Skip to main content

Full text of "Histoire du siége d'Orleans"

See other formats


Google 



This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project 

to make the world's bocks discoverablc online. 

It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject 

to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books 

are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover. 

Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the 

publisher to a library and finally to you. 

Usage guidelines 

Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the 
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to 
prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying. 
We also ask that you: 

+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for 
Personal, non-commercial purposes. 

+ Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine 
translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the 
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help. 

+ Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find 
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it. 

+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just 
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other 
countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of 
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner 
anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe. 

About Google Book Search 

Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders 
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web 

at |http: //books. google .com/l 



Google 



A propos de ce livre 

Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec 

précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en 

ligne. 

Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression 

"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à 

expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont 

autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont 

trop souvent difficilement accessibles au public. 

Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir 

du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains. 

Consignes d'utilisation 

Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public et de les rendre 
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine. 
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les 
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des 
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées. 
Nous vous demandons également de: 

+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers. 
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un 
quelconque but commercial. 

+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez 
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer 
d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des 
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile. 

+ Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet 
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en 
aucun cas. 

+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de 
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans 
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier 
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google 
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous 
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère. 

A propos du service Google Recherche de Livres 

En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite 
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet 
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer 
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adresse fhttp: //book s .google . coïrïl 



.. ^ 



HISTOIRE 



DU 



SIEGE D'ORLÉANS 



ORLÉANS) IMP. DE G. JACOB, CLOITRE SAINT- ETIENNE, 4. 

ê 



, • 'I 



HISTOIRE 







■•-_• I % t 






. (? 






DU 



SIÈGE D'ORLÉANS 



n !-■ '■' 



PAR P; MANTELLIER 



PRÉSIDENT A LA COUR IMPÉRIALR U'ORLÉANS 



< Noi bien amat les bourgoii, manaiu et habi- 
tai» de la ville d'Oriéana, poar réiiiter A la 
dampoable entreprise des Anglois, qui par bait 
mois ont tenu Ȏ<je devant la dicte ville, ont fait 
et porto plusieurs grans charges, i 

(Lettres de Charles VII, du 17 février 1435.) 



• 



ORLÉANS 



H. HERLUISON, LIBRAIRE 
Rue Jcanne-d'Arc, \1 



BLANCHARD, LIBRAIRE 
Rue Bannier, 12 



1867 




HISTOIRE 



ou 



SIÈGE D'ORLÉANS 



A la mort de Charles VI (20 octobre 4422), 
son fils, le dauphin Charles (1), déshérité par le 
traité de Troyes, était par delà la Loire, où il 
prit le titre de roi de France et le nom de 
Charles VII. 

En même temps, un autre roi de France, 
Henri de Lancastre, était proclamé à Paris sous 
le nom de Henri VI (2); enfant de dix mois, pour 
lequel gouvernait le duc de Bedford, son oncle, 
régent des deux royaumes de France et d'An- 
gleterre (3). 

(1) Charles de France, fils de Charles VI, roi de France, et 
d'Isabelle de Bavière, né à Paris le 22 février 1407. 

(2) Henri de Lancastre, fils de Henri V, roi d'Angleterre, 
héritier désigné de la couronne de France,' et de Catherine de 
France, fille de Charles VI, né le 6 décembre 1421. 

(3) Jean de Lancastre, duc de Bedford, frère puîné de 
Henri V, roi d'Angleterre, qui, en mourant (31 août 1422), 
loi avait confié la régence. 



— 2 — 

A Charles VII obéissaient le Dauphiné et les 
provinces du Midi. Son Parlement était à Poi- 
tiers, les officiers de là couronne à sa suite, sa 
cour de ville en ville, souvent à Bourges, d'où 
ses ennemis, par moquerie, l'appelèrent « le 
Roy de Bourges \ » Quelques milliers de gens 
d'armes sous la bannière de serviteurs fidèles; 
des auxiliaires étrangers; une garde écossaise; 
des compagnies appartenant à des capitaines 
lombards, aragonais, gascons et poitevins pour 
la plupart ; des bandes d'aventuriers habitués à 
servir dans les rangs des Armagnacs, compo- 
saient son armée. 

Des princes de son sang, le plus puissant, 
Philippe, duc de Bourgogne (1), vassal rebelle, 
faisait cause commune avec l'Angleterre ; le duc 
d'Orléans (2) tenait prison à Londres; le duc 
d'Alençon (3) avait perdu ses terres ; le duc de 



(1) Philippe-le-Bon, duc de Bourgogne, de Brabant et de 
Luxembourg, comte de Flandre, d'Artois, de Hainaut^ de Hol- 
lande, de Zélande, petit-fils de Philippe de France (Philippe- 
le-Hardi, troisième fils de Jean II), fils de Jean-sans-Peur et 
de Marguerite de Bavière, né à Dijon le 13 juin 1396. 

(2) Charles d'Orléans, duc d'Orléans, fils de Louis de 
France, duc d'Orléans, qui avait été assassiné à Paris en 1407, 
et de Valentine de Milan, né à Paris le 26 mai 1391, veuf en 
premières noces d'Isabelle de France, fille de Charles VI, en 
secondes noces de Bonne d'Armagnac, avait été fait prison- 
nier à la bataille d'Azincourt (1415). 

(3) Jean d'Alençon, duc d'Alençon, du sang royal, descen- 
dant de Pierre de France, cinquième fils de saint Louis, fils 



— 3 — 

Bourbon (1), plus heureux, conservait les siennes 
et maintenait sous la suzeraineté royale le Bour- 
bonnais et l'Auvergne. Parmi les autres feuda- 
taires de la couronne, Charles n'avait pour alliés 
que le comte de Foix (2) et la duchesse d'Anjou, 
Yolande d'Aragon, reine de Sicile (3), sa belle- 
mère; le duc de Bretagne (4) était du parti 
anglais. 

Henri VI, roi de France et d'Angleterre, ré- 
gnait sur l'Ile-de-France et les provinces du 
Nord. Par la Normandie et le Maine, il s'avan- 
çait jusqu'à Chartres, tandis que le duc de Bour- 
gogne, son allié, maître de la Champagne, du 
Charolais et de TAuxerrois, venait de ce côté 
jusqu'à La Charité. Au nom de son neveu, le 
duc de Bedford, assisté d'un conseil de régence, 
occupait Paris, où il tenait sous sa main l'Uni- 
versité et les grands corps de l'État. 

de Jean d'Alençon et d'Anne de Bretagne, né en 1409, avait 
épousé à Blois, en 1424, Jeanne d'Orléans, fille du premier 
lit du duc d'Orléans, Charles III, alors prisonnier à Londres. 

(1) Jean de Bourbon, duc de Bourbon, du sang royal, des- 
cendant de Robert de France, comte de Glermont en Beau- 
voisis, sixième fils de Saint-Louis, alors prisonnier en Angle- 
terre. Ses états étaient gouvernés en son absence par Charles 
de Bourbon, comte de Clermont, son fils aîné. 

(2) Jean de Grailli, comte de Foix et de Bigorre. 

(3) Veuve de Louis II, duc d'Anjou. 

(4) Jean VI, duc de Bretagne, fils de Jean de Montfort et 
de Jeanne de Navarre, avait épousé Jeanne de France, fille 
de Charles VI. 



— 4 — 

Entre la Loire et Paris restait TOrléanais. Le 
duc d'Orléans, Charles III, prisonnier en Angle- 
terre depuis la bataille d'Azincourt (1415), était 
demeuré fidèle à la cause de Charles VIL. De loin 
il la soutenait de son mieux et s'efforçait de 
conserver au Roi les villes de son apanage. 

Ce prince, héritier des grâces de sa mère, 
Valentine de Milan, avait su, par l'aménité de 
son caractère et le charme de son esprit, se 
créer parmi les seigneurs anglais des relations 
et des amitiés qui lui valaient des ménagements ; 
et il avsgt, à l'aide de quelques sommes d'argent 
qu'on lui envoyait d'Orléans, obtenu ou plutôt 
acheté « abstinence » pour les terres d^ son 
domaine. Jusque-là les généraux qui traversaient 
le détroit pour guerroyer sur le continent les 
avaient respectées. 

Cependant les communes d'Angleterre, et avec 
elles les Français soumis à Henri VI (c'était, il 
faut le reconnaître, la majorité de la nation), 
se plaignaient des obstacles que rencontrait l'éta- 
blissement définitif de la domination anglaise. 
Rien ne se finissait : malgré les victoires de 
Çrevant-sur-Yonne (1423), de Verneuil (1424), 
on n'avait pas fait un pas au Midi. Des provinces 
entières restaient à soumettre ; leur résistance 
entretenait l'inquiétude, nuisait aux relations 
commerciales, nécessitait de continuels et oné- 
reux subsides. Londres, Paris surtout, suppor- 



— 5 — 

taietit impatiemment ces dures privations; on 
murmurait de ce qu'à la porte de la capitale on 
laissât se maintenir indépendante une contrée 
riche, fertile, populeuse, dont la ville principale 
était la clé de la Loire. 

Pour mettre un terme â ces plaintes, le duc 
de Bedford résolut de porter la guerre sur la 
Loire, et en 1427 il dirigea une expédition 
contre Montargis. 

Capitale du pays de Gâtinais , posée entre la 
Basse-Bourgogne, le Nivernais et le duché d'Or- 
léans, la ville de Montargis commandait l'une 
des routes de Paris à la Loire. Pour l'exécution 
du plan du Régent, c'était la première place à 
occuper ; le comte de Warwick (1) fut chargé de 
la réduire. 



I. — RESCOUSSE DE MONTARGIS. 

1427. 

Dans les premiers jours de juillet, Warwick 
arrive sous Montargis. Son armée, composée 
d'environ six mille hommes, investit par trois 
côtés le château et la ville. Trois cours d'eau, le 
Loîng, là Vrayne et le Vernisson, séparés au- 
dessus de la ville, baignent ses murs ; l'un d'eux, 

(i) Richard de Beauchamp, comte de Warwick. 



— 6 — 

le Vernisson, la traverse, et tous les trois se 
réunissent au-dessous ; à une demi-lieue, dans 
la direction du levant, s'étend une forêt con- 
sidérable. Warwick prend les dispositions sui- 
vantes : le corps principal, sous son comman- 
dement, à la droite du Loing, le dos à la forêt; 
le deuxième corps, sous le commandement de 
William Pôle, comte de SufFolk, sur la route du 
Berri, entre le Loing et le Vernisson ; le troi- 
sième, sous le commandement de John Pôle, 
frère de Suffolk, sur les routes de Paris et d'Or- 
léans, entre le Vernisson et la Vrayne; les 
camps séparés les uns des autres par ces cours 
d'eau qui devaient les protéger, et qui furent 
cause de leur perte. 

Le château est commandé par Bouzon de la 
Faille, et la ville par Florent d'Illiers (1), 
l'un et l'autre capitaines expérimentés. Les ha- 
bitants sont pleins de confiance et de résolution ; 
les gens des campagnes entrent dans la place 
pour renforcer la garnison. On se pourvoit de 
vivres. Quelques-unes des portes sont murées; 
les tours sont garnies de bombardes et de cou- 
levrines qui répondent avec avantage au feu 
des Anglais. 

Depuis plus de six semaines la ville résistait. 
Les attaques vives avaient été repoussées vail- 

(1) Florent d'Illiers, chevalier beauceron. 



— 7 — 

lamment, et Tennemi semblait renoncer à em- 
porter la place d'assaut ; mais il était maître des 
avenues, et il menaçait de l'affamer. 

Sur ces nouvelles, on s'émut à la cour de 
Charles VU, et le connétable Artus de Riche- 
mont (1) se porta sur Gien à la tête de ce qu'il 
avait pu réunir de gens d'armes et d'archers. 
Les Montargois demandent des vivres, et adres- 
sent message sur message. Richemont engage 
à Bourges sa couronne de comte pour dix mille 
écus ; le Roi donne onze cents livres tournois (2) ; 
les habitants d'Orléans envoient huit cents livres. 
Avec cet argent, le Connétable organise un convoi 
de ravitaillement dont il remet la conduite au 
Bâtard d'Orléans. 

Jean d'Orléans, fils naturel du duc Louis, as- 
sassiné en 4407, avait alors de vingt-deux à 
vingt-cinq ans. Déjà il avait fait preuve de valeur ; 
mais aucune expédition importante ne lui avait 
été confiée. Le Connétable n'avait pu lui donner 
que quinze cents cavaliers, et un corps de gens 
de pied pour les soutenir; mais des capitaines 
éprouvés commandaient cette troupe. Là se 
trouvait l'élite des défenseurs de la cause 



(1) Artus de Bretagne, comte de Richemont, frère du duc 
de Bretagne, beau-frère du duc de Bourgogne, avait été 
nommé connétable de France après la mort du connétable 
de Buchan, tué à la bataille de Verneuil (1424). 

(2) Pièces justificatives, à la fin du volume, XII. 



— 8 — 

royale : Poton de Xaintrailles (1), Raoul de Gau- 
court <2), d'Orval (3), Graville (4), Merca- 
dieu (5), Darnley (G), Kennedy (7), Guilry (8), 
et « un vaillant capitaine gascon, Estienne de Vi- 
gnolles, qu'on appeloit La Hire; » tout ce que 
Tarmée du Connétable contenait de chevaliers 
en renom, s'était voulu mettre de la suite du 
Bâtard. Chemin faisant, quelques partisans du 
Gâtinais lui furent amenés par Tabbé de Cer- 
quenceaux, qui, de religieux, s'était fait homme 
de guerre, et tenait la campagne aux alentours 
de Monlargis. 

Le 5- septembre , vers midi , on arrive à 
portée de la place. Le Bâtard ordonne à La 
Hire d'attaquer avec soixante lances et les archers 
le camp de John Pôle, pendant que lui-même 
se tient en observation en avant du convoi. 

Le soleil était haut, la chaleur étouffante, les 
Anglais dormaient pour la plupart. La Hire ap- 

(1) Écuyer gascon, capitaine. 

(2) Conseiller et premier chambellan de Charles VII, bailli 
d'Orléans. Il avait été fait chevalier à Nicopolis (1396). A la 
défense d'Harfleur (1415), il était tombé au pouvoir des An- 
glais et avait été leur prisonnier pendant treize ans. 

(3) Guillaume d'Albret, seigneur d'Orval. 

(4) Louis Mallet, seigneur de Graville, chevalier normand. 

(5) Saulton de Mercadieu, gentilhomme languedocien. 

(6) John Stuart de Darnley, connétable d'Ecosse. 

(7) Sir Hug de Kennedy, capitaine écossais au service du 
Roi. 

(8) Guillaume de Chaumont, seigneur de Guitry, chevalier. 



— 9 — 

proche : une barrière ouverte lui paraît sans 
gardé, il entre, et entraînant son monde, se 
jette impétueusement au traders du camp. Où 
lui prête d'avoir, à ce moment, demandé l'abso- 
lution à un chapelain qu'il trouva devant lui, et 
d'avoir adressé à Dieu cette singulière prière : 
« Dieu, je te prie que tu fasses aujourd'hui pour 
La Hire autant que tu voudrois que La Hire 
fît pour loi, s'il étoit Dieu et que tu fusses La 
Hire. » Kennedy, Cerquenceaux, Mercadiéu sont 
sur ses pas. Les Anglais, surpris d'abord, se ral- 
lient et font résistance; on se prend corps à 
corps; la mêlée devient sanglante. Mercadiéu, 
frappé dans la bouche d'un trait qui passe outre 
d'un demi-pied, se déferre hardiment et continue 
de combattre. 

L'action ainsi engagée, le Bâtard juge qu'il est 
temps d'intervenir : il laisse le convoi à la garde 
de quelques hommes, et s'élance à la tête des 
gens d'armes. Au même instant ceux de la place 
sortent et prennent les Anglais à revers. John 
Pôle, qui n'avait cru qu'à une escarmouche, 
redonnait qu'il est envahi par des. forces im- 
portantes. Il essaie de se retirer sur le camp de 
Suffolk; mais leVernisson lui barre le passage; 
les eaux retenues par les écluses de la ville, 
que les assiégeants avaient pris soin de tenir 
closes, se gonflent et ne permettent pas de tra- 
verser à gué. Un seul pont joignait les deux 

1. 



— 10 — 

caraps ; on s'y précipite sans ordre : il s'écroule 
sous le poids de ceux qui l'encombrent. Plusieurs 
sont noyés ; d'autres sont tués ou faits prison- 
niers jusqu'au milieu de l'eau où les Français 
les poursuivent. Trois cents hommes, com- 
mandés par sir Henri Biset, chevalier anglais, 
refusent de se rendre et périssent en se défen- 
dant. John Pôle s'échappe dans une barque éi 
rejoint à grande peine SufTolk et Warwich. 

Ces deux généraux, voyant la journée perdue 
et la place ravitaillée, abandonnent leurs positions 
et se retirent en bon ordre parla route de Ne- 
mours. 

Les vainqueurs se répandent dans le camp des 
Anglais, pillent les tentes et font un butin consi- 
dérable. Un habitant de Montargis, nommé Gail- 
lardin, rapporte l'étendard de Warwick. 

Cet étendard, acheté par la Ville, fut conservé 
dans la maison-commune. On le portait chaque 
année à une procession commémorative qui avait 
lieu le 5 septembre, jour anniversaire de la 
levée du siège. A la place que le camp de War- 
wick avait occupée, on éleva une croix qui fut 
appelée la Croix-aux- Anglais. 

Charte VII voulut reconnaître le service rendu 
à sa cause par la ville de Montargis : il lui ac- 
corda des privilèges considérables, notamment 
celui d'avoir deux foires franches, d'où elle prit 



— 41 — 

le nom de Montargis-le-Franc, et permit aux 
habitants de porter sur leurs vêtements un M 
brodé d'or. 

Cette lettre formé encore aujourd'hui la pièce 
principale des armes de la Ville; mais l'étendard 
et la Groix-aux- Anglais n'existent plus. En 4792, 
une députation de la garde nationale se présenta 
devant le corps municipal et demanda que la 
croix fût démolie, et que les matériaux dont elle 
était formée fussent employés à la construction 
d'un autej de la patrie, ce que le conseil général 
de la commune s'empressa d'accorder. Il décida 
de plus que l'étendard pris en 4427, levain de 
haine et de zizanie entre deux peuples généreux^ 
serait brûlé sur le champ de la Fédération, et 
qu'une copie de l'arrêté serait envoyé à la Cham- 
bre des communes d'Angleterre ^. 

La victoire obtenue sous Monlargis fut un 
grand événement. Le Bâtard d'Orléans avait eu 
pour mission de ravitailler la place, et le siège 
était levé. Personne ne s'était attendu à ce résultat. 
Le Connétable, qui avait jugé au-dessous de lui 
d'escorter un simple convoi, fut très-surpris et 
presque « courroucé » d'avoir laissé au jeune 
prince l'honneur d'une telle journée. 

Le Roi, qui n'était pas encore habitué à des 
succès, comprit pour la première fois peut-être 
que sa cause n'était pas perdue. Les villes de 



. —42 — 

rOrléanais rendirent au Ciel de publiques actions 
de grâces. Le prestige des armes anglaises venait 
de recevoir à leur porte une éclatante atteinte ; 
la fortune revenait aux troupes royales avec le 
jeune général dont cette rescousse de Montargis 
avait été le brillant coup d'essai, coup d'essai 
qui présageait aux Anglais d'autres défaites. Ce 
même Bâtard d'Orléans, dont le bras venait de 
les arrêter dans leur marche sur la Loire, devait 
plus tard, sous le nom de comte de Dunois, leur 
enlever leur dernière province française. 

IL — SIÈGE D'ORLÉANS. 

OCTOBRE 1428. — MAI 4429 (1). 

A Paris comme à Londres, on apprit avec 
confusion la retraite du comte de Warwick. La 
campagne sur la Loire était manquée; il fallut 
demander au parlement les moyens de la re- 
commencer. Les communes d'Angleterre votèrent 
de nouveaux fonds,- mais en désignant un autre 
général : Thomas de Monlaigu, comte de Salis- 
bury, fut chargé de la conduite de la guerre. 
Elle fut reprise vers le milieu de l'été. 

Juillet 1428. — Salisbury passe sur le con- 

(1) Voir la planche A. ' 



— 13 — 

tinent avec six mille Anglais. De Rouen il se 
porte directement sur l'Orléanais. En route, son 
armée s'augmente de Picards, de Bourguignons 
et autres c faulx Françoys. » Sa marche rapide 
est partout victorieuse. 

Nogent-le-Roi, Rambouillet, Bélhencourt, Ro- 
chefort, Le Puiset, Janville tombent en son 
pouvoir. 

Meung et Toury ouvrent leurs portes sans 
coup férir. La garnison de Baugenci se retire. 
L'église de Notre-Dame-de-Cléry est pillée. Jar- 
geau soutient un siège de trois jours et se rend. 
Châteauneuf, La Ferté-Hubert suivent le même 
sort. Toutes ces villes reçoivent des garnisons 
et deviennent autant de places de guerre an- 
glaises. 

Qu'Orléans à son tour eût succombé, et les 
Anglais, maîtres de la Loire, se répandaient dans 
le Midi. Charles* VII, chassé de la Touraine et 
du Berri, n'avait d'autre ressource que de se 
réfugier dans les Cévennes , le Dauphiné ou à 
l'étranger; c'en était fait de la nationalité fran- 
çaise. 

Elle fut au contraire sauvée, et le fut par la ré- 
sistance mémorable de cette cité d'Orléans, qui 
' ferma ses portes au lieu de les ouvrir, brûla ses 
faubourgs, fondit des canons, appela à son se- 
cours les capitaines du Roi, s'imposa de lourdes 
contributions, se défendit elle-même par ses 



— 14 — 

propres milices, et en cette grande circonstance 
où se jouait le salut de la France, paya de son 
sang aussi bien que de son argent. 

A mesure qu'aux environs les villes, les châ- 
teaux-forts devenant anglais formaient une 
ceinture ennemie qui chaque jour se resserrait 
davantage, la résolution croissait dans Orléans. 
Dociles aux ordres de leur Duc, qui de sa prison 
d'Angleterre mandait à ses officiers et à ses villes 
de tenir pour le Roi, attachés d'eux-mêmes à la 
cause de Charles VII, les Orléanais n'éprouvèrent 
pas un instant d'hésitation. La perspective d'un 
siège à soutenir n'effraya personne. Clergé, ma- 
gistrats, marchands, soldats, citoyens, chacun 
s'y prépara, et lorsque dans les premiers jours 
d'octolire apparurent dans la direction d'Olivel 
des lances anglaises, présage d'une prochaine 
attaque, la défense était organisée. 

Dès le milieu de l'été, le Roi avait nommé le 
Bâtard d'Orléans son lieutenant-général dans les 
pays de l'obéissance du duc d'Orléans. 

En cette qualité, le jeune prince s'était rendu 
plusieurs fois dans la ville d'Orléans pour se 
concerter avec les Procureurs (échevins) sur les 
mesures à prendre. Les murailles et les portes 
avaient été réparées, les tours garnies de canons 
et d'engins de guerre ; on s'était pourvu de mu- 
nitions, d'armes, de vivres, et, pour subvenir à 
ces dépenses, les habitants avaient voté un em- 



— 15 — 

prunl à prélever sur eux-mêmes. Chacun ap- 
porta son tribut comme il put, les uns en espèces, 
d'autres en vin, en blé, en argenterie, en lingots. 
Les comptes de ville de Tannée 4428 donnaient 
la longue et précieuse liste de cette souscription, 
où Ton voyait le chapitre de l'église cathédrale de 
Sainte-Croix figurer pour deux cents écus 
d'or ^ 

La ville munie d'armes et de vivres, tout n'é- 
tait pas fait : il fallait des bras pour la défendre. 
Or, c'était un privilège pour certaines villes fer- 
mées de n'être point tenues à recevoir garnison 
dans leurs murs. La ville d'Orléans, en posses- 
sion de ce privilège, s'en était jusque-là montrée 
fort jalouse; elle s'empressa d'y renoncer. Com- 
prenant que ses propres milices seraient impuis- 
santes à lutter contre les forces redoutables de 
l'armée anglaise, elle fit appel aux bandes qui 
tenaient la campagne pour la cause royale ; par 
ses hérauts (1) elle leur envoya dire qu'elle se 



(1) Les souverains, les princes,, les villes libres, et même 
les villes simplement érigées en commune, avaient à leui* 
service des hérauts, poursuivants ou chevaucheurs d'écurie, 
qui étaient chargés de porter les messages officiels ; en temps 
de paix, c'étaient des courriers, en temps de guerre, des 
parlementaires. Orléans en avait deux : Orléans et Cœur-de- 
Lys. Leurs noms se rencontrent dans les comptes de com- 
mune de 1430 à 1449 ; on y trouve également les noms de 
Valois et Ortie, hérauts du duc d'Orléans, qui, à la même 
époque, furent employés à diverses missions. 



— 16 ~ 

préparait à la lutte, qu'elle avait des vivres, et 
que ses portes s'ouvriraient pour tous les capi- 
taines qui voudraient partager le sort de ses ha- 
bitants *. 

A cet appel avaient aussitôt répondu et s'étaient 
jetés dans la place plusieurs chefs et chevaliers 
en renom, parmi lesquels Ârchambaud de Villars, 
capitaine de Montargis, qui déjà s'était distingué 
à là rescousse de 1427 ; Guillaume de Chaumont, 
seigneur de Guitry ; Pierre de la Chapelle, gea- 
tilhorame du pays de Beauce; Raimon-Arnaud de 
Coarraze, chevalier Béarnais; don Mathias, che- 
valier d'Aragon ; Jean de Xaintrailles et Poton de 
Xaintrailles, son frère. Accueillis par les habi- 
tants, reçus et nourris dans leurs demeures, ils 
se partagèrent avec eux la défense de la ville. 
Les milices restèrent spécialement chargées de la 
garde des murs et des tours, la garnison se ré- 
servant pour les sorties. 

Les habitants d'Orléans ne s'étaient pas du 
reste confiés uniquement à la solidité de leurs 
murailles et à la valeur de ceux qui devaient les 
défendre : ils avaient imploré le secours d'en 
haut et s'étaient placés sous la protection des 
patrons de leur ville, saint Euverte et saint Ai- 
gnan. A l'apparition dans la province de l'armée 
de Salisbury, des processions avaient été faites. 
Le 6 août on avait porté la châsse de saint Eu- 
verte autour des murs; le 8 septembre un 



— 17 — 

tortis (1) de cent dix livres avait été offert à 
saint Aignan (2) ; le 6 octobre, il y. eut une se- 
conde procession ^ 

A cette époque la ville d'Orléans conservait 
encore l'ancienne forme carrée des villes ro- 
maines. Ville romaine en effet, son enceinte de- 
meurait à peu de chose près ce qu'elle avait été 
au temps où l'empereur Aurélien, en la relevant, 
lui avait donné son nom (3). Cette enceinte était 
formée d'un large fossé et d'une muraille con- 
tinue flanquée de trente-cinq tours, percée de 
cinq portes et de deux poternes. — Les murs 
avaient deux mètres d'épaisseur, de six à dix 
mètres de hauteur au-dessus de la berge du 
fossé ; les tours avaient trois étages. Chaque porte 
était accompagnée de deux tours plus petites 
et protégée par un boulevard ou bastion. 

L'enceinte se développait ainsi qu'il suit (4) : 

Tour Neuve, baignant dans la ( ^ . . • ^ . . 

Loire en amont à Tangle ^''^^etelTlL?^^^^^ 
sud-est de 1 enceinte l >^»>^^»'^»^* j.ipuvc. 



(1) Rouelle de cire sur laquelle on plantait plusieurs cierges 
et deux petits étendards aux armes de la Ville. 

(2) Soixante-seize livres de cire furent données par deux 
bourgeois, Guiot de M^eau et Jehan Volant; le reste fut 
fourni par la commune. 

(3) Au midi, à l'est et au nord, c'était la même enceinte ; à 
Toaest, on l'avait agrandie en 13 i5 pour réunir le bourg d'Avi- 
gnon (Avenum) à la cité. 

(4) Voir la planche A à la fin du volume. 



— 48 

Tour Blanche 

Tour d'Avallon l Rue de la Tour-Neuve. 

Tour de Saint-Flou 

PoRTF nE RouRrorNE flannui^P ( Carrefour des rues de 

T tours ~ Bourgogne, de la 

K«»iS pom-ievis et j Tour -Neuve et du 

^^"^^^^'^ l Bourdon-Blanc, 

Tour de Saint-Étienne / 

Tour Messire-Baude ! Rue du Bourdon-Blanc. 

Tour du Champ-Égron ( 

Tour de l'Évêque ou de la ( Coin de la rue dti Bour- 
Fauconnerie, à l'angle nord- j don-Blanc et de la me 
est de Tenceinte ' de l'Évêché. 

TourduPlaidôyer-de-l'Évêque. / 

Tour de L'ÉGLiSE-DE-Ste-CROLx.. < Rue de VÉvêché, 

Tour Salée..* .*. . ( 

! Carrefour de la rue de 
lÉvêché, de la place 
de Sainte-Croix et de 
la place de l'Etape, 

Tour de Jean-Thibaut [ ^"^^^T^flS^^^^^ 

I et cours g ut appar- 

Tour de l'Aleu-Saint-Mesmin. . I tiennent aux maisons 
Tour des VERGERS-St-SAMSON . . j du côté nord de la rue 

Tour de Saint-Samson [ g^^'''^''^''' '^ """^ 

Tour du Heaume Place du MartroL 

Porte Bernier ou Bannier, ses [ 
deux tours et son boule vart, à | Entrée de la rue Ban^ 
Tangle nord -ouest de l'en- J nier. 
ceinte \ 



Tour de Micheau-Quanteau. . . 



Entîe les rues dllliers, 
des Carmes, de la Hal- 
lebarde et du Grenier- 
à'Sel. 



— 49 — 

Porte Renart, ses deux tours j Entrée de la rue des 
et son boulevart ! Carmes. 

Tour de l'Échiffre-Si-Paul. . . | ^"J^^^^/^ ^^^ "^'^"^ 

Tour André / 

Tour *** i ^^ de.Recouvrance, 

Tour de Notre-Dame 

Tour et Porte de l'Abreuvoir. 

Ces trois tours baignant dans \ Q^oi de Cypierre. 



ues irois lours oaignani aans \ 
la Loire ou portant sur les | 
firrèves V 



grè 

Porte du Pont, flanquée de i Quai du Châtekt, à V en- 
deux tours , avec pont-levis | trée de la rue des Hô- 
formant la première arche. . . ( telleries. 

Grosse Tour du Chatelet 

Tour de Maître -Pierre -le - 
Queux 

Tour de la Croche-Meuffroy. 
Ces trois tours baignant dans 
la Loire 

Poterne Ghesneau, ouvrant sur ( Quai du Chatelet. 
les grèves . 

Tour Aubert 

Tour Carrée ou Cassée (tour 
à huit pans) 

Tour des Tanneurs. Ces trois l 
tours portant sur les grèves. \ 

Le pont, où l'on arrivait par la rue des Hô- 
telleries, avait dix-neuf arches : 



-Sô- 

La première arche en pont-levis ; 

La cinquième appuyant sa culée sur une île 
qui s'appelait en amont Motte-Sainl-Anloine, en 
aval Motle-des-Poissonniers. 

Dans la traversée de cette île, le pont, en terre- 
plain, était défendu par une bastille formée de 
deux tours qui s'appuyaient. Tune sur la cha- 
pelle construite en Tîle Saint-Antoine, l'autre 
sur une maladreria construite en l'île des Pois- 
sonniers. 

Entre la onzième et la douzième arche s'élevait 
une croix de bronze doré appelée la Belle-Croix. 

Sur l'arche dix-huitième et ses deux piliers 
formant culée était le fort des Tourelles, deux 
tours massives, et deux tours secondaires réunies 
par une lourde construction voûtée. 

L'arche dix-neuvième en pont-levis. 

Sur la rive, un boulevart fortifié formant tête 
de pont. 

En amont et en aval du pont, cette rive, qui 
servait de- port, s'appelait le port Tudelle, le 
portereau de5aint-Marceau, lé Porlereau ®. 

La ville était percée de rues étroites et tor- 
tueuses, comme toutes les villes au moyen âge. 
Deux artères principales la divisaient en croix : 
l'une de ces artères, qui allait de la porte de 
Bourgogne à la porte Renart, portait les noms 
de rues Saint-Liphard, Saint-Sauveur, de l'Or- 
merie, Pomme-de-Pin, de la Cordonnerie, de la 



— 24 — 

Faverîe, du Tabour, aujourd'hui rues de Bourgo- 
gne et du Tabour ; l'autre, qui allait de la porte 
du pont au Martroi, portait les noms qu'elle a 
conservés de rue des Hôtelleries et de rue Sainte- 
Catherine ou de l'Aiguillerie. 

Le Martroi formait en dedans de la porte Ban- 
nier une petite place triangulaire. 

Les principaux monuments étaient : 

L'église cathédrale de Sainte-Croix et son 
cloître; l'Évéché et FHôlel-Dieu attenants; 

L'église et le cloitre de Saint-Etienne ; 

L'église de Saint-Pierre-le-Puellier ; 

Le couvent des Bénédictins ou de Boimç-Nou- 
Yelle (hôtel de la Préfecture) ; 

L'église de Saint-Donatien ; 

L'église de Saint-Pierre-Empont ou en Pont 
(emplacement du temple des protestants) ; 

Le Châtelet, où étaient la justice et les prisons, 
bâtiment carré d'un aspect lourd et sombre. Il 
s* élevait sur l'emplacement actuel de la rue du 
Châtelet et baignait dans la Loire. 

La maison commune était installée dans unQ 
dépendance du prieuré de Saint-Samson (lycée), 
dont la Ville payait le loyer. A Noël 4429, elle 
loua pour le même objet l'hôtel Créneaux (hôtel 
des musées de la Ville), et plus tard elle l'a- 
cheta (iUS) ; 

L'église de Saint-Paul, qui renfermait une 
statue véuérée de la Vierge. 



— 22 — 

Toutes les lucarnes pratiquées dans les toits 
aigus des portes et des tours, tous les cônes de 
ces toits étaient surmontés d'aiguilles portant 
des girouettes ou des panonceaux aux armes du 
duc d'Orléans et aux armes de la Ville. 

Sur le fort dés Tourelles flottaient des ban- 
nières aux armes du Duc; sur les clochers des 
églises de Saint-Paul et de Saint-Pierre-Empont, 
des bannières aux armes de la Ville ; des guetteurs 
veillaient jour et nuit au sommet de ces clochers, 
les plus hauts de la ville. La tour actuelle du 
beffroi n'existait pas encore. 

Le mouvement principal de la population se 
portait dans les rues Saint-Liphard, Saint-Sau- 
veur, de rOrmerie, occupées par les marchands ; 
dans la rue des Hôtelleries, où étaient, comme son 
nom l'indique, les hôtels et les auberges. Dans la 
pa.roisse de Saint-Pierre-le-Puellier et de Saint- 
Donatien demeuraient les tanneurs, les bouchers» 
les mariniers, les poissonniers ; là se trouvaient 
également les maisons de droguerie, d'épicerie 
et de gros commerce, les marchés, les halles ; 
les orfèvres occupaient la rue de la Faverie. Les 
bâtiments occupés par l'université étaient atte- 
nants au couvent de Bonne-Nouvelle ; ses régents, 
ses suppôts, les écoliers habitaient leg alentours. 
Les écrivains, les libraires, les imagiers tenaient 
boutique entre les cloîtres de Saint-Étienne, 
de Sainte-Croix, et la rue de TOrmerie. Les of- 



— 23 — 

ficiers de justice et de finance avaient leurs hô- 
tels aux abords du Cbâtelet et dans la paroisse 
de Saint-Paul, qui était le quartier le plus retiré 
delà ville. 

Mais la population tout entière n'était pas con- 
tenue dans les murs ; depuis long-temps déjà elle 
s'était répandue au-dehors, dans des faubourgs 
qu'on disait être les plus beaux du Royaume '. 
Ces faubourgs contenaient un grand nombre 
d'édifices publics, d'églises, de monastères : à la 
porte de Bourgogne, le cloître et l'église de Saint- 
Aignan, l'église et l'abbaye de Saint-Euverle, 
les chapelles de Saint-Victor, de Saint-Michel et 
de Notre-Dame-du-Chemin ; à la porte Parisis, 
les églises de Saint-Avit et de Saint-Michel-des- 
Fossés, les couvents des Jacobins et des Corde- 
liers; à la porte Bannier, l'église de Saint-Pierre- 
Ensentelé, la chapelle des Mathurins, l'aumône 
et l'église de Saint-Pouair ; à la porte Renart, le 
monastère des Carmes, la Croix-Morin, le prieuré 
de la Madeleine, l'église de Saint-Laurent; de 

j l'autre côté de la Loire, le couvent des Augus- 

I tins et l'église de Saint-Marceau. 

j Les faubourgs se trouvaient eux-mêmes enve- 

loppés par le territoire des paroisses de Saint- 
Marc et de Saint-Jean-de-Braye, où était le prieuré 
de Saint-Loup, à l'est; de Saint-Vincent et de 
Saint-Ladre, au nord ; de Saint-Jean-de-la-Ruelle, 

j à l'ouest ; de Saint-Pryvé, d'Olivet et de Saint- 



— 24 — 

Jean-le-Blanc, où était un couvent de capucins, 
au midi, de l'autre côté de la Loire: 

Dans la Loire existaient plusieurs îles. En face 
Saint-Loup, Ile-aux-Bœufs ou de Saint-Loup; 
en face Saint-Aignan, Ile-aux-Toiles ; sous le 
pont d'Orléans, Motte-Saint-Anloine et Motte-des- 
Poissonniers ;. entre Saint-Pryvé et Saint-Laurent, 
Ile-Charlemagne. 

Entre l'Ile-aux-Toiles et l'église de Sainl-Ai- 
gnan, le fleuve était couvert de moulins flottants ; 
des moulins pendus obstruaient plusieurs arches 
du pont^ 

La population totale, ville et faubourgs, dé- 
passait trente mille âmes ®; population bour- 
geoise et commerçante, probe, persévérante, 
capable de sacrifices. 

Parmi cette population le clergé tenait une 
grande place, et il ne restait en arrière d'aucun 
dévoûment. De longue date la ville d'Orléans, 
comme si elle eût pressenti le rôle qu'elle serait 
appelée à remplir dans la lutte de cent ans qui 
s'agitait entre l'Angleterre et la France, s'était 
mise en mesure de tenir tête à l'ennemi. Depuis 
la fin du XIV® siècle, elle avait consacré chaque 
année des sommes importantes à c se remparer; » 
elle avait reconstruit ses murs, creusé ses fossés, 
flanqué ses portes de défenses nouvelles, élevé 
des boulevards, garni ses tours d'armes, de traits^ 
d'engins de toutes sortes, puis de bouches à feu. 



— 25 - 



lorsque vers 1443 on avait commencé à en faire 
usage. Ces dépenses, distinctes des dépenses or- 
dinaires de la commune, donnaient lieu à un 
compte particulier qu'on appelait le compte de 
forteresse; le clergé y contribuait de ses propres 
deniers pour un sixième. Ses délégués veillaient, 
concurremment avec les Procureurs, à l'exécu- 
tion des travaux et à l'emploi des fonds *^ . 

Commune, siège épiscopal, ville du Royaume 
et en même temps ville ducale, Orléans possédait 
un évêque, un gouverneur ou bailli, magistrat 
et commandant militaire, nommé par provision 
du Duc ; un lieutenant-général du bailli ; un pré- 
vôt ou garde de la prévôté et son lieutenant ; un 
chancelier, un maître des eaux et forêts, et un 
trésorier du Duché (1). Elle s'administrait elle- 
même par douze procureurs que les habitants 
élisaient tous les deux ans, sous approbation de 
l'élection par le bailli. 

En 4428, ces officiers étaient : 

Evêque : Jean Kirkmichael (de Saint-Michel), 
d'origine écossaise ; 

Gouverneur-bailli : Raoul de Gaucourt, cham- 
-hellan de Charles VU, nommé en 4427; 

Chancelier du Duché : Guillaume Cousinot ; 

Maître des eaux et forêts ; Philippe Viole; 

Trésorier du Duché : Jacques Boucher ; 

(1) La chambre des comptes du Duché siégeait à Blois. 

2 



— 26 — 

Lieutenant-général du gouverneur-bailli et du 
maître des eaux et forêts : Hervé Lorens ; 

Prévôt : Alain du Bey ; 

Procureurs : Jehan Compaing, Guion du 
Foussé, Regnault Brune, Aignan de Saint-Mes- 
min, Guillaume de Coulons, Jehan Mignon, Jehan 
Malis, Sanxon Peuvrier, Michelet Filleul, Jehan 
Bordier, Guiotde Mareau, Estienne de Bourges. 

Telle était la cité qui eut à soutenir contre 
Tarraée anglaise le siège célèbre dont voici, jour 
par jour, le récit : 

4428, 12 octobre. — Ce jour, le comte de 
Salisbury, prenant pour base d'opérations et 
pour places de ravitaillement les châteaux de 
Baugenci, de Meung et de Jargeau, porte son 
camp entre Olivet et le portereau Saint-Mar- 
ceau. Les chefs qui raccompagnent sont : William 
Pôle, comte de Suffolk, John et Alexandre Pôle, 
lord Falcombridge, sir Richard Guétin, bailli 
d'Evreux, lord Molhyns, lord Poynings, William 
Glasdale, Lancelot de Tlsle et autres, « tant An- 
glois que Bourguignons. )) 

Le même jour, les Orléanais, après délibéra- 
tion du Conseil et des citoyens, brûlent et dé- 
truisent le couvent des Augustins, l'église et les 
maisons du Portereau, qui pouvaient servir de 
refuge à Tennemi. 



— 27 — 

Du 13 au 17 octobre. — Les Anglais avan- 
cent, s'établissent an Portereau et placent sur la 
levée de Saint-Jean-le-Blanc des canons et bom- 
bardes qui lancent dans la ville d'énormes bou- 
lets de pierre. Les murailles et les édifices sont 
très-endommagés ; une femme est tuée en dehors 
de la poterne Chesneau. 

Douze moulins sur bateaux, qui se trouvaient 
sur la Loire à la hauteur de Saint- Aignan, sont 
emportés et détruits ; les assiégés y suppléent 
en établissant dans l'intérieur de la ville onze 
moulins à chevaux. 

Du 18 au 20 octobre. — La garnison fait 
plusieurs sorties qui donnent lieu à des escar- 
mouches entre les Tourelles et Saint-Jean-le- 
Blanc. 

21 octobre. — A dix heures du matin, les An- 
glais attaquent le boulevard des Tourelles. Il est 
défendu par Archambaud deVillars, don Mathias, 
Xainlrailles, de la Chapelle, Guitry, Coarraze. 
Les habitants, mêlés à ceux de la garnison, s'y 
comportent vaillamment. Les femmes elles-mêmes 
donnent assistance en apportant de l'intérieur 
de la ville de l'eau, de l'huile, des graisses bouil- 
lantes, de la chaux, des cendres et des chausses- 
trappes. 

Après une lutte de quatre heures, les Anglais 



— 28 — 

sont repoussés ; les Orléanais restent maîtres du 
boulevard. 

L'action avait été des plus vives; les assiégeants 
comptent cent vingt morts. Les Orléanais eurent 
aussi leurs pertes : Xaintrailles fut blessé, de La 
Chapelle tué. Pendant l'assaut, le gouverneur 
Raoul de Gaucourt, qui traversait la ville en toute 
hâte, était tombé de cheval près de Saint-Pierre- 
Empont; il s'était démis le bras, et il avait fallu le 
porter aux étuves pour « appareiller i» sa bles- 
sure ". 

22 octobre. — Les Orléanais rompent une arche 
du pont en-deçà de la pile de la Belle-Croix, où 
ils construisent avec des madriers et des fagots 
un boulevard, ou plutôt une barricade percée de 
meurtrières. 

23 octobre. — Le boulevard en avant des 
Tourelles, miné detoutes parts, n'est plus tenable. 
Les assiégés y mettent le feu et se retirent dans 
le fort. 

24 octobre. — Les Tourelles battues et ébran- 
lées par le choc des boulets menacent de s'écrouler. 
La garnison les abandonne et se replie sur la ville. 
Les Anglais en prennent possession et, pour se 
mettre à l'abri d'une attaque par le pont, rompent 
deux arches entre le fort et le boulevard de la 



— 29 — 

Belle-Croix ; ils élèvent eux-mêmes ud boulevard 
de terre et de fagots en avant du fort. 

Dans la soirée du même jour, le comte de Sa- 
lisbury visite le fort des Tourelles, et pour mieux 
examiner le pont, il s'approche d'une fenêtre 
ouvrant sur la Loire. Au même instant un boulet 
parti de la tour de Notre-Dame vient se briser 
sur l'angle de la croisée. Salisbury, atteint à la 
tète d'un éclat de pierre, tombe sans connais- 
sance. On le transporte à Meung, où il expire. 
Dans cette mort soudaine, les Orléanais voient 
une manifestation de la protection de saint 
Aignan, et en même temps une juste puni- 
tion du pillage de l'église de Cléry. On ne sut 
qui avait mis le feu au canon de la tour de 
Notre-Dame ; le canonnier chargé de la garde de 
la pièce étant accouru au bruit de la détonation, 
avait aperçu un enfant qui s'enfuyait et qu'on 
ne put retrouver **. 

25 octobre. — Le Bâtard d'Orléans entre dans 
la ville, et à sa suite huit cents hommes d'armes, 
arbalétriers poitevins, gascons et écossais, infan- 
terie d'Italie et d'Espagne, commandés par Jean 
de Brosses, seigneur de Sainte-Sévère et de 
Boussac, maréchal de France ; Jean de Naîlhac, 
vicomte de Bridiers, grand-panetier de France; 
Jacques de Chabannes, sénéchal de Bourbonnais; 
sir Hug de Kennedy et La Hire, qui déjà avaient 

2. 



— 30 — 

combattu à la rescousse de Montargis ; Jean de 
Beuil, comte de Sancerre, chevalier tourangeau; 
Pierre d'Amboise, seigneur de Ghaumont-sur- 
Loire; Thibaut d'Armagnac, seigneur de Termes; 
don Cernay, chevalier aragonais, capitaine de 
Vendôme ; Théode de Valpergue, capitaine lom- 
bard *^ 

Du 26 octobre au 7 novembre. — Si la prise des 
Tourelles avait été un échec pour les Orléanais, 
la mort du comte de Salisbury et l'arrivée du 
Bâtard frère de leur Duc, des troupes et de la ca- 
valerie d'élite qui l'accompagnaient, avaient bien 
vite relevé les courages. 

Bien au contraire, la consternation est chez 
l'ennemi. Privés de leur chef, avertis des renforts 
que la ville vient de recevoir, les Anglais ne se 
croient pas en force suffisante pour tenter un 
nouvel assaut. 

8 novembre. — Us lèvent leur camp du Por- 
tereau, et, après avoir brûlé dans le val quelques 
maisons et quelques pressoirs, se retirent dans 
les places de Jargeau, de Meung et de Baugenci. 
La garde des Tourelles est confiée à une garnison 
de cinq cents hommes, sous le commandement 
de Glasdale. 

Du 9 au 30 novembre. — Cependant les Or- 



— 31 — 

léanais avaient compris que ce mouvement des 
troupes anglaises n'était pas une retraite, que 
bientôt elles reviendraient plus nombreuses sous 
la conduite d'un nouveau général. — Dans celle 
prévision, les mesures les plus énergiques sont 
arrêtées. 

La Hireest envoyé près du Roi, qui tenait §a 
cour à Chinon, pour lui rendre compte de la perle 
des Tourelles, et demander des secours. 

Les assiégés pressentent que si l'attaque a 
commencé par la Sologne et le fort des Tourelles, 
ce n'est plus de ce côté qu'elle se renouvellera ; 
que de Meung les Anglais reviendront par la 
Beauce et envahiront la ville parle nord. De ce 
côté étaient les faubourgs, et dans ces faubourgs 
des abbayes, des églises, des hospices, l'honneur 
et l'ornement de la cité. Mais c'étaient autant de 
points de retraite où l'ennemi pouvait s'embus- 
quer et se fortifier. Le conseil de la commune 
décide qu'ils seront détruits. L'église et le cloître 
de Saint-Aignan, les églises de Saint-Michel et de 
Saint-Victor de la porte de Bourgogne, de Saint- 
Avit, de Saint-Michel-des-Fossés, les couvents des 
Jacobins et des Cordeliers, la chapelle du Martroi, 
l'aumône de Saint-Pouair, l'église de Saint-Ma- 
thurin, le couvent des Carmes, l'église de Saint- 
Laurent-des-Orgerilz et une grande partie des 
habitations sont incendiés et démolis. 

A peine cette grande résolution est-elle exécu- 



— 32 — 

tée, que John Talbôt (1), successeur du comte 
de Salisbury dans le commandement de Tarmée 
anglaise, arrive aux Tourelles, amenant des vi- 
vres, des canons, des bombardes, et un renfort 
de trois cents combattants. — L'attaque de la 
ville est aussitôt reprise avec vigueur. 

Du l^ au 5 décembre. — Les canons et les 
bombardes des tourelles et de la turcie de Saînl- 
Jean-le-Blanc dirigent un feu très-vif. Des boulets 
de pierre de cent soixante livres sont lancés dans 
la ville. Une de ces pierres tombe sur une maison 
de la rue des Petits-Souliers, traverse le toit, les 
planchers, une table autour de laquelle cinq con- 
vives étaient assis, et ne fait de mal à personne. 

