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Full text of "Histoire et organisation militaire des chemins de fer"

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THE    UNIVERSITY 


OF  ILLNIOIS 


LIBRARY 


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HISTOIRE  ET  Ol^GflflISflTIOH   jVIIIilTfllI^ES 


DES 


CMEMIKS     DE     KER 


DROITS    DE  REPRODUCTION   ET   DE   TRADUCTION    RESERVES 


Histoire  et  Organisation  militaires 


DES 


Chemins  de  f  ep 

par  le  D'  JOESTKN 

CONSEILLER  DE  RÉGENCE 

CAPITAINE  DE  LA  LANDWEHR,  EX-MEMBRE  DE  LA  DIRECTION  ROYALE 

DES  CHEMINS  DE  FER  DE  COLOGNE 

Traduit  de  l'allemand 

Par  le  Iiieutenaiit-Colonel  B*** 

AVEC   l'autorisation    DE   l'aUTEUR 


PARIS 

Henri    GHARLES-LAVAUZELLE 

Éditeur  militaire 
10,  Rue  Danton,  Boulevard  Saint-Germain,  118 

(MÊME    MAISON    A    I.IMOGE.S) 


â85 


Le  présent  ouvrage  a  valu  à  son  auteur  un  autographe 
du  célèbre  maréchal,  comte  Mollke,  ainsi  conçu  : 


Monsieur  le  Conseiller  de  Régence, 

C'est  avec  le  plus  grand  intérêt  que  j'ai  lu 
votre  opuscule  si  documenté,  malgré  son  faible 
volume,  sur  les  rapports  des  chemins  de  fer 
avec  la  stratégie;  je  vous  suis  très  obligé  de 
votre  gracieux  envoi  et  vous  en  remercie. 

Creisau,  le  22  juillet  1890. 

Maréchal,  Comte  MOLTKE. 


316864 


AVANT-PROPOS 


ir  existe,  de  par  le  monde,  quantité  d'ouvrages, 
petits  et  grands,  qui  contiennent  les  renseignements 
les  plus  détaillés  sur  l'organisation  des  chemins  de  fer 
en  général  et,  en  particulier,  sur  leur  fonctionnement 
en  temps  de  guerre.  Mais,  pour  une  époque  de  paix 
armée  comme  la  nôtre,  nous  ne  possédons  pas,  à  pro- 
prement parler,  de  traités  historiques  et  méthodiques 
faisant  ressortir  le  rôle  que  les  chemins  de  fer  sont 
appelés  à  jouer  désormais  dans  la  conduite  des  opé- 
rations militaires.  Ce  n'est  qu'en  nous  basant  sur  une 
connaissance  approfondie  de  la  technique  des  chemins 
de  fer  et  en  tenant  compte  de  toutes  les  connaissances 
acquises  au  point  de  vue  expérimental  et  théorique 
que  nous  pourrons  apprécier  avec  exactitude  l'ensem- 
ble des  services  qu'ils  sont  destinés  à  rendre  en  cam- 
pagne et  leur  action  réciproque  sur  la  conduite  des 
armées  modernes.  Tout  ce  qui  a  été  dit  et  écrit  jus- 
qu'ici sur  cet  important  sujet  permet  surtout  de  cons- 
tater que  les  écrivains  se  sont  placés,  tantôt  à  un  point 
de  vue  organique,  tantôt  à  un  point  de  vue  purement 
militaire,  pour  traiter  les  questions  scientifiques  qui 
se  rattachent  à  ce  nouvel  organisme.  Remettre  les 
choses  au  point  de  part  et  d'autre,  tel  a  été  mon  but. 
Dans  les  développements  historiques  et  méthodiques 
qui  vont  suivre,  je  me  propose  de  montrer  combien 
l'utilisation  des  voies  ferrées,    avant  et  pendant  les 


8  AVANT-PROPOS 

hostilités,  a  pris  d'extension  et  comment  leur  réseau, 
lorsque  son  tracé  et  son  exploitation  ne  laissent  rien  à, 
désirer,  est  à  même  de  satisfaire,  aujourd'hui,  à  toutes 
les  exigences  d'un  conflit  armé  éventuel.  Puisse  ce 
travail  rassurer  les  esprits  quelque  peu  inquiets,  en 
nous  voyant  occupés,  en  temps  de  paix,  à  l'achèvement 
de  notre  réseau  ferré,  et  je  me  déclarerai  pleinement 
récompensé  de  mes  efforts. 

Bonn-sur-le-Rhin,  janvier  1904. 

L'Auteur. 


PREMIERE  PARTIE 

EMPLOI  DES  CHEMINS  DE  FER  EN  TEMPS  DE  GUERRE 


Introduction. 


rrédéric  Harkoi't,  cette  gloire  de  la  Westplialie, 
connu  plus  communément  sous  le  nom  du  «  vieil  Har- 
kort  »,  a  eu,  le  premier  en  Allemagne  (1),  le  mérite  de 
prédire  la  révolution  que  les  chemins  de  fer  devaient 
amener  dans  la  stratégie.  Au  mois  de  mars  1833,  dans 
son  ouvrage  Les  CJiemins  de  fer  de  Minden  à  Colo- 
gne (2),  il  s'exprimait  ainsi  sur  l'importance  des  voies 
ferrées  : 

«  L'art  militaire  moderne  consiste  à  porter  rapide- 
ment, sur  un  point  donné,  des  forces  imposantes.  Dans 
le  laps  de  temps  qu'un  corps  prussien  emploierait  pour 
se  rendre  de  Magdebourg  à  Minden  ou  à  Cassel,  une 


(1)  Dans  une  déclaration  faite  à  la  Chambre  des  députés  en 
1832,  le  général  français  Lamarque  estimait  déjà  que  ((  l'emploi 
des  chemins  de  fer  était  susceptible  d'amener  dans  l'art  militaire 
une  révolution  aussi  complète  que  l'invention  de  la  poudre  à 
canon  »,  et  le  général  comte  Rumigny,  aide  de  camp  du  roi  Louis- 
Philippe,  avec  un  pressentiment  prophétique,  entrevoyait,  à  la 
même  époque,  les  armées  allemandes  envahissant  la  France  sur- 
prise, après  s'être  rassemblées  à  la  frontière  en  utilisant  les  che- 
mins de  fer. 

(2)  Hagen,  chez  A.  Brune. 


iO  HISTOIRE  ET  ORGANISATIOX 

armée  française  partant  de  Strasbourg,  de  Metz  ou  de 
Bruxelles,  peut  gagner  respectivement  Mayence,  Co- 
blentz  ou  Aix-la-Chapelle;  nous  subissons,  en  consé- 
quence, un  retard  de  six  journées  de  marche  qui  auront 
souvent  une  influence  décisive  sur  l'issue  d'une  campa- 
gne. Grâce  aux  chemins  de  fer,  ce  désavantage  disparaît, 
attendu  qu'en  vingt-quatre  heures  150  wagons  trans- 
porteront une  brigade  entière  de  Minden  à  Cologne,  où 
elle  arrivera  sans  fatigue,  avec  ses  approvisionnements 
et  ses  bagages  au  complet.  Imaginons  une  ligne  ferrée, 
pourvue  d'un  télégraphe,  longeant  la  rive  droite  du 
Khin,  de  Mayence  à  A'esel.  Du  coup,  il  devient  presque 
impossible  aux  Français  de  franchir  le  fleuve,  car,  avant 
que  leur  attaque  se  soit  prononcée,  ils  se  heurteraient 
à  une  défense  établie,  à  l'endroit  voulu,  avec  des  forces 
supérieures  en  nombre.  Pareilles  choses  semblent  encore 
étranges;  mais,  dans  le  sein  de  l'avenir,  sommeille  en 
germe  un  développement  des  chemins  de  fer  dont  les 
conséquences  sont  incalculables.  » 

Les  prédictions  du  vieil  Harkort,  qui  rencontrèrent 
alors  beaucoup  d'incrédules  ■ —  rappelons-nous  seule- 
ment le  directeur  général  des  postes  Nagler,  bien  connu 
pour  son  hostilité  prononcée  contre  les  chemins  de  fer 
—  furent  pleinement  confirmées  dans  le  courant  du  siècle 
et  personne  ne  le  comprit  mieux  que  de  Moltke,  dont  le 
coup  d'œil  perspicace  sut  discerner,  en  temps  utile, 
combien  les  voies  ferrées  allaient  révolutionner  profon- 
dément les  règles  de  la  stratégie. 

En  1868,  dans  un  mémoire,  devenu  fameux,  sur  le 
rassemblement  de  toutes  les  forces  allemandes  en  pré- 
vision d'une  lutte  avec  la  France  et  sur  la  formation 
et  la  composition  des  différentes  armées,  il  s'exprimait 
ainsi  : 

«  C'est  à  l'état-major  général  qu'il  appartient,  dès  le 
temps  de  paix,  de  préparer  de  la  façon  la  plus  détaillée 


DES  CHEMINS  DE  FER  11 

le  groupement  et  le  transport  des  troupes  et  d'avoir  des 
projets  élaborés  à  l'avance.  Les  considérations  politi- 
ques et  géographiques  les  plus  variées  doivent  entrer 
en  ligne  de  compte,  avec  les  considérations  stratégiques, 
pour  la  concentration  d'une  armée.  Une  erreur  com- 
mise dans  le  rassemblement  initial  est  presque  irrépa- 
rable dans  tout  le  cours  d'une  campagne.  Toutes  ces 
dispositions  peuvent  être  étudiées  longtemps  à  l'avance 
et  doivent,  une  fois  la  mobilisation  des  troupes  et  le 
plan  de  transport  arrêtés,  conduire  au  but  que  l'on  s'est 
proposé.  » 

Un  simple  coup  d'oeil  d'ensemble  sur  l'histoire  mili- 
taire nous  montre  avec  quelle  lenteur  s'effectuaient  la 
concentration  et  les  mouvements  des  armées  avant  l'in- 
vention des  chemins  de  fer.  C'est  ainsi  que,  dans  la 
campagne  de  1806,  les  têtes  des  colonnes  russes  péné- 
traient à  peine  en  Pologne,  que  déjà  l'armée  prussienne 
confédérée  essuyait  une  défaite  sur  la  Saale.  De  même, 
en  1830,  alors  que  l'insurrection  polonaise  avait  éclaté 
le  29  novembre,  ce  ne  fut  qu'au  commencement  de  fé- 
vrier de  l'année  suivante  que  les  troupes  russes  se  trou- 
vèrent rassemblées,  à  Brest-Litowski,  en  forces  suffi- 
santes pour  pouvoir  franchir  la  frontière  du  royaume  de 
Pologne. 

Si,  au  début  d'une  guerre,  les  chemins  de  fer  ont 
pour  premier  devoir  de  satisfaire  aux  exigences  de  la 
mobilisation  et  de  la  concentration,  ils  servent  aussi, 
pendant  le  cours  des  opérations,  à  maintenir,  avant  tout, 
les  armées  en  communication  avec  les  sources  de  pro- 
duction du  territoire  national,  c'est-à-dire  à  assurer  les 
ravitaillements  en  vivres  et  en  munitions,  le  transport 
des  hommes  de  complément  et  du  matériel  de  siège, 
l'enlèvement  des  malades,  des  blessés,  des  prisonniers  et 
des  prises  faites  sur  l'ennemi. 

Sur  le  champ  de  bataille  même,  l'importance  des  che- 


i2  HISTOIRE    ET   ORGANISATION    DES    CHEMINS    DE   FER 

mins  de  fer  s'explique  par  la  nécessité  oii  l'on  peut  se 
trouver,  dans  une  situation  tactique  donnée,  de  procéder 
à  des  déplacements  de  troupes.  Tel  sera  principalement 
le  cas  lorsqu'on  voudra  rassembler  des  détachements 
«loignés  et  opérant  isolément,  pour  les  transporter  sur 
un  autre  théâtre  de  guerre,  —  qu'il  s'agisse  de  la  défen- 
sive ou  d'une  attaque  par  surprise,  de  faciliter  une  re- 
traite, de  renforcer  des  garnisons  menacées,  de  soutenir 
un  corps  de  siège,  de  faire  échouer  une  tentative  de 
i'ennemi  pour  débloquer  une  place  forte,  enfin  de  défen- 
dre des  côtes  ou  des  lignes  fluviales. 


II 


Application  des  chemins  de  fer  à  la  stratégie. 
Concentration  des  armées  par  voies  ferrées. 


L'invention  des  clieniins  de  fer  n'a  pas  tardé  à  dé- 
montrer que  celui  des  deuj:  partis  qui  aura  terminé  sa 
concentration  avant  l'autre  aura  cet  avantage,  sur  son 
adversaire,  de  prévenir  ses  mouvements  et,  par  suite,  de- 
lui  imposer  sa  volonté.  Même  avec  des  forces  égales,  il 
remportera  les  premiers  succès,  relèvera  le  moral  et  af- 
fermira la  confiance  de  ses  troupes.  Il  aura  pour  lui- 
l'initiative  des  mouvements  au  lieu  de  la  subir.  Ainsi 
s'explique  la  course  au  clocher  entreprise  par  les  prin- 
cipaux Etats  pour  se  présenter,  dans  le  plus  bref  délai,  à 
la  frontière  menacée,  avec  la  supériorité  du  nombre.  En 
vertu  des  lois  de  la  stratégie  moderne,  la  durée  de  cette 
course  s'évalue  déjà  en  heures  et  non  plus,  comme  au- 
trefois, en  jours  et  en  semaines.  La  concentration  des 
armées  des  grandes  puissances  offre  aujourd'hui  l'image 
imposante  des  plus  grandioses  déplacements  de  peuples. 
Chacun  mettra  en  mouvement  plus  d'un  million  d'hom- 
mes et  plusieurs  centaines  de  mille  de  chevaux.  Cette 
opération  ne  sera  possible  que  si  les  nations  possèdent 
des  chemins  de  fer  et  des  moyens  de  transport  suffisants 
pour  embarquer  simultanément  toutes  les  unités  de  leurs 
armées  d'opération,  dans  les  mêmes  conditions  de  vi- 
tesse, de  force  et  de  régularité.  Leurs  réseaux  ferrés 
n'ont  donc  pas  seulement  à  satisfaire  aux  besoins  écono- 
miques :  ils  doivent  aussi,  dès  le  temps  de  paix,  répondre 
aux  nécessités  de  la  guerre  et,  par  le  perfectionnement 


14  HISTOIRE  ET  ORGANISATION 

de  leurs  voies  et  de  leur  matériel  roulant,  progresser  en 
raison  de  l'augmentation  des  masses  armées  et  de  l'im- 
portance des  armements  modernes.  En  fait,  notre  siècle, 
si  fertile  en  inventions,  a  mis,  entre  les  mains  des  chefs 
d'armée  surtout,  un  instrument  des  plus  puissants,  en 
même  temps  qu'il  leur  donnait  le  moyen  de  supprimer 
les  distances  —  obstacle  principal  à  l'action  combinée 
des  forces  —  et  de  débarrasser  ces  dernières  du  souci  des 
besoins  matériels,  grâce  à  une  utilisation  judicieuse  et 
méthodique  des  transports  militaires  par  voies  ferrées. 

Dans  quelle  mesure  peut-on  compter  sur  celles-ci  pour 
mener  à  bien  la  mobilisation  et  en  poursuivre  les  résul- 
tats? Quel  est  le  parti  à  en  tirer  au  point  de  vue  straté- 
gique ?  On  répondra  à  ces  questions  en  déterminant  le 
genre  et  l'étendue  des  services  que  les  chemins  de  fer 
sont  susceptibles  de  rendre  pendant  la  période  de  pré- 
paration à  la  guerre  et  dans  le  cours  même  de  la  cam- 
pagne. Les  calculs  basés  sur  la  capacité  et  la  solidité  des 
voitures,  le  temps  nécessaire  à  l'embarquement  et  au 
débarquement,  la  contenance  des  wagons  en  hommes  et 
en  chevaux,  la  quantité  des  approvisionnements  à  enle- 
ver, etc.,  etc.,  forment  les  éléments  de  ce  que  l'on  appelle 
aujourd'hui  le  plan  de  transport. 

En  Allemagne,  les  matières  qui  ont  trait  à  ce  sujet 
sont  contenues  dans  des  règlements  spéciaux  que  nous 
analyserons  plus  loin. 

On  admet,  en  principe,  qu'un  train  de  100  à  110  es- 
sieux et  de  500  mètres  de  long  suffit  à  l'enlèvement  de 
chacune  des  unités  ci-après  : 

1  bataillon  et  1  état-major  de  régiment  ou  de  bri- 
gade; 

1  bataillon  de  chasseurs  à  pied  ; 

1  escadron  avec  les  états-majors  d'un  régiment  et 
d'une  brigade,  ou  bien  : 

1  escadron  et  demi  ; 


DES  CHEMINS  DE  FER  15 

1  batterie  de  campagne,  plus  1  état-major  de  régi- 
ment ou  de  groupe  ; 

2/3  de  batterie  à  clieval; 

1  compagnie  et  demie  de  pionniers  et  un  équipage  de 
ponts  divisionnaire; 

1  colonne  de  munitions  ou  de  vivres  ; 

1  dépôt  de  remonte  mobile; 

1  détachement  sanitaire. 

Le  transport  d'un  corps  d'armée  avec  tous  ses  impedi- 
menta exige  110  trains,  dont  66  pour  les  troupes  et  44 
pour  les  convois  et  les  équipages. 

Celui  d'une  division  d'infanterie  nécessite  39  trains  à 
raison  de  24  pour  les  combattants  et  de  15  pour  les  co- 
lonnes de  munitions  et  de  vivres. 

Enfin,  il  faut  22  trains  pour  transporter  une  division 
de  cavalerie  au  complet  (1). 

A  l'aide  de  ces  données,  on  peut  calculer  le  temps  né- 
cessaire à  une  unité  quelconque  pour  effectuer  son  mou- 
vement par  voie  de  fer. 


(1)  Ton  WcdcVft  Offizicr  Toschenhush  (lo*  édition,  page  75.  — 
Berlin  1898.  Librairie  militaire  de  Eisenschmidt.) 


4G 


HISTOIRE  ET  ORGANISATION 


Si  l'on  estime  à  18  trains  le  rendement 

journalier  d'une  ligne  à  double  voie  et  à 

12  celui  d'une  ligne  à  voie  unique,  on  en 

conclut  que  la  mise  en  marche  d'un  corps 

d'armée  demandera,  dans  le  premier  cas: 

lOG    .  ^    1         T  j   106   . 

— -    jours  et  dans  le  second  — -  jours, 

soit  en  nombres  ronds 

En  ajoutant  à  ces  ckiffres  la  durée  du 
trajet  et  le  temps  nécessaire  à  l'embar- 
quement et  au  débarquement  d'un  train 
considéré  isolément,  on  obtiendra  le 
temps  total  nécessaire  pour  transporter 
le  coi-ps  d'armée  d'un  point  à  un  autre. 

La  vitesse  d'un  train  militaire  étant  de 
22  kil.  1/2  à  l'heure,  il  en  résulte  que, 
pour  une  distance  de  150  kilomètres,  par 
exemple,  à  parcourir  sur  une  ligne  à 
double  voie,  la  durée  du  trajet  sera  de 

sept  heures  environ 

et,  pour  un  parcours  de  225  kilomètres, 
sur  une  ligne  à  voie  unique,  de  dix  heu- 
res  '. 

Quant  au  temps  employé,  au  départ, 
pour  l'embarquement  et,  à  l'arrivée  à 
destination,  pour  le  débarqiiement,  on 
admet  que  l'ensemble  de  ces  deux  opéra- 
tions, lorsqu'elles  sont  effectuées  à  quai., 
exige,  savoir  (1)  ; 

A  reporter 


TR.VJET 

si-R  u>E  l:g 


2  voies. 


G 


NE. 


1  voie. 


s 
o 

ES 


9 


10 


10 


(1;  M  m  tiii  -T I  a  nsport-0  idnung ,  chap.  IV,  §  44. 


DES  CHEMINS  DE  FER 


17 


Report 

Pour  im  train  d'infanterie...     1  h.  30 

Pour  un  train  de  cavalerie 
ou  d'artillerie   de   campagne....     2  li.  50 

Pour  un  train  comprenant 
des  colonnes  de  munitions,  des 
convois  ou  de  l'artillerie  lourde.     3  11.  50 

C'est  évidemment  ce  dernier  chiiïre 
qu'il  convient  d'ajouter  aux  précédents, 
soit 


Additionnant  ces  diverses  quantités, 
on  voit  que  la  durée  totale  du  transport 
d'un  coi^s  d'armée  sera  respectivement 
de 


Ou,  en  nombres  arrondis,  de  sept    et 
dix  jours  (1). 


TRAJET 

SIR    UNE   LIGNE. 


voies. 


Il 


1  voie. 


10 


14 


Or,  pendant  ce  laps  de  temps,  le  corps  d'armée  aurait 
franchi,  par  voie  de  terre,  dans  le  premier  cas,  7  étapes 
ou  140  à  150  kilomètres  et,  dans  le  second,  10  étapes 
ou  200  à  220  kilomètres.  Il  n'y  a  donc  pas  intérêt,  dans 
les  conditions  de  rendement  et  de  vitesse  où  nous  nous 
sommes  placés,  à  transporter  le  corps  d'armée  en  che- 
min de  fer,  lorsque  le  trajet  à  parcourir  est  inférieur  à 
7  ou  10  étapes  (2). 


(1)  Ces  chiffres  sont  des  maxima. 

(2)  Si,  allégeant  le  corps  d'armée  de  tous  ses  impedimenta,  on 
se  borne  à  embarquer  les  troupes  seulement,  il  n'y  aura  économie 

Organ.  chem.  do  fer.  2 


18  HISTOIRE  ET  ORGANISATION 

Enfin,  l'avantage  que  présente  l'arrivée  simultanée 
d'une  grande  unité  entrera  souvent  en  ligne  de  compte 
dans  la  détermination  du  choix  à  faire  entre  la  marche 
par  étapes  et  le  transport  en  chemin  de  fer. 

En  ce   qui  concerne  le  transport  des   approvisionne- 


de  temps  que  pour  un  parcours  dépassant  3  et  4  journées  de 
marche. 

Afin  d'utiliser  les  chemins  de  fer  jusqu'à  leur  limite  inférieure 
d'emploi,  on  peut  encore  adopter  une  troisième  méthode  qui 
consiste  à  transporter  l'infanterie  seule  en  chemin  de  fer,  tandis 
que  les  troupes  montées  et  les  équipages  suivent  les  routes  ordi- 
naires, en  doublant  au  besoin  les  étapes. 

Quels  que  soient  les  avantages  que  présentent  les  voies  fer- 
rées, d'une  manière  générale,  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  qu'ils 
n'existent  que  dans  certaines  conditions  de  distance,  qui  varient 
elles-mêmes  suivant  la  nature  et  le  rendement  de  la  voie,  enfin 
suivant  la  vitesse  moyenne  de  marche  admise  dans  la  partie  du 
réseau  utilisé. 

La  durée  totale  T  d'un  transport  peut  être  représentée  par  la 
formule  : 

(1)  T  =  f+Oi  — 1)  e 

<=       étant  la  durée  d'un  trajet,  n  le  nombre  de  trains  nécessaire 

pour  l'unité  considérée  et  c  l'intervalle  entre  deiix  trains  consé- 
cutifs, qui  est  donné  par  le  rendement  quotidien. 

Pour  transporter  un  corps  d'armée  à  1.300  kilomètres  de  son 
point  de  départ  avec  une  vitesse  de  25  kilomètres  à  l'heure  (c'est 
la  vitesse  admise  en  France)  et  à  raison  de  12  trains  par  jour, 
on  aura  : 

1/100 

(2)  T=   —j-   +(106  — 1)2=52+210=262  h.    =  11  jours. 

Mais  cette  formule,  oii  nous  n'avons  pas  fait  entrer  la  durée 
des  opérations  de  l'embarquement  et  du  débarquement,  puis- 
qu'elle peut  être  considérée  comme  une  quantité  constante,  ne 
présente  pas  seulement  l'avantage,  très  secondaire  du  reste,  de 
donner,  dans  tous  les  cas,  la  solution  du  problème  ci-dessus.  Son 
examen  montre,  en  effet,  que  les  variations  de  e  auront  beaucoup 
plus  d'influence  sur  la  valeur  de  T  que  celles  de  t.  Ainsi,  en  dou- 
blant la  vitesse,  dans  l'exemple  précédent,  sans  faire  varier  l'in- 
tervalle entre  les  trains,  on  aura  : 

(3)  T=  -^  +210=26  +  210  =  236  h.  =  10  jours 

En  doublant  le  nombre  des  trains,  et  en  conservant  à  f  sa  pre- 
mière valeur,  on  a  : 

(4)  T=52+ (106  — 1)  =  52+105  =  157  h.  =  6  jours  1/2. 
Dans  l'hypothèse  (3),  on  a  gagné  1  jour;  dans  l'hypothèse  (4), 

on  a  gagné  4  jours  1/2  sur  l'exemple  (2). 


DES  CHEMINS  DE  FEE.  19 

ments  à  destination  des  armées,  on  estime  qu'en  général 
un  train  du  poids  brut  de  700  tonnes  peut  contenir  et 
transporter,  quand  les  communications  par  chemin  de 
fer  sont  faciles,  les  quantités  devant  suffire,  pendant  un 
jour,  à  90.000  hommes  et  30.000  chevaux.  A  distance 
égale,  et  par  voie  de  terre,  il  faudrait,  pour  un  pareil 
chargement,  employer  1.000  voitures  pendant  vingt 
jours. 

On  évalue,  le  plus  souvent,  à  4.000  tonnes  le  poids 
moyen  des  subsistances  nécessaires  à  la  consommation 
journalière  d'une  armée  d'un  million  d'hommes,  et  de 
250.000  chevaiix.  La  seule  exploitation  des  ressources 
locales  ne  pouvant  suffire  à  une  pareille  multitude,  il 
s'ensuit  qu'à  raison  de  8  tonnes  par  wagon  il  faudra 
journellement  M  trains  du  poids  brut  de  500  tonnes 
chaque.  Toutefois,  le  nombre  de  ces  trains  s'accroîtra 
notablement,  par  suite  de  l'obligation  de  transporter 
simultanément  des  troupes,  des  munitions,  enfin  du 
matériel  de  toute  sorte. 


III 


Conditions  à  remplir  par  les  lignes  et  le  matériel 
roulant  d'un  réseau  ferré  répondant  aux  nécessités 
ds  la  guerre  moderne. 


Quel  est  le  parti  que  la  stratégie  est  en  droit  d'atten- 
dre de  l'emploi  d'un  réseau  ferré,  répondant  aux  néees- 
eités  de  la  guerre  moderne? 

Un  tel  réseau  ne  peut  satisfaire  aux  besoins  de  la 
stratégie  que  s'il  offre,  dans  tous  les  cas,  les  plus  grandes 
facilités,  aussi  bien  pour  une  guerre  défensive  que  pour 
une  guerre  offensive.  Partout  et  toujours,  le  problème 
consistera  à  procéder,  avec  une  rapidité  foudroyante,  à 
la  concentration  des  armées;  à  leur  expédier,  avec  mé- 
thode et  promptitude,  les  troupes  de  renfort,  les  muni- 
tions et  les  subsistances;  enfin  à  assurer  l'évacuation 
rapide  des  malades,  des  blessés  et  des  prisonniers.  En 
d'autres  termes,  on  concentrera  des  troupes  d'une  im- 
portance majeure  en  utilisant,  dans  les  mêmes  condi- 
tions de  simultanéité,  de  vitesse,  de  force,  de  régularité 
et  de  continuité,  toutes  les  lignes  ferrées  qui  aboutissent 
dans  la  zone  du  rassemblement  considéré. 

L'axiome  en  honneur,  avant  l'invention  des  chemins 


La  solution  (4)  est  d'autant  meilleure  que  l'emploi  d'une  vi- 
tesse très  faible  permet  de  réduire  l'intervalle  entre  deux  trains 
sans  accroître  les  chances  d'accidents  dans  des  proportions  inad- 
missibles. 

C'est  donc  dans  le  sens  de  la  succession  rapide  des  trains,  et 
non  dans  le  sens  de  leur  vitesse  do  marche,  qu'il  y  a  lieu  à& 
chercher  toutes  les  améliorations  relatives  à  la  concentration 
des  armées.  (J^ote  du  traducteur.) 


HISTOIRE  ET  ORGANISATION  DES   CHEMINS  DE  FER       21 

de  fer,  en  vertu  duquel  les  meilleures  voies  commer- 
ciales étaient  considérées  aussi  comme  les  meilleures  au 
point  de  vue  militaire,  n'est  plus  vrai  aujourd'hui; 
l'expérience  l'a  prouvé.  En  effet,  si,  d'une  façon  géné- 
rale, les  meilleures  routes  commerciales  constituent 
d'excellentes  lignes  de  communication  pour  les  armées, 
par  contre,  les  bonnes  ou  très  bonnes  routes  stratégi- 
ques peuvent  ne  pas  être,  et  ne  doivent  pas,  dans  tous 
les  cas,  constituer  de  bonnes  voies  commerciales.  A 
l'appui  de  cette  assertion,  on  peut  citer  les  immenses 
étendues  de  lignes  ferrées-  des  côtes  de  la  Poméranie  ; 
ces  lignes,  qui  ont  une  importance  capitale  au  point 
de  vue  stratégique,  n'ont  cependant  qu'une  valeur  mé- 
diocre au  point  de  vue  commercial,  attendu  qu'elles  ne 
relient  l'intérieur  à  aucune  contrée  susceptible  d'échan- 
ges ou  de  trafic  et  ne  mettent  en  rapport  que  des  loca- 
lités dont  les  besoins  sont  identiques. 

Les  conditions  auxquelles  doit  satisfaire  théorique- 
ment et  pratiquement  un  réseau  ferré,  pour  répondre 
aux  nécessités  de  la  guerre,  peuvent  se  résumer  briève- 
ment comme  il  suit  : 

1°  Sur  chacun  des  fronts  stratégiques  du  territoire 
national,  on  disposera  du  plus  grand  nombre  possible 
de  voies  ferrées,  indépendantes  les  unes  des  autres  ; 

2°  Les  lignes  convergentes  qui  aboutissent  sur  les 
bases  de  concentration  et,  en  particulier,  sur  les  côtes  et 
les  grandes  lignes  fluviales,  seront  coupées  par  de  nom- 
breuses transversales,  afin  de  permettre  le  transport  ra- 
pide des  troupes,  de  l'une  quelconque  des  lignes  de  con- 
centration sur  une  autre  ; 

3°  Les  positions  -et  les  localités  d'une  valeur  straté- 
gique reconnue  doivent  être  choisies  comme  points  de 
croisement  des  voies,  et  ces  nœuds  ferrés,  eux-mêmes, 
lorsqu'ils  se  trouvent  à  proximité  de  la  frontière,  doi- 
vent, à  leur  tour,   être   couverts  par  des  ouvrages   de 


â2  HISTOIRE  ET  ORGANISATION 

fortification  (1)  destinés  à  servir  de  points  d'appui  aux 
mouvements  offensifs  ou  rétrogrades; 

4°  Il  faut,  dès  le  temps  de  paix,  s'appliquer  le  plus 
possible  à  organiser  et  à  perfectionner  les  procédés 
d'exploitation,  à  accroître  la  puissance  de  transport  des 
voitures,  à  pourvoir  les  gares  de  rései-^'oirs  d'alimenta- 
tion, do  rampes  et  de  quais  d'embarquement;  enfin, 
tenir  le  plus  grand  compte  des  exigences  de  la  guerre, 
de  la  masse  énorme  des  armées,  de  l'action  des  diffé- 
rentes armes  (infanterie,  artillerie,  cavalerie),  du  poids 
et  du  calibre  des  pièces  d'artillerie.  Par  ce  moyen  seu- 
lement, on  parviendra  à  transporter  les  grandes  armées 
de  campagne  modernes  dans  des  conditions  identiques, 
de  temps,  de  vitesse,  de  force,  de  régularité  et  de  con- 
tinuité. 

Les  mailles  du  réseau  seront  aussi  étroites  qwe  pos- 
sible ;  on  augmentera  sa  capacité  de  rendement  par  la 
création  de  nombreuses  sections  à  double  voie,  par  le 
soin  apporté  au  tracé,  à  la  construction  et  à  l'entretien 
des  lignes,  à  la  diminution  des  pentes  et  des  courbes; 
on  veillera  aussi  à  ce  que  les  stations  soient  convena- 


(1)  En  France,  on  a  appliqué  ce  principe  dans  toute  sa  rigueur, 
en  élevant  sur  la  frontière  de  l'Est  les  forteresses  de  Belfort, 
Epinal,  Toul,  Verdun,  Long^vy  et  Montmédy,  ainsi  que  les  fort-g 
d'arrêt  qui  relient  ces  places  entre  elles  ;  en  fortifiant  les  nœuds 
ferrés  importants  de  Langres,  Reims,  Laon,  La  Fère  et  Paris, 
point  de  réunion  de  toutes  les  grandes  lignes;  en  construisant  les 
ouvrages  défensifs  de  la  frontière  du  Sud-Est,  et,  plus  réeeni- 
nieut,  ceux  de  la  frontière  >yord-Est. 

En  Russie,  les  noeuds  de  communication  sont  :  Xovo-Geor- 
gievsk,  Varsovie,  Ivangorod,  Brest-Lito^ski,  Byelostock,  Grod- 
no,  Konio.  Luzk,  Dubno,  etc. 

Dans  le  but  de  couvrir  la  nouvelle  ligne  stratégique  Byelos- 
tock -  Lomza  -  Ostrolenka  -  Zegrze  ou  Mlawa,  dont  la  construc- 
tion est  projetée  en  arrière  de  la  coupure  formée  par  le  Bug  et 
la  Narew,  on  a  élevé  une  série  de  forts  d'arrêt  sur  les  points  de 
Lomza,  Ostrolenka,  Pultusk  et  Zegrze  ;  à  l'est,  cette  ligne  de 
défense  englobera  le  fort  de  Grouioudz,  sur  le  canal  d'Augustowo, 
et  celui  de  Grodno,  sur  le  Niémen. 


DES  CHEMIXS  DE  FER  23 

W^meiit    espacées    et    bien    installées,    et  à  ce  que    le 
personnel   et   le  matériel  d'exploitation  ne  laissent  rien 
à  désirer  sons  le  rapport  de  la  qualité  et  de  la  quantité. 
Les  grands  trains  militaires  de  100  à  110  essieux,  ayant 
une  longueur  d'environ  500  mètres,  oni  besoin  de  beau- 
coup de  place  pour  se  garer;  en  vue  de  faciliter  et  d'ac- 
célérer les  opérations  de  l'embarquement  et  du  débar- 
quement, il  est  nécessaire  qu'on  puisse  mettre   à  quai 
des  trains  entiers  et  tout  d'une  pièce,  de  façon  à  pouvoir 
les  charger  ou  les  décharger  simultanément  et  d'un  seul 
côté.  A  cet  effet,  tous  les  points  importants   de   notre 
réseau  seront  dotés  de  rampes  militaires  d'une  solidité 
éprouvée.  Etant  donné  que  quelques  stations  seulement 
disposent  d'emplacements  aussi  vastes,  on  peut,  néan- 
moins, y  remédier  par  ce  fait  que  plusieurs  stations  si- 
tuées les  unes  derrière  les  autres,  mais  à  des  distances 
suffisamment  rapprochées,  sont  susceptibles  de  se  prêter 
un  mutuel  appui.  De  ce  que,  en  1870,  par  exemple,  les 
gares  terminus  de  Herny,  Remilly  et  Courcelles,  situées 
sur   les    derrières  de  la  IP  armée,  ne  permirent  pas  le 
déchargement  et  le  retour  réguliers  des  trains  de  trans- 
port, les  lignes   se  trouvèrent     bientôt     encombrées  et 
même  complètement  obstruées. 

Aussi,  à  la  date  du  5  septembre,  y  avait-il  encore  un 
total  de  2.322  wagons  (dont  600  sur  la  Rhein-Nahe- 
Bahn,  560  sur  la  ligne  du  Palatinat,  155  sur  celle  du 
Rhin,  650  sur  la  Ludwigsbahn  et  357  sur  la  section 
Saint-Jean  -  Courcelles)  qui  attendaient  leur  tour  pour 
être  déchargés  et  dont  le  contenu  en  approvisionne- 
ments dut  être  abandonné.  Ce  ne  furent  évidemment 
pas  là  les  seules  causes  de  ce  désordre,  mais  l'exemple 
ci-dessus  prouve  qu'il  ne  faut  pas  recevoir  d'une  section 
donnée  plus  de  trains  qu'on  ne  peut  en  expédier  sur  la 
section  suivante.  Le  rendement  des  lignes  étant  fonction 
de  circonstances  qui  varient  de  l'une  à  l'autre,  il  y  a 


24       HISTOIRE  ET  ORGANISATIOX  DES  CHEMINS  DE  FER 

lieu  de  faire  une  étude  spéciale  de  eliacune  d'entre 
elles  ; 

5"  Les  Etats  dont  les  limites  territoriales  présentent 
plusieurs  fronts  stratégiques  auront  à  exiger  davantage 
de  leurs  chemins  de  fer  et  de  leur  rendement  (1). 

6°  D'autre  part,  l'autorité  militaire  ne  doit  pas  de- 
mander à  ceux-ci  plus  qu'ils  ne  sont  en  état  de  lui  don- 
ner, car  les  exigences  commerciales,  imposées  aux  che- 
mins de  fer  en  temps  de  paix  ne  sauraient  concorder 
exactement  avec  celles  qu'une  campagne  ferait  sur- 
gir (2). 


(1)  Voir  :  Œuvres  complètes  et  Mémoires  du  maréchal  de  Molt- 
ke  (Berlin  1891  et  1892,  2  vol.)  ;  Mélanges,  Rapport  XII,  rédigé 
en  1843  :  ((  Quelles  sont  les  considérations  qui  doivent  entrer  en 
ligne  de  compte  dans  la  direction  à  imprimer  au  service  des  che- 
mins de  fer  ?  » 

(2)  Si  l'on  fait  le  décompte  de  ce  que  coûte  l'entretien  des  for- 
ces militaires  en  Europe,  on  arrive,  rien  que  pour  l'année  1896-97, 
à  la  somme  terrifiante  de  5  milliards  312  millions  500.000  francs, 
savoir  : 

Russie Fr.  1.290.881.750 

Angleterre  (y  compris  une  augmentation  de  137 

millions  500.000  fr.  pour  l'exercice  1897-98) 1.095.850.000 

France  (armées  de  terre  et  de  mer) 925.000.000 

Allemagne 663.397.500 

Antriche-Hongrie 445.425.000 

Italie 329.232.500 

Divers 562.713.250 

Total  pour  l'Europe Fr.     5.312.500.000 


IV 
Du  rendement  des  voies  ferrées. 


Examinons  maintenant  les  services  réels  que  les 
transports  en  chemin  de  fer  sont  à  même  de  rendre. 
Tout  d'abord,  apparaît  un  fait  capital,  à  savoir  qu'après 
7  heures  de  marche  une  troupe  n'est  plus  disponible 
pour  le  restant  de  la  journée,  tandis  qu'en  24  heures  la 
même  troupe  transportée  en  chemin  de  fer  parcourra, 
sans  grande  fatigue,  une  distance  de  540  kilomètres.  Le 
bataillon,  à  effectif  de  guerre,  qui  emploierait  7  heures 
pour  faire  une  étape  de  28  kilomètres  pourra,  dans  le 
même  laps  de  temps,  être  transporté  en  chemin  de  fer 
à  175  kilomètres  de  son  point  de  départ. 

On  admet,  dans  l'espèce,  qu'un  train  de  50  à  55  voi- 
tures se  meut  à  la  vitesse  de  22  kil.  1/2  à  l'heure. 

On  compte  comme  durée  d'embarquement  :  1  heure 
pour  l'infanterie,  2  heures  pour  la  cavalerie  et  l'artil- 
lerie de  campagne.  Quand  on  peut  charger  ou  déchar- 
ger 4  ou  5  wagons  à  la  fois,  la  cavalerie  n'a  plus  besoin 
que  de  trois  quarts  d'heure  pour  embarquer  et  d'une 
demi-heure  pour  débarquer. 

Dans  chaque  groupe  de  wagons  susceptibles  d'être 
déchargés  simultanément,  le  débarquement  des  chevaux 
exige  de  10  à  20  minutes,  celui  des  voitures,  de  20  à  30 
minutes.  De  plus,  pour  reconstituer  la  troupe  et  atteler 
les  voitures,  il  faut  de  10  à  20  minutes. 

Lorsqu'on  dispose  d'une  paire  de  rails  pour  les  trains 
vides,  on  peut  expédier  une  moyenne  journalière  de 
30  trains  (exceptionnellement  60)  sur  une  ligne  à  dou- 


26  HISTOIRE  ET  ORGANISATION 

ble  voie  et  de  15  sur  une  ligne  à  voie  unique  (exception- 
nellement 25). 

En  général,  cependant,  la  rapidité  du  transport  dé- 
pend d'éléments  locaux  très  nombreux,  tels  que  la  qua- 
lité et  la  quantité  du  matériel  roulant,  le  mode  de  su- 
perstructure, l'établissement  du  corps  de  la  voie,  les 
pentes,  courbes,  etc.,  etc.  C'est  pourquoi  le  rendement 
d'une  ligne  ferrée  ne  saurait  être  évalué,  sous  ce  rap- 
port, que  d'uno  façon  approximative. 

Ce  rendement  dépend,  en  outre,  du  nombre  des  trains 
qu'il  est  possible  de  charger  dans  un  temps  donné,  de 
celui  des  rampes  d'embarquement  disponibles,  et  de 
la  vitesse  avec  laquelle  s'effectue  l'embarquement  lui- 
même.  Il  faut  tenir  compte  aussi  de  la  rapidité  du  dé- 
barquement en  fin  de  transport  et,  par  suite,  de  la  fa- 
cilité plus  ou  moins  grande  d'utiliser  à  nouveau  les 
trains  de  retour,  et,  en  dernier  lieu,  de  la  distance  à 
laquelle  les  trains  peuvent  se  succéder,  sans  danger  et 
sans  enfreindre  les  prescriptions  réglementaires. 

D'après  le  paragraphe  7  du  Hèglement  allemand  de 
1887  sur  les  transports  en  temps  de  guerre,  la  vitesse  de 
marche  des  trains  normaux  ne  doit  pas,  en  principe, 
dépasser  2  minutes  40  secondes  par  kilomètre  (22  kil.  ]/2 
à  l'heure).    , 

En  Erance,  un  intervalle  d'au  moins  dix  minutes  est 
prescrit  entre  deux  trains  consécutifs  ;  de  la  sorte,  l'in- 
tervalle entre  deux  trains  est  basé,  non  pas  sur  une  dis- 
tance en  mètres,  mais  &ur  un  espace  de  temps  d'au 
moins  dix  minutes.  La  vitesse  movenne  est  fixée  à  25  ou 
30  kilomètres  à  l'heure  et  le  nombre  des  voitures  d'un 
train  militaire,  à  50.  Au  dire  des  spécialistes  français,  le 
rendement  journalier  d'une  ligne  française  à  double 
voie  est  évalué  à  40  et  même  à  50  trains  et  celui  d'une 
ligne  à  voie  unique  à  18  ou  20  (1). 


(1)  Commandant  Rovel,  Manuel  des  Chemins  de  fer. 


DES  CHEMINS  DE  FER  27 

Sur  une  ligne  à  voie  unique,  avec  des  stations  très 
espacées  et  entre  lesquelles  il  n'existe  pas  de  voie  d'évi- 
tement,  le  rendement  subira  naturellement  une  diminu- 
tion correspondante  ;  par  contre,  lorsque  plusieurs  lignes 
pourront  être  utilisées  simultanément,  il  bénéficiera 
d'une  augmentation  très  appréciable.  Pendant  la  cam- 
pagne de  Bohême,  on  avait  prévu  8  trains  par  jour  seu- 
lement sur  les  lignes  à  simple  voie,  et  12  sur  celles  à. 
double  voie  ;  ces  cbiffres  furent  portés  respectivement  à 
12  et  à  18  dans  la  campagne  de  1870-1871  (22  kil.  5  à 
l'heure).  Les  perfectionnements  apportés  aux  réseaux 
ferrés  dans  le  cours  des  vingt  dernières  années,  la  large 
dotation  des  gares  en  rampes  de  chargement,  en  voies 
de  garage  et  en  réservoirs,  laissent  présumer  que,  dans- 
une  guerre  future,  ces  chiffres  seront  sensiblement 
dépassés.  L'établissement  des  plans  de  transport  qui, 
déjà,  dès  le  temps  de  paix,  occupe  d'une  façon  ininter- 
rompue un  nombre  considérable  d'officiers  supérieurs 
et  de  hauts  fonctionnaires  de  l'administration  des  che- 
mins de  fer,  exige  donc  des  préparatifs  sérieux,  entourés 
de  soins  minutieux  et  méthodiques. 


Emploi  des  chemins  de  fer  dans  les  guerres 
contemporaines. 


Campagnes  de  Hongrie,  de  Crimée  et  d'Italie.  —  Les 
avantages  obtenus,  en  1848  et  en  1849,  par  l'emploi  des 
chemins  de  fer  attirèrent,  pour  la  première  fois,  l'atten- 
tion publique.  Ce  fut,  en  particulier,  le  transport,  de 
Cracovie  à  Hradisch,  d'un  corps  de  troupes  russes  de 
13.000  hommes,  avec  48  pièces  de  canon,  sous  les  ordres 
du  général  Paniutin,  qui  fit  ressortir  l'utilité  des  che- 
mins de  fer.  Exécutée  par  étapes,  cette  opération  eût 
nécessité  16  jours  ;  elle  en  exigea  5  seulement  et  évita, 
en  outre,  le  déchet  de  700  à  800  hommes  que  les  mar- 
ches eussent  produit,  si  l'on  s'en  rapporte  aux  données 
de  l'expérience  à  ce  sujet.  Pour  les  Autrichiens,  occu- 
pés à  soutenir  une  lutte  acharnée  contre  les  Hongrois, 
l'arrivée  de  leurs  alliés,  avec  une  avance  de  onze  jours, 
fut  un  précieux  élément  de  succès.  Quelques  années 
plus  tard,  la  guerre  de  Crimée  permit  de  constater  les 
avantages  des  chemins  de  fer  en  faisant  ressortir  les 
inconvénients  de  leur  absence.  Ces  avantages  furent  mis 
en  pleine  lumière  par  le  rassemblement  des  troupes 
françaises  sur  la  frontière  de  Lombardie,  dans  la  cam- 
pagne de  1859.  Le  désordre  et  le  manque  de  direction 
qui  se  produisirent  alors  furent  oubliés  dans  l'enivre- 
ment des  victoires  de  Magenta  et  de  Solférino. 

Guerre  de  Sécession.  —  Les  enseignements  recueillis 
dans  la  guerre  civile  de  l'Amérique  du  Xord,  principa- 
lement du  côté  des  Etats  du  Xord,  ouvrirent  définitive- 


HISTOIRE  ET  ORGANISATION  DES  CHEMINS  DE  FER       29 

ment  la  voie.  Ici,  les  chemins  de  fer  jouèrent  un  rôlie  ca- 
pital dans  la  conduite  des  opérations.  Pour  leur  utilisa- 
tion, on  créa  un  corps  de  troupe  spécial,  doté  d'un  ma- 
tériel considérable  qui  servit  à  la  construction  et  à  la 
destruction  des  voies  ferrées,  à  leur  exploitation  et  à  leur 
réparation.  L'Etat  du  Nord  eut  le  libre  emploi  de  toutes 
les  lignes  situées  dans  la  zone  des  armées,  au  moyen 
d'un  Department  of  military  railroad,  habitué  à  résou- 
dre toutes  les  questions  se  rattachant  à  ce  service. 

Le  général  Daniel  Mac-Clellan,  qu'on  avait  placé  à  la 
tête  de  ce  Départvient  en  18G2,  est  le  véritable  précur- 
seur de  l'emploi  des  chemins  de  fer  à  la  guerre. 

Son  coi-ps  des  chemins  de  fer  de  campagne  se  compo- 
sait d'employés  de  chemins  de  fer  expérimentés  et  en- 
treprenants, recrutés  dans  toutes  les  classes  et  toutes  les 
spécialités,  et  disposait  de  nombreuses  équipes  compo- 
sées d'ouvriers  d'une  habileté  et  d'une  adresse  consom- 
mées. Organisé  militairement,  soumis  à  une  discipline 
sévère,  il  suivait  le  mouvement  des  armées,  réparait  ou 
détruisait  les  voies,  les  exploitait  lorsque  les  employés 
s'étaient  enfuis  ou  avaient  dû  être  éloignés  comme  peu 
sûrs  ;  enfin,  construisait  de  nouvelles  lignes. 

Il  comprenait  18.000  hommes,  avec  419  locomotives, 
6.330  wagons  et  exploitait  12.000  milles  en  pays  en- 
nemi. En  45  minutes,  il  mina  et  fit  sauter,  près  de  Brid- 
geport,  le  pont  sur  le  Tennesse,  long  de  1.800  pieds,  et, 
en  3  jours,  jeta  un  pont,  d'une  hauteur  de  80  pieds,  au- 
dessus  de  Potomac. 

Campagne  de  1866  en  Allemagne.  —  Toutefois,  l'em- 
ploi des  chemins  de  fer  prit  une  importance  encore  plus 
grande  pendant  la  campagne  de  1866.  On  n'eut  pas,  il 
est  vrai,  à  demander  aux  voies  ferrées  des  services  par 
trop  considérables,  attendu  que  la  mobilisation  s'était 
-effectuée  très  lentement  et  que  la  concentration  des 
trois  armées  n'avait  été  que  partiellement  réalisée.  Le 


30  HISTOIRE  ET  ORGAXISATIOX 

débarquement  des  trois  armées  prussiennes,  réunies  à 
proximité  des  frontières  de  la  Saxe  et  de  la  Silésie,  eut 
lieu  sur  des  points  différents  et  leur  base  de  concentra^ 
tion  avait  été  choisie  de  façon  à  leur  permettre  d'opérer 
leur  jonction,  soit  en  territoire  ennemi,  si  l'on  prévoyait 
la  possibilité  de  prendre  l'offensive,  soit  à  la  frontière 
même,  si  l'on  était  contraint  de  rester  sur  la  défensive. 
Durant  la  troisième  période  des  transports,  c'est-à-dire 
du  23  mai  au  5  juin  1866,  on  expédia,  vers  la  zone  de 
débarquement,  une  moyenne  journalière  de  40  trains 
de  troupes;  à  cette  dernière  date,  on  avait  transporté 
197.000  hommes,  55-000  chevaux  et  5.300  voitures. 

En  Autriche,  les  préparatifs  avaient  été  commencés 
de  meilleure  heure;  néanmoins,  la  concentration  n'était 
pas  encore  terminée  que  déjà  les  troupes  prussiennes 
étaient  prêtes  à  entrer  en  campagne.  Ce  retard  des  Au- 
trichiens provenait  surtout  de  ce  qu'ils  ne  disposaient 
que  d'une  seule  ligne  ferrée  conduisant  de  Bohême  en 
Moravie,  alors  que  nous  en  avions  cinq  à  notre  dispo- 
sition. 

La  concentration  de  l'armée  prussienne,  en  1866,  ap- 
partient aux  meilleures  du  genre  (1).  Après  son  achè- 
vement, qui  fut  couronné  d'un  plein  succès,  elle  parut 
toute  naturelle,  irréprochable  et  il  sembla  qu'elle  n'au- 
rait pu  s'exécuter  autrement.  Mais,  quand  on  se  rap- 
pelle ses  débuts,  on  ne  peut  s'empêcher  de  reconnaître 
combien  étaient  anormales  les  circonstances  dans  les- 
quelles elle  s'accomplit.  A  l'ouest,  au  sud-ouest  et  au 
sud,  trois  groupes  d'Etats  hostiles  étaient  opposés  à  la 
Trusse,  tandis  que,  au  milieu  d'eux,  ce  royaume  mor- 
celé et  pourvu  de  frontières  mal  organisées  avait  une 
partie  de  ses  forces  occupées  dans  le  Schleswig.  L'uti- 
lisation judicieuse  et  intégrale  des  cinq  lignes  aboutis- 

(1)  Von  der  Goltz,  La  nation  armée. 


DES  CHEMINS  DE  FER  31 

sant  sur  le  théâtre  de  la  guerre,  ainsi  que  le  rassemble- 
ment des  troupes  en  trois  armées  distinctes,  rendirent 
seuls  possible  l'offensive  prussienne. 

Il  sera  intéressant  pour  le  lecteur  de  connaître  l'opi- 
nion personnelle  de  Moltke  sur  cette  concentration  dans 
la  Prusse  occidentale;  cela  vaudra  mieux  que  tout  ce 
que  nous  pourrions  dire  à  ce  sujet.  C'est  pourquoi  nous 
reproduisons  ci-après  une  lettre  qu'il  écrivait,  le  1"  juin 
1866,  au  général  Steinmetz,  qui  jouissait  alors  d'une 
haute  considération. 

Le  28  mai,  à  Breslau,  ce  dernier  avait  eu,  avec  le 
prince  royal  Frédéric-Guillaume,  un  entretien  dans 
lequel  la  situation  politique  et  militaire  avait  été  exa- 
minée à  fond.  Le  lendemain^  à  la  suite  de  cette  conver- 
sation, le  général,  alors  à  Kœppelbof,  se  crut  autorisé 
à  envoyer  son  avis  par  écrit  au  maréchal.  Nous  passe- 
rons sous  silence  cette  lettre,  dont  le  contenu  ressort 
d'ailleurs,  d'une  façon  suffisamment  claire,  de  la  réponse 
de  Moltke,  ainsi  coaçue  : 

«  Berlin,  1°'  juin  1866. 

»  Excellence,  par  votre  lettre  de  ce  jour,  vous  me 
faites  connaître  les  conclusions  que  vous  avez  tirées  des 
déclarations  de  Son  Altesse  Royale  le  Kronprinz  et  les 
vues  personnelles  dont  vous  lui  avez  donné  communi- 
cation. Comme  j'ai  eu  ma  part  dans  les  dispositions 
adoptées,  je  ne  veux  pas  laisser  passer  l'occasion  de 
vous  exprimer,  aussi,  ma  manière  de  voir,  pour  en  faire 
tel  usage  que  vous  jugerez  convenable.  Nous  sommes 
en  présence  d'un  ennemi  puissant  et  dangereux  qui  est 
la  cause  première  de  tous  les  armements  actuels  de 
l'Allemagne.  Cet  ennemi  est  complètement  prêt  ;  ce 
serait  une  faute  de  laisser,  dans  la  province  rhénane, 
tout  un  corps  d'armée  inactif  en  face  d'un  adversaire 
qui  ne  s'y  trouve  pas  encore. 


32  HISTOIRE  ET  ORGANISATION 

j>  Xous  avons  besoin  de  toutes  nos  forces  vis-à-vis 
des  240.000  hommes  de  l'Autriclie,  auxquels  il  a  fallu 
opposer  les  neuf  corps  d'armée  prussiens,  à  l'exception 
d'une  seule  division,  maintenue  provisoirement  aux  en- 
virons de  Minden. 

))  L'Autriclie  a  sur  nous  une  avance  de  six  semaines. 
Il  s'agissait  de  se  préparer  à  lui  tenir  tête,  dans  le  plus 
bref  délai;  ce  résultat  ne  pouvait  être  obtenu  que  par 
l'utilisation  simultanée  de  toutes  nos  voies  ferrées.  Mais 
il  n'était  ni  possible  ni  prudent  de  transporter  plus  d'un 
corps  d'armée  sur  la  même  ligne  et,  sur  aucune  d'elles, 
la  frontière  ne  pouvait  être  franchie.  Dans  ces  condi- 
tions, les  différents  points  de  débarquement  devaient 
former  un  cordon  le  long  de  la  frontière.  Nulle  autre 
disposition  n'était  capable  de  modifier  cet  état  de  choses 
ou  de  tourner  les  difficultés  géographiques  qui  procu- 
raient aux  Autrichiens  l'avantage  d'opérer  sur  des  li- 
gnes intérieures,  entre  la  Silésie  et  la  Marche.  Pour  nous, 
le  danger  était  dans  une  marche  offensive  sur  Berlin, 
attendu  que  la  capitale  n'est  couverte,  de  ce  côté,  ni  par 
des  forteresses,  ni  par  des  obstacles  naturels,  et  que 
c'est,  de  tous  nos  théâtres  d'opérations,  celui  qui  offre, 
en  arrière  des  armées  prussiennes,  le  moins  de  profon- 
deur et  de  ressources.  Quatre  corps  d'armée  sont  déjà 
installés  en  Lusace,  sur  la  rive  droite  de  l'Elbe  ;  avec 
le  temps  dont  on  disposait,  on  ne  pouvait  en  réunir  que 
deux  en  Silésie. 

»  Ce  n'est  pas  en  Silésie  qu'il  faut  défendre  la  Silésie, 
mais  en  Bohême.  Il  n'était  pas  logique  de  réunir  une 
armée  dans  la  Haute-Silésie,  et  si,  à  l'heure  actuelle, 
toutes  les  troupes  de  première  ligne  s'y  trouvent  déjà 
rassemblées,  on  a  agi,  à  mon  avis,  d'une  façon  anti- 
rationnelle et  peu  conforme  à  la  situation. 

»  La  neutralité  de  la  Saxe  ne  doit  pas  être  négociée 
avec  la  Saxe,  mais  seulement  avec  l'Autriche.  Elle  est 


DES  CHEMINS  DE  FER  33 

loin  d'être  à  notre  avantage  et  n'a  pas  encore  donné 
lieu  à  des  pourparlers.  Comme  correctif  à  la  dissémi- 
nation de  nos  points  de  débarquements  —  qui  ne  cons- 
tituent pas  la  base  de  concentration  — ■  il  importe  de 
se  concentrer  en  avant.  Malgré  notre  éparpillement, 
nous  pouvons  rassembler,  en  cinq  jours  de  marclie, 
190.000  hommes  à  Dresde  et,  en  neuf  jours,  200,000  à 
Schluckenau.  Il  n'est  pas  juste  d'affirmer  que  nos  trou- 
pes restent  inactives;  elles  ne  forment  pas  encore  un 
tout.  Jusqu'à  présent,  nous  avons  expédié  quotidienne- 
ment 40  trains  militaires.  Nos  transports  ne  seront 
achevés  que  le  5  juin;  à  cette  date  seulement,  on  aura 
la  faculté  d'entreprendre,  par  voie  de  terre,  ce  qui  n'a 
pu  être  accompli  par  voie  de  fer,  c'est-à-dire  la  con- 
centration stratégique.  Les  derniers  ordres  sont  donnés 
dans  ce  but.  Le  1'^''  corps  est  à  son  poste.  Devons-nous 
nous  heurter  aux  masses  autrichiennes,  en  Saxe  ou 
dans  la  Bohême  septentrionale?  il  se  joint  à  la  pre- 
mière armée;  au  contraire,  la  Saxe  devient-elle  l'ob- 
jectif principal  de  l'offensive  ennemie  ?  il  se  trouve, 
alors,  à  portée  (1)  de  renforcer  la  deuxième  armée, 

»  Il  n'y  a  pas  de  motifs  pour  adopter  des  cantonne- 
ments resserrés  qui  gênent  sans  nécessité  les  troupes  et 
les  populations. 

»  Malgré  le  peu  de  temps  dont  on  dispose,  un  avis 
télégraphique  envoyé  aux  différents  corps  permettra 
néanmoins  d'opérer  la .  concentration  dans  les  délais 
voulus. 

»  Les  places  fortes  du  Hhin  sont  pourvues  de  tout 
ce  qui  leur  est  nécessaire. 

»  Toutes  les  unités  de  remplacement  de  la  landwehr 
ont  reçu  leur  destination  et,  de  ce  côté,  il  n'y  a  aucune 
faute  à  réparer. 


(l)  En  français  dans  le  texte.  (Note  du  traducteur.) 
Organ.  chom.  Ce  fer. 


34  HISTOIRE  ET  ORGANISATION 

»  Il  demeure  entendu  qiie  toutes  nos  traditions  mili- 
taires prêchent  l'initiative;  toutes  les  autres  considéra- 
tions qui  peuvent  entrer  ici  en  ligne  de  compte  ne  sau- 
raient modifier  ma  manière  de  voir.  » 

En  raison  de  sa  longueur,  nous  ne  reproduisons  pas 
la  lettre  de  Steinmetz,  à  laquelle  répond  de  Moltke. 
Ceux  qui  connaissent  la  langue,  les  adversaires  du  ma- 
réchal, les  fervents  de  l'art  peuvent  la  lire.  La  clarté 
et  la  concision  du  maréchal  éclatent  comme  un  orage 
qui  purifie  l'atmosphère.  C'est  pour  les  psychologues 
surtout  que  cette  correspondance  est  pleine  d'intérêt. 
La  réponse  à  Steinmetz  se  renferme  strictement  dans 
les  formes  du  service.  La  froideur  des  explications  de 
Moltke  démontre  qu'il  n'était  pas  insensible  au  ton  pé- 
dantesque  de  l'illustre  général.  A  ce  moment,  la  situa- 
tion modeste  de  Moltke  n'avait  pas  encore  pour  elle  la 
puissance  du  fait  accompli.  Le  grand  homme  avait  alors 
besoin  de  frayer  sa  voie  et  de  se  faire  jour  à  force 
de  travail.  Cela  ne  lui  fut  pas  toujours  facile.  Il  était 
affecté  profondément,  et  d'une  façon  toute  personnelle, 
par  la  présomption  de  ceux  qu'on  appelait  les  généraux 
subtils  (forschcn  gcncralcn).  Sa  correspondance  avec 
Blumenthal,  Gœben  et  Manteuffel  est  incomparablement 
plus  chaleureuse  et  plus  cordiale  qu'avec  Steinmetz  et 
Falckenstein,  qui,  tous  deux,  incarnaient  le  type  du  gé- 
néral savant.  Chacun  de  ses  mots  est  empreint  de  la 
sympathie  qu'il  éprouvait  pour  les  trois  premiers,  tandis 
que,  vis-à-vis  des  deux  autres,  il  prenait  toujours  la 
raideur  et  le  ton  officiel  du  commandement.  C'est  un 
fait  connu,  qu'en  1870  de  Moltke  ne  voulait  pas  de 
Steinmetz  comme  commandant  d'armée.  Il  n'eut  pas 
gain  de  cause,  mais  les  événements  lui  donnèrent  raison. 

L'année  dernière,  lorsque  Hœnigj  dans  son  ouvrage  : 
Les    batailles   décisives  sur  la  Saalc  franconienne,   ra- 


DES  CHEMIXS  DE  FEU  33 

mena  à  ses  modestes,  mais  réelles  proportions,  3ts 
talents  militaires  de  Falckenstein,  il  fit  jeter  les  hauts 
cris  à  tons  les  admirateurs  du  général.  Hœnig  avait 
manifestement  puisé  à  d'excellentes  sources  ;  du  moins 
ses  conclusions  furent  pleinement  confirmées  par  la  cor- 
respondance de  Moltke,  bien  que,  sur  ce  point,  il  sem- 
ble, de  prime  abord,  avoir  été  incomplet.  Si  l'armée 
hanovrienne  n'est  pas  parvenue  à  se  retirer  dans  l'Allé- 
magne  du  Sud  et  si,  par  surcroît,  elle  a  été  contrainte 
de  capituler,  c'est  là  un  résultat  qui,  d'après  la  corres- 
pondance de  Moltke  et  malgré  l'opposition  de  Falckeiis- 
tein,  est  tout  à  l'honneur  du  maréchal. 

En  lisant  cette  correspondance,  on  ne  peut  s'empê- 
cher de  constater  chez  ce  dernier  une  grande  fineste, 
qualité  que  lui  reconnaissent  du  reste  fort  bien  ses  ad- 
versaires. Yoici  maintenant  de  nouveaux  renseigne- 
ments sur  cet  événement  capital. 

Le  2-3  juin  1866,  à  8  heures  du  matin,  Falckenstein 
recevait  de  Moltke  le  télégramme  suivant  : 

«  Sa  Majesté  ordonne  à  Votre  Excellence  d'envoyer, 
sans  retard,  par  le  chemin  de  fer  Cassel  -  Eisenach,  un 
détachement  de  toutes  armes,  aussi  fort  que  possible, 
pour  couper  la  retraite  aux  Hanovriens.  Rendez  compte 
dès  que  les  premiers  échelons  seront  arrivés.  Les  deux 
batteries  à  cheval  de  Dresde  seront  rendues,  ce  soir, 
vers  7  heures,  à  Gotha.  Occupez  gare  de  Hertzfeld,  » 

A  midi,  Falckenstein  répondait  de  Xortheim  : 

«  Gœben  s'étend  de  Gœttingen  à  Nœrten  ;  Manteufïel, 
de  ISTœrten  à  Northeim  inclusivement.  Ligne  Gœttin- 
gen -  IS^ortheim  sera  prête  aujourd'hui  midi;  ligne  Cas- 
sel  prête,  au  plus  tôt,  demain  matin.  Donc,  impossible 
de  harrer  chemin  ou  rattrajjer  troujjcs  lianovriennes. 
Bayer  est  si  éparpillé  dans  la  montagne  et  sur  la  Terra, 


36  HISTOIRE  ET  ORGANISATION 

qu'il  n'y  a  pas  à  compter  sur  lui,  avant  demain  soir, 
pour  agir  contre  Hanovriens.  En  conséquence,  j'estime 
détachement  d'Oher-DorJa  et  Gotha  très  composé.  De- 
main, je  marche  sur  Cassel,  avec  objectif  Francfort; 
je  rappellerai  Bayer  de  ce  côté  dès  que  situation  avec 
troupes  hanovriennes  tirée  au  clair.  Destruction  totale 
chemin  de  fer  Main  -  Weser,  indispensable.  Demande 
autorisation  de  la  faire  exécuter  par  détachement  sus- 
dit. Lettre  suit.  » 

Malheureusement,  cette  lettre  ne  fut  pas  communi- 
quée. Au-dessous  de  la  dépêche,  de  Moltke  écrivait  au 
crayon  : 

«  Il  ne  s'agit  pas  du  chemin  de  fer  de  Cassel.  Celui 
de  Gœttingen  est  praticable.  La  division  Groeben  se  trouve 
près  de  Gœttingen,  pourquoi  ne  pas  la  transporter  par 
voie  ferrée  à  Eisenach  ?  » 

A  5  heures  du  soir,  Falckeusteiu  expédiait,  de 
Xortheim,  le  télégramme  ci-dessous  : 

«  Ligne  Xortheim  -  Cassel  rendue  entièrement  im- 
praticable, par  suite  obstruction  des  tunnels  et  rupture 
des  ponts.  En  conséquence,  expédition  sur  Eisenach  im- 
possible, sans  quoi  elle  eût  été  exécutée  dans  tous  les 
cas,  comme,  c'était  déjà  prévu.  » 

Dans  le  même  après-midi,  Moltke  adressa  ces  deux 
dépêches  au  roi,  après  avoir  écrit  en  marge,  de  sa  propre 
main  : 

«  Etant  donné  que  Falckenstein  fait  demi-tour,  les 
Hanovriens  nous  échappent!  Colonel  von  Fabeck,  rap- 
porteur à  Gotha,  doit  rappeler  Bayer  que  Falckenstein 
veut  emmener  à  Francfort-sur-le-Main.  Dans  ces  con- 
ditious,  que  doit-il  faire  ?  » 

Le  23  juin,  de  Moltke  ne  vit  plus  d'autre  solution 
que  d'envoyer,  à  7  h.   40  soir,  le  télégramme   suivant 


DES  CHEMINS  DE  FER  37 

aux  colonels  von  Fabeck  et  von  der  Osten  qui  se  trou- 
vaient respectivement  à  Gotha  et  à  Eisenack  : 

«  Sa  Majesté  lîoyale  prescrit  de  réunir,  entre  Gotha 
et  Eisenach,  un  détachement  aussi  fort  que  possible 
pour  l'opposer  aux  Ilanovriens.  Le  présent  ordre  sera 
expédié,  pour  exécution  immédiate,  à  toutes  les  troupes 
prussiennes  à  portée  de  le  recevoir  et,  en  particulier,  à 
celles  du  général  Bayer  stationnées,  à  l'heure  actuelle,  à 
Waldkappel  et  à  Eschwege.  A  cet  effet,  on  utilisera 
également  le  bataillon  de  landwehr  de  Weimar,  où  on 
laissera  une  compagnie  seulement.  » 

On  voit  combien  la  situation  était  désespérée;  le  gé- 
néral en  chef  Falckenstein  était  absolument  dérouté  et 
il  en  fut  de  même  tant  qu'il  exerça  un  commandement. 
Cependant,  par  ordre  de  Moltke,  les  négociations  avec 
les  Hanovriens  étaient  traînées  en  longueur,  dans  le 
but  de  gagner  du  temps. 

Le  24  juin,  à  8  heures  du  matin,  le  télégramme  ci- 
après  parvenait  à  Falckenstein  : 

«  Armée  hanovrienne  entrée  en  pourparlers  depuis 
minuit,  pour  capitulation,  demande  à  connaître  la  force 
des  détachements  qui  lui  coupent  la  retraite.  Nouvel 
ordre  de  Sa  Majesté  de  renforcer  ces  derniers,  comme 
permet  encore  de  le  faire  le  chemin  de  fer  de  Magde- 
bourg.  Situation  du  général  Glûmer,  inconnue.  » 

Ce  même  jour,  à  8  h.  30  matin,  Moltke  était  informé 
par  Falckenstein  que  la  division  Bayer  était  rassemblée 
à  Œtmannshausen.  A  l'heure  susdite,  le  colonel  von 
Osten  recevait  à  Eisenach  la  mission  d'envoyer  à  cette 
division,  de  la  part  du  roi,  l'ordre  «  de  se  mettre  immé- 
diatement en  marche  sur  Eisenach,  en  passant  par 
Kreuzburg  ». 

Moltke  intervenait  également  d'un  autre  côté  en  fai- 
sant transporter,  par  Magdebourg,  sur  Gotha  -  Eisenach, 


38  HISTOIRE  ET  ORGANISATION 

les  troupes  de  Manteuffel.  Le  général  de  Falckenstein 
fut  informé  de  ces  dispositions,  à  4  h.  30  de  l'après- 
midi,  par  une  dépêche  qui  se  terminait  ainsi  : 

«  Les  négociations  pour  la  capitulation  de  l'armée 
hanovrienue  se  poursuivent,  mais  ne  seront  sans  doute 
pas  terminées  aujourd'hui;  demain  elles  seront  suspen- 
dues. Il  est  de  la  plus  grande  importance  de  renforcer 
les  faibles  fractions  qui,  jusqu'ici,  ont  empêché  les  Ha- 
novriens  de  faire  une  trouée  on  masse  ;  général  Gltimer 
introuvable  de  ce  côté.  Quelles  modifications  Votre  Ex- 
cellence a-t-elle  opérées  ?  » 

Avant  midi  (24  juin),  Moltke  recevait  la  lettre  sui- 
vante, écrite  de  la  main  du  loi  : 

((  Je  ne  comprends  pas  Falckenstein  !  Il  laisse  l'armée 
hanovrienne,  évaluée  par  lui  à  20.000  hommes,  station- 
ner tranquillement  en  face  des  nôtres  dont  l'effectif 
s'élève  tout  au  plus  à  G. 000  hommes,  en  sorte  qu'elle 
est  libre  de  se  mettre  en  mouvement  pour  aller  ren- 
forcer les  masses  ennemies  qui  opèrent  sur  les  derrières 
de  la  13*  division  !  Vite,  en  deux  mots,  votre  avis,  par 
écrit  ou  verbalement.  » 

La  réponse  de  Moltke  est  contenue  dans  deux  lettres 
datées  du  24  juin  : 

«  1°  J'ai  l'honneur  de  rendre  compte  très  respectueu- 
sement à  Yotre  Majesté  qu'aujourd'hui,  à  5  heures  de 
l'après-midi,  en  exécution  d'ordres  télégraphiques  réité- 
rés, 5  bataillons  et  1  batterie  de  la  division  Manteuffel 
sont  expédiés  par  le  chemin  de  fer  de  Magdebourg  sur 
Eisenach  c-t  Gotha,  où  ils  arriveront  demain,  vers 
8  heures  du  matin.  J'ai  télégraphié  au  général  Alvens- 
leben  (qui,  sur  ces  entrefaites,  avait  été  envoyé  à  Gotha 
comme  négociateur)  de  fixer  les  clauses  de  la  capitu- 
lation, en  tenant  compte  de  cette  situation.  » 

«  2°  Dans  le  transport,  par  Magdebourg,  d'une  brigade 


DES  CHEMINS  DE  FER  39 

de  la  division  Manteuiïel,  il  y  a  eu,  semble-t-il,  des 
retards  considérables.  Par  contre,  aujourd'hui,  à  4  heu- 
res du  soir,  le  général  de  Gœben  a  dirigé  sur  Eisenach 
4  bataillons  qui  doivent  actuellement  être  rendus  à  des- 
tination et  seront  suivis  de  5  autres  bataillons,  G  esca- 
drons et  46  pièces. 

»  Nous  disposerons  demain  de  forces  suffisantes  pour 
appuyer  toutes  les  prétentions  de  Votre  Majesté.  J'ai 
télégraphié  au  général  de  Falckenstein  de  ne  pas  dé- 
garnir davantage  les  environs  de  Gœttingen,  afin  de 
pouvoir  éventuellement  s'opposer  à  un  retour  offensif 
de  l'ennemi  dans  cette  direction.  » 

Ajoutons,  comme  renseignement,  que,  le  24,  la  divi- 
sion de  Gœben  était  transportée  en  chemin  de  fer  de 
Northeim  à  Mùnden.  En  ce  point,  elle  trouva  un  télé- 
gramme de  Falckenstein  lui  enjoignant  «  de  se  porter 
sans  retard  sur  Cassel,  avec  toutes  les  troupes  dont  elle 
disposait  et  d'en  expédier,  de  là,  une  partie  à  Eisenach, 
par  voie  ferrée  ».  La  chose  ne  parut  pas  claire  à  Gœben, 
qui,  de  Cassel,  demanda  à  de  Moltke  des  explications 
par  le  télégraphe.  La  réponse  de  celui-ci  (11  h.  17  soir) 
se  terminait  ainsi  : 

«  Hâtez  donc  l'envoi  de  vos  9  bataillons,  6  escadrons 
et  46  pièces.  » 

Guerre  de  1870-71.  —  Passons  maintenant  à  l'histo- 
rique des  chemins  de  fer  dans  la  campagne  de  1870-71. 

Les  enseignements  dé  la  campagne  de  1866  avaient 
clairement  démontré  qu'on  pouvait  exiger  davantage 
des  chemins  de  fer;  aussi  parvînmes-nous,  en  1870-71, 
à  imprimer  aux  transports  des  armées  une  rapidité 
supérieure  à  celle  obtenue  en  1866.  Tandis  que,  précé- 
demment, on  ne  comptait  que  sur  8  trains  par  jour  pour 
les  lignes  à  voie  unique,  et  sur  12  pour  les  lignes  à 
double  voie,   ces   chiffres  furent   portés   respectivement 


40  HISTOIRE  ET  ORGANISATION 

à  12  et  à  18,  en  sorte  que  la  durée  du  transport  d'un 
corps  d'armée,  sur  les  lignes  à  deux  voies,  n'atteignit 
plus  que  3  jours  1/2  et  5  jours  1/2  avec  les  convois  ; 
en  18GG,  il  aurait  fallu  près  de  S  jours  pour  obtenir  le 
même  rendement. 

En  1870,  les  Allemands  disposaient  d'un  total  de  neuf 
lignes  de  concentration,  savoir  : 

Pour  les  corps  d'armée  du  Nord  : 

Ligue  A.     Berlin    -   Hanovre    -    Cologne    -    Binger- 
brùck  -  Neunkirclien. 

