le  comte  Vuifred  n'est  point  nommé  dans  cette 
charte.  Dès  avant  950,  il  parait  avoir  été  investi  du 
Comté  de  Bésalu,  possédé  par  son  oncle  Suniaire,  jus» 
qu'au  moment  où  il  se  trouva  seul  Comte  de  Barcelone. 
Voifred  mourut  assassiné ,  avant  le  mois  de  juin  9Qi, 
sans  qu'on  puisse  en  assigner  l'époque  exacte.  Son  frère 
Séniofred  vengea  sa  mort  ;  et,  après  avoir  puni  les  mear» 
triers,  il  ajouta  le  Comté  de  Bésalu  à  ses  autres  domaises. 
11  fit  son  testament  le  jour  des  calendes  d'octobre  986, 
et  mourut  en  967.  Nous  avons  de  nombreuses  chaitei 
de  ce  Comte.  S'il  ne  s'y  intitule  jamais  Comte  de  Cer* 
dagne,  il  ne  prend  pas  non  plus  le  titre  de  Marehio, 
presque  toujours  distinctif  des  Comtes  de  Barcelone.  Cet 
actes  sont  toujours  relatifs  k  des  églises  de  Cerdagne,  de 
Bésalu  et  Conflent,  tandis  qu'on  voit  dans  le  même  temps 
une  infinité  de  chartes  émanées  des  Comtes  ou  Marquis 
de  Barcelone,  et  concernant  cette  ville,  Girone  et  Aosone. 
D'où  il  est  aisé  de  conclure  que  Séniofred  ne  fut  jamais 
Comte  de  Barcelone,  mais  bien  de  Cerdagne,  eonuM 
l'avait  été  son  père  Miron. 

Ce  Comte  succéda  à  son  frère  Séniofred,  k  la  tin  de 
967.  Il  ét^Mt  marié  avec  Ermengarde,  dont  il  n'aviil  pat 
d'enfants.  On  voit  aux  archives  de  Ripoll  une  dotntioB 
laite  par  eux  au  monastère  de  Sainte-Marie,  pour  en  ob- 
tenir; elle  est  datée  du  17  des  calendes  de  septembre  987  : 
leurs  vœux  furent  exaucés.  Ils  eurent  quatre  fils  :  Vw- 
fred  et  Bemardj,  le  premier  Comte  de  Cerdagne,  Tivlre 
de  Bésalu;  Oliba  et  liérenger,   tous  deux  Kvéquea,  le 


CHAPITRE  SEPTIÈME.  119 

premier  d'Âusone,  le  second  d'Elne.  Adélaïde,  ruiie  de 
leurs  filles,  se  maria  à  un  Seigneur  nommé  Jean  Aurioi; 
l'autre,  Ingerberge,  fut  Abbesse  de  Saint-Jean-Baptiste 
de  Rîpoll.  Peu  de  princes  ont  donné,  par  leurs  libéralités 
envers  les  églises,  plus  de  preuves  de  leur  piété  que  ce 
Comte.  Cependant,  quelques  historiens,  ne  sachant  com- 
ment expliquer  la  perte  des  droits  chimériques  qu'ils  lui 
avaient  attribués  sur  le  Comté  de  Barcelone ,  ont  imaginé 
qu'il  en  fut  exclu  à  cause  de  son  irréligion.  D'autres  ont 
donné  de  sa  prétendue  exclusion  un  motif  plus  extraor- 
dinaire :  c'était,  disent-ils,  un  bégaiement  et  une  diffi- 
culté tels,   qu'il  ne  pouvait  parvenir  à  prononcer  une 
parole  qu'après  avoir  frappé  quatre  ou  cinq  fois  du  pied 
contre  terre ,  comme  font  les  chèvres ,  habitude  d'où  lui 
était  venu  le  surnom  de  Cabréta,  BofaruU  a  rendu  toute 
explication  inutile,  en  démontrant  qu'il  n'eut  de  droits 
que  sur  le  Comté  de  Cerdagne,  qu'il  obtint  en  effet. 
Quant  à  celui  de  Bésalu,  Miron,  frère  d'Oliba  et  de 
Séniofred ,  parait  en  avoir  eu  la  jouissance  après  la  mort 
de  ce  dernier;  il  obtint,  peu  de  temps  après,  l'Évéché 
de  Girone,  et  mourut  en  9R4.  Oliba  joignit  alors  à  ses 
autres  Etats  le  Comté  de  Bésalu,  consistant  :  !<>  en  un 
petit  district  au  midi  des  Pyrénées  ;  2<>  le  Vallespir,  com- 
posé à  peu  près  des  trois  cantons  de  Prats-de-MoUd, 
Arles  et  Céret;  5o  le  Comté  de  Fenouillèdes ,  dont  les 
cantons  de  Soumia,  Latour  et  Saint-Paul  formaient  la  plus 
grande  partie.  Le  Vallespir  appartenait  déjà  au  Comté  de 
Bésalu,  en  950;  il  parait  avoir  été  distrait  du  Comté  de 
Roussillon  en  même  temps  que  le  Confient,  a  la  mort 
de  Miron,  frère  de  Vuifred-le-Velu,  en  895.  Le  Fenouil- 
lèdes était,  suivant  Dom  Yaissette,  un  démembrement 
de  l'ancien  Comté  de  Narbonne,  effectué  k  peu  près  à  la 
même  époque.   Ces  trois  petits  pays,  quoique  souvent 


ISO  HISTOIIIK  DU  R0US81LL0N. 

désignés  sous  le  nom  de  Comtés,  n'eurent  probablemesi 
jamais  de  Comte  particulier  ;  mais  on  voit  quelquefois  oa 
Vicomte  de  Vallespir,  toujours  un  Vicomte  de  Fenoiil* 
lèdes  et  un  Viguier  du  Confient. 

Oliba-Cabréta  avait  voulu ,  en  981 ,  agrandir  ses  États 
de  tout  le  Rasés;  mais  vaincu  {Mur  le  Comte  de  Carets* 
sonne  Roger  l^^^  dans  une  bataille  sanglante,  où  la  vie» 
toire  fut  disputée  avec  le  plus  grand  achamemait,  il 
obtint  de  son  rival  la  paix  et  la  cession  du  Capcir.  L'aa 
888,  touché  par  les  exhortations  de  saint  Romuald,  akHV 
retiré  au  monastère  de  Cuxa,  il  abandonna  ses  États,  et 
fut  prendre  Thabit  monacal  au  Mont-Cassin ,  où  il  moarat 
deux  ans  après.  Il  aurait  pu  faire  choix  de  Coxa  :  ee 
monastère  possédait  alors  plusieurs  personnages  illustres, 
attirés  par  la  célébrité  justement  acquise  de  cette  retraite 
sou^  la  sage  direction  de  l'abbé  Guérin.  Parmi  ces  péoH 
tents,  on  avait  vu  mourir  en  987,  Pierre  Urséole,  aneicD 
Doge  de  Venise.  Saint  Romuald  n'y  finit  pas  ses  jovt* 
On  raconte,  qu'au  bruit  de  son  prochain  départ,  répande 
dans  la  contrée,  les  habitants,  inconsolables  de  le  perdre 
pour  toujours,  résolurent  de  le  tuer,  afin  de  conserver 
au  moins  ses  reliques.  Komuald,  prévenu  de  leur  des» 
sein,  contrefit  Tinsensé,  et  évita  ainsi  le  sort  que  lai 
préparait  l'étrange  piété  des  habitants  du  pa}*s.  OKba, 
en  se  retirant  au  Mont-Cassin,  laissait  des  enfants  ea 
bas-àge;  mais  rien  ne  put  Tan^êter  dans  l'exécution  de 
son  projet  :  il  partit  après  avoir  confié  Tadministration 
de  ses  États  a  sa  femme  Erniengarde. 

\\:\vt\v.V)  o^i'.uwuKVv 

Vuifred  succéda  à  Oliba,  sou  |K*re,  dans  les  Comtés 
<U  Berga,  de  Cerdu^ne,  Av  (ionfienl  oi  dans  le  Caficîr.  De 


CHAPITRE  SEPTIEME.  121 

concert  avec  sa  femme  Guisla,  il  entreprit,  en  1001,  la 
construction  du  monastère  de  Saint-Martin-de-Ganigou , 
auquel  il  fit  deux  donations.  Tune  en  1005,  et  l'autre 
en  1007.  La  dédicace  de  l'église  eut  lieu  en  1009.  La 
bulle  du  Pape  au  sujet  de  cette  fondation,  est  de  l'an  1010. 
Aucun  document  ne  fournit  la  moindre  trace  du  meurtre 
pour  l'expiation  duquel,  au  rapport  de  certains  auteurs, 
il  se  serait  décidé  k  construire  cet  immense  édifice,  au 
milieu  des  rochers,  et  dans  le  site  le  plus  sauvage.  C'était 
l'esprit  d*un  siècle,  où  l'on  ne  voyait  que  trop  souvent 
les  princes  allier  une  oi^eilleuse  piété  à  la  violation  la 
plus  déboutée  des  préceptes  de  l'Église.  Ce  même  Comte, 
qui  venait  de  bâtir  et  de  doter  un  grand  monastère,  donna, 
en  1016,  au  Vicomte  de  Narbonne  et  au  Marquis  de  Go- 
thie,  cent  mille  sols  pour  assurer  la  nomination  de  son  fils 
Gttifired,  qui  n'avait  pas  dix  ans,  k  l'Archevêché  de  Nar- 
bonne. Le  comte  Guifred,  marié  en  premières  noces  à 
Guisla,  fille  du  comte  de  Pallas,  en  secondes  noces  avec 
Elisabeth,  dont  on  ignore  la  famille,  eut  de  ces  deux 
femmes  cinq  garçons  et  une  fille,  nommée  Fide.  Ray- 
mond, Tainé  de  ses  fils,  lui  succéda  au  Comté  de  Cer- 
dagne;  Bernard  eut  le  Comté  de  Berga;  Guillaume  fîit 
Évéque  d'Urçel,  et  Bérenger  d'Elne.  Nous  avons  vu  com- 
ment Guifred  avait  obtenu  l'Archevêché  de  Narbonne  :  sa 
conduite  y  fut  digne  des  moyens  auxquels  il  dut  son  élé- 
vation. Malgré  plusieurs  excommunications,  il  se  maintint 
soixante-trois  ans  dans  son  Evéché ,  qu'il  pilla  jusqu'à 
vendre  à  des  Juifs  les  vases  sacrés ,  afin  de  se  procurer 
cent  mille  sols,  dont  il  acheta  l'Évéché  d'Urgel,  pour 
son  frère  Guillaume.  Après  avoir  fait  son  testament,  le 
8  novembre  1055,  le  comte  Vuifred  prit  l'habit  monacal 
à  Saint-Martin ,  et  y  mourut  en  1050.  Il  n'avait  point 
encore  renoncé  au  monde,  lorsque  son  fils,  Archevêque 


12*2  HISTOIRE  DU   ROtSSILLON. 

(te  Narbonne,  vint  présider,  le  %2  juin  1035,  k  Sâinl» 
Michel-de-Cusa,  un  Concile,  où  se  trouvèrent  les  Évéqnet 
(le  Toulouse,  Girone,  Cominges,  Maguelone,  AuMUt^ 
Couserans,  EIne,  et  un  autre,  dont  le  sî(^e  n'esl  pii 
indiqué. 

RA\MOND. 

Ce  Comte  succéda  a  son  père,  vers  Tan  1056;  il  assista 
il  l'assemblée  de  Tuluges,  à  la  consécration  de  Téglise 
d'Arles,  en  1016.  Il  eut  quelques  démêlés  avec  ses  trois 
frères ,  Rernard ,  Guillaume  et  Bérenger,  que  souteniient 
les  Comtes  d'I'rgel  et  de  Barcelone  :  ils  étaient  tenninét 
en  1050.  Il  eut  de  sa  femme,  Adèle,  deux  fils  :  Guillaonie, 
qui  lui  succéda,  et  Henri,  qui  fut  Vicomte  de  Cerdagne, 
et  se  rendit  cél('hre  par  sa  valeur  et  par  ses  vertus.  Le 
comte  Raymond  mourut  en  1068. 

GV:\L\A\:MEr-R\\MOM> 

Il  succéda  à  son  père.  Il  était  déjà  marié  Tannée  pié- 
rédente  avec  Adélaïde,  fille  du  Comte  de  CarcassonM, 
puisque  le  27  décembre  1007,  il  avait  vendu  au  ConHe 
de  Ikircelone  les  droits  de  sa  femme  sur  le  Carcasses  et 
le  Rasés,  pour  quatre  mille  mancuses  d'or  de  Barcelone, 
dont  sept  pesaient  une  once.  Ses  gens  ayant  employé  la 
violence,  en  1075,  pour  chasser  le  Comte  de  RousailkNi 
de  l'église  de  Saint-Micbel-(le-(hixa,  qui  dé[)endait  de  aoB 
(.omté,  il  se  soumit  2i  la  pénitence  canonique  impooée 
par  rKvéque  d'Elne  pour  expier  ce  sacrilège,  conum 
par  s(m  ordre.  O^ielques  années  apK'S,  il  fonda  Ville» 
franche,  en  Confient.  D'après  les  termes  de  la  cJNUle« 
cette  fondation  doit  être  postérieure  au  6  des  ides  de  wêkU 
>ingt-S(*pti(»me  ann('»e  du  roi  Philippe  (10R5K  ot  le  jo«r 


CHAPITRE  SEPTIÈME.  123 

même  de  la  nomination  d'Artal  II  k  l'Évéché  d'Elne.  Ce 
Comte  mourut  à  la  fin  de  1093.  Par  son  testament  du 
7  oetobre,  il  institua  héritier  universel  de  ses  domaines , 
Guillaume-Jordan  ^  son  fils  aîné ,  ne  laissant  an  puiné , 
Bernard-Guillaume,  que  le  Comté  de  Berga,  pour  le  tenir 
sous  la  dépendance  féodale  de  son  aine.  Sa  femme  lui 
survivait  encore  en  H02. 

G\3\LL\V3ME.-40KD\N. 

Une  des  premières  entreprises  de  ce  Comte,  fut  de  con- 
tribuer de  toutes  ses  forces  à  rétablir  son  cousin  Bertrand, 
fils  de  Baymond  de  Saint-Gilles,  dans  le  Comté  de  Tou- 
louse, d'où  il  avait  été  chassé  par  Guillaume,  duc  d'A- 
quitaine, en  l'absence  de  son  père,  parti  pour  la  première 
Croisade.  Il  ne  tarda  point  à  aller  rejoindre,  dans  la  Pa- 
lestine, Baymond  de  Saint-Gilles.  Il  testa  avant  de  partir, 
le  13  avril  H02,  en  faveur  de  son  frère  Bernard-Guil- 
laume, qu'il  institua  son  héritier  universel,  lui  substituant 
son  oncle  Henri,  à  celui-ci  le  Comte  de  Bésalu,  et  à  ce 
dernier  le  Comte  de  Barcelone.  Arrivé,  cette  même  an- 
née, k  la  Terre-Sainte,  il  y  combattit  sous  les  drapeaux 
du  comte  de  Saint-Gilles,  jusqu'à  la  mort  de  ce  prince, 
qui  le  fit  héritier  de  ses  conquêtes  en  Orient.  Après  les 
avoir  défendues  pendant  quatre  ans  contre  les  Infidèles, 
et  s'être  distingué  par  les  plus  brillants  exploits,  il  par- 
tagea ce  qu'il  possédait  dans  ce  pays  avec  Bertrand  de 
Toulouse,  qui  était  venu  réclamer  l'héritage  de  son  père. 
Guillaume-Jordan  mourut  en  1109,  suivant  un  auteur 
contemporain,  d'un  coup  de  flèche  que  lui  décocha  un 
de  ses  écuyers,  avec  qui  il  avait  eu  une  querelle.  Guil- 
laume de  Tyr,  écrivain  postérieur,  mais  plus  judicieux, 
dit  que  le  Comte  de  Cerdagne,  aiyant  voulu  apaiser  une 


124  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

rixe  très  sérieuse,  élevée  pour  un  sujet  de  peu  d'impor- 
tance entre  ses  gens  et  ceux  du  comte  Bertrand ,  Ait  tué 
d'un  coup  de  flèche  tiré  par  une  main  inconnue.  Il  tjoiile 
que  Bertrand,  qui,  d'après  leurs  conventions,  devait 
succéder  2i  ses  Etats  d'Orient,  fut  soupçonné  d'tvoir  été 
l'instigateur  secret  du  crime;  mais  que  le  £sût  n'iYttt 
jamais  été  bien  éclairci. 


BERti  \rd-g\iilia\:me.  . 

Bernard-Guillaume  succéda  à  son  frère  dans  ses  États 
d'Europe.  Peu  après  il  voulut  soutenir  par  les  armes  « 
contre  le  Comte  de  Barcelone,  ses  droits  sur  les  pays  de 
Bésalu,  Vallespir,  Fenouillèdes  et  Pierrepertuse ,  qoH 
croyait  devoir  lui  appartenir  comme  au  plus  proche  pa- 
rent, et  à  l'héritier  naturel  du  dernier  Comte.  Il  s'em- 
para d'abord  de  quelques  places;  mais,  craignant  les 
suites  de  celte  guerre,  vu  l'infériorité  de  ses  forces,  fl 
abandonna  à  son  rival  ses  droits  sur  tous  ces  Comiél 
par  un  acte  dressé  le  8  juin  1111.  Il  mourut  en  1117, 
et  tous  ses  domaines  rentrèrent  dans  la  maison  de  Bar- 
celone ,  dont  la  puissance  se  trouva  singulièrement 
accrue.  Elle  y  gagnait  en  effet  :  au-delà  des  monts,  h 
Cerdagne  espagnole  et  le  Comté  de  Berga;  en  France, 
les  cantons  de  Saillagouse ,  Mont-l^uis ,  Olettc ,  Prades 
et  Vinça. 

COMTES   DE   DÉSALI). 

Nous  avons  dit,  page  I W),  de  (|urlles  terres  se  coropoaail 
le  Comté  de  Ii4*salu,  qui  fut  le  partage  de  Bernard,  Wàk 
d'Oliba.  Voici  la  série  do  ri»s  Comtes  : 


CHAPITRE  SEPTIÈME.  125 

Bernard,  que  Ton  croit  Tainé  des  fils  d'OHba-Cabréta, 
loi  succéda  dans  le  Comté  de  Bésalu  et  ses  dépendances. 
Mous  avons  vu  qu'il  fit  un  noble  usage  de  sa  puissance 
en  protégeant  le  jeune  Comte  de  Roussillon,  Gauzfred  II. 
Des  exploits  peu  connus  lui  firent  donner  le  nom  de 
Taillefer;  sa  sagesse  et  sa  bonté  lui  méritèrent  celui 
de  Père  de  la  pairie.  Marié  avant  997  avec  Adélaïde  ou 
Tote,  fille  de  Raymond  Borel,  Comte  de  Barcelone, 
il  en  eut  cinq  garçons  et  trois  filles.  L'ainé,  Guillaume, 
loi  succéda  ;  Vuifred  et  Henri  devaient  embrasser  l'état 
ecclésiastique  ;  Hugues  et  Bérenger  n'eurent  que  quelques 
aleus  pour  leur  part;  Garsinde,  l'aînée  des  filles,  avait 
épousé,  en  1010,  Bérenger,  vicomte  de  Narbonne; 
Adélaïde  fut  religieuse;  Constance  eut  seulement  quel- 
ques domaines  peu  considérables.  Il  laissa  pour  douaire  à 
sa  femme,  qui  lui  sunécut,  le  Vallespir.  Ce  Comte  était 
allé  en  Provence  pour  y  négocier  le  mariage  de  son  fils 
aine.  Au  retour,  le  29  novembre  1020,  il  se  noya  dans 
le  Rhône,  qu'il  voulait  traverser  à  cheval.  Cette  mort 
tragique  causa  des  regrets  universels. 

G\31LL\\3ME.. 

Guillaume,  surnommé  le  Gras,  hérita  des  États,  mais 
non  des  vertus  de  son  père.  Avide  d'argent,  il  vendit  les 
abbayes  de  ses  domaines.  Excommunié  pour  sa  vénalité,  il 
se  réconcilia  avec  l'Église  avant  sa  mort,  arrivée  en  1052. 
Il  fut  du  nombre  des  Seigneurs  qui  assistèrent  au  Concile 
de  Tuluges.  Il  laissa,  de  sa  femme,  Adèle,  deux  fils,  Guil- 
laume et  Bernard,  qui  lui  succédèrent. 


120  IIISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

(iVi\LL.\V:MT£.  W  t\  BEHNXHD  W. 

Ces  deux  princes  gouvernèrent  en  commun  les  États 
dont  ils  avaient  hérité  de  leur  père.  Ils  étaient  d'un  ci- 
ractère  bien  différent  :  le  premier,  violent  et  emporté, 
parait  avoir  eu  des  discussions  avec  TÉvéque  de  Girone; 
car,  dans  la  donation  qu'il  lui  fit  en  1055  de  la  terre  de 
Bascara,  il  dit  lui  pardonner  tous  les  sujets  de  plainte 
qu'il  avait  eus  contre  lui,  et  témoigne  le  désir  d'aller 
visiter  le  Saint-Sépulcre ,  projet  qu'il  ne  paraît  pas  cepen» 
dant  avoir  exécuté.  Détesté  de  ses  sujets,  il  fut  assassiié 
vers  l'an  1070.  On  accusa  son  frère  Bernard  de  n'a?oir 
point  fait  tout  ce  qu'il  devait  pour  empêcher  ce  crime. 
Cependant ,  ce  prince ,  dont  tous  les  historiens  louent  h 
douceur,  ne  montra  pas   le  moindre  désir  de  régner 
seul  ;  car,  son  frère  ayant  laissé  de  Stéphanie,  sa  femmet 
un  fils  encore  en  bas-âge,  il  s'empressa  de  se  l'associer 
dès  qu'il  fut  majeur.  En  mourant,  après  1093,  sans  aYoir 
des  enfants  de  sa  femme  Ermengarde,  il  fit  héritier  de  tons 
ses  domaines,  ce  neveu,  nommé  Bernard,  comme  Ini.  Il 
avait  protégé,  en  1077,  les  Légats  du  Pape,  au  Condie 
de  Girone,  contre  rarclievéque  de  Narbonne  Guifred ,  et 
leur  avait  donné  asile  dans  son  château  de  Bésalo,  oè  le 
(Concile  fut  continué.  On  y  excommunia  Guifred,  et  on 
y  déposa,  comme  simoniaques,  six  Abl>és  des  Comtés 
de  Bésalu,  Vallospir  et  Fenouillèdes.  Afin  de  remettre 
Tordre  dans  ces  monastères,  le  Comte  fut  obligé  de  m- 
oheter  les  Abbayes  d'Arles  et  de  Saint-Paul ,  qui  aiaiel 
été  prises  k  lief,  la  première  par  Guifred,  archeréqne 
de  Narbonne;  la  seconde,  par  le  Vicomte  de  FenonU» 
lèdes. 


CHAPITRE  SEPTIÈME.  1 27 


BERîiXRD  m. 


Il  fut  le  dernier  Comte  de  Bésalu.  A  sa  mort,  survenue 
en  1111,  ses  États  passèrent  à  Bérenger  III,  Comte  de 
Barcelone ,  suivant  les  conventions  faites  entr'eux  :  elles 
sont  contenues  dans  deux  chartes.  Par  la  première,  des 
calendes  d'octobre  1107,  Bérenger  donne  sa  fiUe  en  ma- 
riage à  Bernard,  et  lui  assigne  pour  dot  le  Comté  d'Au- 
sone  ;  le  mari  devait  en  hériter  si  sa  femme  mourait  sans 
postérité.  Dans  la  seconde  charte,  faite  quelques  jours 
après,  Bernard  mstitue  héritier  de  tous  ses  biens,  dans 
le  cas  où  il  n'aurait  point  d'enfants  légitimes,  le  Comte 
de  Barcelone.  Dans  le  cas  contraire,  il  le  nomme  ad- 
ministrateur de  son  Comté,  jusqu'à  ce  que  l'enfant  ait 
atteint  sa  quinzième  année. 


CONTES  DE  BARCELONE, 

CONSIDÉRÉS  COMME  COMTES  DE  CERDAGNE  ET  DE  BÉSAIJ'. 

h\\moni)-békï:.isg¥:.iv  \u. 

A  peine  Raymond-Bérenger  eut-il  terminé  ses  discus- 
sions^vec  le  Comte  de  Cerdagne ,  au  sujet  de  la  succes- 
sion de  la  maison  de  Bésalu,  qu'il  disposa  des  terres  de 
Fenouillèdes  et  Pierrepertuse  en  faveur  du  Vicomte  de 
Narbonne,  Amauri  II ,  qui  était  son  frère  utérin  ;  mais  il 
s'en  réserva  la  suzeraineté,  car  en  1150,  il  la  transmit, 
par  testament,  à  spn  fils  aine  Raymond-Bérenger  IV. 
Les  Vicomtes  de  Narbonne  ne  prirent  jamais  le  titre  de 
Comtes  de  Fenouillèdes  ;  ils  jouirent  seulement  des  droits 
utiles,  et  reçurent  l'hommage  des  Vicomtes  de  ce  pays. 
Cette  dignité  était,  depuis  Tan  1000,  le  partage  d'une 


128  UISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

maison  qui  la  conserva  jusqu'en  1175,  et  dont  riiéritière 
la  porta  aloi^  dans  une  autre  famille.  Mais  une  branche 
cadette  de  la  maison  de  Fenouillet  parait  avoir  conservé 
la  Vicomte  de  Pierrepertuse.  Devenu  maître  de  la  Cer- 
dagne ,  le  Comte  de  liarcelone  s'empressa  de  se  rendre 
dans  ses  nouveaux  États,  et  le  2  des  nones  d'avril  ill8, 
ayant  coq/boqué  l'Évêque  d'Elne,  avec  les  autres  Magnats 
et  les  Chevaliers  de  sa  nouvelle  acquisition,  il  y  statua,  de 
concert  avec  eux,  une  ordonnance  de  paix  et  de  trèfe, 
par  laquelle  il  fut  défendu ,  sous  peine  de  soixante  sols 
d'amende,  de  s'emparer  des  iNBufs  de  labourage  d'autmi, 
d'en  inquiéter  les  gardiens.  Il  établit  dans  le  pays  le  court 
de  la  monnaie  de  Barcelone,  dont  il  promit  de  ne  changer 
durant  sa  vie  ni  le  titre  ni  le  poids,  moyennant  an  drMt 
de  six  deniers  par  bœuf,  une  fois  payé.  Ce  prince  était 
pressé  de  faire  acte  de  souveraineté  dans  un  pays  qni  loi 
était  disputé,  nous  ignorons  à  quel  titre,  par  Guillaonie 
de  Salsa.  On  voit  dans  Marca  la  transaction  qui  termina 
cette  contestation  :  elle  est  du  10  des  calendes  de  dé- 
cembre, vingt-septième  année  de  Louis-le-Gros  (il54). 
Klle  ne  fut  conclue  qu'avec  Raymond-Bérenger  IV,  son 
fils  et  son  successeur.  Guillaume  de  Salsa  y  reconnaît  le 
Comte  de  ftarcelone  pour  son  Seigneur,  et  en  reçoit 
quelques  domaines.    Raymond-Bérenger  III,  dont  les 
nouvelles  acquisitions  facilitaient  lentrée  en  Languedoc, 
ne  négligea  aucun  moyen  de  se  faire  des  alliés  qui  pui- 
sent l'aider  à  défendre  contre  le  Comte  de  Toulouse,  les 
droits  de  sa  femme  sur  la  Provence.  I^  14  juillet  1151  « 
il  prit  riiabit  de  Templier,  et  mounit  le  10  du  même 
mois,  laissant  de  sa  seconde  femme.  Douce  de  Provence, 
Raymond-lk'Tenger  IV,  qui  lui  succéda  dans  les  Comtés 
de  liarcelone,  Ik'salu  et  Cenlagne,  et    Bérenger- Ray- 
mond ,  qui  fut  Comte  de  IVovenre. 


CHAPITRE  SEPTIÈME.  129 


RA\MON\>-BÉ.KEiNG!LR  W 


Ce  Comte  posséda  la  Cerdagne  et  le  Bésalu,  comme 

avait  fait  son  père  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  en  1162.  On        41 62. 

le  voit  donner  quelques  fiefs  en  Cerdagne  an  Vicomte  de 

Castelbon,  le  26  février  1154,  et  terminer,  la  même 

année,  ses  contestations  avec  Guillaume  de  Salsa.  Ayant 

eu  trois  fils  de  Pétronille,  reine  d'Aragon,  il  donna  au 

second,  appelé  Pierre,  le  Comté  de  Cerdagne  avec  le 

droit  de  suzeraineté  sur  Carcassonne  et  sur  les  fiefs  que 

tenait  Trencavel,  et  avec  tous  les  droits  qu'il  avait  sur 

la  Vicomte  de  Narbonne,  le   tout  sous  la  dépendance 

féodale  de  son  frère  aine  Raymond  (  depuis  Alphonse  ) , 

qui  possédait  le  reste  de  ses  États.  Pierre  étant  mort 

jeune,  il  lui  substitua  son  troisième  fils  Sancho;  mais 

Alphonse  ne  se  pressa  pas  de  lui  donner  la  Cerdagne. 

n  n'avait  lui-même  que  dix  ou  onze  ans  lors  de  la  mort 

de  son  père;  et  ayant  hérité  du  Roussillon  en  1172,   il        1172. 

se  trouva  maître  de  tout  le  pays  compris  aujourd'hui  dans 

le  département  des  Pyrénées-Orientales. 


130  HISTOIRE  DU   ROUSSILLOlN 


CHAPITRE  VIII. 


Lorsque  les  Goths  se  fixèrent  dans  le  RoussQloii ,  ec 
pays  était  entièrement  romain,  sous  le  rapport  de  lu 
religion ,  de  la  langue ,  des  lois  et  des  mœurs.  Les  non- 
veaux  venus,  moins  civilisés  que  les  anciens  habitUItt, 
ne  changèrent  rien  à  ce  qu'ils  trouvèrent  établi.  Il  Mk 
lut  deux  siècles  pour  que  ces  peuples  Tussent  UmI- 
gaifiés  de  manière  à  ne  former  qu'une  seule  natkMl.  iM 
Sarrasins,  tels  que  les  torrents  qui  ravagent  cette  cônliéB» 
ne  laissèrent  d'autre  indice  de  leurs  nombreuses  invasioai 
et  de  leurs  séjours  momentanés ,  que  des  ruines  éi  des 
dévastations.  Pour  réparer  ces  désastres,  les  premien 
Carlovingiens  attirèrent  les  Goths  qui  fuyaient  des  ft^ 
yinces  espagnoles  occupées  par  les  Infidèles.  D'ipiès 
l'usage  de  ce  temps,  où  on  laissait  chaque  peuple  nnê 
suivant  sa  loi,  on  ne  chercha  à  rendre  Français  ni  les 
anciens  ni  les  nouveaux  habitants.  C'est  donc  dans  les 
institutions  des  Romains,  et  surtout  dans  les  lois  golhi* 
ques,  qii*il  faut  chercher  Torigine  de  celles  qui  fiureni  en 
vigueur  dans  le  Koussillon  s(»us  les  Comtes  héréditaires. 
Toutes  les  chartes  de  cette  é|)oquo  nous  prouvent  que  la 
loi  pithiquo  IVmporta,  et  fut  s^MHe  en  usage  dans  celte 


CHAPITRE   HUITIÈMB.  131 

province  (Appendice,  n^  6).  On  la  vit  tCMitefoifi  insen- 
siblement remplacée  par  une  coutume  particulière,  qui , 
introduite  peu  à  peu  et  suivant  le  besoin  des  temps ,  ne 
fat  règlement  importée  dans  tout  le  Comté  que  lonsque 
Perpignan,  où  elle  avait  pris  naissance,  eut  acquis  une 
^^ertaine  importance.   Enfin,   Gérard  U,   notre  dernier 
Comte ,  ordcmna ,  dans  l'article  II  de  cette   coutume , 
<|tte ,  pour  ce  qui  ne  s'y  trouvera  pas  prévu ,  on  suivra 
les  dispositions  du  droit  commun  et  non  les*  usages  de 
Barcelone  ou  du  code  visigothique.  Ce  fut  aussi  sous  ie 
Gouvernement  de  ces  Comtes  que  la  langue  latine,  tou- 
jours usitée  dans  les  actes  publics,  cessa  d'être  la  langue 
vulgaire,  et  fut  remplacée  par  la  catalane.  L'autorité  des 
Comtes  s'étendait  sur  le  militaire  et  le  civil.  Présidents- 
nés  des  tribunaux  qui  rendaient  la  justice,  ils  exerçaient 
-qveiqiieibis  ces  fonctions  eux-mêmes  :  mais  ils  étaient 
toujours  aidés  ou  suppléés  par  des  juges  qu'ils  nom- 
laaieiit;  les  autres  membres  de  ces  tribunaux  ét^ûent  des 
imd'iMinmes,  probi  hamines,  choisis  dans  toutes  les 
fiasses  de  citoyens.   Leur  ind^ndance  est  démontrée 
ittr  ^Bsieurs  jugements ,  dans  lesquels  on  les  voit  con- 
émBet  des  personnages  puissants,  et  même  débouter 
les  Conles  des  prétentions  injustes  qu'ils  avaient  soute- 
nues avec  ciialeur.  Ces  sortes  d'assemblées  où  se  ren- 
^  la  justice,  étaient  appelées  plaids^  placUa;  on  y 
^tait  quelquefois  d'autres  affaires^  comme  de  la  cons- 
^Hm^cmi  ou  réparalion  d'une  église,  d'un  pont,  d'un  édi- 
fice pubtic. 

Les  principales  sources  du  revenu  des  Comtes,  étaient  : 

l^le  produit  de  leurs  domaines  particuliers  ;  S^  la  Êi^rica- 

^  de  la  monnaie;  5^  les  amendes  ou  les  comportions 

résultant  des  jugements  rendus  en  leur  nom  ;  4®  quelques 

droits  de  péage.  Leur  administration  était  paternelle,  et 


13:2  HISTOIRE  OU   ROCSSILLON. 

aussi  habile  qu'elle  pouvait  l'être  dans  ces  ficelés  d'igno» 
rance  et  de  barbarie.  Ils  avaient  trouvé  le  pays  dépeuplé 
par  les  malheurs  des  temps  qui  les  avaient  précédét. 
Sous  leur  Gouvernement,  en  général  paciûque,  pliuûeiiii 
villages  se  formèrent,  et  Perpignan  devint  une  Yille.  L*a* 
griculture  fit  des  progrès;  ils  l'encouragèrent  par  leur 
exemple,  f^  testament  de  Gérard  II  nous  fait  connaître 
qu'il  avait  desséché  un  terrain  considérable  auprès  de 
Perpignan.  Nous  verrons  plus  bas,  que  c'est  très  proba- 
blement sous  leur  règne  que  l'art  de  l'irrigation  s'intro- 
duisit dans  le  Roussillon ,  et  qu'ils  ne  furent  pas  étrangers 
aux  progrès  qu'il  y  fit.  Outre  les  grandes  abbayes,  teUes 
que  celles  de  Saint-Michel ,  de  Saint-Martin ,  d'Arks,  de 
Saint-Génis,  de  Saint- André,  dont  il  a  été  plusieurs  fois 
question  dans  cette  histoire,  on  avait  constniit  une  înfinhé 
de  petits  monastères,  tels  que  ceux  de  Valbone,  de  Sainl* 
Clément,  de  Saint-Estève ,  d'Espira,  de  Saint-Paul,  etc., 
qui  contribuèrent  puissamment  au  défrichement  des  terres. 
Les  ruines  de  ces  édifices,  et  quelques  églises  de  campagne 
nous  montrent  encore  des  fragments  d'architecture  el  de 
sculpture  d'un  assez  bon  style  gothique.  Les  chartes  an» 
ciennes  nous  font  voir  que  la  province  était  beaueDU|i 
plus  boisée  alors  qu'aujourd'hui.  O^oiqu'il  y  soit  parlé 
de  mines,  nous  n'avons  rien  trouvé  qui  porte  à  eroûe 
qu'on  en  tirât  un  grand  parti  * .  Nous  ignorons  si  la  fabri- 
cation* des  draps,  à  laquelle  ce  département  dut  dans  la 
suite  une  grande  partie  de  sa  pros|R*rité,  avait  déjà  eorn^ 
mencé  sous  les  Comtes.  Ce  qui  nous  le  ferait  soupçonner^ 
c'est  que  dans  les  chartes,  on  voit  parfois  que  les  objets 
vendus  étaient  dits  confiner  aux  foulons  (ad  ftdiomms); 
et  on  est  certain,  d'après  nos  archives,  qu'en  1110  et 

I  IVh  r«n  1011  il  r«t  question  '1^  fortcf^  •hn«  tin<  \,et\y%  arrhiTet.  E«  llfti.  Alpteatt  II 
doanr  «a  moni«t«-fe  ijr  ('.ampfHoti ,  reWt*  i|a'il  p«#«^|ji(  à  l'y. 


CHAPITRE  HtlTlÈMI&.  133 

M  88,  il  en  existait  à  Yernet  et  à  Arles.  Ces  anciens 
4toeuments  ne  nous  fournissent  pas  des  renseignements 
bien  précis  sur  le  commerce  que  faisait  le  Roussillon. 
Cependant,  il  parait,  suivant  les  expressions  d'un  privi- 
lège accordé  en  1109  par  Bertrand,  Comte  de  Toulouse, 
aux  Génois,  qu'ils  devaient  fréquenter  le  Port-Vendres ; 
et  le  testament  du  dernier  comte  Gérard  nous  indique 
qu'il  y  avait  à  Perpignan  des  espèces  de  banquiers;  car 
cette  restitution  qu'il  ordonne  de  faire,  Petro  Martino, 
feneratori  de  Perpiniano,  nous  porte  k  croire  que,  dans 
cette  phrase,  le  mot  de  fetierator  ne  peut  être  traduit  par 
œlui  d'usurier,  mais  bien  par  celui  de  banquier. 

On  emploie  quelquefois,  dans  les  transactions  de  cette 

époque ,  les  monnaies  fabriquées  à  Perpignan*;  mais  le  plus 

souvent  les  sommes  y  sont  exprimées  en  sols  melgoriens, 

monnaie  d'argent  d'un  usage  général  dans  la  Septimanie 

et  la  Marche  d'Espagne.  Cette  monnaie  se  fabriquait  au 

château  de  Melgueil  (Maugio) ,  auprès  de  Montpellier. 

Il  y  avait  originairement  vingt  k  vingt -deux  sols  à  la 

livre  d'argent  fm;  mais  l'alliage  qui  n'était  d'abord  que 

de  7t4  fiit  porté  au  tiers  ;  de  sorte  qu'on  n'employa  que 

huit  onces,  ou  un  marc  de  métal  fin,  pour  fabriquer  vingt 

de  ces  sols.  L'altération ,  qui  d'abord  n'avait  affecté  que 

le  titre  de  cette  monnaie,  eut  bientôt  lieu  sur  le  poids,  et 

siila  toujours  croissant,  a  tel  point  que,  dès  l'an  1  loi,  on 

taillait  quarante-huit  de  ces  sols  au  marc;  cinquante, 

en  H 67  et  H 68,  et  qu'enfin ,  dans  la  suite,  il  y  en  eut 

cinquante-deux,  soixante  et  jusqu'à  soixante-cinq  au  marc. 

C'est  ce  qu'on  doit  conclure  de  plusieurs  transactions  de 

cette  époque,  où  l'on  stipulait  qu'en  cas  d'altération  dans 

ces  sols,  les  sommes  prêtées  seraient  rendues  en  marcs 

d'argent,  dont  chacun  compterait  pour  un  certain  nombre 

de  sols,  le  même  sans  doute  qui  était  la  valeur  du  marc 


134  HISTOIRE   DU   ROCSSILLON. 

lorsqu'on  passa  le  contrat.  On  exprimait  quelquefois  les 
sommes  un  peu  fortes  en  livres  d'argent  fln  do  poids  et 
Perpignan,  et  vingt-et-un  sols  à  la  livre  ;  mais  od  se  ssv^ 
vait  plus  ordinairement  du  sol  appelé  de  Perpignan  <mi  jàt 
Roussillon,  ou  bien  sdidus  denaricrum:  il  contenait  doue 
deniers,  et  était  au  titre  de  *Vt4  ^^  ^^'  Il  parait  qo^a 
1118  on  n'en  comptait  encore  que  vingt-et-nn  \  la  livre. 
Il  existait  aussi  des  sols  et  des  morabatins  d'or.  Ces 
derniers  étaient  plus  usités;  il  y  en  avait  quatre  ao  sd, 
quatre-vingt-quatre  à  la  livre. 

Une  charte  du  l^r  décembre  1180  nous  apprend  qpe 
le  morabatin  d'or  valait  sept  sols  melgoriens.  Conne 
l'once  représentait  sept  morabatins,  il  en  résulte  qpe 
l'once  d'or  valait  quarante-neuf  sols  melgoriens,  k  pM 
près  un  marc  d'argent,  dont  la  valeur  était  alors  de  da» 
quante  sols.  Mais  il  est  probable  que  l'or  du  morabetii 
n'était  qu'à  dix-huit  karats,  et  alors  la  valeur  de  Ter  eti 
été  à  celle  de  l'aident  à  très  peu  près,  comme  10  Vt  ^*t  ^  ^  • 

Nous  voyons  dans  les  chartes  de  ce  temps  qu'on  mesi 
rait  les  grains  avec  le  muid  et  le  ^i\et  (modiusHsesiafim). 
La  mesure  agraire  était  'la  modiaia ,  ayant  probablement 
tiré  son  nom  de  ce  qu'elle  était  la  quantité  de 
qu'on  pouvait  ensemencer  avec  un  muid  de  grain; 
nous  n'avons  pu  découvrir  quelle  fut  la  valeur  réelle  et 
ces  mesures  * .  Le  dextre  de  0  coudées  et  7t  P'^i  ^'^ 


I  l>et  autcart  latiw  fMriu»f«Dt  d«s  iiklicaliooit  pour  ikpprik^t  re»  MMUft.  îm 
agri  {iihhIm^  ilu  jugmimi  Olait  une  kurfacc  carréi*  de  1 JU  piod»  de  i<Âé  (38* 0S), 
1.5iiO  rth'trcvrarré.».  l.*li«NUir«  exigeant  SOO  litres  do  ik*i»ence.  il  en  ftrodrtH 
letle  MrfiK-e.  qui  r^md  à  la  môdiala  du  \in*  »ièclc .  au  qiart  de  l'ijwiaftlt 
viifdtUM  cuoleiuit  dtfiir  3*1  litre> 

l<r  textariuM  { le  Krtier  ) ,  d«^it(u«-  |>.ir  le^  ftiéoieii  auteur»  (  l'Iiue.  l'.Ki^rul .  VarroS) 
•  ••Ntntf  te  quart,  iantûi  ciimm«  le  «4»ixi^i«  du  mod%ug.  diflrre  iia|tuliiiltm 
ic  -lu'il  fut  jluf^.  |»uiS4]ii<'.  dju<  n>»^  (oritriVi  uH^ridioiul<>«.  il  rqirtVutr  Iff  quatre 
mr%  de  l'iieilMlilrr 

I  'a|>pré< utittR  du  tt€itrt  («i  |»4rf-ii(eHi«  ut  *'\At  W 


CHAPITRE   HUlTl^li^E.  135 

jàxre  9  pieds  et  7t  f  était  la  mesure  de  longueur.  Si  le 
pied  mentioQué  daqs  qos  anciens  docuoieuts ,  est  celui 
des  constitutions  de  Catalogne,  qui  a  été  usité  dans  ce 
pays,  et  vaut  0°^  $09.463  de  mètre ,  le  dextre  serait  à  peu 
près  %  mètres  845  millimètres. 

Nous  ne  dirons  rien  des  mœurs  et  usages  des  habitants 
du  Boussillon  durant  cette  période ,  parce  que  dans  les 
écrits  venus  à  notre  connaissance,  nous  n'avons  rien  vu 
qui  pût,  sous  ce  rapport,  les  distinguer  des  peuples  de  la 
Septimanie  et  de  la  Marche  d'Espagne;  et  nous  ne  devons 
pas  être  surpris  de  trouver  les  mœurs  et  les  usages  peu. 
différents  entre  les  habitants  des  diverses  parties  d'une 
vaste  contrée,  qui  avaient  une  origine  commune,*  Pro- 
fessant tous  depuis  plusieurs  siècles  la  religion  catholique, 
régis  par  les  mêmes  lois,  soumis  a  l'influence  d'un  climat 
semblable,  ayant  éprouvé  les  mêmes  révolutions  politiquep, 
conunent  auraient-ils  pu  offrir  de  grandes  différences  dans 
ieurs  habitudes  et  dans  leur  caractère?  D'ailleurs,  les 
sources  où  nous  avons  puisé  des  renseignements  et  les 
documents  que  nous  avons  consultés  sont  trop  arides,  trop 
décousus,  trop  dénués  de  détail,  pour  nous  permettre 
<le  traiter  convenablement  un  sujet  aussi  important. 

l.es  églises  de  plusieurs  monastères,  celle  du  vieux 
^int-Jean,  U  cathédrale  d'Elue,  construites  ou  réparées 
^us  le  règne  de  nos  Comtes,  montrent  que  l'architecture 
grandiose  et  élégante  était  souvent  ornée  de  fines  sculp- 
tures. 

Moiis  c'est  surtout  l'art  des  irrigations  qu'on  y  cultiva 
dvec  le  plus  de  succès.  Avant  le  xv^  siècle,  l'irrigation 
i)'était  pratiquée  que  sur  des  terrains  de  peu  d'étendue, 
^it  en  Catalogne,  soit  dans  le  Midi  de  la  France,  tandis 
qu'en  1300  le  Roussillon  offrait  déjà  presqu'autant  de  ter- 
f^s  arrosées  qu'on  en  voit  aujourd'hui,  où  elles  occupent 


13G  HISTOIRB  DU  ROUSSILLON. 

la  vingt-troisième  partie  de  la  surface  totale,  et  la  huitième^ 
si  on  en  distrait  les  vignes ,  les  bois ,  les  olivets ,  les  terres 
d'allavion,  enfin  tout  ce  qui  n'est  pas  susceptible  de 
culture  ou  n'a  pas  besoin  d'arrosage.  C'est  un  objet  de  ii 
haute  importance,  qu'on  nous  pardonnera  de  nous  livrer, 
pour  le  prouver,  à  une  discussion  approfondie  sur  Torigine 
et  le  progrès  de  cette  branche  de  la  science  agricole  dan 
le  département  des  Pyrénées-Orientales.  On  ne  peut  te 
défendre  d'un  étonnement  bien  naturel,  eu  voyant  une 
pratique  si  utile  généralement  établie  dans  un  petit  pays, 
entouré  de  contrées  où  elle  est  à  peine  usitée.  On  doit 
nécessairement  se  faire  cette  question  :  Quand  et  con- 
ment  cette  industrie  a-t-elle  pénétré  dans  cette  terre  pri- 
vilégiée? Pourquoi  n'en  a-t-elle  pas  dépassé  les  limites? 
Tâchons  de  découvrir  dans  les  écrits  des  anciens,  dus 
les  chartes  que  nous  pouvons  consulter,  dans  les  Bié- 
moires  modernes,  enfin  dans  la  pratique  même  des  irri- 
gations, les  renseignements  qui  nous  permettront  d'assi» 
gner  l'époque  probable  de  la  construction  de  nos  grands 
canaux  pour  l'arrosage  des  terres;  car  il  ne  saurait  être 
question  de  remonter  aux  premiers  essais,  pour  eoodnra 
sur  un  champ  l'eau  d'une  source,  ou  de  la  dérivation  d'oM 
rivière.  Ces  éléments  informes  précèdent  de  bien  loin  Tart 
des  irrigations.  Ils  ne  supposent  point  un  degré  de  eifiB» 
sation  supérieur  à  celui  où  étaient  parvenus  les  Gaulois, 
lorsqu'ils  furent  soumis  par  les  Romains.  (Append.,  n*  7.) 
Dans  les  climats  où  les  chaleurs  sont  excessives  et  les 
pluies  fort  rares,  il  faut  nécessairement,  pour  rendra  les 
terres  productives,  leur  restituer  l'humidité  dont  elles 
sont  totalement  privées.  Aussi ,  vit-on ,  dès  les  premiers 
temps,  l'irrigation  usitée  dans  les  contrées  méridionales 
parcourues  par  le  Nil,  le  Tigre  et  l'Euphrate.   Alors, 
comme  aujourd'hui  en  F4(ypte,  ou  s'attachait  moins  à 


CHAPITRE  HUITIÈME.  137 

suTOser  qu'a  submei^er  les  terres  au  temps  des  crues, 
4fai  les  laissaient,  en  se  retirant  à  l'équinoxe  d'automne, 
couvertes  d'un  fertile  limon.  Cette  méthode  n'était  pas 
inconnue  dans  l'Assyrie  ;  mais  on  avait  plus  souvent  re- 
cours, comme  on  le  pratique  dans  le  Roussillon,  à  l'usage 
de  grands  canaux,  qui  donnaient,  dans  toutes  les  saisons, 
la  Ëiculté  de  conduire  les  eaux  sur  les  campagnes  dessé- 
chées * .'  (Appendice,  n»  8.) 

Ces  deux  pays  n'étaient  pas  les  seuls,  en  Asie  et  en  Afri- 
que, où  on  employ&t  les  arrosages  offerts  naturellement 
par  les  rivières  ou  créés  par  l'art.  Strabon  nous  apprend 
que  les  eaux  du  Chrysorrhoas  étaient  presque  entièrement 
absorbées  pour  fournira  l'irrigation  des  environs  de  Damas. 
Les  Juifs ,  dans  le  territoire  de  Jéricho  ;  les  Arabes,  auprès 
de  Pétra ,  se  servaient  des  eaux  pour  fertiliser  leurs  terres 
(Pline,  Josèphe,  Strabon).  Polybe  (liv.  10,  ch.  4j  nous 
donne  une  grande  idée  des  travaux  exécutés  par  les  Per- 
^s,  dans  le  but  d'arroser  des  campagnes  arides.  Leurs 
ftois  avaient  fait  la  concession,  pour  cinq  générations, 
d'une  vaste  étendue  de  territoire  dans  la  Médie,  à  condi- 
^on  qu'on  y  amènerait  des  eaux.  On  tira  du  mont  Taurus 
des  sources  abondantes,  qu'on  fit  venir  au  moyen  de  ri- 
Roles  à  découvert  ou  de  canaux  souterrains.  Pline  (liv. 
*8,  c.  22)  nous  présente,  quoiqu'avec  sa  concision  ordi- 
i^aire,  des  détails  très  circonstanciés  sur  l'irrigation  pra- 
tiquée dans  un  rayon  de  trois  milles,  autour  de  Tacape, 
Mlle  d'Afrique  (maintenant  Cabés),  et  sur  les  effets  mer- 
veilleux qu'elle  y  produisait.  (Appendice,  n^  9.) 

n  est  inutile  de  citer  un  plus  grand  nombre  d'exem- 
ples pour  prouver  tout  le  parti ,  qu'en  Asie  et  en 
Afrique,  on  avait  su  tirer  des  rivières,  afin  de  remédier 

l  Hérodote .  Slralnjn  ,  Xénopliyn  ,  PoIjl)«,  Pliuc,  !'oni|K»nius  MéU. 


ns  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

à  l'extrême  sécheresse  du  climat.  Il  n'existait  rien  et 
pareil  en  Europe ,  où  la  température  était  moins  ehatde 
et  plus  humide.  En  effet,  si  les  Grecs  et  les  RomaÎM  M 
négligèrent  pas  d'entretenir  et  même  de  perfectionner  loi 
ouvrages  qu'ils  trouvèrent  construits,  pour  cet  objet,  dMi 
les  pays,  dont  ils  firent  la  conquête,  il  ne  parait  pat  ffali$ 
aient  cherché  a  naturaliser  dans  les  provinces  où  elle  n'é^ 
tait  pas  connue,  une  pratique  aussi  intéressante  poorTa^ 
griculture.  Ce  que  nous  avançons,  ne  sera  pas  eooteilé 
sans  doute  en  ce  qui  concerne  les  Grecs;  mais  conuM 
la  magnificence  des  constructions  hydrauliques  dee  Ro» 
mains,  comme  les  vestiges  si  imposants  qui  nous  rerteM 
de  ces  grands  ouvrages  d'utilité  publique,  peuvait  fme 
croire  que  ce  peuple  posséda  de  grandes  connaiaeaMes 
dans  l'art  des  irrigations ,  nous  devons  entrer  ici 
quelques  détails  propres  à  faire  apprécier  avec  e] 
le  point  auquel  ils  parvinrent  dans  cette  branche  de  la 
science  agricole. 

Parcourons  d'abord  les  auteurs  qui  ont  traité  de  Tafri» 
culture.  Nous  verrons  que  Caton  et  Varron,  dans  lent 
livres  de  lie  Rusiica;  que  Columelle,  dans  un  ouuay 
bien  plus  étendu  sur  ce  même  sujet;  que  Pline  (!!▼•  M 
et  19);  que  Palladius  (liv.  1,5  et  o)',  parlant  de  rini» 
gation  pratiquée  en  Italie,  nous  apprennent  seulemeBt 
qu'on  y  arrosait  des  jardins,  des  prairies,  des  cl 
vières  (lorsqu'c'lles  n'étaient  pas  établies  sur  des  U 
humides),  les  luzemiores,  lorsqu'on  pouv*ait  le  dire  aisé» 
ment  :  et  encore  en  lisant  avec  attention  ce  que  dit  Cokh 
nielle  au  sujet  de  la  luzerne,  on  s'aperçoit  fadlement, 
qu'en  princi|H\  il  en  prescrit  Tirngation;  mais  qne  ce 
précepte   n'était   guère  suivi,  puisifu'en  détaillant  nfee 


*•*. 


•    »-.  i  1 1 1 


CHAPITRÉ   HUITIÈME.  139 

l)eaucoup  d'exactitude  le  nombre  de  journées  qu'exige 
chacune  des  opérations  nécessaires  à  sa  culture ,  il  n'en 
compte  aucune  pour  son  arrosage ,  qui ,  cependant ,  k  la 
manière  dont  il  l'indique ,  exigerait  beaucoup  de  temps. 
Tirgile  consacre  à  l'irrigation ,  neuf  ou  dix  vers  du  pre- 
mier livre  des  Géorgiques  *  ;  mais  l'élégante  description 
qu'il  fait  des  plus  simples  opérations  de  cet  art,  ne  nous 
instruit  guère  de  ses  progrès  chez  ses  compatriotes.  Le 
buitîtoie  livre  de  l'architecture  de  Vitruve,  est  entièrement 
consacré  à  décrire  les  moyens  de  rechercher  et  de  con- 
duire les  eaux.  (Appendice,  n^ll.  )  L'auteur  y  traite  des 
canaux  destinés  k  les  amener  dans  les  villes  et  les  habi- 
tations particulières  ;  il  ne  dit  pas  un  mot  de  ceux  que 
l'on  voudrait  construire  pour  l'irrigation.  Son  silence  ne 
peut  que  nous  confirmer  dans  l'opinion ,  que  cet  art  était 
pea  pratiqué  chez  les  Romains ,  opinion  déjà  formée  par  la 
lecture  de  leurs  auteurs  agronomiques.  Les  restes  gigan- 
tesques de  leurs  aqueducs ,  monuments  admirables  encore 
aujourd'hui,  après  avoir  résisté  dix-huit  ou  vingt  siècles 
aux  injures  du  temps  et  k  la  main  encore  plus  destructive 
des  hommes  ;  ces  restes  magnifiques,  nous  en  convenons, 
penvent,  au  premier  abord,  donner  une  grande  idée  des 
^vaox  entrepris  pour  l'arrosement  des  terres  ;  mais  un 
examen  plus  attentif  convaincra  aisément  que  les  Romains, 
^Q  les  élevant,  avaient  bien  moins  songé  aux  avantagés 

'  C^&TfiftKt,  traduction  de  Delislb  ,  vers  123  4 130: 


Pais  d'un  flcnve  coupé  par  de  nombreux  canaux, 
Coart  dans  chaque  sillon  distribuer  le$  eanx. 
Si  te  soleil  brûlant  flétrit  l'herbe  mourante, 
Aussitôt,  je  le  vois,  par  une  douce  pente. 
Amener,  do  sommet  d'an  rocher  sourcilleux, 
In  docile  ruisseau,  qui,  sur  un  lit  pierreux. 
Tombe,  écume,  et  roulant  avec  un  doux  niurmurr, 
I»f>  rhamii*  dfcaltéré.s  ranime  la  vcnluiT. 


iU\  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

qu'en  pourrait  tirer  Tagriculture,  qu'à  procurer  aux  vil 
aux  maisons  de  campagne  de  l'Empereur  et  des  Graiida, 
tous  les  agréments  dont  le  luxe  ou  les  habitudes  avaieat 
fait  un  besoin ,  non-seulement  pour  les  Romains  opulenta» 
mais  encore  pour  les  simples  citoyens.  Jetons  un  coup- 
d'oeil  rapide  sur  ces  divers  ouvrages. 

Un  canal  dérivé  de  l'Anio  conduisait  des  eaux  i  Tibur; 
VÀqua  Cabra  ou  Damnata  était  distribuée  k  des  henrw, 
et  suivant  des  proportions  déterminées,  aux  maisons  de 
campagne  de  Tusculum.  On  avait  construit  des  aqueducs 
l>our  amener  des  sources  abondantes  à  Catane,  k  Salone, 
à  Éphèse,  à  Alexandrie-Thoas ,  k  Athènes,  k  Évort,  k 
Ségovie,  à  Metz,  k  Nimes,  à  Besançon,  et  dans  plosieurs 
autres  villes;  mais  tous  ces  monuments  somptueux  k 
cédaient  encore  aux  aqueducs  de  Rome.  Ce  que  nooi 
allons  en  dire,  d'après  Pline  (liv.  56,  c.  15),  et  d'tprèi 
Frontin,  qui  nous  en  a  laissé  une  description  très  circoo»» 
tanciée,  nous  apprendra  leur  destination ,  et  nous  meUn 
à  même  de  juger,  par  analogie ,  de  celle  des  autres 
lesquelles  nous  n'avons  pas  des  reuseignemenis  ai 
précis.  Lorsque  Frontin  fut  nommé  par  Nerva,  înspectav 
de  ces  aqueducs,  on  en  comptait  neuf,  dont  sept  porUisal 
le  nom  commun  de  Aqva,  et  se  distinguaient  par  les  épk 
thètes  suivantes  :  Appia,  Marlia,  Tepula,  Julia,  Virgé, 
Alsietina  ou  Augiista,  Claudia  ;  les  deux  dérivés  de  TAnio , 
se  nommaient  :  VAnio  vetxuii^xVAnio  nov\is.  Ilsavaientloas 
été  construits  de  Tan  de  Rome  iil  k  l'an  7H9.  Ils  pns 
naient  leur  origine  h  des  distances  de  la  ville,  comprises 
entre  sept  et  quatre  milles.  I^  longueur  de  leur  cows 
variait  de  11.190  pas  h  01.7IO,rK);  leur  développemail 
total  était  de  Tttrm  pas  (4()i  kilom.),  dont  206.585 
{506  kil.)  en  constructions  souterraines,  qui  s'enfonçaient 
quelquefois  jusqu'à  TiO  pio<ls  au-dessous  du  niveau  du  sol^ 


CHAPITRE   HUITIÈME.  141 

So.918  pas  (53  kil.  )  en  ponts  aqueducs  qui  s'élevaient, 
en  certains  endroits,  jusqu'à  la  hauteur  de  109  pieds,  et 
«nfin  30.240  pas  (45  kil.)  en  canaux  construits  à  fleur 
de  terre.  Frontin  évalue  la  quantité  d'eau  qu'ils  fournis- 
saient à  24.413  quinaires  \  quoique,  avant  lui,  on  ne 
comptât  que  14.028  quinaires  dans  les  registres  de  dis- 
tribution, et  seulement  12.383  dans  ceux  de  recette  ^ 
Près  des  trois  quarts  (soixante-et-onze  centièmes)  de  cette 
eau  entrait  dans  la  ville  où,  après  avoir  servi  a  divers 
usages,  elle  se  jetait  dans  les  égouts,  qui  la  portaient  au 
Tibre,  chargée  des  immondices  dont  elle  les  avait  déli- 
vrés. La  moitié  environ  des  0,29  restants  était  utilisée 
hors  de  la  ville  pour  le  public  ou  pour  les  maisons  de 
campagne  de  l'Empereur;  l'autre  moitié  était  distribuée 
ï  des  particuliers.  Les  concessions  en  faveur  de  l'agri- 
culture ne  pouvaient  être  tirées  que  de  cette  dernière 
partie;  et  même  le  plus  grand  nombre  des  prises  d'eau 
qu'elle  alimentait,  avait  pour  destination    les  villas  des 
Grands,  situées  aux  environs  de  la  capitale.  Les  conces- 
sions cessaient  d'avoir  leur  efiet  par  la  mort  du  conces- 
sionnaire ou  par  la  vente  de  la  propriété,  tandis  que 
celles  des  bains  publics  étaient  perpétuelles  :  en  changeant 
de  maître,  le  privilège  devait  être  renouvelé.  Il  existait 
dans  le  Code  romain  un  grand  nombre  de  dispositions  sur 
les  cours  d'eau  et  les  dérivations  pour  les  usages  publics 
et  privés,  qui  ont  fait  et  font  encore  loi  chez  presque 
(ous  les  peuples.  On  ne  saurait,  toutefois,  en  conclure 
que  l'irrigation   des  terres,  en  fût  le  principal  objet  : 
(ont  prouve,  au  contraire,  que  l'emploi  des  canaux  con- 
cernait plus  généralement  l'embellissement  des  villes  et  des 

1  On  appelait  ainsi  la  quantité  d'ean  qui  coulait  par  un  tuyau  de  5/4  de  doigt  de  diamètre. 
i  peu  prH  0,02322  de  mètre  ;  on  0,86  en  pouces  de  Paris. 
'2  C'est-à-dire  qu'un  huitième  était  compté  pour  lef  pertes  ou  le»  accident». 


14*2  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

{xalais.  Le  diaoïèlre  des  orilices  de  distnvuuon,  n'excédait 
que  bien  rarement  la  vicénaire,  réduite  d'un  demi-doigl) 
ou  5  pouces  09  :  dimension  bien  insignifiante  pour  des 
arrosages  de  quelque  importance.  Souvent,  on  y  adapuil, 
pour  récoulement,  un  tuyau  long  de  50  {ûeds.  To 
détails,  dont  l'exactitude  nous  est  garantie  par  le 
tère  de  Froiiiin  et  la  charge  qu'il  avait  exercée,  promot 
combien  peu  les  Romains  avaient  songé  à  favoriser  Tigri» 
culture  eu  construisant  ces  ouvrages  somptueux,  liaii^ 
s'ils  n'utilisèrent  pas  les  eaux  |K)ur  l'irrigation  dans  lew 
propre  pays,  à  la  porte  de  la  capitale,  l'anront-ili  iih 
dans  les  Gaules,  en  Espagne?  C'est  tont-à-Êik  imptiH 
bable.  Et  certainement  les  Barbares  établis  dans  ces  no^ 
vinces,  à  la  décadence  de  l'Empire,  n'auront  pas  enUeprii 
une  amélioration  agricole  négligée  par  les  Ronuiîas. 

La  conclusion  naturelle  de  tous  ces  faits ,  c'est  qoe  l'art 
de  fertiliser  des  terres  arides  au  moyen  de  TirrigilkNi, 
était  peu  pratiqué  en  Es|  igne  et  dans  la  NirbosMiM 
avant  l'invasion  des  Ârab  .  Cet  art,  comme  nous  Pnmâ 
vu  plus  baut,  n'était  |  toutefois  complètement  iguoii 
de  ces  peuples.  La  conquête  de  la  Syrie  et  de  rÉ|gfli 
les  familiarisa  avec  les  travaux  nécessaires  pour  b  coat- 
tmction  et  l'entretien  des  grands  canaux  d'irrigalmi. 
Malheureusement  pour  l'Espagne,  les  soldats  de  T^nik  0 
de  Mousa ,  et  surtout  les  renforts  qui  leur  venaîeni  d'A* 
frique ,  comptaient  peu  d'Arabes  dans  leurs  rangs  :  il 
étaient  composés  en  grande  partie  d'aventuriers  de  UNNëi 
les  nations,  Juifs,  Musulmans,  Chrétiens  même,  q«e  !*€•* 
poir  du  pillage  avait  enrôlés  sous  les  drapeaux  du  CnHfi 
et  des  Maures,  entraînés  par  le  fanatisme  de  la  nowwBi 
religion.  Ces  hommes,  bien  inférieurs  sous  la  rapport  di 
la  civilisation  aux  conquérants  de  TAsie,  se  jetaient  mi 
rOc'(i<lent  pour  le  pillt>r  ou  le  soumettre  il  la  loi  da  Pm 


CHAPITRE   HUITIÈME.  143 

|)bète.  Grossiers  et  indociles,  ils  ne  pouvaient  vivre  eu 
paix.  De  là,  leurs  fréquentes  invasions  en  France,  et  la 
continuité  de  leurs  discordes  civiles.  Enfin,  un  prince 
<ie  la  race  des  Oméyades,  proscrite  en  Orient,  Âbdel- 
Rhaman  I^  (Appendice^  n<)  12)  ayant  réussi,  après  une 
longue  guerre ,  à  se  rendre  maître  de  la  Péninsule,  offrit 
un  asile  dans  ses  États  k  tous  les  Syriens  persécutés  dans 
leur  patrie,  à  cause  de  leur  attachement  a  la  iamille  dé- 
trônée. A  la  suite  de  ces  réfugiés,  les  sciences  et  les  arts 
passèrent  de  l'Asie  ^i  Europe  :  la  poésie  et  l'éloquence 
adoucireoi  les  mœurs  ;  l'architecture  décora  les  villes  ; 
des  temples ,  des  palais ,  des  fontaines  furent  élevés  ;  on 
répara  les  routes;  des  nuinufactures  s'établirent,  «t  l'on 
chercha  à  faire  refleurir  l'agriculture,  ruinée  par  la  longue 

4 

domination  des  Goths  et  les  guerres  civiles  des  Musulmans. 
Ce  fot  en  949,  sous  le  règne  d'Abdel-Rhaman  III,  que  fut 
terminé  le  grand  canal  d'irrigation  d'Écija,  le  premier  de 
ce  genre  construit  en  Espagne.  Son  fils ,  Al-Hakan  II , 
l'imita.  Sous  ce  règne,  qu'on  put  appeler  l'âge  d'or^  et 
qoi  finit  trop  tôt»  en  976,  on  construisit  dans  les  plaines 
de  Grenade,  de  Murcie,  de  Valence,  et  même  dans  l'A- 
ngoo ,  des  canaux  et  des  lacs  artificiels,  destinés  k  con- 
duire ou  k  fournir  des  eaux  pour  arroser  les  terres.  Les 
gneires  firent  pénétrer  les  Chrétiens  d'Espagne,  comme 
eno^Bis  on  comme  alliés ,  dans  les  pays  des  Infidèles  ; 
ils  ne  lardèrent  point  k  profiter  de  leur  exemple.  Dès 
^'aa  973,  on  trouve  une  donation  laite  par  Borel,  comte 
de  Barcelone ,  de  quelques  jardins  situés  dans  le  Comté 
de  Maneroc,  jardins  qu'il  désigne  par  les  mots  de  harios 
9éregancos  (pour  subriguos),  jardins  arrosables.  Le  6 
avril  1021,  la  comtesse  Ermessinde,  et  son  fils  le  comte 
et  marquis  Bérenger  de  Barcelone,  vendent,  pour  quatre 
mancuses,  aux  habitants  de  Corron,  le  droit  d'arroser 


144  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

leurs  terres  des  eaux  du  canal,  Àcequia  de  San^MiUo 
(Rofarull).  Dans  une  donation  faite  en  1053  par  un 
Comte  d'Urgel  à  l'abbaye  de  Saint-Saturnin,  Tobjet  dont 
on  fait  mention  est  donné  avec  les  eaux  desaquedoct, 
avec  leurs  résenoirs  et  les  conduites  pour  Tarrosage  *• 
L'acte  de  fondation  du  monastère  de  Santas^Creux ,  en 
Catalogne,  élevé  en  1151,  par  un  Seigneur  de  la  maiaoD 
de  Moncade  et  par  ses  trois  fils,  parle  d'un  champ,  ame 
le  droit  de  prendre  l'eau  pour  l'arroser.  En  Tau  1180, 
l'Abbé  de  Sant-Féliu-de-Guixols ,  accorde  aux  haUtaiita 
la  faculté  de  prendre  et  de  conduire  les  eaux  dans  leon 
propriétés,  moyennant  la  redevance  qu'a  le  droit  d'eiiger 
Guillaume  Amifat ,  pour  l'arrosage  des  jardins  qui  tirent 
l'eau  du  sien*.  Nous  voyons  la  pratique  des  irrigaliom 
pénétrer  en  Catalogne  dès  le  \^  siècle ,  et  s'y  propager 
dans  le  xi^  et  le  xiP.  Vu  les  relations  intimes  qui  en- 
taient entre  les  deux  pays,  elle  ne  pouvait  tarder  k  ala- 
troduire  dans  le  Roussillon.  D'un  autre  edté,  le  relov 
des  Croisés,  que  les  passions  exaltées  de  l'époque  ataieM 
entraînés  en  Orient,  à  la  suite  de  Guillaume  de  Cerdagie 
et  de  Gérard  de  Roussillon ,  ramenait  sur  les  rives  de  h 
Tet  des  hommes  tout  disposés  a  favoriser  riotrodocliM 
d'une  pratique,  dont  ils  avaient  admiré  les  prodigieux  lé» 
sultats  en  Asie.  Aussi  trouve-t-on ,  dès  l'an  1123,  on  acte 
authentique  de  concession  d'arrosage  pour  le  territoire  de 
Mailloles,  près  de  Perpignan,  en  faveur  du  Chapitre  d'Ehie. 
Deux  chartes,  postérieures  d'environ  quarante  ans, 
font  {K^nser  que  cette  pratique  si  utile  était  usitée 
quelque  temps,  et  même  sur  des  terrains  assez  éleiidw. 
La  première  est  la  concession  faite  en  1 102,  |Mir  le  coale 

1   Cum  nqmM  n'pinrutn,  «uni  rtiruin  fohtnmltM.  fttf  irngantM. 

i  Salvo  hitc  qvoé  t.utVrlmut  imiftit  Mitet  tunpgrf  ex  hyrfu  f ni  twmrnmt 
m  iUê 


CHAPITRE  HUITIÈME.  145 

Gaozfred  et  son  fils  Gérard ,  à  Guillaume,  seigneur  de  Pia, 
de  deux  meules  d'eau,  prises  sur  le  ruisseau  du  Vernet, 
pour  l'arrosage  de  ses  terres.  La  seconde  est  de  Tan  1165. 
Le  Seigneur  d'Ille  et  de  Règlelles,  y  vend  au  Seigneur  et 
aux  habitants  de  Millas,  le  droit  de  dériver  un  canal  de  la 
Tet,  pour  arroser  leurs  terres  et  l'usage  de  leurs  moulins. 
Lors  de  la  concession  faite  k  Guillaume  de  Pia,  le  canal 
du  Vemet  existait  depuis  plus  d'un  siècle,  et  arrosait  pro- 
bablement, comme  aujourd'hui,  les  territoires  supérieurs. 
De  même,  suivant  toutes  les  apparences,  le  Seigneur  d'Ule 
ne  vendit  pas  k  un  autre  le  droit  de  prendre  les  eaux  de  la 
Tel,  avant  d'en  avoir  largement  usé  déjà  pour  son  propre 
territoire.  Le  testament  du  dernier  Comte  de  Roussillon , 
démontre  l'existence  du  canal  de  Perpignan  avant  1172.  Le 
ruisseau  appelé  Comitalis  ou  du  Comte ,  dans  les  chartes 
da  xn®  siècle,  ne  porte-t-il  pas  ce  nom  pour  avoir  été  la 
propriété,  et  sans  doute  l'ouvrage  des  Comtes? 

Nous  conclurons  de  tout  ce  qui  précède,  que  l'irrigation 
fut  pratiquée  en  Roussillon  avant  l'année  1100.  D'autre 
part,  ou  doit  admettre  qu'on  a  commencé  à  en  faire  usage 
lorsque  les  moulins  k  eau  furent  assez  communs  dans  le 
pays,  puisqu'on  a  adopté  pour  mesure  de  la  distribution 
des  eaux  d'irrigation  la  meule,  c'est-k-dire  la  quantité 
d'eau  nécessaire  pour  faire  tourner  la  meule  d'un  moulin. 
Ces  usines  sont  mentionnées ,  pour  la  première  fois  eu 
Roussillon,  dans  les  chartes  de  la  fin  du  ix®  siècle,  et  il 
n'est  pas  probable  qu'on  les  y  ait  connues  long-temps 
avant  cette  époque.  (Appendice,  n®  13.). 

Dans  la  description  de  nos  canaux  par  Jaubert  de  Passa, 
on  trouve  qu'il  existait  déjk  un  moulin  k  Millas  en  10â7, 
tandis  que  l'arrosage  n'y  date  que  de  1163.  Le  moulin 
d'Elne  fut  établi  avant  902,  et  ce  ne  fiit  qu'en  H8i  que 
TÉvéque  et  les  habitants  obtinrent  une  prise  d'eau  dans 

10 


U6  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

ie  Tech  pour  l'irrigation.  II  serait  superflu  de  produire 
un  plus  grand  nombre  de  preuves',  et  je  consigne  id  mie 
obsenation  importante,  résultant  de  soixante-dix  chirtet 
que  j'ai  parcourues.  Dans  les  actes  où  Q  est  qoestian 
d'eaux,  d'aqueducs,  de  canaux,  ceux  des  ix«,  x«  el  xi^ 
siècles  concernent  leur  usage  pour  les  moolins,  tandis 
que  dans  la  plupart  de  ceux  d'une  époque  postérieore,  M 
s'occupe  de  leur  destination  pour  l'arrosage  des  ferres. 

L'art  d'appliquer  Teau  comme  moteur  aux  moalias  k 
farine  naquit  en  Orient.  Un  siècle  avant  l'ère  dirétieue, 
aux  limites  de  l'Asie,  le  moulin  k  eau ,  nouvellement  in- 
venté, remplaçait  le  moulin  k  bras,  auquel  on  employait 
les  femmes  et  les  esclaves  * .  D'autre  part,  le  moulin  com» 
truit  par  les  ordres  de  Mithridate  k  Cabyra^  aujowdlni 
Tunkal,  passait,  au  dire  de  Strabon,  pour  une  cboM  fort 
curieuse  :  mais  il  ne  parait  pas  qu'on  se  soit  alors  bien 
empressé  d'adopter  généralement  cette  découverte;  nr 
un  passage  de  l'oraison  funèbre  de  Placilla,  femme  de 
Théodose  I^^^^  par  gaînt  Grégoire  de  Nice,  prouTe,  qnli 
la  fin  du  rv®  siècle,  on  employait  souvent  la  force  des  ani* 
maux  pour  faire  fonctionner  ces  sortes  d'usines.  Qnanl  à 
rOccident,  ces  moulins,  déjà  introduits  en  Grèce,  ne  le 
furent  que  bien  plus  tard  à  Rome.  On  trouve  dans  Vitnife« 
une  description  assez  exacte,  mais  très  succincte,  d*i 
moulin  à  eau,  qu'il  [)ouvait  avoir  vu  en  Asie;  et 
il  Ta  placé  dans  la  partie  du  dixième  livre  consacrée  à  11»- 
dication  des  machines  les  moins  usuelles,  rien  ne  {umne 
que,  de  son  temps,  on  construisit  en  Italie  de  semblables 


t  liani  dff  ««•(%  cnrirni ,  que  non%  a  tran»mif  ranthoittgie  irrtr^if .  AntiplUr  4t 
»>iprtnait  aïoi^i 

•  Cftên  de  Ttms  donarr  Ae  la  peine. .  jranrt  Allr«  rmployM»  à  fïlrf  tMVMr  !• 
r>rèi  a  coauaandr  aux  N}inpkf»  df»  «raox  de  rrapUr  Vi4re  tàrbc.  A  M  Toii,  fiàBêm  à  U 
u*w,  HIrt  fenrenl  la  Innnie  nwtilf  S  m-  bi»*i»f  nitralii'  t  'ur  *4»n  a\f .   ri  h 
iv^olutiun  Ir  hir  •If^iiitr  *  Aiff  rf<luit  i-n  (.iiiur  • 


CHAPITRE  HUITIÈME.  147 

usines  (App.,  n^  14.).  Pline,  pariant  soixante  ans  après 
(liv.  i8,  c.  10),  des  moyens  employés  en  Italie  pour  mou- 
dre le  grain ,  se  sert  d'expressions  qui  paraissent  indiquer 
plutôt  un  mécanisme  semblable  au  moulin  k  foulon  hol- 
landais, où  la  chute  des  pilons  écraserait  le  blé,  que  celui 
du  moulin  décrit  par  Vitruve.  Dans  le  lUP  siècle,  au  rapport 
d'Hérodien,  on  distribuait  encore  aux  soldats  romains,  le 
grain ,  qu'ils  devaient  moudre  eux-mêmes.  Un  fait  raconté 
par  Fleury  (Hist.  Ecclés.,  Uy.  2),  prouve  qu'k  la  fin  du  iy^' 
siècle  on  se  servait  de  moulins  k  bras  à  Milan  ^  La  multi- 
tude de  ces  machines  que  traînaient  avec  eux  les  Ostro- 
goths,  lors  de  leur  invasion  en  489,  doit  faire  présumer 
que  ritalie,  qui  ne  leur  était  pas  inconnue,  n'offirmt  pas 
de  grandes  ressources  pour  moudre  le  grain  nécessaire  à 
nue  année.  Palladius  est  le  premier  auteur  latin  qui  parle 
des  moulins  i  eaii,  comme  d'une  chose  usitée  de  son  temps. 
Dans  son  livre  (De  Re  ruslica),  il  conseille  d'établir  dans 
les  fermes  des  moulins  à  Êirine,  mus  par  l'eau  dont  on  se 
smit  servi  pour  les  bains.  Ce  conseil  ne  décèle  pas ,  dans 
cet  auteur,  une  grande  connaissance  de  la  dépense  d'eau 
91e  nécessitent  ces  usines.  (App.^  n<>  15.  )  On  ne  sait  pas 
trop  ad  quel  temps  il  écrivait,  et  il  pourrait  bien  ne  pas 
^  antérieur  au  v®  siècle,  k  cette  époque,  Rome  avait 
d^'ii,  ou  ne  tarda  pas  k  avoir  des  moulins  à  eau;  car 
IWope  nous  apprend  qu'en  557,  durant  le  siège  soutenu 
pv  BéUsaire  dans  cette  ville ,  avec  autant  d'habileté  que 
de  résolution ,  ce  grand  homme,  ne  pouvant  se  servir  des 
monHos  existants  sur  les  canaux,  dont  les  Goths  avaient 
détourné  les  eaux,  en  fit  établir  sur  des  bateaux,  au  milieu 


1  A  U  fin  du  nr*  siècle .  Géronce .  diacre  de  Saint- Ambroise ,  w  vanta  d'avoir  pris  la  nait 
'<>  OMMélide  (  spectre  ï  jambes  d'Ane  ).  de  lui  avoir  rasé  la  tète  poor  l'envoyer  an  moulin . 
'^'^I^ire  loamer  la  meule.  Le  saint  Archevêque,  trouvant  ce  discours  peu  digne  d'un 
^'Qistrf  i]u  Seigneur ,  imposa  une  pénitence  au  Diacre. 


148  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

du  Tibre  * .  Si  les  moulins  à  eau  n'étaient  pas  très  com- 
muns en  Italie  a  cette  époque,  ils  devaient  être  eooove 
plus  rares  dans  les  Gaules.  Aussi ,  quoique  la  loi  ftaUqw, 
rédigée  k  la  fin  du  v^  siècle,  fasse  mention  de  ces  osums, 
et  que  Ton  sache,  par  Fortunat  et  Grégoire  de  Tours,  qvH 
en  existait  en  France  au  vi®,  soit  auprès  de  Metz,  soH  k 
Dijon,  les  moulins  k  bras  étaient  généralement  usités. 
Pour  des  crimes  assez  graves,  on  condamnait  souvent  ï 
tourner  la  meule;  et  on  voit,  vers  la  fin  da  Yi«  siède, 
infliger  ce  ch&timent  k  une  gouvernante  des  enfiwtt  de 
Childebert  II,  convaincue  d'avoir  conspiré  contre  ce 
prince  *.  Elle  subit  la  peine  dans  le  moulin  destiné  k 
moudre  le  grain  consommé  par  la  maison  royale. 

Les  moulins  k  eau  étaient  inconnus  dans  la  Septimi* 
nie,  lors<]u'elle  tomba  sous  la  domination  des  Visigoths, 
qui,  par  les  ravages  qu'ils  exercèrent,  minèrent  Tigri» 
culture  et  les  arts.  Aussi  indolents  et  paresseux  dans  ht 
paix ,  que  farouches  et  actifs  durant  la  guerre ,  ces  Bsr* 
bares,  laissant  les  cultures  entre  les  mains  des  esclaves, 
aimaient  mieux  élever  le  bétail ,  seule  richesse  de  lew 
pays  natal.  Depuis  cette  époque,  les  arts,  venant  de 
l'Italie,  eurent  encore  plus  de  difficulté  k  pénétrer  dans 
une  province  soumise  k  des  maitnrs  peu  favorables  k  l'in- 
dustrie. D  ailleurs^  s*il  s'établit  alors  quelques-unes  de 
usines  en  Roussillon,  elles  disparurent  bientôt, 
loppées  dans  la  ruine  générale  de  ce  pays,  résultai  des 
invasions  répétées  des  Sarrasins  dans  le  cours  du  TOI* 
siècle.  .\près  l'expulsion  des  Infidèles,  une  nouvdie  èie 


1  lUBf  VfhêUnrt  4e  l.\  iie.adetwe  Àt  \  Fmt'tre  H^mMin.  pu  Ctïktm,  «l 
â€m\  fkjti  nié* .  rc«rrr«aat  l>0TakiM«»rai  àt  l'iulif  ra  M»,  «f  It  Méf»  éi  Hmw m  V«. 
n  qii  rottirat  tn^tt  ^mte^  qi«  W*  w«ttlim  k  cm  Mamt  coas».  au»  |i«  § 

:  //tirirt  r  *<  t'^i'uf    fvir  lktfr>\     %'t  en  Heu.  -f    pu  lljik*ta 


CHAPITRE  HUITIÈME.  149 

de  civilisation  commença  pour  notre  patrie.  Les  Chrétiens 
fuyant  d'Espagne,  et  peut-être  quelques  Français  Joints  aux 
misérables  restes  des  anciens  habitants,  entreprirent  de  re- 
peupler et  de  remettre  en  culture  une  contrée  que  les  mal- 
heurs des  derniers  temps  avaient  rendue  stérile  et  déserte. 
Moins  d'un  siècle  après  ce  commencement  de  restauration, 
les  chartes  font  mention  des  moulins  a  eau.  Elles  ne  parlent 
d'irrigation  que  deux  cent  cinquante  ans  plus  tard,  et  alors 
la  mesure  usitée  pour  la  distribution  des  eaux  est  la  meule. 
De  tous  les  faits  cités  dans  ce  chapitre,  nous  devons 
tirer  les  conclusions  suivantes  :  !<>  les  Romains,  et  encore 
moins  les  Goths,  ne  peuvent  avoir  introduit  la  pratique 
des  irrigations  en  Roussillon  ;  2»  cette  pratique  ne  doit  y 
avoir  été  connue  qu'après  l'établissement  des  moulins  à 
eau  ;  5^  s'il  y  avait  des  usines  de  ce  genre  avant  l'invasion 
des  Arabes,  elles  n'y  étaient  certainement  pas  très  com- 
munes, et  les  malheurs  de  cette  époque  les  firent  dispa- 
raître avec  tous  les  monuments  de  la  civilisation  ;  i^  tandis 
<iue  le  Roussillon  se  repeuple  sous  les  premiers  Carlovin- 
gieos,  les  conquérants  de  l'Espagne  deviennent  indus- 
trieux, et  la  pratique  des  irrigations,  importée  par  eux 
en  Andalousie ,  se  propage  dans  les  environs  de  Valence 
et  en  Aragon.  Elle  pénètre  bientôt  dans  la  Marche  d'Espa- 
gne. Les  Roussillonnais  ne  restèrent  point  en  arrière.  Les- 
chartes  du  xii©  siècle ,  en  nous  instruisant  de  ce  qu'on  exé- 
cuta alors,  font  présumer  qu'on  avait  déjà,  depuis  quelque 
temps,  songé  à  utiliser  les  eaux  de  la  Tet,  pour  procurer  à 
DOS  terres  l'humidité  si  nécessaire  à  la  végétation.  Depuis 
deux  siècles ,  les  moulins  à  eau  '  étaient  usités  dans  le 

1  Un  anteur  prétend  que  les  mouliiu  à  eau  ne  furent  usités  en  Europe  qu'à  la  fin  du  xu* 
tiède .  sous  le  pape  Célestin  III ,  qui  les  soumit  à  la  dlme.  Il  est  rationnel  de  penser  qu'il  ne 
les  j  assujettit  que  parce  que  ,  déjà  fort  communs ,  le  produit  de  la  dtme  pouvait  être  de 
qvelqiie  importance. 


150  HISTOISB  DU  EOUSSILLOM. 

Roussillon.  Les  relations  de  dos  ancêtres  avec  VEâpÊgoe^ 
leurs  pèlerinages  en  Orient,  contribuèrent  sans  dovte  k 
favoriser  l'introduction  de  l'art  des  irrigations  dans  Imr 
pays;  et  tout  nous  engage  k  indiquer  les  xi®  et  xn^  aiè> 
clés  comme  l'époque  de  cette  heureuse  innovation ,  et  à 
regarder  les  Arabes  comme  nos  véritables  maîtres  dass 
cette  partie  intéressante  de  la  science  agricole.  Le  noai 
(acequia),  emprunté  à  leur  langue,  que  l'on  donna  d'abôfd 
k  nos  canaux  d'irrigation,  n'est^il  pas  une  nouvelle  preme 
que  c'est  à  ce  peuple  que  nous  devons  l'art  de  les  établir 
et  d'en  distribuer  les  eaux  avec  tant  d'intelligence,  et  de 
simplicité?  (Appendice,  n®  16.) 


CflAPJTHE  NEtVIEMfi.  ^51 


CHAPITRE   IX. 


SBPTItHI  ÉPOQUE. 

PIVE.II\È.Kf:  RÉUNION  D\3  K0\3SS\LL0N  \\3  U0\M3MEi 

D*\K\GON. 

L'héritier  du  comte  Gérard  fut,  comme  nous  l'avons^ 
VQ,  le  roi  d'Aragon  Alphonse  II,  fils  de  Raymond-Bé- 
r«nger  IV ,  dernier  Comte  de  Barcelone,  et  de  Pétronille, 
reine  d'Aragon.  Ce  prince  croyant,  peut-être,  devoir 
^yer  par  sa  présence  ses  droits  à  la  succession  de 
Gérard,  se  rendit  en  Roussillou  aussitôt  après  la  mort 
du  Comte,  pour  fyire  prêter  à  ses  nouveaux  sujets  le 
serment  de  fidélité.  Reçu  sans  opposition,  if  mit  son 
premier  soin  à  confirmer  à  la  ville  de  Perpignan,  par 
wne  charte  du  19  juillet  H72,  les  privilèges  que  lui  avait  ^•72: 
accordés  son  dernier  Seigneur.  La  même  année,  le  12 
<les  calendes  d'août,  il  accorde  sa  protection  k  l'abbaye  de 
Font-Froide,  dans  une  charte  où  il  prend  le  titre  de  Comte 
de  Roussillon.  Le  18  janvier  1 174,  il  se  maria  à  Saragosse 
avee  Sancia ,  fille  du  roi  de  Castille  Alphonse  Vil ,  et  le 
(^mté  de  Roussillon ,  tel  qu'il  l'avait  reçu  de  Gérard,  fut 
une  des  terres  assignées  pour  douaire  a  cette  princesse. 
Quelque  temps  avant  son  mariage,  il  avait,  dans  une 
'assemblée  de  Prélats  et  de  Seigneurs,  tenue  à  Fuentc 


ib^  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

de  Aldara,  promulgaé  une  constitutioD  de  paix  et  de  trèfe, 
qui  devait  être  observée  dans  ses  domaines,  depuis  Suites 
jusqu'à  Tortose  et  à  Lérida*  Les  articles  en  sont  à  peu 
près  les  mêmes  que  ceux  de  la  constitution  fidte  à  TVh 
luges,  en  104i.  Le  16  des  calendes  d'anil  1175,  ci 
prince  confirma  une  seconde  fois  les  usages  de  Perpigntn, 
4180.       Jusques  au  Concile  célébré  ï  Tarragone  en  1180,  on  tfail 
presque  toujours,  tant  en  Catalogne  qu'en  Roussillon,  dtlé 
les  actes  des  années  du  règne  des  Rois  de  France ,  en  y 
ajoutant ,  tantôt  Tannée  de  la  Naissance  de  Jésus-Chriit 
ou  de  son  Incarnation ,  tantôt  celle  de  Tère  d'Espagne. 
Il  fut  statué  dans  ce  Concile,  qu'on  adopterait  Fère  de 
l'Incarnation,  le  25  mars  étant  le  premier  jour  de  Fan, 
et  qu'on  ne  ferait  plus  aucune  mention  de  l'année  du 
règne  des  Rois  de  France.  Cependant,  on  troure  phn 
sieurs  actes  postérieurs  à  l'an  1180,  où  l'andoi  unce 
est  encore  observé.  Raymond -Bérenger,  à  qui  le  rai 
Alphonse,  son  frère,  avait  donné  le  Comté  de  Proveiiee, 
ayant  été  tué  l'année  suivante,  ce  Comté  revint  tu  roi  d'A- 
ragon. Alphonse  en  disposa  en  faveur  de  son  autre  ùèn 
Sanche,  ou  du  moins  il  lui  en  laissa  le  gouvernement  ]«• 
qu'en  1 185. 11  le  lui  retira,  cette  année,  en  lui  abandomml, 
suivant  Bouche,  les  Comtés  de  Roussillon  et  de  CerdagM* 
En  1102,  Ermengarde  ayant  cédé  à  son  neves  Pknt 
de  l^ra  la  Vicomte  de  Narbonne^  se  retira  k  PerpigntB^  oè 
elle  mourut  deux  ans  apri's.  Le  nouveau  Vicomte  iniéodi 
au  Comte  de  Foix  les  pays  et  chiteaux  de  Fenooiilèdet  et 
de  Pierrepertuse,  dé|)endants  d*Alphonse,  en  sa  qulHé  de 
r/>mte  de  Barcelone.  Celui-ci  confirma,  en  1195,  b  pot^ 
session  de  ces  fiefs  au  Comte  de  Foix«  son  parent.  L'aosée 
suivante,  il  renouvela  la  constitution  de  paix  et  de  trêve 
faite  en  IITo  :  elle  devait  s  étendre  de  Salses  à  Lérida, 
i|u  on  din&igne  comme  les  deux  exln'mités  de  la  Catalogne. 


CHAPITRE  NBUViiMB.  153 

Le  Roussillon  servant  a  lier  les  États  de  ce  priaee  en 
Espagne ,  avec  ses  terres  en  France ,  était  pour  lui  une 
possession  fort  importante;  aussi  témoigna-t-il  toujours 
une  grande  affection  pour  ce  pays.  Il  résidait  souvent  k 
Perpignan,  où  l'attiraient  les  guerres  fréquentes  qu'il  eut 
à  soutenir  contre  le  Comte  de  Toulouse  au  sujet  de  la 
Provence.  Il  fit  son  testament  dans  cette  ville,  en  décem- 
bre 1194,  et  y  mourut  le  25  avril  H 96.  Il  laissa  à  Pierre,        1 196. 
son  fils  aine,  le  Royaume  d'Aragon ,  les  Comtés  de  Barce- 
lone, de  Roussillon,  de  Cerdagne,  de  Confient,  de  Pallas, 
et,  en  général,  tous  les  droits  qu'il  avait  sur  les  pays 
compris  entre  Béziers  et  la  vallée  d'Aspe  ou  d'Oléron. 
Les  Comtés  de  Provence ,  de  Millaud ,  de  Gévaudan ,  fu- 
rent le  partage  d'Alphonse,  le  second  de  ses  fils.  Il  desti- 
nait Ferdinand ,  le  troisième ,  h  prendre  l'habit  religieux 
dans  le  monastère  de  Poblet.  Il  laissa  ses  enfants  sous 
la  tuteUe  de  sa  femme.  Parmi  les  nombreuses  libéralités 
qu'il  fit  aux  églises  de  ses  États,  celles  du  Roussillon  ne 
6ur^t  pas  oubliées  :  les  monastères  de  Saint-Michel-de- 
Coxa  et  de  Sainte-Marie  d'Arles  reçurent  une  rente  de  deux 
cents  sols;  il  en  légua  une  de  cent  cinquante  à  ceux  de 
Saint- Martin  et  de  Saint -André,  ainsi  qu'au  prieuré  de 
Coinrilla.  11  laissa  trois  cents  sols,  une  fois  payés,  à  l'é- 
giise  de  Perpignan,  pour  l'achat  de  deux  calices.  Sa 
veuve  ne  vécut  pas  en  bonne  intelligence  avec  son  fils 
Pierre  II,  Roi  d'Aragon;  et  k  l'expiration  de  sa  tutelle, 
elle  se  retira,  vers  l'an  1200,  au  monastère  de  Sixéna, 
qa'elle  avait  fondé,  et  où  elle  mourut  en  1208. 

Nous  trouvons  plusieurs  chartes  émanées  de  Pierre  II , 
eacore  mineur,  où  il  n'est  fait  aucune  mention  de  sa  tu- 
trice. De  ce  nombre,  est  celle  où  il  institue  le  gouver- 
nement  municipal  a  Perpignan.  11  confirma,  au  commen- 
cement de  son  règne,  la  donation  du  Roussillon  et  de  la 


I5i  HISTOIRE  DU  ROUSSI  IXON. 

Cerdagne,  faite  par  son  père  a  Doo  Sancho«  Cehii-d  ne 
jouit  de  ces  Comtés  qu'à  titre  d'apanagiste,  et  qwMqall 
reçoive  souvent  dans  les  chartes  le  titre  de  Comte,  0 
se  contentai  de  prendre  celui  de  Seigneur  du  Ronasillon 
et  de  la  Cerdagne.  Marié  avec  Doiia  Sancia  Nono,  fiUe 
de  Don  Nuno  de  Lara ,  un  des  premiers  Seigneurs  de  k 
CastiUe,  i>  en  eut  un  fils  nommé  Nuno-Sancbo. 

Quoique  très  proche  parent  du  comte  Aljriioiise  de  Pni* 
vence,  le  Seigneur  du  Roussillon  avait  pris  parti  contre  lu 
dans  la  guerre  qu'il  faisait  au  Comte  de  Forcalquier.  Le 
Roi  d'Aragon  termina  ce  difiérend  au  moyen  do  traité 
d'Aigues-Mortes,  dont  il  fut  le  médiateur.  Il  partH  de  Bi 
accompagné  de  son  oncle  Sancho,  et  se  rendit  k  ModI- 
pellier,  où  il  épousa,  le  15  juin  1904,  Marie,  fille  el 
héritière  du  Seigneur  de  cette  ville.  Le  Roussillon,  depû 
Salses  jusqu'à  l'Écluse ,  fut  assigné  pour  douaire  k  cette 
princesse ,  et  Sancho  figure  parmi  les  garants  de  eette 
stipulation.  Il  accompagna  ensuite  le  Roi  en  Provenee, 
4212.  et  de  là  à  Rome.  Il  le  suivit  encore  en  i2I2,  dans  le 
guerre  contre  les  Infidèles,  et  se  trouva  avec  son  file 
Nuno  k  la  fameuse  bataille  d'Ubéda  ou  de  las  Navas  de 
Tolosa,  gagnée  sur  les  Maures,  le  16  juillet  de  cette 
année,  par  les  Rois  de  Castille,  de  Navarre  et  d'Aragoe. 
Les  troupes  de  ce  dernier  étaient  k  l'arrière-garde,  soi-* 
vaut  Zurita  ;  à  la  gauche,  suivant  d'autres  :  mais  tov  lee 
auteurs  conviennent  qu'elles  contribuèrent  puissameMiit 
à  la  victoire.  Le  Roi  y  fut  blessé  d'un  coup  de  lanee; 
Nuno  et  son  fils  s'y  distinguèrent  :  celui-ci ,  quoique  très 
jeune ,  Ait  armé  Chevalier,  par  le  Roi ,  sur  le  champ  de 
bataille.  Plusieurs  guerriers  du  Roussillon  faisaient  perlie 
de  l'armée  aragonaise  :  les  historiens  catalans  citent  per- 
liculièremcut  Guillaume  d'Oms  et  Ariiauld  de  Uanyuls. 

\Ais  Comtes  de  Roussillon  avaient  c(»mmencé  a  travailler 


i 

j 


CBAPITU  NBUVIÈVB.  155 

ï  rémaDcipation  des  habitants  de  ce  pays;  les  Rois  d'A- 
ragon les  imitèrent.  Devant  consacrer  un  article  Si  la  ville 
de  Perpignan ,  nous  entrerons  dans  quelques  détails  au 
siqet  du  régime  municipal  qui  y  flit  établi  en  ii97  par 
Pierre  II.  Mais,  pour  &ire  mieux  apprécier  les  change- 
ments opérés  à  cette  époque,  nous  croyons  devoir  donner 
un  extrait  de  Tacte  d'affrtmchissement  de  Saint^-Laurentp* 
de-4a-8alanque  '  : 

«  Le  32  février  i2i3,  Pierre  second,  du  conseil  et  4213. 
consentaient  de  son  très  cher  cousin  Nuno,  Seigneur 
particulier  de  ce  lieu,  afiHranchit  les  habitants  de  cette 
commune  de  tous  droits  et  servitudes  auxquels  ils  étaient 
tenus;  accorde  la  faculté  de  vendre,  d'échanger  leurs 
biens,  et  d'en  disposer  par  testament.  Il  assure  aux  plus 
prêches  parmts,  jusqu'au  quatrième  degré,  la  succession 
de  ses  sujets  morts  intestats.  Il  règle,  qu'a  défaut  de  pa- 
rents de  ce  degré,  on  fera  trois  parts  de  l'héritage,  dettes 
payées  :  le  Bailli  royal,  assisté  de  trois  prud'hommes  du 
lieu,  recevra  et  distribuera  en  bonnes  œuvres  le  premier 
tiers;  le  second  appartiendra  au  Roi;  le  troisième  aux 
pttrents  jusqu'au  septième  degré,  et,  à  leur  défaut,  au 
Roi.  Les  habitants  sont  exemptés  de  tout  péage,  droit  ou 
service,  hors  celui  d'host  ou  chevauchée.  Chacun  pourra 
faire  du  sel  pour  les  besoins  de  sa  fiunille,  ou  l'acheter 
ao  même  prix  que  le  Roi.  Il  est  défendu  aux  Baillis  ou 
Vigoiers  de  forcer  les  habitants  d'assister  à  des  plaids 
tenus  ailleurs  que  dans  leur  village  ou  son  territoire.  » 
Ea  1242,  Jacques  I^  confirma  ce  privilège,  toutefois  en 
se  réservant  le  droit  d'établir  des  leudes  ou  péages^ 

Pierre,  zélé  catholique,  avait  chassé  de  ses  États  les 
Albigeois  et  leurs  fauteurs.  Par  dévoûment  au  Pape,  il 

1  Coaimajuqtié  par  M.  de  Saint-Malo. 


f56  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

avait  mécontenté  ses  sujets,  en  soumettant  son  royanaie 
à  un  tribut  de  deux  cent  cinquante  mannodins  en  favcw 
de  la  Chaire  de  Saint-Pierre.  Beau-frère  du  Comte  de 
Toulouse ,  parent  ou  ami  de  plusieurs  autres  Seigneon 
attaqués  par  les  Croisés,  il  ne  leur  avait  donné  aoeui 
secours.  A  la  vérité,  une  garnison  catalane  avait  àêknàm 
pendant  près  de  quatre  mois  le  château  de  Termes,  contre 
Simon  de  Montfort  ;  mais  le  Roi  n'avait  pris  aucone  ptrt 
ii  cette  défense.  Raymond  de  Termes,  maître  de  ce  fort, 
et  mari  d'Erméninde  de  Corsavi,  fille  d'un  des  prindptia 
Seigneurs  du  Roussillon,  avait  recruté  parmi  les  vassnx 
des  parents  de  sa  femme  %  la  majeure  partie  de  celte 
valeureuse  troupe,  devant  laquelle  auraient  échoué  les 
Croisés,  si  elle  avait  pu  se  défendre  aussi  aisément  coolre 
les  maladies  que  contre  leurs  attaques.  Loin  d'être  Tes- 
nemi  de  Montfort,  Pierre  lui  avait  confié  son  fils,  ftgé  de 
trois  ans,  pour  être  élevé  sous  ses  yeux,  en  attendanl 
qu'il  pût  se  marier  avec  sa  fille.  Cependant,  il  crut  devoir 
arrêter  cet  ambitieux,  qui ,  sous  prétexte  de  religion,  ae 
visait  qu'a  s'emparer  des  États  du  Comte  de  Toulouse.  Il 
marcha  donc  au  secours  de  ce  prince;  mais,  ayant  impni» 
demment  livré,  auprès  de  Muret,  un  combat  aux  Croitéft, 
1213.  il  y  périt  le  17  septembre  iSlS.  Si,  moins  fougueux,  il 
avait  suivi  les  conseils  de  son  oncle  Sancho  et  de  quel- 
ques autres  Seigneurs,  qui  l'engageaient  ii  ne  rien  tenter 
avant  l'arrivée  des  renforts  qu'ils  lui  amenaient,  il  âuriil 
pu  jouer  le  rôle  glorieux  de  pacificateur,  et  l'Anigon  ae 
se  serait  pas  trouvé  dans  la  situation  la  plus  critique.  Eb 


I  Cette  dame  Mt  de«x  (Ils  :  OlîTter  de  Termes ,  l'aloé .  fliit  on  des  pits  brivtt 
de  son  temps.  A|ir^  atoir  svétI  Janines  !*'  d'AnifMi  à  la  eoaqoèle  de  M^JerfH ,  Il 
pafoa  saiat  Ixwts  dans  set  de»  rroisadet.  et  rnoonit  le  i8  aoèt  if7S, daas U 
w  il  avait  été  envoyé  en  anil  1973 .  par  Philippe-le-Hardi .  à  la  iHt  de  vinf(t-(ii 
iicrset  tmt  arlialétriers.  naymond  de  Serralonyoe .  qii  porUit  ce  noa  d*aM  tcnt  4ê 
tnhf  «itoér  en  Hi«a»Mllon .  fat  U  second  flis  d'Erméninde  de  Coruvi. 


CHAPITRE  NEUVIÈME.  157 

effet,  il  ne  laissait  pour  héritier  qu'un  enfant  de  six  ans, 
au  pouvoir  de  son  ennemi. 

L'absence  et  la  minorité  du  nouveau  Roi  firent  naître . 
des  factions,  dont  les  chefs  étaient  Ferdinand  et  Sancho, 
Tun  frère,  l'autre  oncle  de  Pierre  II.  On  prit  cependant 
les  armes  pour  forcer  Simon  de  Montfort  \k  rendre  l'en- 
fant royal.  Nuno  était  l'un  des  chefs  des  troupes  levées 
à  cet  effet.  Heureusement  le  Pape  intervint  dans  cette 
affaire,  et  ordonna  k  Simon  de  remettre  le  jeune  Roi  k 
son  Légat.  Celui-ci  le  conduisit  en  Catalogne  en  1214. 
Sancho,  son  fils,  la  Noblesse ,  les  députés  des  villes,  allè- 
rent le  recevoir  k  Narbonne;  les  deux  premiers  s'enga- 
gèrent, par  serment,  k  ne  point  enlever  le  jeune  prince 
aux  personnes  k  qui  le  Légat  le  donnerait  en  garde  : 
Jacques  fut  conduit  k  Lérida,  où  s'étaient  réunis  les 
Grands,  la  Noblesse  et  dix  députés  de  chaque  ville.  On 
lui  prêta  serment  de  fidélité,  ce  qui  n'avait  jamais  été 
pratiqué  en  Aragon.  Cette  assemblée  offre  une  autre  inno- 
vation remarquable.  Les  députés  des  villes  n'assistaient 
P9A  aux  réunions  politiques  de  la  Catalogne  :  dans  cette 
Occasion,  ils  y  vinrent  par  zèle,  bu  y  furent  appelés  k 
Cause  de  la  gravité  des  circonstances.  Dans  la  suite,  ils 
^n  firent  une  partie  essentielle,  sous  le  nom  de  Bras  ou 
État  royal.  Les  Prélats,  les  Rarons  et  les  Nobles,  qui, 
^euls ,  jusqu'alors  avaient  formé  la  Cort  du  Comte ,  réu- 
nion assez  semblable  aux  premiers  Parlements  de  France, 
se  divisèrent  en  deux  Rras  ou  États,  l'ecclésiastique  et  le 
militaire.  L'Infant  Don  Ferdinand  et  le  Seigneur  du  Rous- 
sillon ,  occupés,  chacun  de  son  côté,  k  lever  des  troupes 
pour  profiter  de  la  confusion  qui  régnait  dans  le  royaume, 
s'en  approprier  une  partie  et  s'emparer  de  la  personne  du 
Roi,  n'assistèrent  pas  k  cette  assemblée,  qui,  par  sa  fer- 
meté, déjoua  leurs  projets  ambitieux.  Elle  confia  la  garde 


158  HISTOIBB  W  ROOSSnXOlf. 

et  l'éducation  du  jeune  Roi  à  Guillaume  de  IfontredM, 
maître  de  la  Milice  du  Temple  en  Aragon.  Cdni-ci  k 
conduisit  dans  le  chftteau  fort  de  Monçon.  On  nonmit 
trois  Gouverneurs  des  frontières,  un  ponr  la  CtlalogM, 
et  deux  pour  FAragon  ;  Sancho  fut  Procureor-Géiiérd  àt 
toute  la  monarchie. 

Quelque  temps  après  la  séparation  de  rassemblée  àt 
Lérida ,  les  Prélats  et  les  Seigneurs  craignant  qne  le  Rei 
ne  fftt  pas  en  sûreté  k  Monçon  contre  les  entreprises  et 
ses  oncles,  l'en  retirèrent  en  i217,  avec  le 
ment  des  Templiers,  et  le  conduisirent  sous  bonne 
k  Huesca  et  ensuite  k.Saragosse.  Sancho,  marehani  h  h 
tête  du  cortège,  calma  ainsi  les  inquiétudes  qu'A  urit 
dcmnées  aux  sujets  fidèles;  il  les  dissipa  entièrement  en 
i218,  aux  Cortés  tenues  k  Tarragone,  où,  se  dénettant 
de  la  charge  de  Procureur-Général,  il  reçut  en  édmÊgt 
des  terres  pour  quinze  mille  sols  de  rente  ^  et  «ne  pen^ 
sion  d'égale  yaleur  k  percevoir  sur  les  revenus  de  Bm^ 
lone  et  de  Villefranche-dels- Panades.  Après  quoi,  3 
prêta  au  Roi  serment  de  le  servir  fidèlement  B  penH 
que,  depuis  cette  époque,  renonçant  k  toute  intrigne^ 
il  resta  tranquille  dans  ses  terres.  Qiercbant  pem-éM  à 
mettre  k  profit  la  minorité  du  Souverain  pour  se  rente 
plus  indépendant,  il  y  fit  cette  même  année,  avee  le 
concours  des  Barons  du  pays  et  de  Gualter,  évêqoe  d*Elne9 
une  constitution  de  paix  et  trêve,  dont  l'eflet  denk 
s'étendre  sur  tout  ce  Diocèse  et  la  Cerdagne.  Son  fli, 
Nuno  ',  au  contraire,  suivait  la  cour,  et  y  dtspntait  le 
gouvernement  de  TÉtat  k  Tlnfiint  Don  Ferdinand  et  h 


t  Ccprinrtatail^fowé.MlilS.rMrvviBr.tttoftk^ritièfViIrCral^ni, 
Ja  S^ip^rmt  At  U  Rim  sir 


CHAPITRE  NBVYIÈMB.  159 

Guillaume  de  Moneade,  vicomte  de  Béarn.  Fort  Ué  d'abord 

avec  ce  dernier,  ils  se  brouillèrent  pour  un  motif  des  plus 

frivoles,  et  leur  querelle  ramena  la  guerre  dans  le  Rous- 

sillon ,  qui  aurait  eu  besoin  de  la  paix  pour  réparer  des 

malheurs  récents.  Une  sécheresse  extraordinaire  y  avait 

en  1219  détruit  toutes  les  récoltes,  perte  qui  fut  cause       4249. 

d'uoe  famine,  en  même  temps  qu'une  épizootie  enleva  la 

(dus  grande  partie  des  bestiaux.  Moncade,  peu  sensible  à 

ces  désastres,  assemble  ses  parents,  ses  amis,  et  entre  en 

RoussUlon,  pour  y  faire  du  dégât  sur  les  terres  du  père 

de  son  ennemi.  Sancho,  pris  au  dépourvu,  s'adresse  au 

Roi,  lui  représentant  que  si  quelqu'un  a  des  réclamations 

àâever  à  raisi)n^^  Seigneurie  du  Roussillon,  de  la 

Cerdagné^t  du  Gonflent,  il  est  prêt  k  faire  décider  le  sujet 

de  la  contestation  par  les  voies  ordinaires  de  la  justice  ; 

qu'il  donne  pour  ses  garants  Don  Atho  de  Four  et  Don 

Bbsco  Haça.  Jacques  en  fit  prévenir  Moncade,  et  lui 

défieadit  toute  voie  de  fait.  Celui-ci,  loin  d'obéir,  entra 

en  Roussillon,  à  la  fin  de  1222,  prit  le  château  d'Avalri, 

aitpartenant  a  Raymonde  de  Castel-Rossello ,  et  marcha 

sor  Perpignan.  Un  chevalier,  nommé  Gisbert  de  Barbera, 

sert  de  la  ville ,  à  la  tête  des  bourgeois  et  attaque  Moncade  ; 

loais  la  fortune  trahissant  son  courage,  il  est  battu  et  pris 

stQ  commencement  de  l'an  1225.  La  guerre  devint  bientôt 

générale,  parce  que  d^un  côté.  Don  Raymond  Folch  de 

Cirdone,  prit  les  armes  en  Gatalogne,  où  il  était  très 

poiesant,  en  faveur  des  Seigneurs  du  Roussillon,  et  que 

de  l'autre,  le  Roi,  indigné  du  mépris  qu'on  faisait  de 

son  autorité,  marcha,  avec  ses  Aragonais,  pour  mettre 

Goillaume  à  la  raison.  Jacques,  quoique  fort  jeune,  mon- 

tn,  dès  lors,  ce  qu'il  serait  un  jour.  Dans  peu  de  mois, 

cent  trente  tours  ou  châteaux  sont  enlevés  à  Moncade  ou 

isies  partisans.  On  prit  celui  de  Cerveillon,  près  de  Bar- 


160  HISTOIRB  DU  R0U8SILL0N. 

eelone,  vers  la  fin  d'août  i  223;  et  Guillaume  bn-Hiènef 
assiégé  dans  son  château  de  Moncade ,  aurait  infiôUflile- 
ment  été  forcé  de  se  rendre  faute  de  vivres,  si«  eomae  le 
dit  Jacques  dans  ses  mémoires,  les  Seigneurs,  craignaM 
l'abaissement  du  Vicomte,  ne  lui  en  eussent  fidt  passer  m 
secret.  Sancho  et  son  fils  assistèrent  k  ces  deux  sièges  : 
mais  le  père  mourut  quelque  temps  après;  car  nous  tmo* 
vous  un  privilège  accordé  aux  habitants  de  Clairai  pov  It 
dépaissance  de  Végariu,  le  jour  des  ides  de  décembre  I2SS, 
par  Nuno-Sancho ,  qui  s'intitule  Comte  de  RoosuDcmi  et 
de  Çerdagne.  Quoique  la  retraite  du  Roi  eût  rendo  le 
Vicomte  de  Béam  plus  audacieux ,  la  paix  se  fit  bieslôl 
entre  Moncade  et  Nuno.  Tous  deux,  réunis  k  llBfiyiil 
Don  Ferdinand  et  k  d'autres  Seigneurs  bctieux,  formi» 
rent  le  projet  de  s'emparer  de  la  personne  du  Roi  él  éi 
gouvernement.  Nuno,  oubliant  le  secours  qu'il  vraiil  et 
recevoir  de  son  Souverain ,  le  livra  k  ses  nouveaux  alliée. 
Il  eut  lieu  de  s'en  repentir,  car  toute  l'autorité  itat  donnée 
k  l'Infant,  et  le  Comte,  quoique  membre  du  conseil,  reeta 
1225.  sans  influence  dans  l'État  jusqu'en  1225,  oà  Jacqnei 
s*écbappa  de  leurs  mains.  Ce  prince,  rendu  k  la  liberté  « 
employa  les  deux  années  suivantes  k  détruire  les  fiielioM^ 
k  pacifier  les  troubles  dont  il  avait  été  la  victime  dana  mm 
enfance.  Il  y  réussit  par  son  adresse  et  sa  fimnelé.  PMr 
consolider  son  ouvrage,  il  résolut  d'occuper  coBire  lea 
Infidèles  le  courage  inquiet  des  Catalans.  En  coaaé- 
quence ,  ayant  convoqué  k  Barcelone ,  pour  le  uum  et 
décembre  1228,  une  assemblée  générale  de  la  Princi- 
pauté, où  Ton  admit,  suivant  Tusage  qui  s'était  inlrodnit 
durant  sa  minorité,  non-seulement  les  Prélats  et  lea  Nn» 
blés,  mais  encore  les  députés  dt^  villes,  il  y  fil  alatner 
qu*il  y  aurait  paix  et  trêve  depuis  la  Gnca  jusquli  SalMa, 
et  que  Ton  entreprendrait  la  conquête  de  Tile  de  Majofqne. 


CHAPITRE  NEUVIÈME.  |61 

Les  États  accordèrent,  à  cet  effet,  un  subside  app^ 
bauatge,  établi  poar  la  première  fois  en  1211  :  il  était 
réparti  sur  les  biens  meubles ,  en  proportion  du  nombre 
de  paires  de  bœufe  et  de  têtes  de  bétail  que  chaque  contri- 
buable possédait.  Nuno  ayant  souscrit  la  trêve  et  le  subside 
pour  le  Roussillon,  la  Cerdagne  et  le  Gonflent,  s'engagea 
volontiers  dans  cette  expédition,  et  fut  nommé  Tun  des 
juges  des  discussions  qui  pourraient  s'élever  au  sujet  du 
partage  des  terres  dans  les  pays  conquis.  Ce  Comte  venait 
d'augmenter  son  patrimoine  des  Vicomtes  de  Fenouillèdes 
et  de  Pierrepertuse ,  qui  lui  avaient  été  données  en  fief, 
M  mois  d'octobre  1226,  par  Louis  VIII,  roi  de  France,  4226, 
etTdont  la  possession  lui  fut  confirmée  par  saint  Louis,  en 
juillet  1228,  toujours  sous  la  condition  de  les  rendre  au 
Roi  de  France,  dans  le  cas  de  guerre  entre  ce  prince 
et  le  Roi  d'Aragon. 

Nono  partit  pour  la  conquête  de  Majorque,  k  la  tête 
d'an  corps  nombreux,  composé  de  ses  vassaux  :  il  fut  un 
des  Seigneurs  qui  s'y  distinguèrent  le  plus.  La  flotte  étant 
arrivée  en  vue  de  la  capitale,  il  fut  chargé,  avec  Raymond 
de  Moncade,  de  côtoyer  l'ile  pour  choisir  un  lieu  propre  au 
débarquement  :  ils  se  décidèrent  pour  le  port  de  Sainte- 
hace.  A  peine  débarqué,  le  Comte  eut  à  combattre 
les  Maures  qui,  dans  cette  première  action,  perdirent 
quinze  cents  hommes.  Pour  se  venger  de  leur  défaite, 
ib  ne  tardèrent  point  à  livrer  une  bataille  générale  aux 
Qirétiens.  Comme  on  ne  s'y  attendait  que  pour  le  lende- 
laaîn ,  chacun  aurait  voulu  rester  à  l'arrière-garde.  Après 
de  longs  débats,  elle  fut  dévolue  k  Nuiio;  mais  l'excel- 
lant poste  qu'il  prit  inspira  une  trop  grande  sécurité  k  ses 
troupes.  Attaquées  k  l'improviste,  elles  fléchirent  d'abord; 
mais  ranimées  par  l'exemple  et  les  reproches  de  leurs  plus 
braves  guerriers,  qui  leur  représentent  la  honte  dont  elles 

11 


16:2  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

vont  80  couvrir  sous  les  yeux  du  Roi,  elles  s'arrêtent, 
tiennent  ferme;  et,  par  une  résistance  opiniâtre ,  elles 
donnent  le  temps  à  Jacques  de  venir  k  leur  secoais  â¥ee 
sa  garde.  G^tte  troupe  d'élite,  réunie  aux  Roussiilomiaii, 
enfonce  Tennemi  et  le  met  en  fuite.  Après  cet  édatint 
succès,  on  assiège  la  capitale.  Un  aqueduc  qui  amoiait 
de  l'eau  a  la  ville  passait  à  travers  le  camp  des  Chrétient, 
auxquels  elle  était  indispensable.  Les  Maures  envoyèrrat 
cinq  mille  fantassins  et  cent  cavaliers  pour  s'emparer 
d'une  hauteur  d'où  l'aqueduc  se  dirigeait  vers  le  camp. 
Ces  troupes  firent  une  coupure  au  canal  et  en  détour* 
nèrènt  l'eau.  Nuno  fut  détaché,  avec  trois  cents  caYaliera, 
pour  déloger  les  Maures.  Il  y  réussit  après  un  combat 
sanglant,  où  les  Infidèles  perdirent  cinq  cents  hommes 
et  leur  général,  dont  la  tête  fut  lancée  dans  la  ville.  Les 
princi|>au\  habitants  de  File,  atterrés  par  ce  revers ,  ae 
soumirent  et  envoyèrent  des  provisions  au  camp;  le  Roi 
Maure  lui-même  proposa  de  capituler.  Nuno,  ohaigé  de 
traiter,  le  détermina  à  rendre  la  ville  sous  certaines  condi* 
tions,  que  le  conseil  du  Roi  refusa  d  admettre.  La  défenae 
opiniâtre  des  assiégés  et  les  {lertes  des  Chrétiens,  fireot 
souvent  re|)cntir  ces  derniers  de  n*avoir  pas  suivi  Tavis 
du  Comte  de  Roussillon.  La  ville  fut  enfin  prise  d'aaaaat 
1229.  le  5i  décembre  i!î29.  Cet  exploit  termina  glorieusement 
I  expédition  commencée  le  !«■'  septembre.  Le  Comte  de 
Roussillon  avait  voulu,  avant  de  s*embarquer,  assurer  h 
tranquillité  de  ses  États  {lendant  son  absence,  eo 
nant  ses  différends  avec  IHerre  de  FenouUlet.  Ce 
allié  des  .\lbigeois ,  avait  |>erdu  la  Vicomte  de  ce 
PossiHlant  eniMire  des  terres  eu  RiHissillon,  dans  le  Vil» 
les|iir«  le  t>>nnent  et  le  tapcir  il  %o\ait  avec  peine  Nnfto 
|irofiier  th^  S4^  dèpouillt^,  dont  Tavait  gratifié  le  Roi  de 
Kmiuv.   P«>ur  sVii  \en|;er.  il  a\ail  ravagé  les  terres  du 


CHAPITRE  NEUVIÈME.  163 

Comte;  mais,  sentant  l'impossibilité  de  rentrer  dans  son 
patrimoine,  il  crut  prudent,  pour  conserver  les  domaines 
qui  lui  restaient,  de  renoncer  en  faveur  de  Nuno  k  ses 
droits  sur  la  Vicomte.  C'est,  du  moins,  ce  qu'on  peut 
inférer  de  l'acte  du  i^r  juin  1229,  par  lequel  Pierre, 
pour  indemniser  le  Comte  des  torts  qu'il  lui  avait  faits, 
ainsi  qu'à  ses  vassaux,  lui  cède,  avec  l'approbation  de  sa 
mère  Ave,  tous  ses  droits  sur  la  Vicomte  de  Fenouillèdes. 
Nuik)  termina  aussi,  en  1231,  quelques  discussions  qu'il 
avait  avec  les  habitants  de  Montpellier.  Il  s'était  élevé 
des  différends  d'une  nature  assez  compliquée  entre  Nuno 
et  les  Comtes  de  Foix,  père  et  Gis,  au  sujet  de  plusieurs 
châteaux  de  la  Cerdagne  et  du  Donnézan  :  il  en  était  résulté 
une  guerre  assez  vive,  qui  iinit  par  un  traité  conclu  le  28 
septembre  1223,  sous  la  médiation  de  Raymond,  vicomte 
de  Cardone,  et  de  Bernard,  évéque  d'Ëlne.  Il  y  fut  con* 
veno  qu'on  ne  réclamerait  rien  de  part  et  d'autre  à  raison 
des  dommages  éprouvés  ;  que  les  châteaux  de  Quérigut,  de 
Son  et  le  Donnézan,  resteraient  sous  la  dépendance  féodale 
€la  Comte  de  Cerdagne;  que  chacun  garderait  ceux  des 
c^bàteaux  en  litige  dont  il  se  trouvait  en  possession,  moyen- 
siant  quoi  le  Comte  de  Foix  serait  tenu  k  l'honmiage  en- 
vers Nuno,  pour  ceux  de  ces  châteaux  que  cette  clause  lui 
adjugerait,  et  que,  du  reste,  ils  ne  pourraient  plus  être 
^igrandis  ni  même  réparés. 

n  existait  entre  le  roi  Jacques  et  le  comte  Nuno,-  des 

discussions  sur  des  objets  d'une  toute  autre  importance. 

Le  dernier,  se  fondant  sur  la  substitution  faite  par  son 

^rand-père  Raymond-Bérenger  IV,  et  la  donation  à  son 

père  Sancho,  par  Alphonse  II,  prétendait  k  la  suzeraineté  de 

la  ville  et  du  pays  de  Carcassonne ,  au  domaine  des  Tren- 

cavel,  k  la  Vicomte  de  Narbonne,  k  la  Provence,  au  Comté 

de  Milbaud.  Le  Roi,  de  son  côté,  lui  demandait  Collioure, 


1G4  HISTOIRE  DU   R0US8ILL0N. 

le  Vallespir,  le  Capcir,  la  vallée  de  Prades.  lleiireusemeal 
pour  le  Comte,  qui  était  le  plus  faible,  Jacques  le  vojani 
sans  enfants,  et  se  trouvant  son  héritier  naturel,  consentit 
facilement  k  terminer  les  différends  à  l'amiable.  Il  choisit 
pour  son  arbitre  Guillaume  de  Cenera,  moine  de  PoUet; 
le  Comte  prit  pour  le  sien  Lopez  Dias  de  Haro,  seigneur 
de  la  Biscaye.  Ces  deux  arbitres  s'adjoignirent  Hagoet  de 
Montlaur,  maître  du  Temple  ;  et  les  trois  juges  déddèient 
que  le  Comte  garderait  le  Roussillon  et  les  pays  qn^U 
possédait  dans  le  voisinage;  que  le  Roi  lui  payerait  nne 
somme  d'argent  pour  le  reste.  Après  cet  accord,  concfai 
en  mai  lâSo,  le  Comte  partit  pour  l'expédition  qoi  ent 
lieu  cette  année  contre  File  d'Yviça.  Il  fut  l'un  des  denx 
cheis  de  l'armement  dirigé  par  Guillaume,  archevêque  de 
Tarragone,  à  qui  Jacques  avait  donné  les  deux  Iles  d^Ynçi 
et  de  Formentera,  à  condition  qu'il  ferait  tous  les  finis 
de  l'expédition.  En  octobre  1256,  il  assista  aux  Cortés 
d'Huesca.  Il  suivit,  en  1258,  le  Roi  d'Aragon  à  la  con- 
quête du  Royaume  de  Valence,  dont  la  capitale  fiil  prise 
le  28  décembre  de  cette  année.  Ces  diverses  expéditions 
avaient  apparemment  dérangé  les  flnances  de  Nnno,  et 
l'obligèrent  à  vendre  à  saint  Louis,  pour  vingt  mille  sois 
meigoriens,  en  1250,  le  château  de  Pierrepertuse,  acquis 
précédemment  de  Guillaume ,  qui  en  était  le  Seignenr. 
1241.  Dans  son  testament,  du  17  décembre  1241,  Nuôo  donne 
tous  ses  Etats  au  Roi  d'Aragon  ;  ordonne  de  vendre  tous 
ses  biens  pour  payer  ses  dettes  et  réparer  les  injnatiees 
qu'il  avait  commises  ;  il  fait  quelques  legs  k  Dona 
sa  fille  naturelle  ;  laisse  h  sa  femme  Thérèse  Lopei, 
les  biens  <|u'il  possède  dans  los  Royaumes  de  Castille  et 
de  Léon ,  du  chef  de  sa  mère  ;  il  veut ,  en  outre ,  qn'on 
lui  restitue  sa  dot,  qui  était  de  six  mille  maravédis,  et 
désigne  pour  sa  sépulture  le  cimetière  des  llospitalieri  île 


CHAPITRE  NEUVIÈME.  165 

^joles,  près  de  Perpignan.  Il  mourut  le  21  janvier  124S, 
jour  où  ses  exécuteurs  testamentaires  remirent  au  Roi 
d'Aragon  les  actes  exposant  ses  prétentions  sur  le  Rous- 
siilon  et  les  autres  États,  qui  rentrèrent  alors  dans  le 
domaine  direct  de  la  couronne  d'Aragon  ;  mais  ce  ne  flit 
pas  pour  long-temps.  Déjà,  le  19  juin  1248,  dans  une 
disposition  publiée  k  Valence,  le  roi  Jacques  les  donnait, 
ainsi  que  Montpellier  et  quelques  autres  terres,  à  Ferdi- 
nand, son  troisième  fils.  Celui-ci  étant  mort  sans  enfants, 
son  apanage  fut  réuni  k  la  Catalogne,  qui  formait  celui 
€]e  Pierre,  second  fils  de  Jacques.  En  effet,  ce  prince, 
soit  dans  une  charte  du  8  octobre  1261,  où  il  ordonne 
<le  se  servir  en  Roussillon  de  la  monnaie  de  Barcelone, 
soit  dans  son  contrat  de  mariage  avec  Constance,  fille 
Mainfiroi ,  roi  de  Sicile ,  prend  le  titre  de  fils  du  Roi. 
d'héritier  présomptif  de  la  Catalogne  et  du  Roussillon. 
Dans  cette  dernière  charte,  datée  de  Montpellier,  le  jour 
^es  ides  de  juin  1262,  il  assigne  pour  douaire  à  sa  femme 
les  villes  de  Girone  et  de  Collioure,  avec  tous  leurs 
i^evenus. 

Depuis  que  la  Catalogne  et  le  Roussillon  avaient  été 
i^onis  au  Royaume  d'Aragon ,  ces  provinces  ne  dépen- 
<iaient  plus,  par  le  fait,  des  Rois  de  France,  qui,  cepen- 
<iant,  prétendaient  avec  raison  en  être  Seigneurs  suze- 
rains. Les  Monarques  aragonais,  de  leur  côté,  avaient 
des  prétentions  plus  ou  moins  bien  fondées  sur  diverses 
parties  du  Languedoc  et  de  la  Provence.  Saint  Louis  et 
Jacques  I®^  étaient  des  princes  trop  habiles,  pour  ne  pas 
sentir  qu'il  valait  mieux,  dans  l'intérêt  des  deux  Etats, 
légitimer  par  un  traité  la  possession  des  pays  dont  chaque 
Roi  jouissait  par  le  fait,  que  de  laisser  k  leurs  successeurs 
des  droits  incertains,  d'où  pourraient  naître  des  guerres 
désastreuses.  En  conséquence,  ils  convinrent,  à  CorbeiU 


166  HISTOIRE   Dt'   ROUSSILLOX. 

1258.  en  1358,  que  Louis  céderait  à  Jacques  tous  ses  droits 
sur  les  Comtés  de  Barcelone,  d'Urgel ,  de  Béstlo^  d'AB^ 
purias,  de  Girone,  d'Ausone,  de  Cerdagne,  de  CmUemi  ei 
de  Roussillon  ;  que  le  Roi  d'Aragon ,  à  son  tour,  rcMB* 
cerait  en  Eiveur  de  Louis  k  toute  prétention  sur  le  Caiw 
cassés,  le  Rasés,  le  Lanragais,  le  Tennenois,  et  en  génénl 
sur  ce  qui  avait  appartenu  à  Raymond,  comte  de  Toulouse. 
Les  droits  cédés  par  Louis  étaient  réels,  inconteslaUet; 
la  plupart  de  ceux  que  céda  Jacques  étaient  chimériqMi, 
La  perte  que  le  Roi  d'Aragon  fit,  deux  ans  après,  de 
son  fils  aine  Alphonse ,  le  détermina  à  Eure  un  nooTen 
partage  de  ses  États  entre  les  deux  fils  qui  lui  restaient 
11  assigna  k  Pierre,  Tainé,  TAragon,  la  Catalogne  et  Va» 
lence  ;  Jacques,  le  second ,  eut  pour  sa  part  les  Iles  Baléo* 
res,  avec  le  titre  de  Roi  de  Majorque,  le  Roussillon,  li 
Cerdagne ,  le  Confient,  la  Seigneurie  de  Montpellier  :  Ict 
deux  frères  devaient  être  indépendants  l'un  de  raotre. 
11  confirma  cet  arrangement  par  son  testament,  bkk 

1272.  Montpellier,  le  26  août  1272.  Ce  partage  déphil  fort  à 
Tainé;  il  tenait  beaucoup  k  garder  le  Roussillon,  qoî  hn 
avait  été  assigné  autrefois,  où  il  avait  déjk,  comme  iiow 
l'avons  vu ,  exercé  quelques  actes  d'autorité,  et  où  il  est, 
avant  la  mort  de  son  père ,  une  occasion  de  signaler  n 
valeur  de  la  manière  la  plus  brillante.  Traversant  eelte 
province,  en  1275,  pour  aller  à  Toulouse  faire  une  tinte 
au  Roi  de  France,  son  beau-frère,  il  était  accompagné 
par  le  Vicomte  de  C^istelnou,  seigneur  roussillonnaia^ 
alors  en  guerre  avec  son  frère  Arnaud  de  Corsari.  Piam 
donna  ordre  k  ce  dernier  de  lever  le  siège  du  cbàteM  de 
Montbolo,  situé  dans  la  vallée  d'^ries,  et  appartenant  an 
\icomte  Arnaud.  Soutenu  par  (luillaume  de  Canet  et  pin» 
sieurs  Gentilshommes  catalans;  se  trouvant  }k  b  tète  de 
trois  millo  hommes  do  pied  et  de  eent  cinquante  cavalière; 


CHAPITnE   NEtVIÈME.  167 

fier  de  ses  forces,  il  refusa  d'obéir.  Pierre,  de  retour  de 

sa  visite,  sort  de  Figuères,  à  l'entrée  de  la  nuit,  avec 

ceot  quatre*Yingts  chevaux ,  et  arrive  avant  le  jour  sur  les 

troapes  assiégeantes;  découvert  par  les  gardes  avancées, 

il  fond  sur  l'ennemi,  le  met  en  déroute,  ravitaille  le  ehâ- 

teaii,  et  fait  uo  grand  butin  en  armes  et  chevaux.  Il  parait, 

à  la  vérité,  qu'il  dut  cet  éclatant  succès  k  ce  que  Guillaume 

de  Canet,  reconnaissant  la  bannière  de  l'Infant,  se  retira 

avec  les  siens,  et  ne  prit  aucune  part  au  combat.  Le  27 

juillet  de  l'année  suivante,  1276,  Jacques  I^i*,  dit  le       427&. 

Omquérant,  mourut  k  Xativa. 

Durant  toute  la  période  que  nous  venons  de  parcourir,  le 

Roossillott  ne  cessa  de  faire  partie  intégrante  de  la  Catalo- 

^ne.  Cependant,  ciamme  il  fut  presque^  toujours  ou  l'apanage 

^e  Sancho  et  de  son  fils,  ou  gouverné  en  particulier  par 

l'un  des  fils  de  Jacques,  il  ne  parait  pas  qu'il  ait  envoyé 

des  députés  aux  Cortés  de  Catalogne;  et  l'on  voit  qu'il 

continua  k  se  régir  d'après  les  usages  de  Perpignan,  et 

^ue  la  monnaie  de  cette  ville  eut  toujours  cours  dans  le 

fiays,  concurremment  avec  celle  de  Barcelone.  Celle-ci 

éprouva  plusieurs  changements  :  le  sol  de  quem  ou  quof^ 

Mem,  dé  44  au  marc  d'argent,  de  11  7i  deniers  de  fin,  ftit 

remplacé,  le  6  des  cal.  de  janvier  1221,  par  le  sol  dobUnca 

^e  88  au  marc.  A  cette  monnaie  succéda  celle  dite  de  iem, 

<l<Hit  nous  parlerons  dans  un  autre  chapitre.  Elle  fut  établie 

par  un  édit  du  1^  août  1258,  et  confirmée  dans  la  suite  par 

une  constitution  des  Cortés  tenues  à  Barcelone  en  1290. 

On  trouve  quelquefois,  dans  les  chartes  de  cette  époque,  une 

monnaie  dite  jaccat^^  du  lieu  de  Jacca,  en  Aragon,  où 

elle  se  fat^riquait.  Dans  le  principe,*  le  sol  de  tem  était 

de  même  valeur  que  le  sol  jaccais.  Le, 5  août  1273, 

Jacques  I^^  ordonna  de  stipuler  dans  le  Roussillon  en 

monnaie  de  Barcelone ,  permettant  cependant  d'effectuer 


168  HisTome  ou  aouhsiLLON. 

les  paiements  en  monnaie  melgorienne  ou  tonte  autre. 
Nous  voyons  dans  les  actes  de  ce  temps,  que  le  sexlariiu 
était  encore  la  mesure  des  grains;  la  charge  ou  ioiunuâa^ 
celle  du  vin.  Outre  le  revenu  de  leurs  domaines,  les  Rob 
percevaient  des  droits  de  passage  (leudes)  k  certains  points. 
Aussi,  voit-on  les  rois  Pierre  II  et  Jacques  I^  assujettir 
les  marchandises  k  passer  par  Collioure  et  Banyulst  pour 
aller  en  Catalogne;  par  Estagel,  pour  aller  vers  Saint» 
Paul,  Alet  et  Limoux.  Dans  des  cas  extraordinaires,  les 
Cortés  de  Catalogne  accordaient  au  Souverain  la  levée 
d'un  impôt  appelé  bouatje,  dont  nous  avons  déjà  parlé. 
Le  gouvernement  de  ces  trois  Rois  d'Aragon  fut  très  fiivo- 
rable  au  Roussillon.  Nous  avons  dit  ce  que  Perpignan  et 
Saint-Laurent-de-la-Salanque  durent  k  Pierre  II  ;  plusieors 
autres  communes  firent,  sous  ces  princes,  les  premiera 
pas  vers  leur  émancipation. 

Les  expéditions  de  Jacques  I^r  contribuèrent  à  donner 
aux  Catalans  et  aux  Roussillonnais,  le  goût  de  la  navigation 
et  du  commerce.  L'existence  de  plusieurs  moulins  à  Snk 
Ion ,  que  les  actes  de  cette  époque  nous  indiquent  dans  les 
vallées  du  Tech  et  de  la  Tet,  prouvent  que  les  manulactnrea 
de  drap  étaient  nombreuses  dans  la  province.  Les  Juifs,  qni 
se  jettent  partout  où  il  y  a  quelque  spéculation  à  faire, 
affluèrent  dans  le  pays;  mais  le  Gouvernement  se  trouva 
bientôt  obligé  de  mettre  un  frein  k  leur  usure.  Par  nne 
constitution  faite  aux  Cortés  de  Tarragone,  en  1228,  il 
leur  avait  été  défendu  de  prêter  k  un  taux  plus  élevé  qnt 
vingt  pour  cent.  On  dut  renouveler  cette  défense  en  1240, 
quoique  les  Chrétiens  ne  pussent  prêter  qu'k  douze.  On 
trouve  une  constitution  de  Jacques  l^^^*,  faite  aussi  à  Tar- 
ragone en  1255,  dans  laquelle  ce  prince,  permettant  an 
Juifs  et  aux  Sarrasins  de  se  convertir  au  ChrisUanisnie , 
et  même  les  y  engagi^ajU ,  leur  défend ,  sous  peine  de 


CHAPITRB  NBUyiÈME.  169 

devenir  esclaves,  d'abandonner  la  loi  de  Moïse  pour  celle 
de  Mahomet,  et  vice  versa.  Il  existait  donc  des  Sarrasins 
libres  dans  les  États  d'Aragon ,  et  nous  voyons  aussi , 
par  plusieurs  actes  de  vente,  qu'il  y  avait  en  Roussillon 
des  esclaves  de  cette  nation.  Le  testament  de  Nuno- 
Sancho  nous  apprend  qu'on  avait  fait  des  projets  et  levé 
des  subsides  pour  l'amélioration  du  port  de  Collioure. 


170  IIISTOIIIB  DO  ROUSSILLON. 


CHAPITRE   X. 


HUlTliHK  ÉPOQUE. 

KO\S  DE  M\10KaVîE. 

Jacques  I^^*,  roi  de  Majorque,  né  à  Montpellier ,  la  TeiUede 
4243.  la  Pentecôte  i2i5,  s'était  marié,  à  Perpignan,  le  4  octo* 
bre  1275,  avec  Esclarmonde  de  Foix,  qui  lui  apporta  en 
dot  deux  cent  cinquante  mille  sols  melgoriens,  fiaiisant  trm 
mille  marcs  du  poids  de  Perpignan.  Ce  mariage  fot  câébvé 
avec  de  grandes  fêtes,  consistant  en  joutes  et  tooroon, 
suivant  Tusage  de  ce  temps.  A  la  mort  de  JacquM-le- 
Conquérant,  la  mésintelligence  ne  tarda  pas  k  éclater  entn 
ses  deux  (ils.  L'alné  trouvait  excessifs  les  avantages  ù&tB 
au  cadet;  il  aurait  voulu  garder  pour  lui  tous  les  États 
formant  la  Monarchie  aragonaise.  Jacques  n'était  pas 
d'humeur  k  céder  la  moindre  parcelle  de  ce  que  son  père 
lui  avait  destiné  ;  mais,  sentant  combien  ses  forces  étaiest 
inférieures  à  celles  de  son  rival ,  il  traînait  la  négoeiatiM 
en  longueur,  et  cherchait  en  attendant  k  se  faire  des  alliés. 
Dans  cette  intention,  il  avait  conclu,  le  10  mai  1978, 
avec  le  Comte  de  Foix,  son  beau-frère,  une  ligue  contre 
le  Roi  d*Aragon,  s'il  venait  k  lui  déclarer  la  guerre.  Cette 
ligue  devait  durer  cinq  ans;  mais  son  infidèle  allié,  ayant 
fait  sa  i»aix  avec  horre,  Jacques  fut  contraint  d'accepter 


CHAPITRE  DIXIÈME.  I7t 

toates  les  conditions  imposées  par  le  traité  signé  dans  le 
courent  des  Frères  Prêcheurs  de  Perpignan ,  le  20  jan* 
vier  1279.  Jacques  s'y  reconnaît  Tassai  du  Roi  d'Aragon  :       4279. 
s'engage  pour  lui  et  ses  successeurs  à  le  servir  envers  et 
contre  tous  ;  a  lui  livrer  toutes  les  fois  qu'il  en  sera  requis 
les  villes  de  Perpignan ,  de  Majorque  et  de  Puycerda  ;  à 
assister  aux  Cortés  de  Catalogne,  lorsqu'il  ne  se  trouvera 
|)as  dans  son  ile  ;  k  iaire  observer  en  Roùssillon  les  lois 
et  usages  de  Catalogne  ;  à  n'y  permettre  d'autre  monnaie 
que  celle  de  Barcelone.  Il  fut  dispensé,  sa  vie  durant,  de 
prêter  foi  et  hommage  en  personne,  d'aller  aux  Cortés  et 
de  livrer  les  trois  villes.  Cet  accord,  entièrement  contraire 
au  testament' du  père  commun,  consenti  et  approuvé  par 
Pierre  lui-même,  fut  en  général  regardé  comme  un  acte 
oppressif,  que  la  force  seule  pouvait  faire  exécuter.  Aussi, 
Pierre^  non  content  de  le  faire  signer  par  son  frère,  exigea 
que  les  Comtes  de  Foix  et  d'Ampurias,  le  Vicomte  de  Cas« 
telnou,  Dalmau  de  Rocaberti,  Raymond  Doui^,  Guillaume 
de  Canet,  Bernard  Hugues  de  Serrallongue,  Dalmau  de 
Castdnou,  Pierre  Çagardia,  Arnaud  de  Corsavi,  Guillaume 
de  So,  les  Syndics  de  Perpignan  et  ceux  de  Majorque,  se 
^-endissent  garants  de  son  exécution.  Dans  les  premières 
années,  le  roi  Jacques  parut  vouloir  remplir  les  conditions 
de  cet  accord  :  il  conduisit  des  troupes  au  secours  de  son 
ffrère  contre  le  Comte  de  Foix  et  plusieurs  Seigneurs  cata- 
lans, du  nombre  desquels  était  Guillaume  de  Canet.  Il 
9e  distingua  par  sa  valeur,  en  1280,  au  siège  de  Balaguer, 
défendu  par  ces  Seigneurs  contre  le  Roi  d'Aragon.  L'an- 
née  suivante,  il  accompagna  celui-ci  à  Toulouse  où  il  avait 
été  voir  le  Roi  de  France.  Malgré  toutes  ces  démarches, 
il  est  présumable  qu'il  n'attendait  qu'une  occasion  favorable 
pour  secouer  le  joug  imposé  par  son  frère  ;  elle  parut  se 
présenter  bientôt  après.  A  la  suite  d'un  soulèvement,  qui 


17:2  HISTOIRE  DU   IIOU88ILLON. 

4282.  avait  pris  naissance  k  Païenne,  le  30  mare  1282,  les 
Siciliens  ayaient  massacré  tous  les  Français  établis  dans 
leur  ile.  Craignant  la  vengeance  du  roi  Charles  d*AnjiNi, 
ils  appelèrent  à  leur  secoure  Pierre  d'Aragon.  Celin-d 
n'était  peut-être  pas  étranger  k  la  révolte  de  ces  inta- 
laires.  Du  moins,  il  parait  ne  s'être  montré  k  cette  ép<H 
que,  avec  une  flotte  considérable  sur  les  cdtes  de  Tunis, 
qu'afin  de  se  trouver  à  portée  de  soutenir  cette  insur- 
rection, et  d'en  proliter  pour  s'emparer  d'un  royamne 
sur  lequel  sa  femme  Constance  avait  des  prétentions. 
Mais  le  pape  Martin  IV,  prenant  le  parti  de  Charles,  son 
vassal ,  déclare  le  Roi  d'Aragon ,  non-seulement  inctpeUe 
de  régner  en  Sicile ,  mais  encore  déchu  du  trône  de  ses 
pères,  et  donne  le  Royaume  d'Aragon  à  Charles-de-*Ve» 
lois,  second  (ils  de  Philippe-le-Hardi ,  roi  de  France. 

Il  est  impossible  de  justifier  une  pareille  sentence, 
dont  l'exécution  n'était  pas  aisée.  Pour  y  réussir,  le  Psqie 
publie  une  Croisade  contre  Pierre,  qu'il  avait  eu  soin 
d'excommunier.  A  la  voix  du  Pontife,  des  troupes  nenn 
breuses  de  Croisés  accourent  se  réunir  aux  environs  de 
Toulouse,  de  Carcassonne  et  de  Narbonne,  sous  la  ban* 
nière  de  Philippe,  chef  naturel  d'une  expédition,  dont  le 
but  était  de  donner  une  couronne  à  son  fils.  L'Aragonait, 
de  son  cdté,  ne  se  laissant  pas  intimider  par  l'excomnin- 
nication,  ne  négligea  aucune  précaution  contre  l'invasion 
des  Croisés.  Connaissant  les  liaisons  du  Roi  de  Miû^rqne 
avec  celui  de  France;  se  méliant  surtout  de  son  frère  «  k 
raison  des  injustices  qu'il  lui  avait  faites,  et  peu  saliafiil 
de  la  manière  dont  il  avait  répondu  à  ses  propositiona  an 
sujet  d'une  guerre  regardée  comme  inévitable,  il  résoinl 
de  tout  tenter  |>our  s'assurer  de  sa  pereonne.  Sûr  d'avoir 
des  partisans  parmi  les  principaux  habitants  du  Roussillon, 
il  |iart  inopinément  du  Limpourdan,  ii  la  tête  d*iin  roqis 


CHAPITRE  DIXIÈME.  173 

de  cavalerie  choisie,  traverse  les  montagnes,  et  arrive  de 
oiiit,  par  des  chemins  détournés,  devant  Perpignan,  sans 
qae  le  Roi  de  Majorque  ait  eu  avi»  de  sa  marche.  Le 
Vicomte  de  Cardone,  s'apercevant  alors  de  ses  projets 
sur  cette  place,  lui  laisse  les  troupes  qu'il  a  amenées; 
mais  se  retire,  en  lui  déclarant  que  les  liens  de  parenté 
qui  l'unissent  à  la  Reine  de  Majorque,  ne  lui  permettent 
pas  de  participer  a  une  semblable  expédition .  Pierre  s'ap- 
prooha  des  murs  avec  son  monde ,  et  pénétra  par  une 
porte,  qui  lui  Ait  probablement  livrée  :  les  habitants  le 
reçurent  comme  leur  Souverain.  Sans  perdre  du  temps, 
î|  se  rendit  maître  d'un  édifice  appelé  las  casas  fueries 
dd  temple,  où  étaient  les  trésors  de  son  frère,  et  les  lit 
porter  au  ch&teau,  dont  il  s'était  déjà  emparé.  U  ne  voulut 
IMtsvoirleRoi  de  Majorque,  qui  était  malade,  se  contentant 
€le  lui  faire  dire,  par  deux  Chevaliers,  de  ne  rien  craindre,  le 
seul  motif  de  sa  conduite  étant  d'user  du  droit  qu'il  avait 
<le  se  servir  de  ses  forts  pour  défendre  ses  États.  Jacques, 
n'ajoutant  pas  une  grande  foi  aux  promesses  de  son  frère, 
firofita  de  la  nuit  et  d'une  issue  souterraine  pour  s'enfuir 
^u  ch&teau  de  La  Roca ,  abandonnant  sa  femme  et  ses 
enfants  au  pouvoir  de  l'Aragonais.  Le  lendemain,  il  y 
eut  on  grand  tumulte  dans  la  ville,  où  les  partisans  du 
^oi  de  Majorque  avaient  répandu  la  nouvelle  de  sa  mort. 
Excités  par  ce  faux  bruit,  les  habitants  prennent  les  armes 
pour  monter  au  château  ;  les  Aragonais  courent  se  réunir 
autour  de  leur  Roi.  Dans  la  mêlée,  les  Perpignanais  firent 
prisonniers  le  Comte  de  Pallas,  avec  quelques  autres 
Chevaliers.  Pierre  s'empressa  de  faire  sortir  du  château 
la  Reine ,  ses  enfants  et  les  trésors ,  pour  les  conduire 
en  lieu  de  sûreté.  Il  descendit  ensuite  dans  la  ville,  afin 
d'apaiser  l'émeute.   Il  y  réussit,  et  se  fit  rendre  les  pri- 
sonniers ;  mais  n'ayant  pas  assez  de  troupes  pour  garder 


174  HISTOIRI  DU  BOOSSILLON. 

Perpignan,  il  l'abandonna  et  rentra  en  Catalogne, 
nant  avec  loi  ses  neTeux ,  le  trésor ,  le  Vicomte  de  Rw» 
bonne,  et  un  neveu  de  l'Archevêque  de  cette  vifle,  qpi'9 
avait  trouvés  auprès  de  son  frère.  Il  chargea  le  Vieonie 
de  Cardone  et  le  Comte  de  Pallas  de  ramener  a«  Roi 
de  Majorque  sa  femme  et  sa  fille. 