Frère Jean Hillairet, religieux « de Tordre et 
couvent de Notre-Dame-des-Carmes de Poitiers, > 
arrive à Orléans, après un voyage de plusieurs 
jours, où il a été « en grand doubte et péril de 
son corps. » Il apporte des lettres closes des 
gens d'église, bourgeois et habitants de Poi- 
tiers, par lesquelles une somme de neuf cents 
livres tournois « est ordonnée > aux habitants 
d'Orléans pour résister aux ennemis du Roi « es- 
tans à siège devant eux (2). > 

(1) John, seigneur de Talbot et de Foumival, chevalier 
banneret, comte de Shrewsbury et de Waterford, capitaine 
de Coutances. 

(2) Pièces justificatives, à la fin du volume, I. 



— 33 — 

6 décembre. — Pendant la nuit, les Anglais 
jettent des planches sur les arches rompues du 
pont, arrivent en silence jusqu'au pied du bou- 
levard de la Belle-Croix et dressent leurs échelles 
pour Tescalader. A ce moment la cloche du bef- 
froi se fait entendre, la gai'nison accourt. Les 
Anglais se voyant découverts, rentrent dans les 
tourelles. 

m 

De leur côté, les Orléanais avaient pris soin 
d'augmenter leur artillerie. Ils avaient fait venir 
des canons du dehors; l'un de ces canons, em- 
prunté à la ville de Montargis, portait son nom. 
En même temps une forge fonctionnait dans l'in- 
térieur de la ville, sous la direction de Guillaume 
Duisy, très-habile fondeur. Tout le fer, le cuivre 
et le plomb qu'on pouvait se procurer y était 
porté et converti en canons, boulets, traits et 
« plombées. > Dans d'autres ateliers, on taillait 
les boulets de pierre (1) ". 

(1) Les plombées étaient de grosses balles de plomb dont 
on chargeait les coulevrines. Les boulets de canon étaient de 
fer, de cuivre, de pierre ; les bombardes principalement lan- 
çaient des boulets de pierre. Dans le cabinet de M. de Noury, 
percepteur à Orléans, on voit un boulet de cuivre qui pèse 
4,500 grammes. Ce boulet est aplati sur un point, ce qui 
montre qu'il a servi et avait été lancé, soit par les Anglais 
contre les murs d'Orléans, soit par les Orléanais contre le 
fort des Tourelles. Le musée historique de l'Orléanais, de son 
côté, possède plusieurs boulets de pierre du diamètre de 20, 
15 et 10 centimètres, du poids de 9^00^ 2^900 et 500 grammes. 
Ces boulets sont des pierres grossièrement taillées en boules. 



— 34 -. 

Des bouches à feu, au nombre de soixanle et 
onze, garnissaient les tours et les murailles, par- 
ticulièrement celles du bord de l'eau qui répon- 
daient sans relâche au feu des tourelles ■ ^ 

23 décembre. — Pour la première fois on fait 
Fessai d'une bombarde de la fabrique de Duisy, 
jetant des pierres de cent vingt livres. Il faut vingt- 
deux chevaux pour la conduire à la croche de la 
poterne Chesneau (1), où elle est « assortie. » 
Tout auprès se trouvaient le canon Montargis, un 
autre canon et une bombarde qui portaient les 
noms de Riflarl et de Bergère. Les Anglais bap- 
tisaient leurs canons et bombardes de noms ana- 
logues. L'une des bombardes de la levée des Au* 
gustins s'appelait Passe-Volant. 

25 décembre. — Trêve. — Le tir de l'artil- 
lerie des Orléanais était dirigé par treize canon- 
niers, qui avaient sous leurs ordres des aides et 
des valets. Le service de chaque pièce exigeait 
plusieurs hommes; pour la seule bombarde de 
la Croche-Ghesneau, il en fallait onze. Douze de 
ces maîtres canonniers étaient des Orléanais aux 



Il y en avait, suivant l'abbé Dubois (mss. déjà cités), d'une 
pierre dure et lisse, qu'on appelait boulets de pierre de 
fer. 

(1) La croche de la poterne Chesneau était un éperon 
avancé en rivière pour soutenir et protéger le mur de la ville. 



— 35 — 

gages de la ville; le treizième, qu'on appelait 
Jehan le Lorrain, était, comme son nom l'indique, 
un étranger. Sur sa réputation d'habile pointeur, 
on l'avait appelé dans la ville, où il arriva vers 
le milieu de décembre. Pendant toute la durée 
du siège, il rendit de très-grands services, sans 
vouloir toucher une solde. Après la délivrance, 
la Ville le dédommagea en lui offrant un cadeau 
de vingt-quatre livres parîsis ". De l'un des 
piliers du pont, touchant au boulevard de la 
Belle-Croix, où il s'était installé, il pointait lui- 
même une coulevrine dont chaque coup portait, 
si bien que maître Jehan et sa coulevrine furent 
sous peu de jours connus des Anglais non moins 
que des Orléanais. Des Tourelles on tirait cons- 
tamment sur lui, mais sans l'atteindre. Se fiant 
sur la maladresse des artilleurs Anglais, il les 
bravait avec audace. Parfois il lui arrivait de se 
laisser cheoir par moquerie, et de se faire em- 
porter comme s'il eût été frappé, puis un instant 
après il revenait prendre place auprès de sa cou- 
levrine, aux applaudissements des assiégeants 
et à la grande confusion des assiégés *\ 

26 déœmbre, — Les charges de la Ville étaient 
énormes. L'emprunt fait au cours de l'été, les 
dons particuliers, n'avaient pas suffi. Le Roi 
n'envoyait rien, et ne pouvait faire autrement; 
ses finances étaient dans une telle détresse qu'il 



— 36 — 

y eut un moment où son trésorier-général n'avait 
dans sa caisse que quatre écus d'or ". 

Les Orléanais eurent encore une fois recours 
à eux-mêmes ; les habitants rassemblés aux halles 
votèrent la levée d'une taille de six. mille livres 
tournois, décision que le Bâtard rendit exécu- 
toire par une ordonnance portant « qu'inconti- 
nent T^ ladite somme de six mille livres serait 
levée par le gouverneur et le prévôt « le plus 
également que faire ils pourroient (1). ^ 

27 au 29 décembre. — On apprend que les 
troupes anglaises sont en marche et s'appro- 
chent par la Beauce. L'investissement de la place, 
prévu dès le mois de novembre précédent, est 
à la veille de s'accomplir. Les Orléanais, sans 
plus tarder, achèvent de détruire leurs faubourgs. 
Saint-Loup, Saint-Marc, Saint-Gervais, Saint-Eu- 
verte, Saint-Vincent-des-Vij^nes, Saint-Ladre, la 
Madeleine sont démolis. En-dehors des murs, 
plus rien n'est debout. Les habitants des maisons 
abattues sont recueillis par ceux de la ville. 

30 décembre. — Une armée de deux mille 
trois cents hommes, commandés par Talbot, Suf- 
folk, Scales (2) et Lancelot de l'Isle, paraît du 



(1) Pièces justificatives, II. 
(!2) Thomas, seigneur de Scales, chevalier, 
Pontorson. 



capitaine de 



— 37^ 

I 

côté de Sainl-Laurent-des-Orgerils. Le Bâtard 
I d'Orléans, le maréchal de Boussac, Chabannes et 

plusieurs autres de la garnison, sortent à sa ren- 
contre. Des engagements assez vifs ont lieu près 
de Saint-Laurent et de la Croix-Boissée. Maître 
Jehan s'y trouve et fait son devoir. L'avantage 
demeure aux Anglais, qui s'emparent des ruines 
de Saint-Laurent et s'y fortifient. 

31 décembre. — Gasquet et VédiUe, tous deux 
de la compagnie de La Hire, envoient au camp 
des Anglais un défi de deux coups de lance. Le 
gage est accepté, et les quatre champions entrent 
en lice sous les yeux des deux armées. Gasquet 
renverse son adversaire. VédiUe ni le sien ne 
peuvent se désarçonner. 

i^^ janvier. — Les forces anglaises s'aug- 
mentent aux abords de Saint-Laurent. Sortie de 
la garnison et engagement entre la porte Renart, 
la rivière Flambert et la grève de la Loire. L'abbé 
de Cerquenceaux y est blessé; la coulevrine de 
maître Jehan tombe au pouvoir de l'ennemi. Les 
Français, refoulés par des masses supérieures 
en nombre, rentrent précipitamment dans la 
ville. La perte est considérable de part et d'autre; 
celle des Français dépasse. 

2 janvier. — Les Anglais tentent d'escalader 

3 



— 38- 

]a porte Renart. Les habitants, avertis par la 
cloche (lu beffroi, se portent sur les murs et re- 
jettent Tennemi dans le fossé. 

A janvier. — A trois heures après minuit, la 
cloche du beffroi annonce une nouvelle attaque. 
Simultanément la porte Renart est assaillie par 
ceux de Saint-Laurent, et le boulevart du pont 
par ceux de la garnison des Tourelles. Les assié- 
gés font face des deux côtés ; les Anglais sont 
repoussés. 

Le même jour est introduit dans la ville, par 
le port de Saint-Loup, un convoi de neuf cent 
cinquante pourceaux et quatre cents moutons. 

5 janvier. — Les guetteurs des tours de Saint- 
Paul et de Saint-Pierre-Empont signalent un gros 
de cavaliers s'avançant du côté de la Sologne, 
dans la direction du Portereau. Â mesure que 
cette troupe approche, on reconnaît les couleurs 
françaises : c'est l'amiral de Culan à la tête de 
deux cents combattants. Les Anglais sortent des 
Tourelles pour lui barrer le chemin, mais en 
vain : Culan et les siens traversent la Loire de- 
vant Saint-Loup et entrent dans Orléans par la 
porte de Bourgogne. 

^6 janvier. — Sortie des assiégés, sous la con- 
duite de l'amiral de Culan et du maréchal de 



-39r- 

Boussac Les Anglais font bonne contenance ; de 
part et d'autre on se comporte vaillamment; 
maître Jehan, avec une nouvelle coulevrine, re- 
commence ses prouesses. 

Les escalades tentées sans succès contre la 
porte Renart et le boulevart du pont avaient 
appris aux Anglais que la ville ne se laisserait 
pas facilement emporter d'assaut. Les vivres in- 
troduits le 4» janvier, le renfort amené le 6 par 
l'amiral de Gulan^ avaient augmenté les res- 
sources des assiégés. Leurs communications de- 
meuraient ouvertes avec la Sologne et la haute 
Loire par le port de Saint-Loup, avec le Gâtinais 
et la Beauce, par la porte Bannier et la porte 
Parisis. Les généraux anglais tiennent conseil, 
et décident d'entourer la place d'une ceinture de 
bastilles dont les garnisons, se soutenant de l'une 
à l'autre, devront intercepter les arrivages. 

Un camp retranché est établi à Saint-Laurent, 
et devient le quartier général de l'armée an- 
glaise. 

Sur l'île Charlemagne et à la rive opposée, sur 
le « champ Saint-Pryvé, j des redoutes sont 
élevées pour relier le fort des Tourelles au camp 
de Saint-Laurent, et protéger le va et vient de 
plusieurs bacs établis sur ce point. La garde de 
ces redoutes est donnée à Lancelot de l'Isle. 

Le couvent des Augustins est entouré de forti- 



— 40 — 

flcations qui constituent un ouvrage avancé cou- 
vrant les Tourelles. 

Du côté de la Beauce une bastille est élevée 
près de la Croix-Boissée, entre la porte Renar! et 
le prieuré de la Madeleine ; une seconde un peu 
plus loin, entre la Croix-Morin et Saint-Jean- 
de-la-Ruelle, au lieu des Douze-Pierres ; les An- 
glais lui donnent le nom de Londres. La bas- 
tille de la Groix-Boissée commandait la route 
de Btois, la bastille de Londres, la route de Châ- 
teaudun. 

Le même système devait se continuer, et d'au- 
tres bastilles s'élever successivement sur le pour- 
tour entier de la ville. 

A la vue de ces travaux, les'Orléanais se gar^ 

. dent de demeurer oisifs. Us font demander des 

secours aux villes du parti du Roi, et inquiètent 

l'ennemi par des sorties qui chaque jour amènent 

des escarmouches sanglantes. 

Le Bâtard envoie à Chinon une ambassade 
composée d'Archambaud de Villars, de don Ger- 
nay et des deux Xaintrailles, pour informer le 
Roi du blocus dont il est menacé. 

iO janvier. — ^ Un convoi de pondre et de 
vivres envoyés de Bourges entre dans la ville. 

11 janvier. — A neuf heures du soir, le boulet 
d'un canon de fer du boulevart de la Belle-Groix 



— a — 

enlève le comble du toit des Tourelles ; six An- 
glais sont écrasés sous les décombres. 

\b janvier, — A huit heures du soir, le Bâ- 
tard d^Orléans, la maréchal de Boussac et le sé- 
néchal de Bourbonnais s'approchent en silence 
du camp de Saint-Lwrent où ils espèrent sur- 
prendre l'ennemi. Aperçus et refoulés dans une 
sortie des Anglais, ils sont obligés de se replier 
sous le canon de la porte Renart. 

iQ janvier, — Les Anglais reçoivent un renfort 
considérable de canons, de bombardes et de vivres, 
amenés par sir John Falstofit à la tête de douze 
cents hommes, qui arrivent au camp de Saint- 
Laurent à deux heures de l'après-midi. 

17 janvier. — Un boulet de pierre, parti 
de la bastille de la Groix-Boissée, tombe devant 
le boulevart de la porte Bannier au milieu de plus 
de cent personnes, &ans en tuer ni blesser une 
seule ; un a soldat compagnon français -» est at* 
teint au pied ; mais le boulet ne fait que lui en- 
lever son soulier. 

Le même jour, une rencontre en champ clos 
devait avoir lieu, à la porte Bannier, entre six 
Anglais et six Français. Ceux-ci se présentent, 
les Anglais ne paraissent pas. 



— 42 — 

iS janvier, — Le Gastelier, arbalétrier de la 
milice d'Orléans, est tué, sur le boulevart de la 
Belle-Croix, par un boulet des Tourelles. 

24 janvier. La Hire, revenant de la mission 
dont il avait été chargé en octobre, brave, à la 
tête de trente hommes, le feu des bastilles de 
Saint-Laurent et de la Croix-Boissée, et rentre 
dans la ville où il apporte un secours de six cents 
livres envoyé par la ville de Tours. Il annonce 
le retour prochain d'Archambaud de Villars. 

Deux cents pourceaux et quarante têtes de 
gros bétail sont introduits dans les murs. Le 
même jour, un autre convoi de cinq cents têtes 
de bétail venant par eau est arrêté à Jargeau. 
Un habitant de Sandillon est accusé d'avoir averti 
les Anglais du passage de ce convoi. 

25 janvier. — Les Anglais s'emparent du bac 
de Saint-Loup, qui jusque-là était demeuré en la 
possession des Orléanais. Ce bac, par lequel on 
communiquait avec la Sologne, était d'une 
grande utilité. On décide de le reprendre. A cet 
effet, un gros de la garnison passe la Loire en 
face de la croche Saint-Aignan, traverse l'Ile-aux- 
Toiles et s'avance sur la levée de Saint-Jean-le- 
Blanc. Derrière cette levée les Anglais se tenaient 
embusqués; les Orléanais, pris à l'improviste, 
sont mis en déroute, et laissent vingt-deux morts 



— 43 — 

sur la place. Plusieurs sont faits prisonniers, 
parmi lesquels un homme du Bâtard et un autre 
du maréchal de Boussac ; maître Jehan est obligé 
d'abandonner sa coulevrine que les Anglais em- 
portent aux Tourelles. Il ne se sauve lui-même 
qu'à grande peine en se jetant sur le gouvernail 
d'un chaland qui s'en allait à la dérive. 

26 janvier. — Escarmouche au-devant de la 
porte Bannier. Vingt Anglais sont tués : les 
Français ne perdent qu'un archer appartenant 
au maréchal de Boussac. 

27 janvier. — Les Anglais, au nombre de 
cinq cents, menacent d'attaquer la porte Renart. 
Les Orléanais sortent avec précipitation ; repous- 
sés au premier choc, ils sont ralliés par le ma- 
réchal de Boussac et rejettent l'ennemi dans son 
camp de Saint-Laurent. 

28 janvier. — A onze heures du soir, l'am- 
bassade envoyée à Ghinon rentre dans la ville ; 
elle annonce que, d'après un plan de campagne 
élaboré dans les conseils du Roi, une armée com- 
posée de noblesse auvergnate, sous le comman- 
dement du comte de Clermont, se rend à Blois ; 
qu'en même temps d'autres capitaines sont en 
marche sur Orléans, avec ordre de se jeter dans 
la place. 



_ 44 — 

Ces nouvelles étaient déjà connues des géné- 
raux anglais qui, se voyant menacés de deux 
côtés, tentent de nouveau d'enlever la ville 
d'assaut. 

29 janvier. — Attaque de la porte Renart.. 
Dans une sortie vigoureuse, la garnison, sou- 
tenue par les habitants, repousse les Anglais, 
qui se retirent avec grande perte. 

Ce même jour, sûreté est donnée à La Hire du 
côté des Orléanais, à Lancelot de Tlsle du côté 
des Anglais, pour avoir ensemble une conférence. 
L'entrevue a lieu en dehors des portes. L'heure 
de la sûreté écoulée, chacun se met en devoir 
de retourner vers ses gens. Lancelot reprenait 
la route de Saint-Laurent ; un boulet parti de 
la place l'atteint et lui emporte la tête. Il était 
maréchal de Farmée et « bien vaillant homme ; » 
le deuil fut grand dans le camp ennemi. Quant 
aux Orléanais, comme la trêve était expirée au 
moment où la place avait tiré, ils crurent n'avoir 
rien fait que de loyal et pouvoir se réjouir. 

Quarante-deux hommes d'armes et cent vingt- 
neuf archers que Lancelot de l'isle avait sous 
son commandement passent sous celui d'Henri 
deTIsle, son frère, écuyer (1). 

(1) Pièces justificatives, VL 



— 45 — 

30 janvier, — A une h«ure un matin, le 
Bâtard, accomimgné de quelques chevaliers et 
écuyers, sort secrètement de la ville pour se 
rendre à Blois près du comte de Clermont, et se 
concerter avec lui. 

Dans la journée, les Anglais se répandent 
dans les vignes de Saint-Jean-de-la-Ruelle et 
de Saint-Ladre, pour enlever des échalas qui 
leur servaient de bois de chauffage. Le ma- 
réchal de Boussac, La Hire, Poton, Jacques 
de Chabannes, Denis de Chailly, don Cernay, 
courent sur eux, en tuent sept et ramènent 
quatorze prisonniers. Un bourgeois d'Orléans, 
Simon de Baugenel, perd la vie dans cette ren- 
contre. 

81 janvier. — Huit chevaux chargés de 
graisses et d'huiles sont introduits dans la 
ville. Ces gi'aisses et ces huiles servaient à en- 
duire des fascines incendiaires qu'au moment 
des assauts on jetait sur l'ennemi. 

3 février. — Le maréchal de Boussac, La 
Hire, Chabannes, Goarraze viennent jusqu'au 
pied de la bastille de Saint-Laurent défier les 
Anglais, qui crient aux armes et déploient douze 
bannières sans sortir de leurs palissades. 

5 février. — A la fermeture des portes, ar^ 



o 
o 



— 46 — 

rivent par la Sologne vingt-six combattants de la 
compagnie du maréchal de Boussac. 

6 février. — Pendant vêpres, le maréchal 
de Boussac, La Hire, Poton, Chailly, à la tête 
de deux cents cavaliers, courent jusqu'à la Ma- 
deleine, où ils rencontrent Scales et font qua- 
torze prisonniers. 

8 février. — Les guetteurs signalent une 
troupe considérable se dirigeant sur la ville. 
C'était le secours annoncé par Villars, mille hom- 
mes environ, amenés par Jean de Lesgot, sei- 
gneur de Verduzan, William Stuart et Raoul de 
Gaucourt, gouverneur d'Orléans, qui s'était 

* porté au-devant d'eux. 

Dans la nuit arrive un second corps de troupes 
composé de deux cents hommes appartenant à 
La Hire et à Guillaume d'Albret, seigneur 
d'Orval, 

9 février. — Entrent dans la ville trois cents 
combattants commandés par le maréchal de La- 
fayette(l). 

Chabannes, Renault de Fontaine et le Bourg 
de Bar (2), avec vingt cavaliers d'escorte, sont 

(1) Gilbert Motier de Lafayette, maréchal de France. 

(2) Le Bourgs de Bar, c'est-à-dire le bâtard de Bar, fils de 
Gui de Bar, qui servait avec les Bourguignons à PSiris, 



— 47 — 

envoyés à Blois, Ils rencontrent un parti d'An- 
glais et de Bourguignons. Le Bourg de Bar est 
fait prisonnier. Chabannes et Fontaine parvien- 
nent à s'échapper et continuent leur route. 

Ils ont pour mission d'annoncer au comte de 
Clermont et au Bâtard d'Orléans que le renfort 
annoncé est entré dans Orléans depuis deux jours, 
et de les prévenir qu'un convoi considérable de 
vivres et d'artillerie, parti de Paris avec une 
forte escorte, est attendu au camp anglais de 
Saint-Laurent. 

Sur cet avis, les chefs réunis à Blois tiennent 
conseil ; il est résolu que l'armée du comte de 
Clermont et la garnison d'Orléans, combinant 
leur action, se porteront au devant du convoi; 
que l'armée du comte de Clermont sortira de 
Blois et se dirigera sur Étampes ; qu'une partie 
de la garnison d'Orléans, de son côté, se déta- 
chera et prendra la même direction. Les deux 
troupes devront se réunir à Rouvray-Saint-Denis, 
près Angen'ille. 

L'armée du comte de Clermont s'élevait à 
quatre mille hommes environ, dont quatre cents 
Écossais sous la bannière de John Stuart de 
Darnley. Le reste se composait d'Auvergnats et 

en 1418. (Quicherat, IV, 63.) Après la levée du siège, il resta 
à Orléans, dont il eut la vicomte. (Voir notre Histoire de la 
Communauté des Marchands fréquentant la Loire. Docu- 
ment 570.) 



de Bourbonnais commandés par le seigneur de 
la Tour-d'Auvergne et le vicomte de Thouars (i). 
A rheure convenue, elle se met en marche et 
s'avance au travers de la plaine de Beauce par 
des chemins connus du Bâtard. 

H février. — Sur Tordre transmis de Blois, 
quinze cents combattants sortent d'Orléans par 
la porte Parisis et prennent la route de Toury. 
Le maréchal de Boussac, Verdurzan, Guillaume 
d'Albret, William Stuart, Jamet du Tillay, La 
Hire, les deux Xaintrailles, sont à leur tête. Du 
haut des murs les habitants et ceux de la gar- 
nison qui restent pour la défense de la ville, les 
suivent du regard et les accompagnent de leurs 
vœux. 

12 février. — L'attente et la préoccupation 
sont dans les esprits ; vers le soir chacun se porte 
aux remparts. Les guetteurs sont à leur poste; 
rien n'est signalé. Une vague inquiétude com- 
mence à se répandre : les heures s'écoulent; mi- 
nuit approche, et l'on est sans [nouvelles. Tout 
à coup, des pas de chevaux retentissent, quelques 
cavaliers se présentent aux portes et entrent avec 
précipitation, suivis bientôt d'une troupe en dé- 
sordre : ce sont les Auvergnats du comte de 

(1) Louis d'Amboise, vicomte de Thouars. 



— 49 — 

Glermonl. Le trouble, la confusion sont partout 
et ne font que s'augmenter au fur et à mesure 
qu'arrivent des hommes isolés, des groupes sans 
chef; le comte de €lermont séparé des siens; le 
Bâtard se soutenant à grande peine sur son che- 
val ; le maréchal de Boussac n'ayant plus à qui 
commander; des charriols rapportant les blessés 
et les morts ; enfin, une troupe un peu mieux 
en ordre ralliée par Jamet du Tillay, Poton et 
La Hire, qui rentrent les derniers dans la ville. 
Le désastre avait été complet. Le 12 février 
au matin, le détachement orWanais était arrivé 
le premier sur le plateau de Rouvray-Saint-De- 
nîs, et presque aussitôt on avait vu l'armée du 
comte de Clermont apparaître à l'ouest, et le 
convoi attendu déboucher dans la plaine par la' 
route d'Étampes. Ce convoi, formé d'une longue 
file de charrettes pesamment chargées, était ac- 
compagné de quinze cents hommes environ, Pa- 
risiens pour la plupart, qui suffisaient à peine 
pour le couvrir, tant les voitures étaient nom- 
breuses. Rien ne semblait plus facile que de le 
prendre par le travers et de le couper a^ant que 
l'escorte ait eu le temps de se former en ligne. 
Les Orléanais voulaient se porter en avant; mais 
par déférence on envoya demander l'ordre au 
comte de Clermont, prince du sang royal. Le 
comte de Clermont était fort jeune et n'avait ja- 
mais commandé ; on venait de Farmer chevalier 



— 50 — 

* 

le malin même. Soit malentendu, soit impérilie 
de ceux qui l'entouraient, la réponse fut d'atten- 
dre. Falstoff, qui commandait l'escorle, avaitsaisi 
la situation d'un coup d'œil. En tacticien habile, 
il rassemble les charrettes, fait planter les épieux, 
et en arrière il met sa troupe en bataille. 

Le moment échappait : les Orléanais le com- 
prennent et poussent en avant. A cette vue le 
Bâtard abandonne le comte de Glermont et re- 
joint son monde; les Écossais le suivent, et le 
combat s'engage. 

Il était trop tard. Les Anglais, retranchés der- 
rière leurs charrettes, reçoivent le choc sans 
s'ébranler; ce sont, au contraire, les lignes fran- 
çaises qui se rompentilevant l'obstacle qu'il leur 
faut franchir. Falstoff en profite pour lancer sa 
cavalerie. Si à ce moment on les avait soutenus, 
les Orléanais pouvaient encore se reformer et 
prendre l'avantage ; mais le comte de Glermont 
reste immobile, et la déroule devient complète. 

Les Écossais et une grande partie de ceux 
d'Orléans sont taillés en pièces. John et William 
Stuart, Guillaume d'Albret, Lesgot de Verdurzan, 
Jean de Nailhac, Louis de Rochechouart, Jean 
Ghabol périssent sur le champ de bataille. Le 
Bâtard, blessé au pied dès le commencement de 
l'action, manque de tomber au pouvoir de l'en- 
nemi ; deux archers parviennent à le remettre 
en selle et à le tirer de la mêlée. La Hire peut 



— 51 — 

enfin rallier quelques cavaliers à son guidon. 
Xaintraiiles et Jamet du Tillay lui viennent en 
aide ; tous les trois se placent à Tarrière^arde, 
pendant que les Auvergnats et les débris de 
l'armée reprennent en désordre la route d'Or- 
léans. Encore fut-on heureux que les Anglais du 
siège ne fussent pas sortis de leurs bastilles pour 
fermer la retraite aux fuyards. 

iS et \A février, — On se met en devoir de 
rendre les honneurs funèbres aux morts. Leurs 
restes, rapportés daiis Orléans, sont mis < en sé- 
pulture i> dans l'église de Sainte-Croix. 

La consternation règne dans la ville ^^ . 

Du 15 aw 17 février. — Plus encore que les 
Orléanais, les troupes du comte de Clermont 
sont frappées de stupeur; elles refusent d'atta- 
quer les bastilles anglaises. Plusieurs jours se 
passent dans l'inaction. 

Le fort des Tourelles continue son feu. Un 
boulet tombe sur l'hôtel de la Tête-Noire et ri- 
coche dans la rue des Hôtelleries. Il tue trois 
personnes, dont un marchand nommé Jehan 
Turquoys. 

Cependant Falstoff victorieux avait continué 
sa marche, traînant à sa suite les munitions et 
les vivres qu'il avait amenés de Paris, augmentés 
de ceux que les Français avaient abandonnés 



— 52 ~ 

sur le champ de bataille. Le 17 au matin, il ar- 
rive sous les murs d'Orléans. Vainement les as- 
siégés essaient de lui courir sus ; ils ne peuvent 
le joindre, et le convoi tout entier entre dans le 
camp de Saint-Laurent. Il fallut essuyer les huées 
des Anglais et les lazzis des Parisiens, qui, par 
allusion aux poissons salés dont le convoi se 
composait en grande partie, donnèrent â ajour- 
née du 12 février le nom dérisoire qui lui est 
resté de Journée des Harengs! 

48 février. — Le comte de Clermont, La 
Tour-d'Auvergne, l'archevêque de Reims (4) tX 
deux mille hommes, Auvergnats et Bourbonnais, 
sortent de la ville. Les Orléanais les voient sans 
peine les quitter; c'étaient gens qui les affa- 
maient et ne leur étaient d'aucuns secours. 
Mais avec eux partaient l'évêque d'Orléans, La 
Hire, l'amiral de Culan, qui se rendaient près 
du Roi pour l'informer de la défaite de Rouvray- 
Saint-Denis, et prendre ses ordres. Vainement 
ont-il promis de revenir : leur départ jette la cité 
dans le découragement. 

(1) Regnault de Chartres, archevêque de Reims et cfaanœ- 
lier de France. Son dépait d'Orléans est constaté par le Jour- 
nal du siège, à la date du 18 février, sans qu'on trouve dans 
cette chronique ni dans aucune autre l'indication de son en- 
trée dans la ville. Il était du conseil de Charles VU, et avait 
été probablement envoyé près du Bâtard pour conférer avec 
lui des affaires du Roi et de la Ville. 



— 53 — 

Les Orléanais se croient délaissés. Au moment 
où s'augmentaient les forces des assiégés, ils 
voyaient se diminuer le nombre de leurs défen- 
seurs : le Bâtard, le maréchal de Boussac, Xain- 
trailles et quelques capitaines, gens de cœur, 
leur restaient, il est vrai, mais en trop petit 
nombre pour lutter contre une armée qui se 
ravitaillait par l'Angleterre, Paris, la Normandie 
et la Bourgogne. Depuis longtemps déjà cette 
armée était maîtresse de toutes les places envi- 
ronnantes, et il était facile de prévoir qu'avant 
peu elle envelopperait la ville d'un cercle de 
bastilles qui la réduirait à famine. Deux bastilles 
nouvelles commençaient à s'élever, l'une au Pres- 
soir-Ars, qu'on appelait Rouen ; l'autre à Saint- 
Pouair, qu'on appelait Paris. 

Il y avait lieu de s'inquiéter d'autant plus que 
la garnison était aux gages du Roi j et que trop sou- 
vent la solde se faisait attendre. Charles VII y 
pourvoyait de son mieux ; les registres du « tréso- 
rier de ses guerres » mentionnent les sommes qui 
plusieurs fois, pendant le siège, furent envoyées 
de Bourges aux nombreux capitaines enfermés 
dans la ville. Mais ces envois étaient incertains, 
incomplets, et à chaque instant on était exposé 
à voir partir des hommes d'armes ou de trait 
qu'on ne pouvait payer régulièrement (1). 

(1) Pièces justificatives, XII. 



— Si- 
lo février. — En cette extrémité on se sou- 
vint que le duc de Bourgogne était parent du 
duc d'Orléans. Poton de Xaintrailles (1) et deux 
des Procureurs, Guion du Fossé et Jean de 
Saint-Avy, lui sont envoyés en ambassade. Ils 
avaient pour mission d'exposer la situation de 
leur ville, de prier Philippe-le-Bon de la prendre 
sous sa protection et de la sauvegarder à leur 
duc prisonnier, en obtenant du Régent que le 
siège en fût suspendu jusqu'après « l'éclaircis- 
sement ï des troubles du Royaume. 

Cette résolution avait raffermi les courages; 
chacun se sentait prêt à redoubler d'efforts en 
attendant la réponse du duc de Bourgogne ; peu 
à peu on se remit du trouble où l'on était de- 
puis la fatale journée du 12. Les sorties recom- 
mencent comme aux premiers temps du siège. 

20 février, — Un engagement a lieu entre 
les Anglais portant sept étendards et ceux de la 
ville, qui sont repoussés au premier choc et ra- 
menés sous les murs; mais le feu de la place 
oblige les assiégeants à se retirer dans leurs 
bastilles. 

22 février. — Un héraut envoyé par le comte 
de Suffolk apporte au Bâtard un présent de 

(1) Poton était connu du duc de Bourgogne pour avoir été 
son prisonnier. 



— 55 — 

dattes, de figues et de raisins. Le Bâtard en- 
voie par un autre héraut de la panne noire que 
Suffolk lui avait demandée pour fourrer une 
robe. 

25 février. — Quinze chevaux chargés de 
harengs et de vivres entrent dans Orléans. 

27 février. — Crue de la Loire. L'eau gagne 
les embrasures elles meurtrières des Tourelles. 
Les terrassements établis en avant du fort, sur 
l'île Charleraagne et à Saint-Pryvé, sont sub- 
mergés. Les Orléanais espèrent que la force du 
courant les entraînera ; mais les Anglais font 
telle diligence de jour et de nuit, qu'ils parvien- 
nent à les préserver. 

Le même jour, le tir de la bombarde de la 
croche Ghesneau renverse un pan de mur des 
Tourelles. 

3 mars. — Les Anglais s'étant mis à creuser 
un fossé pour communiquer à couvert du bou- 
levart de la Croix-Boissée aux bastilles de Lon- 
dres, de Rouen et de Paris, les assiégés se 
portent sur les travaux où plusieurs engagements 
ont lieu. Guilhen de la Vernade est blessé; les 
Anglais le font prisonnier. La coulevrine de 
maître Jehan tue cinq personnes, parmi lesquel- 
les lord Grey, capitaine de Janville, neveu de Sa- 



— 56 — 

lisbury. Les Orléanais perdent un des leurs (1) 
et ramènent neuf prisonniers. 

Si la défense d'Orléans était onéreuse aux 
finances de Charles VU, l'entretien de l'armée 
qui assiégeait la place ne l'était pas moins aux 
finances de Henri VL On n'avait pas compté 
sur une résistance aussi longue, sur des tra- 
vaux d'investissement aussi considérables. Des 
renforts d'hommes, des vivres, des muni- 
tions étaient sans cesse réclamés du camp. 
Les ports du nord, la Beauce, Paris, fournis- 
saient les vivres et les munitions, et on prenait 
aux places de la Normandie et de l'Ile-de-France 
leurs garnisons, pour les envoyer au siège. Meu- 
lan, Pontorson, Coutances, y avaient des contin- 
gents. Mais il fallait payer et les troupes qui 
"depuis cinq mois étaient sous Orléans, et ces 
recrues qu'on leur expédiait. La solde s'élevait 
haut : un chevalier banneret recevait par jour 
quatre sols esterllns; un chevalier bachelier, 
deux sols ; un homme d'armes, un sol ; un ar- 
cher, dix deniers. II fallait pourvoir à ces dé- 
penses ; le trésor était épuisé, et le duc de 
Bedford avait été obligé d'avancer une somme 
de quarante mille francs (2) tirée de ses pro- 



(1) Etienne Fauveau. 

(2) Représentant, en valeur intrinsèque, 321,600 fr. d'au- 
jourd'hui. 



— 57 — 
près domaines. Pour Fen rembourser et pour 
satisfaire aux exigences ultérieures du siège, car 
on commençait à comprendre que Fentreprise 
ne serait ni promptement ni facilement conduite 
à fin, le grand conseil de régence voulut se 
créer des ressources. 11 décréta qu'un emprunt 
du quart de leurs gages serait fait, en France 
et en Normandie, aux gens pourvus d'offices. Un 
édit fut rendu au nom de Charles VI, roi de 
France et d'Angleterre, portant que : « en con- 
sidération des grandes et excessives finances que 
nécessitoient la conduite et entretènement » du 
siège mis devant Orléans, siège qui avait déjà 
€ duré longuement et pourroit encore plus du- » 
rer, » toute personne gagée « (prenant de Nous 
gaige, et de quelque estât que ce soit), prêtera 
ses gages d'un quartier d'an, pour être em- 
ployés à la poursuite dudit siège (1). » 

4 mars. — Les Anglais se répandent aux 
alentours de Saint-Ladre et de Saint-Jean-de-la- 
Ruelle. Us enlèvent des charrues et emmènent 
prisonniers plusieurs vignerons et cultivateurs. 

5 mars. — La plombée d'une coulevrine de 
là place tue un seigneur anglais, auquel l'ennemi 
fait de pompeuses obsèques. 

(4) Piècfls justificatives, III, IV, V, VI, Vil, Vm, IX, XI. 



— 58 — 

6 mars. — Vers ce temps il se répand que, 
par la ville de Gien, avait passé, depuis peu , 
certaine jeune fille des marches de Lorraine, se 
rendant à Chinon, en compagnie de deux gen- 
tilshommes, de ses deux frères et de quatre 
serviteurs. Cette jeune fille, qui avait nom Je- 
hanne, annonçait qu'elle venait par mission di- 
vine pour faire lever le siège d'Orléans. Il se 
racontait qu'elle était fille d'un laboureur, et 
que dans le jardin de son père elle avait eu vi- 
sion de l'archange saint Michel. D'autres ajou- 
taient que sainte Catherine et sainte Marguerite 
conversaient avec elle ; que par leurs voix elle 
.avait su la défaite de Rouvray-Saint-Denis et 
l'avait annoncée le jour même au capitaine de 
Vaucouleurs, lequel capitaine, voyant bien alors 
que Dieu l'avait choisie, lui avait donné chevaux 
et escorte pour aller en France. 

Le Bâtard ordonne à Chabannes, Archam- 
baud de Villars et Jamet du Tillay, de se rendre 
à Chinon pour s'informer du « fait de cette 
pucelle » et lui rapporter ce qu'on en doit 



croire ^ 



7 mars. — Les bombardes et les canons 
anglais causent de grands dommages dans la rue 
des Hôtelleries. 

8 Tïiars. — Les assiégés, dans une sortie, 



— 59 — 

font rencontre de six marchands et d'une < da- 
moiselle » qui se rendaient à l'armée anglaise 
avec neuf chevaux chargés de vivres. Ils s'en 
emparent et les amènent dans la ville. 

Dans la soirée, deux cents Anglais de la gar- 
nison de Jargeau et de plusieurs villes de la 
Beauce arrivent au camp de Saint-Laurent et sont 
répartis dans les bastilles. Les Orléanais en au- 
gurent qu'une attaque se prépare. 

9 mars. — Il se découvre que pendant la 
nuit une ouverture a été pratiquée près de la 
porte Parisis dans le mur de l'aumône (1), qui 
était en même temps mur de ville. Le public 
s'en alarme. On suppose qu'il y a trahison et 
que, par cette ouverture, l'ennemi devait s'intro- 
duire. Une rumeur, que rien ne justifie, signale 
les religieux de l'infirmerie de l'Hô tel-Dieu. Le 
supérieur est obligé de s'enfuir, 

iO mars. — Les Anglais, résolus à compléter 
le blocus de la ville, s'emparent de l'église de 
Saint-Loup, l'entourent de fortifications et en 
font une bastille. 

De l'ordre du prévôt d'Orléans, le maître du 
guet se rend à Blois pour demander de la poudre 
et en presser l'envoi. 

(1) Hôtel-Dieu. 



— 60 — 

H mars. — Les troupes anglaises occupées à la 
constructiou de la bastille de Saint-Loup courent 
jusqu'à Saint-Euverte, où elles enlèvent plusieurs 
vignerons pour les employer aux travaux. 

12 mars, — Sortie des assiégés, qui ramè- 
nent quelques prisonniers. 

15 mars. — Le Bâtard de Lange entre dans 
la ville avec six chevaux chargés de poudre qu'il 
amène de Blois. 

Trente Anglais sortent de la bastille de 
Saint- Loup habillés en femmes et arrivent, 
à l'aide de ce déguisement, dans les vignes 
de Saint-Marc, où ils enlèvent neuf ou dix vi- 
gnerons**. 

Les bruits concernant la pucelle venue de 
Lorraine se répandent de plus en plus. Chaque 
jour les arrivants apportent de nouveaux récits. 
Les dires les plus merveilleux circulent sur son 
enfance prédestinée, sur les périls de son voyage, 
la protection des anges et des saints qui la con- 
duisent. Quelques-uns avaient d'abord voulu 
penser que tout cela n'était que dérision ; mais 
c'était le petit nombre, et l'espoir des assiégés 
s'était bien vite porté de ce côté. Confiants <lans 
les droits du Roi et du duc leur seigneur, pé- 
nétrés de la justice de leur cause, les Orléanais 
croyaient volontiers à cette assistance du Ciel, 



et depuis qne la mmeuf en courait, leur énef- 
gîe s'était accrue « de moitié * . w 

16 mars. — Le maréchal de Boussac, obligé 
de se rendre prés du Roi pour régler la succes- 
sion de son beau-frére^ Jean de Nailhac, tué à 
Rouvray-Saint-Denis, quitte la ville. Il était aimé 
des habitants et fort prisé pour les belles actions 
que lui et ses gens n'avaient cessé de faire de^ 
puis le commencement du siège; aussi ne le 
laisse-t-on partir qu'après lui avoir fait pro- 
mettre qu'il reviendra sous peu. 

17 mars, — Mort du prévôt Alain du Bey par 
suite de fatigues prises en pourvoyant à la dé- 
fense et aux besoins de la ville. Il élait prévôt 
depuis l'année 1408, et particulièrement homme 
de bien. Chacun le regrette. Il est remplacé par 
Jehan Le Prestre. 

19 mars. — Archambaud de Villars, Cha- 
bannes e( Jamet du Tillay reviennent de Chinon 
et, en présence du peuple assemblé, rapportent 
qu'en effet était arrivée dans les premiers jours 
de mars une jeune fille du village de Dorïiremy, 
se disant envoyée de Dieu pour lever le siège 
d^Orlèans, délivrer le Duc prisonnier et conduire 
« le Dauphin (1) » à Reims, pour quoi faire elle 

' (1) Charles VII, qui n'était pas encore sacré, et à qai, p4r 

i 



— 62 — 

demandait avec instance qu'on lui donnât équi- 
page et gens de guerre ; qu'eux-mêmes l'avaient 
vue dans la ville de Chinon ; que d'abord les 
seigneurs et les vieux chevaliers n'avaient 
voulu croire qu'une aussi jeune fille, car elle 
n'avait que dix-huit ans, pût entendre quelque 
chose au métier des armes. Le Roi lui-même, 
pendant plusieurs jours, avait refusé de la rece- 
voir; mais enfin, ayant été introduite dans la salle 
où il se trouvait, elle était allée droit à lui et 
l'avait reconnu, bien qu'il se mêlât à dessein 
à ceux de sa cour, et soutint qu'il n'était pas 
le Roi. « En nom Dieu, gentil prince, j^ 
avait-elle dit, « c'est vous et non autre. » Puis 
se jetant à genoux : « Gentil Dauphin, » avait- 
elle ajouté, « pourquoi ne me croyés-vous? Je 
vous dis que Dieu a pitié de vous, de votre 
royaume]et de votre peuple, car saint Louis et saint 
Charlemagne sont à genoux devant lui, faisant 
prière pour vous; et je vous dirai s'il vous plaît 
telle chose, qu'elle vous donnera à connoître 
que me devez croire. » Le Roi l'ayant alors prise 
à part, elle lui avait révélé un secret de lui seul 
connu. Le signe de sa mission avait paru ma- 
nifeste par cette révélation, et le Conseil avait 
décidé qu'on se fierait à elle. Le Roi toutefois 



ce motif, plusieurs ne donnaient pas le titre de Roi, mais celui 
de Daupbdn. 



-63- 

avait jugé expédient qu'elle fût interrogée par 
les clercs et docteurs de sa cour de parlement 
réunie à Poitiers, où il l'avait fait conduire et 
l'avait lui-même accompagnée. 

Les députés ajoutent que pendant ce temps 
on s'occupe de réunir une armée pour être en- 
voyée à Orléans sous les ordres de la Pucelle, 
si les docteurs la reconnaissent fille sage et en- 
voyée de Dieu comme elle le prétend. 

Ils apportent des lettres du Roi accordant au 
Bâtard une somme de deux mille livres tournois 
à prendre sur les greniers à sel du pays du 
Languedoc, c pour l'aider à soutenir les gens 
d'armes et de trait » qui sont avec lui dans la 
ville «. 

Le bruit que bientôt les assiégeants seraient 
secourus avait pénétré parmi les Anglais et ga- 
gné Paris. A celte nouvelle, Bedford sent qu'un 
danger se prépare, et il le juge assez grand pour 
user d'un expédient extrême. Un. ban est pu- 
blié ; tous les vassaux et gens nobles du duché 
de Normandie et t pays de conquête > sont ap- 
pelés à « faire service, » et convoqués à Vernon 
et à Paris, pour de là se rendre « devant Or- 
léans et ailleurs sur la rivière de Loire, y sé- 
journer, demeurer et attendre, » disent les 
lettres royales, « les ennemis que l'on dit venir 
à puissance pour advitailler ladite ville d'Or- 
léans. » Vingt jours de paie leur sont alloués 



_ 64 — 

pour les aider à supporter les charges du 
voyage (1). 

20 mars. — Le feu tles Tourelles est Irès-vif ; 
les murs de la ville sont endommagés. Deux 
pierres de bombarde tuent ou blessent quinze 
personnes, parmi lesquelles un potier d'étain 
appelé Jehan Tonneau. 

21 mars. — Sortie des assiégés. Gens de 
guerre, citoyens et paysans y prennent part et 
se portent contre le boulevart de Londres (route 
du Mans). La garnison se replie sur Saint-Lau- 
rent; ceux du camp de Saint-Laurent sortent 
à leur tour et repoussent les Orléanais jusqu'à 
l'aumône Saint-Pouair. Mais presque aussitôt 
ils reprennent l'avantage et rejettent les Anglais 
dans leurs bastilles. 

22 mars. — Escarmouche entre Saint-Pouair 
et la Croix'Morin. 

23 mars. — Les nobles et vassaux, convoqués 
par le ban du duc de Bedford publié dans les pre- 
miers jours du mois; « font montre » à Paris, 
au nombre de deux ceiits hommes d'armes, et 
les archers « à l'afférent p (quatre par homme 
d'armes). Ils sont dirigés sur l'Orléanais (2). 

(1) Pièces justificatives, IX. 

(2) Pièces justificatives, IX.— Les montres ou revues avaient 



— 65 — 

24 mars (jeudi saint). — Une pierre de bom- 
barde tombe dans la rue de la Charpenterie, où 
elle tue cinq personnes. 

Le bruit court « qu'aucuns avaient formé le 
dessein i de livrer la ville aux Anglais. La po- 
pulation entière se tient sur ses gardes. On fait 
le guet sur les murs. La journée et la nuit s'é- 
coulent sans alerte **. 

25 mars (vendredi saint). — Le prévôt Jean 
Le Prestre fait aux troupes de la garnison une 
grande distribution de blé et de vin. — Pren- 
nent part à cette distribution les compagnies de 
Graville, Madré, Denis de Chailly, Termes, Gui- 
try, Coarraze, Valpergne, Cernay, Xaintraiiles, 
ViUars, les gens d'armes du maréchal de Bous- 
sac et les Écossais. 

Les Procureurs font donner des œufs de 
Pâques aux aides des canonniers ^. 

26 mars (samedi saint) . — Les chefs des deux 
armées conviennent de faire trêve le lendemain 
jour de Pâques. La trêve est maintenue jusqu'au 
jeudi suivant 31 mars. 



pour objet de constater la présence du vassal sous la bannière 
du suzerain, le nombre des combattants qu'il amenait à sa 
suite, et de faire courir leur paie lorsqu'ils étaient gagés. 

4. 



— m — 

1er avril. — Escarmouche près le boulevart 
de Londres. 

2 avril. — Les assiégés se portent de nou- 
veau contre le boulevart de Londres, où ils sont 
accueillis par quatre cents Anglais qui sortent 
du camp de Saint-Laurent, précédés de deux 
étendards ; l'un de ces étendards était mi-partie 
rouge et blanc avec une croix rouge. Les Orléa- 
nais se rompent et sont refoulés jusqu'à Saint- 
Mathurin. Le Bâtard, La Hire, Graville, Poton et 
Jamet du Tillay parviennent à les remettre en 
bataille et les ramènent sur l'ennemi. Pertes de 
part et d'autre causées principalement par le 
canon et les coulevrines. 

3 avril. — Un chaland chargé de neuf ton- 
neaux de vin, d'un porc et de venaison, qui 
descendait à Saint-Loup, est pris par les Or- 
léanais. 

Après les vêpres de ce jour, qui était un di- 
manche, les pages des deux armées se livrent 
escarmouche auprès de Saint-Laurent ; l'avantage 
demeure aux Français, Aymard de Poysieu, 
page dauphinois, leur servait de capitaine. Il 
était fort blond, très-éveillé et de grande har- 
diesse. La Hire lui donne le surnom de Capdorat. 

A avril. — Un parti d'Orléanais qui, dans la 



— 67 — 

nuit, s'était porté sur Meung, rentre au point du 
jour, ramenant à sa suite quarante-trois tètes de 
bétail; le capitaine de Meung s'était défendu et 
avait été tué. 

Nouvelle escarmouche entre les pages des deux 
armées ; les Français ont le dessous et perdent 
leur étendard. 

5 avril. — Un convoi de porcs et de bestiaux 
amenés par des marchands du Berri, traverse 
la Loire en face Saint-Aignan. Les Anglais, dès 
qu'ils l'aperçoivent, sortent à la hâte des Tou- 
relles; mais il est trop tard, et ils perdent leur 
peine. 

Le même jour arrivent par la Beauce des che- 
vaux chargés de vivres ; ceux qui les conduisent 
racontent que trente à quarante Anglais qui ap- 
portaient « grant argent » à l'armée du siège ont 
été détroussés par la garnison de Châteaudun. 

6 avril. — Les douze Procureurs sortent de 
charge. Les habitants assemblés aux halles pro- 
cèdent à l'élection de leurs successeurs. Sont 
élus : 

Charles l'Huilier, Jaquet Compaing, Jehan 
Morchoasne, Jehan Martin, Jehan Boillève, Jehan 
le Camus, Jacques l'Argentier, Guy Boillève, Je- 
han Mahy, Raoullet de Recourt, Pierre Baratin, 
Jehan Hillaire. 



