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Full text of "Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques : qui contient leur vie, le catalogue, la critique, le jugement, la chronologie, l'analyse et le dénombrement des différentes éditions de leurs ouvrages; ce qu'ils renferment de plus intéressant sur le dogme, sur la morale et sur la discipline de l'église; l'histoire des conciles; et les actes choisis des martyrs"

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in  2009  witin  funding  from 

Boston  Library  Consortium  IVIember  Libraries 


http://www.arcliive.org/details/liistoiregnra009ceil 


HISTOIRE  GÉNÉRALE 


DES 


AUTEURS  SACRÉS 


ET  ECCLËSIASTIOUES. 


ANGERS.  —  IMPRIMERIE  DE  COSNIER  ET  LACHÈSE. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE 


y 


DES 


AUTEURS  SACRÉS 

ET  ECCLÉSIASTIQUES 

QUI  CONTIENT 

LEUR    VIE,    LE    CATALOGUE,    LA    CRITIQUE,    LE    JUGEMENT,    LA    CHÎIONOLOGIE,    L'aNALYSE 

ET  LE  DÉNOMBREMENT  DES  DIFFÉRENTES  ÉDITIONS  DE  LEURS  OUVRAGES; 

CE  QU'ILS   RENFERMENT  DE  PLUS  INTÉRESSANT  SUR  LE  DOGME,  SUR  LA  MORALE   ET  SUR   LA  DISCIPLINE  DE   L'ÉGUSE, 

L'HISTOIRE  DES  CONCILES  TANT   GÉNÉRAUX  QUE  PARTICUUERS,   ET  LES  ACTES  CHOISIS   DES  MARTYRS, 

PARLER.P.DOMREMYaEILLIER 

y 
Bénédictin  de  la  (Congrégation  de  Saint-Vannes  et  de  Saint-Hydiilphe,  Coadjuteur  de  Flavignj. 

NOUVELLE  ÉDITION 

SOIGNEUSEMENT  REVUE,   CORRIGÉE,   COMPLÉTÉE  ET  TERMINÉE  PAR  UNE  TABLE  GÉNÉRALE  DES  MATIÈRES, 

PAR  IJJV  DIRECTEIIK  DE  CiRAlVU  SÉI«II]«A1KE:  , 

DÉDIÉE 

AU  CLERGÉ  CATEOLIQUE  FRANÇAIS 

HONORÉE  DES  SDFERAGES  DE  PLUSIEURS  ÉVEQUES, 


i  plusieurs  ïicaires  Généraux,  Directeurs  de  SémiuQires  et  d'un  grand  nomke  de  personnages 
de  la  France  et  des  pays  étrangers. 


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TOME  NEUVIEME 


PARIS 

CHEZ  LOUIS  VIVES,  LIBRAIRE^  ÉDITEUR 

3,    RUE   DELAMBRE,    5. 

1861 


TABLE 


DES   ARTICLES  ET  PARAGRAPHES 


CONTENUS   DANS  CE   VOLUME 


QUATRIEME  ET  CINQUIEME  SIECLES 

Pafes 

Art.  I".  Histoire  de  la  vie  de  saint  Augustin.      1 

Akt.  II.  Des  écrits  contenus   dans   le   premier 

tome  des  œuvres  de  saint  Augustin.     .    .    23 

§  I.  Des  deux  livres  des  Rétraclations.     .    .    23 

§  II.  Des  Confessions  de  saint  Augustin.   .    .    24 

§  III.  Des  livres  de  saint  Augustin  contre  les 

académiciens 37 

§  IV.  Du  livre  de  la  Vie  bienheureuse  .    .    .     iO 

§  v.  Des  deux  livres  de  l'Ordre 41 

§  VI.  Des  Soliloq'ues,  et  des  livres  de  l'Im- 
mortalité et  des  grandeurs  de  l'âme.    .    .    43 
§  VII.  Des  livres  de  la  Musique  et  dumaître.    il 
§  VIII.  Des  trois  livres  du  Libre  arbitre.    .    .    49 
§  is.  Des  deux  livres  de  la  Genèse  contre  les 

manichéens. _  .    .    54 

§  X.  Des  deux  livres  des  Mœurs  de  l'Église 

catholique,    contre  les  manichéens.    .    .    36 
§  XI.  Du  livre  de  la  Vraie  religion  et  de  la  Rè- 
gle de  saint  Àiigustin 61 

'    §  XII.  De  quelques  ouvrages  faussement  attri- 
bués à  saint  Augustin 64 

Art.  m.  Second  tome  des  œuvres  de  saint  Au- 
gustin  65 

§  I.  Des  lettres  de  la  première  classe.  ...    65 
§  II.  Des  lettres  de  la  seconde  classe.    ...    75 
§  III.  Troisième  classe  des  lettres  de  saint  Au- 
gustin   m 

§  IV.  Quatrième  classe  des  lettres  de  saint  Au- 
gustin  183 

§  y.  Des  lettres  faussement  attribuées  à  saint 

Augustin 194 

Art.  IV.  Des  écrits  contenus  dans  le  troisième 

tome 194 

§  I.  Des  quatre  livres  de  la  Doctrine  chrér 
tienne 19* 

IX. 


Pages 

§  iT.  Du  livre  Imparfait  sur  la  Genèse.  .  .  201 
§  III.   Des  douze  livres  sur  la  Genèse  à  la 

lettre 202 

§  IV.  Des  Façons  déparier  des  sept  premiers 
livres  de  la  Bible,  des  Questions  sur  la  Ge- 
nèse,  l'Exode,  le  Lévitique,  les  Nombres, 
le  Deutéronome,  Josué  et  les  Juges.     .    .  208 
§  V.  Des  Notes  sur  Job  et  du  Miroir  tiré  de 

l'Écriture 214 

§  VI.  De  l'Accord  des  évangélistes  et  du  Ser- 
mon sur  la  montagne 216 

§  VII.  Des  deux  livres  des  yMesHMissMj-gttei- 
ques  endroits  de  l'Evangile.     .....  220 

§  VIII.   Des  traités  sur  l'Évangile  et  l'Epitre 

de  saint  Jean 220 

§  IX.  De  l'Explication  de  l'Épître  aux  Ro- 
mains et  aux  Galates 228 

§  X.  Des    ouvrages  faussement    attribués    à 

saint  Augustin 229 

Art.  V.  Des  écrits  contenus  dans  le  quatrième 

tome.  Explication  des  Psaumes   ....  229 
Art.  VI.  Des  écrits  contenus  dans  le  cinquième 

tome 235 

§  I.  Des  sermons  sur  l'Écriture 235 

§  II.  Des  sermons  du  temps 239 

§  m.  Des  sermons  sur  les  fêtes  des  saints.  .  240 
§  IV.  Des  sermons  sur  divers  sujets.  .  .  ■  241 
§  V.  Des  sermons  qu'on  doute  être  de   saint 

Augustin 243 

§  VI.  Des  sermons  contenus  dans  l'Appendice 

du  cinquième   tome 244 

Art.  VII.  Des  ouvrages  contenus  dans  le  sixième 

tome 245 

§  I.  Des  Quatre-vingt-trois  questions.     .    .  245 

§  II.  Des  deux  livres  à  Simplicien 249 

§  III.  Des  Questions  à  Dulcitius 252 

a 


VI 


TABLE  DES  ARTICLES. 


Pages 

§  IV.  Des  livres  de  la  Croyance  des  choses 
qu' onne  voit  pas  ;  de  laFoi  et  du  symbole; 
de  la  Foi  et  des  bonnes  œuvres 2S4 

§  V.  Du  Manuel  à  Laurent  ou  du  traité  de 
la  Foi,  de  l'Espérance  et  de  la  Charité'.   .  258 

§  VI.  Du  Combat  chrétien  et  de  la  manière 
d'enseigner  les  principes  de  la  religion.   .  263 

§  VII.  Des  livres  de  la  Continence,  du,  bien 
du  mariage  et  de  la  sainte  virginité.    .    .  266 

§  VIII.  Des  livres  du  Bien  de  la  virginité,  et 
des  mariages  adultères 271 

§  i.x.  Des  deux  livres  du  Mensonge  et  contre 
le  mensonge 274 

§  X.  De  l'Ouvrage  des  moines,  des  Prédictions 
des  démons,  du  Soin  qu'on  doit  avoir  pour 
les  morts  et  de  la  Patience 277 

§  XI.  Des  sermons  du  Symbole,  dtla.  Culture 
de  la  Vigne  du  Seigneur,  du  Déluge,  de  la 
Persécution  des  barbares,  de  \a.  Discipline. 
de  VUtilité  du  jeûne,  de  la  Prise  de  Rome 
et  du  Nouveau  Cantique 283 

§  XII.  Des  ouvrages    faussement  attribués  à 

saint  Augustin 286 

Abt.  VIII.  Des  ouvrages  contenus  dans  le  sep- 
tième tome.  —  Des  livres  de  la    Cité  de 

Dieu 288 

Abt.  IX.   Des  ouvrages  contenus  dans   le  hui- 
tième tome 330 

§  t.  Du  traité  des  Hérésies  et  contre  les 
Juifs 339 

§  II.  De  VUtilité  de  la  foi  et  du  livre  des  Deux 
âmes  et  contre  Adimanle 332 

§  III.  Livre  contre  l'Épître  du  fondement, 
et  contre  Fauste  le  manichéen 338 

§  IV.  Des  deux  livres  contre  Félix  le  mani- 
chéen, des  livres  de  la  Nature  du  bien  et 
contre  Secondin 349 

§  V.  Des  livres  contre  l'Adversaire  de  la  loi 
et  des  prophètes 353 

§  VI.  Livre  à  Orose  contre  les  priseillianistes 
et  les  origénistes 356 

§  vu.  Des  écrits  contre  les  ariens.     •     .     .     .  3S7 

§  VIII.  Des  livres  sur  la  Trinité.      .    .    .    .361 

§  IX.  Des  ouvrages  faussement  attribués   à 

saint  Augustin 36s) 

Art.  X.  Des   ouvrages  contenus  dans   le  hui- 
tième tome 371 

g  I.  Psaume  de  saint  Augustin  contre  le  parti 
de  Donat,  et  livre  contre  Parménien.  .    .  374 

§  II.  Des  sept  livres  du  Baptême  contre  les 


Pages 

donatistes 380 

§  m.  Des   trois  livres  contre  les  lettres  de 

Pétilien 389 

§  IV.  Livre  de  l'Unité  de  l'Église  ou  épître 

contre  les  donatistes 394 

§  V.  Des  quatre  livres  contre  Cresconius   .    .  399 
§  VI.  De  l'Unité  du  baptême  contre  Pétilien  .  402 
§  VII.  Abrégé  de  la  conférence  contre  les  do- 
natistes. —  Livres  aux  Donatistes  après  la 

conférence 404 

§  VIII.  Du  discours  ou  de  la  conférence  en 

présence  d'Émérite 410 

§  IX.  Des  deux  livres  contre  Gaudence.    .    .  413 
§  X.  Des  ouvrages    faussement   attribués  à 

saint  Augustin 413 

Art.  XI.  Des  ouvrages  contenus  dans  le  dixième 

tome 417 

§  I.  Des  livres  des  Mérites,  des  péchés  et  de 

leur  rémission,  ou  du  baptême  des  enfants.  417 
§  II.  Du  livre  de  l'Esprit  et  de  la  lettre.  .  427 
§  III.  Du  livre  de  la  Nature   et  de  la  Grâce 

contre  Pelage 433 

§  IV.  Du  livre  de  la  Perfection  de  la  justice 

de  l'homme 442 

§  V.  Du  livre  des  Actes  de  Pelage 442 

§  VI.  Des  livres  de  la  Grâce  de  Jésus-Christ 

et  du  péché  originel 448 

§  VII.  Des  livres  du  Mariage  et  de  la  concu- 


piscence . 


457 


§  VIII.  Des  quatre  livres  de  l'Ame  et  de  son 

origine.  ..-.., 466 

§  IX.  Des  r|ua[re  livres  à  Boniface,  contre  les 

pélagiens 474 

§  X.  Des  s\-x.  livres  contre  Julien 483 

§  XI.  Du  livre  de  la  Grâce  et  du  libre  arbitre.  512 
§  XII.  Du  livre  de  la  Correction  et   de  la 

Grâce 518 

§  XIII.  Des  livres  de  la  Prédestination  des 

saints  et  du  don  de  la  persévérance.    .    .  S24 
§  XIV.  De  l'Ouvrage  imparfait  contre  Julien.  538 
§  XV.    Des    écrits    faussement    attribués     à 
saint   Augustin,   et  de   quelques  ouvrages 
qui    regardent  l'histoire  des  pélagiens.     .  558 
Art.  XII.  Des  ouvrages  perdus  de  saint  Augus- 
tin. —  De  ceux  de  Possidius 559 

Art.  xiii.  Doctrine  de  saint  Augustin.    .    .     .564 
Art.  XIV.  Jugement  des  ouvrages  de  saint  Au- 
gustin, éditions  qu'on  en  a  faites.     .    .    .808 

Lettre  du  R.  P.  D.  Ceillier 820 

Suppléments ^^8 


FIN  DE  LA  TABLE  DES  ARTICLES  ET  PARAGRAPHES. 


r  y 


HISTOIRE  GENERALE 


DES 


AUTEURS  SACRÉS 

ET  ECCLÉSIASTIQUES. 


AUTEURS    ECCLÉSIASTIQUES. 


[suite  des  IV  et  V'  SIÈCLES.] 


■ — ^3II>^HiïB:— 


Saint  Augustin,  évêqne  d'Hippone  et  docteur  de  l'Eglise. 


ARTICLE  I". 

HISTOIRE  DE  SA  VIE  '. 

1.  Tagaste,  en  Afrique  %  ville  de  la  pro- 
vince de  Numidie  " ,  près  de  Madaure  et 
d'Hippone', fut  le  lieu  où  saint  Augustin  prit 
naissance ,  le  treizième  de  novembre  de  l'an 
354  ^  Celte  ville,  engagée^  auparavant  tout 
entière  dans  le  schisme  des  donatistes ,  était 
revenue  depuis  peu  à  l'unité  catholique,  inti- 
midée par  les  lois  des  empereurs.  Orose  ''  et 
Mamert  Claudien  donnent  à  saint  Augustin 
le  nom  d'Aurèle ,  sous  lequel  il  fut  connu 
plus  ordinairement  depuis  que  sa  réputation 


se  fut  établie  dans  le  monde.  Son  père,  qui 
se  nommait  Patrice,  était  bourgeois  de  Ta- 
gaste *.  n  avait  assez  de  naissance  pour  être 
admis  à  toutes  les  charges  de  la  ville ,  mais 
peu  de  biens.  Il  fut  longtemps  '  sans  croire 
en  Jésus-Christ ,  et  ne  se  convertit  que  sur 
la  fin  de  sa  vie.  Monique ,  sa  femme ,  fut 
mère  de  notre  Saint,  plus  encore  selon  l'es- 
prit que  selon  la  chair.  Elle  eut  encore  de 
Patrice  d'autres  enfants,  puisque  saint  Au- 
gustin "  parle  d'un  frère  qu'il  avait  avec  lui 
à  Ostie  en  388,  lorsque  sa  mère  mourut.  On 
croit  que  c'était  Navige,  le  même  qui  se  trou- 
vait avec  lui  l'an  386,  à  la  campagne,  chez 


1  On  peut  consulter  sur  ce  point  les  œuvres  de 
saint  Augustin ,  et  surtout  Ees_  Confessions ,  ses  Be- 
tractations,  tom.  I^r,  et  ses  Épîtres,  tom.  II;  —  la 
Yie  de  saint  Augustin,  par  saint  Possidius,  évêque 
de  Calame,  tom.  X;  —  de  saint  Augustin,  de  l'é- 
dition Bénédictine  ;  —  les  œuvres  de  saint  Jérôme 
et  surtout  ses  épîtres  et  ses  dialogues  contre  les 
Pélagiens;  —  saint  Prosper  d'Aquitaine,  et  surtout 
sa  Chronique; —  Gennade,  le  livre  des  Ecrivains 
ecclésiastiques,  chap.  xxxviii;  —  la  Vie  de  saint 
Aiigustin,  par  les  Dénédictias,  tom.  XI  de  l'édition 
de  Paris  ;  —  Cuper  et  Stilting,  Acta  Sanctorum, 
28  août,  tom.  XIV  d'août;  —  Berti,  Commenta- 
rius  de  rébus  gestis  S.  Àugustini  librisqii.e  ab  eo 
conscriptis,  Venise,  no6,  in-i;  —  Poujoulat,  His- 
toire de  saint  Augustin,  sa  vie,  ses  œuvres,  Paris, 
IX. 


1843,  3  vol.  in-S; —  BnschjLibrorum  S.  Augustini 
recensus  plane novus,  Dorpat,  1822,  in-4;  —Saint 
Augustin,  par  le  docteur  Kloth,  2  vol.,  Aix-la-Cha- 
pelle, 1840.  —  Vie  de  saint  Augustin,  par  Binde- 
man,  Berlin,  1844.  {L'éditeur.} 

^  Possidius,  in  Vita  August.,  cap.  i. 

3  August.,  Epist.  7,  cap.  m,  num.  6. 

*  August.,  lib.  II  Confess.,  cap.  m,  num.  5. 

i»  Prosp.,  in  Chron.,  et  Possid.,  in  Vita,  cap.  xxxi. 

5  August.,  Epist.  93,  num.  17. 

■^  Rid.,  in  Vita  August.,  pag.  434,  et  Mam.,  lib.  II 
de  Statu  animai,  cap.  x. 

8  Possid.,  in  Vita,  cap.  i. 

3  August.,  lib.  IX  Confess.,  cap.  ix,  num.  22. 

1»  Lib.  IX  Confess.,  cap.  xj,  num.  27. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Véréconde  ',  et  qui  prenait  part  aux  entre- 
tiens de  philosophie  que  le  Saint  y  avait  avec 
ses  amis,  et  où  l'on  écrivait  tout  ce  qui  se 
disait. 
Son  (!du-  2.  Aussitôt  après  la  naissance  d'Augais- 
cst'"ait  caî  t"^  ^  Monique,  sa  mère,  eut  soin  de  le  faire 
léchuinÈiiu.  marquer  du  signe  de  la  croix  et  de  lui  faire 
goûter  ce  sel  divin  et  mystérieux,  qui  est  la 
figure  de  la  vraie  sagesse,  en  le  mettaiat  au 
nombre  des  catéchumènes.  C'est  ce  qui  lui  a 
fait  dire  '  qu'avant  d'être  manichéen,  il  était 
chrétien  catholique.  Comme  on  s'aperçut  * 
bientôt  qu'il  ne  manquait  ni  d'esprit  ni  de 
mémoire,  on  pensa  à  l'appliquer  à  l'étude  de 
l'éloquence,  et  on  l'envoya  pour  cet  effet 
à  Madaure,  qui  était  une  ville  voisine.  D 
trouva  plus  de  goût  dans  cette  étude  ^  qu'il 
n'avait  fait  dans  les  premières  instructions 
oii  l'on  apprend  à  lire ,  à  écrire  et  à  comp- 
ter ,  quoique  plus  utiles  ;  et  il  prenait  plaisir 
dans  l'étude  des  belles-lettres,  à  cause  des 
fables  et  des  fictions  des  poètes  dont  elles 
sont  remplies.  Mais ,  bien  que  ces  mêmes 
contes  se  trouvassent  également  dans  les 
poètes  grecs  comme  dans  les  latins,  il  avait 
mie  extrême  aversion  pour  les  premiers,  par 
suite  de  celle  qu'il  se  sentait  pour  la  lan- 
gue grecque,  dont  l'étude  mêlait  comme  une 
espèce  d'amertume  dans  la  douceur  de  ces 
fables,  d'ailleurs  si  ingénieuses  et  si  char- 
mantes. Il  fallut  néamnoins  vaincre  cette  ré- 
pugnance pour  le  gre^c  :  et,  à  force  de  me- 
naces et  de  châtiments,  on  l'obligea  à  l'ap- 
prendre ;  mais  il  avoue  qu'il  ne  le  posséda 
jamais  parfaitement ,  et  qu'il  n'en  savait  ^ 
pas  assez  pour  entendre  les  livres  que  les 
Grecs  ont  écrits  sur  la  Trinité.  Ses  progrès 
dans  les  autres  sciences  l'engagèrent  insen- 
siblement dans  les  désordi'es  que  produit  la 
vaine  gloire  ;  et  il  avait  honte  ''  de  n'être  pas 
aussi  enchanté  de  l'amour  de  la  vanité  et  du 
monde,  et  aussi  perdu  que  les  autres, 
[.'oisiveté       3.  n  était  âgé  d'environ  qranze  ans  lors- 

Ic  fjit  tom-  ..." 

bLT,  en  s^o.  quil  revmt  de  Madaure  à  Tagaste,  où  il 
passa  la  seizième  année  de  son  âge  en  la 
maison  de  son  père,  c'est-à-dire  l'an  370. 
Occupé  de  la  chasse  des  oiseaux  et  de  toute 
auti-e  chose  que  de  ses  études,  il  en  inter- 


rompit même  le  cours  jusqu'à  ce  que  l'on 
eût  amassé  l'argent  nécessaire  pour  les  lui 
faire  continuer  à  Cartilage.  Pendant  ce  temps 
de  vacances,  les  volujjtés  commencèrent  à  le 
dominer  tyranniquement  *.  Il  courait  dans 
le  précipice  avec  un  tel  aveuglement,  qu'il 
commettait  le  crime  non-seulement  pour  y 
trouver  du  plaisir,  mais  encore  pour  être 
loué  de  l'avoir  commis.  Cependant  il  deman- 
dait à  Dieu  la  chasteté';  mais,  ajoutait -il, 
que  ce  ne  soit  pas  encore  si  tôt  :  car  il  crai- 
gnait que  le  Seigneur  ne  fût  trop  prompt  à 
l'exaucer,  et  qu'il  ne  le  guérît  plus  tôt  qu'il 
ne  voulait  de  la  maladie  d'impm'eté  ,  aimant 
bien  mi£ux  le  plaisir  de  la  satisfaire ,  que  le 
bonheur  d'en  être  délivré. 

4.  Étant  arrivé  à  Car'hage  sur  la  fin  de 
l'an  370 ,  il  y  étudia  la  rhétorique  sous  un 
nommé  Démocrate ,  et  tint  bientôt  le  pre- 
mier rang  "  parmi  ceux  qui  étudiaient  dans 
la  même  école  ;  ce  qui  lui  causait  une  joie 
mêlée  de  présomption,  et  le  rendait  tout  en- 
flé d'orgueil.  A  l'ambition  d'exceller  parmi 
ceux  de  son  école,  se  joignirent  les  feux  de 
l'amour  infâme,  que  le  changement  de  lieu 
n'avait  point  éteints.  «  Je  n'aimais  pas  en- 
core, dit-il,  mais  je  désirais  d'aimer.  Et  je 
tombai  enfin  dans  les  filets  où  je  souhaitais 
tant  d'être  pris  :  je  fus  aimé,  et  j'arrivai 
même  à  la  possession  de  ce  que  j'aimais  : 
mais  quels  efl'ets  de  votre  miséricorde  et  de 
votre  bonté  ne  me  fîtes -vous  point  sentir, 
ô  mon  Dieu,  par  le  fiel  et  par  les  amertumes 
que  vous  répandîtes  sm'  ces  fausses  dou- 
ceurs !  Car  ces  malhem-eux  liens  où  je  m'é- 
tais jeté  si  volontiers,  ne  servirent  qu'à  me  te- 
nir exposé  aux  traits  ardents  de  la  jalousie, 
des  soupçons,  de  la  crainte,  de  la  colère,  des 
querelles  et  des  démêlés.  »  Mais,  quelque 
penchant  qu'il  se  sentît  pour  le  plaisir,  il  mit 
une  espèce  de  règle  "  dans  ses  désordres, 
car  il  ne  vit  c[u'une  seule  femme  sous  le  titre 
de  concubine,  et  lui  garda  la  fidélité,  quoi- 
qu'elle ne  lui  fût  pas  jointe  par  un  mariage 
légitime.  Il  en  eut  un  fils  nommé  Adéodat, 
doué  d'excellentes  qualités  *^ 

5.  L'amice  avant  la  naissance  d'Adéodat, 
c'est-à-dire  en  371,  saint  Augustin,  qui  était 


Il  perd 
son  jjùrc  , 
rn    371      11 


>  August.,  Ijb.  de  B.  Yita,  uum.  7  et  14.  —  ^  Lib.  I 
Confess.,  cap.  si,  num.  17. 

3  August.,  De  Utilit.  credendi,  cap.  i,  num.  2. 

'■  August.,  lib.  I  Confess.,  cap.  is,  num.  14, 
et   lib.   11,   cap.  m,  num.  H. 

'^  Lib.  I  Confess.,  cap.  xiir,  num.  20  cl  21. 

"  August.,  lib.  111  De  Xrinit.,  num.  1. 


'  Lib.  1  Confess.,  cap.  xiii   et  six.  —  «  Lib. 
Confess.,  cap.  m,  num.  G  et  7. 
9  Lib.  VllI  Confess.,  cap.  vu,  num.  17. 
1"  Lib.  111  Confess.,  cap.  m,  uum.  6. 
11  Lib.  IV  Confess.,  cap.  ii. 
1-  Lib.  IX  Confess.,  cap.  vi. 


[TV"  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


alors  dans  la  dix-septième  année  de  son  âge, 
perdit  son  père.  Mais  sa  mère  '  continua  à 
fournir  à  ses  entretiens,  de  même  cpieRoma- 
nien,  le  plus  considérable  des  habitants  de 
Tagaste,  qui,  depuiê  son  séjour  àCarthage,  lui 
avait  prêté  toute  sorte  de  secours.  En  373, 
il  arriva,  selon  l'ordre  que  l'on  tenait  ordi- 
nairement pour  apprendre  l'éloquence,  à  la 
lecture  du  livre  de  Cicéron,  intitulé  Hor- 
tence  ^.  Ce  livre,  qui  est  une  exhortation  à 
la  philosophie  ^  le  toucha  de  manière  qu'il 
changea  toutes  ses  affections.  Il  ne  le  lisait 
pas  pour  polir  son  style,  mais  pour  nourrir 
son  esprit.  Une  chose  *  le  refroidissait  clans 
l'arderu'  qu'il  se  sentait  pour  la  lecture  de 
ce  livre  :  c'est  qu'il  n'y  voyait  point  le  nom 
de  Jésus -Christ  profondément  gravé  dans 
son  cœur,  parce  qu'il  l'avait  sucé  avec  le 
lait.  Il  résolut  donc  dès-lors  de  s'appliquer 
à  lire  l'Ecriture  sainte  pour  en  prencbe  con- 
naissance. Mais  il  n'était  pas  encore  capable 
d'entrer  dans  des  secrets  impénétrables  aux 
superbes.  A  l'âge  d'environ  vingt  ans  ^  il  lut 
seul  le  livre  des  Catégories  d'Ai'istote,  et  en 
comprit  tout  le  sens,  aussi  bien  que  ceux  qui, 
pour  l'entendre,  avaient  eu  recours  aux  plus 
excellents  maîtres.  Il  entendit  de  même, 
sans  le  secours  de  personne,  tous  les  livres 
des  arts  libéraux  qui  lui  tombèrent  entre  les 
mains.  Enfin  il  était  instruit  de  l'astrologie 
judiciaire,  et  savait  ^  ce  que  les  philosophes 
ont  écrit  siu'  cette  matière.  Mais,  au  heu 
de  tirer  avantage  de  ses  talents  et  de  ses 
connaissances  ',  il  ne  s'en  servit  que  pour  se 
perdre. 

6.  Accoutumé  par  les  Catégories  d'Aris- 
tote  à  raisonner  de  Dieu  comme  des  corps,  il 
le  cherchait,  non  par  la  lumière  de  l'esprit, 
mais  par  les  organes  des  sens,  et  ce  fut  ce 
qui  le  retint  longtemps  dans  l'hérésie  des 
manichéens,  où  il  tomba  vers  l'an  374;  ne 
pouvant  concevoir  une  substance  spirituelle, 
il  ne  pouvait  dissiper  les  fantômes  '  et  toutes 
les  chimères  de  ces  hérétiques.  Ce  qui  le  fit 
tomber  dans  leurs  errem's,  fut  la  peine  où 
il  était  de  connaître  l'origine  du  mal'.  Son 
esprit,  fatigué  par  les  recherches  qu'il  en 
faisait,  se  laissa  aUer  à  croire  avec  eux  que 


le  mal  avait  un  principe  réel  et  éternel, 
opposé  à  Dieu  comme  au  principe  du  bien.  . 
L'avidité'"  qu'il  avait  de  connaître  la  vérité 
par  une  lumière  claire  et  certaine,  servit  en- 
core à  l'engager  dans  les  rêveries  des  mani- 
chéens :  car  le  nom  de  la  vérité  était  conti- 
nuellement sur  leurs  lèvres  ",  et  ils  en  par- 
laient sans  cesse,  bien  qu'elle  ne  fût  point 
avec  eux.  Un  autre  motif  '-  le  poussa  à  mé- 
priser la  religion  qui  lui  avait  été  inspirée 
dès  son  enfance  par  ceux  dont  il  tenait  la  vie, 
pour  suivre  les  manichéens  et  les  écouter 
avec  tant  de  soin;  dans  l'Église  catholique, 
disaient-ils,  on  effrayait  les  fidèles  par  des  su- 
perstitions, et  on  leur  commandait  de  croire 
sans  les  instruire  par  la  raison  ;  et  eux,  au 
contraire,  ne  pressaient  personne  de  croire, 
qu'après  lui  avoir  fait  connaître  la  vérité  et 
lui  avoir  levé  tous  ses  doutes.  Les  objec- 
tions que  ces  hérétiques  élisaient  contre  les 
généalogies  que  saint  Matthieu  et  saint  Luc 
font  de  Jésus -Christ  troublèrent  également 
l'esprit  de  saint  Augustin  qui,  n'ayant  encore 
aucune  connaissance  des  divines  Écritures, 
donnait  sans  peine  dans  des  sentiments  dont 
il  ne  pouvait  apercevoir  la  fausseté.  C'est  ce 
qu'il  confessa  depuis  avec  beaucoup  d'humi- 
lité dans  un  discours  qu'il  fit  à  son  peuple, 
et  où  il  attribue  tous  ses  égarements  à  l'or- 
gueil dont  il  était  dominé  dans  sa  jeunesse. 
«  Vous  pouvez  m'en  croire,  disait-il  ",  lors- 
que je  vous  parle  du  respect  avec  lequel 
nous  devons  recevoir  ce  que  nous  apprend 
la  sainte  Écriture  :  car  je  ne  vous  le  dis 
qu'après  avoir  été  autrefois  trompé  i")ar  les 
manichéens,  lorsqu'étant  encore  jeune,  je 
voulais  examiner  les  divines  Éci'itures,  avant 
d'en  avoir  demandé  l'intelligence  avec  piété. 
Aussi  je  ne  faisais  que  me  fermer  moi-même 
la  porte  de  mon  Seignem-  par  une  conduite 
si  déraisonnable.  Je  devais  frapper  afin  qu'on 
m'ouvrît,  et  je  me  la  fermais  de  plus  en  plus. 
J'étais  assez  hardi  de  chercher  avec  orgueil 
ce  que  l'humilité  seule  peut  faire  trouver.  » 
Après  avoir  été  ainsi  trompé,  il  n'oublia  ïien 
pour  tromper  les  autres.  Il  troubla  la  simpli- 
cité de  plusieurs  personnes  ignorantes  par 
la  vaine  subtilité  de  ses  questions.  Il  enga- 


•  Lib.  III  Confess.,  cap.  vn,  num.  7,  et  lib.  II 
Acad.,  cap.  ii,  num.  3. 

^  Lib.  111  Confess.,  cap.  iv,  iiuiii.  7,  et  lib.  VI, 
cap.  XI,  uum.  IS. 

3  Ce  livre  n'esiste  plus  depuis  longtemps.  [L'é- 
diteur.) —  '  Lib.  ll[  Confess.,  cap.  iv,  iium.  8. 

^  Lib.  IV  Confess.,  cap.  xvi,  num.  28. 


fi  Lib.  V  Confess.,  cap.  iii.  —  '  Lib.  VI  Confess., 
cap.  XVI,  uuin.  30.  —  ^  Lib.  V  Confess.,  cap.  siv. 
f  Lib.  III  Confess.,  cap.  vu,  num.  12. 
1»  August.,iJe  Utilit.  cred.,  cap.  i,  num.  2. 
>'  Lib.  VIII  Confess.,  cap.  vi,  num.  10. 

