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.. ^
HISTOIRE
DU
SIEGE D'ORLÉANS
ORLÉANS) IMP. DE G. JACOB, CLOITRE SAINT- ETIENNE, 4.
ê
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HISTOIRE
■•-_• I % t
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DU
SIÈGE D'ORLÉANS
n !-■ '■'
PAR P; MANTELLIER
PRÉSIDENT A LA COUR IMPÉRIALR U'ORLÉANS
< Noi bien amat les bourgoii, manaiu et habi-
tai» de la ville d'Oriéana, poar réiiiter A la
dampoable entreprise des Anglois, qui par bait
mois ont tenu Ȏ<je devant la dicte ville, ont fait
et porto plusieurs grans charges, i
(Lettres de Charles VII, du 17 février 1435.)
•
ORLÉANS
H. HERLUISON, LIBRAIRE
Rue Jcanne-d'Arc, \1
BLANCHARD, LIBRAIRE
Rue Bannier, 12
1867
HISTOIRE
ou
SIÈGE D'ORLÉANS
A la mort de Charles VI (20 octobre 4422),
son fils, le dauphin Charles (1), déshérité par le
traité de Troyes, était par delà la Loire, où il
prit le titre de roi de France et le nom de
Charles VII.
En même temps, un autre roi de France,
Henri de Lancastre, était proclamé à Paris sous
le nom de Henri VI (2); enfant de dix mois, pour
lequel gouvernait le duc de Bedford, son oncle,
régent des deux royaumes de France et d'An-
gleterre (3).
(1) Charles de France, fils de Charles VI, roi de France, et
d'Isabelle de Bavière, né à Paris le 22 février 1407.
(2) Henri de Lancastre, fils de Henri V, roi d'Angleterre,
héritier désigné de la couronne de France,' et de Catherine de
France, fille de Charles VI, né le 6 décembre 1421.
(3) Jean de Lancastre, duc de Bedford, frère puîné de
Henri V, roi d'Angleterre, qui, en mourant (31 août 1422),
loi avait confié la régence.
— 2 —
A Charles VII obéissaient le Dauphiné et les
provinces du Midi. Son Parlement était à Poi-
tiers, les officiers de là couronne à sa suite, sa
cour de ville en ville, souvent à Bourges, d'où
ses ennemis, par moquerie, l'appelèrent « le
Roy de Bourges \ » Quelques milliers de gens
d'armes sous la bannière de serviteurs fidèles;
des auxiliaires étrangers; une garde écossaise;
des compagnies appartenant à des capitaines
lombards, aragonais, gascons et poitevins pour
la plupart ; des bandes d'aventuriers habitués à
servir dans les rangs des Armagnacs, compo-
saient son armée.
Des princes de son sang, le plus puissant,
Philippe, duc de Bourgogne (1), vassal rebelle,
faisait cause commune avec l'Angleterre ; le duc
d'Orléans (2) tenait prison à Londres; le duc
d'Alençon (3) avait perdu ses terres ; le duc de
(1) Philippe-le-Bon, duc de Bourgogne, de Brabant et de
Luxembourg, comte de Flandre, d'Artois, de Hainaut^ de Hol-
lande, de Zélande, petit-fils de Philippe de France (Philippe-
le-Hardi, troisième fils de Jean II), fils de Jean-sans-Peur et
de Marguerite de Bavière, né à Dijon le 13 juin 1396.
(2) Charles d'Orléans, duc d'Orléans, fils de Louis de
France, duc d'Orléans, qui avait été assassiné à Paris en 1407,
et de Valentine de Milan, né à Paris le 26 mai 1391, veuf en
premières noces d'Isabelle de France, fille de Charles VI, en
secondes noces de Bonne d'Armagnac, avait été fait prison-
nier à la bataille d'Azincourt (1415).
(3) Jean d'Alençon, duc d'Alençon, du sang royal, descen-
dant de Pierre de France, cinquième fils de saint Louis, fils
— 3 —
Bourbon (1), plus heureux, conservait les siennes
et maintenait sous la suzeraineté royale le Bour-
bonnais et l'Auvergne. Parmi les autres feuda-
taires de la couronne, Charles n'avait pour alliés
que le comte de Foix (2) et la duchesse d'Anjou,
Yolande d'Aragon, reine de Sicile (3), sa belle-
mère; le duc de Bretagne (4) était du parti
anglais.
Henri VI, roi de France et d'Angleterre, ré-
gnait sur l'Ile-de-France et les provinces du
Nord. Par la Normandie et le Maine, il s'avan-
çait jusqu'à Chartres, tandis que le duc de Bour-
gogne, son allié, maître de la Champagne, du
Charolais et de TAuxerrois, venait de ce côté
jusqu'à La Charité. Au nom de son neveu, le
duc de Bedford, assisté d'un conseil de régence,
occupait Paris, où il tenait sous sa main l'Uni-
versité et les grands corps de l'État.
de Jean d'Alençon et d'Anne de Bretagne, né en 1409, avait
épousé à Blois, en 1424, Jeanne d'Orléans, fille du premier
lit du duc d'Orléans, Charles III, alors prisonnier à Londres.
(1) Jean de Bourbon, duc de Bourbon, du sang royal, des-
cendant de Robert de France, comte de Glermont en Beau-
voisis, sixième fils de Saint-Louis, alors prisonnier en Angle-
terre. Ses états étaient gouvernés en son absence par Charles
de Bourbon, comte de Clermont, son fils aîné.
(2) Jean de Grailli, comte de Foix et de Bigorre.
(3) Veuve de Louis II, duc d'Anjou.
(4) Jean VI, duc de Bretagne, fils de Jean de Montfort et
de Jeanne de Navarre, avait épousé Jeanne de France, fille
de Charles VI.
— 4 —
Entre la Loire et Paris restait TOrléanais. Le
duc d'Orléans, Charles III, prisonnier en Angle-
terre depuis la bataille d'Azincourt (1415), était
demeuré fidèle à la cause de Charles VIL. De loin
il la soutenait de son mieux et s'efforçait de
conserver au Roi les villes de son apanage.
Ce prince, héritier des grâces de sa mère,
Valentine de Milan, avait su, par l'aménité de
son caractère et le charme de son esprit, se
créer parmi les seigneurs anglais des relations
et des amitiés qui lui valaient des ménagements ;
et il avsgt, à l'aide de quelques sommes d'argent
qu'on lui envoyait d'Orléans, obtenu ou plutôt
acheté « abstinence » pour les terres d^ son
domaine. Jusque-là les généraux qui traversaient
le détroit pour guerroyer sur le continent les
avaient respectées.
Cependant les communes d'Angleterre, et avec
elles les Français soumis à Henri VI (c'était, il
faut le reconnaître, la majorité de la nation),
se plaignaient des obstacles que rencontrait l'éta-
blissement définitif de la domination anglaise.
Rien ne se finissait : malgré les victoires de
Çrevant-sur-Yonne (1423), de Verneuil (1424),
on n'avait pas fait un pas au Midi. Des provinces
entières restaient à soumettre ; leur résistance
entretenait l'inquiétude, nuisait aux relations
commerciales, nécessitait de continuels et oné-
reux subsides. Londres, Paris surtout, suppor-
— 5 —
taietit impatiemment ces dures privations; on
murmurait de ce qu'à la porte de la capitale on
laissât se maintenir indépendante une contrée
riche, fertile, populeuse, dont la ville principale
était la clé de la Loire.
Pour mettre un terme â ces plaintes, le duc
de Bedford résolut de porter la guerre sur la
Loire, et en 1427 il dirigea une expédition
contre Montargis.
Capitale du pays de Gâtinais , posée entre la
Basse-Bourgogne, le Nivernais et le duché d'Or-
léans, la ville de Montargis commandait l'une
des routes de Paris à la Loire. Pour l'exécution
du plan du Régent, c'était la première place à
occuper ; le comte de Warwick (1) fut chargé de
la réduire.
I. — RESCOUSSE DE MONTARGIS.
1427.
Dans les premiers jours de juillet, Warwick
arrive sous Montargis. Son armée, composée
d'environ six mille hommes, investit par trois
côtés le château et la ville. Trois cours d'eau, le
Loîng, là Vrayne et le Vernisson, séparés au-
dessus de la ville, baignent ses murs ; l'un d'eux,
(i) Richard de Beauchamp, comte de Warwick.
— 6 —
le Vernisson, la traverse, et tous les trois se
réunissent au-dessous ; à une demi-lieue, dans
la direction du levant, s'étend une forêt con-
sidérable. Warwick prend les dispositions sui-
vantes : le corps principal, sous son comman-
dement, à la droite du Loing, le dos à la forêt;
le deuxième corps, sous le commandement de
William Pôle, comte de SufFolk, sur la route du
Berri, entre le Loing et le Vernisson ; le troi-
sième, sous le commandement de John Pôle,
frère de Suffolk, sur les routes de Paris et d'Or-
léans, entre le Vernisson et la Vrayne; les
camps séparés les uns des autres par ces cours
d'eau qui devaient les protéger, et qui furent
cause de leur perte.
Le château est commandé par Bouzon de la
Faille, et la ville par Florent d'Illiers (1),
l'un et l'autre capitaines expérimentés. Les ha-
bitants sont pleins de confiance et de résolution ;
les gens des campagnes entrent dans la place
pour renforcer la garnison. On se pourvoit de
vivres. Quelques-unes des portes sont murées;
les tours sont garnies de bombardes et de cou-
levrines qui répondent avec avantage au feu
des Anglais.
Depuis plus de six semaines la ville résistait.
Les attaques vives avaient été repoussées vail-
(1) Florent d'Illiers, chevalier beauceron.
— 7 —
lamment, et Tennemi semblait renoncer à em-
porter la place d'assaut ; mais il était maître des
avenues, et il menaçait de l'affamer.
Sur ces nouvelles, on s'émut à la cour de
Charles VU, et le connétable Artus de Riche-
mont (1) se porta sur Gien à la tête de ce qu'il
avait pu réunir de gens d'armes et d'archers.
Les Montargois demandent des vivres, et adres-
sent message sur message. Richemont engage
à Bourges sa couronne de comte pour dix mille
écus ; le Roi donne onze cents livres tournois (2) ;
les habitants d'Orléans envoient huit cents livres.
Avec cet argent, le Connétable organise un convoi
de ravitaillement dont il remet la conduite au
Bâtard d'Orléans.
Jean d'Orléans, fils naturel du duc Louis, as-
sassiné en 4407, avait alors de vingt-deux à
vingt-cinq ans. Déjà il avait fait preuve de valeur ;
mais aucune expédition importante ne lui avait
été confiée. Le Connétable n'avait pu lui donner
que quinze cents cavaliers, et un corps de gens
de pied pour les soutenir; mais des capitaines
éprouvés commandaient cette troupe. Là se
trouvait l'élite des défenseurs de la cause
(1) Artus de Bretagne, comte de Richemont, frère du duc
de Bretagne, beau-frère du duc de Bourgogne, avait été
nommé connétable de France après la mort du connétable
de Buchan, tué à la bataille de Verneuil (1424).
(2) Pièces justificatives, à la fin du volume, XII.
— 8 —
royale : Poton de Xaintrailles (1), Raoul de Gau-
court <2), d'Orval (3), Graville (4), Merca-
dieu (5), Darnley (G), Kennedy (7), Guilry (8),
et « un vaillant capitaine gascon, Estienne de Vi-
gnolles, qu'on appeloit La Hire; » tout ce que
Tarmée du Connétable contenait de chevaliers
en renom, s'était voulu mettre de la suite du
Bâtard. Chemin faisant, quelques partisans du
Gâtinais lui furent amenés par Tabbé de Cer-
quenceaux, qui, de religieux, s'était fait homme
de guerre, et tenait la campagne aux alentours
de Monlargis.
Le 5- septembre , vers midi , on arrive à
portée de la place. Le Bâtard ordonne à La
Hire d'attaquer avec soixante lances et les archers
le camp de John Pôle, pendant que lui-même
se tient en observation en avant du convoi.
Le soleil était haut, la chaleur étouffante, les
Anglais dormaient pour la plupart. La Hire ap-
(1) Écuyer gascon, capitaine.
(2) Conseiller et premier chambellan de Charles VII, bailli
d'Orléans. Il avait été fait chevalier à Nicopolis (1396). A la
défense d'Harfleur (1415), il était tombé au pouvoir des An-
glais et avait été leur prisonnier pendant treize ans.
(3) Guillaume d'Albret, seigneur d'Orval.
(4) Louis Mallet, seigneur de Graville, chevalier normand.
(5) Saulton de Mercadieu, gentilhomme languedocien.
(6) John Stuart de Darnley, connétable d'Ecosse.
(7) Sir Hug de Kennedy, capitaine écossais au service du
Roi.
(8) Guillaume de Chaumont, seigneur de Guitry, chevalier.
— 9 —
proche : une barrière ouverte lui paraît sans
gardé, il entre, et entraînant son monde, se
jette impétueusement au traders du camp. Où
lui prête d'avoir, à ce moment, demandé l'abso-
lution à un chapelain qu'il trouva devant lui, et
d'avoir adressé à Dieu cette singulière prière :
« Dieu, je te prie que tu fasses aujourd'hui pour
La Hire autant que tu voudrois que La Hire
fît pour loi, s'il étoit Dieu et que tu fusses La
Hire. » Kennedy, Cerquenceaux, Mercadiéu sont
sur ses pas. Les Anglais, surpris d'abord, se ral-
lient et font résistance; on se prend corps à
corps; la mêlée devient sanglante. Mercadiéu,
frappé dans la bouche d'un trait qui passe outre
d'un demi-pied, se déferre hardiment et continue
de combattre.
L'action ainsi engagée, le Bâtard juge qu'il est
temps d'intervenir : il laisse le convoi à la garde
de quelques hommes, et s'élance à la tête des
gens d'armes. Au même instant ceux de la place
sortent et prennent les Anglais à revers. John
Pôle, qui n'avait cru qu'à une escarmouche,
redonnait qu'il est envahi par des. forces im-
portantes. Il essaie de se retirer sur le camp de
Suffolk; mais leVernisson lui barre le passage;
les eaux retenues par les écluses de la ville,
que les assiégeants avaient pris soin de tenir
closes, se gonflent et ne permettent pas de tra-
verser à gué. Un seul pont joignait les deux
1.
— 10 —
caraps ; on s'y précipite sans ordre : il s'écroule
sous le poids de ceux qui l'encombrent. Plusieurs
sont noyés ; d'autres sont tués ou faits prison-
niers jusqu'au milieu de l'eau où les Français
les poursuivent. Trois cents hommes, com-
mandés par sir Henri Biset, chevalier anglais,
refusent de se rendre et périssent en se défen-
dant. John Pôle s'échappe dans une barque éi
rejoint à grande peine SufTolk et Warwich.
Ces deux généraux, voyant la journée perdue
et la place ravitaillée, abandonnent leurs positions
et se retirent en bon ordre parla route de Ne-
mours.
Les vainqueurs se répandent dans le camp des
Anglais, pillent les tentes et font un butin consi-
dérable. Un habitant de Montargis, nommé Gail-
lardin, rapporte l'étendard de Warwick.
Cet étendard, acheté par la Ville, fut conservé
dans la maison-commune. On le portait chaque
année à une procession commémorative qui avait
lieu le 5 septembre, jour anniversaire de la
levée du siège. A la place que le camp de War-
wick avait occupée, on éleva une croix qui fut
appelée la Croix-aux- Anglais.
Charte VII voulut reconnaître le service rendu
à sa cause par la ville de Montargis : il lui ac-
corda des privilèges considérables, notamment
celui d'avoir deux foires franches, d'où elle prit
— 41 —
le nom de Montargis-le-Franc, et permit aux
habitants de porter sur leurs vêtements un M
brodé d'or.
Cette lettre formé encore aujourd'hui la pièce
principale des armes de la Ville; mais l'étendard
et la Groix-aux- Anglais n'existent plus. En 4792,
une députation de la garde nationale se présenta
devant le corps municipal et demanda que la
croix fût démolie, et que les matériaux dont elle
était formée fussent employés à la construction
d'un autej de la patrie, ce que le conseil général
de la commune s'empressa d'accorder. Il décida
de plus que l'étendard pris en 4427, levain de
haine et de zizanie entre deux peuples généreux^
serait brûlé sur le champ de la Fédération, et
qu'une copie de l'arrêté serait envoyé à la Cham-
bre des communes d'Angleterre ^.
La victoire obtenue sous Monlargis fut un
grand événement. Le Bâtard d'Orléans avait eu
pour mission de ravitailler la place, et le siège
était levé. Personne ne s'était attendu à ce résultat.
Le Connétable, qui avait jugé au-dessous de lui
d'escorter un simple convoi, fut très-surpris et
presque « courroucé » d'avoir laissé au jeune
prince l'honneur d'une telle journée.
Le Roi, qui n'était pas encore habitué à des
succès, comprit pour la première fois peut-être
que sa cause n'était pas perdue. Les villes de
. —42 —
rOrléanais rendirent au Ciel de publiques actions
de grâces. Le prestige des armes anglaises venait
de recevoir à leur porte une éclatante atteinte ;
la fortune revenait aux troupes royales avec le
jeune général dont cette rescousse de Montargis
avait été le brillant coup d'essai, coup d'essai
qui présageait aux Anglais d'autres défaites. Ce
même Bâtard d'Orléans, dont le bras venait de
les arrêter dans leur marche sur la Loire, devait
plus tard, sous le nom de comte de Dunois, leur
enlever leur dernière province française.
IL — SIÈGE D'ORLÉANS.
OCTOBRE 1428. — MAI 4429 (1).
A Paris comme à Londres, on apprit avec
confusion la retraite du comte de Warwick. La
campagne sur la Loire était manquée; il fallut
demander au parlement les moyens de la re-
commencer. Les communes d'Angleterre votèrent
de nouveaux fonds,- mais en désignant un autre
général : Thomas de Monlaigu, comte de Salis-
bury, fut chargé de la conduite de la guerre.
Elle fut reprise vers le milieu de l'été.
Juillet 1428. — Salisbury passe sur le con-
(1) Voir la planche A. '
— 13 —
tinent avec six mille Anglais. De Rouen il se
porte directement sur l'Orléanais. En route, son
armée s'augmente de Picards, de Bourguignons
et autres c faulx Françoys. » Sa marche rapide
est partout victorieuse.
Nogent-le-Roi, Rambouillet, Bélhencourt, Ro-
chefort, Le Puiset, Janville tombent en son
pouvoir.
Meung et Toury ouvrent leurs portes sans
coup férir. La garnison de Baugenci se retire.
L'église de Notre-Dame-de-Cléry est pillée. Jar-
geau soutient un siège de trois jours et se rend.
Châteauneuf, La Ferté-Hubert suivent le même
sort. Toutes ces villes reçoivent des garnisons
et deviennent autant de places de guerre an-
glaises.
Qu'Orléans à son tour eût succombé, et les
Anglais, maîtres de la Loire, se répandaient dans
le Midi. Charles* VII, chassé de la Touraine et
du Berri, n'avait d'autre ressource que de se
réfugier dans les Cévennes , le Dauphiné ou à
l'étranger; c'en était fait de la nationalité fran-
çaise.
Elle fut au contraire sauvée, et le fut par la ré-
sistance mémorable de cette cité d'Orléans, qui
' ferma ses portes au lieu de les ouvrir, brûla ses
faubourgs, fondit des canons, appela à son se-
cours les capitaines du Roi, s'imposa de lourdes
contributions, se défendit elle-même par ses
— 14 —
propres milices, et en cette grande circonstance
où se jouait le salut de la France, paya de son
sang aussi bien que de son argent.
A mesure qu'aux environs les villes, les châ-
teaux-forts devenant anglais formaient une
ceinture ennemie qui chaque jour se resserrait
davantage, la résolution croissait dans Orléans.
Dociles aux ordres de leur Duc, qui de sa prison
d'Angleterre mandait à ses officiers et à ses villes
de tenir pour le Roi, attachés d'eux-mêmes à la
cause de Charles VII, les Orléanais n'éprouvèrent
pas un instant d'hésitation. La perspective d'un
siège à soutenir n'effraya personne. Clergé, ma-
gistrats, marchands, soldats, citoyens, chacun
s'y prépara, et lorsque dans les premiers jours
d'octolire apparurent dans la direction d'Olivel
des lances anglaises, présage d'une prochaine
attaque, la défense était organisée.
Dès le milieu de l'été, le Roi avait nommé le
Bâtard d'Orléans son lieutenant-général dans les
pays de l'obéissance du duc d'Orléans.
En cette qualité, le jeune prince s'était rendu
plusieurs fois dans la ville d'Orléans pour se
concerter avec les Procureurs (échevins) sur les
mesures à prendre. Les murailles et les portes
avaient été réparées, les tours garnies de canons
et d'engins de guerre ; on s'était pourvu de mu-
nitions, d'armes, de vivres, et, pour subvenir à
ces dépenses, les habitants avaient voté un em-
— 15 —
prunl à prélever sur eux-mêmes. Chacun ap-
porta son tribut comme il put, les uns en espèces,
d'autres en vin, en blé, en argenterie, en lingots.
Les comptes de ville de Tannée 4428 donnaient
la longue et précieuse liste de cette souscription,
où Ton voyait le chapitre de l'église cathédrale de
Sainte-Croix figurer pour deux cents écus
d'or ^
La ville munie d'armes et de vivres, tout n'é-
tait pas fait : il fallait des bras pour la défendre.
Or, c'était un privilège pour certaines villes fer-
mées de n'être point tenues à recevoir garnison
dans leurs murs. La ville d'Orléans, en posses-
sion de ce privilège, s'en était jusque-là montrée
fort jalouse; elle s'empressa d'y renoncer. Com-
prenant que ses propres milices seraient impuis-
santes à lutter contre les forces redoutables de
l'armée anglaise, elle fit appel aux bandes qui
tenaient la campagne pour la cause royale ; par
ses hérauts (1) elle leur envoya dire qu'elle se
(1) Les souverains, les princes,, les villes libres, et même
les villes simplement érigées en commune, avaient à leui*
service des hérauts, poursuivants ou chevaucheurs d'écurie,
qui étaient chargés de porter les messages officiels ; en temps
de paix, c'étaient des courriers, en temps de guerre, des
parlementaires. Orléans en avait deux : Orléans et Cœur-de-
Lys. Leurs noms se rencontrent dans les comptes de com-
mune de 1430 à 1449 ; on y trouve également les noms de
Valois et Ortie, hérauts du duc d'Orléans, qui, à la même
époque, furent employés à diverses missions.
— 16 ~
préparait à la lutte, qu'elle avait des vivres, et
que ses portes s'ouvriraient pour tous les capi-
taines qui voudraient partager le sort de ses ha-
bitants *.
A cet appel avaient aussitôt répondu et s'étaient
jetés dans la place plusieurs chefs et chevaliers
en renom, parmi lesquels Ârchambaud de Villars,
capitaine de Montargis, qui déjà s'était distingué
à là rescousse de 1427 ; Guillaume de Chaumont,
seigneur de Guitry ; Pierre de la Chapelle, gea-
tilhorame du pays de Beauce; Raimon-Arnaud de
Coarraze, chevalier Béarnais; don Mathias, che-
valier d'Aragon ; Jean de Xaintrailles et Poton de
Xaintrailles, son frère. Accueillis par les habi-
tants, reçus et nourris dans leurs demeures, ils
se partagèrent avec eux la défense de la ville.
Les milices restèrent spécialement chargées de la
garde des murs et des tours, la garnison se ré-
servant pour les sorties.
Les habitants d'Orléans ne s'étaient pas du
reste confiés uniquement à la solidité de leurs
murailles et à la valeur de ceux qui devaient les
défendre : ils avaient imploré le secours d'en
haut et s'étaient placés sous la protection des
patrons de leur ville, saint Euverte et saint Ai-
gnan. A l'apparition dans la province de l'armée
de Salisbury, des processions avaient été faites.
Le 6 août on avait porté la châsse de saint Eu-
verte autour des murs; le 8 septembre un
— 17 —
tortis (1) de cent dix livres avait été offert à
saint Aignan (2) ; le 6 octobre, il y. eut une se-
conde procession ^
A cette époque la ville d'Orléans conservait
encore l'ancienne forme carrée des villes ro-
maines. Ville romaine en effet, son enceinte de-
meurait à peu de chose près ce qu'elle avait été
au temps où l'empereur Aurélien, en la relevant,
lui avait donné son nom (3). Cette enceinte était
formée d'un large fossé et d'une muraille con-
tinue flanquée de trente-cinq tours, percée de
cinq portes et de deux poternes. — Les murs
avaient deux mètres d'épaisseur, de six à dix
mètres de hauteur au-dessus de la berge du
fossé ; les tours avaient trois étages. Chaque porte
était accompagnée de deux tours plus petites
et protégée par un boulevard ou bastion.
L'enceinte se développait ainsi qu'il suit (4) :
Tour Neuve, baignant dans la ( ^ . . • ^ . .
Loire en amont à Tangle ^''^^etelTlL?^^^^^
sud-est de 1 enceinte l >^»>^^»'^»^* j.ipuvc.
(1) Rouelle de cire sur laquelle on plantait plusieurs cierges
et deux petits étendards aux armes de la Ville.
(2) Soixante-seize livres de cire furent données par deux
bourgeois, Guiot de M^eau et Jehan Volant; le reste fut
fourni par la commune.
(3) Au midi, à l'est et au nord, c'était la même enceinte ; à
Toaest, on l'avait agrandie en 13 i5 pour réunir le bourg d'Avi-
gnon (Avenum) à la cité.
(4) Voir la planche A à la fin du volume.
— 48
Tour Blanche
Tour d'Avallon l Rue de la Tour-Neuve.
Tour de Saint-Flou
PoRTF nE RouRrorNE flannui^P ( Carrefour des rues de
T tours ~ Bourgogne, de la
K«»iS pom-ievis et j Tour -Neuve et du
^^"^^^^'^ l Bourdon-Blanc,
Tour de Saint-Étienne /
Tour Messire-Baude ! Rue du Bourdon-Blanc.
Tour du Champ-Égron (
Tour de l'Évêque ou de la ( Coin de la rue dti Bour-
Fauconnerie, à l'angle nord- j don-Blanc et de la me
est de Tenceinte ' de l'Évêché.
TourduPlaidôyer-de-l'Évêque. /
Tour de L'ÉGLiSE-DE-Ste-CROLx.. < Rue de VÉvêché,
Tour Salée..* .*. . (
! Carrefour de la rue de
lÉvêché, de la place
de Sainte-Croix et de
la place de l'Etape,
Tour de Jean-Thibaut [ ^"^^^T^flS^^^^^
I et cours g ut appar-
Tour de l'Aleu-Saint-Mesmin. . I tiennent aux maisons
Tour des VERGERS-St-SAMSON . . j du côté nord de la rue
Tour de Saint-Samson [ g^^'''^''^''' '^ """^
Tour du Heaume Place du MartroL
Porte Bernier ou Bannier, ses [
deux tours et son boule vart, à | Entrée de la rue Ban^
Tangle nord -ouest de l'en- J nier.
ceinte \
Tour de Micheau-Quanteau. . .
Entîe les rues dllliers,
des Carmes, de la Hal-
lebarde et du Grenier-
à'Sel.
— 49 —
Porte Renart, ses deux tours j Entrée de la rue des
et son boulevart ! Carmes.
Tour de l'Échiffre-Si-Paul. . . | ^"J^^^^/^ ^^^ "^'^"^
Tour André /
Tour *** i ^^ de.Recouvrance,
Tour de Notre-Dame
Tour et Porte de l'Abreuvoir.
Ces trois tours baignant dans \ Q^oi de Cypierre.
ues irois lours oaignani aans \
la Loire ou portant sur les |
firrèves V
grè
Porte du Pont, flanquée de i Quai du Châtekt, à V en-
deux tours , avec pont-levis | trée de la rue des Hô-
formant la première arche. . . ( telleries.
Grosse Tour du Chatelet
Tour de Maître -Pierre -le -
Queux
Tour de la Croche-Meuffroy.
Ces trois tours baignant dans
la Loire
Poterne Ghesneau, ouvrant sur ( Quai du Chatelet.
les grèves .
Tour Aubert
Tour Carrée ou Cassée (tour
à huit pans)
Tour des Tanneurs. Ces trois l
tours portant sur les grèves. \
Le pont, où l'on arrivait par la rue des Hô-
telleries, avait dix-neuf arches :
-Sô-
La première arche en pont-levis ;
La cinquième appuyant sa culée sur une île
qui s'appelait en amont Motte-Sainl-Anloine, en
aval Motle-des-Poissonniers.
Dans la traversée de cette île, le pont, en terre-
plain, était défendu par une bastille formée de
deux tours qui s'appuyaient. Tune sur la cha-
pelle construite en Tîle Saint-Antoine, l'autre
sur une maladreria construite en l'île des Pois-
sonniers.
Entre la onzième et la douzième arche s'élevait
une croix de bronze doré appelée la Belle-Croix.
Sur l'arche dix-huitième et ses deux piliers
formant culée était le fort des Tourelles, deux
tours massives, et deux tours secondaires réunies
par une lourde construction voûtée.
L'arche dix-neuvième en pont-levis.
Sur la rive, un boulevart fortifié formant tête
de pont.
En amont et en aval du pont, cette rive, qui
servait de- port, s'appelait le port Tudelle, le
portereau de5aint-Marceau, lé Porlereau ®.
La ville était percée de rues étroites et tor-
tueuses, comme toutes les villes au moyen âge.
Deux artères principales la divisaient en croix :
l'une de ces artères, qui allait de la porte de
Bourgogne à la porte Renart, portait les noms
de rues Saint-Liphard, Saint-Sauveur, de l'Or-
merie, Pomme-de-Pin, de la Cordonnerie, de la
— 24 —
Faverîe, du Tabour, aujourd'hui rues de Bourgo-
gne et du Tabour ; l'autre, qui allait de la porte
du pont au Martroi, portait les noms qu'elle a
conservés de rue des Hôtelleries et de rue Sainte-
Catherine ou de l'Aiguillerie.
Le Martroi formait en dedans de la porte Ban-
nier une petite place triangulaire.
Les principaux monuments étaient :
L'église cathédrale de Sainte-Croix et son
cloître; l'Évéché et FHôlel-Dieu attenants;
L'église et le cloitre de Saint-Etienne ;
L'église de Saint-Pierre-le-Puellier ;
Le couvent des Bénédictins ou de Boimç-Nou-
Yelle (hôtel de la Préfecture) ;
L'église de Saint-Donatien ;
L'église de Saint-Pierre-Empont ou en Pont
(emplacement du temple des protestants) ;
Le Châtelet, où étaient la justice et les prisons,
bâtiment carré d'un aspect lourd et sombre. Il
s* élevait sur l'emplacement actuel de la rue du
Châtelet et baignait dans la Loire.
La maison commune était installée dans unQ
dépendance du prieuré de Saint-Samson (lycée),
dont la Ville payait le loyer. A Noël 4429, elle
loua pour le même objet l'hôtel Créneaux (hôtel
des musées de la Ville), et plus tard elle l'a-
cheta (iUS) ;
L'église de Saint-Paul, qui renfermait une
statue véuérée de la Vierge.
— 22 —
Toutes les lucarnes pratiquées dans les toits
aigus des portes et des tours, tous les cônes de
ces toits étaient surmontés d'aiguilles portant
des girouettes ou des panonceaux aux armes du
duc d'Orléans et aux armes de la Ville.
Sur le fort dés Tourelles flottaient des ban-
nières aux armes du Duc; sur les clochers des
églises de Saint-Paul et de Saint-Pierre-Empont,
des bannières aux armes de la Ville ; des guetteurs
veillaient jour et nuit au sommet de ces clochers,
les plus hauts de la ville. La tour actuelle du
beffroi n'existait pas encore.
Le mouvement principal de la population se
portait dans les rues Saint-Liphard, Saint-Sau-
veur, de rOrmerie, occupées par les marchands ;
dans la rue des Hôtelleries, où étaient, comme son
nom l'indique, les hôtels et les auberges. Dans la
pa.roisse de Saint-Pierre-le-Puellier et de Saint-
Donatien demeuraient les tanneurs, les bouchers»
les mariniers, les poissonniers ; là se trouvaient
également les maisons de droguerie, d'épicerie
et de gros commerce, les marchés, les halles ;
les orfèvres occupaient la rue de la Faverie. Les
bâtiments occupés par l'université étaient atte-
nants au couvent de Bonne-Nouvelle ; ses régents,
ses suppôts, les écoliers habitaient leg alentours.
Les écrivains, les libraires, les imagiers tenaient
boutique entre les cloîtres de Saint-Étienne,
de Sainte-Croix, et la rue de TOrmerie. Les of-
— 23 —
ficiers de justice et de finance avaient leurs hô-
tels aux abords du Cbâtelet et dans la paroisse
de Saint-Paul, qui était le quartier le plus retiré
delà ville.
Mais la population tout entière n'était pas con-
tenue dans les murs ; depuis long-temps déjà elle
s'était répandue au-dehors, dans des faubourgs
qu'on disait être les plus beaux du Royaume '.
Ces faubourgs contenaient un grand nombre
d'édifices publics, d'églises, de monastères : à la
porte de Bourgogne, le cloître et l'église de Saint-
Aignan, l'église et l'abbaye de Saint-Euverle,
les chapelles de Saint-Victor, de Saint-Michel et
de Notre-Dame-du-Chemin ; à la porte Parisis,
les églises de Saint-Avit et de Saint-Michel-des-
Fossés, les couvents des Jacobins et des Corde-
liers; à la porte Bannier, l'église de Saint-Pierre-
Ensentelé, la chapelle des Mathurins, l'aumône
et l'église de Saint-Pouair ; à la porte Renart, le
monastère des Carmes, la Croix-Morin, le prieuré
de la Madeleine, l'église de Saint-Laurent; de
j l'autre côté de la Loire, le couvent des Augus-
I tins et l'église de Saint-Marceau.
j Les faubourgs se trouvaient eux-mêmes enve-
loppés par le territoire des paroisses de Saint-
Marc et de Saint-Jean-de-Braye, où était le prieuré
de Saint-Loup, à l'est; de Saint-Vincent et de
Saint-Ladre, au nord ; de Saint-Jean-de-la-Ruelle,
j à l'ouest ; de Saint-Pryvé, d'Olivet et de Saint-
— 24 —
Jean-le-Blanc, où était un couvent de capucins,
au midi, de l'autre côté de la Loire:
Dans la Loire existaient plusieurs îles. En face
Saint-Loup, Ile-aux-Bœufs ou de Saint-Loup;
en face Saint-Aignan, Ile-aux-Toiles ; sous le
pont d'Orléans, Motte-Saint-Anloine et Motte-des-
Poissonniers ;. entre Saint-Pryvé et Saint-Laurent,
Ile-Charlemagne.
Entre l'Ile-aux-Toiles et l'église de Sainl-Ai-
gnan, le fleuve était couvert de moulins flottants ;
des moulins pendus obstruaient plusieurs arches
du pont^
La population totale, ville et faubourgs, dé-
passait trente mille âmes ®; population bour-
geoise et commerçante, probe, persévérante,
capable de sacrifices.
Parmi cette population le clergé tenait une
grande place, et il ne restait en arrière d'aucun
dévoûment. De longue date la ville d'Orléans,
comme si elle eût pressenti le rôle qu'elle serait
appelée à remplir dans la lutte de cent ans qui
s'agitait entre l'Angleterre et la France, s'était
mise en mesure de tenir tête à l'ennemi. Depuis
la fin du XIV® siècle, elle avait consacré chaque
année des sommes importantes à c se remparer; »
elle avait reconstruit ses murs, creusé ses fossés,
flanqué ses portes de défenses nouvelles, élevé
des boulevards, garni ses tours d'armes, de traits^
d'engins de toutes sortes, puis de bouches à feu.
— 25 -
lorsque vers 1443 on avait commencé à en faire
usage. Ces dépenses, distinctes des dépenses or-
dinaires de la commune, donnaient lieu à un
compte particulier qu'on appelait le compte de
forteresse; le clergé y contribuait de ses propres
deniers pour un sixième. Ses délégués veillaient,
concurremment avec les Procureurs, à l'exécu-
tion des travaux et à l'emploi des fonds *^ .
Commune, siège épiscopal, ville du Royaume
et en même temps ville ducale, Orléans possédait
un évêque, un gouverneur ou bailli, magistrat
et commandant militaire, nommé par provision
du Duc ; un lieutenant-général du bailli ; un pré-
vôt ou garde de la prévôté et son lieutenant ; un
chancelier, un maître des eaux et forêts, et un
trésorier du Duché (1). Elle s'administrait elle-
même par douze procureurs que les habitants
élisaient tous les deux ans, sous approbation de
l'élection par le bailli.
En 4428, ces officiers étaient :
Evêque : Jean Kirkmichael (de Saint-Michel),
d'origine écossaise ;
Gouverneur-bailli : Raoul de Gaucourt, cham-
-hellan de Charles VU, nommé en 4427;
Chancelier du Duché : Guillaume Cousinot ;
Maître des eaux et forêts ; Philippe Viole;
Trésorier du Duché : Jacques Boucher ;
(1) La chambre des comptes du Duché siégeait à Blois.
2
— 26 —
Lieutenant-général du gouverneur-bailli et du
maître des eaux et forêts : Hervé Lorens ;
Prévôt : Alain du Bey ;
Procureurs : Jehan Compaing, Guion du
Foussé, Regnault Brune, Aignan de Saint-Mes-
min, Guillaume de Coulons, Jehan Mignon, Jehan
Malis, Sanxon Peuvrier, Michelet Filleul, Jehan
Bordier, Guiotde Mareau, Estienne de Bourges.
Telle était la cité qui eut à soutenir contre
Tarraée anglaise le siège célèbre dont voici, jour
par jour, le récit :
4428, 12 octobre. — Ce jour, le comte de
Salisbury, prenant pour base d'opérations et
pour places de ravitaillement les châteaux de
Baugenci, de Meung et de Jargeau, porte son
camp entre Olivet et le portereau Saint-Mar-
ceau. Les chefs qui raccompagnent sont : William
Pôle, comte de Suffolk, John et Alexandre Pôle,
lord Falcombridge, sir Richard Guétin, bailli
d'Evreux, lord Molhyns, lord Poynings, William
Glasdale, Lancelot de Tlsle et autres, « tant An-
glois que Bourguignons. ))
Le même jour, les Orléanais, après délibéra-
tion du Conseil et des citoyens, brûlent et dé-
truisent le couvent des Augustins, l'église et les
maisons du Portereau, qui pouvaient servir de
refuge à Tennemi.
— 27 —
Du 13 au 17 octobre. — Les Anglais avan-
cent, s'établissent an Portereau et placent sur la
levée de Saint-Jean-le-Blanc des canons et bom-
bardes qui lancent dans la ville d'énormes bou-
lets de pierre. Les murailles et les édifices sont
très-endommagés ; une femme est tuée en dehors
de la poterne Chesneau.
Douze moulins sur bateaux, qui se trouvaient
sur la Loire à la hauteur de Saint- Aignan, sont
emportés et détruits ; les assiégés y suppléent
en établissant dans l'intérieur de la ville onze
moulins à chevaux.
Du 18 au 20 octobre. — La garnison fait
plusieurs sorties qui donnent lieu à des escar-
mouches entre les Tourelles et Saint-Jean-le-
Blanc.
21 octobre. — A dix heures du matin, les An-
glais attaquent le boulevard des Tourelles. Il est
défendu par Archambaud deVillars, don Mathias,
Xainlrailles, de la Chapelle, Guitry, Coarraze.
Les habitants, mêlés à ceux de la garnison, s'y
comportent vaillamment. Les femmes elles-mêmes
donnent assistance en apportant de l'intérieur
de la ville de l'eau, de l'huile, des graisses bouil-
lantes, de la chaux, des cendres et des chausses-
trappes.
Après une lutte de quatre heures, les Anglais
— 28 —
sont repoussés ; les Orléanais restent maîtres du
boulevard.
L'action avait été des plus vives; les assiégeants
comptent cent vingt morts. Les Orléanais eurent
aussi leurs pertes : Xaintrailles fut blessé, de La
Chapelle tué. Pendant l'assaut, le gouverneur
Raoul de Gaucourt, qui traversait la ville en toute
hâte, était tombé de cheval près de Saint-Pierre-
Empont; il s'était démis le bras, et il avait fallu le
porter aux étuves pour « appareiller i» sa bles-
sure ".
22 octobre. — Les Orléanais rompent une arche
du pont en-deçà de la pile de la Belle-Croix, où
ils construisent avec des madriers et des fagots
un boulevard, ou plutôt une barricade percée de
meurtrières.
23 octobre. — Le boulevard en avant des
Tourelles, miné detoutes parts, n'est plus tenable.
Les assiégés y mettent le feu et se retirent dans
le fort.
24 octobre. — Les Tourelles battues et ébran-
lées par le choc des boulets menacent de s'écrouler.
La garnison les abandonne et se replie sur la ville.
Les Anglais en prennent possession et, pour se
mettre à l'abri d'une attaque par le pont, rompent
deux arches entre le fort et le boulevard de la
— 29 —
Belle-Croix ; ils élèvent eux-mêmes ud boulevard
de terre et de fagots en avant du fort.
Dans la soirée du même jour, le comte de Sa-
lisbury visite le fort des Tourelles, et pour mieux
examiner le pont, il s'approche d'une fenêtre
ouvrant sur la Loire. Au même instant un boulet
parti de la tour de Notre-Dame vient se briser
sur l'angle de la croisée. Salisbury, atteint à la
tète d'un éclat de pierre, tombe sans connais-
sance. On le transporte à Meung, où il expire.
Dans cette mort soudaine, les Orléanais voient
une manifestation de la protection de saint
Aignan, et en même temps une juste puni-
tion du pillage de l'église de Cléry. On ne sut
qui avait mis le feu au canon de la tour de
Notre-Dame ; le canonnier chargé de la garde de
la pièce étant accouru au bruit de la détonation,
avait aperçu un enfant qui s'enfuyait et qu'on
ne put retrouver **.
25 octobre. — Le Bâtard d'Orléans entre dans
la ville, et à sa suite huit cents hommes d'armes,
arbalétriers poitevins, gascons et écossais, infan-
terie d'Italie et d'Espagne, commandés par Jean
de Brosses, seigneur de Sainte-Sévère et de
Boussac, maréchal de France ; Jean de Naîlhac,
vicomte de Bridiers, grand-panetier de France;
Jacques de Chabannes, sénéchal de Bourbonnais;
sir Hug de Kennedy et La Hire, qui déjà avaient
2.
— 30 —
combattu à la rescousse de Montargis ; Jean de
Beuil, comte de Sancerre, chevalier tourangeau;
Pierre d'Amboise, seigneur de Ghaumont-sur-
Loire; Thibaut d'Armagnac, seigneur de Termes;
don Cernay, chevalier aragonais, capitaine de
Vendôme ; Théode de Valpergue, capitaine lom-
bard *^
Du 26 octobre au 7 novembre. — Si la prise des
Tourelles avait été un échec pour les Orléanais,
la mort du comte de Salisbury et l'arrivée du
Bâtard frère de leur Duc, des troupes et de la ca-
valerie d'élite qui l'accompagnaient, avaient bien
vite relevé les courages.
Bien au contraire, la consternation est chez
l'ennemi. Privés de leur chef, avertis des renforts
que la ville vient de recevoir, les Anglais ne se
croient pas en force suffisante pour tenter un
nouvel assaut.
8 novembre. — Us lèvent leur camp du Por-
tereau, et, après avoir brûlé dans le val quelques
maisons et quelques pressoirs, se retirent dans
les places de Jargeau, de Meung et de Baugenci.
La garde des Tourelles est confiée à une garnison
de cinq cents hommes, sous le commandement
de Glasdale.
Du 9 au 30 novembre. — Cependant les Or-
— 31 —
léanais avaient compris que ce mouvement des
troupes anglaises n'était pas une retraite, que
bientôt elles reviendraient plus nombreuses sous
la conduite d'un nouveau général. — Dans celle
prévision, les mesures les plus énergiques sont
arrêtées.
La Hireest envoyé près du Roi, qui tenait §a
cour à Chinon, pour lui rendre compte de la perle
des Tourelles, et demander des secours.
Les assiégés pressentent que si l'attaque a
commencé par la Sologne et le fort des Tourelles,
ce n'est plus de ce côté qu'elle se renouvellera ;
que de Meung les Anglais reviendront par la
Beauce et envahiront la ville parle nord. De ce
côté étaient les faubourgs, et dans ces faubourgs
des abbayes, des églises, des hospices, l'honneur
et l'ornement de la cité. Mais c'étaient autant de
points de retraite où l'ennemi pouvait s'embus-
quer et se fortifier. Le conseil de la commune
décide qu'ils seront détruits. L'église et le cloître
de Saint-Aignan, les églises de Saint-Michel et de
Saint-Victor de la porte de Bourgogne, de Saint-
Avit, de Saint-Michel-des-Fossés, les couvents des
Jacobins et des Cordeliers, la chapelle du Martroi,
l'aumône de Saint-Pouair, l'église de Saint-Ma-
thurin, le couvent des Carmes, l'église de Saint-
Laurent-des-Orgerilz et une grande partie des
habitations sont incendiés et démolis.
A peine cette grande résolution est-elle exécu-
— 32 —
tée, que John Talbôt (1), successeur du comte
de Salisbury dans le commandement de Tarmée
anglaise, arrive aux Tourelles, amenant des vi-
vres, des canons, des bombardes, et un renfort
de trois cents combattants. — L'attaque de la
ville est aussitôt reprise avec vigueur.
Du l^ au 5 décembre. — Les canons et les
bombardes des tourelles et de la turcie de Saînl-
Jean-le-Blanc dirigent un feu très-vif. Des boulets
de pierre de cent soixante livres sont lancés dans
la ville. Une de ces pierres tombe sur une maison
de la rue des Petits-Souliers, traverse le toit, les
planchers, une table autour de laquelle cinq con-
vives étaient assis, et ne fait de mal à personne.
Frère Jean Hillairet, religieux « de Tordre et
couvent de Notre-Dame-des-Carmes de Poitiers, >
arrive à Orléans, après un voyage de plusieurs
jours, où il a été « en grand doubte et péril de
son corps. » Il apporte des lettres closes des
gens d'église, bourgeois et habitants de Poi-
tiers, par lesquelles une somme de neuf cents
livres tournois « est ordonnée > aux habitants
d'Orléans pour résister aux ennemis du Roi « es-
tans à siège devant eux (2). >
(1) John, seigneur de Talbot et de Foumival, chevalier
banneret, comte de Shrewsbury et de Waterford, capitaine
de Coutances.
(2) Pièces justificatives, à la fin du volume, I.
— 33 —
6 décembre. — Pendant la nuit, les Anglais
jettent des planches sur les arches rompues du
pont, arrivent en silence jusqu'au pied du bou-
levard de la Belle-Croix et dressent leurs échelles
pour Tescalader. A ce moment la cloche du bef-
froi se fait entendre, la gai'nison accourt. Les
Anglais se voyant découverts, rentrent dans les
tourelles.
m
De leur côté, les Orléanais avaient pris soin
d'augmenter leur artillerie. Ils avaient fait venir
des canons du dehors; l'un de ces canons, em-
prunté à la ville de Montargis, portait son nom.