^  l    Leipzig  )  -  Kreiensen  -  Moshach  (près  de 
'  /  Ilarburg  ^         Biebricli). 

—  C.     Berlin  -  Halle  -  Cassel  -  Francfort  -  Man- 

nheim  -  Homhourg. 

—  D.  S    ^^'P^'^  }    Bebra  -  Fulda  -  Kastel. 

i    Dresde   \ 

—  E.     Posen  -  Gœrlitz  -  Leipzig  -  Yurtzbourg  - 

Mayence  -  Landau. 

—  F.     Munster-  -  Dusseldorf  -  Cologne  -  Call  (Ei- 

fel). 

Pour  les  corps  d'armée  du  Sud  : 
Ligne  1.     Augsbourg  -  TJlm  -  Biuchsal. 

—  2.     N^œrdlingen  -  Crailsbeim  -  Meckesheim. 

—  3.     Wurtzboug  -  Mosbach  -  Heidelherg.  — 

En  outre,  quatre  lignes  auxiliaires  amenèrent  les 
troupes  du  nord  de  la  Prusse  jusqu'aux  lignes  princi- 
pales, dont  quatre  seulement  avaient  des  points  de  pas- 
sage sur  le  lihin. 

Les  statistiques  montrent  que,  du  24  juillet  au  3  août, 
1.200  trains  débarquèrent,  en  cbiiïre  rond,  350.000  bom- 
mes,  87.000  chevaux,  8.400  pièces  ou  voitures  et  que, 
sur  chaque  ligne,  on  mit  journellement  en  circulation 


DES  CHEMINS  DE  FEE 


41 


une  moyenne  de  12  à  18  trains  composés  de  GO  à  100  es- 
sieux. De  l'avis  des  spécialistes  tant  civils  que  mili- 
tiiires,  il  eût  été  impossible  d'obtenir  un  pareil  résultat 
si  la  mobilisation  ne  s'était  pas  accomplie  dans  des  con- 


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Lignes  de  coacentration  allemandes  en  1870. 


ditions  de  régularité  absolue.  Toutefois,  pour  porter  un 
jugement  sur  la  façon  dont  les  transports  furent  exé- 
cutés à  cette  époque,  il  faut  non  seulement  tenir  compte 
des  chiffres,  mais  encore  des  innombrables  difficultés 
d'ordre  technique  et  administratif  qui  résultèrent  fata- 
lement de  l'enchevêtrement  et  de  la  confusion  des  lignes 


42  HISTOIRE  ET  ORGANISATION 

empiiuitées  aux  divers  réseaux  des  compagnies  privées 
et  de  l'Etat  (1). 

L'ordre  avait  été  donné  que,  dès  le  3  août,  les  trois 
armées  devaient  être  rendues  sur  les  points  de  concen- 
tration qui  leur  avaient  été  assignés,  savoir  :  la  pre- 
mière (aile  droite)  à  Saarelouis,  la  deuxième  (centre)  à 
Vœlklingen  et  Sarrbrùck,  la  troisième  (aile  gauche;  à 
Landau.  Pour  le  cas  où  les  Français  franchiraient  la 
frontière  et  chercheraient  à  troubler  le  fonctionnement 
régulier  de  nos  transports  stratégiques,  on  avait  pro- 
jeté d'eiîectuer  les  débarquements  de  ce  côté-ci  du 
Rhin.  Le  mémoire  du  maréchal  de  Moltke  contenait,  à 
ce  sujet,  les  propositions  suivantes  : 

«  Dans  l'hypothèse  oîi  une  armée  française  ainsi  im- 
provisée, et  largement  pourvue  de  cavalerie  et  d'artil- 
lerie, se  trouverait  rassemblée  autour  de  Metz  le  cin- 
quième jour,  pour  franchir  la  frontière  vers  Sarielouis 
le  huitième  jour,  il  faudrait  prendre  la  précaution  d'ar- 
rêter aussitôt  nos  transports  et  de  débarquer  nos  troupes 
sur  le  lihin.  L'ennemi  aura  six  étapes  à  faire  pour  y 
arriver  et  nous  l'y  attendrons  avec  des  forces  très  supé- 
rieures. Maîtres  de  tous  les  points  de  passage,  nous 
prendrons  l'oiïensive,  quelques  jours  après,  avec  des 
effectifs  doubles  des  siens  (2). 

L'ouvrage  du  grand  état-major,  à  la  page  87,  s'ex- 
prime ainsi  : 

«  On  disposait,  pour  les  transports  en  chemins  de  fer, 
d'un  matériel  considérable  ;  le  transport  des  dix  pre- 
miers corps  d'armée  n'exigea  que  les  3/5  des  voitures  et 
les  2/5  des  locomotives,  en  supposant  que  chacun  de  ces 
véhicules  n'ait  été  utilisé  qu'une  fois.  » 

(1)  Voir  :  Organisation  administrative  et  Thirection  des  Che- 
mins de  fri\  par  Weber,  dans  la  Augsburgcr  allgemeinen  Zeitung, 
année  1877,  n»  266. 

(2)  Ln  (jucrrc  francn-aUcmondr  de  1870-71,  rédigée  par  la  sec- 
tion historique  du  grand  é'^at-major,  l'"^  partie,  pages  72  et  77. 


DES  CHEMINS  DE  FER  43 

Et  plus  loin  : 

a  Grâce  à  l'activité  et  au  dévouement  des  directions 
de  chemins  de  fer,  tous  les  préparatifs  suivirent  leur 
cours  l'égulier.  Le  23  juillet,  les  premières  troupes  ache- 
vaient de  se  mobiliser  et,  le  lendemain,  l'embarque- 
ment en  grand  pouvait  commencer.  » 

Suivons  de  plus  près  le  détail  des  mouvements  et 
leurs  relations  avec  l'emploi  des  chemins  de  fer;  à  cet 
efEet,  nous  prendrons  comme  guide  la  substance  même 
des  communications  officieuses  si  remarquables  qui  ont 
été  recueillies,  en  189G,  dans  le  Militaincochcnhîaft. 

Aux  termes  du  Règlement  sur  VOrganisation  des 
transports  par  voies  ferrées  des  grandes  masses  de  trou- 
ycs,  la  préparation  de  ceux-ci  était  confiée  à  une  com- 
mission centrale  composée  d'officiers  de  l'état-major  et 
du  ministère  de  la  Guerre,  ainsi  que  de  hauts  fonction- 
naires des  ministères  du  Commerce  et  de  l'Intérieur. 
Son  siège  était  à  Berlin.  Deux  de  ses  membres,  c'est- 
à-dire  un  officier  d'état-major  et  un  représentant  du 
ministre  du  Commerce,  formaient  une  commission  exe- 
cutive à  part,  qui  exerçait  la  haute  direction  et  la  sur- 
veillance des  transports  de  troupes.  Même  après  l'achè- 
vement de  la  concentration,  elle  conservait  dans  ses 
attributions  l'exploitation  militaire  des  lignes  natio- 
nales et  de  la  portion  du  réseau  ennemi  tombé  entre  nos 
mains. 

Elle  siégeait  alors  au  grand  quartier  général.  Quand 
ce  dernier  quitta  Berlin,  elle  y  fut  remplacée  par  une 
commission  executive  auxiliaire  qui  prit  en  main  la 
direction  et  la  surveillance  des  chemins  de  fer  de  l'in- 
térieur, utilisés  pour  les  besoins  de  l'armée.  Comme 
organes  d'exécution,  la  commission  centrale  disposait 
des  com,missions  de  lignes  et  des  covirnandements  d'éta- 
pes. Ces  organes  étaient  en  même  temps  sous  les  ordres 


44  HISTOIRE  ET  ORGANISATION 

de  Vinspection  des  étajjcs  de  leur  corps  d'armée  res- 
pectif ou  de  Vinsjjection  générale  des  étapes  de  rarmée 
dont  ils  dépendaient.  Parmi  le  personnel  de  chaque  ins- 
pectio7i  générale  des  étapes,  se  trouvait  un  directeur  des 
chevilns  de  fer  chargé  de  l'exploitation  des  lignes  et  de 
l'emploi  des  sections  de  chemins  de  fc?  de  campagne 
mises  à  sa  disposition.  Celles-ci  étaient  employées  à  la 
réparation  ou  à  la  destruction  des  voies,  ainsi  qu'à  la 
construction  de  raccordements  de  peu  d'étendue.  Elles 
exploitaient  les  sections  nouvellement  rétablies,  jus- 
qu'au moment  où  des  comviissions  d^ exploitation,  ins- 
tituées par  le  ministre  du  Commerce,  venaient  les  rem- 
placer dans  ce  service. 

Le  15  juillet  1870,  vers  10  heures  du  soir,  l'état- 
major  fut  informé  que  la  mobilisation  allait  être  dé- 
crétée. On  n'eut  besoin,  à  ce  moment,  que  de  sortir  de 
leurs  cartons  les  plans  qui  avaient  été  élaborés  sous  la 
responsabilité  du  major  von  Brandenstein,  alors  chef  de 
la  section  des  chemins  de  fer,  de  fixer  le  premier  jour 
de  la  mobilisation  et  de  prescrire,  en  outre,  les  mesures 
complémentaires  dont  la  nécessité  fut  reconnue  à  la 
dernière  heure.  Le  décret  de  la  mobilisation  suffit  pour 
mettre  en  marche  l'immense  machine  aux  rouages  in- 
nombrables qui  devait  faire  passer  l'armée  du  pied  de 
paix  au  pied  de  guerre  et  bientôt  la  transporter  à  la 
frontière  occidentale. 

Les  premiers  jours  qui  suivirent  la  réception  de  l'or- 
dre de  mobilisation  furent  utilisés  par  les  administra- 
tions de  chemins  de  fer  à  préparer  les  transports  mili- 
taires attendus.  C'est  à  cette  tâche  que  le  ministre  du 
Commerce  de  Prusse  les  convia  dans  la  proclamation 
suivante  : 


DES  CHEMINS  DE  FER  45 

«  Berlin,  le  19  juillet  1870. 

»  A  toutes  les  administrations  des  chemins  de  fer 
prussiens. 

»  Dans  quelques  jours,  vont  commencer  les  trans- 
ports qui  doivent  conduire  les  armées  allemandes  contre 
l'ennemi  héréditaire  de  la  patrie.  La  commission  exé^ 
cutive  et  les  coviimssions  de  lignes  sont  déjà  réunies 
pour  organiser  et  régler  ces  transports.  Il  importe,  au 
plus  liant  point,  que  ces  derniers  s'exécutent  avec  une 
rapidité  foudroj^ante.  Chaque  jour,  chaque  heure  que 
nous  gagnerons  dans  l'arrivée  des  troupes  sur  le  théâtre 
de  la  guerre  aura  des  conséquences  incalculables.  Cha- 
que pas  qui  rapproche  notre  armée  de  la  frontière  di- 
minue pour  nous  le  danger  de  voir  la  terre  allemande 
foulée  par  nos  adversaires. 

»  Une  grande  mission  incombe  aux  chemins  de  fer; 
pour  l'accomplir,  il  faut  que  toutes  nos  énergies  soient 
tendues  jusqu'à  leur  extrême  limite.  On  devra  exiger 
partout  le  rendement  maximum.  Pendant  la  campagne 
de  1866,  on  a  pu,  à  côté  des  trains  militaires,  maintenir, 
sur  certaines  lignes,  le  trafic  des  voyageurs  et  celui  des 
marchandises,  ce  dernier  en  partie  seulement  ;  au  cours 
des  transports  qui  vont  avoir  lieu,  il  ne  devra  plus  en 
être  ainsi  sur  aucune  ligne.  Dès  qu'ils  seront  commencés 
et  même  quelques  jours  auparavant,  la  circulation  des 
marchandises  sera  totalement  suspendue;  en  principe, 
la  même  interdiction  s'applique  aux  voyageurs.  A  l'ex- 
piration des  deux  premiers  jours  de  transports,  la  com- 
viission  exéeutive  et  les  coviTiiissions  de  lignes,  chacune 
en  ce  qui  les  concerne,  pourront  autoriser  le  transport 
des  particuliers,  concurremment  avec  celui  des  troupes, 
sur  les  voies  où,  par  suite  de  l'abondance  simultanée  des 
wagons  et  des  locomotives,  la  chose  sera  possible,  sans 


46  HISTOIRE  ET  ORGANISATION 

compromettre  la  marche  régulière  des  trains  militaires. 
Tout  le  matériel  roulant  —  autant  que  cela  sera  néces- 
saire —  doit  être  exclusivement  réservé  pour  ceux-ci. 

»  Lorsque,  sur  des  lignes  qui  ne  sont  pas  directement 
utilisées  pour  les  besoins  de  l'armée,  il  se  trouvera  du 
matériel  en  excédent,  on  le  fera  diriger  sur  les  lignes 
de  transport  qui  en  manquent,  dans  la  mesure  des  réqui- 
sitions prononcées  par  les  commissions  de  lignes  et  par 
la  commission  executive  qui  a  qualité  pour  décider,  en 
dernier  ressort,  de  l'emploi  de  ce  matériel.  J'ai  déjà  in- 
vité les  administrations  à  procéder  rapidement  à  l'amé- 
nagement des  voitures;  partout  où  cette  opération  n'est 
'pas  terminée,  on  y  travaillera  activement;  on  veillera, 
en  particulier,  à  ce  que  tous  les  wagons  de  marchandises 
couverts  soient  pourvus  de  supports  pour  les  sacs  et  les 
fusils  et  de  banquettes  pour  les  homnic>«,  enfin  de  ram- 
pes mobiles  pour  les  chevaux.  Ces  installations  sont 
indispensables,  si  l'on  veut  tirer  du  matériel  roulant 
tout  le  parti  désirable. 

»  Aux  stations  d'embarquement  et  de  débarquement, 
il  y  a  lieu  d'établir  ou  de  préparer,  suivant  le  cas,  des 
rampes  d'une  longueur  suffisante,  des  ponts  volants, 
des  escabeaux  pour  les  voitures  sans  marchepieds,  etc. 
En  outre,  dans  toutes  les  gares  et  les  haltes,  on  prendra 
les  dispositions  nécessaires  pour  l'éclairage,  ainsi  que 
pour  la  fourniture  de  l'eau  de  boisson. 

»  Placé  depuis  plusieurs  années  à  la  tête  des  chemins 
de  fer,  j'ai  pu  apprécier  la  grandeur  des  devoirs  que 
la  guerre  leur  impose;  mais  je  sais  aussi  que  le  patrio- 
tisme des  agents  est  prêt  à  tous  les  sacrifices.  Les  cam- 
pagnes de  1864  et  de  1866  en  sont  une  preuve  éclatante. 

»  Puissent  ces  lourds,  mais  inévitables  sacrifices  être 
féconds  en  résultats  ;  puisse,  pour  la  troisième  fois  en  dix 
ans,  se  réaliser  le  vœu  que  je  forme  pour  que  les  che- 


DES  CHEMIXS  DE  FER  47 

mins   (le  fer,  €ux  aussi,   aient  une  large  part  dans  le 
triomphe  et  la  gloire  de  la  patrie. 

»  Le  ministre  du  Commerce,  de  l' Industrie 
et  des  Travaux  publics, 

»  Comte  von  Itzenplitz.  » 

Tandis  que,  en  A'ue  de  l'exécution  des  grands  trans- 
ports stratégiques,  elles  se  livraient  de  toutes  parts  aux 
préparatifs  énumérés  précédemment,  les  directions  de 
chemins  de  fer  s'occupaient  en  même  temps  à  organiser 
les  transports  de  mobilisation.  A  cet  effet,  dès  le  16  juin, 
le  trafic  commercial  ordinaire  fut  tout  d'abord  inter- 
rompu, en  totalité  ou  en  partie,  sur  les  lignes  de  Stettin, 
de  la  Basse-Silésie  et  de  la  Marche;  la  même  mesure 
fut  bientôt  étendue  à  toutes  les  autres  lignes. 

L'organisation  des  trains  de  mobilisation  ne  s'effec- 
tua pas  sans  encombre.  Des  retards  et  des  difficultés 
surgirent  dans  les  détails  d'exécution,  sans  parvenir 
toutefois  à  déranger  les  lignes  générales  du  plan  d'en- 
semble ;  aussi  l'embarquement  des  troupes  pour  la 
frontière  piit-il  commencer  exactement  à  la  date  prévue 
par  l'état-major  général,  c'est-à-dire  le  8^  jour  de  la 
mobilisation   (23  juillet). 

Pour  procéder  à  l'aménagement  des  gares  d'embar- 
quement et  assurer  la  direction  militaire  des  débar- 
quements en  fin  de  transport,  des  officiers  d'état-major 
furent  envoyés  respectivement  sur  les  sections  Binger- 
brûck  -  Neunkirchen  (ligne  A)  et  Mannheim  -  Hom- 
bourg,  dans  le  Palatinat  (ligne  C).  On  leur  adjoignit, 
pour  la  construction  des  rampes  d'accès,  des  compagnies 
de  pionniers  de  forteresse,  à  raison,  de  deux  par  section. 
Le  22  juillet,  on  rendait  compte,  de  la  première,  qlie 
«  tout  était  prêt  »  et,  de  Mannheim,  que  «  les  prépa- 
ratifs  pour   les   transports   des  troupes    prussiennes    se 


48 


HISTOIRE    ET    ORGANISATION 


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o 


DES    CHEMINS    DE    FER  49 

poursuivaient  avec  la  plus  grande  activité  sur  les  che- 
mins de  fer  du  Palatinat...  ». 

Toutefois,  avant  d'entreprendre  les  tiansports  stra- 
tégiques, il  fallut  changer  les  dispositions  prises  en 
vue  du  débarquement  à  î^eunkirclien  et  à  Homhourg, 
et  reporter  plus  en  arrière,  à  Bingerbrûck  et  à  Man- 
nheim,  les  points  de  débarquement  primitivement  choi- 
sis. Par  ce  moyen,  on  était  mieux  assuré  que  le  ras- 
semblement des  armées  ne  serait  pas  troublé  par  les 
Français,  qui,  d'après  les  derniers  renseignements  reçus, 
se  concentraient  en  toute  hâte  à  la  frontière.  Ce  ne  fut 
qu'après  les  premières  marches  que  les  points  de  débar- 
quement furent  reportés  en  avant. 

Onze  jours  après  le  commencement  des  transports  en 
chemin  de  fer,  les  troupes  allemandes  étaient  réunies  à 
la  frontière,  prêtes  à  entrer  en  campagne  avec  :  334  ba- 
taillons, 282  escadrons,  201  batteries,  les  convois  et 
équipages  strictement  indispensables. 


Effectifs  auxquels  chacun  des  ponts  du  Rhin  a  donné  passage 


DÉSIGNATION 

DES   POINTS. 

OFFI- 
CIERS. 

TROUPE. 

CHE- 

VOI- 

TL  RLS 

1  if'ccs. 

CBSERV.VTICNS. 

Cologne 

4.(191 
2.90(1 

113  523 
121.062 

36.(33 
21.484 
33.976 

3  4C1 

2.255 
3.£(iO 

Les  passâmes  les 
plus  importants  eu- 
rent lieu  par  le  pont 
tle  Mannheim. 

Miyence 

Mannheini 

TOT.\U.\ 

11.148 

320.848 

91.493 

8.916 

Il  résulte  des  données  ci-dessus  que,  sur  certains  par- 
cours, les  grandes  lignes  furent  utilisées  simultanément 
par  plusieurs  transports;  sans  cela  leur  rendement  n'eût 
pas  atteint  le  nombre  de  trains  fixé  par  le  plan  de  trans^ 
ports. 

La  concentration  terminée,  on  commença  à  expédier 
aux  armées  tout  ce  dont  elles  avaient  besoin  comme 

Organ.  clieni.  de  fer.  4 


50  HISTOIRE  ET  ORGANISATION 

vivres,  munitions,  effets  d'habillement  et  d'équipement; 
de  même,  après  les  premières  batailles,  il  fallut  ren- 
voyer vers  l'intérieur  les  blessés,  les  malades,  les  prison- 
niers et  le  matériel  pris  sur  l'ennemi.  Il  ne  fut  pas 
possible  de  préparer  ces  mouvements  en  détail,  ni  même 
de  les  demander  la  veille.  Toujours  exigés  à  l'impro- 
viste  et  par  à-coups,  leur  exécution  présenta  de  grosses 
difficultés.  Pour  faire  droit  à  ces  demandes,  les  em- 
ployés de  chemins  de  fer  eurent  à  satisfaire  couram- 
ment à  des  exigences  considérables  qui  s'accrurent  en- 
core lorsque,  après  les  victoires  du  mois  d'août,  les 
armées  allemandes  ayant  pénétré  en  France,  on  dut,  à 
leur  suite,  poursuivre  activement  l'exploitation  des 
voies  ferrées  et  faire  parvenir,  jusque  dans  leur  voisi- 
nage immédiat,  tout  ce  qui  leur  était  nécessaire. 

C'est  alors  que  les  sections  de  chemins  de  fer  de  cam-, 
pagne  eurent  comme  premier  devoir  le  rétablissement 
des  lignes  occupées  par  nous  et  maintes  fois  détruites. 
Dans  ce  but,  nous  disposâmes,  au  cours  des  opérations, 
de  six  sections  de  chemins  de  fer  de  campagne. 

E.enforcées,  à  certains  moments,  par  des  compagnies 
de  pionniers,  elles  recevaient  généralement  leurs  ins- 
tructions (le  la  commission  executive  qui  fonctionnait 
au  grand  quartier  général,  attendu  que,  de  là  seule- 
ment, on  pouvait  donner  une  impulsion  uniforme  à 
l'exploitation  du  réseau  français  par  toutes  les  armées. 

Les  travaux  accomplis  par  lesdites  sections,  pour  le 
rétablissement  des  voies  et  particulièrement  des  ponts, 
viaducs  et  tunnels  ruinés,  sont  absolument  remarqua- 
bles. Il  suffira  de  citer  la  reconstruction  des  tunnels 
do  Yierzy,  Armentières,  Nanteuil,  Montmédy  et  des 
viaducs  d'Epinal  et  de  Xertigny. 

Le  nombre  des  ponts  restaurés  sur  la  Marne,  la 
Seine,  l'Oise,  l'Eure,  l'Armançon  et  autres  cours  d'eau 
est  très  élevé. 


DES  CHEMIXS  DE  FER  51 

Souvent  les  voies  se  trouvaient  interceptées  par  les 
forteresses  ennemies,  en  sorte  qu'il  fallait  recourir  à 
des  expédients  pour  les  contourner.  C'est  ainsi  que,  en 
août  et  septembre,  on  construisit,  pour  éviter  Metz,  le 
raccord  militaire  Remilly  -  Pont-à-Mousson  et  que,  plus 
tard,  aux  environs  de  Toul,  on  organisa,  au  moyen  de 
locomotives  routières,  un  système  de  traction  sur  le 
tronçon  ïoul  -  Lagny. 

Il  y  eut  des  coups  de  main  à  Yillers-Cotterets  et 
Kam;  à  Brienon,  la  Eoclie  et  Buffon,  des  ponts  furent 
détruits.  L'incident  le  plus  fâcheux  fut  la  destruction 
du  pont  de  Fontenoy,  sur  lequel  la  grande  ligne 
Frouard  -  Lagny  franchit  la  Moselle  (22  janvier  1871). 
Gfrâce  à  l'énergie  et  à  l'activité  de  la  section  de  che- 
mins de  fer  de  campagne  n°  5,  puissamment  secondée 
par  la  commission  d'exploitation  de  Xancy,  la  commis- 
sion de  ligne  d'Epernay,  le  commandant  d'armes  de 
Toul  et  le  gouverneur  général  de  la  Lorraine,  on  réus- 
sit, en  très  peu  de  temps,  à  rétablir  la  circulation  sur 
la  voie  interrompue  au  moyen  de  dispositions  provi- 
soires et  par  une  prompte  restauration  du  pont. 

C'est  au  prix  de  difficultés  de  ce  genre  que,  petit  à 
petit,  le  réseau  français  fut  mis  au  service  de  l'état- 
major  allemand,  sur  des  parcours  très  étendus  (environ 
3.800  kilomètres).  Pendant  la  campagne,  ce  réseau  com- 
prenait trois  lignes  principales  se  dirigeant  sur  Paris, 
avec  des  embranchements  vers  le  nord,  le  sud-ouest  et 
le  sud-est  du  théâtre  de  la  guerre.  Le  21  novembre,  à 
l'aide  de  prolongements  successifs,  on  était  arrivé  à 
rendre  praticable  dans  toute  sa  longueur  la  ligne  mé- 
diane Wissembourg  (Sarrbrùck)  -  Frouard  -  Epernay  - 
Lagny.  Au  nord,  celle  de  Metz  -  Mézières  -Reims  -  Mi- 
try  ne  fut  entièrement  livrée  à  l'exploitation  qu'au  com- 
mencement de  la  nouvelle  année;  toutefois,  dès  la  fin 
de  l'automne,   on   pouvait  déjà  l'utiliser  à   partir    de 


52  HISTOIRE  ET  ORGANISATION 

Reims,  en  passant  par  Cliâlons  et  Epernay.  Avec  l'em- 
branclienient  Reims  -  Amiens  -  Eonen,  les  deux  grandes 
lignes  ci-dessus  servirent  encore  de  lignes  de  commu- 
nication à  la  I'"''  armée.  La  trois^'ème  ligne,  au  sud, 
était  alïectée  à  la  II"  armée;  à  Noël,  elle  était  prati- 
cable entre  Blesmes  et  Nuits-sous-Eavière,  mais  ce  n'est 
qu'en  janvier  que  son  prolongement  atteignit  Blois,  en 
empruntant  la  ligue  sinueuse  qui  par  Montereau,  Mon- 
targis,  Juvisy  et  Orléans,  sillonne  la  région  au  sud  de 
Paris.  A^ers  la  fin  de  la' guerre,  la  IP  armée  disposait 
également,  mais  sur  un  parcours  restreint,  de  la  section 
Versailles  -  Le  Mans.  Le  cbemin  de  fer  Frouard  -  Epi- 
nal,  ouvert  à  l'exploitation  au  milieu  de  décembre,  et 
celui  de  Strasbourg  à  Dannemarie,  venant  d'Alsace,  ser- 
virent de  ligne  de  ravitaillement  à  l'armée  du  Sud, 
tandis  que  le  rétablissement  du  tronçon  Xuits-sur-Ea- 
vière  -  Dijon  ne  fut  terminé  qu'au  moment  de  la  signa- 
ture de  l'armistice. 

Pour  l'utilisation  militaire  de  ces  lignes,  la  commis- 
sion executive  avait  comme  organes  d'exécution  quatre 
commissions  mobiles  de  lignes,  installées  respective- 
ment : 

A  Sarrbriick  (puis  à  Eeims),  à  IS^ancy  (Epernay),  à 
Chaumont  (Corbeil)  et  à  Versailles. 

Dès  que  les  sections  de  chemins  de  fer  de  campagne 
avaient  remis  en  état  les  portions  de  lignes  détruites, 
l'exploitation  de  ces  dernières  passait  entre  les  mains 
des  comviissions  d' exploitation  de  chemins  de  fer  ins- 
tituées par  le  ministre  du  Commerce  prussien  dont  elles 
relevaient.  La  direction  des  chemins  de  fer  de  Saar- 
brûck  n'eut  à  exploiter  que  les  prolongements  du  cbe- 
min  de  fer  Eliin  -  Nabe. 

Immédiatement  après  la  bataille  de  Wœrtb,  la  corn,- 
viission  d'crploitation  n°  1  s'établit  à  Wissembourg  en 
premier  lieu,   puis   à    Strasbourg,  lorsque    cette   place 


DES  CHEMINS  DE  FER  o3 

tomba  entre  nos  mains.  Elle  eut  dans  ses  attributions 
le  prolongement  de  la  grande  ligne  C,  par  Wissem- 
bourg  -  iSaverue  -  Lunéville  -  Nancy  et,  plus  tard,  les  li- 
gnes de  la  Haute-Alsace. 

Après  les  victoires  sous  Metz,  la  commission  d'ex- 
ploitation n°  2  s'installa  à  Nancy,  une  3®  à  Epernay 
(ultérieurement  lleims),  enfin  une  4"  à  Chaumont  (puis 
Corbeil),  pour  assurer  le  service  du  réseau  ferré  au  nord 
et  au  sud. 

Suivant  les  besoins,  on  mit  à  la  disposition  de  ces 
commissions  des  employés  de  cbemins  de  fer  tirés  de 
l'intérieur  et  même  des  corps  de  troupe.  A  la  fin  de 
janvier,  le  cliiffre  de  ceux  venus  d'Allemagne  s'élevait 
à  près  de  o.COO;  malgré  cela,  l'insuffisance  numérique 
du  personnel  se  fit  toujours  très  vivement  sentir,  à 
caus-e  de  l'extension  continuelle  du  réseau  occupé.  Il  en 
fut  de  même  pour  le  matériel  de  traction,  bien  qu'on 
eût  emprunté  successivement  280  locomotives  aux  lignes 
nationales,  qu'on  en  eiit  construit  75  nouvelles  et  utilisé 
plus  de  50,  trouvées  en  territoire  ennemi.  En  sus  des 
4.000  wagons  fraui^ais  capturés,  il  y  avait  en  France, 
fin  janvier,  15.000  wagons  allemands.  De  tels  prélève- 
ments —  cela  va  de  soi  —  rendirent  excessivement  pé- 
nibles les  conditions  du  trafic  sur  les  chemins  de  fer 
allemands  et  imposèrent  aux  agents  nationaux  des 
efforts  inusités. 

Quant  au  fonctionnement  du  service   sur  les  lignes 

.françaises,  il  présenta  également  de  grandes  difficultés; 

néanmoins,  avec  la  seule  main-d'œuvre  militaire,  nous 

parvînmes  à  maintenir,  en  arrière  des  armées,  un  trafic 

capable  de  satisfaire  à  tous  leurs  besoins. 

Tout  d'abord  se  présenta  la  question  des  transports  à 
destination  de  l'armée,  ayant  pour  but  de  la  ravitailler 
en  bommes,  cbevaux,  armes,  munitions,  effets  d'habil- 
lement, etc.  Les  renforts  expédiés  en  France  s'élevè- 


54  HISTOIRE  ET  ORGANISATION 

rent,  sans  compter  le  reste,  à  2.200  officiers,  222.600 
hommes,  22.000  chevaux  et  116  pièces  de  canon;  comme 
approvisionnements  en  vivres,  la  seule  armée  de  Metz 
eut  besoin  journellement  de  40.000  quintaux. 

Du  15  octobre  au  8  décembre,  rien  que  l'expédition 
des  colis  postaux  militaires  exigeait  l'emploi  de  560  wa- 
gons sur  les  lignes  en  pays  ennemi. 

Enfin,  un  des  plus  graves  problèmes  fut  le  transport 
du  lourd  matériel  de  siège  et  des  munitions  destinés 
au  bombardement  de  Paris. 

Le  trafic  avec  l'Allemagne  eut  également  à  satisfaire 
à  de  nombreuses  exigences.  L'évacuation  des  malades 
et  des  blessés  atteignit  des  proportions  énormes  et  né- 
cessita des  efforts  prodigieux.  A  la  fin  de  la  campagne, 
il  y  avait  en  circulation  36  trains  sanitaires  qui,  en 
210  voyages  environ,  rapatrièrent  40.000  hommes.  Ce 
ne  fut  pas  une  mince  besogne  non  plus  que  d'embar- 
quer 384.000  prisonniers  de  guerre,  à  destination  de 
l'Allemagne;  leur  prompte  évacuation,  après  la  bataille 
de  Sedan  et  la  reddition  de  Metz,  eut  à  surmonter  de 
sérieux  obstacles. 

Dans  l'accomplissement  de  ces  différentes  tâches,  il 
fallut  transporter  des  masses  de  troupes  sur  des  lignes 
ne  permettant  qu'un  trafic  lent  et  modéré,  conduit  avec 
prudence  et,  le  plus  souvent  encore,  nécessairement  irré- 
gulier. Presque  toujours,  l'embarquement  et  le  débar- 
quement avaient  lieu  dans  des  gares  qui  n'étaient  nul- 
lement outillées  pour  des  mouvements  de  cette  impor- 
tance et  ne  disposaient  d'aucun  abri  pour  les  marchan- 
dises dont  la  livraison  ail  destinataire  ne  pouvait  se 
faire  aussitôt  après  l'arrivée. 

La  conclusion  de  l'armistice  marqua  pour  l'armée  le 
commencement  d'un  repos  bien  mérité.  Tel  ne  fut  pas 
le  cas,  cependant,  pour  les  employés  de  chemins  de  fer. 
Sans  doute,  la  phase  la  plus  critique  de  leur  mission 


DES    CHEMINS   DE    FER  55 

était  terminée,  car  l'accord  du  30  janvier  qui,  dans  les 
limites  du  transit  ordinaire,  concédait  aux  Français 
l'exploitation  en  commun  de  quelques-unes  des  grandes 
lignes  se  dirigeant  du  nord,  du  sud  et  de  l'ouest  vers 
Paris,  assurait  comme  compensation  à  l'administration 
allemande  le  prêt,  à  charge  de  remboursement,  de  200 
locomotives  et  de  5.000  wagons.  Cette  mesure  eut  pour 
eiïet  d'apporter  un  remède  définitif  à  l'insuffisance  du 
matériel  roulant  dont  les  Allemands  avaient  souffert 
jusqu'alors.  En  outre,  à  partir  de  ce  moment,  amis  et 
ennemis  s'employèrent  de  toutes  leurs  forces  à  réparer 
les  sections  endommagées,  ce  qui  permit  bientôt  d'amé- 
liorer nos  lignes  d'étapes.  Nous  eûmes  aussi  l'avantage 
de  profiter,  pour  nos  transports,  de  l'utilisation  mixte 
du  chemin  de  fer  de  ceinture  de  la  capitale.  Au  mois 
de  mars,  on  vit  également,  sur  certaines  voies  exploitées 
par  les  Allemands,  circuler  des  trains  militaires  fran- 
çais transportant,  sans  armes,  la  garde  mobile  et  la 
garde  nationale  dont  le  gouvernement  de  la  E^épublique 
avait  décidé  la  concentration  à  Versailles,  en  vue  de 
réprimer  l'insurrection  de  la  Commune.  Vers  la  même 
époque,  on  procéda  au  rapatriement  des  prisonniers  de 
guerre  français,  internés  en  Allemagne. 


VI 

Application  des  chemins  de  fer  à  la  tactique  pure. 


L'importance  de  l'emploi  des  voies  ferrées  pour  le 
mouvement  général  des  forces  militaires  occupe  aujour- 
d'hui le  même  rang  dans  les  préoccupations  de  toutes 
les  puissances,  tant  en  ce  qui  concerne  la  formation  de 
leurs  armées  et  l'établissement  de  leurs  plans  straté- 
giques, qu'en  ce  qui  est  relatif  au  perfectionnement  de 
leur  réseau  et  de  leurs  moyens  de  transports.  C'est  au 
point  que,  à  notre  avis,  les  chemins  de  fer  peuvent  être 
considérés  comme  un  instrument  de  guerre  de  premier 
ordre,  sinon  comme  une  arme  proprement  dite. 

Examinons  maintenant  si,  à  ce  titre,  ils  sont  exclu- 
sivement destinés  à  être  utilisés  en  vue  d'un  objectif 
stratégique  et  s'ils  ne  se  prêtent  pas  également  bien  à 
un  emploi  pratique  et  rationnel  dans  le  domaine  de  la 
tactique  pure.  L'écrivain  distingué  auquel  nous  devons 
les  Leçons  générales  de  conduite  des  troupes  (1),  le 
général-major  Meckel,  écrit  ce  qui  suit  : 

«  On  distingue  la  grande  et  la  petite  tactique.  La 
première  est  du  ressort  des  chefs  qui  commandent  un 
ou  plusieurs  corps  d'armée  mixtes  (2),  c'est-à-dire  orga- 
nisés pour  opérer  isolément.  C'est  dans  l'intérieur  des 
unités  isolées  plus  petites,  la  division  par  exemple,  que 
s'exerce  la  seconde.  Les  conceptions  de  la  «  tactique  » 


(1)  Allgemeine  Lehre  von  Jer  Truppenfiihrung  im  Kriege. 

(2)  En  langage  militaire,  on  appelle  unité  mixte  une  unité 
qui  comprend  des  troupes  de  toutes  armes. 


HISTOIRE    ET    ORGANISATION  DES    CHEMINS    DE    FER       57 

ne  concordent  pas  toujours  avec  celles  de  la  «  conduite 

des  troupes  ». 

»  L'enseignement  de  la  tactique  se  rapporte,  en  effet, 
à  l'emploi  des  troupes  dans  le  combat  et  en  vue  du 
combat,  abstraction  faite  des  effectifs  engagés.  » 

C'est  en  ce  sens  que,  dans  les  développements  qui 
vont  suivre,  nous  allons  chercher  à  établir  le  principe 
de  l'emploi  tactique  des  chemins  de  fer. 

La  question  relative  à  la  mission  des  voies  ferrées 
considérées  comme  instruments  de  guerre  a  déjà  été 
traitée  par  le  major  von  Broizem,  de  l'état-major  saxon, 
dans  une  étude  intitulée  :  Une  bataille  de  V avenir. 
(Srhlacht  der  Zukunft)  (1). 

L'auteur  arrive  à  cette  conclusion  que  les  transports 
de  troupe  —  d'une  aile  à  l'autre,  par  exemple  —  doivent 
être  évités,  en  principe,  même  si  l'on  dispose  de  com- 
munications par  voies  ferrées.  D'après  ce  qui  précède, 
il  faudrait  admettre  que  les  progrès  et  les  elïorts  accom- 
plis par  les  grandes  puissances  pour  doter  leurs  armées 
de  troupes  de  chemins  de  fer  nombreuses,  aptes  à  être 
employées  sur  le  théâtre  de  la  guerre,  n'auraient  d'autre 
but  que  de  faciliter  les  communications  avec  l'arrière; 
quant  à  l'utilisation  de  ces  troupes  sur  le  terrain  même 
du  combat,  on  n'en  ferait  aucun  cas. 

Le  général  Meckel  arrive  à  des  conclusions  essentiel- 
lement différentes;  il  estime  aiissi  que  l'utilisation  tac- 
tique des  chemins  de  fer,  c'est-à-dire  leur  emploi  sur 
le  champ  de  bataille  sera  rarement  possible.  A  l'appui 
de  cette  assertion,  il  montre  que  l'embarquement  et  le 
débarquement  des  troupes  en  un  point  déterminé  occa- 
sionnent une  perte  de  temps  et  la  rupture  des  liens  tac- 
tiques; enfin  que  le  danger  auquel  sont  exposées  let» 
•voies  ferrées,  dans  le  voisinage  immédiat  de  l'ennemi, 


(1)  Dresde,  1890;  Guillaume  Baensch,  éditeur, 


58  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

constitue  un  obstacle  difficile  à  éviter.  Il  pense  qu'au 
contact  de  l'adversaire  et  sur  le  champ  de  bataille  elles 
seraient  d'ordinaire  mises  hors  de  service.  Cependant,  il 
admet  l'éventualité  où  les  lignes  ferrées  pourront  con- 
courir tactiquement  à  la  défense  de  positions  étendues, 
situées  en  pays  de  montagne,  sur  les  grands  cours  d'eau 
ou  sur  les  côtes.  Dans  la  guerre  de  siège,  en  particulier, 
comme  le  fait  s'est  présenté  pendant  la  défense  de 
Paris,  il  serait  possible  d'employer  les  voies  ferrées 
dans  un  but  tactique,  à  l'occasion  d'un  combat  livré 
autour  d'un  grand  camp  retranché  pourvu  d'un  chemin 
do  fer  de  ceinture. 

D'autre  part,  dans  ses  considérations  relatives  aux 
marches  de  nuit  et  à  l'accélération  de  la  marche,  l'écri- 
vain ci-dessus  estime  que  le  transport  de  l'infanterie 
qui,  jadis,  ne  pouvait  s'effectuer  en  grandes  masses  qu'à 
l'aide  de  voitures  et  en  pays  sûr,  devient  praticable 
aujourd'hui  avec  les  chemins  de  fer,  lorsqu'on  change 
de  théâtre  d'opérations. 

On  voit,  par  ce  qui  précède,  combien  ces  profession- 
nels de  l'art  militaire,  ainsi  que  beaucoup  d'autres 
encore,  diffèrent  d'opinion  sur  la  question  qui  nous 
occupe.  Aussi  l'étude  pratique  complète  des  enseigne- 
ments recueillis  à  ce  sujet  s'impose-t-elle. 

A  l'heure  actuelle,  on  juge  encore  des  opérations  et 
des  combats  d'après  les  faits  constatés  dans  les  cam- 
pagnes de  186G  et  de  1870-1871,  attendu  que  la  guerre 
turco-russe  de  1877-1878  a  eu  lieu  dans  des  circons- 
tances tout  à  fait  particulières  (1);  comme  l'a  dit  un  au- 
teur militaire,  le  stationnement  prolongé  sur  des  positions 
fortifiées,  combiné  avec  des  entreprises  contre  les  com- 
munications de  l'adversaire  (tel  fut  le  cas  dans  cette  cam- 


(1)  Anton  Springer,  La  Guerre  twrco-russe  de  1877-78  en  Evr 
rope  (Vienne,  1891). 


DES    CHEMIXS    DE    FER  59 

pagne),  nous  reporte  plutôt  aux  souvenirs  de  la  guerre 
de  Sept  ans.  En  186G,  il  est  vrai,  les  voies  ferrées  ne 
furent  pas,  à  proprement  parler,  utilisées  sur  le  terrain 
même  du  combat;  néanmoins  on  pourra  toujours  consi- 
dérer comme  un  fait  d'ordre  à  la  fois  tactique  et  stra- 
tégique les  transports  en  cliemins  de  fer  qui  eurent  lieu 
la  veille  de  la  défaite  des  Hanovriens  à  Langensalza. 

En  employant  les  sections  de  voies  partout  où  elles 
avaient  été  rétablies  et  en  eiïectuant  des  détours  consi- 
dérables, deux  brigades  appartenant  aux  divisions  Man- 
teuffel  et  Gœben,  qui,  jusque-là,  avaient  opéré  dans  le 
Nord,  furent  transportées  par  le  cbemin  de  fer  du  Sud, 
de  Gœttingen,  par  Magdebourg  et  Halle  d'une  part, 
par  Cassel  de  l'autre,  et  vinrent  renforcer  de  5  ou  6.000 
kommes  les  brigades  Kummer  et  Flies,  en  position,  la 
première  à  Eisenacli  et  la  deuxième  à  Gotba  (1).  Grâce 
à  l'intervention  opportune  de  ces  renforts,  la  veille  de 
la  bataille,  on  fut  en  mesure  d'opposer  à  l'attaque  de 
l'ennemi  des  forces  supérieures  en  nombre,  de  cerner 
l'armée  hanovrienne  et  de  l'empêcher  de  faire  une 
trouée  dans  la  direction  de  l'Allemagne  du  Sud  (2). 

Passons  maintenant  aux  leçons  tirées  de  la  campagne 
de  1870-1871. 

L'ouvrage  du  grand  état-major  (3)  contient,  à  ce  pro- 
pos, les  remarques  suivantes  : 

«  Les  chemins  de  fer  rendirent  les  services  les  plus 
précieux.  Ils  durent  servir  aux  transports  des  subsis- 
tances, des  troupes  de  remplacement,  des  munitions  et 
de  quantités  prodigieuses  de  matériel  de  siège  ;  enfin 
à  l'évacuation  des  blessés,  des  malades  et  des  prison- 
niers. En  outre,  dans  le  cours  de  la  campagne,  on  fut, 


(1)  Ouvrage  du  grand  état-major,  pages  60,  66  et  suivantes. 

(2)  Annexe  2,  page  7  de  l'ouvrage  cité. 

(3)  Guerre  de  1870-71,  rédigée  par  la  section  historique,  2®  par- 
tie, page  1341. 


CO  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

à  maintes  reprises,  dans  la  nécessité  d'amener  de 
grandes  unités  d'un  bout  à  l'autre  du  théâtre  des  opé- 
rations. Avec  cela,  le  rendement  des  lignes  se  trouva 
sans  cesse  restreint  parce  c^ue  certaines  de  leurs  sections 
n'avaient  pu  être  rétablies  qu'à  une  seule  voie.  » 
^  Les  rédacteurs  de  cet  ouvrage  constatent  donc  qu'on 
s'est  vu,  plus  d'une  fois,  dans  la  nécessité  de  transporter 
des  effectifs  considérables  d'un  théâtre  d'opérations  sur 
un  autre. 

Il  y  a  lieu,  en  conséquence,  d'examiner  encore  de 
plus  près  les  incidents  <le  la  dernière  guerre. 

Dès  le  début,  on  eut  l'occasion  d'utiliser  les  chemins 
de  fer  dans  un  but  tactique.  Le  6  août,  en  effet,  pendant 
la  bataille  de  Spicheren,  -3  bataillons  du  12®  régiment 
et  1  bataillon  du  20'^  furent  embarqués  en  chemin  de  fer 
à  Neunkirchen  et  Saint-Wendel  et  amenés  directement 
sur  le  terrain  du  combat.  Au  dire  des  historiens  de  la 
campagne,  le  12®  régiment  put,  aussitôt  après  sa  des- 
cente de  wagons,  être  conduit  sur  le  champ  de  bataillé 
oti  il  prit  une  part  active  au  succès  de  nos  armes  (J). 

Pareil  fait  s'était  déjà  produit  pendant  la  guerre  entre 
l'Italie  et  l'Autriche,  lors  de  la  bataille  de  Solférino, 
livrée  le  24  juin  1859. 

La  batterie  légère  n°  4  du  P''  corps  d'armée,  qui,  au 
début  de  la  campagne,  devait  être  transportée  par  voie 
ferrée  de  Kœnigsberg  à  Neunkirchen,  résolut,  en  attei- 
gnant cette  dernière  station,  de  continuer  sa  route  et 
arriva  sur  le  champ  de  bataille  vers  6  h.  1/4.  A  la  fin 
de  juillet,  dans  le  but  d'assurer  la  protection  des  côtes 
allemandes,  on  avait  concentré  la  12®  division  d'infan- 
terie à  Hambourg,  la  2°  division  de  landwehr  à  Brème, 
la  division  de  landwehr  de  la  Garde  à  Hanovre,  puis. 


(1)  Ouvrage  du  grand  état-major,   l'"^  partie,  tome  P'",  pages 
215,  306  et  332. 


DES    CHEMIXS    DE    FER  61 

quelque  temps  après,  la  l"""  division  de  landwelir  à  Wis 
mar  et  à  Lùbeck.  D'après  l'ouvrage  précité  (1"  partie, 
page  119),  la  dislocation  de  ces  unités  s'opéra  avec  une 
telle  célérité  que,  douze  lieures  au  plus  après  l'ordre 
de  mouvement,  les  dernières  fractions  se  trouvèrent  em- 
barquées en  cKemin  de  fer^ 

Mais,  où  les  chemins  de  fer  eurent,  surtout,  une  in- 
fluence décisive  sur  l'issue  de  la  campagne  de  1870-1871, 
ce  fut  au  cours  des  opérations  exécutées  dans  le  Nord, 
pendant  la  période  comprise  entre  l'occupation  de 
Rouen  et  la  fin  de  décembre. 

A  cette  époque,  la  P®  armée  avait  pour  mission  de 
couvrir  l'investissement  de  Paris,  aussi  bien  contre  les 
forces  françaises  rassemblées  à  Cherbourg  que  contre 
celles  qui  occupaient  les  places  fortes  du  Nord,  et  de 
garder  avec  ses  faibles  ressources  Rouen,  Amiens  et  la 
ligne  de  la  Somme.  Grâce  à  la  mise  en  service  des  lignes 
ferrées  Roiien  -  Amiens  et  Amiens  -  Creil  -  Gonesse,  les 
ailes  de  la  P^  armée,  jusque-là  séparées,  purent,  en 
temps  opportun,  se  prêter  un  mutuel  appui  et  rendre 
effective  la  liaison  entre  cette  armée  et  celle  de  la 
Meuse  (1). 

Le  succès  de  la  campagne  dans  le  Nord  reposait  entiè- 
rement sur  l'aile  gauche  de  la  V^  armée;  l'approche  im- 
minente du  dénouement  sous  les  murs  de  Paris  faisait 
présumer  que  Eaidherbe,  auquel  des  renforts  considé- 
rables venaient  d'être  e?cpédiés  par  mer,  allait  sous  peu 
reprendre  l'offensive  avec  la  coopération  de  toutes  ses 
forces. 

Cette  prévision  justifiait  la  résolution  prise  par  nous 
de  prélever  jusqu'à  une  forte  division  sur  le  corps  d'occu- 
pation   de   Rouen,   oii   les   opérations   n'avaient   qu'une 


(1)   Comte  Vartensleben,    Opérations  de   la  Première   Armée, 
pages  76  et  suivantes. 


62  HISTOIEE    ET   ORGANISATION 

importance  secondaire,  et  de  diriger  sur  la  Somme  les 
troupes  devenues  ainsi  disponibles,  au  risque  d'aban- 
donner momentanément  la  position  de  Rouen  (1). 

Quant  à  la  marche  d'approche  de  la  I""*  armée,  l'en- 
nemi ne  paraît  pas  même  l'avoir  soupçonnée;  les  jour- 
naux français  rattachaient  ce  départ  inopiné  aux  événe- 
ments du  siège  de  Paris  et  le  croyaient  destiné  à  secou- 
rir l'armée  d'investissement.  En  fait,  l'apparition  de 
la  I""®  armée  fut  une  surprise  complète  pour  nos  adver- 
saires (2). 

La  ligne  Rouen  -  Amiens,  longue  de  15  milles,  sur 
laquelle  l'insuffisance  du  matériel  roulant  se  fit  vive- 
ment sentir,  ne  put  amener  sur  le  point  menacé  que 
trois  trains  par  jour,  aller  et  retour  compris.  Malgré 
cette  situation  précaire,  les  opérations  projetées  dans  le 
Nord  réussirent  pleinement  et  l'investissement  de  la 
capitale  n'eut  désormais  plus  rien  à  craindre  des  forces 
françaises  rassemblées  dans  le  Nord. 

La  I"  armée  et  celle  de  la  Meuse  disposèrent  donc 
simultanément  de  tout  le  réseau  septentrional,  tandis 
que  la  IIP  armée  continuait,  comme  auparavant,  à  uti- 
liser la  grande  ligne  Nancy  -  Epernay  jusqu'à  Nanteuil 
d'abord,  puis,  à  partir  du  23  septembre,  jusqu'à  Ligny 
et  Chelles. 

Les  chemins  de  fer  eurent  un  rôle  moins  heureux,  au 
point  de  vue  tactique,  lorsqu'il  s'agit  de  renforcer  l'ar^ 
mée  du  Nord,  en  prévision  de  la  bataille  de  Saint-Quen- 
tin (19  janvier  1871). 

Informé  par  le  grand  quartier  général  que  le  XIIP 
corps  pourrait  être  envoyé  d'Alençon  sur  Rouen,  ce  qui 
lui    permettrait   de    diriger    de    ce    point    de    nouveaux 


(1)  Ouvrage  du  grand  état-major,  1"  partie,  page  1005. 

(2)  Von  W.  Bluine,  major  aii  grand  état-major  général,  Opé^ 
rations  des  Années  aUcinnndrs  drptiis  la  bataille  de  Sedan  jusqu'à 
la  fin  de  la  guerre,  pages  98  et  206. 


DES    CHEMINS    DE    FER  63 

renforts  sur  la  Somme  (1),  le  général  von  Gœben  donna 
aussitôt  l'ordre  d'expédier  par  voiç  ferrée  3  bataillons 
et  1  batterie  de  Rouen  sur  Amiens,  pendant  que  la 
garnison  de  cette  dernière  ville  se  portait  sur  Ham  à 
marches  forcées.  L'armée  de  la  Meuse  reçut  du  grand 
quartier  général  l'ordre  de  mettre  une  brigade  et  une 
batterie  à  la  disposition  du  général  von  Gœben;  le 
transport  de  cette  brigade  à  Tergnier,  près  de  la  Fère, 
devait  commencer  le  19  janvier,  de  bonne  heure.  Mais 
le  manque  de  matériel  roulant,  joint  aux  difficultés 
mêmes  de  l'embarquement,  produisit  de  tels  retards  que 
le  l"""  bataillon  s'embarquait  seulement  le  18  janvier, 
à  10  heures  du  matin,  au  lieu  du  17,  et  que  le  19,  jour 
de  la  bataille,  le  dernier  bataillon  ne  parvenait  pas  à 
quitter  Gonesse  avant  midi.  En  réalité,  un  bataillon  de 
la  IG''  brigade  prit  part  à  l'action  décisive  ;  le  85^  régi- 
ment seul  fut  utilisé  pendant  le  combat;  il  n'y  eut  que 
4  bataillons  qui  se  trouvèrent  rendus  à  Tergnier;  quant 
aux  autres  fractions,  leur  mouvement  fut  suspendu  dans 
la  matinée  du  20  et  on  dut  leur  faire  reprendre  le  che- 
min de  Gonesse  (2). 

Après  avoir  énuméré  en  détail  les  exemples  histori- 
ques de  l'emploi  des  chemins  de  fer  sur  le  champ  de 
bataille,  du  côté  des  Allemands,  il  nous  reste  à  mention- 
ner succinctement  les  enseignements  pratiques  qui,  dans 
le  même  ordre  d'idées,  ont  été  recueillis  dans  le  camp 
opposé. 

Pendant  la  campagne  de  la  Loire,  28.000  hommes 
d'infanterie  appartenant  au  15®  corps  français  furent, 
en  deux  jours  (27  et  28  octobre  1870),  transportés  de 
Salbris  en  Sologne  ,par  Yierzon  et  Tours,  à  Mer  (près 


(l)  Comte  de  Moltke,  Histoire  de  la  guerre  fi-anco-allcmande 
de  1S70-71,  III,  pages  313,  317  et  suivantes. 

(2^  Schell,  Opéraiions  de  la  Première  Armée,  sous  les  ordres 
du  général  von  Gœben,  pages  106  et  153. 


G4  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

de  Blois)  et  à  Yendôme,  c'est-à-dire  de  la  rive  gauche 
sur  la  rive  droite  de  la  Loire,  sans  que  les  Allemanis 
aient  eu  le  moindre  soupçon  de  ce  déplacement  de 
troupes. 

Les  troupes  à  transporter  comprenaient  25.000  hom- 
mes d'infanterie,  2  régiments  de  cavalerie,  23  batteries, 
un  parc  d'artilerie  et  un  équipage  de  ponts.  La  distance 
à  parcourir  par  voie  de  terre  était  de  65  à  100  kilom., 
tandis  que  la  ligne  ferrée  destinée  au  transport  avait 
une  longueur  de  200  kilom.  Le  corps  d'armée  pouvait 
donc,  sans  trop  de  fatigue,  être  rendu  en  trois  jours  à 
destination.  Bien  qu'une  partie  de  la  ligne  utilisée  fût 
à  une  voie,  on  comptait  que  la  durée  du  mouvement  en 
chemin  de  fer  ne  dépasserait  pas  deux  jours. 

Le  25  octobre  au  soir,  arrivait  l'ordre  de  commencer 
les  transports  le  27,  à  la  première  heure.  La  chose  était 
d'autant  plus  difficile  qu'on  n'avait  pris  aucune  dispo- 
sition pour  l'aménagement  des  gares  d'embarquement. 
On  espérait  pouvoir,  entre  6  et  8  h.  1/2  du  matin,  for- 
mer toutes  les  demi-heures,  dans  la  petite  station  de 
Salbris,  7  trains  qui  devaient  emmener  8  bataillons, 
1  batterie  et  3.000  hommes  non  endivisionnés.  Mais  les 
préparatifs  étaient  tellement  insuffisants  que  le  pre- 
mier bataillon,  parti  du  camp  de  Salbris  le  27  à  11 
heures  du  matin,  ne  parvenait  à  s'embarquer  que  24 
heures  après  (le  28),  quittait  la  gare  à  midi  et  arrivait 
à  Blois  dans  la  soirée.  C'est  le  30  seulement,  au  lieu 
du  28,  que  le  parc  d'artillerie  et  le  matériel  de  ponts 
purent  être  chargés.  Tous  les  trains  subirent  des  retards 
considérables.  On  n'avait  rien  prévu  pour  l'alimentation 
des  hommes;  aussi,  en  arrivant  à  destination,  mou- 
raient-ils littéralement  de  faim.  L'administration  des 
chemins  de  fer  n'avait  reçu  aucune  instruction  concer- 
nant la  destination  à  donner  aux  unités  embarquées, 
dont  les  unes  devaient  être  dirigées  sur  Vendôme  et  les 


DES    CHEMINS    DE    FER  65 

autres  sur  Mer,  Pour  tromper  les  Allemands,  on  était 
allé  jusqu'à  lancer  une  partie  des  trains  dans  la  direc- 
tion du  Mans.  Une  fois  débarquées,  les  troupes  ne  se 
trouvèrent  pas  encore  en  mesure  de  marcher  à  l'ennemi. 
Les  bagages,  les  caissons  de  munitions  d'infanterie,  les 
munitions  d'artillerie  destinées  aux  calibres  les  plus 
divers,  ayant  été  déchargés  dans  des  stations  isolées,  au 
hasard  et  sans  égard  à  leur  emploi  ultérieur,  il  s'écoula 
plus  de  cinq  jours  avant  que  l'artillerie  pût  rendre 
compte  qu'elle  était  en  état  de  combattre.  La  cavalerie 
devait  débarquer  à  Blois  ;  mais,  faute  de  quais  et  de 
rampes  mobiles,  les  cavaliers  durent  rester  une  demi- 
journée  dans  les  wagons.  Par  suite  de  ce  manque  de 
préparation,  le  transport  exigea  dix  jours,  alors  qu'en 
trois  étapes  on  eût  pu   accomplir  le  même  trajet. 

Au  mois  de  novembre,  en  trois  jours,  40.000  hommes 
de  troupe  de  toutes  armes,  sous  lès  ordres  du  général 
Crouzat,  furent  amenés,  à  l'aide  de  88  trains,  de  Besan- 
çon à  Gien  sur  la  Loire.  Dans  la  campagne  de  la  Loire, 
les  trains  militaires  se  succédaient  avec  des  intervalles 
de  dix  minutes. 

La  tentative  faite,  à  la  fin  de  décembre,  pour  trans- 
poi'ter  par  chemin  de  fer  l'armée  du  général  Bourbaki 
de  la  Haute-Loire  dans  la  vallée  du  Doubs,  échoua 
cependant  par  suite  de  l'accumulation  des  troupes,  des 
munitions  et  des  vivres. 

Cet  échec  a  été  dii  souvent  à  ce  fait,  que  les  petites 
stations  situées  sur  la  voie  unique  qui  longeait  le  Doubs 
supérieur  se  prêtaient  mal  aux  débarquements;  en  outre, 
l'établissement  de  voies  de  circonstance  et  de  voies 
latérales,  qu'il  aurait  fallu  construire  à  la  hâte,  n'était 
pas  possible  à  cause  de  l'étroitesse  de  la  vallée. 

L'énorme  matériel  roulant  des  deux  grandes  compa- 
gnies (Paris-Lyon-Méditerranée  et  Paris-Orléans),  qui, 
sur  l'ordre   de   Bourbaki,   devaient   transporter   les   18* 

Organ.  cl.cm.  de  fer.  5 


66  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

et  20''  corps,  fut  utilisé  comme  a  magasins  volants  »  (1). 
Entre  Moulins  et  I^evers,  il  y  avait,  à  la  fin  de  décembre, 
1.800  voitures  affectées  à  ce  service;  au  commencement 
de  février  1871,  leur  nombre  atteignit  7.500.  Les  gares 
de  Dôle,  Clialon-sur-Saône,  Besançon,  avaient  toutes 
leurs  voies  littéralement  couvertes  de  trains  cbargés 
d'approvisionnements.  Les  lignes  se  trouvèrent  par  suite 
obstruées,  sans  que  les  250  locomotives  employées  à 
cette  fin  eussent  été  d'aucune  utilité. 

Le  20  décembre,  on  s'était  imaginé  que  le  transport 
des  18^  et  20^  corps  s'effectuerait  en  24  heures  ;  mais,  en 
fait,  il  n'était  pas  encore  entièrement  terminé  le  29 
décembre  (2). 

En  résumant  succinctement  les  leçons  tirées  de  l'his- 
toire militaire,  on  arrive  à  la  conclusion  suivante  :  le 
transport  de  G  bataillons  de  Rouen  à  Amiens,  en  prévi- 
sion de  la  bataille  de  l'Hallue  (23  décembre);  de  trois 
bataillons  d'Amiens  à  Eouen,  destinés  à  renforcer  la 
r^  armée,  démontre  d'une  façon  évidente  l'étendue  des 
services  que  l'emploi  rationnel  et  intégral  d'un  réseau 
ferré  est  susceptible  de  rendre,  surtout  dans  la  défensive 
tactique,  en  multipliant,  en  quelque  sorte,  les  forces 
du  défenseur  et  en  lui  donnant  la  faculté  d'étendre  son 
action  sur  des  espaces  hors  de  proportion  avec  la  fai- 
blesse de  ses  ressources.  Sur  ce  point,  l'état-major  alle- 
mand a  su  tirer  parti,  avec  un  bonheur  inespéré,  des 
moyens  mis  à  sa  disposition;  par  là,  il  a  posé  les  pré- 
misses d'un  succès  qui  eût  été  irréalisable  sans  le  se- 
cours et  la  coopération  des  chemins  de  icr  (o). 


(1)  En  français  dans  le  texte. 

(2)  Baron  Ernouf,  Histoire  des  Chemins  de  fer  français  pen- 
dant la  guerre  franco-allemande.  (Paris  1874,  Librairie  géné- 
rale.) 

(3)  Schell,  Opérations  de  la  Première  Armée,  sous  les  ordres  du 
général  de  Gœhrn,  pa^es  106  et  153.  —  Ouvrage  du  grand  état- 
major,  1''^  partie,  page  119. 


DES    CHEMINS    DE    FER  G7 

D'autre  part,  le  transport  de  la  16^  brigade  d'iniau- 
terie  de  Gonesse  à  Tergnier,  à  l'occasion  de  la  bataille 
de  Saint-Quentin,  et  celui  de  l'armée  de  Bourbalii,  de 
la  Haute-Loire  dans  la  vallée  du  Doubs,  prouvent  suffi- 
samment les  dangers  que  présente,  dans  des  circons- 
tances défavorables,  l'emploi  tactique  des  voies  ferrées, 
au  cours  même  des  opérations. 

De  ces  divers  incidents  de  la  guerre  de  1870-1871  ciue 
nous  venons  d'examiner,  il  résulte,  tout  d'abord,  que 
si  l'on  veut,  à  l'aide  des  cKemins  de  fer,  renforcer,  en 
temps  utile,  les  ailes  d'une  armée  lorsqu'elles  sont  iso- 
lées, afin  d'obtenir  un  plus  grand  déploiement  de  forces 
en  vue  d'un  effort  décisif,  il  faut,  avant  tout,  que  le 
transport  des  troupes  puisse  s'effectuer  avec  une  sécurité 
absolue. 

En  second  lieu,  il  ressort  également  de  l'iiistoire  de 
cette  campagne  qu'il  ne  faut  songer  à  employer  les 
chemins  de  fer,  dans  le  sens  envisagé  ici,  que  si  les 
sections  utilisées  sont,  avant  toutes  cboses,  pourvues, 
en  quantité  suffisante,  de  matériel  roulant  de  voies  de 
garage,  de  quais  d'embarquement,  de  rampes  de  cbarge- 
ment,  de  réservoirs,  etc.;  sans  quoi  il  serait  désastreux 
de  chercber  à  en  tirer  parti,  soit  en  pays  conquis,  soit 
même  en  territoire  national. 

Ces  conditions  particulières  de  l'emploi  des  chemins 
de  fer  et  les  mesures  à  prévoir  dans  chaque  cas  ne 
peuvent,  bien  entendu,  être  déterminées  qu'à  la  suite 
d'un  examen  personnel  et  approfondi  des  chefs  présents 
sur  les  lieux;  aussi,  selon  toute  vraisemblance,  les  cir- 
constances où  l'on  pourra  désormais  recourir  à  cet  em- 
ploi seront-elles  toujours  plus  rares.  Malgré  la  perte  de 
temps  occasionnée  souvent  par  l'embarquement  et  le 
débarquement,  qui  ne  peuvent  avoir  lieu  qu'en  un  point 
déterminé,  malgré  la  rupture  momentanée  des  liens  tac- 
tiques qui  en  résulte,  l'utilisation  des  chemins  de  fer 


68     HISTOIRE  ET  OEGAXISATIOX  DES   CIIEMIXS  DE   FER 

en  vue  du  combat  rendra,  dans  tous  les  cas,  de  réels 
services  dans  la  guerre  de  siège,  dans  les  engagements 
livrés  autour  des  grands  camps  retranchés  pourvus  d'un 
chemin  de  fer  de  ceinture,  ou  encore,  pour  la  défense 
de  positions  étendues  situées  en  pays  de  montagne,  sur 
de  grands  fleuves  ou  sur  les  côtes. 

Quoi  qu'il  en  soit,  comme  nous  le  verrons  plus  loin, 
l'emploi  tactique  des  chemins  de  fer  de  ceinture  dans 
les  places  fortes,  qu'il  s'agisse  de  faciliter  une  sortie 
ou  de  repousser  un  assaut,  jouera  un  rôle  important 
dans  les  guerres  futures. 


YII 


Emploi  tactique  des  chemins  de  fer  de  forteresses. 


Nous  allons  passer  maintenant  à  l'étude  de  la  ques- 
tion suivante  : 

Est-il  possible,  et  dans  quelle  mesure,  de  faire  inter- 
venir sur  le  terrain  de  la  lutte  les  chemins  de  fer  de 
ceinture  ou  ceux  construits  pour  contourner  les  places 
fortes  ? 

Cette  question  nous  amène  à  parler  de  la  guerre  de 
siège,  dans  laquelle  ces  deux  catégories  de  voies  ferrées 
ont  été,  jusqu'ici,  presque  exclusivement  utilisées. 

L'importance  des  forteresses,  comme  places  de  dépôt 
en  temps  de  guerre,  ressort  avec  une  telle  netteté  de 
l'histoire  de  la  dernière  campagne  qu'il  est  inutile 
d'entrer  à  ce  sujet  dans  de  plus  amples  développe- 
ments (1).  A  l'appui  de  cette  constatation  vient  encore 
s'ajouter  le  rôle  capital  dévolu  à  la  protection  des  lignes 
ferrées. 

Aujourd'hui,  on  fortifie  les  grandes  villes  surtout 
parce  qu'elles  constituent  des  nœuds  ferrés;  enfin,  on 
construit  des  forts  d'arrêt  précisément  aux  points  de 
passage  les  plus  importants  des  chemins  de  fer.  D'après 
le   général-major  Meckel,   auteur  des  Leçons  générales 


(1)  Leer,  Mémoire  siw  la  Stratégie,  page  137.  —  Clausewitz, 
De  la  Guerre,  II,  210.  —  Von  Scherff,  Leçons  sur  l'emploi  des 
troupes,  etc.,  91.  —  Blume,  Stratégie,  page  244. 


70  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

de  conduite  des  troupes  (1),  la  guerre  de  siège  est  appe- 
lée à  tenir  une  place  de  premier  ordre  dans  les  cam- 
pagnes futures,  étant  donné  que  l'envahisseur  sera  obligé 
de  rassembler  de  puissants  moyens  d'action  pour  venir 
à  bout  de  pareils  obstacles. 

Les  grandes  places  d'armes  de  notre  système  de  forti- 
fication moderne  ont  besoin,  par-dessus  tout,  de  lignes 
ferrées  en  nombre  suffisant,  de  telle  sorte  que,  dans  le 
laps  de  temps  souvent  très  court  qui  s'écoulera  entre  la 
menace  de  l'investissement  et  l'investissement  lui-même, 
il  soit  possible  de  pourvoir  à  l'augmentation  des  res- 
sources de  ces  forteresses  en  hommes,  en  munitions  et 
en  vivres;  enfin,  d'évacuer  en  lieu  sûr,  dès  qu'il  en 
est  besoin,  l'armement  destiné  aux  réserves,  qui  y  est 
déposé. 

En  ce  qui  concerne  les  quelques  dépôts  d'armes  cons- 
titués à  Strasbourg  et  à  Metz,  les  Français  —  chose 
incroyable  —^  omirent  d'en  évacuer  le  contenu  en  temps 
opportun.  On  peut,  sans  crainte  de  se  tromper,  faire 
remonter  la  cause  de  cette  omission  au  défaut  d'orga- 
nisation des  chemins  de  fer  qui  desservaient  ces  deux 
places. 

Les  proportions  gigantesques  de  la  guerre  moderne, 
la  précision  et  la  puissance  du  nouvel  armement  de 
l'infanterie  et  de  l'artillerie  ont  exercé  une  influence 
parallèle  sur  le  tracé  et  la  construction  des  camps  re- 
tranchés et  ont  permis  de  donner  à  ceux-ci  un  déve- 
loppement beaucoup  plus  considérable  qu'autrefois.  Ce 
développement  s'impose  partout  où  l'on  a  reconnu  la 
nécessité  de  se  soustraire  aux  effets  d'un  bombardement 
ou  du  tir  à  revers  et  de  rendre  plus  difficiles  l'investis- 
sement et  l'attaque  proprement  dite.  TJne  pareille  exten- 


(1)  Voir  aussi  Place  forte  et  Armée  de  campagne,  étude  parue 
dans  le  2«  fascicule  du  Militair  Wochenhlatt,  1878. 


DES    CHEMINS    DE    FEE.  71 

sion  des  fortei^esses  devait  avoir  pour  conséquence  natu- 
relle l'établissement  de  voies  provisoires  extérieures 
et  intérieures  (1)  destinées  à  relier  les  ouvrages  détacliés 
et  l'enceinte  avec  les  gares,  les  magasins  et  les  dépôts, 
mis  eux-mêmes  en  communication  par  une  voie  spéciale 
avec  les  forts  et  les  bastions  de  la  place.  Ce  réseau  inté- 
rieur, couvert  par  l'enceinte,  peut  en  même  temps  servir 
au  transport  de  batteries  à  tir  indirect  et  sera  remplacé, 
là  où  il  fait  défaut,  par  des  installations  provisoires  ou 
des  locomotives  routières. 

Le  chemin  de  fer  de  Ceinture  de  Paris,  qui  a  joué  un 
si  grand  rôle  dans  la  défense  de  la  capitale  en  1870, 
devait,  à  coup  sûr,  servir  de  modèle  pour  toutes  les 
places  fortes.  A  ce  propos,  il  ne  sera  pas  sans  intérêt 
de  pénétrer  un  peu  plus  avant  dans  l'étude  des  ensei- 
gnements que  nous  offre  l'histoire  militaire. 

«  Dans  la  nuit  du  20  au  21  décembre  1870,  les  che- 
mins de  fer  de  Ceinture,  de  l'Ouest  et  de  l'Est  effec- 
tuèrent dans  Paris  un  transport  de  20.000  hommes.  On 
avait  prescrit  de  supprimer  tout  éclairage  sur  les  sec- 
tions utilisées  et  même  dans  les  voitures;  malgré  cela, 
l'opération  s'accomplit  avec  un  ordre  et  une  précision 
absolus.  10.000  hommes  partirent  de  la  presqu'île  de 
Grennevilliers  et  furent  répartis  en  8  trains,  de  6  à 
9  heures  du  soir.  Entre  minuit  et  6  heures  du  matin, 
8  trains  amenèrent  également,  de  Nogent-sur-Marne  à 
Noisy-le-Sec,  10.000  hommes  (2)  de  renfort  au  corps 
chargé  de  l'attaque  dû  Bourget  et  du  Drancy  (2^  corps, 
Ducrot). 


(1)  Le  chemin  de  fer  de  ceinture  (Eiicircling,  Circuler  Bailway, 
Gûrtdbahn  ou  Ringhahn)  est  celui  qui  entoure  le  territoire  d'une 
forteresse  ou  d'une  ville  ouverte;  suivant  qu'il  est  tracé  dans 
l'enceinte  de  la  place  ou  en  dehors  de  celle-ci,  il  est  dit  intérieur 
ou  extérieur. 

(2)  Les  Chemins  de  fer  pendant  la  guerre  de  1870-1871,  par 
Jacquemin  (Paris,  librairie  Hachette,  1872). 


72  HISTOIRE    ET    ORGAXISATIOX 

Ce  fait  montre  clairement  le  rôle  important  qu'un 
cL.emin  de  fer  de  ceinture,  dont  le  tracé  est  compris  dans 
le  périmètre  des  ouvrages  extérieurs,  est  appelé  à  jouer 
dans  la  défense  des  grands  camps  retranchés;  il  prouve 
également  la  nécessité  de  pourvoir  ceux-ci  d'installa- 
tions de  ce  genre,  afin  de  leur  permettre  d'en  tirer  tout 
le  profit  désirable. 

Dans  cette  même  campagne,  l'occasion  s'est  présentée, 
pour  l'envaliisseur,  de  renforcer  rapidement  les  garni- 
sons de  certaines  places  en  ayant  recours  aux  chemins 
de  fer.  Tel  fut  le  cas  lorsque,  prenant  l'offensive  dans 
la  direction  de  la  forteresse  de  la  Fère,  l'armée  fran- 
çaise vint  menacer  nos  communications  avec  la  I''*  armée 
allemande;  deux  bataillons  et  deux  batteries  du  corps 
du  général  Manteuftel,  après  avoir  été  transportés  en 
chemin  de  fer,  furent  mis  à  la  disposition  du  gouver- 
neur général  de  Heims  pour  renforcer  les  garnisons  de 
Soissons  et  de  Laon. 

Les  événements  de  la  dernière  campagne  nous  four- 
nissent des  éléments  suffisants  pour  pouvoir  conclure 
que,  dans  la  prochaine  guerre,  il  faudra  user  largement 
de  la  fortification  pour  protéger  les  principales  gares 
ainsi  que  les  ateliers  et  les  dépôts  des  chemins  de  fer. 
Afin  d'empêcher  la  destruction  de  ces  établissements 
par  le  tir  de  l'artillerie  ennemie,  les  grandes  puissances 
ont  admis,  dans  leur  plan  de  défense,  le  principe  de  la 
construction  d'épaulements  de  batteries  sur  des  points 
appropriés,  c'est-à-dire  situés  à  des  distances  convena- 
bles et  couverts  par  des  tranchées  pour  tireurs  d'infan- 
terie. Celles-ci  serviront  principalement  à  assurer  la 
protection  de  batteries  à  tir  indirect  et  la  prompte  arri- 
vée des  réserves  d'infanterie  (1). 

A  l'heure  actuelle,  l'Allemagne  possède  des  chemins 

'(1)  La  Fortification  aujourd'hui  et  demain,  par  le  colonel  von 
Giese. 


DES    CHEMINS    DE    FEE  73 

de  fer  militaires  à  Metz,  Strasbourg,  JJlm,  Posea  et 
Magdeboiirg;  la  France  à  Paris,  Langres,  Reims,  Lyon, 
Yei'dun,  Toul  et  Epinal  ;  la  Russie  à  Kiew.  Paris,  en 
particulier,  est  doté  d'un  réseau  très  complet  de  lignes  à 
voie  étroite  qui,  en  reliant  entre  eux  les  ouvrages  isolés, 
facilite  beaucoup  la  mise  en  place  de  l'armement. 