12  De  Utilit,  cred.,  cap.  i,  num.  2. 

13  August.,  Serm.  51,  cap.  v,  num.  6. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


manicliéeus 


gea  même  dans  ses  erreurs  Alypius,  le  plus 
illustre  de  ses  amis  ;  Romanien ,  dont  il  avait 
reçu  tant  de  bienfaits,  et  un  nommé  Ho- 
norât ',  qui  n'avait  fait  jusqn'alors  aucune 
profession  du  christianisme. 
"  cTsô  ^'  ^^^  familiarité  avec  ces  hérétiques  lui  fit 
ii^fii  >■  _^^L's  bientôt  apercevoir  ^  qu'ils  combattaient  avec 
beaucoup  plus  d'éloquence  les  opinions  des 
autres,  qu'ils  ne  prouvaient  la  leur  avec 
force  et  avec  solidité  :  ce  qui  l'empêcha  de 
s'attacher  entièrement  à  eux.  Il  ne  les  suivit 
donc  qu'avec  précaution  et  réserve,  se  con- 
tentant d'être  da  nombre  de  leurs  auditeurs, 
sans  participer  à  lem's  infâmes  mystères  ^  Il 
voyait  aussi  avec  peine  qu'ils  ne  célébraient 
la  fête  de  Pâques  '  que  peu  ou  point ,  sans 
veilles,  sans  jeûne  extraordinaire,  sans  au- 
cune solennité ,  et  qu'ils  n'en  rendaient  au- 
cune bonne  raison.  Enfin  le  peu  d'assin-ance 
qu'il  trouva  parmi  eux,  et  le  désir  de  son 
avancement  dans  le  monde,  ralentirent  beau- 
coup l'ardeur  qu'il  avait  eue  pour  les  écou- 
ter. Il  n'abandomia  néanmoins  leur  parti 
qu'après  l'avoir  suivi  pendant  neuf  ans,  c'est- 
à-dire  depuis  l'an  374  jusqu'en  383,  qui  était 
la  vingt-huitième  année  de  son  âge.  11  semble 
même  qu'il  ne  le  quitta  entièrement  qu'en 
385,  ou  même  en  386,  lorsqu'il  se  convertit 
tout-à-fait.  Comme  sa  mère  était  pénétrée 
d'une  vive  douleur  de  le  voir  tombé  dans 
une  hérésie  si  détestable  ^  elle  priait  toutes 
les  personnes  qu'elle  en  croyait  capables,  de 
conférer  avec  lui  pour  combattre  ses  erreurs 
et  l'instruire  de  la  vérité.  Un  saint  évêque  à 
qui  elle  faisait  la  même  prière,  refusa  d'ob- 
tempérer à  sa  demande  en  disant  que  la  lec- 
ture des  livres  des  manichéens  le  détrom- 
perait. Comme  elle  ne  laissait  point  de  le 
presser ,  il  lui  dit  :  «  Allez  '^ ,  continuez  de 
prier  pour  lui,  car  il  est  impossible  qu'un 
fils  pleuré  avec  tant  de  larmes  périsse  ja- 
mais. » 

Dieu  promit  encore  à  Monique  le  salut  de 
son  fils  en  diverses  autres  manières,  et  en 
particulier,  par  un  songe  dans  lequel  une 
personne,  la  voyant  afQigée  de  la  perte  de 
son  fils,  lui  dit  :  «  Tenez-vous  en  repos,  ne 
voyez-vous  pas  que  ce  fUs  que  vous  pleurez 


est  où  vous  êtes  '.  »  En  effet,  la  pieuse  mère 
ayant  regardé  à  côté  d'elle,  vit  son  fils  sur 
la  même  règle  où  elle  se  tenait.  Saint  Au- 
gustin, à  qui  eUe  raconta  ce  rêve ,  préten- 
dait qu'il  marquait  que  sa  mère  serait  un 
jour  de  son  sentiment;  mais  elle  répondit 
sur-le-champ  :  «  Cela  ne  peut  être;  il  ne 
m'a  pas  été  dit  :  Vous  êtes  où  il  est,  mais  :  // 
est  où  vous  êtes  '.  n 

8.  Ce  songe  consola  tellement  sa  mère ,  ii  ensei- 
qu'elle  lui  permit  de  demeurer  avec  '  elle  uîage!  '^eû 
et  de  manger  à  sa  table,  ce  qu'elle  ne  souf-  *'*■ 
frait  plus  depuis  quelque  temps ,  tant  elle 
avait  en  horreur  l'hérésie  des  manichéens. 
On  met  cet  événement  à  Tagaste,  environ 
vers  l'an  373.  Pendant  qu'il  euseignait  la 
rhétorique  en  cette  viUe,  il  eut  pour  auditeur 
Alypius'",  qui,  dans  un  âge  peu  avancé,  fai- 
sait paraître  beaucoup  d'inchnation  pour  la 
vertu  ;  ils  lièrent  entre  eux  une  amitié  très- 
étroite.  Saint  Augustin  s'unit"  aussi  étroi- 
tement avec  un  autre  jeune  homme  de  son 
âge,  avec  lequel  il  avait  été  nourri  dès  l'en- 
fance et  fréquenté  les  écoles;  mais  à  peine 
y  avait-il  un  au  qu'il  goûtait  la  douceur  de 
cette  amitié,  que  Dieu  lui  enleva  son  ami  . 
et  le  tira  de  ce  monde.  La  douleur  que  cette 
mort  lui  causa,  l'obhgea  de  quitter  son  pays 
et  de  passer  à  Carthage,  où  il  enseigna  la 
rhétorique  '^  vendant  l'art  de  vaincre  l'es- 
prit de  l'homme  par  la  parole,  et  étant  lui- 
même  vaincu  parla  passion  de  l'intérêt  et  de 
l'honneur.  Pendant  son  séjour  à  Carthage, 
il  fit  connaissance  avec  un  célèbre  médecin 
nommé  Yindicien,  qui  s'était  autrefois  ap- 
pliqué comme  lui  à  l'astrologie  judiciaire. 
C'était  un  homme  âgé ,  convaincu  par  la 
raison  et  par  l'expérience  qu'il  n'y  a  point 
de  science  humaine  capable  de  prévoir  les 
choses  futures.  Ce  fut  '^  de  lui  dont  Dieu  se 
sei-vit  pour  détromper  saint  Augustin.  Il  se 
persuada  enfin  que  quand  les  prédictions 
des  astrologues  se  trouvent  véritables,  cela 
vient,  non  pas  du  hasard,  comme  le  disait 
Yindicien,  mais  de  l'ordre  de  Dieu  même  " 
qui,  gouvernant  tout  l'univers  avec  ime  jus- 
tice suprême  et  une  sagesse  incomparable, 
fait,  par  de  secrets  mouvements,  que,  sans 


1  Lih.  III  Confess.,  eap.  xii.  —  2  August,  De  UHlit. 
cred.,  cap.  i,  num.  2.  —^  August.,  De  Utilit.  cred., 
oap.  I,  num.  2.  —  *  August.,  lib.  III  Confess.,  litt. 
Potitian. ,  cap.  xvii. 

s  August.,  Confess.,  Epist.  manich.,  cap.  vin. 

"  A\igust.,  lib.  III  Co»/ess.,  cap.  si,  uum.  19. 

'  Ibid.,  cap.  XII.  —  ^Ibid.,  cap.  xi,  uum.  20. 


9  Lib.  III  Confess.,  cap.  xi,  num.  19.  —  '"  Lib.  VI 
Confess.,  cap.  vu,  num.  il. 

"  Lib.  IV  Confess.,  cap.  iv,  num.  7. 

*-  Possid.,  in  Vita,  cap.  i,  et  August.,  lib.  IV 
Confess.,  cap.  11,  mim.  2. 

'■■'  Lib.  IV  Confess.,  cap.  m,  num.  4  et  5. 

1'-  Lib.  VII  Confess.,  cap.  vi,  uum.  8  et  10. 


[iV«  ET  V°  SIÈCLES.' 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


que  les  astrologues,  ni  ceux  qui  les  consul- 
tent, sachent  ce  qui  se  passe  clans  eux,  les 
uns  rendent  des  réponses  et  les  autres  les 
reçoivent  telles  qu'ils  le  méritent,  selon  la 
corruption  qui  est  cachée  dans  le  fond  des 
âmes  et  selon  l'abîme  impénétrable  de  ses 
divins  jugements.  Nébridius  ',  son  ami,  n'ai- 
da pas  peu  à  le  faire  entrer  dans  ces  senti- 
ments. 

9.  Saint  Augustin  demeura  à  Cartilage 
jusqu'à  ^  la  vingt-neuvième  année  de  son 
âge,  c'est-à-dire  jusqu'en  383,  attendant 
avec  impatience  la  venue  de  Fauste  le  Ma- 
nichéen. Il  avait  parmi  ceux  de  sa  secte  le 
nom  d'évêque,  et  il  y  était  regardé  comme 
un  homme  descendu  du  ciel,  quoique  d'une 
vie  très-voluptueuse  '.  Ses  discours  avaient 
du  feu  et  de  la  vivacité  ',  et  il  expliquait  ses 
pensées  en  des  termes  fort  propres.  C'était 
à  quoi  se  terminait  son  savoir,  car  il  ne  fai- 
sait d'ailleurs  que  conter  les  mêmes  fables 
que  les  autres  manichéens.  Saint  Augustin, 
qui  en  était  déjà  las  et  rebuté,  ne  les  trouvait 
pas  meilleures  potu-  être  mieux  dites,  ni  plus 
vraies  pour  être  racontées  avec  plus  d'élo- 
quence. Il  proposa  néanmoins  à  Fauste  ^ 
une  conférence  où  il  pût  lui  représenter  ses 
doutes  dans  une  liberté  tout  entière.  Mais 
aussitôt  qu'il  les  lui  eut  proposés,  Fauste 
refusa  modestement  d'y  répondre,  et  ne  se 
voulut  point  charger  d'un  fardeau  trop  pe- 
sant pour  lui ,  ne  rougissant  point  d'avouer 
qu'il  ignorait  la  science  sur  laquelle  rou- 
laient ces  difficultés.  C'était  sur  les  supputa- 
tions mathématiques.  Saint  Augustin  voulait 
voir  si  ce  qu'il  avait  lu  dans  les  livres  des 
manichéens  valait  mieux  que  ce  qu'on  en 
lisait  dans  d'autres  livres.  La  modération" 
d'esprit  de  Fauste  lui  plut  et  lui  parut  plus  es- 
timable que  les  choses  mêmes  dont  il  désirait 
d'acquérir  la  connaissance.  Cette  conférence 
lui  fit  néanmoins  perdre  l'espérance  de  pou- 
voir trouver  de  la  satisfaction  en  s'expliquant 
avec  les  autres  docteurs  des  manichéens,  ce- 
lui-ci, qui  était  si  célèbre  parmi  eux,  lui  ayant 
paru  si  ignorant.  Ainsi,  par  un  effet  extraordi- 
naire de  la  Providence  divine,  ce  Fauste  qui  '' 
avait  été  pour  tant  d'autres  un  piège  mortel, 


commença,  sans  le  savoir  et  sans  le  vouloir, 
à  tirer  saint  Augustin  de  celui  où  il  était  re- 
tenu depuis  tant  d'années.  Il  partit  de  Car- 
thage  vers  la  fin  de  383,  inquiet  et  incertain 
du  parti  qu'il  devait  prendre,  et  vint  à  Rome 
dans  le  dessein  d'y  enseigner  la  rhétorique  ; 
il  logea'  chez  un  auditeur  des  manichéens, 
où  il  assembla  quelques  écoliers.  Mais,  averti 
que  plusieurs  d'entre  eux  conspiraient  en- 
semble pour  ne  rien  donner  à  ceux  qui  pre- 
naient la  peine  de  les  instruire,  et  choqué  de 
cette  bassesse,  il  passa  de  Rome  à  Milan,  qui 
manquait  d'un  professeur  en  éloquence  '. 
C'était  en  38i;  saint  Ambroise,  alors  évêque 
de  cette  ville  '°,  le  reçut  en  père  et  témoigna 
se  réjouir  de  sa  venue  avec  une  charité  di- 
gne d'an  vrai  pasteur.  Cette  bonté  le  gagna. 
Il  allait  l'écouter  avec  grand  soin  lorsqu'il 
enseignait  le  peuple,  moins  toutefois  pour 
s'instruire  lui-même,  que  pour  éprouver  si 
son  éloquence  répondait  à  sa  réputation  ; 
mais  il  ne  laissait  pas  d'être  attentif  pour 
s'assurer  s'il  ne  disait  rien  qui  faA-orisât 
ou  qui  combattît  l'hérésie  des  manichéens. 
Dieu",  qui  voulait  le  retirer  de  son  erreur 
et  lui  apprencbe  la  science  d'où  dépendait 
la  solution  de  ses  difficultés,  portait  ce  saint 
évêcpie  à  résoudre  incidemment  celles  que 
les  manichéens  faisaient  sur  divers  endroits 
de  l'Ecriture.  Ce  fut  par  cette  voie  que  saint 
Augustin  apprit  insensiblement  la  vérité,  et 
que  son  erreur  s'évanouit  peu  à  peu  et  par 
degrés.  D'abord  '^  il  lui  sembla  que  la  doc- 
trine de  saint  Ambroise  pouvait  se  soutenir, 
et  que,  pour  lui,  il  avait  eu  tort  de  croire 
qu'on  ne  pût  sans  témérité  défendi-e  la  foi 
catholique  contre  les  arguments  des  mani- 
chéens. Voyant  ensuite  avec  quelle  clarté 
ce  saint  évêque  expliquait  les  passages  les 
plus  difficiles  de  l'Ancien  Testament,  il  se 
persuada  de  plus  en  plus  qu'il  n'était  pas  im- 
possible de  répondre  aux  calomnies  par  les- 
quelles les  manichéens  déchiraient  cette  par- 
tie de  l'Ecriture  ,  qu'ils  n'interprétaient  que 
selon  la  lettre  qui  tue,  au  Meu  que  saint  Am- 
broise l'expliquait  comme  il  convenait,  selon 
le  sens  spirituel  et  allégorique.  Il  souhaitait 
encore   de  pouvoir  couA'aincre  de  fausseté 


'  Lib.  IV  Confess.,  cap.  in,  num.  6.  —  "^  Lib.  V 
Confess.,  cap.  vu. 

'  Augiist.,  lib.  Cont.  Faust.,  cap.  v  et  vu. 

'•  Lib.  V  Confess.,  cap.  vi,  num.  10. 

■'  Ibirl,  cap.  vi,  uum.  11.  —  «  ibid.,  lib.  V,  cap.  vu, 
uum.  12. 


'  Lib.  V  Confess.,  cap.  vu,  num.  M.  —  s  Lib.  V 
Confess.,  cap.  vni  et  x,  num.  14. 

"  Ibid.,  cap.  xHi.— 1»  Lib.  III  Confess.,  cap.  xui, 
nuin.  23. 

"  Possid.,  in  Vila  August.,  cap.  i. 

12  August.,  lib.  V  Confess.,  cap.  xiv,  num.  24. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


1!  demeu- 
re  cal(!cliu- 

luèllC     llilllS 

l'Es'ise  cu- 
rhnlique,  en 
335. 


les  opinions  des  manichéens.  Dans  cette  vue, 
il  compara  ce  qu'ils  disaient  touchant  ce 
monde  élémentaire  et  toutes  les  parties  de 
la  nature  qui  peuvent  tomber  sous  le  sens  , 
avec  ce  qu'en  ont  dit  les  philosophes ,  et  il 
trouva  que  plusieurs  d'entre  ces  derniers  en 
avaient  parlé  avec  plus  de  vraisemblance  et 
plus  de  solidité.  Cela  lui  fit  prendre  la  réso- 
lution d'abandonner  entièrement  les  mani- 
chéens, ne  croj-ant  point  devoir  demeurer 
dans  une  secte  dont  la  doctrine  lui  parais- 
sait moins  probable  que  celle  de  beaucoup 
de  philosophes. 

10.  Ilprit  donc  le  parti  de  demeurer'  caté- 
chumène dans  l'Église  catholique  que  ses 
parents  lui  avaient  tant  recommandée.  Ce- 
pendant sainte  Monique,  sa  mère,  après  avoir 
essuyé  divers  périls,  vint  le  trouver  à  Milan. 
Quand  saint  Augustin  lui  eut  dit  qu'il  n'était 
plus  manichéen,  quoiqu'il  ne  fût  pas  encore 
catholique  '\  elle  lui  répondit  avec  un  esprit 
Irancpiille  et  plein  de  confiance,  qu'eUe  s'as- 
surait en  Jésus-Christ  de  le  voir  fidèle  catho- 
lique, avant  qu'eUe  sortit  de  ce  monde.  Aly- 
pius  etNébridius,  tous  deux  amis  intimes  de 
saint  Augustin,  l'avaient  suivi  à  Milan,  dans 
le  dessein  '  de  chercher  ensemble  la  vérité. 
Ils  voulaient  même  vivre  en  commun  avec 
quelques  autres,  du  nombre  desquels  était 
Romanien  ''.  Mais  comme  quelques-inis  d'eux 
avaient  déjà  des  femmes,  et  que  d'autres 
pensaient  à  se  marier,  ils  ne  crurent  pas  que 
la  vie  commune  pût  leur  convenir.  Saint 
Augustin  était  de  ceux  qui  pensaient  au  ma- 
riage, et  sa  mère  aA'ait  trouvé^ une  personne 
qui  lui  pouvait  convenir,  mais  si  jeune  qu'il 
faUait  attendre  environ  deux  ans.  La  con- 
cubine qu'il  entretenait  étant  un  obstacle  à 
son  mariage ,  elle  s'en  retourna  en  Africp^ie , 
où  elle  fit  vœu  de  continence  pour  le  reste 
de  ses  jours.  Il  n'eut  point  le  courage  de 
l'imiter,  et  il  prit  une  autre  concubine  pour 
le  peu  de  temps  qui  restait  juscpi'à  son  ma- 
riage. Tout  ceci  se  passait  en  l'an  383.  Le 
premier  jom-  de  cette  année,  Augustin  avait 
prononcé  '^  devant  une  assemblée  puljlicpie 
très-nombreuse  le  panégyrique  de  Bauton, 
alors  consul. 


il.  L'année  suivante,  il  commença  à  lii-e 
l'Écriture  sainte   avec  une  ardeur  extraor- 
dinaire :  mais  il  ne  goûtait  rien  tant  que  les 
Épitres  de  saint  Paul.  Cette  lecture  répandit 
dans  son  âme  '  une  liunière  qui  lui  fit  voir 
la  vertu  dans  sa  beauté.  Tovitefois ,  il  était 
encore  dans  l'incertitude  ^  du  genre  de  vie 
qu'il  embrasserait.  En  cet  état,  il  s'adressa 
au  prêtre  Simphcien,  homme  d'une  grande 
vertu  et  père  spirituel  (""e  saint  Ambroise  ^; 
il  lui  raconta  tout  le  cours  de  ses  erreurs  et 
tous  les  égarements  de  son  âme.  Simphcien, 
apprenant  de  lui  qu'il  avait  lu  quelcpes  li- 
vres de  Platoniciens,  traduits  en   latin  par 
le  rhéteur  Victorin ,  en  prit  occasion  de  lui 
rapporter  "  de  quelle  manière  "  ce  Victorin 
s'était  converti.  Augustin  en  fut  sensiblement 
touché ,  et  désirait  ardemment  de  l'imiter, 
non-seulement  en  recevant  le  baptême,  mais 
en  renonçant  comme  lui  à  la  profession  de 
la  rhétorique.  Un  jom-  qu'il  était  seul  avec 
Alypius,  un  africain,  du  nom  de  Pontitien, 
officier  de  l'empereur  '-,  vint  les  trouver. 
Us  s'assirent  pour  s'entretenir;  et  Pontitien 
ayant  aperçu  un  livre  sur  la  table  qui  était 
devant  eux,  l'ouvrit,  et  trouva  que  c'étaient 
les  Épîtres  de  saint  Paul.  Sm-pris  de  trouver 
là  ce  seul  hvre,  au  lieu  de  quelqu 'autre  qui 
regardât  la  profession  d'un  orateur,  il  jeta 
les  yeirx  sur  Augiistin  avec  un  sourire  qui 
marquait  sa  joie  et  en  même  temps  son  ad- 
miration :  car  il  était  chrétien  et  faisait  sou- 
vent de  longues  prières  dans  l'église.  Après 
qu'Augustin  lui  eut  avoué  qu'il  s'occupait 
avec  grand  soin  à  la  lecture  de  ce  livre, 
Pontitien  commença  à  parler  de  saint  An- 
toine, solitaire  d'Egypte,  dont  le  nom,  quoi- 
qiie  célèbre  presque  partout ,  avait  jusqu'a- 
lors été  inconnu  à  Augustin  et  à  Alypius.  Il 
lem'  en  raconta  la  vie,  et  leur  parla  de  cette 
grande  midtitude  de  monastères  dont  l'E- 
gypte était  remplie;  de  la  sainte  manière  de 
vivre  de  ces  saints  solitaires,  et  des  effets 
merveilleux  que  la  grâce  opérait  en  eirs. 
Comme  ce  récit  les  remplissait  d'étonne- 
ment,  il  leur  raconta  aussi  la  conversion  de 
deux  ofliciers  de  l'empereur,  qui,  pendant 
le  séjour  de  la  cour  à  Trêves ,  furent  si  tou- 


Sa  con- 
version, en 
380. 


'  Lih.  V  Confess-,  cap.  xiv  et  xxiv.  —  2  August., 
lib.  VI  Confc.ts.,  cap.  i. 

'  Lib.  VI  Confess.,  cap.  vu  et  x. 

*  Ibid.,  cap.  XIV.  —  »  Ibicl-,  cap.  xui,  xv  et  xvi. 

"  August.,  lib.  111  Cont.  lut.  PeliUan.,  cap.  xxv, 
nuni.  30. 

'  August.,  lib.  Il  Àcad.,  cap.  11,  uuiu.  5  et  G. 


8  Lib.  VIII  Confess.,  cap.  i,  num.  1.  —  ^  Ibid., 
num.  2.  —  '»  Lib.  Vlll  Confess.,  cap.  u  et  v. 

"  Victorin  avait  abaucbmué  sa  chaire  de  rhéto- 
rique eu  suite  d'une  défense  que  Julien  l'Apostat 
fit  aux  chrétiens  d'enseigner  les  lettres  humaines. 

1-  Lib.  Vlll  Confess.,  cap.  vi,  num.  14. 


[lye  j.,p  ye  giÈCLES. 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


elles  de  la  vie  de  saint  Antoine  qu'ils  trouvè- 
rent chez  des  moines  du  voisinage  de  cette 
ville,  qu'ils  embrassèrent  sur-le-champ  la 
vie  monasticfue.  Pendant  que  Pontitien  par- 
lait, Augustin  se  sentait  déchirer  le  cœur  ', 
et  il  était  rempli  d'une  horrible  confusion, 
en  vo3"ant  qu'il  ne  lui  restait  plus  d'excuse 
pour  sui'STe  la  vérité  qu'il  cherchait  depuis 
douze  ans,  et  que  ses  amis  avaient  trouvée. 
Il  se  leva  donc  aussitôt  après  le  départ  de 
Pontitien,  et,  s'adressant  à  Alypius,  il  lui  dit 
avec  émotion,  le  visage  tout  changé,  et  d'un 
ton  de  voix  extraordinaire,  qui  faisait  bien 
mieux  connaître  que  ses  paroles  ce  qui  se 
passait  dans  son  âme  :  a  Qu'est-ce  ceci?  Que 
faisons-nous  ?  Que  dites-vous  de  ce  que  nous 
venons  d'entendre  ?  Les  ignorants  ravissent 
le  ciel;  et  nous,  avec  toute  notre  science,  in- 
sensés que  nous  sommes,  nous  demeurons 
toujours  ensevelis  comme  des  bêtes  dans  la 
chair  et  le  sang  :  est-ce  à  cause  qu'ils  nous 
précèdent  dans  la  voie  de  Dieu,  que  nous 
avons  honte  de  les  sui-sTC  ?  Ne  devons-nous 
pas  plutôt  rougir  de  honte  de  n'avoir  pas 
même  le  courage  de  les  suivre  ?  »  Alypius  le 
regarda  sans  rien  dire,  étonné  de  ce  chan- 
gement ,  et  le  suivit  pas  à  pas  dans  le  jar- 
din où  l'emporta  le  trouble  qui  l'agitait.  Ils 
s'assirent  au  lieu  le  plus  éloig-né  de  la  mai- 
son. Augustin,  frémissant  d'indignation  de 
ne  pouvoir  se  résoudre  à  ce  qui  semblait  ne 
dépendre  que  de  sa  volonté,  s'arrachait  les 
cheveux,  se  frappait  le  front  et  s'embras- 
sait les  genoux  avec  les  mains  jointes.  Aly- 
pius ne  le  quittait  point,  attendant,  sans  lui 
rien  dire,  quelle  serait  la  fin  de  cette  agita- 
tion extraordinaire.  Mais  Dieu  rompit  enfin 
toutes  ses  chaînes  par  un  miracle  qu'il  i-a- 
conte  ainsi  :  «  Après  qu'une  profonde  médi- 
tation eut  tiré  des  plus  secrets  replis  de  mon 
âme  et  exposé  à  la  vue  de  mon  esprit  toutes 
mes  misères  et  tous   mes  égarements ,  je 
sentis  s'élever  dans  mon  cœur  une  grande 
tempête,  qui  fut  suivie  d'une  grande  pluie 
de  larmes  ;  et  afin  de  la  pouvoir  verser  tout 
entière  avec  les  gémissements  dont  elle  était 
accompagnée,  je  me  levai  et  je  me  séparai 
d'Alypius,  jugeant  que  la  solitude  me  serait 
plus  propice  pom'  pleurer  à  mon  aise;  et  je 
me  retirai  assez  loin  et  à  l'écart,  afin  de 
n'être  point  troublé  par  la  présence  d'un  si 
cher  ami.  Je  me  couchai  par  terre  sous  un 
figuier,  et  ne  pouvant  plus  retenir  mes  lar- 

1  August.,  lib.  VIII  Confess.,  cap.  vu  et  viii. 


mes,  il  en  sortit  de  mes  yeux  des  fleuves 
et  des  torrents  que  vous  reçûtes  ,  Seignem-, 
comme  un  sacrifice  agréable.   Je  vous  dis 
plusieurs  choses  ensuite,  sinon  en  ces  mê- 
mes termes,  du  moins  en  ce  même  sens  : 
Jusqu'à  quand? jusqu'à  quand  serez-vous  en 
colère  contre  moi?  Oubliez,  s'il  vous  plaît, 
mes  iniquités  passées  :  car  je    connaissais 
bien  que  c'étaient  elles  qui  me  retenaient, 
et  c'est  ce  qui  me  faisait  dire  avec  une  voix 
lamentable  :  Jusqu'à  quand?  jusqu'à  quand 
remettrai -je  toujours  au  lendemain?  Pour- 
quoi ne  sera-ce  point  tout  à  cette  heure, 
pourquoi  mes  ordures  et  mes  saletés  ne  fini- 
ront-elles pas  dès  ce  moment?Comme  je  par- 
lais de  la  sorte  et  pleurais  très-amèrement 
dans  une  profonde  affliction  de  mon  cœur, 
j'entendis,  d'une  maison  voisine,  une  voix  , 
comme  d'un  jeime  garçon  ou  d'une  fille , 
qui  disait  et  répétait  souvent  en  chantant  : 
Prenez  et  lisez,  prenez  et  lisez.  Je   chan- 
geai de  visage  dans  le  moment,  et  je  com- 
mençai à  penser  en  moi-même  si  les  enfants 
n'avaient  point   coutume   de   chanter   dans 
certain  jeu  quelque  chose  de  semblable;  et 
il  ne  me  souvint  point  de  l'avoir  jamais  re- 
marqué. J'arrêtai  donc  le  cours  de  mes  lar- 
mes, croyant  que  Dieu  me  commandait  d'ou- 
vrir le  livre  des  Épîtres  de  saint  Paul,  et 
de  lire  le  premier  endroit  que  je  trouverais; 
car  j'avais  appris  que  saint  Antoine  étant 
im  jour  entré  dans  l'éghse ,  lorsqu'on  lisait 
l'Evangile,  avait  écouté  et  reçu  ces  paroles 
comme  s'adressant  à  lui-même  :  Allez,  ven-        M^mii., 
dez  tout  ce  que  imis  avez:  donnez-le  aux pau-  ^^^'  '  ' 
vres,  venez  et  vie  suivez,  et  que,  par  cet  oracle 
qu'il  entendit,  il  fut  dans  le  même  moment 
converti.  Je    retournai    donc   promptement 
au  lieu  où  Alypius  était  demeuré  ;  je  pris  le 
livre  que  j'y  avais  laissé,  je  l'ouvi'is,  et  dans 
le  premier  endroit  que  je  rencontrai,  je  lus 
tout  bas  ces  paroles  :  Ne  vivez  pas  dans  les         Rom., 
festins  et  dans  l'ivrognerie,  ni  dans  les  impu-  ■^"''  ''' 
dicités  et  les  débauches ,  ni  dans  les  contentions 
et  les  envies;  mais  revêtez-vous  de  notre  Sei- 
gneur Jésus-Christ,  et  ne  cherchez  pas  à  con- 
tenter votre  chair  en  ses  désirs.  Je  n'en  voulus 
pas  lire  davantage  ;  et  aussi  n'en  était-il  pas 
besoin,  puisque  je  n'eus  pas  plutôt  achevé  de 
lire  ce  peu  de  lignes,  qu'il  se  répandit  dans 
mon   cœur  comme  une  lumière  qui  le  mit 
dans  un  plein  repos  et  dissipa  entièrement 
toutes  les    ténèbres   de  mes  doutes.  Puis, 
ayant  marqué  cet  endroit  du  livre,  je  le  fei'- 
mai ,    et,   avec   un  visage  tranquille,  je  fis 


8 


HISTOIRE  GEiNERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Il  se 
relire  à  la 
campngne, 
Sf's  occupa- 
lions. 


entendi'e  à  Alypius  ce  qui  m'était  arrivé.  » 
Alypius  désira  de  voir  le  passage,  en  fit 
remarquer  la  suite  à  saint  Augustin,  qui  n'y 
r.om,,jiiv,  avait  point  pris  garde  :  Assistez  celui  qui  est 
faible  dans  la  foi,  et  s'appliqua  à  lui-même 
ces  paroles.  Ils  rentrèrent  dans  la  maison , 
et  vim'ent  dire  à  sainte  Monique  de  quelle 
manière  tout  s'était  passé,  sachant  bien  que 
i-ien  ne  pouvait  lui  faire  plus  de  plaisir.  En 
même  temps  Augustin  résolut  de  renoncer 
au  mariage  et  à  toutes  les  espérances  du 
siècle,  et  de  commencer  par  abandonner  son 
école  de  rhétorique.  Il  voulut  néanmoins  le 
faire  sans  éclat;  et  comme  il  ne  restait  que 
trois  semaines  environ  jusqu'aux  vacances 
que  l'on  donnait  pour  les  vendanges,  il  remit 
à  ce  temps-là  à  se  déclarer.  Sa  conversion 
arriva  donc  dans  le  mois  d'août  ou  de  sep- 
tembre de  l'année  386. 

12.  Le  jour  des  vacances  arrivé ,  il  se  re- 
tira en  un  lieu  nommé  Cassiaque  ou  Cassi- 
ciaque  ',  dans  la  maison  d'un  ami  nommé 
Vérécundus,  citoyen  de  Milan,  et  profes- 
seur de  grammaire.  Il  y  fut  suivi  de  sa  mère , 
de  son  frère  Navigius,  de  son  fils  Adéodat, 
d'Alypius ,  de  Nébridius,  et  de  deux  jeunes 
hommes,  ses  disciples,  Trygétius  et  Licen- 
tius,  dont  le  dernier  était  fils  de  Romanien. 
Pendant  cette  retraite ,  saint  Augustin  com- 
posa divers  ouvrages  :  le  premier,  contre 
les  Académiciens;  le  second,  de  la  Vie  heu- 
reuse; le  troisième,  de  V Ordre,  et  le  qua- 
trième ,  les  Soliloques.  On  y  voit  de  qpielle 
manière  ils  vivaient  ensemble  dans  cette 
campagne.  Quoique  sainte  Monique  fût  char- 
gée des  soins  du  ménage  ^  saint  Augustin 
ne  laissait  pas  d'entrer  dans  qiiclques  dé- 
tails des  aflïiires  domestiques  ',  et  il  était 
quelquefois  occupé  des  journées  entières  ou 
à  écrire  des  lettres  ',  ou  à  régler  des  affai- 
res. 11  ne  se  levait  pas  ordinairement  avant 
le  jour  ;  mais  il  s'était  accoutumé  depuis 
longtemps  à  veiUer  près  de  la  moitié  de  la 
nuit  ",  pour  méditer  sur  les  difficultés  qu'il 
rencontrait.  Après  s'être  levé,  il  rendait  à 
Dieu  SCS  vœux  ordinaires  ^,  et  répandait 
tous  les  jours  devant  lui  les  humbles  plain- 

1  Lib.  IX  Confess.,  cap.  m,  num.  S.  —  ^  i^h.  Il 
Acad,,  cap.  v,  num.  i3. 

^  Lib.  1  Acad.,  cap.  v,  num.  15,  et  lib.  II,  cap.  iv, 
num.  10.  —  '•  Ibid.,  lib.  II,  cap.  xi,  num.  25,  et  lib. 
III,  cap.  n,  num.  2. 

»  August.,  lib.  I  de  Ordin.,  cap.  m,  num.  6. 

*  Ibid.,  cap.  YUi,  num.  25. 

'  Ibid.,  cap.  V,  num.  13.  —  ^  j^ji,.  |  dg  Ordin., 
cap.  n.  —  '  Ibid.,  lib.  I,  cap.  vrii. 


tes  de  son  ignorance  et  de  sa  misère'.  De 
là  il  allait  se  promener  à  la  campagne  avec 
ceux  de  sa  compagnie  *.  Mais  lorsqu'il  fai- 
sait mauvais  ',  ils  allaient  s'entretenir  dans 
des  bains  qui  étaient  assez  beaux.  Il  ne  pre- 
nait de  nourriture  dans  ses  repas  qu'autant 
qu'il  en  faUait  pour  apaiser  la  faim  '",  sans 
rien  diminuer  de  la  liberté  de  l'esprit,  et  ne 
se  couchait  qu'après  avoir  prié  Dieu".  Mais 
il  était  quelquefois  lon;-temps  à  méditer  et 
à  s'entretenir  avec  lui-même.  Trygétius  et 
Licentius  couchaient  dans  la  même  cham- 
bre que  lui.  Comme  il  avait  pour  eux  une 
extrême  affection,  i\  prenait  un  très-grand 
soin  '^  de  foimer  leurs  mœm's  et  de  les  ins- 
truire dans  les  belles-lettres.  Il  y  réussit  si 
bien,  que  ceux  qui  les  avaient  connus  aupa- 
ravant ,   avaient  peine  à  concevoir  "  qu'ils 
fussent  devenus  si  ardents  à  approfondir  les 
vérités  les  plus  relevées,  et  qu'étant  si  peu 
avancés  en  âge,  ils  eussent  ainsi  déclaré  la 
guerre  aux  voluptés.  Depuis  que  saint  Au- 
gustin eut  commencé  à  se  donner  à  Dieu, 
la  lecture  des  psaumes  le  touchait  sensible- 
ment ",  et  il  séchait  de  douleur  en  pensant 
aux  écrits  que  les  manichéens  opposaient  à 
ces  divins  cantiques.  Ce  fut  dans  le  même 
temps  '^  qu'il  comprit  combien  le  parjure  est 
dangereux,  et  qu'il  entreprit  de  se  défaii'e 
de  la  mauvaise  coutume  qu'il  avait  prise  de 
jurer.  «J'ai  combattu  '%  dit-il,  cette  habi- 
tude, et   non-seidement  je  l'ai  combattue, 
mais  j'ai  prié  le  Scignem-  de  m'aider  à  la 
surmonter.  Il  m'a  accordé  son  secom-s,  et 
présentement  rien  ne  m'est  plus  facile  que 
de  ne  pas  jurer  ;  car,  en  combattant  un  vice, 
on  le  lie  pour  ainsi  dire,  et  on  le  resserre  "  : 
en  le  liant ,  on  le  rend  languissant  :  la  lan- 
gueur le  fait  enfin  mourir  et  l'on  acquiert 
mie  bonne  habitude,  en  se  corrigeant  d'une 
mauvaise.  »  Ce  fut  aussi  dans  sa  retraite  qu'il 
éprouva  le  secours  de  Dieu  dans  un  mal  de 
dents  si  violent  *',  que  jamais  il  n'avait  res- 
senti de  si  vives  doulem-s.  Quand  le  mal  fut 
anivé  à  un  tel  excès  qu'il  ne  pouvait  plus 
parler,  il  lui  vint  en  esprit  d'avertir  ses  amis 
qui  étaient  présents  de  prier  Dieu  pour  lui. 

1»  Lib.  II  Acad.,  cap.  vi,  num.  1-1.  —  "  August., 
Ejnst.  3,  pag.  6.—'^  August.,  lib.  I  de  Ordin.,  cap.  x, 
num.  29,  et  cap.  vni,  num.  2i. 

'3  Lib.  H  de  Ordin.,  cap.  s,  uum.  29. 

1''  Lib.  IX  Confess.,  cap.  iv. 

•'•i  August.,  Serm.  180,  cap.  ix,  num.  10. 

'^  Serm.  307,  cap.  iv,  uum.  5. 

'"'  Serm  180,  uum.  10.  —  '8  Lib.  IX  Confess. 
cap.  IV,  uum.  12. 


SAINT  AUGUSTL\,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


[IV«  ET  V°  SIÈCLES.] 