En même temps une forge fonctionnait dans l'in-
térieur de la ville, sous la direction de Guillaume
Duisy, très-habile fondeur. Tout le fer, le cuivre
et le plomb qu'on pouvait se procurer y était
porté et converti en canons, boulets, traits et
« plombées. > Dans d'autres ateliers, on taillait
les boulets de pierre (1) ".
(1) Les plombées étaient de grosses balles de plomb dont
on chargeait les coulevrines. Les boulets de canon étaient de
fer, de cuivre, de pierre ; les bombardes principalement lan-
çaient des boulets de pierre. Dans le cabinet de M. de Noury,
percepteur à Orléans, on voit un boulet de cuivre qui pèse
4,500 grammes. Ce boulet est aplati sur un point, ce qui
montre qu'il a servi et avait été lancé, soit par les Anglais
contre les murs d'Orléans, soit par les Orléanais contre le
fort des Tourelles. Le musée historique de l'Orléanais, de son
côté, possède plusieurs boulets de pierre du diamètre de 20,
15 et 10 centimètres, du poids de 9^00^ 2^900 et 500 grammes.
Ces boulets sont des pierres grossièrement taillées en boules.
— 34 -.
Des bouches à feu, au nombre de soixanle et
onze, garnissaient les tours et les murailles, par-
ticulièrement celles du bord de l'eau qui répon-
daient sans relâche au feu des tourelles ■ ^
23 décembre. — Pour la première fois on fait
Fessai d'une bombarde de la fabrique de Duisy,
jetant des pierres de cent vingt livres. Il faut vingt-
deux chevaux pour la conduire à la croche de la
poterne Chesneau (1), où elle est « assortie. »
Tout auprès se trouvaient le canon Montargis, un
autre canon et une bombarde qui portaient les
noms de Riflarl et de Bergère. Les Anglais bap-
tisaient leurs canons et bombardes de noms ana-
logues. L'une des bombardes de la levée des Au*
gustins s'appelait Passe-Volant.
25 décembre. — Trêve. — Le tir de l'artil-
lerie des Orléanais était dirigé par treize canon-
niers, qui avaient sous leurs ordres des aides et
des valets. Le service de chaque pièce exigeait
plusieurs hommes; pour la seule bombarde de
la Croche-Ghesneau, il en fallait onze. Douze de
ces maîtres canonniers étaient des Orléanais aux
Il y en avait, suivant l'abbé Dubois (mss. déjà cités), d'une
pierre dure et lisse, qu'on appelait boulets de pierre de
fer.
(1) La croche de la poterne Chesneau était un éperon
avancé en rivière pour soutenir et protéger le mur de la ville.
— 35 —
gages de la ville; le treizième, qu'on appelait
Jehan le Lorrain, était, comme son nom l'indique,
un étranger. Sur sa réputation d'habile pointeur,
on l'avait appelé dans la ville, où il arriva vers
le milieu de décembre. Pendant toute la durée
du siège, il rendit de très-grands services, sans
vouloir toucher une solde. Après la délivrance,
la Ville le dédommagea en lui offrant un cadeau
de vingt-quatre livres parîsis ". De l'un des
piliers du pont, touchant au boulevard de la
Belle-Croix, où il s'était installé, il pointait lui-
même une coulevrine dont chaque coup portait,
si bien que maître Jehan et sa coulevrine furent
sous peu de jours connus des Anglais non moins
que des Orléanais. Des Tourelles on tirait cons-
tamment sur lui, mais sans l'atteindre. Se fiant
sur la maladresse des artilleurs Anglais, il les
bravait avec audace. Parfois il lui arrivait de se
laisser cheoir par moquerie, et de se faire em-
porter comme s'il eût été frappé, puis un instant
après il revenait prendre place auprès de sa cou-
levrine, aux applaudissements des assiégeants
et à la grande confusion des assiégés *\
26 déœmbre, — Les charges de la Ville étaient
énormes. L'emprunt fait au cours de l'été, les
dons particuliers, n'avaient pas suffi. Le Roi
n'envoyait rien, et ne pouvait faire autrement;
ses finances étaient dans une telle détresse qu'il
— 36 —
y eut un moment où son trésorier-général n'avait
dans sa caisse que quatre écus d'or ".
Les Orléanais eurent encore une fois recours
à eux-mêmes ; les habitants rassemblés aux halles
votèrent la levée d'une taille de six. mille livres
tournois, décision que le Bâtard rendit exécu-
toire par une ordonnance portant « qu'inconti-
nent T^ ladite somme de six mille livres serait
levée par le gouverneur et le prévôt « le plus
également que faire ils pourroient (1). ^
27 au 29 décembre. — On apprend que les
troupes anglaises sont en marche et s'appro-
chent par la Beauce. L'investissement de la place,
prévu dès le mois de novembre précédent, est
à la veille de s'accomplir. Les Orléanais, sans
plus tarder, achèvent de détruire leurs faubourgs.
Saint-Loup, Saint-Marc, Saint-Gervais, Saint-Eu-
verte, Saint-Vincent-des-Vij^nes, Saint-Ladre, la
Madeleine sont démolis. En-dehors des murs,
plus rien n'est debout. Les habitants des maisons
abattues sont recueillis par ceux de la ville.
30 décembre. — Une armée de deux mille
trois cents hommes, commandés par Talbot, Suf-
folk, Scales (2) et Lancelot de l'Isle, paraît du
(1) Pièces justificatives, II.
(!2) Thomas, seigneur de Scales, chevalier,
Pontorson.
capitaine de
— 37^
I
côté de Sainl-Laurent-des-Orgerils. Le Bâtard
I d'Orléans, le maréchal de Boussac, Chabannes et
plusieurs autres de la garnison, sortent à sa ren-
contre. Des engagements assez vifs ont lieu près
de Saint-Laurent et de la Croix-Boissée. Maître
Jehan s'y trouve et fait son devoir. L'avantage
demeure aux Anglais, qui s'emparent des ruines
de Saint-Laurent et s'y fortifient.
31 décembre. — Gasquet et VédiUe, tous deux
de la compagnie de La Hire, envoient au camp
des Anglais un défi de deux coups de lance. Le
gage est accepté, et les quatre champions entrent
en lice sous les yeux des deux armées. Gasquet
renverse son adversaire. VédiUe ni le sien ne
peuvent se désarçonner.
i^^ janvier. — Les forces anglaises s'aug-
mentent aux abords de Saint-Laurent. Sortie de
la garnison et engagement entre la porte Renart,
la rivière Flambert et la grève de la Loire. L'abbé
de Cerquenceaux y est blessé; la coulevrine de
maître Jehan tombe au pouvoir de l'ennemi. Les
Français, refoulés par des masses supérieures
en nombre, rentrent précipitamment dans la
ville. La perte est considérable de part et d'autre;
celle des Français dépasse.
2 janvier. — Les Anglais tentent d'escalader
3
— 38-
]a porte Renart. Les habitants, avertis par la
cloche (lu beffroi, se portent sur les murs et re-
jettent Tennemi dans le fossé.
A janvier. — A trois heures après minuit, la
cloche du beffroi annonce une nouvelle attaque.
Simultanément la porte Renart est assaillie par
ceux de Saint-Laurent, et le boulevart du pont
par ceux de la garnison des Tourelles. Les assié-
gés font face des deux côtés ; les Anglais sont
repoussés.
Le même jour est introduit dans la ville, par
le port de Saint-Loup, un convoi de neuf cent
cinquante pourceaux et quatre cents moutons.
5 janvier. — Les guetteurs des tours de Saint-
Paul et de Saint-Pierre-Empont signalent un gros
de cavaliers s'avançant du côté de la Sologne,
dans la direction du Portereau. Â mesure que
cette troupe approche, on reconnaît les couleurs
françaises : c'est l'amiral de Culan à la tête de
deux cents combattants. Les Anglais sortent des
Tourelles pour lui barrer le chemin, mais en
vain : Culan et les siens traversent la Loire de-
vant Saint-Loup et entrent dans Orléans par la
porte de Bourgogne.
^6 janvier. — Sortie des assiégés, sous la con-
duite de l'amiral de Culan et du maréchal de
-39r-
Boussac Les Anglais font bonne contenance ; de
part et d'autre on se comporte vaillamment;
maître Jehan, avec une nouvelle coulevrine, re-
commence ses prouesses.
Les escalades tentées sans succès contre la
porte Renart et le boulevart du pont avaient
appris aux Anglais que la ville ne se laisserait
pas facilement emporter d'assaut. Les vivres in-
troduits le 4» janvier, le renfort amené le 6 par
l'amiral de Gulan^ avaient augmenté les res-
sources des assiégés. Leurs communications de-
meuraient ouvertes avec la Sologne et la haute
Loire par le port de Saint-Loup, avec le Gâtinais
et la Beauce, par la porte Bannier et la porte
Parisis. Les généraux anglais tiennent conseil,
et décident d'entourer la place d'une ceinture de
bastilles dont les garnisons, se soutenant de l'une
à l'autre, devront intercepter les arrivages.
Un camp retranché est établi à Saint-Laurent,
et devient le quartier général de l'armée an-
glaise.
Sur l'île Charlemagne et à la rive opposée, sur
le « champ Saint-Pryvé, j des redoutes sont
élevées pour relier le fort des Tourelles au camp
de Saint-Laurent, et protéger le va et vient de
plusieurs bacs établis sur ce point. La garde de
ces redoutes est donnée à Lancelot de l'Isle.
Le couvent des Augustins est entouré de forti-
— 40 —
flcations qui constituent un ouvrage avancé cou-
vrant les Tourelles.
Du côté de la Beauce une bastille est élevée
près de la Croix-Boissée, entre la porte Renar! et
le prieuré de la Madeleine ; une seconde un peu
plus loin, entre la Croix-Morin et Saint-Jean-
de-la-Ruelle, au lieu des Douze-Pierres ; les An-
glais lui donnent le nom de Londres. La bas-
tille de la Groix-Boissée commandait la route
de Btois, la bastille de Londres, la route de Châ-
teaudun.
Le même système devait se continuer, et d'au-
tres bastilles s'élever successivement sur le pour-
tour entier de la ville.
A la vue de ces travaux, les'Orléanais se gar^
. dent de demeurer oisifs. Us font demander des
secours aux villes du parti du Roi, et inquiètent
l'ennemi par des sorties qui chaque jour amènent
des escarmouches sanglantes.
Le Bâtard envoie à Chinon une ambassade
composée d'Archambaud de Villars, de don Ger-
nay et des deux Xaintrailles, pour informer le
Roi du blocus dont il est menacé.
iO janvier. — ^ Un convoi de pondre et de
vivres envoyés de Bourges entre dans la ville.
11 janvier. — A neuf heures du soir, le boulet
d'un canon de fer du boulevart de la Belle-Groix
— a —
enlève le comble du toit des Tourelles ; six An-
glais sont écrasés sous les décombres.
\b janvier, — A huit heures du soir, le Bâ-
tard d^Orléans, la maréchal de Boussac et le sé-
néchal de Bourbonnais s'approchent en silence
du camp de Saint-Lwrent où ils espèrent sur-
prendre l'ennemi. Aperçus et refoulés dans une
sortie des Anglais, ils sont obligés de se replier
sous le canon de la porte Renart.
iQ janvier, — Les Anglais reçoivent un renfort
considérable de canons, de bombardes et de vivres,
amenés par sir John Falstofit à la tête de douze
cents hommes, qui arrivent au camp de Saint-
Laurent à deux heures de l'après-midi.
17 janvier. — Un boulet de pierre, parti
de la bastille de la Groix-Boissée, tombe devant
le boulevart de la porte Bannier au milieu de plus
de cent personnes, &ans en tuer ni blesser une
seule ; un a soldat compagnon français -» est at*
teint au pied ; mais le boulet ne fait que lui en-
lever son soulier.
Le même jour, une rencontre en champ clos
devait avoir lieu, à la porte Bannier, entre six
Anglais et six Français. Ceux-ci se présentent,
les Anglais ne paraissent pas.
— 42 —
iS janvier, — Le Gastelier, arbalétrier de la
milice d'Orléans, est tué, sur le boulevart de la
Belle-Croix, par un boulet des Tourelles.
24 janvier. La Hire, revenant de la mission
dont il avait été chargé en octobre, brave, à la
tête de trente hommes, le feu des bastilles de
Saint-Laurent et de la Croix-Boissée, et rentre
dans la ville où il apporte un secours de six cents
livres envoyé par la ville de Tours. Il annonce
le retour prochain d'Archambaud de Villars.
Deux cents pourceaux et quarante têtes de
gros bétail sont introduits dans les murs. Le
même jour, un autre convoi de cinq cents têtes
de bétail venant par eau est arrêté à Jargeau.
Un habitant de Sandillon est accusé d'avoir averti
les Anglais du passage de ce convoi.
25 janvier. — Les Anglais s'emparent du bac
de Saint-Loup, qui jusque-là était demeuré en la
possession des Orléanais. Ce bac, par lequel on
communiquait avec la Sologne, était d'une
grande utilité. On décide de le reprendre. A cet
effet, un gros de la garnison passe la Loire en
face de la croche Saint-Aignan, traverse l'Ile-aux-
Toiles et s'avance sur la levée de Saint-Jean-le-
Blanc. Derrière cette levée les Anglais se tenaient
embusqués; les Orléanais, pris à l'improviste,
sont mis en déroute, et laissent vingt-deux morts
— 43 —
sur la place. Plusieurs sont faits prisonniers,
parmi lesquels un homme du Bâtard et un autre
du maréchal de Boussac ; maître Jehan est obligé
d'abandonner sa coulevrine que les Anglais em-
portent aux Tourelles. Il ne se sauve lui-même
qu'à grande peine en se jetant sur le gouvernail
d'un chaland qui s'en allait à la dérive.
26 janvier. — Escarmouche au-devant de la
porte Bannier. Vingt Anglais sont tués : les
Français ne perdent qu'un archer appartenant
au maréchal de Boussac.
27 janvier. — Les Anglais, au nombre de
cinq cents, menacent d'attaquer la porte Renart.
Les Orléanais sortent avec précipitation ; repous-
sés au premier choc, ils sont ralliés par le ma-
réchal de Boussac et rejettent l'ennemi dans son
camp de Saint-Laurent.
28 janvier. — A onze heures du soir, l'am-
bassade envoyée à Ghinon rentre dans la ville ;
elle annonce que, d'après un plan de campagne
élaboré dans les conseils du Roi, une armée com-
posée de noblesse auvergnate, sous le comman-
dement du comte de Clermont, se rend à Blois ;
qu'en même temps d'autres capitaines sont en
marche sur Orléans, avec ordre de se jeter dans
la place.
_ 44 —
Ces nouvelles étaient déjà connues des géné-
raux anglais qui, se voyant menacés de deux
côtés, tentent de nouveau d'enlever la ville
d'assaut.
29 janvier. — Attaque de la porte Renart..
Dans une sortie vigoureuse, la garnison, sou-
tenue par les habitants, repousse les Anglais,
qui se retirent avec grande perte.
Ce même jour, sûreté est donnée à La Hire du
côté des Orléanais, à Lancelot de Tlsle du côté
des Anglais, pour avoir ensemble une conférence.
L'entrevue a lieu en dehors des portes. L'heure
de la sûreté écoulée, chacun se met en devoir
de retourner vers ses gens. Lancelot reprenait
la route de Saint-Laurent ; un boulet parti de
la place l'atteint et lui emporte la tête. Il était
maréchal de Farmée et « bien vaillant homme ; »
le deuil fut grand dans le camp ennemi. Quant
aux Orléanais, comme la trêve était expirée au
moment où la place avait tiré, ils crurent n'avoir
rien fait que de loyal et pouvoir se réjouir.
Quarante-deux hommes d'armes et cent vingt-
neuf archers que Lancelot de l'isle avait sous
son commandement passent sous celui d'Henri
deTIsle, son frère, écuyer (1).
(1) Pièces justificatives, VL
— 45 —
30 janvier, — A une h«ure un matin, le
Bâtard, accomimgné de quelques chevaliers et
écuyers, sort secrètement de la ville pour se
rendre à Blois près du comte de Clermont, et se
concerter avec lui.
Dans la journée, les Anglais se répandent
dans les vignes de Saint-Jean-de-la-Ruelle et
de Saint-Ladre, pour enlever des échalas qui
leur servaient de bois de chauffage. Le ma-
réchal de Boussac, La Hire, Poton, Jacques
de Chabannes, Denis de Chailly, don Cernay,
courent sur eux, en tuent sept et ramènent
quatorze prisonniers. Un bourgeois d'Orléans,
Simon de Baugenel, perd la vie dans cette ren-
contre.
81 janvier. — Huit chevaux chargés de
graisses et d'huiles sont introduits dans la
ville. Ces gi'aisses et ces huiles servaient à en-
duire des fascines incendiaires qu'au moment
des assauts on jetait sur l'ennemi.
3 février. — Le maréchal de Boussac, La
Hire, Chabannes, Goarraze viennent jusqu'au
pied de la bastille de Saint-Laurent défier les
Anglais, qui crient aux armes et déploient douze
bannières sans sortir de leurs palissades.
5 février. — A la fermeture des portes, ar^
o
o
— 46 —
rivent par la Sologne vingt-six combattants de la
compagnie du maréchal de Boussac.
6 février. — Pendant vêpres, le maréchal
de Boussac, La Hire, Poton, Chailly, à la tête
de deux cents cavaliers, courent jusqu'à la Ma-
deleine, où ils rencontrent Scales et font qua-
torze prisonniers.
8 février. — Les guetteurs signalent une
troupe considérable se dirigeant sur la ville.
C'était le secours annoncé par Villars, mille hom-
mes environ, amenés par Jean de Lesgot, sei-
gneur de Verduzan, William Stuart et Raoul de
Gaucourt, gouverneur d'Orléans, qui s'était
* porté au-devant d'eux.
Dans la nuit arrive un second corps de troupes
composé de deux cents hommes appartenant à
La Hire et à Guillaume d'Albret, seigneur
d'Orval,
9 février. — Entrent dans la ville trois cents
combattants commandés par le maréchal de La-
fayette(l).
Chabannes, Renault de Fontaine et le Bourg
de Bar (2), avec vingt cavaliers d'escorte, sont
(1) Gilbert Motier de Lafayette, maréchal de France.
(2) Le Bourgs de Bar, c'est-à-dire le bâtard de Bar, fils de
Gui de Bar, qui servait avec les Bourguignons à PSiris,
— 47 —
envoyés à Blois, Ils rencontrent un parti d'An-
glais et de Bourguignons. Le Bourg de Bar est
fait prisonnier. Chabannes et Fontaine parvien-
nent à s'échapper et continuent leur route.
Ils ont pour mission d'annoncer au comte de
Clermont et au Bâtard d'Orléans que le renfort
annoncé est entré dans Orléans depuis deux jours,
et de les prévenir qu'un convoi considérable de
vivres et d'artillerie, parti de Paris avec une
forte escorte, est attendu au camp anglais de
Saint-Laurent.
Sur cet avis, les chefs réunis à Blois tiennent
conseil ; il est résolu que l'armée du comte de
Clermont et la garnison d'Orléans, combinant
leur action, se porteront au devant du convoi;
que l'armée du comte de Clermont sortira de
Blois et se dirigera sur Étampes ; qu'une partie
de la garnison d'Orléans, de son côté, se déta-
chera et prendra la même direction. Les deux
troupes devront se réunir à Rouvray-Saint-Denis,
près Angen'ille.
L'armée du comte de Clermont s'élevait à
quatre mille hommes environ, dont quatre cents
Écossais sous la bannière de John Stuart de
Darnley. Le reste se composait d'Auvergnats et
en 1418. (Quicherat, IV, 63.) Après la levée du siège, il resta
à Orléans, dont il eut la vicomte. (Voir notre Histoire de la
Communauté des Marchands fréquentant la Loire. Docu-
ment 570.)
de Bourbonnais commandés par le seigneur de
la Tour-d'Auvergne et le vicomte de Thouars (i).
A rheure convenue, elle se met en marche et
s'avance au travers de la plaine de Beauce par
des chemins connus du Bâtard.
H février. — Sur Tordre transmis de Blois,
quinze cents combattants sortent d'Orléans par
la porte Parisis et prennent la route de Toury.
Le maréchal de Boussac, Verdurzan, Guillaume
d'Albret, William Stuart, Jamet du Tillay, La
Hire, les deux Xaintrailles, sont à leur tête. Du
haut des murs les habitants et ceux de la gar-
nison qui restent pour la défense de la ville, les
suivent du regard et les accompagnent de leurs
vœux.
12 février. — L'attente et la préoccupation
sont dans les esprits ; vers le soir chacun se porte
aux remparts. Les guetteurs sont à leur poste;
rien n'est signalé. Une vague inquiétude com-
mence à se répandre : les heures s'écoulent; mi-
nuit approche, et l'on est sans [nouvelles. Tout
à coup, des pas de chevaux retentissent, quelques
cavaliers se présentent aux portes et entrent avec
précipitation, suivis bientôt d'une troupe en dé-
sordre : ce sont les Auvergnats du comte de
(1) Louis d'Amboise, vicomte de Thouars.
— 49 —
Glermonl. Le trouble, la confusion sont partout
et ne font que s'augmenter au fur et à mesure
qu'arrivent des hommes isolés, des groupes sans
chef; le comte de €lermont séparé des siens; le
Bâtard se soutenant à grande peine sur son che-
val ; le maréchal de Boussac n'ayant plus à qui
commander; des charriols rapportant les blessés
et les morts ; enfin, une troupe un peu mieux
en ordre ralliée par Jamet du Tillay, Poton et
La Hire, qui rentrent les derniers dans la ville.
Le désastre avait été complet. Le 12 février
au matin, le détachement orWanais était arrivé
le premier sur le plateau de Rouvray-Saint-De-
nîs, et presque aussitôt on avait vu l'armée du
comte de Clermont apparaître à l'ouest, et le
convoi attendu déboucher dans la plaine par la'
route d'Étampes. Ce convoi, formé d'une longue
file de charrettes pesamment chargées, était ac-
compagné de quinze cents hommes environ, Pa-
risiens pour la plupart, qui suffisaient à peine
pour le couvrir, tant les voitures étaient nom-
breuses. Rien ne semblait plus facile que de le
prendre par le travers et de le couper a^ant que
l'escorte ait eu le temps de se former en ligne.
Les Orléanais voulaient se porter en avant; mais
par déférence on envoya demander l'ordre au
comte de Clermont, prince du sang royal. Le
comte de Clermont était fort jeune et n'avait ja-
mais commandé ; on venait de Farmer chevalier
— 50 —
*
le malin même. Soit malentendu, soit impérilie
de ceux qui l'entouraient, la réponse fut d'atten-
dre. Falstoff, qui commandait l'escorle, avaitsaisi
la situation d'un coup d'œil. En tacticien habile,
il rassemble les charrettes, fait planter les épieux,
et en arrière il met sa troupe en bataille.
Le moment échappait : les Orléanais le com-
prennent et poussent en avant. A cette vue le
Bâtard abandonne le comte de Glermont et re-
joint son monde; les Écossais le suivent, et le
combat s'engage.
Il était trop tard. Les Anglais, retranchés der-
rière leurs charrettes, reçoivent le choc sans
s'ébranler; ce sont, au contraire, les lignes fran-
çaises qui se rompentilevant l'obstacle qu'il leur
faut franchir. Falstoff en profite pour lancer sa
cavalerie. Si à ce moment on les avait soutenus,
les Orléanais pouvaient encore se reformer et
prendre l'avantage ; mais le comte de Glermont
reste immobile, et la déroule devient complète.
Les Écossais et une grande partie de ceux
d'Orléans sont taillés en pièces. John et William
Stuart, Guillaume d'Albret, Lesgot de Verdurzan,
Jean de Nailhac, Louis de Rochechouart, Jean
Ghabol périssent sur le champ de bataille. Le
Bâtard, blessé au pied dès le commencement de
l'action, manque de tomber au pouvoir de l'en-
nemi ; deux archers parviennent à le remettre
en selle et à le tirer de la mêlée. La Hire peut
— 51 —
enfin rallier quelques cavaliers à son guidon.
Xaintraiiles et Jamet du Tillay lui viennent en
aide ; tous les trois se placent à Tarrière^arde,
pendant que les Auvergnats et les débris de
l'armée reprennent en désordre la route d'Or-
léans. Encore fut-on heureux que les Anglais du
siège ne fussent pas sortis de leurs bastilles pour
fermer la retraite aux fuyards.
iS et \A février, — On se met en devoir de
rendre les honneurs funèbres aux morts. Leurs
restes, rapportés daiis Orléans, sont mis < en sé-
pulture i> dans l'église de Sainte-Croix.
La consternation règne dans la ville ^^ .
Du 15 aw 17 février. — Plus encore que les
Orléanais, les troupes du comte de Clermont
sont frappées de stupeur; elles refusent d'atta-
quer les bastilles anglaises. Plusieurs jours se
passent dans l'inaction.
Le fort des Tourelles continue son feu. Un
boulet tombe sur l'hôtel de la Tête-Noire et ri-
coche dans la rue des Hôtelleries. Il tue trois
personnes, dont un marchand nommé Jehan
Turquoys.
Cependant Falstoff victorieux avait continué
sa marche, traînant à sa suite les munitions et
les vivres qu'il avait amenés de Paris, augmentés
de ceux que les Français avaient abandonnés
— 52 ~
sur le champ de bataille. Le 17 au matin, il ar-
rive sous les murs d'Orléans. Vainement les as-
siégés essaient de lui courir sus ; ils ne peuvent
le joindre, et le convoi tout entier entre dans le
camp de Saint-Laurent. Il fallut essuyer les huées
des Anglais et les lazzis des Parisiens, qui, par
allusion aux poissons salés dont le convoi se
composait en grande partie, donnèrent â ajour-
née du 12 février le nom dérisoire qui lui est
resté de Journée des Harengs!
48 février. — Le comte de Clermont, La
Tour-d'Auvergne, l'archevêque de Reims (4) tX
deux mille hommes, Auvergnats et Bourbonnais,
sortent de la ville. Les Orléanais les voient sans
peine les quitter; c'étaient gens qui les affa-
maient et ne leur étaient d'aucuns secours.
Mais avec eux partaient l'évêque d'Orléans, La
Hire, l'amiral de Culan, qui se rendaient près
du Roi pour l'informer de la défaite de Rouvray-
Saint-Denis, et prendre ses ordres. Vainement
ont-il promis de revenir : leur départ jette la cité
dans le découragement.
(1) Regnault de Chartres, archevêque de Reims et cfaanœ-
lier de France. Son dépait d'Orléans est constaté par le Jour-
nal du siège, à la date du 18 février, sans qu'on trouve dans
cette chronique ni dans aucune autre l'indication de son en-
trée dans la ville. Il était du conseil de Charles VU, et avait
été probablement envoyé près du Bâtard pour conférer avec
lui des affaires du Roi et de la Ville.
— 53 —
Les Orléanais se croient délaissés. Au moment
où s'augmentaient les forces des assiégés, ils
voyaient se diminuer le nombre de leurs défen-
seurs : le Bâtard, le maréchal de Boussac, Xain-
trailles et quelques capitaines, gens de cœur,
leur restaient, il est vrai, mais en trop petit
nombre pour lutter contre une armée qui se
ravitaillait par l'Angleterre, Paris, la Normandie
et la Bourgogne. Depuis longtemps déjà cette
armée était maîtresse de toutes les places envi-
ronnantes, et il était facile de prévoir qu'avant
peu elle envelopperait la ville d'un cercle de
bastilles qui la réduirait à famine. Deux bastilles
nouvelles commençaient à s'élever, l'une au Pres-
soir-Ars, qu'on appelait Rouen ; l'autre à Saint-
Pouair, qu'on appelait Paris.
Il y avait lieu de s'inquiéter d'autant plus que
la garnison était aux gages du Roi j et que trop sou-
vent la solde se faisait attendre. Charles VII y
pourvoyait de son mieux ; les registres du « tréso-
rier de ses guerres » mentionnent les sommes qui
plusieurs fois, pendant le siège, furent envoyées
de Bourges aux nombreux capitaines enfermés
dans la ville. Mais ces envois étaient incertains,
incomplets, et à chaque instant on était exposé
à voir partir des hommes d'armes ou de trait
qu'on ne pouvait payer régulièrement (1).
(1) Pièces justificatives, XII.
— Si-
lo février. — En cette extrémité on se sou-
vint que le duc de Bourgogne était parent du
duc d'Orléans. Poton de Xaintrailles (1) et deux
des Procureurs, Guion du Fossé et Jean de
Saint-Avy, lui sont envoyés en ambassade. Ils
avaient pour mission d'exposer la situation de
leur ville, de prier Philippe-le-Bon de la prendre
sous sa protection et de la sauvegarder à leur
duc prisonnier, en obtenant du Régent que le
siège en fût suspendu jusqu'après « l'éclaircis-
sement ï des troubles du Royaume.
Cette résolution avait raffermi les courages;
chacun se sentait prêt à redoubler d'efforts en
attendant la réponse du duc de Bourgogne ; peu
à peu on se remit du trouble où l'on était de-
puis la fatale journée du 12. Les sorties recom-
mencent comme aux premiers temps du siège.
20 février, — Un engagement a lieu entre
les Anglais portant sept étendards et ceux de la
ville, qui sont repoussés au premier choc et ra-
menés sous les murs; mais le feu de la place
oblige les assiégeants à se retirer dans leurs
bastilles.
22 février. — Un héraut envoyé par le comte
de Suffolk apporte au Bâtard un présent de
(1) Poton était connu du duc de Bourgogne pour avoir été
son prisonnier.
— 55 —
dattes, de figues et de raisins. Le Bâtard en-
voie par un autre héraut de la panne noire que
Suffolk lui avait demandée pour fourrer une
robe.
25 février. — Quinze chevaux chargés de
harengs et de vivres entrent dans Orléans.
27 février. — Crue de la Loire. L'eau gagne
les embrasures elles meurtrières des Tourelles.
Les terrassements établis en avant du fort, sur
l'île Charleraagne et à Saint-Pryvé, sont sub-
mergés. Les Orléanais espèrent que la force du
courant les entraînera ; mais les Anglais font
telle diligence de jour et de nuit, qu'ils parvien-
nent à les préserver.
Le même jour, le tir de la bombarde de la
croche Ghesneau renverse un pan de mur des
Tourelles.
3 mars. — Les Anglais s'étant mis à creuser
un fossé pour communiquer à couvert du bou-
levart de la Croix-Boissée aux bastilles de Lon-
dres, de Rouen et de Paris, les assiégés se
portent sur les travaux où plusieurs engagements
ont lieu. Guilhen de la Vernade est blessé; les
Anglais le font prisonnier. La coulevrine de
maître Jehan tue cinq personnes, parmi lesquel-
les lord Grey, capitaine de Janville, neveu de Sa-
— 56 —
lisbury. Les Orléanais perdent un des leurs (1)
et ramènent neuf prisonniers.
Si la défense d'Orléans était onéreuse aux
finances de Charles VU, l'entretien de l'armée
qui assiégeait la place ne l'était pas moins aux
finances de Henri VL On n'avait pas compté
sur une résistance aussi longue, sur des tra-
vaux d'investissement aussi considérables. Des
renforts d'hommes, des vivres, des muni-
tions étaient sans cesse réclamés du camp.
Les ports du nord, la Beauce, Paris, fournis-
saient les vivres et les munitions, et on prenait
aux places de la Normandie et de l'Ile-de-France
leurs garnisons, pour les envoyer au siège. Meu-
lan, Pontorson, Coutances, y avaient des contin-
gents. Mais il fallait payer et les troupes qui
"depuis cinq mois étaient sous Orléans, et ces
recrues qu'on leur expédiait. La solde s'élevait
haut : un chevalier banneret recevait par jour
quatre sols esterllns; un chevalier bachelier,
deux sols ; un homme d'armes, un sol ; un ar-
cher, dix deniers. II fallait pourvoir à ces dé-
penses ; le trésor était épuisé, et le duc de
Bedford avait été obligé d'avancer une somme
de quarante mille francs (2) tirée de ses pro-
(1) Etienne Fauveau.
(2) Représentant, en valeur intrinsèque, 321,600 fr. d'au-
jourd'hui.
— 57 —
près domaines. Pour Fen rembourser et pour
satisfaire aux exigences ultérieures du siège, car
on commençait à comprendre que Fentreprise
ne serait ni promptement ni facilement conduite
à fin, le grand conseil de régence voulut se
créer des ressources. 11 décréta qu'un emprunt
du quart de leurs gages serait fait, en France
et en Normandie, aux gens pourvus d'offices. Un
édit fut rendu au nom de Charles VI, roi de
France et d'Angleterre, portant que : « en con-
sidération des grandes et excessives finances que
nécessitoient la conduite et entretènement » du
siège mis devant Orléans, siège qui avait déjà
€ duré longuement et pourroit encore plus du- »
rer, » toute personne gagée « (prenant de Nous
gaige, et de quelque estât que ce soit), prêtera
ses gages d'un quartier d'an, pour être em-
ployés à la poursuite dudit siège (1). »
4 mars. — Les Anglais se répandent aux
alentours de Saint-Ladre et de Saint-Jean-de-la-
Ruelle. Us enlèvent des charrues et emmènent
prisonniers plusieurs vignerons et cultivateurs.
5 mars. — La plombée d'une coulevrine de
là place tue un seigneur anglais, auquel l'ennemi
fait de pompeuses obsèques.
(4) Piècfls justificatives, III, IV, V, VI, Vil, Vm, IX, XI.
— 58 —
6 mars. — Vers ce temps il se répand que,
par la ville de Gien, avait passé, depuis peu ,
certaine jeune fille des marches de Lorraine, se
rendant à Chinon, en compagnie de deux gen-
tilshommes, de ses deux frères et de quatre
serviteurs. Cette jeune fille, qui avait nom Je-
hanne, annonçait qu'elle venait par mission di-
vine pour faire lever le siège d'Orléans. Il se
racontait qu'elle était fille d'un laboureur, et
que dans le jardin de son père elle avait eu vi-
sion de l'archange saint Michel. D'autres ajou-
taient que sainte Catherine et sainte Marguerite
conversaient avec elle ; que par leurs voix elle
.avait su la défaite de Rouvray-Saint-Denis et
l'avait annoncée le jour même au capitaine de
Vaucouleurs, lequel capitaine, voyant bien alors
que Dieu l'avait choisie, lui avait donné chevaux
et escorte pour aller en France.
Le Bâtard ordonne à Chabannes, Archam-
baud de Villars et Jamet du Tillay, de se rendre
à Chinon pour s'informer du « fait de cette
pucelle » et lui rapporter ce qu'on en doit
croire ^
7 mars. — Les bombardes et les canons
anglais causent de grands dommages dans la rue
des Hôtelleries.
8 Tïiars. — Les assiégés, dans une sortie,
— 59 —
font rencontre de six marchands et d'une < da-
moiselle » qui se rendaient à l'armée anglaise
avec neuf chevaux chargés de vivres. Ils s'en
emparent et les amènent dans la ville.
Dans la soirée, deux cents Anglais de la gar-
nison de Jargeau et de plusieurs villes de la
Beauce arrivent au camp de Saint-Laurent et sont
répartis dans les bastilles. Les Orléanais en au-
gurent qu'une attaque se prépare.
9 mars. — Il se découvre que pendant la
nuit une ouverture a été pratiquée près de la
porte Parisis dans le mur de l'aumône (1), qui
était en même temps mur de ville. Le public
s'en alarme. On suppose qu'il y a trahison et
que, par cette ouverture, l'ennemi devait s'intro-
duire. Une rumeur, que rien ne justifie, signale
les religieux de l'infirmerie de l'Hô tel-Dieu. Le
supérieur est obligé de s'enfuir,
iO mars. — Les Anglais, résolus à compléter
le blocus de la ville, s'emparent de l'église de
Saint-Loup, l'entourent de fortifications et en
font une bastille.
De l'ordre du prévôt d'Orléans, le maître du
guet se rend à Blois pour demander de la poudre
et en presser l'envoi.
(1) Hôtel-Dieu.
— 60 —
H mars. — Les troupes anglaises occupées à la
constructiou de la bastille de Saint-Loup courent
jusqu'à Saint-Euverte, où elles enlèvent plusieurs
vignerons pour les employer aux travaux.
12 mars, — Sortie des assiégés, qui ramè-
nent quelques prisonniers.
15 mars. — Le Bâtard de Lange entre dans
la ville avec six chevaux chargés de poudre qu'il
amène de Blois.
Trente Anglais sortent de la bastille de
Saint- Loup habillés en femmes et arrivent,
à l'aide de ce déguisement, dans les vignes
de Saint-Marc, où ils enlèvent neuf ou dix vi-
gnerons**.
Les bruits concernant la pucelle venue de
Lorraine se répandent de plus en plus. Chaque
jour les arrivants apportent de nouveaux récits.
Les dires les plus merveilleux circulent sur son
enfance prédestinée, sur les périls de son voyage,
la protection des anges et des saints qui la con-
duisent. Quelques-uns avaient d'abord voulu
penser que tout cela n'était que dérision ; mais
c'était le petit nombre, et l'espoir des assiégés
s'était bien vite porté de ce côté. Confiants <lans
les droits du Roi et du duc leur seigneur, pé-
nétrés de la justice de leur cause, les Orléanais
croyaient volontiers à cette assistance du Ciel,
et depuis qne la mmeuf en courait, leur énef-
gîe s'était accrue « de moitié * . w
16 mars. — Le maréchal de Boussac, obligé
de se rendre prés du Roi pour régler la succes-
sion de son beau-frére^ Jean de Nailhac, tué à
Rouvray-Saint-Denis, quitte la ville. Il était aimé
des habitants et fort prisé pour les belles actions
que lui et ses gens n'avaient cessé de faire de^
puis le commencement du siège; aussi ne le
laisse-t-on partir qu'après lui avoir fait pro-
mettre qu'il reviendra sous peu.
17 mars, — Mort du prévôt Alain du Bey par
suite de fatigues prises en pourvoyant à la dé-
fense et aux besoins de la ville. Il élait prévôt
depuis l'année 1408, et particulièrement homme
de bien. Chacun le regrette. Il est remplacé par
Jehan Le Prestre.
19 mars. — Archambaud de Villars, Cha-
bannes e( Jamet du Tillay reviennent de Chinon
et, en présence du peuple assemblé, rapportent
qu'en effet était arrivée dans les premiers jours
de mars une jeune fille du village de Dorïiremy,
se disant envoyée de Dieu pour lever le siège
d^Orlèans, délivrer le Duc prisonnier et conduire
« le Dauphin (1) » à Reims, pour quoi faire elle
' (1) Charles VII, qui n'était pas encore sacré, et à qai, p4r
i
— 62 —
demandait avec instance qu'on lui donnât équi-
page et gens de guerre ; qu'eux-mêmes l'avaient
vue dans la ville de Chinon ; que d'abord les
seigneurs et les vieux chevaliers n'avaient
voulu croire qu'une aussi jeune fille, car elle
n'avait que dix-huit ans, pût entendre quelque
chose au métier des armes. Le Roi lui-même,
pendant plusieurs jours, avait refusé de la rece-
voir; mais enfin, ayant été introduite dans la salle
où il se trouvait, elle était allée droit à lui et
l'avait reconnu, bien qu'il se mêlât à dessein
à ceux de sa cour, et soutint qu'il n'était pas
le Roi. « En nom Dieu, gentil prince, j^
avait-elle dit, « c'est vous et non autre. » Puis
se jetant à genoux : « Gentil Dauphin, » avait-
elle ajouté, « pourquoi ne me croyés-vous? Je
vous dis que Dieu a pitié de vous, de votre
royaume]et de votre peuple, car saint Louis et saint
Charlemagne sont à genoux devant lui, faisant
prière pour vous; et je vous dirai s'il vous plaît
telle chose, qu'elle vous donnera à connoître
que me devez croire. » Le Roi l'ayant alors prise
à part, elle lui avait révélé un secret de lui seul
connu. Le signe de sa mission avait paru ma-
nifeste par cette révélation, et le Conseil avait
décidé qu'on se fierait à elle. Le Roi toutefois
ce motif, plusieurs ne donnaient pas le titre de Roi, mais celui
de Daupbdn.
-63-
avait jugé expédient qu'elle fût interrogée par
les clercs et docteurs de sa cour de parlement
réunie à Poitiers, où il l'avait fait conduire et
l'avait lui-même accompagnée.
Les députés ajoutent que pendant ce temps
on s'occupe de réunir une armée pour être en-
voyée à Orléans sous les ordres de la Pucelle,
si les docteurs la reconnaissent fille sage et en-
voyée de Dieu comme elle le prétend.
Ils apportent des lettres du Roi accordant au
Bâtard une somme de deux mille livres tournois
à prendre sur les greniers à sel du pays du
Languedoc, c pour l'aider à soutenir les gens
d'armes et de trait » qui sont avec lui dans la
ville «.
Le bruit que bientôt les assiégeants seraient
secourus avait pénétré parmi les Anglais et ga-
gné Paris. A celte nouvelle, Bedford sent qu'un
danger se prépare, et il le juge assez grand pour
user d'un expédient extrême. Un. ban est pu-
blié ; tous les vassaux et gens nobles du duché
de Normandie et t pays de conquête > sont ap-
pelés à « faire service, » et convoqués à Vernon
et à Paris, pour de là se rendre « devant Or-
léans et ailleurs sur la rivière de Loire, y sé-
journer, demeurer et attendre, » disent les
lettres royales, « les ennemis que l'on dit venir
à puissance pour advitailler ladite ville d'Or-
léans. » Vingt jours de paie leur sont alloués
_ 64 —
pour les aider à supporter les charges du
voyage (1).
20 mars. — Le feu tles Tourelles est Irès-vif ;
les murs de la ville sont endommagés. Deux
pierres de bombarde tuent ou blessent quinze
personnes, parmi lesquelles un potier d'étain
appelé Jehan Tonneau.
21 mars. — Sortie des assiégés. Gens de
guerre, citoyens et paysans y prennent part et
se portent contre le boulevart de Londres (route
du Mans). La garnison se replie sur Saint-Lau-
rent; ceux du camp de Saint-Laurent sortent
à leur tour et repoussent les Orléanais jusqu'à
l'aumône Saint-Pouair. Mais presque aussitôt
ils reprennent l'avantage et rejettent les Anglais
dans leurs bastilles.
22 mars. — Escarmouche entre Saint-Pouair
et la Croix'Morin.
23 mars. — Les nobles et vassaux, convoqués
par le ban du duc de Bedford publié dans les pre-
miers jours du mois; « font montre » à Paris,
au nombre de deux ceiits hommes d'armes, et
les archers « à l'afférent p (quatre par homme
d'armes). Ils sont dirigés sur l'Orléanais (2).
(1) Pièces justificatives, IX.
(2) Pièces justificatives, IX.— Les montres ou revues avaient
— 65 —
24 mars (jeudi saint). — Une pierre de bom-
barde tombe dans la rue de la Charpenterie, où
elle tue cinq personnes.
Le bruit court « qu'aucuns avaient formé le
dessein i de livrer la ville aux Anglais. La po-
pulation entière se tient sur ses gardes. On fait
le guet sur les murs. La journée et la nuit s'é-
coulent sans alerte **.
25 mars (vendredi saint). — Le prévôt Jean
Le Prestre fait aux troupes de la garnison une
grande distribution de blé et de vin. — Pren-
nent part à cette distribution les compagnies de
Graville, Madré, Denis de Chailly, Termes, Gui-
try, Coarraze, Valpergne, Cernay, Xaintraiiles,
ViUars, les gens d'armes du maréchal de Bous-
sac et les Écossais.
Les Procureurs font donner des œufs de
Pâques aux aides des canonniers ^.
26 mars (samedi saint) . — Les chefs des deux
armées conviennent de faire trêve le lendemain
jour de Pâques. La trêve est maintenue jusqu'au
jeudi suivant 31 mars.
pour objet de constater la présence du vassal sous la bannière
du suzerain, le nombre des combattants qu'il amenait à sa
suite, et de faire courir leur paie lorsqu'ils étaient gagés.
4.
— m —
1er avril. — Escarmouche près le boulevart
de Londres.
2 avril. — Les assiégés se portent de nou-
veau contre le boulevart de Londres, où ils sont
accueillis par quatre cents Anglais qui sortent
du camp de Saint-Laurent, précédés de deux
étendards ; l'un de ces étendards était mi-partie
rouge et blanc avec une croix rouge. Les Orléa-
nais se rompent et sont refoulés jusqu'à Saint-
Mathurin. Le Bâtard, La Hire, Graville, Poton et
Jamet du Tillay parviennent à les remettre en
bataille et les ramènent sur l'ennemi. Pertes de
part et d'autre causées principalement par le
canon et les coulevrines.
3 avril. — Un chaland chargé de neuf ton-
neaux de vin, d'un porc et de venaison, qui
descendait à Saint-Loup, est pris par les Or-
léanais.
Après les vêpres de ce jour, qui était un di-
manche, les pages des deux armées se livrent
escarmouche auprès de Saint-Laurent ; l'avantage
demeure aux Français, Aymard de Poysieu,
page dauphinois, leur servait de capitaine. Il
était fort blond, très-éveillé et de grande har-
diesse. La Hire lui donne le surnom de Capdorat.
A avril. — Un parti d'Orléanais qui, dans la
— 67 —
nuit, s'était porté sur Meung, rentre au point du
jour, ramenant à sa suite quarante-trois tètes de
bétail; le capitaine de Meung s'était défendu et
avait été tué.
Nouvelle escarmouche entre les pages des deux
armées ; les Français ont le dessous et perdent
leur étendard.
5 avril. — Un convoi de porcs et de bestiaux
amenés par des marchands du Berri, traverse
la Loire en face Saint-Aignan. Les Anglais, dès
qu'ils l'aperçoivent, sortent à la hâte des Tou-
relles; mais il est trop tard, et ils perdent leur
peine.
Le même jour arrivent par la Beauce des che-
vaux chargés de vivres ; ceux qui les conduisent
racontent que trente à quarante Anglais qui ap-
portaient « grant argent » à l'armée du siège ont
été détroussés par la garnison de Châteaudun.
6 avril. — Les douze Procureurs sortent de
charge. Les habitants assemblés aux halles pro-
cèdent à l'élection de leurs successeurs. Sont
élus :
Charles l'Huilier, Jaquet Compaing, Jehan
Morchoasne, Jehan Martin, Jehan Boillève, Jehan
le Camus, Jacques l'Argentier, Guy Boillève, Je-
han Mahy, Raoullet de Recourt, Pierre Baratin,
Jehan Hillaire.
— 68 ^
7 avril. — Des vivres, des munitions « et
autres habillements degi^^rra » eijitrept ^u camp
de à^aiatrjUurent.
12 avril. — Dans la nuit, quelques Orléanais
traversent 1^ Loire et pénètrent jusqu'à l'église
de Saint-Marceau, où ils surprennent dans leur
sommeil vingt Anglais qu'ils ramènenl prison-
niers, après ,avoir cependant perdu deux 4es
leurs.
18 a.vril. •— On reçoit du dehors une grosse
somme d'arge^nt pour sol(;lor ceux 4e la garnison
qui en avaient c bien meslier. »
15 avril. — Les Anglais finissent d'élever
entre Saint-Pouair et Saint-Ladre une nouvelle
bastille qu'ils appellent Paris. C'était la conti-
nuation du système de blocus, par lequel ils es-
péraient affamer les assiégés et empêcher les
arrivages de vivres qui chaque jour pénétraient
dans la ville, malgré la surveillance des bastilles
déjà construites.