Des  considérations  qui  précèdent  il  résulte  qu'étant 
donnée  la  difficulté  de  réaliser  les  conditions  indispen- 
sables de  sécurité  que  réclame  l'utilisation  des  chemins 
de  fer  dans  une  bataille  en  rase  campagne,  on  aura  rare- 
ment l'occasion  de  s'en  servir  pour  ou  pendant  le  com- 
bat; par  contre,  il  en  sera  tout  autrement  dans  la  dé- 
fense de  nos  camps  retrancbés  actuels.  Ici,  en  effet,  les 
cbemins  constituent,  au  point  de  vue  tactique,  un  des 
plus  puissants  moyens  d'action,  vu  que  leur  exploita- 
tion trouve,  dans  les  ouvrages  de  la  place  ou  les  forts 
d'arrêt,  toutes  les  garanties  de  sécurité  désirables. 

Grâce  à  leur  organisation  tecbnique  perfectionnée, 
les  chemins  de  fer  militaires  seront  donc,  à  toutes  les 
phases  d'un  siège,  une  aide  réelle  et  efficace,  tant  pour 
donner  à  la  défense  proprement  dite  le  moyen  d'exé- 
cuter des  sorties  ou  de  repousser  des  attaques,  que  pour 
faciliter  l'évacuation  des  approvisionnements  de  réserve 
contenus  dans  les  arsenaux. 

Nous  croyons  nous  être  suffisamment  étendu  sur  le 
mode  d'installation  et  d'emploi  des  chemins  de  fer  cir- 
culaires dans  la  défense  des  places;  il  nous  reste,  à  pré- 
sent, à  faire  une  étude  analogue  sur  les  chemins  de  fer 
que  les  armées  d'opérations  auront  à  construire  pour 
contourner  les  forteresses. 

C'est  la  campagne  de  1870-71  qui,  la  première,  a  in- 
troduit dans  l'art  militaire  moderne  la  construction  de 
ce  genre  de  voies  ferrées.  A  notre  avis,  leur  application 
à  la  tactique  dans  les  guerres  à  venir  aura  vraisembla- 
blement une  importance  d'autant  plus  grande  que  leur 


74  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

établissement  et  leur  utilisation  seront  imposés  davan- 
tage par  le  nombre,  la  puissance  et  l'étendue  des  ou- 
vrages fortifiés  qui  commandent  les  principales  lignes 
de  chemins  de  fer. 

Le  fait  que,  chez  la  plupart  des  grandes  puissances, 
les  troupes  de  campagne  sont  pourvues  de  chemins  de 
fer  de  campagne  transportables,  appelés  aussi  chemins 
de  fer  volants,  et  de  ponts  démontables,  dénote  bien 
l'intention  arrêtée  de  mettre  ce  matériel  en  service 
partout  où  la  nécessité  s'en  fera  sentir.  On  est  encore 
allé  plus  loin  en  France,  où,  dès  le  temps  de  paix,  on 
a  fortifié  certains  points  de  la  frontière  de  l'Est  pour 
interdire  à  l'envahisseur  la  construction  de  lignes  d'évi- 
tement;  tel  est,  à  n'en  pas  douter,  le  rôle  assigné  à 
l'ouvrage  des  Paroches,  que  l'on  a  intercalé  dans  la 
ligne  des  forts  de  la  Meuse,  en  face  du  confluent  du 
ruisseau  de  Rupt  avec  cette  rivière;  tel  est  aussi  celui 
du  fort  de  Pagny-la-Blanche-Côte,  à  15  kilom.  au  sud 
de  Toul,  qui  s'oppose  à  l'établissement  d'une  voie  pou- 
vant contourner  cette  place  par  Vézelise,  Colombey  et 
Gondrecourt. 

Le  17  août  1870,  à  Remilly,  l'avant- dernière  station 
avant  d'arriver  à  Metz,  on  entreprit  la  construction  d'un 
chemin  de  fer  qui  devait  passer  au  sud  de  cette  place. 
Partant  de  Remilly,  il  avait  pour  but  d'établir  une  com- 
munication, à  l'abri  de  toute  tentative  de  l'ennemi,  entre 
les  lignes  ferrées  aboutissant  à  l'est  et  à  l'ouest  de  Metz, 
dont  il  devait  en  même  temps  faciliter  l'investissement. 
Ce  chemin  de  fer  passait  par  Remilly,  Luppy,  Pont-à- 
Mousson  et  rejoigniait  ensuite  celui  de  Frouard  à  Paris. 
Un  millier  de  terrassiers  allemands  furent  occupés  à 
l'achèvement  de  ce  tronçon  d'une  longueur  de  5  milles, 
qui  devait  être  terminé  en  vingt  jours  et  dans  lequel 
on  avait  évité  tout  travail  pouvant  occasionner  une 
perte  de  temps.  Malheureusement,  en  raison  des  diffi- 


DES    CHEMINS   DE    FEE.  75 

cultes  presque  insurmontables  du  terrain,  la  voie  ne 
put  être  livrée  à  l'exploitation  en  grand  que  le  26  sep- 
tembre. Toutefois,  comme  certaines  portions  de  lignes, 
situées  dans  le  voisinage  immédiat  de  la  place,  se  trou- 
vaient dans  le  rayon  d'action  des  forts  et  étaient,  par 
suite,  demeurées  au  pouvoir  de  l'assiégé,  ce  dernier 
les  utilisa  dans  sa  sortie  du  27  septembre.  C'est  ainsi 
qu'un  train  venu  de  Metz  à  toute  vapeur  s'avança  jus- 
qu'à Peltre,  où  il  surprit  nos  troupes. 

Mais  examinons  ce  fait  avec  plus  d'attention.  Ce 
même  jour,  après  avoir  poursuivi  nos  avant-postes,  la 
brigade  Duplessis  s'empara  de  Mercy-le-Haut.  Après 
quelques  coups  de  canon  tirés  par  l'artillerie  française, 
la  brigade  Lapasset  prend  sa  formation  de  combat  et 
dirige  le  14^  bataillon  de  cliasseurs  à  pied,  ainsi  que  le 
97®  régiment  d'infanterie,  contre  Peltre,  et  le  84®  contre 
Crépy.  Au  même  moment,  débouche  d'une  trancbée  du 
cbemin  de  fer,  située  à  l'ouest  de  Peltre,  le  12®  bataillon 
de  chasseurs,  qui  se  porte  à  l'attaque  de  la  lisière  sud 
de  Crépy  et  des  points  de  passage  du  ruisseau  de  Saint- 
Pierre.  Ce  bataillon,  qui  faisait  partie  du  2®  corps  fran- 
çais, avait  été  amené  en  chemin  de  fer,  tandis  qu'un 
détachement  poussé  au  sud,  dans  la  direction  de  Magny, 
couvrait  son  mouvement   (1). 

Cet  exemple,  aussi  clair  que  significatif,  montre  que 
les  Français  avaient,  eux  aussi,  compris  tout  le  parti 
qu'ils  pouvaient  tirer  des  chemins  de  fer  avoisinant  la 
forteresse. 

L'état-major  allemand  avait  eu  le  pressentiment  — 
justifié  du  reste  par  les  événements  —  que,  malgré  les 
succès  d'une  campagne  victorieuse,  il  lui  faudrait  des 
semaines,  peut-être  même  des  mois,  pour  se  rendre  maî- 
tre d'une  place  douée,  comme  Metz,  d'une  force  de  résis- 

(1)  Ouvrage  du  grand  état-major,  II,  I,  pago  275. 


76  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

tance  où  l'art  était  secondé  par  la  nature,  c'est-à-dire 
avant  de  pouvoir  disposer  librement  de  la  ligne  de 
Sarrbruck  jusqu'à  la  Moselle  et,  plus  tard,  jusqu'à 
Paris.  Aussi,  dès  le  début  de  la  guerre,  avait-il  conçu 
le  projet  de  contourner  Metz  au  moyen  d'une  voie  de 
raccordement. 

Ce  plan  était  déjà  arrêté  dans  ses  grandes  lignes  à 
l'instant  même  où  l'ennemi  essuyait  ses  premières  dé- 
fait^^s  à  Spickeren,  Wissembourg  et  Wœrtli,  alors  que 
les  avant-gardes  des  I"  et  11^  armées  couronnaient  à 
peine  les  bauteurs  de  Saint-Avold. 

La  voie  ferrée  en  question  francbissait  la  Seille  et  la 
Moselle,  ainsi  que  les  deux  lignes  de  partage  entre  jSTied 
et  Seille  et  entre  Seille  et  Moselle.  Dans  leurs  plus  gran- 
des dépressions,  ces  lignes  de  partage  possèdent  encore 
un  commandement  de  près  de  200  pieds  au-dessus  du  lit 
des  deux  rivières  et  présentent,  la  plupart  du  temps, 
une  configuration  mouvementée  et  difficile.  Jusqu'à 
Remilly,  d'une  part,  et  jusqu'à  Pont-à-Mousson,  de  l'au- 
tre, les  matériaux  employés  à  la  superstructure  étaient 
amenés  en  cbemin  de  fer;  en  ces  points  commençaient 
les  transports  sur  roues  à  destination  des  points  inter- 
médiaires du  tracé.  En  raison  de  la  rapidité  avec  la- 
quelle le  travail  devait  être  mené,  il  ne  fallait  pas,  en 
effet,  se  contenter  de  l'entreprendre  par  les  deux  extré- 
mités seulement.  Le  procédé  américain  consistant  à  aller 
toujours  droit  devant  soi,  qui  avait  si  bien  réussi  lors 
de  la  construction  du  cbemin  de  fer  du  Pacifique,  dut 
être  rejeté,  et  l'on  installa,  entre  les  deux  points  ter- 
minus, un  certain  nombre  de  cbantiers  qui  fonctionnè- 
rent simultanément.  Quatre  grands  ponts  ou  viaducs 
furent  restaurés  et  l'on  exécuta  plusieurs  remblais  et 
trancbées  d'un  profil  considérable. 

Au  point  de  vue  tactique,  cette  ligne  offrit  une  pré- 


DES    CHEMINS    DE    FER  77 

cieuse  ressource  pour  l'investissement  de  Metz,  qui  com- 
mença après  la  bataille  de  Noisseville. 

Lorsque,  à  l'aide  de  nouvelles  stations,  on  eut  com- 
plété le  réseau  télégrapliique  et  établi,  de  Maizières, 
une  communication  avec  le  corps  d'observation  de 
Thionville  ;  lorsqu'enfin  on  eut  augmenté  le  nombre  des 
ponts  sur  la  Seille  et  la  Moselle,  rien  ne  s'opposa  plus 
désormais  à  l'achèvement  du  blocus,  et  l'armée  assié- 
geante put  reprendre  le  contact  avec  la  mère  patrie. 

Dans  la  même  campagne,  un  deuxième  chemin  de 
fer  de  contournement,  mais  plus  considérable  que  Te 
précédent  et  dont  la  construction  présenta  de  grandes 
difficultés  (il  comportait  des  remblais  de  7  à  8  mètres  et 
des  tranchées  de  G  mètres),  fut  achevé  par  l'armée  alle- 
mande en  vingt-trois  jours.  Nous  voulons  parler  de  celui 
qui  contournait  le  tunnel  de  Nanteuil. 

Toutefois,  la  destination  de  cette  ligne  n'avait  nul- 
lement un  caractère  tactique,  puisqu'elle  servit  exclu- 
sivement au  rétablissement  des  communications  avec 
l'arrière. 

Si,  maintenant,  nous  résumons,  en  quelques  mots, 
les  enseignements  tirés  de  l'histoire  militaire,  nous  arri- 
vons à  cette  conclusion  que  les  chemins  de  fer  de  forte- 
resses sont  surtout  destinés  à  servir  en  vue  du  combat, 
que  leur  utilisation  convient  parfaitement  à  la  défense 
et  permet  à  l'assiégé  de  s'assurer  la  supériorité  numé- 
rique sur  les  points  où  il  le  juge  nécessaire.  Par  contre, 
ceux  qui  contournent  les  places  fortes  ne  possèdent 
naturellement  pas  une  valeur  tactique  absolue,  puisque 
en  principe,  c'est  l'armée  d'invasion  qui  les  emploie. 

Néanmoins,  même  dans  le  cas  d'une  rencontre  en 
rase  campagne,  on  peut  concevoir  la  possibilité  de  les 
utiliser  tactiquement,  quand  l'un  des  partis  engage 
l'action  en  s'appuyant  sur  une  ville  fortifiée  qui  lui 
garantit  la  sécurité  de   son  réseau  ferré  en  arrière   de 


78  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

sa  ligne  de  bataille,  et  lui  permet  de  faire  venir  sans 
danger  ses  troupes  et  ses  munitions  (1). 

Si,  en  vue  de  protéger  l'ensemble  du  réseau  ferré,  on 
a  déploj^é  partout  la  même  activité  pour  parachever  le 
système  défensif  du  territoire  national,  assiégés  et  assié- 
geants seront  conduits  respectivement  à  mettre  à  profit, 
dans  une  même  mesure,  les  chemins  de  fer  des  places 
fortes  et  ceux  destinés  à  les  contourner.  La  loi  du  28 
juillet  1892  sur  les  lignes  à  voie  étroite  aura  peut-être 
pour  conséquence  d'amener  les  constructeurs  à  faire, 
dans  leurs  plans,  une  part  égale  aux  intérêts  militaires 
et  aux  intérêts  économiques. 

Au  point  de  vue  militaire,  il  est  vrai,  ces  sortes  de 
lignes  ferrées  ne  possèdent  une  valeur  réelle  qu'au  delà 
des  frontières  où  les  bonnes  communications  routières 
font  défaut  et  où  cependant  elle  doivent  être  aménagées 
au  plus  tôt.  Il  ne  faudra  donc  pas  les  oonsidérer  comme 
inutiles,  au  point  de  vue  militaire,  dans  le  voisinage 
des  forteresses,  pourvu  que  l'écartement  des  rails,  les 
machines  et  les  voitures  permettent  de  les  employer  au 
service  de  l'armée  (2).  Comme  le  prouve  l'exemple  du 


(1)  L'auteur  anonyme  d'un  très  remarquable  travail,  De  l'Uti- 
lisation des  Chemins  de  fer  dans  les  opérations  militaires  et  du 
conihat  dans  le  roisinagr  des  voies  ferrées  (Leipzig,  Brockhans, 
1882)  va  jusqu'à  prétendre  que,  si  la  ligne  Metz  -  Verdun  avait 
été  livrée  à  l'exploitation  en  1870,  elle  eût  pu,  dans  cet  ordre 
d'idées,  jouer  un  rôle  décisif  dans  les  journées  des  16  et  18  août. 
Il  est  admissible,  eu  efifet,  qu'après  s'être  rendu  un  compte  exact 
de  la  situation  à  la  date  du  16,  l'état-major  français  n'eût  pas 
hésité  à  profiter  de  l'occasion  qui  lui  était  offerte  et  se  fût  con- 
vaincu que  l'unique  chance  de  succès  pour  lui  résidait  dans  l'en- 
veloppement de  l'aile  gauche  de  l'année  allemande. 

(2)  On  sait  qu'en  France  l'écartement  de  la  voie  est  fixé  à 
0  m.  60,  pour  les  chemins  de  fer  militaires  et  qu'on  devra  adopter 
cette  dimension  pour  tous  les  chemins  de  fer  d'intérêt  privé  qui 
seront  créés  à  l'avenir.  Cet  écartement  se  rencontre  déjà  dans  la 
plupart  des  lignes  d'intérêt  local,  forestières,  industrielles,  qui 
existent  en  Allemagne.  De  même  ledit  écartement  —  autant  du 
moins  que  la  chose  a  pu  transpirer  de  part  et  d'autre  dans  le 
public  —  a  été  reconnu  par  les  états-majors  russe  et  allemand 


DES    CHEMINS    DE    FER  79 

chemin  de  fer  de  Bosnie  construit  sur  une  longueur 
de  78  kilom.,  avec  un  écartement  de  0",76,  il  faut  met- 
tre de  côté  le  préjugé  en  vertu  duquel  les  chemins  de 
fer  à  voie  normale  auraient  seuls  une  valeur  militaire. 
Primitivement,  c'est-à-dire  lors  de  l'entrée  des  Autri- 
chiens en  Bosnie,  cette  ligne  était  destinée  au  service 
exclusif  du  corps  expéditionnaire;  plus  tard,  lorsque 
son  installation  et  son  organisation  furent  entièrement 
terminées,  elle  servit  d'une  manière  très  satisfaisante 
au  trafic  ordinaire,  sous  le  contrôle  de  l'autorité  mili- 
taire. Construite,  au  début,  avec  des  procédés  sommaires, 
elle  subit  petit  à  petit  une  transformation  complète, 
grâce  à  l'activité  d'une  administration  aussi  intelligente 
que  dévouée  ;  aussi,  à  l'heure  actuelle,  suffit-elle  à  iin 
trafic  qui,  d'ordinaire,  ne  se  réalise  que  sur  les  grandes 
lignes.  Le  choix  de  la  largeur  de  la  voie  a  été  déterminé 
par  cette  circonstance  que  les  locomotives  et  les  wagons 
destinés  au  chemin  de  fer  de  la  Bosnie  avaient  pu  être 
transportés  directement  des  chantiers  de  construction 
de  la  ligne  Temesvar  -  Orsova,  oii  ils  avaient  été  em- 
ployés aux  travaux  de  terrassements.  Pendant  une 
exploitation  de  dix  années,  le  rendement  des  voitures 
à  marchandises  s'est  élevé  de  2  à  10  tonnes,  en  sorte 
que  les  wagons  à  trois  essieux  de  la  voie  en  question 
donnaient  un  rendement  égal  à  celui  des  wagons  à  deux 


comme  répondant  parfaitement  aux  besoins  militaires.  Parmi  les 
avantages  essentiels  de  cet  écartement,  nous  citerons  la  faculté 
d'utiliser  les  chemins  de  peu  de  largeur  sans  nuire  à  la  circula- 
tion ordinaire,  la  souplesse  plus  grande  du  tracé,  la  possibilité 
d'employer  des  courbes  de  rayon  plus  faible,  la  facilité  d'adapta- 
tion aux  régions  montagneuses  et  à  leur  réseau  routier,  l'écono- 
mie réalisée  dans  l'installation  et  l'exlpoitation  des  raccorde- 
ments avec  les  établissements  industriels  et  agricoles.  (Résultats 
obtenus  à  la  suite  des  recherches  et  des  manœuvres  exécutées  par 
la  Brigade  prussienne  des  chemins  de  fer,  en  vue  de  la  construc- 
tion et  de  l'exploitation  des  voies  de  0  m.  60;  publiés  dans  le 
Journal  de  VA'isociation  des  Employés  de  chemins  de  fer  alle- 
mands, n°  78,  année  1893.) 


80  HISTOIRE    ET   ORGANISATION 

essieux  habituellement  utilisés  sur  les  chemins  de  fer 
à  voie  normale. 

La  conclusion  à  tirer  de  ces  faits,  c'est  que  l'autorité 
militaire  ne  devra  pas  traiter  en  quantité  négligeable 
les  lignes  à  voie  étroite  dans  les  guerres  de  forteresses 
de  l'avenir.  Comme  l'article  4  de  la  Constitution  de 
l'Empire  ne  place  les  chemins  de  fer  sous  l'autorité  du 
pouvoir  législatif  et  sous  le  contrôle  de  l'Etat,  qu'en 
vue  des  intérêts  de  la  défense  du  pays  et  du  trafic  géné- 
ral, les  lignes  à  voie  étroite  n'ont  pas  encore  été  consi- 
dérées comme  des  chemins  de  fer  au  point  de  vue  légal 
et  n'ont  pas  été  traitées  comme  tels. 

Cependant,  la  prise  en  considération  des  besoins  de  la 
défense  du  pays  —  pour  laquelle  la  loi  prussienne  sur 
les  chemins  de  fer  du  3  novembre  1838,  ainsi  que  les 
autres  lois  basées  sur  cette  première,  mettent  à  contri- 
bution, dans  une  large  mesure,  les  chemins  de  fer  propre- 
ment dits  —  à  l'heure  actuelle,  s'impose  aussi,  bien  que 
dans  une  proportion  restreinte,  aux  lignes  à  A'oie  étroite. 
Dans  la  réglementation  des  transports,  cette  loi  a  défini 
les  conditions  auxquelles  devaient  satisfaire  ces  dernières, 
en  vue  des  intérêts  de  la  défense  nationale.  Toici  ces 
conditions  : 

Le  19  novembre,  comme  annexe  à  l'ordonnance  du  22  août 
1892,  les  ministres  des  Travaux  publics  et  de  l'Intérieur  ont 
édicté  les  mesures  suivantes,  en  exécution  des  §§  8  (l"  alinéa) 
et  9  de  la  loi  sur  les  chemins  de  fer  à  voie  étroite  et  sur  leurs 
raccordements  avec  des  établissements  particuliers.  Ces  me- 
sures définissent  les  obligations  imposées  aux  entrepreneurs, 
en  vue  de  sauvegarder  les  intérêts  de  la  défense  nationale. 

§  8,  l"  alinéa. 

Quand  les  chemins  de  fer  à  yoie  étroite  (à  traction  mécani- 
que ovx  animale)  traversent  des  places  fortes  ou  s'appro- 
chent, en  totalité  ou  en  partie,  des  ouvrages  extérieurs,  à 
moins  de  15  kilomètres,  les  pièces  à  l'appui  de  la  demande 
d'autorisation,  en  ce  qui  concerne  la  partie  technique  (or- 
donnance du  22  août  précitée,  §  5),  doivent,  au  préalable, 


DES    CHEMINS    DE    FER  81 

être  soumises  à  l'examen  du  gouverneur  de  la  forteresse. 
L'autorisation  de  construire  ne  peut  être  accordée  que  cur 
l'avis  favorable  de  ce  dernier. 


§  9. 

Dans  les  lignes  aménagées  pour  la  traction  mécanique,  on 
devra,  en  vue  des  intérêts  de  la  défense  du  territoire,  se  con- 
former aux  prescriptions  ci-après,  si  l'on  ne  veut  pas  s'expo- 
ser à  un  i*efus. 

I.  Voie.  —  a)  En  dehors  de  l'écartement  normal,  les  écar- 
tements  de  0™,60,  0™,75  et  1  mètre  sont  seuls  admis. 

h)  Après  la  pose  des  traverses,  le  poids  minimum  des  rails 
est  fixé  à  9  kil.  5  par  mètre  courant; 

c)  Dans  les  lignes  de  0™,60,le  rayon  des  courbes  ne  doit  pas 
être  inférieur  à  30  mètres; 

d)  La  largeur  nette  de  la  rainure  à  boudin  dans  les  aiguilles, 
les  croisements  de  voie,  les  passages  à  niveau,  etc.,  ne  descen- 
dra pas  au-dessous  de  (y^,02>b. 

Les  alinéas  c  et  d  ne  concernent  pas  les  tramways. 

II.  Matériel  roulant.  —  a)  Dans  les  voies  de  0'^,60,  les 
locomotives  et  les  voitures  seront  construites  de  façon  à  pou- 
voir franchir  sans  difficulté  les  courbes  de  30  mètres  de  rayon. 

h)  Les  roues  avec  un  boudin  unic[ue  sont  seules  admises. 

c)  Avec  l'écartement  de  0™,60,  les  véhicules  seront  tous  pour- 
vus d'un  tampon  central  placé  à  une  hauteur  de  30  à  40  centi- 
mètres au-dessus  de  l'arête  supérieure  des  rails.  Le  poids  de 
chargement  des  wagons,  exprimé  en  kilogrammes,  doit  être 
divisible  par  500. 

III.  Installation  des  gares.  —  Quand  un  chemin  de  fer  à 
voie  étroite  doit  se  raccorder  à  un  autre  et  qu'il  ne  \\v  est  pas 
possible  de  le  franchir,  il  faut  prendre  des  dispositions  pour 
un  transbordement.  S'il  s'agit  exclusivement  d'agrandir  une 
entreprise  déjà  existante,  on  pourra  conserver  l'écartement 
et  le  poids  primitifs  des  rails  dans  le  tronçon  nouvellement 
construit,  même  dans  le  eas  où  ces  deux  éléments  ne  seraient 
pas  conformes  aux  dispositions  I,  a  et  h.  Lorsque,  exception- 
nellement et  pour  des  raisons  particulières,  on  jugera  néces- 
saire de  s'écarter  des  prescriptions  ci-dessus,  il  faudra,  pour 
la  décision  à  intervenir,  en  référer  au  ministre  des  Travaux 
publics  qui  s'entendra  à  ce  sujet  avec  le  ministre  de  la  Guerre. 
En  ce  qui  concerne  les  chemins  de  fer  à  voie  étroite  à  con- 
struire, en  totalité  ou  en  partie,  sur  des  territoires  qui  avoi- 
sinent  un  Etat  ne  faisant  pas  partie  de  TEupire  ou  dans  une 
contrée  qui,  en  raison  de  son  importance  militaire  spéciale, 

Orgaa.  chem.  de  fer.  6 


82  HISTOIRE    ET   ORGANISATION 

est  assimilable  à  la  zone  frontière,  on  devra,  avant  de  deman- 
der l'autorisation,  en  référer  au  ministre  de  la  Guerre  par 
l'intermédiaire  du  général  commandant  le  corps  d'armée. 

A  cette  demande,  on  joindra  le  plan  de  la  voie  pour  les 
chemins  de  fer  à  traction  mécanique  et,  pour  les  autres,  un 
plan  de  site  accompagné  de  renseignements  exacts  renfermant 
les  données  les  plus  importantes  sur  le  but  de  l'entreprise. 

Dans  le  cas  exceptionnel  où  l'autorité  qui  a  qualité  pour 
accorder  l'autorisation  do  construire  hésiterait  à  mettre  d'ac- 
cord les  mesures  édictées  en  vue  de  sauvegarder  les  intérêts  de 
la  défense  nationale  avec  la  solution  à  donner  à  la  demande 
qui  lui  est  soumise,  elle  devrait  faire  part  de  ses  hésitations 
au  ministre  des  Travaux  publics.  Cette  mesure  est  applica- 
ble également  lorsqu'il  s'agit  d'apporter  à  une  entreprise,  à 
un  établissement  ou  à  une  exploitation  de  chemins  de  fer  à 
voie  étroite,  des  agrandissements  ou  des  modifications  de 
quelque  importance. 


Lors  de  la  déclaration  de  guerre,  les  transports  de 
troupes  par  voies  ferrées  pourront  se  heurter  aux  plus 
sérieux  obstacles.  IS^aturellement,  les  lignes  qui. relient 
les  armées  avec  l'intérieur  du  pays  seront  largement 
mises  à  contribution  et  le  personnel  lui-même  sera  très 
affaibli.  Si  les  renforts,  les  munitions  et  les  subsistances 
parviennent  sans  trop  de  peine,  par  contre,  les  mouve- 
ments des  troupes  en  arrière  et  sur  le  front  des  armées 
rencontreront  des  difficultés  incomparablement  plus 
grandes.  Grâce  à  la  rapidité  avec  laquelle  les  chemins 
de  fer  permettent  aujourd'hui  de  parcourir,  dans  un 
temps  relativement  court,  des  distances  considérables, 
les  détours  n'offrent  plus  les  mêmes  inconvénients  que 
jadis,  et  l'on  pourra  désormais,  à  l'aide  de  lignes  ferrées 
débarrassées  de  tout  obstacle  et  bien  outillées,  étendre 
de  plus  en  plus  le  champ  d,es  opérations  dans  le  do- 
maine de  la  tactique.  Tel  sera  précisément  le  cas  lors- 
qu'il s'agira  de  défendre  son  propre  territoire. 

Mais,  en  ce  qui  concerne  l'offensive  en  pays  ennemi, 
l'expérience  a  prouvé  qu'il  ne  fallait  pas  compter  sur 
des  transports  de  troupes  d'une  grande  envergure. 


DES    CHEMINS    DE    FER  83 

Les  principes  de  la  stratégie  moderne  auront  beau 
exiger  le  dénouement  le  plus  prompt  possible,  les  luttes 
futures  pourront  présenter  l'image  de  la  plus  imposante 
émigration  de  peuples,  il  n'en  est  pas  moins  probable, 
qu'eu  égard  aux  espaces  disponibles  les  belligérants  ne 
pourront  opérer  que  de  faibles  déplacements  et  que, 
désormais,  les  opérations  ne  seront  plus  conduites  avec 
la  même  rapidité  que  pendant  nos  dernières  campa- 
gnes (1). 

Libre  à  cet  écrivain  de  croire  que  le  commandement 
suprême  n'ait  plus  dorénavant  qu'un  faible  pouvoir 
pour  amener  la  lutte  décisive  et  que  ce  fait  crée  une 
pliase  des  plus  critiques  dans  la  conduite  des  armées 
dn  temps  présent;  mais,  selon  toute  vraisemblance,  il 
a  du  moins  raison  au  point  de  vue  de  l'emploi  tactique 
des  chemins  de  fer  dans  la  guerre  future. 

(1)  La  Nation  armée,  par  von  der  Goltz,  Berlin  1890,  page  145. 


DEUXIÈME  PARTIE 

ORGANISATION   MILITAIRE  DES   CHEMINS  DE  FER 
CHEZ  LES  PRINCIPALES  PUISSANCES 


Allemagne, 


L'aclièvement  de  notre  ré&eau,  tel  qu'il  existe  actuel- 
lement, s'est  effectué,  tant  au  point  de  vue  politique  que 
militaire,  dans  des  conditions  incomparablement  plus 
difficiles  que  cliez  les  puissances  voisines.  Fort  heureu- 
sement, la  conduite  tenue  par  les  Etats  secondaires  de 
l'Allemagne,  loin  de  nuire  au  développement  de  la  puis- 
sance militaire  des  chemins  de  fer  de  l'Empire,  a  per- 
mis, au  contraire,  de  donner  à  ceux-ci,  en  ce  qui  con- 
cerne la  construction  et  l'exploitation,  une  uniformité 
aussi  grande  que  dans  les  réseaux  où  l'administration 
était  plus  centralisée. 

L'incorporation  des  chemins  de  fer  au  réseau  de 
l'Etat,  déjà  réalisée  en  grande  partie  par  la  Prusse,  a 
beaucoup  contribué  à  ce  résultat,  en  plaçant  aux  mains 
du  gouvernement  des  lignes  qui  avaient  un  rôle  politique 
et  militaire  prépondérant.  Dans  ces  conditions,  l'Etat 
était  maître  de  fixer  lui-même  les  constructions  à  entre- 
prendre, l'aménagement  à    donner    aux    voies    et    aux 


86  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

moyens  de  transport,  l'agencement  des  gares,  tout  en 
s'inspirant  des  exigences  de  l'économie  politique  et  sans 
négliger  les  intérêts  primordiaux  du  commerce  et  des 
transactions. 

Ti' Association  des  chemins  de  fer  allemands  a  con- 
tribué, pour  une  large  part,  à  l'accroissement  de  la 
puissance  militaire  des  voies  ferrées.  L'amélioration  des 
plans  de  transport,  l'identité  des  règles  suivies  pour 
l'aménagement  des  lignes  et  du  matériel  roulant,  ainsi 
que  pour  l'outillage  des  stations,  l'adoption  de  l'écarte- 
ment  normal  de  l'°,435,  etc.,  etc.,  enfin  la  publication 
faite,  à  l'instigation  de  V Association,  par  le  Conseil  fé- 
déral, des  Règles  'pour  la  construction  et  V équipement 
des  chcTnins  de  fer  de  V Empire  allemand,  constituent 
des  progrès  considérables  en  vue  de  leur  préparation  à 
la  guerre.  Dans  cet  ordre  d'idées,  la  direction  unique 
imprimée  à  notre  plus  puissant  instrument  de  transports 
en  temps  de  guerre  a  produit  déjà  des  résultats  féconds 
et  très  appréciables. 

Le  célèbre  économiste  Georges  de  Lavelaye  écrivait 
dernièrement  dans  le  Moniteur  des  intérêts  matériels  : 

«  Un  courant  irrésistible  pousse  cbaque  gouvernement 
à  devenir  l'unique  propriétaire  de  son  réseau  ferré.  Il  y 
a  là  une  nécessité  qui  s'impose  à  notre  société  moderne.  » 

L'illustre  maréclial  Moltke  avait,  sous  ce  rapport,  par- 
faitement raison  lorsqu'il  disait  en  1880  : 

«  Il  est  bors  de  doute  que  l'incorporation  à  l'Etat  des 
grands  réseaux  est  un  fait  désirable  en  ce  qui  concerne 
les  intérêts  de  l'armée.  A  l'heure  actuelle,  les  chemins  de 
fer  sont  devenus  un  des  outils  de  guerre  les  plus  redou- 
tables; le  transport  de  grandes  masses  armées,  sur  des 
points  désignés  à  l'avance,  est  un  travail  compliqué  et 
prodigieux  qui  doit  être  tenu  sans  cesse  à  jour.  L'ou- 
verture d'une  nouvelle  ligne  suffit  pour  le  modifier. 
Même  si  nous  n'utilisons  pas  toutes  les  voies,  il  nous 


DES    CHEMINS    DE    FER  87 

faudra  requérir  la  totalité  de  notre  matériel  roulant  ;  or, 
il  saiite  aux  yeux  que  ce  sera  pour  nous  une  réelle  sim- 
plification d'avoir  affaire,  à  l'avenir,  à  une  seule  et  non 
plus  à  quarante  administrations  distinctes.  » 

La  tournure  militaire  que  la  main-mise  sur  eux  par 
l'Etat  devait  imprimer  au  régime  des  cliemins  de  fer 
allemands  constitue  peut-être  le  trait  le  plus  caractéris- 
tique qui  les  distingue  extérieurement.  L'attitude  cor- 
recte et  affable,  la  modestie,  la  fidélité  et  le  dévouement 
des  employés  —  d'après  les  personnes  dignes  de  foi  qui 
connaissent  les  cliemins  de  fer  de  tous  les  pays  —  sont 
les  qualités  les  plus  appréciées  et  celles  qu'on  doit  re- 
chercher, de  préférence,  dans  les  relations  du  service  des 
chemins  de  fer  avec  le  public  (1). 

En  résumé,  l'Etat  se  trouve  dans  la  situation  la  plus 
favorable  pour  porter  à  son  maximum  le  rendement 
des  voies  ferrées  en  temps  de  guerre  et  pour  exercer  une 
influence  décisive  sur  l'organisation  des  lignes  et  des 
stations,  sur  la  préparation  des  moyens  de  transport: 
enfin,  sur  l'instruction  et  la  discipline  du  personnel. 

Aussi,  l'application  du  principe  consistant  à  placer, 
entre  les  mains  du  gouvernement,  le  plus  puissant  de 
tous  les  moyens  de  transport  a-t-elle  été  couronnée  d'un 
plein  succès. 

Par  bonheur,  nous  sommes  habitués  à  envisager  le  ser- 
vice des  chemins  de  fer  en  nous  plaçant  au  point  de 
vue  d'une  campagne  victorieuse. 

On  peut,  à  ce  propos,  penser  ce  que  l'on  voudra,  mais 
—  tout  observateur  impartial  en  conviendra  avec  nous  — 
l'Etat  prussien  (2),  en  donnant  à  son  réseau  une  aussi 


(1)  Vom  rollcnden  Fliigelracïc,  par  le  major  Max  Jàhns  (Ber- 
lin 1888,  page  169). 

(2)  Avec  un  personnel  de  300.000  employés,  l'administration 
des  chemins  de  fer  prussiens  exploite  un  rés?au  d'environ  36.000 
kilomètres,  desservant  5.000  stations  ou  haltes  et  sur  lequel  cir- 


88  HISTOIRE   ET    ORGANISATION 

grande  extension,  a  compris  qu'il  n"y  avait  pas  d'autre 
solution  pour  assurer  la  sécurité  extérieure  du  pays.  Il 
s'est  pénétré  de  cette  pensée  que  le  meilleur  lien  sus- 
ceptible de  resserrer  l'action  commune  des  chemins  de 
fer  et  de  l'armée  en  temps  de  guerre  ne  devait  pas  être 
préparé  au  dernier  moment. 

Jusqu'au  1"  avril  1899  l'organisation  du  service  mi- 
litaire des  chemins  de  fer  était  définie  par  le  Règlement 
du  2G  janvier  188T  (1),  publié  en  exécution  de  la  loi  du 
13  juin  1873  sur  les  réquisitions,  et  en  conformité  du 
décret  du  1"  avril  18TG. 

Ce  règlement  comprend  deux  parties  distinctes  ; 
Transports  militaires  en  temps  de  paix  (Militair  - 
Transport  -  Ordniing)  et  Transports  militaires  en 
temps  de  guerre  {Kriegs  -  Transjjorf  -  Ordnung).  Son 
but  essentiel  est  l'utilisation  des  chemins  de  fer  en  vue 
des  transports  militaires  en  temps  de  guerre.  Il  comporte 
les  divisions  suivantes  : 

1°  Règles  générales; 

2°  Attributions  et  relations  des  autorités; 
3**  Préparation  des  transports  ; 

4°  Mouvements  par  voies  ferrées  de  personnel  et  de 
troupes  accompagnés  de  chevaux  et  d'équipages  ; 
5°  Transport  du  matériel  militaire  ; 
6°  Décompte  et  paiement  des  dépenses. 

Les  dispositions  relatives  aux  lignes  desservies  par 
des  locomotives  sur  tout  le  territoire  national  sont  éga- 


culent  journellement  12.000  trains  de  voyageurs  et  14,0C0  de 
marchandises,  soit  un  total  de  26.000  trains.  Elle  dispose  à  cet 
effet  de  11.000  locomotives,  25.000  voitures  à  voyageurs  ou  four- 
gons à  bagages  et  238.000  wagons  à  marchandises,  qui  transpor- 
tent annuellement  un  demi-milliard  de  voyageurs  et  180  millions 
de  tonnes  de  marchandises,  soit  une  moyenne  journalière  de 
1  million  1/4  de  personnes  et  1/2  million  de  tonnes. 

(1)  Abrogé  par  le  règlement  du   18  janvier  1899,  mis  en  vi- 
gueur le  l'^''  avril  de  la  même  année,  {yotc  du  Traducteur.) 


DES    CHEMIIS^S    DE    FER  89 

lement  applicables,  sur  la  réquisition  de  l'autorité  mili- 
taire, aux  transpoi-ts  des  troupes,  etc.,  des  puissances 
alliées  à  l'Allemagne. 

1.  L'ensemble  de  notre  réseau  est  divisé  en  un  certain 
nombre  d'éléments  appelés  lignes,  qui  ont  pour  organes 
directeurs  20  commissions  de  lignes  (1),  désignées  cha- 
cune par  une  lettre  spéciale  et  dont  les  sièges  sont  : 

A.  Hanovre.  —  B.  Munster.  —  C.  Erancfort-sur-^e- 
Main.  — D.  Erfurt.  —  E.  Dresde.  —  F.  Karlsrube.  — 
G.  Posen.  —  H.  Cologne.  —  J.  Altona.  —  Ki. Munich.  — 
Kg.  "VViirtzbourg.  —  L.  Breslau.  —  M.  Berlin.  —  N. 
Kœnigsberg.  —  P.  Ludwigshafen.  —  S.  Sarrebriick.  — 
T.  Magdebourg.  — ■  Y.  Danzig.  —  W.  Stuttgard.  —  Z. 
Strasbourg. 

Chaque  commission  comprend  :  un  officier  apparte- 
nant à  l'infanterie,  autant  que  possible,  membre  mili- 
taire ;  un  employé  supérieur  des  chemins  de  fer,  mem- 
bre technique  ;  le  personnel  subalterne  nécessaire. 

Leur  mission  consiste  à  servir  d'intermédiaires  entre 
la  section  des  chemins  de  fer  de  l'état-major  et  les  dif- 
férentes administrations  de  chemins  de  fer,  à  traiter  les 
questions  se  rattachant  à  leur  réseau  et  à  surveiller  les 
transports  militaires  exécutés  à  l'occasion  des  manœu- 
vres ou  de  tous  autres  rassemblements  de  troupes. 

En  cas  de  transports  militaires,  l'exploitation  dQ  cha- 
que ligne  est  réglée  d'après  son  rendement  particulier 
et  en  tenant  compte  des  prescriptions  générales  concer- 
nant les  mesures  de  sécurité.  Mais,  lors  de  la  mobilisa- 
tion, la  capacité  de  transport  de  certaines  lignes  pourra 
être  augmentée  au  moyen  de  dispositions  transitoires  ou 
permanentes,  établies  au  compte  de  l'Empire. 

Dès  que  les  transports  ne  peuvent  plus  être  effectués 


(1)  Armée  Verordnungs  Blatt,  numéro  du  14  mars  1899.  En 
1904,  le  nombre  des  commissions  de  ligne  a  été  porté  à  21. 


90  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

à  l'aide  des  trains  du  service  ordinaire  ou  des  trains 
militaires  spéciaux  et  facultatifs,  on  applique  le  livret 
militaire  tel  qu'il  a  été  établi  par  l'autorité  militaire  en 
collaboration  avec  les  directions  de  chemins  de  fer  inté- 
ressées. 

2.  Le  ministère  de  la  Gucne  prussien  est  le  représen- 
tant des  intérêts  de  l'armée  dans  les  questions  qui  se 
rapportent  à  l'utilisation  militaire  des  cliemins  de  fer; 
il  s'entend,  au  besoin,  avec  le  chef  de  l'Amirauté  impé- 
riale et  les  ministres  de  la  Guerre  de  la  Bavière,  de  la 
Saxe  et  du  Wurtemberg. 

Le  chef  prussien  de  Vétat-major  de  Vannée  donne  des 
directives  d'après  lesquelles  sera  réglé  l'emploi  des  che- 
mins de  fer  pendant  la  guerre  et  prescrit,  dès  le  temps 
de  paix,  toutes  les  mesures  de  préparation  nécessaires. 
En  outre,  quand  la  mobilisation  est  décrétée,  il  exerce, 
en  ce  qui  concerne  les  voies  ferrées,  les  attributions 
dévolues  à  l'inspecteur  général  des  chemina  de  fer  et 
des  étapes,  jusqu'à  ce  que  ce  dernier  ait  pris  possession 
de  son  poste  ;  il  lui  adresse  ensuite  ses  instructions  sui- 
vant les  circonstances. 

'L'inspecteur  général  des  chemins  de  fer  et  des  étapes 
fait  diriger,  pour  ce  qui  a  trait  aux  opérations  mili- 
taires, le  service  des  chemins  de  fer  par  le  chef  du  ser- 
vice des  chemins  de  fer  de  campagne.  Il  prescrit,  entre 
autres  choses,  la  mise  en  vigueur  ou  l'abandon  du  livret 
militaire,  et  en  fait  donner  avis  à  l'Office  impérial  des 
chemins  de  fer. 

Le  chef  du  service  des  chemins  de  fer  de  campagne, 
par  l'intermédiaire  des  autorités  militaires  de  chemins 
de  fer  qui  lui  sont  subordonnées,  savoir  : 

Le  chef  de  la  section  des  chemins  de  fer  du  grand 
état-major  prussien;  le  chef  de  la  section  des  chemins 
de  fer  et  de  la  délégation  de  Vétat-major  prussien  de 
V  armée; 


DES   CHEMINS    DE   FER  91 

Les  commandements  de  lignes  et  les  commandunts  de 
gares; 

Fait  notifier  aux  administrations  intéressées  les 
réquisitions  nécessitées  par  les  besoins  de  la  défense  du 
territoire,  dans  les  conditions  prévues  par  la  loi  sur  les 
réquisitions.  Il  détermine  les  sections  qui  conserveront 
l'exploitation  du  temps  de  paix  et  établit,  par  la  dési- 
gnation des  stotio7u<;  de  transition,  la  démarcation  entre 
ces  lignes  et  celles  qui  sont  soumises  à  l'exploitation  de 
guerre,  après  s'être  concerté  avec  l'Office  impérial  des 
chemins  de  fer,  pour  toutes  les  mesures  qui  ne  sont  pas 
exclusivement  militaires."  En  cas  d'urgence,  cette  en- 
tente préalable  n'est  pas  nécessaire. 

Le  chef  de  la  section  des  chemins  de  fer  du  grand 
état-major  prussien  se  tient,  dès  le  temps  de  paix,  en 
communication  avec  l'Office  impérial  des  chemins  de  fer 
et  les  administrations  de  chemins  de  fer  pour  la  prépa- 
ration des  mesures  relatives  à  l'utilisation  militaire  des 
voies  fen'ées  en  temps  de  guerre. 

Le  chef  de  la  section  des  chemins  de  fer  de  la  déléga- 
tion de  Vétat-major  prussien  est  le  suppléant  du  chef 
du  service  des  chemins  de  fer  de  campagne.  Si  celui-ci 
quitte  le  siège  de  la  section,  il  dirige,  conformément 
à  ses  instructions,  le  service  des  chemins  de  fer  dans 
la  zone  située  en  deçà  des  stations  de  transition. 

Les  commandements  de  lignes,  déjà  représentés  en 
temps  de  paix  par  les  Commissions  de  lignes,  forment 
l'échelon  intermédiaire  entre  les  autorités  militaires 
dont  elles  dépendent  et  les  administrations  de  chemins 
de  fer  chargées  de  l'exploitation  des  lignes  de  leur 
ressort.  De  concert  avec  ces  administrations,  ils  fixent 
le  service  qu'elles  doivent  fournir  et  en  surveillent 
l'exécution. 

Les  commandants  de  gares,  institués  pour  sauvegar- 
der, le  cas  échéant,  les  intérêts  de  l'armée,  dépendent 


92  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

des  commandements  de  lignes;  ils  prennent  toutes  les 
dispositions  militaires  et  les  mesures  de  police  nécessai- 
res, non  seulement  dans  leur  gare,  mais  aussi  sur  les 
sections  de  lignes  placées  sous  leur  autorité,  et  servent 
d'intermédiaires  entre  les  chefs  de  transport  et  les  repré- 
sentants des  administrations  de  chemin  de  fer.  Ils  ont 
aussi  pour  devoir  d'empêclier  toute  immixtion  des  pre- 
miers dans  les  attributions  des  seconds.  Toute  interven- 
tion dans  le  sei-yice  teclinique  de  la  gare  est  interdite 
au  commandant  de  gare,  à  moins  que  le  chef  de  station, 
en  qualité  d'officier,  ne  soit  en  même  temps  comman- 
dant militaire  de  la  gare. 

Les  autorités  civiles  chargées  de  coopérer  à  l'appli- 
cation du  règlement  sur  les  transports  militaires  sont  : 

1°  Le  Chancelier  de  VErnpirc,  VOMce  imyéiial  des 
chemins  de  fer,  V Admiîiistrat ion  impériale  des  postes  et 
télégraphes; 

2°  Les  administrations  de  chemins  de  fer. 

UOiRce  iinpérial  des  chemins  de  fer  centralise  toutes 
les  questions  concernant  les  administrations  de  chemins 
de  fer.  Aussitôt  après  la  réception  de  l'ordre  de  mobili- 
sation, les  gouvernements  intéressés  envoient  des  com- 
missaires compétents  au  siège  de  l'Office,  qu'ils  l'ensei- 
gnent sur  les -questions  de  leur  ressort.  Chaque  adminis- 
tration possède  en  tout  temps  un  fondé  de  pouvoir  en 
relations  régulières  avec  les  autorités  militaires  de  che- 
mins de  fer.  Ces  fonctionnaires  sont  tenus  au  secret 
professionnel  pour  toutes  les  affaires  qui  ressortissent  à 
leur  service  spécial  ;  il  leur  est  interdit  de  communiquer 
les  documents,  plans,  etc.,  qui  leur  sont  confiés  à  l'occa- 
sion de  ce  service. 

Les  renseignements  statistiques  nécessaires  pour  l'éta- 
blissement du  livret  militaire  sont  fournis  annuellement 
par  l'Office  impérial  des  chemins  de  fer;  toutefois,  les 
autorités  militaires  peuvent  ordonner  des  reconnaissan- 


DES    CHEMIXS    DE    FER  93 

ces,   soit   pour   compléter   ces   renseignements,    soit   sur 
d'autres  points  offrant  un  intérêt  spécial. 

3.  Pour  le  choix  des  trains,  on  doit,  entre  autres  rè- 
gles, observer  les  suivantes  : 

a)  Dans  les  trains  de  voyageurs  et  ks  trains  mixtes  du 
trafic  habituel  on  admet,  en  principe,  comme  effectif 
maximum,  300  hommes  ou  GO  chevaux,  exceptionnelle- 
ment le  matériel  expédié  en  grande  vitesse  et,  dans  cer- 
tains cas  seulement,  les  explosifs  de  la  classe  dite  dan- 
gereuse, 

6)  Dans  les  trains  de  marchandises,  de  bestiaux  et 
mixtes  du  service  ordinaire,  oii  peut  transporter  15 
wagons  chargés  soit  de  bétail,  soit  de  marchandises  eu 
ballots  ou  en  vrac,  y  compris  les  munitions  qui  n'ap- 
partiennent pas  à  la  classe  dangereuse,  ou  4  wagons 
contenant  des  matières  explosives,  classées  comme  dan- 
gereuses • —  ce  dernier  chargement  n'est  toléré  dans  les 
trains  mixtes  que  sur  les  lignes  oii  il  n'existe  pas  de 
trains  de  marchandises  proprement  dits  —  ou  encore 
15  wagons  renfermant  des  chevaux. 

Dans  les  rapides  et  les  express,  .on  n'accepte  qu'en 
cas  d'urgence,  et  à  titre  exceptionnel,  des  officiers,  des 
médecins,  des  employés  et  des  hommes  de  troupe  isolés 
ou  en  très  petit  nombre. 

Tout  transport  militaire  est  notifié  à  l'administration 
des  chemins  de  fer;  cette  notification  est  toujours  faite 
par  une  autorité  militaire. 

Conformément  au  Règlement  sur  les  chemins  de  fer, 
l'autorité  qui  est  avisée  d'un  transport  doit  prendre 
toutes  les  dispositions  voulues  pour  en  assurer  l'exécu- 
tion. Tout  transport  militaire  doit  être  accompagné, 
pour  le  trajet,  d'une  pièce  justificative. 

Pour  ce  qui  a  trait  aux  autres  particularités  de  la  pré- 
paration des  transports  concernant  le  service  détaillé  du 
personnel,  des  machines,  du  matériel  roulant  en  général , 


94  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

les  voitures  à  destination  spéciale  pour  officiers,  liommes 
de  troupes,  malades,  cLevaux,  viande  sur  pied,  pièces 
d'artillerie,  équipages,  ■etc.,  etc.  ;  les  quais  et  le  matériel 
d'embarquement,  l'alimentation  dans  les  stations  hal- 
tes-repas, etc.,  nous  renvoyons  le  lecteur  au  lîèglement 
précité. 

Afijti  de  simplifier  le  transit  entre  l'armée  et  le  terri- 
toire national,  le  Eèglement  prescrit  que  les  mouvements 
sur  les  grandes  lignes  doivent  s'effectuer,  autant  que 
possible,  par  trains  complets. 

Ce  piincipe  est  appliqué  : 

a)  A  l'intérieur,  pour  tous  les  transports  en  partance 
ou  à  destination  des  gares  jjoints  de  départ  d'étapes; 

b)  A  proximité  du  théâtre  de  la  guerre,  pour  les  trains 
de  ravitaillement,  expédiés  aux  armées  par  les  gares  de 
rassemblement; 

c)  Dans  la  zone  des  opérations,  pour  les  envois  à  des- 
tination ou  en  provenance  des  têtes  d'étapes  de  guerre  et 
des  centres  de  rémiion  des  malades  ressortissant  à  celles- 
ci. 

Les  gares  point  de  dépari  d'étapes  et  les  gares  de  ras- 
semblement, en  deçà  des  stations  de  transition,  sont  dé- 
signées après  entente  avec  l'Office  impérial  des  chemins 
de  fer.  A  cet-  effet,  on  choisit  de  préférence  des  nœuds 
ferrés  et  surtout  les  stations  qui,  par  leur  installation  et 
leurs  communications  avec  les  voies  terrestres  ou  flu- 
viales, ainsi  que  par  leurs  abords,  facili+yeront  le  trafic 
ultérieur,  la  prise  de  l'ordre  de  bataille  et,  autant  qu'il 
en  est  besoin,  le  logement  des  troupes  ;  enfin,  le  lotisse- 
ment du  matériel  et  des  denrées. 

Les  organes  et  établissements  d'une  tête  d'étapes  de 
guerre  peuvent  être  répariis  sur  plusieurs  stations  (1). 


(1)  Le  Règlement  fixe,  en  principe  :  à  quinze  minutes  le  temjis 
nécessaire  pour  faire  descendre  les  hommes  des  wagons  et  les  re- 


DES    CPIEMIXS   DE    FER  9o 

4.  Le  chapitre  IV  du  Eèglement  sur  les  transporls 
concerne  les  mouvements  de  personnel  et  de  troupes 
accompagnées  de  chevaux,  de  voitures,  etc.,  et,  en  par- 
ticulier, les  préparatifs  d'embarqtiement,  la  délivrance 
aux  chefs  de  transport  du  matériel  nécessaire  à  l'aména- 
gement des  voitures,  l'embarquement,  le  départ,  la  con- 
duite à  tenir  pendant  la  route  et  les  haltes,  le  débar- 
quement (1),  l'évacuation  des  gares,  les  retards  et  acci- 
dents des  trains,  la  désinfection,  le  retour  et  le  rechar- 
gement des  voitures  vides.  Dans  ce  chapitre,  il  est,  en 
outre,  prescrit  à  l'administration  des  chemins  de  fer  de 
veiller  à  ce  que,  avec  les  appareils  d'embarquement  dis- 
ponibles, on  puisse  charger  et  tenir  prêt  à  partir  un  train 
complet  : 

D'infanterie,  en  une  heure  ; 

De  cavalerie  ou  d'artillerie,  en  deux  heures; 

De  colonnes  de  munitions,  de  convois  ou  d'artillerie 
lourde,  en  trois  heures. 

En  principe,  les  wagons  vides  reviennent,  avec  tous 
leurs  aménagements,  sur  le  réseau  de  l'administration 
des  chemins  de  fer  expéditrice  ou  propriétaire,  en  sui- 
vant le  même  itinéraire  qu'à  l'aller. 

Le  trajet  de  retour  est  déterminé  par  les  autorités 
militaires  de  chemins  de  fer  qui,  dans  certaines  circons- 
tances, peuvent  faire  revenir  les  trains  vides  par  une 
ligne  qu'ils  n'auraient  pas  suivie  à  l'aller. 

5.  Le  transport  du  matériel  militaire  —  et,  par  là,  il 


former  ;  à  vingt  minutes  la  durée  du  débarquement  des  chevaux 
lorsqu'il  peut  s'exécuter  simultanément  dans  chaque  groupe;  à 
trente  minutes  la  durée  du  déchargement  des  voitures  dans  les 
mêmes  conditions.  En  outre,  pour  la  cavalerie,  l'artillerie,  les  co- 
lonnes de  munitions,  etc.,  il  prévoit  un  délai  supplémentaire  de 
vingt  minutes  environ,  afin  de  reconstituer  la  troupe  et  d'atteler 
les  voitures.  (Mil.  Tiansp.  Ordnuncj,  du  18  janvier  1899  (§  47). 
(Note  du  Traducteur.) 

(1)  Voir  le  renvoi  1  de  la  page  précédente. 


06  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

faut  entendre  tout  ce  qui  est  délivré  au  service  des  che- 
mins de  fer  par  l'autorité  militaire  ou  à  ses  représentants 
pour  la  satisfaction  des  besoins  de  l'armée  —  est  traité 
dans  le  chapitre  Y. 

Le  VI®  et  dernier  chapitre  contient  les  règles  à  suivre 
pour  le  décompte,  les  délais  et  lé  mode  de  paiement  des 
dépenses,  leur  liquidation,  ainsi  que  la  constatation  des 
dégâts. 

Le  18  janvier  1899,  sur  l'avis  conforme  du  Conseil 
fédéral,  l'Empereur  a  donné  sa  haute  approbation  à  un 
nouveau  règlement  sur  les  transports  militaires  par 
voie  ferrée  {Militair  -  Transport  -  Ordnung),  qui  modifie 
quelques-unes  des  dispositions  en  vigueur  concernant  la 
préparation  et  l'exécution  des  transports  militaires,  en 
temps  de  paix  et  en  temps  de  guerre.  Avec  la  division 
précédemment  adoptée  il  n'était  pas  facile  de  s'orienter 
au  milieu  des  prescriptions  compliquées  qui  régissaient 
la  matière  et  dont  les  unes  étaient  applicables  à  tous  les 
cas,  les  autres  au  temps  de  paix  seulement  ou  au  temps 
de  guerre.  Les  expériences  faites  en  1887-88,  après  la 
publication  de  l'ancienne  ordonnance,  avaient  déjà  dé- 
montré la  nécessité  d'y  apporter  des  simplifications.  En 
outre,  après  une  pratique  de  douze  années,  elle  avait 
subi  un  certain  nombre  de  modifications;  en  particulier 
lorsque,  le  1"  janvier  1893,  de  nouvelles  règles  pour 
l'exploitation  des  lignes  principales  et  secondaires,  le 
service  commercial  et  l'organisation  du  système  des  si- 
gnaux furent  substitués  aux  anciennes  dispositions  si- 
milaires. Pour  ces  motifs,  on  se  décida  à  refondre  le  Rè- 
glement sur  les  chemins  de  fer  militaires.  Depuis  le 
1®""  avril  1899,  il  ne  comprend  plus  que  deux  parties  : 

V^  partie.  — -  A)  Transports  militaires  ;  B)  Tarifs  mi- 
litaires applicables  en  temps  de  paix  et  en  temps  de 
guerre  ; 


DES    CHEMINS    DE    FER  97 

2®  partie.  — -  Annexes  C,  D,  E,  non  modifiées  de  la 
2®  partie  de  l'ancien  règlement  (1). 

En  fondant  en  un  seul  document  les  parties  du  llcgle- 
ment  du  20  janvier  188T,  relatives  au  temps  de  paix  et 
au  temps  de  guerre,  on  devait  obtenir  une  réduction  et 
une  simplification  du  texte.  Le  nouveau  est  certaine- 
ment plus  court,  mais  l'usage  seul  permettra  de  juger 
s'il  est  pratiquement  plus  simple.  Il  était  fort  difficile, 
en  effet,  de  le  rédiger  avec  clarté  et  d'éviter  les  compli- 
cations, en  exposant  des  prescriptions  applicables  en  tout 
temps,  ou  seulement,  suivant  les  cas,  pendant  la  paix 
ou  pendant  la  guerre.  On  y  est  arrivé,  cependant,  par 
l'emploi  de  caractères  a'ilemands  et  romains  ainsi  que 
d'une  pagination  spéciale  (2).  Par  ce  moyen,  on  a  pu 
établir  nettement  les  différences  qui  existent  dans  les 
attributions  de  l'autorité  militaire  et  des  administrations 
de  chemins  de  fer,  selon  qu'il  s'agit  de  tel  ou  tel  cas. 
Dans  ces  conditions,  tous  ceux  qui  auront  à  coopérer  à 
la  préparation  ou  à  l'exécution  des  transports  militaires 
auront  couramment  l'occasion,  en  maniant  le  règlement 
dès  le  temps  de  paix,  de  se  familiariser  avec  les  règles 
applicables  en  temps  de  guerre.  Il  y  a  là  un  progrès 
considérable  sur  les  errements  antérieurs;  les  prescrip- 
tions autrefois  en  vigueur  qui  s'appliquaient  au  temps 
de  guerre  étaient  insuffisamment  connues  des  agents  de 
chemins  de  fer  aussi  bien  que  des  militaires,  parce  qu'un 


(1)  Ces  annexes  contiennent  des  prescriptions  de  détail  pour 
l'exécution  de  certains  services  spéciaux  (service  de  sauté  par 
exemple),  des  tableaux,  modèles,  etc. 

(2)  Les  dispositions  communes  aux  transijorts  du  temps  de 
paix  et  du  temps  de  guerre  sont  indiquées  dans  le  texte  en  carac- 
tères allemands. 

Les  dispositions  particulières  aux  transports  du  temps  de 
guerre  sont  indiquées  dans  le  texte  en  caractères  romains. 

Les  dispositions  particulières  aux  transports  du  temps  de  paix 
sont  encadrées  dans  un  rectangle  et  imprimées  en  caractères  alle- 
mands. 

Organ.  cheiii.  de  fer.  .  7 


98  HISTOIRE    ET   ORGAXISATION 

trop  petit  nombre  d'entre  eux  seulement  avaient  roeca- 
sion  de  les  approfondir  dès  le  temps  de  paix. 

En  vue  de  la  guerre,  les  chemins  de  fer  doivent  être 
utilisés  comme  une  «  arme  stratégique  »  ;  ils  permettent, 
dans  le  plus  court  délai  possible,  de  procéder  à  la  mobi- 
lisation de  la  totalité  des  forces  militaires  d'un  pays  et 
de  les  concentrer  sur  les  frontières  menacées,  de  pourvoir 
à  la  subsistance  des  énormes  masses  armées  du  temps 
présent  et  de  satisfaire,  sans  interruption,  à  tous  leurs 
besoins  en  campagne  ;  enfin,  d'évacuer  vers  l'anièi-e  les 
blessés,  les  malades,  les  prisonniers  et  tous  les  impedi- 
menta dont  le  commandement  juge  utile  de  débari-asser 
le  théâtre  des  opérations.  De  plus,  ils  donnent  le  moyen 
de  multiplier  les  forces  disponibles  en  transportant  des 
troupes  avec  rapidité  sur  les  points  exposés  à  une  atta- 
que. En  un  mot,  ils  constituent  un  instrument  de  guerre 
d'une  extrême  puissance,  lorsqu'on  sait  en  faire  un  em- 
ploi judicieux  (1).  Or,  d'après  les  renseignements  fournis 
par  les  guerres  de  la  deuxième  moitié  du  xix*  siècle  et, 
en  particulier,  par  la  campagne  de  1870-71,  cette  utili- 
sation ne  sera  possible  qu'à  la  condition  d'appliquer  le 
principe  suivant  dans  toute  sa  rigueur:  dès  la  réception 
de  l'ordre  de  mobilisation,  les  nécessités  de  la  défense 
nationale  doivent  primer  toutes  les  autres  et  l'emploi  des 
voies  ferrées' est  soumis  à  l'action  immédiate  de  l'auto- 
rité militaire  supérieure,  dont  le  représentant  est  le 
chef  du  service  des  cheinms  de  fer  de  camjjagne. 


(1)  Idée  déjà  dérdoppée  par  le  major  Steinàcker  dans  une 
conférence  faite  en  1896  à  l'Association  militaire  de  Berlin,  où 
l'auteur  conclut  en  montrant  que  les  chemins  de  fer  ont,  pour 
une  armée,  la  même  importance  que  les  artères  et  les  veines  pour 
le  corps  humain.  ((  Ils  lui  permettent  d'exister  dans  toutes  les 
circonstances  et,  finalement,  de  remporter  la  victoire,  puisque, 
suivant  Frédéric,  l'ait  de  vaincre  est  l'art  d'exister.  »  (Militair 
Wochcnhlatt,  fascicule  2,  1897).   (N.  du  T.) 


DES  CHEMINS  DE  FER  99 

De  par  la  Constitution  de  l'Empire  et  la  loi  sur  les 
réquisitions,  l'administration  des  chemins  de  fer  est  donc 
tenue,  en  temps  de  guerre,  de  prêter  son  concours  le 
plus  absolu  à  la  défense  de  la  patrie  allemande  ;  c'est 
pourquoi  le  Règlement  sur  les  chemins  de  fer  militaires 
prévoit,  pour  les  lignes  ferrées,  une  organisation  suscep- 
tible de  les  rendre  utilisables  pour  les  armées  mobilisées. 
Par  contre,  en  temps  de  paix,  il  n'y  a  pas  de  motif  pour 
que  les  transports  du  département  de  la  Guerre  prennent 
le  pas  sur  ceux  du  trafic  ordinaire.  Aussi,  les  relations 
de  service  entre  les  autorités  militaires  et  les  adminis- 
trations des  chemins  de  fer  doivent-elles  présenter,  dans 
les  deux  cas,  des  différences  marquées.  Toutefois,  en  ce 
qui  concerne  les  frais  de  transport,  ces  difi'érences  dis- 
paraissent, attendu  qu'en  paix  comme  en  guerre  on  ap- 
plique les  mêmes  tarifs  réduits. 

Même  en  temps  de  paix,  la  préparation  et  l'exécution 
des  transpoi'ts  militaires  exigent  l'observation  d'une 
foule  de  prescriptions  de  détail.  Cela  résulte  de  la  na- 
ture même  de  ces  mouvements  qui,  lorsqu'il  s'agit  de 
corps  de  troupe,  comprennent  dans  un  même  train  des 
hommes,  des  chevaux,  des  voitures  et  des  approvision- 
nements et,  quand  ils  concernent  des  recrues,  des  réser- 
vistes ou  des  hommes  de  complément,  représentent  des 
transports  considérables  pour  lesquels,  en  général,  les 
trains  du  trafic  habituel  ne  sont  nullement  appropriés. 
Aussi  est-il  nécessaire  de  recourir,  au  préalable,  à  des 
dispositions  spéciales  qui  ne  peuvent  être  prises  que  sur 
la  notification  régulière  des  autorités  militaires  compé- 
tentes. C'est  dans  ce  but  que  le  nouveau  Règlement  ren- 
ferme des  instructions  minutieuses  concernant  les  rap- 
ports de  service  entre  le  commandement  et  les  fonction- 
naires des  chemins  de  fer,  la  notification  des  mouve- 
ments à  exécuter  par  voie  de  fer,  leur  préparation, 
l'embarquement,  la  conduite  des  unités  embarquées  et 


100  HISTOIRE  ET  ORGANISATION 

leur  débarquement,  enfin  le  décompte  et  la  liquidation 
des  dépenses.  La  plupart  de  ces  prescriptions  étaient 
déjà  contenues  dans  les  anciens  règlements  sur  les  trans- 
ports en  temps  de  paix  et  en  temps  de  guerre  ;  elles  ont 
été  condensées  et  abrégées  dans  le  nouveau;  à  signaler 
également  que  ce  dernier  présente  un  progrès  réel  sur 
ses  prédécesseurs,  au  point  de  vue  de  la  germanisation 
des  termes  et  de  la  rédaction. 

Dans  ce  qui  suit,  nous  allons  faire  ressortir  certaines 
dispositions  d'un  intérêt  général.  La  réglementation  pré- 
cédente s'appliquait  exclusivement  aux  lignes  sur  les- 
ciuelles  il  était  fait  usage  de  locomotives,  la  nouvelle 
s'adresse  aussi  à  celles  qui  sont  desservies  par  d'autres 
moteurs  mécaniques.  On  peut  en  déduire  que,  désormais, 
il  y  aura  lieu  de  tenir  compte  des  voies  ferrées  où  la 
traction  est  faite  au  moyen  de  l'électricité.  Cependant, 
comme,  au  point  de  vue  militaire,  les  tramways  et  les 
chemins  de  fer  d'intérêt  local  n'ont  pas  la  même  impor- 
tance que  les  lignes  principales  et  secondaires  ;  comme, 
d'autre  part,  un  certain  nombre  des  prescriptions  régle- 
mentaires ne  sont  pas  applicables  aux  tramways  et  aux 
cbemins  de  fer  à  voie  étroite,  en  raison  de  la  légèreté 
des  matériaux  employés  à  la  construction  de  la  voie  et 
du  matériel  roulant,  un  alinéa  de  la  nouvelle  ordon- 
nance contient  ce  qui  suit  : 

«  Eu  égard  aux  conditions  particulières  de  certaines 
lignes  ferrées,  on  pourra,  sur  la  proposition  des  inspec- 
teurs compétents  de  l'Office  impérial  des  cliemins  de 
fer  et  après  entente  avec  l'autorité  militaire,  apporter  à 
la  présente  réglementation  certaines  atténuations  desti- 
nées à  en  faciliter  l'application,  voire  même  accorder 
une  dispense  complète  de  l'obligation  de  s'y  conformer.  » 

Ces  nouvelles  dispositions  seront  accueillies  avec  fa- 
veur par  beaucoup  de  petites  entreprises  de  chemins  de 
fer  que  le  décret  du  13  août  1898,  rendu  en  exécution 


DES    CHEMINS   DE    FER  101 

de  la  loi  prussienne  sur  les  lignes  à  voie  étroite,  semble 
déjà  avoir  affranelii  de  quelques-unes  des  obligations 
imposées  aux  autres  réseaux  par  le  Règlement  sur  les 
transports  militaires.  C'est  pourquoi,  en  temps  de  paix, 
sauf  certaines  restrictions  apportées  à  leur  tracé  dans  le 
voisinage  des  places  fortes,  les  chemins  de  fer  à  voie 
étroite  ne  seront  pas  soumis  audit  Hèglement.  Quant  à 
l'application  à  cette  catégorie  de  chemins  de  fer  du 
tarif  militaire,  elle  résrdte  de  la  Charte  constitution- 
nelle de  l'Empire. 

Comme  suite  aux  mesures  qui  prévoient  le  cas  où  l'on 
pourra  s'écarter  du  Règlement,  nous  trouvons  une  men- 
tion spéciale  pour  la  Bavière,  dont  les  chemins  de  fer 
ne  sont  pas  soumis,  en  temps  de  paix,  au  contrôle  de 
l'administration  impériale.  Sur  ces  lignes,  les  dispenses 
susvisées  sont  accordées,  en  temps  normal,  par  le  ministre 
d'Etat  de  la  maison  royale  de  Bavière  et  de  l'Extérieur, 
après  entente  avec  le  ministre  de  la  Guerre  bavarois  et, 
lorsque  les  intérêts  de  la  défense  nationale  sont  en  jeu, 
après  accord  préalable  avec  l'Office  impérial  des  che- 
mins de  fer.  Toutefois  cette  exception,  faite  pour  la 
Bavière,  ne  concerne  que  le  temps  de  paix,  car  l'article 
47  de  la  Constitution  de  l'Empire,  relatif  à  l'emploi 
des  lignes  ferrées  en  vue  de  la  défense  du  territoire, 
reste  de  plein  eft'et  pour  ce  royaume  oii,  en  temps  de 
guerre,  le  service  militaire  des  chemins  de  fer  est  étroi- 
tement subordonné  à  l'action  du  chef  prussien  de  l'état- 
major  général  de  l'armée.  Du  reste,  bien  avant  la  pro- 
mulgation de  la  Charte  impériale,  la  Bavière  avait  déjà 
admis  et  appliqué  spontanément  ce  principe  de  l'unité 
de  direction  ;  dès  le  début  de  la  guerre  franco-allemande, 
elle  n'avait  pas  hésité,  en  effet,  à  mettre  son  réseau  ferré 
à  la  disposition  de  l'état-major  prussien,  à  accepter  ses 
ordres  sans  arrière-pensée  et  à  en  poursuivre  l'exécution 
avec  énergie. 


102  HISTOIRE    ET    ORGAXISATIOX 

Le  paragraphe  2  du  nouveau  Règlement  établit  un 
parallèle  clair  et  précis  entie  l'organisation  du  service 
militaire  des  chemins  de  fer  en  temps  de  paix  et  celle 
du  temps  de  guerre;  les  paragraphes  suivants  définissent 
avec  netteté  la  sphère  d'action  des  différentes  autorités. 
En  outre,  on  a  tout  récemment  prévu  la  présence  d'un 
représentant  du  service  des  postes  auprès  de  chaque  ad- 
ministration de  chemins  de  fer.  Cette  innovation  est 
parfaitement  justifiée,  car  l'exploitation  des  voies  fer- 
rées en  temps  de  guerre  est  bien  souvent  soumise  à  des 
à-coups  imprévus  auxquels  le  service  postal  ne  peut  re- 
médier, en  ce  qui  le  concerne,  que  s'il  se  tient  d'une 
façon  permanente  en  contact  avec  celui  des  chemins  de 
fer.  Enfin,  la  rapidité  et  la  sécurité  des  correspondances 
postales  sont  de  la  plus  haute  importance  pendant  les 
opérations.  Un  fait  qui  n'est  pas  nouveau,  mais  qu'il  im- 
porte néanmoins  de  signaler,  parce  qu'il  rompt  avec  les 
eiTements  suivis  autrefois,  c'est  la  création  d'un  fondé  de 
pouvoir,  chargé  des  affaires  militaires,  entre  les  mains 
duquel  sont  centralisées  toutes  les  questions  ayant  trait 
aux  relations  des  administrations  civiles  avec  les  auto- 
rités militaires  des  chemins  de  fer.  Cette  institution,  qui 
a  l'avantage  de  faciliter  la  tâche  des  unes  et  des  autres 
et  d'accélérer  la  solution  des  affaires  —  point  capital 
en  temps  de  guerre  —  est  postérieure  à  la  campagne 
de  1870-71  et  doit  être  conservée  précieusement. 

Le  principe  sur  lequel  repose  l'emploi  des  voies  ferrées 
en  campagne  est  le  fractionnement  du  réseau  allemand 
en  un  certain  nombre  de  secteurs  d'exploitation,  appelés 
lignes,  dont  la  délimitation  a  été  publiée  en  1899  par 
V Armée  Verordnungs  Blatt.  De  cette  publication,  il  res- 
sort que  la  répartition  des  lignes  se  relie  étroitement 
avec  celles  exploitées  par  les  différentes  directions  de 
chemins  de  fer;  on  a  obtenu  de  la  sorte,  entre  ces  der- 
nières et  les  autorités  militaires  du  service  des  chemins 


DES    CIIEMIXS    DE    FER  103 

de  fer,  im  contact  intime  qui  doit  assurer  une  sécurité 
absolue  aux  transports  des  troupes  en  cas  de  guerre. 

L'exposé  des  Règles  (T exploitation  fait  surtout  res- 
sortir les  différences  qui  existent  entre  le  temps  de  paix 
et  le  temps  de  guerre.  Tandis  que,  dans  le  premier  cas, 
les  prescriptions  concernant  le  service  normal  conservent 
leur  plein  efPet,  dans  le  second  elles  peuvent,  à  de  rares 
exceptions  près  qui  résultent  du  caractère  propre  des 
transports  de  troupes,  être  complètement  mises  de  côté 
lorsque  les  circonstances  l'exigent.  Cette  nécessité  s'im- 
pose d'autant  plus  qu'on  se  rapproche  davantage  du 
théâtre  des  opérations.  Aussi,  dans  la  zone  située  en 
arrière  des  armées,  le  nouveau  Règlement  fait-il  une 
distinction  entre  le  fonctionnement  du  service  des  che- 
mins de  fer  aux  armées,  tel  qu'il  est  pratiqué  jusqu'aux 
stations  de  transition,  et  le  régime  du  temps  de  paix  qui 
prolonge  le  fjrécédent  jusque  dans  l'intérieur  du  terri- 
toire national  (1).  Sur  les  lignes  soumises  au  premier 
système,  c'est-à-dire  celles  qui  sont  situées  sur  le  théâtre 
de  la  guerre  ou  dans  son  voisinage  et  auxquelles  l'Em- 
pereur a  appliqué  la  loi  sur  les  réquisitions  (§§  15  à  31 
de  l'Instruction  portant  application  de  ladite  loi),  des 
dispositions  particulières  permettent  aux  personnels  ci- 
vil et  militaire  de  l'exploitation  d'agir  suivant  les  cir- 


(1)  En  arrière  des  années,  l'exploitation  des  chemins  de  fer 
peut  s'exécuter  suivant  deux  modes  différents  appelés  :  exploi- 
tation de  guerre  et  exploitation  de  paix. 

Le  premier  s'applique  aux  lignes  ferrées  situées  sur  le  théâtre 
de  la  eiicrre  ou  dans  son  A^oisinage.  Il  cesse,  en  principe,  aux  sta- 
tions de  transition  destinées  à  limiter  et  à  réduire  autant  que 
possible  les  irrégularités  qui  se  produiraient  dans  les  transports 
opérés  sur  ces  lignes. 

Le  second  commence  et  fonctionne  en  deçà  des  stations  de 
transition;  il  se  prolonge  vers  l'intérieur  du  pays. 