Pour  leur  faire  entendre  sa  pensée ,  il  l'écri- 
vit sur  des  tablettes  qu'il  leur  donna  à  lire  : 
et  aussitôt  qu'ils  se  furent  mis  à  genoux,  la 
douleur  s'évanouit.  Cet  effet  si  miraculeux 
grava  profondément  dans  le  cœur  de  saint 
Augustin  le  pouvoir  de  la  volonté  de  Dieu , 
et  sa  foi  lui  en  donnant  de  la  joie ,  il  loua 
le  saint  nom  du  Seigneur.  Mais  cette  foi  ne 
lui  permettait  pas  d'être  sans  inquiétude 
dans  le  souvenir  de  ses  péchés  qui  ne  lui 
avaient  pas  encore  été  remis  par  le  saint 
baptême. 
Il  re';oit  13.  Le  temps  étant  donc  '  venu  pom'  se 
à^MUan^'en  iicttre  au  nombre  des  compétents  et  se  pré- 
387-  parer  à  recevoir  ce  sacrement,  il  quitta  la 

campagne  et  revint  à  Milan  avec  Alypius  et 
son  fils  Adéodat,  qui  voulaient  participer  à 
la  même  grâce.  C'était  au  commencement 
du  carême  de  l'an  387.  11  nous  apprend  lui- 
même  dans  quelle  disposition  il  était  alors, 
dans  un  ouvrage  qu'il  composa  longtemps 
après,  et  où  il  parle  de  lui  et  des  autres  en 
ces  termes  :  «Faisons-nous  si  peu  d'attention 
sur  nous-mêmes,  que  '  nous  ne  nous  souve- 
nions pas  avec  quelle  application,  quel  soin 
et  quel  respect  nous  écoutions  les  instruc- 
tions de  ceux  qui  nous  enseignaient  les  prin- 
cipes de  la  religion,  lorsque  nous  deman- 
dions à  être  admis  au  baptême,  et  que  pour 
cette  raison,  on  nous  appelait  compétents.  » 
Il  reçut  ce  sacrement  des  mains  de  saint  Am- 
broise  ',  la  veille  de  Pâques,  qui,  cette  année 
387,  se  rencontra  le  septième  des  calendes 
de  mai,  c'est-à-dire  le  25  d'avril.  Aussitôt  * 
qu'il  eut  été  baptisé,  l'inquiétude  que  lui  don- 
nait le  souvenir  de  sa  vie  passée  s'évanouit , 
et  il  ne  pouvait  en  ces  premiers  jours  se  ras- 
sasier de  la  consolation  singulière  qu'il  rece- 
vait, en  considérant  quelle  est  la  profondeur 
des  conseils  de  Dieu  en  ce  qui  regarde  le 
salut  des  hommes.  Il  renonça  plus  que  ja- 
mais ^  à  tout  ce  qu'il  eût  pu  espérer  dans 
le  siècle,  et  se  résolut  à  ne  servir,  lui  et  les 
siens,  que  Dieu  seul. 

14.  Ayant  examiné  en  quel  lieu  il  pom-rait 
exécuter  plus  aisément  son  dessein,  ils  se 
résolurent,  lui  et  les  siens,  de  retourner  en 
Afrique  ^  avec  un  jeune  homme  nommé 
Evodius,  qui  était  aussi  de  Tagaste.  Arrivés 
à  Ostie  '' ,  ils  s'y  reposèrent  du  long  chemin 


qu'ils  avaient  fait  depuis  Milan,  et  se  prépa- 
raient à  s'embarquer.  Un  jour,  étant  appuyé 
sm-  mie  fenêtre  ^  avec  sa  mère  qui  regardait 
le  jardin  de  la  maison  où  ils  logeaient,  ils 
s'entretinrent  ensemble  avec  une  extrême 
consolation  sur  la  félicité  éternelle,  oubliant 
tout  le  passé  pour  ne  s'occuper  que  des  biens 
à  venir.  Alors  sainte  Monique  lui  dit  :  «  Mon 
fils ,  pour  ce  qui  me  regarde  ,  je  n'ai  plus 
aucun  plaisir  en  cette  vie.  Je  ne  sais  ce  que 
je  fais  encore  ici,  ni  pourquoi  j'y  suis.  La 
seule  chose  qui  me  faisait  souhaiter  d'y  de- 
meurer, était  de  vous  voir  chrétien  catho- 
lique avant  de  mom-ir.  Dieu  m'a  donné  plus  : 
je  vous  vois  consacré  à  son  service,  ayant 
méprisé  la  félicité  temporelle.  »  Au  bout  de 
cinq  joiu's  elle  tomba  malade  de  la  fièA're,  et 
moui'ut  au  bout  de  neuf.  Saint  Augustin  lui 
ferma  les  yeux  '  et  se  sentit  en  même  temps 
frappé  d'une  douleur  qui  voulait  se  répan- 
dre au  dehors  par  des  ruisseaux  de  larmes  : 
mais  il  les  retenait  avec  mie  extrême  vio- 
lence. On  porta  le  corps,  et  on  offrit  pour  la 
défunte  le  sacrifice  de  notre  rédemption.  On 
fit  encore  des  prières  auprès  du  sépulcre, 
suivant  la  coutume,  en  présence  du  corps, 
avant  de  l'enterrer.  Saint  Augustin,  écrivant 
dans  la  suite  toutes  les  circonstances  de  cette 
mort ,  priait  les  lecteurs  de  se  souvenir  au 
saint  autel  de  son  père  Patrice  et  de  Moni- 
cpie,  sa  mère.  Elle  avait  elle-même  demandé 
cette  grâce  mi  moment  avant  sa  mort,  en 
disant  à  son  fils  '"  et  à  Navigius  :  «  Mettez 
ce  corps  où  il  vous  plaira ,  et  ne  vous  en 
inquiétez  point  :  je  vous  prie  seulement  de 
vous  souvenir  de  moi  à  l'autel  du  Seigneur, 
quelque  part  que  vous  soyez.  »  Saint  Au- 
gustin était  alors  dans  la  trente-troisième 
année  de  son  âge  "  :  ainsi  il  faut  mettre  la 
mort  de  sa  mère  vers  le  commencement  du 
mois  de  novembre  de  l'an  387. 

15.  Soit  que  la  saison  fût  trop  avancée, 
soit  qu'il  n'ait  plus  trouvé  d'occasion  favora- 
ble pom-  s'embarquer,  soit  enfin  qu'il  appré- 
hendât les  troubles  qu'avait  causés  en  Afri- 
que l'invasion  de  Maxime,  saint  Augustin  ne 
partit  d'Itahe  qu'après  la  mort  de  ce  prince, 
c'est-à-dii'e  au  mois  d'août  ou  de  septembre 
de  l'an  388.  Il  passa  tout  ce  temps  à  Rome, 
comme  il  nous  en  assure  lui-même,  et  l'em- 


II  retour- 
ne en  4fri- 
quo,cn3X8. 
Il  donne 
son  bien 
aux  p  a  u- 
vres. 


1  Lib.  IX  Confess.,  cap.  vi.  —2  August,  de  Fid. 
et  oper.,  num.  9. —  ^  Possid. ,mVitaÀugust.,  cap.  i. 

*  Lib.  IX  Confess.,  cap.  vi. 

^  Possid.,  in  Vita,  cap.  ii.  —  «  Possid.,  iu  Vita, 
cap.  lo. 


^  Lib.    IX    Confess.,  cap.    xi,    uum.    27    et  28. 
s  Lib.  IX  Confess.,  cap.  xi,  num.  27  et  28. 
3  Ibid.,  cap.  xn,  num.  29. 

1»  Ibid.,  cap.  XI,  uum.  27.  —  "  Lib.  IX  Confess. 
cap.  ."il. 


10 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


ploya  '  à  composer  divers  livres,  savoir  celui 
des  Mœurs  de  VEglise  catholiqve,  et  celui  des 
Mœurs  des  manichéens  ;  celui  de  la  Grandeur  de 
l'âme,  et  les  trois  du  Libre  arbitre.  Il  aborda 
à  Cartilage  ^  et  s'y  arrêta  quelque  temps  avec 
Alypius,  logeant  chez  un  nommé  Innocent, 
qui  avait  exercé  la  charge  d'avocat  au  siège 
du  vicaire  de  la  Préfecture.  Les  chirurgiens 
traitaient  alors  Innocent  de  certaines  fistu- 
les qu'il  avait  eu  grand  nombre  en  la  partie 
où  viennent  les  hémorrhoïdes.  Ils  y  avaient 
déjà  appliqué  le  fer,  et  prétendaient  le  gué- 
rir par  des  remèdes  extérieurs.  Mais  il  était 
demeuré  ime  fistule  qu'ils  n'avaient  point 
aperçue  d'abord  ;  en  sorte  qu'ayant  manqué 
à  l'ouvrir,  les  autres  étant  guéries,  celle-là 
demeurait  toujours.  Après  bien  du  temps, 
on  fut  d'avis  qu'il  fallait  en  venir  à  une  se- 
conde incision. 

Le  malade  la  craignait  comme  une  mort 
certaine,  et  toute  la  maison  était  dans  une 
extrême  affliction.  «  Dans  cette  extrémité, 
nous  nous  disposâmes  à  prier,  dit  saint  Au- 
gustin, nous  nous  mîmes  à  genoux,  et  nous 
nous  prosternâmes  en  terre,  comme  c'est  la 
coutume;  Innocent  s'y  jeta  lui-même  avec 
tant  d'impétuosité,  qu'il  semblait  que  quel- 
qu'un l'eût  poussé  rudement.  Il  commença  à 
prier  :  mais  qiii  pourrait  exprimer  de  quelle 
manière,  avec  quelle  ardeur,  quel  trans- 
port ,  quel  torrent  de  larmes ,  quels  gémis- 
sements et  quels  sanglots?  Tous  ses  mem- 
bres en  étaient  agités,  et  il  pouvait  à  peine 
respirer.  Je  ne  sais  si  les  autres  priaient, 
et  si  ce  spectacle  ne  les  en  détournait  point. 
Pour  moi,  je  ne  le  pouvais  faire,  et  je  disais 
seulement  en  moi-même  :  Seigneur,  quelles 
prières  de  vos  serviteurs  exaucerez-vous,  si 
vous  n'exaucez  celles-ci  ?  car  il  me  semblait 
qu'il  ne  s'y  pouvait  rien  ajouter,  sinon  d'ex- 
pirer en  priant.  Nous  nous  levâmes  donc; 
et  après  avoir  reçu  la  bénédiction  de  l'évê- 
quc  qui  était  présent,  nous  nous  retirâmes. 
Le  lendemain  les  médecins  revinrent  :  on 
mit  le  malade  sur  son  lit,  on  ùta  les  ban- 
dages, on  découvrit  l'endroit ,  et  le  chirur- 
gien, tenant  le  rasoir,  regardait,  cherchant 
de  l'œil  et  de  la  main  la  fistule  qu'il  de- 
vait ouvrir.  Mais,  après  avoir  bien  regardé 
et  bien  cherché,   il    trouva  une   cicatrice 


très-ferme  et  le  mal  entièrement  guéri.  » 
De  Carthage,  saint  Augustin  passa  à  Ta- 
gaste,  et  se  retira  avec  ses  amis  dans  les 
terres  qu'il  avait  ^  près  de  cette  ville.  Il  y 
demem'a  environ  trois  ans,  dégagé  de  tous 
les  soins  du  siècle,  ne  vivant  que  pour  Dieu, 
s'y  exerçant  au  jerine,  à  la  prière  et  aux 
bonnes  œuvres,  méditant  nuit  et  jour  la  loi 
du  Seigneur,  et  instruisant  les  autres  par 
ses  discours  et  ses  écrits.  II  vendit  même  ses 
terres  et  en  distribua  l'argent  aux  pamTcs, 
ne  se  réservant  rien  du  tout,  afm  de  servir  * 
Dieu  dans  une  entière  liberté.  On  voit  par 
les  ouvrages  qu'il  composa  dans  cette  re- 
traite, soit  pour  expliquer  l'Écriture  sainte, 
soit  pour  défendre  la  doctrine  de  l'Église, 
qu'il  y  étudiait  avec  grand  soin,  non-seule- 
ment lesLivres  saints,  mais  encore  les  écrits 
des  auteurs  ecclésiastiques  qui ,  avant  lui , 
avaient  traité  les  matières  dont  il  souhai- 
tait de  s'instruire.  Il  ypratiqnait"  aussi  avec 
ses  amis  tous  les  exercices  de  la  vie  reli- 
gieuse. 

16.  Tandis  qu'il  s'occupait  ainsi,  et  qu'il  f^n  ,,fii"è 
ne  songeait  qu'à  vivre  inconnu  et  dans  la  ^'Ij'j'ji'j""''' 
dernière  place,  le  Seigneur  l'engagea  dans 
le  ministère  ecclésiastique,  pour  lequel  il 
avait  tant  d'éloignement  ^  Voici  quelle  en 
fut  l'occasion  :  un  agent  '  de  l'empereur  à 
Hippone,  ville  maritime  du  voisinage  de  Ta- 
gaste,  homme  vraiment  chrétien  et  craignant 
Dieu,  ayant  été  informé  de  sa  vertu  et  de 
son  savoir,  souhaita  fort  de  le  voir  et  d'en- 
tendre la  parole  de  Dieu  de  sa  bouche.  Il 
assurait  même  que  les  instructions  qu'il  re- 
cevrait de  lui  poiuTaient  le  faire  renoncera 
toutes  les  Amanites  «t  à  toutes  les  prétentions 
du  siècle.  Saint  Augustin,  espérant  de  le 
gagner  à  Dieu  et  de  l'engager  même  avenir 
demeurer  avec  lui  dans  sa  retraite,  vint  à 
Hippone,  eut  plusieurs  entretiens  avec  lui, 
et  le  pressa  extrêmement  d'accomplir  ce 
qu'il  avait  promis  à  Dieu.  Mais  il  ne  put  lui 
persuader  de  l'exécnter  alors.  Valère  gou- 
vernait en  ce  temps-là  l'Église  d'Hippone  ^ 
C'était  LUI  homme  de  piété  et  plein  de  la 
crainte  de  Dieu,  mais  Grec  de  naissance,  de 
sorte  qu'il  avait  peine  de  s'énoncer  en  la- 
tin. Se  voyant  donc  par  là  moins  utile  à 
son  Eglise,  il  demandait  souvent  à  Dieu  de 


'  Lib.  I  RelracL,  cap.  vu,  uum.  1,  cap.  viii, 
num.  1,  et  cap.  ix,  num.  1. 

2  August.,  lib.  XXII  de  doit.,  cap.  viii,  iiuiii.  3. 

"  Possid. ,  in  Vitci,  cnp.  iii,  et  lili.  I.\  Confess., 
cap,  V,  nuiu.  13. 


'•  Epist.  12fi,  nnm.  7.— s  Possid.,  iuTïta,  cap.  ni. 

"  Aiiyust.,  Scnii.  335,  cap.  i,  num.  2,  et,  EpisL.2l, 
uum.  1. 

'  Possid.,  in  Vila,  cap.  ni.  —  ^^  Po-^sid.,  iii  Vila, 
cap  V. 


[iv"  ET  V"  SIÈCLES-]  SAINT  AUGUSTIN, 

lui  donner  un  homme  capable  d'édifier  son 
peuple  par  sa  parole  et  par  sa  doctrine.  Un 
joiu-  qu'il  parlait  aussi  à  son  peuple  du  be- 
soin qu'il  avait  d'ordonner  un  prêtre  pour 
son  Église,  le  peuple  qui  connaissait  la  vertu 
et  la  doctrine  de  saint  Augustin,  et  qui  l'ai- 
mait ',  ayant  appris  comment  il  avait  aban- 
donné son  bien  poiu-  se  consacrer  à  Dieu,  se 
saisit  ^  de  lui  au  milieu  de  l'église  où  il  était 
venu  sans  se  douter  de  l'ien,  et  le  présenta, 
selon  la  coutume  ,  à  l'évêque  ,  le  priant  tous 
unanimement  et  avec  beaucoup  d'empres- 
sement de  l'ordonner  prêtre.  Saint  Augustin 
fondait  en  larmes  dans  la  rae  des  dangers  ' 
et  des  traverses  auxquels  le  gouvernement 
d'une  Église  allait  l'exposer.  Quelques-uns 
de  ceux  qui  s'aperçurent  de  ses  larmes,  et 
qui  n'en  pénétraient  point  la  cause,  lui  di- 
saient pour  le  consoler,  comme  s'il  eût  été 
affligé  de  n'être  que  prêtre  :  «  Il  est  \Tai  que 
vous  méritez  une  plus  grande  place,  mais  la 
prêtrise  approche  de  l'épiscopat.  «  Le  désir 
du  peuple  fut  accompli ,  et  saint  Augustin 
ordonné  prêtre  malgré  sa  résistance,  vers 
le  commencement  de  l'an  391.  Il  reconnaît 
dans  une  de  ses  lettres  '*  que  l'Église  d'Hip- 
pone  avait  eu  le  droit  de  l'arrêter  et  de  le 
faire  prêtre ,  parce  que  celle  de  Tagaste  où 
il  était  né,  ne  l'avait  point  chargé  du  minis- 
tère ecclésiastique.  Il  est  vrai  que,  dans  im 
concile  de  Carthage  °  en  349,  il  fut  ordonné 
que  l'on  pourrait  imposer  les  mains  à  un 
laïque  d'un  autre  diocèse ,  sans  l'aveu  de 
son  évêque  ;  mais  ce  canon  ne  fut  pas  si 
tôt  observé;  et  dans  les  aiitres  conciles, 
on  s'était  contenté  de  défendi'e  d'ordonner 
ceux  qui  étaient  déjà  clercs  dans  quelque 
Église. 

Pour  apprencke  à  exercer  utilement  les 
fonctions  ecclésiastiques,  saint  Augustin  de- 
manda à  Valère  la  permission  de  se  retirer 
dans  la  solitude  ^  quelque  peu  de  temps, 
et  au  moins  jusqu'à  Pâques,  afin  d'étudier 
l'Écriture  sainte  :  et  il  y  a  tout  lieu  de  croire 
que  ce  saint  évêque  se  rendit  à  ses  instan- 
ces. C'était  alors  la  coutume  '  des  Églises 
d'Africjue,  de  ne  point  laisser  prêcher  les 


EVEQUE  D'HIPPONE. 


11 


prêtres.  Mais  Valère  fit  très-souvent  prêcher 
saint  Augustin  en  sa  présence,  ne  craignant 
point  de  passer  par  -  dessus  cette  pratic[ue, 
que  saint  Jérôme  appelle  une  très-méchante 
coutume  ',  parce  qu'elle  donnait  motif  de 
croire  cpie  les  évêques  portaient  envie  à  la 
réputation  de  leurs  prêtres,  ou  qu'ils  dédai- 
gnaient de  les  écouter  et  d'apprendre  quel- 
que chose  d'eux.  Quelques  évêcpies  en  mur- 
murèrent :  mais  ce  sage  et  vénérable  vieil- 
lard, qui  savait  qu'il  était  ordinaire  ^,  dans 
les  Églises  d'Orient,  de  voir  les  prêtres  prê- 
cher en  présence  des  évêques,  crut  devoir 
se  mettre  moins  en  peine  de  ces  murmures, 
que  du  service  qu'il  rendait  à  son  Eglise,  en 
lui  donnant  par  un  prêtre  les  instructions 
qu'il  ne  se  voyait  pas  en  état  de  lui  faii'e  par 
lui-même.  Bientôt  d'autres  évêques'"  suivi- 
rent l'exemple  de  Valère,  et  chargèrent  les 
prêtres  d'annoncer  aux  peuples  la  parole  du 
Seigneur. 

17.  Saint  Augustin,  depuis  son  ordination, 
conserva  l'amour  de  la  retraite  et  se  résolut 
de  vivre  à  Hippone  dans  im  monastère, 
comme  il  avait  fait  auprès  de  Tagaste.  Va- 
lère ",  le  voyant  dans  cette  disposition,  lui 
donna  un  jardin  de  l'église,  où  il  rassembla 
diverses  personnes  qui  avaient,  comme  lui, 
le  désir  de  se  donner  entièrement  à  Dieu, 
n  y  menait  avec  eux  la  même  vie  '^  que  les 
premiers  chrétiens  à  Jérusalem  du  temps 
des  Apôtres.  Ceux  d'entre  eux  qui  avaient 
du  bien  le  vendaient  et  en  distribuaient  le 
prix  aux  pauvres  '',  ne  se  réservant  d'autre 
fonds  que  Dieu  même.  On  met  au  nombre 
de  ses  disciples,  Alypius,  Evodius,  Possidius, 
et  plusiem's  autres  qui  furent  depuis  tirés  de 
ce  monastère  pour  être  élevés  à  l'épiscopat. 
Saint  Augustin  y  recevait  aussi  des  enfants  ''*, 
des  esclaves  '°  et  de  simples  catéchumènes. 
La  continence  était  observée  de  tous  "^.  D  fit 
pour  les  vierges  la  même  chose  qu'il  avait 
faite  pour  les  hommes,  et  établit  pour  eUcs 
un  monastère  à  Hippone,  dont  sa  sœur  fut 
supérieure  ",  et  qu'elle  gouverna  longtemps 
et  jusqu'à  sa  mort,  servant  Dieu  dans  une 
sainte  viduité.  Les  fiUes  "  de  son  frère  et 


Tl  élablit 
un  monns- 
t'ire  à  U  p- 


•  August.,  Epist.  126,  num.  7.  — ^  Possid.,  in  Vita, 
cap.  IV.  —  3  August.,  Epist.  21,  num.  2. 

'  August.,  Epist.  126,  num.  7. 

s  Tom.  Il  Concil.,  pag.  713.— ^  August.,  Episf.  21, 
num.  2. 

1  Possid.,  in  Vita,  cap.  v. 

8  Hieronym.,  Epist.  ad  Nepotian.  —  '  Possid.,  in 
VUa,  cap.  V.  —  i"  Ibid. 


n  August.,  Epist.  258,  num.  5.  —  '^  possid.,  in 
Vita,  cap.  V. 

"  August.,  Epist.  238,  num.  5. 

'''  August.,  lib.  XII  de  Gen.  ad  litt.,  cap.  xvii, 
num.  37.  —  1»  Lib.  de  Oper.  monach.,  cap.  x.xi, 
num.  33. 

18  August.,  de  Geai,  et  lib.  arbit.,  cap.  vn. 

"  Possid.,  in  Vita,  cap.  xxvi.  —  ^^  Ibid- 


12 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


de  son  oncle  y  étaient  aussi.  C'est  ans  reli- 
gieuses de  ce  monastère  qn'il  adressa  sa 
deux  cent  onzième  lettre. 
Il  écrit  à  18.  Aurèle,  qui  n'était  que  diacre  de  Car- 
cariiingeaii  tliage  lorsque  saint  Augustin  revint  d'Italie 
atapcs.  "^^  ^^  388,  en  fut  fait  évéque  après  la  mort  de 
Généthlius,  vers  l'an  392.  Aussitôt  après  son 
oixlination,  il  en  écrivit  '  à  saint  Augustin, 
avec  qui  il  était  depuis  longtemps  lié  d'ami- 
tié :  il  se  recommandait  à  ses  prières,  et  se 
réjouissait  de  ce  qu'Alypius  demeurait  avec 
lui.  Saint  Augustin,  ravi  de  cette  lettre,  parce 
qu'il  y  voyait  les  marques  d'une  affection 
véritablement  sincère  et  cordiale,  fut  néan- 
moins longtemps  sans  savoir  comment  y  ré- 
pondre. Enfin,  s'abandonnant  à  l'esprit  de 
Dieu,  dans  l'espérance  qu'il  le  rendrait  ca- 
pable de  répondre  à  cet  évèque  ce  qui  con- 
venait, il  l'assura  d'abord  des  prières  que 
lui  et  ses  frères  oflraient  à  Dieu,  afin  cju'il 
fit  sentir  à  son  Eglise,  par  son  ministère,  les 
effets  de  sa  miséricorde.  Il  l'exhorta  ensuite 
à  réformer  l'abus  de  certains  festins  qui  se 
faisaient  en  Afrique  dans  les  cimetières  et 
sur  les  tombeaux  des  martyrs,  sous  prétexte 
de  religion.  «  Quand  ce  désordre,  lui  disait- 
il,  régnerait  par  toute  la  terre,  aussitôt  que 
*  l'Afrique  commencerait  à  l'abolir,  son  exem- 
.ple  mériterait  d'être  suivi  de  tous  les  autres 
pays.  Mais  puisqu'on  ne  le  voit  ni  dans  la 
meilleure  partie  de  l'Italie,  ni  dans  la  plupart 
des  Eglises  d'outre-mer,  dans  les  unes  parce 
qu'il  n'y  a  jamais  eu  de  lieu,  et  dans  les  au- 
tres parce  que  de  saints  évoques  l'ont  ou 
étouffé  dès  sa  naissance,  ou  arraché  des  lieux 
où  il  était  le  plus  enraciné,  hésitons-nous  en- 
core sur  les  moyens  de  corriger  cet  abus  ?  » 
Il  parlait  aussi  dans  cette  lettre  sur  la  Ama- 
nite et  le  désir  des  louanges  ,  moins  pour 
l'instruction  d' Aurèle,  que  pour  s'encourager 
lui-même  à  combattre  cet  ennemi,  dont  on 
ne  connaît  la  force  que  quand  on  lui  a  dé- 
claré lagueri'e.  «  Je  lui  résiste,  dit-il,  aiitant 
que  je  puis,  et  toutefois,  il  me  fait  souvent 
des  plaies,  ne  pouvant  m'empêcher  de  res- 
sentir de  la  joie  dans  les  louanges  cpie  l'on 
me  donne.  »  On  ne  sait  point  si  ce  saint  évè- 
que fut  assez  heureux  poiu'  arrêter  les  dé- 
bauches cjui  se  commettaient  dans  les  cime- 
tières des  martyrs  à  Carthage  ;  mais  saint 
Augustin  nous  apprend  dans  une  letti'e  qu'il 
éci'ivit,  n'étant  encore  cp.ie  prêtre,  par  con- 
séquent en  395  au  plus  tard,  cpie  cette  an- 


née-là même  cet  abus  fut  aboli  à  Hippone-. 
Cet  événement  eut  lieu  un  mercredi,  second 
jour  de  mai,  veille  de  la  fête  de  l'Ascension. 
Comme  on  avait  lu  ce  jour-là  l'endroit  de 
l'Évangile  où  il  est  dit:  Ne  donnez  point  le 
Saint  aux  chiens,  il  s'en  servit  pour  montrer 
combien  il  était  honteux  de  commettre  dans 
l'église  des  excès  pour- lesquels  ceux  qui  s'en 
étaient  rendus  coupables  dans  l'intérieur 
de  leur  maison,  méritaient  d'être  privés  de 
la  communion  des  saints  mystères.  Son  dis- 
cours fut  applaudi,  mais  comme  il  y  avait 
eu  peu  de  monde,  il  reprit  la  même  matière 
le  lendemain.  Il  accompagna  son  discours 
des  marques  de  la  plus  vive  douleur,  et, 
mêlant  ses  larmes  aux  menaces,  aux  repro- 
ches et  aux  prières,  il  vint  à  bout  d'abolir 
cette  mauvaise  coutume.  Saint  Augustin  ne 
fit  en  cela  que  se  conformer  à  la  disposition 
du  concile  d'Iîippone  qui,  en  393,  avait  or- 
donné par  son  canon  31",  que  l'on  détourne- 
rait le  peuple  de  ces  sortes  de  festins,  autant 
qu'il  serait  possible.  Quelqucs-rnas  disaient: 
Pourquoi  abolir  maintenant  cette  coutume  ? 
à  quoi  saint  Augustin  répondait  :  «  Abolis- 
sons du  moins  à  présent  ce  que  l'on  aiirait 
dû  abolir  il  y  a  si  longtemps.  »  Néanmoins, 
de  peur  qu'il  ne  semblât  accuser  ceux  qui 
l'avaient  soufferte,  il  fit  entendre  au  peuple 
qu'on  avait  eu  des  raisons  d'user  de  cette 
condescendance  ;  que  ces  raisons  étaient, 
vraisemblablement,  qu'après  la  paix  rendue 
à  l'Éghse,  les  païens  qui  se  convertissaient 
en  foule,  ayant  peine  à  renoncer  aux  festins 
qu'ils  faisaient  aux  jours  de  fêtes  en  l'hon- 
neur de  leurs  idoles,  on  avait  eu  égard  à  leur 
faiblesse,  et  onleur  avait  permis  de  célébrer 
les  fêtes  des  martyrs  par  des  festins,  en  at- 
tendant qu'ils  fussent  capables  des  joies  pu- 
rement spirituelles.  On  lui  objectait  encore 
l'exemple  de  l'église  de  saint  Pierre  à  Rome, 
où  ces  festins  se  célébraient  tous  les  jours. 
Saint  Augustin  répondit  cpi'il  savait  cpi'onles 
avait  souvent  défendus,  et  que  ce  qui  avait 
empêché  qu'on  ne  vînt  à  bout  d'arrêter  un 
si  grand  désordre,  c'est  que  le  lieu  où  il  se 
commettait  était  fort  éloigné  du  logement 
de  l'évêque;  que,  dans  une  si  grande  ville, 
il  y  avait  une  quantité  d'hommes  charnels, 
et  que  le  nombre  en  augmentait  par  cette 
foule  d'étrangers  qui  abordaient  sans  cesse 
à  Rome,  et  qui  s'attachaient  d'autant  plus 
opiniâtrement  à  cette  malheureuse  coutume, 


'  .\ljud  August.,  Episl.  -li,  uum.  4. 


.\iigust.,  Episl.  29,  uiuu.  2  et  seq. 


[IV°  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


13 


qu'ils  étaient  plus  grossiers  et  moins  ins- 
truits. Voyant  donc  tout  le  peuple  d'accord 
pour  abolir  ces  festins,  il  les  exhorta  à  se 
trouver  à  midi  aux  lectui-es  et  au  chant  des 
Psaumes.  L'assemblée  y  fut  nombreuse  :  on 
lut  et  on  chanta  alternativement ,  jusqu'à 
l'heure  où  le  clergé  revint  avec  l'évêque. 
Saint  Augustin  fut  obligé,  par  les  ordres  de 
Valère,  de  parler  encore  au  peuple  ;  ce  qu'il 
fit  en  peu  de  mots,  montrant  l'intérêt  qu'il  y 
a  de  s'attacher  à  ce  qui  ne  périt  point,  et  à  se 
dégager  des  choses  sensibles,  en  s'élevaut 
par  la  pm-eté  d'esprit  à  ce  qui  est  au-dessus 
des  sens. 
Il  est  fait  19.  Vers  la  fin  de  la  même  année  393, 
<ï'Hippone,  l'évêque  Valère  se  sentant  accablé  de  vieil- 
""  ^^^'  lesse  et  d'infirmités,  et  craignant  qu'on  ne 
lui  enlevât  saint  Augustin  pour  le  faire 
évêque ,  écrivit  secrètement  '  à  Am'èle  de 
Carthage  de  le  faire  ordonner  évêque  pour 
l'Église  d'Hippone,  comme  son  coadjuteur. 
La  réponse  d'Am'èle  ayant  été  favorable, 
Valère  pria  Mégalius,  évêque  de  Calame, 
primat  de  Numidie,  de  venir  visiter  l'Église 
d'Hippone.  Sa  présence  ou  du  moins  son 
consentement  était  nécessaire  pour  ordonner 
mi  évêqae.  Quand  Mégalius  fut  arrivé,  Valère 
lui  déclara  son  intention,  ainsi  qu'aux  autres 
évêques  qui  se  trouvèrent  présents,  à  tout 
le  clergé  de  la  ville  et  au  peuple.  Tous  géné- 
ralement reçurent  cette  proposition  avec  une 
extrême  joie,  et  le  peuple  demanda^  avec  de 
grandes  acclamations  qu'elle  fût  exécutée. 
Saint  Aug-ustin  seul  et  Mégalius  s'y  oppo- 
sèrent. Celui-ci,  pressé  par  le  concile  ^  de 
prouver  une  accusation  qu'il  avait  formée 
contre  saint  Augustin,  ne  put  le  faire.  Il  en 
demanda  même  pardon,  et  reconnut  si  bien 
son  innocence,  qu'il  lui  imposa  les  mains. 
Saint  Augustin  refusait  d'accepter  l'ordina- 
tion épiscopale  ',  soutenant  qu'il  était  contre 
la  coutume  de  l'Éghse  de  mettre  un  évêque 
où  il  y  en  avait  encore  mi  vivant.  Mais  on 
l'assura  ^  que  c'était  une  chose  ordinaire,  et 
on  lui  en  aUégua  plusieurs  exemples  tant 
dans  les  Églises  d'Africpie  que  dans  celles  de 
deçà  la  mer.  Ne  trouvant  donc  plus  d'excuse, 


et  craignant  de  résister  à  l'ordre  de  Dieu,  il 
consentit  malgré  lui  à  accepter  le  soin  et 
les  marques  de  la  dignité  épiscopale.  On  ne 
laissa  pas  de  trouver  à  redire  à  cette  oi-di- 
nation  ;  le  Saint  avoua  depuis  ^  de  bouche  et 
par  écrit,  qu'elle  était  contraire  au  huitième 
canon  du  concile  de  Nicée.  Mais  lorsqu'il  fut 
choisi  évêcfue,  ni  lui  ni  Valère  ne  savaient 
point  ce  que  le  concile  de  Nicée  avait  or- 
donné à  cet  égard.  C'est  pom'quoi  saint  Au- 
gustin fut  d'avis',  dans  la  suite,  que  l'on  éta- 
blit pour  règle,  dans  les  conciles,  que  quand 
on  ordonnerait  une  personne ,  l'ordinateur 
lui  lirait  tous  les  décrets  des  Pères.  Ce  dé- 
cret se  trouve  ^  dans  le  troisième  concile  de 
Carthage,  en  397. 

20.  Tant  qu'il  ne  fut  que  prêtre ,  saint  Sa  cfn- 
Augustin  demeura  '  dans  un  monastère  do  tiant  soîî 
religieux  cpi'il  avait  établi  à  Hippone  :  mais  "^P'^<^"i«"- 
voyant  c[u'en  qualité  d'évêque,  il  ne  pouvait 
se  dispenser  de  recevoir  '"  continuellement 
des  étrangers,  il  voulut  avoir  avec  lui  dans 
la  maison  épiscopale  les  prêtres,  les  diacres 
et  sous-diacres  qui  desservaient  son  Église. 
D.  menait  avec  eux,  autant  qu'il  lui  était  pos- 
sible, la  vie  des  premiers  chrétiens  de  Jérusa- 
lem ",  qui  avaient  tout  en  commun;  c'était 
la  loi  à  laquelle  s'engageaient  tous  ceux  qui 
entraient  dans  son  clergé  :  et  il  n'ordonnait 
aucun  clerc  '-  qui  ne  consentit  à  demeurer 
avec  lui  à  condition  de  ne  rien  posséder  en 
propre.  Ceux  qui  avaient  du  bien  étaient 
obligés  "ou  de  le  donner  aux  pau^Tes,  ou  de 
le  mettre  en  commun.  Mais  ceux  qui  n'ap- 
portaient rien,  n'étaient  point  distingués  '* 
de  ceux  qui  avaient  donné  quelque  chose  à 
la  communauté.  Quant  à  sa  personne,  il  s'a- 
donna '°  au  ministère  de  la  prédication  avec 
encore  plus  de  ferveur  qu'il  n'avait  fait  étant 
prêtre,  et  il  continua  "  cette  fonction  de 
son  ministère  jusqu'à  la  mort  avec  la  même 
assiduité,  la  même  force,  la  même  vivacité  et 
le  même  jugement.  Il  était  vêtu  ",  chaussé  et 
meublé  d'une  manière  fort  modeste,  n'ayant 
rien  de  trop  beau,  ni  de  trop  méprisable,  et 
gardant  en  tout  la  médiocrité  sans  affecta- 
tion. «Voulez-vous,  disait-il"*,  qu'on  dise  que 


1  Possid.,  in  Yita,  cap.  vill.  —  ^  August.,  Epist.  41, 
num.  4.-—  3  August. ,  lib.  III  cont.  Crescon.,  cap.  lsxs. 

*  Possid.,  iu  Vita,  cap.  vin. 

5  Possid.,  ibid.,  et  August.,  cap.  xxxi,  num.  4. 

^  August.,  Epist.  213,  num.  4. 

■>  Possid.,  cap.  viii. 

8  Tom.  Il  Concil.,  p.  1167.  —  ^  Possid.,  in  Vita, 
cap.  V. 


1»  August.,  Serm.  233,  cap.  i,  num.  2.  —  "  Au- 
gust., Serî)i-.  333,  cap.l,  num.  2,  et  Serm.  336,  num.  l. 

»-  Ibid.,  num.  6. —  '^  Serm.  333,  cap.  i,  num.  2. 

1*  Serm.  356,  num.  8.  —  '^  possid.,  in  Vita, 
cap.  IX. 

1^  Possid.,  in  Yita,  cap.  xxxi. 