Les  Croisés  ne  tardèrent  point  k  entrer  en  Ronssflk»  : 
leur  armée,  d'après  les  rapports  les  plus  modérés ,  était  de 
soixante  mille  hommes  de  pied  et  de  douze  mille  cavalien. 
La  première  colonne,  où  se  trouvaient  le  Roi  de  Fnmee, 
ses  deux  fils  et  le  L  t,  assa  par  Salses;  la  seconde 
avait  pris  le  chemin  montagnes.  Philippe,  lattMii^ 
ses  troupes  campées  ai  r  ^  de  Perpignan,  fut  troufar 
Jacques  au  chiteau  de  La  RiK^a  :  il  demanda  que  la  CÊft^ 
taie  et  toutes  ses  forter  reçussent  garnison  françiiw; 
qu'on  lui  livr&t  cent  ôtag  et  que  les  troupes  de  Miyon|W 
se  réunissent  aux  Croisés.  Jacques,  par  crainte  ou  de  bm 
gré,  consentit  à  tout.  Philippe  mit  cent  cinquante  falMl- 
sins  et  quarante  cavaliers  dans  le  château  de  La  Roet; 
cinquante  hommes  de  pied  et  vingt  chevaux  au  fort  de 
La  Clusa.  Les  habitants  de  Perpignan,  d'Elue,  de  Colliove 
n'étaient  pas  trop  d'avis  de  recevoir  les  Français  ;  mais  les 
premiers,  menacés  de  voir  leurs  campagnes  ravagées,  n\ 
pérant  aucun  secours  du  Roi  d'Aragon,  et  n'osant  point 
treprendre  de  se  défendre  seuls  contre  une  aussi  puiaatale 
armée,  consentirent  k  se  soumettre  au  Roi  de  France,  €1 
à  fournir  des  vivres  aux  Croisés,  k  condition  qu'ils  n'es» 
treraient  pas  dans  la  ville.  N'ayant  plus  k  s'inquiéter  de 
cette  place ,  les  Français  s'étendirent  dans  la  plains  dn 
Roussillon ,  et  y  commirent  tous  les  excès  qu'on  pomik 
craindre  d'une  soldatesque  aussi  nombreuse  que  pe«  din 
oiplinée.  Après  avoir  établi  leur  quartier-général  an  Bols, 
ils  envoyèrent  un  détachement  se  saisir  du  col  de  Panissss; 


CHAPITRE  DIXIÈME.  175 

mais  ils  y  avaient  été  prévenus  parle  Roi  d'Aragon.  N'osant 
l'attaquer,  ils  tournèrent  leurs  efforts  contre  un  château 
appartenant  à  Ëlîsende  de  Montesquiou,  dame  d'un  rang 
distingué  et  attachée  au  parti  aragonais.   Ayant  échoué 
devant  cette  bicoque,  les  Français  se  portèrent  à  grande 
hâte  vers  Perpignan,  sur  le  faux  bruit  que  Pierre  y  mar- 
cbait,  appelé  par  ses  partisans.  Philippe,  à  son  arrivée, 
maDde  les  principaux  habitants  ;  ils  se  rendent  à  son  invi- 
tation, et  sont  arrêtés  comme  otages.  Les  bourgeois, 
voyant  qu'on  se  dispose  à  faire  entrer  des  troupes  dans 
la  ville,  courent  aux  armes  pour  s'y  opposer.  On  se  bat  ; 
les  Croisés  pénètrent  dans  un  quartier,  qu'ils  pillent  ;  mais 
ils  y  perdent  un  capitaine  et  quelques  soldats.  Cependant, 
le  gros  de  l'armée  étant  arrivé,  on  se  soumit  :  les  Français 
se  saisirent  des  ^lises,  des  tours  et  des  principaux  postes. 
Elne  fit  plus  de  résistance  :  un  grand  nombre  d'habitants 
de  la  campagne  s'y  étaient  renfermés  et  avaient  demandé 
^n  Roi  d'Aragon  quelques  compagnies  de  cavalerie  pour 
les  aider  k  se  défendre.  Raymond  Dourg  y  pénétra,  a  la 
faveur  de  la  nuit,  avec  trente  cavaliers;  mais  craignant 
d'être  livré  aux  ennemis,  à  cause  de  la  discorde  qui  ré- 
gnait dans  ce  ramas  confus  de  gens,  dont  on  ne  pouvait 
rien  attendre  de  bon ,  il  s'évada ,  abandonnant  armes  et 
chevaux.  Cependaùdt,  la  ville  se  défendit  avec  opiniâtreté; 
les  Français  y  entrèrent  de  vive  force,  en  brûlèrent  une 
partie,  et  le  reste  éprouva  toutes  les  horreurs  qui  suivent 
un  assaut.  Les  châteaux  de  Montesquiou  et  de  Castebou 
tenaient  seuls  en  Roussillon  pour  le  Roi  d'Aragon,  qui  avait, 
néanmoins ,  de  nombreux  partisans  dans  le  pays.  Tandis 
que  les  Français  étaient  occupés  au  siège  d'Elne,  quelques 
habitants  de  Collioure  le  firent  avertir,  que  s'il  pouvait  se 
présenter  avec  assez  de  troupes  pour  laisser  garnison 
dans  le  château,  ils  le  lui  livreraient.  Cette  place  passait 


176  HISTOIBB  DC  ROUSSILLON. 

pour  très  forte.  Pierre  ne  pooTant  résister  k  la  tentatk» 
de  s'en  rendre  maître,  partit  k  cet  effet  avec  einqnanle 
chevaax  et  mille  Almogavares  '  ;  arriva  de  nuit  k  travers 
les  montagnes  auprès  du  château ,  et  demanda  k  parler  ta 
gouverneur  Arnaud  de  Sayas,  qu'il  croyait  être  dant  ici 
intérêts;  mais  celui-ci,  fidèle  au  roi  Jacques,  et  ayant  en 
quelque  vent  de  la  trame,  se  tenait  sur  ses  gardes.  Pierre, 
qu'il  avait  feint  de  ne  pas  reconnaître,  s'étant  rapproché 
du  rempart,  le  Gouverneur  ordonna  k  un  arbalétrier  de 
lui  tirer  dessus.  Le  Roi  s'en  aperçut,  évita  le  coup,  et  fbt 
décharger  sa  colère  sur  le  port  contigu  k  la  ville,  brûlant 
les  vaisseaux  et  les  galères  qui  s'y  trouvaient.  Cette  aven** 
tore  inspira  des  craintes  au  Roi  de  Majorque  pour  Col* 
lioure,  et  le  décida  a  s'y  rendre.  On  l'y  reçut  k  condi- 
tion qu'il  ne  livrerait  pas  le  château  aux  Français.  Les 
Croisés  avaient  de  fréquentes  rencontres  avec  les  An- 
gonais.  Le  Comte  d'Ampurias  ayant  appris  que  qninie 
cents  bêtes  de  somme  étaient  réunies  k  CoUioure  pov 
trans|K)rter  au  camp  français  un  convoi  arrivé  de  Mar- 
seille ,  passa  par  le  col  de  Banyuls  ;  et ,  s'étant  placé  ea 
embuscade  avec  cinquante  cavalière  et  cent  fantassins, 
il  tomba  avec  impétuosité  sur  le  convoi,  mit  en  faite 
lescorte,  quoique  fort  su{HTicure  k  son  détachement, 
et  kl  pourauivit  avec  t^nt  d*ardeur  qu'il  fut  pris; 


1  QoelqMt  Mtrart  rn  font  an  prapif  partiralier  que  lei  mit  diWBt  chréCin.  Uê 
Bonlman.  Il  ett  plo»  probable  q«f  r'éuifot  dn  bomnet  tirés  4n  prwiMM 
Rndams  i  la  fatifruf  par  lf«r  ftnrt  de  vif  ;  rendu»  iaieaMbles  à  toatet  let 
riprft^  do  rlinat  dn  montagDfit;  n'ayant  pour  rhanuore  qne  det  ab»r«t  (m 
poar  Têtenrat .  q«e  de»  gaHret.  de*  mlottei  de  pean  et  mot  vnle; 
lanre  et  nnc  airona .  ja\rlot  lemblalile  an  yUum  dr>  llamains ,  il*  Maitot 
nent  dani  leA  fnrti  de  la  frontière  npiKrtéc  ant  llauris .  d'uà  iIa  fnaiest  dMCOWMti 
plu»  hardtr»  qu'il»  pnnvaient  pa^orr  dfnx  on  trou  jttor»  ian«  autre  nountm  qw 
la  terrr  leur  offrait  »|K>ntanénieBl.  Tes  ronn>r«  lenr  avaient  fait  donner,  pir  let  Xnèm»  b 
nom  d'AImngawrr».  lïHwé  d'un  mot  d^  Irar  hnpk*  qu'on  ponrrait  tradwtt  ptf  Mfem 
tVéclaireur  lians  lenr»  fwerrtt,  \f$  r\)i»  d'Aragon  formaient  de  rec  vieni  ffMat»  4'wwi 
IrnI»  Mitp*  irtnriiiitriie  |i^;.iri    T'iMiirni  !•■•  iiiii|iirli*i*  t\r  D<'^j>mr> 


CHAPITRE  DIXIÈME.  177 

délivré  presque  aussitôt  par  les  siens,  il  réussit  à  s'em- 
parer d'une  grande  partie  de  ce  convoi. 

On  était  au  mois  de- juin,  et  les  Français,  depuis  vingt 
jours  au  pied  des  montagnes,  n'étaient  pas  trop  d'accord 
sur  le  point  où  ils  tenteraient  le  passage.  Enfin,  le  Comte 
d'Armagnac  et  le  Sénéchal  de  Toulouse,  se  saisirent  du 
col  de  la  Massana,  que  l'on  pouvait  rendre  praticable  pour 
une  armée,  d'après  les  renseignements  que  l'on  devait, 
suivant  certains  auteurs,  à  un  Français,  abbé  de  Yalbone, 
monastère  situé  au  pied  des  Pyrénées,  et,  suivant  d'autres, 
à  Pierre  de  Santa-Pau  ou  au  B&tard  de  Roussillon.  Maîtres 
de  ce  point  important,  ils  réparèrent  les  chemins;  et  l'ar- 
mée ,  ayant  employé  plusieurs  jours  à  franchir  les  monta- 
gnes avec  tous  ses  bagages,  fut  se  poster  entre  Saint-Pierre 
de  Rhodes  et  Casteillo  d'Ampurias.  Les  détails  de  cette 
campagne  des  Croisés  en  Espagne ,  sont  étrangers  à  notre 
histoire.  Nous  dirons  seulement,  qu'après  s'être  emparés 
de  quelques  châteaux  ;  avoir  occupé  toute  la  cdte  jusqu'à 
Blanes  et  pris  Girone,  leur  armée  se  trouva  tellement 
affaiblie  par  les  combats ,  et  surtout  par  la  disette  et  les 
maladies,  que  le  roi  Philippe,  malade  lui-même,  crut 
devoir  lui  faire  repasser  les  Pyrénées,  ce  qu'il  exécuta 
dans  les  premiers  jours  d'octobre.  Il  vint  mourir  à  Per- 
pignan le  5  de  ce  mois,  suivant  l'opinion  la  plus  vrai-       4285. 
semblable.  La  garnison,  laissée  par  les  Français  à  Girone, 
convint  de  rendre  la  place  dans  vingt  jours,  si  elle  n'était 
pas  secourue  avant  ce  terme.  L'exécution  de  cette  con- 
vention ayant  eu  lieu,  les  places  du  Roussillon  furent 
livrées  aux  Français,  pour  qu'en  défendant  ce  pays,  ils 
missent  le  Roi  de  Majorque  à  couvert  de  la  colère  de 
son  frère.  Cette  campagne,  qui  devait  écraser  ce  dernier, 
ne  fil  qu'augmenter  sa  puissance.  Non  content  de  résister 
sur  le  continent,  il  avait  envoyé  son  fils  Alphonse  attaquer 

12 


178  IIISTOIKE   Dt'   HOLSSILLON. 

Pile  (le  M:ij(»n|ue,  peu  aflectionnéc  à  son  Hoi.  Les  Rous* 
sillonnais  avrc  quelques  Français  qui  s'y  trouvaient,  forent 
presque  les  seuls  qui  v<»ulurent  aiOer  le  Gouverneur  k  la 
défendre.  Si  rentrée  des  Français  en  Koussillon  avait  été 
Qicheuse  pour  le  pa\s,  leur  retraite  lui  fut  encore  plus 
fatale,  puisqu'il  se  vit  obligé  de  recueillir  dans  l'arnère- 
saison  les  débris  d*une  année  entièrement  désorganisée. 
I^s  troupes  aragonaises  eurent  aussi  beaucoup  k  souffrir 
de  tous  ces  maux  ;  le  Roi  lui-même  succomba  aux  fati- 
gues de  cette  campagne,  à  Villefranche-deis-Panadés , 
le  iO  novembre  l^itCi  :  son  lils  Alphonse  lui  succéda.  Il 
était  alors  occupé  à  la  conquête  de  Tilc  de  Majorque  « 
dont  il  ne  fut  entièrement  muitre  qu*à  la  fin  de  Tannée. 
Jacques,  voulant  profiter  des  embarras  du  nouveau  Roi, 
assiège  C^stelnou  et  entre  en  Âmpourdan;  mais  U  est 
obligé  de  repasser  bientôt  les  I\vrcnées. 

Alphonse,  ayant  rassemblé  des  troupes  à  Figuères, 
séjourna  une  partie  des  mois  de  juin  et  de  juillet  sur  la 
frontière,  afin  de  pounoir  à  sa  défense.  Bientôt  après  « 
une  trêve  fut  conclue  entre  les  Rois  de  France  et  d*A* 
ragon  et  leurs  alliés  respectifs.  Elle  devait  commencer 
le  8  sept(*mbre  1281^  et  durer  jus(|u*au  2!l  septembre  de 
Tannée  suivante.  Kn  l!2K8,  Jacques  entre  lians  TAm- 
[lourdan,  assiège  le  château  de  (lort-A\ignon,  et  se  re- 
lire à  Tapprorhe  du  Roi  «TAragim.  Quelques  armements 
eurent  lieu  Tannée  suivante,  tant  en  Cerdagne  qu'en 
Itoussillon;  mais  ils  rt*stèrent  s;ins  autre  n'sultat  que  la 
|)rop(»sitiou  d'un  ronihat  singulier,  faite  par  le  Roi  de 
MaJ4»npir  à  rrlui  dWragon.  proposition  qui,  ronanie 
hMitrs  ('('lli*s  dr  ce  gi'ure  entre*  Sou\erains,  n*eut  auciUM 
>u'i\v.  Il  parait  i\\u\  durant  rrtle  guerre,  Jacques  reçv 
ili:  Uni  <lr  Fr.inri'  ili's  si^cours  d'honnues  et  d*argen' 
Hii  .1  iininr   mil-  <iiiin:in(-('  tii*  tinili*   iiiilli'  li\i'i'S  |K.>tf 


CHAPITRE   DIXIÈME.  179 

toaraois,  qu'il  fournit  le  15  avril  1299  pour  un  reste  des 
subsides  que  lui  accordait  le  Roi  de  France,  à  raison  de  la 
guerre  d'Aragon.  Au  commencement  de  février  1291,  la 
paix  se  fit  à  Tarascon ,  entre  la  France  et  le  Pape ,  d'un 
cité,  et  le  Roi  d'Aragon,  de  l'autre  :  celui  de  Alajorque 
y  fat  sacrifié,  suivant  Zurita.  Dom  Yaissette  assure  qu'on 
y  stipula  la  restitution  de  l'Ile  ;  mais  il  avoue  qu'elle  ne  fut 
opérée  qu'en  1298.  On  convint,  dans  ce  traité,  qu'Al- 
phonse et  Charies-4e-Yalois  se  verraient  auprès  du  chà- 
teaa  de  Betlegarde.  L'entrevue  eut  effectivenient  lieu. 
Jaeqnes  y  as»sta,  espérant  en  tirer  quelque  avantage;  mais 
on  De  décida  rien  à  son  sujet,  Alphonse  ayant  déclaré 
rooloir,  auparavant,  consulter  les  Cortés  de  Catalogne. 
Des  précautions  extraordinaires  Airent  prises  pour  cette 
entrevue  :  elles  font  voir  jusqu'à  quel  point  était  portée 
la  défiance  entre  les  princes  de  cette  époque.  Le  18  juin 
de  cette  smnée,  le  Roi  d'Aragon  mourut  à  BarceloDe,       4  298. 
laissant  a  son  frère  Jacques  tous  ses  États,  dans  lesquels 
il  comprit  le  Royaume  de  Majorque,  avec  toutes  ses  dé- 
pendances. Le  nouveau  Roi  se  montra  plus  disposé  que 
son  frère  à  un  arrangement  avec  son  oncle.  Dès  l'an  1298, 
il  consentit  à  lui  rendre  1^  lies  Baléares,  à  condition  qu'il 
tiendrait  tous  ses  États  sous  la  dépendance  féodale  de 
l'Aragon.  Le  Pape  envoya,  pour  présider  à  cetlp  restitution, 
le  cardinal  de  Saint-Clément.  Ce  Prélat  était  aussi  chargé 
de  conduire  Blanche,  fille  de  Charles ,  roi  de  Naples ,  au 
Roi  d'Aragon ,  qui  devait  l'épouser.  11  ne  termina  point  sa 
mission ,  étant  mort  à  Perpignan ,  où  il  fîit  inhumé  dans 
l'église  des  Cordeliers  :  le  Pape  nomma  pour  le  remplacer 

m 

deux  Evéqnes  français.  Dans  les  lettres-patentes  adressées 
par  r Aragonais  à  son  oncle ,  le  20  juin  1298 ,  il  lui  promit 
de  faire  la  restitution  le  l^r  août  prochain.  Elle  fut  cepen- 
dant encore  diflërée  ;  car  le  Vicomte  de  Cardone,  lieutenant- 


IHO  1IIST01R6  DU   ROUSSILLON. 

général  en  Catalogne,  chargé  de  cette  commission,  ne 
s'engagea  k  TaccompHr  que  pour  la  Noël.  Dans  la  (wo* 
messe  qu'il  en  fit,  il  eut  soin  de  spécifier  les  restitntkNis 
que  le  Roi  de  Majorque  était  tenu  de  faire.  Elles  contii- 
talent  dans  les  lieux  de  Casteinou,  Beipuîg,  Saint-Féiia, 
Céret ,  La  Bastide ,  les  châteaux  de  Raymond ,  Palalda , 
Fontanilles,  Rocaberti,  Capraria,  Campmaing,  Massanet, 
Cantallops,  La  Junquéra,  Requesens,  Avalri.  On  Toii  par 
là  que  le  Roi  de  Majorque  avait  pris  quelques  diileaox  en 
Catalogne  ;  quant  aux  terres  du  Roussillon ,  elles  tppir» 
tenaient  sans  doute  aux  Seigneurs  de  ce  pays,  qui  avaiesl 
suivi  le  parti  du  Roi  d'Aragon.  Les  deux  Rois  s'aboochè* 
rent  au  château  d' Argelès ,  auprès  d'Elne ,  où  l'AragoMia 
était  venu  voir  son  oncle.  On  y  renouvela  le  traité  fidi  k 
Perpignan  en  1279;  mais  il  Ait  stipulé  dans  celai  d'Ar» 
gelés  qu'on  n'appellerait  pas  au  Roi  d'Aragon  des  j^e- 
ments  rendus  par  celui  de  Majorque  ou  par  ses  OflMen. 
Tous  les  Seigneurs  qui,  dans  la  dernière  guerre,  avaiesl 
suivi  le  parti  du  Roi  d'Aragon,  furent  maintenus  dans  h 
possession  des  terres  qu'ils  avaient  dans  le  Royaoïne  de 
Majorque  :  de  ce  nombre  furent  Jazbert  et  Dalmaii  de 
Casteinou,  Arnaud  de  Corsavi,  1(»  fils  de  Bernard  Hngiiea 
de  Cabrentz. 

L*invasion  des  Français  en  128o«  la  longue  gnerie  qii 
en  avait  été  la  suite,  les  secours  en  hommes  et  en  argest 
que  le  Roi  de  Majorque  reçut  de  la  France,  avaient  intitH 
duit  en  Roussillon  une  grande  quantité  de  monnaie  ton» 
iousaine,  et  rendu  celle  de  liarrelone  fort  rare,  lacqi 
sur  la  demande  de  ses  sujets,  onlonna,  le  jour  des 
UMi«k*s  da^Mikt  lôUO,  que  les  dettes  contractées  avanl  le 
I''  no\enibre  pn^tHlenl,  seraient  |a>i-«^  à  raison  de  vingt- 
mis  si>ls  toulousains  |iour  %iii|;t  S4ïIs  dt*  tem«  H  qne«  pour 
irlies  oontmctt^es  di*(»ui>  ivtio  t*|MH|iii\  on  donnerait  vingt* 


CHAPITRE   DIXIÈME.  181 

quatre  et  un-demi  sols  toulousains  pour  vingt  sols  de  tern. 
Il  fixa  la  valeur  du  tournois  à  seize  deniers  de  tern  ;  celle 
de  la  maimondine  fut  fixée,  six  ans  après,  à  cinq  sols  de 
tem  pour  la  simple ,  et  k  dix  pour  la  double  ;  celle  du 
niorabatin  k  sept  sols  ;  celle  du  éterling  à  quatre  deniers. 
Jacques  avait  été  dispensé  de  prêter  foi  et  hommage  en 
personne.  Sancho,  son  second  fil^  et  son  héritier  pré- 
somptif, parce  que  l'ainé,  appelé  Jacques,  comme  son 
père,  avait  pris  l'habit  de  Frère  Mineur,  s'acquitta  de  ce 
devoir  pour  son  père,  le  19  octobre  1302.  La  cérémonie  4202i 
eut  lien  à  Girone  en  présence  da  Comte  d'Ampurias;  de 
Dalmaa,  vicomte  de  Rocaberti;  de  Jazbert,  vicomte  de 
Casteinou  ;  de  Guillaume  Galceran  de  Rocaberti,  seigneur 
de  Cabrentz;  de  Raymond  de  Canet;  d'Arnaud  de  Cor- 
savi  ;  de  Bernard  de  So ,  et  des  Syndics  de  Perpignan  * , 
de  Majorque  et  de  Puycerda,  qui,  avec  la  permission  du 
Uoi ,  jurèrent  comme  garants  des  promesses  que  faisait 
en  son  nom  l'Infant  Don  Sancho.  L'an  1504,  le  Vicomte 
de  Narbonne  et  Pierre  de  Fenouillet,  choisis  pour  arbitres 
des  difTéi^nds  que  le  Roi  de  Majorque  et  le  Comte  de  Foix 
avaient  au  sujet  des  limites  de  la  Cerdagne  et  du  Capcir, 
avec  le  Donnézan  et  le  Sallerdès,  ne  purent  les  terminer,  ' 

quoiqu'ils  se  fussent  réunis  k  Perpignan  pour  cet  objet, 
qui  ne  fut  arrangé  qu'en  1508  par  la  reine  Esclarmonde, 
tante  du  Comte  de  Foix,  assistée  du  Vicomte  de  Car*- 
done.  Le  Roi  de  Majorque  accompagna  son  neveu  le  Roi 

1  Od  Toit  daos  le  Livre  vert,  qoe  le  il  des  calendes  d'octobre  1903,  toos  les  habitants, 

f*)BToqQés  par  l'ordre  du  roi ,  se  réuairent  ea  parlement  général  dans  le  cimelière  de  Saint- 

^.  raifant  l'usage  pour  ces  sortes  d'assemblées;  que  lA,  sous  la  présidence  de  leurs 

(Cousais  et  en  présence  du  Bailli  et  du  Juge  royal .  ils  élurent  quatre  bourgeois  pour,  au 

■><»n  de  la  ville ,  jurer  au  Roi  d'Aragon  d'user  de  toute  leur  influence  auprès  du  Roi  de 

Majorque  et  de  ses  successeurs ,  pour  les  engager  à  garder  les  conditions  du  traité  conclu  en 

1^,  entre  les  deux  Rois  d'Aragon  et  de  Majorque .  déclarant  qoe ,  dans  le  cas  oti  l'on  des 

^((csseurs  du  Roi  actuel  viendrait  à  k»  violer,  la  ville  ne  lui  fournirait  aucun  secours 

'"BtreleRoid'Amgon. 


18-i  HISTOIRE   01    ROISSILLON. 

d'Aragon  à  Lvou,  où  ils  assistèrent,  le  14  novembre  1305, 
au  couronnement  du  Pape. 

Depuis  la  paix  de  1208,  le  Roussillon  jouissait  de  la 
plus  grande  tranquillité.  I.,es  Seigneurs,  qui  ne  poaviieot 
s'accoutumer  à  cet  état  de  calme ,  allaient  chereber  me 
vie  plus  brillante  et  plus  aventureuse  au  service  des  Rois 
d'Aragon  ou  de  Sicile^  de  ce  nombre  fut  Jazbert,  viconile 
de  Casteinou,  qui  {partit  en  1309,  avec  quelques  galères 
aragonaises ,  pour  aider  le  Roi  de  Murcie  à  Cadre  le  aîége 
de  Ceuta.  Le  Musulman  attaquait  par  terre,  et  CaslelMM 
INir  mer.  Cette  place,  appartenant  au  Roi  de  Grenade,  fat 
prise  d'assaut,  et  ce  succès  on  le  dut  surtout  au  courage 
du  Vicomte  et  des  siens.  La  réputation  que  ce  Seigneur 
roussillonnais  acquit  a  ce  siège,  le  fit  nommer  anûral  de 
Castille,  emploi  qu'il  n'accepta  que  sur  l'ordre  du  Roi 
d'Aragon,  qu'il  regardait  comme  son  Souverain.  Quelques 
années  au|Miravant,  son  oncle,  Dalmau  de  Casteloou^  Tua 
des  plus  braves  Chevaliers  de  son  temps,  était  passé  eu 
Sicile  avec  cent  cavaliers  et  deux  cents  fantassins,  pour 
V  combattre  en  faveur  du  roi  Fré<lérie  1^,  frère  du  Roi 
<r Aragon.  I>e  tous  les  guerriers  roussillonnais  qui  servi» 
rent  dans  les  armées  de  ce  prince*  le  plus  illustre,  tant 
|»ar  ses  vertus  que  fiar  sa  naissance,  fut  Don  Ferdinsad^ 
troisième  iils  du  Roi  de  Majorque,  dont  nous  parlemes 
bientôt. 

In  événement,  dont  les  conséquences  se  tirent  seatir 
dans  tous  les  États  Chrt'tiens,  occupa  les  dernières  années 
du  n>i  Jacques  !<*''  de  Majorque.  Le  Pa|>e,  2i  la  sollicitation 
du  Roi  de  France,  Pliilip|ie-le-Rel,  avait  engagé,  dès  b  lin 
ir«(i7.  de  \7Àyi^  tous  les  Souverains  de  riCuro|»e  h  faire.arréler  les 
Templiers  de  leur  domination,  et  à  examiner  leur  conduite. 
Os  Chevaliers  eurent  plus  k  souffrir  en  Aragon  de  Ta» 
\rugle  lAaltalitm  des  |>euple5.  qui  les  n^ganlaient  comme 


V 

k 


CHAPITRE  DIXIEME.  183 

hérétiques,  que  de  la  sévérité  du  gouvernement.  Aussi 
n'y  prirent-^ils  les  armes,  comme  dans  la  Catalogne,  que 
pour  défendre  leurs  châteaux  contre  l'animosité  popu- 
laire :  ils  ne  résistèrent  jamais  aux  ordres  du  Roi.  On  les 
avait  déjà  tous  arrêtés,  lorsque,  dans  la  seconde  session  du 
Concile  général  de  Vienne,  le  5  avril  1 51 2 ,  le  Pape  prononça       1 5 1 2 
la  dissolution  de  l'Ordre.  Un  Concile,  convoqué  et  présidé 
par  l'Archevêque  de  Tarragone,  jugea  les  Templiers  des 
États  d'Aragon  :  la  plupart  furent  déclarés  innocents. 
Quelques-uns,  reconnus  coupables,  se  rétractèrent,  et 
furent  soumis  à  une  pénitence  canonique.  On  assigna  une 
petite  partie  des  biens  de  ces  malheureux,  pour  fournir  à 
leur  subsistance  pendant  leur  vie.  Dans  le  Diocèse  d'EIne, 
réréque  Raymond  Costa  commença  l'information  contre 
ces  Chevaliers  en  1509  et  la  termina  en  1510.  Vingt-cinq 
témoins  furent  entendus,  et  tous  soutinrent  avec  fermeté 
l'innocenee  de  l'Ordre.  En  septembre  151S,  l'Archevêque 
de  Narbonne,  convoquant  un  Concile  provincial ,  y  appela 
Guillaume,  évêque  d'EIne,  avec  ordre  d'amener  les  Tem- 
pliers encore  détenus.  L'Éyéqne  étant  absent,  ses  Grands- 
Vicaires  se  présentèrent  à  Perpignan ,  devant  le  Roi ,  au 
eommencement  d'octobre,  pour  lui  faire  part  des  ordres  • 

qu'ils  venaient  de  recevoir.  Le  Roi  leur  fit  répondre,  par 
Guillaume  de  Canet ,  son  lieutenant ,  que ,  chargé  de  la 
garde  de  ces  Templiers  par  le  pape  Clément  V,  mort 
récemment,  il  ne  pouvait  les  remettre  sans  un  ordre  du 
Pape  futur.  Jean  XXII,  élu  en  1516,  le  donna.  On  ne 
trouva  pas  un  seul  Templier  coupable  dans  tout  le  res- 
sort de  l'Archevêché  de  Narbonne.  On  avait,  en  général, 
disposé  des  domaines  des  Templiers  en  faveur  de  l'Ordre 
de  Saint-Jean  de  Jérusalem  ;  mais  sur  les  représentations 
des  Rois  de  Castille,  d'Aragon,  de  Portugal  et  de  Ma- 
jorque, on  ajourna  cette  décision,  en  ce  qui  concernait 


18i  HISTOIRE  DL    ROLSSILLON. 

leurs  ÉtaU.  Ces  princes  insistaient  fort  sur  la  nécesaîlé 
où  ils  se  trouvaient  de  défendre  leurs  frontières  confie 
les  Infidèles  ;  le  Roi  d'Aragon  demandait  qu'on  employât 
ces  biens  pour  doter  un  Ordre  qui,  k  l'instar  de  celui  de 
Calatrava ,  fût  constamment  occupé  à  faire  la  guerre  anx 
Mahométans.  Il  offrit  la  ville  de  Montèze,  dans  le  Royanr 
me  de  Valence ,  pour  chef-lieu  du  nouvel  Ordre.  Cette 
affaire  ne  fut  terminée  qu'en  1522,  par  le  pape  Jean  XUI^ 
Ce  Pontife  ordonna  que  toutes  les  propriétés  des  Templiers 
et  des  Hospitaliers,  dans  le  Royaume  de  Valence,  il  VeoLr 
ception  de  ce  que  ces  derniers  possédaient  dans  le  lerrir 
toire  de  la  capitale,  seniraient  à  doter  l'Ordre  de  Montèie, 
et  que  celui  de  Saint-Jean  de  Jérusalem  recevrait  toul  ee 
(|ue  les  Templiers  possédaient  dans  les  autres  proTinees 
aragonaises. 

Le  roi  Jacques  de  Majorque  étant  mort  dans  son  île, 
1511.  très  probablement  vers  la  fin  de  juin  1311,  ne  vit  poiol 
terminer  Taffaire  des  Templiers.  Il  avait  eu  d'Esdarmoode 
de  Foix  quatre  fils  et  deux  filles.  L'aîné,  du  même  nom 
que  lui,  étant  prisonnier  du  Roi  d'Aragon,  avait  pris  h 
résolution  d'embrasser  la  Règle  de  Saint- François, 
qu'il  exécuta  en  1303;  Sancho,  le  second,  succéda  k 
|)ère  ;  Ferdinand  était  le  troisième;  Philippe,  le  quatrièflie, 
d*abord  trésorier  de  Saint-Martin  de  Tours,  ensuite  Clin- 
noine  d'Elne,  finit  ses  jours  dans  le  tiers  Ordre  de  Saint» 
François,  et  prit  une  part  très  active  aux  querelles  qui, 
tlans  ce  siècle,  s  élevèrent  au  sein  de  cette  CongrégalKNi 
sur  Tobsenauce  de  la  Règle.  Les  filles  de  Jacques  1^  de 
Majorque  furent  :  Saiicie,  l'une  des  meilleures  princesses 
«le  son  temps,  mariée  en  1304  à  Roliert,  roi  de  Naples, 
t*t  Isabelle.  é(M>us4*  de  Jean-MauueK  Infant  de  Castille. 

Sanclio  se  trou\ait  aupK*s  de  son  père  lorsqu'il  mourut  : 
ou  le  \uit.  le  I  juillet  1311,  omfirmer  li^  pri\ik^es  de 


CHAPITRE  DIXIÈME.  185 

Majorque.  Après  avoir  mis  ordre  aux  affaires  de  l'ile,  il 
partit  pour  le  continent.  Le  13  janvier  1312,  il  recevait, 
à  Frontignan ,  les  hommages  des  Consuls  et  des  notables 
de  Montpellier;  mais  appelé  k  Perpignan  par  la  maladie 
de  sa  mère,  il  délégua  son  lieutenant  a  Montpellier  pour 
recevoir  le  serment  des  habitants  de  cette  ville.  La  veuve 
de  Jacques  h^  ne  succomba  point  ;  mais  elle  fut  assez  en 
danger  pour  se  décider  k  faire  son  testament.  Par  acte , 
dalé  de  Perpignan,  le  23  mars  1342,  elle  donne  quinze 
cents  livres  barcelonaises  à  son  fils  Ferdinand ,  le  char- 
geant de  compter  cinq  mille  sols  à  sa  sœur  Sancie,  et 
mille  à  chacun  de  ses  frères,  Philippe  et  Jacques.  Elle 
recommande  ce  dernier  au  roi  Sancho,  chaîné  de  lui 
fournir  tout  ce  qui  lui  sera  nécessaire,  si  les  soixante 
livres  de  pension  annuelle  que  lui  avait  laissées  le  Roi 
défunt  ne  lui  suffisaient  pas.  Sancho  s'engagea  à  remplir 
et  à  faire  exécuter  toutes  les  clauses  de  ce  testament.  Il 
était  aussi  attiré  en  Roussillon  par  une  autre  affaire  qui 
lui  tenait  fort  à  cœur.  Lors  de  la  paix  de  1298,  la  vallée 
d'Aran,  que  se  disputaient  les  Rois  de  France  et  d'Ara- 
gon, avait  été  mise  en  séquestre  entre  les  mains  du  Roi 
de  Majorque  :  elle  y  était  encore.  Sancho  assembla  les 
commissaires  français  et  aragonais,  qui,  s'étant  adjomt, 
comme  troisième  arbitre,  le  Cardinal  de  Tusculum ,  déci- 
dèrent en  faveur  de  l' Aragon.  Le  Roi  de  France  ayant 
adhéré  à  cette  décision,  celui  de  Majorque  s'empressa  d'en 
prendre  possession ,  par  l'entremise  de  Pierre  Duch&tel , 
qu'il  nomma  Gouverneur  de  cette  vallée.   Les  arbitres 
avaient  également  décidé  que  l'Aragonais  paierait  à  San- 
cho sept  mille  livres  barcelonaises  pour  les  frais  de  garde. 
Cette  affaire  fut  terminée  le  9  juillet  1312,  jour  où  Sancho       4512. 
prêta  foi  et  hommage  au  Roi  d'Aragon  pour  tous  les  Etats 
dépendants  de  ce  prince.  La  cérémonie  eut  lieu  dans  le 


186  IIISTOIRB  DU   ROL-SSILLON. 

palais  de  Barcelone,  en  présence  de  plusieurs  Seigneus, 
dont  quelques-uns,  tels  qu'Arnaud  de  CorsaTi ,  Pierre  ei 
Bernard  de  Fcnouillet,  Guillaume  de  Canet,  Dalmaa  de 
Castelnou,  etc.,  étaient  Roussillonnais.  Le  18  décembre  de 
la  même  année,  Sancho  fit  hommage  au  Roi  de  Fnnee, 
pour  la  Seigneurie  de  Montpellier. 

Ce  fut  sous  le  règne  de  Sancho  que  se  termina  la  &- 
meuse  expédition  des  Catalans  dans  la  Grèce.  Nom  consa- 
crerons quelques  pages  au  récit  des  hauts  faits  de  ces 
intrépides  aventuriers,  dont  le  plus  grand  nombre  étaient 
Roussillonnais.  I/Infant  de  Majorque  Don  Ferdinand, 
second  (ils  de  Jacques  I^^,  y  jAua  d^ailleurs  un  grand  rdie. 
C'est  un  intéressant  épisode  de  notre  histoire. 

La  rivalité  des  deux  Maisons  d'Aragon  et  d'Anjon  a?ail 
attiré  en  Sicile  une  multitude  d'Aragonais  et  de  Catalans , 
dont  la  valeur  contribua  puissamment  k  établir  dans  cette 
Ile  la  domination  de  Frédéric ,  qui  y  régnait  depuis  iS95. 
Ix)rsque  le  calme  fut  rendu  à  ce  pays  en  1302,  ce  prînec 
s'estima  très  heureux  de  pouvoir  se  délivrer  de  ces  guer- 
riers, dont  le  courage  inquiet  devenait  aussi  dangeretn  en 
temps  de  paix,  qu'il  lui  avait  été  utile  pendant  la  guem  : 
il  leur  facilita  les  moyens  de  se  rendre  k  Constantinople, 
où  rKm|iereur  les  appelait  à  la  défense  de  ses  États,  en- 
vahis par  les  Iniidèles.  Andronic  II  promit  ii  Roger  de 
Flor,  leur  général,  sa  nièce  en  mariage,  avec  la  dignité 
de  Magaduc  * ,  celle  de  Sénéchal  h  Corbaran  d'Alet«  qnalR 
onces  d'argent  par  mois  à  chaque  homme  d'armes^  deu 
h  chaque  chevau-léger  ou  chef  de  marins,  une  it  chaqne 
soldat  ou  marin  (il  n'allouait  que  la  moitié  de  cette  solde 
aux  étrangers  a  son  service).  Arrivés  h  Constantinople, 
454)3.       en  janvier  1ô05,  au  nombre  d'environ  huit  mille  honunes, 

I   lirjn-l  l*ii<     C''ni'ri!i<iiiif  «If»  nmr^* 


CHAPITRE  DIXIÈME.  187 

uoe  rixe ,  excitée  par  la  jalousie  des  Génois ,  coûta  trois 
mille  hommes  a  ces  derniers.  Peu  après  ils  partent  pour 
la  Natolie.  Débarqués  aux  environs  de  Cyzique,  ils  battent 
les  Turcs;  et  en  moins  de  dix-huit  mois,  les  poussent,  de 
victoire  en  victoire,  k  plus  de  deux  cents  lieues  de  dis- 
tance, des  rives  du  Bosphore  au  mont  Taurus. 

L'Âsie-Mineure  revit,  à  quatorze  siècles  d'intervalle, 
flotter  les  étendards  de  ces  Gaulois-*Tectosages ,  qui  por- 
tèrent leurs  armes  victorieuses  du  pied  des  Pyrénées  au 
Pont-Euxin.  Maîtres  de  Byzance,  ils  fondèrent  cent  vmgt- 
cinq  ans  avant  Jésus-Christ,  un  État  connu  sous  le  nom 
de  Galatie  ;  et  c'est  précisément  sur  ce  même  théâtre  des 
exploits  de  leurs  ancêtres,  que  ces  indomptables  guerriers 
déployèrent,  en  1304,  l'impétueuse  valeur  qui,  dans  tous 
les  temps,  caractérisa  cette  illustre  nation. 

La  charge  de  Sénéchal,  que  remplissait  Corbaran  d'Alet, 
tué  dans  un  des  premiers  combats,  est  donnée  k  Bérenger 
de  Rocafort,  arrivé  depuis  peu  avec  deux  cents  cavaliers 
et  mille  Almogavares.  Fernand  Ximenés  de  Arénos,  mé- 
content de  Roger  de  Flor,  le  quitte  avec  ses  soldats,  et 
va  servir  le  Duc  d'Athènes.  Cependant,  ces  hommes  si 
intrépides,  moins  propres  à  gouverner  qu'à  conquérir 
des  provinces,  deviennent  odieux  aux  peuples  délivrés, 
par  eux ,  du  joug  musulman ,  et  redoutables  à  l'Empe- 
reor,  qu'ils  ont  si  glorieusement  servi.  Bientôt,  les  habi- 
tants de  Magnésie,  réunis  aux  Alains,  égorgent  la  foible 
garnison  laissée  par  Roger  dans  leur  ville  pour  garder  les 
bagages  de  l'armée;  ils  lui  ferment  les  portes,  et  repous- 
sent ses  attaques,  lorsqu'il  revient  pour  châtier  cette 
perfidie.  D'autre  part,  Andronic  le  rappelant  en  Europe 
avec  ses  troupes ,  sous  un  faux  prétexte,  les  place  à  Gal- 
lipoli  et  dans  les  environs.  Là,  peut-être  pour  affaiblir  les 
Catalans,  en  leur  inspirant  delà  méfiance  contre  leurs  chefs, 


t88  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

tandis  que  la  solde  de  rarmée  est  en  retard,  il  crée  leur 
général  César,  et  confère  la  dignité  de  Magaduc  à  Bé- 
renger  d'Entensa,  grand  Seigneur  Catalan,  ami  de  Roger, 
arrivé  depuis  peu  avec  mille  Almogavares  et  trois  cents 
hommes  d'armes.  Le  nouveau  César  cherche  à  calmer 
les  esprits  exaspérés  par  le  retard  de  la  solde  ;  Farmée 
envoie  une  députation  h  Andronic  pour  réclamer  ce  qui 
lui  est  dû.  Roger  va  trouver  k  Andrinople  le  jeune  Empe- 
reur Michel ,  pour  en  faire  hâter  le  paiement ,  et  confërer 
sur  les  opérations  de  la  troisième  campagne.  Il  y  est  as- 
sassiné avec  tous  les  siens  ;  et  les  députés  de  l'année ,  mat 
reçus  d'Andronic,  sont  massacrés  par  le  peuple ,  ainsi  que 
lamiral  catalan  Daunes,  qui  se  trouvait  à  Constantinople, 
chez  le  père  de  sa  femme,  parente  de  TEmpereur.  Les 
Catalans,  soldats  ou  négociants,  répandus  dans  TEmpire^ 
furent  égorgés.  A  ces  nouvelles  désastreuses,  ceox  de 
Gallipi>li,  no  pouvant  contenir  leur  fureur,  en  massacrent 
les  habitants.  I/armée  grecque^  forte  de  trente  miDe 
fantassins  et  quatorze  mille  chevaux,  s'avançait  vers  h 
ville ,  passant  au  fil  de  le|)ée  tous  les  Catalans  étabKs 
aux  environs,  qui  n'avaient  |>as  été  assez  heurenx  ponr 
se  n'fugier  dans  la  place.  On  apprit ,  dans  ces  circoos- 
tances  critiques,  que  Tlnfant  Sancho  se  trouvait  à  Ilb 
de  Mt'telin  «  avec  dix  galères  siciliennes.  On  le  supplia  de 
venir  Si  Gallipoli,  recevoir  )K>ur  le  Roi  de  Sicile  le  sermeM 
de  lidélitê  des  troupes.  Il  vinl«  en  effet;  et,  entraîné  pnr 
le  sentiment  nationaK  il  promit  de  pnuêger  ses  conipn- 
triotes.  Dllnteusa  le  pressa  de  se  j«>imlre  a  loi  pour 
ravager  les  côtes  de  l'Empire  ;  mais*  considérant  q«e, 
iàènéral  d'un  Roi  ami  dWminmic*  il  ne  iH^u^-ait*  sans  des 
«mires  fonnels*  CiHV|H^rer  à  une  {arville  expédition  «  ce 
lirince  s'\  refusa  et  |urtit  «  au  grand  imvontentenienl  des 
t'^takins.   h'Knteusa.  apn^s  |Jusi<4ir^  r«Mins«^  tles  pins 


CHAPITRE   DISCIÈME.  189 

heureuses,  fut  rencontré  par  dix-huit  galères  génoises. 
ie  fiant  à  la  parole  de  l'Amiral,  qui  l'invitait  à  se  rendre  à 
M>n  bord ,  il  y  fut  arrêté ,  conduit  à  Trébizonde,  et  ensuite 
1. Gènes.  On  attaqua  ses  troupes,  et,  après  un  combat 
opiniâtre,  hommes  et  vaisseaux,  tout  fut  tué  ou  pris.  Les 
Catalans  renfermés  dans  Gallipoli  n'étaient  plus  que  douze 
tents  fantassios  et  deux  cents  cavaliers.  Ne  voulant  devoir 
eur  salut  qu'à  leurs  bras,  ils  brûlent  leurs  vaisseaux, 
tommandés  par  Rocafort;  ils  repoussent  les  assiégeants 
usqu'k  trois  journées  de  la  place  ;  attaquent  la  nombreuse 
irmée  de  Michel  Palléologue,  la  défont  complètement, 
a  s'emparent  des  villes  de  Rodosto  et  de  Pavia.  Femand 
Limenés  d'Arénos,  instruit  à  Athènes  de  la  Oicheuse  situa- 
ion  de  ses  compatriotes,  se  dérobe  aux  pressantes  solli- 
stations  du  Duc,  et  vole  à  leur  secours,  sur  un  vaisseau 
nonté  de  quatre-vingts  soldats  aguerris.  Reçu,  comme 
le  méritait  son  dévoùment,  il  recrute  sa  petite  troupe  de 
quelques  volontaires,  court  le  pays  et  s'empare  du  châ- 
teau de  Modica,  aux  portes  de  Constantinople.  Des  quatre 
villes  occupées  par  les  Catalans,  Gallipoli  était  la  plus  sûre. 
Us  y  placent  les  infirmes ,  les  blessés,  leurs  magasins  de 
vivres,  d'armes  et  d'habillement,  sous  les  ordres  de  l'his- 
torien Muntaner,  à  la  fois  commandant  militaire  et  chef 
de  toute  l'administration  de  l'armée.  Tandis  que  celui-ci, 
par  sa  valeur  et  ses  sages  dispositions,  fait  échouer  l'en- 
treprise hardie  d'un  partisan  grec  pour  s'emparer  de  la 
place,  Rocafort  et  d'Arénos  traversent  rapidement  qua- 
rante lieues  de  pays ,  et  vont  prendre,  sur  les  bords  de 
la  mer  Noire ,  la  ville  et  le  port  d'Estranara  ;  y  brûlent 
cent  trente  bâtiments  grecs;  y  recouvrent  les  quatre  ga- 
lères qu'on  leur  avait  enlevées  en  massacrant  leur  amiral 
Daunes  ;  les  chargent  de  leur  butin  ;  les  envoient  à  Galli- 
poli, en  passant  a  la  vue  de  Constantinople,  et  reviennent, 


190  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

par  terre,  dans  leurs  places.  Le  désir  de  venger  la  mort 
de  Roger  de  Flor  leur  fit  entreprendre  une  expéditioii 
bien  plus  périlleuse.  Les  Alains  et  leur  général  Gireon, 
principaux  auteurs  de  ce  meurtre,  avaient  obtenu  la  per* 
mission  de  se  retirer  chez  eux  au  nombre  de  neuf  mille 
hommes,  dont  trois  mille  de  cavalerie,  en  traversant  le 
mont  Hémus  (le  Balkan).  Les  Catalans  abandoniiMt  laus 
places,  à  l'exception  de  Gallipoli,  où  ils  envoient  les  bagt- 
ges ,  les  femmes  et  les  eniants.  Muntaner  est  chargé  de  dé- 
fendre cette  ville  avec  deux  cents  fantassins  et  vingt  eavi- 
liers.  Ils  traversent  soixante-quinze  lieues  de  pays;  âtiâ- 
gneni  les  Alains  au  pied  du  Balkan ,  les  taillent  en  pîdces 
dans  un  combat  où  leur  chef  perdit  la  vie,  et  reviennent 
avec  un  butin  immense,  à  travers  une  contrée  ennemie, 
où  ils  ne  peuvent  se  procurer  des  subsistances  qnli  la 
pointe  de  Tépée  ^  Muntaner,  qu'on  n'avait  pa  déterminer 
à  rester  qu*en  lui  représentant  l'importance  du  poste  dent 
la  garde  lui  était  confiée,  et  qu'en  lui  promettant  le  qwn» 
zième  de  tout  le  butin  pour  lui,  et  autant  pour  son  monde, 
eut  aussi  une  large  part  de  périls  et  de  gloire.  Il  n'élttl 
resté  avec  lui  que  cent  trente-trois  fantassins  et  sept  ca- 
valiers; les  autres  avaient  suivi  Tannée,  malgré  kn,  la 
nuit  de  son  départ.  L* Amiral  génois ,  Antoine  Spînola, 
voyant  la  faiblesse  de  cette  garnison ,  promît  à  Androttie 
de  s  emparer  de  Gallipoli.  Muntaner,  aj^nt  répondu  avec 
fermeté  à  une  sonmiation  arrogante ,  Spinob  s*approcte 
avec  vingt-cinq  galères,  et  met  son  monde  à  terre.  Le 


CHAPITRE   DIXIÈME.  191 

brave  Gouverneur  attaque  les  Génois  au  débarquement; 
reçoit  cinq  blessures;  a  un  cheval  tué  sous  lui,  et  se  retire 
daas  la  place,  dont  il  garnit  les  murs  de  deux  mille  fem- 
mes,  années  de  lances,  d'épées  et  de  pierres.  Les  Génois 
sont  repoussés  dans  deux  assauts  consécutife  par  ces  fem- 
mes rivalisant  d'héroïsme.  Muntaner,  apercevant  du  dé« 
sordre  parmi  les  assaillants,  fond  sur  eux  avec  ses  cent 
quarante  soldats;  les  pousse  jusqu'à  la  mer,  et  les  force 
il  se  rembarquer,  après  leur  avoir  fait  perdre  leur  général 
et  la  plus  grande  partie  des  troupes.  La  victoire  donne  tou- 
jours des  alliés  :  les  Catalans  en  acquirent  parmi  les  Chré- 
tiens et  les  Musulmans  ;  les  premiers  furent  mille  cavaliers 
tarcopoles ,  les  seconds  une  horde  de  Turcs ,  comptant 
deux  mille  combattants  à  pied  et  huit  cents  à  cheval.  On  ac- 
CMtla ,  aux  uns  et  aux  autres,  pour  solde ,  une  part  dans 
le  butin ,  égale  à  la  moitié  de  celle  d'un  Catalan  de  même 
classe  9  et  on  leur  assura  la  liberté  de  revenir  chez  eux 
quand  ils  voudraient.  On  donna  le  commandement  des 
Tarcopoles  à  Jean-Pierre  de  Caldés ,  chef  catalan  de  la 
famille  noble  existant  alors  à  Perpignan.  Peu  de  temps 
après,  on  vit  arriver  à  Gallipoli  Bérenger  d'Entensa,  avec 
cinq  cents  vieux  soldats.  Délivré  de  sa  prison  de  Gènes, 
par  l'intermédiaire  du  Roi  d'Aragon,  mais  n'ayant  pu 
obtenir  de  cette   République  une  juste  indemnité  des 
perles  qu'elle  lui  avait  occasionnées,  ni  d'aucun  prince 
des  secours  pour  ses  compatriotes  en  Grèce,  d'Entensa 
avait  vendu  une  partie  de  ses  domaines  en  Catalogne 
pour  lever  les  troupes  qu'il  amenait.  Sa  naissance  * ,  ses 
manières  aimables,  l'autorité  qu'il  avait  eue  autrefois,  le 
zèle  qu'il  venait  de  montrer  pour  ses  anciens  camarades, 
lui  attiraient  des  partisans  dans  l'armée ,  surtout  parmi 

I  II  éuit  petit-fils  de  IMerre.  roiule  d'Ampuria»,  frire  d'Alphonse  IV  .  roi  d'Aragon. 


19i  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

les  Chevaliers  ;  mais  Rocafort  avait  pour  lui  la  plus  gnndo 
partie  des  Almogavares,  tous  les  Turcs  et  les  Turcopoles. 
D'ailleurs,  commandant  en  chef  depuis  cinq  ans  dus  des 
circonstances  fort  difficiles,  ses  opérations  avaient  toojoars 
été  couronnées  de  succès  éclatants.  Pour  prévenir  les  in» 
convénients  qui  devaient  naître  d'une  pareille  rivalité,  oo 
convint  que  Rocafort,  d'Entensa  et  d'Arénos  serai»!  re- 
connus pour  chefs,  sons  lesquels  chacun  poorrait  se  ranger 
à  son  gré.  Rocafort  et  d'Entensa  furent,  chacun  de  son  edté, 
assiéger  une  place;  d'Arénos  était  à  Modica;  Mimlaner 
resta  à  Gallipoli.  Sur  ces  entrefaites,  l'Infant  Don  F^di- 
nand  de  Majorque  arrive  avec  quatre  galères,  envoyé  par 
le  Roi  de  Sicile ,  pour  prendre  en  son  nom  le  comman- 
dement des  Catalans.  Muntaner,  tout  dévoué  aux  princes 
de  cette  maison ,  le  reconnut  pour  Lieutenant-Général  dv 
Roi  de  Sicile,  et  envoya  prévenir  les  trois  chefs.  D'Entensa 
et  d'Arénos  rinrent  sur  le  champ  ;   Rocafort  prétexta  la 
nécessité  de  sa  présence  au  siège  qu'il  avait  entrepris, 
de  sorte  que  l'Infiint,  accompagné  de  Muntaner,  se  rendit 
aupK's  de  lui.  Rocafort  lui  lit,  en  apparence,  le  pins  grand 
accueil ,  pour  plaire  aux  troupes,  charmées  de  voir  rinfimt 
à  larmée;  mais  il  chercha,  par  des  intrigues  secrètes,  k 
faire  prendre  une  détermination,  qui,  sans  avoir  l'air  d*nn 
refus,  produisit  le  même  effet.  Ses  émissaires  travaillèrent 
si  bien,  que  Tarmée  accepta  avec  enthousiasme  l'Inftnt 
pour  général ,  mais  sans  aucune  dépendance  da  Roi  de 
Sicile.  Ferdinand  était  trop  loyal  |»our  accepter  une  auto- 
rité qu*il  ne  |>ouvait  obtenir  sans  manquer  à  ses  engage- 
ments envers  son  cousin  ;  mais  t^|H*rant  ramener  les  es- 
prits, il  suivit  TarmcV  lorsi]ue«  épui$iH'«  aliandonnant  la 
Thrace,  elle  s«*  dirigeait  vers  la  Macé<loiiie.  Dans  cette 
man*he ,  une  ri\e ,  susiMitV  sans  d«iuto  |»ar  dessein  pré-> 
in4mitê.  entre  les  tnui|H^s  «h*  Rooafi»r!  cl  celles  d'Entensa, 


CHAPITRE  DIXIÈME.  193 

eoi  les  suites  les  plus  funestes.  Ce  deroier,  accourant  sans 
armes  pour  apaiser  le  tutnulte,  fut  tué  de  deux  coups 
<le  lance  par  le  frère  de  Rocafort  et  son  oncle  Saint- 
MarlÎD.  D'Arénos  s'avançait  aussi;  mais,  averti  qu'on  en 
Tonlaît  à  ses  jours,  il  s'entoura  de  ceux  des  siens  qu'il 
|Hit  réunir,  et  se  retira  dans  un  fort  voisin  occupé  par 
les  Grecs.   Il  «ntra  ensuite  au  service  de  l'Empereur, 
dont  il  épousa  une  parente,  et  fut  foit  Hagaduc.  Il  périt, 
dans  cette  mtiée,  cinq  cents  fantassins  et  cent  cinquante 
cavsli^v,  ta  plupart,  des  bandes  d'Eotensa  et  d'Arénos. 
Le  carnage  aurait  été  bien  plus  grand,  si  l'Infant,  au 
premier  avis  qui  lui  parvint ,  ne  fût  accouru  armé ,  à  la 
tèle  du  petit  nombre  de  guerriers  qu'il  avait  auprès  de 
lai,  pour  s'opposer  a  la  furie  des  Turcs.  Rocafort,  crai- 
g^wt  pour  le  prince,  vint  se  mettre  k  ses  côtés,  et  cdûtiri* 
hua  à  rétablir  l'ordre.  Arrivés  au  lieu  où  gisait  le  cadavre 
d'Entensa,  l'Infant  donna  les  témoignages  les  plus  vifs  de 
ses  regrets;  et,  prenant  un  ton  sévère,  il  dit  k  Rocafort: 
«Cet  homme  a  été  victime  de  la  plus  noire  perfidie. n 
La  r^nse  du  Général  fut  respectueuse  :  il  voulait  faire 
croire  qu'Entensa  n'avait  pas  été  reconnu.  Ne  pouvant 
punir,  D.  Ferdinand  parut  se  contenter  de  cette  excuse; 
mais  ses  qua^e  galères  étant  arrivées,  il  fit  assembler  le 
conseil,  réitéra  ses  propositions,  et  recevant  la  même 
réponse ,  il  s'embarqua ,  et  cingla  vers  l'ile  de  Tasso ,  à 
six  milles  du  camp.  Muntaner  y  arrivait,  en  même  temps, 
avec  la  flotte  de  Gallipoli ,  chaînée  des  femmes ,  des  en- 
fants et  des  bagages.   Au  récit  que  lui  fit  l'Infant  des 
scènes  horribles  dont  il  venait  d'être  le  témoin ,  il  s'em- 
l»essa  d'acquiescer  k  l'ordre  qu'il  lui  donna  de  le  suivre; 
mais  il  voulut  d'abord  assurer  aux  femmes  et  aux  enfants 
des  soldats  d'Entensa  et  d'Arénos,  les  moyens  d'aller  où 
bon  leur  semblerait,  avec  leurs  biens ,  et  rendre  ensuite 


f9i  HISTOIRE  Di:   nOtSSILLO?!. 

compte  de  sa  commission  au  conseil.  Il  sut  résister  aox  sol* 
licitations  générales  de  ses  anciens  frères  d'armes^  et  se  di- 
rigea vers  la  Sicile  avec  l'Infant.  Il  saccage  en  passant  une 
île  du  duché  d'Athènes,  pour  se  venger  des  habitants  qui 
avaient  maltraité  et  pillé  des  gens  que  Ferdinand  y  avait 
laissés  pour  préparer  du  biscuit.  Contre  l'avis  de  Muntaner, 
ils  entrent  ensuite  dans  le  port  de  N^[repOBt;  ils  y  trouvent 
dix  galères  vénitiennes ,  escortant  Cypois,  conunissaire  de 
Charles-de^Valois  ;  et,  malgré  la  parole  donnée  de  part  et 
d'autre,  ainsi  que  par  les  Seigneurs  du  pays,  on  les  arrête 
en  débarquant;  on  pille  leurs  effets;  on  prend  leurs  vais» 
seaux,  et  Ferdinand  est  conduit  prisonnier  à  Athènes. 
Muntaner  et  un  Chevalier  aragonais  sont  livrés  aux  Ca- 
talans, avec  lesquels  Cypois  négociait  pour  les  engager  k 
soutenir  les  prétentions  de  Charles-de» Valois  à  rEmpîre 
d'Orient.  A  leur  arrivée  au  camp,  l'Aragonais  fut  déca* 
pité  par  l'ordre  de  Rocafort;  Muntaner,  au  contraire,  fat 
très  bien  reçu ,  car  il  avait  beaucoup  d'amis,  et  les  Ture& 
surtout  lui  étaient  très  dévoués.   Il  repartit  chargé  de^ 
présents,  qu'il  employa  k  adoucir  la  prison  de  Flnfiint* 
qu'on  lui  permit  de  voir.  Il  rendit  compte  au  Roi  de 
Sicile  de  tous  ces  événements,  qui  se  passèrent  en  io08. 
Ferdinand,  renvoyé  d'abord  a  Naples  auprès  du  Roi  son 
beau-frère  par  rinter\'ention  du  Roi  de  France,  recouTra 
entièrement  sa  liberté  l'année  suivante,  et  se  rendit  par 
mer  à  Collioure  auprès  de  sa  famille.  Les  Catalans  pas- 
sèrent au  ser\ice  de  Charles-de- Valois ,  et  reconnurent 
Thibaud  de  Cypois  pour  son  commissaire.  Rocafort  «  dé- 
livré de  tout  compétiteur*  s'abandonna  sans  frein  à  tou& 
les  vices.  Son  orgueil,  son  avidité,  lui  firent  des  ennemis 
parmi  ses  plus  chauds  partisans,  (^pois,  qu'il  ne  méiUK 
geait  pas,  s  entendit  bientôt  a\ec  les  principaux  chefs  pour 
s<'  (h'harnisser  cfun  hommr  qui  leur  était   odiriix.    ||  nx 


CHAPITRE   DIXIÈME.  195 

venir  six  galères  pour  assurer  sa  retraite  s'il  échouait 
dans  son  entreprise.  Ayant  assemblé  un  grand  conseil, 
Rocafort  s'y  rend  avec  son  frère  :  de  tout  côté  des  plaintes 
s'élèvent  contre  ce  chef,  qui  y  répond  avec  son  arrogance 
habituelle;  la  querelle  s'échauffe;  on  se  lève,  on  l'entoure, 
on  se  saisit  des  deux  frères,  et  on  les  livre  à  Cypois.  Les 
Tores  et  les  nombreux  amis  de  Rocafort,  inquiets  toute 
la  nuit ,  s'apaisent  le  lendemain ,  en  apprenant  que  leur 
Généfal  n'est  pas  mort.  Cypois,  voyant  que  tout  est 
calme,  fait  passer  de  nuit  ses  prisonniers  sur  la  flotte, 
décidé  à  abandonner  une  armée  où  il  prévoit  une  aflreuse 
sédition.  Elle  éclate,  en  effet,  au  départ  des  galères.  On 
se  jette  sur  ceux  qu'on  regarde  comme  les  auteurs  de  la 
catastrophe  :  quatorze  des  principaux  capitaines,  et  plu- 
sieurs de  leurs  amis  furent  massacrés.  Cypois  livra  les 
Rocafort  au  Roi  de  Napftes ,  leur  ennemi ,  qui  les  laissa 
mourir  de  faim  dans  le  château  d'Averse. 

L'armée  se  trouva  ainsi,  non-seulement  sans  chef, 
mais  encore  dépourvue  d'hommes  en  état  de  la  com- 
mander. On  choisit  quatre  personnes,  savoir  :  deux  Che«- 
vaKers,  un  Capitaine  et  un  simple  Almogavare,  pour  la 
conduire,  d'après  les  avis  d'un  conseil  de  douze,  toujours 
permanent.  Elle  était  encore  à  Cassandria,  lorsque  le  Duc 
d'Athènes  lui  fit  proposer  d'entrer  h  son  service ,  offrant 
six  mois  de  paie  d'avance  et  les  mêmes  avantages  que  lui 
avait  faits  l'Empereur  grec.  L'envoyé  du  Duc  chargé  de  cette 
négociation ,  était  un  Chevalier  catalan ,  né  en  Roussillon , 
nommé  Deslau  par  Moncada,  et  Deslaurd  par  d'autres  au- 
teurs, venu  sans  doute  à  Athènes  avec  d'Arénos,  et  déjà  fixé 
dansée  pays.  On  le  chargea  de  la  négociation  en  sa  qualité 
de  compatriote  et  d'ancien  compagnon  des  Catalans.  L'é- 
poque de  l'entrée  de  ces  derniers  au  service  du  Duc,  reste 
fort  incertaine.  Ils  n'avaient  point  de  vaisseaux,  et  la  route 


196  HISTOIRE   DU   ROUSSILLON. 

par  terre  oiïrait  des  diflicultés  jugées  insiimioniablè** 
Comme  ils  ne  pouvaient  vivre  dans  un  pays  miné,  ils 
marchèrent,  au  nombre  de  huit  mille  hommes,  sur  Thés* 
salooique.  Ils  trouvèrent  cette  ville  dans  un  état  de  défeMe 
trop  respectable  pour  l'attaquer;  mais  tous  les  passages  pour 
rentrer  dans  la  Thrace  étant  occupés  et  fortîflés  par  1m 
Grecs,  les  Catalans  se  jettent  dans  des  montagnes  ditReiles, 
et  arrivent^  en  trois  marches  forcées,  vers  remboachoredo 
Salampria  (anciennement  le  Pénée).  Ils  passent  l'hiver  dtni 
la  vallée  de  Tempe,  contrée  aussi  abondante  qa'agrés* 
ble.  Au  retour  du  printemps,  ils  envahissent  la  ThesstHe 
dont  le  prince,  employant  les  prières  et  Targent,  s'eoH 
presse  de  leur  fournir  des  vivres,  et  les  décide  à  traverser 
le  pays  des  Blaques  '  pour  arriver  en  Achaîe.  Cette  marebe 
à  travers  des  montagnes  habitées  par  des  peuples  fiers  et 
belliqueux,  où  Ton  ne  pouvait  faise  un  pas  sans  combettie, 
ne  fut  pas  un  des  moindres  exploits  de  ces  avoiUuieim. 
Ils  liassent,  enfin,  les  fameux  défilés  des  Thermopyles,  el 
viennent  s*établir  sur  les  bords  du  Céphise ,  qui  descend 
du  Mont-Parnasse.  Là,  ils  entrent  au  service  dm  One 
d* Athènes,  qui,  |>ar  leur  secours,  triomphe  de  ses  en- 
nemis ,  et  conclut  des  traités  qui  lui  font  recouvrer  pins 
de  trente  places.  Ce  prince  paraît  d'abord  disposé  à  reeon* 
naitre  d*aussi  grands  senices,  en  donnant  des  ëUbKsne» 
ments  à  cinq  cents  d Vntr  eux.  I^es  autres  en  attendaîenl 
autant,  ou  du  moins  la  |»aie  qui  leur  était  due,  lorsqnlls 
reçurent  Tordre  de  \îder  le  pa\$.  Dinrlarer  la  guerre  su 
Duc,  se  saisir  de  quelques  positions  iro|M>rtantes,  et  vivrr 
aux  dé|H'ns  des  habitants,  fut  la  n*|Mmse  de  ces  guerriers 
justement  irritt's.  Ijos  cinq  cents  qui  avaient  reço  des 


CHAPITRE   DIXIÈME.  197 

établissements,  y  renoncent  et  veulent  partager  ie  sort  de 
leurs  camarades.  Réunis,  ils  ne  forment  en  tout,  avec 
les  Tares  et  les  Turcopoles ,  qu'un  corps  de  trois  mille 
%\x  cents  chevaux  et  quatre  mille  hommes  de  pied.  Le 
Duc  s'avance  avec  six  mille  quatre  cents  chevaux,  dont 
sept  cents  chevaliers  français,  et  huit  mille  fantassins. 
Comptant  principalement  sur  la  cavalerie ,  il  en  prend  le 
commandement;  mais  il  s'engage  imprudemment  dans 
un  terrain  inondé,  où  les  chevaux  embourbés,  livrent 
sans  défense  leurs  cavaliers  aux  traits  des  Almogavares. 
Les  Turcs,  craignant  une  trahison  des  Chrétiens,  ne 
conunencèrent  k  combattre  que  lorsqu'ils  virent  les  Ca«- 
tatans  ne  pas  ménager  les  ennemis.  Presque  toute  cette 
cavalerie  périt,  avec  le  Duc,  dans  ce  marais;  deux  Che- 
vaUers  seuls,  Boniface  de  Vérone,  et  le  Roussillonnais 
Oeslau ,  échappèrent  à  la  mort  :  tout  le  pays  se  soumit. 
Les  Catalans  épousèrent  les  veuves,  et  fondèrent  un  non* 
vel  État;  mais,  n'ayant  parmi  eux  personne  capable  de  gou- 
verner, ils  offrirent  le  commandement  à  Boniface,  et, 
sur  son  refus,  k  Deslau,  qui  épousa  la  veuve  du  Seigneur 
de  la  Sola ,  possédant  une  grande  fortune.  On  proposa 
aux  Turcs  et  aux  Turcopoles  de  rester;  mais  ceux-ci 
préférèrent  revenir  dans  leur  patrie,  pour  y  jouir  des  ri- 
chesses acquises  par  tant  de  travaux  et  de  combats.  Ds 
ne  parvinrent  ni  les  uns  ni  les  autres  a  leur  destination  : 
les  Turcopoles  entrèrent  au  service  du  prince  des  Ser- 
viens;  les  Turcs  voulurent  se  retirer  par  le  chemin*  que 
l'armée  avait  suivi.  Ne  pouvant  passer  en  Asie,  faute  de 
vaisseaux,  ils  traitent  avec  les  Grecs  pour  en  obtenir. 
Trompés  par  eux,  ils  ravagent  de  nouveau  la  Thrace,  et 
battent  Michel  Paléologue;  mais,  enfin,  défaits  à  leur  tour, 
ils  se  jettent  dans  un  château ,  sur  le  bord  de  la  mer,  où 
ils  sont  bientôt  assiégés  par  toutes  les  forces  de  l'Empire. 


lilH  HISTOIRE   Dt   ROLSSILLON. 

IU;pouftHéft  dans  deux  sorties,  ils  en  tentent  une  troirièBic, 
(|iii  n'a  pas  pins  de  suèdes.  Tous  sont  tués  oa  pris  par  les 
(irecs  et  l(*s  Génois,  qui  les  bloquent  du  côté  de  la  mer. 

L(!S  (^talans,  maîtres  du  Duché  d'Athènes  depuît  Tas 
I5n,  obéirent  peu  de  temps  h  Roger  Desiau,  qui  moiint 
ou  fut  déposii.  Ils  s'adressèrent  au  Roi  de  Sicile  pov  arair 
un  cher.  Ce  prince  leur  envoya  son  second  fils  Ibûifirei; 
<*t  comme  ce  n'était  encore  qu'un  enfant,  il  lui  adjoignit 
Itérenger  Kstanyol ,  homme  d'une  grande  capacité.  Cdoi* 
ci  eut  soin,  pour  les  gouverner  plus  facilement ,  de  les 
ocru|)er  2i  des  guerres  continuelles.  Estanyol  et  le  jenne 
Mainfn)i  étant  morts,  le  Roi  de  Sicile  donna  aux  Catalans 
Alphonse  (probablement  son  fils  naturel )«  Ils  le  marierait 
iivec  la  fille  de  Roniface  de  Vérone,  qui  eut  en  dot  le  lien 
de  Tile  de  Négrepont  et  de  treize  châteaux  en  terre  fenne. 
I^s  descendants  de  ce  prince  gouvernèrent  pendant  pvèn 
de  cent  cinquante  ans,  sous  la  dépendance,  an  moins 
nominale,  des  Rois  de  Sicile.  En  1382,  craignanl  d'èlre 
attaqués  |>ar  Louis  de  Navarre,  gendre  de  Chariea  de 
Duras,  roi  de  Naples,  et  ne  pouvant  espérer  aocwi  a^ 
(Hiurs  de  la  Sicile ,  déchinée  par  les  factions ,  ils  proda-» 
uK^rent,  comme  Suzerain  «  lierre  IY«  roi  d'Aragon,  et 
im|dortVnt  son  assistance.  l>e$  troupes  et  qvelqnea  gn-* 
lèrtn»  leur  furent  envovt'cs:  mais  ces  secours  n'arriiticl 
qiK'  lorsque  les  Catalans  et  les  Aragonais«  d*aboid  hattaa 
|ar  Louis  de  Na^am\  eurent  réussi  à  reprendre  Alkèaes  et 
d  autrvs  fortenn^'s«  dont  ce  inince  s  était  empaié 
axaut  cons«4it)e  sa  |missance«  avec  laide  de  Jcnn-F< 
nathlei  de  lleirtlia*  gnind- maître  tle  Rbodea* 
IKMir  l^^l\emeur  le  VictHute  de  K^vaberti*  qd  I 
liitn«'  «bus  le  j^^l\t'T1lenlellt  d*\ihtiies  et  de  Patna  par 
3^jm  1** .  lïls  et  successeur  tU-  IVrrr  IV 

^)w«^.^»i«-»N  jinteuTs  «yfiT  («rxMefhbi  •|o«*  ers 


CHAPITHË    DIXIÈME.  199 

cl  ont  nous  avons  rapidement  esquissé  les  prodigieui  faits 
d'armes,  n'étaient  qu'un  ramassis  de  toutes  les  nations 
crhrétiennes  de  l'Occident;  d'autres  en  ont  fait  des  Fran-^ 
^ais;  mais  il  est  impossible  de  nier  que  les  sujets  des 
Hois  d'Aragon  et  de  Majorque ,  en  formaient  l'immense 
majorité.  Le  nom  de  Roger  de  Flor,  leur  premier  général^ 
est  plutdt  catalan  qu'italien  ou  allemand.  Mais,  fût- il, 
comme  on  l'a  dit,  fils  d'im  Seigneur  allemand  et  d'une 
demoiselle  italienne,  qu'importe,  il  était  né  à  Tarragone 
le  14  juillet  1262.  Après  avoir  fait  ses  premières  armes  en 
Espagne  contre  les  Maures,  il  prit  l'habit  de  Templier,  et 
lit  sa  profession  à  Barcelone ,  dans  la  maison  de  cet  Ordre. 
Il  passa  de  là  dans  la  Terre-Sainte,  et  y  acquit  par  sa 
valeur  une  grande  réputation.  Ayant  sauvé  le  trésor  de 
rOrdre,  lors  de  la  prise  de  Saint-Jean-d'Acre  par  les 
Sarrasins,  il  forma  ime  petite  flotte,  avec  laquelle  il  ne 
cessa  d'inquiéter  les  Mahométans  ;  gagna  de  grandes  ri- 
chesses, et  finit  par  s'attacher  au  service  de  Frédéric 
d'Aragon,  roi  de  Sicile.  Tous  ces  faits,  afiirmés  par  plu- 
sieurs historiens,  ne  sauraient  être  contestés.  On  ne  pui- 
serait pas  de  meilleurs  arguments  dans  la  dénomination  de 
iMiins^  sous  laquelle  ces  aventuriers  sont  désignés  par  les 
Grecs,  oii  dans  celle  de  Francs,  qu^ils  prirent  eux-mêmes 
à  Gallipoli,  après  l'assassinat  de  Roger  de  Flor.  On  sait 
que  la  seconde  dénomination  est  donnée  par  les  Grecs  à 
toos  les  Chrétiens  occidentaux  ;  et  quant  à  la  première,  ils 
la  prirent  pour  intéresser  à  leur  cause  tous  les  Latins  ré- 
pandus dans  l'Empire  Grec;  mais  ils  combattirent  toujours 
sous  les  bannières  d'Aragon  ou  de  Sicile,  et  n'adressèrent 
qu'à  l'un  de  ces  Rois,  leurs  plaintes,  leurs  demandes  de 
secours  ou  d'un  chef.  Bien  plus,  Muntaner,  l'un  de  leurs 
principaux  officiers,  cite,  dans  l'histoire  qu'il  a  écrite 
de  cette  expédition,   le  nom  de   quarante  d'entr'eux, 


âOO  HISTOIRE  Ot  MHJSSIIXON. 

les  plus  distingués  par  leur  naissance,  leurs  emploiti  iewt 
senîces,  et  tons  ces  noms  trahissent  une  origine 
on  aragonaise.  Cette  troupe,  formée  à  Messine  dm 
étrangers  au  service  de  Frédéric,  devenus  inntilM  ptr  h 
paix  i  ne  pouvait  être  composée  que  des  sqelft  des  Boit 
d'Aragon  et  de  Majorque.  Les  Français  et  les  IldiMit 
entraînés  par  l'influence  du  Roi  de  France  on  àm  hpe, 
avaient  combattu  pour  la  Maison  d'Anjou.  Roger  de  Flor, 
entré  au  service  de  Frédéric,  avec  une  flotte  el  de 
richesses,  y  soutint  la  réputation  qu'il  s'était  fidte  an 
tottant  contre  les  Infidèles.  Lié  avec  les  principtu  cbeik, 
surtout  avec  Rérenger  d'Entensa,  le  plus  grand  SeiBWWir 
des  Catalans,  il  dut  à  tous  ces  motifs  le  comnumdwert 
qu'on  lui  déféra  sur  ces  aventuriers,  presque  Ion  An» 
gonais,  Valenciens,  Catalans,  Majorquina,  Roussilkmnait. 
Quant  a  ces  derniers,  ils  provenaient  des  soldats  de  ce 
pays  qui  avaient  suivi  en  Sicile ,  soit  llnEuit  Feidinuid 
de  Majorque,  soit  balmau  de  CasteUiou.  Muntaner  citn 
deux  chevaliers  du  nom  de  Caldés ,  et  un  autre  ^ipdé 
Sau-Marti.  tu  document  du  milieu  du  xiv^  siècle  nous 
apprend  (|u'il  existait  en  Roussillon  une  fiimille  du  bobi 
de  San-Marti ,  k  laquelle  appartenait  le  village  de  Seint- 
Martin-de-Fenouillet  et  un  autre  tief  du  voisinage.  Dens 
•des  actes  de  la  lin  du  xiii^'  siècle  et  du  commencement 
du  xiv<:,  on  trouve,  à  Perpignan,  des  Chevaliers  dn  nom 
de  C^dés,  en  latin  de  Calidis.  ZuriU  parie  d'une  BUÛfloa 
do  Franvoisde  Caldés,  exisUnt  dans  cette  ville  en  1546« 
Pour  ne  pas  interrompre  la  narration  des  exploits  des 
Catalans  en  Grèce  ^  nous  avons  laissé  Ferdinand  de  Ma^ 
jorque  eu  Roussillon.  Il  n*y  resta  pas  long-temps;  car, 
rMi^r       en  IIîtR^  il  se  trouvait  au  siège  dWlméria,  avec  rarmée 
du  Roi  «rArai^on,  et  il  l'ut  mis  |Kir  ce  prince  à  la  tête  du 
roq>s  rliar(;ê  de  contenir  la  ^'aniisim.  |»endant  que  le  Roi, 


CHAPITRE  DIXIÈME.  201 

avec  le  gros  de  l'armée,  marchait  au  devant  des  Infidèles 
^ui  venaient  au  secours  de  la  place.  Durant  la  bataillé 
livrée  le  S4  août  entre  les  Aragonais  et  les  Grenadins, 
les  assiégés,  conduits  par  le  fils  d'un  Roi  Sarrasin.»  ten- 
ifarent  une  grande  sortie  ;  mais  ils  fiirent  vigoureusement 
Tepoassés  par  Ferdinand,  qui  tua  leur  chef  de  sa  propre 
main.  Ce  prince  était  de  retour  en  Sicile  avant  4314;  et, 
dans  la  guerre  qui  eut  lieu  cette  année  entre  le  fioi  de 
Naples,  son  beau^frère,  et  Frédéric  de  Sicile,  son  cousin, 
il  combattit  pour  ce  dernier,  dont  il  avait  toujours  suivi 
les  drapeaux:  mais  il  ne  négligea  rien  pour  rétablir  entre 
eux  la  brane  intelligence,  que  ses  {nropres  intérêts  lui 
raMlsient  si  nécessaire.  Ayant  enfin  réussi  k  leur  faire 
conclure  une  trêve  le  47  décembre  4344,  il  s'occupa 
des  moyens  de  fsûre  valoir,  par  les  armes,  les  droits 
d'Isabelle  d'Adria ,  sa  femme ,  héritière  de  la  Baronnie 
de  Matagrifo ,  en  Grèce ,  et  ayant  des  titres  fondés  à  la 
possession  de  la  Morée.  Tandis  qu'il  faisait  des  prépa- 
ratife  pour  une  expédition ,  Isabelle  accoucha ,  à  Catane , 
en  Kcile,  au  mois  d'avril  4545,  d'un  fils,  qu'on  nomma  ^'^'* 
Jacques,  et  que  nous  verrons,  dans  la  suite,  hériter  du 
Royaume  de  Majorque  :  Isabelle  mourut  un  mois  après  ses 
couches.  Ferdinand  envoya  à  Esclarmonde,  sa  mère,  qui 
se  trouvait  au  château  de  Perpignan,  l'enfant  nouveau-né, 
soos  la  conduite  de  l'historien  Muntaner,  et  partit  pour 
la  Morée ,  à  la  tête  d'un  corps  nombreux  d'infanterie 
et  de  cino  cents  cavaliers.  Il  débarqua  à  deux  milles  de 
Clarence  ;^  défit  une  troupe  considérable  de  cavalerie ,  qui 
voulait  s'opposer  à  la  descente;  prit  Clarence,  et  emporta 
le  château  de  Belver,  l'un  des  plus  forts  que  l'on  con- 
nftt,  suivant  Muntaner.  Avec  l'aide  deà  Catalans  établis 
dans  le  Duché  d'Athènes,  il  se  rendit  mailre  d'une  partie 
de  la  Morée,   et  s'y  maria  avec  une  cousine  du  Roi 


âOâ  IIISTOIRB  DU   ROUSSILLO?!. 

de  Chypre,  dont  il  eut  un  iils,  ap|ielé  Ferdinand.  Hait, 
Tannée  suivante,  Louis  de  Boui^ogne,  son  compÀîtev, 
ayant  débarqué  à  la  tète  de  forces  considérables  pour  M 
en  disputer  la  conquête ,  il  se  vit  abandonné  par  la  ptopirt 
des  Seigneurs  du  pays,  qui  l'avaient  d'abord  recooM. 
Ferdinand  ne  se  laisse  point  abattre  par  ces  défectioM, 
ui  par  le  découragement  et  la  mauvaise  Tolonté  de  quel- 
ques-uns des  siens.  U  sort  de  Clarence  h  la  tête  d'n 
faible  détachement,  pour  observer  la  marche  de  l'ennemi; 
et,  croyant  avoir  trouvé  une  occasion  favorable,  il  l'attaque 
le  5  juillet  1316;  mais,  ti  i  par  les  uns,  mal  secondé  par 
les  autres,  il  pénètre  les  rangs  des  BovgnignoM^ 

et  y  trouve  la  mort  ec  \  i  petit  nombre  de  braves  qu 
l'ont  suivi.  Sa  tête,  i  ie  k  la  garnison  de  ClareMe, 
achève  de  démoraliser  c  hommes,  qui,  travaillëa  parles 
menées  de  quelques  traitr  ;,  consentirent,  contre  Tavis 
des  plus  fidèles,  k  rendre  la  place  et  les  châteaux  ToisÎM. 
Ainsi  périt,  victime  d'une  trame  dont  les  détails  n'otti 
jamais  été  bien  connus,  malgré  l'enquête  &ite  dans  la 
suite ,  un  prince ,  dont  les  ennemis  mêmes  admirèrent  la 
valeur  et  plaignirent  la  dest  lée.  Il  égala  par  son  eonrafe 
et  ses  exploits  les  plus  il  »tres  de  ses  ancêtres,  et  les 
surpassa  tous  par  ses  vert  .  Né  il  Perpignan,  vers  Tan 
1280,  son  corps  y  fut  tra  orté  et  enseveli  dans  Tëglise 
4316.  des  Dominicains,  le  â  novembre  1316,  et  non  en  1318, 
comme  le  portent  certains  auteurs. 

On  lit  dans  Muntaner,  avec  le  plus  ^if  intérêt,  cet  épi* 
sodé  de  sa  chronique.  Chargé  d'un  précieux  bfdean,  qni 
lui  est  plus  cher  que  la  vie,  le  vieux  guerrier,  le  héros 
de  Gallipoli,  qui  tant  de  fois  brava  la  mort  dans  les  com- 
bats, ému  de  l'importance  de  sa  mission,  déploie  la  pins 
touchante  sollicitude  pendant  quatre-\ingt-onze  jours  de 
navigation.   Averti  du  voisinage  de  quatre  galères,  qni 


CHAPITRE  DIXIÈME.  203 

^croisent  pour  enlever  Tlufant,  en  butte  aux  tempêtes^  qui 

engloutissent  sept  bâtiments  autour  de  lui,  privé  du  se* 

^^ours  des  nourrices,  attaquées  du  mal  de  mer,  il  porte 

l'eofant  dans  ses  bras,  la  nuit  et  le  jour;  il  le  presse,  le 

^-échauffe  contre  son  cœur.  Débarqué  k  Salou,  près  de 

"Tarragone,  Tlnfant  fut  transporté  en  litière,  au  milieu 

4le8  démonstrations  de  respect  et  de  joie  des  populations. 

Jusqu'à  Perpignan ,  où  le  fidèle  serviteur  eut  le  bonheur 

4le  remettre  TenËmt  royal,  avec  les  solennelles  formalités 

<iu'exigeait  la  reconnaissance  de  son  identité ,  aux  deux 

Ueines,  Esclarmonde,  sa  grand'mère,  et  Marie  d^Ânjou, 

sa  tante. 

Tandis  que  son  frère  combattait  et  mourait  sur  une 
terre  étrangère,  Sancho  ne  songeait  qu'à  maintenir  la 
paix  dans  son  petit  État.  En  4520,  le  Vicomte  de  Nar- 
bonne  Amalric,  s'était  ligué  avec  Jazbert  de  Castebnou^ 
Arnaud  de  Corsavi  et  Bernard  de  So ,  pour  faire  la  guerre 
à  Pierre  de  Fenouillet,  vicomte  d'Ille,  soutenu  par  Guil- 
laume de  Canet.  Sancho,  leur  Souverain,  s'empressa 
d'intervenir,  et  réussit  à  leur  faire  consentir  une  trêve 
de  six  mois.  C'était  déjà  beaucoup;  le  pape  Jean  XXII 
lit  le  reste  par  une  bulle  datée  d'Avignon,  le  18  sep* 
tembre  1520,  dans  laquelle  il  ordonna  à  ces  Seigneurs 
de  prolonger  cette  trêve,  avec  menaces  de  les  excom- 
munier et  de  jeter  l'interdit  sur  leurs  terres,  s'ils  n'obéis- 
saient à  ses  injonctions.  Le  bon  roi  Sancho,  non  moins 
désireux  de  prévenir  les  procès  entre  particuliers,  que 
les  guerres  entre  Seigneurs,  avait  rendu,  à  Majorque,  le 
<»  des  nones  de  mars  1520,  une  ordonnance  très  sage  ^320. 
au  sujet  des  dettes  qui,  dans  les  anciens  contrats  laits 
en  Roussillon,  avaient  été  souvent  spécifiées  en  marcs 
d'ai^ent,  quoique  le  prêt  eût  été  fait  en  monnaie  cou- 
rante.   Chacun  voulait  attribuer  au  marc  celle   de  ses 


204  HISTOIRE  DU  ROVSSlLLOIf. 

valeurs ,  aocieime  ou  actuelle ,  qui  était  la  plus  lavoraUe 
à  ses  intérêts.  Il  régla,  par  cette  ordonnance,  que^  lors- 
qu'on pourrait  prouver  par  des  écrits  ou  par  témoins  qw 
la  somme  avait  été  réellement  comptée  en  mares  d'argent, 
on  serait  tenu  de  rendre  en  nature  le  même  nombre  de 
marcs;  que,  dans  le  cas  contraire,  on  rendrait  einquasle 
sols  de  Barcelone  par  marc ,  si  l'on  avait  payé  en  mon- 
naie de  Barcelone  ;  et  que  l'on  y  ajouterait  la  phis  vaine 
de  la  monnaie  de  Melgueil ,  si  la  somme  avait  été  conqilée 
en  argent  de  cette  espèce. 

Malgré  son  amour  de  la  paix,  Sancho  se  trouva,  comme 
vassal  du  Roi  d'Aragon,  obligé  de  prendre  part  k  la  gnerve 
qu'entreprit  ce  prince  pour  enlever  la  Sardaigne  aux  Pisaos. 
L'Aragonais  craignait  que,  se  laissant  aller  aux  suggestions 
des  Seigneurs  français  admis  k  sa  Cour,  le  Roi  de  Hajorqne 
ne  lui  refosàt  ses  services  dans  cette  circonstance;  aoan 
lui  flt^il  pressentir  qu'il  les  lui  demanderait,  bien  déler* 
miné  à  ne^as  souffrir  un  refus.  Sancbo,  ennemi  de  lonle 
discussion,  et  préférant  pour  ses  États  une  guerre  éloi- 
gnée, où  il  ne  serait  qu'auxiliaire,  k  ceUe  dont  le  nem- 
çait  son  Suzerain,  le  (it  assurer,  par  Guillaume  de  Canei 
et  par  Saint-Just,  son  trésorier,  qu'il  se  rendrait  aux  Cortét 
de  Catalogne.  Ces  Cortés  se  tinrent  k  Girone;  et  SandMK 
imitant  l'exemple  des  Catalans,  qui  avaient  tout  accordé  à 
leur  Roi,  lui  offrit  de  le  seconder  avec  vingt  galères,  doni 
il  paierait  l'entretien  pendant  quatre  mois.  Les  deux  Rois 
s'occupèrent  de  la  réconciliation  de  deux  Seigneurs  rous- 
silonnais,  Guillaume  de  Canet  et  Raymond  de  Périllos.  Ce 
dernier  se  reconnut  vassal  de  l'autre,  et  prit  part  ii  l'expé» 
dition  de  Sardaigne,  avec  plusieurs  Chevaliers  de  la  pro- 
vince. De  ce  nombre  fut  Dalmau  de  Castelnou,  dont  nous 
avons  déjà  parlé.  Cet  intrépide  guerrier  y  périt.  L'expé- 
dition eut  lioM  n\  IÔ25,  sous  les  ordres  d* Alphonse,  fils 


CHAPITRE  DIXIÈME.  â05 

du  Roi  d'Aragon.  Les  galères  du  Roussillon  et  de  Majorque 
y  servirent  avec  distinction  ;  on  en  perdit  une  qui ,  s'ap- 
prochant  trop  de  la  côte ,  au  moment  du  débarquement , 
toucha  le  fond  et  s'entrouvrit.  Alphonse,  peu  reconnais- 
sant des  services  rendus  par  l'escadre  majorcaine,  s'em- 
para de  l'argent  envoyé  par  Sancho  pour  la  payer.  A  cette 
nouvelle,  les  équipages  se  soulevèrent,  menaçant  d'aban- 
donner un  prince  aussi  injuste  à  leur  égard.  Ce  ne  fut 
qu'avec  la  plus  grande  peine  qu'il  parvint  à  les  cahner 
et  les  retenir.  Sancho  n'assista  point  en  personne  à  cette 
expédition,  qui,  commencée  en  152^,  n'était  pas  ter-  4325. 
minée  en  1324.  Le  5  des  calendes  de  mai  de  cette  année, 
ce  Roi  posa  la  première  pierre  de  la  cathédrale  actuelle 
de  Saint-Jean  de  Perpignan.  Il  mourut  le  4  septembre 
suivante  Formiguères,  dans  le  Capcir,  où  il  avait  passé 
l'été  pour  se  soustraire  aux  chaleurs  extraordinaires  qui 
régnèrent.  U  ne  laissa  point  d'enfants  de  Marie ,  fille  de 
Charles  II,  roi  de  Naples,  qu'il  avait  épousée  à  CoUioure 
en  1504.  Nous  avons  vu  que  son  frère  Ferdinand  avait 
eu  deux  fils ,  Jacques  et  Ferdinand  :  le  premier,  de  son 
mariage  avec  Isabelle  d'Adria;  le  second,  de  la  nièce  du 
Roi  de  Chypre.  Sancho  fit  héritier  de  tous  ses  États  son 
neveu  Jacques,  lui  substituant  Ferdinand,  et  à  celui-ci 
le  Roi  d'Aragon.  Il  donna  pour  tuteur  k  ses  neveux  le 
plus  jeune  de  ses  frères,  Philippe,  chanoine  et  trésorier 
de  Saint-Martin  de  Tours.  Sa  veuve  avait  épousé  Jacques 
d'Exériea  avant  le  27  janvier  1526,  jour  où,  à  sa  requête, 
le  tuteur  du  jeune  Roi  ordonna  qu'on  lui  payât  tous  les 
ans ,'  sur  le  produit  de  la  leude  de  CoUioure,  la  somme  de 
deux  mille  cinq  cent  cinquante-cinq  livres  barcelonaises, 
pour  l'intérêt  de  dix  mille  marcs  d'argent,  qui,  k  soixante- 
treize  sols  le  marc,  faisaient  trente-six  mille  cinq  cents 
livres  l>arcelonaises,  montant  de  sa  dot  et  de  son  douaire. 


:>06  HIHTOIRR   nt   R0CS8ILL0N. 

Le  testament  de  Sancho  n'était  nullement  du  goAl  du 
monarque  aragonais,  qui  prétendait  être  le  véritable  hé- 
ritier en  vertu  de  la  substitution  faite  par  Jacqnes-ie- 
Conquérant.  Pour  examiner  la  validité  de  ses  droits,  il 
convoqua  une  assemblée  à  Lérida ,  et  donna  ordre  k  son 
fds  Alphonse  de  se  saisir  de  Perpignan.  L'assemblée  ju- 
geant apparemment  ses  prétentions  peu  fondées,  et  ne 
voulant  pas  prononcer  de  peur  de  lui  déplaire,  se  sé- 
para sans  rien  décider.  En  effet ,  si  le  titre  invoqué  de- 
vait exclure  le  jeune  Roi  de  la  succession  de  son  oocle , 
il  aurait  dû  précédemment  exclure  le  Roi  d'Aragon  de  la 
succession  de  son  frère  Alphonse.  Pour  conjurer  l'onge, 
Philippe,  oncle  et  tuteur  du  Roi  de  Majorque,  cmt  de- 
voir aller  trouver  le  Roi  d'Aragon  k  Saragosse ,  et  réus- 
sit, après  plusieurs  conférences,  k  le  convaincre  de  la 
légitimité  des  droits  du  mineur.  Dans  une  transaction  dn 
4325.  25  septembre  1525,  le  Roi  d'Aragon  renonça*  en  fiivear 
de  son  jeune  parent  et  de  ses  descendants,  k  ses  pré- 
tendus droits.  Philippe,  de  son  cAté,  renonça,' au  nom 
de  son  neveu,  k  une  somme  de  ^ingt-cinq  mille  florins 
qne  le  roi  Sancho  avait  prêtée  k  l'Aragonais.  Il  convînt, 
en  outre,  que  son  pupille  irait  lui  prêter  foi  et  hommage, 
et  Ton  arrêta  le  mariage  du  jeune  Roi  avec  Constance  « 
fille  de  l'Infant  Don  Alphonse.  Comme  il  ne  pouvait  en- 
core avoir  lieu  vu  l'âge  des  fiancés,  on  se  donna  réci- 
proquement des  châteaux  en  gage  :  Philippe  remit  ceini 
de  Quérol  en  Cerdagne.  L'observation  du  traité  fut  jnrée 
par  le  Roi,  son  fils  Alphonse,  l'Infant  Don  Philippe,  et 
par  plusieurs  Seigneurs  dont  le  seul  Roussillonnais  était 
Aymar  de  Mosset.  Les  Syndics  de  Majorque  et  de  Poy- 
cerda  la  jurèrent  aussi;  ceux  de  Perpignan  ne  prirent 
aucune  |)art  k  cette  affaire,  k  cause  des  troubles  survenus 
en  Rou^sillon,  dont  les  habitants,  au  moment  même  où 


CHAPITRE   DIXIÈME.  207 

Don  Philippe  rendait  un  service  signalé  au  Roi  et  au 
pays,  se  laissant  entraîner  par  quelques  factieux,  comme 
il  n'arrive  que  trop  souvent  aux  peuples,  ne  voulaient 
plus  de  ce  prince  pour  tuteur  de  leur  Roi.  Ils  s'étaient 
«mparés  de  cet  enfant,  lui  avaient  nommé  des  ofliciers, 
un  gouverneur;  et,  pour  donner  une  apparence  de  lé- 
galité k  un  mouvement  séditieux,  ils  avaient  fait  exclure 
Don  Philippe  de  la  tutelle^  par  un  arrêt  du  juge  de  la  Vi- 
^erie,  Guillaume  Saqué ti,  faisant  ainsi  décider,  par  un 
tribunal  subalterne,  une  question  qui  intéressait  tout  le 
royaume.  Ils  cherchèrent  à  se  faire  des  alliés  pour  ré- 
sister au  Régent.  On  trouve  un  acte  daté  du  château  de 
Perpignan,  le  11  des  calendes  de  juin  1523,  dressé  par 
le  Notaire  du  Roi  de  Majorque,  en  présence  de  deux 
chevaliers  et  de  deux  bourgeois,  dans  lequel  le  Comte 
de  Foix  s'engage  k  soutenir  le  jeune  Roi  envers  et  contre 
tous ,  excepté  le  Roi  de  France  ;  et  Jacques ,  k  son  tour, 
s'oblige  à  lui  payer,  par  jour,  sept  sols  six  deniers  pour 
chaque  chevalier,  et  seize  deniers  pour  chaque  écuyer 
(dientem)  fournis  par  le  Comte.  La  monnaie  stipulée  est 
celle  de  Barcelone ,  dont  soixante-cinq  sols  font  un  marc 
du  poids  de  Perpignan.  Philippe  ne  pouvant  venir  à  bout 
de  réprimer  cette  révolte,  eut  recours  k   l'Infant  Don 
Alphonse ,  et  fit  saisir  et  vendre  k  Majorque  les  marchan- 
dises qui  s'y  trouvaient  appartenant  k  des  Perpignanais. 
Cependant  Otto  de  Moncade,  commandant  l'avant-garde 
aragonaise ,  partit  de  Figuères  et  arriva  le  lendemain  de- 
vant le  château  de  Perpignan.  Les  portes  en  étaient  fer- 
mées ,  et  les  remparts  garnis  de  soldats.  Deux  chevaliers, 
Pierre  de  Belcastel  et  Guillaume  de  Cerfonts ,  sortirent 
pour  conférer  avec  Don  Philippe;  et,  après  divers  pour- 
parlers, on  consentit  a  le  recevoir  comme  tuteur  du  Roi. 
Don  Alphonse  n'entra  dans   la   ville  que  le  5  janvier 


208  HISTOIRE   DU   ROUSSILLON. 

I3S6  :  sa  présence  contribua  fort  il  y  rétablir  Tordre  et 
la  paix. 

Les  historiens  français  rendent  compte  de  ces  événe- 
ments d'une  manière  différente  :  ils  prétendent  que  k 
Comte  de  Foix  et  quelques  autres  Seigneurs ,  ayant  fiût 
un  complot  pour  ôter  la  tutelle  k  l'Infant  Don  Philippe  <» 
Charies  I\\  roi  de  France,  l'avait  maintenu.  Cosune 
Charles  n'avait  aucun  titre  pour  s'ingérer  dans  les  abires 
du  Royaume  de  Majorque,  nous  avons  préiëré  aoine 
Zurita ,  mieux  instruit  de  notre  histoire ,  et  dont  le  récit 
s'accorde  avec  les  documents  contenus  dans  nos  archives. 
Il  est  possible  seulement  que  l'autorité  et  les  conseils  da 
Roi  de  France ,  aient  contribué  à  détacher  du  parti  opposé 
au  Régent»  le  Comte  <le  Foix,  bien  certainement  Fan  des 
principaux  auteurs  de  ces  troubles,  et  celui  dont  Tappoi 
avait  donné  le  plus  d'audace  aux  factieux. 

Nous  trouvons  dans  le  Cartulaire  roussillonnais ,  plu- 
sieurs chartes  qui  jettent  du  jour  sur  les  événements  de 
cette  é|>oque.  D'apns  un  acte  passé  au  château  de  Pm^ 
pignan ,  le  o  des  ides  d'août  15â6,  entre  le  roi  Jacques  II 
de  Majon]ue ,  assisté  par  son  tuteur  Philippe  d'une  put, 
et  les  Consuls  de  Peq>ignan  de  Tautre,   il  parait  qae 
ceux  en  fonction  au  moment  de  la  révolte,  avaient  bit 
des  réquisitions  d'ar«rent  et  de  blé;  que  le  Roi,  son  onde, 
le  vicomte  Pierre  de  Fenouillet  et  ses  vassaux,  aiaai 
qn*Adhémar  de  Mosset ,  et  des  habitants  de  Poycerda  et 
de  la  Cerdagne  «   dévoués   au   gouvernement ,  avaisM 
éprouvé  des  pertes  dues  a  ces  mouvements  insorrectiiNK 
nels.  Pour  indemniser  tout  le  monde,  ainsi  que  les  ha 
bitants  de  l^rpignan  dont  le  tuteur  a^-ait  Elit  saisir  k 
marchandises  ii  Majorque,  on  ctmvint  que  le  prodnilëf 
aides  de  cette  ville  «  pendant  cinq  à  six  ans ,  serait  à 
|NiS(*  là  la  Itauque:  qu'on  agirait  de  même  |MHir  le  pi 


CHAPITRE  DIXIÈME.  â09 

duit  des  aides  de  Collioure,  et  pour  tout  ce  qu'on  reti- 
rerait de  Villefranche ,  des  autres  villes  et  villages ,  soit 
des  Ecclésiastiques,  soit  des  Nobles  qui  avaient  trempé 
dans  la  révolte,  et  que  le  Roi  retirerait  les  sommes  dé- 
posées pour  payer  toutes  les  indemnités  ;  que,  cependant, 
pour  subvenir  aux  dépenses  communales,  le  Roi  donne- 
rait annuellement  aux  Consuls  trois  cents  livres  de  tem, 
prises  sur  les  versements  faits  à  la  Ranque  par  la  ville. 
Dans  une  charte  datée  du  château  de  Perpignan,  le  42  dès 
calendes  de  février  4350,  Jacques  en  son  conseil,  mais 
sans  assistance  d'un  tuteur,  fait  quelques  dispositions 
pour  la  distribution  de  ces  indemnités.  Dans  une  autre 
diarte  donnée  k  Majorque  le  42  des  calendes  de  mai  4554  ^ 
k  la  prière  d'un  Consul  çt  de  deux  Députés  de  Perpignan , 
qui  loi  représentent  que,  vu  la  guerre  contre  les  Génois, 
la  ville  ne  peut  subvenir  k  toutes  ses  dépenses  sans  établir 
un  impôt  (tallium,  sive  questiam),  qu'il  serait  peu  opportun 
de  créer  dans  ce  moment,  le  roi  Jacques  ordonne  que,  sur 
l'argent  remis  il  la  Ranque  pour  les  indemnités,  on  fasse  k 
la  ville,  tous  les  ans,  un  prêt  de  mille  livres,  qu'elle  rem- 
boursera lorsque,  les  indemnités  étant  payées,  elle  jouira 
du  produit  de  ses  aides.  Par  une  autre  charte  donnée  k 
Ibjorque,  la  veille  des  calendes  de  novembre  4552,  k  la 
prière  des  Consuls  de  Perpignan ,  il  rappelle  de  l'exil  le 
jorisconsulte  Saquéti,  condamné  avec  onze  autres  per- 
sonnes, exceptées  comme  lui  de  l'amnistie  générale  ac- 
oc^ée  k  tous  les  révoltés  par  son  oncle  Don  Philippe. 
Enfin,  on  trouve  une  transaction  faite  le  6  des  calendes  de 
mai  4539,  cfntre  le  roi  Jacques  de  Majorque,  les  Consuls 
de  Perpignan ,  les  administrateurs  de  la  Ranque  de  cette 
ville,  les  habitants  de  Collioure,  Villefranche  et  autres 
lieux,  ayant  pris  part  k  la  rébellion.  Elle  nous  apprend 
qne  la  somme  totale  des  indemnités  a  payer,  avait  été  de 

14 


210  IIISTOIRB   Dt   ROUSSILLON. 

1 10.520  livres,  6  sols,  6  deniers  de  tem  ;  qu'à  l'époque  de 
la  transaction,  118.921  livres,  10  deniers  et  VfS^^aient été 
soldés,  au  moyen  :  1^  de  36.0o0  livres,  12  sols,  S  deniers 
et  7i  provenant  de  la  vente  des  marchandises  saisies  ï 
Majorque,  sur  des  Pcrpignanais,  par  Don  Philippe  ;  9^  de 
81.370  livres,  8  sols,  8  deniers,  retirés  de  la  Banque,  et 
3»  de  i.aOO  livres,  fournies  par  les  Juifs.  Le  Roi  lût 
rémission  de  ce  qui  lui  reste  dû ,  ainsi  que  des  intértia 
auxquels  il  a  droit  de  prétendre,  à  raison  du  retard  des 
paiements.  Les  Consuls ,  de  leur  côté ,  abandonnent  ee 
qui  peut  être  dû  aux  aides  de  la  ville,  par  les  gêna  du  Roi. 
On  promet,  réciproquement,  de  ne  se  rien  demander, 
syoutant  que  ceux  qui  doivent  leur  quote-part  de  Tinpo- 
sition,  seront  tenus  de  la  solder.    . 

Après  avoir  rétabli  Tordre  dans  le  RoussiUra ,  le  tntenr 
du  jeune  Roi  s'empressa  de  terminer  la  guerre  avec  lea 
Génois,  qui  inquiétaient  le  commerce  msgorcain.  C'étoto 
la  suite  de  la  part  que  les  galères  de  Sancho  avaient  priée 
k  l'expédition  du  Roi  d'Aragon  contre  les  Génois  et  lea 
Pisans,  maîtres  d'une  partie  de  la  Sardaigne.  Le  tnilé 
qui  la  lit  cesser  fut  conclu  le  21  janvier  1337,  dans  la 
salle  du  conseil ,  au  château  de  Perpignan ,  par  le  jeuae 
Roi,  avec  Tassentiment  de  son  oncle  Philippe.  Le  I* 
octobre  1327,  toujours  assisté  de  son  tuteur,  il  prêta  loi 
et  hommage  au  roi  Jacques  d'Aragon  ;  et,  après  la  voit 
de  celui-ci,  arrivée  lui  mois  plus  tard,  il  s'acquitta  ém 
même  devoir  à  l'égard  d'Alphonse,  son  successeur.  Il  te 
H'ndit,  a  cet  eiïel,  a  Barcelone,  accompagné  de  son  tien 
Ferdinand;  de  Itérenger,  évê4|ue  d*Klne;  de  Don  Pedr^  et 
Fenouillet,  vicomte  dllle,  et  d'Aymar  de  Mosset.  Us  atais 
ir>28.  lèivul  à  la  cérémonie,  qui  eut  lieu  le  25  octobre  I38B. 
Ia'  Itoi,  âgé  de  qiialor/e  ans  et  demi,  prête  hommage, 
Nuns  être  assiste  ilt*  suii  tulrur,  coninie  cela  avait  eu  Uen 


CHAPITRE  DIXIÈHB.  211 

l'année  précédente,  et  ce  dernier  ne  figure  plus  dans 
aucune  charte  postérieure.  Ne  devons-nous  pas  en  con- 
elore  qtie  Jacques  Ait  déclaré  majeur  aussitôt  qu'il  eut 
accompli  sa  quatorzième  année?  Quant  à  son  oncle  Phi- 
lippe ,  il  parait  qu'aussitôt  aprës  s'être  débarrassé  de  la 
tatelle,  non  content  de  renoncer  aux  atfaires  tèmt)orelleâ, 
il  abdiqua  les  dignités  ecclésiastiques  pour  se  faire  Corde-^ 
lier.  En  effet,  on  le  toit  peu  après  défendre,  avec  chaleuir, 
contre  lé  pape  Jean  XXII ,  les  opinions  led  plus  éxag^es 
%m  l'observation  stricte  et  littérale  de  la  Règle  de  Sainte 
François. 

Le  R<ri  de  Majorque  avait  d'abord  assigné  pôtli-  àpftnage 
à  son  frère  Ferdinand,  trois  mille  livres  bal'i^loàaises  de 
rente.  Pour  en  tenir  lieu,  il  lui  donna,  par  uné  ehane, 
datée  de  Perpignan,  le  29  mai  1530,  les  l^comtéS  d*Ù* 
mêlas  et  de  Cariât,  et  sa  vie  durant,  le  château  de  Froti-^ 
tignan  et  une  partie  du  domaine  de  Montpellieir;  Ebtre 
plusieurs  cotiditions  imposées  au  donataire,  il  l'obligeait 
à  lui  prêter  foi  et  hommage  pour  toutes  ces  terres.  Fer^ 
dinand  étant  fort  jeune  avait ,  pour  se  soustraire  k  l'op- 
pression d'un  gouverneur  qu'il  ne  pouvait  souffrir,  fait 
Tœu  d'embrasser  la  Règle  de  Saint-François.  Le  Pape  le 
releva  de  ce  vœu  indiscret,  le  21  août  1356,  et  il  se  maria 
pen  de  temps  après  avec  Esquive ,  fille  de  Bfugues  IV, 
roi  de  Chypre.  Il  mourut  sans  postérité,  avant  la  fin  de 
1345,  comme  on  peut  le  conclure  d'une  quittauce  faite 
cette  année  aux  Consuls  de  Frontignan  par  le  receveur 
des  droits  royaux,  d'une  somme  de  cinquante  livres,  due 
jadis  à  Ferdinand,  frère  du  Roi.  En  1350,  les  p\èteê  de 
Majorque  se  joignirent  à  celles  d'Alphonse  pour  continuer 
la  guerre  de  Sardaigne.  L'année  suivante,  Jacques  se  rendit 
à  la  cour  du  Roi  de  France,  et  lui  prêta  foi  et  hommage  le 
28  avril  :  il  assista  peu  après  aux  Certes  tenues  k  Barcelone. 


21:2  HISTOIRE  ou  roussillon. 

Dans  une  charte  datée  des  calendes  de  juillet  1338^  il 
4lcfend  il  son  Lieutenant  dans  les  Comtés  de  RotissilloB 
et  de  Cerdagne,  de  permettre  qu'on  applique  à  la  ques- 
tion aucun  prévenu  de  crimes ,  autrement  que  dans  les 
cas  autorisés  par  la  loi.  Son  beau-père  Alphonse  ^  avec 
qui  il  vécut  dans  la  plus  parfaite  intelligence ,  mounit  ca 
janvier  1336.  Sa  femme  Constance  accoucha,  à  Perpi- 
gnan, le  24  août  suivant,  d'un  prince,  nommé  Jacques, 
comme  son  père.  Le  27  juin  1339,  le  Roi  de  H^orque, 
ayant  appris  que  ses  officiers  avaient  reçu  en  paiemoit 
de  ce  qui  lui  était  dû  des  pièces  d'or  à  un  taux  infërfeiir 
à  leur  valeur  réelle,  leur  ordonna  de  restituer  ce  qa'Qs 
avaient  reçu  de  trop. 

Pierre  IV,  dit  le  Cérémonieux,  avait  succédé  k  son  père 
Alphonse.  Après  avoir  fait  sa  paix  avec  la  reine  Éléooore» 
sa  belle-mère ,  il  somma  Jacques  de  Msyorque  de  Yenir  hû 
prêter  foi  et  hommage.  Celui-ci  lui  fit  demander  un  délai , 
d'abord  par  Aymar  de  Mosset,  ensuite  par  Pierre-Raymond 
de  Codalet,  qui  ne  réussirent  ni  l'un  ni  l'autre.  Le  Roi 
d'Aragon  étant  venu  k  Barcelone,  son  oncle ,  rinfimt  Don 
Pedro,  fit  une  visite  au  Roi  de  Majorque,  2i  Perpignan  «  et 
le  décida  k  aller  prêter  l'hommage  demandé  :  il  y  lîil,  en 
4559.  elTet,  et  la  cérémonie  eut  lieu  le  17  juillet  1330,  dans  la 
chapelle  du  palais,  en  présence  de  son  frère  Ferdinand,  de 
l'Évéque  d'Elne*,  de  Pierre  de  Fenouillet,  vicomte  dHle^ 
de  Jean  de  So,  vicomte  d'Évol,  de  Bernard  de  So,  ele. 

t  (>t  Évèquc  était  Gni  âe  Tnrena ,  ronno  mh»  k  nom  de  (lOî  de  rerp^C*»*  Ni  itn  b 
An  da  xnr  sièrlc .  il  fit  Mt  étadet  tt  régit  set  fnutet  à  HJoncnité  de  Piflk  HMlf  *« 
l'Ordre  dee  Cwinei,  il  en  devint  fénéral  en  1348.  Nomad  Évèqw de  Unimfm  m  Ml.i 
pai^fa  à  riCvèrbé  d'KInr  en  1333  ;  Hit  promu  l^triirrlic  de  JérwaleB ,  et  BOiral 
\r  15 Join  1353.  Entfné  dans  réfcliw  dn  roavmt  de  «on  Ordie.  à  PwpIgMi,  M  y 
son  épiUpbe  «^n  17Mi.  11  à\Mi  érnl  rar  la  thifolofttf .  la  plulosophie .  la  menle.  Il 
et  Ir  droit.  Lr>  UanaMritji  ik  quriques-uoh  df  t4h  ouvrag«*«.  i^ont  déposés  aa  ValiciB  il  à  li 
HiMtotlièfpif  du  Itoi.  II  doit  M  i-éléhrit^  rt  If  furnom  dr  Malleu*  ArrfAi-eniM,  à  M  ' 
intitulé  S9mwu  lUi  Hérititt,  qui  a  ihiui  objet  leur  réftitatiun. 


CHAPITRE   DIXIÈME.  213 

Il  y  eut  des  difficultés  sur  le  cérémonial  ;  et  le  soin  extrême 
que  mit  TÂragonais  à  garder  son  rang  dans  cette  occasioir;» 
blessa  le  Majorcain ,  qu'on  laissa  long-temps  debout ,  et  k 
qui  on  offrit  un  siège  beaucoup  plus  bas  que  celui  du  Roi 
d'Aragon,  lorsqu'il  fut  décidé  qu'on  lui  en  donnerait  un. 
Jacques,  mécontent,  se  retira  dans  ses  États  aussitôt  après 
qu'il  se  Tut  acquitté  de  son  devoir  de  vassal.  Pierre  fit, 
cette  même  année ,  le  voyage  d'Avignon ,  afin  de  prêter 
au  Pape  foi  et  hommage  pour  la  Sardaignc  II  arriva ,  k 
Perpignan,  le  51  octobre,  accompagné  de  Jacques,  qui 
fut  le  recevoir  au  Bolo,  et  le  suivit  k  Avignon  avec  quel- 
ques Seigneurs  de  sa  Cour.  Le  Saint-Père  les  reçut  en 
grande  pompe.  La  prestation  de  l'hommage  eut  lieu  le  len- 
demain, 12  novembre.  Les  deux  Rois  sortirent  à  cheval, 
avec  un  nombreux  cortège,  pour  se  rendre  au  palais  du 
Pape  :  leurs  chevaux,  conduits  chacun  par  un  Chevalier, 
marchaient  sur  la  même  ligne.  Gaston  de  Lévi  conduisait 
le  coursier  du  Roi  de  Majorque  ;  il  frappa  de  sa  baguette 
celui  du  Roi  d'Aragon,  qu'il  trouvait  trop  avancé,  et 
s'oublia  au  point  de  traiter  de  même  le  Chevalier  qui  le 
guidait.  Jacques  ne  donnant  aucun  signe  d'improbation 
de  ee  procédé  brutal,  Pierre  entra  dans  une  telle  fureur, 
qu'il  essaya  par  trois  fois  de  tirer  son  épée  du  fourreau 
pour  en  percer  le  Roi  de  Majorque;  mais  il  ne  put  en 
venir  k  bout.  Cette  scène  mit  le  plus  grand  trouble  dans 
le  cortège;  et  on  en  serait  venu  aux  mains,  si  l'Infant 
Don  Pierre ,  oncle  de  l'Aragonais ,  n'eût  enfin  réussi  à 
l'apaiser,  en  lui  représentant  que ,  vu  l'affection  particu«- 
lière  du  Pape  et  «de  ses  Cardinaux  pour  le  Roi  Jacquea, 
il  était  prudent  de  ne  pas  donner  suite  k  cette  querelle. 
Pierre  se  contint  ;   mais  ^  n'ayant  obtenu  du  Saint^Père 
rien  de  ce  qu'il  demandait,  il  se  retira  le  jour  même  k 
Villeneuve,  et  partit  de  la  pour  son  Royaume,  en  passant 


S14  HISTOIRE  01    ROUSSILLON. 

pur  NoQlpeUier  et  Perpignaa.  Jacques  l'accomiMigMi  jv»» 
qu'au  IkJo,  lui  dauwant  rendre  de  grands  honMors  dans 
ses  États. 

{fous  avoBs  donné  tous  ces  détails,  parce  qu'ils  nous 
Tout  couQsiirc  les  mœurs  de  ce  temps,  et  que,  ira  le 
caractère  du  Roi  d'Aragon ,  il  est  présumable  qoe  cette 
scène  désagréable  contribua  beaucoup  ii  raffermir  iuM 
la  résolution  de  dépouiller  son  beau-frère,  qu'il  regardait 
comme  la  cause  première  de  Tinsoleaee  de  son  éenyer 
et  dçs  refus  du  Pape.  Du  moins  on  vit,  depuis,  l'AiafS* 
mis  ne  négliger  aucune  des  mesures  propres  à  readre 
inévitable  la  perte  du  Roi  de  Majorque.  Cehii-ci,  de  wom 
cdté ,  panit  avoir  compris  le  danger  de  sa  position ,  et  I 
chercha  des  alliés  pour  s'opposer  aux  projets  amWliiwnr 
de  Pierre.  1^  3  ju'dlet  1357,  Arnaud  de  Lordat,  mm 
Vice-Chancelier,  conclut  en  son  non,  à  Touloase,  an 
traité  avec  le  Comte  de  FoLx  et  le  Vicomte  de 
Par  ce  traité,  que  ratilia  Jacques,  ii  Palma,  le  24  d« 
mois,  ces  deux  Seigneurs  s'engagent  ii  le  servir  tonte 
vie,  envers  et  contre  tous,  excepté  les  Rois  de  Frawn  et 
de  Navarre,  leiurs  frères  et  leurs  beaux-frères;  et  le  Iloi« 
à  son  tour,  |iromet  une  pension  de  cinq  cents  Girw  an 
premier,  et  une  de  tniis  cents  livres  au  seeoad. 

Cette  conduite  était  prudente;  mais  il  eat  H] 
vibk^  maladresse  de  s*aliéner  un  Souverain,  dont  1*^ 
niiv  lui  eût  été  bien  {Jus  avantageux.  Vers  b  fin  de  1540, 
Philippenle-Valois  Tarait  sommé  de  lui  pi^r  Ibî  et  bon* 
mage  pour  la  Seigneurie  de  !itmt|iellier.  lacqies  %*y  n* 
ftna,  |ii\^tendant  que  le  Roi  de  France  n^\M  drail  h  eel 
Iwmmago  qu*en  vertu  d'un  acte  dV^kange  fait  avec  1^ 
\i^ue  de  Maguelone,  acte  nul  p«mr  n'amir  pas  reçn  Ta»» 
kmati«>n  du  l^i|t«\  Ihiisik  au  mois  <k*  février  1^1,  il  tint 
«les  jtMkies  î  M4Hii|>elli«^r,  i^ui^ique  k*  IUm  iW  France  eAt 


CHAPITRE  DIXIÈME.  2t5 

défendu  dans  ses  Etats  ce  genre  de  difertissenieMs,  tant 

^ae  diq^rait  la  guerre  contre  rAiïgleteite  ;  et^  aussHèt, 

;|iar  une  inconséquence  qui  donne  une  pantte  idée  de  la 

XN>Utique  de  ce  prince,  il  réclame  TappiÉi  du  Roi  d'Ara^fon 

^contre  le  ressentiment  du  Monarque  firançais.  Cehiî-ci, 

^fm  Tenait  avec  plaisir  son  beau-frère  se  jeter  impHideiU'^ 

ment  dans  des  embarras  dont  il  espérait  profiter^  lui  faiisart 

^es  promesses  vagues,  et  agissant  très  molleifï€fat  atiprès 

de  PUtippe.  i^ur  mieux  le  tromper,  il  feignit  nfn  projet 

d'aliiaiicé  entre  l'Angtetei^re,  TAragon  çt  Majorqne  Coàtte 

la  France  ;  et  dans  la  conférence  qu'il  eut  avec  Jacques  k 

Saint-'Saloni ,  il  joaa  si  bien  sonrôley  que  les  Sei^eàrs 

présents  loi  offrirent  leurs  services  pour  cette  guerre.  Lé 

Roi  de  Majorque,  qui  comptait  sm*  un  puissant  armement, 

se  disposa  h  la  soutennr,  et  commença  par  mettre  en  état 

de  dâense  le  fort  de  Saisea.  G*est  ce  que  manda  ato  Rof  Ae 

France  Girard  de  Roussillon,  sénéchal  de  CarcaMonne, 

eiiToyë  il  P^ignan  pieur  découvrir  ce  qlii  se  paissait^ 

Cq>eftéant,  Philippe ,  a|Mi?ès  avoir  occupé  Motftj^llier  af^M 

ses  troupes,  les  foisait  avancer  du  côté  de  Saint-Pàlil** 

ëe-FeiiMîllet.  Jacques,  à  cette  iM)uveIle ,  prévient  le  Rw 

d'Aiia^^n  du  danger  dont  le  Roussillon  est  menafcé,  et  se 

porte  vers  le  Soler  et  Pézilla.  De  là,  il  envoie  d*abor(f 

Raynkond  Roch ,  et  puis  Raymond  de  Codalet,  réelamet^ 

de  son  So«Ërerain  les  secours  qull  lui  devait  d^api^  led 

loÎB  féodSiles'.  Pierre  répondit  an  premier  ambassadeur, 

que  le  Roi  de  Majorque  vint  le  trouver  au  mois  de  févriei^. 

Celui^et,  s'étant  excusé  Sur  F  impossibilité  de  cette  dé- 

mardMe  dans  un  pareil  moment,  le  Roi  d- Aragon,^  pi^essé 

de  s'esipliquep ,   prétendit,  d'abord,  n'être  point  tenir  à 

secourir  son  vassal  dans  une  guerre  injuste,  entreprise 

malgré  les  promesses  du  Roi  de  France  de  terminer  le 

différend  paroles  voies  légales  ;  et,  levant  enfin  le  masque, 


ill€  iiisTomB  mj  aoubsiixoN. 

il  ajouta  que  Jacques  contrevenait  aux  trailés  en  frâiM 
tmttre,  à  Perpignan,  une  monnaie  diflCérente  de  p/Se  de 
Barcelone.  Après  avoir  amusé  qudque  tempe  ie  donier 
envoyé,  il  somma  le  Roi  de  Majorque  de  comparaîtra  m 
Certes,  dont  la  réunion  devait  avoir  lieu  dans  la  capitale 
de  la  Catalogne.  Sentant  alors  tout  le  danger  de  an  poat* 
4541.  tion,  Jacques  fut  à  Paris,  vers  la  fin  de  i341,  pféler  foi 
et  hommage  à  Philippe.  Ce  voyage  lui  valut  la  remise  dea 
terres  saisies  en  France.  Mais,  tandis  r^'O  eo^jonii 
l'orage  de  ce  cdté,  on  procédait  contre  lui  sur  le  fint  de 
la  monnaie ,  à  Barcelone  où  il  ne  s'était  pas  rendiL 

Le  Concile  de  Tarragone  avait  accordé  à  Pierre  des 
subsides  pour  faire  la  guerre  aux  Maures  en  favrar  de  It 
Castille.  L'artiQcieux  Aragonais  se  servait  de  cet  argeat 
pour  de  grands  armements;  mais  il  se  gardait  bien  d'agir, 
alléguant  qu'il  n'osait  rien  entreprendre  avant  de  vdr  lea 
différends  des  Rois  de  France  et  de  lb\[orque  teroiinéa. 
Lorsqu'il  fut  prêt,  il  fit  citer  Jacques,  le  S7  février  ISèl, 
k  comparaître  k  sa  Cour,  pour  répondre  aux  aeenaalMMU 
portées  contre  lui.  Elles  consistaient  toiyours  en  ee  qw» 
contre  la  teneur  des  traités,  il  faisait  frapper  one  noB» 
naie  particulière,  et  en  outre  de  la  monnaie  de  BareekNie 
à  un  titre  différent  de  celui  prescrit.  La  sommatioD  e«l 
lieu,  à  Perpignan,  en  présence  des  Vicomtes  dUle  el 
d'Évol,  et  de  Ponce  de  Uupia,  tous  les  trois  ofkierB  de  It 
maison  du  Roi  de  Majorque;  de  l'inquisiteur  Rayasond 
Durfort,  et  de  l'avocat  Arnaud-Raymond  Muntaner.  Jae* 
ques  n'ayant  point  comparu ,  fut  dédaré  contumace  par 
arrêt  du  19  avril.  La  France  aurait  dû,  par  poUtiqM, 
soutenir  ce  prince  infortuné  ;  mais  la  guerre  contre  lei 
Anglais  suscitait  de  grands  embarras  k  Philippe-de-Valoia. 
Pierre  sut  en  profiter  pour  obtenir  de  ce  prince  une  dé- 
fense aux  Seigneurs  languedociens  de  prendre  les  armea 


CBAPITRB  DIIIÈIIE.  317 

<<n  bveor  de  Jacques  ^  comme  ils  paraissaient  disposés  a 
le  frire.  Celni-d ,  se  voyant  sans  appui ,  fut  forcé  de  se 
^jBOometlre;  et  mimi  d'un  sauf-conduit  par  l'entremise  du 
Pape  nouvellement  élu ,  il  se  rendit  par  mer  k  Barcelone, 
avec  l'escorte  de  quatre  galères.  Suivant  sa  coutume ,  il 
logea  au  couvent  de  Saint-François ,  et  fit  construire , 
en  bois,  une  galerie  couverte,  pour  aller  de  son  vaisseau 
k  son  logement.  Cette  précauûon,  prise  pour  sa  sûreté, 
foQUÛt  k  son  beau-frère  l'occasion  de  l'accuser  de  n'être 
venu  que  pour  lui  dresser  des  embûches ,  et  tâcher  de 
l'enlever.  Les  détails  de  cette  prétendue  conspiration, 
donnés  par  le  Roi  d'Aragon,  n'étaient  guère  propres  k  y 
Cure  croire.  En  retenant  Constance,  sa  sœur,  venue  avec 
son  mari,  le  Roi  de  liajorque,  il  fit  assez  voir  qu'il  ne 
mettait  ce  complot  en  avant,  que  pour  avoir  un  prétexte 
de  rompre  avec  son  beau-frère.  Celui-ci  partit,  en  se 
plaignant  de  la  violation  du  sauf-conduit  k  l'égard  de  sa 
Cênune,  et  se  retira  dans  ses  États,  bien  convaincu  qu'il 
ne  pourrait  plus  éviter  la  guerre.  Il  ne  tarda  pas  k  en 
éprouver  les  effets  :  les  troupes  aragonaises  attaquèrent  la 
forteresse  de  las  Cuevas,  k  l'entrée  de  la  vallée  de  Ribas, 
et  8*en  emparèrent  après  un  combat  très  vif.  Voulant 
appuyer  la  force  des  armes  par  une  apparence  de  léga- 
fité,  Pierre  fit,  dès  le  commencement  de  l'année  4S43,  4543. 
publier  k  Barcdoné,  la  sentence  qui  confisquait,  au  profit 
du  Roi  d'Aragon,  tous  les  domaines  de  celui  de  Majorque, 
3'U  ne  comparaissait  pas  dans  le  délai  d'un  an. 

On  n'en  attendit  pas  l'expiration  pour  commencer  k  le 
dépouiller.  Dès  ]e  i^^  mai  de  cette  année,  Pierre  avait 
conclu  un  traité  avec  quelques  mécontents  de  llle  de 
Majorque,  se  donnant  pour  les  représentants  de  tout  le 
pays.  Fort  de  cette  alliance,  il  part,  le  18  de  ce  mois,  avec 
une  flotte  de  cent  seize  vaisseaux;  débarque  k  Péguéra 


218  HISTOIRE  DU  RODSSlLLOff. 

te  24,  et  bat  les  Biajorcains,  doBt  la  défense  est  très  molle. 
Jacques,  voyant  combien  pen  il  doit  compter  sur  ces  il 
laires,  abandonne  leor  lie,  qni  ne  tarde  pas  k  se 
mettre  an  vainqueur.  De  retour  de  son  eipédhion^  le  SB 
juin,  le  Roi  d'Aragon  se  préparait  à  attaquer  le  Rousailloa, 
dont  plusieurs  Seigneurs,  tels  qu'Aymar  de  Monel  et 
Pierre  de  Fenouillet,  vicomte  d'IUe,  avaient  déjà  t»- 
hrassé  son  parti.  Arrivé  à  Girone,  le  Siuillet,  'ûj  Irmivt  «n 
l/égat  du  Pape,  venu  pour  l'exhorter  à  la  paix  ;  mai^iovd 
à  ses  remontrances,  il  refusa  un  sauF-conduît  k  laeques, 
qui  voulait  venir  le  trouver.  Campé  k  la  Jnnquère,  le  SB, 
il  y  reçut  un  nouveau  message  de  son  bean-Irèfe,  et  vm 
lettre  des  Consuls,  de  Perpignan ,  denumdant  k  loir  lee 
pièces  du  procès  lait  à  leur  Souverain,  ^rès  amir  lA* 
jiondu  fort  durement  aux  uns  et  aux  autres,  il  paiMi  pv 
le  col  de  Panissas,  le  29 ,  sans  éprouver  de  résistance ,  ei 
s'avança  jusqu'à  Saint-Jean-Pla-de-Corts.  Un  détacheoMM 
chargé  d'attaquer  le  château  de  Beliegarde,  Ait  repeoMé; 
mais  ce  petit  échec  ne  l'empêcha  pas  de  marcher  sur  Elneu 
Le  lendemain ,  la  tour  de  Nidoléras  fut  enlevée  4e  wie 
force,  et  la  garnison  passée  au  fd  de  l'épée.  A  son  «rifée 
(levant  EIne,  un  nouvel  envoyé  du  Roi  de  Majorque, 
|K)ur  réitérer  les.  propositions  de  ce  prince,  ftit  Wfm 
la  même  dureté  que  le  pronier.  Le  51  juillet^  Pienre  %\ 
tant  porté  sur  le  château  de  Canet,  somma  le  Vicomte  ée 
faire  sa  soumission;  celui«-ci  obéit  de  sa  personne^  Giiil-* 
laume  de  Cerfonts  et  François  d'Oms  se  trouvaient  daae 
cette'  place,  avec  quelques  troupes  de  Jacques  :  ib  n'étaient 
]ias  disposés  à  la  rendre  sans  combat  ;  mais,  s'a] 
des  dispositions  bien  différentes  des  habitants,*  ils 
crurent  pas  assez  forts,  et  jugèrent  prudent  de  se 
il  Perpignan.  I^  lendemain,  le  Cardinal  vint  trouver  le  ilei 
dWragon  dans  son  camp,  pour  l'engager  k  un  acceMOK^ 


CHAPHRB  DIXIÈME.  319 

at  :  ayaDt  été  fort  mal  reçu,  U  se  retira  à  Pia,  où  il 
na  quelques  jours.  Cependaut,  les  Aragcmais,  sans 
s  du  temps,  s'emparaient  des  cbâteam  4e  Sanle- 
-la^Mer  et  de  Castel-Rossello ,  quil»  foftiièrenl  : 
de  Castel-Arnaud-^ubira  fut  bràlé  ;  le  Yioomâe  de 

remit  le  sien  le  5  août,  se  retirant,  avec  sa  fÎMBflle, 
les  environs  de  Girone.  Oo  répara  et  approvisioana 
soin  cette  forteresse,  dont  la  gavde  ftit  ooofiée  à 
urne  de  Guiméra,  cbevaUer  de  SaûilrJeaii.  Mallre 
os  ces  postes,  Pierre  i^t  canper,  le  0  aoM,  eiftfe 
^an  et  Bajoles,  coramanderie  des  HospHa^fs.  II 
taqué  au  ceueher  du  soleil.  Use  sertie  de  la  piaee 

en  Ue«  par  la  porte  de  Canet,  ii  parvint  à  1»  »- 
er,  fit  prisonnier  Guittannie  de  Cerfents,  qi»  avait 
essé,  et  perdit,  de  son  eélé,  avée  quelque^  soldais, 
1  de  Sayas ,  pris  4ans  Fintérieur  de  la  lôlle  de  Per- 
D ,  où  it  avait  pénétré  e»  poursoivMt  les  fuyards, 
ftoùl,  Raymond  de  Copons,  lieut^enaDt  do  Proeureur 
i  de  Catalogne,  somma  la  ville  de  se  rendre;  et 
le  elle  ne  fit  aucune  réponse ,  on  en  ravagea  les 
MIS  jusqu'au  Vemet,  mettant  le  fes  aux  vignes  et 
livîers ,  malgré  les  nombreuses  sorties  de  ta  piaee 
s'apposer  k  ces  dévastations.  Le  ii,  te  Roi  dTAragpn 
«ra  dm  Scier,  de  Saint>-Estève,  qoll  brûla,  et  dont 
nûsit  les  moulins.  Apprenant  qu^t  »mait  de  ta  Cer-^ 
ï  un  renfort  au  Roi  de  Majorque,  it  envoya  a  sa 
Dtre  un  détachement  pour  le  surprendre.  €e  petit 

s'élant  jeté  dans  le  châtean  d^*  Rodés,  réussît  h 
w  Perpignan  peu  de  jours  après.  L.e  f3  août.  Tannée 
naise  campa  entre  fa  mer  et  le.  cbàlean  de  Canet, 
sta  deux  jours  dans  cette  position ,  ponr  reeeveir 
vres  qui  lui  arrivaient  des  cétes  de  la  Catalogne. 
I,  elle  alla  ravager  les  environs  de  Claira;  maïs  le  Lié- 


iâO  HISTOIRE  DU  ROUMILLON. 

gat  et  rÉvèqae  d'Hueftca,  étant  Ternis  ce  jo«p-lk  tnmnt 
Pierre  dans  son  camp,  parvinrent  enfin  k  le  fUre  a»- 
sentir  k  une. trêve,  qui  devait  durer  jusqu'au  i^  mai.  Il 
décampa  le  SO,  se  porta  le  21  sur  le  Bolo,  et  rentra  le  Sft 
en  Catalogne,  passant  par  TÉduse,  le  Perthus  et  le  col 
de  Panissas. 

Cette  expédition  n'avait  eu  que  de  bien  faibles  réauhtle 
sous  le  rapport  militaire;  mais  elle  produisit  un  grand  dbt 
moral  sur  les  Roussillonnais,  en  leur  donnant  la  oonvidioB 
qur'il  était  impossible  k  Jacques  de  se  défendre  avec  aee 
seules  forces.  Le  zèle  des  Perpignanais  ponr  leur  Soewiain 
fut  donc  singulièrement  refroidi,  k  cause  des  ravages  eiereéi 
impunément  sur  leurs  terres  par  les  Aragonais.  Masieut 
des  principaux  Seigneurs  de  la  province  avaient  cm  pra» 
dent  de  (aire  leur  paix  particulière  avec  le  plnsfoc^an  lien 
de  hasarder  leur  fortune  en  restant  fidèles  au  Roi  de 
jorque.  De  ce  nombre  furent,  outre  ceux  dont  nous  a^ 
déjà  parlé,  Dalmau  et  Raymond  de  Taxo,  Pauquel  de  Bel- 
castel,  Guillaume  Albert,  Thomas  de  Marça,  Amiiid  de 
Fenouillet.  Jacques,  découragé  par  ces  défections,  nW» 
blia  rien ,  durant  cette  trêve ,  pour  fléchir  son  oppressear, 
mais  avec  si  peu  de  succès  que,  le  29  mars,  Pierre  pro* 
nonça,  dans  la  chapelle  du  palais  de  Barcelone,  la  rënmies 
irrévocable  des  États  de  son  beau-frère  k  la 
d*Aragon.  Dès  la  fin  d'avril,  les  hostilités 
rent  en  Roussillon,  entre  la  garnison  de  Perpignan  el 
les  garnisons  aragonaises  placées  dans  le  fort  de  Ganel 
et  les  châteaux  voisins.  Le  11  mai,  Tarroée  de  Piene 
franchit  le  col  de  Panissas  ;  et,  après  avoir  repoussé  la  gai^ 
nison  de  TËcluse,  qui  avait  tenté  d*inquiéter  sa  marche» 
elle  vint  camper  entre  le  Bolo  et  Saint-Jean-Pia-deCorU. 
Ayant  ravagé  les  deux  rives  du  Tech,  elle  s'avança  ven 
Kliie«  portant  des  vivres  |>oiir  quatre  jours,  et  mit  gamîsoii 


CHAPITRE  DIXIÈME.  22i 

à  VilleloDgue  et  dans  une  tour  appelée  de  TÉvéque.  Le 
Jendemain ,  Dalmau  de  Taxo  ftit  détaché  pour  bloquer 
Collioure,  qu'on  regardait  comme  une  place  très  impor- 
tante, et  le  gros  de  l'armée  investit  Ârgelès.  Le  camp 
des  assiégeants  était  du  côté  d'Elne,  touchant  presque  k 
la  tour  de  Pujols,  qui  appartenait  a  l'Abbé  de  Font- 
Froide,  et  où  quelques  troupes  de  Jacques  s'étaient  logées. 
On  fit  sommer  l'Âbbé  de  rendre  cette  tour,  et  Ton  battit 
les  murs  d'Argelès  avec  trois  machines.  La  ruine  du  Rot  de 
Majorque  était  aisée  k  prévoir;  aussi,  quoiqu'en  général 
on  fât  unanime  sur  la  justice  de  sa  cause,  on  voyait  des 
villages  fortifiés  se  soumettre  sans  essayer  de  se  défendre, 
et  les  Seigneurs  traiter  avec  Pierre ,  pour  s^assurer  leurs 
possessions.  C'e^  ainsi  que  Bernard  de  So  de  soumit,  k 
condition  que,  si  le  Roussillon  restait  au  Roi  de  Majorque, 
on  lui  donnerait  en  Catalogne  des  terres  qui  valussent 
celles  de  Hillas,  dont  il  était  Seigneur.  D'autres  montrè- 
rent plus  d'attachement  k  leur  malheureux  Souverain. 
Zurita  cite  avec  éloge  deux  valeureux  Chevaliers  de  Saint- 
Jean,  Pierre  d'Oms  et  Arnaud  de  Peyrestortes.  Ils  avaient 
fortifié  Palau  et  le  Has-Deu ,  postes  appartenant  k  leur 
Ordre,  dont  ils  comptaient  se  servir  en  faveur  de  Jac- 
ques; mais  Pierre  réussit  bientôt  k  le  priver  de  cette 
Gûble  ressource ,  en  faisant  donner  k  ces  Chevaliers,  par 
le  Grand-Prieur  de  Catalogne,  leur  supérieur,  Tordre  de 
les  remettre  k  d'autres,  qu'il  savait  lui  être  dévoués. 

On  avait  décidé  dans  le  conseil  du  Roi  d'Aragon ,  de 
livrer  un  assaut  k  Argelès  Je  dernier  jour  de  mai.  On 
construisit  une  tour  en  bois  pour  battre  une  maison  for- 
tifiée, contigué  k  la  place  :  le  capitaine  chargé  de  défendre 
ce  poste  ayant  été  tué,  la  garnison  se  retira  dans  la  ville. 
L'assaut  fut  donné  la  nuit  suivante  avec  une  grande  vi- 
gueur; mais  il  fut  repoussé  par  la  résistance  opiniâtre 


322  niSTOIRB  DU  ROUSSILLOfl. 

d'une  troape  génoise,  commandée  par  Geoffiroi  de  l'Ëteo- 
dart,  vaillant  chevalier  français.  Les  habitants  eftnyés  de 
la  violence  de  l'attaque,  et  craignant  de  ne  pouvoir  résilier 
à  un  nouvel  assaut,  offirirent  de  se^rendre  s'ils  n'étuMt 
secourus  dans  trois  jours.  Ils  se  rendirent,  en  eflel^  le  6 
juin  :  rÉtendart  n'ayant  pas  voulu  intervenir  daftB  tette 
capitulation ,  resta  prisonnier  de  guerre,  et  on  établit  G«l- 
laume  de  Guiméra ,  commandant  à  Argelès.  Après  s'être 
rendu  maître  du  château  de  Pujols  et  de  Saint-Jesn-Ph* 
de-Corts,  le  Roi  d'Aragon  songea  sérieusement  à  alIsqMr 
CoUioure ,  dont  il  avait  depuis  quelque  temps  resserré  le 
blocus.  Le  si^e  commença  le  iS  juin.  On  s'empsra 
d'abord  d'une  forte  tour  qui  commandait  le  ikuboorg,  et 
l'on  ne  discontinua  pas  les  travaux ,  quoique  le  GarAnl 
d'Embrun  fût  venu  trouver  le  Roi  pour  tâcher  de  le  flé- 
chir. On  prit  une  autre  tour  située  au-dessus  du  couvent 
des  Dominicains;  on  pénétra  dans  le  quartier  qu'elie 
défendait,  et  on  le  livra  au  pillage.  La  garnison  se  relin 
au  fort;  et  le  commandant,  Raymond  de  Codalet,  s'élint 
convaincu  de  l'impossibilité  de  le  défendre,  se  déddi  il 
capituler  aux  conditions  suivantes  :  l^  que  le  Gouverneur 
et  la  garnison  pourraient  se  retirer  où  bon  leur  semblerrit^ 
avec  chevaux,  armes  et  bagages;  ^  que  les  habitants  ne 
seraient  point  inquiétés ,  et  qu'on  leur  rendrait  même  ee 
qu'ils  avaient  perdu  dans  le  quartier  pillé  ;  3^  qu'on  sdnri^ 
nistrerait  la  justice  suivant  les  usages  de  Rarcelone.  Ce 
jour-lii  même ,  le  Cardinal  revint  au  camp  pour  oflKr  h 
soumission  du  Roi  de  Majorque,  k  condition  qu'on  ne  le 
retiendrait  pas  longtemps  prisonnier,  et  qu'on  le  tniiterril 
honorablement.  Pierre  y  consentit  ;  mais  de  retour â  Perpi- 
gnan ,  le  Cardinal  lui  fit  dire  que  Jacques  aimait  miait 
courir  les  chances  de  la  guerre  que  do  se  livrer  li  lui.  Lu 
place  de  Collioure  fut  remise  aux  Aragonais  le  H  juin  :  b 


CHAPITRE  DIIIÈMB.  â23 

garoifOQ  prit  le  chemin  de  Perpignan,  et  fut  escortée 
jusqu'à  Elne.  Le  lendemain,  le  Roi  d'Aragon,  dans  une 
charte  datée  du  château  de  CoUioure,  accorde  aux  habi- 
tants de  cette  ville  une  rémissioq  entière  de  tout  c«  qu'ils 
peuvent  avoir  fait  contre  lui  depuis  son  entrée  en  Rous- 
sillon;  Leur  promet  de  Ie3  protéger  contre  Jacques  de 
Ibyocque;  leur  accorde  quelques  franchises,  ainsi  que  le 
droit  d'être  jugés  d'après  les  usages  de  Barcelone,  et  les 
dispense  pour  toujours  de  payer  les  sommes  que  la  ville 
OQ  Les  particuliers  devaient  aux.  habitants  des  lieux  qui 
persistaient  a  soutenir  la  rébellion  de  Jacques  de  Ms^or- 
que.  Ces  libéralités,  faites  aux  dépens  des  autres,  se 
reproduisent  souvent  dans  l'histoire  des  gouvernements 
despotiques,  et  nous  verions  cette  même  ville  traitée 
avec  une  semblable  générosité  par  Lonis  XI. 