Enfin,  quand,  sur  une  ligne  soumise  à  l'exploitation  de  guerre, 
les  autorités  militaires  des  chemins  de  fer  prennent  elles-mêmes 
la  direction  du  service,  la  ligne  passe  à  un  troisième  mode  appelé 
exploitation  militaire.  (Note  du  traducteur.) 


104  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

constauces  pour  remploi  militaire  des  cliemins  de  fer. 
Ces  dispositions  sont  la  conséquence  des  nombreux  eu- 
seignements  que  nous  a  fournis,  en  1870-71,  l'exploita- 
tion des  lignes  françaises  et  du  réseau  de  la  rive  gaucho 
du  liliin. 

Une  autre  innovation  consiste  dans  la  réglementation 
du  repos  dominical,  rendu  obligatoire  pour  le  transport 
des  marchandises.  Ce  repos  est,  bien  entendu,  supprimé 
on  temps  de  guerre  et  peut  même,  dans  certains  cas 
(manœuvres,  etc.),  être  restreint  en  temps  de  paix. 

La  vitesse  maxima  des  trains  facultatifs  (1)  militaires, 
qui,  arrêts  compris,  était  fixée  à  22  kilom.  1/2  à  l'heure, 
est  portée  à  40  kilom.  sur  les  lignes  principales  et  à 
30  sur  les  lignes  secondaires;  c'est  le  résultat  de  l'aug- 
mentation de  puissance  de  nos  locomotives  et  des  amé- 
liorations réalisées  dans  le  matériel  roulant. 


(1)  Les  transports  militaires  s'exécutent  au  moyen  des  : 

a)  Trains  du  service  ordinaire,  quand  la  composition  et  le  genre 
des  trains  ainsi  que  la  nature  et  l'importance  du  transport  le 
permettent; 

b)  Trains  militaires,  dans  le  cas  contraire  ; 

c)  Trains  du  livret  militaire,  «mis  en  temps  de  guerre  seule- 
ment, quand  le  transport  ne  peut  être  exécuté  par  les  trains  ci- 
dessus.  A  leur  tour,  les  trains  militaires  (b)  sont  ou  facultatifs 
ou  spéciaux. 

Les  trains  facultatifs  sont  des  trains  réservés,  en  tout  temps, 
sur  les  livrets  du  service  ordinaire,  pour  les  transports  militai- 
res. On  ne  les  utilise  qu'en  cas  de  besoin  et  après  entente  entre 
les  autorités  militaires  de  chemins  de  fer  et  les  administrations 
intéressées.  Leur  marche  est  tracée  de  façon  à  obtenir  la  corres- 
pondance sur  les  différents  réseaux.  Il  semble  que  ce  soient  les 
seuls  trains  pour  lesquels  les  vitesses  de  40  ou  de  30  kilomètres  à 
l'heure  soient  prévues. 

Les  trains  spéciaux  sont  employés  en  cas  d'insuffisance  des 
trains  facultatifs  :  les  administrations  des  chemins  de  fer  et  les 
autorités  militaires  se  concertent  pour  leur  mise  en  marche. 

Enfin,  d'après  le  Militair  Transport  Orclnung,  ((  on  met  en  vi- 
gueur (mais  en  temps  de  guerre  seulement)  le  livret  militaire, 
lorsque  les  transports  militaires  ne  peuvent  plus  être  effectués, 
soit  à  l'aide  des  trains  ordinaires,  soit  à  l'aide  des  trains  mili- 
taires facultatifs  ou  spéciaux,  et  qu'il  est  impossible  de  donner 
satisfaction  aux  besoins  de  l'armée,  en  simplifiant  ou  en  suspen- 
dant le  service  ordinaire  »  (§  24,  1).  (Note  du  traducteur.) 


DES    CHEMINS    DE    FEE  105 

Les  prescriptions  relatives  à  l'établissement  d'un  plan 
(le  transports  stratégiques,  c'est-à-dire  dans  lequel  les 
considérations  militaires  entrent  seules  eu  ligne  de 
compte,  n'ont  pas  subi  de  modifications.  Par  contre, 
celles  qui  ont  trait  à  la  télégraphie  et  à  la  téléphonie 
ont  été  profondément  remaniées;  suivant  leur  impor- 
tance, les  télégrammes  militaires  sont  classés  en  :  ordi- 
naires (S  S),  urgents  (S  S  d)  et  très  urgents  (Kr) 
{Kriegstelegramvi);  leur  expédition  a  lieu  dans  l'ordre 
d'urgence.  Ceux  des  catégories  S  S  d  et  K  r  ne  peuvent 
être  employés  que  par  un  petit  nomb?;e  de  hauts  person- 
nages strictement  limité. 

Les  chapitres  III  à  V  du  Règlement  sont  consacrés 
à  la  préparation  et  à  l'exécution  des  transports;  ils  ren- 
ferment une  foule  de  mesures  spéciales  au  service  mi- 
litaire des  chemins  de  fer.  On  peut  en  conclure  que 
l'utilisation  des  voies  ferrées  en  campagne  a  été  étudiée 
et  prévue  jusque  dans  ses  moindres  détails. 

L'état-major  a  le  droit  et  le  devoir  de  se  tenir  sans 
cesse  au  courant  de  la  puissance  de  rendement  de  notre 
réseau  ferré.  A  cet  effet,  il  reçoit,  tous  les  ans,  de  l'Office 
impérial  des  chemins  de  fer,  des  renseignements  statis- 
tiques qu'il  fait  compléter,  quand  il  le  juge  nécessaire, 
par  des  reconnaissances  d'officiers.  Entre  autres  dispo- 
sitions, viennent  ensuite  celles  qui  concernent  le  service 
du  personnel,  des  locomotives  et  des  voitures  en  temps 
de  guerre;  comme  par  le  passé,  ce  service  est  dirigé  et 
exécuté  par  les  employés  de  chemins  de  fer.  L'autorité 
militaire  n'intervient  que  quand  il  s'agit  de  procéder 
à  un  nivellement  de  personnel  et  de  matériel,  car  elle 
seule  est  à  même  de  se  rendre  compte  de  l'accroissement 
éventuel  des  besoins  sur  certaines  lignes  —  accrois- 
sement presque  toujours  inopiné  —  et  d'y  remédier  à 
l'aide  de  renforts  en  hommes  et  en  moyens  de  transport. 
Nous  nous  dispenserons  d'entrer  ici  dans  de  plus  amples 


106  HISTOIRE    ET    OEGANISATIOX 

détails  pour  montrer  jusqu'à  quel  point  tout  a  été  prévu  : 
dépôts  de  charbon,  réservoirs  pour  les  machines,  amé- 
nagement des  quais  d'embarquement,  matériel  à  em- 
porter par  les  troupes  transportées  pour  débarquer  en 
pleine  voie,  stations-haltes-repas,  cantines,  eau  potable, 
etc.;  on  a  poussé  les  précautions  jusqu'à  embarquer  des 
pigeons  voyageurs  dans  les  trains  militaires. 

Un  sixième  chapitre  donne  les  tarifs  applicables  aux 
transports  militaires  et  traite  de  l'évaluation  et  du  paie- 
ment des  dépenses  occasionnées  par  ceux-ci.  La  partie 
la  plus  intéressante  pour  nous  se  rapporte  à  rabaisse- 
ment de  certains  taux  kilométriques  et,  en  particulier, 
de  ceux  qui  concernent  les  voyageurs.  Pour  tout  mili- 
taire ayant  rang  d'officier,  qui  se  déplace  pour  raison 
de  service,  le  prix  du  transport  par  kilomètre  et  par 
personne  a  été  abaissé  de  5  à  3  pfennigs;  pour  les 
hommes  de  troupe  du  grade  de  feldwebel  et  au-dessous 
(3*  classe),  ce  prix  a  été  ramené  de  1  pf.  5  à  1  pf.  Grâce 
à  cette  diminution,  les  troupes  pourront  employer  plus 
fréquemment  les  voies  ferrées  pour  se  rendre  sur  les 
terrains  de  manœuvres  éloignés,  la  difficulté  de  les  exer- 
cer dans  le  voisinage  des  garnisons  s'étant  accrue  en 
raison  du  développement  continuel  des  cultures.  De 
plus,  en  évitant  dans  la  mesure  du  possible  les  marches 
par  étapes,  avec  logement  chez  l'habitant,  on  soulagera 
les  communes  situées  sur  les  routes  qui  aboutissent  aux 
camps  d'instruction.  Les  chemins  de  fer  y  trouveront 
d'ailleurs  leur  compte,  car,  dans  les  convois  militaires, 
l'utilisation  plus  complète  de  l'espace  disponible  donne, 
pour  les  places,  essieux,  trains  et  machines  un  rende- 
ment kilométrique  supérieur  à  celui  du  trafic  commer- 
cial. C'est  ainsi  que,  pendant  l'exercice  1895-1896,  par 
exemple,  le  rendement  kilométrique  d'une  place  de  voya- 
geur civil  s'est  élevé  seulement  à  0  pf.  722  pour  la 
1"  classe,  0,944  pour  la  2\  0,G49  pour  la  3«  et  0,696  pour 


DES    CHEMINS    DE    FER  107 

la  4®.  Par  contre,  dans  les  mouvements  de  troupes,  et 
pour  la  raison  exposée  plus  haut,  le  tarif  militaire  a 
donné  un  rendement  de  3  pf.  pour  les  l''"  et  2®  classes 
et  de  1  pf.  pour  les  3^  et  4"  ou  pour  les  wagons  à  mar- 
chandises aménagés. 

Il  y  a  lieu,  il  est  vrai,  de  faire  remarquer  que,  dans 
les  transports  militaires,  les  frais  d'aller  et  retour  du 
matériel  roulant  ne  sont  pas  toujours  remboursés  et 
qu'à  ces  frais  viennent  s'ajouter  les  dépenses  occasion- 
nées par  les  préparatifs,  tels  que  le  déplacement  et  la 
mise  en  œuvre  du  personnel  et  du  matériel  d'exploita- 
tion. Quoi  qu'il  en  soit,  malgré  la  réduction  de  leurs 
tarifs,  les  convois  militaires  n'en  constituent  pas  moins, 
pour  les  chemins  de  fer,  un  bénéfice  réel  et  bien  accueilli 
de  l'administration.  Nous  avons  eu  l'occasion  de  le  cons- 
tater en  1870.  Pendant  la  campagne,  les  lignes  ferrées 
firent  des  affaires  d'autant  plus  brillantes  qu'elles  se 
trouvaient  plus  rapprochées  du  théâtre  des  opérations, 
et  avaient,  par  conséquent,  un  plus  grand  nombre  de 
transports  à  effectuer.  De  précaire  qu'elle  était  avant 
la  guerre,  la  situation  financière  de  la  ligne  Rhin  - 
Nahe  devint  prospère;  en  1870,  ses  recettes  nett«s  su- 
birent une  plus-value  de  138,17  pour  100  par  rapport  à 
celles  de  l'année  précédente.  Il  est  vrai  qu'en  temps  de 
paix  les  transports  militaires  ne  contribuent  que  pour 
une  faible  part  aux  revenus  des  chemins  de  fer  alle- 
mands; dans  l'exercice  1895-1896,  ils  n'ont  donné  que 
12.274.833  M.  soit  3,02  p.  100  des  recettes  totales  prove- 
nant du  trafic  des  voyageurs. 

L'abaissement  des  tarifs  militaires  n'aura  donc  pas 
une  influence  appréciable  sur  l'ensemble  du  rendement 
des  voies  ferrées;  peut-être  même  n'amènera-t-il  aucune 
diminution  dans  les  recettes,  parce  que,  désormais,  on 
emploiera  plus  souvent  les  transports  militaires  par  voie 
ferrée,  autant  dans  l'intérêt  de  l'instruction  des  troupes. 


108  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

auxquelles  on  évitera  des  marches  inutiles,  que  dans 
celui  des  populations,  qu'on  allégera  de  la  charge  du 
logement,  en  réduisant  le  plus  possible  les  mouvements 
par  voie  de  terre. 

Quant  aux  permissionnaires,  en  faveur  desquels  il 
n'y  a  pas  lieu  de  faire  valoir  les  raisons  exposées  ci- 
dessus,  le  taux  kilométrique  du  tarif  militaire,  en  ce 
qui  les  concerne,  reste  fixé,  comme  par  le  passé,  à  1  pf.  5. 
II  est  à  désirer  de  le  voir  appliquer,  à  l'avenir,  aux 
volontaires  d'un  an  qui  voyagent  en  3^  classe.  Cette  me- 
sure serait  bien  accueillie  de  certains  pères  de  famille, 
heureux  de  voir  leur  fils  venir  en  permission  pendant 
leur  volontariat  d'un  an. 

Quelques  taxes  concernant  le  transport  du  matériel 
ont  été  légèrement  abaissées,  comme  conséquence  des 
nombreuses  réductions  apportées  au  tarif  général  des 
marchandises  depuis  une  douzaine  d'années. 

La  guerre  de  1870-1871  a  démontré  la  nécessité 
d'avoir,  dès  le  temps  de  paix,  des  troupes  de  chemins 
de  fer.  L'accroissement  des  masses  armées,  le  dévelop- 
pement du  réseau  ferré  et  l'obligation  (pour  l'Allema- 
gne) d'agir  éventuellement  sur  deux  théâtres  d'opéra- 
tions distincts  ont  conduit  à  donner  à  ces  troupes  tech- 
niques un  effectif  de  plus  en  plus  élevé.  C'est  ainsi  que, 
de  nos  jours,  elles  forment  une  brigade  de  trois  régi- 
ments (1).  Au  régiment  n°  2  sont  rattachées  deux  com- 
pagnies, l'une  saxonne,  l'autre  wurtembergeoise,  dont 
les  officiers  et  les  hommes  de  troupes  sont  recrutés  en 


(1)  Par  la  loi  du  25  mars  1899,  la  Prusse  a  introduit  dans  les 
éléments  constitutifs  de  son  armée  une  arme  spéciale  qui,  sous  le 
nom  de  <<  troupes  de  communication  »,  comprend  toutes  les  uni- 
tés de  chemins  de  fer,  de  télégraphie  et  d'aérostation.  Si  cette 
innovation  enlève  au  corps  des  pionniers  une  partie  de  ses  attri- 
butions, par  contre  elle  tient  compte  des  nécessités  imposées  par 
la  réduction  du  service  militaire,  en  spécialisant  les  hommes  de 
troupe  soit  comme  pionniers,  soit  comme  soldats  de  chemins  de 


DES    CHEMINS    DE    FER  109 

Saxe  et  dans  le  Wurtemberg.  C'est  la  seule  arme  où  le 
lien  régimentaire  ait  rapproelié  d'une  façon  aussi  intime 


fer,  soit,  enfin,  comme  télégraphistes  ou  aérostiers.  Les  troupes 
de  communication  coiiTpienuent  les  élé)nents  ci-après  : 


I.  Troupes  de  chemins  de  fer  (A). 

O)  1»  Une  brigade  de  :i  r6g\-j  ^ 

niciUs  a  2bnnillons  i^"^";^*^ 

de  4  compagnies  . . .  )^-'-^*'  •  •  •. 

2°  Un  bataillon Havi('»re 

h)  Le  service  du  cl)  min  de  fer  milllaireJu 
lerboir-  lier, in  (70  kilomètres)  com|  ose  de  : 

r  La  direction  du  chemin  de  fer  militaire 
(1  liciitenantco  oml,  dirLCleur,  1  lieulenant 
adjoint). 
T  La  section  d'exploitation] „ 

de  la  bri^iade  de  clieniin  de'c  

fer(B) )^-^^ 


6)  3  bétail 

Ions. 


11.  Troupes  de  télégraphie  (G). 

o)  Linspecl  on  des  Ironies  de  t^lograi  hie, 
2  oiliciers. 

f Prusse 

(V  Berlin <Saxe    

\                            'Wurtemberg  . . . 
l'I- '2' Francfort-su'-^ p 
'•     }        Oder ^i-russc 

'^-co-^i-- \^;îc:::-.:\:: 

C)  Ecole  de  tél(>graphie  de  cavalerie  rattachée 
au  l"  bataillon. 

IIL  Troupes  d'aérostation  (D), 


d]  Uneseclioa Prusse. 

Un  détachement liavicrc. 


IV.  Inspection  d'  s  troupes  de  communi- 
cation. 


T. 


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ENSEMBLE 

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EFFECTIFS. 


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27 


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1  S 


11 


1   S 


TOTAU.X. 


18(1 


4.î;oo 


45 


45      13 


13 


238 


1.3C0 


200 


6.(00 


A.  Marques  distinctives  :  lettre  E  sur  les  pattes  d'f>paule 

B.  Marques  di-tinctives  :  une  roue  ailée  sur  les  pattes  d'épaule. 

G.  Marques  distinctives  :  foudres  en  drap  jaune  sur  les  pattes  d'épaule. 

D.  Lettre  L. 

Au  point  de  vue  technique,  les  troupes  de  communication  bavaroises  ne  dé- 
pendent pas  de  l'inspecteur  des  troupes  de  communication  prussiennes.  Elles 
continuent  à  relever  dé  l'inspecteur  du  corps  des  pionniers  de  la  Bavière. 

Le  Wurtemberg  n'a  i.lus  de  troupes  de  chemins  de  fer. 


L'importance  prise  par  les  troupes  de  communication  a  néces- 
sité la  création  d'un  inspecteur  particulier  qui  a  rang  de  général 


110  HISTOIRE    ET    OEGANISATIOX 

des  chefs  et  des  soldats  provenant  des  différents  contin- 
gents de  l'Empire.  A  cette  brigade  se  trouvent  égale- 
ment rattachées  la  Direction  du  chemin  de  fer  militaire 
et  la  Section  d'exploitation  de  la  brigade  de  chemins  de 
fer,  enfin  la  Section  d'aérostiers. 

L'institution  d'une  brigade  de  chemins  de  fer  montre 
<iuelle  importance  on  attache,  en  Allemagne,  à  ces  trou- 
pes spéciales,  qui  représentent  le  dernier  rouage  ajouté  à 
notre  organisation  militaire.  Un  grand  avenir  leur  est 
réservé;  c'est  avec  autant  d'ardeur  que  d'intelligence 
qu'elles  travaillent  à  se  perfectionner  en  vue  de  l'accom- 
plissement de  leur  tâche.  Et  pourtant,  le  succès  éclatant 
du  champ  de  bataille  n'est  pas  leur  lot,  car,  le  plus 
souvent,  elles  ne  trouveront  la  récompense  de  leurs  efforts 
que   dans  la  satisfaction  du   devoir  accompli. 

La  comparaison  entre  la  carte  actuelle  du  réseau  alle- 
mand et  celle  d'il  y  a  vingt  ans  montre  que,  dans  l'Est, 
on  a  construit  un  nombre  respectable  de  lignes  coupant 
transversalement  celles  qui  convergent  vers  la  frontière 
orientale. 


do  division  et  se  trouve  placé  sous  les  ordres  immédiats  de  l'Em- 
pereur. 

Depuis  1904,  les  troupes  de  communication  allemandes  ont 
dans  leurs  attributions  le  service  de  la  télégraphie  sans  fil;  des 
détachements  spéciaux,  créés  à  cet  effet,  sont  poui-vus  d'un  ma- 
tériel léger,  transportable,  d'un  maniement  facile,  qui  a  été 
expérimenté  aux  uiauœuvres  et  en  campagne,  notamment  pen- 
dant l'expédition  de  Chine  et  lors  de  la  répression  de  la  révolte 
des  Herreros  dans  l'Afrique  sud-occidentale.  Ce  matériel  com- 
prend des  stations 'fixes  et  des  stations  roulantes.  Une  station 
roulante  se  compose  de  3  charrettes  à  1  cheval,  du  poids  de  600 
kilog.  portant  :  1°  la  source  d'électricité;  2°  les  appareils  d'émis- 
sion et  de  réception;  3°  les  ballons,  cerfs-volants,  etc. 

Grâce  aux  perfectionnements  apportés  à  ce  matériel,  on  peut 
communiquer,  avec  l'appareil  enregistreur  jusqu'à  200  kilomè- 
tres, et  avec  l'appareil  auditif  jusqu'à  300  kilomètres. 

lia  France  aurait  intérêt  à  suivre  cet  exemple,  car,  dès  mainte- 
nant, la  télégraphie  sans  fil  constitue  le  meilleur  agent  de  liai- 
son entre  la  cavalerie  d'exploration,  le  commandant  en  chef  et 
les  commandants  d'armée.  {Xotc  du  traducteur.) 


/ 


DES    CHEMINS    DE    FEE,  IH 

Quand  bien  même  on  éprouverait  plus  tard  le  besoin 
d'établir  sur  certains  points  de  nouvelles  lignes  straté- 
giques, il  n'en  est  pas  moins  acquis  que  l'achèvement 
de  notre  réseau,  dans  la  partie  ouest  de  l'Empire,  per- 
mettrait, d'une  façon  générale,  de  satisfaire  dès  main- 
tenant aux  exigences  d'une  concentration  de  toutes  nos 
forces  et  au  fonctionnement  régulier  des  services  de 
l'arrière.  Tel  est,  eu  particulier,  le  cas  pour  l'Allemagne 
du  Sud,  où  nous  disposons  aujourd'hui  de  sept  ligues  à  / 

double  voie  pour  les  transports  de  l'est  à  l'ouest  savoir  : 

1°  Mayence  -  Francfort  -  Hof  ; 

2°  Mayence  -  Wurtzbovirg  -  Eger  ; 

3°  Mannheim  -  Crailskeim  -  Eger; 

4°  Germersheim  -  Bietigheim  -  E.atisboune  ; 

6"  Karlsrube  -  Stuttgart  -  IFlm  -  Passau  ; 

6"  Strasbourg  -  Villingen  -  Ulm  -  Munich; 

7°  Mulhouse  -  Léopoldshœhe  -  Aulendorf  -  Munich, 
avec  les  embranchements  :  Weizen  -  Immendingen  et 
Tuttlingen  -  Beuren  -  Sigmaringen  (vallée  du  Danube). 

En  mai  1890,  on  a  ouvert,  le  long  de  la  frontière  suisse, 
une  ligne  passant  par  Immendingen,  AVeizen,  Sœckin- 
gen,  Schœpfheim,  Lœrrach  et  Léopoldshœhe;  on  l'a 
appelée  voie  d'évitement  de  la  Suisse,  parce  qu'aux  en- 
virons de  Bâle  et  de  Schaffouse  elle  contourne  le  terri- 
toire helvétique  que  traverse  le  chemin  de  fer  Cons- 
tance -  Bâle.  L'ouverture  de  cette  ligne  marque  l'achè- 
vement complet  du  réseau  stratégique  sud-allemand, 
tel  qu'il  avait  été  arrêté  par  la  loi  du  1"  juin  1877. 
Elle  réalise  un  progrès  considérable,  aussi  bien  dans 
l'organisation  défensive  de  cette  région  que  dans  la  pré- 
paration à  la  guerre  de  l'Empire. 

Sur  toutes  les  lignes  ouvertes  en  exécution  de  la  loi 
précitée,  la  deuxième  voie  est  posée  et  livrée  à  l'exploi- 
tation. 

A  l'heure  actuelle,  l'Allemagne  du  Sud  dispose,  non; 


11-  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

plus  seulement  de  trois,  mais  de  sept  lignes  de  transport, 
dirigées  vers  l'Ouest,  d'un  rendement  parfait  et  complè- 
tement indépendantes  les  unes  des  autres  ;  sauf  acci- 
dent imprévu,  elle  peut  jeter,  en  temps  opportun,  la 
totalité  de  ses  forces  sur  le  Rhin,  qui,  dans  la  partie 
correspondante  de  son  cours,  est  franchissable  sur  neuf 
ponts  fixes  et  deux  bacs  à  vapeur.  Par  le  pont  de  Rop- 
penlieim,  le  réseau  badois  possède  une  dizième  commu- 
nication avec  la  rive  gauche.  Pour  le  moment,  les  points 
de  passage  sur  le  Rhin  sont  :  Mannheim,  Ludvigshafen, 

Accroissement  du  réseau  de  l'État  prussien 
de  1870  à  1902. 


EXERCICES 

d'ex- 
ploilalion. 


1870 

^^7l 

1872 

187;i 

1874 

1875 

1876 

1877-78 

1^7^-79 

1879  80 

18-11-81 

1881-82 

If  82  83 

lS83-8i 

1,  84-8:; 

188i;-8''. 

1886-87 

1887-^8 

1888  89 

18.'- 9-90 

1800-91 

1891-92 

11-92  93 

189  1  9i 

l'>94  9> 

1^9.•-9(j 

1896-97 

le  97  98 

1898  99 

1903 


LO.NT.UELn 

au 

ccmuicn- 

cemeul 

t  e 

l'exercice. 


AUGMiMATIONS 

annuelles 
1  rove.iaiit  de 


kiloin. 

3. 19.).  17 

3.245, 0:< 

3  546,  39 

3.720,85 

3.870,66 

3.870,66 

4.1C0,r4 

4.4(8,81 

4.^03,S( 

5.25.">,28 

6.049,42 

11.244,58 

11.397,09 

li.0:i4,57 

1.1.431,08 

19.377,73 

20.918,  f 6 

21.279,35 

22.405,58 

22.961.33 

2:j.732,66 

2 i. 708, 88 

2?>.01l,03 

25.399,26 

25.8fl,84 

26.304,38 

5:7.199,81 

•) 

» 

32.7^,0    » 


con'lruc- 

lions 
nouvelles. 


kiloni. 

49,86 
301,  ^6 
12i,49 
149,81 

» 
230,1^ 

84,43 
394, 99 
451,48 
794,14 
193, 29 
153,11 
212,58 
465.17 
;51,77 
431,71 
361,  34 
6(0,78 
555, 88 
6-3,29 
510,90 
302.09 
388,34 
481,42 
422,  90 
517, 17 
463,  (;o 
488, 70 
667,  (  8 
» 


Rachat 

pur 
l'Ktat. 


kl  loin. 


49,97 

» 

» 
223,  o4 

» 

» 
5. COI, 88 

» 

2.424,30 

9.11,34 

3.394,88 

1.1(8,41 

» 

525, 48 

II 

87,98 

454,59 

» 

» 

» 
378, 36 

» 
920, 2i 


LO^GUEUB 

en  fin 
(l'exercice 


kiioiii. 

3. 24.*),  03 

3.546.39 

3 .  72.0, 8;'. 

3.87(I,(J6 

3.870,66 

4.I0m,84 

4.408,81 

4.8()3,.-0 

5.255,28 

6. ('9, 42 

11.2' 4,  58 

11.39(,60 

14.0.34,  !, 7 

15.431.(8 

19.377,73 

20.917,85 

21  279,   0 

2â.405.61 

22. 961. 46 

23.732.  ()0 

24.708,15 

25.010,97 

25.399,37 

25.b8l,68 

26.3(i4,  74 

27.199,91 

27.663,41 

» 


LKi.NES 

secon- 
da ires. 


ki.oin. 


1.279.63 
1.430,30 
3.923,17 
2.379,75 
3.114,62 
3.490,!M 
3.896,73 
4.642,69 
5.199.36 
5.  î- 88, 80 
6.309,49 
6.610.72 
7.043,99 
7.342.44 
7.719; 73 
8.2(i5,56 
8.705,57 

» 

» 

I) 


LOXGLEfR 

moyenne 

ex- 
ploitée. 


kiluni. 

3.442,27 

3.538,  ^3 

3.851,03 

4.011,91 

4.1(0,41 

4,221,40 

4.487,27 

4.796,  .'iS 

5. '.69, 47 

6.103,12 

11.!  30,  50 

11.6:58,79 

14.492,36 

l:-.  535, 71 

19.871,00 

21.089,30 

21.527.27 

22.347,11 

22.960,23 

23.617.75 

24.698,52 

25.C66.50 

25.475.;  7 

25.773.20 

26.110,99 

^7.271.00 

27.723,83 

29.011,61 

-.9.670,85 

32.700,(0 


DES    CHEMINS    DE    FER 


113 


09 


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Organ.  chem.  de  fer. 


114  HISTOIRE   ET    OEGAXISATION 

Scllwetzingcn  -  Spire,  Pliilippsbourg  -  Germersheim, 
Maxaii,  Kehl,  Brisach,  Miillieini,  Huningue  et  Bâle  (1). 

En  tout,  SU"  notre  frontière  occidentale,  nous  possé- 
dons 19  points  de  passage  sur  le  lihin  pour  nos  che- 
mins de  fer  (1),  et  IG  lignes  à  double  voie  pour  le  trans- 
port des  troupes  de  l'est  à  l'ouest,  tandis  qu'en  1870 
neuf  seulement  pouvaient  servir  à  la  concentration. 
D'autre  part,  l'Allemagne  possède  onze  lignes  ferrées 
stratégiques  aboutissant  à  la  frontière  orientale. 

Des  considérations  qui  précèdent,  il  résulte  que,  de 
la  part  du  commandement  comme  de  la  part  des  admi- 
nistrations  de   chemins   de   fer,   tout  a   été  préparé   en 


(1)  Depuis  19C0,  il  existe  à  Woniis  iin  pont  fixe,  avec  piles  en 
maçonnerie  et  tablier  métallique,  qui  remplace  l'ancien  pont  de 
bateaux  et  le  bac  à  vapeur  destiné  autrefois  à  transporter  les 
trains  de  chemins  de  fer.  ]1  a  une  longueur  de  294  mètres  (trois 
travées  :  une  centrale  de  106  mètres  et  deux  extrêmes  de  94  mè- 
tres chacune)  et  donne  passage  aux  lignes  ferrées  qui,  de  Mann- 
heim  et  de  Francfort,  convergent  vers  Worms.  L'année  précé- 
dente, on  avait  déjà  inauguré  deux  autres  ponts  permanents  sur 
le  Rhin,  à  Dusseldorf  et  à  Bonn. 

Le  premier,  qui  a  coûté  4.690.000  francs,  a  une  longueur  de 
636  mètres  et  une  largeur  de  14  m.  50.  Il  comprend  deux  travées 
centrales  de  180  mètres  de  portée,  prolongées  vers  la  rive  droite 
par  une  arche  de  60  mètres  et  vers  la  rive  gauche  par  trois  arches 
ayant  respectivement  62,  51  et  50  mètres  d'ouverture.  Il  donne 
passage  aux  tramways  électriques  Creveld  -  Dusseldorf  (22  kilo- 
mètres) qui  est  à  double  voie  et  à  écartement  normal. 

Le  deuxième  a  coûté  5  millions  et  a  une  longueur  de  432  mè- 
tres. Il  se  compose  d'une  travée  métallique  centrale  de  188  mè- 
tres ayant,  à  chacune  de  ses  extrémités,  une  autre  travée  de 
94  mètres  ;  un  arc  de  33  mètres  le  relie  à  la  rive  gauche.  C'est  sur 
ce  pont  que  le  tramAvay  électrique  Bonn  (gare)  -  Benel  -  Ober- 
cassel  franchit  le  Rhin.  On  ignore  si  ces  deux  derniers  ouvrages 
sont  en  état  de  porter  des  trains  militaires  de  chemins  de  fer, 
et  si  les  tramways  auxquels  ils  donnent  passage  sont  susceptibles, 
le  cas  échéant,  d'être  raccordés  rapidement  avec  les  lignes  stra- 
tégiques voisines,  de  façon  à  pouvoir  être  utilisés  dans  les  trans- 
ports d-^  concentration.  (Note  du  traducteur.) 

(1)  Le  1"  mai  1904,  on  a  inauguré,  à  Mayence,  un  troisième 
pont  de  chemin  de  fer  sur  le  Rhin.  Cet  ouvrage  d'art,  qui  a 
coûté  6.500.000  francs,  donne  passage  à  une  ligne  de  contourne- 
ment  d'une  grande  importance  au  point  de  vue  de  la  défense 
nationale,    attendu   que   la   destruction   du   tunnel    situé   sur   la 


DES    CHEMINS    DE    FER  115 

vue  de  donner  à  l'exécution  de  la  concentration  de  nos 
armées  les  plus  grandes  garanties  de  sécurité  (1). 

Si  Ton  compare  les  travaux  accomplis  par  les  diffé- 
rents Etats  européens  pour  compléter  leur  réseau  ferré, 
on  constate  que  l'Allemagne  occupe,  sous  ce  rapport,  un 
rang  très  honorable. 

En  eiïet,  de  la  fin  de  1884  à  la  fin  de  1888,  la  France 
et  l'Allemagne,  en  tête  des  autres  puissances,  ont  aug- 
menté leurs  voies  ferrées  de  longueurs  sensiblement 
équivalentes,  soit  :  4.048  kilom.  pour  la  première  et 
4.047  pour  la  seconde.  Viennent  ensuite  l'Autriche  (Bos- 
nie et  Herzégovine  comprises),  avec  une  augmentation 
de  3.658  kilom.,  puis  la  Russie  (y  compris  la  Finlande), 
avec  3.G43  kilom.,  et  eiifin  l'Italie,  dont  le  réseau  s'est 
accru  de  2.286  kilom. 

Au  début  de  la  guerre  de  1870-1871,  la  longueur 
totale  du  réseau   prussien   atteignait  3.215  kilom.   Les 


voie  ferrée  Mayence-Fiancfoit  (à  l'est  de  la  gare  de  Mayence), 
en  supprimant  la  seule  communication  avec  la  rive  droite  du 
Rhin,  aurait  suffi  pour  compromettre  gravement  le  mouvement 
général  de  la  concentration  des  armées. 

Les  travaux  de  chemins  de  fer  exécutés,  à  cette  occasion,  au- 
tour de  Castel,  ont  entraîné,  en  outre,  la  construction  d'un 
autre  grand  pont  sur  le  Main,  entre  Bischofsheim,  rive  gauche, 
et  Hocheim,  rive  droite;  ce  dernier  ouvrage  (longueur,  575  mè- 
tres ;  coût,  1.400.000  francs),  comble  la  solution  de  continuité 
ayant  existé  jusqu'ici  dans  le  chemin  de  fer  qui,  de  la  Suisse 
aux  Pays-Bas,  longe  la  rive  droite  du  Rhin. 

Quant  au  précédent,  il  donne  passage  à  une  ligue  ferrée  dont 
le  prolongement,  jusqu'à  Munster  am  Stein,  puis,  à  travers 
le  Palatinat  bavarois,  établit  une  nouvelle  communication  entre 
la  vallée  du  Main  et  celle  de  la  Sarre,  c'est-à-dire,  avec  la  Lor- 
raine. 

(1)  Dans  la  séance  du  Reichstag  du  4  décembre  1886,  de  Moltke 
s'exprimait  ainsi  : 

((  On  peut  regretter  l'obligation  qui  nous  est  faite  de  consacrer 
une  grande  partie  des  recettes  de  l'Empire  à  sa  défense  exté- 
rieure, au  lieu  de  les  employer  aux  améliorations  intérieures; 
mais  cet  état  de  choses  est  rendu  nécessaire  par  la  situation  gé- 
nérale qu'il  n'est  pas  en  notre  pouvoir  de  modifier.  L'Europe 
entière  est  figée  dans  l'attitude  du  soldat  sous  les  armes  ;  de  quel- 
que côté  que  nous  portions  nos  regards,  nous  n'apercevons  que 


116  HISTOIEE    ET    ORGANISATIOX 

indications  contenues  dans  les  tablelaux.  ci-dessus  font 
ressortir  l'accroissement  obtenu  depuis  cette  époque  jus- 
qu'à nos  jours  (1). 


des  voisins  armés  jusqu'aux  dents,  c'est-à-dire  dans  un  état  de 
préparation  à  la  guerre  tellement  coûteux  que  les  nations  les 
plus  riches  finiront,  à  la  longue,  par  ne  plus  pouvoir  le  soutenir. 
11  faut  s'attendre  avant  peu  à  un  dénouement  devenu  inévita- 
ble. » 

(l)  D'après  une  communication  publiée  dans  les  Archives  des 
Chemins  de  fer,  l'ensemble  des  lignes  ferrées  du  globe  s'élevait, 
en  1899,  à  687. ÛOO  kilomètres.  Sur  ce  chiffre,  l'Amérique  en 
compte  364.975,  dont  288.460  pour  les  Etats-Unis;  l'Europe, 
245.300;  l'Asie,  41.970;  l'Australie,  22.202,  et  l'Afrique,  13.103. 

En  général,  à  partir  de  1890,  on  remarque  un  ralentissement 
continu  dans  le  développement  des  réseaux  ferrés.  La  cause  en 
est  due  surtout  à  la  diminution  considérable  des  constructions 
nouvelles  aux  Etats-Unis.  En  outre,  d'après  l'organe  spécial  cité 
plus  haut,  les  difficultés  financières  avec  lesquelles,  depuis  plu- 
sieurs années,  les  républiques  sud-américaines  sont  aux  prises, 
ont  nui  à  l'extension  de  leurs  chemins  de  fer.  A  signaler  cepen- 
dant, en  Asie,  la  construction  du  Transsibérien  et  l'achèvement 
du  réseau  à  voie  étroite  de  la  Russie  d'Asie.  Quant  aux  puis- 
sances européennes,  elles  progressent  lentement,  mais  d'une  fa- 
çon non  interrompue.  L'Allemagne  se  place  en  première  ligne 
avec  45.462  kilomètres  ;  viennent  ensuite  :  la  France,  qui  possède 
39.979  kilomètres:  la  Russie,  35.560;  l'Angleterre,  33.641;  l'Au- 
triche, 30.038;  l'Italie,  14.626;  l'Espagne,  12.147.  La  longueur 
du  réseau  des  autres  Etats  européens  n'atteint  pas  10.000  kilo- 
mètres. 

En  ce  moment,  on  constate  qu'en  Australie  les  constructions 
de  chemins  de  fer  subissent  un  certain  ralentissement  par  rap- 
port aux  années  précédentes.  L'Afrique  en  est  toujours,  sur  ce 
point,  à  ses  premiers  débuts.  Seules,  l'Egypte,  les  colonies  fran- 
çaises, la  Tunisie  et  la  colonie  du  Cap  possèdent  un  réseau  ferré 
organisé. 

Note  sur  les  disponibilités  du  réseau  ferré  allemand 
et  ses  possibilités  stratégiques. 

Lorsque  toutes  les  constructions,  actuellement  en  cours  ou  en 
projet,  seront  terminées,  l'Allemagne  disposera,  sur  sa  frontière 
occidentale,  de  18  lignes  de  transport  qui,  par  leur  combinai- 
son, peuvent  donner  3  lignes  à  voie  simple  et  14  à  double  voie 
ou  en  représentant  l'équivalent.  Dans  cet  ensemble,  sont  com- 
prises les  A'oies  a,  b,  c  (voir  le  croquis  pages  120  et  121),  les- 
quelles, dans  la  partie  sud-ouest  de  leur  tracé,  empruntent,  sur 
une  étroite  bande,  le  territoire  de  la  Belgique  et  traversent  en- 


DES    CHEMINS    DE    FER  117 

suite  le  Luxembourg  dans  toute  son  étendue.  Depuis  les  révéla- 
tions du  comte  Vasili  (Nouvelle  Bévue  du  1'^''  juillet  1888,  Un 
secret  d'Etat),  on  sait,  d'une  façon  à  peu  près  certaine,  qu'en 
1887  l'empereur  Guillaume  P''  et  le  roi  Léopold  ont  conclu,  è 
l'insu  de  leurs  gouvernements  respectifs,  une  convention  secrète 
qui,  entre  autres  clauses,  met  une  partie  des  chemins  de  fer 
belges  à  la  disposition  de  l'état-major  de  Berlin,  dans  le  cas  d'une 
guerre  entre  la  France  et  rAUemagne.  Quant  aux  lignes  luxem- 
bourgeoises, celles  dont  il  est  ici  question  appartiennent  à  une 
société  dont  le  siège  est  à  Strasbourg,  et  leur  exploitation  est 
confiée,  de  longue  date,  à  des  fonctionnaires  de  l'Empire,  déten- 
teurs, dès  le  temps  de  paix,  de  plis  de  mobilisation  émanant  de 
l'autorité  militaire  allemande. 

Comme  preuves  de  l'intention,  bien  arrêtée  chez  nos  voisins, 
d'utiliser  éventuellement  la  partie  considérée  des  chemins  de 
fer  belges  et  luxembourgeois,  on  peut  encore  citer  : 

1"  Le  quadruplement  de  la  S3ction  Thionville  -  Metz  et  son 
quintuplement  entre  ïhionville  et  tJckange,  qui  permettrait 
ainsi  d'en  faire  le  collecteur  des  lignes  a,  b,  c,  en  même  temps 
que  de  l'artère  VII  ; 

2°  Le  doublement  de  la  section  Thionville  -  Fontoy  et  la  cons- 
truction de  la  double  voie  Fontoy-Esch,  dont  les  recettes  sont 
loin,  paraît-il,  de  couvrir  les  dépenses  d'exploitation. 

Sur  les  19  corps  d'armée  qui  constituent  le  bilan  des  forces  de 
premier  choc  auxquelles  nous  nous  heurterions  en  Lorraine,  il 
n'y  a  à  pré\oir  de  transports  par  voie  ferrée  que  pour  16  corps 
d'armée  environ,  les  XIV^  XV®  et  XVI®,  ainsi  qu'une  division 
de  chacun  dos  VIIT®  e:  II®  Bavarois  (à  3  divisions),  devant  faire 
mouvement  par  étapes,  en  raison  de  leur  proximité  du  théâtre 
des  opérations. 

Les  31  lignes  élémentaires  (14x2+3=31)  qui  constituent  l'en- 
semble du  réseau  allemand  peuvent  être  assimilées  théorique- 
ment à  16  lignes,  dont  15  à  double  voie  et  1  à  voie  unique;  or, 
comme  il  sera  dit  plus  loin,  le  réseau  français  comprend  préci- 
sément 16  lignes.  D'autre  part,  le  nombre  des  commissions  de 
ligne  instituées,  dès  le  temps  de  paix,  sur  toute  la  superficie  de 
l'Empire,  s'élève  à  21,  dont  5  pour  la  frontière  russo-allemande 
et  16  pour  le  réseau  occidental,  aboutissant  au  cône  réceptif 
d' Alsace-Lorraine.  Cef^e  quadruple  coïncidence  de  chiffres,  qui 
n'est  sans  doute  pas  l'effetdu  hasard,  méritait  d'être  signalée. 

Malgré  l'appoint  des  lignes  a,  h,  c  prolongées  en  dehors  du  ter- 
ritoire national,  appoint  qui  le  rend  numériquement  l'équiva- 
lent du  nôtre,  le  réseau  ferré  allemand,  en  raison  de  son  manque 
d'homogénéité,  serait,  selon  toute  vraisemblance,  inférieur  au 
premier,  au  point  de  vue  de  la  capacité  de  transport.  Nos  diffé- 
rentes ar'ères  stratégiques  présentent,  en  effet,  sous  le  rapport 
du  rendement,  un  certain  degré  d'uniformité  qu'on  ne  retrouve 
ras  dans  leurs  similaires  du  camp  opposé  où,  sans  parler  des 
lignes  à  voie  unique,  on  rencontre  des  lignes  à  double  voie  dont 
le  débit  quotidien  varie,  de  l'une  à  l'autre,  dans  la  proportion 
de  un  à  trois.  Dans  ces  conditions,  si  l'on  admet  pour  la  durée  : 


1  18  HISTOIRE    ET    ORGAXISATIOX 

De  la  mobilisation  alU-mando 3  jours; 

Du  trajet  entre  la  base  de  débarquement 
et  la  gare  de  rassemblement  du  corps  d'ar- 
mée le  plus  éloigné,  considérée  comme  point 
initial.   2  jours     8  heures; 

De  rembarquement  (durée,  moyenne  pour 
chaque  corps  d'armée) 2  jours     8  heures; 

Total 7  jours  16  heures., 

on  en  conclut  que,  le  S*"  jour  de  la  mobilisation,  à  4  heures  soir, 
la  concentration  des  armées  impériales  pourra  être  terminée. 
Or,  ainsi  qu'on  le  verra  par  la  suite,  les  corps  français  auront 
achevé  la  leur  le  8"  jour  à  4  heures  matin;  par  conséquent,  avec 
une  avance  d'une  1/2  journée  sur  les  premiers.  Cette  assertion, 
basée  sur  des  calculs  qu'il  serait  trop  long  de  reproduire  ici,  a, 
en  outre,  pour  elle,  la  haute  autorité  du  général  de  Bernhardi 
qui,  dans  une  conférence  restée  fameuse,  faite  en  1898  à  la  So- 
ciété militaire  de  Berlin,  déclarait  qu'rji  théorie  les  Français 
avaient  l'avantage  au  point  de  vue  de  la  rapidité  de  la  concen- 
tration; mais  il  laissait  entendre  que,  dans  la  inatiquc,  il  n'en 
serait  pas  de  même.  En  effet,  profitant,  pour  compenser  ce  re- 
tard, de  la  supériorité  qui  leur  est  acquise  par  le  fait  même  de 
leurs  institutions  politiques,  les  Allemands  se  prétendent  en  me- 
sure de  lancer  leur  ordre  de  mobilisation  trente-six  heures  avant 
nous  et  de  prendre  l'offensive,  avec  toutes  leurs  forces  de  pre- 
mière ligne,  avant  que  les  nôtres  aient  pu  terminer  leur  rassem- 
blement. Pour  obtenir  cet  effet  de  surprise,  ils  seront  donc  obli- 
gés, jusqu'à  nouvel  ordre,  de  recourir  simultancmrvt  à  ces  deux 
procédés  accessoires  :  emprunt  partiel  des  chemins  de  fer  belges 
et  luxembourgeois  ;  envoi  anticipé  de  l'ordre  de  mobilisation,  sous 
peine  de  voir  l'initiative  des  opérations  passer  aux  mains  du 
généralissime  français. 

En  assignant  trois  jours  à  la  durée  de  la  mobilisation,  nous  ne 
voulons  pas  dire  par  là  que  tous  les  corps  et  services  indistincte- 
n'.ent,  seront,  après  ce  délai,  en  état  d'être  dirigés  vers  la  fron- 
tière. Ce  laps  de  temps  représente  un  minimum  au  bout  duquel 
les  éléments  les  plus  mobiles  pourront  commencer  leur  embarque- 
ment en  chemin  de  fer,  les  éléments  les  plus  lourds  disposant  en- 
core, après  le  départ  des  premiers,  de  deux  jours  un  tiers  pour 
achever  leurs  préparatifs.  Si  l'on  tient  compte  de  ce  fait,  qu'il 
s'écoulera  de  six  à  trente  heures,  soit  dix-huit  heures  en  moyenne, 
entre  la  réception  de  l'ordre  et  l'ouverture  effective  et  officielle 
des  opérations  relatives  à  la  mobilisation,  on  voit,  qu'en  réalité, 
les  premiers  auront  eu,  pour  se  mobiliser,  prts  de  quatre  jours 
et  les  derniers  environ  six  jours,  ce  qui,  à  l'heure  actuelle,  paraît 
largement  suffisant.  Il  n'est  donc  pas  exagéré  de  fixer  au  qua- 
trième jour,  à  minuit  1',  la  date  du  commencement  des  transports 
stratégiques. 

Pas  plus  que  nous  ne  le  ferons  pour  la  France,  nous  n'avons 
fait  état,  dans  les  calculs  relatifs  à  la  concentration  allemande, 
du  transport  des  corps  ou  divisions  de  cavalerie  qui,  de  l'autre 


DES    CHEMINS    DE    FER  119 

côté  du  Rhin,  il  est  vrai,  n'existent  que  sur  le  papier,  en  temps 
de  paix,  mais  dont  l'organisation  est,  bien  entendu,  prévue  jus- 
que dans  les  moindres  détails.  Chez  nos  voisins  de  l'Est,  comme 
du  reste  chez  toutes  les  grandes  puissances,  les  unités  de  cava- 
lerie ont,  en  permanence,  leurs  effectifs  au  complet  de  guerre  en 
hommes  et  en  chevaux  et  peuvent,  par  suite,  être  embarquées 
en  chemin  de  fer  vingt-quatre  heures  au  maximum  après  la  ré- 
ception de  l'ordre  de  mobilisation. 

Quant  aux  organes  d'armée,  leur  enlèvement  peut  être,  sans 
inconvénient,  rejeté  à  la  fiii  des  transports  de  troupes  auxquelles, 
sauf  les  quartiers  généraux,  ils  ne  sont  nullement  indispensables 
pour  les  premières  marches,  pas  plus  que  pour  le  début  des  hosti- 
lités. L'essentiel  est  que  les  voies  soient  débarrassées,  en  temps 
utile,  pour  permettre  d'entreprendre  sans  retard  les  embarque- 
ments en  chemin  de  fer  des  divisions  ou  corps  d'armée  de  réserve 
dont  la  mobilisation  est,  aujourd'hui,  assez  rapide  pour  qu'il  soit 
possible  de  les  acheminer  vers  le  théâtre  de  la  guerre,  à  la  suite 
des  unités  de  l'armée  active,  sans  qu'il  en  résulte  ni  interruption 
ni  ralentissement  d'aucune  sorte,  dans  cette  colossale  poussée  des 
niasses  armées  vers  la  frontière  menacée. 

La  comijosition  des  armées  impériales,  telle  qu'elle  est  donnée 
dans  le  schéma  ci-joint,  ne  représente,  cela  va  sans  dire,  qu'une 
des  multiples  combinaisons  que  l'état-major  allemand  n'a  sans 
doute  pas  manqué  de  faire  entrer  dans  ses  prévisions.  D'autre 
part,  elle  ne  signifie  pas  que  les  forces  de  première  ligne  mobili- 
sées par  nos  adversaires  éventuels  ne  comprendront  que  les  19 
corps  d'armée  actifs  qui  y  sont  énumérés.  Il  est,  au  contraire, 
bien  évident  que,  dès  le  début  des  hostilités,  ils  seront  renforcés, 
dans  une  proportion  impossible  à  prévoir,  mais  qui  certainement 
sera  considérable,  par  des  divisions  de  réserve  et  de  landwehr, 
destinées  soit  à  leur  être  adjointes,  soit  à  constituer,  de  toutes 
pièces,  de  nouveaux  corps  d'armée,  distincts  des  précédents. 

Dans  le  dénombrement  de  ces  forces,  nous  n'avons  pas  fait  en- 
trer en  ligne  de  compte  les  corps  d'armée  s'^ationnés  sur  la  fron- 
tière orientale  de  l'empire  (I",  Y^,  VI^  et  XVIP)  que  nous  sup- 
posons appelés  à  opérer  contre  nos  alliés,  avec  leur  formation  de 
réserve  et  de  concert  avec  l'armée  austro-hongroise.  Enfin,  pour 
être  complet,  nous  aurions  dû  mentionner  les  troupes  italiennes 
qui,  en  vertu  d'une  convention  aujourd'hui  connue  de  tous,  doi- 
vent être  transportés  dans  la  Haute-Alsace,  en  empruntant  les 
voies  ferrées  du  Tyrol  autrichien  et  de  l'Allemagne  du  Sud  ;  si 
nous  ne  l'avons  pas  fait,  c'est  que  leur  Intervention,  forcément 
tardive,  ne  se  produira,  selon  toute  vraisemblance,  qu'après  les 
premières  grandes  batailles  décisives  dont  la  Lorraine  aura  été 
le  théâtre.  (Note  du  traductrur.) 


Légende. 


Schéma  des  dj 


Composition  des  armées 

Armnc 
de  la  Mosell 

VII.  VUI.  IN.  X. 
XVIIi.  C.  III.  XI. 

B.  iim.  XIII.  XV 
m.  XII.  XIX 


Groupe    d'armées 
de  Lorraine 


|ll.  IV.  XVI. 
(lli 


I 


CiJêthourd         Srftm 


Armoc  d'.VI-aco. 


Les  noms  des  localités,  sièges  desCom- 
mi^sions  de  ligne,  sont  aocomi  agn^is  de 
la  lettre  indic  itrice  des  dites  Commis- 
sions. Pour  des  raison?  de  clarlt^,  le  cro- 
quis   nindique    pas    les    voies 
au.viliaires  destinées  à  doubler 
les  sections  à  une  voie  de  cer- 
taines grandes  artères  qui  sont 
com|;tnes  comme  lignes 
à  double  voie   sur  tout 
leur     larcours. 
Plusieurs      sec- 
lions  >o:it  à  qua- 
drupie   voii  : 
ceinture  et  mé- 
tropolitain      de  y" 
Berlin,  Iron-                ;'   .-• 
cous   'Jhion-               )      '" 
ville  -  .Metz, 
Strasbourg - 
Vendealieim 
Cologne  Kal- 
sclieu  re  n, 
etc.,  etc. 


s^.,r. 


Bdk' 


ai  du  réseau  allemand. 


«-vnt^ur^ 


,— ^        StettinJ/" 


.(Gai-de.m.M 

BEWUN 


Eh'esde,- 

xn  .E'. 


rclielle  :  1/4.000.CCO. 


Il 


France. 


En  1870,  lors  de  la  déclaration  de  guerre,  la  France 
possédait  un  réseau  ferré  très  étendu;  en  donnant  à  son 
tracé  la  contexture  d'une  toile  d'araignée,  on  avait  à 
peu  près  complètement  mis  de  côté  son  utilisation  éven- 
tuelle en  temps  de  guerre. 

L'existence  économique,  militaire  et  politique  de  cette 
nation  est  tout  entière  centralisée  dans  sa  capitale.  Le 
système  de  ses  voies  feiTées  se  divise  en  six  branches 
distinctes  qui,  à  l'exception  d'une  seule,  rayonnent  au- 
tour de  Paris  dans  les  directions  suivantes  :  Belgique, 
Manche,  Océan,  Méditerranée,  Allemagne,  Suisse  et  Ita- 
lie; la  sixième  est  comprise  entre  la  Méditerranée  et 
l'Atlantique.-. 

Dans  ce  tracé,  on  retrouve,  au  premier  coup  d'oeil, 
une  adaptation  aussi  parfaite  que  possible  aux  besoins 
économiques,  politiques  et  militaires  de  la  nation.  Et 
si  la  carte  d'un  pays  doit  être  considérée,  en  quelque 
sorte,  comme  une  image  reproduisant  les  traits  princi- 
paux de  son  organisation  militaire,  que  le  peuple  et  le 
gouvernement  y  ont  fidèlement  gravés,  on  peut  dire 
que  c'est  le  cas  pour  la  carte  de  France. 

Voici  la  peinture  très  exacte  que  le  D""  von  der  Leyen, 
conseiller  supérieur  de  régence,  donne  de  la  situation 
des    chemins    de    fer   français,    dans    son    étude    sur   la 


HISTOIRK   ET   ORGANISATION   DES   CHEMINS  DE   FER     423 

Législation  française  des  Chemins  de  fer  d'intéiêt  local 
et  à  l'oic  étroite  (1)   : 

«  L'organisation  des  chemins  de  fer  de  la  République 
offre  lin  caractère  particulier  qu'on  ne  retrouve  dans 
aucun  autre  pays.  Les  grandes  lignes  sont  la  propriété 
de  six  compagnies  montées  par  actions,  qui  exploitent, 
chacune  pour  leur  compte  et  à  leur  guise,  un  réseau 
bien  déterminé.  L'Etat  est  propriétaire  et  administra- 
teur d'un  septième  réseau.  Bien  que  soumise  au  contrôle 
du  gouvernem.ent  par  toute  une  série  de  Jois  et  de  règle- 
ments, l'exploitation  des .  voies  ferrées  par  l'industrie 
privée  n'eu  conserve  pas  moins  une  grande  indépen- 
dance. 

»  L'Etat  n'intervient  que  pour  endosser  la  responsa- 
bilité de  la  gestion  financière  des  compagnies;  il  ga- 
rantit, en  effet,  l'intérêt  des  obligations  par  le  paiement 
d'un  dividende  minimum  pour  les  recettes  des  lignes 
nouvellement  construites  (2). 


(1)  Vie  Gcsetzgchung  uher  Nehenbahncn  und  Klcinhahncn  in 
Franhreich,  Zcitschrift  fur  Klcinhahnen  {Bévue  des  Chemins  de 
fer  à  vnie  étroite),  numéro  de  novembre  1894,  page  545. 

(3)  Le  colonel  Budde,  autrefois  chef  de  la  section  des  chemins 
de  fer  du  grand  état-major  allemand,  maintenant  ministre  des 
Travaux  publics  et  des  Cheminsi  de  fer  de  Prusse,  n'est  pas  de 
l'avis  du  D""  von  der  Leyen  et  trouve  que  la  situation  des  che- 
mins de  fer  français  est  loin  d'être  pour  eux  une  causs  d'infério- 
rité vis-à-vis  de  ceux  des  autres  puissances,  en  général,  et  de 
l'Empire  allemand,  en  particulier.  Dans  son  ouvrage  :  Die  fran- 
zosischen  Eisenhahnen  im  Kriege  1870-71  und  ihre  seitherige 
Entwickdimg  in  militàrische  Hinsicht  (Les  Chemins  de  fer  fran- 
çais pendant  la  guerre  de  1S70-71  et  leur  développement  ultérieur 
au  point  de  vue  stratégique)  (Berlin  1877,  Schneider  et  Cie), 
cet  officier  supérieur,  après  avoir  analysé  tous  nos  règlements, 
formule  les  conclusions  ci-après  : 

((  Pour  terminer,  nous  voudrions  faire  ressortir  encore  une 
fois  combien  l'organisation  militaire  des  chemins  de  fer  et  la 
formation  de  troupes  de  chemins  de  fer  étaient  incomparable- 
ment plus  faciles  en  France  qu'en  Allemagne. 

»  En  notre  pays,  il  faut  compter  avec  une  organisation  admi- 
nistrative et  gouvernementale  fort  compliquées,  avec  des  diver- 
gences d'intérêts  et  d'opinions  multiples;   en   France,    au   con- 


^-'^  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

La  conséquence  naturelle  de  cette  situation,  c'est  que 
les  Compagnies,  certaines  de  n'être  jamais  dépossédées, 


traire,  la  conunission  supérieure  n'a  affaire  qu'aux  six  grandes 
compagnies  de  chemins  de  fer,  où  fonctionnent  déjà,  eu  temps 
ordinaire,  les  commissions  de  chemins  de  fer,  sous  le  nom  de 
commissions  d'études. 

»  Dès  le  temps  de  paix,  les  principales  lignes:  de  France  s© 
trouvent,  sous  le  rapport  militaire  et  technique,  dans  les  mains 
qui  sont  appelées  à  les  exploiter  en  cas  de  mohilisation. 

»  Les  autorités  dirigeantes,  grâce  à  l'existence  des  grands  ré- 
seaux, sont  habituées  à  faire  grand  et  à  disposer  d'immenses 
ressoutces  sur  un  domaine  d'une  vaste  étendue.  Les  compa- 
gnies françaises  ont,  en  sus  de  cela,  une  organisation  tellement 
bien  agencée  et  tellement  solide,  que  la  commission  militaire 
supérieure  y  trouve  une  réserve,  à  peu  près  inépuisable,  d'agents 
de  chemins  de  fer  parfaitement  disciplinés,  formés  d'après  des 
règles  identiques  et  qui,  réunis,  en  cas  de  guerre,  en  une  troupe 
de  chemins  de  fer,  peuvent  rendre  d'excellents  services  à  l'ar- 
inèe. 

»  Ce  sont  là  des  avantages  incontestables  qui,  envisagés  au 
point  de  vue  militaire,  sont  de  nature  à  justifier  le  vœu  que  nous 
exprimions  précédemment. 

»  Qu'on  se  hâte  de  réunir  les  chemins  de  fer  allemands  en 
grands  réssaux  ayant  leur  administration  propre,  mais  placés 
sous  le  contrôle  sévère  d'une  puissante  autorité  de  surveillance.  » 

A  l'époque  déjà  lointaine  (1877)  oii  les  lignes  ci-dessus  étaient 
écrites  et  oii  les  chemins  de  fer  allemands  se  trouvaient  encore 
morcelés  entre  une  infinité  d'administrations  privées  ou  de  l'Etat 
(celui-ci  ne  possédait  alors  que  60  p.  100  environ  du  réseau),  leur 
auteur,  auquel  on  ne  peut  refuser,  en  cette  matière,  une  compé- 
tence indiscutable,  semblait  donc  donner  con\nie  modèle,  à  ceux 
de  l'Allemagne,  l'organisation  des  chemins  de  fer  français.  Nous 
verrons  plus  tard  dans  quelles  conditions  ses  desiderata  ont  été 
depuis  réalisés. 

Pour  le  moment,  nous  nous  bornerons  à  relever  une  erreur 
assez  répandue,  qui  consiste  à  croire  que  le  paiement  de  la  ga^ 
rantie  d'intérêt  aux  grandes  compagnies  françaises  est  onéreux 
pour  le  Trésor  public  et  sans  compensation  d'aucune  sorte. 

On  sait  qu'en  vertu  des  conventions  de  1883  l'Etat  français  a 
garanti  aux  compagnies,  en  échange  des  sacrifices  considérables 
qu'il  leur  imposait,  pour  la  construction  des  lignes  peu  produc- 
tives, dites  du  troisième  réseau  —  composé  pour  une  bonne  part 
de  voies  stratégiques  —  un  minimum  de  recettes  nettes  leur 
permettant  de  faire  face  à  l'intérêt  et  à  ramortiss?ment  de  leurs 
obligations  et  de  distribuer  à  leurs  actionnaires  un  dividende  dé- 
terminé, savoir  :  Nord,  54  francs  ;  Est,  35  fr.  50;  Ouest,  38  fr.  50; 
Orléans,  56  francs  ;  Paris-Lyon-Méditerranée,  55  francs  ;  Midi, 
50  francs  (par  action). 

A  la  fin  de  chaque  exercice,  quand  leurs  recettes  ne  permettent 


DES    CHEMINS    DE    FER  125 

ont,  de  tout  temps,  montré  peu  d'empressement  pour 
étendre  leur  léseau.  Et  pourtant,  l'opinion  publique  ne 

pas  d'atteindre  ces  résultats,  les  compagnies  font  appel  à  la  ga- 
rantie,  c  est-a-dire  réclament  le  montant  des  insuffisances  au 
Iresor,  qui  leur  en  fait  l'avance,  à  raison  de  40  p.  100  d'intérêt 
simple. 

Ces  insuffisances  vont  en  diminuant  d'année  en  année-  aprîs 
avoir  atteint  77  millions  et  demi  en  1894,  elles  sont  descendues 
successivement  à  33  millions  en  1896,  puis  à  22  en  1897  •  mais 
comme  le  montre  le  tableau  ci-dessous,  établi  d'après  les  docu- 
ments officiels  du  Ministère  des  Travaux  publics,  elles  se  trou- 
vent compensées  et  au  delà  par  les  revenus  et  les  bénéfices  que 
l'Etat  retire  de  l'exploitation  des  chemins  de  fer. 

Etat  comparatif  des  sommes  demandées  par  les  Compagnies 
pour  1896  et  1897  à  titre  de  garantie  d'intérêt  et  des  profits 
retirés  par  l'E  at  de  1  exploiiation  des  chemins  de  fer  en  1896. 


RliSEAUX. 


Nord  (1) 

Kst 

Ouest 

Orloaiis  ...'.... 

P.  L.-M.  (2) 

Midi 

Elat 

Totaux.. 


SOMMES   DEMANDEES 

par  les  comiagnies  jour 


1897. 


Francs. 

» 

5.6U>.8f4 

13.t<3l  L72 

47.814 

» 

2.733.720 

» 


189G. 
3 


Francs. 

» 

7.298.4C7 

lG.0o9.638 

676.823 

» 

8.963.^76 

» 


EN    MOI^S 

tour  1897. 
4 


!•  runes. 

» 
1.085.323 
2.228.066 
629.011 

» 
6.229.736 


22.227.990         33.0(0.346         10.772.336 
Reiort  du  total  de  la  colonne  2 


Bcncfice  net  [our  le  Trosor. 


IMPOTS 

et  1  rofils  far 

ticuliers 

du  'Iresor 

en 

1896  (3). 


francs. 

26.944.738 
29.761.64.3 
33.567. C07 
37.661.829 
67.120.528 
19.323.561 
7.868.913 


222.448.221 
22.227.990 


2C0.2i0.231 


(1)  Le  Nord  n'a  pas  eu  recours  à  la  garantie. 

(2)  Le  P.-L.-M.  a  remboursé  intégrulement  les  sommes  qu'il  avait  reçues 
de  l'Etal,  à  titre  de  garantie  dintérèt,  soit  :  i;0.8o7.478  francs. 

(3)  Ces  revenus  ont  trois  sources  principales  : 

a)  Impôt  du  12/112  ?ur  lesvoyageurs  et  les  transports  en  grande  vitesse, 
crée  en  1833  et  augmenté  de  Timi  ôt  de  guerre,  dans  la  i  éricde  de  1^7l  à  1892; 

b)  Droit  de  timbre  des  récépissés,  aLonnement  au  timbre  des  actions  et 
obligation»,  droit  do  tranï mission  des  titres,  impôt  sur  les  valeurs  mobi- 
lières, latentes,  etc; 

c)  Economies  résultant  pour  le  Trcsor  des  transports  gratuits  ou  à  prix 
réduits,  i  our  les  dejartements  de  la  Guerre,  de  la  Marine,  des  Postes,  etc. 


La  recette  nette  totale  des  chemins  de  fer,  pour  les  sept  grands 
réseaux  français,  s'étant  élevée,  en  1897,  à  633.258.101  francs,  les 
bénéfices  bruts  de  l'Etat  représentent  35  p.  100  de  cette  somme, 
et  les  bénéfices  nets,  31  p.  100.  Les  uns  et  les  autres  sont  de 


126  HISTOIRE    ET    OKGANISATIOX 

cessait  de  réclamer  cette  extension  de  leur  part.  Maî- 
tresses des  lignes  les  plus  prospères,  elles  défiaient  toute 

beaucoup  supérieurs  —  et  ceci  étonnera  peut-être  bien  des  per- 
sonnes —  aux  dividendes  distribués  par  les  conseils  d'administra- 
tion des  compagnies  à  leurs  actionnaires,  dividendes  qui,  pour 
l'exercice  1897,  atteignent  157.482.000  francs,  soit  sjulement 
22  p.  100  des  recettes. 

Mais  c'est  surtout  avec  les  subventions  fournies  par  l'Etat  aux 
compagnies  que  la  comparaison  du  montant  des  impôts  et  profits 
particuliers  est  intéressante. 

D'après  les  documents  statistiques  du  ministère  des  Travaux 
publics,  ces  subventions,  au  31  décembre  1895,  se  chiffraient, 
pour  les  sept  grands  réseaux,  à  la  somme  totale  de  4.180.698.G95 
francs. 

Or,  depuis  leur  création  jusqu'à  la  date  ci-dessiis,  les  impôts 
de  la  catégorie  a  ont  donné  un  revenu  de 2.301.571.141  fr. 

Ceux  de  la  catégorie  h 2.300.704.000 

Dans  le  même  laps  de  temps,  les  économies 
de  la  catégorie  c  ont  donné  un  revenu  de 1.753.753.000 

Ainsi,  le  Trésor  public  a  retiré  de  l'exploita- 
tion des  chemins  de  fer,  de  1855  à  1896,  la  som- 
me totale  de 6.356.088.141 

Ses  avances,  s'étant  élevées  dans  la  même 
période  à 4.180.698.695 

lui  ont  donc  été  intégralement  remboursées  et 

il  a  touché,  en  sxis,  la  somme  de 2.175.389.446  fr. 

qui  augmente,  annuellement,  d'environ  deux  cents  raillions  de 
francs. 

En  résumé,  on  peut  conclure  de  ce  qui  précède  que  l'organisa- 
tion technique  et  administrative  de  notre  réseau  se  prête  aussi 
bien  à  une  utilisation  rationnelle  et  intensive  de  ses  voies  ferrées, 
en  temps  de  guerre,  qu'à  une  gestion  financière  susceptible,  en 
temps  de  paix,  de  satisfaire  à  la  fois  les  intérêts  du  Trésor  public 
et  ceux  des  actionnaires;  sous  le  double  rapport  militaire  et 
financier,  les  critiques  qu'on  a  coutume  de  lui  adresser,  à  l'étran- 
ger et  surtout  en  France,  ne  sont  donc  nullement  justifiées. 
L'opinion  du  distingué  écrivain  militaire  allemand  que  nous 
avons  rapportée  confirme  pleinement  notre  appréciation  sur  le 
premier  point.  Collaborateurs,  en  temps  de  paix  comme  en 
temps  de  guerre,  de  la  commission  militaire  supérieure  des  che- 
mins de  fer,  les  directeurs  des  grandes  compagnies  françaises 
peuvent  mettre  à  la  disposition  du  ministre  de  la  Guerre  un  per- 
sonnel nombreux  et  parfaitement  discipliné.  Sur  le  second  point, 
nous  avons  prouvé  que  nos  chemins  de  fer,  bien  loin  d'obérer 
notre  budget,  constituent,  au  contraire,  pour  celui-ci,  une  source 
de  recettes  très  appréciables  et  dont  le  montant  va  sans  cesse 
en  croissant.  Enfin,  nous  chercherons,  plus  loin,  à  montrer  que, 
sur  le  terrain  économique,  les  compagnies  de  chemins  da  fer  sont 


DES    CHEMINS   DE    FEE  127 

concurrence;  les  nouveaux  concessionnaires  n'obtenaient 
jamais  que  des  tronçons  de  peu  d'étendue;  ils  devaient 
se  contenter  de  la  mise  en  valeur  de  régions  dépourvues 
de  ressources  au  point  de  vue  commercial,  on  présen- 
tant une  configuration  accidentée;  il  leur  fallait,  par 
conséquent,  se  résigner  à  un  rendement  d'autant  plus 
faible  que  la  construction  et  l'installation  de  leurs  li- 
gnes avaient  été  plus  coûteuses.  A  cet  inconvénient,  si 
vivement  ressenti  et  si  souvent  signalé  par  les  popula- 
tions, l'Etat  a  cherché  à  porter  remède  en  venant  au 
secours  des  entreprises  des  chemins  de  fer  d'intérêt 
local. 

En  1870,  la  France  n'avait  à  sa  disposition  que  trois 
lignes,  en  partie  à  voie  unique,  se  dirigeant  vers  l'Est; 
par  contre,  dès  1891,  elle  en  possédait  déjà  dix,  dont 
huit  à  double  voie. 

Les  chemins  de  fer  Paris  -  Strasbourg,  Paris  -  Mul- 
house, Paris  -  Soissons  -  Charleville  -  Thionville,  cons- 
tituaient, en  1870,  les  principales  lignes  stratégiques 
de  nos  adversaires  et,  au  début  de  la  campagne,  trans- 
portèrent jusqu'à  70  trains  par  jour  vers  la  base  de 
concentration.  Mais,  par  la  suite,  ils  devinrent  impuis- 
sants à  satisfaire  aux  exigences  croissantes  du  moment, 
parce  que  rien  n'avait  été  prévu,  avant  la  déclaration 
de  guerre,  pour  l'organisation  des  transports  stratégi- 
ques, parce  que  la  mobilisation  elle-même  s'exécutait 
sans  méthode  et  que  chacun,  en  vue  de  son  intérêt  per- 
sonnel, mais  au  détriment  de  l'intérêt  général,  jugeait 


arrivées  à  des  résultats  non  moins  avantageux  que  les  précédents 
et,  dans  tous  les  cas,  bien  supérieurs  à  ceux  du  même  ordre, 
obtenus  sur  les  grands  réseaux  exploités  par  l'Etat  chez  certaines 
puissances  et,  en  particulier,  dans  l'Empire  allemand. 

Tous  les  renseignements  numériques  contenus  dans  cette  note 
sont  extraits  du  Manuel  de  statistique  des  Chemins  de  fer  fran- 
çais, par  Delebecque  (Exercice  1897,  pages  47  à  51).  Paris  1898, 
Imprimerie  Chaix.  {Note  du  traducteur.) 


128  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

à  propos  de  transgresser  les  ordres  des  autorités  de 
chemins  de  fer.  Aussi,  après  la  campagne,  la  littérature 
spéciale  se  livra-t-elle  franchement  et  sans  parti  pris 
à  l'étude  de  ces  événements  néfastes,  et,"  en  présence  de 
la  réalité  des  faits,  proclama-t-elle  bien  haut  la  néces- 
sité d'une  organisation  calquée  sur  la  nôtre. 

Toutefois,  l'observateur  impartial  ne  devra  pas  per- 
dre de  vue  que,  vis-à-vis  des  chemins  de  fer,  le  vain- 
queur a  le  droit  d'élever  d'autres  prétentions  que  le 
vaincu,  car  un  réseau,  quelque  bien  compris  que  soit 
son  tracé,  peut  devenir  impraticable  lorsque  l'ennemi 
s'est  rendu  maître  d'une  partie  de  ses  ligues.  C'est  ainsi 
que  les  chemins  de  fer  français  tombèrent  subitement 
dans  la  confusion  et  le  désordre,  quand  certaines  des 
lignes,  les  mieux  outillées  au  point  de  vue  militaire,  pas- 
sèrent entre  nos  mains  et  qu'il  fallut  demander  à  des 
voies  latérales,  jusqu'alors  négligées,  des  services 
qu'elles  étaient  incapables  de  rendre. 

Sans  le  manque  de  préparation  des  transports  stra- 
tégiques et  l'absence  d'organisation  des  lignes  secon- 
daires, le  réseau  français,  déjà  entièrement  achevé,  eût 
largement  suffi  aux  besoins  d'une  concentration  régu- 
lière ou  d'une  guerre  victorieuse.  Aussi,  les  hostilités 
terminées,  la  Erance  a-t-elle  mis  à  profit  les  leçons  de 
la  guerre,  en  appliquant  à  ses  chemins  de  fer  l'organi- 
sation militaire  prussienne  et  en  consacrant  à  leur  per- 
fectionnement et  à  leur  achèvement  des  sommes  colos- 
sales. Elle  s'est  rendu  compte  que,  dans  une  prochaine 
campagne,  la  rapidité  des  opérations  serait  intimement 
liée  à  la  possession  de  bonnes  voies  de  communication 
sur  les  derrières  des  armées  et  que  leur  protection  serait 
une  des  premières  obligations  de  la  défense  nationale. 

On  saisit,  du  premier  coup,  l'importance  qui  s'atta- 
che en  Erance  à  la  capitale,  quand  on  songe  aux  forti- 
fications dont  on  l'a  entourée,  pour  la  mettre  à  l'abri 


DES    CHEMINS   DE    FER  129 

d'un  siège  et,  si  c'était  possible,  d'un  investissement. 
Dès  les  mois  de  mars  et  de  juillet  1874,  des  lois  étaient 
promulguées  pour  la  construction  de  nouveaux  ouvrages 
de  défense,  autour  de  Paris  et  à  la  frontière  de  l'Est. 
Cette  même  année,  on  commença  les  travaux. 

La  ligne  de  défense  de  la  capitale  fut  reportée  très 
loin  en  avant,  et,  en  1883,  une  ceinture  fortifiée  com- 
prenant 56  forts  ou  batteries  s'élevait,  de  toutes  pièces, 
à  une  distance  de  l'enceinte  variant  de  10  à  18  kilo- 
mètres; aujourd'hui,  son  développement  atteint  130  kilo- 
mètres. 

A  la  frontière  de  l'Est,  on  restaura  tout  d'abord  les 
anciennes  places  de  Yerdun,  Toul  et  Belfort,  puis  on 
fortifia  la  plupart  des  hauteurs  que  les  batteries  de 
sièges  allemandes  avaient  occupées  pendant  la  dernière 
guerre.  Enfin,  Epinal  fut  transformée  en  camp  retran- 
ché, par  la  création  d'un  système  de  forts  détachés  (1). 

Tels  sont  les  moyens  employés  par  les  Français  pour 

(1)  L'idée  dominante,  dans  l'établissement  des  fortifications 
de  notre  frontière  de  l'Est,  c'était  de  couvrir  Paris.  Le  plan  du 
général  Rivière,  basé  tout  entier  sur  l'obstruction  des  lignes 
d'invasion,  ne  peut  laisser  aucun  doute  à  cet  égard. 