Dès le lendemain un convoi venant de BIoi$
par Fleury-aux-Choux passe à peu de distance.
Us se portent en avant pour l'enlever; mais la
cloche du beffroi sonne à l'attaque. Quelques
gens d'armes se jettent de la place sur les champs
et couvrent le convoi, qui entre sain et sauf.
— 69 —
16 avril. — Cinquante hommes d'armes de
la garnison vont courir devant les Tourelles, et
s'emparent de quinze Anglais. A la même heure
un autre parti d'Orléanais surprend et tue trois
Anglais de la bastille de Saint-Loup qui s'étaient
avancés jusqu'à l'Orbette, où ils se tenaient en
observation,
47 avril. — Poton de Xaintrailles, Guion du
Fossé et Jean de Saint-Avy, envoyés près du duc
de Bourgogne, le 19 février précédent, rentrent
dans la ville et rendent compte de leur ambas-
sade.
Ils s'étaient rendus à Tournay, où Philippe-le-
Bon les avait accueillis avec une grande bien-
veillance. Après avoir écouté la requête que les
Orléanais lui faisaient présenter, il avait répondu
qu'elle lui paraissait juste; qu'il prenait leur
ville sous sa sauvegarde, et qu'aussitôt qu'il
aurait terminé certaines affaires qui le retenaient
en Flandre, il se rendrait à Paris pour en con-
férer avec ses alliés. Jean de Luxembourg, comte
de Ligny, qui était, comme le duc de Bourgogne,
du parti anglais, avait fait semblable réponse.
Un mois s'était ensuite écoulé, pendant lequel
les députés Orléanais avaient été retenus et fes-
toyés à la cour du duc ; puis enfin on était parti
pour Paris, où PhilippeJe-Bon et Jean de Luxem-
bourg avaient exposé au duc de Bedford la de-.
— 70 —
mande des Orléanais, et « remontrant la justice
qui était au duc d'Orléans, l'avaient requis et
prié de faire lever le siège mis devant sa prin-
cipale ville et cité ; » mais le duc de Bedford et
le conseil de régence, particulièrement les Pa-
risiens qui en faisaient partie, avaient repoussé
cette proposition avec aigreur; Bedford avait
répondu c qu'il seroit bien marry d'avoir battu
les buissons[et que d'autres eussent les oisillons. »
Le duc de Bourgogne était alors revenu près des
députés, et leur rapportant le mauvais vouloir du
Conseil, avait dit que, pour lui, il demeurait fi-
dèle à l'engagement qu'il avait pris envers les
Orléanais, et que, ne voulant désormais parti-
ciper à la guerre faite à leur duc, il allait en-
voyer un trompette pour notifier à ceux de son
service qui étaient devant la ville d'avoir à quitter
incontinent le siège.
Les députés, en effet, ramenaient avec eux le
trompette du duc de Bourgogne, qui, le jour
même, accomplit le message dont il était chargé.
Tout ce que le camp ennemi renferme de
Bourguignons, de Champenois, de Flamands et
de Picards, se retire sans plus de délai; d'où
l'armée assiégeante, affaiblie de quinze cents
combattants environ, ne se trouve plus en force
suffisante pour continuer la construction des
bastilles qui devaient relier la bastille de Saintr
Pouair (Paris) à la bastille de Saint-Loup ^.
— 71 —
Le siège durait depuis six mois. Paris et les
provinces du Nord ressentaierit un vif dépit de
cette résistance, qui arrêtait les Anglais à la
Loire, entretenait la lutte des partis et retardait
seule rétablissement définitif d'une domination
que la capitale de la France avait acceptée. Mais
dans le Midi, dans les provinces qui étaient de-
meurées^fidèles au Roi, les sympathies éclataient;
les préoccupations les plus vives, les vœux les
plus ardents se portaient vers la cité coura-
geuse dont le sort était devenu celui de la mo-
narchie elle-même.
Partout les nouvelles du siège étaient atten-
dues avec anxiété, reçues avec enthousiasme.
« On était touché, » a dit l'un des historiens de
Jeanne d'Arc, « de cette brave résistance des Or-
léanais, du duc d'Orléans ; aussi il n'était pas
d*homme qui n'eût chanté dans son enfance les
complaintes qui couraient alors sur la mort de
Louis d'Orléans son père. Charles d'Orléans,
prisonnier, ne pouvait défendre sa ville ; mais
ses ballades passaient le détroit et priaient pour
lui. JD
« Les femmes surtout éprouvaient ces senti-
ments de pitié. Moins dominées par l'intérêt,
elles sont plus fidèles au malheur. En général,
elles ne furent pas assez politiques pour se ré-
signer au joug étranger; elle restèrent bonnes
Françaises *\ >
— 1^ —
Au loin ou de près, Télan fut le même ; cha-
cun voulait s'associer aux sacrifices des Orléanais
et s'efTorçait de leur venir en aide. Les villes du
voisinage, Gien, Bourges, Blois, Châteaudun,
Tours, envoyèrent des hommes et des vivres ;
les villes éloignées, de l'argent et des munitions ;
Angers, Poitiers, La Rochelle, Albi, Moulins,
Montpellier, Cleripont firent passer du soufre,
du salpêtre, de l'acier, des armes **. Depuis le
commencement d'avril, des convois arrivaient
chaque chaque jour et pénétraient dans la place
par les points que les bastilles ne couvraient
pas.
Mais un autre secours se préparait. La Pucelle
avait comparu devant les docteurs de Poitiers, et
la sagesse non moins que la fermeté de ses ré-
ponses, les avait frappés d'étonnement. Gomme
on lui demandait de montrer un signe de sa
mission. — « En nom Dieu, » avait-elle ré-
pondu, « je ne suis pas venue à Poitiers pour
faire signe ; mais conduisez-moi à Orléans, et je
vous montrerai pourquoi je suis envoyée. »
Un Dominicain lui ayant objecté qu'elle voulait
des gens d'armes pour l'accompagner, et que
cependant si c'était la volonté de Dieu que le
siège d'Orléans fût levé, il n'était pas besoin de
gens d'armes pour cela. — « Les gens bataille-
ront, » avait-elle dit, « et Dieu donnera victoire. »
Sa sainteté éclatait en tout, dans son air comme
— 73 —
dans ses paroles. Les docteurs et les théologiens
déclarèrent qu'en sa personne il y avait quelque
chose de divin. Ses actions étaient pleines de
simplicité, son langage empreint d'une foi qui
émouvait. Les dames et les demoiselles de la
ville se pressaient à sa demeure. Elle leur parlait
c si doucement, > qu'elle les faisait pleurer. A
celles qui s'étonnaient qu'elle eût quitté les vête-
ments de son sexe et coupé ses cheveux, elle
disait que devant servir et s'armer pour le Dau-
phin, il fallait qu'elle prit un habillement
guerrier, et que devant être au milieu des hom-
mes d'armes, il convenait qu'elle fût vêtue
comme eux. Sous ce costume, sa décence était si
grande, sa tenue si chaste, qu'à son approche les
plus impies eux-mêmes n'éprouvaient d'autre
sentiment que celui du respect.
Alors elle était revenue à Chinon, où le Roi tenait
conseil pour la défense d'Orléans. Là se trou-
vaient l'archevêque de Reims et l'évêque d'Or-
léans; les capitaines qui avaient quitté la ville
après la bataille de Rouvray-Saint-Denis : Raoul
de Gaucourt, Culan, La Hire ; le maréchal de
Boussac qui les avait rejoints, le duc d'AIençon,
Gilles de Laval, seigneur de Retz. Il s'agissait de
ravitailler la place et d'y introduire, avec les
troupes rassemblées depuis plusieurs semaines,
un convoi considérable de blé de l'Anjou, de la
Toufaine et du Berri, qui se formait par les
5
— 74 —
soins de la reine de Sicile. Comme les docteurs
de Poitiers avaient « conclu > qu'on se pouvait
fier en la Pucelle, et d'autant plus que certaines
prédictions retrouvées dans les livres semblaient
avoir prédit sa venue *^ Charles VII, rassuré, lui
confère les pouvoirs d'un lieutenant-général et
lui remet la charge de conduire le convoi dans
les murs d'Orléans.
Des armes et des chevaux lui sont donnés.
Jean d'Âulon, homme sage et de grande pro-
bité, est placé près d'elle en qualité d'écuyer et
commis à la garde de sa personne. Louis de
Contes, dit Imerguet, jeune Orléanais de la suite
de Gaucourt, est désigné pour lui servir de
page; les deux gentilshommes qui l'avaient
amenée de Lorraine (1) et deux hérauts, Am-
bleville et Guienne, complètent sa maison mi-
litaire. Elle-même choisit pour chapelain Jean
Pasquerel, de l'ordre des Augustins.
Comme on voulait lui remettre une épée, elle
dit qu'on en trouverait une en l'église de Sainte*
Catherine de Fierbois, laquelle était marquée
de cinq croix sur la lame ; et en effet, au lieu
qu'elle avait désigné, se rencontra une épée
couverte de rouille, et d'abord rien ne se voyait
sur la lame, mais à mesure qu'elle fut dérouillée
(1) Jean de Novelompont, dit de Metz, et Bertrand de Pou-
lengy, gentilshommes champenois.
— 75 —
les croix apparurent. Le Roi lui donna pour cette
épée un fourreau de velours semé de fleurs de
lis.
Ces préparatifs achevés, les capitaines re-
çoivent ordre de rassembler leur monde et de se
rendre à Blois, où la Pucelle leur donne rendez-
vous. Eile-méme, après quelques jours passés
au château du Couldray, qu'on lui avait assigné
pour demeure, prend congé de Charles VIL
En annonçant la mission qu'elle venait accom-
plir en France, Jeanne avait dit que le duc
d'Orléans était de sa charge, et qu'au cas où il
ne reviendrait pas < par-delà de la mer, » elle
aurait « moult peine à l'aller quérir en Angle-
gleterre, > et qu'elle avait grande joie de s'em-
ployer <i au recouvrement de ses places. > Par
ces paroles, elle s'était faite < très-accointe > du
duc d'Alençon, gendre du duc d'Orléans (i). Le
premier avec La Hire, il lui avait fait accueil au
moment de son arrivée. Jeanne voulut voir
sa mère et sa femme. En quittant Chinon pour
se rendre à Tours, elle passa par l'abbaye de
Saint-Florent-lès-Saumur, où se trouvaient les
(1) Le duc d'Alençon lui-même avait été fait prisonnier à
la bataille de Vemeuil (1424) et emmené à Londres, où il avait
passé trois ans dans la même captivité que son beau-père. —
Depuis peu de mois seulement il avait obtenu sa liberté,
moyennant une énorme rançon, et il venait de rentrer en
France.
— 76 —
deux duchesses ; là elle promit à la femme du
duc, qui s'alarmait pour son époux des chances
de la guerre, de le lui ramener « sain et sauf**. >
A Tours, Jeanne revêt son armure, et du
conseil de ses anges, dont les voix lui avaient or-
donné de recevoir l'étendard de son Seigneur (1),
elle fait faire un étendard qui était de soie blanche,
semé de fleurs de lis, et y fait peindre l'image du
Sauveur, tenant le monde, assis sur Tarc-en-ciel
au milieu des nuées,, ayant devant lui deux
anges, dont l'un présentait une fleur de lis, avec
les mots iHESVS maria au-dessous des anges.
Les travaux du siège n'en continuaient pas
moins.
Assiégeants et assiégés déployaient une égale
activité. Dans la viffe de nombreux ouvriers bat-
taient la poudre ; la forge ne cessait de fonc-
tionner; les charpentiers étaient occupés sans
relâche à disposer les arrêts et affûts des canons,
à réparer les palissades des boule varts ; d'autres
fabriquaient des flèches d'arbalètes, des pavas (2),
des fusées, des fers de lances, et aiguisaient des
traits ou des épieux (3), taillaient des boulets de
(1) Acciperet veœillum Domini sut, (Déposition de Jean
Pasquerel au procès de réhabilitation, Quicherat, UI, 103.)
(^) Boucliers en bois.
(3) Pour les traits et les épieux, on employait du bois de
frêne. (Comptes de ville.)
— 77 —
pierre, fondaient des boulets de fer et de cuivre,
et des « plombées > de coulevrines. Les Procu-
reurs se mullîpliaient, veillaient à tout, aux lo-
gements et à la solde des gens de guerre ; au
paiement des barbiers et chirurgiens chargés de
donner des soins aux blessés ^*; aux vivres et à
Tentretien des fortifications; à l'achat des mu-
nitions, du matériel de guerre, et cela sans que
les autres intérêts fussent négligés. Déjà exis-
taient chez les Orléanais les habitudes charitables
qui se sont transmises à leur descendants. Dans
ces extrémités, les pauvres ne furent pas oubliés :
malgré tant de charges, le trésorier de la Ville
trouvait moyen de pourvoir aux besoins des
nécessiteux.
On sent que la lutte devient décisive, que le dé-
noûment approche; leBâtard mande aux capitaines
des forteresses « d'alentour le pays » de se jeter
dans Orléans ou d'y envoyer des hommes et des
naunitions (1) ^.
48 avril. — A quatre heures du matin, les
Français attaquent le camp de Saint-Laurent,
surprennent le guet, s'emparent d'un étendard et
rentrent avec un butin considérable de vête-
ments, de tasses d'argent, d'arcs, de flèches et de
munitions; mais ce n'avait pas été sans combat,
(1) Pièces justificatives, X.
— 78 —
ni surtout sans perte. Jamais, depuis que le siège
était devant la ville, action plus meurtrière n'avait
eu lieu. Il y parut au retour par le deuil des
femmes d'Orléans pleurant leurs frères, leurs
pères, leurs maris, qu'on rapportait morts ou
blessés. Les corps demeurés sur le champ de
bataille sont rendus et inhumés en terre sainte.
i9 avril. — Madré, et avec lui seize cavaliers,
vont courir à Fleury-aux-Choux, où ils font six
Anglais prisonniers.
• Dansia journée, le camp de Saint-Laurent reçoit
un renfort de gens d'armes amenant des muni-
tions. Les Anglais fortifient Saint-Jean-le-Blanc,
où ils établissent un guet pour garder le passage
de la Loire.
20 avril. — Trois chevaux chargés de poudres
entrent dans la ville.
Les assiégés s'attendent à une attaque; ils
veulent la prévenir par une sortie qui est rejetée
sous les murs. La nuit venue, plusieurs se por-
tent dans la campagne au-devant des vivres qu'on
supposait pouvoir venir.
23 avril. — Sont introduits dans la ville
quatre chevaux chargés de poudres.
24 avril. — Le Bourg de Masqueran, gentil-
- 79 —
homme gascon, et avec lui quarante combattants,
se jettent dans la place.
26 avril. — Alain Giron, chevalier breton,
accompagné de cent combattants, se présente
aux portes et entre dans la ville.
Deux habitants, expédiés à Blois pour s'infor-
mer du convoi, reviennent et rapportent que la
Pucelle y est attendue.
27 avril. — Quelques vivres envoyés des en-
virons de Biois sont enlevés par les Anglais.
Soixante gens d'armes venant de Beaune-la-
Rolande arrivent à Orléans.
28 avril. — Florent d'IUiers et le frère de La
Hire amènent quatre cents combattants de la
garnison de Châteaudun, et deux quintaux et
demi de poudre.
Escarmouche très-forte ; les Anglais sont re-
foulés dans un vallon qui séparait la bastille de
Paris de la bastille de Rouen (1) ^.
Le même jour on eut des nouvelles de la
Pucelle. Depuis le 25 avril elle était à Blois, où
elle avait trouvé l'archevêque de Reims, le duc
d'Alençon, l'amiral de Culan, le maréchal de
Boussac, Gaucourt, La Hire, qui l'y avaient de-
(1) Rue de la Mare-aoz-Solognots.
— 80 —
vancée et s'occupaient d'organiser le convoi de
vivres ; elle y séjournait en attendant les derniers
renforts.
Le château et la ville étaient encombrés de
charriots, de cavalerie, d'hommes d'armes, de
peuple, attirés par les choses merveilleuses qu'on
disait de la Pucelle, ou de gens d'église, de prêtres,
de moines des abbayes voisines, qui avaient fui
devant les Anglais ^. Jeanne était entrée aux ac-
clamations de cette foule.
Dès son arrivée, elle avait expédié au camp
sous Orléans un héraut porteur d'une lettre qui
était conçue en ces termes : Roy (T Angleterre j
f aides raison au roy du ciel de son sang royal;
rendes les clefz à la Pucelle de tCfUles les bonnes
villes que vous avez en forcées; elle est venue de
par Dieu pour réclamer le sang royal; et à la fin :
Comte de Suffort, Jeltan^ sire de Thalbot, Tho^
mas, sire d'Escalles, lieutenant du duc de Betlie^
fort, soy disant régent du royaume de France
pour le roy d'Angleterre^ faictes responce si vous
voulez faire paix ou non à la cité d'Orléans; se
ainsi ne le faictes, de voz dommaiges vous soU"
viengne.
Pour la première fois Jeanne se trouvait au
milieu des gens de guerre qu'elle devait con-
duire au combat, et déjà ceux-ci subissaient son
influence ; elle les engageait à ne plus maugréer,
à renvoyer leurs < fillettes, » à se confesser pour
— 81 —
attirer les bénédiclions de Dieu sur Tentreprise
qu'on allait tenter; ils se montraient dociles et
lui obéissaient en tout. Sa ferveur pénétrait et
gagnait la foule ; chaque jour avaient lieu des
processions, où le peuple et les hommes d'armes,
se pressant sur ses pas, chantaient les hymnes
et les cantiques. Elle avait fait bénir son éten-
dard par l'archevêque de Reims dans l'église
de Saint-Sauveur, et avait fait faire pour les prê-
tres qui devaient l'accompagner une bannière
où le Christ était représenté sur la croix. Cette
bannière se portait dans les processions '^.
Les renforts attendus ayant rejoint, le 28 avril,
peut-être le 27, elle avait quitté Blois. Devant elle
marchaient son chapelain et ses prêtres, précédés
de la bannière qu'elle leur avait donnée. A ses
côtés et à sa suite son écuyer portant son éten-
dard, ses officiers et ses serviteurs, ses frères,
les cinq lances de son escorte (1), ses deux hé-
rauts d'armes, les chevaliers et capitaines, puis
Fartillerie et les vivres, soixante charriots,
quatre cents têtes de bétail, et trois mille hom-
mes environ, écuyers, archers et paysans du
pays c d'à bas **. > Ce long cortège était sorti par
(1) Les cinq lances, c'est-à-dire les cinq hommes d'armes
qui accompagnaient Jeanne, menaient avec eux, suivant
l'usage, chacun un page, un coutiliier et trois archers, ce qui
formait une suite de trente cavaliers. (De La Sâussàye, Hist.
de Blois, 102.)
5.
— sa-
le pont et avait pris son chemin par la rive de
Sologne.
Comme le gros des Anglais tenant le siège et
leurs plus fortes bastilles se trouvaient du côté
de la Beauce, les capitaines avaient jugé plus
sage de suivre la rive opposée, et, d'accord avec
le Bâtard, qui d'Orléans leur en avait transmis
le conseil, ils avaient traversé la Loire à Blois .
29 avril. — A l'ouverture des portes, les as-
siégés apprennent que le convoi en marche de-
puis deux jours s'est arrêté à peu de distance
pour passer la nuit ; que, sous quelques heures,
il arrivera auportduBouschet, situé sur la rive
gauche de la Loire, en face Saint-Jean-de-Braye,
aune lieue en amont d'Orléans (1).
Aussitôt les Procureurs donnent l'ordre de
remonter jusque-là des bateaux destinés à re-
cevoir les vivres et l'armée. En même temps un
détachement de la garnison se dirige sur la
bastille de Saint-Loup, afin de tenir en échec les
(1) Pièces justificatives, X. — Une maison de campagne
conslruite sur le territoire de la commune de Saint-Denis-en-
Val, près de la levée qui borde un ancien bras de la Loire au-
jourd'hui ensablé, s'appelle le Bouchet. Il est vraisemblable
que le port du Bouschet était à peu de distance en amont ; la
configuration des lieux le fait supposer. Un bac devait y être
établi pour la communication des habitants de Saint-Denis-
en-Val (rive gauche) avec ceux de Saint-Jean-de-Braye et de
Gombleux (rive droite).
— 83 —
Anglais qui Toccupent et de les empêcher de
mettre obstacle au passage des bateaux.
A peine ces préparatifs sont-ils achevés, que
du haut des murs et des clochers le convoi est
signalé, se dirigeant en boa ordre d'Olivet sur
Saint-Denis, Chacun pensait que les Anglais
allaient se jeter dans le val, et attaquer les
arrivants. Bien au contraire, ceux de la bastille de
Saint-Jean-le-Blanc Tabandonnent et se retirent
dans la bastijle des Augustins ; ceux des Tou-
relles restent enfermés.
Au premier signal de l'approche du convoi, le
Bâtard, Thibault de Termes (1), Nicolas de Gires-
mes (2), et plusieurs des Procureurs se rendent
« au-dessus de Téglise de Saint-Loup, » passent
la Loire et abordent au port du Bouschet, où, de
son côté, la Pucelle arrivait avec son monde.
Comme on l'avait dit, l'armée s'était arrêtée
la veille, à peu de distance, et la jeune fille,
qui faisait l'essai de la vie des camps, ayant
voulu dormir sans quitter ses armes, en avait
été meurtrie et fatiguée, ce qui ne l'avait pas
empêchée d'être à cheval dès le jour, et bientôt
elle s'était trouvée en vue d'Orléans. Jusque-là
Jeanne avait cru qu'elle marchait directement
I (1) Thibault d'Armagnac, seigneur de Termes, bailli de
■ CSiartres.
(2) Nicolas de Giresmes, de l'ordre de Saint-Jean de Jéru-
salem, commandeur de la Croix-en-6rie, capitaine d'Ycvre-
le-Châtel.
— 84 —
sur le camp des Anglais. En apprenant qu'ils
étaient sur la rive opposée, elle s'était cour-
roucée de ce qu'on l'eût ainsi abusée, et au mo-
ment où le Bâtard s'approcha pour lui faire la
révérence, sa colère était au plus fort.
< Est-ce vous, T> dit-elle, € qui êtes le Bâtard
d'Orléans? >
€ Je le suis, » répond le prince, € et je me
réjouis de votre arrivée. — Est-ce vous, > re-
prend Jeanne, « qui avez donné le conseil que
je vinsse ici par ce côté du fleuve, au lieu d'aller
directement où sont Talbot et les Anglois ? —
Moi et d'autres plus sages avons donné ce conseil,
croyant faire mieux et agir plus sûrement. —
En nom Dieu, le conseil de Dieu Notre-Seigneur
est plus sage que le vôtre. Vous avez cru me
tromper, et vous-même vous êtes trompé, car je
vous amène le meilleur secours qui soit venu
jamais à aucune ville : c'est le secours du roi
du ciel, non pas qu'il vienne par amour de moi,
mais de par Dieu lui-même qui, à la requête de
saint Louis et de saint Charlemagne, a pris pitié
de la cité d'Orléans, et ne veut pas que les en-
nemis aient en même temps la personne du
duc et sa ville", i
On n'est pas long-temps à comprendre que la
Pucelle a raison, et que les capitaines ont com-
mis une grande faute. En effet, les bateaux
n'arrivaient pas ; la Loire ne se remonte qu'à
— 85 —
la voile, et le vent était contraire, si bien que
les charrettes, les bestiaux, les conducteurs
composant le convoi se trouvaient acculés à la
rivière, sans moyen de la traverser, et exposés
aux sorties que les Anglais pouvaient faire de
leurs bastilles. L'inquiétude commence à s'em-
parer des esprits; mais Jeanne rassure et annonce
que le vent va changer, ce qui arrive inconti-
nent, A peine avait-elle cessé de parler, qu'au
loin on aperçoit les longues voiles des bateaux
se déployer et s'avancer à la file, sous le feu
de la bastille de Saint-Loup, qui tirait sans les
atteindre. C'est le seul effort des Anglais ; ils
restent immobiles et n'osent se porter contre la
Pucelle et ses gens. La nouvelle de l'arrivée de
Jeanne les avait frappés d'inertie ; ils affichaient
un apparent dédain ; à sa lettre envoyée de Blois,
ils n'avaient fait autre réponse que se moquer,
et tenir des propros grossiers ; mais au fond ils
se sentaient' menacés et saisis d'une secrète in-
quiétude; involontairement ils se rappelaient,
eux aussi, une prophétie annonçant € qu'une
vierge monteroit sur le dos de leurs archers ^. i
Cependant les bateaux étaient arrivés, mais en
trop petit nombre ; le convoi se trouva plus con-
sidérable qu'on ne l'avait supposé, et lorsque
les vivres et le bétail eurent été embarqués, la
place manqua pour le reste et pour l'armée.
Alors on agita la question de la renvoyer passer
— 86 ~
â Blois, où était le pont le plus rapproché dont les
Français fussent maîtres (1) ; mais la Pucelle ne
voulait se séparer de ses gens, qu'elle disait bien
confessés, pénitents et de bonne volonté; elle par-
lait de retourner avec eux. Le Bâtard et les Pro-
cureurs la supplient de n'en rien faire ; ils n'ose-
raient rentrer dans la ville sans l'v amener, tant
son arrivée est impatiemment attendue. Les capi-
taines, à leur tour, font promesse et prennent
engagement de revenir la joindre dès qu'ils au-
ront passé la Loire à Blois. Sur cette promesse,
Jeanne se rend, et, gardant de sa troupe deux
cents hommes seulement, entre dans un bateau,
son étendard à la main.
Pendant qu'elle s'éloigne, l'amiral de Culan,
Loré, Retz, demeurés sur la rive, remettent l'ar-
mée en marche et reprennent la route de Blois,
précédés, comme le malin à leur arrivée, des prê-
tres portant la bannière donnée par la Pucelle.
Jeanne et sa suite traversent le fleuve. Non
loin de là se trouvait un manoir appelé Reuilly, en
la paroisse de Chécy, qui appartenait à un bour-
geois d'Orléans (2). Jeanne y prend gîte jusqu'à
(!) Le pont de Baugenci, plus voisin, était au pouvoir des
Anglais.
(2) Gui de Gailly. Cette maison a aujourd'hui pour pro-
priétaire M. Boucher de Molandon, descendant de Jacques
Boucher, trésorier du duc d'Orléans, chez lequel la Pucelle
logea pendant ses séjours à Orléans.
— 87 —
la chute du jour, ne voulant entrer à Orléans
que de nuit, pour éviter la trop grande affluence
du peuple.
Ceux de la garnison qui, pendant ce temps-là,
étaient à escarmoucher devant Saint-Loup,
pressent les Anglais de si près, qu'ils leur en-
lèvent un étendard. A la faveur de cette diver-
sion, les chalands envoyés d'Orléans, après avoir
pris au Bouschetle bétail, une partie des muni-
tions et les blés que l'armée avait apportés le
matin, descendent la Loire. Malgré le feu très-vif
des Tourelles, ils abordent à la grève de Saint-Ai-
gnan, où ils sont déchargés, et le blé transporté
dans des greniers que les Procureurs avaient
fait disposer (1).
La nuit venant, Jeanne quitte le manoir de
Pieuilly et s'achemine à Orléans. Toute la jour-
née la foule avait encombré les abords de la
porte de Bourgogne. La ville entière était là.
€ Gens de guerre, bourgeois et bourgeoises »
portant des torches, l'attendaient, échelonnés sur
la route. Enfin elle apparaît, montée sur un cheval
blanc, armée de toutes pièces, la figure douce et
souriante ; devant elle, Jean d'Aulon, son écuyer,
portant son étendard, et son page Imerguet; à
(1) Ces greniers appartenaient à deux bourgeois d*Orléans,
Boillève et Gilet Guéret, qui les avaient loués aux Procureurs.
(Mss. de Tabbé Dubois.)
— 88 —
sa gauche, le Bâtard d'Orléans ; derrière elle ses
frères, les sires de Novelompont et de Poulengy,
qui l'ont accompagnée depuis Vaucouleurs, le^
maréchal de Boussac, Raoul de Gaucourt, La
Hire, nombre d'écuyers, de capitaines, les Pro-
cureurs, et ceux de la ville qui lui étaient allés
au-devant.
Elle avance lentement, se frayant passage avec
peine au milieu d'une population que sa pré-
sence enivre. € Ils la regardoient moult affec-
tueusement, tant hommes, femmes que petits
enfans, et y avoit moult merveilleuse presse à
toucher à elle ou au cheval sur quoy elle étoit. >
Plusieurs croyaient voir un ange.
L'un de ceux qui portaient des torches s'ap-
proche tellement, que le feu prend au pennon
de l'étendard, ce que voyant, Jeanne pique son
cheval et le € tourne i jusqu'à l'étendard dont
elle éteint le feu « si gentement que si elle eût
longuement suivi la guerre, » ce qu'admiraient
fort les gens d'armes et bourgeois, € lesquels
l'accompagnèrent au long de leur ville et cité»
faisant moult grande chère, et par très-grand
honneur la conduisirent à la grande église de
Sainte-Croix, » où elle voulut se rendre tout
d'abord, et à la € porte Renard, en l'hôtel de
Jacques Boucher, trésorier du duc d'Orléans,
où était préparé son logis. i>
Là seulement le Bâtard, le gouverneur de la
— 89 —
ville, les Procureurs et la foule prennent congé
d'elle. Chacun regagne sa demeure rempli d'é-
motion et d'espoir. La confiance est dans les
cœurs. Il n'était personne qui déjà ne se sentit
c reconforté et comme désassiégé > par la seule
vue de c cette simple pucelle. i
En entrant dans la maison de Jacques Bou-
cher, Jeanne s'était désarmée. Un souper « bien
et trés-honorablement appareillé i> l'attendait.
Elle prit dans une tasse d'argent un peu de vin
mêlé d'eau, y trempa quelques tranches de
pain, puis se retira dans la chambre qui lui
était destinée, ayant avec elle la femme et la
fille de son hôte. Celle-ci partagea son lit ^.
30 avril (samedi). — A son lever la Pucelle
va trouver le Bâlard. Elle voulait que ce jour
même on donnât l'assaut aux baslilles anglaises.
Le BAiard lui représente que le Conseil croit
prudent de suspendre toute attaque jusqu'à Tar-
rivée de l'armée et du reste des munitions qui
étaient retournés à Blois, que dans la nuit le
maréchal de Boussac était parti pour les re-
joindre et les ramener. Jeanne se résigne, mais
laisse voir son mécontentement.
Elle se rend sur le pont, et du boulevart de la
Belle-Croix interpelle les Anglais qui se tenaient
derrière le boulevart opposé, leur disant qu'ils
aient à se rendre au nom de Dieu. Glasdale et
— so-
le bâtard de Granville lui adressent des injures
et lui demandent en raillant comment elle peut
trouver bon qu'ils se rendent à une femme.
La Hire n'est pas de Tavis de ceux qui vou-
laient retarder l'assaut ; sa fougue l'emporte :
avec Florent d'IHiers, quelques chevaliers et
quelques bourgeois de la milice, il se jette en
dehors de la porte Bannier, culbute un premier
poste d'Anglais, et arrive sous la bastille de Saint-
Pouair (Paris), qu'il est au moment d'enlever.
Déjà on crie dans la ville d'apporter paille et
fagots pour mettre le feu aux palissades ; mais
il y a du retard, les Anglais des autres bastilles
ont le temps d'arriver, eux et leurs canons. Les
Français se voient obligés de rentrer dans les
murs.
La Pucelle, ignorant qu'on se battait, était de-
meurée dans son logis.
Dans la soirée du même jour, elle envoie au
camp de Saint- Laurent ses deux hérauts, Guienne
et Ambleville, porteurs d'une nouvelle lettre;
elle demandait réponse à celle qu'elle avait en-
voyée de Blois, et sommait de nouveau les gé-
néraux anglais d'avoir à se retirer du siège. Am-
bleville revient seul, et rapporte que les Anglais
ont retenu son compagnon pour le brûler vif.
— C'était la réponse de Talbot. — La Pucelle
et le Bâtard renvoient Ambleville. Le Bâtard
menaçait de brûler, lui aussi, les Anglais pri-
— 91 —
sonniers dans Orléans. La Pucelle s'était con-
tentée de dire à Ambleville qu'il eût à retourner
hardimeni, que non seulement il ne lui serait
fait aucun mal, mais qu'il ramènerait Guienne
sain et sauf. Ce qui se fit ainsi.
Le trésorier du duc d'Orléans offre à la Pu-
celle, au nom du duc son maître, une robe et
une huque (1). La robe était de c fine brucelle
vermeille » (drap de Bruxelles cramoisi), la
liuque de vert perdu, les garnitures de satin
blanc et de sandal (étoffe teinte avec du bois de
sandal) (2). La Ville, de son côté, lui fait plu-
sieurs présents, parmi lesquels une demi-aune
de deux « vers » pour faire les € orties > de
ses robes.
Les orties étaient la devise du duc d'Orléans,
le cramoisi et le vert ses couleurs; les vête-
ments offerts à la Pucelle étaient donc à la livrée
(1) Robe, sorte de vêtement à rusage des hommes. —
lîuque, blouse ou cotte courte qui se portait soit par dessous
la robe^ soit par dessus Tarmure. (Quicherat, V, 112.)
(2) Ces étoffes avaient été vendues par Jehan Luillier, mar-
chand, savoir :
Deux aunes de brucelle, au prix de quatre
écus d'or Taune 8 écus d'or.
Pour la doublure ^ 2 —
Une aune de vert perdu 2 —
Les vêtements avaient été taillés et les me-
nues fournitures faites par Jehan Bourgeois,
taillendier (tailleur), le tout prix d'un écu d'or. 1 —
Dépense totale 13 écus d'or.
du Prince, livrée que portaient non seulement
les officiers du Duché, mais les milices de la
Ville et les troupes à son service. Les huques
des archers de la Ville étaient brodées d'orties, et
la couleur verte se conserva dans le drapeau de
ses arquebusiers jusqu'à la dissolution de cette
compagnie, qui n'eut lieu qu'au milieu du
XVII1« siècle (4).
•
i^^'maù — Depuis deux jours qu'elle était
dans la ville, l'enthousiasme inspiré par la Pucelle
n'avait fait que s'accroitre. Il n'était bruit que de
sa modestie, de la simplicité de ses paroles, de
son édifiante piété ; elle parlait peu, et aux nom-
breuses questions que les Orléanais lui avaient
faites sur sa mission, elle n'avait guère fait que
cette réponse : « Messire m'a envoyée pourdé-
(t) La livrée des ducs d'Orléans de la maison de Valois était
à six couleurs ; mais de ces six couleurs le cramoisi et le vert
étaient les principales. — Le vert, déjà adopté du temps de
Louis le»", était à la fois la couleur de sa devise (Portie) et celle
du manteau des chevaliers de son ordre du Porc-Épic II y
avait le vert gai, le vert brun et le vert perdu (tirant sur le
noir). Le vert de cette dernière nuance était particulièrement
adopté dans les occasions tristes. En avril 1429, le duc d'Or-
léans était prisonnier, la ville était assiégée, circonstances
qui expliquent le choix du vert perdu pour la huque offerte à
la Pucelle. — Voir Archives Joursanvault, n^s (503, 607, G19,
645, 772; Quicherat, t. V, p. 106 et 259; Dambrevïlle, His-
toire des ordres de chevalerie, p. 167, et le compte de com-
mune de l'année 1618, aux archives de la ville d'Orléans.
— 93 —
livrer votre ville. > Chaque matin elle, avait en-
tendu la messe et reçu la communion. On avait
remarqué qu'au moment de l'élévation elle versait
d'abondantes larmes. Â chacun elle donnait des
paroles encourageantes, des avis pleins de sa-
gesse ; sa conversation était toute de charme et
de consolation. Les hommes d'armes se sentaient
dominés; les plus indisciplinés, le bouillant La
Hire lui-même, acceptaient ses douces remon-
trances et se laissaient ramener par elle à leurs
devoirs religieux.
La demeure de Jacques Boucher ne désem-
plissait. Mais elle aimait à être seule, et le
plus qu'elle le pouvait elle se tenait à l'écart.
La foule qui, pour la voir, ne quittait la rue,
devint si nombreuse (c'était jour de dimanche),
que € l'huis en rompait presque. > Alors elle
consentit à sortir accompagnée de plusieurs
chevaliers et écuyers, et chevaucha par la ville,
c où avait tant grant gent, » que diflicilement
elle pouvait passer, et chacun admirait de rechef
sa bonne grâce à cheval et son gentil main-
tien.
Ce même jour encore, elle se rendit sur le
pont et interpella les Anglais d'avoir à se rendre,
lesquels lui adressèrent, comme la première fois,
des injures et des paroles grossières pour toute
réponse.
L'armée qui du port du Bouschet était retour-
— Ô4 -
née à Blois par la Sologne, devait sans donte
apporter de l'argent dont on manquait. Il n'en
fallait pas moins payer et entretenir, jusqu'à
ce qu'elle revînt, les gens de guerre et les ca-
pitaines composant la garnison. L'embarras était
grand. Les Procureurs y pourvoient en remet-
tant au Bâtard une somme de six cents livres
tournois, qui lui est comptée par le receveur des
deniers de la Ville.
Le Bâtard en donne une quittance qui a été
conservée (1); il y est dit : que la somme four-
nie par les Procureurs est destinée à l'entretien
des gens de guerre, € jusqu'à ce que l'armée
qui est retournée à Blois soit revenue pour lever
le siège. »
Pour lever le siège ! Le Bâtard, ou plutôt le
clerc rédacteur, son secrétaire, en parle comme
de chose sûre et prochaine, sur laquelle on
compte, dont on pourrait presque fixer le jour
et l'heure. — Par où l'on voit quel esprit ré-
gnait dans Orléans, de quelle confiance les ha-
bitants étaient remplis. Confiance inspirée
par la présence de la Pucelle. Les courages en
étaient doublés. Jeanne annonçait qu'elle était
là pour lever le siège, et personne n'en doutait.
Cette c pucelle, message de Dieu, avoit commu-
niqué son ardeur et sa foi dans sa mission : on
(1) Pièces justificatives, X.
— 95 —
la tenoit pour envoyée du Ciel, accompagnée des
anges, > et ses paroles étaient crues comme
prophéties.
Cependant on avait une vague inquiétude du
sort de l'armée et du convoi qui étaient re-
tournés à Blois pour y passer la Loire ; on se
demandait si les chefs tiendraient la promesse
qu'ils avaient faite de revenir par la Beauce ; on
craignait tout au moins des retards pendant
lesquels il serait difficile de maintenir la gar-
nison d'Orléans. Après une conférence à la-
quelle Jeanne prend part, il est décidé que le
Bâtard se rendra immédiatement à Blois, pour
bâter le départ et la marche des troupes, en
prendre le commandement, et les ramener en
sûreté dans Orléans.
Jeanne se dirige avec La Hire vers le camp de
Saint-Laurent ; de là elle couvre et protège la
sortie du Bâtard.
Cinqtiante combattants à pied, <r habillez de
guisarmes, venus du pays de Gâlinois où ils
avoient tenu garnison, > entrent dans la ville
parla porte de Bourgogne
40
2 mai (lundi). — Jeanne sort de la ville à
cheval, et va sur les champs inspecter les bas-
tilles anglaises ; le peuple court à sa suite et
l'accompagne. Les Anglais ne bougent. Il sem-
ble qu'ils sont saisis de torpeur et de crainte.
— 96 —
Tandis qu'au commencement du siège deux ou
trois cents d'entre eux sufûsaient pour tenir
en échec mille combattants de FarméQ. royale,
aujourd'hui quatre ou cinq cents Français peu-
vent lutter contre toute leur c puissance. >
A son retour, la Pucelle se rend à l'église de
Sainte-Croix, pour y entendre les vêpres. Elle y
rencontre un docteur nommé Jehan Mascon,
très-sage homme, lequel lui dit : c Ma fille, ils
sont forts et bien fortifiés, et sera une grande
chose de les mettre hors. » Jeanne répond
c qu'il n'est rien d'impossible à la puissance
de Dieu **. »
3 mai (mardi) y jour de l'Invention de la Croix,
fête de la cathédrale d'Orléans. — Procession à
laquelle on porte la relique de la vraie croix,
Jeanne y assiste avec les Procureurs.
Le même jour entrent dans la ville des troupes
envoyées de Gien, de Montargis, de Château-
renard, et d'autres places du Gâtinais.
Le soir on a des nouvelles du Bâtard. Les
pressentiments des Orléanais n'étaient que trop
fondés. L'armée avait retrouvé à Blois le chan-
celier de France, qui était d'avis, et d'autres avec
lui, qu'au lieu de tenter une nouvelle aventure
et de retourner à Orléans, elle se rompît, et que
chacun regagnât sa garnison. Mais cette opinion
n'avait pas prévalu. Le Bâtard avait pris le
— 97 —
commandement des troupes et du convoi. Les
nouvelles disent qu'il est en marche et arrivera
le lendemain.
4 mai {mercredi). — Jeanne, en compagnie
de La Hire, de Florent d'IUiers, d'Archambaud
de Villars, d'Alain Giron, de Jamet du Tillay, et
d'autres écuyers et gens de guerre, en tout
cinq cents combattants, se porte au devant du
Bâtard.
Les deux troupes ne tardent pas à se ren-
contrer. Le maréchal de Boussac, Gilles de
Retz (1), le baron de Coulonces (2), les prêtres
de Jeanne et son aumônier, tous ceux qui, le
29 avril, l'avaient accompagnée jusqu'au port du
Bouschet, revenaient avec le Bâtard, amenant à
leur suite le reste des secours, des habillements
de guerre et des munitions qu'envoyaient les ha-
bitants de Bourges, de Blois, de Tours et d'An-
gers. Avec ces munitions se trouvaient quatorze
milliers de traits, achetés par le Bâtard pour le
compte de la Ville.
On craignait une sortie des bastilles anglaises
entre lesquelles on avait à passer. Mais l'ennemi
ne se montre. Le convoi et l'armée s'avancent
sans obstacle ; à leur tête marchent les prêtres,
(1) Gilles de Retz, seigneur de Laval.
<2) Jean de la Haye, baron de Coulonces, capitaine normand.
6
— 98 —
précédés de Nicolas Pasquerel portant la ban-
nière que Jeanne leur a donnée. En arrivant
sous les murs, ils entonnent les hymnes de la
Vierge, et tous ensemble, prêtres et soldats, en-
trent bientôt par la porte Renart, à la vue des
Anglais qui ne s'y opposent.
On annonce aux nouveaux venus que le jour
même, après qu'ils se seront reposés, ils seront
conduits à l'assaut de la bastille de Saint-Loup;
que pendant ce temps le gros de la garnison
demeurera dans la ville, pour arrêter les An-
glais des autres bastilles, et les attaquer par le
flanc, s'ils essaient de se porter au secours de
ceux de Saint-Loup. En attendant l'heure du
départ, Jeanne s'était retirée en son logis ; elle
achevait de dîner avec ses hôtes et Jean d'AuIon,
son écuyer, lorsque survient le Bâtard annon-
çant avoir reçu nouvelle que Falstoff arrivait de
Paris, à la tête d'une armée de ravitaillement,
et déjà se trouvait à la hauteur de Janville.
c Bastart, Bastart, 2» lui dit Jeanne, € en nom
Dieu, je te commande que tantôt que tu sauras
la venue de Falstofl*, tu me le fasses savoir. >
Ce que le Bâtard promit.
Jeanne s'était alors jetée sur un lit pour pren-
dre quelque repos ; bientôt elle s'éveille en sur-
saut, et appelant à elle, s'écrie : c En nom Dieu I
où sont ceux qui me doivent armer ? » Puis s'a-
dressant à un page : c Sanglant garçon, vous
— 99 —
ne me disiez pas que le sang de France feust
répandu ! » En toute hâte elle revêt son ar-
mure avec l'aide de la femme et de la fille de
Jacques Boucher, son hôte, descend dans la cour,
saute sur un cheval, saisit son étendard qu'on
lui passe par une fenêtre, et se lance à bride
abattue vers la porte de Bourgogne, courant à
telle vitesse qu'on voyait le feu jaillir du pavé.
Ses officiers et ses serviteurs se précipitent à sa
suite, et ne Taltcignent qu'en dehors de la ville,
ou elle s'était arrêtée devant un blessé qu'on
rapportait, demandant si c'était un Français; et
comme on lui répondait : oui : « Je n'ai jamais
vu, > dit-elle, « sang de françois sans que les
cheveux ne me soient levés en sur. >
Ce n'était pas avec Falstoff qu'on était aux
prises ; le bruit de son arrivée n'était qu'une
fausse nouvelle. Ce blessé venait de la bastille
de Saint-Loup, où, depuis une heure, le combat
était engagé. Les Bretons et les Manceaux de
Retz, auxquels on avait promis l'assaut pour
Taprès-midi, étaient partis sans attendre l'ordre,
et tandis que tout était tumulte à la porte de
Bourgogne, par laquelle ils avaient pris leur
chemin, le silence le plus complet régnait dans
le quartier opposé où logeait la Pucelle, si bien
que l'action se serait terminée sans elle, si pen-
dant son sommeil les voix de ses saintes ne l'a-
vaient avertie.
— 400 —
Elle arrivait à propos : les Français avaient
attaqué sans être suffisamment soutenus, et ils
commençaient à plier ; la Pucelle les ramène.
Le Bâtard, qui n'avait pas été averti davantage,
arrive à son tour, rallie l'étendard de Jeanne
flottant dans la mêlée, et l'attaque recommence.
Cependant Talbot était sorti du camp de
Saint-Laurent, et après avoir ramassé sur sa
route les garnisons des autres bastilles, il ar-
rivait en toute hâte; les guetteurs de la ville
l'aperçoivent et sonnent à l'alarme. Boussac, qui
se tenait prêt, débouche par la porte Parisis et
vient se mettre en bataille à la hauteur de
Fleury. Talbot avance et se prépare à forcer le
passage. Le combat allait s'engager, lorsqu'une
épaisse fumée, s' élevant dans la direction de la
bastille de Saint-Loup, apprend au général an-
glais que les Français s'en sont rendus maîtres.
Retz, La Hire, entraînés par le Bâtard et la
Pucelle, avaient emporté le boulevart, pénétré
dans la place et mis le feu partout. La garnison
entière s'était alors retirée dans l'église avec son
commandant, Thomas Guerrard (1). La dé-
fense devient désespérée ; il fallut trois heures
pour s'emparer du clocher. Les Français, exas-
pérés de cette longue résistance, voulaient tuer
tous ceux qui s'y trouvaient renfermés. Ici,
(1) Thomas Guerrard, bailli de Montereau.
— 401 —
Jeanne les arrête, et prend les prisonniers sous
sa protection. Cent vingt Anglais étaient restés
sur le champ de bataille; quarante prisonniers
sont amenés dans la ville, et avec eux un butin
considérable. Lorsqu'à son tour la Pucelle revint,
ce furent dans toutes les églises des hymnes,
des actions de grâces et des sonneries de cloches
que les Anglais entendirent de leur camp.
Talbot venait d'y rentrer, la tristesse et la co-
lère dans le cœur. La bastille de Saint-Loup
avait été par ses soins munie d'ouvrages redou-
tables, garnie abondamment de vivres et de
munitions; c'était de ce côté de la Loire sa po-
sition la plus forte, son point d'appui pour l'in-
vestissement de la place. A cet investissement il
ne fallait plus songer : huit mois d'efforts étaient
perdus ; d'où les Anglais € furent fort abaissés
de courage. »
Le soir même, les Procureurs envoient des
maçons à Saint-Loup pour abattre les fortifica-
tions **.