— 68 ^ 

7 avril. — Des vivres, des munitions « et 
autres habillements degi^^rra » eijitrept ^u camp 
de à^aiatrjUurent. 

12 avril. — Dans la nuit, quelques Orléanais 
traversent 1^ Loire et pénètrent jusqu'à l'église 
de Saint-Marceau, où ils surprennent dans leur 
sommeil vingt Anglais qu'ils ramènenl prison- 
niers, après ,avoir cependant perdu deux 4es 
leurs. 

18 a.vril. •— On reçoit du dehors une grosse 
somme d'arge^nt pour sol(;lor ceux 4e la garnison 
qui en avaient c bien meslier. » 

15 avril. — Les Anglais finissent d'élever 
entre Saint-Pouair et Saint-Ladre une nouvelle 
bastille qu'ils appellent Paris. C'était la conti- 
nuation du système de blocus, par lequel ils es- 
péraient affamer les assiégés et empêcher les 
arrivages de vivres qui chaque jour pénétraient 
dans la ville, malgré la surveillance des bastilles 
déjà construites. 

Dès le lendemain un convoi venant de BIoi$ 
par Fleury-aux-Choux passe à peu de distance. 
Us se portent en avant pour l'enlever; mais la 
cloche du beffroi sonne à l'attaque. Quelques 
gens d'armes se jettent de la place sur les champs 
et couvrent le convoi, qui entre sain et sauf. 



— 69 — 

16 avril. — Cinquante hommes d'armes de 
la garnison vont courir devant les Tourelles, et 
s'emparent de quinze Anglais. A la même heure 
un autre parti d'Orléanais surprend et tue trois 
Anglais de la bastille de Saint-Loup qui s'étaient 
avancés jusqu'à l'Orbette, où ils se tenaient en 
observation, 

47 avril. — Poton de Xaintrailles, Guion du 
Fossé et Jean de Saint-Avy, envoyés près du duc 
de Bourgogne, le 19 février précédent, rentrent 
dans la ville et rendent compte de leur ambas- 
sade. 

Ils s'étaient rendus à Tournay, où Philippe-le- 
Bon les avait accueillis avec une grande bien- 
veillance. Après avoir écouté la requête que les 
Orléanais lui faisaient présenter, il avait répondu 
qu'elle lui paraissait juste; qu'il prenait leur 
ville sous sa sauvegarde, et qu'aussitôt qu'il 
aurait terminé certaines affaires qui le retenaient 
en Flandre, il se rendrait à Paris pour en con- 
férer avec ses alliés. Jean de Luxembourg, comte 
de Ligny, qui était, comme le duc de Bourgogne, 
du parti anglais, avait fait semblable réponse. 

Un mois s'était ensuite écoulé, pendant lequel 
les députés Orléanais avaient été retenus et fes- 
toyés à la cour du duc ; puis enfin on était parti 
pour Paris, où PhilippeJe-Bon et Jean de Luxem- 
bourg avaient exposé au duc de Bedford la de-. 



— 70 — 

mande des Orléanais, et « remontrant la justice 
qui était au duc d'Orléans, l'avaient requis et 
prié de faire lever le siège mis devant sa prin- 
cipale ville et cité ; » mais le duc de Bedford et 
le conseil de régence, particulièrement les Pa- 
risiens qui en faisaient partie, avaient repoussé 
cette proposition avec aigreur; Bedford avait 
répondu c qu'il seroit bien marry d'avoir battu 
les buissons[et que d'autres eussent les oisillons. » 
Le duc de Bourgogne était alors revenu près des 
députés, et leur rapportant le mauvais vouloir du 
Conseil, avait dit que, pour lui, il demeurait fi- 
dèle à l'engagement qu'il avait pris envers les 
Orléanais, et que, ne voulant désormais parti- 
ciper à la guerre faite à leur duc, il allait en- 
voyer un trompette pour notifier à ceux de son 
service qui étaient devant la ville d'avoir à quitter 
incontinent le siège. 

Les députés, en effet, ramenaient avec eux le 
trompette du duc de Bourgogne, qui, le jour 
même, accomplit le message dont il était chargé. 

Tout ce que le camp ennemi renferme de 
Bourguignons, de Champenois, de Flamands et 
de Picards, se retire sans plus de délai; d'où 
l'armée assiégeante, affaiblie de quinze cents 
combattants environ, ne se trouve plus en force 
suffisante pour continuer la construction des 
bastilles qui devaient relier la bastille de Saintr 
Pouair (Paris) à la bastille de Saint-Loup ^. 



— 71 — 

Le siège durait depuis six mois. Paris et les 
provinces du Nord ressentaierit un vif dépit de 
cette résistance, qui arrêtait les Anglais à la 
Loire, entretenait la lutte des partis et retardait 
seule rétablissement définitif d'une domination 
que la capitale de la France avait acceptée. Mais 
dans le Midi, dans les provinces qui étaient de- 
meurées^fidèles au Roi, les sympathies éclataient; 
les préoccupations les plus vives, les vœux les 
plus ardents se portaient vers la cité coura- 
geuse dont le sort était devenu celui de la mo- 
narchie elle-même. 

Partout les nouvelles du siège étaient atten- 
dues avec anxiété, reçues avec enthousiasme. 
« On était touché, » a dit l'un des historiens de 
Jeanne d'Arc, « de cette brave résistance des Or- 
léanais, du duc d'Orléans ; aussi il n'était pas 
d*homme qui n'eût chanté dans son enfance les 
complaintes qui couraient alors sur la mort de 
Louis d'Orléans son père. Charles d'Orléans, 
prisonnier, ne pouvait défendre sa ville ; mais 
ses ballades passaient le détroit et priaient pour 

lui. JD 

« Les femmes surtout éprouvaient ces senti- 
ments de pitié. Moins dominées par l'intérêt, 
elles sont plus fidèles au malheur. En général, 
elles ne furent pas assez politiques pour se ré- 
signer au joug étranger; elle restèrent bonnes 
Françaises *\ > 



— 1^ — 

Au loin ou de près, Télan fut le même ; cha- 
cun voulait s'associer aux sacrifices des Orléanais 
et s'efTorçait de leur venir en aide. Les villes du 
voisinage, Gien, Bourges, Blois, Châteaudun, 
Tours, envoyèrent des hommes et des vivres ; 
les villes éloignées, de l'argent et des munitions ; 
Angers, Poitiers, La Rochelle, Albi, Moulins, 
Montpellier, Cleripont firent passer du soufre, 
du salpêtre, de l'acier, des armes **. Depuis le 
commencement d'avril, des convois arrivaient 
chaque chaque jour et pénétraient dans la place 
par les points que les bastilles ne couvraient 
pas. 

Mais un autre secours se préparait. La Pucelle 
avait comparu devant les docteurs de Poitiers, et 
la sagesse non moins que la fermeté de ses ré- 
ponses, les avait frappés d'étonnement. Gomme 
on lui demandait de montrer un signe de sa 
mission. — « En nom Dieu, » avait-elle ré- 
pondu, « je ne suis pas venue à Poitiers pour 
faire signe ; mais conduisez-moi à Orléans, et je 
vous montrerai pourquoi je suis envoyée. » 

Un Dominicain lui ayant objecté qu'elle voulait 
des gens d'armes pour l'accompagner, et que 
cependant si c'était la volonté de Dieu que le 
siège d'Orléans fût levé, il n'était pas besoin de 
gens d'armes pour cela. — « Les gens bataille- 
ront, » avait-elle dit, « et Dieu donnera victoire. » 
Sa sainteté éclatait en tout, dans son air comme 



— 73 — 

dans ses paroles. Les docteurs et les théologiens 
déclarèrent qu'en sa personne il y avait quelque 
chose de divin. Ses actions étaient pleines de 
simplicité, son langage empreint d'une foi qui 
émouvait. Les dames et les demoiselles de la 
ville se pressaient à sa demeure. Elle leur parlait 
c si doucement, > qu'elle les faisait pleurer. A 
celles qui s'étonnaient qu'elle eût quitté les vête- 
ments de son sexe et coupé ses cheveux, elle 
disait que devant servir et s'armer pour le Dau- 
phin, il fallait qu'elle prit un habillement 
guerrier, et que devant être au milieu des hom- 
mes d'armes, il convenait qu'elle fût vêtue 
comme eux. Sous ce costume, sa décence était si 
grande, sa tenue si chaste, qu'à son approche les 
plus impies eux-mêmes n'éprouvaient d'autre 
sentiment que celui du respect. 

Alors elle était revenue à Chinon, où le Roi tenait 
conseil pour la défense d'Orléans. Là se trou- 
vaient l'archevêque de Reims et l'évêque d'Or- 
léans; les capitaines qui avaient quitté la ville 
après la bataille de Rouvray-Saint-Denis : Raoul 
de Gaucourt, Culan, La Hire ; le maréchal de 
Boussac qui les avait rejoints, le duc d'AIençon, 
Gilles de Laval, seigneur de Retz. Il s'agissait de 
ravitailler la place et d'y introduire, avec les 
troupes rassemblées depuis plusieurs semaines, 
un convoi considérable de blé de l'Anjou, de la 
Toufaine et du Berri, qui se formait par les 

5 



— 74 — 

soins de la reine de Sicile. Comme les docteurs 
de Poitiers avaient « conclu > qu'on se pouvait 
fier en la Pucelle, et d'autant plus que certaines 
prédictions retrouvées dans les livres semblaient 
avoir prédit sa venue *^ Charles VII, rassuré, lui 
confère les pouvoirs d'un lieutenant-général et 
lui remet la charge de conduire le convoi dans 
les murs d'Orléans. 

Des armes et des chevaux lui sont donnés. 
Jean d'Âulon, homme sage et de grande pro- 
bité, est placé près d'elle en qualité d'écuyer et 
commis à la garde de sa personne. Louis de 
Contes, dit Imerguet, jeune Orléanais de la suite 
de Gaucourt, est désigné pour lui servir de 
page; les deux gentilshommes qui l'avaient 
amenée de Lorraine (1) et deux hérauts, Am- 
bleville et Guienne, complètent sa maison mi- 
litaire. Elle-même choisit pour chapelain Jean 
Pasquerel, de l'ordre des Augustins. 

Comme on voulait lui remettre une épée, elle 
dit qu'on en trouverait une en l'église de Sainte* 
Catherine de Fierbois, laquelle était marquée 
de cinq croix sur la lame ; et en effet, au lieu 
qu'elle avait désigné, se rencontra une épée 
couverte de rouille, et d'abord rien ne se voyait 
sur la lame, mais à mesure qu'elle fut dérouillée 



(1) Jean de Novelompont, dit de Metz, et Bertrand de Pou- 
lengy, gentilshommes champenois. 






— 75 — 

les croix apparurent. Le Roi lui donna pour cette 
épée un fourreau de velours semé de fleurs de 
lis. 

Ces préparatifs achevés, les capitaines re- 
çoivent ordre de rassembler leur monde et de se 
rendre à Blois, où la Pucelle leur donne rendez- 
vous. Eile-méme, après quelques jours passés 
au château du Couldray, qu'on lui avait assigné 
pour demeure, prend congé de Charles VIL 

En annonçant la mission qu'elle venait accom- 
plir en France, Jeanne avait dit que le duc 
d'Orléans était de sa charge, et qu'au cas où il 
ne reviendrait pas < par-delà de la mer, » elle 
aurait « moult peine à l'aller quérir en Angle- 
gleterre, > et qu'elle avait grande joie de s'em- 
ployer <i au recouvrement de ses places. > Par 
ces paroles, elle s'était faite < très-accointe > du 
duc d'Alençon, gendre du duc d'Orléans (i). Le 
premier avec La Hire, il lui avait fait accueil au 
moment de son arrivée. Jeanne voulut voir 
sa mère et sa femme. En quittant Chinon pour 
se rendre à Tours, elle passa par l'abbaye de 
Saint-Florent-lès-Saumur, où se trouvaient les 



(1) Le duc d'Alençon lui-même avait été fait prisonnier à 
la bataille de Vemeuil (1424) et emmené à Londres, où il avait 
passé trois ans dans la même captivité que son beau-père. — 
Depuis peu de mois seulement il avait obtenu sa liberté, 
moyennant une énorme rançon, et il venait de rentrer en 
France. 



— 76 — 

deux duchesses ; là elle promit à la femme du 
duc, qui s'alarmait pour son époux des chances 
de la guerre, de le lui ramener « sain et sauf**. > 
A Tours, Jeanne revêt son armure, et du 
conseil de ses anges, dont les voix lui avaient or- 
donné de recevoir l'étendard de son Seigneur (1), 
elle fait faire un étendard qui était de soie blanche, 
semé de fleurs de lis, et y fait peindre l'image du 
Sauveur, tenant le monde, assis sur Tarc-en-ciel 
au milieu des nuées,, ayant devant lui deux 
anges, dont l'un présentait une fleur de lis, avec 
les mots iHESVS maria au-dessous des anges. 

Les travaux du siège n'en continuaient pas 
moins. 

Assiégeants et assiégés déployaient une égale 
activité. Dans la viffe de nombreux ouvriers bat- 
taient la poudre ; la forge ne cessait de fonc- 
tionner; les charpentiers étaient occupés sans 
relâche à disposer les arrêts et affûts des canons, 
à réparer les palissades des boule varts ; d'autres 
fabriquaient des flèches d'arbalètes, des pavas (2), 
des fusées, des fers de lances, et aiguisaient des 
traits ou des épieux (3), taillaient des boulets de 

(1) Acciperet veœillum Domini sut, (Déposition de Jean 
Pasquerel au procès de réhabilitation, Quicherat, UI, 103.) 

(^) Boucliers en bois. 

(3) Pour les traits et les épieux, on employait du bois de 
frêne. (Comptes de ville.) 



— 77 — 

pierre, fondaient des boulets de fer et de cuivre, 
et des « plombées > de coulevrines. Les Procu- 
reurs se mullîpliaient, veillaient à tout, aux lo- 
gements et à la solde des gens de guerre ; au 
paiement des barbiers et chirurgiens chargés de 
donner des soins aux blessés ^*; aux vivres et à 
Tentretien des fortifications; à l'achat des mu- 
nitions, du matériel de guerre, et cela sans que 
les autres intérêts fussent négligés. Déjà exis- 
taient chez les Orléanais les habitudes charitables 
qui se sont transmises à leur descendants. Dans 
ces extrémités, les pauvres ne furent pas oubliés : 
malgré tant de charges, le trésorier de la Ville 
trouvait moyen de pourvoir aux besoins des 
nécessiteux. 

On sent que la lutte devient décisive, que le dé- 
noûment approche; leBâtard mande aux capitaines 
des forteresses « d'alentour le pays » de se jeter 
dans Orléans ou d'y envoyer des hommes et des 
naunitions (1) ^. 

48 avril. — A quatre heures du matin, les 
Français attaquent le camp de Saint-Laurent, 
surprennent le guet, s'emparent d'un étendard et 
rentrent avec un butin considérable de vête- 
ments, de tasses d'argent, d'arcs, de flèches et de 
munitions; mais ce n'avait pas été sans combat, 

(1) Pièces justificatives, X. 



— 78 — 

ni surtout sans perte. Jamais, depuis que le siège 
était devant la ville, action plus meurtrière n'avait 
eu lieu. Il y parut au retour par le deuil des 
femmes d'Orléans pleurant leurs frères, leurs 
pères, leurs maris, qu'on rapportait morts ou 
blessés. Les corps demeurés sur le champ de 
bataille sont rendus et inhumés en terre sainte. 

i9 avril. — Madré, et avec lui seize cavaliers, 
vont courir à Fleury-aux-Choux, où ils font six 
Anglais prisonniers. 

• Dansia journée, le camp de Saint-Laurent reçoit 
un renfort de gens d'armes amenant des muni- 
tions. Les Anglais fortifient Saint-Jean-le-Blanc, 
où ils établissent un guet pour garder le passage 
de la Loire. 

20 avril. — Trois chevaux chargés de poudres 
entrent dans la ville. 

Les assiégés s'attendent à une attaque; ils 
veulent la prévenir par une sortie qui est rejetée 
sous les murs. La nuit venue, plusieurs se por- 
tent dans la campagne au-devant des vivres qu'on 
supposait pouvoir venir. 

23 avril. — Sont introduits dans la ville 
quatre chevaux chargés de poudres. 

24 avril. — Le Bourg de Masqueran, gentil- 



- 79 — 

homme gascon, et avec lui quarante combattants, 
se jettent dans la place. 

26 avril. — Alain Giron, chevalier breton, 
accompagné de cent combattants, se présente 
aux portes et entre dans la ville. 

Deux habitants, expédiés à Blois pour s'infor- 
mer du convoi, reviennent et rapportent que la 
Pucelle y est attendue. 

27 avril. — Quelques vivres envoyés des en- 
virons de Biois sont enlevés par les Anglais. 

Soixante gens d'armes venant de Beaune-la- 
Rolande arrivent à Orléans. 

28 avril. — Florent d'IUiers et le frère de La 
Hire amènent quatre cents combattants de la 
garnison de Châteaudun, et deux quintaux et 
demi de poudre. 

Escarmouche très-forte ; les Anglais sont re- 
foulés dans un vallon qui séparait la bastille de 
Paris de la bastille de Rouen (1) ^. 

Le même jour on eut des nouvelles de la 
Pucelle. Depuis le 25 avril elle était à Blois, où 
elle avait trouvé l'archevêque de Reims, le duc 
d'Alençon, l'amiral de Culan, le maréchal de 
Boussac, Gaucourt, La Hire, qui l'y avaient de- 

(1) Rue de la Mare-aoz-Solognots. 



— 80 — 

vancée et s'occupaient d'organiser le convoi de 
vivres ; elle y séjournait en attendant les derniers 
renforts. 

Le château et la ville étaient encombrés de 
charriots, de cavalerie, d'hommes d'armes, de 
peuple, attirés par les choses merveilleuses qu'on 
disait de la Pucelle, ou de gens d'église, de prêtres, 
de moines des abbayes voisines, qui avaient fui 
devant les Anglais ^. Jeanne était entrée aux ac- 
clamations de cette foule. 

Dès son arrivée, elle avait expédié au camp 
sous Orléans un héraut porteur d'une lettre qui 
était conçue en ces termes : Roy (T Angleterre j 
f aides raison au roy du ciel de son sang royal; 
rendes les clefz à la Pucelle de tCfUles les bonnes 
villes que vous avez en forcées; elle est venue de 
par Dieu pour réclamer le sang royal; et à la fin : 
Comte de Suffort, Jeltan^ sire de Thalbot, Tho^ 
mas, sire d'Escalles, lieutenant du duc de Betlie^ 
fort, soy disant régent du royaume de France 
pour le roy d'Angleterre^ faictes responce si vous 
voulez faire paix ou non à la cité d'Orléans; se 
ainsi ne le faictes, de voz dommaiges vous soU" 
viengne. 

Pour la première fois Jeanne se trouvait au 
milieu des gens de guerre qu'elle devait con- 
duire au combat, et déjà ceux-ci subissaient son 
influence ; elle les engageait à ne plus maugréer, 
à renvoyer leurs < fillettes, » à se confesser pour 



— 81 — 

attirer les bénédiclions de Dieu sur Tentreprise 
qu'on allait tenter; ils se montraient dociles et 
lui obéissaient en tout. Sa ferveur pénétrait et 
gagnait la foule ; chaque jour avaient lieu des 
processions, où le peuple et les hommes d'armes, 
se pressant sur ses pas, chantaient les hymnes 
et les cantiques. Elle avait fait bénir son éten- 
dard par l'archevêque de Reims dans l'église 
de Saint-Sauveur, et avait fait faire pour les prê- 
tres qui devaient l'accompagner une bannière 
où le Christ était représenté sur la croix. Cette 
bannière se portait dans les processions '^. 

Les renforts attendus ayant rejoint, le 28 avril, 
peut-être le 27, elle avait quitté Blois. Devant elle 
marchaient son chapelain et ses prêtres, précédés 
de la bannière qu'elle leur avait donnée. A ses 
côtés et à sa suite son écuyer portant son éten- 
dard, ses officiers et ses serviteurs, ses frères, 
les cinq lances de son escorte (1), ses deux hé- 
rauts d'armes, les chevaliers et capitaines, puis 
Fartillerie et les vivres, soixante charriots, 
quatre cents têtes de bétail, et trois mille hom- 
mes environ, écuyers, archers et paysans du 
pays c d'à bas **. > Ce long cortège était sorti par 

(1) Les cinq lances, c'est-à-dire les cinq hommes d'armes 
qui accompagnaient Jeanne, menaient avec eux, suivant 
l'usage, chacun un page, un coutiliier et trois archers, ce qui 
formait une suite de trente cavaliers. (De La Sâussàye, Hist. 
de Blois, 102.) 

5. 



— sa- 
le pont et avait pris son chemin par la rive de 
Sologne. 

Comme le gros des Anglais tenant le siège et 
leurs plus fortes bastilles se trouvaient du côté 
de la Beauce, les capitaines avaient jugé plus 
sage de suivre la rive opposée, et, d'accord avec 
le Bâtard, qui d'Orléans leur en avait transmis 
le conseil, ils avaient traversé la Loire à Blois . 

29 avril. — A l'ouverture des portes, les as- 
siégés apprennent que le convoi en marche de- 
puis deux jours s'est arrêté à peu de distance 
pour passer la nuit ; que, sous quelques heures, 
il arrivera auportduBouschet, situé sur la rive 
gauche de la Loire, en face Saint-Jean-de-Braye, 
aune lieue en amont d'Orléans (1). 

Aussitôt les Procureurs donnent l'ordre de 
remonter jusque-là des bateaux destinés à re- 
cevoir les vivres et l'armée. En même temps un 
détachement de la garnison se dirige sur la 
bastille de Saint-Loup, afin de tenir en échec les 



(1) Pièces justificatives, X. — Une maison de campagne 
conslruite sur le territoire de la commune de Saint-Denis-en- 
Val, près de la levée qui borde un ancien bras de la Loire au- 
jourd'hui ensablé, s'appelle le Bouchet. Il est vraisemblable 
que le port du Bouschet était à peu de distance en amont ; la 
configuration des lieux le fait supposer. Un bac devait y être 
établi pour la communication des habitants de Saint-Denis- 
en-Val (rive gauche) avec ceux de Saint-Jean-de-Braye et de 
Gombleux (rive droite). 



— 83 — 

Anglais qui Toccupent et de les empêcher de 
mettre obstacle au passage des bateaux. 

A peine ces préparatifs sont-ils achevés, que 
du haut des murs et des clochers le convoi est 
signalé, se dirigeant en boa ordre d'Olivet sur 
Saint-Denis, Chacun pensait que les Anglais 
allaient se jeter dans le val, et attaquer les 
arrivants. Bien au contraire, ceux de la bastille de 
Saint-Jean-le-Blanc Tabandonnent et se retirent 
dans la bastijle des Augustins ; ceux des Tou- 
relles restent enfermés. 

Au premier signal de l'approche du convoi, le 
Bâtard, Thibault de Termes (1), Nicolas de Gires- 
mes (2), et plusieurs des Procureurs se rendent 
« au-dessus de Téglise de Saint-Loup, » passent 
la Loire et abordent au port du Bouschet, où, de 
son côté, la Pucelle arrivait avec son monde. 

Comme on l'avait dit, l'armée s'était arrêtée 
la veille, à peu de distance, et la jeune fille, 
qui faisait l'essai de la vie des camps, ayant 
voulu dormir sans quitter ses armes, en avait 
été meurtrie et fatiguée, ce qui ne l'avait pas 
empêchée d'être à cheval dès le jour, et bientôt 
elle s'était trouvée en vue d'Orléans. Jusque-là 
Jeanne avait cru qu'elle marchait directement 

I (1) Thibault d'Armagnac, seigneur de Termes, bailli de 

■ CSiartres. 

(2) Nicolas de Giresmes, de l'ordre de Saint-Jean de Jéru- 
salem, commandeur de la Croix-en-6rie, capitaine d'Ycvre- 
le-Châtel. 



— 84 — 

sur le camp des Anglais. En apprenant qu'ils 
étaient sur la rive opposée, elle s'était cour- 
roucée de ce qu'on l'eût ainsi abusée, et au mo- 
ment où le Bâtard s'approcha pour lui faire la 
révérence, sa colère était au plus fort. 

< Est-ce vous, T> dit-elle, € qui êtes le Bâtard 
d'Orléans? > 

€ Je le suis, » répond le prince, € et je me 
réjouis de votre arrivée. — Est-ce vous, > re- 
prend Jeanne, « qui avez donné le conseil que 
je vinsse ici par ce côté du fleuve, au lieu d'aller 
directement où sont Talbot et les Anglois ? — 
Moi et d'autres plus sages avons donné ce conseil, 
croyant faire mieux et agir plus sûrement. — 
En nom Dieu, le conseil de Dieu Notre-Seigneur 
est plus sage que le vôtre. Vous avez cru me 
tromper, et vous-même vous êtes trompé, car je 
vous amène le meilleur secours qui soit venu 
jamais à aucune ville : c'est le secours du roi 
du ciel, non pas qu'il vienne par amour de moi, 
mais de par Dieu lui-même qui, à la requête de 
saint Louis et de saint Charlemagne, a pris pitié 
de la cité d'Orléans, et ne veut pas que les en- 
nemis aient en même temps la personne du 
duc et sa ville", i 

On n'est pas long-temps à comprendre que la 
Pucelle a raison, et que les capitaines ont com- 
mis une grande faute. En effet, les bateaux 
n'arrivaient pas ; la Loire ne se remonte qu'à 



— 85 — 

la voile, et le vent était contraire, si bien que 
les charrettes, les bestiaux, les conducteurs 
composant le convoi se trouvaient acculés à la 
rivière, sans moyen de la traverser, et exposés 
aux sorties que les Anglais pouvaient faire de 
leurs bastilles. L'inquiétude commence à s'em- 
parer des esprits; mais Jeanne rassure et annonce 
que le vent va changer, ce qui arrive inconti- 
nent, A peine avait-elle cessé de parler, qu'au 
loin on aperçoit les longues voiles des bateaux 
se déployer et s'avancer à la file, sous le feu 
de la bastille de Saint-Loup, qui tirait sans les 
atteindre. C'est le seul effort des Anglais ; ils 
restent immobiles et n'osent se porter contre la 
Pucelle et ses gens. La nouvelle de l'arrivée de 
Jeanne les avait frappés d'inertie ; ils affichaient 
un apparent dédain ; à sa lettre envoyée de Blois, 
ils n'avaient fait autre réponse que se moquer, 
et tenir des propros grossiers ; mais au fond ils 
se sentaient' menacés et saisis d'une secrète in- 
quiétude; involontairement ils se rappelaient, 
eux aussi, une prophétie annonçant € qu'une 
vierge monteroit sur le dos de leurs archers ^. i 
Cependant les bateaux étaient arrivés, mais en 
trop petit nombre ; le convoi se trouva plus con- 
sidérable qu'on ne l'avait supposé, et lorsque 
les vivres et le bétail eurent été embarqués, la 
place manqua pour le reste et pour l'armée. 
Alors on agita la question de la renvoyer passer 



— 86 ~ 

â Blois, où était le pont le plus rapproché dont les 
Français fussent maîtres (1) ; mais la Pucelle ne 
voulait se séparer de ses gens, qu'elle disait bien 
confessés, pénitents et de bonne volonté; elle par- 
lait de retourner avec eux. Le Bâtard et les Pro- 
cureurs la supplient de n'en rien faire ; ils n'ose- 
raient rentrer dans la ville sans l'v amener, tant 
son arrivée est impatiemment attendue. Les capi- 
taines, à leur tour, font promesse et prennent 
engagement de revenir la joindre dès qu'ils au- 
ront passé la Loire à Blois. Sur cette promesse, 
Jeanne se rend, et, gardant de sa troupe deux 
cents hommes seulement, entre dans un bateau, 
son étendard à la main. 

Pendant qu'elle s'éloigne, l'amiral de Culan, 
Loré, Retz, demeurés sur la rive, remettent l'ar- 
mée en marche et reprennent la route de Blois, 
précédés, comme le malin à leur arrivée, des prê- 
tres portant la bannière donnée par la Pucelle. 

Jeanne et sa suite traversent le fleuve. Non 
loin de là se trouvait un manoir appelé Reuilly, en 
la paroisse de Chécy, qui appartenait à un bour- 
geois d'Orléans (2). Jeanne y prend gîte jusqu'à 



(!) Le pont de Baugenci, plus voisin, était au pouvoir des 
Anglais. 

(2) Gui de Gailly. Cette maison a aujourd'hui pour pro- 
priétaire M. Boucher de Molandon, descendant de Jacques 
Boucher, trésorier du duc d'Orléans, chez lequel la Pucelle 
logea pendant ses séjours à Orléans. 



— 87 — 

la chute du jour, ne voulant entrer à Orléans 
que de nuit, pour éviter la trop grande affluence 
du peuple. 

Ceux de la garnison qui, pendant ce temps-là, 
étaient à escarmoucher devant Saint-Loup, 
pressent les Anglais de si près, qu'ils leur en- 
lèvent un étendard. A la faveur de cette diver- 
sion, les chalands envoyés d'Orléans, après avoir 
pris au Bouschetle bétail, une partie des muni- 
tions et les blés que l'armée avait apportés le 
matin, descendent la Loire. Malgré le feu très-vif 
des Tourelles, ils abordent à la grève de Saint-Ai- 
gnan, où ils sont déchargés, et le blé transporté 
dans des greniers que les Procureurs avaient 
fait disposer (1). 

La nuit venant, Jeanne quitte le manoir de 
Pieuilly et s'achemine à Orléans. Toute la jour- 
née la foule avait encombré les abords de la 
porte de Bourgogne. La ville entière était là. 
€ Gens de guerre, bourgeois et bourgeoises » 
portant des torches, l'attendaient, échelonnés sur 
la route. Enfin elle apparaît, montée sur un cheval 
blanc, armée de toutes pièces, la figure douce et 
souriante ; devant elle, Jean d'Aulon, son écuyer, 
portant son étendard, et son page Imerguet; à 



(1) Ces greniers appartenaient à deux bourgeois d*Orléans, 
Boillève et Gilet Guéret, qui les avaient loués aux Procureurs. 
(Mss. de Tabbé Dubois.) 



— 88 — 

sa gauche, le Bâtard d'Orléans ; derrière elle ses 
frères, les sires de Novelompont et de Poulengy, 
qui l'ont accompagnée depuis Vaucouleurs, le^ 
maréchal de Boussac, Raoul de Gaucourt, La 
Hire, nombre d'écuyers, de capitaines, les Pro- 
cureurs, et ceux de la ville qui lui étaient allés 
au-devant. 

Elle avance lentement, se frayant passage avec 
peine au milieu d'une population que sa pré- 
sence enivre. € Ils la regardoient moult affec- 
tueusement, tant hommes, femmes que petits 
enfans, et y avoit moult merveilleuse presse à 
toucher à elle ou au cheval sur quoy elle étoit. > 
Plusieurs croyaient voir un ange. 

L'un de ceux qui portaient des torches s'ap- 
proche tellement, que le feu prend au pennon 
de l'étendard, ce que voyant, Jeanne pique son 
cheval et le € tourne i jusqu'à l'étendard dont 
elle éteint le feu « si gentement que si elle eût 
longuement suivi la guerre, » ce qu'admiraient 
fort les gens d'armes et bourgeois, € lesquels 
l'accompagnèrent au long de leur ville et cité» 
faisant moult grande chère, et par très-grand 
honneur la conduisirent à la grande église de 
Sainte-Croix, » où elle voulut se rendre tout 
d'abord, et à la € porte Renard, en l'hôtel de 
Jacques Boucher, trésorier du duc d'Orléans, 
où était préparé son logis. i> 

Là seulement le Bâtard, le gouverneur de la 



— 89 — 

ville, les Procureurs et la foule prennent congé 
d'elle. Chacun regagne sa demeure rempli d'é- 
motion et d'espoir. La confiance est dans les 
cœurs. Il n'était personne qui déjà ne se sentit 
c reconforté et comme désassiégé > par la seule 
vue de c cette simple pucelle. i 

En entrant dans la maison de Jacques Bou- 
cher, Jeanne s'était désarmée. Un souper « bien 
et trés-honorablement appareillé i> l'attendait. 
Elle prit dans une tasse d'argent un peu de vin 
mêlé d'eau, y trempa quelques tranches de 
pain, puis se retira dans la chambre qui lui 
était destinée, ayant avec elle la femme et la 
fille de son hôte. Celle-ci partagea son lit ^. 

30 avril (samedi). — A son lever la Pucelle 
va trouver le Bâlard. Elle voulait que ce jour 
même on donnât l'assaut aux baslilles anglaises. 
Le BAiard lui représente que le Conseil croit 
prudent de suspendre toute attaque jusqu'à Tar- 
rivée de l'armée et du reste des munitions qui 
étaient retournés à Blois, que dans la nuit le 
maréchal de Boussac était parti pour les re- 
joindre et les ramener. Jeanne se résigne, mais 
laisse voir son mécontentement. 

Elle se rend sur le pont, et du boulevart de la 
Belle-Croix interpelle les Anglais qui se tenaient 
derrière le boulevart opposé, leur disant qu'ils 
aient à se rendre au nom de Dieu. Glasdale et 



— so- 
le bâtard de Granville lui adressent des injures 
et lui demandent en raillant comment elle peut 
trouver bon qu'ils se rendent à une femme. 

La Hire n'est pas de Tavis de ceux qui vou- 
laient retarder l'assaut ; sa fougue l'emporte : 
avec Florent d'IHiers, quelques chevaliers et 
quelques bourgeois de la milice, il se jette en 
dehors de la porte Bannier, culbute un premier 
poste d'Anglais, et arrive sous la bastille de Saint- 
Pouair (Paris), qu'il est au moment d'enlever. 
Déjà on crie dans la ville d'apporter paille et 
fagots pour mettre le feu aux palissades ; mais 
il y a du retard, les Anglais des autres bastilles 
ont le temps d'arriver, eux et leurs canons. Les 
Français se voient obligés de rentrer dans les 
murs. 

La Pucelle, ignorant qu'on se battait, était de- 
meurée dans son logis. 

Dans la soirée du même jour, elle envoie au 
camp de Saint- Laurent ses deux hérauts, Guienne 
et Ambleville, porteurs d'une nouvelle lettre; 
elle demandait réponse à celle qu'elle avait en- 
voyée de Blois, et sommait de nouveau les gé- 
néraux anglais d'avoir à se retirer du siège. Am- 
bleville revient seul, et rapporte que les Anglais 
ont retenu son compagnon pour le brûler vif. 
— C'était la réponse de Talbot. — La Pucelle 
et le Bâtard renvoient Ambleville. Le Bâtard 
menaçait de brûler, lui aussi, les Anglais pri- 



— 91 — 

sonniers dans Orléans. La Pucelle s'était con- 
tentée de dire à Ambleville qu'il eût à retourner 
hardimeni, que non seulement il ne lui serait 
fait aucun mal, mais qu'il ramènerait Guienne 
sain et sauf. Ce qui se fit ainsi. 

Le trésorier du duc d'Orléans offre à la Pu- 
celle, au nom du duc son maître, une robe et 
une huque (1). La robe était de c fine brucelle 
vermeille » (drap de Bruxelles cramoisi), la 
liuque de vert perdu, les garnitures de satin 
blanc et de sandal (étoffe teinte avec du bois de 
sandal) (2). La Ville, de son côté, lui fait plu- 
sieurs présents, parmi lesquels une demi-aune 
de deux « vers » pour faire les € orties > de 
ses robes. 

Les orties étaient la devise du duc d'Orléans, 
le cramoisi et le vert ses couleurs; les vête- 
ments offerts à la Pucelle étaient donc à la livrée 

(1) Robe, sorte de vêtement à rusage des hommes. — 
lîuque, blouse ou cotte courte qui se portait soit par dessous 
la robe^ soit par dessus Tarmure. (Quicherat, V, 112.) 

(2) Ces étoffes avaient été vendues par Jehan Luillier, mar- 
chand, savoir : 

Deux aunes de brucelle, au prix de quatre 

écus d'or Taune 8 écus d'or. 

Pour la doublure ^ 2 — 

Une aune de vert perdu 2 — 

Les vêtements avaient été taillés et les me- 
nues fournitures faites par Jehan Bourgeois, 
taillendier (tailleur), le tout prix d'un écu d'or. 1 — 

Dépense totale 13 écus d'or. 



du Prince, livrée que portaient non seulement 
les officiers du Duché, mais les milices de la 
Ville et les troupes à son service. Les huques 
des archers de la Ville étaient brodées d'orties, et 
la couleur verte se conserva dans le drapeau de 
ses arquebusiers jusqu'à la dissolution de cette 
compagnie, qui n'eut lieu qu'au milieu du 
XVII1« siècle (4). 

• 

i^^'maù — Depuis deux jours qu'elle était 
dans la ville, l'enthousiasme inspiré par la Pucelle 
n'avait fait que s'accroitre. Il n'était bruit que de 
sa modestie, de la simplicité de ses paroles, de 
son édifiante piété ; elle parlait peu, et aux nom- 
breuses questions que les Orléanais lui avaient 
faites sur sa mission, elle n'avait guère fait que 
cette réponse : « Messire m'a envoyée pourdé- 



(t) La livrée des ducs d'Orléans de la maison de Valois était 
à six couleurs ; mais de ces six couleurs le cramoisi et le vert 
étaient les principales. — Le vert, déjà adopté du temps de 
Louis le»", était à la fois la couleur de sa devise (Portie) et celle 
du manteau des chevaliers de son ordre du Porc-Épic II y 
avait le vert gai, le vert brun et le vert perdu (tirant sur le 
noir). Le vert de cette dernière nuance était particulièrement 
adopté dans les occasions tristes. En avril 1429, le duc d'Or- 
léans était prisonnier, la ville était assiégée, circonstances 
qui expliquent le choix du vert perdu pour la huque offerte à 
la Pucelle. — Voir Archives Joursanvault, n^s (503, 607, G19, 
645, 772; Quicherat, t. V, p. 106 et 259; Dambrevïlle, His- 
toire des ordres de chevalerie, p. 167, et le compte de com- 
mune de l'année 1618, aux archives de la ville d'Orléans. 



— 93 — 

livrer votre ville. > Chaque matin elle, avait en- 
tendu la messe et reçu la communion. On avait 
remarqué qu'au moment de l'élévation elle versait 
d'abondantes larmes. Â chacun elle donnait des 
paroles encourageantes, des avis pleins de sa- 
gesse ; sa conversation était toute de charme et 
de consolation. Les hommes d'armes se sentaient 
dominés; les plus indisciplinés, le bouillant La 
Hire lui-même, acceptaient ses douces remon- 
trances et se laissaient ramener par elle à leurs 
devoirs religieux. 

La demeure de Jacques Boucher ne désem- 
plissait. Mais elle aimait à être seule, et le 
plus qu'elle le pouvait elle se tenait à l'écart. 
La foule qui, pour la voir, ne quittait la rue, 
devint si nombreuse (c'était jour de dimanche), 
que € l'huis en rompait presque. > Alors elle 
consentit à sortir accompagnée de plusieurs 
chevaliers et écuyers, et chevaucha par la ville, 
c où avait tant grant gent, » que diflicilement 
elle pouvait passer, et chacun admirait de rechef 
sa bonne grâce à cheval et son gentil main- 
tien. 

Ce même jour encore, elle se rendit sur le 
pont et interpella les Anglais d'avoir à se rendre, 
lesquels lui adressèrent, comme la première fois, 
des injures et des paroles grossières pour toute 
réponse. 

L'armée qui du port du Bouschet était retour- 



— Ô4 - 

née à Blois par la Sologne, devait sans donte 
apporter de l'argent dont on manquait. Il n'en 
fallait pas moins payer et entretenir, jusqu'à 
ce qu'elle revînt, les gens de guerre et les ca- 
pitaines composant la garnison. L'embarras était 
grand. Les Procureurs y pourvoient en remet- 
tant au Bâtard une somme de six cents livres 
tournois, qui lui est comptée par le receveur des 
deniers de la Ville. 

Le Bâtard en donne une quittance qui a été 
conservée (1); il y est dit : que la somme four- 
nie par les Procureurs est destinée à l'entretien 
des gens de guerre, € jusqu'à ce que l'armée 
qui est retournée à Blois soit revenue pour lever 
le siège. » 

Pour lever le siège ! Le Bâtard, ou plutôt le 
clerc rédacteur, son secrétaire, en parle comme 
de chose sûre et prochaine, sur laquelle on 
compte, dont on pourrait presque fixer le jour 
et l'heure. — Par où l'on voit quel esprit ré- 
gnait dans Orléans, de quelle confiance les ha- 
bitants étaient remplis. Confiance inspirée 
par la présence de la Pucelle. Les courages en 
étaient doublés. Jeanne annonçait qu'elle était 
là pour lever le siège, et personne n'en doutait. 
Cette c pucelle, message de Dieu, avoit commu- 
niqué son ardeur et sa foi dans sa mission : on 

(1) Pièces justificatives, X. 



— 95 — 

la tenoit pour envoyée du Ciel, accompagnée des 
anges, > et ses paroles étaient crues comme 
prophéties. 

Cependant on avait une vague inquiétude du 
sort de l'armée et du convoi qui étaient re- 
tournés à Blois pour y passer la Loire ; on se 
demandait si les chefs tiendraient la promesse 
qu'ils avaient faite de revenir par la Beauce ; on 
craignait tout au moins des retards pendant 
lesquels il serait difficile de maintenir la gar- 
nison d'Orléans. Après une conférence à la- 
quelle Jeanne prend part, il est décidé que le 
Bâtard se rendra immédiatement à Blois, pour 
bâter le départ et la marche des troupes, en 
prendre le commandement, et les ramener en 
sûreté dans Orléans. 

Jeanne se dirige avec La Hire vers le camp de 
Saint-Laurent ; de là elle couvre et protège la 
sortie du Bâtard. 

Cinqtiante combattants à pied, <r habillez de 
guisarmes, venus du pays de Gâlinois où ils 
avoient tenu garnison, > entrent dans la ville 
parla porte de Bourgogne 



40 



2 mai (lundi). — Jeanne sort de la ville à 
cheval, et va sur les champs inspecter les bas- 
tilles anglaises ; le peuple court à sa suite et 
l'accompagne. Les Anglais ne bougent. Il sem- 
ble qu'ils sont saisis de torpeur et de crainte. 



— 96 — 

Tandis qu'au commencement du siège deux ou 
trois cents d'entre eux sufûsaient pour tenir 
en échec mille combattants de FarméQ. royale, 
aujourd'hui quatre ou cinq cents Français peu- 
vent lutter contre toute leur c puissance. > 
A son retour, la Pucelle se rend à l'église de 
Sainte-Croix, pour y entendre les vêpres. Elle y 
rencontre un docteur nommé Jehan Mascon, 
très-sage homme, lequel lui dit : c Ma fille, ils 
sont forts et bien fortifiés, et sera une grande 
chose de les mettre hors. » Jeanne répond 
c qu'il n'est rien d'impossible à la puissance 
de Dieu **. » 

3 mai (mardi) y jour de l'Invention de la Croix, 
fête de la cathédrale d'Orléans. — Procession à 
laquelle on porte la relique de la vraie croix, 
Jeanne y assiste avec les Procureurs. 

Le même jour entrent dans la ville des troupes 
envoyées de Gien, de Montargis, de Château- 
renard, et d'autres places du Gâtinais. 

Le soir on a des nouvelles du Bâtard. Les 
pressentiments des Orléanais n'étaient que trop 
fondés. L'armée avait retrouvé à Blois le chan- 
celier de France, qui était d'avis, et d'autres avec 
lui, qu'au lieu de tenter une nouvelle aventure 
et de retourner à Orléans, elle se rompît, et que 
chacun regagnât sa garnison. Mais cette opinion 
n'avait pas prévalu. Le Bâtard avait pris le 



— 97 — 

commandement des troupes et du convoi. Les 
nouvelles disent qu'il est en marche et arrivera 
le lendemain. 

4 mai {mercredi). — Jeanne, en compagnie 
de La Hire, de Florent d'IUiers, d'Archambaud 
de Villars, d'Alain Giron, de Jamet du Tillay, et 
d'autres écuyers et gens de guerre, en tout 
cinq cents combattants, se porte au devant du 
Bâtard. 

Les deux troupes ne tardent pas à se ren- 
contrer. Le maréchal de Boussac, Gilles de 
Retz (1), le baron de Coulonces (2), les prêtres 
de Jeanne et son aumônier, tous ceux qui, le 
29 avril, l'avaient accompagnée jusqu'au port du 
Bouschet, revenaient avec le Bâtard, amenant à 
leur suite le reste des secours, des habillements 
de guerre et des munitions qu'envoyaient les ha- 
bitants de Bourges, de Blois, de Tours et d'An- 
gers. Avec ces munitions se trouvaient quatorze 
milliers de traits, achetés par le Bâtard pour le 
compte de la Ville. 

On craignait une sortie des bastilles anglaises 
entre lesquelles on avait à passer. Mais l'ennemi 
ne se montre. Le convoi et l'armée s'avancent 
sans obstacle ; à leur tête marchent les prêtres, 

(1) Gilles de Retz, seigneur de Laval. 

<2) Jean de la Haye, baron de Coulonces, capitaine normand. 

6 



— 98 — 

précédés de Nicolas Pasquerel portant la ban- 
nière que Jeanne leur a donnée. En arrivant 
sous les murs, ils entonnent les hymnes de la 
Vierge, et tous ensemble, prêtres et soldats, en- 
trent bientôt par la porte Renart, à la vue des 
Anglais qui ne s'y opposent. 

On annonce aux nouveaux venus que le jour 
même, après qu'ils se seront reposés, ils seront 
conduits à l'assaut de la bastille de Saint-Loup; 
que pendant ce temps le gros de la garnison 
demeurera dans la ville, pour arrêter les An- 
glais des autres bastilles, et les attaquer par le 
flanc, s'ils essaient de se porter au secours de 
ceux de Saint-Loup. En attendant l'heure du 
départ, Jeanne s'était retirée en son logis ; elle 
achevait de dîner avec ses hôtes et Jean d'AuIon, 
son écuyer, lorsque survient le Bâtard annon- 
çant avoir reçu nouvelle que Falstoff arrivait de 
Paris, à la tête d'une armée de ravitaillement, 
et déjà se trouvait à la hauteur de Janville. 
c Bastart, Bastart, 2» lui dit Jeanne, € en nom 
Dieu, je te commande que tantôt que tu sauras 
la venue de Falstofl*, tu me le fasses savoir. > 
Ce que le Bâtard promit. 

Jeanne s'était alors jetée sur un lit pour pren- 
dre quelque repos ; bientôt elle s'éveille en sur- 
saut, et appelant à elle, s'écrie : c En nom Dieu I 
où sont ceux qui me doivent armer ? » Puis s'a- 
dressant à un page : c Sanglant garçon, vous 



— 99 — 

ne me disiez pas que le sang de France feust 
répandu ! » En toute hâte elle revêt son ar- 
mure avec l'aide de la femme et de la fille de 
Jacques Boucher, son hôte, descend dans la cour, 
saute sur un cheval, saisit son étendard qu'on 
lui passe par une fenêtre, et se lance à bride 
abattue vers la porte de Bourgogne, courant à 
telle vitesse qu'on voyait le feu jaillir du pavé. 
Ses officiers et ses serviteurs se précipitent à sa 
suite, et ne Taltcignent qu'en dehors de la ville, 
ou elle s'était arrêtée devant un blessé qu'on 
rapportait, demandant si c'était un Français; et 
comme on lui répondait : oui : « Je n'ai jamais 
vu, > dit-elle, « sang de françois sans que les 
cheveux ne me soient levés en sur. > 

Ce n'était pas avec Falstoff qu'on était aux 
prises ; le bruit de son arrivée n'était qu'une 
fausse nouvelle. Ce blessé venait de la bastille 
de Saint-Loup, où, depuis une heure, le combat 
était engagé. Les Bretons et les Manceaux de 
Retz, auxquels on avait promis l'assaut pour 
Taprès-midi, étaient partis sans attendre l'ordre, 
et tandis que tout était tumulte à la porte de 
Bourgogne, par laquelle ils avaient pris leur 
chemin, le silence le plus complet régnait dans 
le quartier opposé où logeait la Pucelle, si bien 
que l'action se serait terminée sans elle, si pen- 
dant son sommeil les voix de ses saintes ne l'a- 
vaient avertie. 



— 400 — 

Elle arrivait à propos : les Français avaient 
attaqué sans être suffisamment soutenus, et ils 
commençaient à plier ; la Pucelle les ramène. 
Le Bâtard, qui n'avait pas été averti davantage, 
arrive à son tour, rallie l'étendard de Jeanne 
flottant dans la mêlée, et l'attaque recommence. 

Cependant Talbot était sorti du camp de 
Saint-Laurent, et après avoir ramassé sur sa 
route les garnisons des autres bastilles, il ar- 
rivait en toute hâte; les guetteurs de la ville 
l'aperçoivent et sonnent à l'alarme. Boussac, qui 
se tenait prêt, débouche par la porte Parisis et 
vient se mettre en bataille à la hauteur de 
Fleury. Talbot avance et se prépare à forcer le 
passage. Le combat allait s'engager, lorsqu'une 
épaisse fumée, s' élevant dans la direction de la 
bastille de Saint-Loup, apprend au général an- 
glais que les Français s'en sont rendus maîtres. 