On  a  constitué  ainsi  une  série  de  régions  fortifiées,  douées  de 
profondeur  et  prétendues  imprenables.  Cette  transformation  de 
la  France  en  un  vaste  corps  de  place  défendu  par  les  armées 
nationales  y  montant  la  garde  a  pu  convenir  à  l'insuffisance 
d'organisation  de  nos  forces  vives  et  à  l'abattement  de  nos  cou- 
rages, au  lendemain  de  la  défaite. 

La  lutte  ouverte  entre  la  cuirasse  et  le  canon  a  vite  montré 
ce  qu'il  fallait  attendre  de  ces  sortes  de  places,  mères  gigognes 
cachant  des  armées  sous  leurs  jupes  de  terre. 

Depuis,  une  violente  réaction  s'est  produite  et  on  paraît  être 
tombé  dans  un  excès  contraire.  En  1900,  sans  l'ombre  même  d'une 
discussion  ou  même  d'une  observation,  la  Chambre  des  députés 
a  voté  une  proposition  de  loi  tendant  à  déclasser  près  de  la  moitié 
de  nos  forteresses.  Cette  loi,  dite  «  de  classement  »,  mais  qu'on 
pourrait  appeler,  plus  justement,  loi  de  destruction  du  système 
de  défenses  permanentes  que  nous  avons  si  chèrement  et  si  labo- 
rieusement édifié  après  la  guerre,  comprend,  en  substance,  les 
dispositions  suivantes  : 

Elle  démantèle  à  peu  près  complètement  notre  frontière  du 
Nord.  Dans  la  région  Est,  elle  supprime  un  certain  nombre  de 
Orgau.  chem.  de  fer.  .9 


loO  HISTOIRE    ET    OilGAXISATIOX 

protéger  leurs  principales  voies  ferrées.  En  outre  ils 
s'efforcent,  sans  relâche  et  par  tous  les  moyens,  de  per- 

placGS  ;  elle  eu  réduit  d'autres  à  l'état  d'ouvrages  qui,  en  prin- 
cipe, ne  doivent  être  ni  armés,  ni  approvisionnés,  ce  qui  équivaut 
à  leur  abandon.  Elle  supprime  ainsi,  de  fait,  ce  que  l'on  a  appelé 
les  régions  fortifiées.  La  région  du  Sud-Est,  seule,  est  moins  cruel- 
lement frappée. 

Sur  la  proposition  d'un  de  ses  membres,  M.  le  vicomte  de 
Montfort,  le  Sénat  avait  ajourné  la  discussion  de  ce  projet  de 
loi,  en  attendant  que  le  Conseil  supérieur  de  la  guerre,  consulte 
à  nouveau,  ait  fait  connaître  son  avis  définitif  sur  cette  grave 
question.  Or,  le  Conseil  supérieur  de  la  guerre  s'est  prononcé 
pour  le  maintien,  intégral  des  dispositions  du  projet,  et  c'est 
dans  ces  conditions  que  le  Sénat  en  reprit  l'examen. 

Pour  obtenir  ou  motiver  le  vote  de  cette  loi,  on  a  allégué  diffé- 
rentes raisons. 

En  premier  lieu,  on  a  dit  que,  pour  conserver  à  nos  fortifica- 
tions de  l'Est  une  valeur  dcfonsive,  en  rapport  avec  les  progrès 
de  l'artillerie  et  leur  permettre  de  résister  aux  nouveaux  explo- 
sifs, il  faudrait  consacrer  à  leur  amélioration  et  à  leur  entretien 
des  sommes  dont  le  montant  serait  hors  de  proportion  avec  Tin.- 
portance  des  services  hypothétiques  qu'elles  seraient  appelées  à 
rendre,  en  temps  de  guerre.  S'appuyant,  en  cela,  sur  l'opinion  du 
général  Pierron,  les  adversaires  de  notre  système  défensif  pré- 
tendent, en  outre,  que  ((  la  meilleure  garantie  de  l'indépendance 
d'un  pays  repose  désormais  sur  le  chiffre,  non  de  ses  places  fortes, 
mais  de  ses  combattants  dressés  en  vue  de  la  guerre;  que  leur 
occupation,  en  exigeant  un  nombre  considérable  de  défenseurs, 
affaiblirait  d'autant  nos  armées  de  campagne  »;  d'oii  la  conclu- 
sion que,  l'ennemi  pouvant  nous  opposer  des  effectifs'  très  supé- 
rieurs en  nombre,  il  fallait  distraire  le  moins  de  forces  possibles 
de  nos  unités  actives,  pour  occuper  et  défendre  nos  forts  d'arrêt 
et  nos  camps  retranchés. 

La  première  objection  est  du  domaine  budgétaire;  elle  ne  nous 
est  pas  spéciale  et  peut  s'adresser  aussi  à  l'organisation  défen- 
sive des  autres  Etats;  à  l'étranger,  on  a  passé  outre  à  cette 
considération,  en  consacrant  au  perfectionnement  et  au  dévelop- 
pement du  réseau  fortifié  les  crédits  reconnus  suffisants,  mais 
dont  le  montant  ne  paraît  pas  devoir  être  inférieur  à  celui  dont 
nous  aurions  besoin  pour  arriver  au  résultat  poursuivi.  Au  mo- 
ment où  nous  nous  proposons  de  réduire  le  nombre  et  la  valeur 
de  nos  forteresses,  les  Allemands,  en  particulier,  améliorent  fié- 
vreusement les  leurs  et  construisent  de  nouveaux  ouvrages  à 
Metz,  à  Thionville,  à  Strasbourg  et  à  Neufbrisach.  Il  faut  croire 
qu'ils  ont  trouvé  le  moyen  de  se  garer  de  ces  fameux  explosifs, 
d'invention  récente,  dent  il  a  été  parlé  dans  l'exposé  des  motifs 
du  projet  de  la  loi  de  classement  et  qui  ont  été  présentés  comn.e 
devant  entraîner  l'abandon  de  toute  espèce  de  fortifications  per- 
manentes. Sans  se  laisser  berner  par  les  récits  plus  ou  moins 
terrifiants  des  expériences  faites  dans  les  polygones,  nos  voisins 


DES    CHEMINS    DE    FER  131 

fectionner  l'organisation  défensive  de  leurs   camps  le- 
tranehés  en  les  dotant  de  chemins  de  fer  militaires.  Un 


se  sont  donc  mis  à  l'œuvre,  sachant  bien  qu'il  n'y  a  pas  de  fortifi- 
cations incassables,  et  que  leur  valeur  dépend  surtout  de  celle 
des  hommes  qui  ont  la  charge  de  les  défendre.  A  moins  d'abdi- 
quer, nousi  devons  donc  imiter  nos  adversaires  éventuels  et  nous 
résigner  aux  mêmes  sacrifices  pécuniaires.  «  Pourquoi,  a  dit 
M.  de  Montfort,  commettrions-nous  l'imprudence  d'ouvrir  nos 
frontières  à  l'envahisseur,  alors  qu'il  ne  s'agit  pas  ^  qu'on  le 
remarque  bien  —  d'édifier  à  coups  de  millions  cette  ceinture  do 
pierre  qui,  depuis  trente  ans,  nous  a  protégés,  mais  qu'il  est 
question  seulement  de  l'entretenir,  ce  qui,  dans  notre  énorme 
budget  de  trois  milliards,  n'est,  en  somme,  qu'une  dépense  insi- 
gnifiante? Pourquoi  cette  rage  de  détruire  ce  qui,  dans,  tous  les 
cas,  est  im  élément  de  plus  de  force  et  de  résistance  actuellement 
à  notre  disposition?  » 

Quant  à  la  seconde  objection  —  affaiblissement  de  nos  troupes 
de  campagne,  résultant  de  l'occupation  de  forteresses  trop  nom- 
breuses —  elle  peut  se  réfuter  aussi  simplement  que  la  précé- 
dente. Il  suffira  en  effet,  comme  cela  a  déjà  eu  lieu  la  plupart  du 
temps,  de  constituer  les  garnisons  de  ces  places,  à  l'aide  d'unités 
de  l'armée  territoriale  complétées  au  besoin,  suivant  leur  proxi- 
mité de  la  frontière  et  l'importance  des  ouvrages,  par  le  nombre 
de  bataillons  de  réserve  strictement  indispensable.  Les  forte- 
resses seront  ensuite  abandonnées  à  leurs  propres  ressources;  mais 
les  troupes  actives  pourront,  dans  les  limites  déterminées,  en 
retirer  les  approvisionnements  en  vivres,  en  munitions  et  en  ma- 
tériel qui  y  auront  été  accumulées  à  l'avance  et  soigneusement 
tenus  à  l'abri  des  projectiles  de  l'artillerie  ennemie. 

Enfin,  il  existe,  contre  les  fortifications  de  notre  frontière  de 
l'Est,  une  troisième  objection  beaucoup  plus  grave  que  lès  pré- 
cédentes, parce  qu'elle  flatte  notre  amour-propre  en  faisant  appel 
à  des  sentiments  guerriers  que  nous  nous  sommes  glorifiés  —  sou- 
vent non  sans  raison  —  de  posséder  et  de  cultiver  comme  une 
pieuse  tradition.  Nous  voulons  parler  de  l'esprit  d'offensive  qui 
est  —  on  le  croit  du  moins  —  en  opposition  absolue  avec  l'em- 
ploi des  forteresses.  C'est  pourquoi,  en  dehors  de  la  question 
budgétaire,  qui,  dans  l'état  actuel  de  nos  finances,  peut,  à  la 
rigueur,  donner  à  réfléchir,  en  dehors  aussi  de  la  question 
de  notre  infériorité  numérique  qui,  vu  la  marche  régressive 
de  notre  population,  mérite  d'être  envisagée  avec  beaucoup  d'at- 
tention, «  une  nouvelle  école  scientifique  est  apparue  dans  le 
monde  militaire  qui,  avec  l'engouement  d'une  méthode  que  ses 
adeptes  déclarent  infaillible,  fait  table  rase  des  leçons  du  passé 
et  ne  veut  —  de  bonne  foi,  c'est  certain  —  entendre  parler  que 
de  l'offensive  à  outrance,  toujours  et  quand  même.  Comme  si  per- 
sonne, en  vérité,  pouvait  dire  avec  certitude  qu'il  existe  en  pa- 
reille matière  un  système  absolu  ! 

<(  Oui,  sans  doute,  l'offensive  est  bien  souvent  un  gage  de  suc- 


132  HISTOIRE    Eï    ORGAXISATIOIS* 

système  très  complet  de  lignes  ii  voie  étroite,  en  assu- 
rant, dans  cliaque  forteresse,  la  communication  des 
ouvrages  isolés  entre  eux,  rend  plus  facile  et  plus  ra- 


ces; nous  devons  chercher  à  la  prendre  énergique  et  rapide;  mais 
sommes-nous  certains,  malgré  la  vaillance  et  l'héroïsme  de  nos 
troupes,  qu'elle  nous  procurera  le  succès?  »  (Vicomte  de  Mont- 
fort,  Echo  de  Paris,  l"  janvier  1901.) 

Prendre  l'offensive  au  début  de  la  guerre,  c'^est  parfait  ;  mais, 
pour  cela,  il  faut  .être  prêt  le  premier.  Or,  personne  ne  peut 
nous  donner  cette  assurance,  pas  plus  qu'on  ne  peut  affirmer 
que  nos  succès  seront  continus.  Sur  le  premier  point,  en  particu- 
lier, des  motifs  d'ordre  politique  et  diplomatique  qu'il  est  à 
peine  besoin  de  mentionner  nous  placent,  vis-à-vis  de  nos  adver- 
saires éventuels,  dans  un  état  d'infériorité  qui  n'est  malheureu- 
sement que  trop  manifeste.  Personne  n'ignore,  en  effet,  que  la 
mobilisation  et  la  concentration  de  nos  alliés  seront  bien  moins 
rapides  que  les  nôtres.  Cette  situation,  connue  de  la  Triple  Al- 
liance, à  laquelle  l'Angleterre  prêtera  peut-être  son  concours, 
engagera,  selon  toute  vraisemblance,  l'Allemagne  à  attaquer 
la  France  la  première,  avec  ses  plus  puissants  moyens  d'action. 
((  La  prochaine  guerre  débutera  donc  par  des  coups  d'une  vio- 
lence inouïe,  portés  là  oîi  il  le  voudra  par  un  adversaire  qui,  lui, 
n'a  pas  besoin  d'attendre  un  vote  du  Parlement,  non  pas  pour 
déclarer  la  guerre  —  car  elle  ne  le  sera  sans  doute  jamais  — 
mais  pour  mobiliser  ses  troupes  de  première  ligne  et  les  lancer 
sur  notre  territoire.  Possédant,  par  là  même,  l'initiative  straté- 
gique, il  pourra  prendre  à  son  gré  une  offensive  d'autant  plus 
foudroyante  que  les  obstacles  accumulés  sur  sa  route  seront  en 
nombre  plus  restreint.  Cette  constatation  ne  signifie  en  aucune 
façon  que  nous  devrons  accepter  la  lutte  sans  espoir  de  vaincre, 
surtout  SI  nous  savons  faire  un  emploi  judicieux  de  nos  fortifica- 
tions permanentes  et  des  ouvrages  du  moment. 

Quel  sera,  dans  ces  conditions,  le  résultat  d'une  brusque  irrup- 
tion des  armées  allemandes  dans  nos  départements  frontières? 

La  meilleure  réponse  à  cette  question  nous  est  donnée  par  la 
lettre  que  l'empereur  Guillaume  I''"'  adressait,  en  1879,  à  son 
grand  chancelier,  lettre  dont  nous  extrayons  les  passages  sui- 
vants : 

«  Si  nous  avions  une  guerre  avec  la  France,  je  ne  partage  pas 
l'opinion  du  feld-maréchal  de  Moltke,  qui  croit  nos  forces  suffi- 
santes pour  nous  permettre  de  poursuivre  une  telle  guerre  sans 
alliés. 

»  Nous  nous  trouvons  maintenant  en  présence  d'une  armée 
complètement  différente  de  celle  de  1870,  car  on  ne  peut  nier  les 
progrès  que  la  France  a  accomplis  depuis  cette  époque. 

»  Puis,  il  y  a  une  autre  considération  :  c'est  que  la  frontière 
française  est  presque  hermétiquement  fermée,  depuis  la  Suisse 
jusqu'à  la  Belgique.   Cette  ligne  continue  de  forteresses  et  de 


DES    CHEMINS   DE    FEE,  133 

pide  la  mise  eu  place  de  rarmement.  Sur  toute  la  zone 
frontière  de  l'Est,  s'étendent  des  réseaux  aérien  et 
souterrain  de  télégraphie  optique  et  électrique  qui  re- 
lient les  forts  d'arrêt  avec  les  places  fortes  et  servent 
à  la  transmission  des  renseignements. 


forts,  même  si  l'on  parvenait  à  la  franchir,  rendrait  impossible 
l'envoi  de  tout  renfort,  et  entraverait  énormément  l'emploi  stra- 
tégique de  nos  forces. 

»  D'après  le  feld-maréchal  de  Moltke,  c'est  sur  un  champ  res- 
treint que  noua  devons  livrer  bataille.  Mais,  si  nous  sommes 
victorieux,  nous  ne  pourrons  pas  poursuivre  nos  succès  comme 
en  1870,  car  il  nous  faudrait  immédiatement  assiéger  cette  cein- 
ture de  camps  retranchés,  avant  de  nous  engager  dans  une  pour- 
suite. 

»  Des  mois,  peut-être,  s'écouleraient  avant  que  nous  parvins- 
sions à  prendre  quelques  forts,  et  cela  donnerait  le  temps  à  l'ar- 
mée défaite  de  se  refaire  derrière  cette  ligne  et  de  se  préparer  à 
une  nouvelle  rencontre. 

»  Si,  par  malheur,  les  Allemands  étaient  battus  lors  du  pre- 
mier choc,  la  rive  gauche  du  Rhin  serait  perdue  et  nous  devrions 
nous  retirer  de  l'autre  côté  du  fleuve.  » 

Cette  lettre,  écrite  par  un  adversaire,  renferme  le  plus  écla- 
tant en  même  temps  que  le  plus  précieux  hommage  qu'il  soit  pos- 
sible de  rendre  à  la  valeur  militaire  de  notre  armée,  ainsi  qu'à  la 
solidité  de  nos  défenses.  Eîle  prouve  d'iuie  façon  péremptoii'e 
que  c'est  grâce  à  ces  dernières  que  la  guerre,  conseillée  par  de 
Moltke  en  1875  et  en  1879,  a  pu  être  évitée. 

En  résumé,  si  le  projet  de  loi  dont  il  est  question  était  accepté  ; 
si,  par  le  fait,  nos  fortifications  du  Nord  et  toute  notre  deuxième 
ligne  de  défense  se  trouvaient  annihilées,  nous  n'aurions  plus  à 
opposer  à  l'envahisseur  que  les  défenses  de  l'Est,  en  admettant 
qu'il  voulût  bien  venir  s'y  heurter. 

Or,  déjà  en  1895,  la  supériorité  évidente  de  ces  défenses,  sur 
celles  des  autres  parties  de  notre  territoire,  faisait  dire  au  géné- 
ral Brialmont,  eu  plein  Parlement  belge,  que  l'Allemagne  serait 
amenée  à  porter  ses  principales  forces  vers  le  Nord,  c'est-à-dire 
à  violer  la  neutralité  de  la  Belgique.  Eh  bien!  si  cette  violation 
était  logique  il  y  a  cinq  ans,  l'adoption  du  projet  de  loi  relatif 
au  nouveau  classement  de  nos  ouvrages  fortifiés  aura  pour  pre- 
mier effet  de  la  rendre  fatale. 

En  stratégie  comme  partout  ailleurs,  les  théories  extrêmes  sont 
dangereuses.  Entre  l'abus  de  la  fortification  et  la  défensive  à 
outrance  d'une  part,  l'offensive  aveugle  et  irraisonnée  de  l'au- 
tre, il  y  a  un  juste  milieu.  Sans  vouloir  en  rien  diminuer  la  part 
prépondérante  qui  revient  au  nombre  et  au  courage  des  combat- 
tants dans  les  opérations  décisives,  il  n'est  pas  prudent  de  décla- 
rer d'une  façon  absolue  que  la  poitrine  des  soldats  constitue  le 


134 


HISTOIRE    ET    ORGANISATION 


Vingt  ans  après  la  dernière  guerre,  le  réseau  français 
avait  un  développement  total  de  36.891  kilomètres,  dont 
3.150  pour  les  chemins  de  fer  d'intérêt  local  (1). 

meilleur  rempart  contre  l'invasion,  car  un  des  principes  fonda- 
mentaux de  l'art  de  la  guerre  nous  commande  —  et  cela  fort  sa- 
gement —  de  prévoir  les  revers  et  de  prévenir  les  désastres,  en 
assurant  la  retraite. 

En  d'autres  termes,  on  doit  se  garder  de  considérer  notre 
ceinture  de  forteresses  comme  une  barrière  infranchissable  pour 
l'envahisseur  ou  comme  un  refuge  inviolable,  derrière  lequel  nos 
troupes  de  campagne  viendraient  se  terrer,  au  risque  de  se  faire 
investir,  après  une  lutte  dont  l'issue  leur  aurait  été  défavorable. 
Le  véritable  rôle  des  fortifications  est  de  fournir  tout  d'abord 
des  appuis  économiques  aux  troupes  de  couverture  et  d'offrir 
ensuite  aux  armées,  en  cas  d'échec,  une  série  de  réduits  éven- 
tuels destinés  à  leur  permettre  de  se  réorganiser,  soit  en  vue  de 
reprendre  l'offensive,  soit  pour  continuer,  en  toute  sécurité,  leur 
mouvement  rétrograde. 

(1)  A  l'heure  actuelle,  la  longueur  des  chemins  de  fer  de  la 
métropole  atteint  près  de  42.000  kilomètres. 

Les  principales  données,  concernant  le  personnel,  le  matériel 
et  le  trafic  des  réseaux  français  et  allemands,  sont  résumés  dans 
les  tableaux  comparatifs  ci-dessous  : 

a)  Statistique  des  réseaux  français  et  allemand. 


Situation     en  (F. 

1898 (a. 

Parcours  mo-'j 

yen  annuel/  F. 

de  l'uni té(  A. 

(1896) ) 

Pour  cent  ki-i  F. 

loinétriquc.)  A. 
Pour  1.000  ha-i  F. 

bitants (A. 

Augmentation!  F. 

del888àl8y7(  A. 


RESEAU. 


41.000i 
45.6C0 


(I)  Ck078 

(1)  0k086 
lk052 
0k865 

4.3G0 

7.37U 


PERSON- 
NEL. 


LOCOMO- 
TIVES. 


416.000 

460. ÛOO 


10,44 
111,(6 
10.94 

8  8'» 


10.366 
16.3S0 

.37. 097k 
3'<.086 

0,26 
0,36 
0,27 
0,31 
S32  C-') 
3.539 


VOITURES 


26.484 
32.391 


» 
» 

0,66 
0,70 
0.69 
0,62 

,762  (2) 

,688 


WAGONS. 


273.503 
348.462 


» 

6.8 
7,6 
7,1 
6,7 

25.742(2) 

32.430 


TOTAUX 

des  véhi- 
cules. 


299.987 
3e0.853 

14.388k 
15.830k 

7,5 
8,3 
7,9 
7,3 
30.483 
101.178 


OBSERvATroNs.  —  Les  renseignements  contenus  dans  les  tableaux  a  et  6  sont 
empruntés  aux  ouvrages  suivants  : 

Manuel  de  statistique  des  chemins  de  fer  français  pour  l'exercice  1897, 
par  Delebecque  (Paris.  1898,  Imprimerie  Chaix,  20.  rue  Bergère)  ; 

Le  matériel  roulant  des  chemins  de  fer  français,  par  Gomel,  pa<?es  9,  15: 
16,  17,  18  (Paris,  1899,  Cliaix)  ;  /      /        .         . 

Les  chemins  de  fer  et  la  mobilisation,  par  Lanoir  (Paris,  Gharles-Lavauzelle). 

Les  lettres  A  et  F  désignent  respectivement  l'Allemagne  et  la  France. 

(.1)  Longueur  par  kilomètre  carré  de  la  superficie  de  chaque  Etat. 

(2)  L'augmentation  a  été,  en  1900,  de  508  locomotives,  3.168  voitures,  10.040 
>va;;ons. 


DES    CHEMINS    DE    FEE 


135 


Suite  de  la  nnlr  dr  l.i  paqe  prvcidvntc. 


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136  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

Parmi  les  lignes  construites  et  livrées  à  l'exploita- 
tion en  1891,  les  suivantes  méritent,  au  point  de  vue 
militaire,  une  attention  spéciale  : 

Les  chiffres  qui  précèdent  appellent  un  certain  nombre  de  ré- 
flexions. 

1°  Matériel  de  traction.  —  L'écart  qui  existe  entre  le  chifFre 
des  locomotives  en  service  dans  les  deux  pays  est,  en  nombre 
rond,  de  6.000  unités;  mais  il  ne  suffit  pas  de  comparer  des  nom- 
bres entre  eux  :  il  faudrait,  en  effet,  savoir  s'ils  s'appliquent  à 
des  objets  identiques.  Autrement  dit,  les  machines  en  usage  en 
deçà  et  au  delà  des  Vosges  sont-elles  semblables  comme  puissance 
de  traction  1  C'est  ce  qu'il  nous  a  été  impossible  de  savoir.  Tout 
oe  qu  on  peut  dire,  c'est  que,  par  suite  des  perfectionnements 
apportés  dans  la  construction  de  ces  engins,  on  constate  des 
différences  considérables  entre  les  types  anciens  et  les  types  plus 
récents. 

C'est  ainsi  que  notre  Compagnie  de  l'Est,  bien  qu'ayant  vu 
diminuer  son  effectif  de  machines,  de  1888  à  1897,  a  néanmoins 
augmenté  sa  puissance  de  traction  ;  l'ensemble  de  ses  locomotives 
actuelles  peut  remorquer  21.500  tonnes  de  plus  qu'en  1888,  ce 
qui  équivaut  à  une  augmentation  de  45  unités.  Un  phénomène 
analogue  — •  abstraction  faite  de  la  diminution  d'effectif  —  s'est 
produit  sur  tous  les  autres  réseaux.  Les  compagnies  se  sont  débar- 
rassées des  machines  qui,  à  raison  de  leur  âge  et  de  leur  modèle, 
ne  répondaient  plus  aux  données  de  la  science  et  aux  nécessités 
de  la  pra,tique.  Elles  leur  en  ont  substitué  d'autres  dont  le  tra- 
vail utile  est  bien  plus  considérable  pour  une  consommation 
moindre  de  combustible. 

Les  machines  du  dernier  type  peuvent  remorquer  un  poids  de 
75  p.  100  plus  élevé  que  les  anciennes,  soit  875  tonnes  au  lieu  de 
500.  L'augmentation  d'effectif  total,  pour  l'ensemble  du  réseau 
national,  qui  a  été  de  532  locomotives  dans  la  période  décennale 
de  1888  à  1897,  équivaudrait,  dans  ces  conditions,  à  un  accroisse- 
ment de  931  unités.  Le  progrès  réalisé  dans  le  sens  que  nous  ve- 
nons d'indiquer  a  eu  pour  conséquence  de  rendre  moins  fréquente 
la  double  traction  qui  consiste,  comme  on  sait,  à  atteler  deux  loco- 
motives au  même  train  et,  par  suite,  d'éviter  de  grandes  com- 
plications dans  le  service  de  la  traction.  En  résumé,  l'améliora- 
tion des  machines  prouve,  non  moins  que  l'accroissement  de  leur 
nombre,  combien  leur  effectif  actuel  est  plus  puissant  que  celui 
d'il  y  a  dix  ans. 

Tel  qu'il  existe,  il  est  largement  suffisant  pour  la  circulation 
normale,  et  aucune  pénurie  de  machines  ne  se  fait  sentir,  même 
aux  époques  oii  les  transports  sont  particulièrement  actifs.  Ja- 
mais il  n'arrive  que  toutes  les  locomotives  soient  occupées,  et 
chaque  réseau  en  possède  une  réserve.  Ces  réser\'es,  grossies  des 
nombreuses  machines  que  rendrait  libres,  en  temps  de  giierre,  le 
ralentissement  du  service  commercial,  serviraient,  si  des  hosti- 
lités éclataient,  à  la  concentration  des  troupes,  du  matériel  et 


DES    CHEMINS   DE    FER  137 

1°  La  section   Saint-Florentin  -  Troyes  de  la  grande 
artère    stratégique    qui,    par    Auxerre    et    Troyes,    met 


des  approvisionnements  en  vivres  et  en  munitions.  Cest  ?©  qui 
a  permis  au  Ministre  des  Travaux  publics  de  déclarer,  dans  le 
discours  qu'il  a  prononcé  à  la  séance  du  7  février  1899,  que 
«  nous  avons  dès  maintenant  tout  ce  qui  serait  nécessaire  à  une 
mobilisation  ». 

2°  Matériel  de  transport.  —  L'effectif  des  voitures  à  voyageurs 
a  subi  une  augmentation  en  rapport  avec  l'extension  du  mouve- 
ment des  voyageurs  (375  millions  en  1897,  au  lieu  de  225  en  1888). 
Mais,  en  ce  qui  les  concerne,  il  convient  de  faire  une  observa- 
tion analogue  à  celle  que  nous  avons  notée  pour  les  locomotives. 
En  effet,  non  seulement  des  milliers  de  vieilles  voitures  des  trois 
classes  ont  été  réformées  et  r-emplacées  par  d'autres  plus  spa- 
cieuses et  de  plus  grande  capacité,  mais  encore  celles  qui  ont  été 
construites  en  augmentation  d'effectif  sont  conformes  aux  nou- 
veaux modèles.  Il  en  résulte  que  les  voitures  dont  les  compagnies 
disposent  aujourd'hui  peuvent  contenir  un  bien  plus  grand  nom- 
bre de  voyageurs,  soit  environ  30  p.  100  de  plus  qu'il  y  a  dix 
ans. 

Le  même  fait  s'est  produit  pour  les  wagons.  Les  nouveaux  véhi- 
cules construits,  soit  en  remplacement  de  ceux  mis  hors  de  ser- 
vice, soit  en  augmentation  des  existants,  sont  capables  de  porter 
jusqu'à  15  et  20  tonnes,  tandis  que  les  anciens  avaient  un  ton- 
nage variant  entre  5  et  8  tonnes.  Le  Nord,  l'Est  et  le  P.-L.-M. 
possèdent  même  un  certain  nombre  de  wagons  de  50  tonnes, 
montés  sur  boggys,  dont  la  longueur  atteint  15  mètres. 

Ce  simple  coup  d'œil  sur  la  situation  du  matériel  roulant  des 
chemins  de  fer  français  montre  qu'il  est  à  la  hauteur  du  trafic 
auquel  il  doit  faire  face.  Sans  doute  nous  sommes,  sous  ce  rap- 
port, dans  un  état  d'infériorité  manifeste  vis-à-vis  de  l'Allema- 
gne, comme  cela  résulte  de  l'examen  du  tableau  a;  mais,  dans 
une  comparaison  de  ce  genre,  il  importe  de  tenir  compte  d'au- 
tres considérations  que  celles  qui  résultent  d'un  simple  rappro- 
chement de  chiffres.  La  France  et  l'Allemagne  n'ont,  en  effet, 
ni  la  même  superficie,  ni  la  même  population,  ni  la  même  acti- 
vité économique.  Si  l'Empire  allemand  s'étend  sur  un  territoire 
qui  compte  seulement  12.000  kilomètres  carrés  de  plus  que  le  nô- 
tre, il  possède  18  millions  d'habitants  de  plus  que  nous.  D'un  au- 
tre côté,  l'industrie  et  le  commerce  ont  pris  chez  nos  voisins, 
depuis  1871  et  surtout  dans  ces  dernières  années,  un  essor  qui, 
hélas  !  laisse  le  nôtre  bien  en  arrière  ;  nous  n'en  fournirons  qu'une 
preuve.  D'après  les  statistiques  officielles,  si  on  compare,  en 
1887  et  1896,  le  total  des  importations  et  des  exportations  ;  autre- 
ment dit,  le  commerce  général,  on  constate  \\n  gain  de  près  de 
2  milliards  pour  l'Allemagne  et  un  gain  de  340  millions  seulement 
pour  la  France.  De  plus,  en  dix  ans  notre  réseau  s'est  allongé  de 
4.360  kilomètres  et  celui  de  nos  voisins  de  près  du  double,  exac- 
tement de  7.370  kilomètres.  Dans  ces  conditions,  n'est-il  pas  na- 


138  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

Bourges  en  communication  avec  la  frontière  de  l'Est; 


turel  qu'au  delà  des  Vosges  ou  ait  senti  le  besoin  de  construire 
plus  de  kilomètres  de  voie,  de  locomotives  et  de  véhicules  que 
cela  ne  nous  était  nécessaire  ? 

Les  chemins  de  fer  allemands  ont  à  desservir  une  circulation 
beaucoup  plus  intense  que  les  chemins  de  fer  français.  Le  mou- 
vement des  personnes  et  des  marchandises  n'est  pas  seulement 
plus  actif,  il  a  aussi  beaucoup  plus  progressé  chez  nos  voisins  que 
chez  nous.  Il  s'ensuit  que  ce  serait  folie  de  vouloir  que  notre  ma- 
tériel roulant  fût  sur  un  pied  d'égalité  avec  celui  de  l'Empire 
d'Allemagne.  N'oublions  pas,  en  effet,  que,  dans  ce  pays,  le  nom- 
bre des  voyageurs  dépasse  de  près  de  moitié  celui  de  nos  propres 
voyageurs  et  que  le  tonnage  transporté  par  les  voies  ferrées  y 
excède  le  nôtre  de  plus  du  double  (voir  tableau  h).  La  seule 
chose  raisonnable  que  l'on  puisse  soutenir,  c'est  qu'il  importe  que 
nos  voies  ferrées,  nos  locomotives  et  nos  wagons  soient,  propor- 
tionnellement à  l'importance  du  trafic,  en  nombre  égal  à  ce  qui 
existe  de  l'autre  côté  des  Vosges.  Or,  à  ce  point  de  vue,  nous 
avons  même  une  supériorité  sur  nos  voisins,  en  admettant  que  ce 
soit  une  supériorité  de  pouvoir  niettre,  en  regard  d'une  quantité 
déterminée  de  trafic,  un  plus  gros  contingent  de  machiuosi  et 
de  véhicules. 

Pour  évaluer  le  rendement  d'une  ligne  ferrée,  on  a  coutume 
de  prendre  comme  base  le  nombre  de  locomotives  et  de  véhicules 
pour  100  millions  d'unités  kilométriques  :  plus  ce  coefficient  est 
faible,  plus  le  rendement  du  matériel  est  élevé  ;  on  se  sert  éga- 
lement du  parcours  moyen  de  l'unité  kilométrique  obtenu  en  di- 
visant le  nombre  d'unités  kilométriques  par  celui  des  unités 
transportées  (voyageurs  ou  tonnes). 

Or,  le  tableau  h  montre  que  la  proportion  de  chacun  des  élé- 
ments du  matériel  roulant,  eu  égard  aux  unités  de  trafic  trans- 
portées, est  plus  forte  sur  l'ensemble  de  nos  chemins  de  fer  que 
sur  le  réseau  germanique  ;  il  en  est  de  même  du  parcours  moyen 
de  l'unité  kilométrique.  C'est  pourquoi  nos  machines  et  nos  wa- 
gons font  annuellement  (voir  tableau  a)  un  parcours  moyen 
moindre  qu'en  Allemagne,  soit  respectivement  37.097  kilomètres 
et  14.388  kilomètres,  pour  les  premiers,  au  lieu  de  38.086  et 
15.830,  pour  les  seconds.  Et,  cependant,  les  chargements  sont 
transportés  sur  notre  réseau  à  une  distance  moyenne  qui  est  de 
28  kilomètres  plus  longue  que  sur  les  voies  ferrées  allemandes. 
Il  en  résulte  que,  sur  ces  dernières,  le  matériel  roulant  est 
mieux  utilisé  que  sur  les  nôtres. 

3"  Longueur  des  réseaux.  —  Dans  la  comparaison  des  réseaux 
français  et  allemands,  il  est  nécessaire  de  faire  les  mêmes  res- 
trictions que  pour  le  matériel  roulant  (superficie  du  territoire, 
population,  activité  commerciale,  etc.). 

Sous  le  rapport  de  la  superficie,  par  exemple,  nous  possédons 
moins  de  voies  ferrées  que  nos  voisins,  puisque  ceux-ci  ont 
0  kil.  086  de  chemin  de  fer  par  kilomètre  carré  de  superficie, 


UES    CHEMINS   DE    FEE,  139 

2°  La  section  Lons-le-Saunier  -  Champagnole,  tracée 
dans  le  Toisinage  de  la  frontière  suisse; 


taudis  que  cette  proportion  n'est,  en  France,  que  de  0  kil.  078  ; 
notre  territoire  est  donc  moins  bien  desservi  que  celui  de  l'Em- 
pire germanique. 

Par  contre,  au  point  de  vue  du  chiffre  des  habitants,  nos  lignes 
offrent  un  développement  plus  grand  que  celles  de  l'Allemagne, 
où  le  coefficient  kilométrique  pour  1.000  habitants  n'est  que  de 
0  kil.  865,  alors  qu'il  atteint  1  kil.  052  en  France. 

Ce  fait  n'a  rien  de  surprenant  si  l'on  songe  que  les  rapports 
entre  la  superficie,  la  longueur  du  réseau  et  la  population  des 
deux  pays  sont  respectivement  représentés  par  les  nombres  sui- 
vants : 

Guperficic.         Ri^seau.  Population. 

Allemagne 100  100  lÔO 

France 97  88  70 

Remarquons  en  outre  que,  pour  1.000  habitants,  les  chemins 
de  fer  transportent,  de  l'autre  côté  des  Vosges,  2.000  voyageurs 
et  2.500  tonnes  de  plus  qu'en  France.  Ce  résultat  est  encore  una 
conséquence  de  la  plus  grande  activité  commerciale  de  nos  voi- 
sins, que  nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  faire  ressortir  précé- 
demment et  qui  est  établie  d'une  façon  rigoureuse  par  le  rap- 
prochement des  coefficients  de  rendement  du  matériel  roulant 
des  deux  nations.  Dans  le  transport  des  voyageurs,  des  marchan- 
dises et  pour  l'ensemble  des  unités  de  trafic,  le  coefficient  fran- 
çais ne  représente  respectivement  que  76,  18  et  57  p.  100  du  coef- 
ficient allemand. 

C'est  l'explication  de  la  supériorité  de  l'effectif  des  locomotives 
du  réseau  de  nos  voisins,  qui,  pour  obtenir  un  trafic  presque 
double  du  nôtre,  avec  \n\  matériel  de  transport  sensiblement 
équivalent,  ont  obéi  à  une  nécessité  impérieuse,  en  construisant 
plus  de  machines  que  nous. 

En  résumé,  grâce  au  développement  qu'a  pris  la  circuration, 
depuis  quelques  années,  dans  notre  pays,  le  nombre  de  nos  ma- 
chines, de  nos  voitures  et  de  nos  wagons  tend  —  comme  on  peut 
le  voir  à  l'inspection  des  tableaux  ci-dessus  —  à  devenir  de  moins 
en  moins  disproportionné  avec  le  mouvement  du  trafic  des  voya- 
geurs et  des  marciiandises.  Mais  il  est  incontestable  que  nos  véhi- 
cules pourraient  —  l'exemple  des  chemins  de  fer  allemands  le 
démontre  —  accomplir  annuellement  un  plus  long  parcours* 
moyen.  Ce  serait  donc  se  lancer  dans  des  dépenses  sans  aucun 
profit  pour  le  commerce  et  onéreuses  pour  le  Trésor,  que  d'obli- 
ger nos  compagnies  à  accroître,  d'une  manière  inconsidérée,  l'ef- 
fectif de  leur  matériel  roulant.  En  quelques  années,  les  sommes 
que  les  grandes  compagnies  réclamaient  à  l'Etat,  à  titre  de  ga- 
rantie, se  sont  abaissées  de  98  millions  à  une  quinzaine.  Cette 
économie  a  servi  à  équilibrer  le  budget.  Ce  dernier  n'est  certes 
pas  tellement  au  large  que  l'on  doive  s'exposer  à  voir  grossir  la 
garantie,  pour  le  vain  plaisir  de  posséder  des  locomotives  et  des 


140  HISTOIRE   ET   ORGANISATION 

3°  La  section  Digue  -  Mézel,  de  la  ligne  Digne  -  Nice, 
qui  reliera  cette  dernière  ville  avec  Grenoble  et  Lyon  (1). 


wagons  qui  resteraient  au  garage,  faute  d'emploi.  Si  encore  l'in- 
térêt de  la  défense  nationale  l'exigeait!  Mais  il  ne  le  commande 
pas,  puisque  nos  différents  ministres  de  la  guerre,  toujours  par- 
faitement renseignés  sur  ce  point  par  le  nombreux  personnel 
dont  ils  disposent  à  cet  effet,  n'ont  jamais  conclu  à  la  nécessité 
des  dépenses  auxquelles  nous  faisons  allusion. 

Telle  est  la  réalité  des  faits,  et  il  semble  que  la  situation  soit 
satisfaisante  pour  un  esprit  non  prévenu.  Elle  est  bien  diffé- 
rente de  celle  qui  a  été  dépeinte  à  la  Chambre  en  1899.  En 
somme,  notre  matériel  roulant  s'est  beaucoup  perfectionné  et 
accru  au  cours  des  douze  dernières  années.  Sa  capacité  et  sa 
puissance  sont  largement  en  rapport  avec  les  services  qu'il  est 
appelé  à  rendre,  en  temps  de  paix  comme  en  temps  de  guerre, 
et,  s'il  est  vrai  qu'il  est  numériquement  inférieur  à  celui  des 
chemins  de  fer  allemands,  il  présente,  relativement  à  ce  dernier, 
plus  d'importance,  pourvu  que  l'on  tienne  compte  de  la  longueur 
de  notre  réseau,  de  l'activité  de  son  trafic,  du  chiffre  de  notre 
population  et  du  montant  de  notre  commerce.  (Xotc  du  traduc- 
teur.) 

(l)  La  section  Saint-André  -  Puget-Théniers  n'est  pas  encore 
livrée  à  l'exploitation  (1905). 

Jusqu'ici,  le  camp  retranclié  de  Nice  n'était  mis  en  communi- 
cation avec  le  Sud  de  la  France  que  par  la  grande  ligne  à  dou- 
ble voie  Arles  -  Marseille  -  Toulon  -  Cannes.  Or,  cette  ligne,  dans 
les  sections  La  Ciotat  -  Toulon  et  Saint-Raphaël  -  Nice,  longe, 
comme  on  le  sait,  le  littoral  et  est  exposée,  dès  les  premières 
heures  de  la  mobilisation,  à  voir  une  partie  de  ses  ouvrages  d'art 
détruits  par  la  flotte  italienne,  sans  que  notre  escadre  de  la 
Méditerranée  puisse,  en  raison  de  son  infériorité  numérique, 
s'opposer  à  cette  destruction  éventuelle.  Dans  ces  conditions,  la 
concentration  d,e  l'armée  française,  appelée  à  opérer  dans  les 
Alpes  maritimes,  deviendrait  impossible  et  le  sort  de  Nice,  sé- 
parée du  reste  de  la  France,  se  trouverait  gravement  compromis 
dès  le  début  des  hostilités. 

Si  le  premier  tronçon,  La  Ciotat  -  Toulon,  peut,  à  la  rigueur, 
être  doublé  par  la  ligne  à  une  voie  Marseille  -  Gardanne  -  Car- 
noules,  à  écartement  normal,  qui  pénètre  dans  l'intérieur  des  ter- 
'res,  il  n'en  est  pas  de  même  du  second,  Saint-Raphaël  -Nice,  dont 
l'emploi  demeurait,  jiisqu'ici,  imposé  aux  transports  à  destination 
ou  en  provenance  de  notre  grand  camp  retranché  du  Sud-Est. 

Depuis  longtemps,  il  est  vrai,  il  existe  une  voie  d'évitement 
qui,  par  Draguignan,  Grasse  et  Colomars,  permettrait  d'attein- 
dre Nice,  à  l'abri  des  surprises  et  d'une  agression  par  mer. 
Malheureusement,  les  conditions  dans  lesquelles  son  tracé  avait 
été  profilé  et  sa  superstructure  établie,  avaient  empêché,  jus- 
qu'à ces  derniers  temps,  de  l'admettre  comme  utilisable  straté- 
giquement.   La  section  dont  il  s'agit  appartient,   en  effet,   au 


DES    CHEMINS    DE    FER  141 

On  a  commeucé,  en  1891,  la  construction  d'une  ligne 


raihvay  Meyrargues  -  Nice,  lequel  est  à  voie  étroite  et,  par  suite,, 
impraticable  au  matériel  du  P.-L.-M.  D'autre  part,  sa  construc- 
tion, sur  un  terrain  extrêmement  accidenté  et  présentant  des 
différences  de  niveau  considérables,  a  nécessité  une  multiplicité 
de  travaux  d'art,  de  rampes  et  de  courbes,  très  pittoresques 
sans  doute,  mais  peu  compatibles  avec  les  vitesses  et  charges  que 
réclament  les  trains  militaires.  Transformer  cette  ligne  en  voie 
stratégique  paraissait  donc,  au  premier  abord,  une  tâche  impos- 
sible. Cependant,  en  prévision  des  conséquences  incalculable» 
que  cette  transformation  pouvait  offrir,  au  point  de  vue  de  la 
défense  nationale,  l'état-major  de  l'armée  n'a  pas  reculé  de- 
vant les  difficultés  d'une  tentative  qui  — ■  la  suite  l'a  démon- 
tré —  devait  être  couronnée  d'une  complète  réussite.  A  ce  titre, 
l'essai  en  question,  le  premier  -peut-être  de  ce  genre,  mérite  une 
mention  spéciale,  car,  en  créant  un  précédent,  il  prouve  que  les; 
chemins  de  fer  d'intérêt  local  ne  doivent  plus  désormais  être  con- 
sidérés comme  une  quantité  négligeable  en  temps  de  guerre. 

Avant  toute  chose,  il  fallait  rendre  la  voie  étroite  accessible  au 
matériel  à  gabarit  normal  ;  ce  premier  résultat  a  été  obtenu  par 
la  pose  d'un  troisième  rail  tout  le  long  de  la  ligne  Nice  -  Dragui- 
guan.  Restait  à  déterminer  si  son  écartement  était  partout  ré- 
gulier, sa  sécurité  absolue  ;  si  les  trains  d'un  certain  tonnage, 
remorqués  à  la  vitesse  des  trains  militaires,  pourraient,  sans, 
danger,  parcourir  les  courbes  et  les  rampes  ;  à  rechercher  com- 
ment se  comporterait  la  voie  et  ses  ouvrages  d'art,  quelle  serait 
la  flexion  des  viaducs,  etc.,  etc.;  il  fallait  s'assurer  aussi  que 
manœuvres,  garages,  alimentation  des  machines,  etc.,  étaient 
prévus  et  en  état  de  fonctionner  régulièrement  dans  les  gares 
de  raccord  et  autres. 

Ces  expériences,  qui  ont  duré  trois  jours  (du  5  au  7  juillet 
1900),  ont  donné,  paraît-il,  les  résultats  les  plus  satisfaisants  : 
ie  5,  de  Nice  à  Grasse,  et  le  6  de  Grasse  à  Draguignan,  épreuves; 
de  marche  et  de  poids,  ainsi  que  de  résistance  des  ouvrages, 
avec  une  machine  et  6  wagons  du  P.-L.-M.,  sous  la  direction  des 
ingénieurs  du  contrôle;  le  7,  épreuves  générales  et  définitives,  de 
Draguignan  à  Nice,  en  présence  du  lieutenant^colonel  Belz,  chef 
du  4^  bureau  à  l'état-major  de  l'armée. 

Les  unes  et  les  autres  ont  démontré  que  la  ligne  à  voie  étroite 
du  Sud  peut  désormais  être  pratiquée,  en  toute  sécurité,  par  le 
matériel  à  gabarit  normal  et  qu'elle  remplit  les  conditions 
indispensables  à  son  utilisation  stratégique.  Elle  est  donc,  à  ce 
titré,  reçue  et  classée  par  le  4*^  bureau,  auquel  elle  rendra  d'ap- 
préciables services.  La  frontière  du  Sud-Est  se  trouvera  ainsi 
dotée  d'un  nouvel  et  précieux  élément  de  défensive  et  d'offensive, 
surtout  lorsque  le  réseau  des  chemins  de  fer  du  Sud,  ayant  été 
complété  par  la  section  Saint-André  -  Puget-Tliéniers  -  Nice,  se- 
trouvera  mis  en  communication  directe  avec  Dijon,  Grenoble  et 
le  grand  commandement  de  Lyon,  âme  et  direction  suprême  de 
la  défense  du  Sud-Est,  comme  elle  l'est  déjà,  par  Grasse,  Drajgui- 


142  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

stratégique  de  la  plus  haute  importance,  qui  réunit  di- 

gnan  et  le  réseau  P.-L.-M.,  avec  Marseille  (15^  corps),  Mont- 
pellier (16^),  Toulouse  (17^),  et  Bordeaux  (18*). 

L'utilisation,  en  cas  de  guerre,  de  la  ligne  Nice-Grenoble-Lyon 
demeure  toutefois  subordonnée  à  la  transformation  préalable  do 
la  section  Colomars  -  Digne,  qui,  après  l'aclièvement  du  tronçon 
Saint-André  -  Puget-Thén'ers,  sera  à  voie  étroite  sur  tout  son 
parcours.  Mais  cette  transformation,  dont  le  principe  paraît 
admis,  n'est  plus  aujourd'hui  qu'une  question  de  temps.  En 
effet,  à  la  suite  du  fléchissement  du  viaduc  d'Agay,  situé  à  égale 
distance  entre  Saint-Raphaël  et  Cannes,  le  conseil  général  des 
Alpes-Maritimes  a  appelé  l'attention  du  Gouvernement  sur  l'uti- 
lité, au  point  de  vue  stratégique  et  commercial,  de  donner  à  la 
ligne  Nice -Digne  l'écartement  normal. 

Le  conseil  municipal  de  Nice  a  demandé  que  l'avenir  fût  ré- 
servé, c'est-à-dire  qu'un  troisième  rail  pût  être  posé  jusqu'à 
Digne  et  que  le  gabarit  du  tunnel  de  la  Colle-Saint-Michel  (*) 
fût  tel  que  les  trains  du  P.-L.-M.  pussent  le  franchir  sans  dan- 
ger d'asphyxie  pour  le  personnel  et  les  voyageurs.  En  réponse  à 
ces  desiderata,  le  Ministre  des  Travaux  publics  a  adressé  à 
M.  Raiberti,  député  des  Alpes-Maritimes,  une  lettre  dont  nous 
extrayons   le   passage   suivant    : 

«  C'est  au  prix  de  sacrifices  considérables  et  en  perdant  une 
partie  de  ceux  qui  ont  déjà  été  faits  pour  construire  les  lignes, 
qu'il  serait  donné  satisfaction  aux  vœux  formulés.  Il  est  évident 
que  l'Etat  ne  pourrait  faire  face  à  de  pareilles  dépenses,  sans 
ajourner,  pour  de  longues  années,  les  travaux  projetés  dans  la 
région  et  sans  ralentir  ceux  de  la  section  Saint-André  -  Puget  - 
Théniers. 

»  D'ailleurs,  sur  les  parties  comprises  entre  Draguignan  et 
Nice,  d'une  part,  Nice  et  Puget-Théniers,  de  l'autre,  les  travaux 
ont  été  menés  de  manière  à  permettre  la  pose  d'un  troisième 
rail,  et  éventuellement,  le  passage  de  véhicules  à  voie  large. 
Les  piojets  dresses  pour  l'établissement  de  la  section  Puget-Thé- 
niers -  Saint-André,  notamment  celui  du  tunnel  de  la  Colle - 
Saint-Michel,  réservent  aussi  la  possibilité  d'établir  un  troisième 
rail.  Le  gabarit  du  tunnel  en  question  a  été  établi  dans  cette 
hypothèse. 

»  Sur  la  section  Digne  -  Saint-André,  la  pose  du  tro'sième  rail 
ne  présentera  pas  de  difficulté  sérieuse.  » 

Ajoutons,  pour  terminer,  que  la  construction  du  chemin  de 
fer  projeté  Bargemon  -  Castellane  -  Saint-André,  eu  complétant 
le  réseau  ferré  qui  entoure  le  triangle  compris  entre  le  Verdon 
et  la  Durance  et  dont  Meyrargues  forme  le  sommet  cccidental, 
viendra  renforcer  cet  immense  camp  retranché  naturel  dont  Cé- 
Bar  avait  tant  apprécié  la  situation  et  les  avantages  exception- 
nels, et  en  fera  une  base  d'opérations  formidable,  une  impre- 
nable citadelle,  un  gage  de  puissance  militaire  infrangible  de  ce 

(*)    Ce  tunnel,  qui  se  trouve  entre   Saint-André   et  Pugct-Tliénicis.   est    en 
•constriiolion  depuis  i  hisieurs  années. 


DES    CHEMINS    DE    FER  143 

rectement  Paris  à  lleims.  (Cette  ligne  est  en  service  depirs 
1895.)  (\ote  du  Traducteur  ) 


côté  de  If  frontière,  et  de  victoire  au  jour  du  danger  etde  l'action. 

Outre  les  trois  lignes  de  transport  dont  nous  venons  de  parler, 
on  peut  en  tracer  cinq  autres  qui  aboutissent  dans  la  région  limi- 
tée, à  l'ouest,  par  les  points  de  Bellegarde,  Aix-les-Bains  et  Mon- 
mélian  et,  à  l'est,  par  la  frontière  franco-italienne.  Ces  voies  fer- 
rées, qui  traversent  la  France  du  nord-ouest  au  sud-est  et  sont 
indépendantes  l'une  de  l'autre  dans  toute  leur  étendue  (*),  per- 
mettraient, dans  le  cas  d'une  guerre  localisée  entre  la  France  et 
l'Italie,  de  débarquer,  sur  un  front  de  70  à  80  kilomètres,  dans 
un  délai  relativement  court,  savoir  :  entre  Bellegarde  et  Genève, 
les  2«  et  3«  corps;  entre  Annemasse  et  la  Roche-sur-Foron,  les  4» 
et  5°;  entre  Annecy  et  Albertville,  les  8«  et  9^;  aux  environs  de 
Saint-Pierre,  les  10«  et  11«;  enfin,  près  de  Montmélian,  les  12« 
et  13^.  On  peut  admettre,  sans  être  taxé  d'exagération,  que,  le 
8"  jour  à  partir  du  commencement  des  transports,  ces  troupes 
seront  doublées  par  un  nombre  égal  de  corps  d'armée  de  réserve, 
ce  qui  donnerait,  à  ce  moment,  un  rassemblement  de  vingt  corps. 
Dans  le  même  temps,  on  aurait  réuni  aux  environs  de  Nice  huit 
corps  d'armée. 

Quant  au  14«  corps,  renforcé  de  sa  réserve  et  d'une  partie  des 
troupes  alpines,  il  serait  groupé  dans  l'intervalle  compris  entre 
les  zones  de  concentration  des  deux  masses  principales  aux- 
quelles il  servirait  de  trait  d'union. 

Le  réseau  stratégique  dont  il  vient  d'être  parlé  se  prête  aux 
combinaisons  les  plus  vai'iées,  grâce  aux  transversales  dont  il 
dispose;  telles  sont  les  lignes  :  Dijon  -  Màcon  -  Lyon,  rive  droite 
du  Rhône  ;  Mouchard  -  Bourg  -  Lyon,  rive  gauche  du  Rhône  ; 
Bellegarde  -  Culoz  -  Chambéry  -  Montmélian  -  Grenoble  -  Pertuis- 
Marseille.  Enfin,  il  est  complété  par  une  9«  ligne  de  transport, 
qui,  partant  de  Renues,  passe  par  Nantes,  Poitiers,  Limoges, 
Brive,  Aurillac,  le  Puy  et  se  termine  à  Briançon.  Ces  quatre  ar- 
tères permettraient,  soit  avant,  soit  immédiatement  après  l'ou- 
verture des  hostilités,  de  reporter  dans  la  région  Niée -Embrun 
le  centre  de  gravité  du  rassemblement  des  forces  françaises  et 
d'y  concentrer,  eu  plus  des  troupes  énumérées  précédemment  (lo®, 
15«  his,  16«,  16^  his,  17«,  17«  Ils,  18«  et  18<=  hls  corps),  douze  autres 
corps  venus  de  l'Ouest  et  du  Centre  de  la  France,  c'est-à-dire,  les 
10-%  11%  12®,  13«,  8®  et  9®,  accompagne.s  de  leiuR  formations  de 
réserve,  ce  qui  donnerait  un  ens?mblc  de  vingt  corps  d'armée, 
pour  le  groupe  d'armées  de  l'extrême  frontière  sud-est.  Cette 
concentration  se  ferait  avec  autant  d'aisance  et  de  facilité  que  la 
première,  si  l'on  construisait  un  railway  de  Voix  à  Castaniers 
par  Castellane  eb  surtout  si  la  ligne  à  voie  étroite  Voulte-sur- 
Loire  -  Yssingeaux  -  Voulte-sur-Rhône  était  aménagée  en  vue  des 
transports  stratégiques,  comme  vient  de  l'être  la  voie  Meyrar- 
gues  -  Nice  sur  la  section  Draguignan  -  Nice.  (Xote  du  tradur- 
tcur.) 

(*)  Voir  le  crcquis  de  la  pace  1^4. 


144  HISTOIRE    ET    ORGAXISATIOX 

En  1883,  a  été  mise  en  service  toute  une  série  de  voies 
ferrées  dont  l'établissement  était,  avant  tout,  motivé 
par  des  raisons  d'ordre  stratégique. 

Lignes  de  transport  vers  la  frontière  du  Sud-Est. 


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CczrcassoTuii'  "^Muiormey  XV  JoalmV 

ÉDITER  RANÉE. 


Ferpufnaii'    o  1 


MÉDa 


Nord.  —  Par  suite  de  l'aclièvement  de  la  section 
Laon  -  Liart,  le  2®  corps  d'armée  (quartier  général 
Amiens)  possède  une  communication  indépendante 
avec  la  transversale  Hirson  -  Amagne  -  Saint-Dizier;  le 


IJES    CHEMINS   DE    FEE  l45 

prolongement,  à  l'étude,  Liait  -  Tournes,  près  de  Mé- 
zières,  mettra  ce  corps  en  relation  directe  avec  la  fron- 
tière de  la  Meuse. 

Sur  le  même  réseau,  le  tronçon  Séclin  -  Templeuve 
est  appelé  à  jouer  un  rôle  important  dans  la  défense  du 
camp  retranché  de  Lille. 

Ouest.  —  La  ligne  Carantan  -  La  Haye-du-Puits,  pro- 
longement de  celle  de  La  Haye-du-Puits  -  Carteret,  ser- 
vira à  la  défense  de  Cherbourg  et  de  la  presqu'île  du 
Cotentin. 

P.-L.-M.  —  La  compagnie  du  P.-L.-M.  a  mis  en  ser- 
vice : 

La  section  Albertville  -  Moutiers,  qui  doit  concourir 
puissamment  à  la  défense  des  Alpes; 

La  section  Clamecy  -  Cosne  prolongée  par  la  compa- 
gnie d'Orléans  jusqu'à  Bourges.  Grâce  à  cette  dernière, 
les  grands  ports  de  guerre  de  l'océan  Atlantique  sont, 
par  Auxerre  et  ïroyes,  reliés,  en  ligne  droite,  avec  Toul 
et  Yerdun,  au  moyen  d'une  ligne  à  double  voie. 

En  outre,  dans  le  but  de  rendre  cette  grande  artère 
complètement  indépendante,  on  a  substitué  au  tracé 
brisé  Auxerre  -  La  Roche  -  Saint-Floreiitin  le  trajet 
rectiligne  Auxerre  -  Saint-Florentin.  L'ouverture  dea 
tronçons  Saint-Florent  -  Issoudun  et  Limoges  -  Uzer- 
che  -  Brive  prolonge,  vers  l'intérieur,  la  grande  ligne 
Bourges  -  Toul  -  Yerdun,  jusqu'à  Montauban.  Le 
17^  corps  dispose  ainsi  d'une  ligne  à  double  voie  jusqu'à 
la  Meuse.  Enfin,  la  construction  de  la  portion  Mauriac  - 
Tendes  donne  à  ce  corps  d'armée  une  deuxième  ligne 
de  transport  —  à  une  seule  voie,  il  est  vrai  —  par  Cap- 
denac,  Eygurande  et  Montluçon  ;  la  mobilisation  du 
13*  corps  se  trouve  donc  allégée  d'autant. 

On  peut  également  considérer  comme  une  importante 
contribution   aux  intérêts   stratégiques   de   la   Corse   la 

Organ    cliem.  de  fer.  tO 


146  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

soudure,  entre  Corte  et  Vizzavona,  des  deux  tronçons  à 
voie  étroite  de  cette  île  et  la  mise  en  communication  de 
Bastia  avec  Ajaccio. 

Désormais,  le  18®  corps  dispose,  pour  lui  tout  seul,  du 
cliemin  de  fer  Bordeaux  -  Orléans,  attendu  que  le  rac- 
cordement construit  entre  Montoire  et  Châteaurenard, 
pour  souder  la  section  à  double  voie  Sarge  -  Tours  du 
réseau  de  l'Etat,  relie  maintenant  le  9^  corps  (Tours) 
avec  la  grande  ,  Ceinture  par  une  ligne  indépendante 
qui  passe  par  Courtalain  et  Chartres. 

Au  dire  du  journal  le  Temps,  grâce  à  ces  dernières 
créations,  on  a  réalisé  le  projet  qui  consistait  à  doter 
chaque  corps  d'armée  d'une  ligne  de  transport  à  double 
voie. 

Quant  aux  autres  sections  récemment  ouvertes  :  Yer- 
neuil  -  Maries  (Est),  Fougères  -  Vire,  Avranches  - 
Domfront,  Guingamp  -  Carhaix  et  Auneau  -  Etampes 
(Ouest);  enfin,  Casteljaloux  -  Roquefort  et  Condom  - 
Riscle  (Midi),  elles  n'ont  pas  d'autre  but  que  de  per- 
mettre aux  réservistes  et  aux  territoriaux  de  rejoindre 
plus  rapidement. 

Presque  vers  la  même  époque,  c'est-à-dire  en  1893, 
la  Chambre  des  députés  approuvait  un  projet  de  chemin 
de  fer  qui,  malgré  son  peu  de  longueur,  devait  exercer 
une  influence  considérable  sur  les  transports  en  temps 
de  guerre.  L'état-major  français  insista  vivement  pour 
que  les  travaux  de  cette  ligne  de  8  kilomètres,  située 
dans  les  environs  de  Troyes,  fussent  poussés  avec  la 
plus  grande  activité.  Elle  a  pour  but  de  rendre  indé- 
pendantes les  unes  des  autres  les  différentes  voies  qui  se 
croisent  en  ce  point,  afin  que  les  trains  militaires  puis- 
sent le  franchir  avec  aisance  et  sans  manœuvres  de 
gare.  De  tout  le  réseau  ferré  qui  s'étend  à  l'est  de  Paris, 
la  gare  de  Troyes  est  la  plus  importante  au  point  de 


DES    CHEMINS    DE    FER  147 

vue  des  transports  de  troupes.  Là,  en  eiïet,  se  réunissent 
quatre  grandes  artères  : 

1°  Paris  -  Belfort; 

2°  Orléans  -  Montargis  -  Sens  -  Cliâlons; 

3°  Bourges  -  Sancerre  -  Auxerre  -  Sorcy  -  Toul; 

4°  Cliâtillon-sur-Seine  -  Gray. 

Dans  ces  conditions,  il  s'agissait  d'adopter  une  com- 
binaison, permettant  de  passer  directement  d'une  ligne 
à  l'autre,  sans  troubler  la  circulation  sur  aucune  d'entre 
elles.  C'est  pour  obtenir  cette  communication  immédiate 
entre  deux  lignes  quelconques,  prises  deux  à  deux, 
qu'on  a  dû  quadrupler  les  "voies  sur  le  parcours  Troyes  - 
Saint-Julien. 

Telles  seraient,  en  réalité,  les  lignes  stratégiques  les 
plus  importantes  dont  l'acbèvement  a  marqué  les  der- 
niers perfectionnements  apportés  au  réseau  français 
déjà  si  développé  par  lui-même  (1). 


(1)  Depuis  l'époque  où  ces  lignes  out  été  écrites,  le  réseau 
français  a  encore  reçu  de  nombreuses  améliorations  dont  les 
principales  sont  : 

1°  Le  quadruplement  de  la  grand©  ligne  Vitry  -  Lérouville, 
dont  les  travaux  ont  été  achevés  en  1905;  pourvue,  comme  l'an- 
cienne, de  nombreux  quais  de  débarquement,  la  double  voie  ré- 
cemment posée  constitue  une  nouvelle  ligne  stratégique,  indé- 
pendante de  la  première,  à  laquelle  elle  ne  le  cède  en  rien,  comme 
valeur  et  capacité  de  rendement  ; 

2°  Le  raccord  Corbeil  -  Montereau,  qui  permet  de  faire  pas- 
ser les  trains  partant  de  la  gare  d'Orléans  sur  les  réseaux  du 
P.-L.-M.  et  de  l'Est,  sans  emprunter  la  Grande  Ceinture; 

3°  La  ligne  Toul  -  Pont-Saint-Vincent,  à  double  voie,  qui  com- 
plète la  ceinture  ferrée  entourant  de  toutes  parts  le  plateau  de 
Haye  ; 

4°  Le  doublement  de  la  ligne  Longuyon  -  Pagny-sur-Moselle, 
nouvelle  transversale  mise  à  la  disposition  des  armées  françaises 
en  cas  d'offensive  conti-e  l'Allemagne  ; 

5°  La  section  Bruyères  -  Gerbéviller,  par  Rambervillers  ; 
A  signaler  également  les  constructions  projetées  ci-après  : 

1°  La  ligne  Gray-Jussey,  destinée  à  établir  une  communica- 
tion directe  entre  Clialon-sur-Saône  et  Epinal  ; 

2°  Le  prolongement  de  la  section  Montbozon  -  Lure  jusqu'à 
Rupt-sur-Moselle,  qui  permettra  de  pousser  par  voie  de  fer  jus- 


148  HISTOIRE   ET    ORGANISATION 

Il  convient  d'ajouter  que  la  France  jouit  de  cette 
situation  éminemment  avantageuse  de  n'avoir  à  se 
préoccuper  sérieusement  que  d'un  seul  front  straté- 
gique, celui  de  sa  frontière  de  l'Est.  Grâce  à  cette  parti- 
cularité, il  lui  est  loisible  de  répartir  ses  unités  du  pied 


que  sur  la  haute  Moselle,  les  têtes  de  colonnes  des  corps  d'armée 
du  Sud; 

3°  La  section  Pont-Saint-Vinceut  -  Charmes  (station  entre  Epi- 
nal  et  Bayon).  En  utilisant  ce  raccord,  on  pourra  reporter,  sur  la 
rive  gaufhe  de  la  Moselle,  les  points  de  débarquement  de  la 
ligne  13  (voir  le  croquis,  pages  172  et  173),  qui,  actuellement, 
doivent  s'eflFectuer  sur  la  rive  droite  de  cette  rivière,  entre  Bayon 
et  Jarville,  c'est-à-dire  dans  une  région  exposée  aux  incursions 
de  la  cavalerie  allemande. 

4°  Le  chemin  de  fer  Dijon  -  Genève  par  Saint-Jean-de-Lcsne, 
Chaussin,  Lons-le-Saunier,  Saiut-Claude,  la  Faucille  et  Gex. 

Conçu  tout  d'abord  pour  répondre  aux  nouvelles  nécessités 
commerciales  que  doit  créer  le  percement  du  Simplon,  ce  projet 
aura  en  même  temps  des  conséquences  stratégiques  sur  l'impor- 
tance desquelles  il  est  à  peiuc  besoin  d'insister.  Toutefois,  comme 
ou  a  contesté  la  valeur  des  résultats  économiques  que  l'ouverture 
de  cette  grande  voie  internationale  du  Simplon  devait  procurer 
à  la  France,  il  nous  a  paru  utile  et  même  intéressant  de  citer,  à 
ce  propos,  i'opinioti  émise  par  M.  Gaston  Rouvier,  parce  qu'elle 
constitue  un  argument  des  plus  sérieux  en  faveur  de  la  construc- 
tion de  la  ligne  Dijon  -  Genève,  sur  l'opportunité  de  laquelle  la 
plus  grande  indécision  semble  avoir  régné  jusqu'à  ce  jour. 

«  Ici,  dit  le  célèbre  économiste,  des  avis  foncièrement  contra- 
dictoires ont  été  avancés  et  défendus.  Des  économistes  et  des 
statisticiens,  les  uns  ont  affirmé  que  cette  voie  serait  fructueuse 
par  elle-même  et  favorable  aux  intérêts  français  ;  les  autres,  avec 
une  ardeur  incomparable,  ont  prétendu  qu'elle  ne  saurait  se 
créer  qu'un  domaine  restreint,  aux  dépens  du  Saint-Gothard  et 
surtout  du  Mont-Cenis.  Et  les  uns  et  les  autres  étaient  armés  de 
formidables  statistiques.  Adopterons-nous  une  opinion  moyenne  ? 
Voici  ce  qu'écrivait  M.  Simonin,  un  ennemi,  cependant,  du  Sim- 
plon : 

«  La  France  ne  profiterait  de  ce  chemin  que  pour  son  transit 
»  du  Nord  et  du  Nord-Est,  sur  une  bande  de  pays  enserrée  entre 
»  Dunkerque  et  Le  Havre  et  convergeant  vers  le  Jura  et  Ge- 
»  nève.  Les  voyageurs  et  les  marchandises  suivraient  cette  voie 
».  pour  aller  en  Italie  et,  outre  les  deux  ports  déjà  cités.  Calais, 
»  Boulogne,  Dieppe,  Rouen  profiteront  de  la  nouvelle  voie.  » 

»  Mais  de  tels  avantages  ne  nous  paraissent  point  si  méprisa- 
bles !  S'ils  ne  suffisent  peut-être  point  pour  que  la  France  cons- 
truisit elle-même  le  tunnel,  du  moins  peuvent-ils  nous  faire 
voir,  avec  plaisir,  des  voisins  le  construisant  à  leurs  frais,  à  une 


UES    CHEMINS    DE    FER  149 

de  paix  de  façon  à  rappioclier  le  centre  de  gravité  de 
ses  forces  le  plus  près  possible  de  la  frontière  menacée. 
Si,  au  moyen  d'une  ligne  droite,  tracée  du  Havre  à  Nî- 
mes, on  partage  la  France  en  deux  parties  sensible- 
ment équivalentes,  on  constate  qu'aucun  des  corps  sta- 
tionnés dans  la  moitié  orientale  ne  se  trouve  à  plus  de 


condition,  toutefois,  c'est  que  les  communications  entre  Paris 
et  le  Léman  soient  améliorées  et  rendues  plus  directes,  plus  ra- 
pides. Diverses  solutions  ont  été  proposées  : 

»  Percement,  par  un  tunnel,  du  col  de  la  Faucille,  dans  le 
Jura,  par  ovi  passait  l'ancienne  route  de  Paris  à  Genève; 

»  Construction  d'une  nouvelle  ligne,  au  sud  du  lac  Léman, 
en  territoire  français,  etc. 

»  Toutes  ces  solutions  sont  bonnes.  Il  importe  seulement  qu'on 
en  choisisse  une.  Que  les  intérêts  locaux  s'accordent  comme  ils 
le  pourront!  Mais  l'intérêt  français  exige  que,  le  jour  de  l'inau- 
guration du  tunnel  du  Simplon,  la  vallée  de  la  Saône  et  la  vallée 
du  Rhône  valaisan  soient  liées  par  un  rail  le  plus  court  pos- 
sible. » 

Du  reste,  nous  ne  serons  pas  les  seuls  à  retirer  des  avantages 
de  la  création  de  cette  nouvelle  voie  internationale.  Les  Ita- 
liens, eux  aussi,  paraissent  en  avoir  compris  toute  la  portée,  au 
point  de  vue  de  la  facilité  des  transactions  et  de  la  rapidité  des 
relations  internationales.  Au  mois  d'octobre  1901,  il  s'est  formé, 
à  Milan  et  à  Brindisi,  un  comité  pour  étudier  le  tracé  d'une 
ligne  qui  franchirait  le  Jura  sous  la  Faucille,  et  diminuerait  de 
137  kilomètres  la  longueur  actuelle  du  trajet  de  Londres  à  Brin- 
disi, en  passant  par  Paris  et  Dijon. 

En  résumé,  le  chemin  de  fer  qui  doit  relier,  par  une  ligne 
droite,  Dijon  avec  Genève  offrira  l'avantage  de  détourner,  à 
notre  profit  et  au  détriment  du  Saint-Gothard,  une  partie  du 
trafic  européen  que  la  percée  du  Simplon  ne  peut  manquer  d'at- 
tirer sur  ce  point  et  qui  s'établira  tout  naturellement  entre  la 
Hollande,  l'Allemagne  occidentale  et  la  Haute-Italie.  En  cas  de 
guerre,  elle  constituera,  en  outre,  une  artère  stratégique  à 
grand  rendement,  dans  la  partie  de  son  trajet  située  sur  notre 
territoire.  Or,  les  travaux  du  tunnel  du  Simplon  devant,  selon 
les  prévisions  établies,  être  achevési  en  1905,  il  importe  au  plus 
haut  point  que  la  ligne  en  question  soit  construite  avant  cette 
date.  On  peut  donc  d'ores  et  déjà,  sinon  considérer  comme  ac- 
quis, du  moins  envisager  avec  certitude  les  avantages  militaires 
que  cette  nouvelle  voie  est  susceptible  de  procurer  éventuelle- 
ment à  la  défense  nationale  en  établissant  une  communication 
directe  et  indépendante  entre  nos  grands  camps  retranchés  de 
l'Est  et  du  Sud-Est.  (Note  du  traducteur.) 


150  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

vingt  heures  de  chemin  de  fer,  de  son  point  de  débarque- 
ment. 

Les  lignes  ferrées  sont,  pour  la  plupart,  à  double  voie 
et  les  quais  de  débarquement  ne  sont  pas  éloignés  de 
plus  de  80  kilom.  de  la  frontière. 

Les  efforts  accomplis  par  nos  voisins  de  l'Ouest  pour 
tirer  parti  des  enseignements  de  la  dernière  guerre  res- 
sortent  du  décret  signé  le  5  février  1889  (1)  par  le  Pré- 
sident de  la  République.  Ce  décret,  portant  application 
de  la  loi  du  28  décembre  1888  sur  le  service  des  chemins 
de  fer  en  temps  de  guerre,  contient  les  dispositions  rela- 
tives : 

A  la  composition  et  aux  attributions  de  la  comviis- 
sion  Tnilitaire  stqoérieure  des  chemins  de  fer; 

A  l'organisation  du  service  Tnilitaire  des  chemins  de 
fer; 

A  la  création  des  sections  de  chemins  de  fer  de  cam- 
pagne (anciennement  sections  techniques  d'ouvriers  de 
chemins  de  fer). 

Aux  termes  du  décret  précité,  le  service  des  chemins 
de  fer  est  dirigé  par  l'état-major  de  l'armée,  sous  la 
surveillance  du  ministre  de  la  Guerre. 

La  commission  militaire  supérieure  des  chemins  de 
fer  délibère  et  donne  son  avis  sur  toutes  les  questions 
qui  lui  sont  soumises  par  le  ministre  de  la  Guerre  et 
notamment  sur  celles  qui  concernent  la  préparation  des 
transports  stratégiques,  la  superstructure  des  voies,  le 
matériel  roulant,  l'examen  des  projets  de  lignes  nou- 
velles, l'instruction  et  le  mode  d'emploi  des  troupes  de 
chemins  de  fer,  les  relations  avec  les  compagnies,  etc. 

Un  bureau  (le  4^)  de  l'état-major  de  l'armée  est  chargé 
de  diriger  le  service  dont  l'exécution,  pour  chacun  des 


(1)  Modifié  par  le  décret  du  18  novembre  1898.  (N.  du  T.) 


DES    CHEMINS   DE    FER  151 

sept  grands  réseaux,  y  compris  celui  de  l'Etat,  est  con- 
fiée à  une  coimnissio7i  de  réseau  composée  de  deux  mem- 
bres :  le  représentant  de  l'administration  du  chemin  de 
fer  (commissaire  technique),  un  officier  supérieur  (com- 
missaire militaire).  En  temps  de  paix,  la  commission 
de  réseau  a  dans  ses  attributions  la  reconnaissance  des 
lignes,  au  point  de  vue  du  personnel  et  du  matériel,  la 
préparation  des  transports  et  l'établissement  des  docu- 
ments y  relatifs,  la  vérification  de  l'état  des  lignes,  du 
matériel  roulant,  des  voies  d'évitement,  des  appareils 
d'embarquement,  de  structure  de  la  voie. 

En  temps  de  guerre,  la  commission  militaire  supé- 
rieure prend  en  mains  le  service  complet  de  tous  les 
réseaux  placés  sous  l'autorité  du  ministre.  L'exécutioa 
des  transports  et  des  ravitaillements  est  assurée  : 

1°  Par  les  comnnissions  de  réseau,  sur  les  lignes  ex- 
ploitées par  les  compagnies  nationales; 

2°  Par  des  commissions  de  chemins  de  fer  de  cam- 
pagne, qui  ont  sous  leurs  ordres  des  sections  de  chemins 
de  fer  de  campagne,  recrutées  dans  le  personnel  des 
compagnies,  et  par  des  troupes  de  sapeurs  de  chemins  de 
fer. 