5 mai (jeudi) j fêle de l'Ascension. — A cause
de la solennité il y eut repos ; ce jour, < homme
ne fit guerre. :» Jeanne avait déclaré à son cha-
pelain qu'elle ne revêtirait pas son armure; mais
si on ne se battit, on délibéra.
Dans l'hôtel de Jacques Boucher se tient un
conseil auquel assistent les principaux capitaines :
6.
— 102 —
le Bâtard, le maréchal de Boussac, Retz, Gra-
ville, Coulonces, Archarabaud de Villars, Xain-
trailles, Gaucourt, LaHire, Coarraze, Denis de
Chailly, Ambroise deLoré, Hugde Kennedy, Thi-
baud de Termes et le chancelier Guillaume Gou-
sinot. Il est arrêté que, malgré la puissance des
ouvrages dont les Aîiglais ont entouré les bas-
tilles du bout du pont, on les attaquera sans
différer "davantage. Pour le succès de Fenlre-
prise, il importait d'affaiblir, si l'on pouvait, la
garnison des Augustins et des Tourelles, ou tout
au moins d'empêcher qu'elle ne fût secourue
par le camp de Saint-Laurent. Voici le plan
qu'on imagina :
Une démonstration serait faite contre Saint-
Laurent ; la milice et la grande masse des
troupes y seraient employées. On approcherait
des manteaux, des fagots, des échelles, de ma-
nière à faire croire à une attaque générale du
camp, mais ce ne serait qu'une fausse attaque
pour attirer ceux des Tourelles ; et aussitôt qu'ils
auraient traversé la Loire, les gens d'armes et
chevaliers demeurés dans la ville traverseraient
eux-mêmes le fleuve par l'Ile de Saint-Jean-le-
Blanc, se porteraient impétueusement sur la bas-
tille des Augustins, et, en cas de réussite, sur
les Tourelles elles-mêmes.
Jeanne n'assistait pas au conseil; elle se tenait
dans une autre chambre de l'hôtel, près de la
— 103 —
femme de Jacques Boucher. Les capitaines étaient
bien obligés de lui obéir :1e Roi l'avait ordonné,
et Tenthousiasme populaire les y forçait. Néan-
moins, tout respectueux qu'ils fussent envers sa
personne, et pénétrés delà divinité de sa mission,
leur orgueil d'hommes de guerre faisait résis-
tance. Us voulaient bien se battre à côté d'elle,
et se servir devant l'ennemi de l'entraînement
miraculeux de son courage ; mais il leur coûtait
de reconnaître à cette fille des champs une sa-
gesse plus grande que la leur; de lui soumettre
leur vieille expérience, et de l'initier à des pro-
jets que son impatience et son indiscrétion
pouvaient compromettre.
Jeanne, qui prenait conseil d'ailleurs, tenait en
effet peu de compte des précautions de leur
humaine prudence, et ne s'arrêtait à rien autre
que ce que lui ordonnaient ses révélations in-
times. Aussi avaient-ils délibéré sans elle, et
alors seulement que leur plan fut arrêté, ils
jugèrent bon de l'appeler, et de lui en communi-
quer la première partie, ce qui était relatif à
l'attaque du camp de Saint-Laurent, lui laissant
ignorer la seconde, celle dont le secret importait,
à savoir que cette attaque de Saint-Laurent ne
serait qu'une fausse attaque, et aurait pour
unique objet de couvrir l'assaut des Tourelles,
qui serait l'action principale.
Ambroise de Loré la vient chercher et l'a-
— 104 —
mène au conseil, où le chancelier lui soumet ce
dont on était convenu ; mais au premier mot
elle les avait devinés. — « Vous me dites, s'écrie-
t-elle, ce que vous avez conclu et appointé ;
vous nie cachez plus grande chose que celle-
ci. » El pleine de courroux, elle marchait à grands
pas dans la chambre. Confondus d'étonnement,
les capitaines s'entre-regardent et restent muets.
Le Bâtard enfin se lève, s'approche de la Pu-
celle, s'efforce de la calmer, excuse ses compa-
gnons sur ce que tout ne peut se dire en une
fois et lui communique le projet dans son entier.
Alors elle se montre satisfaite, dit que cette
conclusion lui paraît bonne, et qu'il faut qu'elle
soit ainsi exécutée. Le conseil levé, ordre est
transmis à chaque capitaine de se trouver en
mesure le lendemain matin, lui et ses gens,
munis des choses nécessaires pour un assaut.
Avant de retourner à l'attaque, Jeanne veut
une fois encore sommer les généraux anglais
d'avoir à se rendre. Elle leur écrit une nouvelle
lettre, qu'on lance sur les Tourelles en l'atta-
chant à une flèche.
Les Anglais ne font d'autre réponse que leurs
insultes habituelles à celle qu'ils appellent < la
ribaude des Armagnacs. » Jeanne, indignée,
ne peut retenir ses larmes ; mais bientôt elle est
consolée : « son seigneur lui avoit parlé ; » et
le soir, se préparant, elle aussi, à l'assaut du
— 105 —
lendemain, elle recommande à son aumônier
d'être prêt de grand malin, pour qu'elle puisse
se confesser *\
6 mai {vendredi). — Jeanne avait-elle été
sincère en approuvant le plan arrêté au Conseil,
ou bien dans la nuit reçut-elle de ses voix des
inspirations qui Ten détournèrent? Toujours
est-il qu'elle n'y eut aucun égard. A l'heure
convenue, après s'être confessée et avoir entendu
la messe, elle sortit de son logis à cheval et en
armes; mais ce fut pour tourner le dos au camp
de Saint-Laurent, et pour pousser droit à la porte
de Bourgogne, par où était le chemin de l'île
de Saint-Jean-le-Blanc. Gaucourt se trouve là,
faisant mine de lui barrer le passage : c Méchant
homme, lui dit Jeanne, que vous le veuillez
ou non, les gens viendront et feront ici aussi
bien qu'ils ont fait ailleurs. » En disant ces
mots elle passe outre, franchit la porte, et avec
elle une troupe de ceux de la garnison et de
bourgeois qui, le long de la ville, s'étaient mis
sur ses pas.
Il n'y avait plus à s'occuper de la première
partie du plan élaboré la veille : les généraux
avaient la main forcée et se voyaient entraînés
à porter immédiatement leur attaque sur la rive
gauche.
 l'aide de bateaux qui étaient amarrés au- *
— 106 —
dessus de la lour Neuve, on passe dans Tîle de
Saint-Jean-le-Blanc. Le bras de la Loire qui de
l'autre côté séparait l'île de la rive de Sologne
était très-étroit et peu profond ; deux bateaux
mis bout à bout servent de pont à plusieurs ;
d'autres traversent à gué. On arrive sur la levée
d'où les Anglais avaient déguerpi.
Sans attendre les Orléanais, ils s'étaient re-
tirés dans la bastille des Auguslins. Les pre-
miers arrivés se mettent à leur poursuite ; mais
ils n'étaient pas encore en grand nombre. A
l'aspect des fortifications de la bastille, ils ne
croient pas que l'assaut soit possible et battent
en retraite. Ce que voyant, les Anglais sortent
pour leur courir sus. Gaucourt et Archambaud
de Villars, placés à l'arrière-garde, se préparent
à tenir tête à l'ennemi, pendant que leurs gens
retourneront dans l'île.
A cet instant, la Pucelle et^La Hire abordaient;
ils couchent la lance et poussent en avant. « En
nom Dieu, avancez hardiment! » s'écrie Jeanne.
Chacun la suit, et bientôt l'ennemi est ra-
mené dans la bastille des Augustins.
Le reste dès Français avait, pendant ce temps-
là, traversé la Loire; la bastille est attaquée;
à l'enlever on employa la journée. Ce fut un
siège en règle. Le soir seulement, après qu'un
^ chef anglais d'une énorme stature, qu'on voyait
partout se multiplier et tenir tête à l'ennemi,
— 107 —
eut été tué par la coulevrine de maître Jehan,
on prit sérieusement l'avantage. Alphonse de
Partada» capitaine espagnol au service des Fran-
çais» et un autre capitaine, avaient une querelle ;
ils décident de la vider en se jetant dans le
fossé, pour montrer qui des deux fera mieux.
Leurs gens, qui les soutiennent, forcent la pa-
lissade, le terrain leur est disputé pied à pied;
mais le gros des assaillants pénètre, et la bas-
tille est prise.
La nuit était venue. Jeanne veut coucher sur
place, pour attaquer les Tourelles le lendemain
au jour; la fatigue qui Tâccable est si grande,
que ses officiers la décident à venir passer la
nuit dans son logis.
Elle traverse la Loire avec les principaux des
seigneurs, laissant devant les Tourelles Tarlil-
lerie, les gens d'armes, les chevaux, les siens
notamment, les écuyers et les pages, c Et fut
crié :» par la ville qu'on portât à ceux qui étaient
restés de l'autre côté, pain, vin, munitions,
fourrages et toutes choses dont ils avaient besoin.
Les Procureurs demeurent en permanence à
la maison commune, où ils étaient depuis le
matin, avisent au nécessaire et pourvoient aux
demandes de toute nature qui à chaque instant
leur sont adressées ( du siège. » Pendant la
nuit entière, les bateaux nevfont que passer
d'une rive à l'autre.
~ 10g -
Un grand mouremenl de bateaux avait lieu de
même entre le camp de Saint-Laurent et la rive
de Saint-Pryvé. Ou sut plus tard que c'étaient
ceux de Saint-Pryvé qui se réfugiaient au camp
de Saint-Laurent, et on présuma, par le grand
nombre de cadavres qui furent trouvés dans
la Loire, qu'un de ces bateaux chargé de com-
battants avait sombré en traversant le fleuve.
Au cours de la soirée, la Pucélle étant retirée
en son logis, un chevalier la vint trouver et lui
dit que les capitaines avaient encore une fois
délibéré, et que plusieurs, considérant la peine
qu'avait coûtée la bastille des Augustins, et la
force beaucoup plus grande du fort des Tou-
relles, jugeaient qu'il faudrait au moins un mois
pour s'en rendre maîtres, et que c'était témé-
rité d'essayer de le prendre par assaut, d'autant
qu'aucune diversion ne se faisant sur Saint-
Laurent, Talbot et Suffolk ne manqueraient de
porter assistance à Glasdale. Comme d'ailleurs
la ville était en ce moment pourvue en abon*
dance de vivres et de munitions, ils estimaient
qu'il serait mieux de se contenter des succès
obtenus, et d'attendre de nouveaux secours du
Roi avant d'entreprendre davantage. A quoi
Jeanne répondit : « Vous avés été à votre con-
seil, et moi au mien; croyés bien que le conseil
de mon Seigneur tiendra et s'accomplira, et que
le vôtre ne tiendra pas. »
— 109 —
Après cette visite, Jeanne en reçoit une se-
conde, celle des Procureurs, que les intentions
des capitaines avaient remplis d'alarme ; ils la
supplient de ne point relarder la fin d'un siège
qui a mis leur ville à bout de sacrifices, et
« d'accomplir la charge qu'elle a de Dieu et du
Roi. » Jeanne les rassure et répète que le len-
demain les Tourelles seront attaquées. « En nom
Dieu, > dit-elle, f je les prendrai demain et
retournerai en ville par le pont. > Puis se tour-
nant vers son chapelain : « Tenés-vous prêt de
grand matin, > ajoute-t-elle, « car j'aurai beau-
coup à faire, et plus que je n'ai jamais eu, et
mon sang coulera**. »
7 mai {samedi). — Avant le jour, la Pucelle
est sur pied et ordonne à ses trompettes de
sonner. Les seigneurs persistaient dans leur
projet de suspendre les hostilités et l'accusaient
de mettre en péril les gens du Roi. Jeanne n'en
tient compte, et, malgré eux, elle fait ouvrir la
porte de Bourgogne, au grand contentement des
bourgeois, qui croyaient en elle plus que les capi-
taines, et demandaient à grands cris l'attaque
des Tourelles.
Jeanne prend congé de ses hôtes, leur répé-
tant que le soir elle reviendra par le pont. A
ce moment un pêcheur apportait une alose.
« Gardés-la pour souper, j dit-elle en souriant;
7
— 140 —
c je ramènerai un godon pour la mangar avec
nous. » Quelques instants après, elle avait tra-
versé la Loire et arrivait sur la plage, au milieu
des gens d'armes qu'elle y avait laissés la veille.
Tout aussitôt les Tourelles sont investies et
attaquées ; plus de mauvais vouloir alors : ca-
pitaines, bourgeois et gens d'armes n'ont qu'une
pensée, et chacun fait de son mieux. Mais l'entre-
prise était grande : un boulevart entouré de fos-
sés, un bras de la Loire séparant ce boulevart de
la forteresse, des murailles à pic, et au dedans
une garnison déterminée. Les efforts furent à
l'avenant; ce que la Ville envoya en cette matinée
de matériaux et d'engins de guerre ne saurait se
dire : fascines, flèches, traits, martinets, cognées,
plomb, poudre, coulevrines, canons, échelles,
étaient sans cesse expédiés par les Procureurs.
Mais rien n'y pouvait. Vingt fois on s'était
jeté sur les palissades du boulevart, et vingt
fois on avait échoué. Vainement la Pucelle s'é-
criait : « Prenez du cœur I ne vous rebutez
pas ! la place est à nous I ^ la place résistait,
les assiégeants s'épuisaient. Jeanne elle-même
est atteinte d'un trait à la gorge, et la pauvre
fille, voyant couler son sang, se prend à pleurer.
Ce ne fut qu'un instant ; elle entend la voix
de sainte Catherine et se sent réconfortée. A
peine a-t-on posé sur sa blessure un premier
appareil, qu'elle retourne à l'assaut, excitant et
— 141 —
eatra^ns^nf; tes sien^, mais, sa^^ succès. Déjà la
soleil est bas, et la place ne fait mme de céder;
les troupes sont harassées, les capitaines se
découragent ; le Bâtard lui-raêrne, ne croyant
plu^ qu'il y ait pouf ce jour espoir de victoire,
fa^,t sonner la retraite. Jeanne accourt, le sup-
plie ^'atten^dre un instant encore, puis laissanjL
spn çtçn^ard aux m^ins de son écuyer, saut^
sur un cheval q\\i l'emporte dans une vigne
voisine. Elle se jette à genoux, demeure en
pieière l'espace d'un demi -quart -d'heure, et
revient pleine de confiance et d'ardeur, c Quand
Yjf^s^ verjrez la queue ^e mon éteindard toucheje
à la muraiUie, avancez, > s'éçrie-trelle, ^ et la^
place eS|t vôtre, p Puis courant hu fossé, elle voit
son çiendard aux mains d'un Bsi^que à qui «le^
d'Aulon, son écuyer, l'avait un in^tan^ confié ;
elle Iç saisit et avance. La loague flamme de l'é-
tendard se déroule , flotte au vent, et va touchçr
la ipuraille. C'est le signal donné. Chacun s'é-
laiLce ; les échelles sont dressées ; Jeanqe appa-
raît s^ur le revêtement du boulevart où s'engage
upe dernier^ lutte.
« Si la Pucelle faisoit son devoir, ceux de la
ville le faisoient de leur côté. » Un bateau rempli
de fagQts engraissés d'huile et de matières in-
cendiaires (1), lancé de l'autre rive, était venu
(1) Quatre-vingt-dix-huit livres d'huile d'olive, de la poix,
des étoupes et des fagots. (Arch. de la ville.)
— 412 —
se placer sous l'arche qui séparait les Tourelles
du boulevart. On y met le feu, et bientôt la
flamme gagne le pont-levis.
C'est l'instant où le boulevart est gagné. Les
Français montent et se multiplient « comme
oisillons. » Glasdale ne recule qu'en frémissant
de rage : « Renli, renti, au roi du ciel ! j lui
crie la Pucelle; « j'ai grande pitié de ton âme. »
Il veut résister, mais tout tombe autour de lui.
Trente hommes à peine lui restent ; leurs armes
sont brisées, leurs munitions s'épuisent; la fu-
mée de l'incendie allumé derrière eux les avertit
qu'il est temps de regagner les Tourelles. Ils se
précipitent tumultueusement sur le pont; les
solives, minées par le feu, se rompent, et tous
ensemble, Glasdale au milieu, sont précipités
dans le fleuve.
Pendant que les choses vont de cette façon
au boulevart des Tourelles, plusieurs de ceux de
la ville qui étaient embusqués derrière le bou-
levart de la Belte-Croix s'élancent par le pont.
Une poutre et une gouttière (1) sont jetées sur
les arches rompues : Nicole de Giresmes passe
le premier, cent autres suivent son exemple,
traversent, se « bouttent ^ contre la palissade
qui, de ce côté, protège le fort, et y mettent
(1) Gouttière de bois, les gouttières de bois étaient à cette
époque habituellement employées dans les constructions.
(V. notre Mém. sur la valeur des denrées, ch. lxxix.)
— 413 —
le feu. A l'autre bord, les compagnons de la
Pucelle rajustent le pont-levis; des deux parts
la forteresse est envahie, et les deux troupes s'y
rencontrent. De leur camp de Saint-Laurent,
où ils étaient demeurés immobiles, Talbot et
Suffolk purent en ce moment apercevoir, aux
dernières clartés du crépuscule, la bannière de
Saint-Georges qui disparaissait du sommet des
Tourelles.
L'assaut avait duré treize heures. Des six à
huit cents Anglais qui composaient la garnison
du fort, deux cents à peine survivaient; Glas-
dale, les lords Poynings et Molyns étaient parmi
les morts. Du côté des Français, on n'avait
perdu qu'un petit nombre de combattants ; le
valet de maître Jehan, celui de Guillaume
Duisy, Retz et la Pucelle, avaient été blessés.
Les arches du pont étaient « si dépecées, »
qu'il semble qu'il aurait fallu huit jours pour
y rétablir un passage. Mais à ce moment l'en-
thousiasme décuplait les forces : on se met à
l'œuvre, et bientôt « la chose est mise en tel
état, » que la Pucelle, entourée du Bâtard, des
capitaines, de tous les braves gens qui le matin
avaient traversé la Loire en bateaux, rentre par
ce chemin dans la cité. « Dieu sait à quelle
joie elle et ses gens y furent reçus. î Des
torches éclairent son passage ; les cloches des
églises sonnant à toute volée, les fanfares des
^ 114 —
trompettes, les cris de la foule, les bénédic-
tions la saluent et raccompagnent, pendant
qu*à la suite dé ce cortège de victoire marchent
deu^ à deux, moriies et abattus, les prisonniers
Mis dans les Tourelles.
Jeaiiïrié était rentrée dans son logis. Apres
s'être désartnée et avoir reçu les soins que sa
blessure demandait, elle vint s'asseoir à la table
de ses hôtes; mais elle ne prit autre Chose que
des trahches de pain dans un peu de vin mêlé
d'èàu *^
18 mai (dimanche). -^ Quatre bastilles res-
taient sur la rive droite : Saint-Laurent, com-
mandée par Tâlbot et Sùffolk; Londres, où était
Falsloff ; Roiien et Patis. Elles sont évacuées
pendant la nuit, et au lever du soleil les senti-
nelles drléanaisés", du haut des murs, aperçoivent
Tarmée anglaise en ordonnance au milieu des
champs. Jeahhe, avertie, accourt; le Bâtard, les
chefs sont aiiprès d'elle. Les gens d'armes, les
archers, les Écossais arrivent, se succèdent; les
compagnies se forment en dehors de la porte
Renârt. La garnison tout entièt*e est là, prête à
marcher; on interroge la Pucelle sur ce qu^il
convient de faire : ""€ Il convient, dit-elle, d'en-
tendre la messe, » et elle fait apjportér une
table sur laquelle le divin sacrifice est oifeh.
La messe achevée, elle démande « de qûe\ côté
— 115 —
ils ont la tête tournée. » Du côté de Meung, lui
est-il répondu. « En nom Dieu, ils s'en vont, re-
prend-elle ; laissés-les aller, et nous allons rendre
grâces au Ciel, et ne les poursuivons pas da-
vantage, car c'est jour de dimanche. » La Hire
et Ambroise de Loré se mettent sur leurs pas
jusqu'à une lieue de la ville, et rentrent après
s'être assurés quMls se retirent sur le château
de Meung.
Dans les premiers jours de février, Le Bourç
de Bar, capitaine de la garnison, avait été fait
pïisonnier et gardé au camp de Saint-Laurent.
En partant, Talbot avait chargé un Augustin,
son confiseur, de veiller sur lui et de 'l'amener
à Meung. Mais Le Bourg de Bar, prenant pré-
texte des fers qui le gênaient, avait ralenti sa
marche, et lorsqu'il s'était vu à certaine dis-
tance de l'armée anglaise, il avait, tout enferré
qu'il fût, forcé TAugustin de le prendre sur son
dos et de l'apporter à Oriéans, où les gardes
de la porte Renart le voient arriver en cet équi-
page.
La première pensée des Orléanais, dans leur
triomphe, s'était, comme celle de Jeanne, portée
vers te Ciel et les saints. De pieux récits se trans-
mettaient de bouche en bouche : on se disait
par quels signes merveilleux l'assistance de
Dieu s'était manifestée. A deux fois les saintes
de Jeanne lui avaient parlé ; au moment du
— 116 —
dernier assaut, un c colon blanc i> voltigeait
autour de son élendard ; à ce même moment
on avait vu saint Euverte et saint Aignan dans
les nues, et saint Michel au-dessus de l'armée
française qui semblait combattre avec elle.
Les églises se remplissent de peuple ; les
châsses sont découvertes, une procession sort
de la cathédrale. Le Bâtard, qui l'avait ordonnée,
les capitaines, les officiers du Duc, les Procu-
reurs, les bourgeois la suivent avec recueille-
ment. Jeanne est parmi eux, vêtue d'un simple
jaseran, parce que sa blessure ne lui avait pas
permis de reprendre son armure ; les femmes
de la ville marchent à ses côtés. Le pieux cor-
tège suit la rue des Hôtelleries, le pont tout
délabré, passe sous la voûte des Tourelles à
demi-démolies. Après les oraisons dites par
l'évêque au milieu de ces ruines, il revient par
la chapelle de Notre-Dame-de-Saint-Paul et la
porte Dunoise, ce qui fut depuis lors renou-
velé chaque année**.
Le camp et les bastilles, abandonnés par les
Anglais, sont incendiés et livrés au pillage des
troupes. Elles y trouvent un butin considérable,
des canons, des armes, des approvisionnements.
Les Procureurs achètent ces épaves. Par leur
ordre, les trésoriers de la Ville remboursent à
chaque fi compagnon le prix de ce qu'il a ga-
gné » (pris ou ramassé). Un canon de fer et
— 117 —
un grand nombre de pavas sont rapportés de
Saint -Loup ; une bombarde est pêchée dans la
Loire ; ceux-ci vont chercher sur les îles et les
grèves les boulets qui s'y sont égarés ; d'autres
retirent du lit du fleuve, pour leur donner sépul-
ture, les cadavres que les flots entraînent. Le
corps de Glasdale est retrouvé; on le rend aux
Anglais, qui l'embaument et le conduisent à
Paris. Il fut déposé dans l'église de Saint-Méry
et transporté plus tard en Angleterre*'.
Des hérauts avaient été expédiés à Chinon,
pour porter au Roi la nouvelle de la délivrance
d'Orléans. Charles VU donne avis de ce grand
événement aux principales villes de son obéis-
sance. A la réception de sa lettre, les habitants
de La Rochelle font une procession d'actions de
grâces.
Après huit mois de siège, les portes de la
ville se rouvraient, ses habitants revoyaient leurs
champs; plus d'ennemi, les chemins sont libres.
Les sacrifices héroïques, les dures privations,
les longues angoisses, le sang versé, avaient
porté leur fruit : Orléans était délivrée, et par
elle la France était sauvée.
Et ce n'était pas la première fois. Au V© siè-
cle, Dieu avait voulu déjà que ses murs fussent
la limite que l'invasion étrangère ne franchi-
rait pas, et, défendus par saint Aignan, ils
avaient arrêté les hordes d'Attila. Contre les
7.
— 118 —
mêmes murs debout pour la même cause, à
mille ans de distance, défendus encore par une
envoyée du Ciel, Torgueil et la pùissèince d'iin
autre, envahisseur du territoire se brisaient au-
jourd'^hui.
La Providence avait ainsi voulu que la desti-
née de cette cité d'Orléans, boulévartet abri de
la rialioriàlité française, fût de rie jamais tomber
au pouvoir de l'ennemi, et par là se justifie îa
devise : Numqmm Ima, nuniquam exôussa,
riuniquàm inversa (1), qu'au'^XVI® siècle elle' ins-
crivit fièrement à Fentôur des trois bœurs delis
qui sont ses armes.
Le siège levé, la tâche des troupes appelées
à" la défense de la ville était accomplie ; elles se
retirèrent aussitôt, ne laissant aux habitants
^ qu'une faible garnison. Le jour même de Ta-
bandon du camp de Saint-Laurent par les An-
glais, Florent d'IUiers reprit avec ses gens de
guerre le chemin de Châteaudun, dont il était
capitaine. Le lendemain, les autres capitaines de
la Beauceet du Gâtinais étaient retournés dàiis
* leurs villes et forteresses.
Dans les jours qui suivent, les Orléanais se
mettent en devoir de faire disparaître lès ruines
qui les entourent. Des ouvriers sont employés
(1) Jamais atteinte, jamais abattue, jamais rewoèrsée.
Cette devise est donnée, d'après Pyrrhus d'Anglebernes, par
Lemalre, dans ses Antiqiiitez'dé la aille d'Orléans,
— «9 —
sur les deux rives, les uns à démolir les bas-
tilles anglaises, d'autres à refaire les arches du
pont, à réparer les tours et les murs de Ten-
ceinte, les tourelles et leurs boulevarts. Plu-
sieurs fours à chaux sont établis au Portereau.
Les comptes de la ville donnaient le détail des
dépenses considérables de maçonnerie et de
charpenterie qui furent faites pour ces répara-
tions **.
On entreprit ensuite de reconstruire les égli-
ses, les monastères, les maisons abattues dans
les faubourgs. Peu à peu la cité reprit son an-
cien aspect, les traces matérielles du siège s'ef-
facèrent ; mais le souvenir de ce grand fait de
l'histoire de la ville resta religieusement gravé
dans la mémoire de ses habitants qui, de géné-
' ration en génération se le sont transmis jus-
qu'à nos jours.
III. — CAUPAGNE «UR LA LOIRE.
~ imOiEkV , «SUKG , BAUGENCI , PATAT.
-DU 41 AU 18 JUIN 1429 (1).
Le 10 mai, la Pucelle, à son tour, quitta les
Orléanais. D'Orléans elle se rendit d'abord à
Blois, puis à Tours, et enfin à Loches, où était
(1) Voir la planche B.
— 120 —
Charles VIL Introduite en la chainbre du Roi,
elle se jette à ses genoux, les embrasse et le
supplie de venir à Reims : « Noble Dauphin,
lui dit-elle, ne tenés plus conseil, mais venez
en toute hâte à Reims, pour y prendre la noble
couronne. » Ceux qui entourent le Roi lui de-
mandent si c'est d'elle-même qu'elle donne cet
avis ; le Roi l'engage à parler. Levant alors
les yeux au ciel et d'une voix inspirée (t), elle
répond « que lorsqu'elle voyoit qu'on ne vouloit
croire ce qu'elle disoit de la part de Dieu (2),
elle se recueilloit et se plaignoit au Seigneur de
ce que sa voix n'étoit pas écoutée, mais que sa
prière faite elle entendoit une voix qui lui di-
soit : Fille de DieUy va, va, je serai à ton aide,
va. »
Le Bâtard, au lieu de suivre Jeanne, s'était
dirigé sur Jargeau, en compagnie de Boussac,
de Coarraze, de Graville et de Xaintrailles,
dans l'espoir d'enlever la place ; mais les armes
françaises, à ce moment, ne pouvaient rien sans
la Pucelle. Le Bâtard, repoussé par la garnison
de Jargeau, bien que le capitaine de la ville eût
été tué, avait dû renoncer à son dessein, et par
le plus court il s'était rendu à Loches, où Jeanne,
arrivant d'un autre côté, le retrouva.
(1) Miromodoexsultahat.
(2) Ex parte Dei,
— 421 —
La nouvelle de la délivrance d'Orléans est ac-
cueillie avec enthousiasme dans tous les pays
du parti du Roi. La célébrité s'attache au nom
de la Pucelle. Le duc de Bretagne l'envoie
complimenter par son confesseur et Hermine,
son héraut d'armes. Plus tard, il lui fît présent
d'une dague et de plusieurs chevaux de prix.
La dame de Laval (1) demande quelque objet
qui lui ait appartenu. Jeanne envoie un petit
anneau d'or , s' excusant de n'offrir que si
c petite chose. » On lui apportait des « pater-
nostres » (chapelets) pour qu'elle les touchât,
ce dont elle souriait, disant à ceux qui l'en-
touraient : « Touchez-les vous-mêmes ; ils seront
tout aussi bons que touchés par moi. » Malgré
elle on baisait ses mains, ses pieds ; on portait
au col ou sur les vêtements de petites médail-
les de plomjî à son effigie. On invoquait Dieu
par son inl^ssion ; dans les prières, dans les
oraisons on introduisait son nom à côté de ceux
des saints, des saintes et de la vierge Marié *®.
Cependant l'armée anglaise n'avait pas aban-
donné la contrée. A l'exception d'Orléans, elle
y avait conservé toutes ses places, qui commu-
niquaient entre elles. Plusieurs détachements
tenaient la campagne ; les Orléanais les obser-
(1) Anne de Laval, qui s'était retirée avec sa fille, Jeanne
de Laval, dans le château de Vitré.
-^ i22 —
vârent, et ils prenaient soin d'en informer le
Roi, le Bâtard et la PacefBe.'^Au cours du mois
de^ mai, Ortie, '^héraut du Aie 'd^Oriéstos, avait
èté'dôpêehé iâtu Bâtard « pour dire nouvelles
desAwglois.'ï) Le 4 jain,' ©rîéans, héraut de la
Ville, ^ fut envoyé avec une mission ■ senïblàble
près de la» Paéelle, ' qui se trouvait à GôUes' avec
la ©ottr.
Mais-' le 'bi^uit des suceês de l'armée^ royale '^à
Orléaïis,'ièt de rassistance miraculëuèe qtte lui
deinflaitlaTûCÈillej'êeî répairidait depltis^èïi-^^lus,
et partout il' réveillait' les courages, récM^iffiatît
tes ' cœurs; Inspirait • les • désintéressements,' èifei-
tait ie patriotisme et la foi chrélieiïne. ©n
sentait^^^que dans la grande partie qui était'fen
jeu. Dieu • ge mettait du côté de la ^' Frtoce,'^t
on voûteiil en î être; dans Un horizon' ewtr'MD^ttvèït,
au ddà' d'Orléans' déMvrée, on^apercevàit fteifâs,
et dn voulait aider à y conduire le Roi. Les
bords de^ la Loire devinr^t <m rendez'-vous au-
quel chacun arrivait,' sans que personne l^^t
dèftné; On y arrivait de toutes patts, de l'Au-
vergne, du Berri, de la Tôuraine, de TAnjou,
du 'Maine, 'de la Bretagne, chevaliers, gehlils-
hommès, bourgeois des villes et gens € des cè^m-
munes(l) » (habitants^ des campagnes), « croyant
(1) Gens de commun, de commune, de la commune, des
com^uhes, expressions énîpîoyées parles' dtt*ôTïni[tieurè du
XV* siècle pour désigner les gené'déla^campsfgne;
— 123 —
tous fermement que ladite Jeanne venoît de par
Dieu, et plus pour ceste cause que eti inten-
tion d'avoir solde ou profits du Roi*^. »
Et en effet, il n'y avait pas de solde à atten-
dre : l'épargne royale était vide. iPour se sou-
tenir, les seigneurs vivaient 'de leurs ressources
personnelles et aliénaient leurs biens. Deux frères
encore adolescents, Gui et André de Laval,
étaient venus du fond de la Bretagne s'offrir au
Roi avec la suite qu'ils avaient pu rassembler.
De Celles, l'aîné écrivit à leur mère et à leur
aïeule, qu'ils avaient laissées au cbâteau de Vi-
tré, une lettre dans laquelle on lit : « De l'ar-
gent, n'y en-a-t-il point à la cour, que si estroi-
tement que pour le temps présent je tfy espère
aucune rescousse ny soustenue. Pour ce, vous
Madame ma mère, qui avés mon sceau, n'ès-
pargniés point ma terre par vente ne par en-
gage'*. »
Depuis qu'elle avait rejoint le Roi, Jeanne ne
cessait de le supplier de partir pour Reims.
Le Conseil pensa qu'avant d'entreprendre ce
voyage, il était nécessaire d'enlever aux Anglais
les/ positions qu'ils gardaient sur la ' Loire.
C'était particulièremeiit l'avis du Bâtard ; il de-
mandait avec instance que quelques trotipies
fussent mises sur les champs pour reprendre
Jargeau, Meung et Baugenci, et il conseillait
fort d'employer dans cette expédition là Puceile,
— 124 —
qui avait fait si grande besogne à la levée du
siège d'Orléans.
Jeanne se rangea bien vite à ce parti; le chro-
niqueur Perceval de Cagny dit même qu'elle
l'avait proposé la première. La campagne fut
résolue ; le Roi « bailla la charge du tout à
la Pucelle et au duc d'Alençon (1), nouvellement
délivré d'Angleterre, » où il avait été prisonnier
depuis la bataille de Vemeuil (1424). Le jeune
duc, revêtu du titre de lieutenant-général du
Roi, avait le commandement; mais la Pucelle
était « mise en sa compagnie pour qu'il usast
et feist entièrement par son conseil ^'. »
Cette résolution venait d'être prise lorsqu'ar-
rivèrent à Celles les jeunes sires de Laval. L'a-
gitation était grande en cette petite ville -du
Berri, où se trouvaient, avec le Roi et la Pu-
celle, le duc d'Alençon, le Bâtard, le duc de
la Trémouille, le maréchal de Boussac, la plu-
part des capitaines venus d'Orléans, et la foule
des gens d'armes, archers et autres qui arri-
vaient de tous les points pour servir sous la
Pucelle. La lettre de Gui et d'André de Laval,
qu'on a citée plus haut, rend compte de ce
mouvement ; elle signale les mesures arrêtées,
les départs successifs de la Pucelle et des gé-
(1) Jean, duc d'Alençon, prince du sang royal, descendant
de Philippe de Valois, gendre du duc d'Oriéans, Charles III,
qui tenait prison en Angleterre.
— 425 —
néraux, les dispositions prises pour celui du
Roi, qui devait, disait-on, se tenir à portée de
rarmée. Par dessus tout, elle témoigne de l'élan
général, et de l'entraînement qu'éprouvaient les
deux frères. Le Roi leur avait fait grand accueil,
il voulait les retenir près de lui jusqu'au
voyage de Reims. « A Dieu ne veuille, écrivait
Guy de Laval à sa mère, que je le face et n'aille
(à la suite de la Pucelle) ; tout autant en dit
mon frère ; abandonné seroit celui qui demeu-
reroit. »
6 juin {lundi). — Jeanne prend congé du
Roi et se rend à Roraorantin, « s'approchant
des advenues » (événements), avec le maréchal
de Boussac et une troupe de gens armés.
A l'heure des vêpres, qu'elle avait marquée
pour son départ, on la vit descendre de son logis
c armée tout en blanc, sauf la tête, une petite
hache en sa main. )> A la porte était son cheval,
un grand coursier noir, « qui se démenoit très-
fort et ne soufTroit qu'elle montast. ^ <r Menés-le,
dit-elle, à la croix qui est devant l'église ; » et là
elle le nlonta sans qu'il e se meust, comme s'il
fust lié. » Puis se tournant vers l'huis de l'é-
glise, elle dit d'une douce voix de femme : « Vous,
les prêtres et gens d'église, faites procession et
prières à Dieu. » Elle prit ensuite son chemin,
prononçant ces mots : « Tirés avant, tirés avant. »
Louis de Comtes, son <r gracieux page^ » portait
devatit »elle son étendard ployé ^.
S t juin. — iPepsoime ne doutait que la cam-
pagne ne fût courte et la victoire promptie.
(( Espère Fon, ^» 'écrivait encore Gui de Lôvâl,
« que avant qu'il soit dk jours la chose soit
bien àdvencée ; tous ont si bonne espértance eti
Dieu, ^ueije ciroïs qu'il'nou^ aidera! » On avdt
•pressenti juste : Diî^u aida, etdiK joUi^'sUffiîreilt.
« Gui de Laval, i> a dit M. Wallon ^dans ^
belle histoire de Jeanne d'A.rc , a écrivait le 8
et le 48 : c Après deux sièges et une bataille, la
caibpagne était teifminée. »
te duc d'AIençon, :1e corate»*de Vendôme (I),
le Bâtard, Raoul de Gaueourt, quittent G^Ies' à
leur tour, et rejoignent »ia Pucelle à iRctoolpan-
tîn ; avec elle «ils prisnnent la route d'Orléans ".
'9 juin. — Les habitants d'Orîéans »apj>rïôn-
nent que leur libératrice revient, qu'^avant la
fin du jour .elle «ena parmi • eux. Qn se ^préci-
pile sur les murs, sur les petits, au dehors des
portes. Tout à coup, du côté d'Olivet, dans' un
tourbiHon de poussière, au milieu des casques
et des cuirasses étincelant au soleil, ^apparaît
sa huque blanche; elle approche, c'est bien elle.
• (l)'Lon(iis de Bourbon, comte 'de' Vendôme.
— i^ ■—
La vbilà qui touche au bastion du Portereau,
qui passe sous ces mêmes tourelles qu'un mois
avant elle enlevait aux Anglais. Elle avance sur
le p(jnt et entre dians la ville, acclamée par une
foule émue, « à la très-grant joie de tous les ci-
toyens, qui de laveoirnese povo y eiit saouler, j
C'est à Orléans que Tarraée devait se former.
A ceux de l'ancienne garnison qui étaient de-
meurés dans la ville se réunissent six cents
lances amenées par le duc d'Alençon, autant
que le Bâtard et Florent d'Illiers conduisaient,
et notnbre de « gens des communes, > en totit
huit mille cortibattants, « dont aucuns armés de
guisames, haches, arbalestres et maillets de
plomb *^^ »
Wjuin, — Uarmée part pour Jargeau (1). Les
Orléanais donnent trois mille livres pour aider
à l'expédition, prêtent leur artillerie et fournis-
sent des munitions. La grosse bombarde, la
bombarde Bergère, le canon Montargis, dès
coulevrines, des échelles, des bottes de traits,
des pioches, des pelles, des pics, sont chargés
sur des charrettes et sur trois chalands. Deux
bourgeois sont désignés pour accompagner la
Pucèile (2).
(1) La ville de Jargeau est située sur la rive gauche de la
Loire, à quatre lieues en amont d'Orléans.
(2) Us se nommaient Jehan Leclère et François Jehan.
— 128 —
Sur ces nouvelles^ le comte de Suffolk et ses
deux frères, à la tête de sept cents lances, se
jettent dans Jargeau.
Dès le soir, la place est investie. Les gens
<r des communes > qui étaient en avant livrent
Tassaut avec trop de précipitation et sont re-
poussés au premier choc. Le gros de Tarmée
survient. Les canons et les bombardes, mis en
ligne, battent les murailles durant toute la nuit.
Le feu de la ville répond vivement. Le duc
d'Alençon, s'étant approché trop près, est
averti par la Pucelle du danger qu'il court; il
se retire, et à Tinstant un boulet arrive à la
place qu'il vient d'abandonner et emporte la
têle d'un gentilhomme (1).
i^juin. — Les murs sont très-endommagés.
La tour principale s'était écroulée sous le feu
de la bombarde Bergère.
La Pucelle juge qu'il est temps de livrer l'as-
saut. « Gentil duc, en avant! » dit-elle au duc
d'Alençon. Le duc croit que le moment n'est
pas encore venu et veut attendre. « Le moment
est venu, » reprend Jeanne, « quand il plaît à
Dieu ; » puis en souriant elle ajoute : « As-tu
donc peur, gentil duc? ne sais-tu pas que j'ai
promis à ta femme de te ramener sain et sauf? >
(4) Le seigneur du Lude.
— 429 —
A Tinslant le signal est donné, les trompeltes
sonnent. « A Tassant ! à l'assaut ! » crient les hé-
rauts. De toutes parts on avance. La place est
vaillamment défendue. Les traits, les pierres
tombent sur les assaillants. Un Anglais de force
colossale courait sur la crête des murs, ren-
versant les échelles. Le duc d*Alençon le signale
à maître Jehan, et bientôt il tombe frappé en
pleine poitrine d'une plombée de coulevrine.
L'étendard de laPucelle est traversé; elle-même,
atteinte à la tête d'une pierre qui se brise sur
sa chapeline (1), roule dans le fossé; mais à
peine elle a touché le sol qu'elle se relève et
remonte à la brèche, s'écriant : « Entrez hardi-
ment, amis! sus, sus! Dieu a condamné les
Anglois ; à cette heure ils sont à nous! »
Les murs sont escaladés, la ville prise. La
garnison se retire par le pont, où les Fran-
çais la poursuivent. Alexandre Pôle se fait tuer.
Guillaume Regnault, écuyer d'Auvergne, s'at-
tache à Suffolk ; il va s'emparer de sa personne.
« Es-tu gentilhomme? » lui dit Suffolk. —
€ Oui. — Es-tu chevalier? — Non. — Eh bien !
je te fais chevalier. » Et il se rend. John Foie,
son dernier frère et les principaux des Anglais,
sont faits prisonniers avec lui. On les envoie à
(1) A Jargeau, Jeanne d'Arc avait sur la tête jjne simple
chapeline, casque léger sans masque ni bavière, — Dép. du
duc d'Alençon, Quicherat, III, 97.
— 130 —
Ôrléaja^ de nuit et par bateaux, pour éviter
qu'ils ne soient massacrés par les troupes et sur-
tout par les gens < des communes, » qui, s' étant
pri§ de querelle avec d'autres prisonuiers qu'on
leuir avait confiés, tes avaient mis à mort.
L^ ville et l'église de Jargeau son pillées. La
perle des Anglais s'élève à cinq cents tués,
plus les prisonniers.
Cette xQ^éme nuit, la Pucelle, le duc d'Alen-
çpo,, ie Bâtard, leg seigneurs et les geft$ d'ar-
içes reiitjcent dans Orléans ^.
Du 13 au i^juin. — L'arniée reçoit à Cr-
iées le renfort de plusieurs chevaliers, écuyers,
capitaines et gens d'armes, parmi lesquels Gui
de Laval et André de Laval, si;:e de Lohéac,
son frère, que Jeanne avait laissés à Celles;
Gui de Chauvigny, seigneur de Châteauroux ;
le sire de la Tour-d'Auvergne, le vidame de
Chartres ; Gilles de Laval, seigneur de Retz,
qui déjà s'était trouvé dans la ville aux derniers
temps du siège. Plusieurs de ces chevaliers ar-
rivaient sur r^vis, que le Roi avait envoyé de
toutes parts, qu'on eût à rejjqindçe la Pucellq
et le duc d'Alençon. Charles VII lui-même se
rend à Sully (1).
Ce n'était dans la ville que <: festoiements » à
>.
(1) Sully, sur h rive gauoke de la Loire, à nU li^ues en
amont de Jargeau.
— 131 —
la. Pujceille de k pari des bourgeois, des capi-
taines, des geas de guerre, qui tous l'ayant
vue à l'œuvre, étaient subjugués. Mais la cam-
pagne a'était pas finie : le mercredi (14 juin),
au sortir des vêpres, Jeanne appelle le duc
d'Âlençon et lui dit : < Je vueil demain après
disner aler veoir ceulx de Meung. Faites que
la compagnie soit preste de partir à ceste
heure". *
15 juifi. — Dans l'après-midi, l'armée se
met en mouvement. Les chalands qui rame-
naient de Jargeau les canons et les bombardes
descendent à sa suite, avec grand équipage de
vivres, de charriots et d'î^rlillerie. Elle arrive à
Ueung (1) vers le soir. Le pont estenaiporté sans
peine, bien que les Anglais l'eussent fortifié.
Rien n'est tenté contre le château, l'armée éta-
blit ses campements pour la nuit. Le duc
d'Âlençon qui, avec peu de monde, avait pris
le sien dans une église écartée, manque d'être
ei\Ievé ^.
16 jxUn. — De Meung l'armée se dirige sur
Baugenci (2), où eUe arrive vers midi,
(1) MeuB^, sur la rive droite de la Loire, à trois lieues en
aval d'Orléans.
(2) Baugenei, sur la rive droite de la Loire, à trois lieues
en aval de Heung, à six lieues en aval d'Orléans.
- 432 —
Du côté opposé arrivait une troupe de Français
venant de la Bretagne , six cents combattants
conduits par le connétable Artus de Richemont.
Le Connétable, desservi à la cour par le duc
de la Trémouille, était en disgrâce : on « ne
vouloit pas qu'il se raêlast de la guerre. » Il
avait offert de se porter au secours d'Orléans
pendant le siège, et le Roi lui avait mandé de
se tenir àLoudun, où il était; mais en appre-
nant qu'une campagne sur la Loire se prépa-
rait, il n'avait pu se résoudre à demeurer plus
longtemps inactif: il avait pris sur lui de quit-
ter Loudun, et s'étant mis en chemin il avait
passé la Loire à Amboise, et il avançait dans
la direction de Baugenci.
Averti de son approche, les chefs de l'armée
royale éprouvèrent quelque embarras. On sa-
vait les dispositions du Roi ; le duc d'Alençon
avait même des instructions secrètes qui lui dé-
fendaient de se laisser rallier par le Connétable : il
parlait de se retirer. Mais à ce moment on eut
avis que Talbot et les Anglais en nombre n'é-
taient pas loin. « Est-ce donc le cas, s'écria la
Pucelle, de se retirer, quand il y a au contraire
à s'unir et s'aider? » Par elle tout fut aplani.
« Beau connétable, dit-elle à Richemont, vous
n'êtes pas venu de par moy ; mais puisque vous
êtes là, soyez le bienvenu. » Puis ayant pris de
lui serment qu'il ne voulait que servir « loyaul-
— 133 —
ment le Roy, » elle promît de faire sa paix et
détermina les seigneurs à s'y engager avec
elle.
Les Français s'emparent de la ville, qui n'est
pas défendue. Le pont et le château restaient
aux Anglais, le château commandé par sire
Richard Guethin, bailli d'Evreux. Le jour même
il est attaqué ; les bombardes commencent le
feu.
i&juin. — La poudre manquait; la Pucelle
en fait demander à Orléans par un sergent (1).
Avec la poudre dont elle a besoin, les Orléa-
nois lui envoient un tonneau de vin et douze
douzaines de pains. Les procureurs, Jehan Mahy
et Jehan Boillève, sont chargés de lui porter ces
présents.
il juin. — Ceux de la place, instruits « des
entreprises que la Pucelle avoit faites » à Or-
léans, à Jargeau, à Meung, et voyant qu'elle
€ mettoit toute l'ordonnance de sa compagnie
en telle conduite comme elle vouloit, > perdent
courage. A minuit ils demandent d'être reçus à
composition, ce qui est accepté. Richard Guethin
obtient de se retirer, lui et ses gens, la vie
sauve, mais sans armes ni bagages, si ce n'est
(1) il se nommait Robin-le-Bocaut.