"  Possid.,  in  Vita,  cap.  xxii.  —  '^  Serm.  336, 
num.  13.  ,         , 


u 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


j'ai  trouvé  dans  l'Église  le  moyen  d'avoir 
des  habits  plus  riches  que  je  n'en  eusse  pu 
avoir  cliez  mon  père,  ou  dans  l'emploi  que 
j'avais  dans  le  siècle  :  cela  me  serait  lionteux. 
Il  faut  que  mes  habits  soient  tels  que  je  les 
puisse  donner  à  mes  frères,  s'ils  n'en  ont 
point.  Je  n'en  veux  point  d'autres  que  ceux 
que  peut  porter  un  prêtre,  un  diacre,  un 
sous-diacre,  parce  que  je  reçois  tout  en  com- 
mtui  avec  eux.  Si  l'on  m'en  donne  de  plus 
chers,  je  les  vendrai,  afin  que  si  ces  habits 
ne  peuvent  servir  à  tous,  l'argent  qu'on  en 
aura  tiré  y  serve.  Si  l'on  souhaite  que  je 
porte  ceux  que  l'on  me  donne,  que  l'on  m'en 
donne  qui  ne  me  fassent  point  rougir.  Car,  je 
vous  l'avoue,  un  habit  de  prix  me  fait  rougir, 
parce  qu'il  ne  convient  point  à  ma  profes- 
sion, à  l'obligation  que  j'ai  de  prêcher,  à  un 
corps  cassé  de  vieillesse,  et  à  ces  cheveux 
blancs  que  vous  me  voyez.  »  Sa  table  élait 
servie  frugalement  '  ;  outre  les  herbes  et 
les  légumes,  on  y  servait  quelqiiefois  de  la 
viande  pour  les  étrangers  et  les  infirmes; 
mais  il  y  aA'ait  toujours  du  vin  :  car  il  ne 
craignait  pas  l'impureté  des  viandes,  comme 
les  manichéens,  sachant  que  toutes  les  créa- 
tures de  Dieu  sont  bonnes  et  sont  sanctifiées 
par  la  parole  de  Dieu  et  par  la  prière.  11 
y  avait  un  nombre  de  verres  ^  réglé  pour 
ceux  qui  mangeaient  avec  lui  :  si  quelqu'un 
de  ses  clercs  avait  juré,  il  perdait  un  verre. 
On  servait  à  sa  table  des  cuillers  d'argent  '■'; 
mais  toutes  les  autres  choses  étaient  de 
terre,  de  bois,  ou  de  marbre  :  ce  que  saint 
Augustin  faisait  uniquement  par  amour  de 
la  pauvreté  et  de  la  modestie.  11  faisait  lire 
pendant  le  repas,  ou  examiner  quelques 
questions  :  et  pour  exclure  de  sa  table  la 
médisance,  il  avait  fait  écrire  ces  deux  vers 
dans  son  réfectoire  : 

Toi  qui,  saus  charité,  déchires  les  absents, 
Apprends  qu'à  cette  table  on  hait  les  médisants. 

Aucune  femme  '•  ne  logeait  cbez  lui,  pas 
même  sa  sœur,  quoique  veuve  et  fidèle  ser- 
vante de  Dieu.  La  raison  qu'il  en  donnait 
était  que,  quoique  l'on  ne  pût  concevoir  de 
mauvais  soupçons,  en  ne  voyant  chez  lui 
que  sa  sœur  ou  ses  nièces ,  comme  elles  ne 


pouvaient  se  passer  d'autres  femmes,  tout  ce 
commerce  pouvait  être  aux  faibles  un  sujet 
de  scandale,  et  aux  ecclésiastiques  qui  de- 
meuraient avec  lui  une  occasion  de  tenta- 
tion. Il  confiait  ^  l'administration  des  biens 
de  l'Église  à  ceux  de  ses  clercs  qu'il  croyait 
les  i^lus  propres  à  cet  emploi,  et  leur  faisait 
rendre  compte  chaque  année  des  recettes 
et  des  dépenses.  Quoiqu'il  n'eût  point  de 
trésor  pour  y  conserver  de  l'argent,  il  avait 
une  espèce  de  tronc  ^  pour  recevoir  les  au- 
mônes et  les  oblations  des  fidèles,  dont  il 
usait  en  faveur  des  pauvres.  Quelques-uns 
murmuraient  ''  de  ce  qu'il  faisait  difficulté 
de  recevoir  des  successions,  mais  il  s'en 
mettait  peu  en  peine;  et,  croyant  qu'il  fal- 
lait en  ces  rencontres  user  de  beaucoup  de 
discrétion,  il  ne  recevait  point  les  donations 
qui  étaient  honteuses  à  l'Église,  ou  qui  lui 
auraient  pu  être  à  charge,  se  contentant  de 
recevoir  celles  qui  étaient  saintes  *.  Il  ex- 
hortait ^  même  les  fidèles  à  compter  Jésus- 
Christ  au  nombre  de  leurs  enfants,  et  à  lui 
laisser  une  part  dans  leur  succession. 

21.  S'il  n'aimait '°  point  à  faire  de  nou- 
veaux édifices  à  cause  de  l'embarras  qui  en 
revient,  il  n'empêchait  pas  les  autres  de  bâ- 
tir, à  moins  qu'ils  ne  donnassent  dans  l'ex- 
cès. Nous  lisons  dans  un  de  ses  discours,  qu'il 
commanda  "  au  prêtre  Léporius  de  cons- 
truii'e  un  hôpital  pour  les  étrangers,  de  l'ar- 
gent que  l'on  avait  donné  à  l'Eglise  pour 
cet  effet,  et  que,  du  reste  de  cet  argent,  Lé- 
porius en  bâtit  aussi  par  son  ordre  la  basili- 
que des  Huit-Martyrs.  Il  donnait  '-  souvent 
aux  pauvres  du  fonds  môme  d'où  il  prenait 
sa  subsistance  et  cefie  de  sa  communauté  :  et 
quand  l'argent  lui  manquait,  il  en  avertissait 
le  peuple,  afin  d'avoir  toujours  de  quoi  don- 
ner aux  pauvres.  C'est  ce  qui  parait  par  un 
discours  "  qu'il  fit  le  jour  de  son  ordination, 
et  par  un  autre  qu'il  finit  en  ces  termes: 
«  Je  suis  mendiant  pom-  les  mendiants  ''  ;  et 
je  veux  bien  l'être,  afin  que  vous  soyez  du 
nombre  des  enfants  de  Dieu.  »  Saint  Augustin 
parle  dans  un  autre  discernas  d'une  coutume  '* 
qu'il  avait  établie  parmi  son  peuple ,  de 
vêtir  tous  les  ans  les  pauvres.  Comme  on  y 
manqua  une  fois '"pendant  son  absence,  il  en 


*  Possid.,  in  Vita,  cap.  xxii.  —^Ibid.,  cap.  sxvui. 
2  Possid.,  ibicl.,  cap.  x.xii. 
''  Possid.,  in  Vila,  cap.  xxvi. 
"  Possid., in  Yita,  cap.  xxiv.  —  "  August.,  Serin. 
333,  uum.  13. 
'  Ibid,,  cap,  m,  num.  4.  —  s  jud,  _  s  ji,i,i. 


1"  Possid.,  in  Vita,  cap.  xxiv.  —  n  August., 
Serm.  33S,  uum.  6. 

"  Possid.,  in  Yita,  cap.  xxiu.  —  '^  Serm.  339, 
cap.  m,  iinni.  3. 

'•  Serm.  330,  nnm.  la.  -   '»  Epist.  122,  uiim.  2. 

"  lîpisl.  122,  num.  2. 


[IV"  ET  y"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  DTIIPPONE. 


15 


reprit  aussitôt  son  clergé  et  son  peuple,  par 
une  lettre  qu'il  leur  écrivit.  Enfin  sa  com- 
passion pour  les  misérables  *  alla  jusqu'à  lui 
faire  rompre  les  vaisseaux  sacres  et  les  faire 
fondre,  pour  en  assister  les  pauvres  et  les 
captifs. 
Sa  cou-  22.  Suivant  exactement  les  règles  que  saint 
vers  les  [lé-  Paul  prescrivait  à  Timothée,  il  reprenait  pu- 
diuuis.  bliquement  ^  ceux  dont  les  crimes  étaient 
publics,  afin  de  donner  de  la  crainte  aux 
aiitres.  Il  y  avait  néanmoins  certains  vices  ' 
qu'il  ne  combattait  que  comme  en  riant  *, 
quoiqu'ils  fussent  publics,  dans  la  crainte  de 
porter  les  pécheurs  à  la  colère  et  de  passer 
pour  un  novateur.  Telles  étaient  les  obser- 
vations superstitieuses  des  jours,  qui,  quoi- 
que condamnées  par  saint  Paul,  étaient  si 
communes  en  Afrique  ,  qu'on  les  pratiquait 
ouvertement  et  sans  aucun  scrupule.  Quant 
aux  péchés  secrets ,  lorsqu'ils  étaient  consi- 
dérables, comme  les  homicides,  ou  les  adul- 
tères '%  il  avertissait  en  secret  ceux  qui  en 
étaient  coupables,  et  ne  négligeait  rien  pour 
leur  persuader  d'en  faire  pénitence.  Quel- 
quefois il  refusait  de  manger  avec  cerlains 
chrétiens  d'une  vie  déréglée,  afin  de  leur 
faire  confusion  et  de  les  engager  par  là  à 
rentrer'dans  leur  devoir  :  et  au  contraire ,  il 
mangeait  ^  souvent  avec  des  païens  et  des 
impies,  en  les  recevant  à  sa  table,  plutôt 
qu'avec  les  mauvais  catholiques,  se  con- 
formant en  cela  au  précepte  de  saint  Paul. 
11  employait  l'excommmiication  envers  les 
pécheurs^  qui  le  méritaient,  autant  que  la 
paix  de  l'Église  le  pouvait  souffrir,  et  qu'il 
jugeait  cette  censure  utile  pour  leur  salut. 
Mais  il  n'osait  en  user  de  même  à  l'égard  de 
ceux  qui  étaient  sujets  à  l'ivrognerie,  quoi- 
qu'ils le  méritassent,  parce  que  '  n'étant  pas 
persuadé  de  la  grandeur  de  leurs  fautes,  ce 
châtiment  am'ait  peut-être  contribué  à  les 
rendre  pires.  Il  était  plus  sévère  envers  les 
maris  qui  ne  gardaient  pas  la  foi  conjugale, 
et  avertissait  ceux  qui  savaient  que  leurs 
désordres  lui  étaient  connus,  de  s'abstenir 
de  la  communion  ^ ,  de  peur  que  s'ils  s'y 
présentaient ,  il  ne  les  fit  chasser  de  l'autel. 
Quelques  personnes  ayant  violé  un  serment 
qu'ils  avaient  fait  sur  les  Évangiles,  s'étaient 
réfugiées  dans  l'église -pom'  éviter  la  peine 


de  leur  parjin-e  :  le  magistrat,  nommé  Classi- 
cien,  vint  à  l'église  trouver  l'évêque  du  lieu, 
nommé  Auxilius,  pour  le  prier  de  ne  point 
protéger  ces  personnes  ;  Auxilius  prétendant 
apparemment  que  Classicien  avait  violé  l'a- 
sile de  l'église,  l'excommunia  avec  toute  sa 
famille.  Classicien  s'en  plaignit  à  saint  Au- 
gustin, qui  en  écrivit  à  Auxilius  ^  pour  sa- 
voir de  lui  s'il  avait  quelques  raisons  pour 
montrer  qu'il  fût  permis  d'anathématiser  une 
maison  tout  entière,  pour  la  faute  de  quel- 
que particulier  ;  il  ajoutait  que  s'il  n'en  avait 
point,  il  avait  eu  tort  d'excommunier  Clas- 
sicien avec  toute  sa  famiUe.  Il  le  priait  de  se 
réconcilier  avec  ce  magistrat,  et  de  biffer  le 
procès-verbal  qu'il  avait  fait  contre  lui.  <(  Et 
ne  croyez  pas,  ajoute-t-il,  que,  dès  là  qu'on 
est  évêque ,  on  soit  incapable  d'être  surpris 
par  aucun  mouvement  de  colère  injuste. 
Songeons,  au  contraii-e,  que  tant  qu'on  est 
homme,  on  est  exposé  de  toules  parts  à  la 
tentation  et  au  péril  de  se  perdre.  »  11  avait 
pour  maxime,  et  il  pouvait  l'avoir  apprise 
de  saint  Ambroise  '",  qu'un  homme  consacré 
au  service  de  Dieu  ne  doit  point  se  mêler  de 
faire  des  mariages,  de  peur  que  les  mariés, 
venant  à  se  quereller ,  ne  maudissent  celui 
qui  leur  avait  procuré  un  engagement  où  ils 
se  trouvaient  malheureux  ;  ni  appuyer  de  ses 
recommandations  ceux  qui  veulent  entrer 
dans  les  offices  de  la  cour,  de  crainte  que 
s'ils  ne  réussissent  pas,  on  ne  jette  la  faute 
sur  celui  qui  les  a  produits;  et  également 
qu'il  doit  s'abstenir  d'aller  manger  chez  per- 
sonne dans  le  lieu  de  sa  demeure,  parce  que 
l'occasion  s'en  présentant  souvent,  il  se  met- 
tait en  danger  de  s'accoutumer  à  passer  les 
bornes  de  la  tempérance.  Si,  toutefois,  les 
deux  parties  priaient  un  évêque  de  se  trouver 
à  leurs  noces,  saint  Augustin  était  d'avis  que 
l'évêque  devait  y  aller,  pour  confirmer  et 
pour  bénir  les  promesses  et  l'accord  qu'elles 
faisaient  mutuellement.  H  ne  recevait  à  la 
communion  ceux  qui  faisaient  profession 
de  l'astrologie  judiciaire,  qu'après  les  avoir 
obligés  à  la  pénitence  publique,  qu'il  ne  leur 
accordait  même  qu'après  beaucoup  de  de- 
mandes et  de  délais.  «  Il  est  bon  que  vous 
sachiez,  dit  -  il  "  à  son  peuple,  en  parlant 
d'un  homme  qui  avait  exercé  cette  profes- 


1  Possid.,  in  Yita,  cap.  sxiv.  —  ^  Possid.,  iu  Vita, 
cap.  XIX.  —  ^  Sertn.  17,  cap.  m,  nuui.  3. 
'■  Expos.  Ejnst.  ad  Galat-,  muii.  33. 
5  Serm.  82,  cap.  vn  et  vni. 


"  In  psal-  c,  num.  8.  —  '  Serai.  17,  cap.  m, 
num.  3.  —  8  Serm.  392,  cap.  v,  uum.  5. 

^  August.,  Epist.  230,  num.  2.  —  i"  Possid.,  in 
Yila,  cap.  xxvn.  —  "  In  psal.  lix,  num.  23, 


16 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


sion,  qu'il  y  a  longtemps  cju'il  frappe  à  la 
porte  de  l'église,  et  qu'il  y  est  venu  clierclier 
le  remède  à  ses  maux  dès  devant  Pâques. 
Mais  comme  l'art  dont  il  faisait  profession 
le  rendait  m\  peu  suspect  de  mensonge  et 
de  tromperie,  nous  avons  cru  qu'il  était  bon 
de  ditîérer  à  le  recevoir,  dans  la  crainte  qu'il 
ne  nous  tentât.  Mais  enfin  nous  l'avons  reçu, 
de  peur  qu'il  ne  fût  plus  dangereusement 
tenté  lui-même.  Priez  donc  Jésus-Christ  pour 
lui.  Offrez  à  son  intentionles  prières  que  vous 
allez  faire  aujourd'hui  au  Seigneur  notre 
Dieu  :  car  nous  savons  et  nous  nous  tenons 
assurés  que  vos  prières  effaceront  toutes  ses 
impiétés.  » 
Ses  ira-       23.  Ce  fut  par  le  ministère  de  saint  Au- 

Vaux  contre  '-  -,       -,    ■  n  -n         n      nr 

les  ennemis  gustm  que  les  païens  habitant  la  ville  de  Ma- 
etpnuri'E^  dauie  '  se  convcitirent  à  la  religion  chré- 
giisc.  tienne,  et  que  Longinien,  qui  était  également 

païen  ^  et,  selon  toute  apparence,  pontife  du 
paganisme,  reconnut  qu'il  fallait  adorer  le 
seul  Dieu  qui  est  notre  souverain  bien  et  le 
créateur  incompréhensible  de  toutes  choses  ; 
le  saint  évêque  travailla  aussi  avec  succès 
contre  les  tertullianistes  '  qui  se  trouvaient 
à  Carthage,  et  contre  certains  autres  héré- 
tiques nommés  Abélonieus*,  du  nom  d'A- 
bel,  qui  s'étaient  établis  dans  quelques  vil- 
lages du  diocèse  d'Hippone.  La  suite  de  son 
histoire  nous  fera  voir  ce  qu'il  fit  encore 
contre  les  manichéens,  contre  les  donatistes 
et  les  pélagiens.  En  397 ,  il  se  trouva  au 
troisième  concile  de  Carthage,  et  à  la  plu- 
part de  ceux  que  l'on  tint  de  son  vivant 
dans  l'Afrique. 
Il  dépose  24.  Le  vingt -septième  de  décembre  de 
liusenaoï.  l'an  401,  il  jugea  '■^  l'aflaire  d'Abondantius, 
prêtre  d'un  lieu  appelé  Straboniane,  dans 
le  diocèse  d'Hippone,  convaincu  d'avoir  pré- 
variqué  dans  son  ministère.  La  première 
faute  dont  on  l'accusa  et  sur  laquelle  il  ne 
put  se  justifier,  fut  qu'ayant  eu  en  dépôt 
chez  lui  l'argent  d'un  paysan,  il  ne  put  dire 
ce  que  cet  argent  était  devenu.  11  ne  put 
aussi  nier  qu'étant  parti  le  jour  du  jeûne  de 
Noël  sur  les  onze  heures  du  matin  de  chez 
un  curé,  pour  s'en  retourner  chez  lui,  il  s'é- 
tait arrêté,  sans  être  accompagné  d'aucun 
clerc,  dans  la  maison  d'une  femme  du  même 
lieu,  qui  était  mal  famée,  d'y  avoir  diné  et 


soupe,  quoique  la  paroisse  de  ce  heu  jeûnât 
ce  jour-là  aussi  bien  que  les  autres  Églises, 
et  d'avoir  couché  chez  cette  femme.  Sm- 
l'aveu  qu'en  fit  Abondantius,  saint  Augustin 
lui  ôta  le  soin  de  l'Église  qu'on  lui  avait 
confié,  et  lui  permit  par  compassion  de  se 
retirer  chez  un  curé  dans  le  territoire  et 
la  plaine  de  Bulle,  d'où  il  était,  à  condition 
néanmoins  de  n'y  exercer  aucune  fonction 
du  sacerdoce. 

25.  Il  y  avait  à  Hippone  un  évêque  pour  .Les  doua, 
les  donatistes,  nommé  Proculcien.  Saint  Au-  tent^  à'  sa 
gustin  essaya  '^  plus  d'une  fois  de  conférer  ^"' 
avec  lui  amiablement,  pour  tâcher  de  le  ra- 
mener, lui  et  les  siens,  à  l'unité  de  l'Église, 
sans  pouvoir  y  réussir.  Mais  s'il  trouva  de  la 
résistance  dans  les  évêques  de  ce  parti,  les 
laïques  donatistes  se  rendirent  à  ses  raisons, 
et  il  en  ramena  un  grand  nombre  à  l'Église. 
Les  circoncellions  en  furent  extrêmement 
irrités,  et  pour  se  venger,  ils  ch^essèrent  plu- 
sieurs fois  des  embûches  au  saint  évêque  ^, 
lorsqu'il  allait  à  son  ordinaire  visiter  et  ins- 
truire les  paroisses  catholiques.  Il  arriva  ' 
un  jour  qu'ils  le  manquèrent,  parce  que  son 
guide  s'étant  égaré,  avait  quitté,  sans  y  pen- 
ser, le  droit  chemin.  H  rendit  grâces  à  Dieu 
d'une  erreur  si  salutaire  ;  mais  voyant  qu'ils 
continuaient  à  exercer  leurs  violences  dans 
la  campagne  autom-  d'Hippone,  il  en  écri- 
vit à  Cécilien  \  vicaire  d'Afrique,  le  priant, 
non  de  punir  ces  excès  avec  sévérité,  mais 
de  les  empêcher,  en  réprimant  par  la  crainte 
des  châtiments  ceux  qui  les  commettaient. 
Cette  lettre  est  de  l'an  403.  Cécilien  avait 
déjà  donné  un  édit  très-rigoureux  contre  les 
donatistes;  mais  cet  édit  n'avait  pas  encore 
eu  d'exéculion  à  Hippone  ni  dans  les  autres 
lieux  de  la  Numidie  qui  en  étaient  proches. 
L'emperem-  Honorius  fît  aussi  contre  les  do- 
natistes des  lois  extrêmement  sévères,  ce 
qui  fut  cause  '"  qu'un  grand  nombre  de  per- 
sonnes qui  ne  demeuraient  dans  le  schisme, 
ou  que  par  la  crainte  des  mauvais  traite- 
ments des  circoncellions,  ou  par  considéra- 
tion pour  leurs  proches,  ou  parce  qu'ils  y 
avaient  été  élevés,  ou  qu'ils  y  étaient  nés, 
rentrèrent  dans  la  communion  de  l'Église. 
(c  Ces  lois,  dit  saint  Augustin  ",  en  ont  ra- 
mené et  en  ramènent  tous  les  jom'S  plusieurs, 


»  August.,  Epist.  232,  mini.  2,  3  et7.  —  2  Epist. 
234,  inim.  l  et  seq. 
^  Aiipust.,  de  Ilœres.,  inun.  8(i. 
*  Ibid.,  uuni.  87.  —  "  August.,  Epist.  G5,  mim.  i 


et  seq.  —  "  August.,  Epist.  33  et  3i;  Epist.  103,  et 
Possid.,  in  Vila,  cap.  xii.  —  '  August.,  in  Enchind., 
cap.  XVII,  prig.  201,  tom.  VI.  —  •*  Ibid.  —  »  August., 
Epist,  86.  —  «>  Epist.  183.  —  "  Ibid. 


[IV'  ET  V'=  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EYEQUE  D'HIPPONE. 


17 


qui  rendent  grâces  à  Dieu  de  se  voir  revenus 
d'une  fureur  si  pernicieuse,  qui  aiment  ce 
qu'ils  haïssaient,  qui,  depuis  qu'ils  sont  gué- 
ris, se  louent  de  la  violence  salutaire  dont  ils 
se  plaignaient  si  fort  dans  l'accès  de  leur  fré- 
nésie, et  qui,  pleins  de  la  même  charité  que 
nous  avons  eue  pour  eux,  se  joignent  pré- 
sentement à  nous  pour  demander  qu'on  ti'aite 
aussi  comme  eux,  ceux  qui  résistent  encore, 
et  avec  qui  ils  se  sont  vus  en  danger  de  périr. 
L'expérience  nous  a  appris  et  nous  fait  voir 
encore  tous  les  jours,  qu'il  a  été  plus  salu- 
taire à  plusieui-s  d'être  forcés  par  la  crainte, 
et  même  par  quelque  peine  ;  et  que  c'est  ce 
qui  les  a  mis  en  état  de  s'instruire  de  la  vé- 
rité, ou  de  la  suivre  lorsqu'ils  la  comiais- 
saient.  n 

Les  persécutions  que  les  donatistes  firent 
souffrir  aux  catholiques  furent  même  en 
quelque  sorte  utiles  à  l'Église,  a  Elle  eut  la 
consolation  ',  continue  saint  Augustin,  de 
voir  comme  un  fi-uit  de  tous  ces  maux,  que  les 
lieux  oii  ces  excès  avaient  été  commis  furent 
ceux  où  l'imité  de  Jésus-Christ  fit  le  plus  de 
progrès.  » 

Cependant,  Stilicon  ayant  été  tué  en  408, 
les  païens  et  les  donatistes  ^  publièrent  en 
Aû'ique,  que  les  lois  données  du  vivant  de 
ce  ministre  étaient  mortes  avec  lui,  comme 
pubhées  par  sa  seule  autorité,  à  l'insu,  ou 
même  contre  la  volonté  de  l'empereur  Ho- 
norius,  et  qu'ainsi  il  ne  fallait  plus  s'arrêter 
à  tout  ce  qai  avait  été  ordonné  contre  eux. 
Les  donatistes  '  feignirent  même  et  publiè- 
rent xme  indulgence  de  ce  prince  en  leur  fa- 
veur. Ces  faux  bruits  répandus  en  un  moment 
par  toute  l'Afrique,  y  excitèrent  de  grands 
troubles  *,  et  exposèrent  les  évêques  à  de 
nouvelles  persécutions.  C'est  ce  qui  les  obli- 
gea de  s'assembler  à  Carthage,  le  13  d'oc- 
tobre de  la  même  année ,  et  de  députer  à  la 
cour,  contre  les  païens  et  les  hérétiques, 
les  évêques  Restitute  et  Florent.  Comme 
saint  AngTistin  ne  s'était  point  trouvé  à  cette 
assemblée,  il  écrivit  à  Olympius  °  qui  avait 
succédé  à  Stilicon  dans  la  charge  de  maître 
des  offices,  et  qui  était  devenu  le  premier 
ministre  et  le  maître  de  toutes  les  aâaires  de 
la  coiu-,  pour  lui  représenter  le  besoin  que 
l'Eglise  d'Afrique  avait  de  son  assistance.  Il 
lui  envoya  en  même  temps,  par  un  prêtre  du 


diocèse  de  Milève,  mi  mémoire  pour  le  re- 
mettre entre  les  mains  des  évoques  Resti- 
tute et  Florent,  quand  ils  seraient  arrivés.  Il 
écrivit  encore  à  Donat,  proconsul  d'Afri- 
que ^,  pour  l'exhorter  à  faire  promptement 
savoir  airs  donatistes,  par  son  édit,  que  les 
lois  données  contre  leur  erreur  subsistaient 
dans  toute  leur  force.  Mais  il  le  conjurait  en 
même  temps  d'une  manière  très-pressante, 
de  ne  point  condamner  à  mort  ceux  qui 
avaient  usé  de  violence  contre  l'Éghse.  Il  le 
priait  aussi,  si  quelque  donatiste  était  arrêté, 
de  souffrir  que  les  catholiques  travaiUassent 
à  l'instruire  et  à  le  retirer  de  son  erreur. 
«  Car ,  ajoutait-il ,  quoiqu'on  tâche  de  leur 
faire  quitter  un  grand  mal  pour  leur  faire 
embrasser  un  grand  bien,  c'est  un  travail 
plus  odieux  que  profitable  de  ne  réduire  les 
hommes  que  par  la  force,  au  lieu  de  les  ga- 
gner par  la  voie  de  l'instruction  et  de  la 
persuasion.  » 

26.  La  prise  de  Rome,  arrivée  le  24  août 
de  l'an  410,  et  les  maux  que  les  barbares 
causèrent  dans  l'Empire,  touchèrent  vivement 
saint  Augustin,  et  lui  firent  souvent  répandre 
des  larmes  sm'  les  souffrances  que  les  fidèles 
avaient  endurées  dans  cette  occasion.  Il  fit 
divers  discom's  '  sur  ce  sujet,  où  il  montre 
que  ces  sortes  d'accidents  sont  toujours  des 
eflets  de  nos  péchés.  Il  marque  dans  un  de 
ces  discours ,  qu'il  prononça  hors  de  son 
diocèse  et  peu  après  la  prise  de  Rome  ",  et 
on  voit  par  une  de  ses  lettres,  qu'il  ne  revint 
à  Hippone  qu'en  hiver  '  ;  mais  nous  ne  trou- 
vons nuUe  part  quelle  occasion  il  eut  de 
quitter  son  Église  dans  im  temps  où  les 
malheurs  de  l'Empire  rendaient,  ce  semble, 
sa  présence  plus  nécessaire.  L'année  suivante 
411,  voyant  que  l'administration  des  biens  de 
l'Église  était  une  occasion  à  quelques-uns  de 
mal  parler  des  ecclésiastiques  qui  en  étaient 
chargés,  il  déclara  à  '"  son  peuple  que  bien 
loin  d'aimer  le  soin  et  le  gouvernement  des 
biens  et  des  terres  de  l'Église,  il  était  prêt 
à  lem'  céder  tout,  résolu  de  vivre,  lui,  ses 
ecclésiastiques  et  les  moines,  des  offrandes 
et  des  aumônes,  comme  les  ministres  de 
l'autel  dans  l'Ancien  Testament.  Mais  les 
laïques  refusèrent  d'accepter  sa  proposition. 

27.  Après  la  prise  de  Rome ,  la  vierge 
Démétriade,  fille  d'Olybrius,  consul  en  393, 


Il  est  long- 
temps ab- 
sent,et  veut 
quitter  le 
mniiiement 
des  biens  fie 
l'Eglise,  en 
410  et  au. 


Jl  exJMrie 
Diîméiiiade 
à   la  virgi- 


»  August.,  Epiet.  183.  —  ^  m.,  Epist.  97,  num.  2, 
et  Epist.  100,  uum.  2.  —  3  Id.,  Epist.  103,  cap.  n, 
num.  6.  —  '  Cod.  can.  Afric,  cap.  cvi.  —  s  Id., 
Epist.  97. 


^  August.,  Epist.  100,  num.  2  et  seq.— '  Id.,  serm. 
De  Urb.  excid.,  cap.  n,  num.  3.  Serin.  103,  cap.  ix 
et  X.  —  8  Serm.  De  Urb.  excid.,  pag.  622.  —  ^  Id., 
Epist.  122.  —  1»  Possid.,  in  Vila,  cap.  xxiii. 


18 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


nité,  en  ftii  se  réfugia  à  Carthase  '  avec  sa  mère  Julienne 
et  Proba  son  aïeule.  Saint  Augustin  qui  fit, 
en  4:11,  plusieurs  fois  le  chemin  de  Carthage, 
les  y  vit  toutes  trois  ^,  et  répandit  dans  leurs 
cœurs  la  semence  des  instructions  salutaires 
qu'il  avait  apprises  de  Dieu.  Démétriade 
profitant  de  celles  qu'il  lui  donna  en  particu- 
lier, prit  secrètement  la  résolution  de  consa- 
crer à  Dieu  sa  virginité,  préférant  la  chaste  et 
céleste  aUiance  de  Jésus-Clu'ist  à  l'époux  ter- 
restre aucpiel  Julienne  et  Proha  la  voulaient 
marier.  Elles  auraient  néanmoins  mieux  aimé 
lui  voir  embrasser  la  virginité,  mais  elles 
n'osaient  attendi-e  d'elle  une  si  grande  per- 
fection. Aussitôt  donc  qu'elles  furent  infor- 
mées de  la  résolution  où  était  Démétriade 
de  demem-er  vierge,  elles  la  présentèrent  à 
Jésus-Christ  et  à  l'évéque  Aurèle  '\  qui  lui 
mit  le  voile  sm'  la  tête  après  l'invocation  du 
nom  de  Dieu.  Elles  en  donnèrent  *  en  même 
temps  avis  à  saint  Augustin,  et  lui  envoyèrent 
un  présent  pour  marque  de  la  solennité  de 
sa  consécration,  l'assurant  cpie  ce  grand 
don  de  Dieu  était  l'efiet  de  ses  travaux  et  de 
ses  exhortations.  Ce  saint  évêque  °  se  réjouit 
extrêmement  de  ce  grand  miracle  de  la 
grâce  :  et  la  renommée  s'en  étant  répandue, 
non-seulement  dans  toutes  les. Églises  d'Afri- 
que ^  et  dans  toutes  les  villes  qui  sont  entre 
cette  province  et  l'Italie,  mais  encore  dans 
l'Orient,  on  y  releva  partout  le  triomphe  de 
gloire  que  la  religion  chrétienne  remportait 
dans  la  personne  de  Démétriade.  Saint  Au- 
gustin ''  proposa  son  exemple,  soit  aux  filles 
d'une  condition  médiocre,  soit  à  celles  d'une 
condition  illustre,  les  exhortant  à  prendre 
pour  modèle  mie  ^^erge  plus  élevée  par  son 
humilité  que  par  toute  la  splendeur  de  sa 
nc^BmiKatê  naissance.  Il  se  conduisit  d'une  manière  toute 
(icquittcrio  opposée  à  l'égard  du  comte  Boniface,  l'un 
u-n.  des  plus  grands  hommes  que  l'Empire  romain 

eut  alors.  Ce  comte  possédait  les  premières 
dignités  de  l'Empire,  et  sa  piété  le  rendait 
aussi  considérable  aux  saints  évoques  de  son 
temps,  (pe  sa  grandeur  humaine  le  faisait  res- 
pecter des  autres.  A  sa  prière,  saint  Augiistin 
lui  écrivit  une  lettre  pour  son  édification  ', 
dans  laquelle  il  lui  donna  plusieurs  avis  tou- 
chant sa  conduite,  mais  en  lui  disant  ^  que 
ses  avis  étaient  moins  la  règle  de  ce  qu'il 
devait  faire,  cpie  le  miroir  pour  voir  ce  qu'il 


pratiquait  déjà.  Boniface  souhaitait  de  passer 
au-delà  de  ce  que  saint  Augustin  lui  avait 
prescrit,  et  quoiqu'il  eût  une  femme  et  une 
ËUe,  il  voulait  se  retirer  du  monde,  pour 
vivre  en  moine  et  ne  servir  que  Dieu  seul. 
Sa  femme  étant  morte  depuis,  il  découvrit 
son  désir  à  saint  Augustin  et  à  saint  Alypius, 
mais  ils  ne  furent  pas  d'avis  qu'il  l'exécutât  '°, 
lui  représentant  qu'il  était  très-utile  à  l'Église, 
dans  l'état  où  il  se  trouvait,  pom-vu  qu'il 
n'employât  ses  armes  que  pour  la  faire  jouir 
de  la  paix,  en  réprimant  les  incursions  des 
barbares  ;  qu'il  ne  cherchât  rien  en  ce  monde 
que  ce  qui  était  nécessaire  pom'  son  entretien 
et  celui  de  ses  gens  ;  et  que  pom*  se  fortifier 
dans  la  vertu,  il  observât  une  exacte  conti- 
nence. Cet  avis  de  ces  deux  saints  n'eut  pas 
le  succès  qu'ils  en  attendaient,  Boniface 
obligé,  par  ordre  de  l'Empereur,  de  passer 
en  Espagne  ,  s'y  remaria  avec  ruie  femme 
alliée  aux  rois  des  Vandales.  Aëtius,  le  plus 
puissant  des  capitaines  romains  après  Boni- 
face  ",  prit  prétexte  de  cette  alliance  pour  le 
calomnier  auprès  de  l'impératrice  Placidie 
qui  gouvernait  pendant  le  bas  âge  de  son  fils 
Valentinien.  On  déclara  la  guerre  à  Boniface 
qui,  dans  la  nécessité  de  se  soutenir,  traita 
avec  Gontharis  et  Genseric,  princes  des  Amen- 
dâtes. Ce  traité  portait  qu'ils  partageraient 
l'Afrique  en  trois  ;  que  chacun  en  aurait  un 
tiers  ;  mais  que  si  on  les  attaquait,  ils  se  dé- 
fendraient en  commun.  Les  Vandales  passè- 
rent donc  en  Afi'ique  et  la  ravagèrent,  tuant, 
brûlant  tout  ce  qu'ils  rencontraient  et  déso- 
lant surtout  les  églises,  car  ils  étaient  ariens. 
Saint  Augustin  essaya  de  faù'e  rentrer  le 
comte  Boniface  en  lai-même  par  une  assez 
longue  lettre  qu'il  lui  écrivit,  dans  laquelle 
il  le  faisait  souvenir  du  dessein  qu'il  avait  eu 
de  se  retirer  et  de  passer  le  reste  de  ses  jours 
dans  la  continence.  Il  lui  représentait  les 
maux  qui  avaient  suivi  ce  malhem-eux  ma- 
riage, c'est-à-dire,  sa  révolte  contre  l'Em- 
perem';  et  ajoutait  :  «  Vous  ne  poiivez  nier 
devant  Dieu  que  l'amour  des  biens  de  ce 
monde  ne  vous  ai  fait  faire  tout  ce  mal. 
Vous  en  faites  peu  par  A'ous-même ,  mais 
vous  domiez  occasion  d'en  faire  beaucoup  à 
tant  de  gens  qui  ne  songent  qu'à  parvenir 
par  votre  moyen  :  ainsi  loin  de  réprimer  votre 
cupidité,  vous  êtes  réduit  à  contenter  celle 


»  llieron., Epist.S.  —^  August.,  Epîs£.188,num.  1. 
—  3  Hicron.,  Epist.  S.  — ^  August.,  Epist.  130  et  143, 
num.  1.  —  5  Id.,  Epist.  130. 


s  Eieron., Epist.S,  et  Aug.,  Epist.  dSO.  —  ' August., 
Epist.  130.-8  id,,  Epist.  189.  —  s  Ibid.  —  i»/6îd., 
cap.  ccxx.  —  "  Procop.,  lib.  I  De  Sel.  Yand,,  cap.  ni. 