Retz, La Hire, entraînés par le Bâtard et la 
Pucelle, avaient emporté le boulevart, pénétré 
dans la place et mis le feu partout. La garnison 
entière s'était alors retirée dans l'église avec son 
commandant, Thomas Guerrard (1). La dé- 
fense devient désespérée ; il fallut trois heures 
pour s'emparer du clocher. Les Français, exas- 
pérés de cette longue résistance, voulaient tuer 
tous ceux qui s'y trouvaient renfermés. Ici, 



(1) Thomas Guerrard, bailli de Montereau. 



— 401 — 

Jeanne les arrête, et prend les prisonniers sous 
sa protection. Cent vingt Anglais étaient restés 
sur le champ de bataille; quarante prisonniers 
sont amenés dans la ville, et avec eux un butin 
considérable. Lorsqu'à son tour la Pucelle revint, 
ce furent dans toutes les églises des hymnes, 
des actions de grâces et des sonneries de cloches 
que les Anglais entendirent de leur camp. 

Talbot venait d'y rentrer, la tristesse et la co- 
lère dans le cœur. La bastille de Saint-Loup 
avait été par ses soins munie d'ouvrages redou- 
tables, garnie abondamment de vivres et de 
munitions; c'était de ce côté de la Loire sa po- 
sition la plus forte, son point d'appui pour l'in- 
vestissement de la place. A cet investissement il 
ne fallait plus songer : huit mois d'efforts étaient 
perdus ; d'où les Anglais € furent fort abaissés 
de courage. » 

Le soir même, les Procureurs envoient des 
maçons à Saint-Loup pour abattre les fortifica- 
tions **. 

5 mai (jeudi) j fêle de l'Ascension. — A cause 
de la solennité il y eut repos ; ce jour, < homme 
ne fit guerre. :» Jeanne avait déclaré à son cha- 
pelain qu'elle ne revêtirait pas son armure; mais 
si on ne se battit, on délibéra. 

Dans l'hôtel de Jacques Boucher se tient un 
conseil auquel assistent les principaux capitaines : 

6. 



— 102 — 

le Bâtard, le maréchal de Boussac, Retz, Gra- 
ville, Coulonces, Archarabaud de Villars, Xain- 
trailles, Gaucourt, LaHire, Coarraze, Denis de 
Chailly, Ambroise deLoré, Hugde Kennedy, Thi- 
baud de Termes et le chancelier Guillaume Gou- 
sinot. Il est arrêté que, malgré la puissance des 
ouvrages dont les Aîiglais ont entouré les bas- 
tilles du bout du pont, on les attaquera sans 
différer "davantage. Pour le succès de Fenlre- 
prise, il importait d'affaiblir, si l'on pouvait, la 
garnison des Augustins et des Tourelles, ou tout 
au moins d'empêcher qu'elle ne fût secourue 
par le camp de Saint-Laurent. Voici le plan 
qu'on imagina : 

Une démonstration serait faite contre Saint- 
Laurent ; la milice et la grande masse des 
troupes y seraient employées. On approcherait 
des manteaux, des fagots, des échelles, de ma- 
nière à faire croire à une attaque générale du 
camp, mais ce ne serait qu'une fausse attaque 
pour attirer ceux des Tourelles ; et aussitôt qu'ils 
auraient traversé la Loire, les gens d'armes et 
chevaliers demeurés dans la ville traverseraient 
eux-mêmes le fleuve par l'Ile de Saint-Jean-le- 
Blanc, se porteraient impétueusement sur la bas- 
tille des Augustins, et, en cas de réussite, sur 
les Tourelles elles-mêmes. 

Jeanne n'assistait pas au conseil; elle se tenait 
dans une autre chambre de l'hôtel, près de la 



— 103 — 

femme de Jacques Boucher. Les capitaines étaient 
bien obligés de lui obéir :1e Roi l'avait ordonné, 
et Tenthousiasme populaire les y forçait. Néan- 
moins, tout respectueux qu'ils fussent envers sa 
personne, et pénétrés delà divinité de sa mission, 
leur orgueil d'hommes de guerre faisait résis- 
tance. Us voulaient bien se battre à côté d'elle, 
et se servir devant l'ennemi de l'entraînement 
miraculeux de son courage ; mais il leur coûtait 
de reconnaître à cette fille des champs une sa- 
gesse plus grande que la leur; de lui soumettre 
leur vieille expérience, et de l'initier à des pro- 
jets que son impatience et son indiscrétion 
pouvaient compromettre. 

Jeanne, qui prenait conseil d'ailleurs, tenait en 
effet peu de compte des précautions de leur 
humaine prudence, et ne s'arrêtait à rien autre 
que ce que lui ordonnaient ses révélations in- 
times. Aussi avaient-ils délibéré sans elle, et 
alors seulement que leur plan fut arrêté, ils 
jugèrent bon de l'appeler, et de lui en communi- 
quer la première partie, ce qui était relatif à 
l'attaque du camp de Saint-Laurent, lui laissant 
ignorer la seconde, celle dont le secret importait, 
à savoir que cette attaque de Saint-Laurent ne 
serait qu'une fausse attaque, et aurait pour 
unique objet de couvrir l'assaut des Tourelles, 
qui serait l'action principale. 

Ambroise de Loré la vient chercher et l'a- 



— 104 — 

mène au conseil, où le chancelier lui soumet ce 
dont on était convenu ; mais au premier mot 
elle les avait devinés. — « Vous me dites, s'écrie- 
t-elle, ce que vous avez conclu et appointé ; 
vous nie cachez plus grande chose que celle- 
ci. » El pleine de courroux, elle marchait à grands 
pas dans la chambre. Confondus d'étonnement, 
les capitaines s'entre-regardent et restent muets. 
Le Bâtard enfin se lève, s'approche de la Pu- 
celle, s'efforce de la calmer, excuse ses compa- 
gnons sur ce que tout ne peut se dire en une 
fois et lui communique le projet dans son entier. 
Alors elle se montre satisfaite, dit que cette 
conclusion lui paraît bonne, et qu'il faut qu'elle 
soit ainsi exécutée. Le conseil levé, ordre est 
transmis à chaque capitaine de se trouver en 
mesure le lendemain matin, lui et ses gens, 
munis des choses nécessaires pour un assaut. 

Avant de retourner à l'attaque, Jeanne veut 
une fois encore sommer les généraux anglais 
d'avoir à se rendre. Elle leur écrit une nouvelle 
lettre, qu'on lance sur les Tourelles en l'atta- 
chant à une flèche. 

Les Anglais ne font d'autre réponse que leurs 
insultes habituelles à celle qu'ils appellent < la 
ribaude des Armagnacs. » Jeanne, indignée, 
ne peut retenir ses larmes ; mais bientôt elle est 
consolée : « son seigneur lui avoit parlé ; » et 
le soir, se préparant, elle aussi, à l'assaut du 



— 105 — 

lendemain, elle recommande à son aumônier 
d'être prêt de grand malin, pour qu'elle puisse 
se confesser *\ 

6 mai {vendredi). — Jeanne avait-elle été 
sincère en approuvant le plan arrêté au Conseil, 
ou bien dans la nuit reçut-elle de ses voix des 
inspirations qui Ten détournèrent? Toujours 
est-il qu'elle n'y eut aucun égard. A l'heure 
convenue, après s'être confessée et avoir entendu 
la messe, elle sortit de son logis à cheval et en 
armes; mais ce fut pour tourner le dos au camp 
de Saint-Laurent, et pour pousser droit à la porte 
de Bourgogne, par où était le chemin de l'île 
de Saint-Jean-le-Blanc. Gaucourt se trouve là, 
faisant mine de lui barrer le passage : c Méchant 
homme, lui dit Jeanne, que vous le veuillez 
ou non, les gens viendront et feront ici aussi 
bien qu'ils ont fait ailleurs. » En disant ces 
mots elle passe outre, franchit la porte, et avec 
elle une troupe de ceux de la garnison et de 
bourgeois qui, le long de la ville, s'étaient mis 
sur ses pas. 

Il n'y avait plus à s'occuper de la première 
partie du plan élaboré la veille : les généraux 
avaient la main forcée et se voyaient entraînés 
à porter immédiatement leur attaque sur la rive 
gauche. 

 l'aide de bateaux qui étaient amarrés au- * 



— 106 — 

dessus de la lour Neuve, on passe dans Tîle de 
Saint-Jean-le-Blanc. Le bras de la Loire qui de 
l'autre côté séparait l'île de la rive de Sologne 
était très-étroit et peu profond ; deux bateaux 
mis bout à bout servent de pont à plusieurs ; 
d'autres traversent à gué. On arrive sur la levée 
d'où les Anglais avaient déguerpi. 

Sans attendre les Orléanais, ils s'étaient re- 
tirés dans la bastille des Auguslins. Les pre- 
miers arrivés se mettent à leur poursuite ; mais 
ils n'étaient pas encore en grand nombre. A 
l'aspect des fortifications de la bastille, ils ne 
croient pas que l'assaut soit possible et battent 
en retraite. Ce que voyant, les Anglais sortent 
pour leur courir sus. Gaucourt et Archambaud 
de Villars, placés à l'arrière-garde, se préparent 
à tenir tête à l'ennemi, pendant que leurs gens 
retourneront dans l'île. 

A cet instant, la Pucelle et^La Hire abordaient; 
ils couchent la lance et poussent en avant. « En 
nom Dieu, avancez hardiment! » s'écrie Jeanne. 

Chacun la suit, et bientôt l'ennemi est ra- 
mené dans la bastille des Augustins. 

Le reste dès Français avait, pendant ce temps- 
là, traversé la Loire; la bastille est attaquée; 
à l'enlever on employa la journée. Ce fut un 
siège en règle. Le soir seulement, après qu'un 
^ chef anglais d'une énorme stature, qu'on voyait 
partout se multiplier et tenir tête à l'ennemi, 



— 107 — 

eut été tué par la coulevrine de maître Jehan, 
on prit sérieusement l'avantage. Alphonse de 
Partada» capitaine espagnol au service des Fran- 
çais» et un autre capitaine, avaient une querelle ; 
ils décident de la vider en se jetant dans le 
fossé, pour montrer qui des deux fera mieux. 
Leurs gens, qui les soutiennent, forcent la pa- 
lissade, le terrain leur est disputé pied à pied; 
mais le gros des assaillants pénètre, et la bas- 
tille est prise. 

La nuit était venue. Jeanne veut coucher sur 
place, pour attaquer les Tourelles le lendemain 
au jour; la fatigue qui Tâccable est si grande, 
que ses officiers la décident à venir passer la 
nuit dans son logis. 

Elle traverse la Loire avec les principaux des 
seigneurs, laissant devant les Tourelles Tarlil- 
lerie, les gens d'armes, les chevaux, les siens 
notamment, les écuyers et les pages, c Et fut 
crié :» par la ville qu'on portât à ceux qui étaient 
restés de l'autre côté, pain, vin, munitions, 
fourrages et toutes choses dont ils avaient besoin. 

Les Procureurs demeurent en permanence à 
la maison commune, où ils étaient depuis le 
matin, avisent au nécessaire et pourvoient aux 
demandes de toute nature qui à chaque instant 
leur sont adressées ( du siège. » Pendant la 
nuit entière, les bateaux nevfont que passer 
d'une rive à l'autre. 



~ 10g - 

Un grand mouremenl de bateaux avait lieu de 
même entre le camp de Saint-Laurent et la rive 
de Saint-Pryvé. Ou sut plus tard que c'étaient 
ceux de Saint-Pryvé qui se réfugiaient au camp 
de Saint-Laurent, et on présuma, par le grand 
nombre de cadavres qui furent trouvés dans 
la Loire, qu'un de ces bateaux chargé de com- 
battants avait sombré en traversant le fleuve. 

Au cours de la soirée, la Pucélle étant retirée 
en son logis, un chevalier la vint trouver et lui 
dit que les capitaines avaient encore une fois 
délibéré, et que plusieurs, considérant la peine 
qu'avait coûtée la bastille des Augustins, et la 
force beaucoup plus grande du fort des Tou- 
relles, jugeaient qu'il faudrait au moins un mois 
pour s'en rendre maîtres, et que c'était témé- 
rité d'essayer de le prendre par assaut, d'autant 
qu'aucune diversion ne se faisant sur Saint- 
Laurent, Talbot et Suffolk ne manqueraient de 
porter assistance à Glasdale. Comme d'ailleurs 
la ville était en ce moment pourvue en abon* 
dance de vivres et de munitions, ils estimaient 
qu'il serait mieux de se contenter des succès 
obtenus, et d'attendre de nouveaux secours du 
Roi avant d'entreprendre davantage. A quoi 
Jeanne répondit : « Vous avés été à votre con- 
seil, et moi au mien; croyés bien que le conseil 
de mon Seigneur tiendra et s'accomplira, et que 
le vôtre ne tiendra pas. » 



— 109 — 

Après cette visite, Jeanne en reçoit une se- 
conde, celle des Procureurs, que les intentions 
des capitaines avaient remplis d'alarme ; ils la 
supplient de ne point relarder la fin d'un siège 
qui a mis leur ville à bout de sacrifices, et 
« d'accomplir la charge qu'elle a de Dieu et du 
Roi. » Jeanne les rassure et répète que le len- 
demain les Tourelles seront attaquées. « En nom 
Dieu, > dit-elle, f je les prendrai demain et 
retournerai en ville par le pont. > Puis se tour- 
nant vers son chapelain : « Tenés-vous prêt de 
grand matin, > ajoute-t-elle, « car j'aurai beau- 
coup à faire, et plus que je n'ai jamais eu, et 
mon sang coulera**. » 

7 mai {samedi). — Avant le jour, la Pucelle 
est sur pied et ordonne à ses trompettes de 
sonner. Les seigneurs persistaient dans leur 
projet de suspendre les hostilités et l'accusaient 
de mettre en péril les gens du Roi. Jeanne n'en 
tient compte, et, malgré eux, elle fait ouvrir la 
porte de Bourgogne, au grand contentement des 
bourgeois, qui croyaient en elle plus que les capi- 
taines, et demandaient à grands cris l'attaque 
des Tourelles. 

Jeanne prend congé de ses hôtes, leur répé- 
tant que le soir elle reviendra par le pont. A 
ce moment un pêcheur apportait une alose. 
« Gardés-la pour souper, j dit-elle en souriant; 

7 



— 140 — 

c je ramènerai un godon pour la mangar avec 
nous. » Quelques instants après, elle avait tra- 
versé la Loire et arrivait sur la plage, au milieu 
des gens d'armes qu'elle y avait laissés la veille. 

Tout aussitôt les Tourelles sont investies et 
attaquées ; plus de mauvais vouloir alors : ca- 
pitaines, bourgeois et gens d'armes n'ont qu'une 
pensée, et chacun fait de son mieux. Mais l'entre- 
prise était grande : un boulevart entouré de fos- 
sés, un bras de la Loire séparant ce boulevart de 
la forteresse, des murailles à pic, et au dedans 
une garnison déterminée. Les efforts furent à 
l'avenant; ce que la Ville envoya en cette matinée 
de matériaux et d'engins de guerre ne saurait se 
dire : fascines, flèches, traits, martinets, cognées, 
plomb, poudre, coulevrines, canons, échelles, 
étaient sans cesse expédiés par les Procureurs. 

Mais rien n'y pouvait. Vingt fois on s'était 
jeté sur les palissades du boulevart, et vingt 
fois on avait échoué. Vainement la Pucelle s'é- 
criait : « Prenez du cœur I ne vous rebutez 
pas ! la place est à nous I ^ la place résistait, 
les assiégeants s'épuisaient. Jeanne elle-même 
est atteinte d'un trait à la gorge, et la pauvre 
fille, voyant couler son sang, se prend à pleurer. 
Ce ne fut qu'un instant ; elle entend la voix 
de sainte Catherine et se sent réconfortée. A 
peine a-t-on posé sur sa blessure un premier 
appareil, qu'elle retourne à l'assaut, excitant et 



— 141 — 

eatra^ns^nf; tes sien^, mais, sa^^ succès. Déjà la 
soleil est bas, et la place ne fait mme de céder; 
les troupes sont harassées, les capitaines se 
découragent ; le Bâtard lui-raêrne, ne croyant 
plu^ qu'il y ait pouf ce jour espoir de victoire, 
fa^,t sonner la retraite. Jeanne accourt, le sup- 
plie ^'atten^dre un instant encore, puis laissanjL 
spn çtçn^ard aux m^ins de son écuyer, saut^ 
sur un cheval q\\i l'emporte dans une vigne 
voisine. Elle se jette à genoux, demeure en 
pieière l'espace d'un demi -quart -d'heure, et 
revient pleine de confiance et d'ardeur, c Quand 
Yjf^s^ verjrez la queue ^e mon éteindard toucheje 
à la muraiUie, avancez, > s'éçrie-trelle, ^ et la^ 
place eS|t vôtre, p Puis courant hu fossé, elle voit 
son çiendard aux mains d'un Bsi^que à qui «le^ 
d'Aulon, son écuyer, l'avait un in^tan^ confié ; 
elle Iç saisit et avance. La loague flamme de l'é- 
tendard se déroule , flotte au vent, et va touchçr 
la ipuraille. C'est le signal donné. Chacun s'é- 
laiLce ; les échelles sont dressées ; Jeanqe appa- 
raît s^ur le revêtement du boulevart où s'engage 
upe dernier^ lutte. 

« Si la Pucelle faisoit son devoir, ceux de la 
ville le faisoient de leur côté. » Un bateau rempli 
de fagQts engraissés d'huile et de matières in- 
cendiaires (1), lancé de l'autre rive, était venu 

(1) Quatre-vingt-dix-huit livres d'huile d'olive, de la poix, 
des étoupes et des fagots. (Arch. de la ville.) 



— 412 — 

se placer sous l'arche qui séparait les Tourelles 
du boulevart. On y met le feu, et bientôt la 
flamme gagne le pont-levis. 

C'est l'instant où le boulevart est gagné. Les 
Français montent et se multiplient « comme 
oisillons. » Glasdale ne recule qu'en frémissant 
de rage : « Renli, renti, au roi du ciel ! j lui 
crie la Pucelle; « j'ai grande pitié de ton âme. » 
Il veut résister, mais tout tombe autour de lui. 
Trente hommes à peine lui restent ; leurs armes 
sont brisées, leurs munitions s'épuisent; la fu- 
mée de l'incendie allumé derrière eux les avertit 
qu'il est temps de regagner les Tourelles. Ils se 
précipitent tumultueusement sur le pont; les 
solives, minées par le feu, se rompent, et tous 
ensemble, Glasdale au milieu, sont précipités 
dans le fleuve. 

Pendant que les choses vont de cette façon 
au boulevart des Tourelles, plusieurs de ceux de 
la ville qui étaient embusqués derrière le bou- 
levart de la Belte-Croix s'élancent par le pont. 
Une poutre et une gouttière (1) sont jetées sur 
les arches rompues : Nicole de Giresmes passe 
le premier, cent autres suivent son exemple, 
traversent, se « bouttent ^ contre la palissade 
qui, de ce côté, protège le fort, et y mettent 

(1) Gouttière de bois, les gouttières de bois étaient à cette 
époque habituellement employées dans les constructions. 
(V. notre Mém. sur la valeur des denrées, ch. lxxix.) 



— 413 — 

le feu. A l'autre bord, les compagnons de la 
Pucelle rajustent le pont-levis; des deux parts 
la forteresse est envahie, et les deux troupes s'y 
rencontrent. De leur camp de Saint-Laurent, 
où ils étaient demeurés immobiles, Talbot et 
Suffolk purent en ce moment apercevoir, aux 
dernières clartés du crépuscule, la bannière de 
Saint-Georges qui disparaissait du sommet des 
Tourelles. 

L'assaut avait duré treize heures. Des six à 
huit cents Anglais qui composaient la garnison 
du fort, deux cents à peine survivaient; Glas- 
dale, les lords Poynings et Molyns étaient parmi 
les morts. Du côté des Français, on n'avait 
perdu qu'un petit nombre de combattants ; le 
valet de maître Jehan, celui de Guillaume 
Duisy, Retz et la Pucelle, avaient été blessés. 

Les arches du pont étaient « si dépecées, » 
qu'il semble qu'il aurait fallu huit jours pour 
y rétablir un passage. Mais à ce moment l'en- 
thousiasme décuplait les forces : on se met à 
l'œuvre, et bientôt « la chose est mise en tel 
état, » que la Pucelle, entourée du Bâtard, des 
capitaines, de tous les braves gens qui le matin 
avaient traversé la Loire en bateaux, rentre par 
ce chemin dans la cité. « Dieu sait à quelle 
joie elle et ses gens y furent reçus. î Des 
torches éclairent son passage ; les cloches des 
églises sonnant à toute volée, les fanfares des 



^ 114 — 

trompettes, les cris de la foule, les bénédic- 
tions la saluent et raccompagnent, pendant 
qu*à la suite dé ce cortège de victoire marchent 
deu^ à deux, moriies et abattus, les prisonniers 
Mis dans les Tourelles. 

Jeaiiïrié était rentrée dans son logis. Apres 
s'être désartnée et avoir reçu les soins que sa 
blessure demandait, elle vint s'asseoir à la table 
de ses hôtes; mais elle ne prit autre Chose que 
des trahches de pain dans un peu de vin mêlé 
d'èàu *^ 

18 mai (dimanche). -^ Quatre bastilles res- 
taient sur la rive droite : Saint-Laurent, com- 
mandée par Tâlbot et Sùffolk; Londres, où était 
Falsloff ; Roiien et Patis. Elles sont évacuées 
pendant la nuit, et au lever du soleil les senti- 
nelles drléanaisés", du haut des murs, aperçoivent 
Tarmée anglaise en ordonnance au milieu des 
champs. Jeahhe, avertie, accourt; le Bâtard, les 
chefs sont aiiprès d'elle. Les gens d'armes, les 
archers, les Écossais arrivent, se succèdent; les 
compagnies se forment en dehors de la porte 
Renârt. La garnison tout entièt*e est là, prête à 
marcher; on interroge la Pucelle sur ce qu^il 
convient de faire : ""€ Il convient, dit-elle, d'en- 
tendre la messe, » et elle fait apjportér une 
table sur laquelle le divin sacrifice est oifeh. 
La messe achevée, elle démande « de qûe\ côté 



— 115 — 

ils ont la tête tournée. » Du côté de Meung, lui 
est-il répondu. « En nom Dieu, ils s'en vont, re- 
prend-elle ; laissés-les aller, et nous allons rendre 
grâces au Ciel, et ne les poursuivons pas da- 
vantage, car c'est jour de dimanche. » La Hire 
et Ambroise de Loré se mettent sur leurs pas 
jusqu'à une lieue de la ville, et rentrent après 
s'être assurés quMls se retirent sur le château 
de Meung. 

Dans les premiers jours de février, Le Bourç 
de Bar, capitaine de la garnison, avait été fait 
pïisonnier et gardé au camp de Saint-Laurent. 
En partant, Talbot avait chargé un Augustin, 
son confiseur, de veiller sur lui et de 'l'amener 
à Meung. Mais Le Bourg de Bar, prenant pré- 
texte des fers qui le gênaient, avait ralenti sa 
marche, et lorsqu'il s'était vu à certaine dis- 
tance de l'armée anglaise, il avait, tout enferré 
qu'il fût, forcé TAugustin de le prendre sur son 
dos et de l'apporter à Oriéans, où les gardes 
de la porte Renart le voient arriver en cet équi- 
page. 

La première pensée des Orléanais, dans leur 
triomphe, s'était, comme celle de Jeanne, portée 
vers te Ciel et les saints. De pieux récits se trans- 
mettaient de bouche en bouche : on se disait 
par quels signes merveilleux l'assistance de 
Dieu s'était manifestée. A deux fois les saintes 
de Jeanne lui avaient parlé ; au moment du 



— 116 — 

dernier assaut, un c colon blanc i> voltigeait 
autour de son élendard ; à ce même moment 
on avait vu saint Euverte et saint Aignan dans 
les nues, et saint Michel au-dessus de l'armée 
française qui semblait combattre avec elle. 

Les églises se remplissent de peuple ; les 
châsses sont découvertes, une procession sort 
de la cathédrale. Le Bâtard, qui l'avait ordonnée, 
les capitaines, les officiers du Duc, les Procu- 
reurs, les bourgeois la suivent avec recueille- 
ment. Jeanne est parmi eux, vêtue d'un simple 
jaseran, parce que sa blessure ne lui avait pas 
permis de reprendre son armure ; les femmes 
de la ville marchent à ses côtés. Le pieux cor- 
tège suit la rue des Hôtelleries, le pont tout 
délabré, passe sous la voûte des Tourelles à 
demi-démolies. Après les oraisons dites par 
l'évêque au milieu de ces ruines, il revient par 
la chapelle de Notre-Dame-de-Saint-Paul et la 
porte Dunoise, ce qui fut depuis lors renou- 
velé chaque année**. 

Le camp et les bastilles, abandonnés par les 
Anglais, sont incendiés et livrés au pillage des 
troupes. Elles y trouvent un butin considérable, 
des canons, des armes, des approvisionnements. 
Les Procureurs achètent ces épaves. Par leur 
ordre, les trésoriers de la Ville remboursent à 
chaque fi compagnon le prix de ce qu'il a ga- 
gné » (pris ou ramassé). Un canon de fer et 



— 117 — 

un grand nombre de pavas sont rapportés de 
Saint -Loup ; une bombarde est pêchée dans la 
Loire ; ceux-ci vont chercher sur les îles et les 
grèves les boulets qui s'y sont égarés ; d'autres 
retirent du lit du fleuve, pour leur donner sépul- 
ture, les cadavres que les flots entraînent. Le 
corps de Glasdale est retrouvé; on le rend aux 
Anglais, qui l'embaument et le conduisent à 
Paris. Il fut déposé dans l'église de Saint-Méry 
et transporté plus tard en Angleterre*'. 

Des hérauts avaient été expédiés à Chinon, 
pour porter au Roi la nouvelle de la délivrance 
d'Orléans. Charles VU donne avis de ce grand 
événement aux principales villes de son obéis- 
sance. A la réception de sa lettre, les habitants 
de La Rochelle font une procession d'actions de 
grâces. 

Après huit mois de siège, les portes de la 
ville se rouvraient, ses habitants revoyaient leurs 
champs; plus d'ennemi, les chemins sont libres. 
Les sacrifices héroïques, les dures privations, 
les longues angoisses, le sang versé, avaient 
porté leur fruit : Orléans était délivrée, et par 
elle la France était sauvée. 

Et ce n'était pas la première fois. Au V© siè- 
cle, Dieu avait voulu déjà que ses murs fussent 
la limite que l'invasion étrangère ne franchi- 
rait pas, et, défendus par saint Aignan, ils 
avaient arrêté les hordes d'Attila. Contre les 

7. 



— 118 — 

mêmes murs debout pour la même cause, à 
mille ans de distance, défendus encore par une 
envoyée du Ciel, Torgueil et la pùissèince d'iin 
autre, envahisseur du territoire se brisaient au- 
jourd'^hui. 

La Providence avait ainsi voulu que la desti- 
née de cette cité d'Orléans, boulévartet abri de 
la rialioriàlité française, fût de rie jamais tomber 
au pouvoir de l'ennemi, et par là se justifie îa 
devise : Numqmm Ima, nuniquam exôussa, 
riuniquàm inversa (1), qu'au'^XVI® siècle elle' ins- 
crivit fièrement à Fentôur des trois bœurs delis 
qui sont ses armes. 

Le siège levé, la tâche des troupes appelées 
à" la défense de la ville était accomplie ; elles se 
retirèrent aussitôt, ne laissant aux habitants 

^ qu'une faible garnison. Le jour même de Ta- 
bandon du camp de Saint-Laurent par les An- 
glais, Florent d'IUiers reprit avec ses gens de 
guerre le chemin de Châteaudun, dont il était 
capitaine. Le lendemain, les autres capitaines de 
la Beauceet du Gâtinais étaient retournés dàiis 

* leurs villes et forteresses. 

Dans les jours qui suivent, les Orléanais se 
mettent en devoir de faire disparaître lès ruines 
qui les entourent. Des ouvriers sont employés 

(1) Jamais atteinte, jamais abattue, jamais rewoèrsée. 
Cette devise est donnée, d'après Pyrrhus d'Anglebernes, par 
Lemalre, dans ses Antiqiiitez'dé la aille d'Orléans, 



— «9 — 
sur les deux rives, les uns à démolir les bas- 
tilles anglaises, d'autres à refaire les arches du 
pont, à réparer les tours et les murs de Ten- 
ceinte, les tourelles et leurs boulevarts. Plu- 
sieurs fours à chaux sont établis au Portereau. 
Les comptes de la ville donnaient le détail des 
dépenses considérables de maçonnerie et de 
charpenterie qui furent faites pour ces répara- 
tions **. 

On entreprit ensuite de reconstruire les égli- 
ses, les monastères, les maisons abattues dans 
les faubourgs. Peu à peu la cité reprit son an- 
cien aspect, les traces matérielles du siège s'ef- 
facèrent ; mais le souvenir de ce grand fait de 
l'histoire de la ville resta religieusement gravé 
dans la mémoire de ses habitants qui, de géné- 
' ration en génération se le sont transmis jus- 
qu'à nos jours. 



III. — CAUPAGNE «UR LA LOIRE. 
~ imOiEkV , «SUKG , BAUGENCI , PATAT. 

-DU 41 AU 18 JUIN 1429 (1). 

Le 10 mai, la Pucelle, à son tour, quitta les 
Orléanais. D'Orléans elle se rendit d'abord à 
Blois, puis à Tours, et enfin à Loches, où était 

(1) Voir la planche B. 



— 120 — 

Charles VIL Introduite en la chainbre du Roi, 
elle se jette à ses genoux, les embrasse et le 
supplie de venir à Reims : « Noble Dauphin, 
lui dit-elle, ne tenés plus conseil, mais venez 
en toute hâte à Reims, pour y prendre la noble 
couronne. » Ceux qui entourent le Roi lui de- 
mandent si c'est d'elle-même qu'elle donne cet 
avis ; le Roi l'engage à parler. Levant alors 
les yeux au ciel et d'une voix inspirée (t), elle 
répond « que lorsqu'elle voyoit qu'on ne vouloit 
croire ce qu'elle disoit de la part de Dieu (2), 
elle se recueilloit et se plaignoit au Seigneur de 
ce que sa voix n'étoit pas écoutée, mais que sa 
prière faite elle entendoit une voix qui lui di- 
soit : Fille de DieUy va, va, je serai à ton aide, 
va. » 

Le Bâtard, au lieu de suivre Jeanne, s'était 
dirigé sur Jargeau, en compagnie de Boussac, 
de Coarraze, de Graville et de Xaintrailles, 
dans l'espoir d'enlever la place ; mais les armes 
françaises, à ce moment, ne pouvaient rien sans 
la Pucelle. Le Bâtard, repoussé par la garnison 
de Jargeau, bien que le capitaine de la ville eût 
été tué, avait dû renoncer à son dessein, et par 
le plus court il s'était rendu à Loches, où Jeanne, 
arrivant d'un autre côté, le retrouva. 



(1) Miromodoexsultahat. 

(2) Ex parte Dei, 



— 421 — 

La nouvelle de la délivrance d'Orléans est ac- 
cueillie avec enthousiasme dans tous les pays 
du parti du Roi. La célébrité s'attache au nom 
de la Pucelle. Le duc de Bretagne l'envoie 
complimenter par son confesseur et Hermine, 
son héraut d'armes. Plus tard, il lui fît présent 
d'une dague et de plusieurs chevaux de prix. 
La dame de Laval (1) demande quelque objet 
qui lui ait appartenu. Jeanne envoie un petit 
anneau d'or , s' excusant de n'offrir que si 
c petite chose. » On lui apportait des « pater- 
nostres » (chapelets) pour qu'elle les touchât, 
ce dont elle souriait, disant à ceux qui l'en- 
touraient : « Touchez-les vous-mêmes ; ils seront 
tout aussi bons que touchés par moi. » Malgré 
elle on baisait ses mains, ses pieds ; on portait 
au col ou sur les vêtements de petites médail- 
les de plomjî à son effigie. On invoquait Dieu 
par son inl^ssion ; dans les prières, dans les 
oraisons on introduisait son nom à côté de ceux 
des saints, des saintes et de la vierge Marié *®. 

Cependant l'armée anglaise n'avait pas aban- 
donné la contrée. A l'exception d'Orléans, elle 
y avait conservé toutes ses places, qui commu- 
niquaient entre elles. Plusieurs détachements 
tenaient la campagne ; les Orléanais les obser- 



(1) Anne de Laval, qui s'était retirée avec sa fille, Jeanne 
de Laval, dans le château de Vitré. 



-^ i22 — 

vârent, et ils prenaient soin d'en informer le 
Roi, le Bâtard et la PacefBe.'^Au cours du mois 
de^ mai, Ortie, '^héraut du Aie 'd^Oriéstos, avait 
èté'dôpêehé iâtu Bâtard « pour dire nouvelles 
desAwglois.'ï) Le 4 jain,' ©rîéans, héraut de la 
Ville, ^ fut envoyé avec une mission ■ senïblàble 
près de la» Paéelle, ' qui se trouvait à GôUes' avec 
la ©ottr. 

Mais-' le 'bi^uit des suceês de l'armée^ royale '^à 
Orléaïis,'ièt de rassistance miraculëuèe qtte lui 
deinflaitlaTûCÈillej'êeî répairidait depltis^èïi-^^lus, 
et partout il' réveillait' les courages, récM^iffiatît 
tes ' cœurs; Inspirait • les • désintéressements,' èifei- 
tait ie patriotisme et la foi chrélieiïne. ©n 
sentait^^^que dans la grande partie qui était'fen 
jeu. Dieu • ge mettait du côté de la ^' Frtoce,'^t 
on voûteiil en î être; dans Un horizon' ewtr'MD^ttvèït, 
au ddà' d'Orléans' déMvrée, on^apercevàit fteifâs, 
et dn voulait aider à y conduire le Roi. Les 
bords de^ la Loire devinr^t <m rendez'-vous au- 
quel chacun arrivait,' sans que personne l^^t 
dèftné; On y arrivait de toutes patts, de l'Au- 
vergne, du Berri, de la Tôuraine, de TAnjou, 
du 'Maine, 'de la Bretagne, chevaliers, gehlils- 
hommès, bourgeois des villes et gens € des cè^m- 
munes(l) » (habitants^ des campagnes), « croyant 

(1) Gens de commun, de commune, de la commune, des 
com^uhes, expressions énîpîoyées parles' dtt*ôTïni[tieurè du 
XV* siècle pour désigner les gené'déla^campsfgne; 



— 123 — 

tous fermement que ladite Jeanne venoît de par 
Dieu, et plus pour ceste cause que eti inten- 
tion d'avoir solde ou profits du Roi*^. » 

Et en effet, il n'y avait pas de solde à atten- 
dre : l'épargne royale était vide. iPour se sou- 
tenir, les seigneurs vivaient 'de leurs ressources 
personnelles et aliénaient leurs biens. Deux frères 
encore adolescents, Gui et André de Laval, 
étaient venus du fond de la Bretagne s'offrir au 
Roi avec la suite qu'ils avaient pu rassembler. 
De Celles, l'aîné écrivit à leur mère et à leur 
aïeule, qu'ils avaient laissées au cbâteau de Vi- 
tré, une lettre dans laquelle on lit : « De l'ar- 
gent, n'y en-a-t-il point à la cour, que si estroi- 
tement que pour le temps présent je tfy espère 
aucune rescousse ny soustenue. Pour ce, vous 
Madame ma mère, qui avés mon sceau, n'ès- 
pargniés point ma terre par vente ne par en- 
gage'*. » 

Depuis qu'elle avait rejoint le Roi, Jeanne ne 
cessait de le supplier de partir pour Reims. 
Le Conseil pensa qu'avant d'entreprendre ce 
voyage, il était nécessaire d'enlever aux Anglais 
les/ positions qu'ils gardaient sur la ' Loire. 
C'était particulièremeiit l'avis du Bâtard ; il de- 
mandait avec instance que quelques trotipies 
fussent mises sur les champs pour reprendre 
Jargeau, Meung et Baugenci, et il conseillait 
fort d'employer dans cette expédition là Puceile, 



— 124 — 

qui avait fait si grande besogne à la levée du 
siège d'Orléans. 

Jeanne se rangea bien vite à ce parti; le chro- 
niqueur Perceval de Cagny dit même qu'elle 
l'avait proposé la première. La campagne fut 
résolue ; le Roi « bailla la charge du tout à 
la Pucelle et au duc d'Alençon (1), nouvellement 
délivré d'Angleterre, » où il avait été prisonnier 
depuis la bataille de Vemeuil (1424). Le jeune 
duc, revêtu du titre de lieutenant-général du 
Roi, avait le commandement; mais la Pucelle 
était « mise en sa compagnie pour qu'il usast 
et feist entièrement par son conseil ^'. » 

Cette résolution venait d'être prise lorsqu'ar- 
rivèrent à Celles les jeunes sires de Laval. L'a- 
gitation était grande en cette petite ville -du 
Berri, où se trouvaient, avec le Roi et la Pu- 
celle, le duc d'Alençon, le Bâtard, le duc de 
la Trémouille, le maréchal de Boussac, la plu- 
part des capitaines venus d'Orléans, et la foule 
des gens d'armes, archers et autres qui arri- 
vaient de tous les points pour servir sous la 
Pucelle. La lettre de Gui et d'André de Laval, 
qu'on a citée plus haut, rend compte de ce 
mouvement ; elle signale les mesures arrêtées, 
les départs successifs de la Pucelle et des gé- 

(1) Jean, duc d'Alençon, prince du sang royal, descendant 
de Philippe de Valois, gendre du duc d'Oriéans, Charles III, 
qui tenait prison en Angleterre. 



— 425 — 

néraux, les dispositions prises pour celui du 
Roi, qui devait, disait-on, se tenir à portée de 
rarmée. Par dessus tout, elle témoigne de l'élan 
général, et de l'entraînement qu'éprouvaient les 
deux frères. Le Roi leur avait fait grand accueil, 
il voulait les retenir près de lui jusqu'au 
voyage de Reims. « A Dieu ne veuille, écrivait 
Guy de Laval à sa mère, que je le face et n'aille 
(à la suite de la Pucelle) ; tout autant en dit 
mon frère ; abandonné seroit celui qui demeu- 
reroit. » 

6 juin {lundi). — Jeanne prend congé du 
Roi et se rend à Roraorantin, « s'approchant 
des advenues » (événements), avec le maréchal 
de Boussac et une troupe de gens armés. 

A l'heure des vêpres, qu'elle avait marquée 
pour son départ, on la vit descendre de son logis 
c armée tout en blanc, sauf la tête, une petite 
hache en sa main. )> A la porte était son cheval, 
un grand coursier noir, « qui se démenoit très- 
fort et ne soufTroit qu'elle montast. ^ <r Menés-le, 
dit-elle, à la croix qui est devant l'église ; » et là 
elle le nlonta sans qu'il e se meust, comme s'il 
fust lié. » Puis se tournant vers l'huis de l'é- 
glise, elle dit d'une douce voix de femme : « Vous, 
les prêtres et gens d'église, faites procession et 
prières à Dieu. » Elle prit ensuite son chemin, 
prononçant ces mots : « Tirés avant, tirés avant. » 



Louis de Comtes, son <r gracieux page^ » portait 
devatit »elle son étendard ployé ^. 

S t juin. — iPepsoime ne doutait que la cam- 
pagne ne fût courte et la victoire promptie. 
(( Espère Fon, ^» 'écrivait encore Gui de Lôvâl, 
« que avant qu'il soit dk jours la chose soit 
bien àdvencée ; tous ont si bonne espértance eti 
Dieu, ^ueije ciroïs qu'il'nou^ aidera! » On avdt 
•pressenti juste : Diî^u aida, etdiK joUi^'sUffiîreilt. 
« Gui de Laval, i> a dit M. Wallon ^dans ^ 
belle histoire de Jeanne d'A.rc , a écrivait le 8 
et le 48 : c Après deux sièges et une bataille, la 
caibpagne était teifminée. » 

te duc d'AIençon, :1e corate»*de Vendôme (I), 
le Bâtard, Raoul de Gaueourt, quittent G^Ies' à 
leur tour, et rejoignent »ia Pucelle à iRctoolpan- 
tîn ; avec elle «ils prisnnent la route d'Orléans ". 

'9 juin. — Les habitants d'Orîéans »apj>rïôn- 
nent que leur libératrice revient, qu'^avant la 
fin du jour .elle «ena parmi • eux. Qn se ^préci- 
pile sur les murs, sur les petits, au dehors des 
portes. Tout à coup, du côté d'Olivet, dans' un 
tourbiHon de poussière, au milieu des casques 
et des cuirasses étincelant au soleil, ^apparaît 
sa huque blanche; elle approche, c'est bien elle. 

• (l)'Lon(iis de Bourbon, comte 'de' Vendôme. 



— i^ ■— 

La vbilà qui touche au bastion du Portereau, 
qui passe sous ces mêmes tourelles qu'un mois 
avant elle enlevait aux Anglais. Elle avance sur 
le p(jnt et entre dians la ville, acclamée par une 
foule émue, « à la très-grant joie de tous les ci- 
toyens, qui de laveoirnese povo y eiit saouler, j 
C'est à Orléans que Tarraée devait se former. 
A ceux de l'ancienne garnison qui étaient de- 
meurés dans la ville se réunissent six cents 
lances amenées par le duc d'Alençon, autant 
que le Bâtard et Florent d'Illiers conduisaient, 
et notnbre de « gens des communes, > en totit 
huit mille cortibattants, « dont aucuns armés de 
guisames, haches, arbalestres et maillets de 
plomb *^^ » 

Wjuin, — Uarmée part pour Jargeau (1). Les 
Orléanais donnent trois mille livres pour aider 
à l'expédition, prêtent leur artillerie et fournis- 
sent des munitions. La grosse bombarde, la 
bombarde Bergère, le canon Montargis, dès 
coulevrines, des échelles, des bottes de traits, 
des pioches, des pelles, des pics, sont chargés 
sur des charrettes et sur trois chalands. Deux 
bourgeois sont désignés pour accompagner la 
Pucèile (2). 

(1) La ville de Jargeau est située sur la rive gauche de la 
Loire, à quatre lieues en amont d'Orléans. 

(2) Us se nommaient Jehan Leclère et François Jehan. 



— 128 — 

Sur ces nouvelles^ le comte de Suffolk et ses 
deux frères, à la tête de sept cents lances, se 
jettent dans Jargeau. 

Dès le soir, la place est investie. Les gens 
<r des communes > qui étaient en avant livrent 
Tassaut avec trop de précipitation et sont re- 
poussés au premier choc. Le gros de Tarmée 
survient. Les canons et les bombardes, mis en 
ligne, battent les murailles durant toute la nuit. 
Le feu de la ville répond vivement. Le duc 
d'Alençon, s'étant approché trop près, est 
averti par la Pucelle du danger qu'il court; il 
se retire, et à Tinstant un boulet arrive à la 
place qu'il vient d'abandonner et emporte la 
têle d'un gentilhomme (1). 

i^juin. — Les murs sont très-endommagés. 
La tour principale s'était écroulée sous le feu 
de la bombarde Bergère. 

La Pucelle juge qu'il est temps de livrer l'as- 
saut. « Gentil duc, en avant! » dit-elle au duc 
d'Alençon. Le duc croit que le moment n'est 
pas encore venu et veut attendre. « Le moment 
est venu, » reprend Jeanne, « quand il plaît à 
Dieu ; » puis en souriant elle ajoute : « As-tu 
donc peur, gentil duc? ne sais-tu pas que j'ai 
promis à ta femme de te ramener sain et sauf? > 

(4) Le seigneur du Lude. 



— 429 — 

A Tinslant le signal est donné, les trompeltes 
sonnent. « A Tassant ! à l'assaut ! » crient les hé- 
rauts. De toutes parts on avance. La place est 
vaillamment défendue. Les traits, les pierres 
tombent sur les assaillants. Un Anglais de force 
colossale courait sur la crête des murs, ren- 
versant les échelles. Le duc d*Alençon le signale 
à maître Jehan, et bientôt il tombe frappé en 
pleine poitrine d'une plombée de coulevrine. 
L'étendard de laPucelle est traversé; elle-même, 
atteinte à la tête d'une pierre qui se brise sur 
sa chapeline (1), roule dans le fossé; mais à 
peine elle a touché le sol qu'elle se relève et 
remonte à la brèche, s'écriant : « Entrez hardi- 
ment, amis! sus, sus! Dieu a condamné les 
Anglois ; à cette heure ils sont à nous! » 

Les murs sont escaladés, la ville prise. La 
garnison se retire par le pont, où les Fran- 
çais la poursuivent. Alexandre Pôle se fait tuer. 
Guillaume Regnault, écuyer d'Auvergne, s'at- 
tache à Suffolk ; il va s'emparer de sa personne. 
« Es-tu gentilhomme? » lui dit Suffolk. — 
€ Oui. — Es-tu chevalier? — Non. — Eh bien ! 
je te fais chevalier. » Et il se rend. John Foie, 
son dernier frère et les principaux des Anglais, 
sont faits prisonniers avec lui. On les envoie à 

(1) A Jargeau, Jeanne d'Arc avait sur la tête jjne simple 
chapeline, casque léger sans masque ni bavière, — Dép. du 
duc d'Alençon, Quicherat, III, 97. 



— 130 — 

Ôrléaja^ de nuit et par bateaux, pour éviter 
qu'ils ne soient massacrés par les troupes et sur- 
tout par les gens < des communes, » qui, s' étant 
pri§ de querelle avec d'autres prisonuiers qu'on 
leuir avait confiés, tes avaient mis à mort. 

L^ ville et l'église de Jargeau son pillées. La 
perle des Anglais s'élève à cinq cents tués, 
plus les prisonniers. 

Cette xQ^éme nuit, la Pucelle, le duc d'Alen- 
çpo,, ie Bâtard, leg seigneurs et les geft$ d'ar- 
içes reiitjcent dans Orléans ^. 

Du 13 au i^juin. — L'arniée reçoit à Cr- 
iées le renfort de plusieurs chevaliers, écuyers, 
capitaines et gens d'armes, parmi lesquels Gui 
de Laval et André de Laval, si;:e de Lohéac, 
son frère, que Jeanne avait laissés à Celles; 
Gui de Chauvigny, seigneur de Châteauroux ; 
le sire de la Tour-d'Auvergne, le vidame de 
Chartres ; Gilles de Laval, seigneur de Retz, 
qui déjà s'était trouvé dans la ville aux derniers 
temps du siège. Plusieurs de ces chevaliers ar- 
rivaient sur r^vis, que le Roi avait envoyé de 
toutes parts, qu'on eût à rejjqindçe la Pucellq 
et le duc d'Alençon. Charles VII lui-même se 
rend à Sully (1). 

Ce n'était dans la ville que <: festoiements » à 
>. 

(1) Sully, sur h rive gauoke de la Loire, à nU li^ues en 
amont de Jargeau. 



— 131 — 

la. Pujceille de k pari des bourgeois, des capi- 
taines, des geas de guerre, qui tous l'ayant 
vue à l'œuvre, étaient subjugués. Mais la cam- 
pagne a'était pas finie : le mercredi (14 juin), 
au sortir des vêpres, Jeanne appelle le duc 
d'Âlençon et lui dit : < Je vueil demain après 
disner aler veoir ceulx de Meung. Faites que 
la compagnie soit preste de partir à ceste 
heure". * 

15 juifi. — Dans l'après-midi, l'armée se 
met en mouvement. Les chalands qui rame- 
naient de Jargeau les canons et les bombardes 
descendent à sa suite, avec grand équipage de 
vivres, de charriots et d'î^rlillerie. Elle arrive à 
Ueung (1) vers le soir. Le pont estenaiporté sans 
peine, bien que les Anglais l'eussent fortifié. 
Rien n'est tenté contre le château, l'armée éta- 
blit ses campements pour la nuit. Le duc 
d'Âlençon qui, avec peu de monde, avait pris 
le sien dans une église écartée, manque d'être 
ei\Ievé ^. 

16 jxUn. — De Meung l'armée se dirige sur 
Baugenci (2), où eUe arrive vers midi, 

(1) MeuB^, sur la rive droite de la Loire, à trois lieues en 
aval d'Orléans. 

(2) Baugenei, sur la rive droite de la Loire, à trois lieues 
en aval de Heung, à six lieues en aval d'Orléans. 



- 432 — 

Du côté opposé arrivait une troupe de Français 
venant de la Bretagne , six cents combattants 
conduits par le connétable Artus de Richemont. 

Le Connétable, desservi à la cour par le duc 
de la Trémouille, était en disgrâce : on « ne 
vouloit pas qu'il se raêlast de la guerre. » Il 
avait offert de se porter au secours d'Orléans 
pendant le siège, et le Roi lui avait mandé de 
se tenir àLoudun, où il était; mais en appre- 
nant qu'une campagne sur la Loire se prépa- 
rait, il n'avait pu se résoudre à demeurer plus 
longtemps inactif: il avait pris sur lui de quit- 
ter Loudun, et s'étant mis en chemin il avait 
passé la Loire à Amboise, et il avançait dans 
la direction de Baugenci. 

Averti de son approche, les chefs de l'armée 
royale éprouvèrent quelque embarras. On sa- 
vait les dispositions du Roi ; le duc d'Alençon 
avait même des instructions secrètes qui lui dé- 
fendaient de se laisser rallier par le Connétable : il 
parlait de se retirer. Mais à ce moment on eut 
avis que Talbot et les Anglais en nombre n'é- 
taient pas loin. « Est-ce donc le cas, s'écria la 
Pucelle, de se retirer, quand il y a au contraire 
à s'unir et s'aider? » Par elle tout fut aplani. 
« Beau connétable, dit-elle à Richemont, vous 
n'êtes pas venu de par moy ; mais puisque vous 
êtes là, soyez le bienvenu. » Puis ayant pris de 
lui serment qu'il ne voulait que servir « loyaul- 



— 133 — 

ment le Roy, » elle promît de faire sa paix et 
détermina les seigneurs à s'y engager avec 
elle. 