Il  existe,  dans  les  sections  de  chemins  de  fer,  un  per- 
sonnel technique  d'exploitation  et,  dans  les  troupes  de 
sapeurs  de  chemins  de  fer,  un  personnel  technique  de 
construction. 

L'article  1"  du  décret  du  5  février  1889  s'exprime 
ainsi  : 

0  Les  sections  de  chemins  de  fer  de  campagne  sont 
des  corps  militaires  organisés  en  tout  temps  et  chargés, 
en  temps  de  guerre,  concurremment  avec  les  troupes  de 
sapeurs  de  chemins  de  fer,  de  la  construction,  de  la  répa- 
ration et  de  l'exploitation  des  voies  ferrées  dont  le  ser- 
vice n'est  pas  assuré  par  les  compagnies  nationales.  » 


1^2  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

On  peut  conclure  de  là,  sans  crainte  de  se  tromper,  que 
les  sections  de  chemins  de  fer  de  campagne  ne  sont 
appelées  à  fonctionner  que  sur  les  lignes  situées  dans 
la  zone  des  armées.  Leur  personnel  est  recruté  parmi  les 
fonctionnaires  et  agents  des  six  grandes  compagnies  et 
du  réseau  de  l'Etat.  Il  se  répartit  en  neuf  sections  qui 
sont  formées  de  la  façon  suivante  : 

1"  et  2*  sections...  Compagnie  P.-L.-M. 

3'' section —         Paris-Orléans. 

4'     —     —         de  l'Ouest. 

5'     —     —         du  Nord. 

«•^     —     —         de  l'Est. 

7-     —     —         du  Midi. 

^^     —     —         de  l'Est,  de  l'Ouest  et 

du  Nord, 

y'     —      Chemins  de  fer  de  l'Etat. 

Chaque  section  comprend  un  chef  de  section,  com- 
mandant, et  1.272  employés  et  ouvriers.  L'efïectif  total 
des  neuf  sections  est  de  9  chefs  de  section  et  11.448 
hommes.  Le  chef  de  section  exerce,  à  l'égard  du  per- 
sonnel, les  fonctions  de  chef  de  corps;  il  en  a  toutes  les 
attributions.  Les  sections  sont  soumises,  en  temps  de 
paix,  à  des  inspections,  appels,  revues,  périodes  d'exer- 
cices, ordonnés  par  le  ministre  de  la  Guerre  ;  au  cours  de 
ces  convocations,  elles  doivent  se  familiariser  avec  les 
règlements  et  instructions  qui  ont  trait  à  la  mobilisa- 
tion. 

Un  décret  présidentiel  du  10  octobre  1889  (1)  ren- 
ferme des  prescriptions  détaillées  sur  la  réorganisation 
des  services  de  l'arrière,  qui  se  divisent  en  deux  bran- 
ches distinctes  :  le  service  des  chemins  de  fer  et  le  ser- 


(1)  Abrogé  et  remplacé  par  le  décret  du  11  février  1900.  {Note 
du  traducteur.) 


DES    CHEMINS   DE    FER  153 

vice  des  étaj)es.  Chacun  d'eux  a  à  sa  tête  un  directeur 
placé  sous  l'autorité  commune  du  commandant  en  chef. 

En  outre,  le  décret  du  18  novembre  de  la  même  an- 
née (1),  relatif  aux  transports  stratégiques,  et  le  règle- 
ment ministériel  sur  le  service  des  étapes  du  20  novem- 
bre suivant  (2)  ont  fait  subir  au  service  des  chemins  de 
fer  en  temps  de  guerre  une  réorganisation  radicale  qui 
mérite  d'être  signalée. 

Enfin,  cette  même  année,  a  été  créé  (3)  le  régiment 
des  chonins  de  fer  (5®  régiment  du  génie).  Il  comprend 
3  bataillons  à  4  compagnies  et  son  effectif  de  paix  est 
de  63  officiers,  2.035  hommes  et  95  chevaux  (4). 


(1)  Abrogé  et  remplacé  par  le  décret  du  21  février  1900.  (Note 
du  traducteur.) 

(2)  Remplacé  par  l'instruction  du  25  avril  1900.  (N.  du  T.) 

(3)  Loi  du  11  juillet  1889  (B.  0.,  p.  r.,  2«  sem.,  n°  59.) 

(4)  En  conformité  d'un  arrangement  conclu  sur  les  bases  de 
la  convention  du  18  novembre,  entre  les  compagnies  de  chemin 
de  fer  et  l'Administration  des  chemins  de  fer  de  l'Etat,  le  règle- 
ment du  28  novembre  (B.  0.,  p.  r.,  n°  53),  relatif  au  recrutement, 
à  l'instruction  technique  et  à  la  constitution  du  régiment  de  sa- 
peurs de  chemins  de  fer,  a  arrêté  les  dispositions  ci-après  : 

Chaque  année,  le  ministre  de  la  Guerre  affecte  audit  régiment 
un  certain  nombre  de  jeunes  gens  qui,  avant  leur  incorporation, 
ont  été  employés  par  les  compagnies  de  chemins  de  fer.  Cette 
désignation  est  faite  en  vue  du  dressage  au  service  des  chemins 
de  fer  des  autres  soldats  du  contingent.  Le  nombre  des  affecta- 
tions est  de  192,  dont  2/3  pour  la  construction  et  l'entretien  de 
la  voie  et  1/6  pour  la  traction  et  l'exploitation. 

Le  5®  régiment  du  génie  dessert  la  ligne  Chartres  -  Orléans 
pour  le  compte  de  l'Administration  du  réseau  de  l'Etat.  Des 
compagnies  de  ce  régiment  peuvent  être  mises  à  la  disposition 
des  compagnies  de  chemins  de  fer  pour  l'exécution  de  certains  tra- 
vaux de  réparation  et  de  construction. 

Le  régiment  dispose,  pour  son  recrutement,  de  trois  sources 
différentes  : 

Une  partie  des  hommes  provient  des  jeunes  soldats  appelés, 
qui,  avant  leur  incorporation,  étaient  employés  des  chemins  de 
fer;  une  deuxième  partie  comprend  des  hommes  envoyés  au  ré- 
giment par  chacune  des  six  grandes  compagnies  et  prélevés  sur 
le  personnel  de  l'exploitation;  enfin,  le  reste  se  compose  de  sol- 
dats des  régiments  d'infanterie  qui,  après  une  année  de  pré- 
sence au  corps,  sont  envoyés  au  5^  régiment  du  génie  pour  y  être 
dressés  en  vue  du  service  militaire  des  chemins  de  fer.  Il  va  sans 


154  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

En  ce  qui  concerne  les  transports  militaires,  le  règle- 
ment français  distingue  les  transports  ordinaires  et  les 
transports  stratégiques;  ceux-ci  se  subdivisent,  à  leur 
tour,  en  transports  exécutés  dans  la  zone  de  Vintérieur 
et  en  transports  exécutés  dans  la  zone  des  armées;  les 
uns  s'effectuent  sur  les  lignes  demeurées  à  la  disposition 
du  ministre,  les  autres  sur  les  lignes  attribuées  au  com- 
mandant en  chef  du  groupe  d'armées  (1). 


dire  que  ces  derniers  sont  choisis  de  préférence  parmi  les  hommes 
exerçant  des  professions  utilisables  dans  ce  service,  tels  que  : 
ouvriers  en  fer,  chauffeurs  de  bateaux  à  vapeur,  etc. 

Recrutés  parmi  les  fonctionnaires  des  grandes  compagnies,  les 
officiers  de  réserve  sont  astreints  à  une  période  d'exercices  tous 
les  deux  ans,  jusqu'à  l'expiration  légale  de  leurs  obligations  mili- 
taires. 

Les  expériences  auxquelles  ont  été  soumises  les  troupes  de 
chemin  de  fer,  au  cours  des  grandes  manœuvres,  prouvent  qu'el- 
les sont  aptes,  le  cas  échéant,  à  rendre  avec  promptitude  d'ex- 
cellents services. 

(1)  Outre  le  régiment  de  chemins  de  fer,  les  unités  françaises 
correspondant  aux  troupes  de  communication  allemandes  com- 
prennent : 

a)  Un  bataillon  de  télégraphistes  à  6  compagnies  portant  le 
n"  24,  créé  par  la  loi  du  24  juillet  1900  et  rattaché  au  5»  régiment 
du  génie. 

Ce  bataillon,  qui  constitue  en  temps  de  paix  l'école  perma- 
nente de  télégraphie  militaire,  est  chargé,  en  temps  de  guerre, 
d'assurer  le  service  télégraphique  de  première  ligne  et  celui  des 
places  fortes,  forts  détachés  et  établissements  militaires. 

Les  conducteurs  et  attelages  nécessaires  lui  sont  fournis  par 
la  compagnie  de  sapeurs-conducteurs  du  5^  régiment  ;  l'effectif 
a  été  augmenté  de  30  hommes  et  40  chevaux  de  trait. 

Le  service  de  deuxième  ligne  est  assuré  par  des  sections  techni- 
ques de  télégraphie,  composées  exclusivement  de  fonctionnaires 
et  agents  de  l'Administration  des  Postes  et  Télégraphes,  volon- 
taires ou  assujettis,  de  par  leur  âge,  aux  obligations  du  service 
militaire.  Leur  organisation  a  été  réglée  par  décret,  après  en- 
tente entre  le  ministre  de  la  Guerre  et  le  ministre  du  Commerco, 
de  l'Industrie,  des  Postes  et  Télégraphes. 

Enfin,  la  loi  du  24  juillet  1900  met  à  la  disposition  du  comman- 
dant en  chef  des  armées,  ou  du  commandant  d'une  armée  opé- 
rant isolément,  le  personnel  civil  de  l'Administration  des  Postes 
et  Télégraphes,  en  résidence  dans  la  zone  des  opérations. 

Par  arrêté  ministériel  du  31  août  1900,  rendu  en  exécution  de 
la  loi  précitée,  le  bataillon  de  télégraphistes  a  été  formé  provi- 
soirement à  3  compagnies,  à  dater  du  l*"""  novembre  de  la  mémo 


DES    CHEMINS    DE    FER  155 

En  France,  un  intervalle  d'au  moins  dix  minutes  est 
prescrit  entre  deux  trains  consécutifs;  par  suite,  l'in- 
tervalle entre  deux  trains  est  évalué,  non  pas  par  une 
distance  métrique,  mais  par  une  durée  niinima  de  dix 
minutes.  La  vitesse  moyenne  est  fixée  à  25  ou  30  kilo- 
mètres à  l'heure  et  le  nombre  des  voitures  d'un  train 
militaire  à  50.  Au  dire  des  spécialistes  français,  le  ren- 
dement journalier  d'une  ligne  à  double  voie  est  estimé 
à  40  et  même  50  trains,  et  celui  d'une  ligne  à  voie  uni- 
que à  18  ou  20. 


année.  Pour  une  première  organisation,  on  a  incorporé  dans 
ces  unités  : 

1°  Le  personnel  en  hommes  de  troupe  devenu  disponible  par 
suite  do  la  suppression  de  l'Ecole  de  télégraphie  militaire  du 
Mont-Valérien  ; 

2°  Un  certain  nombre  de  gradés  provenant  des  groupes  de  té- 
légraphistes de  forteresse  de  France,  d'Algérie  et  de  Tunisie; 

3°  Des  gradés  et  sapeurs,  prélevés  sur  les  régiments  du  génie. 

Comme  recrutement  normal,  le  bataillon  reçoit,  annuellement, 
un  contingent  de  jeunes  soldats  composé,  en  partie  d'employés  de 
l'administration  des  télégraphes,  en  partie  d'hommes  désignés 
par  les  commandants  de  bureaux  de  recrutement. 

Les  élèves  télégraphistes  destinés  au  service  des  places  fortes 
de  France  sont,  au  moment  de  l'appel  des  classes,  affectés  au  ba- 
taillon de  télégraphistes,  en  sus  de  son  effectif  normal.  Leur 
instruction  terminée,  ils  sont  répartis  entre  les  groupes  de  télé- 
graphistes de  forteresse  et  versés  dans  les  compagnies  du  génie 
détachées  dans  la  région  du  corps  d'armée  de  leur  résidence. 

Quant  au  personnel  de  complément  (officiers  et  hommes  de  la 
réserve  de  l'armée  active),  il  sera  prélevé  sur  les  réservistes 
provenant  du  bataillon  ou  d'autres  armes;  en  cas  d'insuffisance 
de  ces  ressources,  il  sera  fourni  par  le  personnel  de  l'adminis- 
tration des  Postes  et  Télégraphes,  dans  les  limites  et  conditions 
arrêtées  entre  les  ministres  de  la  Guerre  et  du  Commerce. 

h)  TJn  bataillon  d'aérostiers  à  4  compagnies  (n°  25),  créé  par  la 
loi  du  9  décembre  1900  et  rattaché  au  1'"'  régiment  du  génie. 

Pour  une  première  formation,  ce  bataillon  a  été  constitué  à 
l'aide  des  compagnies  de  sapeurs-mineurs,  précédemment  affec- 
tées au  service  de  l' aérostation,  lesquelles  ont  été  remplacées 
dans  leurs  anciens  corps  par  un  nombre  équivalent  d'unités  de 
création  nouvelle. 

Le  tableau  suivant,  qui  résume  la  composition  sur  le  pied  de 
paix  des  troupes  de  communication  en  France,  permet,  par  un 
simple  rapprochement  avec  celui  du  chapitre  précédent,  de  saisir 


158  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

Les  points  les  plus  importants  des  lignes  stratégiques 
«ont  : 

1"  Les  grands  magasins  (grossen  Dépôts)  pour  la  réu- 
nion du  personnel,  du  matériel  de  guerre  et  du  matériel 
roulant; 

2°  Les  gares  de  rassevihlement  (V ersavnnJungsbah n- 
Tiôfe),  autrefois  appelées  gares  point  de  départ  d'éta- 
pes, qui  sont  utilisées  aussi  comme  points  de  répartition 
des  malades,  lors,  des  transports  d'évacuation; 


les  différences  qui  existent,  sur  ce  point,  entre  notre  organisation 
et  celle  de  l'armée  allemande. 


TROUPES 


De  chemins  de  fer , 

De  télégraphie 

D'aérostation , 


Totaux 


(  France 

(  Allemagne. 


Ditlérences  en  faveur  de  l'Alle- 
magne   


KOMhRE   DE 


o 


12 

6 
4 


22 
45 


13 


ta 


1/2 


5  1/2 
12  b 


6  1/; 


EFFECTIF    EN 


S 
o 


G3 
20 

18 


101 
238 


137 


s 

o 


2.065 
028 
458 


3.1î3ia 
6.000 


.849 


y-  ^ 

3.- 

>  !Z 

■S  <a 


13j 

» 


135 


Observations.  —  a)  Eu  cas  de  mobilisalion,  ce  cliillre  pourra  être  jiorlé 
à  6.000  hommes  environ,  alors  que  j'elleelif  total  des  troupes  similaires  alle- 
mandes atteindra  12.000  hommes. 

h)  Dont  8  de  chemins  de  fer,  3  de  télf-graphistes,  l  d'aérosliers. 


Pour  compenser  l'infériorité  manifeste  où  nous  nous  trouvons 
vis-à-vis  de  l'Allemagne,  il  y  aurait  lieu,  au  fur  et  à  mesure  que 
les  ressources  du  recrutement  le  permettront,  de  créer,  au  mo- 
ment de  la  mobilisation,  à  côté  de  chacune  de  nos  unités  du  pied 
■de  paix,  une  unité  de  réserve  similaire,  formée  avec  les  réservis- 
tes en  excédent,  comme  cela  se  pratique,  du  reste,  dans  les  régi- 
ments d'infanterie  et  d'artillerie.  Par  ce  moyen,  lorsque  les  dis- 
positions législatiA^es  que  nous  venons  de  résumer  auront  produit 
leur  plein  effet,  nous  obtiendrons,  en  temps  de  guerre,  Tin  total 
de  11  bataillons,  correspondant,  à  peu  de  chose  près,  à  l'effectif 
des  troupes  de  communication  allemandes.  {Noir  du  traducteur.) 


DES    CHEMINS   DE    FER  157 

3°  Les  stations  de  transition  (Uhergangstationen); 

4°  Les  stations-magasins  (Gûtersdepots); 

5°  Les  statioîis  têtes  d'étapes  de  guerre  ( Etaippenhaup- 
torte)  situées  dans  le  voisinage  des  armées,  au  point  ter- 
minus de  chaque  ligne; 

6°  Les  stations  halte-repas  (V  erpûegxingsstatio- 
nen)  (1). 

Non  contents  de  faciliter  les  opérations  de  la  concen- 


(1)  En  1900,  la  législation  concernant  l'organisation  et  le  fonc- 
tionnement du  service  militaire  des  chemins  de  fer  eu  temps  de 
guerre  a  subi  une  refonte  presque  complète.  Elle  a  pour  baso 
aujourd'hui  les  décrets  des  11  et  21  février  1900,  qui  ont  abrogé 
respectivement  ceux  des  10  octobre  et  19  novembre  1889. 

Dans  le  premier  de  ces  documents,  portant  organisation  géné- 
rale des  services  de  l'arrière,  on  s'est  proposé  de  définir  plus  net- 
tement l'action  du  Directeur  général  des  chemins  de  fer  et  des 
étapes  et  des  Directeurs  des  étapes,  en  ce  qui  concerne  le  com- 
mandement territorial;  en  second  lieu,  de  préciser,  en  les  sim- 
plifiant, les  règles  admises  jusqu'ici  pour  assurer  les  relations 
entre  le  service  des  chemins  de  fer  et  le  service  des  étapes,  et, 
par  suite,  de  rendre  plus  facile  l'exécution  des  ravitaillements  et 
des  évacuations,  tout  en  maintenant,  cependant,  la  centralisa- 
tion du  service  des  chemins  de  fer  sous  une  seule  autorité,  sur 
un  même  théâtre  d'opérations. 

Il  fallait,  à  cet  effet,  prévoir,  aussi  longtemps  que  possible, 
l'utilisation  des  voies  ferrées,  afin  d'établir  le  contact  direct 
avec  les  corps  d'armée  et  donner,  en  conséquence,  au  service  des 
chemins  de  fer  l'initiative  et  la  souplesse  voulues  pour  satisfaire, 
dans  des  conditions  chaque  jour  variables,  les  demandes  de 
transports  adressées  par  le  service  des  étapes. 

Cest  pour  atteindre  ce  but  que  le  décret  du  11  février  pres- 
crit la  constitution  d'un  nouvel  organe  du  service  des  chemins  de 
fer,  appelé  Commission  régulatrice,  sur  chaque  ligne  de  commu- 
nication de  la  zone  rapprochée  des  armées,  où  l'exploitation 
normale  des  voies  ferrées  ne  pourra  plus  être  appliquée  et  devra 
faire  place  à  une  exploitation  pour  ainsi  dire  de  fortune. 

Cette  commission  dont  le  siège,  dénommé  Gare  régulatrice, 
sera  déplacé  de  temps  à  autre,  en  fonction  de  la  marche  des  ar- 
mées, a  pour  mission  d'assurer  toutes  les  relations  avec  la  ou  les 
armées  desservies  par  la  ligne  de  communication  correspondante. 
Assimilée,  comme  composition  et  attributions,  à  une  sous-com- 
viission  de  réseau,  elle  aura  toute  initiative  et  l'autorité  néces- 
saire pour  préparer,  ordonner  et  assurer,  dans  une  zone  déter- 
minée et  jusqu'à  concurrence  des  moyens  mis  à  sa  disposition 
par  le  Directeur  des  chemins  de  fer,  la  mise  en  marche  des  trains 


158  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

tration  à  l'aide  de  nombreuses  voies  stratégiques,  nos 
voisins  ont  voulu  leur  procurer  une  sécurité  absolue  par 


créés,  eu  quelque  sorte,  au  jour  le  jour,  en  vue  de  donner  satis- 
faction aux  besoins  des  armées. 

Désormais,  entre  la  station-magasin  et  la  gare  régulatrice,  ou 
inversement,  les  expéditions  se  feront  : 

1°  Par  des  trains  réguliers; 

2°  Par  des  trains  facultatifs  mis  à  la  disposition  exclusive  de 
la  commission  régulatrice; 

3°  S'il  est  nécessaire,  par  des  trains  com.plémentairea  :  facul- 
tatifs ou  spéciaux. 

Le  mouvement  des  uns  et  des  autres  est  préparé  par  les  com- 
missions de  réseau  ou  de  chemins  de  fer  de  campagne  et  approuvé 
par  le  Directeur  des  chemins  de  fer  ou  le  Ministre,  quand  la 
station-magasin  est  située  sur  le  réseau  de  l'intérieur. 

Aucun  train  facultatif  ou  spécial  n'est  envoyé  de  la  station- 
magasin  sur  la  gare  régulatrice,  s'il  n'a  été  demandé  ou  préala- 
blement accepté  par  la  commission  régulatrice. 

Entre  la  gare  régulatrice  et  les  gares  têtes  d'étapes  de  guerre 
(points  de  contact  entre  le  service  des  chemins  de  fer,  d'une  part, 
et  les  équipages  de  l'armée  ou  le  service  desi  étapes,  d'autre  part), 
l'exploitation  est  assurée  par  des  trains  mis  en  marche,  suivant 
les  besoins  du  service,  par  la  commission  régulatrice. 

Quand  les  chemins  de  fer  desservent  directement  les  équipa- 
ges des  troupes,  les  trains  sont  dirigés  sur  les  têtes  d'étapes  de 
guerre  désignées,  chaque  jour,  pour  le  ravitaillement,  par  le  gé- 
néral commandant  l'armée  qui  a,  au  préalable,  fait  connaître  à 
la  commission  régulatrice  et  au  directeur  des  étapes  les  têtes 
d'étapes  de  guerre,  dates  et  heures  de  ravitaillement  notifiées 
aux  troupes. 

Quand  des  routes  d'étapes  ont  été  organisées,  les  trains  sont 
dirigés  sur  les  têtes  d'étapes  de  guerre  dont  l'emplacement  est 
fixé,  dans  ce  cas,  par  le  directeur  des  étapes,  d'accord  avec  la 
commission  régulatrice. 

Dans  ces  conditions,  il  sera  possible  d'appliquer  le  nouveau 
principe  posé  par  le  décret,  en  vertu  duquel  le  ravitaillement  en 
vivres  s'exécutera  sans  demande  préalable  des  corps  d'armée  et 
par  la  poiissée  presque  automatique,  dans  les  cantonnements  ou 
à  leur  hauteur,  du  jour  de  vivres  que  chaque  directeur  des  éta- 
pes devra  avoir  à  sa  disposition  dans  la  zone  d'action  de  la  com- 
mission régulatrice. 

Enfin,  le  décret  du  11  février  prévoit  l'utilisation  des  voies 
navigables  toutes  les  fois  qu'elles  peuvent  contribuer  à  l'exécu- 
tion des  transports. 

Quant  au  décret  du  21  février,  portant  règlement  sur  les  trans- 
ports stratégiques  par  chemin  de  fer,  il  contient  le  développe- 
ment des  principes  admis  par  le  précédent,  en  ce  qui  concerne 
le  service  des  chemins  de  fer.  En  outre,  il  y  a  été  apporté  les  sim- 
plifications et  modifications  dont  l'expérience  avait  démontré  la 


DES    CHEMINS    DE    FEE,  139 

la  création  de  points  d'appui  fortifiés.  Dans  ce  but,  ils 
ont  construit  une  vaste  ceinture  de  camps  retranchés  et 
de  forts  d'arrêt,  qui  s'étend  de  Longwy,  près  de  la  fron- 
tière luxembourgeoise,  jusqu'au  groupe  fortifié  du  Lo- 
mont,  situé  à  environ  20  kilomètres  au  sud  de  Belfort. 

Ceci  démontre  l'importance  des  mesures  prises  par  la 
France  pour  assurer  le  service  de  ses  chemins  de  fer  en 
temps  de  guerre  ;  on  peut  toutefois  se  demander  si  cette 
organisation  n'existe  pas  seulement  sur  le  papier,  et  si, 
par-dessus  tout,  elle  est  susceptible  d'entrer  en  action 
et  de  fonctionner  avec  toute  la  sûreté  désirable  (1). 


nécessité.  C'est  ainsi  que  toutes  les  dispositions  relatives  aux 
taxes  des  transports  ont  été  supprimées.  Il  était  logique,  en 
effet,  de  ne  pas  faire  entrer,  dans  le  cadre  d'un  règlement  d'exé- 
cution militaire  et  technique,  le  détail  des  règles  d'administra- 
tion et  de  comptabilité  qui  font  l'objet  de  dispositions  législa- 
tives ou  de  conventions  spéciales. 

La  publication  des  deux  documents  fondamentaux  que  nous 
venons  de  résumer  succinctement  a  entraîné  un  remaniement 
plus  ou  moins  complet  de  quelques-unes  des  instructions  qui 
donnaient  les  détails  d'application  du  service  militaire  des  che- 
mins de  fer  en  temps  de  guerre.  Telles  sont,  en  particulier  : 

L'instruction  sur  les  commissions  de  gares,  du  30  juin  1900, 
qui  a  abrogé  l'Appendice  VII  du  Règlement  sur  les  transports 
militaires  par  chemins  de  fer,  concernant  les  commissions  et 
commandements  de  gares  du  25  avril  1900; 

L'instruction  du  12  novembre  1900,  relative  au  fonctionne- 
ment des  gares  de  rassemblement  et  des  stations  de  transition, 
abrogeant  celle  du  18  mai  1893,  qui  réglait  le  fonctionnement  du 
service  de  transit  dans  les  gares  de  rassemblement  de  la  zone  de 
l'intérieur.  (Noie  du  traducteur.) 

(1)  Il  est  certain  que  les  rouages  multiples  de  l'organisation 
militaire  de  nos  voies  ferrées  sont  encore  inexpérimentés  et  que 
nul  ne  peut  donner  l'assurance  qu'ils  répondraient,  en  tous 
points,  aux  nécessités  d'une  mobilisation  inopinée,  puisqu'ils 
étaient  inexistants  en  1870  et  qu'ils  n'ont  pas  encore  eu,  depuis 
cette  époque,  l'occasion  de  faire  leurs  preuves  dans  une  grande 
guerre  continentale. 

Cependant,  des  essais  de  mobilisation  partielle,  dont  le  but 
était  de  se  rendre  compte  du  sens  pratique  des  dispositions  adop- 
tées en  vue  de  l'utilisation  des  chemins  de  fer  en  temps  de  guerre, 
ont  été  exécutés  à  différentes  reprises. 

Le  premier  essai  sérieux  a  eu  lieu,  en  septembre  1887,  sur  les 
réseaux  combinés  de  l'Orléans  et  du  Midi,  en  vertu  du  décret  du 
19  août  1887  j  il  s'agissait  de  mettre  en  pratique  l'organisation 


160  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

Au  reste,  en  présence  de  l'activité  imprimée  à  l'acliè- 
vement  des  chemins  de  fer  français,  de  l'impulsion  éner- 

militaire  des  chemins  de  fer,  telle  qu'elle  résultait  des  décrets 
de  1884.  Suivis  avec  une  attention  soutenue  par  le  haut  person- 
nel des  compagnies  et  de  l'état-major  de  l'armée,  cet  essai,  ainsi 
que  ceux  qui  lui  ont  succédé  peu  après,  en  faisant  ressortir  les 
imperfections  de  notre  système,  ont  permis  d'apporter  à  sa  régle- 
mentation les  modifications  reconnues  nécessaires.  De  là,  la  nou- 
velle loi  du  28  décembre  1888  et  les  décrets  du  5  février  1889. 

Plus  tard,  de  même  que,  dans  les  expériences  de  1887,  on  avait 
pu  mesurer  la  valeur  exacte  de  notre  première  organisation,  les 
essais  de  1892  eurent  pour  effet  de  mettre  à  l'épreuve  les  dispo- 
sitions de  la  loi  du  28  décembre  1888. 

Voici  comment  le  résultat  de  ces  essais  a  été  apprécié  par  le 
lieutenant  Becker,  de  l'armée  allemande,  dans  une  brochure 
intitulée  :  Dcr  ruichste  Kricg  xmd  die  dcutschen  Bahnverwaltun- 
gen  (Hanovre  1893)  : 

«  Vers  le  milieu  de  septembre  1892,  dans  une  gare  militaire 
improvisée  à  Poitiers,  on  expédia  en  moins  de  huit  heures  42 
trains  emportant  un  corps  d'armée  complet,  à  l'effectif  de  25.000 
hommes;  lors  de  leur  fameux  essai  de  mobilisation  (en  1887),  les 
Français  firent  passer  par  la  gare  de  Toulouse  150  trains  mili- 
taires, sans  que  le  trafic  normal  fût  interrompvi  et  sans  qu'il  ea 
résultât  d'accident  d'aucune  sorte.  De  tels  chiffres  parlent  ua 
langage  significatif;  ils  laissent  entrevoir  quelles  énormes  masses 
de  troupes  les  chemins  de  fer  peuvent  transporter  en  quelques 
heures  sur  un  point  désigné.  Actuellement  (1893),  la  France  pos- 
sède six  grands  réseaux  et  chacun  d'eux  est  à  même  d'accomplir, 
avec  ses  propres  ressources,  toutes  les  tâches  qui  lui  incombe- 
raient éventuellement  ;  aussi  les  chemins  de  fer  français  sont-ils 
de  beaucoup  supérieurs  à  ceux  de  l'Allemagne,  sinon  comme  déve- 
loppement kilométrique,  du  moins  comme  puissance  de  rende- 
ment. 

»  Si  j'ai  cité  les  résultats  obtenus  par  nos  voisins  sur  leurs 
réseaux  ferrés,  ce  n'est  pas  que  j'éprouve  la  moindre  crainte  sur 
l'issue  finale  d'une  guerre;  bien  au  contraire,  mais  cela  ne  m'em- 
pêche pas  de  demander  pourquoi  l'armée  allemande  ne  peut  pas 
fonder  sur  ses  voies  ferrées  les  mêmes  espérances  que  les  na- 
tions voisines.  » 

Depuis  ces  époques  déjà  lointaines,  les  essais  se  sont  fréquem- 
ment renouvelés  et,  chaque  fois  que  l'Etat  français  a  exprimé 
aux  compagnies  le  désir  d'expérimenter,  sur  un  point  quelcon- 
que du  réseau  national,  le  côté  pratique  de  l'organisation  mili- 
taire de  nos  chemins  de  fer,  celles-ci  se  sont  empressées  de  tout 
mettre  en  œuvre  pour  lui  donner  entière  satisfaction.  Pour  ne 
pas  multiplier  outre  mesure  les  exemples,  nous  nous  bornerons 
à  analyser,  pour  en  tirer  des  conclusions,  les  événements  les  plus 
considérables  qui  ont  donné  lieu  à  des  transports  de  troupes  en 
grandes  masses  dans  ces  dernières  années;  nous  voulons  parler 
de  la  revue  passée  au  camp  de  Châlons  le  9  octobre  1896  et  des 


DES    CHEMINS    DE    FER  161 

gique    donnée    aux   constructions    navales,    des    sommes 
colossales  dépensées  ou  votées  pour  fortifier  les  ports  de 


manœuvres  cVarmée  exécutées  dans  l'Est  et  dans  l'Ouest  en  1901. 

a)  licvuc  du  camp  de  Châlons  (9  octobre  1896).  —  Le  récit  au- 
thentique de  l'effort  réalisé  par  la  Compagnie  de  l'Est,  à  l'occa- 
sion du  premier  voyage  en  France  de  Leurs  Majestés  l'Empereur 
et  l'Lupératrice  de  Russie,  est  exposé,  avec  autant  d'éloquence 
que  de  simplicité,  dans  une  circulaire  adressée  à  son  personnel 
par  l'éminent  directeur  de  la  Compagnie,  M.  Barabant,  circu- 
laire dont  nous  reproduisons  ci-dessous  les  principaux  passa- 
ges : 

«  Paris,  le  19  octobre  1896. 

»  Pendant  les  fêtes  franco-russes  et  à  l'occasion  de  la  revue  de 
Cliâlons,  la  Compagnie  de  l'Est  a  reçu  à  ses  gares  de  Paris 
365.000  voyageurs.  En  même  temps,  elle  a  transporté  et  débarqué 
au  camp  de  Chàlons  60.000  hommes  et  environ  2.000  chevaux, 
qu'elle  a  embarqués  et  transportés  à  nouveau  après  la  revue,  soit, 
en  tout,  120.000  hommes  et  près  de  4.000  chevaux. 

»  En  dehors  des  trains  du  service  ordinaire,  elle  a  fait,  dans 
cette  période,  660  trains  spéeiaux,  dont  207  dans  la  journée  du 
9  octobre,  pendant  laquelle  les  stations  voisines  du  camp  ont  eu 
à  recevoir  ou  à  expédier  120.000  voyageurs. 

)i  La  Compagnie  a  puissamment  secondé  le  5«  régiment  du 
génie  et  fourni  tout  le  matériel  nécessaire  pour  l'exécution,  en 
quatre  jours,  d'un  chemin  de  fer  de  6  kilomètres  entre  Mourme- 
lon  et  l'emplacement  de  la  revue.  Elle  a  transporté  les  trains 
impériaux  et  présidentiels,  les  trains  réquisitionnes  par  le  Gou- 
vernement pour  les  membres  du  Parlement  et  du  Conseil  muni- 
cipal de  Paris,  pour  le  ministre  de  la  Guerre,  pour  la  Presse, 
pour  1©  Corps  diplomatique,  etc..  Les  marches  réservées  pour 
ces  trains  spéciaux  et  les  précautions  exceptionnelles  exigées 
par  la  présence  du  train  impérial  sur  la  ligne  principale  n'ont 
pas  permis  de  donner  satisfaction  à  toutes  les  demandes  du  pu- 
blie. Mais  le  service  que  la  Compagnie  a  eu  à  faire,  dans  cette 
circonstance,  n'a  pas  d'analogie  avec  celui  de  la  mobilisation, 
auquel  certains  journaux  ont  fait  allusion  à  tort  ;  il  présentait 
même,  par  certains  côtés,  des  difficultés  plus  grandes » 

A  la  lecture  du  document  ci-dessus,  on  pouvait  croire  que  la 
Compagnie  de  l'Est  avait  établi,  au  point  de  vue  du  rendement 
de  ses  lignes,  un  record  qu'on  parviendrait  difficilement  à  battre. 
Cependant,  les  résultats  obtenus,  en  1901,  d'une  part,  par  les 
compagnies  du  Nord  et  de  l'Est,  à  l'occasion  de  la  revue  navale 
de  Dunkerque  et  de  celle  de  Bétheny,  d'autre  part,  par  la  Com- 
pagnie de  l'Ouest,  pendant  les  manœuvres  exécutées  par  les 
11°  et  18^  corps,  ont  dépassé,  comme  ampleur  et  comme  signifi- 
cation, ceux  réalisés  en  1896. 

b)  Deuxième  voyage  du  Tsar  en  Fraiiee  (septembre  1901).  — • 
La  Compagnie  du  Nord  avait  prévu  sur  Dunkerque  une  affluence 

Organ.  chem.  de  fer.  Il 


162  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

guerre,  enfin,  de  raiigmeutation  de  la  flotte,  nous  ferons 
bien,  nous  autres  Allemands,  d'accorder  à  ces  faits  et 


considérable  de  voyageurs.  Bien  que  le  mauvais  temps  eût  con- 
trarié ces  prévisions,  il  n'en  reste  pas  moins  que,  du  17  au 
18  septembre,  la  ligne  du  Nord  eut  à  transporter  35.800  voya- 
geurs, sont  2.5.000  le  18,  tous  rapatriés  ce  jour-là  de  o  heures  du 
soir  à  minuit,  au  moyen  de  43  trains  de  plaisir. 

En  même  temps  que  ces  convois,  la  Compagnie  mettait  en  cir- 
culation, dans  la  journée  du  17,  pour  Compiègne,  Laon  et  Reims, 
51  trains  militaires,  dont  11  pour  Compiègne,  transportant  les 
troupes  chargées  de  garder  le  parcours  ou  d'assurer  le  service 
d'honneur. 

Le  retard  du  train  officiel  a  rendu  très  difficile  l'acheminement 
de  ces  trains;  mais,  disons-le,  à  l'honneur  de  la  Compagnie,  tout 
s'est  effectué  sans  le  moindre  accident  à  déplorer. 

En  dehors  des  trains  de  plaisir  et  militaires,  on  avait  formé 
six  trains  parlementaires,  soit  un  total  de  103. 

Au  retour,  un  de  ces  trains  a  effectué  un  parcours  de  105  kilo- 
mètres en  une  heure. 

Il  faut  compter  aussi  que  le  trafic  quotidien  de  la  ligne  s'est 
effectué  comme  à  l'ordinaire,  et  l'on  pourra  juger  du  tour  de 
force  en  songeant  que  le  réseau  du  Nord,  avec  ses  embranche- 
ments, ne  comporte  i  ai  moins  de  dix-neuf  cents  trains  mis  en  mar- 
che en  vingt-c^uatre  heures,  sans  compter  les  convois  de  marchan- 
dises. 

Ce  service  formidable,  les  trains  de  plaisir,  les  trains  militai- 
res, c'est-à-dire  160  trains  par  jour,  plus  les  1.800  trains  quoti- 
diens, ce  service  a  pu  être  assuré  tout  simplement  par  le  per- 
sonnel ordinaire  de  la  Compagnie. 

L'effort  prodigieux  accompli  par  celle-ci  est  bien  fait  pour  sur- 
prendre; néanmoins,  il  faut  reconnaître  que,  grâce  à  son  organi- 
sation, admirable  à  tous  les  points  de  vue,  confortable,  exacti- 
tude et  vitesse,  elle  était  parfaitement  en  mesure  d'assurer  un 
service  aussi  compliqué.  Elle  possède,  en  effet,  des  horaires  facul- 
tatifs qu'elle  peut  appliquer  dans  le  plus  bref  délai,  sans  que 
l'horaire  habituel  en  souffre  le  moins  du  monde. 

Le  mérite  de  la  Compagnie  du  Nord  n'amoindrit  pas,  loin  de 
là,  celui  de  la  Compagnie  de  l'Est,  qui,  on  le  sait,  a  assumé  main- 
tes fois  la  lourde  responsabilité  du  transport  des  troupes  ayant 
pris  part  aux  grandes  manœuvres  de  l'Est. 

Au  mois  de  septembre  1901,  cette  Compagnie  a  dû  faire  un 
effort  considérable,  à  raison  de  la  coïncidence  des  transports  à 
assurer  pour  les  grandes  manœuvres,  pour  la  revvie  de  Bétheny, 
pour  la  dislocation  des  deux  armées  A  et  B  et  pour  le  renvoi  de 
la  classe. 

Si  le  nombre  des  trains  de  concentration  (50)  a  été  peu  impor- 
tant, s'il  en  a  été  de  même  pour  les  trains  de  ravitaillement  au 
cours  des  manœuvres  (50),  par  contre,  la  dislocation  a  exigé  un 
surcroît  de  travail  sérieux. 

Elle  comportait,  en  nombre  rond,  l'évacuaticn  de  90.000  offi- 


DES    CHEMINS    DE    FER  163 

à  ces  progrès  toute  la  portée  qu'il  couvieut  de  leur  attri- 
buer. 

Daus  l'exposé  des  motifs  d'un  projet  de  loi,  présenté 


ciers,  hommes  et  chevaux,  sans  compter  les  voitures.  La  Ccmpa- 
gnie  a  mis  en  marche  97  trains  spéciaux,  non  compris  &3  trains 
de  matériel  vide,  soit  en  tout  150  trains  qui  ont  quitté  Reims 
ou  ses  environs  immédiats,  dès  le  lendemain  da  la  grande  revue 
du  21  septembre.  Tous  ces  trains  ont  été  expédiés  dans  la  jour- 
née du  22  septembre,  entre  6  heures  du  matin  et  9  heures  du 
soir,  au  moment  où  l'affluence  des  voyageurs  attirés  à  Keims  de- 
mandait simultanément  un  grand  nombre  de  convois  pour  le  pu- 
blic. La  mise  en  marche  de  150  trains,  en  quinze  heures,  repré-' 
sente,  pour  vingt-quatre  heures,  un  rendement  de  240  trains, 
soit,  au  minimum,  le  transport  de  trois  corps  d'armée,  avec  leurs 
premiers  échelons. 

Enfin,  le  renvoi  de  la  classe,  commencé  dès  le  22  septembre, 
a  exigé,  à  son  tour,  30  trains  spéciaux  qui,  tous,  ont  été  expédiés 
dans  la  journée  du  23. 

Les  embarquements  militaires  ont  exigé  3.700  véhicules,  dont 
700  empruntés  au  Chemin  de  fer  du  Nord. 

Dans  la  nuit  du  20  au  21,  cet  extraordinaire  mouvement,  sur 
la  demande  du  Gouvernement,  s'est  compliqué  de  15  trains  offi- 
ciels qui  pénétraient  jusqu'aux  abords  des  tribunes  de  la  revue, 
grâce  à  des  voies  de  raccord  établies  spécialement  à  cet  effet; 
tous  sont  partis  et  arrivés  aux  heures  prévues,  ce  qui  n'est  pas 
un  mince  mérite. 

Le  chiffre  des  trains  mis  en  marche  pendant  les  journées  des. 
19,  20,  21,  22  et  23  septembre  vaut  la  peine  d'être  connu. 

Durant  ces  cinq  jours,  la  gare  de  Paris  a  reçu  et  expédié  1.423 
trains,  y  compris  ceux  du  service  normal  ;  de  son  côté,  la  gare  de 
Reims  a  reçu  et  expédié  1.420  trains  dans  le  même  laps  de  temps. 
Il  serait  curieux  de  connaître  le  chiffre  des  voyageurs  enlevés 
par  ces  trains;  malheureusement,  nous  manquons,  sur  ce  point, 
de  renseignements  précis  ;  toutefois,  on  peut  se  faire  une  idée 
approximative  de  ce  mouvement  en  se  basant  sur  les  données 
suivantes  : 

Au  cours  des  transports  effectués  par  le  Nord,  les  17  et  18  sep- 
tembre, chaque  train  de  plaisir  contenait  une  moyenne  de  1.400 
personnes;  si,  pour  rester  au-dessous  de  la  vérité,  on  abaisse 
cette  moyenne  au  chiffre  de  1.000  seulement,  on  en  conclut  que, 
du  19  au  23  inclus,  la  gare  de  Reims,  par  exemple,  a  reçu  ou  ex- 
pédié un  million  et  demi  de  voyageurs,  soit  environ  300.000  par 
jour. 

Pour  répondre  aux  besoins  d'un  trafic  aussi  intensif,  cette  der- 
nière gare  avait  subi  de  nombreuses  transformations,  telles  que  : 
création  de  quais  d'embarquement  spéciaux  pour  certaines  di- 
rections; installations  pour  la  distribution  des  billets,  l'éclairage; 
augmentation  du  personnel   télégraphique,   etc.,   etc.   Rien  que 


164  HISTOIRE   ET    ORGANISATION 

au  Eeichstag  eu  1890,  concernant  l'effectif  budgétaire 
de  l'armée  allemande,  on  lit,  entre  autres  choses,  la 
déclaration  ci-oprès  qui  ne  manque  pas  de  logique  : 


dans  la  journée  du  21,  la  gare  de  Reims  a  expédié  plus  de  15.000 
dépêches. 

Les  machines  de  l'Est  ont  suffi  à  faire  la  traction  de  tous  les 
trains  pour  les  manœuvres,  la  revue,  le  ravitaillement,  la  dislo- 
cation et  le  renvoi  de  la  classe.  Cependant,  il  est  bon  de  faire 
remarquer  que  la  Compagnie  du  Nord  est  venue  en  aide  à  sa 
voisine,  en  remorquant  les  trains  de  dislocation  partant  de 
Muizon  et  de  Guigaicourt  et  entrant  dans  le  réseau  du  Nord, 
après  un  court  trajet  sur  celui  de  l'Est. 

Il  est  intéressant  de  signaler  en  passant  que,  dans  l'après- 
midi  du  19,  le  train  impérial  et  présidentiel  ayant  été  retardé 
d'une  heure  par  la  prolongation  de  la  visite  des  souverains  rus- 
ses à  Reims,  le  trajet  de  Reims  à  Laon  a  été  fait  à  la  vitesse 
■iiioyixnr  de  'J4  ki.loiiiHrcs,  et  de  1U2  kilomètres  sur  une  partie 
du  parcours.  Cette  remarque  a  son  importance  si  l'on  considère 
que  le  train  impérial  ne  doit  jamais  aller  qu'à  une  vitesse 
moyenne  de  40  kilomètres  à  l'heure. 

Voici  maintenant  un  extrait  de  la  circulaire  que  le  Directeur 
de  la  Compagnie  des  chemins  de  fer  de  l'Est  à  adressée  à  son 
personnel  : 

((  A  l'occasion  du  récent  voyage  de  LL.  MM.  l'Empereur  et 
l'Impératrice  de  Russie  et  de  la  grande  revue  de  Reims,  la  Com- 
pagnie a  eu  à  faire  un  effort  très  considérable  qui  a  été  couronné 
de  succès.  L'importance  et  la  difficulté  de  sa  tâche  étaient  carac- 
térisées par  la  coïncidence  des  grandes  manœuvres  (auxquelles 
prenaient  part  quatre  corps  d'armée),  des  deux  voyages  des  sou- 
verains russes  à  Reims,  de  la  grande  revue  finale  de  Bétheny, 
du  départ  des  souverains  pour  la  frontière,  de  la  dislocation  de 
l'armée  et,  enfin,  du  renvoi  de  la  classe. 

»  La  Compagnie  a  eu  à  établir,  en  quelques  jours,  au  Fresnois,^ 
avec  le  concours  d'un  détachement  du  o«  régiment  du  génie,  une 
halte  importante  avec  un  garage  de  800  mètres  et  un  grand  ra- 
villon  de  réception,  pour  le  débarquement  et  l'embarquement  des 
trains  présidentiel  et  impérial. 

»  Elle  a  contribué,  au  moyen  de  son  personnel  et  de  son  maté- 
riel, venant  en  aide  aux  sapeurs  du  génie,  à  la  construction  d'un 
embranchement,  comportant  5  kilomètres  de  voies,  y  compris 
les  garages,  et  aboutissant  à  une  véritable  gare  (dite  des  Tri- 
bunes) destinée  à  recevoir  et  à  réexpédier  les  15  trains  spéciaux, 
mis  en  marche  dans  la  matinée  du  21  septembre  et  réservés  aux 
membres  du  Parlement,  aux  invités  officiels... 

>)  Du  6  au  23  septembre,  au  cours  des  manœuvres,  la  Compa- 
gnie a  dû  mettre  en  marche  92G  trains  supplémentaires  (dont 
306  dans  la  journée  du  21),  lesquels  ont  fait  un  parcours  de 
80.200  kilomètres,  en  dehors  de  ceux  des  horaires  réguliers  (par- 


DES    CHEMINS    DE    FER  165 

0    Quand,    eu    regard    des    efforts    accomplis    par    la 
Trance,  ou  cousidère  ayec  quelle  méthode  la  Hussie  a 


cours  moyen,  262  kilomètres).  Sans  porter  atteinte  au  service 
public,  on  a  dû  déplacer  ou  mobiliser  700  mécaniciens  et  chauf- 
feurs, 500  visiteurs,  ajusteurs  et  manoeuvres  des  dépôts,  260 
agents  de  gare  et  1.600  poseurs  de  la  voie. 

»  Le  lendemain  même  de  la  revue,  les  transports  de  disloca- 
tion de  l'armée  ont  été  exécutés  en  une  seule  journée;  et,  dès  le 
22  septembre  au  soir,  les  2.400  officiers,  les  84.000  hommes  et  les 
2.700  chevaux  à  évacuer  avaient  quitté  la  région  des  manœuvres. 
Puis,  le  surlendemain,  il  y  a  eu  encore  30  trains  spéciaux  à  faire 
pour  le  renvoi  de  la  classe.  Tout  s'est  passé  avec  ordre,  régula- 
rité et  sans  aucun  accident  ni  incident. 

»  Le  Directeur  porte  à  Ig,  connaissance  du  personnel  les  té- 
moignages de  satisfaction  que  la  Compagnie  a  reçus  :  de  M.  le 
ministre  de  la  Guerre;  de  M.  le  ministre  des  fravaux  publics; 
de  M.  le  Général  commandant  en  chef. 

»  Les  importants  et  heureux  résultats  constatés  par  ces  témoi- 
gnages officiels  ne  démontrent  pas  seulement  la  puissance  et  la 
souplesse  de  l'organisation  des  compagnies  de  chemins  de  fer, 
mais  font  iiocneur  à  la  capacité,  au  zèle,  au  dévouement  de  tous 
les  services... 

»  En  rappelant  au  personnel  le  souvenir  de  la  revue  historique, 
passée  le  9  octobre  1896  au  camp  de  Châlons,  à  l'occasion  de  la- 
quelle la  Compagnie  avait  déjà  reçu  des  témoignages  très  flat- 
teurs, le  Directeur  est  heureux  d'avoir  à  adresser  à  tout  le  per- 
sonnel ses  félicitations  et  ses  remerciements  pour  la  parfaite 
exécution  du  service  dans  les  jovirnées  du  19  au  21  septembre 
et  dans  celles  qui  ont  précédé  et  suivi  ces  deux  dates  également 
historiques. 

»  Xc  Directeur  de  la  Compagnie, 
»  Barabant.  » 

En  résumé,  la  Compagnie  de  l'Est  a  fait,  dans  ces  mémorables 
journées,  un  effort  très  considérable,  car  elle  a  eu  à  faire  face 
simultanément  aux  transports  afférents  aux  grandes  manœuvres, 
à  la  revue,  à  la  dislocation,  au  renvoi  de  la  classe.  Cet  effort  est 
analogue  à  celui  qu'exigerait  une  mobilisation  et  même  plus 
grand,  au  point  de  vue  des  obligations  qui  incomberaient  à  la 
gare  de  Reims  en  particulier.  Par  l'aperçu  sommaire  que  nous 
en  avons  donné,  on  peut  se  faire  une  idée  de  l'immense  travail 
qu'ont  exécuté,  sans  encombre,  les  deux  Compagnies  chargées 
d'assurer  une  aussi  lourde  tâche  dont  elles  se  sont  tirées  à  leur 
honneur.  Les  éloges  prodigués  par  les  chefs  militaires  et  le  Gou- 
vernement aux  Administrations  du  Nord  et  de  l'Est  sont  donc 
en  tous  points  mérités. 

c)  Manœuvres  de  V Ouest  en  1901.  —  Les  transports  effectués 
par  ces  deux  compagnies,  dans  les  circonstances  que  nous  venons 
de  rapporter,  avaient  été  annoncés  plusieurs  semaines  à  l'avance; 


KÎG  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

pu  (le  son  côté,  grâce  ù  dos  ressources  financières  iné- 
puisables, étendre  et  développer  sa  puissance  militaire, 
avec  quelle  persévérance  elle  a  su  multiplier  et  perfec- 


on  avait  en  tout  le  temps  nécessaire  pour  les  préparer,  éta- 
blir les  horaires,  réunir  le  personnel  et.  le  matériel,  créer  des  ins- 
tallations provisoires,  etc.,  etc.  On  peut  donc,  jusqu'à  un  cer-. 
tain  point,  les  assimiler  aux  transports  de  mobilisation  et  de 
concentration,  qui,  eux,  sont  prévus  et  arrêtés  de  longue  date, 
dans  tous  leurs  détails.  Nous  disons,  ((  jusqu'à  un  certain  point  », 
car  les  difficultés  résultant  d'un  mouvement  à  la  fois  commer- 
cial et  militaire,  comme  celui  auquel  ont  donné  lieu  les  deux  re- 
vues do  Duukerque  et  de  lîeims,  ne  sont  pas  comparables  avec 
celles  qui  résulteraient  d'une  mobilisation  générale.  Dans  ce  cas, 
le  trafic  des  compagnies  serait  suspendu,  l'autorité  administra- 
tive ferait  place  à  l'autorité  militaire;  sur  les  voies  libres  et  dé- 
gagées de  tous  convois  commerciaux  ou  industriels,  circuleraient, 
seuls,  les  trains  de  troupes,  de  matériel  d'approvisionnements 
de  guerre,  roulant  au  quart  d'heure,  d'après  un  horaire  unique 
pour  l'ensemble  du  réseau  national,  élaboré  minutieusement,  dès 
le  temps  de  paix,  et  mis,  au  moment  voulu,  entre  les  mains  de 
tous  les  agents  de  chemins  de  fer  intéressés.  Mais  si  la  tâche  im- 
posée aux  réseaux  du  Nord  et  de  l'Est  en  ISOl  ne  présentait  pas 
un  caractère  absolu  d'imprévu,  il  ne  s'ensuit  pas  que  la  façon 
dont  elle  a  été  accomplie  ne  justifie  pas  les  éloges  adressés  aux 
différents  personnels  qui  l'avaient  assumée  ;  aussi,  sans  vouloir 
rien  enlever  de  leur  mérite  aux  compagnies  du  Nord  et  de  l'Est, 
il  faut  bien  reconnaître  que  l'effort  réalisé,  dans  cette  même  an- 
née, par  la  Direction  des  chemins  de  fer  de  l'Etat  offrait,  par 
certains  côtés,  des  difficultés  incomparablement  plus  grandes. 
Ici,  en  effet,  comme  on  va  le  voir  plus  loin,  les  transports  ren- 
traient entièrement  dans  la  catégorie  de  ceux  que  le  Règlement 
du  21  février  1900  appelle  :  transports  de  troupes  nécessités  par 
les  opérations  (art.  1",  §  6),  c'est-à-dire  de  ceux  qui,  dans  le 
cours  d'une  campagne,  peuvent  être  ordonnés  à  l'improviste  et 
pour  l'exécution  desquels  rien,  par  conséquent,  n'a  été  préparé 
à  l'avance;  de  ceux,  en  un  mot,  qu'on  pourrait  qualifier  de  trans- 
2Jorts  par  alerte. 

Expérimenter  ce  nouveau  mode  d'emploi  des  chemins  de  fer, 
telle  semble  du  reste  avoir  été  l'idée  qui  a  présidé  à  l'organisa- 
tion des  grandes  manœuvres  de  l'Ouest  en  1901.  Dans  les  débuts, 
l'attention  s'est  quelque  peu  immobilisée  sur  l'embarquement  et 
le  débarquement  des  5.000  hommes  du  11"  corps,  chargés  unique- 
ment, dans  la  pensée  du  généralissime,  de  prouver  que,  si  une 
invasion  de  la  France  par  les  côtes  de  l'Atlantique  était  chose 
relativement  difficile,  on  ne  .s'en  trouvait  pas  moins,  pour  cela, 
tenu  d'en  prévoir  l'éventualité  et  même  la  possibilité;  aussi,  la 
partie  principale  de  l'expérience  a-t-elle  passé,  pour  ainsi  dire, 
inaperçue  aux  yeux  du  public.  C'est  fâcheux,  car  elle  a  pleine- 
ment réussi,  faisant  en  cela  le  plus  grand  honneur  à  l'organisa- 


DES    CHEMINS    DE    FER  167 

tionuer  ses  voies  de  communication,  on  ne  peut  s'em- 
pêclier  de  reconnaître  que,  depuis  1887,  nous  nous  trou- 


tion  du  service,  en  cas  de  mobilisation  inopinée,  des  chemins  de 
fer  de  l'Etat. 

L'idée  du  général  Brugère  était  la  suiA'ante  : 

1°  Opposer  une  première  résistance  à  un  ennemi  débarqué  par 
surprise,  et  cela,  au  moyen  de  troupes  locales,  de  troupes  pou- 
vant, sur  l'heure,  accourir,  par  voie  de  terre,  au  lieu  de  débar- 
quement ; 

2°  Etudier  le  transport,  par  voies  ferrées,  des  réserves,  appelées 
à  l'improviste  à  renforcer  les  corps  de  première  ligne  s'op posant 
à  la  progression  en  avant  des  troupes  débarquées. 

Voilà  pourquoi,  à  côté  des  opérations  sur  le  terrain  de  la  lutte, 
opérations  qui  puisaient  une  importance  toute  particulière  dans 
l'expérimentation  du  projet  de  nouveau  règlement  de  manœu- 
vres pour  l'infanterie,  a  été  tentée  l'intéressante  expérience  rela- 
tive à  l'utilisation  des  voies  ferrées,  dans  le  but  de  pouvoir,  con- 
tinuellement et  en  tout  temps,  assurer  la  résistance  aux  invasions 
arrivant  par  mer.  Il  nous  semble  qu'elle  mérite  une  mention  toute 
spéciale,  étant  données  les  conditions,  identiques  à  celles  du 
temps  de  guerre,  dans  lesquelles  on  a  eu  soin  de  l'exécuter. 

Les  mots  transports  par  alerte,  dont  nous  novis  sommes  servi 
tout  à  l'heure,  nous  semblent  donc  qualifier  fort  justement  l'effort 
demandé  par  le  généralissime  à  la  Direction  des  chemins  de  fer 
de  l'Ecat. 

Celle-ci  avait  été  tout  simplement  prévenue  qu'elle  aurait, 
sur  dépêche  expédiée  au  dernier  moment,  à  transporter  des  trou- 
pes dont  elle  ignorait  la  composition,  l'effectif,  les  lieux  de  ras- 
semblement et  de  destination.  Il  lui  était,  par  suite,  impossible 
de  réunir,  à  l'avance,  le  matériel  nécessaire  et  de  tracer  la 
marche  des  trains  militaires;  en  un  mot,  de  prendre  les  mesures 
de  sécurité  propres  à  assurer  le  correct  accomplissement  de  ce 
qu'on  allait  lui  demander.  C'était  l'inconnu  dans  ce  qu'il  avait 
de  plus  aléatoire,  et,  de  fait,  le  problème  n'en  était  que  plus  inté- 
ressant à  résoudre. 

Le  29  août,  à  3  heures  de  l'après-midi,  le  chef  de  la  gare  de 
l'Etat  à  Bordeaxix  recevait  de  la  direction  des  grandes  manœu- 
vres de  l'Ouest  un  ordre  télégraphique  lui  prescrivant  de  trans- 
porter dans  le  plus  bref  délai,  et  —  détail  à  noter  —  sur  des 
points  qui  lui  seraient  indiqués  ultérieurement  :  1°  le  quartier 
général  de  la  3o«  division  d'infanterie;  2°  l'état-major  de  la  70« 
brigade;  3°  5  bataillons  d'infanterie  et  1  escadron  de  hussards. 

A  la  même  heure,  un  ordre  semblable  était  télégraphié  au  chef 
de  gare  de  Libourne,  pour  un  bataillon  d'infanterie  et  une  bat- 
terie d'artillerie  montée. 

Immédiatement,  avec  le  matériel  dont  elles  pouvaient  dispo- 
ser, la  gare  de  Bordeaux  formait  cinq  trains  et  la  gare  de  Li- 
bournei,   deux.   L'embarquement   commençait   aussitôt    dans    les 


108  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

vons  en  présence  d'une  situation  qui  s'est  profondément 
modifiée  au  point  de  vue  militaire.  » 

deux  stations  et,  à  G  h.  30  du  soir,  celle  de  Bordeaux  n.ettait  en 
route  le  premier  train,  que  suivaient  à  courte  distance  les  quatre 
autres.  Le  dernier  était  exiitdié  à  9  lï.  45  du  soir. 

Les  deux  trains  formés  à  Libourne  partaient  à  7  h.  23  et  à 
11  h.  15  du  soir,  sans  qu'à  aucun  moment  le  service  régulier  d3 
l'exploitation  eût  été  interrompu. 

Et  maintenant,  qu'on  veuille  bien  considérer  que  c'est,  tout  au 
plus,  quelques  in&tant^s  avant  le  départ  de  ces  trains  que  des  or- 
dres successivement  télégraphiés  sont  venus  indiquer  la  destina- 
tion de  chacun  d'eux.  Quatre  devaient  être  dirigés  sur  Saint- 
Savinien-sur-Charente,  deux  sur  Bordes  et  un  sur  Tonnay-Cha- 
rente.  Remarquons,  en  outre,  que  ces  sept  trains  se  trouvaient 
munis,  par  avance,  de  ponts  volants,  de  rampes  mobiles,  etc.,  etc. 
Cétait  d'ailleurs  nécessaire,  puisqu'il  fallait  pouvoir  assurer  le 
débarquement  des  troupes  en  pleine  voie  ou  dans  de  petites  gares 
ne  possédant  ni  le  matériel,  ni  les  aménagements,  indispensables 
pour  un  débarquement  à  quai. 

Malgré  un  léger  retard,  occasionné  en  cours  de  route  par  une 
avarie  survenue  à  un  train  de  marchandises,  lequel,  restant  en 
détresse,  obstruait  la  voie,  les  trains  militaires  sont  arrivés  à 
destination,  à  l'heure  fixée  par  le  généralissime,  c'est-à-dire  en- 
tre 2  h.  30  et  5  heures  du  matin.  Le  débarquement,  en  pleine  nuit 
et  sur  des  voies  de  circulation  suivies  par  le  service  régulier  de 
l'exploitation,  lequel  n'avait  pas  été  interrompu,  s'est  effectué 
sans  aucun  accident. 

Dans  ces  sept  trains  on  a  transporté  155  officiers,  3.905  hom- 
mes, 252  chevaux  et  16  voitures  ;  leur  formation  a  nécessité  183 
wagons. 

La  réussite  de  semblable  expérience,  laquelle,  entre  parenthèse, 
prouve  péremptoirement  combien  nos  administrations  de  che- 
mins de  fer  sont  à  hauteur  du  rôle  qu'elles  auraient  à  jouer  en  cas 
de  n.obilisation,  ne  peut  assurément  que  nous  donner  confiance. 
Nous  croyons  devoir  donner  ci-dessous  le  texte  de  la  lettre  que 
l'Administration  des  chemins  de  fer  de  l'Etat  a  reçu  du  minis- 
tre de  la  Guerre,  à  la  suite  des  expériences  que  nous  venons  de 
rapporter  : 

«  Paris,  !e  16  septembre  1901. 

))  Le  Ministre  de  la  guerre  à  M.  le  Directeur  des  chemins 

de  fer  de  VEtat. 

»  Monsieur  le  Directeur, 

))  Les  renseignements  qui  me  sont  parvenus,  sur  les  mouve- 
ments effectués  par  chemins  de  fer,  à  l'occasion  des  grandes  ma- 
nœuvres d'armées  de  la  région  de  l'Ouest,  ont  mis  en  relief,  une 
fois  de  plus,  le  zèle  et  le  dévouement  que  les  fonctionnaires  et 
agents  de  l'administration  des  chemins  de  fer  déploient,  à  tous  les 


DES    CHEMIiVS   DE    FER  169- 

Les  dernières  dispositions  législatives  et  administra- 
tives que  nous  avons  reproduites  précédemment  mon- 
trent qu'en  sus  du  développement  incessant  de  son  réseau 
stratégique-,  le  gouvernement  français  s'eiïorce,  sans 
relâclie,  <le  préparer,  par  tous  les  moyens  possibles,  l'uti- 
lisation de  ses  cliemins  de  fer  en  temps  de  guerre  et 
d'en  obtenir  le   rendement  maximum. 

Dès  1877,  le  ministre  prussien  H.  Budde,  autrefois 
colonel  du  grand  état-major  allemand,  formulait  la  con- 
clusion suivante  dans  son  ouvrage  sur  Les  Chemins  de 
fer  français  j^endant  la  eamjmgne  de  1S70-1871  (1)   : 

degrés  de  la  hiérarchie,  dans  toutes  les  circonstances  où  ils  sont 
appelés  à  participer  à  la  préparation  et  à  l'exécution  des  trans- 
ports militaires. 

»  Je  suis  heureux  de  vous  témoigner  toute  ma  satisfaction  à 
ce  sujet,  et  j'ai  l'honneur  de  vous  prier  de  vouloir  bien  en  trans- 
mettre l'expression  à  tous  vos  collaborateurs. 

»  Recevez,  Monsieur  le  Directeur,  les  assurances  de  ma  consi- 
dération très  distinguée, 

»  Général  André.  »  (N .  du  T.) 

(1)  Berlin,  1877,  F.  Schneider  et  Cie,  nouvelle  édition,   1903. 

Note  sur  les  disponibilités  du  réseau  français 
et  ses  possibilités  stratégiques  (*). 

Après  l'achèvement  de  toutes  les  constructions  actuellement 
en  projet  ou  en  cours  d'exécution,  la  France  disposera  de  seize 
lignes  de  transport  indépendanfes  —  dont  iquinze  à  double 
voie  — ■  aboutissant  dans  le  cône  réceptif  de  sa  frontière  du  nord- 
est. 

Quel  sera,  dans  le  cas  d'une  guerre  avec  la  Triplice,  le  nombre 
des  corps  d" armée  que  nous  aurons  à  diriger  sur  ce  front  par  voie 
ferrée?  Avant  de  répondre  à  cette  question  il  in\porte,  tout  d'a- 
bord, de  faire  remarquer  que  notre  concentration  devra  s'effec- 
tur  sur  deux  théâtres  d'opérations  distincts,  celui  du  sud-est  et 
celui  du  nord-est. 

Sur  le  premier,  on  estime  généralement  que  les  14^  et  15''  corps, 
renforcés  des  troupes  alpines  et  doublés  de  leurs  formations  de 
réserve  (soit  un  effectif  équivalant  à  o  corps  d'armée  environ) 
seront  suffisants  pour  arrêter  une  invasion  italienne,  attendu 
que,  do  ce  côté,  la  situation  nous  commande  de  prendre,  au  dé- 
but tout  au  moins,  une  attitude  défensive.  Sur  le  deuxième,  nous 
rassemblerons  la  totalité  de  nos  forces  restant  disponibles  après 
(*)  Voir  le  croquis  pages  172-173. 

Organ.  cliem.  de  fer.  12 


170  HISTOIRE    ET    OKGANISATION 

«   Dans  la  piocliaiue  guerre,  il  faut  nous  attendre  à 
voir  nos  voisins  retirer  de  leurs  voies  ferrées  des  services 


ce  prélèvement,  c'est-à-dire  dix-neuf  corps  d'armée,  y  compris  le 

19«  et  le  21^ 

Mais  l'intervention,  dès  le  début  des  hostilités,  des  troupes 
d'Algérie  est  des  plus  aléatoires;  elle  est,  en  effet,  subordonnée 
à  la  date  de  leur  débarquement  à  Marseille,  lequel  no  sera  réa- 
lisable qu'autant  que  notre  flotte  de  la  Méditerranée  aura,  au 
préalable,  conquis  la  maîtrise  de  la  mer  sur  les  escadres  ita- 
liennes. Or,  c'est  là  un  résultat  sur  lequel  nous  ne  pouvons  pas 
tabler  d'avance,  avec  une  certitude  absolue.  Aussi,  à  détaut  du 
19«  corps  proprement  dit,  devons-nous  chercher  à  utiliser  sou 
unité  de  dédoublement  (19"  bis),  qu'il  serait  possible  d'organiser, 
dans  des  centres  de  mobilisation  prévus  à  cet  effet,  à  l'aide  des 
innombrables  réservistes  domiciliés  en  France  qui  ont  servi  en 
Afrique.  La  dotation  en  artillerie  de  ce  corps  d'armée  serait  as- 
surée par  la  brigade  d'artillerie  de  Vincennes,  dont  les  batteriea 
de  dédoublement  seraient  affectées  ultérieurement  au  19®  ciorps 
actif,  dans  le  cas  oii  ce  dernier  parviendrait  à  effectuer  son  débar- 
quement en  France.  Quant  au  21''  corps,  il  serait,  comme  on  sait, 
formé  avec  les  troupes  coloniales  disponibles  de  la  métropole, 
complétées  par  leurs  réservistes  venus  de  toUs  les  points  du  ter- 
ritoire. 

Etant  donné  l'éparpillcment  des  centres  de  mobilisation  des 
deux  corps  d'armée  précédents  (19^  his  et  21^),  il  n'est  pas  possible 
d'assigner  à  cliacun  d'eux,  en  particulier,  une  ligne  de  transport 
distincte,  comme  cela  a  lieu  pour  les  troupes  métropolitaines  ; 
d'autre  part,  la  dissémination  de.  leurs  réser\ùstes  et  la  longueur 
des  trajets  à  parcourir  par  la  plupart  d'entre  eux,  pour  rejoindre 
leurs  unités  d'affectation,  ne  permettront  pas  à  ces  corps  de  pas- 
ser du  pied  de  paix  au  pied  de  guerre,  avec  la  même  rapidité 
que  les  autres.  Pour  ces  deux  raisons,  il  semble  tout  indiqué 
d'embarquer  chacune  de  leurs  fractions  soit  sur  les  lignes,  iiumé- 
diatement  disponibles,  partant  ou  passant  à  proximité  de  leurs 
garnisons  respectives,  soit  sur  les  voies  attribuées  aux  éléments 
déjà  mobilisés  de  l'intérieur,  au  milieu  desquels  on  les  intercale- 
rait ou  dont  elles  prendraient  la  suite,  au  fur  et  à  mesure  de 
l'achèvement  de  leur  mobilisation.  C'est  ainsi  que  : 

1°  Les  garnisong  de  Toulon  (21"^  corps)  et  de  Lyon  (19»  his), 
ayant  à  leur  entière  disposition  les  artères  19  et  7  —  cette  der- 
nière ne  devant  être  occupée  que  pendant  un  temps  très  court 
par  les  rares  éléments  du  7*^  corps  n'employant  pas  les  routes 
ordinaires  —  ; 

2°  Les  garnisons  de  Rochefort,  Brest,  Cherbourg  (21^)  et  Paris 
(19'^  his  et  21^),  utilisant  seulement  le  1/5  ou  le  1/4,  au  plus,  des 
marches  réservées  sur  les  lignes  3,  i,  5,  9,  10,  11,  17  et  18, 

Seraient  acheminées  vers  le  théâtre  de  guerre  lorrain,  sans 
qu'il  en  résulte  un  allongement  quelconque  dans  la  durée  du  mou- 
T'ement   général   de   la   concentration.    Celle-ci   achevée,    l'artère 


DES    CHEMINS    DE    FER  171 

infiniment  supérieurs  à  ceux  qu'ils  en  ont  obtenus  pen- 
dant la  campagne  de  1870-1871.  » 


19  sera  utilisable  pour  les  troupes  d'Algérie,  dès  qu'elles  auront 
pu  débarquer  dans  les  ports  de  notre  littoral  raêditerrane'en. 

Les  6«  et  20''  corps,  ainsi  que  la  majeure  partie  du  7%  feront 
mouvement  par  voie  de  terre;  si,  par  suite  de  leur  trop  grand 
éloignement  de  la  frontière,  certaines  fractions  des  deux  premiers 
ont  à  faire  usage  des  voies  ferrées,  leur  enlèvement  aura  lieu 
avant  le  commencement  d?s  transports  stratégiques,  attendu 
qu'elles  se  mobilisent  dans  des  conditions  exceptionnelles  de  rapi- 
dité. Il  ne  reste  donc  plus  qu'à  pourvoir  à  l'embarquement  des 
14  corps  d'armée  de  l'intérieur,  qui  seront  dirigés  sur  le  théâtre 
des  opérations,  au  moyen  d'un  nombre  égal  de  lignes  à  double 
voie  et  à  très  grand  rendement,  c'est-à-dire,  susceptibles,  cha- 
cune, de  débiter,  en  deux  jours  au  plus,  le  nombre  de  trains  né- 
cessaires au  transport  d'un  corps  d'armée  sur  le  pied  de  guerre. 

Si  on  évalue  à  trois  jours  la  duréa  de  la  mobilisation,  en  faisant, 
à  ce  sujet,  les  mêmes  restrictions  que  pour  l'armée  allemande; 
deux  jours  1/6,  la  durée  de  trajet  entre  la  base  de  débarquement 
et  la  gare  de  rassemblement  du  corps  d'armée  le  plus  éloigné  ; 
deux  jours,  la  durée  de  l'embarquement  des  troupes  ou  de  leur 
écoulement  sur  chaque  ligne  de  transport,  on  voit  que,  le  hui- 
t'ème  jour,  à  4  heures  du  matin,  les  corps  d'armée  français,  au 
complet,  auront  terminé  leur  ccncentration,  soit  avec  une  avance, 
sur  ceux  de  nos  adversaires,  d'une  demi-journée,  laquelle  équi- 
vaut, en  fait,  à  une  journée  de  marche,  pour  les  derniers  éléments 
arrivés  à  destination.  Comme  les  troupes  combattantes  et  services 
de  première  ligne  auront  déjà  pu  effectuer,  la  veille,  leur  pre- 
n\ière  étape,  il  s'ensuit  que,  de  notre  côté,  les  opérations  actives 
pourront  commencer  le  neuvième  jour  au  matin,  date  à  laquelle 
les  Allemands  auront  à  peine  achevé  leurs  débarquements.  Dans 
le  cas  où  ceux-ci  gagneraient  vingt-quatre  heures  sur  nous,  en 
lançant  leur  ordre  de  mobilisation  trente-six  heures  avant  le 
nôtre,  nous  aurons  encore,  grâce  à  la  profondeur  sur  laquelle  nos 
quais  de  débarquement  ont  été  échelonnés  dans  la  région  de 
l'Est,  la  possibilité  de  regagner  le  temps  perdu,  en  reportant  à 
une  et,  au  besoin,  à  deux  journées  de  n  arche  en  arrière,  la  ligne 
avancée  de  nos  points  d'atterrisîements. 

Nota.- —  Nous  avons  fait  figurer,  dans  la  composition  des  ar- 
mées française  et  allemande  de  première  ligne,  toutes  les  troupes 
actives  disponibles  de  part  et  d'autre,  sans  nous  préoccuper  de  la 
constitution  des  armées  de  réserve,  que  nous  supposons  devoir 
être  formées  d'unités  créées  au  moment  de  la  mobilisation.  En 
admettant,  malgré  son  peu  de  vraisemblance,  cette  hypothèse 
qui  est,  sans  doute,  loin  de  cadrer  avec  les  prévisions  des  états- 
majors  des  deux  partis,  nous  n'avions  d'autre  but  que  de  mettre 
davantage  en  relief  la  puissance  logistique  des  réseaux  stratégi- 
ques de  la  France  et  de  l'Alleinagne.  (Note  du  traducteur.) 


Schéma  des  disponibilit 


Formation  des  armées  : 

Armée  des  Ardeimes..     1.  2.  3.  4. 


Groupe  d'arruées 
de  Meuse  et   Moselle . 


6.  10.  11.  18 
5.  9.  12.  17. 
20.  8.  13.  21 


Armée  des  Vosges 7.  16.  19. 


C/ermo 


Bordeaux 

la 


Echel 


li.  réseau  ferré  français. 


Dàl> 


III 


Russie. 


Les  résultats  prodigieux  obtenus  dans  l'emploi  des 
chemins  de  fer  pendant  la  guerre  franco-allemande  lais- 
sent bien  loin  derrière  eux  ceux  de  la  guerre  turco- 
russe  de  1877-1878  (1). 