[rp'  ET  V°  SIÈCLES.] 

d'autrui.  Vous  direz  que  vous  avez  de  bonnes 
raisons,  et  qu'il  faut  plutôt  s'en  prendre  à 
ceux  qui  vous  ont  rendu  le  mal  pour  le  bien  : 
c'est  de  quoi  Je  ne  suis  point  juge,  parce 
que  je  ne  puis  entendre  les  deux  parties; 
mais  jugez -vous  vous-même  à  l'égard  de 
Dieu.  Si  l'Empire  romain  voas  a  fait  du  bien, 
ne  rendez  pas  le  mal  pom*  le  bien  :  si  on  vous 
a  fait  du  mal,  ne  rendez  pas  le  mal  pour  le 
mal.  » 
11  corn-       28.  Dès  l'an  412,  saint  Augustin,  informé 

bal  les  pii-  '  r     •    1 

lagiens,  en  des  orrcurs  que  Pelage  et  ses  disciples  repan- 
IH2CISU1V.  jjf^jgj-^|.  jij^jjg  l'Égiige,  commença  à  les  com- 
battre, et  de  vive  voix  et  par  écrits,  et  il  ne 
leur  donna  aucun  relâche,  jusqu'à  ce  que 
l'Orient  et  l'Occident  réunis  ensemble  pour 
percer  d'un  seul  trait  le  dogme  impie  que  cet 
hérésiarque  voulait  établir  ^  prononcèrent 
une  même  sentence  contre  lui  et  contre  ses 
sectateurs.  Ce  fut  en  418.  La  même  année 
.^i?''"  arriva  l'affaire  d'Appiarius  dont  nous  avons 

tom.  IX,  \.  ^  ^ 

parlé  ailleurs.  Nous  avons  dit  aussi  ce  qui  se 
passa  à  l'égard  d'Antoine,  évêque  de  Fus- 
sale,  que  saint  Augustin  fut  obligé  de  dépo- 
ser de  l'épiscopat  en  422. 

29.  Deux  ans  après,  ce  saint  évêque  ayant 
reçu  des  reliques  de  saint  Etienne  à  Hippone, 
les  plaça  dans  une  chapelle  de  son  église , 
et  fit  graver  à  la  voûf  e  de  cette  chapelle  ^ 
quatre  vers,  qui  apprenaient  à  tout  le  monde 
que  c'est  à  Dieu  qu'il  faut  rappoi'ter  les  mi- 
racles éclatants  qui  se  faisaient  alors  par 
l'intercession  et  par  les  reliques  de  ce  saint 
martyr.  Pour  publier  ces  miracles ,  saint  Au- 
gustin introduisit  en  Afrique  '  la  coutume  que 
ceux  en  faveur  de  qui  ils  avaient  été  faits , 
en  donnassent  un  mémoire  qu'on  lisait  en- 
suite devant  tout  le  peuple.  En  moins  de 
deux  ans  il  y  eut  environ  70  de  ces  mémoires 
à  Hippone  :  et  il  en  voulait  faire  lire  un  de 
cette  sorte  lorsqu'il  fit  le  sermon  319,  le  jour 
même  que  Paul,  jeune  homme  natif  de  Cé- 
sarée  en  Cappadoce,  affligé  d'un  tremblement 
horrible  de  tous  les  membres,  fut  guéri  en 
priant  devant  le  heu  où  reposaient  les  reli- 
ques de  saint  Etienne,  et  tenant  les  balustres 
qui  l'environnaient.  Mais  saint  Augustin  * 
crut  que  la  présence  de  ce  jeune  homme 
servirait  de  mémoire,  et  qu'il  ne  fallait  point 
d'autre  écrit  que  son  visage,  qui  était  connu 
à  Hippone.  11  arriva  en  424.que  Janvier,  prê- 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


19 


tre  d'Hippone,  mourut,  ayant  fait  un  testa- 
ment ^  où  il  disposait  d'une  somme  d'argent 
comme  étant  à  lui.  Cette  infidélité  causa  une 
extrême  douleur   à   saint  Augustin,  voyant 
qu'elle  ruinait  la  bonne  odeur  "  et  l'édifica- 
tion que  son  clergé  donnait  à  tout  le  monde. 
Loin  donc  d'accepter  le  legs  que  Janvier  avait 
fait  en  faveur  de  l'Église  d'Hippone,  ill'aban- 
donna  aux  enfants  de  ce  prêtre,  pour  en  dis- 
poser comme  ils  voudraient.  Seulement  il 
ordonna  que  l'Église  garderait  cette  somme, 
jusqu'à  ce  qu'ils  fussent  majeurs.  Ensuite  il 
déclara  à  tous  ses  ecclésiastiques  '  qui  pou- 
vaient avoir  quelque  prétention  dans  le  siècle, 
ou  pour  n'avoir  pas  encore  partagé  avec  leurs 
frères,  ou  pour  n'avoir  pas  été  en  âge  de 
disposer  de  leurs  biens,  que  s'ils  voulaient 
continuer  de  vivre  avec  lui,  ils  devaient  ven- 
dre ce  qu'ils  avaient,  ou  le  donner,  soit  à  la 
communauté,  soit  à  telles  personnes  qu'ils 
voudraient  :  il  leur  prescrivit  pour   cela  le 
terme  de  l'Epiphanie  de  l'an  425.  Cette  fête 
passée  *,  il  rendit  compte   à  son  peuple, 
comme  il  le  lui  avait  promis,  de  l'état  de  ces 
ecclésiastiques,  et  fit  l'apologie  de  ceux  que 
l'on  croyait  faussement  n'avoir  pas  encore  re- 
noncé entièrement  à  lem's  biens.  Il  justifia  en 
particulier  la  conduite  du  prêtre  Léporius  ^, 
soutenant  qu'il  l'avait  chargé  lui-même  de 
toutes   les   dépenses  qu'il  avait  faites,  soit 
poiu'  la  construction  d'un  hôpital,  soit  pour 
celles  de  l'Église  des  Huit-Martyrs;  en  mr 
mot,  que  ce  prêtre  n'avait  à  lui,  ni  argent  ni 
maison. 

30.  La  sœur  de  saint  Augustin  étant  morte 
après  avoir  gouverné  longtemps  un  monas- 
tère de  filles  à  Hippone,  les  religieuses  eu- 
rent pour  supérieure  une  ancienne  de  la 
maison  nommée  Félicité,  formée  sous  sa  con- 
duite. Après  lui  avoir  longtemps  obéi  '",  il 
s'éleva  parmi  elles  quelque  division  qui 
mit  le  trouble  dans  la  maison  en  y  excitant 
des  contentions,  des  animosités  et  des  mur- 
mm'es.  Tout  ce  bruit  était  contre  la  supé- 
rieure; elles  demandaient  qu'on  la  destituât 
et  qu'on  leur  en  donnât  une  autre.  Elles 
souhaitaient  que  saint  Augustin  les  vint  voir; 
mais,  dans  la  crainte  que  sa  présence  n'aug- 
mentât la  sédition,  et  qu'il  ne  se  trouvât 
obligé  d'user  de  plus  de  sévérité  qu'il  n'eût 
voulu ,  au  lieu  de  les  aller  voir,  il  aima  mieux 


I.etircs 
aux     reii  - 

pieuses 
d'Hippone. 


1  Celest.,  Epist.  ad  Nestor.,  tom.  III,  Conc,  pag.  *  Serm.  319.—  ^^  August.,  Serm.  355.—"  Serm.  350. 

353.  —  2  August.,  Serm.  318,  cap.  viii,  num.  18.  —      —  '  Serm.  355.—  ^  Serm.  356.  —  "  August,  Serm. 
5  Lib.  XXII  De  Civit.,  cap.  vni,  num.  20.  356.  —  '"  Id.,  Epist.  214,  nuin.  4. 


20 


HISTOmE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


répandre  son  cœur  devant  Dieu  pour  elles , 
et  traiter,  non  par  des  paroles,  mais  avec 
Dieu  par  des  larmes,  une  affaii'e  où  il  y  al- 
lait de  tout  pour  elles.  Il  écrivit  toutefois  à 
Félicité  ',  et  à  Rustique  supérieur  de  ce  mo- 
nastère, pour  les  consoler  et  les  encourager 
à  faire  leur  devoir  en  travaillant  avec  soin  à 
conserver  l'unité  d'esprit  par  le  lien  de  la 
paix.  U  écrivit  aussi  en  pai'ticulier  aux  reli- 
gieuses ^  une  lettre  mêlée  de  sévérité  et  de 
charité,  où  il  les  exhorte  à  persévérer  dans 
le  bien,  les  assui'ant  cpi'après  cela  elles  ne 
songeront  plus  à  changer  de  supérieure. 
«  Parmi  eUes,  dit-il,  il  n'y  en  a  aucune  qui, 
en  entrant  dans  le  monastère,  ne  l'y  ait 
trouvée,  ou  servant  Dieu  avec  beaucoup  d'é- 
dification, sous  ma  sœur  qni  était  supérieure 
avant  elle,  ou  déjà  en  charge,  et  qui  n'ait  été 
reçue  par  elle;  c'est  sous  sa  conduite  qu'elles 
ont  été  instruites,  qu'elles  ont  reçu  le  voile, 
et  que  le  monastère  est  devenu  si  nombreux; 
on  n'a  rien  changé  chez  elles,  et  il  n'y  a  rien 
de  nouveau  que  le  prêtre  Rustique  qu'on 
leur  a  donné  pour  supérieur,  et  s'il  est  l'oc- 
casion de  leur  révolte  contre  lem'  supérieure, 
elles  doivent  demander  son  éloignement  plu- 
tôt que  la  révocation  de  la  supérieure.  »  Il 
finit  sa  lettre  en  demandant  à  Dieu  de  paci- 
fier et  de  calmer  l'esprit  de  ces  filles,  et  de 
ne  pas  souffrir  que  l'ouvrage  du  démon 
prévale  et  se  fortifie  en  eUes,  mais  de  faire, 
au  contraire,  régner  la  paix  de  Jésus - 
Christ  dans  leur  cœur.  Ets'ach-essant  à  elles  : 
«  Prenez  garde,  leur  dit-il,  que  le  dépit  de  ne 
pas  obtenir  ce  que  vous  voudriez,  ou  la  honte 
d'avoir  voulu  ce  que  vous  ne  deviez  pas  vou- 
loir, ne  vous  précipite  dans  la  mort.  Rani- 
mez, au  contraire,  votre  première  vertu  par 
une  sincère  pénitence.  Imitez  les  larmes  de 
saint  Pierre  et  non  pas  le  désespoir  de  Ju- 
das. » 
Il  iiési-  31.  Sévère,  évêque  de  Milève,  qui  mourut 
dius  évù-  vers  le  commencement  de  l'an  426  ,  avait, 
pone.  ^'^'  avant  sa  mort,  désigné  celui  qu'il  souhaitait 
avoir  pour  son  successeur.  Mais  au  lieu  de 
communiquer  son  dessein  au  peuple,  comme 
il  devait,  il  se  contenta  d'en  faire  part  à  son 
clergé  '.  Ce  défaut  fit  appréhender,  quand 
Sévère  fut  mort,  qu'il  n'y  eût  quelque  trou- 
ble parmi  le  peuple,  ce  qui  engagea  le  clergé 
de  Milève  de  prier  saint  Augustin  d'y  venir 
pom'  empêcher  ce  désordi-e.  En  effet,  quel- 
ques-uns du  peuple  témoignèrent  du  mécon- 


tentement de  ce  que  Sévère  avait  désigné 
son  successem'  sans  leur  en  parler;  mais, 
quand  on  le  leur  eut  fait  connaître ,  ils  l'a- 
gréèrent très-volontiers  et  il  fut  ordonné  d'un 
consentement  unanime.   Cet  événement  fit 
faire  à  saint  Augustin  une  nouvelle  réflexion 
sm-  les  troubles  dont  il  avait  va  souvent  les 
autres  Églises  agitées  après  la  mort  de  leurs 
évêques,  par  l'ambition  des  uns  et  par  l'es- 
prit contentieux  des  autres.  D.  prit  donc  le 
parti  de  pourvoir  à  la  sùi"eté  de  la  sienne  en 
nommant  celui  qui  devait  lui  succéder.  Ce- 
lui sur  lequel  il  jeta  les  yeux  se  nommait 
Érachus,  et  était  le  dernier  des  prêtres  d'Hip- 
pone;  mais  d'une  vertu  si  éprouvée,  que  le 
peuple  qui  le  connaissait,  l'eut  de  lui-même 
préféré  à  tout  autre.   Le   samedi ,   2a    sep- 
tembre de  l'an  426,  saint  Augustin  pria  le 
peuple  d'Hippone  de  s'assembler  le  lende- 
main en  grand  nombre  dans  l'église  de  la 
Paix,  pour  quelque  chose  d'important  qu'il 
avait  à  leur  dire.  Il  y  vint  avec  deux  autres 
évêques,  Religien  et  Martinien,  et  sept  prê- 
tres. Saturnin,  Léporius,  Barnabe,  Fortuna- 
tien.  Rustique,  Lazare  et  Éraclius.  D.  ne  fit 
point  d'instruction  à  l'ordinaire,  se  doutant 
bien  que  l'impatience  de  savoir  ce  qu'il  avait 
promis  de  dire,  empêcherait  qu'on  n'eût  d'at- 
tention pour  le  reste.  Ainsi,  venant  au  fait, 
il  leur  déclara  que  sa  volonté,  qu'il  croyait 
être  de  Dieu,  était  que  le  prêtre  Éraclius  fût 
son    successeur.  Le  peuple  l'agréa  par  de 
grandes  acclamations,  et  quand  on  eut  fait 
silence,  saint  Augustin  ajouta  :  «  Il  n'est  pas 
besoin  de  m'étendre  sur  ses  louanges,  j'aime 
sa  sagesse  et  j'épargne  sa  modestie;  il  suffit 
que  vous  le  connaissiez,  et  que  je  veuille  ce 
que  vous  voulez.  »  Les  notaires  de  l'église, 
qui  étaient  présents,  écrivirent  les  paroles  de 
saint  Augustin  et  les  acclamations  du  peu- 
ple, afin  que  ce  fût  un  acte  authentique;  le 
peuple  y  souscrivit  par  de  nouvelles  accla- 
mations. Ensuite  saint  Augustin  les  exhorta 
à  se  joindi-e  à  lui  pour  prier  Dieu  de  con- 
firmer ce  qu'il  avait  fait  lui-même  en  eux,  et 
pom'  lui  demander  qu'il  lui  plût  de  conserver 
à  Éraclius  la  vie  et  la  santé,  avec  une  ré- 
putation sans  aucune  tache.  Saint  Augustin 
était  alors  dans  la  soixante-douzième  année 
de  son  âge.  En  déclarant  Éraclius  son  suc- 
cesseur, il  le  laissa  dans  l'ordi-e  de  prêtre, 
regardant  comme  une  faute  de  ce  qu'il  avait 
été  ordonné  évêque  lui-même  du  vivant  de 


Epist.  210.  —  "^  Epist.  2H. 


8  August.,  Epist.  213. 


[lye  ET  v"  siÈcxES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE, 


21 


Valère  son  prédécesseur,  et  avait  tenu  le 
siège  épiscopal  avec  lui,  contre  la  disposition 
du  concile  de  Nicée.  11  se  déchargea  néan- 
moins sur  Éraclius  de  tout  le  poids  de  ses 
occupations,  priant  le  peuple  de  s'adressera 
lui  dans  toutes  les  affaires  cpii  arriveraient. 
«  Quand  il  aura  besoin  de  mon  conseil , 
ajouta  saint  Augustin,  je  ne  le  lui  refuserai 
pas.  Je  ne  prétends  pas  même  donner  à  la 
paresse  le  peu  de  temps  qui  me  reste  à  vivre, 
mais  à  l'étude  de  l'Ecriture  sainte,  dont  mes 
frères  les  évêques  ont  bien  voulu  me  charger 
en  deux  conciles;  de  Numidie  et  de  Car- 
tilage. » 
11  tra-  32.  L'étude  de  l'Écriture  sainte  ne  fut  pas 
apaiser  les  sa  scule  occupation,  comme  il  se  l'était  pro- 
(rAdrumet-  ™s,  et  sa  charité  l'engagea,  en  427,  à  apai- 
le,  en  !i27.  ger  les  troubles  *  qui  s'étaient  élevés  dans  le 
monastère  d'Adrumette ,  métropole  civile 
de  la  Byzacène,  au  sujet  de  la  grâce.  La 
même  année,  il  travailla  efficacement  à  re- 
tirer le  moine  Léporius  des  erreurs  dans  les- 
quelles il  était  tombé  cJhtre  les  Mystères  de 
l'Incarnation  et  de  la  Grâce '^ 
Les  vaii-       33.  En  428 ,  les  Vandales,  étant  passés 

«laies     en-  '  '  '^ 

irent  in  d'Espagne  en  Afrique,  trouvèrent  cette  pro- 
'^"'"^"  vince  dans  le  repos  et  l'abondance  ;  mais  ils 
en  changèrent  bientôt  la  face,  pillant,  rava- 
geant, brûlant,  massacrant  tout  ce  qu'ils  ren- 
contraient. Ils  exercèrent  particulièrement 
leur  cruauté  contre  les  églises,  les  cimetières 
et  les  monastères,  employant  toutes  sortes  de 
supplices  pour  obliger  les  évêques  et  les  prê- 
tres à  donner  l'or  et  l'argent  qu'ils  avaient, 
soit  en  propre,  soit  à  l'église.  Plusieurs  mou- 
rurent dans  la  riguem'  des  supplices.  Saint 
Augustin  découvrant,  au  milieu  de  ces  ra- 
vages ',  des  maux  et  des  dangers  beaucoup 
plus  terribles  que  ceux  qui  frappaient  la 
plupart  du  monde,  et  prévoyant  les  périls 
auxquels  les  incursions  de  ces  barbares 
exposeraient  les  âmes,  pleurait  sans  cesse  ;  et 
ses  larmes  lui  devinrent,  selon  l'expression 
du  Prophète,  un  pain  dont  il  se  nourrissait 
le  jour  et  la  nuit.  Mais  l'extrême  douleur 
qu'il  ressentait  des  maux  de  l'Afrique  ne  di- 
minuait en  rien  sa  foi  et  sa  générosité  épis- 
copales.  Consulté  par  un  évêque  de  cette 
province,  s'il  était  permis  à  ceux  qui  étaient 
chargés  du  soin  des  peuples,  de  les  laisser 
fuir,  et  de  se  retirer  eux-mêmes  pour  éviter 


1  August.,  Epist.2ie  et  i94.— ^  Cassian.,lib.Z)e  In- 
carn.,  cap.  iv  et  August.,  Epist.  219.  —  3Possid.,m 
>ita,  cap.  XTfm.—'' Epist.  228. 


le  danger,  il  répondit  que  les  évêques  *  ne 
devaient  point  empêcher  ceux  du  peuple  qui 
voudraient  se  retirer,  mais  cpi'enx-mêmes  ne 
pouvaient  abandonner  leurs  églises,  ni  rom- 
pre les  liens  par  lesquels  la  charité  de  Jésus- 
Christ  les  avait  liés  à  leur  ministère;  et 
qu'ainsi,  tant  que  leur  présence  serait  né- 
cessaire à  leurs  peuples,  ils  ne  pouvaient 
faire  autre  chose  que  de  se  remettre  à  la  vo- 
lonté de  Dieu  avec  une  pleine  confiance  en 
son  secours. 
3-4.  Cependant,  le  comte  Boniface '^  rentra     sainiAu- 

,,.         ,      ,   .        „,      .  ,.  gusiin  tom- 

en  grâce  avec  limperatnce  Placidie ,  par  be  maïaue 
l'entremise  du  comte  Darius.  Mais  il  ne  put  ^"  ''^''■ 
persuader  aux  Vandales  de  quitter  l'Afrique. 
Ils  se  plaignirent  même  de  lui,  en  sorte  qu'il 
fut  obligé  de  prendre  les  armes  contre  eux 
pour  les  obliger  par  force  d'en  sortir.  Le 
contraire  arriva;  il  fut  vaincu  dans  le  com- 
bat et  contraint  de  se  retirer  à  Hippone,  qui 
était  alors  une  place  forte.  Les  Vandales, 
conduits  par  lem'  roi  Genséric,  vinrent  assié- 
ger cette  viUe,  vers  la  fin  (Te  mai  ou  au  com- 
mencement de  juin  de  l'an  430  ;  ce  qui  aug- 
menta ^  beaucoup  la  douleur  que  saint  Au- 
gustin avait  ressentie  de  la  ruine  des  autres 
villes  d'Afrique.  Pendant  tout  le  siège  de 
cette  ville,  et  au  milieu  même  des  assauts 
que  les  Vandales  donnaient,  il  eut  la  conso- 
lation d'avoir  avec  lui  plusieurs  évêques'', 
et  entre  autres,  Possidius  de  Calame,  l'un  de 
ses  plus  illustres  disciples.  Ils  mêlaient  en- 
semble leur  doulem-  ',  leurs  gémissements 
et  leui's  larmes,  et  ils  en  faisaient  un  sacri- 
fice au  Père  des  miséricordes  et  au  Dieu  de 
toute  consolation,  pour  le  prier  de  les  se- 
courir et  de  les  délivrer  des  maux  qu'ils 
souffraient  et  qu'ils  craignaient.  Saint  Augus- 
tin ^  demandait  à  Dieu,  en  particuher,  qu'il 
lui  plût  de  délivrer  Hippone  des  ennemis 
qui  l'assiégeaient,  ou  du  moins  de  donner  à 
ses  serviteurs  la  force  de  supporter  les  maux 
dont  ils  étaient  menacés,  ou  enfin  de  le  re- 
tirer du  monde  et  de  l'attirera  lui.  En  effet, 
il  tomba  malade  "  de  la  fièvre  le  troisième 
mois  du  siège,  et  on  vit  par  là  que  Dieu  n'a- 
vait point  rejeté  la  prière  de  son  serviteur. 

33.  Pendant  sa  maladie  ",  il  fit  écrire  et      ?'"''  /f^ 
mettre  contre  la  muraille  auprès  de  son  ht,   gusiin    eu 
les  Psaumes  de  David  cpii  sont  sur  la  péni- 
tence, et  les  lut  en  répandant  des  torrents 

^Pvocop.,DeBel.randMh.l,eiPossid.,inVita,cg.r- 
xxvm.—^Ibid.—''Ibid.,  cap.  xxi}i.—'*  Ibid.—^Ibid., 
cap.  XXIX.— ">  Ibid.,  cap.  xxxi.  — "  Ibid.,  cap.  xviii. 


22 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


de  larmes.  Tout  occupé  des  choses  du  salut, 
il  pria,  dix  jours  avant  sa  mort ,  ses  plus  in- 
times amis  et  les  évêques  mêmes ,  que  per- 
sonne n'entrât  dans  sa  chambre ,  sinon  lors- 
que le  médecin  le  venait  voir,  ou  qu'on  lui 
apportait  de  la  nourriture ,  employant  à  la 
prière  tout  le  temps  qui  lui  restait  aii-delà. 
Enfin ,  son  dernier  jour  étant  arrivé  ,  Possi- 
dius  et  les  autres  de  ses  disciples  ou  de  ses 
amis  vinrent  joindre  leurs  prières  aux  sien- 
nes ,  qu'il  n'interrompit  que  lorsqu'il  s'en- 
dormit en  paix ,  ayant  jusque  là  conservé 
l'usage  de  tous  ses  membres,  sans  que  ni 
son  ouïe ,  ni  sa  vue ,  se  fussent  affaiblis. 
Comme  il  avait  embrassé  la  pauvreté  volon- 
taire, il  ne  fit  point  de  testament,  n'ayant 
rien  à  laisser  à  personne.  Mais  il  recom- 
manda que  l'on  conservât  avec  soin  la  bi- 
bliothèque de  l'Église  et  tous  les  livres  qu'il 
pouvait  avoir  dans  sa  maison  pour  ceux  qui 
viendi-aient  après  lui.  Possidius  raconte  S 
que  la  ville  d'Hippone  ayant  été  quelque 
temps  après  incendiée ,  cette  bibliothèque 
fut  conservée  au  milieu  des  flammes  et  des 
barbares  ariens.  On  met  la  mort  de  saint 
Augustin  au  vingt-huitième  jour  d'août  de 
l'an  430.  H  avait  vécu  76  ans ,  et  servit  -  l'E- 
glise près  de  40  ans  en  qualité  de  prêtre  ou 
d'évêque  ^.  L'empereur  Théodose  le  Jeune 
ayant  dessein  de  convoquer,  en  1431 ,  un 
concile  œcuménique  à  Éphèse  pom-  le  jour 
de  la  Pentecôte,  fit  écrire  pour  cela  à  tous 
les  métropolitains,  et  envoya  par  un  ofilcier 
de  la  Cour  un  rescrit  adressé  en  particulier  à 
saint  Augustin  plutôt  qu'à  l'Évêque  de  Car- 


thage,  demandant  que  lui  nommément  vou- 
lut bien  venir  au  Concile  :  ce  qui  fait  voir 
que  ce  saint  évêque  n'était  pas  moins  révéré 
en  Orient  qu'en  Occident.  Sa  mémoire  était 
honorée  en  France  dès  le  vi"  siècle ,  comme 
on  le  voit  par  la  vie  de  saint  Césaire  d'Arles, 
où  nous  lisons  qu'étant  malade  *,  il  demanda 
si  la  fête  de  saint  Augustin  était  proche ,  es- 
pérant que  Dieu  ne  lui  refuserait  pas  d'unir 
sa  mort  à  celle  d'un  saint  dont  il  avait  si 
fort  aimé  la  doctrine  très-catholique.  On  le 
trouve  '  toujours  vivant  après  sa  mort  même 
dans  ses  ouvrages,  où  l'on  voit  quel  il  a  été 
par  le  don  de  Dieu,  et  le  rang  éminent  qu'il 
a  tenu  dans  l'Eglise.  Toute  l'EgUse  catholi- 
que y  voit  évidemment  que  cet  évêque  si 
agréable  à  Dieu,  a  connu  les  vertus  saintes 
de  la  foi ,  de  l'espérance  et  de  la  charité , 
autant  qu'il  est  permis  à  des  hommes  de  les 
pénétrer  avec  le  secours  de  la  lumière  que 
la  vérité  leur  donne.  C'est  ce  que  reconnais- 
sent ceux  qui  profitent  de  la  lecture  de  tant 
d'ouATages  qu'il  a  composés  sur  les  choses 
de  la  religion.  Ceux  qui  ont  eu  le  bonheur 
de  le  voir  et  de  l'entendre  parler  lui-même 
dans  l'église ,  ont  eu  encore  de  plus  grands 
avantages  pour  profiter  de  ses  lumières  ;  mais 
ils  en  ont  eu  moins  que  ceux  qui  ont  été  té- 
moins de  ses  actions  et  de  sa  conduite,  puis- 
qu'il n'a  enseigné  aux  autres  que  ce  qu'il 
avait  pratiqué  lui-même.  C'est  ce  que  dit 
Possidius,  son  disciple,  et  témoin  oculaire  de 
la  plus  grande  pai-tie  de  ses  actions. 

36.  n  joignit  '^  à  la  vie  qu'il  composa  de   vraies.  °' 
cet  excellent  pontife  de  Jésus-Christ  '  et  de 


1  Ibid.,  cap.  XXXI.  —  "  Les  reliques  de  saint 
Augustin,  d'abord  mises  dans  l'Église  de  saint 
Etienne  à  Hippone,  en  furent  transférées  cin- 
quante six  ans  après  la  mort  du  saint  évêque 
en  Sardaigne.  En  710  Luitpraud  racheta  ces  pré- 
cieuses reliques  aux  Sarrasins  et  les  fît  placer  à 
Pavie  dans  l'Église  de  saint  Pierre,  où  on  éleva 
un  magnifique  monument  au  saint  docteur.  En 
1832  les  reliques  et  les  monuments  furent  placés 
dans  la  cathédrale  de  Pavie.  En  1842  le  bras 
droit  de  saint  Augustin  fut  transporté  en  Afri- 
que et  placé  provisoirement  dans  la  chapelle  de 
B6ne,  et  quelques  jours  après  au  lieu  où  fut  jadis 
Hippone  dans  un  monument  élevé  à  la  mémoire 
du  saint  docteur  et  orné  de  sa  statue.  Voyez  Pou- 
joulat,  Histoire  de  saint  Augustin,  tom.  III,  page 
313  et  suiv.  ;  Histoire  des  saints  par  le  père  Giry, 
nouvelle  édition,  tom.  111,  note  33,  col.  1,499. 
(L'éditeur.) 

3  Tom.  m  Conc,  p.  438,  529.,  et  532.  —  '•  Surlus, 
ad  diem.  27  August.,  pag.  293. 

s  In  libris  quibus  dono  Dei  qualis  quantusque 
in  Ecclesia  fueril  noscittir,  et  in  his  semper  vi- 


vere  a  fidelibus  invenitur...  Et  in  suis  quidem 
scriptis  ille  Deo  acceptui  et  charus  sacerdos , 
quantum  lucente  veritate  videre  conceditur, 
recte  de  sane,  fidei,  spei  et  charitatis,  catholicœ 
Ecclesiw  vixisse  manifestatur  :  quod  agnoscunt 
qui  eum  de  divinis  scribentem  legentes  profi,- 
ciunt;  sed  ego  arbitror  plus  ex  eo  prnficere 
potuisse ,  gui  eww  et  loquentem  in  ecclesia 
prœsentem  audire  et  videre  potuerunt,  et  ejus 
prœsertim  inter  homines  conversationem  non 
ignoraverunt.  Erat  enim  non  solmn  erudi- 
tus  scriba  in  regno  cœlorum...  verum  etiam 
ex  iis  ad  gwos  scriplum  est  :  Sic  loquimini, 
et  sic  facile  ;  et  de  quibus  Salvator  dicit  :  Qui 
fecerit  et  docuerit  sic  homines,  liic  magnus  voca- 
bitur  in  regno  cœlorum.  Possid.,  in  Yita  August., 
cap.  XXXI. 

8  Isidorus  Hispal.,  De  Scrip.  écoles.,  cap.  viii.  et 
Cassiod.,  Instit.  divin.,  cap.  xvi. 

7  Beaiissimus  Aiigustinus  Hipponensis  Ecclesiob 
elegantissimus  Christi  sacerdos  doctorque  prœ- 
cipuus  morte  placida  quievit.  Marcel.,  cornes  in 
Chronic,  ad  annuLn429. 


[lY^  ET  v"  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 

ce  docteur  si  éminent  entre  les  autres  ',  une 
table  de  ses  ouvrages,  de  ses  lettres  et  de  ses 
sermons,  qui,  tous  ensemble ,  se  montaient, 
dit-il,  à  1,030  écrits  :  sans  parler  de  ceux 
qui  ne  se  pouvaient  pas  compter,  parce  que 
saint  Augustin  n'en  avait  point  marqué  le 
nombre.  Dans  son  second  livre  des  Rétrac- 
tations ,  saint  Augustin  n'énonce  '  lui-même 
que  quatre-vingt-treize  ouvrages  distribués 
en  deux  cent  trente-deux  livres  :  mais  il  n'y 
comprend  ni  ses  lettres,  ni  ses  sermons.  On 
a  recueilli  le  tout  en  dix  volumes,  dont  le 
premier  fut  imprimé  à  Paris  en  1689. 

[Plusieurs  suppléments  ,  dont  nous  par- 
lerons dans  la  suite ,  ont  été  publiés  depuis 
cette  édition.] 

ARTICLE  n. 

DES  ÉCRITS  CONTENUS  BANS  LE  PREMIER  TOME. 


En  quel 
ordiL'  ils 
suiu  écrits. 


§1- 

Des  deux  livres  des  Rétractations. 

1.  Le  premier  tome  des  œuvres  de  saint 
Augustin  renferme  ce  qu'il  écrivit  étant  en- 
core jeune,  et  avant  qu'il  fût  élevé  au  sa- 
cerdoce. On  a  cru  néanmoins  devoir  y  faire 
entrer  ses  deux  liM.'es  des  Rétractations  qu'il 
composa  suj  la  fin  de  sa  vie ,  comme  pour 
servir  d'introduction  à  ses  autres  ouvrages, 
et  les  treize  livres  de  ses  Confessions,  qu'il 
ne  publia  que  pendant  son  épiscopat,  afin 
que  le  lecteur  vit  dans  le  premier  de  ses 
ouvrages ,  combien  saint  Augustin  avait  de 
modestie  et  d'amour  pour  la  vérité  ;  et  dans 
l'autre ,  quelle  était  sa  douleur  de  s'êti'e 
écarté  si  longtemps  des  voies  du  salut. 

2.  Le  dernier  livre  dont  il  parle  dans  ses 
Rétractations,  est  celui  de  la  Correction  et 
de  la  Grâce ,  fait  vers  l'an  427  :  ainsi ,  l'on 
ne  peut  mettre  ces  Rétractations  qu'en  cette 
année  au  plus  tôt,  ou  vers  le  commencement 
de  l'an  428.  Il  avait  depuis  longtemps  '  conçu 
le  dessein  de  repasser  tous  ses  ouvrages  qui 
étaient  devenus  publics,  soit  ses  traités,  soit 
ses  lettres,  soit  ses  sermons ,  et  de  marquer 
dans  un  ouwage  exprès,  avec  la  sévérité 
d'un  juge,  tout  ce  qu'il  y  trouverait  à  re- 
preiadre ,  ne  pouvant  en  corriger  les  défauts 
que  par  une  censm^e  publique;  mais  il  en 

1  On  trouve  cette  table  à  la  suite  de  la  vie  de 
saint  Augustin  par  Possidius,  à  la  fin  du  dixième 
tome  de  ses  œuvres. 

2  August.,  lib.  II  Retract.,  cap.  lxvh.  —  '  Id.,  in 
Prolog.,  Retract.,  tom.  J,  pag.  1. 


23 

avait  toujours  été  détourné  par  diverses  oc- 
cupations pressantes.  Il  se  trouva  plus  de 
loisir  après  qu'U  se  fut  déchargé  siu-  Éra- 
clius  du  soin  des  affaires,  et  de  juger  les  pro- 
cès, et  il  y  a  toute  apparence  qu'il  commença 
dès  lors ,  c'est-à-dire  dès  l'an  426  ,  à  revoir 
ses  ouvrages. 