Les Français s'emparent de la ville, qui n'est 
pas défendue. Le pont et le château restaient 
aux Anglais, le château commandé par sire 
Richard Guethin, bailli d'Evreux. Le jour même 
il est attaqué ; les bombardes commencent le 
feu. 

i&juin. — La poudre manquait; la Pucelle 
en fait demander à Orléans par un sergent (1). 
Avec la poudre dont elle a besoin, les Orléa- 
nois lui envoient un tonneau de vin et douze 
douzaines de pains. Les procureurs, Jehan Mahy 
et Jehan Boillève, sont chargés de lui porter ces 
présents. 

il juin. — Ceux de la place, instruits « des 
entreprises que la Pucelle avoit faites » à Or- 
léans, à Jargeau, à Meung, et voyant qu'elle 
€ mettoit toute l'ordonnance de sa compagnie 
en telle conduite comme elle vouloit, > perdent 
courage. A minuit ils demandent d'être reçus à 
composition, ce qui est accepté. Richard Guethin 
obtient de se retirer, lui et ses gens, la vie 
sauve, mais sans armes ni bagages, si ce n'est 

(1) il se nommait Robin-le-Bocaut. 

8 



— 134 — 

leurs chevaux, harnais et un iparc d'argent 
chacun, sous promesse de ne prendre les armes 
avant dix jours. A ces conditions, le château et 
le pont sont remis à la Pucelle et au duc 
d'Alençon, lieutenant-général du Roi. 

Pendant que ces choses se passaient à Bau- 
genci, Talbot et Falstoff tenaient la campagne 
à la tête d'une armée composée des débris de 
celle qui avait été au siège d'Orléans, de la 
garnison de La Ferté-Hubert (1) et de renforts 
envoyés de Paris par le régent. Cette arjnaée 
avait voulu se porter au secours de Jargeau; 
mais ellç était arrivée trop tard, et alors elle 
s'était rejetée en arrière pour couvrir les places 
de la Beauce ; elle s'était rapprochée de Meung et 
se ipettait çn devoir d'attaquer le pont occupé 
par les Français, lorsque Talbot apprit que le 
château de Baugenci venait de se rendre, et que 
Guethin et son monde « s'en alloient en Nor- 
mandie ung bâton en leur poing ^®. » 

A cette nouvelle, l'armée anglaise abandonne 
Meung et prend sa route par la Beauce, dans 
la direction de Patay; l'avant-garde d'abord, 
puis les pourvoyeurs, les marchands, les vivres et 
l'artillerie, la bataille conduite par Talbot, Fals- 
toff, sir Thomas de Rameston et Scales, enfin 



(2) Après la levée du siège d'Orléans, La Ferté-Hubert (La 
Ferté-Saint-Aignan) avait été abandonnée. 



_ 135 — 

rarrîére-garde composée de gens d'armes an- 
glais. Ils marchaient dans cette ordonnance de- 
puis deux heures environ, et se trouvaient à peu 
de distance de Patay, c en un lieu dit Coynce, » 
lorsque les coureurs de Tarrière-garde signa- 
lent des cavaliers éclairant un gros de troupes : 
c'était l'armée française. 

Le jour même de la reddition de Baugenci, 
de grand matin, le duc d'Alençon avait été 
averti par un chevaucheur de la compagnie de 
La Hîre des mouvements de l'armée anglaise, 
et, de l*avis de Jeanne, on s'était mis immédia- 
tement à sa poursuite. Jacques de Dinan, sei- 
gneur de Beaumanoir, Ambroise de Loré,Xain- 
traiîles, Thibaut de Termes et La Hire condui- 
saient l'avant-garde que les coureurs anglais 
venaient d'apercevoir. 

Sur le rapport de ceux-ci, les généraux font 
halte et délibèrent. Falstoff ne croyait pas qu'il 
fût prudent d'attendre avec une armée décou- 
ragée et en retraite les Français victorieux et 
excités par leurs récents succès. Il hésitait à 
risquer dans de telles conditions les dernières 
forces que l'Angleterre conservait dans l'Orléa- 
nais. Talbot ne peut se résoudre à refuser le 
combat qui vient s'offrir. Il envoie en avant les 
vivres, les charriots et voitures, met pied à 
terre, se place avec cinq cents archers d'élite 
en un chemin protégé par des haies où il 



— 136 — 

compte barrer le passage à Tarmée française. 
Il donne ordre à Farlillerie de le rejoindre en 
ce lieu et de se porter derrière lui, « en Torée 
(lisière) d'un bois emprès un village (1). » 

La troupe de La Hire avançait, sans se douter 
que l'ennemi fût si près, lorsqu'un cerf, dé- 
bûchant d'un bois voisin, se précipite au travers 
des Anglais, qui poussent un cri de surprise. 
Les Français tout aussitôt se mettent en garde, 
piquent leurs chevaux, et, la lance en avant, 
tombent sur les archers de Talbol avant que la 
bataille les ait rejoints, sans même qu'ils aient 
eu le temps de planter en terre les épieux der- 
rière lesquels ils avaient l'habitude d'attendre 
les charges de la cavalerie. Falstoff court àl'a- 
vant-garde pour la ramener au lieu du combat ; 
mais tout paraissant perdu, elle refuse de le 
suivre et s'enfuit dans la plaine. 

Le gros de l'armée française, ' au contraire, 
rejoignait son avant-garde. C'est le moment où 
La Hire attaquait Talbot : « Que devons-nous 
faire? » demandent à Jeanne le duc d'Alençon et 
le Connétable. «Avés-vous tous de bons éperons? 
— Que dites-vous? Devons-nous donc tourner 
le dos? — Eh non! ce sont les Anglois qui seront, 
déconfits, et vos éperons vous seront nécessaires 

(1) LigneroUes, hameau de Patay, en Beauce, près Tan- 
cienne route de Blois à Paris par Janville, à sept lieues au 
nord de Baugenci. 



— 137 — 

pour courir après eux. » On se jette à la suite de 
La Hire; les Anglais sont écrasés; deux mille 
hommes périssent, le reste est prisonnier. Ra- 
meston, Scales, im fils de Warwick, sont pris; 
Talbot tombe aux mains des archers de Xain- 
trailles. Les fuyards sont poursuivis jusque sous 
les murs de Janville, qui refuse d'ouvrir ses 
portes et se rend aux Français. Montpipeau, 
Saint-Sigismond font de même ; plus rien ne 
reste aux Anglais dans cette partie de la Beauce. 
Falstoff se réfugie à Gorbeil. Si ce jour on avait 
voulu poursuivre l'ennemi, on l'eût c chassé 
jusques à la mer, veu le courage que chacun 
avoit, car un François eust abatudixAnglois. » 

Des chevaucheurs sont expédiés le soir même 
à Orléans et à Tours. Jeanne et ses compagnons 
couchent à Patay. On y avait conduit les prin- 
cipaux des prisonniers : Talbot était là au milieu 
des seigneurs français, du comte de Vendôme, 
des frères de Laval, de La Hire, en présence 
de la Pucelle, du Bâtard, du Connétable, du 
duc d'Alençon. « Vous ne pensiés pas ce matin, > 
lui dit ce dernier, « qu'il en arriveroit ainsi. 
— C'est la fortune de la guerre, » répondit 
Talbot ~. 

L'ancienne route de Blois à Paris, par laquelle 
avait cheminé l'armée royale, existe en grande 
partie. C'était la voie la plus courte pour se 
rendre à Paris ; il y a quelques années elle était 

8. 



— 438 — 

encore fréquentée par les conducteurs de bes- 
tiaux, et elle n'a été complètement abandonnée 
que depuis rétablissement du chemin de fer. On 
peut, en la suivant, se rendre facilement compte 
de ce que fut la journée de Patay, recomposer 
l'ordonnance de la bataille et constater sur place 
l'exactitude du récit des chroniqueurs (1). 

Lorsqu'on a dépassé le bourg de Saînt-PëraYy 
d'un kilomètre environ, on aperçoit, à trois kilo- 
mètres à droite, le clocher de Coinces ; à deux 
kilomètres devant soi, un peu à la gauche de 
la route, le hameau de LigneroUes ; à deux ki- 
lomètres au-delà, le clocher de Patay. A par- 
tir de ce point, le terrain, horizontal et plat 
jusque-là, s'abaisse et devient un bas-fond, le 
bas-fond de la Relrève que l'ancienne voie tra- 
verse. C'est en ce lieu que se trouvait l'armée 
anglaise, quand ses coureurs lui signalèrent la 
marche de l'ennemi. Le pli du terrain la déro- 
bait aux regards, et celte circonstance fut cause 
que l'avant-garde des Français ne la vit qu'en 
arrivant sur elle. 

De l'autre côté du bas-fond, la pente peu 
sensible du sol est couronnée par le hameau 
de LigneroUes, qu'entourent quelques bouquets 
d^arbres, et une plaine qui porte le nom de 
Ciimat-du-Camp ; sur cette pente Talbot s'était 

(1) V. la planche C. 



— 139 — 

placé et avait mis ses archers en ligne. La Pu- 
celle et les généraux Français arrivant à la crête 
du versant opposé, purent d'un regard saisir et 
juger la situation. 

Déjà La Hire était aux prises avec Talbot. 
Lès archers anglais, culbutés, se replièrent sur 
Ligilerolles, où le gros de l'armée qui avait 
essayé de se former reçut le choc de la cavalerie 
française et fut accablé. Les fuyards s'échap- 
pèrent au travers du Glimat-du-Camp et rega- 
gnèrent la route de Paris, par laquelle l'avant- 
garde que FalstofF n'avait pu ramener au combat 
se retirait en désordre. 

Aux alentours de LîgneroUes, on a trouvé 
des fers de chevaux, un dard de javelot, dés fer- 
rements de charriots, des boulets. 

i9 juin. — La Pucelle, le duc d'Alençon et 
« tout le surplus de la compagnie » dînent à 
Patay, puis s'en vont coucher à Orléans, « et là 
sont reçus très-grandement ; ils alèrent par les 
églises remercier Dieu, la vierge Marie et les 
saints du paradis de la grâce et de l'honneur 
que Notre-Seigneur avoit faits au Roy et à eux 
tous, et chacun disoil que c'étoit par le moyen 
de la Pucelle, et que sans elle n'atiroienl pu si 
grandes merveilles avoir étéfaictes®*. » 

Depuis lors les bords de la Loire n'ont pas 
revu les armées anglaises. Chacun des jours qui 



— 140 — 

suivirent marqua pour elles un pas rétrograde ; 
successivement le Chartrain, Tlle-de- France, le 
Maine, la Normandie, la Guienne, Calais enfin, 
leur échappèrent. Le souffle libérateur qui d'Or- 
léans s'était levé contre elles ne s'apaisa plus 
qu'il ne les eût, jusqu'au dernier homme, expul- 
sées du continent et rejetées dans leur île. 

IV. — VOYAGE DE REIMS. 

JUIN ET JUILLET 1429. 

Du 20 au 22 juin. — Les Orléanais espé- 
raient bien que le Roi viendrait dans leur ville. 
Déjà, pour le recevoir, ils avaient fait tendre les 
rues et préparer un dais de drap d'or; mais 
Charles VII se tint à Sully, ce que plusieurs de 
son entourage désapprouvaient. Jeanne se rend 
près de lui ; elle l'accompagne à Saint-Benoît- 
sur-Loire, à Châteauneuf, et chaque jour elle 
le supplie de prendre le chemin de Reims, 
l'assurant que s'il se décide « il aura tout son 
royaume et sera couronné sous peu. » Ceux 
du Conseil voulaient ajourner encore et par- 
laient de s'emparer auparavant de Cosne et de 
La Charité ; plusieurs étaient d'avis de se porter 
sur la Normandie. Jeanne insiste et montre une 
si grande confiance, qu'elle finit par obtenir le 
consentement du Roi. 



— 141 — 

Le Connétable, n'osant venir à la cour sans 
y avoir été appelé, était resté en Orléanais. 
Jeanne et le duc d'Alençon tiennent la promesse 
qu'ils lui ont faite devant Baugenci et deman- 
dent au Roi de lui rendre sa faveur. Le Roi 
pardonne au Connétable, et toutefois ne veut per- 
mettre qu'il soit du voyage de Reims ^. 

23 juin. — Jeanne revient à Orléans, d'où 
elle dirige sur Gien tous les gens d'armes qui 
étaient demeurés dans la ville. 

a juin. — Elle dit adieu aux Orléanais et 
part elle-même pour rejoindre Charles VÏI à 
Gien. 

26 juin. — L'amiral de Culan s'empare de 
Bonny. 

En arrivant à Gien, la Pucelle avait trouvé 
la cour dans de nouvelles hésitations. Sur la 
route qu'on devait suivre pour gagner Reims, il 
y avait, disait-on, nombre de châteaux, de villes 
fermées et places fortes que tenaient les Anglais 
et les Bourguignons. « Je le sais, » répondait 
Jeanne, . « ce qui ne m'empêchera de mener 
heureusement le gentil roi Charles pour être 
sacré audit lieu de Reims. » Et de dépit de ces 
retards, elle s'en était allée se loger hors de la 
ville, où elle fut deux jours. 



_142 — 

Il y avait une autre difficulté : le Roi n'avait 
pas d'argent pour payer l'armée qui l'accom- 
pagnait. La détresse du trésor était si grande, 
que sur la solde en ce moment échue on ne 
put donner à chaque homme d'armes que « de 
deux à trois francs. » Mais tous, chevaliers, 
écuyers, gens de guerre et « des communes, » 
dirent qu'ils voulaient bien marcher en la com- 
pagnie de la Pu celle et ne demandaient que 
Thonneur de servir le Roi dans ce voyage : il 
fallut bien se rendre ^, 

57 juin. . — Charles VII se ifnet en route par 
Montargîs et Auxerre. La ville d'Auxerre donne 
des vivres. 

Du 5 au i^ juillet. — On arrive sous les murs 
de Troyes; les habitants se ferment et envoient 
demander des secours à Reims et à Châlons. 
Le Roi les fait sommer d'ouvrir leurs portes. 
Jeanne leur écrit; ils répondent qu'étant en l'o- 
béissance du duc de Bourgogne, ils ne peuvent 
permettre l'entrée de leur ville que de son exprès 
commandement. 

Les avis timides reprennent le dessus; dans 
le Conseil, plusieurs s'effraient de la forte po- 
sition de la ville et du danger qu'on courrait à 
s'avancer sans artillerie ni argent dans un pays 
entièrement bourguignon : il est question de 



— 143 — 

retourner sur la Loire. Jeanne intervient et 
promet que, sous trois jours, la place sera 
au Roi. « Noble Dauphin, ordonnés à vos gens 
de venir et d'assiéger la ville, et ne vous re- 
tardés pas davantage en des conseils de lenteur : 
en nom Dieu, avant trois jours je vous intro- 
duirai dans la cité de Troyes par amour, puis- 
sance ou valeur, et la fausse Bourgogne sera 
très-étonnée. » 

Le Chancelier dit qu'on attendrait bien six 
jours, et la place est attaquée. La résistance 
ne fut pas même de trois jours. On vit bientôt 
Tévêque s'avancer pour parlementer ; les gens 
de guerre obtiennent liberté de se retirer et 
ceux de la ville « abolition générale > 

La cité deChâlons, sommée parla Pucelle de 
se rendre « au roy du ciel et au gentil roy 
Charles, » ouvre ses portes, reçoit le Roi « moult 
honorablement et se met franchement en son 
obéissance. » Toutes les forteresses du pays font 
de même. 

Des gens de la Champagne et de la Lorraine 
étaient venus à Châlons sur le bruit que le Roi 
y passerait pour se rendre à Reims ; dans le 
nombre se trouvaient plusieurs laboureurs de 
Domremy. Jeanne les reconnaît, les accueille 
et leur dit € qu'elle ne craint rien, sinon la 
trahison. » A l'un d'eux elle donne un vêtement 
rouge qu'elle avait porté ®*. 



— 144 — 

iQ juillet. — L'armée quitte Châlons et s'ap- 
proche de Reims. On manquait d'artillerie, et le 
Roi s'en inquiétait. « N'ayez doute, » dit la Pu- 
celle, « les bourgeois se rendront avant que vous 
ne soyez arrivé et seront à votre rencontre. » 
Elle disait vrai : le conseil et les habitants, in- 
formés de la soumission de Troyes et de Châlons, 
avaient envoyé au-devant du Roi les principaux 
d'entre eux qui l'attendaient à Sept-Saulx et lui 
offrirent pleine et entière obéissance. Le soir 
même Charles VÏI, qu'on appelait encore le Dau- 
phin, fit sou entrée dans la ville. Il y fut reçu 
par le duc de Lorraine et le sire de Commercy, 
qui étaient arrivés « à grant compagnie de 
gendarmes > pour se mettre à son service. 

17 juillet. — Sacre. — Le sire de Retz, 
maréchal de France, se rend en cortège à l'ab- 
baye de Saint-Remi, où il reçoit la sainte Am- 
poule. Après avoir juré de la rendre, il l'apporte 
dans l'église métropolitaine de Notre-Dame, et 
là, au milieu d'un immense concours de peuple, 
de seigneurs et de gens de guerre ; en la pré- 
sence du duc d'Alençon, des comtes de Clermont, 
de Vendôme, du Bâtard d'Orléans, de l'amiral 
de Culan, des sires d'Albret, de Retz, de la Tré- 
mouille, de Maillé, de Beaumanoir, du sire de 
de Laval € qui ce jour fut fait comte » (1), du 

(1) Gui de Laval. 



— 145 — 

sire de Lohéac, des seigneurs lorrains arrivés 
la veille, des principaux des chevaliers et capi- 
taines qui avaient pris part à !a défense d'Or- 
léans. L'archevêque Regnault, de Chartres, donne 
Fonction sainte à Charles VII, et pose la cou- 
ronne sur sa tête. Autant que les circonstances 
et la précipitation des événements le permeltent, 
l'antique cérémonial est observé. 

Les évêques de Châlons, d'Orléans, de Séez, 
représentent les pairs ecclésiastiques; le duc 
d'Alençon, les comtes de Clermont, de Vendôme, 
les sires d'Albret, de la Trémouille, de Laval , 
de Beaumanoir, les pairs laïques. Jeanne, en la- 
quelle c on croyoit voir quelque chose de céleste, 
et comme une envoyée de Dieu, > est près de 
l'autel, debout tenant son étendard, ce dont ses 
juges lui firent plus tard un grief. « Il avoit été 
à la peine, i> leur répondit la Pucelle ; < il étoit 
juste qu'il fût à l'honneur. > 

Le sire de Retz reporte la sainte Ampoule à 
l'abbaye de Saint-Remi, où il était allé la rece- 
voir. 

A Reims, Jeanne trouva son père, qui s'y était 
rendu pour la voir ^. 



--146 — 



V. — ORLÉANS ET LES BORDS DE LA LOIRE 

APRÈS LE SACRE. 

1429-1440. 

1429. — La duchesse d'Alençon s'était rendue 
à Orléans, et elle y avait pris résidence pendant 
que son mari suivait Charles Vil à Reims. Le 
duc lui envoie par un poursuivant la nouvelle 
de la « reddition > de Troyes, et par un de ses 
hératitsles « lettres du sacre du Roi. » Ce pour- 
suivant et ce héraut reçoivent de la ville d'Or- 
léans trois écus d'or chacun. 

Après l'échec subi devant Paris, Charles VII, 
de l'avis de € ceux de son conseil et de son 
sang, » quitte l'Ile-de-France pour revenir sur 
la Loire. La Pucelle, voyant qu'elle ne peut em- 
pêcher ce départ, laisse < son harnois complet i 
(ses armes) devant les reliques de l'abbaye de 
Saint-Denis, et à très-grant regret se « met en 
la compagnie du Roi. )) 

Ce n'est plus une marche de guerre : « l'ar- 
mée est rompue ; le chemin se fait en manière 
de désordonnance. » 

13 septembre. — On couche dans la ville de 
Lagny-sur-Marne. Le Roi en laisse le conunan- 
dement à Ambroise de Loré. 



— 147 — 

Du 44 aw 20 septembre. — On passe la Seine, 
puis TYonne, près de Sens ; on traverse Cour- 
tenay, Montargis, Châteaurenard. 

21 septembre. — On arrive à Gien pour dinar. 
Sur la Loire, on était en grûreté^ et le Roi chez 
lui. Les chefs qui l'accompagnaient depuis 
Saint'-Denis se séparent. Le duc d'Alençon s'en 
c va devers sa femme, le vicomte de Beaumont^ 
les autres capitaines chacun en sa frontière. » 
La Pucelle demeure près du Roi, presque seule 
et € moult ennuyée du départ du duc d'Alençon^ 
qu'elle aimoit très-fort. > 

Du 22 au 30 septembre. — La cour séjourne 
à Gien, à Celles, et se rend à Bourges, où était 
la Reine. A une petite distance de la ville, on 
est averti que la Reine vient à la rencontre du 
Roi. La Pucelle se porte en avant et la salue ; 
elle entre à Bourges à sa suite, et descend en 
la demeure de la veuve de Régnier de Boulegny, 
trésorier du Roi ^. 

Premiers jours (Toctobre. — La cour est â 
Mehun-sur-Yèvre. Le Roi y reçoit une ambassade 
des habitants d'Orléans, qui exposent la détresse 
où les a mis le siège. Pendant huit mois qu'il 
avait duré, les combats avaient été incessants; le 
pont de la Loire, les murs, les tours avaient eu 
à subir les atteintes continues de l'artillerie an- 



— 148 — 

glaise ; le fort des Tourelles, sur lequel s'étaient 
portés, tous les efforts de la Pucelle et de ses 
généraux dans la journée mémorable du 7 mai, 
n'était plus qu'une ruine ; les édifices des' 
faubourgs que les assiégés avaient eux-mêmes 
démolis, étaient détruits. La ville d'Orléans avait 
résisté, triomphé ; mais elle sortait de cette glo- 
rieuse épreuve épuisée dans ses finances. Il lui 
fallait non seulement relever ses murailles, ré- 
tablir ses ponts, « fort écroulés par les canons 
et bombardes, » se « remparer, » suivant l'ex- 
pression du temps, mais encore remédier aux 
pertes privées, indemniser les collégiales et les 
chapitres des faubourgs de la destruction de 
leurs cloîtres et de leurs églises, les particuliers 
de la destruction de leurs maisons. 

Les députés demandaient assistance. Char- 
les VII promit des octrois dont les lettres furent 
expédiées plus tard. Elles accordèrent aux habi- 
tants d'Orléans des droits sur la consommation 
des vins, et un péage temporaire sur les mar- 
chandises entrant dans leur ville,' par terre et 
par eau. Ce péage avait été octroyé particuliè- 
rement en vue de la reconstruction du pont, et 
en considération de « la grande renommée qui 
étoit dudit pont par tout l'universal monde, et 
des grandes victoires qu'on avoit eues par lève- 
ment de la bastide qu'avoient les Anglais aux 
Tourelles®'. » 



— 149 — 

Cependant Jeanne était « très-marrie > de ce 
que le Roi, passant son temps dans les villes et 
les châteaux du Berri, c n'entreprenoit de con- 
quester ses places sur ses ennemis. » Les princes 
et plusieurs généraux pensaient comme elle; ils 
étaient impatients de reprendre l'offensive. Le 
duc d'Alençon < assemble gens » et propose 
d'entrer en Normandie par les marches de Bre- 
tagne et du Maine, t et pour ce, fait requérir le 
Roi qu'il luy pleust lui bailler la Pucelle, > di- 
sant € que plusieurs se mettroient en sa compa- 
gnie qui ne se bougeroient si elle ne faisoit le 
chemin. » Mais l'archevêque de Reims, les sires 
de la Trémouille et de Gaucourt, qui < lors 
gouvernoient le corps du Roi et le fait de sa 
guerre, j craignant l'influence qu'une nouvelle 
campagne avec la Pucelle aurait donnée au jeune 
prince, font rejeter son offre. 

La Loire libre jusqu'à Gien, ne l'était pas au- 
delà. Ccsne, La Charité, Saint-Pierre-le-Mous- 
tier, d'autres places encore, étaient aux mains 
des Bourguignons. H importait de reprendre ces 
villes, si voisines de la contrée où la cour faisait 
résidence, de s'affermir par elles sur la haute 
Loire ; on consent à employer de ce côté l'ar- 
deur de la Pucelle et des capitaines qui étaient 
demeurés près du Roi. 

Premiers jours de novembre. — Jeanne se 



— 150 - 

porte sur Saint-Pierre-le-Moustier, et après quel- 
ques jours de siège elle donne l'assaut. Mais la 
place était forte et garnie de troupes résolues. 
Les Français reculent. D'Aulon, écuyer de la 
Pucelle, est blessé ; elle-même n'a plus à ses cô- 
tés qu'un petit nombre de gens d'armes. D'Aulon 
veut l'entraîner : « Je ne partirai, s'écrie-t-elle, 
qu'après lavoir pris la ville. Aux fagots, aux 
claies tout le monde pour combler le fossé ! i 
A sa voix chacun s'arrête, revient ; on apporte 
les fascines, les échelles ; les murs sont escaladée 
et la place emportée. 

Pendant que les choses marchaient de cette 
sorte à Saint-Pierre, des préparatifs se faisaient 
à Bourges pour le siège de La Charité. Lea 
villes de l'obéissance du Roi sont invitées à don- 
ner des secours ; Jeanne leur écrit. 

Clermont, Riom font passer des munitions. 
Les Orléanais se procurent des fonds par une 
vente de sel d'impôt. Us envoient quatre-vingt- 
six compagnons sous la conduite de Jean Voiau» 
capitaine de gens d'armes, deux « joueurs » de 
coulevrines, des trompettes avec l'étendard de 
la ville. Un cor délier, le valet de la ville et deux 
autres serviteurs, sont de ce voyage^ Plusieurs 
habitants les conduisent jusqu'à OUvet. 

Les compagnons équipée blmh frai3 de la ifiH^ 
portaient des huques de pers (drap bleu) , avec une 
croix de blancbet(drap blanc) et bordure d'orties. 



— 151 -^ 

Fin de novembre. — Le maréchal de Boussae» 
le sire d'Albret, se réunissent à la Pucelle, La 
Charité est investie ; mais le Roi n'envoie ni vi^ 
vres, ni argent. On manque de soldats. Âprèa 
un assaut infructueux et un séjour d'un mois 
sous les murs de la place, le siège est levé, <l à 
la grande déplaisance de la Pucelle ^, > 

La veuve de John Stuart de Darnley, conné- 
table d'Ecosse, tué à la journée des Harengs, 
meurt à Orléans; elle y avait suivi son mari 
dès le commencement du siège. Huit torches 
payées par la Ville sont portées à ses funérailles^. 

Premiers jours de décembre. — La Pucelle 
revient à Mehun-sur-Yèvre, ou le Roi lui accorde 
des lettres de noblesse pour elle, son père, sa 
mère, ses deux frères et leur descendance. Ses 
frères portent, à dater de ce moment, le nom 
de du Lis. 

25 décembre. — Ea Pucelle est à Jargeau. 

Premiers jours de janvier. — A Bourges. 

19 janvier. — A Orléans, en compagnie de 
son frère, Pierre du Lis; de Jehan Rabateau, 
conseiller du Roi, avocat-général au Parlement 
de Poitiers, qui avait été son hôte dans cette 
ville; de Jehan de Velly et du seigneur de Mor^ 
temart. La Ville lui failles présents d'usage, qui 



— 152 — 

se composent de ciquante-deux pintes de vin, 
six chapons, neuf perdrix, treize « congnins » 
(lapins) et un faisan. Un pourpoint fut donné 
à son frère '®. 

Du S au 28 mars, avant Pâques. — La Pucelle 
est à Sully avec la cour. Mécontente de ce que 
le Conseil n'entreprend rien pour la guerre, elle 
part secrètement sans prendre congé du Roi et 
se rend à Lagny. 

4430, 23 mai. — Sortie de Corapiègne. Jeanne 
tombe aux mains du comte de Ligny, qui la vend 
au duc de Bedford pour seize mille saints d'or. 
Son écuyer, Jehan d'Àulon, la suit dans sa 
prison. 

1431, 31 mai. — Jeanne, condamnée comme 
hérétique et relapse, est brûlée vive sur la place 
du marché de Rouen. 

1432, juin. — Premier anniversaire de la 
mort de la Pucelle. La ville d'Orléans fait cé- 
lébrer dans l'église de Saint-Samson un service 
pour le repos de son âme. Quatre cierges, douze 
tortils, un flambeau aux armes de- Jeanne, sont 
présentés à l'offrande. Pendant le service, huit 
messes des morts sont chantées par huit reli- 
gieux mendiants. Les Procureurs y assistent. 



— 453 — 

Jusqu'à l'année 1439, ce service fut renouvelé 
tous les ans ^\ 

1440. — Isabelle Roraée, mère de Jeanne, 
vient habiter Orléans; elle y demeure jusqu'à 
sa mort. La Ville lui fait une pension de qua- 
rante-huit sous parisis par mois (1). 

Des deux frères de la Pucelle, Jean et Pierre 
d'Arc, dits du Lis depuis leur anoblissement, 
l'un, Jean du Lis, était demeuré à la cour de 
Charles VII pendant les premières années qui 
suivirent la délivrance d'Orléans; en 1436, il 
était allé en Lorraine sur le faux bruit que sa 
sœur y avait reparu, et le Roi l'avait fait pré- 
vôt de Vaucouleurs, office qu'il garda jusqu'en 
1467. 

Pierre avait été pris à la sortie de Compiègne 
et était resté pendant plusieurs années prison- 
nier du bâtard de Vergy. Il vint ensuite habiter 
les environs d'Orléans. En 14431e duc d'Orléans 
lui donna l'Ue-aux-Bœufs. 

Son père était mort du chagrin qu'il avait 
ressenti en apprenant son supplice. 

1429-1440. — Charles III, duc d'Orléans, con- 
tinuait à tenir prison à Londres, n'ayant pu 
jusque-là payer l'énorme rançon de trois cent 

(1) En valeur intrinsèque, 23 fr. 91 c. ' 



— 154 — 

mille écus d'or qu'on exigeait de lui. En dé- 
cembre 1429, les états du royaume avaient été 
convoqués à Orléans pour aviser aux moyens 
d'obtenir sa délivrance. Une taxe avait été mise 
sur les habitants; le Roi avait donné quelque 
argent, mais c'était loin de sufQre. Les deux 
maisons de Bourgc^ne et d'Orléans se réeond- 
lient. Pbilippe-le-Bon fournit ce qui manque pour 
la rançon du due prisonnier et lui donne la main 
de sa nièce, Marie de Clèves (1). 

^A janvier 1441. — Entrée du duc et de la 
duchesse d'Orléans dans leur ville ducale. Les 
habitants les reçoivent en grande pompe. Après 
douze jours passés à Orléans dans des fêtes con- 
tinuelles, ils se rendent par la Loire (2) au châ- 
teau de Blois, qui devient leur résidence ha- 
biluelle. 

Août. — Charles d'Orléans avait été vingt- 
cinq ans absent. S'il retrouvait son patrimoine, 
il le devait à Dieu et à Jeanne d'Arc , mais pour 
une part aussi à l'épée de son frère naturel, le 

(1) Charles d'Orléans était veuf de sa seconde fenune, 
Bbnn« d'Aimagnac. 

(2) Vair dans V Histoire du château, de Sloia, par M. de la 
Saussaye, la ballade de Charles d'Orléans^ commençant pat 
ces deux vers ; 

En tirant d*0rléans à Blois, 
L'autre jour par eau venoye* 



— 455 — 

Bâtard d'Orléans. Il devait encore au Bâtard 
l'alliance de la maison de Bourgogne, qui avait 
été négociée par son entremise. Pour reconnaître 
de si grands services, il lui abandonne le comté 
de Dunois"* 



VL — RÉHABILITATION DE LA KÊHOIRE 
DE JEANNE D'ARC. 

1450-1456. 

' Isabelle Romée, mère de Jeanne d'Arc, Pierre 
et Jean « dits d'Arc, > ses frères et ses autres 
parents, adresisent une requête au Saint-Siège, 
à l'effet de < recouvrer leur honneur, celui de 
Jeanne, et d'abolir la note d'infamie dont sa mé- 
moire est injustement entacbée (1). » Le pape 
Calixle II donna commission à l'archevêque de 
Reims, aiux évéques de Paris et de Coutances, 
d'informer sur le procès et la sentence de con- 
damnation de la Piieelle. 

Déjà Charles VII, se trouvant à Rouen (fé- 
vrier 145d), avait chargé Guillaume BouiUé, 
doyen de Noyon, et Jean Bréhal, inquisiteur de 



(1) Ad recuperationetn honoris sui et dictœ Johannœ, ac 
ad abolendam infamiœ notam et inde indehite smceptam. 
— Texte du rescrit QyiCHEJUT, II, 97. 



— 156 — 

la foi, de procéder à une information préliori* 
naire. 

L'instruction ordonnée par le Pape est com- 
mencée d'après les formes scrupuleusement mi- 
ifutieuses de la procédure canonique. Le promo- 
teur des causes criminelles de la cour épiscopale 
de Beauvais, le sous-inquisiteur de la foi dans le 
diocèse, Guillaume de Hellande, évêque de Beau- 
vais, et les héritiers de Pierre Cauchon, sont as- 
signés comme défendeurs. L'évêque décline la 
responsabilité des actes de son prédécesseur 
Pierre Cauchon; personne ne comparaît pour 
les défendre. 

Du 24 février au iQ mar5 4456. — L'arche- 
vêque de Reims (1), se transporte à Orléans et 
entend trente-huit témoiné, parmi lesquels (2) : 

Jean d'Orléans, comte de Dunois; 

Raoul de Gaucourt, bailli d'Orléans au temps 
du siège, à ce moment grand-maitre de l'hôtel 
du Roi, âgé de quatre-vingt-cinq ans. 

Charlotte, épouse de Guillaume Havet, âgée de 

(1) Jean Jouvenel des Ursins, archevêque de Reims de- 
puis 1449. 

(2) Dans cette enquête, Farchevêque fut assisté de Guil- 
laume Bouille, de Jean Patin, de Tordre <^ps Frèi es-Prê- 
cheurs, professeur de théologie et sous-inquisiteur de la foi; 
de Jean du Mesnil, docteur ès-lois, officiai de Beauvais; de 
Jean Martin, de Tordre des Frères-Prêcheurs, vicaire de Tin- 
quisiteur, et de Jean Cadier, bachelier ès-lois. 



— 157 — 

trente-six ans, fille de Jacques Boucher, trésorier 
du duché d'Orléans, qui avait partagé le lit de 
Jeanne pendant son séjour dans la maison de 
son père, du 29 avril au 40 mai 4429. 

Des informations semblables sont faites & Pa- 
ris, à Rouen, à Lyon (1), et dans le lieu de la 
naissance de Jeanne d'Arc. 

4456, juillet. — Sentence de réhabîlilalîon 
prononcée dans le palais archiépiscopal de 
Rouen, par Tarchevêque de Reims, l'évêque de 
Paris, l'évêque de Coutances et Jean Bréhal, 
juges délégués du Saint-Siège (2). 

Par laquelle sentence le procès poursuivi et les 
jugements rendus contre « Jehanne d'Arc, vul- 
gairement appelée la Pucelle, » reconnus iniques, 
dolosifs, calomnieux, erronés en droit et en fait, 
son abjuration et ce qui a suivi, sont déclarés 
vains, nuls et sans valeur. 

Proclamation de la sentence sur la place de 
Saint-Ouen, de Rouen, et sur la place du Vieux- 
Marché, au lieu même où Jeanne avait été brûlée. 

(1) Pour recevoir la déposition de d*Aulon, ancien écuyer 
de la PuceUe, qui était à ce moment sénéchal de Beaucaire 
et peut-être capitaine du château de Pierre Scise, près Lyon. 

(2) Sur «( la cajise poursuivie par Isabelle d'Arc, honnête 
veuve, Jean d'Arc, prévôt de Vaucouleurs, Pierre d'Arc, che- 
valiers, autrefois mère et frères germains de défunte Jehanne 
d'Arc, de bonne mémoire, vulgairement appelée la Pucelle, 
demandeurs. » 



— 158 — 

Du li au. ^9 juillet. — Arrivée à Orléans de 
l'évêquede Coutanceset de Jean Bréhal, porteurs 
de la senteaee de réhabilitation. Procession à 
Saint-SamsoQy au cours de laquelle la sentence 
est proclanjée. A cette processioû sont portées 
les six torches de la Ville. Pierre d'Arc, frère 
de la Pucelle, y assiste '^, 

Les Orléanais ne s'étaient pas un instant dé- 
mmû& dans leur reconnaissance envers la Pu- 
celle. Qâ avaient pleuré: sa mort, nourri sa mère, 
adopté ses frères» béni sa rébabilitatuMi, Tocit 
ce qui tenait à elle, la viUe d'Orléans se l'étaît 
pieusement approprié, en avait fait son potri* 
moine, c'était sa propre mémoire qu'etie hono- 
rait dans la siennie. Alliance etconibmunautéque 
le temps a consacrées : Jeanne d'Arc et Oriéans 
sont devenus des noms i6séparaJt)les, e( dans la 
langue de l'histoire cette noble enfant, qui pour 
obéir à Dieu était venue des marches de Lor- 
raine aaettre sa jeunesse, sa graïkde âme et sa 
vie au service de la Fraoce, s'est appelée la 
Pucelle d'Orléans. 



VIL -^ FÊTE COMMÉHaRATIVE DS LA 
DÉLIVRANCE D'ORLÉANS. 

■ 

Institutiani de la fête. — Le 8 mai 4429, 
à la nouvelle que l'armée anglaise se retirait. 



— 45» — 

les Qrlàaaaia s'étaient spontaBémeat répandus 
dans les églises^ pour rendre aa Ciel de justes 
actions de grâces et pour remercier leurs pa- 
trons saint Ëuverte et saint Aigaan de la pro- 
teetion qu'ils avaient étendue sur la cité pen- 
dant la durée du siège. Le même jour, le clergé, 
€ par k moyen et de l'ordonnance du Bâtard 
d'Orléans, d s'était rendu processionnellen:bent au 
portereau Saint-Marceau, suivi du Bâtard lui- 
même, de la Pucelle, des Procureurs, des caipi- 
taines, gens d'armes, bourgeois et habitants. Ce 
fut l'origine de la fêle du 8 mai '*. 

L'année suivante, la même procession se fit 
aa milieu d'un concours immense et avec un 
enthousiasme extrême. Les boui^eois d'Orléans 
étaient allés chercher à Meung (1) leur évéque 
de Saint-Michel pour qu'il y assistât. 

Dés ce temps, le cérémonial de la fête avait 
été réglé. Le clergé et le conseil de la Ville, d'un 
commun accord, avaient arrêté qu'on irait en 
procession aux Augustins, et partout où avait 
été le « estour j (combat) ; 

Qu'on y ferait le service et oraisons ; 

Que les douze Procureurs porteraient cbacnn 
efi leur main un cierge où seraient les armes 
de la Ville ; 



(1) Suivant le doyen de la Saussaye, à Jargeau, d'après les 
manusontB de Fabbé Dubois. 



— 160 — 

Que de ces cierges quatre demeureraient à 
Saînle-Croîx, quatre à Saint-Euverte, quatre à 
Saint-Aignan ; 

Que les châsses des églises seraient portées, 
c en espécial celle de monseigneur Saint-Aignan, 
celle de monseigneur Saint-Euverte, lesquels 
furent gardes et protecteurs de la dicte cité 
d'Orléans; > 

Qu'on reviendrait par devant la chapelle de 
Notre-Dame-de-Saint-Paul (1) ; 

De Ik à Sainte-Croix, où un sermon serait 
prêché et la messe célébrée ; 

Que le même jour, en l'église de Saint-Aignan, 
on chanterait vigiles pour les « trespassés » 
pendant le siège, et le lendemain une messe 
solennelle, à laquelle assisteraient les Procureurs; 
qu'à l'offrande serait présenté, au nom de la 
Ville, un cierge, c pain, vin, » et par chaque 
procureur huit deniers parisis. 

Ce cérémonial fut approuvé plus tard et con- 
sacré par des décisions épiscopales et pontificales 
dont voici les dates : 

9 juin 4452. — Bulle du cardinal d'Estou- 
teville, légat du Saint-Siège, par laquelle sont 
accordés cent jours d'indulgence à toute per- 
sonne pénitente qui visitera l'église de Sainte- 
Croix et assistera dévotement : le 7 mai, aux 

(1) Cette chapelle était à la partie sud-est de Téglise. 



— 461 — 

premières vêpres ; le 8 mai à la procession 
générale, à la me:se et aux secondes vêpres, le 
9 mai au service des défunts. Ce pardon fut 
crié dans la ville, de l'ordre des Procureurs, et 
trancrit sur un livre où était < le service de la 
fêle, J et qu'on appelait le livre rouge. 

4 mai 1453. — Lettres de Thibault d'Aussi- 
gni, évêque d'Orléans, qui, voulant conserver 
et maintenir à jamais la fêle établie, de « Tas- 
senliment de la population cléricale et laïque, > 
pour célébrer la gloire de Dieu et remercier les 
saints confesseurs saint Euverte et saint Aignan 
de leur assistance, accorde quarante jours d'in- 
dulgence à tous les fidèles pénilenls qui, en 
commémoration d'une aussi grande victoire, as- 
sisteront les 7, 8 et 9 mai aux vêpres, à la 
procession solennelle et à l'office des défunts. 

4 mai 1474. — Lettres de François de Brilhac, 
évêque d'Orléans, qui accorde les mêmes indul- 
gences à ceux qui, pendant les trois jours con- 
sacrés à remercier Dieu de la victoire obtenue 
par le secours de la croix triomphante, « pa- 
trone » de la cité (1), l'assistance de saint Eu- 
verte et de saint Aignan, ses protecteurs, sui- 
vront les offices de la fête. 

i9 janvier 1482. — Lettres de Jean Rolin, 



(1) Uéglise cathédrale d'Orléans est placée sous le vocable 
de la Croix et sous celui de Saint-Mamert. 



— 162 — 

cardinal-évêque d'Autun, données à Paris, à la 
requête des procureurs de la ville d'Orléans, 
par lesquelles sont accordés cent jours d'indul- 
gence à ceux qui assistent aux processions, 
messes et offices célébrés en mémoire de la déli- 
vrance et pour la prospérité de la a commune 
et cité. » Cette dernière bulle fut transcrite au 
livre rouge par l'un des notaires en cour d'é* 
glise de la ville d'Orléans. 

La fête du 8 mai, canoniqueraent constituée 
par ces décisions, eut désormais son afûce 
spécial et prit place dans le calendrier ecclésias- 
tique du diocèse, oii elle figure sous l'indication : 
« Délivrance d'Orléans; n mais en même temps 
elle demeurait fête civile. Née de l'accord des 
habitants et du clergé, clera et altero popula 
consentiente , elle conserva toujours , ou du 
moins ne perdit qu'accidentellement ee carac- 
tère mixte, qui est le sceau de son origine. 

Jusqu'en l'année 1561, elle fut célébrée sans 
interruption, avec le cérémonial religieux et 
civil. En 1562, les calvinistes se trouvant maî- 
tres d'Orléans (1), la procession n'eut pas lieu, 
la fête ne fut pas célébrée. Peut-être y eut- il un 
divertissement militaire aux Tourelles. Un ar- 
ticle du. compte de commune, où il est question 
d'échafauds dressés pour la fête de la Ville, le 

(1) Depuis le \^^ avril, le prince de Condé, chef du parti 
protestant, en était maître. 



-163 — 

laisse supposer (1). Ce complu ne mentionne 
aucune autre dépense. 

Les registres de 1563 et de 1564 manquent, 
et l'on ne sait ce qui se passa au mois de mai 
de ces deux années (2), 

En 1565, la fête fut célébrée suivant l'ancien 
rit. La procession se rendit de la cathédrale aux 
Tourelles ; mais les cinquanteniers de la religion 
réformée, commandés pour y assister, refusè- 
rent d'obéir : leur réponse fut constatée par 
acte notarié. Cette sommation et cette réponse 
semblent indiquer qu'on revenait pour la pre- 
mière fois, depuis les troubles, à l'ancien céré- 
monial. CHï fut du reste obligé de prendre des 
mesures cShtre les mauvaises dispositions des 
calvinistes. Le chevalier du guet dut se trouver 
à la procession avec ses gens, et le capitaine 
Caban, commandant de la citadelle, avec ses 
soldats, pour a empêcher qu'on ne fit sédition. » 
Pendant plusieurs années cette précaution fut 
nécessaire. En 1572, ce fut M. de Machault, 
commissaire pour le Roi, qui se chargea de 
maintenir l'ordre sur le passage du cortège. 

1791-1792. — La fête, dépouillée de tout ca- 
ractère religieux, est célébrée militairement. 

(1) A Irabault Samxon six ËYreç tournûys, pouv avoir par 
lui fourny et faict les chaflfaulz et faste de la Ville. 

(2) Le 2 avril 1563, le prince de Condé avait quitté la ville» 
cpM ce màVi.^ jour avait été remise ai» officiers du Roi. 



— 164 — 

4793. — La fête est supprimée. 

4803. — Sur la demande du conseil général de 
la commune, le premier Consul autorise le réta- 
blissement de la « fêle commémorative de 4429. > 
Le maire, M. Crignon-Désormaux, prend un arrêté 
dont voici le préambule et les premiers articles : 

« Considérant que le Gouvernement a approuvé 
la proposition de rétablir à Orléans la fête qui s'y cé- 
lébrait chaque année en l'honneur de la délivrance 
de la ville par la Pucelle ; 

« Considérant que cette fête a toujours été religieuse 
et civile, et que dès lors elle doit se faire par le con- 
cours des diverses autorités ; 

<E Après en avoir conféré avec le général comman- 
dant la subdivision du Loiret pour ce qui concerne la 
partie militaire, et avec Monsieur l'évèque d'Orléans 
pour ce qui a rapport à la partie religieuse de cette 
cérémonie ; 

« Arrête, pour ce qui concerne le civil : 

« Art. 4e»'. — La fête de la délivrance de la ville 
par Jeanne d'Arc, dite la Pucelle, sera célébrée le 8 
floréal prochain et les années suivantes, le jour du 
calendrier républicain correspondant au 8 mai, vieux 
style. 

« Art. 2. — Les invitations à tous les corps laïques 
et ecclésiastiques seront faites par le Maire^ lequel 
ordonnera tout ce qui tient au détail de la fête. » 

L'évêque, de son côté, donna un mandement 
portant : 

< A ces causes, et en vertu de l'autorisation spé- 



— 165 — 

ciale du Gouvernement, nous ordonnons que la fête 
religieuse établie en cette ville en mémoire de sa dé- 
livrance par Jeanne d'Arc, connue sous le nom de 
Pucelle d'Orléans, continuera d'être célébrée le 8* 
mai de chaque année, sous le rit et avec les cérémo- 
nies d'usage. :» 

4831. — La fête religieuse se célèbre dans 
rinlérieur de la cathédrale; la procession cesse 
de se rendre aux Tourelles. 

1840 à 1848. — La procession sort et se rend 
aux Tourelles. 

1848 à 1852. — La procession extérieure est 
de nouveau supprimée. Les autorités civiles et 
militaires seules vont aux Tourelles en cortège. 

1852. — La procession extérieure est réta- 
bUe '^ 

Dénomination de la fête. . — La population 
rappelle indistinctement fête de la Pucelle, de 
Jeanne d'Arc, des Tourelles, de la Ville. De ces 
dénominations, les deux dernières seules sont 
exactes. Instituée en commémoration de la déli- 
vrance de la cité et non en l'honneur de Jeanne 
d'Arc, la fête du 8 mai s'appela, à l'origine, 
fêle des Tourelles, puis fête de la Ville, nom 
qui lui est resté. Les registres de la commune 
ne lui en ont jamais donné d'autre. En voici 
l'extrait : 

1435. — Solennité de la fête des Tourelles. 



— 166-^ 

Anniversaire pour le salut des âmes de ceux qui 
moururent quand le siège fut levé. 

4440. — Vigiles des trépassés qui sont morts 
durant le siège. 

4441. — Fête de la Ville qu'on fait le hui- 
tième jour de mai. Vigiles et messe qu'on chante 
pour les âmes de ceux qui trépassèrent le siège 
durant. 

4449. — Fête et solennité qu'on fait chacun 
an, au huitième jour de mai, pour mémoire de 
ce que les Anglais qui tenaient le siège devant 
la ville s'en allèrent ce jour et levèrent leur 
siège. 

4450. — Remembrance et solennité qui, cha- 
cun an, se fait ce jour (8 mai) à l'occasion 
du siège que les Anglais mirent au mois d'oc- 
tobre l'an mil quatre cent vingt-huit devant la- 
dite ville d'Orléans, et y tinrent jusqu'au hui- 
tième jour de mai mil quatre cent vingt-neuf, 
que par la grâce de Dieu il fut levé. 

4454. — Procession des Tourelles qui se fait 
le huitième jour de mai en mémoire de la grande 
grâce que Dieu nous fit à la levée du siège que 
tenaient les Anglais devant cette cité, lesquels 
se départirent honteusement à l'honneur du Roi 
notre sire, et des habitants d'icelle. 

4455. — Solennité qui, chacun an, se fait 
pour le « relièveraent » du siège que tinrent les 
Anglais devant la ville. 



— 167 — 

1460. — Fête de la Ville pour révérence de 
la c lévacion i> du siège. 

1497. — Procession générale faite aux Au- 
gustins en remerciant Dieu, notre créateur, de 
la victoire à ce jour donnée contre les Anglais, 
ainsi qu'il est accoutumé faire chacun an. 

1501.— Fête de la Ville. 

1668. — Solennité de la procession de la dé- 
livrance de la Ville. Fêle de la délivrance de la 
Ville. Fête de la Ville. 