8
— 134 —
leurs chevaux, harnais et un iparc d'argent
chacun, sous promesse de ne prendre les armes
avant dix jours. A ces conditions, le château et
le pont sont remis à la Pucelle et au duc
d'Alençon, lieutenant-général du Roi.
Pendant que ces choses se passaient à Bau-
genci, Talbot et Falstoff tenaient la campagne
à la tête d'une armée composée des débris de
celle qui avait été au siège d'Orléans, de la
garnison de La Ferté-Hubert (1) et de renforts
envoyés de Paris par le régent. Cette arjnaée
avait voulu se porter au secours de Jargeau;
mais ellç était arrivée trop tard, et alors elle
s'était rejetée en arrière pour couvrir les places
de la Beauce ; elle s'était rapprochée de Meung et
se ipettait çn devoir d'attaquer le pont occupé
par les Français, lorsque Talbot apprit que le
château de Baugenci venait de se rendre, et que
Guethin et son monde « s'en alloient en Nor-
mandie ung bâton en leur poing ^®. »
A cette nouvelle, l'armée anglaise abandonne
Meung et prend sa route par la Beauce, dans
la direction de Patay; l'avant-garde d'abord,
puis les pourvoyeurs, les marchands, les vivres et
l'artillerie, la bataille conduite par Talbot, Fals-
toff, sir Thomas de Rameston et Scales, enfin
(2) Après la levée du siège d'Orléans, La Ferté-Hubert (La
Ferté-Saint-Aignan) avait été abandonnée.
_ 135 —
rarrîére-garde composée de gens d'armes an-
glais. Ils marchaient dans cette ordonnance de-
puis deux heures environ, et se trouvaient à peu
de distance de Patay, c en un lieu dit Coynce, »
lorsque les coureurs de Tarrière-garde signa-
lent des cavaliers éclairant un gros de troupes :
c'était l'armée française.
Le jour même de la reddition de Baugenci,
de grand matin, le duc d'Alençon avait été
averti par un chevaucheur de la compagnie de
La Hîre des mouvements de l'armée anglaise,
et, de l*avis de Jeanne, on s'était mis immédia-
tement à sa poursuite. Jacques de Dinan, sei-
gneur de Beaumanoir, Ambroise de Loré,Xain-
traiîles, Thibaut de Termes et La Hire condui-
saient l'avant-garde que les coureurs anglais
venaient d'apercevoir.
Sur le rapport de ceux-ci, les généraux font
halte et délibèrent. Falstoff ne croyait pas qu'il
fût prudent d'attendre avec une armée décou-
ragée et en retraite les Français victorieux et
excités par leurs récents succès. Il hésitait à
risquer dans de telles conditions les dernières
forces que l'Angleterre conservait dans l'Orléa-
nais. Talbot ne peut se résoudre à refuser le
combat qui vient s'offrir. Il envoie en avant les
vivres, les charriots et voitures, met pied à
terre, se place avec cinq cents archers d'élite
en un chemin protégé par des haies où il
— 136 —
compte barrer le passage à Tarmée française.
Il donne ordre à Farlillerie de le rejoindre en
ce lieu et de se porter derrière lui, « en Torée
(lisière) d'un bois emprès un village (1). »
La troupe de La Hire avançait, sans se douter
que l'ennemi fût si près, lorsqu'un cerf, dé-
bûchant d'un bois voisin, se précipite au travers
des Anglais, qui poussent un cri de surprise.
Les Français tout aussitôt se mettent en garde,
piquent leurs chevaux, et, la lance en avant,
tombent sur les archers de Talbol avant que la
bataille les ait rejoints, sans même qu'ils aient
eu le temps de planter en terre les épieux der-
rière lesquels ils avaient l'habitude d'attendre
les charges de la cavalerie. Falstoff court àl'a-
vant-garde pour la ramener au lieu du combat ;
mais tout paraissant perdu, elle refuse de le
suivre et s'enfuit dans la plaine.
Le gros de l'armée française, ' au contraire,
rejoignait son avant-garde. C'est le moment où
La Hire attaquait Talbot : « Que devons-nous
faire? » demandent à Jeanne le duc d'Alençon et
le Connétable. «Avés-vous tous de bons éperons?
— Que dites-vous? Devons-nous donc tourner
le dos? — Eh non! ce sont les Anglois qui seront,
déconfits, et vos éperons vous seront nécessaires
(1) LigneroUes, hameau de Patay, en Beauce, près Tan-
cienne route de Blois à Paris par Janville, à sept lieues au
nord de Baugenci.
— 137 —
pour courir après eux. » On se jette à la suite de
La Hire; les Anglais sont écrasés; deux mille
hommes périssent, le reste est prisonnier. Ra-
meston, Scales, im fils de Warwick, sont pris;
Talbot tombe aux mains des archers de Xain-
trailles. Les fuyards sont poursuivis jusque sous
les murs de Janville, qui refuse d'ouvrir ses
portes et se rend aux Français. Montpipeau,
Saint-Sigismond font de même ; plus rien ne
reste aux Anglais dans cette partie de la Beauce.
Falstoff se réfugie à Gorbeil. Si ce jour on avait
voulu poursuivre l'ennemi, on l'eût c chassé
jusques à la mer, veu le courage que chacun
avoit, car un François eust abatudixAnglois. »
Des chevaucheurs sont expédiés le soir même
à Orléans et à Tours. Jeanne et ses compagnons
couchent à Patay. On y avait conduit les prin-
cipaux des prisonniers : Talbot était là au milieu
des seigneurs français, du comte de Vendôme,
des frères de Laval, de La Hire, en présence
de la Pucelle, du Bâtard, du Connétable, du
duc d'Alençon. « Vous ne pensiés pas ce matin, >
lui dit ce dernier, « qu'il en arriveroit ainsi.
— C'est la fortune de la guerre, » répondit
Talbot ~.
L'ancienne route de Blois à Paris, par laquelle
avait cheminé l'armée royale, existe en grande
partie. C'était la voie la plus courte pour se
rendre à Paris ; il y a quelques années elle était
8.
— 438 —
encore fréquentée par les conducteurs de bes-
tiaux, et elle n'a été complètement abandonnée
que depuis rétablissement du chemin de fer. On
peut, en la suivant, se rendre facilement compte
de ce que fut la journée de Patay, recomposer
l'ordonnance de la bataille et constater sur place
l'exactitude du récit des chroniqueurs (1).
Lorsqu'on a dépassé le bourg de Saînt-PëraYy
d'un kilomètre environ, on aperçoit, à trois kilo-
mètres à droite, le clocher de Coinces ; à deux
kilomètres devant soi, un peu à la gauche de
la route, le hameau de LigneroUes ; à deux ki-
lomètres au-delà, le clocher de Patay. A par-
tir de ce point, le terrain, horizontal et plat
jusque-là, s'abaisse et devient un bas-fond, le
bas-fond de la Relrève que l'ancienne voie tra-
verse. C'est en ce lieu que se trouvait l'armée
anglaise, quand ses coureurs lui signalèrent la
marche de l'ennemi. Le pli du terrain la déro-
bait aux regards, et celte circonstance fut cause
que l'avant-garde des Français ne la vit qu'en
arrivant sur elle.
De l'autre côté du bas-fond, la pente peu
sensible du sol est couronnée par le hameau
de LigneroUes, qu'entourent quelques bouquets
d^arbres, et une plaine qui porte le nom de
Ciimat-du-Camp ; sur cette pente Talbot s'était
(1) V. la planche C.
— 139 —
placé et avait mis ses archers en ligne. La Pu-
celle et les généraux Français arrivant à la crête
du versant opposé, purent d'un regard saisir et
juger la situation.
Déjà La Hire était aux prises avec Talbot.
Lès archers anglais, culbutés, se replièrent sur
Ligilerolles, où le gros de l'armée qui avait
essayé de se former reçut le choc de la cavalerie
française et fut accablé. Les fuyards s'échap-
pèrent au travers du Glimat-du-Camp et rega-
gnèrent la route de Paris, par laquelle l'avant-
garde que FalstofF n'avait pu ramener au combat
se retirait en désordre.
Aux alentours de LîgneroUes, on a trouvé
des fers de chevaux, un dard de javelot, dés fer-
rements de charriots, des boulets.
i9 juin. — La Pucelle, le duc d'Alençon et
« tout le surplus de la compagnie » dînent à
Patay, puis s'en vont coucher à Orléans, « et là
sont reçus très-grandement ; ils alèrent par les
églises remercier Dieu, la vierge Marie et les
saints du paradis de la grâce et de l'honneur
que Notre-Seigneur avoit faits au Roy et à eux
tous, et chacun disoil que c'étoit par le moyen
de la Pucelle, et que sans elle n'atiroienl pu si
grandes merveilles avoir étéfaictes®*. »
Depuis lors les bords de la Loire n'ont pas
revu les armées anglaises. Chacun des jours qui
— 140 —
suivirent marqua pour elles un pas rétrograde ;
successivement le Chartrain, Tlle-de- France, le
Maine, la Normandie, la Guienne, Calais enfin,
leur échappèrent. Le souffle libérateur qui d'Or-
léans s'était levé contre elles ne s'apaisa plus
qu'il ne les eût, jusqu'au dernier homme, expul-
sées du continent et rejetées dans leur île.
IV. — VOYAGE DE REIMS.
JUIN ET JUILLET 1429.
Du 20 au 22 juin. — Les Orléanais espé-
raient bien que le Roi viendrait dans leur ville.
Déjà, pour le recevoir, ils avaient fait tendre les
rues et préparer un dais de drap d'or; mais
Charles VII se tint à Sully, ce que plusieurs de
son entourage désapprouvaient. Jeanne se rend
près de lui ; elle l'accompagne à Saint-Benoît-
sur-Loire, à Châteauneuf, et chaque jour elle
le supplie de prendre le chemin de Reims,
l'assurant que s'il se décide « il aura tout son
royaume et sera couronné sous peu. » Ceux
du Conseil voulaient ajourner encore et par-
laient de s'emparer auparavant de Cosne et de
La Charité ; plusieurs étaient d'avis de se porter
sur la Normandie. Jeanne insiste et montre une
si grande confiance, qu'elle finit par obtenir le
consentement du Roi.
— 141 —
Le Connétable, n'osant venir à la cour sans
y avoir été appelé, était resté en Orléanais.
Jeanne et le duc d'Alençon tiennent la promesse
qu'ils lui ont faite devant Baugenci et deman-
dent au Roi de lui rendre sa faveur. Le Roi
pardonne au Connétable, et toutefois ne veut per-
mettre qu'il soit du voyage de Reims ^.
23 juin. — Jeanne revient à Orléans, d'où
elle dirige sur Gien tous les gens d'armes qui
étaient demeurés dans la ville.
a juin. — Elle dit adieu aux Orléanais et
part elle-même pour rejoindre Charles VÏI à
Gien.
26 juin. — L'amiral de Culan s'empare de
Bonny.
En arrivant à Gien, la Pucelle avait trouvé
la cour dans de nouvelles hésitations. Sur la
route qu'on devait suivre pour gagner Reims, il
y avait, disait-on, nombre de châteaux, de villes
fermées et places fortes que tenaient les Anglais
et les Bourguignons. « Je le sais, » répondait
Jeanne, . « ce qui ne m'empêchera de mener
heureusement le gentil roi Charles pour être
sacré audit lieu de Reims. » Et de dépit de ces
retards, elle s'en était allée se loger hors de la
ville, où elle fut deux jours.
_142 —
Il y avait une autre difficulté : le Roi n'avait
pas d'argent pour payer l'armée qui l'accom-
pagnait. La détresse du trésor était si grande,
que sur la solde en ce moment échue on ne
put donner à chaque homme d'armes que « de
deux à trois francs. » Mais tous, chevaliers,
écuyers, gens de guerre et « des communes, »
dirent qu'ils voulaient bien marcher en la com-
pagnie de la Pu celle et ne demandaient que
Thonneur de servir le Roi dans ce voyage : il
fallut bien se rendre ^,
57 juin. . — Charles VII se ifnet en route par
Montargîs et Auxerre. La ville d'Auxerre donne
des vivres.
Du 5 au i^ juillet. — On arrive sous les murs
de Troyes; les habitants se ferment et envoient
demander des secours à Reims et à Châlons.
Le Roi les fait sommer d'ouvrir leurs portes.
Jeanne leur écrit; ils répondent qu'étant en l'o-
béissance du duc de Bourgogne, ils ne peuvent
permettre l'entrée de leur ville que de son exprès
commandement.
Les avis timides reprennent le dessus; dans
le Conseil, plusieurs s'effraient de la forte po-
sition de la ville et du danger qu'on courrait à
s'avancer sans artillerie ni argent dans un pays
entièrement bourguignon : il est question de
— 143 —
retourner sur la Loire. Jeanne intervient et
promet que, sous trois jours, la place sera
au Roi. « Noble Dauphin, ordonnés à vos gens
de venir et d'assiéger la ville, et ne vous re-
tardés pas davantage en des conseils de lenteur :
en nom Dieu, avant trois jours je vous intro-
duirai dans la cité de Troyes par amour, puis-
sance ou valeur, et la fausse Bourgogne sera
très-étonnée. »
Le Chancelier dit qu'on attendrait bien six
jours, et la place est attaquée. La résistance
ne fut pas même de trois jours. On vit bientôt
Tévêque s'avancer pour parlementer ; les gens
de guerre obtiennent liberté de se retirer et
ceux de la ville « abolition générale >
La cité deChâlons, sommée parla Pucelle de
se rendre « au roy du ciel et au gentil roy
Charles, » ouvre ses portes, reçoit le Roi « moult
honorablement et se met franchement en son
obéissance. » Toutes les forteresses du pays font
de même.
Des gens de la Champagne et de la Lorraine
étaient venus à Châlons sur le bruit que le Roi
y passerait pour se rendre à Reims ; dans le
nombre se trouvaient plusieurs laboureurs de
Domremy. Jeanne les reconnaît, les accueille
et leur dit € qu'elle ne craint rien, sinon la
trahison. » A l'un d'eux elle donne un vêtement
rouge qu'elle avait porté ®*.
— 144 —
iQ juillet. — L'armée quitte Châlons et s'ap-
proche de Reims. On manquait d'artillerie, et le
Roi s'en inquiétait. « N'ayez doute, » dit la Pu-
celle, « les bourgeois se rendront avant que vous
ne soyez arrivé et seront à votre rencontre. »
Elle disait vrai : le conseil et les habitants, in-
formés de la soumission de Troyes et de Châlons,
avaient envoyé au-devant du Roi les principaux
d'entre eux qui l'attendaient à Sept-Saulx et lui
offrirent pleine et entière obéissance. Le soir
même Charles VÏI, qu'on appelait encore le Dau-
phin, fit sou entrée dans la ville. Il y fut reçu
par le duc de Lorraine et le sire de Commercy,
qui étaient arrivés « à grant compagnie de
gendarmes > pour se mettre à son service.
17 juillet. — Sacre. — Le sire de Retz,
maréchal de France, se rend en cortège à l'ab-
baye de Saint-Remi, où il reçoit la sainte Am-
poule. Après avoir juré de la rendre, il l'apporte
dans l'église métropolitaine de Notre-Dame, et
là, au milieu d'un immense concours de peuple,
de seigneurs et de gens de guerre ; en la pré-
sence du duc d'Alençon, des comtes de Clermont,
de Vendôme, du Bâtard d'Orléans, de l'amiral
de Culan, des sires d'Albret, de Retz, de la Tré-
mouille, de Maillé, de Beaumanoir, du sire de
de Laval € qui ce jour fut fait comte » (1), du
(1) Gui de Laval.
— 145 —
sire de Lohéac, des seigneurs lorrains arrivés
la veille, des principaux des chevaliers et capi-
taines qui avaient pris part à !a défense d'Or-
léans. L'archevêque Regnault, de Chartres, donne
Fonction sainte à Charles VII, et pose la cou-
ronne sur sa tête. Autant que les circonstances
et la précipitation des événements le permeltent,
l'antique cérémonial est observé.
Les évêques de Châlons, d'Orléans, de Séez,
représentent les pairs ecclésiastiques; le duc
d'Alençon, les comtes de Clermont, de Vendôme,
les sires d'Albret, de la Trémouille, de Laval ,
de Beaumanoir, les pairs laïques. Jeanne, en la-
quelle c on croyoit voir quelque chose de céleste,
et comme une envoyée de Dieu, > est près de
l'autel, debout tenant son étendard, ce dont ses
juges lui firent plus tard un grief. « Il avoit été
à la peine, i> leur répondit la Pucelle ; < il étoit
juste qu'il fût à l'honneur. >
Le sire de Retz reporte la sainte Ampoule à
l'abbaye de Saint-Remi, où il était allé la rece-
voir.
A Reims, Jeanne trouva son père, qui s'y était
rendu pour la voir ^.
--146 —
V. — ORLÉANS ET LES BORDS DE LA LOIRE
APRÈS LE SACRE.
1429-1440.
1429. — La duchesse d'Alençon s'était rendue
à Orléans, et elle y avait pris résidence pendant
que son mari suivait Charles Vil à Reims. Le
duc lui envoie par un poursuivant la nouvelle
de la « reddition > de Troyes, et par un de ses
hératitsles « lettres du sacre du Roi. » Ce pour-
suivant et ce héraut reçoivent de la ville d'Or-
léans trois écus d'or chacun.
Après l'échec subi devant Paris, Charles VII,
de l'avis de € ceux de son conseil et de son
sang, » quitte l'Ile-de-France pour revenir sur
la Loire. La Pucelle, voyant qu'elle ne peut em-
pêcher ce départ, laisse < son harnois complet i
(ses armes) devant les reliques de l'abbaye de
Saint-Denis, et à très-grant regret se « met en
la compagnie du Roi. ))
Ce n'est plus une marche de guerre : « l'ar-
mée est rompue ; le chemin se fait en manière
de désordonnance. »
13 septembre. — On couche dans la ville de
Lagny-sur-Marne. Le Roi en laisse le conunan-
dement à Ambroise de Loré.
— 147 —
Du 44 aw 20 septembre. — On passe la Seine,
puis TYonne, près de Sens ; on traverse Cour-
tenay, Montargis, Châteaurenard.
21 septembre. — On arrive à Gien pour dinar.
Sur la Loire, on était en grûreté^ et le Roi chez
lui. Les chefs qui l'accompagnaient depuis
Saint'-Denis se séparent. Le duc d'Alençon s'en
c va devers sa femme, le vicomte de Beaumont^
les autres capitaines chacun en sa frontière. »
La Pucelle demeure près du Roi, presque seule
et € moult ennuyée du départ du duc d'Alençon^
qu'elle aimoit très-fort. >
Du 22 au 30 septembre. — La cour séjourne
à Gien, à Celles, et se rend à Bourges, où était
la Reine. A une petite distance de la ville, on
est averti que la Reine vient à la rencontre du
Roi. La Pucelle se porte en avant et la salue ;
elle entre à Bourges à sa suite, et descend en
la demeure de la veuve de Régnier de Boulegny,
trésorier du Roi ^.
Premiers jours (Toctobre. — La cour est â
Mehun-sur-Yèvre. Le Roi y reçoit une ambassade
des habitants d'Orléans, qui exposent la détresse
où les a mis le siège. Pendant huit mois qu'il
avait duré, les combats avaient été incessants; le
pont de la Loire, les murs, les tours avaient eu
à subir les atteintes continues de l'artillerie an-
— 148 —
glaise ; le fort des Tourelles, sur lequel s'étaient
portés, tous les efforts de la Pucelle et de ses
généraux dans la journée mémorable du 7 mai,
n'était plus qu'une ruine ; les édifices des'
faubourgs que les assiégés avaient eux-mêmes
démolis, étaient détruits. La ville d'Orléans avait
résisté, triomphé ; mais elle sortait de cette glo-
rieuse épreuve épuisée dans ses finances. Il lui
fallait non seulement relever ses murailles, ré-
tablir ses ponts, « fort écroulés par les canons
et bombardes, » se « remparer, » suivant l'ex-
pression du temps, mais encore remédier aux
pertes privées, indemniser les collégiales et les
chapitres des faubourgs de la destruction de
leurs cloîtres et de leurs églises, les particuliers
de la destruction de leurs maisons.
Les députés demandaient assistance. Char-
les VII promit des octrois dont les lettres furent
expédiées plus tard. Elles accordèrent aux habi-
tants d'Orléans des droits sur la consommation
des vins, et un péage temporaire sur les mar-
chandises entrant dans leur ville,' par terre et
par eau. Ce péage avait été octroyé particuliè-
rement en vue de la reconstruction du pont, et
en considération de « la grande renommée qui
étoit dudit pont par tout l'universal monde, et
des grandes victoires qu'on avoit eues par lève-
ment de la bastide qu'avoient les Anglais aux
Tourelles®'. »
— 149 —
Cependant Jeanne était « très-marrie > de ce
que le Roi, passant son temps dans les villes et
les châteaux du Berri, c n'entreprenoit de con-
quester ses places sur ses ennemis. » Les princes
et plusieurs généraux pensaient comme elle; ils
étaient impatients de reprendre l'offensive. Le
duc d'Alençon < assemble gens » et propose
d'entrer en Normandie par les marches de Bre-
tagne et du Maine, t et pour ce, fait requérir le
Roi qu'il luy pleust lui bailler la Pucelle, > di-
sant € que plusieurs se mettroient en sa compa-
gnie qui ne se bougeroient si elle ne faisoit le
chemin. » Mais l'archevêque de Reims, les sires
de la Trémouille et de Gaucourt, qui < lors
gouvernoient le corps du Roi et le fait de sa
guerre, j craignant l'influence qu'une nouvelle
campagne avec la Pucelle aurait donnée au jeune
prince, font rejeter son offre.
La Loire libre jusqu'à Gien, ne l'était pas au-
delà. Ccsne, La Charité, Saint-Pierre-le-Mous-
tier, d'autres places encore, étaient aux mains
des Bourguignons. H importait de reprendre ces
villes, si voisines de la contrée où la cour faisait
résidence, de s'affermir par elles sur la haute
Loire ; on consent à employer de ce côté l'ar-
deur de la Pucelle et des capitaines qui étaient
demeurés près du Roi.
Premiers jours de novembre. — Jeanne se
— 150 -
porte sur Saint-Pierre-le-Moustier, et après quel-
ques jours de siège elle donne l'assaut. Mais la
place était forte et garnie de troupes résolues.
Les Français reculent. D'Aulon, écuyer de la
Pucelle, est blessé ; elle-même n'a plus à ses cô-
tés qu'un petit nombre de gens d'armes. D'Aulon
veut l'entraîner : « Je ne partirai, s'écrie-t-elle,
qu'après lavoir pris la ville. Aux fagots, aux
claies tout le monde pour combler le fossé ! i
A sa voix chacun s'arrête, revient ; on apporte
les fascines, les échelles ; les murs sont escaladée
et la place emportée.
Pendant que les choses marchaient de cette
sorte à Saint-Pierre, des préparatifs se faisaient
à Bourges pour le siège de La Charité. Lea
villes de l'obéissance du Roi sont invitées à don-
ner des secours ; Jeanne leur écrit.
Clermont, Riom font passer des munitions.
Les Orléanais se procurent des fonds par une
vente de sel d'impôt. Us envoient quatre-vingt-
six compagnons sous la conduite de Jean Voiau»
capitaine de gens d'armes, deux « joueurs » de
coulevrines, des trompettes avec l'étendard de
la ville. Un cor délier, le valet de la ville et deux
autres serviteurs, sont de ce voyage^ Plusieurs
habitants les conduisent jusqu'à OUvet.
Les compagnons équipée blmh frai3 de la ifiH^
portaient des huques de pers (drap bleu) , avec une
croix de blancbet(drap blanc) et bordure d'orties.
— 151 -^
Fin de novembre. — Le maréchal de Boussae»
le sire d'Albret, se réunissent à la Pucelle, La
Charité est investie ; mais le Roi n'envoie ni vi^
vres, ni argent. On manque de soldats. Âprèa
un assaut infructueux et un séjour d'un mois
sous les murs de la place, le siège est levé, <l à
la grande déplaisance de la Pucelle ^, >
La veuve de John Stuart de Darnley, conné-
table d'Ecosse, tué à la journée des Harengs,
meurt à Orléans; elle y avait suivi son mari
dès le commencement du siège. Huit torches
payées par la Ville sont portées à ses funérailles^.
Premiers jours de décembre. — La Pucelle
revient à Mehun-sur-Yèvre, ou le Roi lui accorde
des lettres de noblesse pour elle, son père, sa
mère, ses deux frères et leur descendance. Ses
frères portent, à dater de ce moment, le nom
de du Lis.
25 décembre. — Ea Pucelle est à Jargeau.
Premiers jours de janvier. — A Bourges.
19 janvier. — A Orléans, en compagnie de
son frère, Pierre du Lis; de Jehan Rabateau,
conseiller du Roi, avocat-général au Parlement
de Poitiers, qui avait été son hôte dans cette
ville; de Jehan de Velly et du seigneur de Mor^
temart. La Ville lui failles présents d'usage, qui
— 152 —
se composent de ciquante-deux pintes de vin,
six chapons, neuf perdrix, treize « congnins »
(lapins) et un faisan. Un pourpoint fut donné
à son frère '®.
Du S au 28 mars, avant Pâques. — La Pucelle
est à Sully avec la cour. Mécontente de ce que
le Conseil n'entreprend rien pour la guerre, elle
part secrètement sans prendre congé du Roi et
se rend à Lagny.
4430, 23 mai. — Sortie de Corapiègne. Jeanne
tombe aux mains du comte de Ligny, qui la vend
au duc de Bedford pour seize mille saints d'or.
Son écuyer, Jehan d'Àulon, la suit dans sa
prison.
1431, 31 mai. — Jeanne, condamnée comme
hérétique et relapse, est brûlée vive sur la place
du marché de Rouen.
1432, juin. — Premier anniversaire de la
mort de la Pucelle. La ville d'Orléans fait cé-
lébrer dans l'église de Saint-Samson un service
pour le repos de son âme. Quatre cierges, douze
tortils, un flambeau aux armes de- Jeanne, sont
présentés à l'offrande. Pendant le service, huit
messes des morts sont chantées par huit reli-
gieux mendiants. Les Procureurs y assistent.
— 453 —
Jusqu'à l'année 1439, ce service fut renouvelé
tous les ans ^\
1440. — Isabelle Roraée, mère de Jeanne,
vient habiter Orléans; elle y demeure jusqu'à
sa mort. La Ville lui fait une pension de qua-
rante-huit sous parisis par mois (1).
Des deux frères de la Pucelle, Jean et Pierre
d'Arc, dits du Lis depuis leur anoblissement,
l'un, Jean du Lis, était demeuré à la cour de
Charles VII pendant les premières années qui
suivirent la délivrance d'Orléans; en 1436, il
était allé en Lorraine sur le faux bruit que sa
sœur y avait reparu, et le Roi l'avait fait pré-
vôt de Vaucouleurs, office qu'il garda jusqu'en
1467.
Pierre avait été pris à la sortie de Compiègne
et était resté pendant plusieurs années prison-
nier du bâtard de Vergy. Il vint ensuite habiter
les environs d'Orléans. En 14431e duc d'Orléans
lui donna l'Ue-aux-Bœufs.
Son père était mort du chagrin qu'il avait
ressenti en apprenant son supplice.
1429-1440. — Charles III, duc d'Orléans, con-
tinuait à tenir prison à Londres, n'ayant pu
jusque-là payer l'énorme rançon de trois cent
(1) En valeur intrinsèque, 23 fr. 91 c. '
— 154 —
mille écus d'or qu'on exigeait de lui. En dé-
cembre 1429, les états du royaume avaient été
convoqués à Orléans pour aviser aux moyens
d'obtenir sa délivrance. Une taxe avait été mise
sur les habitants; le Roi avait donné quelque
argent, mais c'était loin de sufQre. Les deux
maisons de Bourgc^ne et d'Orléans se réeond-
lient. Pbilippe-le-Bon fournit ce qui manque pour
la rançon du due prisonnier et lui donne la main
de sa nièce, Marie de Clèves (1).
^A janvier 1441. — Entrée du duc et de la
duchesse d'Orléans dans leur ville ducale. Les
habitants les reçoivent en grande pompe. Après
douze jours passés à Orléans dans des fêtes con-
tinuelles, ils se rendent par la Loire (2) au châ-
teau de Blois, qui devient leur résidence ha-
biluelle.
Août. — Charles d'Orléans avait été vingt-
cinq ans absent. S'il retrouvait son patrimoine,
il le devait à Dieu et à Jeanne d'Arc , mais pour
une part aussi à l'épée de son frère naturel, le
(1) Charles d'Orléans était veuf de sa seconde fenune,
Bbnn« d'Aimagnac.
(2) Vair dans V Histoire du château, de Sloia, par M. de la
Saussaye, la ballade de Charles d'Orléans^ commençant pat
ces deux vers ;
En tirant d*0rléans à Blois,
L'autre jour par eau venoye*
— 455 —
Bâtard d'Orléans. Il devait encore au Bâtard
l'alliance de la maison de Bourgogne, qui avait
été négociée par son entremise. Pour reconnaître
de si grands services, il lui abandonne le comté
de Dunois"*
VL — RÉHABILITATION DE LA KÊHOIRE
DE JEANNE D'ARC.
1450-1456.
' Isabelle Romée, mère de Jeanne d'Arc, Pierre
et Jean « dits d'Arc, > ses frères et ses autres
parents, adresisent une requête au Saint-Siège,
à l'effet de < recouvrer leur honneur, celui de
Jeanne, et d'abolir la note d'infamie dont sa mé-
moire est injustement entacbée (1). » Le pape
Calixle II donna commission à l'archevêque de
Reims, aiux évéques de Paris et de Coutances,
d'informer sur le procès et la sentence de con-
damnation de la Piieelle.
Déjà Charles VII, se trouvant à Rouen (fé-
vrier 145d), avait chargé Guillaume BouiUé,
doyen de Noyon, et Jean Bréhal, inquisiteur de
(1) Ad recuperationetn honoris sui et dictœ Johannœ, ac
ad abolendam infamiœ notam et inde indehite smceptam.
— Texte du rescrit QyiCHEJUT, II, 97.
— 156 —
la foi, de procéder à une information préliori*
naire.
L'instruction ordonnée par le Pape est com-
mencée d'après les formes scrupuleusement mi-
ifutieuses de la procédure canonique. Le promo-
teur des causes criminelles de la cour épiscopale
de Beauvais, le sous-inquisiteur de la foi dans le
diocèse, Guillaume de Hellande, évêque de Beau-
vais, et les héritiers de Pierre Cauchon, sont as-
signés comme défendeurs. L'évêque décline la
responsabilité des actes de son prédécesseur
Pierre Cauchon; personne ne comparaît pour
les défendre.
Du 24 février au iQ mar5 4456. — L'arche-
vêque de Reims (1), se transporte à Orléans et
entend trente-huit témoiné, parmi lesquels (2) :
Jean d'Orléans, comte de Dunois;
Raoul de Gaucourt, bailli d'Orléans au temps
du siège, à ce moment grand-maitre de l'hôtel
du Roi, âgé de quatre-vingt-cinq ans.
Charlotte, épouse de Guillaume Havet, âgée de
(1) Jean Jouvenel des Ursins, archevêque de Reims de-
puis 1449.
(2) Dans cette enquête, Farchevêque fut assisté de Guil-
laume Bouille, de Jean Patin, de Tordre <^ps Frèi es-Prê-
cheurs, professeur de théologie et sous-inquisiteur de la foi;
de Jean du Mesnil, docteur ès-lois, officiai de Beauvais; de
Jean Martin, de Tordre des Frères-Prêcheurs, vicaire de Tin-
quisiteur, et de Jean Cadier, bachelier ès-lois.
— 157 —
trente-six ans, fille de Jacques Boucher, trésorier
du duché d'Orléans, qui avait partagé le lit de
Jeanne pendant son séjour dans la maison de
son père, du 29 avril au 40 mai 4429.
Des informations semblables sont faites & Pa-
ris, à Rouen, à Lyon (1), et dans le lieu de la
naissance de Jeanne d'Arc.
4456, juillet. — Sentence de réhabîlilalîon
prononcée dans le palais archiépiscopal de
Rouen, par Tarchevêque de Reims, l'évêque de
Paris, l'évêque de Coutances et Jean Bréhal,
juges délégués du Saint-Siège (2).
Par laquelle sentence le procès poursuivi et les
jugements rendus contre « Jehanne d'Arc, vul-
gairement appelée la Pucelle, » reconnus iniques,
dolosifs, calomnieux, erronés en droit et en fait,
son abjuration et ce qui a suivi, sont déclarés
vains, nuls et sans valeur.
Proclamation de la sentence sur la place de
Saint-Ouen, de Rouen, et sur la place du Vieux-
Marché, au lieu même où Jeanne avait été brûlée.
(1) Pour recevoir la déposition de d*Aulon, ancien écuyer
de la PuceUe, qui était à ce moment sénéchal de Beaucaire
et peut-être capitaine du château de Pierre Scise, près Lyon.
(2) Sur «( la cajise poursuivie par Isabelle d'Arc, honnête
veuve, Jean d'Arc, prévôt de Vaucouleurs, Pierre d'Arc, che-
valiers, autrefois mère et frères germains de défunte Jehanne
d'Arc, de bonne mémoire, vulgairement appelée la Pucelle,
demandeurs. »
— 158 —
Du li au. ^9 juillet. — Arrivée à Orléans de
l'évêquede Coutanceset de Jean Bréhal, porteurs
de la senteaee de réhabilitation. Procession à
Saint-SamsoQy au cours de laquelle la sentence
est proclanjée. A cette processioû sont portées
les six torches de la Ville. Pierre d'Arc, frère
de la Pucelle, y assiste '^,
Les Orléanais ne s'étaient pas un instant dé-
mmû& dans leur reconnaissance envers la Pu-
celle. Qâ avaient pleuré: sa mort, nourri sa mère,
adopté ses frères» béni sa rébabilitatuMi, Tocit
ce qui tenait à elle, la viUe d'Orléans se l'étaît
pieusement approprié, en avait fait son potri*
moine, c'était sa propre mémoire qu'etie hono-
rait dans la siennie. Alliance etconibmunautéque
le temps a consacrées : Jeanne d'Arc et Oriéans
sont devenus des noms i6séparaJt)les, e( dans la
langue de l'histoire cette noble enfant, qui pour
obéir à Dieu était venue des marches de Lor-
raine aaettre sa jeunesse, sa graïkde âme et sa
vie au service de la Fraoce, s'est appelée la
Pucelle d'Orléans.
VIL -^ FÊTE COMMÉHaRATIVE DS LA
DÉLIVRANCE D'ORLÉANS.
■
Institutiani de la fête. — Le 8 mai 4429,
à la nouvelle que l'armée anglaise se retirait.
— 45» —
les Qrlàaaaia s'étaient spontaBémeat répandus
dans les églises^ pour rendre aa Ciel de justes
actions de grâces et pour remercier leurs pa-
trons saint Ëuverte et saint Aigaan de la pro-
teetion qu'ils avaient étendue sur la cité pen-
dant la durée du siège. Le même jour, le clergé,
€ par k moyen et de l'ordonnance du Bâtard
d'Orléans, d s'était rendu processionnellen:bent au
portereau Saint-Marceau, suivi du Bâtard lui-
même, de la Pucelle, des Procureurs, des caipi-
taines, gens d'armes, bourgeois et habitants. Ce
fut l'origine de la fêle du 8 mai '*.
L'année suivante, la même procession se fit
aa milieu d'un concours immense et avec un
enthousiasme extrême. Les boui^eois d'Orléans
étaient allés chercher à Meung (1) leur évéque
de Saint-Michel pour qu'il y assistât.
Dés ce temps, le cérémonial de la fête avait
été réglé. Le clergé et le conseil de la Ville, d'un
commun accord, avaient arrêté qu'on irait en
procession aux Augustins, et partout où avait
été le « estour j (combat) ;
Qu'on y ferait le service et oraisons ;
Que les douze Procureurs porteraient cbacnn
efi leur main un cierge où seraient les armes
de la Ville ;
(1) Suivant le doyen de la Saussaye, à Jargeau, d'après les
manusontB de Fabbé Dubois.
— 160 —
Que de ces cierges quatre demeureraient à
Saînle-Croîx, quatre à Saint-Euverte, quatre à
Saint-Aignan ;
Que les châsses des églises seraient portées,
c en espécial celle de monseigneur Saint-Aignan,
celle de monseigneur Saint-Euverte, lesquels
furent gardes et protecteurs de la dicte cité
d'Orléans; >
Qu'on reviendrait par devant la chapelle de
Notre-Dame-de-Saint-Paul (1) ;
De Ik à Sainte-Croix, où un sermon serait
prêché et la messe célébrée ;
Que le même jour, en l'église de Saint-Aignan,
on chanterait vigiles pour les « trespassés »
pendant le siège, et le lendemain une messe
solennelle, à laquelle assisteraient les Procureurs;
qu'à l'offrande serait présenté, au nom de la
Ville, un cierge, c pain, vin, » et par chaque
procureur huit deniers parisis.
Ce cérémonial fut approuvé plus tard et con-
sacré par des décisions épiscopales et pontificales
dont voici les dates :
9 juin 4452. — Bulle du cardinal d'Estou-
teville, légat du Saint-Siège, par laquelle sont
accordés cent jours d'indulgence à toute per-
sonne pénitente qui visitera l'église de Sainte-
Croix et assistera dévotement : le 7 mai, aux
(1) Cette chapelle était à la partie sud-est de Téglise.
— 461 —
premières vêpres ; le 8 mai à la procession
générale, à la me:se et aux secondes vêpres, le
9 mai au service des défunts. Ce pardon fut
crié dans la ville, de l'ordre des Procureurs, et
trancrit sur un livre où était < le service de la
fêle, J et qu'on appelait le livre rouge.
4 mai 1453. — Lettres de Thibault d'Aussi-
gni, évêque d'Orléans, qui, voulant conserver
et maintenir à jamais la fêle établie, de « Tas-
senliment de la population cléricale et laïque, >
pour célébrer la gloire de Dieu et remercier les
saints confesseurs saint Euverte et saint Aignan
de leur assistance, accorde quarante jours d'in-
dulgence à tous les fidèles pénilenls qui, en
commémoration d'une aussi grande victoire, as-
sisteront les 7, 8 et 9 mai aux vêpres, à la
procession solennelle et à l'office des défunts.
4 mai 1474. — Lettres de François de Brilhac,
évêque d'Orléans, qui accorde les mêmes indul-
gences à ceux qui, pendant les trois jours con-
sacrés à remercier Dieu de la victoire obtenue
par le secours de la croix triomphante, « pa-
trone » de la cité (1), l'assistance de saint Eu-
verte et de saint Aignan, ses protecteurs, sui-
vront les offices de la fête.
i9 janvier 1482. — Lettres de Jean Rolin,
(1) Uéglise cathédrale d'Orléans est placée sous le vocable
de la Croix et sous celui de Saint-Mamert.
— 162 —
cardinal-évêque d'Autun, données à Paris, à la
requête des procureurs de la ville d'Orléans,
par lesquelles sont accordés cent jours d'indul-
gence à ceux qui assistent aux processions,
messes et offices célébrés en mémoire de la déli-
vrance et pour la prospérité de la a commune
et cité. » Cette dernière bulle fut transcrite au
livre rouge par l'un des notaires en cour d'é*
glise de la ville d'Orléans.
La fête du 8 mai, canoniqueraent constituée
par ces décisions, eut désormais son afûce
spécial et prit place dans le calendrier ecclésias-
tique du diocèse, oii elle figure sous l'indication :
« Délivrance d'Orléans; n mais en même temps
elle demeurait fête civile. Née de l'accord des
habitants et du clergé, clera et altero popula
consentiente , elle conserva toujours , ou du
moins ne perdit qu'accidentellement ee carac-
tère mixte, qui est le sceau de son origine.
Jusqu'en l'année 1561, elle fut célébrée sans
interruption, avec le cérémonial religieux et
civil. En 1562, les calvinistes se trouvant maî-
tres d'Orléans (1), la procession n'eut pas lieu,
la fête ne fut pas célébrée. Peut-être y eut- il un
divertissement militaire aux Tourelles. Un ar-
ticle du. compte de commune, où il est question
d'échafauds dressés pour la fête de la Ville, le
(1) Depuis le \^^ avril, le prince de Condé, chef du parti
protestant, en était maître.
-163 —
laisse supposer (1). Ce complu ne mentionne
aucune autre dépense.
Les registres de 1563 et de 1564 manquent,
et l'on ne sait ce qui se passa au mois de mai
de ces deux années (2),
En 1565, la fête fut célébrée suivant l'ancien
rit. La procession se rendit de la cathédrale aux
Tourelles ; mais les cinquanteniers de la religion
réformée, commandés pour y assister, refusè-
rent d'obéir : leur réponse fut constatée par
acte notarié. Cette sommation et cette réponse
semblent indiquer qu'on revenait pour la pre-
mière fois, depuis les troubles, à l'ancien céré-
monial. CHï fut du reste obligé de prendre des
mesures cShtre les mauvaises dispositions des
calvinistes. Le chevalier du guet dut se trouver
à la procession avec ses gens, et le capitaine
Caban, commandant de la citadelle, avec ses
soldats, pour a empêcher qu'on ne fit sédition. »
Pendant plusieurs années cette précaution fut
nécessaire. En 1572, ce fut M. de Machault,
commissaire pour le Roi, qui se chargea de
maintenir l'ordre sur le passage du cortège.
1791-1792. — La fête, dépouillée de tout ca-
ractère religieux, est célébrée militairement.
(1) A Irabault Samxon six ËYreç tournûys, pouv avoir par
lui fourny et faict les chaflfaulz et faste de la Ville.
(2) Le 2 avril 1563, le prince de Condé avait quitté la ville»
cpM ce màVi.^ jour avait été remise ai» officiers du Roi.
— 164 —
4793. — La fête est supprimée.
4803. — Sur la demande du conseil général de
la commune, le premier Consul autorise le réta-
blissement de la « fêle commémorative de 4429. >
Le maire, M. Crignon-Désormaux, prend un arrêté
dont voici le préambule et les premiers articles :
« Considérant que le Gouvernement a approuvé
la proposition de rétablir à Orléans la fête qui s'y cé-
lébrait chaque année en l'honneur de la délivrance
de la ville par la Pucelle ;
« Considérant que cette fête a toujours été religieuse
et civile, et que dès lors elle doit se faire par le con-
cours des diverses autorités ;
<E Après en avoir conféré avec le général comman-
dant la subdivision du Loiret pour ce qui concerne la
partie militaire, et avec Monsieur l'évèque d'Orléans
pour ce qui a rapport à la partie religieuse de cette
cérémonie ;
« Arrête, pour ce qui concerne le civil :
« Art. 4e»'. — La fête de la délivrance de la ville
par Jeanne d'Arc, dite la Pucelle, sera célébrée le 8
floréal prochain et les années suivantes, le jour du
calendrier républicain correspondant au 8 mai, vieux
style.
« Art. 2. — Les invitations à tous les corps laïques
et ecclésiastiques seront faites par le Maire^ lequel
ordonnera tout ce qui tient au détail de la fête. »
L'évêque, de son côté, donna un mandement
portant :
< A ces causes, et en vertu de l'autorisation spé-
— 165 —
ciale du Gouvernement, nous ordonnons que la fête
religieuse établie en cette ville en mémoire de sa dé-
livrance par Jeanne d'Arc, connue sous le nom de
Pucelle d'Orléans, continuera d'être célébrée le 8*
mai de chaque année, sous le rit et avec les cérémo-
nies d'usage. :»
4831. — La fête religieuse se célèbre dans
rinlérieur de la cathédrale; la procession cesse
de se rendre aux Tourelles.
1840 à 1848. — La procession sort et se rend
aux Tourelles.
1848 à 1852. — La procession extérieure est
de nouveau supprimée. Les autorités civiles et
militaires seules vont aux Tourelles en cortège.
1852. — La procession extérieure est réta-
bUe '^
Dénomination de la fête. . — La population
rappelle indistinctement fête de la Pucelle, de
Jeanne d'Arc, des Tourelles, de la Ville. De ces
dénominations, les deux dernières seules sont
exactes. Instituée en commémoration de la déli-
vrance de la cité et non en l'honneur de Jeanne
d'Arc, la fête du 8 mai s'appela, à l'origine,
fêle des Tourelles, puis fête de la Ville, nom
qui lui est resté. Les registres de la commune
ne lui en ont jamais donné d'autre. En voici
l'extrait :
1435. — Solennité de la fête des Tourelles.
— 166-^
Anniversaire pour le salut des âmes de ceux qui
moururent quand le siège fut levé.
4440. — Vigiles des trépassés qui sont morts
durant le siège.
4441. — Fête de la Ville qu'on fait le hui-
tième jour de mai. Vigiles et messe qu'on chante
pour les âmes de ceux qui trépassèrent le siège
durant.
4449. — Fête et solennité qu'on fait chacun
an, au huitième jour de mai, pour mémoire de
ce que les Anglais qui tenaient le siège devant
la ville s'en allèrent ce jour et levèrent leur
siège.
4450. — Remembrance et solennité qui, cha-
cun an, se fait ce jour (8 mai) à l'occasion
du siège que les Anglais mirent au mois d'oc-
tobre l'an mil quatre cent vingt-huit devant la-
dite ville d'Orléans, et y tinrent jusqu'au hui-
tième jour de mai mil quatre cent vingt-neuf,
que par la grâce de Dieu il fut levé.
4454. — Procession des Tourelles qui se fait
le huitième jour de mai en mémoire de la grande
grâce que Dieu nous fit à la levée du siège que
tenaient les Anglais devant cette cité, lesquels
se départirent honteusement à l'honneur du Roi
notre sire, et des habitants d'icelle.
4455. — Solennité qui, chacun an, se fait
pour le « relièveraent » du siège que tinrent les
Anglais devant la ville.
— 167 —
1460. — Fête de la Ville pour révérence de
la c lévacion i> du siège.
1497. — Procession générale faite aux Au-
gustins en remerciant Dieu, notre créateur, de
la victoire à ce jour donnée contre les Anglais,
ainsi qu'il est accoutumé faire chacun an.
1501.— Fête de la Ville.
1668. — Solennité de la procession de la dé-
livrance de la Ville. Fêle de la délivrance de la
Ville. Fête de la Ville.
A dater de cette époque, il n*y a plus sur les
registres d'autre dénomination que celle de
f Fête de la Ville, > qui s'y trouve reproduite
chaque année jusqu'à la suppression totale de la
fête, en 1793.
En 1772, la procession avait été appelée dans
une ordonnance de Tévêque : « procession qui
se fait en actions de grâce pour la délivrance
de la Ville, par l'entremise de Jeanne d'Arc. »
En 1803, l'arrêté du maire et le mandement de
l'évêque relatifs au rétablissement de la fêle lui
donnent le nom de « Fête de la délivrance d'Or-
léans par Jeanne d'Arc. j>
Itinéraire de la procession. — A l'origine, le
clergé faisait le tour intérieur de la ville ; lors-
qu'elle eut été agrandie, il continua de suivre
les rues qui marquaient à peu près l'ancienne
enceinte.