La  reddition  d^  Collioure  entraîna  celle  d'une  tour  si- 
tuée sur  une  montagne  voisine,  ainsi  que  celle  de  Palau 
et  d'Ortpffa;  elle  ébranla  toutes  les  places  qui  tenaient 
encore  pour  le  Roi  de  Majorque.  Ce  prince  ne  pouvait  pas 
Icop  compter  sur  les  habitants  d'Elue;  il  s'était  aliéné  les 
Perp^anais,  qui,  déjà  désolés  de  voir  leurs  can^^agnes 
rav^lgées  par  les  ennemis,  éprouvaient  (suivant  Bo8di)un 
traitement  tyrannique  de  la  part  de  leur  propre  souve- 
rain. Bosch,  le  seul  qui  ait  donné  quelques  d^ails  s«r  hi 
conduite  de  Jacques  pendant  le  loi%  blocus  de  Perpignan, 
assure,  d'après  des  docunients  conservés  de  son  temps 
à  l'Hôtel-de-Ville , .  que  ce  prince  occupant  le  château , 
avec  une  garnison  composée  d'aventuriers  français  et  de 
proiébûres  du  pays ,  avait  recours  aux  exactions  les  plus 
criaates  pour  payer  ses  soldats  ;  que  mandant  quelquefois 
les  principaux  habitants ,  squs  prétexte  de  conférer  avec 
eux  sur.  des  objets  importants ,  il  ne  les  laissait  sortir 
qu'après  leur  avoir  fait  consentir  des  obligations  pour  dos 


3:14  HISTOIRE  DU  ROUftSILLON. 

sommes  très  considérables;  qae  d'autres  fois  il  s^adremil 
aux  veuves  et  aux  orphelins  riches,  dont  fl  exton|nit 
l'argent  par  toute  sorte  de  moyens  ;  que  souvent  il  con- 
fisquait, sans  aucune  formalité,  les  biens  des  dtojMs 
soupçonnés  de  favoriser  son  ennemi;  et, -qu'enfin,  des 
vœux  pour  la  paix,  exprimés  en  public,  étaient  considérés 
comme  un  crime,  et  punis  d'une  manière  totyoun  ubi- 
traire  et  souvent  barbare.  Les  pièces  sur  lesquelles  Bosch 
appuie  ces  accusations,  n'existent  plus  k  l'HAld-de-VilIc  ; 
on  n'y  trouve  que  des  traces  de  quelques  faits  ssses  in- 
signifiants, et  auxquels  on  ne  ferait  guère  attention  anjoar- 
d'hui  \  Comme  il  faut,  en  général,  se  méfier  des  iiiad|is- 
tions  dont  on  accable  les  victimes  d'une  révolution;  conune 
Pierre  IV  n'a  rien  négligé  pour  rendre  odieux  on  prince 
qu'il  voulait  dépouiller,  et  que  l'écrivain  perpignansis  pèdie 
surtout  par  défaut  de  critique  éclairée,  il  est  probable  qn'il 
a  puisé  tout  ce  qu'il  dit  contre  le  Roi  de  Majorque,  dsM 
les  chartes  émanées  de  celui  d'Aragon.  Ce  qu'il  y  a  de 
certain ,  c'est  que  les  historiens  aragonais,  et  sortoiit 
rita,  le  plus  judicieux  de  tous,  nous  donnent  da  nn 
ques  une  idée  qui  ne  s'accorde  nullement  avec  les  Mis 
qui  lui  sont  imputés  par  Bosch,  et  que  confimMSt  les 
chartes  émanées  de  ce  prince.  En  effet,  nous  Tavons  m, 
k  peine  sorti  de  tutelle ,  rappeler  le  jurisconsulte 
de  l'exil  où  son  tuteur  l'avait  condamné  ;  dans  une 
charte ,  il  défend  k  ses  lieutenants  de  permettre  d'i 
quer  à  la  question  les  prévenus,  lorsque  la  loi  ne  le 
crit  pas  impérieusement  ;  dans  une  lettre  du  27  juiii  iSSB, 
il  enjoint  aux  agenu  du  fisc  de  restituer  aux  conlribaslles 
ce  qulls  ont  perçu  de  trop,  en  recevant  en  psifiMt 
certaines  monnaies  d'or,  k  un  taux  inférieur  à  leur  valc«r 


I  <iii\iat  I  jmsrtuii  «ta  vti4r.t  »i  IjU^nfii  «i-rat4if(ir  -tr  ih*  jr>fci«««  Il  J» 


CHAPITRE  DIXIÈME.  225 

réelle.  De  tous  les  actes  de  la  prétendue  tyrannie  du  Roi 
de  Majorque,  un  seul  serait  prouvé,  s'il  pouvait  l'être  par 
l'unique  témoignage  de  son  mortel  ennemi  :  c'est  celui 
d'avoir  fait  pendre  des  habitants  de  Perpignan,  pour  s'être 
rangés  du  côté  de  Pierre,  contre  leur  légitime  Souverain  * . 
Après  la  prise  de  Collioure,  les  Aragonais  refusèrent  de 
marcher,  parce  qu'ils  n'étaient  pas  payés;  le  Roi  s'étant 
procuré  quelque  argent,  quitta  cette  ville  le  l^c  juillet. 
Le  château  de  La  Roca,  Thuir,  Millas,  Hontesquiu,  Rie, 
Mosset,  Boule,  Maureillas,  se  rendirent  sans  se  défendre 
ou  après  une  légère  résistance.  La  tour  de  Madeloc  et  le 
château  d'Ultréra  ouvrirent  leurs  portes  le  jour  même  où 
Pierre  mit  le  siège  devant  Elne.  La  discorde  ne  tarda  pas 
à  se  mettre  dans  cette  dernière  place,  entre  la  garnison  et 
les  habitants,  qui  y  introduisirent  l'ennemi.  Les  troupes 
se  retirèrent  dans  le  fort,  en  se  battant  de  roe  en  rue; 
mais  elles  durent  capituler  faute  d'eau,  le  dimanche  iO 
juillet.  Les  soldats  français  obtinrent  la  permission  de  se 
retirer  chez  eux,  et  le  commandant  Roger  de  Révenac,  les 
officiers  et  gentilshommes  roussillonnais  restèrent  prison- 
niers de  guerre.  Pendant  le  siège  d'Elue,  la  garnison  arago- 
naise  de  Canet,  soutenue  par  les  habitants  de  Saint-Laurent, 
courait  toute  la  Salanqu%  jusqu'il  Claira  et  Saint-Hippolyte. 
Les  Aragonais  occupant  tout  le  pays,  la  position  du  Roi  de 
Majorque  devenait  tous  les  jours  plus  critique,  et  ses  pro- 
{Hres  soldats  lui  obéissaient  mal.  A  Perpignan,  on  était  fati- 
gué de  la  guerre  :  le  faubouig  des  Teinturiers ,  attenant  k  la 
▼Ole,  dont  il  gênait  la  défense,  était  occupé  par  trois  cents 
hommes  ;  au  lieu  de  le  brûler,  comme  elle  en  avait  reçu 
Tordre,  la  garnison  se  fortifia  dans  l'église,  en  attendant 
l'arrivée  du  Roi  d'Aragon.  Celui-ci  sentait  trop  bien  l'avan- 
tage de  sa  position,*  pour  accepter  aucune  ouverture; 

1  HiMtoire  du  Rouaillon,  par  M.  Henry,  tome  1*'. 

15 


226  HISTOIBB  DU  ROCSftILLON. 

aussi  éluda*t-il  celles  qui  lui  furent  dites  par  Jean,  doc  de 
Normandie,  fils  aîné  du  Roi  de  France.  Jacques,  n'ijam 
aucun  espoir  de  ce  côté,  voyant  tout  le  pays  dévasté,  prat- 
que  toutes  les  places  au  pouvoir  de  son  ennemi,  comprit 
qu'il  ne  pouvait  plus  se  défendre.  Par  l'entremise  de  Rif- 
mond  de  Codalet,  il  eut,  auprès  de  Perpignan,  sur  le  chemin 
d'Elne,  une  conférence  avec  Don  Pedro  de  Exérica.  On 
convint  que  ce  malheureux  prince  viendrait  se  livrer  an  Bm 
d'Aragon ,  ce  qu'il  fit  en  effet.  Ayant  obtenu  la  promeaie 
d'être  traité  avec  les  égards  dus  aux  grandes  infortmies,  il 
se  rendit  k  Elne,  donnant  ordre  k  ses  troupes  et  aux  halulinls 
de  Perpignan  de  remettre  les  forts  et  la  ville  an  vainqueur. 
Celui-ci  fit  son  entrée  dans  cette  place,  le  vendredi  i6  juil-' 
i^w.  let  1544.  Claira  se  soumit  le  même  jour.  Une  compagnie 
de  cavalerie  française,  au  service  du  Roi  de  Majorque,  ae 
retirant  fort  mécontente  de  n'avoir  pas  été  payée,  se  mit  k 
piller  le  village  de  Salses  :  la  garnison  du  château  ne  put  iné- 
terle  désordre,  qu'en  faisant  un  grand  carnage  des  pillaidi. 
Établi  au  château  de  Perpignan ,  le  Roi  d'Aragon  s'oc- 
cupa du  gouvernement  de  sa  nouvelle  conquête  :  il  nomma 
cinq  Consuls  pour  la  ville;  fit  Guillaume  Albert,  baille,  et 
Raymond  de  Taxo,  lieutenant-général  des  Comtés.  Il  oon* 
voqua,  pour  le  l^^*  août,  une  assemblée  générale  des  Pré- 
lats, Barons  et  autres  Nobles.  Jacques  se  flattait  enooro 
d'être  rétabli  dans  ses  États  ;  ses  partisans  en  ûûaai^t 
courir  le  bruit;  quelques-uns  même  n'avaient  point  poeé 
les  armes.  Jean  de  So,  vicomte  d'Évol,  l'un  d'entr'eu, 
s'empara  d'Eus  et  le  saccagea.  L«a  garnison  de  Bellegarde 
avait  tué  quelques  fantassins  aragonais  rentrant  en  Cala» 
iogne;  Pierre  se  plaignit  vivement  à  son  beau*frère  de  cet 
infractions,  et  ordonna  de  le  garder  avec  plus  de  vigilance. 
En  attendant ,  il  envovait  dans  lou^*  les  cantons  des  offi« 
ciers,  cliargés  do  recevoir  les  soumissions  des  habitants  : 


CHAPITRE  DIXIÈMI.  227 

€ilabert  de  Centellas  et  Bérenger  de  Villarasa,  se  rendi- 
rent, à  cet  effet,  dans  le  Gonflent;  Bérenger  de  Rocasalva, 
alla  fc  Puycerda  ;  Bernard  Fabre,  dans  la  Salanque,  et  Ray» 
mond  de  Rinsec,  dans  le  Capcir.  Forsa»Real,  Salses, 
Tamavel ,  Opol ,  Corsavi ,  reçurent  des  garnisons  ;  les 
diftteaux  de  Canet  et  de  Sainte-Marie ,  forent  rendus  au 
Vicomte  de  Canet.  Le  9i  juillet,  Pierre  fit  publier  dans 
Téglise  Saint-Jean  de  Perpignan,  Tacte  de  réunion  des 
Comtés  de  Roussillon  et  de  Cerdagne  k  la  couronne  d'Ara- 
gon ,  et  le  fit  signer  et  jurer  par  les  Consuls,  les  Barons 
et  les  Chevaliers  qui  ne  Tavaient  pas  encore  fait.  Plusieurs 
gentilshommes  refusèrent  de  prêter  serment;  de  ce  nombre 
furent  :  Don  Jean  de  So,  vicomte  d'Évol,  Pierre-Raymond 
de  Godalet,  Guillaume  Roch,  N.  de  Villanoya,  Dalmau  et 
Guillaume  du  Bolo,  Raymond  de  Vilamau,  Monet,  Zuyt, 
Arnaud  de  Lordat,  Raymond  di  Pallerols,  Arnaud  de  Pier- 
repertnse,  Roger  de  Révenac,  Rehelm  de  Yemet,  François 
de  Llupia ,  Bernard-Guillaume  de  Téren ,  François  d'Oms . 
Pierre  de  Mora,  etc.  Le  Roi  leur  accorda  un  délai  pour  le 
prêter,  et  prononça,  s'ils  le  refusaient,  la  confiscation  de 
leurs  biens.  Jacques,  établi  k  Thuir,  avec  la  permission  de 
son  beau-frère,  attendait  ses  ordres  pour  savoir  où  il  fixerait 
sa  résidence.  Manrésa  lui  fut  d'abord  assigné  ;  mais,  dans 
mue  entrevue  quil  eut  avec  Pierre,  k  une  demi-lieue  de 
Perpignan ,  il  obtint  la  permission  de  résider  k  Berga  et  de 
Toyager  armé.  Il  ne  reçut  que  des  réponses  peu  satisfiii- 
santes  k  toutes  ses  autres  demandes  dans  cette  conférence, 
durant  laquelle  les  deux  Rois  restèrent  toujours  k  cheval. 
Parti  pour  Bei^  le  6  aoAt,  Jacques  fut  remplacé  le  2$, 
h  Thuir,  par  le  Roi  d'Aragon.  Ce  prince  partit  bientôt  pour 
l^efranche,  dans  l'intention  d'y  châtia  quelques  habitants, 
qui ,  en  haine  de  la  révolution  opérée,  avaient  tué  l'un  des 
Syndics  de  Puycerda,  se  rendant  k  Perpignan  pour  y  prêter 


228  HISTOIRE  DU   RUUSSILLON. 

le  serment  exigé.  Après  avoir  rempli  son  objet,  et  convoqué, 
pour  le  29  septembre,  une  assemblée  des  États  de  Catilogne 
k  Lérida,  Pierre  se  rendit  k  Puycerda  le  31  août;  mais  il  en 
partit  k  la  hâte ,  le  4  septembre,  k  cause  du  froid  survemi 
tout-k-coup,  et  surtout  de  la  neige  qui,  tombant  en  abon- 
dance, menaçait  d'intercepter  les  communications.  Il  diri- 
gea sa  route  par  Saint-André,  évitant  le  Roi  de  liajorqne, 
qui  venait  de  Montserrat,  pour  avoir  une  entrevue  avec  Ini. 
Ce  prince  infortuné,  malgré  la  conduite  peu  rassurante  de 
son  beau-frère,  se  flattait  toujours  de  conserver  une  partie 
de  ses  États.  Les  décisions  de  l'assemblée,  qui,  convoqoée 
k  Lérida,  se  tint  k  Barcelone,  dissipèrent  son  illusion.  On  y 
détermina  la  réunion  irrévocable  du  Royaume  de  àfayorque 
k  œlui  d'Aragon  ;  on  accorda  k  Jacques  en  dédommagement 
mfke  pension  de  dix  mille  livres ,  jusqu'k  ce  qu'on  pùl  ha 
donner  une  seigneurie  de  même  valeur,  et  on  lui  abandonna, 
sans  exiger  aucun  signe  de  dépendance  féodale,  Honipeiliar 
et  les  Vicomtes  de  Cariât  et  d'Omélas.  On  exigea  que,  ponr 
jouir  de  cette  misérable  indemnité,  il  renonçât  an  litre  de 
Roi  et  aux  États  dont  on  le  dépouillait.  Cet  acte  opprowif 
lui  fut  signifié  k  Badalona,  où  il  résidait  alors.  Surpris  el  in- 
digné, il  protesta  d'abord  contre  une  décision  si  inattendne; 
demanda  ensuite  du  temps  pour  y  réfléchir,  et  bientôt,  ne 
se  croyant  point  en  sûreté  k  Itadalona,  il  se  retira  k  Sninl- 
Vincent,  envoyant  au  Roi  d'Aragon ,  Raymond  de  Riuaec, 
son  vice-chancelier,  Ilertrand  de  Rocaiixa  et  Ponce  Calça, 
membres  de  son  conseil,  pour  lui  faire  des  représentations 
sur  l'injustice  et  Tinhumanité  de  ces  décisions;  lui  dire 
que  l'honneur  ne  lui  permettait  pas  de  renoncer  k  b 
dignité  royale;  qu'on  prétendait  lui  donner  des  terres 
dont  il  jouissait  légitimement;  qu'on  refusait  de  VeOr 
tendre  dans  sa  justilicatiou,  et  que,  d*ailleurs,  il  ne  s'était 
livré  au  Roi  d'Aragon,  que  sur  la  promesse  faite  |Mi.r  Don 


CHAPITRE   DIXIÈME.  229 

Pedro  de  Exérica  qu'on  se  conduirait  à  son  égard  de  ma- 
nièfe  à  ne  pas  le  mécontenter.  Don  Pedro,  au  contraire, 
soutenait  ne  s'être  mêlé  de  cette  affaire  qu'à  la  prière  du 
Roi  de  Mayorqué,  et  n'avoir  rien  promis.  Ces  assertions 
opposées  entraînèrent,  suivant  l'usage  de  ce  temps,  des 
démentis,  des  défis,  et  même,  dans  une  conférence.  Don 
Bérenger  d'Oms  faillit  en  venir  aux  mains  avec  les  envoyés 
du  Roi  d'Aragon  :  il  n'y  eut  pas  cependant  de  combat. 
Jacques,  ne  comptant  pas  assez  sur  la  loyauté  de  Pierre 
pour  permettre  aux  siens  de  l'accepter,  se  retira  à  Mar- 
torell,  et  ne  tarda  point  à  quitter  cette  ville,  avec  tout  son 
monde,  pour  se  rendre  en  Cerdagne,  où  l'appelaient  ses 
partisans,  qui  lui  livrèrent  Puycerda  ;  mais  il  ne  put  pousser 
plus  loin  ses  avantages.  Outre  les  places  dont  nous  avons 
fiarié,  Pierre  occupait  par  des  garnisons  Llivia,  Bellver, 
La  Roca,  Castelnou ,  et  en  général  toutes  les  forteresses 
des  deux.  Comtés.  D'ailleurs,  ses  dispositions  étaient  si 
bien  entendues,  et  il  prit  des  mesures  si  promptes,  qu'étant 
sorti  de  Puycerda  pour  surprendre  Villefranche,  Jacques 
échoua  dans  son  projet  ;  et ,  trouvant ,  k  son  retour,  le 
parti  aragonais  maître  de  la  ville,  il  fut  obligé  de  se  ré- 
fbgier,  dans  l'état  le  plus  déplorable,  à  Ax,  et  de  Ik  à  Foix. 
Il  y  fut  bien  reçu  par  le  Comte,  dont  la  générosité  lui  fournit 
l'argent  nécessaire  pour  se  rendre  k  Montpellier  avec  ses 
gens.  Cette  échauffourée  fut  encore  plus  funeste  à  ceux  qui 
l'avaient  favorisée.  Guillaume  de  Déliera,  envoyé  k  Puycerda 
par  le  Roi  d'Aragon  pour  les  ch&tier,  fit  décapiter  Huguet 
de  Alcina,  Arnaud  de  Pallarols,  et  quatorze  autres,  malheu- 
reuses victimes  de  leur  fidélité.  Nous  ferons  connaitre  dans 
la  suite,  les  tentatives  des  princes  majorcains  pour  reeont- 
quérir  les  Etats  dont  on  lés  avait  dépouillés.  Comme  elles 
furent  toutes  infructueuses,  nous  avons  cru  devoir  tei*^ 
miner  k  cette  année  1344  l'histoire  des  Rois  de  Majorque.        «54 


230  HISTOIRE  DU  IMHJ88ILL01I. 


CHAPITRE   XL 


OBSWVMlOm  SV3K  lA  HUlllillE  tPOQW. 

Jacques-lo-Conquérant,  en  créant  ce  royinme  pow  en 
fiiire  l'apanage  de  son  second  fils,  avah  pintAt  mm  IIm- 
tinct  ateugle  de  la  tendresse  paterndte ,  que  les  a^gas 
conseils  d'une  politique  éclairée.  Nous  a?ons  ¥a  qMie 
source  intarissable  de  dissensions  il  atait  légvé  k  tes 
descendants ,  par  une  disposition  qui  fiûsait  dédmr  h 
Monarchie  aragonaise  de  ce  haut  d^[ré  de  poistaiiee,  oi 
sa  valeur  l'avait  élevée  durant  le  cours  d'un  long 
Composé  de  provinces  sans  aucune  liaison  entr'eUctt  61 
avaient  vu  avec  peine  leur  séparation,  le  nouveau 
ne  pouvait  offrir  ii  ses  Souverains  les  moyens  de 
ter  aux  entreprises  des  princes  de  la  branche  ataiée.  La 
traité  de  1570,  arraché  it  la  iaiblesse  du  Roi  deJAgor- 
que,  devait  empirer  sa  position,  en  donnant  as 
verain  d'Aragon  des  droits  dont  il  pouvait  aisément 
D'autre  part,  les  Seigneurs  et  les  villes  de  la  Cerdagne,  éà 
Roussillon  et  des  Iles  Baléares,  n'ayant  plus  le  droit  d*4 
trée  aux  États  de  Catalogne,  se  trouvaient  privés  de 
influence  dans  le  gouvernement  du  paj-s,  et  se  voyait 
avec  peine  soumis  au  pouvoir  à  fieu  près  illimité  de  lev 
Souverain.  On  doit  rependant  convenir  que  ces  princes 


CHAPITRE  ONZIÈME.  231 

n'abusèrent  pas  de  leur  autorité.  Leur  résidence  presque 
habituelle  au  château  de  Perpignan,  fut  très  avantageuse 
i  cette  ville  et  k  la  province.  La  construction  des  canaux 
d'irrigation  de  Finistret,  Prades,  Mosset,  Rivesaltes,  Tau- 
tavel,  etc.,  prouve  assez  que,  sous  le  gouvemement  des 
trois  Rois  de  Majorque,  pendant  une  période  de  soixante- 
huit  ans,  l'agriculture  fit  de  notables  progrès.  On  voit  aussi, 
en  1542,  de  grands  travaux  entrepris  pour  remettre  ou 
contenir  le  Tech  dans  son  lit,  au  sud  de  la  ville  d'Elne. 
Le  4  des  ides  de  septembre  1505,  Jacques  I^  de  Majorque, 
donna,  à  Perpignan,  une  ordonnance  très  sage  pour  la 
conservation  des  forêts  du  Roussillon  et  de  la  Cerdagne, 
ordonnance  qui  servit  de  modèle  à  celles  que  ses  suc- 
cesseurs firent  pour  le  même  objet.  Les  progrès  de  l'in- 
dustrie et  du  commerce  ne  furent  pas  moins  sensibles 
que  ceux  de  t'agrieulture  :  on  comptait  à  Perpignan, 
en  1532,  trois  cent  quarante-neuf  maîtres  fabricants  de 
drap,  occupant  un  ou  plusieurs  métiers  (Bosch).  D'autres 
communes  :  Thuir,  Céret,  Millas,  Elne,  Prats-de-Mollô, 
VîUefiranche^  GoUioure,  fabriquaient  des  étoffes  de  laine. 
NoB  fi>rges  donnaient  aussi  du  fer  d'excellente  qualité. 
Les  marchandises  étaient  exportées  en  différents  pays,  par 
mer  et  par  terre.  En  1529 ,  on  trouve  une  commission  de 
cinquante-trois  pièces  de  drap  livrées  pour  être  exportées. 
iConstantinople.  Les  minutes  des  notaires  de  cette  ^oqu& 
aoas  offrent  une  multitude  d'actes  d'associations  commer- 
ciales. Tantôt ,  on  s'associe  pour  une  seule  expédition  ; 
tantdl,  on  forme  une  compagnie  qui  d(Mt  durer  un  temps  li- 
BiHé.  Quelquefois,  l'une  des  parties  contractantes  se  charge 
des  marchandises  ou  de  l'argent  des  autres ,  s'obligeant 
à  aller  vendre  les  premières  dans  des  parages  déterminés, 
ou  a  employer  l'autre  dans  tel  ou  tel  genre  de  spéculation, 
moyennant  que  le  quart  du  profit  fait  par  ses  négociations 


>.^ 


â3:2  HISTOIRE  DU  ROCJSSILLON. 

lui  restera.  De  cette  manière,  tout  le  monde,  jnsqn'au 
Seigneurs  de  la  Cour  des  Rois  de  Majorque,  praïak  om 
part  directe  ou  indirecte  au  commerce  du  pays.  A  celle 
époque,  les  grandes  affaires  de  négoce  se  eonduaient 
principalement  dans  les  foires.  Perpignan  en  avait  den  : 
la  foire  du  mois  d'août  et  celle  du  second  dimanche  de 
Carême;  elles  étaient  très  fréquentées,  puisqu'on  voit  le 
7  des  calendes  d'octobre  1286,  louer  cent  quinze  sols 
melgoriens ,  une  chambre  et  un  très  modesle  inagwhi 
(  wii  soiid) ,  pour  les  deux  foires  de  l'année  sunniile. 
(Arch.  du  Damaùie,) 

Nous  parlerons,  dans  un  autre  chapitre,  des  Irtvam  cb- 
trepris  par  ces  princes  pour  agrandir,  fortifier  et  embellir 
Perpignan.  Les  principales  sources  de  leurs  revenue  éliieHl 
leur  domaine  particulier,  les  droits  d'amortissement,  le  giÉi 
qu'ils  Élisaient  sur  la  Gadirication  de  la  monnaie,  dont  lepoMi 
et  le  titre  devaient  être  sur  le  pied  de  celle  de  Baicdmie« 
quoique  dans  les  actes  de  ce  temps,  les  sommes  soient  aov- 
vent  désignées  en  livres  et  sols  de  Melgueil,  dont  le  rappeil 
il  la  livre  et  au  sol  de  tem  était  comme  1 .246  est  h  1 .000. 
On  doit  encore  compter  dans  le  revenu  de  ces  princes  : 
les  amendes,  les  confiscations,  les  droits  imposés  wm 
rentrée,  la  sortie  ou  le  transport  des  marchandises.  Les 
bureaux  où  on  les  percevait»  appelés  Leudes,  étaient  éin» 
blis  dans  les  ports  de  mer  et  sur  les  routes,  il  v  avail 
des  leudes  k  CoUioure,  au  Bolo,  à  Eslagel,  à  Sslses,  h 
Kormiguères,  au  Vemet,  à  Taxo-d'Avall ,  à  PeqMgnan, 
à  Saint- Félin -dAvall,  à  Rivesaltes.  Les  marchandises 
t|u*il  était  permis  d  exporter  du  Royaume  payaient  émq 
tieniers  par  livre  à  rextréme  frontière  jusqu'en  1321,  oi 
re  droit  fut  nkiuil  à  quatre  deniers.  On  pouvait  fiûre  cn> 
irer  le  nnmémire  en  i.alalogue  par  lUtlIioure  ou  le  Boln« 
sans  >  rien  \và\er  jus«|u  a  cent  libres  de  Rarcdone;  ponr 


CHAPITRE  ONZIÈME.  :i33 

les  sommes  plus  fortes,  on  payait  une  maille  ou  demi- 
denier  par  livre.  Jacques-ie-Conquérant,  par  ordonnance 
du  3  des  nones  de  mai  1267,  avait  défendu,  sous  peine 
de  soixante  sols  d'amende ,  de  faire  sortir  par  un  autre 
lieu  qu'Estagel,  où  l'on  payait  la  leude,  les  marchandises 
destinées  à  Saint-Paul ,  Alet,  Limoux ,  etc.  Cette  ordon- 
nance était  encore  en  vigueur  en  1522.  Par  ordonnance 
de  Jacques  I^f  de  Majorque,  les  habitants  des  villages 
français  voisins,  pouvaient  entrer  et  sortir  par  Salses  sans 
payer  la  leude,  pourvu  qu'ils  ne  portassent,  dans  le  pre- 
mier cas,  que  du  bois,  de  la  chaux  ou  des  vivres,  et, 
dans  le  second,  du  jardinage  ou  des  vivres.  Pour  donner 
une  idée  du  rapport  de  ces  leudes ,  nous  dirons  que  celle 
de  CoHioure,  certainement  la  plus  considérable  de  toutes, 
fut  affermée,  en  1542,  pour  deux  ans,  au  prix  de  cinq 
mille  huit  cents  livres  de  Barcelone.  On  ne  garantissait 
au  iermier  que  les  accidents  de  guerre  contre  l'Aragon 
et  la  France ,  et  on  se  réservait  de  faire  entrer  en  fran- 
chise toutes  les  marchandises  destinées  au  Roi  ou  k  la 
fteine,  k  la  cassette  de  laquelle  cette  leude  était  affectée. 
Sons  le  règne  de  ces  princes,  la  justice  était  rendue 
par  les  oflBciers  royaux,  gouverneurs,  viguiers  ou  baillis, 
assistés  par  des  assesseurs  pris  parmi  les  gens  de  loi  : 
dans  ces  tribunaux,  on  suivait  le  plus  souvent  la  coutume 
de  Perpignan.  Ces  mêmes  officiers  royaux  étaient  chargés 
de  l'administration,  de  la  police  et  des  finances.  Cette 
période  fut,  en  général,  très  favorable  au  développement 
<le  la  liberté.  On  voit  Jacques  I«r,  en  1295  et  1294; 
Sancho,  en  1521,  accorder  des  chartes  de  commune  aux 
villes  de  Thuir,  CoHioure,  Prats-de-Mollô ,  faveur  que 
Céret  avait  déjk  obtenue  de  son  Seigneur,  le  Vicomte  de 
Casteinou,  en  1282,  et  que  La  Roca  obtint,  vers  1506,  du 
Umte  d'Ampurias.  Il  est  probable  que  plusieurs  villages, 


234  HISTOIRB  DU   BOUMILLON. 

OÙ  ToQ  voit  des  Consuls  pour  la  première  fois  fen  cette 
époque  (Torreilles,  Pia,  Booipas,  etc.  )  datent  leur  afta^ 
ehissement  du  règne  de  ces  Rois.  On  trouve  aussi  ptosieors 
chartes  où  ils  abolissent  certains  droits  odieux,  eonnas 
sons  le  nom  de  mauvais  usages,  auxquels  étaient  Miunis 
quelques*uns  de  leurs  vassaux. 

Ces  princes  entretenaient  fort  peu  de  troupes  rëgléee, 
composées  en  grande  partie  d'aventuriers  français  :  oatre 
leur  garde  particulière,  elles  fournissaient  les  gamiamis  des 
chftteaux  de  Perpignan,  Collioure,  La  Roca,  et  des  uirts 
forts.  En  cas  de  guerre,  tout  citoyen  était  soldai  :  le  Noble 
combattait  ii  cheval  ;  le  reste  marchait  sous  les  ordres  des 
Vigniers  et  autres  officiers  royaux.  Lorsque  le  Roi  mettait 
une  flotte  en  mer,  les  équipages  étaient  fournis  per  les 
vassaux  du  Vicomte  de  Canet,  et  par  les  habitants  de 
CoUioure  et  d'Argelès.  I>é|>endant  directement  du  Souve- 
rain, ils  marchaient  sous  les  ordres  du  Viguier  du  Rous- 
sillon,  chargé  de  leur  donner  à  tous  leur  ration  de  psin 
et  d'eau  (Rigaud).  L'an  1554,  la  ville  de  Perpignan  anna 
cinq  galères  contre  les  Génois,  sous  le  commandemeol  du 
Perpignanais  Bérenger  de  Comella;  car  on  trouve  dsus 
les  papiers  du  notaire  Imbert,  sous  la  date  du  6  des  nones 
de  mars  1555,  une  déclaration  des  deux  Clavaires  de  Per^ 
pignan  chargés,  en  cette  qualité,  d'examiner  les  comptes 
de  Jean  Mir-Parens,  commis  par  les  Consuls  pour  solder 
les  dé|>enses  de  cet  armement,  fait  l'année  préeédenie. 
Ils  y  reconnaissent  que  le  comptable  leur  a  donné  uu 
compte  lidèle  des  quatre  mille  cinq  cent  soixante-quime 
livres,  trois  sols,  trois  deniers  de  tern,  qu'il  avait  reçus  k 
cet  eflet.  Ix*  commandant  de  ces  galères  avait  été  nommé 
|)ar  les  Consuls  de  Perpignan ,  en  vertu  de  rordonnance 
rendue  à  Majorque  lo  7  des  calendes  de  novembre  ISSU 
|»ar  le  roi  Jacques  11,  ii  la  solliritaticm  de  ces  magistrats. 


CHAPITRB  ONZIÈME.  235 

Ce  commandant,  après  sa  nomination ,  devait  prêter  ser- 
ment de  se  conformer  en  tout  aux  conventions  Csiites  entre 
le  Roi  de  Bfajorqne ,  la  ville  de  Perpignan  et  le  Roi  d'Ara- 
gon ;  il  avait  aussi  à  s'entendre  avec  eux  pour  ses  appoin- 
tements. Réuni  à  la  flotte  majorcaine,  il  devait,  quant  aux 
opérations  militaires,  obéir  à  l'officier  qui  la  commandait; 
mais  il  avait  le  droit  d'être  appelé  au  consdi,  et  il  était 
parfaitement  indépendant,  quant  à  la  police  particulière 
de»  galères  roussillonnaises. 

La  canne  de  Montpellier  se  trouve  usitée  en  Roussillon, 
comme  mesure  de  longueur,  dès  la  fin  du  Im^  siècle  ;  elle 
s'y  était  probablement  introduite  depuis  que  ces  deux  sei* 
gnenries  ai^mrtenaient  au  méitie  prince  :  sa  longueur  est  à 
peaprès  de  i  mètre  89.  Elle  servit  k  déterminer  l'ayminate, 
mesure  de  superficie,  ordinairement  rectangle  de  cinquante 
eamnes  de  long  sur  trente  de  large.  Nous  la  trouvons  men- 
tiomiée  pour  la  première  fois  en  i327.  Elle  est  désignée 
«ous  k  nom  de  denierata  ou  ayminata.  Elle  avait  sans 
doute  emprunté  ce  dernier  nom  k  Vaymine,  mesure  de 
grains ,  qui  parait  avoir  varié ,  soit  dans  sa  contenance , 
6oit  dans  ses  divisions  ;  <»ur,  le  4  des  calendes  de  février 
1286,  les  Consuls  de  Perpignan,  en  présence  du  Railli 
et  d'un  nombreux  conseil  de  prud'hommes,  statuent  que 
l'aymine  sera  de  huit  demi-cartons,  mesure  du  Temple; 
chaque  demi-carton ,  de  six  cosses,  et  qu'on  donnera  un 
surplus  de  quatre  cosses  par  aymine.  Or,  on  la  trouve 
toujours,  dans  le  xv®  siècle,  de  neuf  mesures  de  Perpi- 
gnan ;  et,  dans  le  xyi®,  elle  a  dix  mesures  et  se  confond 
avec  la  charge.  La  liêue  fut  fixée  à  deux  mille  cinq  cents 
cannes,  k  peu  près  l'étendue  de  cinq  kilomètres,  comme 
on  estime  maintenant  la  lieue  du  pays. 

La  province  était  beaucoup  plus  boisée  qu'elle  ne  l'est 
aujourd'hui  :  nous  citerons  un  fait  qui  prouve  l'existence 


236  HISTOIRB  DU   ROUSSILLON. 

d'une  forêt  considérable  à  Périllôs ,  auprès  d'Opol.  Les 
habitants  de  Perpignan  prétendaient  avoir  le  droit  de  cou* 
per  et  de  prendre  du  bois  dans  cette  forêt;  les  Seignears 
de  Périllôs  soutenaient  le  contraire  ;  les  deux  parties  ayant 
pris  pour  arbitre  le  roi  Jacques  l^^  de  Majorque,  convinrent, 
la  veille  des  calendes  de  novembre  i296,  que  les  habitants 
de  Perpignan  pourraient,  en  payant  un  denier  par  chnge 
de  cheval  ou  de  mulet,  et  un-demi  denier  par  charge  d'Ane, 
prendre  du  bois  dans  un  quartier  déterminé,  en  suivant  on 
chemin  désigné,  pour  le  porter  dans  la  plaine  do  Rons- 
sillon.  Le  Seigneur  s'interdit  la  faculté  d'en  vendre  au 
Français,  celle  d'établir  des  verreries,  des  fours  ii  chanx, 
des  forges  et  des  fabriques  de  savon  ;  se  réservant  la  venta 
des  pacages,  celle  des  bois  pour  la  construction  des  navires, 
et  le  droit  d'affouage  pour  les  habitants  de  Périllôs  et  ponr 
tous  autres  à  qui  il  l'aurait  accordé  précédemment. 

La  grande  fabrication  de  draps  avait  engagé  ii  cultiver 
les  chardons  propres  au  peignage,  et  les  plantes  tinetoria- 
les,  telles  que  le  pastel,  la  garance  et  la  gaude.  Il  en  résulta 
une  contestation  entre  les  propriétaires  et  les  décimatevs: 
elle  fut  terminée  sous  révc<|uo  Ilatlle,  qui  occupa  le  siège 
d'Elne  de  1317  a  13ô2,  par  un  jugement  arbitral,  qm 
décida  que  la  dime  serait  de  */,,  de  ces  denrées  lii  où  elle 
était  de  Vio  po^^r  le  blé;  de  V/,g,  là  où  elle  était  de  Vtt 
pour  le  blé;  et  que,  lorsque  le  taux  de  celle-ci  serait  exprimé 
|)ar  une  autre  fraction ,  on  ajouterait  deux  unités  k  son 
dénominateur.,  |K)ur  avoir  le  taux  de  la  dime  pour  ees 
nouvelles  cultures.  L'accroissement  du  commerce  et  de 
la  navigation  dut  attirer  l'attention  du  (iouvernement  sur 
nos  |H)rts.  On  trouve,  en  effet,  un  règlement  do  1^  sep- 
tembre 131K,  fait  par  le  roi  Sanrho,  sur  la  police  k  ob- 
scner  dans  le  port  de  (lollioure,  et  celui  de  Port-Vendres 
considéré  romine  unr  ainiexe  du  premier.  Il  y  établit  on 


CHAPITRE  ONZIÈME.  237 

garde,  aux  appoinlements  de  quatorze  livres  par  an ,  qu'il 
chargea  de  Texéeution  de  son  ordonnance. 

On  espérait  trouver  a  Sahorre  du  minerai  d'argent  ou 
de  plomb  argentifère;  car  on  connaît  deux  permissions 
accordées,  l'une  en  1520,  l'autre  en  1521,  par  le  roi 
Sancho ,  pour  y  rechercher  ce  minerai ,  en  profitant  des 
travaux  précédemment  entrepris. 

L'inquisition  fut  probablement  introduite  en  Roussillon 
à  la  suite  de  la  guerre  des  Albigeois,  et  peut-être  seule- 
ment après  1245,  année  où  les  Dominicains  établirent 
un  couvent  de  leur  Ordre  à  Perpignan  ^  Ce  qu'il  y  a  de 
certain,  c'est  qu'elle  y  existait  en  1525;  que  les  inqui- 
siteurs étaient  alors  des  Jacobins;  qu'on  enfermait  les 
prévenus  d'hérésie  dans  une  prison  appelée  la  Murada. 
\je%  documents  auxquels  nous  devons  la  connaissance  de 
ees  faits,  nous  apprennent  aussi  que  ce  terrible  tribunal 
n'avait  pas  encore  adopté  le  mode  rigoureux  de  procéder 
qui  l'a  rendu  si  odieux;  car  l'un  est  relatif  h  un  détenu 
•qui  rentre  dans  la  prison,  dont  il  était  sorti  pendant  un 
mois  pour  raison  de  santé  ;  l'autre  concerne  un  prisonnier 
à  qui  l'on  ôle  ses  fers,  moyennant  une  consignation  de 
«eize  livres  de  Barcelone,  qui  seront  confisquées  au  profit 
^u  Roi ,  s'il  abuse  de  cette  faveur  pour  s'écliapper. 


t  Qaoiqii'il  y  ait  en  dès  inqniuleurs  dès  la  fin  da  xn*  sitele,  l'inqiaitition  ne  fbt  léellenfnt 
con»titoé€,  que  lorsqu'cn  i233 ,  Inuocenl  III  en  chargea  les  Frères  Prêcheurs  dans  tontes  les 
ailles  du  ITidi  de  la  France  où  ils  avaient  des  couvents. 


238  HISTOIRB  DU  ROUSSILLON. 


CHAPITRE  XII. 


NEVTlfeHB  tPOQIII. 

hZ  K0\3SS\LL0N  GOllVflKNÊ  V^^Z  SECOllDÎ.  VOIS 
PAR  LZS  ROIS  D\KAG01(. 

Pierre  avait  le  plus  grand  iniérét  à  s'assurer  de  Perpi- 
gnan. Cette  ville,  la  plus  importante  du  pays,  renfemuôl 
encore  beaucoup  de  partisans  du  Roi  dépouillé.  L'Ara- 
gonais  s'y  rendit  le  50  novembre  :  il  y  reçut  le  Vicomte  de 
Narbonne,  les  ambassadeurs  du  Pape,  un  envoyé  da  Rti 
de  Grenade,  et  plusieurs  autres  personnages  distiiigiiét* 
45U.  Le  23  décembre  1544,  voulant  imposer  k  ses  noavwm 
sujets  en  se  montrant  à  eux  dans  toute  la  pompe  d'm 
Souverain,  il  sortit  du  château,  k  cheval,  accompagné 
des  Seigneurs  de  sa  Cour  et  des  Consuls,  tous  h  pied, 
pour  parcourir  les  rues  de  la  cité  ;  mais  une  finie  averse 
obligea  le  cortège  k  rentrer  k  la  h&te.  Le  Roi  chercha 
k  se  dédommager  de  ce  contre-temps,  en  offrant  au  Sei- 
gneurs étrangers  qui  l'entouraient,  le  spectacle  des  joèiea 
et  des  tournois.  Cependant,  Jacques  de  Majorque  agimaK 
beaucoup  auprès  du  Saint-Père  pour  obtenir,  par  son  inter^ 
vention,  qu'on  lui  restituât  ses  États,  et,  pour  sa  femme, 
la  permission  de  venir  le  rejoindre,  comme  elle  en  avait  le 
dt'sir;  le  IW\  do  Franco  semblait  aussi  s'intéresser  h  ce 


CHAPITRE  DOUZliUB.  239 

malheureux  prince.  Pierre  n'était  pas  homme  à  céder  sur 
le  premier  article.  Il  crut  ne  pas  devoir  refuser  le  second 
au  Pape,  dont  il  avait  obtenu  tout  ce  qu'il  avait  demandé; 
mai&y  pour  que  sa  sœur  ne  traversât  pas  le  Roussillon ,  il 
fit  armer  k  Collioure  des  galères  qui ,  ayant  été  la  prendre 
au  port  de  LIança,  la  débarquèrent  à  Leucate.  Le  Nonce 
fut  la  recevoir,  et  la  conduisit  k  Montpellier,  où  elle  mourut 
en  i346.  Cette  précaution  n'était  peutrétre  pas  inutile;  car 
il  se  tramait  une  conspiration  pour  rendre  Majorque  à  son 
Roi,  et  se  défaire,  a  Perpignan,  de  celui  d'Aragon.  Le 
complot  était-il  réel?  ou  bien  était-ce  une  invention  de 
Pierre?  L'histoire,  à  la  vérité,  offre  souvent  des  conspi- 
rations dans  les  premières  années  d'un  nouveau  gouver- 
nanient;  mais  ces  complots,  réels  lorsqu'ils  sont  dirigés 
caotre  des  princes  faibles  et  inhabiles,  sont  ordinairement 
supposés  par  des  usurpateurs  adroits,  et  Pierre  doit  être 
nMÈgé  dans  cette  dernière  catégorie.  Contentons-nous  de 
raf^mrler  les  Ëiits,  tels  que  les  écrits  du  temps  nous  les 
ont  transmis.  Ils  disent  que,  vers  la  fin  d'octobre  1346,        4546. 
une  femme  découvrit  au  Roi  que  son  mari  était  instruit 
du  projet  formé  de  le  tuer  d'un  coup  de  flèche,  lorsqu'il 
^e  promènerait  dans  les  rues  de  la  ville.  Les  scélérats 
chargés  de  commettre  ce  crime,  se  retiraient  chez  un 
certain  François  de  Caldés;  on  devait,  en  même  temps, 
^'emparer  de  plusieurs  forteresses,  et  entr'autres  du  châ- 
teau de  Perpignan,  dont  on  s'était  procuré  de  fausses  clefs. 
I^ierre  fit  arrêter  ceux  qu'on  accusait  d'avoir  pris  part 
k  cette  conspiration.  Les  principaux  étaient:  François 
d'Oms ,  Jean  de  Saint-Jean ,  Richelm  de  Vemet ,  Guillot 
de  Claira,  etc.,  qu'on  envoya  k  Barcelone,  où  ils  furent 
enfermés  au  Château -Neuf,  et  quelques-uns  payèrent  de 
leur  tête  le  crime,   vrai  on  supposé.  Dans  le  mois  de 
septembre  de  cette  année,  le  Roi  d'Aragon  avait  reçu,  k 


340  HISTOIRB  DU   ROUSSILLON. 

Perpignan ,  des  ambassadeurs  de  Venise,  envoyés  poor  j 
faire  ratifier  le  traité  d'alliance  conclu  par  cette  HépttUiqw 
avec  Don  Guillaume  de  Cerveillon,  gouvemeor  de  111e  ëe 
Sardaigne.  Il  fut  rappelé,  quelque  temps  après,  dans 
anciens  États,  k  cause  des  troubles  qui  s'y  étaieDi 
Jacques,  voulant  profiter  de  ces  circonstances  GivofiUes» 
se  présente  avec  quelques  galères,  soutenues  par  OM  folle 
française,  devant  l'Ile  de  Majorque,  qu'il  espérait  hin  sou- 
lever en  sa  iaveur.  N'ayant  pas  réussi,  il  assemble  le  phe 
de  troupes  qu'il  peut;  entre  en  Roussillon  du  côté  de  Vinca, 
s'empare  de  cette  place,  de  Villefranche  et  de  presfw 
le  Gonflent.  Arnaud  d'Ëril,  gouverneur  du  Rotissilkwi» 
attendre  les  renforts  que  Pierre  s'occupe  à  réunir 
Figuères,  marche  sur  Vinça,  qu'il  attaque  prédpit 
Il  est  repoussé  ;  mais  la  garnison ,  fort  maltrailée 
combat,  se  retire  la  nuit  suivante.  Éril  profite  de  ee 
vement  pour  pénétrer  dans  la  ville,  et  y  faire  un 
carnage  des  troupes  de  Jacques.  Une  colonne  <|iii  sV 
pait  par  la  porte  de  la  Tet,  perdit  beaucoup  de 
noyé  dans  cette  rivière ,  grossie  par  une  très  fiMe 
Le  reste  de  la  garnison  se  défendit  dans  Téglise;  f  IM 
forcée,  et  il  ne  s'en  serait  pas  sauvé  un  seul  lieiMie,  ei 
l'attrait  du  pillage  n'avait  détourné  les  vainqMiini 
poursuite  des  fuyards.  Après  ce  succès,  Éril  aiafck 
Codalet  ;  le  Roi  de  Msyorque ,  sorti  du  chàlsta  d*i 
pour  lui  livrer  bataille,  change  tout-à-coup  de  étmàm  €l 
fiût  une  pointe  vers  Puycerda.  Gette  opératkMi,  doM  le  lé^ 
sultat  immédiat  fut  de  livrer  Godalet»  MarqeiiaMS  el  A»» 
des  aux  Aragonais,  ne  produisit  aucen  eliel  en  fffwltg>a 
Jacques  revint  dans  le  Gonflent^  où  il  pilla  ViHefinMidie«  et 
se  retira  de  Ui  en  France,  laissant  des  gamisoiis  k  Afrift» 
Puyvalador,  et  dans  quelques  autres  châteaux.  A  le 
velle  du  combat  de  Viuça,  le  Roi  dWragon  %*Mà 


CHAPITRE   DOUZIÈME.  241 

par  Saint-Jean-Pla-de-Corts,  sur  Thuir,  à  la  tête  de  quatre- 
vingts  cavaliers.  Cette  marche  contribua  sans  doute  à 
décider  la  retraite  précipitée  du  Roi  de  Majorque  :  il  était 
temps ,  en  effet,  qu'il  l'effectuât.  Pierre  s'avança  jusqu'à 
Sainl-Michel-de-Cuxa ,  où  il  s'arrêta  huit  jours;  et,  après 
avoir  repris  tous  les  châteaux ,  hors  celui  d' Arria ,  il  se 
rendit  k  Perpignan  vers  la  fin  de  juin  1547.  Il  y  séjourna  4547. 
environ  un  mois,  occupé  à  rétablir  l'ordre  dans  le  pays. 
Le  Sénéchal  de  Carcassonne  vint  l'y  trouver  de  la  part 
du  Roi  de  France ,  pour  lui  donner  des  explications  au 
sujet  des  plaintes  portées  par  Pierre  à  ce  SouTcrain,  sur 
ce  qu'étant  en  paix  avec  lui ,  il  souffrait  que  ses  sujets 
fournissent  des  secours  aux  ennemis  de  l' Aragon. 

Le  peu  de  succès  de  sa  dernière  entreprise  n'avait  pas 
découragé  le  Roi  de  Majorque.  Ayant  vendu  pour  cent 
vingt  mille  écus  la  Seigneurie  de  Montpellier  à  Philippe- 
de-Valois,  il  équipa  en  Provence,  où  il  était  favorisé  par 
la  reine  Jeanne  de  Naples,  une  flotte  de  quatorze  galères 
et  de  plusieurs  autres  grands  vaisseaux.  Ayant  embarqué 
trois  mille  hommes  de  pied  et  quatorze  cents  chevaux, 
il  descendit  au  commencement  de  juin  1549  dans  l'ile 
de  Majorque.  Gilabert  de  Centelles  en  était  Gouverneur 
pour  le  Roi  d'Aragon,  et  recevait,  presque  dans  le  même 
temps,  un  secours  envoyé  par  son  maître.  Après  divers 
mouvements  et  quelques  combats  insignifiants ,  les  deux 
armées  en  vinrent  k  une  bataille  générale  le  25  octobre. 
Le  Roi  la  perdit  :  tout  son  monde  fut  tué  ou  pris;  il  y 
périt  lui-même ,  après  avoir  fait  des  prodiges  de  valeur. 
Son  fils ,  nommé  Jacques ,  n'ayant  que  treize  ans ,  avait 
absolument  voulu  combattre  k  ses  côtés  ;  il  fut  blessé  au 
visage,  et  tomba  au  pouvoir  des  Aragonais.  On  l'enferma 
d'abord  dans  le  château  de  Xativa,  et  ensuite  dans  le  petit 
palais  de  Ilarcelone.  Pierre  fil  porter  à  Valence  le  corps  du 

16 


242  HISTOIRB  DU  ROUSSILLON. 

RoideMajorque.  On  l'enterra  dans  lechœurdeiicatliédnle. 
Par  la  mort  de  ce  prince  et  la  captivité  de  son  fib,  le  Roi 
d'Aragon,  se  trouvant  paisible  possesseur  de  leurs  États, 
résolut  de  réclamer,  auprès  du  Roi  de  France,  les  droits 
qui  lui  compétaient  sur  Montpellier,  Cariai  et  Onélas, 
dont  il  prétendait  que  la  vente  faite  par  Jacques  ëc«t 
nulle.  Il  lui  envoya,  à  cet  effet,  Pierre  de  FeDOuillet, 
vicomte  d'Ille.  Ce  chevalier  roussillonnais,  très  distÎBgsé 
par  son  courage  et  sa  prudence,  avait  lui-même  des 
réclamations  k  faire  à  la  Cour  de  France ,  au  sujet  de  h 
Vicomte  de  Fenouillèdes.  Durant  la  guerre  des  Allngeois, 
cette  terre  avait  été  confisquée  sur  sa  famille,  qui  s'étsbiil 
alors  en  Roussillon ,  et  y  acquit,  par  un  mariage,  b 
Vicomte  d'Ille ,  k  laquelle  sa  mère  ajouta  celle  de  G»<- 
net  dont  elle  était  héritière.  Il  ne  réussit  point,  ea  ce 
qui  le  concernait;  et,  quant  à  la  négociation  ddH  il 
était  chargé ,  elle  ne  fut  terminée  que  Tannée  smvaate  « 
par  les  plénipotentiaires  des  deux  Couronnes,  remis  il 
Perpignan.  La  vente  fut  déclarée  bonne  et  valable; 
on  convint  que  la  partie  du  prix  non  soldée,  serait 
au  Roi  d'Aragon ,  toutefois  avec  le  consentement  de  11a- 
fant  de  Majorque. 
Éléonore,  femme  de  Pierre  IV,  lui  ayant  donné  im  ib 
4550.  le  27  décembre  i5ii0,  le  Roi  appela  k  Rarcelone  les  Sfs- 
dics  des  villes  royales  du  Roussillon,  pour  leur  fiûre  prêter 
serment  de  fidélité  à  cet  enfant,  son  héritier  présomptif 
Les  Syndics  de  Thuir,  s'étant  rendus  au  palais  le  4 
135t,  observèrent  que  le  jeune  prince  n'étant  qœ 
sa  quatrième  année,  ils  ne  devaient  faire  le  serment  q«'< 
leur  demandait,  que  lorsque  le  Roi ,  comme  tuteur  de 
fils,  leur  aurait  juré  de  maintenir  leurs  privilèges, 
que  l'union  des  Comtés  à  la  Catalogne  et  an  Royaow 
d'Amfn'fMi.  PitTfe  adhéra  volontiers  li  leur  demande.  Ce 


CHAPITRE  DOUZIÈME.  243 

prince  venait  souvent  à  Perpignan  :  il  s*y  trouvait  le  16 
décembre  135i,  date  de  Tordre  qu'il  donna  de  remplacer 
Tère  des  Augustes  par  celle  de  la  Nativité  y  et  d'aban- 
donner la  manière  de  compter  des  Romains  par  calendes^ 
ides  et  nones,  en  indiquant,  soit  en  latin,  soit  en  romance, 
le  quantième  du  mois.  Cette  ordonnance,  motivée  sur  la 
conflision  introduite  dans  la  chronologie  par  les  divers 
modes  de  dater  les  actes,  fut  adoptée  par  les  Certes 
tenues  dans  cette  même  ville,  le  i4>  mars  suivant.  Depuis 
cette  époque.  Tannée,  au  lieu  du  25  mars,  commença 
au  25  décembre. 

Nous  avons  un  grand  nombre  d'ordonnances  de  ce 
prince ,  soit  concernant  la  ville  de  Perpignan ,  soit  au  su- 
jet des  affaires  du  pays.  Nous  nous  contenterons  de  citer 
les  deux  suivantes,  propres  à  faire  connaître  son  caractère. 
Sur  une  fausse  exposition ,  faite  par  les  tisseurs  de  laine 
de  Perpignan ,  il  avait  transporté  au  Puig  de  Saint-Jacques 
le  marché  de  la  laine,  qui  se  tenait  auparavant  à  la  place 
dds  Clergues  (aujourd'hui  place  d'Armes).  Une  réclamation 
des  Consuls  fit  révoquer  cette  ordonnance,  qui  fut  ensuite 
renouvelée,  lu  la  demande  des  tisseurs,  appuyée  par  un 
don  de  cinquante  florins.  Les  Consuls  étant  revenus  k  la 
charge,  le  Roi  abrogea  de  nouveau  son  ordonnance, 
s'excusant  sur  la  fragilité  humaine,  qui  ne  permet  pas  k 
un  homme  chargé  de  tant  d'affaires  de  se  souvenir  de 
tout.  Comme  il  n'est  plus  question  des  cinquante  florins, 
il  est  permis  de  croire  qu'il  oublia  de  les  rendre.  Il  n'était 
pas  très  délicat  sur  les  moyens  de  se  procurer  de  l'argent, 
comme  on  pourra  en  juger  par  le  fait  suivant.  Son  fils  Jean 
étant  Gouverneur  des  Comtés,  le  Bailli  de  Perpignan ,  se 
fondant  sur  un  ancien  privilège ,  avait  remis  k  un  criminel 
la  peine  du  bannissement,  moyennant  une  composition  de 
quarante  sols.  Le  Chancelier  du  jeune  prince  ordonna  au 


UH  HISTOIRE  DU  KOUSSILLON. 

Bailli  de  bannir  le  coupable,  en  lui  restituant  les  quarante 
sols.  I^  Roi  écrivit  h  son  tils,  à  la  sollicitation,  dit-il,  dea 
Députes  de  Perpignan ,  jaloux  de  conserver  ce  privilège, 
lui  ordonnant,  toutefois,  de  maintenir  la  compoailioD. 
fxHnnie  il  en  percevait  le  montant,  il  tenait  bien  plus  que 
les  Députés  de  la  ville  au  maintien  de  cet  absurde  privilège. 
La  paix  de  la  France  avec  l'Angleterre  laissant  les  gens 
de  guerre  sans  occupation,  ils  se  formèrent  en  compagnies, 
sous  la  conduite  de  divers  chefs ,  et  pillèrent  tous  les  pavs 
où  ils  purent  pénétrer.  Tne  bande  de  ces  Malandrins  (e'est 
4561.  ainsi  qu'on  les  appelait  )  entra  dans  la  province  en  1361, 
et  prit  le  château  du  Réart  ;  mais  repoussée  par  le  Conte 
d'Ampurias,  et  craignant  l'arrivée  du  Roi,  elle  se  retira 
en  brûlant  le  Mas-Deu ,  après  n'avoir  séjourné  que  hail 
jours  dans  le  pays ,  et  s'arn*ta  sur  la  frontière.  Pour  se 
prémunir  contre  une  seconde  visite,  on  plaça  au  ehlteao 
de  Perpignan ,  où  se  trouvait  l'Infant  Don  Martin  avee  sa 
gouvernante ,  une  garnison  fixe ,  payée  deux  mois  4'a- 
vance;  le  Kolo  fut  occupé  par  Don  Bernard  d'Oms,  et 
la  grange  de  Piijol  confiée  à  Don  Huguet  de  Banyuls.  Le 
premier  signifia  au  (iouvemeur  du  Roussillon ,  qo'k  moins 
de  grandes  réparations  à  la  place ,  et  de  six  cents  k  mille 
hommes  do  garnison,  il  ne  pouvait  la  défendre  comne 
son  h^mneur  ot  le  service  du  Roi  l'exigeraient.  Le  second 
s'engagea ,  avec  la  permission  du  (iouvemeur,  lorsqu'on 
n'aurait  plus  it  craindre  les  compagnies,  à  rendre  sa  place 
à  l'abbaye  de  Font -Froide,  à  laquelle  elle  appartenait, 
(les  détails  nous  sont  consi'rvés  par  des  actes  de  notaires, 
étranges  intermédiaires  par  lesquels  avaient  lieu  alors  les 
relations  de  Tautorité  avec  ses  agents.  Nous  y  voyons 
aussi  qu'on  ne  craignait  plus  rien  en  octobre  I3M2, 
«*pnqiir  oit  le  ronimaiMlanl  d'Kliio  mu'ii  sa  place  au  Gou- 
veriHMir  du  HmissillMii. 


CHAPITRE   DOUZIÈME.  245 

L'Infant  de  Majorque  était  gardé  dans  le  Château-Neuf 

€}e  Barcelone  avec  tant  de  soin  et  de  rigueur ,  que  ses 

S€dliers  ne  le  quittaient  qu'en  renfermant  dans  une  cage 

^  fer.  Malgré  ces  précautions,  le  i^i*  mai  i362,  ses  amis 

s'introduisirent  dans  sa  prison,  au  moyen  de  fausses  clefs, 

que  leur  procura  Jacques  de  Saint-Clément,  grand-chantre 

de  la  cathédrale;  ils  égorgèrent  Nicolas  Rovira,  chargé  de 

le  garder  ce  jour-là,  et  firent  évader,  à  minuit,  et  partir 

po«r  Naples  le  prince  prisonnier.  Il  s'y  maria  avec  la  reine 

Jeanne,  veuve  depuis  peu.  Cette  évasion  inspira  de  grandes 

raquîétudes  au  Roi  d'Aragon,  qui,  ayant  déjà  sur  les  bras 

les  Roisde  Castille  et  de  Navarre,  chercha  partout  des  alliés. 

Aussi,  le  voit^n  conclure,  k  Perpignan,  le  25  septembre 

1362,  un  traité  avec  Ayméri,  vicomte  de  Narbonne , 

d'après  lequel  il  lui  assure  une  pension  de  mille  sols 

barcelonais,  assignée  sur  les  revenus  du  Vallespir:  ils 

y  conviennent  de  se  secourir  mutudiement ,  le  Roi  avec 

cent  chevaliers  entretenus  à  ses  frais,  le  Vicomte  avec 

▼ingt^cinq  glaives  en  Roussillon  et  en  Cerdagne,  et  avec 

cent  partout  ailleurs.  Le  Roi  devait  payer  ce  secours,  h 

raison  de  vingt  florins  par  mois  et  par  glaive.  Le  12  juillet 

précédent,  la  Reine  d'Aragon  avait  mis  au  monde,  a  Per-        4362, 

pîgnan,  un  enfant,  qui  reçut  le  nom  d'Alphonse  et  mourut 

en  bas-âge. 

Peu  de  princes  ont  été  aussi  ocxjupés  que  Pierre  IV  a 
comprimer  les  révoltes  de  ses  sujets,  à  exciter  des  troubles 
chez  ses  voisins,  ou  à  négocier  avec  eux.  Le  détail  de  ces 
intrigues  est  étranger  à  notre  objet;  mais  nous  ne  pouvons 
nous  empêcher  de  dire  un  mot  d'un  Roussillonnaîs ,  que 
ses  grands  talents  firent  employer  pendant  vingt  ans  dans 
toutes  ces  négociations.  François  de  Périllos,  vicomte  de 
Roda,  était  fils  de  Raymond,  dont  nous  avons  parlé  sous  le 
rè^e  de  Sancho.  Il  passait  à  la  fois  pour  un  marin  habile 


346  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

et  pour  un  intrépide  chevalier.  Pierre  se  l'attacha ,  ea  le 
nommant  son  Chambellan  :  il  l'employa,  de  1356  à  ISTS, 
a  traiter  avec  les  Rois  de  France,  de  Castille  et  d'Angle- 
terre. Revenant  en  i373  de  cette  dernière  miflak»,  qoî 
avait  pour  but  de  négocier  un  traité  d'alliance  avec  le  Dm 
de  Lancastre,  prétendant  k  la  Couronne  de  CastiUe,  Q  fiu 
arrêté  sur  les  côtes  de  Grenade,  où  le  Roi  le  retkii«  ce 
représailles  de  ce  qu'un  de  ses  vaisseaox  avait  été  captnié 
par  les  Aragonais  sur  la  côte  d'Afrique.  Il  avait  reeowié 
sa  liberté  en  i375,  puisque,  se  trouvant  alors  k  Barcdone, 
il  accusa  devant  toute  la  CourD.  Juan  Ramirésde  ArellaM, 
seigneur  castillan,  d'avoir  excité  Jacques  de  MiyorqM  h 
faire  la  guerre  au  Roi  d'Aragon,  et  offrit  de  soulenir  eoii 
assertion  les  armes  a  la  main.  Le  défi  fut  accepté;  le  Roi  ttut 
le  jour  du  combat,  qui  n'eut  cependant  pas  lieu ,  parce  que 
Pierre,  se  rendant,  quoiqu'k  regret,  k  l'avis  de  ses  cooteîl* 
1ers ,  intimidés  par  tes  menaces  du  Roi  de  Castille ,  ne  le 
permit  pas,  et  reconnut  Arellano  incapable  d'une  pareille 
action.  Périllos,  indigné  d'avoir  été  ainsi  abandoBué  par 
le  Roi,  renonça  probablement  k  son  service,  du  moÎM 
on  ne  le  voit  plus  employé  ;  et  dans  les  Cortés  de  Toi^ 
tose,  en  1383,  il  figure  panni  les  Seigneurs  refusant  le 
subside  demandé  pour  la  guerre  de  Sardaigne,  déaip* 
prouvée  par  les  Catalans.  Il  fut  un  de  ceux  qu'on  expulsa. 
de  l'assemblée,  ou  cette  violence  excita  de  grands  troiH 
blés  (ZuKiTA,  Ferreras). 
Parmi  les  nombreux  traités  conclus  par  Pierre  IV ,  an 
13(m.  seul,  celui  du  0  octobre  1363,  par  lequel  il  se  Ue  avec 
Henri  de  Transtamarre  contre  Pierre -le -Cruel,  rcM  de 
Castille,  a  quelque  rapport  avec  l'histoire  du  RoussiDoo. 
Il  y  fut  convenu  que  ces  princes  se  donneraient  rédpro* 
(|uenieiit  des  otages;  que  ceux  du  Roi  seraient  gardés 
«lans  le  château  cfOitol  |>ar  un  oHicior  du  Comte,  et 


GH;4PlTftE   DOUZIÈME.  247 

de  ce  dernier,  au  château  de  Tautavel,  sous  la  garde  d'un 
officier  aragonais.  Les  compagnies  de  Uouiiers  français 
et  anglais,  qui  devaient  former  l'armée  de  Transtamarre, 
s» 'approchèrent  de  nos  frontières,  se  logeant  partout  où 
elles  pouvaient.   L'une  d'elles  s'empara ,  en  1564 ,  du 
ohâteau  de  Tarrerach,  dont  on  ne  put  la  chasser  que  vers 
la  fin  de  1365,  au  moyen  de  deux  machines  de  guerre 
appartenant  k  la  ville  de  Perpignan,  qu'elle  fit  réparer  et 
transporter  à  ses  frais ,  pour  être  employées  à  ce  siège. 
Enfin ,  les  principaux  chefs  de  ces  aventuriers,  vont  trou- 
ver le  Roi  d'Aragon  à  Barcelone;  en  obtiennent  une  forte 
somme  d'argent,  et  la  permission  de  traverser  la  province 
dans  le  mois  de  décembre  1565.  A  cette  nouvelle,  les 
Consuls  de  Perpignan  s'empressent  d'acheter  deux  cents 
aymines  de  blé ,  pour  fournir  des  rations  à  ces  hôtes , 
toujours  dangereux,  surtout  lorsqu'ils  ne  trouvaient  pas 
fies  vivres.  Le  prix  était  de  trente-trois  sols  l'aymine ,  et 
s'il  n'était  pas  payé  au  l^r  avril  1566,  la  ville  s'engageait 
h  vendre  le  droit  d'aide  qu'elle  percevait  sur  le  vin,  et  à 
employer  à  solder  cette  dette,  le  premier  paientient  qu'on 
lui  ferait.  Ces  compagnies,  sous  les  ordres  de  Duguesclin, 
chassèrent  Pierre-le-Cruel  de  la  Castille  ;  mais,  ayant  été 
Jbattnes  à  leur  tour  par  le  Prince  de  Galles,  Henri  dut 
se  réibgier  en  France.  Ayant  formé  une  nouvelle  armée 
aux  environs  du  château  de  Pierrepertuse,  il  se  disposait 
en  septembre  1567  à  suivre  la  route  qu'il  avait  prise  en 
1565;  mais  le  Roi  d'Aragon,  réconcilié  avec  celui  de 
Castille,  lui  fit  signifier,  par  le  Gouverneur  du  Roussillon, 
qu'il  s'opposerait  à  son  passage,  et,  pour  cette  fois,  la 
province  fut  délivrée  d'une  visite  fort  onéreuse.  Plusieurs 
quittances  exhumées  de  nos  archives  prouvent,  qu'en 
juillet  et  août  1568,  on  fit  de  grandes  réparations  aux  murs        1509, 
de  la  ville,  à  la  porte  de  VAxugador  (entre  Saint-Jean  et 


2i8  HISTOIRE  DU   ROt'SSILLON. 

Saint-Doniilliquc ) ,  qu'on  exhaussa,  et  aux  denuMoim 
contiguës  k  la  porte  Notre-Dame.  On  fortifia  Tégliae  de 
ce  nom,  au  faubourg,  ainsi  que  le  pont  de  comunui- 
cation  avec  la  ville,  peux  de  ces  pièces  disent  formeUe- 
incnt,  qu'on  exécutait  tous  ces  ouvrages  pour  «  s'opposer 
au  passage  de  Duguesclin ,  dont  on  était  menacé  an  temps 
des  vendanges  de  1568.  »  On  sait  que  ce  grand  ca|Mtaiiie 
amenait  six  cents  lances  françaises  au  seoours  de  Don 
Henri  de  Transtamarre ,  qu'il  joignit  peu  de  temps  aient 
la  bataille  de  Montiel.  Ces  documents  prouvent  que  eelte 
bataille  et  la  mort  de  Pierre-le-Cruel,  ne  peuvent  avoir  ea 
lieu  en  mars  1368,  comme  le  disent  plusieurs  auteovs, 
4369.       et  qu'il  faut  les  rapporter  à  l'an' 1369. 

Le  Roi  titulaire  de  Majorque,  peu  satisfait  des  eoodi- 
tiens  qu'on  lui  avait  imposées  lors  de  son  mariage  avec 
la  Reine  de  Naples,  et  humilié  de  n'être  que  son  siqel, 
s'était  réfugié  à  la  Cour  de  Pierre-le-Cruel.  Pris  en  1368, 
dans  le  château  de  Calahorra,  par  Henri  de  Transtamarre, 
il  recouvra  sa  liberté  l'année  suivante,  moyennant  une 
rançon  de  soixante  mille  ducats,  payée  par  sa  feaunae, 
qui  ne  put  le  retenir  auprès  d'elle.  Retiré  chez  le  Coorte 
de  Foix,  il  acheta  les  services  de  quelques  compagnies 
d'aventuriers  français;  et,  soutenu  par  le  Roi  de  Casiille, 
il  entra  en  Roussillon  en  137i,  passa  à  une  lieue  de 
Perpignan,  sans  oser  lattaquer,  et  marcha  vers  le  col 
de  Panissas  :  mais,  éprouvant  de  la  résistance  sur  ce 
point,  il  changea  de  direction;  pénétra  en  Catalogiie  par 
Puycerda,  et  s*avança  jusqu*k  llrgel.  Son  armée  ne  troa- 
vaut  aucune  s}m|iathie  parmi  les  habitants,  qui  se  réfÎH 
giaient  sous  les  places  fortes  avec  leurs  bestiaux  et 
drnrées,  ne  tarda  pas  à  se  fondre  par  le  manque  de 
•*t  la  crainte  du  Roi  d\\ragon,qui  marchait  à  sa  rencontre 
Jacqurs  repassa  les  Pxivnées;  reçut  des  renforts  fourni 


CBAPIIHB  DOUZiiMB.  Si9 

par  le  Duc  d'Anjou,  et  rentra  dans  rAragon  par  la  vallée 
du  Gallego.  Cette  seconde  tentative  ne  fut  jias  plus  heu- 
reuse  que  la  première.  Harcelé  par  les  troupes  de  Pierre  ; 
manquant  de  tout,  il  se  retirait  vers  la  Castille ,  lorsqu'il 
mourut  k  Soria.  Ses  troupes  rentrèrent  en  France  avec 
sa  sœur  Isabelle. 

Cette  princesse,  encore  enfant  en  1546,  lorsqu'on  ren- 
voya la  Reine  de  Majorque  à  son  mari,  fut  probablement 
retenue  k  Barcelone  par  Pierre  IV,  son  oncle,  qui  la  fit 
élever  à  sa  Cour,  et  la  maria,  le  4  septembre  1358,  k 
Jean  II  Paléologue,  marquis  de  Monferrat,  en  lui  donnant 
quarante  mille  florins  d'or.  Le  Roussillonnais  François  4e 
Périllos  fut  chargé  de  la  conduire  en  Italie,  k  son  mari. 
\eum  en  1372,  elle  voulut  accompagner  son  frère  dans 
sont  expédition  contre  F  Aragon.   Après  la  mon  de  ce 
piinoe,  héritière  de  ses  droits,  elle  les  vendit  le  13  juin 
13814 à  Louis,  duc  d'Anjou,  frère  du  Roi  de  France,  et       4381. 
jreçolien  échange,  pour  en  jouir  sa  vie  durant,  la  Baronnie 
4le  Lmel.  Pierre,  craignant  ce  nouveau  compétiteur.  Ta* 
«nusa  par  des  négociations ,  qui  auraient  été  sans  doute 
terminées  par  la  voie  des  armes,  si  le  Duc,  adopté  par 
ia  hmne  de  Naples,  n'eût  été  détourné  de  la  poursuite 
<le  ses  prétentions  par  les  aflaires  d'Italie.  Il  s'y  rendit,  et 
mourut  auprès  de  Baïa  en  1384.  Quant  k  Isabelle,  nous 
4a  voyons,  dès  l'année  1382,  revendiquer  sur  le  Roi  de 
France  la  Baronnie  de  Montpellier ,  cet  objet  n'ayant  pas 
été  compris  dans  la  vente  faite  par  son  père  de  la  ville 
et  de  la  baillie.  Yolande,  veuve  de  ce  prince,  en  avait 
joui  k  titre  de  douaire  ;  et ,  k  sa  mort ,  les  gens  du  Roi  de 
France  s'en  étaient  saisis  en  l'absence  du  jeune  Jacques 
de  Majorque.  Enfin,  le  8  septembre  1395,  cette  afiaire 
Tut  entièrement  terminée  :  Isabelle  céda  tous  ses  droits 
au  Roi ,  moyennant  une  pension  viagère  de  douze  cents 


250  HISTOIRE  DU  ROU88ILLON. 

franc8  d'or,  et  une  somme  de  cinq  mille  francs  d'or, 
une  fois  payée. 

La  tranquillité  du  Roussillon  semblait  devoir  être  uan- 
rée  par  la  mort  du  Duc  d'Anjou  :  elle  fut  cependant  lor 
le  point  d'être  troublée  en  1385.  Des  troupes  firançaiaes 
s'étaient  réunies  à  Durban  pour  marcher  au  aecouv  du 
Comte  d'Âmpurias,  alors  en  guerre  avec  le  Roi  d'Aragon  ; 
mais  elles  se  laissèrent  surprendre  par  l'Infant  Don  Jets, 
qui,  parti  de  Figuères,  à  la  tête  de  trois  cents  chevaoi,  les  il 
prisonnières,  et  les  conduisit  à  Perpignan.  Ce  prince,  héri- 
tier présomptif  de  la  Couronne  d'Aragon,  parait  avoir  eiereé 
une  grande  autorité  dans  la  province  du  vivant  de  soa 
père,  qui  lui  avait  donné,  par  lettres-patentes,  datées  de 
I5G8.       Itarcelone  le  26  juin  1368,  les  revenus  et  droits  rayan 
du  Roussillon  et  de  la  Cerdagne,  a  l'exception  d«  droit 
d'amortissement ,  et  des  terres  précédemment  domiées  a 
sa  mère  Éléonore  et  à  sa  sœur  Constance.  Il  lui  accoidait, 
de  plus,  la  faculté  de  changer  tous  les  officiers  royau, 
hors  le   gouverneur  et  ses  assesseurs.  Don  Jeta  avait 
exercé  dans  ce  pays  un  pouvoir  fort  étendu;  car,  le  1*^ 
juillet  1372,  il  ordonne  à  ses  lieutenants  dans  les  Cob- 
tés,  aux  viguiers,  aux  officiers  royaux  et  aux  siens,  de 
faire  observer  les  usages  du  pays,  nonobstant  les  letlKS 
surprises  a  son  père,  le  4  mars  précédent,  par  rÉvèf|ee 
d'Ëlne.  Le  30  octobre  1381,  il  vendit,  avec  le  consen- 
tement de  son  père,  la  Itaronnie  do  Montesquio,  a^ 
SCS  justices  et  ses  dépendances,  ii  Ikirthélemi  Gasi,  auqneB 
il  engagea,  le  lendemain,  les  villes  et  châteaux  de 
et  du  liolo.  l'uc  lettre  de  Pierre  IV  au  Commissaire 
amortisations  des  Comtés,  datée  de  Barcelone,  le  S  aoèi 
1368,  et  une  quittance  de  louvrier  majeur  du  canal  roj 
de  PeqHgnan ,  nous  apprennent  que,  dans  cet  intervalle 
on  avait  fait  h  Taqurdur  de  ce  canal  une  ré|iaration  i 


CHAPITRE  DOUZliMB.  251 

tante,  qui  avait  coûté  quinze  mille  sols  de  Barcelone  (Cart. 
RoussiU.).  Un  document  fourni  par  ce  même  recueil,  nous 
Tait  présumer  que  c'est  en  1369,  qu'on  éleva  les  deux 
digues  qui  contiennent  l'Agly,  depuis  Claira  jusqu'à  la 
mer*.  Pierre  IV  mourut  à  Barcelone  le  5  janvier  1387,        ^3^7. 
après  un  règne  de  cinquante-et-un  ans.   Actif,  habile, 
courageux,  il  eut  plusieurs  des  qualités  d'un  grand  Roi; 
mais  une  ambition  démesurée  le  rendit  souvent  injuste, 
perfide  et  même  cruel.  Il  eut  pour  successeur  son  fils 
aine,  Jean  !«',  né  à  Perpignan,  le  27  décembre  1350. 
Le  Roussillon  devait  encore  éprouver  sous  le  règne  du 
fils  une  invasion ,  suite  funeste  de  la  révolution  opérée  par 
le  père  en  1344.  Les  arrangements  qu'Isabelle  de  Majorque 
avait  pris  au  sujet  de  ses  droits  sur  les  États  de  son  père 
avec  le  duc  Louis  I^  d'Anjou ,  ayant  été  annulés  par  la    . 
mort  de  ce  dernier,  elle  les  vendit  au  Comte  d'Armagnac,     i 
Bernard,  firère  de  ce  Comte,  rassembla  une  armée  de  dix- 
huit  mille  hommes,  composée  d'aventuriers  français  et  an- 
glais; entra  dans  la  province  vers  la  fin  de  décembre  1389, 
sons  prétexte  de  revendiquer  les  droits  de  son  firère  ;  pé- 
nétra même  en  Catalogne,  et  mit  le  siège  devant  le  château 
de  Bésalu  dans  le  mois  de  février  1390.  Mais  Ik  se  bornè- 
rent ses  exploits  ;  car  sa  conduite  ultérieure,  fut  celle  d'un 
obef  de  brigands.  Il  n'osa  point  attendre  le  Roi  s'avançant 
|M>ur  lui  livrer  bataille,  et  se  retira  k  travers  le  Roussillon, 
Y.oQJours  poursuivi  par  Jean,  qui  s'arrêta  a  Perpignan  jus- 
«^u'au  commencement  de  mai.  A  peine  ce  prince  était-il  de 


t  Les  taritoires  ritenins  de  l'Agly  dtns  la  Saltnqne ,  éuieot  oonstamment  inondés  ptf 
«^c^iie ririèn.  Pierre  IV  ordonna,  en  1960.  une  visite  générale  des  lieux,  pour  aTÎser  aox 
t^  r-iTau  i  foire .  afin  de  donner  un  libre  coors  anx  eaax  et  en  délivrer  les  terres.  Noos  appre- 
■>«as  ces  teits  par  une  lettre  de  rinftmte' Jeanne  anx  Consnls  de  Claira  et  de  Saint- 
^i-^avcnt ,  où  elle  leur  ordonne  de  payer  hait  sols  de  tem  par  joor,  tant  que  dniera  cett^ 
"*^i:*ile,  à  OD  prêtre  très  expert  dans  ces  matières,  qu'elle  y  envoie  pour  veiller  anx  intérêts 
*3^t^  coaunnnes ,  qui  faisaient  partie  de  son  domaine  particolicr. 


2ô'2  HISTOIRB  DU  ROUSSILLON. 

retour  k  Girone,  que  quelques-unes  des  compagnies  qn'H 
venait  de  chasser  de  ses  États ,  tombèrent  h  Fimprofiste 
sur  Forsa-Real,  qu'elles  tentèrent  en  vain  d'escaltder. 
Elles  cherchèrent,  également  sans  y  réussir,  h  s'empirer 
par  trahison  de  Mosset  et  de  quelques  autres  lieux.  Une 
autre  bande  de  ces  aventuriers,  ayant  passé,  au  moyes  de 
quelques  bateaux,  dans  l'île  de  l'étang  de  Salses,  esatya 
de  surprendre  le  château  de  ce  nom  et  celui  de  Saint- 
Hippolyte.  Gelabert  de  Érailles,  gouverneur  desOimtés« 
résolut  de  ch&tier  ces  maraudeurs,  en  surprenant  un  de 
leurs  capitaines  dans  le  ch&teau  de  Fraisse,  dont  il  était 
Seigneur.  Le  capitaine  se  sauva  ;  mais  le  chiteaa  et  le 
village  furent  brûlés.  Il  attaqua ,  ensuite ,  les  Seigneon 
de  Camps  et  de  Cascastel.  Cette  expédition  ne  prodnisit 
pas  de  grands  résultats;  car,  peu  de  temps  après,  cinq 
cents  hommes  de  ces  compagnies,  sous  les  ordres  du 
Seigneur  de  Fraisse,  de  son  frère  et  d'autres  gentils- 
hommes des  Corbières  et  du  Narbonnais,  pénétrèrent 
jusqu'au  pont  de  Perpignan.  Gelabert  de  Érailles  les  Ibrca 
à  la  retraite;  les  poursuivit  jusqu'à  Rasiguières,  oè  ces 
pillards  se  réfugièrent;  mais,  ayant  voulu  les  y  atlaqner, 
il  fut  repoussé  avec  perte ,  quoiqu'il  eût  été  renforcé  par 
les  garnisons  de  Baixas  et  de  Rivesaltes.  Dans  ane  dépê- 
che, adressée  le  27  janvier  1500  au  Gouvemenr  des 
Comtés,  le  Roi  défendait  à  ses  sujets,  durant  tout  le  conrs 
de  cette  guerre,  de  traiter  de  rançon  avec  aucnn  de 
prisonniers  faits  sur  ces  brigands  :  il  leur  permet  de 
vendre  à  d*autres  habitants  de  ses  terres,  qui  se 
gent  de  les  garder  jusqu'à  la  paix. 

Le  règne  de  Jean  I^c  n'offre  aucun  autre  évènemen 
qui  intéresse  la  province.  Ce  Roi  aimait  prodigieni 
la  chasse  :  avant  voulu  prendre  ce  divertissement  dans 
fonM  de  Foxa,  il  tomba  de  cheval,  ot  mourut,  de  relte^ 


CHAPITIiB  DOUZIÈMB.  253 

chute,  le  19  mai  1596.  Il  ne  laissait  que  deux  filles  :  la       ^^^ 
première,  née  de  son  mariage  avec  Marthe  d'Ârmagnae, 
avait  épousé,  en  1392,  Matthieu,  comte  de  Foix;  la  se- 
conde, fille  d'Yolande  de  Bar,  fut  mariée,  en  14Q0,  avec 
Louis  II ,  duc  d'Anjou ,  roi  titulaire  de  Naples.  Il  avait 
réglé,  par  son  testament,  qu'à  défaut  d'enfants  mâles, 
son  firère  Don  Martin ,  duc  de  Montblanc,  serait  son  suc- 
cesseur. Sans  être  troubadour,  comme  plusieurs  de  ses 
prédécesseurs,  Jean,  pour  complaire  à  sa  dernière  femme, 
avait  formé  k  sa  Cour  une  école  de  gaie  science.  Il  y  atti- 
rait les  poètes ,  les  musiciens  ;  on  ne  s'occupait  que  de 
fêtes,  de  bals,  de  festins,  ce  qui  n'était  pas  trop  du  goût 
de  la  Noblesse  d'Aragon,  qui  trouvait  que  les  plaisirs  lui 
faisaient  négliger  les  affaires.  Il  eut  le  bon  esprit  de  pro- 
fiter des  remontrances  qu'oa  lui  fit  à  ce  sujet.  Généra- 
lement aimé,  il  eut  des  amis  très  dévoués.  De  ce  nombre 
fut  son  premier  chambellan ,  le  RoussUlonnais  Raymond 
de  Périllos,  vicomte  de  Roda,  fils  de  François  de  Périllos, 
dont  il  a  été  question  sous  le  règne  précédent.  Gaubert 
Fabrice  de  Ragud,  moine  cistercien  et  historiographe  des 
Rois  d'Aragon  dans  le  xv^  siècle,  raconte  que  ce  Seigneur, 
désolé  de  la  niort  désastreuse  de  son  maître,  et,  surtout, 
craignant  pour  soa  salut,  entreprit  le  voyage  d'Irlande, 
poor  visiter  une  caverne  connue  sous  le  nom  de  Purga- 
toire de  saint  Patrice,  où  l'on  s'imaginait  qu'on  pouvait 
s'instruire  de  l'état  des  âmes  dans  l'autre  monde.  Il  y 
passa  une  nuit,  et  prétendit  avoir  vu  des  choses  merveil- 
leuses. Dans  la  relation  qu'il  en  publia,  il  affirma  que  le 
Koi  était  condamné  à  de  fortes  peines,  mais  qui  ne  devaient 
pas  être  étemelles.  Cette  caverne,  où  le  bon  chambellan 
crut  voir  de  si  étrapges  choses,  est  située  dans  une  petite 
île  du  lac  de  Dearq,  sur  la  frontière  du  Comté  de  Fer- 
manag,  en  Ultonie:  le  Pape  la  fit  fermer  en  1497,  dans 


^54  HISTOIRE  DU  ROUSSILLOM. 

le  but  de  couper  court  à  toutes  les  superstitioos  dont  die 
était  l'objet. 

Peu  avant  la  mort  du  roi  Jean ,  il  y  avait  en  qsdqMt 
troubles  en  Cerdagne.  Les  communes  et  les  ptitieiiliaB 
arrosaient  leurs  terres,  depuis  un  temps  immémmal,  des 
eaux  dérivées  des  rivières ,  sans  autre  titre  que  VuÊÊfjt. 
Le  Procureur  Royal  voulut,  dans  l'intérêt  du  fisc,  les 
contraindre  k  prendre  des  concessions  royales,  qoH  ftliah 
payer.  Cette  prétention  occasionna  des  mouvements,  que 
François  Batlle ,  envoyé  dans  ce  pays  par  le  Goovmnenr 
de  la  province  en  octobre  1395,  réussit  Si  apaiser,  en 
engageant  les  habitants  à  condescendre  aux  demandes 
du  Procureur  Royal.  Une  de  ces  concessions,  accOTdée 
4395.  à  la  commune  de  Quérol,  est  du  15  novembre  I3B5. 
On  en  trouve,  vers  la  même  époque,  quelques  anlTCt 
accordées  k  des  communes  ou  à  des  particuliers. 

Yolande  de  Bar,  veuve  de  Jean  I«,  mourut  le  15  jrin 
i431,  à  Barcelone,  où  elle  avait  fixé  sa  résidenee.  La 
ville  de  Collioure  lui  avait  été  donnée  par  son  mari.  On 
trouve  un  acte  passé  à  Perpignan,  le  27  avril  1396,  dans 
lequel  elle  permet  aux  habitants  de  cette  ville,  de  leeevnir 
dans  leur  port  les  pirates  et  les  corsaires;  de  leor  Tendre 
des  vivres,  et  d'en  acheter  les  marchandises,  quelle  qne 
soit  leur  origine,  pourvu  qu'elles  ne  proviennent  pas  de 
prises  faites  sur  ses  sujets. 

Matthieu,  comte  de  Foix,  mari  de  la  fille  atnée  de 
Jean  l«r,  prétendit  en  vain  succéder  h  son  bean-père. 
Repoussé  par  les  États  des  trois  provinces,  il  vnnlnt 
soutenir  ses  prétentions  par  les  armes.  Les  sages  me- 
sures prises  par  la  Temme  de  D.  Martin,  et  l'attachement 
<les  peuples  pour  le  nouveau  Roi ,  firent  échouer  tontes 
ses  tentatives.  Il  mourut  sans  |K>stérité  en  1308  «  après 
avoir  [lenlu  toutes  los  terres  qu*il  |M>ss«Htait  en  Catalogne. 


CHilPITRE  DOUZIÈMB.  355 

liC  nouveau  Roi  d'Aragon,  comptant  sur  le  dévoûment 
de  ses  sujets ,  et  occupé  en  Sicile  à  assurer  ce  Royaume 
a  son  fils,  ne  se  pressait  pas  de  venir  en  Catalogne. 
Poor  hâter  son  retour,  les  États  lui  envoyèrent  des  Dé- 
putés, au  nombre  desquels  était  Pierre  Grimau  de  Perpi- 
gnan. Martin ,  avant  de  monter  sur  le  Trdne,  avait  épousé 
Marie,  fille  et  héritière  du  Comte  de  Luna,  proéhe  parent 
de  Benoit  XIII.  Cette  alliance  le  rendit  chaud  partisan  de 
ce  Pape  ;  cependant,  il  fut  entièrement  étranger  it  la  des- 
cente faite  en  Provence,  au  mois  de  janvier  1599,  par 
des  troupes  catalanes,  sous  les  ordres  de  Pierre  de  Luna. 
Une  multitude  d'actes  d'enrôlement  et  de  nolis,  faits  à 
ColUoure  (Cart.  Roussill.),  prouvent  que  tout  se  fit  au 
nom  du  Pape ,  dont  l'agent  principal  était  son  Camérier 
Pierre  de  Çagarriga,  Archidiacre  de  Lérida.  Cette  expé- 
dition manqua  son  but ,  qui  était  de  faire  lever  le  blocus 
da  château  d'Avignon,  où  Benoit  s'était  fortifié.  Mais, 
par  l'intervention  du  Roi  d'Aragon  auprès  du  Duc  d'Or- 
léans, Benoit  parvint  à  s'échapper  et  k  se  réfugier  k  Porto- 
\enere,  dans  la  rivière  de  Gènes.  B  en  partit  le  16  juin 
1^408,  après  avoir  convoqué  ce  jour  même  un  Concile       iAùs. 
des  Prélats  de  son  obédience  k  Perpignan.  Arrivé  le  2 
juillet  devant  Collioure,  le  vent  l'obligea  d'entrer  k  Port- 
ITendres.  Après  avoir  séjourné  quelques  jours  k  Collioure, 
il  fit  son  entrée  k  Elne  le  25  juillet,  et  le  lendemain  k 
Perpignan.  Le  Roi  de  Navarre  vint  lui  rendre  visite  le 
25  août.  Ayant  fait  une  promotion  de  Cardinaux  le  22 
septembre,  le  Pape  procéda  k  l'ouverture  solennelle  du 
Concile  le  l^r  novembre,  dans  l'église  de  La  Real  :  il 
était  composé  de  cent  vingt  Prélats  Espagnols  ou  du  Midi 
de  la  France  ;  ils  furent  nombreux  jusqu'au  5  décembre, 
ou  consultés  sur  ce  qu'il  fallait  faire  pour  l'union  de 
l'Église,  ils  se  divisèrent  en  deux  partis.  Dix-huit  seule- 


256  HISTOIRE  DU   ROL'SSILLON. 

ment  restèrent  avec  Benoit,  et  encore  lui  conseillèreai-ili, 
le  i^  février  1409,  de  travailler  de  tout  son  pouvoir  à  b 
réunion ,  en  envoyant  des  Nonces  à  son  rival  Grégmre,  el 
même  k  ses  propres  Cardinaux ,  assemblés  alors  à  Pite. 
Ce  conseil ,  suivi  par  le  Pape,  n'eut  aucun  résultat,  parce 
que  ses  envoyés  furent  arrêtés  en  France,  où  il  n'élah  pas 
reconnu. 'Enfin,  Benoit,  après  avoir  résidé  à  PrrpignMi 
jusqu'au  10  février,  craignant  la  peste,  qui  avait  cmih 
roencé  k  sévir  dans  cette  ville,  se  détermina  à  aller 
trouver  le  Roi  k  Barcelone. 

A  la  fin  d'août  1409,  Martin,  roi  de  Sicile,  fils  oniqae 
du  Roi  d'Aragon,  mourut  sans  laisser  d'en&nts  légitimes. 
Son  père,  inconsolable  de  cette  perte,  mourut  luiHiiéaie, 

4410.  le  21  mai  1410,  sans  vouloir  désigner  son  suecessev. 
Il  se  présenta  cinq  prétendants  k  la  Couronne,  et  la  pk» 
grande  confusion  r^a  dans  toutes  les  provinces  do 
Royaume.  Il  serait  hors  de  propos  de  raconter  ici  ^  cooh 
ment  on  parvint  k  nommer  une  commission  changée  de 
prononcer  entre  les  cinq  compétiteurs.  Il  nous  soflira  de 
dire  qu'elle  fut  composée  de  trois  Députés  de  diaoBie 
des  trois  provinces  (Aragon,  Catalogne  et  Valence) ,  et  qoe 
dans  les  commissions  nommées  par  les  Cortés  de  la  Cata- 
logne, soit  pour  conférer  avec  celles  des  autres  proviBeta« 
soit  pour  discuter  diverses  questions  préliminaires^  oa  voit 
toujours  figurer  quelque  Syndic  de  Perpignan,  tels  qoe 
Pierre  Grimau ,  Guillaume  LIobet ,  Pierre  Gaoat  ^ 
Ribesaltes.  On  trouve  aussi  dans  ces  mêmes 
sions,  parmi  les  membres  de  la  Noblesse,  quelques 
roussillonnais ,  tels  que  Pierre  de  Fenouillet,  vicoMe 
d'Ille  et  de  Canot,  désigné  comme  l'un  des  priocipooi 
liarons  de  la  Catalogne,  Iton  Bérenger  et  Don  Araaod 
d'Oms.  Los  neuf  juges  s'assembleront  k  Cas|)é;  et  le  14 

UI2        juin  I  lia,  ontrainôs  |iar  sainl  Vinront-Forrier,  l'un  A\ 


CHAPITRE  DOUZIÈME.  257 

m  Is  décidèrent,  à  la  majorité  de  six  contre  trois,  que  Fer- 
<]inaDd  de  Castille  était  le  Roi  légitime.  Deux  Catalans, 
^agarriga,  archevêque  de  Tarragone ,  et  le  fameux  juris- 
consulte Yalséca ,  avaient  donné  leur  voix  au  Comte 
^'Urgel  ;  le  Yalencien  Bertrand  refusa  d^émettre  un  vote, 
|Nrétextant  qu'il  n'avait  pas  eu  le  temps  d'approfondir  la 
^luestion.  Elle  était  certainement  difficile  à  résoudre,  dans 
^nn  pays  où  aucune  loi  positive  ne  réglait  la  succession  à 
la  couronne.  La  violence  des  partisans  du  Comte  d'Urgel, 
le  plus  proche  parent  du  dernier  Roi  dans  la  ligne  mas- 
culine, lui  fit  le  plus  grand  tort.  Les  Français  eurent 
Tair  de  vouloir  soutenir  les  prétentions  du  Duc  d'Anjou; 
et  le  Maréchal  de  Boucicaut  s'adressa  au  Vicomte  d'Ille, 
l'un  des  plus  puissants  Seigneurs  du  pays,  et  à  Raymond 
de  Çagarriga,  gouverneur  des  Comtés,  pour  être  reçu  en 
RoussiUon  avec  les  troupes  qu'il  commandait.  Celui-ci  fit 
part  de  cette  proposition  au  Parlement  de  Catalogne,  qui 
pria  la  Reine  de  Naples,  mère  du  Duc,  de  ne  point  faire 
avancer  des  troupes  ;  donna  ordre  au  Vicomte  de  Périllos, 
capitaine-général  de  la  province,  de  renforcer  les  garni- 
sons, et  de  prendre  toutes  les  mesures  nécessaires  contre 
une  invasion.  On  fit  couper,  au  pied  du  château  de  Per- 
pignan, une  olivette,  qui  aurait  pu  favoriser  une  surprise. 
Ferdinand,  plus  adroit,  mieux  servi,  se  fit  demander  des 
troupes  par  les  États  d'Aragon;  en  inonda  le  pays;  et 
l'on  ne  peut  douter  que  les  forces  castillanes,  son  âge, 
son  mérite  personnel,  n'aient  contribué,  plus  que  les 
raisons  déduites  par  ses  Ambassadeurs  devant  les  neuf 
juges,  à  faire  pencher  la  balance  en  faveur  de  l'Infant 
de  Castille. 

Le  nouveau  Roi ,  après  avoir  réduit  le  Comte  d'Urgel , 
qui  ne  pouvait  se  consoler  de  n'avoir  pas  obtenu  une 
couronne  qu'il  regardait  comme  son  patrimoine,  écouta 

17 


258  UlSTOmfi  Mi  ROUSSILLON. 

les  propositions  faites  par  l*enpereur  Sigismond,  d'unir 
leurs  efforts  pour  rendre  la  paix  à  l'Église  ;  niiif  M  B^y 
adhéra  qu*avec  la  ferme  résolution  de  garder  to«A  kt 
ménagements  possibles  à  l'égard  de  Benoll  XIII ,  dom 
l'intenention  active  avait  tant  contribué  à  son  élecikiB* 
Il  ftit  d'abord  convenu  que  l'Empereur  et  le  Roi  se  nr- 
raient  k  Nice  ;  mais,  ce  dernier  ne  pouvant  entrqmydn 
ce  voyage,  à  cause  d'une  grave  inârmité  dont  il.  4Mb 
affligé,  on  changea  le  lieu  de  l'entrevue^  et  on  envrint 
que  Ferdinand  se  rendrait  it  Perpignan ,  et  Sigismond  k 
Narbonne.  Benoit ,  de  son  côté ,  devait  se  trouver 
la  première  de  ces  deux  villes ,  où  le  Coudle  de 
tance,  qui  avait  déjà  obtenu  l'abdication  des  deux  aoUn 
Antipapes ,  lui  envoyait  des  Députés  chargés  de  Vi 
à  imiter  l'exemple  de  ses  compétiteurs.  Ferdinai 
que  très  souffrant,  se  mit  en  route,  et  débarqua  à  Col- 
4 un.       lioure,  d'où  il  se  rendit  ii  Perpignan  le  51  aoAl  141& 
Benoit  l'y  avait  précédé.  Suivant  Zurita,  il  avait  exigé 
que  le  Roi ,  les  principaux  Seigneurs  de  la  Cour,  le  Gou- 
verneur du  Roussillon  et  les  Consuls  de  la  ville,  loi  ga^ 
rantissent  qu'il  n'y  avait  rien  à  craindre  pour  la  aêrelé 
de  sa  personne  ;  que  son  habitation  A t  au  cbftteaiit  àtmH 
la  garnison  serait  formée  par  des  troupes  à  lui.  Boidi 
ne  |»arle  point  de  toutes  ces  précautions;  Csût  loger  le  Pipe 
aux  Cortleliors,  et  place  au  château  le  Roi  avec  son  fils  *• 
L'Em|>ereur  arrivait  presque  en  même  temps  à  Narbonne, 
d'où  ses  Aml»assadcurs  et  ceux  du  Concile  ne  taidèrent 
pas  à  se  rendre  à  Perpignan.  Ces  derniers  proposèrem  à 
Benoit  de  renoncer  k  sa  dignité.  Il  assura  être  prêt  à  le 


1  II  <!•'  "ijiBl-MaUt»  QiMif  j  ftni  rfimulirr  «ne  qulUicr  de  ^unate-Cfliq  livfiftA 

l»4i^.  to  «Ulf  «lii  7  •trr«-ni!<ri*  iïiU.  (l'ist  ik?  ii-|'4i.it.\U>  ju  i!  ^d mh  .  -iim*  IVUt  àc  la  taaiê 

hiii-  I.    'i'  t  .X..Ï  -îc  i|ittii:.M'  ,■!.■  I.i.    i.  jolr  /uritJ 


CHAPITRE  DOlZlàMB.  259 

faire ,  si ,  lors  de  lear  entrevue,  l'Emperetir  et  le  Roi  lui 
prouvaient  que  la  paix  de  l'Église  serait  la  suite  de  cette 
^Sémarcbe.  Le  Roi  étant  toujours  fort  incommodé,  Sigis- 
xnond  vint  le  trouver  k  Perpignan,  le  49" septembre.  II  y 
lîit  reçu  avec  toute  la  pompe  et  la  magnificence  que  cette 
^îDe  pouvait  étaler  dans  ce  siècle,  pour  la  réception  d'un 
siussî  grand  Souverain,  venu  de  si  loin  pour  un  objet 
intéressant  toute  la  chrétienté.  Outre  le  Pape,  l'Empereur 
et  le  Roi,  la  capitale  du  Roussillon  renfermait  alors  dans 
ses  tnurs,  les  Ambassadeurs  de  France,  de  Castille,  de 
Navarre,   et  une  multitude  de  Seigneurs  aragonais  Ou 
étrangers.  Quoique  l'Empereur  ne  reconnût  pas  Benoit 
pour  Pape,  il  lui  fit  la  première  visite,  et  ne  se  rendit 
chez  le  Roi  qu'en  sortant  de  chez  lui.  Benoit  évita  tou- 
jours de  répondre  d'une  manière   précise.   Sigismond, 
peu  satisfait,  serait  reparti  sur-le-champ  pour  Constance, 
déterminé  k  employer,  pour  éteindre  le  schi^ne,  tous  les 
moyens  possib  les ,  si  Ferdinand  n'eût  réussi ,  k  force  de 
sollicitations,  k  le  retenir  jusqu'au  7  novembre.  Il  partit,  ce 
jouf-lk,  très  mécontent  du  peu  de  succès  de  son  voyage. 
Il  s'arrêta  cependant  k  Narbonne,  k  la  prière  du  Roi,  pour 
attendre  la  réponse  de  Benoit  aux  trois  sommations  de  se 
démettre,  qu'on  était  convenu  de  lui  faire.  Celui-ci ,  pour 
les  éviter,  partit  de  Perpignan ,  sous  prétexte  qu'il  n'y  était 
pas  en  sûreté,  et  s'enfiiit  k  Peniscola,  où  il  convoqua  tous 
les  Prélats  de  son  obédience.  Les  sommations  lui  furent 
faites;  sa  réponse  k  la  troisième  arriva  le  21  décembre 
k  Perpignan  :  comme  c'était  un  refus  d'adhérer  aux  propo- 
sitions du  Concile,  le  Roi  et  tous  les  Princes  qui  l'avaient 
reconnu  jusqu'alors,  n'hésitèrent  plus  k  l'abandonner.  Saint 
Vincent-Ferrier  contribua  beaucoup,  par  ses  conseils,  k  les 
aifermir  dans  cette  résolution.  Ferdinand  était  fort  malade 
lorsqu'il  prit  ce  parti  ;  il  avait  fait  son  testament  k  Perpi- 


260  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

gnan^  dès  le  10  octobre  1415  :  il  mourut  k  Igualada,  le 
2  avril  de  Tannée  suivante. 

Son  iils  aîné,  Alphonse  V,  lui  succéda.  Il  parut  d'aboid 
vouloir  forcer  TAntipape  Benoit,  résidant  k  Peniacola^  k 
abdiquer;  car,  dans  une  ordonnance  publiée  en  aeplei»- 
bre  1418,  il  ordonne  à  tous  ses  sujets  de  sortir  de  celle 
ville,  sous  peine  de  la  confiscation  de  leurs  iMem;  S 
défend  d'y  porter  des  vivres  ou  des  marchandisea,  et 
même  d'en  approcher  plus  près  qu'k  dix  milles  par  mer, 
qu'a  une  lieue  par  terre;  les  navires,  les  voitures,  les 
bétes  de  somme,  pris  en  contravention,  devaient  éUt 
saisis  avec  leurs  charges.-  11  se  relâcha  dans  la  suite,  et 
4424.  même,  Benoit  étant  mort  en  1424,  il  contribua  k  lui  fiwe 
élire  un  successeur,  afin  de  contenir,  par  la  crainte  d*nn 
compétiteur ,  le  Pape  Martin ,  qui ,  au  sujet  des  affiûres 
de  Naples,  s'était  ligué  contre  lui  avec  le  Duc  de  Milan. 
Ce  dernier  fit  sortir  cette  année  du  port  de  Gènes,  dont 
il  était  maître ,  une  nombreuse  flotte ,  qui ,  après  avoir 
agi  contre  les  Àragonais  dans  le  Royaume  de  Naples, 
inspira  a  son  retour  quelques  craintes  pour  les  cAtes  de 
Catalogne,  et  surtout  pour  Collioure.  On  y  fit  de  grands 
préparatifs  de  défense  :  cent  hommes  de  la  milice  peipi 
gnanaise,  avec  un  des  Consuls,  y  restèrent  quelque  tonps. 
i^  ville  de  Perpignan  paya  le  tiers  des  Irais  de  l'eipé-  - 
dition.  Quoique  occupé  constamment  par  ses  guerres  de  ^ 
Corse,  de  Sardaigne,  de  Castille  et  de  Naples,  Alphonse "* 
ne  manqua  pas  d'envoyer  des  secours  k  Charles  VII. 
archives  font  foi,  qu'en  1426,  Bernard  Albert,  levn 
Roussillon ,  dont  il  était  Gouverneur,  un  corps  de 
d'armes,  avec  lequel  il  était  entré,  avant  le  22  aoAl, 
I^nguedoc ,  pour  y  soutenir  l'armée  royaliste  contre 
Anglais;  qu'il  était  avec  cette  troupe,  k  Tours,  en 
lire  M2(),  et  à  Molun  en  février  1427.  On  v  voit 


CHAPITRE  DOUZIÈME.  26t 

«que,  par  suite  de  leurs  relations  amicales,  Charlet  envoya, 

«n  i4S8,  de  Bourges  à  Valence,  où  se  trouvait  Alphonse^ 

cies  musiciens  que  celui-ci  lui  avait  demandés.  I^  bonne 

intelligence  qui  régnait  entre  les  deux  Souverains,  no  mit 

pas  toujours  les  frontières  des  deux  États  à  l'abri  des 

incursions  de  quelques,  troupes  de  maraudeurs.  En  i438,        445S. 

le   Bfttard  de  Bourbon,  chef  de  plusieurs   bandes  de 

Houtiers,  qui,  n'étant  point  payés,  vivaient  k  discrétion 

dans  le  Languedoc,  essaya  de  surprendre  le  château  de 

Salses;  mais  il  échoua,  et  n'ayant  pas  mieux  réussi  dans 

une  escalade  tentée  sur  un  autre  petit  fort,  ces  pillards 

rentrèrent  en  France.  Comme  ils  menaçaient  de  revenir 

au  printemps  suivant,  on  fit  de  grands  préparatifs  pour 

les  bien  recevoir,  non-seulement  en  Boussillon,  mais 

encore  dans  toute  la  Catalogne. 

L'an  li40,  la  galère  de  Perpignan  fut  envoyée  au  se-*- 
cours  de  l'ile  de  Rhodes,  menacée  par  le  Soudan  d'Egypte. 
Étant  entrée  dans  le  port  de  la  capitale  avant  le  25  sep- 
tembre, jour  de  l'apparition  de  la  flotte  égyptienne,  elle 
fit  partie  de  celle  qui»  sous  le  commandement  du  grand 
Maréchal  de  l'Ordre,  attaqua  et  défit  les  Infidèles  dans 
un  combat  où  ils  perdirent  sept  cents  hommes,  et  les 
Chrétiens  seulement  soixante.  Ce  fait  nous  est  révélé  par 
un  acte  du  S5  novembre  1440,  où  deux  ou  trois  marins 
de  l'équipage  de  cette  galère  constituent  un  procureur, 
pour  réclamer  ce  qui  leur  est  dû  de  leur  solde ,  et  leur 
part  des  sommes  données  par  le  Grand-Mai tre.  Quoique 
la  paix  existât  entre  la  France  et  l'Aragon ,  les  frontières 
des  deux  pays  étaient  désolées  par  les  incursions  des  gens 
de  guerre.  On  avait  cherché,  dès  1450,  k  mettre  un  terme 
à  ces  désordres.  Enfin ,  les  plénipotentiaires  des  deux 
puissances,  convinrent,  à  Montpellier,  en  1454,  que,  pour 
indemniser  les  particuliers  des  deux  pays  victimes  de  ces 


269  UISTOIBB  DU  ROUSftlLLON. 

liosUlitéiti  on  imposerait,  pendant  trente-etrim  ans  et 
mois ,  un  droit  de  cinq  deniers  par  livre,  sur  tontes  les 
marchandises  passant  d'un  État  à  l'autre  :  ee  droit  lii 
affermé,  le  30  septembre  de  cette  année,  ï 
trois  mille  livres  barcelonaises. 

4439.  Le  39  mai  14S3,  la  ville  de  Constantinople  ftit 

d'assaut  par  Mahomet,  après  un  siégedeGinquinle)Mn.A 
cette  époque,  la  Catalogne,  dont  le  RoussillonfiiisaHpeitie, 
envoyait  des  aventuriers  intrépides  partout  où  H  y  aiait 
des  périls  k  affronter,  de  la  gloire  k  acquérir.  On  coaiplsit 
environ  quinze  cents  guerriers  de  ces  pays,  ptmi  les 
quatre  mille  soldats  latins  qui,  seuls  de  tous  les  ChiéiiSM 
occidentaux ,  contribuèrent  k  la  défense  de  cette  ea|Ktile. 
Dans  les  premières  années  du  règne  d'Alphonse  V^  i 
s'était  formé,  k  Perpignan,  une  association  entre  nn 
maitre-ès-arts ,  un  bachelier  et  un  étudiant,  ponr  eiéer 
une  école,  où  Ton  enseignerait  la  grammaire,  la  iogiqne'Ct 
la  philosophie.  Vers  la  même  époque,  le  4  décembre  I49f7, 
on  attacha  un  canonicat  et  une  prébende  k  la  dMWS  et 
philosophie,  nouvellement  fondée  dans  Téglise  Saint' Jean, 
Pour  obtenir  cette  chaire,  il  fallait  être  maltre-ès»ftrls  et 
l)achelier  en  théologie.  Celui  qui  en  était  pourvu,  était  din» 
I>ensé  de  la  résidence ,  mais  ne  pouvait  s*absenler  de  h  vile 
que  pendant  deux  mois  d'été;  et  outre  le  professent,  y 
était  tenu  a  donner  trente  sermons  par  an.  Ce  qui  est  HAs 
curieux ,  il  de^-ait ,  les  jours  de  fête ,  donner  des 
de  lecture  aux  Chanoines,  aux  Bénéficiera  et  k  nn 
tique  tonsuré  de  chacun  de  ces  Ecclésiastiques. 

i;58.  On  apprit  k  Perpignan,  le  1t  juillet  1458,  h  merl 

d'Alphonse,  arrivée  k  Naples  le  28  juin  précédent.  Snn 
fr^re,  Jean  11,  lui  succétla.  I/olistination  de  ce  prinee  à 
ganter  la  Counmnc  de  Navarre  «  appartenant  k  ses  tils 
l>.  Carlos.  Prin<v  Av  \mu\  poussa  celui*ci  k  des  révohn 


CUAFITIIB   DOUZlàHB.  26^ 

c^onlinuelles ,  que  le  père  réussit  toujours  à  comprimer. 
Don  Carlos,  arrêté  le  2  décembre  i460,  est  relâché  peti 
sprès,  par  la  crainte  des  Catalans,  dont  il  était  l'idole: 
kI  meort  le  25  septembre  1461.  Attribuée  au  poisoa,  sa 
xnort  anime  les  peuples  contre  le  Roi.  Louis^  XI ,  pour 
se  faire  des  {artisans,  afiecte  un  grand  regret  de  la  perte 
<la  fik,  et  ses  agents  ne  négligent  rien  pour  indisposer 
les  Catalans  contre  le  père;  mais,  voyant  qu'il  ne  peut 
ri^ti  sur  un  peuple  auquel  il  n'inspire  aucune  confiance^ 
il  ne  se  montre  pas  éloigné  de  se  lier  avec  le  Roi  d'Ara- 
gon. Celui-ci,  de  son  côté,  craignant  la  protection  du 
Roi  de  France  pour  des  sujets  dont  il  prévoyait  la  révolte, 
lui  avait  envoyé  Charles  d'Oms,  l'un  des  principaux  gen- 
tQshommes  du  Roussillon.   Les  deux  Souverains  étant 
dans  ces  dispositions,  le  Comte  de  Foix,  gendre  de  l'un, 
et  allié  à  l'autre  par  son  irère,  n'eut  pas  grand'peine  à 
les  décider  à  une  entrevue.  Louis  se  rendit  k  Sauvelerre, 
dans  le  Béarn,  et  Jean  à  Sainte-Pélagie,  dans  le  lerritoire 
de  Mauléon-d«-Soule,  en  Navarre.  L'entrevue  eut  lieu,  le 
3  mai  1462,  dans  un  champ  auprès  de  Sauveterre.  Il  en       f462. 
résulta  le  fameux  traité  conclu  k  Saragosse,  dont  on  peut 
voir  le  texte  dans  Comines  :  la  rédaction  pourrait  en  être 
moins  prolixe,  et  surtout  plus  claire.  Il  ressort  de  l'taprit 
du  traité,  que  Louis  Rengage,  pour  deux  cent  mille  écus^ 
d'or,  k  fournir  et  solder  quatre  cents  lances,  qui  resteront 
au  service  de  Jean  jusqu'à  l'entière  soumission  des  Cata- 
lans; et  que,  pour  cent  mille  écus  de  plus,  le  Roi  de 
France  fournira  et  soldera  sept  cents  lances,  pour  servir  le 
roi  Jean,  pendant  les  guerres  qu'il  pourrait  avoir  a  soutenir 
dans  les  Royaumes  d'Aragon  ou  de  Valence.  Jean,  de 
son  c4té,  engage,  pour  le  paiement  de  cette  dette  de 
deux  k  trois  cent  mille  écus  :  i^  en  général,  les  revenus, 
entrées,  émoluments,  droits  de  tous  ses  Royaumes,  tous 


264  HISTOIRE  DU   IIOUSSILLO!«. 

868  biens  mobilière  et  immobilière  ;  2^  en  parUculier,  les 
revenus  des  Comtés  de  Cerdagne  et  de  RoittiflloD.  D 
s'oblige  k  acquitter  cette  dette  en  deux  ou  tro» 
ments  de  cent  mille  écus  chacun ,  dont  le  premier 
lieu  un  an  après  la  soumission  de  la  Catalogne;  le  second 
un  an  après  le  [Premier,  et  le  troisième,  s'il  y  a  lieo ,  m 
an  après  le  second.  Jusqu'à  l'entier  paiement,  le  Roi  de 
France  recevra,  par  les  mains  de  Charles  d'Oms,  proeorav- 
royal  de  ces  Comtés,  ou  par  celles  de  ses  soceesieandiM 
cet  emploi,  le  produit  net  des  revenus  de  ces  Comtés,  lovIeB 
charges  ordinaires  déduites  :  ces  sommes  ne  eomfH/tnÊi 
point  en  déduction  du  capital.  Les  Procureurs-Royaux 
sentiront  une  obligation,  en  bonne  et  due  forme,  dU 
ces  versements  entre  les  mains  des  délégués  du  Roi  de 
France  ;  cinq  des  principaux  Seigneure  aragonais  ctvIkMh 
neront,  sur  leure  biens,  la  gestion  des  Procoreurs-RayanL 
Quelques  joure  avant  l'entrevue  de  Sauveterre,  Joaa, 
qui  amenait  sa  flUe  Blanche,  héritière  de  la  Navanre,  sois 
le  prétexte  de  la  marier  avec  le  Duc  de  Benry,  l'avait  m- 
mise  au  Comte  de  Foix ,  qui  l'enferma  dans  le  diMon 
d'Orthès ,  où  elle  périt  misérablement.  Cet  acte  bsiiMie 
aigrit  encore  les  esprits  contre  ce  mauvais  père,  el  a«f* 
mente  le  nombre  et  l'audace  des  mécontents.  Ils  coonM 
aux  armes;  et,  dès  la  fin  de  mai  1462,  une  armée  sortie  de 
Barcelone,  sous  les  ordres  du  Comte  de  Pallas,  marehe 
vere  Girone ,  où  se  sont  retirés  la  Reine  et  llnSuH  Dott 
Ferdinand.  I^  ville  est  prise  d'assaut;  la  Reine  et  son  ils 
se  réfugient  dans  l'ancienne  forteresse,  appelée  GiroMlle« 
dont  le  siège  est  poussé  avec  vigueur.  Le  Roi,  malgré 
ses  efforts,  ne  peut  réunir  les  forces  nécessaires 
voler  au  secoure  de  sa  famille.  Mais  Ijouïs  XI,  qui  um^gtuà 
bien  moins  a  secourir  son  nouvel  allié,  qu'à  se  remlie 
maître  chez  hii,  non  routent  d'envoyer  les  sept  ceals 


CHAPITRE  DOUZIÈME.  265 

Lances  promises,  faisait  marcher  une  armée  de  vingt-deux 
Knille  hommes,  dont  cinq  mille  chevaux,  commandés  par 
le  Comte  de  Foix,  ayant  sous  ses  ordres  deux  Maréchaux 
€le  France.  Elle  arriva  devant  Salses  le  9  juillet  V  Cette 
Mnauvaise  place,  après  s'être  défendue  jusqu'au  12,  capi- 
tula. Les  Français  paraissent  alors  avoir  marché  sur  deux 
colonnes  :  la  première,  allant  traverser  la  Tet  auprès  du 
Soler,  soumit  en  passant  Rivesaltes  et  Baixas,  et  se  dirigea 
wers  le  château  de  Perpignan  ;  la  seconde  colonne,  prenant 
son  chemin  le  long  de  la  côte,  enleva  tous  les  blés  de  la 
plaine  de  la  Salanque,  qu'elle  trouva  déserte,  et  les  fit 
porter  sur  bateaux  à  Leucate.  Elle  attaqua  et  prit  Canet, 
et  poussa  vers  CoUioure.  Les  habitants  des  villages  sans 
défense,  s'étaient  réfugiés,  d'un  côté,  vers  Pézilla,  Cor- 
neiUa  et  surtout  vers  Millas,  où  le  Comte  de  Périllos, 
qui  en  était  Seigneur,  avait  songé,  dès  le  12  juillet,  k prépa- 
rer tous  les  moyens  d'opposer  une  vive  résistance.  Perpi- 
gnan et  Canet  reçurent ,  d'un  autre  côté ,  ceux  qui  s'é- 
taient retirés  de  la  Salanque.  Charles  et  Bérenger  d'Oms, 
commandants  pour  le  Roi  d'Aragon  dans  les  châteaux  de 
Perpignan  et  de Collioure,  en  avaient,' d'après  ses  ordres*. 


I  Cette  date  est  constatée  par  deax  témoins  loeanx  et  contemporains.  Antérieure  de  trois 
à  celle  donnée  par  Dom  Vaissette ,  elle  peot  seule  s'accordir  avec  celle  des  érènements 
•vivanU. 

S  Le  traité  de  Saragosse  ne  dit  point  qne  le  roi  Jean  fftt  obligé  de  litrer  ces  denx  forte- 
resees  à  Loois  XI  ;  mais  les  premières  notions  de  l'art  de  la  guerre  ne  permettaient  point  à 
me  année.  Tenant  an  secours  dn  Roi  d'Aragon ,  de  s'engager  dans  un  pays  étranger,  sans 
s'être  assurée  de  quelques  places  pour  appuyer  ses  opérations.  L'entrée  dans  ces  deux  forte- 
resses dut  être  le  sujet  de  quelque  couTention  particulière  entre  les  deux  Rois.  Les  généraux 
fraaçaie.  i  leur  entrée  en  Roussillon ,  faisaient  prêter  au  Roi  d'Aragon  serment  de  fidélité 
par  les  habitants  des  lieux  où  ils  entraient  de  gré  ou  de  force.  Lorsque  Jean  leur  eut  fiiit 
Ifirrer  les  châteaux  de  Perpignan  et  de  CoUioure .  il  ne  fbt  plus  question  du  Roi  d'Aragon  : 
on  exigea  le  serment  pour  le  Roi  de  France,  même  dans  les  lieux  où  il  atait  d'abord  été  prêté 
au  premier.  Ces  fSuts.  consignés  dans  nos  archives  (Cart.  RoutsUl.),  prouTent  que  Louis  XI. 
une  fois  établi  solidement  dans  les  Comtés .  donna  au  traité  de  Saragosse  une  interprétation 
^n«  la  lettre  de  cette  cooTciillon  ne  comportait  pas. 


266  HISTOIRB  DU  aOUSSlLL02<. 

ouverl  les  portes  aux  Français.  La  première  colonne 
attaqua,  le  22  juillet,  le  Bolo,  et  s'en  étant  empirée, 
après  on  combat  des  plus  sanglants,  elle  le  Ihn  an 
pillage.  Les  deux  colonnes  s'étant  réunies,  marchèrent 
sur  le  Perthus  le  28  juillet,  et  y  culbutèrent  le  jeme 
Comte  de  Rocaberti ,  qui  avait  osé  les  attendre  avec 
des  forces  très  inférieures.  Ces  succès  intimidem  les 
rebelles  :  Figuères  rentre  sous  l'obéissance  du  roi  Jean; 
le  Comte  de  Pallas  se  retire  sous  Hostalrich;  les  habitants 
deOirone  implorent  la  clémence  de  la  Reine;  le  Coate  de 
Foix  n'arrive  que  le  lendemain  de  leur  soumission.  Jean, 
ayant,  de  son  côté,  remporté  de  grands  avantagea,  cède 
bien  malgré  lui  aux  instances  des  Français,  et  se  joint  k 
eux  pour  bloquer  Barcelone.  Obligés  d'abandonner  cette 
entreprise,  ils  se  séparent;  et  tandis  que  le  Roi  ptend 
Tarragone,  les  Français  se  jettent  dans  i'Urgel. 

Leur  armée,  qui  n'avait  pas  ménagé  son  propre  pnys, 
exerça  d'horribles  ravages  dans  la  plaine  du  RousaiHon; 
elle  imposa  des  contributions  partout  où  on  la  reçut,  de 
gré  ou  par  composition,  i^s  villages  abandonnés 
[lillés  et  souvent  incendiés .  Quant  à  ceux  qui  ne  t' 
pas  trouvés  sur  son  passage,  tels  que  Millas  et  Céret,  eDe 
en  exigea  peu  après  de  si  fortes  sommes  (vingt  mille  Knet 
de  tem),  que  Louis  XI ,  lui-môme,  reconnaissant  Timpo^ 
sibilité  de  les  percevoir,  leur  lit  remise  de  ce  qui  était 
dû,  par  une  ordonnance  datée  de  Saint -Orner,  le 
i;c3.       avril  1163. 


CHAPITBE  TREIZIEME.  267 


CHAPITRE  XÏII. 


OBSÏ.KV\T\Oî^S  S\3R  LA  PÉRIODE  PïVÉCtDBNTB. 

Dans  la  période  que  nous^  venons  de  parcourir,  le  Rons* 
^illon  s'était  entièrement  amalgamé  à  la  Catalogne;  en  avait 
adopté  les  lois,  les  mœurs,  les  usages.  Réuni  à  un  État 
plus  puissant,  son  commerce  et  son  industrie  acquirent 
un  plus  grand  développement.  La  conquête  de  la  Sicile,  de 
la  Sardaigne,  les  expéditions  d'Alphonse  en  Italie,  avaient 
ouvert  aux  manu&ctures  de  drap  de  la  Catalogne  et  des 
Omîtes,  des  débouchés  avantageux.  Leur  travail  était  fort 
supérieur  k  celui  des  fabriques  du  Languedoc,  dont  les 
draps  venaient  recevoir  à  Perpignan  un  perfectionnement, 
qu'on  ne  savait  pas  leur  donner.  En  1424,  on  les  soumit 
à  un  droit  d'entrée  dans  la  province,  ce  qui  fut  proba- 
l)lement  une  faute.  Pour  conserver  leurs  conquêtes  et 
leur  influence  en  Italie,  les  Rois  d'Aragon ,  ayant  besoin 
d'entretenir  des  flottes,  favorisèrent  le  commerce  mari- 
time, qui  pouvait  seul  leur  procurer  des  matelots  et 
des  navires.  Les  guerres  des  Catalans  dans  la  Grèce, 
leurs  voyages  sur  toutes  les  côtes  de  la  Méditerranée  et 
de  la  mer  Noire ,  leur  avaient  fait  acquérir,  dès  le  xiv« 
siècle,  de  grandes   connaissances  en  géographie  et  en 
navigation  ,  comme  le  prouvent  Y  Atlas  catalan  dressé 


268  mSTOIRB  DU  ROUSSILLOX. 

en  1574,  que  l'on  voit  à  la  Bibliothèque  Impériale  de 
Paris,  et  rappel  de  ce  savant,  nommé  Jacques,  qoe  le 
prince  Henri  de  Portugal  fut  chercher  à  Majorque  «  en 
1415,  pour  lui  confier  la  direction  de  l'école  naotiqne 
qu'il  établissait  a  Sagres.  Déjà,  sous  Pierre  IV,  Coltioiire, 
Saint-Laurent  et  Canet  étaient  des  ports  ou  des  plages 
fréquentés  par  les   bâtiments  marchands.    Ce  prinee, 
sentant  toute  l'importance  du  Port-Vendres,  avait  drané 
des  ordres  pour  son  curage.  On  voit,  k  cette  époque, 
plusieurs  Consuls  étrangers  résidant  k  Collioure ,  qui  ne 
tarda  pas  k  avoir  une  juridiction  consulaire,  toat-h-fût 
conforme  k  celle  établie  k  Perpignan.  Pour  faciliter  la 
perception  des  droits  que  les  marchandises  payaient  à 
l'entrée  et  à  la  sortie  de  la  province,  le  roi  Martin  avait 
statué  que  tous  les  vaisseaux  destinés  pour  le  Ronssinon, 
déchargeraient  leurs  cargaisons  k  Collioure.  La  reine  Marie 
leur  permit,  en  1422,  de  les  décharger  où  ils  voudraient, 
poun^u,  dit-elle,  qu'on  puisse  y  payer  la  leude.  Elle  mo- 
tiva cette  ordonnance,  sur  ce  que  la  liberté  du  eommerce 
est  clairement  stipulée  dans  les  constitutions  de  Catalogne. 
I..es  nolissements  se  faisaient  alors  par  acte  devant  notaire^ 
où  l'on  spécifiait  la  quantité  et  la  valeur  des  marchandises 
expédiées.  Par  des  actes  de  ce  genre,  passés  devant  l'on 
d'eux  seulement  * ,  on  apprend  que ,  dans  les  neuf  mois 
écoulés  de  février  k  novembre  1592,  il  fut  expédié  trob 
mille  cent  quatre-vingt-dix-neuf  pièces  de  drap,  valant 
trente  mille,  trente-neuf  livres  de  tem.  I^  chiffre  de  ces 
expéditions  serait  bien  autrement  élevé ,  si  noos  possé- 
dions les  actes  des  noiis  passés,  durant  cette  année,  par 
tous  les  notaires  de  Perpignan  et  de  Collioure.  D'après 
les  nombreux  documents  qu*on  a  recueillis,  il  est  bien 

I  Àèiift^  ^4iB#v.  ih>lAir#  »  Prrptf ma 


CHAPITBK  TREIZlÈMiE.  269 

prouvé  que  la  ville  de  Perpignan  était,  à  cette  époque, 
très  commerçante  et  manufacturière;  qu'elle  expédiait, 
tous  les  ans,  de  ta  plage  de  Canet,  et  surtout  du  port 
de   Collioure,  un  grand  nombre  de  navires,  de  noms 
et  de  dimensions  bien  différents,  et  dont  le  port  s'élevait 
quelquefois  jusqu'à  trois  cent  soixante-quinze,  et  même 
cinq  cents  tonneaux  :  les  plus  forts  n'entraient  qu'a  Port- 
Yendres.  La  destination  de  ces  navires  était  :  les  côtes 
d'Espagne,  de  France,  d'Italie,  de  Barbarie,  de  Romanie; 
les  iles  de  Sardaigne,  de  Sicile,  de  Chypre,  de  Rhodes;  les 
ports  d'Alexandrie,  de  Bairout  et  même  ceux  de  Flandres. 
Leur  chargement,  au  départ,  consistait  généralement  en 
draps  fabriqués  dans  le  pays,  en  huile,  fer,  vin,  orge,  fro- 
ment, en  miel,  riz,  bestiaux,  amandes,  raisins  secs,  sel ,  noi- 
seltes  et  peaux.  Ils  rapportaient,  au  retour,  du  sucre,  du 
poivre,  des  épiceries,  du  coton,  de  l'or,  de  l'argent, 
des  esclaves,  du  pastel ,  de  la  garance,  quoiqu'on  cultivât 
ces  plantes  dans  le  pays  ;  mais  elles  étaient  si  nécessaires, 
pour  alimenter  les  nombreuses  teintureries  de  Perpignan , 
que  l'on  voit  plusieurs  fois  les  Consuls  de  cette  ville  faire 
des  achats  de  pastel  pour  le  besoin  et  l'utilité  de  leur 
commune.   On  trouve  qu'en  1565,  ils  le  payèrent  dix 
livres  dix  sols  de  tern  la  charge,  composée  de  trois  quin- 
taux de  cent  livres.  Ces  démarches  n'étaient  pas  les  seules 
que  lissent  les  administrations  municipales  dans  l'intérêt 
du  commerce  et  des  manufactures.  Tantôt,  les  Consuls  de 
Perpignan  obtiennent  du  Pape  un  induit ,  pour  que  leurs 
négociants  puissent  envoyer  un  navire  chargé  k  Alexan- 
drie ;  tantôt,  ceux  de  Prats-de-Mollô  achettent  de  la  laine 
pour  donner  du  travail  à  leurs  manufacturiers.  Aussi, 
voyait-on  des  fabricants   ou  des  paraires  k  Prats-de- 
Mollô,  à  Céret,  à  Elne,  à  Thuir,  à  Millas,  à  Villefranche , 
aille,  a  Arles,  elc.  Ils  claient  surtout  nombreux  à  Perpi- 


270  HISTOIRE  DU   RODSdILLON. 

gnan ,  où  venaient  se  réunir  tous  les  produits  mannGictiirés 
de  la  proTince,  pour  être  expédiés  à  l'étranger  par  Pentie- 
mise  des  marchands  et  des  riches  banquiers  qui  habitaiail 
cette  ville ,  et  s'associaient  pour  faire  certains  envois ,  ac- 
compagnés souvent  par  l'un  des  intéressés.  Lyon ,  Cons- 
tance, Paris,  Bruxelles,  etc.,  y  avaient  des  (acteurs.  Ces 
expéditions  étaient  parfois  assurées  ^  contre  les  dangers 
de  la  mer,  et  ceux  qui  pouvaient  provenir  des  emieniis 
et  même  des  amis.  Pour  plus  grande  sûreté,  les  embsr» 
cations  étaient  montées  par  des  équipages  nombreox  et 
munis  de  toute  espèce  d'armes,  parmi  lesquelles  on  trômre 
des  bombardes  dès  la  fin  du  xiv«  siècle.  Lapine  d'un  marin, 
d'un  négociant  embarqué ,  était  fort  aventureuse  :  mais 
aussi,  elle  formait  des  hommes  capables  de  défendre  le 
territoire;  et  l'on  ne  doit  pas  être  étonné  de  trouver  ton- 
jours  dans  les  inventaires  des  marchands  de  cette  épo- 
que, des  cuirasses,  des  brassards,  des  lances,  des  éfifes, 
comme  dans  ceux  d'un  guerrier. 

Ce  vaste  réseau  d'affaires  était,  de  nos  jours,  révoqué 
en  doute,  comme  peu  proportionné  lu  l'importance  de 
Perpignan,  faute  d'idées  historiques  sur  les  temps  passés, 
consacrées  maintenant,  d'une  manière  non  douteuse,  par 
le  dépouillement  récent  de  nos  archives.  On  exécutait  k 
CoUioure  des  constructions  navales,  dont  les  forêts  de  la 
Massane,  de  Conat,  de  Mosset,  fournissaient  les  bois. 
Les  marins  roussillonnais  ou  catalans  se  lançaient  dans 
des  voyages  lointains;  et,  toutefois,  on  n'y  trouve  trace 
de  la  boussole  (bayssola)  ou  d'instruments  de  pilotage 
qu'au  \v«  siècle ,  des  cartes  i>our  naviguer  (de  nareguar) 
que  vers  147«^,  quoiqu'il  existât  des  cartes  géographiques 
de  Sanuto  dès  Tan  15S1. 

I  Ou  tn>UTP .  rn  1 111 .  un  ui  t«:  <ra!.5ur.ini-r  j  10  p  0/0  ik>  ('«illuMiri  ^  l'itc ,  rn  1  Ut .  u» 
cil  truu\c  un  i  I  l/j  p.  Ii.o  |j.«ur  jIIci  >k  i.MlItinin  j  <>rii-u<»<> 


CHAPITRE  TREIZIÈME.  ^71 

La  constitution  municipale  fortement  organisée,  dont 
la  ville  de  Perpignan  avait  été  dotée  par  ses  anciens  Sou- 
verains, servit  de  modèle  à  toutes  les  concessions  faites, 
depuis,  à  des  villes  moins  considérables,  par  les  Reis  ou 
les  Seigneurs.  La  liberté,  les  firancbises  dont  jouissaient 
ces  asiles  privilégiés,  ne  tardèrent  pas  à  y  faire  fleurir  l'in- 
dustrie et  le  commerce.  D'un  autre  côté ,  les  Comtes  et 
les^firemiers  Rois ,  en  favorisant  tous  les  travaur  entrepris 
pour  rirrigation  des  terres  ;  en  augmentant,  par  dea  aflran- 
chissements  partiels,  la  classe  déjà  nombreuse  des  hom- 
mes libres,  contribuèrent  puissamment  à  l'amélioration 
de  l'agriculture.  C'est  surtout  dans  la  période  que  nous 
veuonfi  de  parcourir,  que  l'on  trouve  fréquemment  des 
actes  où  les  Seigneurs ,  soit  gratuitement,  soit  pour  une 
somme  convenue,  affranchissent  des  particuliers,  même 
des  communes  entières,  de  certains  droits  auxquels  étaient 
assujetties  les  terres  relevant  de  leur  Seigneurie.  Ordinai- 
rement, dans  ces  actes,  les  Seigneurs,  abandonnant  des 
droits  trouvés  trop  onéreux  par  leurs  vassaux ,  et  se  ré- 
servant la  directe  seigneurie ,  et  un  droit  de  lods  en  cas 
de  vente,  convertissent  en  une  censive  assez  modique, 
payée  en  aident  ou  en  grains,  la  portion  fixe  (7?  ou  7s) 
qu'ils  percevaient  auparavant  sur  les  récoltes.  Ces  docu- 
ments nous  font  connaître  les  charges  féodales  dont  les 
propriétés  étaient  grevées.  Comme  elles  représentaient  le 
prix  de  leur  acquisition ,  on  doit  convenir  qu'en  général 
elles  n'étaient  point  exorbitantes,  excepté  pour  le  petit 
nombre  de  celles    appelées  amansatas  ou  abordatas, 
sans  doute,  parce  qu'elles  étaient  originairement  attar 
chées  à  un  manoir,  mansus  ou  borda.  D^jus  celles-ci,  le 
colon  était  souvent  astreint  à  habiter  le  manoir,  k  monter 
la  garde  au  château,  à  faire  pour  le  Seigneur  certains 
travaux  non  spécifiés,  et,  plus  rarement,  soumis  à  quel- 


272  HISTOIRE  OU  ROUftSIlXON. 

ques-uns  de  ces  droits  odieux,  qui,  sous  le  nom  de 
Ituas,  furent  dans  le  xv«  siècle,  en  Catalogne,  une 
continuelle  de  guerres  entre  les  Seigneurs  et  leurs  Tatsiin. 
En  Roussillon,  nous  voyons  souvent  un  vassal  alNindoDiier 
son  Seigneur,  en  lui  délaissant  la  terre  dont  il  ne  veut  plus 
remplir  les  obligations;  s'attacher  \  un  autre,  loi  prêter 
serment  de  le  servir  fidèlement,  recevoir  celui  d'être  dé* 
Tendu  comme  doit  le  Taire  un  bon  Seigneur,  se  déciver 
son  homo  proprius  et  sdidus.  Pour  bien  déterminer  ce 
qu'on  entendait  par  cette  expression ,  nous  croyons  de* 
voir  citer  un  exemple  des  actes  nombreux  où  elle  est 
employée. 

Le  13  mai  1376,  Pierre  Mancipii,  cordonnier,  qni  avait 
autreTois  quitté ,  avec  son  père ,  l'habitation  de  Bonpas 
pour  celle  de  Perpignan ,  et  s*était  Tait  hamo  propriui  et 
solidus  du  Roi ,  veut  rentrer  k  Bonpas  et  redevenir  hamô 
proprius  et  solidus  du  Prieur  de  Bajoles.  H  se  prétenie, 
à  cet  effet,  devant  le  Consul  de  Bonpas,  qui  le  reçoit, 
par  acte  notarié ,  ne  lui  imposant  d'autre  condition 
de  ne  pouvoir  d'un  an  quitter  Bonpas  pour  se  Cure  A4Mne 
proprius  et  solidus  d'un  autre  Seigneur;  de  marcher  k  la 
guerre  sous  sa  bannière  ;  de  payer  les  Touages  et  aotiea 
subsides  royaux;  de  contribuer,  comme  les  autres  habi* 
tants,  à  l'entretien  des  chemins,  des  murs,  des  fossés, 
de  l'église  et  de  la  Basse  de  Bonpas. 

Tandis  que  le  peuple  roussillonnais  marchait  ainsi  ven 
son  affranchissement  général,  on  est  étonné  de  trouver 
dans  ce  pays  un  nombre  considérable  d'esclaves  étran- 
gers. Les  guerres  continuelles  des  Rois  d'Aragon  avec 
les  Maures  d'Espagne,  dans  lesquelles  les  prisonniers, 
de  part  et  d'autre,  étaient  réduits  en  esclavage,  auraient-» 
elles  Tamiliariso  leurs  sujets  avec  cette  odieuse  coutnnie? 
La  dénomination  do  tnms  et  mjttints,  donnée  à  quelques- 


CHAPITRE  TREIZIÈME.  273 

uns  de  ces  malheureux  dans  les  actes,  ferait  croire  qu'ils 
étaient  les  yictimes  des  hasards  de  la  guerre  ;  mais  on  ne 
peat  douter  que  le  commerce  avec  le  Levant  n'en  fournit 
le  plus  grand  nombre.  On  en  voit  de  toutes  couleurs  : 
noirs ,  blancs ,  olivâtres  ;  de  toutes  nations  :  Sarrasins , 
maures ,  Turcs  ,  Circassiens ,  Tartares  ,  Égyptiens ,  et 
jusqu'à  des  Russes.  Ils  appartenaient  k  des  personnes  de 
toutes  les  classes  :  prêtres,  nobles,  marchands,  artisans. 
Dans  l'inventaire  des  biens  d'un  marchand,  on  trouve 
six  esclaves,  dont  quatre  femmes  jeunes  et  blanches.  On 
les  vendait  au  marché  comme  du  bétail  ;  et  lorsqu'on  les 
y  conduisait,   on  payait  un  droit  aux  leudes  :  le  plus 
souvent  on  les  vendait  par  acte  devant  notaire.  On  trouve 
une  multitude  de  ces  actes  de  vente,  d'échange  et  d'affran- 
chissement d'esclaves.  Dans  le  cas  de  certaines  maladies 
cachées,  le  vendeur  était  tenu  de  les  reprendre  et  de 
rembourser  le  prix ,  qui  ne  dépassait  guère  le  tiers  de  ce- 
lui d'une  mule.  Quelques  affiranchissements,  dictés  par 
la  charité  chrétienne ,  étaient  gratuits.  Le  plus  souvent,  on 
obligeait  le  nouvel  affranchi  à  payer  une  certaine  somme 
^ans  un  délai  fixé,  ou  à  servir  quelques  années,  moyen- 
^«lant  l'habillement,  la  nourriture  et  même  des  gages. 
INous  soupçonnons  que  les  actes  de  cette  dernière  espèce 
<svaient  lieu  pour  ramener  l'esclave  en  fuite,  par  l'espé- 
«rance  de  recouvrer  sa  liberté.  Du  moins,  l'administration 
générale  de  la  Catalogne,  représentée  en  Roussillon  par 
Be  Député  local,  avait  recours  à  cet  expédient,,  lorsque 
Vesclave  qu'elle  avait  garanti  sous  une  estimation  eonve- 
^■Qae,  prenait  la  fuite,  et  qu'après  avoir  payé  cette  esti- 
mation au  maître,  elle  succédait  à  tous  ses  droits  sur  le 
fugitif.  Cette  méthode  de  faire  assurer  les  esclaves  par 
^'administration  générale,  dont  on  ne  trouve  aucune  trace 
dans  les  constitutions  de  Catalogne,  parait  avoir  été  parti- 

18 


274  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

culière  au  Roussiilon.  I^  situation  de  cette  proTÎnee 
ia  frontière  de  France ,  rendait  la  fuite  des  esclaves  plus 
facile,  et  l'administration  générale,  dont  les  employés 
gardaient  tous  les  passages  d'un  royaume  à  l'autre,  pour 
y  percevoir  les  droits  d'entrée  et  de  sortie,  pouvait  leole 
apporter  quelque  obstacle  à  leur  évasion. 

Cette  administration,  appelée  lo  General,  que  nous 
ferons  connaître  plus  particulièrement  lorsque  nous  par» 
lerons  du  gouvernement  de  la  Catalogne,  était  une  éma- 
nation  de  la  représentation  nationale  de  cette  province. 
Elle  était  chargée  de  suneiller  la  rentrée,  de  toutes  les 
impositions,  soit  qu'elles  fussent  établies  pour  les  besoins 
particuliers  de  la  province,  soit  que  les  Cortés  les  eussen 
accordées  momentanément  au  Roi,  pour  subvenir  an 
dépenses  générales  du  Royaume.  Le  Souverain  n'ajam 
d'autres  ressources  linancières  que  ces  subsides, 
revenus  de  ses  domaines ,  les  profits  sur  les 
quelques  amendes  * ,  et  autres  droits  provenant  de  réta- 
blissement féodal,  n'était  [»as  assez  riche  pour  entre* 
tenir  constamment  de  nombreuses  trou|)es  régulières. 
Aussi,  lorsque  la  guerre  intéressait  particulièrement  le 
Roussiilon,  suilout  s'il  était  menacé  d'une  invasion,  to» 
les  Roussillonnais  étaient  soldats  :  la  Noblesse  montait  ï 
cheval;  ses  châteaux  forts  étaient  à  la  disposition  di 
Souverain;  les  villes  levaient  des  compagnies,  tant  pour 
leur  défense  pro[>re,  que  pour  les  envoyer  où  besoin 
serait.  Le  Roi  nommait  dans  les  villages,  parmi  les  Gen- 
tilshommes,  des  Capitaines  qui  examinaient  «  de  concert 
avec  les  habitants,  si  les  forts  existants  pouvaient  étie 
mis  en  état  de  défense.  Dans  ce  cas.  ils  prenaient  les 

t  l  II  Mh'm.  1j  Ii:!.!'  .:•■  < --li-.tir*  M  air  «là.l  xK'tnKt  I  '.'A*  l:«rr>  ik  un  par  M.  Bl 
!.:Ti>  '.  iiti»  l^«  |t  1I-1' »  iu  li  ..«>.!|-n  l'.^'.il  -■^•':r,t^«  I  T«îf  t  ir,-«  10  m-4*  à^  t«ffB  K 
1411    no  *fl'T*ii»  \  11"  !  «'^  Jr«   'f    '*  ijr  l*  ■   fwr».  .1*  frr  f  *t-'ri/  ^i  \  riMV 


CHAPITRE  TREIZIÈME.  275 

dispositions  nécessaires  pour  y  déposer  des  munitions  de 
toute  espèce  ;  dans  le  cas  contraire,  ils  dirigeaient  les  habi- 
tants sur  les  lieux  les  plus  importants  k  défendre.  Lorsque 
la  guerre,  comme  celle  de  Sicile  ou  de  Sardaigne,  n'inté- 
ressait pas  spécialement  le  pays,  le  Roi  nommait  des  Capi- 
taines, avec  la  commission  d'enrôler  des  soldats,  ce  qu'ils 
^usaient  connaître  par  des  publications  k  son  de  trompe. 
Lies  enrôlements  étaient  reçus  par  acte  devant  notaire ,  où 
l'on  spécifiait  la  durée  du  service,  ordinairement  de  quel- 
ques mois,  la  solde  convenue,  le  genre  de  service  exigé, 
l'obligation,  pour  l'enrôlé,  de  fournir  ui  homme  propre 
au  service,  dans  le  cas  où  il  ne  pourrait  marcher  en  per- 
sonne à  l'époque  du  départ.  Le  Roi  promettait  toujours 
aux  enrôlés,  sûreté  ^ur  leurs  personnes  et  pour  leurs 
biens,  et  quelquefois  rémission  des  peines  qu'ils  pour- 
raient avoir  encourues  pour  quelques  méfaits  antérieurs. 
Tous  les  villages,  à  cette  époque,  étaient  entourés  de 
SDurs,  ou  avaient  au  moins  une  forteresse  communale  ou 
vn  ch&teau  seigneurial,  auprès  duquel  les  habitants  pou- 
^waîent  se  réfugier.  Perpignan,  entouré  d'un  mur  défendu 
par  des  tours,  dont  les  principales  étaient  placées  k  droite 
^t  à  gauche  de  la  porte  Notre-Dame,  était  la  première  place 
du  pays.   Il  était  gardé  par  ses  nombreux  habitants, 
^lourvus  d'armes  et  de  machines  de  guerre.  Le  Roi  entre- 
^:«nait  un  Châtelain  et  une  garnison  constante  de  trente 
Sioranes,  qu'on  augmentait  au  besoin,  dans  l'ancien  chà- 
^^^au  des  Rois  de  Majorque ,  qui  servait  de  citadelle  à  la 
"^ile.  Il  entretenait  de  plus,  dans  les  châteaux  suivants, 
un  Châtelain  et  une  garnison   de  :  six  hommes,  pour 
C^ylliouré,  Opol,  Livia;  de  cinq  hommes,  à  Forsa-Reaj 
et  Qoérol  ;  de  trois,  à  Puyvalador  ;  de  deux,  aux  châteaux 
de  Tautavel ,  de  Rodés ,  de  Belvcses ,  de  Castelnou ,  de 
Corsavi,  de  Bellegarde,  de  Montesauiu;  d'un  homme  et 


S76  BISTOIBB  DU  B0U88ILL0N. 

un  chien,  à  la  tour  de  Tautavel.  Ce  dernier  auxiliaire  était 
également  attaché  aux  garnisons  d'OpoI  et  de  Fona-Real. 
La  garde  de  ces  forts,  et  de  quelques  autres  moins  ifdpor- 
tants ,  coûtait  au  Roi  mille  huit  cent  vingt-trois  livres  de 
tem  par  an.  L'ordonnance  de  Pierre  IV,  du  8  des  ides  de 
mai  1346  ' ,  dont  nous  tirons  ces  détails,  ne  parle  point 
du  ch&teau  de  Salses ,  qui  existait  déjà ,  et  figura  parmi 
nos  places  fortes  dès  les  premières  années  du  xv^  siècle. 
H  est  probable  qu*on  abandonna  la  plupart  des  forts  dont 
il  est  ici  question,  lorsque  l'extinction  de  la  Maison  de  •: 
Majorque  eut  consolidé  l'usurpation  de  Pierre  IV. 

Les  Rois  d'Aragon,  comme  nous  venons  de  le  voir«    ^ 
ne  faisaient  pas  de  grands  frais  pour  défendre  le  Roo»-    — 
sillon  contre  les  invasions  étrangères.  Cependant,  ni  le  ^^ 
Prince  de  Majorque ,  ni  les  compagnies  de  Routiera  ^  ù  ^ 
fatales  au  Midi  de  la  France,  ne  purent  s'établir  dans  ce- 
pays;  Duguesclin  lui-même,   se  fit  un  devoir  de  res— > 
IHHTter  sa  neutralité  :  on  peut  dire  qu'il  ne  fut  dëlendm 
que  par  le  courage  et  le  patriotisme  des  habitants.  Ces 
belles  qualités,  avant  leur  origine  dans   une   certaine 
exaltation  des  esprits,  on  ne  doit  pas  s'étonner  de  Iroo- 
ver  ces  mêmes  hommes  inquiets  et  turbulents  dans  h  paix. 
Aussi,  nos  archives  nous  montrent-elles  une  multitude  de 
querelles  entre  particuliers,  qui  dégénéraient  trop  souvent 
en  guerres  privtvs.  Mais,  |K»ur  mieux  faire  connaître  ee 
genre  de  désontn^s ,  remontons  à  leur  source.  Lors  de 
la  dt^adenoe  de  TEImpire  de  Charlemagne,  les  Seigneurs 
de  la  Man*he  d*Esi»agne  et  du  Roussillon  s*arrogèrent  k 
dn>it  de  poursuivn\  à  main  armée,  la  réparation  des  tort 
qu'ils  prt'tendaient  avoir  soufferts.  I^ns  la  suite,  les  hov 
mes  libres,  asst'/  nombreux,  voulurent  imiter  les  Seignem 


CHAPITRE  TREIZIÈME.  277 

€t,  pour 'soutenir  leurs  querelles,  ils  eurent  recours  k  des 
associations  de  parents-  et  d'amis  :  de  là  vint  le  nom  de 
èandosités  qu'on  leur  donna ,  celui  de  guerre  privée  res- 
tant aux  querelles  entre  Seigneurs.  Les  Prélats,  par  des 
censures,   les  Rois  d'Aragon,  par  des  promulgations  de 
paix  et  de  trêve,  qu'ils  faisaient  jurer  k  leurs  principaux 
Barons,  cherchèrent  à  arrêter  ces  désordres.  Mais  ces 
Princes  sentirent  bientôt,  combien  ces  remèdes  étaient 
faibles    contre  un  mal  qui    avait  sa  source   dans  les 
mœurs  de  leurs  peuples;  et,  au  lieu  de  le  combattre 
directement,  ils  eurent  l'air  d'en  adopter  les  conséquences, 
d'est  ainsi  que  Pierre  II ,  en  établissant  la  commune  de 
Perpignan ,  lui  accorde  le  droit  de  venger,  à  main  armée, 
les  insultes  faites  à  ses  citoyens;  mais,  ce  droit  étant  un 
octroi  royal,  il  en  règle  l'usage.  Le  citoyen  outragé  devait 
porter  sa  plainte  devant  un  Conseil,  composé  des  Officiers 
royaux,  Procureurs,  Viguier,  Bailli,  etc.,  et  des  Consuls 
de  la  ville.  Ce  Conseil  mandait  l'inculpé  pour  venir  se 
justifier.  S'il  comparaissait,  l'affaire  était  jugée;  s'il  faisait 
défaut,  ou  s'il  refusait  d'acquiescer  au  jugement,  il  était 
mis  hors  la  paix  et  trêve  du  Roi ,  et  aloi^  seulement  la 
commune  pouvait  le  poursuivre  par  la  voie  des  armes  : 
elle  n'y  manquait  pas;  et,  tout  en  croyant  venger  l'injure 
d'un  de  ses  citoyens,  elle  ne  faisait  que  prêter  sa  forcé  k 
l'exécution  d'un  jugement.  Ce  droit  accordé  à  Perpignan, 
fut,  dans  la  suite,  concédé  à  plusieurs  autres  communes. 
Les  particuliers,  voyant  les  bons  effets  produits  par  les 
décisions  des  juges  de  la  ma  armada^  s'habituèrent  a 
porter  plainte  au  magistrat,  au  lieu  de  venger  eux-mêmes 
les  outrages  qu'ils  a\'aient  reçus  dans  leurs  personnes  et 
dans  leurs  biens.  Celui  qui  refusait  de  comparaître,  ou 
n'acquiesçait  pas  au  jugement,  était,  comme  nous  l'avons 
<lit,  mis  hors  la  paix  et  trêve  du  Roi ,  et  aIors}exposé  aux 


S78  HISTOIRE  DU  ROUSSlLLOlf. 

poursuites  de  la  partie  publique:  il  n'avait  daalhB  puli  ï 
prendre  que  de  s'exiler  volontairement,  pour,  de  là,  tâ- 
cher, par  l'intermédiaire  de  parents  et  d'amis  eonunms , 
de  conclure  un  accommodement.  Ces  sortes  d'actes  «  dont 
on  trouve  de  nombreux  exemples ,  étaient  fiiits  par  mi 
notaire ,  quelquefois  en  présence  du  magistrat,  d'autres  fins 
devant  des  arbitres.  On  en  voit,  où  il  est  stipulé  des  dé- 
dommagements pour  la  partie  lésée;  mais,  presque  tougovs, 
le  pardon  et  l'oubli  sont  accordés  gratuitement,  et  par  des 
motife  tirés  de  la  religion  et  de  la  charité  chrétienBe. 
Dans  les  plus  anciens  de  ces  actes,  le  plaignant  ateflit 
la  partie  publique  qu'il  se  désiste  de  toute  poursuite,  afin 
qu'elle  en  fasse  autant  de  son  côté.  Dans  des  actes  ptas 
modernes,  il  ne  fait  que  Tiuviter  à  imiter  son  exem|de.  Os 
connaît  un  grand  nombre  de  ces  sortes  de  traités  de  paix, 
dont  on  trouve  des  traces  jusque  dans  le  xvii®  siècle. 

Nous  terminerons  ce  chapitre ,  en  rapportant  quelques 
faits  qjyii  n'ont  pu  y  trouver  place,  quoique  propres  k  bim 
connaître  l'état  du  pays.  Dans  le  xv®  siècle,  on  foil  k 
Collioure,  des  Consuls  de  Venise,  de  Florence,  de  Loa 
bardie,  de  Savoie,  de  France,  de  Gènes;  ce  qui  prome 
que  cette  ville  était  le  centre  d'un  assez  grand  commerce. 
Plusieurs  actes  indi(|uent  qu'elle  avait  un  Consulat  de  Mer 
à  l'instar  de  celui  de  Perpignan.  Dans  cette  capitale,  cer- 
taines professions  jouissaient  d*une  grande  réputation  d'ha- 
bileté ,  puisque  des  jeunes  gens  venaient  de  pays  éloigiiés 
pour  y  faire  leur  apprentissage  :  c'est  ce  que  nous  indi- 
quent des  actes  nombreux,  laissés  entre  les  maîtres  et  les 
apprentis.  Panni  ces  derniers ,  on  voit  figurer  des  Pari- 
siens et  des  Allemands.  Les  professions  de  pareur,  de 
gantier^  de  chapelier,  sont  celles  qui  nous  offrent  le  phis 
de  ces  sortes  d'actes.  Nous  ne  pouvons  dire  si  Ion  Ira- 
\aillait  la  tapisserie  dans  cette  ville;  mais  nous  trouvons. 


CflAPimB  TREIZI6MB.  279 

en  1420,  un  présent  fait  a  la  Fabrique  de  La  Real  d'une 
tapisserie,  qui  représentait  l'histoire  de  sainte  Catherine. 
En  1571,  les  Fabriciens  de  Mailloles  vendent,  pour  treize 
livres  quatre  sols  de  tern  (environ  cent  soixante  trois  francs, 
seize  centimes  *  ),  une  Bible  léguée  k  TŒuvre  par  le  Sa- 
cristain de  cette  église.  En  1563,  un  Prêtre  retire  de  chez 
un  Juif,  en  payant  sa  dette,  un  Bréviaire  qu'il  lui  avait 
donné  en  gage.  La  nation  juive,  exclue  de  toute  asso- 
ciation formée  par  des  Chrétiens,  vivait  surtout  d'usures 
et  de  petits  trafics.  Elle  fournissait  des  négociants  et  des 
médecins  ;  mais,  si  les  premiers ,  pour  leurs  affaires ,  et 
les  seconds,  pour  aller  exercer  leur  profession,  obtenaient 
sous  Pierre  lY  la  permission  de  passer  en  France,  ce  n'é- 
tait qu'en  laissant  leurs  femmes  et  leurs  enfants  comme 
otages ,  et  en  donnant  caution  pour  leur  quote-^rt  du 
iribol  payé  par  l'Algamma  (la  Juiverie).  Malgré  ces  en- 
traves ,  quelques  Juifs  acquéraient  de  grandes  richesses  ; 
et,  alors,  devenus  fiers,  ils  s'arrogeaient  le  titre  de  Dan, 
uniquement  affecté  à  la  Noblesse.  Celle  de  Catalogne,  peu 
flattée  de  partager  avec  eux  cette  dénomination,  l'aban- 
donna, et  ne  la  reprit  que  sous  Charles-Quint.  L'arro- 
gance de  ces  nouveaux  riches  les  rendit  odieux  aux  classes 
élevées,  tandis  que  leurs  coreligionnaires  moins  fortunés 
s'attiraient,  par  leur  usure,  l'inimitié  des  habitants  des 
campagnes. 

1  La  lirre  de  lero  qui ,  en  1258 ,  lors  de  la  créaliou  par  Jacques  I",'T&lait  10'  55'  actuels» 
^*^Ail  d'^jà  ,  eu  1371 .  rWuile  à  \i'  50'. 


2S0  HISTOIRB  DU  ROOSSILLON. 


CHAPITRE  XIV. 


DIXIÊn  ÉPOQUE. 

Le  Comte  de  Foix,  pressé  de  pénétrer  en  Catalogne^ 
avait  négligé  Perpignan  et  Collioure,  dont  les  habitaB 
étaient  moins  disposés  que  les  Gouvemears  des  chftletiK 
à  obéir  à  leur  Roi.  Les  Perpignanais  avaient  creiué  dev 
fossés,  élevé  des  retranchements,  pour  contenir  h  garni- 
son du  fort  et  Ty  tenir  bloquée.  Hais  le  Duc  de  Nemooit, 
détaché  de  Tarmée,  et  renforcé  par  des  troupes  iremMi 
du  Languedoc,  prit  ces  retranchements  de  vive  foroe  :  h 
ville  se  rendit  le  8  janvier  1463,  et  le  Duc  s'emptn  m 
peu  de  temps  de  la  majeure  partie  des  deux  Comtét. 
Maitre  de  ces  pays,  unique  objet  de  son  expédilÎM, 
Inouïs  y  établit,  pour  son  Lieutenant,  Jean  de  Foix,  eoMia 
de  Caudale  ;  le  Seigneur  de  Montpeiroux ,  Viguier  da  RoM- 
sillon  et  du  Vallespir,  fut  nommé  Gouvemeurde  Bellegaide 
<|ui  résista  jusqu'en   octobre   1465.  Les  habitants  d 
l^erpignan ,  accusés  de  rébellion  pour  avoir  vouhi  défendi 
cette  ville  contre  le  Duc  de  Nemours,  furent  tradnf 
devant  une  commission ,  présidée  i>ar  le  premier  Plé 
d«^nt  de  Toulouse.  On  confisqua  les  biens  des  uns; 
rniHl;iinn;i  les  antn*s  ;ni  bannissement  ou  à  des  amcncf 


CHAPITRB    QUATQBZIÈME.  281 

Dans  la  suite,  on  confisqua  les  biens  de  ceux  qui  étaient 
restés  au  service  du  Roi  d'Aragon  ;  et  chaque  Gouverneur 
sut  découvrir,  dans  son  ressort,  quelque  rebelle  dont  il 
put  se  faire  donner  les  biens ,  ou ,  à  défaut  de  rebelles , 
il  y  levait  des  contributions.  Collioure  fut  un  peu  moins 
maltraitée  :  le  départ  des  plus  riches  avait  fort  diminué  la 
population.  Louis,* craignant  qu'elle  ne  diminu&t  encore, 
accorda  à  la  ville  une  rémission  entière  du  crime  de  ré- 
bellion, par  un  acte  daté  de  Toulouse,  le  7  juin  1463; 
et  par  un  autre,  du  14  du  même  mois,  il  dispensa  la 
commune  et  les  particuliers  du  paiement  des  pensions 
de  rente  dont  ils  étaient  chargés. 