A dater de cette époque, il n*y a plus sur les 
registres d'autre dénomination que celle de 
f Fête de la Ville, > qui s'y trouve reproduite 
chaque année jusqu'à la suppression totale de la 
fête, en 1793. 

En 1772, la procession avait été appelée dans 
une ordonnance de Tévêque : « procession qui 
se fait en actions de grâce pour la délivrance 
de la Ville, par l'entremise de Jeanne d'Arc. » 

En 1803, l'arrêté du maire et le mandement de 
l'évêque relatifs au rétablissement de la fêle lui 
donnent le nom de « Fête de la délivrance d'Or- 
léans par Jeanne d'Arc. j> 

Itinéraire de la procession. — A l'origine, le 
clergé faisait le tour intérieur de la ville ; lors- 
qu'elle eut été agrandie, il continua de suivre 
les rues qui marquaient à peu près l'ancienne 
enceinte. 



— 168 — 

On sortait de la cathédrale par la porte laté- 
rale du sud, et on prenait par le cloître Saint- 
Etienne, les rues de la Corne-de-Cerf, du Puits-de- 
Linières, du Gros-Anneau, des Images, de Tlm- 
possible, de la Charpenterie, le Grand-Marché, le 
marché à la Volaille, les rues Saint- Jacques, des 
Hôtelleries, le pont, la voûte des Tourelles, le 
boulevart des Tourelles, l'église des Augustins, 
le pont, les rues des Hôtelleries, de la Pierre- 
Percée, du Puits-Saint-Christophe, le Vieux-Mar- 
ché, les rues Vannerie, Saint-Paul, delà Foulerie, 
de la Vieille-Poterie, de la Barillerie, de TAi- 
guillerie, la Porte-Dunoise, les rues de la Cor- 
donnerie, de la Pomme-de-Pin, de TOrmerie, 
Saint-Sauveur, de FEcrivinerie (1) ; on rentrait 
à la cathédrale par la porte du sud. 

Ce parcours dut se modifier lorsque le nou- 
veau pont eut été livré au public (1760) et la 
rue Royale ouverte. En 1762, Tévéque, sur la 
demande des officiers municipaux, rendit une 
ordonnance portant que désormais la procession, 
en sortant de la cathédrale, prendrait la rue de 
FEcrivinerie, et continuerait sa marche en droite 
ligne par la rue de Bourgogne jusqu'au coin de 
l'ancienne Porte-Dunoisc; que de là elle descen- 
drait la rue Sainte-Catherine, passerait sous la 
porte de l'ancien pont pour se rendre à l'église 

(1) Aujourd'hui rue Pothier. 



— 169 — 

des Auguslins par le nouveau pont ; qu'au re- 
tour elle suivrait la rue Royale, passerait devant 
le monument de la Pucelle, transporté récem- 
ment de l'ancien pont au carrefour de la rue 
de la Veille-Poterie, et rentrerait dans la cathé- 
drale par la place du Martroi, la rue d'Escures, 
la place de l'Étape et le portail du nord. Le 
chapitre de Saint-Aignan quittait la procession 
à ce moment et retournait dans son église. 

Le 8 mai 1829, quatre centième anniver- 
saire de la délivrance d'Orléans, on est sorti pour 
la première fois, depuis la reconstruction de la 
cathédrale, par le grand portail qu'on venait 
d'achever. 

Aujourd'hui, la procession continue à sortir par 
le grand portail et suit directement la rue Jeanne- 
d'Arc, pour gagner la rue Royale et le pont. Elle 
ne passe plus dans les bas quartiers ^^. 

Stations. — Dans les premiers temps, la pro- 
cession faisait plusieurs stations : sur le pont, 
devant la Belle-Croix ; au boulevart des Tourel- 
les, du côté de Jargeau, du côté de Meung, de- 
vant le fort; à la chapelle de Notre-Dame de 
Saint-Paul; à la Porle-Dunoise (1). Après la dé- 
molition du vieux pont, des Tourelles et de leur 

(1) iV^cienne porte de ville avant la réunion du bourg 
diAvenum, L'entrée de la rue de la Faverie, où eUe était pla- 
cée, eiruvait conservé le noiû. 

10 



^^ 



— 170 — 

boulevart, la station qui avait lieu sur ce point 
se fit dans l'église des Augustins; celles de Sainl- 
Paul et de la Porte-Dunoise furent supprimées. 
Aujourd'hui que l'église dès Augustins a été 
démolie, la station a lieu devant une croix qui 
a été érigée en 1817 sur l'emplacement dubou- 
levart des Tourelles. 

Office. — Les vigiles de la veille et toi taesse 
du jour se disaient à Sainte-Croix; c'est àtissi 
dans réglise de Sainte-Croix que le sermon était 
prononcé. Les vigiles du jour s« disaient et le 
service des morts se célébrait à Saint- Aignan. 

L'office de la procession était fait par les trois 
chapitres de Sainte*Croix, de Saînt-Aignan et de 
Saint-Pierre-Empont, Sainte-Croix dès l'origine, 
Saint-Aignan à dater de 1440, Saint-Pierre*Em- 
pont à dater de 1451. 

Les chants se composaient de versets des 
psaumes. Vers la fin du XV® siècle, on commença 
à introduire dans le processionnal des passageâ 
des Écritures qui pouvaient présenter des allu- 
sions à la délivrance de la vûle et à la prise des 
Tourelles. 

C'est ainsi qu'on chantait à la station de la 
Belle-Croix quatre répons , le premier tiré 
d'isaïe (1), où senties mots : occupabit salus muros 

(1) LX, 18. 



-m ^ 

tuos; le second en l'honneur de saint Mamert, 
patron de la cathédrale; le troisième en l'hon- 
neur de saint Euverte, le quatrième en l'hon- 
neur de saint Âignan ; à la station des Tourelles, 
le verset commençant par ces mots : Vos qui in 
turribus estis aperite portas; au retour, sur le 
pont, le cantique composé par Moïse lorsque 
Pharaon eut été submergé dans la mer Rouge (1), 
et le cantique de Débora. 

Dans l'ordre des prières arrêté en 1773, par 
ordonnance de l'évêque d'Orléans, ces psaumes 
et cantiques ont été maintenus; aujourd'hui 
encore ils font partie de Toffice. En rentrant 
dans Sainte-Croix, on entonne le Te Deum. 

Qn disait aussi deux oraisons, l'une où sont 
les mots : exorantes ut Aurelianorum civitatem 
quam de hostium manibus liberare dignatus es, 
Qb omni in posteruM adyersitate custodiasjYdM" 
tre dite oraison de saint Aignan j où on lit : 
prœsta, ut siciUi ad supplicationes sancti hujus 
pontificis (Aniani) civitati Aurelianensi in af- 
flictione positon sutccuristi, ita Il est à re- 
marquer que les termes de ces deux oraisons 
sont généraux et s'appliquent aux deux déli- 
vrances d'Orléans, la délivrance du siège des 
Huns en 451 et la délivrance du siège des An- 
glais en 4429 ". 

(1) Exode, 15. 



— 172 — 

En 4483, un motet spécial, moitié français, 
moitié latin, fut composé par le maître des en- 
fants de chœur de Sainte-Croix, qui reçut de la 
Ville, pour ce travail, quatre écus d'or (1). Ce 
motet, destiné à être chanté désormais à la sta- 
tion de la Porte-Dunoise, fut transcrit en deux 
exemplaires de chacun huit pages de parchemin, 
reliées en cuir vermeil, l'un pour les chantres 
de Sainte-Croix, l'autre pour les enfants de 
chœur (2). Un autre motet se chantait à la sta- 
tion de Saint-Paul. Lemaire, qui écrivait en 4645, 
rapporte ces motets tels qu'on les chantait de 
son temps. C'est un mélange d'actions de grâce 
adressées à Dieu, de remercîments à saint Aignan, 
à saint Euverte, à la sainte Croix, dont la fête 
(3 mai) avait coïncidé avec la levée du siège, 
d'éloges à la Pucelle et à ses compagnons Du- 
nois, La Hire et Xaintrailles. Voici quelques 
versets : 

Commune d*Orléans, élevez votre voix, 
En remerciant Dieu et la Vierge sacrée^ 
Quand jadis à tel jour, huictième de ce mois, 
Regarda en pitié le peuple orléanois, 
Et tellement chassa nos ennemis Ânglois, 
Que la Duché en fut en joye délivrée. 

A la douce prière 

Dont le Roy Dieu pria, 

Vint Pucelle bergère, 

(1) n s'appelait Éloi d'Amerval. 

(2) En 1643, ils étaient usés. Les Procureurs les firent re- 
nouveler. — Comptes de commune, 1484 et 1643. 



— 173 — 

Qui pour nous guerroya. 
Par divine conduite 
Ânglois tant fort greva, 
Que tous les mit en fuite, 
Et le siège leva. 



Ecce crueem Domini, fugite partes adversœ per 
quam vicerunt lilia Uopardos de Anglia (1). 



Judith et Esther, nobles dames, 
Et plusieurs autres vaillantes femmes, 
Par le vouloir du Dieu des dieux 
Bataillèrent pour les Hébrieuz. 

Tout ainsi pour notre querelle 
Batailla Jeanne la Pucelle. 

Salve nos Christe Salvator per virtutem sanc- 
tœ cntcis, qui demersisti Anglicos in Ligeri, 
miserere nobis (2). 



Regardez comme Glacidas 

Fut noyé, et d'autres grand tas, 

Sallebri frappé d'un canon, 

Dont mourut à confusion; 

Car Notre-Dame et saint Memart (Mamert) 

Les grevèrent de toute part. 

Saint Euverte les mit aussi 

Et saint Aignan en grand souci. 



(1) Fuyez, ennemis; voici la croix du Seigneur, par laquelle 
les lis ont vaincu les léopards d'Angleterre. 

(2) Sauvez-nous, Christ sauveur, qui par la vertu de la 
sainte Croix, avez englouti les Anglais dans la Loire, prenez 
pitié de nous. 

10. 



— 174 — 

Or, prions donc pour le hon capitaine 
Sage et prudent, Monseigneur de Dunois, 
Que Dieu le mette en la g;Ioire hautaine, 
Poton, La Hire et tous les bons François. 

Les chantres et enfants de chœur qui chan- 
taient ces motets étaient placés sur des écha£aiids 
en planche qu'on dressait sur le piassage de b^ 
procession. 

Les oraisons de rofllce continuent, on Fa 
vu plus haut, des actions de grâce pour la déli- 
vrance de la ville, due particulièrement à l'in- 
tercession de saint Aignan. son patron ; mais il 
n'y est fait aucune allusion h l'intervention de 
la Pucelle. C'est dans les motels seulement qu'elle 
est citée en compagnie de Dunois, La Ilire et 
Poton, et il est à remarquer que ces motels n'ap- 
partenaient pas à Toffice religieux proprement 
dit; ils ne sont pas notés dans les procession- 
naux, successivement approuvés par les évéques 
d'Orléans. Et en effet, ils n'étaient pas chantés, 
durant la marche du cortège, par le clergé des 
paroisses et des chapitres, mais pendant les sta- 
tions, par des enfants de chœur et des chantres 
placés sur des e&lrades. 

M. Buchon, et M. Quicherat plus tard, ont 
publié, d'après un manuscrit de la bibliothèque 
impériale, une collecte qui contient le passage : 
ut sicut populum iuum per mamm^ fœminœ U- 
berasti, sic Caroh, régi nostro, brachium nicto- 



— 175 — 

riœ érige ut hostes qui fw sua confidunt multi" 
iudine queat in prœsenti superare. Celle collecte 
composée vraisemblablement au temps de Char- 
les VU, fait mention de la délivrance du peuple 
de Dieu par la main d'une femme» mais non de 
la délivrance spéciale d'Orléans. Elle a pu être 
introduite dans quelque office ; il ne parait pas 
qu'elle ait jamais pris place dans l'office qui 
se célébrait à Orléans le 8 mai. Les oraisons de 
ce dernier office contiennent, on l'a vu plus 
haut, des aciions de grâce pour la délivrance 
de la ville, due particulièrement à l'interces- 
sion de saint Âignan ; mais il n'y est fait au- 
cune allusion à rintervention de la Pucelle'*. 

Sermon. — Il élait d'usage à Orléans que toute 
procession fut accompagnée ou suivie d'un ser- 
mon. Aussi voit-on l'ordonnance de Tinstitution 
de la fêle comprendre un sermon qui se pro- 
nonçait dans la cathédrale à la rentrée du cor- 
tège. Aujourd'hui, on le prononce avant la sortie 
de la procession ; mais ce changement n'eut lieu 
que fort tard. Un religieux, appartenant aux 
ordres mendiants, était habituellement chargé de 
cette prédication. Quelquefois ce fut un chanoine 
des chapitres, quelquefois aussi un prêtre ou 
un religieux étranger. En 4507, le « prêcheur » 
fut l'évêque de Sisteron, confesseur du Roi. 

Vobjet de ce discours^ était, au XV^ siècle, 



— 176 — 

de remercier Dieu de la délivrance de la ville : 
« Serraon que on fait à la procession chacun 
an à la fêle de la Ville, pour le remercier de la 
levacion du siège. > Bien entendu, on ne pouvait 
le faire sans parler de la Pucelle et prononcer 
son éloge. Cet éloge devint peu à peu le sujet 
tout entier, si bien qu'aujourd'hui le serraon 
qui se prononce n'a d'autre nom que celui de 
panégyrique de Jeanne d'Arc. 11 arriva parfois, 
vers la fin du XYIII^ siècle, que ce panégyrique 
fut prononcé à un point de vue trop humain. 
M. l'abbé Dubois s'en plaint dans ses manus- 
crits, et rappelle le caractère primitif de ce pa- 
négyrique, qui était c une oraison sur le sujet 
du bienfait reçu de Dieu, qui a délivré Orléans 
et toute la France par les armes d'une pucelle. * 

En 4460; le sermon avait été prononcé par 
Jean Martin, docteur en théologie. Les Procu- 
reurs le firent t écrire et noter en deux livres > 
aux frais de la Ville. 

En 4759 et en 4760, un même prédicateur 
fut entendu. Ses deux sermons ont été imprimés 
avec le titre de : « Discours sur la Pucelle d'Or- 
léans et sur la délivrance d'Orléans, prononcés 
dans l'église cathédrale de la même ville, l'un 
le 8 mai 4759, l'autre le 8 mai 4760, par le père 
de Marolles. » C'est le plus ancien des panégy- 
riques qui nous sont parvenus. 

Depuis lors, plusieurs autres panégyriques ont 



— 477 — 

été imprimés par les soins de Tautorité munici- 
pale ™. 

Châsses. — Dès l'origine, les châsses des 
saints furent portées à la procession. En 4435, 
il y en avait trois : celles de saint Âignan, de 
saint Eu verte et de saint Mamert. Mais leur 
nombre s'augmenta rapidement; on vit succes- 
sivement paraître les châsses : 

4439. — De saint Samson, de Sainte-Croix, 
de l'abbaye de Bonneval (4) ; 

4443. — De saint Flou, de saint Avit, de saint 
Marceau ; 

4445. — De saint Victor, de saint Evroul, de 
saint Pouair; 

4447. — De saint Mesmin, de saint Georges; 

4453. — Des Ozannes(2); 

4459. — De saint Laurent; 

4473. — De saint Grégoire; 

4524. — De saint Benoît, de saint Maclou, 
de saint Balthazard, de saint Doreste, de saint 
Paul, ermite, de sainte Barbe, de sainte Jeanne, 
de saint Quiriace, de saint Vincent. 

Pour les porter, il fallait cent quatre hommes. 
Pendant les stations qui se faisaient aux Tou- 
relles, à Saint-Paul et à la Porte-Dunoise, on 



(1) Envoyées par Tabbaye de ce nom. 

(2) Rameaux jetés sur les pas de Notre-Seigneur. 



' 



— 478 — 

les déposait sur des tréteaux recouverts de. ta- 
pisseries appartenant à la Ville. 

En 1562, les églises furent pillées par les 
calvinistes, les châsses brisées, les reliques je- 
tées au vent, et lorsqu'en 1565 la procession 
fut reprise, les Orléanais n'y virent plus cette 
longue suite de corps saints, qui étaient depuis 
cent cinquante ans l'objet de leur vénération et 
la sauvegarde de la cité. Désormais on ne porta 
qu'une châsse, celle de saint Marceau, qui seule 
avait échappé à la destruction. Les débrisi des 
autres reliques qu'on avait pu sauver nfeurent 
que plus tard de nouvelles châsses. 

Chapeaux de flettrs. — En 1458, les enfants 
de chœur paraissent avec des chapeaux (couron- 
nes) de violettes blanches, « fiUolées > d'or (1), 
usage qui s'est maintenu jusqu'à la fin du XVIII® 
siècle. En 1659, on avait ajouté des bouquets 
aux couronnes. Ces bouquets étaient offerts non 
seulement aux enfants de chœur et aux chantres, 
mais à tous les membres du clergé, aux échevins 
et aux autres personnes dont le cortège était 
composé. Quelquefois on mettait des couronjies 
sur les chefs des saints. 

Liminaire. — Quatre eierges de eire jaune 

(1) Des couronnes semblables étaient employées aux usa- 
ges mondains. En 1455, la YiUe avait off^t aux 4^m9isd^s 
Villeiiuier 4e. Gaucourt àom». chapeaux fiîlolés d'argent 



-47d- 

k^ûlaîent sur ratitel de Sainte-Croix pendant les 
matines qui se chantaient le 7 mai, et pen- 
dant roffice du 8. Ces quatre cierges sont 
mentionnés pour la première fois en 4455. L'u- 
sage de les allumer et Feraploî de la cire jaune 
pour leur fabrication se sont maintenus jusqu'à 
kfîndttXVIlI«sîède*\ 

Torches de la Ville. — C'était un usage éta- 
bli dès avant le siège, qu'à toutes les processions 
ta Ville fit porter des torches décorées d'é- 
cussôns à i^és armés et garnies de boisseau): se- 
Bâés de cœurs de lis d'argent. Ces torches, en 
cire vermeille (XV^ et XYI® siècles), en cirfe jaune 
(XVlIe et XVIIIô siècles), pesaient huit livres 
chacune. Leur nombre, qui était de six en 1435, 
fut porté à dix en 4455, à seize en 4597. 

Échelettes. — C'étaient des clochettes à la main 
qu'on sonnait dans les rues pour annoncer le 
passage de la procession. Cet usage existait dès 
Tannée 1435. 

Procureurs. — La fête étant offerte par la 
Ville, les procureurs ou écheviiis y tenaient une 
place considérable. Us faisaient les invitations au 
clergé et xîonduisaient la procession, revêtus de 
leurs robes d'écarlate rehaussées de velours noir; 
cha^n tenait à la main un cierge dé ciré bîanche 



— 480 — 

garni d'un écusson aux armes de la Ville et un 
bouquet. Dans raprès-midi, ils allaient aux vi- 
giles à Saint-Âignan; le lendemain, ils assistaient 
à la messe des morts dans la même église, et se 
présentaient à l'offrande. Ce dernier usage s'était 
conservé jusqu'à la suppression de la fête reli* 
gieuse, en 1791. Lors de son rétablissement, en 
1803, il fut repris et n'a été abandonné qu'en 
1831. 

Dîner offert par la Ville. — La cérémonie 
religieuse du 8 mai se divisait en deux parties : 
le matin, messe, procession et sermon ; dans 
l'après-midi, vigiles des morts à Saint-Âignan. 
Dans l'intervalle, on allait dîner ; mais soit qu'on 
n'eût pas le temps de^e rendre chacun chez soi, 
soit qu'on eût de la peine à se réunir une se- 
conde fois pour aller à Sàinl-Âignan, soit qu'on 
trouvât convenable que la Ville fît le jour de sa 
fête une politesse à ses échevins et aux per- 
sonnes attachées à son service ou invitées à la 
cérémonie, on jrésolut de ne pas se séparer et 
de dîner ensemble. Ceci arriva' pour la première 
fois en 1443, où Ton voit, par le compte des 
dépenses du trésorier, qu'une somme de vingt- 
six sous six deniers parisis fut payée à c Jehan 
de Troys le jour de la procession, vm« jour du 
mois de may, pour despense de bouche faicte en 
son hoslel par les Procureurs et autres de la 



— 481 •- 

Ville. > Dans la suite le dîner fut donné à THô- 
lel-de-VilIe. 

Les convives étaient avec les échevins, le con- 
seil et les notaires de la Ville, le prévôt et son 
lieutenant, le contrôleur des deniers, les mem- 
bres du clergé qui avaient officié à la procession, 
le prédicateur et son compagnon, quand ce 
prédicateur était un religieux, le chevalier du 
guet, son lieutenant (1565), le gouverneur, Té- 
vêque (4643), les notables de la ville (4526), 
les étrangers de distinction (4493). A la suite 
du dîner, on distribuait du pain et du vin aux 
prisonniers du Châtelet. 

En 4539, le prédicateur avait cessé d'assister 
au dîner, mais on lui réservait un plat, ou plu- 
tôt quelques friandises ou mets particuliers lui 
étaient offerts et envoyés au nom de la Ville. A 
dater de cette époque, l'article des comptes de 
dépenses relatif au repas du 8 mai se termine 
chaque année par les mots : « Y compris le plat 
du prêcheur. » A la fin du XVIII® siècle, ce 
plat du prêcheur était remplacé par un pré- 
sent de vingt livres de sucre et vingt livres de 
bougie. 

A dater de 4684, il y eut un second dîner le 
lendemain, après l'office des trépassés. A ce dî- 
ner, il était d'usage d'inviter le prédicateur de 
la veille, le prieur et les chanoines de Saint- 
Euverte. 

il 



— 482 — 

En dehors de ces dîners, des présents devîn 
et de gâteaux étaient fails aux personnes de tous 
rangs et de toutes professions qui figuraient à 
la procession, aux fournisseurs et aux ouvriers 
de la Ville. 

Ces usages se sont maintenus jusqu'à la fin 
du siècle dernier®*. 

Mystères et divertissements militaires. — En 
4435, une somme de trois réaux d'or fut donnée 
à « Guillaume, le charron et aultres pour leur 
aider a paier leurs échaffauds et autres des- 
penses par eulx faictes le viii® jour de may que 
ilz firent certain mislère au boloart du pont 
durant la procession. » 

On ne sait ce que représentait ce mystère, sur 
lequel les comptes de commune ne donnent pas 
d'autres renseignements. Mais ces mêmes comp- 
tes apprennent qu'au mois de mai 1439, qui 
était le dixième anniversaire de la délivrance 
de la ville, il y eut aux Tourelles un divertis- 
sement pour lequel on dressa des échafauds qui 
coûtèrent cinquante-huit sous parisis. Ce diver- 
tissement était un simulacre de la prise des 
Tourelles, et il y eut ceci d'intéressant, qu'on 
y vil reparaître l'étcnJard et la bannière de l'un 
des anciens défenseurs de la cité, Gilles de Laval, 
seigneur de Retz. Étendard et bannière que 
Retz avait laissés sans doute en quittant Orléans 



— 183 — 

après la levée du siège, el que la Ville acheta 
d'un habitant qui en était détenteur. Voici en 
quels termes celte dépense est inscrite au compte 
de commune : « A Jehan Hilaire, cent dix-sept 
sous parisis pour l'achat d'uneslendard et ban- 
nière qui furent à monseigneur de Reys, pour 
faire le service de l'assault comment les Tou- 
relles furent prinses sur les Anglois le vm^ jour 
de may (1). > 

Il ne parait pas que les années suivantes sem- 
blable représentation se soit renouvelée; les 
comptes de ville ne mentionnent rien jusqu'en 
4446, où il est question d'une somme de quatre 
livres seize sous parisis payés à Molinet Gaulcher, 
peintre, et « à ses compagnons, qui jouèrent le 
mislaire de saint Eslienne le viii© jour demay.j> 

Toutefois, l'usage de rappeler l'assaut des 
Tourelles par une démonstration militaire dut 
se maintenir; tout au moins fut-il repris vers 
le milieu du XVI® siècle. En 4549, on payait 
soixante-cinq sols tournois pour dix livres de 
poudre à canon employée « à faire jouer l'ar- 
tillerie de la Ville sur les Tourelles le jour de 
la feste de ladicte Ville, durant la procession 
générale dudit jour. » 

A dater de ce moment, les comptes signalent 



(i) En valeui* intrinsèque, huit francs quarante-six cen- 
times. 



— 184 — 

un cortège militaire qui va s'augmentaut chaque 
année. Trompettes ordinaires de la Ville, dizai- 
niers, cinquanteniers, centeniers vêtus de hoc- 
quetons armoriés aux armes de la Ville ; soldais 
du guet portant un drapeau blanc aux armes 
de France et d'Orléans ; compagnies de volon- 
taires de la milice, précédées chacune de ses 
tambours et d'un étendard rouge à une croix 
blanche; compagnie des arquebusiers (1), qui 
se tenait sur la Motte-Saint-Antoine et sur les 
Tourelles, d'où elle saluait la procession de 
mousquetades et de décharges de boites et de 
fauconneaux. 

Dans l'après-midi, cette même compagnie des 
arquebusiers, précédée de son drapeau, qui était 
vert, rouge et blanc (2), avec un écusson aux ar- 
mes de la Ville, retournait aux Tourelles où elle 
tirait un prix « royal (3), » donné par la com- 
mune. Ce prix se composait, en 1649, de cent 
cinquante livres tournois, six bouquets et trois 
douzaines d'aiguillettes de soie verte ^. 

Le repfésentant de Jeanne (TArc. — Au mi- 



(1) Ancienne compagnie des arbalétriers établie dès lô 
XlVe siècle. 

(!2) Le vert était la couleur du duc d'Orléans, le rouge et le 
blanc les couleurs de 1 écusson de la Ville. 

(3) Ainsi nommé de ce que celui qui abattait Toiseau était 
roi de la fête. 



— 485 — 

lieu du XVII® siècle, un jeune homme « velu à 
Tanlique, représentant la Pucelle, » se tenait 
sur les Tourelles avec les soldats de la milice 
pendant le défilé du cortège. SymphorienGuyon, 
en rapportant « cette coutume, » ajoute qu'elle 
était un « reste de Tancienne réjouissance pu- 
blique. » Mais il est à présumer, d'après le cos- 
tume du représentant de la Pucelle, qu'elle ne 
remontait qu'aux dernières années du XVI® siè- 
cle. C'est d'ailleurs l'époque où les réjouissances 
militaires avaient commencé à occuper une 
grande place dans la célébration de la fête de la 
Ville. 

Les troupes se répandaient ensuite dans la 
ville, conduisant triomphalement le représentant 
de la Pucelle, qui reçut le nom de « Puceau. > 
Ces promenades amenèrent des désordres et des 
scandales ; pour les faire cesser, le clergé con- 
sentit à introduire le Puceau dans la procession, 
ce qui eut lieu pour la première fois en 1725. 
Il portait le costume du temps de Henri IV, aux 
couleurs de la Ville, qui sont le jaune et- le rouge, 
et suivait la procession accompagné de son père 
ou d'un parent qu'on appelait le « parrain du 
Puceau. » 

En 1803, lors du rétablissement de la fête 
religieuse, on ne songea pas à y faire figurer 
l'ancien représentant de Jeanne d'Arc; mais en 
1817, M. le comte de Rocheplatte, maire de la 



— 186 — 

Ville, ayant voulu restituer à la fête du 8 mai 
son ancienne splendeur, les traditions furent 
consultées, traditions plus ou moins vagues, d'a- 
près lesquelles le Puceau reparut avec un céré- 
monial que les précédents du dernier siècle 
pouvaient justifier, mais qui étaient sans rap- 
port avec la donnée historique des siècles anté- 
rieurs. 

Le Puceau figura dans la procession jusqu'à 
sa suppression en 1831. Lorsqu'elle fut réta- 
blie en 1840, l'administration municipale ni le 
clergé ne jugèrent à propos de l'y introduire 
de nouveau. 

Rosière. — En 1786, le duc et la duchesse 
d'Orléans se trouvant dans la ville, exprimèrent 
le désir de contribuer à la solennité de la fête du 
8 mai en dotant une jeune fille née dans t les 
murs, > laquelle serait choisie par le corps mu- 
nicipal, sur la présentation de l'évêque. La dot 
était de cent vingt livres (1). Les chapitres de 
Sainte-Croix et de Saint-Aignan ajoutèrent trois 
cents livres pour les frais du mariage, qui fut 
célébré le 8 mai dans la cathédrale, après le 
panégyrique ; deux échevins tinrent sur les époux 
le drapeau de la Ville en guise de poêle. La même 



(1) L'évêque, sur le rapport de commissions de notables 
formées dans chaque paroisse, désignait trois noms. 



— 487 — 

cérémonie se renouvela en 1787 et en 4788* 
Celle dernière année, la somme donnée par le 
duc d'Orléans fut de douze cents livres; la 
Ville donna trois cents livres pour les frais de 
noce. 

Frais de la Fêle. — Ils étaient supportés 
exclusivement par la Ville. Le prédicateur, les 
enfants de chœur, qu'on rémunérait en leur don- 
nant de quoi acheter des « petits pâtés ; » les 
porteurs de châsses, etc., étaient payés par le 
trésorier de la commune; la cire nécessaire 
pour les torches et les cierges, les chapeaux de 
fleurs et les bouquets, les échafauds des stations, 
le dîner, figurent dans les comptes de chaque 
année. 

Famille de Jeanne d'Arc. — Au XV® s'ècle, 
Jean du Lys, fils de Pierre d'Arc, et seigneur 
de rile-aux-Bœufs, venait tous les ans de sa, 
terre de Villers, près Orléans, pour assister à 
la procession de la Ville; il y avait le pas, et on 
portait devant lui un cierge auquel était ap- 
pliquée une petite image de la Pucelle. 

Dans les siècles suivants, les membres de la 
famille de la Pucelle qui se trouvèrent à Orléans 
le 8 mai furent l'objet de distinctions analo- 
gues ^. 



— 188 — 



VIII. — ÉTENDARDS ET BANNIÈRES. 

Étendard de Jeanne d'Arc. — A son passage 
à Tours (avril 1429), Jeanne fit faire et peindre 
un éleiidard (1) ; à Bloi^, elle le fil bénir par l'ar- 
chevêque de Reims dans l'église de Sainl-Sau- 
veur. — Le 29 avril, lorsqu'elle quitta le port 
Houschet, et entra dans un bateau avec le Bâ- 
tard d'Orléans pour passer sur la rive droite, 
Jeanne le tenait à sa main. — Le soir du même 
jour, lorsqu'elle entra dans Orléans par la porte 
de Bourgogne, son écuyer le portait devant elle. 
Un habitant de la ville, qui portait une torche, 
s'élant trop approché, le feu prît au pennon 
(pointe). Jeanne poussa en avant, saisit l'éten- 
dard et étouffa la flamme. — Le 4 mai, lorsque 
Jeanne, s'éveillant en sursaut, prit ses armes en 
toute hâle pour se rendre à Saint-Loup, son 
étendard lui fut passé par une fenêtre, alors que 
déjà elle était à cheval dans la cour. — Le même 
jour, devant Saint-Loup, elle le planta sur le bord 
du fossé. — Le 6 mai, devant les AugusUns, 
Jeanne combattit son étendard déployé. — Le 
7 mai, devant les Tourelles, le signal du der- 
nier assaut fut l'instant où la pointe de l'éten- 

(1) Le peintre s'appelait Poulnoir. 



— 489 — 

dard toucha le mur du boulevart. En ce même 
instant une colombe blanche voltigeait au-des- 
sus. — Dans les premiers jours de juin, lors- 
que Jeanne partit de Celles et prit congé de 
Charles Vil pour retourner à Orléans, son éten- 
dard ployé était porté devant elle par un «gra- 
cieux page. » — A l'assaut de Jargeau, Jeanne 
montant à une^chelle tenait son étendard. Une 
pierre jetée du haut de la muraille atteignit l'é- 
tendard; elle-même roula dans le fossé. — Sous 
les murs de Tioyes, c'est son étendard à la 
main qu'elle entraîna son monde à l'assaut. — 
Dan^* l'église de Reims, pendant le sacre du 
Roi, elle était debout, tenant son étendard. — 
A ratta(|ue du faubourg Saint-llonoré, elle l'a- 
vait à la main lorsqu'elle descendit dans le fossé, 
et fut « navrée » d'un trait d'arbalète qui l'at- 
teignit à la jambe. — A la fatale sortie de 
Compiègne, elle « chevauchoil un coursier lyard, 
moult bel et moult fier, son étendard haut, élevé 
et vol i tant en raif du vent. » 

Cet étendard, comme ceux des généraux d'ar- 
mée au XVû siècle, était une très-longue pièce 
d'étoife coupée en triangle ou flamme, et cloué 
par sa base au bois d'une lance. Jeanne elle- 
même en a donné la description dans ses in- 
terrogatoires des 27 février et 17 mars 1431, 
description qui fut confirmée vingt-cinq ans plus 

lard par son chapelain, entendu en témoignage 

11. 



— 490 - 

au procès de réhabililalîon. Il était de toile 
blanche ou boucassin (fine toile de lin), semé 
de fleurs de lis d'or et Irangé de soie. Le monde, 
c'est-à-dire Dieu tenant le monde, y était figuré 
assis sur Tarc-en-ciel, les pieds sur les nuées; 
devant lui deux anges agenouillés, Tun desquels 
présentait une fleur de lis, l'autre se tenait en 
prière; à côté, les mots ihesvs maria. 

L'étendard était l'attribut du général d'armée, 
et à Rouen, les juges de Jeanne voulurent lui 
imputer à vanité d'avoir fait faire le sien ; à 
quoi elle répondit que c'était de Tordre de sainte 
Marguerite et de sainte Catherine, qui lui avaient 
dit : f Prends l'étendard de par le roi du Ciel, 
et porte-le hardiment. » On lui reprochait bien 
plus encore de l'avoir tenu à la main dans l'é- 
glise de Reims, tandis que celui d'aucun che- 
valier n'était en pareil lieu, question qui amena 
la noble répartie déjà rapportée plus haut : « Il 
étoit à la peine; c'étoit justice qu'il fût à l'hon- 
neur. D On lui demandait adssi pourquoi elle 
avait fait peindre deux anges, si elle les avait 
fait peindre comme elle les avait vus dans leurs 
apparitions, pourquoi elle ne les avait pas fait 
représenter entourés de clartés célestes ; ou 
voulait lui faire avouer que l'un de ces anges, 
celui qui tenait la fleur de lis, était elle-même. 
< Je vous ai déjà dit assez, > répondit la pauvre 
martyre, « (yie je n'ai rien lait que de l'ordre 



— 191 — 

de Dieu ; les anges sont là pour lui faire hon- 
neur, vêtus comme on les voit dans les églises. » 
On voulut encore savoir d'elle si elle préférait 
son épée à son étendard, à quoi elle dit que 
dans le combat elle < portoit son étendard pour 
éviter de tuer quelqu'un, et que jamais elle n'a- 
voit tué un homme ^. » 

Bannière de Jeanne d'Arc. — A Blois, Jeanne 
ayant appelé près d'elle des moines et des prê- 
tres qui formaient une espèce de confrérie à sa 
suite, voulut leur donner une bannière que son 
chapelain fit fabriquer par son ordre. Celte ban- 
nière, toute religieuse, représentait le Christ en 
croix. Elle fut portée par les prêtres en tête 
de l'armée qui, le 28 avril, se rendit de Blois à 
Orléans parla Sologne, revint à Blois le 30, et 
retourna à Orléans le 3 mai par la Beauce. 
Après le siège, il n'en est plus parlé. 

Étendard et bannière de la Ville. — L'éten- 
dard, de forme triangulaire, était, comme on 
vient de le dire, un signe militaire, le drapeau 
du général d'armée. La bannière était un signe 
de ralliement féodal ou communal, l'attribut 
du seigneur ou de la communauté ; sa forme 
était rectangulaire. La ville d'Orléans avait de 
toute ancienneté une bannière, et lorsqu'en no- 
vembre 1429, elle envoya sa milice au siège de 



— i92 — 

La Charité, elle fit faire un étendard. L'ouvrier 
qui confectionna cel étendard fut en même 
temps chargé de raccoûlrçr la bannière, de la 
repeindre et enluminer; elle était en boucassin 
de couI(îur sandal (rouge) avec frange, et pour 
le voyage de La Charité on Tenveloppa d'une 
toile «^. 

Bannières et étendards qvi se portaient à la 
procession du 8 mai. — H a été dit déjà qu'un 
étendard et une bannière de Relz figurèrent 
dans le divertissement qui eut lieu le 8 mai 14-39, 
pour simuler l'assaut des Tourelles. Cet éten- 
dard et celte bannière sont signalés dans celte 
seule circonstance : il n'en est parlé dans aucun 
autre document que le compte de commune 
de 1439. 

L'année suivante, la bannière de la Ville, 
dont les comptes de dépenses de la fête de la 
délivrance ne font aucune mention jusque-là, 
parut à la procession, et à dater de cette épo- 
que elle y parut chaque année. 

En 1476, elle était toute dépecée, et il fallut 
la mettre à point, ce qui coûta onze sous pa- 
risis. 

En 1494, on porta l'étendard de la Ville avec 
la bannière. 

En 1505, l'étendard et la bannière furent dé- 
posés, au retour de la procession, dans l'église 



— 493 — 

de Saint-Aignan, où ils demeurèrent pendant la 
nuit, et le lendemain, après roffice des ircpassés, 
ils furent rapportés, à riIôlel-de-Ville, ce qui 
se conlinua les années suivantes. 

En 1535, rélendard était en mauvais état et 
fui raccommodé : « A Pasquicr le Coq, couslu- 
rier, pour avoir par luy repparé et accoustré 
Testendart de la dicte Ville en plusieurs endroiz 
où elle estoit rompue. > 

En 15C5, la bannière de la Ville fut portée 
sans l'étendard. 

En 1507, un guidon fut porté avec la bannière. 
Était-ce Tancien étendard de la Ville sous la dé- 
nomination de guidon, ou bien un guidon qui, 
à dater de celle époque, le remplaça? C'est là 
une question d'autant plus difdcile à résoudre, 
que les comptes des années suivantes donnent 
peu de renseignements sur la fête de la Ville. 
Les dépenses y sont mentionnées en bloc, et les 
indications de détail deviennent rares. Pendant 
une période de quatre-vingt-dix ans, elles man- 
quent complètement sur les bannières ou dra- 
peaux qui figurèrent à la procession, et ce n'est 
qu'en 4059 qu'il est de nouveau question d'un 
guidon qu'on refit à neuf et qu'on appelait alors 
le guidon de la Pucelle. D'où l'on pourrait in- 
duire que l'étendard de la Ville, qu'on avait com- 
mencé à porter en 4494?, fut remplacé au cours 
du XVI® siècle, peut-être après les troubles, par 



— 194 — 

un guidon qui perdit le nom d'étendard de la 
Ville pour prendre celui de guidon de la Pu- 
celle. , 

La fête avait été instituée en actions de grâce 
delà délivrance de la Ville; c'était la cité sauvée 
qui remerciait Dieu et priait pour les âmes de 
ceux qui avaient péri en la défendant. A l'ori- 
gine, le souvenir de la Pucelle n'était mêlé à la 
cérémonie que très-accessoirement, et son nom 
n'y fut admis d'abord qu'en compagnie de ceux 
de Dunois, de La Hire et de Xaintrailles; les 
motets de d'Amcrval, composés en 1483, les 
confondent dans une même ovation. Ces motels 
furent Irès-probablement le premier hommage 
direct et personnel a la Pucelle qui se soit in- 
troduit dans la fête religieuse, et il n'est pas 
douleux qu'à cette époque Télendard qu'on por- 
tait à la procession était l'étendard de la Ville, et 
non un étendard commémoratif de celui de 
Jeanne d'Arc. 

Mais à mesure qu'on s'était éloigné du temps 
du siége^ quand ceux qui s'y étaient trouvés et 
la génération qui en avait reçu le récit de leur 
bouche eurent disparu, les impressions se mo- 
difièrent. L'idée abstraite de la délivrance de la 
ville s'effaça peu à peu devant l'image poétique 
et saisissante de celle qui en avait été l'instru- 
ment. Pour beaucoup de gens, la fête de la cité 
devint la fête de Jeanne d'Arc. L'office réglé par 



les décrets des évêques continuait à glorifier la 
croix, saint Aignan, saint Eaverle, mais la foule 
ne connaissait plus que la Pucelle et croyait 
que la procession se faisait en son honneur. 
Elle voulut y rappeler sa présence par des sym- 
boles, et il a fort bien pu se faire que Télendard 
ou le guidon de la Ville, changeant insensible- 
ment de nom, se soit transformé, par la seule 
influence de la prédilection populaire, en guidon 
de la Pucelle. 

Toujours est-il qu'en 1659, le guidon qui se 
portait à la procession n\ivail plus d'autre nom. 

En cette année il falhit le renouveler, et voici 
les articles du compte de commune qui se rap- 
portent à ce renouvellement : 

« A François Barbier, arlillier, la somme de trois 
livres tournois pour la lance qu'il a fournie du nou- 
veau guidon de la Pucelle. 

« A Nicolas H umby, marchand, la somme de vingt- 
sept livres dix solz pour avoir fourny de cinq aulnes 
et demye tafetas bleu pour faire le nouveau guidon de 
la Pucelle. 

« A Matburin Pasquier, passementier, la somme 
de trois livres dix-huit solz pour fourniture par lu y 
faicte de frange qui a servy au nouveau guidon de la 
Pucelle. 

« A Langlois, brodeur, la somme de quatre livres 
tournois pour avoir par luy faictet retaillé le nouveau 
guidon de la Pucelle et fourny de soye. 

« A Gilles Ralhouin, maître peintre, la somme de 



— 496 — 

soixante livres tournois pour avoir par luy paint le 
nouveau guidon de la Pucelle. » 

Quelle éUni celle peinture? Aucun document 
ne Ta révélé jusqu'à ce jour; mais il est certain 
qu'elle était d'une certaine importance, à en ju- 
ger par le prix de soixante livres tournois, qui 
équivalaient pour le moins à deux cent cinquante 
francs d'aujourd'hui. Quant à la composition, 
elle ne pouvait avoir aucun rapport avec l'éten- 
dard qu'avait possédé Jeanne d'Arc. On -était 
trop loin pour que la tradition en eût transmis 
la description, et au XYll^ siècle les habitudes 
de recherche archéologique n'étaient ni assez 
exactes, ni assez sures pour la faire retrouver. 
A cette époque, on composait des symboles de 
fantaisie; la couleur bleue qui fut ici choisie en 
est la preuve, puis*]ue Jeanne elle-même, et 
après elle tous ses chroniqueurs, avaient dit que 
son étendard était blanc. Il est toutefois à re- 
marquer que déjà cette inexactitude avait été 
commise au XV® siècle, dans une tapisserie al- 
lemande, contemporaine de Jeanne d'Arc, que 
possède le musée historique de l'Orléanais : l'é- 
tendard qu'elle tient à la main est bleu. 

Lottin rapporte qu'en 4715, ce guidon était 
complètement usé et ne pouvait plus servir. Il 
y a lieu de penser qu'il fut alors remplacé par 
un drapeau aux couleurs de la Ville (jaune et 
rouge). C'est ce même drapeau que portait le 



— 497 — 

Puceau lorsqu'en 1817 il reparut dans le cor- 
légc. 

La bannière de la Ville, bannière en forme de 
carré long, n'avait pas cessé de parailre à côlé 
de ce guidon; sa présence est constatée à la 
procession du 8 mai 1668 par le compte de com- 
mune, et à la procession du 8 mai 1785 par une 
relation qui fut faite de la fêle de cette année. 

La bannière qui avait été portée au siège de 
La Charité en 1429 était rouge, ce qui indique 
qu'elle était aux armes de la Ville, dont le champ 
est de gueules. C'est celte bannière armoriée 
qui figura à la procession pendant toute la durée 
du XV® siècle. Mais au XYI® siècle on la rem- 
plaça par une bannière, espèce de tableau en 
Ipile peinte, dans la donnée du monument érigé 
depuis 1458 sur le pont d'Orléans, en commé- 
moration de la délivrance de la Ville. Cette ban- 
nière fait aujourd'hui partie d'une collection 
particulière (1). D'un côté se voit la Vierge as- 
sise, tenant l'enfant Jésus; debout, derrière 
elle, saint Euverte et saint Aignan, patrons de 
la Ville ; à genoux, en avant, le duc d'Orléans (2) 



(i) La collection de M. Vergnaud-Romagnési. 

(2) La présence de Charles Vil ou de Dunois s'expliquerait 
mieux ; mais le lambel qui se voit sur la dalmatique lleui de- 
Usée du personnage agenouillé en face de la Pucelle, le bâton 
et la couronne ducale posés devant lui ne permettent aucun 
doute. 



— 198 — 

et Jeanne d'Arc ; au revers, la ville d'Orléans, 
prise des Auguslins ; sur le premier plan deux 
groupes de personnages à genoux, qui appar- 
tiennent au clergé, à Tuniversité et au corps 
des échevinsdela Ville; dans le ciel, deux anges 
tenant des couronnes et des palmes. 

La peinture est d'une exécution remarquable. 
On a voulu l'attribuer à Léonard de Vinci, qui 
habita la Touraine au commencement du XVI^ 
siècle; tout au moins est-elle de son école. On 
a également supposé que cette bannière avait 
été donnée à la ville d'Orléans par Louis XII ou 
François I®^. Son importance, le tfmps auquel 
elle appartient et l'image du duc d'Orléans don- 
nent de la force à cette supposition. 

Elle figura très-certainement à la procession- 
des Tourelles pendant toute la durée des XVI® et 
XVII« siècles, peut-être même pendant une par- 
tie du XVlIle. 

Dans les premiers temps, la bannière était 
portée par le « varlet » de la Ville. Ce varlet de 
la Ville était le gardien de l'hôtel commun, un 
intendant qu'on chargeait de soins et de com- 
missions de confiance. Il faisait certains achats 
et veillait à la plupart des menues dépenses. 
Plus tard il s'appela le serviteur, puis le con- 
cierge de la Ville, et eut lui-même un valet. 

A la fin du XV® siècle, ce sont des hommes 
payés qui portent la bannière et l'étendard ; mais 



-499 — 

le concierge de la Ville ou son valet les accom- 
pagnent. Au XVI© siècle, le valet avait une 
livrée aux couleurs de la Ville, qu'on renou- 
velait chaque année au mois de mai. Quant au 
concierge, on ne voit pas qu'au XVIo siècle il 
ait été revêtu d'une livrée. Au XVII^ siècle, il 
portait une robe, ce qui indique qu'il remplis- 
sait l'ofûce d'appariteur®*. 

Armes de la Ville, — Les armes d'Orléans 
paraissent avoir été de toute ancienneté de 
gueules à trois cœurs de lis d'argent. Dès l'an- 
née 1429, le champ de l'écu était de gueules. 
Plus tard, les^ois accordèrent à la cité le droit 
d'ajouter un chef de France, faveur qu'elle avait 
méritée par sa glorieuse résistance aux armes 
anglaises, faveur qui fut, du reste, accordée à 
la plupart des bonnes villes du royaume. Ces 
armes, supprimées en 1792, ont été rendues à 
la ville d'Orléans, par une ordonnance du roi 
Louis XVllI. 

Couleurs de la Ville. — Déjà, au XV^ siècle, 
le rouge et le jaune étaient les couleurs des en« 
soignes de la compagnie du duc d'Orléans ; au 
XVI® siècle, ces couleurs formèrent là livrée de 
la Ville, qui depuis les a conservées. Le manteau 
du concierge ou appariteur de la commune, le 
costume du Puceau, le drapeau qu'il tenait à la 
main, étaient partie jaune et rouge ®^ 



— 200 — 

Armps du duc d'Orléans, Charles IIL — Le 
duc d'Orléans portait les armes de France bri- 
sées du lambel d'Orléans et les armes du duché 
de Milan, auquel il prétendait des droits du 
chef de Valentine de Milan, sa mère, ce qui for- 
mait un écu écartelé i et 4 d'azur à trois fleurs 
de lis d'or y au lambel de trois pendants d'ar- 
gent ; 2 et 3 d'argent à la guivre couronnée d'a- 
zur, à Vissant de gueules. 

Son ordre était l'ordre du porc-épic (appelé 
aussi ordre du camail, ordre d'Orléans), fondé 
en 1493 par le duc Louis I^^^, son père. Au 
collier de lortils d'or était suspendu un porc- 
épic également d'or sur terrassé de sinople, 
avec la légende : continus et eminus (1). 

Armes de Jeanne d'Arc. — D'azur à une 
épée d!argent pometée d'or, soutenant une cou- 
ronne royale également d'or, accostée de deux 
fleurs de lis de même. Ces armes avaient été 
données par Charles Vil aux frères de la Pu- 
celle dès la levée du siège d'Orléans. A Reims, 
elles furent blasonnées par un peintre, sur 
la description que Jeanne elle-même lui en 
donna ^. 



(1) De près et de loin, C*était une croyance au moyen âge 
que le porc-épic, non seulement se hérissait, mais qu'il lan- 
çait ses dards. 



V 



— 201 



IX. — MONUMENTS ÉLEVÉS 
DANS LA VILLE D'ORLÉANS EN L'HONNEUR 

DE JEANNE D'ARC. 

Monument du pont. — En 1458 fut érigé 
sur le pont d'Orléans le premier monument 
commérooratif de la délivrance de la Ville : les 
frais en furent faits par les Orléanaises, dames 
et demoiselles (1). Ce monument était en bronze 
et se composait de qualre personnages. Le 
Christ sur la Croix, la Vierge debout au pied 
de la croix, Charles VII et Jeanne d'Arc à ge- 
noux de chaque côté. 

En 1567, il fut détruit par les calvinistes, qui 
renversèrent le Christ et mutilèrent les statues. 