(1)  Be  Vemploi  des  Chemins  de  fer  dans  la  campagne  de  1S77-7S, 
par  le  major  C.  Ilarjeu  (Bukarest,  1891).  Ouvrage  traduit  du 
roumain  en  allemand  par  Eerghaus,  major  à  la  disposition,  et 
publié  dans  le  fascicule  u^  1  (livraison  d'avril)  de  la  collection 
des  Jarbûchrr  fur  die  dcutsche  Ain, ce  und  Marine,  année  1902. 
Le  major  Harjeu  commence  par  dépeindre  l'état  des  chemins  de 
fer  roumains,  russes  et  turcs  au  commencement  de  la  guerre  et  la 
situation  déplorable  oii  ils  se  trouvaient  par  suite  de  leur  dis- 
persion entre  les  mains  de  nombreuses  compagnies  particulières. 
Il  examine  ensuite  les  dispositions  prises  par  le  gouvernement 
roumain  poiir  assurer  la  bonne  exécution  des  transports.  La  Rou- 
manie possédait  bien  un  règlement  pour  les  mouvements  de 
troupes  par  voie  ferrée  en  temps  de  paix,  mais  rien  n'avait  ézé 
prépare  sur  ce  point  en  vue  de  la  guerre.  On  dut,  à  cet  effet, 
promulguer,  à  la  date  du  22  avril  1877,  une  ((  loi  sur  les  réquisi- 
tions militaires  »  qui  fut  suivie,  le  26  du  même  mois,  d'un  règle- 
ment pour  l'application  de  ladite  loi. 

^  L'ouvrage  cité  passe  alors  aux  mesures  de  sûreté  adoptées  par 
l'autoritc  russe  pour  les  transports  exécutés  sur  les  territoires 
russe  et  roumain.  Depuis  1874,  il  est  vrai,  il  existait  en  Russie 
un  règlement  sur  les  transports  militaires  en  chemins  de  fer, 
mais  ce  règlement  n'avait  pas  encore  été  appliqué;  en  outre, 
un©  instruction  générale  sur  la  mobilisation  indiouait  la  façon 
dont  les  voies  ferrées  devaient  être  utilisées  en  cas  de  mobilisa- 
tion. Malheureusement,  quelques-unes  des  dispositions  contenues 
dans  ces  deux  documents  ne  purent  recevoir  d'application  parce 
qu'on  avait  négligé  d'augmenter  le  personnel  d'exploitation  au 
moment  de  la  mise  sur  le  pied  de  guerre  des  six  premiers  corps 
d'armée.  En  vue  du  passage  de  ces  troupes  à  travers  la  Rouma- 
nie et  de  l'utilisation  des  lignes  ferrées  de  cette  principauté,  la 
Russie  conclut  avec  le  gouvernement  roumain  une  convention 
qui,  entre  autres  clauses  intéressantes,  stipulait  que  le  réseau 
était  placé  en  entier  dans  les  mains  du  Directeur  des  communi- 
cations militaires  de  l'armée  russe. 

Dans  la  S""  partie  de  son  travail,  le  major  Harjeu,  après  avoir 
exposé  le  fonctionnement  du  service  sur  les  chemins  de  fer  russes 


HISTOIRE  ET   OEGAXISATIOX  DES   CHEMINS   DE   FER    17o 

Celle-ci  a  eu  pour  unique  résultat  de  faire  constater 
aux  belligérants,   ainsi   qu'aux   autres  nations,  jusqu'à 


pendant  la  mobilisation  et  la  concentration  sur  le  Pruth,  et  fait 
de  fréquents  rapprochements  entre  la  lenteur  des  opérations  de 
l'armée  impériale  et  la  rapidité  de  celles  des  Allemands  eu  1870, 
signale,  comme  cause  de  ces  lenteurs,  les  défectuosités  des  che- 
mins de  fer  moscovites. 

L'auteur  étudie  ensuite  l'emploi  qui  a  été  fait,  pendant  la 
guerre,  des  voies  ferrées  russes  et  roumaines  pour  les  repliements 
et  les  évacuations.  De  cette  étude  il  ressort  que  les  Russes  ont 
mis  à  profit  les  leçons  qu'ils  avaient  retirées  do  leur  première 
mobilisation  et  que  les  transports,  à  destination  du  théâtre  de 
la  guerre,  des  troupes  ultérieurement  mobilisées  s'accomplirent 
avec  beaucoup  plus  de  promptitude  et  de  méthode.  Et  cepen- 
dant, la  Roumanie  fut  mal  récompensée  du  zèle  déployé  par  elle 
dans  cette  circonstance,  car,  dans  ses  rapports,  le  grand-duc  Ni- 
colas, pour  dégager  sa  responsabilité,  s'est  plaint  sans  cesse  des 
chemins  de  fer  roumains. 

Du  16  juin  au  31  décembre  1877,  on  a  évacué  vers  la  Roumanie 
et  la  Russie  7.194  blessés  et  malades;  mais  il  ne  faut  pas  deman- 
der dans  quelles  conditions.  Voici,  à  ce  propos,  ce  que  raconte-  un 
témoin  oculaire  : 

«  Le  10/22  août,  ou  vit  passer  à  Kursk  un  train  d'évacuation 
l'Omprenant  24  wagons  à  marchandises,  qui  ne  renfermait  pas 
moins  de  400  blessés  dont  la  moitié,  très  grièvement.  Quelque 
temps  auparavant,  ces  voitures  avaient  transporté  du  bétail  et 
n'avaient  été  ni  nettoyées  ni  désinfectées.  Or,  elles  étaient  dé- 
pourvues de  fenêtres  et  leurs  portes  durent  être  maintenues  fer- 
mées pendant  tout  le  trajet  parce  que  les  malheureux  blessés, 
grelottant  de  fièvre,  ne  possédaient  ni  lits,  ni  matelas,  ni  cous- 
sins. Il  n'y  avait  dans  le  convoi  qu'un  seul  médecin  auquel  la  dis- 
position et  le  genre  des  véhicules  ne  permettaient  de  changer  de 
voiture  que  pendant  les  haltes.  Le  train  ne  contenait  pas  le 
moindre  récipient  dans  lequel  les  soldats,  dévorés  par  la  soif, 
pussent  se  désaltérer;  enfin,  depuis  deux  jours,  ils  n'avaient  reçu 
aucun  aliment  chaud. 

Le  major  Harjeu  attribue  l'insuccès  des  Russes  à  leur  mauvais 
emploi  des  chemins  de  fer,  au  manque  de  matériel  roulant,  à  l'in- 
suffisance et  à  l'impéritie  du  personnel,  à  l'état  défectueux  des 
lignes  qui  étaient  toutes  à  une  voie  et  ne  possédaient  que  des 
voies  de  garage  trop  restreintes  comme  nombre  et  dimensions.  La 
composition  des  trains  ne  devait  pas  dépasser  30  voitures  et  on 
no  pouvait  en  mettre  en  circulation  plus  de  12  par  vingt-quatre 
heures. 

Fait  digue  de  remarque  cependant  :  au  cours  même  des  opé- 
rations, les  Russes  construisirent,  avec  une  rapidité  surpre- 
nante, la  ligne  Bender  -  Reni  -  Galatz,  d'une  longueur  totale  de 
304  kilomètres.  Dès  le  3  novembre,  cotte  ligne  était  livrée  à  l'ex- 
ploitation. Malgré  l'obligation  oii  l'on  s'était  trouvé  d'avoir  re- 


176  HISTOIRE    ET    ORGAXISATION 

quel  point  s'étaient  accrues  la  puissance  et  la  force  du 
grand  Empire  russe,  grâce  au  développement  qu'il  a  su 
donner,  depuis  cette  époque,  à  son  réseau  ferré  qui,  en 
1873  par  exemple,  n'avait  pas  plus  de  13.533  verstes  en 
exploitation. 

Ce  réseau  a  cependant  subi  dans  son  extension  une 
progression  lente  et  irrégulière.  Le  premier  chemin  de 
fer  russe  fut  construit  entre  Saint-Pétersbourg  et  Tzar- 
koé-Selo  et  inaiiguré  en  1838.  En  1843,  on  entreprit  les 
travaux  de  la  ligne  Saint-Pétersbourg  -  Moscou  (che- 
min de  fer  Nicolaï),  dont  l'achèvment  n'eut  lieu  qu'en 
1851.  Après  l'ouverture  de  cette  voie,  qui  exerça  une 
influence  énorme  sur  le  développement  économique  de 
l'Empire,  la  construction  de  nouvelles  lignes  ne  pro- 
gressa plus  qu'avec  une  certaine  lenteur.  En  1860,  la 
Eussie  possédait  en  tout  1.250  verstes  (1.334  kilom.)  de 
voies  ferrées;  cinq  ans  plus  tard,  elle  disposait  de  3.360 
verstes  (3.585  kilom.).  Les  gains  élevés  réalisés  par 
cxuelques  entrepreneurs  de  travaux  de  chemins  de  fer 
provoquèrent  alors   une   poussée  rapide   dans  les   cons- 


cours  non  seulement  aux  établissements  russes,  mais  encore  à 
ceux  des  autres  puissances,  pour  la  confection  et  la  fourniture 
du  matériel  de  la  voie,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  la  construc- 
tion de  ce  chemin  de  fer  s'effectua  avec  une  célérité  et  une  régu- 
larité bien  supérieures  à  celles  obtenues  dans  tous  les  travaux 
similaires  que  certaines  armées  eurent  à  exécuter  pendant  les 
dernières  campagnes. 

Le  mérite  d'un  pareil  résultat,  qui  prouve  d'une  façon  irréfu- 
table la  possibilité  d'établir  des  lignes  ferrées  au  cours  même  des 
opérations,  est  dû,  en  grande  partie,  à  l'excellente  direction  qu'a 
su  imprimer  à  ce  travail  le  service  des  chemins  de  fer  de  cam- 
pagne russes. 

Pendant  cette  même  campagne,  les  Russes  construisirent  une 
deuxième  ligne,  celle  de  Fratesci  à  Simnitza  (90  kilomètres),  qui 
servit  à  relier  les  chemins  de  fer  roumains  avec  le  pont  jeté  sur 
le  Danube  par  l'armée  moscovite  entre  Simnitza  et  Sistowa.  La 
ligne  en  question  avait  pour  but  d'éviter  aux  troupes  et  au  maté- 
riel, à  destination  de  l'armée,  le  parcours  par  voie  de  terre, 
entre  Giur2;iu  et  Sistowa,  parcours  rendu  très  pénible  par  le  mau- 
vais état  d'entretien  des  routes. 


DES    CHEMINS   DE    FER  177 

tructions.  Ces  dernières  furent,  pour  la  plupart,  entre- 
prises par  des  sociétés  particulières  auxquelles  l'Etat 
avait  accordé  une  concession  en  même  temps  que  sa 
garantie.  De  18G5  à  1875,  on  livrait  au  trafic  13.652 
verstes  (14.524  kilom.),  ce  qu'  portait  à  17.012  verstes 
(18.152  kilom.)  la  longueur  du  réseau.  A  dater  de  ce 
moment,  le  développement  des  chemins  de  fer  s'effectue, 
suivant  les  besoins  économiques,  avec  des  alternatives 
d'accélération  ou  de  ralentissement,  mais,  presque  tou- 
jours, d'une  façon  ininterrompue.  En  même  temps  se 
perfectionnait,  tant  au  point  de  vue  teclinique  que  finan- 
cier, le  système  des ''voies  et  moyens  employé  pour  la 
construction  des  lignes.  Le  ctiffre  le  plus  bas  des  entre- 
prises nouvelles  correspond  à  la  période  de  1875  à  1885, 
pendant  laquelle  on  n'ouvrit  au  trafic  que  6.010  verstes 
(6.413  kilom.).  Par  contre,  dans  les  deux  années  qui 
suivirent,  on  constate  une  certaine  recrudescence.  Enfin, 
le  l®""  janvier  1892,  il  y  avait  31.554  kilom.  en  exploi- 
tation; en  1901,  la  longueur  des  lignes  en  service  attei- 
gnait 52.064  verstes   (1). 

Bien  qu'avec  le  temps  le  réseau  russe  ait  pris  une 
extension  considérable,  sa  liaison  avec  le  réseau  alle- 
mand n'est  encore  assurée  que  par  les  cinq  stations  de 
Eydtkuhnen,  Prostken,  Mlawka,  Alexandrovo  et  Sosno- 
vice. 

La  majeure  partie  des  cbemins  de  fer  russes,  soit  plus 
des  5/6,  se  trouve  dans  la  Russie  d'Europe,  et  leur  déve- 
loppement est  encore  loin  d'être  en  rapport  avec  la 
superficie  du  territoire  et  le  cbifïre  de  la  population. 
En  effet,  si  de  la  superficie  totale  de  la  Russie  d'Europe 
(5.390.000  kilomètres  carrés)  on  retrancbe  celle  des  ré- 
gions inhabitées  (1,000.000  kilomètres  carrés),  on  ne 
trouve  que  1,3  kilom.  de  voie  ferrée  par  100  kilomètres 

(1)  Rapport  du  ministre  des  Finances  sur  les  recettes  et  les 
dépenses  en  1900. 

Organ.  chem.  de  fer.  13 


178  HISTOIEE    ET    ORGANISATION 

carrés,  alors  que  ce  pour  cent  atteint  7,7  en  Allemagne 
et  3,9  en  Autriche. 

Les  Archives  des  Chemins  de  fer,  éditées  par  le  minis- 
tère des  Travaux  publics  de  Prusse,  ont  publié,  au  mois 
de  décembre  1892,  une  carte  des  cfiemins  de  fer  russes, 
d'après  laquelle  les  lignes  ou  sections  de  lignes  sui- 
vantes possèdent  seules  une  double  voie  : 

1°  Saint-Pétersbourg  -  Moscou  -  Rostov,  sur  la  section 
Saint-Pétersbourg  -  Moscou  -  Xoslov; 

2°  Moscou  -  Orel  -  Kursk  -  Charkov  -  Taganrog,  sur  les 
sections  Moscou  -  Skouratovo  et  Charkov  -  Kramators- 
kaïa  ; 

3°  Saint-Pétersbourg  -  Varsovie  -  Dombrova,  sur  les 
parcours  :  Saint-Pétersbourg  -  Gatchina,  Dunabourg  - 
Vilna,  et  Varsovie  -  Dombrova,  avec  embranchement,  à 
deux  voies  également,  sur  Eydtkuhnen,  station  frontière 
de  la  Prusse; 

4°  Nischni  -  Novogorod  -  Moscou  -  Varsovie,  sur  les 
tronçons  :  Kovrov  -  Moscou  -  Kubinka  et  Smolensk  - 
Varsovie  ; 

5°  Charkov-Balta,  sur  le  trajet  Kriuka  -  Snamenka  ; 

6°  Odessa  -  Smerinka,  avec  la  bifurcation  Rasdelnaïa  - 
Bender. 

A  la  fin  de  l'année  1894,  on  avait  posé  une  deuxième 
voie  sur  les  sections  : 

1°  K-ubinka  -  Smolensk,  de  la  ligne  n°  4  ci-dessus; 

2°  Gatchina  -  Dunabourg  et  Vilna  -  Lapy,  avec  em- 
branchement à  double  voie  de  Biélostock  à  Brest-Li- 
towsk.  Il  en  résulte  que  toute  la  ligne  Saint-Péters- 
bourg -  Varsovie  -  Dombrova  est  maintenant  à  double 
voie,  sauf  sur  le  faible  parcours  Lapy  -  Varsovie.  Or, 
à  cet  endroit,  le  chemin  de  fer  se  trouvant  très  rappro- 
ché de  la  frontière  n'a  plus  qu'une  importance  secon- 
daire comme  ligne  stratégique.  D'autre  part,  il  possède, 
comme   dégagements,  le  chemin    de   fer  de   la   Narev, 


DES    CHEMINS   DE    FER  179 

Lapy  -  Ostrolenka  -  Malkin  et  celui  de  Biélostok  -  Brest- 
Litowsk  -  Varsovie  ; 

3"  Kiev  -  Xasatin  -  Rovno  -  Koscliisclitsclie  de  la  ligne 
Voronesch.  -  Kursk  -  Kiev  -  Kasatin  -  Biest-Litowsk,  avec 
ramification  de  Smerinka  à  Proscurov. 

Il  existe,  en  outre,  un  très  grand  nombre  de  doubles 
voies  sur  les  sections  : 

1"  Kursk  -  Kiev; 

2°  Roscbischtsche  -  Brest  -  Litowsk; 

3°  Snamenka  -  Rostov  ; 

4°  Yilna-  Baranovitschi  -  Rovno. 

D'autres  sont  actuellement  en  construction  (1). 


(1)  Aux  améliorations  signalées  ci-dessus,  il  convient  d'ajouter 
les  nouvelles  constructions  suivantes,  déjà  exécutées  en  partie 
lou  en  voie  d'exécution,  en  avril  1905. 

lo  Magistrale  Bologoe  (sur  la  ligne  Saint-Pétersbourg  -  Mos- 
cou -  Siedletz  (sur  la  ligne  Varsovie  -  Brest).  Actuellement  cons- 
truite à  double  voie  sur  la  plus  grande  partie  de  son  parcours, 
elle  est  jalonnée  par  les  stations  de  Ostaschkov,  Veliki-Luki,  Po- 
lotzk,  Molodetno,  Volkovisk,  etc. 

2°  Magistrale  Losovaïa-Pultava-Kiev-Sarny-Kovel,  etc.,  livrée 
à  l'exploitation  en  1902  ;  elle  est  à  une  voie,  mais  l'infrastructure 
est  préparée  pour  en  recevoir  une  deuxième,  lorsque  son  trafic 
aura  atteint  un  développement  convenable. 

Ces  deux  grandes  artères  ont  une  importance  stratégique  de 
premier  ordre,  car  elles  permettent  de  réduire  de  cinq  à  six  jours 
la  durée  de  la  concentration  russe.  On  considère  la  première 
comme  un  résultat  du  voyage  du  général  Pendezec  à  Saint-Pé- 
tersbourg, pendant  l'hiver  1901  ;  notre  chef  d'état-major  général 
parvint  à  convaincre  nos  alliés  que  les  moyens  employés  jus- 
qu'alors par  eux  pour  ne  pas  être  à  la  merci  d'une  offensive  alle- 
mande immédiate  n'étaient  que  des  expédients  peu  susceptibles 
de  donner  satisfaction  à  la  France,  exposée  aux  premiers  cou^js  de 
l'adversaire  commun.  Quant  à  la  deuxième,  le  cri  d'alarme  poussé 
par  la  presse  militaire  autrichienne,  lors  de  son  achèvement,  suffit 
à  démontrer  sa  valeur,  au  point  de  vue  offensif,  dans  le  cas  d'une 
guerre  où  la  Russie  aurait  à  lutter  contre  ses  deux  voisines  de 
rOuest. 

3°  Ligne  Alexandropol-Kars-Batoum-Poti-Soukoum-Kalé-Novo- 
Tossiisk  (Constantinovsk)-Anapa^Taman-Iénikalé-Kert:sch-Djan- 
koi-Perécop-Cherson-Nicolaïev-Odessa,  construite  entre  lénikalé 
et  Odessa.  La  section  lénikalé-Novorossiisk  doit  traverser  le  dé- 
troit entre  la  mer  Noire  et  la  mer  d'Azov,  sur  un  pont  de  2.669 
mètres  de  longueur,  dont  la  construction  ne  présentera,  paraît- 
il,  aucune  difficulté.  Au  point  de  vue  économique,  cette  voie  est 


180  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

Si  ron  ajoute  qu'eu  188'1  la  situation  du  matériel 
roulant  était  de  5.9GG  locomotives,  7.050  voitures  à  voya- 
geurs, 118.127  vagons  à  marchandises  et  qu'en.  1891 
ces  chiffres  ont  été  portés  respectivement  à  7.333,  8.118 
et  159.587,  il  faut  reconnaître  aussi  qu'un  remarquable 
esprit  de  suite  a  présidé  aux  progrès  accomplis  dans 
l'organisation  du  service  des  chemins  de  fer  de  la  Rus- 
sie. 

Sur  ce  vaste  Empire,  on  compte  environ  5  kilom.  de 
lignes  ferrées  pour  10.000  habitants,  tandis  que  cette 

destinée  à  joiiei-  un  rôle  capital    :  elle  mettra  en  communication 
les  provinces  du  sud  de  l'empire  avec  le  Caucase  d'une  part;  la 
Perse  d'autre  part,  par  Erivain,  Djulfa  et  Tauris,  l'Asie  centrale  ; 
enfin,  par  Bakou,  la  mer  Caspienne  et  le  Transcaucasien.  La  Rus- 
sie pourra  ainsi  s'ouvrir  de  plus  larges  débouchés  en  Perse  et  sur- 
tout y  combattre  plus  efficacement  l'influence  anglaise,  tout  en 
rencontrant  de  nouvelles  facilités  pour  l'exploitation  des  conces- 
sions industrielles  et  minières  qu'elle  a  obtenues  dans  ce  royaume. 
Au  point  de  vue  militaire,  son  importance  ne  sera  pas  moindre  ; 
en   effet,    les   chefs-lieux  -des  deux   corps   d'armée  du   Caucase, 
Alexandropol  (l*""")  et  Tiflis  (2^),  vont  se  trouver  tous  deux  reliés 
au  réseau  de  l'empire  par  des  voies  ferrées  indépendantes  qui 
anièneront  ces  corps  à  la  frontière  autrichienne,  avec  leurs  divi- 
sions de  cavalerie,  dans  un  temps  relativement  court,  savoir  : 
Le  l^"",  par  la  ligne  projetée  dont  il  vient  d'être  question  ; 
Le  2^  — •  en  attendant  l'ouverture  de  la  section  Tiflis-Vladi- 
caucase,  qui  nécessite  le  percement  du  Caucase  par  un  tunnel 
devant  l'exécution  duquel  on  a  reculé  jusqu'ici  —  par  la  ligne 
Bakou-Petrovsk-Beslan-Rostov,  etc.,  déjà  construite  sur  tout  son 
parcours.  Le  renfort  apporté  aux  armées  du  tsar  concentrées  en 
Podolie,  par  l'armée  du  Caucase,  assurera  à  la  Russie,  en  troupes 
actives,  la  supériorité  numérique  sur  les  rassemblements  autri- 
chiens, résiultat  qu'elle  n'aurait  jamais  pu  atteindre  sans  cette 
puissante  intervention.  En  ce  qui  concerne  la  défense  du  Cau- 
case, elle  sera  amplement  assurée  par  les  divisions  de  réserve  du 
1"  et  du  2^  tour,  dont  l'effectif,  en  cas  de  mobilisation,  représen- 
terait, avec  les  formations  de  la  milice,  l'équivalent  de  5  ou  6 
corps  d'armée. 

4°  Ligne  Debaltzevo  (station  située  entre  Kramatorskaïa  et 
Svierevo)-Birsula,  passant  par  les  points  de  llovaïeskaïe,  léle- 
novka,  Bolnovatcha,  Alexandrovsk,  Nicolo-Kozeliski,  pour  abou- 
tir sans  doute  à  Olviopol,  par  Novo-Bug-Maximov. 

5°  Transversale,  à  double  voie,  Saint-Pétersbourg-Dno-Valsk- 
Kiev;  déjà  achevée  jusqu'à  Jlobin,  elle  est  destinée  à  relier  eu 
ligne  droite  la  capitale  de  l'empire  avec  le  grand  port  d'Odessa. 
(Note  du  traducteur.) 


DES    CHEMINS    DE    FER  181 

proportion  est  de  8,6  en  Allemagne  et  de  G,3  en  Autri- 
che (1). 

Les  chefs-lieux  des  provinces  de  Posen  et  de  Silésie 
ne  sont  pas  encore  reliés  par  un  chemin  de  fer  avec 
Varsovie,  capitale  de  la  Pologne,  les  efforts  tentés  pour 
obtenir  cette  communication  aj'ant  échoué  jusqu'ici 
devant  le  refus  opposé  par  le  gouvernement  de  Saint- 


(1)  Une  des  grandes  causes  de  faiblesse  pour  l'Enipire  des 
ïsars,  tant  au  point  de  vue  économique  qu'au  point  de  vue  mili- 
taire, a  résidé  de  tout  temps  dans  la  ((  plaie  des  distances  », 
c'est-à-dire  dans  l'étendue  des  dimensions  et  dans  l'insuffisance 
des  voies  de  communication."  Or,  comme  l'a  dit  Napoléon  I®"", 
«  il  ne  faut  jamais  regretter  une  dépense  qui  aura  pour  cause 
piincipale  l'insuffisance  des  moyens  de  transports.  Plus  l'Empire 
est  vaste,  plus  on  doit  donner  d'attention  aux  grands  moyens  de 
communication  ».  C'est  en  s'inspirant  de  cette  pensée  du  grand 
Empereur  en  même  temps  que  des  nécessités  politiques,  militai- 
res et  économiques  de  l'époque,  que  le  gouvernement  russe  a  cher- 
ché à  porter  remède,  petit  à  petit,  à  cette  situation  d'infériorité 
vis-à-vis  des  autres  grandes  puissances  de  l'Europe. 

La  presque  totalité  de  son  réseau  appartenait  à  des  compa- 
gnies privées,  concessionnaires  ;  il  en  a  racheté  la  majeure  par- 
tie; c'est  au  point  qu'en  189G  il  s'était  déjà  rendu  acquéreur  de 
63  p.  100  des  lignes  en  service. 

Il  a  amélioré  et  agrandi  son  réseau,  soit  en  doublant  les  voies, 
soit  en  construisant  de  nouvelles  lignes  ;  des  sommes  énormes,  pré- 
levées sur  les  emprunts  contractés  par  la  Russie  sur  les  granda 
marchés  financiers  de  l'Europe  occidentale,  ont  été  consacrées  à 
ce  double  but  ;  rien  que  pour  l'exercice  1894,  les  crédits  inscrits 
au  budget  pour  le  rachat  et  les  constructions  de  chemins  de  fer 
se  sont  élevés  à  près  de  800  millions  de  fraxics. 

Jusqu'en  1882,  le  personnel  des  chemins  de  fer  russes  compre- 
nait 50  p.  100  de  machinistes  allemands,  anglais  et  suédois; 
20  p.  100  des  surveillants  de  la  voie  étaient  allemands.  Pour  des 
raisons  faciles  à  comprendre,  l'autorité  russe  résolut  de  nationa- 
liser ce  personnel.  Mais  la  rapidité  avec  laquelle  les  voies  fer- 
rées se  développèrent  rendit  impossible  l'augmentation  du  nom- 
bre des  employés  de  chemins  de  fer  avec  les  seuls  éléments  na- 
tionaux. C'est  pour  répondre  à  ce  besoin  qu'en  1886  on  créa 
26  écoles  techniques  destinées  à  initier  les  sujets  russes  aux  di- 
verses spécialités  du  service  des  voies  ferrées  (machinistes,  chefs 
de  trains,  etc.). 

Mais,  par  suite  de  la  faiblesse  générale  de  leur  instruction,  les 
jeunes  gens  formés  dans  ces  écoles  demeurent  de  longues  années 
avant  d'être  en  état  de  rendre  des  services  satisfaisants.  Dus, 
pour  la  plupart,  à  l'initiative  privée  de  quelques  compagnies  de 
chemins  de  fer,  ces  établissements  furent  impuissants  à  assurer 


182  HISTOIEE    ET    OEGAXISATIOX 

Pétersbourg.  La  ligne  projetée  qui,  par  Wresclien  et 
Stralkovo,  ira  de  Posen  à  Kiitno,  où  elle  rejoindra  la 
voie  ferrée  Varsovie  -  Tkorn,  est  exploitée,  en  territoire 
allemand,  jusqu'à  la  frontière,  mais  ne  se  prolonge  pas 
sur  le  territoire  russe.  Il  en  est  de  même  de  la  ligne 
Breslau  -  Oels  -  Kempen  -  Yilhelmsbrùek  -  Sieraz  - 
Lodz  -  Varsovie,  qui,  bien  que  construite  depuis  1870 
jusqu'à  Vilhelmsbrûck,  est  encore  à  l'état  de  projet  en- 
tre la  frontière  russe  et  Lodz  (1). 

De  Pétersbourg  et  de  Moscou  partent  trois  grandes 
artères  qui  ne  sont  pas  encore,  il  est  vrai,  à  double  voie 
sur  toute  leur  étendue,  mais  dont  l'infrastructure  a  été 
préparée  pour  recevoir  une  deuxième  voie. 

Il  existait  seulement,  en  1895,  522  kilom.  à  l'écarte- 
ment  de  voie  européen,  contre  35.038  à  l'écartement 
russe.  L'adoption  d'un  écartement  différent  de  celui  en 
usage  sur  presque  tout  le  reste  du  continent  (l'°,435) 
n'a  pas  été  inspirée,  à  l'origine,  par  des  considérations 
d'ordre  politique  et  militaire.  En  elïet,  le  plus  ancien 
des  cliemins  de  fer  russes,  celui  de  Saint-Pétersl^ourg  à 
Tsarkoé  -  Selo,  dont  la  construction  est  due  à  l'ingénieur 
autrichien  Fr.  A.  von  Gerstner  et  qui  fut  inauguré  en 
1838,  avait  été  établi  avec  une  largeur  de  l'",82,  dans 


le  recrutement  intégral  des  agents  de  chenains  de  fer,  comme 
avait  permis  de  l'obtenir  l'utilisation  en  grand  des  étrangers  et 
surtout  des  Allemands  dont  les  sentiments  germanophobes  du 
gouvernement  russe  avaient  provoqué  l'expulsion  en  masse. 

Enfin,  à  l'exemple  de  l'Allemagne,  la  Russie  s'est  efiForcée  d'ac- 
croître le  rendement  de  ses  chemins  de  fer  en  temps  de  guerre 
par  d'autres  moyens  encore,  tels  que  :  la  confection  de  tableaux 
pour  la  marche  des  trains,  la  création  de  commissions  de  lignes 
et  de  commandements  de  gares;  la  réunion,  sur  des  points  dési- 
gnés à  l'avance,  du  matériel  nécessaire  à  l'aménagement  des  wa- 
gons à  marchandises  destinés  aux  transports  des  troupes.  (Note 
du  trcuhu:tcui .) 

(1)  Sous  peu,  une  ligne,  en  construction  depuis  1902,  reliera 
directement  Varsovie  à  Skalmierzyce  en  passant  pas  Lavicz-Lodz 
er  Kalisch.  (Xotc  du  traducAcur.) 


DES    CHEMINS    DE    FEE,  183 

le  but  d'augmenter  la  force  de  traction  et  la  stabilité 
des  locomotives,  en  prévision  des  parcours  à  grande  vi- 
tesse, ainsi  que  d'accroître  le  rapport  entre  le  charge- 
ment des  voitures  et  leur  poids  mort.  On  adopta  ensuite 
la  même  dimension  sur  la  deuxième  ligne,  celle  de 
Saint-Pétersbourg  à  Moscou.  Plus  tard,  à  la  demande 
de  l'ingénieur  américain  Wliistler,  clioisi  comme  ingé- 
nieur conseiller  par  le  gouvernement  impérial,  la  lar- 
geur de  la  voie  fvit  fixée  à  5  pieds  anglais,  soit  1"',524. 
C'est  avec  cet  écartement  qu'a  été  construite  la  majeure 
partie  des  cbemins  de  fer  moscovites   (1). 

Même  si  l'on  admet  que  la  Russie  ait  cliercbé  par  ce 
moyen  à  s'interdire  toute  communication  avec  l'Ouest, 
il  y  a  lieu  de  remarquer  qu'en  raison  des  progrès  de 
l'art  du  constructeur  les  difficultés  de  l'opération  con- 
sistant à  déplacer  les  rails  pour  les  ramener  à  l'écarte- 
ment  normal    sont  plus  apparentes  que  réelles. 

C'est  pendant  la  campagne  de  1877-1878  qu'on  eut, 
pour  la  première  fois,  l'occasion  de  rendre  accessible  au 
matériel  roulant  russe  une  ligne  à  voie  normale,  à  savoir 
la  section  L'ngheni  -  Jassy  des  chemins  de  fer  roumains. 
Cette  expérience  a  appris  aux  Eusses  eux-mêmes  que 
ladite  opération  peut  s'exécuter  sans  trop  de  perte  de 
temps,  pourvu  qu'on  ait  la  faculté  de  se  procurer  les 
matériaux  nécessaires  à  cette  réfection. 

L'adoption,  par  le  gouvernement  du  Tsar,  d'un  écar- 
tement de  voie  supérieur  à  celui  des  autres  puissances- 
avait-elle  pour  but,,  en  cas  d'invasion  ennemie,  d'empê- 
cher l'adversaire  de  se  servir  des  chemins  de  fer  natio- 
naux pour  continuer  son  offensive  et  assurer  ses  ravi- 
taillements ?  Mais,  aujovird'hui,  les  wagons  allemands  en 
service  sur  nos  lignes  de  l'Est  sont  pourvus  d'essieux  à 
coulisses  sur  lesquels,  à  l'aide  de  presses  hydrauliques, 

(1)  Il  existe  aussi  des  voies  de  1™,066,  0^,896  et  l'",828. 


184  HISTOIRE   ET    ORGANISATION 

il  est  facile  de  donner  aux  roues  un  écartement  plus 
grand;  toutefois,  on  n'a  pas  encore  trouvé  le  moyen  de 
faire  subir  la  même  transformation  aux  locomotives.  On 
peut  arriver  plus  vite  au  résultat  cherché  en  rapprochan  t 
les  rails.  Il  faut  songer  que  le  défenseur  (russe),  battant 
en  retraite  sur  son  propre  territoire,  ne  manquerait  pas 
de  détruire  les  chemins  de  fer  derrière  lui  ;  dans  ces 
conditions,  l'envahisseur,  avant  de  pouvoir  les  utiliser 
pour  son  propre  compte,  devrait  tout  d'abord  en  faire 
une  reconnaissance  minutieuse  et  les  rétablir  ensuite. 
En  conséquence,  la  perte  de  temps  occasionnée  par  le  rap- 
prochement des  rails  serait  de  peu  d'importance,  puis- 
que ce  travail  se  ferait  au  fur  et  à  mesure  du  rétablisse- 
ment des  lignes. 

Les  troupes  techniques  peuvent,  en  vingt-quatre  heu- 
res, remettre  en  service  une  longueur  de  voie  égale  à 
20  kilomètres,  c'est-à-dire  égale  à  l'étape  moyenne  d'une 
armée.  L'inconvénient  résultant,  pour  l'agresseur,  de  l'é- 
cartement  anormal  des  chemins  de  fer  russes  devient 
donc  négligeable.  Par  contre,  si  la  Russie  prenait  l'offen- 
sive, elle  se  heurterait  sur  ce  point  aux  plus  grands 
obstacles,  attendu  que  les  traverses  qui  correspondent  à 
la  largeur  habituelle  des  voies  de  l'Europe  centrale  sont 
trop  courtes  pour  se  prêter  à  un  éloignement  des  rails  (1), 
sans  compter  que  l'insuffisance  du  gabarit  des  ponts, 
tunnels  et  passages  rendrait  cet  élargissement  illusoire. 


(1)  Dans  son  ouvrage,  Das  russischc  Eiscnhahnnetz  zur  deutsch- 
œstcrreichischcn  Grcvze  (Le  lléscau  ferré  russe  sur  la  frontière 
austro-allemande),  le  lieutenant-colonel  Nienstaedt  émet  la  même 
opinion  :  «  Il  est  à  remarquer  que  l'opération  consistant  à  mettre 
les  voies  russes  à  l'écartement  normal  par  le  rapprochement  d'une 
file  de  rails  est  beaucoup  plus  facile  à  exécuter  que  l'opération 
inverse,  attendu  aue  les  traverses  des  lignes  européennes  sont 
trop  courtes  pour  permettre  un  espacement  plus  grand  des  rails.  » 
Dans  son  Cours  de  Géographie  de  l'Ecole  supérieure  de  guerre 
(France),  le  commandant  Leblond  est  d'un  avis  opposé  et  déclare 
que  les  traverses  allemandes,  en  particulier,  sont  assez  longues 


DES    CHEMINS   DE    FER  185 

Quant  à  l'organisation  militaire  des  cliemins  de  fer 
russes,  elle  a  été  calquée  presque  en  entier  sur  la  nôtre  ; 
la  similitude  est  complète  en  ce  qui  concerne  les  règles 
fondamentales;  seules,  leur  application  ainsi  que  les  dé- 
nominations employées  présentent  de  légères  différences. 
A  nos  commissions  de  lignes  correspondent,  en  Eussie, 
les  Directions  des  transports  de  trouyes,  qui,  au  nombre 
de  quatorze,  sont  établies,  savoir  :  deux  à  Saint-Péters- 
bourg, deux  à  Moscou  et  les  dix  autres  à  Helsingfors, 
Vilna,  Varsovie,  Gomel,  Kiev,  Charkov,  Xovotcberkask, 
Odessa,  Kazan  et  Tiflis. 

En  temps  de  guerre,  dans  cbaque  état-major  d'armée, 
fonctionne  une  Direction  de  campagne  des  communica- 
tions militaires  qui  se  subdivise  en  cinq  sections  dites  : 
des  étapes,  des  voies  de  communications,  des  postes,  des 
télégraphes  et  des  transports  de  l'armée.  Au-dessous 
d'elles  se  trouvent  les  employés  de  chemins  de  fer  du 
réseau  de  l'Etat  et  des  Compagnies  privées,  les  comman- 
dements de  lignes  et  les  commandements  d'étapes,  enfin 
les  troupes  de  chemins  de  fer.  Les  directions  de  campa- 
gne sont  sous  les  ordres  du  chef  de  l'état-major  général 
de  l'armée.  En  territoire  national,  la  composition  des 
autorités  militaires  de  chemins  de  fer  est  la  même  qu'en 
temps  de  paix.  En  pays  ennemi,  des  commandements  de 
lignes  et  des  commandements  d'étapes  sont  installés, 
suivant  les  besoins,  sur  les  voies  de  communications  du 
théâtre  de  la  guerre  dont  l'armée  a  pris  possession. 

Les  troupes  de  chemins  de  fer  comprennent  six  batail- 
lons qui  sont,  en  permanence,  à  cinq  compagnies.  Sur 
le  pied  de  paix,  le  bataillon  compte  28  officiers,  625  hom- 


pour  se  prêter  à  cette  transformation,  qui  ne  nécessiterait  qu'un 
élargissement  de  9  centimètres  environ  (1.524  — ■  1.435).  On  voit 
donc  que  la  question  est  controversée  et,  comme  nousi  ne  possé- 
dons sur  ce  sujet  aucune  donnée  certaine,  il  est  impossible  de  sa- 
voir qui  a  tort  ou  raison.  (Note  du  traducteur.) 


186  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

mes,  et,  sur  le  pied  de  guerre,  30  officiers,  1.112  hommes, 
85  chevaux,  42  voitures  et  66  soldats  du  train. 

On  est  obligé  de  rendre  justice  à  l'esprit  de  suite  et  au 
savoir-faire  avec  lesquels  la  Hussie  a  su  combattre  la 
faiblesse  manifeste  de  son  réseau  et  donner  à  celui-ci  un 
développement  tout  à  fait  suggestif.  Cependant,  la  ca- 
pacité de  rendement  de  ses  chemins  de  fer,  en  temps  de 
guerre,  n'est  pas  à  comparer,  même  de  loin,  à  celle  des 
chemins  de  fer  des  autres  grandes  puissances.  Le  17 
octobre  1888  (ancien  style),  peu  de  temps  après  la  ca- 
tastrophe de  Borki,  la  direction  du  ministère  du  Com- 
merce échut  à  l'ancien  secrétaire  d'Etat,  von  Hubbenet, 
qui  avait  déjà  donné  de  nombreuses  preuves  de  sa  com- 
pétence en  fait  d'organisation  de  chemins  de  fer.  Il  fit 
paraître  toute  une  série  d'instructions  fondamentales  qui 
ont  dû  (  ?)  contribuer  puissamment  à  remédier  aux  dé- 
fauts et  aux  imperfections  dont  se  trouvait  entachée 
l'exploitation  des  voies  ferrées.  On  est  seulement  en  droit 
de  se  demander  si  ces  instructions  ont  réussi  à  être  appli- 
quées dans  toutes  leurs  parties  et  par  tous  les  organes  des 
chemins  de  fer  (1). 

Dans  le  tracé  et  l'établissement  du  réseau  ferré  russe, 
les  considérations  d'ordre  militaire  ont  certainement 
tenu  la  première  place;  les  grandes  villes  et  les  garni- 
sons importantes  ont  été  reliées  par  le  chemin  le  plus 
direct  avec  la  frontière  occidentale  ;  enfin,  on  a  fait 
aboutir  les  voies  ferrées  dans  les  régions  où  s'effectuera 
la  concentration  présumée  des  armées.  Chez  les  autres 
nations,  au  contraire,  on  a  presque  toujours  tenu  compte 
simultanément  des  besoins  économiques  et  militaires  ; 
tel  a  été  le  cas,  même  dans  les  constructions  gigantesques 
exécutées  en  France  depuis  1871. 


(l)  Règles  techniques  d'exploitation  du  7  novembre  1889  (an- 
cien style). 


DES    CHEMINS   DE    FEE,  187 

Il  est  admis  que,  lors  d'une  déclaration  de  guerre,  les 
chemins  de  fer  de  chaque  puissance  doivent  être  utilisés 
en  vue  de  deux  objectifs  primordiaux  :  réunion  dans  les 
centres  de  mobilisation  des  hommes  et  des  chevaux  de 
complément,  transport  à  la  frontière  menacée  des  unités 
mobilisées.  Or,  il  est  facile  de  comprendre  que  cette  dou- 
ble mission  des  chemins  de  fer  a  une  importance  encore 
plus  grande  en  Eussie  que  partout  ailleurs.  Des  condi- 
tions politiques  pai"ticulières,  l'antagonisme  entre  Eusses- 
et  Polonais,  n'ont  pas  permis  d'adopter  les  règles  habi- 
tuellement suivies  pour  la  répartition  des  ressources  du 
recrutement,  c'est-à-dire  d'alimenter  les  corps  de  troupe 
en  hommes  avec  les  ressources  de  la  région  dans  laquelle 
ils  sont  stationnés.  Les  recrues  et  les  rései^istes  polonais 
sont  affectés  indistinctement  à  tous  les  régiments  de 
l'Empire,  tandis  que  les  corps  qui  tiennent  garnison  dans- 
l'Ouest  reçoivent  leurs  contingents  des  circonscriptions 
de  l'intérieur  (1). 


(1)  II  y  a  presque  unanimité  chez  les  écrivains  militaires  alle- 
mands qui  se  sont  occupés  de  la  question  pour  dépeindre,  sous 
les  couleurs  les  plus  sombres,  les  conditions  dans  lesquelles  s'effec- 
tueront la  mobilisation  et  la  concentration  des  armées  russes. 
Voici  ce  qu'en  dit  Sarmaticus  (pseudonyme  sous  lequel  se  cache 
le  nom  d'un  général  allemand  bien  connu  par  ses  écrits),  dans 
son  étude  fameuse  intitulée  :  Von  der  Weichsel  zum  Dnieper  (De 
la  Vistule  au  Dnieper)  : 

((  L'infanterie  russe  reçoit,  en  nombre  rond,  500  hommes  de 
complément  par  bataillon,  soit  8.000  hommes  pour  une  division 
à  16  bataillons.  Elle  les  prend  dans  les  districts  de  recrutemeiit 
qui  sont  pour  la  plupart  fort  éloignés  des  lieux  de  garnison.  Ce 
complément  va  absorber  toute  l'activité  des  chemins  de  fer  pen- 
dant les  premières  semaines  de  la  mobilisation.  Les  voitures  sont 
mises  en  réquisition  pour  accélérer  l'arrivée  des  réservistes  à  la 
station  d'embarquement... 

»  La  durée  de  la  mobilisation  ne  peut  être  estimée  que  d'une 
façon  approximative.  Elle  dépend,  pour  l'infanterie,  des  distan- 
ces qui  séparent  les  garnisons  des  circonscriptions  de  recrute- 
ment et  varie,  en  conséquence,  avec  les  corps  de  troupe.  Ceux 
qui  sont  stationnés  en  Pologne  et  dans  l'Ouest  tirent  presque 
tous  leurs  éléments  de  l'intérieur.  Il  s'écoulera  des  semaines  avant 
que  les  réservistes  aient  pu  rejoindre  leurs  corps  respectifs.  On 


188  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

Dans    un    ouvrage    paru    il    y    a    quelques    années, 


peut  admettre,  comme  chiffre  moyen,  quinze  jours  pour  la  mobi- 
lisation de  l'infanterie  et  de  l'artillerie... 

»  Il  faut  remarquer  que  le  travail  de  la  mobilisation  (réparti- 
tion des  ressources  en  hommes  et  en  chevaux,  tableaux  de  mar- 
che des  trains,  organisation  des  transports)  est  beaucoup  plus 
centralisé  que  dans  les  autres  armées.  C'est  l'état-major  général, 
à  Saint-Pétersbourg,  qui  a  pris  la  direction  de  ces  travaux  et  il 
n'a  laissé  que  fort  peu  d'initiative  aux  commandants  de  corps 
d'armée.  Cette  manière  de  faire,  surtout  avec  les  énormes  distan- 
ces de  l'Empire,  amènera  bien  des  frottements. 

»  Enfin,  il  ne  faut  pas  oublier  que  la  Russie  n'a  fait  que  des 
mobilisations  partielles  et  n'a  pas  encore  eu  de  mobilisation  gé- 
nérale. Dans  toutes  ses  campagnes  antérieures,  elle  s'est  présen- 
tée sur  le  théâtre  de  la  lutte  dans  un  état  de  préparation  insuffi- 
sant au  début.  Ce  n'est  que  peu  à  peu  qu'elle  a  pu  rassembler  ses 
forces  pour  porter  de  grands  coups.  Ce  phénomène  a  été  très  vi- 
sible dans  la  campagne  de  1877-78. 

»  Les  enseignements  qu'elle  en  a  retirés  ont  pu  être  mis  à  pro- 
fit, le  travail  de  préparation  a  pu  être  complété  et  perfectionné. 
Il  y  a  longtemps  que  la  loi  sur  le  service  obligatoire  fonctionne,  et 
le  ministre  de  la  Guerre  dispose  aujourd'hui  de  4  millions  d'hom- 
mes exercés.  Après  l'armée  française,  c'est  l'armée  russe  qui  est 
la  plus  largement  dotée  en  cadres  du  temps  de  paix;  outre  les 
troupes  de  campagne,  elle  possède  en  permanence  des  cadres  de 
réserve  et  de  dépôt. 

»  Mais  cet  énorme  développement  de  forces  et  l'étendue  colos- 
sale de  l'Empire  font  augurer  précisément  qu'une  mobilisation 
générale  se  heurterait  à  de  grandes  difficultés.  Elles  auront  pour 
cause  l'excessive  centralisation,  les  différences  entre  les  situa- 
tions locales  des  provinces,  l'inhabileté  du  personnel,  et  enfin  les 
grandes  distances  à  parcourir.  L'Europe  centrale  peut  envisager 
sans  effroi  le  moment  où  le  colosse  russe  sera  entièrement  sous  les 
armes.  Tant  qu'il  n'aura  pas  été  démontré  par  l'expérience  que 
cette  énorme  machine  peut  fonctionner  sans  à-coups,  il  n'y  a  que 
des  déficits  à  prévoir  dans  le  bilan  total  des  moyens  politiques  de 
la  Russie.  » 

Sarmaticus  passe  ensuite  à  l'étude  du  projet  d'orérations  des 
armées  austro-allemandes,  dans  l'hypothèse  d'un  conflit  avec  l'Em- 
pire moscovite,  et  aboutit  à  cette  première  conclusion  que  les  len- 
teurs de  la  mobilisation  et  de  la  concentration  de  l'armée  russe, 
comparées  à  la  rapidité  avec  laquelle  seront  conduites  ces  opéra- 
tions par  l'adversaire,  la  condamnent  à  la  défensive  et  finalement, 
à  la  défaite  du  gros  de  ses  forces  dans  les  plaines  de  la  Pologne. 
Ce  résultat  obtenu,  l'auteur  n'hésite  pas  à  conseiller  la  marche 
sur  Moscou  et  continue  ainsi  l'exposé  de  son  plan  offensif  : 

((  La  conduite  de  la  guerre  a  été  modifiée  d'une  façon  essentielle 
par  l'emploi  des  voies  ferrées.  La  marche  sur  Moscou,  témérité 
du  temps  de  Napoléon,  peut  être  considérée  aujourd'hui  comme 


DES    CHEMINS   DE    FER  189 

Français  et  Russes  vIs-à-vis  de  la  TiipJe  alliance,  l'aii- 

une  opération  normale,  comni©  une  entreprise  possible  dont  on 
peut  prévoir  la  direction  et  l'exécution. 

»  Beaucoup  d'esprits  se  cabrent  devant  ces  immenses  distances 
et  devant  les  difficultés  de  ce  projet  qu'ils  considèrent  comme 
inexécutable  parce  qu'ils  n'en  voient  pas  la  fin.  La  catastrophe 
de  la  grande  armée,  en  1812,  pèse  encore  sur  les  imaginations, 
comme  un  cauchemar,  d'une  façon  décourageante.  Plusieurs 
prétendent,  par  analogie  avec  ce  qui  s'est  passé  à  cette  époque,, 
qu'on  no  trouverait  pas  la  paix,  même  à  Moscou;  qu'il  y  a  encore 
au  delà,  dans  la  direction  de  Saint-Pétersbourg  et  du  Volga,  d'im- 
menses espaces  où  les  Russes  peuvent  se  retirer  et  entraîner  ainsi 
l'adversaire,  pour  avoir  raison  de  ses  efforts  par  la  durée  et  par 
l'étendue.  Cependant,  la  comparaison  de  1812  ne  se  trouve  plus 
juste  aujourd'hui.  L'obstacle  principal,  celui  des  lignes  d'opéra- 
tions et  de  leur  sécurité,  est  bien  diminué  par  l'existence  des 
voies  ferrées;  l'organisation  des  armées  modernes  est  beaucoup 
plus  parfaite  que  celle  des  armées  de  1812...  Par  contre,  les  Rus- 
ses pourraient,  beaucoup  plus  difficilement  qu'à  cette  époque,, 
abandonner  et  détruire  leurs  foyers,  parce  que  ce  procédé  tour- 
nerait contre  eux,  sans  grand  dommage  pour  une  armée  d'inva- 
sion bien  pourvue  et  bien  approvisionnée  (grâce  aux  chemins  de 
fer). 

»  En  résumé,  les  conditions  géographiques  et  l'immense  étendue 
de  l'Empire  des  Tsars  ne  constituent  plus  pour  lui,  actuellement, 
une  situation  exceptionnelle  en  Europe.  Si  le  conflit  entre  Teu- 
tons et  Slaves  doit  être  dénoué  militairement  par  notre  généra- 
tion, il  sera  tranché  victorieusement  par  les  armées  allemandes. 
Il  nous  suffira  d'appliquer  judicieusement,  en  Pologne  et  en  Li- 
thuanie,  les  enseignements  de  la  guerre  moderne  et  de  faire  com- 
prendre à  nos  soldats  qu'ils  ont  à  défendre,  dans  les  contrées  boi- 
sées et  marécageuses  de  l'Est,  nos  foyers,  notre  civilisation  alle- 
mande et  notre  existence,  contre  les  entreprises  et  les  convoitises 
du  panslavisme  !  » 

Outre  certaines  inexactitudes  relatives  au  mode  de  répartition 
des  contingents  polonais  dans  les  corps  de  troupe,  on  ne  peut 
s'empêcher  de  relever  une  contradiction  frappante  dans  les  juge- 
ments portés  par  l'auteur  de  Von  cler  Wcischscl  zum  Dnieper  sur 
les  chemins  de  fer  russes.  Comment  expliquer,  en  effet,  que  ces 
chemins  qui,  au  dire  de  Samiaticus,  se  seront  montrés  impuis- 
sants à  remplir  leur  rôle  pendant  la  période  qui  précède  les  hosti- 
lités, alors  que  dès  le  temps  de  paix  l'emploi  en  avait  été  prévu 
dans  les  plus  grands  détails,  une  fois  passés  aux  mains  des  Alle- 
mands, deviendront  tout  à  coup  de  merveileux  instruments  de 
précision  comme  lignes  d'étape,  de  transports  et  de  ravitaille- 
ment ?  Et  cependant,  à  ce  moment,  l'envahisseur  aura  non  seule- 
ment à  les  rétablir,  il  en  sera  encore  réduit  à  tout  improviser  en 
vue  de  leur  utilisation  méthodique. 

Cette  contradiction  ne  peut  s'interpréter  que  par  un  parti  pris 
de  l'écrivain,  involontaire  à  coup  sûr,  mais  néanmoins  visible,. 


190  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

teiir  (1)  insiste  également  sur  ce  fait  que  la  situation 
géographique  et  topograpliique  de  la  Pologne  est  on 
ne  peut  plus  nuisible  à  l'organisation  militaire  de  la 
Hussie. 

Malgré  les  efforts  faits  par  cette  puissance  pour  don- 
ner une  extension  de  plus  en  plus  grande  à  son  réseau 
ferré,  elle  est  restée,  sous  ce  rapport,  bien  en  arrière  de 
l'Allemagne  et  de  l'Autriche  qui,  en  trois  jours,  obtien- 
-dront  de  leurs  chemins  de  fer  stratégiques  le  même  ren- 
dement que  la  Russie  en  une  semaine.  Dans  tous  les  cas, 
la  mobilisation  de  l'armée  russe  sera  plus  lente  que  celle 
des  armées  franco-allemandes  ;  cette  infériorité  aura 
pour  cause  :  l'insuffisance  du  réseau,  l'impossibilité 
•d'incorporer  les  réservistes  polonais  dans  les  régiments 
de  l'Ouest,  enfin  l'obligation  de  faire  venir  des  provinces 
russes  les  réserves  destinées  à  ces  régiments. 

ainsi  que  cela  ressort  de  la  conclusion  finale  que  nous  avons  tenu 
à  citer  en  entier,  afin  de  renseigner  le  lecteur  avec  exactitude  sur 
l'état  d'âme  particulier  de  Sarmaticus.  Il  y  a  donc,  dans  ses  asser- 
tions impossibles  à  concilier,  une  exagération  évidente  dans  un 
:sens  ou  dans  l'autre,  peut-être  même  dans  tous  les  deux  et  c'est, 
à  notre  avis,  cette  dernière  hypothèse  qui  paraît  la  plus  vraisem- 
blable. 

Quant  à  la  situation  vraie  du  recrutement  des  troupes  russes 
•qui  tiennent  garnison  en  Pologne,  la  voici,  d'après  le  lieutenant- 
-colonel  Nienstaedt  : 

((  Par  suite  de  leur  rapprochement  en  masse  vers  l'Ouest,  la 
plus  grande  partie  des  corps  de  troupe  de  l'armée  active  se  trou- 
vent stationnés  en  dehors  de  leur  circonscription  de  recrutement  ; 
même  la  garde,  à  Saint-Pétersbourg,  et  le  corps  des  grenadiers 
de  Moscou,  se  recrutent  sur  tout  le  territoire  de  l'Empire.  En 
principe,  les  recrues  polonaises  sont  réparties  dans  les  régiments 
de  l'intérieur,  à  raison  de  2-5  p.  100,  au  maximum,  de  leur  effectif 
"total.  » 

Il  est  vrai  que,  dans  le  but  d'accélérer  la  mobilisation,  on  s'est 
décidé  â  n'affecter,  comme  hommes  de  complément,  aux  corps  de 
troupe  du  gouvernement  de  A'arsovie,  que  des  réservistes  prove- 
nant de  cette  région.  Toutefois  comme,  dès  le  temps  de  paix,  ces 
corps  ont  déjà  des  effectifs  très  voisins  de  ceux  du  pied  de  guerre, 
le  danger  qu'il  pouvait  y  avoir  à  dépasser  la  proportion  ci-dessus, 
en  hommes  de  nationalité  polonaise,  se  trouve,  de  ce  fait,  atténué 
d'une  façon  très  appréciable.  (Xotc  du  traducteur.) 

(1)  Paul  MoRi.N,  caiîitaine  d'artillerie  (Parie  1889). 


DES    CHEMINS   DE    FER  191 

Si  l'on  envisage  la  question  des  effectifs,  on  constate 
que,  par  suite  de  la  rapidité  plus  grande  avec  laquelle 
se  mobiliseront  ses  adversaires,  la  Russie  se  trouvera 
dans  un  état  d'infériorité  manifeste.  Du  reste,  laissons  la 
parole  au  capitaine  Morin  : 

«  En  quoi  consistent,  dit  cet  écrivain,  les  forces  russes 
en  Pologne  ? 

»  Il  y  a  les  40.000  sabres  et  les  190.000  fusils  du  temps 
de  paix.  Admettons  que  la  mobilisation  ait  plus  que 
doublé  le  nombre  des  fusils  et  que  l'on  en  ait  400.000  ! 
C'est  tout  ce  que  l'on  peut  admettre  de  plus  favorable. 
Admettons  encore  que  les  routes  ordinaires  et  même  les 
voies  ferrées  aient  permis  d'amener  en  Pologne  100.000 
hommes  de  plus,  aux  dépens  de  la  mobilisation  interrom- 
pue. Cela  fait  500.000  soldats.  Que  deviendront-ils  entre 
les  deux  armées  marchant  vers  Kobrin?  Ces  500.000 
hommes  peuvent  tenir  en  échec  l'armée  autrichienne  ; 
cela  est  certain.  Mais  l'armée  prussienne,  comment  l'ar- 
rêter? L'une  des  deux  armées  prussienne  ou  autri- 
chienne, la  première  probablement,  atteindra  Kobrin.  Ce 
jour-là,  que  restera-t-il  à  faire  aux  500.000  Russes  de 
Pologne,  sinon  à  capituler? 

»  L'offensive  prussienne  commencera  deux  jours  avant 
l'offensive  autrichienne.  Ce  qu'elle  sera,  rien  ne  peut  en 
donner  une  idée,  ni  l'offensive  de  1866,  ni  celle  de  1870. 
L'offensive  prussienne  se  précipitera  sur  son  adversaire 
à  demi-désarmé  par  l'absence  de  voies  ferrées,  par  la  pri- 
vation d'une  mobilisation  régionale.  L'offensive  prus- 
sienne ne  connaîtra  ni  délais  ni  appréhensions.  Ce  sera 
l'écoulement  méthodique  d'un  million  de  fusils  qui  ren- 
versera tous  les  obstacles  accumulés  sur  sa  route.  » 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  défectuosités  qui  viennent  d'être 
signalées  occasionneront,  durant  la  mobilisation  russe, 
une  circulation  intensive,  peut-être  même  des  chasses- 
croisés,  sur  les  voies  ferrées,  toutes  choses  qui  rendront 


192  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

les  opérations  de  cette  période  beaucoup  plus  compli- 
quées que  dans  les  autres  armées  européennes.  Ajoutons 
«  cela  les  difficultés  résultant  des  distances  énormes  qui 
séparent  les  unes  des  autres  les  stations  et  les  grandes 
villes  ;  la  perte  de  temps  due,  par  exemple,  au  transport 
éventuel  des  divisions  du  Caucase,  de  Moscou,  de  Kasan 
et  du  Don,  n'est-elle  pas  de  toute  évidence  ? 

Enfin,  à  de  rares  exceptions  près,  les  chemins  de  fer 
russes  sont  à  voie  unique  et  leur  administration  morcelée 
entre  une  infinité  de  sociétés  particulières  manque  sans 
doute  de  l'impulsion  énergique  que  lui  assurerait  une  di- 
rection plus  centralisée.  En  1896,  les  deux  tiers  seulement 
des  lignes  ferrées  appartenaient  à  TEtat.  Les  loco- 
motives et  les  wagons,  dont  le  nombre  est  déjà  à  peine 
suffisant  (1),  ou  bien  sont  disséminés  sur  toute  la  super- 
ficie de  l'immense  Empire,  ou  bien  encore,  lors  des 
grands  travaux  de  la  moisson,  se  trouvent  concentrés, 
peut-être  à  l'excès,  sur  les  points  les  plus  divers  (2). 
Pour  le  personnel  d'exploitation,  ce  sera  donc  une  tâclie 
ardue  que  de  réunir  aux  endroits  convenables  le  maté- 
riel roulant  nécessaire  au  moment  de  la  mobilisation. 

Comme  causes  de  retards  dans  l'exécution  des  trans- 
ports, il  faut  encore  signaler  : 

1°  Les  distances  considérables  qui  séparent  les  sta- 
tions ;  aucun  train  ne  peut  partir  de  l'une  d'entre  elles 
avant  que  le  train  précédent  ait  quitté  la  station  sui- 
vante ; 

2°  Le  nombre  insuffisant  des  voies  de  garage  ;  sur  cer- 
taines lignes,  il  a  fallu  les  installer,  en  dernier  lieu, 
dans  des  sections  situées  en  rase  campagne  ; 


(1)  Voir  le  tableau  de  la  page  suivante. 

(2)  La  famine  de  l'hiver  1891-1892  eut  pour  cause  principale 
l'insuffisance  des  moyens  de  transport  ;  les  céréales  en  excédent 
au  Caucase,  ne  purent  être  transportées  en  temps  utile  dans  les 


DES    CHEMINS    DE    FER  193 

3°  La  diversité  du  combustible  pour  lequel  les  ma- 
chines sont  aménagées,  diversité  due  notamment  à  ce 
que,  vu  la  rareté  du  charbon,  on  emploie  généralement 
le  bois,  la  tourbe  et  même  les  résidus  provenant  de  la 
distillation  du  pétrole.  Enfin,  dernier  inconvénient  et 
non  le  moindre  : 

4°  La  variété  des  écartements  de  voie  dont  on  distin- 
gue, en  Russie,  quatre  types  principaux  : 

a)  L'écartement  maximum  (1™,8288),  adopté  sur  la 
ligne  Saint-Pétersbourg  -  Tsarkoé  -  Selo  ; 


régions  éprouvées  par  la  disette  (Commandant  Leblond,  Cours  de 
Géographie).  (Note  du  traducteur.) 

Situation  comparative  du  réseau  et  du  matériel  roulant 
des  principaux  États  européens. 


ÉTATS. 

.VNiNÉES 

LON- 
GUEURS 

exploitôis 
kilom. 

LOCOMO- 
TIVES. 

VlillIGl 

voya- 
geurs. 

ÎLES  A 

bagages 

ou 
marchan- 
dises. 

Allemagne 

1893  96 

1891 

1891 

45.ÎG1 
27.481 
13.453 

16.107 
5.553 
2.459 

31.4?3 

11.278 

7.120 

322.219 

127.348 

45.363 

Autriche 

Italie 

Totaux 

1894 
1894 

86.195 
39.938 

33.310 
73.248 

12.947 

24.119 

10.3C6 

7.333 

49.821 
26.484 
8.118 

494.930 
273.503 
159.587 

France 

Russie,  ycom 
la  Finlande 

Totaux . . 

pris 

17.699 
6.420 

34.602 
15.219 

433.090 
61.840 

Différence  en  fa- 
veurde  la  Triple 
Alliance 

Le  matériel  russe  en  service  comprenait  :  . 

Fourgons  à  liagages  ou 
Locomotives.    Voitures  à  voyageurs,    wagons  à  marcbaiidises. 


113.172 

122.762 
141.898 
145.611 


En  1881. 

5.808 

7.066 

En  1885. 

6.317 

7.264 

Ea  1889. 

6.804 

7.678 

En  1890. 

6.933 

7.759 

Organ.  chem.  de  1er. 


14 


194f  HISTOIEE    ET    ORGANISATION 

h)  L'écartement  normal  russe  (l'",52i),  qui  est  celui 
de  tous  les  chemins  de  fer  de  la  rive  droite  de  la  Yistule, 
y  compris  le  tronçon  Ivangorod  -  Dombrova  ;  c'est  aussj 
le  plus  répandu  dans  l'intérieur  de  l'Empire  ; 

c)  L'écartement  ■européen  (1"',435),  en  usage  sur  la 
rive  gauche  de  la  Yistule,  excepté  sur  la  section  Ivan- 
gorod -  Dombrova  ; 

d)  L'écartement  réduit,  utilisé  pour  les  chemins  de  fer 
de  ravitaillement. 

La  faiblesse  de  rendement  des  lignes  ferrées  du  Sud  et 
de  l'Ouest  a  été  la  raison  dominante  qui  a  décidé  le  gou- 
vernement de  Saint-PétersbouTg  à  ordonner,  dès  le  1" 
novembre  1877,  la  mobilisation  et  la  concentration  de  six 
coii)s  d'armée,  alors  que  ks  opérations  actives  ne  de- 
vaient commencer  que  le  1"  avril  1878  au  plus  tôt.  {Von 
LœhdVs  Jahresberichte,  Leipzig  1886,  pages  380  et  sui- 
vantes.) 

Pour  apprécier  la  valeur  d'une  ligne  ferrée  on  peut, 
en  principe,  se  baser  sur  la  partie  la  moins  avantageuse 
de  cette  ligne.  Dans  ces  conditions,  la  limite  maxima  du 
rendement  des  voies  ferrées  de  la  Eussie  est  représentée 
par  le  rendement  quotidien  d'une  ligne  allemande  à  voie 
unique.  Mais  il  reste  encore  d'importants  travaux  à  exé- 
cuter pour  que  le  réseau  russe  soit  mis  sur  un  pied  voisin 
de  celui  des  chemins  de  fer  français  et  allemands. 

Dans  son  ouvrage  Russlands  Dichten  und  Trachten 
(Rêves  et  asinrations  nisses)  (Leipzig  1890,  Wigand), 
Hannibal  von  Losen,  qui  a  étudié  à  fond  la  Eussie,  abou- 
tit à  la  conclusion  suivante  : 

«  En  dehors  des  abus  connus  de  tous,  qui  se  produisent 
fatalement  dans  chaque  pays,  il  règne,  dans  l'adminis- 
tration des  chemins  de  fer  moscovites,  une  maladresse  et 
une  inintelligence  surprenantes  qu'on  rechercherait  vai- 
nement chez  une  nation  à  hauteur  des  exigences  de  notre 
époque  fin  de  siècle.  » 


DES    CHEMINS   DE    FEE  195 

Lorsque  toutes  les  constructions  en  cours  seront  ter- 
minées, l'état-major  russe  disposera  en  cas  de  guerre 
<ie  : 

a)  Onze  lignes  de  concentration,  dont  cinq  à  double 
voie,  aboutissant  à  la  frontière  occidentale^,  savoir  : 

1°  Helsingfors  -  Saint-Pétersbourg  -  Taps  -  Riga  - 
Mosclieiki  -  Radziviliscliki  -  Ivocliedary  (près  de  Kovno), 
une  voie; 

2°  Saint-Pétersbourg  -  Dvinsk  -  Vilna  -  Varsovie,  deux 
voies; 

3°  laroslavl  -  Bologoe  ~  Yeliki-Luki  -  îs"ev€l  -  P.o- 

lotzk  -  Vileika  -  Lida  -  Volkovisk  -  Siedletz,  deux  voies; 

„.    ,     .  f  Moscou  -  Smolensk  - 

4°  Jvasan  fi,!^*^  ^^^°I^°^°  Minsk  -  Brest  -  Ivan- 

I  Kiazan  -  JioJûmna  f  ,     , 

^  \    gorod,  deux  voies; 

c„  .,  „,  ,  /  Kaluga  -  Briansk  -  Gomel  - 

b   Samara  -  iula  _       .  ,.  ,    •       ^^    , 

-,  <       Luninez  -  iiobriu  -  Cnolm, 

Moscou  / 

V       une  voie; 

Moscou  ^    Tula  -  Orel  -  Kursk  -  Kiev  - 

Orenbourg  -  Samara]       Sarny  -  iî-oviio,  deux  voies; 

7°  Saratov  -  Balaschev  -  Liski  -  Charkov  -  Pultava  - 
Kiev  -  Kasatin  -  Berditscbev  -  Sdolbunovo,  une  voie; 

8°  Tzaritzin  -  Svierevo  -  Debaltzevo  -  Kramatorskaïa  - 
Losovaïa  -  Pultava  -  Krementseliug  -  Snamenka  -  Zviet- 
kovo  -  Fastov,  une  voie; 

9°  Tiflis  -  Bakou  -  Petrovsk  -  Yladicaucase  -  Rostov  - 
Sinelnikovo  -  lekaterinoslav  -  Snamenka  -  Zvietkovo  - 
Cristinovka  -  Kasatin  (la  section  à  double  voie  Snamen- 
ka -  Zvietkovo  est  commune  aux  artères  8  et  9),  une 
voie; 

10°  Alexandropol  -  Kars  -  Batoum  -  Novorossiisk  - 
lénikalé  -  Djankoi  -  Alexandrovsk  -  Nicolo-Kozeliski  - 
Olviopol  -  Kalinovka;  la  section  Olviopol  -  Kalinovka  est 
à  l'écarteinent  européen;  mais  elle  peut,  sans  inconvé- 


196  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

nient,  être  utilisée  comme  prolongement  de  l'artère  10, 
attendu  que  les  chemins  de  fer  du  sud  de  la  Russie 
possèdent  plusieurs  milliers  de  wagons  dont  les  roues 
peuvent  recevoir  des  écartemeuts  différents.  Ce  dispo- 
sitif a  été  adopté  pour  permettre  aux  wagons  russes,, 
chargés  de  marchandises  à  destination  de  l'Autriche,  de 
transiter,  sans  transbordement,  sur  le  réseau  hongrois;. 
11°  Sébastopol  -  Djankoi  -  Perecop  -  Nicolaïev  -  Odes- 
sa -  Birsula  -  Smerinka  -  Proscurov,  deux  voies. 

h)  Huit  lignes  transversales,  dont  quatre  orientées 
sensiblement  de  l'est  à  l'oiiest,  et  les  quatre  autres  du 
nord  au  sud,  savoir  : 

1"  Bologoe  -  Dno  -  Pskov  -  Yalk  -  Pernau  ; 
2°  Moscou  -  Hzev  -  Riatchitza  -  Kreutzbourg  -  Riga  - 
\  mdau; 

3°  Griasi  -  Orel  -  Briansk  -  Smolensk  -  Vitebsk  -  Po- 
lotzk  -  Dvinsk  -  Schavli; 

4°  Krementschug  -  Bachmatch  -  Gomel  -  Bobruisk  - 
Minsk  -  Yileïka  -  Kovno; 

5°  Moscou  -  Riasan  -  Koslov  -  Liski  -  Millerovo  - 
Rostov; 

6°  Saint-Pétersbourg  -  Kiev  -  Odessa,  deux  voies; 
7"  Tilna  -  Lida  -  Baranovitschi  -  Sarny  -  Rovno,    qui 
ferait  communiquer  les  armées  de  Lithuanie  et  de  Po- 
dolie,  séparées  par  les  marais  du  Pripet,  deux  voies; 
8**  Bielostock  -  Brest  -  .Kovel,  deux  voies. 
La  transmission  télégraphique  de  l'ordre  de  mobilisa- 
tion à  tous  les  commandants  de  circonscriptions  militai- 
res est  assurée  dans  tout  l'Empire,  ce  qui  n'était  pas  le 
cas  autrefois.  Les  réservistes  sont  amenés  en  voitures 
sur  les  points  de  rassemblement,  d'où  ils  sont  transpor- 
tés, par  les  mêmes  moyens,  aux  gares  de  chemins  de  fer. 
L'éloignement  des  stations  a  considérablement  diminué, 
par  suite  de  la  densité  plus  grande  du  réseau  dont  la  ca- 


DES    CHEMINS   DE    FER  197 

pacité  de  rendement  s'est  elle-même  accrue  dans  une 
large  mesure.  Cet  accroissement  profite  non  seulement 
aux  transports  de  mobilisation  ;  mais  encore,  cela  va  de 
soi,  à  ceux  de  la  concentration.  Tandis  qu'en  1871,  par 
exemple,  il  n'y  avait  que  quatre  lignes  à  voie  unique 
xiboutissant  à  la  frontière  occidentale,  savoir  :  Péters- 
bourg  -  Varsovie,  Moscou  -  Varsovie,  Kursk  -  Kiev  - 
Brest  -  Litowsk,  Odessa  -  Volotscliisk,  la  Russie  dispose, 
à  l'heure  actuelle,  de  cinq  lignes  à  double  voie  et  de  six 
à  une  voie,  soit  un  nombre  quadruple  du  précédent.  Il 
y  a  lieu  d'ajouter  que,  dans  tous  les  projets  de  tracé  et 
d'aménagement  de  ces  voies,  on  a  tenu  compte,  avant 
toutes  cboses,  des  intérêts  militaires. 

En  outre,  lors  d'une  mobilisation,  on  utilisera  une 
ligne  étendue  d'ouvrages  de  foi-tification  permanente  ou 
passagère  qui,  tous,  ont  été  construits  dans  ces  dix  der- 
nières années.  Jusque-là,  il  n'y  avait,  dans  la  zone  fron- 
tière, que  les  forteresses  démodées  de  Xovogeorgievsk, 
Varsovie,  Ivangorod,  Brest-Litowsk  ;  sur  ces  points,  aux- 
quels il  convient  d'ajouter  Eovno,  s'élèvent  aujourd'hui 
•de  vastes  camps  retranchés  construits  à  la  moderne  et 
■entre  lesquels  les  lignes  fluviales  sont  barrées,  à  leur 
tour,  par  d'autres  ouvrages  tels  que  ceux  d'Olita,  de 
■Groduo,  d'Ossovetz,  de  Lomza,  d'Ostrolenka,  de  Roschau, 
de  Pultusk  et  de  Zegrze. 

Depuis  des  siècles,  personne  ne  l'ignore,  les  visées  su- 
prêmes de  la  politique  russe  se  portent  de  plus  en  plus 
sur  la  péninsule  des  Balkans,  où  elles  se  trouvent  en 
■opposition  avec  les  intérêts  de  l'Autriche.  Ce  sont  ces 
raisons  qui  poussent  l'Empire  des  Tsars  à  reporter,  à 
l'aile  gauche  de  son  front  stratégique  du  sud-ouest,  le 
centre  de  gravité  de  sa  puissance   militaire   (1).   Cette 


(1)    C'est,   en   effet,    une  opinion   communément   admise   que, 
■dans  l'hypothèse  d'un  conflit   armé   entre   la  Triple  alliance  et 


198  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

assertion  se  trouve  confirmée  par  l'aelièvement  tout  ré- 
cent du  réseau  ferré  russe,  qui  se  prête,  bien  mieux  que 


ralliance  franco-russe,  les  armées  moscovites  prononceraient  leur 
offensive  contre  la  fi-ontière  autrichienne.  A  ce  propos,  et  comme 
complément  de  l'exposé  que  nous  avons  présenté  dans  une  note 
précédente  du  projet  d'opérations  allemand,  il  ne  sera  pas  sans 
intérêt  de  donner  un  aperçu  des  considérations  qui  ont  guidé 
l'état-major  de  Saint-Pétersbourg  dans  le  choix  du  point  d'atta- 
que. Ces  ccnsidérations,  le  capitaine  W.  Stavenhagen  les  a  résu- 
inées,  avec  autant  de  clarté  que  de  concision,  dans  une  étude  inti- 
tulée :  Militàr-gcographische  Skizzen  von  dcn  KricgsschaupUit- 
zcn.  {Xotr  ihi  tiaJuctcur.) 

((  La  principale  résultante  des  efforts  de  la  Russie,  dit  cet  écri- 
vain, doit  être  dirigée  contre  l'alliance  austro-allemande.  L'im- 
mensité des  distances  de  ce  colossal  empire,  l'insuffisance  de  ses 
voies  de  communication  lui  interdisent  d'une  façon  absolue  d'en- 
treprendre, même  avec  le  concours  de  la  France,  une  oiTensive 
stratégique  à  la  fois  contre  l'Allemagne  et  contre  l'Autriche. 
Même  en  augmentant  ses  rassemblements  de  troupes  et  en  les 
rapprochant  davantage  de  la  région  frontière,  même  en  pous- 
sant encore  plus  loin  le  perfectionnement  méthodique  de  ses  che- 
mins de  fer.  il  lui  est  impossible  de  gagner  de  vitesse,  dans  la 
concentration  de  leurs  armées,  ces  deux  adversaires  si  bien  outil- 
lés et  de  leur  opposer  des  forces  supérieures  en  nombre,  au  début 
des  hostilités. 