Les  Français,  que  nous  avons  laissés  dans  l'Urgel, 
ayant  pénétré  en  Aragon ,  Jean  voulut  s'en  servir  contre 
les  rebelles ,  commandés  par  Jean  d'Hyjar.  Le  maréchal 
d'Albret  s'y  refusa,  ne  voulant  point  agir  contre  les  Cas- 
tiUans,  leurs  auxiliaires,  et  conclut  avec  eux  une  trêve, 
finissant  au  51  mars  1463,  dont  le  but  était  de  faciliter, 
entre  les  Rois  de  France  et  de  Castille,  une  entrevue,  où 
l'on  devait  s'occuper  de  la  pacification  de  la  Catalogne. 
Quoique  mécontent  des  Français,  et  surtout  de  leur  Sou- 
verain, Jean  ne  voulant  pas  déplaire  k  celui-ci,  au  moment 
où  il  allait  prononcer  entre  le  Castillan  et  lui,  prit  le  parti 
de  dissimuler,  et  nomma,  en  janvier  1463,  Louis,  son 
lieutenant-général  dans  les  deux  Comtés,  avec  les  mêmes 
pouvoirs  qu'il  avait  eus  lui-même,  en  e^^rçant  cet  emploi 
âous  le  règne  de  son  firère  Alphonse  (Zurita,  Bosch). 
L'un,  en  acceptant  ce  titre,  n'avait  d'autre  but  que  de  se 
faire  obéir  plus  aisément  par  les  Roussillonnais  ;  l'autre, 
toujours  maitre  de  révoquer  cette  nomination,  lorsque 
les  cbconstances  lui  paraîtraient  favorables,  ne  croyait 
pas  hasarder  grand'chose  en  légitimant  momentanément 
un  pouvoir,  dont  Louis  jouissait  déjà  en  réalité. 


28:1  niSTOiaB  DU  nOUSSILLON. 

Après  la  mort  de  l'Infant  de  Portugal,  Is  da 

dernier  Comte  d*Urgel,  dont  ils  avaient  fait  1  Roi« 
les  Catalans  appelèrent  à  la  couronne  René  d'Anjou,  dnc 
de  Lorraine.  Le  Roi  de  France  avait  jusqu'alors  joui  tran* 
quillement  des  deux  Comtés,  sans  continuer  k  foanir  à 
celui  d'Aragon  les  secours  convenus'.  Toot-k-coap,  il 
lève  le  masque,  et,  non  content  d'appuyer  de  ses  troupes, 
4466.  en  140(),  le  lils  de  René,  venu  en  Catalogne  pour  se  mt^ 
tre  à  la  tète  des  rebelles,  il  se  conduit,  dans  radmini^ 
tration  des  Comtés,  en  véritable  ennemi  du  Roi  d'Aragon. 
Par  une  ordonnance  du  16  septembre  1467,  il  confisque 
sur  Jean  Pa<^'ès\  vice-chancelier  de  ce  Prince ,  la  terre 
de  Saint  -  Jean -Pla- de -Corts.  Le  Vicomte  d'IUe  et  les. 
autres  Gentilshommes  au  senice  du  Roi  d'Aragon ,  ne 
furent  pas  mieux  traités.  Le  11  décembre  de  cette  aBoée^ 
il  donne  plusieurs  de  ces  confiscations  au  Comte  de  Caa- 
dale ,  de  la  Maison  de  Foix ,  lieutenant-général ,  dans  ee 
pays  (  itoscn  )  ;  et,  ne  gardant  plus  de  mesure ,  il  mmum 
son  Lieutenant-Général  dans  les  Comtés  de  RoussiHoa  el 
de  Cerdagne,  le  Duc  de  Calabre,  ce  tils  du  roi  René, 
Général  des  Catalans  révoltés  contre  le  Roi  d'AiagMi  : 
du  moins,  le  Duc  de  Calabre  |>rend-il  ce  titre,  k  la  snle 
de  plusieurs  autres,  dans  un  sauf-conduit  donné,  le  SI 
mars  1168,  à  quelques  négociants  de  Coliioure  et  él 
Perpignan. 

Le  lils  de  René  d*Anjou  eut  d*abord  quelques  saccès 
grâces  au\  secours  français,  et  à  une  infirmité  sunreni 
au  roi  Jean.  Ce  Prince,  aveugle  depuis  deux  ans^  reco 

1  Pour  pruuviT  >{»>'  \j>u\>  ri^uuwn  À  fjurnir  ilff  MTour»  a  Jran.  un  ritr  uv  lMf«4 
ilr  SatnU>-M3rii>-ta-Mfr,  vu  lli>ii»ill  mi  .  If  31  août  1  W>i ,  au  Ri>i  àtt  Vnnce  ptr  J«b4( 
(  Vai<*^IU.  Vtmf  ro;  mais  clli*  iii*ii<*  .i|i|irfnii  «eulemctit  «fuf  lf«  Krao(ait.  i  rÛM  él 
(M'tit  Dumlire,  juuaieut  ru  Ampuunlan  uu  ritU  a^s**!  insiiïuiAaut.  L»r  JMM  flain' 
r>liint ,  il'ar.-fitt  i-ii  •«•Ua\ff  ,l<-«  hioti>rrin«  l'^iia^'nnU  <iui  nr  |>arlfn(  jaiuit  àt$  Ff 
<1iii«  k  fi<'it   lf«  ii'inntii-xix  'nmh»i«  Irw'-*  failli  .*•  pA\*  •liUMit  !••«  mw^rt  IMII.  Oel 


CHAPITRE  QUATORZlàlIV.  383 

vra  la  vue,  en  1468,  par  l'opératioii  de  la  cataracte,  que 
lui  fit  un  médecin  juif.  Son  concurrent  étant  mort  le  13 
décembre  1470,  les  affaires  des  Catalans  commencèrent  k  4470. 
décliner;  et  le  Roi  d'Aragon,  maître  du  col  de  Panissas, 
envoya  des  troupes,  sous  les  ordres  du  Châtelain  d'Em- 
posta  et  du  Comte  de  Prades,  vers  Perpignan,  que  ses 
partisans  devaient  lui  livrer  '  /  L'entreprise  échoua  ;  mais 
l'esprit  public  se  manifesta  de  la  manière  la  plus  éclatante 
en  sa  faveur.  Les  Nobles  .les  plus  distingués,  tels  que 
Don  Bernard  et  Don  Guillaume  d'Oms,  Pierre  d'Or- 
taffa ,  les  frères  Duvivier,  arborèrent  la  bannière  d'Aragon 
sur  leurs  châteaux.  Maître  de  la  Catalogne,  Jean  songea 
sérieusement  à  chasser  les  Français  des  deux  Comtés; 
et,  voulant  seconder  le  désir  manifesté  par  les  villes  de 
Perpignan  et  d'Elne  de  secouer  un  joug  odieux,  il  fit 
partir  de  Barcelone,  le  24  décembre  1472,  une  armée 
commandée  par  le  Châtelain  d'Emposta,  pour  renforcer 
les  troupes  laissées  en  Roussillon  avec  Don  Pedro  de 
Rocaberti  et  Don  Bertrand  d'Armendarés  :  il  la  suivit,  le 
29  du  même  mois.  Elne,  Canet,  Argelès,  lui  ouvrirent 
leurs  portes  ;  et  Jean  Blanca ,  premier  Consul  de  Perpi- 


1  Voici  ce  que  les  Livres  de  Saint-Jean  et  les  Cvtnlaires  ronssilloanais  doqs  appreanent  , 
Sur  les  conspirations  de  cette  époqne  :  Le  10  avril  1472,  [on  arrêta  un  bonnetier  de  Perpi- 
%%MSi .  nommé  Terrades,  principal  agent  des  conspirateurs,  n  déclara  que  les  chefli  de  cette 
conspiration  étaient  Antoine  et  Micbel  Duvivier,  Bernard  et  Guillaume  d'Oms,  Piene 
d*Ortaffa .  Çaribera ,  Pierre  Traguera ,  gentilshommes  et  castillo  bourgeois.  Cenx-d  crai- 
gnant sans  doute  les  révélations  de  Terrades,  se  réfugièrent  dans  les  cfiftteanx  de  Castelnou. 
Cerbère .  Rodés ,  Montesquiu  et  Forsa-Real .  résolus  de  s'y  défendre.  11  parait  qi'iii  dwva- 
lier  nommé  R  lambeau ,  qui  ne  0gure  pas  dans  nos  documeots ,  (bt  arrêté  et  exécuté  comme 
complice  de  cette  conspiration. 

Le  24  janvier  1473 .  le  roi  Jean  s'étant  avancé  jusqu'au  couvent  de  Sainte-Claire,  thm 
situé  hors  la  ville ,  plusieurs  gentilshommes  et  bourgeois .  du  nombre  desquels  étaient 
Nicolas  de  Llupia ,  Jean  Redon ,  les  frères  Canta-Vilanova ,  les  deux  frères  Taqui ,  Sampso. 
etc. .  te  présentent  en  armes  sur  la  Loge .  portant  la  bannière,  el  poussant  le  cri  d'Angoo , 
courent  s'emparer  de  la  porte  Saint-Martin .  qu'ils  veulent  livrer  an  roi  Jean  ;  mais,  ne  trou- 
>ant  pas  de  sympathie  parmi  1«  peuple,  qui  répond  au  cri  d'Aragon  par  celui  de  France,  ils 
Vont  rejoindre  le  Roi. 


284  niSTOlRB  DU   R0U8SILL0N. 

gnan ,  secondé  par  les  habitants ,  lui  livra  celte  ville  le 
1475.       1er  février  1475  :  la  garnison  ser  retira  au  chftieaa,  qui, 
avec  Salses  et  Collioure ,  furent  les  seules  places  restées 
aux  Français. 

Louis ,  instruit  de  ce  qui  se  passait,  ne  perdit  pas  de 
temps;  et,  dès  le  l«r  avril,  neuf  cents  lances  étaient  réo- 
nies  aux  environs  de  Narbonne.  Son  année  devait  être  de 
trente  mille  hommes,  et  avoir  pour  chef  Philippe  de 
Savoie,  comte  de  Bresse.  Au  bruit  de  ces  prépanliit, 
les  commandants  des  troupes  de  Jean  le  pressaient  de 
se  retirer;  mais,  lui,  ne  se  laissant  pas  intimider  par  les 
menaces  des  ennemis ,  ni  ébranler  par  les  sollicitatioiit» 
de  ses  amis,  jura  aux  Perpignanais ,  dans  l'église  de 
Saint-Jean,  de  s'ensevelir  sous  les  ruines  de  lenr  Tille, 
plutôt  que  de  les  abandonner.  Il  tint  parole  ;  et,  enfermé 
dans  la  place  avec  quelques  troupes,  il  y  brava  fiteemcnl 
les  attaques  d'une  armée  formidable  :  la  ville  fut  investie 
le  9  avril.  Jean,  âgé  de  soixante-^eize  ans,  se  montrait 
tous  les  jours  à  cheval,  visitant  tous  les  postes,  se  portant 
partout  où  sa  présence  était  nécessaire.  Pour  inqoiéler 
les  derrières  des  assiégeants,  il  poussait  des  partis  dans 
les  pays  de  Fenouillèdes  et  de  Sault,  qu'ils  ravageaient 
jusqu'aux  portes  de  Carcassonne.  Son  courage  avait  ins- 
piré le  plus  vif  enthousiasme  aux  bourgeois  comme  aux 
soldats,  au  dehors  comme  au  dedans  de  la  ville.  Plosienrs 
Chevaliers  catalans  avaient  bravé  tous  les  dangers  pour 
y  pénétrer;  le  vieux  Connétable  de  Navarre,  Péraha*, 
s'y  était  introduit,  déguisé  en  Cordelier,  et  à  la  fiivaar 
de  la  langue  française ,  qu'il  parlait  fort  bien.  Plosienrs 
assauts,  livrés  avec  la  plus  grande  vigueur,  furent  re- 
poussés. Les  assiégés  faisaient  à  leur  tour  de  fréquentes 

I  \itt  hi^t'Uieni  rian<Jii«  «•'«iirrnt.  r^ftfitdaftl,  'iii'il  •laii  |»fn>ion«é  piir  VêêèM  XI. 


CHAPIVRB  QUATORZIÈMB.  S86 

sorties.  Dans  un  des  nombreux  combats  qu'elles  occa- 
sionnèrent, Jean 'd'Armendarés,  l'un  des  plus  braves 
chevaliers  catalans ,  fut  massacré  par  les  soldats  qui  ve- 
naient de  le  faire  prisonnier.  Jean,  indigné,  ordonne 
qu'on  saisisse  à  l'instant  les  plus  distingués  des  prison- 
niers français,  et  qu'on  les  conduise  au  supplice.  Heu- 
reusement, le  Comte  de  Bresse,  en  étant  prévenu,  envoya 
faire  des  excuses ,  attribuant  la  mort  d'Armendarés  à  un 
funeste  malentendu.  Cette  démarche  calma  la  colère  du 
Roi,  et  sauva  ces  malheureux. 

La  famine  se  faisait  sentir  dans  la  place,  quoique 
l'administrateur  de  l'Archevêché  de  Saragosse,  fils  na- 
turel de  Jean,  ne  négligeât  aucun  moyen  d'y  faire  passer 
des  vivres  d'Elne,  où  il  s'était  porté  avec  quelques  com- 
pagnies. Une  nuit,  les  assiégeants  furent  introduits,  par 
un  conduit  souterrain,  dans  une  maison  voisine  du  rem- 
part, dont  le  propriétaire  leur  était  dévoué.  Le  Roi,  qui 
en  fut  averti ,  prit  quatre  cents  hommes  des  troupes  tou- 
jours prêtes  à  marcher  partout  où  le  besoin  les  appellerait; 
il  attaqua  les  Français,  et,  avant  le  jour,  tout  le  déta- 
chement entré  dans  la  ville,  obligé  de  l'évacuer,  laissa  la 
plus  grande  partie  de  son  monde  mort  ou  prisonnier. 
Ferdinand  ne  voyait  pas  sans  inquiétude  les  dangers  de 
la  position  de  son  vieux  père  ;  il  mettait  tout  en  œuvre,  en 
Aragon,  en  Castille,  en  Catalogne  et  dans  le  Royaume 
de  Valence,  pour  lever  une  armée  capable  de  le  délivrer. 
Y  étant  enfin  parvenu,  il  franchissait  le  col  de  la  Massana 
le  24  juin  1475,  résolu  de  marcher  droit  à  Perpignan, 
lorsqu'il  reçut  l'importante  nouvelle  du  succès  obtenu  la 
veille  par  le  Roi  d'Aragon ,  presque  sous  les  murs  de  la 
ville.  Un  convoi  parti  d'Elne  arrivait  aux  assiégés.  Dulau, 
l'un  des  capitaines  les  plus  estimés  de  l'armée  française, 
et  le  Sénéchal  de  Beaucaire ,  eurent  ordre  de  l'enlever  : 


S86  HI8T0IRB  DU  ROUSSILLOIf. 

ils  l'attaquèrent  avec  un  gros  corps  de  cavalerie;  el  Tan» 
raient  indubitablement  pris,  si  une  forte  sortie  de  la  viDe 
ne  fût  venue  k  son  secours.  Dulau  et  le  Sénéchal,  pris 
entre  deux  feux,  virent  leur  troupe  détruite  ou  dispersée, 
et  tombèrent  eux-mêmes  entre  les  mains  des  assiégés. 
Cet  événement,  et  plus  encore  l'approche  du  Roi  de  Si- 
cile, décidèrent  les  Français  à  lever  le  siège.  I^  eavalme 
légère  de  Ferdinand  les  poursuivit  jusqu'à  Salses;  enleva 
un  très  grand  nombre  de  traînards,  et  leur  aurait  fait  un 
plus  grand  mal ,  si  les  cuirassiers  de  Don  Dionis  de  Por- 
tugal n'avaient  protégé  leur  retraite.  Ferdinand  n'entra  k 
Perpignan  que  le  28  juin ,  son  père  ayant  voulu  pouvoir 
lui  préparer  une  brillante  réception.  Après  cette  cëré* 
monie,  Jean  congédia  les  troupes  castillanes,  aragonaîses, 
valenciennes ,  ne  gardant  que  cinq  cents  cavaliers  et  fai 
vieille  infanterie  navarraise.  On  croyait  pouvoir  d'autant 
mieux  prendre  fce  parti ,  que  Philippe  de  Savoie  avait 
demandé  une  trêve  à  laquelle  Jean  avait  consenti.  Le 
Comte  de  Prades  fut  chargé  de  cette  négociation.  Les 
plénipotentiaires  signèrent  la  trêve  h  Canet,  le  14  joiDet, 
et  le  Roi  la  ratifia  le  même  jour,  à  Fine  :  elle  devait  expirer 
le  l<)r  octobre  suivant.  Pendant  sa  durée,  chaque  parti 
avait  la  faculté  de  ravitailler  ses  places,  d'en  renforcer 
les  garnisons  :  tons,  bourgeois  et  militaires,  pomraieot 
parcourir  librement  le  pays ,  communiquer  les  uns  avec 
les  autres ,  entrer  dans  les  diverses  places  avec  ragrément 
du  Gouverneur.  Antoine  de  Cardone  et  Matthieu  de  Mon* 
cade,  pour  l'Aragon;  le  Railli  de  Gisors  et  le  Sénéchal 
de  l'Angoumois,  pour  la  France,  furent  nommés  conser» 
vateurs  de  cette  trêve.  Malgn'*  cette  précaution,  Jean, 
connaissant  combien  Louis  désirait  ri'Ster  maître  dn 
Roussillnn ,  ne  c<»mptait  guère  sur  la  soli<lité  de  Tarran- 
gement  :  il  ne  voulut  point  sVloigner,  afin  de  pourvoir 


CHAPITRB  QUÀTORZliVE.  287 

plus  énergiquement  à  la  défense  du  pays.  Les  vivres  étant 
d'ailleurs  très  rares,  et  devant  venir  de  Barcelone,  il  était 
resté  très  peu  de  troupes  avec  le  Roi.  Cependant,  on 
s'apercevait  de  certains  mouvements  dans  l'armée  fran- 
çaise, mouvements  qui  annonçaient  son  prochain  retour. 
Le  conseil  de  Jean  faisait  tous  ses  efforts  pour  l'engager 
à  rentrer  en  Catalogne ,  où  il  pourrait  réunir  les  Cortés , 
et  en  obtenir  les  subsides  nécessaires  pour  la  continuation 
de  la  guerre  :  le  vieux  Roi  &it  inébranlable ,  se  contentant 
d'ordonner  à  son  fils  de  venir  à  Girone,  et  à  l'Archevêque 
de  Saragosse  de  se  porter  a  Elne.  Dès  le  26  juillet,  les 
Français  campèrent  auprès  de  Perpignan;  des  escar- 
mouches eurent  lieu  bientôt  entre  les  troupes  des  deux 
nations.  Les  nouveaux  venus,  sous  prétexte  de  ravitailler 
le  château,  voulaient-ils  surprendre  la  ville?  On  l'ignore; 
mais,  si  tel  était  leur  projet,  ils  ne  purent  ou  n'osèrent 
pas  l'exécuter,  et  ils  se  retirèrent  vers  le  Languedoc,  la 
Guienne  et  la  Provence.  Cette  retraite  fut  fort  heureuse 
pour  le  roi  Jean,  qui  n'avait  aucun  secours  k  espérer,  et 
qui,  d'ailleurs ,  tomba  gravement  malade ,  des  suites  des 
fatigues  essuyées  pendant  le  siège.  Cette  circonstance 
fâcheuse,  et  la  nouvelle  de  la  trêve  conclue  entre  le  Roi 
de  France  et  le  Duc  de  Bourgogne ,  abattirent  autant  le 
courage  des  Aragonais ,  qu'elles  relevèrent  celui  des 
Français.  Toutes  les  instances  pour  engager  le  roi 
Jean  à  quitter  la  ville  furent  vaines.  Ce  Prince,  sen- 
tant combien  son  départ  aigrirait  les  esprits  ,  resta 
ferme  dans  sa  première  résolution.  Sur  ces  entrefai- 
tes. Don  Pedro  de  Rocaberti  revint  de  France,  où  il 
avait  été  prisonnier,  rapportant  quelques  propositions 
de  paix,  qu'il  fut  chargé  de  négocier  avec  du  Lude, 
commissaire  du  Roi  de  France.  Le  premier  se  tenait  à 
Canet;  le  second,  au  château  de  Perpignan.  Affectant 


288  HISTOIRE  DU  R0US8ILL0N. 

un  grand  désir  de  paix,  Louis  proposait  de  ntrior  le 
Dauphin  avec  la  611e  de  Ferdinand;  mais  il  se  teattl  Mi 
de  la  frontière ,  afin  de  prolonger  la  négocittioii  9  pir  li 
nécessité  où  l'on  se  trouvait  souvent  de  le  oonnAir. 
L'article  relatif  k  Perpignan,  était  le  plus  difficile  à  riffieri 
chacun  voulait  avoir  cette  ville.  On  parvint,  eoiii,.k 
conclure  un  traité,  signé,  à  Perpignan,  le  10  octobmi  pu 
4475.       le  Roi  d'Aragon,  et,  à  Dampierre,  le  10  novanbie,  pu 
le  Roi  de  France.  D'après  cette  convention,  le 
devait,  dans  l'année,  payer  trois  cent  mille  coorMMi 
second,  et  celui-ci  restituer  les  deux  Comtés  :  ea 
dant,  on  les  confiait  à  un  Gouverneur  nonmié  par 
sur  deux  personnes  proposées  par  Jean.  Cet  offider 
prêter  serment  aux  deux  Rois,  de  bien  administrer  el  # 
n'exécuter  les  ordres  d'aucim  des  deux  pendant  11 
de  sa  commission.  Sur  quatre  sujets  proposés  par 
Louis  devait  en  choisir  deux  pour  commander  :  rm 
le  chiteau  de  Perpignan,  l'autre  dans  celui  de  CoffiaoM. 
Ces  officiers  prêteraient  serment  an  Roi  d'AngOA  4e 
garder  la  paix ,  et  de  lui  rendre  ces  places  aussilêl  firïl 
aurait  remboursé  les  trois  cent  mille  couronnes.  Ces 
Gouverneurs,  pendant  leur  conunandement,  étiieal  iê^ 
chargés  des  serments  prêtés  auparavant  li  leur 
rain  respectif,  et  s'engageaient  à  ne  recevoir  éum 
places,  de  toute  cette  année,  ni  les  deux  R<hs,  wà  hê 
personnes  chargées  de  leurs  ordres.  Avant  de 
Perpignan,  le  Roi  d'Aragon,  en  récompense  des 
rendus  par  les  habitants,  confirma  les  ancîeiis 
de  la  ville  et  lui  en  accorda  de  nouveau.  Gel  acte 
dressé  en  présence  de  Jean  Pages,  son  vke-chiaeeKei^ 
el  du  Châtelain  d'Emposla.  Il  partit  eosttile  pov  BMot«> 
lone,  oà  on  lui  fit  une  entrée  triomphale. 
Ea  signant  le  traité  dont  notts  venons  de  domner  Texlndlt 


CHÀPmiE  QUATORZIÈME.  289 

les  deux  Rois  n'avaient  guère  songé  aux  moyens  de  l'exé- 
cuter. Jean,  n'étant  pas  en  mesure  de  se  défendre,  avait 
voulu  gagner  du  temps,  et  Louis  iaisait  déjk  ses  préparatifs 
pour  envahir  le  Rouësillon.  Les  Ambassadeurs  «nvoyés  par 
le  Roi  d'Aragon  s'en  aperçurent  aisément  dès  leur  entrée 
en  France.  La  conduite  des  Français,  dans  les  deux  Com- 
tés, décelait  également  les  intentions  de  leur  maître;  car, 
non  contents  d'augmenter  les  fortifications  du  château  de 
Perpignan,  de  raser  un  mamelon  qui  masquait  a  leur 
artillerie  un  certain  quartier  delà  ville  appelé  Uatatorç, 
ils  poussèrent  leurs  entreprises  jusqu'à  enlever  le  château 
de  Saint-Jean-Pla-de-Corts ,  et  k  empêcher  les  vivres  d'en- 
trer dans  la  capitale,  où  l'on  commençait  k  éprouver  la 
disette.  Pour  couper  k  cette  ville  sa  communication  avec 
la  mer,  du  Lude  s  gouverneur  du  château  et  général  des 
troupes  françaises,  tenta  un  coup  de  main  sur  Canet; 
mais  la  femme  de  D.  Pedro  de  Rocaberti  fit  de  si  bonnes 
dispositions  dans  cette  forteresse,  que,  quoique  du  Lude 
y  eût  d'abord  pénétré,  il  échoua  complètement,  Pierre 
d'Ortaffii,  lieutenant  du  gouverneur  aragonais,  ayant  eu 
le  temps  d'arriver  cette  nuit  même  au  secours  de  Canet. 
Les  sages  mesures  prises  par  cette  femme  intrépide, 
conservèrent  cette  place.  Mais  deux  galères  provençales, 
stationnées  sur  cette  plage,  empêchaient  le  débarquement 
des  vivres  :  le  hasard  conduisit  dans  ces  parages,  deux 
galères  catalanes  revenant  de  Sicile  ;  elles  chassèrent  la 
croisière  française,  et  rouvrirent  les  communications. 
Les  Espagnols  parvinrent  a  les  maintenir,  quoique  les 
Français,  maîtres  de  Salses,  eussent  fait  passer  dans  la 
Salanque ,  les  troupes  qu'ils  avaient  sur  la  frontière  du 
Languedoc. 

En  entrant  en  France,  les  Ambassadeurs  aragonais 
trouvèrent  les  routes  encombrées  de  troupes,  d'artillerie, 

19 


290  lllSTOIRB  DU  R0U8SILL0N. 

de  convois,  se  dirigeant  vers  les  frontières  :  si  on  leur 
donnait  toujours  des  assurances  de  paix,  ib  voyaient 
partout  des  préparatifs  de  gueire.  Arrivés  k  Paris,  on  les 
empêcha,  sous  divers  prétextes,  de  voir  le  Roi;  on  anéliil 
les  courriers  chargés  de  leurs  dépêches;  ils  ne  powaicnl 
ni  recevoir  des  nouvelles  d'Espagne,  ni  écrire  à  lenr  gon- 
vemement.  Fatigués  de  cet  état  de  choses,  ib  primi  le 
parti  de  se  rendre  chez  le  chancelier  d'Oriole,  où  s'as- 
semblait le  conseil  du  Roi  ;  et  Ik ,  en  présence  de  ThooMS 
Thaqui,  ambassadeur  du  roi  Ferdinand  de  Napte,  ib 
donnèrent  une  note,  où,  après  avoir  exposé  les  princi- 
pales conditions  du  traité  conclu  k  b  suite  de  Tratierae 
de  Sauveterre,  ils  ^joutaient,  qu'en  accompUssement  de 
ces  conditions,  Charles  et  Rérenger  d'Qms  avaient  é»è 
autorisés  par  Jean  k  prêtrer  hommage  k  Louis,  Ton  pov 
le  château  de  Perpignan ,  l'autre  pour  celui  de  CoUioave, 
en  s'engageant  k  garder  ces  deux  places  pour  les  dnnx 
Rois,  jusqu'à  ce  que  Jean  eût  payé  les  sommes  stipnlées 
dans  le  traité  :  ib  ajoutaient  qu'il  était  notoire  fne  Lonb 
n'avait  pas  été  aussi  Adèle  à  remplir  ses  eogagemoMs, 
puisque  ses  troupes,  dans  le  peu  de  temps  qu'elles 
avaient  élé  au  semce  de  Jean,  n'avaient  presque  j 
obtempéré  k  ses  demandes;    qu'ensuite,  elles 
combattu  contre  lui  en  laveur  du  Duc  de  Lorraine;  qn'oi 
conséquence,  le  Roi  très  chrétien  devrait  se  conlenler 
d'avoir  relire  pendant  longues  années  les  reveni 
deux  G>mtés,  comme  s*ils  lui  avaient  appartenu  c 
pre«  et  rendre  ces  pays  au  Roi  dWragon,  sans  exiger  les 
Irois  cent  mille  écus  ;  que ,  cependant ,  leur  Maître ,  ne 
se  refusait  pas  à  pa\er  cette  somme,  si  le  Roi  de  Franee 
loxi^^'iMit  absohimoiit.  1^^  conseil  demanda  jusqu'en  II 
mai  |M>ur  n^poiidre  à  cette  note.  »  |K>u\ant  |ias  soutenir 
que  los  rtmditioiis  du  traite  t*ii^M'nt  vir  n^niplîes,   ib 


CHAPITRE  QUATORZlàm.  291 

passèrent  cet  article  sons  silence,  se  contentant  de  relever 
la  grandeur  des  services  rendus,  en  délivrant  la  Reine  et 
le  Prince  enfermés  dans  Girone;  la  diflBculté  de  l'entre- 
prise, la  nécessité  où  avaient  été  les  Français  de  prendre 
qudqnes  places  du  Roussillon  qui  auraient  dû  être  re- 
mises par  le  roi  Jean  ;  les  embarras  qu'ils  avaient  éprouvés 
à  raison  des  dispositions  hostiles  des  peuples  à  leur  éfpirA^ 
et,  enfin ,  les  pertes  qu'ils  avaient  faites  en  hommes  et  en 
chevaux  durant  cette  guerre.  Les  Ambassadeurs  répon- 
dai^it  aisément  k  toutes  ces  récriminations,  en  disant 
<iae  toutes  ces  diflBcultés,  ces  embarras,  ces  travaux  et 
ces  pertes,  étaient  la  conséquence  inévitable  de  la  guerre 
<Iiie  Louis  s'était  engagé  à  faire  aux  rebelles  ;  que  les  trois 
cent  mille  écus  et  les  revenus  des  Comtés  en  étaient  le 
prix  convenu.  Pour  pouvoir  sortir  de  Paris,  ils  durent 
ccMisentir  à  ne  pas  remettre  la  note  qui  contenait  leur 
réplique  ;  mais ,  plus  libres  après  être  sortis  de  la  ville , 
ils  firent  devant  Thomas  Thaqui,  ambassadeur  de  Naples, 
une  protestation  contre  le  refus  qu'on  avait  fait  de  recevoir 
une  seconde  note,  et  contre  la  conduite  tenue  à  leur  égard. 
Arrivés  à  Saint-Esprit,  on  les  fit  rétrograder  jusqu'à  Lyon, 
oà  on  lés  retint  avec  leur  suite,  composée  de  cent  cinquante 
Gentilshommes.  Cependant,  cinq  cent  cinquante  lances 
françaises,  avec  beaucoup  d'infanterie  et  d'artillerie,  s'a- 
cheminaient vers  le  Roussillon.  Jean,  de  son  côté,  voyant 
la  guerre  inévitable,  avait  donné  ordre  de  détruire,  à  Per- 
pignan, l'élise  de  Sainte-Marie  (Notre-Dame-du-Pont)  et 
un  couvent  d'Augustins,  situé  entre  le  faubourg  et  la  porte 
de  la  ville ,  parce  que  ces  deux  édifices  en  gênaient  beau- 
coup la  défense  de  ce  côté;  il  faisait,  aussi,  entrer  des 
Napolitains  à  Elne,  dont  il  ordonnait  de  réparer  les  forti- 
fications. Le  14  juin,  l'armée  française  se  porta  entre  le 
Vemet  et  Perpignan ,  où  commandaient  Pierre  d'Orlaffa 


292  HISTOIRE  DU  ROU581LLON. 

et  le  Bâtard  de  Cardone.  La  garnison  italienne  d'Due, 
croyant  n'en  pouvoir  défendre  la  ville  basse,  l'afait  aban- 
donnée et  commençait  à  en  démolir  les  maisons.  Le  gôo- 
semeur  Don  Bernard  d'Oms,  n'approuvant  pas  ee  projet» 
■se  rendit  k  Perpignan ,  dans  l'espoir  d'en  tirer  qnelqMS 
troupes  pour  renforcer  sa  garnison  et  la  mettre  eo  élat 
'de  défendre  ce  quartier.  On  le  reconnut  impossible;  el  il 
revint  le  soir  même  à  Elne ,  profitant  du  moment  oà  faL 
communication  entre  les  deux  places  était  encore  Kbre. 
1474.  Le  17  juin  1474,  l'armée  française,  ayant  mis  gamisom 
à  Argelès,  abandonné  par  les  Aragonais,  et  occupé  Mn- 
relias  «t  Géret,  pour  fermer  les  passages  aux'MCOors^ 
vint  camper  k  une  lieue  d'Elne ,  dans  un  endroit  appelé 
los  Casales  de  San  Cypria.  Elle  était  forte  de  cinq  cents 
lances  et  quatre  mille  quatre  cents  francs-archers.  Ea 
attendant  un  renfort  de  deux  cents  lances  et  de  qndqnci 
compagnies  d'infanterie ,  amenées  par  le  Comte  de  Gan- 
date,  elle  se  mit  à  faire  du  dq^ât,  brûlant  les  blés,  eoiqiaiit 
les  arbres  et  les  lignes.  Cependant,  les  Ambassadenrs^ 
toujours  retenus  à  Lyon,  y  restèreni  jusqu'au  10  jnillet» 
jour  où  on  leur  permil  de  partir  pour  Montpellkr,  d'oi 
ils  ne  purent  sortir  qu'après  la  conquête  du  Roiteillon* 
Le  Roi  d'Aragon,  pour  être  à  même  de  veiller  plus  atten- 
tivement à  la  défense  de  cette  province  «  s'était  établi  à 
Castello  de  Ampurias. 

Enfin,  dans  les  premiers  jours  de  novembre,  Vt 
française,  rom|>osée  de  neuf  cents  lances,  dix  mille 
archers,  et  munie  d*un  train  considérable  d*artiUerie, 
entreprit  le  sié^e  d*Elne ,  dont  la  prise  devait  Aler  au 
Espagnols  tout  es|H)ir  de  secourir  Perpignan.  La  place, 
mal  |NHirvue  des  ohjots  mVessaires  à  sa  défense;  man- 
quant d*infanterie  et  surtout  d\ir(*hers,  ne  pouvait  tenir 
Ifmg-tcinps  contre  une  amuW*  aussi  formidable.  Les  Ara- 


CHAPITRE  QUATORZIÈME.  293 

^onais  firent  tous  les  efforts  possibles  pour  y  introduire 
des  secours;  mais  ils  forent  toujours  repoussés.  Une 
nouvelle  tentative,  faite  le  29  novembre,  lut  infructueuse 
comme  les  précédentes  :  elle  eut  les  résultats  les  plus 
funestes,  le  découragement  s'étant  mis  parmi  les  assié- 
gés. La  démoralisation  commença  par  le  corps  napolitain, 
dont  le  commandant,  Julien  de  Pise,  donna  l'exemple  de 
l'insubordination  et  de  la  mauvaise  volonté.  Les  choses  en> 
vinrent  au  point,  que  D.  Bernard  d'Oms  se  vit  contraint  à 
capituler  le  5  décembre.  Les  Italiens  et  la  cavalerie  valen- 
cieane  eurent  la  permission  de  se  retier  où  ils  voudraient. 
Don  Bernard  et  quelques  Gentilshommes  roussillonnais 
furent  retenus  prisonniers,  et  conduits  au  château  de 
Perpignan,  où  plusieurs  d'entr'eux  furent  décapités,  avec 
leur  chef,  comme  traîtres;  les  autres,  transportés  en 
France,  y  restèrent  dix  ans  prisonniers.  L'-histoire  nom- 
me, parmi  ces  derniers  :  Jean  Jou,  Jean  Du  Vivier, 
Galceran  Ganta.  Le  supplice  de  ces  malheureux  fut  au 
moins  un  acte  bien  rigoureux,  un  cruel  abus  de  la  vic- 
toire :  les  historiens  aragonais  le  considèrent  comme  une 
horrible  violation  du  droit  des  gens.  Certains  auteurs 
français,  pour  disculper  Louis  ^,  veulent  voir  dans  la 
mort  de  ces  infortunés  la  juste  punition  de  leur  révolte. 
Si  on  leur  demande  d'où  Louis  tenait  le  droit  de  les 
traiter  en  rebelles,  ils  invoquent  en  sa  faveur  la  con- 
quête, sans  faire  attention  que  le  droit  qui  eu  dérive, 
variable  comme  les  succès  pendant  la  guerre ,  ne  com-. 
mence  à  exister  en  réalité  qu'après  avoir  été  reconnu  et 
sanctionné  par  le  traité  qui  la  termine.  Mous  examine- 
rons dans  une  note  particulière,  si  les  Roussillonnais 
étaient  vraiment  rebelles  à  Louis  XI ,  et  si  Don  Bernard 
d'Oms  se  trouvait  dans  une  position  plus  défavorable  que 
ses  compatriotes. 


S94  H18T0IRB  DU  ROUSSIIXON. 

Après  la  prise  d'Elne,  Figoères  se  rendit,  et  le 
de  Perpignan,  eommencé  le  i7  juin ,  Ait  converti  en  mi§b 
régulier.  Jean  fit  vainement  tons  ses  efforts  popr  inli^ 
duire  dans  la  place  des  secours  indispensables  en  nnet  et 
en  homnies.  Ne  pouvant  la  secourir,  il  cherdia  k 
le  courage  des  habitants  en  louant  leur  eonstuee, 
bisant  entrevoir  un  avenir  plus  heureux,  et 
h  la  ville  le  titre  de  très  fidèle,  par  un  privilège  dni  de 
4475.  Girone  le  2i  janvier  1475.  Dans  l'éUt  déplorable  ok  ee 
trouvaient  ses  finances,  ce  Prince  ne  pouvait  riett  ftfae 
de  mieux.  On  raconte  qu'il  lut,  h  cette  époque,  ohKpi  de 
mettre  en  gage  une  fourrure  de  marte,  qui,  h  eoo  ê§t 
et  dans  la  saison  où  Ton  était,  lui  devenait  fort  néees 
saire.  Cependant,  les  Français  poussaient  vhremeal  le 
siège  ;  et  quoique  épuisés  par  les  fatigues  ^  h  foin ,  les 
assiégés  se  défendaient  avec  vigueur,  et  ûôsaient 
fois  dos  sorties  heureuses.  Faute  d'aliments  plot 
naliles,  ils  mangcaint  les  chevaux,  les  rats,  les  vieex 
les  cadavres  des  ennemis  tués  dans  les  combats  :  ea  vit 
même  une  mère  faire  cuire  les  chairs  d'un  de  ses  tÊÊÊÊM 
mon  de  faim,  pour  consener  les  jours  de  edoi  fn  bn 
restait.  I.es  assiégeants,  maîtres  du  cbâteM,  et  %\ 
fortifiés  avec  intelligence  dans  les  ruines  de 
du-Pont  et  du  couvent  démoli  des  Augustins ,  seiiaieBt  la 
ville  de  près.  Ayant  ouvert  une  brèche  très 
Il  la  place,  ils  tentèrent  un  assaut  le  6  mars, 
les  assiégés  lussent  |)arvenus  li  le  repousser,  ils  avMM 
acquis  la  conviction  qu*une  |ilus  longue  dëieBse  lev 
était  im|H)Ssibk\  surtout  par  le  manque  absolu  de  vhmt. 
Presse^  par  ces  fatales  cirtonsunces«  les  Coimdi  et  le 
e«m$eil  tte  ville  t^unnitent  le  10,  avec  du  "Lide  et  du 
KaiK  um^  négociation  pour  capituler.  Le  roi  Jeen  afiat 
aiitorisi*  la  rtnldition  dr  tu  place.  A\c  «mvrit  ses  perles 


CHàHTRV  QUATORZliMB.  995 

le  i4  mars,  aux  conditions  suivantes  :  La  garnison,  qor 
n'était  phis  que  de  quatre  eents  benunes,  rentrerait  en 
Catalogne  ;  les  habitants  auraient  quatre  ans  pour  se^  dé- 
cider à  rester  ou  à  abandonner  leurs  maisons;  durant  ce 
d^ai,  ils  pourraient  aller  et  venir  des  Comtés  aux  terres 
d'Aragon,  anporter  leur  or,  leur  stfgent,^  leurs  marchan- 
dises, faire  toutes  les  agences  nécessaires  pour  vendre 
leurs  biens;  personne  ne  pouvait  être  recherché  pour  des 
fiûts  antériemrs;  tes  privilèges,  libertés,  us  et  coutumes 
devaient  être  maintenus;  Loms  s'engageait  à  ne  point 
tou^er  aux  biens  et  aux  revenus  de  la  ville.  Il  y*  avait 
plusieurs  autres  conditions,  toutes  fort  avantageuses  aux 
habitants  de  Perpignan  et  des  Comtés,  en  faveur  desquels 
devaient  être  expliquées  les  expressions  de  la  capitulation 
qui  pourraient  offrir  quelque  incertitude.  Ce  traité  étaîjL  en 
général  si  favorable  aux  assiégés,  qu'on  était  f<Nrt  surpris 
qu'il  leur  eAt  été  accordé  sans  restriction.  Aussi  plu-^ 
sieurs  gentilshommes  et  principaux  citoyens ,  ne  se  fiant 
pas  trop  ^  son  exacte  observation ,  se  retirèrent  avee  le^ 
gouverneur  Pierre  d'Ortafia  et  les  troupes.  De  ce  mhw. 
hre,  furent  Vines,  Sampso,  Jean  Redo,  Blanca  et  quelques, 
autres.  Le  Roi  d'Aragon  accueillit  de  son  mieux  ces  exilés 
volontaires;  et  dans  une  lettre  écrite  de  CasteUo-de-Ampu- 
rias,  le  15  mars  1475,  à  tous  ses  officiers,  il  leur  ordonne^ 
de  traiter  comme  ses  plus  fidèles  sujets  les  habitants  du 
RoQSsillon  en  général ,  et  ceux  de  Perpignan  en  particu- 
lier, quoique  tombés  sous  la  domination  du  Roi  de  France; 
il  l'ordonne,  en  considécation  du  dévoûment  qu'ils  lui 
avaient  témoigné  en  défendant  leur  ville,  et  en  ne  la 
rendant  avec  son  consentement  qu'après  avoir  livré  plu- 
sieurs combats,  et  enduré  les  horreurs  de  la  plus  cruelle 
famine,  jusqu'au  point  de  se  nourrir  de  chair  humaine. 
Non  content  de  cette  lettre,  le  SO  juin  suivant,  il  fit 


â96  HISTOIRB  DU  R0U88ILL0II. 

dresser,  à  Barcelone,  un  acte  particulier  en  fomi^défriv 

▼ilége,  en  faveur  des  habitants  de  Perpignan.  Jlhm^wNm 

donnerons  pas  le  texte  latin,  k  cause  de  at  pitliilfi 

nous  nous  bornerons  k  en  faire  connaître  h 

Il  s'exprime  à  peu  près  ainsi  :  «  Cbers  et  fidèles 

liers,  Bourgeois,  Négociants  et  autres  baMlants 

pignan,  soutenus  par  une  faible  garnison, 

défendu  très  long4emps,  en  hommes  couragemL  A 

fidèles,  ?otre  ville,  où  plusieurs  brèches  étaiem 

contre  une  armée  française  bien  pourvue  d'i 

de  tous  les  moyens  d -attaque.  Vous  vous  êtes  i 

privations  les  plus  dures  pour  ménager  vos 

lorsqu'elles  ont  été  épuisées,  par  la  longueur  dn  fiépSt 

repoussant  des  propositions  séduisantes,  vous  «vet 

k  vous  procurer  des  vivres  par  des  sorties 

reuses,  toujours  fatales  k  rennemi.  Enfin,  rédnilikis 

pouvoir  traverser  ses  postes  qu'en  petites  trompes  SI  à  la 

faveur  de  la  nuit,  vous  alliez  à  quatre  on  dnq 

rentriez  chargés  de  blé  comme  des  bêtes  de 

être  eflrayés  de  la  perte  de  ceux  des  vêtres,  qni, 

ces  courses  périlleuses,  étaient  anssitêt 

les  jours ,  dans  la  ville ,  plusieurs  personnes 

faim  ;  les  autres  ne  prolongeaient  leur  existence  qiA 

nourrissant  des  aliments  les  phn  dégoAtants,  A 

de  chair  humaine.  Dans  une  position  aussi  hoirihls» 

n'avez  voulu  écouter  aucune  proposition  :  une  leHs 

tance,  une  telle  fidélité  vous  ont  méfilé  une 

bit  l'admiration  de  Ihinivers.  Cependant, 

secourir  comme  je  l'aurais  désM,  je  vons  ai  antoffisài  k 

capituler;  vous  n'y  avez  consenti  quli  regreL  fl  ni^f  n 

d'éloges,  pas  de  récompenses  que  ne  méfîlent 

fidéHtë,  une  telle  constance.  Pour  le  moment» 

tous  les  privilèges  qui  vous  ont  été  accordés  par  nMS  pié* 


CHAPITRE  QUATORZIÈME.  â97 

iléeesseurs ,  en  vertu  du  présent,  je  m'engage ,  pour  moi 
et  mes  successeurs,  k  traiter  comme  mes  plus  fidèles 
sQJets,  vous  et  tous  les  Roussillonnais,  quoique  tombés 
sous  le  pouvoir  du  Roi  de  France.  Nous  déclarons  que, 
quand  bien  même  la  guerre  deviendrait  plus  vive,  vos 
personnes  et  vos  biens  seraient  respectés  par  mes  troupes, 
tant  en  Roussillon  que  dans  tout  autre  pays,  et  même  en 
mer,  si  on  les  trouvait  sur  les  vaisseaux  de  mes  ennemis. 
De  plus,  je  vous  permete  de  voyager,  de  rester,  de  com- 
mercer librement  dans  mes  États,  donnant,  à  cet  effet, 
les  ordres  les  plus  précis  k  tous  «eux  *  qui  sont  sous  ma 
dépendance,  depuis  mon  fils  Ferdinand  jusques  au  dernier 
de  mes  officiers  civils  ou  militaires.  » 

Op  a  voulu,  dans  la  suite,  embellir,  par  un  épisode  dra- 
matique, le  récit  d'un  siège  déjk  fort  remarquable  par  le 
courage  et  la  constance  des  assiégés.  On  a  lait  égorger 
le  fils  de  Jean  Blanca,  prisonnier  dans  une  sortie,  sous 
les  yeux  de  son  père,  parce  que  celui-K^i,  premier  Consul, 
refusait  de  livrer  la  place  aux  Français.  Hais  Blanca  n'était 
pas  premier  Consul  cçtte  année,  et  l'eût-il  été,  la  reddition 
de  la  place  ne  dépendait  pas  de  lui  :  Pierre  d'Ortaffa, 
lieutenant  du  gouverneur  du  Roussillon ,  y  commandait. 
Zurita,  écrivain  exact,  dont  la  relation  esft  fort  circons- 
tanciée, ne  dit  pas  un  mot  de  ce  fait.  Il  n'en  est  pas  non 
plus  question  dans  l'inscription  :  Hujus  damûs  Dominas 
fiddUaU  cundos  superavit  Romanos,  placée,  au  dire  de 
Bosch,  sur  la  maison  de  Blanca  par  ses  concitoyens,  Sfurès 
la  restitution  de  la  province  k  l'Aragon.  Toutes  ces  obser- 
vations, faites  long-temps  avant  nous  par  le  savant  Fessa, 
et  le  silence  du  roi  Jean  sur  un  fait  pareil,  nous  obligent  à 
considérer  cette  scène  tragique  comme  un  conte.  Cepen- 
dant, ce  fait  n'a  pas  été  avancé  sans  quelque  fondement 
par  André  Bosch ,  qui  écrivait  au  commencement  du  xwv^ 


â98  HI8T0I1IB  DC  R0U88ILL0H. 

siècle  :  il  nous  a  montré  Jean  Blanca  j^ant,  Am  Imt  é» 
remparts,  son  poignard  aux  Français,  qui 
d'égorger  son  iils  s'il  ne  livrait  la  place.  En  efiet, 
les  registres  de  Bonfil,  notaire  contemporain  k  PerpignaB, 
où  Ton  trouve  quelques  dates  fort  exactes  des  évèncmts 
de  ce  temps  Y  on  lit  :  «  Aujourd'hui,  jour  de  sainte  Laee 
(13  décembre)  on  a  exécuté,  dans  le  chftteao,  D.  Bemvd 
d'Oms  et  le  fils  de  Jean  Hanca.  Ce  malbenren  ji 
homme,  victime  de  l'attachement  de  son  père  h  la 
nationale,  périt  presque  sous  ses  yeux,  puisque  J. 
était  enfermé  dans  Perpignan.  » 

Louis  XI  avait  abusé  de  la  victoire  après  la  prise  d'Etalé, 
et  n'était  pas  mieux  disposé  k  l'égard  des  Perp^[Daiiais.  Il 
destinait  au  supplice  ou  aux  fers  les  principaux  bonigeois 
et  les  nobles  des  environs;  mais  les  généraux  françns 
vendirent  l'impunité  a  tous  ceux  qui  parent  Tacheter.  D 
avait  permis  au  Cardinal  d'Ail»  de  prendre  pour  lai  Iss 
meilleurs  bénéfices ,  lui  recommandant  de  ne  doBBer  les 
bons  qu'aux  Français ,  de  promettre  les  autres  aux  geas 
du  pays,  sans  toutefois  se  presser  de  les  lear  délinar. 
Se  méfiant  de  ce  Prélat,  il  avait  envoyé  Du  Bouekage 
pour  le  surveiller.  Dans  ses  instructions  à  cet  oficier,  Q 
lui  prescrit  de  donner  au  Gouverneur  les  noms  de 
qu'il  regardait  comme  traîtres,  pour  qu'on  les  fit 
piler,  si«  de  lli  k  vingt  ans,  ils  osaient  se  montrer 
la  ville.  Il  plaça  lui-même  à  la  tète  de  cette  liste  de 
cription  Ortosa  et  Vines,  avec  répithète  de  très  mai 
INMir  le  premier,  de  grand  traître  pour  le  second;  fl  y 
mit  aussi  Maure,  comme  celui  chez  qui  s'était  traaiée  la 
conspiration  pour  livrer  la  ville  au  Hoi  dWnigon.  II  ae* 
corda  au  gouverneur  Boufile  la  dé|HHiille  de  ceux  qtt*il  fe> 
rait  périr;  mais,  heureusement,  cet  officier,  homme  dlieii» 
neur,  au  lieu  de  pmfitor  de  cette  horrible  iavear«  pril« 


CHAMTEB  QOATORZlftm.  S99 

auprès  du  Roi  de  France,  la  défense  de  ceux  dont  il  l'en- 
gageait à  dei^enir  le  bourreau  ^  Louis,  non  content  de 
confisquer,  en  dépit  de  la  capitulation,  le  bien  des  parti- 
culiers; de  faire  racheter  aux  villes,  par  de  fortes  amen- 
des, le  crime  d'avoir  montré  de  rattachement  à  leuf  patrie 
et  à  leur  légitime  Souverain ,  voulut  priver  CoUioore  de 
'son  anciai  n<HB ,  et  lui  d^nna  celui  de  Saint-Michel ,  pour 
lequel  il  avait  une  dévotion  particulière;  maia^  sur  ce 
point,  l'habitude  triompha  de  son  despotisme^ 

Les  Ambassadeurs  aragonais  profitèrent  de  la  clause  qui 
les  concernait  dans  la  capitulation  de  Perpignan;  et,  dès 
le  âl  mars  1475,  ils  étaient  rendus  auprès  du  roi  Jean.  4475. 
On  conclut,  par  leur  entremise,  une  trêve  qui  devait  durer 
du  2  avril  au  6  septembre  :  elle  fut  assez  mal  observée; 
car  on  voit,  durant  cet  intervalle,  un  capitaine  français 
s'emparer  de  Saint^-Laurent-d^la-Muga.  On  en  fil  une 
nouvelle  au  mois  de  novembre  :  elle  devait  finir.au  1^ 
juillet  1476.  Les  Français,  l'observant  aussi  mal  que  h 
puéeédente,  se  rendirent  maîtres  du  château  de  Uvia,  en 
Cerdagne;  bloquèrent  celui  de  Salses,  dont  le  comman- 
dant, lâche  ou  traître,  se  rendit  sans  attendre  les  secours, 
qui  auraient  pu  lui  arriver  â  temps.  L'Ampourdan  et  le 
Roussillon  eurent  beaucoup  k  souflrir  des  troupes  firan- 


1  Nom  parions^id  da  Booflle  d'après  l«t  intaort  frucaif;  naît  oot  arcliifet  l^t  oopmttn 
que ,  fil  ne  ftat  pas  croel ,  il  ne  s'oublia  pas  lui-même  ni  ses  amis.  Noos  y  croyons  que  les 
^nuMles  eonfiscations  forent  pour  les  principanx  ofliciers;  mais  qu'il  n'y  eot  presqoe  pas  de 
saaple  fcndanne  qni  n'obtint  quelque  petite  confiscation  on  une  part  dans  une  grande.  Lei 
registres  des  notaires  de  cette  époque,  nous  offlrent  une  multitude  d'actes  proovaot  ces  confi»- 
cntioiis,  qui  frappent  les  partimliers  les  plus  obscars,  aussi  bien  que  les  principanx  Seigneui. 
Dt  malimnent  aussi  un  nombre  infini  de  contrits  relatif  à  des  rachats  de  prisonieit;  «t 
comne  ces  malheureux  appartiennent  presque  tous  à  la  classe  des  propriétairei  raranx,  oo 
doit  en  conclure  que.  dans  ces  temps  désastreux,  on  ne  pouvait  guère  sortir  de  son  village 
sans  tenber  entre  les  mains  des  hommes  d'armes,  dont  on  ne  se  tirait  que  moyennant  finance. 
On  voit  jusqu'à  des  fenunes  prises  par  des  gendarmes  français,  et  obligées  de  sonserira  des 
actes  de  rachat .  soit  en  Roussillun .  soit  en  France,  où  elles  avaient  été  conduites  prison- 
nières. (Cart  Houitia.) 


300  HISTOIRE  DU  ROUSSILLOn. 

çaises  ou  espagnoles,  celles-ci  n'étant  point  payées  :  on 
voit,  dans  un  accord  fait  entre  les  gens  du  Roi  et  ob 
capitaine  nommé  Louis  Madnssa,  fort  distingué  par  sa 
conduite  k  la  défense  de  Perpignan,  qu'outre  plusieurs 
montres,  on  lui  devait  le  prix  des  chevaux  tués  pour 
fournir  de  la  viande  à  la  garnison.  Au  mois  de  septembre 
de  cette  année,  le  Roi  de  Portugal,  arrivé  kCoUioure  sur 
une  escadre  française ,  avec  des  troupes  de  sa  nation ,  y 
débarqua  pour  continuer  sa  route  vers  la  Cour  de  Louis  XI. 
L'arrivée  de  ce  Prince,  dont  les  motifs  du  voyage  étaient 
inconnus,  avait  fait  craindre  aux  Aragonais  une  entrqirise 
des  Français  sur  la  Catalogne;  mais  son  départ,  el  les 
assurances  que  donna  le  Général  français  de  garder  la 
trêve,  dissipèrent  ces  craintes.  Malgré  ces  protestations, 
si ,  d'un  côté,  les  Catalans  faisaient  quelques  courses  sur 
la  frontière  ;  de  l'autre,  cinq  cents  lances  françaises,  eom- 
mandées  par  un  capitaine  renommé,  appelé  Cadet  Re« 
monnet  (  Rémond  d'Ossaigne),  firent  une  incursion  dans 
l'Ampourdan.  En  1477  et  1478,  il  y  eut  plusieurs  trêves 
conclues  entre  Boufilc-le-Juge  et  les  généraux  de  Jean; 
mais  elles  n'empêchèrent  point  des  capitaines  des  deux 
nations  de  parcoiirir  en  partisans  et  de  piller  le  Rooa^ 
sillon,  la  Cerdagne,  les  frontières  de  la  Catalogne  et  du 
l^ngiiedoc.  L'accord  fait  en  1178,  entre  Louis  et  Ferdi- 
nand, n'ayant  pas  été  accepté  par  le  roi  Jean,  la  situstioD 
de  tous  ces  pays  ne  fut  pas  changée.  Quoique  le  Rons- 
sillon  fut  séparé  de  la  Catalogne,  on  voit,  en  1477, 
liernard  Aibri,  bourgeois  de  Perpignan,  siéger  aux  Cor- 
tés  de  la  province,  et  même  être  envoyé  en  dépstatÎM 
par  cette  assemblée  au  roi  Jean.  Ce  prince  consem 
toujours  une  grande  aifectioii  pour  un  autre  Perpignanais 
e\|>atrié,  Jean  Pages,  vice -chancelier  d'Aragon  :  il  le 
iioniina  1*1111  de  ses  rxénileiirs  lostamentaires  quelque 


CHAPITRE  QUATORZIÈME.  301 

temps  avant  sa  mort,  arrivée  le  10  janvier  1479.  Le  12  ^^«79. 
septembre  de  cette  année,  la  paix  fut  conclue  entre  Louis 
et  Ferdinand  :  ils  convinrent,  au  sujet  des  deux  Comtés, 
de  nommer  chacun  deux  arbitres,  et  de  se  soumettre  à 
la  décision  de  ces  quatre  juges,  qui,  en  cas  de  partage, 
auraient  le  droit  d'en  nommer  un  cinquième.  Toujours 
fidèle  k  sa  politique  tortueuse,  Louis  XI,  en  se  soumet- 
tant k  un  arbitrage  illusoire,  songeait  uniquement  k  pro- 
longer la  durée  de  l'occupation  des  Comtés  par  ses  trou- 
pes, afin  d'en  tirer  parti,  la  considérant  comme  un  moyen 
de  parvenir  à  lui  en  assurer  la  possession  définitive.  De 
son  côté ,  le  jeune  rival ,  déjà  capable  de  lutter  avec  lui 
de  ruse  et  de  finesse,  espérait,  en  laissant  la  question 
indécise ,  trouver  un  jour,  dans  la  vieillesse  de  Louis  ou 
la  jeunesse  de  son  fils,  une  conjoncture  plus  favorable 
pour  faire  valoir  ses  droits.  Les  prétentions  des  Rois  de 
France  et  d'Aragon  étaient  jugées  d'une  manière  fort 
différente  des  deux  côtés  des  Pyi'énées.  Si  les  Français 
considéraient  le  traité  de  Saragosse  comme  un  engage- 
ment réel  de  la  propriété  de  ces  Comtés  Cait  par  Jean  à 
Louis,  et  dont  ce  dernier  aurait  rempli  exactement  toutes 
les  conditions,  les  Catalans,  au  contraire,  soutenaient  que 
Jean  n'avait  pu  ni  voulu  engager  que  les  revenus  royaux 
de  ces  Comtés,  et  que  d'ailleurs  Louis  n'avait  point  rempli 
les  conditions  de  cet  engagement.  L'on  doit  convenir  que 
la  lettre  du  traité  et  la  conduite  de  Louis  semblent  favo- 
riser leur  opinion.  Dans  cette  divergence  de  manières 
de  voir,  ne  nous  étonnons  pas  de  lire  dans  Zurita,  que 
Louis  XI ,  à  sa  mort,  recommanda  de  restituer  les  Comtés 
au  Roi  d'Aragon;  et  que  les  Ambassadeurs  de  Ferdinand 
ayant  insisté  sur  l'accomplissement  des  dernières  volontés 
du  Monarque  français ,  il  leur  lut  répondu  que  cette  resti- 
tution ne  pourrait  se  faire  qu'à  la  majorité  de  Charles  VIII, 


30S  HISTOIRB  DU  ROUSSILLOlf. 

tandis  qae  certains  historiens  français  prétendent  que  les 
Confesseurs  de  Charles  et  de  la  dame  de  Beaajen,  gagnés, 
par  Targent  de  Ferdinand,  contribuèrent  fort  I  cette 
titution  par  les  scrupules  qu'ils  firent  naître  dans  les 
ciences  de  leurs  pénitents.  Quoi  qu'il  en  soit,  tpiès  le 
traité  de  1479,  le  Roussillon  lut  plus  tranquille  et  moins 
malheureux  :  on  le  traita  comme  une  proTince  française. 
En  effet,  ses  Députés  assistèrent  aux  États-Généranz  tenus 
à  Tours  en  janvier  1484.  Sous  le  règne  de  Charles  Tin, 
on  reprit  k  Perpignan  la  construction  de  l'église  Saint- 
Jean,  qu'avait  fait  interrompre  la  domination  tyranniqne 
de  Louis  XI.  Cette  ville,  ayant  obtenu  de  Charles  VIII , 
1488.  le  29  août  1488,  la  propriété  du  ruisseau  de  las  Ctmab, 
presque  hors  de  service,  s'occupa  à  le  réparer,  et  I  rétabHr 
des  moulins,  dont  la  proximité  des  fortifications  avait  rendn 
la  destruction  nécessaire  dans  les  dernières  guerres.  Le 
gouvernement  despotique  de  Louis  avait  fait  place  h  une 
administration  douce  et  paternelle,  qui,  secondée  par  Téf^ 
blissement  de  plusieurs  familles  françaises  dans  le  pajrs, 
avait  changé  les  dispositions  des  habitants  ii  Tégard  des 
Français.  Ceux-ci  comptaient,  surtout  k  Perpignan  et 
dans  la  partie  nord  de  la  province,  un  grand  nombre  de 
partisans.  Les  généraux  du  Roi  de  France  et  les  officiels, 
tant  civils  que  militaires ,  employés  sous  leurs  ordres  en 
Roussillon,  mus  par  l'amour  du  bien  public  et  par  h 
crainte  de  perdre  leurs  emplois,  ne  pouvaient  voir  avee 
indifférence  la  restitution  d'un  pays  regardé  comme  le 
plus  ferme  boulevard  du  Languedoc.  Aussi,  dès  le  pie* 
mier  soupçon  que  les  conférences  tenues  k  Narbomie, 
entre  les  commissaires  des  deux  nations,  étaient  rehn 
tives  k  cet  objet,  si,  d'un  côté,  ces  rumeurs  vagiet 
furent  accueillies  avec  satisfaction  par  la  majenre  partie  ' 
de  la  |K>pulation,  d*iiii  aiitro  cA\C\  le  |>arti  français,  ayant 


CHAPITRB  QUATORZIÈMI.  303 

r  chef  Guillaume  de  Carmaing,  seigneur  de  Venés  et 
teuant  du  GouYemenr,  ne  négligea  rien  pour  faire 
oaer  cette  négociation.  Le  4  juin  1492,  de  Yenés 
vit  k  la  sœur  du  Roi ,  et  lui  fit  écrire  par  les  Consuls 
Perpignan ,  dévoués  k  la  France  ou  intimidés  par  ses 
laces,  pour  représenter  k  cette  princesse,  combien 
e  restitution  serait  nuisible  au  Royaume,  peu  agréable 

Roussillonnais,  et  la  supplier,  en  conséquence,  d'user 
oute  son  influence  pour  en  détourner  le  Rok  Carmaing, 
gnant  apparemment  que  les  Consuls,  dont  l'élection 
lit  avoir  lieu  le  24  juin ,  ne  fussent  disposés  k  contra- 

ses  vues,  employa  tous  les  moyens  possibles,  même 
plus  violents,  pour  l'empécber;  et,  y  ayant  réussi,- il 
tti-méme  la  nomination.  Cependant,  les  bourgeois  en 
tèrent  au  Roi  des  plaintes,  appuyées  par  un  Chevalier 
une  Joubert,  qui  avait  été  Député  de  la  Province  aux 
B  de  Tours,  et  obtinrent  la  révocation  des  Consuls 
unes  par  de  Yenés.  Les  commissaires  français  se  trans- 
èrent  de  Narbonne  k  Perpignan ,  pour  y  protéger  la 
rté  de  la  nouvelle  élection ,  et  examiner  la  conduite 
]lannaing.  Après  avoir,  le  6  septembre,  installé  les 
:istrats  élus  suivant  les  formes  ordinaires,  ils  condann 
«t  ie  lendemain  de  Yenés,  en  présence  de  Jean  de 
t)onne,  gouverneur  d'Elne,  k  une  amende  de  cinquante 
es  d'or,  en  punition  de  se»  violences,  et  désignèrent 
jour  pour  l'élection  des  autres  membres  du  corps 
licipal.  Ce  jour  arrivé,  Carmaing,  escorté  de  ses  sa- 
les, se  présente  dans  le  lieu  où  se  fait  l'élection.,  en 
ise  les  Consuls  nouvellement  nonunés,  ainsi  que  le 
palier  Joubert,  et  les  troupes  qui  doivent  maintenir 
Ire.  Les  commissaires  n'étant  pas  les  plus  forts,  se 
'ent  k  Narbonne ,  et  le  vainqueur  installe  les  Consuls 
s  par  lui.  Mais,  le  28  septembre,  Jean  d'Ax,  seigneur 


304  niSTOIRB  DU  ROCSSILLON. 

de  la  Serpent  et  viguier  de  Carcassonne,  entre 
pignan,  k  la  tête  d'un  corps  de  troupes,  chaigé  éà 
main  forte  k  on  joge  de  Carcaasonne,  à  qui  let 
aaires  avaient  confié  l'exécution  de  leur  arrêt.  Dw^ 
du  Roi ,  adressés  k  tous  les  capitaines,  leur 
sous  peine  de  mort,  de  protéger  les  opérations  d» 
gistrat.  En  cotiséquence ,  celui-ci  installa,  dès  te 
bre,  les  véritables  Consuls.  Le  4,  on  procéda  il 
des  autres  membres  du  corps  municipal,  el 
de  Venés  fut  renvoyé  par  devant  le  Roi  pour  Im 
compte  de  sa  conduite.  Les  plénipotentîaiieft  ém 
nations  avaient  repris  leurs  conférences  ;  et 
^495.       en  janvier  1495,  le  traité  définitif,  qui  fut  joié 

temps  par  le  Roi  de  France,  à  Tours,  et  par  eehi  #i^ 
ragon ,  k  Barcelone.  L'article  principal  prononçail  te 
titution  des  deux  Comtés.  Cette  stipobtîon  .élut 
très  mauvais  œil  en  France  ;  mais,  quoique  te 
pays  dût  être  iaite  dans  quinze  jours,  Charles  Iteft 
coup  k  ce  qu'elle  eût  lieu  de  suite,  soit  poor 
sa  conscience,  soit  pour  s'assurer  au  moins  te 
de  Ferdinand  durant  l'expédition  de  Naples. 
pour  laisser  aux  esprits  le  temps  de  se  calmée, 
positif  du  Roi  de  France  de  remettre  les  places 
de  Ferdinand,  ne  fut  délivré  que  le  7  jsûltel 
Dans  cet  intervalle,  l'Évéque  d'Albi,  commissiii»^>4i 
Chartes  et  Colomna ,  secrétaire  et  commissaire  êm  Vi 
dinand ,  se  tenaient  k  Claira ,  oè  l'Espagnol  ne 
d'ourdir  des  trames  avec  ses  partisans  dans  tes 
pteces,  pour  en  hiter  la  remise.  Aucune  de  cet 
vres  ne  réussit;  et  même,  après  l'ordre  domé  te  7  fti^» 
tet,  te  garnison  du  château  de  Perpignan  se 
k  obéir,  sous  prétexte  qu'elle  n*était  pas  payée, 
sédition,  TÉvéque  d*Albi  aurait  couru  des  risques,  si  tes 


S. 


CHAPITRE  QUATORZIÈME.  305 

habitants  de  la  ville  n'eussent  pris  les  armes  en  sa  faveur; 
et  ce  Prélat  ne  parvint  a  rétablir  la  tranquillité  qu'en  fai- 
sant payer  ce  qui  était  dû  k  la  garnison  mutinée.  Enfin, 
lorsque  les  Français  eurent  retiré  de  ces  diverses  places 
l'artOlerie  et  les  munitions  pour  les  transporter  k  Nar- 
bonne,  la  remise  commença  le  2  septembre,  par  celle 
du  Castillet,  où  entra  Jean  d'Albion,  officier  aragonais; 
le  lendemain,  Mossen  Citjar  et  le  capitaine  Lutier  prirent 
possession  du  grand  château.  Des  officiers  partirent  avec 
quelques  troupes  pour  recevoir  les  autres  places,  dont  la 
remise  (ut  entièrement  effectuée  le  iO  du  même  mois. 
On  voit,  par  la  narration  de  Zurita,  que  Bellegarde  était 
considérée  comme  une  des  forteresses  les  plus  impor- 
tantes de  la  province.  Des  documents  publics  nous  ap- 
prennent que  le  roi  Jean  avait  fait  des  réparations  consi- 
dérables k  ce  château;  et  que,  pour  fournir  aux  dépenses 
qu'elles  occasionnèrent,  il  avait  établi  un  péage  (Barra) 
au  Perthus. 

L'occupation  du  Roussillon  par  les  Français,  avait  duré 
trente-deux  ans.  Ce  chef-d'œuvre  de  la  politique  astu- 
cieuse de  Louis  XI ,  sans  résultat  utile  k  la  France,  en  eut 
de  bien  funestes  pour  cette  province  * ,  dont  les  habitants 
expièrent ,  par  vingt  ans  d'une  guerre  cruelle  ou  d'un  gou- 
vernement des  plus  tyranniques ,  la  gloire  qu'ils  acquirent 
par  leur  patriotisme  et  leur  courageuse  fidélité.  Ce  pays 
vivait  joui,  pendant  environ  trois  cents  ans,  sous  les  Rois 
d'Aragon  ou  de  Majorque,  d'une  paix  qui  n'avait  été 
troublée  que  par  deux  guerres  de  quelque  importance, 
mais  de  peu  de  durée  (la  croisade  de  Pbilippe-le-Hardi, 
l'invasion  de  Pierre  IV  d'Aragon).  Durant  cette  heureuse 
période,  les  guerriers  dont  la  patrie  ne  réclamait  point  la 

1  n  est  pennu  de  penser,  aa  contraire ,  que  rien  ne  pooTait  Itre  plos  utile  à  ce  pa3rs  qoe 
et  bire  partie  de  la  France.  (L'Éditeur.) 

20 


306  niSTOIRB  DU  ROUSSILLON. 

valeur  pour  sa  défense ,  courarenl  partager  les  périls  et 
la  gloire  des  Catalans  dans  leurs  conquêtes  de  Majorqiiie 
et  de  Valence,  dans  leurs  expéditions  en  Corse,  en  Sar- 
daigne,  en  Sicile,  en  Grèce  :  le  reste  de  la  popabtkm  se 
livra  entièrement  à  l'agriculture,  à  l'industrie,  h  h  navi- 
gation, au  commerce.  Cinquante  canaux  d'irrigation  forent 
creuses;  on  fabriqua  des  étoffes  de  laine  dans  tontes  la 
petites  villes  et  dans  plusieurs  villages  de  la  province. 
Per|)ignan  renferma  jusqu'il  cinq  cents  tisserands  de  draps, 
dont  chacun  faisait  travailler  un  ou  plusieurs  métiers;  des 
bâtiments,  du  port  de  cinquante  k  cinq  cents  tonnemi, 
chargèrent  a  Port-Vendres,  à  Collioure,  sur  les  plages  de 
Canet  et  de  Saint-Laurent,  les  denrées  et  les  produits  des 
manufactures  du  [tays ,  pour  les  transporter  sur  les  divers 
points  des  côtes  de  la  Miditerranée,  depuis  Gibraltar  ji 
qu'il  Constantinople  ;  ils  entrèrent  quelquefois  dans  b 
Noire,  et  s'aventurèrent  môme  dans  l'Océan.  A  la  vérité, 
peu  d'années  avant  l'invasion  française,  la  prise  de  Cons- 
tantinople, la  conquête  d'une  partie  du  continent  et  des  Iles 
de  la  Grèce  par  Mahomet  11 ,  et  les  troubles  de  la  Syrie, 
avaient  fermé  à  nos  armateurs  leurs  plus  importants  débon» 
chés.  Mais  il  leur  restait  encore  rEsfiagne,  l'Italie,  avec 
ses  Iles,  l'Kgypte,  l'Afrique,  et  leur  aotirité  aurait  hwaHl 
surmonté  d(*s  embarras   momentanés.    L'exiNsdilion  de 
Louis  \l  priva  le  pays  de  toutes  ses  ressources;  et 
que  la  Catalogne,  dont  il  st^  trouvait  si^Miré,  imposait 
nos  draps  un  droit  énorme  de  cinquante  p4>ur  cent  à  levr 
entrée,  le  Languedoc  demandait  instamment  qu'ils  fussent 
lirohibés  en  TRinre.  I>*ailleurs,  comment  aurail-on  pn 
continuer  ii  fabriquer  dans  une  ville  qui  soutint  trois 
si('*ges,  et  fut  prise  deux  fois  en  quelques  années;  dans 
unt»  pr(»\inrf  ibrhinr  par  une  guerre  cruelle,  et  tour- 
iiii'iitcf  |»;ir  li'>  i'\;irtii)iis  lr>  plus  arbitiain*s.  Aussi,  voit- 


CHAPITRE  QUATORZIÈME.  307 

on,  h  Perpignan,  le  i^  décembre  1477,  une  assemblée 
des  tisserands  en  draps,  qu'y  n'y  figurent  plus  qu'au 
nombre  de  cent  douze ,  ayant  pour  objet  de  procurer  de 
TouTrage  aux  plus  malheureux,  et  de  trouvar  le  moyen 
de  subtenir  aux  charges  d'une  corporation,  naguère  si 
ridie  et  si  nombreuse.  Plusieurs  ouTriers,  sans  doute, 
ataient  renoncé  k  leur  profession  ;  d'autres  avaient  passé 
dans  les  pays  étrangers  '  ;  et  c'est  probablement  au  moyen 
de  ces  réfugiés  que  Ferdinand  d'Aragon,  roi  de  Naples, 
parvint,  vers  cette  époque,  à  établir  des  manu&ctures  de 
lams^e  dans  sa  capitale,  avec  laquelle  Perpignan,  malgré 
les  malheurs  de  ce  temps,  conserva  toujours  quelques 
relations  de  commerce.  La  décadence  de  son  industrie  ne 
fut  pas  le  seul  désastre  éprouvé  par  le  Roussillon  durant 
l'occupation  française  :  pour  en  avoir  une  idée  exacte, 
joignons ,  au  résumé  des  faits  cités  par  des  historiens 
français,  quelques  détails  dont  la  vérité  nous  est  ga- 
rantie par  des  documents  conservés  encore  dans  nos 
archives. 

Les  Comtés,  ainsi  que  la  Catalogne,  étaient  divisés 
en  deux  partis  :  celui  du  roi  Jean  et  celui  de  la  ville  de 
Barcelone.  On  n'avait  donc  pris  aucune  déterminatîoii 
générale ,  soit  pour  se  soumettre ,  soit  pour  résister  au 
Comté  de  Foix^  qui  se  présentait,  en  même  temps, 
comme  Lieutenant-Général  du  Roi  de  France  et  do  Roi 
d'Aragon  :  c'est  du  moins,  en  cette  dernière  qualité,  que, 
le  13  ou  le  14  juillet,  il  envoyait  de  Rivesaltes^  où  il  se 


I  taK  n  prcjet  de  règlement  pour  U  corponlion  des  tiaenft  de  UiM .  «t  du»  une  rC- 
rU— lion  adretiée  au  viee-roi  Boofile ,  on  tronve  la  prenne  qu'an  gnnd  nombre  de  cet 
ovrriere ,  pour  se  soottraire  aox  impôts .  aux  emprunts ,  an  serrice  qn'on  exigeait  de  la 
corporation .  l'avaient  qnittée  oa  s'éUient  retirés  à  Plortooe  et  tu  d'aatna  pays,  et  y  avtieDt 
apporté  l'art  de  fabriquer  les  cadis  qui  n'y  était  pas  eonnn.  Cet  ait  fit  de  tels  progrès  dans  ^ 
cette  Tille,  que  les  Florentins ,  qui  auparavant  recevaient  de  Perpignan  tontes  tes  étolli» 
éê  ce  genre .  en  interdirent  l'entrée  dans  leur  pays 


308  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

trouvait  alors,  un  commissaire  pour  faire  prêter  on  nou- 
veau serment  d'obéissance  au  Roi  d'Aragon  par  les  habi- 
tants d'Estagel.  Nous  avons  vu  que  l'armée  française  arriva 
jusqu'au  Itolo  sans  avoir  trouvé  de  résistance  sérieuse,  et 
qu'elle  signala  son  passage  parle  pillage  et  l'incendie.  Noos 
avons  vu ,  qu'après  la  prise  de  Perpignan ,  le  8  janmr 
1465,  une  commission ,  à  la  tête  de  laquelle  était  le  pre- 
mier président  de  Toulouse ,  prononça  les  peines  dp 
bannissement,  de  la  confiscation  des  biens,  ou  au  moins 
de  fortes  amendes,  contre  une  foule  de  citoyens  de  cette 
ville,  dont  tout  le  crime  était  de  s'être  défendus  pendant 
quelques  mois.  Peqngnan  une  fois  soumis,  les  Français 
n'avaient  pas  un  seul  ennemi  en  armes  dans  la  plaine  du 
Roussillon  ;  et  cependant  nos  archives  nous  montrent, 
en  1465  et  146i,  un  grand  nombre  de  prisonniers  bits 
par  eux  et  délivrés  moyennant  de  fortes  rançons.  Coome 
on  voit  quelquefois  ces  rançons  extorquées  par  des 
naces  de  mort,  et  qu'en  même  temps  on  trouve  des 
où  des  particuliers  aisés  disent  ne  pas  s'être  rendus  à  tel 
ou  tel  endroit  de  peur  de  tomber  entre  les  mains  des  gens 
de  guerre,  ces  prétendus  prisonniers  n'étaient  sontent 
que  des  propriétaires  forcés  par  leurs  affaires  il  se  mettfv 
en  route,  et  ayant  eu  le  malheur  de  rencontrer  des  gens  de 
guerre.  lje&  chefs  fermaient  les  yeux,  et,  d'ailleurs,  leur 
conduite  n'était  guère  meilleure  ;  nous  nous  bornerons 
à  citer  le  fait  suivant  :  In  commandant  de  Salses,  qui 
n'occupait  ce  |M>ste  que  depuis  vingt  mois,  sachant  qu'il 
devait  bientôt  rentrer  en  France,  et  voulant  récompenser  — 
les  services  que  lui  avaient  rendus  deux  de  ses 
leur  fit  don  des  biens  meubles  qu*il  y  possédait, 

lesquels  ligurai«Mit  a  suixante-cinq  juments,  magnasetgroi ■' 

nsiis,  aver  leur  produil,  poulains  ou  mulets,  et  quaU 
M  iMnils  el  \arhi's,  awv  six  \rau\  gras.  »  Nous 


CHAPITRE  QUATORZIÈME  30^ 

lea  eonAscations  faites  sur  Le&  RoassiUonnais  restés 

vice  du  roi  Jean ,  avec  lequel  Louis.  XI  n'était  pas 

i  en  état  de  guerre  ouverte»  Lorsqu'elle  fut  décla- 

e  pays  souiTrit  beaucoup  des  exactions  des  deux 

mais  surtout  en  1474,  où  Louis  XI  occupa  son 

,  pendant  tout  le  mois  de  juin,  à  brûler  les  récoltes 

ment  d'être  moissonnées,  à  couper  les  oliviers,  à 

er  les  vignes.  Perpignan  capitula  le  10  mars  i475; 

^s  articles  de  la  convention  furent  si  mal  observés, 

uoiqu'il  y  fût  stipulé  que  les  habitants  qui  se  retire- 

avec  la  garnison  aragonaise,  auraient  quatre  années 

sndre  leurs  biens,  Louis,  par  lettres-patentes  datées 

is  le  6  avril  suivant ,  donnait  ceux  de  Jean  Blanca, 

trouvait  dans  cette  catégorie,  k  Duchesnoi^  comr 

nt  de  Salses.  Durant  l'occupation  française,  on 

très  peu  d'actes  relatifs  aux  esclaves,  si  nombreux 

I  période  précédente.  On  doit  l'attribuer  k  la  mi- 

xtréme  du  pays,  et  k  l'interruption  de  son  corn- 

avec  le  Levant. 

'e  industrie  se  releva  sous  le  gouvernement  plus 
le  Charles  VllI.  Si  nos  manufactures  n'étaient  plus 
îlles  avaient  été  quant  k  la  quantité  de  leurs  pro- 
ies draps  de  Perpignan  restaient  toujours  d'une 
supérieure;  on  continuait  d'y  cultiver  le  pastel, 
trdons  et  la  garance.  La  dime  des  deux  premiers 
dans  le  petit  territoire  de  Saint-Jean  de  Perpignan, 
it  k  neuf  livres ,  cinq  sous  de  rente.  Les  arts  y 
;  en  honneur  :  il  y  avait  plusieurs  libraires,  relieurs 
mineurs,  qui  travaillèrent  probablement  k  ce  Missel 
i  qu'on  voit  a  THôtel-de- Ville.  Fait  au  commence- 
lu  xye  siècle,  ce  Missel  coûta  179  livres  de  Perpi- 
dont  54  livres  pour  l'écriture ,  qui  fut  l'ouvrage  d'un 
de  Saint-Jean;  le  reste,  pour  les  images,  l'enlu- 


310  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

minure,  la  reliure,  le  parchemin,  les  fermoifs,  le  Ahv- 
reau  en  velours.  (Append.,  n^  i7.) 

Déjh ,  dès  i403 ,  le  Chapitre  et  la  Commwuwté  de 
Saint -Jean,  possédaient  une  bibliothèque,  dont  oo  me 
prétait  la  clef  que  sur  la  recommandation  de  deux  moB- 
bres  du  Chapitre  ou  de  la  Communauté,  et  sous  le  tou- 
rnent d'en  ayoir  le  plus  grand  soin ,  et  de  ne  pas  lainer 
seuls  les  étrangers  qui  viendraient  la  visiter.  Ea  1481, 
on  voyait  une  autre  bibliothèque  au  couvent  de  la  9mr 
sion ,  Ordre  de  Saint-François. 

Nous  allons  examiner,  comme  nous  Tavons  dxmnmré 
plus  haut,  les  deux  questions  suivantes  :  Les  RoMafllos- 
nais  ont-ils  été  rebelles  k  Louis  XI?  D.  Bernard  dX)BS 
a-t-il  été  plus  coupable  qu'eux?  Pour  les  résoudre,  éH» 
blissons  d'abord,  avec  exactitude,  la  position  de  ee 
à  regard  du  Roi  de  France.  Ce  Prince  et  le  Roi  é\ 
étaient  liés  par  le  traité  de  Saragosse ,  qui ,  sll  eAl  stipdé 
l'engagement  véritable  de  la  souveraineté  des  deux  Conléii» 
était  en  opposition  formelle  aux  lois  du  pays,  et  ne  dennak 
à  Louis  aucun  droit  k  l'obéissance  des  RomeilkNwm. 
Les  deux  Rois  le  savaient  très  bien  :  aussi,  en  evamhMt 
les  conditions  de  ce  traité;  en  pesant  les  termes  dool  en  se 
sert  pour  les  exprimer,  cette  hypothèse  est  inadniaoUe. 
En  effet,  on  engage  au  paiement  de  la  dette,  les 
des  Comtés  avec  les  mémos  expressions  qu'on 
pour  ceux  du  Royaume  d'Aragon .  dont  personne  n'a  ja- 
mais prétendu  que  la  souveraineté  fût  engagée.  A  b  iràrilé, 
les  revenus  des  Comtés,  s|HH:ialement  destinés  h  servir  les 
intérêts  de  la  dette,  senmt  compilas  au  Roi  de  Franee; 
mais  par  qui?  |Kir  k^s  PnK*un*urs  ro>aux  du  Roi  d'Arafoa 
qui  coiitinuenint  d'administn*r  ct'S  |ia>s.  Rien  plu,  ces 
officiers  contractant  une  obligation  |R'rsonnelle ,  garaatie 
|ur  rinq  «les  princi|iau\  «Vî^ntMirs  ara;!onais«  de  déttner 


CUAPITBB  QUJLTOBZIJUIE.  3H 

aux  délégués  du  Roi  de  France  les  cexenus  des  Comtés. 

A  quoi  bon  toutes  ces  précautions?  Si  la  souveraineté- 

eût  été  règlement  engagée,  on  aurait  remis  les  Comtés 

à  Louis,  qui  en  eût  perçu  les  revenus  comme  il  l'aurait 

entendu.  On  doit  donc  considérer  le  traité  de  Saragosse 

comme  une  convention ,  où  Louis  consent  k  fournir  à 

Jean  un  secours  qu'on  évalue  à  deux  ou  trois  cent  mille 

écus  d'or  ^ ,  au  paiement  desquels  Jean  engage  en  général 

les  revenus  de  tous  ses  États ,  et  en  particulier  .ceux  des 

Comtés.  Louis  jouira  de  ces  derniers  jusqu'à  l'entier 

acquittement  de  la  dette,  dont  ils  serviront  à  payer  les 

intérêts.  Nous  ne  sachons  pas  que,  depuis  ce  traite,  il  y 

ait  eu  de  semblables  stipulations  entre  Princes;  mais,  plus 

anciennement,  il  en  avait  existé.  Ainsi,  nous  pouvons  citer 

un  accord  fait  en  1270  entre  S^  Louis  et  le  prince  Edouard 

d'Angleterre  (V.  actes  de  Rimer).  Il  faut  convenir  encore  que 

si  le  Roi  de  France  n'avait  été  infiniment  plus  puissant  que 

le  Roi  d'Aragon,  il  n'aurait  eu  d'autre  garantie  de  rentrer 

dans  ses  déboursés  que  la  bonne  volonté  de  celui-ci.  Mais  le 

traité  donnait  à  Louis  des  droits  positifs  sur  une  somme  très 

considérable  ;  droits  qui  ne  sont  jamais  perdus  par  le  plus 

fort,  et  ce  Prince  prit  pour  les  assurer  des  mesures  telles 

que,  sans  les  scrupules  de  Charles  VIII,  ou  son  ardent 

désir  de  conquérir  Naples,  les  deux  Comtés  seraient  restés 

indubitablement  à  la  France.  Observons  de  plus,  que  la 

cession  de  la  souveraineté  des  Comtés,  ne  pouvait,  en 

aucune  manière,  être  stipulée  dans  un  traité  :  elle  aurait 


1  Les  leroors  donnés  par  Louis  à  Jeao  ôlatent  bien  payés  :  en  effet  ,  200.000  écus  d'or  à 
11  fr.  i4  cent,  chacun ,  font  2.228.000  fr.  La  solde  d'une  lance  complète  était  alors  (Daniel) 
de  30  liv.  an  mois  ;  ponr  sept  cents  lances.  21 .000  li?..  ce  (|«i  retient  à  iOS.îOO  fr.  d'tejœr- 
dhni.  D'où  il  Hiil  qu'atee  ces  200.000  écns  d'or,  il  y  avait  de  quoi  payer  le»  sept  cents 
Uores  |>€ndjint  plus  de  vingt -el-un  mois  ;  cl  l'on  ne  saurait  douter  qu'avec  ce  secours  ,  loya- 
lement fonnii .  Jean  ne  fût  venu  à  bout  des  Catalans ,  puisqu'il  réuseit  en  huit  an»  sans 
en  juair.  et  molgr*^  ceux  que  Louis  leur  donna  an  contraire  i>endaut  ciuq  an:'. 


3ia  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

aliéné  au  roi  Jean  le  cœur  de  ses  plus  fidèles  i^j^v  ^ 
réuni  les  Catalans  de  tous  les  partis  contre  les  Français. 
Le  traité  de  Saragosse  convenait  parfaitemettl  à  Louis; 
car  U  ne  décelait  pas  ses  projets  ultérieurs.  Ses  troupes 
entraient  en  Roussillon  sous  le  prétexte  hononUe  da 
venir  au  secours  d'un  Roi  allié  :  reçues  dans  les 
pales  places  au  pouvoir  des  partisans  du  Roi  d'A..^^.., 
il  se  rendit  facilement  maître  des  autres.  Du  reste,  il 
comptait^  pour  la  réussite  de  ses  projets,  sur  son  aimée, 
sur  les  circonstances,  sur  son  habileté  k  en  profiler.  Les 
intentions  du  Roi  de  France  ne  furent  bien 'h  découvert , 
qu'au  moment  de  l'exécution  du  traité.  Au  lieu  de  aapt 
cents  lances,  il  fait  marcher  vers  le  RoussiQon  nue  anuéa 
considérable,  sous  les  ordres  du  Comte  de  Foix.  Ce  gé^ 
néral,  gendre  du  Roi  d'Aragon,  devait,  à  ce  tilfe,  avoir 
une  certaine  influence  sur  les  partisans  de  oe  Prûaea. 
Quoiqu'il  fût  entièrement  dévoué  au  Roi  de  France,  aea 
troupes  sont  reçues  dans  les  principales  forteresses;  eUea 
enlèvent  les  autres,  les  occupent  toutes  avec  de  fortes 
garnisons,  et  se  contentent  de  laisser  quelques  compa- 
gnies sur  le  revers  méridional  des  Pyrénées,  non  pour 
combattre  les  Catalans ,  mais  pour  les  empêcher  de  com- 
muniquer  avec  les  Roussillonnais ,  qu'on  cherchait  à 
soulever  contre  une  domination  étrangère.  Les  choses 
restèrent  dans  cet  état  de  1465  k  1466;  mais,  il  celte 
époque,  Louis,  non  content  de  livrer  passage  il  travers 
les  Comtés  au  compétiteur  du  roi  Jean ,  lui  fournit  dea' 
secours  en  hommes  et  en  vivres,  et  finit  par  prendre 
ouvertement  son  parti.  Cependant,  les  Comtés  étaient 
horriblement  maltraités  par  les  Français.  Enfin,  en  1471, 
Jean ,  ayant  pacifié  la  Catalogne ,  et  voulant  profiler  de 
l'exaspération  des  Roussillonnais  contre  leurs  oppresaenrt, 
envoie  un  coqis  de  trou|ies  dans  les  Comtés.  Partout  oft 


CBAPITMS  QUATORZlàMB.  SI 3 

les  Français  ne  furent  pas  assez  forts  pour  comprimer 
l'esprit  public,  toute  la  population  se  leva  en  faveur  du 
Roi  d'Aragon,  et  reçut  ses  soldats  comme  des  libérateurs  : 
Perpignan  même  réussit  k  secouer  le  joug  en  1473.  Il 
faudrait  être  totalement  insensible  aux  nobles  impulsions 
du  sentiment  national,  pour  prétendre  qu'un  peuple  vic- 
time d'un  véritable  guet-à-pens  (quel  autre  nom  peut-on 
donner  k  la  conquête  de  ce  pays  par  Louis  XI?)  n'a  pas 
le  droit  de  s'unir  k  l'armée  de  sa  nation  venant  le  déli- 
vrer de  l'oppression  étrangère.  Osera-t-on  donner  aux 
Roussillonnais  le  nom  de  rebelles  k  un  Roi,  dont  les 
droits  n'étaient  dus  qu'k  la  force  et  surtout  k  la  perfidie? 
Mais,  dira-t-on,  la  position  de  Bernard  d'Oms  était  bien 
dîirérente  :  après  avoir  été  Sénéchal  de  Beaucaire,  il  l'était 
de  Perpignan  au  moment  de  l'entrée  des  Aragonais.  S'il 
avait  occupé  la  première  de  ces  places,  il  eût  dépendu 
du  Roi  de  France  par  sa  charge,  de  celui  d'Aragon  par 
sa  naissance  et  ses  fiefs.  D'après  les  lois  féodales  encore 
alors  en  vigueur,  il  pouvait  combattre  pour  l'un  des  deux 
Rois,  en  remettant  k  l'autre  sa  charge  ou  ses  fiefe.  N'étant 
pins  Sénéchal  de  Beaucaire,  mais  de  Perpignan,  il  se 
trouvait  dans  un  cas  plus  favorable  ;  car,  si  Louis  pré- 
tendait lui  avoir  donné  cet  emploi,  D.  Bernard  pouvait, 
avec  bien  plus  de  raison ,  prétendre  ne  l'avoir  reçu  que 
do  Lieutenant-Général  du  Roi  d'Aragon  (voir  plus  haut), 
et,  par  conséquent,  ne  devoir  fidélité  qu'k  ce  dernier. 
Jean,  souverain  légitime  aux  yeux  des  Roussillonnais, 
avait  droit  d'exiger  ses  services  ;  il  les  réclama  en  entrant 
dans  le  Comté  :  que  devait  faire  D.  Bernard?  [Disons-le 
hardiment  :  il  se  devait  a  sa  patrie  et  k  son  Roi  ;  et  s'il 
ne  prit  pas  le  parti  le  plus  sûr,  puisque  ce  n'était  pas 
celui  du  plus  fort,  assurément  c'était  le  seul  convenable  a 
un  homme  d'honneur,  k  un  bon  citoyen,  et  sa  conduite 


314  IIISTOIRB  DU  BOUSSILLON. 

aurait  dû  lui  attirer  l'estime ,  ao  moins  rindulgence  d'un 
vainqueur  généreux.  Sa  condamnation  fut  d'autant  -plus 
inique,  que,  par  l'article  douze  du  traité  fait  à  Perpignan 
le  16  septembre,  ratifié  par  Louis  le  iO  novembre  i473, 
les  deux  Rois  accordent  une  amnistie  pleine  et  entière, 
pour  tous  les  faits  antérieurs,  aux  habitants  originaires  des 
Comtés,  ou  qui  y  possédaient  des  terres.  On  dira  peut-être 
que  ce  traité  était  rompu  lors  de  la  capitulation  de  Bernard: 
nous  convenons  que  les  deux  Rois  pouvaient  se  croire  d^ 
gagés,  l'un  vis-k-vis  de  l'autre,  de  toutes  les  conditions  qui 
les  regardaient  personnellement  ;  mais  ils  n'en  étaient  pas 
moins  liés  vis-k-^isdes  particuliers,  k  qui  ils  avaient  promis, 
par  un  serment  solennel ,  une  amnistie  sans  restriction ,  la 
plus  complète  qu'on  pût  imaginer.  Louis  y  était  d'autant 
plus  tenu,  qu'il  avait  rompu  la  paix  en  faisant  incendier  les 
récoltes  du  Roussillon ,  afin  qu'on  ne  pût  pas  mitailler 
Perpignan,  dont  le  siège  devait  être  sa  preniiëre  opéntion 
militaire.  On  a  dit  que  Louis  n'avait  fait  qu'user  de  repré- 
sailles, les  Aragonais  ayant  fait  pendre  un  capitaine  du 
parti  français  :  mais  cet  olHcier  fut-il  puni  pour  un  fiùt 
militaire  et  antérieur  au  traité  de  1475?  Non;  il  fut  éié- 
cuté  comme  Tun  de  ces  incendiaires  chargés  par  Louis  de 
détruire  par  le  fer  et  le  feu  toutes  les  récoltes  du  Conté. 


CBAFITBB  aUlMZlàVB.  315 


CHAPITRE  XV. 


ONZIÈME  ÉPOQDB. 

LE  R0\3SSILU)N  Rllî^TRE  BOVÎS  LA  MMIÎ^XTION 
DES  ROIS  D*\R\GON. 

Les  États  de  Ferdinand  et  d'Isabelle  Tonnèrent,  par  leur 
réunion,  une  puissante  monarchie  :  après  l'ayoir  pacifiée, 
ils  l'agrandirent  par  la  conquête  de  Grenade,  qui  eut  lieu 
le  2  janvier  1492.  Le  i2  octobre  suivant,  Colomb  décou-  U92. 
vrait  un  monde  nouveau  pour  ces  Princes,  que  la  fortune 
semblait  vouloir  accabler  de  ses  faveurs.  Le  Roussillon 
ne  pouvait  avoir  pour  eux  toute  l'importance  qu'il  avait 
eue  pour  les  Rois  d'Aragon.  Ils  ne  négligèrent,  cepen- 
dant, aucun  moyen  d'en  hâter  la  remise.  Ferdinand  s'était 
rendu  à  Barcelone  pour  être  plus  k  portée  de  diriger  ses 
agents  dans  les  Comtés.  Il  partit  pour  Perpignan,  avec 
la  Reine,  le  6  septembre  1495;  ils  y  furent  reçus  avec 
les  plus  grandes  démonstrations  de  joie.  Par  une  des 
clauses  du  traité  de  restitution  des  Comtés ,  toutes  les 
confiscations  faites  par  les  Français,  pendant  leur  occu- 
pation, étaient  annulées  ;  mais  les  ecclésiastiques,  quoique 
nés  Français,  conservaient  leurs  bénéfices  en  prêtant 
serment  de  fidélité  au  Roi  d'Aragon,  qui  avait  le  droit  de 
placer  des  gouverneurs  et  des  garnisons  dans  les  forts 


316  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

et  châteaux  leur  appartenant  k  raison  de  ces  bénéfices. 
Toutes  les  dignités  ecclésiastiques  de  quelque  impor- 
tance, telles  que  rÉvécbé,  les  Arcbidiaconats,  plusieurs 
Canonicats  d'Elne,  les  Abbayes  de  Saint-Micbel,  d'Arles, 
de  I.a  Real,  de  Saint-Génis,  de  Saint-André,  de  Sorède, 
le  Prieuré  del  Camp,  étaient  possédées  par  des  Français. 
Ferdinand  s'empressa  de  faire  exécuter  une  clause  lu» 
donnant  les  movens  de  rétablir  dans  leurs  biens,  des  b- 
milles  qui  ne  les  avaient  perdus  que  par  dévoûment  k 
TAragon ,  et  de  s'assurer  de  la  soumission  des  principaux 
membres  du  Clergé,  qui  ne  pouvaient  voir  qu'avec  peine 
ce  changement  de  domination.  Quant  aux  dispositions 
qu'avait  prises  Louis  XI ,  en  dispensant  certaines  villes  de 
payer  les  rentes  dont  elles  étaient  chargées,  il  régla, 
dans  son  ordonnance  rendue  k  Perpignan,  le  1^  octo- 
1493.  bre  1495,  que,  provisoirement,  la  moitié  du  revenu  de  ces 
villes  serait  destiné  au  paiement  de  ces  rentes,  sans  que 
les  créanciers  pussent  réclamer  les  pensions  arriérées. 

Le  21  septembre  i  493 ,  Ferdinand  promulgue ,  k  Per- 
pignan, l'ordonnance  qui  expulse  les  Juifs  des  Comtés: 
c'était  une  conséquence  de  celle  rendue  le  30  mars  149S| 
|K)ur  chasser  ces  malheureux  des  Royaumes  de  Castille 
et  d'Aragon.  Dans  la  première,  on  leur  accorde  six  mois 
pour  vendre  leurs  biens,  iiercevoir  et  solder  leurs  dettes 
actives  et  passives  ;  dans  la  seconde ,  le  délai  n'est  qse 
d'un  mois,  au  bout  duquel  ils  doivent  avoir  vidé  le  pjs 
sous  peine  de  la  vie^  tant  pour  eux  que  pour  les  Chré- 
tiens qui  leur  donneraient  asile.  Ces  dispositions,  d*niie 
rigueur  au  miiins  excessive,  ne  frappèrent  heureusement 
qu*un  tri^s  petit  nombre  d*iiidiviiliis.  Les  calamités  qai 
affligèrent  le  Koiissillon  et  surtout  Perpignan,  de  1402  à 
1 179,  y  anéantirent  le  commerce,  et  contribuèrent  beau- 
coup à  affaiblir  la  colonie  que  cette  nation  cosino|iolile  v 


CHAPITRE  QUINZIÈME.  317 

avait  établie;  colonie  qui  déclinait  beaucoup  depuis  un  siè- 
cle ,  dans  un  pays  où  elle  ne  pouvait  vivre  que  par  l'usure 
et  le  petit  trafic  dédaigné  par  les  Chrétiens.  D'ailleurs,  la 
restitution  des  Comtés  était  pressentie  depuis  deux  ans, 
et  stipulée  dans  un  traité  depuis  huit  mois ,  lorsqu'elle  fut 
effectuée.  Les  Israélites  peu  nombreux  établis  dans  la 
province ,  eurent  donc  le  temps  de  prendre  des  précau- 
tions pour  mettre  en  sûreté  leurs  familles  et  leurs  fortu- 
tunes  :  ils  n'y  manquèrent  pas.  Aussi,  leur  expulsion, 
mesure  certainement  très  cruelle  pour  ceux  qu'elle  frap- 
pait^ passa  comme  inaperçue  au  milieu  d'ime  population 
agitée  par  les  passions  politiques  qu'excite  toujours  un 
changement  de  gouvernement.  Ce  qu'il  y  a  de  certain, 
c'est  que  leur  dépouille  ne  tenta  ra\idité  de  personne, 
comme  l'on  peut  s'en  convaincre  par  l'inventaire  que 
dressèrent  les  officiers  royaux,  et  conservé  dans  nos  ar- 
chives, avec  la  plupart  des  papiers  relatif  à  cet  objet. 

Ces  archives  ne  nous  offrent  rien  concernant  une  autre 
ordonnance  de  Ferdinand  bien  plus  importante,  celle  qu'il 
rendit  sur  les  Vassallos  de  Remetisa.  On  appelait  ainsi  des 
paysans  sur  lesquels  les  Seigneurs  avaient  certains  droits, 
dont  la  dénomination  de  mal  usos  (mauvais  usages),  in- 
dique assez  combien  ils  étaient  durs  pour  les  malheureux 
qui  y  étaient  soumis.  Les  six  plus  odieux  de  ces  mal  usos 
étaient  :  i^  Remensa  personal  :  un  paysan  ne  pouvait  quitter 
la  terre  du  Seigneur  sans  en  avoir  obtenu  la  permission  en 
payant  ;  2^  Interslia  :  le  Seigneur  héritait  du  tiers  du  bien 
de  son  vassal  mort  intestat ,  laissant  femme  et  enfants ,  et 
de  la  moitié  s'il  ne  laissait  qu'une  femme  ou  des  enfants  ; 
30  CogtUia  :  la  dot  de  la  femme  adultère  était  partagée 
entre  le  vassal  et  le  Seigneur,  qui  la  prenait  tout  entière 
si  le  premier  cherchait  à  cacher  son  malheur;  A^  Exor- 
(plia  :  si  le  vassal  mourait  intestat  sans  enfants,  ce  qu'on 


318  UISTOIRB  DU  ROUSSILLON. 

appelait  exorch  :  la  part  qu'auraient  eue  les  enbnts  appir^ 
tenait  au  Seigneur,  les  héritiers  naturels  aYaient  le  reste; 
50  Àrsia  :  le  vassal  était  tenu  de  payer  au  Seigneur  mw 
certaine  somme,  si  la  métairie  qu'il  tenait  de  lui  derenût 
par  sa  faute  la  proie  des  flammes  ;  &*  Forma  de  despofo 
forçado  :  quand  le  vassal  hypothéquait  sur  ses  biens  la 
dot  de  sa  femme ,  le  Seigneur  prenait  le  tiers  du  droit 
de  lods.  Les  Vassallos  de  Remensa  s'étaient  souvent  lé- 
voltés;  et  sous  le  règne  agité  de  Jean  I^^  ils  eurent  pres- 
que toujours  les  armes  à  la  main ,  soit  pour  soutenir  le 
Roi,  soit  pour  combattre  contre  leurs  Seigneurs.  On  avait 
fait  plusieurs  projets  pour  tarir  cette  source  de  divisioas 
intestines.  Ferdinand,  plus  heureux  que  son  père,  avant 
réussi  h  engager  les  deux  parties  k  s'en  remettre  h  sa 
44S6.  décision,  rendit  à  Guadaloupe,  en  i480,  une  ordonnance 
qui  aflranchissait  ces  paysans  de  tous  ces  droits,  moyen- 
nant que  chacun  d'eux  s'engageât  h  payer  à  son  Seigneor 
60  sols  barcelonais,  ou  à  lui  senir  une  rente  5  p.  */,  de 
ce  capital.  Si  les  Vassallos  de  Remensa  eussent  ëlé  non* 
breux  dans  le  Roussillon  lorsqu'il  fut  restitué  &  Ferdinand, 
il  n'est  pas  douteux  que  ce  Prince  aurait  promulgué  mw 
ordonnance  pour  faire  jouir  ce  pays  du  bienfait  de  cde 
de  1486,  ou  bien  qu*on  aurait  trouvé,  postérieurement  ï 
cette  époque,  quelque  exemple  de  l'existence  de  ces  mtd 
usos.  Nos  archives  gardant  sur  ces  objets  un  silence  ab- 
solu, nous  devons  en  conclure  que  le  Roussillon  était 
déjà  délivré  de  tout  ce  que  le  régime  fi^al  avait  de  plH 
odieux  par  les  actes  nombreux  d'aflranchissement  de  ces 
droits,  et  d'autres  bien  moins  onéreux,  que  les  Rois,  les 
Seigneurs  et  le  Clergé  avaient  donnés  ou  vendus  k  des 
communes  ou  à  des  particuliers  durant  les  xni%  xrr*  et 
xv<*  siècles,  actes  dont  nous  avcms  parlé  ci-dessus. 
Ferdinand  ayant  sc^journé  un  ukms  à  Perpignan,  revint 


CHAPITRE  ftVINZlÈMC.  319 

I  Barcelone,  où,  le  4  novembre  1495,  il  ordonna,  tant  de  sa 
[)ropre  autorité,  que  de  celle  qu'il  tenait  des  Cortés,  de 
irapper  dans  cette  ville  et  à  Perpignan,  une  monnaie  dite 
Ttincipat,  au  titre  et  du  poids  des  ducats  de  Venise,  et  ifis 
;roats  et  demi-croats  au  titre  de*  1 1  Vi  deniers,  k  la  taille 
le  72  croats  au  marc ,  dont  le  coin  devait  être  celui  des 
mciennes  monnaies  d'or  pour  les  principats,  et  celui  des 
mciens  croats  pour  les  nouveaux.  11  veut,  dans  cette  or- 
limnance,  que  le  principat  ait  cours  pour  12  croats;  qu'on 
le  puisse  faire,  qu'au  poids,  un  paiement  considérable  en 
irgent,  et  quel  qu'il  soit  en  or;  qu'on  ne  soit  tenu  à 
*ecevoir  en  billon  que  la  valeur  du  quart  d'un  croat.  Il 
)rdonne,  en  même  temps,  que  les  carlins  et  les  parpail" 
oies  cessent  d'avoir  cours  en  RoussiUon  dans  quatre  mois  : 
es  premiers  étaient  des  carolus  frappés  sous  Charles  YIII, 
alant  iO  deniers;  les  parpailloles,  une  monnaie  déjà  usitée 
n  Languedoc  en  1451  (D.  Vaissette).  Le  9  juillet  1495, 
Domma  Gouverneur  du  RoussiUon,  Louis,  tils  de  Ber- 
ard  d'Oms,  dont  nous  avons  vu  la  fin  tragique,  et  pour 
apitaine-Général  dans  les  Comtés ,  D.  Henri  Henriqnez, 
>n  cousin-germain.  De  ces  deux  nominations,  la  première 
^compensait  dans  le  fils  les  services  du  père  ;  par  la  se- 
onde ,  il  témoignait  son  affection  k  ses  nouveaux  sujets. 
e  30  mars  1496,  il  permit  de  fabriquer,  k  Perpignan,  de  ^49$. 
i  monnaie  de  billon^  de  la  matière  et  du  poids  qu'il  plairait 
ox  Consuls.  Les  concessions  du  Domaine  de  la  Couronne 
lites  par  les  Rois  de  France,  avaient  probablement  été 
nnulées,  puisqu'on  voit,  en  149o,  le  Procureur-Royal  con- 
éder  une  prise  d'eau  sur  le  canal  de  Perpignan ,  donné  k 
ette  ville  en  1488  par  Charles  VIIL  Mais  le  Roi  d'Aragon, 
e  voulant  pas  priver  cette  cité  fidèle  d'une  faveur  qu'elle 
vail  obtenue  d'un  Gouvernement  illégitime  k  ses  yeux, 
onfirma  en  l.jOi  la  donation  faite  en  1488. 


320  UISTOIRE  DU  ROCSSILLON. 

I^  paix,  que  la  restitution  des  Comtés  à  l'Aragon  sem- 
blait assurer  pour  long-temps  entre  la  France  et  FEspagne*. 
ne  fut  pas  de  longue  durée.  Ferdinand  ne  put  Toir  lan» 
jalousie  la  rapidité  des  conquêtes  de  Charles  VIII.  Voulant 
empêcher  ce  Prince  d'affermir  sa  domination  en  Italie,  il 
conclut,  le  51  mars  1495,  un  traité  avec  la  RépobGqae 
de  Venise ,  le  Pape ,  TEmpercur,  le  Duc  de  Milan.  Par 
suite  de  cette  alliance,  les  Âragonais,  indépendamment 
de  leur  contingent  k  l'armée  formée  pour  s'opposer  k  l'inva- 
sion du  Royaume  de  Naples  par  Charles  VIII  %  devaieat 
attaquer  le  Roussillon.  D.  Henri  Henriqaez  raaaemlih, 
à  cet  effet  y  vers  la  mi-novembre ,  quatorze  cents  lances 
et  un  corps  d'infanterie  à  peu  près  d'égale  force,  aoprfcs 
d'Opol  ;  pénétra  jusqu'à  deux  lieues  de  Carcaasonne,  et 
revint  par  Tuchan ,  emmenant  soixante  prisonnier»,  vingt 
mille  bétcs  à  laine ,  et  quatorze  cents  bétes  k  corne  m 
juments.  Cette  expédition  devait  attirer  en  Roussillon  des 
représailles  :  iK)ur  s'en  garantir,  on  résolut,  Salses  n'étant 
pas  tenable,  de  fortifier  Claira,  que  l'on  regardait  comme 
très  avantageusement  placé  pour  couvrir  le  pays.  Dis  le 
commencement  de  janvier  1496,  Don  Henri  marcha  anr 
Caladroy  :  le  gouverneur,  soit  lâcheté,  soit  corroptiott, 
rendit  ce  château,  sans  le  défendre,  à  Jean  de  Leyna, 
commandant  l'avant- garde.  Pendant  cette  expédition, 
un  corps  français  de  sept  cents  fantassins,  cent  honnnes 
d'armes  et  cent  cinquante  chevau-légers,  entrait  dans  h 
Salanque  par  le  grau  de  Leucate ,  et  enlevait  quinie  cents 
têtes  de  menu  liétail;  mais  quelque  cavalerie,  sortie  de 
Perpignan ,  renforcée  par  celle  qu'on  avait  placée  dans 
les  châteaux  de  la  frontière,  lui  lit  lâcher  la  plus  grande 


t  I».  l'ifrn'  Itflpas.  ly rpifl;naDai« .  rumnaailail  fo  lulir  U  râvileric  Mfèiv 
Abi  ri  rum|ia|rmiD  ilu  irraud  rapitainr  r.uDMt^f  de  «'.urdoiie .  il  »  4i»tiBf"*  <!***  c^ 
pif  M.  n  icriniiu  ytnrwiiwnM'iii  m  \\¥  i  l.i  haljille  tit  Uavrnw. 


CHAPITRE  QUINZIÈME.  321 

partie  de  ce  butin ,  et  le  poursuivit  jusqu'à  Leucate.  Un 
antre  petit  détachement  avait  enlevé,  pendant  la  nuit,  mille 
têtes  de  bétail  réfugié  dans  les  fossés  de  Rivesaltes;  mais 
atteint  par  la  garnison,   il  fut  obligé  d'abandonner  sa 
prise.  Pour  se  mettre  a  couvert  de  ces  incursions,  on 
répara  à  la  hâte  les  fortifications  de  Salses,  d'Elne,  de 
CoIIioure.  On  construisit  sur  le  grau  un  château  de  bois 
si  fort  et  si  bien  placé  qu'on  ne  pouvait  l'attaquer  qu'avec 
de  l'artillerie  ;  on  y  mit,  pour  commandant,  un  écuyer  de 
la  compagnie  de  Bernard  Francès,  avec  une  garnison  de 
dix  arquebusiers  et  autant  d'arbalétriers  ;  on  y  plaça  trois 
ribaudequins  ^  Pour  plus  de  sûreté,  on  envoya  dans 
l'Ampourdan  tous  les  troupeaux  de  la  Salanque.  Non 
content  de  ces  précautions.  Don  Henri  fit,  au  mois  de 
mars,  une  course  jusqu'à  Narbonne,  et  l'un  de  ses  capi- 
taines prit  et  rasa  le  château  de  Montfort.  On  acquit  la 
certitude  qu'un  grand  corps  de  troupes  françaises  s'avan- 
çait vers  la  frontière.  Pour  que  le  Roussillon  ne  fût  pas 
sans  défense,  on  y  envoya  mille  Aragonais,  moitié  hommes 
d'armes,  moitié  cavalerie  légère,  huit  cent  cinquante  lances 
castillanes,  douze  cents  chevau-légers  de  la  même  nation, 
et  quatre  mille  hommes  d'infanterie,  composée  à  la  manière 
de  ce  temps,  de  piquiers,  d'arbalétriers  et  d'archers.  Ces 
dispositions  n'empêchèrent  point  un  parti  français  de  se 
glisser  jusqu'aux  environs  de  Saint-Laurent,  village  situé 
tout  près  du  château  de  bois,  pour  enlever  cent  cinquante 
juments  qui  dépaissaient  dans  la  campagne.  Don  Henri, 
averti  à  temps,  fit  sortir  de  Perpignan  des  troupes,  qui, 
s'étant  placées  en  embuscade,  tombèrent  à  l'improviste  sur 
les  Français  ;  les  battirent,  et  leur  firent  quelques  prison- 
niers, parmi  lesquels  se  trouva  le  gouverneur  de  Leucate. 

I  Aurienn*'  pière  (rarlillcrie,  lont^ue  de  36  calibres,  et  laDçaat^n  boulet  de  plomb  pesant 
1  U\re  3/4 .  chassé  par  une  rliargft  «le  même  poiils. 

21 


322  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

Depuis  le  29  juin  1496,  jour  où  cette  rencontre  eut  lien, 
on  resta  tranquille  de  part  et  d*autre  jusqu'au  28  octobre^ 
où  le  maréchal  de  Saint-André,  ayant  rassemblé  dix-huit 
mille  hommes  aux  environs  de  Narbonne,  sous  prétexte 
de  les  conduire  en  Italie,  tomba  de  nuit  et  à  Tîniproviste 
sur  Salses  ;  dressa  ses  batteries,  et  canonna  le  lendeouÛB 
la  place  avec  une  telle  furie ,  qu'il  ouvrit  le  jour  même 
^soe.  une  brèche  praticable.  L'assaut  fut  aussi  vif  que  la  défioise 
molle;  car,  quoique  la  place  fût  mauvaise,  comme  eik 
avait  sept  cents  hommes  de  garnison  et  vingt-neuf  pièces 
de  canon,  elle  aurait  pu  opposer  une  plus  longue  réiii> 
tance.  Mais  les  deux  principaux  ofiiciers  ayant  été  tués  dès 
le  commencement  de  l'action,  le  désordre  se  mit  parmi 
les  assiégés,  qui  abandonnèrent  la  brèche.  Trois  eeutt 
hommes  seulement  réussiront  à  se  retirer  dans  le  fort; 
on  leur  accorda,  par  capitulation ,  la  vie  sauve,  condilioa 
qu  on  ne  tint  pas  exactement.  D.  Henri  connaissait  l'élat 
de  la  place  :  assise  sur  une  roche  vive,  sans  fossés,  n'ajSDt 
qu'un  mur  vieux  et  peu  épais ,  elle  devait  être  démolie 
aussitôt  qu'on  aurait  construit  une  autre  forteresse  dans 
la  plaine.  Aussi,  à  la  première  nouvelle  de  l'entrepriie 
des  Français,  marcha-t-il,  avec  les  troupes  qu'il  put  ra^ 
sembler,  au  secours  de  la  place,  dont  il  apprit  la  redditioQ 
à  son  arrivée  à  Rivesaltes.  Il  s'avança,  cependant,  k  la  lile 
de  deux  mille  chevaux  et  quatre  mille  hommes  d'inCuH 
terie,  et  campa  à  une  petite  lieue  des  ennemis,  postés 
sur  la  montagne  qui  domine  Salses.  Dans  cette  posilkm, 
on  conclut  une  trêve  de  deux  mois  et  demi.  Les  Français 
abandonnèrent  leur  récente  conquête,  et  les  Espagnob 
le  château  de  Caladroy.  Comme  on  s*attendait  à  une  nou- 
velle attaqui'  lors  de  Texpiration  do  la  trêve,  on  se  dérida 
à  fortifier  KIne,  Collioure  et  surtout  Claira.  I.es  habitam 
du  Roussillon.  soutenant  que  vvMc  guerre  n*avait  pas 


CHAPITRE  QUINZIÈME.  323 

objet  la  défense  du  pays,  ne  voulaient  point  contribuer  à 
la  réparation  de  ces  places,  appuyant  leur  refus  sur  les 
privilèges  de  la  province,  qu'il  n'eût  pas  été  prudent  d'en- 
fireîndre  dans  un  moment  où  Ton  avait  besoin  de  son 
«encours.  D.  Henri  dut ,  pour  se  tirer  d'embarras,  con- 
sentir k  prolonger  la  trêve  jusqu'en  novembre  1497.  4497. 
Durant  cet  intervalle,  des  envoyés  de  Ferdinand,  venus  en 
Roussillon ,  négociaient  la  paix  avec  ceux  de  Charles  YIII, 
établis  k  Narbonne. 

Les  troupes  aragonaises  étaient  distribuées  dans  les 
forteresses  du  pays.  La  nombreuse  garnison  qui  occupait 
Perpignan ,  ne  vivait  pas  en  très  bonne  intelligence  avec 
les  bourgeois  :  un  mercadier  nommé  Serra,  ayant  eu  une 
rixe  avec  Don  Alonso  de  Souza ,  fut  tué  par  cet  officier. 
Les  parents  et  amis  du  mort  se  portèrent  en  foule  vers 
la  maison  occupée  par  D.  Jean  de  Leyna,  où,  disait-on,  le 
meurtrier  s'était  réfugié.  Les  soldats  se  mirent  en  devoir  de 
leur  en  défendre  l'entrée  ;  et  il  s'ensuivit  une  violente  lutte 
entre  les  habitants  et  les  militaires.  Don  Henri  accourut 
pour  apaiser  le  tumulte,  et  fut  atteint  d'un  coup  de 
pierre,  dont  il  mourut  peu  de  jours  après.  On  envoya  le 
Comte  de  Ribagorce,  avec  quelque  cavalerie,  pour  rétablir 
Tordre  dans  la  ville,  et  procéder  sévèrement  contre  les 
coupables,  soldats  ou  citoyens.  Ce  Seigneur,  l'Évéque 
d'Ui^el  et  Louis  d'Oms,  gouverneur  de  Perpignan,  firent 
les  inrformations  les  plus  minutieuses  pour  découvrir  le 
meurtrier.  On  reconnut  que  la  pierre,  lancée  par  l'un 
des  défenseurs  de  la  maison  de  D.  Jean  de  Leyna,  avait 
atteint,  par  l'effet  d'un  malheureux  hasard,  le  Capitaine- 
Général,  qu'on  n'avait  point  visé,  et  on  rejeta  toute  la  faute 
^ur  D.  Alonso  de  Souza,  qui  s'était  réfugié  en  France. 
Pour  éviter  toute  occasion  de  querelle,  on  retira  les 
troupes  de  la  ville,  où  elles  étaient  fort  à  charge  a  Tha- 


324  HISTOIRE   DU   ROUSSI LLON. 

bitant,  n*eii  laissant  qu'au  château  et  au  CasUllet;  les 

autres  fui^'ot  distribuées  dans  les  forteresses  ou  envovées 

• 

dans  rAm|K)urdan.  Après  avoir  rétabli  l'ordre,  le  Comte 
de  Itibagorce  fit  visiter  remplacement  du  fort  projeté  pour 
Salses.  On  le  choisit  au-dessous  de  l'ancien ,  dans  nn  en- 
droit où  se  trouvait  une  source  que  l'ennemi  ne  pouvait 
détourner,  et  on  se  mit  a  \  travailler  avec  la  plus  gnnde 
activité.  Don  Sancho  de  Castille,  qui  dans  les  guerres 
précédentes  avait  servi  en  Roussillon ,  fut  nommé  pour 
remplacer  D.  Henri;  il  lui  fut  recommandé  d'être  fienne 
k  l'égard  des  militaires.  Le  Gouverneur  eut  ordre  d'en 
agir  de  même  à  l'égard  des  bourgeois;  car  ou  était  mé* 
content  de  la  conduite  des  uns  et  des  autres. 

Le  nouveau  Capitaine-Général ,  après  avoir  reconnn  h 
province  confiée  à  ses  soins,  jugea  que  Salses,  Perpî* 
gnan,  KIne,  Collioure  et  Puycerda,  étaient  les  seules  places 
nécessaires  pour  la  défendre;  il  regarda  Gaira  comme 
sans  utilité  pour  les  Espagnols.  Cependant,  les  envojës 
de  Ferdinand ,  dans  le  but  do  hâter  la  conclusion  de  b 
pai\,  furent  a  Narbonne  s'aboucher  avec  les  plénipolen- 
tiaires  français.  On  convint  qu'ils  se  rapprocheraient  ponr 
accélérer  la  marche  des  ii('*goc'iations.  Kn  conséquence, 
les  premiers  s'établirent  à  Itivesaltes,  et  les  seconds  à 
^'|9S.  Sijeau.  <l.a  paix  <*onclue  en  ÏVM,  fut  comme  le  prélimi- 
naire du  trail<*  d'alliance  (|ue  les  Uois  de  France  el  d'A 
ragon  contractèrent  bientôt  apivs  p<Mir  la  conquête  èl 
|iartage  du  Ro\nuine  de  Naplcs.  Le  but  même  de 
alliance  devait  la  rendre  peu  tliirable;  et  la  mésintelli 
gence  qui  la  lit  rompre  en  Italie,  ne  tartia  |>as  à 
son  l'tTrt  en  Uoussilhui.  Dès  le  commencement  de  I50S' 


I  On  \.:l    j.ir  Ml      '.-■  j  ,.-.    i  |.i|i^i..'i    i-   i'  -.(.'.  n  Iii  l'ii'.I .  i  nlrr  UB  pni 

tiM'it»- tt.iii- .II*    '  iiii  l-ijt,:i  ■■- .1»  ..•r*.  \  !!     .,1;.     .-.  |.t--ii .•'■■»l  t'n^ ••*«'*  ^ui  ril 

•'il'  lit  ti'ip^.i.-i     I  -    fj  iii;:ir  ■*■■  un  l..i|"'   ,i'  I  •■  I  ■  vUt 


CHAPITRE  QUINZIEME.  325 

les  troupes  rassemblées  par  le  maréchal  de  Rieux  sur  la 
frontière,  firent  naitre  ^l^s  craintes  pour  cette  province. 
On  y  dirigea  les  corps  espagnols  stationnés  en  Ampour- 
dan  ;  on  garnit  d'infanterie  Claira,  Baixas,  EIne,  Millas  et 
la  citadelle  de  Perpignan;  on  pourvut  Collioure  de  tout 
ce  qui  était  nécessaire  pour  soutenir  un  siège  dont  on  le 
disait  menacé.  A  la  lin  d'août,  le  maréchal  de  Rieux  vint 
avec  une  foile  armée  campera  la  Palme,  et  manifesta  le 
dessein  d'entreprendre  le  siège  de  Salses.  D.  Frédéric  de 
Tolède,  duc  d'Albe,  chargé  de  la  défense  du  Roussillon, 
n'avait  que  six  mille  hommes  d'infanterie  et  quinze  cents 
chevaux.  Il  coniia  Salses,  dont  les  fortifications  n'étaient 
|)as  terminées,  à  D.  Sancho  de  Castille,  avec  mille  hom- . 
mes.  Ayant  jeté  une  faible  garnison  dans  Collioure,  il  se 
plaça  avec  le  reste  de  ses  troupes  à  Perpignan,  où  il 
établit  aussi  ses  magasins.  Le  iO  septembre,  le  Général 
français  poussa  une  reconnaissance  sur  Salses,  et  se  retira 
dans  son  camp  après  avoir  essuyé  quelques  coups  de  canon 
de  la  place.  Le  duc  d'Albe  en  ayant  eu  avis,  partit  avec 
cinq  cents  hommes  de  cavalerie  légère  ;  mais  n'étant  ar- 
rivé qu'une  heure  après  le  départ  des  Français,  iMes  fit 
suivre  jusqu*aux  environs  de  la  Palme,  sans  pouvoir  les 
atteindre.  Le  15,  le  Maréchal  dressa  son  camp  auprès 
de  la  fontaine;  occupa  les  hauteurs  voisines  avec  de  l'in- 
^anlerie,  qu'il  fit  avancer  le  lendemain  vers  la  vieille  for- 
teresse, dans  l'intention  de  tirer  des  montagnes  à  l'étang 
Un  retranchement  propre,  à  la  fois,  à  couvrir  ses  quartiers 
et  a  envelopper  le  château.  L'artillerie  du  nouveau  fort  et 
les  arbalétriers  postés  dans  le  vieux  château,  empêchèrent 
les  ennemis  de  travailler  pendant  tout  le  jour:  ils  s'en  dé- 
dommagèrent la  nuit  suivante.  Leur  position  entre  le  grand 
c^heniin  et  l'étang,  était  parfaitement  couverte,  le  16;  ils 
avaient  mémo  placé  sur  la  dernière  hauteur  du  côté  de 


326  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

Rivesaltes,  une  coulevrine,  dont  ils  tirèrent  qiidqie^ 
boulets  sur  le  château,  qu'ils  dj|^sèrent  toajoun.  Tu^ 
dis  que  les  Français  cherchaient  ainsi  à  couper  les  eoai^ 
munications  de  Salses  avec  Perpignan,  le  Duc  d'Albe 
rassemblait  des  troupes  de  tous  côtés  :  il  en  étabUesait  i 
Rivesaltes  et  à  l'entrée  du  grau;  jetait,  tant  par  ee  pai» 
sage  que  par  les  montagnes ,  des  partis  sur  les  déniera 
des  assiégeants  ;  recommandait  à  sa  cavalerie  légère  A*uh 
quiéter  les  convois  destinés  pour  le  camp ,  et  de  tonber 
sur  tout  ce  qui  s'écarterait  trop  des  retrandieneots. 
L'infériorité  de  ses  forces  avait  ôté  toute  confiance  au 
siens  :  pour  relever  leur  courage,  il  résolut  de  prendre  « 
entre  Saint-Laurent  et  l'étang,  une  position,  d'où  il  pom^ 
rait,  à  la  fois,  soutenir  son  avant*garde,  postée  non  loii 
de  Salses,  et  les  coureurs  envoyés  par  le  grau.  SAr 
les  Français  n'abandonneraient  pas  le  siège  pour 
l'attaquer,  il  avait  Tair  d'oifrir  k  une  année  su] 
un  combat,  qu'il  était  toujours  maître  d'éviter  en 
rant  par  Claira  sur  Perpignan.  Cette  conduite,  andacM 
en  apparence,  mais  sage  en  réalité,  ne  tarda  pas  à 
renaître  la  contlance  dans  un  général  qui  paraiaaaii 
rien  craindre.  Les  Français  ne  songeaient  qu'à 
le  siège;  ils  avaient  déjà  attaché  le  mineur  à  la 
carpe,  et  ouvert  avec  leur  canon  une  brèche  à  la 
principale.  Le  Duc  parvint  k  faire  entrer  dans  la  plane 
petit  renfort  de  soixante  hommes  d*éiite ,  et  fini 
sous  les  murs  de  Rivesaltes.  De  là,  il  bitaii  battre , 
moyen  de  sa  cavalerie  légère,  le  chemin  de  Salses  h 
Laurent,  par  où  les  partis  ennemis  allaient  s'a| 
de  bois  dans  les  villages  de  la  Salanque  «  abandonnés 
les  habitants.  Ces  courses  amenèrent  quelques 
ches,  dont  la  plus  forte  eut  lieu  auprès  du  Mas  de  la 
rigue,  où  deux  cent  trente  Français  furent  tués. 


CHAPITRE  QUINZIÈME.  327 

oa  pris  dans  une  embuscade.  Après  ce  petit  combat,  le 
Duc  se  retira  sur  Perpignan  avec  ses  hommes  d'armes, 
se  contentant  d'inquiéter  les  frontières  du  Languedoc 
par  des  détachements,  dont  l'un  s*empara  des  châteaux 
de  Caladroy  et  de  Bellesta.  La  garnison  de  Salses  indi-> 
quait,  par  les  signaux  dont  on  était  convenu,  qu'elle 
n'était  pas  encore  réduite  k  la  dernière  extrémité.  Le  Duc 
d'Albe,  pour  tracasser  les  assiégeants,  se  porta  avec  sa 
petite  armée  sur  Claira,  et  s'avança  avec  partie  de  sa 
cavalerie  légère  sur  Saint-Hippolyte ,  dans  le  dessein  d'y 
surprendre  un  parti  ennemi,  et  de  pousser  par  le  grau 
un  détachement  jusqu'aux  environs  de  Narbonne.  Cette 
troupe  trouvant  le  passage  fermé  par  un  fort  de  bois,  ne 
put  aller  plus  loin ,  et  l'armée  dut  se  retirer  sur  Perpi- 
gnan. Cependant,  le  siège  était  pressé  avec  vigueur;  une 
brèche  considérable,  pratiquée  k  un  ouvrage  encore  im- 
parfait, avait  comblé  le  fossé  de  ses  débris.  D.  Sancho, 
ne  le  jugeant  plus  tenable,  l'abandonna  en  le  faisant 
sauter  au  moment  où  les  Français  s'y  logeaient.  Cette 
opération  fit  perdre  beaucoup  de  monde  aux  assiégeants  ; 
mais  la  place,  quoique  souvent  ravitaillée,  commençait  a 
donner  de  Tinquiétude.  Heureusement,  l'armée  espagnole 
ayant  reçu  de  nombreux  renforts,  et  comptant  dix  mille 
hommes  d'infanterie,  quatorze  cents  hommes  d'armes  et 
quinze  cents  chevau-légers,  le  général  ne  craignit  plus  de 
s'approcher  du  camp  français  et  de  lui  envoyer  quelques 
décharges  d'artillerie.  Voyant  que  l'armée  ennemie  refusait 
d'en  venir  a  une  action,  il  profita  des  facilités  que  lui  donnait 
la  disposition  des  montagnes  pour  se  poster  entre  la  France 
et  le  camp.  Ce  mouvement  occasionna  quelques  petits  com- 
bats, dont  le  plus  important  eut  lieu  sur  le  chemin  de  Sal- 
ses k  Opol,  et  tourna  k  l'avantage  des  Espagnols,  qui  pour- 
suivirent les  Français  jusque  sous  leurs  retranchements. 


:|28  IllSTOIRK   DU   ROUSSILLON. 

Uieu  résolu  à  faire  lever  le  siège  de  Salses,  Ferdinand. 
après  avoir  envoyé  de  nombreux  renforts  à  son  armée  dit 
Roussillon,  se  rendit  en  personne  à  Perpignan  le  19  oc- 
tobre. Ce  jour-la  même,  il  fit  attaquer  par  un  groa  déla* 
chement  le  blockhaus  construit  par  les  Français  k  rentrée 
du  grau,  et  l'emporta  de  vive  force,  malgré  rartillerie 
dont  il  était  muni.  Alors,  le  comte  de  Dunois,  nouTeau 
général  des  Français,  voyant  que  ce  détachement  pouvait 
tomber  sur  ses  derrières,  tandis  que  le  Roi ,  à  la  téta  de 
sou  armée  l'attaquerait  de  front,  se  décida  k  lever  le  aiége. 
Il  retira  cette  nuit  même  son  artillerie  par  le  chemin  de 
Narbonne,  sans  que  les  Espagnols  en  fussent  informéa;  et 
le  lendemain,  descendant  dans  la  plaine  comme  pour  oflDrir 
le  combat ,  il  continua  sa  retraite  entre  les  monlagnea 
et  l'étang ,  abandonnant  quelque  artillerie  et  brûlant  aes 
tentes;  ce  qu*il  exécuta  sans  être  in(|uiété,  Ferdinand  ne 
s'étant  mis  à  sa  poursuite  i\\w  le  lendemain ,  âl  octobre, 
après  avoir  été  rejoint  par  le  détachement  envoyé  vera  le 
grau.  D'ailleurs,  à  |>eine  eut-il  fait  quelques  lieues  aiir  le 
territoire  de  France,  ce  Prince,  manquant  de  vivrea  et  ne 
trouvant  pas  d*eau  pour  son  armée,  où  Ton  comptait  vingt 
mille  hommes  d*infanterie  et  sept  mille  cavaliers,  se  retira 
à  Perpignan,  après  avoir  armé  Chevaliers,  sur  les  terrea  de 
France,  quelques  Gentilshommes  de  sa  suite,  cérémoBie 
regardée  alors,  dans  de  pareilles  circonstances,  comme 
un  témoignage  de  la  victoire. 

Ferdinand  confia  le  soin  de  son  année  au  Duc  d'iJbe  : 
celui-ci  l'ayant  pourvue  de  tout  ce  dont  elle  avait  beaoia, 
mit  le  siège  devant  l^ucate  le  â8  octobre.  Le  Goavemew 
voyant  les  liatteries  établies  dès  le  lendemain,  rendit  b  pla- 
ce, à  condition  que  la  garnison  serait  envoyée  en  France, 
sans  annes.  mais  aver  ses  habits.  Sijeau,  la  Palme,  Fitou, 
Treilles,  IUN|uel'ort  se  rendirent  aussi:  un  prit  d* 


CHAPITRE  QUINZIÈME.  329 

Casteliuaure,  après  y  avoir  fait  une  brèche  au  moyen  de 
la  sape  ;  ou  s'empara  de  Saint-Jean-de-Barrou,  de  Freixa, 
de  Vilaseca,  et  on  poussa  les  Français  jusqu'à  Narbonne, 
en  OaJsant  un  grand  dégât  dans  le  pays.  La  saison  n'était 
pas  favorable  pour  entreprendre  le  siège  de  cette  place. 
Les  Généraux  français  ayant  proposé  une  trêve,  le  Duc  y 
consentit  et  se  replia  sur  Perpignan.  Les  négociateurs  l'y 
suivirent,  et  l'on  conclut,  pour  cinq  mois,  un  armistice, 
dans  lequel  n'étaient  pa&. comprises  les  armées  navales,  ni 
celles  d'Italie.  Ferdinand  partit  pour  Barcelone,  laissant 
le  commandement  de  ses  troupes  en  Roussillon  au  mar* 
quis  de  Dénia,  et  le  gouvernement  de  Salses  à  D.  Dimas 
de  Requesens.  Ses  Ambassadeurs  en  France  réussirent  à 
faire  prolonger  la  trêve  pour  trois  ans.  Ce  fut  un  grand 
bonheur  pour  le  Roi  d'Aragon,  à  qui  la  mort  de  la  reine 
Isabelle,  arrivée  le  26  novembre  i5(^,  suscita  de  grands        VôOi, 
embarras  en  Castille.  Le  mariage  qu'il  contracta,  le  18 
mars  1506,  avec  Germaine  de  Foix,  nièce  de  Louis  XII, 
acheva  d'assurer  la  tranquillité  de -ses  frontières  du  côté 
de  la  France  ;  et  cette  paix  permit  a  plusieurs  guerriers 
du  Roussillon  d'aller  combattre  au  loin  pour  les  intérêts 
et  la  gloire  de  l'Espagne.  C'est  ainsi  qu'en  1511,  on  voit 
D.  Bérenger  et  D.  Jean  d'Oms,  l'un  commandant  quelques 
galères,  l'autre  capitaine  dans  les  troupes  de  débarque- 
ment, aller  au  secours  des  Portugais  enfermés  dans  la 
place  de  Tanger,  assiégée  par  le  Roi  de  Fez.  La  garnison, 
soutenue  par  ce  renfort,  fit  une  sortie  vigoureuse,  dont  le 
résultat  fut  la  levée  du  siège  par  les  Maures.  Ce  même 
Bérenger  commandait,  en  1516,  la  flotte  qui  porta  auprès 
d'Alger  l'armée  de  D.  Diego  de  Vera.  Ayant  ramené  en 
Espagne  les  restes  de  cette  malheureuse  expédition,  il 
battit,  l'année  suivante,  une  escadre  barbaresque ,  et  lui 
prit  (jualre  galères.   Les  con<iuéles  de  Ferdinand  sur  les 


330  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

côtes  d'Afrique,  avaient  été  fort  avantagenses  au  commeree 
de  la  Catalogne  et  du  Roussillon  ;  car,  à  la  demande  des 

4510.  Cortés,  en  1510,  ces  provinces  avaient  obtenu  le  droit  de 
commercer  librement  avec  Alger,  Tunis,  Tripoli  et  Bougie. 
Le  Bras  ecdésiastique,  dans  ces  mêmes  Cortës  de  1510, 
obtint  de  Ferdinand  que  le  Clergé  du  Ttoossillon ,  quoi- 
que ne  faisant  point  partie  de  la  province  de  Tarragone, 
jouirait  des  mêmes  droits  et  immunités  que  celui  de  la 
Catalogne.  Sous  le  règne  de  ce  Prince,  nous  troofou  la 
première  ordonnance  où  il  soit  question  de  Bohémieiis 
en  Roussillon.  Elle  fut  rendue  en  1512  par  Germaine  de 
Foix,  Lieutenante-Générale  du  Roi  son  mari  :  cette  ordon- 
nance les  bannit  de  la  Principauté  de  Catalogne  et  dn 
Comté  de  Roussillon ,  les  condamnant  à  être  fustigés  slb 
y  rentraient.  Ils  y  sont  désignés  sous  les  noms  de  Grecs 
ou  d'Égyptiens.  Il  ne  parait  pas  qu'elle  ait  prodvit  m 
griatnd  effet  ;  car  on  trouve,  dans  la  suite,  plusieurs  antres 
ordonnances  rendues  contr'eux  par  Charles -Qnint  et 
Philippe  II. 

|<>I6.  Ferdinand-le-Catholique  était  mort  le  25  janvier  1816; 

le  (Cardinal  de  Ximenés,  à  qui  il  avait  conflé  la  régenee 
du  Royaume  de  Castille,  mourut  le  8  novembre  4SI7, 
peu  après  l'arrivée  de  Charles-Quint  en  Espagne.  Tons 
les  germes  de  division  que  l'habileté  du  Roi  d'Aragon  on 
la  fermeté  du  Cardinal  avaient  empêché  de  se  dé?elo|ipar 
durant  leur  administration,  éclatèrent  au  commencenwnt 
du  règne  d'un  prince  jeune,  entouré  de  Ministres , 
leur  qualité  d'étrangers  rendait  odieux  ou  snspecta. 
de  Majorque  et  le  Royaume  de  Valence  furent,  tontefbia, 
les  seules  provinces  des  États  d'Aragon  où  éclata  b 
civile.  1^  position  du  Roussillon  inspirait  quelques 
tes,  sa  population  étant  en  partie  d'origine  française. 
gens  de  Riicrn»  rliai^i^és  do  sa  défense  s  étaient  retirés 


CHAPITRB  QUINZIÈME.  334 

eux,  probablement  faute  d'être  payés;  car  les  gouverneurs 
des  forteresses  ne  recevaient  point  leur  traitement,  et  ces 
places  manquaient  de  tout  ce  qui  était  nécessaire  à  leur 
défense.  Ces  détails  sont  extraits  des  instructions  données 
au  Député  envoyé  en  1516  par  la  ville  de  Barcelone  à  son 
nouveau  Souverain.  Ces  instructions  nous  offrent  quelques 
renseignements  sur  le  gouvernement  et  l'administration  de 
la  Catalogne  et  des  Comtés,  que  nous  aurions  &it  connaître, 
si  nous  n'avions  jugé  plus  convenable  de  nous  en  servir, 
ainsi  que  de  plusieurs  autres  documents,  tant  imprimés  que 
manuscrits,  pour  donner,  ici,  à  nos  lecteurs  un  ensemble 
aussi  complet  qu'il  nous  a  été  possible  des  institutions 
politiques  qui ,  pendant  plusieurs  siècles,  furent  en  vigueur 
dans  ces  provinces. 

Les  Comtes  de  Barcelone,  devenus  héréditaires,  ne 
tardèrent  pas  k  convoquer,  dans  le  lieu  de  leur  résidence, 
une  Assemblée  composée  des  Évéques,  des  Prélats,  des 
Magnats,  des  Barons  de  leurs  États,  qui ,  sous  le  nom  de 
Cwria,  Cort  ou  Parlement,  avait  quelque  part  à  la  légis- 
lation et  au  gouvernement  du  pays.  C'est  dans  une  réu- 
nion de  ce  genre ,  que  furent  promulgués  les  usages  de 
Barcelone,  premier  Code  national,  composé  de  174  articles. 
Pénétrés  de  la  maxime  que  les  peuples  ne  doivent  payer 
que  les  impôts  consentis  par  eux,  les  Comtes  de  Barcelone 
regardaient  ces  Assemblées  comme  indispensables  à  leur 
gouvernement  :  aussi  voit-on  Raymond  Bérenger  III ,  k 
peine  établi  dans  le  Comté  de  Cerdagne,  convoquer,  le  S 
des  nones  d'avril  1118,  l'Ëvéque  d'Elne,  les  Magnats  et 
les  Chevaliers  du  pays,  pour  faire,  de  concert  avec  eux, 
des  ordonnances  de  police  et  de  finances.  Les  nouvelles 
acquisitions  de  ces  Comtes  s'amalgamant  peu  à  peu  avec 
leurs  anciennes  possessions,  la  Cort  des  Comtes  de  Bar^ 
celone  devint  unique  et  générale  pour  tous  les  États,  et 


332  HISTOIRE   DO   R0U8SILL0N. 

continua  dexistcr  sous  la  même  forme  jusqu'au  règne  de 
Jac4iues-le-Conquérant.  Nous  avons  vu  que  le  Pape,  ayant 
ordonné  à  Simon  de  Montfort  de  rendre  aux  Aragonais 
leur  jeune  Roi,  les  Grands,  les  Nobles,  dix  députés  de 
chaque  ville,  furent  recevoir  a  Narbonne  Teniant  royal, 
et  le  conduisirent  à  Lcrida,  où  tous  lui  prêtèrent  serment 
de  iidélité.  La  puissance  des  villes  se  révéla  dans  cette 
circonstance;  et  le  zèle  qu'elles  y  démontrèrent  fit  sans 
doute  qu'on  crut  ne  pouvoir  se  dispenser  d'appeler  aux 
Cortés  ultérieures  une  partie  aussi  importante  de  la  natioB. 
On  croit  {généralement  que  leurs  Syndics  assistèrent  pour 
la  première  fois  aux  Corti^s  de  Tarragone  en  1218.  Depuis 
lors«  ces  Assemblées  se  trouvèrent  composées  de  trois  Bras 
ou  Etats  :  Le  Uras  calésiastiqm,  où  assistaient  en  personne 
les  Kvé<|ues,  les  Abbés,  les  Commandeurs  de  Malte,  et,  par 
députés,  les  Chapitres  et  les  Ordres  religieux,  était  présidé 
par  rx\rchevé(pie  <Ie Tarraj^one.  Dans  le  Bras  fniUtaire,)ieê 
Magnats,  les  Barons,  les  Sei<;neur$  de  terre  ayant  justice, 
assistaient  en  personne;  les  Chevaliers  et  Gentilshonunes 
y  envoyaient,  par  chaque  Viguerie,  un  député,  auquel 
ils  assuraient  une  indemnité  :  il  était  présidé  par  le  Duc 
de  Cardone  ;  les  Syndics  envoyés  par  les  trente-quatre 
villes  formaient,  sous  la  présidence  du  Syndic  de  Barce- 
lone, le  liras  royal.  Ces  Cortés  furent  d'abord  tenues  tous 
les  ans,  ou«  du  moins,  toutes  les  fois  qu'on  les  crojrait 
nécessaires  :  elles  devinrent  triennales  en  1501  ;  dans 
la  suite,  on  les  tint  a  des  époques  plus  éloignées.  EUes 
devaient  toujours  être  convoquées  par  le  Roi ,  et  ouvertes 
par  le  Souverain  en  |>ersonne.  (Si  elles  l'ont  été  quelque- 
fois par  la  Ueine,  comme  Lieutenante-Cénérale,  les  États 
ont  protesté  pour  que  cela  ne  tirât  fuis  à  conséquence.) 
Cliatpie  membre  des  (.ortés  devait  être  pnWenu  du  jour 
«*1  <hi  liiMi  où  st'  n'Minirail  rAss«>mblée,  deux  ou  au  moins 


CHAPITRE  QUINZIÈME.  333 

m  mois  avant  son  ouverture  ;  et  il  devait  s'y  trouver  en 
)ersonne,  ou  s'y  faire  représenter  par  un  procureur,  muni 
ie  ses  pouvoirs.  Les  Évéques  et  les  Abbés  ne  pouvaient 
confier  leur  procuration  qu'aux  Ecclésiastiques  ou  Reli- 
^ux  les  plus  élevés  en  dignité;  les  Magnats  et  les 
tarons  pouvaient  être  représentés  par  des  Chevaliers 
[ui  ne  fussent  pas  tenus  d'y  assister  eux-mêmes,  car 
lul  ne  devait  y  figurer  à  la  fois  pour  lui  et  pour  un  au- 
re.  (Append,,  n^  19.  )  Dans  ces  Assemblées,  on  réglait 
ouïes  les  affaires  relatives  au  bon  ordre  de  l'État,  k  la 
ranquillité  et  à  la  félicité  publiques.  La  loi  était  faite 
ur  la  proposition  du  Roi ,  adoptée  par  la  majorité  de  cha- 
cun des  trois  États ,  ou  bien  sur  la  proposition  des  trois 
iltals  et  approuvée  par  le  Roi  :  elle  s*appelait  Constitutùyn 
les  Coriés.  Dans  l'intervalle  des  sessions,  les  Rois  faisaient 
les  lois  provisoires,  connues  sous  le  nom  de  pragmatiques: 
^Ues  devenaient  des  lois,  lorsqu'elles  avaient  été  exécutées 
>endant  un  long  intervalle  sans  aucune  réclamation  des 
Ëtats.  Les  impôts  consistaient  dans  les  droits  perçus  à 
l'entrée  ou  ^  la  sortie  de  la  province  sur  les  céréales, 
l'huile,  le  vin,  les  bois,  la  laine,  les  draps,  les  matières 
l'or  ou  d'argent,  les  pierres  précieuses,  etc.  ;  ils  ne  pou- 
vaient être  établis  que  par  les  Cortés  ;  ils  étaient  perçus 
par  les  soins  d'une  espèce  de  commission  intermédiaire, 
choisie,  dans  le  sein  des  Cortés,  et  appelée  Députation, 
Elle  était  de  six  députés,  deux  de  chaque  Rras  et  d'un 
avocat.  De  ces  six  députés,  trois,  dont  un  de  chaque  Rras, 
étaient  particulièrement  chargés  de  l'administration;  les 
trois  autres,  appelés  auditeurs,  devaient  recevoir  les 
comptes  de  la  Députation  qui  sortait,  et  remplacer  les 
Députés  absents  de  leur  Bras.  La  Députation  parait  n'avoir 
jamais  cessé  d'exister;  mais  elle  ne  reçut  une  organi- 
sation complète  et  définitive,  que  par  les  actes  des  Cortés 


334  III8T0IBB  M]   BOL'881LLON. 

tenues  de  1413  a  1435.  L'époque  de  l'élection  de  mi 
membres  fut  fixée  au  commencement  de  juillet,  pour  en- 
trer en  exercice  au  l<^r  août  suivant.  Ils  étaient  élnt  par 
les  six  membres  sortants  de  la  Députation,  en  présence  de 
six  autres  députés,  pris  deux  dans  chaque  Bras.  Ils  ve^ 
taient  trois  ans  en  charge,  et  ne  pouvaient  être  réélnt  qne 
six  ans  après  leur  sortie,  intervalle  qui,  dans  la  suite,  fat 
porté  à  douze  ans.  La  Députation  résidait  à  BarceloBe: 
chacun  de  ses  membres  devait,  au  moins  une  fois  le  jour, 
se  rendre  dans  le  lieu  de  ses  séances;  l'avocat  y  Tmit 
trois  fois  par  semaine,  et  toutes  les  fois  qu'il  y  était  appelé. 
Les  trois  députés  chaînés  de  l'administration,  ne  poafsient 
s'absenter  que  deux  mois  par  an;  les  auditeurs  avaient 
quatre  mois  de  vacances.  Les  appointements  des  dépotés 
administrateurs,  d'abord  d'un  florin  ou  11  sols  par  jour  et 
par  tête,  furent  portés  à  15  sols  en  1490,  et  à  16  sols,  6 
deniers  en  1455.  Les  auditeurs,  payés  en  1415  à  raison  de 
5.000  sols  par  an ,  reçurent  une  augmentation  de  300  sois 
en  1455.  Le  traitement  de  l'avocat  fixé  à  100  florins  par 
an  en  1415,  fut  porté  a  1 .500  sols  en  1490,  et  ii  2.000  en 
1455.  Les  députés,  auditeurs,  avocat,  obligés  de  voyager 
pour  affaires  publiques,  touchaient  une  indemnité  de  trois 
florins  par  jour.  La  Députation  était  chargée  de  régler 
toutes  les  affaires  administratives  de  la  prorince  ;  de  bire 
percevoir  les  im|)ôts  votés  par  les  Cortés  ;  de  les  aflermer 
en  une  ou  plusieurs  [larties,  suivant  qu'elle  le  troafsit 
plus  avantageux;  de  juger,  avec  l'assistance  de  raioest, 
son  assesseur,  toutes  les  affaires  contentieuses  en  HHitière 
d'imposition ,  et  surtout  de  veiller  ^  ce  que  le  Gouver- 
nement fit  obsener  les  constitutions  des  Cortés,  et  n'en- 
freignit eu  aucune  manière  les  privilèges  de  la  provinee, 
des  villt*s  et  des  particuliers.   Klle  était  chargv'e  aussi  de 
faire  verser  dans  le  Tn'*sor  roval  le  subside  accordé  as 


CHAPITRE  QUINZIÈME.  335 

Roi  par  les  Cortés,  pour  subvenir  aux  besoins  généraux  de 
rÉtat.  Elle  nommait,  dans  chaque  Viguerie,un  membre  des 
Certes  pour  Taider  dans  ses  divers  travaux.  Elle  pouvait  le 
prendre  dans  l'un  des  trois  Bras  k  son  gré.  Ce  député 
local  restait  en  place  trois  ans,  pendant  lesquels  il  ne 
[>ouYait  prendre  part  à  la  ferme  des  impôts  ;  mais  il  rece- 
vait  des  appointements  déterminés  par  la  Députation,  qui 
Qommait  aussi  tous  les  employés  subalternes ,  et  fixait  leur 
salaire.  Les  auditeurs  devaient  avoir  avec  eux  un  com- 
mis ,  habile  dans  la  comptabilité ,  pour  les  aider  à  rece- 
voir les  comptes  des  députés  locaux  et  ceux  de  la  Dépn- 
tation  dont  les  pouvoirs  expiraient.  Nul  compte  ne  pouvait 
être  considéré  comme  réglé  et  reçu,  que  lorsqu'il  avait 
été  examiné  et  approuvé  par  chacun  des  trois  auditeurs. 
Le  Roussillon  et  la  Cerdagne  ayant  été  irrévocablement 
unis  à  la  Catalogue  en  1544,  commencèrent  seulement 
alors  à  avoir  des  députés  aux  Cortés  de  cette  province. 
Perpignan,  Salses,  Ârgelès,  Collioure,  le  Bolo,Thuir,  Prats- 
de-Mollô,  Villefranche,  étaient  les  seules  villes  royales  du 
Roussillon ,  et  partant  les  seules  qui  eussent  le  droit  d'en- 
voyer leurs  Syndics  aux  Cortés.  Les  Rois  d'Aragon,  avant 
l'union  de  ce  Royaume  à  celui  de  Castille,  gouvernaient  la 
Catalogne  par  eux-mêmes,  ou  nommaient  un  Lieutenant- 
Général  pour  les  remplacer  en  leur  absence.  Cette  place 
n'était  guère  confiée  qu'à  la  Reine,  à  l'héritier  présomptif, 
ou  tout  au  moius  à  un  Prince  du  sang.  Le  titulaire  était 
investi  de  tous  les  pouvoirs  royaux,  et  nommait  à  tous 
les  emplois.  Dans  la  suite,  ce  gouvernement  fut  confié  à 
un  Vice-Roi ,  ou  même  a  un  Capitaine-Général,  dont  les 
pouvoirs  étaient  bien  moins  étendus.    Le  Lieutenant- 
Général  ,  Vice-Roi  ou  Capitaine-Général ,  avait  sous  lui 
deux  Lieutenants  (Portant-Veus)^  indépendants  l'un  de 
Tautre,  dont  Tun  avait  le  gouvernement  particulier  de  la 


336  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

Principauté  de  Catalogne;  l'autorité  du  second  s'étendail 
sur  les  deux  Comtés  de  Koussillon  et  de  Cerdagne.  Os 
PoTtani"  Vens  avaient  sous  eux  des  officiers  appelés 
Viguiers.  On  comptait  quatre  Vigueries  dans  les  Comtés: 
\^  celle  du  Koussillon  et  du  Vallespir,  comprenant  les 
deux  premiers  arrondissements  actuels,  moins  le  eanfon 
de  Saint-Paul  et  la  majeure  partie  de  celui  de  Latonr  : 
son  chef-lieu  était  Perpignan  ;  2<>  celle  du  Confient  et  da 
Capcir,  composée  du  troisième  arrondissement,  moins  les 
cantons  de  Saillagousc  et  de  Souinia  :  Villefranche  en  était 
le  chef-lieu.  I^s  deux  autres,  formées  par  la  Cerdagne 
et  la  vallée  de  Ribas,  avaient  pour  chefs-lieux  Pnyeenb 
et  Ribas. 