En 157i, les échevins le firent reconstruire; 
un fondeur de la ville (2) entreprit cette res- 
tauration. Par les termes du marché, on voit 
que de la statue de la Pucelle il ne restait que 
les jambes, les bras et les mains. Dans le nou- 
veau monument, la Vierge fut représentée as- 
sise au pied de la croix tenant sur ses genoux 
le corps de son fils. On conserva à Charles VII 
et à la Pucelle la position qui leur avait élé 
donnée dans te monument primitif. 

^i) Opère sumptuque matronarum ac virginum, 

(2) Hector Lescot, mss. de la bibliothèque d^Urléatis, n« 411 



— 202 — 

Sur le piédestal fut placée l'inscription sui- 
vante : 

Mors Christi in cruce nos contagione labis 
œierndfum morbortim sanavit; Clodovicus rex 
in hoc signo hostes profligavil et Johanna virgo 
Aurcliam obsidinne toiamque Galliam servitute 
britannica liberavit : a Domino facttim est istud 
et est mirabile inoculis noslris: in quorum me^ 
moriam hœc nostrœ ftdei insignia non diu ab 
impiis diruta restituta suntanno mdlxxi (1). 

Quelques années plus tard, la Ville fit frapper 
des jetons pour ses échevins. On leur donna 
pour effigie, d'un côté les armes de la Ville 
avec les mots : Maison commune d* Orléans; de 
l'autre, le monument du pont avec la légende : 
A Domino factum est istud (2). 

En 1755, le pont actuel était en voie de cons- 
truction ; l'ancien pont, au contraire, menaçait 
ruine Le monument fut enlevé et déposé dans 
un réduit dépendant de l'Hôtel-de-Ville. Seize 
ans après, on le rétablit au carrefour formé 
par la rue Royale et la rue de la Vieille-Poterie. 

(1) La mort du Christ sur la croix nous a guéris de la plaie 
des éternelles maladies ; par ce signe le roi Clovis a abattu les 
ennemis, et Jeanne la Pucelle a délivré Orléans du siège et 
toute la France de la servitude britannique. Par le Seigneur 
ceci a été fait et cela est merveilleux à nos yeux. En mé- 
moire desquelles choses ces signes de notre foi renversés aa- 
guère par les impies ont été rétablis Tan 1571. 

(2) Par le Seigneur ceci a été ikit. 



— 203 — 

I 

Sur le piédestal furent placées deux inscriptions 
ainsi cdhçues : 

DU RÉGNE DE LOUIS XV 

CE MONUMENT ÉRIGÉ SUR L'ANCIEN PONT 

PAR LE ROI CHARLES VU 0) EN 1458 

EN ACTIONS DE GRACE DE LA DÉLIVRANCE 

DE CETTE VILLE ET DES VICTOIRES REMPORTÉES 

SUR LES AN6LAI% PAR JEANNE D*ARC 

DITE LA PUCELLE D'ORLÊANS 

A ÉTÉ RÉTABLI DANS SA PREMIÈRE FORME 

DU VŒU DES HABITANTS ET PAR LES SOINS DE 

M. JACQUES DU couDRAY maire 

BTM ISAMBERT DE BAGNAUX 

VANDEBERGUE DE VILLEBOURÉ \ A h • 

BOILLÉVE DE DOMAY ( écnevinê 

DELOYNES DE GAUTRAY 



conseillera 



DESFRICHES \ 

CHAUBERT 

COLAS DE MALMUSSE 
ARNAULT DE NOBLEVILLE 
BOILLÉVE 

LHUILLIER DE PLANCHEVILLIERS 
l'an m DCC LXXI 



D M 

PIETATIS IN DEUM 

REVERENTIiE IN DEIPARAM 

FIDELITATIS IN REGEM 

AMORIS IN PATRIAM 

GRATI ANIMI IN PUELLAM 

MONUMENTUM 

RESTAURAVERE CIVES AURELIANI 

ANNO DOMINI MDCCLXXI (2) 

(1) Affirmation erronée, (Quicherat, V, 238.) 

(2) A Dieu très-bon et très-grand. L'an du Seigneur 177i, 
les citoyens d'Orléans ont élevé ce monument de leur piété 



— 204 — 

En 1792, les membres de la section de Saint- 
Viclor d*Orlîans adressèrent aux administra- 
teurs du département du Loiret une pétition 
par laquelle il était proposé de démolir le « mo- 
nument de Charles Vil, » et de convertir en ca- 
nons le bronze qu'on en retirerait. 

Le conseil général de la commune, consulté 
sur cette pétition, estima que le monument de 
la Pucelle e ne pouvoit être regardé comme un 
signe de féodalité; qu'il étoit au contraire un 
acte de reconnoissance envers l'Etre suprême, 
un témoignage de la valeur de nos ancêtres qui 
ont délivré la nation Françoise du joug que les 
Anglois vouloient leur imposer, et qu'il n'y avoit 
aucun motif de le détruire. > 

Mais l'administration départementale, dans sa 
séance du 28 août, décida que le monument 
serait enlevé sur-le-champ et déposé dans un 
lieu sûr, « pour être examiné sur la conversion 
et l'emploi du métal ce qu'il appartiendroit. » 

Le 21 septembre suivant, le conseil général 
de la commune, en exécution de la loi du 
14 août, qui prescrivait la conversion en 
bouches à feu de tous les monuments et ins- 
criptions de bronze, fut obligé d'ordonner que 
les figures composant le monument de la Pucelle 

envers Dieu, de leur révérence envers la Mère de Dieu, de 
leur fidélité au Roi, de leur amour de la patrie, de leur recon- 
naissance euvei^ la Pucelle. 



— 205 — 

seraient employées à fabriquer des canons, mais 
il ajouta que pour en « conserver la mémoire, » 
un de ces canons porterait le nom de Jeanne 
d'Arc, surnommée la Pucelle d'Orléans. 

En 1824, les missionnaires qui prêchaient à 
Orléans eurent la pensée de provoquer une sous- 
cription pour le rétablissement de l'ancien mo- 
nument, Ce projet ne put être réalisé ^. 

Statm en pied du rond-point de la porte Dau- 
phine. — En l'an XI (1803), le conseil général 
de la commune d'Orléans, par la même délibé- 
ration où il demandait le rétablissement de la 
fête de la délivrance de la ville, exprima le vœu 
qu'un monument fût élevé sur une de ses 
places publiques en l'honneur de Jeanne d'Arc, 
pour remplacer l'ancien monument du pont en- 
tièrement détruit. Cette délibération fut sou- 
mise au général Bonaparte, premier consul, qui 
de sa main l'apostilla en ces termes : 

La délibération du conseil municipal m'est 
très-agréable; Villustre Jeanne d'Arc a prouvé 
qu'il n'est point de miracle que le génie français 
ne puisse opérer lorsque l'indépendance nationale 
est menacée. La nation française n'a jamais été 
vaincue; mais nos voisins, abusant de la fran- 
chise et de la loyauté de notre caractère ^ semè- 
rent constamment parmi nous ces dissensions d'où, 



— 206 — 

naquirent les calamités de Vépoqne oit vécut 
l'hérohie française^ et tous les désastres que rap- 
pelle notre histoire. 

Le ministre de l'intérieur, en envoyant au 
maire d'Orléans, M. Crignon-Désormaux, le texte 
de cette apostille, annonça qu'il accordait cinq 
mille francs pour aider à la construction du mo- 
nument. 

Le sculpteur Gois fils présenta au conseil 
municipal le dessin d'une statue de Jeanne d'Arc, 
d'après une terre cuite qu'il avait modelée, sur 
la demande de M. Lenoir, pour le musée des mo- 
numents français. Ce dessin fut agréé, mais à 
la condition que le sculpteur élèverait préala- 
blement à la place destinée à la statue une 
épreuve en plâtre. 

Celte épreuve fut inaugurée le 17 floréal an xi 
(7 mai 1804), à six heures du soir, sur la place 
du Martroi, par le maire, accompagné des ad- 
joints et du secrétaire de la mairie. Le lende- 
main fut célébrée la fêle religieuse. 

La statue, coulée en bronze, vint prendre 
bientôt après la place de l'épreuve en plâtre (1). 
Le piédestal qui porte pour toute inscription les 
mots : \ JEANNE d'arc, fut décoré de quatre 
bas-reliefs qui représentent : l'arrivée de la Pu- 

(i) Cette épreuve fut alors déposée dans le jardin de rHôlél- 
de- Ville, où elle est encore. 



— 207 — 

celle à Chînon ; la prise des Tourelles ; le sacre 
de Charles VII et le bûcher de Rouen. 

En 1855, celle statue a été enlevée de la place 
du Martroi et transportée au rond-point de la 
Porle-Dauphine. 

Croix des Tourelles. — Cette croix, érigée 
par les soins de M. le comte de Rocheplatte, 
maire d'Orléans, sur l'emplacement autrefois 
couvert par le boulevart des Tourelles, fut inau- 

* 

gurée le 8 mai 1817. Son piédestal porte les 
inscriptions suivantes : 

EN MÉMOIRE 

DE JEANNE d'arc DITE LA PUCELLE 

PIEUSE HÉROÏNE QUI 

LE 8 MAI 1429 

DANS CE MÊME LIEU 

SAUVA PAR SA VALEUR 

I LA VILLE LA FRANCE ET SON ROI 

I 

i Le 8 mai iSf7, cette croix a été élevée par 

les soins de M. Drouin de Roclieplatle^ mairej 
MM. de Noury^ le vicomte de Grémion et Hu- 

i bert Crignon, adjoints. 

Statue de VHôleUde- Ville. — Le 3 juin 1 841 , 
le préfet du Loiret transmit au maire d'Orléans 

I avis d'une lettre émanée du cabinet du roi Louis- 
Philippe, laquelle annonçait que, par ordre de 

! S. M., une caisse contenant une copie en bronze 
de la statue de Jeanne d'Arc par la princesse 



— 208!?— 

Marie d'Orléans venait d^êlre adressée à la Ville. 
Celte statue, qui est une reproduction exacte 
de la statue de marbre conservée dans les ga- 
leries de Versailles, fut déposée dans Tune des 
salles publiques du musée d'Orléans, où elle 
demeura neuf ans. En 1851, lors de la restau- 
ration de l'Hôlel-de-Ville par M. Delton, elle a 
été transportée à la place qu'elle occupe actuel- 
lement, entre les deux rampes de l'escalier 
d'honneur. Le socle porte l'inscription suivante 
gravée en creux : 

JEANNR d'arc 

PAR LA PRINCESSE MARIE D'ORLÉANS' 

DONNÉE PAR LE ROI SON PÈRE 

A LA VILLE D'ORLÉANS 

EN 1841 

20 novembre 1840. — Le conseil municipal 
d'Orléans décida qu'une statue équestre de 
Jeanne d'Arc, dont le projet et l'esquisse lui 
avaient été soumis par le sculpteur Foyatier, 
serait élevée à Orléans sur la place du Martroi. 
Les fonds furent fournis par souscription. Le 
ministre de la guerre donna du bronze prove- 
nant de canons pris en partie sur les Anglais. 
Le piédestal et les bas-reliefs ont été payés à 
l'aide d'une loterie. La statue, exécutée par 
Foyatier, a été bénie le 8 mai 1855 parMsi'Du- 
panloup, évèque d'Orléans, en présence de 
M. Abbatucci, ministre de la justice, des corps 



— 209 - 

et autorités de la ville d'Orléans et du dépar- 
tement du Loiret, des députations de plusieurs 
villes du département; la ville ayant alors pour 
maire M. Genteur. Les bas-reliefs, exécutés par 
M. Vilal Dubray, ont été inaugurés le 8 mai 1861 . 
Le piédestal porte les inscriptions suivantes : 

Sur une face : 

 JEANNE d'arc 

LA VILLE D*ORLÉANS 

AVEC'LE CONCOURS 

DE LÀ FRANCE ENTIÈRE 

iSle00tre m'a tnpogee 

pont Bttonm la bonne pille 

i^*(2}rlran0. 

Sur l'autre face : 

sous LE RÈGNE DE NAPOLÉON III 

LE VIII MAI M DCCC LV 

QUATRE CENT VINGT-SIXIÈME ANNIVERSAIRE 

DE LA DÉLIVRANCE D'ORLÉANS 

CETTE STATUE 

A ÉTÉ INAUGURÉE 

EN PRÉSENCE DE M ABBATUCCI MINISTRE DE LA JUSTICE 

ET BÉNIE PAR M DUPANLOUP ÉVÊQUE D'ORLÉANS 

M P BOSELLI ÉTANT PRÉFET DU LOIRET 

M GENTEUR MAIRE DE LA VILLE 

LE VIII MAI M DCCC LXI 

LES RELIEFS DU PIÉDESTAL 

ONT ÉTÉ INAUGURÉS 

M LE CK DE COETLOGON ÉTANT PRÉFET 

M E VIGNAT MAIRE 

12. 



— 240 — 

X. — CÉRÉMONIAL ACTUEL 

DE LA FÊTE COMMËHORATIVE DE LA 

DÉLIVRANCE D^ORLÉANS. 

Le 8 mai 1 855, la statue équestre de la place 
du Mariroi fut inaugurée, et à celte occasion, 
la fête de la Ville fut célébrée avec un éclat 
inaccoutumé. On rendit à la cérémonie reli- 
gieuse une solennité qu'elle n'avait pas eue de- 
puis longtemps; d'anciens usages abandonnés 
furent rétablis ; des innovations importantes fu- 
rent introduites. Le programme qui fut alors 
arrêté fait règle aujourd'hui; il est suivi et 
observé chaque année; à cela près toutefois 
que les villes de Montargis, de Gien, de Beaune- 
la-Rolande, de Chàteaurenard, de Jargeau, de 
Meung, de Baugenci, de Patay, la commune de 
Chécy, qui furent représentées en 1855 dans 
la procession, n'y prennent pas habituellement 
place, et qu'une cavalcade historique qui, par 
exception, fit la même année partie du cortège, 
n'y figure plus. 

Voici quel est ce cérémonial : 

7 mai {midi). — Sont hissées sur la tour 
du Beffroi une bannière aux couleurs de la 
Ville (jaune et rouge) ; sur chacune des tours 
de la basilique de Sainte-Croix, une bannière 
tricolore. 



— 211 — 

La cloche du beffroi se fait entendre et tinte 
à Talarme de quart-d'heure en quart-d'heure, 
(ce tintement du beffroi rappelle les angoisses 
de la ville assiégée). 

Huit Iwures. — Heure à laquelle, le 7 mai 1429, 
Jeanne d'Arc, après avoir emporté le fort des 
Tourelles, est rentrée dans Orléans par le pont; 
un bouquet d'arliiice est tiré sur l'emplacement 
des ouvrages avancés du fort des Tourelles. Les 
cloches des églises et des chapelles de la ville, 
et de la paroisse de Saint-Jean-le*Blanc, sonnent 
à grande volée. 

A ce signal, les troupes de la garnison, mas- 
sées derrière le bouquet d'artifice, se mettent en 
marche à la lueur des torches, suivent le pont, 
la rue Royale, la rue Jeanne-d'Arc, et viennent 
se ranger en ordre de bataille devant le portail 
de la basilique de Sainte-Croix. 

Au même instant, le corps municipal, ayant 
à sa tête le maire et ses adjoints, sort de l'Hôtel- 
de-Ville avec une escorte militaire, à la lueur 
des torches ; il est précédé de la bannière de la 
Villa ^(1) et de l'étendard de Jeanne d'Arc (2). U 
se dirige vers le parvis de la basilique. 



(1) Bannière rectangulaire en soie brodée sur chaque face 
d'or et d'argent : de gueules à trois cœurs de lis d'argent, au 
chef cousu d azur chargé de trois ileurs de lis d'or, qui sont 
les armes de la ville d'Orléans. 

(2) Longue flamme triangulaire en soie blanche frangée 



- 242 — 

A rapparilion de rélendard de Jeanne d'Arc 
débouchant sur la place, les tambours battent 
au champ, les portes de l'église s'ouvrent; le 
séminaire, le clergé de Sainte-Croix, portant les 
bannières de saint Michel, patron de la France, 
de saint Euverte et de saint Aignan, patrons 
d'Orléans, de sainte Catherine et de sainte Mar- 
guerite, protectrices de Jeanne d'Arc ; le chapi- 
tre de la cathédrale, l'évéque, sortent proces- 
sionnellement au chant du Te Deum et prennent 
place sur le perron de l'église. 

Lorsque les chants ont cessé, le maire s*a- 
vance, suivi de l'étendard de Jeanne d'Arc ; il 
monte les degrés, s'approche de l'évéque qui 
fait un pas en avant, et il lui remet l'étendard. 

A ce moment, les tambours battent de nou- 



d*or, qui représente en broderie d'or, d'argent et de soie, 
d'un côté, le Sauveur nimbé, assis sur Tarc-en-ciel, les pieds 
posés sur les nuées, bénissant de la main droite, tenant le 
monde dans la main gauche ; devant lui deux anges agenouil- 
lés, vêtus comme Vêtaient au XV« siècle les anges peints dans 
les églises. L'un de ces anges offre une fleur de lis, Vautre 
est dans l'attitude de la prière, au-dessous les monogram- 
mes : IHESUS-MARIA ; à la pointe un rinceau dans le goût du 
XY* siècle, figurant une tige de lis ; le revers semé de fleurs 
de lis d or ; à la pointe Finscription : Donné par les Orléor- 
naises, i855. 

La forme de cet étendard est celle des étendards au XV« siè- 
cle. C'était notamment la forme de 4;elui de la Pucelle, dont 
la pointe alongée vint toucher la muraille du bastion des 
Tourelles au moment où il fut emporté d'assaut. Le sujet et 
les emblèmes qui le décorent ont été fidèlement reproduits 



— 243 — 

veau ; le porlail et les tours de Sainte-Croix s'illu- 
minent de feux de Bengale de la base au sommet. 

Le maire descend et revient prendre sa place 
à la lêle du corps municipal. Les chants reli- 
gieux reprennent ; Tévêque donne sa bénédic- 
tion du haut du perron, puis le clergé rentre 
processionnellement dans la basilique, où il dé- 
pose l'étendard de Jeanne d'Arc. 

Le cortège municipal retourne à l'Hôlel-de- 
ViUe. 

Les troupes regagnent leurs quartiers. Lare- 
traite est sonnée aux llambeaux. 

8 mai. — A dix heures, le conseil municipal, 
précédé de la bannière de la Ville, se rend dans 
la basilique de Sainte-Croix ; les corps constitués, 
les autorités, les fonctionnaires, les corporations, 

d'après la description que Jeanne d'Arc donna, devant ses 
juges, de son propre étendard. Les anges étaient là « en 
l'honneur de Dieu ; » mais ce fut une opinion accréditée au 
XVe siècle que, sous la figure de l'ange qui tenait une fleur 
de lis, Jeanne elle-même était représentée. 

Cet étendard a été offert, comme l'indique l'inscription du 
revers, parles dames de la Ville (*). Déjà, en 1458, les Orléa- 
naises avaient fait ériger à leurs frais, sur le pont d'Oriéms, 
le monument de bronze décrit plus haut où se voyaient, au 
pied de la croix, la Vierge debout, le roi Charles Vil et la 
Pucelle à genoux. 

(*) Le» offrandes, fixées à un taux uniforme, ont été recueillies par les 
soins de M*" * de Vauzelles, BoSdli, Cordoen, Geuteur, baronne de Moro^rues, 
comtesse de Rocheplatte, Porciier (Félix), de Lockbart, Boussion, Chiquand, 
Domuis-Daadier, Fontaine, Ganard, du Roscoat. 



— 214 — 

invités par le Maire, s'y rendent de leur côté 
et prennent place dans la nef, dans Tordre qui 
leur est assigné parles maîtres des cérémonies du 
chapitre. Le clergé occupe les stalles du chœur. 

Lorsque le corps ou la personne ayant le pre- 
mier rang est arrivé, une messe basse com- 
mence au mailre autel. 

La messe finie, l'évêque et le clergé quittent 
le chœur et viennent occuper les sièges du banc 
d'œuvre. 

Un prédicateur désigné à l'avance par S. G. 
l'évêque d'Orléans, monte en chaire et prononce 
le discours qui portait à l'origine le nom « d'orai- 
son en action de grâce de la délivrance de la 
ville, T> et qui dans les temps modernes a pris 
celui de c Panégyrique de Jeanne d'Arc. » 

L'étendard de Jeanne est placé en face de la 
chaire, les bannières des saints et des saintes 
contre les piliers de la nef, la bannière de la Ville 
au pied de la chaire. 

Lorsque le prédicateur est descendu de la 
chaire, une procession sort de la cathédrale 
dans l'ordre suivant : 

1® Peloton de cavalerie; 

2® Députation et sapeurs-pompiers des com- 
munes suburbaines de Saint-Denis-en-Val, OU- 
vet, Saint-Jean-le-Blanc, Saint-Pryvé, La Chapelle 
Saint-Mesmin , Ingré , Saînl-Jean-de-la-Ruelle, 
Saint-Jean-de-Braye, Fleury; 



— 215 — 

Des communes plus éloignées el des villes du 
département, qui se font représenter; 

3° Corporations et sociétés laïques de la ville 
d'Orléans (mariniers, jeunes apprentis, ouvriers, 
orphéonistes, médaillés sauveteurs el autres), 
précédées de leurs bannières ; 

4° Corporations religieuses; 

5® Le bataillon de sapeurs-pompiers d'Or- 
léans ; 

6^ Les valets de la Ville ; 

7^ La bannière de la Ville, escortée par des 
sous-officiers des sapeurs-pompiers d'Orléans; 

8^ Le maire d'Orléans, accompagné de ses ad- 
joints ; 

9^ Le conseil municipal d'Orléans ; 

4 0<> Les administrateurs des hospices d'Or- 
léans ; 

H<> Les croix, les châsses elle clergé de cha- 
cune des paroisses de la ville d'Orléans, chaque 
châsse accompagnée de torches avec boisseaux 
aux armes de la ville d'Orléans (1) ; 

42*» Bannières de saint Michel, de saint Eu- 
verte et de saint Aignan, accompagnées des en- 
fants des écoles d'Orléans (2); 



<1) Ancien usage. 

(2) Bannière de saint Michel, patron de la France, verte, 
ancienne couleur du duché d'Orléans; bannières de saint 
Euverle et de saint Aignan, rouge, qui est la couleur du 
champ des armes de la ville d'Orléans. 



— 216 — 

13^ Bannières de sainte Catherine et de sainte 
Marguerite, accompagnées de jeunes filles cou- 
ronnées de violettes blanches (1 ) ; 

14^ La croix du chapitre, les châsses de la 
basilique portées par les clercs du grand sémi- 
naire, et escortées de torches avec boisseaux 
aux armes de la Ville ; 

L'étendard de Jeanne d'Arc, porté par des 
clercs du grand séminaire ; le clergé paroissial 
de Sainte-Croix, le chapitre cathédral, l'évêque 
sous le dais, portant la relique de la vraie 
croix ; 

ib^ Les corps et fonctionnaires invités mar- 
chant suivant l'ordre de leurs préséances ; 

Les troupes de la garnison échelonnées sur 
les flancs du cortège et fermant la marche. 

La procession suit la rue Jeanne-d'Arc, la rue 
Royale, le Pont, se rend à la croix des Tourelles, 
où l'évêque dit les oraisons indiquées au pro- 
cessionnal ; revient par le pont, la rue Royale, 
la place du Marlroi, la rue d'Escures, la place 
de l'Etape et la place Sainte-Croix. 

A leur arrivée sur la place Sainte-Croix, les 

(1) Sainte Catherine et sainte Marguerite sont des vierges 
martyres, et à ce dernier titre leurs bannières devraient être 
rouges ; mais on a préféré le blanc, pour rappeler que c'était 
à titre de vierges saintes plutôt, que de martyres que Jeanne 
d'Arc les avait choisies pour patronnes. Les couronnes des 
jeunes filles qui suivaient la procession aux XV* et XVI* siè- 
cles étaient composées de violettes blanches. 



— 2i7~- 

troupes et les corporations se massent, le clergé 
pénétré dans Téglise; mais Févêque avant d'y 
entrer s'arrête, et du haut des marches donne 
sa bénédiction. 

A ce moment on entonne le Te Deum. L' évo- 
que entre dans l'église; les corps, les fonction- 
naires et les personnes invitées entrent à sa 
suite et prennent place dans le chœur où le 
corps municipal les a précédés. Les châsses des 
saints sont déposées sur des estrades au milieu 
du chœur; les bannières de Saint-Michel, de 
Saint-Euverte, de Saint-Aignan, de Sainte-Cathe- 
rine, de Sainte-Marguerite et l'étendard de 
Jeanne d'Arc^ entourent le sanctuaire. Le Te 
Deum achevé, l'évêque dépose la relique de la 
vraie croix sur l'autel et se retire, après avoir 
salué l'assistance. 



13 



— 2d8 



PIÈCES JUSTIFICATIVES. 



I. 

9 décembre 1428. — Mandement de Jean V Archer, maire 
de la ville de Poitiers, et de Maurice Claveurer, échevin, 

Jehan F Archer, mayre de la ville de Poictiers, et Mau- 
rice Claveurer, eschevin et bourgois d'icelle, commis et 
ordonnez à distribuer les deniers de ladicte ville pour les 
réparacious cl autres choses nécessaires à jcelle, à nostre 
amé Pierre danler, receveur de lad. ville tant de la re- 
cepte ordinaire que extraordinaire, salut : — Nous vous 
mandons et commandons que vous paiez, baillez et déli- 
vrez des deniers de vos dictes receptes à frère Jehan 
Hillairet, religieux de Tprdre et couvent de Nostre-Dame- 
des-Carmes de Poictiers, la somme de vint livres tournois ; 
laquelle somme lui a esté ordonnée, en plain moys, estre 
payée par vous, desd. deniers, pour son salaire, paine, 
travail et despens d'avoir esté, par le commandement et 
ordonnance de ladicte ville de Poictiers, à Orléans, par- 
devers les gens d'église, bourgois et habitans de lad. ville 
d'Orléans, porter lettres closes et créance de par les gens 
d'église, bourgois et habitans de lad. ville de Poictiers, 
pour avoir seurté de bailler ausdiz d'Orléans la somme de 
neuf cens livres tournois que lesd. gens d'église, bourgois 
et habitans de Poictiers leur ont ordonné, pour leur ayder 
à supporter les grans fraiz et mises qui leur a convenu et 
convient faire pour résister aux ennemis du Roy estans à 
siège devant eulx. Lequel religieux y a esté et vaqué, par 
plusieurs journées, en grant double et péril de son corps, 
et apporté lettres et bonne seurté desd. d'Orléans de bail- 



— 219 — 

1er ladicte somme. Et par rapportant ces présentes, avec 
quictance souffisante dud. religieux, jcelle somme de 
XX 1. t. YOu%sera allouée en vos comptes et rabatue de 
vostre dicte recepte par ceulx à qui il appartiendra, san^ 
contredit ou difficulté aucune. — Donné soubz noz seigns 
manuelz, en plain moys et cent, le ixe jour de décembre 
Tan mil cccc vint et huit. — Jehan l'Archer, M. Clayëurer, 

G. BOUET. 

Original s. parchemin. (Bibliotlièque impériale» mss. latins, n* 9230, 
pièce T7, A.) 

II. 

26 décembre 1428. •— Lettres de commission de Jean, 
Bâtard d'Orléans, lieutenant-général du Roi dans les 
pays du duc d'Orléans. 

Jehan, Bastart d'Orléans, conte de Porcîen et de Mor- 
taing, grant chambellan de France et lieutenant-général 
de monseigneur le Roy, sur le fait de la guerre es pays de 
nostre très-redoubté seigneur, monseigneur le duc d'Or- 
léans ; — Au gouverneur et prévost d'Orléans et à leurs 
lieutenans, et à chacun d'eulx, salut : — Gomme pour 
aider à supporter les grans frais et missions que ont fait 
et font chacun jour les bourgois, manans et habitans de 
la ville d'Orléans, tant pour faire plusieurs réparacions et 
emparemens en ladicte ville d'Orléans, avoir et acheter 
plusieurs engins et habillemens de guerre convenables et 
nécessaires à la garde et delïense de ladicte ville que au- 
trement, afin de résister à la dampnable entreprise des 
Anglois, anciens ennemjs de ce royaulme, qui tiennent le 
siège devant ladicte ville et s'efforcent de toute leur puis- 
sance jcelle mettre en leur subgecion; lesdiz bourgois, 
manans et habitans de ladicte ville, duement assemblez, 
aient d'un commun assentement esté d'accort que la somme 
de six mille livres tournois soit assise, cueillie et levée 



Suf euh èl leurs biens par manière de taille. — Nous vous 
mandons, commetlons et expressément enioignons, èl à 
chacun de vous, que jnconlinent, sans auciA délay, vous 
imposez et asséez et faictes asseoir, imposer, cueillir et 
lever ladicte somme de six mille livres tournois sur lesdiz 
bourgois, manans et habit ans de ladicte ville le plus éga- 
lement que faire pourres, ainsi que on a accoustumé faire 
les aides qui ont esté levez pour mondit seigneur le Roy, et 
contraignez et faictes contraindre chacun desdiz habitans 
à paier ce à quoy ilz seront imposez, comme pour les 
propres debtes de mondit seigneur le Roy, et par prenant 
et vendant promptement leurs biens, sans y garder les 
autres solempnités accoustumées, cessans et bon obsitans 
quelxconques oppositions et appellacions, et ladicte âOifime 
faictes porter pardevers le receveur des dénias de ladicte 
ville, ou aultre commis à la recevoir, lequel receveur ou 
commis sera tenu vous en rendre compte quant requis en 
isera, et y procéder à telle diligence que par défault des- 
diz deniers aucun jnconvénient ne s'en suive. De ce faire 
vous donnons povoir. — Mandons et commandons à tous 
les justiciers, officiers et subgez de mondit seigneur le Roy^ 
que à vous et à vos commis et députez en ce faisant 
obéissent et entendent diligemment. — Donné à Orléans, 
le xxyje jour du moys de décembre, Tan de grâce mil cccc 
vint et huit. Ainsi signé par monseigneur le conte lieute- 
nant-général. — J..DE Gyvês. 

Document 4éjà publié dans ]• 4S6« Anniversaire de ia dHivrange 
d*OrUans* — Copie s. pardiemia. (Arch. de la ville d'Orléans.) 



m. 

18 mars 1428. — Vidimus de lettres-patentes de Henri VI, 
roi de France et d'Angleterre, du 3 mars. 

A tous ceulx qui ces présentes lettres verront, Simon 



-m - 

Morlier, chevalier, ççigoeuç de Villiçrs, cwiseiller du Rqs 
nostre sire. . . ^ . . . de Paris, salqt. Savoir feisQa3. ; 
Nous, Tan de grâce mil cccç vint huit, le samçdj xviije j|oyr 

de mars avoir veu certaines lettres du Roy 

nostredit seigneur, scellées de sou grant seel en double 
queue et cire jaune. ....,, s'eusuit. 

Henry, paç la grâce de Diçu, ray de Franco et d*Anglô-r 
terrç, à tous çeulx qui. ..... . savoir faisons, qu^ 

Nou$ con^idérans les trè$ grans et excessives finances 

que la conduite et entretènement du siéç^ 

mis de p^r Nous devant la ville d'Orléans 

siège a desja duré longuement et pourroit encores plus 

durer si puissamment ainsi que le cas le 

requiert. ... la somme de quarante mil frans. . . . 
Fraïuce, duc de Bedford, a libéralemeut fait bailler et dé- 
livrer oncle, et des gens de nostre grajjit 

conseil, avons ordonné et ordonnons par ces 

et de quelque estât que ce soit, prenans de nous gaiges à 

cause de leurs offices prise, pour luy me$mô 

nous j^esteront leurs gaiges pour ung quartier d'an. . . . 

^ la couduite et entretènement dudlt sié^e d'Orléans, et 
Qon ailleurs, sans donner pour ce. .,...,. desquelx 
gaiges ainsi à Nous prestez sera faicte Festitucion et paie- 
ncient à eeulx de qui ilz auront. . ... . . revenues 

quelxconques, ilz soient, en noz royaume de France et 
duehi.é de Normandie, taut de domaine comme d'aides, 
gabelles et confiscations, et aussi sur les proffiz de guerre 

quelxconques qui sont escheuz ou escherront 

à nostre dit oncle en nos diz royaume de France et duchié 
de Normandie. Si donnons en mandement à nos amés et 
féaulx conseillers les trésoriers généraulx et gouverneurs 
de nos finances de France et Normandie que, par le chan- 
geur de nostre trésor à Paris pour France, et par le rece- 
veur général de Normandie es deniers de sa recepte, et 
par if^\]^ 1#3 viooQ^tte^ r^cevQura tant, d,e dqm^e ç^nwe 



— 222 — 

d'aides, et par les grenetiers du grenier à sel, et autres 
quelxconques faisans de par Nous fait de recepte, ils 
facent prendre et recevoir, pour la cause dessus dicte, 
de tous nos officiers quelxconques ayans et prenans 

gaîges par leurs mains, et tant de nostre 

dit conseil comme autres, leurs gaiges pour ung quartier 
d'an, en baillant sur ce de ung chacun lettre de récépissé, 
par laquelle rapportant avecques lettres de mandement de 
Nous sur ce, que voulons estre baillée à eulx qui particu- 
lièrement le requerront ou vidimus de ces présentes. Res- 
titucion et paiement sera fait de ladicte somme ainsi pres- 
tée des deniers de nos receveurs dessusdits, et sans aucune 
dificulté. Toutevoies, se aucuns de noz officiers dessusdiz 
ne vouloient vous faire paiement ainsi que dit est. Nous 
voulons et mandons qu'ils soient privés de leurs gaiges 
pour demy an, et que les deniers d'iceulx pour ledit demy 
an en soient prins, tournez et convertiz ou fait dud. siège 
d'Orléans ou noz autres affaires de guerre. En tesmoing 
de ce avons fait mettre nostre sceel à ces présentes. 
Donné à Paris, le iij^' jour de mars, l'an de grâce mil cccc 
vint et huit, et de nostre règne le septiesme. Ainsi signé 
par le Roy à la relacion du conseil tenu par monsr le 
régent duc de Bedford. — J. Mylet. 

Ausquelles lettres cy-dessus transcriptes estoient ata- 
chez unes lettres de messeigneurs les trésorier et gouver- 
neurs généraulx de toutes les finances du Roy, nostre sire 
en France et en Normandie. 

Original sur parchemin, en partie maculé et déchiré. (Bibliotiièque impé- 
riale, mas., pièces provenant de la cour des comptes.) 

IV. 

3 mars 1428. — Lettres de mandement de Henri VI, roi 

de France et d* Angleterre. 

Henry, par la grâce de Dieu, Roy de France et d'An- 



— 223 — 

gleterre, à noz amez et féaulx conseillers, et trésoriers, et 
généraulx gouverneurs de noz finances de France et de 
Normandie, salut et dilection. Nous vous mandons et en- 
ioignons que, par nostre amé Pierre Surreau, nostre rece- 
veur général de Normandie, vous faictez recevoir de nostre 
amé et féal conseiller, maistre Jehan Dole, la somme de 
cent cinquante livres tournois, qui est la quarte partie, 
pour ung an, des gaiges ordinaires de conseiller, montans 
à la somme de vjc 1. t., que Nous avons voulu japieça et 
voulons estre à lui paiée, par chacun an, tant qu'il Nous 
plaira, en lui baillant lettres de récépissé sur ce. Laquelle 
quarte partie nostre dit conseiller nous a ottroyée prester 
pour la continuacion du siège que faisons tenir devant Or- 
léans, et des deniers de ladicte recepte faictez par ledit 
receveur faire à nostre dit conseiller sur ce plain paiement 
et satisfacion, et tout ce qui paie aura esté à la cause 
dessus dicte par rapportant ces présentes, ou vidimus 
d'icelles fait soubz seel royal, avecques quittance de nostre 
dit conseiller et lesd. lettres de récépissé, Nous voulons 
estre aloué es comptes dudit receveur et rabatu de sa re- 
cepte par noz amez et féaulx les gens de noz comptes, 
sans aucun contredit ou difficulté. Donné à Paris, le 
iij« jour de mars, l'an de grâce mil cccc vint et huit, et de 
nostre règne le vije. 

Par le Roy, à la relacion du conseil tenu par mons£rr le 
Régent, duc de Bedford. — J. Mylet. 

Origp. s. parchemio, ayant été scellé sur simple queue de parchemin. 
(Bibl. imp., mss., pièce provenant de la chambre des comptes.) 



V. 

3 mars U28. — Lettre» de mandement de Henri F7, roi 

de France et d'Angleterre. 

Henry, par la grâce de Dieu.... {comme aux letttres 



— 834 — 

précédentes). Vous faictez recevoir de nostre amé et féal 
conseiller, Thomas Holgville, escuier, la somme de cin- 
quante livres tournois, qui est la quarte partie, pour 
ung an, des gaiges ordinaires de conseiller, montans à la 
somme de deux cens livres tournois, que Nous avons voulu 
pieça et voulons estre à luy paiée, par chacun an, tant qu'il 
Nous plaira, en Iny baillant lettres de récépissé sur ce. 
Laquelle quarte partie nostre dit conseiller Nous a octroyée 
prester pour la continuation du siège devant Orléans; Et 
des deniers.... (comme auap lettres précédentes). 

Orig. s. parcb., ayant été scellé sur simple queue de parcU. (BMatb. 
imp., ms^, pièces provenant de U cbi^mbre des comptes.) 



VI. ' 

13 mars U28. *- Lettres de mandement été Jean, duc dS; 
Bedfordj régent du royaume de France. 

Jehan, régent le royaume de France, duc de Bedford, 
à nos très chiers et bien amez les trésoriers généraulx des 
finances de monseigneur lé Roy, tant en France comme en 
Normcndie, salut et dilection. Comme Nous ayans ordonné 
et retenu nostre bien amé Henry Tlsle, escuier à la charge 
de quarante et trois hommes d'armes, sa personne en ce 
comprinse, et six vings et no euf archers montez, armez et 
arrayez bien et suffisamment pour servir mondit seigneur 
le Roy et Nous au siège devant Orliens ou autres sièges, 
sur les champs et garnisons, et partout ailleurs où il Nous 
plaira ordonner durant ledit siège devant Orliens, et les- 
quelx hommes d'armes et archers furent et estoient de la 
charge et retenue de feu nostre très chier et bien amé 
sire Lancelot de Flsle, frère dudit escuier au jour de son 
trespassement, pour estre audit siège d'Orliens, parmj ce 
que, pouf lesdiz hommes d'armes et archiers, ledit escuier 
aur^ cit prendra gaiges^ c'est asçj^voir, poi|r ho^mmeL d^ar- 



nwî3, dowe. 4e»ters. esiterlin$.le jou^r, BQonjwie d'Angleterre^ 
av^cqupsi regwds accoustumez eu pre»$int le noJ)k d- An- 
gleterre pour six sol^ huit deniers esterlins de ladicte 
mongole ou autre monnoie de France à la valeur, et pouj* 
chacun arc^ier six frans par chacun mois, doi^t paiement 
lui sera fait de mois en mois, au commencement d'un 
chacun mois, et selon les monstres que ledit escuier a 
faûctes et fera desdiz hommes d'armes et archiers des fi- 
nances du pays de France et du ducbié de Normandie ^ 
jceulx gaiges et regards commençans incontinent que le 
terme que ledit feu sire Laneelot de Flsle a esté dernière- 
ment paie pour les gaige» de Ini et des hommes d'armes 
et archiers de sa retenue fut ôny et accomply, et de là en 
avant, de mois en mois, durant ledit siège. Gomme par 
endenteures sur ce faictes entre Nous et ledit escuier ces 
choses et autres peuent plus à plein apparoir, Nous vous 
mandons et enioignons expressément, de par mondit sei- 
gneur le Roy et de par Nous, que, par Audry d'Esparnon, 
trésorier des guerres dudit pays de France, ou par Pierre 
Surreau, receveur général dudit duchié de Normandie, 
vous, des deniers de sa recepte, faites paîer, bailler et dé- 
livrer audit Henry L'Isle, ou à son certain commandement, 
les gaiges et regards de lui et des hommes d'armes et ar- 
chiers, de sa retenue de mois en mois, au commencement 
d'un chacun mois, selon les monstres et reveues qui ont 
esté et seront faictes d'iceulx hommes d'armes et archiers, 
par la fourme et manière que dit est, durant ledit siège, 
et par rapportant ces présentes que voulons estre garand 
pour vous et ledit trésorier des guerres ou ledit receveur 
général, avecques monstres ou reveues sur ce deuement 
faictes et quittances souffîsantes d'icelui Henry Lisle, tout 
ce qui, à ladicte cause, lui a et aura ainsi esté paie sera 
alloué e& cpmptes et rabata de la recepte dudit trésorier 
des guerres, où dudit receveur général qui paie l'aura, par 
nos très chiers e{ bien amés les gens des comptes de mon 

13. 



— 226 — 

dit seigneur le Roy, à Paris et partout ailleurs où il ap- 
partiendra, ausquelx Nous mandons, ou nom que dessus, 
que ainsi le facent, sans aucun contredit ou difficulté. 
Donné à Paris, soubz nostre scel, le treiziesme jour de 
mars. Tan de grâce mil quatre cens vint et huit. 

Par mons&r le régent le royaume de France, duc de Bed- 
ford. — Bradshawe. 

Orig. s, parch., ayant été scellé sur simple queue de parchemin. (Bibliotb. 
impériale, ms9., pièces provenant de la cour des comptes.) 

vn. 

20 avril 1429. — Quittanee de Jean Talbot, capitaine de 

Coutances. 

Saichent tuit que Nous, Jehan, seigneur de Talbot, che- 
valier banneret, capitaine de Constances, confessons avoir 
eu et receu de Pierre Surreau, trésorier général de Nor- 
mandie, la somme de trente-cinq livres ùnze solz huit de- 
niers tournois, pour les gaiges et regars de deux hommes 
d'armes et ung archier à cheval du nombre de nostre re- 
tenue et garnison dudit lieu de Constances, estans et rési- 
dons au siège devant Orléans, desservis et à desservir audit 
siège, pour ung moys, commençant le xxiije jour de mars 
mil cccc xxviij. avant Pasques, et finissant le xxije jour de 
ce présent moys d'avril ensuivant, tous jnclus, au prix de 
vj livres tournois pour ledit archier par moys ordonné et 
ainsy payé. Dont Nous avons fait monstre audit siège, ce- 
jourd'huy, pardevant Phiilebert de Mollens, escuier, et 
maistre Raoul Parkers, à ce commis. De laqueUe somme 
de XXXV 1. xij s. viij d. t. Nous Nous tenons pour contons 
et bien paiez, et en quictons le Roy nostre sire, ledit rece- 
veur général et tous autres. En tesmoing de ce Nous avons 
fait sceller ceste présente quictance de nostre seel audit 
siège, le vintiesme jour d'avril, l'an mil cccc et vint neuf. 

Orig. s. parch. Sceau et contre-sceau en cire rouge, sur simple queue de 
parchemin. (Bibl. hnp., mss., pièces provenant de la conr des comptes.) 



— 227 — 

VIII. 

20 avril U29. — Quittance de Thomas de Scales, capi- 
taine de Pontorson, 

Saichent tuit que Nous, Thomas, seigneur de Scales, 
chevalier, capitaine de Pontorson, confessons avoir eu et 
receu de Pierre Surreau, receveur général de Normandie, 
la somme de six cens quatre vins cinq livres seize solz 
huit deniers tournois, en prest et paiement des gaiges et 
regars de Nous, chevalier banneret, xix autres hommes 
d'armes et soixante archiers à cheval du nombre de nostre 
retenue et garnison dudit lieu de Pontorson, ordonnez 
estre et servir au siège devant Orléans, et pour le service 
de Nous et des dessus dits audit siège de ce présent moys 
d'avril, dont Nous avons fait monstre audit siège cejour- 
d'huy, parde vaut Thomas Guérart, escuier, et maistre Raoul 
Parker, secrétaire de monseigr le régent de France, duc 
de Bedford, à ce commis. Dont paiement Nous a esté fait 
au prix de yj 1. t. pour archer, par moys, selon l'ordon- 
nance sur ce faicte par mondit seigneur le Régent. De la- 
quelle somme de yjc iiij» v 1. xvj s. viij d. t. Nous nous 
tenons pour contens et bien payez, et en quictons le Roy 
nostre dit seigneur, ledit receveur général et tous autres. 
En tesmoing de ce Nous avons signé ceste présente quic- 
tance de nostre seing manuel, et scellé de nostre scel au- 
dit siège, le vintiesme jour d'avril mil cccc et vint neuf. 

Scales. 

Orig. •» parch. Sceau et contre-sceau en cire rouge, sur simple queue 
de parchemin. (Biblioth. imp., mss., pièces provenant de la cour des 
comptes.) 

IX. 

I 

30 avril 1429. — Lettres de mandement de Henri VI, roi 

de France et d'Angleterre. 

Henry, par la grâce de Dieu, Roy de France et d'Angle- 



— 228 — 

terre, à nos amés et féaulx conseillers, trésoriers et gé- 
néraulx gouverneurs de toutes noz finances en France et 
Normandie, salut et dilection. Gomme par Fadvis, délibé- 
racion de nostre très chier et très amé oncle Jehan, régent 
nostre royaume de France, duc de Bedford, et des gens de 
nostre grant conseil, Nous avons derrenièrement ordonné 
et mandé venir en armes en nostre ville de Vernon, au 
mardj xxix^ jour de mars derrenier passé, noz vassaulx et 
gens nobles tenans noblement de nostre duché de Nor- 
mandie et pais de conqueste, pour en jcelle ville estre 
veuz, receuz et passez à monstres, pardevant noz commis 
ad ce, et Nous faire service ou conduit des vivres néces- 
saires pour ravitaillement du siège que faisons présente- 
ment tenir devant la ville d'Orléans ; lesquels vassaulx et 
gens nobles en regart et considéracion, aux gran fraiz et 
charges, coustanges et despens que pour faire ledit voiage 
leur conviendroit faire, pour leur aider à supporter lesdites 
charges et despenses par noz autres lettres données le 
xx® jour de ce présent mois, avons voulu et ordonné que, 
après leurs dictes monstres faicles en nostre dicte ville de 
Vernon, Paris et ailleurs, paiement leur feust fait de noz 
finances, pour vint jours commançans le jour de leurs dictes 
premières monstres ; et il soit ainsi que lesd. nobles et 
vassaulx ou conduit desd. vivres et voiage par eulx fait 
de nostre ville de Paris devant lad. ville d'Orléans et ail- 
leurs, sur la rivière de Loire, aient vacqué, séiourné et 
demouré pour attendre noz ennemis que 1 on disoit venus 
à puissance pour advitailler ladicte ville d'Orléans par 
vj jours, oultre et pardessus les vint jours dessus diz, fi- 
nans le xxixe jour de ce présent mois d'avril, pour lesquelz 
vj jours voulons paiement leur estre fait de noz finances 
de Normandie; vous mandons, commandons et expressé- 
ment enioignons que, par nostre bien amé Pierre Surreau, 
receveur général de nostre dit pais de Normandie, tant 
des deniers de sa dicte recepte comme des deniers des 



— 229 — 

empruns que avons derrenièrement ordonnez Nous estre 
faiz par noz officiers de nostre dit duché et pais de con- 
queste, vous faictes paier, bailler et délivrer aux chefs de 
monstres desdiz vassaulx et nobles de nostre dit pais de 
Normandie, les gaiges et regars d'iceulx et de leurs dictes 
gens jusques au nombre de deux cens hommes d'armes, 
et les architjrs à l'afférent, tous à cheval, pour lesd. 
vj jours, comme dit est dessus, qui font pour tout xxvj jours, 
au pris, pour chevalier banneret quatre solz esterlins par 
jour, pour chevalier bachelier deux solz esterlins, pour 
hommes d'armes à cheval douze deniers de lad. monnoie, 
avec regars acoustumez, et pour chacun archer dix de- 
niers esterlins par jour, le noble d'Angleterre compté pour 
six solz huit deniers de ladicte monnoye ; et par rappor- 
tant ces présentes, leurs reveues faictes en nostre d. vUle 
de Paris, pardevant noz chers et bien amés Jehan Popliau 
et Guy le Boutciller, chevaliers, commis de par Nous à 
jcelles reveues, recevoir et prendre avec quictunce desdiz 
chefs de monstres, tant seulement Nous voulons tout ce 
que paie sera et aura esté à ladicte cause estre alloué es 
comptes et rabatu de la recepte de nostre dit receveur 
général par noz amez et féaulx gens de noz comptes, à 
Paris et partout ailleurs où il appartiendra, ausquelz Nous 
mandons par ces présentes que ainsi le facent sans con- 
tredit ou difficulté quelzconques. Donné à Paris, le derre- 
nier jour d'avril. Tan de grâce mil cccc vint neuf, et de 
nostre règne le vije. 
Par le Roy, à la relacion du grant conseil. 

(Sinpaature et sceau coupés.) 

Original s. paFchemiD. (Bibliotb. iiDp., mss., pièces provenant de la cour 
des comptes.) 



230 — 



X. 



1er mai 1429. — Quittance de Jean, Bâtard d* Orléans, 
lieutenant-général du Roi dans les duché d'Orléans, 
comtés de Blois et de Dunois. 