— 168 —
On sortait de la cathédrale par la porte laté-
rale du sud, et on prenait par le cloître Saint-
Etienne, les rues de la Corne-de-Cerf, du Puits-de-
Linières, du Gros-Anneau, des Images, de Tlm-
possible, de la Charpenterie, le Grand-Marché, le
marché à la Volaille, les rues Saint- Jacques, des
Hôtelleries, le pont, la voûte des Tourelles, le
boulevart des Tourelles, l'église des Augustins,
le pont, les rues des Hôtelleries, de la Pierre-
Percée, du Puits-Saint-Christophe, le Vieux-Mar-
ché, les rues Vannerie, Saint-Paul, delà Foulerie,
de la Vieille-Poterie, de la Barillerie, de TAi-
guillerie, la Porte-Dunoise, les rues de la Cor-
donnerie, de la Pomme-de-Pin, de TOrmerie,
Saint-Sauveur, de FEcrivinerie (1) ; on rentrait
à la cathédrale par la porte du sud.
Ce parcours dut se modifier lorsque le nou-
veau pont eut été livré au public (1760) et la
rue Royale ouverte. En 1762, Tévéque, sur la
demande des officiers municipaux, rendit une
ordonnance portant que désormais la procession,
en sortant de la cathédrale, prendrait la rue de
FEcrivinerie, et continuerait sa marche en droite
ligne par la rue de Bourgogne jusqu'au coin de
l'ancienne Porte-Dunoisc; que de là elle descen-
drait la rue Sainte-Catherine, passerait sous la
porte de l'ancien pont pour se rendre à l'église
(1) Aujourd'hui rue Pothier.
— 169 —
des Auguslins par le nouveau pont ; qu'au re-
tour elle suivrait la rue Royale, passerait devant
le monument de la Pucelle, transporté récem-
ment de l'ancien pont au carrefour de la rue
de la Veille-Poterie, et rentrerait dans la cathé-
drale par la place du Martroi, la rue d'Escures,
la place de l'Étape et le portail du nord. Le
chapitre de Saint-Aignan quittait la procession
à ce moment et retournait dans son église.
Le 8 mai 1829, quatre centième anniver-
saire de la délivrance d'Orléans, on est sorti pour
la première fois, depuis la reconstruction de la
cathédrale, par le grand portail qu'on venait
d'achever.
Aujourd'hui, la procession continue à sortir par
le grand portail et suit directement la rue Jeanne-
d'Arc, pour gagner la rue Royale et le pont. Elle
ne passe plus dans les bas quartiers ^^.
Stations. — Dans les premiers temps, la pro-
cession faisait plusieurs stations : sur le pont,
devant la Belle-Croix ; au boulevart des Tourel-
les, du côté de Jargeau, du côté de Meung, de-
vant le fort; à la chapelle de Notre-Dame de
Saint-Paul; à la Porle-Dunoise (1). Après la dé-
molition du vieux pont, des Tourelles et de leur
(1) iV^cienne porte de ville avant la réunion du bourg
diAvenum, L'entrée de la rue de la Faverie, où eUe était pla-
cée, eiruvait conservé le noiû.
10
^^
— 170 —
boulevart, la station qui avait lieu sur ce point
se fit dans l'église des Augustins; celles de Sainl-
Paul et de la Porte-Dunoise furent supprimées.
Aujourd'hui que l'église dès Augustins a été
démolie, la station a lieu devant une croix qui
a été érigée en 1817 sur l'emplacement dubou-
levart des Tourelles.
Office. — Les vigiles de la veille et toi taesse
du jour se disaient à Sainte-Croix; c'est àtissi
dans réglise de Sainte-Croix que le sermon était
prononcé. Les vigiles du jour s« disaient et le
service des morts se célébrait à Saint- Aignan.
L'office de la procession était fait par les trois
chapitres de Sainte*Croix, de Saînt-Aignan et de
Saint-Pierre-Empont, Sainte-Croix dès l'origine,
Saint-Aignan à dater de 1440, Saint-Pierre*Em-
pont à dater de 1451.
Les chants se composaient de versets des
psaumes. Vers la fin du XV® siècle, on commença
à introduire dans le processionnal des passageâ
des Écritures qui pouvaient présenter des allu-
sions à la délivrance de la vûle et à la prise des
Tourelles.
C'est ainsi qu'on chantait à la station de la
Belle-Croix quatre répons , le premier tiré
d'isaïe (1), où senties mots : occupabit salus muros
(1) LX, 18.
-m ^
tuos; le second en l'honneur de saint Mamert,
patron de la cathédrale; le troisième en l'hon-
neur de saint Euverte, le quatrième en l'hon-
neur de saint Âignan ; à la station des Tourelles,
le verset commençant par ces mots : Vos qui in
turribus estis aperite portas; au retour, sur le
pont, le cantique composé par Moïse lorsque
Pharaon eut été submergé dans la mer Rouge (1),
et le cantique de Débora.
Dans l'ordre des prières arrêté en 1773, par
ordonnance de l'évêque d'Orléans, ces psaumes
et cantiques ont été maintenus; aujourd'hui
encore ils font partie de Toffice. En rentrant
dans Sainte-Croix, on entonne le Te Deum.
Qn disait aussi deux oraisons, l'une où sont
les mots : exorantes ut Aurelianorum civitatem
quam de hostium manibus liberare dignatus es,
Qb omni in posteruM adyersitate custodiasjYdM"
tre dite oraison de saint Aignan j où on lit :
prœsta, ut siciUi ad supplicationes sancti hujus
pontificis (Aniani) civitati Aurelianensi in af-
flictione positon sutccuristi, ita Il est à re-
marquer que les termes de ces deux oraisons
sont généraux et s'appliquent aux deux déli-
vrances d'Orléans, la délivrance du siège des
Huns en 451 et la délivrance du siège des An-
glais en 4429 ".
(1) Exode, 15.
— 172 —
En 4483, un motet spécial, moitié français,
moitié latin, fut composé par le maître des en-
fants de chœur de Sainte-Croix, qui reçut de la
Ville, pour ce travail, quatre écus d'or (1). Ce
motet, destiné à être chanté désormais à la sta-
tion de la Porte-Dunoise, fut transcrit en deux
exemplaires de chacun huit pages de parchemin,
reliées en cuir vermeil, l'un pour les chantres
de Sainte-Croix, l'autre pour les enfants de
chœur (2). Un autre motet se chantait à la sta-
tion de Saint-Paul. Lemaire, qui écrivait en 4645,
rapporte ces motets tels qu'on les chantait de
son temps. C'est un mélange d'actions de grâce
adressées à Dieu, de remercîments à saint Aignan,
à saint Euverte, à la sainte Croix, dont la fête
(3 mai) avait coïncidé avec la levée du siège,
d'éloges à la Pucelle et à ses compagnons Du-
nois, La Hire et Xaintrailles. Voici quelques
versets :
Commune d*Orléans, élevez votre voix,
En remerciant Dieu et la Vierge sacrée^
Quand jadis à tel jour, huictième de ce mois,
Regarda en pitié le peuple orléanois,
Et tellement chassa nos ennemis Ânglois,
Que la Duché en fut en joye délivrée.
A la douce prière
Dont le Roy Dieu pria,
Vint Pucelle bergère,
(1) n s'appelait Éloi d'Amerval.
(2) En 1643, ils étaient usés. Les Procureurs les firent re-
nouveler. — Comptes de commune, 1484 et 1643.
— 173 —
Qui pour nous guerroya.
Par divine conduite
Ânglois tant fort greva,
Que tous les mit en fuite,
Et le siège leva.
Ecce crueem Domini, fugite partes adversœ per
quam vicerunt lilia Uopardos de Anglia (1).
Judith et Esther, nobles dames,
Et plusieurs autres vaillantes femmes,
Par le vouloir du Dieu des dieux
Bataillèrent pour les Hébrieuz.
Tout ainsi pour notre querelle
Batailla Jeanne la Pucelle.
Salve nos Christe Salvator per virtutem sanc-
tœ cntcis, qui demersisti Anglicos in Ligeri,
miserere nobis (2).
Regardez comme Glacidas
Fut noyé, et d'autres grand tas,
Sallebri frappé d'un canon,
Dont mourut à confusion;
Car Notre-Dame et saint Memart (Mamert)
Les grevèrent de toute part.
Saint Euverte les mit aussi
Et saint Aignan en grand souci.
(1) Fuyez, ennemis; voici la croix du Seigneur, par laquelle
les lis ont vaincu les léopards d'Angleterre.
(2) Sauvez-nous, Christ sauveur, qui par la vertu de la
sainte Croix, avez englouti les Anglais dans la Loire, prenez
pitié de nous.
10.
— 174 —
Or, prions donc pour le hon capitaine
Sage et prudent, Monseigneur de Dunois,
Que Dieu le mette en la g;Ioire hautaine,
Poton, La Hire et tous les bons François.
Les chantres et enfants de chœur qui chan-
taient ces motets étaient placés sur des écha£aiids
en planche qu'on dressait sur le piassage de b^
procession.
Les oraisons de rofllce continuent, on Fa
vu plus haut, des actions de grâce pour la déli-
vrance de la ville, due particulièrement à l'in-
tercession de saint Aignan. son patron ; mais il
n'y est fait aucune allusion h l'intervention de
la Pucelle. C'est dans les motels seulement qu'elle
est citée en compagnie de Dunois, La Ilire et
Poton, et il est à remarquer que ces motels n'ap-
partenaient pas à Toffice religieux proprement
dit; ils ne sont pas notés dans les procession-
naux, successivement approuvés par les évéques
d'Orléans. Et en effet, ils n'étaient pas chantés,
durant la marche du cortège, par le clergé des
paroisses et des chapitres, mais pendant les sta-
tions, par des enfants de chœur et des chantres
placés sur des e&lrades.
M. Buchon, et M. Quicherat plus tard, ont
publié, d'après un manuscrit de la bibliothèque
impériale, une collecte qui contient le passage :
ut sicut populum iuum per mamm^ fœminœ U-
berasti, sic Caroh, régi nostro, brachium nicto-
— 175 —
riœ érige ut hostes qui fw sua confidunt multi"
iudine queat in prœsenti superare. Celle collecte
composée vraisemblablement au temps de Char-
les VU, fait mention de la délivrance du peuple
de Dieu par la main d'une femme» mais non de
la délivrance spéciale d'Orléans. Elle a pu être
introduite dans quelque office ; il ne parait pas
qu'elle ait jamais pris place dans l'office qui
se célébrait à Orléans le 8 mai. Les oraisons de
ce dernier office contiennent, on l'a vu plus
haut, des aciions de grâce pour la délivrance
de la ville, due particulièrement à l'interces-
sion de saint Âignan ; mais il n'y est fait au-
cune allusion à rintervention de la Pucelle'*.
Sermon. — Il élait d'usage à Orléans que toute
procession fut accompagnée ou suivie d'un ser-
mon. Aussi voit-on l'ordonnance de Tinstitution
de la fêle comprendre un sermon qui se pro-
nonçait dans la cathédrale à la rentrée du cor-
tège. Aujourd'hui, on le prononce avant la sortie
de la procession ; mais ce changement n'eut lieu
que fort tard. Un religieux, appartenant aux
ordres mendiants, était habituellement chargé de
cette prédication. Quelquefois ce fut un chanoine
des chapitres, quelquefois aussi un prêtre ou
un religieux étranger. En 4507, le « prêcheur »
fut l'évêque de Sisteron, confesseur du Roi.
Vobjet de ce discours^ était, au XV^ siècle,
— 176 —
de remercier Dieu de la délivrance de la ville :
« Serraon que on fait à la procession chacun
an à la fêle de la Ville, pour le remercier de la
levacion du siège. > Bien entendu, on ne pouvait
le faire sans parler de la Pucelle et prononcer
son éloge. Cet éloge devint peu à peu le sujet
tout entier, si bien qu'aujourd'hui le serraon
qui se prononce n'a d'autre nom que celui de
panégyrique de Jeanne d'Arc. 11 arriva parfois,
vers la fin du XYIII^ siècle, que ce panégyrique
fut prononcé à un point de vue trop humain.
M. l'abbé Dubois s'en plaint dans ses manus-
crits, et rappelle le caractère primitif de ce pa-
négyrique, qui était c une oraison sur le sujet
du bienfait reçu de Dieu, qui a délivré Orléans
et toute la France par les armes d'une pucelle. *
En 4460; le sermon avait été prononcé par
Jean Martin, docteur en théologie. Les Procu-
reurs le firent t écrire et noter en deux livres >
aux frais de la Ville.
En 4759 et en 4760, un même prédicateur
fut entendu. Ses deux sermons ont été imprimés
avec le titre de : « Discours sur la Pucelle d'Or-
léans et sur la délivrance d'Orléans, prononcés
dans l'église cathédrale de la même ville, l'un
le 8 mai 4759, l'autre le 8 mai 4760, par le père
de Marolles. » C'est le plus ancien des panégy-
riques qui nous sont parvenus.
Depuis lors, plusieurs autres panégyriques ont
— 477 —
été imprimés par les soins de Tautorité munici-
pale ™.
Châsses. — Dès l'origine, les châsses des
saints furent portées à la procession. En 4435,
il y en avait trois : celles de saint Âignan, de
saint Eu verte et de saint Mamert. Mais leur
nombre s'augmenta rapidement; on vit succes-
sivement paraître les châsses :
4439. — De saint Samson, de Sainte-Croix,
de l'abbaye de Bonneval (4) ;
4443. — De saint Flou, de saint Avit, de saint
Marceau ;
4445. — De saint Victor, de saint Evroul, de
saint Pouair;
4447. — De saint Mesmin, de saint Georges;
4453. — Des Ozannes(2);
4459. — De saint Laurent;
4473. — De saint Grégoire;
4524. — De saint Benoît, de saint Maclou,
de saint Balthazard, de saint Doreste, de saint
Paul, ermite, de sainte Barbe, de sainte Jeanne,
de saint Quiriace, de saint Vincent.
Pour les porter, il fallait cent quatre hommes.
Pendant les stations qui se faisaient aux Tou-
relles, à Saint-Paul et à la Porte-Dunoise, on
(1) Envoyées par Tabbaye de ce nom.
(2) Rameaux jetés sur les pas de Notre-Seigneur.
'
— 478 —
les déposait sur des tréteaux recouverts de. ta-
pisseries appartenant à la Ville.
En 1562, les églises furent pillées par les
calvinistes, les châsses brisées, les reliques je-
tées au vent, et lorsqu'en 1565 la procession
fut reprise, les Orléanais n'y virent plus cette
longue suite de corps saints, qui étaient depuis
cent cinquante ans l'objet de leur vénération et
la sauvegarde de la cité. Désormais on ne porta
qu'une châsse, celle de saint Marceau, qui seule
avait échappé à la destruction. Les débrisi des
autres reliques qu'on avait pu sauver nfeurent
que plus tard de nouvelles châsses.
Chapeaux de flettrs. — En 1458, les enfants
de chœur paraissent avec des chapeaux (couron-
nes) de violettes blanches, « fiUolées > d'or (1),
usage qui s'est maintenu jusqu'à la fin du XVIII®
siècle. En 1659, on avait ajouté des bouquets
aux couronnes. Ces bouquets étaient offerts non
seulement aux enfants de chœur et aux chantres,
mais à tous les membres du clergé, aux échevins
et aux autres personnes dont le cortège était
composé. Quelquefois on mettait des couronjies
sur les chefs des saints.
Liminaire. — Quatre eierges de eire jaune
(1) Des couronnes semblables étaient employées aux usa-
ges mondains. En 1455, la YiUe avait off^t aux 4^m9isd^s
Villeiiuier 4e. Gaucourt àom». chapeaux fiîlolés d'argent
-47d-
k^ûlaîent sur ratitel de Sainte-Croix pendant les
matines qui se chantaient le 7 mai, et pen-
dant roffice du 8. Ces quatre cierges sont
mentionnés pour la première fois en 4455. L'u-
sage de les allumer et Feraploî de la cire jaune
pour leur fabrication se sont maintenus jusqu'à
kfîndttXVIlI«sîède*\
Torches de la Ville. — C'était un usage éta-
bli dès avant le siège, qu'à toutes les processions
ta Ville fit porter des torches décorées d'é-
cussôns à i^és armés et garnies de boisseau): se-
Bâés de cœurs de lis d'argent. Ces torches, en
cire vermeille (XV^ et XYI® siècles), en cirfe jaune
(XVlIe et XVIIIô siècles), pesaient huit livres
chacune. Leur nombre, qui était de six en 1435,
fut porté à dix en 4455, à seize en 4597.
Échelettes. — C'étaient des clochettes à la main
qu'on sonnait dans les rues pour annoncer le
passage de la procession. Cet usage existait dès
Tannée 1435.
Procureurs. — La fête étant offerte par la
Ville, les procureurs ou écheviiis y tenaient une
place considérable. Us faisaient les invitations au
clergé et xîonduisaient la procession, revêtus de
leurs robes d'écarlate rehaussées de velours noir;
cha^n tenait à la main un cierge dé ciré bîanche
— 480 —
garni d'un écusson aux armes de la Ville et un
bouquet. Dans raprès-midi, ils allaient aux vi-
giles à Saint-Âignan; le lendemain, ils assistaient
à la messe des morts dans la même église, et se
présentaient à l'offrande. Ce dernier usage s'était
conservé jusqu'à la suppression de la fête reli*
gieuse, en 1791. Lors de son rétablissement, en
1803, il fut repris et n'a été abandonné qu'en
1831.
Dîner offert par la Ville. — La cérémonie
religieuse du 8 mai se divisait en deux parties :
le matin, messe, procession et sermon ; dans
l'après-midi, vigiles des morts à Saint-Âignan.
Dans l'intervalle, on allait dîner ; mais soit qu'on
n'eût pas le temps de^e rendre chacun chez soi,
soit qu'on eût de la peine à se réunir une se-
conde fois pour aller à Sàinl-Âignan, soit qu'on
trouvât convenable que la Ville fît le jour de sa
fête une politesse à ses échevins et aux per-
sonnes attachées à son service ou invitées à la
cérémonie, on jrésolut de ne pas se séparer et
de dîner ensemble. Ceci arriva' pour la première
fois en 1443, où Ton voit, par le compte des
dépenses du trésorier, qu'une somme de vingt-
six sous six deniers parisis fut payée à c Jehan
de Troys le jour de la procession, vm« jour du
mois de may, pour despense de bouche faicte en
son hoslel par les Procureurs et autres de la
— 481 •-
Ville. > Dans la suite le dîner fut donné à THô-
lel-de-VilIe.
Les convives étaient avec les échevins, le con-
seil et les notaires de la Ville, le prévôt et son
lieutenant, le contrôleur des deniers, les mem-
bres du clergé qui avaient officié à la procession,
le prédicateur et son compagnon, quand ce
prédicateur était un religieux, le chevalier du
guet, son lieutenant (1565), le gouverneur, Té-
vêque (4643), les notables de la ville (4526),
les étrangers de distinction (4493). A la suite
du dîner, on distribuait du pain et du vin aux
prisonniers du Châtelet.
En 4539, le prédicateur avait cessé d'assister
au dîner, mais on lui réservait un plat, ou plu-
tôt quelques friandises ou mets particuliers lui
étaient offerts et envoyés au nom de la Ville. A
dater de cette époque, l'article des comptes de
dépenses relatif au repas du 8 mai se termine
chaque année par les mots : « Y compris le plat
du prêcheur. » A la fin du XVIII® siècle, ce
plat du prêcheur était remplacé par un pré-
sent de vingt livres de sucre et vingt livres de
bougie.
A dater de 4684, il y eut un second dîner le
lendemain, après l'office des trépassés. A ce dî-
ner, il était d'usage d'inviter le prédicateur de
la veille, le prieur et les chanoines de Saint-
Euverte.
il
— 482 —
En dehors de ces dîners, des présents devîn
et de gâteaux étaient fails aux personnes de tous
rangs et de toutes professions qui figuraient à
la procession, aux fournisseurs et aux ouvriers
de la Ville.
Ces usages se sont maintenus jusqu'à la fin
du siècle dernier®*.
Mystères et divertissements militaires. — En
4435, une somme de trois réaux d'or fut donnée
à « Guillaume, le charron et aultres pour leur
aider a paier leurs échaffauds et autres des-
penses par eulx faictes le viii® jour de may que
ilz firent certain mislère au boloart du pont
durant la procession. »
On ne sait ce que représentait ce mystère, sur
lequel les comptes de commune ne donnent pas
d'autres renseignements. Mais ces mêmes comp-
tes apprennent qu'au mois de mai 1439, qui
était le dixième anniversaire de la délivrance
de la ville, il y eut aux Tourelles un divertis-
sement pour lequel on dressa des échafauds qui
coûtèrent cinquante-huit sous parisis. Ce diver-
tissement était un simulacre de la prise des
Tourelles, et il y eut ceci d'intéressant, qu'on
y vil reparaître l'étcnJard et la bannière de l'un
des anciens défenseurs de la cité, Gilles de Laval,
seigneur de Retz. Étendard et bannière que
Retz avait laissés sans doute en quittant Orléans
— 183 —
après la levée du siège, el que la Ville acheta
d'un habitant qui en était détenteur. Voici en
quels termes celte dépense est inscrite au compte
de commune : « A Jehan Hilaire, cent dix-sept
sous parisis pour l'achat d'uneslendard et ban-
nière qui furent à monseigneur de Reys, pour
faire le service de l'assault comment les Tou-
relles furent prinses sur les Anglois le vm^ jour
de may (1). >
Il ne parait pas que les années suivantes sem-
blable représentation se soit renouvelée; les
comptes de ville ne mentionnent rien jusqu'en
4446, où il est question d'une somme de quatre
livres seize sous parisis payés à Molinet Gaulcher,
peintre, et « à ses compagnons, qui jouèrent le
mislaire de saint Eslienne le viii© jour demay.j>
Toutefois, l'usage de rappeler l'assaut des
Tourelles par une démonstration militaire dut
se maintenir; tout au moins fut-il repris vers
le milieu du XVI® siècle. En 4549, on payait
soixante-cinq sols tournois pour dix livres de
poudre à canon employée « à faire jouer l'ar-
tillerie de la Ville sur les Tourelles le jour de
la feste de ladicte Ville, durant la procession
générale dudit jour. »
A dater de ce moment, les comptes signalent
(i) En valeui* intrinsèque, huit francs quarante-six cen-
times.
— 184 —
un cortège militaire qui va s'augmentaut chaque
année. Trompettes ordinaires de la Ville, dizai-
niers, cinquanteniers, centeniers vêtus de hoc-
quetons armoriés aux armes de la Ville ; soldais
du guet portant un drapeau blanc aux armes
de France et d'Orléans ; compagnies de volon-
taires de la milice, précédées chacune de ses
tambours et d'un étendard rouge à une croix
blanche; compagnie des arquebusiers (1), qui
se tenait sur la Motte-Saint-Antoine et sur les
Tourelles, d'où elle saluait la procession de
mousquetades et de décharges de boites et de
fauconneaux.
Dans l'après-midi, cette même compagnie des
arquebusiers, précédée de son drapeau, qui était
vert, rouge et blanc (2), avec un écusson aux ar-
mes de la Ville, retournait aux Tourelles où elle
tirait un prix « royal (3), » donné par la com-
mune. Ce prix se composait, en 1649, de cent
cinquante livres tournois, six bouquets et trois
douzaines d'aiguillettes de soie verte ^.
Le repfésentant de Jeanne (TArc. — Au mi-
(1) Ancienne compagnie des arbalétriers établie dès lô
XlVe siècle.
(!2) Le vert était la couleur du duc d'Orléans, le rouge et le
blanc les couleurs de 1 écusson de la Ville.
(3) Ainsi nommé de ce que celui qui abattait Toiseau était
roi de la fête.
— 485 —
lieu du XVII® siècle, un jeune homme « velu à
Tanlique, représentant la Pucelle, » se tenait
sur les Tourelles avec les soldats de la milice
pendant le défilé du cortège. SymphorienGuyon,
en rapportant « cette coutume, » ajoute qu'elle
était un « reste de Tancienne réjouissance pu-
blique. » Mais il est à présumer, d'après le cos-
tume du représentant de la Pucelle, qu'elle ne
remontait qu'aux dernières années du XVI® siè-
cle. C'est d'ailleurs l'époque où les réjouissances
militaires avaient commencé à occuper une
grande place dans la célébration de la fête de la
Ville.
Les troupes se répandaient ensuite dans la
ville, conduisant triomphalement le représentant
de la Pucelle, qui reçut le nom de « Puceau. >
Ces promenades amenèrent des désordres et des
scandales ; pour les faire cesser, le clergé con-
sentit à introduire le Puceau dans la procession,
ce qui eut lieu pour la première fois en 1725.
Il portait le costume du temps de Henri IV, aux
couleurs de la Ville, qui sont le jaune et- le rouge,
et suivait la procession accompagné de son père
ou d'un parent qu'on appelait le « parrain du
Puceau. »
En 1803, lors du rétablissement de la fête
religieuse, on ne songea pas à y faire figurer
l'ancien représentant de Jeanne d'Arc; mais en
1817, M. le comte de Rocheplatte, maire de la
— 186 —
Ville, ayant voulu restituer à la fête du 8 mai
son ancienne splendeur, les traditions furent
consultées, traditions plus ou moins vagues, d'a-
près lesquelles le Puceau reparut avec un céré-
monial que les précédents du dernier siècle
pouvaient justifier, mais qui étaient sans rap-
port avec la donnée historique des siècles anté-
rieurs.
Le Puceau figura dans la procession jusqu'à
sa suppression en 1831. Lorsqu'elle fut réta-
blie en 1840, l'administration municipale ni le
clergé ne jugèrent à propos de l'y introduire
de nouveau.
Rosière. — En 1786, le duc et la duchesse
d'Orléans se trouvant dans la ville, exprimèrent
le désir de contribuer à la solennité de la fête du
8 mai en dotant une jeune fille née dans t les
murs, > laquelle serait choisie par le corps mu-
nicipal, sur la présentation de l'évêque. La dot
était de cent vingt livres (1). Les chapitres de
Sainte-Croix et de Saint-Aignan ajoutèrent trois
cents livres pour les frais du mariage, qui fut
célébré le 8 mai dans la cathédrale, après le
panégyrique ; deux échevins tinrent sur les époux
le drapeau de la Ville en guise de poêle. La même
(1) L'évêque, sur le rapport de commissions de notables
formées dans chaque paroisse, désignait trois noms.
— 487 —
cérémonie se renouvela en 1787 et en 4788*
Celle dernière année, la somme donnée par le
duc d'Orléans fut de douze cents livres; la
Ville donna trois cents livres pour les frais de
noce.
Frais de la Fêle. — Ils étaient supportés
exclusivement par la Ville. Le prédicateur, les
enfants de chœur, qu'on rémunérait en leur don-
nant de quoi acheter des « petits pâtés ; » les
porteurs de châsses, etc., étaient payés par le
trésorier de la commune; la cire nécessaire
pour les torches et les cierges, les chapeaux de
fleurs et les bouquets, les échafauds des stations,
le dîner, figurent dans les comptes de chaque
année.
Famille de Jeanne d'Arc. — Au XV® s'ècle,
Jean du Lys, fils de Pierre d'Arc, et seigneur
de rile-aux-Bœufs, venait tous les ans de sa,
terre de Villers, près Orléans, pour assister à
la procession de la Ville; il y avait le pas, et on
portait devant lui un cierge auquel était ap-
pliquée une petite image de la Pucelle.
Dans les siècles suivants, les membres de la
famille de la Pucelle qui se trouvèrent à Orléans
le 8 mai furent l'objet de distinctions analo-
gues ^.
— 188 —
VIII. — ÉTENDARDS ET BANNIÈRES.
Étendard de Jeanne d'Arc. — A son passage
à Tours (avril 1429), Jeanne fit faire et peindre
un éleiidard (1) ; à Bloi^, elle le fil bénir par l'ar-
chevêque de Reims dans l'église de Sainl-Sau-
veur. — Le 29 avril, lorsqu'elle quitta le port
Houschet, et entra dans un bateau avec le Bâ-
tard d'Orléans pour passer sur la rive droite,
Jeanne le tenait à sa main. — Le soir du même
jour, lorsqu'elle entra dans Orléans par la porte
de Bourgogne, son écuyer le portait devant elle.
Un habitant de la ville, qui portait une torche,
s'élant trop approché, le feu prît au pennon
(pointe). Jeanne poussa en avant, saisit l'éten-
dard et étouffa la flamme. — Le 4 mai, lorsque
Jeanne, s'éveillant en sursaut, prit ses armes en
toute hâle pour se rendre à Saint-Loup, son
étendard lui fut passé par une fenêtre, alors que
déjà elle était à cheval dans la cour. — Le même
jour, devant Saint-Loup, elle le planta sur le bord
du fossé. — Le 6 mai, devant les AugusUns,
Jeanne combattit son étendard déployé. — Le
7 mai, devant les Tourelles, le signal du der-
nier assaut fut l'instant où la pointe de l'éten-
(1) Le peintre s'appelait Poulnoir.
— 489 —
dard toucha le mur du boulevart. En ce même
instant une colombe blanche voltigeait au-des-
sus. — Dans les premiers jours de juin, lors-
que Jeanne partit de Celles et prit congé de
Charles Vil pour retourner à Orléans, son éten-
dard ployé était porté devant elle par un «gra-
cieux page. » — A l'assaut de Jargeau, Jeanne
montant à une^chelle tenait son étendard. Une
pierre jetée du haut de la muraille atteignit l'é-
tendard; elle-même roula dans le fossé. — Sous
les murs de Tioyes, c'est son étendard à la
main qu'elle entraîna son monde à l'assaut. —
Dan^* l'église de Reims, pendant le sacre du
Roi, elle était debout, tenant son étendard. —
A ratta(|ue du faubourg Saint-llonoré, elle l'a-
vait à la main lorsqu'elle descendit dans le fossé,
et fut « navrée » d'un trait d'arbalète qui l'at-
teignit à la jambe. — A la fatale sortie de
Compiègne, elle « chevauchoil un coursier lyard,
moult bel et moult fier, son étendard haut, élevé
et vol i tant en raif du vent. »
Cet étendard, comme ceux des généraux d'ar-
mée au XVû siècle, était une très-longue pièce
d'étoife coupée en triangle ou flamme, et cloué
par sa base au bois d'une lance. Jeanne elle-
même en a donné la description dans ses in-
terrogatoires des 27 février et 17 mars 1431,
description qui fut confirmée vingt-cinq ans plus
lard par son chapelain, entendu en témoignage
11.
— 490 -
au procès de réhabililalîon. Il était de toile
blanche ou boucassin (fine toile de lin), semé
de fleurs de lis d'or et Irangé de soie. Le monde,
c'est-à-dire Dieu tenant le monde, y était figuré
assis sur Tarc-en-ciel, les pieds sur les nuées;
devant lui deux anges agenouillés, Tun desquels
présentait une fleur de lis, l'autre se tenait en
prière; à côté, les mots ihesvs maria.
L'étendard était l'attribut du général d'armée,
et à Rouen, les juges de Jeanne voulurent lui
imputer à vanité d'avoir fait faire le sien ; à
quoi elle répondit que c'était de Tordre de sainte
Marguerite et de sainte Catherine, qui lui avaient
dit : f Prends l'étendard de par le roi du Ciel,
et porte-le hardiment. » On lui reprochait bien
plus encore de l'avoir tenu à la main dans l'é-
glise de Reims, tandis que celui d'aucun che-
valier n'était en pareil lieu, question qui amena
la noble répartie déjà rapportée plus haut : « Il
étoit à la peine; c'étoit justice qu'il fût à l'hon-
neur. D On lui demandait adssi pourquoi elle
avait fait peindre deux anges, si elle les avait
fait peindre comme elle les avait vus dans leurs
apparitions, pourquoi elle ne les avait pas fait
représenter entourés de clartés célestes ; ou
voulait lui faire avouer que l'un de ces anges,
celui qui tenait la fleur de lis, était elle-même.
< Je vous ai déjà dit assez, > répondit la pauvre
martyre, « (yie je n'ai rien lait que de l'ordre
— 191 —
de Dieu ; les anges sont là pour lui faire hon-
neur, vêtus comme on les voit dans les églises. »
On voulut encore savoir d'elle si elle préférait
son épée à son étendard, à quoi elle dit que
dans le combat elle < portoit son étendard pour
éviter de tuer quelqu'un, et que jamais elle n'a-
voit tué un homme ^. »
Bannière de Jeanne d'Arc. — A Blois, Jeanne
ayant appelé près d'elle des moines et des prê-
tres qui formaient une espèce de confrérie à sa
suite, voulut leur donner une bannière que son
chapelain fit fabriquer par son ordre. Celte ban-
nière, toute religieuse, représentait le Christ en
croix. Elle fut portée par les prêtres en tête
de l'armée qui, le 28 avril, se rendit de Blois à
Orléans parla Sologne, revint à Blois le 30, et
retourna à Orléans le 3 mai par la Beauce.
Après le siège, il n'en est plus parlé.
Étendard et bannière de la Ville. — L'éten-
dard, de forme triangulaire, était, comme on
vient de le dire, un signe militaire, le drapeau
du général d'armée. La bannière était un signe
de ralliement féodal ou communal, l'attribut
du seigneur ou de la communauté ; sa forme
était rectangulaire. La ville d'Orléans avait de
toute ancienneté une bannière, et lorsqu'en no-
vembre 1429, elle envoya sa milice au siège de
— i92 —
La Charité, elle fit faire un étendard. L'ouvrier
qui confectionna cel étendard fut en même
temps chargé de raccoûlrçr la bannière, de la
repeindre et enluminer; elle était en boucassin
de couI(îur sandal (rouge) avec frange, et pour
le voyage de La Charité on Tenveloppa d'une
toile «^.
Bannières et étendards qvi se portaient à la
procession du 8 mai. — H a été dit déjà qu'un
étendard et une bannière de Relz figurèrent
dans le divertissement qui eut lieu le 8 mai 14-39,
pour simuler l'assaut des Tourelles. Cet éten-
dard et celte bannière sont signalés dans celte
seule circonstance : il n'en est parlé dans aucun
autre document que le compte de commune
de 1439.
L'année suivante, la bannière de la Ville,
dont les comptes de dépenses de la fête de la
délivrance ne font aucune mention jusque-là,
parut à la procession, et à dater de cette épo-
que elle y parut chaque année.
En 1476, elle était toute dépecée, et il fallut
la mettre à point, ce qui coûta onze sous pa-
risis.
En 1494, on porta l'étendard de la Ville avec
la bannière.
En 1505, l'étendard et la bannière furent dé-
posés, au retour de la procession, dans l'église
— 493 —
de Saint-Aignan, où ils demeurèrent pendant la
nuit, et le lendemain, après roffice des ircpassés,
ils furent rapportés, à riIôlel-de-Ville, ce qui
se conlinua les années suivantes.
En 1535, rélendard était en mauvais état et
fui raccommodé : « A Pasquicr le Coq, couslu-
rier, pour avoir par luy repparé et accoustré
Testendart de la dicte Ville en plusieurs endroiz
où elle estoit rompue. >
En 15C5, la bannière de la Ville fut portée
sans l'étendard.
En 1507, un guidon fut porté avec la bannière.
Était-ce Tancien étendard de la Ville sous la dé-
nomination de guidon, ou bien un guidon qui,
à dater de celle époque, le remplaça? C'est là
une question d'autant plus difdcile à résoudre,
que les comptes des années suivantes donnent
peu de renseignements sur la fête de la Ville.
Les dépenses y sont mentionnées en bloc, et les
indications de détail deviennent rares. Pendant
une période de quatre-vingt-dix ans, elles man-
quent complètement sur les bannières ou dra-
peaux qui figurèrent à la procession, et ce n'est
qu'en 4059 qu'il est de nouveau question d'un
guidon qu'on refit à neuf et qu'on appelait alors
le guidon de la Pucelle. D'où l'on pourrait in-
duire que l'étendard de la Ville, qu'on avait com-
mencé à porter en 4494?, fut remplacé au cours
du XVI® siècle, peut-être après les troubles, par
— 194 —
un guidon qui perdit le nom d'étendard de la
Ville pour prendre celui de guidon de la Pu-
celle. ,
La fête avait été instituée en actions de grâce
delà délivrance de la Ville; c'était la cité sauvée
qui remerciait Dieu et priait pour les âmes de
ceux qui avaient péri en la défendant. A l'ori-
gine, le souvenir de la Pucelle n'était mêlé à la
cérémonie que très-accessoirement, et son nom
n'y fut admis d'abord qu'en compagnie de ceux
de Dunois, de La Hire et de Xaintrailles; les
motets de d'Amcrval, composés en 1483, les
confondent dans une même ovation. Ces motels
furent Irès-probablement le premier hommage
direct et personnel a la Pucelle qui se soit in-
troduit dans la fête religieuse, et il n'est pas
douleux qu'à cette époque Télendard qu'on por-
tait à la procession était l'étendard de la Ville, et
non un étendard commémoratif de celui de
Jeanne d'Arc.
Mais à mesure qu'on s'était éloigné du temps
du siége^ quand ceux qui s'y étaient trouvés et
la génération qui en avait reçu le récit de leur
bouche eurent disparu, les impressions se mo-
difièrent. L'idée abstraite de la délivrance de la
ville s'effaça peu à peu devant l'image poétique
et saisissante de celle qui en avait été l'instru-
ment. Pour beaucoup de gens, la fête de la cité
devint la fête de Jeanne d'Arc. L'office réglé par
les décrets des évêques continuait à glorifier la
croix, saint Aignan, saint Eaverle, mais la foule
ne connaissait plus que la Pucelle et croyait
que la procession se faisait en son honneur.
Elle voulut y rappeler sa présence par des sym-
boles, et il a fort bien pu se faire que Télendard
ou le guidon de la Ville, changeant insensible-
ment de nom, se soit transformé, par la seule
influence de la prédilection populaire, en guidon
de la Pucelle.
Toujours est-il qu'en 1659, le guidon qui se
portait à la procession n\ivail plus d'autre nom.
En cette année il falhit le renouveler, et voici
les articles du compte de commune qui se rap-
portent à ce renouvellement :
« A François Barbier, arlillier, la somme de trois
livres tournois pour la lance qu'il a fournie du nou-
veau guidon de la Pucelle.
« A Nicolas H umby, marchand, la somme de vingt-
sept livres dix solz pour avoir fourny de cinq aulnes
et demye tafetas bleu pour faire le nouveau guidon de
la Pucelle.
« A Matburin Pasquier, passementier, la somme
de trois livres dix-huit solz pour fourniture par lu y
faicte de frange qui a servy au nouveau guidon de la
Pucelle.
« A Langlois, brodeur, la somme de quatre livres
tournois pour avoir par luy faictet retaillé le nouveau
guidon de la Pucelle et fourny de soye.
« A Gilles Ralhouin, maître peintre, la somme de
— 496 —
soixante livres tournois pour avoir par luy paint le
nouveau guidon de la Pucelle. »
Quelle éUni celle peinture? Aucun document
ne Ta révélé jusqu'à ce jour; mais il est certain
qu'elle était d'une certaine importance, à en ju-
ger par le prix de soixante livres tournois, qui
équivalaient pour le moins à deux cent cinquante
francs d'aujourd'hui. Quant à la composition,
elle ne pouvait avoir aucun rapport avec l'éten-
dard qu'avait possédé Jeanne d'Arc. On -était
trop loin pour que la tradition en eût transmis
la description, et au XYll^ siècle les habitudes
de recherche archéologique n'étaient ni assez
exactes, ni assez sures pour la faire retrouver.
A cette époque, on composait des symboles de
fantaisie; la couleur bleue qui fut ici choisie en
est la preuve, puis*]ue Jeanne elle-même, et
après elle tous ses chroniqueurs, avaient dit que
son étendard était blanc. Il est toutefois à re-
marquer que déjà cette inexactitude avait été
commise au XV® siècle, dans une tapisserie al-
lemande, contemporaine de Jeanne d'Arc, que
possède le musée historique de l'Orléanais : l'é-
tendard qu'elle tient à la main est bleu.
Lottin rapporte qu'en 4715, ce guidon était
complètement usé et ne pouvait plus servir. Il
y a lieu de penser qu'il fut alors remplacé par
un drapeau aux couleurs de la Ville (jaune et
rouge). C'est ce même drapeau que portait le
— 497 —
Puceau lorsqu'en 1817 il reparut dans le cor-
légc.
La bannière de la Ville, bannière en forme de
carré long, n'avait pas cessé de parailre à côlé
de ce guidon; sa présence est constatée à la
procession du 8 mai 1668 par le compte de com-
mune, et à la procession du 8 mai 1785 par une
relation qui fut faite de la fêle de cette année.
La bannière qui avait été portée au siège de
La Charité en 1429 était rouge, ce qui indique
qu'elle était aux armes de la Ville, dont le champ
est de gueules. C'est celte bannière armoriée
qui figura à la procession pendant toute la durée
du XV® siècle. Mais au XYI® siècle on la rem-
plaça par une bannière, espèce de tableau en
Ipile peinte, dans la donnée du monument érigé
depuis 1458 sur le pont d'Orléans, en commé-
moration de la délivrance de la Ville. Cette ban-
nière fait aujourd'hui partie d'une collection
particulière (1). D'un côté se voit la Vierge as-
sise, tenant l'enfant Jésus; debout, derrière
elle, saint Euverte et saint Aignan, patrons de
la Ville ; à genoux, en avant, le duc d'Orléans (2)
(i) La collection de M. Vergnaud-Romagnési.
(2) La présence de Charles Vil ou de Dunois s'expliquerait
mieux ; mais le lambel qui se voit sur la dalmatique lleui de-
Usée du personnage agenouillé en face de la Pucelle, le bâton
et la couronne ducale posés devant lui ne permettent aucun
doute.
— 198 —
et Jeanne d'Arc ; au revers, la ville d'Orléans,
prise des Auguslins ; sur le premier plan deux
groupes de personnages à genoux, qui appar-
tiennent au clergé, à Tuniversité et au corps
des échevinsdela Ville; dans le ciel, deux anges
tenant des couronnes et des palmes.
La peinture est d'une exécution remarquable.
On a voulu l'attribuer à Léonard de Vinci, qui
habita la Touraine au commencement du XVI^
siècle; tout au moins est-elle de son école. On
a également supposé que cette bannière avait
été donnée à la ville d'Orléans par Louis XII ou
François I®^. Son importance, le tfmps auquel
elle appartient et l'image du duc d'Orléans don-
nent de la force à cette supposition.
Elle figura très-certainement à la procession-
des Tourelles pendant toute la durée des XVI® et
XVII« siècles, peut-être même pendant une par-
tie du XVlIle.
Dans les premiers temps, la bannière était
portée par le « varlet » de la Ville. Ce varlet de
la Ville était le gardien de l'hôtel commun, un
intendant qu'on chargeait de soins et de com-
missions de confiance. Il faisait certains achats
et veillait à la plupart des menues dépenses.
Plus tard il s'appela le serviteur, puis le con-
cierge de la Ville, et eut lui-même un valet.
A la fin du XV® siècle, ce sont des hommes
payés qui portent la bannière et l'étendard ; mais
-499 —
le concierge de la Ville ou son valet les accom-
pagnent. Au XVI© siècle, le valet avait une
livrée aux couleurs de la Ville, qu'on renou-
velait chaque année au mois de mai. Quant au
concierge, on ne voit pas qu'au XVIo siècle il
ait été revêtu d'une livrée. Au XVII^ siècle, il
portait une robe, ce qui indique qu'il remplis-
sait l'ofûce d'appariteur®*.
Armes de la Ville, — Les armes d'Orléans
paraissent avoir été de toute ancienneté de
gueules à trois cœurs de lis d'argent. Dès l'an-
née 1429, le champ de l'écu était de gueules.
Plus tard, les^ois accordèrent à la cité le droit
d'ajouter un chef de France, faveur qu'elle avait
méritée par sa glorieuse résistance aux armes
anglaises, faveur qui fut, du reste, accordée à
la plupart des bonnes villes du royaume. Ces
armes, supprimées en 1792, ont été rendues à
la ville d'Orléans, par une ordonnance du roi
Louis XVllI.
Couleurs de la Ville. — Déjà, au XV^ siècle,
le rouge et le jaune étaient les couleurs des en«
soignes de la compagnie du duc d'Orléans ; au
XVI® siècle, ces couleurs formèrent là livrée de
la Ville, qui depuis les a conservées. Le manteau
du concierge ou appariteur de la commune, le
costume du Puceau, le drapeau qu'il tenait à la
main, étaient partie jaune et rouge ®^
— 200 —
Armps du duc d'Orléans, Charles IIL — Le
duc d'Orléans portait les armes de France bri-
sées du lambel d'Orléans et les armes du duché
de Milan, auquel il prétendait des droits du
chef de Valentine de Milan, sa mère, ce qui for-
mait un écu écartelé i et 4 d'azur à trois fleurs
de lis d'or y au lambel de trois pendants d'ar-
gent ; 2 et 3 d'argent à la guivre couronnée d'a-
zur, à Vissant de gueules.
Son ordre était l'ordre du porc-épic (appelé
aussi ordre du camail, ordre d'Orléans), fondé
en 1493 par le duc Louis I^^^, son père. Au
collier de lortils d'or était suspendu un porc-
épic également d'or sur terrassé de sinople,
avec la légende : continus et eminus (1).
Armes de Jeanne d'Arc. — D'azur à une
épée d!argent pometée d'or, soutenant une cou-
ronne royale également d'or, accostée de deux
fleurs de lis de même. Ces armes avaient été
données par Charles Vil aux frères de la Pu-
celle dès la levée du siège d'Orléans. A Reims,
elles furent blasonnées par un peintre, sur
la description que Jeanne elle-même lui en
donna ^.
(1) De près et de loin, C*était une croyance au moyen âge
que le porc-épic, non seulement se hérissait, mais qu'il lan-
çait ses dards.
V
— 201
IX. — MONUMENTS ÉLEVÉS
DANS LA VILLE D'ORLÉANS EN L'HONNEUR
DE JEANNE D'ARC.
Monument du pont. — En 1458 fut érigé
sur le pont d'Orléans le premier monument
commérooratif de la délivrance de la Ville : les
frais en furent faits par les Orléanaises, dames
et demoiselles (1). Ce monument était en bronze
et se composait de qualre personnages. Le
Christ sur la Croix, la Vierge debout au pied
de la croix, Charles VII et Jeanne d'Arc à ge-
noux de chaque côté.
En 1567, il fut détruit par les calvinistes, qui
renversèrent le Christ et mutilèrent les statues.
En 157i, les échevins le firent reconstruire;
un fondeur de la ville (2) entreprit cette res-
tauration. Par les termes du marché, on voit
que de la statue de la Pucelle il ne restait que
les jambes, les bras et les mains. Dans le nou-
veau monument, la Vierge fut représentée as-
sise au pied de la croix tenant sur ses genoux
le corps de son fils. On conserva à Charles VII
et à la Pucelle la position qui leur avait élé
donnée dans te monument primitif.