Le  Porlaut'Vens  des  Comtés  résidait  à  Perpignan;  était 
gouverneur  du  château  do  cette  ville,  et  commandait,  k  ce 
titre,  toutes  les  troupes  stationnées  dans  son  ressort.  Il 
présidait  un  tribunal  de  sept  membres,  gradués  en  droit, 
où  venaient  aboutir,  par  ap|H}l ,  toutes  les  causes  jugées 
en  première  instance  par  les  Viguiers  ou  les  Baillis  assislés 
de  leur  assesseur.  Il  y  avait ,  en  outre ,  un  Procnrenr- 
Cénéral  chargé  de  Tadministration  du  domaine  et  des 
revenus  particuliers  du  Roi.  Il  présidait  la  Chambre  du 
patrimcûne ,  tribunal  eonipos<'  d*un  assesseur,  ë*nB 
avocat  et  d*un  Procureur-liscal ,  auquel,  dans  les 
res  importantes ,  il  adjoignait  «luatre  jurisconsultes 
prendre  leur  avis.  On  y  jugeait,,  tant  au  ci^il  qu'an 
minel,  toutes  les  alVaires  i*<mcernaiit  le  domaine, 
eaux  et  forêts,  les  amortissements,  la  voirie.  Le  Porfanif— ' 
Ihis  ])an'(>iir»it  quelquefois  les  tlomtés  pour  examiner 
la  conduite  de  srs  subaltrnies ,  t't  réformer  les  abns.  1^ 
rendait  roniptr  de  son  administration  au  Roi  lui-mémr 
s'il  se  trouvait  dans  la  |»ro\inrr,  ou  il  son  Lieutenan 
Cénéral.  r.t'Ini-ri  rcrt^xait  t't  examinait  les  plaintes  qu' 


CHAPITRE  QUINZIÈME.  337 

avait  à  élever  contre  les  Porlanl-Veus  et  les  Vigiiiers. 
II  présidait  la  Royale  Audience  de  Barcelone,  tribunal 
suprême ,  dont  l'organisation  varia  avec  le  temps ,  et  qui 
pouvait  évoquer  toutes  les  grandes  affaires,  celles  où 
le  Roi  était  intéressé ,  et  celles  qui  exigeaient  une  justice 
prompte  et  expéditive.  Tous  les  officiers  royaux  de  la 
Catalogne ,  le  Lieutenant-Général  excepté ,  devaient  être 
nés  dans  la  province  et  y  avoir  leur  domicile.  Il  en  était 
de  même  pour  les  titulaires  des  dignités  ecclésiastiques  : 
r Archevêché  de  Tarragone  seul  pouvait  être  donné  à  ua 
étranger.  Tous  les  employés,  avant  d'entrer  en  exercice, 
devaient  prêter  serment  de  ne  jamais  violer  les  lois,  les 
usages,  les  privilèges  généraux  et  particuliers,  les  consti- 
tutions des  Cortés.  Les  Rois  d'Aragon  eux-mêmes,  avant 
de  recevoir  le  serment  de  fidélité  des  Catalans,  devaient 
jurer  le  maintien  des  usages  de  la  monnaie  de  Barcelone, 
des  constitutions  des  Cortés,  de  tous  les  privilèges,  les 
us  et  coutumes  de  toutes  les  villes,  et,  enfin,  de  main- 
tenir l'union ,  en  un  seul  corps,  des  Royaumes  d'Aragon , 
Valence  et  Majorque,  de  la  Principauté  de  Catalogne,  des 
Comtés  de  Roussillon  et  de  Cerdagne.  La  Députation  et 
les  Corps  municipaux,  pouvoirs  permanents,  veillaient  k 
l'observation  des  lois,  à  la  conservation  de  Içurs  privi- 
lèges, avec  cette  vigilance  continue,  mais  tranquille,  des 
peuples  vraiment  libres,  et  leurs  réclamations  présentées 
au  Roi,  d'une  manière  respectueuse,  examinées  par  les 
Cortés  et  appuyées  au  besoin  par  elles,  ne  manquaient 
presque  jamais  d'obtenir  le  redressement  des  torts  réels. 

Charles-Quint  vint  en  1519  k  Barcelone  tenir  les  États       4519. 
de  Catalogne.  Les  Syndics  de  cette  ville  et  ceux  de  Girone 
y  occupèrent,  comme  toujours,  le  premier  et  le  second 
rang  parmi  les  Députés  des  villes.  Perpignan  et  Tortose 
n'ayant  pu  s'accorder  sur  le  troisième  rang,  auquel  elles 

22 


^38  HISTOIRE   DU   R0US6ILL0N. 

prétendaient  toutes  deux,  la  dernière  céda,  en  se  réserant 
de  faire  valoir  ses  droits  dans  une  autre  eirconttanee.  Ces 
Cortés  ne  négligèrent  rien  pour  favoriser  la  fiibricalioB 
et  le  commerce  des  draps.  Elles  obtinrent  de  TEmperav 
la  levée  des  entraves  mises  par  les  agents  da  fisc  an 
exportations  de  la  province  sur  les  côtes  d'Afriqae.  Les 
drap»  fabriqués  ailleurs  qu'en  Espagne  furent  souus, 
d'après  leur  demande ,  à  un  droit  de  SO  p.  */•  àd  km 
valeur  à  leur  entrée  à  Naples  et  en  Sicile.  Le  conuMicg 
ëtait  fort  inquiété  par  les  corsaires  barbaresques;  oa  anrait 
fait  à  diverses  époques  certaines  dispositions  pour  le 
téger.  On  convint  aux  Cortés  de  1520  d'armer,  k  eel 
quelques  galères  :  les  frais  de  cet  armement  devaieni 
à  13.000  ducats,  dont  Charles  offrit  de  payer  7.000;  des 
6.000  restant,  2.300  devaient  être  payés  par  la  Catilogae, 
comme  ayant  soixante  mille  feux;  2.000  par  le  RoyauM 
de  Valence,  où  Ton  comptait  cinquante  mille  feux;  Ma- 
jorque et  les  lies  voisines ,  dont  le  nombre  de  feux  était 
évalué  à  douze  mille,  durent  fournir  SOO  ducats;  d  h 
Sardaigne  1 .000 ,  car  elle  avait  trente  mille  feux.  Du» 
Cortés  postérieures,  on  proposa  d'ordonner  que 
bâtiment  de  commerce  aurait  neuf  hommes  d'é(|«|Nii0S 
et  serait  armé  d'un  canon  par  chaque  cent  tonaeMX 
port,  sans  cependant  être  obligé  d'avoir  plus  de 
hommes,  quel  que  fût  son  tonnage.  Pour  défirqper 
capitaine,  on  l'autorisait  à  augmenter  le  noiis  de 
cent.  Plus  tard,  on  voit  les  États  de  Catalogue 
d'armer  en  course  une  galère ,  si  Valence  s' 
en  faire  autant,  et  TEmpereur  2i  en  armer  deux. 
1521.  En  ir>2l,  quelques  mouvements  de  troupes  en 

doc  inspirèrent  des  craintes  pour  le  Roussillon  ;  oa  j  Af 
passer  des  bandes  allemandes,  précédemment  employéM 
en  Navarre  et  en  Hiscayt».  (Lomme  les  fonds  pour  les  solder 


ClUPmE  QDINZliME.  339 

étaient  point  laits,  elles  furent,  an  moins  en  partie, 
ttretenaes  aox  d^ns  do  pays.  Loreqa'oa  liquida  ces 
nmitures,  en' mai  {S36,  le  GouTemement  se  trouva 
TCHT,  à  des  commones  ou  k  des  particuliers ,  pins  de 
i-.OOO  ducats,  qu'on  solda  en  bons  payables  sur  les 
emiers  fonds  qu'accorderaient  les  Cort^  de  Catali^e. 
les  Français  avaient  songé  k  entrer  en  RonsuHon, 
rrîvée  de  ces  Allemands  les  fit  changer  de  projet.  Dans 
mois  de  novembre  15^,  ils  pénétrèrent  en  Aragon  par 
▼allée  d'Aran;  mais  ils  furent  obligés  de  rentrer  en 
■ance,  n'étant  pas  assez  forts  ponr  se  maintenir  an-deik 
«  Pjrrénées.  Les  habitants  de  la  frontière  étaient  nngo- 
vement  inquiétés  par  les  coureurs  fï'ançais.  Un  acte  du 
(  juillet  1534  nous  apprend,  qu'il  raison  de  ces  incnr- 
ODS ,  le  village  de  Réglelle  fut  abandonné  par  sa  popa- 
tion,  qui  se  retira  k  lUe.  La  paix  conclue  peu  d'années 
>rè8,  entre  François  l^  et  Charles-Quint,  vint  mettre 
1  terme  ii  ce  tkcheux  état  de  choses  :  mais  elle  (bt  de 
Hirte  durée;  car  nous  voyons,  par  des  actes  de  1S57, 
l'à  cette  époque,  on  ne  trouvait  pas  de  fermiers  à  M91as, 
Hit  le  territoire  était  fort  exposé  au  pillage  des  habi- 
jils  du  pays  de  Fenouillet,  qui,  soutenus  par  quelques 
ildats  français,  poussaient  leurs  excursions  jusque  dans 
!  Confient.  lAmis  de  Beaumont,  capitaine-général  des 
omtés,  ayant  reçu  l'ordre  de  chitier  ces  maraudeurs, 
BSemUa  un  corps  de  huit  ii  neuf  mille  hommes ,  formé 
e  TÎngt-quatre  enseignes  d'infanterie  espagnole  ou  roos- 
illMinaise,  de  deux  cents  hommes  d'armes  et  huit  pièces 
«  canon,  auxquels  s'étaient  jomts  cinquante-dnq  gentils- 
lommes  k  cheval  du  pays,  deux  cent  cinquante  hommes 
le  milice  bow^eoise  de  Perpignan,  commandés  par  le  troi- 
àème  Consul,  qui,  pendant  cette  expédition,  portait  pour 
marque  distinclive  un  petit  chaperon  écarlate.  Arrivés  à 


:140  IIISTOiilB  DU   ROUSSILLON. 

Estagel ,  de  Beauniont  y  établit  son  camp ,  et  eoYcie  plo- 
sieurs  détachements  faire  du  dégât  dans  le  paj-s  ennemi , 
et  brûler  Soumia ,  Saint-Paul,  Paziols  et  Tuchan  :  fls  ne 
trouvèrent  de  résistance  nulle  part.   Cette  expédition, 
commencée  le  17  septembre  1557,  ne  dura  que  dix  jours; 
et  là  se  bornèrent  les  exploits  d'un  corps  qu'on  aonit  po 
employer  d'une  manière  moins  barbare  et  plus  ntile.  Le  6 
novembre  suivant,  on  convint  d'une  trêve  de  trois  mois, 
et  d'envoyer  des  plénipotentiaires  à  Leucate  pour  tnvtiller 
a  la  paix.  Ils  s'assemblèrent  aux  cabanes  de  Fitoa;  mais 
il  ne  résulta  de  leurs  conférences  qu'une  prolongation  de 
trêve  jusqu'au  15  juin  1558. 
Pendant  cette  trêve,  Charles-Quint  vint  à  Perpignan. 
4^>8.       Arrivé  dans  cette  ville  le  17  février  1558 ,  il  visita  plnsiean 
fois  les  travaux  de  fortification  qu'on  exécutait  alors  anpiès 
de  la  porte  de  Canet  et  vers  le  Castillet  ;  il  alla  inspecter 
les  forteresses  de  Salses  et  d'Elne ,  et  repartit  le  24  du 
même  mois  pour  aller  coucher  à  Palalda.  Les 
gnanais  crurent  devoir  faire  à  l'Empereur  une 
plus  solennelle  qu'aux  Rois  ses  prédécesseurs  :  le 
alla  au  devant  de  lui  en  procession  à  la  porte 
tin,  pour  le  conduire  à  Saint-Jean;  il  se  rendit  de  Vk 
château,  où  il  logea.  Il  y  eut  de  grandes  réjonisaai 
dans  la  ville  pendant  son  séjour  :  la  Noblefsc  donna  « 
son  honneur,  sur  la  place  du  Puy ,  des  joutes  au» 
TEmperour  voulut  bien  assister.  Si  nous  pouvions 
sur  l'exactitude  d'un  manuscrit  tombé  par  hasard  dans 
mains,  les  basti<ms  de  Saint-François  et  de  Saint-] 
étaient  déjà  ccmstruits  lors  de  la  visite  de  Charles-Qnin: 
d'où  l'on  devrait  conclure  qu*on  adopta,  pour  Perpigna^v^Ji. 
le  s\stèmr  do  fortification  inventé,  en  1533,  par  Si"   ^n 
Mùclieli ,  |XMi  «raniiées  apn^s  qu*il  I Vut  appliqué  ponr    '    b 
première  fois  ;i  Vénmr. 


CHAPITRB  QUINZIÈMB.  341 

Le  voyage  de  Charles-Quint  ne  calma  point  la  mésin- 
telligence qui  commençait  à  régner  entre  les  habitants  de 
Perpignan  et  la  garnison  espagnole  ;  elle  s'accrut  à  tel 
point  que,  le  8  juin  1559,  Louis  de  Beaumont,  capitaine-  4:(59t. 
général  des  Comtés,  fit  jouer  Tartillerie  de  la  citadelle 
contre  les  maisons  de  la  ville.  Un  acte  aussi  violent,  et 
qui ,  sans  doute,  ne  fut  pas  conseillé  par  une  justice  im- 
partiale, n'empêcha  pas  que  le  i^^  mars  1540  il  n'y  eût 
une  rixe  nouvelle ,  qu'il  chercha  à  apaiser  par  le  même 
moyen  :  le  canon  abattit  le  clocher  de  la  Real. 

Jusqu'en  1542,  les  guerres  occasionnées  par  la  riva- 
lité de  François  I^^  et  de  Charles-Quint ,  ne  produisirent 
sor  nos  frontières  que  des  incursions  fôcheuses,  mais 
sans  résultat.  Le  Roi  de  France  tenant  fort  k  ses  droits 
sur  le  Milanais,  avait  presque  toujours  dirigé  vers  l'Italie 
le  plus  grand  effort  de  ses  armes.  Ses  vues  changèrent 
alors  ;  et  le  Roussillon ,  regardé  comme  la  partie  la  plus 
vulnérable  de  l'Espagne,  devint  le  principal  théâtre  de 
la  guerre.  D'après  l'avis  de  Montpezat,  son  lieutenant- 
général  en  Languedoc,  il  résolut  d'assiéger  Perpignan, 
que  cet  officier  assurait  être  en  fort  mauvais  état  et  mal 
pourvu  d'artillerie  et  de  munitions  de  toute  espèce.  Mont- 
pezat était  bien  informé,  si  l'on*  doit  juger  de  l'état  de  la 
capitale,  par  celui  où  se  trouvaient,  vers  cette  époque, 
Puycerda.,  Carol  et  la  Tour-Cerdane.  Nos  archives  nous 
apprennent  fCart.  R.)  que  N.  d'Altarriba,  gentilhomme 
du  pays,  k  qui  ces  places  étaient  confiées,  se  plaignait 
en  1556,  au  Capitaine-Général  et  à  un  Inspecteur,  que 
toutes  ces  forteresses  tombaient  en  ruines;  qu'il  n'avait 
pour  la  garde  de  chacune  d'elles,  que  vingt  soldats,  qui 
n'étaient  pas  payés  depuis  huit  ans  ;  qu'il  s'épuisait  en 
efforts  impuissants  pouf  les  soutenir,  et  en  réclamations 
restées  toujours  sans  réponse,  quoique  ces  places  fussent 


342  HI8T01BB  DU  BOCSSlLLOlf. 

constanuneni  menacées  par  les  Français  des  pajs  de  Foii 
et  de  Sault. 

Une  entreprise  telle  que  le  r  ;  de  Perpignan,  eqgeait 
de  grands  préparatifs  :  Tannée  ce  ndée  par  le  Dn^m, 
ayant  sous  lui  le  Maréchal  d'Anneb;  .  et  Montptxalv  ëlah 
de  quarante  mille  hommes  de  pied ,  deux  miUe 
d'armes  et  autant  de  chevau-légers ,  faisant  en  Vomi 
quante*-huit  mille  hommes  ;  car  alors  on  en  eomptait  iMBt 
par  chaque  homme  d'armes  :  elle  traînait  k  sasoîte 
pièces  de  canon.  Un  mouvement  de  troupes  auiai 
breuses  ne  pouvait  s'opérer  promptement,  ni  échapper  h 
des  hommes  tels  que  du  Guast  et  André  Doria.  Da  s'ea- 
pressërent  d'en  informer  Charles-Quint;  et-  rAmiral, 
doutant  pas  que  Perpignan  était  menacé,  ordonat  à 
neveu  Jeanetin  Doria,  qui  coi  oandait  une  aaeadn 
les  côtes  de  Catalogne,  de  se  hftter  de  poarvoir 
place  de  toutes  les  munitions  nécessaires  pour 
un  siège.  On  y  conduisit  les  douje  pièces  de 
tant  chacune  le  nom  d'un  Apôtre,  que  Barceloiie 
de  bire  fondre  pour  les  offrir  à  l'Empereur.  De 
le  fameux  Duc  d'Albe,  capitaine-général  de  la 
ne  négligea  rien  de  ce  qui  pouvait  contribuer  k  la 
de  Perpignan,  qu'il  contla  à  Jean  d'Acuna.  Profilait 
la  lenteur  des  mouvements  de  l'armée  française,  il  EL 
en  Roussillon  deux  mille  Castillans  et  dix  enaeigMi  dl 
Catalans  ou  Uoussillonnais ,  s'élevant  k  trois  mille 
cents  hommes,  commandés  :  les  Catalans,  par  le  Vi 
de  Rocaberti,  Don  Gui  Maça,  Don  Bernard  de  Pinor,  Il 
Baron  de  Llagostera ,  Mossen  Vilanova,  Alero  de  lladiî|pl 
et  Louis  de  Cardone;  les  Roussillonnais ,  par  CMêj 
d*(hns,  gouverneur  des  Comtés,  Don  Bernard  Albert  tf 
Mossen  Vidal-Grimau.  Le  Duc  porta  ces  Catalans  et  RiV* 
sillonnais  dans  les  montagnes  au  n<»rd  de  la  provineei  b> 


CHAPITRE  QUINZIEME.  343 

[aisant  soutenir  par  un  corps  de  cavalerie  formé  par  la 
noblesse  et  les  principaux  habitants  du  pays,  dont  très 
lem  se  dispensèrent  de  servir  dans  une  circonstance  aussi 
MMxporixaie.  II  leur  recommanda  d'observer  les  Français 
uuBS  se  compromettre,  et  de  se  replier  sur  la  ville,  k 
'approche  de  forces  imposantes,  pour  renforcer  la  gar^ 
ÛMm.  Il  mit  im  pied  la  milice  bourgeoise,  créée  par 
lean  II,  confirmée  par  Ferdinand  en  1503,  et  par  Charles- 
ioSaot  en  1S25  :  cette  milice  rendit  dans  cette  occasion 
le  grands  services  sous  les  ordres  du  premier  Consul, 
îaldéric  Font.  De  phis,  huit  mille  citoyens  :  prêtres, 
naines,  pères  de  famille,  femmes  et  enfants,  forent  d'un 
prand  secours  dans  tous  les  travaux  de  démolition  et  de 
xwstmction  exigés  pour  la  défense.  On  détruisit  d'abord 
m  couvent  de  Clarisses ,  qui ,  situé  hors  la  ville  et  à 
Nnoximité  du  château,  pouvait  être  utile  aux  assiégeants. 
)n  démolit  ensuite  l'église  de  Notre-Dame-du-Pont  et 
m  couvent ,  qui  se  trouvaient  entre  -le  pont  de  Pierre 
il  la  porte  Notre-Dame. 

Enfin,  le  3  août,  l'armée  française  entra  en  Roussillon 
par  Estagel ,  qu'elle  prit  sans  coup-férir.  La  nuit  suivante, 
me  autre  colonne ,  où  se  trouvaient  les  Italiens ,  entra 
iaos  la  Salanque  par  le  grau  de  Leucate.  Les  colonnes 
[rançaises  s'arrêtèrent  quelques  jours,  ne  s'occupant  qu'à 
faire  arriver  l'artillerie  et  les  convois,  et  s'emparant  de 
tous  les  lieux  compris  entre  la  frontière  et  la  capitale. 
[Is  n'y  trouvèrent  d'autre  résistance  que  celle  que  leur 
opposèrent  quelques  malheureux  paysans ,  qui ,  prenant 
leors  clochers  pour  des  places  fortes,  s'y  retranchèrent  et 
cherchèrent  k  s'y  défendre,  pour  leur  malheur  et  celui  de 
leurs  villages.  Les  Français,  maîtres  de  tout  le  pays  jus- 
qu'à la  Tet,  établissent  un  camp  en  avant  de  Pia  et  de 
Bonpas;  passent  la  rivière  vers  S*«-Marie  et  Villelongue, 


« 


344  IIISTOIRB  DU   ROUSSILLON. 

el  occupent  fortement  les  hauteurs  de  CasteU-RoHcild. 

Us  restèrent  plusieurs  jours  dans  cette  positioo,  fidnai 

filer  des  troupes  sur  le  Tech  et  le  long  de  te  mer, 

pour  couper  à  la  ville  de  Perpignan  toute  comnmiiieatkNi 

avec  l'Espagne.  Il  ne  restait  plus  à  cette  Puissanee  q«e 

les  places  de  Salses,  Elne,  CoUioure  et  Perpignan:  le 

siège  de  cette  dernière  commença  le  35  août.  Les  troupes 

de  Pia  et  Bonpas,  pour  attirer  de  leur  cdté  ratteotion 

des  assiégés,  firent  ce  jour-là  une  grande  démcmstnlion 

de  forces  vers  le  pont  de  Pierre  et  la  rive  gauche  de  la 

rivière,  en  aval.  Il  en  résulta  une  vive  escannooche  dans 

le  lit  et  sur  les  bords  de  ce  torrent,  où  l'artillerie  dn  Ca»* 

tillet  et  celle  du  bastion  Saint-Lazare,  qui  couvrait  le  pont, 

firent  éprouver  quelque  perte  aux  assiégeants.   Le  aoir 

même,  un  gros  corps,  venant  de  Castell-Rosselld,  dAon-  ii 

cha  par  les  chemins  d'Elne  et  de  Cabestany.  On  onvrit  h^^  p 

tranchée  dans  cette  partie;  et,  malgré  le  feu  de  te  ptece^  ,    <       I  i 

qui  tua  beaucoup  de  monde,  on  ne  cessa  d'y  irtviUer^^       I  i 

nuit  et  jour.  Aussi,  dès  le  29  août,  l'assiégeant  parnnl  à^^^       1  i 

démasquer  une  batterie  de  trente  pièces,  où  se  tronvail^'^      |  i 

une  coulevrine  de  75  livres  de  balles.   Quoique 

énorme  pièce  ne  pût  tirer  que  quelques  coups, 

protection  du  feu  des  autres,  les  Français  ne 

d'avancer  leurs  travaux;  et  le  i^^  septembre,  ite  avnienr 

construit,  vis-à«-vis  la  porte  d'Elne,  une  nouvelle 

qui  n'était  plus  qu'à  un  jet  de  pierre  des  remparts. 

situation,  menaçante  également  pour  la  citadelle^  jeta 

consternation  parmi  les  assiégés,  qui,  naguère», 

quaient  des  Français,  en  les  comparant  à  des  ta 

On  ne  pouvait  être  délivré  de  cette  batterie  que  pur 

coup  de  main  hardi  :  il  fut  tenté.  Deux  capitaines 

lans,  Mortxura  et  Uessorro,  descendent  vers  le  aoir 

U^  rosst'»s.  |»;ir  la  fausse  |N»rle  de  la  citadelle,  suivis 


CHAPITRE  QUINZIÈME.  345 

trois  cenls  soldats  d'élite;  ils  se  glissent  en  silence  le  long 
de  la  contrescarpe,  jusque  devant  la  porte  d'Elne;  se 
jettent  brusquement  sur  la  batterie;  en  chassent  la  garde; 
enclouent  quelques  pièces;  en  jettent  d'autres  dans  le  fossé, 
et  se  retirent,  par  le  même  chemin,  devant  les  renforts 
qui  arrivent,  n'ayant  eu  que  trois  morts  et  huit  blessés. 
Brissac,  colonel  de  l'infanterie  française,  qui,  le  premier, 
avec  quelques  hommes,  attaqua  les  trois  cents  Espagnols^ 
acquit  une  grande  gloire  parmi  les  siens.  Sa  valeur  sauva 
l'artillerie;  mais  elle  ne  put  réparer  Teffet  moral  produit 
par  ce  combat.  Deux  ou  trois  jours  après,  les  Français 
abandonnèrent  la  batterie,  pour  en  construire  une  autre  un 
peu  en  arrière  et  à  droite  de  la  première,  sur  -un  coteau 
au  pied  duquel  était  le  moulin  de  l'Évéque.  Cependant, 
les  assiégés  et  les  garnisons  voisines  ne  négligeaient  rien 
pour  retarder  les  opérations  du  siège.  D.  N.  d'Oms,  cheva- 
lier de  Malte,  prévenu  qu'un  convoi  de  barques  françaises 
allait  partir  de  Leucate  pour  porter  aux  camps  des  muni- 
tions de  toute  espèce ,  sort  de  Collioure  sur  un  brigantin 
bien  armé,  rencontre  ce  convoi  en  mer,  lui  donne  la  chasse, 
et  oblige  les  barques  k  se  jeter  à  la  côte,  où  les  équipages 
les  abandonnent;  il  détruit  une  partie  de  leur  cargaison, 
s'empare  de  ce  qu'il  y  a  de  meilleur,  et  saisit  des  papiers 
qui  donnaient  des  renseignements  précieux  sur  l'état  et  la 
situation  de  l'armée  française.  A  peu  près,  dans  le  même 
temps,  un  capitaine,  aussi  roussillonnais,  nommé  Fomer, 
sortit  de  Perpignan,  à  la  tète  de  soixante -dix  de  ses 
compatriotes  et  de  quelques  autres  soldats;  marchant  par 
des  sentiers  qui  lui  sont  connus,  il  évite  tous  les  postes 
français,  et  parvient  sur  le  chemin  de  Salses,  où  il  prend 
un  petit  convoi.  Encouragé  par  ce  succès,  il  entre  en 
Languedoc,  rencontre  un  convoi  beaucoup  plus  considé- 
rable et  mieux  escorté  :  il  l'attaque;  mais  il  est  repoussé. 


346  lilSTOlRB  DU  ROUSSILLOM. 

el  regagne  avec  peine,  à  travers  les  montagnes,  le  fNl 
de  Salses ,  d'où  il  continue  d'inquiéter  les  defrières  des 
assiégeants. 

La  nouvelle  batterie  étant  prête  au  bout  de  ipel^Ms 
jours,  canonna  vivement  le  fort  des  Allemands  ' ,  la  poite 
des  Juifs  et  celle  de  la  Mirande;  et,  sous  la  protMtÎQB 
de  son  feu ,  les  Français  avancèrent  tellement  leon  tnuH 
chées,  que  la  terre  qu'ils  en  tiraient  glissait  dans  le  fbaié 
du  fort.  Les  sentinelles  avancées  des  deux  partis ,  n'ëlneil 
éloignées  que  de  dix  mètres;  et,  par  une  conventkm  Indle, 
elles  ne  s'inquiétaient  pas  autrement  qu'en  parcriet.  Les 
Espagnols  prodiguaient  aux  Français  le  nom  de  Itarti,  à 
cause  de  l'alliance  de  François  l^^*  avec  Soliman^ et 
de  GawUxos,  déjà  usité;  ceux-ci  appdaient  les 
mange^rats,  à  cause  du  siège  de  Perpignan  soubLoeis  XI; 
et  quant  aux  Castillans,  ils  ne  leur  donnaient  d'aetre 
que  celui  de  va-^nus^pieds.  Au  milieu  de  oeUe 
d'injures,  le  feu  de  la  place  empêcha  toujours  la 
truction  des  batteries  de  brèche  contre  le  fbit  des  Al^ 
mands;  et  les  Français,  rebutés  des  efforts  inutiles  ifs^is 
avaient  fiiits,  se  retirèrent  le  15  septembre  sur  Ciatel 
Rossellë.  Pendant  ces  atuques  contre  la  ville  lumle, 
peu  de  jours  s'étaient  passés  sans  qu'il  n'y  eAt  daM  la 
plaine  des  escarmouches ,  plus  ou  moins  vives ,  eMie  la 
garnison  et  les  Français  campés  entre  Pia  et 
Ijcs  succès  furent  variés,  et  les  résultats  ne  peu^ 
avoir  aucune  importance ,  les  vainqueurs  étant  toi 
repoussés,  ou  par  le  feu  de  la  place  ou  par  les 
venus  du  camp.  Dans  une  de  ces  rencontres,  D. 
de  Llupia  (it  prisonnier  un  Gentilhomme  de  la  maison  éM 

1  Cet  (Nivngt  riiaTnit  k  bastion  ictMl  àê  SainUJacqMf  ;  la  porU  te  Mfe  eajl  à 
Il  porte  Ue  U  Uiumle  partit  ^Ue  r«lie  de  Canel,  auprès  de  laqidle  aisUit  wm  Wm 
'krH,  rabaissée  en  iHiO.  'liU  la  tour  île»  Sorciirri 


GHAPHRB  QUINZI&MB.  347 

Dauphin.  La  plus  chaude  de  ces  affaires  eut  lieu  vers  la 
fin  du  ttége  :  un  parent  de  Mon^>ezat,  à  la  tête  d'un 
détachement  français,  voulut  enlever  le  troupeau  de  la 
garnison,  que  l'on  £ûsait  sortir  tous  les  jours  pour  dé- 
paitre  dans  la  plaine.  Charles  d'Oms,  avec  ses  quatre 
cents  Roussillonnais  et  quelques  Catalans,  était  chargé 
ce  jour-là  de  protéger  la  dépaissance.  L'attaque  fut  plus 
vive  qu'à  l'ordinaire ,  et  la  défense  plus  opiniâtre  :  les 
assiégés  conservèrent  leur  troupeau,  et  tuèrent  le  com- 
mandant firançais,  dont  le  corps,  resté  en  leur  pouvoir,  fut 
enseveli  le  lendemain  avec  de  grands  h<mnenrs  dans  la 
chapelle  de  l'hdpital.  Le  22  septembre,  six  enseignes 
espagnoles,  formant  deux  mille  cent  hommes,  entrèrent 
à  Perpignan  ;  elles  venaient  d'Elne,  ayant  évité  un  corps 
de  six  mille  Français  qui  les  attendait.  Ce  secours;  les 
mouvements  du  Duc  d'Albe  en  Catalogne,  les  approches 
de  la  mauvaise  saison ,  déterminèrent  le  Dauphm  à  aban- 
donner tout-k-fait  le  siège  de  Perpignan.  L'armée  repassa 
la  Tet  et  l'Agly,  et  vint  camper  à  Claira,  où  elle  resta 
huit  à  dix  jours,  sans  doute  pour  donner  au  corps  détaché 
sur  le  Tech  le  temps  de  rejoindre ,  et  celui  de  fiiire  filer 
les  munitions  retirées  du  siège ,  sur  Tautavel  où  elles  fu- 
rent rassemblées.  On  laissa  dans-  cette  place,  de  Lorges, 
colonel  de  légionnaires;  et  le  1<^  octobre,  toute  l'armée 
française ,  après  avoir  dévasté  le  Roussillon  ^ ,  rentra  en 
Languedoc  par  la  route  d'Estagel  et  par  le  grau.  Dans 
cette  retraite,  l'arrière-garde  fut  harcelée  paroles  Espa- 
gnols, qu'elle  parvint  toujours  à  repousser.  Nous  avons 
puisé  quelques  notions  sur  les  localités,  et  toutes  les  dates 


I  Elle  avait  fort  maltraité,  entr'autres  lieux,  Pilao  el  Sages,  dont  les  naiecNU  iictadiées. 
à  celte  époque,  n'étaient  pas  encore  rebâties  en  1547.  A  Estagel.  l'^liie  et  plosicnn  vuàaom 
forent  brûlées  ;  on  détruisit  une  partie  do  mur  d'enceinte  ;  Millas  paya  une  contribation  de 
2.300  écas  au  soleil .  etc. 


348  HISTOIRE  DU   ROU88ILLO;«. 

dans  une  relation  faite  par  l'un  des  assiégés  :  si  Ton  veut 
faire  concorder  ces  dates  avec  le  calendrier  grégorien, 
qu'on  établit  quarante  ans  après,  il  faut  les  avancer  toutes 
de  dix  jours.  On  n'y  fait  pas  du  tout  mention  de  ploies 
et  de  torrents  débordés,  comme  on  le  trouve  dans  les 
récits  français  ;  les  registres  de  Saint-Jean ,  si  soigneux 
de  relater  les  faits  de  ce  genre,  n'en  disent  pas  un  mot. 
Ainsi  se  termina,  au  bout  de  deux  mois^  une  entreprise 
dont  tout  l'honneur  fut  pour  les  assiégés.  Mais  François  I* 
acquit,  par  son  humanité  et  sa  générosité ,  une  gloire  pié^ 
férable  à  celle  que  procurent  les  plus  beaux  fiûts  d'trmes. 
Les  Italiens  de  son  armée  avaient  enlevé,  en  se  retirant, 
trois  cents  femmes  ou  filles  roussillonnaises ,  quMIs  refin 
saient  de  rendre,  alléguant,  pour  excuse  de  leur  condinte, 
l'exemple  donné  par  l'armée  du  Connétable  de  Bourbon  à 
Rome.  Le  Roi  paya^leur  rançon,  et  rendit  ces  fenunes 
à  leurs  maris  et  à  leurs  pères,  venus  jusqu'à  Béziers  pour 
les  réclamer. 

Le  22  septembre  1543,  quelques  troupes  espagnoles 
se  portèrent  sur  Tuchan ,  dont  la  garnison  se  rendit  le  25    - 
et  fut  envoyée  à  Narbonne.  Le  35,  Saint-Paul,  attaqué, 
fit  mine  de  se  défendre ,  mais  capitula  dès  que  le  canon 
eut  commencé  à  jouer.  Après  avoir  démoli  ces  deux  CmIs, 
on  marcha  sur  la  Palme;  mais  on  se  retira  précipitanunenU^ 
à  la  vue  de  la  flotte  de  Barberousse,  et  sur  le  bruh  àm 
l'arrivée  d'un  corps  considérable  de  Français.  L'appari^ 
lion  de  cette  flotte  dans  nos  mers  alarma  le  pays;  anaH 
la  ville  d'Elne,  dont  une  partie  du  rempart  s'était  écronlée 
l>ar  reflet  d'une  inondation,  s'empressa,  le  9  février  1514, 
de  donner  avis  au  Roi  de  ce  fach<ni\  événement,  dana  une 
circonstance  aussi  critique. 

L*annéc  suivante,  les  Français  craignant  quelque  entre- 
prise des  Kspagnols  sur  la  villo  de  (larcassonne,  en  avaieat 


CHAPITRE  QUINZIEME.  349 

renforcé  la  garnison  par  mille  Toulousains,  ayant  à 
leur  tête  l'un  des  Capitouls ,  qui ,  voyant  qu'on  no  bou- 
geait pas  en  Roussillon,  y  fit  lui-même  une  rapide 
irruption;  pénétra  jusqu'en  Ampourdan,  eUtse  retira 
chargé  de  butin.  La  paix  entre  François  I^  et  Charles- 
Quint  fut  conclue  le  17  septembre  1544.  Le  dernier  siège  4544. 
ayant  démontré  qu'il  était  indispensable  d'ajouter  quelques 
ouvrages  aux  fortifications  de  Perpignan,  on  se  hâta  de 
les  entreprendre  :  cependant,  les  travaux  faits  à  la  porte 
d'Elne,  ainsi  qu'au  château,  pour  le  transformer  en  eita- 
delle,  ne  furent  commencés  qu'en  1552.  Nous  apprenons, 
par  un-acte  de  1537,  qu'il  y  avait^  à  cette  époque,  une 
espèce  de  poste  établie  en  Roussillon  :  un  jardinier  était 
chargé  de  fournir  les  chevaux  à  Perpignan.  En  1542,  Sé- 
bastien Gasenove,  damoiseau,  avait  l'entreprise  des  postes 
royales,  et  logeait  les  courriers  à  Salses  et  à  Perpignan. 
L'article  10  d'une  constitution  des  Corts  de  Honçon  en 
1542,  nous  apprend  qu'on  exportait  encore  beaucoup  <le 
draps  de  Perpignan  pour  la  Sicile.  Pans  les  premiers 
jours  de  septembre  1548,  l'Infant  Don  Philippe,  s'étant 
embarqué  ^  Roses  pour  aller  à  Gênes,  et  de  là  à  Bruxelles 
joindre  l'Empereur,  prit  terre  à  GoUioure,  et  vint  à  Perpi- 
gnan; mais  il  ne  resta  que  quelques  jours  en  Roussillon. 
Ce  Prince  était  Lieutenant-Général  de  son  père  en  Cata- 
logne ;  et  c'est  en  cette  qualité,  que,  sur  la  demande  des 
Gorts  tenues  à  Honçon  en  1555,  il  ordonna  que,  doré- 
navant, les  nouveaux  anoblis  dans  le  Diocèse  d'EIne, 
continueraient  à  payer  la  dime  au  même  taux  qu'avant 
leur  anoblissement.  Jusqu'alors  le  taux  de  la  dime  était, 
dans  ce  Diocèse,  de  7io  ^^  '^  récolte  pour  tous  les  nobles, 
anciens  et  nouveaux.  La  province  eut,  cette  année,  beau- 
coup à  souffrir  du  débordement  des  rivières;  la  Tet  em-  4555. 
porta  les  quatre  arches  septentrionales  du  pont  de  Perpi- 


350  HISTÛIRB  DU  ROUSSIIXON. 

gnan ,  ci  la  Basse  renversa  pareillemenl  deui  arches  da 
pont  situé  k  l'extrémité  de  la  me  de  l'Ange,  par  leq«el 
la  ville  communiquait  avec  les  Tanneries.  Le  l«r  jaafîer 
1SS6,  Charles-Quint  abdiqua  la  couronne  d'EqMgne,  et 
son  fils  Philippe  II  lui  succéda.  En  1560,  la  pesta,  qm 
ravageait  le  Languedoc,  pénétra  en  Roussillon.  Les  pre- 
miers lieux  infectés  furent  :  Salses,  Torreilles,  Cmei. 
Elle  disparut  bientôt;  mais,  comme  on  ne  prit  a»ciuie 
précaution ,  elle  sérit  de  nouveau  en  1865  :  elle  avait 
sans  doute  cessé  le  27  février  i{(64,  jour  où  le  Roi  écrivit 
aux  Consuls ,  pour  leur  enjoindre  de  fiiire  allmner 
feux  dans  divers  endioits  de  la  rille  ;  de  purifier  les 
sons  qui  avaient  été  pestiférées  ;  de  n'y  pas  laisser 
pendant  quarante  jours  les  habitants  qui  s'étaienl 
tés,  et  de  iaire  faire  de  fréquentes  décharges  d'i 
par  les  pièces  placées  sur  les  remparts  de  la  ville,  de  la 
citadelle  et  du  château.  I^s  pirates  barbaresqoes 
nuaient  k  infester  la  Méditerranée.  Pour  engager  les 
ticuliers  à  faire  des  armements  contr'eux,  Philippe  II, 
la  prière  des  Corts  tenues  en  Catalogne  en  1S64, 
au  droit  d'un  cinquième,  qui  lui  revenait  sur  les  prises 
tes  par  les  vaisseaux  armés  en  course  contre  les 
le  maintenant,  toutefois,  sur  celles  que  feraient  les 
dont  les  équipages  étaient  à  sa  solde.  Bofiaroll 
prend  que  Pierre  IV  d* Aragon  avait  créé,  en  4374 , 
la  Noblesse  de  Catalogne ,  un  Ordre  de  Chevalerie , 
l'invocation  de  Saint-Georges ,  et  qu'il  lui  avait  doBBé 
rè^e  particulière.  Le  chef-lieu  de  cet  Ordre  devait 
le  château  d'Alfama  '  :  on  l'établit  à  Perpignan  en  488i. 


I  CeiU  iB»uution  aiail  piivr  bot  de  faniliariur  les  Nobles  tntt  Im  turacn  4t 
Valérie .  au  mnyra  lie  jotm  i*t  ilf  tuonuiu,  qoi  lieraient  avoir  lira  um*  Itt  «M  A  dct 
àHerminèfi.  Tf Ile  «l  l'ohiriiir  dr  rrs  V.»nfrérir^  tW  SH;«»rpr«.  <|ai  jvfunn^rnit 
aprètda»  le*  pnoripalr»  viile<  rfe  la  CjtakipBr 


CEAPITRE  QUINZliUB.  351 

La  paix  conclue  à  Cateau-Cambrésis  en  1559,  entre  la  ^559. 
France  et  l'Espagne ,  scellée  par  le  mariage  de  Philippe 
avec  la  fille  d'Henri  II ,  semblait  devoir  assurer  la  tran- 
quillité du  Roussillon;  mais  les  soldats  espagnols,  qui, 
durant  la  guerre ,  avaient  été  fort  à  charge  au  pays ,  se 
trouvant  licenciés,  formèrent,  avec  quelques  mauvais  su- 
jets, des  bandes  de  brigands,  qui  désolèrent  la  province. 
Aussi,  voit-on,  en  1566,  Prats-de-MoUd  organiser,  de 
l'avis  du  Gouverneur  «des  Comtés,  une  troupe  de  cent 
hommes  pour  leur  donner  la  chausse,  sous  les  ordres  du 
Bailli  et  du  premier  Consul.  Le  Viguier  du  Roussillon  et 
du  VaDespir  était  aussi  continuellement  en  campagne  pour 
le  même  objet.  D'un  autre  côté,  les  guerres  de  R^igion 
déchiraient  les  États  des  faibles  successeurs  d'Henri  IL 
Les  Huguenots,  regardant  Philippe  comme  le  plus  impla- 
cable de  leurs  ennemis ,  ne  manquaient  pas  de  faire  des 
incursions  sur  les  terres  de  la  domination  e^gnole,  toutes 
les  fois  qu'ils  se  trouvaient  en  force  vers  cette  firontière. 
En  1370,  une  de  leurs  bandes  s'avança  jusqu'à  Estagel, 
brûlant  les  églises  et  massacrant  les  Prêtres.  Elle  aurait 
poussé  beaucoup  plus  loin,  si  les  habitants  du  Roussillon, 
renforcés  par  quelques  troupes  catalanes  aux  ordres  du 
Capitaine-Général,  Prince  de  Mélito,  n'eussent  pris  les 
armes  pour  repousser  cette  incursion  ,  et  cootramt  ce 
corps,  appartenant  à  l'armée  de  l'amiral  Coligni,  k  rratrer 
en  France,  pour  suivre  la  route  qu'avait  prise  ce  général, 
avec  le  gros  de  l'armée,  vers  Narbonne,  Nîmes  et  le  Vi- 
varais.  Le  Roi  d'Espagne ,  de  son  côté ,  fournissait  des 
secours  aux  Cathcriîques.  En  1590,  non  content  de  jeter 
sûr  la  côte  de  Leucate  un  corps  de  Isgisquenets ,  il  or- 
donnait à  Hortense  Armengol,  gouverneur  de  Salses, 
d'envoyer  au  Duc  de  Joyeuse,  chef  des  Ligueurs,  en 
Languedoc,  mille  hommes  d'infanterie  catalane.  Le  12 


35â  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

• 

4501.       février  1591,  il  arriva  en  Roussillon  mille  hommes  d'ar- 
mes castillans ,  autant  d'infanterie  et  cinq  cents  chefan- 
légers,  qui,  le  30  mars,  entrèrent  en  Languedoc  par 
Salses;  furent  reçus  sur  la  frontière  par  le  duc  de  Joj( 
k  la  tète  de  cinq  cents  arquebusiers  et  deux  cents 
liers  français,  et  marchèrent  avec  lui  sur  Carcassoone. 
La  nuit  du  22  octobre  1582,  cinq  cents  Huguenots  sur» 
prirent  Vinça,  et  s'y  maintinrent  quatre  heures  ;  mais  les 
habitants,  revenus  de  leur  frayeur,*  résistèrent,  et  fioûrent 
par  les  expulser,  après  leur  avoir  tué  beaucoup  de  monde. 
Peu  de  temps  après,  cette  même  troupe  s'empara  du  ekl- 
teau  d'Estagel ,  dont  elle  fut  presque  aussitôt  chassée  par 
le  Capitaine-Général ,  à  la  tête  de  levées  faites  en  Ron^ 
sillon.  Enfin,  en  1595,  la  guerre  éclata  entre  la  France  et 
l'Espagne.  Dès  le  mois  de  juin  1597,  les  Français 
échoué  dans  une  entreprise  sur  Marquixanes.  Le  19 
de  la  même  année ,  ils  tentèrent  un  coup  de  main  d* 

Vô9i.       toute  autre  importance  :  il  ne  s'agissait  de  rien 

que  de  s'emparer  de  Perpignan  par  surprise.  Le  Doc 
Ventadour ,  commandant  en  Languedoc ,  avait  chaigé 
cette  expédition  Alphonse  d'Ornano.  Les  préparatifc 
par  ce  Général,  donnèrent  l'éveil  k  la  Noblesse  et 
Consuls  de  Perpignan  :  les  uns  et  les  autres  se  hàtènn 
d'en  instruire  le  capitaine-général  Ferdinand  de  Tolède 
Celui-ci  fit  aussitôt  passer  dans  cette  ville  douae 
hommes  de  milices,  levées  dans  la  Viguerie  de  Giroae  ^ 
cinq  cents  du  Comté  de  Péralada ,  toutes  celles  du  Va^ 
lespir ,  et  il  s'y  rendit  lui-même ,  après  avoir  donné  des 
ordres  |>our  l'arrivée  d*autres  renforts:  11  (it,  dès  son  arri- 
vée, prendre  les  armes  k  tous  les  habitants,  qui  obéircai 
avec  enthousiasme  :  on  vit  quarante  Prêtres  de  Sainl-Jeaa^ 
ayant  2i  leur  tête  un  Chanoine  de  cette  église,  garder 
l»endaiit  trois  jours  et  (rois  nuits  un  poste  regardé  connie 


CHAPITRE  QUINZIÈME.  353 

le  plas  exposé.  CependaDt ,  Ornano  ignorant  ces  dispo- 
sitions, ou  ne  les  jugeant  pas  capables  de  faire  avorter 
son  projet,  s'avançait  k  la  tête  de  cinq  régiments  de  mi- 
lices du  Languedoc,  et  envoyait  devant  lui  un  détache- 
ment composé  d'infanterie  et  de  cavalerie,  qui,  passant 
par  le  grau  de  Leucate\  arriva,  deux  heures  avant  le 
jour,  sous  la  porte  d'Elne,  dans  l'intention  de  la  faire 
sauter  au  moyen  d'un   pétard.  Trouvant  tout   disposé 
h  la  bien  recevoir,  cette  troupe  n'osa  rien  entreprendre, 
et  se  rabattit  sur  Canet,  qu'elle  manqua  aussi.  Au  bout  de 
trois  jours v  les  Français  se  retirèrent,  saccageant  Tor- 
reilles,  Saint-Uippolyte,  Saint-Laurent,  et  brûlant  Ville- 
longue.  Ce  dernier  village  fut  plus  maltraité  que  les  autres, 
parce  que  les  Français  apprirent  que  le  premier  avis  de 
leur  marche  nocturne  avait  été  donné  de  cet  endroit.  En 
effet,  un  Gentilhomme  nommé  Mircel  Fomer,  qui  l'habi- 
tait, les  ayant  vus  passer,  et  s'étant  assuré  qu'ils  allaient 
traverser  la  Tet ,  partit  à  toute  bride ,  le  long  de  la  rive 
gauche,  pour  prévenir  le  Gouverneur  de  la  ville.  Le  12 
mars  de  l'année  suivante,  cinq  cents  Calvinistes   atta- 
quèrent Vinça;  mais  ils  furent  repoussés  par  les  habitants  : 
huit  cents  hommes  qui  insultèrent  Mosset,  ne  furent  pas 
plus  heureux,  et,  ayant  voulu  prendre  leur  revanche  sur 
Eus,  ils  échouèrent  de  même.  Dans  le  mois  de  mai,  trois 
mille  hommes  entrèrent  du  Comté  de  Foix  en  Cerdagne; 
mais,  battus  dans  la  vallée  de  Carol  par  les  gens  du  pays 
accourus  de  toutes  parts,  ils  durent  se  retirer  avec  pré- 
cipitation. Le  14  du  même  mois,   une  entreprise  plus 
sérieuse  fut  faite  sur  Ille  :   trois  mille  hommes  arrivés 


t  Ce  passage,  souvent  Irès  praticable  en  été,  et  dont  l'ocaipation  de  Leocate  assurait  l'en- 
trée aux  Français,  n'était  défendu,  du  côté  du  Roussillon ,  que  par  une  tour  ruinée ,  appelée 
la  Tour  del  Grau.  1^  Certes  de  1585  avaient  alloué  30.000  écus  pour  y  conitmirc  un  fort 
<bit«au  ;  nuii<;  on  ne  donna  aurnne  suite  à  ce  projet. 


354  HISTOIBE  DU  ROU88ILLON. 

8008  les  murs  de  la  ville,  en  firent  sauter  une  tow  an 
moyen  d'une  fougasse,  et  pénétrèrent  jusqu'à  TégHae,  oà 
les  habitants  s'étaient  retranchés.  Le  combat  fut  opiniâtre 
et  dura  deux  heures  ;  les  assaillants ,  exposés  aui  coaps 
partis  du  retranchement,  aux  pierres  et  aux  tuiles  laneées 
des  toits  par  les  femmes  et  les  enfants,  furent  obligés  de 
se  retirer  en  désordre,  laissant  les  rues  jonchées  de  lews 
morts,  et  sans  attendre  les  troupes  venant  de  Perpignan  an 
secours  de  la  ville.  Le  seul  avantage  retiré  parles  Fkmcaîi 
de  toutes  ces  entreprises,  fut  la  prise  du  château  d'Opol, 
tombé  entre  leurs  mains  le  19  mars  de  cette*- année.  Ils 
cherchèrent  k  s'y  maintenir,  en  le  fortifiant.   La 
4598.       conclue  k  Vervins,  le  2  mai  1508,  entre  la  Fïanee 
TEqMigne,  mit  fin  sur  la  frontière  du  Rouseillon  h 
hostilités  qui  la  désolaient  sans  aucun  résultat.  Pliilippe 
ne  survécut  pas  long-temps  k  ce  traité ,  et  moarnl  le  I 
septembre  1588.  La  Couronne  d'Espagne  passa  a  ton 
Philippe  III. 

En  rentrant  sous  la  domination  aragonaise,  en  i405 
le  Roussillon  parut  regretter  le  Gouvernement 
et,  cependant,  dans  le  siècle  suivant,  il  ne  cessa  de 
ner  des  preuves  de  son  dévoùment  à  la  Monarchie 
gnole.  La  gloire  du  règne  de  Charles-Quint 
beaucoup  k  ce  changement  :  il  fut  opéré,  surtout,  par  I 
soin  que  ce  Monarque  et  son  fils  Philippe  II,  prirent 
resserrer  les  liens  qui  attachaient  l'Espagne  à  b 
logne.  C'est  probablement  dans  ces  vues  qn*en  i 
Philippe  II  ordcmna  qu'en  Qtalogne,  Roussillon  et 
dagne,  pays  formant  une  seule  province,  et 
par  les  mêmes  lois,  on  se  senit  des  poids  et 
usités  k  Barcelone ,  et  on  formftt,  dans  chaque  \ 
une  commission,  de  trois  personnes,  chargée  de  fééêMn 
en  poids  et  mesures  de  la  capitale  les  poids  et 


CHAPnUE  QUINZIÈME.  355 

;  dans  le  pays.  Malheureusement,  cette  ordonnance 
suivant  toutes  les  apparences,  le  sort  de  beaucoup 
-es,  dont  Futilité  n'est  pas  contestée,  mais  dont 
onme  sans  cesse  l'entière  exécution.  Ces  princes 
fgligèrent  pas  non  plus  d'employer  les  hMnmes  de 
e  nés  en  Roussillon;  de  ce  nombre  ftirent  :  i^  le 
3  augustin  Gaspar  Py,  mort  à  Perpignan,  sa  patrie, 
avoir  été  confesseur  de  Charles-^uint  ;  2<>  François 
ta,  jurisconsulte,  mort  en  1569,  régent  de  la  Royale 
^nce  de  Barcelone.  (Charles-Quint  lui  donna  cette 
,  en  récompense  des  sacrifices  qu'il  avait  faits  i)our 
fense  de  Perpignan  en  i542);  S^  Antoine  Ros,  sa- 
jurisconsulte ,  mort  à  la  fin  du  xvi®  siècle,  membre 
lonseil  Royal  d'Aragon;  4^  Côme-Damien  Hortola, 
ses  profondes  connaissances  dans  le  droit,  la  théo- 
et  les  langues  anciennes,  avaient  fait  choisir  par 
)pe  II  pour  assister,  comme  Député  de  la  Catalogne, 
)ncile  de  Trente. 

paix  conclue  en  1598  ne  fut  point  troublée  durant 
^e  de  Philippe  III.  Les  deux  Puissances,  long-temps 
îs,  parurent  vouloir,  en  1615,  rendre  cette  paix  dura- 
lu  moyen  de  la  double  alliance  contractée  entre  les 
maisons  régnantes.  En  effet,  Louis  XIII  épousa  la 
lu  Roi  d'Espagne,  dont  le  fils,  depuis  Philippe  IV, 
;ait  sa  sœur  Elisabeth.  Mais  la  paix  et  même  ces 
ces  n'empêchèrent  point  les  deux  Gouvernements  de 
sciter  tous  les  embarras  possibles,  soit  en  donnant 
main  des  secours  k  leurs  ennemis ,  soit  en  fomentant 
^contentement  de  leurs  sujets  respectifs.  La  politique 
tte  époque  fournirait  une  abondante  matière  k  l'écri- 
qui  se  proposerait  de  décrire  les  intrigues  des  deux 
ets  ;  mais  elle  ne  pouvait  faire  du  Roussillon  le  théâ- 
évènemenls  de  quelque  importance.  Aussi  n'avons- 


356  HISTOIRE   DU   ROUSSILLON. 

nous  presque  rien  ii  dire  sur  riiistoire  de  ce  pays  depuis 
1o98  jusqu'en  1652.  Contentons-nous  donc  de  reeaeillir 
quelques  faits  locaux. 

En  1602,  rÊvêclié  et  le  Giapitre  d'Elne^  quoique  cou- 
servant  leur  ancienne  dénomination,  furent  transférés  k 
Perpignan.  Le  5  février  1605,  il  tomba  dans  la  proTÎnce 
une  quantité  extraordinaire  de  neige  :  on  ne  pouvait  aller, 
disent  les  mémoires  du  temps,  ni  à  pied  ni  k  cheval  dans 
les  rues  de  Perpignan,  couvertes  partout  de  six  palm^ 
(1  mètre  oO)  de  neige.  Les  années  1609  et  16i2  flirent 
remarquables  par  une  sécheresse  extrême*.  Le  J 4  juin 
1614,  il  tomba  h  Per])ignan  une  grêle  si  épouvautaUe , 
que  la  consternation  y  fut  universelle  :  les  annales  duRous- 
sillon  et  celles  des  notaires,  dont  les  actes  avaient  alois 
une  extension  si  précieuse  pour  l'histoire ,  n'offrent  ries 
de  pareil  dans  les  temps  antérieurs.  Philipiie  III  mounf 
le  51  mars  1621.  Â  cette  nouvelle,  et  par  l'ordre  dci 
Consuls,  les  boutiques  furent  fermées  pendant  neuf  jouis: 
le  cinquième,  tous  les  crieurs  publics,  revêtus  de  nu- 
teaux  noirs,  et  suivis  des  corps  des  métiers,  parcouruml 
les  rues  de  la  ville,  annonçant  la  mort  du  Roi  au  sonda 
tambours  et  trompettes.  Le  neuvième  jour,   on  denil 
célébrer  un  service  pompeux;  mais  il  fut  différé,  pMe 
que  les  Consuls,  voyant  arriver  a  riIôtel-de-Ville,  oi  ib 
Taltendaient,  le  gouverneur  I).  Gabriel  de  Xatmar,  précédé 
de  deux  massiers,  droit  qu'ils  prétendaient  leur  appaitctf 
exclusivement,  refusèrent  d*aIU*r  à  la  cérémonie.  Elle  Ml 
lieu  le  leiid<*maiu,  dans  I Valise  de  Saint*Jeau  :  l'ÉfèqMJ 

I  I.f«-  <'nii>iilo  .i>.iiit  i'ri\o)i^  .1  r.«htM\f  >\r  ^«ini-Mnrlin-'Ia-llanifEOa  pTradictoHM** 
•I*  «aint  «;.iMirif.  li'j  h.il.it.inifc  il»-  \  illrli.irnli»'  "l'i  |'«»MTf  nt  au  |a*M|fe.  Crudr  !•••• 
rerpig:i;in.  i>n  il/^i'lorr  l'i  i^niJ.iri)  il*-  \»  wn  ,ini.iiiia  It-s  rorp»  it«  métier,  la  CIliallM^ 
Sal^t-^.•■•lr^^f^.  *^  |mvUiii  »ur  N  illtCrjuth** .  un  i'hiiiImI  «'i'ukaiC'';  il  >  fut  df  plrt  ^i^^ 
»f**  nii  ri«  •"  if^«.  Mt-»*t\  .  Il*  lvi|ii^'iini  •■>  I  ifii|>  •iteni .  r\  \^  ih^o^if'  *,iiiii  lîaM'»'' " ' 
liii^  l 'ilii'f  irii  ni|>littl>*  il.iii*  liur  \ilii 


CHAPITRE  QUINZIEME.  357 

officia;  le  Gouverneur  s'abstint  d'y  paraître,  et  fit  célébrer, 
de  son  côté,  une  messe  dans  l'église  de  Notre-Dame-<le-* 
Grâce  (les  Augustins).  Le 5  mai,  les  Consuls  commencè- 
rent une  neuvaine,  durant  laquelle  le  premier  Consu),  en 
costume  de  deuil ,  recevait  chez  lui  trois  fois  par  jour,  la 
visite  des  corps  de  métiers.  Nous  n'avons  pas  cru  devoir 
omettre  ces  détails,  à  la  vérité  de  peu  d'importance,  tirés 
d'un  curieux  manuscrit  du  notaire  Pascal,  parce  qu'ils 
nous  font  connaître  les  usages  du  temps. 

Peu  après  la  mort  de  Philippe  commencèrent,  en  Rous- 
sillon,  des  poursuites  très  actives  contre  un  crime  imagi- 
naire. D'après  l'opinion  publique,  la  province  était  infectée 
de  sorcières  ;  les  Magistrats  avaient  demandé  à  l'Église 
des  prières  pour  obtenir  de  Dieu  la  découverte  de  ces 
suppôts  de  Satan.  Par  malheur,  dans  cette  disposi- 
tion des  esprits,  un  misérable  est  amené  de  Bésalu  k 
Perpignan  :  ancien  sorcier,  il  prétend  connaître  parfai- 
tement des  femmes  de  cette  ville  qui  se  mêlaient  de  sor- 
cellerie; et,  sur  sa  dénonciation,  plusieurs  sont  arrêtées. 
Chacune  d'elles  croit  ne  pouvoir  mieux  se  laver  d'une 
pareille  imputation,  qu'en  chargeant  les  autres.  D'ailleurs, 
le  dénonciateur  assure  que  toutes  les  sorcières  portent 
une  marque,  a  laquelle  on  peut  aisément  les  reconnaître, 
et  dont  la  forme  est  à  peu  près  celle  de  la  patte  d'un  coq. 
On  visite  les  femmes  arrêtées ,  et  malheur  k  celles  sur 
lesquelles  on  trouve  quelque  chose  dont  la  forme  a  le 
moindre  rapport  avec  la  patte  fatale.  Dénoncées  par  un 
confrère,  chargées  par  les  dépositions  de  leurs  coaccusées 
et  portant  l'empreinte  diabolique,  comment  échapper  k 
une  condamnation?  Deux  infortunées  expient  bientôt  à  la 
potence  cet  épouvantable  crime,  tenu  pour  avéré  aux  yeux 
d'un  peuple  prévenu.  La  réputation  de  l'imposteur  s'ac- 
croît; de  tous  côtés,  la  justice  le  requiert  pour  l'aider  k 


358  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

découvrir  les  sorcières  :  il  en  trouve  parloul.  Le  funetle 
résultat  de  ces  absurdes  et  barbares  investigations»  Ait 
1619.  qu'au  mois  de  mai  1619,  on  comptait  aieore  qnannie 
prétendues  sorcières  dans  les  prisons  de  Perpigun,  oè 
dix  à  douze  avaient  été  déjà  pendues.  Plusieurs  antres 
eurent  le  même  sort  k  La  Roca,  Sorède,  Paiau,  BanjnISt 
Millas,  nie,  Nefflach.  Le  nombre  des  victimes  eût  été  sans 
doute  plus  grand ,  si  l'Inquisition  de  Barcelone  n'eti  ré- 
clamé le  sorcier,  pour  l'examiner  lui-même  :  son  procès 
n'était  pas  terminé  lorsque  fut  écrite,  sur  les  registres 
de  Saint-Jean ,  la  note  d'où  nous  avons  tiré  le  réeil  ëe 
cette  déplorable  et  honteuse  aflkire.  Toute  grave  qa'elleesl, 
sufBt-elle  pour  dresser  un  acte  particulier  d'aecosstîsn 
contre  la  superstition  et  l'ignorance  de  nos  ancêtres 
commencement  du  xvii®  siècle?  Non,  puisque  le 
de  la  Maréchale  d'Ancre,  en  1617;  celui  d'Urbain 
dier,  en  1654,  prouvent,  qu'ailleurs,  on  n'était  ni 
sage  ni  plus  éclairé.  Ces  faits  joints  à  mille  autres, 
font  voir  quelles  peuvent  être  les  erreurs  de  b  jnslice^ 
séduite  ou  intimidée  par  les  passions  populaires. 

La  mort  de  Philippe  III  ne  changea  rien  k  la  ontare 
des  relations  qui  existaient  entre  la  France  et  Tl 
L'histoire  du  HoussiUon  continue  a  nous  ofinr  la 
stérilité  d'événements  dignes  d'êtres  cités. 

L'ambition  de  Charies-Quint  et  de  Philippe  II  svak  M 
&tale  à  l'Espagne,  qui  continua  à  s'affaiblir  soos  les  règnes 
suivants.  Aux  causes  générales  de  la  décadence  éà  ce 
Royaume,  se  joignaient,  pour  le  Iloussillon  cl  b  Ccria 
gne,  les  malheurs  éprouvés  par  ces  provinces  à  b  fin  dn 
xv«  siècle  et  durant  le  xyi«.  Aussi,  virent«elles 
leur  population,  dis|)araitre  leurs  manufactures, 
leur  agriculture  ot  leur  commerce,  et,  enlin,  b  mlsèrr 
|iar\'enir  ii  un  tel  Ae^^rv.  «|ue,  vu  i  excessive  rareté  de  Ter 


CHAPITRE  QUINZIÈMB.  359 

et  de  l'argent,  la  monnaie  de  billon  seule  se  montrait  dans 
la  circulation.  Inquiets  d'un  état  aussi  déplorable,  les 
citoyens  éclairés  en  cherchaient  les  causes  et  les  moyens 
d'y  remédier.  En  1627,  l'avocat  Louis  Palau,  assesseur  de 
rHdteMe-Ville  de  Perpignan ,  fit  imprimer  un  mémoire 
sur  cet  objet.  A  la  même  époque,  Louis  Baldo,  docteur 
è»»lois,  bourgeois  honoré,  syndic  et  député  de  cette  même 
Tille,  faisait  imprimer,  à  Barcelone,  une  supplique  an  Roi, 
pour  lui  demander  de  form^^  des  deux  Comtés,  une  pro- 
vince k  part.  Dans  ces  écrits,  on  représente  leur  union 
à  la  Catalogne,  comme  la  véritable  cause  de  lair  misère. 
Toutes  les  maisons  opulentes,  y  dit-on,  attirées  par  les 
agréments  d'une  grande  cité,  résidence  du  Lieutenant- 
Général,  ou  obligées  de  s'y  rendre  pour  les  soins  à  donner 
à  leurs  procès,  qui  finissaient  toujours  par  aboutir  au 
Conseil  Royal  de  Barcelone,  vont  s'établir  dans  cette  ville. 
D'ailleurs ,  toutes  les  affaires  pouvant  être  évoquées  à  ce 
tribunal,  en  première  instance,  lorsque  l'objet  en  litige 
vaut  500  livres  catalanes,  et  en  appel,  lorsqu'il  vaut  iOO 
réaux,  il  est  évident  que  tous  les  plaideurs  doivent  venir 
à  Barcelone,  et  l'on  évalue  k  100.000  écus  les  sommes 
qui  sortent  tous  les  ans  des  Comtés  pour  ce  seul  objet. 
On  s'y  plaint,  que  les  impôts  levés  par  la  Députation  sur  la 
province  entière ,  ne  sont  employés  que  pour  l'avantage 
particulier  de  la  Principauté,  tandis  que  les  Comtés  sont 
obligés  de  pourvoir,  par  leurs  propres  ressources,  à  l'en- 
tretien des  fortifications,  des  armes  et  des  munitions  qui 
servent  k  la  défense  de  tout  le  Royaume.  Outre  ces  plaintes 
générales,  ils  citaient  les  faits  suivants:  l^'  de  1551  k  1565, 
la  Députation  n'avait  voulu  recevoir  dans  les  Comtés,  pour 
le  paiement  de  l'impôt,  qu'k  raison  de  55  deniers,  le  réal 
qui  en  valait  40,  et  qu'elle  même  y  donnait  k  ce  taux; 
2o  en  1590,  elle  avait  soudoyé  deux  cents  hommes  d'ar- 


3()0  HISTOIRE   DU   KOUSSILLON. 

mes,  aux  dépens  de  toute  la  province,  pour  la  délivrer 
des  brigands  dont  elle  était  infestée  :  on  les  chassi  en 
effet  de  la  Principauté,  et  ils  se  réfugièrent  dans  les  Comtés, 
où  on  les  laissa  tranquilles,  malgré  les  réclamations  des 
habitants;  a»  en  1507,  Perpignan,  menacé  par  les  Fran- 
çais, manquant  d'armes  et  de  moyens  d'en  acheter,  pria 
la  Députation  de  lui  prêter  celles  qu'elle  avait  k  Barcdone, 
et  dont  elle  ne  faisait  rien  :  elle  ne  put  les  obtenir  qa'en 
s'obligeant  a  les  payer,  et  cette  dette  fut  exigée  avec  h 
dernière  rigueur.  La  réponse  à  ces  mémoires  fnt  Fcenvre 
de  Fontanella  et  Sala ,  assesseurs  de  Magarola ,  iGacal  de> 
la  Députation.  Sans  nier  les  faits  cités,  sans  infirmer  Ik. 
vérité  des  plaintes,  ils  se  contentent  de  dire  qoe  b 
nion  de  ces  pays  à  la  Catalogne,  ayant  été  comme 
tionnée  par  plusieurs  constitutions  des  Cortés,  prooral— 
guées  dans  cette  hypothèse,   le  Roi  seul  ne  poavait^ 
ainsi  que  le  prétendait  la  ville  de  Perpignan,  prononeer" 
la  sé|)aration  qu'elle  sollicitait.  Il  parait  que  le  Souveraii»- 
adopta  cette  opinion;  car  la  séparation  neut  pas  Ben*. 
et  les  événements  politiques   qui   suivirent,  ne  iirenS- 
qu'aggraver  la  situation  du  pays,  et  lui  rendirent  moùm 
pénible  le  changement  de  domination. 
I62S.  ^^  K  octobre  IliâH,  les  fossés  de  la  citadelle  de  Per-* 

pignan  étant  pleins  d'eau,  il  s'y  lit  une  rupture  soudaine 
à  la  coutrescaqH\  derrière  l'église  de  Saint-Matthiea  :  loni 
fut  inondé,  de  la  |H>rte  Saint-Martin  au  Marché-Neuf.  Ln 
rues,  les  églises,  les  rez-de-chaussée  des  maisons  faeal 
couverts  d'eau;  il  y  eut  beaucoup  de  vin«  d'huile  «  et 
meubles  entraînés,  de  maisons  renversées;  des  femmet» 
dt*s  enl'ants  furent  no\és.  Kn  Itiôl,  une  disette  extrême 
se  lit  sentir  en  Roussillon:  le  prix  des  denrées  devint 
exorbilanl  :  le  Me.  mêlé  d'un  tiers  d'orge,  se  vendait 
I  ii\res  "i  s(i|>  U  inoure    envinm  le  double-dëcalilrc); 


CHAPITRE  QUINZIÈME.  361 

vin,  10  sols  le  carton  (4  litres);  l'huile,  5  liv.  14  sols 
dourg  (environ  16  litr.  ^/^).  Les  Consuls,  pour  soulager 
classe  pauvre,  firent  vendre  du  blé  k  1  livre  6  sols  la 
tesure.  Il  faut  observer  que  tous  ces  prix  sont  donnés 
1  monnaie  de  Perpignan ,  qui  valait,  à  la  même  époque, 
double  de  celle  de  France  * .  Cette  excessive  cherté  des 
vres  ayant  occasionné  des  maladies  contagieuses,  la 
îste  se  déclara  dans  la  ville,  le  12  août  1631.  Elle  s*y 
laintint  jusqu'au  mois  de  juillet  de  l'année  suivante, 
i  enleva  plus  de  six  mille  personnes,  quoique  les  habi- 
nts  les  plus  riches  eussent  pris  la  fuite.  A  peine  ce  fléau 
mait-il  de  cesser,  que  l'on  vit  arriver,  le  13  novembre 
^2,  une  armée  de  dix  mille  hommes.  Le  prix  des  dén- 
ies, descendu  k  son  taux  ordinaire,  tripla  sur  le  champ. 
es  troupes  avaient  été  probablement  envoyées ,  quoique 
1  peu  tard,  pour  soutenir  la  révolte  du  Languedoc  en 
veur  du  Duc  d'Orléans  ;  mais  le  Duc  de  Montmorency , 
)uverneur  de  la  province,  et  auteur  du  soulèvement,  ayant 
é  pris  au  combat  de  Castelnaudary,  le  1«^  septembre, 
ipparition  des  Espagnols  en  Roussillon,  n'empêcha  point 
)uis  XIII  de  réduire  entièrement  les  rebelles,  privés  de 
ur  chef 

Depuis  long-temps  la  France  et  l'Espagne  se  faisaient 
le  guerre  déguisée,  en  attaquant  leurs  alliés,  et  donnant 
^8  secours  a  leurs  ennemis  respectifs,  ce  qui  ne  pou- 
lit  manquer  de  déterminer  une  rupture  entre  ces  deux 
lissances.  Enfin,  les  Espagnols  ayant  surpris  Trêves  le 
>  janvier  1655,  et  fait  prisonnier  l'Électeur,  allié  de  la  I6^. 
pance,  un  traité  fut  conclu,  dès  le  8  février,  entre  cette 
uissance  et  la  Hollande.  Il  avait  pour  but  la  conquête 
îs  Pays-Bas  espagnols ,  et  le  partage  de  cette  province 

1  Ur  l'argcut  valail  alu^^  en  Fr.ince  trois  fois  sa  Taleur  «Ktuellt. 


362  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

entre  les  deux  parties  contractantes.  Perpignan  el  le 
Roussillon  ne  tardèrent  pas  k  être  inondés  de 
castillanes,  qui  y  séjournèrent  plus  d'un  an,  IrailanI 
aucun  égard  les  habitants ,  chez  qui  elles  étaieat  logéet. 
Le  Duc  de  Cardone,  vice-roi  de  Catalogne,  les  rénil 
toutes,  le  96  août  i657,  k  Saint-Génis^es-Tanitoet,  dus 
le  voisinage  de  Bonpas.  Il  s'y  trouva  quinie  mille 
d'inbnterie  ou  de  cavalerie,  trente-deux  pièces  de 
et  huit  cents  chariots  de  munitions.  Au  bout  de  trois  jows, 
il  fit  lever  le  camp,  et  Tannée,  sous  les  ordres  du  Cesie 
de  Serbeloni  et  du  Duc  de  Ciudad-Real,  se  dirign  nn 
Leucate,  en  passant  par  le  grau  :  cette  place  Ait  nivieatie  le 
2  septembre.  Le  gouverneur,  Bourcier  du  Barri,  n'ajiM 
que  peu  de  troupes,  environ  quatre-vingts  hommes,  se  dé* 
fendit  avec  vigueur.  l..es  attaques  des  Espagnols  ne  dis» 
continuèrent  pas  jusqu'au  28:  ce  jour4k,  entre  quatre  el 
cinq  heures  du  soir«  larméc  française,  forte  de  dix  nulle 
hommes  d*inianterie  et  de  mille  chevaux,  soos  les  oïdiw* 
de  M.  de  Schoniberg,  attaqua  les  lignes  des  assiégetntt, 
qui,  apK's  deux  heures  de  combat,  se  retirèrent,  abtn» 
donnant  les  tranchées  «  leur  artillerie  el  leurs  mnnilioni 
(>n  évalua  à  un  million  la  perte  de  tout  ce  matériel.  Heiunn 
sèment  pour  les  vaincus,  les  Français,  étonnés  de  lenr 
victoire,  n>n  profitèrent  pas  de  suite,  et  n*en 
même  la  certitmle  que  lorsque  le  jour  leur  eut 
la  r^raite  des  Elspagnols.  Ces  deraien  ne  s'arrélèranl  fne 
sous  les  murs  de  Perpignan ,  oà  ils  rwlècfnl 
qu'au  8  octobfv,  et  ils  furent  alors  cantonnés 
ges  cirroBvoisins.  I/année  suivante,  le  tbéAlre  de  la 
du  côté  des  iS renées,  a^ant  eie  transporté  des  bonis  dn 
la  Méditerranée  à  ceux  de  TlVèan,  le  Ronssillon  rashi 
ii<\»        tranquille.  Il  n>n  fiit  pas  de  même  en  1639.  Dès  le  10 
juin.  un«'  jrnnv  Inncai^e.  Unxt  de  di\  bnil  nnlle 


GflAFITRR  QUlNZliHK.  363 

mes,  dont  trois  mille  de  cavalerie,  iiiTeatit  Sakes.  Le 
lendemain,  le  château  d'Opol  est  sommé,  et  sa  garnison, 
composée  de  soixante-douze  hommes,  commandés  par 
un  lieutenant,  se  rend  sans  tirer  un  coup  de  fusîl  :  ren- 
voyé k  Perpignan,  le  commandant  fut  condamné  à  UKurt, 
et  exécuté,  en  punition  de  sa  lâcheté.  Toutes  les  troupes 
espagnoles  s'étant  concentrées  dans  la  cajHtale,  les  Fran- 
çais s'emparèrent  de  Rivesaltes,  de  Claira,  de  toute  la 
Salanque,  et  établirent  leur  camp  au  Mas  de  la  Garrigue, 
poussant  des  détachements  dans  toutes  les  directkms. 
Estagel  se  rendit,  le  17,  ^  un  de  ces  partis;  un  autre, 
fîit  battu,  le  22,  par  des  troupes  sorties  de  Peipignan. 
On  ne  savait  rien  du  siège  de  Salses,  commencé  le  iO 
juin;  on  en  reçut  des  nouvelles  ;le  i®r  Juillet,  par  une 
voie  assez  extraordinaire.  Un  petit  chien  barbet,  appar- 
tenant â  un  soldat  de  la  garnison  de  Salses,  arriva  h 
Perpignan,,  et  courut  trouver  la  femme  de  son  maître, 
restée  dans  cette  ville.  Celle-ci,  en  rendant  â  ce  petit 
animal  les  caresses  qu'elle  en  recevait,  s'aperçut  qu'il 
portait  un  collier  artistement  arrangé,  où  l'on  trouva  deux 
lettres ,  l'une  pour  le  Comte  de  Toralta ,  l'autre  pour  le 
Gouverneur  de  la  citadelle.  D'après  leur  contenu,  je  siège, 
commencé  le  iO  juin,  n'avait  pas  fait  de  grands  progrès; 
les  premières  batteries,  placées  trop  loin  sur  la  mon- 
tagne ,  et  plus  tard  rapprochées  de  la  place ,  n'avaient 
pss  produit  un  grand  effet;  les  Français  avaient  perdu 
beaucoup  de  monde  par  le  feu  des  assises,  qui  ne  coo- 
nient  aucun  danger.  La  maîtresse  du  chien  fut  récom-* 
pensée  par  l'Évéque  et  les  deux  Généraux.  La  garnison 
de  Perpignan  avait  reçu  un  renfort  de  cinq  cents  hommes 
d'infanterie  et  de  trois  cents  chevaux  ;  de  plus,  on  ne  né- 
gligeait rien  pour  mettre  la  place  en  état.  On  commença  par 
abattre,  le  27  juin,  l'église  de  Saint-Matthieu;  on  détruisit 


3(>4  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

ensuite  le  couvent  des  Capucins,  dont  la  position,  sous 
les  murs  de  la  ville,  pouvait  en  géner  la  défense.  Cepen- 
dant, le  9  juillet,  les  Français,  après  avoir  balta  le  fwt 
de  Salsas  de  quatre  batteries,  armées  chacune  de  treiie 
pièces  dé  canon ,  tentèrent  un  assaut  infructueux  :  Os  j 
l>erdirent  six  cents  hommes.  Mécontents  de  l'effet  de  leor 
artillerie,  ils  travaillèrent,  dès  le  lendemain  10,  à  me 
mine,  et,  par  son  explosion,  ils  parvinrent  le  i9  à  oa?rir 
une  large  brèche.  La  garnison,  fort  affaiblie,  capitula  le  SD, 
et  fut  conduite  prisonnière  à  Narbonne.  Toutes  les  forées 
espagnoles  ne  s'élevant  pas  k  douze  mille  hommes,  étaieBL 
concentrées  à  Perpignan,  abandonnant  la  campagne 
Français.  Ceux-ci  envoyèrent,  le  25,  un  détachement 
Baixas  :  quelques  soldats  s'y  trouvaient  en  garnison  ;  ils 
refusèrent  de  se  rendre  avant  d'avoir  obtenu  la  perm»- 
sion  d'envoyer  un  des  leurs  à  Rivesaltes,  pour  s'asnrer 
«le  l'existence  d'un  parc  de  neuf  pièces  de  canon,  dont 
on  pouvait  se  servir  contr'eux.  En  ayant  acquis  la  eertH 
tude,  la  garnison  se  rendit,  sous  condition  d'être  nn» 
voyée  à  Perfngnan.  Le  Comte  de  Santa-Coloma,  Tice-ni 
de  Catalogne,  arriva  le  lendemain ,  k  la  tète  de  Tingt  milk 
lioninies.  Les  P'rançais,  après  avoir  mis  à  Canet,  dont  iis 
s'étaient  emparés  le  !2ii,  une  garnison  de  deux  cents  bon- 
ines,  évacuèrent  le  Koussilion,  ne  gardant  que  cette  pbee, 
Rivesaltes,  et  les  châteaux  de  Salses  et  d'OpoK  Lenr 
retraite  fut  célébrée  par  de  grandes  réjouissances  h  Pei^ 
l»ignan.  Mais  l'aggloméra tion  des  soldats  castillans  et  ca- 
talans, sur  un  même  point,  ne  tarda  pas  k  faire  ëcbler 
Tantipathie  qui  divisait  les  deux  nations;  et,  le  29  jnillel, 
les  choses  en  vinrent  au  point,  dans  la  ville  et  la  citadelle, 
(|ue,  malgré  tous  les  efforts  du  Vice-Roi,  qui  se  portail 
[partout  où  les  esprits  paraissaient  les  plus  échaufles ,  ci 
qiioiqn*il  fit  exposer  dans   toutes   les  églises  te  Saint- 


CHAPITRE   QUINZIÈME.  365 

Sacrement ,  pour  arrêter,  par  le  respect  de  la  Religiou , 
ces  hommes  exaspérés,  il  ne  réussit  qu'à  éviter  un  combat 
général,  mais  il  ne  put  empêchai  qu'il  n'y  eût  des  coups 
de  mousquet  tirés,  et  des  hommes  tués  de  part  et  d'autre. 
Le  12  août,  quinze  cents  Catalans  tentèrent  l'escalade  des 
murs  de  Rivesaltes,  qu'occupaient  cinq  cents  Français.  Les 
échelles  se  trouvèrent  un  peu  courtes  ;  toutefois,  après  une 
attaque  où  la  garnison  perdit  quarante  hommes,  elle  posa 
les  armes ,  et  rendit  ce  poste ,  a  condition  qu'elle  serait 
envoyée  à  Salses.  Les  vainqueurs  rentrèrent  à  Perpignan 
n'ayant  perdu  que  vingt  soldats.  On  y  était  occupé  à  orga* 
niser  les  troupes  nouvellement  arrivées.  En  attendant,  les 
Français  dévastaient  la  Salanque,  et  un  de  leurs  partis, 
poussé  du  côté  de  Tautavel ,  eut  quelques  affaires  d'avant- 
poste  avec  les  troupes  espagnoles,  qui  s'étaient  avancées 
jusques  à  Cases-de-Pèna.  Le  51,  le  maréchal  de  camp. 
Comte  de  Torrecasa,  réunit,  dans  un  camp  près  de  la 
porte  Saint-Martin,  un  corps  d'infanterie,  où  l'on  comp- 
tait trente  drapeaux,  autant  de  pièces  de  canon,  et  deux 
cents  chariots  de  munitions.  Le  7  septembre,  arriva  k 
Perpignan  la  çarnison  du  château  de  Tautavel,  qu'elle 
avait  reudu  la  veille  ;  elle  fut  emprisonnée  par  ordre  du 
Vice-Roi,  mécontent  de  sa  conduite.  Le  même  jour,  le 
Marquis  de  Spinola,  venant  de  Collioure,  où  il  avait  dé- 
barqué ,  entra  à  Perpignan ,  précédé  d'un  grand  nombre 
de  chariots  de  munitions,  et  de  quinze  nlulets,  chargés 
d'argent.  Ce  général  était  attendu  avec  impatience  :  les 
Consuls,  le  Comte  de  Torrecasa  et  le  Vice-Roi  lui-même, 
allèrent  le  recevoir  k  une  lieue  de  la  ville.  Le  lendemain, 
il  passa  la  revue  de  l'armée,  qui  fut  renforcée,  le  15,  par 
un  corps  de  six  mille  Castillans,  aux  ordres  du  Marquis 
de  Mortara.  Quelques  soldats  de  ce  corps  ayant  enlevé  des 
raisins  à  un  Catalan ,  il  en  résulta  une  querelle  très  vive 


266  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

entre  les  troupes  des  deux  nations,  et  plusieurs  soldats  y 
perdirent  la  vie.  Le  14,  Spinola  prit  position  entre  le 
Soler  et  Hillas  :  son  amée  se  composait  de  trente  mille 
hommes  d'infanterie,  quatre  mille  chevaux,  trente-qvatie 
pièces  de  canon,  cinquante  chariots  et  cent  mulets  chaigës 
de  munitions.  Trois  jours  après,  les  Français,  campés 
entre  Estagel  et  Monner,  se  replièrent  sur  Salses;  les 
Espagnols  suivirent  leur  mouvement,  et  campèrent,  le  48, 
devant  Rivesaltes.  Le  19,  tandis  que  trois  de  lenrs  régi- 
ments s'emparaient  de  Castel-Viel ,  situé  sur  le  chemia 
de  Salses  k  Vespeille ,  le  reste  de  l'armée  marcha  sur  le 
nouveau  fort,  et  commença  \k  le  canonner  vers  la  fin  di 
jour.  La  place  ripostait  chaudement;  on  réussit,  cepen- 
dant, ï  s'établir  dans  une  ancienne  tranchée,  qoe  ki 
Français  avaient  négligé  de  combler.  Le  90,  Mortara,  ï 
la  tète  de  ses  Castillans,  et  soutenu  par  quelques  troupes 
catalanes,  attaqua  un  corps  nombreux  qui  couvrait  h 
place ,  posté  derrière  un  retranchement  tiré  de  la  mon- 
tagne ï  l'étang,  et  armé  de  trots  pièces  de  canon  :  il  Fea 
chassa,  et  le  poursuivit  jusqu'au  château,  qu'il  canonn 
trois  jours  sans  relâche,  mais  non  sans  éprouver  de  forM 
pertes,  surtout  en  blessés,  par  In  mousqueterie.  La  gar- 
nison comptait  trois  mille  hommes  d'infiinterie  et  trsb 
cents  chevaux.  I^  36  septembre,  par  un  temps  froid  et 
une  forte  pluie,  elle  fit  une  sortie  vigoureuse,  chaasMl 
les  assiégeants  de  la  tranchée,  et  leur  tuant  beancoop  de 
monde.  Ayant  été  repoussée  dans  la  place,  le  feu  recoBH 
mença  sans  interruption  jusqu'au  7  octobre.  Ce  joiir4h, 
les  assiégeants  attaquèrent  le  fossé;  s'en  rendirent 
très  de  vive  force ,  et  y  firent  un  grand  nombre  de  prît 
nicrs.  I^  lendemain,  ils  em|K)rtèrent  un  fortin,  conatrml 
|K)ur  couvrir  la  porte  du  château  :  les  trois  cents  hommes 
qui  le  défendaient  fiiront  passifs  au  fil  de  Tépée.  1^  Vir^ 


CHAPITRE  QUINZIÈME.  367 

Roi  ayant  reçu  divers  renforts,  fournis  par  les  milices  du 
pays,  et  voulant  reconnaître  Tannée  française,  envoya 
vers  Estagel  un  corps  de  troupes,  pour  attirer  de  ce  côté 
l'attention  des  ennemis.  Il  fit  passer,  en  même  temps,  par 
le  grau ,  un  parti  de  mille  cavaliers  et  cinq  cents  hommes 
d'infanterie.  Ce  détachement  rencontra  la  cavalerie  fran- 
çaise entre  la  Palme  et  Roquefort;  la  poussa  jusque  sur 
l'infanterie,  qu'il  reconnut  à  son  aise^  et  revint  par  le 
même  chemin ,  emmenant  une  centaine  de  prisonniers. 
Des  barques,  parties  de  Leucate,  venaient,  |)ar  l'étang, 
faire  des  signaux  aux  assiégés,  et  tentaient  de  leur  ap- 
porter des  vivres.  On  réussit  à  leur  donner  la  chasse,  et 
même  on  en  prit  quelques-unes ,  en  armant  des  barques 
du  pays.  Cependant,  on  avait  appris,  par  la  reconnaissance 
dont  nous  venons  de  parler,  que  l'armée  française  avait 
une  infanterie  nombreuse  ;  et  le  23  octobre ,  on  eut  avis 
qu'elle  voulait  attaquer  les  lignes ,  pour  jeter  du  secours 
dans  la  place.  S'étant  assuré  de  cette  nouvelle,  le  Marquis 
de  Torrecasa,  commandant  le  siège,  fit  brûler  les  bara- 
ques de  son  camp ,  pour  mieux  se  disposer  k  recevoir 
l'ennemi,  qui  se  présenta,  en  efiet,  le  96;  mais  une  pluie 
extraordinaire,  survenue  au  moment  où  il  allait  attaquer, 
dispersa  ses  troupes,  et  l'obligea  à  abandonner,  dans  sa 
retraite,  quelques  pièces  d'artillerie.  Il  revint  à  la  charge 
le  2  novembre,  et  fut  repoussé  avec  une  perte  de  deux 
cent  cinquante  tués  et  cinq  cents  blessés  :  celle  des  Espa- 
gnols fut  moindre.  Après  cet  échec,  les  Français  se  reti- 
rèrent sur  Narbonne,  et  les  assiégeants,  ainsi  que  les 
assiégés,  restèrent  fort  tranquilles  jusqu'au  28  décembre, 
jour  où  il  fut  convenu,  entre  le  Vice-Roi  et  le  commandant 
de  Salses,  que  ce  dernier  rendrait  la  place  le  6  janvier,  si 
ellç  n'était  secourue.  En  conséquence,  la  garnison,  forte 
de  douze  cents  hommes,  sortit  ce  jour-là  du  fort,  avec  les 


368  UISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

honneurs  de  la  guerre,  emmenant  deux  chariots  poor 
les  malades,  vingt-sept  pour  les  munitions,  une  pièce 
de  canon ,  vingt-et-un  drapeaux,  dont  dix  seulemeni  de- 
vaient être  déployés  :  la  capitulation  leur  accordait  ces 
conditions  honorables.  Le  Vice-Roi  fit  un  accueil  très 
distingue  k  M.  d'Espenan,  gouverneur  de  la  place,  et 
l'invita  k  visiter  avec  lui  les  tranchées  :  les  batteries  les 
saluaient  k  leur  passage.  La  défense  faite  par  cet  oflkier 
méritait  ces  honneurs  ;  mais  il  n'est  pas  douteux  que  b 
mésintelligence  qui  existait  entre  Santa-Coloma  et  Torr^ 
casa,  depuis  le  commencement  du  siège,  en  proloDgei 
beaucoup  la  durée.  Si  nous  en  croyons  un  mémoire  do 
temps,  les  fréquentes  querelles  des  deux  Généraux,  fini- 
rent par  une  scène  des  plus  scandaleuses.  A  la  suite  d'une 
discussion  très  vive,  le  Vice-Roi  s'emporta  jusqu'à  frapper 
le  Général  en  présence  de  plusieurs  personnes.  Le  Duc  de 
^^Saint-Georges,  fils  de  Torrecasa,  voyant  son  père  traité 
aussi  indignement,  courut,  l'épée  a  la  main,  contre  le 
Comte  de  Santa-Coloma,  qui  le  blessa,  lit  arrêter  le  père  et 
le  fils,  les  envoya  prisonniers  k  la  citadelle  de  Perpignan, 
et  rendit  compte  au  Roi  de  tout  ce  qui  s'était  passé. 

Les  malades  et  les  blessés  de  l'aimée  assiégeante  étaient 
dirigés  sur  Perpignan.  I^s  hôpitaux  ne  pouvant  les  conte- 
nir, on  prit,  pour  y  suppléer,  plusieurs  maisons  voisines  de 
Thôpital  militaire,  des  bergeries  auprès  de  la  porte  d'Elne, 
les  couvents  des  Cordeliers,  <les  Jacobins,  des  Cannes,  des 
Minimes;  on  plava  jusqu*k  huit  cents  malades  dans  chacuae 
de  leurs  églises.  Il  résulta  de  cet  eneombrement  dans  une 
ville  de  iiiéditKTe  étendue,  une  contagion  pire  que  la  pesie, 
qui  fit  périr,  depuis  le  1  i  septembre  1G57  jusqu'au  9  jan- 
Ui to.       vier  !(>{(),  plus  de  7.(NK)  habitants  el  autant  de  militaires  *. 

I   II  y  a  tr»-«  |triiti.il>lrin^iil  ik  lV\.i):r]j(ii>n  il.in»  I**  iHtmlrr   ili"k  Uiir^*^»!».  rt 
iiiriiii*  <laii«  icUïi  iK*  uiilii.iiri"«,  tutinii*»  «lu  Tu- m 


CHAPITRE  QUINZIÈME.  369 

Malgré  cette  épidémie  ,  le  Vice- Roi  lit  loger  chez  les 
bourgeois  trois  mille  cinq  cents  cavaliers.  Cette  mesure 
Tut  doublement  vexatoire  :  elle  était  nouvelle,  et  les  hom- 
mes se  conduisirent  fort  mal  chez  Thabitant. 

Santa-Coloma  se  hâta ,  après  la  prise  de  Salses,  de  faire 
raser  les  travaux  de  l'attaque,  et  de  congédier  tous  les 
renforts  venus  des  divers  points  de  l'Espagne.  Le  mécon- 
tentement des  Catalans  allait  toujours  croissant  ;  de  plus, 
les  quartiers  que  les  troupes  prirent  chez  eux  après  le  siège, 
ne  contribuèrent  pas  k  calmer  les  esprits,  déjà  très  montés 
contre  le  premier  ministre  Olivarés.  Certaines  mesures 
ordonnées  par  le  Vice-Roi,  les  aigrirent  encore  davantage. 
Tamarit,  membre  de  la  Députa tion  pour  la  Noblesse,  qu'il 
avait  fait  arrêter,  fut  délivré  pir  une  émeute  populaire. 
L'Autorité,  avilie  par  cet  affront,  ne  put  se  rétablir.  Enfin,' 
le  7  juin  1640,  Santa-Coloma  périt,  on  ne  sait  comment,  4640. 
pendant  qu'il  cherchait  k  gagner  la  mer  pour  sq  soustraire 
aux  suites  d'une  sédition  excitée  par  une  cause  très  légère. 
Barcelone  ne  tarda  pas  k  se  déclarer  ouvertement,  et  le  reste 
de  la  province  n'avait  pas  attendu  son  exemple  pour  tom- 
l>er  sur  les  troupes  castillanes.  Dès  le  11  juin,  six  mille 
hommes,  la  plupart  infanterie,  repoussés  de  la  Catalogne 
par  une  insurrection  générale,  passèrent  au  col  de  la  Mas- 
sana,  et  se  replièrent  sur  Perpignan,  où  ils  demandèrent 
k  être  logés  :  ils  ne  pouvaient  s'y  présenter  dans  un  mo- 
ment moins  opportun.  Quelques  jours  auparavant,  le  4 
juin,  sur  le  simple  soupçon  qu'un  grand  conseil,  assemblé 
par  les  Consuls,  avait  eu  pour  objet  de  faire  consentir  la 
ville  au  logement  des  gens  de  guerre,  le  peuple  s'était 
porté  sur  la  maison  du  premier  Consul,  Jean  Descamps, 
pour  le  tuer;  et,  ne  l'ayant  pas  trouvé,  avait  saccagé  son 
habitation,  maigri  les  efforts  du  poste  établi  dans  le  voi- 
sinage,  a  la  porte  Saint-Martin,  dont  on  avait  tué  ou  blessé 

'2\ 


370  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

plusieurs  hommes,  parmi  lesquels  se  trouvait  le  capitaiue, 
Jean  Palegreu ,  qui  le  commandait  :  les  mutins  n'étaient 
rentrés  dans  le  devoir  qu'à  la  fin  du  jour.  Les  Consob, 
craignant  des  scènes  encore  plus  fôcheuses,  se  refosèreni 
obstinément  à  loger  les  Castillans,  prétextant  les  privil^es 
de  la  ville.  Le  Général  commandant  de  la  place,  était  le 
Florentin  Cheli ,  marquis  de  la  Reyna,  qui  avait  sons  ses 
ordres,  à  la  citadelle,  le  Navarrais  D.Martin  de  les  Arcot: 
c'étaient  deux  officiers  jouissant  d'une  grande  répatation 
militaire.  Le  Marquis  ne  voulut  point  entendre  les  raisons 
des  Magistrats.  Les  troupes  castillanes,  commandées  par 
Arcé,  attaquent  une  porte  de  la  ville  :  les  habitants  pren- 
nent les  armes;  élèvent  des  barricades,  et  défendent  cette 
porte  avec  acharnement.  Enfin,  le  Marquis  de  la  Reyna, 
voyant  que  la  nuit  était  venue  sans  que  le  combat  eflt 
cessé ,  monte  à  la  citadelle ,  et  fait  tirer  le  canon  sur  h 
ville,  malgré  les  représentations  de  D.  Martin.  L'Évèqne 
accourt  pour  calmer  la  colère  du  Gouverneur  :  <m  contieit 
qu'on  cessera  de  tirer,  à  condition  qu'on  logera  les  Iroa- 
pes;  mais  Cheli,  ne  voyant  pas  exécuter  cette  mesure, 
fait  recommencer  le  feu.  Le  13  juin,  la  ville,  intimidée, 
députa  vers  le  Gouverneur,  Gabriel  de  Llupia,  que  l'Évé- 
que  voulut  accompagner.  I^  réponse  fut  la  même  ;  et  b 
ville  persistant  dans  son  refus ,  la  canonnade  reprit  avec 
encore  plus  de  force ,  et  le  combat  recommença  entre 
les  troupes  et  les  habitants.  I^  citadelle  tira  plus  de  six 
cents  boulets  et  quelques  bombes  sur  la  ville,  dont  elks 
endommagèrent  un  tiers  des  maisons  :  une  trentaine  de 
citoyens  furent  tués.  Les  troupes,  favorisées  par  cetle 
canonnade,  forcèrent  la  porte  et  pillèrent  plus  de  quinae 
cents  maisons,  quoique  les  habitants  eussent  envoyé  fiiire 
leur  soumission  au  Gouverneur.  Le  29  juin,  le  Doc  de 
Cardone,  nomniô  depuis  peu  Vire-Hoi  de  Catalogne,  arriva 


CHAPITRE  QUINZIÈME.  371 

à  Perpignan.  Olivarés  avait  fait  un  très  bon  choix  :  ce  Sei- 
gneur, né  Catalan,  et  doué  d'un  caractère  conciliant  et  sage, 
était  très  propre  k  calmer  l'eflervescence  des  esprits,  s'il 
est  donné  à  un  homme  d'en  venir  k  bout,  lorsqu'il  trouve 
le  mal  parvenu  k  un  certain  point.  Indigné  de  la  manière 
dont  on  avait  traité  la  ville,  il  fit  arrêter  et  conduire  en 
prison  le  Marquis  de  la  Reyna  et  le  Général  des  troupes 
castillanes  :  ce  fut  toute  la  satisfaction  qu'obtinrent  les 
Perpignanais.  Cardone  étant  mort  le  22  juillet,  fut  uni- 
versellement regretté,  d'autant  plus  qu'on  le  dit  mort  du 
chagrin  d'avoir  k  exécuter  des  ordres  entièrement  con- 
traires k  ce  que  son  cœur  et  son  esprit  lui  suggéraient. 
Ce  Seigneur  fut  remplacé  dans  le  gouvernement  de  la 
province,  par  Don  Jean  de  Garai.  Les  villes  et  villages 
du  Roussillon ,  qui  n'étaient  pas  contenus  pa;  des  gar- 
nisons castillanes,  avaient  suivi  l'impulsion  donnée  par 
le  Gouvernement  qu'on  venait  d'organiser  k  Barcelone  : 
ils  étaient  soutenus  par  les  troupes  catalanes  et  quelques 
faibles  détachements  français.  Garai  voulut  signaler  son 
arrivée  par  une  entreprise  capable  d'intimider  les  rebelles, 
dontle  parti  dominait  k  Ille.  Résolu  k  leur  enlever  cette  place, 
il  sortit  de  Perpignan  le  25  septembre,  emmenant  avec  lui 
un  gros  détachement  d'infanterie,  quelque  cavalerie  et  qua- 
tre canons.  Il  reçut  en  passant  la  soumission  de  Millas,  ce 
qui  ne  l'empccha  pas  d'en  maltraiter  le  Seigneur,  Philippe 
d'Albert,  et  y  manda  les  Consuls  d'Ille;  mais  ceux-ci, 
loin  de  s'y  rendre,  appelèrent  k  leur  secours  H.  d'Aubigni, 
qui  entra  dans  la  place,  k  la  tête  de  six  cents  soldats  fran- 
çais ou  catalans,  et  dirigea  la  défense  contre  les  attaques 
tentées  par  le  Général  espagnol.  La  première  eut  lieu  le 
24  septembre.  Garai,  après  avoir  battu  la  ville  avec  son 
artillerie,  voulut  faire  sauter  une  porte  au  moyen  du  pétard, 
et  pénétrer  par  ce  point  :  rien  ne  lui  réussit,  car  l'officier 


372  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

chargé  d'altacher  le  pétard  fut  blessé,  et  Garai  dat  se 
retirer  sur  Saint-Féliu.  Ayant  fait  venir  de  Perpignan  m 
pièces  de  canon  et  des  renforts ,  qui  portèrent  sa  petite 
année  k  six  mille  fantassins  et  six  cents  cavaliers,  il  revint 
le  29  septembre  sur  Ille;  établit  ses  batteries;  canonna  b 
place,  depuis  trois  heures  du  matin  jusqu'à  quatre  heures 
du  soir,  et,  ayant  ouvert  une- brèche  de  cinquante  pieds  de 
large,  il  fit  monter  ses  troupes  à  l'assaut.  Elles  s'y  por- 
tèrent avec  mollesse  :  Garai,  pour  les  animer,  se  mit  à  leur 
tête,  et  reçut  deux  coups  de  mousquet.  Les  blessures  do 
Général  décidèrent  la  retraite,  qui  s'effectua  sur  Saint- 
Féliu,   mais  non  sans  des  pertes  très  considérables. 
ComeiUa-de-la-Rivière  ne  fut  pas  aussi  heureux  qu'Ole  : 
un  détachement ,  envoyé  par  Garai ,  pilla  ce  village  ;  plu- 
sieurs maisons,  l'église,  et  tout  ce  qu'elles  contenaient, 
furent  la  proie  des  flammes.  Après  cette  expédition,  qui 
ne  fit  pas  grand  honneur  aux  armes  espagnoles ,  et  peo 
propre,  d'ailleurs,  a  réconcilier  les  habitants  avec  le  Go»: 
vemement,  l'armée  rentra  à  Perpignan  le  2  octobre. 
Guillaume  d'Armengol,  châtelain  du  Perthus,  ayant»  pv 
ordre  de  la  République  catalane,  fait  entrer  des  vivres  et 
de  l'infanterie  dans  son  château ,  on  espérait  empêcher  les  . 
troupes  espagnoles  du  Roussillon  de  se  joindre  à  celles  de 
la  Catalogne,  et  faciliter  le  [massage  des  secours  demandés 
k  la  France,  qui  consistaient  en  quatre  mille  hommes, 
commandés  par  d'Ës|>enan.  Ce  Général  traversa  le  Ron^ 
sillon;  i>énétra  en  Catalogne  par  le  Perthus,  et  marcha 
surRarcelone  et  Tarragone;  mais,  mal  secondé,  dans  b 
<léfcnse  de  cette  dernière  place ,  par  les  milices  du  pays, 
il  fut  obligé  de  capituler,  en  s*engageant  à  rentrer  en 
France  avec  toutes  les  troupes  qu'il  avait  amenées.  Cette 
retraite,  faisant  craindre  aux  Catalans  dVtre  abandonnés, 
les  décida  a  se  reconnaître  sujets  de  Louis  XIIL  par  une 


CHAPITRE  QUINZIÈME.  373 

convention  conclue  le  20  février  1641,  et  à  livrer,  en  icsi 
conséquence,  Barcelone  aux  Français.  Les  troupes  espa- 
gnoles ,  disséminées  dans  le  Roussillon ,  et  la  presque 
totalité  de  la  population  de  la  province,  suivirent  leur 
exemple;  de  sorte  que  la  garnison  de  Perpignan,  trop 
Taible  pour  tenir  la  campagne,  se  trouva  dénuée  de  vivres. 
Pour  la  faire  subsister,  on  fut  réduit,  dans  le  mois  de  mars, 
à  enlever  aux  habitants  toutes  leurs  provisions,  ne  leur 
laissant  qu'une  charge  de  blé  par  ménage.  Le  19  mai, 
vingt-deux  galères,  chargées  de  grains,  entrèrent  \k  Col- 
lioure,  et  on  dirigea  cet  approvisionnement  sur  Peijpignan, 
d'où  l'on  retira  des  troupes  de  diverses  nations,  pour  les 
transporter  en  Catalogne  sur  ces  galères  :  les  Espagnols 
comptaient  y  frapper  de  grands  coups.  Ces  deux  opéra- 
tions furent  exécutées  foct  à  propos;  car,  déjk  le  3  juin, 
quatorze  mille  Français  entrèrent  en  Roussillon  par  la 
Salanque,  et  se  présentèrent,  le  5,  devant  Canet,  dont  la 
garnison,  forte  de  cent  cinquante  hommes,  après  avoir 
fait  mine  de  vouloir  se  défendre,  se  rendit  prisonnière  de 
guerre,  et  fut  conduite  en  France.  Maîtres  de  ce  fort,  les 
Français  marchent  sur  Elne  ;  font  une  suspension  d'armes 
avec  la  garnison ,  et  s'avancent  vers  La  Roca-^d'Albère. 
La  garnison  de  ce  château,  composée  de  Wallons  et  d'Ita- 
liens, le  rendit  le  15,  moyennant  la  liberté  de  se  retirer 
à  Perpignan,  avec  armes  et  bagages.  Le  siège  d'Elne  com*- 
roença  le  li;  la  ville  se  rendit  le  28,  et  douze  cents 
Napolitains,  qui  s'y  trouvaient,  prirent  parti  dans  les 
troupes  françaises  ou  catalanes.  A  peine  maîtresse  d'Elne, 
cette  armée  eut  ordre  de  marcher  au  secours  des  Cata- 
lans occupés  au  siège  de  Tarragone.  Elle  partit,  en  êflel, 
laissant  seulement  en  Roussillon  quelques  compagnies 
d'infanterie  et  de  cavalerie  françaises  ou  catalanes,  char- 
gées de  garder  Thiiir,  Millas,  Elne,  Canet,  Claira  et  Rive- 


374  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

saltes.  Deux  Koussillonnaîs,  D.  Gaspard  de  Uupia  el  D. 
N.  de  VillaDova,  commandaient,  l'un  \k  Thuir,  riotre  ï 
Millas.  La  garnison  de  Perpignan,  entourée  d'ennemia,  ne 
pouvait  se  procurer  des  vivres  qu'en  faisant  des  coanes; 
qu'en  livrant  de  petits  combats,  où  elle  perdait  toujours  do 
monde.  Des  partis  s'approchaient  souvent  de  ses  murailles, 
d'où  on  devait  les  repousser  au  loin .  L'impuissance  où  Fou  se 
trouvait,  des  deux  côtés,  d'entreprendre  quelque  chose  de 
décisif,  prolongeait  ainsi  une  guerre  ruineuse  pour  le  psji, 
dont  tous  les  villages  étaient  successivement  pillés,  la 
uns  pour  avoir  été  fidèles  au  Roi  d'Espagne,  les  sutra 
pour  avoir  embrassé  la  cause  des  rebelles. 

Pour  ne  point  fatiguer  le  lecteur,  nous  nous  contes- 
terons de  mentionner  les  affaires  les  plus  considérsbief  : 
cela  suffira  pour  donner  une  idée  de  la  manière  doot  te 
faisait  cette  guerre. 

Le  15  septembre  1611,  les  Français  et  les  CstslsM, 
voulant  enlever  les  chevaux  de  la  garnison,  qui  pituraiesl 
auprès  du  Vcrnet,  celle-ci  fit  une  sortie,  et  les  pouM 
jusqu'à  Rivesaltes  ;  mais,  ayant  voulu  les  y  attaquer,  die 
fierdit  cent  cinquante  hommes,  et  fut  obligée  de  se  retirer. 
I^  S6  du  même  mois,  il  y  eut  une  vive  escarmouche, 
entre  un  parti  sorti  de  Perpignan  et  la  garnison  de  Caiiel, 
qui  |)erdit  cent  hommes,  et  fut  repoussée  jusque  daus 
son  château.  Le  lU  octobre,  les  Français,  venus  de  Bages, 
joints  aux  Catalans,  sortis  d'Elne,  tombèrent  sur  un  poste 
de  cavalerie  placé  a  la  tuilerie  den  Jorda,  près  de  la  ville; 
tuèrent  quelques  cavaliers,  en  prirent  une  vingtaine,  et 
se  retireront  sans  avoir  souffert  aucun  mal  du  canon  tiré 
de  la  citadelle.  Ce  jour-là  même,  un  fort  détachement 
partit  de  Perpignan,  à  neuf  heures  du  soir;  marcha  anr 
liages;  enleva  le  cantonnement;  saccagea  le  village,  et 
fut  de  retour,  le  lendemain,  à  cimi  heures  du  matin.  Ce- 


CHAPITRE   QUINZIÈME.  375 

peiidaDt,  les  vivres  étaient  fort  rares  à  Perpignan  :  on  avait 
commencé ,  le  5  septembre ,  à  ne  donner  aux  soldats  que 
quatre  onces  de  biscuit,  autant  dejard  et  du  riz.  On  dimi- 
nua bientôt  cette  ration  ;  on  flnit  même,  le  21  décembre, 
par  ne  plus  faire  des  distributions  régulières.  Le  pays  étant 
complètement  ruiné  autour  de  la  ville,  les  partis  envoyés 
pour  faire  des  vivres  devaient  aller  plus  loin,  et  les  courses 
devenaient  plus  hasardeuses  et  iboins  productives.  Aussi, 
toutes  les  personnes  un  peu  aisées  avaient  abandonné  la 
place,  que  la  famine  aurait  obligé  de  se  rendre,  si  la  flotte 
espagnole  n'avait  débarqué  à  Collioure,  le  15  novembre, 
des  troupes,  des  vivres  et  des  munitions.  Le  commandant 
se  contenta,  d'abord,  de  communiquer  avec  Perpignan 
par  Sainte-Marie,  où  la  garnison  envoyait  de  temps  en 
temps  de  forts  partis;  mais,  cette  communication  étant 
très  difficile,  il  se  décida  a  attaquer,  le  21  décembre,  les 
Français  et  les  Catalans  postés  à  Argelès  :  il  fut  repoussé 
après  trois  jours  de  combat.  La  famine  devint  alors  extrême: 
vers  le  l^r  janvier  1642,  on  mangeait  les  cuirs,  les  parche-  ^642. 
mins,  les  chardons,  les  mauves,  les  orties.  Un  témoin  digne 
de  foi  assure  avoir  vu  deux  soldats,  arracher,  dans  le  cime- 
tière Saint-Jacques,  des  herbes,  et  les  manger  crues  avec 
avidité.  Salses  avait  fourni,  le  19  décembre,  vingt-trois 
chariots  de  biscuit,  et  ne  pouvait  plus  en  livrer  :  les  Gou- 
verneurs de  Collioure  et  de  Perpignan  concertèrent  une 
attaque  combinée  sur  Argelès,  afin  d'enlever  ce  poste,  qui 
mettait  obstacle  au  passage  des  vivres.  L'attaque  commença 
le  4  janvier;  et,  après  trois  jours  de  combats  acharnés, 
ou  réussit  à  s'en  rendre  maître ,  ainsi  que  de  sa  garnison , 
composée  de  huit  cents  Français  ou  Catalans  :  le  8  jan- 
vier, un  convoi  de  cent  sept  chaînes  de  blé  entra  dans 
Perpignan.  Cette  ressource  était  bien  faible,  encore  fut- 
elle  gaspillée  :  les  soldats,  mourant  de  faim,  se  jetaient 


:)76  HISTOIRE  m:  koussillon. 

^  sur  le  l)lé  à  peine  réduit  en  farine,  et  le  mangeaieni  au 
sans  attendre  qu'on  fit  cuire  du  pain.  Le  29  janvier,  h 
garnison  de  Collioure  marcha  sur  Perpignan,  ayant  tou- 
jours les  ennemis  sur  les  bras  jusqu'k  Saint-^Nazaire.  Celte 
suite  de  combats  fit  périr  environ  mille  hommes,  de  part 
ou  d'autre.  Le  51,  les  deux  garnisons  réunies,  après  avoir 
passé  une  revue ,  partirent  pour  Sainte-Marie  ;  surprirent 
ce  poste,  occupé  par  quelques  soldats  français  on  catalans, 
et  le  fortifièrent,  afin  qu'il  servit  d'entrepôt  aux  eonvois 
venus  par  mer  de  Collioure,  et  qu'on  se  hâtait  d^expëdier 
par  terre  k  Perpignan.  Le  corps  employé  k  cette  opératioB 
pendant  quelques  jours,  rentra  le  6  février  dans  la  place, 
où  l'encombrement  fut  extrême  :  les  maisons,  les  convents, 
les  égliges  ne  suffisaient  point  pour  loger  tant  de  tronpei; 
on  ne  pouvait  même  pas  moudre  le  grain  nécessaire  k  lev 
subsistance,  et  le  soldat,  obligé  de  broyer  entre  deux  piems 
celui  qu'il  recevait,  ne  prenait  qu'une  nourriture  insnll- 
sante  et  malsaine.  Cet  état  ne  dura  pas  long-tempe  :  k 
10  février,  les  troui>es  venues  de  Collioure  y  retoumèrent, 
et  s'embarquèrent  pour  l'Espagne.  I^  garnison  de  Perpk 
f^nan  avait  été  ravitaillée;  mais  les  habitants  n'en  sont* 
fraient  pas  moins  de  la  disette.  Aussi,  le  18  février, 
cents  personnes ,  poussées  par  la  faim ,  profitèrent  d'i 
sortie  qui  eut  lieu  par  la  porte  Saint-Martin,  pour  s*é- 
rJiapper  de  la  ville  et  se  rc'pandre  dans  les  villages  enti* 
ronnants. 

Le  sort  du.  Koussillon  dépendait  des  événements  dont 
la  (!latalogne  allait  être  le  théâtre  :  ils  furent  entièreiMnt 
défavorables  aux  Espagnols.  Don  Pedro  de  Aragon  el  de 
Cardone ,  ('(uiimandant  leur  armée ,  avant  été  battu  dans  le 
Vallès,  se  retiniit  surTarragono,  lorsque,  |Kmrsuivi  dans  sa 
M,;j  n'iraitr,  il  tiit  obli^^ô,  \c  TA)  mars  I()it2,  de  se  rendre,  avec 
loiiios  les  troupes  sous  srs  ordres.  Cependant^  Louis  XIII 


CHAPITRE  QUINZIEME.  377 

s'avaDçait  vers  les  Pyrénées,  avec  quinze  mille  hommes 
de  pied  et  quatre  mille  chevaux  qu'il  passa  en  revue,  à 
Lyon ,  dans  les  premiers  jours  de  février.  Le  Maréchal  de 
la  Meilleraye  commandait  cette  armée ,  ayant  pour  Lieu- 
tenant-Général Turenne,  et  pour  Maréchaux  de  Camp, 
d'Ëspenan,  d'Argicourt  et  de  Tréville.  Le  Roi  arriva  à 
Narbonne  le  10  mars;  le  1€,  le  Maréchal  fit  attaquer 
Argelès,  où  trois  cents  Espagnols  se  rendirent  prisonniers 
de  guerre,  après  avoir  essuyé  cent  soixante  coups  de 
canon.  Tandis  que  les  troupes  déjà  établies  en  Roussillon 
continuaient  à  bloquer  la  capitale,  la  Meilleraye  s'avança 
vers  Collioure,  et  l'investit  le  16  mars.  Le  Marquis  de 
Mortara  y  commandait  une  garnison  de  tiDis  mille  hom- 
mes :  il  eu  avait  établi  deux  mille  sur  les  hauteurs  environ- 
nant la  place,  au  pied  desquelles  était  postée  l'avant-garde 
Trançaise,  formée  par  le  premier  bataillon  des  Gardes,  que 
commandait  Fabert.  Le  Maréchal  faisant  grand  cas  de 
cet  officier,  lui  fit  dire  de  venir  lui  parler;  mais  Fabert, 
ne  pouvant  lui  pardonner  d'avoir,  en  sa  présence,  donné 
aux  Gardes  le  nom  de  chanoines  de  l'armée,  parce  que 
depuis  deux  ans  ils  suivaient  la  Cour,  s'obstina  à  ne  point 
quitter  son  poste,  et  répondit:  «Qu'il  était,  avec  son 
a  bataillon,  prêt  a  exécuter  tous  les  ordres  qu'il  voudrait  lui 
«r  envoyer.  JD  La  Meilleraye,  comprenant,  sans  peine,  le  motif 
de  son  refus ,  alla  lui-même  le  trouver,  le  priant  d'oublier 
ce  qui  s'était  passé,  et  de  ne  point  en  garder  rancune;  il 
ajouta  :  «  Je  tiens  fort  k  connaître  votre  avis;  quel  est-il? 
« — C'est  d'attaquer,  répond  Fabert. — Hé  bien,  marche, 
«dit  le  Maréchal,  et  prenez  la  tête  de  l'attaque.»  Les 
Espagnols  furent  chassés  de  la  position  après  un  combat 
très  vif;  les  Gardes  françaises  emportèrent  l'épée  k  la  main 
un  petit  fort  défendu  par  cent  Espagnols;  les  Gardes  suisses 
enlevèrent  de  même  le  fort  neuf,  encore  plus  rapproche 


378  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

de  la  place.  On  ouvrit  la  tranchée,  la  nuit  du  i7  aa  18,  dn 
côté  de  la  tour  de  Sainte-Thérèse*.  La  nuit  suivante,  les 
assiégés  firent  une  sortie,  qu'ils  ne  poussèreni  pas  tfèt 
vigoureusement.  I^  lendemain,  six  cents  fantassins,  soute- 
nus par  cent  cinquante  cavaliers,  attaquèrent  la  tranchée,  et 
en  chassèrent  les  assiégeants,  qui  la  reprirent  sans  donner 
aux  Espagnols  le  temps  d'emmener  six  pièces  de  canon, 
dont  ils  s'étaient  emparés.  Le  24,  les  Gardes  françaises  et 
suisses,  soutenues  par  le  régiment  de  Champagne,  priieat 
la  tour  Sainte-Thérèse  de  vive  force  ;  les  troopes  qû  h 
défendaient  furent  passées  au  fil  de  l'épée.  Tons  les  elliNts 
des  Espagnols  pour  secourir  Collioure,  avaient  échoné: 
trois  brèches  étaient  ouvertes;  et,  cependant,  on  avait  jigé 
l'assaut  impossible,  avant  d'avoir  détruit  une  tour  qni  avait 
des  vues  sur  les  brèches.  On  essaya  de  la  faire  sauter  par 
la  mine.  L'effet  n'ayant  pas  répondu  k  l'attente,  les  asné- 
geants  se  décidèrent  k  attaquer  les  trois  brèches  à  la  fbii: 
elles  furent  emportées  en  moins  d'une  heure.  Les  assail- 
lants ne  perdirent  que  douze  hommes,  parce  que  la  gar- 
nison se  retira  au  château,  après  avoir  fort  moUemort 
combattu.  Tous  les  ouvrages  étaient  plongés  ou  pris  de 
revers  des  hauteurs  de  la  tour  Sainte-Thérèse ,  dont  ks 
bombes  ayant  détruit  la  citerne,  le  manque  d'ean  obligea 
les  assiégés  k  capituler  le  1 1  avril  :  les  Français  y  entri^ 
rent  le  15.  Collioure  pris,  le  Maréchal  resserra  le  bloev 
de  Perpignan.  Louis  XHI  se  rendit  devant  la  place  le  S 
avril,  et  établit  son  quartier  dans  la  métairie  de  Jean  Ptal', 
tout  près  du  village  de  Saint-Estève  :  il  avait  avec  Ini,  ks 
fiardcs  françaises  et  suisses,  les  chcvau-lcgers  de  la  gaide, 
les  chevau-légers  et  les  mousquetaires  du  Cardinal.  Le 
Maréchal  campa  dans  un  vallon,  auprès  de  Taquedoc  4n 

I  C.r\ii-  ti-iii  fui  tngloliV  iljn>  la  ''•■ii>iruitiiiii  ilu  Miraih*u.  «m  hîTI 
-  Kll^  .i|ip.ir< ii*iit  maiiil^nutt  i  ti  tiH'n-  ili>  l'.tntmr  ilf  rti  «•u^rapr 


CHAPITRE  QUINZIÈME.  379 

ruisseau  royal,  avec  le  lieutenaut-général  de  Turenne, 
ayant  sous  ses  ordres  les  régiments  d'infanterie  de  Cham- 
pagne, d'Efiiat,  de  Béarn,  d'Espenan,  les  compagnies 
royales,  et  environ  six  cents  chevaux;  le  Maréchal  de 
Schombei^  commandait  les  troupes  du  blocus,  dans  la 
partie  au  nord,  dont  les  régiments  d'Enghien  et  de  la 
Meilleraye,  cavalerie,  furent  postés  à  Pia  :  Enghien ,  Conti 
et  Polignac,  infanterie,  avec  Brissac  et  Céran,  cavalerie, 
s'établirent  à  Bonpas,  chaînés  d'étendre   leurs  postes 
jusqu'à  la  tour  de  Castell-Rossellô ,  où  venait  aboutir  la 
droite  du  corps  de  la  Meilleraye  ;  le  régiment  italien  de 
Mazarin  fut  placé  entre  Bonpas  et  Saint-Estève.  L'armée 
était  forte  de  vingt-deux  mille  hommes  d'infanterie,  et  de 
quatre  mille  de  cavalerie,  y  compris  treize  cents  gentils- 
hommes volontaires,  commandés  par  le  Duc  d'Enghien, 
depuis  grand  Condé.  Décidés  à  prendre  la  ville  par  famine, 
les  assiégeants  formèrent  une  circonvallation,  qui,  partant 
de  la  hauteur  du  moulin  au  midi,  suivant  la  crête  des 
collines  jusqu'au  chemin  d'Espagne,  traversait  la  Basse  et 
la  Tet,  au  moyen  d'estacades  ;  allait  de  Malloles  k  Saint- 
Estève ,  de  là  à  Bonpas ,  et  par  un  retour,  venait  se  rat- 
tacher à  Castell-Rossellô  ;  la  cavalerie  occupait  l'espace 
entre  la  tour  et  la  route  de  Collioure.  Voulant  abréger  les 
lenteurs  d'un  blocus,  on  proposa  au  Gouverneur,  marquis 
Flores  d'Avila,  une  capitulation  honorable,  lui  oflDrant 
même  de  permettre  à  un  de  ses  officiers  de  parcourir  les 
cantonnements  de  l'armée,  afin  qu'il  pût  rendre  compte  au 
Roi  d'Espagne  de  l'impossibilité  de  défendre  long-temps  la 
place  contre  une  armée  aussi  formidable,  et  obtenir  l'auto- 
risation de  la  rendre,  pour  sauver  la  garnison  :  le  Gouver- 
neur rejeta  ces  propositions.  Il  s'aperçut,  d'ailleurs,  de 
bonne  heure,  par  l'espèce  des  travaux  exécutés  contre  la 
place ,  <]u'on  voulait  la  réduire  par  un  blocus  rigoureux , 


380  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

et  non  par  un  siège  en  règle  ;  il  ne  songea  donc  qu'à 
épargner  ses  provisions,  et  qu'à  maintenir  sa  garnison  en 
bon  état,  la  ménageant  autant  que  possible,  afin  de  pou- 
voir s'en  servir  avec  énergie,  si  la  flotte  espagnole,  soafent 
en  vue  de  la  côte ,  parvenait  à  opérer  un  débarquement 
pour  jeter  un  secours  dans  la  place.  Il  se  contentait  d'in- 
quiéter les  lignes  ennemies  avec  son  artillerie,  et  de  fati- 
guer les  assiégeants  par  des  sorties  fréquentes,  mais  biUes, 
et  conduites  avec  circonspection.  Vers  les  premiers  joon 
de  juin ,  le  Roi  de  France  étant  tombé  malade,  se  retini  ï 
Narbonne  :  les  Maréchaux  de  la  Meilleraye  et  de  Schon- 
bei^  restèrent  chaînés  du  siège.  Perpignan,  bloqué  dq» 
plusieurs  mois,  commençait  à  manquer  de  vivres.  Les 
eflbrts  de  la  flotte  espagnole,  pour  aborder  la  côte,  sou- 
tenaient la  constance  de  Flores  d'Avila;  mais,  tonjovi 
repoussée  par  les  vents,  elle  fut  obligée  de  se  réfugier 
aux  iles  Baléares.  Alors  le  Gouverneur,  perdant  tout  es- 
poir, proposa ,  le  29  août ,  de  rendre  la  place  le  9  8S|h 
tembre ,  s'il  ne  recevait ,  avant  cette  époque ,  un  seeoun 
de  deux  mille  hommes  d'infanterie,  mille  chevaux  et  deux 
c^nts  charges  de  vivres.  On  accepta  ses  propositions,  et 
le  secours  n'étant  pas  arrivé,  il  rendit,  le  jour  conYOnu,  h 
ville  et  la  citadelle.  On  y  trouva  un  arsenal  des  mieux  fov^ 
nis  :  il  contenait  des  armes  pour  vingt  mille  hommes,  cent 
vingt  pièces  de  canon ,  trois  cents  milliers  de  poudre,  ele« 
Le  siège  de  Salses  fut  aussitôt  entrepris,  et  le  gouTonieur, 
I>.  Hcnriquez  de  Quiroga,  après  s'être  vaillamment  défendu 
jusqu'au  2o  septembre,  proposa  de  rendre  ce  fort  le  99, 
s'il  n'était  pas  secouru,  ce  (|ui  eut  lieu  en  efiet.  Les 
deux  garnisons  de  Perpignan  et  de  Salses  obtinrent  les 
honneurs  do  la  guerre,  et  furent  conduites  en  Espngne 
par  EIne,  Collionre,  Itanyuls,  la  Solva  et  Roses,  en  sui- 
vant rantii|no  rhomin  do  la  ente.  I.o  Cardinal  voulait  faire 


CHAPITRE  QUINZIÈME.  381 

raser  Salses  ;  mais  Schomberg  représenta  que  cette  forte- 
resse était  nécessaire  pour  s'assurer  la  communication  de 
la  France  avec  Perpignan  et  Collioure.  Les  Catalans,  faisant 
partie  des  deux  garnisons  prisonnières,  eurent  la  liberté 
d'aller  où  ils  voudraient.  Après  ces  conquêtes,  l'armée 
française  négligeant  les  autres  places  du  Roussillon,  telles 
que  Villeflranche  et  Prats-de-Moll6 ,  qui  ne  pouvaient  avoir 
d'action  sur  le  passage  en  Catalogne,  pénétra  dans  cette 
province,  afin  d'y  soutenir  la  révolte  des  peuples  contre 
le  Gouvernement  espagnol. 

Il  n'entre  point  dans  notre  sujet  de  rapporter  les  évène- 
nements  militaires,  dont  ce  pays  fut  le  théâtre  pendant 
plusieurs  années.  Les  succès  furent  très  cariés  jusqu'en 
1652.  L'Espagne,  profitant  des  troubles  survenus  en 
France  par  l'animosité  réciproque  des  Princes  et  du 
Cardinal  Mazarin,  et  par  lés  querelles  de  la  Cour  avec 
les  Parlements,  réussit  à  faire  rentrer  dans  le  devoir  les 
Catalans,  déjà  fatigués  de  la  domination  française.  Durant 
ces  dix  années,  la  forme  du  Gouvernement  en  Roussillon 
resta  telle  qu'elle  avait  été 'sous  les  Rois  d'Espagne.  Ce 
pays  faisait  toujours  partie  de  la  Catalogne,  où  comman- 
dait, souvent  avec  le  titre  de  Vice-Roi,  un  Prince  ou  du 
moins  un  Maréchal  de  France.  Pour  s'attacher  les  habi- 
tants, on  y  percevait  des  impôts  fort  modérés,  et  l'on 
avait  donné  le  commandement  particulier  de  la  Cerdagne 
et  du  Roussillon  à  un  Gentilhomme  du  pays.  D.  Thomas 
de  Banyuls  et  de  Oris,  était  à  la  fois  Lieutenant  du  Gou- 
vemeur-Général  et  Procureur-Royal  dans  les  deux  Comtés 
de  Cerdagne  et  du  Roussillon.  A  ces  emplois,. purement 
administratifs,  il  joignait  l'autorité  militaire,  comme  com- 
mandant de  la  ville  et  de  la  citadelle  de  Perpignan.  Les 
peuples,  obéissant  partout  à  l'impulsion  donnée  par  la 
Députation  catalane  de  Barcelone,  ne  reconnaissaient  que 


38*2  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

le  Roi  de  France,  dans  tous  les  endroits  non  œcaféê  pu 
des  garnisons  espagnoles.  Les  choses  changent  Mea  ée 
4652.  face  en  1652  :  la  ville  de  Barcelone  étant  rentrée  um 
Tobéissance  du  Roi  d'Espagne,  et  la  Représentation  pi#> 
vinciale  qui  s'y  était  formée  ayant  été  dissoute,  le  fia 
qui  avait  attaché  la  Catalogne  à  la  France  fiit  toUkoMt 
rompu.  Les  Catalans  imitèrent  la  capitale  partout  oè  II 
ne  furent  pas  contenus  par  les  années  françateee.  Dim 
le  Roussillon  même,  qu'elles  occupaient,  les  luMlaBCl« 
entraînés  par  un  penchant  naturel ,  donnaient  des  piewm 
non  équivoques  d'attachement  k  leur  ancien  Gonierne- 
ment  ;  le  Clei^é  surtout,  et  les  classes  les  pins  étefétii 
ne  dissimulaiept  point  leurs  vœux  ;  la  Noblesse  rgpwMwi 
l'écharpe  rouge;  les  soldats  que  la  province  avait  kifél, 
abandonnant  leurs  drapeaux,  rentraient  dans  leors  fejM; 
et  il  ne  restait  avec  les  Francis  que  les  principaoi  dMft 
de  la  révolte,  et  ceux  que  les  événements  avaient  Hip 
compromis.  Il  eût  été  bien  difficile  de  s'opposer  k  efÊê 
révolution  générale  des  esprits.  On  soupçonna  Josepk  ia 
Vivier,  nommé  par  la  France  k  l'Évécbé  d'Etalé ,  et  II 
gouverneur  D.  Thomas  de  Banyuls,  de  l'avob  ijiiwiiit 
en  secret.  Soit  que  la  chose  fût  vraie,  soit  qne, 
d'un  injuste  soupçon ,  ils  prissent  ce  prétexte  pov 
de  faire  leur  paix  avec  le  Gouvernement  espagnol ,  nBM* 
que  et  le  Gouverneur  quittèrent  Perpignan  :  le  pvenMr  Si 
retira  k  Barcelone,  dans  son  Prieuré  de  Santa-Anaa;  li 
second,  dans  sa  terre  de  Nyer,  qui  était,  ainsi  que  la  fÉMi 
du  Haut-Conflent,  au  pouvoir  des  Espagnob. 

Cependant,  Mazarin  avait  triomphé  de  ses  ennonia  :  Il 
Duc  d'Orléans  s'était  soumis  ;  le  Prince  de  Condé  W!99k 
été  obligé  de  se  réfugier  dans  les  Pays-Bas  ;  son  friWt 
le  Prince  de  Conti,  s'était  réconcilié  avec  le  CardinI,  «n 
épousant  une  de  ses  nièces.  La  France  «  ainsi 


CHAPITRE  QUINZIÈME.  383 

rournit  à  cet  habile  Ministre  les  moyens  de  pousser  avec 
plus  d'énergie  la  guerre  extérieure  :  il  renonça  k  la  Cata- 
logne, où  il  comptait  peu  de  partisans,  et  ne  songea  qu'a 
s'établir  solidement  en  Roussillon,  dont  la  possession  était 
alors  de  la  plus  haute  importance.  On  envoya  le  Prince  de 
Conti  dans  cette  province,  avec  une  armée.  Sa  première 
opération  fut  le  siège  de  Villefranche  en  Gonflent  :  cette 
place  se  défendit  vingt  jours,  et  soutint  plusieurs  assauts; 
emportée  le  23  juillet  1654,  partie  de  la  garnison  fut  4654. 
passée  au  fil  de  l'épée.  Après  cette  conquête,  les  Fran- 
çais marchèrent  sur  Puycerda  ;  mais  les  démonstrations  de 
l'armée  espagnole,  donnant  des  craintes  pour  Roses,  le 
Prince  de  Conti  fit  faire  un  mouvement  rétrograde  k  ses 
troupes,  pour  se  porter  dans  l'Attpourdan.  Il  éprouva* 
quelques  pertes  en  repassant  les  montagnes,  harcelé  par 
D.  Thomas  de  Banyuls,  à  la  tête  d'un  détachement  de  la 
garnison  de  Puycerda,  et  d'environ  cinq  cents  paysans.  Ce 
petit  échec  n'empêcha  pas  les  Français  de  continuer  leur 
marche  sur  Roses,  où  ils  surprirent  et  mirent  en  déroute 
un  corps  espagnol  qui  se  gardait  fort  mal.  Le  Prince  reprit 
alors  ses  projets  sur  Puycerda,  dont  il  commença  le  siège 
le  30  septembre.  La  garnison  se  défendit  d'abord  avec 
courage;  mais  le  Gouverneur  ayant  été  tué  d'un  coup  de 
canon ,  la  discorde  se  mit  parmi  les  chefs,  qui  ne  surent 
pas  s'entendre  pour  le  commandement.  A  ce  malheur, 
s'en  joignit  bientôt  un  autre  :  la  foudre  réduisit  en  cen- 
dres le  magasin  des  vivres.  Cet  événement  entraîna  la 
capitulation  de  la  ville,  eiïectuée  le  22  octobre;  elle  fut 
suivie  de  la  reddition  de  la  Seu-d'Urgel  et  de  Campredon. 
Le  Roussillon  étant  entièrement  soumis,  on  porta  la  guerre 
en  Catalogne  pendant  les  années  1655, 56, 57  et  58.  Elle  fut 
une  suite  non  interrompue  de  prises  et  reprises  de  villes,  de 
combats  sans  résultats,  dont  il  serait  superflu  de  donner  le 


384  HISTOIRE  DU  ROCSSILLOIf. 

détail,  tou8  ces  faits,  assez  peu  importants  par  enx-ménes, 
n'ayant  aucun  rapport  direct  avec  l'histoire  de  cette  pfo* 
vince.  Les  deux  puissances,  fatiguées  d'une  latte  qui  les 
épuisait  par  sa  longue  durée,  songèrent,  eoGn,  k  se  nqi- 
procher  :  il  y  eut  entr'elles  une  suspension  d'armes  dès  k 
4G59.  mois  de  mai  1659,  qui  fut  suivie  de  la  paix  des  Pyrënéei, 
signée  le  7  novembre,  et  ratifiée  le  mois  suivant.  Piv 
l'article  42*  de  ce  traité,  qui  en  contient  124,  il  fol  eoB> 
venu  :  que  les  Pyrénées  sépareraient  désormais  les  deii 
Royaumes,  comme  elles  avaient  séparé,  autrefois,  l'Es- 
pagne et  les  Gaules  ;  que  tout  le  Roussillon  et  le  ConSeiH 
appartiendraient  à  la  France,  et  toute  la  Catalogne  el  b 
Cerdagne  à  l'Espagne,  de  manière,  cependant,  qoe  si 
quelques  parties  du  Gonflent  se  trouvaient  sur  le  revers 
méridional  des  Pyrénées,  ou  quelques  portions  de  la  Cer- 
dagne sur  le  revers  septentrional ,  les  premières  seraient 
adjugées  k  l'Espagne,  les  secondes  à  la  France.  On  nonun 
de  part  et  d'autre  des  commissaires  pour  procéder  k  h 
fixation  des  limites,  d'après  l'esprit  de  cet  article  48,  et 
vérification  faite,  sur  les  lieux,  des  |)oints  sujets  à  contes- 
tation. M.  de  Marca,  Archevêque  de  Toulouse,  et  TÉvéqne 
d'Orange,  furent  les  commissaires  nommés  par  le  Roi  de 
France;  Michel  Salba  de  Valgomera,  Chevalier  de  Saint- 
Jacques,  IJeutcnant  du  Maître  rational  (FAragon,  et  Joseph 
Ferrer,  Conseiller  de  la  Royale  Audience  de  Catalogne, 
furent  ceux  du  Roi  d'Espagne.  Ces  commissaires  s'assem- 
blèrent à  Céret,  au  mois  de  mars  1(]60.  l>?^s.  confidences 
durèrent  jus<|u'ii  la  tin  d'avril  ;  on  envoya  aux  Ministres 
des  deux  Cours  les  procès- verbaux  de  ces  conférences, 
contenant  les  avis  des  commissaires  concernant  les  divers 
points  sur  lesquels  ils  n*avaient  pu  se  mettre  d*accord. 
Cette  discussion ,  reprise  à  Llivia ,  ne  fut  terminée  qne 
le  12  novembre,  en  Tabsenre  de  M.  de  Marra,  et  aTff 


CHAPITRE   QUINZIÈME.  385 

tant  de  précipitation,  qu'il  fallut  réunir  de  nouveau  les 
commissaires  peu  de  temps  après,  afin  de  procéder  à  une 
meilleure  délimitation,  qui  fut  a  peu  près  fixée,  telle  qu'elle 
existe  aujourd'hui. 

Nous  terminerons  ici  l'histoire  du  Roussillon.  En  l'écri- 
vant, nous  avons  eu  principalement  pour  but  d'épargner  a 
ceux  qui  voudraient  la  connaître,  de  pénibles  recherches, 
pour  lesquelles  une  foule  de  documents  ne  seraient  point 
à  leur  portée.  Aussi,  nous  regardons  notre  tâche  comme 
remplie  ;  car  les  événements  dont  le  pays  a  été  le  théâtre 
depuis  sa  réunion  à  la  France,  sont  très  rapprochés  de 
nous,  et  se  trouvent  décrits  dans  plusieurs  ouvrages  fort 
répandus.  Je  n'ai  pas  cru  devoir  répéter  ce  dont  on  peut 
si  aisément  prendre  connaissance  ailleurs;  mais,  il  m'a 
paru  intéressant  d'entrer  dans  quelques  détails  sur  l'ori- 
gine, l'accroissement,  la  décadence  de  Perpignan,  ancienne 
capitale  du  Roussillon ,  et  d'offrir,  au  lecteur,  une  notice 
statistique  et  géographique  sur  cette  province,. formant  le 
département  actuel  des  Pyrénées-Orientales. 


$ 


•i5 


386  IIISTUIRB  DU   ROUSSILLON. 


CHAPITRE  XVI. 


L^anlear,  dant  les  deui  derniers  chapitres  de  son  oii?rage,  donae  «v 
notice  statistique  sor  la  province  du  Roussillon  ;  il  y  fait  eonnallre  les  9imè- 
liorations  qui  ont  eo  lieu ,  et  tout  ce  qa^on  •  exécuta  ou  projeté  poar  la 
prospérité  du  pays,  surtout  pour  la  TÎUe  de  Perpijnto,  aprit  le«r  rémaim 
définitive  k  la  France,  en  4659.  L^cditeur  a  cru  iodispensaUe  k  rialellî- 
geuce  de  ces  chapitres,  de  les  Caire  précéder  d^un  aperçu  concis  des  principut 
éfènements  concernant  spécialement  le  Roussillon,  devenu  le  départaoïcal 
des  Pyrénées-Orientales,  depuis  cette  époque  josqu^à  celle  de  la  mort  de 
Tauteur,  en  4831. 

4660.  L.^  mariage  de  Louis  XIV  avec  l'Infante  d'Espagne,  Ait 

célébré  le  «S  juin;  la  Cour,  pendant  Thiver  qui  précéda 
cette  union,  visita  les  provinces  du  Midi.  Le  Roi  vint  à 
Perpignan,  capitale  de  celle  récemment  acquise  par  le 
traité  des  Pyrénées  :  il  y  resta  douze  jours.  I^s  Conaols 
lui  donnèrent  une  fête  dans  la  Loge  de  Mer.  La  création 
du  Conseil-Souverain ,  qui  devait  remplir,  dans  le  Rous- 
sillon ,  rollice  des  Parlements ,  date  de  cette  époque  : 
redit  fut  rendu  k  Saint-Jean-de-Luz,  le  18  juin.  François 
.^  Sagarre,  dont  la  sévère  et  rigoureuse  administration  est 

encore  proverbiale,  fut  nommé  Président  k  Mortier  et 
Gouverneur  du  Roussillon,  sous  les  ordres  du  Duc  de 
Noailles,  dont  la  famille  a  constamment,  de  16H0  k  1789« 
possédé  le  titre  et  l'emploi;  il  y  avail.  en  outre,  un  com- 
mandant général  de  la  province. 


CHAPITRE  SEIZIÈME.  387 

Le  i2  mai,  Thérèse  de  Campredon  ,  Dame  de  Foix  4662. 
et  Béarn,  jeune  et  belle,  appartenant  aux  plus  nobles 
familles  du  Roussillon ,  fut  décapitée  à  Perpignan ,  après 
avoir  subi  quatre  fois  la  question,  sans  qu'on  put  lui 
arracher  un  aveu.  Inculpée  dans  l'assassinat  d'un  Gentil- 
homme nommé  San-bionis,  qui,  d'après  l'information, 
avait  été  son  amant,  et  condamnée,  ainsi  que  plusieurs 
complices,  k  la  peine  de  mort  par  le  tribunal  suprême^ 
des  traditions  dignes  de  foi  portent  k  croire,  que  des 
causes  politiques  eurent  plus  de  part  que  des  intrigues 
galantes  au  terrible  résultat  de  cette  remarquable  affaire. 
San-Dionis  fut  frappé  de  cinquante-deux  coups  de  poi- 
gnard, dirigés  contre  le  dénonciateur  d'ime  conspiration, 
tendant  à  se  délivrer  de  la  domination  française,  a  la- 
quelle le  Roussillon  fut  long-temps  rebelle.  La  réunion 
de  toute  la  Noblesse  auprès  du  mari  pendant  l'exécution 
de  la  femme,  vient  k  l'appui  de  cette  assertion,  soit  que 
ce  fut  le  vrai  motif,  soit  qu'on  voulût  ainsi  masquer  la 
honte  d'un  assassinat. 

Révolte  dans  le  Vallespir  au  sujet  des  gabelles.  Les  ^ees. 
Angelets ,  nom  que  prirent  les  révoltés,  résistèrent,  avec 
avantage,  aux  troupes  envoyées  pour  les  réduire  dans  la 
haute  vallée  du  Tech.  Sagarre,  qui  s'était  mis  k  la  tête  de 
l'expédition,  fut  battu,  et  forcé  de  se  sauver  dans  la  plaine; 
toutefois,  les  gardes  du  sel  tinrent  bon  dans  le  Castell-Pé- 
rilloux  et  le  fort  Lagarde,  qui  dominaient  Prats-de-MoUô. 

Vauban ,  dont  le  premier  voyage  en  Roussillon  date  de 
cette  époque,  dépeint  pittoresquement  les  habitants  de 
cette  frontière  :  c(  Gens  aguerris ,  dit-il ,  qui ,  du  moment 
n  qu'ils  ont  porté  l'obédience  k  l'un  des  partis ,  ne  font 
«  pas  didiculté  de  tirer  sur  l'autre;  aimant  naturellement 
«r  l'escoupéterio,  et  comme  se  faisant  un  grand  plaisir  de 
«<  chasser  aux  hommes.  »  C'était  k  des  bandes  de  cette 


38S  HISTOIRE   bU    ROL'SSILLON. 

4<(70.  trempe  qu'avait  afïiiire  Sagarre.  Il  Tallut,  qu'en  1670,  un 
corps  régulier  de  quatre  mille  hommes,  sous  M.  de  Cha- 
milly,  olficier  général  des  plus  distingués,  dîspèrs&t  ces 
bandes,  et  obligeât  Trinelierie,  leur  chef,  à  se  réfugier 
en  Espagne.  Cette  circonstance  décida  k  construire  le 
fort  des  Bains,  pour  battre  le  débouché  de  la  vallée,  ei 

407 s.  intercepter  le  passage.  A  peine  terminé,  ce  petit  fort 
résista  vigoureusement  à  Tattaque  des  Espagnols,  sous  le 
Duc  de  San -Germa;  tandis  qu'a  la  même  époque,  le 
cliâteau  de  Bellegarde,  que  sa  position  rendait  en  quelque 
sorte  inexpugnable,  se  rendit  honteusement. 

Nous  devons  mentionner  une  conspiration  d'une  assex 
grande  importance,  découverte  à  Villefranche,  le  90  mars 
de  cette  année,  ayant  pour  but  de  livrer  aux  Espagnols 
cette  place,  ainsi  que  Salses  et  Perpignan  :  elle  fut  énergi- 
quement  réprimée  par  l'action  ferme  et  habile  de  Sagarre, 
dont  le  dévoûment  à  la  France  excitait  l'antipathie  des 
Roussillonnais.  Fidèles  de  cœur  à  la  mère  patrie,  on  ne 
doit  pas  s'étonner  qu'ils  nous  aient  dépeint,  sous  d'af- 
freuses couleurs,  Thomme  qui  cimenta  du  sang  des  cons- 
pirateurs la  réunion  définitive  de  la  province  conquise. 

4G7.S.  L*armée  espagnole,  secondée  par  les  peuples  de  la  Cata- 

logne et  les  menées  secrètes  de  la  Noblesse  du  Roussilloo, 
avait  eu  des  avantages  marqués  sur  l'armée  française;  mais 
on  dut  Taflaiblir  alors  pour  envoyer  des  renforts  en  Sicile. 
La  fortune  changea  :  les  Français  reprirent  Bellegarde,  qui 
ne  tint  que  quatre  jours.  Rentrt's  dans  TAmpourdan ,  ils 
eurent  d*abord  des  succès,  qui  bientôt  furent  suivis  di* 
revers.  Eniin,  après  une  série  d'opérations  militaires  qa*il 
serait  superflu  d'énumérer,  le  traité  de  Nimègue,  du  10 

if,78.       août  1678,  mit  un  terme  ii  la  (iuerre. 

|j)  même  année,  par  un  simple  ordre  du  Roi,  TÉvécht' 
d'FIne  rentra  sons  la  Mi'lmpole  de  Narhonne. 


CHAPITRE   SEIZIÈME.  389 

Les  campagnes  des  années  précédentes  avaient  fait  ^G70. 
sentir  la  nécessité  de  renforcer  la  frontière,  en  améliorant 
les  postes  qui  existaient,  et  en  créant  un  établissement  so- 
lide au  sommet  de  la  vallée  de  la  Tet.  Vauban,  l'ingénieur 
le  plus  distingué  de  son  siècle,  visita  tous  les  points  for- 
tifiés, et  présenta  des  projets  qu'on  s'empressî^ d'exécuter. 
I  .es  défenses  de  Bellegarde  furent  surtout  considérablement 
accrues.  La  construction  de  Mont-Louis  donna  une  place 
de  dépôt,  indispensable  aux  armées  opérant  par  la  vallée 
<le  la  Tet,  ou  destinées  à  envahir  la  Cerdagne  espagnole. 

A  la  même  époque  remonte  le  projet  de  création  de 
l*ort-Vendres,  sur  les  vives  instances  de  Vauban,  qui  ne 
concevait  pas  a  qu'on  eût  négligé  une  position  aussi  im- 
«<  portante,  pour  s'établir  à  Collioure,  place  sans  port  et 
<<  sans  eau.  »  Les  travaux  ne  commencèrent  qu'en  1692: 
on  donna  au  port  une  profondeur  de  seize  pieds,  suffisante 
pour  les  galères. 

Reprise  de  la  guerre.  Siège  de  Girone  par  le  Maréchal        <684. 
rie  Bellefonds,  qui  fut  obligé  de  le  lever. 

Un  édit  de  Louis  XIV  érige  l'Hospice  de  la  Miséri-        <686. 
corde ,  h  Perpignan ,  en  hôpital  général  «  où  seront  en- 
«  fermés  tous  les  pauvres  valides  ou  invalides,  de  l'un  et 
<t  de  l'autre  sexe,  pour  y  être  instruits  et  occupés.  » 

La  guerre  continue  avec  des  chances  diverses.  Le  Duc  Dr  i{>80  à 
de  Xoailles,  nommé  au  commandement  de  l'armée  de  Ca-  I607. 
ialogne,  arrive  à  Perpignan  le  30  mars  1689.  A  la  tête  d'un 
très  faible  corps,  il  manœuvre  avec  habileté;  et,  favorisé  par 
la  disposition  des  Catalans ,  iinimés  contre  la  domination 
autrichienne,  il  soutint,  pendant  six  ans,  la  supériorité 
de  nos  armes,  et  s'empara  de  Girone,  tant  de  fois  assiégé 
sans  succès.  Les  excès  de  nos  troupes,  auxquelles  nos 
(iénéraux  donnaient  l'exemple,  tirent  perdre  la  Catalogne. 
Vendôme  succéda,  en  169r),  au  Maréchal  de  Noailles  : 


390  HISTOIRE   DC   ROUSSILLON. 

ii  prit  Barcelone.  On  eut  beaucoup  à  se  louer,  dans  cette 
guerre,  du  senice  des  somatens,  ou  milices  de  la  province. 
Paix  de  Riswick. 