Nous, Jehan, Bastart d'Orléans, conte de Porcien et de 
Mortaing, grant chambellan de France et lieutenant de 
monseigneur le Roy sur le fait de la guerre es duchié 
d'Orléans, contez de Blois et de Dunois, confessons avoir 
eu et receu des bourgeois, manans et habitans de la ville 
d'Orléans, par la main Jehan Hillaire, receveur des deniers 
appartenans à jcelle, la somme de six cens livres toum» ; 
laquelle somme lesdiz bourgeois, manans et habitans Nous 
ont baillée, pour paier les gens de guerre estans en jcelle 
ville en garnison, et les cappitaines des forteresses d'en- 
viron ce pais venuz par nostre mandement en lad. ville, 
ad ce que on les entretensist jusques ad ce que l'armée 
qui estoit venue avec la Pucelle Jusques au port du Bous- 
chet, qui est retournée à Blois, fust revenue en ceste dicte 
ville pour lever le siège. De laquelle somme de yjc 1. 1. 
Nous nous tenons content et en quictons lesd. bourgeois 
et habitans, led. receveur, Nous avons tesmoing noz seel 
et saing manuel ci mis, le premier jour de may, l'an mil 
iiijc vint neuf. — Le Bastart d'Orléans. 

Original s. parchemin. Sceau et contre-sceau du Bâtard en cire rouge, 
sur simple queue de parchemin. (Arch. de la ville d'Orléans.) 

Ce document, inédit et inconnu jusqu'ici, met en liunière 
des faits qui étaient ignorés ou obscurs. 

io Et les cappitaines des forteresses d'environ ce pais 
venuz par nostre commandement en ladicte ville*.». 

On savait, par le journal du siège, que, dans les der- 
niers jours d'avril et les premiers jours de mai 1429, plu- 
sieurs capitaines des forteresses de la Beauce et du Gâtinais 



— 231 — 

« 

se jetèrent dans Orléans, avec les renforts qu'ils amenaient; 
mais on ignorait que ces capitaines avaient été mandés 
par le Bâtard d'Orléans, lieutenant-général du Roi ; qu'en 
se rendant à Orléans ils avaient obéi à un ordre et con- 
couru à une mesure d'ensemble prise en vue des événe- 
»meuts qui se préparaient. 

2o Jusques ad ce que V armée qui estoit venue avec la 
Pucelle jusques au port du Bomchet,.,, 

Nulle part l'existence du port du Bouschet n'avait été 
signalée, et nulle part non plus le point de la rive gauche 
de la Loire où l'armée et le convoi arrivant de Blois s'ar- 
rêtèrent le 29 avril 1429 n'avait été fixé avec cette préci- 
sion. 

Ce point d'arrivée avait été placé : 

Par la déposition de Simon Beaucroix (Quicherat, III, 
78), entre Orléans et Jargeau. La distance de l'une à l'autre 
de ces deux villes est de dix-sept kilomètres. 

Par le journal du siège (QuiCH., IV, 151, 152), « jusqu'à 
un village nommé Chécy. ^ C'est-à-dire en face d'un vil- 
lage nommé Chécy, car Chécy est sur la rive droite, à 
neuf kilomètres d'Orléans. 

Par la Chronique de V établissement de la fête de la 
Pucelle (QuiGH., V, 290), c à l'Ile-aux-Bourdons, » qui était 
de la paroisse de Chécy, mais en aval du bourg. La distance 
de l'Ile-aux-Bourdons à Orléans est de six à sept kilomètres. 

Par la déposition du comte deDunois(QuiCH.,III, 5, 6, 
7), en amont de l'église de Saint-Loup, ultra ecclesiam 
Sancti Lupi. C'est-à-dire en face du territoire de Saint- 
Jean-de-Braye, à quatre kilomètres environ d'Orléans. 

Par la déposition de Pasquerel (QuiCH., III, 105), à une 
distance d'Orléans assez petite pour que les Anglais des 
bastilles de Saint-Jean-le-Blanc, des Augustins et des Tou- 
relles, et les Français arrivant pussent se voir. 

Par la déposition de Louis de Contes (Quich., III, 67)> 
prés d'Orléans, juxià villam Aurelianensem. 



— 232 — 

Par la déposition de d'Âuloo (Quich., III, 21Q), k, 
c environ. un quart de lieue t> en amont d'Orléans. 

Par la chronique du siégQ (QuiCH., IV, 318), % vers. 1^ 
ville d'Orléans, au-deç3us de la bastille de S^int-JehanTl^^. 
Blanc. > 

r ' 

Par le récit de Perceval de Cagny (Quiçft,, IV,. 5), % ^m 
près d'Orléans. » 

Par la chronique de Jea» Chartiçr (QuiCKt, IV, 54), 
€ devant Orléans. » 

La quittance que nous publions ici, en fuissent arriver Igk 
coiwoi au port du Bouschet, conlirnie Tindiçation, donnée 
parDunois, ultra ecclesiam SamtiLwpi, sans contredira 
celle donnée par l'auteur de la Chronique de Vétablisse^^ 
ment de la fête : « arrivèrent jusquçs à riIe-aux-Bourdons. » 
Le nom du Bouchet >s'est conservé ; c'est aujourd'hui en- 
core le nom d'une maison de campagne située sur- le t^- 
ritoire de la commune de Saint-Denis-en-Val, au bord df^ 
la Loire, ou plutôt d'un bras ensablé de la Loire, en face 
de Saint-Jean-de-Braye et en amont de Saint-Loup ; à une 
distance de quatre à cinq kilomètres en amont du poo^ 
d'Orléans, de un à deux kilomètres en savait de ru^auz- 
Bourdons. On peut certainement admettre que leç campe- 
ments de l'armée et du convoi couvraient ce dernier esr I 
pace, et s'étendaient du port du Bouchet à rile-auj^>> 

Bourdons* 

Ceci, du reste, se concilia avec le fait énoncé dans les 
lettres; d'anoblissement dç Gui de Gailly (QuiCH., V, 344), 
qu'après avoir traversé la Loire, Jeanne d'Arc reçut l'ho^ 
pitalité au château de Heuilly, près Ghécy, inarceRiUliaca i 

propa Checiacum, et qu'elle y pas^a quelques heures j 

avant de se diriger sur Orléans, où elle n'entra qu'à 1^ ! 

nuit« Le château de Reuilly n'est en effet qu'à, sept k^o-? | 

mètres du Bouchet, cinq de l'^le-au^^-Bourdons, et quçl 
que Sjoit celui de ces deux points que la Pucelle avait 
choisi pour traverser la Loire, elle eut facilement letemp^ 



de s^ rendre au cl^teaui de Reuilly, et d'y faire le séjour 
constaté dans Facte d'anoblissement de Gui de CaiUy. 

XI. 

25 mai 1429. — Quittance de Thomas HyngesUm, capi- 
taine de Meulan. 

Saichent tuit que Nous, Thomas Hyngeston, dievalier, 
capitaine de Meulent, confessons avoir eu et receu de 
Pierre Surreau, receveur général de Normandie, la somme 
de six cens vint ung livres neuf solz cinq deniers tournois, 
en prest et paiement des gaiges et regars de quatre hommes 
d'armes à cheval, comprins le contre-roulleur, et quatre à 
pie, et xxiiij archiers de nostre retenue, desserviz à la 
sauve garde dudit lieu au siège d'Orliens, et conduicte des 
vivres pour ledit siège, pour ung quartier d'an fînant le 
le xviije jour de ce présent mois de may dont ont esté re- 
quis, c'est assavoir la somme iiij^xx 1. xiij s. t., comprinse 
en jcelle somme, qui paiez ont esté à une lance et trois ar- 
chiers de nostre dicte retenue desservi au siège d'Orliens. 
Item xxxiiij 1. xv s. x d. t., qui paiez ont esté, pour 
XV jours du mois d'avril, à deux lances et viij archiers de 
nostred. garnison, oultre jcelle lance et iij archiers pour 
le conduit d'iceulx vivres. Item Ixxiiij 1. xj s. viij d. t. 
pour deux lances et ix archiers de nostred. retenue, oultre 
l'autre lance et lesd. iij archiers qui paiez ont esté pour 
faire la conduicte d'iceulx vivres le tiers jour de may, et 
xxxvj 1. xj s. vj d., qui rabatuz Nous ont esté pour vacca- 
cions. Etfaultede service d'aucuns desd. souldoyez, comme 
il appert par le conleroulle sur ce fait, desquelles gens 
Nous avons fait monstre audit lieu, pardevant led. rece- 
veur général et Jehan Chambellain, conteroulleur d'icelle 
recepte gènéralle, le x}(vije jour de février derrenier passé, 
ce paiement à Nous fait par ledit receveur, par vertu des 



— 234 — 

lettres de monseigneur le Régent, donné le xv» jour de 
novembre cccc xxviij derrenier passé. De laquelle somme 
de vjc XXV 1. ix s. v d. t. Nous nous tenons pour conten* 
et bien paie, et en quictons le Roy nostre seigneur, ledit 
receveur et tons autres. En tesmoing de ce Nous avons 
scellé ces présentes de nostre scel, le xxv© jour de raay, 
l'an mil cccc vint neuf. 

Original s. parchemin. Débris de sceau en cire rouge pendant, sur 
simple queue de parchemin. (Biblioth. irap., mss., pièces provenant de 
la cour des comptes.) 

XII. 

U24-U33. — Extrait des comptes d'Hémon Raguier, 
trésorier des guerres du Roi. 

Extrait du compte XII 1® et dernier de M® Hémon Raguier, 
trésorier des guerres du Roy, depuis^le !«>' mars 1424 
jusques au dernier septembre 1433. i 

Le fait de ravitaillement et secours sur les Angloîs des i 

ville et cbâteau de Montai^. 

A M. Loys d'Escorraille, chevalier, H40 1., pour porter 
ainsy qu'il a fait de la ville de Jargueau, pour distribuer 
aux gens d'armes et de trait de la compagnie de M. le 
Connétable et sous son gouvernement, pour aller secourir 
Montargis assiégé par les Anglois. 

Aux seigneurs et capitaines cy après nommés, allans au 
siège de Montargis : 

Au sr d'Orval, à mons. le Rastard d'Orléans, au conné- 
table de l'armée d'Escoce, à mons. de Villars, à Denis de 
Saint-Savin, à Jeaç Girard, au Rastard de Culant, au Ras- 
tard de Tornemire, à Gaultier de Rrusac, à Rernard de 
Cominge, à Henry Peumart, à Guillaume Le Routeiller, à 
Pierre Ronneville ; à Michel Cudoe et Jean Durant, mar- 
chant demeurans à Orléans, pour blez pour avitailler Mon- 
targis. 



— 235 — 

Le fait des secours sur les Ânglois de ]a ville d'Orléans. 

Aux capitaines et chefs de guerre cy après nommez : 

A Estienne de Vignolles, dit La Hire, sur le paiement 
des gens de sa compagnie; à Poton de Sainterailles, es- 
ciiyer; à messire Jean de Lesgo, chevalier; à messire 
Raymon, sieur de Villars, chevalier ; à Oudet de Rivière, 
escuyer ; à Galabre de Panassac, escuyer ; à Jean Pot, es- 
cuyer de la compagnie dudit Galabre ; à Giraûlt de la Pail- 
lière, au sire de Coraze, au sire de Gra ville ; à messire 
Matyas d'Archiac, chevalier ; à Jean de Héraumont, es- 
cuyer ; à Jean Girard, escuyer ; à Denis de Saint-Savin. 

A Henry Peumarch, escuyer ; à messire Jean Wischart, 
chevalier ; à Thomas Rlar, escuyer ; à David Malleville, es- 
cuyer ; à* Alexandre Norwil, escuyer ; à messire Thomas 
Honston, chevalier ; à Henry Galoys, escuyer ; à Donad de 
Lynant« escuyer ; — du pays d'Escosse. 

A mons. Guillaume de Lebret ; à mons. de Saint-Sévère, 
maréchal de France ; à messire Lois de Culant, admirai 
de France ; à mons. de Couflans ; à messire Raoul de Gau- 
court, chevalier, grand-chambellan du Roy, 1293 livres 5 s., 
pour porter à Orléans ; à messire Jean Wichart, chevalier 
du pays d'Escoce, capitaine de certain nombre de gens 
d'armes et de trait dudit pays ; à Oudot, sieur de Verdu- 
zan, et Pierre de Fontenil, escuyer; à messire Jean de 
Graville, chevalier, grand-chambellan du Roy et maistre 
dés arbalestriers de France. 

Aux capitaines et chefs de guerre cy après nommez : 

A messire Jean de Lesgo, chevalier; à M?^ Lois de Yau- 
court, aussi chevalier; à Regnault Daridel, seigneur de 
Héraumont; à Girault de la Paillière; à Thibault de 
Termes, escuyer ; à Estienne de Vignolles, dit La Hire ; 
à mons. le Rastart d'Orléans; à mons. de Saint-Sévère, 
maréchal de France ; à messire Jacques de Chabanes, che- 
valier, maréchal du Rourbonnois ; à Poton de Sainterailles 
et Estienne de Vignolles, dit La Hire ; à mons. de Coa- 



-236- 

rase, chevalier; à messire Raymon, s. deVillarSi^escuyer; 
à Girault de la Paillière ; à messire Jean de Bueil, cheva- 
lier ; à messire Guillaume de Chaumont, chevalier, sieur de 
Quitry; à Bernard de Comminge, escuyer; à Pierre dç 
Beauvoir, escuyer; à frère Nicole, commandeur de Gir 
resme ; à mons. le Bastar d'Orléans ; à messire Mathiaai 
d'Archiac, chevalier ; à Baudrans Tours, escuyer, qui es-r. 
toit prisonniw des Ânglois, pour aider à sa rançon; à 
messire Guill. de Savenay, chevalier ; à Bouzon de Fayes, 
escuyer, bailly de Montargis, capitaine des gens d'armea 
et de trai^; à Ferrande de Gruile, escuyer du pais.d'E&r^ 
pa^e ; h, Guiot des Ghamps et Perret Le Bauteiller, es- 
cuyers; à messire Lois d'Abbencourt, chevalier ; à messire 
Patin Dogilby, vicomte d'Angus au pays d*Escoce, cheva^ 
lier ; à Jean de Bamaire, dit Gormellan, escuyer» capitaine 
des gens d*armes et de trait; à messire Hector de la 
Jaille, chevalier ; à messire Jean Stewart, chevalier, sieur 

de Damle, connétable de Tarmée d'£scoce; à 

seigneur de {^ymenil, escuyer ; à Jean de la Roche, esr 
cuyer ; à messire Loys du Doignan* chevalier ; à Guillaume 
Destumes, escuyer ; à maistre Jean de Montesclere, cano-» 
nier demeurant à Angiers, pour avoir servy à Orléans ; à 
messire Jean de Rochechouart, s. de Martemar, chevalier, 
conseiller, chambellan du Roy ; à Jean de Blanchefort, es* 
çuier, lieutenant de monseig. de Saint-Sévère, marécha) 
de France, tant sur son estât que sur le paiement de 
soixantcH^eux hommes d'armes et quarante-deux hommes 
de trait, 540 L ; à Denis de Chailly^ escuyer ; à Maurice 
de Meaulx, esQuyer, lieutenant de M. Jean Oulchart, che- 
valier, capitaine du pays d'Escoce; à messire Guillaume 
(Je Savenay, chevalier; à Guilla,ume Madré, escuyer; à 
n^essirç Jeaii du Bois, chevalier ; à messire Nicole da Gi- 
resrpe, chevalier ; à mesgire Regnault de Fontainç^, ch^ 
valier ; à mons. Giles, sieur de Rais ; à Gaucher 4e Bru$aç» 
escuyer ; à Archades de la Tour ; à messire i^m Fou-> 



- 03? - 

quaut, chevalier ; à tnessire Ambi^oy^e de Lôré, chevalier 
à Baymon le Pevt*e, archéir; à Ândréal le Bourgois, es- 
tuyer ; à Bertrand de la Perrière et au Baslard de Beau- 
manoir, escuyers ; à Gaston de Lesgû, escuyer ; à Ârnault 
GriUans de Bourgan, escuyer ; à Galaudaa de Goulart, es- 
cuyer; à messÛTB Begnault dé Fontaines, chevalier; à 
Alain Giron, escuyer ; â messii'e Loys de Waencourt, che- 
valier; à Bertrand Toujouie, escuyer; à Jean Girard, es- 
tnyer; à messire André, seigneur de Bambière, chevalier; 
4 Pierre le Beuf, escuyer ; à messire Fleurent d'Iliers, che- 
valier; à Ëstienne de Vignolles, dit Là Hire; au Bastarcl 
de la Marche ; à Bernard de Bourgs», escuyer ; à Alain 
Sercy, escuyer ; à Michel Norvil, escuief du pais d'Escoce ; 
à messire Jean Griston, gouverneur de Ghastillon ; à Gon- 
iéallé Davie, à Pierre Biflart et Jean de Seigné, à Gharlot 
de la Pierre ; à messire Jean, seigneur de Buel, chevalier ; 
à messire Pierre d'Amboise, sieur de Ghaumont, cheva- 
lier ; à Gaiet du Pleceis, à Jean Maillet, à Pierre Bastar de 
la Ghasteigneraie ; à messire Antoine, seigneur de Prie, 
chevalier ; à Jean Girard, escuier ; à Jean du Tessier, es- 
tuyer; k messire Nicole de Ginesme, commandeur de la 
Croix, chevalier, et Roberton des Groix, escuier ; à Lois 
Bastar de Harcourt, escuyer ; à messire Loys de Tréma- 
gon, chevalier ; à mons. de Torcy et Antoine de ï'ianil. 

Aux seigneurs chiefs et capitaines de guerre cy après 
nommez : 

A môns. lé duc d'Alençon, à mons. le comte de Ven- 
dosme, à motis. d*Alebret, à mons. le maréchal de Broce, 
à mons. le maréchal de Baiz, à mons. de Gulant, à mons. 
de Gra ville; à mons. Christofle de Harcourt, chevalier; à 
mons. le comte de Laval, à mons. le Bastar d'Orléans ; à 
mons. le vicomte d'Ëscosse, à mons. de Ghauvigny, à 
mons. de Linières, à mons. de Mailly, à mons. do Bueil, 
à mons. de la Tour d'Anjoz, à mons. le baron de Coutilly, 
à mons. de Gaucourt; à Jean de Seignac, escuyer; au 



— 238 — 

Bourg de Masqueran ; à Jean de Neuville, escuyer ; à Yvon 
du Puy, escuyer ; à Pierre, sire de Gourdon, escuyer ; à 
Durant des Barres, escuyer ; à Pierre Paillias, à Guillaume 
Heusse, à Jean de Héraumont, à Bernart de Romenessault, 
au moyne de Tonneterre, à Hervé Saint-Denis, à Imbault 
de Greise; à messire Mathias d*Ârchiac, chevalier; à Si- 
mon, Bastar de Longueval; à Raimonnet Gofûheau; à 
messire Jean de Brye, chevalier ; à Pierre Bessonneau, es- 
cuier, maistre de Tartillerie du Roy ; à mons. le Bastar 
d'Âlençon, et au sieur Ambrois de Loré, chevaliers; à 
messire de la Haye, cjievalier, baron de Golonces ; à Poton 
de Sainterailles ; à Jean, sire de Sainterailles ; à messire 
Jean de Yendosme, chevalier vidanie de Chartres ; à mes- 
sire Fleurent d'Iliers, chevalier ; à Roberton des Croix, à 
Guil. Lenfant ; à Jean de Bernare, sire de Gornillan ; à 
Guill. de Ricarville. 

Maauscrits de Gaignères, t. 772, f* 549, V* et suiv. (Biblioth. impërûtle.) 

xin. 

30 novembre 1430. — Mandement de Henri VI, roi de 
France et d* Angleterre, au trésorier général de ses 
finances de Normandie, 

Henry, par la grâce de Dieu, roy de France et d'Angle- 
terre; à nostre amé et féal Thomas Blount, chevalier, 
trésorier et général gouverneur de noz finances de Nor- 
mandie, salut et dilection. Comme par noz autres lettres, 
dont il vous apperra, Nous eussions ja pieça mandé à noz 
amez et feaulx trésoriers et generaulx gouverneurs de noz 
finances do France et de Normandie, qui lors estoient qiie 
par nostre amé Pierre Surreau, receveur général de nostre 
dit pais de Normandie, ilz feissent faire paiement et satis- 
faccion à nostre amé et féal conseiller maistre Jehan 
Doule, maistre des requestes de nostre hostel, de la quarte 



— 239 — 

partie de ses gaiges ordinaires pour un an, qu'il Nous 
avoit prestez pour la continuacion du siège que faisions 
tenir devant la ville d'Orléans ; mais, après la date de nos 
dictes autres lettres, icellui nostre conseiller estant en 
nostre dit service par devers Nous en nostre pais d'Angle- 
terre, y a eu mutacion d'ofQciers sur nos dictes finances. 
Parquoy et pour ]a continuacion de nostre dit service, où 
nostre ^it conseiller a depuis vacqué presque continuel- 
ment, ou autrement, il ne a peu poursuir ne avoir l'expè- 
dicion de nos dictes autres lettres, avant icelle mutacion 
des diz officiers, ne depuis, obstant aucunes restrinctions 
pu défenses entrevenues ou faictes de par Nous depuis 
nostre descente deçà la mer, par quoy icellui nostre con- 
seiller pourroit demeurer derrière et non restitué de son 
dit prest, à l'occasion de son absence pour le fait de nostre 
dit service, ou autrement, si comme il dit, en Nous hum- 
blement suppliant que sur celui vueillons pourveoir : pour 
ce est-il que Nous, qui ne voulons l'absence de nostre dit 
conseiJlier lui estrè dommagable, attendu mesmemeut 
l'occupacion et continuacion de nostre dit service, vous 
mandons et enjoignons expressément que, se il vous ap- 
pert deuement de noz autres lettres dessus dictes, et du 
dit prest que on dit monter à la somme de cent cinquante 
livres tournois, vous en ce cas en faites faire plain paie- 
ment et satisfacion à nostre dit conseiller par icellui rece- 
veur général de Normandie, des deniers des amendes 
escbeues et'tauxées par avant le premier jour de may der- 
rain passé en la court et auditoire de nostre conseil ordonné 
en ceste ville de Rouen, et en raportant ces présentes et 
nos dictes autres lettres, avec quittance souffisante de 
nostre dit conseiller, ensemble les lettres de récépissé du 
dit prest, nous voulons tout ce qui paie aura esté par le 
dit receveur général à la cause dessus dicte, jusques à la 
dicte somme de cent et cinquante livres tournois,, estre 
allouée en ses comptes et rabatue de sa recepte par noz 



— 240 — 

luhez et feaulx les gens détiùt comptés à Paria, ou àutfeft 
qu'il appartiendra, ausquels Nous mandons que ainsi le 
facent) sans contredit ou difficulté, non obstant les res- 
trinctions, mandemens ou défenses dont cy dessus est 
faicte mencion. Donné à Rouen, soubz nostre seel ordonné 
en l'absence du gfant, le derrenier jour de novembre, l'an 
de grâce mil cccc et trente, et le iic^ de nostre régne. , 
Par le Roy, à la relacion de son grant conseil ouquel 
mons. le cardinal d'Angleterre et autres estoient. 

J. DE LUVAIN. 

Orig. s. parchemin (Biblioth. imp. mss. pièces provenant de la cour des 
comptes.) 



— 3*1 — 



NOTES ET AUTORITÉS. 



1 Mathieu Thomassin, registre Delphinal, publié par 

J. Quicherat, à la suite des procès de condamnation 
et de réhabilitation de Jeanne-d'Àr«, IV, 303. 

2 Dupuis, Mémoire sur le siège de Montargis, au tome II 

des Mémoires de la Société archéologique de l'Or- 
léanais. — Compte de recettes et dépenses de la 
ville d'Orléans, 1427-1430. — Le pape Pie II, 
Quich., IV, 509. 

3 Journal du siège d'Orléans, Quicli., IV, 97. — Comptes 

de recettes et dépenses de la ville. — Manuscrits de 
Tabbé Dubois, conservés à la bibliothèque commu- 
nale -d'Orléans. 

4 Fragment du Religieux de 'Donferling, Quich., V, 341. 

5 Manuscrits de Fabbé Dubois. 

6 JoUois, Histoire du siège d'Orléans, ch. 1er. 

7 Journal du siège, Qdch., IV, 103. — Comptes de ville, 

de 1391 à 1430. 

8 Comptes de l'hôpital de Saint-Antoine, de 1397 à 1398. 

9 Mss. de l'abbé Dubois. ^ Jollois, Histoire du si^ge 

d'Orléans. 

10 Comptes de recettes et dépenses de la ville, de 1391 

à 1430. 

11 Journal du siège, Quich., IV, 96. — Chronique de 

l'établissement de la fête du 8 mai, Qdch., V, 287. 

12 Journal du siège, Quich., IV, 98-100. 
18 Journal du siège, Quich., IV, 101. 

14 



— 242 — 

U Mss. de Tabbé Dubois. —Journal du siège, Quich.,IV, 
401-105. 

15 Comptes de ville, de 1414 à 1430. — JoUois, Hist. du 

siège, p. 13. 

16 Mss. de Tabbé Dubois. — Comptes de ville. 

17 Journal du siège, Quich., IV, 105. 

18 Déposition de Marguerite la Touroulde, au procès de 

réhabilitation, Quich., III, 85. 

19 Journal du siège, Quich., IV, 105-125. 

20 Déposition du comte de Dunois, de Guillaume de Ri- 

carville, Quich., III, 3, 21. — Journal du siège, 
Quich., IV, 125-134. 

21 Journal du siège, Quich., IV, 135-136. 

22 Chronique de rétablissement de la fête, Quich., V, 

289. 

23 Manuscrits de Gaignères, 896, 1, f» 15. — Déposition 

de Dunois, de Jean LhuilJier, Quich., III, 3, 23. — 
Journal du siège, Quich., IV, 136-141 . 

24 Journal du siége^ Quich., IV, 141. 

25 Comptes de ville. — Mss. de Tabbé Dubois. — Jollois, 

Histoire du siège, p. 41. — Quicherat, IV, lit, note. 

26' Mss. de Tabbé Dubois. — Journal du siège, Quich., 
IV, 141-147. 

27 Michelet, Histoire de France, V, 40. 

28 Mss. de l'abbé Dubois. — Comptes de ville. 

29 Déposition de Jean Barbin, Quich., 111, 84. 

30 Dép. du duc d*Alençon, Quich., IH, 96. — Perceval de 

Cagny, Quich., IV, 10. 

31 Comptes de ville. — Mss. de Tabbé Dubois. 

32 Comptes de ville. — Mss. de l'abbé Dubois. — Quit- 

tance du Bâtard d'Orléans, donnée ci-dessus, p. 230. 



— 243 — 

33 Journal du siège, Quich., IV, 141-151. 

34 L. de la Saussaye, Histoire du château de Blois, 99. 

35 Dép. de Pasquerel, Quich., III, 96. — Chronique de 

la Pucelle, Journal du siège, Chronique Delphinale, 
IV, 139, 215, 306. — Lettres et actes détachés, 
Eberhard de Windecken, V, 96, 491 . 

36 Chron. de l'établissement de la fête, Quich., V, 290. 

37 Dép. de Dunois, de Louis de Contes, de Pasquerel, 

Quich., m, 5, 67, 105. 

Plusieurs chroniqueurs et plusieurs des témoins enten- 
dus au procès de réhabilitation ont avancé ou déclaré que 
le convoi parti de Blois le 28 avril n'avait couché qu'une 
nuit^en roule, et était arrivé le 29. Pasquerel seul dit, 
dans sa déposition, qu'il y eut deux couchées, et qu'on 
n'arriva que le troisième jour, teriia die. Celte version est 
certainement la plus vraisemblable. De Blois au port du 
Bouschet, il y avait seize lieues à franchir, si ce n'est da- 
vantage, par une route de second ordre, qui était certai- 
nement peu entretenue en ces temps de guerre. Il est 
difficile, malgré les exemples de célérité remarquable que 
fournissent les marches militaires de celle époque, d'ad- 
mettre qu'une armée, traînant à sa suite des charriots 
chargés de grains, un nombreux bétail, une lourde artil- 
lerie, ait franchi, en une journée et quelques heures, une 
distance aussi grande, car il ne faut pas perdre de vue que 
le 29 avril elle était en vue d'Orléans dès le malin. Il est 
probable, comme le dit Pasquerel, qui était du voyage, 
qu'on y employa deux jours, et qu'on n'arriva au port du 
Bouschet que dans la matinée du troisième. 

A la première nouvelle de l'arrivée de l'armée et du 
convoi, le Bâtard se porta immédiatement â leur rencontre. 
Par quelle voie? 

De sa déposition (Quich., III, 5), il résulte qu'il avait 
abordé à la rive gauche de la Loire, où était la Pucelle, et 



— 244 — 

qu'il se trouvait près d'elle avant que les: bateaux qu'on 
attendait d'Orléans pour y embarquer les vivres ne fussent 
montés. Le vent était encore contraire, et ne permettait, 
pas de hisser les voiles. D'où l'on doit conclure que le 
Bâtard était sorti d'Orléans par la porte de Bourgogne, 
avait suivi la route de terre jusqu'à Saint- Jean-de-Braye, 
qui est en face du Bouschet, où le convoi s'était arrêté, et 
que là il. avait traversé la Loire. 

Nous n'avons pas hésité à accepter cette donnée, et 
nous n'avons pas cru devoir tenir compte de la suite de la 
déposition du Bâtard, qui la contredit en apparence. Les 
termes dans lesquels cette seconde partie de la déposition, 
est rédigée la rendent inintelligible, et nous ne pensons pa& 
qu'on doive s'y arrêter. 

38 Dép.. de Dunois» de Louis de Contes, de Lesbahy, de. 

Jean Barbin, Quich., IH, 7:, 27, 67, 84. — Jouiaïal 
du siège, Quich.,. IV, i^% — Quicherat, Histoire du 
siège, p. 28. 

39 Dép> de Dunois, de Simon Beaucroix, de Luillier, 

Quich*, m, 7, 24, 7^. — Journal du siège, Jean 
€bartier, Monslrelet, Quich., IV, 152, 219, 409^. 
— Lettres d'anoblissement de Gui de Cailly, Quich., 
V, 342. 

40 Dép. de Dunois, de de Contes, de Lesbahy, Quich., IH, 

7, 26, 68. — Journal du si^e, Quich., IV, 152, 156. 

De l'ensemble des récits des chroniqueurs et des docu- 
ments connus, il ressort avec évidence qu'après l'embar- 
quement des vivres les bateaux descendirent par le grand 
bras de la Loire qui était alors sur la rive gauche, et non 
sur la rive droite, comme aujourd'hui, et que, malgré le 
feu de la bastille de Saint-Loup et des bastilles de la rive 
gauche, ils abordèrent heureusement à Orléans. M. JoUois, 
néanmoins (p. 74), a. expliqué autrement l'entrée du con- 
voi. Selon cet auteur, les bateaux amenés d'Orléans aur 



^ 24S — 

rdient été employés à passer les eharrîots de la rive gauche 
sur la rive droite, où le coa?oi se serait reformé, puis se- 
rait entré dans Orléans par la porte de Bourgogne. Il n'est 
pajs impossible que quelques tètes de bétail aient été ainsi 
passées d'une rive à l'autre, non pas au moyen des cha- 
lands matés qu'on avait amenés d'Orléans et qui n'étaient 
pas appropriés à une telle manoeuvre, mais dans des bacs. 
Ce passage, en tout cas, n'aurait pu être que très-difficile 
et de peu d'importance, en raison de l'élévation des eaux 
qui étaient à « plain chantier d (Quich., V, 290). Cette 
élévation des eaux fut peut-être une des raisons qui em- 
pêchèrent l'armée de traverser la Loire au Bouchot, et la 
mirent dans la nécessité de redescendre jusqu'à Blois pour 
trouver un pont, ceux de Jargeau et de Baugenci étant 
occupés par les Anglais. 

41 Dép. de d'Aulon, Quich., III, 206. — Perceval de Cagny. 

Le Hérault Berri, Journal du siège, IV, 10, 42, 153. 
— Martin le Franc, Le Champion des Dames, V, 48. 

42 Dép. de Dunois, de Simon Charles, de d'Aulon, Quich., 

m, 7, 117, 214. — Journal du siège, Quich., IV, 
163. — Chron. de l'établissement de la fête, Quich., 
V,291. 

43 Comptes de ville. -^ Dép. de Pasquerel, de d'Aulon, 

de de Comtes, Quich., III, 67, 106, 212. — Hérault 
Berri, Journal da siège, Cha'on. de la PuceMe, Quich., 
IV, 41, 157, 220-225. — Lettre de Charles VII aux 
habitants de Narbonne, Quich., V, 101. 

44 Dép. de Pasquerel, Quich., III, lO»?. -r- Perceval de 

Cagny, Journal du siège, Quich,, IV, 7, 158. —Jean 
Chartier, Quich., V, 57. 

45 Dép. de Pasquerel, de de Contes, de d'Aulon, Quich., 

III, 60, 108, 213. — Journal du siège, Quich., IV, 
159. 

14. 



— 246 — 

46 Dép. de Danois, de Luillier, de Simon Beaucroix» de 

de Contes, de Pasquerel, de Colete, de d*Àu1on, 
Quich., III, 8, 24, 30, 70, 109, 124, 2i5. — Perceval 
de Cagny, Hérault Berri, Jean Charlier, Journal du 
siège, Chronique de la Pucelle, Monstrelet, Le Bour- 
geois de Paris, Eberhard de Windecken, Quich., IV, 
9, 43, 60, 160-165, 227, 366, 463, 494. 

47 Comptes de ville. — Mss. de Tabbé Dubois. — Dép. 

de Dunois, de Luillier, de Champeaux, de Beaucroix, 
Quich., III, 9, 25, 29, 80. — Perceval de Cagny. 
Jean Chartier. Le Journal du siège. Guillaume Gi- 
rault. Eberhard de Windecken, Quich., IV, 10, 62, 
165, 282, 495. 

48 Comptes de ville. •— Mss. de l'abbé Dubois. — Mons- 

trelet, Le Bourgeois de Paris, Quich., IV, 366, 463. 

49 Lettre de Charles VII, Quich., V, 102. — Arcere, Hist. 

de La Hochelle, II, 271. — Comptes de ville. — 
Mss. de l'abbé Dubois. 

50 Interrogatoires de la Pucelle, au procès de condamna- 

tion ; Promo/om requesia, au même procès, Quich., 
I, 101, 102, 290. — Dép. de Dunois, de Marguerite 
la Touroulde, Quich., III, 12, 85. — Le Journal du 
siège, Eberhard de Windecken, Quich., IV, 165- 
167, 498. — Collecte, Lettre de Gui et d'André de 
Laval à leur mère et à leur aïeule. — Dom Morice, 
Quich., V, 104, 109, 264. 

51 Chron. de la Pucelle, Quich., IV, 236. — Lettre des 

sires de Laval, Quich., V, 109. 

52 Lettre des sires de Laval, Quich., V, 109. 

53 Dép. de Dunois, Quich., III, 10. — Perceval de Cagny, 

le Journal du siège, Quich., IV, 11, 169. 

54 Jean Chartier, Quich., IV, 64. — Lettre des sires de 

Laval, Quich., V, 110. — Wallon, Jeanne d'Arc, I, 88. 



— 247 — 

55 Lettre des sires de Laval, Quich., V, 110. 

56 Perceval de Cagny, le Journal du siège, Quich., IV, 

11, 169. — Guillaume Charrier, Quich., V, 261. 

57 Comptes de ville. — Mss. de Tabbé Dubois. — Dép. 

du duc d'Alençon, Quich., III, 94. — Perceval de 
Cagny, le Hérault Berri, le Journal du siège, le con- 
tinuateur de Nangis, Monstrelet, Quich., IV^ 12, 45, 
170, 173, 313, 368. 

58 Perceval de Cagny, le Journal du siège, Quich., IV, 

13, 174. 

59 Comptes de ville. — Mss. de l'abbé Dubois. — Jean 

Chartier, le Journal du siège, Quich., IV, 65, 174. 

60 Comptes de ville. — Mss. de l'abbé Dubois. — Dép. 

du duc d'Alençon, Quich., III, 97. — Perceval de 
Cagny, le Hérault Berri, Jean Chartier, le Journal 
du siège, Guillaume Gruel, Monstrelet, Quich., IV, 

14, 45, 66, 175, 315, 370. 

61 Dép. de Dunois, de de Contes, du duc d'Alençon, de 

de Termes, Quich., III, 10. 71, 98, 120. — Perceval 
de Cagny, Le Hérault Berri, Jean Chartier, le Journal 
du siège, Chron. de la Pucelle, le continuateur de 
Nangis, auteur normand, Monstrelet, Wavrin du 
Forestel, Quich., IV, 15, 45, 68, 175-178, 243, 313, 
345, 371, 422. — Comptes de la ville de Tours, 
Chron. de l'éUblissement de la fête, Quich., V, 262, 
296. 

62 Mss. de l'abbé Dubois. — Dép. de Dunois, de Simon 

Charles, Quich., III, 13, 116. — Perceval de Cagny, 
le Hérault Berri, Jean Chartier, le Journal du siège, 
Monstrelet, Quich., IV, 17, 45, 69, 178, 376. 

63 Perceval de Cagny, Quich., IV, 16. — Chron. de l'éta- 

blissement de la fête, Quich., V, 296. 

64 Dép. de Jean Morel, de Gérardin d'Épinal, Quich., II, 



— 248 — 

39i. m. ~ D^,. de Dunois, de Gobert TlwJb»ult, 
de Pasquerel, de Simon Charles, Quich., III, 13, 76,. 
liO, 117. — Perceval de Cagny, le Hérault Berri, 
Jean Ghartier, le Journal du siège, Jean Rogier, 
Monstrelel, Quich., IV, 18, 46, 71, 181, 284, 377. 

65 Tnlerrogatoires de la Pucelle, Quich., I, 91, 187. — • 

Dép. de de Contes, de Simon Charles, Quich., III, 
72, 114. — Perceval de Cagny, le. Hérault Berri, 
Jean Chartier, le Journal du siège, Jean Rogier, le 
pape Pie II, Quich., IV, 19, 46, 76, 183, 298, 513. 

66 Dép. de Marguerite la Touroulde, Quich., III, 86. — 

Perceval de Cagny, le Hérault Berri, Jean Chartier, 
le Journal du siég«, Quich., IV, 29, 29, 4^, 88, 201. 
— Comptes de viHe. 

67' Lettres-patentes des 16 janvier 1429, 24 déiïembre, 
17 février 1435, 14 mai 1436, 30 décembre 1438, 
aux archives de l'Hètel-Dieu d'Oriéans. 

68 Comptes de ville. — Mss. de l'abbé Dubois. — Dép. 

de Thierry, de d*Aulon, Quich., lïl, 23, 217. — 
Perceval de Cagny, le Hérault Berri, Quich., IV, 30, 48. 

69 Mss. de l'abbé Dubois. 

70 Comptes de ville, Quich., V, 270. 

71 Comptes de ville, de 1432 à 1439. 

72 Notice sur le sceau de la Sainte-Chapelle de Château- 

dun, au tome U des Mémoires de la Société archéo- 
logique de l'Orléanais. 

73 Comptes de ville. — Mss. de l'abbé Dubois. — Procès 

de réhabilitation de la Pucelle, Quicb., IL 

74 Journal du siège, Quich., IV, 166. — Chron. de l'éta- 

blissement de la fête, Quich., V, 294^-298*. 

75 Comptes de ville (commune), 1452, 1453, 1483, 1565 

à 1572. — Bulle du csurdinal d'Ëstouteville, ordon- 
nances de François de Brilhac, de Jean RoIUq, aux 



— 24& — 

archives de la Cour impériale d'Orléans. — Ch. de 
la Saussaye, Annales Ecclesiœ Aurelianensis, — 
Chron. de rétablissement de la fête, Lettres de Thi- 
baut d'Aussigni, Quich., V, 296, 303. — Lottin, 
Recherches sur Orléans, lU, 276. 

76 Ordre de la procession générale, imp. à Orléans, Rou- 

zeau-Montaut et Jacob, 1772. 

77 Compte de commune, 1469. — Lemaire, Antiquités de 

rÉglise et diocèse d'Orléans, 306 à 309. — Ordon- 
nance de rÉvêque d'Orléans, pour régler le tour da 
la procession qui se fait le 8 mai, Orléans, 1772. — 
Collecte, Quich., V, 104. 

78 Compte de conamune, 1460. — Discour» sur la Pucelle 

d'Orléans et sur la Délivrance d'Orléans, prononcé 
dans l'église cathédrale, Rouzeau et Jacob, 1760. 

79 Compte de commune, 1455. — Relation de la fête du 

8 mai. — Lottia, II, 34& 

80 Comptes de commune. 

81 Comptes de commune, 1435, 1439, 1547, 1549, 1554, 

1597, 1602, 1616, 1618, 1649. — Symphorien Guyon, 
Hist. de rÉglise, VUle et Université d'Orléans, 263. 

82 Comptes de ville, 1435. -- Lotlin. II, 309, 333. 

83 Interrogatoires de la Pucelle, Quich., I, 98-181.* — Dép. 

de Pasquerel, Quich., III, i03. — Georges Châtelain, 
Eberhard de Windecken, Quich., IV, 465, 490. 

84 Comptes de ville. — Mss. de l'abbé Dubois. 

85 Campte de commune, 1535. — Lottin, II, 259, 350. 

86 Comptes de ville, de 1535 à 1567. — Archives Jour- 

sanvault, no 677. — Lottin, II, 347. 

87 Procès de condamnation, Quich., IV, 448. 

88 Mss. de l'abbé Dubois. — Quicherat, IV, 44S. 



— 250 — 



I^Ute des Prédicateurs de la Fête da 8 mal» 
dont les noms ont été conservés. 



1460, Jean Martin, docteur en théologie. — 1507, Févê- 
que de Sisteron. — 1759, le Père de Marelles. — 1760, le 
même. — 1764, l'abbé Loiseau, chanoine d'Orléans. — 
1767, l'abbé Perdoux. — 1790, l'abbé Ladureau. — 
1803, l'abbé Corbin, chanoine d'Orléans. — 1804, l'abbé 
Golignon. — 1805, l'abbé Pataud, vicaire de Saint-Aignan. 
— 1806, l'abbé Bernet, vicaire de Saint-Paterne. — 
1807, l'abbé Desnoues, curé de Saint-Paul. — 1808, l'abbé 
Corbin, chanoine d'Orléans. — 1809, l'abbé Nutein, vicaire 
de Sainte-Croix. — 1810, l'abbé Ladureau, chanoine ho- 
noraire. — 1811, l'abbé Pataud, chanoine honoraire. — 
1812, l'abbé Ladureau, chanoine honoraire. — 1813, l'abbé 
Pineau, curé de Meung. — 1814, l'abbé Nutein, chanoine 
honoraire. — 1815, l'abbé Desnoues, curé de Saint- 
Paul. — 1816, l'abbé Ladureau, chanoine honoraire. — 

1817, l'abbé Bernet, chanoine honoraire de Saint-Denis. ~ 

1818, Tabbé Desnoues, curé de Saint-Paul. — 1819, l'abbé 
Frayssinous. — 1820, l'abbé Gauzargues. — 1821, l'abbé 
Feutrier, chanoine honoraire de Saint-Denis. — 1822, l'abbé 
Pisseau. — 1823, l'abbé Feutrier, chanoine honoraire de 
Saint-Denis. — 1824, l'abbé Landrieux, vicaire de Sainte- 
Élisabelh de Paris. — 1825, l'abbé Longin, vicaire de 
Saint-Germain-l'Auxerrois de Paris. — 1826, l'abbé Girard, 
vicaire de Notre-Dame de Paris. — 1827, l'abbé Parisis, 
vicaire de Saint-Paul. -- 1828, l'abbé Deguerry, aumônier 
du 6® régiment de la garde royale. — 1829, l'abbé. Mo- 
risset, chanoine de Blois. — 1830, l'abbé Le Courtier. 

De 1831 à 1840, le panégyrique n'a pas été prononcé. 



— 251 — 

i84i, l'abbé Maréchal, vicaire de Saint-Paterne. — 
1842, l'abbé Miot, vicaire de Saint-Paterne. — 1843, l'abbé 
Chenard. — 1844, l'abbé Pie, vicaire général de Chartres. 
— 1845, l'abbé Berland, curé de Baugenci.— 1846, l'abbé 
de la Taille, vicaire de Sainte-Croix. — 1847, l'abbé Des- 
brosses, aumônier du collège royal d'Orléans. — 1848, l'abbé 
Canillac. — 1849, l'abbé Duchesne, professeur au petit 
séminaire de Paris. — 1850, l'abbé Barthélémy de Beau- 
regard. -— 1851, l'abbé Mège, curé de Morestel, au dio- 
cèse de Belley. — 1852, l'abbé Maréchal. — 1853, l'abbé 
Barthélémy de Beauregard. 

1854, le panégyrique n'a pas été prononcé (1). 

1855, S. G. M?f Dupanloup, évêque d'Orléans. — 

1856, l'abbé Deguerry, curé de la Madeleine de Paris. — 

1857, S. G. Mgr Gillis, évêque de Limyra, vicaire aposto- 
lique d'Edimbourg. — 1858, l'abbé de Place, chanoine de 
Paris. — 1859, l'abbé Chevojon, vicaire de Sainte-Clotilde 
de Paris. — 186<), Tabbé Freppel, professeur à la Sor- 
bonne. — 1861, l'abbé Desbrosses, vicaire général d'Or- 

(1) Dans une Notice sur les monuments ériges à Orléans 
en l'honneur de Jeanne d'Arc, publiée, en 1855, par M. Au- 
frère-Duvemay, on lit (p. 30) : « qu'en 1854, l'alliance avec 
FAngleterre empêcha de prononcer le panégyrique de Jeanne 
d'Arc. » 

C'est une erreur, M. Aufrère-Duvemay avait été mal in- 
formé. Il est très-vrai que par suite d'un oubli, le prédicateur 
sur lequel s'était porté le choix de l'évêque d'Orléans, en 1854, 
ne put être averti en temps opportun, mais cette raison seule 
empêcha que le panégyrique fût prononcé. Il est bon de 
faire remarquer qu'en 1855, alors qu'on était précisément au 
fort de l'alliance anglaise, la fête du 8 mai fut célébrée avec 
une pompe qu'on ne lui avait jamais donnée, et que le pa- 
négyrique fut prononcé par l'évêque d Orléans, en présence 
d'un ministre de l'Empereur, M. Abbatucci, alors garde-des- 
sceaux. . 



— 252 — 

léans. — 1^62, TabW Perreyve, professeur à la Sorbcmne. 

— 1863, l'abbé Mennilliod, recteur de Notre-^Dame de 
Genève. — 1864, Tabbé Thomas, missionnaire aposto- 
lique. — 1865, Tabbé Bougaud, vicaire général d'Orléans. 

— 1866, l'abbé Lagrange, vicaire généra d'Orléans. 



TABLE. 



Piges. 

Introduction 1 

I. Rescousse de Montargis 5 

II. Siège d'Orléans 12 

III. Campagne sur la Loire 119 

IV. Voyage de Reims 140 

V. Orléans et les bords de la Loire après le sacre. U6 

VI. Réhabilitation de la mémoire de Jeanne d'Arc. 155 

VII. Fête commémorative de la délivrance d'Or- 
léans 158 

VJII. Étendards et bannières 188 

IX. Monuments élevés dans la ville d'Orléans en 

l'honneur de Jeanne d'Arc 201 

X. Cérémonial actuel de la fête commémorative 

de la délivrance d'Orléans 210 

Pièces justificatives 218 

Notes et autorités 2il 

Liste des Prédicateurs de la Fête du 8 mai, dont les 

noms ont été conservés 250 



15 



LÉGENDE DE LA PLANCHE A. 



A Église de Saint-Paul. 

C Église de Saint-Pierre-Empont. 

D Église de Saint-Donatien. 

E Église de Saint-Pierre-le-Puel- 
lier. 

H Maison de Jacques Boucher, 
011 logea la Pucelle. 

ENCEINTE DE LA VILLE. 

1 Tour Neuve. 

2 Tour Blanche. 

3 Tour d'Avallon. 

4. Tour de Saint-Flou. 

5 Porte de Bourgogne et son. 

boulevart. 

6 Tour Saint-Étienne. 

7 Tour Aubilain, ou de Messire- 

Baude. 

8 Tour du Champ-Égron. 

9 Tour de TÉvêque ou de la 

Fauconnerie. 

iO Tour du Plaidoyer-de-rÉvè- 
que. 

il Tour de Téglise de Sainte- 
Croix. 

12 Tour Salée. 

13 Porte Parisis et son boule- 

vart. 

14 Tour de Jean Thibaut. 

15 Tour de TAleu-Saint-Mesmin. 

16 Tour des Vergers-de-Saint- 

Sanison. 

17 Tour de Saint-Samson. 



18 Tour du Heaume. 

19 Porte Bernier et son boule- 

vart. 

20 Tour de Feu-Michau-Quan- 

teau. 

21 Porte Renard et son boule- 

vart. 

22 TourderÉchiffre-Saint-Paul. 

23 Tour André. 

24 Ancienne Tour. 

25 Tour de la Barre-Flambert. 

26 Tour Notre-Dame. 

27. Tour et porte de l'Abreuvoir. 

28 Porte nord du pont, flanquée 

de deux Tours avec pont- 
levis. 

29 Grosse tour du Châtelet. 

30 Tour de Feu-Maître-Pierre- 

le-Queulx. 

31 Tour de la Croiche-Meuifroy. 

32 Poterne Chesneau. 

33 Tour Aubert ou du Guichet. 

34 Tour à huit pans ou 'tour 

carrée ou cassée. 

35 Tour d'Août ou des Tanneurs. 

PONT d'ohléans. 

36 Bastille Saint-Antoine. 

37 Boulevart de la Belle-Croix. 

BARRIÈRES OU POSTES AVANCÉS. 

Quinze de ces barrières étaient 
dans les faubourgs. La lettre B 
indique les points où ces bar- 
rières existaient. 



n 



. 



.-Al»- .-, 



^A^f *«rwsi 



« i\/i uc VAio«njvu«. 



r r 



r-^ 



Il.gl J»iU- I _ ■> 



PIC. 

CHAMP DE BATAILLE DE PATAY. 




' "l 



i i 



I 



■