3.  Il  en  fît  une  liste,  et  les  mit,  autant  qu'il 
lui  fut  possible  * ,  selon  l'ordi'e  des  temps 
auxquels  il  les  avait  écrits,  afin  que  ceux  qui 
les  voudraient  lire  dans  cet  arrangeuïent , 
pussent  voir  le  progrès  qu'il  avait  fait  dans 
la  science  de  l'Église ,  à  mesure  qu'il  écri- 
vait. «  Car,  je  crois,  dit-il  %  cjue  par  la  misé- 
ricorde de  Dieu,  j'ai  profité  depuis  que  j'ai 
commencé  à  écrire,  et  je  suis  bien  éloigné 
de  dire  que  j'ai  été  parfait  dès  le  commen- 
cement. Si  je  prétendais  même  être  arrivé  à 
la  perfection  dans  l'âge  où  je  suis,  en  sorte 
que  je  sois  incapable  de  me  méprendre  dans 
ce  que  j'écris,  il  y  aurait  en  cela  de  la  vanité 
et  de  la  présomption.  Mais  il  faut  distinguer 
entre  les  fautes,  soit  poiu-  leurs  qualités,  soit 
pom'  les  matières  où  l'on  se  trompe ,  et  sur- 
tout entre  ceux  qui  reconnaissent  leurs  fau- 
tes et  s'en  coi-rigent  volontiers ,  et  ceux  qui 
les  défendent  avec  opiniâtreté.  On  a  sujet 
de  bien  espérer  pour  celui  qui  va  toujours 
en  profitant  jusqu'au  dernier  jour  de  sa  vie. 
n  n'y  aura  plus  qu'à  ajouter  ce  qui  manquait 
à  son  avancement,  et  il  paraîtra  devant  le 
Juge  pour  recevoir  non  la  peine  de  sa  né- 
gligence et  de  sa  paresse ,  mais  son  entière 
perfection.  » 

4.  Cet  ouvrage  est  divisé  en  deux  livres.      Ce  qu'ils 

T  •  i  1         '     .     1  ,    .    .  ,  conlit'l)  - 

Le  premier  est  employé  a  la  révision  des  ncnt. 
écrits  de  saint  Augnistin  jusqu'à  son  épisco- 
pat ,  et  même  ceux  qu'il  composa  avant  son 
baptême;  le  second  comprend  tout  le  reste 
de  ses  ouvrages ,  jusqu'au  temps  où  il  avait 
achevé  celui  qui  a  pour  titre  :  De  la  Correc- 
tion et  de  la  Grâce.  Le  saint  docteur  marque 
avec  soin  '  sur  chaque  ouvrage  ce  qu'il  trouve 
à  y  reprendre  ,  jusqu'aux  moinckes  expres- 
sions, expliquant  ce  qui  paraissait  obscm-  et 
pouvait  donner  lieu  à  de  mauvaises  interpré- 
tations, et  condamnant  ^  tout  ce  qu'il  croyait 
y  avoir  mis  contre  la  doctrine  de  l'Église , 
lorscju'il  n'en  était  pas  encore  assez  instruit. 
Il  crut  devoir  '  se  juger  ainsi  lui-même  en  la 

*  August.,  in  Prolog.,  Retract.,  tom.  I,  pag.  4. 

—  ^  Id.,  De  Dono  ijersev.,  cap.  xxr,  p.  832,  tom.  X. 

—  ^  Id.,  in  Prolog.,  Retract.,  pag.  i  etseq. 

'  Possid.,  in  Vita,  cap.  xxviii.    —   *  August.,  in 
Prolog.,  pag.  2. 


24 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


présence  de  Jésus-Clu-ist ,  pour  éviter  d'en 
être  jugé,  peu  inquiet  du  jugement  qu'en 
pouvaient  faire  les  personnes  peu  judicieu- 
ses, et  persuade  que  les  personnes  sages  ne 
le  blâmeraient  point  de  s'être  ainsi  condamné 
lui-même. 
Quel  en  S.  Il  ne  faut  pas  néanmoins  s'imaginer 
sein!"  ''^^'  1^^'3  *^^'''^^  ^^^  deux  livres  des  Rétractations , 
saint  Augustin  ne  fasse  autre  chose  que  ré- 
tracter des  erreurs  dans  lesquelles  il  serait 
tombé,  ou  corriger  des  fautes  qu'il  am^ait 
commises  dans  ses  écrits  :  il  ne  fait  le  plus 
souvent  que  s'expliquer  lui-même,  afin  qu'on 
n'abusât  pas  de  quelques  termes  moins  clairs; 
ou  bien  il  renvoie,  pour  l'explication  de  quel- 
ques passages  de  l'Écriture,  à  un  traité,  dans 
lequel  il  en  avait  donné  une  meillem'e  que 
dans  un  autre.  Par  exemple ,  dans  le  chapi- 
tre quatorzième  du  premier  livre ,  il  préfère 
ce  qu'il  avait  dit  dans  le  livre  de  l'Esprit  et 
de  la  Lettre,  pour  l'explication  de  cet  endroit 
de  saint  Paul  :  La  lettre  tue  et  l'esprit  donne 
la  vie,  à  ce  qu'il  avait  dit  sur  le  même  pas- 
sage, dans  le  traité  intitulé  :  De  l'utilité  de 
la  foi  ;  mais  il  ajoute  qu'on  ne  doit  pas  pour 
cela  mépriser  l'explication  qu'il  en  avait 
donnée  dans  ce  dernier  ouvrage.  Au  reste, 
comme  il  retoucha  '  dans  ces  li\Tes  tous  les 
endroits  qui  lui  déplaisaient  ou  qui  pouvaient 
déplaire  aux  autres ,  il  y  en  a  aussi  qu'il  y 
défend  et  qu'il  y  explique,  en  montrant  com- 
ment on  doit  les  entendre. 

6.  Son  exactitude  va  jusqu'à  marquer  sur 
chaque  ouvrage  quelle  en  a  été  l'occasion, 
son  titre,  la  matière  qui  y  est  traitée,  de  com- 
bien de  livres  il  est  composé,  les  paroles 
par  où  il  tÉiJii^nce,  et  souvent  même  en 
quel  lieu  il  a  été  écrit ,  si  c'a  été  pendant  son 
épiscopat,  ou  lorsqu'il  n'était  que  prêtre  ;  si 
c'a  été  avant  son  baptême  ou  depuis.  jQ'est 
ce  qui  donne  une  grande  facilité  pour  dis- 
tinguer ses  véritables  écrits  d'avec  ceux  qui 
lui  sont  supposés. 

7.  Après  avoir  repassé  tous  ses  ti'aités,  il 
commença  la  révision  de  ses  Lettres,  mais 
sans  en  rien  mettre  par  écrit.  Il  fut  même 
obligé  de  l'interrompre  pour  répondre  à  un 
écrit  que  Julien  avait  composé  contre  lui 
plusieurs  années  auparavant,  sans  qu'il  fût 
encore  venu  à  sa  connaissance.  Néanmoins- 
il  n'employa  pas  tout  son  temps  à  réfuter  le 


livre  de  ce  pélagien  ;  il  se  contenta  d'y  tra- 
vailler de  jom",  employant  la  nuit  à  la  revue 
de  ses  Lettres  ^,  lorsqu'il  n'avait  point  d'oc- 
cupations extraordinaires. 

8.  Prosper  et  Hilaire  ayant  appris  dans 
les  Gaules  que  saint  Augustin  travaillait  à 
revoir  ses  ouvrages,  le  prièrent,  avant  même 
qu'il  en  parût  rien  en  public,  de  leur  envoyer 
ce  qu'il  aurait  fait  sur  cette  matière.  La  lettre 
d'Hilaire  est  de  l'an  429.  Ainsi  les  deux  livres 
des  Rétractations  n'avaient  pas  encore  été 
alors  rendus  pirblics  dans  les  Gaules.  Il  est  tou- 
tefois certain  qu'aux  instances  réitérées  de 
ses  frères,  il  les  donna  au  public,  sans  atten- 
dre qu'il  eût  revu  ses  Lettres  et  ses  Sermons, 
ce  qu'il  commença  de  faire  en  428,  comme  on 
le  voit  par  sa  lettre  '  au  diacre  Quodvultdeus. 
Possidius  les  a  intitulés  *  :  Revue  des  livides; 
mais  ils  portent  le  titre  de  Rétractations  dans 
tous  les  manuscrits,  et  c'est  sous  ce  titre  qvie 
saint  Augustin  les  marque  en  divers  endroits 
de  ses  ouvrages,  et  après  lui  saint  Prosper  *, 
Cassiodore  et  saint  Fulgence;  ce  terme,  au 
sens  de  ces  auteurs,  signifie  non  pas  corri- 
ger, mais  revoir  et  retoucher.  La  seule  er- 
reur que  saint  Augustin  ait  rétractée  dans 
ces  deux  livi'es  est  celle  des  demi-pélagiens. 
Il  en  usa  ainsi,  afin  que  le  respect  qu'on  lui 
témoignait,  n'empêchât  point  qu'on  ne  l'a- 
bandonnât en  ce  point  avec  liberté. 

9.  Cassiodore  ^,  parlant  des  livi'es  des  ^e-         Esiinit 
tractations,  s'exprime  de  la  sorte  :   ((  Celui  r;,'i"tc"(ic  ccî 
qui  veut  apprendre  à  pailer  exactement  et  ''^■'«s. 
à  ne  point  s'égarer  par  une  témérité  trom- 
peuse, doit  lire   avec  soin  ces  livres;  il  y 
trouvera  un  excellent  modèle  à  imiter  pour 
arriver  à  la  perfection,  et  il  y  connaîtra  à 
quelle  éminence  de  sagesse  la  divine  misé- 
ricorde avait  élevé  ce  grand  homme,  lors- 
qu'il le  verra  si  sévère  envers  lui-même  pom* 
ne  rien  laisser  échapper,  lui  que  nul  autre 
n'aurait  peut-êti-e  osé  entreprencke  de  cen- 
surer. » 

§n. 

Des  Confessions  de  saint  Augustin. 

d.  De  tous  les  ouvrages  de  saint  Augustin,      commcm 
il  n  y  en  a  point  eu  qui  aient  été  mieux  re-  om  étj  re- 
çus ',  et  qui  aient  eu  plus  de  cours  que  celui  '<"*• 
de   ses    Confessions.  Aucun  aussi  n'est  plus  , 

rempH  du  feu  de  l'amour  de  Dieu,  ni  plus  | 


<  August.,  Epist.  224.  —  2  Epist.  22G.  —  ^Epist.  22i 
*  PossUl.,  in  Vita,  cap.  xxvii.  —  "August.,  iipîs^.  221, 
cap.  m  et  iv. 


et  De  Prœd.  sanct .. 


2  Prosp.,  ad  ex  cerpt.  Cent., cap.  i;  Cassiod.,  Tnsf. 
div.,  cap.  XVI;  Fulgput.,  Upist.  14.  —  «  Cassiod., 
Iiist.,cap.  XVI.— 7  August.,  lib.  De  Don.  pers.,  cap.  xx. 


[iv"  ET  v°  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


25 


propre  à  l'allumer  dans  les  cœurs,  et  c'est 
de  tous  les  Im-es,  le  plus  capable  de  dégoû- 
ter l'homme  de  toiites  les  choses  vahies  et 
passagères  qne  le  monde  nous  présente.  On 
y  apprend  en  même  temps  ce  que  fait  pour 
Dieu  un  cœur  pénétré  de  reconnaissance 
des  grâces  qu'il  en  a  reçues.  Car  saint  Au- 
gustin y  représente  ce  qu'il  avait  été  avant 
de  recevoir  la  grâce,  et  ce  qu'il  était  depuis 
qu'il  l'avait  reçue  '.  Le  but  qu'il  se  proposa  ^ 
en  écrivant  ses  Confessions ,  fut  d'empêcher 
que,  sur  ce  qu'on  pouvait  avoir  entendu  dire 
de  lui,  on  n'en  eût  une  trop  bonne  opinion, 
et  qu'on  ne  le  crût  autre  que  ce  qu'il  sa- 
vait être.  C'est  pourquoi  en  les  envoyant 
au  comte  Darius  qui  les  lui  avait  deman- 
dées ',  il  lui  parle  en  ces  termes  :  «  Regar- 
dez-moi dans  ce  livre,  et  apprenez-y  ce  que 
je  suis,  si  vous  voulez  ne  pas  me  louer  au 
delà  de  ce  que  je  mérite.  C'est  à  moi-même, 
et  à  ce  que  je  dis  de  moi  dans  cet  ouvrage, 
qu'il  faut  vous  en  rapporter,  et  non  pas  à  ce 
cpi'en  disent  les  autres.  Considérez  bien  le 
portrait  que  vous  y  verrez  de  moi,  ce  que 
j'étais  de  moi-même  et  par  moi-même.  Que 
si  vous  trouvez  présentement  en  moi  quel- 
que chose  qui  vous  plaise,  louez-en  avec 
moi  Celui  que  j'ai  prétendu  qu'on  louât  de 
ce  qu'il  a  fait  en  moi.  Car  c'est  à  sa  gloire 
que  j 'ai  parlé  de  moi ,  et  non  pas  à  la  mienne . 
C'est  lui  qui  nous  a  fait  ce  que  nous  sommes, 
et  non  pas  nous,  qui  n'avions  fait  que  nous 
perdre  et  nous  défigurer  '-.  Lors  donc  que 
A'ous  m'aurez  connu  dans  cet  ouvrage,  tel 
que  je  suis,  priez  pour  moi,  afin  qu'il  plaise 
à  Dieu  d'achever  ce  qa'il  a  commencé  en 
moi,  et  qu'il  ne  permette  pas  que  je  le  dé- 
fasse. » 
Eik's  ru-       2.  Saint  Augustin  après  avoir  parlé  dans 

icni  écriii  s  i  ,.  ,         n ,,        ,  ■  5     i  i    ■ 

VIS     l'an   son  second  livre  des  Rétractions  ",  de  celui 
^'"'"  qui  a  pour  titre  :  Be  la  Doctrine  chrétienne,  et 

des  deux  livres  qu'il  avait  fait  contre  le 
parti  de  Donat,  et  qui  ne  sont  pas  venus 
jusqu'à  nous,  met  ses  Confessions  «  qui  vont, 
dit-il,  louer  la  justice  de  Dieu,  de  tous  les 
maux  par  où  il  a  permis  que  j'aie  passé  ;  et 


la  bonté  dont  il  m'a  donné  des  preuves, 
par  tous  les  biens  qu'il  m'a  faits.  »  Ce  Père 
place  ensuite  son  ouvi-age  contre  Fauste  le 
manichéen,  qu'il  composa  étant  déjà  évêque. 
Ce  qui  nous  engage  à  mettre  les  Confessions 
vers  l'an  397  ou  400  :  car  l'époque  n'en  est 
pas  certaine. 

3.  Elles  sont  divisées  en  treize  livres.  Dans  diviséM°en 
le  premier,  après  avoir  reconnu  que  le  Sei-  ^^^^If  "" 
gneur  nous  a  créés  pour  lui-même,  et  que 
notre  cœur  est  toujoui's  agité  de  trouble  et 
d'inquiétude  jusqu'à  ce  qu'il  retrouve  son 
repos  en  Dieu,  saint  Augustin  invoque  cet 
Être  suprême  pour  le  faire  venir  en  lui. 
«Mais,  ajoute-t-il,  qu'y  a-t-il  en  moi  où  mon 
Dieu  puisse  venir,  et  qui  puisse  le  contenir  ?» 
n  explique  de  quelle  manière  Dieu  est  par- 
tout, comment  il  faut  concevoir  son  immen- 
sité, et  montre  que  de  toutes  les  choses  que 
Dieu  remplit,  il  n'y  en  a  aucune  où  il  ne 
soit  tout  entier,  sans  néanmoins  qu'elles  le 
contiennent  et  qu'elles  l'enferment.  E.  donne 
de  la  nature  et  de  la  grandeur  de  Dieu  l'idée 
la  plus  magnifique  que  l'on  s'en  puisse  for- 
mer. Infiniment  grand,  infiniment  bon,  in- 
finiment miséricordieux,  infiniment  juste  ; 
nulle  beauté  n'est  comparable  à  la  sienne  ; 
rien  ne  résiste  à  sa  force,  rien  ne  borne  sa 
puissance;  présent  partout,  sans  paraître 
nulle  part,  il  est  toujours  le  même,  il  se  pré- 
sente toujours  pour  ainsi  dire,  sous  la  même 
forme  à  ceux  cpii  le  considèrent,  sans  qu'on 
puisse  jamais  arriver  à  le  compreiidi'e.  Au- 
teur de  tous  les  changements  qui  arrivent 
dans  le  monde,  il  ne  change  jamais  lui- 
même  ;  incapable  de  renouvellement,  il  re- 
nouvelle toutes  choses.  Toujom-s  en  action, 
et  toujours  en  repos,  donnant  à  chacun  l'ê- 
tre, l'accroissement  efla  perfection.  Il  aime, 
mais  sans  passion  ;  il  est  jaloux,  mais  sans 
trouble  ;  il  se  repent,  mais  sans  se  rien  re- 
procher; il  entre  en  colère,  mais  il  n'en  est 
pas  plus  ému;  il  change  ses  opérations, 
mais  jamais  ses  desseins  ;  il  exige  du  profil 
de  ses  dons,  mais  sans  être  avare.  Saint  Au- 
gustin fait  ensuite  à  Dieu  un  humble  aveu 


1  Possid.,  Prol.  in  vitam.  —^Ihid.  — 'August., 
Epist.  23i,  Tium.  6. 

'Salut  Augustin  fait  Ici  allusion  aux  expressions 
du  Psaume  xcix,  3  ;  11  dit  donc  :  k  Quoniam  ipse  fecit 
nos  et  nonipsinos:  nos  autem  perdideramus  nos  ; 
sed  qui  fecit,  refecit.  »  Refecit,  c'est-à-dire  a  reparé 
en  nous  son  ouvrage  par  le  secours  de  sa  grâce. 
{L'éditeur.) 

5  Retract.,  lib.  Il,  cap.  vi.  —  s  Saint  Augustin 


parle  des  enfants  qui,  fâchés  de  ce  qu'on  ne  fait  pas 
ce  qu'ils  veulent,  frappent  ceux  qui  leur  résistent  et 
s'efforcent  ainsi  de  leur  nuire  autant  qu'ils  le  peu- 
vent :  Feriendo  noeere  nisi  quantum  potest  ;  il  de- 
mande si  c'est  là  un  bien,  et  il  conclut  qu'en  pa- 
reil cas  ce  n'est  pas  la  disposition  de  leur  cœur,  mais 
la  faiblesse  même  de  leurs  membres  qui  est  inno- 
cente :  Ita  imbedllitas  membrorum  infantibus 
innocens  est,  non  animus  infantium.  [L'éditeur.) 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


de  ses  misères ,  et  tout  confus  du  comman- 
dement qu'il  a  fait  aux  hommes  de  l'aimer, 
il  s'écrie  :  «  Que  vous  suis-Je,  ô  mon  Dieu! 
pour  que  vous  daigniez  me  commander  que 
je  vous  aime,  et  pom'  ne  pouvoir  souffrir  que 
j'y  manque,  sans  me  menacer  de  grandes 
misères  ?  Et  n'en  est-ce  pas  une  assez  grande 
que  de  ne  vous  pas  aimer  ?»  Il  commence 
après  cela  à  parler  de  sa  naissance  et  de  son 
enfance,  jusqu'à  la  quinzième  année  de  son 
âge,  décrivant  d'une  manière  admirable  ce 
que  font  les  hommes  dans  les  premiers 
temps  de  l'enfance,  et  faisant  remarquer  les 
merveilles  de  la  bonté  et  de  la  providence 
de  Dieu  envei's  l'homme  dès  le  commen- 
cement de  sa  vie,  et  dans  le  cours  de  son 
enfance.  Il  fait  voir  que  les  enfants  mêmes 
ne  sont  pas  exempts  de  péché,  et  que  la  coi-- 
ruption  de  l'homme  paraît  dès  ses  premières 
années  :  «  C'est  donc,  conclut-il,  seidement 
par  l'impuissance  de  nuire,  qu'on  peut  dire 
qu'il  y  a  de  l'innocence  dans  les  enfants,  et 
non  pas  par  la  disposition  de  leur  cœur.  J'en 
ai  vu  un,  ajoute-t-il,  qui  ne  parlait  pas  en- 
core, et  qui  était  si  transporté  d'envie  et  de 
jalousie  contre  un  autre  qai  tétait  la  même 
nourrice,  qu'il  en  était  tout  pâle,  et  qu'il  ne 
regardait  ce  fi'ère  de  lait  qu'avec  des  yeux 
de  haine  et  de  colère.  »  Il  passe  de  là  au 
temps  où  la  raison  commence  à  se  déve- 
lopper, et  montre  quel  malheur  c'est  aux 
enfants  d'avoir  à  dépendre  des  fausses  opi- 
nions de  ceirx  qui  les  élèvent,  et  combien 
sont  vaines  et  frivoles  les  raisons  pom-  les- 
quelles la  plupart  des  parents  font  étudier 
leurs  enfants.  Il  se  loue  du  grand  soin  que 
sa  mère  avait  eu  de  l'élever  dans  la  piété, 
et  remarque  que  la  raison  qu'on  avait  eue 
de  différer  son  baptême  après  être  revenu 
d'une  maladie  dangereuse,  fut  que  l'on 
comptait  que  s'il  avait  encore  à  vivre,  il  ne 
manquerait  pas  de  se  souiller  de  nouveau 
par  le  péché  ;  et  parce  que  l'on  savait  que 
les  fautes  que  nous  commettons  après  le 
baptême  sont  beaucoup  plus  grandes  et 
plus  dangereuses  que  celles  que  l'on  a  com- 
mises auparavant.  Mais  doutant  depuis  de  la 
validité  de  ces  raisons,  il  disait  à  Dieu.  «  Je 
voudrais  bien,  si  c'était  votre  bon  plaisir,  que 
vous  me  fassiez  connaître  dans  quelle  vue 
l'on  différa  de  me  baptiser,  et  si  c'a  été  un 
bien  pour  moi  que  l'on  m'ait  ainsi  laissé  la  li- 
berté de  pécher.  Car  n'est-ce  pas  me  l'avoir 
laissée,  que  d'avoir  différé  mon  baptême  ? 
et  ne  le  voyons-nous  pas  clairement  par  ce 


que  nous  entendons  dire  tous  les  jours  sur  le 
sujet  de  la  plupart  des  enfants?  Laissez-le 
en  repos,  dit-on,  qu'il  fasse  ce  qu'il  voudra, 
il  n'est  pas  encore  baptisé.  Parle-t-on  ainsi 
quand  il  est  question  de  la  santé  du  corps  ; 
et  trouve-t-on  quelqu'un  qui  dise  :  Qu'im- 
porte qu'il  se  fasse  de  nouvelles  plaies,  il 
n'est  pas  encore  guéri.  » 

Il  met  au  nombre  des  péchés  l'aversion 
que  les  jeunes  gens  ont  pour  l'étude  lors- 
qu'elle leur  donne  occasion  de  se  révolter 
contre  ceux  qui  les  pressent  de  s'y  appli- 
quer ;  mais  il  ne  croit  pas  que  ceux-là  soient 
exempts  de  faute  qui  n'ont  point  d'autres 
vues  dans  ce  qu'ils  font  apprencbe  aux  en- 
fants, que  de  les  mettre  en  état  de  contenter 
cet  appétit  insatiable  de  ce  que  les  hommes 
appehent  des  biens  et  des  honneurs,  et  qui 
n'est,  en  effet,  qu'indigence  et  ignominie.  Il 
blâme  l'usage  où  l'on  est  d'apprendre  des 
fables  aux  enfants,  au  lieu  de  les  apphcpier 
de  bonne  heure  à  apprendre  les  premiers 
éléments  des  lettres,  et  dit  que  l'aversion  que 
les  enfants  ont  pour  les  langues  étrangères 
vient  uniquenient  de  la  difficulté  qu'il  y  a  à 
les  apprendre.  Il  s'élève  particuUèrement 
contre  la  coutume  pernicieuse  où  l'on  est  de 
mettre  entre  les  mains  des  jeunes  gens  les 
livres  de  poètes,  remplis  de  tant  de  choses 
capables  de  corrompre  ;  et  cela  sous  le  pré- 
texte que  c'est  dans  ces  livres  que  l'on  ap- 
prend l'usage  de  la  signification  des  termes 
et  que  l'on  puise  cette  éloquence  si  néces- 
saire pour  bien  exprimer  ce  que  l'on  pense, 
et  poiu'  l'insinuer  aux  autres.  «  Quoi  donc, 
dit-il,  si  Térence  ne  nous  avait  représenté 
un  jeune  débauché  qui  s'excite  à  contenter 
sa  passion  par  l'exemple  de  Jupiter,  et  par 
la  vue  d'un  tableau  où  ce  dieu,  sous  la  fi- 
gure d'une  pluie  d'or  qu'il  fait  tomber  sur 
Danaé,  trouve  moyen  de  la  surprendi-e , 
n'aurions-nous  jamais  pu  apprendre  l'usage 
et  la  signification  des  termes  que  ce  poète 
emploie  dans  cette  malheureuse  desci-ip- 
tion  ?  Voyez  de  quelle  manière  ce  jeune 
homme  sut  profiler  des  leçons  d'impudicité 
que  ce  prétendu  maître  du  ciel  lui  faisait  par 
cette  action.  Qu'on  ne  dise  donc  plus  que  rien 
n'est  phis  propre  que  celte  infâme  descrip- 
tion, pour  nous  apprendre  l'usage  des  ter- 
mes que  Térence  y  emploie,  mais  plutôt  que 
l'usage  qu'il  en  fait  poiu-  peindre  rmc  action 
si  honteuse  est  la  chose  du  monde  la  plus 
capable  de  faire  passer  par-dessus  l'horreur 
du  mal.»  Sainl  Augustin  ne  désapprouve  pas 


[lye  ET  v=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN , 

moins  qu'on  oblige  les  jeunes  gens  à  expri- 
mer en  prose  ce  qiie  Virgile  fait  dire  à  Ju- 
non  dans  le  transport  de  la  douleur  et  de  la 
colère  où  eUe  était  de  ne  pouvoir  empêcher 
le  roi  des  Troyens  d'aborder  en  Italie.  «  N'y 
a-t-il  donc  pas  d'autres  sujets  d'exercer  leur 
esprit  et  leur  langue  ?  N'en  trouve-t-on  point 
dans  les  saintes  Écritures,  où  tout  retentit 
des  louanges  de  Dieu?  Et  n'est-ce  pas  là 
qu'il  faudrait  chercher  de  quoi  exercer  l'ac- 
tivité et  fixer  la  mobilité  de  leur  esprit  au 
lieu  de  le  remplir  de  chimères.  »  11  fait  re- 
marquer combien  grande  est  la  dépravation 
des  hommes  d'observer  avec  tant  de  soin  les 
lois  arbitraires  par  lesquelles  ceux  qui  les 
ont  devancés  ont  réglé  la  prononciation  des 
lettres  et  des  syllabes,  et  de  fouler  aux  pieds 
les  lois  immuables  que  Dieu  a  étabhes,  et  qui 
sont  la  seule  voie  par  où  nous  puissions  al- 
ler au  salut.  ((  Cet  excès,  dit-il,  se  remarque 
même  dans  le  barreau  où  nous  voyons  tous 
les  jours  des  gens  qui  aspirent  à  une  vaine 
réputation  d'éloquence  ,  prendre  garde  avec 
la  dernière  exactitude,  de  ne  pas  blesser  les 
lois  delà  grammaire  par  quelques  mauvaises 
constructions  dans  des  discours  enflammés, 
où  ils  poursuivent  à  outrance  la  condamna- 
tion de  quelqu'un  qu'ils  ont  pris  en  haine, 
et  comptent  pour  rien  de  violer  la  loi  éter- 
nelle, par  la  fureur  avec  laquelle  ils  cher- 
chent à  faire  périr  leurs  semblables.  »  Saint 
Augustin  parle  ensuite  des  défauts  ordinaires 
aux  enfants,  et  soutient  que  lem-s  amuse- 
ments mêmes  et  leurs  jeux  marquent  visi- 
blement ce  même  fond  de  corruption  et 
d'injustice  qui  éclate  dans  la  suite  de  l'âge  ; 
il  finit  ce  premier  livre  par  ces  paroles  : 
«  Ce  qu'il  y  a  en  nous  de  déréglé,  et  qui  pa- 
raît dès  cet  âge-là,  ne  vient  que  de  nous- 
mêmes,  et  il  n'y  a  que  Dieu  seul  en  qui  nous 
puissions  trouver  nos  délices,  notre  gloire  et 
notre  confiance.  » 
Analyse  4.  En  Commençant  le  secoud  livre,  le  Saint 
livre,  p.  81  DoctcuT  repasse  dans  toute  l'amertume  de 
"  ^""''  son  cœur  les  désordres  de  sa  jeunesse,  afin 
que  ce  souvenir  amer  et  cuisant  serve  à  lui 
faire  goûter  plus  sensiblement  les  douceurs 
ineffables  qu'il  trouve  en  Dieu.  Les  désor- 
dres dont  il  y  parle,  sont  ceux  dans  lesquels 
il  se  jeta  en  la  seizième  année  de  son  âge, 
où  désoccupé  et  livré  à  lui-même,  sans  que 
personne  cherchât  à  mettre  un  frein  à  la 
malheureuse  impétuosité  qui  l'emportait,  il 
ne  mit  aucune  borne  à  ses  passions.  H  re- 
connaît néanmoins  qu'en  abandonnant  Dieu 


ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


27 


de  la  sorte,  il  n'évita  point  ses  châtiments, 
et  qu'au  milieu  des  plaisirs  criminels  aux- 
quels il  s'abandonnait.  Dieu  était  toujours  siu" 
lui  la  verge  à  la  main,  mais  avec  une  verge 
de  miséricorde,  par  les  amertumes  qu'U.  ré- 
pandait sur  ses  dérèglements,  afin  de  l'obli- 
ger à  chercher  des  plaisirs  pm-s  et  sans  mé- 
lange, n  rejette  les  fautes  en  partie  sur  la 
facilité  que  ses  parents  avaient  pour  lui , 
et  qui  était  telle ,  qu'elle  tenait  la  porte  ou- 
verte à  tout  ce  que  l'ardem-  de  ses  passions 
pouvait  lui  inspirer.  II  se  juge  lui-même  avec 
beaucoup  de  sévérité  siu'  un  vol  qu'il  fit  la 
nuit  avec  ses  compagnons,  convenant  qu'il 
ne  vola  des  fi'uits  avec  eux  que  pom'  le  plai- 
sir de  voler,  et  n'en  voulant  qu'au  mal  qu'il 
y  avait  de  les  prendre.  Il  fait  voir  à  cette  oc- 
casion que,  dans  les  vices,  il  y  a  toujours 
quelqu'apparence  de  bien  qui  séduit,  ne  fût- 
ce  qu'un  air  d'indépendance  et  de  liberté  à 
faire  quelque  chose  de  défendu.  Il  avoue 
aussi  qu'il  s'abandonna  à  ce  larcin  par  le 
plaisir  d'entrer  en  société  de  crime  avec 
ceux  qu'il  eut  pour  complices  dans  cet  ac- 
tion; d'où  il  conclut  que  les  amitiés  et  les 
sociétés  que  forment  entre  eux  les  jeunes 
gens  n'ont  ordinairement  d'autres  effets  que 
de  se  corrompre  les  uns  les  autres  et  qu'à 
faire  dans  la  raison  un  renversement  qui 
passe  toute  croyance.  Il  déteste  toutes  les 
fautes  dans  lesquelles  il  était  tombé,  et  re- 
connaît que  c'est  la  grâce  de  Dieu  qui  l'a 
empêché  de  faue  tout  le  mal  qu'il  n'avait 
point  fait;  puis,  convaincu  que  la  vraie  féli- 
cité n'est  qu'en  Dieu  seul,  il  s'écrie  :  «  C'est 
vous  que  je  veux,  justice  éternelle,  innocence 
souveraine,  beauté  divine,  dont  les  grâces 
sont  les  délices  des  yeux  chastes  et  dont  la 
jouissance  comble  l'âme  d'un  plaisir  céleste 
sans  aucun  dégoût ,  c'est  dans  vous  que  l'on 
trouve  une  paix  profonde  et  une  vie  exempte 
d'agitation  et  de  trouble.  » 

3.  Il  raconte,  dans  le  troisième  livre,  ce       Analyse 
quiluiarrivaàCarthagedansladix-septième,    me    livre, 
la  dix-huitième  et  la  dix-neuvième  année  de  ''^°"  *^" 
son  âge.  «  Mon  cœur  alors  n'était,  dit-il,  tou- 
ché d'aucun  désir  pour  la  nourriture  incor- 
ruptible, et  ce  dégoût  ne  venait  pas  de  ce 
qu'U  en  fût  rassasié,  mais  de  ce  qu'il  en  était 
trop  vide.  »  Se  livrant  donc  à  l'ardeur  de  ses 
passions  il  mit  son  plaisir  surtout,  dans  ce- 
lui d'être  aimé  aussi  bien  que  d'aimer,  et  il 
fut  assez  malheureux  pour  réussir  dans  l'un 
et  dans  l'autre.  Il  avait  en  même  temps  une 
passion  extraordinaire  pour  les  spectacles 