Koo.  Mort  de  Charles  II,  au  mois  de  novembre;  testament 

en  faveur  du  Duc  d'Anjou,  que  Louis  XIV  se  décida  a 
accepter.  Cet  événement  changea  la  face  de  l'Europe,  ei 
alluma  un  incendie  général,  qui  n'eut,  au  reste,  pour  k 
Roussillon,  d'autre  effet  que  les  passages  de  troupes  et  les 
expéditions  d'objets  de  tout  genre,  que  nécessitèrent  les 
mouvements  des  armées  en  Catalogne  jusqu'à  la  paix 
d'Utrechl,  en  1715. 
De  noo  à       On  doit  rapporter  a  cette  période,  la  régénération  poU- 

^'^^^'  tique  du  Roussillon.  L'introduction  de  la  langue  française 
dans  les  actes  publics;  son  usage  parmi  les  classes  élevées, 
furent  des  pas  immenses  dans  cette  voie.  Ceux  qui  metr 
taient  encore  en  question  si  la  réunion  de  cette  province 
à  la  France,  avait  été  favorable  ou  contraire  à  ses  intérêts, 
témoins  des  maux  auxquels  la  Catalogne  était  en  proie, 
apprécièrent  enlin  l'avantage  de  ne  plus  voir  le  Ronssilkm 
devenir,  dans  toutes  les  guerres,  le  champ  de  bataille  des 
armées. 

1707.  I^  H  octobre  1707,  un  convoi  de  poudre,  composé  de 

sept  charrettes,  venant  de  Canet,  prit  feu  entre  la  barrière 
et  la  porte  de  la  ville.  L'explosion  abima  tout  au-dessus  du 
sol  ;  elle  n'eut  aucun  etlet  au-dessous  :  les  arches  du  pont 
ne  furent  pas  même  ébranlées.  C*est  un  fait  très  remar- 
quable, que  n'ont  pas  manqué  de  citer  les  ingénieurs 
dans  les  traités  de  mines  ou  d'art  militaire. 

1722.  ^^  plusieui^  ordonnances  de  police  rendues  k  cette 

époque,  il  résulte  que  la  pluprt  des  rues  de  Perpignan 
n'étaient  point  pavées,  encore  moins  éclairées;  qu'on 
n'avait,  |M>ur  éteindre  les  incendies,  que  le  faible  secoure 
de  seringues  de  f(»rte  dimension,  etc.,  etc. 


CHAPITRE  SEIZIBIIE.  39! 

Un  acte  1res  important,  l'arrêt  du  Conseil  d'État  du  13  ^-^25. 
mars  1725,  réglemente  l'usage  des  eaux  du  ruisseau  de 
las  Canals,  qui  prend  sa  source  au-dessus  d'Ille.  Concédé 
en  toute  propriété  à  la  ville  de  Perpignan ,  par  lettres-pa- 
tentes de  Charles  VIII,  ce  ruisseau  est  le  plus  considérable 
de  tous  ceux  qui  servent  a  l'arrosage  danft^le  Rousstllon. 
Sa  longueur  est  de  28.872  mètres;  sa  pente  de  0«>0051 
par  mètre  :  la  dimension  en  largeur,  devait  être  de  quatre 
mètres;  mais,  sur  plusieurs  points,  on  Ta  réduite  par  des 
empiétements,  ou  même,  ce  qu'on  a  peine  à  comprendre, 
par  des  constructions  en  maçonnerie. 

Exécution  d'une  digue  de  1.100  mètres  en  amont,  et  Dei72U 
400  en  aval ,  du  pont  dit  de  la  Pierre,  k  Perpignan,  pour  ^7^- 
contenir  les  eaux  de  la  Tet,  qui,  à  la  moindre  crue,  se 
déversaient  vers  le  nord,  et  causaient  des  dommages 
incalculables  aux  terres  de  la  vaste  plaine ,  entre  cette 
rivière  et  TAgly  :  on  lui  donna  vingt  mètres  d'épaisseur, 
2 "3 66  d'élévation,  avec  un  talus  au  double  du  côté  des 
terres.  Construite  sous  l'intendance  de  M.  Orry,  elle  en 
prit  le  nom. 

L'intendant  qui  lui  succéda,  Baûyn  de  Jallais,  forma,        i72a. 
à  l'entrée  de  la  route  de  Prades,  une  promenade  plantée 
d'ormeaux,  la  seule  dont  la  ville  de  Perpignan  ait  joui 
pendant  longues  années. 

Il  fit,  aussi,  combler  la  partie  de  l'ancien  canal  royal,       ^31. 
qui  occupait  le  milieu  de  la  rue  des  Cordeliers (maintenant 
Saint-Martin).  Ses  accotements  étaient  plantés  d'orangers. 

Ordonnance  du  10  novembre,  qui  organise  régulière-  1753. 
ment  le  corps  des  somatens,  ou  milices  préposées  k  la 
garde  des  places  fortes.  Leur  création  remontait  au  xy« 
siècle  :  elles  étaient  payées  par  l'extraordinaire  des  guer- 
res. La  totalité  du  corps  fut  portée  k  2.960  hommes , 
répartis  de  la  manière  suivante  : 


39^  IIISTOIRK   Dl*    RUUSSILLON. 

Pour  la  ville  de  Perpignan 1 .000  hommes. 

Pour  la  Citadelle 320 

Pour  Collioure 520 

Pour  liellegarde 320 

Pour  le  fort  des  Bains 80 

Pour  Prats-d€5-Mollo 200 

Pour  Villefranche 200 

Pour  Mont-I.ouis 320 

TbTXL.  .  .    2.960  hommes. 

lî.iT.  Forte  crue  de  la  Tet,  qui  enlève  une  arche  du  poDt 

des  Ëaux-Yives  et  deux  du  pont  de  Pierre,  à  Perpignan: 
ces  arches  ne  furent  rétablies  qu'en  1742. 

1744.  Levée  de  deux  bataillons  de  fusiliers  des  montagnes, 

(  les  Miquelets  )  a  l'instar  de  ceux  qui  avaient  fait  va 
service  semblable  dans  les  guerres  de  succession,  et  en 
remontant  plus  haut,  au  xiv^  siècle,  sous  le  nom  d'Almo- 
gavares.  Armement  et  habillement,  tout-à-fait  propres  k 
l'agilité  qu*exigeait  leur  destination  :  chaussure  en  apar» 
terie  et  le  bonnet  catalan;  point  de  tentes,  coucher  tou- 
jours au  bivouac.  Ce  cor|>s,  aux  ordres  d'un  Maréchal  de 
Camp  roussillonnais,  fut  d'abord  commandé  par  le  Baroa 
d'Ortafl'a,  et  dans  la  campagne  de  .Mahon,  où  il  se  dis- 
tingua, par  le  Comte  de  Suint-Mars;il. 

Le  Comte  de  Maillv  est  nommé  au  commandement  en 
chef  du  Itoussillon.  Son  administration  a  fait  époque  dans 
ses  annales.   Il  v  trouva  toutes  les  branches  du  aervicf 
fort  négligées  ;  mais,  en  peu  de  temps,  il  rt^tablit  rordre. 
Il  scrdii  trop  tiuig  dVnumérer  tout  ce  qu'il  a  créé  ott. 
amélioré  ii  Perpignan  :  la  restauration  de  ri-niveraité,  1^ 
fondation  dune  Kcole- .Militaire,  de  rilospice  des  Repen — 
lies,  tie  rKcole  des  Knseignantes,  r\  raugmentation  del^ 
iiihliothèqiie  ;  on  lui  doit  de  plus  le  rétablissement  de  IN 


CHAPITRE  SEIZIÈME.  3?)3 

Vendres,  la  construction  de  la  route  d'Espagne,  etc.,  etc. 
Sa  mémoire  est,  a  juste  titre,  vénérée  dans  le  Roùssillon. 
Arrêt  du  Conseil-Souverain,  en  date  du  12  juin,  qui        «762. 

supprime  les  Jésuites. 

Inondations  désastreuses,  par  suite  de  trois  jcrues  consé-        *^^'- 
cutives  dans  le  mois  d'octobre.  Le  Tech  fait  d'immenses 
ravages  dans  la  vallée  de  Prats-de-Mollô  k  Arles. 

Édit  du  51  mai,  portant  règlement  pour  l'administra^on  *7G«. 
des  communes.  Le  Maire,  élu  par  le  Roi,  sur  une  liste  de 
trois  candidats,  présentés  par  l'Assemblée  des  Notables, 
qui  nommait  aussi,  au  scrutin  secret,  tous  les  autres 
membres  des  conseils  municipaux.  Ainsi,  sous  le  pré- 
tendu règne  du  bon-plaisir,  le  choix  de  l'autorité  princi- 
|)ale  d'une  ville  admettait  des  conditions,  dont  on  s'est 
affranchi  sous  le  régime  de  la  liberté. 

L'Ordre  des  Avocats  adresse  au  Roi  de  vives  réclama-  ^''Cî^. 
lions  au  sujet  de  cet  édit  et  de  celui  de  1768,  réglemen- 
taire pour  l'administration  des  communes  du  Roùssillon. 
\je  dernier  établissait  une  distinction  inusitée  entre  les 
Docteurs  en  Droit  et  les  Citoyens  nobles,  reconnus  précé- 
demment avec  la  simple  qualification  de  Bourgeois  honorés 
et  immatriculés.  De  volumineux  mémoires  furent  publiés, 
et  le  procès  resta  pendant  jusqu'à  la  Révolution  de  89, 
où  le  Roi  prononça  le  statu  quo,  pour  faciliter  les  élec- 
tions aux  États-Généraux.  Cette  querelle  mit  au  jour  des 
documents  historiques  précieux,  dus  à  M.  Fossa,  de  . 
Tordre  des  avocats,  qui  déploya  une  profonde  érudition. 

Crue  de  la  Tet,  la  plus  considérable  qu'on  eût  encore        1772. 
vue.  Les  eaux  s'élevèrent  de  5»"  30  au-dessus  du  radier 
du  grand  pont  de  Perpignan. 

Mesures  concernant  la  propreté,  ralignement,  les  di-        1770, 
niensions  des  rues,  portées  de  deux  à  trois  toises,  ainsi 
quo  contre  les  auvents  sur   la  voie  publique.    Ces  au- 


39 i  HISTOIRE   DL   ROLSSILLON. 

vents  \  permis  jusqu'à  six  pouces  en  1338,  oo 

d'en  faire  de  nouveaux  en  1504;  et,  en  1774,  un  anél 

du  Conseil-Souverain  en  interdit  même  la  réparation '. 

1778.  Création  de  canonniers  gardes-côtes,  pris  parmi  les 
habitants  du  littoral. 

Vers  cette  époque,  on  établit  des  lanternes  dans  les  mes 
de  Perpignan,  où,  à  défaut  d'éclairage,  se  commettaient 
beaucoup  d'assassinats. 

1779.  Xfi^i  dd  Conseil  du  Roi  contre  les  défrichements  trop 
étendus  dans  les  terrains  communaux,  sur  les  versants 

de  la  Tet. 

1780.  Perpignan  manquait  d'eau  potable;  l'Intendant  Raymond 
de  Saint-5^uveur  fit  dresser  des  projets  [K)ur  en  amener,  et 
établir  sept  fontaines  :  la  Révolution  en  arrêta  Texécution. 
Cette  ville  doit  à  cet  administrateur  éclairé,  de  nombreuses 
améliorations,  entr'autres  Télargissement  de  la  rue  Notre- 
Dame,  qui  avait  à  [»eine  l"'rîO. 

1787.  On  a  vu  quVn  1725,  un  arrêt  du  Conseil-d'État  avait 

réglementé  les  droits  et  Tusage  des  eaux  du  ruisseau  de 
las  Catuth.  Il  fut  reconnu,  par  acte  authentique,  qu'il 
nVxistait  alors  que  vingt-et-un  ceils  ou  prises  d*eau;  il 
y  en  avait  quatre-vingt-dix  en  1787.  On  prit  des  mesures 
pour  mettre  un  terme  à  Tabus  :  un  arrêté  des  Consuls,  da 
ri  mai,  homologué  par  le  Conseil-Souverain  et  approuvé  par 
le  Roi,  annula  les  prises  d*eau  non  reconnues  en  1725; 
toutefois,  les  abus  ont  continué  pr  des  approbations  suc- 
cessi>es,  qui  ont  |K>rté  le  nombre  actuel  à  quatre-vingt- 
Iniis. 

I7^9.  Convocation  des  Ktats-liénéraux  pour  le  mois  de  jan- 

I  l.'jrri't  du  r.>«n*'il-i  Kl  il.  <l'i  i'A  ;z<..\.n  tT'tî.  p-ntr  '1m    •  U«  •iukuu  »odi  Jeik  uiUm 


CHAPITRE  SEIZIÈME.  395 

vier  1789.  La  Noblesse  du  Roussillon  s'empresse  de  dé- 
clarer «  qu'elle  entend  partager,  à  égalité,  avec  le  Tiers- 
«  État,  les  charges  publiques.  » 

Dans  la  nouvelle  organisation  du  territoire  français,  on 
forme  le  département  des  Pyrénées-Orientales,  du  ci-devant 
Roussillon,  du  Gonflent,  du  Yallespir,  de  la  Cerdagne  fran- 
V^ise,  du  Capcir  et  du  pays  de  Fenouillèdes. 

Le  Port-Vendres,  auquel,  depuis  1772,  six  pontons 
travaillaient  constamment  à  draguer  et  enlever  les  vases, 
pouvait,  en  178P,  recevoir  des  frégates. 

Le  17  du  mois  d'avril,  l'armée  espagnole  envahit  le  n»5. 
territoire  par  Saint-Laurent-de-Cerdans.  Elle  descend  dans 
la  plaine  sans  résistance;  car  on  avait  k  peine  pu  réunir 
pour  la  défense  dix-huit  cents  hommes  d'infanterie  .et 
deux  cents  cavaliers.  Les  Représentants  du  Peuple  accou- 
rent et  animent  les  populations  :  on  rassemble  sous  le 
drapeau  douze  mille  hommes,  mal  armés,  sans  instruc- 
tion, mais  pleins  d'enthousiasme.  Le  15  mai,  arrivent  les 
généraux  Dagobert  et  de  Fiers.  Le  combat  du  Mas-Deu, 
engagé  avec  trop  de  précipitation,  dès  le  17,  ramena  jus- 
qu'à Perpignan  les  débris  de  nos  troupes  indisciplinées. 
Réunis  s^ement  et  formés  au  camp  de  l'Union,  deux  mille 
mètres  en  avant  de  la  citadelle,  nos  volontaires  rivalisèrent 
bientôt  avec  les  anciens  soldats.  Le  17  juillet,  ils  repous- 
sent une  attaque,  tandis  que  Dagobert  battait  l'ennemi  au 
col  de  la  Perche  et  à  Olette;  plus  tard,  le  17  septembre, 
la  bataille  de  Peyrestortes  eut  des  résultats  décisifs,  qui 
obligèrent  les  Espagnols  à  repasser  la  Tet.  A  leur  tour,  ils 
battent  les  Français  k  Trullas,  et  s'emparent  de  CoUioure^ 
par  la  trahison  du  commandant  du  fort  Saint-Elme. 

Dagobert  et  Dugommier  reprennent  toutes  les  places,        4794* 
Ce  dernier  arriva  le  16  janvier  de  Toulon,  où  il  avait  mon- 
tré une  grande  capacité.  Dagobert  meurt  quelques  jours 


VM  IIISTOIIIE   UL    ROLSSILLON. 

après  la  prise  d'Ur^^eK  où  il  avait  été  blessé  le  18  avril. 
Itataille  du  Uoulou  :  les  Espagnols  y  éprouvent  une  défaite 
complète.  I^  20  mai,  reprise  de  Collioure  et  de  ses  forts, 
défendus  par  sept  mille  hommes.  Entrée  en  Catalogne  le 
7  juin  :  Dugommier  est  tué  le  17  novembre,  d'un  éclat 
d'obus,  en  enlevant  les  lignes  de  Figuères  ou  de  la  forêt 
Noire.  I.e  20,  le  général  ennemi  In  Iniofi  fut  trouvé 
percé  de  coups  sur  le  champ  de  bataille.  La  prise  de 
Roses  termina  glorieusement  cette  campagne  :  le  général 
Pérignon  avait  pris  le  commandement;  il  .continua  la  série 
de  nos  succès.  Le  i^^  août,  la  paix  est  proclamée,  par 
suite  du  traité  de  BâIeV 
(>.>  177!)  â  Nous  crovons  utile  de  donner  une  notice  des  travaux 
(^^>-  importants  exécutés  par  les  Ingénieurs  des  Ponts  et 
(.haussées,  dans  la  période  de  1779  à  1802,  pour  main- 
tenir dans  leur  lit  la  rivière  de  la  Tet  et  son  affluent  la 
Hasse,  auprès  de  Perpignan.  Ils  eurent  pour  but  la  con- 
sonation  de  la  digue  Urry,  constamment  attaquée  et 
souvent  rompue  par  les  crues  :  ils  adoptèrent  un  système 
de  recouvrement  des  talus  intérieurs,  consistant  en  pavage 
de  gros  cailloux  encadn's,  de  quatre  en  quatre  mètres, 
par  des  chaînes  de  forts  lihages;  le  bas  îles  talus,  ren- 
forcés d'une  ligne  de  pilots  et  palplanches,  pour  prévenir 
les  alTouillements.  On  peut  porter  ii  i  ou  TiOO.fMW  francs* 
la  dé|)ense  qui  fut  faite  pendant  ces  \ingt  années.  L*ap- 
[lareil  exiVuté  ne  résista  [las  long-temps,  et  il  reste  à 
peine  «pielques  vestiges  d'un  perré  «pii  devait  être  indes» 

■ 

tructible. 
IKOH  Invasion  de  l'Espagne.  Dès  la  lin  de  I>i07,  divers  corps 

a\aicnt  franrlii  la  frontière,  sous  des  prétextes  S|>écieui; 
rt  douze  niillt*  hoinmi's.  sou<  !«'  général  Hubesme, 


CHAPITRE   SEIZIÈMR:.  397 

sèrenl  à  Perpignan,  le  1^'*  février,  pour  entrer  en  Cata- 
logne. On  s'empare  par  ruse  des  forteresses  de  Pampe- 
lune.  Saint -Sébastien,  Roses,  Figuères  et  Barcelone. 
Girone  soutint  un  siège  long  et  meurtrier,  pour  lequel 
on  expédia  de  Perpignan  les  matériaux,  les  projectiles, 
les  approvisionnements  de  toute  espèce. 

L'Hôpital  Saint-Jean  ou  de  la  Miséricorde,  consacré  aux  I809. 
malades,  à  Perpignan,  depuis  H 16,  fut  transféré^  le  l^r  jan- 
vier, dans  les  locaux  de  l'hospice  créé  en  1637,  et  constitué 
en  hôpital  général  par  l'édit  de  1686,  pour  recevoir  les 
Enfants-Trouvés  et  les  Orphelins  de  toute  la  province. 
Ces  derniers  y  prirent  la  place  des  malades. 

Plantation  de  la  promenade  dite  des  Platanes,  sur  les 
glacis  de  la  porte  Notre-Dame. 

Un  parti  espagnol  força  une  porte  de  Prats-de-Mollô.        <8I5. 
L'ennemi  fut  repoussé  au  bout  de  quelques  heures  d'occu- 
pation ;  on  s'empressa  de  mettre  en  état  de  défense  toutes 
les  places  de  cette  frontière. 

Arrivée  de  Ferdinand  VII,  le  20  mars  :  il  rentre  en        ^^•*- 
Espagne  le  22,  accompagné  par  lé  Maréchal  Duc  d'Albu- 
féra,  venu  à  sa  rencontre  jusqu^à  Perpignan.  Restauration 
et  retour  des  Bourbons,  dont  le  département  s'empressa 
d'accueillir  l'avènement. 

Débordement  de  toutes  les  rivières  du  Roussillon,  qui 
causent  d'immenses  ravages.  La  belle  promenade  des 
Platanes,  récemment  créée,  fut  ravinée  et  couverte  de 
gravier;  la  Tet  et  la  Basse  rompirent  leurs  digues;  les 
communications  avec  Narbonne  restèrent  interceptées 
pendant  plusieurs  jours.  , 

Au  mois  d'août,  les  Espagnols,   sous  les  ordres  de       isirj. 
Castanos,  pénètrent  dans  le  Roussillon,  sans  annoncer 
dans  quel  but.  Le  Duc  d'Angoulême  accourt  de  Paris,  et  se 
montre  leilemeut  irrité  de  cette  irruption,  qu'il  déclare  au 


398  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

Général,  que,  si  ses  troupes  ne  se  retirent  sur  le  champ,  il 
fera  lever  tout  le  Midi  pour  les  expulser.  Cette  échauffoorée 
coûta  au  département  loO.OOO  fr.  d'imposition  extraordi- 
naire, pour  faire  face  d'ui^cence  aux  réquisitions  de  linei. 
Rien  de  particulier  au  département  dans  les  meaum 
concernant  le  retour  de  l'Empereur  de  l'Ile  d'Elbe,  et  h 
rentrée  des  Bourbons  après  les  cent  jours. 

ists.  Dans  moins  d'un  an,  la  foudre  tomba  sur  deux 

gasins  k  poudre.  La  première  fois  au  bastion  B  de  Vi 
ceinte  haute  de  la  citadelle  de  Perpignan  ;  les  bombea  et 
les  obus  qu'il  contenait,  chargés  depuis  long-lempa,  ne 
prirent  pas  feu  simultanément.  La  seconde,  au  Miradoii« 
de  Collioure,  où  l'explosion  de  quatre  mille  kilograinnies 
de  poudre,  rasa  la  tour  qui  la  renfermait,  et  fit  un  aaaei 
grand  nombre  de  victimes. 

Création  de  la  promenade  de  la  Pépinière,  ï  Perpi- 
gnan, sur  le  terrain  planté  de  taillis,  gagné  sur  la  rivière 
par  les  travaux  des  Ponts  et  Chaussées. 

4820.  L'assassinat  du  Duc  de  Berri,  le  15  février,  aflEscla 

douloureusement  la  population,  qui  s'empressa  d'adrester 
au  Roi  des  témoignages  de  Tindignalion  qu'inspirait  Cfl 
horrible  attentat 

4S25.  Guerre  contre  TEspagne  révolutionnaire.  Le  Duc  d'Au- 

goulcme  arrive  à  Perpignan  le  ±2  mars ,  pour  passer  en 
revue  le  corps  destiné  k  envahir  la  Catalogne,  soua  les 
ordres  du  Maréchal  Moncev.  Un  enlève,  dès  le  début  de 
la  campagne <,  un  détachement  ennemi,  qui  manœuvrait 
entre  Figuères  et  Puycerda.  L*arinée  légitimiste  eapa- 
gnole,  dite  armée  de  la  Foi,  forme  un  camp  sur  les  cA- 
teaux  de  Saint-Estève.  La  Duchesse  d'Angouléme  vint  aussi 
à  Perpignan  le  i  i  mai  :  peu  a\ide  de  fêtes  et  d^honneuis, 
elle  s'occupa  des  hôpitaux,  des  casernes  et  des  fortifica- 
tidiis.  l/armér  reiilrn  on  France  au  mens  de  dt'Teinbre. 


CHAPITRE  SRIZI^.IIE.  399 

Mort  de  Louis  XVIII.  —  Charles  X  lui  succède.  <M^- 

Rétablissement  de  l'Évéché  d'Elne. 

Exercices  de  piété  pendant  le  Jubilé,  auxquels  la  gar-  «826. 
nison  fut  appelée  à  prendre  part.  Nous  dirons,  pour 
caractériser  Tépoque,  que  des  Missionnaires,  parcourant 
la  France,  s'efforçaient  de  ranimer  la  ferveur  éteinte,  par 
trente-six  ans  d'indifférence  et  d'irréligion.  A  Perpignan, 
secondés  par  l'autorité  militaire,  ils  plantèrent,  sur  le 
parvis  de  la  Cathédrale,  un  Christ  immense,  qu'on  a  placé 
depuis  dans  une  chapelle  intérieure. 

Le  10  novembre,  le  Roi  de  Naples,  la  Reine,  ses  deux  i829. 
filles,  la  Duchesse  de  Berri  et  la  Princesse  Christine, 
destinée  au  Roi  d'Espagne,  passent  par  Perpignan.  Ils 
logent  à  la  Préfecture,  et  les  principaux  personnages  de 
leur  suite  sont  répartis  chez  les  habitants.  Le  Roi  vouhit  voir 
nos  établissements  à  la  citadelle,  et,  pour  mieux  juger  de 
la  conformation  du  pays,  il  monta  sur  le  faite  du  Donjon. 
Le  Directeur  des  fortifications  fit  placer,  sur  le  clocher, 
une  inscription  en  mémoire  de  cet  événement. 

Premier  essai  de  forage  d'un  puits  artésien  au  Mas  Fraisse, 
près  de  Toulouges.  H  réussit,  quoique  ne  donnant  qu'un 
mince  filet  d'eau.  Ce  succès  décida  l'exécution  d'un  grand 
nombre  d'autres  dans  la  plaine  et  k  Perpignan ,  qui  fut 
doté  ainsi  de  fontaines  intarissables,  d'un  service  bien  su- 
périeur à  celles  que  projetait  M.  de  Saint-Sauveur  en  1780. 

Expédition  d'Afrique,  l'un  des  actes  les  plus  brillants        I850. 
du  règne  des  Bourbons.  Une  partie  des  troupes  et  des 
approvisionnements  de  toute  e^èce ,  sont  embarqués  au 
Port-»Vendres,  dont  la  situation  est  la  plus  favorable  aux 
communications  avec  la  côte  nord  de  l'Afrique. 

Le  5  août,  on  apprend  les  événements  des  28  au  50 
juillet  :  l'abdication  de  Charles  X,  la  Régence  du  Duc 
d'Orléans.    Acte  d'adhésion  de  l'armée ,  qui  arbore  le 


400  lllSTOinS   bL   ROl'SSILLON. 

drapeau  tricolore.  Cette  catastrophe  ne  pouvait  manquer 
d'amener  les  plus  grands  désordres.  Ceux  qui  édatèrenl 
à  Paris,  eurent  du  retentissement  dans  les  départements, 
et  furent  imités  par  une  population  turbulente,  qu'éga- 
raient les  déclamations  passionnées  des  révolutionnaires. 
I^  pillage  du  Séminaire,  les  ornements  sacerdotaux  de 
Saint- Jean  brûlés  sur  la  place  publique;  Monseigneur 
rÉvéque,  les  autorités  civiles,  les  Dames  du  Sacré-Cœur, 
les  Frères  de  la  Doctrine  Chrétienne,  chassés,  menacés 
de  perdre  la  vie,  en  Turent  le  résultat  :  et  tous  ces  excès  ne 
furent  point  réprimés  par  la  garde-nationale  !  Les  troupes 
réglées  se  virent  assaillies,  insultées;  il  y  eut  du  sang  ' 
répandu,  quand  leur  patience  fut  poussée  k  bout,  et 
lorsque  déjà  quinze  ii  vingt  soldats  avaient  été  blessés. 

is.'i.  On  doit  au  Baron   Després,  ancien  Maire  de  la  ville. 

la  belle  fontaine  qui  orne  la  place  Royale. 

is.')2.  Création  d'un  Musée  de  Peinture  et  de  Dessin,  ainsi 

que  d'un  Cabinet  d'Histoire  Naturelle,  au  chef-lieu  du 
département. 

i%\2  Au  mois  de  fé\rîer.  la  reine  Christine  passe  à 

gnan.  pour  rentrer  en  Kspagne.  par  la  Catalogne. 

Le  ir>  juillet,  mort  fatale  du  Dur  d'Orléans,  prince  à 
jamais  rei^rettable.  «jui  romprenait  son  sit^cle*  et  dont  L 
p4>pularité.  toujours  croissante,  eût.  sans  doute,  hv 
("chouer  les  projets  du  radicah>me.  Pour  donner  la  mi 

sure  de  la  l'aeoii  de   penser  de  la  majorité  du  Conseil ^ 

Municipal  d'alors,  mnis  dirons  qu'il  refusa  de  voter,' à  r»   "^ 
sujet,  une  adresse  au  lliti. 

I.«^  i\  août,  la  Villeneuve,  qui  relebniit  la  fête  |iatnNi 
uale  de  s;iint  liarthelemi.  fut  inopinément  envahie  par  un 
erue  si  fi»rle  de  la  lUssi*.  «pi  nii  eut  de  la  peine  à  se  sai 
\r\  ilii  ri-/-«le-(*liaM>M-«>  .iii\  el,i:;i's  tjes  habitations. 


CHAPITRE  SEIZIÈME.  401 

Une  ordonnance  i^oyale  du  25  mars  approuva  le  plan  d'ali-        4^'<5. 
gnement  de  la  ville  de  Perpignan.  On  restaura  et  régularisa 
la  façade  de  l'Hôtel-de-Ville.  L'orgue  de  la  Cathédrale,  qui 
datait  de  1504,  fut  réparé  de  1843  à  1845  '. 

On  adopte  Téclairage  de  la  ville  par  le  gaz,  et  on  en  fait       4844. 
de  suite  l'application ,  la  dépense  n'excédant  pas  celle  de 
l'éclairage  k  l'huile  portée  au  budget. 

Les  opérations  d'alignement  commencent  par  les  rues  4845. 
de  l'Argenterie  et  de  la  Cloche-d'Or.  Les  indemnités  aux 
propriétaires  des  maisons  tenant  à  la  première,  jusqu'à  la 
place  de  la  Prison  seulement,  s'élevèrent  au  prix  excessif 
de  119.000  francs,  par  jugement  du  jury  d'expropriation. 
Projets  de  reconstruction  de  la  Halle-au-Blé,  du  clocher  de 
Saint-Jacques,  de  l'établissement  d'une  Halle-au-Poisson , 
approuvés,  et  exécutés  au  moyen  d'un  emprunt  de  240 
mille  francs.  Trottoirs  aux  rues  de  plus  de  cinq  mètres 
de  largeur. 

Le  fils  aîné  du  Vice -Roi  d'ÉgjT[)te,  Ibrahim  -  Pacha , 
célèbre  par  ses  victoires  et  ses  talents  militaires,  vint 
aux  bains  du  Vernet ,  pour  rétablir  sa  santé  :  il  y  passa 
une  partie  de  la  saison  d'hiver. 

A  Perpignan,  la  démolition  de  la  masse  antique  et  dis-  i84G. 
gracieuse  du  clocher  Saint- Jacques,  qui  tombait  en  ruine, 
fut  opérée.  Dans  la  reconstruction  on  dut  porter  la  plate- 
forme à  81  mètres  (249  pieds)  au-dessus  du  niveau  de  la 
mer;  car  c'était  l'un  des  points  importants  de  la  triangu- 
lation de  Cassini. 

On  posa,  d'abord,  les  vitraux  de  la  croisée  au-dessus     De  1846  à 
de  la  porte  d'entrée  de  la  Cathédrale ,  aux  frais  de  Monsei-       4847. 


I  L'exéintion  ayant  été  dératocuse .  on  traita  de  nouveau ,  en  1854.  avec  le  Ricteor  des 
orgues  de  Saint-Denis  et  de  la  Magdelaine.  11  avait  coûté  45.000  firancs  en  1845;  il  en  coûta 
une  somme  semblable  en  i85C  :  l'orgue  revient  donc  à  90.000  francs ,  sans  compter  le  buffet 
3noi«»u  el  d'une  l»cllc  raclure. 


\0'2  HISTOIRE   DU   ROUSSILLON. 

gnour  IVvrquc  (le  Saunliac;  puis,  ceux  des  trois  grandes 
croisses  dt^  Tahsidc  et  des  deux  moins  considérables  des 
chapelles  latérales.  La  dépense,  |)our  les  quatre  derniers, 
s'éleva  ii  I  l.'iCXKr.,  y  compris  la  restauration  des  enca- 
drements en  pierre  de  taille*. 

isss.  A  la  fin  du  mois  de  février,  on  proclame  la  République. 

(let  événement  eut,  comme  dans  toute  la  Knnce,  les  plus 
funestes  conséquences  :  la  stupeur  fut  telle,  qu'on  ne  fit 
aucune  opposition  aux  attentats  des  radicaux,  qui  s'em- 
parèrent du  pouvoir;  |)artoul,  les  troupes,  travaillées  de 
longue  main,  restèrent  impassildes. 

Au  mois  de  décembre,  la  nomination  d'un  Président  de 
la  Képuhliipu'  causa  de  l'agitation  dans  le  dé|)artement.  Louis 
Napoléon  y  obtint  «piatorze  mille  voix;  ses  compétiteurs, 
Ledni-ltollin,  huit  mille,  et  le  général  Cavaignac,  six. 

1850.  (Iréation  d'une  Ferme-Mcolc  déparlemeutale^  au  domaine 

de  M.  (icrmain  (  Jiillé,  près  de  Tliuir. 

ts:;i.  Le  "i'y  du  mois  dt;  mai  mourut  Tauteiir  de  cette  histoire, 

Jean  de  (iazan\ola,  que  ses  vertus,  sa  bienfaisance,  sa 
haute  capacité,  lircnt  imiversellement  regretter. 

Le2déc(Mnbn\  renversement  de  l'Assemblée  Nationale. 
On  arrête,  ii  i*aris,  dans  la  rniil,  tous  h*s  tiénéraux  dont  on 
[pouvait  avoir  à  craindre  l'intluenre  sur  les  trou|>es.  On 
connut  il  Perpignan,  le  1,  ce  roup-d'Ktat,  auquel  toute 
la  France  applaudit,  .\insi  s'i''\amMiit  le  fantôme  qui  me* 
na(,*ait  d't'lever,  m  LSTî^,  le  raibealisme  sur  les  ruines  de 
toutes  nos  institutions. 

t   N>>:i-  -r.'.T  -A'    l'.l ;i  >;•'  >i.'!iil-'r  iiii>   rrri 'ir  i'i!r  ■  l.jiti:  «t  |iM|iij;é«  drpaife  11 

r>  .1:1. 'Il -lu  1.  Mi'^.ll  ■:)  .1  1 1  I- r  r.  '■  "ii  \  i!  m  t  i»  !■■<•  I>'.;\  i.tr.iux  !c  ratiHilf ,  Im  irafl 
il«  1 1  i.i;-  .  ..ii\  ■ .  .;   ir-    ...  :..-■  .  ;  ■.  ;:    ;■  '  ••.'.  •*■  .:'■•.     Il  i-  .[•  'fif  -J.'  fjire  rr«iTr#  le» 

arii,  .1  .  •  I.".  .1     . ;  ■  .  ^1.  :.i  .  .     .  :  I  *  ■.:...     •  i!  .m  u  ■  ;i  li*.»»i.  \  xtw  de  réf» 

ili  iTirm-    I  r  >■  |-r.i.:rii  i.  .{i;-  -.'j  ! -.  M  i'. ■  i    ■!■:••      i  s  j  i.M.  |  1  tmi ,  i  ..i.m-hiS' ju\  Arrhi«r«> 
()■■>'    ■•■.-'•  il  .    '  '<i\.i|.  •:    1 1:|   _■  1.1  |.  •  .iiii.- .  ■!  Ar.i^- -1,       I  |iili  Jr  (a««k 

•llI  '..:i .  <.  ■•ii|-  i    :.ji,    l,..,  I.    .(,  ..I  ;.■  j.  .<■  ,1       ■     .   '.  I    ...  »»    .    Il  •'.*.  |i>rl  .1  •k»im -ti. 


CHAPITRE  SEIZIÈME.  403 

Nous  dirons  quelques  mots  sur  l'année  suivante,  remar-  4852. 
quable  par  la  disparition  de  plusieurs  personnages  émi- 
nents  ou  d'une  haute  intelligence  :  Ms»*  de  Saunhac  de 
Belcastel,  premier  Évêque  de  Perpignan,  depuis  que  cet 
Évêché  fut  distrait  de  celui  de  Carcassonne,  descendit 
dans  la  tombe,  vénéré  de  toute  une  population,  dont  il 
fut  le  Pasteur  et  le  modèle  pendant  trente  ans.  Le  don 
de  sa  fortune,  répartie  entre  les  Séminaires,  la  Cathédrale 
et  diverses  Congrégations  religieuses,  atteste  son  zèle  et 
sa  généreuse  piété. 

Le  25  juillet  eut  lieu  l'installation  et  l'entrée  solennelle 
de  son  successeur,  M?*"  Gerbet,  que  précédait  une  grande 
réputation  de  science. 

MM.  Renard  de  Saint-Malo,  Puiggari  et  Jaubert-Cam- 
pagne,  terminèrent  aussi,  dans  le  courant  de  cette  année, 
leur  laborieuse  et  si  utile  carrière.  Avec  les  deux  premiers 
cessa,  peut-être  pour  toujours,  une  œuvre  de  haute  im- 
portance :  ils  exhumaient  des  archives  de  nos  principales 
communes,  des  documents  historiques,  incontestables, 
senant  à  rectifier  les  nombreuses  erreurs  des  publications 
modernes.  Nous  devons  au  dernier,  des  études  fort  inté- 
ressantes sur  les  institutions  municipales  de  Perpignan. 

Bientôt  après,  le  Roussillon  perdit,  aussi,  un  savant 
d'une  illustration  européenne  :  l'astronome.  François 
Arago. 

Le  choléra  sévit  avec  violence  dans  quelques  localités 
du  département.  La  population  se  montra  partout  ferme 
et  courageuse  ;  les  Sœurs  de  diverses  Congrégations  d'un 
dévoùment  admirable.  Aussi,  n'eut-on  à  déplorer,  dans  les 
établissements  publics,  que  le  minimum  des  pertes  proba- 
bles, d'après  la  moyenne  de  la  mortalité  générale. 


loi  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 


CHAPITRE  XVII. 


NOTICE   SUB    PBBPI«!VAIi« 

Bosch,  auteur  perpignanais,  né  vers  la  fin  da  xvi«  siède, 
a  voulu  gratifier  sa  patrie  d'une  très-haute  antiquité.  Suivant 
lui,  cette  ville  existait  huit  cents  ans  avant  Jésua-Christ;  son 
assertion  n'a  aucun  fondement,  et  ne  mérite  pas  une  réio- 
tation.  Perpignan  a-t-il  été  bâti  sur  les  ruines  d*un  munieipe 
romain  appelé  Flavium  Ebusum,  comme  parait  Tadmettre 
M.  de  Marca,  d*après  une  inscription  *  placée  sur  le  mur 
de  clôture  d'un  janlin  de  cette  ^ille?  Il  serait  difficile, 
d'après  Fossa,  de  ne  pas  rejeter  cette  opinion,  quoiquV 
ait  été  adoptée  par  des  auteurs  tK's-estimables  :  ainsi,  oi 
la  ti-ouve  admise  dans  la  géographie  de  Malte-Brun, 
savant  compatriote  prouve  i|ue  le  mur  sur  lequel  celtcrs 
inscription  était  fixée,  faisait  partie  de  la  maison  d*ui — ^ 
iH'ntilhomme  luunmé  bavi.  mort  il  Perpignan  en  1S60  ^^ 
aprî's  avoir  été  iiomerneur  de  Tile  d'Yviça,  appelée 
latin  Ehnsus.  baprt^s  ces  données,  le  Municipium  Fia 
vium  Ehisuni  ne  doit-il  |uis  avoir  plutôt  existe  dans  eett 
île  qu'en  Koussillon?  Kt  si  Tinscriplion  se  trouve  il  Peq»-*' 


CHAPITRE   DIX-SEPTIÈMB.  405 

gnan,  n'esl-ce  point  parce  qu'elle  y  a  été  portée  par 
l'ancien  Gouverneur  d'Yviça?  Ces  conjectures  acquièrent 
une  grande  force  par  le  silence  de  Bosch.  Cet  auteur,  si 
passionné  pour  l'antiquité  de  sa  yiHe  natale,  ne  peut  avoir 
négligé  un  document  si  expressif,  que  parce  qu'il  n'en 
pouvait  ignorer  l'origine,  ayant  été  presque  contemporain 
de  Davi.  Pujades,  Beuter  et  la  préface  du  Livre  vert  majeur, 
(grand  recueil  de  chartes,  rédigé  sous  Jean  I^^*  et  conservé 
à  riIôtel-de-^Ville)  supposent  la  fondation  de  Perpignan 
antérieure  à  Charlemagne,  et  même  à  l'invasion  des  Sar- 
rasins. Cependant,  cette  ville  n'est  pas  mentionnée,  comme 
tant  d'autres  endroits  du  Roussillon,  dans  le  récit  fait  par 
Julien  de  Tolède  de  l'expédition  du  roi  Vamba  contre  le 
comte  Paul.  Bien  plus,  on  trouve  dans  le  Cartulaire  du 
Chapitre  de  Saint-Jean,  un  statut  capitulaire,  à  la  vérité 
sans  date ,  mais  qui ,  transcrit  immédiatement  avant  un 
autre  de  1155,  et  revêtu  des  mêmes  signatures,  doit  être 
présumé  d'une  époque  très-rapprochée.  Il  est  dit  dans  ce 
premier  statut  :  qu'on  ne  voyait  encore,  sur  l'emplacement 
occupé  depuis  par  Perpignan ,  qu'un  monastère  fondé  par 
Charlemagne,  sous  l'invocation  de  Sainte-Marie  et  des 
SS.  Jean-Baptiste,  Pierre,  Paul  et  Benoit,  abbé.  Lorsque 
l'église  de  Saint-Jean  fut  consacrée,  sous  le  pontificat  et 
d'autorité  du  pape*  Serge  II ,  une  bulle  de  ce  même  Pape, 
datée  du  16  mai  84i,  dont  on  possède  une  copie,  semble 
désigner  ce  monastère  par  ces  expressions  :  Benediclionem 
nostram  œncedimus  kuic  loco  de  Correcho  et  Cenobio  de 
Santo-Pelro  moiUis  majoris.  Il  estMifficile,  d'après  ces 
documents,  cités  par  M.  Fossa,  de  ne  pas  convenir  avec 
lui  que  Perpignan  n'existait  pas  encore  sous  le  pontificat 
de  Serge  II,  commencé  en  844  et  terminé  en  847.  La 
première  charte  connue,  où  cette  ville  porte  le  nom  de 
Perpignan,  est  de  l'an  922.  Ce  ne  sérail  donc  qu'entre 


406  HISTOIRE   bU    ROL'SSILLON. 

cette  époiiue  et  H^ii,  qu'on  aurait  commencé  a  désigner 
par  ce  nom  le  hameau  formé  auprès  du  monastère.  11  est 
(juestion  de  ce  hameau  dans  deux  autres  chartes  du  V 
sircle;  mais,  toujours,  conmie  d'un  endroit  très  pea  consi- 
dérable. Devenu  la  [propriété  des  Comtes  de  Roussillon, 
il  s'a<(randit  aux  dépens  de  quelques  villages  voisins;  de 
nouv(*lles  coiistnictions  furent  ajoutées  à  Tancienne  église, 
que  l'on  consacra  ih  nouveau,  en  102o,  sous  l'invocatioo 
de  Saint-Jean-Baptiste.  Le  comte  Guislabert  y  fonda,  en 
li(K2,  un  Chapitre  de  quatorze  Chanoines,  une  Commu- 
nauté de  quatorze  Prêtres,  avec  un  Chapelain  majear. 
On  i{^nore  [)ar  quels  liieniaits  son  (ils  Gérard  I^''  mérita  le 
titre  de  restaurateur,  qu'on  lisait  au  bas  de  son  portrait, 
à  rilôtel-de-Yille.  Le  comte  Arnaud-Causfred  fonda,  en 
i  I  iO,  niôpital  S^-Jean.  Comblé  des  faveurs  des  Comtes; 
devenu,  par  leur  résidence  habituelle,  et  peut-être  par 
les  malheurs  d'LIne,  la  principale  ville  du  pays,  Perpi- 
gnan \it  naître  insensiblement  dans  son  sein  une  jurispru- 
dence, ((ui,  sous  le  nom  il' l'saties,  devint  la  loi  générale 
de  tout  h;  Comté.  Cependant,  cette  ville  naissante  n'appro- 
chait, sous  aucun  rap|K)rt,  de  ce  qu'elle  est  aujourd'hui. 
L'article  2  dr  ces  L'saj^Ts,  ronlirmés,  en  1102,  par  le 
comte  (jérard  II,  nous  apfireiid  qu'on  n*y  trouvait,  à 
cette  époque,  qu'un  seul  tabellion  [nmr  recevoir  les  con- 
trats de  ses  habitants.  D'après  Taete  de  confirmation  de 
ces  mêmes  ('sa«^'os,  daté  du  li\  des  calendes  d'avril  1175, 
par  le  Kni  «l'Ara^'on  Alphonse  II.  on  y  voyait  des  tas  de 
fumier  dans  les  rues;  il  le  (h'fendil,  sous  peine  de  dix 
sols  tlauieiide,  dont  la  nioilié  devait  être  employée  à  la 
construetion  des  luurs  et  <l<*s  tossés.  La  \ille  ne  s'étendait 
pas  au-delà  de  la  paroisse  actuelle  de  S;iint-Jean.  Ce  Roi 
avait  d'abord  eu  le  projet  de  trans|K)rter  les  habitants  au 
Pu\  des  Li'preuN,  ctdline  en^loIxT  aujourd'hui  dans  la 


CHAPITRE   DIX-SEPTIÈME.  407 

paroisse  de  Saint-Jacques;  il  y  renonça ,  à  leur  prière,  se 
réservant,  cependant,  la  faculté  d'y  établir  des  étrangers, 
et  ceux  des  bourgeois  qui  voudraient  y  aller  habiter.  On 
se  contenta,  pour  le  moment,  d'y  bâtir  quelques  maisons, 
continuant  d'entourer  l'ancienne  ville  de  murs  et  de  fos- 
sés. Le  pont  sur  la  Tet  existait  déjk  en  1196,  année  où 
Pierre  II  le  donna,  avec  quelques  terrains  abandonnés 
par  la  rivière  et  des  jardins  attenants,  aux  Hospitaliers, 
qui  furent  chargés  de  son  entretien.  Cette  même  année, 
la  ville ,  administrée  jusqu'alors  par  les  ordonnances  du 
Koi  ou  des  Officiers  royaux,  acquit  réellement  le  droit 
de  Commune,  avec  la  faculté  de  gérer  ses  affaires  par  le 
ministère  de  cinq  Consuls,  que  nommaient  ses  citoyens. 
La  charte  concédée  par  Pierre  II,  est  du  24  février  1197. 
D'après  la  teneur  dudit  acte,  le  renouvellement  des  Con- 
suls avait  lieu  le  l^^'  mars  de  chaque  année;  ils  devaient 
être  nommés  par  tous  les  habitants.  Le  Roi,  en  confirmant 
de  nouveau  cette  charte,  accorde  aux  Consuls  le  droit  de 
poursuivre  à  main  armée,  de  concert  avec  le  Bailli  royal 
et  le  Viguier,  celui  qui  aurait  fait  tort  ou  injure  à  un 
habitant  de  Perpignan,  lorsque  le  déHnquant,  mis  en 
demeure,  refuserait  de  réparer  le  mal.  H  ordonne  à  tous 
les  bourgeois,  dans  un  cas  pareil,  de  suivre  les  Consuls, 
le  Bailli  et  le  Viguier,  sous  peine  d'une  amende  de  dix 
sols,  applicable  à  la  constiiiclion  des  murs  de  la  ville; 
leur  défendant,  en  même  temps,  de  commettre  aucun 
acte  d'hostilité,  envers  qui  que  ce  soit,  autrement  que 
sous  les  ordres  de  ces  magistrats.  Le  15  des  calendes 
d'octobre  1207,  le  même  Roi,  en  confirmant  les  Usages 
de  Perpignan ,  ordonne  que  tout  propriétaire,  dans  la  ville 
ou  son  territoire,  qu'il  soit  noble,  clerc  ou  moine,  con- 
tribue, en  raison  de  sa  propriété,  k  la  construction  des 
fortificahons,  et  recommande  à  son  Bailli  de  veiller  .à 


408  IIISTOIIIE  DU  ROUSSILLON. 

Texécutiuii  de  cette  ordonnance.  Quelque  zèle  que  mil 
ce  Prince  k  poursuivre  l'achèvement  de  cet  ouvrage,  on 
voit,  |yar  les  ordonnances  de  Jacques -le-Conquérant, 
en  1242  et  1262;  par  celle  de  Jacques  I^  de  Majorque^ 
en  1287,  que,  durant  tout  le  xiiP  siècle,  on  ne  cessa  de 
construire  ou  réparer  les  murs  de  la  ville.  Cependant^ 
les  effets  de  la  charte  instituant  la  commune,  se  Greirt 
bientôt  sentir  par  un  accroissement  de  prospérité  et  de 
population.  Les  Juifs,  qui  se  jettent  avec  empressement 
partout  où  le  commerce  leur  offre  quelque  proflt,  s'étanl 
introduits  h  Perpignan,  comme  nous  l'apprend  la  reine 
Yolande,  femme  de  Jacques  I^^^  j^ns  sa  charte  datée 
de  Collioure,  le  IG  des  calendes  d'avril  1250,  eHe  lear 
enjoint  de  déguerpir  de  la  ville,  pour  aller  s'établir  aa 
Puy  des  Lépreux.  On  |>eut  conjecturer  qu'ils  n'étaient 
venus  à  Perpignan  qu'après  1160;  car  le  rabin  Benjamin 
de  Tudéla,  dans  la  relation  de  ses  voyages,  publiée  cette 
année,  notant  tous  les  endroits  où  il  trouvait  des  Israé- 
lites ,  nous  apprend  qu'ils  étaient  très  peu  nombreni  ii 
liarcelone  et  à  Girone;  il  en  compte  trois  cents  k  Nar- 
bonne,  et  ne  dit  pas  un  mot  de  ceux  de  Perpignan. 

Tandis  que  le  Puy  des  Lépreux  se  |>euplait  de  Jnib 
expulsés  de  la  ville,  des  moines  s'établissaient  autour  de 
son  enceinte  :  vers  la  porte  d'KIne,  au-dehors,  les  Reli- 
gieuses de  Sainte-Cluire,  en  lôH!);  au-dedans,  celles  de 
Saint-Sauveur,  en  I2r>8;  les  Mercenaires,  en  lâOS,  b&tn^ 
Kaient  leurs  cou\rnls  sur  les  emplacements  où  on  les  voj'ait 
encore  en  ITK!).  Déjà,  les  Dominicains,  en  1213,  avaieal 
revu  de  Jan|ues-le-(lon(|uérant,  rancienne  maison  dei 
Lépreux,  oii  ils  se  fixèrent  peu  après;  vers  ce  méinr 
temps,  les  iïères  de  la  Pénitence  oeeu|>aient  le  terrain 
on  est  aujonnlhiii  IVi^lisr  de  La  Itéal.  Depuis  1218,  1rs 
ronlrlii^is  :i\:iiiiM  (niistiiiit  de  xastrs  hâtimeuls  dans  h 


CHAPITRE  DIX-SEPTIÈME.  409 

partie  occidentale,  au-delà  du  Pont  dm  Bastit\  Des 
maisons  s'intercalèrent  bientôt  entre  tous  ces  couvents  et 
la  ville;  l'accroissement  de  la  population  eut  naturellement 
cet  effet,  comme  il  engagea  Jacques  l^^  de  Majorque  à 
créer,  en  1276,  une  seconde  place  de  tabellion.  La  vieille 
ville  était  limitée,  au  nord,  par  le  rempart  qui  va  de  Saint- 
Jean  à  la  porte  du  Sel  ou  de  la  Sal  ;  le  ruisseau  royal  venait 
toucher  les  fortifications  à  ce  point,  et  bornait  la  ville  au 
midi  et  à  l'orient,  parcourant  la  rue  des  Augustins,  le 
Marché-Neuf,  la  rue  de  la  Fusterie,  le  Marché-au-Blé,  la 
place  de  l'Huile,  se  dirigeant  de  là  vers  la  rue  de  la 
Manega,  pour  sortir  à  la  porte  de  YAocugador,  située 
entre  Saint-Jean  et  Saint-Dominique.  Les  Souverains  du 
pays  avaient  établi  leur  demeure  au  château,  renfermé 
aujourd'hui  dans  la  citadelle.  On  ignore  l'époque  de  la 
construction  de  cette  résidence  fortifiée.  On  a  prétendu 
qu'elle  avait  été  habitée  par  les  Comtes  de  Roussillon, 
et  l'on  en  donne  pour  preuve  l'existence,  dans  le  voisi- 
nage ,  d'un  bois  appelé  bosch  del  Compte,  que  les  fortifi- 
cations modernes  ont  fait  disparaître.  Quoi  qu'il  en  soit, 
déjà  en  1285,  ce  château  était  vaste  et  fort;  une  issue 
souterraine  aboutissait  au  loin  dans  la  campagne.  Rési- 
dence ordinaire  des  Rois  de  Majorque,  c'était  aussi  la 
demeure  des  Rois  d'Aragon ,  lorsqu'ils  venaient  à  Perpi- 
gnan. On  y  voyait,  probablement,  une  espèce  de  parc, 
puisqu'on  y  élevait,  en  1595,  des  cerfs  et  des  paons. 
Le  terrain  attenant,  planté  de  figuiers,  était  arrosé  au 
moyen  d'une  noria,  construite,  en  1598,  par  un  menuisier 

I  Le  Fn  rc  Anj^e  Delpas .  né  à  Perpignan .  avait  fait  profession  dans  cette  Maison.  Mort  k 
K«>me,  eu  15%.  Vicnire-Aposlolique,  ayant  refVisé,  par  humilité,  le  clia|teaa  de  Cardinal. 
<|iie  voulait  lui  douaer  Sixlc  V.  il  fut  placé  au  nombre  des  Bienheurcax  par  ce  Pape,  qui 
vi'iiOrail  .>^;s  vertus  .  il  appartenait  à  la  raroilie  des  Marquis  de  Saint-Marsal .  dans  laquelle 
<H:ni  vriiiK-  ^r  ToiDlro  ccllo  dfî  Camporrelb.  des  plus  illustres  de  la  Catalogne,  comptant  parmi 
Hv  jmctrcs  lU-riianl  d'Entcnsa.  oinle  «lu  lloi  d'Aragon  Pierre  III. 


flO  HISTOIRE  i)i:  BorssiLLOX. 

de  IVrpijçnan.  (Cart.  Hottssill.)  Le  premier  pas,  pour  h 
réunion  de  la  nouvelle  à  la  vieille  ville,  fut  fait  le  29 
juin  l!2i)r>,  jour  oii  l'on  établit  la  Halle-au-BIé  dans 
remplacement  qu'elle  occupe  ^ujounYhm  ^  auprès  de  la 
porte  iVEIiu\  est-il  dit  dans  la  charte  donnée  à  ce  snjet, 
au-delà  des  murs  et  dans  les  fossés  de  la  vieille  ville. 
Une  transaction,  des  calendes  de  mai  1295,  désigne  le 
terrain  compris  entre  le  château  et  l'ancienne  enceinte, 
comme  situé  dans  la  ville,  mais  extérieurement  ï  ses 
anciens  remjiarls. 

Jusipj'it  la  lin  du  \in^  siècle,  la  ville  ne  forma  qu'âne 
paroisse,  c(*lle  de  Saint-Jean,  dont  le  Chapelain  majeur 
était  le  duré  :  depuis  I2ô(),  ce  Hénélicc  était  réuni  ï 
rKvêché,  dont  le  titulaire  avait  le  droit  de  s'emparer  des 
uieuhles  existants  dans  la  cltanihre  <les  habitants  au  mo- 
in(*nt  de  leur  mort.  Il  rabaiulonna,  en  1267,  pour  une 
pension  de  mille  sols  mel^'oriens,  (ju'il  échangea,  le  5  des 
noues  <le  srpleinbre  l!i27(K  contre  une  portion  des  dîmes 
(h*  di\ers  l(MTiloires.  Le  pape  (!Iément  V,  par  un  brefdi 
1^  des  calendes  de  lévrier  17)08,  confirma  ce  concordlt 
pass('>  eiitn'  rK\(M;iu'  et  hs  Consuls.  S;ûnt-Jean  *  était 
rantii|u<'  |>:in>iss('  d<'  la  ville  en  l:2Nr>;  car  son  Sacristain 
rrliraii  les  ollrandes  l't  la  cire  de  Saint-Jacques  *  et  des 
îiiiliTs  «'*^'lis<*s.  !.<•  i  janvier  ir»(M>,  le  Uoi  de  Majorqw 
M'iHlil  au\  Consuls  de  Pnpi^'nan,  remplacement  de  V^ 
^lise  v\  du  cimctirrr  de  Ca  lîi'aK  pour  y  créer  une  église 
|^a^ois^:al^^  i'.i»  terrain,  apparl^Mianl  aux  Frères  de  la  Péni- 
tenct*,  a\ait  «'ii'  \rndu  par  ri'l\éque  tKKIne  h  TAbbé  àt 
Saiiii-Miriii-i,  de  «pii  h'  Itoi  Tolitint  par  voie  d'échange. 


I  Ivrp:-    M  ■.  ■•.       [1     !.■■■:    .    î-.,--   M";  'r-  L- t.- r;.  M  .in  i..i  VlfK-nM'll  <r  \nffi 
-  !•  i!i>  ii.i  '•   1  ■  .•  :.,  •  1  7  >.•--  ' .(iiu  •  -  •:•  jiiiii  l.'lii ,  •  Il  ii>-ii\i'  Cil  liv*  t*****'  l'f|iri>^ 
'*<.;.'-Ji   ,!■   -   ■■!  I  i.\    •  II-  ;  ;.    ..ti    I  i"i  ■  _.  ;i-i    .!..[(,»  1,(1  -.ti  fin  7  t|i*>  rai  il'itni  iW. 
■I    '  i  ■■<:..■'■'•    .  |. , .    ,'.  ^    !■•  r  ■■■  i-r 'II- -«.iiiitr-M.iiir-Miîiirteiar 


CUAPiTRE  DIX-SEPTIÈME.  411 

l.a  fondation  des  deux  autres  paroisses  de  Saint-Jacques 
et  de  Saint-Matthieu,  doit  avoir  eu  lieu  vers  cette  époque. 
Kn  effet,  le  Sacristain  de  Saint-Jean,  ayant  publié  des  mo- 
nitoires  et  lancé  des  excommunications  contre  ceux  qui 
placeraient  des  tours  pour  quêter  dans  ces  trois  églises, 
le  roi  Jacques  I^^  dans  des  lettres-patentes,  données  a 
Majorque,  le  6  des  ides  de  mai  1301,  désapprouve  ces 
censures,  par  le  motif  que  tel  était  l'usage  des  églises  du 
Roussillon ,  «  usage,  dit-il,  qui  doit  aussi  être  observé  dans 
«  les  églises  paroissiales,  dont  nous  venons  d'ordonner 
«  rétablissement  dans  la  ville  de  Perpignan.  »  Le  Puy  des 
Lépreux,  séparé  de  la  ville  par  un  terrain  non  bâti,  s'y 
trouva  réuni  par  une  ordonnance  de  Sancho  de  Majorque, 
des  calendes  de  décembre  1517.  Elle  enjoignait  k  tous 
les  fabricants  de  drap  d'aller  s'établir  dans  ce  lieu,  dési- 
\;né  par  ces  mois  :  de  platea  podii  prœdicti  descejidendo 
ad  villarn  :  ces  manufacturiers  étaient  déjà  très  nombreux. 
Bosch  dit  avoir  vu  le  procès-verbal  d'une  assemblée  de  ce 
corps,  tenue  le  jour  des  calendes  de  mai  1532,  dans  lequel 
hguraieul  trois  cent  quarante-neuf  maîtres,  chefs  de  fa- 
mille; il  ajoute  que  ce  nombre  s'éleva,  dans  la  suite,  a 
cinq  cents.  Tous  ces  nouveaux  quartiers  se  trouvèrent 
enfermés  dans  les  fortifications  construites  par  les  Rois  de 
Majorque,  pour  joindre  leur  château  à  l'ancienne  >ille, 
dont  ils  n'étaient  séparés  que  par  une  branche  du  ruisseau 
royal.  Cette  branche  fournissait  des  rigoles  pour  entretenir 
la  propreté  dans  les  rues  basses  :  son  lit  fut  transformé  en 
cloaque,  au  moyen  d'une  voûte,  dont  on  le  recouvrit  par 
la  suite.  Lue  concession  de  demi-meule  d'eau,  prise  sur 
une  branche  supérieure  de  ce  même  ruisseau,  donna  la 
faculté  d'établir  de  semblables  rigoles  dans  des  quartiers 
plus  élevés.  Celle  concession  fut  faite  en  1541,  par  le  roi 
Jac(|ues  11  de  Majorque.  Nous  avons  vu  plusieurs  églises 


il 2  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

s'élever  sous  le  règne  de  ces  Rois  :  la  plas  ranarqnUe 
fut,  sans  contredit,  la  cathédrale  actueHe  de  Stiot-JetB, 
dont  Sancho  posa  la  première  pierre  le  26  avril  tSÊL 
Lors  de  la  destruction  du  Royaume  de  Majorque ,  Pei|i* 
gnan  était  considéré  comme  la  seconde  ville  de  h  Oh 
talogne.  Pierre  IV,  sentant  toute  son  importance  pov 
la  conservation  du  Roussillon ,  ne  négligea  aocun  mojm 
de  s'attacher  ses  habitants.  Nous  verrons  toiit-à4'heHe 
les  réformes  que,  d'accord  avec  eux,  il  fit  dans  leur  oi|ih 
nisation  municipale.  Par  une  charte,  datée  de 
le  20  mars  1549,  il  y  fonda  une  Université,  doni  Vi 
occupait  une  partie  de  l'ancien  Hôtel  de  la  MoDMie. 
Pierre  venait  souvent  à  Perpignan;  il  y  convoqoa  mèm 
les  Cortés  de  la  Catalogne ,  où  les  Syndics  de  celle  v9e 
furent  admis,  probablement  pour  la  première  fois.  Loi 
bienfaits  de  ce  Roi  ne  se  bornèrent  point  là  :  le  IS  jdhl 
1270,  il  fit  don  du  territoire  du  Vemet  à  la  capilaleèi 
Roussillon.  Cette  ville  avait  alors  deux  fanboaigs  :  CiW 
de  France,  où  l'on  voyait,  depuis  1265,  une  église  MUi 
a  Notre-Dame,  et  celui  des  DIanqueries,  ainsi  noHBé, 
l>arce  que  Jacques  l^^^  de  Majorque  y  avait  relëgoé  Unm  kl 
tanneurs  de  la  ville ,  par  une  ordonnance  du  5  des  iài 
de  mars  1502.  Ce  dernier  était  beaucoup  plus  élendv  frt 
ne  Test  aujourd'hui  :  habité,  aussi,  par  les  leinlmiis, 
dont  les-  maisons  avaient  beaucoup  souBerl  en  18A« 
Pierre  leur  permit,  le  1  décembre  1574,  de  s'élabKr  dM 
la  rue  des  Rains,  aujourd'hui  Saint-Dominique.  LagnsHt 
de  15^15  et  1511  fut  très-fatale  k  la  ville  de  Peipignst:^ 
|H)ur  éteindre  les  dettes  qu'elle  s'était  vue  obGgée  et 
contracter  à  cette  occasion,  les  Consuls  aviieM  éliUi 
un  droit  sur  chaque  tète  de  bétail  qu'on  y  inirodÉML 
Lo  Clori^é,  S4«  fondant  sur  st^s  immunités,  refosail  dei^f 
sounxMtn^  ;  ri  romine  iinr  mulliln«le  de  laîqnes  éUil 


CHAPITRE  DIX-SEPTIÈME.  413 

l'habitude  de  prendre  la  tonsure  pour  jouir  du  privilège 
clérical ,  les  Consuls ,  voyant  que  la  taxe  ne  produirait 
pas  grand'chose,  prirent  des  mesures  pour  contraindre 
les  récalcitrants  à  la  payer.  L'Évéque  excommunia  les 
Magistrats  ;  le  Roi ,  prenant  leur  défense,  fit  saisir  le  tem- 
porel du  Prélat.  Celui-ci  excommunia  les  Officiers  royaux, 
exécuteurs  de  cet  ordre;  et,  ayant  éprouvé  mille  désagré- 
ments de  leur  part,  abandonna  le  Diocèse.  A  peine  fut-il 
parti ,  qu'on  pénétra  dans  son  palais  épiscopal  d'Elne,  en 
brisant  la  porte  :  on  mit  le  scellé  sur  ses  effets  ;  on  enleva 
le  blé  de  ses  greniers.  Le  Pape,  prenant  sa  cause  en  main, 
lança  contre  les  Officiers  royaux  et  les  Consuls,  des  ana- 
thèmes,  qui,  d'abord,  ne  produisirent  pas  grand  effet. 
Cependant,  la  contestation,  commencée  en  1568,  fut 
terminée  en  1576,  par  une  transaction,  dans  laquelle  il 
fut  convenu  que  l'impôt  serait  supprimé,  et  que  la  ville 
paierait  5.750  florins  k  l'Évéque,  pour  l'indemniser  de  la 
saisie  de  son  temporel,  du  pillage  de  ses  greniers  et  de 
la  dévastation  de  son  palais. 

On  fabriquait  déjà  de  la  monnaie  à  Perpignan  sous  les 
Comtes.  L'atelier  monétaire  fut  conservé  par  les  pre- 
miers Rois  d'Aragon  ;  ceux  de  Majorque  ne  négligèrent 
point  un  droit,  qui  formait,  en  ce  temps-lk,  une  branche 
importante  de  leurs  revenus.. On  voit,  en  effet,  Pierre  IV 
d'Aragon,  lors  de  sa  querelle  avec  Jacques  II  de  Major- 
que, se  plaindre  de  ce  qu'il  fabriquait  en  Roussillon, 
contre  la  teneur  des  traités,  une  monnaie  différente  de 
celle  de  Barcelone ,  et  Jacques  soutenir  qu'il  avait  ce 
droit  comme  tous  les  autres  Grands.  Biçn  plus,  le  27 
février  15i2,  l'Aragonais  fait  citer  le  Majorcain  k  com- 
paraître, pour  répondre  k  l'accusation  portée  contre  lui 
sur  le  fait  de  la  monnaie  :  on  voit  qu'il  était  accusé,  non 
de  faire  battre  de  la  monnaie  à  Perpignan ,  mais  d'y  eu 


414  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

fabriquer  d'une  espèce  particulière,  oo  bien  de  la 
de  Barcelone,  k  un  titre  différent  de  celui  de  cette  ifle. 
Après  la  destruction  du  Royaume  de  Majorque,  les  Hm 
d'Aragon  continuèrent  à  battre  monnaie  à  PerpigÊmÊk  :  m 
y  frappait  même  les  florins  d'or  d'Aragon,  sous  Pierre IT. 
Jean  I^%  son  fils,  maintint  le  nombre  des  monnayeml 
trente,  comme  il  avait  été  jusque-lii.  Les  offieiars  et  kl 
ouvriers  de  la  Monnaie  avaient  le  droit  de  n'étie  jtgéi 
que  par  des  juges  particuliers,  et  jouissaient  d'un 
nombre  d'autres  privilèges.  Pour  corriger  les  abos 
tant  de  cet  état  de  choses ,  Alphonse  V  restrdgvl  la 
jouissance  de  ces  privilèges  aux  véritables  emplojéa«  it 
seulement  pour  le  temps  où  la  Monnaie  serait  en  aclMtfu 
Le  commerce  de  Perpignan  était  très  florissant  :  9  eoft- 
sistait  principalement  en  draps,  dont  on  fabriquait  h  fin 
grande  partie  dans  ses  murs  ;  en  fers,  apportés  des  WNii- 
breuses  usines  établies  dans  les  montagnes  de  la  profinei. 
Jean  I^^,  en  considération  de  ce  que  cette  viUe  était  Nm 
des  plus  considérables  et  des  plus  commerçantes  ée 
États,  accorda  aux  Consuls  et  aux  habitants,  par 
charte  du  22  décembre  1588,  le  droit  d'élire,  tow  kl 
ans ,  deux  Consuls  de  Mer  et  un  Juge  d'appel ,  pour  éé» 
cider  les  contestations  relatives  aux  affaires  du  néyeê. 
Dans  toute  la  Monarchie ,  4>n  ne  vovait  d'établiaaaMlA 
pareil  qu*à  Majorque,  Valence  et  Barcelone'.  Ponr  fMUnir 
aux  frais  qu*il  nécessitait,  Jean  permit  d'imposer  mm  àNÊi 
sur  toutes  les  marchandises  à  rentrée  et  à  h  sortie  éa 
Roussillon  et  de  la  C^rdagne,  pays  soumis  à  la  JurMieltei 
de  ce  tribunal.  Ce  droit,  origine  de  celui  d'impériagê  M 

1  Louis  M  »'eliQt  rrD'hi  mailre  d<r  fVr|>ifnâa  es  14(>3.  ftit  si  SAtis^l  éM 
CoBMUi  4«  lier  de  cette  nlle  .  ^ve  ,  àisa  tt  lettre  ém  ff  »e|il«aitee  1183 .  il 
au  l^oiunU  <ie  Her  4e  lli>Bt{iHilier  et  cùu^lrt  H  dèrader  umIm  k»  < 
nanrluodi!4><  iV  ^l^mli^lher.  At^oe>a»wt.--  «-i  \;.*f  .  ei  la  krm^  H 
«'«^D^lit  le  Mer  U*  b  ^ille  'ir  IVrjM;r«»jo 


CHAPITRE   Di1[-SEPTIÈME.  415 

ilel  pariatge,  fut  fixé,  dans  le  priucipe,  à  une  obole  ou 
demi -denier  par  livre.  On  sentit,  bientôt,  la  nécessité 
d'avoir  un  local  pour  y  placer  les  archives  du  Consulat 
de  Mer,  et  le  siège  de  ce  tribunal.  Le  roi  Martin,  par 
ordonnance,  rendue  à  Barcelone  le  20  septembre  1397, 
autorise  les  Consuls  de  Mer  a  prélever  sur.  ce  nouveau 
droit  une  somme  de  4.000  florins  d'or  d'Aragon ,  pour 
construire  une  Bourse  ou  Loge  (Append,,  n^  20).  Le  nom 
de  Loge  passa,  de  cet  édifice,  a  la  place  sur  laquelle  on 
réleva.  Le  commerce  de  banque  était  alors  très  consi* 
dérable  à  Perpignan.  Déjà,  en  1339,  Pierre  IV  avait 
assimilé  les  banquiers  de  cette  ville  a  ceux  de  Barcelone, 
en  les  assujettissant,  comme  eux,  à  un  cautionnement  de 
2.000  marcs  d'argent;  ceux  des  villes  moins  considé- 
rables ne  le  fournissaient  que  de  1 .000  marcs.  Il  y  avait 
une  Banque  k  Perpignan  :  nous  croirions  volontiers  qu'elle 
dut  son  origine  à  la  Caisse  communale,  où  l'on  versait 
d'abord  les  revenus  de  la  ville,  et  d'où  l'on  tirait  les  fonds 
pour  ses  dépenses.  Les  particuliers  prirent  l'habitude  d'y 
déposer  des  sommes  d'argent  et  des  objets  précieux.  Sous 
le  nom  de  Taula ,  elle  faisait  déjà  des  mouvements  de 
fonds  au  temps  des  Rois  de  Majorque.  D'après  une  or- 
donnance rendue  le  27  mars  1437,  par  Alphonse  V,  à  la 
demande  des  Consuls,  pour  donner  de  la  confiance  aux 
étrangers,  il  fut  prescrit  qu'on  ne  pouvait  saisir  les  dépôts 
que  pour  les  dettes  propres  des  déposants.  Le  18  juin  1498, 
un  règlement,  dressé  par  les  Consuls  et  par  neuf  citoyens, 
pris  trois  dans  chaque  classe,  fut  approuvé  par  le  Roi.  On 
y  voit  que  les  dépôts  judiciaires  devaient  être  versés  à  cette 
banque,  ouverte  trois  fois  par  semaine,  deux  heures  le 
malin  et  deux  heures  le  soir.  On  vérifiait  la  caisse,  une 
fois  par  semaine,  devant  tous  les  employés,  et  les  Consuls 
inspeclaient  la  Banque  une  fois  tous  les  mois. 


iU»  HISTOIRE  DU   ROl'SSILLON. 

Celte  cité,  si  comuierçantc  et  si  peuplée,  n'avait  cepen- 
dant qu'une  fontaine,  appelée,  comme  aujourd'hui,  la  Fan! 
i\ova.  Des  lettres -patentes  du  roi  Martin,  datées  do  0 
octobre  1  iOC ,  nous  apprennent  que  sa  source  ayant  tari 
depuis  peu,  le  Roi  en  avait  concédé  aux  Consuls  une 
autre ,  récenunent  découverte  a  un  demi-qnart  de  lieue 
<le  la  ville.  Ces  magistrats  s'empressèrent  d'amener  partie 
de  cette  eau  a  Tancienne  fontaine,  et  disposèrent  du  reste 
en  faveur  de  la  fontaine  des  Cannes,  qu'ils  construisirent 
alors.  Au  commencement  du  siècle  suivant ,  on  se  servit 
de  cette  même  source  pour  alimenter  une  troisième  fon- 
taine, dite  de  Na-P incarde  ;  mais,  comme  ces  eaux  sont 
peu  abondantes,  souvent  en  été,  les  trois  fontaines  seraient 
à  sec,  si  le  ruisseau  de  la  ville  ne  venait  à  leur  aide.  Quant 
a  la  fontaine  de  rilôpital ,  sa  source  est  dans  l'intérieur  de 
la  ville,  auprès  du  puits  de  las  Colommas.  Elle  fut  cons- 
truite, suivant  Bosch,  en  1451 .  Des  actes  publics  de  1533, 
et  les  registres  de  l'Hôpital,  prouvent,  suivant  Fossa. 
t|u*on  ne  la  termina  que  cette  année. 

Des  travaux  exécutés  avec  constance  par  les  diven 
Souverains  du  Koussillon ,  avaient  fait  de  Perpignan  une 
place  de  guerre  importante  pour  le  temps  ;  Tancicn  chft- 
(eau  des  Hois  de  Majorque  lui  senait  de  citadelle,  du  cAtf 
du  midi.  Sa  princi|>ale  défense,  au  noni,  était  un  fort, 
construit  en  bonne  maçonnerie  de  briques ,  appelé  If 
Castillet  :  on  ignore  répocpie  de  son  établissement;  on 
sait  seulement  (|u*en  1 100  Louis  XI ,  voulant  apparem- 
ment le  transformer  en  prison  d*Ktat,  lit  démolir  les 
maisons  qui  lui  étaient  adossées,  et  fermer  la  porte  d*en- 
irée  de  la  ville,  qui  le  traversait,  pour  la  transporter  un 
peu  ù  droile,  où  existe  aujourdlnii  la  porte  Notre-Dame. 
M.  Ilenrv  cite  une  sentence  arbilrale  <le  Tan  110(1,  oùcf 
Tort  «»st  dt'sigrié  sous  le  n«uu  de  fti^tillrhnn  lh**iltv  Maritr. 


CHAPITRE   DIX-SEPTIÈME.  417 

Nous  avons  vu  un  manuscrit,  où  l'on  donne  ce  petit  châ- 
teau pour  logement  au  Roi  de  Navarre,  venu  à  Perpignan 
pour  y  faire  une  visite  au  pape  Benoit  XIII,  en  1408.  Il 
n'existait  pas  en  1568,  et  la  porte  Notre-Dame  était  située 
entre  deux  tours,  qui  la  défendaient.  Ces  tours  furent, 
il  cette  époque,  réparées  et  exhaussées,  peut-être  même 
réunies  par  une  galerie,  construite  au-dessus  de  la  porte. 
Itosch  nous  apprend  que  le  Duc  d'Albe  se  servit,  en  1542, 
des  démolitions  d'une  église  et  d'un  couvent,  pour  cons- 
truire le  petit  bastion  qui  couvre  le  Castillet.  Le  siège  que 
soutint  la  ville  de  Perpignan,  cette  année,  fit  sentir  à 
Charles-Quint  la  nécessité  d'ajouter  k  ses  fortifications 
une  citadelle.  Il  se  détermina  à  englober  le  château  dans 
la  nouvelle  forteresse.  Son  établissement  nécessita  la  dé- 
molition d'environ  cinq  cents  maisons  :  ce  sacritice  eût  été 
fort  sensible  pour  la  ville ,  si  la  population ,  qui  avait  fort 
diminué  pendant  les  guerres  de  Louis  XI ,  n'eût  continué 
à  décroître.  Un  Évêque  d'Elne,  nous  dit,  dans  un  acte 
dressé  en  1552,  que  la  population  n'était  que  la  moitié 
de  ce  qu'elle  avait  été.  La  ville  continua  à  déchoir,  comme 
nous  l'apprend  le  docteur  Oliba ,  dans  un  écrit  imprimé 
en  1600.  Cette  décadence  fournit  à  divers  Ordres  reli- 
gieux l'occasion  d'acheter  de  vastes  terrains,  pour  fonder 
des  couvents  :  c'est  ainsi  que  les  Augnstins  et  les  reli- 
gieuses de  Sainte-Claire,  qui,  lors  du  siège  de  1542, 
avaient  vu  détruire  leurs  maisons,  situées  hors  des  mui*s 
et  k  proximité  de  la  ville,  vinrent,  peu  de  temps  après, 
s'établir  dans  son  enceinte.  Les  Minimes,  en  1574;  les 
Carmes  déchaussés,  en  1589,  bâtirent  leurs  couvents 
sur  des  terrains  abandonnés  par  les  fabricants  de  drap  * . 


1  Ajoaluiis  iri.  pour  classer  rordru  tics  principaux  établisâcmcnts  religieux  qui  exi&laieiit 
jIVr|iip'iian.  i|uc  l«*>Ca|)utiii?;  li.Uireul  l«*'ii  (uiiv«miI,  iu\  Taiinerie>.  eu  !580,  el  le<  J«*<uil«*«, 
•»«  .viilr»'  lie  II  Mil.',  en  KîOO 

L>7 


il8  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

1.C  chapitre  11  des  Constitutions  faites  aux  Certes  de  Bar- 
celone en  i599^  prouve  que  ces  manuiactares  étaient  fort 
tombées  à  cette  époque;  et  les  plaintes  portées  par  h 
ville  de  Perpignan  au  roi  Philippe  II,  en  1585,  dms 
font  connaître  que  certains  abus,  s'étant  glissés  dans  h 
perception  des  droits  sur  les  fers,  en  avaient  fort  gêné 
la  circulation ,  et  qu'en  même  temps,  TintroducUon  dans 
la  province  du  mauvais  fer  fabriqué  dans  quelques  ibiges 
nouvellement  établies  en  Languedoc,  notamment  à  Ginda, 
fer  que  l'on  vendait  ensuite  mêlé  k  celui  do  pays,  avah 
tellement  discrédité  ce  dernier,  qu'on  ne  venait  pins  le 
chercher  comme  auparavant.  Quoique  le  Roi,  dans  SM 
ordonnance  du  13  novembre  de  cette  année,  eût  adofMé, 
pour  remédier  au  mal,  les  expédients  proposés  par  la  ville. 
il  ne  parait  pas  que  l'état  des  choses  eût  changé.  La  perte 
de  son  commerce  ne  fut  pas  le  seul  malheur  qn'épronn 
Perpignan  dans  le  cours  du  xvi^  siècle.  Par  la  rémiN 
de  l'Aragon  à  la  Castille,  par  son  éloignement  dn  cenlie 
de  la  Monarchie,  son  importance  relative  diminua.  D  le 
défendait  plus  la  partie  la  plus  vulnérable  de  la  firoiitîèK. 
Ix»  Souverains  de  l'Espagne  négligèrent  une  ville,  doit 
les  habitants,  depuis  la   longue  occupation  bvaçmt^ 
n'étaient  pas  regardés  comme  ayant  pour  eux  le  inépt 
dévoûment  qu'ils  avaient  eu  pour  les  Rois  d'Aragon.  Lm 
changements  de  domination ,  et  les  malheurs  du  tcayi* 
n'empêchèrent  point  les  Perpignanais  de  continu»  kl 
travaux  entrepris,  en  1324,   pour    la  construdioa  d' 
Téglise  de  Saint-Jean  :  on  y  consacrait  les  aumdnes  dei 
fidèles,  les  largesses  des  Rois  et  des  Princes,  mè^^ 
étrangers,  ainsi  que  les  revenus  des  bénéfices  vacaaii* 
On  avait  commencé  on  1  lll  les  arceaux  devant  porter  h 
voùto,  qui  ne  fut  terminée  qu'en  1  I9ô;  la  clef,  au  poW 
de  réunion  de  tous  ces  arceaux ,  est  oniée  de  VéîM  * 


CHAPITRE  DIX-SEPTIÈME.  419 

France,  alors  semé  de  fleurs-de-lis  :  soit  oubli,  soit  difli- 
culté  de  ratieindre,  il  a  échappé  au  vandalisme  de  1795. 
Kn  1500,  on  acheta  des  maisons  contiguës  k  l'église,  pour 
y  établir  le  cimetière;  on  plaça  TorgMC  en  1504,  et  Téglise 
liit  consacrée  en  1509;  mais  le  maître-autel,  commencé 
on  1020,  ne  fut  placé  qu'en  1651  :  ses  sculptures,  el 
surtout  ses  bas-reliefs,  sont  très  remarquables. 

La  partie  de  l'Hôtel  actuel  de  la  Mairie,  contigué  au 
Palais  de  Justice* ,  entreprise  en  1591 ,  ne  fut  terminée 
qu'en  1605.  Malgré  sa  décadence,  Perpignan  était  tou- 
jours la  principale  ville  de  la  province;  aucune  autre  ne 
pouvait  même  lui  être  comparée.  EIne  était  tellement 
déchue,  qu'on  résolut  d'en  transférer  k  la  capitale  le 
Chapitre  et  l'Évéque  :  déjà  ce  dernier  y  résidait.  La  trans- 
lation eut  lieu  le  2  juillet  1602;  mais  on  continua  a  les 
désigner  par  le  titre  de  leur  ancienne  résidence  :  ce  ne 
lut  même  qu'en  1690  et  1698,  que  les  circonstances 
permirent  de  bâtir  un  Séminaire  et  un  palais  épisœpal. 
Nous  avons  parlé  de  la  fondation  de  l'Hôpital  Saint-Jean, 
laite,  en  1116,  par  un  Comte  de  Roussillon.  Les  Souve- 
rains du  pays  continuèrent  d'être  les  patrons  de  cet  hos- 
pice, jusqu'en  1266,  où  l'Infant  d'Aragon,  Jacques,  depuis 
Koi  de  Majorque,  en  céda  le  patronnât  aux  Consuls  de 
Perpignan,  pour  15.000  sols  melgoriens*.  Il  y  avait,  en 
outre,  une  maison  sous  l'invocation  de  Saint-Lazare, 
pour  servir  de  lieu  de  réclusion  aux  femmes  publiques 


I  Ce  paUis  fui  construit  peu  après,  le  18  janvier  ii48.  jour  où  Charles  d'Oms,  procureur 
inal.  vendit,  pour  le  Roi,  à  Bernard  Ajbri,  auditeur  irienoal,  agissant  pour  la  Députation. 
l'emplacement  qu'occupe  cet  édifice,  pour  y  construire  l'Hôtel  de  la  Imputation .  converti 
•le|iuis>  £u  Palais  de  Justice. 

i  On  trouve  aux  archives  de  l'Hospice  Saïut-Jean,  une  lettre  (caria  real)  do  roi  Jacques, 
)>vrtant  que  son  fils  et  lui,  avaient  vendu  aux  Consuls  de  Perpignan  le  patronnai,  les  renlc>. 
les  honneurs,  etc.,  etc.,  de  cet  hôpital  ;  mais  que  n'ayant  pas  le  droit  de  faire  de  semblable:* 
^aliénations  ,  ils  devaient  rendre  la  somme  touchée  de  15.000  sols  malgonenses  (melgoriens) 


\'2ii  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

iriiiie  condiiilc  scandaleuse,  et  oii  toutes,  sans  exception, 
«étaient  enfermées,  chaque  année ^  le  jour  du  Jeudi-Saint. 
La  ville  fonda  encore,  en  1657,. un  hospice,  dit  de  b 
Miséricorde,  pour  y  élever  les  pauvres  orphelins  et  les 
iMifanis-trouvés*. 

Aux  notions  que  nous  venons  de  réunir  sur  l'origine. 
ra<*croisscnient  et   la   <lécadence   de   Perpignan ,   nous 
rroyons  devoir  ajouter  quelques  mots  sur  ses  anciennes 
institutions  municipales,  qui  ne  furent  pas  sans  infloeno* 
sur  les  diverses  vicissitudes  qu'il  suhit.  Dans  le  principe. 
\',\  ville  était  gouvernée  par  les  officiers  du  Comte.  Ces 
SfMgneurs,  convaincus,  qu'en  matière  de  police  et  ie 
justice,  une  manière  de  procéder,  constante  et  déter- 
minée d'avance,  est  la  meilleure  garantie  de  la  liberté 
r\  de  la  prospérité  des  sociétés,  s'astreignirent  k  suÎTrr 
rrrlaincs  règles,  qui  s'établirent  a  mesure  que  le  besoio 
son  faisait  sentir.  Nous  avons  déjà  parlé  de  ces  usages: 
toujours  observés,  ils  Unirent  par  acquérir  force  de  loi: 
HMligés  par  écrit,  peut-être  avant  llU!iî,  ils  furent  coo- 
tirmés,  cette  année,  par  Gérard  II,  seigneur  particolier 
(l<*  Perpignan,  et  héritier  présomptif  de  son  i>ore  GaosiM. 
(omto de  Koussillon.  I^  Roi  d'Aragon,  Alphonse  II,  s'em- 
pressa de  les  conlirmer.  Son  successeur,  Pierre  II,  dV 
rord  avec  les  Perpignanais,  crut  devoir  établir  une  fonw 
d'administration  plus  libérale,  et  Tautorité  sur  la  commaiH' 
fut  transférée  des  <»fliciers  royaux  à  cinq  Consuls,  nom- 
més tous  les  ans  par  les  citoyens ,  et  entrant  en  cbaqE** 
\v  l'-**  «les  calendes  de  mars.  Les  Nobles  et  les  Clerr* 
habitant  la  ville,  y  étaient  considérés  comme  étrangers* 
n'ayant  aucune  part  au  gouvernement  de  la  cité,  et  m* 
supportant  d'autre  charge  que  celle  de  contribuen  suiwoi 

I    \'''|iiis  .mx  fM'<  «If»  l.i  \ille.  ri  iiifut'Ir  i».ir  W  i>ri>«!«it  ilunc  ^\ui\t ,  il  fal  niiâf»*  f*' 
•ilii  'te  l.ouij  \IV  rn  llMG.  avec  attriliulion  de  fv^fnu* 


CHAPITRE   DIX-SEPTIÈME.  421 

leurs  propriétés  dans  la  ville  ou  son  territoire,  à  la  cons- 
iruclion  des  remparts.  Le  reste  des  habitants,  d'abord 
divisé  en  deux  classes ,  poptUum  tàm  parrum  quàm 
magnum ,  le  fut  ensuite  en  trois  :  la  première  était  com- 
posée des  bourgeois  vivant  de  leurs  revenus,  et  des  négo- 
ciants, appelés  moxadicrs.  Plusieurs  des  familles  qui  en 
faisaient  partie,  avaient  acquis,  dès  le  règne  des  Rois  de 
Majorque ,  une  opulence  qui  les  faisait  vivre  à  l'égal  de  la 
Noblesse  la  plus  distinguée  :  on  les  voit  k  la  Cour  de  ces 
|)etits  Souverains;  et  les  emplois  de  premier  et  de  second 
Consul,  exclusivement  affectés  k  cette  classe,  ajoutaient  à 
sa  richesse  la  considération  que  donne  toujours  l'exercice 
du  Pouvoir.  Dans  la  seconde  classe,  étaient  les  notaires, 
les  marchands,  les  écrivains.  Les  jardiniers  et  les  artisans 
formaient  la  troisième.  Un  usage  ou  plutôt  un  abus,  que 
le  temps  avait  consacré,  mettait  les  Consuls  en  possession 
d'élire  leure  successeurs,  et  même  le  Conseil  de  ville.  Cet 
état  de  choses  fut  réformé  en  15i6,  par  une  ordonnance 
de  Pierre  IV,  qui  homologua  une  décision  prise  à  ce  sujet 
par  le  Gouverneur,  après  en  avoir  délibéré  avec  ses  asses- 
seurs, les  Consuls,  les  chefs  des  corporations  et  les  nota- 
bles. On  avait  agité,  dans  cette  réunion,  la  question  de 
savoir  si  les  Consuls,  suivant  l'usage,  ou  les  chefs  de  cor- 
poration ,  suivant  la  teneur  d'un  ancien  privilège,  devaient 
élire  les  oUiciers  municipaux.  Pour  accorder  les  préten- 
tions opposées  des  deux  partis,  il  fut  décidé  que  cette 
élection  serait  faite  par  les  Consuls,  assistés  de  douze 
citoyens,  élus,  quatre  dans  chaque  classe  d'habitants. 
Cette  règle  fut  toujours  observée  depuis  cette  époque  :  mais 
ime  ordonnance  de  la  reine  Marie,  épouse  et  Lieutenante- 
(.énéralc  d'Alphonse  V,  en  date  du  18  août  1449,  fit  quel- 
(|uos  changemcnls  h  la  classification  des  habitants;  com- 
posant la  première  classe  des  bourgeois  et  des  avocats, 


422  HISTOIRE  DU  ROCSSILLON. 

OU  plaça  les  inercadiers  dans  la  seconde.  Les  Consiik, 
nouvellement  élus,  prêtaient  au  Roi  serment  de  fidélité, 
et  à  leurs  concitoyens  celui  d'administrer  dans  rinlérit 
de  tous.  Ils  recevaient  ensuite  les  comptes  de  leurs  pié- 
décesseurs,  ceux  de  l'Hospitalier  chargé  de  l'entretieii  do 
pont;  et  lorsqu'en  1266,  ils  eurent  acheté  le  patronnât  de 
l'Hôpital  de  Saint-Jean,  ils  recevaient  aussi  les  complet  de 
l'administrateur  de  cet  hospice.  D'après  la  charte  de  1197, 
lorsque  la  commune  craignait  une  attaque,  oo  qu'elle  Toahit 
poursuivre  la  réparation  d'une  injure  faite  k  Fiid  de 
citoyens,  elle  avait  le  droit  et  était  dans  l'usage  d'i 
une  partie  des  habitants  qui,  sous  la  conduite  d'un  Contid, 
et  autorisée  par  la  présence  d'un  officier  royal ,  Bailli  m 
Viguier,  marchait  pour  repousser  l'agression  el  obteur 
justice.  Le  roi  Jean  II,  par  une  ordonnance  rendne  ï 
Barcelone,  le  17  juin  1174,  chercha  k  former  de  eetle 
trou|>e,  jus(]u'alors  tumultuairement  levée,  one  force  per* 
manente,  qui  pût  être  utile  à  la  défense  de  la  ville  :  i 
Torganisa  en  garde  nationale,  divisée  en  compagmei, 
ayant  chacune  ses  oHiciers;  et  le  corps  entier  était  eom- 
mandé  par  le  premier  Consul;  eu  son  absence  par  le 
second ,  et  successivement  ainsi  par  les  autres.  DepM 
cette  ordonnance,  les  détachements  partis  de  b  ville  pov 
poursuivra*  la  réparation  de  quelque  injure,  furent  eomr 
posés  d'une  ou  plusieurs  compagnies,  marchant  sont  kl 
onln^s  de  Tun  des  Consuls,  et  ayant  un  drapean  parti- 
eulier.  On  vuit  dans  les  rapports  panenus  jnsqnes  k  mom* 
de  quelques-unes  de  ces  expéditions  «  que  les  préparatifc 
exi^'i^,  et  certaines  formalités  nécessaires  ï  remplir  avait 
le  départ,  pouvaient  quelquefois  donner  le  temps  au  Goa* 
\ernement  tie  s'inteqHiser  entre  les  (larties  belligéranles, 
et  de  neutraliser  ainsi  les  funestes  effets  d*un  privilège  « 
n'avani.  dan>  ri>ri;:ine.  fiautn'  idijel  que  de  rendre  h 


CIIAPITRB  DIX-SEPTIÈME.  423 

condition  des  villes  égale  à  celle  des  Seigneurs,  qui,  dans 
ces  temps-là,  jouissaient  du  droit  de  guerre  privée.  D'après 
un  ancien  usage,  confirmé  le  7  mai  1448  par  Alphonse  V, 
les  Consuls  gardaient  les  clefs  de  la  ville.  Depuis  le  siège 
de  1542,  il  y  eut  toujours  un  Gouverneur  particulier  tant 
il  la  ville  qu'au  château,  et  les  Consuls  cessèrent  d'être 
chaînés  de  la  garde  des  clefs;  mais  ils  continuèradt  à 
avoir  le  commandement  de  la  bourgeoisie,  sous  les  ordres 
du  Gouverneur.  Aussitôt  après  leur  installation,  les  nou- 
veaux Consuls  et  le  Conseil  des  Douze  procédaient  à  la 
nomination  des  Consuls  de  Mer  et  du  Juge  d'appel,  dont 
nous  avons  déjà  parlé;  des  deux  Clavaires,  l'un  tiré  de 
la  première,  et  l'autre  de  la  seconde  classe  des  citoyens 
I  ces  magistrats  étaient  chargés  de  toutes  les  branches  de 
la  police  urbaine,  de  surveiller  les  marchés,  les  travaux 
publics,  la  rentrée  des  créances  de  la  ville,  etc.);  des 
sobre^posals  de  la  horta ,  tirés  de  la  classe  des  jardiniers, 
et  préposés  à  l'appréciation  des  dommages  causés  aux 
riiamps,  et  des  jugements  des  causes  qu'ils  entraînaient. 
Les  Consuls  procédaient,  enfin,  à  la  nomination  Ib  plu* 
sieurs  autres  employés  inférieurs.  Les  charges  munici- 
pales étaient  fort  appréciées ,  puisque  la  Noblesse ,  long- 
temps étrangère  à  la  ville,  chercha  à  les  exercer.  EUIe  y 
réussit,  enfin,  en  1601,  où  il  fut  réglé  que,  des  deux 
places  de  premier  et  de  second  Consul ,  l'une  étant  occu- 
pée par  un  gentilhomme,  l'autre  le  serait  par  un  bourgeois 
ou  un  avocat.  A  l'avènement  du  Roi ,  la  ville  envoyait  un 
Député  pour  le  complimenter;  elle  en  agissait  de  même 
dans  d'autres  occasions,  et,  siulout,  lorsqu'elle  avait 
quelques  réclamations  à  faire  ou  des  plaintes  à  porter 
contre  un  officier  royal.  Ces  Députés  étaient  toujours 
accueillis  avec  bonté  par  le  Souverain,  qui  faisait  droit  à 
leurs  demandes  lorequ'elles  étaient  fondées. 


4:2i  HISTOIRE   DU   ROIjSSILLON. 

Nous  avons  fait  connaître  quel  était  le  rang  des  Dépoléfr 
(le  la  capitale  du  Roussillon  aux  Cortés  de  Catalogne.  Il 
est  certain  qu'ils  y  assistèrent  depuis  1546,  sans  qn'on 
puisse  assurer  qu'ils  y  eussent  paru  avant  cette  époqoe. 

Nous  avons  parlé  de  l'Université  créée  par  Pierre  IV, 
dans  laquelle  on  enseij^mait  la  théologie,  le  droit  mil,  le 
droit  canon ,  la  médecine,  la  philosophie  :  les  chaires  de 
cette  science  et  de  la  théologie,  étaient  confiées,  en  partie. 
aux  moines  des  divers  Ordres  qui  avaient  des  cosrents 
dans  la  ville.  Les  docteurs  en  droit,  fort  nombreux  à  Per- 
pignan, lors  de  cette  fondation ,  fournirent  les  profiessevs 
de  cette  Faculté.  Le  docteur  Thomas  Carrère,  dans  «ne 
histoire  manuscrite  de  cette  Université,  composée  sor  des 
documents  |»erdus  plus  tard ,  nous  apprend  que  josqv*aa 
siège  de  Perpignan,  en  I6i2,  l'Université  avait  toojoon 
fait  enseigner  la  grammaire,  le  latin  et  la  rhétorique,  par 
des  professeurs  ({u^elle  nommait;  que,  pendant  ce  siège, 
les  Jésir *es,  profitant  des  embarras  de  TUniversité,  dont  lo 
bâtiments  étaient  occu|k!'s  par  les  troupes,  formèrent  mt 
f*s|)èee^le  collège  dans  leur  maison.  Des  conlestatieBS 
s  élevèrent  à  ce  sujet  :  elles  furent  terminées  on  lflfl5« 
par  une  tinnsaetion.  Les  Jin^uites  consenèrent  le  collège; 
mais  reconnurent  l'autorité  de  rUniversité  sur  kuff 
elasses.  Tous  les  ans ,  vers  la  Un  de  janvier,  le  Reclesr 
>'\  niidait;  faisait  inscrire  les  l'coliers,  et  recevait  k 
MTinent  d'oiièissance  di*s  professeurs.  Cette  Université  a 
produit.  d«*  tons  les  temps,  des  théologiens  profonds, 
de  ^niiids  juriseoiisultes  et  d'habiles  médecins. 

l/art  de  rimprimerie,  iii\eiité  en  Allemagne,  cinquante 
;uis  ;iiipara\aiit.  l'ut  introduit  à  Perpignan  vers  Tan  Î3O0. 
par  Itoseiibaeli  <l*lleidelber^.  In  traité  sur  la  vie  chn^- 
henni'.  eoiii|io>r  m  |  lli  pai  Fraiirois  Xiinénès,  évëqae 
•I  Kliif  .   tut   II-  |ireiMit*i    liMf  liiipiniie  à  IVqiignain,  en 


CIlAPITIiE   DIX-SEPTIÈME.  425 

l'année  1502,  vingt-huit  ans  après  Paris.  Il  parait  que 
le  commerce  de  la  librairie  acquit  bientôt  une  certaine 
importance  clans  le  Roussillon  ;  car  une  ordonnance  de 
1512  nous  apprend  que  les  livres  payaient  un  droit  de 
six  deniers  par  livre  à  la  sortie  de  la  province;  mais  la 
décadence  de  la  capitale,  qui  date  a  peu  près  de  cette 
époque,  arrêta  les  progrès  de  cet  art  nouveau. 

Il  y  avait  eu  k  Perpignan,  dans  certaines  circonstances, 
des  représentations  théâtrales.  Une  ordonnance  de  Phi- 
lippe II,  du  10  août  1587,  défend  de  les  donner  dans  un 
autre  lieu  que  celui  désigné  par  Fadroinistrateur  de  THô- 
pital  Saint-Jean ,  et  prescrit  de  payer  la  rétribution  usitée 
partout  en  faveur  des  hospices. 

L'art  de  l'escrime  était  en  grand  honneur  a  Perpignan. 
Il  existe  un  acte  de  réception  d'un  prévôt,  curieux  à  citer: 
on  lui  fit  jurer  sur  l'Evangile  de  défendre  la  foi  catholique; 
de  oe  pas  montrer  aux  Juifs  et  aux  Infidèles;  de  ne  point 
fréquenter  les  mauvais  lieux,  etc.,  etc.  On  trouve  dans  un 
ouvrage  de  Jérôme  Carranza ,  officier  espagnol ,  intitulé , 
la  Filosofia  de  las  Armas,  imprimé  àiSan-Lucar,  en  1569, 
qu'un  certain  Pons,  de  Perpignan,  y  avait  publié  la  Théorie 
de  VArt  de  VEscrinic,  Plusieurs  actes  du  wi^  siècle  prou- 
vent que  cet  art  était  très  cultivé  dans  cette  ville. 


ï'26  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 


CHAPITRE  XVIll. 


MOTICE 

cUR  LE  DEPARTEMKHT  DES  PYRENSKS-ÛRIKITALSS. 


Avant  de  décrire  Tétât  actuel  du  départemenl, 
en  peu  de  mots,  ce  qu'il  était  au  moment  de  la  cooquéle 
l>ar  les  Français.  Nous  puiserons  nos  principaux  roMei 
gnements  dans  les  mémoires  publiés  en  1627,  pow  m 
contre  la  séparation  de  la  Principauté  de  CatalogM  des 
Comtés  de  Roussillon  et  de  Cerdagne. 

Le  Gouverneur-Général  de  toute  la  province  avait  ao« 
lui ,  comme  nous  l'avons  déjà  mentionné  sommaireBMl* 
<leu\  Lieutenants ,  dits  Poriafii^  Vcus  :  le  premier  eoiH 
mandait  dans  la  Principauté  ;  le  second,  dans  les  Comtëi, 
et  résidait  à  Perpignan.  Son  département  était  divisé  ea 
quatre  Vigu^ries  :  le  Roussillon  et  le  Vallespir  fomuMal 
la  première,  où  Ton  comptait,  outre  Perpignan  el  Ehe, 
cent  soixante-dix  villages  ou  châteaux,  ayant  chacun  «a 
ttTritoire  particulier;  la  seconde,  celle  de  Villefranche,  ea 
contenait  soixanto-dix-huit,  et  se  composait  du  ConOeal 
rt  du  (4ipcir;  les  deux  (A'nlagnes,  française  et  espagnole, 
rormaieni  la  troisième  Viguerie,  a\ant  Puycenla  pour  che^ 
\wu.  el  renfermant  qualre-\ingl-cinq  villes,  villages  o« 


CHAPITRE  DIX-HUITIÈME.  427 

châteaux  ;  la  quatrième  celle  de  Ribas ,  ne  s'étendait  pas 
au-delà  de  la  vallée  de  ce  nom ,  et  l'on  n'y  comptait  que 
dix  villes,  villages  ou  châteaux.  Chacun  de  ces  quatre 
districts  était  régi  par  un  officier  nommé  Yiguier,  pris 
dans  la  Noblesse  ou  dans  les  familles  les  plus  honorables; 
mais  non  parmi  les  habitants  du  district  soumis  à  son 
autorité.  Presque  toutes  les  trois  cent  quarante-trois  com- 
munes des  deux  Comtés  étaient  enveloppées  d'un  mur, 
ou,  du  moins,  possédaient  un  petit  fort,  une  bâtisse  à 
murs  épais,  crénelés,  où  les  habitants  pouvaient  se  réfugier 
en  cas  d'invasion.  Les  mieux  fortifiées  étaient  Puycerda, 
Livia,  Villefranche,  Prades,  Vinça,  Olette,  Prats-de-Mollô, 
Arles ,  Céret,  Le  Bolo ,  Argelès,  CoUioure ,  Salses,  Millas, 
ille,  Boule-Ternère,  Thuir,  Canet,  Claira,  Estagel,  La  Roca, 
Elne.  Perpignan,  quoique  n'ayant  pas  comme  jadis  six  mille 
feux,  était,  après  Barcelone,  la  ville  la  plus  importante  de 
toute  la  Catalogne.  Il  l'emportait,  surtout,  par  les  forti- 
fications modernes  dont  il  était  entouré.  II  avait  deux 
châteaux,  dont  le  plus  grand,  réparé  d'abord  par  Charles- 
Quint,  fut  ensuite  agrandi  par  Philippe  II,  et  disposé  sur 
le  modèle  de  celui  de  Milan. 

Outre  les  Yiguiers,  les  Portant^  Veus  avaient  sous  leurs 
ordres  des  Baillis  royaux  k  Perpignan,  à  Thuir,  à  CoUioure, 
à  Prals-de-MoUô,  à  Villefranche,  k  Prades,  k  Vinça.  Nous 
avons  vu  que  ces  officiers  avaient  l'administration  des 
finances  royales  ;  présidaient  les  tribunaux ,  et  comman- 
daient les  milices  dans  leurs  arrondissements  respectifs. 
Une  telle  accumulation  de  pouvoir  sur  les  mêmes  têtes, 
aurait  pu  devenir  dangereuse  pour  la  liberté  des  citoyens, 
si  leur  grande  puissance,  contrebalancée  par  une  forte 
constitution  municipale ,  n'eût  été  contenue  par  les  Cor- 
tés,  cl,  surtout,  par  la  Députation,  spécialement  chargée  de 
veiller  constamment  à  l'observation  des  lois  et  au  maintien 


\'2H  HISTOIRE   DU   ROUSSILLOtf. 

(1rs  privilèges.  Tous  les  travaux  n'intéressant  que  la  pro- 
vince, étaient  dans  les  attributions  de  la  Dépatatioa,  qui, 
pour  fournir  aux  dépenses,  faisait  percevoir  un  impôt  par- 
ticulier, dont  le  premier  établissement  remontait  aax  G)r-* 
lés  de  li81.  Il  consistait  principalement  dans  les  droits 
de  douanes,  et  produisait,  dans  les  Comtés,  lâ.OOO  livres 
catalanes  (environ  Oo.HHi  fr.  actuels).  Les  villes  avaient 
aussi  des  revenus  particuliers;  mais,  par  Teflet  des  au- 
Iheurs  des  temps,  elles  étaient  toutes  obérées:  la  province 
ne  l'était  pas  moins  ;  et  on  calculait  que  si  la  séparation 
des  Comtés  avait  lieu,  Tintérét  de  la  dette  restée  k  leur 
charge,  monterait  à  1.700  livres  catalanes  (57.285  francs 
10  centimes). 

Le  clergé  était  fort  nombreux  dans  les  Comtés.  La 
Cerdagne  et  la  vallée  de  Ribas  appartenaient  k  rÉvéché 
d'IIrgel;  le  Capcir  à  rÉvéché  d'Alet;  le  Roussillon,  le 
Contient  et  le  Vallespir,  formaient  le  Diocèse  d'Elue,  ou 
ron  trouvait  quatre  Abbayes  (Arles,  Saint-Michel,  Sabl- 
Martin  et  Saint-Génis);  treize  Prieurés,  six  Prévôtëi, 
quatre  Commanderies  de  Malte,  neuf  couvents  de  mea- 
diants,  cini]  Chapitres,  vingt-trois  Communautés  ccelé- 
sias(i(pies.  Le  Chapitre  d'KIne,  composé  de  quatre  digni- 
taires et  <le  ving-et-un  chanoines,  avait  été,  depuis  pei« 
transféré  à  Perpignan  avec  l'Évéque,  et  établi  dans  Téglise 
de  Saint-Jean,  Tune  <les  quatre  paroisses,  où  n^sidait 
Communauté  de  cent  cinquante  prêtres.  Il  y  avait 
Cha|)itre  de  quinze  chanoines,  et  une  Communauté  dr 
trente  prêtres  à  La  Uéal,  Tune  des  paroisses  de  Perpi* 
^'uau.  On  voyait,  en  outre,  dans  cette  ville,  dix-sept 
couvents  de  nM»ines  ou  de  n*li<;ieuses,  quatre  hôpiUuix. 
une  rniversité,  où  Ton  enseignait  le  latin,  la  rliêtoriqne, 
la  logiqur,  la  tli4'H»|<»gie,  lo  droit,  la  niéderine.  Los  habi- 
i.inis  des  Conil<'s  idisrnt  cm's  uiéuioires'i  sont  forts. 


j 


CHAPITRE  D1X*HL1T1ÈME.  429 

husies,  1res  propres  aux  travaux  de  Tagricullure  et  a  la 
i^uerrc,  très  attachés  à  TEspagne  :  cette  affection  existe 
surtout  dans  les  familles  anciennes,  encore  assez  nom- 
breuses. iNon  seulement,  il  y  a  des  maisons  nobles  qui 
remontent  au  temps  des  Comtes  et  même  de  Charle- 
magne;  mais,  encore,  on  en  trouve  parmi  les  bourgeois 
des  villes,  et,  surtout,  parmi  les  propriétaires  résidant 
à  la  campagne,  dont  le  nom  figurait  dans  l'histoire  du 
Itoussillon  lorsque  le  roi  Alphonse  en  hérita. 

Quatre  rivières  :  la  Sègre,  la  Tet,  le  Tech  et  TAgly, 
arrosaient  et  fertilisaient  les  Comtés  ;  on  ramassait  des 
paillettes  d'or  dans  les  deux  premières.  Le  Roussillon , 
très  fertile  en  huile  et  en  vin  ^  fournissait  ces  denrées  a 
la  Cerdagne  et  aux  cantons  limitrophes  de  la  France  qui 
en  étaient  privés.  Récoltant,  alors,  plus  de  froment,  d'org»» 
et  de  seigle  qu'il  n'en  consommait,  il  expédiait  pour  Gènes 
et  pour  Barcelone  le  superflu  de  ses  productions.  Aucune 
province  du  Royaume  d'Aragon  n'élevait  autant  de  bétes 
k  laine  que  les  Comtés,  et  leurs  toisons  l'emportaient  pour 
la  finesse  sur  celles  des  pays  voisins.  On  comptait  autre- 
fois à  Perpignan  jusqu'à  cinq  cents  métiers,  et  on  en 
trouvait  aussi  un  grand  nombre  dans  les  autres  villes  ou 
villages.  On  convertissait,  dans  le  pays  même,  toute  la 
laine  en  étoffes  de  diverse  nature.  Depuis  quelque  temps, 
la  plus  grande  partie  est  exportée  sans  être  ouvrée.  L'im- 
portance de  cette  fabrication  avait  engagé  à  cultiver  le 
chardon  à  foulon,  le  pastel  et  la  gaude,  nécessaires  pour 
peigner  ou  teindre  les  diverses  espèces  de  tissus.  La 
soie  récoltée  dans  la  plaine  du  Roussillon ,  y  était  filée , 
tordue  et  teinte  :  on  en  fabriquait  des  taffetas  et  des  da- 
mas. On  élevait  dans  les  Comtés  des  chevaux,  des  ânes 
et  des  mulets  fort  estimés  ;  des  chèvres ,  des  vaches  ^ 
dont  le  lait  servait  a  faire  du  beurre  et  des  fromages. 


430  HISTOIRE  DC   ROt'SSlLLOM. 

Les  abeilles  y  donnaient,  eu  abondance,  du  miel  et  de 
la  cire  d'une  excellente  qualité.   Les  salines  de  Canet 
fournissaient  plus  de  sel  que  n'en  exigeait  la  eonsom- 
ination  du  pays.  On  cultivait  le  riz  dans  quelques  com- 
munes de  la  Salanque;  le  lin  et  le  chanvre,   dans  le 
(Gonflent  et  dans  la  plaine  du  Iloussillon.  Les  moutagnes 
rtaient  couvertes  de  lièges^  dont  on  exportait  l'écorce; 
de  châtaigniers,  de  hêtres,  de  chénes-verts ,  de  pins,  de 
sapins,  propres  aux  constructions  navales.  On  fabriquait 
du  savon,  dont  les  matières  premières  étaient  fournies 
par  le  pays.  On  tirait  un  grand  parti  des  minerais  de  fier. 
si  riches  et  si  abondants;  ils  fournissaient  environ  soixante 
mille  quintaux  de  fer  forjjé.  L'abondance  du  bois  avait 
permis  d'établir  des  verreries.  On  ne  cite,  dans  ces  mé- 
moires, d'autres  eaux  minérales  que  celles  d'Arles.  Il  n'y 
avait  dans  le  Comté  qu'un  port,  celui  de  Port- Vendras, 
plus  sûr  que  vaste,  dont  rentrée  était  défendue  par  un  fiwt: 
les  galères  du  Roi  y  avaient  souvent  trouvé  un  refuge 
assuré  contre  les  tempêtes,  si  fréquentes  dans  le  golfr 
de  Lyon.  Malgré  tous  les  avantages  dont  la  nature  avait 
doté  ce  pays,  la  situation  ,  a  cette  époque,  n'était  rien 
moins  que  prospère.  Nous  avons  vu,  dans  le  \vi*  siècle, 
^lisparaitre  les  manufactures,  et,  avec  elles  ^  tomber  le 
commerce  et  diminuer  la  population.  Dans  la  premièn: 
moitié  du  xyip  siècle,  l'argent  y  devint  si  rare,  qu'os 
ne  voyait  presque  plus  que  de  la  monnaie  de  billon;  eC 
en  l(><)0,  la  crainte  d'être  payé  avec  celte  monnaie,  dont 
on  craignait  la  dépréciation,  arrêtait  toutes  les  transac- 
tions commerciales.  Uppend,,  n"  21.  ) 


j 


CHAPITRE  DIX-IIUITIÈMR.  431 

GÉOGRAPHIE   ET  STATISTIQUE. 

L*histoire  nous  a  montré  les  pays  composant  le  dépar- 
tement (les  Pyrénées-Orientales,  habités  d'abord  par  des 
peuples  de  race  celtique ,  conquis  par  les  Romains  cent 
vingt  ans  avant  Jésus-Christ,  cédés  aux  Visigoths  en  462, 
envahis  par  les  Sarrasins  en  718;  et  dévastés  plutôt  que 
gouvernés  par  eux  jusqu'en  759,  ils  furent  alors  réunis  à 
la  Monarchie  française.  Pour  organiser  la  contrée  arrachée 
aux  Infidèles,  Charlemagne,  après  y  avoir  attiré  de  nou- 
veaux habitants,  établit  des  Comtes  et  des  Évéques  dans 
toutes  les  villes  où  il  y  avait  eu  des  sièges  épiscopaux. 
Ije  Comté  de  Roussillon  et  rÉvéché  d'Elne ,  eurent  pro- 
bablement la  même  circonscription;  c'est-à-dire,  qu'ils 
comprirent  le  premier  arrondissement,  moins  le  canton 
de  Saint-Paul  et  la  presque  totalité  de  celui  de  Latour, 
dépendants  du  Languedoc,  tout  le  second  arrondissement 
actuel,  et  les  cantons  de  Yinça,  de  Prades  et  d'Olette, 
formant  le  troisième.  Le  Comté  ne  conserva  pas  toujours 
cette  étendue  ;  et  sans  que  l'on  sache  quand  et  comment, 
il  la  perdit.  On  est  certain  que,  dans  les  premières  années 
du  X®  siècle,  lorsque  les  Comtés  de  la  Marche  d'Espagne 
furent  devenus  héréditaires ,  les  Comtes  de  Bésalu  et  de 
Cerdagne ,  appartenant  k  des  branches  cadettes  de  la 
Maison  de  Barcelone,  possédèrent,  le  premier,  toute  la 
partie  montagneuse  du  deuxième  arrondissement,  avec 
les  cantons  de  Saint-Paul ,  Latour  et  Soumia,  formant  le 
pays  de  Fenouillèdes;  et,  le  second,  le  reste  du  troisième 
arrondissement  :  tous  ces  territoires,  à  l'extinction  de  ces 
deux  branches ,  rentrèrent  dans  la  Maison  de  Barcelone. 
Celle  du  Roussillon  ne  posséda  plus  que  le  reste  du  dépar- 
tement, avec  le  Comte  d'Ampurias.  Elle  même  se  divisa 


i:\'J.  IllbTOIItl!;  1)L    ROLSSILLOM. 

4li'  nouveau  on  doux  branches  a  la  lin  du  v*  siècle  :  Anipu- 
lias  iiil  le  lot  de  Tainée;  la  cadetle  eut  le  Roussillon. 
dont  le  dernier  Comte,  Gérard  II ,  mort  sans  postérité  en 
1172,  fit  héritier  le  Roi  d'Aragon,  Alphonse  II.  Celui-ci 
parait  avoir  donné,  en  1185,  le  Roussillon  et  la  Cerdagne, 
il  titre  d'apanage,  a  son  frère  Sancho.  A  ce  dernier,  sofr- 
réda  son  fils  Nuno  Sancho,  qui,  étant  mort  sans  enftnts 

w 

légitimes,  en  là  il,  laissa  ses  Etats  au  Roi  d'Aragon,  ht 
Roussillon  et  la  Cerdagne,  unis  aux  Iles  Baléares,  foi^ 
nièrent  le  Royaume  de  Majorque,  pour  Jacques  II,  fik 
de  Jacques-le-Conquérant.  Réunis  de  nouveau  à  T Aragon, 
en  ISii,  les  deux  Comtés  furent  occupés  par  liouis  XI, 
4'n  1  iO!2,  et  rendus  par  la  France  à  l'Espagne  en  148S. 
Par  le  traité  des  Pyrénées,  en  l(io9,  le  Comté  de  Roas- 
sillon,  avec  quelques  villages  de  celui  de  Cerdagne,  bH 
détinitivement  cédé  à  la  France.  L'Assemblée  ConslH 
tuante  ajouta  à  cette  province  vingt- huit  commonei, 
détachées  du  I^nguedoc,  pour  en  former  le  départemeit 
lies  Pvrénées-Orieiitales. 

Borné  au  nord  par  les  départements  de  l'Aude  et  dr 
TAriége  ;  au  couchant  par  TAriége  et  la  vallée  dMn* 
dorre;  au  sud  par  la  Catalogne;  a  loriont  |iar  la  Médi- 
ternnée,  le  départemeni  des  PyréniH^s- Orientales  m 
compris  entre  le  iâ'*20'  et  le  12".^)'  de  latitude  noid, 
et  entre  le  iy^^uV  est  et  le  iV'û'  ouest  du  méridien  df 
Paris.  Les  hautes  montagnes  où  l'Aude,  la  Tet,  la  Sigrr 
et  \e  Tech  prennent  leurs  sources,  dccupent  sa  partie 
occidentale.  On  voit,  dans  sa  partie  centrale,  le  mool 
tianigou.  et  les  \allées  parcourues  |tar  le  Tech,  la  Tel 
et  TAgly.  Il  4*st  terminé,  à  Titrient.  |»ar  une  plaine,  à 
travers  laquelle  ces  trois  ri\ières  el  quehpies  torrents 
Muit  se  jeter  ilans  la  mer.  lue  hranche  des  Pvn*nto, 
(le  naUirr  i;ranilii|iic.  ii|<|ii  li  r  TMlM-re.  iloiii  1rs  pics  les 


CHAPITRE   DIX -HUITIÈME.  43) 

plus  élevés  ne  dépassent  guère  l.âOO  à  1.500  mètres, 
termine  cette  plaine  au  midi.  Elle  est  bornée,  au  nord, 
par  les  Corbières,  chaine  de  collines  calcaires,  qui  a  son 
origine  dans  les  Pyrénées ,  et  dont  les  sommets,  dans  la 
partie  qui  touche  au  département,  dépassent  rarement 
une  hauteur  de  500  mètres.  Le  terrain  s'élevant,  et  même 
avec  assez  de  rapidité,  a  mesure  qu'on  avance  de  Test  vers 
l'ouest,  on  peut,  en  quelques  heures  de  marche,  éprouver 
des  températures  très  différentes.  On  n'a  fait  avec  soin  des 
observations  météorologiques  qu'k  Perpignan,  situé  au 
centre  de  la  plaine,  et  k  Mont- Louis,  au  milieu  des 
montagnes.  Sui\ies  pendant  douze  ans  dans  la  première 
de  ces  villes,  et  six  dans  la  SiBconde,  elles  ont  donné 
en  résultat,  suivant  M.  Cotter,  qui  les  avait  provoquées  : 
pour  Perpignan,  hauteur  moyenne  du  baromètre  â7  pouces 
11,5  lignes,  le  plus  grand  degré  de  chaleur  26oR.,  le  plus 
grand  degré  de  froid — 1?1  R.,  température  moyenne +12^5 
Réaumur;  pour  Mont-Louis,  hauteur  moyenne  du  baro- 
mètre 25  pouces  2,4  lignes,  le  plus  grand  degré  de  chaleur 
20o,5  R.,  le  plus  grand  degré  de  froid — lO^  R.,  tempéra- 
ture moyenne  +  5»,  2  R.  Nous  avons  fait  nous-méme  des 
observations  de  ce  genre  à  Perpignan  ;  et  si  la  hauteur 
moyenne  barométrique  que  nous  avons  pu  déterminer, 
s'accorde  avec  celle  que  nous  fournit  M.  Cotter,  il  n'en 
est  pas  de  même  pour  le  plus  grand  degré  de  chaleur,  et 
surtout  de  froid  ;  car  nous  avons  vu,  le  15  et  le  51  janvier 
1850,  notre  thermomètre  descendre  à — 5^  et — 5o,5  R.  : 
il  était  descendu,  le  28  décembre  précédent,  à — 7®,  5  R. 
Quelque  imparfaits  que  soient  ces  renseignements,  nous 
sommes  loin  d'en  posséder  d'aussi  exacts  sur  la  quantité 
moyenne  de  pluie  tombée  k  Perpignan,  année  commune  : 
tout  ce  que  nous  pouvons  dire,  d'après  nos  propres  obser- 
vations, c'est  qu'elle  varie  prodigieusement  d'une  année  k 

28 


43  i  HISTOIRE  bU   ROUSSILLON. 

Tautre.  Ainsi,  vers  la  iin  d'octobre  et  les  premiers  jours 
de  novembre  1814,  on  vit  tomber  des  averses  d'un  poœe 
d'eau  par  heure  ;  tandis  que  dans  une  année  entière,  ém  8 
octobre  1816,  k  pareil  jour  de  1817,  il  n'en  tomba  que  trois 
pouces*.  Nous  obtiendrons  des  notions  plus  positives  sur  ces 
divers  points,  si  les  observations  entreprises  par  l'ettîmaUe 
Directeur  de  TÉcole- Normale,  à  l'instigation  de  rilloitic 
savant  dont  notre  département  s'honore ,  sont  eontiniiées 
encore  pendant  quelques  années  (App.,  n^  22).  La  partie 
montagneuse  du  pays  jouit  des  avantages  et  sonflre  des  il- 
convénients  ordinaires  a  cette  nature  de  terrain.  Les  allées 
et  la  plaine  où  elles  se  terminent  sont ,  à  raison  de  lev 
situation  entre  la  mer  et  de  hautes  montagnes,  sujettes  ï 
de  grandes  et  brusques  variations  de  température  :  eDes 
éprouvent,  tour-k-tour,  des  pluies  ou  des  sécheresses  de 
trop  longue  durée,  des  brouillards  ou  des  vents  impétoess; 
et  lorsque  ces  diverses  circonstances  atmosphériqoes  eoâ- 
cident  avec  les  é|K)ques  de  la  végétation,  elles  nuisent  h  ses 
progrès,  et  produisent  des  effets  désastreux.  Les  montigMi 
figurant  d'une  manière  très-remarquable  dans  la  géognylie 
physique  du  dé|>artemcnt,  nous  avons  jugé  k  propos  de 
placer  ici  une  table  où  l'on  trouvera  les  hauteurs  de 
qu'il  renferme  ou  qui  en  sont  voisines  : 

Haotear  de  qoelqaes  lieai  aa-dessns  ila  niveaa  de  la 


HAirrauR  HAirmm 

N-.Ï3  Di3  LIEIX  U'Jiprfs  l'Annuaire  d'inrèi  d'aairti 

de  1834. 


Perpignan 19  met.  24,S5 

Clocher  de  SainUJicques 7H  nièlrei.   |      80^ 


f  Qnflquf  ^tranfrf  *\nf  parai  »!i^  r^tte  i^^rrtion.  H  le  ftl  %raie  ;  et  «on  inflMBCt  M 
par  exemple,  la  vigoe  «loulTrit  »i  r<>rl  que  le  pri\  de  la  charpe  de  vin  »Vle«i  dt  IS  à  Ml 

2  La  diffrrrnoc  de  f«  «leu\  ■"tf.  \ii«n:  •!*•  -v  •yiv  r«in#*  e«i  irl.it i\r  j  |j  plate  forne.rnW 
3U  «ommft  •)«'>  tourelles 


CirAPITRE  DIS -HUITIÈME. 


MAUTRtiR 

it'ipnal'AHBUiK 
dgl8U. 


tcnict,  lennaii 
PoaldeCérat..  . 


Itle 

Phare  de  Purl- Vendrai,  le  (al. . .  . 

Biimd'ArlM 

Arlet 

SsiDl-Piul-de-Fenopillft 

SoruiDït  du  cIrMhor  de  Prude* 

Villefrancbc 

Toor  de  Riillegards 

MonUgne  prèi  d'&pin  d«  l'Aglf , 

Poru-Rêal 

Tour  de  Taulanl 

Bain*  de  V«nl»l , 

Tour  de  Madelolb , 

Saînt-Marsal. 

Moalhrrer 

SoiDinrl  du  clocher  de  Glofiuia. 

Tour  dr  Ja  Mauiiie 

Sutnmul  du  Tauch 

Pic  de  BugïMch 

Puycfrda,  clorher  Sa  in  le- Mb  rie.. . 

Tour  de  Bsllirik- 

Pic  de  Saiibi-Aliua ,  ormilage  . , . , 

Pic  de  la  Soque 

Coupole  de  l'horloge  de  la  eiUdcUa 

de  Monl-Louî» 

Le  Paslor  du  Caaigou 

TrtUe.Vtnt. 

Pic  Méjaaél 

Pir  de  Saau 

Moni  de  MoMft 


4230 
1242 
UT6 
14H 


2364 
2570 


tut 

23<S 


HISTOIRK  DU  ROUSStlXOH. 


Midr» 

Pic  du'col  di  J*D 

Pic  du  roc  BUnc 

Pie  Tfdfrao 

Pie  du  roi  Mitji 

PicCibren 

Pic  de  Cimbrcilu 

Pir  orifnbl  du  col  Rougt.  .  .  . 

Puj  Prigu* 

Pic  du  en)  de  Uoxt 

Pic  orridnlil  du  cdI  R>iu(;t.  . 

Pu;  Pf^rw 

Pif  de  Font-Vi«» 

Coin  drl>  Guirlit 

Pn|  du  roi  4*1  Gtftal 

PmTM.I 

PaiCariiilc 

Pi«de 


VM 

236S 

se» 

2«M 
27W 
2T85 
2805 
S8ID 
2831 


3870 
2870 


:.î 


La  sur&ce  lolale  du  département  est  de  II  f  .457  Kre» 
tares,  dont  enTÎron  145.000  sont  consacri's  à  b  cuHnre 
des  céréales  et  des  prairies,  tant  natarelles  iin'ariifirielltf; 
18.000  hectares,  fertilisés  par  l'irrigatioa,  |>r»(lii»iml, 
tantiVt  des  grains,  tantôt  des  roarrages  oo  des  \ 
Environ  9.000  hectares  sont  |4.in<-'^  >l'olT^!''^^:  b  i 
est  cultivée  sur  55.000  hectares;  47.900  aoM  i 
de  bois  d'essence  et  de  qualités  diverses,  et,  pw  c 
queni,  d'uo  produit  irèK-difforent.   Les  lîffl.SS?  t 


CHAPITRE  DIX-HUITIÈME.  437 

restants,  ne  sont  que  rochers,  sables,  étangs,  mauvaises 
pâtures  communales,  chemins,  lits  de  rivière  ou  de  tor- 
rent, ou  autres  terres  de  nature  non  imposable*. 

Le  département  ne  produit  le  grain  nécessaire  à  sa 
consommation ,  que  lorsque  la  récolte  est  très-bonne;  il 
va,  au  contraire,  un  déficit  d'autant  plus  considérable 
lorsqu'elle  est  mauvaise,  que  les  contrées  voisines  en 
tirent  une  grande  quantité  de  blé  pour  semence. 

La  vigne,  cultivée  en  général  sur  des  terrains  impro- 
pres à  toute  autre  culture ,  est  bien  plus  appréciable  par 
la  qualité  que  par  la  quantité  de  ses  produits.  Si  la  fré- 
quence des  récoltes  médiocres,  et  le  bas  prix  auquel  le 
propriétaire  est  le  plus  souvent  obligé  de  se  défaire  de 
ses  vins,  rendent  cette  culture  peu  profitable  pour  lui,  elle 
est  extrêmement  utile  par  la  masse  des  travaux  qu'elle 
procure  à  la  classe  ouvrière.  On  consomme  dans  le  pays, 
la  majeure  partie  des  vins  qu'on  y  recueille;  on  évalue 
l'exportation  à  environ  120.000  hectolitres,  sans  compter 
ce  qui  est  converti  en  eau-de-vie  •. 

Il  n'y  a  pas  de  récolle  aussi  incertaine  que  celle  des 
olives;  il  est  rare  qu'elle  soit  généralement  bonne:  dans 
ce  cas,  elle  peut  fournir  11.000  hectolitres  d'huile,  dont 
on  exporte  à  peu  près  le  quart. 

Environ  500.000  kilogrammes  de  laine  de  diverses  qua- 
lités, sortent  toutes  les  années  du  département  ;  le  reste 
est  ouvré  et  consommé  dans  le  pays,  où  l'on  fabrique  k 

I  II  convient  de  modifler  ces  chiffres,  pour  avoir  l'état  actuel  de  la  culture  dint  le  dépar- 
tement :  on  y  compte  43.000  hectares  en  céréales;  16.000  en  caltnres  diverses;  15.000  en 
prairies  natarelles  ou  artiOcielles  ;  9.000  en  olivettes;  37 .000  en  jachères;  en  toni  :  190.000 
hectares,  dont  18.000  à  l'arrosage  ;  les  vignes  s'élèvent  à  38.000  hectares;  les  bois  à  l'ÉUt 
ou  à  des  particuliers  à  59.000  hecUrcs.  Le  surplus.  19*.*57  hecUres,  en  mauvaises  pâtures, 
étangs,  sables,  rochers,  etc. 

^  L'oïdium  a  fortement  sévi  dans  le  département  depuis  1853;  non^seulement  les  vignes, 
mais  le»  arbres  fruitiers  en  ont  souffert.  Le  prix  très  élevé  du  vin  a ,  pour  quelques  partnu- 
liffs,  •  ompcusé  le  déflcit  eu  quantité.  On  a  payé  l'hectolitre  de  80  à  90  francs. 


438  HISTOIRE   DU   ROLSSILLOR. 

peu  près  1 .700  pièces  de  draps  communs  ou  moletont, 
et  quelques  centaines  de  bonnets. 

Les  forges  du  département  fournissent  1 .480.000  kilo- 
grammes de  fer  de  bonne  qualité,  dont  près  des  tnw-qurts 
s'exportent.  Cette  fabrication  nous  serait  très-aTantageose 
si  elle  ne  consommait  une  immense  quantité  de  bois,  qall 
faudrait  ménager.  En  effet,  puisqu'il  faut  iOO  kilogranmes 
de  charbon  pour  fabriquer  54  kilogrammes  de  fer,  et  iOO 
kilogrammes  de  bois  pour  avoir  17  kilogr.  de  charbon, 
on  voit  que,  pour  obtenir  les  1.480.000  kilogrammes  de 
fer  que  donnent  les  forges  du  département,  il  faut  brtfcr 
23.607.612  kilogrammes  de  bois,  masse  de  combnslible, 
qui,  jointe  au  bois  nécessaire  pour  les  constractions,  k 
chauffage ,  le  brûlement  de  Teau-de-yie ,  forme  on  total 
qui  ne  peut  être  fourni  par  les  forêts  du  départomeiit 
Aussi,  tire-t-on,  pour  l'usage  de  ces  forges,  du  ehirboo 
de  l'Espagne  et  des  départements  limitrq)hes.  Celai  de 
l'Aude  lui  fournit  des  bois  de  construction  et  de  chtofbge, 
et,  en  revanche,  il  alimente  quelques-unes  de  ses  forges* 
avec  du  minerai  que  lui  envoie  le  troisième  arrondissemeol. 

Les  haricots,  les  feverolles,  la  graine  de  luzerne,  le  gros  et 
le  petit-millet,  les  fruits,  le  jardinage,  le  liège,  soit  en  pbn- 
che,  soit  ouvré  en  bouchons,  le  miel,  le  merrain,  la  sardine, 
les  cuirs  et  les  peaux ,  sont  des  articles,  qui,  pris  cbacon 
en  particulier,  ont  peu  d*importance  ;  mais  qui ,  réunis, 
forment  une  exportation  assez  considérable.  I^  soie,  d'one 
belle  qualité,  ne  donne  encore  qu*un  produit  insignifiant: 
mais ,  si  le  zèle  avec  lequel  on  s'est  livré,  depuis  quelques 
années,  à  la  culture  du  mûrier  ne  se  ralentit  pas;  si  Too 
s*applique  à  adopter  les  meilleurs  procédés  |K>ur  la  con* 
duite  dos  magnaneries;  si  Ton  a  soin  d'introduire  dans 
le  pays  les  machines  les  plus  avantageiisi^s  pour  la  filature, 
vviW  inalièro  poiina  devenir  un  oWjvl  très-iiuéressant. 


CilAPlTilC   DIX  HUITIÈME.  439 

autant  pour  le  produit  en  argent,  que  par  le  travail  qu'elle 
procurera  k  la  classe  laborieuse  ^ 

Avant  sa  réunion  à  la  France,  le  Roussillon  fabriquait 
beaucoup  de  sel  à  Canet.  L'abandon  de  ces  salines  l'avait 
rendu  tributaire  du  Languedoc  pour  une  quantité  de  5.500 
hectolitres,  non  compris  celui  de  Cardone,  que  la  contre- 
bande introduiiait  par  les  montagnes  limitrophes  de  la 
Catalogue.  La  saline  établie  depuis  quelques  années  à 
Saint-Laurent,  pourrait  fournir  au-delà  de  la  consomma- 
tion du  pays. 

Les  sommes  considérables  qui  entrent  annuellement 
dans  le  département,  par  l'exportation  de  ses  divers 
produits  agricoles,  sont  compensées  en  très-grande  partie 
par  celles  qu'il  emploie  à  se  fournir  des  objets  qu'il  ne 
produit  pas.  Il  reçoit  les  toiles  et  les  draps  fins,  les  étoflfes 
de  soie  et  de  coton,  presque  tous  les  papiers,  la  ver- 
rerie, la  faïence,  la  porcelaine,  la  poterie,  divers  articles 
de  droguerie  et  de  mercerie;  en  général,  tous  les  objets 
de  luxe  et  de  modes.  Il  reçoit  encore  des  bois,  du  char-- 
bon,  du  plâtre,  des  bœufs  pour  la  boucherie  et  le  labour, 
des  chevaux,  des  mules,  des  cochons,  de  la  morue,  des 
harengs,  du  savon,  etc. 

Les  exportations  ou  les  importations  ont  lieu  par  mer 
ou  par  terre.  Dans  le  premier  cas,  les  chargements  et 
déchargements  se  font  sur  la  plage  de  Saint-Laurent,  ou 
dans  les  ports  de  Collioure  et  de  Port-Vendres.  Les 
transports  par  la  voie  de  terre ,  s'opèrent  au  moyen  des 
routes  que  nous  allons  décrire  (Append,,  n^  23). 

La  plus  importante  est  celle  de  Paris  en  Espagne  :  elle 
traverse  le  département,  du  nord  au  sud,  passant  par 

I  nii  doil  rhorther  siirloul  à  renrlrc  lïHluration  dt»  wrs  k  une  en  qoflqar  sorte  populaire. 
Il  n'\  .1  pns  do  i.*»!!!  uropriét^ire  qui  ne  pnisse  aisément  faire  éflore  une  ou  deyx  onces  de 

».r  «Ml»- .  ri  ,  m  gr-fh^r.»! .  on  t.!u>Mt  n\\m\  ipjr  dans  lc<  i(r««n«iç>  c\ploil;ilioii>. 


\\0  IIISTOIHE  nt  RorssiLLox. 

Salses,  Perpignan,  le  ikilo,  le  Pertliiis.  Ile  la  rrontièrp 
du  Languedoc  a  Perpignan,  elle  a  10.974  toises,  sur  û 
au  moins  de  large  ;  de  Perpignan  aux  limites  de  rEaptgne, 
elle  a  15.518  toises  sur  cinq  de  lai^e.  Son  état  serait 
satisfaisant ,  si  l'on  trouvait  des  ponts  sur  le  Tech ,  le 
Réart  et  la  Cantarane*. 

Une  autre  route  traverse  le  département,  de  l'est  ï 
Touest,  allant  de  Perpignan  a  Mont-I^uis  et  à  Payceitb, 
par  le  Soler,  Saint-Féliu,  Ule,  Vinça,  Prades,  (Nette, 
Bourg-Madame  ;  elle  a  vingt-quatre  pieds  de  large  josqu^a 
Villefranche,  sur  2i.3âi  toises  de  long;  de  Ik  k  Pujcerda, 
elle  devait  avoir  dix-huit  pieds  de  largeur,  sur  52.240  toises 
de  long.  Elle  n'était  achevée  que  jusqu'à  Serdînya  :  on  se 
prépare  à  la  terminer*.  I^  première  partie  de  cette  roule 
exigerait  au  moins  deux  ponts,  l'un  sur  le  Rolès,  Taotra 
sur  le  Lentilla. 

La  route  de  Perpignan  à  Toulouse,  par  Peyrestortcs, 
Estagel,  Maury,  Saint-Paul,  Caudiès  et  le  col  de  Saint- 
Louis,  a,  jusqu'à  ce  point,  27.252  toises  de  long,  dont 
12.552  seulement  sont  terminées  :  on  travaille  à  la  per- 
fectionner. 

1^1  route  dv  Perpignan  ii  Port-Vendres,  a  vingt-quatre 
pieds  de  lap^'eur,  sur  une  longueur  d'environ  14.000  toises. 
Un  a  construit  dernièrement  un  pont  en  fil-de-fer  sor  le 


t  hu  \i\*  uni,'  à  lj  lin  du  wii*  ifttr  ruutir  \'d>t^a  par  lliie<ill«».  coBMMMayi 
f>>u»  U'iUiiK  rlau«f  relative  i|u'j  pr^c^'iit.  »u  u-llrt  ilf  U  SjLiii«|iif .  nolMHBfOt 
•-U  i-ul  iif,iiii.iiiip  jujni»  I  4  iiHUvellf  ruutf  fui  lirrv  fii  li^rur  ilruilr.  «ieSal»«t  aa  kUMM  éa 
Ncruvl  ou  bia  l.i  Ijm.'  Jr  \>'riUialtiiu  J»  i>|^'rJli«<ns  de  M^liïiB  ri  DdMlblt.  A  Ht  tell 
•xirviiiiti'r.  |Mr  un  {•.U>ii  ^■•I.•1«■  ••ii  iiiaçtinurrie.  i>ù  i  pluMi  ur^  toi%  pru\uqaé  k  réUMîiMBKM 
Je  rauurii  iTàMi    r\  (T.'jrl/  IV\h.iu««fiiidil  d'uue  pailK  lUouJrv  \0f*  de*  met.  bclIlUBt  It 

•  wur»  dtf»  r^u\  \>tt  ubf  M-rie  di*  |ij»»Jt.r»  \iiiiit(« .  uji«  l'AiiiirBiic  dirtctioa  allOf  tnit  U 
•li»ljii<r  i!t.  \M}  iii'iri  « .  »■:  Id  .Mit'im>r>.jn .  (>eiidJii'.  un  .-u  drui  jour«  e»l  nu  bwtt  MfliBéi^ 
uial  gui-  1.1  i^jHit.i-n  de  )'«(>j«t:  lit^rv.  d'où  riSullerjil     dailUiir*.  vu  èsi f WMf  c^  tic*- 

•  ■iiiKiiiii\  'U-  lé  Ki.r^M.  j'i  ih  !*vurh^  dr>  |iii|i<r4iii 


CHAPITRE  DIX-nUITIÈME.  4it 

Tech,  et  un  autre  en  maçonnerie  sur  la  rivière  d'Argelès  : 
ie  Réart  en  exigerait  un  pareil.  Du  Boulou  (le  Bolo)  k  Arles, 
sur  une  longueur  de  10.175  toises,  la  route  a  aussi  vingt- 
quatre  pieds  de  largeur.  On  se  propose  de  la  continuer 
d'Arles  k  Prats-de-Mollô,  sur  une  longueur  de  10.236  toi- 
ses; mais  en  réduisant  la  largeur  à  douze  pieds. 

On  a  entrepris  ou  projeté  plusieurs  autres  routes  :  celle 
de  Baixas  à  la  mer,  par  Rivesaltes  et  Saint-I^urent,  est  la 
seule  qu*on  puisse  considérer  comme  terminée  ;  mais  c'est 
aussi  la  seule  dont  Futilité  réelle  puisse  dédommager  de  la 
dépense. 

Assises  sur  un  sol  généralement  ferme,  et  peu  distantes 
des  matériaux  nécessaires  à  leur  construction,  nos  routes, 
favorisées  par  la  sécheresse  habituelle  du  climat,  seraient 
d'un  entretien  moins  dispendieux  que  dans  la  plupart  des 
pays,  si  les  rivières  ou  torrents  qui  les  traversent  n'en 
dégradaient  fortement  certaines  parties.  Ces  rivières  à 
sec ,  ou  ne  traînant  qu'un  fllet  d'eau  pendant  les  chaleurs 
de  l'été,  prennent,  quelquefois  en  automne,  l'aspect  d'un 
fleuve  imposant  (Append.,  u^  24);  et  malheureusement, 
elles  portent  dans  la  plaine  le  ravage  et  la  désolation, 
lorsque  d'abondantes  neiges,  tombées  sur  les  plus  hautes 
montagnes,  viennent  k  fondre  subitement  sous  les  torrents 
de  pluie  que  déversent  les  nuages  amoncelés  contre  les 
flancs  du  Canigou ,  par  les  vents  chauds  du  sud  et  du  sud- 
ouest.  Nous  donnerons  une  courte  notice  sur  ces  cours 
d'eau,  dont  le  volume  éprouve  tant  de  variations. 

L'Agly  fut  connue  dans  le  moyen-âge,  sous  le  nom  de 
(lumen  aqnilinum.  Pline  est  le  seul  des  auteurs  anciens 
qui  paraisse  en  avoir  fait  mention.  Sa  source  est  dans  le 
déparlement  de  l'Aude,  au  pied  du  pic  deBugarach;  ses 
l^rincipaux  aflluenls  sont:  la  Boulsane ,  la  Désia,  le  Ver- 
double,  qui  prennent  leur  source,  comme  elle,  dans  le 


if 2  lllSTOIRt:   DU  ROtSSILLON. 

(léparteiiient  de  TAude.  KUe  entre  dans  celui  des  Pyréuées- 
(  orientales,  auprès  de  Tenuitage  de  St-Auloine-de-Gadamus* 
et  va  se  jeter  dans  la  mer  entre  Saint-Laurent  et  TorreOks, 
a|)rès  un  parcours  de  U2  kilomètres,  durant  lequel  76.001) 
hectares  de  terrain  ,  presque  tout  calcaire ,  y  déTeneni 
leurs  eaux  :  elle  fournit,  directement  ou  par  ses  afDueDtft,  à 
rirrigation  de  l.riUO  hectares.  Cette  rivière,  doot  les  craes 
rendaient  très  marécageux  le  territoire  de  deux  commanes, 
est  maintenue ,  dans  la  partie  intérieure  de  son  covs, 
par  deux  fortes  digues,  appelée^  moitas,  construites,  en 
liV)î),  sous  le  roi  Pierre  IV. 

La  Tet,  ancienne  Rusa' no  des  Grecs,  la  Thdis  ou  Telis 
de  Mêla,  a  un  cours  de  110  kilomètres.  EUe  reçoit  les  esiu 
qui  s'écoulent  d'une  surface  d'environ  155.000  bectam, 
et  fournit,  soit  par  elle,  soit  |)ar  ses  aflluents  (le  Boiès,  k 
Lentilla*  la  Castellane  >,  à  Tirrigation  de  lâ.OOO  lieclares. 
(iette  rivière,  dont  la  source  est  au  pied  du  Puy  ou  Pbq 
IVigué,  et  ronihouchure  entre  Sainte -Marie  et  CaneL 
<u*rupe  d(4)c  le  premier  rang  parmi  les  cours  d'eM  du 
tlépartement. 

Le  Tech,  \'llll/nri^  des  (Irecs,  le  Tiihis  de  Mêla,  le 
TtUKs  du  nio\en-;ige«  prend  sa  source  dans  la  partie  «wl- 
ouest  du  département,  au  pied  de  la  montagne  de  CosU- 
houa,  et  se  jette  dans  la  mer  un  peu  au-dessous  d'Ebie, 
apK's  a\oir,  dans  son  eonrs  de  IM  kilomètres,  reçu  les 
eaux  dVn\irou  8:2. (MN)  hectares,  et  fourni,  |ar  luÎHiiènr 
(Ml  SCS  allluents,  à  l'irrigation  d'en>inm  â.^X)  heclales. 

(^utre  ces  ri\ières,  plusieurs  torrents  se  jettent  direc- 
tement à  la  nuT:  mais  le  seul  qui  mérite  qu'oo  en  faMr 
nii'ution  e.^t  le  lléart,  ihuacn  liinuJum  ou  AitfrdiMi  da 
mi»\en-;i^e.  Il  «niili*  entre  la  Tet  et  le  Tech;  il  reçoit. 
|Mr  lui-iiii  uif  fil  Miu  ail1:uiit  l.i  t.anianina,  les  eauK  de 
|s  iMii)  lèi'ii'i'N.  .iiiiN  N.i|)  i.iiiiN  li,-  r*ii  kili»mètres,  qai 


CHAPITRE  DIX-HUITIÈME.  413 

se  terniiue  à  Tétang  de  Saint-Nazaire  :  il  alimente  quel- 
ques faibles  irrigations.  La  presque  totalité  du  canton 
d'Argelès,  et  une  partie  de  celui  de  Rivesaltes,  rendent 
à  la  mer,  par  des  ravines,  les  eaux  des  pluies  que  leurs 
terres  n'absorbent  pas. 

L'Aude  et  la  Sègre  prennent  aussi  leur  source  aux  limi- 
tes du  département  ;  et,  après  avoir  reçu  les  eaux  d'environ 
70.000  hectares,  dans  les  cantons  de  Mont-Louis  et  de 
Saillagouse,  elles  se  jettent  :  la  première,  dans  le  dépar- 
tement qui  en  tire  son  nom  ;  la  seconde,  en  Espagne.  C'est 
donc  du  massif  imposant  des  pics  ou  puigs  de  Prigué  et 
Carlitte,  et  du  coi  Rouge,  élevé  de  5.000  mètres  au-dessus 
de  la  mer,  que  jaillissent,  à  peu  de  distance  de  Mont-Louis^ 
quatre  cours  d'eau  torrentiels,  qui  prennent  immédiate- 
ment les  directions  du  nord,  du  midi  et  de  l'orient  :  on  ne 
trouverait  guère  d'exemples  d'une  saillie  aussi  remarquable 
de  sources  abondantes  dans  un  espace  si  peu  étendu. 

Toutes  ces  rivières,  enflées  en  automne,  comme  nous 
l'avons  dit,  par  la  fonte  des  premières  neiges,  et  par  les 
pluies  qu'amènent  les  vents  du  sud,  deviennent  des  fleu- 
ves impétueux,  qui ,  dans  les  montagnes  a  pente  rapide , 
roulent,  entraînent  des  blocs  énormes  de  rocher,  et  dans 
la  plaine  dévastent  les  cantons,  où,  peu  auparavant,  elles 
coulaient  à  peine,  épuisées  par  les  irrigations.  La  mer, 
soulevée  par  les  mêmes  vents,  en  repousse  les  eaux  à 
leur  embouchure  :  il  en  résulte  l'envahissement  des  par- 
ties basses,  qu'elles  transforment  en  vastes  étangs. 

Des  défrichements  inconsidérés,  sont-ils,  comme  on  le 
prétend,  la  principale  cause  de  ces  funestes  débordements? 
Sans  doute,  le  déboisement  de  nos  montagnes,  dont  on  se 
plaint  depuis  trois  siècles,  est  un  mal  réel;  car  les  eaux 
entraînent  plus  facilement,  de  la  surface  des  hauteui*s^ 
dépouilléos  do  toute  végétation,  les  graviers  et  les  pierres, 


44i  HISTOIRE   DU   ROUSSILLON. 

qui ,  exhaussant  le  Ht  de  nos  torrents,  contribuent  k  lean 
débordements  :  mais,  cette  cause,  comparée  k  toutes  celles 
qui  concourent  a  produire  le  même  effet,  et  dont  nous 
venons  de  citer  la  plus  importante,  k  notre  avis,  paraîtra 
Men  faible  a  ceux  qui  les  examineront  toutes  sans  pré- 
vention. Si,  d'ailleurs,  elle  avait  la  gravité  qu'on  lui  sup- 
pose, les  débordements  devraient  être  aujourd'hui  plus 
fréquents  et  plus  funestes  qu'autrefois;  cependant,  nos 
annales  des  \iiic,  xiv<^  et  \\^  siècles  prouvent  qulb 
causaient  alors  autant  de  désastres  qu'k  présent.  Il  y  a 
dix-huit  cents  ans,  nos  Pyrénées  étaient  très  boisées,  et 
Pomponius  Mêla  disait  de  nos  rivières,  ce  qu'on  en  dirait 
de  nos  jours,  parva  flumina  ubi  acrevêre,  persœva^.  Pour 
préserver  de  leurs  ravages  des  terres  précieuses,  on  a  es 
recours  à  toute  espèce  de  moyens,  tels  que  digues,  camux, 
redressement,  creusement  du  lit,  etc.  Ces  expédients,  le 
plus  souvent  insiguitiants,  sont  toujours  trop  coûteux. 
I /expérience  a  prouvé  depuis  long-temps  aux  proprié- 
taires éclairés,  que  rien  n*était  plus  efficace  que  de  lar^ 
ges  plantations  de  bois  taillis  le  long  des  deux  rives: 
elles  les  exhaussent  en  arrêtant  les  graviers,  les  sables, 
le  limon ,  charriés  par  les  eaux  débordées.  En  opposant, 
ainsi,  ii  l'action  sans  cesse  destructive  de  ces  torrents. 
la  force  toujours  agissante  de  la  végétation,  on  les 
oblige  il  éle\er  eux-mêmes  des  barrières  contre  leur 
propre  fureur. 

Los  maux  que  ces  rivières  occasionnent,  sont  compensés 
l»ar  les  a\anta>:es  quelles  procurent.  Leurs  eaux  donnent 
le  mouvenieni  ii  presque  tcnites  les  usines  du  département, 
qui  consistent  en  trois  cent  dix-neuf  moulins  k  farine, 
rinquaiile-deuv  nKMilins  à  huile  •  dont  deux  presses  h}* 


CIUPITRK   lUX-liriTlEME. 


4i5 


drauliques),  sept  scieries,  trois  papeteries,  deux  méca- 
niques pour  la  filature  des  iaiues,  trente-un  moulins  a 
foulon,  dix-huit  forges,  dix-sept  martinets,  un  laminoir. 
De  plus,  elles  fournissent  k  l'irrigation  de  nos  terres,  les 
eaux  qui  leur  sont  distribuées  par  environ  cinquante  ca- 
naux plus  ou  moins  considérables,  dérivés  de  ces  rivières 
ou  de  leurs  affluents.  (Append.,  n®  25). 