^i) Opère sumptuque matronarum ac virginum,
(2) Hector Lescot, mss. de la bibliothèque d^Urléatis, n« 411
— 202 —
Sur le piédestal fut placée l'inscription sui-
vante :
Mors Christi in cruce nos contagione labis
œierndfum morbortim sanavit; Clodovicus rex
in hoc signo hostes profligavil et Johanna virgo
Aurcliam obsidinne toiamque Galliam servitute
britannica liberavit : a Domino facttim est istud
et est mirabile inoculis noslris: in quorum me^
moriam hœc nostrœ ftdei insignia non diu ab
impiis diruta restituta suntanno mdlxxi (1).
Quelques années plus tard, la Ville fit frapper
des jetons pour ses échevins. On leur donna
pour effigie, d'un côté les armes de la Ville
avec les mots : Maison commune d* Orléans; de
l'autre, le monument du pont avec la légende :
A Domino factum est istud (2).
En 1755, le pont actuel était en voie de cons-
truction ; l'ancien pont, au contraire, menaçait
ruine Le monument fut enlevé et déposé dans
un réduit dépendant de l'Hôtel-de-Ville. Seize
ans après, on le rétablit au carrefour formé
par la rue Royale et la rue de la Vieille-Poterie.
(1) La mort du Christ sur la croix nous a guéris de la plaie
des éternelles maladies ; par ce signe le roi Clovis a abattu les
ennemis, et Jeanne la Pucelle a délivré Orléans du siège et
toute la France de la servitude britannique. Par le Seigneur
ceci a été fait et cela est merveilleux à nos yeux. En mé-
moire desquelles choses ces signes de notre foi renversés aa-
guère par les impies ont été rétablis Tan 1571.
(2) Par le Seigneur ceci a été ikit.
— 203 —
I
Sur le piédestal furent placées deux inscriptions
ainsi cdhçues :
DU RÉGNE DE LOUIS XV
CE MONUMENT ÉRIGÉ SUR L'ANCIEN PONT
PAR LE ROI CHARLES VU 0) EN 1458
EN ACTIONS DE GRACE DE LA DÉLIVRANCE
DE CETTE VILLE ET DES VICTOIRES REMPORTÉES
SUR LES AN6LAI% PAR JEANNE D*ARC
DITE LA PUCELLE D'ORLÊANS
A ÉTÉ RÉTABLI DANS SA PREMIÈRE FORME
DU VŒU DES HABITANTS ET PAR LES SOINS DE
M. JACQUES DU couDRAY maire
BTM ISAMBERT DE BAGNAUX
VANDEBERGUE DE VILLEBOURÉ \ A h •
BOILLÉVE DE DOMAY ( écnevinê
DELOYNES DE GAUTRAY
conseillera
DESFRICHES \
CHAUBERT
COLAS DE MALMUSSE
ARNAULT DE NOBLEVILLE
BOILLÉVE
LHUILLIER DE PLANCHEVILLIERS
l'an m DCC LXXI
D M
PIETATIS IN DEUM
REVERENTIiE IN DEIPARAM
FIDELITATIS IN REGEM
AMORIS IN PATRIAM
GRATI ANIMI IN PUELLAM
MONUMENTUM
RESTAURAVERE CIVES AURELIANI
ANNO DOMINI MDCCLXXI (2)
(1) Affirmation erronée, (Quicherat, V, 238.)
(2) A Dieu très-bon et très-grand. L'an du Seigneur 177i,
les citoyens d'Orléans ont élevé ce monument de leur piété
— 204 —
En 1792, les membres de la section de Saint-
Viclor d*Orlîans adressèrent aux administra-
teurs du département du Loiret une pétition
par laquelle il était proposé de démolir le « mo-
nument de Charles Vil, » et de convertir en ca-
nons le bronze qu'on en retirerait.
Le conseil général de la commune, consulté
sur cette pétition, estima que le monument de
la Pucelle e ne pouvoit être regardé comme un
signe de féodalité; qu'il étoit au contraire un
acte de reconnoissance envers l'Etre suprême,
un témoignage de la valeur de nos ancêtres qui
ont délivré la nation Françoise du joug que les
Anglois vouloient leur imposer, et qu'il n'y avoit
aucun motif de le détruire. >
Mais l'administration départementale, dans sa
séance du 28 août, décida que le monument
serait enlevé sur-le-champ et déposé dans un
lieu sûr, « pour être examiné sur la conversion
et l'emploi du métal ce qu'il appartiendroit. »
Le 21 septembre suivant, le conseil général
de la commune, en exécution de la loi du
14 août, qui prescrivait la conversion en
bouches à feu de tous les monuments et ins-
criptions de bronze, fut obligé d'ordonner que
les figures composant le monument de la Pucelle
envers Dieu, de leur révérence envers la Mère de Dieu, de
leur fidélité au Roi, de leur amour de la patrie, de leur recon-
naissance euvei^ la Pucelle.
— 205 —
seraient employées à fabriquer des canons, mais
il ajouta que pour en « conserver la mémoire, »
un de ces canons porterait le nom de Jeanne
d'Arc, surnommée la Pucelle d'Orléans.
En 1824, les missionnaires qui prêchaient à
Orléans eurent la pensée de provoquer une sous-
cription pour le rétablissement de l'ancien mo-
nument, Ce projet ne put être réalisé ^.
Statm en pied du rond-point de la porte Dau-
phine. — En l'an XI (1803), le conseil général
de la commune d'Orléans, par la même délibé-
ration où il demandait le rétablissement de la
fête de la délivrance de la ville, exprima le vœu
qu'un monument fût élevé sur une de ses
places publiques en l'honneur de Jeanne d'Arc,
pour remplacer l'ancien monument du pont en-
tièrement détruit. Cette délibération fut sou-
mise au général Bonaparte, premier consul, qui
de sa main l'apostilla en ces termes :
La délibération du conseil municipal m'est
très-agréable; Villustre Jeanne d'Arc a prouvé
qu'il n'est point de miracle que le génie français
ne puisse opérer lorsque l'indépendance nationale
est menacée. La nation française n'a jamais été
vaincue; mais nos voisins, abusant de la fran-
chise et de la loyauté de notre caractère ^ semè-
rent constamment parmi nous ces dissensions d'où,
— 206 —
naquirent les calamités de Vépoqne oit vécut
l'hérohie française^ et tous les désastres que rap-
pelle notre histoire.
Le ministre de l'intérieur, en envoyant au
maire d'Orléans, M. Crignon-Désormaux, le texte
de cette apostille, annonça qu'il accordait cinq
mille francs pour aider à la construction du mo-
nument.
Le sculpteur Gois fils présenta au conseil
municipal le dessin d'une statue de Jeanne d'Arc,
d'après une terre cuite qu'il avait modelée, sur
la demande de M. Lenoir, pour le musée des mo-
numents français. Ce dessin fut agréé, mais à
la condition que le sculpteur élèverait préala-
blement à la place destinée à la statue une
épreuve en plâtre.
Celte épreuve fut inaugurée le 17 floréal an xi
(7 mai 1804), à six heures du soir, sur la place
du Martroi, par le maire, accompagné des ad-
joints et du secrétaire de la mairie. Le lende-
main fut célébrée la fêle religieuse.
La statue, coulée en bronze, vint prendre
bientôt après la place de l'épreuve en plâtre (1).
Le piédestal qui porte pour toute inscription les
mots : \ JEANNE d'arc, fut décoré de quatre
bas-reliefs qui représentent : l'arrivée de la Pu-
(i) Cette épreuve fut alors déposée dans le jardin de rHôlél-
de- Ville, où elle est encore.
— 207 —
celle à Chînon ; la prise des Tourelles ; le sacre
de Charles VII et le bûcher de Rouen.
En 1855, celle statue a été enlevée de la place
du Martroi et transportée au rond-point de la
Porle-Dauphine.
Croix des Tourelles. — Cette croix, érigée
par les soins de M. le comte de Rocheplatte,
maire d'Orléans, sur l'emplacement autrefois
couvert par le boulevart des Tourelles, fut inau-
*
gurée le 8 mai 1817. Son piédestal porte les
inscriptions suivantes :
EN MÉMOIRE
DE JEANNE d'arc DITE LA PUCELLE
PIEUSE HÉROÏNE QUI
LE 8 MAI 1429
DANS CE MÊME LIEU
SAUVA PAR SA VALEUR
I LA VILLE LA FRANCE ET SON ROI
I
i Le 8 mai iSf7, cette croix a été élevée par
les soins de M. Drouin de Roclieplatle^ mairej
MM. de Noury^ le vicomte de Grémion et Hu-
i bert Crignon, adjoints.
Statue de VHôleUde- Ville. — Le 3 juin 1 841 ,
le préfet du Loiret transmit au maire d'Orléans
I avis d'une lettre émanée du cabinet du roi Louis-
Philippe, laquelle annonçait que, par ordre de
! S. M., une caisse contenant une copie en bronze
de la statue de Jeanne d'Arc par la princesse
— 208!?—
Marie d'Orléans venait d^êlre adressée à la Ville.
Celte statue, qui est une reproduction exacte
de la statue de marbre conservée dans les ga-
leries de Versailles, fut déposée dans Tune des
salles publiques du musée d'Orléans, où elle
demeura neuf ans. En 1851, lors de la restau-
ration de l'Hôlel-de-Ville par M. Delton, elle a
été transportée à la place qu'elle occupe actuel-
lement, entre les deux rampes de l'escalier
d'honneur. Le socle porte l'inscription suivante
gravée en creux :
JEANNR d'arc
PAR LA PRINCESSE MARIE D'ORLÉANS'
DONNÉE PAR LE ROI SON PÈRE
A LA VILLE D'ORLÉANS
EN 1841
20 novembre 1840. — Le conseil municipal
d'Orléans décida qu'une statue équestre de
Jeanne d'Arc, dont le projet et l'esquisse lui
avaient été soumis par le sculpteur Foyatier,
serait élevée à Orléans sur la place du Martroi.
Les fonds furent fournis par souscription. Le
ministre de la guerre donna du bronze prove-
nant de canons pris en partie sur les Anglais.
Le piédestal et les bas-reliefs ont été payés à
l'aide d'une loterie. La statue, exécutée par
Foyatier, a été bénie le 8 mai 1855 parMsi'Du-
panloup, évèque d'Orléans, en présence de
M. Abbatucci, ministre de la justice, des corps
— 209 -
et autorités de la ville d'Orléans et du dépar-
tement du Loiret, des députations de plusieurs
villes du département; la ville ayant alors pour
maire M. Genteur. Les bas-reliefs, exécutés par
M. Vilal Dubray, ont été inaugurés le 8 mai 1861 .
Le piédestal porte les inscriptions suivantes :
Sur une face :
 JEANNE d'arc
LA VILLE D*ORLÉANS
AVEC'LE CONCOURS
DE LÀ FRANCE ENTIÈRE
iSle00tre m'a tnpogee
pont Bttonm la bonne pille
i^*(2}rlran0.
Sur l'autre face :
sous LE RÈGNE DE NAPOLÉON III
LE VIII MAI M DCCC LV
QUATRE CENT VINGT-SIXIÈME ANNIVERSAIRE
DE LA DÉLIVRANCE D'ORLÉANS
CETTE STATUE
A ÉTÉ INAUGURÉE
EN PRÉSENCE DE M ABBATUCCI MINISTRE DE LA JUSTICE
ET BÉNIE PAR M DUPANLOUP ÉVÊQUE D'ORLÉANS
M P BOSELLI ÉTANT PRÉFET DU LOIRET
M GENTEUR MAIRE DE LA VILLE
LE VIII MAI M DCCC LXI
LES RELIEFS DU PIÉDESTAL
ONT ÉTÉ INAUGURÉS
M LE CK DE COETLOGON ÉTANT PRÉFET
M E VIGNAT MAIRE
12.
— 240 —
X. — CÉRÉMONIAL ACTUEL
DE LA FÊTE COMMËHORATIVE DE LA
DÉLIVRANCE D^ORLÉANS.
Le 8 mai 1 855, la statue équestre de la place
du Mariroi fut inaugurée, et à celte occasion,
la fête de la Ville fut célébrée avec un éclat
inaccoutumé. On rendit à la cérémonie reli-
gieuse une solennité qu'elle n'avait pas eue de-
puis longtemps; d'anciens usages abandonnés
furent rétablis ; des innovations importantes fu-
rent introduites. Le programme qui fut alors
arrêté fait règle aujourd'hui; il est suivi et
observé chaque année; à cela près toutefois
que les villes de Montargis, de Gien, de Beaune-
la-Rolande, de Chàteaurenard, de Jargeau, de
Meung, de Baugenci, de Patay, la commune de
Chécy, qui furent représentées en 1855 dans
la procession, n'y prennent pas habituellement
place, et qu'une cavalcade historique qui, par
exception, fit la même année partie du cortège,
n'y figure plus.
Voici quel est ce cérémonial :
7 mai {midi). — Sont hissées sur la tour
du Beffroi une bannière aux couleurs de la
Ville (jaune et rouge) ; sur chacune des tours
de la basilique de Sainte-Croix, une bannière
tricolore.
— 211 —
La cloche du beffroi se fait entendre et tinte
à Talarme de quart-d'heure en quart-d'heure,
(ce tintement du beffroi rappelle les angoisses
de la ville assiégée).
Huit Iwures. — Heure à laquelle, le 7 mai 1429,
Jeanne d'Arc, après avoir emporté le fort des
Tourelles, est rentrée dans Orléans par le pont;
un bouquet d'arliiice est tiré sur l'emplacement
des ouvrages avancés du fort des Tourelles. Les
cloches des églises et des chapelles de la ville,
et de la paroisse de Saint-Jean-le*Blanc, sonnent
à grande volée.
A ce signal, les troupes de la garnison, mas-
sées derrière le bouquet d'artifice, se mettent en
marche à la lueur des torches, suivent le pont,
la rue Royale, la rue Jeanne-d'Arc, et viennent
se ranger en ordre de bataille devant le portail
de la basilique de Sainte-Croix.
Au même instant, le corps municipal, ayant
à sa tête le maire et ses adjoints, sort de l'Hôtel-
de-Ville avec une escorte militaire, à la lueur
des torches ; il est précédé de la bannière de la
Villa ^(1) et de l'étendard de Jeanne d'Arc (2). U
se dirige vers le parvis de la basilique.
(1) Bannière rectangulaire en soie brodée sur chaque face
d'or et d'argent : de gueules à trois cœurs de lis d'argent, au
chef cousu d azur chargé de trois ileurs de lis d'or, qui sont
les armes de la ville d'Orléans.
(2) Longue flamme triangulaire en soie blanche frangée
- 242 —
A rapparilion de rélendard de Jeanne d'Arc
débouchant sur la place, les tambours battent
au champ, les portes de l'église s'ouvrent; le
séminaire, le clergé de Sainte-Croix, portant les
bannières de saint Michel, patron de la France,
de saint Euverte et de saint Aignan, patrons
d'Orléans, de sainte Catherine et de sainte Mar-
guerite, protectrices de Jeanne d'Arc ; le chapi-
tre de la cathédrale, l'évéque, sortent proces-
sionnellement au chant du Te Deum et prennent
place sur le perron de l'église.
Lorsque les chants ont cessé, le maire s*a-
vance, suivi de l'étendard de Jeanne d'Arc ; il
monte les degrés, s'approche de l'évéque qui
fait un pas en avant, et il lui remet l'étendard.
A ce moment, les tambours battent de nou-
d*or, qui représente en broderie d'or, d'argent et de soie,
d'un côté, le Sauveur nimbé, assis sur Tarc-en-ciel, les pieds
posés sur les nuées, bénissant de la main droite, tenant le
monde dans la main gauche ; devant lui deux anges agenouil-
lés, vêtus comme Vêtaient au XV« siècle les anges peints dans
les églises. L'un de ces anges offre une fleur de lis, Vautre
est dans l'attitude de la prière, au-dessous les monogram-
mes : IHESUS-MARIA ; à la pointe un rinceau dans le goût du
XY* siècle, figurant une tige de lis ; le revers semé de fleurs
de lis d or ; à la pointe Finscription : Donné par les Orléor-
naises, i855.
La forme de cet étendard est celle des étendards au XV« siè-
cle. C'était notamment la forme de 4;elui de la Pucelle, dont
la pointe alongée vint toucher la muraille du bastion des
Tourelles au moment où il fut emporté d'assaut. Le sujet et
les emblèmes qui le décorent ont été fidèlement reproduits
— 243 —
veau ; le porlail et les tours de Sainte-Croix s'illu-
minent de feux de Bengale de la base au sommet.
Le maire descend et revient prendre sa place
à la lêle du corps municipal. Les chants reli-
gieux reprennent ; Tévêque donne sa bénédic-
tion du haut du perron, puis le clergé rentre
processionnellement dans la basilique, où il dé-
pose l'étendard de Jeanne d'Arc.
Le cortège municipal retourne à l'Hôlel-de-
ViUe.
Les troupes regagnent leurs quartiers. Lare-
traite est sonnée aux llambeaux.
8 mai. — A dix heures, le conseil municipal,
précédé de la bannière de la Ville, se rend dans
la basilique de Sainte-Croix ; les corps constitués,
les autorités, les fonctionnaires, les corporations,
d'après la description que Jeanne d'Arc donna, devant ses
juges, de son propre étendard. Les anges étaient là « en
l'honneur de Dieu ; » mais ce fut une opinion accréditée au
XVe siècle que, sous la figure de l'ange qui tenait une fleur
de lis, Jeanne elle-même était représentée.
Cet étendard a été offert, comme l'indique l'inscription du
revers, parles dames de la Ville (*). Déjà, en 1458, les Orléa-
naises avaient fait ériger à leurs frais, sur le pont d'Oriéms,
le monument de bronze décrit plus haut où se voyaient, au
pied de la croix, la Vierge debout, le roi Charles Vil et la
Pucelle à genoux.
(*) Le» offrandes, fixées à un taux uniforme, ont été recueillies par les
soins de M*" * de Vauzelles, BoSdli, Cordoen, Geuteur, baronne de Moro^rues,
comtesse de Rocheplatte, Porciier (Félix), de Lockbart, Boussion, Chiquand,
Domuis-Daadier, Fontaine, Ganard, du Roscoat.
— 214 —
invités par le Maire, s'y rendent de leur côté
et prennent place dans la nef, dans Tordre qui
leur est assigné parles maîtres des cérémonies du
chapitre. Le clergé occupe les stalles du chœur.
Lorsque le corps ou la personne ayant le pre-
mier rang est arrivé, une messe basse com-
mence au mailre autel.
La messe finie, l'évêque et le clergé quittent
le chœur et viennent occuper les sièges du banc
d'œuvre.
Un prédicateur désigné à l'avance par S. G.
l'évêque d'Orléans, monte en chaire et prononce
le discours qui portait à l'origine le nom « d'orai-
son en action de grâce de la délivrance de la
ville, T> et qui dans les temps modernes a pris
celui de c Panégyrique de Jeanne d'Arc. »
L'étendard de Jeanne est placé en face de la
chaire, les bannières des saints et des saintes
contre les piliers de la nef, la bannière de la Ville
au pied de la chaire.
Lorsque le prédicateur est descendu de la
chaire, une procession sort de la cathédrale
dans l'ordre suivant :
1® Peloton de cavalerie;
2® Députation et sapeurs-pompiers des com-
munes suburbaines de Saint-Denis-en-Val, OU-
vet, Saint-Jean-le-Blanc, Saint-Pryvé, La Chapelle
Saint-Mesmin , Ingré , Saînl-Jean-de-la-Ruelle,
Saint-Jean-de-Braye, Fleury;
— 215 —
Des communes plus éloignées el des villes du
département, qui se font représenter;
3° Corporations et sociétés laïques de la ville
d'Orléans (mariniers, jeunes apprentis, ouvriers,
orphéonistes, médaillés sauveteurs el autres),
précédées de leurs bannières ;
4° Corporations religieuses;
5® Le bataillon de sapeurs-pompiers d'Or-
léans ;
6^ Les valets de la Ville ;
7^ La bannière de la Ville, escortée par des
sous-officiers des sapeurs-pompiers d'Orléans;
8^ Le maire d'Orléans, accompagné de ses ad-
joints ;
9^ Le conseil municipal d'Orléans ;
4 0<> Les administrateurs des hospices d'Or-
léans ;
H<> Les croix, les châsses elle clergé de cha-
cune des paroisses de la ville d'Orléans, chaque
châsse accompagnée de torches avec boisseaux
aux armes de la ville d'Orléans (1) ;
42*» Bannières de saint Michel, de saint Eu-
verte et de saint Aignan, accompagnées des en-
fants des écoles d'Orléans (2);
<1) Ancien usage.
(2) Bannière de saint Michel, patron de la France, verte,
ancienne couleur du duché d'Orléans; bannières de saint
Euverle et de saint Aignan, rouge, qui est la couleur du
champ des armes de la ville d'Orléans.
— 216 —
13^ Bannières de sainte Catherine et de sainte
Marguerite, accompagnées de jeunes filles cou-
ronnées de violettes blanches (1 ) ;
14^ La croix du chapitre, les châsses de la
basilique portées par les clercs du grand sémi-
naire, et escortées de torches avec boisseaux
aux armes de la Ville ;
L'étendard de Jeanne d'Arc, porté par des
clercs du grand séminaire ; le clergé paroissial
de Sainte-Croix, le chapitre cathédral, l'évêque
sous le dais, portant la relique de la vraie
croix ;
ib^ Les corps et fonctionnaires invités mar-
chant suivant l'ordre de leurs préséances ;
Les troupes de la garnison échelonnées sur
les flancs du cortège et fermant la marche.
La procession suit la rue Jeanne-d'Arc, la rue
Royale, le Pont, se rend à la croix des Tourelles,
où l'évêque dit les oraisons indiquées au pro-
cessionnal ; revient par le pont, la rue Royale,
la place du Marlroi, la rue d'Escures, la place
de l'Etape et la place Sainte-Croix.
A leur arrivée sur la place Sainte-Croix, les
(1) Sainte Catherine et sainte Marguerite sont des vierges
martyres, et à ce dernier titre leurs bannières devraient être
rouges ; mais on a préféré le blanc, pour rappeler que c'était
à titre de vierges saintes plutôt, que de martyres que Jeanne
d'Arc les avait choisies pour patronnes. Les couronnes des
jeunes filles qui suivaient la procession aux XV* et XVI* siè-
cles étaient composées de violettes blanches.
— 2i7~-
troupes et les corporations se massent, le clergé
pénétré dans Téglise; mais Févêque avant d'y
entrer s'arrête, et du haut des marches donne
sa bénédiction.
A ce moment on entonne le Te Deum. L' évo-
que entre dans l'église; les corps, les fonction-
naires et les personnes invitées entrent à sa
suite et prennent place dans le chœur où le
corps municipal les a précédés. Les châsses des
saints sont déposées sur des estrades au milieu
du chœur; les bannières de Saint-Michel, de
Saint-Euverte, de Saint-Aignan, de Sainte-Cathe-
rine, de Sainte-Marguerite et l'étendard de
Jeanne d'Arc^ entourent le sanctuaire. Le Te
Deum achevé, l'évêque dépose la relique de la
vraie croix sur l'autel et se retire, après avoir
salué l'assistance.
13
— 2d8
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
I.
9 décembre 1428. — Mandement de Jean V Archer, maire
de la ville de Poitiers, et de Maurice Claveurer, échevin,
Jehan F Archer, mayre de la ville de Poictiers, et Mau-
rice Claveurer, eschevin et bourgois d'icelle, commis et
ordonnez à distribuer les deniers de ladicte ville pour les
réparacious cl autres choses nécessaires à jcelle, à nostre
amé Pierre danler, receveur de lad. ville tant de la re-
cepte ordinaire que extraordinaire, salut : — Nous vous
mandons et commandons que vous paiez, baillez et déli-
vrez des deniers de vos dictes receptes à frère Jehan
Hillairet, religieux de Tprdre et couvent de Nostre-Dame-
des-Carmes de Poictiers, la somme de vint livres tournois ;
laquelle somme lui a esté ordonnée, en plain moys, estre
payée par vous, desd. deniers, pour son salaire, paine,
travail et despens d'avoir esté, par le commandement et
ordonnance de ladicte ville de Poictiers, à Orléans, par-
devers les gens d'église, bourgois et habitans de lad. ville
d'Orléans, porter lettres closes et créance de par les gens
d'église, bourgois et habitans de lad. ville de Poictiers,
pour avoir seurté de bailler ausdiz d'Orléans la somme de
neuf cens livres tournois que lesd. gens d'église, bourgois
et habitans de Poictiers leur ont ordonné, pour leur ayder
à supporter les grans fraiz et mises qui leur a convenu et
convient faire pour résister aux ennemis du Roy estans à
siège devant eulx. Lequel religieux y a esté et vaqué, par
plusieurs journées, en grant double et péril de son corps,
et apporté lettres et bonne seurté desd. d'Orléans de bail-
— 219 —
1er ladicte somme. Et par rapportant ces présentes, avec
quictance souffisante dud. religieux, jcelle somme de
XX 1. t. YOu%sera allouée en vos comptes et rabatue de
vostre dicte recepte par ceulx à qui il appartiendra, san^
contredit ou difficulté aucune. — Donné soubz noz seigns
manuelz, en plain moys et cent, le ixe jour de décembre
Tan mil cccc vint et huit. — Jehan l'Archer, M. Clayëurer,
G. BOUET.
Original s. parchemin. (Bibliotlièque impériale» mss. latins, n* 9230,
pièce T7, A.)
II.
26 décembre 1428. •— Lettres de commission de Jean,
Bâtard d'Orléans, lieutenant-général du Roi dans les
pays du duc d'Orléans.
Jehan, Bastart d'Orléans, conte de Porcîen et de Mor-
taing, grant chambellan de France et lieutenant-général
de monseigneur le Roy, sur le fait de la guerre es pays de
nostre très-redoubté seigneur, monseigneur le duc d'Or-
léans ; — Au gouverneur et prévost d'Orléans et à leurs
lieutenans, et à chacun d'eulx, salut : — Gomme pour
aider à supporter les grans frais et missions que ont fait
et font chacun jour les bourgois, manans et habitans de
la ville d'Orléans, tant pour faire plusieurs réparacions et
emparemens en ladicte ville d'Orléans, avoir et acheter
plusieurs engins et habillemens de guerre convenables et
nécessaires à la garde et delïense de ladicte ville que au-
trement, afin de résister à la dampnable entreprise des
Anglois, anciens ennemjs de ce royaulme, qui tiennent le
siège devant ladicte ville et s'efforcent de toute leur puis-
sance jcelle mettre en leur subgecion; lesdiz bourgois,
manans et habitans de ladicte ville, duement assemblez,
aient d'un commun assentement esté d'accort que la somme
de six mille livres tournois soit assise, cueillie et levée
Suf euh èl leurs biens par manière de taille. — Nous vous
mandons, commetlons et expressément enioignons, èl à
chacun de vous, que jnconlinent, sans auciA délay, vous
imposez et asséez et faictes asseoir, imposer, cueillir et
lever ladicte somme de six mille livres tournois sur lesdiz
bourgois, manans et habit ans de ladicte ville le plus éga-
lement que faire pourres, ainsi que on a accoustumé faire
les aides qui ont esté levez pour mondit seigneur le Roy, et
contraignez et faictes contraindre chacun desdiz habitans
à paier ce à quoy ilz seront imposez, comme pour les
propres debtes de mondit seigneur le Roy, et par prenant
et vendant promptement leurs biens, sans y garder les
autres solempnités accoustumées, cessans et bon obsitans
quelxconques oppositions et appellacions, et ladicte âOifime
faictes porter pardevers le receveur des dénias de ladicte
ville, ou aultre commis à la recevoir, lequel receveur ou
commis sera tenu vous en rendre compte quant requis en
isera, et y procéder à telle diligence que par défault des-
diz deniers aucun jnconvénient ne s'en suive. De ce faire
vous donnons povoir. — Mandons et commandons à tous
les justiciers, officiers et subgez de mondit seigneur le Roy^
que à vous et à vos commis et députez en ce faisant
obéissent et entendent diligemment. — Donné à Orléans,
le xxyje jour du moys de décembre, Tan de grâce mil cccc
vint et huit. Ainsi signé par monseigneur le conte lieute-
nant-général. — J..DE Gyvês.
Document 4éjà publié dans ]• 4S6« Anniversaire de ia dHivrange
d*OrUans* — Copie s. pardiemia. (Arch. de la ville d'Orléans.)
m.
18 mars 1428. — Vidimus de lettres-patentes de Henri VI,
roi de France et d'Angleterre, du 3 mars.
A tous ceulx qui ces présentes lettres verront, Simon
-m -
Morlier, chevalier, ççigoeuç de Villiçrs, cwiseiller du Rqs
nostre sire. . . ^ . . . de Paris, salqt. Savoir feisQa3. ;
Nous, Tan de grâce mil cccç vint huit, le samçdj xviije j|oyr
de mars avoir veu certaines lettres du Roy
nostredit seigneur, scellées de sou grant seel en double
queue et cire jaune. ....,, s'eusuit.
Henry, paç la grâce de Diçu, ray de Franco et d*Anglô-r
terrç, à tous çeulx qui. ..... . savoir faisons, qu^
Nou$ con^idérans les trè$ grans et excessives finances
que la conduite et entretènement du siéç^
mis de p^r Nous devant la ville d'Orléans
siège a desja duré longuement et pourroit encores plus
durer si puissamment ainsi que le cas le
requiert. ... la somme de quarante mil frans. . . .
Fraïuce, duc de Bedford, a libéralemeut fait bailler et dé-
livrer oncle, et des gens de nostre grajjit
conseil, avons ordonné et ordonnons par ces
et de quelque estât que ce soit, prenans de nous gaiges à
cause de leurs offices prise, pour luy me$mô
nous j^esteront leurs gaiges pour ung quartier d'an. . . .
^ la couduite et entretènement dudlt sié^e d'Orléans, et
Qon ailleurs, sans donner pour ce. .,...,. desquelx
gaiges ainsi à Nous prestez sera faicte Festitucion et paie-
ncient à eeulx de qui ilz auront. . ... . . revenues
quelxconques, ilz soient, en noz royaume de France et
duehi.é de Normandie, taut de domaine comme d'aides,
gabelles et confiscations, et aussi sur les proffiz de guerre
quelxconques qui sont escheuz ou escherront
à nostre dit oncle en nos diz royaume de France et duchié
de Normandie. Si donnons en mandement à nos amés et
féaulx conseillers les trésoriers généraulx et gouverneurs
de nos finances de France et Normandie que, par le chan-
geur de nostre trésor à Paris pour France, et par le rece-
veur général de Normandie es deniers de sa recepte, et
par if^\]^ 1#3 viooQ^tte^ r^cevQura tant, d,e dqm^e ç^nwe
— 222 —
d'aides, et par les grenetiers du grenier à sel, et autres
quelxconques faisans de par Nous fait de recepte, ils
facent prendre et recevoir, pour la cause dessus dicte,
de tous nos officiers quelxconques ayans et prenans
gaîges par leurs mains, et tant de nostre
dit conseil comme autres, leurs gaiges pour ung quartier
d'an, en baillant sur ce de ung chacun lettre de récépissé,
par laquelle rapportant avecques lettres de mandement de
Nous sur ce, que voulons estre baillée à eulx qui particu-
lièrement le requerront ou vidimus de ces présentes. Res-
titucion et paiement sera fait de ladicte somme ainsi pres-
tée des deniers de nos receveurs dessusdits, et sans aucune
dificulté. Toutevoies, se aucuns de noz officiers dessusdiz
ne vouloient vous faire paiement ainsi que dit est. Nous
voulons et mandons qu'ils soient privés de leurs gaiges
pour demy an, et que les deniers d'iceulx pour ledit demy
an en soient prins, tournez et convertiz ou fait dud. siège
d'Orléans ou noz autres affaires de guerre. En tesmoing
de ce avons fait mettre nostre sceel à ces présentes.
Donné à Paris, le iij^' jour de mars, l'an de grâce mil cccc
vint et huit, et de nostre règne le septiesme. Ainsi signé
par le Roy à la relacion du conseil tenu par monsr le
régent duc de Bedford. — J. Mylet.
Ausquelles lettres cy-dessus transcriptes estoient ata-
chez unes lettres de messeigneurs les trésorier et gouver-
neurs généraulx de toutes les finances du Roy, nostre sire
en France et en Normandie.
Original sur parchemin, en partie maculé et déchiré. (Bibliotiièque impé-
riale, mas., pièces provenant de la cour des comptes.)
IV.
3 mars 1428. — Lettres de mandement de Henri VI, roi
de France et d* Angleterre.
Henry, par la grâce de Dieu, Roy de France et d'An-
— 223 —
gleterre, à noz amez et féaulx conseillers, et trésoriers, et
généraulx gouverneurs de noz finances de France et de
Normandie, salut et dilection. Nous vous mandons et en-
ioignons que, par nostre amé Pierre Surreau, nostre rece-
veur général de Normandie, vous faictez recevoir de nostre
amé et féal conseiller, maistre Jehan Dole, la somme de
cent cinquante livres tournois, qui est la quarte partie,
pour ung an, des gaiges ordinaires de conseiller, montans
à la somme de vjc 1. t., que Nous avons voulu japieça et
voulons estre à lui paiée, par chacun an, tant qu'il Nous
plaira, en lui baillant lettres de récépissé sur ce. Laquelle
quarte partie nostre dit conseiller nous a ottroyée prester
pour la continuacion du siège que faisons tenir devant Or-
léans, et des deniers de ladicte recepte faictez par ledit
receveur faire à nostre dit conseiller sur ce plain paiement
et satisfacion, et tout ce qui paie aura esté à la cause
dessus dicte par rapportant ces présentes, ou vidimus
d'icelles fait soubz seel royal, avecques quittance de nostre
dit conseiller et lesd. lettres de récépissé, Nous voulons
estre aloué es comptes dudit receveur et rabatu de sa re-
cepte par noz amez et féaulx les gens de noz comptes,
sans aucun contredit ou difficulté. Donné à Paris, le
iij« jour de mars, l'an de grâce mil cccc vint et huit, et de
nostre règne le vije.
Par le Roy, à la relacion du conseil tenu par mons£rr le
Régent, duc de Bedford. — J. Mylet.
Origp. s. parchemio, ayant été scellé sur simple queue de parchemin.
(Bibl. imp., mss., pièce provenant de la chambre des comptes.)
V.
3 mars U28. — Lettre» de mandement de Henri F7, roi
de France et d'Angleterre.
Henry, par la grâce de Dieu.... {comme aux letttres
— 834 —
précédentes). Vous faictez recevoir de nostre amé et féal
conseiller, Thomas Holgville, escuier, la somme de cin-
quante livres tournois, qui est la quarte partie, pour
ung an, des gaiges ordinaires de conseiller, montans à la
somme de deux cens livres tournois, que Nous avons voulu
pieça et voulons estre à luy paiée, par chacun an, tant qu'il
Nous plaira, en Iny baillant lettres de récépissé sur ce.
Laquelle quarte partie nostre dit conseiller Nous a octroyée
prester pour la continuation du siège devant Orléans; Et
des deniers.... (comme auap lettres précédentes).
Orig. s. parcb., ayant été scellé sur simple queue de parcU. (BMatb.
imp., ms^, pièces provenant de U cbi^mbre des comptes.)
VI. '
13 mars U28. *- Lettres de mandement été Jean, duc dS;
Bedfordj régent du royaume de France.
Jehan, régent le royaume de France, duc de Bedford,
à nos très chiers et bien amez les trésoriers généraulx des
finances de monseigneur lé Roy, tant en France comme en
Normcndie, salut et dilection. Comme Nous ayans ordonné
et retenu nostre bien amé Henry Tlsle, escuier à la charge
de quarante et trois hommes d'armes, sa personne en ce
comprinse, et six vings et no euf archers montez, armez et
arrayez bien et suffisamment pour servir mondit seigneur
le Roy et Nous au siège devant Orliens ou autres sièges,
sur les champs et garnisons, et partout ailleurs où il Nous
plaira ordonner durant ledit siège devant Orliens, et les-
quelx hommes d'armes et archers furent et estoient de la
charge et retenue de feu nostre très chier et bien amé
sire Lancelot de Flsle, frère dudit escuier au jour de son
trespassement, pour estre audit siège d'Orliens, parmj ce
que, pouf lesdiz hommes d'armes et archiers, ledit escuier
aur^ cit prendra gaiges^ c'est asçj^voir, poi|r ho^mmeL d^ar-
nwî3, dowe. 4e»ters. esiterlin$.le jou^r, BQonjwie d'Angleterre^
av^cqupsi regwds accoustumez eu pre»$int le noJ)k d- An-
gleterre pour six sol^ huit deniers esterlins de ladicte
mongole ou autre monnoie de France à la valeur, et pouj*
chacun arc^ier six frans par chacun mois, doi^t paiement
lui sera fait de mois en mois, au commencement d'un
chacun mois, et selon les monstres que ledit escuier a
faûctes et fera desdiz hommes d'armes et archiers des fi-
nances du pays de France et du ducbié de Normandie ^
jceulx gaiges et regards commençans incontinent que le
terme que ledit feu sire Laneelot de Flsle a esté dernière-
ment paie pour les gaige» de Ini et des hommes d'armes
et archiers de sa retenue fut ôny et accomply, et de là en
avant, de mois en mois, durant ledit siège. Gomme par
endenteures sur ce faictes entre Nous et ledit escuier ces
choses et autres peuent plus à plein apparoir, Nous vous
mandons et enioignons expressément, de par mondit sei-
gneur le Roy et de par Nous, que, par Audry d'Esparnon,
trésorier des guerres dudit pays de France, ou par Pierre
Surreau, receveur général dudit duchié de Normandie,
vous, des deniers de sa recepte, faites paîer, bailler et dé-
livrer audit Henry L'Isle, ou à son certain commandement,
les gaiges et regards de lui et des hommes d'armes et ar-
chiers, de sa retenue de mois en mois, au commencement
d'un chacun mois, selon les monstres et reveues qui ont
esté et seront faictes d'iceulx hommes d'armes et archiers,
par la fourme et manière que dit est, durant ledit siège,
et par rapportant ces présentes que voulons estre garand
pour vous et ledit trésorier des guerres ou ledit receveur
général, avecques monstres ou reveues sur ce deuement
faictes et quittances souffîsantes d'icelui Henry Lisle, tout
ce qui, à ladicte cause, lui a et aura ainsi esté paie sera
alloué e& cpmptes et rabata de la recepte dudit trésorier
des guerres, où dudit receveur général qui paie l'aura, par
nos très chiers e{ bien amés les gens des comptes de mon
13.
— 226 —
dit seigneur le Roy, à Paris et partout ailleurs où il ap-
partiendra, ausquelx Nous mandons, ou nom que dessus,
que ainsi le facent, sans aucun contredit ou difficulté.
Donné à Paris, soubz nostre scel, le treiziesme jour de
mars. Tan de grâce mil quatre cens vint et huit.
Par mons&r le régent le royaume de France, duc de Bed-
ford. — Bradshawe.
Orig. s, parch., ayant été scellé sur simple queue de parchemin. (Bibliotb.
impériale, ms9., pièces provenant de la cour des comptes.)
vn.
20 avril 1429. — Quittanee de Jean Talbot, capitaine de
Coutances.
Saichent tuit que Nous, Jehan, seigneur de Talbot, che-
valier banneret, capitaine de Constances, confessons avoir
eu et receu de Pierre Surreau, trésorier général de Nor-
mandie, la somme de trente-cinq livres ùnze solz huit de-
niers tournois, pour les gaiges et regars de deux hommes
d'armes et ung archier à cheval du nombre de nostre re-
tenue et garnison dudit lieu de Constances, estans et rési-
dons au siège devant Orléans, desservis et à desservir audit
siège, pour ung moys, commençant le xxiije jour de mars
mil cccc xxviij. avant Pasques, et finissant le xxije jour de
ce présent moys d'avril ensuivant, tous jnclus, au prix de
vj livres tournois pour ledit archier par moys ordonné et
ainsy payé. Dont Nous avons fait monstre audit siège, ce-
jourd'huy, pardevant Phiilebert de Mollens, escuier, et
maistre Raoul Parkers, à ce commis. De laqueUe somme
de XXXV 1. xij s. viij d. t. Nous Nous tenons pour contons
et bien paiez, et en quictons le Roy nostre sire, ledit rece-
veur général et tous autres. En tesmoing de ce Nous avons
fait sceller ceste présente quictance de nostre seel audit
siège, le vintiesme jour d'avril, l'an mil cccc et vint neuf.
Orig. s. parch. Sceau et contre-sceau en cire rouge, sur simple queue de
parchemin. (Bibl. hnp., mss., pièces provenant de la conr des comptes.)
— 227 —
VIII.
20 avril U29. — Quittance de Thomas de Scales, capi-
taine de Pontorson,
Saichent tuit que Nous, Thomas, seigneur de Scales,
chevalier, capitaine de Pontorson, confessons avoir eu et
receu de Pierre Surreau, receveur général de Normandie,
la somme de six cens quatre vins cinq livres seize solz
huit deniers tournois, en prest et paiement des gaiges et
regars de Nous, chevalier banneret, xix autres hommes
d'armes et soixante archiers à cheval du nombre de nostre
retenue et garnison dudit lieu de Pontorson, ordonnez
estre et servir au siège devant Orléans, et pour le service
de Nous et des dessus dits audit siège de ce présent moys
d'avril, dont Nous avons fait monstre audit siège cejour-
d'huy, parde vaut Thomas Guérart, escuier, et maistre Raoul
Parker, secrétaire de monseigr le régent de France, duc
de Bedford, à ce commis. Dont paiement Nous a esté fait
au prix de yj 1. t. pour archer, par moys, selon l'ordon-
nance sur ce faicte par mondit seigneur le Régent. De la-
quelle somme de yjc iiij» v 1. xvj s. viij d. t. Nous nous
tenons pour contens et bien payez, et en quictons le Roy
nostre dit seigneur, ledit receveur général et tous autres.
En tesmoing de ce Nous avons signé ceste présente quic-
tance de nostre seing manuel, et scellé de nostre scel au-
dit siège, le vintiesme jour d'avril mil cccc et vint neuf.
Scales.
Orig. •» parch. Sceau et contre-sceau en cire rouge, sur simple queue
de parchemin. (Biblioth. imp., mss., pièces provenant de la cour des
comptes.)
IX.
I
30 avril 1429. — Lettres de mandement de Henri VI, roi
de France et d'Angleterre.
Henry, par la grâce de Dieu, Roy de France et d'Angle-
— 228 —
terre, à nos amés et féaulx conseillers, trésoriers et gé-
néraulx gouverneurs de toutes noz finances en France et
Normandie, salut et dilection. Gomme par Fadvis, délibé-
racion de nostre très chier et très amé oncle Jehan, régent
nostre royaume de France, duc de Bedford, et des gens de
nostre grant conseil, Nous avons derrenièrement ordonné
et mandé venir en armes en nostre ville de Vernon, au
mardj xxix^ jour de mars derrenier passé, noz vassaulx et
gens nobles tenans noblement de nostre duché de Nor-
mandie et pais de conqueste, pour en jcelle ville estre
veuz, receuz et passez à monstres, pardevant noz commis
ad ce, et Nous faire service ou conduit des vivres néces-
saires pour ravitaillement du siège que faisons présente-
ment tenir devant la ville d'Orléans ; lesquels vassaulx et
gens nobles en regart et considéracion, aux gran fraiz et
charges, coustanges et despens que pour faire ledit voiage
leur conviendroit faire, pour leur aider à supporter lesdites
charges et despenses par noz autres lettres données le
xx® jour de ce présent mois, avons voulu et ordonné que,
après leurs dictes monstres faicles en nostre dicte ville de
Vernon, Paris et ailleurs, paiement leur feust fait de noz
finances, pour vint jours commançans le jour de leurs dictes
premières monstres ; et il soit ainsi que lesd. nobles et
vassaulx ou conduit desd. vivres et voiage par eulx fait
de nostre ville de Paris devant lad. ville d'Orléans et ail-
leurs, sur la rivière de Loire, aient vacqué, séiourné et
demouré pour attendre noz ennemis que 1 on disoit venus
à puissance pour advitailler ladicte ville d'Orléans par
vj jours, oultre et pardessus les vint jours dessus diz, fi-
nans le xxixe jour de ce présent mois d'avril, pour lesquelz
vj jours voulons paiement leur estre fait de noz finances
de Normandie; vous mandons, commandons et expressé-
ment enioignons que, par nostre bien amé Pierre Surreau,
receveur général de nostre dit pais de Normandie, tant
des deniers de sa dicte recepte comme des deniers des
— 229 —
empruns que avons derrenièrement ordonnez Nous estre
faiz par noz officiers de nostre dit duché et pais de con-
queste, vous faictes paier, bailler et délivrer aux chefs de
monstres desdiz vassaulx et nobles de nostre dit pais de
Normandie, les gaiges et regars d'iceulx et de leurs dictes
gens jusques au nombre de deux cens hommes d'armes,
et les architjrs à l'afférent, tous à cheval, pour lesd.
vj jours, comme dit est dessus, qui font pour tout xxvj jours,
au pris, pour chevalier banneret quatre solz esterlins par
jour, pour chevalier bachelier deux solz esterlins, pour
hommes d'armes à cheval douze deniers de lad. monnoie,
avec regars acoustumez, et pour chacun archer dix de-
niers esterlins par jour, le noble d'Angleterre compté pour
six solz huit deniers de ladicte monnoye ; et par rappor-
tant ces présentes, leurs reveues faictes en nostre d. vUle
de Paris, pardevant noz chers et bien amés Jehan Popliau
et Guy le Boutciller, chevaliers, commis de par Nous à
jcelles reveues, recevoir et prendre avec quictunce desdiz
chefs de monstres, tant seulement Nous voulons tout ce
que paie sera et aura esté à ladicte cause estre alloué es
comptes et rabatu de la recepte de nostre dit receveur
général par noz amez et féaulx gens de noz comptes, à
Paris et partout ailleurs où il appartiendra, ausquelz Nous
mandons par ces présentes que ainsi le facent sans con-
tredit ou difficulté quelzconques. Donné à Paris, le derre-
nier jour d'avril. Tan de grâce mil cccc vint neuf, et de
nostre règne le vije.
Par le Roy, à la relacion du grant conseil.
(Sinpaature et sceau coupés.)
Original s. paFchemiD. (Bibliotb. iiDp., mss., pièces provenant de la cour
des comptes.)
230 —
X.
1er mai 1429. — Quittance de Jean, Bâtard d* Orléans,
lieutenant-général du Roi dans les duché d'Orléans,
comtés de Blois et de Dunois.
Nous, Jehan, Bastart d'Orléans, conte de Porcien et de
Mortaing, grant chambellan de France et lieutenant de
monseigneur le Roy sur le fait de la guerre es duchié
d'Orléans, contez de Blois et de Dunois, confessons avoir
eu et receu des bourgeois, manans et habitans de la ville
d'Orléans, par la main Jehan Hillaire, receveur des deniers
appartenans à jcelle, la somme de six cens livres toum» ;
laquelle somme lesdiz bourgeois, manans et habitans Nous
ont baillée, pour paier les gens de guerre estans en jcelle
ville en garnison, et les cappitaines des forteresses d'en-
viron ce pais venuz par nostre mandement en lad. ville,
ad ce que on les entretensist jusques ad ce que l'armée
qui estoit venue avec la Pucelle Jusques au port du Bous-
chet, qui est retournée à Blois, fust revenue en ceste dicte
ville pour lever le siège. De laquelle somme de yjc 1. 1.