28 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


des  théâtres,  dont  les  représentations  étaient 
comme  autant  d'hnile  que  l'on  jetait  sur  le 
feu  de  l'amour  impur  dont  il  était  embrasé. 
«  Ce  qui  fait  que  l'on  aime  ces  spectacles, 
dit-il,  c'est  qu'on  a  l'esprit  malade.  »  Ce  qu'il 
prouve  par  l'expérience  qui  nous  apprend 
qu'on  est  plus  ou  moins  touché  des  repré- 
sentations du  théâtre,  selon  qu'on  a  des  pas- 
sions plus  ou  moins  vives  dans  le  cœur.  Ce- 
pendant, il  ne  laissait  pas  de  s'appliquer  à 
l'étude  de  l'éloquence,  et  il  se  flattait  même 
de  l'espérance  d'y  exceller  et  d'y  acquérir 
cette  malliem-euse  gloire,  qui  se  mesm-e  par 
l'adresse  que  l'on  a  à  déguiser  la  vérité. 
«  Car  les  hommes ,  dit-il,  sont  assez  aveu- 
gles pour  juger  ainsi  des  choses  et  même 
pom?  faire  vanité  d'un  tel  aveuglement.  »  La 
lecture  d'un  livre  de  Cicéron  intitulé  :  Horten- 
siiis,  et  qui  n'est  proprement  qu'une  exhor- 
tation à  la  philosophie,  commença  à  lui  chan- 
ger le  cœm'  et  lui  donna  des  vues  et  des  pen- 
sées toutes  nouvelles,  en  sorte  qu'il  adi'essa 
dès  lors  à  Dieu  des  prières  bien  diflërentes 
de  celles  qu'il  lui  faisait  auparavant.  Il  se 
trouva  tout  d'un  coup  n'ayant  plus  que  du 
mépris  pom*  les  vaines  espérances  du  siècle 
et  embrasé  d'un  amour  incroyable  pour  la 
véritable  sagesse.  De  la  lecture  de  ce  livre, 
il  passa  à  ceUe  de  l'Écritm'e  sainte;  mais 
son  cœur  était  encore  trop  enflé  d'orgueil 
pour  s'accommoder  de  cette  sagesse  appa- 
rente de  style,  et  n'avait  pas  d'assez  bons 
yeux  pour  pénétrer  ce  qu'elle  cache  aux  su- 
perbes et  ne  découvre  qu'aux  humbles  et 
aux  petits  à  mesure  qu'ils  avancent.  Il  au- 
rait même  été  bien  fâché  de  s'abaisser  et  de 
devenir  humble,  quoique  la  grandeur  dont 
il  se  flattait  ne  fût  qu'enflure  et  vanité.  Il 
était  dans  cet  état  lorsqu'il  tomba  entre  les 
mains  des  manichéens  les  plus  extravagants, 
et,  en  même  temps,  les  plus  orgueiUeux  des 
hommes.  Dominés  par  les  impressions  de  la 
chair  et  du  sang  jusqu'à  ne  pouvoir  rien  con- 
cevoir que  de  corporel,  ils  croyaient  que  le 
mal  même  était  mie  substance  corporelle  ; 
conteurs  d'impertinences  et  de  fables,  tous 
leurs  discours  étaient  autant  de  pièges  de 
Satan  ;  ils  se  servaient  pour  surprendre  les 
âmes  d'un  appât  composé  du  saint  nom  de 
Dieu,  de  celui  de  notre  sauveur  Jésus-Clu'ist 
et  de  celui  du  Saint-Esprit,  ou  pour  mieux 
dire,  des  syllabes  qui  entrent  dans  ces  noms 
adorables  ;  criant  sans  cesse  :  Vérité,  vérité, 
ils  ne  lui  promettaient  que  vérité,  quoiqu'il 
n'y  en  eût  pas  en  eux,  comme  saint  Augus- 


tin le  fait  voir.  Ce  qui  le  fit  tomber  dans 
les  erreurs  et  les  extravagances  des  mani- 
chéens ,  fut  principalement  son  ignoraace 
sur  la  natm'e  du  mal  et  sur  celle  de  Dieu, 
sm'  la  véritable  justice  et  sur  la  manière  dont 
on  peut  accorder  l'immutabilité  de  Dieu 
avec  la  diversité  des  pratiques  qu'il  a  ordon- 
nées en  divers  temps,  ne  prenant  pas  garde 
que  cette  justice  éternelle  n'est  pas  en  eUe- 
même  demeurée  moins  invariable,  quoique 
ses  ordonnances  aient  varié  selon  la  diver- 
sité des  temps,  et  qu'il  y  a  une  différence 
essentielle  entre  ce  qui  n'est  mauvais  que 
par  rapport  aux  circonstances  des  temps  et 
entre  ce  qui  l'est  en  soi-même.  S'il  y  a  des 
choses  qui  ne  sont  justes  ou  injustes  que  se- 
lon certaines  circonstances  des  temps  et  des 
lieux,  il  y  en  a  aussi  qui  sont  tellement  justes 
par  elles-mêmes,  qu'en  quelque  temps  et  en 
quelque  lieu  que  ce  soit,  on  n'a  jamais  pu  y 
manquer  sans  injustice  :  comme  d'aimer 
Dieu  de  tout  son  cœur,  de  tout  son  espi-it  et 
de  toute  son  âme,  et  le  prochain  conune 
soi-même.  Mais  dans  ce  qui  n'est  crime  que 
parce  qu'il  est  contraire  aux  mœurs  et  à  l'u- 
sage de  quelque  pays  ou  de  quelque  peuple, 
la  règle  qu'on  doit  suivre  est  de  se  confor- 
mer à  l'usage  reçu  et  pratiqué  dans  les  heux 
où  l'on  se  rencontre.  Car  chaque  état  sub- 
siste sur  de  certaines  conventions  générales 
qu'A  n'est  pas  permis  aux  citoyens  ni  aux 
étrangers  de  violer ,  puisque  toute  partie  qui 
s'éloigne  du  rapport  qu'eUe  doit  avoir  avec 
son  tout,  est  vicieuse  et  déréglée.  Si  toutefois 
Dieu  ordonnait  quelque  chose  de  contraire 
aux  mœurs  ou  aux  conventions  mutueUes  de 
quelque  peuple  que  ce  fût,  il  faudrait  le  faire, 
quoicpi'ilne  se  fûtjamais fait;  l'établir,  quoi- 
qu'il ne  fût  point  encore  établi,  ou  le  réta- 
blir si  on  avait  cessé  de  le  pratiquer.  En  gé- 
néral, il  faut  faire  tout  ce  que  Dieu  ordonne, 
de  quelque  nature  que  soit  la  chose  qu'il  or- 
donne :  il  ne  s'agit  que  de  la  bien  connaître. 
«  Il  y  a,  ajoute  saint  Augustin,  plusieurs 
actions  que  les  hommes  jugent  dignes  d'être 
condamnées  et  que  Dieu  autorise  par  son 
approbation,  comme  il  y  en  a  plusieurs  qu'ils 
approuvent  avec  éloge  et  que  Dieu  con- 
damne par  l'équité  de  ses  jugements,  parce 
que  souvent  l'intention  secrète  et  les  circons- 
tances particulières  des  temps  rendent  une 
action  tout  autre  qu'elle  ne  semble  être  à 
ceiLX  qui  ne  la  considèrent  que  par  l'appa- 
rence. »  Il  en  donne  ailleurs  un  exemple  tiré  A"iî,-  ^'"''■ 
du  commandement  que  Dieu  fit  à  son  peu- 


[IV«  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


29 


lib.  XXII,   pie,  d'emporter  tout  ce  qu'il  pourrait  des 
c:i|i.  Ml.      richesses  des  Egyptiens.  Car  ce  qui  aurait  été 
un  crime  sans  cet  ordre  exprès  de  Dieu,  de- 
vint une   action  légitime  ,   et  les  Israélites 
auraient  même  péché,  s'ils  avaient  manqué 
de  faire  ce  que  Dieu  leur  ordonna  de  faire 
en  cette  occasion. 
Analyse       6.  Dans  le  quatrième  livre,  saint  Augustin 
!l!l.''"i'i'!,'r'i^'  fait  paraître  la  confusion  où  il   était   d'avoir 
p:ig.  97.       passé  neuf  ans   entiers  attaché  aux   erreurs 
des  manichéens,  et   d'en  avoir  infecté   les 
autres;  d'avoir  recherché  les  fumées   d'une 
gloire    populaire,    et    les   acclamations   du 
théâtre,  en  disputant  aux  autres  le  prix  de 
la  poésie  ;  de  s'être  attaché  avec  opiniâtreté 
à  une  science  aussi  abusive  et  aussi  vaine 
que  celle  de  l'astrologie  judiciaire;  et  d'a- 
voir excédé  dans  la  douleur   que   lui   avait 
causée  la  mort  d'un  de  ses  amis  intimes.  Il 
reconnaît  qu'il  n'y  a   de   vraie   amitié   que 
celle  que  Dieu  forme  entre  ceux  qui  l'aiment, 
et  qui  sont  unis  par  le  lien  de  cette   charité 
que  répand  dans  nos  cœurs  le  Saint-Esprit 
qui  nous  est  donné  ;  et  que  ce  qui  fait  que 
dans  les   amertumes   de  la  vie,  nous  trou- 
vons quelque  douceur  à  nous  plaindre,  à  gé- 
mir, à  pleurer,  à  soupirer,  c'est  que  nous 
nous  sentons  quelque  espérance  secrète  que 
Dieu  nous  exaucera.  «  Mais  cela  n'est  vrai, 
ajoute-t-il,  que  des  larmes  que  nous  versons 
dans  la  piière,  puisqu'elles  ont  un  but  où 
nous  désirons  d'arriver;  et  non  de  celles  que 
fait  répandre  une  douleur  comme  celle  où 
j'étais  d'avoir  perdu  mon  ami.  L'amitié  qui 
était  enti'e  nous,  ajoute-t-il,  avaitfaitquenos 
deux  âmes  n'en  étaient  qu'une  ;  et  ce  qui  fai- 
sait que  je  craignais  de  mourir  après  l'avoir 
perdu,  c'était  peut-être  la  peur  que    celui 
que  j'avais  tant  aimé  achevât  de  perdre  un 
reste  de  vie  que  j'avais  encore  en  lui.»  Mais 
dans  le  second  livre  de  ses  Rétractations,  il  dé- 
sapprouve ces  façons  de  parler,  et  les  traite 
de  déclamations   frivoles,    «  qui  n'auraient 
pas  dû,  dit-il,  trouver  place   dans  un   ou- 
vrage aussi  sérieux  que  celui  où  je  confesse 
mes  misères.  »  Il  entre  dans  le  détail  de  ce 
qui  fait  l'amitié  entre  les  hommes,    et   con- 
seille  à  ceux  qui  ne  veulent  point  perdre 
leurs  amis,  de  ne  les   aimer  qu'en  Dieu  : 
«  Car  on  est  sûr,  dit-il,  de  ne  perdre  aucun 
de  ceux  qu'on  aime,    quand  on  ne  les   aime 
qu'en  celui  qu'on  ne  saurait  perdre.  Et  qui 
est  celui-là,  sinon  notre  Dieu,  le  Dieu  qui  a 
fait  le  ciel  et  la  terre  ?  »  Pour  s'engager  lui- 
même  à  ne  s'attacher  qu'à  Dieu ,  il  envisage 


le  monde  et  toutes  les  choses  qui  passent 
par  tous  les  endroits  qui  peuvent  nous  en 
donner  du  mépris,  voulant  que  l'on  n'aime 
rien,  soit  beauté  corporelle,  soit  beauté  spi- 
rituelle, qu'en  Dieu  même  ;  en  effet,  c'est 
seulement  en  lui  et  par  lui,  que  les  âmes 
mêmes ,  comme  toutes  les  autres  créatures , 
sont  quelque  chose  de  fixe  et  de  stable  ;  et 
s'il  ne  les  soutenait ,  elles  périraient  et  re- 
tomberaient dans  le  néant.  ((  C'est  une  folie 
aux  hommes  de  chercher  le  repos  dans  les 
créatures,  puisque  le  vrai  repos  n'est  qu'en 
Dieu,  comme  c'est  en  lui  seul  qu'est  la  vie 
heureuse.  Aussi,  nous  crie-t-il  d'une  voix 
forte,  que  nous  sortions  d'où  nous  somnies, 
et  que  nous  remontions  vers  lui,  jusques 
dans  cette  lumière  secrète  où  il  habite,  et 
d'où  il  est  venu  vers  nous,  en  se  revêtant, 
dans  un  sein  virginal,  d'une  chair  mortelle 
comme  la  nôtre,  pour  nous  rendre  partici- 
pants de  son  immortahté.  »  Saint  Augustin 
avoue,  que  faute  d'avoir  connu  toutes  ces 
vérités,  il  avait  laissé  aller  son  cœur  à 
des  beautés  qui  ne  sont  que  passagères.  Il 
parle  d'un  ouvrage  qu'il  composa  alors  sous 
le  titre  :  De  la  Beauté  et  de  la  Convenance.  Nous 
ne  l'avons  plus,  et  nous  savons  seulement 
qu'il  l'avait  dédié  à  un  orateur  de  la  ville  de 
Rome  appelé  Hiérius,  qui,  quoique  Syrien 
de  naissance,  s'était  rendu  si  habile  dans  la 
langue  latine,  qu'il  se  faisait  admirer  de 
ceux  qui  la  savaient  le  mieux.  Il  définissait 
dans  cet  ouvrage,  le  terme  de  beauté,  une 
chose  qui  plaît  par  elle-même  ;  il  appelait 
convenance,  ce  qui  fait  qu'une  chose  plaît  par 
le  rapport  qu'elle  a  à  quelque  autre  chose. 
Sur  la  fin  du  quatrième  livre,  il  parle  de  la 
facilité  qu'il  avait  pour  toutes  les  sciences 
humaines,  et  convient  qu'il  ne  trouvait  au- 
cune difficulté  dans  ce  que  les  meilleurs  es- 
prits mêmes  et  les  plus  appliqués  n'enten- 
daient qu'avec  peine  :  mais  il  avoue  aussi 
quêtons  ces  avantages  d'esprit  ne  lui  avaient 
servi  de  rien,  puisqu'on  ce  qui  regarde  la 
piété  et  le  culte  de  Dieu,  il  était  tombé,  en 
se  livrant  aux  imaginations  des  manichéens, 
dans  des  extravagances  qui  am-aient  dû  lui 
faire  autant  de  honte  que  d'horreur. 

7.  Le  cinquième  livre  renferme  l'histoire  de 
ce  qui  lui  arriva  dans  la  vingt-neuvième  année  iiu  c'intfi/iè" 
de  son  âge,  où,  ayant  reconnu  l'ignorance  "38.107?' 
de  Fauste  le  manichéen  dans  les  conférences 
qu'il  eut  avec  lui  à  Cartilage,  il  commença  à 
se  désabuser  des  erreurs  de  cette  secte.  Les 
inquiétudes  lui  paraissent  inséparables  d'un 


Analyse 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


30 

cœur  IhTé  à  l'inicjpiité.  On  y  voit  que  Dieu 
sait  faire  usage  de  la  malice  même  des  pé- 
cheurs pour  accomplir  ses  desseins  siu-  eux; 
qu'en  vain  ils  fuient  Dieu,  rien  de  ce  qu'il  a 
fait  ne  pouvant  échapper  à  sa  justice,  et, 
par  une  prérogative  qui  lui  est  particuhère, 
étant  présent  à  ceux  mêmes  qui  s'enfuient 
le  plus  loin  de  lui.   «  Qu'ils  se  convertissent 
donc  à  vous,   ajoute  le  saint  Docteur,  et 
qu'ils  vous  cherchent,  puisque  vous  êtes  si 
près  d'eux,  et  que  vous  ne  vous  retirez  pas 
de  vos  créatures,  comme  elles  se  retirent  de 
vous.  Dès  qu'ils  se  tourneront  vers  vous,  et 
qu'ils  vous  chercheront,  ils  vous  trouveront 
dans  leur  cœm\  Car  vous  êtes  dans  le  cœur 
de  tous  ceux  qui  vous  confessent  leur  mi- 
sère, et  qui,  après  un  égarement  lassant  et 
accablant,  viennent  enfin  se  jeter  entre  vos 
bras  et  pleurer  dans  votre  sein.  Votre  main 
paternelle  essuie  leiu-s  larmes,  mais  ils  en 
répandent  toujours  de  plus  en  plus,  et  ils  en 
font  leur  plaisir  et  leur  joie ,  parce  que  c'est 
leur  Créateiu'  même  qui  prend  soin  de  les 
consoler,  et  non  pas  les  hommes,  qui  ne 
sont  que  de  chair  et  de  sang.  »  Ce  n'est  pas 
par  la  connaissance  des  sciences  humaines 
que  l'on  parvient  à  plaire  à  Dieu;  on  a  beau 
être  instruit,  on  est  malheureux  si  l'on  ne 
connaît  point  Dieu,  et,  au  contraire,  on  est 
heureux  si  on  le  connaît,  quelque  étranger 
que  l'on  soit  dans  les  sciences  profanes.  La 
piété  est  incompatible  avec  le  mensonge  et 
l'imposture  ;  les  choses  ne  sont  ni  plus  ni 
moins  vraies,  pour  être  bien  dites,  ni  plus  ni 
moins  fausses,  pour  l'être  mal  ;  et  la  vérité 
et  la  fausseté  sont  comme  des  mets,  les  uns 
salutaires  et  les  autres  nuisibles  et  empoi- 
sonnés, qui  peuvent  être  servis  dans  toute 
sorte  de  plats,  soit  d'argent,  soit  de  terre. 
Saint  Augustin  entre  dans  le  détail  des  rai- 
sons   qui    l'engagèrent   à   quitter  Carthage 
pour  aller  à  Rome,  dans  le  dessein  d'y  en- 
seigner la  rhétorique  ;  il  parle  de  la  maladie 
dont  il  fut  attaqué,  des  assiduités  qu'il  con- 
tinua à  y  rendre  aux  manichéens  ;  de  ses  pei- 
nes sm-  certains  endroits  de  l'Écriture  ;  des 
infidéhtés  de  ses  écoliers:  Il  ajoute  un  récit 
de  la  manière  dont  saint  Ambroise  le  reçut 
à  Milan,  et  de  l'impression  que  les  discoiu-s 


de  ce  saint  évêque  firent  sur  son   cœur. 
8.  On  trouve  le  trait  suivant  dans  le  sixième 
livre.  Sa  mère  était  venue  le  trouver  à  Milan  ; 
s'étant  présentée  aux  Tombeaux  des  Saints 
avec  des  oblations  de  pain  et  de  vin,  comme 
on  le  pratiquait  en  Afrique,  le  portier  de  l'é- 
glise ne  voulut  pas  le  lui  permettre,  parce  que 
saint  Ambroise  l'avait  défendu.  Monique  se 
rendit  aisément  à  cette  raison,  sachant  sur- 
tout que  ce  saint  évêque  n'avait  défendu  ces 
sortes  d 'oblations  que  parce  qu'elles  tenaient 
des  pratiques  en  usage  chez  les  païens  aux 
funéraiUes  de  leurs  proches,  et  qu'elles  pou- 
vaient être  une  occasion  d'intempérance  à 
plusieurs.  Depuis  ce  temps-là,  au  lieu  d'une 
corbeille  pleine  des  productions  de  la  terre, 
elle  apprit  à  ne  plus  porter  aux  Tombeaiix 
des  Martyrs  qu'un  cœur  plein  d'une  autre 
sorte  d'offrande  bien  plus  pure,  se  réservant 
à  distribuer  d'une  autre  manière  ce  qu'elle 
était  en  état  de  domier  aux  pau\Tes.  Saint 
Augustin  parle,   dans  le  même  livre,  des 
grands  eflorts  qu'il  faisait  pour  découvrir  la 
vérité,  mais  sans  avoir  recours  à  la  prière  ; 
de  la  témérité  avec  laquelle  il  avait  con- 
damné la  doctrine  de  l'Église  sans  la  con- 
naître, et  de  la  manière  dont  cette  doctrine 
commença  à  lui  paraître  préférable  à  celle 
des  manichéens.  «  Quoiqu'elle  voulût  \  dit- 
il,  que  l'on  commence  par  croire,  soit  qu'elle 
n'eût  pas  de  quoi  prouver  ce  qu'elle  ensei- 
gne, soit   qu'elle  ne  trouvât  point  d'esprit 
capable  de  ses  preuves,   son  pi-océdé  était 
bien  plus  l'aisonnable  et  moins  suspect  de 
tromperie  que  celui  des  hérétiques  qui,  pro- 
mettant de  ne  rien  enseigner  que  de  clair  et 
de  bien  prouvé,  avancent  néanmoins  sans 
preuve  inie  infinité  d'absurdités  et  de  fables. 
La  main  douce  et  invisible  de  votre  miséri- 
corde, changeant  peu  à  peu  les  plis  de  mon 
cœm-,  je  vins  à  considérer  combien  je  croyais 
de  choses  que  je  n'avais  point  vues,  et  qui 
s'étaient  même  passées  avant  que  je  fusse 
au  monde ,  comme  tout  ce  que  l'on  trouve 
dans  les  histoires  profanes,  sans  compter  ce 
que  j'avais  ouï  dire  de  plusieurs  villes  et  de 
plusieurs   pays   où  je   n'avais  jamais  été; 
combien  j'en  avais  cru  sm-  la  foi  de  mes 
amis,  des  médecins  et  de  plusieurs  autres, 


du  sixièini 
livre,  pa;^. 

in. 


>  M.   Moreau  traduit  ainsi  :  «  Toutefois  je  pré-       de    démonstration    possible) ,     tandis    que    leurs 


ferais  dÈs  lors  la  doctrine  catholique,  jugeant 
qu'elle  commande  avec  plus  de  modestie  et 
une  entière  sincérité  de  croire  ce  qui  n'est  point 
démontré  (soit  qu'on  ait  à  faire  à  qui  ne  peut 
porter  la  démonstration,  soit  qu'il  n'y  est  point 


téméraires  promesses  de  science,  appât  déri- 
soire à  la  crédulité,  ne  sont  qu'un  amas  de 
fables  et  d'absurdités  qu'ils  ne  peuvent  soutenir 
et  dont  ensuite  ils  inifwsent  la  créance.  »  {L'ddi- 
teur.)  ^' 


[IY«  ET  ?=  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


dont  le  témoignage  sert  de  fondement  à 
presque  tout  ce  que  l'on  fait  dans  la  vie  ;  en- 
fin, combien  je  croyais  fermement  que  j'étais 
né  d'un  tel  père  et  d'une  telle  mère,  sans 
en  rien  savoir  néanmoins  que  par  le  témoi- 
gnage de  ceux  à  qui  je  l'avais  ouï  dire.  Ce 
fut  par  ces  sortes  de  rétlexions  que  vous  me 
fîtes  comprendre  que  l'autorité  de  vos  saintes 
Ecritui-es,  étant  aussi  grande  et  aussi  éta- 
blie qu'elle  l'est  parmi  tous  les  peuples  de 
la  teri-e,  ce  sont  ceux  qui  refusent  de  croire 
qu'il  faut  blâmer,  et  non  pas  ceux  qui  croient  ; 
et  ceux  qui  me  voudraient  dire  :  D'oùsavez- 
vous  que  ces  livres  ont  pour  auteiir  le  seul 
Dieu  véritable  et  source  de  toute  vérité,  et  que 
c'est  lui  qui  les  a  inspirés  à  ceux  qui  les  ont 
mis  entre  les  mains  de  tous  les  hommes  ?  ne 
mériteraient  pas  d'être  écoutés.  »  Ce  qui  en- 
gagea encore  saint  Augustin  à  se  soumettre  à 
l'autorité  de  l'Écriture,  fut  l'impuissance  où 
il  vit  qu'était  l'homme  d'arriver  à  la  connais- 
sance de  la  vérité  par  la  voie  de  l'inteUigence 
et  de  la  raison.  Il  comprit  que  Dieu  n'aurait 
jamais  permis  que  l'écriture  se  fût  acquis  une 
aussi  grande  autorité  c[u'eUe  en  a  par  toute 
la  terre,  s'il  n'avait  voulu  que  ce  fût  par  eUe, 
que  l'on  crût  en  lui,  et  que  l'on  cherchât  aie 
connaître.  Son  autorité  lui  paraissait  même 
d'autant  plus  digne  d'une  soumission  reli- 
gieuse, qu'en  même  temps  qu'elle  se  rend  ac- 
cessible à  tout  le  monde,  par  la  simphcité  de 
son  style,  eUe  cache  la  majesté  de  ses  mys- 
tères sous  une  profondeur  qu'on  a  peine  à 
percer. 

Le  reste  de  ce  livre  est  employé  à  racon- 
ter divers  événements  ariivés  à  Milan,  soit 
à  lui-même,  soit  à  Alypius,  soit  à  Nébridius; 
de  combien  de  mouvements  différents  son 
cœur  était  agité ,  lorsque  balançant  entre 
Dieu  et  le  monde,  il  voulait  accorder  l'un  avec 
l'autre;  et  l'aveuglement  dans  lequel  il  avait 
été  jusque-là  sur  la  nature  des  plaisirs  qui 
peuvent  faire  le  bonhem-  de  l'homme.  «  0 
voies  égarées,  dit-il,  malheur  à  l'âme  auda- 
cieuse qui,  en  s'éloignant  de  vous,  espère 
trouver  quelque  chose  de  meilleur  que  vous  ! 
En  vain,  elle  se  tourne  et  se  retourne  de 
tous  côtés ,  elle  ne  trouve  partout  que  des 
inquiétudes  et  des  déplaisirs,  parce  que  vous 
seul,  ô  mon  Dieu,  êtes  son  repos.  » 
Analyse       9.  On  voit  dans  le  septième  livre  quelle 

cinquiè-      ,      .      .         .  .  -,  .  ,  .  _ 

livre,   était  la  situation  de  saint  Augustin  en    la 

'■    *■      trentième  année  de  son  âge,  et  comment, 

après  de  grands  eflbrts  pour  se  défaire  des 

fausses  idées  qu'il  avait  de  la  nature  de  Dieu 


31 

et  de  celle  du  mal,  il  vint  enfin  à  bout  d'ap- 
procher de  la  vérité.  Il  conçut  que  ce  qui  est 
incorruptible  valant  mieux  que  ce  qui  est 
coiTuptible,  il  s'en  suivrait  que  si  Dieun'était 
pas  incorruptible ,  on  pourrait  concevoir  quel- 
que chose  de  meilleur  que  Dieu  ;  que  l'excel- 
lence de  son  être  surpasse  infiniment  toutes 
les  choses  créées,  et  qu'étant  bon  de  sa  na- 
ture, il  ne  peut  avoir  rien  créé  que  de  bon. 
Il  raconte ,  dans  le  même  livre ,  que  s'étant 
mis  à  lire  les  livres  des  platoniciens,  il  y 
trouva  toutes  les  grandes  vérités  que  la  foi 
nous  enseigne  touchant  le  Verbe  de  Dieu  et 
qu'on  lit  dans  le  premier  chapitre  de  saint 
Jean;  mais  qu'il  n'y  trouva  point  que   ce 
Verbe ,  ce  Fils  de  Dieu,  se  soit  anéanti,  en 
prenant  la  forme  de  serviteur  ;  qu'il  se  soit 
humilié  et  rendu  obéissant  jusqu'à  la  mort, 
et  qu'en  récompense.  Dieu  l'ait  ressuscité 
d'entre  les  morts  et  lui  ait  donné  un  nom 
qui  est  au-dessus  de  tout  autre  nom.  «  C'est- 
là,  ajoute-il,  ô  mon  Dieu,  ce  que  vous  avez 
caché   aux   sages,   mais  révélé   aux  hum- 
bles et  aux  petits.  »  Il  ne  s'attacha  donc  qu'à 
profiter  de  ce  qu'il  y  avait  de  sagesse  et  de 
vérité  dans  les  livres  de  ces  philosophes ,  et 
il  profita  surtout  de  ce  qu'il  y  avait  lu ,  que 
pour  trouver  Dieu,  il  fallait  rentrer  en  soi- 
même.  Car  étant  rentré  jusque  dans  la  par- 
tie la  plus  intime  de  son  âme ,  il  y  découvrit 
la  lumière  éternelle  et  immuable,  et  connut 
avec  le  secours  de  la  grâce  que  l'objet  qu'il 
cherchait,  existait;  qu'on  ne  peut  pas  dire 
des  créatures  qu'elles  sont ,  puisqu'elles  ne 
sont  pas  ce  qu'est  Dieu  et  que  rien  n'existe 
véritablement  que  ce  qui  est  immuable.  Il 
connut  encore  avec  le  même  secours  qu'il 
n'y  a  point  de  substance  que  Dieu  n'ait  faite  ; 
qu'il  n'a  rien  fait  que  de  bon,  et  que,  quoique 
tout  ce  qu'il  a  fait  ne  soit  pas  du  même  degré 
de   bonté,  chaque    chose   est  bonne   dès-là 
qu'elle  existe  ;  et  que  comme  il  n'y  en  a  au- 
cune qui  ne  soit  bonne,  le  tout  qu'elles  com- 
posent toutes  ensemble  est  quelque  chose 
de  très-bon  :  que  ce  qu'on  appelle  mal  n'est 
que  la  disconvenance  de  certaines  choses , 
qu'il  n'est  rien  moins  qu'une  substance,  et 
que  ce  n'est  que  la  dépravation  d'une  âme, 
dont  la  volonté  se  détourne  de  Dieu,  pom-  se 
porter  à  la  créature.  Saint  AugTistin  nous 
apprend  ensuite  qu'il  passa  de  la  lecture  des 
livres  des  platoniciens  à  celle  des  Epîtres  de 
saint  Paul,  et  qu'il  y  trouva,  non-seulement 
tout  ce  qu'il  avait  appris  de  vrai  dans  les 
livres  des  philosophes,  mais  de  plus ,  qu'en 


32 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


même  temps  que  ceux  des  auteurs  inspirés 
de  Dieu,  nous  pi-oposent  les  vérités,  ils  ont 
soin  de  nous  mettre  sa  grâce  devant  les  yeux 
et  de  nous  en  marquer  le  prix  et  la  force, 
afin  que  celui  qui  voit  ce  qu'il  faut  voir, 
prenne  bien  garde  de  ne  pas  s'en  glorifier, 
comme  si  ce  qu'il  connaît  ne  lui  avait  pas 
été  donné. 
A"'')y;e  10.  Le  livre  huitième  est  le  plus  bel  en- 
me   \'!vJc,   droit  de  la  vie  de  saint  Augustin;  on  y  reu- 


pa?.  1(13. 


contre,  en  effet,  l'iiistoire  de  sa  conversion , 
qui  arriva  en  la  trente -deuxième  année 
de  son  âge.  Nous  en  avons  rapporté  plus 
haut  les  principales  circonstances ,  et  nous 
nous  contenterons  de  remarquer  ici  ce  qu'il 
dit  de  la  peine  qu'il  eut  à  rompre  ses  liens, 
parce  qu'on  y  voit  une  image  de  celle  qu'ont 
tous  les  péclîeurs  de  se  défaire  de  leurs  an- 
ciennes habitudes.  «  Je  soupirais  vers  vous, 
dit-il,  ô  mon  Dieu,  étant  encore  attaché,  non 
par  des  fers  étrangers,  mais  par  ma  propre 
volonté,  qui  était  plus  àaxe  que  le  fer.  Le 
démon  la  tenant  en  sa  puissance,  en  avait 
fait  comme  une  chaîne  dont  il  m'avait  lié  très- 
étroitement.  Car  en  se  déréglant  dans  la  vo- 
lonté, on  s'engage  dans  la  passion  ;  en  s'a- 
bandomiant  à.  la  passion,  on  s'engage  dans 
l'habitude;  et  en  ne  résistant  pas  à  l'habi- 
tude, on  se  fait  une  nécessité  de  demeurer 
dans  le  vice.  C'est  de  cette  suite  de  désor- 
dres, qui  sont  comme  autant  d'anneaux  en- 
lacés les  uns  dans  les  autres,  dont  était  for- 
mée cette  chaîne  avec  laquelle  j'étais  détenu 
captif  dans  une  crueUe  servitude.  J'avais 
bien  une  volonté  nouvelle  de  vous  servir 
avec  un  cœur  très-pur,  et  de  jouir  de  vous, 
mon  Dieu,  en  qui  se  trouve  l'unique  joie  qui 
soit  solide  ;  mais  cette  volonté  qui  ne  faisait 
que  de  naître,  n'était  pas  capable  de  vaincre 
la  volonté  ancienne  qui  s'était  fortifiée  par 
une  longue  habitude  dans  le  mal.  Aiusi,  j'a- 
vais deux  volontés ,  l'une  ancienne  et  char- 
nelle, et  l'autre  nouvelle  et  spirituelle,  qui 
se  combattaient  en  moi,  et  qui  en  se  com- 
battant déchiraient  mon  âme.  Il  semblait 
que  j'eusse  moins  de  part  dans  ces  désor- 
di'es,  puisque  je  les  souflTais  plutôt  contre 
mon  gré,  que  je  ne  m'y  portais  volontaire- 
ment ;  mais  néanmoins,  c'était  moi-même 
qui  avais  rendu  ma  mauvaise  habitude  si 
forte  contre  moi-même;  et  c'était  ma  propre 
volonté  qui  m'avait  réduit  en  cet  état,  dans 
lequel  j'arirais  bien  voulu  ne  pas  être, 
de  sorte  qu'on  ne  peut  pas  dire  que  je  ne 
méritasse  justement  la  peine  due  à  un  pé- 


cheur. Comme  j'étais  encore  esclave  de  mes 
passions,  j'appréhendais  de  me  domier  tout 
entier  à  votre  sen'ice ,  et  je  craignais  autant 
de  me  voir  dégagé  de  tous  ces  engagements, 
comme  on  doit  craindre  d'y  être  engagé. 
Les  pensées  que  j'avais  de  me  convertir  à 
vous  étaient  semblables  aux  efforts  de  ceux 
qui  se  voulant  éveiller,  sont  surmontés  par 
le  sommeil  et  retombent  dans  leur  assou- 
pissement. Ainsi,  mon  Dieu,  quand  vous  me 
disiez  :  Éveillez-vous,  vous  qui  dormez,  le- 
vez-vous d'entre  les  morts,  et  Jésus-Christ  vous 
éclairera,  je  ne  savais  que  vous  répondre, 
sinon  ces  paroles  d'un  homme  paresseux  et 
endormi  :  Tout  à  cette  heure  ;  laissez-moi 
encore  \m  moment  ;  mais  cette  heure  ne 
venait  jamais ,  et  ce  moment  durait  tou- 
jours. » 

11.  Le  neuvième  livre  commence  par  mi 
sacrifice  de  louange  que  saint  Augustin  offre 
à  Dieu,  en  reconnaissance  de  ce  que,  par  un 
effet  de  sa  miséricorde  et  de  sa  toute-puis- 
sance, il  l'avait  tiré  de  l'abîme  de  mort  où  il 
était  plongé,  et  avait  purgé  son  cœur  des 
impuretés  dont  il  était  rempli.  On  y  voit  en- 
suite la  conversion  de  Vérécundus  et  de  Né- 
bridius,  et  avec  quelle  joie  saint  Augustin, 
retiré  à  la  campagne  dans  la  maison  de  Vé- 
récundus, lisait  les  Psaumes  de  David,  ces 
divins  cantiques  si  propres  à  guérir  l'cnllure 
de  l'orgueil  ;  on  y  voit  aussi  quelles  ardeurs 
ils  excitaient  dans  son  cœur.  De  la  lecture 
des  Psaumes,  il  passa  à  celle  du  prophète 
Isaïe  ;  mais  voyant  qu'il  n'y  entendait  rien,  il 
en lenvoya  la  lecture  à  un  temps  où  il  serait 
un  peu  plus  avancé  et  plus  accoutumé  au 
langage  des  saintes  Écritures.  Il  remarque 
en  passant  qu'il  n'y  avait  guères  plus  d'un 
an  que  l'on  avait  établi  la  psalmodie  dans 
l'Église  de  Milan ,  et  dit  quelle  en  fut  l'occa- 
sion. L'impératrice  Justine,  mère  du  jeune 
Valenlinien,  qui  était  alors  en  cette  ville  avec 
toute  sa  cour,  par  le  transport  d'un  faux  zèle 
pour  l'hérésie  arienne,  dont  elle  s'était  laissé 
prévenir,  persécutait  le  saint  évèque  Am- 
broise  et  l'avait  obligé  de  se  retirer  dans  son 
éghse.  Son  peuple,  dont  il  était  tendrement 
aimé,  se  tenait  auprès  de  lui,  disposé  à  mourir 
avec  son  évèque.  Comme  les  choses  tiraient 
en  longueur,  et  qu'on  craignait  que  ce  peu- 
ple, retiré  dans  l'église,  ne  succombât  enfin 
à  l'ennui,  on  eut  lecom's  au  chant  des  Psau- 
mes, ;ï  l'imitation  des  Églises  d'Orient  ;  et 
depuis  ce  temps-là,  cette  sainte  institution  a 
toujours  subsisté  dons  l'Église  de  Milan  ,  et 