Les  détails  que  Ton  trouvera  dans  le  tableau  suivant 
sur  quelques-uns  de  nos  principaux  canaux  d'irrigation, 
donneront  une  idée  de  leur  utilité.  La  première  colonne, 
porte  le  nom  du  canal;  la  seconde,  celui  de  la  rivière 
dont  il  est  dérivé  ;  la  troisième,  la  longueur  de  son  cours 
en  mètres,  de  son  origine  à  sa  fin  ;  la  quatrième,  le  nom- 
bre d'hectares  qu'il  arrose;  la  cinquième,  la  quantité  d'eau 
allouée  par  la  concession;  la  sixième,  l'année  de  sa  pre- 
mière construction.  Ces  documents  proviennent  des  archi- 
ves des  communes  et  du  Domaine. 


Tableaa  des  principaax  Canaux  d'irrigation  do  département  en  l8Sf . 


NOMS 

RIVIÈRES 

LONGUEUR 

NOMBRE 

QUOTITÉ 

=-î^ 

!     mi 

des 

dont 

dî 

D'HECTARES 

D'EAU 

-«-1 

1  ^»-i 

CANAUX. 

ILS  DÉRIVENT. 

COURS. 

arrosés. 

concédée. 

Du    Vernct 
et  Baho . 

LaTet 

mètres. 
25.400 

hectares. 
^086 

Indéterminée. 

4040 

Mailloles.  . 

Idem...  . 

Territoire. 

Peu  étendu. 

Idem. 

4  423 

Pia 

Idem...  . 

Idem . . 

Idem. 

Deux  meules. 

4162 

nie 

Idem...  . 

14000 

732 

Indéterminée. 

4163 

{Mil las  .... 

1 

Idem... . 

6  550 

749 

Sii  roenlet  ^ 

4483 

Elne  ...    .Le  Tech. .  . 

À  reporler.. 

1 

7.300 
52.950 

4.420 

Indéterifiinée. 

4484 

3.657 

il        1    ÏV  tpiiip' 

t  iminéinorial  , 

Millas  M  jnni 

l  que  de  trois  n 

iealr$. 

\Ui 


HISTOIRE   DU   ROL'SSILLON. 


NOMS 

des 
i:an.\ix. 


RIVIÈRES 

ILS  liKfllVKNT. 


l 


LONGUEUR 
!         du 
coins. 


mètres. 


NOMBRE 

U'IIECTAREA 

arrosas. 
h«ftarefi. 


QuorrrÉ 

D'SAU 

concédée. 


rincitrct  . , 
Pradcs. . . , 
Rivesaltes. 
Péxilla . . . 
Perpignan 
Tliuir.  . . 
Corbère.  . 


Report  . .  . . 

,Le  l^entilla. 

I 

ï-a  Tet.  . .  . 
I 
XWgly 

.l-.a  Tet. . . . 

Idem .  .  . 

Idem . . 

Idem .  .  . 


:;2.î)50  :    3.037 


I 


9.000 
10  000 

ii.:m 

7.000 
7)0.800 

r>.ioo 

40.600 


700 

tôt 

2.800 

1.778 

889 


iliidétennincc. 


Idem  1 . 
Idem. 
Idem, 
i  Sis  meulei. 
Idem. 
Idem. 


1282 
1283 
1510 

4427' 
M27> 
14304 


ii:>5  580  ,      II.G40^ 


i  I'riiniiivt>nicDt  truU  meules.  Par  une  charte  de  Jacques  1",  en  I3(KS.  la  qaoïilf 
dVau  fst  iiid«HcriniiH^>  ftautam  quantam  voluerit);  lonlefuis  saivant  let 
danii  le  terruir  de  Praiies. 

'^  D'ajiri'.'i  une  chiTlft  do  1111  ce  canal  existait  avant  le  xii*  siècle. 

3  La  .sV7U(a  rral  de  Tnhyr,  qui  datait  certainement  do  xi*  siide,  fnl  détraîli 
roininfnr¥nir>nt  du  xv*;  on  loi  suli«titria,  aviic  les  mAmes  droits  et  dimensîoiii.  Ici 
canaux  de  ïVr|»ii;nan,  Tliuir  et  Corbère.  La  quantité  de  six  meules,  spécifiée  dlM  11 
roDrc>^i<^|  putir  Thuir,  est  iloiir  CiHiimuiic  aux  deux  autres;  et,  de  pins,  on  a  ledrait 
de  nVrliincr.  pour  le  prtMuier.  les  deux  uicules  destimVïS  à  la  Tille  et  à  la  citaMk. 

4  U^:talili  daua  le  lit  d(>lais»é,  et  rentnî  au  domaine  de  l'ancienne  Sequia,  ctcmi 
a  la  primauté  sur  les  autres. 

'*  Ces  diilTres  unt  t'iirouvt'  des  ar(Toisi>cments  impurtants  depuis  I8ji2.  ctoi  pMl 
porter  an  double  le  dtSelopiiemnit  du  cours  dejt  cauaux.  Les  forages  exécatét  daMb 
plaine  du  lîouMilloii.  ont  vucurc  accru  les  arrusaj^fs. 


3B 


Ces  «.M'nntls  lrnvaii\,  opérés  pour  reiiunlicr  2i  la  sécbe- 
iTssi^  de  notre  climat ,  sont  loin  de  satisfaire  aux  besoins 
et  aux  v(eu\  des  propriétaires,  dont  les  terres  ne  joaisoeiri 
pas  de  rirri^ation.  On  ne  peut,  cependant,  demandera 
n(»s  rivières  de  nouvelles  ean\  ;  car  elles  sont  presqw 
épuisées  par  les  canaux  existants.  Il  est  indispensable  df 
loriner  dans  lt*s  inonta<;ncs  i\o  \asles  réservoirs  |HHir  lei 


CHAPITRE   DIX-nUITlKME.  447 

lemps  de  pénurie  (Append.,  n^  26).  L'on  a  cherché, 
(lun  autre  côté,  à  faire  jaillir  à  la  surface,  les  eaux  captives 
dans  les  entrailles  de  la  terre.  La  Société  d'Agriculture 
comprit  cette  nécessité;  et,  pour  favoriser  les  recherches, 
elle  fit,  en  1828,  l'acquisition  d'une  sonde,  et  offrit 
non-seulement  de  la  prêter  gratuitement,  mais  d'accorder 
une  prime  de  600  francs  k  celui  qui  réussirait  le  premier 
à  doter  le  pays  d'une  fontaine  jaillissante  (App.,  n^  27). 
Cet  appel  fut  entendu;  et,  dès  le  mois  de  mars  1829,  un 
puits  artésien  avait  été  creusé,  précurseur  des  nombreuses 
opérations  de  ce  genre,  exécutées  depuis  avec  succès. 
Au  i^r  janvier  1857,  on  comptait  vingt-quatre  forages 
sur  divers  points.  Quinze  avaient  réussi  :  ils  fournissaient 
12.292  mètres  cubes  d'eau  en  vingt-quatre  heures.  Tous 
les  puits  entrepris  avaient  donné  lieu  à  1 .649  mètres  de 
forage.  Il  est  à  désirer  qu'un  pareil  succès  excite  les  pro- 
priétaires à  rechercher  des  sources  souterraines,  qui,  pour 
rirrigation ,  si  importante  dans  ce  climat,  peuvent  seules 
suppléer  a  l'insuffisance  des  eaux  coulant  à  la  surface 
du  sol. 

EAUX   MINÉRALES. 

Sous  ce  rapport,  la  nature  a  été  fort  libérale  pour  le 
département  des  Pyrénées-Orientales,  comme  l'on  pourra 
s'en  convaincre  par  le  résumé  suivant,  extrait  du  grand 
travail  que  le  docteur  Joseph  Anglada  a  publié  en  1835. 

EALX  SULFUREUSES  HYDROSULFATÉES  ALCALINES. 
(Apptndice ,  w^  28  ) 

YaUèe  de  la  haute  Sègre.  On  trouve  à  las  Escaldas  deux 
établissements  thermaux,  fréquentés  surtout  par  les  habi- 
tants des  deux  Cerdagnes.  La  température  de  la  grande 
source  est  de  15'^,5;  celle  des  deux  autres,  n'est  que  de 


iV8  IIISTOIKK   I>1'   ROL'SSILL(i?(. 

3.V,lâo.  A  Dorrcs,  une  source  est  a  lO^^OSa.  Des  trois 
sources  de  Lhi^  les  deux  premières  élèvent  le  mercure  à 
20o,l  15,  et  la  troisième  k  27«>,50.  I^  source  de  Quès  fût 
monter  le  mercure  à  16o,2?> 

Vallée  de  la  Tel,  Il  y  a,  à  Vemet,  deux  établissements 
thermaux  et  cinq  sources,  dont  les  températures  sont: 
520, 75  —  52*»,  50  —  55",  625  —  57o,  30  et  27o.  Un  «le 
agréable ,  et  les  améliorations  faites ,  depuis  quelques 
années,  par  les  nouveaux  propriétaires,  attirent  en  ce 
lieu,  non-seulement  les  malades,  mais  encore  les  per- 
sonnes qui ,  ne  cherchant  dans  leurs  excursions  aux  eini 
qu'une  diversion  k  leur  genre  de  vie  habituel ,  veulent  y 
jouir  des  mêmes  agréments  que  chez  elles.  Molitg  oflre 
six  sources,  dont  la  température  varie  entre  27^,S0et 
57",  75.  Le  nombre  déjà  considérable  de  visiteurs  qu'at- 
tire le  meneilleux  eiïet  de  ses  eaux  dans  les  maladies  de 
la  peau ,  augmentera  encore  k  mesure  qu'on  en  rendra  le 
séjour  plus  agréable.  Il  y  a,  auprès  de  Vinça,  une  source, 
dont  la  température  est  de  25^50.  A  Thuès,  on  trouve 
quatre  sources,  dont  la  température  est  de  45"'  k  7tt<*,  ISi. 
Les  trois  sources  de  Saint-Thomas,  sont  k  58^^,  125  —  45" 
et  r>l",25.  La  source  de  Canaveilles,  marque  al**,  375. 
Celle  de  Nyer,  2>,12r>.  Les  eaux  de  ces  quatre  communes 
ne  sont  fréquentées  (]ue  par  les  habitants  des  environs. 

Vallée  du  Tech.  Les  bains  d'Amélie,  près  d'Arlea,  dont 
Texistence  remonte  incontestablement  jusqu  a  la  domina- 
tion romaine,  offrent  deux  établissements  et  quatorze  sour- 
ces, dont  la  température  varie  enlre51«',875ettî2*\875. 
Très  ellica<'es  [Miur  la  gu<'Tison  des  douleurs  rhumatis- 
males et  des  |>laies  d'anih's  à  teu,  on  les  verra  bientôt 
plus  fréquentés,  parce  qu'ils  sont  en  grande  voie  d'amé- 
lioration. A  La  Preste,  presque  au  scminiet  do  la  vallée, 
on  trouve  un  élalilissemrnt  et  (pialre  souires,   dont  Ij 


CHAPITRE   DIX-HUITIÈME.  449 

lempéraluie  varie  de  51^25  a  i¥.  Ces  eaux,  1res  utiles 
dans  les  maladies  des  voies  urinaires,  ne  sont  malheu- 
reusement abordables  que  pour  les  personnes  qui  peuvent 
soutenir  le  transport  de  six  heures  à  dos  de  mulet. 

\ota.  Les  sources  n">*  1  et  2  des  Escaldes,  une  de  Vemet 
et  de  Molity,  celle  de  Vinça,  les  n^s  1  et  2  de  Thuès,  sept 
<rArles  et  une  de  La  Preste,  ont  été  analysées  parM.  Anglada. 
Toutes  contiennent,  quoique  en  proportions  très  diverses, 
delà  glairine,  de  Thydrosulfate  de  soude  cristallisé,  des 
carbonates  de  soude,  de  potasse,  de  chaux,  de  magnésie, 
de  la  silice,  du  chlorure  de  sodium,  des  sulfates  de  chaux 
et  de  soude.  Cependant,  le  iv^  2  des  Escaldes  ne  contient 
pas  du  sulfate  de  chaux  ni  du  carbonate  de  potasse  ou 
de  magnésie.  Vinça  et  le  n«  1  du  Vemet  n'offrent  point  de 
carbonate  de  potasse;  le  n*>  1  de  Thuès  n'a  ni  carbonate 
ni  sulfate  de  chaux. 

Eaux  thermales  simples,  dans  la  vallée  de  la  Tel,  à 
Thuès  et  à  En  :  leur  température  est  de  oo^,  pour  la 
première;  de  oO'\  pour  la  seconde;  dans  la  vallée  du 
Tech,  a  Ucynès,  température  28^75. 

lùnw  acidulés  alcalino' ferrugineuses.  On  eu  trouve 
dans  le  second  arrondissement,  au  Bolo,  à  Saint-Marlin- 
de-Fenouilla,  à  Sorède,  a  La  Roca. 

Eaux  acidulés  ferrui/inciises  carbonalêes,  à  Collioure, 
à  Err,  a  Mont-Louis,  à  Vinça,  a  Millas,  à  Montner,  à 
Corneilla-de-la-Uivière,  a  Couchoux. 

Eaux  carbonalêes  ferrugineuses,  a  Gloriaues,  à  Estoher, 
à  Nohèdes,  à  Perpignan. 

Eaux  acidulés  ferrugineuses,  à  Valmanya. 

Eaux  salines  sulfatées  ioreuses,  à  Tautavel,  à  Saint- 
Paul-de-Fenouillèdes,  à  NeWîach. 

Eaux  salines  hi/drochloratêes  alcalino-terreuses ,  à  la 
ronl-Eslrainé,  el  à  la  Tont-Dame,  près  de  Salses. 

29 


lôU  jn.sT<»II>.K    DL    ItOl'SSILLilN. 

ÉTAMiS. 

{  Appendice ,  n"  20 .  ) 

Les  deux  fontaines  situées  près  de  Salses,  dont  nous 
venons  de  parler,  déversent  en  vingt-quatre  heures,  dans 
I  étang  de  ce  nom  :  la  première  2î)7. 109  mètres;  la  seconde 
I80.(>I9  mètres  cubes  d'eau,  contenant  à  peu  près  les 
mêmes  éléments  (pie  celle  de  la  mer.  Cet  étang,  dont 
une  partie  appartient  au  département  de  l'Aude,  a  nue 
surface  de  ?>.oOO  hectares.  Le  niveau  des  eaux,  en  temps 
ordinaire,  est  supérieur  de  trente  centimètres  h  celui  de 
la  mer.  Il  en  est  séparé  par  une  langue  de  terre  sablon- 
neuse, d'une  largeur  variahle,  et  y  communique  par  deux 
ouvertures,  appelées  les  graus  de  Salses  et  de  I^ucate. 
Lorsque  la  mer,  soulevée  par  les  vents  d'est  et  do  sud- 
est,  acquiert  un  niveau  hien  supérieur  à  celui  de  !*étang« 
elle  y  |K'nètre,  à  son  tour,  par  ces  mêmes  ouvertures. 

Kn  suivant  la  côte,  on  trouve,  à  deux  lieues  au  sud, 
celui  de  Saint -Nazaire,  C(m)muniquant  à  la  mer  par  un 
grau  souvent  encombré*  de  sables.  Sa  surface  est  de  0-il 
hectares  ;  il  reçoit  le  lié'art  et  deux  fossés  de  dessèche- 
ment; il  n'a  pas  une  grande  profondeur,  ce  qui  fait  que, 
lorsque  les  étés  sont  très  chauds,  il  se  dessèche  et  se 
couvre  alors  d'une  couche  de  sel.  Le  même  eflet  a  lieu 
sur  IVtang  de  Villeneuve,  qui  n'a  que  IT(>  hectares  de 
superficie.  Situé  dans  les  terres ,  à  une  lieue  sud-ouest 
«le  celui  de  Saint-Nazaire .  il  n'a  pas  d'écoulement ,  et 
n'est  alimente  cpir  par  les  eaux  pluviales  tombant  sur 
une  pelili»  eteihlui*  de  terrain  :  il  si'rail  facile  d'en  opi^per 
le  tit'ssèriienient  '. 

Les  nonibreux  eiMn;:^  «les  nutulii^^nes  i>nl  peu  «l'étendue. 


CHAPITRE  DIX-HUITIÈMB.  451 

et  sont  plutôt  les  bassins  des  sources  des  quatre  principales 
rivières  qui  découlent  du  point  culminant  du  Roussillon. 

Ainsi,  les  étangs  de  Puig-Prigué,  pour  la  Tet;  ceux  de 
Balcère  et  Camporells,  pour  TAude;  celui  de  La  Noux, 
pour  TAriége;  ceux  de  Carlite,  pour  la  Sègre. 

Nous  mentionnerons,  en  outre,  les  étangs  de  Carensa, 
dont  les  eaux  se  déversent  dans  la  Tet,  auprès  de  Thuès. 

On  trouve,  encore,  au  sommet  de  la  montagne,  au  nord 
d'Olette,  et  très  voisins  l'un  de  l'autre,  les  étangs  :  Nègre, 
Bleu  et  Estellat. 

FOnTEnESSES. 

Salses  ' .  —  Le  fort  de  Salses  est  situé  à  quatre  lieues  de 
Perpignan,  au  débouché  de  la  route  de  Narbonne,  entre 
Tétang  et  des  montagnes  escarpées.  On  en  posa  les  fon- 
dements en  1497,  sur  les  ruines  de  l'ancienne  ville  et 
du  cbàteau ,  dévastés  et  détruits  par  les  Français.  Sans 
glacis,  sans  chemin  couvert,  il  n'offre  d'intérêt  que  comme 
monument  de  la  fortification  du  xv^  siècle.  C'est  un  carré 
long,  dont  le  petit  côté  n'a  pas  100  mètres,  et  le  grand 
à  peu  près  Ho.  Les  quatre  angles  sont  pourvus  de  tours 
rondes.  Un  donjon ,  qui  sert  ordinairement  de  magasin  h 
poudre,  s'élève  au-dessus  des  parapets  du  fort.  On  voit, 
au-dehors,  trois  ouvrages  détachés,  sur  l'entrée  et  sur 
les  deux  courtines.  Dans  les  fossés,  d'une  grande  profon- 
fondeur,  on  peut  jeter  plusieurs  mètres  de  hauteur  d'eau, 
que  fournissent  deux  fontaines  abondantes,  dont  la  source 
est  dans  Tinlérieur  du  fort.  Les  maçonneries  ont  dix-huit 
mètres  d'épaisseur  dans  le  haut  et  vingt-deux  dans  le  bas, 
y  compris  les  talus  ;  mais  il  existe,  partout,  des  galeries 

I   I-cs  arflii\«>  «lu  funic  purlcnl  Snlccs;  nous  avons  préft^rf  suivre ,  comme  plusiour? 
ijN'tir- .  unr  crtliopnptH'  r.ipjH'Iant  r(»riiîim'  romaine. 


Syi  fiisToiiu:  di  iiolssilukn. 

dans  (T  massif.  Ce  petit  fort,  maintonaiit  sans  imporlancf , 
a,  par  sa  position,  joué  un  rùlo  dans  toutes  Ioa  {^i^nips 
entre  les  deux  Ktals.  Assiéj^é  en  117)8,  HflC,  ITiOS, 
10r>9,  KHO,  tOi!2,  il  a  résisté  par  répaissouret  la  dureti* 
de  ses  nia(;onneri(»s.  Kn  1705,  le  corps  de  troupes  cani|r 
sous  sa  protection,  contrihna  puissamment  au  ^în  de  b 
bataille  de  Pevrestortes. 

Perpitjmin, — Cette  place  est  le  c<pur  des  déteiises  do 
Roussillon,  et  le  boulevard  de  cette  partie  de  la  frontière. 
Ses  fortitications,  très  irré^uliéres,  construites  à  des  i^po- 
ques  éloignées  Tune  d(^  l'autre,  se  composent  de  onze 
fronts,  à  la  ville,  et  de  six,  à  la  citadelle,  i^  ville  liil 
ceinte  de  murs,  vers  la  lin  du  xir  siècle,  et  on  suit  encore 
partout,  même  au  travers  de  la  citadelle,  les  contours  de 
cette  première  enveloppe.  Le  donjon,  bâtiment  carié. 
entouré  de  fossés  prolVmds.  fut  aussi ,  sans  doute,  cons- 
truit alors  :  il  servit  de  demeure  aux  Rois  de  Majorque. 
La  seconde  enceinte  de  la  citadelle,  se  compose  de  deux 
parties  fort  distinctes  :  un  |)elit  ouvrage,  à  corne,  k  redans 
et  cinq  fronts  bastionnés.  (|ui  remplacèrent  Tenceinte, 
détruite  mal  a  propos,  et  que  M.  de  Vauban  donna  ordre 
de  relever,  en  améliorant  beaucoup  son  tracé,  à  son  secomi 
voyage,  en  MuS),  Quant  à  la  première,  ii  lianes  |)erpendiCD- 
laires  a  la  courtine,  mais  d'un  beau  relief,  rinscription  df 
la  porte  d'entrée  nous  apprend  iju'elle  fut  terminée  en  loTS. 
Cinq  <les  bastions  de  la  ville  furent  construits  de  loM  si 
1îiOt>.  s(uis  Cliarles-t^hiint  et  lliilippe  IL  Tout  le  reste  est 
Touvrap'  de  Vauban.  (hi  trouve  sept  demi-lunes  terrassées 
sur  les  courtines  tb's  fnmts  exttTieurs.  et  quatre  sur  cent 
de  la  citadellt'.  du  cutc  de  la  ville.  Au-delà  de  la  Basse, 
Vauban  trava.  a\er  im  art,  dont  il  si*  Iclicitait,  un  ouvragr 
il  cornr,  nniiii  d'unr  tmaillr  r\  d'une  petite  demi-lune. 


CIIAFITKE   DIX-HUITIÈME.  453 

Depuis  lors,  eu  1792,  on  a  défendu  l'accès  des  deux  fronts 
(lu  sud  par  des  redoutes  caseniatées.  On  a  fortement  amé- 
lioré la  place  dans  ces  derniers  temps,  par  le  défdement 
el  le  terrassement  de  ses  ouvrages,  ainsi  que  par  le  règle-» 
ment  des  glacis,  du  côté  de  la  ville  et  de  la  campagne. 
On  a  considérablement  accru  le  nombre  des  abris  case- 
mates. Les  fronts  de  Test  :  Saint-François,  Saint-Martin, 
la  Justice,  ont  été  en  partie  reconstruits.  L'approfondis- 
sement des  fossés,  et  la  création  d'un  pont  écluse,  les 
rend  susceptibles  d'être  inondés  *.  La  suppression  des 
couvents  a  fourni  du  logement  pour  les  troupes,  et  pro- 
curé, surtout,  à  l'administration  militaire,  des  magasins, 
dont  elle  était  dépourvue.  En  général,  les  escarpes  de 
renceinle,  très  élevées,  et  presque  toutes  bâties  en  bri- 
(jucs,  laissent  quelques  parties  à  découvert;  les  angles 
seuls  et  les  cordons  sont  en  pierre  de  taille. 

Nous  ne  terminerons  pas  cette  notice,  sans  mentionner 
le  Castillcl,  tour  voûtée,  à  trois  étages,  attenant  à  la  porte 
de  France.  On  ne  saurait  assigner  l'époque  de  sa  cons- 
truclion,  aussi  étrange  que  pittoresque.  On  doit  la  faire 
remonter  à  la  lin  du  \\\^  siècle. 

Colliuiirc.  Située  a  six  lieues  de  Perpignan,  cette  place, 
bâtie  sur  le  bord  de  la  mer,  au  pied  des  Pyrénées,  en  pro- 
tège rcxlrénie  gaucbe.  Elle  a  pour  objet  la  défense  des 
passages  accessibles  dans  cette  partie;  et,  pour  l'oflen- 
sive ,  on  y  réunirait  les  moyens  ^e  porter  la  guerre  en 
Calalogne  :  mais,  combien  toutes  ces  conditions  seraient 
mieux  remplies  par  le  Port-Vendres  !  Connue  des  Romains 
sous  le  nom  de  Cavco-Illiheris;  ruinée  successivement  par 

I  La  cuii.viiiK  (iiin  })r«.>rhaiiu>  li'iin  pool  éc\\ïsé  en  aval ,  contribuera  à  soutenir  rinondation ■ 
Kllf  ••'in|il.i(Ma  I"  rrriiiciiin   ilp  lit  <)r  |.i  Ma>;«o,  cl  ojM^rcrn  U  jonction  de  ranciennc  ville 

I'l\   T,l|ltl«Tli> 


45  i  HISTOIRE  DU   liOLSSlLLON. 

les  Goths  ei  les  Maures,  le  comte  Guifred  la  rétablît  en  881 . 
Quoique  son  port  ne  pût  recevoir  que  des  navires  à  fiûUe 
tirant  d'eau,  qui  même,  dans  les  mauvais  temps,  n'y  troo- 
vaient  pas  un  abri  sûr,  il  suffisait  à  la  marine  du  moyea* 
âge.  On  accrut  considérablement  ses  fortifications  de  1670 
a  1682.  Le  château,  peu  étendu,  n'ayant  pas  au-delà  de 
1 1 7  mètres,  dans  sa  plus  forte  dimension,  existait  eu  1285: 
il  défend  la  place  du  côté  de  la  mer.  En  1674,  on  cons- 
truisit, au  nord,  le  front  du  Miradou,  qu'on  relia,  pair  on 
mur  d'enceinte,  au  château ,  renforcé ,  du  côté  de  tem, 
d'une  belle  demi-lune.  Le  fort  carré,  indispensable  pour 
occuper  la  hauteur  de  la  Justice  et  la  tour  des  Moulins, 
pour  éclairer  le  profond  ravin  du  Itavanel,  datent  de  17S5. 
L'espace  entre  ces  deux  ouvrages  forme  le  camp  retrancbé, 
borné  par  deux  branches  de  parapet  terrassé. 

A  800  mètres  du  château,  et  sur  un  pic  dominant»  les 
ilois  d'Aragon  élevèrent  une  tour  défensive.  L'impoitanee 
de  la  position,  appréciée  par  Charles-Quint,  le  décîdtk 
l'entourer  d'un  fort  étoile,  aussi  étendu  que  le  pernûl 
letroite  surface  du  terrain  environnant.  Les  hautes  escarpes 
<lu  fort  Saint-Cime ,  étant  dominées  elles-mêmes  par  une 
hauteur  voisine,  on  a  dû  récemment  y  établir  un  ouvrage 
avancé. 


Port'Vctulrc^,  anciennement  Portua-lhierU,  il 
demi-lieue  au  sud  de  Collioure,  frappa  l'œil  pénétrant  du 
maréchal  <ie  Vauban ,  h  son  deuxième  voyage  en  Rons- 
sillon.  <cll  ne  put  (dit-il)  contenir  son  indignation  de  ce 
tpf aucun  serviteur  <lu  Itoi  n*avait  encore  signalé  celle 
situation.»  Dans  son  enthousiasme,  il  voulait  qu'on  rasât 
(iOllioure,  |>lace  sans  port,  sans  eau  douce,  |M)ur  trans- 
porter sa  |M)|»ulation  à  lN)rt-Ven(lres,  oii,  indépendamment 
(ravanta$,'('s  maritimes  inappréciables,  «m  pouvait  créer,  à 


CHAPITRE   DIX-ULITIÈMC.  455 

l>eu  (le  frais,  une  des  plus  importantes  places  de  FEurope. 
Bientôt,  à  sa  voix,  les  redoutes  du  Fanal,  de  Béar  et  de  la 
Presqu'île,  protégèrent  le  mouillage.  Il  donna  l'esquisse 
d'un  projet,  que  la  funeste  guerre  de  la  succession  au 
trône  d'Espagne  ne  permit  pas  d'exécuter.  Négligé  dès 
1709;  presque  abandonné  jusqu'en  1772,  malgré  son 
utilité,  justiliée  par  les  services  qu'il  rendit  dans  les  guerres 
de  1711,  1720,  1755,  1757,  on  n'y  reprit  les  travaux 
que  sur  les  pressantes  sollicitations  de  M.  le  maréchal 
de  Mail!) ,  zélé  promoteur  de  tout  ce  qui  pouvait  contri- 
buer au  bien  de  la  province,  dont  il  était  commandant 
militaire.  En  1751,  on  n'y  voyait  que  quarante-cinq  habi- 
tants. Le  port  creusé  pour  les  galères,  en  1700,  de  seize 
à  trente-deux  pieds,  s'encombrait  des  débris  des  torrents: 
il  n'avait  pas  100.000  mètres  carrés  de  surface.  Agrandi, 
approfondi  depuis,  il  pouvait,  dès  1779,  recevoir  trente 
bâtiments  de  guerre  et  250  transports.  On  ajouta  à  ses 
défenses,  en  1781,  la  redoute  de  Mailly.  Sa  population 
s'élève  actuellement  a  2.000  âmes.  La  dépense  de  ses 
constructions,  de  1772  h  1795,  dépassa  1 .500.000  francs  : 
on  a,  dans  ces  derniers  temps,  construit  un  beau  phare 
sur  le  sommet  du  cap  Béar,  là  où ,  sans  doute  existait  le 
temple  de  Vénus.  L'agrandissement  du  port  ;  la  déviation 
des  torrents  qui  y  débouchaient;  la  création  d'un  bassin; 
la  construction  de  fortes  jetées,  sont  maintenant  en  cours 
d'exécution,  et  ont  déjà  coûté  environ  2.500.000  francs. 
1^  bassin  de  520  mètres  de  longueur,  sur  152  mètres  de 
large,  offrira  plus  de  40.000  mètres  de  surface,  dont 
10.000  à  neuf  mètres  de  profondeur,  le  reste  à  six  mè- 
tres. De  son  côté,  le  Génie  militaire  s'occupe  de  projets 
d'un  vaste  développement,  pour  la  protection  d'un  port 
destiné  à  devenir  Tun  des  plus  considérables  établisse- 
ments maritimes  de  la  France. 


i3r>  HISTOIRE  1)1   ROUSSILLON. 

Bdkijardc. — Ce  Tort,  établi  justement  sur  la  ligne  firon- 
tière,  à  six  lieues  de  Perpignan,  domine  les  cote  oa  passa- 
ges du  Perthus  a  l'est,  de  Panissas  k  l'ouest,  et  bat  an  long 
développement  de  route  dans  la  plaine  de  l'Ampoordan. 
Il  est.fôclieux,  qu'a  5.000  mètres  vers  l'ouest,  le  col  de 
Portell  ouvre  à  l'ennemi  la  vallée  de  Maurellas.  Ce  n'étaiu 
au  \i]^'  siècle,  qu'une  grosse  tour  carrée,  ayant  des  mon 
épais  (le  1  mètre  50,  de  20  mètres  de  haut  et  35  mènes 
de  coté ,  au  milieu  de  laquelle,  une  tour  plus  élevée  ser- 
vait de  donjon  :  entourée  d'un  chemin  de  ronde,  un  petit 
ouvrage  en  couvrait  l'entrée.  L'occupation  de  ce  poste  Art 
toujours  considérée  comme  importante.  Après  la  cm- 
quête,  on  y  tenait  une  garnison  permanente  de  vingt-cinq 
hommes,  (|ui,  en  1607,  eut  la  gloire  de  repousser  l'attaqDe 
de  2.000  Espagnols,  (|ui  s'en  emi)arèrent  en  1674  et  le 
l»erdirent  l'année  suivante.  Louis  XIV  en  comprit  alors  h 
valeur,  et  prescrivit  de  le  fortider.  L'enceinte,  commencée 
en  1677,  sous  la  direction  et  les  dessins  de  l'ingénieur 
Saint-Hilaire ,  n'était  pas  terminée,  lorsque  Vauban  y 
vint  en  1671).  Il  corrigea,  autant  qu'il  put,  le  |>entigOBe 
irrégulier,  en  exécution;  lit  i*as(T  le  d<mjon  et  former nne 
enceinte  intérieure,  rachetant  IVnorme  massif  de  rocher, 
(|u*il  eilt  fallu  enlever.  Trois  demi-lunes,  dont  une  case* 
matc^e;  des  fossés,  partout  où  Ti^scariiement  le  permit,  et 
un  chemin  c(»uvert  étroit.,  complétèrent  la  défense  d'un 
lort,  que  la  pente  rapide  et  la  nature  du  sol  rendent,  \ 
peu  près,  imprcnahle  par  les  formes  ordinaires  d'one  atta* 
que.  Le  fortin,  petit  ouvrage  :i  corne.  cas(*maté,  dont  la  léte 
toiirhi*  il  la  liinit<*,  (^st  relié  au  lort  |iar  deux  longues  bran- 
ches, d(»nt  l'iiiir  rst  un  reste  des  tra>aux  des  Ks|uignols«  en 
1671.  h(>n\  r<Mloiites  ranves,  à  mâchicoulis,  éclain^nl  les 
lias-tniids  it  Irsl  ri  il  roiicsl  ;  une  titijsiciiic.  étahlieau  Per- 
iliiis.  liai  il  prtiir  |Mit  Icc  II'  passai^r  \\  IVntréc  du  territoire. 


CHAPITRE   DIX-HUITIÈME.  457 

^  Fort  (te  Hains.  —  Construit  sur  remplacement  d'une 
simple  tour,  démolie  en  1668,  ce, petit  fort  carré,  bas- 
tionné,  de  70  a  80  mètres  de  côté  extérieur,  occupe 
Télroil  sommet  d'une  hauteur,  d'où  l'on  peut  inquiéter 
un  ennemi,  qui,  ayant  forcé  les  passages  de  S^I^aurent 
et  de  Prals-de-Moll(5 ,  pénétrerait  par  la  vallée  du  Tech. 
Au  sud-est,  un  plateau,  enveloppé  d'un  chemin  couvert, 
f>ermet  de  défendre  les  approches  :  le  front  qui  répond  a 
cette  partie,  est  le  seul  muni  d'un  excellent  fossé.  Dominés 
de  très  près,  ses  parapets  ne  sont  défilés  des  vues  plon- 
geantes, que  par  les  bâtiments  intérieurs.  Vauban,  ne 
jugeant  pas  digne  de  grandes  dépenses  ce  petit  fort, 
qu'il  nommait  une  Gentilhommerie,  n'y  prescrivit  que  de 
légères  améliorations  aux  ouvrages  faits  par  M.  de  Saint- 
Hilaire.  Ses  maçonneries,  soit  par  leur  mauvaise  qualité , 
soit  faute  de  fondations  bien  assises,  sont  lézardées;  et 
tout  ce  qu'on  a  pu  faire  jusqu'ici  pour  arrêter  le  mou- 
vement n'a  |)as  eu  de  succès. 

PratS'dr^Mollo. — L'origine  de  Prats-de-Moll6  remonte 
au  xc  siècle.  Située  sur  le  Tech ,  à  la  tête  de  la  vallée  du 
Vîdles|)ir  et  à  une  lieue  de  la  frontière,  cette  petite  place 
est  destinée  à  surveiller  les  cols  par  lesquels  le  territoire 
|)eut  être  envahi,  pour  se  porter  sur  Arles  ou  sur  Ville- 
franche,  en  franchissant  le  Pla-Guillem,  contre-fort  du 
Canigou.  Sa  |)osition  dans  un  fond  dominé,  la  rend  peu 
susceptible  de  remplir  cet  objet  important.  Une  enceinte, 
démolie  mal  a  |)n)pos  en  1669,  lors  de  la  révolte  contre 
rétablissement  des  gabelles,  fut  rétablie  en  1684.  Simple 
mur  crénelé,  de  l'^ôO  d'épaisseur,  sans  autre  flanque- 
menl  <|n<»  les  tambours  couvrant  les  quatre  portes,  il  ne 
sert ,  en  qHol(|ue  sorte ,  que  d'enveloppe  à  un  camp  re- 
IranclK'.  Tn  réduil,  anlour  de  l'église,  couvre  la  commu- 


f58  HISTOIRE  l)t'   ROUSSILLON. 

nieatioii  au  fort  Lsigardc,  qui  domine  la  place.  I^  tour 
(|ni  servit  de  refuge  a  la  garnison  lors  de  la  révolte,  fat 
ceinte  d'une  étoile,  h  dimensions  très  mesquines,  que 
M.  de  Vauban  considérait  comme  le  réduit  d'un  oDfnge 
plus  vaste,  a  établir  sur  le  plateau  nord,  pour  donner  i 
Prals-de-Molb)  une  valeur  réelle. 

Moni^Ijonis,  — Cette  place,  élevée  de  1.600  mètres  an- 
dessus  du  niveau  de  la  nier,  est  située  à  quatre  lienes  de 
la  frontière.  Envoyé  pour  organiser  la  défense  du  Rooi- 
sillon,  M.  de  Vauban,  après  une  reconnaissance  raisonnée 
de  sept  |>ositions,  fit  choix,  en  1680,  de  remplaccmenl  dn 
cliateau  de  Vilar,  d'où  l'on  pouvait  surveiller  les  déboiH 
(liés  des  vallées  de  la  Tet  et  de  l'xVude.  Des  l'année  s»- 
vante,  les  travaux  furent  entrepris.  M.  de  Noailles,  en 
1601,  se  portant  sur  la  Seu-d'l;rgell ,  put  déjà  y  établir 
les  magasins  de  son  armée.  Ses  fortifications  se  conopiH 
sent  d'une  citadelle,  formant  un  carré,  à  bastions,  avee 
orillons,  fermés,  îi  la  gorge,  par  un  rempart  solide  et 
élevé.  La  ville  est  enceinte  d'un  ouvrage  à  conronne, 
dont  les  longues  branches  se  rattachent  à  la  citadelle. 
Heux  des  bastions  ont  des  retranchements  à  leur  gorge. 
Les  dehors  consistent  en  trois  demi-lunes  et  une  contre- 
garde  ;  de  fortes  traverses  ,  en  capitale  des  bastioM , 
défih^nt  leurs  para|»ets.  La  garnison,  (|u'il  faudrait  porter 
il  quatre  mille  hommes ,  serait  parfaitement  il  Tabri 
dafis  de  vast<*s  casemates.  Le  princi|>al  mérite  de  Mont* 
L(»uis,  est  d(*  pouvoir  établir  un  corps  d'armée  sons  n 
protection. 

Vilh'fnttnlu\  i'.ftte  place,  bâtie  sur  la  Tet,  dans  une 
;4orge  «*lroitr  d(*  ^2<NI  mètres,  ii  la  réunion  des  vallées 
d'OliHle.  dr  r.onir||;i   «>i   «h»  |- iilLi .  ferme  le  long  d«mié. 


CHAPITRE   DIX-HUITIÈME.  459 

qu'on  est  forcé  de  suivre,  pendant  six  lieues,  en  venant 
de  Mont-Louis.  Dominée  de  très  près  par  trois  montagnes 
escarpées  et  d'une  grande  hauteur,  elle  n'en  est  pas  moins 
susceptible  d'une  bonne  résistance ,  par  la  disposition  de 
ses  ouvrages ,  et  par  la  difficulté  d'amener  du  canon  sur 
des  emplacements,  d'où  ils  pourraient  avoir  quelque  effet. 
Enveloppée  d'un  mur,  flanquée  de  tours  en  1092,  on 
ignore  l'époque  précise  de  l'application  du  système  bas- 
tionné,  et  des  couloirs  couverts  qui  régnent  sur  presque 
toute  son  enceinte.  On  trouve,  dans  les  mémoires  de 
M.  de  Vauban,  qui  visita  cette  place  en  1679  et  1680, 
qu'en  1G08  on  rétablit  les  murailles,  détruites  avant  le 
traité  des  Pyrénées;  mais,  «comme  font  les  singes  des 
actions  des  hommes,  c'est-à-dire,  en  gâtant  beaucoup  de 
choses.»  Il  ne  changea  point  le  tracé  des  six  fronts,  quoique 
défectueux,  se  contentant  d'ajouter  des  tenailles  aux  cour- 
tines du  côté  de  la  rivière,  et  des  redans  sur  les  portes; 
mais  il  prescrivit,  au  nord,  k  200  mètres  au-dessus  de  la 
Tet,  sur  la  croupe  de  la  montagne  de  Betlloch,  la  cons- 
truction d'un  fort,  qui  fait  la  principale  défense  de  la  place. 
On  a  récemment  établi,  entre  ce  fort  et  la  ville,  une  redoute 
easematée,  qui,  en  assurant  les  communications,  bat  avec 
avantage  les  débouchés  des  vallées,  et  les  points  sur  les* 
quels  pourrait  s'établir  l'assiégeant. 

Cette  place  fut  remise  à  Louis  XI  en  1462;  Jean  H  y 
rentra  en  1475.  Assiégée  peu  de  temps  après,  elle  se 
rendit  aux  Français,  sous  M.  du  Lude.  Elle  ne  subit  pas, 
en  1642,  le  sort  des  autres  villes  du  '  Roussillon  ;  et  ce 
ne  fut  qu'en  1654,  que  le  prince  de  Conti  s'en  empara, 
après  dix  jours  de  tranchée  ouverte.  Les  Espagnols  n'y 
entrèrent,  en  1795,  que  par  la  trahison  ou  la  lâcheté 
du  commandant  du  fort,  qui  n'attendit  pas  même  qu'on 
lirât  le  canon  hissé  sur  la  montagne  d'Embulla,  à  neuf 


iOO  IIISTOIIIE   I>L   ROL'SSILLON. 

cents  iiièlres  de  distance.  Un  mois  après,  Dagoberi  ayani 
enlevé  successivement  les  camps  de  la  Perche  et  d'Olette, 
poursuivit  les  Espagnols  jusqu'aux  portes  de  Vîllefraiiche, 
(|ui  les  sauva.  De  ces  événements^  rapidement  esquissés, 
nous  conclurons,  contre  l'opinion  vulgaire,  que,  malgré 
sa  situation,  au  fond  d'un  entonnoir,  cette  place  a  beau- 
coup d'importance;  et  Vauhan  la  jugeait  telle,  Iorsqu*eii 
iOSTi,  ayant  à  proposer  la  suppression  d'un  grand  nombre 
de  postes  militaires,  que  l'état  des  finances  ne  permeltail 
pas  d'entretenir,  il  préférait  sacrifier  Mont-Louis,  réceoi- 
ment  créé,  d'après  ses  plans,  regardant  Villerranche  eoo- 
me  la  clef  de  la  vallée  de  la  Tet. 

OBJETS    DIVERS. 

I^arcourons  le  département  pour  indiquer  ce  qu'il  obe 
de  plus  remarquable,  et  dont  nous  n'avons  pas  eu  occa- 
sion de  parler.  On  voit,  dans  le  canton  de  Rivesaltcs,  ks 
ruines  de  Castel-Vieil  et  du  château  d'Opol,  où  ToD  teuttl 
(Micore  une  garnison  lors  de  la  conquête  par  Louis  XIU. 
Ou  a  découvert,  depuis  peu,  auprès  du  hameau  de  Gamns« 
di'pendant  de  la  commune  de  Salses,  un  tombeau 
et  les  restes  de»  Tura,  ville  minée  dans  le  xv«  siècle, 
sur  la  rive  gauche  de  TAgly,  non  loin  de  Itivcsaltes;  on  v 
a  trouvé  «piehpies  médailles  romaines. 

Nous  avons  consacré  un  article  particulier  II  la  ville 
de  Perpignan.  Il  existe,  dans  ses  deux  cantons,  {dusienrs 
<>ndroits,  dont  les  chartes  <m  l'histoire  ont  souvent  fût 
menti(m.  Si  nous  n*en  parlons  pas,  c'est  qu'ils  n'ont 
jamais  été  hien  considérahles,  et  qu*il  n*en  reste  que  peu 
ou  |H)int  de  vrstig(*s;  mais  nous  ne  pouvons  passer  soos^ 
silence  r.astell-liosselh) ,  le  Ituscino  des  anciens.  Qwm 
qu'en  ait  dit  un  ant<'ur  moderne,  on  a  fort  exagéré  Ti 

porlaiire    de    |:i    eite    don    dérive    le   nom   du    |>ays. 


CHAPITRE   blX-IlLITILME.  461 

origine  pliéiiicicnno  n'a  point  de  fondement;  et  il  laul 
Tavouer,  un  peuple  navigateur  aurait  fait  un  bien  mauvais 
choix,  en  établissant,  dans  cette  position,  une  colonie 
pour  protéger  son  commerce  et  ses  expéditions  maritimes. 
Il  est  permis  d'émettre  un  doute  sur  la  grande  prospérité 
de  cette  ville  sous  la  domination  romaine;  car,  Sextus 
UuiTus,  auteur  du  iv^  siècle,  n'en  parle  pas  dans  l'énu- 
méralion  de  celles  de  la  première  Narbonnaise,  tandis  qu'il 
j  comprend  Maguelonne,  Agde,  Lodève,  Uzès.  On  peut, 
aussi ,  ne  pas  ajouter  foi  au  luxe  de  ses  monuments  dans 
le  moyen -âge ,  et  a  la  magnificence  du  palais  de  ses 
Comtes ,  orné  de  mosaïques.  Ruiné  par  les  Barbares,  au 
v*^  siècle,  le  palais,  le  château,  furent  rasés  jusqu'aux 
fondements,  au  xiii^  siècle,  par  Alphonse  II,  vengeur  de 
l'horrible  forfait  du  féroce  comte  Raymond,  qui  avait  fait 
manger,  a  une  épouse  dont  il  soupçonnait  la  fidélité,  le 
cœur  du  troubadour  Cabestany,  son  amant  \  Qu'a-t-on 
trouvé  dans  les  profondes  fouilles  opérées  h  plusieurs  re- 
prises sur  le  sol  de  Castell-Rossellô?  quelques  misérables 
débris  de  poteries,  d'un  style  commun;  des  monnaies, 
des  médailles,  sans  valeur;  des  ustensiles  grossiers,  à 
l'usage  d'une  population  peu  fortunée. 

Elnt\  bâtie  par  Constantin,  non  loin  des  ruines  de  Tan- 
tique  Illibéris,  fut,  après  la  chute  de  l'Empire,  la  principale 
ville  de  la  contrée,  jusqu'au  xin*^  siècle,  et  le  siège  d'un 
Évéché  jusqu'au  xvii^;  mais  excessivement  maltraitée  par 
les  Sarrasins,  les  Normands,  les  Croisés  de  Philippe-le- 
Ilardi,  les  Aragoiiais  de  Pierre  IV,  les  armées  de  Louis  XI, 
on  doit  être  émerveillé  d'y  trouver  encore  debout  la  cathé- 

t  Le  fait  que  nou.s  mentionnons  a  contre  lai ,  au  moins,  l'errear  des  dates.  Gatllaame  di* 
r.abc>tany  comlKitlit  à  la  bataille  de  las  Navas  de  Tolosa.  en  12i3.  et  le  roi  Alphonse  II 
riait  mort  en  \VX*.  Ce  n'est  donc  pas  lui  qui  vengea  l'humanité  d'un  acte  atroce,  au  reste  , 
f^n  quclqu»^  .>orle  à  la  nuKle  an  xiir  siècle;  car  on  peut  citer  la  marquise  d'Astorpi  et  Galirieltf 
'If  Vt'r;:> ,  .jiii  .  suiv.mi  les  li^i,'eudes  de  lu  poésie  romane ,  eurent  une  semblable  destin^'. 


462  HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 

(Irale,  et  surtout  le  cloitrc  contigu ,  l'un  des  plus  préciaix 
restes  (le  l'arehitecture  du  moyen-âge.  La  dégradation  de 
ses  sculptures  est  due  k  l'ère  de  la  Révolution,  pendant 
laquelle  des  mains  sacrilèges  ont  mutilé  ce  que  les  Bar- 
bares avaient  respecté. 

Cmid  a  perdu  ses  salines,  son  commerce,  le  château  de 
ses  anciens  Seigneurs,  fameux  dans  nos  annales,  tombé 
en  ruines. 

On  fabrique  de  la  poterie,  des  cuirs,  du  papier  d'em- 
ballage, à  Thuir,  chef-lieu  de  canton.  A  une  demi-Iieae 
de  cette  petite  ville,  on  voit  les  restes  du  châtean  de 
Casteinou,  antique  manoir  des  Vicomtes,  dont  la  maison, 
très  puissante  en  Roussillon,  a  fourni  plusieurs  illostres 
guerriers  aux  armées  aragonaises. 

Si  Ton  va  visiter  la  grotte  de  Corbère,  dans  le  canton 
de  Millas,  on  sera  frapi)o  du  bruit  d'un  torrent  qui  se 
précipite  dans  un  abime.  On  trouve,  auprès  de  NeflSadi, 
des  coteaux  formés  par  des  lits  de  coquilles  fossiles,  entre- 
mêlés de  couches  de  sable  et  de  terre.  On  montre  ik  Péalh 
un  autel  antique,  attribué  aux  Romains. 

A  Kstagel,  dans  le  canton  de  Latour,  il  existe  une  car* 
rière  de  marbre,  susceptible  d'un  beau  poli*,  et  h  Tm- 
tavel,  les  ruines  d'un  château-fort,  qui  comptait  encore 
comme  place  de  guerre  en  1040.  Non  loin  de  Ib,  sont 
les  restes  d*une  tour  beaucoup  plus  ancienne,  et  les  mi- 
nes (les  châteaux  de  Quéribus  et  de  Pierre-Pertuse. 

Saint-Paul ,  chef-lieu  de  canton ,  doit  son  origine  &  nn 

t  iVu  <!••  Mntr^vo  ili>  l-i.in«-c  s^inl  »ds«i  hicn  |Kianiii'>  m  \ariî>léii  de  Barbrvf.  tau  Ir 
l>ri-niirr  ;irri>ti'ii>^-iiii  iil ,  \iii/mi,  K>t j^-ol ,  Taiil.i\i*l ,  li:ii\3s.  «'.aUv;  ilani  le  t 
Villi'fr.inihi*  l'i  l'\ ,  ••Il  pip*.M.i|irii  «lis  rnrrit  i^^  ili-  liiuti'  'iniilitt^  Ir  xiaïuiri^  ik  l'y,  le 
\«'inr  ilf  hIaiM-  (t'iM.i^rl,  W  liiiii.irli«-i|i<  ili>^  riivir<>iis  ili*  Vinznu .  iH'iiTMt  rÏTalïMV 
li-s  |tlu.«  Ih'iuv  iiLiilin-K  i]i><^  ISn-i>iV.-<    ly  rmi^i'  ol  M.in>'  •ir  VillrfrjiKtif»,  trr«  aarM 
r\|>lMili-,  i>t  si  .ilNiti-l.iril  ,  i|ir<iii  ri-Mi|)l<ii(*  rttiiiiiniiii  mcnl  il  ni'  I»'*  ••»ii«lnMlri»ii«.  »»' 
l.'s  i'|j»i-«  |wii  f'irtiiiiô-^  ,  p>iui  i*n«  l'IriMiM'nl*  ili*  iMirli*»  l'i  »Ii*  iîmi'A'* 


CHAPITRE   DIX   HUITIÈME.  4G3 

monastère  de  Ik'iiéclictins ,  supprimé  depuis  long-temps. 
A  trois  quarts  de  lieue  vers  Test,  on  va  voir  Termitage  de 
Sainl-Anloine-de-Galamus,  dans  un  site,  dont  la  beauté 
serait  diflîcile  a  décrire.  A  un  quart  de  lieue  à  l'ouest  de 
Saint-Paul,  TAgly,  grossie  des  eaux  de  la  Boulsane,  s'est 
frayé  un  passage  à  travers  les  rochers,  et  forme  la  gorge 
sauvage  de  la  Foux.  La  rivière  y  passe  sous  un  pont  très 
élevé,  auprès  duquel  des  sources,  les  unes  froides,  les 
autres  tièdes,  sortent,  péle-méle,  du  sein  de  la  terre. 

L'agriculture  de  ce  premier  arrondissement,  varie  com- 
me la  nature  des  terres.  Du  côté  de  la  mer,  sur  la  plaine 
basse,  composée  de  terrains  d'alluvion,  connus  sous  le 
nom  de  Salanque,  on  cultive  du  froment  et  des  luzernes  de 
première  qualité  ;  on  y  néglige  trop  la  culture  des  prairies 
naturelles  et  des  plantes  fourragères.  Le  retour  alternatif 
d'inondations  et  de  sécheresses  prolongées,  ou,  plutôt, 
d'anciennes  habitudes,  ont  empêché  d'admettre  un  meil- 
leur système  d'assolement;  les  labours  y  sont  exécutés  avec 
des  chevaux  d'une  race  indigène,  de  stature  moyenne,  mais 
forts  et  vigoureux  ;  on  y  voit  de  nombreux  troupeaux  de 
bétes  à  laine,  dont  les  (ines  toisons  sont  malheureusement 
salies  par  les  nuages  de  poussière,  que  leur  piétinement  et 
des  vents  impétueux,  font  élever  de  ces  terres  argileuses, 
desséchées  par  un  soleil  ardent.  Le  reste  de  la  plaine, 
beaucoup  plus  haute,  se  divise  en  deux  parties.  Celle  où 
Ton  a  pu  conduire  des  canaux  d'irrigation  est  propre  aux 
cultures  les  plus  variées.  Les  céréales,  le  mais,  les  prairies 
naturelles  et  arlilicielles,  les  plantes  fourragères  et  légu- 
mineuses, le  lin  et  le  chanvre,  y  prospérant,  au  moyen 
des  engrais  et  des  arrosements,  ont  permis  au  cultivateur 
d'adopter  des  modes  d'assolement,  qui  ont  obtenu  les  éloges 
du  fameux  Arthur  Young.  Sur  la  partie  de  cette  plaine,  qui 
ne  peut  être  arrosée,  on  cultive  les  céréales,  l'olivier,  la 


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Wi4  1IIST0IUE   Dt   noiSSILLON. 

\i};ne;  on  l'U'W  ilrs  hrti\s  ii  hiiiic  :  on  labuuri'  avec  ùv^ 
mulets.  Les  collines  qui  terminent  le  premier  arroudis- 
semenl  à  l'ouest,  offrent  des  hois  de  chênc-Iiége,  |iliis 
souvent  des  oliviers,  et  surtout  des  vignes.  Celles  situées 
au  nord  n'ont,  pour  toute  verdun»,  ([ue  des  ristes  et 
quelques  romarins. 

Nous  n'avons  parhi  (pie  de  Ctillioure  et  de  l*ort-Ven- 
Ires,  appartenant  au  second  arrondissement.  Si  on  Iv 
parcourt,  en  remontant  la  vallée  du  Tech,  on  trouve  les 
ruines,  ou  ce  (pii  reste  encore  des  anciennes  abbayes  de 
Valbona,  de  Saint-André,  de  Saint-Génis,  des  ebâteaui 
d'Ullréra  et  de  l'Kcluse  de  Vnlhiraria  et  le  Clauftura  de 
Julien  de  Tolède),  le  pont  de  Céret,  les  Itains,  avec  le 
Ibrt,  que  nous  avons  décrit.  La  ville  d'Arles  possède  uoe 
assez  l»elle  église,  (pii  appartenait  à  une  ancienne  abbave 
de  Bénédictins,  dont  le  cloître  mérite  d'être  vu. 

Auprcs  de  Corsa\i,  existe  un  ahiine  si  profond,  que  Too 
compte  dix-huit  pulsations^  entre  l'instant  du  jet  d*ane 
pierre  et  celui  du  hruit  de  sa  chute,  ce  qui  sup|K>se  uim* 
[U'ofondeur  de  plusieurs  centaines  de  mètres. 

L'excellent  minerai  extrait  aux  environs  de  Datera,  est 
converti  en  fer  dans  [ihisieurs  for^^es  à  la  catalane  des  can- 
tons d'Arles  et  de  Prats-dc-Molli».  Nous  avons  déjà  |Mrit' 
de  cette  ville,  où  l'on  fahrique  des  draps  communs  et  de 
la  bonneterie. 

Les  curieux  visitent  r<''<;lis(*  tie  Coustou^'es,  à  laquelle 
sa  lom'dc  et  baihare  architecture  fait  attribuer  une  liaulr 
anticpiité. 

La  |)laine  du  second  arrondissenii^it  J»ieii  moins  élendot' 
ipie  celle  du  premier,  offre  la  même  \ariélé  île  culture.  Les 
collines,  auprès  de  Colliuure  et  d<'  Itanynls,  sont  converties 
de  vi^'iies  très  renonimiM's,  par  la  qualili*  île  leurs  pnNiuils. 
ipii  ne  le  cèdent  i^uère  aux  meilleurs  \ins  d'Kspa^ne.  \x 


CHAPITRE  DIX-HUITIÈME.  465 

versanl  septentrional  de  VAIbère,  qui  termine  au  sud  cet 
arrondissement,  est  assez  boisé ,  surtout  en  chénes-Iiéges 
d'un  grand  produit,  et  précieux  pour  l'occupation  des 
terrains  les  plus  arides,  les  plus  escarpés  (App,,  n^  50). 
La  haute  vallée  du  Tech,  et  celles  qui  y  aboutissent, 
quoique  fort  resserrées,  offrent  une  culture  très  bien 
entendue,  sur  tous  les  terrains  qui  en  sont  susceptibles. 
Les  flancs  inclinés  des  montagnes  sont  couverts  d'im- 
menses taillis  de  châtaigniers;  on  y  ajoute  sans  cesse, 
peut-être  trop,  au  détriment  des  substances  alimentaires, 
notamment  la  pomme  de  terre,  d'une  si  grande  impor- 
tance dans  cette  contrée. 

Si  l'on  passe  du  second  dans  le  troisième  arrondisse- 
ment, en  tournant  le  Canigou,  on  trouvera,  enclavé  dans 
le  canton  de  Saillagouse,  Livia,  bourg  espagnol,  proba- 
blement la  Julia-Lybica  de  Ptolemée  :  il  ne  communique  à 
l'Espagne  que  par  une  route  déclarée  neutre  par  les  traités. 

La  vallée  de  Carol  possède  des  mines  de  fer  très  riches; 
k  Estavar  on  en  voit  une  de  lignite. 

On  a  découvert  à  Angoustrine  '  un  autel  votif,  avec 
l'inscription  suivante ,  expliquée  par  M.  P.  Puiggari  : 

I-  0  M    II  C  P-  POLI-  Il  BIVS  II  V-  S-L-  M- 

Joni  optimo  maximo  Cavus  Publius  Polibius  votum  solvit 

libeiUer  metito. 

Nous  avons  parlé  des  thermes  des  Escaldes  et  de  Mont- 
Louis,  chef-lieu  de  canton.  Non  loin  de  cette  ville,  existe, 
dans  le  hameau  de  Planés,  une  église  d'une  forme  très 
bizarre.  Elle  fut  primitivement,  suivant  les  uns,  une  mos- 
quée; suivant  d'autres,  le  tombeau  d'un  chef  sarrasin  ;  et, 
peut-être,  n'at-elle  jamais  été  que  l'église  d'un  misérable 
village. 

i  M.  de  Baslerol .  arclulecle  du  départeraeni . 

30 


466  HISTOIRE  DU   ROUSSILLON. 

On  fabrique  des  draps  à  Olette,  cheMiai  de 
Les  minerais  d'Escaro  et  d'A}  tua ,  sont  com^ertis  en  ier 
ou  en  acier  dans  les  forges  de  Nyer,  d'En  et  de  Sahem. 
On  n'exploite  pas  les  mines  de  plomb  et  de  cnine^  tel 
on  découvre  des  indices  dans  ce  canton.  La  diflieullé  été 
transports  a,  peut-être,  empêché  jusqu'ici  d'otUiser  ks 
carrières  de  marbre,  à  Py. 

On  entre  dans  le  canton  de  Prades  par  Villefinncke, 
place  de  guerre,  que  nous  avons  fait  connaître;  on  y  foil 
des  grottes  vastes  et  curieuses  par  leurs  belles  eoncrtiiaM 
calcaires.  On  fabrique  des  draps  au  chef-lieu.  Un  liminnir 
est  établi  k  Ria  depuis  quelques  années.  Les  amatenn  de 
l'architecture  du  moyen-âge,  visiteront  les  mines  de 
Michel,  et,  surtout,  l'église  de  Comella;  l'ancien 
tère  de  Serrabona  mérite  également  d'être  vu  :  il  enl  stné 
dans  une  gorge  sauvage,  au  canton  de  Vinça.  Ole  Ml 
renommé  pour  ses  excellents  fruits  ;  Rhodes  par  aiMi  tna 
de  grenache.  Auprès  de  ce  village,  la  Tet  s'onrril,  liAft 
anciennement,  un  étroit  passage,  au  travers  des  roehoi 
de  granit,  d'où  elle  se  précipite,  avec  fracas,  de 
ressaut,  jusqu'à  ce  que,  débouchant  dans  la  pbi 
eaux  reprennent  le  cours  naturel  que  leur  imprime 
pente  moyenne  de  O'^OOo. 

Des  canaux  d'irrigation,  conduits  avec  intelHgenee 
les  flancs  des  montagnes,  vont  fertiliser  les  plaines  et  kl 
vallées  de  cet  arrondissement.  On  y  cultive  les  céréales, 
les  légumes,  le  chanvre,  le  lin,  les  fourrages  natnralsel 
artificiels  :  les  coteaux,  couverts  de  vignobles  el  d'oKfieitv 
sont  trop  souvent  livrés  à  la  culture  irréfléchie  des  céréaki; 
les  taillis  de  châtaigniers  sont  bien  plus  rares  dam  cet  Wh 
rondissement  que  dans  le  second.  On  voit  quelques  fNMl 
dans  les  montagnes,  principalement  on  bois  essence  de  pin 
sur  le  revers  septentrional  du  C^nigou;  on  y  lronve«  en 


CHAPITRB  DlX-HUini»B.  "^  MT 

moindre  quantité,  le  cbéne  et  le  hêtre.  Les  plus  beaux 
arbres  sont  débités  en  planches,  dont  le  débouché  et  le 
transport  s'effectuent  assez  facilement  :  le  reste  sert  aux 
forges  et  au  chauffage.  Dans  le  canton  de  Saillagouse, 
abondant  en  pâturages,  on  élève  une  race  très  estimée 
de  chcTaux  de  selle. 

Nous  terminerons  cette  notice  par  un  tableau  de  toutes 
les  communes  du  département,  dressé  par  canton  et  par 
arrondissement.  On  trouvera,  dans  la  première  colonne, le 
nom  de  la  commune  au  xvi®  siècle;  dans  la  seconde,  le  nom 
actuel  ;  dans  la  troisième,  sa  population;  dans  la  quatrième, 
sa  quote-part  de  l'imposition  foncière;  dans  la  dnqnième, 
ce  qu'elle  payait  de  personnelle  etmobilère^n  1850;  dans 
la  sixième,  le  nom  de  l'ancienne  division  du  pays  ài  laquelle 
cette  commune  appartenait  (Vallespir,  Roussillon,  Fenouil- 
lèdes,  Confient,  Capcir  et  Cerdagne)  ;  la  septième  colonne 
|K)rte  l'année  où  on  la  trouve  mentionnée  pour  la  première 
fois  dans  les  chartes  ou  dans  l'histoire;  la  huitième,  indi- 
({uc  le  nombre  des  feux  accusés  dans  un  dénombrement 
fait  en  1559.  Les  seconde,  troisième,  quatrième  et  cin- 
«luicme  colonnes,  dressées  d'après  des  documents  authen- 
tiques, offrent  un  moyen  d'apprécier  l'importance  relative 
(le  ces  communes ,  et  les  changements  qu'elles  ont  sdM 
depuis  1559.  Les  indications  chronologiques  de  la  sep- 
tième colonne,  ne  sauraient  être  considérées  comme  pré- 
cisant l'origine;  car  il  n'est  pas  douteux  que  toutes  ces 
communes  existaient  avant  l'époque  assignée  d'après  nos 
recherches. 


468 


HISTOIRE   DU   ROUSSILLON. 


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HISTOIRE  DU  ROUSSILLON. 


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APPENDICE. 


NOIE  suit   LES  PHÉNICIENS. 


(lis  DODi  poinl  formé  d'éublissemeul  sur  nos  côies  | 

On  trouve  dans  plusieurs  auteurs,  et  la  tradition  a  l^""  ^ 
propagé,  d'âge  en  âge,  l'opinion  que  les  Phéniciens,  isi  (poges). 
renommés,  par  l'étendue  de  leur  commerce  et  par  leurs 
expéditions  maritimes,  ont  fréquenté  nos  parages,  fondé 
une  ville,  et  donné  des  noms  à  certaines  localités*.  Tenant 
cette  opinion  pour  mal  fondée,  j'ai  fait  de  nombreuses 
recherches,  et  parcouru  avec  soin  tout  ce  que  les  écrivains 
de  l'antiquité  nous  ont  appris  sur  ce  peuple. 

Venus  de  la  mer  Erythrée,  les  Phéniciens  se  lancèreat 
bientôt  sur  la  Méditerranée,  en  s'adonnant  au  commerce 
et  exerçant  la  piraterie.  Cadmus,  fils  d'Agénor,  fondateur 
de  Tyr,  140  ans  après  la  construction  de  Sidon,  alla  bâtir, 
en  Béotie,  la  citadelle  de  Thèbes,  et  forma  un  établisse^ 
ment  considérable  dans  l'ile  de  Thasus*,  au  fond  de  la 
mer  Egée,  vers  l'an  1590  avant  Jésus-Christ.  Bien  cer- 
tainement, ces  deux  villes  existaient,  lorsque,  en  1600, 

I  l>'c>linial»lcs  auteurs  vionnonl  de  reproduire  encore  réceminenl  celle  frrcnr,  qu'il  importe 
'\r  faire  disparaître,  enfin,  de  uos  tiironi«pic.s.  (SoU  <ie  {'Éditeur. ) 

-  M.iiii»rn,in1  T.i>80,  daif»  l'AniiiiKM. 


486  APPENDICE. 

Josué  fit  le  partage  de  la  Palestine  en  douze  tribus, 
puisque  le  canton  assigné  à  celle  d'Azer  (Josut,  di.  19) 
confinait  avec  la  grande  Sidon  et  la  forte  ville  de  Tjr. 
L'historien  sacré  a  sans  doute  pris,  pour  désigner  ees 
deux  cités,  leur  caractère  le  plus  remarquable,  d'où  Ton 
peut  conjecturer,  qu'à  cette  époque,  elles  se  disaient 
moins  distinguer  par  leur  commerce  que  par  leur  étaidM 
et  leur  force.  On  voit  (liv.  III,  ch.  9  des  Rois,  et  Ihr.  H, 
chap.  8  et  9  des  Paralipomènes )  que,  mille  ans  ataat 
Jésus-Christ,  les  flottes  de  Salomon  et  d'Hiram ,  numléet 
par  des  marins  de  Tyr,  allaient  à  Ophir  et  Tards  %  d'eè 
elles  rapportaient  une  grande  quantité  d'or  monnayé,  et 
l'argent,  de  l'ivoire,  des  singes,  des  paons,  des  bois  rares 
et  des  pierres  précieuses. 

Les  Phéniciens  étaient  bien  plus  habiles  dans  U»  Ms 
el  la  narigation  que  les  Juifs,  peuple  adonné,  fÊtÊÊtflÊ^ 
uniquement  à  l'agriculture.  Divisés  en  deux  petits  ÈKÊÊÊ^ 
Sidon  et  Tyr;  occupant,  sur  une  côte  pourrué  de  pliishWf» 
ports,  une  lisière  de  terres,  longue,  mais  étroite  Aftfi 
fertile,  ils  étaient  forcés,  par  leur  situation ,  d'aller 
cher,  h  travers  les  mers,  ce  qu'ils  ne  trouvaient  pir 
eux,  ne  pouvant  se  procurer  que,  par  le  commereOi  Mi 
richesses  et  la  puissance  que  la  nature  semblait  lew 
reftisées.  Homère,  venu  environ  un  siècle  après 
accorde  aux  Phéniciens  une  grande  supériorité  SV  las 
Grecs ,  en  ce  qui  concerne  les  arts.  Il  les  cite 
nariguant,  en  marchands  et  en  pirates,  dans  tes 
voisines  de  la  Grèce;  mais,  il  ne  dit  rien,  d'oà  ofi 
inférer  qu'ils  étaient  plus  habiles  marins  que  ses 
triotes,  et  on  savait  que  leurs  plus  forts  vaisseMX  li 
portaient  pas  au-deik  de  cent  vingt  hommes  :  c'est-lk,  dn 

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APPEr<iDICE.  487 

luoifis,  la  force  de  l'équipage  des  gros  bàliiueiils  de  la 
flotte  d'AgamemnoD.  Thucydide  s'accorde  assez  avec 
Homère  :  il  nous  apprend  (liv.  I^r)  que  jusqu'à  Fan  700 
avant  Jésus-Christ,  les  Grecs  n'eurent  que  des  bâtiments 
à  cinquante  rames ,  souvent  non  pontés ,  et  montés  par 
cinquante  hommes.  Vers  cette  époque,  Âminoclès  de 
Corinthe ,  ayant  déjà  construit  des  trirèmes  pour  sa  ville 
natale,  alla  en  construire  quatre  à  Samos.  Les  Cartha- 
ginois perfectionnèrent  beaucoup  cet  art;  les  Romains 
les  imitèrent,'  et  les  flottes  des  Grecs,  composées  de 
trirèmes,  ne  furent  jamais  comparables  à  celles  mises 
en  mer  par  les  deux  Républiques,  pendant  la  première 
guerre  punique,  vers  l'an  2fti;  car  on  n'y  voyait  que 
des  quinquerèmes,  montées  par  trois  cents  hommes  et 
cent  vingt  soldats  (Polybe,  Hv.  I^^,  chap.  14),  et  ces 
vaisseaux,  mieux  construits,  marchaient  aussi  beaucoup 
mieux  *. 

Quant  aux  navires  phéniciens,  lors  de  l'invasion  de 
Xercès,  ils  étaient,  suivant  Hérodote  (liv.  VH,  ch.  96), 
les  meilleurs  voiliers  de  la  flotte.  Ce  Prince  ne  montait 
jamais  que  sur  un  vaisseau  de  Sidon.  Ce  n'était,  cepen- 
dant, comme  ceux  des  Perses  et  des  Grecs,  que  des  tri- 
rèmes, portant  deux  cent  trente  hommes,  et  pouvant 
facilement  être  tirées  sur  le  rivage.  Il  est  essentiel  de 
rcmanjucr,  que  les  flottes  phéniciennes  furent  toujours 
battues  par  celles  des  Grecs,  comme  on  le  vit  sur  les 
côtes  de  Chypre,  par  les  Ioniens,  et  à  la  bataille  de 
Salaminc,  par  les  Athéniens.  Il  est  donc  certain,  qu'à 
l'époque  de  la  guerre  des  Perses  (l'an  481)  la  marine  des 

I  Héro<loic  (  Jiv.  IV ,  ch.  KJ  )  n'évalue  la  vile&se  moyenne  d'un  navire  qu'à  27  (W  9B  liene». 
de  âr»  an  ik»j:rt',  par  vingt-qualrf  heures.  En  la  fKtrlanl  de  50  à  02,  Pline  (liv.  XIX)  allri- 
I  lie  l'accéltTalion,  à  une  meilleure  dispo.silion  de  hi  voilure;  el .  d'après  le  cinquième  frag- 
iiRMit  du  liv.  \\\IV  de  Tolvhe,  -m  peul  rnnjefturer  i|irell('  (*Uil  déjà  ia  même  deux  siècles 

..,ijiiravrtiil. 


488  APPENDICE. 

Phéniciens  n*étâit  pas  supérieure  à  celle  des  Grec8  ' ,  cU 
par  conséquent,  ils  ne  pouvaient  savoir  eu,  antérieurement, 
des  marins  plus  habiles  ou  des  vaisseaux  mieux  construite, 
en  supposant,  même,  leur  marine  stationnaire  depuis  plu- 
sieurs siècles.  Il  faut  bien  admettre,  dès  lors,  qu'avec  ces 
frêles  embarcations,  privés  de  la  boussole  et  de  beaucoop 
d'autres  moyens  employés  par  le  navigateur  moderne,  ils 
ne  pouvaient,  dans  des  mers  inconnues,  s'éloigner  des 
côtes,  dont  le  voisinage  est  même  toujours  dangereux, 
pour  s'y  réfugier  a  la  moindre  menace  de  tempête.  11 
fallait  bien,  aussi,  y  arriver  en  force,  pour  y  rester  en 
sûreté,  à  moins  qu^elles  ne  fussent  habitées  par  des  peu- 
ples amis  ou  du  moins  hospitaliers.  Le  meilleur  moyen  « 
dans  ce  cas,  de  parer  à  tous  ces  inconvénients,  est  d'éta- 
blir des  colonies.  C'est,  dans  ce  but,  que  les  Phéniciens 
fondèrent  Leptis,  Adrumettes,  Uippone,  Utique  et  Car- 
tilage. L'expédition  d'Ilannon,  le  long  des  côtes  occiden- 
tales de  l'Afrique,  prescrite  par  le  Sénat  de  Carthage,  n'eut 
pas  d'autre  objet  ;  et  les  Grecs,  eux-mêmes,  ne  s'enrichi- 
rent par  le  commerce,  qu'après  avoir  établi  de  nombreuses 
colonies  sur  les  cotes  d'Asie,  de  Sicile,  de  Thrace  et  du 
Pont-Euxin.  J'ai  cru  ce  rapide  exposé  de  l'étal  de  h 
marine  phénicienne ,  indispensable  à  la  discussion  sur  la 
probabilité  des  navigations  qu*on  leur  attribue. 

t  l'nc  intrr|iri4at trop  lilU'rale  d'un  pn<$agr  d'ilcrudote  (jbv.  VIII .  rhap.  iM)  a  l^i 

ptTuer  à  rerUiii!!  auteur»,  que  les  (irecu  ne  couiuiswiienl  pas  les  mers  i|ui  ifpiriifit  Èpm 
fie  SaRMiii,  gu'il«  regardaient  roniine  auui  ^loi^rniHî  que  iei  roionnes  d'Heroile.  Gt  M  ht  pM 
une  HitV  exa^'i^nr  d^s  (li»l.inn''t ,  qui  lr<(  em|MV  ha  ilo  faire  vnile  |Hiur  SamM ,  f«i  ^i  ■*Wsi- 
t^rent  |»as  A  allpr  i  hi'rrhfr  la  flulle  de  Xenvs  ^D^  les  rdtes  Di^mes  de  l'Asie,  et  A  bwrvr  b 
|iataillt>  de  Myralc ;  iii.us  It-^  (;riNi  et  les  IVr»4's,  qui  a\,tient  les  I VnirieBs  a%cc  eu,  MâmatL 
d.in*  une  <-iini|i|rli>  ijrniir.iiirr  -ur  le<  fonr*  rt  l.i  |ii>x|ij,.ti  ,)e  rrnnrini:  qnant  ant  Gran.  ris 
rnmninniqaaifnl  fr^iacniiiM'nt  aviv  les  iiiMiljiriA  de  leur  naliun  et  re»  de  larMcA'Aiie. 
liénHliiie,  lui-mrau-.  r;i|q>..rU-  (Ii\.  111  \  .|ui'.  du  U  ui|i>  de  f  ;.llllll)^4^,  une  eiradrr  corn 
[■.iit»i-.lori.i,\ir.  .(v.i  II  .i-  Miii*  jiiiii.'-  ,..ii-  .li»l.in'  ..uSjli,i|i>deSjiide>.  rrlJkhaàS 
ri.  |iui  'le  ti'iii|i>  .»|ii.--  iiiit  fl,.ii«-  I  h nli  iii.Miif  fil'-  *  tji,  irf  iiiir  •li'.iinlr  et  fil  .  *-jHi»  «iii,** 
j-'-n-l^f'  qiMr.iiiti- j..t|,.     I,     ,.  ^,  ,).  I,  .  ,|..i  ,1, 


APPENDICE.  489 

Nous  poserons ,  d'abord ,  comme  un  fai^  incontestable, 
c]ue  les  flottes  de  Salomon  et  d'Hiram  allaient  cbercb^, 
au-delà  de  la  Mer-Rouge,  des  objets  précieux,  qui  ne  se 
trouvaient  point  dans  la  Palestine.  Ces  voyages  n'étaient 
pas  d'une  exécution  bien  difficile  :  la  Mer-Rouge  ayant 
peu  de  largeur,  les  navires  ne  pouvaient  pas  s'^^arer; 
ils  trouvaient,  sur  ses  rivages  des  nations  amies.  Anîvée 
dans  le  grand  Océan ,  la  flotte,  longeant  la  côte  orientale 
de  l'Afrique,  habitée  par  des  peuplades  peu  considérables, 
était  maîtresse  partout.  Elle  trouvait  sur  la  côte  du  Zan- 
guebar,  l'or,  l'ivoire,  les  bois  précieux;  tout  ce  qui  est 
rapporté  dans  l'Écriture.  Si  elle  se  dirigeait  à  l'est,  en 
sortant  de  la  Mer-Rouge ,  elle  arrivait,  en  moins  d'un 
mois,  à  l'extrémité  orientale  de  l'Arabie,  d'où  elle  allait 
jusque  dans  l'Inde  charger  les  mêmes  objets,  s'ils  n'avaient 
été  déjà  apportés  par  les  Indiens.  La  révolte  de  Jéroboam, 
fit  perdre  aux  Israélites  un  commerce  qu'ils  n'avaient  dû 
qu'à  la  puissance  et  au  génie  de  Salomon.  Les  Phéni- 
ciens ,  trop  intelligents  pour  abandonner  une  voie  aussi 
importante,  s'emparèrent  de  Rhinocorura,  port  de  la 
Méditerranée,  le  plus  voisin  de  la  Mer-Rouge  (Strabon, 
liv.  XIV),  où  ils  faisaient- porter  d'Élath,  par  terre,  les 
marchandises  achetées  dans  l'Arabie,  l'Ethiopie  et  l'Indé  : 
de  là,  leurs  navires  les  transportaient  à  Typ. 

L'histoire,  fort  suspecte,  racontée  en  Egypte,  à  Héro- 
dote, d'une  navigation  exécutée  autour  de  l'Afrique,  par 
des  vai^eaux  phéniciens,  d'après  les  ordres  de  Nécos, 
vers  l'an  GiO,  pourrait  bien  n'avoir  eu  d'autre  fondement 
que  ces  voyages  de  la  flotte  d'Hiram ,  antérieurs  de  quatre 
siècles.  Des  circonstances  de  ce  prétendu  périple,  deux 
sont  les  mêmes  :  la  nation  des  navigateurs,  la  durée  du 
voyage  ;  la  troisième,  celle  d'avoir  observé  le  soleil  à  leur 
droite,  nVxii^^o  pas  qiic  la  flotte  eût  fait  le  tour  de  l'Afri- 


490  APP£NIHCE. 

que  ;  quant  à  la  quatrième,  celle  de  deux  ou  trois  s^Mn, 
pour  semer  et  récolter  du  blé,  elle  ne  fut  bxfeoUéé 
pour  prévenir  l'objection  de  l'impossibilité  d'un 
sionnement  de  vivres  pour  trois  ans.  Les  géognfhM 
teneurs  n'ont  pas  ajouté  foi  au  rapport  fait  à  Bértdale. 
Strabon,  Mêla,  Pline,  n'en  disent  pas  un  mot;  &  cîlMt^ 
cependant,  le  périple  d'Hannon ,  les  voyages  d'Emàont  M 
de  Sostaspés  ;  et,  pour  prouver  que  l'Afrique  est 
qu'île ,  Mêla  invoque  l'autorité  de  Cornélius  Népos, 
d'une  relation  des  voyages  d'Eudoxe,  contredite 
bon,  ainsi  que  celle  que  nous  a  donnée  Possidomos^ 
temporain  du  voyageur.  A  son  tour,  Polybe  (liv.  lU^  «lu  3) 
dit  que  personne,  encore,  n'a  pu  distinguer  si  I'ÉIIm^ 
pie  où  l'Asie  et  l'Afrique  se  joignent,  est  un  coBtinl» 
s'étendant  vers  le  midi ,  ou  bien  une  Ile.  Deux  nSe-MS 
après  Nécos,  les  Portugais,  dirigés  vers  le  même  iml^ 
des  princes  éclairés,  munis  de  la  boussole,  montés 
bâtiments  qui  tenaient  la  haute  mer,  n'ont  exéeolé 
entreprise  qu'après  quatre-vingts  ans  de  tentatives, 
parvenir  du  Cap-Noun  à  celui  de  Bonne- 
Comment  ne  pas  être  convaincu,  par  cette  CmI#  4e 
considérations,  que  riiistoirc  du  périple  des  Pbénieieai^ 
racontée  par  Hérodote,  n'est  qu'une  fable? 

Tous  les  auteurs  anciens  parlent  du  conuoerce  el  ëss 
établissements  phéniciens  sur  la  côte  septentrîoMle  et 
l'Afrique.  De  plus,  Strabon,  Diodore,  Velleius  Patemriw 
et  Pline,  leur  attribuent  la  fondation  de  Cadii  (Cadès^, 
cent  ans  après  la  prise  de  Troie ,  c'est-à-dire  sa  oomh 
mencement  du  xiii«  siècle  avant  Jésus-Christ.  Hëfodsis» 
qui  fut  exprès  h  Tyr,  pour  s'instruire  avec  le»  prèlfeSf 
des  antiquités  de  leur  ville ,  donne  aux  Carthaginois 
origine  phénicienne.  Leurs  relations  commerciales  s^ 
daiont  sur  la  côw  d'Afrique,  an-delà  des  colonnes  d'Hef» 


APPEI^DICE.  491 

cule.  Il  ne  mentionne  l'Espagne,  que  pour  vanter  les 
richesses  d'Arganthonius ,  roi  de  Tartessus,  et  sa  géné- 
rosité, à  l'égard  des  Phocéens,  qui  parurent  sur  cette 
plage  vers  l'an  570.  Il  ne  parle  pas  d'une  colonie  phé- 
nicienne établie  dans  l'ile  de  Gadès,  ni  de  la  ville  de  ce 
nom ,  qui  ne  devint  florissante  que  par  la  décadence  de 
Tartessus.  Diodore,  au  contraire  (liv.  V),  fait,  non-seule- 
ment, fonder  par  les  Phéniciens  la  colonie  de  Gadès, 
mais  leur  attribue  la  découverte  d'une  île  admirable,  k 
plusieurs  journées  k  l'ouest  de  l'Afrique.  Peu  après,  il 
nous  montre  les  Carthaginois,  empêchant  les  Tyrrhen- 
niens*  de  se  fixer^  soit  dans  la  colonie,  soit  dans  l'ile, 
et,  tout  cela,  sans  expliquer  comment  les  Carthaginois 
avaient  remplacé  les  Phéniciens.  Ne  pent-on,  d'après 
une  narration  aussi  confuse,  émettre  l'opinion  que  les 
Phéniciens  de  Diodore,  ne  sont  autres  que  ces  Cartha- 
ginois, déjà  établis  sur  la  côte  septentrionale  de  l'Afrique? 
On  prouverait  aisément,  par  plusieurs  passages  de  cet 
auteur,  et  d'Hérodote  et  de  Thucydide,  qu'on  donnait 
quelquefois  le  nom  de  Phéniciens  aux  Carthaginois.  Po*- 
lybe  (liv.  1er,  eh.  i)  assure,  que,  déjà  avant  la  première 
guerre  punique,  ces  derniers  possédaient  plusieurs  pro- 
vinces dans  ribérie.  Pline  (liv.  II,  chap.  67)  nous  fiiit 
connaître,  qu'au  vi^  siècle,  à  l'apogée  de  la  puissance 
de  Carthage,  Hannon  partait  de  Cadiz  pour  cette  expé- 
dition, dont  il  a  laissé  le  journal,  tandis  qu'Himilcon 
sortait  du  même  port  pour  explorer  les  côtes  occiden- 
tales de  l'Europe. 

On  voit,  par  le  premier  traité  de  Carthage  avec  les 
Itomains,  en  509,  qu'elle  possédait,  au  moins,  l'Afrique, 
la  Sardaigne  et  partie  do  la  Sicile.  On  ne  saurait  douter. 


492  APPENDICE. 

en  conséquence,  qu'elle  était  maîtresse  de  Cadii, 
siècles  avant  Jésus-Christ.  Pomponius  Mêla,  né  dans  It 
voisinage  de  cette  ville,  dit  (liv.  I^r,  ch.  7)  qnUtiqM'Ct 
Carthage  étaient  deux  colonies  des  Phénici^is;  M 
apprend  (liv.  III,  ch.  6)  que  sur  Tun  des  deux 
toires  de  l'ile  de  Gadès,  les  Phéniciens  avaient  élefé^  à 
l'Hercule  Égyptien,  un  temple'  fort  vénéré,  parée  l|ÉV 
renfermait  la  dépouille  du  héros,  et  que,  sur  Faotie 
montoire ,  il  existait  une  ville  opulente,  portant  le 
nom  que  l'île;  mais  il  n'indique  pas  son  fondateur*  S^ 
nèque ,  né  à  Cordone ,  donne  f  Consolaiio  ad  MmÊm) 
une  longue  énumération  des  établissements  de 
peuples  sur  des  terres  étrangères.  Il  ne  cite  les 
ciens  que  pour  les  colonies  établies  en  Afrique,  ei 
bue  aux  Carthaginois  seuls,  les  établissements  fonnét^i 
Espagne;  et  ces  nombreux  témoignages  attestent,  fMi 
si  réellement  Cadiz  dut  son  origine  aux  Phéniciens  ^Am^ 
ils  y  furent  bientôt  supplantés  par  ceux  d'Afrique,  qpkm 
firent  le  principal  entrepôt  de  leur  commerce  «fee  hs 
côtes  occidentales  de  l'Afrique  et  de  l'Europe,  y 
iles  Cassitérides  (les  Sorlingues).  Nous  poorrions 
ajouter  bien  d'autres,  si  nous  ne  craignions  de  trop 
longer  cette  dissertation  ;  mais  nous  ne  saurions  négijii 
celui  d'Ézéchiel.  Ce  prophète,  considéré  seulement 
écrivain  ordinaire,  est  l'autorité  la  plus  imposantSt 
qu'il  parle  aux  Tyriens  mêmes,  de  leur  ville.  Qi  Uenl  I 
nous  montre  les  Carthaginois,  faisant  déjà,  avant  an  des» 
truction  par  Nabuchodonosor,  tout  le  commerce  des  pqfS 
situés  au-delà  des  colonnes  d'Hercule;  car,  dans  In  Hm 


I  Us  aarairnl  po  avoir  coiiutniil  ce  leniple  »ans  être  les  fondalcurt  de  U  villt 
«lani  l'anliqailé.  pcnnellaicut  des  cunïtrurlions  de  ce  genre  aax  étriofeit. 
dans  IkrtKj.iic  (liv.  Il .  art  178)  plusieurs  villes  grerquef,  Mlir.  à  finii 
d'Hcl»*uiUfii ,  à  Nnurialis.  m  Kgypir;  Ioj.  KginiM'«.  un  a  Jnpilrt  ;  le»  Smiicm.  nA 
lo*  MilésicD»,  lin  \  Apollon  ,  dan»  la  loAroc  ville 


APPENDICE.  49.1 

peinture  de  la  richesse  et  de  la  puissance  de  Tjr  (cti.  26, 
!27,  28)  il  nous  la  représente  comme  le  centre  du  com- 
merce du  monde,  et  le  marché  général  des  peuples,  qui 
venaient  tous  (Assyriens,  Grecs,  Arabes,  Hébreux,  Per- 
ses, Carthaginois),  y  apporter  leurs  marchandises.  Il  dé- 
signe spécialement  ces  derniers,  comme  fournissant  l'ar- 
gent,  le  fer,  Tétain,  le  plomb,  objets  qu'ils  ne  pouvaient 
tirer  que  de  l'Espagne  et  des  îles  Cassitérides. 

Les  Tyriens  échappés  au  fer  de  Nabuchodonosor,  ve- 
naient d'élever  une  nouvelle  ville,  et  la  Phénicie  commen- 
çait à  se  relever  des  malheurs  qu'Ézéchiel  avait  prédits , 
lorsque,  tombant  sous  la  domination  des  Perses,  ses  peuples 
furent  obligés  d'employer  leurs  flottes  au  service  de  leurs 
nouveaux  maîtres,  dans  les  guerres  incessantes  contre  les 
Ioniens,  les  Égyptiens  et  les  Grecs,  jusqu'à  ce  qu'après 
la  défaite  de  Darius,  Tyr,  ayant  osé  résister  au  conquérant, 
fut  ruinée,  pour  la  deuxième  fois,  par  Alexandre.  Durant 
toute  cette  période  (de  625  à  536)  l'histoire  nous  repré- 
sente les  Carthaginois  dominant  l'Espagne,  et  faisant  la 
police  des  mers,  de  concert  avec  les  Tyrrhéniens;  et 
comme,  en  même  temps,  les  Marseillais  étendaient  leur 
commerce,  de  Nice  à  Ampurias,  on  conçoit  que  les  Phé- 
niciens, trop  heureux  de  continuer  celui  de  Tlnde,  dont 
ils  rapportaient  les  provenances  dans  les  ports  du  grand 
roi,  ne  songeaient  point  à  établir  des  relations  d'aifaires 
bien  moins  lucratives,  dans  les  pays  où  les  Carthaginois 
et  les  Marseillais,  les  avaient  prévenus  ou  supplantés.  Ce 
n'est  donc  qu'avant  la  destruction  du  vieux  Tyr,  au  com- 
mencement du  VF  siècle,  qu'on  pourrait  supposer  qu'ils 
avaient  formé  des  établissements  sur  nos  côtes;  mais  elles 
n'avîiient  rien  alors  qui  pût  les  y  engager.  Habitées  par 
(les  Barbares,  sans  culture;  privées  de  rivières  navigables  ; 
n'ayant  aucune   denrée  à  exporter  ou  à  recevoir,    elles 


i9i  APPËNDICK. 

ii'otfraieiit  aucun  de  ces  points  avaulagcax  pour  le  eon- 
merce,  indiquant  à  une  nation  civilisée,  qu'il  (aul  s'établîr 
là  plutôt  qu'ailleurs  *.  Aucun  document  historique  ae 
permet  d*admettre  la  réalité  de  cet  établissement;  et  nous 
nous  dispenserons  de  discuter  la  fable  absurde,  raooiHée 
par  Diodore  (liv.  V)  d'un  embrasement  des  Pyrénées,  doà 
découlèrent  des  ruisseaux  de  pur  argent,  qu'exploitèieiil 
les  Pbéniciens. 

Nous  avons  fait  voir  quel  était  Tétat  de  la  marine  des 
Phéniciens,  lors  de  l'expédition  de  Xercès  :  nous  en  aYoni 
tiré  la  conclusion  naturelle,  que  leurs  vaisseaux  devaient, 
antérieurement,  être  encore  plus  faibles  et  moins  bisa 
construits.  Quelque  hardis  navigateurs,  qu'on  les  ait  sup- 
posés, les  habitants  de  T\  r  et  de  Sidon  ne  |)0uvaient  être 
qu'excessivement  timides  avec  de  pareils  bâtiments.  Deux 
routes  leur  étaient  ouvertes  pour  venir  jusifu'à  nous:  Pnoe, 
au  nord,  longeant  les  rotes  de  la  Méditerranée,  de  la  Mei^ 
Noire,  de  la  Thrace,  de  la  Grèce  et  de  l'Italie;  l'antre,  as 
midi,  suivant  l'Kgypte,  la  côte  septentrionale  d'Afrique  el 
l'Espagne.  Pres(|ue  tous  les  auteurs  sont  d*accord,  qn^ik 
ne  fondèrent  des  (colonies  en  Afrique  que  cent  ans  après 
la  prise  de  Troie.  On  peut  conjecturer,  qu1ls  ne  sorliienl 
guère,  jusqu'à  cette  époque,  de  la  partie  de  la  MédilCf- 
ranée  comprise  entre  Tile  de  (Chypre  et  la  côte,  depuis 
l'Egypte  jus(]u*à  Tarsus  ;  et  certes  on  n'en  sera  pas  élonnë, 
si  Ton  fait  attention,  que,  peu  fertile,  et  n'ayant  que  huit 
mille  kilomètres  carrés  de  surface ,  cette  contrée  ne  put 


t  On  .1  iht,  A\cf  r.u<'i>[i.  «lu'il  étjit  iii'li'>|ta>ii>.tli|i-  à  iiin'  n:itiun  r<)iiiuirr(aiilÉ  4f 
roloiiirs  Mir  !•  -.  rAl.s  il,-*  t»  rri*>  n.iu^i'llfmi-iit  o\|i|.'riVv  Or.  mi  i  iii-  |urtmliHracBt  R»- 

rioo,  ih-iir  furlitirr.  (ur  «i  rf><^ml.bi)i-r  n\tv  I.  n riinf  \i\\v  •rAfrii|iM>.  KfifiBiM  ^H  hl 

l'h^iiM  lfO^  avaifut  tTim-  oi-s  «■t.f|i|i»sr*iiii'iti>  il  ni!>  If  llini>^iUiiii.  lU  jiirai^iit .  ca  WrUé,  Ut 

un  rtr.ini;i-  rh.«i\  .  iii  rn-u  .t  im  ,'-iA'\ ir.tiii  -l  i-i-  l.i  |ii«i(i.>n  iln  Uu<>«  iiu>  iDlii|iir , 

TianH:.i«lHI-h»«<^<>ll"    .1'...'   1  J.iiit  Li|..ii..ir.      li.  ,.   |.|i/..  i  |>^ -i.-   >(. i.bMr  ant 


APPENDICE.  495 

acquérir  que  lentemenl  une  population  qui  lui  permit  de 
donner  un  grand  développement  à  ses  opérations  mari- 
times. Après  la  mort  de  Salomon,  qui  leur  avait  contié  la 
conduite  de  ses  flottes  sur  la  Mer-Rouge,  les  Phéniciens 
surent  s'y  maintenir  seuls.  Ils  embrassaient  ainsi  tout  le 
commerce  de  la  Méditerranée,  depuis  la  Grèce  jusqu'à 
r.arthage,  et  celui  de  Tlnde,  de  FArabie  et  de  TÉthiopie. 
En  outre,  des  manufactures  où  ils  travaillaient  le  verre, 
les  étofles  précieuses,  les  métaux,  étaient  bien  suffisantes 
pour  occuper  une  population  très  active,  et  tirent  acquérir 
à  la  ville  de  Tyr,  celte  opulence  citée  par  Ézéchiel.  Sur  la 
première  route ,  ils  ne  paraissent  pas  avoir  dépassé  les 
colonies  grecques  du  midi  de  Tltalie.  Denis  d'Alicarnasse, 
qui ,  au  commencement  de  notre  ère,  a  donné  des  détails 
circonstanciés,  concernant  les  divers  peuples  qui,  depuis 
les  temps  les  plus  reculés,  parurent  sur  le  littoral  de  l'Ita- 
lie, entre  Terracine  et  Pise,  ne  parle  point  des  Phéniciens. 
Par  la  seconde  route,  puisqu'on  admet  que,  dépassant  les 
colonnes  d'Hercule,  ils  étendirent  leur  commerce  et  leurs 
établissements  sur  les  côtes  occidentales  de  l'Europe,  jus- 
qu'aux îles  Cassilérides ,  il  est  presque  impossible  qu'ils 
aient  pu ,  en  même  temps ,  s'établir  sur  la  côte  orientale , 
avant  Fe  vF  siècle,  époque  de  la  ruine  de  Tyr  et  des  progrès 
des  Carthaginois,  qui,  bien  qu'infiniment  plus  puissants  que 
ne  le  furent  jamais  les  Phéniciens,  ne  passèrent,  pour  la 
première  fois,  TÈbre,  sous  la  conduite  d'Annibal,  que  trois 
cents  ans  après  leur  établissement  en  Espagne.  Le  savant 
Héeren,  auteur  d'un  ouvrage  très  remarquable  sur  le  com- 
merce des  peuples  de  l'antiquité,  quoique  très  favorable  à 
Topinion  qui  attribue  aux  Phéniciens  un  immense  com- 
merce et  de  longues  navigations,  leur  assigne,  pour  limhe 
en  Espagne,  la  frontière  de  Murcie,  et  ne  pense  pas  qu'ils 
aient  cherché  à  fonder  des  colonies  sur  les  côtes  gauloises 


496  APPENDICE. 

de  la  Méditerranée,  où  les  Grecs  avaient  déjii  formé  des 
établissements. 

Nous  terminerons  cette  dissertation ,  en  empmiHMt  M 
célèbre  Robertson,  les  expressions  dont  il  s'est  ser?!^  dait 
une  occasion  semblable  à  celle-ci;  et  nous  dirons  tvee  hi« 
que,  si  nous  rejetons  les  traditions  fabuleuses  el 
cures , .  nous  attachant  uniquement  aux  lumières  el 
faits  authentiques  de  l'histoire,  sans  y  substituer  tes 
jectures  de  l'imagination  et  les  rêves  des  étymoiog^sles, 
il  faut  conclure,  que  les  Phéniciens  n'ont  jamsis  tûÊmé 
d'établissement  sur  nos  côtes.  Par  coûséqueni,  ee  ntel 
pas  eux  qui  ont  donné  les  noms  que  portent 
localités.  Nous  ne  saurions,  d'ailleurs,  admettre  qa'i 
simple  analogie  de  noms,  permit  d'attribuer  2i  lew 
blissement  une  origine  commune. 


NOTE  SUR  LA  VITESSE  DES  POSTES  ROIAMU. 


^o  2,  On  a  beaucoup  exagéré  la  vitesse  des  postes 

(pa§e s3).  D'abord,  leurs  voitures,  imparfaites,  non  suspendMS, 
étaient  bien  plus  fatigantes  que  les  nôtres,  et  leurs  nUà 
bien  plus  longs,  deux  causes  d'infériorité  qu'on  ne  peit 
révoquer  en  doute.  Si  Ton  en  croit  Gibbon  et  Beiipsr, 
les  courriers,  dans  quelques  circonstances,  ont  ftil  as» 
delà  de  sept  milles  par  heure  (2  lieues  7s)  pendiBlfki» 
sieurs  jours.  Appuyons-nous  sur  des  faits  précis^  iico> 
testables  :  par  exemple,  un  voyage  de  César,  de  RcMM  I 
Cordone,  de  1 .728  milles  en  27  jours;  celui  de  Vtnwfi 
de  Constantin  à  Galère,  de  York  a  Nicomédie  et  de  MHS 
ville  à  Arles,  dans  les  Gaules,  de  4.819  milles  en  75  jovsi 
«m  trouve,  pour  résultat,  Gi  milles  en  21  heures,  nmiw 
d'une  lieue  a  riieure.  On  pourrait  encore  tirer  de  den 


...«S.^^^^^Y^ 


AITKNDICK.  497 

rourst^s  do  UavtMuu*  à  Home ,  opérées  eu  irois  jours, 
(Tune  [lar  Ciirius,  porteur  de  lellres  de  César  au  Sénat; 
l'autre,  par  le  courrier  qui  porta  Tavis  de  la  mort  de 
Maximieu)  un  troisième  résultat;  car,  en  divisant  par  ô 
la  dislance  de  250  milles,  on  aura,  par  heure,  5  milles  */^ 
ou  une  lieue  <»t  un  cinquième,  terme  moyen  qu'on  peut 
adopter. 

Quant  au  trajet  par  mer,  qu'on  a  aussi  exagéré,  on  ne 
saurait  le  porter  au-delà  de  54  lieues  en  24  heures,  savoir: 
130.1)00  orgies  ou  124.000  toises  de  Paris,  Toi^e  étant 
à  la  toise  :  :  1.575  :  1.410  (Hérodote,  liv.  IV,  ch.  86). 
Pline  (liv.  XIX)  dit,  qu'avec  une  vitesse  moyenne,  on  va 
de  Pouzzols  à  Alexandrie,  en  neuf  jours  :  la  distance  est 
de  450  lieues;  d'Ostie  à  Cadiz,  en  sept  jours  :  distance 
r>80  lieues  ou  54  lieues  par  jour.  Polybe  (liv.  XXXIV, 
cincjuième  (ragnient)  regarde  comme  une  absurdité  qu'on 
prétendit  avoir  fart,  avec  une  vitesse  également  soutenue, 
les  4.000  stades,  d'Alexandrie  a  Rhodes,  en  deux  jours, 
c'est-à-dire,  Sô  lieues  par  jour. 


LES  TROPHÉES  DE  POMPÉE. 

Dans  un  passage  précédent,  Strabon  avait  déjà  dit  que  Nos, 
les  trophées  de  Pompée  étaient  situés  à  l'extrémité  des  ./«.k  .!•/). 
Pyrénées;  mais  l'importance  de  celui-ci  nous  engage  à  le 
rapporter  en  entier,  d'après  la  traduction  de  M.  Laporte 
du  Theil  :  «  Une  portion  du  pays  qui  appartient  aux  Em- 
«  poristes,  dans  l'intérieur  des  terres,  est  assez  fertile; 
«  le  reste  ne  produit  (|ue  du  sparthum,  espèce  de  jonc 
«(  qui  se  plail  dans  les  marais,  et  (|ui  n'est  pas  d'un  grand 
<(  usage  :  le  terrain  qui  le  produit  porte  le  nom  de  cham|) 
«<  joncaire.  Ce  peuple  possède  encore  quelques  terres,  qui 

3:> 


498  APPENDICK. 

c(  s'étendent  jusqu'à  l'extrémité  des  Pyrénées,  où  mM  lit 
(f  trophées  de  Pompée ,  sur  la  route  qui  conduit  de  Pltilit 
H  dans  ribérie.  » 

Cette  description  fort  claire ,  convient  eneoit  k  KéM 
actuel  du  pays  :  la  côte  basse  et  marécageote, 
Ampurias  jusqu'aux  environs  de  Roses,  est  Vi 
champ  joncaire,  où  croissait  cette  espèce  înférkMMét 
sparth,  le  sparthum  ligmm  de  Linnée.  En  s' 
de  la  mer,  on  trouve  un  pays  assez  fertile  :  les 
qui  s'étendent  jusqu'à  l'extrémité  des  Pyrénées, 
le  canton  compris  entre  Roses  et  Cerbère.  M.  de 
veut,  malgré  les  explications  données  par  StrA^m^n^/lê 
cet  auteur  ait  parlé  du  véritable  sparth ,  slypa 
de  Linnée,  qui  ne  croit  que  sur  des  terrains 

* 

conséquence ,  il  place  le  champ  joncaire  loin  de  le  flMTi 
et,  traduisant  par  sommets  des  Pyrénées,  les  iMils  fM 
tous  les  traducteurs  ont,  ce  me  semble,  rendes  eiee  ftas 
de  fidélité  par  ceux-ci,  l'extrémité  des  Pyrénées  M 
équivalents,  il  change  un  passage  clair,  et  qui  ÎBdi 
fort  bien  la  direction  de  la  route  et  la  situation  des 
phées,  en  un  autre  qui  n'indique  plus  rien  ;  et  sepposilMt 
gratuitement,  que  la  voie  romaine  passait  au  Pertes, 
comme  y  passe  la  route  actuelle ,  il  place  les  Irepbées 
vers  ce  point. 


DtPKNDANCB  DES  COMTES  dV  RODSSilMR. 

\e  4  «  La  seule  autorité  sur  laquelle  on  puisse  se  fondsf 

(pagr  90).     assurcr  que  le  Roussillon  dépendait  des  Comtes  de 

celone ,  est  celle  de  l'auteur  des  gestes  de  ces  CoflMSS 
qui  dit,  que  durant  sa  vie,  Vuifred-le-Velu ,  peeséé 
seul  le  Comté  de  Rarceloue ,  depuis  Narbonne  jnsqp'si 


APPIINDICE.  499 

pays  des  Infidèles  (Hispaniam).  Mais  ses  États  pouvaient 
s'étendre  de  Narbonne  ad  Hispaniam ,  sans  que  le  Rous- 
sillon  en  fît  partie,  puisque,  par  le  Fenouillet,  le  Gonflent 
et  la  Cerdagne ,  que  son  fils  Miron  posséda  à  sa  mort , 
ils  s'étendaient,  en  eflet,  de  Narbonne  ad  Hispaniam. 
D'ailleurs,  le  témoignage  de  l'auteur  des  gestes,  écri- 
vant quatre  siècles  après  Vuifred,  et  n'appuyant  son 
dire  sur  aucun  document  contemporain ,  ne  pouvait  être 
d'un  grand  poids,  puisque  son  livre  n'est  qu'un  tissu  de 
fables,  d'inexactitudes  et  d'erreurs,  et  que  la  charte  de 
869  et  le  jugement  d'Isembert,  cités  plus  haut,  prouvent 
suflisamment  que  le  Roussillon  ne  dépendait  pas  de  la 
Marche  d'Espagne.  En  outre,  on  peut  voir,  dans  Bofarull, 
les  testaments  des  Comtes  de  Barcelone,  Raymond-Bé- 
renger  I«%  Raymond-Bérenger  III,  Raymond-Bérenger  IV. 
Dans  ces  trois  actes ,  dont  l'objet  est  le  partage  de  la 
succession  du  testateur  entre  ses  enfants,  on  fait  une 
longue  énumération  des  biens  délaissés,  sans  oublier  les 
Évêchés ,  les  Abbayes  et  d'autres  fiefs  moins  impor- 
tants, dépendant  féodalement  de  la  Seigneurie  du  testa- 
teur. Est-il  probable  qu'on  eût  négligé  de  faire  mention 
du  Comté  de  Roussillon,  s'il  avait  relevé  des  Comtes  de 
Barcelone,  ou  seulement  s'ils  avaient  eu  cette  prétention? 
Nous  voyons  de  plus,  dans  la  charte  109  de  Marca,  Gauz- 
fred,  comte  de  Roussillon  et  d'Ampurias,  faire  à  Saint- 
Pierre-de-Rhodes  un  acte  de  haute  administration,  en 
présence  de  plusieurs  Prélats  et  d'un  comte  Borel,  qui 
ne  peut  être  que  Borel  II ,  de  Barcelone,  sans  que  celui-ci 
y  intervienne  autrement  que  pour  signer  avec  les  autres 
témoins,  après  le  comte  Gauzfred. 

Don  Prosper  de  Bofarull  convient  que  Vuifred-le-Velu 
et  ses  prédécesseurs  avaient  dépendu  des  Rois  de  France, 
dont  ils  tenaient  leur  dignité.  Il  faudrait  donc  produire 


.'lihi  vrrLMiicK. 


le  titre  (|ui  coiislak'  rinilrpomluncc  de  Vuifred  el  de  ses 
successeurs  :  ne  le  pouvant  pas,  on  allègue,  |»our  le 
prouver,  lein*s  alliances  avec  des  maisons  souveraines, 
les  monnaies  fra[)pées  à  leur  coin,  les  lois  promulguées 
en  leur  nom ,  les  guerres  entr(*|)rises,  les  traités  conclus 
par  eux,  sans  la  moindre  intervention  de  nos  Rois.  Ces 
preuves  sont  assez  faildes,  puisque,  durant  Tanarcliie  car- 
lovin(;ienne,  des  Seigneurs  bien  moins  puissants  avaient 
commis  les  mêmes  enipiètements  sur  Tautorité  ro\ale, 
sans  (|u*<m  en  ait  jamais  conclu  leur  indépendance.  On 
a  voulu  les  fortilier  par  les  expressions  assez  vagues  de 
quelques  chartes  postérieures.  On  veut,  |iar  exemple, 
que  la  vente  faite  jiar  Borel  II  d'un  aleu,  qu'il  dît  tenir 
de  ses  ancêtres,  et  ceux-ci  pn  vorem  precepti  Régis 
Francomm ,  qvod  frn'i  tjlon'osissimïi:s  Carohs ,  de  am* 
nitfus  /iscis  irl  rnntis'  frrrtr  Hlorum;  on  veut,  dis-je,  que 
cette  vente,  ii  raison  <lu  mot  jisris,  prouve  que  Ciiarles 
avait  doinié  aux  ancêtres  de  Borel  la  Marche  d'Espagne  : 
mais,  le  mot  /(v<//.v,  ne  veut  souvent  dire  qu*une  terre 
cultivée,  appartenant  au  <lomaine  ro\al,  et  les  mots  iW 
nemis,  dont  il  est  sui\i,  «lémimtrent  assez  que  c*est  dans 
ce  sens  qu*il  doit  être  |)ris.  .Nous  ne  voyons  donc  là  que 
la  cessi<m  des  domaines  cultivés  et  des  vacants  |>ossédés 
par  le  lioi.  Dans  certaines  chartes,  les  Comtes  de  Itarce- 
lone  dési<;iient  les  terres  \eiidu(*s  par  les  expressions 
suivantes  ou  d'autres  (Mpiiv«dentes  :  qinv  nos  traximus  de 
nrwft  jitiwi  hoiifnit'^  suh  ditionr  Fnimorum.  On  vou- 
drait intii^rer  de  ers  ex|)ressions,  ({u'ils  avaient  été,  mais 
nVtaient  plus  \assaux  <les  Unis  de  France.  Cette  inter- 
prétation est  un  |teu  lorrce.  Serait-elle  plus  naturelle, 
<'lle  ne  prouverait  p:is  rinde|iendance  de  ces  Comtes; 
car,  ils  ne  |)ou\ aient  m*  virn-  di's  droits  par  des  actes 
rmauo  <t Vu\-nirnte.s. 


AITENDICK.  50i 

Op|>osons  à  ces  chartes  les  iloeiinienls  qui  prouvenl  la 
suzeraineté  des  Rois  de  France  sur  la  Marche  d'Espagne  : 
\^  Saint  Théodat,  archevêque  de  Narbonne,  a  recours, 
en  888 ,  au  roi  Eudes,  pour  remédier  à  certains  désordres 
des  Eglises  de  Girone  et  d'Urgel ,  et  fait  confirmer,  par 
re  Prince,  les  possessions  de  l'Église  de  Vich  (Ferreras; 
ytmra  hif^panica);  2*^  en  891,  Serviis  Dci,  évêque  de 
Tiirone,  assiste  a  rassemblée  de  Meun-sur-FOise ,  et 
obtient  du  roi  Eudes  la  confirmation  des  privilèges  de  son 
Église  (Marc,  liisp.);  o'>  Vuifred  II  donne  à  l'église  de 
Vich,  le  tiers  de  la  monnaie  de  cette  ville,  et  ses  exécuteurs 
testamentaires,  en  délivrant  ce  legs,  recommandent  à 
rÉvêque  de  faire  confirmer  ce  don  par  le  Roi  de  France 
(Marc,  liisp.);  i^  Louis  d'Outre-Mer  termine,  en  941, 
une  contestation  existant  entre  le  monastère  de  Saint* 
Pierre-de-Rhodes  et  celui  de  Saint-Étienne-de-Bagnoles 
(Marc,  liisp.):  5«  en  972,  l'Archevêque  de  Narbonne  eut 
recours,  auprès  du  Pape,  à  l'intervention  du  Roi  de  France, 
on  qualité  de  suzerain  de  la  Marche  d'Espagne,  pour  em- 
pêcher l'érection  d'une  métropole  dans  ce  pays  (Ferreras, 
thdlc  du  Pape)  ;  (î»  le  fameux  Gefbert,  devenu  Pape,  sous 
le  nom  de  Sylvestre  II,  avait  long-temps  habité,  quand  il 
était  moine,  la  Marche  d'Espagne,  d'où  il  partit,  en  970, 
pour  accompagner  à  Rome  le  comte  Borel  :  il  nous  ap- 
prend, dans  sa  71e  lettre,  que  ce  Comte,  après  sa  défaite 
auprès  de  Barcelone,  en  98o,  s'empressa  de  donner  avis 
au  roi  de  France  Louis  V,  réclaniant  le  secours  qu'il  lui 
devait  comme  à  son  vassal;  et  dans  la  112^  lettre,  il  nous 
dit  qu'Hugues  Capet  écrivit,  en  988,  à  ce  même  comte 
Borel ,  lui  promettant  de  marcher  à  son  secours,  lui  en- 
joignant de  venir  en  personne  en  Aquitaine,  soil  pour  lui 
donner  les  assurances  de  sa  fidélité,  soit  pour  servir  de 
^niide  à  son  armée.  Aux  mductions  ipi'on  pejil  tirer  de  Ioih> 


N"  :., 


502  APPENDlCi:. 

ces  faits,  vient  se  joindre  le  témoignage  même  des  Comtes 
de  Barcelone.  Ils  ne  manquent  jamais,  dans  leurs  chartes, 
de  faire  mention  du  Roi  régnant  en  France;  et  celle  men- 
tion ne  peut  être  regardée  comme  un  simple  signe  chro- 
nologique, car  elle  est  presque  toujours  précédée  ou  suivie 
d*une  date  marquée  par  Tannée  de  l'ère  d'Espagne  on  de 
celle  de  la  Nativité  ou  de  Flncamation.  Souvent  même, 
ils  se  bornent  à  nommer  le  Roi  régnant,  sans  indiquer 
Tannée  de  son  règne.  D*oii  Ton  doit  conclure  qu'ils  em- 
ploient cette  formule ,  uniquement  pour  se  conformer  i 
un  usage  suivi,  tant  en  France  qu'en  Allemagne,  k  Fégaid 
du  Roi  et  de  TKmpereur,  par  leurs  vassaux.  L'observation 
suivante  doit  ajouter  un  degré  de  probabilité  à  cette  opi- 
nion :  Le  trône  des  Carlovingiens  fut,  quelquefois,  occupé 
par  des  Princes,  dont  les  droits  n'étaient  pas  universelle- 
ment reconnus  alors  dans  la  Marcbe  d'Espagne,  comme 
dans  les  autres  provinces  récalcitrantes;  on  employait 
cette  formule  Cln'isdt  mutante,  regem  expedanie,  indiquant 
la  dépendance  de  la  Monarchie  française,  mais  non  la  re^ 
connaissance  du  Roi.  Le  concile  de  Tarragone,  en  1180, 
ordonna  de  dater  1rs  actes  de  Tère  de  TIncarnation ,  sup- 
primant celle  (TEspagne,  et  défendant  d\  relater  les  an- 
nées des  Rois  de  France.  Ceux-ci  n'en  continuèrent  pas 
moins  à  se  regarder  connue  les  Suzerains  des  Comtes  de 
Barcelone  ;  et  dos  droits  de  ce  genre  sur  la  Catalogne  et 
le  Roussillon ,  étaient  les  seuls  que  saint  Louis  pût  céder 
à  Jacques-le-('Onquérant  dans  le  traité  de  C^beil. 

DKSCENnANCE  DE  SINIFRED. 


Exposons  en  quelques  liguch  la  situation  des  Princes 
f.,yr  if'/       de  la  Maison  de  Siinifred  dWria,  sur  laquelle  il  existe. 
dans  Tliistnire,  de  Tobscuritc  vi  d(*  l'incertitude,  que 


APPENDICE.  503 

croyons  élre  eu  étal  de  dissiper.  L  objet  offre  d'autant 
plus  d'intérêt,  que,  presque  tous  les  Princes  régnants  de 
l'Europe  Méridionale,  en  descendent  par  les  femmes. 
Ceux,  par  exemple,  de  la  Maison  de  Bourbon ,  s'y  ratta- 
chent par  Marguerite  de  Provence,  femme  de  saint  Louis, 
fille  de  Raymond-Bérenger  IV,  comte  de  Barcelone,  qui 
tenait  le  Comté  de  Provence  de  son  père  Alphonse  II, 
dont  le  père,  aussi  Comte  de  Barcelone,  avait  épousé  la 
dernière  héritière  d'Aragon. 

D'après  Bofarull,  auteur  catalan  très  estimé,  la  question^ 
est  résolue.  Sunifred  fut  père  de  Vuifred-le-Velu,  premier 
comte  de  Barcelone,  qui  commença  à  régner  en  874  et 
qui  eut  cinq  fils  : 

Vuifred  II,  ou  Borel,  qui  lui  succéda; 

Miron,  qui  eut  pour  apanage  les  Comtés  de  Cerdagne 
et  de  Bésalu  ; 

Suniaire,  d'abord  Comte  d'Urgel; 

Radulphc,  qui  mourut  moine  à  Ripoll,  après  avoir 
gouverné  le  Roussillon; 

Borel,  dont  aucun  document  n'a  fait  connaître  le  sort. 

A  Vuifred  succéda  Suniaire,  troisième  fils  de  Vuifred- 
le-Velu,  que  remplacèrent  ses  deux  fils:  Borel  II,  et  un 
autre,  du  nom  de  Miron ,  qui  mourut  sans  postérité. 

Telle  est  la  branche  ainée,  que  nous  ne  suivrons  pas 
plus  loin. 

Miron,  comte  de  Cerdagne,  chef  de  la  branche  cadette, 
eut  quatre  fils,  dont  le  premier,  Séniofred ,  fut  son  suc- 
cesseur; le  second  mourut  Évéque  de  Girone;  le  troi- 
sième, Oliba-Cabréta ,  succéda  a  Séniofred,  mort  sans 
enfants,  ainsi  qu'à  son  quatrième  frère,  Vuifred,  comte 
de  Bésalu,  qui  fut  assassiné.  Plusieurs  auteurs,  entre 
autres  Zurita,  veulent  qu'Oliba  ait  tenté  de  réunir  à  ses 
Etats  le  Comté  de  Barcelone,  après  la  mort  de  Vuifred  II. 


.V)l  APPEMHCl::. 

Lrs  liarniis  s'\  o|)|)ost'renl,  dit-il,  parce  qiril  élait  bègue, 
et  (111*011  le  regardait  ecHiinie  un  inécliant  Prince,  point 
eathorK|iie.  Ktranges  motifs,  dillieilesà  admettre,  atteedu 
que  riiérédité  excluait  riiitorvciitioii  desltarons;  co  second 
lieu ,  comment  croire  ii  (*es  scrupules  religieux,  lorsque, 
quel(|ues  années  après,  on  voit  un  enfant  de  dix  ans  établi, 
il  prix  d'argent,  sur  le  siège  de  Narbone,  qu'il  proslitua 
|»ar  la  plus  iiiffime  conduite. 

liorel,  fils  de  Suniaire,  transmit  le  Comté  de  Barcelone 
à  son  HIs  aine,  et  donna  l'rgel  et  Ausone  ou  Vich,  a  son 
second  iils,  Krmengaud. 

'  Quant  au  C^omté  de  iioussillon,  Uadulphe,  qui  se  lit 
moine,  \  fut  rem|)lacé  |)ar  le  fils  d'un  de  ses  frères,  Borel 
ou  Siiniaire,  comte  d'Ogel.  Il  devint  Comte  d'Ampurias, 
ainsi  que  ses  iils,  Hencion  et  Caushert,  et  son  petit-tik 
(■au/fred,  qui  laissa  ii  lingues,  son  iils  aine,  le  Comté 
«rAnqiurias,  et  ii  (luilalwM't,  son  second  iils,  le  Roussillon. 


LOIS  VISUiOTniQLkS. 

\  (. .  Lorsque,  au  milieu  du  vil*'  siècle,  (Jiindasuinde  imposa 

,.,.„  /  ;,  la  loi  visigotliiqiie  ii  t<»us  m's  sujets,  barbares  ou  romains', 
il  ne  possiMlail  guère,  dans  la  S4'|)tiinanie,  que  cette  portion 
du  LangiUMloe,  eoiiqM»saiit  les  départements  actuels  du 
Card,  de  riiéraull  et  <ie  l'Aude,  ii  laquelle  il  faut  ajouter 
le  territoire  formant  aiijounriiui  le  di^partc^menl  des  Pyré* 
ii(*es-Orieiitales.  Celle  partie,  ii  cause  des  |K]SsagCS  qu'ils 
a\aieiit  forlili<'s  dans  les  montagnes,  était  tK'S  im|iortante 
pour  les  Cotlis.  i:int  pour  assurer  la  eoiiimunicalion  avec 

I    \t   I.:.   .)ii-.  .1    .     lin     ,,     ■.    ji r    Til      ;■  I- II-.,!- .1'.    :•   -Mil    l-i    !■■'   liHH4ilK  iLib> 

-  tlltill'.    il^       t  ■     ■■■    I  ■     Il      ;.       I      î    I      :    I      .'1.    :  |.    'i|l    ili.j.l/.    i-l.  <'jl.i|i<j*|l«  H  i-B 

■      .,..,11.., 


APPENDIOE.  505 

leurs  autres  possessions  dans  les  Gaules,  que  pour  la 
défense  de  TEspagne  contre  les  Français.  On  n'y  trouvait 
aucune  ville  romaine,  Ruscino  même  étant  détruit  depuis 
plus  de  deux  cents  ans.  Séparée,  par  le  reste  de  la  Gothîe, 
de  la  Septinianie  française,  elle  avait  beaucoup  plus  de 
rapports  avec  l'Espagne,  qui  lui  était  limitrophe,  et  ne 
pouvait  éprouver  de  la  répugnance  k  adopter,  comme  elle, 
la  loi  visigothique.  Il  n'en  était  pas  de  même  de  l'autre 
portion  de  la  Gothie  :  elle  confinait  avec  les  provinces 
françaises  où  régnait  la  loi  romaine,  et  avait  avec  elles 
|dus  de  relations  qu'avec  l'Espagne;  en  outre,  on  y  voyait 
plusieurs  anciennes  villes  romaines,  telles  que  :  Nimes, 
Béziers,  Narbonne,  etc.,  où  cette  loi  était  nationale.  Elle 
dut  résister  à  l'établissement  de  la  nouvelle  loi,  avec  toute 
cette  force  d'une  longue  habitude,  dont  le  temps  seul  peut 
venir  à  bout,  et  l'invasion  des  Arabes  ne  lui  permit  pas  de 
produire  son  efTet  ordinaire.  Ces  conquérants  permirent 
;iux  vaincus  de  vivre  suivant  leurs  lois.  Les  Goths  cher- 
clièrent  à  arrêter  les  Infidèles  au  passage  des  Pyrénées,  et 
ils  y  éprouvèrent  une  défaite,  qui  coûta  fort  cher  au  Rous- 
sillon  ;  car  les  historiens  arabes  racontent  que  le  pays  fut 
ravagé,  et  que  tout  ce  qui  ne  put  pas  se  sauver  dans  les 
montagnes  inaccessibles,  fut  tué  ou  réduit  en  captivité. 
Quant  au  Languedoc,  après  la  prise  de  Narbonne,  il  devint 
une  arène,  où  les  Sarrasins  se  battirent  trente  ans  contre 
les  Français  de  Charles-Martel  et  de  Pépin.  Après  qu'ils 
en  furent  expulsés,  l'amour  de  la  liberté  et  l'attachement 
il  la  religion ,  engagèrent  une  multitude  de  Goths  à  se 
réfugier  dans  les  Gaules  :  ils  repeuplèrent  le  Roussillon; 
il  y  on  eut  aussi  qui  s'établirent  dans  les  environs  de 
.Narbonne  et  de  Héziers.  Vers  la  tin  du  ix*^  siècle  ou  au 
«'(unnieneeinenl  du  \'\  les  Comtes  de  Roussillon,  devenus 
hfK'iliiirir.'s,  |>oss(Mlai<MH  i»|LîabMnenl  le  Comte»  d'Anq>urias. 


506  APPEKDICK. 

Pendant  tout  ce  temps,  même  lorsque  ces  Comtés  devin- 
rent l'apanage  de  deux  branches  séparées  de  la  méiM 
Tamille,  ils  n'eurent  que  les  mêmes  juges  pour  les  daix 
|>ays,  ce  qui  prouve  qu'on  n'y  suivait  que  la  loi  gothiqoe, 
seule  en  vigueur  au-deik  des  Pyrénées*.  Ainsi,  tandis 
que  dans  les  plaids  tenus  aux  diocèses  de  Narbonne  et 
de  Carcassonne,  tels  que  ceux  d'Alsonne,  en  918 ,  et  de 
Narbonne,  en  9^^  on  voit  constamment  des  juges  GolAns, 
Romanos,  eiiam  et  Salicos* .  Le  seul  document  où  il  soit 
question ,  en  Roussillon ,  de  la  loi  romaine,  est  la  rédac- 
tion de  la  coutume  de  Perpignan ,  faîte ,  peut-être ,  tm 
l'an  1162;  mais,  certainement,  bien  postérieure  k  Tao 
1068,  puisqu'il  y  est  fait  mention  des  usages  de  Barce- 
lone, rédigés,  pour  la  première  fois,  cette  année.  N'est-fl 
pas  naturel  de  conclure,  de  tout  ce  qui  précède,  que  si 
quelques  circonstances  favorables  permirent  aux  habitants 
de  la  Septimanic,  voisins  de  la  Franco,  de  consenrer  b 
loi  romaine  ou  de  la  reprendre  après  la  disparition  de  h 
Monarchie  des  (lOths,  ceux  du  Roussillon,  au  contraire, 
adoptèrent,  comme  les  Espagnols,  la  loi  visigothiqae,  et 
la  suivirent  uniquement  jusqu'après  Tan  1068? 


NOTES  SIR  LIRRIGàTION. 


N-7,  1^8  Romains  trouvèrent  les  peuples  du  Berry  et  de 

^nqf  /J6 .     rAuvergno  i  Rituriges,  Alvorni  )  à  la  tête  d'une  puissante 


I  (:'e»t  >aii>  iliiuii-  pour  «itii-  rjiMtn.  qiir  \x^M\t>  d'Oulrr-Mcr.  «laDft  um  cfeBrU 

|iri«.irli,  W\u\r^  (.ilfii'li'^  •!<■  ..•■|iiriiitircl<:iK.piirtr.  {Mniu  IfsC.iimlH  de  laMirrbf  d'I 
'•■lui  tiu  ri<'^ii>Hl1ii!i.  iim,  ji>*>iii'j  iftir  /|ti<i)u«'.  jv^it  toiiji'iirit  éU  rrpardi^  ronu» 
à  la  Sf|itim4ni^ 

-    \i>rl  Jltlili'v   M   r\  .V.    ,iiv    |'iri|\r.    ih'    \'H\.stt>\ie  rflf    /.(INyNrJvr  .    lOBir   II.    |Mft  M 

'  **-  juc'"  ^t.iifiil  .'Il  ii-iiili>  -il-  \in^'    •>.i\>iir     l'i -trr  (.mh-  .  huil  Hniii4in« .  huit  Sabra»  «i 


APPENUMIE.  507 

confédération,  qui  s'étendait  jusqu'aux  Pyrénées.  Polybe 
(  liv.  III,  chap.  8)  nous  fait  connaitre  qu'il  existait  une 
belle  route,  allant  du  Rhône  à  TÈbre,  par  Ampurias,  sur 
laquelle  les  distances  étaient  marquées  de  huit  en  huit 
stades.  Or,  ce  livre  fut  composé  vers  Tan  630,  époque 
qui  précéda  de  trois  ans  l'invasion ,  par  les  Romains,  de 
cette  partie  des  Gaules,  qui  forma  depuis  la  Narbonnaise. 
Ne  doit-on  pas  en  conclure  que  cette  route  était  l'ouvrage 
des  Gaulois?  Nous  pourrions  citer  Possidonius,  Strabon, 
Athénée,  et  d'autres  écrivains,  qui  nous  ont  laissé  des 
notions  sur  les  mœurs,  les  lois  et  coutumes  de  cette  na- 
tion ,  pour  prouver  que  la  Gaule  Méridionale  était  assez 
;ivancée  dans  la  civilisation.  La  langue  grecque  y  était  fami- 
lière, et  servait  particulièrement  dans  les  actes  publics. 

Suivant  Pline  (livr.  V  et  VI)  une  vaste  étendue  de  ter-  n»  s, 
rain  était  arrosée  entre  le  Tigre  et  l'Euphraie,  par  des  (pnijttsi). 
canaux  qui  en  dérivaient.  Les  Grecs,  dans  la  retraite  des 
dix  mille,  avaient  déjà,  avant  de  passer  le  Tigre,  franchi 
deux  canaux  creusés  de  main  d'homme  pour  l'arrosage. 
Pomponius  Mêla  (liv.  I^r,  ch.  11)  en  fait  remonter  l'origine 
à  Sémiramis*,  u  illustre  par  deux  magniGques  créations: 
«  la  construction  de  Babvione,  ville  d'une  merveilleuse 
<(  grandeur,  et  la  dérivation  des  eaux  de  l'Euphrate  et  du 
<(  Tigre,  pour  fertiliser  des  contrées  jusqu'alors  arides.  » 

Ammien  Marcellin  nous  fait  connaître,  que,  dams  la 
partie  haute  de  ce  dernier  fleuve,  le  territoire  d'Amida, 
maintenant  Diarbékir,  était  aussi  arrosé  par  des  cours 
deau  qui  en  provenaient.  Josèphe  (livr.  I«^  ch.  26  de 
la  guerre  des  Juifs),  parie  des  environs  de  Jéricho,  où 
une  source  abondante  servait  à  l'arrosage  d'un  terroir 

1   Ihifl  iiin.nuif  cjifUniit  opéra  .  roiistUtita  ui'bs  mirfr  magttiliidxnts  BtÊhyfoti .  ar 

\i<  (K  nlnii  rrijiinuhtn^  Huphralfs  ft  Tigris  immi##i. 


:>08  4n*E.M)i(:K. 

de  70  stades  de  long,  sur  20  de  Vàv^c.  Il  ajoute  qu  on  ne 
tirait  aucun  parti  des  eaux  du  Jourdain,  dont,  à  l'exemphr 
des  Syriens,  leurs  voisins,  ils  auraient  pu  se  senir  si  nli- 
lement. 

^„  *)^  Xous  citerons  en  entier  ce  passage  de  Pline,  très  rcmar- 

/;/ryr  /./;'  tpiable,  non  seidement  parce  (|u'il  indique  la  prodigieuse 
Icrtilité  due  à  une  source,  au  milieu  d'un  désert  de  sable; 
mais  parce  qu'il  nous  fait  connaître  rapplication  de  la  sage 
mesure  d'une  répartition  réglementée  de  ses  eaux  :  «  La 
n  source  est  abondante  ;  mais  les  habitants  n'en  jouissent 
ti  que  pendant  des  espaces  de  temps  dctcnniués.  1^, 
<i  Tolivier  croît  sous  le  très  haut  palmier;  ici,  le  figuier; 
«  au-dessous,  le  grenadier;  sous  la  vigne,  on  sème  d'aboid 
«  du  blé,  auquel  succèdent  les  légumes;  enfin,  des  plantes 
f'  potagères,  et  tout  cela  dans  le  courant  de  la  même  année, 
«  et,  toujours,  une  n^colte  inférieure,  pousse  kTombiv 
«  d'une  plus  élevée  * .  » 

N"  lu,  On  |»ent  n'»sumer  ainsi  les  pn'»ce|»tes  de  Caton  :  «  Si  on 

(i-tigr  /:!f*.  '<  »  de  Tcau ,  il  faut  |)rinci|>alement  faire  des  fourrages; 
»  et  si  on  en  manque,  il  faut  en  faire  le  plus  qu*on  pourra 
«»  dans  les  terrains  secs-.  » 

Pline'*  et  Palladius^  rerommandenl  t<  d'arnisor  large- 


I  l*LiMi'«.  lib.  NVlll ,  rap.  a  :  ton»  abiinilnt,  largii»  quuiem.  $ed  certii  h 
tpi/iîj  diMpeuMiitur  intcr  iinolna.  raltmr  thi  prtrgraiidi  iubdttur  olr«;  kmte  fUiu. 
luo  i*un\e(i :  \Ui  rifû  mub  vxtf  ifninr  frumfntum;  mar  Ugumett,  dexHàii 
filftn  aiiho,  ommiï'iui"  alirna  umbrd  nluntur. 

-  Cato.  .Il-  \\e  r.inli.a.  arl.Relîl:  i'niui  irrigua,  fi  mtuum  hahehiM.  f&fitnmà 
tnnto:  ai  tiqmnn  nnn  htihtliin.  $iirn  tiunmi'htnma  fnrito. 

1  l'ilMio.  Iili.  \I\.  ).i|i.  I  Ihrtos  iilhr  jinttjfiiiUti  unti  fut  dnhinm , 
tnfi.nm*'  'iiiff-/ii/ii.<r.  XI  I  iiri/iui/iif  .  yrtt(\\ui  itmm-  Si  Hiinlui.  •' /■Hfrti  ruM. 
/inriaii^ffi' i< .  ii'l  /'i//«  ifiiiiMifi  funiA'u  ri/ifn./ii.« 

•   l'\il\i>ii<>    hli   I     irt    :;t     /Vi'i  (/••><'>•> '-W    .  II.  /,  i,i/i  r  m. 'iri'iM  ffrtHidrf  rariBt 

ii/l/.f    //il' m/m  /■•  I    .|..'ii  I   ./.,.     ,  ;.r   .,',  I  .;    ■/     \,   t.'iis  .1,  S''     mi.'  ■     -i  ■  i  ■»!*■"■'«»  ^»l  r"'""  * 

'•         *lil         ,'|i»'*'l>  J'.        ■         ■!  -Ili         !»■%  •  'll.-fl.'lf         l"l. 


u  innil  li's  jardins,  si  on  est  assez  heureux  pour  que  leur 
«  position  permette  de  tirer  Teau  d'une  rivière  ou  d'un 
<(  canal  voisin§;  dans  le  cas  contraire,  d'avoir  recours  aux 
«  puits,  aux  réservoirs,  à  l'action  des  machines  hydrau- 
«  liques.  » 

Varron  et  Columelle  parlent  de  l'arrosage  dans  le  même 
sens,  le  bornant  a  l'usage  des  jardins. 

Si,  après  avoir  consulté  les  agronomes  sur  les  canaux  et       v  h. 
les  arrosages  des  Romains,  on  puise  dans  les  documents     ^page  im, 
que  nous  ont  laissés  les  architectes  de  Rome,  on  jettera 
un  nouveau  jour  sur  cette  question. 

Viiruve  a  traité  spécialement  cet  objet  (liv.  VIII,  ch. 
6  et  7).  Le  début  indique  sous  quel  point  de  vue,  il  a 
considéré  les  canaux*.  Il  décrit  les  travaux  à  faire  con- 
cernant la  conduite  des  eaux,  dans  l'hypothèse  de  leur 
destination  pour  les  villes  et  les  maisons  de  campagne. 
La  pente  de  '/loo  q"'*'  prescrit,  ne  serait  guère  conve- 
nable pour  l'arrosage  de  plaines  considérables.  Ainsi,  on 
ne  doit  pas  s'étonner  qu'en  France,  les  provinces  voisines 
du  Roussillon,  si  long-temps  occupées  par  les  Romains,  ne 
pratiquent  pas  l'irrigation,  tandis  qu'en  Espagne,  dans  les 
provinces  du  Midi ,  où  les  Maures  ont  régné  pendant  huit 
siècles,  elle  reçoit  une  vaste  et  intelligente  application. 
On  remarquera  qu'il  reste  a  peine  une  trace  du  système 
de  mesurage  et  de  répartition  des  eaux  chez  les  Romains. 

Nous  croyons  utile  de  donner  ici  un  aperçu  de  leurs 
mesures  les  plus  usitées,  afin  qu'on  apprécie  la  masse 
d'eau  qu'amenaient  à  Rome  les  neuf  canaux  décrits  par 
Fronlin  : 

t    SuiH'  ilf  fifiuitinonibus  (td  habtidlionf»  nuruiaque.  ut  fien    uporleul .  f.rph- 


510 


APPRNDICK 


des 

■  ISl'RBS. 


Quinaria 

Senaria 

Octonaria 

Denaria 

Dnodenaria  . . . 
Quinaindenuin 
VioeDaria 


DIAMÈTRE 

Uti  TL'YAi:\. 

I 
KS  DOIGTS      EN  POLTJ» 

romains.    <    de  Paris. 


•> 

a* 

2  »  \. 
-    Il 

5 

5  3/, 
.1 


0,S59Î 
1,0512 
•l,57r>0 
1,7188 

2,062:; 

2,5781 
5,^573 


QfriNAIRES 

rourniflt 

par 

les  tnyaax. 


1,00 

2,56 
4,00 
5,76 
9,00 
16.00 


•BSKRVATIONS. 


I^  pifd  romuD  \ail  11 
p6K««  ée  l*arif 


le  duiirt  vant  (1.687  4i 
poare  de  Firii .  «  ca 
mklTe>  U-.01K5. 


Ledi.imr'tr»  «le  la  qoioairp 
e>m  mrlmO-.UilSl 


Nota.  Il  >erail  >u|Mrrflu  de  ron!inu(*r  re  taltlfju. 


La  vicenaire.  diminuée  d'un  demi  doigt,  ou  ayant  on 
diamètre  de  5  pouces  09  de  Paris ,  était  Touvertore  en 
usage  pour  les  distributions,  ouverture  trop  petite  pour 
des  irrigations  de  quelque  importance. 

I^s  Romains  plaçaient  dans  la  même  cuvette  ou  bas- 
sin, les  divers  orifices  a  la  même  profondeur;  ils  adap- 
taient, en  outre,  un  tuyau  long  de  îSO  pieds  2i  chacuD 
de  ces  orifices.  Il  s'en  suivait  que  les  petits  débitaient 
proportionnellement  moins  que  les  grands,  puisque  la 
charge  était  plus  forte  sur  ces  derniers,  et  le  frottement 
moins  considérable.  Il  ne  parait  pas  qu'ils  aient  jamais* 
comme  nous,  rapporté  leurs  mesures  21  une  quantité  d>au 
écoulée  par  un  orifice  d*un  diamètre  constant  «  et  sons 
une  même  charge. 

Des  mesures  romaines  usitées  pour  la  distribution  des 
eaux  dans  celte  (îaiiie  Narbonnaisr,  qui  au  dire  de  Pline 
Hivre  III,  chap.  i<  sVtait  complètement  identifié«*  an\ 
mœurs  et  aux  habitudes  de  l'Italie,  et  qui  séparée  de 


APPENUICR.  511 

l'Empire  an  V«  siècle,  n'abandonna  qu'insensiblement  les 
usages  et  les  institutions  qu'elle  avait  reçus  de  ses  pre- 
miers maîtres,  il  ne  reste  plus  que  le  denier^  dans  la 
Provence,  qui,  par  sa  position,  eut  moins  a  souffrir  des 
bouleversements ,  qu'occasionnèrent  les  fréquentes  inva- 
sions des  Barbares  et  des  Maures  :  c'est  évidemment  là 
denaria  romaine,  modifiée  de  manière  à  se  rapprocher 
singulièrement  de  la  quinaria.  En  effet,  suivant  Bélidor, 
cette  mesure  vaut  8  pintes  ou  */<  pouce  d'eau,  augmenté 
de  Vi-  l^onr  fournir  un  pareil  écoulement,  son  diamètre 
doit  avoir  0, 82  du  pouce  de  Paris,  cote  très  rapproebëe 
de  celle  du  diamètre  de  la  quinaria ,  portée  au  tableau 
a  0, 8o94. 

Abdel-Rahman  I«%  qui  fonda  l'Empire  des  Oméyades  \o  42, 
en  Espagne,  fut  un  très  grand  prince;  mais  les  guerres  ^pagf  ns) 
civiles,  qui  toujours  précèdent  et  suivent  l'établissement 
d'une  nouvelle  dynastie,  l'empêchèrent  de  faire  à  ses 
sujets  tout  le  bien  dont  il  avait  la  pensée.  D'ailleurs, 
pour  procurer  le  repos  intérieur  à  ces  peuples  turbulents, 
il  fallait  les  entretenir  dans  l'espoir  flatteur  de  soumettre 
tout  l'Occident  k  la  loi  de  Mahomet. 

Abdel-Rahman  H,  Abdel-Rahman  III  et  Àl-Hakem  II, 
ses  successeurs,  furent  dignes  du  fondateur  de  cet  empire. 
¥a\  fertilisant  le  sol  par  l'irrigation,  ils  rendirent  au  Midi  de 
l'Espagne  un  immense  service.  Avant  eux,  au  contraire, 
les  Maures  portaient  partout  la  dévastation  et  l'incendie. 
Les  chartes  du  ix«  siècle  (Marc,  hisp.)  nous  montrent  les 
prêtres,  les  moines,  les  seigneurs,  occupés  ^  réédifier  les 
églises,  les  couvents,  et  k  remettre  en  culture  les  terres 
restées  en  friche.  Qu'on  juge,  par  le  rapide  aperçu  des 
quarante  malheureuses  années  d'occupation  de  notre 
pays,   s'il  est  possible  d'attribuer  aux  Maures  le  beau 


:i\'2  U'PRNDICK. 

système  de  canaux  iliiTigalioii  (|ue  possible  le  Kous- 
sillon!  Nest-il  |>as,  an  contraire,  plus  naturel  de  penser 
qu'ils  ont,  dans  ce  court  passage,  détruit  les  faibles  restes 
des  connaissances  acquises  sous  la  dtunination  romaineT 
O  peuple  qui,  plus  tard,  cultiva  avec  tant  de  gloire  lei( 
sciences  et  les  arts,  n'était  alors  que  guerrier  et  conqué- 
rant. A  peine  paisible  possesseur  de  rAfrique^  lorsqu'il 
envahit  TEspagne,  il  ne  pouvait  à  la  fois  contenir  les 
Chrétiens  des  |»ays  conquis,  combattre  les  Tioths  réfugiés 
dans  les  Asluries,  inonder  la  France  de  ses  amiées,  el 
fonder  au  nord  des  Pyrénées  des  colonies  agricoles,  qui 
auraient  naturalisé  leur  industrie.  Ils  ne  purent  s'adonner 
aux  arts  de  la  paix,  ([ue  lorsque  les  Oniéyades  eurent  n*uni 
sous  leur  enq)ire  tous  les  Mahométans  de  la  Péninsule. 

V  ir>,  l^a  meule  qui  sert  encore  aujourd'hui  à  la  mesure  des 

'pnur  nr.  eaux,  est  d'un  usage  si  ancien,  qu'en  remontant  aux  pre- 
mières concessions  des  Souverains  du  Koussillon ,  relie 
de  la  Seqnia  real  dt*  Tohyv,  par  exemple,  (|ui  date  du 
commencement  du  \ir  siècle,  on  désigne  ainsi  la  |iartii' 
réservée  pour  la  noria  du  château  de  Perpignan  :  un  wttti 
V  miUj  (un  moulin  et  demi).  Dans  celle  de  deux  meules, 
faite  en  llGâ,  par  le  comte  (lauzfred,  au  Seigneur  de 
Pîa,  on  ne  les  désigne  pas  autrement  que  |»ar  ces  mi>ts: 
tluas  monades  (<leu\  unités  i.  Dans  celle  d(*  1285,  pour 
le  canal  de  DaU,  ii  Prades,  <ui  dit  :  tria  mohmdina  (trois 
moulins).  Kn  voyant  cette  mesure  constamment  employer 
dans  les  actes  d'inléodation,  et  les  experts  dmdant,  au 
simple  as|>ect  d*un  canaL  combien  de  meules  il  contient, 
on  doit  croire  que  ce  mot  exprime  une  clnise  |»arfailenieBl 
ronniie  et  <léterminée.  Il  n'en  est  [dus  de  même,  lors- 
ipi^ui  veut  s*eii  taire  une  idée  précise. 

Le  volume  d*r:Hi  neeessaire  pniir  donner  le  iiMuneiueul 


ai»pem»k:k.  513 

il  une  meule,  varie  suivant  la  <*hute,  la  dimension  de  la 
meule,  celle  du  rouet,  celle  de  rorilice  d'écoulement; 
or,  comme  il  n'existe  peut-être  pas  deux  moulins,  où  ces 
quatre  éléments  des  effets  du  mécanisme  soient  absolu- 
ment les  mêmes,  ayons  recours  a  des  moyennes,  pour 
lixcr  nos  idées  sur  le  volume  d'eau  attribué  à  cette  épo- 
que au  moteur  d'une  meule  de  moulin.  Admettons  un 
réservoir  constamment  plein,  d'où  le  fluide  s'échappe  par 
un  pertuis  déterminé.  Après  de  longues  recherches  et  de 
minutieuses  observations  sur  les  dimensions  de  toutes  les 
[)arties  du  mécanisme  de  nos  plus  anciennes  usines  de 
retle  nature,  j'ai  adopté  les  cotes  suivantes: 

Profondeur  du  réservoir.  Go  pouces,  1*",70. 

Porluis  vertical,  8^^  sur  4p<»  C^ou  0"»,2l6sur0m,122. 

Haiilc'ur  au-dessus  du  centre  du 

pertuis,  l'",59. 

Surface  du  pertuis,  0"  -^^OaGSîîS. 

Vitesse  due  à  la  hauteur,  5"\58. 

Dépense  par  seconde,  i)^^  ,iil 

Va  p()iir2Hieurcs,  ou  86100"....  12700"»  ^   ou  1716»-^- 

Sn()|)osanl  la  veine  fluide,  contractée  dans  le  rapport 
de  IT)  à  l()ou  0,8125,  la  dépense  d'une  meule  par  vingt- 
((uatre  heures  sera  de  1.594  toises  cubiques,  volume  que 
tournissait  ce  qu'on  a  dû  appeler,  dans  l'établissement  de 
nos  canaux ,  la  7neule  (Veau,  Examinons  si  elle  répond 
il  la  réalité,  d'après  les  indications  fournies  par  des  actes 
légaux  et  dignes  de  foi. 

Il  existe  deux  évaluations  d'experts,  consignées  dans 
(les  procès-verbaux  d'opérations,  exécutées  par  ordre  de 
l'autorité,  et,  par  conséquent,  hors  de  contestation.  La 
première  concerne  le  canal  de  l'Urgel,  en  Catalogne.  La 
capacité  de  ce  canal,  estimée  par  des  hommes  compétents, 

33 


li  (|iiai'aiile  iiuMih's,  lors  ilrs  plus  liasses  raiix  de  la  S«»j5rf . 
on  trouva,  on  piniant  les  iii4'siin\s  (l<*  la  largeur,  «l«*  la 
profontlonr  et  do  la  vitesse  du  mnraiit,  qirii  roiimissail. 
on  vinj,'t-quatro  Ih'iwi's.  HT^.tifMr  '  ,  ou  pour  une  meulo 
2.?>8()^  •',  <pii ,  ranionôos  h  la  îoist-  ndiùpio  ilo  Franre, 
donnent  l.()5();  mais  la  vitesse  tut  |u-ise  a  la  surface,  où 
elle  est  toujours  plus  forte  «pie  la  moyenne.  Itéduisani 
le  résultat  d'un  sixième,  on  trouvera  l.rï^MV*  ,  ce  qui 
diffère  peu  do  notre  évaluation. 

Dans  un  autre  proeès-\eil>al  de  visite,  opérée  du  21  an 
27  mai  17?)!),  par  ordr«*  de  l'Intemlant  du  Itoiissillon , 
au  ruisseau  dit  tie  hfs  i^mah^  dans  lequel  on  a\iiil  fait 
entrer  ti^nte  l'eau  ({li'il  pou\ail  rontenir,  l'ingénieur  et 
les  experts  ré>aluèi('nt  ii  trei/e  nn'ules.  Kn  donnant  à  \à 
section  tin  eanal  tît»  '  .  pie<ls  carn-s  :i"'  'î  ,7S',  et  à  la  vilessi» 
(lu  rouranl  21  pouces  ()=".. ')7i,  les  ealeids  amenèrent  eu 
ré'sidtat,  |»our  la  meule,  nih'  dipcnsf*  de  1.11  i***  pendant 
viii^t-(|uatre  heures. 

Venons  à  la  dimension  de  l'oriliec.  haiis  une  antrt* 
visite  au  ruisseau  d»'  A/v  i^nufiU,  m  I7r»7,  on  avait  donne 
le  diamètre  de  U  polI^r^  ;iu  ri*rele  qui  doit  fournir  une 
moule,  puis  7  pouers  ei  i  |»ou('es  S  li^^nos  au  diamètre 
deso'ils  <pii  devaient  fournir  la  demi  et  le  quart  de  meule. 
(In  s*a|)ori;ut,  plus  tard,  ipu',  pour  les  ra|)port$  exacts  des 
surfaces,  il  fallait  réduire  les  <liamètres  de  ces  dernières 
à  f»  pouces  ^i  lijjnes,  et  i  [MUiees  Ti  lignes. 

Pour<pril  s'éeoule  l.itM)^  •  «Peau  t»n  vingtH|uatre  heu- 
res, par  un  ori(ie(^  iVim  fmhn  î>  |)Ouees  ou  0"n,2l5jf  de 
diamètre,  il  suilit  que  h.'  Iluide  pusse  avee  une  \ilesse  de  9 
pieds  l  pouees  2  lignes  2.'»  ou  i  Tt'o,  0.*i  |Kir  seconde,  due  à 
l:i  liauteur  de  1 7  pouces  ti  liviics  O"-,  i7  i  sur  le  eenfre  do 
l'orilioe  :  pressimi  facile  :i  iditenir  au  ruisseau  de  Perpi- 
gnan, dans  lequel,  la  nioxcniie  des  cauv  s'é'lève  il  2  pîetls. 


APPENDICE.  .Vio 

luniiiMO  ;  celle  du  haut  est  consacrée  aux  grandes  réunions  : 
concerts,  bals,  distributions  de  prix,  etc.  On  doit  vivement 
rof^ncller  que  le  tableau  de  la  Trinité,  qui  parait  l'œuvre 
d'un  bon  maître  de  Técole  italienne  au  xv^  siècle,  soit 
relc^'ué  dans  une  chapelle  obscure  de  l'église  de  Saint- 
Jacques;  il  figurerait  infiniment  mieux  au  Musée,  où  on 
l'apprécierait,  tant  pour  l'exécution,  que  par  son  ancien- 
neté. Des  soins  intelligents  le  préseneraient  de  la  des- 
truction dont  il  est  menacé. 


DÉCADENCE  DU  COIIMERCE  ROUSSILLONNAIS. 