Nous nous tenons content et en quictons lesd. bourgeois
et habitans, led. receveur, Nous avons tesmoing noz seel
et saing manuel ci mis, le premier jour de may, l'an mil
iiijc vint neuf. — Le Bastart d'Orléans.
Original s. parchemin. Sceau et contre-sceau du Bâtard en cire rouge,
sur simple queue de parchemin. (Arch. de la ville d'Orléans.)
Ce document, inédit et inconnu jusqu'ici, met en liunière
des faits qui étaient ignorés ou obscurs.
io Et les cappitaines des forteresses d'environ ce pais
venuz par nostre commandement en ladicte ville*.».
On savait, par le journal du siège, que, dans les der-
niers jours d'avril et les premiers jours de mai 1429, plu-
sieurs capitaines des forteresses de la Beauce et du Gâtinais
— 231 —
«
se jetèrent dans Orléans, avec les renforts qu'ils amenaient;
mais on ignorait que ces capitaines avaient été mandés
par le Bâtard d'Orléans, lieutenant-général du Roi ; qu'en
se rendant à Orléans ils avaient obéi à un ordre et con-
couru à une mesure d'ensemble prise en vue des événe-
»meuts qui se préparaient.
2o Jusques ad ce que V armée qui estoit venue avec la
Pucelle jusques au port du Bomchet,.,,
Nulle part l'existence du port du Bouschet n'avait été
signalée, et nulle part non plus le point de la rive gauche
de la Loire où l'armée et le convoi arrivant de Blois s'ar-
rêtèrent le 29 avril 1429 n'avait été fixé avec cette préci-
sion.
Ce point d'arrivée avait été placé :
Par la déposition de Simon Beaucroix (Quicherat, III,
78), entre Orléans et Jargeau. La distance de l'une à l'autre
de ces deux villes est de dix-sept kilomètres.
Par le journal du siège (QuiCH., IV, 151, 152), « jusqu'à
un village nommé Chécy. ^ C'est-à-dire en face d'un vil-
lage nommé Chécy, car Chécy est sur la rive droite, à
neuf kilomètres d'Orléans.
Par la Chronique de V établissement de la fête de la
Pucelle (QuiGH., V, 290), c à l'Ile-aux-Bourdons, » qui était
de la paroisse de Chécy, mais en aval du bourg. La distance
de l'Ile-aux-Bourdons à Orléans est de six à sept kilomètres.
Par la déposition du comte deDunois(QuiCH.,III, 5, 6,
7), en amont de l'église de Saint-Loup, ultra ecclesiam
Sancti Lupi. C'est-à-dire en face du territoire de Saint-
Jean-de-Braye, à quatre kilomètres environ d'Orléans.
Par la déposition de Pasquerel (QuiCH., III, 105), à une
distance d'Orléans assez petite pour que les Anglais des
bastilles de Saint-Jean-le-Blanc, des Augustins et des Tou-
relles, et les Français arrivant pussent se voir.
Par la déposition de Louis de Contes (Quich., III, 67)>
prés d'Orléans, juxià villam Aurelianensem.
— 232 —
Par la déposition de d'Âuloo (Quich., III, 21Q), k,
c environ. un quart de lieue t> en amont d'Orléans.
Par la chronique du siégQ (QuiCH., IV, 318), % vers. 1^
ville d'Orléans, au-deç3us de la bastille de S^int-JehanTl^^.
Blanc. >
r '
Par le récit de Perceval de Cagny (Quiçft,, IV,. 5), % ^m
près d'Orléans. »
Par la chronique de Jea» Chartiçr (QuiCKt, IV, 54),
€ devant Orléans. »
La quittance que nous publions ici, en fuissent arriver Igk
coiwoi au port du Bouschet, conlirnie Tindiçation, donnée
parDunois, ultra ecclesiam SamtiLwpi, sans contredira
celle donnée par l'auteur de la Chronique de Vétablisse^^
ment de la fête : « arrivèrent jusquçs à riIe-aux-Bourdons. »
Le nom du Bouchet >s'est conservé ; c'est aujourd'hui en-
core le nom d'une maison de campagne située sur- le t^-
ritoire de la commune de Saint-Denis-en-Val, au bord df^
la Loire, ou plutôt d'un bras ensablé de la Loire, en face
de Saint-Jean-de-Braye et en amont de Saint-Loup ; à une
distance de quatre à cinq kilomètres en amont du poo^
d'Orléans, de un à deux kilomètres en savait de ru^auz-
Bourdons. On peut certainement admettre que leç campe-
ments de l'armée et du convoi couvraient ce dernier esr I
pace, et s'étendaient du port du Bouchet à rile-auj^>>
Bourdons*
Ceci, du reste, se concilia avec le fait énoncé dans les
lettres; d'anoblissement dç Gui de Gailly (QuiCH., V, 344),
qu'après avoir traversé la Loire, Jeanne d'Arc reçut l'ho^
pitalité au château de Heuilly, près Ghécy, inarceRiUliaca i
propa Checiacum, et qu'elle y pas^a quelques heures j
avant de se diriger sur Orléans, où elle n'entra qu'à 1^ !
nuit« Le château de Reuilly n'est en effet qu'à, sept k^o-? |
mètres du Bouchet, cinq de l'^le-au^^-Bourdons, et quçl
que Sjoit celui de ces deux points que la Pucelle avait
choisi pour traverser la Loire, elle eut facilement letemp^
de s^ rendre au cl^teaui de Reuilly, et d'y faire le séjour
constaté dans Facte d'anoblissement de Gui de CaiUy.
XI.
25 mai 1429. — Quittance de Thomas HyngesUm, capi-
taine de Meulan.
Saichent tuit que Nous, Thomas Hyngeston, dievalier,
capitaine de Meulent, confessons avoir eu et receu de
Pierre Surreau, receveur général de Normandie, la somme
de six cens vint ung livres neuf solz cinq deniers tournois,
en prest et paiement des gaiges et regars de quatre hommes
d'armes à cheval, comprins le contre-roulleur, et quatre à
pie, et xxiiij archiers de nostre retenue, desserviz à la
sauve garde dudit lieu au siège d'Orliens, et conduicte des
vivres pour ledit siège, pour ung quartier d'an fînant le
le xviije jour de ce présent mois de may dont ont esté re-
quis, c'est assavoir la somme iiij^xx 1. xiij s. t., comprinse
en jcelle somme, qui paiez ont esté à une lance et trois ar-
chiers de nostre dicte retenue desservi au siège d'Orliens.
Item xxxiiij 1. xv s. x d. t., qui paiez ont esté, pour
XV jours du mois d'avril, à deux lances et viij archiers de
nostred. garnison, oultre jcelle lance et iij archiers pour
le conduit d'iceulx vivres. Item Ixxiiij 1. xj s. viij d. t.
pour deux lances et ix archiers de nostred. retenue, oultre
l'autre lance et lesd. iij archiers qui paiez ont esté pour
faire la conduicte d'iceulx vivres le tiers jour de may, et
xxxvj 1. xj s. vj d., qui rabatuz Nous ont esté pour vacca-
cions. Etfaultede service d'aucuns desd. souldoyez, comme
il appert par le conleroulle sur ce fait, desquelles gens
Nous avons fait monstre audit lieu, pardevant led. rece-
veur général et Jehan Chambellain, conteroulleur d'icelle
recepte gènéralle, le x}(vije jour de février derrenier passé,
ce paiement à Nous fait par ledit receveur, par vertu des
— 234 —
lettres de monseigneur le Régent, donné le xv» jour de
novembre cccc xxviij derrenier passé. De laquelle somme
de vjc XXV 1. ix s. v d. t. Nous nous tenons pour conten*
et bien paie, et en quictons le Roy nostre seigneur, ledit
receveur et tons autres. En tesmoing de ce Nous avons
scellé ces présentes de nostre scel, le xxv© jour de raay,
l'an mil cccc vint neuf.
Original s. parchemin. Débris de sceau en cire rouge pendant, sur
simple queue de parchemin. (Biblioth. irap., mss., pièces provenant de
la cour des comptes.)
XII.
U24-U33. — Extrait des comptes d'Hémon Raguier,
trésorier des guerres du Roi.
Extrait du compte XII 1® et dernier de M® Hémon Raguier,
trésorier des guerres du Roy, depuis^le !«>' mars 1424
jusques au dernier septembre 1433. i
Le fait de ravitaillement et secours sur les Angloîs des i
ville et cbâteau de Montai^.
A M. Loys d'Escorraille, chevalier, H40 1., pour porter
ainsy qu'il a fait de la ville de Jargueau, pour distribuer
aux gens d'armes et de trait de la compagnie de M. le
Connétable et sous son gouvernement, pour aller secourir
Montargis assiégé par les Anglois.
Aux seigneurs et capitaines cy après nommés, allans au
siège de Montargis :
Au sr d'Orval, à mons. le Rastard d'Orléans, au conné-
table de l'armée d'Escoce, à mons. de Villars, à Denis de
Saint-Savin, à Jeaç Girard, au Rastard de Culant, au Ras-
tard de Tornemire, à Gaultier de Rrusac, à Rernard de
Cominge, à Henry Peumart, à Guillaume Le Routeiller, à
Pierre Ronneville ; à Michel Cudoe et Jean Durant, mar-
chant demeurans à Orléans, pour blez pour avitailler Mon-
targis.
— 235 —
Le fait des secours sur les Ânglois de ]a ville d'Orléans.
Aux capitaines et chefs de guerre cy après nommez :
A Estienne de Vignolles, dit La Hire, sur le paiement
des gens de sa compagnie; à Poton de Sainterailles, es-
ciiyer; à messire Jean de Lesgo, chevalier; à messire
Raymon, sieur de Villars, chevalier ; à Oudet de Rivière,
escuyer ; à Galabre de Panassac, escuyer ; à Jean Pot, es-
cuyer de la compagnie dudit Galabre ; à Giraûlt de la Pail-
lière, au sire de Coraze, au sire de Gra ville ; à messire
Matyas d'Archiac, chevalier ; à Jean de Héraumont, es-
cuyer ; à Jean Girard, escuyer ; à Denis de Saint-Savin.
A Henry Peumarch, escuyer ; à messire Jean Wischart,
chevalier ; à Thomas Rlar, escuyer ; à David Malleville, es-
cuyer ; à* Alexandre Norwil, escuyer ; à messire Thomas
Honston, chevalier ; à Henry Galoys, escuyer ; à Donad de
Lynant« escuyer ; — du pays d'Escosse.
A mons. Guillaume de Lebret ; à mons. de Saint-Sévère,
maréchal de France ; à messire Lois de Culant, admirai
de France ; à mons. de Couflans ; à messire Raoul de Gau-
court, chevalier, grand-chambellan du Roy, 1293 livres 5 s.,
pour porter à Orléans ; à messire Jean Wichart, chevalier
du pays d'Escoce, capitaine de certain nombre de gens
d'armes et de trait dudit pays ; à Oudot, sieur de Verdu-
zan, et Pierre de Fontenil, escuyer; à messire Jean de
Graville, chevalier, grand-chambellan du Roy et maistre
dés arbalestriers de France.
Aux capitaines et chefs de guerre cy après nommez :
A messire Jean de Lesgo, chevalier; à M?^ Lois de Yau-
court, aussi chevalier; à Regnault Daridel, seigneur de
Héraumont; à Girault de la Paillière; à Thibault de
Termes, escuyer ; à Estienne de Vignolles, dit La Hire ;
à mons. le Rastart d'Orléans; à mons. de Saint-Sévère,
maréchal de France ; à messire Jacques de Chabanes, che-
valier, maréchal du Rourbonnois ; à Poton de Sainterailles
et Estienne de Vignolles, dit La Hire ; à mons. de Coa-
-236-
rase, chevalier; à messire Raymon, s. deVillarSi^escuyer;
à Girault de la Paillière ; à messire Jean de Bueil, cheva-
lier ; à messire Guillaume de Chaumont, chevalier, sieur de
Quitry; à Bernard de Comminge, escuyer; à Pierre dç
Beauvoir, escuyer; à frère Nicole, commandeur de Gir
resme ; à mons. le Bastar d'Orléans ; à messire Mathiaai
d'Archiac, chevalier ; à Baudrans Tours, escuyer, qui es-r.
toit prisonniw des Ânglois, pour aider à sa rançon; à
messire Guill. de Savenay, chevalier ; à Bouzon de Fayes,
escuyer, bailly de Montargis, capitaine des gens d'armea
et de trai^; à Ferrande de Gruile, escuyer du pais.d'E&r^
pa^e ; h, Guiot des Ghamps et Perret Le Bauteiller, es-
cuyers; à messire Lois d'Abbencourt, chevalier ; à messire
Patin Dogilby, vicomte d'Angus au pays d*Escoce, cheva^
lier ; à Jean de Bamaire, dit Gormellan, escuyer» capitaine
des gens d*armes et de trait; à messire Hector de la
Jaille, chevalier ; à messire Jean Stewart, chevalier, sieur
de Damle, connétable de Tarmée d'£scoce; à
seigneur de {^ymenil, escuyer ; à Jean de la Roche, esr
cuyer ; à messire Loys du Doignan* chevalier ; à Guillaume
Destumes, escuyer ; à maistre Jean de Montesclere, cano-»
nier demeurant à Angiers, pour avoir servy à Orléans ; à
messire Jean de Rochechouart, s. de Martemar, chevalier,
conseiller, chambellan du Roy ; à Jean de Blanchefort, es*
çuier, lieutenant de monseig. de Saint-Sévère, marécha)
de France, tant sur son estât que sur le paiement de
soixantcH^eux hommes d'armes et quarante-deux hommes
de trait, 540 L ; à Denis de Chailly^ escuyer ; à Maurice
de Meaulx, esQuyer, lieutenant de M. Jean Oulchart, che-
valier, capitaine du pays d'Escoce; à messire Guillaume
(Je Savenay, chevalier; à Guilla,ume Madré, escuyer; à
n^essirç Jeaii du Bois, chevalier ; à messire Nicole da Gi-
resrpe, chevalier ; à mesgire Regnault de Fontainç^, ch^
valier ; à mons. Giles, sieur de Rais ; à Gaucher 4e Bru$aç»
escuyer ; à Archades de la Tour ; à messire i^m Fou->
- 03? -
quaut, chevalier ; à tnessire Ambi^oy^e de Lôré, chevalier
à Baymon le Pevt*e, archéir; à Ândréal le Bourgois, es-
tuyer ; à Bertrand de la Perrière et au Baslard de Beau-
manoir, escuyers ; à Gaston de Lesgû, escuyer ; à Ârnault
GriUans de Bourgan, escuyer ; à Galaudaa de Goulart, es-
cuyer; à messÛTB Begnault dé Fontaines, chevalier; à
Alain Giron, escuyer ; â messii'e Loys de Waencourt, che-
valier; à Bertrand Toujouie, escuyer; à Jean Girard, es-
tnyer; à messire André, seigneur de Bambière, chevalier;
4 Pierre le Beuf, escuyer ; à messire Fleurent d'Iliers, che-
valier; à Ëstienne de Vignolles, dit Là Hire; au Bastarcl
de la Marche ; à Bernard de Bourgs», escuyer ; à Alain
Sercy, escuyer ; à Michel Norvil, escuief du pais d'Escoce ;
à messire Jean Griston, gouverneur de Ghastillon ; à Gon-
iéallé Davie, à Pierre Biflart et Jean de Seigné, à Gharlot
de la Pierre ; à messire Jean, seigneur de Buel, chevalier ;
à messire Pierre d'Amboise, sieur de Ghaumont, cheva-
lier ; à Gaiet du Pleceis, à Jean Maillet, à Pierre Bastar de
la Ghasteigneraie ; à messire Antoine, seigneur de Prie,
chevalier ; à Jean Girard, escuier ; à Jean du Tessier, es-
tuyer; k messire Nicole de Ginesme, commandeur de la
Croix, chevalier, et Roberton des Groix, escuier ; à Lois
Bastar de Harcourt, escuyer ; à messire Loys de Tréma-
gon, chevalier ; à mons. de Torcy et Antoine de ï'ianil.
Aux seigneurs chiefs et capitaines de guerre cy après
nommez :
A môns. lé duc d'Alençon, à mons. le comte de Ven-
dosme, à motis. d*Alebret, à mons. le maréchal de Broce,
à mons. le maréchal de Baiz, à mons. de Gulant, à mons.
de Gra ville; à mons. Christofle de Harcourt, chevalier; à
mons. le comte de Laval, à mons. le Bastar d'Orléans ; à
mons. le vicomte d'Ëscosse, à mons. de Ghauvigny, à
mons. de Linières, à mons. de Mailly, à mons. do Bueil,
à mons. de la Tour d'Anjoz, à mons. le baron de Coutilly,
à mons. de Gaucourt; à Jean de Seignac, escuyer; au
— 238 —
Bourg de Masqueran ; à Jean de Neuville, escuyer ; à Yvon
du Puy, escuyer ; à Pierre, sire de Gourdon, escuyer ; à
Durant des Barres, escuyer ; à Pierre Paillias, à Guillaume
Heusse, à Jean de Héraumont, à Bernart de Romenessault,
au moyne de Tonneterre, à Hervé Saint-Denis, à Imbault
de Greise; à messire Mathias d*Ârchiac, chevalier; à Si-
mon, Bastar de Longueval; à Raimonnet Gofûheau; à
messire Jean de Brye, chevalier ; à Pierre Bessonneau, es-
cuier, maistre de Tartillerie du Roy ; à mons. le Bastar
d'Âlençon, et au sieur Ambrois de Loré, chevaliers; à
messire de la Haye, cjievalier, baron de Golonces ; à Poton
de Sainterailles ; à Jean, sire de Sainterailles ; à messire
Jean de Yendosme, chevalier vidanie de Chartres ; à mes-
sire Fleurent d'Iliers, chevalier ; à Roberton des Croix, à
Guil. Lenfant ; à Jean de Bernare, sire de Gornillan ; à
Guill. de Ricarville.
Maauscrits de Gaignères, t. 772, f* 549, V* et suiv. (Biblioth. impërûtle.)
xin.
30 novembre 1430. — Mandement de Henri VI, roi de
France et d* Angleterre, au trésorier général de ses
finances de Normandie,
Henry, par la grâce de Dieu, roy de France et d'Angle-
terre; à nostre amé et féal Thomas Blount, chevalier,
trésorier et général gouverneur de noz finances de Nor-
mandie, salut et dilection. Comme par noz autres lettres,
dont il vous apperra, Nous eussions ja pieça mandé à noz
amez et feaulx trésoriers et generaulx gouverneurs de noz
finances do France et de Normandie, qui lors estoient qiie
par nostre amé Pierre Surreau, receveur général de nostre
dit pais de Normandie, ilz feissent faire paiement et satis-
faccion à nostre amé et féal conseiller maistre Jehan
Doule, maistre des requestes de nostre hostel, de la quarte
— 239 —
partie de ses gaiges ordinaires pour un an, qu'il Nous
avoit prestez pour la continuacion du siège que faisions
tenir devant la ville d'Orléans ; mais, après la date de nos
dictes autres lettres, icellui nostre conseiller estant en
nostre dit service par devers Nous en nostre pais d'Angle-
terre, y a eu mutacion d'ofQciers sur nos dictes finances.
Parquoy et pour ]a continuacion de nostre dit service, où
nostre ^it conseiller a depuis vacqué presque continuel-
ment, ou autrement, il ne a peu poursuir ne avoir l'expè-
dicion de nos dictes autres lettres, avant icelle mutacion
des diz officiers, ne depuis, obstant aucunes restrinctions
pu défenses entrevenues ou faictes de par Nous depuis
nostre descente deçà la mer, par quoy icellui nostre con-
seiller pourroit demeurer derrière et non restitué de son
dit prest, à l'occasion de son absence pour le fait de nostre
dit service, ou autrement, si comme il dit, en Nous hum-
blement suppliant que sur celui vueillons pourveoir : pour
ce est-il que Nous, qui ne voulons l'absence de nostre dit
conseiJlier lui estrè dommagable, attendu mesmemeut
l'occupacion et continuacion de nostre dit service, vous
mandons et enjoignons expressément que, se il vous ap-
pert deuement de noz autres lettres dessus dictes, et du
dit prest que on dit monter à la somme de cent cinquante
livres tournois, vous en ce cas en faites faire plain paie-
ment et satisfacion à nostre dit conseiller par icellui rece-
veur général de Normandie, des deniers des amendes
escbeues et'tauxées par avant le premier jour de may der-
rain passé en la court et auditoire de nostre conseil ordonné
en ceste ville de Rouen, et en raportant ces présentes et
nos dictes autres lettres, avec quittance souffisante de
nostre dit conseiller, ensemble les lettres de récépissé du
dit prest, nous voulons tout ce qui paie aura esté par le
dit receveur général à la cause dessus dicte, jusques à la
dicte somme de cent et cinquante livres tournois,, estre
allouée en ses comptes et rabatue de sa recepte par noz
— 240 —
luhez et feaulx les gens détiùt comptés à Paria, ou àutfeft
qu'il appartiendra, ausquels Nous mandons que ainsi le
facent) sans contredit ou difficulté, non obstant les res-
trinctions, mandemens ou défenses dont cy dessus est
faicte mencion. Donné à Rouen, soubz nostre seel ordonné
en l'absence du gfant, le derrenier jour de novembre, l'an
de grâce mil cccc et trente, et le iic^ de nostre régne. ,
Par le Roy, à la relacion de son grant conseil ouquel
mons. le cardinal d'Angleterre et autres estoient.
J. DE LUVAIN.
Orig. s. parchemin (Biblioth. imp. mss. pièces provenant de la cour des
comptes.)
— 3*1 —
NOTES ET AUTORITÉS.
1 Mathieu Thomassin, registre Delphinal, publié par
J. Quicherat, à la suite des procès de condamnation
et de réhabilitation de Jeanne-d'Àr«, IV, 303.
2 Dupuis, Mémoire sur le siège de Montargis, au tome II
des Mémoires de la Société archéologique de l'Or-
léanais. — Compte de recettes et dépenses de la
ville d'Orléans, 1427-1430. — Le pape Pie II,
Quich., IV, 509.
3 Journal du siège d'Orléans, Quicli., IV, 97. — Comptes
de recettes et dépenses de la ville. — Manuscrits de
Tabbé Dubois, conservés à la bibliothèque commu-
nale -d'Orléans.
4 Fragment du Religieux de 'Donferling, Quich., V, 341.
5 Manuscrits de Fabbé Dubois.
6 JoUois, Histoire du siège d'Orléans, ch. 1er.
7 Journal du siège, Qdch., IV, 103. — Comptes de ville,
de 1391 à 1430.
8 Comptes de l'hôpital de Saint-Antoine, de 1397 à 1398.
9 Mss. de l'abbé Dubois. ^ Jollois, Histoire du si^ge
d'Orléans.
10 Comptes de recettes et dépenses de la ville, de 1391
à 1430.
11 Journal du siège, Quich., IV, 96. — Chronique de
l'établissement de la fête du 8 mai, Qdch., V, 287.
12 Journal du siège, Quich., IV, 98-100.
18 Journal du siège, Quich., IV, 101.
14
— 242 —
U Mss. de Tabbé Dubois. —Journal du siège, Quich.,IV,
401-105.
15 Comptes de ville, de 1414 à 1430. — JoUois, Hist. du
siège, p. 13.
16 Mss. de Tabbé Dubois. — Comptes de ville.
17 Journal du siège, Quich., IV, 105.
18 Déposition de Marguerite la Touroulde, au procès de
réhabilitation, Quich., III, 85.
19 Journal du siège, Quich., IV, 105-125.
20 Déposition du comte de Dunois, de Guillaume de Ri-
carville, Quich., III, 3, 21. — Journal du siège,
Quich., IV, 125-134.
21 Journal du siège, Quich., IV, 135-136.
22 Chronique de rétablissement de la fête, Quich., V,
289.
23 Manuscrits de Gaignères, 896, 1, f» 15. — Déposition
de Dunois, de Jean LhuilJier, Quich., III, 3, 23. —
Journal du siège, Quich., IV, 136-141 .
24 Journal du siége^ Quich., IV, 141.
25 Comptes de ville. — Mss. de Tabbé Dubois. — Jollois,
Histoire du siège, p. 41. — Quicherat, IV, lit, note.
26' Mss. de Tabbé Dubois. — Journal du siège, Quich.,
IV, 141-147.
27 Michelet, Histoire de France, V, 40.
28 Mss. de l'abbé Dubois. — Comptes de ville.
29 Déposition de Jean Barbin, Quich., 111, 84.
30 Dép. du duc d*Alençon, Quich., IH, 96. — Perceval de
Cagny, Quich., IV, 10.
31 Comptes de ville. — Mss. de Tabbé Dubois.
32 Comptes de ville. — Mss. de l'abbé Dubois. — Quit-
tance du Bâtard d'Orléans, donnée ci-dessus, p. 230.
— 243 —
33 Journal du siège, Quich., IV, 141-151.
34 L. de la Saussaye, Histoire du château de Blois, 99.
35 Dép. de Pasquerel, Quich., III, 96. — Chronique de
la Pucelle, Journal du siège, Chronique Delphinale,
IV, 139, 215, 306. — Lettres et actes détachés,
Eberhard de Windecken, V, 96, 491 .
36 Chron. de l'établissement de la fête, Quich., V, 290.
37 Dép. de Dunois, de Louis de Contes, de Pasquerel,
Quich., m, 5, 67, 105.
Plusieurs chroniqueurs et plusieurs des témoins enten-
dus au procès de réhabilitation ont avancé ou déclaré que
le convoi parti de Blois le 28 avril n'avait couché qu'une
nuit^en roule, et était arrivé le 29. Pasquerel seul dit,
dans sa déposition, qu'il y eut deux couchées, et qu'on
n'arriva que le troisième jour, teriia die. Celte version est
certainement la plus vraisemblable. De Blois au port du
Bouschet, il y avait seize lieues à franchir, si ce n'est da-
vantage, par une route de second ordre, qui était certai-
nement peu entretenue en ces temps de guerre. Il est
difficile, malgré les exemples de célérité remarquable que
fournissent les marches militaires de celle époque, d'ad-
mettre qu'une armée, traînant à sa suite des charriots
chargés de grains, un nombreux bétail, une lourde artil-
lerie, ait franchi, en une journée et quelques heures, une
distance aussi grande, car il ne faut pas perdre de vue que
le 29 avril elle était en vue d'Orléans dès le malin. Il est
probable, comme le dit Pasquerel, qui était du voyage,
qu'on y employa deux jours, et qu'on n'arriva au port du
Bouschet que dans la matinée du troisième.
A la première nouvelle de l'arrivée de l'armée et du
convoi, le Bâtard se porta immédiatement â leur rencontre.
Par quelle voie?
De sa déposition (Quich., III, 5), il résulte qu'il avait
abordé à la rive gauche de la Loire, où était la Pucelle, et
— 244 —
qu'il se trouvait près d'elle avant que les: bateaux qu'on
attendait d'Orléans pour y embarquer les vivres ne fussent
montés. Le vent était encore contraire, et ne permettait,
pas de hisser les voiles. D'où l'on doit conclure que le
Bâtard était sorti d'Orléans par la porte de Bourgogne,
avait suivi la route de terre jusqu'à Saint- Jean-de-Braye,
qui est en face du Bouschet, où le convoi s'était arrêté, et
que là il. avait traversé la Loire.
Nous n'avons pas hésité à accepter cette donnée, et
nous n'avons pas cru devoir tenir compte de la suite de la
déposition du Bâtard, qui la contredit en apparence. Les
termes dans lesquels cette seconde partie de la déposition,
est rédigée la rendent inintelligible, et nous ne pensons pa&
qu'on doive s'y arrêter.
38 Dép.. de Dunois» de Louis de Contes, de Lesbahy, de.
Jean Barbin, Quich., IH, 7:, 27, 67, 84. — Jouiaïal
du siège, Quich.,. IV, i^% — Quicherat, Histoire du
siège, p. 28.
39 Dép> de Dunois, de Simon Beaucroix, de Luillier,
Quich*, m, 7, 24, 7^. — Journal du siège, Jean
€bartier, Monslrelet, Quich., IV, 152, 219, 409^.
— Lettres d'anoblissement de Gui de Cailly, Quich.,
V, 342.
40 Dép. de Dunois, de de Contes, de Lesbahy, Quich., IH,
7, 26, 68. — Journal du si^e, Quich., IV, 152, 156.
De l'ensemble des récits des chroniqueurs et des docu-
ments connus, il ressort avec évidence qu'après l'embar-
quement des vivres les bateaux descendirent par le grand
bras de la Loire qui était alors sur la rive gauche, et non
sur la rive droite, comme aujourd'hui, et que, malgré le
feu de la bastille de Saint-Loup et des bastilles de la rive
gauche, ils abordèrent heureusement à Orléans. M. JoUois,
néanmoins (p. 74), a. expliqué autrement l'entrée du con-
voi. Selon cet auteur, les bateaux amenés d'Orléans aur
^ 24S —
rdient été employés à passer les eharrîots de la rive gauche
sur la rive droite, où le coa?oi se serait reformé, puis se-
rait entré dans Orléans par la porte de Bourgogne. Il n'est
pajs impossible que quelques tètes de bétail aient été ainsi
passées d'une rive à l'autre, non pas au moyen des cha-
lands matés qu'on avait amenés d'Orléans et qui n'étaient
pas appropriés à une telle manoeuvre, mais dans des bacs.
Ce passage, en tout cas, n'aurait pu être que très-difficile
et de peu d'importance, en raison de l'élévation des eaux
qui étaient à « plain chantier d (Quich., V, 290). Cette
élévation des eaux fut peut-être une des raisons qui em-
pêchèrent l'armée de traverser la Loire au Bouchot, et la
mirent dans la nécessité de redescendre jusqu'à Blois pour
trouver un pont, ceux de Jargeau et de Baugenci étant
occupés par les Anglais.
41 Dép. de d'Aulon, Quich., III, 206. — Perceval de Cagny.
Le Hérault Berri, Journal du siège, IV, 10, 42, 153.
— Martin le Franc, Le Champion des Dames, V, 48.
42 Dép. de Dunois, de Simon Charles, de d'Aulon, Quich.,
m, 7, 117, 214. — Journal du siège, Quich., IV,
163. — Chron. de l'établissement de la fête, Quich.,
V,291.
43 Comptes de ville. -^ Dép. de Pasquerel, de d'Aulon,
de de Comtes, Quich., III, 67, 106, 212. — Hérault
Berri, Journal da siège, Cha'on. de la PuceMe, Quich.,
IV, 41, 157, 220-225. — Lettre de Charles VII aux
habitants de Narbonne, Quich., V, 101.
44 Dép. de Pasquerel, Quich., III, lO»?. -r- Perceval de
Cagny, Journal du siège, Quich,, IV, 7, 158. —Jean
Chartier, Quich., V, 57.
45 Dép. de Pasquerel, de de Contes, de d'Aulon, Quich.,
III, 60, 108, 213. — Journal du siège, Quich., IV,
159.
14.
— 246 —
46 Dép. de Danois, de Luillier, de Simon Beaucroix» de
de Contes, de Pasquerel, de Colete, de d*Àu1on,
Quich., III, 8, 24, 30, 70, 109, 124, 2i5. — Perceval
de Cagny, Hérault Berri, Jean Charlier, Journal du
siège, Chronique de la Pucelle, Monstrelet, Le Bour-
geois de Paris, Eberhard de Windecken, Quich., IV,
9, 43, 60, 160-165, 227, 366, 463, 494.
47 Comptes de ville. — Mss. de Tabbé Dubois. — Dép.
de Dunois, de Luillier, de Champeaux, de Beaucroix,
Quich., III, 9, 25, 29, 80. — Perceval de Cagny.
Jean Chartier. Le Journal du siège. Guillaume Gi-
rault. Eberhard de Windecken, Quich., IV, 10, 62,
165, 282, 495.
48 Comptes de ville. •— Mss. de l'abbé Dubois. — Mons-
trelet, Le Bourgeois de Paris, Quich., IV, 366, 463.
49 Lettre de Charles VII, Quich., V, 102. — Arcere, Hist.
de La Hochelle, II, 271. — Comptes de ville. —
Mss. de l'abbé Dubois.
50 Interrogatoires de la Pucelle, au procès de condamna-
tion ; Promo/om requesia, au même procès, Quich.,
I, 101, 102, 290. — Dép. de Dunois, de Marguerite
la Touroulde, Quich., III, 12, 85. — Le Journal du
siège, Eberhard de Windecken, Quich., IV, 165-
167, 498. — Collecte, Lettre de Gui et d'André de
Laval à leur mère et à leur aïeule. — Dom Morice,
Quich., V, 104, 109, 264.
51 Chron. de la Pucelle, Quich., IV, 236. — Lettre des
sires de Laval, Quich., V, 109.
52 Lettre des sires de Laval, Quich., V, 109.
53 Dép. de Dunois, Quich., III, 10. — Perceval de Cagny,
le Journal du siège, Quich., IV, 11, 169.
54 Jean Chartier, Quich., IV, 64. — Lettre des sires de
Laval, Quich., V, 110. — Wallon, Jeanne d'Arc, I, 88.
— 247 —
55 Lettre des sires de Laval, Quich., V, 110.
56 Perceval de Cagny, le Journal du siège, Quich., IV,
11, 169. — Guillaume Charrier, Quich., V, 261.
57 Comptes de ville. — Mss. de Tabbé Dubois. — Dép.
du duc d'Alençon, Quich., III, 94. — Perceval de
Cagny, le Hérault Berri, le Journal du siège, le con-
tinuateur de Nangis, Monstrelet, Quich., IV^ 12, 45,
170, 173, 313, 368.
58 Perceval de Cagny, le Journal du siège, Quich., IV,
13, 174.
59 Comptes de ville. — Mss. de l'abbé Dubois. — Jean
Chartier, le Journal du siège, Quich., IV, 65, 174.
60 Comptes de ville. — Mss. de l'abbé Dubois. — Dép.
du duc d'Alençon, Quich., III, 97. — Perceval de
Cagny, le Hérault Berri, Jean Chartier, le Journal
du siège, Guillaume Gruel, Monstrelet, Quich., IV,
14, 45, 66, 175, 315, 370.
61 Dép. de Dunois, de de Contes, du duc d'Alençon, de
de Termes, Quich., III, 10. 71, 98, 120. — Perceval
de Cagny, Le Hérault Berri, Jean Chartier, le Journal
du siège, Chron. de la Pucelle, le continuateur de
Nangis, auteur normand, Monstrelet, Wavrin du
Forestel, Quich., IV, 15, 45, 68, 175-178, 243, 313,
345, 371, 422. — Comptes de la ville de Tours,
Chron. de l'éUblissement de la fête, Quich., V, 262,
296.
62 Mss. de l'abbé Dubois. — Dép. de Dunois, de Simon
Charles, Quich., III, 13, 116. — Perceval de Cagny,
le Hérault Berri, Jean Chartier, le Journal du siège,
Monstrelet, Quich., IV, 17, 45, 69, 178, 376.
63 Perceval de Cagny, Quich., IV, 16. — Chron. de l'éta-
blissement de la fête, Quich., V, 296.
64 Dép. de Jean Morel, de Gérardin d'Épinal, Quich., II,
— 248 —
39i. m. ~ D^,. de Dunois, de Gobert TlwJb»ult,
de Pasquerel, de Simon Charles, Quich., III, 13, 76,.
liO, 117. — Perceval de Cagny, le Hérault Berri,
Jean Ghartier, le Journal du siège, Jean Rogier,
Monstrelel, Quich., IV, 18, 46, 71, 181, 284, 377.
65 Tnlerrogatoires de la Pucelle, Quich., I, 91, 187. — •
Dép. de de Contes, de Simon Charles, Quich., III,
72, 114. — Perceval de Cagny, le. Hérault Berri,
Jean Chartier, le Journal du siège, Jean Rogier, le
pape Pie II, Quich., IV, 19, 46, 76, 183, 298, 513.
66 Dép. de Marguerite la Touroulde, Quich., III, 86. —
Perceval de Cagny, le Hérault Berri, Jean Chartier,
le Journal du siég«, Quich., IV, 29, 29, 4^, 88, 201.
— Comptes de viHe.
67' Lettres-patentes des 16 janvier 1429, 24 déiïembre,
17 février 1435, 14 mai 1436, 30 décembre 1438,
aux archives de l'Hètel-Dieu d'Oriéans.
68 Comptes de ville. — Mss. de l'abbé Dubois. — Dép.
de Thierry, de d*Aulon, Quich., lïl, 23, 217. —
Perceval de Cagny, le Hérault Berri, Quich., IV, 30, 48.
69 Mss. de l'abbé Dubois.
70 Comptes de ville, Quich., V, 270.
71 Comptes de ville, de 1432 à 1439.
72 Notice sur le sceau de la Sainte-Chapelle de Château-
dun, au tome U des Mémoires de la Société archéo-
logique de l'Orléanais.
73 Comptes de ville. — Mss. de l'abbé Dubois. — Procès
de réhabilitation de la Pucelle, Quicb., IL
74 Journal du siège, Quich., IV, 166. — Chron. de l'éta-
blissement de la fête, Quich., V, 294^-298*.
75 Comptes de ville (commune), 1452, 1453, 1483, 1565
à 1572. — Bulle du csurdinal d'Ëstouteville, ordon-
nances de François de Brilhac, de Jean RoIUq, aux
— 24& —
archives de la Cour impériale d'Orléans. — Ch. de
la Saussaye, Annales Ecclesiœ Aurelianensis, —
Chron. de rétablissement de la fête, Lettres de Thi-
baut d'Aussigni, Quich., V, 296, 303. — Lottin,
Recherches sur Orléans, lU, 276.
76 Ordre de la procession générale, imp. à Orléans, Rou-
zeau-Montaut et Jacob, 1772.
77 Compte de commune, 1469. — Lemaire, Antiquités de
rÉglise et diocèse d'Orléans, 306 à 309. — Ordon-
nance de rÉvêque d'Orléans, pour régler le tour da
la procession qui se fait le 8 mai, Orléans, 1772. —
Collecte, Quich., V, 104.
78 Compte de conamune, 1460. — Discour» sur la Pucelle
d'Orléans et sur la Délivrance d'Orléans, prononcé
dans l'église cathédrale, Rouzeau et Jacob, 1760.
79 Compte de commune, 1455. — Relation de la fête du
8 mai. — Lottia, II, 34&
80 Comptes de commune.
81 Comptes de commune, 1435, 1439, 1547, 1549, 1554,
1597, 1602, 1616, 1618, 1649. — Symphorien Guyon,
Hist. de rÉglise, VUle et Université d'Orléans, 263.
82 Comptes de ville, 1435. -- Lotlin. II, 309, 333.
83 Interrogatoires de la Pucelle, Quich., I, 98-181.* — Dép.
de Pasquerel, Quich., III, i03. — Georges Châtelain,
Eberhard de Windecken, Quich., IV, 465, 490.
84 Comptes de ville. — Mss. de l'abbé Dubois.
85 Campte de commune, 1535. — Lottin, II, 259, 350.
86 Comptes de ville, de 1535 à 1567. — Archives Jour-
sanvault, no 677. — Lottin, II, 347.
87 Procès de condamnation, Quich., IV, 448.
88 Mss. de l'abbé Dubois. — Quicherat, IV, 44S.
— 250 —
I^Ute des Prédicateurs de la Fête da 8 mal»
dont les noms ont été conservés.
1460, Jean Martin, docteur en théologie. — 1507, Févê-
que de Sisteron. — 1759, le Père de Marelles. — 1760, le
même. — 1764, l'abbé Loiseau, chanoine d'Orléans. —
1767, l'abbé Perdoux. — 1790, l'abbé Ladureau. —
1803, l'abbé Corbin, chanoine d'Orléans. — 1804, l'abbé
Golignon. — 1805, l'abbé Pataud, vicaire de Saint-Aignan.
— 1806, l'abbé Bernet, vicaire de Saint-Paterne. —
1807, l'abbé Desnoues, curé de Saint-Paul. — 1808, l'abbé
Corbin, chanoine d'Orléans. — 1809, l'abbé Nutein, vicaire
de Sainte-Croix. — 1810, l'abbé Ladureau, chanoine ho-
noraire. — 1811, l'abbé Pataud, chanoine honoraire. —
1812, l'abbé Ladureau, chanoine honoraire. — 1813, l'abbé
Pineau, curé de Meung. — 1814, l'abbé Nutein, chanoine
honoraire. — 1815, l'abbé Desnoues, curé de Saint-
Paul. — 1816, l'abbé Ladureau, chanoine honoraire. —
1817, l'abbé Bernet, chanoine honoraire de Saint-Denis. ~
1818, Tabbé Desnoues, curé de Saint-Paul. — 1819, l'abbé
Frayssinous. — 1820, l'abbé Gauzargues. — 1821, l'abbé
Feutrier, chanoine honoraire de Saint-Denis. — 1822, l'abbé
Pisseau. — 1823, l'abbé Feutrier, chanoine honoraire de
Saint-Denis. — 1824, l'abbé Landrieux, vicaire de Sainte-
Élisabelh de Paris. — 1825, l'abbé Longin, vicaire de
Saint-Germain-l'Auxerrois de Paris. — 1826, l'abbé Girard,
vicaire de Notre-Dame de Paris. — 1827, l'abbé Parisis,
vicaire de Saint-Paul. -- 1828, l'abbé Deguerry, aumônier
du 6® régiment de la garde royale. — 1829, l'abbé. Mo-
risset, chanoine de Blois. — 1830, l'abbé Le Courtier.
De 1831 à 1840, le panégyrique n'a pas été prononcé.
— 251 —
i84i, l'abbé Maréchal, vicaire de Saint-Paterne. —
1842, l'abbé Miot, vicaire de Saint-Paterne. — 1843, l'abbé
Chenard. — 1844, l'abbé Pie, vicaire général de Chartres.
— 1845, l'abbé Berland, curé de Baugenci.— 1846, l'abbé
de la Taille, vicaire de Sainte-Croix. — 1847, l'abbé Des-
brosses, aumônier du collège royal d'Orléans. — 1848, l'abbé
Canillac. — 1849, l'abbé Duchesne, professeur au petit
séminaire de Paris. — 1850, l'abbé Barthélémy de Beau-
regard. -— 1851, l'abbé Mège, curé de Morestel, au dio-
cèse de Belley. — 1852, l'abbé Maréchal. — 1853, l'abbé
Barthélémy de Beauregard.
1854, le panégyrique n'a pas été prononcé (1).
1855, S. G. M?f Dupanloup, évêque d'Orléans. —
1856, l'abbé Deguerry, curé de la Madeleine de Paris. —
1857, S. G. Mgr Gillis, évêque de Limyra, vicaire aposto-
lique d'Edimbourg. — 1858, l'abbé de Place, chanoine de
Paris. — 1859, l'abbé Chevojon, vicaire de Sainte-Clotilde
de Paris. — 186<), Tabbé Freppel, professeur à la Sor-
bonne. — 1861, l'abbé Desbrosses, vicaire général d'Or-
(1) Dans une Notice sur les monuments ériges à Orléans
en l'honneur de Jeanne d'Arc, publiée, en 1855, par M. Au-
frère-Duvemay, on lit (p. 30) : « qu'en 1854, l'alliance avec
FAngleterre empêcha de prononcer le panégyrique de Jeanne
d'Arc. »
C'est une erreur, M. Aufrère-Duvemay avait été mal in-
formé. Il est très-vrai que par suite d'un oubli, le prédicateur
sur lequel s'était porté le choix de l'évêque d'Orléans, en 1854,
ne put être averti en temps opportun, mais cette raison seule
empêcha que le panégyrique fût prononcé. Il est bon de
faire remarquer qu'en 1855, alors qu'on était précisément au
fort de l'alliance anglaise, la fête du 8 mai fut célébrée avec
une pompe qu'on ne lui avait jamais donnée, et que le pa-
négyrique fut prononcé par l'évêque d Orléans, en présence
d'un ministre de l'Empereur, M. Abbatucci, alors garde-des-
sceaux. .
— 252 —
léans. — 1^62, TabW Perreyve, professeur à la Sorbcmne.
— 1863, l'abbé Mennilliod, recteur de Notre-^Dame de
Genève. — 1864, Tabbé Thomas, missionnaire aposto-
lique. — 1865, Tabbé Bougaud, vicaire général d'Orléans.
— 1866, l'abbé Lagrange, vicaire généra d'Orléans.
TABLE.
Piges.
Introduction 1
I. Rescousse de Montargis 5
II. Siège d'Orléans 12
III. Campagne sur la Loire 119
IV. Voyage de Reims 140
V. Orléans et les bords de la Loire après le sacre. U6
VI. Réhabilitation de la mémoire de Jeanne d'Arc. 155
VII. Fête commémorative de la délivrance d'Or-
léans 158
VJII. Étendards et bannières 188
IX. Monuments élevés dans la ville d'Orléans en
l'honneur de Jeanne d'Arc 201
X. Cérémonial actuel de la fête commémorative
de la délivrance d'Orléans 210
Pièces justificatives 218
Notes et autorités 2il
Liste des Prédicateurs de la Fête du 8 mai, dont les
noms ont été conservés 250
15
LÉGENDE DE LA PLANCHE A.
A Église de Saint-Paul.
C Église de Saint-Pierre-Empont.
D Église de Saint-Donatien.
E Église de Saint-Pierre-le-Puel-
lier.
H Maison de Jacques Boucher,
011 logea la Pucelle.
ENCEINTE DE LA VILLE.
1 Tour Neuve.
2 Tour Blanche.
3 Tour d'Avallon.
4. Tour de Saint-Flou.
5 Porte de Bourgogne et son.
boulevart.
6 Tour Saint-Étienne.
7 Tour Aubilain, ou de Messire-
Baude.
8 Tour du Champ-Égron.
9 Tour de TÉvêque ou de la
Fauconnerie.
iO Tour du Plaidoyer-de-rÉvè-
que.
il Tour de Téglise de Sainte-
Croix.
12 Tour Salée.
13 Porte Parisis et son boule-
vart.
14 Tour de Jean Thibaut.
15 Tour de TAleu-Saint-Mesmin.
16 Tour des Vergers-de-Saint-
Sanison.
17 Tour de Saint-Samson.
18 Tour du Heaume.
19 Porte Bernier et son boule-
vart.
20 Tour de Feu-Michau-Quan-
teau.
21 Porte Renard et son boule-
vart.
22 TourderÉchiffre-Saint-Paul.
23 Tour André.
24 Ancienne Tour.
25 Tour de la Barre-Flambert.
26 Tour Notre-Dame.
27. Tour et porte de l'Abreuvoir.
28 Porte nord du pont, flanquée
de deux Tours avec pont-
levis.
29 Grosse tour du Châtelet.
30 Tour de Feu-Maître-Pierre-
le-Queulx.
31 Tour de la Croiche-Meuifroy.
32 Poterne Chesneau.
33 Tour Aubert ou du Guichet.
34 Tour à huit pans ou 'tour
carrée ou cassée.
35 Tour d'Août ou des Tanneurs.
PONT d'ohléans.
36 Bastille Saint-Antoine.
37 Boulevart de la Belle-Croix.
BARRIÈRES OU POSTES AVANCÉS.
Quinze de ces barrières étaient
dans les faubourgs. La lettre B
indique les points où ces bar-
rières existaient.
n
.
.-Al»- .-,
^A^f *«rwsi
« i\/i uc VAio«njvu«.
r r
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PIC.
CHAMP DE BATAILLE DE PATAY.
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