»  La  ligne  de  conduite  à  suivre  s'impose  donc  d'elle-même  :  se 
tenir  d'abord  sur  la  défensive  stratégique  contre  l'un  de  ses  deux 
ennemis  éventuels  et  employer  le  gros  de  ses  forces  à  une  offensive 
énergique  contre  l'autre.  Quant  à  la  question  de  savoir  si  c'était 
l'Allemagne  ou  l'Autriche  qui  devait  être  choisie  comme  objectif 
de  cette  attaque,  il  fallait  considérer  la  première  comme  l'adver- 
saire le  plus  fort  et  le  plus  dangereux,  car  c'est  celui  qui,  dispo- 
sant de  l'armée  la  plus  nombreuse,  sera  aussi  le  premier  prêt  à 
entrer  en  campagne  et  le  mieux  protégé  contre  une  invasion  par 
la  puissante  barrière  de  ses  places  avancées  et  les  obstacles  natu- 
rels de  ses  confins  de  l'Est.  Peut-être  aussi  y  avait-il  lieu  d'exa- 
miner si  l'Empire  allemand,  allié  à  l'Autriche  et  obligé  d'engager 
la  lutte  sur  deux  fronts  à  la  fois,  n'avait  pas  la  possibilité  de 
porter  son  premier  effort  contre  la  Russie.  Tel  qu'il  est  aujour- 
d'hui, le  système  défensif  de  la  France  —  à  moins  que  les  armées 
françaises  ne  commettent  de  trop  lourdes  fautes  — •  ne  permettrait 
pas  à  l'Allemagne  d'obtenir,  de  ce  côté,  dès  le  début,  des  résultats 
décisifs.  Par  contre,  une  attaque  brusquée  de  cette  puissance 
contre  la  Russie,  même  avec  des  effectifs  inférieurs,  offre  les  plus 
grandes  chances  de  succès  et  présente  l'avantage  de  ne  pas  livrer 
sans  coup  férir  à  l'envahisseur  les  provinces  orientales  de  la 
Prusse.  Si  ce  dernier  vient  à  être  repoussé  en  arrière  du  Bug 
et  du  Niémen,  l'Allemagne,  avec  l'appui  de  l'Autriche,  peut  se  te- 
nir sur  la  défensive  à  l'est,  tandis  que,  avec  ses  forces  réunies  et 


DES    CHEMINS    DE    FER  199 

sur  la  droite,  à  une  concentration  en  masse  vers  la  gau- 
che de  la  ligne  de  défense,  c'est-à-dire  sur  la  base  Cliolni  - 
Rovno  -  Snierinka  -  Birsula;  elle  est  surtout  justifiée  par 
la  facilité  avec  laquelle  les  mouvements  de  troupes  peu- 
vent s'effectuer  du  nord  au  sud  du  théâtre  de  la  guerre, 
sous  la  protection  des  obstacles  naturels  du  sol  et  des 
gigantesques  travaux  de  fortification  • —  y  compris  le 
réduit  central  de  la  Yislule  —  qu'on  rencontre  sur  le 
front  septentrional. 

Telle  est  la  signification  qu'il  faut  attribuer  au  rachat 
par  l'Etat  de  tous  les  chemins  de  fer  sud-occidentaux 


exaltées  par  la  victoire,  elle  terrasserait  les  armées  françaises, 
délivrant  ainsi  une  fois  de  plus  son  territoire  de  l'invasion. 

))  Dans  le  cas  oii  la  Russie  choisirait  la  voie  plus  courte  pour 
Ijrononcer  son  offensive  contre  Berlin,  situé  à  300  kilomètres  seu- 
lement de  la  frontière,  c'est-à-dire  dans  la  direction  Varsovie  - 
Posen,  elle  s'exposerait  à  voir  ses  communications  menacées  par 
des  contre-attaques  venues  de  la  Prusse  orientale  et  de  la  Si- 
lésie. 

»  D'autre  part,  une  attaque  dirigée  de  Varsovie  sur  la  Silésie, 
en  s'éloignant  outre  mesure  des  régions  de  l'Allemagne  où  doi- 
vent se  jouer  les  parties  décisives,  se  rapprocherait  beaucoup 
trop  de  l'Autriche  et  courrait  le  risque  d'être  prise  à  revers  par 
les  provinces  nord-est  de  la  Prusse. 

))  Contre  la  Prusse  orientale  et  occidentale,  cette  attaque  se- 
rait très  avantageuse,  bien  que,  cependant,  le  dénouement  ne 
doive  pas  être  recherché  de  ce  côté  et  que  les  obstacles  naturels 
et  artificiels  accumulés  sur  la  frontière  allemande  ne  permettent 
pas  de  porter  des  coups  avec  la  rapidité  nécessaire  pour  obtenir 
un  succès  définitif  contre  l'Allemagne.  Elle  aurait  son  flanc  me- 
nacé par  la  Silésie. 

»  En  revanche,  une  offensive  russe  contre  l'Autriche  offre  de 
plus  grandes  chances  de  réussite.  Le  sol  des  provinces  limitrophes 
de  Galicie  et  de  Bukovine  qui  constituent  les  glacis  nord  des  Kar- 
pathes,  vient  en  effet  se  fondre  graduellement  dans  la  plaine  russe 
sans  présenter  d'obstacles  naturels;  couverte  sur  ses  flancs  par 
les  marais  de  Pinks  et  un  grand  fleuve,  l'invasion  des  territoires 
compris  entre  le  Bug  et  la  Vistule  présente  de  grands  avantages. 
Elle  échappe  à  l'action  directe  des  forces  allemandes,  évite  Cra- 
covie  et,  avec  Budapesth  comme  objectif,  se  rapproche  de  la  Ser- 
bie et  de  la  Bulgarie,  sur  l'intervention  desquleles  elle  pourrait 
compter,  tout  au  moins  pour  faire  échec  à  la  Roumanie,  dans  le 
cours  des  opérations  ultérieures  contre  Presbourg  et  Vienne.  » 
(Note  du  traductctvr.) 


200  HISTOIRE    ET    ORGA>^ISATION 

aboutissant  ù  la  frontière  antricliienne,  rachat  qui  est  sur 
le  point  d'être  achevé. 

C'est  dans  la  même  intention  qu'on  utilisera  les  trans- 
versales G",  7°,  8°,  mentionnées  plus  haut. 

Malgré  ses  grands  rassemblements  de  troupes  dans  les 
gouvernements  de  Varsovie,  Tilna  et  Kiev,  la  Russie  se 
verra,  sur  ce  point,  réduite  à  la  défensive  en  présence  de 
l'armée  allemande,  à  moins  que  des  circonstances  tout  à 
fait  exceptionnelles  ne  nous  obligent  à  porter  le  gros  de 
nos  forces  dans  une  autre  direction.  11  est  vrai  qu'en 
raison  des  conditions  géographiques  spéciales  de  la  Po- 
logne russe,  cette  défensive  tirera  de  grands  avantages, 
tant  de  la  constitution  particulière  du  sol  que  des  points 
d'appui  artificiels  qui  y  ont  été  créés,  A  la  marche  en 
avant  d'un  adversaire  venant  de  l'Ouest,  le  cours  moyen 
de  la  Yistule  opposera  un  puissant  obstacle  naturel  dont 
la  force  se  trouvera  encore  accrue,  dans  une  proportion 
formidable,  par  la  présence  des  forteresses  de  Varsovie, 
Ivangorod,  Brest-Litowsk,  Novogeorgievsk  et  Biélostock. 
Ces  places,  qui,  pour  la  plupart,  constituent  des  camps 
retranchés  de  premier  ordre,  sont  toutes  reliées  entre 
elles  par  des  voies  ferrées  ;  dans  la  région  traversée  par 
la  Yistule  moyenne,  leur  ensemble  forme  un  pentagone 
fortifié  supérieur,  sous  tous  les  rapports,  au  célèbre  qua- 
drilatère de  la  plaine  lombarde.  Une  attaque  prononcée 
contre  cette  position,  en  vue  de  forcer  le  passage  de  la 
Vistule,  serait  sans  doute  dirigée  dans  l'intervalle  d'en- 
viron 90  kilomètres,  compris  entre  Varsovie  et  Ivango- 
rod, bien  que  cet  intervalle  doive  être  défendu  par  une 
série  d'ouvrages  en  projet  et  dont  une  partie  est  déjà 
même  construite.  Ce  renforcement  est  justifié  par  l'hy- 
pothèse que,  dans  des  conditions  normales,  la  Eussie  de- 
vant renoncer  à  prendre  l'offensive  contre  l'armée  alle- 
mande, il  y  avait  lieu  d'attacher  une  importance 
d'autant  plus  grande  à  la  fortification  de   la  ligne  de 


DES    CHEMINS    DE    FER  201 

défense  formée  par  la  Yistulo.  8i  les  Russes  parviennent 
à  se  maintenir  sur  cette  position  pendant  plusieurs  se- 
maines, les  chemins  de  fer  leur  amèneront  sans  cesse  de 
nouveaux  renforts,  en  sorte  que  le  défenseur  verra  sa 
force  de  résistance  s'accroître  de  jour  en  jour. 

Les  clieniins  de  fer  russes  et  les  fortifications  destinées 
ù  les  protéger  sur  la  frontière  occidentale  (1)  de  l'Em- 
pire se  sont,  comme  on  le  voit,  développés  parallèlement 
au  réseau  stratégique  de  la  France  et  au  rideau  défensif 
formé  par  les  forts  d'arrêt  et  les  grands  camps  retranchés 
de  sa  frontière  du  IS^ord-Est. 

.Ces  travaux  forment  la  contre-partie  de  la  puissance 
formidable  de  notre  immense  réseau,  ainsi  que  de  la 
rapidité  éprouvée  de  notre  mobilisation. 

D'ans  le  but  de  couvrir  la  nouvelle  ligne  stratégique 
Biélostock  -  Lomza  -  Ostrolenka  -  Zegrze  ou  Mlavka,  dont 
on  a  projeté  la  construction  en  arrière  de  la  coupure 
Bug  -  Xavev,  la  Russie  se  propose  d'élever  une  ligne  de 
forts  d'arrêt  sur  les  points  de  Lomza,  Ostrolenka,  Pul- 
tusk  et  Zegrze  ;  à  Test,  ce  front  défensif  englobera  les 
forts  d'arrêt  d'Ossovetz,  sur  la  Bobr,  et  de  Grodno,  sur  le 
Niémen. 

L'exposé  des  motifs  du  projet  de  loi  militaire  allemand 
du  6  décembre  1898,  contient  ce  qui  suit  : 

«  La  loi  du  3  mars  1893  a  porté  à  479.229  hommes 
l'effectif  de  l'armée  allemande  à  entretenir,  en  temps  de 

(1)  Lors  de  la  disciission  de  la  loi  militaire  par  le  Reichstag 
•(28  novembre  1892),  le  Chancelier  de  Caprivi  s'exprimait  ainsi  : 

«  Conscient  du  Lut  à  atteindre,  l'état-major  russe  poursuit  ses 
•efforts  avec  une  lenteur  calculée  et,  guidé  en  cela  par  un  senti- 
ment bien  naturel,  cherche  sans  cesse  à  remédier  aux  défectuo- 
sités que  présente,  au  point  de  vue  stratégique,  le  réseau  ferré 
de  la  Russie,  de  façon  à  rattacher  peu  à  peu  chaque  corps  de 
troupe  à  l'une  des  mailles  de  ce  réseau. 

»  C'est  pour  nous  une  nécessité  de  prévoir,  non  pas  à  titre  d'ex- 
ception, mais  comme  un  fait  vraisemblable,  le  cas  où  nous  de- 
vrons, un  jour  ou  l'autre,  engager  la  lutte  sur  deux  frontières  à 
la  fois.  » 


202  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

paix,  jusqu'au  31  mars  1899;  elle  doit  donc,  légalement, 
être  renouvelée  le  l*""  avril  1899.  C'est  avec  une  vive 
satisfaction  que  la  nation  allemande  peut  porter  ses  re- 
gards vers  les  dernières  années  écoulées  ;  un  gouverne- 
ment sage,  appuyé  sur  une  puissante  aimée,  a  su  lui  ga- 
rantir la  paix  au  milieu  de  toutes  les  vicissitudes  politi- 
ques. Les  circonstances  qui,  il  y  a  cinq  ans,  ont  nécessité 
le  renforcement  de  notre  armée  n'ont  pas  changé  ;  dans 
cet  intervalle,  les  armements  poursuivis  avec  méthode  par 
nos  voisins  se  sont  traduits  par  des  dépenses  colossales. 
Les  propositions  pacifiques  du  ïsar  de  Russie  donnent  à 
penser,  il  est  vrai,  ciue  pour  le  moment    une  agression 
de  sa  part  n'est  pas  à  redouter;  mais  elles  n'aboutiront 
pas  à  un  désarmement  que  la  situation  présente  permet 
difficilement  d'envisager.  Les  événements  de  la  guerre 
hispano-américaine  ont  démontré,  avec  une  effrayante 
précision,    combien    lourdement    &e    paye    l'absence    de 
toute  préparation  minutieuse  et  rationnelle  en  vue  de 
la   guerre    (1)  ;    aucun   peuple   ne   peut   s'en   dispenser 
s'il    veut    consers'er    son    rang  et  sa  puissance.  Désor- 
mais, il  faudra  donc  toujours  admettre  comme  un  prin- 
cipe inviolable  ce  fait,  qu'une  armée  solide  et  bien  orga- 
nisée est  le  plus  ferme  soutien  d'un  Etat  et  le  gage  le 
plus  assuré  de  la  paix.  Nos  voisins  —  la  France  et  la 
Russie  d'Europe   —  travaillent  sans  relâche  à  perfec- 
tionner leur  organisation  militaire.  Quoique  possédant 
un  effectif  de  paix  déjà  de  beaucoup  supérieur  au  nôtre, 
ils  ont  encore  porté  leur  contingent  annuel  à  250.000  et 
300.000  hommes,  alors  qu'en  Allemagne  le  chiffre  légal 
des  recrues  est  d'environ  227.000  seulement.  Dernière- 
ment leur  organisation  du  pied  de  guerre  a  reçu  des 


(1)  Tout  récemment  encore,  la  guerre  russo-japonaise  a  été, 
une  fois  de  plus,  la  confirmation  éclatante  de  co  principe  éternel- 
lement vrai  que  les  Romains,  il  y  a  deux  mille  ans,  formulaient 
déjà,  eu  ces  termes,  devenus  classiques  :  Si  vis  paccm  para  hél- 
ium. 


DES    CHEMINS    DE    FER  203 

développements  considérables;  la  création,  en  1897,  des 
4*'  bataillons  dans  nos  régiments  d'infanterie  (1)  est  le 
senl  progrès  que  nons  ayons  accompli  dans  cette  voie. 
Cependant,  l'expérience  enseigne  qu'avec  le  temps  il  se 
manifeste,  dans  toutes  les  armées,  des  défauts  et  des  la- 
cunes auxquels  il  importe  de  remédier,  si  l'on  ne  veut 
pas  voir  leur  rendement  et  leur  pouvoir  offensif  s'affai- 
blir de  plus  en  plus.  Se  renouveler  et  s'accroître  sans 
cesse,  telle  est  la  loi  du  progrès  pour  un  organisme  mili- 
taire sain  et  vigoureux;  tout  arrêt  dans  ce  développe- 
ment est  un  aclieminement  vers  la  mort,  et  conduit, 
dans  les  circonstances  critiques,  aux  pires  catastrophes. 
Si,  pour  conserver  à  notre  armée  son  aptitude  à  la 
guerre,  nous  reconnaissons  la  nécessité  de  modifier  notre 
organisation  militaire,  il  faut  constater  que  la  situation 
politique  et  militaire  actuelle  nous  donne  la  possibilité 
de  renoncer  au  sj^stème  des  unités  de  seconde  ligne 
créées  au  moment  du  besoin,  et  d'apporter  à  leur  for- 
mation un  calme  et  une  régularité  absolus.  Il  y  a  là 
un  progrès  considérable,  réalisé  sur  le  passé,  aussi  bien 
dans  le  domaine  économique,  que  dans  les  choses  mili- 
taires. 

Dans  son  ouvrage  Zu7'  Kriegsfrage,  publié  en  1891 
dans  la  Deutsche  Revue,  le  général  von  Leczinski,  an- 
cien  commandant   du   9®  corps   d'armée,   a   exprimé   la 


(1)  A  l'aide  de  ces  4*^^  bataillons  groupés  en  régiment  le  l"  avril 
1897,  la  loi  militaire  allemande  du  25  mars  1899  a  créé  3  nouveaux 
corps  d'armée  (3'^  bavarois,  18*^  et  19*),  ce  qui  porte  à  23  le  nom- 
bre des  corps  d'armée  allemands  ;  en  réalité,  l'armée  allemande 
compte  dès  maintenant  624  bataillons,  dont  19  de  chasseurs, 
Cl 624 

Pour  compléter  à  3  bataillons  les  48  régiments  qui  sont 
encore  à  2  bataillons,  il  reste  à  créer  40  bataillons 40 

Total 664 

correspondant  à  l'effectif  en  infanterie  de  27  corps  d'armée  et 
demi  à  2  divisions.  (Note  du  traducteur.) 


204         HISTOIRE    ET    OKGAMSATION    DES    CHEMINS    DE    FER 

conyiction  que  l'heure  présente  n'est  pas  favorable  à  la 
Eussie  pour  entreprendre  une  campagne  et  que,  pour 
l'instant,  aucune  guerre  n'est  à  redouter.  Néanmoins, 
«omme  il  ne  faut  pas  oublier  la  France,  nous  avous 
pour  devoir  strict  de  nous  tenir  sur  nos  gardes.  Du  reste, 
la  supériorité  des  chemins  de  fer  allemands  nous  permet 
tl'envisager  sans  crainte  les  rassemblements  de  troupes 
russes  à  proximité  de  notre  frontière  (1). 

Quand,  par-ci  par-là,  on  signale  de  grands  mouve- 
ments de  troupes  russes  A^ers  les  frontières  allemande  et 
autrichienne,  il  ne  faut  pas  en  conclure  que  des  divisions 
ou  des  corps  d'armée  entiers  se  sont  subitement  mis  en 
marche.  De  ce  côté,  le  but  de  la  Russie  est  bien  plutôt 
de  mettre  à  exécution,  petit  à  petit,  et  en  toute  sécurité, 
un  plan  combiné  de  longue  date  et  de  prendre  position 
de  façon  à  faciliter,  le  cas  échéant,  la  réussite  du  projet 
d'opérations  aiTÔté  par  son  état-major.  C'est  le  devoir  de 
chaque  puissance  d'en  faire  autant;  c'est  aussi  son  af- 
faire de  décider  par  quels  moyens  cette  tâche  doit  être 
accomplie.  Si  bien  des  nouvelles  concernant  les  rassem- 
blements de  troupes  sur  les  frontières  peuvent  être  con- 
sidérées comme  exagérées;  s'il  en  est  de  même  de  oer- 
iains  bruits  signalant,  sur  un  point  quelconque,  des  pré- 
paratifs militaires  menés  avec  une  activité  fiévreuse,  il 
n'en  est  pas  moins  certain  que  partout  on  met  la  paix  à 
profit  pour  procéder,  en  silence  et  avec  acharnement,  à 
la  préparation  de  la  guerre. 


(1)  Die  russische  Kricgshcreitschoft,  publié  par  Hans  Delbrûck 
-dans  les  rrcussischc  lohrhucher,  année  1902,  n"  1. 


IV 

Autriche-Hongrie. 


Profitant  des  enseignements  recueillis  dans  les  cam- 
pagnes de  1859  et  1866,  l'Antriche,  dans  la  mesure  de 
ses  moyens,  s'est  efforcée  d'accroître  le  rendement  de 
ses  cliemins  de  fer  en  temps  de  guerre.  Elle  y  est  par- 
venue par  la  création  d'un  réseau  plus  complet  et  la 
constitution  d'un  matériel  roulant  susceptible  de  faire 
face  à  toutes  les  éventualités.  Les  progrès  réalisés  dans 
l'organisation  de  ses  cliemins  de  fer  sont  dus  notam- 
ment au  rachat  d'un  certain  nombre  de  lignes  particu- 
lières; à  l'amélioration  et  à  l'extension  des  grandes 
artères  de  transport  ;  enfin  à  la  construction  de  nou- 
velles voies  ferrées  ayant  un  but  exclusivement  stra- 
tégique. La  mise  en  service  de  la  section  Munkacs  - 
Stryi,  en  1890,  a  mis  en  communication  directe  les  che- 
mins de  fer  autrichiens  avec  ceux  de  la  Hongrie.  A 
l'heure  actuelle,  il  existe  neuf  lignes  en  état  de  trans- 
porter les  armées  austro-hongroises  dans  la  zone  fron- 
tière située  au  nord  des  Carpathes. 

La  longueur  totale  du  réseau  atteignait  :  en  1889,, 
25.731  kilomètres;  en  1891,  27.616  kilomètres;  en  1893,. 
29.160  kilomètres;  en  1895,  30.038  kilomètres. 

Pour  ce  qui  a  trait  aux  chemins  de  fer,  la  défense 
des  intérêts  militaires  est  confiée  au  ministre  de  la 
Guerre  de  l'Empire  et,  concurremment,  au  chef  de  l'état- 
major  général.  En  temps  de  guerre,  l'organisation  autri- 
chienne offre  la  plus  grande  ressemblance  avec  celle  de 
l'Allemagne. 


206  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

Le  diiccicur  des  chemins  de  fer  de  camj)agne  a  sous 
ses  ordres  : 

Les  directions  de  transports  sur  les  chemins  de  fer  de 
campagne; 

Les  commissions  de  lignes  et  les  commissions  d'é- 
tapes; 

Les  directions  militaires  de  chemins  de  fer,  assistées 
des  i7ispections  militaires  d'exploitation  et  des  sections 
d'exploitation  chargées  d'assurer  le  service  sur  les  lignes 
dont  l'armée  a  pris  possession;  les  compagnies  de  che- 
,mins  de  fer  et  les  sections  d'ouvriers  de  chemins  de  fer 
auxquelles  incombent  la  réparation  et  l'agrandissement 
des  voies,  la  construction  des  chemins  de  fer  de  campa- 
gne et  la  destruction  des  lignes  en  territoire  ennemi. 

Sur  les  portions  du  réseau  situées  en  dehors  du  théâ- 
tre de  la  guerre,  fonctionne  la  direction  centrale  des 
transports  en  chemins  de  fer,  secondée  par  des  com- 
viissions  de  lignes  et  des  commissions  d'étaj>es,  sur  les 
lignes  qui  n'appartiennent  pas  à  la  zone  des  opérations 
actives. 

Les  devoirs  et  les  attributions  du  directeur  des  che- 
mins de  fer  de  compagne  sont  les  mêmes  qu'en  France. 

Les  directions  militaires  des  chemins  de  fer  ont  pour 
mission  d'organiser  et  de  diriger  l'exploitation  sur  les 
lignes  occupées  (environ  450  kilomètres  par  direction)  ; 
elles  sont  subordonnées  aux  directions  des  transports 
sur  les  chemins  de  fer  de  campagne,  en  ce  qui  concerne 
les  transports,  et  au  directeur  des  chemins  de  fer  de 
camjjagne,  pour  les  affaires  ressortissant  au  service  tech- 
nique de  l'exploitation. 

Le  1"  août  1883,  l'Autriche  a  créé  un  régiment  des 
chemins  de  fer  et  des  télégraphes  comprenant  :  3  batail- 
lons à  4  compagnies  et  un  cadre  des  chemins  de  fer  et 
des  télégraphes.  Son  effectif  est  de  80  officiers  et  1.447 
hommes  sur  le  pied  de  paix;  sur  le  pied  de  guerre,  il 


DES    CHEMINS   DE    FER  207 

compte,  ccmiae  troupes  de  chemin  de  fer,  12  compagnies 
<le  campagne  à  5  officiers,  224  hommes,  29  chevaux  et 
6  voitures,  plus  un  bataillon  de  réserve  à  3  compagnies. 
A  la  mobilisation,  le  commandant  du  régiment  et  deux 
chefs  de  bataillon,  avec  leurs  officiers  adjoints,  sont 
dé'.achés  auprès  du  directeur  des  chemins  de  fer  de  cam- 
2)agne. 

Pour  le  service  de  l'exploitation,  il  est  créé  des  grou- 
pes, au  nombre  de  huit,  appelés  sections  d'exploitation. 
Les  208  hommes  de  chaque  section  sont  recrutés  dans 
le  personnel  des  administrations  civiles  de  chemins  de 
fer,  astreint  au  service  militaire;  ils  portent  l'uniforme 
des  chemins  de  fer  avec  des  insignes  particuliers. 

L'enlèvement  de  l'outillage  de  guerre  d'une  compa- 
gnie de  chemins  de  fer,  qui  doit  être  chargé,  parb'e  soir 
des  voitures  ordinaires,  partie  sur  des  wagons,  a  lieu 
an  moyen  d'un  train  organisé  spécialement  dans  ce  but 
et  qui  sert  à  la  fois  de  dépôt  et  d'atelier  ambulant. 

La  composition  de  ce  train  est  la  suivante  : 

1  locomotive,  1  voiture  à  bagages,  9  voitures  à  voya- 
geurs, 5  wagons-écuries,  6  wagons  couverts  à  marchan- 
dises, 3  lowry,  6  lowry  pour  voitures,  ensemble  :  30 
wagons  ou  60  essieux. 

Tandis  qu'en  France,  en  Allemagne  et  en  Italie,  les 
bases  de  l'organisation  militaire  des  chemins  de  fer  ont 
été  créées  par  voie  législative,  en  Autriche  elles  repo- 
sent, pour  la  plupart,  sur  une  entente  à  l'amiable  entre 
le  ministère  de  la  .Guerre  de  l'Empire,  les  ministères 
intéressés  et  les  administrations  de  chemins  de  fer.  ^ 

Une  innovation  à  signaler  dans  cette  organisation, 
c'est  l'institution  de  chemins  de  fer  transportables  et 
de  ponts  de  chemins  de  fer  démontables. 

Elle  prouve  d'une  façon  évidente  le  souci  constant 
avec  lequel  les  puissances  cherchent  à  améliorer  leurs 
mcj-ens  de  défense,   à  pousser  les  préparatifs   de  leur 


208    HISTOIRE  ET  ORGANISATION   DES   CHEMINS  DE  FER 

zoue  de  conceutration  et  à  assurer  le  ravitaillement  de 
leurs  armées  en  temps  de  guerre.  En  effet,  d'après  les 
déclarations  faites  au  Eeiclistag  autrichien  par  le  feld- 
zeugmeister  baron  Bauer,  ministre  de  la  Guerre  de 
l'Empire,  cette  création  constitue  «  une  aide  indispen- 
sable pour  le  bon  fonctionnement  du  service  des  ravi- 
taillements dans  la  guerre  moderne  ». 

Les  doubles  voitures  de  ces  cliemins  de  fer  transpor- 
tables sont  traînées  soit  par  des  locomotives  à  voie 
étroite,  soit  par  des  chevaux;  dans  ce  dernier  cas,  elles 
peuvent,  en  trois  relais,  parcouri'r  GO  kilom.  par  jour; 
chacune  d'elles  contient  15.000  rations  de  pain  ou  5 
bœufs. 

Quant  à  l'utilité  des  ponts  démontables,  elle  saute 
aux  yeux,  rien  qu'à  l'idée  des  destructions  de  ponts  et 
d'ouvrages  d'art  qui  seront  accomplies  par  l'ennemi. 

Les  expériences  faites  à  Argenteuil  avec  des  ponts 
démontables  ont  été  absolument  concluantes;  on  a  cons- 
truit des  ponts  comprenant  trois  portées  de  20,  27  et 
29  mètres,  dont  le  tablier  avait  une  longueur  totale  de 
70  mètres,  y  compris  la  partie  qui  reposait  sur  les  rives. 

Pour  rétablir  la  circulation  sur  un  pont  présentant 
une  interruption  de  70  mètres  de  longueur,  on  ne 
compte  pas  plus  de  soixante  heures  de  travail. 


Italie. 


La  forme  de  l'Italie,  la  configuration  de  son  sol,  l'im- 
portance prépondérante  de  la  culture  de  la  terre  et  des 
arbres  fruitiers,  la  stagnation  de  l'activité  industrielle, 
la  rareté  du  fer,  du  chaibon  et  du  bois,  la  pauvreté  de 
ses  habitants  sont  autant  de  circonstances  qui  privent 
ce  royaume  du  trafic  prodigieux  de  marchandises  et 
de  voyageurs  que  Von  constate  chez  les  autres  nations 
civilisées  de  l'Europe. 

Déjà  très  onéreux  dans  les  régions  montagneuses  de 
la  péninsule,  les  frais  de  construction  des  chemins  de 
fer,  augmentés  encore  par  la  cherté  des  capitaux,  attei- 
gnent des  sommes  considérables;  en  raison  de  la  fai- 
blesse du  trafic,  sur  les  lignes  peu  favorisées,  les  dé- 
penses d'exploitation  sont  très  grandes  et  les  recettes 
brutes  relativement  modiques.  Les  lignes  les  plus  an- 
ciennes datant  de  1839  et  doivent  leur  origine  bien  plus 
au  caprice  des  princes  qu'aux  nécessités  commerciales. 

En  lin  mot,  la  nation  italienne  n'a  aucune  aptitude 
pour  la  construction  des  chemins  de  fer.  Sans  les  se- 
cours qui  leur  ont  été  distribués  avec  prodigalité  par  les 
pouvoirs  publics,  les  chemins  de  fer  actuels  ne  parvien- 
draient pas  à  vivre. 

Une  loi  promulguée  le  27  avril  1885  a  réparti  les  che- 
mins de  fer  continentaux  en  deux  groupes  —  le  réseau 
de  l'Adriatique  et  celui  de  la  Méditerranée  —  ayant  à 
peu  près  la  même  étendue,  afin  d'assurer  aux  deux 
compagnies  d'exploitation  de  ces  réseaux  des  avantages 

Organ.  chem.  de  1er.  15 


210  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

équivalents  sous  le  rapport  du  trafic  intérieur  et  exté- 
rieur. Cette  loi  forme  aujourd'liui  la  base  même  de 
l'organisation  des  chemins  de  fer  de  l'Italie. 

En  1892,  le  réseau  de  la  Méditerranée  avait  4.870 
kilomètres  de  longueur,  le  réseau  de  l'Adriatique,  5.233 
kilomètres  et  celui  de  la  Sicile,  7G8  kilomètres  (1). 

L'Etat  possède  la  plus  grande  partie  des  lignes  fer- 
rées; sur  quelques-unes,  il  est  copropriétaire;  le  reste 
appartient  à  des  sociétés  particulières,  parmi  lesquelles 
la  compagnie  des  chemins  de  fer  du  Midi,  qui  exploite 
1.800  kilomètres. 

Les  traités  de  concession  pour  "l'exploitation  des  lignes 
de  l'Etat  par  des  compagnies  privées  sont  valables  pour 
une  période  de  soixante  années,  mais  avec  faculté  de  ré- 
siliation au  bout  de  vingt  ans. 

Le  gouvernement  exige  que  les  compagnies  consa- 
crent annuellement  102  millions  de  lire  à  de  nouvelles 
constructions;  il  a  la  haute  surveillance  de  l'exploita- 
tion qu'il  prend  personnellement  en  main  à  la  mobili- 
sation. 

Dans  ces  derniers  temps,  l'Italie  s'est  efforcée,  avec 
beaucoup  de  persévérance  et  d'esprit  de  suite,  d'aug- 
menter la  capacité  de  rendement  de  ses  chemins  de  fer 
en  temps  de  guerre. 

Alors  qu'au  l*''"  janvier  1893  le  développement  de 
son  réseau  n'était  que  de  14.184  kilomètres,  il  atteindra 
prochainement  17.000  kilomètres  lorsque  les  compagnies 
aiiront  achevé  les  lignes  qu'elles  doivent  construire  avec 
le  concours  de  l'Etat. 

La  loi  du  30  décembre  1888  a  mis  à  la  disposition  du 

(1)  Au  1"  janvier  1900,  les  voies  ferrées  italiennes  avaient  un 
développement  de  15.883  kilomètres,  se  répartissant  ainsi  :  ré- 
seau de  la  Méditerranée,  5.825  kilomètres  ;  réseau  de  l'Adriati- 
que, 5.868  kilomètres;  réseau  de  Sicile,  1.099;  réseaux  divers  à 
voie  normale,  1.870;  réseaux  divers  à  voie  étroite,  1.210;  chemin 
de  fer  à  traction  électrique,  11.  (Note  du  traducteur.) 


DES    CHEMINS    DE    FER  211 

gouvernement  un  crédit  de  80  millions  de  lire  pour 
l'amélioration  du  réseau  ferré  (1). 

Toutes  les  lignes  qui,  partant  des  principales  villes, 
se  dirigent  vers  la  vallée  du  Pô  ou  qui  longent  ce  cours 
•d'eau  seront  pourvues  d'une  double  voie. 

Toutefois,  après  comme  avant,  le  point  faible  des 
chemins  de  fer  italiens  réside  dans  l'installation  défec- 
tueuse des  gares,  tant  de  fois  signalée.  De  toutes  parts, 
la  dii'ection  centrale  de  Rome  reçoit  à  ce  sujet  des 
plaintes  continuelles  et  parfaitement  justifiées,  aux- 
quelles, vu  l'état  lamentable  de  la  situation  financière, 
il  lui  a  été  jusqu'ici  impossible  de  donner  satisfaction 
d.'une  façon  complète.  Au  dire  des  spécialistes,  il  fau- 
drait consacrer  annuellement  3  millions  1/2  de  lire 
pour  obtenir  progressivement  une  amélioration  radicale 
de  la  superstructure  sur  toutes  les  lignes  d'une  impor- 
tance majeure  et,  en  particulier,  pour  remplacer  les 
rails  actuels  en  fer  par  des  rails  en  acier. 

Dans  l'extension  donnée  au  réseau  italien,  on  s'est 
proposé  un  double  objectif  : 

En  premier  lieu,  accélérer  la  concentration  straté- 
gique de  l'armée  sur  les  frontières  française  du  nord- 
ouest  et  autrichienne  du  nord. 


(1)  Malgré  les  sacrifices  consentis  par  l'Italie,  il  s'en  faut  encore 
de  beaucoup  que  son  matériel  de  chemins  de  fer  soit  à  hauteur 
des  exigences  économiques  et  militaires  du  royaume.  En  1899,  l'in^ 
suffisance  de  ce  matériel  n'a  pas  permis  aux  compagnies  de  trans- 
porter à  la  fois,  sans  léser  gravement  les  intérêts  du  commerce, 
les  troupes  revenant  des  manœuvres  et  les  corps  devant  changer 
de  garnison.  Le  gouv^ernement  italien  s'est  ému  de  cet  état  de 
choses,  qui  pouvait  être  cause  de  difficultés  considérables  au  mo- 
ment de  la  mobilisation.  C'est  pourquoi,  sur  la  proposition  du  mi- 
nistre des  Travaux  publics,  il  a  décidé  la  construction  immédiate 
de  111  locomotives,  4  automobiles,  458  voitures,  56  fourgons  et 
3.000  wagons  devenus  nécessaires  par  suite  de  l'augmentation  du 

trafic  des  compagnies  de  l'Adriatique  et  de  la  Méditerranée. 
Le  matériel,  qui  a  exigé  une  dépense  de  43  millions,  a  été  livré 

en  1900,  à  cause  de  l'Exposition  de  Paris  et  de  l'année  jubilaire 

à  Rome. 


212  HISTOIRE    ET   ORGANISATION 

En  second  lieu,  augmenter,  par  la  création  de  lignes 
secondaires,  la  capacité  de  rendement  des  deux  lignes 
uniques  de  pénétration,  celles  des  côtes  de  l'Adriatique 
et  de  la  Ligurie,  qui  relient  le  sud  et  le  centre  du 
royaume,  c'est-à-dire  la  presqu'île  proprement  dite,  avec 
le  théâtre  de  guerre  éventuel  de  la  basse  plaine  lom- 
barde. 

Enfin,  dans  le  développement  du  réseau  italien,  on 
constate  une  tendance  marquée  à  couvrir  les  nœuds  et 
les  points  terminus  des  voies  ferrées  par  des  forts  et  des 
forteresses  d'arrêt  établis  à  la  frontière  des  Alpes. 

Quant  à  l'importance,  au  point  de  vue  de  la  Triplice, 
des  lignes  italiennes,  il  faut,  à  ce  propos,  faire,  tout 
d'abord,  entrer  en  ligne  de  compte  ce  fait,  que  le  réseau 
de  l'Italie  est  séparé  du  reste  de  l'Europe  par  les  Alpes. 

Pour  la  concentration  de  son  armée  sur  les  frontières 
nord-ouest,  nord  et  nord-est,  le  royaume  ne  possède  que 
trois  lignes  traversant  son  territoire  du  sud  ou  nord 
dans  toute  sa  longueur;  il  disposera  d'une  quatrième 
voie  plus  courte  que  les  autres  après  l'aclièvement  des 
sections  Vérone  -  Bologne  et  Avezzano  -  Eaenza. 

A  ces  grandes  artères  il  convient  d'ajouter  une  quan- 
tité respectable  de  voies  secondaires  qui  sillonnent  la 
Lombardie. 

■Quand  bien  même,  avec  le  temps,  on  aura  terminé 
la  construction  d'un  grand  nombre  de  transversales  re- 
liant les  deux  littoraux,  il  restera  néanmoins  beaucoup 
à  faire  de  ce  côté  pour  rendre  possible  une  concentra- 
tion rapide  des  forces  de  l'Italie  sur  un  point  quel- 
conque de  son  immense  étendue  de  côtes. 

Comme  ckez  les  autres  puissances,  au  moment  de  la 
déclaration  de  guerre,  la  direction  générale  des  trans- 
ports en  cliemins  de  fer  passe  entre  les  mains  de  l'auto- 
rité militaire.  Le  soin  d'organiser  ce  service  sur  toutes 
les  lignes  incombe,  sous  la  direction  du  clief  de  l'état- 


DES    CHEMINS    DE    FER  213 

major,  à  la  deuxième  section  de  l'état-major  dont  dé- 
pend une  subdivision  appelée  direction  des  transports 
militaires. 

En  outre,  de  même  qu'en  France,  une  commission 
mixte,  composée  de  membres  militaires  et  tecliniques,  a 
été  instituée,  sous  le  nom  de  commission  centrale  des 
transports  militaires  en  cheviins  de  fer,  pour  étudier 
toutes  les  mesures  à  prendre  en  vue  d'assurer  l'exécu- 
tion   des    grands   transports    de    troupes   en    temps    de 


guerre. 


Cette  commission  comprend  : 

1°  Le  chef  d'état-major; 

2°  Un  officier  général  désigné; 

3"*  Le  chef  de  la  direction  des  transports  militaires 
de  l'état-major,  les  commissaires  militaires  des  chemins 
de  fer,  l'inspecteur  général  des  chemins  de  fer,  repré- 
sentant du  ministre  des  Travaux  publics,  les  directeurs 
de  l'exploitation  des  grandes  compagnies,  assistés  cha- 
cun d'un  haut  fonctionnaire  pris  dans  les  différentes 
spécialités; 

4°  Un  officier  d'état-major,  secrétaire. 

Pour  la  préparation  des  transports  militaires  de  tout 
genre,  il  existe,  dès  le  temps  de  paix,'à  E-ome,  Florence, 
Bologne,  Gênes,  Pise,  Naples,  Alexandrie,  Vérone,  An- 
cône,  Plaisance  et  Turin,  des  commissions  permanentes 
de  gares,  composées  de  :  un  capitaine,  un  officier  subal- 
terne, un  sous-officier,  avec  le  nombre  de  soldats  néces- 
saire. 

Ces  commissions  sont  sous  les  ordres  du  commande- 
ment militaire  de  la  station  de  leurs  garnisons  respec- 
tives. De  concert  avec  l'administration  des  chemins  de 
fer,  elles  ont  à  pourvoir  au  logement  des  troupes  de 
passage,  à  la  formation  des  trains  supplémentaires,  etc. 

A  signaler  le  soin  particulier  avec  lequel,  en  Italie, 
on  dresse  les  officiers  au  service  des  chemins  de  fer; 


214  HISTOIRE    ET    OllGAXISATIOX 

tous  les  ans  ont  lieu,  pendant  quatre  mois,  des  cour» 
spéciaux  auxquels  assistent  des  officiers  de  toutes  armes, 
sauf  la  cavalerie  (1). 

En  1890,  à  l'exemple  des  autres  grandes  puissances, 
l'Italie  a  doté  son  armée  d'une  troupe  tecknique  com- 
posée d'hommes  connaissant  le  service  des  chemins  de 
fer  et  dont  la  mission  principale  consiste,  en  temps  de 
guerre,  à  détruire  les  voies  ferrées,  à  rétablir  celles  qui 
ont  été  détruites  et  à  en  construire  de  nouvelles,  desti- 
nées à  être  utilisées  exclusivement  pour  les  besoins  de 
l'armée. 

Cette  troupe  spéciale,  qui  est  chargée  de  l'instruction 
du  personnel  appelé  à  encadrer  les  compagnies  d'exploi- 
tation (Comjmgnie  d'exercizio)  recrutées  parmi  les  em- 
ployés de  chemins  de  fer  astreints  au  service  militaire, 
porte  le  nom  de  brigade  des  chemins  de  fer  (Brigata 
ferrovieri).  Afin  de  pousser  à  fond  son  instriiction  tech- 
nique, on  lui  a  confié  le  service  ordinaire  de  l'exploita- 
tion sur  la  ligne  Turin  -  Torre  -  Pellice  et  sur  l'embran- 
chement Bricherario  -  Barge;  mais  elle  n'a  pas  à  s'occu- 
per de  la  partie  financière  ni  de  l'entretien  de  la  voie. 
Le  traité  conclu,  dans  ce  but,  avec  l'administration 
civile  est  valable  pour  cinq  années. 

En  temps  de  paix,  la  brigade  des  chemins  de  fer  com- 
prend :  20  officiers  et  800  hommes.  L'effectif  de  chaque 


(1)  En  1899,  85  officiers  subaiternes  d'infanterie  et  de  cavalerie 
(41  en  activité,  44  en  service  auxiliaire  ou  de  complément)  ont 
suivi  les  cours  d'exploitation  militaire  des  stations  de  chemins 
de  fer,  sous  la  direction  du  conimandenient  du  corps  d'état-major. 
Le  cours,  dont  la  durée  totale  a  été  de  deux  mois,  s'est  divisé  en 
deux  périodes,  savoir  : 

Deux  semaines  d'instruction  théorique  reçue  au  siège  de  cha- 
que groupe  (Turin,  Bologne,  Rome)  ; 

Six  semaines  d'instruction  pratique  donnée  dans  les  stations 
de  chemins  de  fer  auxquelles  avaient  été  affectés  les  officiers, 

(Circulaire  du  ministre  de  la  Guerre  italien,  en  date  du  21  jan- 
vier 1899.  Information  donné  par  la  Hcvuc  militaire  fiançaisc^ 
n»  855,  page  162.) 


DES    CHEMINS    DE    FER  215 

compagnie  sur  le  pied  de  guerre  est  de  5  officiers,  240 
hommes,  26  chevaux  et  5  voitures.  En  outre,  à  la  mobi- 
lisation, il  est  créé  8  compagnies  de  chemins  de  fer  à 
800  hommes,  avec  le  personnel,  encore  soumis  à  la  loi 
militaire,  des  réseaux  de  la  Méditerranée  et  de  l'Adria- 
tique. 


VI 
Conclusion. 


Vav  les  considérations  qui  précèdent,  je  crois  avoir 
réussi  à  montrer  au  lecteur  comment  s'est  modifiée  la 
situation  respective  des  moyens  de  transport  en  général 
et  des  besoins  nouveaux  créés  par  les  méthodes  de  la 
guerre  moderne  et  la  puissance  du  nouvel  armement. 
La  guerre  de  l'avenir  deviendra  de  plus  en  plus  une 
lutte  dans  le  domaine  technique,  et  la  victoire  définitive 
appartiendra  à  celui  qui  pourra  disposer  de  l'organisa- 
tion la  plus  perfectionnée. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  constatation  enlève  beaucQup 
de  son  côté  idéal  à  la  guerre  qui,  selon  l'expression  de 
Moltke,  est  une  institution  d'ordre  divin,  destinée  à 
développer  les  plus  nobles  vertus  de  l'humanité. 

Grâce  aux  voies  ferrées,  les  armées  du  temps  présent 
ne  sont  plus,  comme  autrefois,  liées  d'une  façon  invaria- 
ble à  une  ligne  de  communication  unique,  et  leurs 
succès  ou  leurs  revers  ne  dépendent  plus  de  la  posses- 
sion ou  de  la  perte  d'un  seul  des  éléments  de  leur  force. 
Elles  ne  font  plus  qu'un  avec  la  région  sillonnée,  en 
arrière  d'elles,  par  les  chemins  de  fer  et  se  trouvent 
ainsi  en  contact  intime  avec  la  totalité  du  sol  de  la 
mère  patrie. 

La  guerre  de  l'avenir  se  manifestera  avec  une  puis- 
sance de  destruction  inconnue  jusqu'à  ce  jour;  im- 
menses comme  les  armées  seront  les  catastrophes  qu'elle 
entraînera  à  sa  suite. 

C'est  pour  nous  une  grande  consolation  de  constater 


HISTOIRE    ET    OKGAXISATION   DES    CHEMINS    DE    EER  217 

que  si,  dans  les  campa  gués  futures,  les  chemins  de  fer 
sont  appelés  forcément  à  remplir,  dans  les  directions 
les  plus  opposées  et  sur  les  points  décisifs,  une  mission 
plus  importante  que  par  le  passé  et  dont  ils  sont  les 
seuls  à  assumer  la  ckarge,  leur  emploi  aura,  comme 
conséquence  primordiale,  de  hâter  le  dénouement,  d'en 
accentuer  la  violence  et  d'abréger  ainsi  les  souffrances, 
les  sacrifices  et  les  ravages  causés  par  la  guerre. 

Selon  toute  probabilité,  la  bataille  de  l'avenir  résul- 
tera d'une  concentration  des  armées  encore  plus  rapide 
et  plus  foudroyante  que  toutes  celles  enregistrées  jus- 
qu'ici dans  l'histoire  des  chemins  de  fer;  les  luttes  de- 
vant nécessairement  être  d'autant  plus  courtes  que 
l'armement  est  devenu  plus  perfectionné,  les  obliga- 
tions imposées  aux  voies  ferrées  s'accroîtront  désormais 
dans  une  proportion  gigantesque  (1). 


(1)  Bien  que  le  projet  du  canal  de  l'Elbe  au  Rhin  ne  soit  pas 
dû  à  l'initiative  propre  de  l'autorité  militaire,  ce  serait  une  er- 
reur de  croire  que  celle-ci  se  désintéresse  totalement  de  la  cons- 
truction de  cette  nouvelle  ligne  de  communication,  car  elle 
attache  le  plus  grand  prix  à  l'utilisation,  en  temps  de  guerre, 
des  voies  de  communication  par  eau.  Cela  ressort  clairement  des 
déclarations  concordantes  faites,  en  1899,  à  la  commission  du 
canal,  par  le  général  von  Gossler,  ministre  de  la  Guerre,  et  par 
le  colonel  Budde,  chef  de  la  section  des  chemins  de  fer  du  grand 
état-major.  Il  résulte  de  ces  déclarations  que,  depuis  la  guerre 
de  1870-71,  on  a  fait  d'immenses  préparatifs  pour  organiser  mi- 
litairement la  navigation  intérieure  et  pour  en  tirer  parti  dans 
la  conduite  des  opérations.  On  a  adopté,  à  cet  effet,  des  disposi- 
tions analogues  à  celles  prévues  pour  l'emploi  des  chemins  de 
fer,  en  temps  de  guerre. 

Ce  sont  précisément  les  leçons  recueillies,  de  part  et  d'autre, 
pendant  la  campagne  de  1870-71,  qui  ont  donné  l'idée  de  faire 
des  préparatifs  de  ce  genre.  Si,  à  cette  époque,  le  service  de  la 
navigation  intérieure  avait  été  doté  d'une  organisation  militaire 
et  si  nous  avions  prévu  les  difficultés  que  devait  rencontrer 
l'exploitation  des  voies  ferrées,  nous  eussions  pu  utiliser  sur  une 
vaste  échelle  le  Rhin,  la  Moselle,  ainsi  que  le  canal  de  la  Marne 
au  Rhin  et  les  autres  lignes  d'eau  françaises.  Ce  fait  eût  été 
de  la  plus  haute  importance  pour  le  siège  de  Paris  en  particu- 
lier. Les  services  que  les  chemins  de  fer  peuvent  rendre  sont  su- 
bordonnés à  une  exploitation  méthodique,  au  soin  avec  lequel 
Orgaa.  cliem.  île  fer.  l'j. 


218  HISTOIRE    ET    ORGANISATIOX 

En    présence    du   développement   des   masses   armées 
mobilisées  et  de  l'augmentation  de  la  puissance  de  l'ar- 


ou  a  su  préparer  la  mise  en  mouvement  de  tous  les  rouages  de  cet 
organisme  délicat.  11  est  possible  de  satisfaire  à  ces  conditions 
jusqu'à  l'achèvement  de  la  concentration,  parce  que,  jusque-là, 
toutes  les  mesures  ont  été  prises,  à  l'avance,  pour  un  emploi  ra- 
tionnel des  voies  ferrées.  Mais,  au  cours  des  opérations,  la  guerre 
subit  des  fluctuations  continuelles;  de  nouveaux  besoins  à  satis- 
faire, surgissant  presqtie  toujours  à  l'improviste,  occasionnent 
dans  le  fonctionnement  du  service  des  troubles  qui  ont  un  reten- 
tissement sur  la  capacité  de  rendement  des  lignes  jusque  dans 
l'intérieur  du  pays.  C'est  ce  que  le  colonel  Budde  a  démontré, 
d'une  façon  saisissante,  par  de  nombreux  exemples  tirés  de  l'his- 
toire des  chemins  de  fer  français  et  allemands,  pendant  la  der- 
nière guerre.  On  peut  être  certain  que  l'état-major  général,  de 
concert  avec  les  administrations  de  chemins  de  fer,  a  tout  prévu 
pour  éviter,  autant  que  possible,  le  retour  des  encombrements 
qui  se  sont  produits,  à  cette  époque,  après  l'achèvement  des 
transports  stratégiques  ;  toutefois,  il  n'est  au  pouvoir  de  per- 
sonne de  modifier,  en  quoi  que  ce  soit,  les  exigences  de  la  guerre, 
qui  ont  pour  caractère  propre  d'être  essentiellement  variables, 
ou  les  nécessités  de  l'exploitation  des  voies  ferrées,  dont  la  con- 
dition primordiale  est  la  régularité. 

En  conséquence,  la  direction  suprême  des  armées  doit  chercher 
à  utiliser  simultanément  tous  les  moyens  de  communication  : 
voies  de  terre  et  d'eau,  voies  ferrées  ordinaires  et  chemins  de  fer 
de  campagne.  Chacun  d'eux  a  ses  points  forts  et  ses  points  fai- 
bles, avec  lesquels  il  faut  compter.  Par  suite  de  désordres,  d'acci- 
dents, d'encombrements,  de  défaut  de  charbon,  de  manque  de 
personnel  ou  de  matériel,  les  chemins  de  fer  viennent-ils  à  refuser 
éventuellen\ent  le  service,  le  commandement  peut  alors  recourir 
aux  voies  de  terre  et  d'eau,  qui,  du  reste,  doivent,  d'une  façon 
constante,  soulager  et  compléter  les  chemins  de  fer,  autant  que 
la  chose  est  en  leur  pouvoir?  Depuis  1871,  notre  réseau  a  pris 
une  grande  extension  et  réalisé  des  progrès  réels  au  point  de  vue 
de  l'exploitation  ;  mais,  en  revanche,  les  besoins  auxquels  il 
devra  satisfaire,  dans  une  prochaine  guerre,  se  sont  accrus  dans 
des  proportions  colossales.  Il  faudra  du  temps  pour  rassembler 
et  expédier  tout  ce  qui  leur  est  nécessaire  aux  millions  de  com- 
battants que  les  luttes  futures  mettront  en  présence.  Telle  est 
cependant  la  tâche  qui  incombera  au  généralissime;  la  puissance 
en  faveur  de  laquelle  ce  redoutable  problème  aura  reçu  la  meil- 
leure solution  ne  deA'ra  jamais  désespérer  de  triompher,  à  la  lon- 
gue, de  so?\  adversaire.  Il  est  donc  indispensable  d'utiliser  tous 
les  moyens  de  transport,  sans  exception,  pour  relier  les  immenses 
armées  modernes  avec  la  mère  patrie.  Un  simple  coup  d'œil  sur 
la  carte  montre  que  les  grands  cours  d'eau  allemands,  tels  que  le 
Rhin,  à  l'ouest,  la  Vistule  et  le  Frisch-hafF,  la  Varthe  et  la 
Netze,   enfin  l'Oder  à  l'est,   représentent  des  bases  d'opérations 


DES    CHEMINS   DE    FER  219 

mement,  le  nombre  et  la  qualité  des  moyens  de  trans- 
port occuperont  une  place  de  plus  en  plus  grande, 
parce  que,  dans  la  prochaine  guerre,  il  faudra  renchérir 


naturelles,  capables  d'assurer  le  ravitaillement  des  niasses  alle- 
mandes mobilisées. 

Que  l'emploi  des  lignes  fluviales  ait  été  prévu  dans  tous  ses 
détails,  c'est  un  fait  connu  de  tout  le  inonde  ;  mais  que  nous 
manquions  encore  d'une  communication  par  eau  entre  les  deux 
bases  d'opérations  de  l'Est  et  de  l'Ouest,  cela  ressort  de  l'examen 
de  la  carte.  Suppose-t-on  cette  communication  établie,  dès  lors 
nous  disposons  d'un  puissant  moyen  de  transport  pour  constituer, 
à  proximité  de  chaque  frontière,  tous  les  approvisionnements 
indispensables  aux  armées  pendant  tout  lo  temps  où,  sur  les 
chemins  de  fer,  absorbés  par  la  mobilisation  et  la  concentration, 
les  mouvements  de  matériel  auront  dû  être  suspendus  d'une 
façon  absolue.  Durant  cette  période,  les  vivres,  les  munitions, 
le  matériel  de  l'artillerie  et  du  génie,  ainsi  que  les  approvision- 
nements du  service  de  santé  seront  amenés  sur  la  base  d'opé- 
rations, en  suivant  les  voies  navigables,  moins  rapides,  il  est 
vrai,  que  les  chemins  de  fer.  Là,  après  avoir  été  triés  et  mis 
en  ordre,  ils  seront  déposés  dans  de  vastes  magasins  de  con- 
centration, de  façon  que  leur  lotissement  corresponde  aux  besoins 
journaliers  de  l'armée.  Par  ce  moyen,  on  évitera  le  surmenage 
que  nous  avons  imposé  à  nos  chemins  de  fer  en  1870.  La  ligue 
d'eau,  avec  ses  installations  et  ses  bassins,  peut  servir  de  n\aga- 
sin;  par  contre,  la  ligne  ferrée  exige  un  retour  rapide  des  wa- 
gons, retour  sur  lequel  on  peut  rarement  compter,  en  temps  de 
guerre^  quand  il  s'agit  de  transporter  d'énormes  quantités  de  ma- 
tériel. C'est  pourquoi  le  canal  du  Ehiu  à  l'Elbe  sera  un  auxiliaire 
précieux  pour  approvisionner  la  base  de  concentration  aussi 
bien  à  l'est  qu'à  l'ouest.  Il  servira,  en  outre,  à  débarrasser  l'ar- 
mée de  tous  ses  impedimenta  ;  malades,  blessés,  prisonniers,  pri- 
ses, etc.,  seront  avantageusement  transportés  par  eau.  Ainsi 
soulagées,  les  voies  ferrées  pourront  rester  ouvertes  dans  une 
plus  large  mesure  au  trafic  privé,  lequel,  en  temps  de  guerre,  par 
suite  du  bouleversement  de  toutes  les  conditions  économiques, 
subit,  comme  le  prouve  l'expérience,  une  rapide  extension  et  des 
frottements  nombreux.  De  plus,  grâce  à  ce  canal,  les  travaux  de 
l'industrie  et  de  l'agriculture  se  trouveront  préservés^  de  la  sta- 
gnation pendant  que  les  chemins  de  fer  seront  accaparés,  en  tota- 
lité ou  en  partie,  par  les  services  de  l'armée.  Même  pendant  la 
guerre,  ledit  canal  aura  donc  une  grande  valeur  au  point  de  vue 
économique.  Les  Français  attachent  aux  communications  par 
eau  une  telle  importance  qu'après  1870,  sur  la  proposition  de 
deux  anciens  ministres  de  la  Guerre,  MM.  Krantz  et  de  Freyci- 
net,  ce  dernier  bien  connu  pour  l'énergie  qu'il  a  déployée  comme 
membre  de  la  Défense  nationale,  ils  ont  donné  à  leurs  voies  navi- 
gables un  développement  gigantesque  en  s'inspirant  uniquement 
de  considérations  stratégiques;  c'est  ce  dont  la  commission  du 


220  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

eiiculo  sur  les  services  rendus  par  les  voies  ferrées  en 
1870. 

Par  conlre,  robligation,  pour  les  grands  Etats  euro- 
péens, d'appeler  sous  les  armes  tonte  leur  population 
valide,  en  utilisant  dans  ce  but  l'organisation  savante 
de  leur  réseau  stratégique,  constitue  une  garantie  de 
plus  pour  le  maintien  de  la  paix.  Cette  garantie  s'ac- 
corde, du  reste,  également  bien  avec  les  intérêts  des 
nations  dont  la  neutralité  est  placée  sous  la  sauvegarde 
des  principales  puissances  de  l'Europe.  Quiconque  a  ré- 
flécbi  sur  la  situation  respective  de  ces  dernières  sera 
persuadé  qu'une  lutte  engagée  entre  deux  quelconques 
d'entre  elles  ne  restera  pas  circonscrite  entre  les  pre- 
miers belligérants  et  deviendra,  au  contraire,  le  signal 
d'une  conflagration  générale. 

Il  n'y  aura  plus,  dès  lors,  un  seul  peuple  en  mesure 
de  jeter  le  poids  de  ses  armes  dans  la  balance,  pour  la 
faire  peucber  en  faveur  du  maintien  de  la  neutralité 


canal  a  pu  se  rendre  compte  par  l'examen  des  cartes  qui  lui  ont 
été  mises  sous  les  yeux. 

Invité,  en  1883,  à  donner  son  avis  à  propos  des  canaux  de 
Dortn)und  à  l'Ems  et  du  Rhin  à  l'Elbe,  le  maréchal  de  Moltke, 
alors  chef  du  grand  état-major  prussien,  s'est  exprimé  comme  il 
suit  : 

«  Dans  l'intérêt  de  la  défense  nationale,  il  importe  au  plus  haut 
point  c_[ue  ces  deux  projets  soient  mis  à  exécution.  » 

Il  déclarait,  en  outre,  que  le  canal  du  Rhin  à  l'Elbe,  aujourd'hui 
à  l'étude,  serait  beaucoup  plus  utile  que  celui  actuellement  creusé 
entre  Dortmund  et  l'Ems. 

En  résumé,  le  canal  du  Rhin  à  l'Elbe,  projeté  pour  répondre  à 
des  intérêts  économiques,  est  considéré  par  l'administration  de 
la- Guerre  non  pas  seulement  comme  une  nouvelle  et  puissante 
ligne  de  communication,  indépendante  des  voies  ferrées  et  des- 
tinée à  relier  les  bases  d'opérations  des  deux  théâtres  de  la  guerre 
situés  à  l'est  et  à  l'ouest  de  l'Empire,  mais  aussi  comme  une  base 
d'opérations  autonome  pouvant  être  utilisée  en  prévision  d'une 
attaque  éventuelle  dirigée  contre  nos  frontières  maritimes. 

Il  est  donc  permis  d'attribuer  à  ce  canal  un  rôle  capital  dans 
la  défense  de  la  patrie  allemande. 

«  Die  Zul<unft  Drutschlands  hàngt  von  dcm  Aushau  sciner 
Wassrrstrasscn  ah.  »  (Guillaume  II.) 


DES    CHEMINS    DE    FEE  221 

des  Etats  auxquels  elle  a  été  garantie.  Les  gouverne- 
ments de  ces  Etats,  tels  que  la  Belgique  (1)  et  la  Suisse 


(1)  TJn  coup  d'œil  sur  la  carte  montre  l'importance,  pour  l'Al- 
lemagne et  la  France,  de  la  position  de  la  Belgique  enclavée  dans 
l'angle  aigu  formé  par  les  limites  des  deux  pays;  un  coup  d'œil 
sur  l'histoire  militaire  prouve  combien  ont  été  fréquentes,  sur  ces 
points,  les  luttes  décisives  entre  l'Est  et  l'Ouest. 

Par  le  traité  de  1839,  la  neutralité  de  la  Belgique  a  été  placée 
sous  la  garanti©  des  cinq  grandes  puissances  -.  Angleterre,  France, 
Prusse,  Russie  et  Autriche;  en  1870,  à  la  suite  d'une  double  con- 
vention avec  la  France  et  la  Prusse,  l'Angleterre  s'engagea  à 
protéger  cette  neutralité.  Quel  compte  sera-t-il  tenu  des  enga- 
gements pris,  dans  la  prochaine  guerre?  C'est  ce  que  l'avenir  nous 
dira. 

Quoi  qu'il  en  soit,  depuis  les  modifications  apportées  au  tracé  des 
frontières  en  1871,  l'importance  de  la  Belgique  s'est  considérable- 
ment accrue;  l'attention  s'est  surtout  portée  de  son  côté  en  1889, 
lorsque  la  guerre  fut  sur  le  point  d'éclater.  A  ce  moment,  elle  a 
reconnu  d'elle-même  l'obligation  de  se  préparer  sérieusement  à 
l'éventualité  d'une  lutte,  comme  le  dénotent  l'impulsion  énergique 
imprimée  à  la  mise  en  état  de  défense  de  son  territoire  et,  en 
particulier,  la  construction  des  fortifications  de  la  Meuse,  qui 
forment,  au  Sud,  la  ligne  avancée  de  son  grand  réduit  fortifié 
d'Anvers. 

Déjà,  en  1870,  de  Moltke  avait  envisagé,  mais  à  titre  acces- 
soire seulement,  l'invasion  de  la  Belgique  par  l'armée  française. 
A  cette  époque,  l'offensive  française  ne  pouvait  avoir  lieu  qu'en 
partant  de  la  base  Strasbourg  -  Metz,  car,  de  ce  côté,  la  fron- 
tière allemande  n'était  défendue  que  par  un  petit  nombre 
de  forteresses  incomplètement  armées.  D'autre  part,  l'attentioni 
des  Français  était  partagée  entre  l'Allemagne  du  Nord  et  l'Alle- 
magne du  Sud  ;  par  une  pointe  audacieuse  et  soudaine,  ils  pou- 
vaient, en  effet,  séparer  la  Confédération  du  Sud  et  celle  du 
Nord  et  contraindre  la  première  soit  à  rester  neutre,  soit  à  s'unir 
à  eux.  Aujourd'hui,  la  base  Metz  -  Strasbourg  appartient  à  l'Al- 
lemagne et  s'appuie  à  deux  places  fortes  de  premier  ordre  ;  par 
contre,  placée  vis-à-vis  de  l'Allemagne,  solidement  unifiée,  la 
France  serait  obligée  de  porter  son  offensive  au  cœur  de  sa  rivale, 
c'est-à-dire  sur  Berlin. 

Une  ligne  droite  tirée  entre  Paris  et  Berlin  coupe  la  Belgique, 
suivant  une  direction  marquée  par  le  cours  de  la  Sambre  et  celui 
de  la  Meuse,  entre  Namur  et  Liège.  C'est  donc  la  ligne  d'invasion 
la  plus  courte  et,  partant,  la  plus  rationnelle  pour  les  Français, 
qui,  par  surcroit,  trouveraient  une  puissante  base  d'opérations 
dans  leur  rideau  de  places  frontières  qui  s'étend  de  la  mer  du 
Nord  à  Verdun  et  forme,  avec  la  ligne  d'invasion  ci-dessus,  un 
angle  d'environ  90*'.  Ces  forteresses  qui,  comme  nous  le  savons, 
se  présentent,  à  l'heure  actuelle,  sous  la  forme  de  solides  camps 
retranchés,  sont  reliées  entre  elles  par  des  forts  d'arrêt  et  consti- 


222  HISTOIRE    ET    ORGANISATION 

par  exemple,  qui  paraissent  le  plus  menacées,  ont  par- 
faitement   compris  que,    pour  assurer  l'inviolabilité  de 


tuent  une  cliaine  ininterrompue  tout  le  long  des  frontières  de 
la  Belgique  et  de  l'Allemagne.  Elles  sont  renforcées  en  arrière 
par  une  seconde  et  même  uue  troisième  ligne  de  grandes  places 
fortes  dont  Paris  marque,  en  dernier  lieu,  le  réduit  central.  Dans 
la  première  ligne,  on  a,  à  dessein,  ménagé  deux  trouées  dont  l'une 
• —  située  entre  Epinal  et  Toul  —  fait  face  à  l'Allemagne,  et 
l'autre  à  la  Belgique.  Cette  deuxième,  désignée  sous  le  nom  de 
trouée  de  VOise,  est  comprise  entre  lîocroy  et  Maubeuge,  c'est-à- 
dire  précisément  entre  Sambre  et  Meuse  ;  elle  a  une  étendue  de 
54  kilomètres  avec,  au  centre,  un  seul  fort  d'arrêt,  celui  d'Hir- 
son. 

Ce  vaste  rideau  défensif  présente  une  barrière  absolue,  der- 
rière laquelle  la  concentration  et  le  déploiement  des  forces  fran- 
çaises s'effectueront  en  toute  sécurité.  Les  trouées  qu'on  y  a  mé- 
nagées peuvent  être  considérées,  en  quelque  sorte,  comme  des 
portes  de  sortie  destinées  à  permettre  aux  armées  rassemblées 
de  prendre  l'offensive  et,  au  besoin,  de  refluer  en  arrière,  le  cas 
échéant,  sans  se  cramponner  à  une  place  forte,  comme  le  fait 
s'est  produit  sous  Metz,  en  1870. 

La  formation  de  deux  armées  sur  les  frontières  belge  et  alle- 
mande, avec  une  armée  de  réserve  à  Châlons  susceptible  de  ren- 
forcer, avec  une  égale  rapidité,  l'une  ou  l'autre  des  précédentes, 
est  une  éventualité  à  laquelle  il  est  logique  de  songer.  Tout 
d'abord,  une  offensive  française  prononcée  contre  le  Rhin  moyen 
par  les  deux  premières  armées  constituant  la  masse  principale 
se  heurterait,  comme  dans  la  dernière  guerre,  aux  plus  grandes 
difficultés. 

Autrement,  il  y  aurait  lieu  de  prendre  l'offensive  par  la  Belgi- 
que, en  concentrant  de  ce  côté  le  gros  des  forces,  tandis  qu'une 
armée  plus  faible,  appuyée  sur  les  camps  retranchés  et  les  forts 
d'arrêt  de  l'Est,  ferait  uue  démonstration  contre  la  frontière 
allemande. 

Les  fortifications  élevées  récemment  par  la  Belgique  sur  la  ligne 
de  la  Meuse  font  face  au  sud-est  et  semblent,  par  conséquent, 
dirigées  bien  plus  contre  l'Allemagne,  sa  voisine  à  l'est,  que  con- 
tre la  France,  à  laquelle  elle  confine  à  l'ouest.  Contre  une  inva- 
sion venant  de  cette  direction,  aucun  ouvrage  ne  couvre  la  région 
occidentale  belge  oii  se  trouvent  Bruxelles,  la  capitale,  et  les 
grandes  villes  de  Bruges,  Gand,  Malines,  Courtrai,  etc. 

Or,  une  attaque  des  Français  qui  voudraient  pénétrer  de  ce 
côté  en  Belgique  (c'est-à-dire  au  nord  de  la  ligne  Namur  -  Liège) 
aurait  précisément  les  plus  grandes  chances  de  réussite,  puis- 
qu'elle prendrait,  comme  base  d'opérations,  les  fortifications  de 
la  frontière  du  nord-est  dont  les  camps  retranchés  de  Lille  et  de 
Maubeuge  constituent  les  deux  principaux  points  d'appui. 

Cette  pénétration  pourrait  avoir  lieu  sans  qu'il  soit  besoin 
d'utiliser  l'antique  voie  d'invasion  qui  longe  le  cours  moyen  de 


DES    CHEMINS    DE    FEE.  223 

leur  territoire,  ils  devaient  se  préparer  à  opposer  une 
résistance  désespérée  à  celui  des  deux  belligérants  qui 
serait  tenté  d'y  porter  atteinte. 


la  Meuse,  car  elle  aurait  à  sa  disposition  les  nombreuses  voies 
de  communication  qui  conduisent  du  nord-est  de  la  France  en 
Belgique  ou  qui  suivent  la  vallée  de  la  Sambre.  En  fait,  les  forti- 
fications de  la  Meuse  n'ont  d'autre  résultat  que  de  barrer  aux 
forces  françaises  la  route  do  la  Meuse. 

En  outre,  si  les  Français  (passant  au  sud  de  la  ligne  Namur  - 
Liège)  prennent  pour  objectif  le  bassin  inférieur  du  Rhin,  ils 
peuvent  également  se  passer  de  la  route  de  la  Meuse,  car,  de 
iios  jours,  les  Ardennes  et  l'Eiffel  offrent,  au  point  de  vue  des 
communications,  assez  de  ressources  pour  qu'on  ne  les  considère 
plus  comme  des  obstacles  infranchissables  aux  armées.  Enfin,  la 
France  ne  regarderait  sans  doute  pas  à  violer  la  neutralité  du 
Luxembourg,  si  le  succès  de  ses  opérations  devait  dépendre  de 
cette  violation. 

La  ligne  des  fortifications  de  la  Meuse  ne  se  compose  pas  d'une 
série  ininterrompue  d'ouvrages,  mais  bieli  de  deux  groupes  prin- 
cipaux dont  les  forts  peuvent  croiser  leurs  feux.  Tels  sont  les 
deux  vastes  camps  retranchés  de  Liège  et  de  Namur,  établis  aux 
deux  points  de  passage  les  plus  importants  de"  la  Meuse  et  de  la 
Sambre. 

Par  ses  ouvrages  avancés  de  l'Est,  Liège  tient  sous  son  canon 
une  partie  du  territoire  hollandais  de  Maëstriclit  ;  par  suite  —  et 
c'est  là  un  fait  capital  au  point  de  vue  politique  —  Liège  ne  peut 
être  investi  à  l'Est  sans  que  le  corps  d'investissement  viole  la 
neutralité  de  la  Hollande.  La  distance  comprise  entre  les  forts 
extrêmes  de  Liège  et  Namur  n'est  que  de  38  kilomètres,  dont  la 
majeure  partie  est  battue  par  le  canon  des  deux  places.  Une  ar- 
mée qui  tenterait  de  passer  dans  cet  intervalle  s'exposerait  donc,  ' 
à  coup  sûr,  à  une  attaque  de  flanc  prononcée  par  les  garnisons  de 
chacun  des  camps  retranchés.  Des  ouvrages  avancés  de  Namur  à 
la  frontière  française,  on  compte  51  kilomètres  et  56  jusqu'à  la 
place  de  Maubeuge.  Par  suite,  comme  la  remarque  en  a  été  faite, 
il  est  facile  à  des  forces  françaises  partant  de  Maubeuge  de 
tourner  le  flanc  ouest  de  la  ligne  fortifiée  de  la  Meuse.  Dans 
l'hypothèse,  oii,  d'après  les  prévisions  de  l'état-major  belge,  la 
supériorité  numérique  des  Français  obligerait  l'armée  belge  à 
chercher  un  refuge  dans  le  réduit  central  d'Anvers  et  dans  les 
camps  retranchés  de  Namur  et  de  Liège,  l'envahisseur  se  résou- 
drait très  probablement  à  laisser  derrière  lui  un  corps  d'observa- 
tion d'un  effectif  égal  à  celui  de  l'armée  belge.  Mais,  pour  que  la 
France  se  prive  ainsi  d'une  fraction  notable  de  ses  troupes  de 
campagne,  il  est  nécessaire  que  les  fortifications  du  réduit  cen- 
tral et  celles  de  la  Meuse  soient  organisées  en  prévision  d'une 
offensive  de  ce  genre.  Dans  ces  conditions,  elles  ôteront  à  cette 
puissance  toute  velléité  de  traverser  la  Belgique  et  assureront  à 
cette  dernière  la  meilleure  chance  qui  lui  reste  de  ne  pas  être 


224  HISTOIRE    ET    ORGANISATION   DES    CHEMINS    DE    FER 

En  1870,  la  neutralité  belge  a  été  respectée  parce  que 
les  deux  adversaires  y  ont  trouvé  chacun  leur  compte. 
En  sera-t-il  de  même  dans  la  prochaine  guerre  ?  C'est 
ce  que  l'avenir  nous  dira. 


englobée  dans  une  grande  guerre  continentale,  car  sa  situation 
serait  identique  si  l'agression  venait  de  l'Allemagne. 

De  ces  considérations,  auxquelles  il  convient  d'ajouter  celles 
relatives  à  la  défense  de  la  vallée  de  la  Meuse  et  de  ses  points 
de  passage,  il  résulte  que  les  fortifications  de  Liège  et  de  Namur, 
de  concert  avec  le  camp  retranché  d'Anvers,  sont  appelées  à 
jouer  un  rôle  capital  dans  les  destinées  de  la  Belgique. 

Et,  pour  finir,  nous  citerons  l'opinion  émise,  après  la  campagne 
de  1870-71,  par  M.  Thiers,  à  savoir  que,  dans  la  prochaine  guerre, 
c'est  par  la  Belgique  que  la  France  devra  attaquer  l'Allemagne. 


PIN. 


TABLE  DES  MATIERES 


Pages . 

Avant-propos 7 

PREMIERE  PARTIE. 

EMPLOI  DES   CBDEMINS  DE  FER  EN  TEMPS  DE  aUERRE. 

I.  Introduction.  .  .  .  9 

II.  Application  des  chemins  de  fer  à  la  stratégie.  Concen- 
tration des  armées  par  voies  ferrées 13 

III.  Conditions  à  remplir  par  les  lignes  et  le  matériel  rou- 
lant d'un  réseau  ferré  répondant  aux  nécessités  de  la 
guerre  moderne. 20 

IV.  Du  rendement  des  voies  ferrées 25 

V.  Emploi  des  chemins  de  fer  dans  les  guerres  contempo- 
raines   28 

VI.  Application  des  chemins  de  fer  à  la  tactique  pure.  ...  56 

VII.  Emploi  tactique  des  chemins  de  fer  de  forteresses. ...  69 

DEUXIEME  PARTIE. 

ORGANISATION   MILITAIRE  DES    CHEMINS   DE   FER 
CHEZ   LES   PRINCIPALES   PUISSANCES. 

I.  Allemagne 85 

II.  France.  .  . 122 

III.  Russie 174 

IV.  Autriche-Hongrie 205 

V.  Italie 209 

Conclusion.  .  .  .  . 216 


226  TABLE   DES   MATIÈRES 


TABLE  DES  CROQUIS. 

Xignes  de  conceutiation  allomandes  en  1870 41 

Schéma  des  disponibilités  du  réseau  ferré  allemand l'H) 

Lignes  de  concentration  françaises  vers  la  frontière  du  Sud- 
Est : 144 

Schéma  des  disponibilités  du  réseau  ferré  français 172 


Paris  et  Limoges.  —  Imp.  milit.  Henri  Charles-Lavatjzelle. 


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