» 

Si  pondant  un  demi  siècle  après  la  conquête,  on  voyait  N°  2i , 
<les  Roussillonnais,  et  particulièrement  les  nobles  et  les  (v^9^  *^^) 
commerçants,  manifester  des  regrets  de  la  réunion  de 
celle  province  à  la  France,  on  doit,  indépendamment  de 
laflection  naturelle  d'un  peuple  h  la  mère  patrie,  l'attri- 
buer à  la  lésion  qu'éprouvèrent  ces  deux  classes  dans  leurs 
inl(''réls.  I.es  premiers,  qui  n'avaient  point  perdu  le  sou- 
venir du  1,'ouvernement  despotique  de  Louis  XI,  et  des 
mauvais  traitements  qu'ils  durent  subir  sous  la  domina- 
lion  d'un  Prince  dont  la  mémoire  était  en  horreur  parmi 
eux  ' ,  étaient  déchus  de  la  haute  position  que  leur  avaient 
valu  d'anciens  services  et  des  privilèges  que  ne  main- 
liendrait  point  leur  nouveau  maître.  La  suppression  des 
droits  d'entrée  sur  les  marchandises  françaises,  exposa  les 
seconds  \\  une  fatale  concurrence.  Prenons  pour  exemple 
la  principale  industrie  :  les  lainages.  Déjà,  sous  l'occupa- 
lion  temporaire  de  Louis  XI,  qui  bouleversa  le  pays,  cette 
branche  de  commerce  avait  considérablement  souffert  ;  car, 

I  Cett»'  ifiipi.'^Mf'n  pwAo  pncnrc.et  *e  manifesle  dans  tout  lequi  peul  rappeler  la  m^fmoiro 

Jf  c  l'nni.- 


5i(>  Ai'PËNDh  r. 

la  France  al)Sorl)aii  jusqu'au  monopole  des  traDsporls. 
Aussi,  le  nombre  de  tisserands  qui,  en  1552^  s'élevait  à 
trois  cent  quarante-neuf  a  IVrpij^Mian,  descendit  alors  à 
cent  douze.  A  la  vérité,  (>harlrsV|[I  répara,  autant  qu'il  fut 
en  lui,  le  mal  que  son  père  avait  fait  au  Houssillon,  traité 
en  pays  conquis;  mais  dans  r(\space  de  trente  ans  (de  1463 
à  1495  )  cette  im|)ortante  industrie  avait  fortement  décliné. 
I^  mouvem<'nt  continua,  malgré  les  mesures  prises  par 
les  Rois  d'Aragon  [lour  rovivilirr  la  fabrication.  Les  étoffes 
étranj^rères  abondt-rciil  :  (.1  (jiKind  on  tenta  de  les  pros- 
crire, on  usa  de  représailK'S.  Les  maîtres  les  plus  habiles 
émi}j[rèrent  a  Florence,  à  (iénes.  Le  traité  des  Pyrénées 
porta  le  dernier  cou[)  aux  labri(|ues  roussillonoaises  :  il 
y  eut  débordement  de  la  draperie  lanji^uedocienne,  tandis 
que  la  nôtre  |>erdait  sans  retour  le  débouché  catalan.  Nos 
derniers  ouvriers  furent  s'engager  à  Carcassonne,  l^?aur. 
Castres,  etc.  Il  en  fut  de  même  de  la  plupart  de  nos 
autres  produits  industriels. 

Sous  le  rapport  [politique,  le  Koussillon,  jadis  payi^ 
d'Ktat,  devint  pays  soumis  au  régime  des  ordonnances. 
l/incorporation  a  la  Puissance  aragonaise  lui  a\ait  valu 
la  comnnme  et  ses  libertés;  la  réuni(m,  a  la  France,  le 
frustra  de  la  re|UM!sentation  provinciale,  et  le  livra  à  la 
prévoté  d'un  Intendant. 


XOTES  SIR  LÉTAT  ATMOSPHÉRIQIK. 

N«  22,  Nous  avons  réuni  dans  celle  note,  k*  résultai  des  oliser- 

.  •-  r^r      vations  faites  à  Per|.î;^îiaii  sur  rt'*l:it  dr  ralmosphére,  suivies 

avec  une  louable  |irr>('\tian('c,  [itihlant  iloii/e  années,  à 

!'Lt  «M^'-Nnrma'if  '  ;  ^  !!«  >  ii..ii(M:t  liiulr  iniiliaiHe. 

'   *'f'j*  h  .hi<-'    n  if  M    II.,:!  n 


APPENDICE. 


517 


celte  question,  d'une  précision  malhémalique ,  et  nous 
voulons  la  mettre  à  la  portée  de  tout  le  monde. 

Quel  est,  dans  no8  canaux,  le  volume  d*eau  fourni  par 
la  meule  d'arrosage? 

La  hauteur  d'eau  étant  fixée  à  50  centimètres,  dimension 
moyenne  dans  les  canaux  de  la  plaine  du  Roussillon ,  au^ 
dessus  du  point  inférieur  du  cercle  de  l'œil,  il  est  très  facile 
d'en  déterminer  l'écoulement.  Prenons  l'œil  de  9  pouces 
(0"',24),  la  hauteur  d'eau  sur  le  centre  sera0™,58,  d'où 
résulte  la  vitesse  de  2™, 75,  qui,  multipliée  par  la  surface 
de  l'œil,  donne  le  produit  de  124  litres  par  seconde.  Nous 
avons  formé  le  tableau  suivant,  en  opérant  de  même  sur 
les  œils  des  ruisseaux  de  Perpignan  et  de  Corbère,  et  en 
tenant  compte  de  la  contraction  de  la  veine  fluide,  dont 
le  coeflicient,  0,8125,  exprime  la  valeur. 


DIAMÈTRE 

DE    L'ŒIL. 

EN 

MESURES 

décimales 

1 

DÉBIT 
par 

SECONDE. 

NOTES. 

De  9  po. 

"    iig. 

0"»,24 

101  litres. 

Meule,             \ 

(; 

5 

0^,17 

53 

1/    .««..I-         \Aa  rnisseaa  de  las  Ca- 
Va  meule,       Ua/*  ou  de  Perpignan. 

; 

G 

0™,I2    27 

V4  meule,        f 

8 
8 

ji    ' 

G 

n 

G 

0'»,25i  9^ 
0'",22    86 
0™,20,  72 

Le  plus  fort, 

/An  niissean  de  Corbère, 
Le  moyen,       /    aillait  dont  3  font  la 

\    meule. 
Le  plus  petit, 

io 

G 

0'n,'i2  268 

0£il  qui  fournirait  à  lui  seul  la 

meule  entière. 

I^renant  à  Vœillal  moyen  de  Corbère,  Ille,  Millas,  consi- 
déré comme  le  tiers  de  la  meule,  la  valeur  sera  de  2o8 
litres,  iiemarquons  que  les  cliiflres  53  et  27,  sont  plus 
iorts  qu'ils  ne  devraient  Tétre  pour  représenter  la  demi 
et  le  quart  de  meule  :  c'est  le  résultat  de  Faction  de  la 
liauleiu  deau,  dont  on  n'avait  pas  jusqu'ici  tenu  compte. 


:»is  \M»KM»irE 

Ij's  \raics  «liiiiciisions  à  iloniuM\  avec  O'»^o(t  de  charge, 
sur  le  foiuK  sont  :  <>  pouces  5  lignes  pour  la  demi  meule 
.Oni,l(M);  1  |)ouces  ()  lif^mes  pour  le  (|uarl  (()"»,  M îij,  doni 
les  produits  seront,  en  résullal,  i'À)  et  2^)  litres  par  seconde. 

Quel  volume  d'eau  a-t-on  accordé  par  les  actes  dlnféo- 
dation,  dans  les(]uels  on  dési^^me  ronstannnent  TuDÎté  par 
le  mot  nteiih'.* 

dette  (|uesti4)n  n'esl  ni  aussi  lacile  ii  traiter,  ni  ne  peut 
l'êtrr  aussi  ri}^^)ureusement  que  la  [trécédentc. 

La  premirrt'  donn<'M'  dont  nous  l'erons  usaf^e  pour  tenter 
la  solution  du  |)nd»lènte,  nous  parait  si  naturelle,  quMI  \ 
a  lieu  de  sVtonner  <|u*on  ne  Tait  pas  employée  jus4]irici. 
Le  ruisseau  de  Perpignan  doit  contenir  IVau  nécessaire  à 
rirri^ation  de  son  territoire,  et,  de  plus,  constamment 
deux  meules  pour  la  ville  et  la  citadtdle,  où  les  Uois  de 
Majorque  avaient  leur  palais.  Assimilé  aux  droits  et  privi- 
léj^'es  donI  avait  joui  ranli(|U4>  r{  primitive  sciiaiu  de  Thuir« 
il  <lnit  recevoir  six  inrulrs,  auxquelles  il  tant  annexer,  plus 
has,  ime  meule  dérivée  du  ruisst>au  <le  Thuir,  et  «pu  vient 
s\\  d<*vrrs<*r  vis-îi-\is  l'ieil  ihl  Tntinnt.  hansie procès-verlial 
tir  >isih'  du  mois  de  mai  lTr>t>.  par  une  rommissioii,  dont 
Taisait  pariit»  l'in^t'nirnr  militaire  l)rt'a\-l^(*villiers,  on 
preM  rii  l(>  rt'tahiissrmi'nl  des  «linn'usinns  m  lar^^enr  des 
trois  di\isions  [Mutccs  dans  l'acte  de  création  de  la  reine 
Marie,  «-ii  I  S^ri,  sax^ii  :  i'",  rii",;jO  ri  7»"" ,  en  allant  de  la 
prisr  «rean  M'rs  la  \ille;  on  ord<inne  (|iu'  les  leils,  |H'rr(^ 
diins  une  [Merre  dt*  taille,  "«eronl  posi'S  «le  manière,  qu'au- 
dessous  du  et>r('Ie,  il  restera  deux  poiH'es  entre  le  |ioinl 
inlV'iieiu  et  les  ti'nioihs  du  sol,  {\\r>  «  n  \lTu.  Otte  dis- 
I"  ^iliiiH.  ii'uue  pour  sîilli'iiinte.  ;ilin  de  {garantir  la  lourni- 
ture  des  .li'ux  meules  ii  l:i  eitadellf.  était  sa<!enienl  pn'^'ue 
<  i  i:ti<'iix  f'talilii'  iliiMs  If  prorrs-\erlial  que  dressa  la  coni- 
I  ..-^ioii  d<'l«'';-ii«  «     «ritr  uièuie  iinih'e,  p;u'  riuteudanl  de 


APPENDICE.  519 

\a  i*ioviiii'(\  On  y  donne  au  ressaul,  entre  l'œil  et  le  sol, 
doux  pouces  clans  la  partie  supérieure  du  ruisseau,  trois 
dans  la  nioyenne  et  quatre  dans  rinfërieure,  qui  reçoit, 
de  plus,  la  meule  de  Thuir. 

On  peut,  nous  le  pensons,  tirer  de  ces  documents  et 
riuiditions  le  volume  de  la  meule  de  moulin  ou  de  con- 
cession. Aj^MSsant,  comme  on  le  ferait  en  cas  de  pénurie 
pour  allouer  a  chacun  exactement  la  part  que  lui  donne 
son  titre,  nous  admettrons  une  vanne  barrant  le  ruisseau, 
l»lacée,  pour  plus  de  simplicité,  à  la  prise  d'eau,  et  nous 
dérobant  ainsi  à  Tinlluence  de  la  pente  et  de  la  vitesse. 
Soulevant  celte  vanne  de  2  pouces  (0"™,0o4),  sous  la 
<liari,^e  de  0'",  iTô  (ou  On\50,  moins  le  */«  pertuis  0"»,027), 
on  aura  b*s  cotes  suivantes  : 

Lari^mr  du  canal 4"i,000. 

Hauteur  du  pertuis 0'",054. 

Hauteur  d'eau  sur  la  ligne  centrale.  0"",473. 

Vitesse  due  a  cette  hauteur 3"i,0o. 

Le  produit,  en  tenant  compte  de  la  contraction,  est 
(  )  '  ,.  irM,  d'où  la  meule  sera  de  0in,270  litres.  A  la  vérité,  on 
a  ainsi  un  maximum  en  opérant  isolément  sur  la  partie  infé- 
rieure (le  la  vanne.  Voyons  ce  que  serait  la  meule,  en  opérant 
sur  le  rectangle  é(juivalant  à  l'ouverture  de  six  meules. 

La  suilace  de  l'œil  de  meule,  de  0"i,'i2  de  diamètre, 
c>i  (le  0  '  1  ,ir)8o;  la  hauteur  d'eau,  sur  le  centre,  0"i,29; 
la  vitesse,  "2'",r)8o  ;  le  produit  268  litres,  et  pour  six  meules, 
I"  ,t')()8.  Même  résultat  en  soulevant  la  vanne  de  0"i,17; 
ciir,  le  rectangle  4'"  par  0'",17,  donne  0'"*ï-,68.  La  7t 
(niiclie,  t)'",()H;),  d('Hluile  de  O'n,o0,  laisse,  pour  l'action 
sur  le  ( (Mille,  0"',41o.  La  vitesse  correspondante  étant 
i!  ',s:;,  le  produit,  par  0'",r>8,  donne  1.574  litres,  d'où 
la  nieiili'  T'-ale  O'"'"  ,2r)r>. 


:»:^0  APPE.NDICE. 

Les  trois  évaluations  trouvées,  varient  de  i58  à  270  li- 
tres. On  doit,  de  cette  coïncidence,  conclure  que  le  chiffre 
de  o()()  lit. ,  vul<|[airement  attribué  par  les  meuniers  et  les 
experts  au  volume  d'eau  nécessaire  |)ourle  niouvcnient  con- 
venable et  assuré  d'une  meule  de  moulin,  est  parfaitement 
justilié,  |>uis(|ue  Texpérienceet  le  calcul  sont  si  rapprochés 
et  méin<»  i(lriili(|iu's  ;  car,  les  piMles ,  par  les  fuites  et  Tévapo- 
ration,  réduisant  duu  dixième  le  volume  introduite  la  prise 
d'eau.  Aussi,  «'l'ile  évaluation,  considérée  comme  approxi- 
mativt' ,  et  en  (]uelque  sorte  consacrée  |)ar  un  long  usage, 
doit  être  adopti^e;  et  nous  ferons  remarcpier  que  le  moulan 
du  canal  des  Alpines,  est  rei^ardé,  dans  la  Provence  et  le 
Dau])l{iné,  conimr  fournissant  ^(j«*>  lit.  par  seconde. 

Il  <U:iit  donc  naturel,  lorsqu^en  177)0  on  jeta  treize  meu- 
les dVau  dans  le  ruisseau  de  Per|u^nan,  qu'il  y  eut  de  forts 
dé\erstMnrnts  ii  la  division  inférieure,  puisipie  lu  partie  la 
plus  rt'sscnve  dii  canal,  n'ollVail  (piime  sectitui  de  trois 
mètres,  sur  un  dr  pi  nfondeur,  tandis  «pie  les  treize  meules 
en  formaient  une  <le  r>">,ôt>i.  Il  était  tout  simple,  aussi, 
qui*  les  deux  |)ouces  pouvant  suflire,  à  la  ri{^uear,  pour 
le  passaj^'e  de  deux  meules ,  avec  (pialre  mètres  de  largeur 
du  ruisseau,  devinssent  insullisants  au?^  points  de  rétrécis- 
sement de  >»,,')()  à  r>i'».  Hicn  de  plus  rati<»nnel  aloi-s,  que 
de  stipuler,  connue  dans  le  procès-\erbal  de  1757.  que  le 
ressaut  serait  accru,  «l'abord  à  trois,  puis  à  quatre  pouces. 

D'après  tout  ce  (pii  précèdt»,  il  ne  saurait  y  avoir  identité 
eutn.'  la  meule  de  moulin  et  celle  d'arrosap*,  et  il  pourrait 
bien  se  faire  que  Tadoption .  pour  cette  dernière,  d'mie 
dési<^'nation  qui  s'est  maintenue,  |U'o\int  de  <'e  qu*on  lit 
dans  le  principe,  [mur  la  répartition,  usa^e  des  meule> 
de  moulin  hors  de  sirrvice,  dont  l'o'il  ou  le  \ide  circulain* 
rentrai,  \ariable  de  dimensicm,  dminait  issue  à  IVau,  sui- 
vant les  dinjis  d'ini  chacun.  '/.7t'///i'"r  < 


APPENDICE.  521 

Ces  iDoulins  sont  mus,  dit  Vitruve,  par  un  aiode  sem-       ><*  <  <, 
blable,  l'impulsion  même  du  cours  d'eau.  En  outre,  ils     (page  ni). 
ont,  à  une  extrémité  de  Taxe,  un  rouage  denté,  inclus 
dans  un  tambour  *. 

dette  description  sommaire  ressemble  plutôt  à  une  rela- 
tion (le  voyageur,  (]ui  veut  donner  une  idée  générale  d'une 
machine  inconnue  à  ses  concitoyens,  et  qu'il  voyait  lui- 
même  pour  la  première  fois,  qu'à  l'exposé  précis  et  détaillé 
d'un  homme  de  l'art.  C'est,  dans  ce  sens,  qu'au  premier 
chapitre  du  méuie  livre,  il  annonce  qu'il  fera  connaître 
des  machines  dont  on  fait  peu  d'usage. 

Virgile,  contemporain  de  Vitruve,  en  décrivant  les  tra- 
vaux au\(piels  on  s'emploie  à  la  campagne,  lorsque  le  froid 
retient  l'agriculteur  dans  sa  ferme,  dit,  traduction  de  De- 
lisle  :  c(  la  meule  met  en  poudre,  ou  le  feu  cuit  les  grains.» 
Ainsi,  on  torréfiait  encore  les  grains,  qu'on  écrasait  ensuite 
sous  la  pierre  ou  la  njeule  à  main. 

(lohnn(^lle,  un  demi  siècle  après  lui,  veut,  auprès  de 
clia(]ue  ferme,  un  Jour  et  un  moulin,  proportionnés  au 
nombre  de  colons.  Bien  certainement,  il  n'entendait  point 
parler  d'un  moulin  à  eau,  la  plus  imparfaite  de  ces  usines 
|)ouvant  sullire  à  un  grand  nombre  de  fermes. 

Pline,  qui  vivait  à  la  même  époque,  nous  apprend  que 
la  majeure  partie  de  l'Ualie  employait,  pour  moudre,  le 
|)ilon ,  ainsi  ijue  les  roues  que  l'eau  faisait  tourner  en  pas- 
sant'. Nul  doute  donc  que,  comme  Vitruve,  il  connaissait 
ces  usines;  mais  il  est  certain  qu'on  en  faisait  rarement 
usage,  puis(]ue  plusieurs  années  après  sa  mort,  il  n'en 


1    \iiiu\.  .  hb.  \.  (M|i.  10,  Do  lU>li>   a(|uarii>  ol  Hulralolis.  Kiidem  nitinnr  rliatn 
'  r.sntiinr  hijdraletfr ,  in  quibus  eadem  tunl  oinnia ,  prœterquàm  quod  in  une  capiU 

i:  I  i.v  (  li.ilM'iit  1  !'jin;'anum  drntatum  est  inclutum.  etc. 

-  l'iiMi-,  lili   \VIII.  rap    10;  Mnjor  pars  Italtœ  ruido  uUUir  pilo  .   rvlts  ftiam 
«,"';>  miiin  ifrfrt  ob\(ri\  rt  molal. 


tAisttùl  aiu'iiih'  ù  Koiiio.  hniis  la  (iosrriptioii  «les  aquciliics 
(le  n>t(i*  ville,  (Tritc  cent  ans  |)iiis  tard  par  Frontin,  on 
parle  de  moulins  à  foulon ,  i^t  nullement  do  ceux  à  farine. 

\>  i.i.  Palladius  éerivail  sur  ra<^'riculture  vers  le  milieu  du  v 

.„.y.  /;:  siècle.  Dans  son  œuvre,  Dr  II*  tiislioi  (  liv.  I^r,  art.  -42 
il  conseille  d'em]iloyer  les  eaux  qui  ont  servi  aux  baios. 
p(»ur  mettre  le  moulin  en  mouvement ,  et  épargner  ainsi 
le  travail  des  luunmes  ou  des  animaux.  On  comprendra 
ais4''m<*nt  rinsullisance  d'un  pareil  moyen,  même  en  tenant 
compte  du  fn^pirut  usai^e  (pion  faisait  des  bains  à  cette 
<''po(pie.  Prenant  pour  exemple  une  ferme  de  mille  escla- 
ves, il  fallait  tous  les  jiuirs  moudre,  au  moins,  l.tXX)  kil. 
de  f^Tains.  Les  hains,  t.'u  leur  attribuant  (>  pieds  culies. 
auraient  fourni  (î.O<X)i'*  ,  ou  !20o'"  '^^•.  Les  résultats  de 
nondireuses  e\p<''ri<>nc<*s  prouvent  ipie,  dans  les  moulins 
les  mieux  (►ri^'anisi's,  nu  dé|>ense  77 1"*^-  d'eau  par  kilo- 
,'ramme  de  mcMilure  :  h's  Vy.iHH)  pieds  [U'ovenant  des  bai- 
noires,  siilliraient  tout  juste  à  la  mouture  de  TH  kiL  de 
i^rains,  c'est-à-dire  ii  la  trei/ième  partie  de  la  rcmsom- 
nialion. 

\>  iii,  Lt*  dispositif  le  plus    rnti>iil,  r:dile  de  canalis;itiun  qiic 

d  .7.  i.-,n.  nous  pfisstMlions,  est  établi  sur  la  ri\e  droiti»  de  la  Tel. 
di>ist'*  iiiaintenant  en  trois  parties:  les  ruisseaux  de  (lor- 
l'i'iw  de  Ihuir,  de  Peritii^nan,  qui  \u*  formaient,  dans  le 
principe,  qu'un  seul  et  unique  cours  d'4*au,  dit  :  la  St^piia 
n'til  (/e  Tnliijr.  (lomin<'n<'ant  à  un  quart  de  lieue  au-dessous 
de  Vini'ii.  l'i  «li'ÎHuirliiiiii  «!:ins  r.'l.iri.;  «le  Sainl-.Na/.aire  |iar 
Il  riir'ili'  «!e  f.:ilM'si:iri\ .  I.-^  d«ii\  pnjoK  iAlrênn'S  avaient 
rnir'eiiv  TiLiMMi  mitres.  i':i  h-ie*  «Iroitr.  \\\\  ne  s;uirail 
■issii:iii-!  Vr\.  .."Il*  |i|i«-jsi'  i!r  v.;i  r< liishnetiou .  1.4*  teslanieni 

Im  di-i!ii>i    '    -imI:    i|i    I'.oii --ilioii     {.iniiNr  e|U'il  existait  CH 


i 


II 


APPENDICE.  523 

1172,  |)uisqu*il  fait  mention  de  plusieurs  moulins,  qui 
ne  pouvaient  être  mus  que  par  ses  eaux;  car,  c'était  à 
Test  et  tout  près  de  la  ville  :  le  moulin  de  Saint-Michel, 
il  la  porte  de  Canet,  et  ceux  dits  le  Royal  et  de  la  Juive, 
sous  la  maison  des  Lépreux,  au  pied  des  hauteurs  de 
Saint-Jac(|ues.  Nous  pourrions  tirer  de  l'usage  des  eaux  de 
(iorhère.  acquis  en  1020  par  les  moines  de  Saint-Michel- 
(le-Cuxa,  et  du  canal  d'arrosage  construit,  en  1125,  par 
le  Chapitre  d'Elne  pour  le  terroir  de  Malloles,  auprès  de 
Perpi^nian.  des  inductions,  qui  feraient  remonter  très 
haut  le  premier  établissement  de  la  sequia  de  Tohyr. 
Écartons  les  hypothèses,  les  probabilités,  et  partons  de 
dates  incontestables  :  la  charte  du  roi  Martin,  du  15 
décembre  MOO,  contient  le  texte  du  traité  du  5  des  ca-» 
leiHles  de  septembre  1357,  entre  son  procureur  fondé 
et  les  Consuls  de  Thuir,  qui  réclamaient  des  travaux 
ur^<M)ts  pour  remettre  l'eau  dans  la  sequia,  et  faire  mar- 
<'lier  (le  Iront  les  six  moulins  de  cette  ville,  ainsi  que 
pour  le  service  du  château  de  Perpignan.  Le  5  novembre 
ir>iK  Jacques  11  de  Majorque,  lit  ii  la  ville  de  Perpignan 
la  concession  d'un  «imI  d'eau  de  4»**'  10*'«  de  diamètre 
'  \  (le  nienh^  *  ).  La  teneur,  les  expressions  de  ces  actes 
aullienli(pies,  indiquent  un  usage,  une  origine  déjà  an- 
ciens, et  on  ne  doit  pas  hésiter  à  admettre  que  la  déri- 
vation primitive  de  la  sajuia  de  Tohyr  eut  lieu  au  com- 
niencemenL  du  xiie  siècle. 

Le  (Ion  (pie  le  comte  Gérard  lit  des  moulins  de  Perpi- 
«;nan.  et  I  épith('te  de  royal  que  |)ortait  le  canal,  prouvent 
(piil  appartenait  aux  anciens  Souverains  du  pays,  et  on 
ne  saiirail  douter  qu'il  ne  frtt  leur  ouvrapo,  si  l'on  consi- 


I  '  •  (lit  l<  >.\ii  MM  <lc  la  iiieiili*  !•(  «ttMDic,  foaniie  par  le  niiaiieatt  de  Thuir,  |HMir  lesjar- 
.!:i^  I  •■i>  1 1  !•'!  :  lu  jMlais  .1  l.i  iiUilollo,  ainsi  qae  It*  U\\  (nniMilr'*  \c  |Mi.Hf'»-\i'rt4l  d^ 
iim  .   i'i\  .  ,i\.i\.  «  •lii  \\i\\  'r.Vrai^'nii .  If  ir»Juilifl  1344. 


iy2%  APPENDICE. 

(1ère  rimportunce  des  constructions  nécessaires  pour  son 
[principal  ol)jet,  la  conduite  d^eau  au  château  et  à  la  vilk. 
l/exécution  d'une  entreprise  aussi  vaste  ^  indique  assez 
que  Perpi{i[nan  avait  atteint,  à  cette  époque,  un  degré 
d*nccroissenient  et  de  prospérité,  qui  justifiait  la  prédi- 
lection de  ces  Souverains.  Or,  ce  ne  fut  qu'en  1025, 
qu'on  y  érigea  une  paroisse. 

Les  autres  canaux  <l'irrigation  d'une  certaine  étendue,  tels 
que  ceux  deCuxa,  Finestret,  Prades,  Mosset,  Marquîxanes, 
Pézilla,  Kivesaltes,  Ks|»ira-de-Connent,  n'ont  été  cons- 
truits (|u'apres  le  \ii<^  siècle.  H  résulte,  pour  nous,  de 
tout  ce  qui  [précède,  la  conviction  qu'on  n'entreprit,  dans 
le  Roussilion ,  des  travaux  considérables  pour  Tirrigatiou 
des  terres  que  vers  Tan  IKK);  et  Tliistoire  des  temps 
antérieurs  et  |)ostérieurs  à  cette  époque,  s'accorde  pariai- 
teinent  avec  ce  résultat.  Kn  etl'et,  dans  Tannée  948,  on 
avait  terminé  en  llspagne  le  premier  {^rand  canal  d'amk- 
sa^^'o,  celui  «l'Kcija.  On  sait  que,  vers  la  tin  du  siècle  pié* 
cèdent^  les  (Chrétiens  de  la  Catalo{;ne  s*isoIèrent  de  la 
France,  dont  ils  ne  reconnurent  les  Uois  que  de  nom. 
Dès  l'un  IHM),  cette  province,  le  Koussillon  et  la  Cerdagne 
riaient  devenus  le  partage  des  descendants  de  Sunifred. 
Le  Comte  de  Harcelone,  le  plus  puissant  de  ces  Princes* 
se  trouvait  aussi  le  |)lus  ex|H)sé  à  soutenir  des  guerres 
rontn^  les  Sarrasins.  Les  <li\isions  <|ui  entraînèrent  h 
rhute  des  Oniéyades,  et  dont  il  sut  profiter  habilemeal, 
donnèrent  de  t'rtMpienles  occasions  à  ses  tronpcs,  de  par- 
courir, en  ennemies  ou  en  alliées,  diverses  provinces 
maliométanes.  Dans  ees  e\|)éditions,  qui,  durant  le  cours 
du  w  sièclt',  conduisirent  nos  ancêtres  sous  les  murs  dr 
Nalciicc,  de  Munie,  de  CunitMic,  ils  purent  acqtu*rirk> 
|)remiers  (*lcmcnts  de  l'art  iWs  irri<^'ations.  Fra|)ptfft  des 
prodii^Ts  qu'(»pi*rail  l'industrie  des  Arabes,  sous  le  soleil 


APPENDICE.  5^5 

brûlaul  de  rAndalousie,  Us  admiraient  leurs  travaux  et 
sinstruisaient  des  pratiques  d'une  culture  toute  nouvelle 
pour  eux.  Comprenant  combien  son  introduction  pouvait 
être  avantageuse  à  leur  patrie,  ils  racontaient  ce  qu'ils 
avaient  vu ,  et  disposaient  ainsi  les  habitants  à  seconder 
de  toutes  leurs  forces  l'application  qu'on  voudrait  en 
faire.  On  doit  peut-être  à  ces  aventuriers  obscurs,  aidés 
par  des  captifs  musulmans  plus  habiles,  quelqu'un  de 
ces  petits  canaux  dont  l'époque  de  la  création  est  in- 
connue. Le  système  politique  qui  régissait  alors  les  di- 
vers États  de  l'Europe,  n'était  pas  favorable  à  Texécu- 
tion  de  grandes  entreprises.  L'empire  de  Charlemagne 
était  partagé  entre  une  multitude  de  petits  Seigneurs 
féodaux,  toujours  en  guerre  avec  leurs  voisins.  11  était 
bien  dillicile  de  réunir  dans  un  intérêt  commun  des 
honinies  aussi  peu  traitables.  Un  grand  canal  d'irriga- 
tion ,  à  I  usage  de  plusieurs  territoires  ;  était  de  ce  genre , 
et  ne  pouvait  être  entrepris  que  sous  les  auspices  d'un 
puissant  seigneur,  propriétaire  ou  suzerain  de  tout  le 
terrain  à  arroser,  et  qui  n'eût  besoin  que  de  la  coopéra- 
tion de  voisins  trop  faibles ,  pour  ne  pas  dépendre  de  lui 
par  le  fait,  s'ils  n'en  relevaient  k  titre  féodal.  Les  Coiqtes 
de  Cerdagne  et  de  Roussillon  se  trouvaient  dans  cette 
position;  mais  les  premiers  ne  possédaient  que  des  ter- 
rains élevés ,  froids ,  et  des  vallées  étroites  où  l'arrosage 
pouvait  s'obtenir  au  moyen  de  légers  travaux.  Les  do- 
maines des  seconds,  occupant  les  vallées  inférieures  et 
les  plaines  situées  au  pied  des  montagnes,  semblaient 
au  contraire  destinés  par  la  nature  à  recevoir  un  système 
(Hendu  d'irrigation.  Il  est  donc  tout  simple  qu'on  attri- 
lu)e  aux  Comtes  de  Roussillon  l'établissement  des  grands 
raiiaux ,  qu'ils  n'entreprirent  toutefois  qu'après  en  avoir 
vu  d'existants  dans  d'autres  pays.  Or,  les  voyages  eii 


526  AFI^NDIGE. 

Kspagne,  que  lit,  vers  Tau  10(>9,  le  comie  Gaiurfreé; 
ses  courses  pour  seconder  les  Comtes  voisins  eoBtM  k» 
Infidèles;  la  croisade  de  i097,  k  laquelle  le  coiBle  Gé* 
rard  prit  une  |)art  si  glorieuse,  durent  inspirer  le  deseeii 
d'imiter  une  pratique ,  dont  on  appréciait  aisém^il  %em 
les  avantages.  I^e  nom  de  Restaurateur  de  PerfNgBM, 
donné  ii  ce  dernier,  fait  supposer  qu'il  opéra  qacjqvi 
chose  de  grand  dans  Tintérèt  de  cette  ville  naioMiim; 
et  que  pouvait-il  Taire  de  plus  utile  qu'un  canal,  fMf 
conduisit  l'eau  de  la  Tet,  fécondât  son  territoire,  dooBlI 
le  mouvement  à  plusieurs  moulins,  et  entretint  la  sahiMlé 
et  la  propreté  dans  ses  rues!  La  modicité  des  iinuwi 
d'un  Prince,  dont  le  Gouvernement  était  patemd,  M  M 
permit  point  de  mettre  du  luxe  dans  la  réalisation  de  MW 
grande  œuvre;  et  c'est  par  la  simplicité  de  rexéeoûoB,^pi 
se  distingue  surtout  le  réseau  de  canalisation  aiiqpa#iil 
due  la  merveilleuse  fertilité  de  la  plaine  du  RoMHlMIi 


*  î 


KOTE  SUR  LE  MISSEL  E!^LllML'\iÉ  DE  LA  MkWm       ^^ 

DE  PERPIGNAN.  "     ' 

\o  17,  En  itôU,  la  calligraphie  était  fort  pratiquée  k  l^ipi^ 

(Mge3fo)     gnau.  L'imprimerie  commençait  à  peine  à  se  r^fnaÉliK 

Sur   185  volumes   signalés   dans    vingt   invealaiM  él 

notaires,    i  seulement  étaient   imprimés  :   2 

1  italien,  1  latin. 

Une  œuvre  unique  et  digne  détre  citée,  c'eslle 
Missel  des  archives  de  la  mairie ,  rédigé  et  ëeril  fit 
Jean  Oliva,  ecclésiastique  de  l'i^glise  Saint-leaa.  H  m 
compose  de  ol  i  feuillets  in-folio  illustrés  de 
de  lini'S  iiiiuialuri>.  Il  fui  terminé  en  1417  |ioiir  l*{ 
ciaticui  des  merciers  <(  drs  peintivs.  Itien  de  fdwi^ 


•  ^  ••. 


«.  * 


s: 


•^  i4 


ai»i»endi(:k.  :,2t 

linix  sous  le  i apport  du  liiii  {\cs  pcinluns,  des  iniliales 
ri  des  eneadrcmenls.  Le  carmin  et  routre-nier  v  ahon- 
detJl.  Les  vignettes  les  plus  remar(|uables  se  trouvent  à 
la  messe  de  T Assomption.  On  y  voit  un  renard  alTublé 
d'une  robe  de  moine,  préebant  en  cliaire  devant  un  au- 
ditoire de  poules.  Des  singes  et  divers  animaux  dVtude, 
d'un  costume  semblable,  ornent  rencadrement.  Le  relû- 
ebement  ipii,  au  \\\^  siècle,  s'était  introduit  dans  la 
plupart  des  ordres  monastiques,  altéra  la  vénération 
qu'on  leur  portait  dans  les  siècles  précédeiiïs,  et  on  ne 
se  scandalisait  pas  de  ces  bouflbnneries  que  Rabelais 
[>oussa  iini)unément  à  ses  limites  extrêmes.  Les  lumières 
(onnnenraient  h  s'étendre  aux  laïques  comme  au  clergé. 
Dans  la  classe  ouvrière,  on  possédait  des  livres  de  piété 
et  de  grammaire  en  langue  romane ,  l'Ancien  et  le  Nou- 
veau T(\stament,  le  Psautier,  des  livres  de  Boëce  et  du 
vénérable  lîède,  la  Passion  de  la  Vierge,  la  Vie  des 
Saints,  la  Descente  de  Jésus-Cbrist  aux  enfers,  par  un 
<'vè<|ne  de  Jaën  ,  des  miroirs  liistoriaux  des  Troyens  et 
des  lîomains,  des  romans  de  chevalerie,  des  recueils  de 
contes  et  d'anecdotes,  des  fables  en  rimes.  Il  ne  faut 
pas  oublier  un  ouvrage  sur  la  peinture,  enregistré  dans 
l'inventaire  d'un  maréchal  ferrant  de  Collioure.  Un  prêtre 
de  la  Communauté  d'Elne  avait  composé  sa  bibliothèque 
de  48  manuscrits  :  outre  des  traités  de  science  canoni- 
que et  les  quatre  évangélistes  glossés,  on  y  comptait 
l»lusieurs  livres  de  Cicéron ,  de  saint  Augustin,  de  saint 
(irégoire,  des  tragédies  de  Sénèque,  Ovide,  Térence,  un 
Vocabulaire  des  synonymes ,  des  Elégances  de  I^urent 
Wals,  une  Rhétorique,  une  Logique. 

Le  î^iHii  de  la  lecture  et  de  la  littérature  était  donc 
répandu,  j^ràce  aux  leçons  de  nos  chaires  universitaires. 
I  Kxlrail  <l«*s  Mi'nnu'rrs  île  ^t.  ilr  Sainl-Malo  ;  iii  iHoo.) 


528  APPENDICE. 

m 

DES  MONNAIES  USITÉES  EN  ROUSSILLON  Dl  L'AS 

4258  A  1042. 

N«48,  Nous  avons  pensé  qu'en  réunissant  dans  une  noie  KM 

(page  311).  ce  quî  conceme  les  monnaies  qui  ont  eu  cours  en  Roo^ 
sillon,  nous  en  donnerions  une  connaissance  plus  facOek 
saisir,  qu'en  disséminant  nos  observations,  suivant  Fordie 
des  temps,  dans  les  divers  chapitres  de  cet  ouvrage.  Cette 
note  ne  pouvait  être  mieux  placée  qu'a  l'époque  où  la  Une 
de  Perpignan,  s'aflaiblissant  par  degrés,  finît,  en  dmmiis 
d'un  siècle,  par  se  trouver  dans  le  rapport  de  trois  à  cinq 
avec  celle  de  Barcelone,  quoique  dans  l'origine  elles  fil»- 
sent  à  peu  près  de  même  valeur. 

Avant  de  parler  des  monnaies,  disons  un  mol  des 
poids,  dont  la  connaissance  est  indispensable  pour  kv 
évaluation. 

Lors  de  l'établissement  du  système  métrique,  les  malts 
de  Barcelone  et  de  Perpignan,  divisés  chacun  en  4.606 
grains,  pesaient  :  le  premier,  268  grammes  1942;  le  se- 
cond, 207  granïmes  7.  Le  poids  de  celui-ci  fut  déterminé, 
h  cette  époque,  par  sa  comparaison  directe  au  kilograDune. 
Quant  au  premier,  on  sait  (V.  les  tables  de  VlUnéraùm  éê 
Ijibordc)  qu'il  est  d'un  sixième  plus  fort  que  le  marc  de 
(^stille,  trouvé  de  7  onces,  \  gros,  8  grains  de  Paris  pir 
l'Académie  des  Sciences  en  ]7G7.  Son  poids  est  donc  de 
8  onces,  0  gros,  9  grains  et  V'si  ou  268^  1942.  Le  mut 
dont  on  se  servait  anciennement  à  liarcelone  pour  peser 
l'or,  contenait  «>i  grains  de  plus  (2^^  87),  ce  qui  portai 
le  poids  à  27  H^  0042. 

Aucun  document  ne  peut  faire  soupçonner  qae  ks 
marcs  usités  dans  les  derniers  lem|)s  pour  peser  Tor  et 
l'argent  dans  ces  deux  villes,  fussent  diiïérenis  de 


APPENDICE.  5t>D 

iloiil  OU  se  servait  anciennement  ù  Barcelone  pour  l'ar- 
j^aMit,  et  à  Perpignan  pour  l'argent  et  pour  Tor.  Au  con- 
traire, les  laits  suivants  semblent  prouver  que  ces  marcs 
ont  toujours  été  les  mêmes.  On  verra  plus  bas  que  le 
poids  du  croat,  monnaie  d'argent  créée  en  1283,  fut  fixé 
au  *  ,j  du  marc  catalan  de  cette  époque,  c'est-à-dire  à 
(M  grains.  Si  le  nouveau  marc  est  le  même  que  l'ancien, 
tous  les  croats  ayant  dii  perdre  par  le  frai  quelque  chose 
de  leur  poids,  aucun  ne  doit  peser  64  grains  nouveaux  : 
mais  les  mieux  conservés  doivent  s'éloigner  peu  de  ce 
poids  ;  c'est  ce  qui  arrive  effectivement,  puisqu'ils  pèsent 
(i5  grains.  Des  expériences  pareilles,  faites  sur  les  florins 
d'or  et  sur  les  monnaies  de  billon,  ont  donné  à  peu  près 
les  niiMnes  résultats,  avec  la  seule  différence  que  la  perte 
par  le  frai  a  été  moindre  pour  les  monnaies  d'or  que  pour 
celles  d'iirgent,  et  pour  celles-ci  que  pour  celles  de  billon 
[\.  Salât).  Cela  devait  être  ainsi;  car,  outre  que  ces 
métaux  sont  d'autant  moins  altérables  par  le  frai  qu'ils 
sont  plus  précieux,  la  circulation  des  monnaies  est  d'au- 
tant moins  frécpicnte  que  leur  valeur  est  plus  élevée  :  il 
est  donc  infiniment  probable  que  le  marc  de  Barcelone  a 
toujours  été  tel  qu'il  était  dans  ces  derniers  temps.  Quant 
à  celui  de  Perpignan,  une  ordonnance  du  roi  Martin,  du 
h'  njars  1  W)9  * ,  indique  qu'il  était  plus  faible  que  celui  de 
Barcelone  ;  et  une  autre  ordonnance  du  même  Boi,  rendue 


I  <juaiiiili^  (Je  florins  ayant  été  rogués  ne  pesaient  pas,  comme  )a  loi  le  prescrifait,  le 
1  '4'»S  «lu  marc  îles  villes  de  Perpignan  et  de  Barcelone  où  on  les  fabriquait.  Pour  prérenir  les 
(iisiussionâ,  le  Hui  y  statua  qu'on  prendrait  les  florins  au  poids;  que  ceux  qui  pèseraient 
1/r»K  (Ju  niart  de  INrpignan,  S4.>raieot  donnés  pour  il  sols  de  tcm;  que  la  valeur  des  autres 
Mi;;iniMiterail  nu  ilimiimerait  d'un  denier  par  chaque  demi-grain  qu'ils  pèseraient  de  plus  on 
(Jt>  tnoin>.  Les  florins  de  Perpignan  les  plus  intacts,  ne  pouvaient  peser  au-delà  du  1/68  du 
iiiarr ,  poid>  nonn.il ,  que  les  monnayeurs  de  cette  ville  étaient  intéressés  à  ne  jamais  dépas- 
s.  r  I  es  HortHN  (U-  Marcelone  seuXs  pouvaient  peser  davantage,  sane  excéder  toutefois  un  grain. 
|i;ir<  0  que  le  inarr  pour  l'or  était,  ^  Ilarrelone,  de  54  grains  plus  fort  que  celui  pour  l'argent. 
ilfii  lih-ni.'^ii  r  un  pni  sii|Mrienr  à  relui  de  Perpignan ,  dont  le  florin  devait  peser  le  1/fW. 

.31 


:>:to  AppENbicK. 

le  l^i*  décembre  1 107,  prouve  qu'il  en  diiïérail  très  peu*. 
Nous  avons  fait  voir  plus  haut  que  le  marc  de  Barcelone, 
pour  Tarf^'ent,  était  le  même  au  xiii*-'  qu  au  xviuc  siècle. 
Les  deux  ordonnances  citées  nous  montrent  que  celui 
de  Perpignan,  en  liOO,  n  était  que  de  très  peu  inférieur 
a  celui  de  Barcelone,  comme  de  nos  jours.  N'en  devons* 
nous  pas  conclure  que  Tautre  aussi  n'a  pas  changé?  Par 
conséquent,  nous  n'avons  pas  à  craindre  de  commettre 
des  erreurs  de  quehpie  gravité  en  délerminant  la  valeur 
des  anciennes  monnaies  de  ce  pays,  d'après  Thypothèse 
de  rinvariabilité  du  poids  de  ces  marcs. 

Par  édil  du  h^^  août  1258,  Jacques  l^^  d'Aragon  émit 
en  Catalogne  la  monnaie  de  Irni,  sur  le  modèle  de  celle 
de  Jacca,  en  Aragon  :  elle  lui  était  égale  en  valeur,  et  la 
livre  contenait  20  sols,  2iO  deniers  et  480  mailles,  mon- 
naie fictive  pour  les  livres  et  les  sols  ;  celle  de  tem  était 
réelle  pour  les  deniers  et  les  mailles.  I)*un  marc  barce- 
lonais, contenant  \\  (0,2:MV'  d'argent  et  */*  (0,730)  de 
cuivre,  on  fabriquait  216  d<'niers  ou  480  mailles.  D*oà 
il  suit  que  deux  mailles,  quoi(pie  ayant  cours  pour  on 
denier,  nVn  valaient  etfectivement  que  les  Vio.  Douzi* 
deniers  de  tern ,  valant  un  sol ,  contenaient  en  argent  in 
le  '/„  du  marc  de  Itarcelone,  faisant  5,7240  grammes. 
Comparé  ii  r<»ca  de  o  francs ,  (pii  contient  22  ««■■•,  5 

I  1^  Hoi,  ^pff-  T  4vnir  flx^  !••  |in&  d*'  r.ir,;ciil  à  1(N»  ^.i»U  ilr  ifrn  pnar  Ir  narr  dt  Buw- 
Iftfie .  le  fi\f  A  liHMiiK.  It  ili-iiii'is.  Tn<tiiii.iii'  il»-  lVr|ii(rh4ii.  j^-iir  |r  marr  4r  nrtlr  nIV 
Uii'^i<|ii«*  |»lu^  faillit'  <{-f  (•■lli-  ■!••  ii>rn  ,  (•  tii-  tliTiinMi'  iniiiifijii*  vn  iliOî'rait  m  |vi  qw,4Mtlr* 

'liHiniif  [il-  il Iti-  l'i'-^pj''    i-n  II"  \i<j(  tniij>>iir<>  |-ri«i«  ifuiiiïi'-ri'ninii-nl  l'nn^  puar  l'iallt .  rr 

•{■Il  n'iur.ii*  p.is  -Il  ]•  Il  s,  Il  i|>fTr[i  ni'**  •!•  <>  •l''ii\  nriri"  n'i  l'it  ••!»■  furl  Iffs^rr  rnmav^Mt  k* 

ii-rn  -T»  !•  rnjit  ««iiiiii i-  1. .  .in:in*  Mir  -  ■! iltiix  \.il< ,  l>  «  m^iu^^  qsc  cva  éOBl  ffttn 

«^  iiTM^n»  -n  1>!»    ■■:>).   ti  p., rvl  t    |..  ,.iti!  ji^h  l'.'tf  ^ranmi'c  rt  flW  a  IOOmI»  érim 

■M;  !  liiT  .  '.  lui  -t.  »•■  ri-  ,m.  h.    j..  -  mt  ti'  Tiii/. .  r  iiiin..»    annil  \Hn  tW.NlMl  wli  4ê  IMS; 

-    -<^i'--ii  '.«.'•>..     ..    1)1.7     .  itMi  .  .U    M  .|.n -r*  •il  t IN".! lAl  MtU  4r  ■!•■■■■« 

.!•  !■• 'l'^n^n    li'.n.  !fiii'Mi„;  .  j,    m-nnn.-  .|.  tvr|.>^niii    i^W.KIMl  «nl*<|e  Irra.  ri  ^  •*! 


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l'- ':■  ,.i«'i  .«  '.  1.  ■■  -  «'r*»»''!!  ..  I.  .|.  ».  ij    iiifTiMiiif    rimv 


APPENDICK.  531 

d'ars^onl  lin,  le  sol  ou  les  12  deniers  de  lern  vaudraient 
anjourdlnii  Of' ,8277. 

Le  27  juillet  1285,  Pierre  III  créa,  sous  le  nom  de 
rroift,  une  monnaie  réelle  d'argent,  au  titre  de  "/i4  ^^ 
lin,  à  la  taille  de  72  au  marc,  ayant  cours  pour  un  sol 
ou  12  deniers  de  lern,  quoique  n'en  valant  que  H  7t  ^ 
puisq^ril  contenait  Vs*  d'argent  de  moins.  Ce  croat  vau- 
tlrait  donc,  en  monnaie  actuelle,  0^  ,7935. 

Pierre  IV  ordonna,  en  1346,  de  fabriquera  Perpignan 
des  florins  d'or,  aux  mêmes  titre  et  poids  que  ceux  de  Flo- 
rence, connus  en  Roussillon  dès  le  xin®  siècle.  L'or  dont 
on  se  servit  n'était  qu'à  22  '/i  karats,  et  on  en  tailla  68 
au  marc  de  Perpignan  :  ils  pesaient  donc  3»™""«,9369H  , 
dont  Ti  J'^^ ''"%731864  argent  et  0  »^»""%  205047  cuivre. 
En  calculant  la  valeur  actuelle  de  ces  métaux,  par  com- 
paraison à  notre  pièce  de  20  fraises  et  à  l'écu  de  5  * , 
on  trouve  que  leur  valeur  intrinsèque  serait  aujourd'hui 
de  12^^  ,87,  en  moyenne,  la  différence  entre  les  deux 
valeurs  n'étant  que  de  0^*^  ,04.  On  voulut  qu'ils  eussent 
cours  pour  1 1  sols  de  tern ,  quoique  le  prix  de  Tor  n'étant 
alors  que  décuple  de  celui  de  l'argent,  ils  ne  valussent 
réellement  que  10,171  sols  de  tern.  Celte  infériorité  de 
valeur  n'existerait  pas  aujourd'hui ,  où  le  rapport  de  l'or 
à  Targent  est  comme  31  est  k  2. 

Dans  un  système  où  les  monnaies  étaient  d'autant  plus 
faibles  que  leur  matière  était  plus  précieuse,  on  n'avait 
pas  à  craindre  l'exportation  de  l'or  et  de  l'argent  mon- 
navés  :  l'avidité  inconsidérée  de  Pierre  IV  vint  tout  bou- 
leverser.  Un  auteur  anonyme,  écrivant  avec  beaucoup 
de  bon  sens  sur  celle  matière  en  1438,  l'accuse  formel- 
lement d'avoir,  vers  l'an  1350,  établi,  dans  une  maison 
iU'  canipaf^ne  auprès  de  Barcelone,  un  atelier  de  fausse 

I   (tiii  |.   1  ni  ."iStM",:.  ;;r.iiiiiii«'v  fi  i:^.:»  ^'iaiiiiiie«  itcflurtiuu  faite  df  l'allLi^'»* 


monnaie  de  terii ,  avec  laquelle  il  achetait  les  florins  pour 
les  exporter.  (>ii\-ri  étant  devonns  fort  rares,  H  engagea 
les  (Portés  de  Tortose  k  décider  le  2  avril  1565,  qu'on  en 
ferait  une  nouvelle  émission  du  même  poids  que  les  an- 
ciens, mais  au  titre  de  18  karats  seulement.  Barcelone  et 
Peq)ignan  fabri<|uérent  de  ces  llorins.  Dans  la  première 
de  ces  villes,  leur  poids  fut  le  ^'^.^  du  marc  usité  pour  Tor, 
par  conséquent  de  5"'^^"""",9tCi!25.  Dans  la  seconde ,  on 
leur  donna  le  V .^^  du  marc  du  pays,  fesant  5»'*""^,9369H. 
La  valeur  intrinsèque  des  premiers  serait  aujourd'hui  de 
lOf^  ,2J>;  celle  des  autres  de  10'' ,17.  Cette  diflërence 
de  12  centimes  était  bien  moindre  autrefois,  k  cause  de 
la  moindre  valeur  de  Tor  :  elle  ne  s'élevait  guère  qu'à  1,31 
deniers  de  tern,  fesant  environ  0  centimes. 

Le  croat,  placé  entre  le  florin  altéré  légalement,  et  h 
monnaie  de  tern  falsiliée  par  le  Itoi ,  ne  |>ouvaît  se  main- 
tenir à  sa  valeur.  Aussi  était-il  exporté  par  les  uns,  rogné 
par  les  autres  ;  et ,  mal{j;ré  toutes  les  ordonnances  de 
Pierre  IV  sur  le  fait  des  monnaies,  ou  |)eut-étre  même 
à  cause  de  ces  ordonnances,  cette  branche  de  radminis» 
tration  se  trouva  dans  l<;  plus  {,'rand  désordre,  et  la  pbre 
de  Perpi^^nan  fut  encombrée  de  mcmnaies  françaises  ayant 
un  cours  très  «devé  par  le  défaut  absolu  d'espèces  natio- 
nales. Le  roi  .Martin  chercha  à  v  remédier  en  défendant, 
par  une  ordonnance  rendue  à  Saragosse  le  8  mars  130K, 
la  circulation  dans  ses  Ktats  des  monnaies  d*or  et  d'argent 
étrangères,  «circulation  qui  leur  était  tn*s  préjudiciable 
I  dit-il  I,  puisipie,  avec  mille  écus  de  France,  qui  ne  valent 
pas  réellement  lU.2<M)sols  de  tern,  on  en  solde  18.000« 
on  tout  an  moins  17.r>(NI*.»  Nous  avons  vu«  dans  les 


>  (In  vil!  .|iii  1/  Il  111,1  \.ii.i:(.  i-iiitiii  iiiii  .iti»  |i|ii«  tifit.  .1  IV|HH)ui-  An  ir.iiU  dr  Si 
,  -.M  ii:.ii  i  l4id  I  1 1  rr    II    "^  un  II.  «'-.  u- .  «ti  1 1  1 10  fr ..  }..i>«ifnt  U»  fiKi  i«ilft  (k>  m* .  fv  ■ 

•  I  rr   k;TT  lîi  \  I'.  m  1  il.- T  1,  iifi'rn-  .    |.|,. •':•  t  ■^«<.|i'ii'>- .  i  plu- ffiir  rjiM»n.  »'il*  ^^ 

]  I,'  |s  in»» 


APPENDICE.  533 

deux  notes  précédentes,  comment  il  régla  le  cours  des 
ilorins  et  la  valeur  du  marc  d'argent.  On  en  peut  conclure 
que,  déjà,  à  cette  époque,  au  lieu  de  tailler  18  sols  de 
monnaie  de  tem ,  d'un  marc  à  3  deniers  de  fin ,  on  en 
(aillait  au  moins  24.  Par  conséquent,  cette  moifnaie  avait 
perdu  au  moins  un  quart  de  sa  valeur,  et  les  nouveaux 

ê 

florins  pouvaient  valoir  \\  sols  de  cette  monnaie.  Quant 
aux  croats  dont  on  n'avait  changé  ni  le  poids  ni  le  titre, 
leur  valeur,  relativement  au  sol  de  tem  et  au  florin,  aurait 
dû  augmenter;  mais  les  anciens  avaient  été  tellement 
rognes,  qu'ils  restèrent  à  i2  deniers  de  tern.  Ceux  qu'on 
fabriqua  à  Barcelone  en  1407,  au  poids  et  au  titre  de  la 
(TÔation,  furent  reçus  à  la  Banque  de  cette  ville  pour  18 
deniers,  quoique  leur  cours  ne  fût  forcé  que  pour  12. 
La  monnaie  de  Perpignan  n'étant  que  de  Vioo  î*iférieure  à 
celle  de  tern,  on  ne  doit  pas  être  surpris  que,  dans  l'usage 
oi'dinaire','on  prit  indifleremment  ces  croats  les  uns  pour 
les  antres.  Le  roi  Martin  changea  un  peu  l'état  des  choses, 
en  affermant,  le  19  novembre  1407,  la  monnaie  de  Perpi- 
gnan à  deux  particuliers,  et  leur  permettant  de  fabriquer 
des  croats  à  1 1  deniers  de  fin  et  à  la  taille  de  70  au  marc, 
et  de  la  monnaie  de  billon  au  titre  de  2  deniers,  et  à  la 
taille  (le  21  à  22  sols  au  marc.  La  valeur  du  nouveau 
croat  diflérait  peu  de  celle  de  l'ancien;  mais  le  billon  ne 
\alait  guère'que  les  Vt  de  la  monnaie  de  tern,  tant  que 
le  croat  ne  dépassa  point  18  deniers  de  cette  monnaie. 
Opendaiil,  comme  on  continua  à  fabriquer  à  Perpignan 
du  billon  ancien,  on  ne  fit  jusqu'en  1430,  aucune  diffé- 
rence entre  la  monnaie  de  tern  et  celle  de  Perpignan. 
Kn  I  i2i,  le  roi  Alphonse  ayant  vendu  a  la  ville  de  Bar- 
celone le  privilège  exclusif  de  battre  des  croats  et  de  la 
nionnaie  de  tern,  interdit  cettç  fabrication  au  maître  de 
la  Sera  de  Perpignan  sous  les  plus  fortes  peines.  Au  bout 


ô3i  api*bnum:r. 

(le  quelques  années,  le  Roussillon  se  trouva  enlièrement 
dépourvu  de  monnaie  nationale.  Les  Consuls  adressèrent 
en  1455,  56  et  57  plusieurs  mémoires  au  Roi,  demandant 
qu'il  aflermàt  a  la  ville  le  droit  de  monnayage  :  ils  Tob- 
tinrent  pour  six  ans,  le  29  juillet  1457.  Moyennant  une 
somme  de  mille  ducals,  il  leur  fut  permis  de  fabriquer 
52.000  marcs  d  argent  en  réaux,  demi-réaux  et  billon. 
Mais,  |H)ur  ne  pas  violer  le  privilège  accordé  précédemment 
à  Barcelone,  il  fut  convenu  qu*à  Perpignan,  les  réaux  et 
demi-réaux  sei*aient  au  titre  de  11  deniers,  9  grains,  et 
a  la  taille  de  7  i  réaux  au  marc  ;  et  le  billon  au  titre  de 
2  deniers ,  à  la  taille  de  21  ou  22  sols  au  marc.  Telle 
était  la  dilléreuce  assez  notable  existant  entre  les  mon- 
naies courantes  a  Itarcelone  et  à  Perpignan  en  1462. 
Quand  Louis  XI  s'empara  du  Roussillon ,  elles  continua 
rent  Tune  et  Tautre  a  s'affaiblir;  et,  dès  Tan  liUS,  le  réal 
d  argent  valait  en  Catalogne  2  sols  de  tern ,  et,  par  con- 
séquent, 10  réaux  faisaient  une  livre.  (L'est  probablemeit 
il  cette  épo(iue  que  les  ailaiblissements  successifs  éprouvés 
par  la  monnaie  de  teni,  ceux  (|u'on  pouvait  prévoir  pour 
l'avenir,  engagèrent  à  adopter  ronime  monnaie  de  compte 
iii\ariable,  cette  livn'  barcelonaise  valant  10  réaux  d^ar- 
gent.  A  |»eine  maître  du  Roussillon,  le  i  no\embre  1485, 
Ferdinand  supprime  <leux  monnaies  iKargent,  les  caHénex 
et  les  parpailloh's,  qui  s*}  étaient  introduites  durant  Foc- 
cupation  française.  Il  ordonne  de  frapper,  à  Per|ftignan,  une 
monnaie  d'or  dite  prittrt'iHii,  au  même  titre  et  au  même 
poids  que  le  ducat  de  Venise,  fixant  à  12  réaux  la  valeur 
de  ce  jirimifHit  ou  t/uaiL  II   prescrit  d'y  fabriquer  aussi 
des   réaux    et   denii-nsiUN    au    litre    de   11    \   deniers, 
à  la  taille  de  72  au  marc  de  Perpignan;  et,  comme  ces 
ré;iu\  n'étaient  que  très  jieu  inIVTieurs  à  ceux  de  llarce- 
l>»ne.  il  \cul  t|u'ils  soient  pris  au  pair  de  ces  tleniiers. 


APPENDICE.  535 

dans  le  paiement  des  dettes  contractées  avant  leur  créa- 
tion. Dans  ce  même  édit,  et  dans  plusieurs  autres  suc- 
cessifs, il  permet  aux  Consuls  de  Perpignan  de  battre  de 
fortes  quantités  de  monnaie  de  billon,  dont  il  ne  fixe  ni 
le  titre  ni  le  poids,  et  dont  il  abandonne  le  profit  k  la 
ville,  alors  fort  obérée,  sous  la  condition  de  l'employer 
à  payer  ses  dettes ,  à  réparer  le  pont  Notre-Dame ,  ainsi 
que  ses  remparts,  et  à  acheter  quelque  artillerie.  La  ville 
ne  crut  pouvoir  remplir  toutes  ces  obligations  qu'en  émet- 
tant une  monnaie  très  faible.  Aussi,  voit-on,  dans  les  mé^ 
moires  des  notaires  Baldo  et  Palau,  que,  dès  l'an  1531, 
le  réal ,  qui  jusqu'alors  n'avait  valu  que  53  deniers  de 
bilion,  passait  couramment  pour  40;  de  sorte  que  la  livre 
de  2i0  deniers  ne  valut  plus  que  6  réaux.  Elle  fiit  comptée 
à  ce  taux  ou  à  2  livres  de  France  jusqu'à  la  fin  du  xvn« 
siècle,  quoique  la  livre  de  billon ,  devenue  cuivre  pur,  ne 
valût  plus  que  3  sols  de  la  livre  à  6  réaux,  dès  le  com- 
mencement de  ce  siècle.  Mais  il  ne  faut  pas  confondre  la 
livre  de  Barcelone  à  iO  réaux  avec  la  livre  à  240  deniers. 
Tandis  que  la  première  était  fort  supérieure  à  celle  de 
Perpi<^man  ne  valant  que  6  réaux,  la  seconde  différait  peu 
de  la  monnaie  courante  dans  cette  ville.  Le  fait  suivant  le 
prouve  parfaitement.  (Cart.  Rotiss.)  Lors  du  siège  de  Per- 
pignan en  1542,  on  avait  démoli  un  couvent  d'Augustins 
situé  près  de  la  porte  Notre-Dame,  et  employé  les  maté- 
riaux à  des  ouvrages  de  fortifications.  Sur  la  plainte  des 
moines,  portée  devant  les  juges  de  griefs  nommés  par  les 
Etats  de  Monçon  en  loo2,  le  Trésor  fut  condamné,  esti- 
mation faite  de  ces  matériaux,  à  leur  payer  5.236  livres 
12  sols  0  deniers,  monnaie  de  Perpignan,  dont  le  ducat 
vaut  iO  sols,  et  qui  valent  5.142  livres  1  denier,  monnaie 
de  Barcelone.  Nous  avons  vu  que  le  ducat  valait  12  réaux; 
d'où  il  suit  que  cette  livre  de  Perpignan  était  de  6  réaux, 


530  AIM'KNDKie. 

valant  alors  iO deniers  chacun.  La  livre  de  Barcelone,  dont 
il  est  ici  question,  ne  pouvait  être  celle  de  10  féaux:  elle 
doit  être  celle  de  2i()  deniers,  qui  était  soldée  avec  6  réaux 
de  Barcelone,  un  peu  plus  torts  que  cens  de  Perpignan^  et 
la  dilTérence  de  ces  deux  sommes  ne  venait  que  de  la  dif- 
férence des  marcs  de  Barcelone  et  de  Perpignan ,  dont  ces 
réaux  étaient  le*/,^. 

Nous  n'avons  point  parlé  de  quelques  monnaies  an- 
ciennes <|ui  eurent  cours  en  Roussîllon,  même  après 
rétahlisscmcnl  de  celle  de  tern.  Nous  nous  contenterons 
de  donner  leur  valeur,  telle  quelle  lut  fixée  |>arles  Certes 
tenues  à  Perpi<,M)an  en  15;>1 .  On  évalua  l'once  d*or  pur  à 
t2K  sols;  le  sol  d*or  à  10;  le  morabatin  à  l;  l'once  d'or  de 
Valence  h  8  sols;  la  mancusse,  valant  Vs  ^^  l'once,  à  16 
deniers  de  tern  ;  le  sol  d'arf^ent  à  2  sols  de  tern  :  on  sait 
que  la  livre  contenait  alors  12  onces,  21  solsKi  morabatins. 

Si  nous  en  juj^eons  \k\v  les  <locunients  qui  nous  restent, 
la  Si'' a  ou  Hôtel  des  Monnaies  de  IVrpi^man,  pmliakiement 
le  plus  ini|>ortant  de  la  Calalo<<ne  a|)ri*s  celui  de  Barcelone, 
n  était  en  activité  (pie  par  intervalles,  quelquefois  assez 
éloi^Miés;  mal  fourni  en  instruments,  machines  et  oulik, 
on  raflrrmait  parfois,  (pioiqu'ayant  un  ilirecteur  en  tîtie 
fnh'.strr  (Ui  la  Sxn),  l)'a|M'ès  cria,  on  ne  doit  pas  être  étonnt' 
de  voir  cette  |)lace  si  dépourvue  de  numéraire  national  qne. 
dans  de  uonibreuses  transactious  romuMTciales,  on  stipule 
en  esprns  élran^^rifs,  surtout  ru  espèces  françaises,  dont 
le  prix,  pri'Stpir  toujours  plus  éh*\é  que  l(»ur  valeur  réelle, 
\ari('  suivant  Ir  besoin  qu'on  «'prouve  de  numéniire.  C'est 
ainsi  qui*  Vrni  iVur  de  Franre,  qui  m»  \alait  j,'nên»  plus  de 
jtîsojsdr  trrii,  i*st  <<iiiiph',  dr  irijOii  ITillS,  17  sols  S  de- 
niïTs,  20 sols  t;  di  iiiers,  2:1  sols  dr  irrn,  et  de  ir>$W  à  1  WB, 
;i  IK  dr  ri*s  sols.  Lr  /> ///  dt*  Kraiirr  valant  27  sols  tournois. 
et»  qui  re\i«*nt  à  2!  sols  7  deniers  fie  Iitu,  est  dumié  de 


APPENDICE.  537 

1551  à  154i,  pour  17  sols  9  deniers,  20  sols  2  deniers, 
2i ,  22,  24  sols.  Le  papilloii  d'or  varie  de  23  à  50  sols  de 
tern.  Le  mouton,  Yagnelei,  le  franc  à  cheval,  monnaies 
d'or  de  France,  sont  toujours  comptés,  le  premier  pour  i\ 
sols  6  deniers;  le  second  pour  21  sols;  le  troisième  pour 
16  sols  de  tern.  Le  florin  de  Florence,  qui,  avant  rémis- 
sion du  florin  d'Aragon,  avait  cours  pour  16  sols  de  tern, 
ne  fut  compté  dans  la  suite  que  pour  14  sols  6  deniers. 
Le  dncat  de  Venise  est  compté  en  1416  pour  14  sols,  et 
en  1568  le  hesan  de  Conslantinople  est  évalué  8  sols,  9 
deniers  de  tern. 

Nous  ne  jugeons  pas  hors  de  propos  de  consigner  à  la 
suite  de  ce  (|ue  nous  venons  de  dire  sur  les  monnaies, 
les  notions  que  nous  avons  pu  recueillir  sur  les  prix  des 
denrées  les  plus  communes  durant  le  cours  des  xiv« 
lU  \v-  siècles.  Nous  trouvons  le  blé  vendu  à  33  sols 
en  15(k),  et  à  5(j  sols  de  1404  à  1416;  mais,  dans  ces 
deux  circonstances,  la  vente  est  faite  à  crédit.  De  plus, 
eu  lôtM,  ce  sont  les  Consuls  de  Perpignan  qui  font  un 
approvisionnement  pour  fournir  des  rations  aux  bandes 
de  Henri  de  Transtamarre  s'apprétant  à  traverser  le  Rous- 
sillon:  et,  dans  la  seconde  occasion ,  on  se  trouvait  dans 
un  temps  de  pénurie,  puisque  les  Consuls  faisaient  vendre 
du  blé  aux  pauvres  à  raison  de  50  sols  Taymine.  Il  est 
naturel  d'admettre  que  le  prix  de  ces  ventes  est  fort  au- 
dessus  (lu  prix  ordinaire.  Nous  le  trouvons  vendu  à  24  sols, 
6  deniers  en  1589;  à  25  sols  en  1118  et  1451.  On  peut 
donc  lixer  le  prix  moyen  du  blé  dans  cette  période  à  2o  sols 
i'ayinine  '  ;  celui  de  Torge  est  toujours  de  17  sols.  Si  nous 
(ihservons  que  la  monnaie  de  tern  avait  déjà  perdu  plus 


I  II  pir.iit  [ir.>hal.|p  que  relie  mesure  «orrespond  a 6 ou  7  doubles  dAcalilres, c'csl-à-dire au 
niinimiiiii  .!.*  j.t  -lunnlit** .le  g^ra  n  alors  usitée  pour  ensemencer  une  ayminate  de  lerre  :  surface 
.1'  I  5(KlroniiPs  rariée^  île  Monipellicr,  qui  fut  jadis  c«  qu'elle  est  maintenant,  environ  80  are». 


538  APPENDICE. 

(lu  quart  de  sa  valeur  primitive,  et  que  laymiue,  quoique 
n'ayant  pas  toujours  conservé  la  même  sous-divisioo. 
parait  ne  pas  ditVérer  de  la  saumate,  pesant  3  quintaui, 
ni  de  la  charge  des  derniers  temps,  égïtie  a  184  Vt  litres, 
à  cause  du  surplus  de  V^,  qu'on  donnait  autrefois,  on  trou- 
vera le  prix  moyen  du  blé  à  7  ^'  /Ji  Tliectolitre  * ,  celui  de 
lorgt^  il  o^r ,  K).  i^  bonne  huile  se  vendait,  en  1400,  à  13s. 
de  tern  le  dourch  (l(P'^,75i),  ce  qui  revient  à  4o^  ,31 
riieclolitre.  Vers  ce  même  lemps,  le  prix  du  vin  était  de 
10  *\  sols  la  saumatc,  environ  TiU  ^^  Thectolitre.  La  laine, 
vu  1  ilO,  se  vendait  !2  sols  de  tern  i  1^^  ,17 ;  la  toison.  On 
trouve  le  prix  du  fer  à  2H  sols  de  tern  le  quintal  en  1385: 
il  !29  sols  0  deniers  en  1 110,  ce  «pii  revient  à  âl'^  ,23  et 
2r>  ^^  Jm  les  cent  kilogrannnes.  Li  chaux  se  vendait,  prise 
au  four,  l'an  1^)89,  ô  sols  <(  deniers  Tavuiine  ou  saumate, 
pesant  Ti  quintaux,  ce  qui  fait  à  pou  près  1^^  ,64  les  cent 
kilo<,'rannnes.  La  grosse  bricpio  (nuroj  se  vendait  vers  la 
fin  du  xiv*  sièclr,  Ty  livres  ITi  sols  à  i  livres  le  millier,  ee 
qui  revient  à  li  ou  il  francs. 

Nous  aurions  désiré  trouver  des  renseignements  préds 
sur  le  rev(*nu  des  terres  (^t  le  prix  de  la  journée  de  tra- 
\ail.  Nous  donnerons  ceux  qui  sont  venus  a  notre  connais» 
sance,  mais  qui  n'oil'rent  rien  de  satisfaisant.  1<>  L'n  bail 
à  ferme  de  ir>ll ,  à  raison  de  ici  \  ay mines  d*orge  pour 
quatre  chanqis,  n'en  portant  pas  la  contenance  :  il  indique 
^f'ulenient  le  mode  d'aifermage  des  terres.  S"  l'n  bail  k 
Icrnie  de  quelqu<'s  terres  à  Montescot:  il  est  stipulé  que  le 
fermier  fournira  la  semence,  tous  les  travaux  jusqu'à  b  rê- 
eolie,  ainsi  qut*  ceux  du  sol.  On  convient  que  du  prodaît, 
avant  parta<|r,  on  tirera  la  moitié  de  la  semence  «  les  frais 


'  l  11  I'  '     ■  >'  '   »  .  •   ■'     :>  1^1  K  •   !•■  |<  ■  :>  >>    i  ■•  iii-:-> .  r  ri:iiiiii  m  Mf  r^lm  *lf  KOàii 

!■   'ir   I  I  ■    ■    I  '   ■      I  ■       !-ii.       .-  ■   ij-;.-  I     ...ij  il-  «.t.,  |ii  |-i,|  ,r  .|t    \  ■!  -I   |i|  t>  l"!^  '.d^  'fni  -WH*.  in 


APPENDICE.  539 

(le  ia  moisson  et  du  battage  par  juments;  que  le  niaitre 
aura  le  tiers  du  reste,  et  le  fermier  les  deux  autres  tiers 
avec  les  pailles.  5»  En  1428 ,  six  a) minâtes  (environ  3S6 
ares)  sont  affermées  à  Palol,  près  d'Elne,  pour  quatre  ans. 
Le  prix  est  de  16  aymines  de  blé,  dont  8  seront  données 
au  bout  de  la  première  année ,  et  les  8  autres  à  la  fin  de 
la  quatrième,  durant  laquelle  le  fermier  ne  pourra  laisser 
^Tainer  ni  millet,  ni  trèfle.  A^  En  1  424,  les  maîtres  ou- 
vriers, enlr'aulres  un  charpentier,  reçoivent  pour  salaire 
journalier  14  deniers  de  tern,  environ  62  centimes. 

DRIXIÈMË  I^OTE  CONCERNANT  LES  MONNAYES. 

Nous  avons  cru  nécessaire  d'entrer  dans  le  détail  de  NMSt»*. 
Tapprécialion  des  poids  et  des  valeurs  intrinsèques  des 
monnaies  de  tern,  du  croat  et  du  florin,  que  renferme 
cet  article  si  intéressant  de  l'ouvrage  de  M.  de  Gazanyola, 
afin  que  la  parfaite  exactitude  de  ses  calculs  reconnue, 
pour  les  trois  sortes  de  monnaies,  de  l'usage  le  plus  gé- 
néral, on  admette  avec  confiance,  les  résultats  concernant 
les  variations  subies  par  toutes  celles  qui  ont  eu  cours  en 
Roussillon  de  I2o8  a  1642,  époque  de  la  substitution  de 
la  monnaie  française  a  celle  du  pays. 

En  1767,  l'Académie  des  Sciences  fixa  le  poids  du  marc 
de  Castiile.  Celui  de  Catalogne  est  d'un  sixième  en  sus. 
Le  Bureau  des  Longitudes,  dans  V Annuaire  de  1852, 
reconnut  (pie  le  marc  de  Caslille  est  de  250^^-,250;  en 
conséquence,  celui  de  Catalogne  est  de  268^^^,1942,  cote 
complètement  justifiée  par  sa  liquidation  à  l'Hôtel  des 
Mnimaies  de  Paris  *. 
Ouanl  au  marc  de  Perpignan,  déduit  des  manuscrits 

.  *^iii\.ui:  M   (.ii'-«t  .  MMiiini&saire  a«ljuinl  a  l'Hôlcl  des  Monnaie»  «le  Pans. 


5i0  APPENblCK. 

de  M.  de  Saint-Malo,  traducteur  si  intelligent  et  si  cons- 
(ûencicux  de  nos  antiques  archives,  et  conforme  k  l'opi- 
nion si  éclairée  de  M.  Tastu,  qui  a  fait  de  longues  re- 
cherches dans  nos  Annales,  on  Ta  coté  à  267^"  ,71,  par 
la  comparaison  directe  au  kilogramme  lors  de  rétablisse- 
ment du  système  métrique.  Il  paraîtra  impossible  que 
M.  de  Gazanyola,  homme  si  positif  et  écrivant  précisé- 
ment sur  la  matière ,  n'eût  pas  découvert  et  indiqué  la 
difTéronce  cpii  aurait  pu  exister  entre  Tancien  marc  de 
Perpignan  et  celui  de  cette  époque,  tandis  que  les  bits 
cités  et  ses  recherches  ne  permettent  pas  de  douter 
qu'elle  ne  l'iit  très  petite. 

On  peut  donc ,  avec  certitude,  partir  de  ces  deux  bases« 
et  leur  rapporter  le  poids  des  monnaies  anciennes  et 
actuelles.  Il  en  résulte  d*ahord  que  la  livre  (  12  onees'> 

de  Barcelone  sera  de 102^,291 

celle  de  Perpignan,  de 401  ^',363 

Diiïérence  très  faihie  et  qui  même,  suivant  Joseph 
Bosch,  aurait  en  (pieh|ue  sorte  disparu  a  la  fm  du  xv^ 
siècle. 

Pour  conqKirer  la  monnaie  de  lern  à  celle  en  usage 
de'  nos  j<»urs,  nous  étahlirons  la  |»ro|)ortion  suivante:  le 

si}\  de  lern  ou  -'*_]■'*-  «ni  ri-^'""  ,7:21U!2  :  î22-\rî  quantité 
d'argenl  que  conlirnt  IVcu  de  r;fr  ::  \  :  Tî^f  ,  d*o6  le 
sol  de  lern  égale  0^'^  ,X277.  Or,  h»  sol  actuel  est  le  "  ,^ 
th»  r;  francs,  et  conlienl  ()i.'"""'"',22;i  de  lin.  Le  rap|K>rt 

enlre  le  sol  de  lern  rt  Taclnel  est  ilonc  317*,^^  *^"  comme 
I  est  à  ir),.Vi;i.  Il  s'ensuit  (\nn\  Pi^S.  ce  qui  est  main- 
hMianl  *i'\  repn'srnlail  une  valeur  de  82^', 77.%. 

Nous  i»|»rri'roiis  d'iiiir  nianièn*  analogue  pour  le  crtwl 
tl«'  Pirrif  III  .  i'ni|»lM\:iiii  tiMitcrMis  un  procède»  difléreni 
il  plus  siniplr. 


APPENDICE.  441 

Titre  '\,,  on  0,958553. 

Le  poids  a  la  taille  de  72  au  marc  est .  .     5^,72492 

Je  croat  coiUienl  donc,  en  argent 3  ,569715 

Kn  imiliipliant  par  0^'-,222,  valeur  du  gramme  d'argent, 
on  obtient  pour  la  valeur  du  croat,  à  la  fin  du  xiiF 
siècle,  fK,7932. 

Traités  [)ar  la  voie  humide ,  ainsi  que  le  mode  en  a 
iHv  adopté  et  prescrit  exclusivement  à  tout  autre  par 
l'ordonnance  royale  du  10  juin  1830,  on  obtiendrait, 
pour  les  deux  valeurs,  0^8362  et  0^,7953. 

Le  llorin  de  1546  était  au  titre  de  22  V^  karats,  ou 
0^,947705  de  fin,  représenté  en  or  par 

207,71  X  0,947765  égale 255^,72617 

et  en  alliage 15  ,98583 

total  formant  le  marc  de  Perpignan.    .  .       267^,71000 

qui,  à  la  taille  de  68,  donnent. .  .     ^^  =5^,936911 

le  surplus  en  argent 0^,205047 

la  valeur  intrinsèque  de  Tor  du  florin  est  donc  3^,751864 
multiplié  par  5^^,4444  (le  kilogramme  d'or  étant  coté 
5414^'^, 4ij  ce  qui  donne,  en  or..  .  .     ^2^854| 

en  argent Of,045i       ' 

ou  en  compte  rond  le  florin  de  Perpignan  est.     12^90 

Kn  opérant  de  même  pour  le  florin  de  Bar- 
celone, on  aurait,  or  fin 12^896 

d'où  résulte,  avec  celui  de  Perpignan,  une  dif- 
férence de  0^042,  or  fin. 

En  eiïet,  le  florin  de  Perpignan  contient,  en 

or  fin 5«,751864 

celui  de  Barcelone 3  ,744191 

diflérence 0k,012327 

qui,  nmliipliés  par  5^,4444  donnent 0^042 


:A'2  ai»i»kndi(:k. 

Nous  iK'  poussiMoiis  pas  plus  loin  rolle  note,  sullisantc 
pour  qu'on  iircorde  pleine  confiance  aux  évaluations  de 
Tauteur,  qui  n*a  écrit  qu'après  avoir  tait  des  recherclies 
qui  souvent  ne  Pont  conduit  (|u'à  faire  loyalement  l'aveu 
de  son  inipuissanc<*  à  rendre  plus  clair  un  sujet  dîflicile 
à  traiter.  ( LHiUtnn. / 


CO.NVOCVnOK  DES  CORTÉS. 

N*»  10,  Le  Roi  convo(|uait  Ws  Corlés  par  des  lettres  adressées 

/r(T0f;7.-7;7  .  au\  présidents  des  trois  Hras^  ou  aux  communes  et  cor* 
porations  qui  devaient  nommer  des  Députés.  1^  jour  et 
le  lieu  de  la  réunion  y  étaient  fixés;  et  le  lieu  ne  pouvait 
être  chan^'é  qu'avec  le  cimsentement  des  Ktats,  lorsqu'ils 
étaient  assend)lés.  Nous  trouvons  dans  nos  archives  la 
nomination  d*un  héputé  du  (Chapitre  d'KIne,  et  celle  des 
Députés  de  la  commune  de  Salses  aux  Mtals  de  1319; 
ces  deux  nominations  a\ant  été  laites  de  la  même  ma- 
nière,  nous  d<mnerons  seidement  celle  de  Salses,  d*après 
le  (^artulaire  roussillonnais. 

(!liarles-Quint  et  sa  mère  a\ant  écrit  à  cette  commune 
le  V\  avril  lolU,  qu'ils  convotpiaient  les  Cortés  a  Barce- 
lone pour  l(;  là  mai  suivant,  les  T.onsuls  réunissent,  le  4 
mai,  les  liabiiants,  suivant  l'usage,  au  son  de  la  cloche; 
on  nomme  les  deux  Députés;  on  leur  donne,  i»ar  devant 
n<»taire,  les  |)ouvoirs  les  plus  anqdes,  |Njur  consentir  wk 
refuser  un  don  ^^ratuit  au  Itoi ,  pour  délibérer  sur  les  al^ 
faires  qui  leur  seront  soumises,  et  on  les  charge  de 
poursuivre,  au  nom  de  la  counnuiie,  auprès  du  (louver- 
n<'mt>nt  ou  des  extM'uteurs  testamentaires  du  roi  Fer- 
dinand, rindemnifé  due  à  la  \ille  pour  la  recoiistnic* 
tioii  de  MHi  ('«^lisr  .   ilcmoljr   lors  de  rétaldisseuienl  du 


APPENDICE.  :)i7 

PU(rio)nrtrc.  Le  relevé  de  la  quanlilé  de  pluie  loiubée 
|)endaiit  res  douze  années,  a  donné  6"™,484o,  d'où  résulte 
la  nioyeiine  0"\riiOi;  celle  du  nombre  de  jours  pluvieux  a 
été  de  cinquante-deux.  Des  observations  semblables,  faites 
à  la  direction  des  fortifications,  ont  porté  la  moyenne,  pour 
un  pareil  nombre  d'années,  à  0»",5596.  C'est  donc,  en 
mesures  anciennes,  de  20  pouces,  a  20  pouces  8  lignes, 
quotité  qui  dilfère  bien  peu  de  celle  admise  pour  la  France. 

Ces  relevés  indiquent  d'étonnantes  variations.  Les 
maxinui  des  années  \HV)  et  1855  ont  atteint  0™,952  et 
0'",lH)i,  tandis  que  les  minima  des  années  1841  et  1854 
ne  sé'levèrent  pas  au-delà  de  0"™,285  et  0"S327,  comme 
si  la  Providence  avait  voulu  établir  une  compensation  entre 
deux  années  consécutives.  La  chute  d'eau  la  plus  remar- 
quable a  eu  lieu  pendant  le  mois  de  décembre  1810  :  elle 
a  atteint  le  chiffre  de  0»",5627. 

Trmprrafure.  Le  maximum  de  chaleur  pendant  ces  douze 
années,  eut  lieu  en  1854  :  il  atteignit  ^7^,50  centigrades; 
le  plus  grand  degré  de  froid ,  en  1853,  fut  de  —  7».  Cette 
dernière  cote  est  de  beaucoup  inférieure  à  celle  citée  par 
Tauteur,  a  la  date  du  28  décembre  1829,  qui  répond  à 
9o,r)7o  centigrades.  Ce  fut,  en  effet,  un  hiver  fatal  aux 
orangers  :  ceux  plantés  en  pleine  terre  périrent;  mais  la 
plupart  ne  tardèrent  pas  h  repousser  du  pied,  surtout  dans 
les  positions  abritées;  les  oliviers  même  furent  maltraités. 
Vrnts.  Les  vents,  et  particulièrement  le  nord  et  le  nord- 
ouest  jouent  un  grand  rôle  dans  l'état  atmosphérique  du 
Houssillon,  où,  du  reste,  on  les  considère,  en  général, 
comme  favorables  à  la  salubrité.  Les  relevés  de  l'ÉcoIe- 
Normale  les  portent  comme  vents  dominants  pendant  ces 
douze  années  ;  et  nous  citerons,  pour  donner  une  idée  de 
la  constance  de  ce  rumb  de  vent,  qu'ils  ont  régné  147 
ei  l()l  jours,  pendant  les  années  1838  et  1839. 


APPENDICE.  549 


NOTE  SUR  LES  CRIES  DES  RIVIÈRES. 

On  se  ferait  diflicilement  une  idée  de  Teffet  des  fortes      N»  24 , 
triies  des  trois  fleuves  du  Roussillon ,  qui  ont  principa-     (pagtut). 
lenient  lieu  aux  mois  d'octobre   et  de  novembre.    On 
lonservc,  dans  les  archives  des  diverses  administrations 
(le  la  ville  de  Perpignan,  des  notes  concernant  celles  de 
la  Tet.  Nous  nous  bornerons  a  quelques  citations  : 

En  l"26i,  le  pont  dit  de  la  Pierre  fut  complètement 
détruit.  Rétabli,  peu  de  temps  après,  il  résista  pendant 
rent  cinquante  ans; 

En  1421,  les  trois  arches  du  côté  du  faubourg  furent 
♦  mportées  et  bientôt  reconstruites; 

Les  quatre  autres  eurent  le  même  sort  en  1535; 

Les  premières  furent  encore  détruites  en  1737  et  1740. 
On  les  reconstruisit  en  1742. 

Vauban  avait  prescrit,  en  1679,  rétablissement  du  pont 
♦les  Eaux-Vives,  pour  alléger  le  vieux  pont,  et  rendre 
possible  lécoulement  de  l'excédant  des  eaux.  Il  fut  mal 
exécuté,  et  le  passage  trop  restreint. 

On  construisit,  en  1721,  une  digue  de  vingt  mètres 
<r<'|Kusseur  et  de  trois  de  hauteur,  s'étendant  à  1.100 
lut'tros  au-dessus  et  à  400  mètres  au-dessous  du  pont. 
On  comptait  qu'elle  maintiendrait  les  eaux  dans  leur  lit; 
mais,  entamée,  rompue  à  chaque  crue  considérable,  on 
a  cessé  d'en  maintenir  le  massif  à  ses  dimensions  primi- 
tives, et  malgré  le  vaste  débouché  des  deux  ponts,  on  a 
souvent  éprouvé  des  désastres,  auxquels,  rien  ne  peut 
{arer,  quand  les  crues  donnent  5<",50  d'élévation  au- 
«kssus  (lu  radier  du  pont  de  la  Pierre,  ou0"',54(2pouces) 
au-dessus  du  sommet  de  l'arc  de  celui  de  Notre-Dame, 
«  ornmo  on  l'a  vu  en  décembre  1772  et  le  9  octobre  1855. 


,  a-ji 


*  • 


5.V)  ArPbNDICE. 

O  peu  de  succès  des  travuux  opérés,  suivant  divers 
systèmes,  pour  o[»poser  un  obstacle  insurmontable  au 
débordement  de  la  Tet ,  a  décidé  l'administration  des 
Ponts-et-Chaussée6  a  n*employer  que  des  enrocbeoients 
au  pied  des  rives,  dans  les  parties  menacées. 

Les  désastres  sont  dus  à  des  pluies  torrentielles  de 
plusieurs  jours,  qui  s*étendent  sur  tout  le  territoire, 
entre  les  Pyrénées  et  les  Corbières,  qui  nous  séparent  du 
bassin  de  l'Aude.  Ainsi,  la  crue  extraordinaire  di^mois 
d'octobre  1700,  qui  causa  un  mal  immense  dans  la  plaine 
du  Roussillon,  fut  terrible  dans  la  vallée  du  Tech.  A 
Prats-de-Molb),  tout  près  de  sa  source,  il  s'éleva,  après 
douze  beures  de  cbute  d'eau ,  de  50  à  55  pieds ,  et  fit 
d  épouvantables  rava<;es.  Une  commission  en  porta  Téva- 
luation  à  plus  de  1.500.000  francs.  Il  périt  beaueoop 
de  monde.  On  remarqua  sur  les  flancs  du  Canigoa  d'é* 
normes  jets  d'eau,  s*élançant  à  de  grandes  hauteurs.  Il 
existe  aux  arcbives  du  Génie  militaire,  un  rapport  des 
ingénieurs ,  constatant  que  la  rapidité  du  torrent  sous  le 
pont  était  de  50  toises  par  seconde,  et  nous  rappelleroDS, 
à  cette  occasion ,  que  vers  la  lin  du  i\^  siècle,  une  crue 
extraordinaire  détruisit  le  monastère  d'Kxalada,  situé  sur 
un  point  très  élevé  au-dessus  du  lit  de  la  Tet. 


NOTE   SIR    LES  CAKAIX   D'ARROSAGE 

nr    I)fj»AKTKMENT. 

>»  x\,  ^^*t  apervu,  d'une  époque  déjà  ancienne,  exige,  à 


le  son  importance,  quelques  additions,  que  nous  donne- 
rons brièvement. 

Les  arrosaj^es  du  bassin  k\v  la   lel,  sont,  depuis  peu. 
'usidêrabiemeiit  accrus,  notamment  |)ar  IVIargissement 


Tï.Vi  Ai*i>t:M»i(.i:. 

des  dispositions  géiiérales  sur  cette  matière,  mais  niodî- 
(iécs  [Kir  les  usaf^^es  établis,  et,  en  quelque  sorte,  un  droit 
eoutumier.  Klle  fixe  les  surfaces  qui  ont  le  privilq^c  de 
rirrigation,  les  heures  de  Tarrosage  dans  chaque  canton. 
les  <limensions  d(^s  œils,  confonnénient  aux  titres,  les 
larj^eurs  et  la  hauteur  des  l'ranc-hords  au-dessus  du  sol  du 
canal.  Klle  y  |)roscrit  le  pacage  et  restreint  les  passages 
il  des  points  lixes.  Klle  règle  le  partage  proportionnel  des 
eaux,  en  cas  de  pénurie;  elle  prononce  des  amendes 
contre  les  infractions.  Ainsi,  l'arrosage  est  protégé  par  la 
coutume  et  les  règlements,  ce  qui  n'empêche  pas,  cepen- 
dant, l'introduction  de  nombreux  abus,  l'intérêt  privé  étant 
toujours  ingénieux  pour  se  soustraire  aux  plus  sages  dis- 
positions. Toutefois,  le  Itoussillon  jouit  depuis  huit  siècles. 
|)ar  le  patriotisme,  la  sagesse  du  gouvernement  de  ses 
Comtes  et  des  Souverains  aragonais,  <run  système  d'irri- 
gation parfaitement  entendu,  et  d'un  Code  règlemenlaire 
inconnu  dans  toute  autre  |)artie  de  la  France. 

Ajoutons  (|uelques  notes  historiques  sur  les  trois  prin- 
cipaux canaux  de  la  [daine  du  Itoussilhm  <  Corlière,  Thuir 
et  Perpignan).  Ils  ont  remplacé  Tunique,  la  Siequia  rcal 
(le  Tolnjr,  créé  dans.  I:i  première  moitié  du  xil*  siècle. 
détruit  au  commencement  du  \v*'.  Les  dates  portées  au 
tableau,  sont  celles  des  chartes  royales,  qui  ont,  Ji  la 
même  époque,  autorisé  des  «Hablissements  distincts  pour 
les  terroii*s  th*  chacune  de  ces  localités. 

Ke  canal  de  Corbère,  dabord  rétabli  dans  le  lit  même  de 
la  partie  supériiMire  de  l'antique  srijuia ,  passait,  via-^vis 
lîodcs.  de  la  rive  droite  à  la  ri\e  gauche,  et  rentrait  à  la  droitr 
après  nn  trajet  dt*  i.!K"<hnrtres,  au  m<t\4  n  de  deux  ponts- 
aqueducs,  d(»nt  l'infé'rieur  portait  le  nom  historique  dr 
pont  des  Sarrasins.  Ces  |M»nts  lurent  ruinés  par  les  inon- 
latiniis,  ei  i»ii  ITiT  «»n   transporta  le  canal  sur  la  ri%c 


APPENDICE.  553 

tiroile,  en  opérant  des  travaux  prodigieux  dans  la  gorge 
<le  Uodès.  A  la  vue  de  ce  canal  taillé  dans  le  roc ,  porté 
sur  des  murs  de  soutènement  de  50  à  5o  mètres  d'élé- 
\ation,  on  éprouve  un  sentiment  d'admiration  pour  un  si 
liardi  projet,  conçu  et  exécuté  par  un  simple  particulier. 
La  ville  de  Perpignan  a  foit  l'acquisition  de  ce  cours  d'eau 
par  acte  du  10  mars  1857. 

Le  canal  dit  ruisseau  de  las  Canals  ou  de  Perpignan, 
n'a  j)as  oiVert  dans  son  établissement  autant  de  difficultés 
a  vaincre,  d'obstacles  à  surmonter.  On  remarque,  toute- 
lois,  dans  son  parcours,  un  plus  grand  nombre  d'ouvrages 
d'art,  des  aqueducs  sur  plusieurs  torrents,  deux  tunnels 
ayant  2  mètres  de  largeur  et  370  mètres  de  longueur 
rnsenible ,  un  pont-aqueduc  de  vingt-et-unc  arches  et 
tllH)  mètres  de  long.  Malheureusement,  sa  prise  d'eau, 
<l<uU  l'orf^anisation  solide  avait  coûté  60.000  francs,  au 
moins,  en  1851  et  185o,  battue  par  l'action  perpendi- 
<nlaire  du  courant  dans  les  grandes  crues,  n'a  pu  résister, 
(juoique  fondée  sur  le  tuf,  et  la  tète  du  canal  est  me- 
nacée d'une  complète  destruction,  qu'on  ne  préviendra 
qu'à  ^'rands  frais. 

Le  canal  de  Thuir  n'offre  rien  de  remarquable  dans 
son  cours.  Il  franchit  celui  d'ille  au  moyen  d'un  aqueduc, 
cl  passe  au-dessous  de  celai  de  Corbère. 

L'établissement  des  canaux  du  Roussillon  peut  être  cité 
(•(uiHue  modèle  d'économie  et  de  simplicité.  De  faibles 
harrages,  aisément  destructibles,  dérivent  les  eaux  dans 
l'ouverture  de  la  tête  du  ruisseau.  Renversés  par  les  fortes 
(lues,  on  les  rétablit  a  peu  de  frais,  après  récoulement. 
ir<  drplac(Mnents  successifs,  sont  trop  souvent  nécessités 
l»ar  les  clian<:,^ements  du  lit  même  du  torrent  :  il  en  résulte 
rl«  s  ebouleinents,  des  déchirements  aux  rives,  qui  rendent 
•le  plus  en  plus  difficile  le  rallachement  solide  des  barrages. 


La  répartition  de  détail  des  arrosages  s*opère  aussi 
iiiiparfaiteiuent  par  des  œils,  dont  on  altère  la  dimen- 
sion, et  des  vannes,  qui  laissent  des  vides  tels,  qae  les 
pertes  sont  très  considérables.  11  ne  serait  pas  moins 
important  de  remédier  à  ces  abus,  qu'à  la  fragilité  des 
barrages,  par  des  dispositions  plus  coûteuses,  sans  doute, 
mais  qui  auraient  pour  ellet  la  sûreté  de  rintroduclion  des 
raux,  et  la  conservation,  ainsi  que  la  juste  répartition  du 
volume  introduit.  (L'Editeur,) 


PROJET  DE  LA  BOILLOVSE. 

N«26,  Pour  répondre  au  vœu  de  Fauteur,  qui  n'est  ici  que 

ipnqe  ui).  Técho  de  la  population  réclamant  depuis  long-temps  qu'on 
forme  des  réservoirs  propres  à  prévenir  les  funestes  effets 
de  la  pénurie  des  eaux  d  arrosage,  précisément  k  l'épo- 
que où  elles  seraient  le  [dus  nécessaires,  nous  ferons 
connaître  le  projet  de  barrages  a  opérer  au-dessus  de 
Mont-Louis,  présenté  au  Conseil-Général  par  M.  Tastn, 
ingénieur  des  IN>nts-et-Qiaussées.  Les  détails  de  ce  mé- 
moire ayant  un  grand  intérêt ,  nous  pensons  qu'on  nous 
siiura  gré  d'en  d<»nnor  Tanalyse. 

De  Mont-Louis  à  Perpignan,  la  Tet  a  quatre-vingt- 
i|uinze  prises  d'eau  <pii  arrosent  I  l.92o*"*^^*^,  86.  A 
pirtir  du  canal  de  Corbère,  Tun  des  plus  importants  sur 
l(îs  dix  «pii  restent,  on  doit  en  arroser  10.ol6"-*-,08. 

Pour  obvier  à  la  pénurie  qui  n'existe  onlinairement 
qu'aux  mois  de  juillet,  août,  septend^re,  on  propose 
«iiMix  réservoirs  :  1'»  à  la  liouUousc,  ll.O^W  mètres  au- 
dessus  de  Mont-Louis:  i"  au  Pla  th'M  .l/W//<iiw,  k  7.000 
nètres  du  niéino  point.  Le  (lonsciMiénéral  des  Ponts* 
•'■-('Ji;niss(M*s  les  ap|tr(>u\.')  I«*  ."><*  septembre  IH47. 


AIM'ENDICK. 


a«>.> 


La  Boullouse  est  située  au  centre  des  montagnes ,  a 
^1.000  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  sur  un 
(ond  de  roche  presque  horizontal.  Avec  une  élévation  de 
18  mètres  au  barrage,  on  y  amassera  20.398.449  mètres 
( :ul)es  d'eau.  Sa  longueur  serait  de  484  mètres,  l'épais- 
seur do  8  mètres  à  5  mètres  oO,  suivant  les  hauteurs 
décroissantes  par  retraites  extérieures  de  l"™,aO.  Au  Pla 
Jt's  Ahcillans,  avec  une  retenue  de  i5  mètres  de  hauteur, 
on  réunirait  5.148.504  mètres  cubes,  qui  remplaceraient 
avantageusement  2  mètres  d'exhaussement  à  la  BotUlouse. 


I)<''pense  des  barrages  : 

IhmUoxise 

Pla  (les  Abeillans . 


Total. . 
Somme  a  valoir. 


1.535.276^^  84 
380.849    68 


1.916.126^^  52 
183.873    48 

Dépense  totale  probable 2.100.000^^00 

Don  s'ensuivrait,  pour  la  valeur  capitale  du  mètre  cubi- 
<|ne  d'approvisionnement,  O'^  10. 

On  estimera  ainsi  les  pertes  : 

Tnite  par  les  vannes  des  AbeiUans 1.000 '^'^"^• 

Par  révaporation  à  0"S004  *  par  jour,  sur 

la  surface  de  la  Boullouse.  1.543.616""  *» 
Sur  celle  des  AbeiUans.  .  .      326.896 


Sur  un  total  de 1.870.412"'»    7.481  "*'•«»' 


Perte  par  24  heures 8.481  "'^'•««»» 

On  0'"-^,i00  par  seconde,  à  laquelle  ajoutant  une 
'Laie  perte  pour  le  trajet,  on  arrivera  comme  M.  Nadaud 
!c  lUitlon,  an  maximum  d'un  cinquième. 


I  .  \a|MM,tlion  .  iuivaul  Uclidor,  n'csl  aniiuellenit'iil  «luc  «le  32  |»ouic»  (0*.8<;r>),  la  chute 
pliini  iii  fouroil  plus  (le  U  moilié. 


Il  est  posé  en  principe  qif  un  demi  litre  |Mir  seconde 
suilit  pour  Tarrosage  d'un  hectare.  Tous  les  canaux  ac- 
tuels en  prennent  bien  plus.  Ainsi ,  Ille  a  2  mètres  cubes 
pour  850  hectares;  ïhuir,  1™^',H()  pour  1.558  hectares, 
(*tr.  ;  mais  il  s'en  perd  prodi^^ieusement. 

Les  canau\  supérieurs,  jusqu'à  et  y  compris  celui  de 
(lorbùre,  nVprouvent  jamais  de  |)énurie.  En  IRiO,  année 
cvceptionnelle,  il  débitait  l'°^,7(>9,  et  même  IIlc,  après 
kii,  0"  '  ,8!2.'>  |)ar  seconde. 

Hors  de  la  pénurie,  ils  prennent  : 
Celui  d'Iile 2'"^  ,00^ 

-   deTluiir 1      ,80 (      7»  ^,00 

—   de  Perpij,qian 1      ,()()isousCorbèrc, 

de  Millas I      ,60/ 

Quand  pour  0.1 15"'*, 85  de  leur  irrigation,  il  suffirait 

de  5"  •  ,o:;7. 

Sous  Millas,  (|uand  la  Tet  est  à  sec,  on  trouve  encore 
au  canal  de  Corneilla  0"  ',i(M)  par  seconde;  h  celui  de 
IV/illa  0'"^,rH)0.  (^eu\  du  Vernet,  de  Pia,  des  Quatre- 
(ia/als,  ont  aussi  plus  d'eau  <pfil  n*en  faut  pour  l'irriga- 
lirni  en  toute  saison  :  c'est  le  produit  de  nappes  souter- 
raines. Ainsi,  il  n\  a  qu'à  |)oun'oir  aux  6.115"-*-,83 
di's  <piatre  territoires  dille,  Thuir,  Millas  et  Perpignan. 
Notre  n'S(Mve  d(»  25'"  «^  ,ol(»{)55,  qu'on  dériverait  un  peu 
au-dessus  de  la  |»rise  d'Ille,  sullirait  donc  pour  faire 
ïwe  à  5.88(»"',17  d'arrosaj^a*  en  sus,  en  tout  10.000 
hectares. 

Le  bassin  de  la  Tel ,  au-dessus  de  la  Houlloffse ,  ayant 
une  surlaci*  d'au  moins  5.<NNI  hectares,  le  remplissage 
«les  deux  retenues  n'est  |)as  <louteux.  Kn  rî*gleraentanl 
les  canaux  suitérieurs  à  (iorbère,  on  ferait  de  notables 
«T.onomies,  au  prolit  des  canaux  intérieurs  sujets  il  la 
pénurie:  ei  même  en  appliquant  le«i  excédants  aii\  mon- 


n  r."r 


APPENDICE.  557 


lagnes  eiilre  Monl-Louis  et  le  canal  d'Ille,  on  acquerrait 
pour  Tarrosage  5.000  hectares  de  plus. 

Les  5   mètres  cubes  par  seconde,  dont  on  pourrait 
<lisposer,  seraient  répartis  ainsi  : 


Pour  le  canal  d'Ille,  arrosant.  . 
—  de  Thuir 

de  Perpignan. .   . 

de  Millas 

Fa  pour  le  nouvel  arrosage.  .   . 


836"  «  —  0"^,418 
1.338  --  0  ,669 
5.290     -^    1      ,645 

650  —  0  ,523 
5.886     —  l      ,945 


10.000"^  —  o"^,000 

Le  barrage  du  nouveau  canal  qu'on  établirait  dans  les 
rochers  sous  Rodes,  aurait  :  de  longueur,  83  mètres; 
de  hauteur,  sur  les  fondations,  4"™,20;  d'épaisseur, 
7)'", 20;  il  serait  commun  à  tous  les  canaux;  on  lui  don- 
nerait de  2  à  3  mètres  de  large  et  au  moins  l'",20  do 
profondeur. 

On  peut  porter  la  dépense  des  canaux  à  700. 000^ 
d'après  le  règlement  des  quotes-parts  de  chacun,  suivant 
qu'on  arroserait  des  canaux  anciens,  ou  qu'on  ferait 
partie  des  arrosages  nouveaux,  augmentées  d'un  cin- 
(juième  pour  les  frais  d'administration. 

Les  arrosants  du  Canal  d'Ille  payeraient ,  par  hectare.     25^ 

—  de  Thuir 169 

—  de  Perpignan i69 

de  Millas 144 

Lt  ceux  du  nouveau. canal 654 

L'entretien  annuel  serait  assuré  moyennant  une  dépense 
(  orrespondant  à  moins  de  10^  pour  les  anciens,  de  51^,50 
pour  les  nouveaux  arrosants.  A  l'égard  du  bassin  du  Tech, 
il  a  éie  constaté,  par  divers  jaugeages,  exécutés  contra- 
dirtoirement,  que  le  débit  d'étiage  au  Boulon  s'élevait  à 


55S  \pi»emh(:k. 

l.KU  litics  par  seconde,  lue  onloiinnnce  du  ait  inarN 
18tl,  ne  distrihnanl  qne  r>.r)(M>  lilres  entre  les  divers 
eanaux  anciens  et  modernes,  ainsi  qne  pour  les  usines. 
il  en  resterait  80:2  dont  Céret  et  Maureillas  réclament  la 
concession.  On  ponrrait  aisément  ménager  des  ressource> 
pour  les  tem|)s  de  pénurie,  plus  rares  au  suqdus  dans  ce 
bassin  (pie  dans  relui  de  la  Tet,  en  établissant  à  peu 
de  frais,  sous  Corsavi,  au  |)ont  dit  de  la  Fou,  un  bar- 
rage solide  rattaclH'  à  deux  rochers.  L'étang  qui  s'> 
formerait  culMMait  -î.î2IO.(M)0  litres.  O  nombre,  divisi* 
par  5  minutes  181. (MM)  secondes  répondant  à  deux  mois 
de  pénurie,  donne  ir)t>  litres  par  seconde,  qui  founii- 
raient  à  Tarrosage  de  HiVl  hretares.  Le  bassin  de  TAgl) 
ne  parait  guère  susceptible  d'angmentati<m. 


NOTE  SIR  LES  FORAGES. 

\«  27 ,  D'après  le  tableau  annexé  au  mémoire  inséré  dans  le 

o  "K  n7\.  neuvième  bullrlin  de  la  Société  des  Pvrénées-Orienlales, 
il  y  avait,  à  la  lin  de  J^Cii,  quatre-vingt-sept  TorageN 
exécutés,  sur  lesipiels  cinquante- huit  avaient  réussi.  La 
({uantité  de  nn'tres  forés  sVIevait  h  T.IOr>,  le  produit  à 
près  de  ISri.tMMJ.tMM)  de  litres  par  jour;  mais  îles  rensei- 
gnements, auxcpiels  nous  scunnies  fondé  ii  ajouter  foi, 
nous  engagent  à  n'Mluire  de  intûtié,  soit  18.(XNI.(KN)  par 
jour,  ou  !2<M)  litres  par  seconde,  qui  sutlirait^nt  à  Tarro- 
sage  de  itM)  brctares.  La  moyenne  des  [irofundeurs  des 
rintpiantobuit  forag(*s  ipii  (uit  réussi  donnerait  77  nit^ 
très.  \v  maximum  des  forag<'s  tentés  est  187  mètres;  si 
K:iges  et  à  Toulouges.  dans  b*  bassin  de  la  Tet.  la  pro- 
fondeur des  foragi'N  donnant  de  forts  \olumes  d*eau,  est 
dr  'kI  mètrt's  jiunr  Ua'^os  rt  (i<i  ponr  Toulouges;  à  Ri>e- 


:>riO  AppKMhir.i:. 

(les,  (les  plantations,  des  promenades  piltoresques ,  «lê- 
doninia^ent  dt^  Tanstérité,  de  râpreté  des  lieux,  et  sa- 
lislbnt  autant  aux  exigences  des  moyens  curatifs  qu'à  la 
convenance  de  rendre  lein*  séjour  a<{réal)le.  Les  bains 
d'Amélie,  dans  la  vallée  du  Tech,  et  ceux  de  Vernel,  à 
rentrée  de  la  vallée  de  la  Tet,  peuvent  maintenant  entrer 
en  parall(Me  avec  les  plus  beaux,  les  plus  complets  éta- 
blissements de  ce  {^enr(^  Des  appareils  à  douches^  sous 
toutes  les  inclinaisons,  des  \aporarimn,  la  caléfaction  de 
tous  l(*s  a[4)artements  par  des  tuyaux  fournis  d'eau  à  61^ 
degrés,  des  piscines  de  natation,  des  promenoirs  cou- 
verts, créations  récentes,  «dirent  aux  malades  tout  ce 
qu'il  est  possible  de  n'^unir  pour  contribuer  à  la  guérison. 
De  nondu'cux  bâtiments,  d'une  architecture  élégante,  et 
parfaitement  appropriés  ii  leur  destination  ;  des  apparte- 
ments meublés  avec  goût;  une  table  abondamment  ser- 
vie; des  salons  de  réunion,  bien  tenus,  complètent  le 
confortable  de  c(*s  établissem(Mits. 

On  voit  (pie  les  eaux  thermales  du  Roussillon  oiïrenl 
tous  les  degn'*s  (pie  la  iin'decine  peut  appliquer.  Leur 
composition  est  à  [k'U  pivs  la  même  :  l'hydrosulfate  de 
soude,  associé  au  carbonate  alcalin,  et  une  forte  pro- 
porti(Mi  (1(^  silice.  Tette  similitude  de  c(unposition  «  le 
peu  d(*  distance  entre  U'S  nombreuses  bouches  des  eaux. 
f(Uit  pivsum(*r  (pfil  existe  un  loyer dVlaboratiiui  commun. 
l/unilormité  des  ivsultats  m*  peut  pro\enir  «pie  de  Tuni- 
formité  des  causes. 

Les  bains  militaires  (rAm(*li(\  de  nou\elle  création. 
sont  en  actixité.  L(>ur  situation,  le  luxe  des  bâtiments. 
le  \oIuiiie,  la  haute  teinpératun*  des  eaux,  leur  donnent 
une  supiM'idritc  ihmi  douteuse  sur  les  établissemenls  sem- 
blables. Ils  seront  eniineinment  utiles  snrt(Mit  pour  les 
malad(*spr(i\eiKin(  dr  rini|H»rlanteci)|iinie  (rAfricpie,  dont 


APPENDICE. 


561 


le  climat  est  à  peu  près  celui  de  notre  Roussillon.  Les 
blessés  envoyés  de  la  Crimée,  particulièrement  ceux  qui 
avaient  eu  des  membres  gelés  au  siège  de  Sébastopol, 
se  trouvèrent  parfaitement  bien  de  Tusage  de  ces  bains. 
Ce  rapide  exposé  suffira  pour  faire  reconnaître  qu'on 
ne  voit  nulle  part  des  masses  aussi  considérables  d'eaux 
minérales,   jouissant  en  outre  d'énergiques  propriétés 
thérapeutiques.  Si  donc  les  établissements  thermaux  du 
Roussillon  n'ont  pas  encore  toute  la  réputation  à  laquelle 
ils  ont  droit,  il  faut  l'attribuer  aux  causes  signalées  par 
le  docteur  Anglada,  causes  qui  n'existent  plus.  Ici,  comme 
à  Toccident  des  Pyrénées,  comme  aux  frontières  de  la 
Suisse  et  aux  bords  du  Rhin ,  on  trouvera  le  repos  et 
des  distractions,    remèdes   souvent  plus   efficaces   que 
Faction  du  soufre,  des  acides,  des  alcalis.  On  y  jouira 
en  outre  de  ce  qu'il  est  impossil)le  de  donner  ailleurs, 
d'une  saison  d'hiver,  immense  privilège  singulièrement 
apprécié  par  les  hommes  de  l'art  les  plus  capables,  et 
dont  l'expérience  confirme  les  effets  merveilleux. 

Nous  donnons  le  tableau  des  principales  sources  ther- 
males du  département,  pour  qu'on  puisse  plus  aisément 
apprécier  toutes  les  ressources  qu'offire,  sous  ce  rapport, 
rextrémilé  orientale  de  la  chaîne  des  Pyrénées. 


VALLEES. 


ETABLISSEMENTS. 


NOMBRE 

SOURCES . 


DEGRÉS 

CENTIGRAOBS. 


VOLUME 

DIS  EAUX 

«n  24  heures. 


Eaux  TKtrnvaUs  Sul^urtUMS. 


Haite-Skciik.  Les  Escaldes  . .  . . 

borres 

Llo 

Quès 


5 

3 
4 


De  330  à  43«,5 

De  27%5  k  290 
46» 


met.  cnb. 


800 


36 


562 


APPENDICE. 


VAIJ.RRS. 

ÉTABLISSEMENTS. 

NOMBRE 

de 

50UIICI8. 

DEGRÉS 

GCmaRAOB. 

VOUHB 

MSIAirX 

taiékMiw. 

■«t.cmb. 

SuUt  d€»  Eaux  TWtroaXc*  Su\fuTtuu». 

La  Tet 

Saint-Tbomaf . . . 

3 

De  340  à  58* 

600 

CanaTeillet 

4 

54%5 

Thuèi 

4 

De  430  à  76* 

Nver 

i 

23» 

Olelle» 

2C 

De  50o  è  78» 

1775 

Le  Vernel 5 

De  27*  è  36* 

807 

Molitp 

6 

De  270,3  k  37o,5 

525 

Vinca 

i 

230,3 

Le  Tech..  . . 

La  Prff te 

.      A 

De3|oM4 

545 

Amélie-les-Baiaf . 

n 

De  32  i  63 

890 

LVtablitaemeDt 
militaire 

\ 

6|o 

500 

75 

6040 

Eaux  TWrmaUs  si 

mpUa. 

LiTet 

Thucs 

1 

53« 

Le  Tech..  . . 

I  LVUbhsvn 

En 

A 
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p  cnliypn*; 

50« 
290 

mais  nni]«  a«on«  ilA  «if 

saler  TabM- 1 

Re?  net 

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danr«  de»  faux  qui  jaiUiK<«Dl  Kur  un  nparf  *\  rt'^li 

Vint,  vinf;t-iii  lonrrf 

s  A  de  taiU  1 

di»grfs  lie  rhaleur.  C>^l ,  a  la  hllrf ,  un  lorn-nl  dt? 

f«ni. 

(  F.'Ediic^ir.  ï 


APPENDICE.  563 


NOTE  SUR  L  ATTERRISSEMENT  DE  L'ÉTANG 

DE  SALSES. 

L'immense  avantage  qui  résulterait  du  dessèchement  N»29, 
de  Tétang  et  des  marécages,  entre  Salses  et  Leucate,  a  (p^geiso). 
suggéré  l'idée  de  tenter  l'opération  par  le  colmatage,  en 
y  introduisant  les  eaux  troubles  de  TAgly,  lors  des  crues. 
Le  canal  aurait  vingt  mètres  de  largeur  sur  deux  de  pro- 
fondeur. La  surface  totale,  y  compris  les  marais,  est  de 
8.000  hectares  ou  80.000  mètres  carrés.  La  coupe  du 
canal,  réduit  de  5  mètres  au  fond,  serait  de  57  mètres 
cubes.  Accordant  aux  eaux  une  vitesse  de  2  mètres  par 
seconde,  on  introduirait  journellement  6.395.600  mètres 
cubes  d'eau.  En  les  supposant  chargées  de  Vioo  ^^  terre, 
comme  on  les  a  trouvées,  dans  les  expériences  faites  avec 
soin  et  précision,  pour  des  atterrissements  projetés  dans 
les  maremmes  de  Toscane,  il  en  résulterait  191.808  mè- 
tres par  jour  :  il  faudrait  donc,  pour  combler  l'étang,  que 
les  crues  de  l'Agly  eussent  annuellement  une  durée  de 
huit  jours  et  demi  pendant  cinquante  ans. 

Il  existe,  au  sujet  de  la  possibilité  d'exécution,  une 
opinion  Milgaire,  qui  mérite  d'être  discutée.  On  prétend 
que  jadis  l'Agly  se  jetait  dans  l'étang.  Parmi  les  auteurs 
anciens,  Pline  est  le  seul  qu'on  pourrait  croire  avoir 
voulu  faire  mention  de  l'Agly;  mais  il  ne  dit  pas  un  mot  de 
son  embouchure.  Serait-ce  le  Sordus  de  Festus  Aviénus? 
Mais  ce  géographe  ne  parle  que  de  sa  sortie  de  l'étang; 
or,  ne  faut-il  pas  croire  que,  sur  la  foi  des  navigateurs > 
il  aura  pris  son  déversement  dans  la  mer,  au  Grau,  pour 
l'embouchure  d'une  rivière?  Au  moyen-âge,  une  seule 
charte ,  en  961 ,  parle  de  TAgly ,  qu'elle  nomme  flumen 


564  APPENDICE. 

aquilinum.  Son  cours  était  alors  le  même  qu'aujourd'hui, 
passant  auprès  de  la  chapelle  de  Saint-Satumio ,  et  for^ 
mant  une  forte  connexité  vers  le  sud.  Plusieurs  actes  du 
w^  siècle  établissent  ses  confrontations  avec  des  champs 
des  territoires  de  Pia,  Claira,  Torrelles.  Ainsi,  avant  le 
xi<^  siècle,  point  d'indice  que  ce  cours  différât  de  celui 
d'aujourd'hui;  depuis,  certitude  qu'il  n'en  a  pas  dévié. 
Examinons  si  le  terrain  offre  des  indications  de  la  direction 
qu'on  prétend  lui  attribuer  à  une  époque,  que,  d'ailleurs, 
on  n'assigne  point.  La  pente,  entre  le  canal  de  Qairat  et 
la  rivière,  qui  ne  peut  la  surmonter  que  lorsque  ses  crues 
excèdent  cinq  pieds,  rend,  en  quelque  sorte,  impossible 
la  direction  naturelle  vers  l'étang;  mais,  dira-t-on ,  il 
existe  un  fossé  que,  de  temps  immémorial,  on  appelle 
la  Gly  vella.  Ce  misérable  fossé  commence  au  point  où 
le  canal  de  Claira  tourne  au  sud,  pour  se  jeter  dans 
la  rivière,  à  900  mètres  de  distance.  On  y  voyait,  il 
n'y  a  pas  long-temps,  une  écluse  en  pierre  de  taille, 
indiquant  une  prise  d'eau  de  dérivation.  Des  actes  an* 
ciens  le  constatent  :  nous  pouvons  en  citer  un  de  1661, 
qui  donne  la  confrontation  occidentale  d'un  champ  :  cm» 
alveo  (Ur  Clayra,  nommai  la  Gbj  vella.  Ainsi  donc,  ce 
n'est  que  le  reste  d'un  ancien  canal  d'arrosage,  on  la 
trace  du  déversement  d'une  forte  crue  de  TAgly. 

Nous  ferons  connaître,  au  sujet  de  l'étang  de  Salses, 
qu'en  \l\i\  on  approuva  un  projet  de  canal  de  comma- 
nication  entre  le  Languedoc  et  le  Roussillon,  dressé  pr 
M.  de  Niquet,  savant  ingénieur.  Il  y  eut  même  un  com- 
mencement d'exécution,  comme  on  en  voit  l'amorce  à  la 
Nouvelle,  ainsi  qu'une  partie  dans  le  territoire  de  Saint- 
Hippolyte,  à  la  sortie  de  Tétang  de  Leucate.  Il  est  à 
regretter  qu'on  n'ait  pas  donné  suite  k  Imcontestable 
utilité  d'une  op<'ration ,  qu'on  croit  avoir  été  jadis  lenlée 


APPENDICE.  565 

par  les  Romains  et  les  Goths.  On  n'eût,  toutefois,  obtenu 
un  succès  réel,  qu'en  prolongeant  la  communication  jus- 
qu'au canal  du  Midi. 


NOTE  SUR  LE  CHÈNE-LIÉGE. 

La  culture  du  chêne-liége  a  pris  dans  le  département,  ^*  ^^^ 
depuis  quelques  années,  une  grande  extension.  On  a  (pa§e46S). 
compris  tout  le  parti  qu'on  peut  tirer  d'un  arbre  qui  ne 
vient  que  dans  le  Midi,  et  qui  donne  d'excellents  pro- 
duits, sans  autres  frais  que  ceux  de  l'extraction  de  son 
écorce.  On  y  pratique  trois  modes  de  reproduction  :  le 
semis,  la  transplantation,  la  greffe.  On  ne  faisait  naguère 
usage  que  du  semis:  mais,  comme  d'abord  le  gland 
|)onrril  ou  devient  la  proie  des  rats;  comme  il  faut  s'ar- 
mer de  patience  pour  garantir  le  jeune  plant,  et  attendre 
trente  ans  avant  de  faire  la  première  récolte,  on  a  cherché 
h  rapprocher  le  terme,  en  substituant  au  semis,  la  trans- 
plantation de  sujets  de  douze  à  quinze  ans,  venus  natu- 
rellement dans  les  forêts,  et  en  telle  abondance,  qu'on  se 
voit  forcé  d'en  sacrifier  un  grand  nombre.  On  ne  pensait 
pas,  jadis,  qu'il  fût  possible  de  raccourcir  le  pivot  qui 
plonge  profondément  sous  le  sol;  on  le  coupe  maintenant 
à  six  pouces,  et  l'arbre  s'alimente  parfaitement,  au  moyen 
(les  racines  latérales. 

Quant  h  la  greffe,  on  ne  conçoit  pas  qu'on  l'eût  regardée 
jusqu'ici  comme  impraticable,  ou  même  d'un  succès  dou- 
teux. Ce  problême,  résolu  en  1848  par  un  simple  cultiva- 
teur, a  reçu  depuis  de  nombreuses  applications,  primées 
par  la  Société  des  Pyrénées-Orientales  :  on  greffe  sur  le 
chêne-vert,  dont  nos  montagnes  sont  couvertes.  Voyant, 
dès  la  première  année,  surgir  des  pousses  de  1"™  à  l'",50. 


566  APPENDICE. 

on  dut  s'attendre  aux  plus  beaux  résultats.  Cet  espoir 
n'a  pas  été  complètement  réalisé.  Le  temps  apprendra  si 
la  vigueur  primitive  se  maintiendra.  Il  est  \k  craindre, 
que,  rattaché  par  un  seul  point  à  un  tronc  coupé  rez- 
terre,  le  jet,  faiblement  alimenté,  ne  prenne  pas  de  corps, 
et  soit  sujet  k  être  arraché  et  abattu  par  les  vents ,  si  vio- 
lents dans  nos  contrées. 


APPINDICB. 


ÉCRIVAINS  CITÉS  DANS  L'OOTRAGE. 


I 


NOMS 
des 

AUTEURS. 


Moïse 

Josoé 

Hannon 

Homère 

0 

Ezéchiel 

Scylax , 

Hérodote 

Thucydide 

Xénophon 

Lycopbron 

Caton  Tancien 

Polybe 

Possidonius 

Eudoie 

Varron 

Cicéron 

César 

Antipater  de  Sidon... 

Plolémée 

Hirtius 

Caton  d^Ulique 

Vitruve 

Scyninus  de  Chic. , . 
Cornélius  Nepos  .  . . . 
Virgile 


NATION. 


Jaif.. 

Idem 

Carthaginois. . . 

Grec 

Juif 

Grec 

Idem . 

Idem 

Idem 

Idem 

Romain 

Grec 

Idem 

Asiatique 

Romain 

Idem 

Idem 

Grec 

Idem 

Romain, 

Idem 

Latin 

Grec 

Romain 

Idem 


NATURE 

de 

l'ouvragi. 


Législation  sacrée 
LÎTre  canonique . 

Géographie 

Poésie 

Prophéties. . . 
Géographie. . 
Histoire 

Idem 

Idem 

Poésie 

Agricultore. . 

Histoire 

Astronomie. 
Navigation.. . 
Agriculture. . 
Eloquence.  . . 

Histoire 

Poésie 

Astronomie . . . 
Eloquence. . . . 
Philosophie. . , 
Architecture.. , 
Géographie . . . 

Histoire 

Poésie 


•  •    .... 


DATE 
delà 

NAISSANCt. 


Av.  J.-C. 
4574' 

4534 

4000 

884 

605 

500 

484 

471 

449 

5<I0 

250 

206 

455 

425 

446 

407 

400 

400 

400 

98 

95 

80 

80 

72 

70 


*  Il  y  a  quelquefois  incertitode  lar  l'époque  de  la  naissanoe  on  de  la  mort.  On  n'a  dû  indiqisr 

qij'approximatireroenl . 


568 


APPENDICE. 


NOMS 
des 

AUTKDR8. 


NATION. 


Sirilien  . 
Latin  .  .  . 

■Grec. .  .  . 


Diodore  de  Sicile. . 
Tlle-Lire 

StnboB 

Deoii  d^Hilicaroasse.  Grec.  . . 

Asooaiut  Pedianus. . .  Latin . . . 

Piterculuf  Vclloius. .  Romain  . 

Séoèque Kspagnol 


NATURE 
de 

L'Ol'VRAGB. 


Histoire. .  .  . 
Idem . .  .  . 

Géo(;raphir. 
Iliitoire. . .  . 
Grammaire. 
Histoire.  . . . 
Philosophie. 

.Vgricalture. 


Columellc Romain 

Pomponins  Mêla ;  Espagnol .Géographie 

Pline  Faorien ' Latin 'Histoire  naturelK- 


Siliai  Italiens ' Romain [Poésie 


Jofèphe , 


:Juif. 


Tacite... iLatin 


Histoire. 
Idem. 


Piutarque    ;Grec Littérature.. . 

.                          I          .  I 

Frontio Romain Hydrologie  . . 

Anpien [Grec i  Histoire 

!  Antonin  (empereur)..  ;  Latin ^Itinéraire. 

Justin 


Idem ;  Histoire. 


DATE 
delà 

NABSA? 


Kl.  i.-C. 
70 

59 

50 
50 
50 
49 

3 

ap.  J.-O. 
3 


I 


Athénée 'Lgyptit-n (îranimairc.    . 


Dion  Cassius. . 


-Latin 


llérodien 'Grec. 


Aarélius  Virtor. 


Ammien  Marrellin.. 


Romain. 
Idem. 


.  .  .  'Latin 


Histoire. 
Idem. 
Idem. 
Idem . 
Idem . 


I  f 


. .  Krriture  .Mainte 

f, 


Eutrope 

■ 

Saint  Jén*>me Huimatc 

Julien  (enip4'n*ur).  .  .  Romain ;I.itlt''raturt 

Zozinie Gtvv Histoire. 

I                            j 
Rufus  Festus  .Vviéniik.^Lalin Idfm. 

Orose I  r.»p.ign(il  ...  Idrin . 

Salvien    .  .  . 


"1 


1 

.  Latin  .     .  .  .Religion  .  . 


DATE 
deU 

■OBT. 


At.J.-C. 
10 

il 

a».  J.-C. 


55 
Si 
68 

73 


7 

79 

23 

75 

25 

400 

57 

• 

44 

400 

48 

440 

56 

406 

80 

446 

86 

461 

116 

466 

140 

228 

164 

229 

250 

• 

315 

565 

529 

590 

550 

580 

551 

420 

551 

565 

560 

• 

570 

■ 

575 

425 

590 

484 

Gr^oiredaTonn.. 

Portuoat 

l«idore  de  Bcji 

Zuoara. 

I  Cuy  ie  Tcrrvti*.  .    , 

Pcutingir 

ZoriU 

PanTÎniu  ODophrini . 

BergÎM 

I  Muncida 

BoKb 

Mire. 

;  DondM 

BocUrI 

Ubbe 

D'AcIitrf 

BoppI 

Biluu 

TaTcrner 

neury 

Uipiel 


Giulnit. . 

Orée 

Eiptgnol 
Oreo.    .. 

CatikD.. 
PtamaBd. 
AlUauiul 
EqwgMl 
lUlûo  . . 

Roiuûlloi 
BAuiwii. 
FnofHi 


Agrieulliira.  ,  .  , 

lilUntOM 

lUi^ 

Hiiloire * 

Hitloire 

6*ofrtphie 

•Ion 

ibqniU*  •uUnulif  m 

rioiro , 

ArehMogic 

HiilMfc 

Idem 

Idem 

Idem 

Iffam  andinim.. . , 
DitloiM  —  Antiqnilii.. 
Hiiloire  McUuuti^M- . 


RATE 

DATB 

dflli 

dtit 

H/,aauia. 

■«T. 

Ap.  J.-C. 

430 

4B9 

•1» 

SOS 

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■  mSi 

• 

Mt 

019 

tt^ 

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1289 

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43Sa^ 

I4JS 

4809 

ittU 

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4B6S 

1537 

im 

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ISB4 

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4671 

tSM 

4667 

1607 

4604 

4«0» 

40S9 

4C40 

4688 

1«0 

4689 

1«50 

474» 

, 

47« 

16W 

472S 

1640 

1738 

ton 

4785 

570 


APPENDICE. 


W«ff 


NOMS 
des 

AUTIDRf. 


NATION. 


RoUin iFrançais 

Maratori i  Italien 

Botch :  Roatsillonnais. 


De  Laborde. . . , 
Dom  Vaiisette. 
X«up7(rabbé] 
Montetqaieu . . 

Ballet 

Linné 

Velly 

Carrera    

Fofta 


Français 

Français 

Roussillonnais 
Français 

Idem. .  .    . 

Suédois 

Français 

Roussillonnais 

Idem 

!  Français  .  .  . . 


Lelronne 

Gibbon {Anglais 

Jofellanos liispagnol 

Millin ^Français. 


NATURE 
de 

L'OUVRAOK. 


Histoire 

Littérature 

Numismatique 

Littérature 

Histoire 

Histoire.  Anli<|uitéi,. . . . 

Philosophie 

Langues  anciennes 

Histoire  naturelle 

Histoire 

Médecine 

Histoire,  Antiquités  . . . 
Economie  politique 

I  Histoire 

I 

'Littérature 

iArchéologic 


DATB 
deU 

NAISSAIIGi. 


Salât :  Espagnol Numismatique. 

Bofamll Catalan ;  Histoire 

Gonde Espagnol i     Idrm 


Ap.  J.-C. 
4664 

4672 

4680 

4680 

4685 

4688 

4689 

4699 

4707 

4709 

4744 

4725 

4748 

4757 

4749 

4759 

4772 

» 

Tfr8l765 

r 


DATB 

deU 


Ap.  l.'C. 
4741 

4750 

1752 

4748 

4756 

4778 

4744 

4775 

4778 

4759 

4784 

4789 

4780 

4794 

4812 

4848 

4820-50 

Tcn4850 

4824 


^^A    FIW.    0<^ 


TABLE.  57t 


TABLE  DES  CHAPITRES 

ET  DES  PIÈGES  ET  NOTES  DE  L'APPENDICE. 


Avertissement  préliminaire v. 

Notice  sur  la  famille  de  Gazanyola xi. 

Avertissement  de  Fauteur xvii. 

Chapitre  I«^  — 1«  Période.  —  Temps  qui  ont  précédé 
la  domination  romaine 1. 

Anciens  habitants  do  Roiusilion  :  Celtet,  Volcet-Tectotages,  Sar- 
dnnes  on  Sordi.  —  Origine  des  villet  de  Pyrène ,  Rotcino ,  lUibé- 
ris.  —  Les  Phéniciens  n^ont  formé  aucun  élablitsenient  sur  nos 
('«Mi>s.  —  Passage  d^Anuibal ,  il  traite  aTec  les  Gaulois.  —  Colonie 
narbonnaise.  —  Civilisation  de  cette  partie  des  Gaules.  —  Monu- 
ments celtiques. 

Chapitre  II.  —  2«  Période.  — Domination  romaine..  .     H. 

Invasion  des  Barbares. —  Ruine  dlllibéris.  —  5>ertoriu8 ,  Pompée, 
«ios  trophées.  — César  défait  set  compétiteurs.  —  Auguste  visite 
plusieurs  fois  la  Narbonnaise. — Temple  de  Vénus. — Assasainat  de 
Constant  à  Elne.  —  Les  Vandales.  —  ilonorius. —  Cession  de 
Nurbonne  aux  Visigoths.  —  Division  de  la  contrée  en  cinq,  pois 
en  si'pt  parties.  —  Christianisme  répandu  k  la  fln  du  iii^  siècle. 

Chapitre  III. —  Antiquités,  monuments,  voies  mili- 
taires des  Romains  en  Roussillon 24. 

his  fouilles  sur  remplacement  de  Ruscino  et  d'Illibéris  n^ont  rien 
donné  de  remarquable.  —  Autel  de  Pétilla.  —  Inscriptions  de 
S«iint-André,  du  cimetière  de  Madeloth,  de  Théia.  —  Autel  Totif 
d  Anguslrina.  —  Inscription  de  Saint-Hyppolyte ,  dissertation  k  ce 
^ujet.  —  Pont  de  Céret.  ~-  Voûte  des  bains  d^Arles.  —  Voies  ro- 
maines à  travers  le  Rousaillou.  — Itinéraire  d^Antonin  ,  table  de 
IVutingcr.  —  Route  suivie  par  Aunibal.  —  Eipédition  de  Vamba. 
—  nisMTlation  sur  la  voie  romaine. 

Chapitre  IV.  —  3«  Époque.  —  Domination  des  Goths.    61. 

La  monarchie  des  Gotbs  aVtend  des  deux  côtés  des  Pyrénées  jusqu'au 


572  TABLE. 

Rhône  el  à  la  Luire ,  en  France.  --  Alaric  vaincu  et  (uc  ■  la  hê' 
taille  de  Vouillé.  —  Les  Vi8i(;othf  maîtres  de  la  Septimsnie.  -^ 
Révolte  du  dur  Pnul  comprimée  par  Vamba.  —  AfTaiMiiteiDCot 
de  la  monarchie  des  Golhs.  —  langue  latine  conserfce.  —  La  loi 
i;olhiqne  Temiiortc  sur  la  loi  romaine.  —  Forts  à  attribuer  aoi 
Golhs. 

Chapitre  V.  —  4'  Époque.  —  Invasion  des  Sarrasins. .    73. 

l'rcfliière  apparition  de  Tarik  en  71-1 . —  Rapidité  de  leurs  conqoélea. 

—  Pelage  se  jette  dans  lt>s  Asturies.  —  Mousa  ,  Al-Haonr,  Al- 
/ama  ,  passent  les  Pyrénées.  —  Ils  sont  défaits  par  le  duc  d^ Aqui- 
taine. —  Othman  et  Lampngie.  —  Bataille  de  Tours  où  Charles- 
Martel  détruit  Parniée  musulmane.  —  Le  Roussillon,  passage 
oMii;é  des  armées.  —  F^>s  habiLints  de  Narbonne  massacrent  et 
chassent  les  Arabes  en  7.*>0  ;  après  (|uarante  aoi  d'occapaiioo ,  il 
ne  reste  aucun  vestige  de  leur  séjour. 

Chapitre  VI.  —  5**  Époque.  —  Le  Roussillon  sous  les 
premiers  Carlovingiens 8î. 

Charlomn^jne  envahit  ri-]«p.i{;nc  en  778.  —  Ktat  déplorable  du  Rods- 
sillon.  —  \a*s  populations  s*af;f;lomèrent  autour  des  monattmt. 

—  Il  concède  des  terres  aui  Goths  réfuijit'S.  —  Noufelle  invasion 
des  Musulmans  en  702  ,  ils  sont  n'pnussés  —  La  Sept  i  ma  nie  letail 
partie  de  rAquitaini*. —  [^>s  Normands  font  d(>s  incursions  sur  les 
côt4-«i.  —  (fouvernemrnt  di>s  Comtes  amovibles  sous  les  premiers 
Carlovin};icn$.  —  Dissertations  à  ce  sujet. —  Tours  élevées  sur  les 
points  dominants,  surtout  à  la  côte. 

Chapitre  Vil.  —  fi*-  Époque 99. 

t'.omtn  hrrèditttirex  :  Suni.iire  II ,  premier  comte  héréditaire.  —  Ben- 
cion  et  (îau/hert.  —  C;iuzbert  seul, —  Gauzfred  ou  Gnifred*  — 
tiuiKl.-ilicrt.  —  (tauzfnMl  II.  —  Gnislaliert  II.  —  Gérard.  —  Gan- 
frcd  111.  —  Gninnrd  ou  (iérard  11. 

CinnttM  tie  Ctnlagnr  :  Miron.  —  Séniofred.  —  Oliba-Cabréla.  —  Vai- 
frcd  ou  Guifrrd.-  -  Raymond.  —  Guillaume-Raymond. —  Guil- 
laume-Jordan  —  Hernard-CfUillauine. 

CnmUn  df  liizalu  ■  Homard.  —  Guillaume.  —  (tuillaume  II  et  Ber- 
nard II.   -Herniird  III. 

f-nmiti  de  hauelone  mniidrnt  comme  rois /ri  de  r.erdafne  el  de  Bei^m  : 
Hawnond-Hrren};er  lil.  —  Raymond-Itén*ni;er  IV, 

Chapitre  VIII.  — (rt)servalions  sur  la  «' Époque. .  .  .  130. 

La  loi  f;olhif|Uf'  rt  la  coutume  i\v  Perpi|;nnn  ,  l»asefl  de  la  jnrîspm- 
dcnc«>  dans  le  Ron^^itlou.  —  La  lanijue  catalane  remplace  à  celle 
t-poipic  la  laii];iie  latine— Revenus  drs  Cimites.—  Administratioo 
|)4lcinelle.  —  Rois,  mines,  fabrication  de  draps,  commeree, 
>iioiiiijii*s,  iiie^iirrfc  aj^raires,  mndiata  ,  setlarius,  dextre.  —  Art 


TABLE.  573 

des  irrigations  en  Asie,  en  Afrique,  chfx  les  Grecs,  les  Romains. 

—  Les  Arabes  en  firent  en  Espagne  la  première  application.  — 
Premiers  essais  dans  le  Ronssillon  k  la  (in  du  xi'  siècle. — 1/usage 
pour  le  jeu  des  moulins  précéda  la  pratique  de  l*irrigation. 

Chapitre  IX.  —  7«  Époque.  —  Première  réunion  du 
Roussillon  au  royaume  d'Aragon 15t. 

Alphonse  II ,  iils  de  Raymond-Bérenger,  dernier  comte  de  Barce- 
lone, hérite  du  comte  Gérard.  —  I^  Concile  de  Tarragone  adopte 
l'ère  de  Tlncarnation  ,  qui  fait  commencer  l'année  au  25  mars. — 
Partage  de  ses  Etats  à  sa  mort.  —  Bataille  de  Las  Mavas  de  Tolota 
en  1212.  —  Combat  de  Muret  où  périt  Pierre  11.  —  Minorité  de 
Jiirques  11.  —  Conquête  de  Tlle  de  Majorque  et  du  royaume  de 
Valence.  —  Traite  de  Cerbeil  en  1258.  —  Partage  des  Etats  du 
roi  Jacques  entre  ses  deui  fils.  —  Création  du  royaume  de 
Majorque. 

Chapitre  X.  —  8^  Époque.  —  Rois  de  Majorque  ....  170. 

Discussions  entre  les  deux  rois  d^ Aragon  et  de  Majorque.  —  Vêpres 
siciliennes.  —  Croisade  contre  Pierre  III.  —  Le  roi  de  France 
Philippe  ,  chef  de  l'expédition  ,  pénètre  en  Espagne.  —  Affaiblie 
parles  maladies,  Parmée  repasse  les  monts.  —  Philippe  meurt 
à  Perpignan.  —  Peu  de  temps  après  meurt  Pierre  III.  —  Proeèt 
des  Templiers.  —  Fameuse  expédition  des  Catalans  dans  la  Grèce. 

—  L^Infant  Don  Ferdinand. —  Pose  de  la  première  pierre  de  la 
calhédrale  de  Perpignan.  —  Expédition  de  Sardaigne.  —  Hom- 
mage au  Pape.  —  Pierre  IV  s^empare  du  royaume  de  Majorque  et 
en  prononce  la  réunion  à  celui  d^Aragon  le  29  mars  4345.  —  En* 
treprises  malheureuses  de  Jacques  pour  recouvrer  ses  Etats.  — 
Fin  de  Thistoire  de  Majorque  en  1344. 

Chapitre  XI.  —  Observations  sur  la  8«  Époque 230. 

I.C  partage  des  Etats  de  Jacques-le-Conquérant  fut  uu  acte  très  im- 
pulitique.  —  Sous  les  Rois  de  Majorque  Pagriculture ,  le  com- 
merce,  l'industrie,  furent  protégés. —  Associations  commerciales, 
transactions,  Nentes  pardevant  notaire.  —  La  justice  suirant  la 
coutume  de  Perpignan.  —  Chartes  d'affranchissement  des  com- 
nuines.  —  Etat  militaire  et  de  marine  très  modéré. —  Mesures  de 
surface  et  de  longueur  en  usage.  —  Plantes  tinctoriales.  —  Inqui- 
sition peu  rigoureuse. 

Chapitre  XII.  —  9«  Époque.— Le  Uoussilion  gouverné 
une  seconde  fois  par  les  Rois  d'Aragon 238. 

Pierre  IV  prend  possession  de  Perpignan.  —  Tentatives  de  Jacques 
sur  Majorque.  —  Combat  où  il  périt  le  25  octobre  '1349.  —  Son 
fils  prisonnier.  —  11  s^évade.  —  Abandon  de  Père  d^Auguste. — 
l/anniM}  commence    au    25  décembre.  —  Traité  aTec  Henri   de 


574  TABLE. 

Transtarotrre  oonU-e  Pierre-lc-Cruel.  —  Malandrins.  —  Roolicn 
tous  Duguewiin.  —  J«an  l«r  succède  à  son  pm  en  4387.-^-11 
meurt  d'une  chute  de  cheval.  —  Le  roi  Martin.  —  Le  papt 
Benoit  Mil.  —  A  la  mort  de  Martin  cin(|  prétendants.  —  Neuf 
juj^es  réunis  à  Caspé  donniMit  la  couronne ,  à  la  majorité  de  sii 
voix  ,  à  Don  Ferdinand  de  (^stille.  —  11  travaille  en  vain,  avec 
rcmpcrcur  $i{;isniond,  à  rendre  la  paix  à  riijjlise.  —  Prise  de 
Constantinopic.  —  Quinie  cents  Catalans  la  défendirent  jusqo^au 
dernier  moment.  —  Kntrevue  et  traité  de  Sauveterre.  •—  Prise  de 
Gironne. —  Une  armée  de  vin(;t-denx  mille  hommes,  envoyée  par 
Louis  \l  sous  le  Comte  de  Foix  ,  s'empare  de  toutes  les  places  dn 
Roussillon. 

Chapitre  XIII.  --  Observations  sur  la  période  précé- 
dente  267. 

Vaste  étendue  du  commerce  roussillonnais,  que  le  dépouillement  de 
nos  archives  met  hors  do  doute.  —  Affranchissement  des  comoio- 
nés  et  des  particuliers,  d'où  résulte  la  prospérité  de  ragricnllore, 
surtout  par  rétablissement  des  canaux  d'irrigation.  —  Ce  que 
c'était  qu'un  homme  propriuf  etio/iduf. — Esclaves  de  toute  nation, 
tandis  que  les  Seijjneurs  affranchissaient  leurs  vassaux.—*  Orga- 
nisation défensive  en  cas  de  {guerre.  —  Ma  armada.  —  Juifs  établis 
dans  le  Koiissillon  VAlgamma. 

Chapitre  XIV.  —  10«"  Époque.  — Occupation  du  Rous- 
sillon par  les  Français  de  \Uy2  à  149.'^ 280. 

F/)ui8  M  prête  appui  aux  rebelles  de  Catalnf;ne  contre  le  roi  Jean  , 
qui  s'empare  de  tontes  les  places,  à  l'exception  de  Salses  et  Col* 
lioure.  —  Sit'i;e  de  Perpi{;nan.  —  Défense  vi};ourense  malgré  le 
manque  de  vivres.  —  I^s  Fran^jais  l(>vent  le  siège.  —  Traité  ponr 
la  restitution  des  Cunités  moyennant  ."00.000  couronnes.  —  Siège 
et  prise  d'Elnr.  —  Les  chefs,  et  particnlièrement  I^)n  Bernard 
d^Oms,  decapiti*s  comme  traîtres. — Sit>j;e  de  Perpi{;nan. — Famine 
qui  obli(;e  l.i  (rarni«ioii  à  m*  nourrir  des  aliments  les  plus  immondes. 
— Kpi«H»de  tra|;ique  de  Rlanca  révoquée  en  doute. — Traitemenls 
barbares  prescrit*  par  I^niis  XI.  — Mort  du  roi  Jean  en  1179.  — 
Restitution  des  Comtés  |»ar  Charles  VIII  k  Ferdinand.  —  IVsastre 
de  l'occupation  fraiirais4>  pendant  trente-deux  ans  ,  comparé  à  la 
prospérité  du  Uoussillon  |M*ndant  les  tniis  cents  ans  de  la  donina- 
tion  arafjonaise.  —  hon  Bernard  d'Dnis  était-ii  coupable  de  trahi- 
son envers  Louis  XI? 

Chapitre  XV. —  ll''ftpo(|ue.  —  l.e  Uoussillon  rentre 
sous  la  domination  dos  Hois  d'Aragon 315. 

Ferdinand  et  ls.ilielle.  —  CoiiqutHe  de  (iren.ide.  —  Iléeouverle  de 
t'Ainénque  en  I  i!l2.  -  Fxpulsion  di*s  Juifs.—  r«faf/of  et  Br- 
rii^nss.   mal  mus.  —  SaUe«  pris  et  n-ndn.^  l>i'8onlres  à  Perpignan 


TABLE.  575 

par  la  maataÏM  intelligenre  entre  la  garnison  et  les  babiUntt.  — 
Nouypau  siège  de  Salses  que  le  Dac  d^Albe  fait  leter.  —  Charlet- 
Quiiit.  —  loslilulions  politiques  de  la  Catalogne.  —  Charles  II 
Tint  à  Perpignan  en  ^1538.  —  11  s^occupa  beaucoup  des  fortifica- 
tions. —  Hixes  entre  les  Perpignauais  et  la  garnison  espagnole.-— 
Ia>  conon  de  la  citadelle  tire  sur  la  ville. —  Siège  de  Perpignan 
par  le  Dauphin  en  4542.  —  Il  est  obligé  de  le  lever.—  Peste  dans 
le  Roussillon.  —  Entreprise  d^Ornano  sans  succès. —  Poursuites 
contre  de  prétendues  sorcières.  — Décadence  de  TEspagne  au  xvii« 
siMe.  —  Disette  de  'IGôl. —  Combat  de  I^ucate.  —  Prise  et 
reprise  de  Salses  qui  reste  aux  Espagnols. — Contagion  de  ^1640. — 
Nouveaux  désordres  au  sujet  du  logement  des  troupes. — Le  canon 
de  la  ritadelle  cause  de  grands  dommages  à  la  ville. — Siège  de 
Perpignan  après  la  prise  des  petites  places  et  notamment  do  Col- 
liourc.  —  Investissement.  —  Dispositions  des  troupes  sous  les  ma- 
réchaux de  la  Meilleraye  et  de  Schomberg.  — Louis  Xlll  arrive  le 
25  avril.  •—  11  en  part  malade  au  mois  de  juin  — La  place  se 
rend  le  9  septembre. — Tout  le  Roussillon  au  pouvoir  des  Français. 

—  Traité  de  4659. 

Chapitre  XVI.  —  Précis  rapide  des  événements  qui 
ont  spiicialcment  rapport  au  Roussillon ,  de  1659  à 
1851 ,  année  de  la  mort  de  Tauteur 386. 

Ce  chapitre  n'étant  que  l'indication  des  principaux  faits  qui  ont  si- 
gnalé cotte  longue  période  de  près  de  deux  siècles,  il  serait 
suporilu  d>n  donner  Panalyse. 

Chapitre  XVIÏ. — Notice  sur  Perpignan 404. 

Origine  do  Perpignan.  — L'église  Saint-Jean  consacrée  en  1025.  — 
I/hopital  fondé  en  HA^. —  Etendue  primitive  de  son  enceinte. — 
Pont  sur  laTet  —  Charte  de  'Il  97  qui  crée  Padministration  de  cinq 
Consuls.  —  Construction  de  ses  murs.  —  Le  Puy  des  U^preux.  — 
Couvents. — Le  Château,  résidence  des  Comtes  de  Roussillon  et  des 
Rois  de  Majorque.  —  Noria  pour  Parrosage.  —  Création  des  trois 
antres  paroisses.  —  Concession  d^eau  à  la  ville  par  Jacques  II.  — 
liniversité  fondée  par  Pierre  IV.  —  Faubourg  Notre-Dame  et  des 
Hlanquories.  —  Hôtel  des  monnaies.  —  Commerce  florissant  au 
XI v'  siocle.  —  Ctmsuls  de  Mer.  —  Fontaines.  —  Le  Castillet.  — 
I^  Citadelle. —  I/Kglise  Saint-Jean  terminée  en  AAOù. —  L'orgue 
on  I50{,  lo  maître  autel  en  IG5I. — L^bAtel  de  la  mairie  en  'I60.'>. 

—  Translation  de  FÉvéché  en  ^1602. —  Hospice  de  la  Miséricorde 
en  \(}7û.  —  Anciennes  institutions  monicipalee. —  Usages  rédigés 
en  4  1  <)2.  —  Les  habitants  divisés  en  trois  classes.  —  Consuls , 
(^nvairos. — Rang  des  députés  de  Perpignan  aux  Cortés.  —  Collège 
iloK  JosuiioM.  —  Imprimerie.  —  Représentations  théâtrales.  —  Art 
di'  rosrrinu*. 


r>7C  TABLE. 

Chapitre  WIII.  —  Notice  sur  le  déparlement  des 
Pvrénées-Orienlales 426. 

w 

Ktposé  de  la  situation  du  pays  au  moment  de  la  conquête.  — >  Goo- 
vcrnenient  divise  en  vigueries.  —  Bailly.  —  Revenus  de  la  pro- 
vince et  des  villes.  —  ClcrRc.  —  Produits.  —  Industrie:  laioagef, 
soieries ,  ujjriruUure,  miel ,  salines,  lin,  riz,  etc.  ;  toutefois,  â  la 
fin  du  XMi*'  sièi-le,  la  situation  n'était  pas  prt>spère. 

Géographie  i:r  SiATisiigrE  :  Variations  subies  dans  son  étendae  par 
le  Comté  du  Roussillon.  —  Maistms  de  Barcelone  et  d'Ampurias. 
--  Les  Rois  d\\rn{;on  en  héritent  seuls.  —  Royaume  de  Majorque. 
—  Occupation  frantjaisc  sous  Louis  XI.  —  Retour  k  PRépaçoe. 
-  -  Cession  deiiniliTc  à  la  France.  —  Département  des  PyrénccH 
Orientales.  —  Ses  limites. 

APPENDICE. 

Note  première.  —  Les  Phéniciens  ont-ils  formé  d'éta- 
blissement sur  nos  cotes? 48S. 

Note  sur  la  vitesse  des  postes  romaines 496. 

Les  trophées  de  Pompée 497. 

Dépendance  des  Comtes  du  Roussillon 498. 

Descendance  de  Sunifred 509. 

Lois  vislgothi(]ues 5M. 

Notes  sur  lirrij^ation 506. 

Note  sur  le  Missel  enluminé  de  la  mairie  de  Perpignan.  526. 

Des  monnaies  usitées  en  Uoussillon,  de  Tan  1258  à 
l«i-> 598. 

Deuxième  note  concernant  les  monnaies 530. 

Convocation  dos  Cortés 549.' 

Note  sur  la  Lo^e  de  Mer 544. 

Décadence  du  commerce  roussillonnais 545. 

Noies  sur  iVtat  atmosphérique 546.* 

Note  sur  les  communications 548. 

Note  sur  les  crues  des  rivièn»s 549. 

Note  sur  les  canaux  d'arrosage  du  département.  .  .  .  550. 

Projet  de  la  Itoullouse 554. 

Note  sur  les  forages 558. 

Note  sur  les  étahlissements  thermaux 559. 

Note  sur  lalterrisMMnent  de  l'étang  de  .Salses 563. 

Note  sur  le  chi^ne-liéj^e 565l 

Lcrivains  cités  dans  l'ouvrage 567. 

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