[IV^  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE- 


33 


dans  presque  toutes  les  Églises  du  monde. 
«  Ce  fut  dans  le  même  temps,  ajoute  saint  Au- 
gustin que  Dieu  fit  connaître  par  révélation 
à  ce  saint  évêque,  le  lieu  où  reposaient 
les  corps  des  saints  martyrs  Gervais  et  Pro- 
tais ;  lorsqu'on  les  portait  à  la  Grande  Église 
avec  tout  l'honneur  qui  leur  était  dû,  des 
possédés  furent  délivrés  des  démons  qui  les 
tourmentaient,  et  un  homme  aA'eugle  depuis 
plusiem's  années,  qui  était  de  Milan  même 
et  connu  de  toute  la  ville,  recouvra  la  vue.  » 
Saint  Augustin  fait  ensuite  un  précis  de  la 
vie  de  sa  mère  ,  marquant  en  même  temps 
et  les  défauts  auxquelles  elle  avait  été  sujette, 
et  ses  vertus.  Quelque  vertueuse  qu'il  la  crût, 
il  ne  laissait  pas  de  prier  pour  elle  après  sa 
mort,  n'osant  assm-er  que  depuis  qu'elle 
avait  été  régénérée  par  le  saint  baptême,  il 
ne  lui  fût  échappé  aucune  parole,  par  où 
elle  eût  violé  les  commandements  de  Dieu. 
Livre  12.  Le  saint  Docteur  montre  dans  le  dixième 
ig.  'ii\.'  livre  ce  qu'il  était  dans  le  temps  qu'il  écrivit 
ses  Confessions  et  par  quels  motifs  il  les  avait 
rendues  publiques.  C'était  pour  réveiller  les 
pécheurs  qui  les  liraient  ou  qui  en  enten- 
draient parler;  afin  qn'au  lieu  de  s'endormir 
dans  le  mal,  de  désespérer  de  leur  guérison, 
et  de  se  dire  à  eux-mêmes  qu'ils  ne  pourraient 
jamais  se  tirer  de  leur  mauvais  état,  ils  sor- 
tissent de  cet  assoupissement,  se  confiant 
dans  la  miséricorde  de  Dieu  et  dans  la  dou- 
ceur de  sa  grâce,  qui  donne  des  forces  aux 
plus  faibles,  lorsque  par  un  effet  de  cette 
même  grâce,  ils  viennent  à  reconnaître  leur 
faiblesse.  «  Les  justes  mêmes  ,  ajoute  saint 
Augustin,  seront  bien  aises  de  connaître  les 
maux  de  ceux  que  vous  avez  guéris  :  non  que 
le  mal  leur  plaise ,  mais  par  la  joie  qu'ils  au- 
ront, que  ceux  qui  ont  été  méchants  ne  le 
sont  plus.  »  Tenant  ensuite  à  l'état  où  il  se 
trouvait  alors,  il  ne  craint  point  d'assurer,  sur 
le  témoignage  de  sa  conscience,  qu'il  aimait 
véritablement  Dieu,  et  qu'il  l'avait  aimé  dans 
le  moment  même  où  il  s'était  converti.  D'où 
il  prend  occasion  d'examiner  par  quelle  fa- 
culté de  l'âme  il  faut  chercher  ce  que  c'est 
que  Dieu,  l'objet  de  notre  amour.  Dans  ce 
dessein,  il  parle  assez  au  long  de  toutes  nos 


facultés  intellectuelles,  et  sm-tout  de  la  mé- 
moire, dont  il  fait  une  belle  et  ample  descrip- 
tion, marcpiant  la  manière  dont  les  choses 
s'y  conservent,  celles  qui  y  ont  place,  et  en 
combien  de  manière  cette  faculté  est  admi- 
rable. Il  soutient  que  Dieu  étant  d'tjn  genre 
tout  différent  des  autres  choses  dont  la  mé- 
moire nous  conserve  le  souvenir,  y  tient  aussi 
une  place  toute  différente  :  mais  il  ne  peut 
examiner  en  quel  lieu  c'est.  «  11  suffit,  lui 
dit-il,  que  je  sache  que  vous  y  êtes.  Et  ne  le 
sais-je  pas  parfaitement,  puisque  depuis  que 
je  vous  ai  connu,  je  ne  vous  ai  point  oublié, 
et  que  c'est  là  que  je  vous  trouve  toutes  les 
fois  que  je  veux  penser  à  vous  ?»  H  enseigne 
que  nous  tirons  de  nous-mêmes  et  de  tous 
les  êtres  créés  la  première  notion  de  Dieu, 
et  témoigne  son  regret  d'avoir  commencé  si 
tard  à  connaître  et  à  aimer  une  beauté  si 
ancienne  ,  mais  toujours  nouvelle ,  et  de 
s'être  attaché  trop  longtemps  à  des  beautés 
extérieures  qui  ne  sont  que  -l'ouvrage  de 
ses  mains.  Il  déclare  après  cela  comment  il  se 
trouvait  à  l'égard  des  tentations  qui  naissent 
des  trois  branches  de  la  cupidité,  sur  les- 
quelles il  donne  d'excellentes  règles.  Il  dit 
qu'il  a  appris  du  Seigneur  à  ne  prendre  les 
aliments  que  comme  des  remèdes,  mais  qu'il 
ne  laissait  d'être  tous  les  jours  aux  prises 
contre  les  tentations  et  contre  les  pièges  de 
la  cupidité  à  l'égard  du  boire  et  du  manger, 
il  témoigne  qu'il  était  beaucoup  plus  indiffé- 
rent pour  le  plaisir  des  odeurs  ;  mais  qu'ayant 
été  autrefois  beaucoup  attaché  au  plaisir  de 
l'oreille,  il  en  était  encore  touché  lorsqu'il 
entendait  chanter  les  Psaumes  dans  l'égfise, 
et  quand  ils  étaient  chantés  par  quelqu'un 
qui  avait  la  voix  belle,  et  qui  savait  chanter. 
Il  ne  doute  pas  que  ce  ne  soit  une  faute  digne 
de  châtiment,  lorsqu'il  arrive  qne  le  chant 
touche  davantage  que  les  paroles  saintes 
que  l'on  chante.  C'est  pourquoi  il  lui  parais- 
sait qu'il  serait  plus  sûr  de  s'en  tenir  à  la 
pratique  de  saint  Athanase,  évêque  d'Alexan- 
drie, qui  faisait  chanter  les  Psaumes  avec 
si  peu  d'inflexion  de  voix,  que  c'était  plutôt 
les  réciter  que  les  chanter  *.  H  se  plaint 
de  ce   qu'il  était  encore  attaqué  tous  les 


*  Saint  Augustin  ajoute  immédiatement  :  «  Et 
cependant  quand  je  me  rappelle  ces  larmes  que 
les  chants  de  votre  Église  me  firent  répandre  aux 
premiers  jours  où  je  recouvrai  la  foi  et  qu'aujour- 
d'hui même  je  me  sens  encore  ému,  non  de  ces 
accents,  mais  des  paroles  modulées  avec  leur  ex- 
pression juste  par  une  voix  pure,  je  reconnais  de 

IX. 


nouveau  toute  l'utilité  de  cette  institution.  Ainsi 
je  flotte  entre  le  danger  de  l'agréahle  et  l'expé- 
rience de  l'utile,  et  j'incline  plutôt,  sans  porter 
toutefois  une  décision  irrévocable  au  maintien  du 
chant  dans  l'Église,  afin  que  le  charme  de  l'oreille 
élève  aux  mouvements  de  la  piété  l'esprit  trop 
faible   encore.    Mais  pourtant,   lorsqu'il  m'arrive 

à 


34 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


l.'i. 


Anal 
i'n  0117.K' 
livre,  11 
1!.5. 


jours  par  cette  autre  espèce  de  plaisir  qui  toii- 
che  les  yeux  du  corps  ;  mais  il  dit  en  rnèrne 
temps  qu'il  tâcliait   de  se   tenir   en  garde 
contre  les   séductions  auxquelles   les   yeux 
servent  d'occasion,  craignant  que  ses  pieds 
ne  se  prissent  dans  ces  filets  que  l'ennemi 
lui  tendait  pour  tâcher  d'arrêter  le  mouve- 
ment par  où  il  s'efforçait  de  se  porter  vers 
Dieu.    Il   regarde    une    troisième   sorte   de 
concupiscence  qui  nous  porte  à  nous  venger 
de  ceux  qui  nous  font  du  miil ,  et  dont  il  re- 
connaît que  Dieu  avait  commencé  de  le 
guérir,  comme  un  sentiment  qui  nous  éloi- 
gne entièrement  de  l'amour  que  nous  devons 
à  Dieu.  Il  s'avoue  sensible  aux  louanges  des 
hommes,  de  manière  toutefois  qu'il  se  croyait 
encore  touché  davantage  de  la  vérité  :  «Car, 
dit-il,  si  on  me  demandait  lequel  j'aimerais 
le  mieux  d'être  dans  l'erreur,  et  cependant 
loué  et  estimé  de  tout  le  monde,  ou  d'être 
établi  dans  la  vérité  et  dans  la  vertu,  quoi- 
que blâmé  et  condamné  de  tout  le  monde, 
je  vois  bien  le  parti  que  je  prendrais,  n  L'or- 
gueil lui  semble  d'autant  plus  à  craindre  qu'il 
nous  arrive  souvent  de  tirer  vanité  du  mé- 
pris même  que  nous  faisons  de  la  vaine  gloire, 
et  finit  son  dixième  livre  en  montrant  que 
Jésus-Christ  est  le  vrai  médiateur,  et  qu'il 
l'est  en  tant  qu'homme.  Ses  maux  lui  parais- 
saient alors  si  grands  et  en  si  grand  nom- 
bre, qu'effi^ayé  de  ses  péchés  et  accablé  du 
poids  de  ses  misères,  il  avait  eu  quelcpies 
pensées  de  tout  quitter,  et  de  se  retirer  dans 
la  solitude  ;  «  mais  vous  m'en  avez  empêché, 
dit-il  à  Dieu,  et  vous  m'avez   rassuré   par 
cette  parole  de  votre  Apôtre  :   Jésus-Christ 
V,   n'est  mort  pour  tous,  qu'afin  que  ceux  qui  vi- 
vent,  ne  vivent  plus  pour  eux-mêmes ,  mais 
•pour  celui  qui  est  mort  pour  eux.  » 
jsi-       13.  Persuadé  que  Dieu,  en  nous  donnant 
■Ig^'  les  Écritures,  a  voulu  que  les  fidèles  s'appli- 
quassent à  découvrir  les  trésors  qui  y  sont 
enfermés,  saint  Augustin,  dans  le  onzième 
livre,  demande  au  Seigneur,  par  d'instantes 
prières,  de  lui  en  donner  l'intelligence.  En- 
suite ,  il  commence  par  examiner  ce  que  si- 
gnifient les  premières  paroles  de  la  Genèse  : 
u  II  ne  faut  qu'ouvrir  les  yeux,  dit-il ,  pour 
voir  que  toutes  les  créatures  ne  sont  que 
parce  qu'elles  ont  été  faites,  et  qu'elles  ne 
se  sont  point  faites  elles-mêmes ,  puisqu'il 
aurait  fallu  pour  cela  qu'elles  eussent  été 


avant  que  d'être.  C'est  donc  le  Seigneur  qui 
les  a  faites,  et  eUes  ne  sont  bonnes  que  parce 
qu'il  est  bon.  Mais  de  quel  instrument,  dira- 
t-on ,  Dieu  s'est-il  servi  pour-  former  le  ciel 
et  la  terre,  et  avait-il  quelque  matière  entre 
les  mains  dont  il  ait  pu  les  faire  ?  Il  n'en  est 
pas  de  Dieu  comme  des  hommes.  Quand  un 
ou'^i'ier  fait  quelque  ouvi'age ,  il  se  sert  d'un 
corps  pour  travailler  sur  un  autre  corps ,  et 
pour  lui  donner  la  forme  qu'il  veut,  et  dont 
il  a  l'idée  en  lui-même.  Mais  Dieu  n'a  eu  qu'à 
parler,  et  toutes  choses  ont  été  faites;  c'est 
par  la  parole  qu'il  a  tout  fait,  sans  avoir  eu 
besoin  d'une  matière  préexistante.  Car  d'où 
serait  venue  cette  matière  qu'il  n'aurait  point 
faite  et  dont  il  aurait  fait  quekpie  chose  ?  Son 
existence  n'est-elle  pas  le  seul  et  unicpie  prin- 
cipe de  celle  de  toutes  les  autres  choses. 
Quelle  est ,  dira-t-on  encore ,  la  parole  par 
laquefie  Dieu  a  créé  l'univers?  Est-ce  quel- 
que chose  d'approchant  de  ce  que  les  apô- 
tres entendirent  à  la  Transfiguration  de  Jé- 
sus-Christ ,  lorsque  ,  du  fond  d'une  nuée , 
Dieu  fît  sortir  cette  voix  :  C'est  là  mon  fils 
bien-aimé?  Non ,  sans  doute  :  cette  voix  ne 
fit  que  passer,  et  à  peine  avait-eUe  commencé 
qu'elle  cessa.  Ce  ne  fut  donc  qu'un  mouve- 
ment passager  de  quelque  chose  de  créé , 
dont  Dieu  se  servit  pour  exprimer  ce  qu'il 
voulait  faire  entendre  ;  mais  la  parole  par 
laqueUe  l'Écritiu^e  dit  que  Dieu  a  créé  le 
monde,  est  le  Verbe  ou  la  parole  éternelle 
de  Dieu.  C'est  par  cette  parole  ineflable  qu'il 
a  fait  toutes  choses ,  non  en  les  disant  l'une 
après  l'autre ,  mais  tout  à  la  fois  et  éternel- 
lement :  puisque  toutes  les  choses  ne  com- 
mencent et  ne  cessent  d'être  qu'au  point  où 
la  raison  éternelle ,  dans  laquelle  rien  ne 
commence  ni  ne  finit,  voit  que  chacune  doit 
commencer  et  finir.  Voilà  quel  est  le  com- 
mencement ou  le  principe,  dans  lequel  ou 
par  lequel  il  est  dit  que  Dieu  a  fait  le  ciel  et 
la  terre.  C'est  par  son  Verbe,  par  son  Fils 
qu'il  les  a  faits.  C'est  par  lui  que  Dieu  parle 
et  qu'il  agit  d'une  manière  inefl'able  :  car, 
qui  peut  faire  cntendi'C  ou  comprendre  une 
telle  merveiUe?  » 

Quelques-uns  demandaient  ce  que  Dieu 
faisait  avant  d'avoir  créé  le  ciel  et  la  terre? 
Saint  Augustin  répond  que.  si  par  ce  ciel  et 
cette  terir,  dont  il  est  parlé  au  commence- 
ment de  la  Genèse,  il  faut  entendre  tout  ce 


d'être  moins  touché  du  verset  que  du  cliaiit,  c'est 
un  pcjclié,  je  l'avoue,  (jui  mérite  iiéuiteneo,  je  vou- 


drais alors  ne  pas  entendre  chanter.  »  (L'édileur 
d'après  M.  Moreau.) 


[iV"  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


35 


qu'il  y  a  de  ci'éé ,  il  dit  hardiment,  qu'avant 
d'avoir  fait  le  ciel  et  la  terre,  Dieu  ne  fai- 
sait rien.  En  effet,  ce  qu'il  aurait  pu  faire 
auparavant  ne  saïu-ait  être  que  créature  : 
or,  avant  qu'il  fit  ce  qui  comprend   toute 
créature,  il  ne  s'en  faisait  aucuire.  Il  ajoute 
que  c'est  se  tromper  que  de  se  figurer  im 
nombre  innombrable  de  siècles  avant  la  créa- 
tion du  monde,  que  Dieu  aurait  laissé  passer 
sans  travailler  à  ce  grand  ouvrage.  Comment, 
en  efl'et,  se  serait-il  écoulé  un  nombre  in- 
nombrable de  siècles ,  avant  que  Dieu  eût 
fait  le  ciel  et  la  terre,  puisqu'il  est  l'auteur 
et  le  créateur  de  tous  les  siècles,  et  cpi'il 
n'en  avait  point  encore  fait?  Pour  nous  don- 
ner une  idée  de  l'éternité,  saint  Augustin 
nous  dit  que  toutes  les  années  de  Dieu  ne 
sont  qu'un  seul  jour;  que  ce  n'est  point  une 
suite  de  plusieurs  jours,  mais  un  aujourd'hui 
perpétuel,  qui  ne  passe  point  pour  faire  place 
au  lendemain ,  et  qui  n'a  point  eu  d'hier,  à 
quoi  il  ait  succédé;  et  que  cet  aujourd'hui 
est  l'éternité;  que  c'est  pour  cela  que  dans  le 
Psaume  deuxième.  Dieu  dit  à  son  Fils,  qu'il 
engendre  de  toute  l'éternité  :  Je  vous  ai  en- 
gendré aujourd'hui.  Ce  Père  fait  ensuite  une 
longue  dissertation  sur  la  nature  du  temps,  et 
convient  d'abord,  que  c'est  la  chose  la  plus 
difficile  à  expliquer  bien  que  ce  soit  la  plus 
connue.  «  Ce  que  je  sais,  dit-il,  c'est  que  si 
rien  ne  passait ,  il  n'y  aurait  point  de  temps 
passé,  et  que  si  rien   ne   survenait,  il  n'y 
aurait  point  de  temps  à  venir;  et  qu'à  l'é- 
gard du  présent,  s'il  était  toujours  présent, 
ce    ne    serait  plus   un  temps,   mais  l'éter- 
nité. »  Il  donne  divers  exemples  de  la  ma- 
nière dont  on  peut  mesurer  le  temps  :  cela 
se  fait  par  l'impression  que  les  choses  que 
nous  mesurons  font  sur  notre  esprit ,  loi's- 
qu'elles  sont  présentes,  et  qui  y  subsistent 
après  même  qu'elles  sont  passées.  «  Quand 
j'ai,  dit-il,  dessein  de  réciter  un  psaume  que 
je  sais  par  cœur,  il  est  tout  entier  dans  mon 
attente  jusqu'à  ce  que  j'aie  commencé  de  le 
prononcer,  et  alors  ce  que  j'en  prononce,  et 
qui  n'appartiendra  plus  qu'au  passé  lorsqu'il 
sera  prononcé ,  entre  dans  ma  mémoire  à 
mesm^e  cjue  je  le  prononce.  Ainsi,  cette  ac- 
tion s'étend,  partie  dans  ma  mémoire,  à  l'é- 
gard de  ce  que  j'ai  déjà  prononcé  ,  et  partie 
dans  mon  attente,  à  l'égard  de  ce  qui  me 
reste  à  prononcer.  Cependant,  mon  atten- 
tion qui  est  comme  le  passage  par  où  ce  cpii 
me  reste  à  prononcer  de  ce  psaume  doit  en- 
trer de  l'avenir  dans  le  passé ,  demeure  tou- 


jours présente  ;  et  à  mesure  que  je  continue 
de  le  prononcer,  ce  qu'il  en  restait  dans 
mon  attente  diminue,  et  ce  qu'il  y  en  avait 
déjà  dans  ma  mémoire  augmente  d'autant, 
jusqu'à  ce  qu'enfin,  toute  mon  attente  se 
trouve  épuisée  par  l'écoulement  entier  de 
toute  cette  action  dans  ma  mémoii'e.  »  Il  se 
sert  du  même  exemple  pour  nous  faire  com- 
prendre la  difierence  de  la  manière  dont 
Dieu  connaît  le  passé  et  l'avenir,  de  celle 
dont  les  hommes  les  peuvent  connaître. 
«  Lorsque  nous  récitons,  dit-il,  ou  que  nous 
entendons  réciter  quelque  chose  que  nous 
savons,  le  souvenir  de  ce  qui  est  déjà  pro- 
noncé, et  l'attente  de  ce  qui  reste  encore  à 
prononcer,  sont  autant  de  mouvements  dif- 
férents, qui  partagent  notre  esprit  et  notre 
imagination.  Mais  la  manière  dont  Dieu  voit 
couler  l'avenir  dans  le  passé  est  toute  autre, 
parce  qu'il  est  tout  autre  chose  que  nos  es- 
prits ,  étant  immuable  et  éternel.  » 

14.  Il  continue,  dans  le  douzième  livre , 
l'explication  du  commencement  de  la  Ge- 
nèse.    Par   le    ciel     que    Dieu    créa    d'a- 
bord ,  il  faut  entendre  les  créatures   spiri- 
tueUes   et  intellectuelles,  qui  contemplent 
sans  cesse  la  face  du  Seigneur;    et  par  la 
terre,  qui  fut  aussi  créée  dans  le  commen- 
cement, on  doit  entendre  la  matière  informe 
d'où  toutes  les  créatures  corporelles  ont  été 
formées.    Quoique   cette    interprétation  lui 
semble  bonne;  néanmoins  il  convient  qu'on 
peut  en  donner  d'autres  qui  ne  sont  pas  à  re- 
jeter. Comme  l'Ecriture ,  en  parlant  de  la 
création  des  natures  spirituelles ,  ne  fait  au- 
cune mention  ni  du  jour  ni  du  temps ,  saint 
Augustin  croit  que  la  raison  en  est,  que  leur 
mutabilité  naturelle  étant  fixée  par  le  bon- 
heur qu'elles  ont  de  contempler  Dieu  sans 
cesse,  elles  participent  par  là  à  son  éternité, 
et  ne  peuvent  par  conséquent  être  mesurées 
par  le  temps,  qui  n'est  autre  chose  que  les 
changements  qui  arrivent  aux  choses  dont 
cette  terre  informe  était  la  matière,  et  qui 
font  qu'elles  passent  d'une  forme  à  une  au- 
tre. Voici  à  quoi  ce  Père  réduit  tout  ce  qu'il 
établit  dans  l'explication   qu'il  donne  des 
premières  paroles  de  la  Genèse  :  c'est  Dieu 
qui  a  fait  le  ciel  et  la  terre,  et  sa  sagesse  est 
le  principe  par  lequel  il  a  fait  tout  ce  qui 
existe  ;  le  ciel  et  la  terre  étant  les  deux  prin- 
cipales parties  dont  ce  monde   visible   est 
composé,  les  mots  de  ciel  et  de  teti'e  com- 
prennent en  abrégé  toutes  les  diverses  es- 
pèces de  créatures.  Dans  tout  ce  qui  est 


Analyse 
fin  (ifuizit- 
nii;  livre , 
pag.  209  el 
suiv. 


36 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


sujet  au  changement,  il  y  a  quelque  chose 
d'informe,  qui  est  comme  la  base  de  sa  forme 
et  qui  le  rend  capable  de  passer  d'mie  forme 
à  une  autre.  Il  n'y  a  aucune  vicissitude, 
ni  conséquemment  aucun  temps  à  l'égard 
des  substances  spirituelles,  parce  qu'encore 
que  par  leur  nature  eUes  soient  sujettes  au 
changement,  eUes  ne  changent  pourtant 
jamais.  Suivant  les  manières  ordinaires  de 
parler  des  hommes,  il  est  permis  de  donner 
à  une  chose ,  qui  sert  de  matière  à  une  au- 
tre, le  nom  de  cette  autre  chose  qui  en  doit 
être  tirée  ;  et  ainsi,  quelle  que  soit  cette  ma- 
tière informe  dont  le  ciel  et  la  terre  ont  été 
faits,  l'Écriture  a  pu  lui  donner  les  noms  de 
ciel  et  de  terre.  Entre  toutes  les  choses  qui 
ont  déjà  quelque  forme  ,  rien  n'approche 
davantage  de  ce  qui  n'en  a  point  encore, 
que  ce  que  nous  appelons  la  terre  et  Vabhne. 
Dieu  est  l'auteur  non-seulement  de  ce  qui  a 
déjà  sa  forme ,  mais  aussi  de  tout  ce  qui  est 
capable  d'en  recevoir  quelqu'une  ;  enfin , 
tout  ce  qui  a  été  tiré  de  cpelque  chose  d'in- 
forme ,  était  informe  lui-même ,  avant  qu'il 
eût  reçu  la  forme  qu'il  a  présentement.  Saint 
Augustin  rappoi'te  après  cela  différentes  ex- 
plications du  pi-emier  verset  de  la  Genèse , 
D'après  ce  Père,  ce  qui  fait  que  chacun  est  at- 
taché au  sens  qu'il  donne  aux  paroles  de  l'E- 
criture ,  c'est  que  chacun  aime  le  sentiment 
qu'il  a  une  fois  adopté,  non  parce  qu'il  est 
vrai ,  mais  parce  que  c'est  le  sien ,  au  lieu 
qu'on  devrait  aimer  tout  autant  celui  des 
autres  comme  également  vrai.  Il  convient 
néanmoins,  qu'on  peut  donner  aux  paroles 
de  l'Ecriture  plusieurs  sens  différents ,  et 
tous  conformes  à  la  vérité  :  mais  il  souhaite 
que  la  vérité  même  entretienne  la  paix  et 
l'union  entre  ceux  qui  sont  ainsi  partagés 
sur  le  sens  qu'on  peut  leur  domier  :  «  Car, 
pourquoi ,  ajoute-t-il,  ne  croirions-nous  pas 
que  Dieu  ait  tellement  conduit  la  plume  de 
Moïse,  que  les  paroles  sacrées  qu'il  a  écrites 
exprimassent  toutes  les  différentes  vérités 
que  chacun  y  voit?  Ce  que  nous  devons 
donc  demander  sur  l'intelligence  de  l'Écri- 
ture ,  c'est  que  nous  soyons  assez  heureux 
pour  rencontrer  la  pensée  de  l'écrivain  sa- 
ci'é  ;  ou  si  nous  ne  la  rencontrons  pas ,  du 
moins  de  ne  dire  que  ce  qu'il  aura  plu  à 
Dieu  de  nous  dire  lui-même  par  les  paroles 


de  cet  auteur  sacré.  En  général,  on  peut  re- 
garder comme  le  vrai  sens  d'un  auteur  ce- 
lui qui  l'emporte  sur  les  autres  par  l'éclat 
de  la  vérité  et  par  le  fruit  que  nous  en  vou- 
lons tirer.  »  Saint  Augustin  veut  que  pour 
entendre  aisément  ce  qui  est  dit  dans  le 
commencement  de  la  Genèse ,  on  distingue 
quatre  sortes  de  priorités,  et  il  donne  un 
exemple  de  chacune  :  une  priorité  d'éter- 
nité, comme  celle  par  laquelle  Dieu  précède 
toutes  choses  ;  une  pi'iorité  de  temps,  comme 
celle  par  laquelle  la  fleur  précède  le  û'uit; 
une  priorité  de  préférence  et  de  valeur,  comme 
celle  par  laquelle  le  fruit  précède  la  llem",  et 
une  pjriorité  de  nature  et  d'origine,  comme 
celle  par  laquelle  le  son  précède  le  chant ,  à 
quoi  il  sert  de  matière. 

13.  Après  avoir  fait  l'emarquer  combien  Anaiy 
la  bonté  de  Dieu  se  fait  admirer,  soit  dans  me  uvr 
la  production,  soit  dans  la  perfection  de  ton-  '"'°"  ^"^" 
tes  les  créatures  qu'il  a  tirées  du  néant  sans 
en  avoir  besoin  pour  sa  gloire  ni  pour  sa 
béatitude,  il  fait  voir  que  l'on  trouve  les  trois 
personnes  de  la  sainte  Trinité  dans  les  pre- 
miers versets  de  la  Genèse  ;  le  Père  tout- 
puissant  qui  a  créé  le  ciel  et  la  terre  ;  le  Fils 
qui  est  le  principe  ou  le  commencement 
dans  lequel  ou  par  lequel  le  Père  fait  toutes 
choses  ;  et  le  Saint-Esprit  qui  était  porté  sur 
les  eaux.  En  expliquant  cette  élévation  ou 
cette  suspension  du  Saint-Esprit  au-dessus 
des  eaux,  il  veut  que  nous  éloignions  toute 
image  corporelle  ;  eUe  doit  ne  s'entendi-e 
que  de  la  suréminence  de  la  divinité  au-des- 
sus de  toutes  les  choses  sujettes  au  change- 
ment. S'il  est  dit  seulement  du  Saint-Esprit, 
qu'il  était  porté  sur  les  eaux,  c'est  que  lui 
seul  en  particulier  est  appelé  notre  père  ' 
et  qu'ilnous  retire  parla  charité  dont  il  nous 
remplit,  de  l'abîme  où  le  poids  de  notre 
corps  nous  avait  précipités,  pom"  nous  élever 
vers  Dieu.  Il  exphque  des  anges  les  paroles 
suivantes  :  Que  la  lumière  soit  faite  ;  «c'est 
par  la  force  de  cette  parole,  ajoute-t-il,  que 
ces  bienheureux  esprits  sont  devenus  lu- 
mière. »  Comme  il  trouvait  de  grandes  diffi- 
cidtés  à  faire  comprendre  comment  il  y  a  un 
Dieu  en  trois  personnes,  il  fait  voir  qu'il  y  a 
quelque  chose  dans  l'homme  qui  peut  lui 
donner  une  idée  de  ce  mystère,  savoir  Vètre 
le  connaître  et  le  vouloir.  «Je  suis,  je  connais, 


1  II  n'est  pas  aisé  de  découvrir  ce  que  D.  Ceil- 
lier  a  voulu  dire  ici.  Saint  Augustin  ne  dit  point 
que  le  Saint-Esprit  est  noire  pire,  mais  qu'il  est 
le  don  de  Dieu  ;  que  c'est  dans  ce  don  que  nous 


trouvons  notre  repos,  et  que  dans  la  bonuo  vo- 
lonté qu'il  forme  en  nous,  se  trouve  noire  paix. 
Apparemment  D.  Ceillier  a  voulu  dire  noire  paix. 
{L'éditeur.) 


[IV''  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAIiNT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


37 


et  je  vexix.  Je  suis  cette  même  chose  qui  con- 
naît et  qui  veut;  je  coma ?'s  que  je  suis  et 
quejeveux;  et  jeyeïuètre  et  connaître.  Tout 
cela  se  rencontre  dans  une  seule  substance 
vivante,  dans  une  seule  âme,  dans  une  seule 
essence  ;  et  quelque  réelle  que  soit  la  diffé- 
rence qu'il  y  a  entre  ces  trois  choses,  elles 
sont  absolument  inséparables.  »  Ensuite 
saint  Augustin  entreprend  de  montrer  qu'en 
expliquant  le  commencement  de  la  Genèse 
dans  un  sens  allégorique,  on  y  trouve  toute 
l'économie  de  l'établissement  de  l'Église,  et 
de  la  sanctification  de  l'homme,  qui  est  la 
fin  à  laquelle  tous  les  ouvrages  de  Dieu  se 
rapportent.  Par  le  firmament  il  entend  nos 
saintes  Écritures,  qui  surpassent  en  vertu 
toutes  les  autres.  »  Ce  sont  elles  qui  nous 
ctaljlissent  et  qui  nous  affermissent  dans  la 
vérité  :  et  il  n'y  a  aucun  livre  qui  soit  capa- 
ble comme  ceux-là  de  détruire  l'orgueil  et 
d'abattre  les  ennemis  de  Dieu;  c'est-à-dire, 
ceux  qni  voudraient  s'excuser  dans  leurs  pé- 
chés, et  qui  par  là  ne  font  qu'éloigirer  leur 
réconciliation  avec  Dieu.  Ce  sont  ces  livres 
saints  qui  nous  font  pher  sous  le  joug  du 
Seigneur,  qui  nous  portent  à  confesser  nos 
misères,  et  qui  nous  apprennent  à  servir 
Dieu  d'un  culte  tout  gratuit.  »  Par  les  eaux 
qui  sont  au-dessus  du  firmament  il  croit  qu'on 
peut  entendre  les  anges  qui  sont  au-des- 
sus de  nous  ;  et  dit  qu'ils  n'ont  pas  besoin 
comme  nous  de  s'instruire  par  la  lecture  des 
livres  saints,  puisqu'ils  voient  à  découvert 
la  lumière  ineffable  de  Dieu;  et  que  ce  li'STe 
qui  n'est  point  composé  de  paroles  et  de  syl- 
labes, étant  sans  cesse  ouvert  devant  eux,  ils 
y  lisent  ce  que  la  volonté  éternelle  demande 
d'eux.  Il  explique  des  désirs  déréglés  des 
hommes,  ce  qui  est  dit  des  eaux  ramassées 
en  un  seul  endroit,  en  sorte  qu'elles  ne  peu- 
vent s'étendre  qne  jusqu'à  un  certain  point. 
Ses  autres  explications  sont  dans  le  même 
goût  :  il  les  termine  par  ce  qui  est  dit  du  re- 
pos du  septième  jour,  «  qui  marque,  dit-il, 
l'éternité,  »  et  ajoute  en  s'adressant  à  Dieu  : 
«  Vous  vous  reposerez  alors  en  nous,  de  la 
même  manière  que  vous  opérez  maintenant 
en  nous;  et  ce  repos  dont  nous  jouirons,  sera 
votre  repos,  parce  que  vous  nous  en  ferez 
jouir,  comme  les  bonnes  œuvres  que  nous 
faisons  présentement  sont  vos  œiivres,  parce 
que  c'est  vous  qui  nous  les  faites  accomplir.  » 


§111. 

Des  livres  de  saint  Augustin  contre  les 
Académiciens. 

1.  Saint   Augustin  retiré  à  la   campagne   ,  ^"    i'""' 

o  La  temps     ces 

quelque  temps  '  après  sa  conversion,  c'est-  ''Y'-''*  <">'- 
à-dire,  en  386,  s'y  occupait  avec  ses  amis  et  sl's.'^"'"''"' 
ses  disciples  de  diverses  matières,  et  avait 
soin  de  faire  tout  rédiger  par  écrit  afin  de  ne 
rien  ^  laisser  perdre  de  ce  qu'on  y  avait  dit 
de  bon.  C'est  de  ces  conférences  que  sont 
venus  la  plupart  des  ouvi-ages  qu'il  fit  vers 
ce  temps-là.  Le  premier  de  tous  ceux  qui 
nous  reste  est  intitulé  :  Des  Académiciens.  Ces 
philosophes  ne  voulaient  pas  qu'un  homme 
sage  se  laissât  persuader  d'aucune  chose 
comme  certaine  et  évidente;  mais,  au  con- 
traire, que  tout  lui  parut  obscur  et  dou- 
teux :  ce  qui  était  cause  qne  beaucoup  de 
personnes  à  qui  ils  avaient  inspiré  leurs  sen- 
timents ,  désespéraient  de  pouvoir  jamais 
trouver  la  vérité.  Saint  Augustin  était  de 
ce  nombre,  et  l'impression  que  les  académi- 
ciens avaient  faite  sur  son  esprit  par  leurs 
raisonnements  n'en  était  pas  entièrement 
eflacée  :  seulement  ',  tandis  que  ces  philo- 
sophes soutenaient  qu'il  était  plus  probable 
qu'on  ne  pouvait  trouver  la  vérité,  il  croyait 
plus  probable  qu'on  pouvait  la  trouver.  La 
question  *  était  d'une  extrême  importance 
pour  le  salut,  et  c'est  ce  qui  engagea  ^  saint 
Augustin  à  combattre  le  sentiment  de  ces 
philosophes  par  toutes  les  raisons  que  son 
esprit  put  lui  fournir,  voyant  bien  qu'en  lui 
ôtant  l'espérance  de  pouvoir  jamais  trouver 
la  vérité,  ils  lui  fermaient  la  porte  de  la  vé- 
rité. Mais  avant  de  rien  écrire  sur  cette  ma- 
tière, il  l'examina  beaucoup  seul  et  avec  ses 
amis,  et  il  en  fit  même  le  sujet  d'une  dispute 
entre  deux  de  ses  disciples  c[u'il  avait  amenés 
avec  lui  à  Cassiaque  ou  Cassisiaque,  et  qui 
étaient  tous  deux  de  Tagaste,  Trigétius  et 
Licentius.  Le  dernier  soutenait  le  parti  des 
académiciens,  et  l'autre  le  combattait.  Cette 
dispute  à  laqueUe  saint  Augustin ,  son  frère 
Navigius,  et  saint  Alypius  étaient  présents 
avec  quelques  autres,  commença  ^  vers  le 
neuf  ou  le  dix  de  novembre  de  l'an  386,  et 
continua  les  deux  jours  suivants,  quoiqu'Aly- 
pius  eût  été  obligé  de  s'absenter  pour  quel- 
que voyage. 


'  August.,   lib.   1   Cont.  Acad.,   cap.  i,  —  2  jd.^ 
ibid.  —  3  Iil.,  lib.  m,  cap.  ;ii. 


*  August.,  lib.  II,  cap.  ix.  — ^Id.,  lib.  1  Retract., 
cap.  II.  —  s  id.,  lib.  I  Cont.  Acad.,  '^ap.  i. 


38 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Analyse 
du  preinitT 
livre  cunirc 
les  Acailii- 
itiiciens,  p. 
2Il9, 


2.  Ce  qui  fat  dit  dans  cette  conférence  fait 
la  matière  des  trois  livres  contre  les  acadé- 
miciens. Ils  sont  adressés  à  Romanien,  ce 
riche  bourgeois  de  Tagaste,  qui  logea  chez 
lui  saint  Augustin  et  qui  l'entretint  de  tout  à 
Cartilage,   lorscju'il   y  étudiait  l'éloquence. 
Ces  trois  livres  sont  écrits  en  forme  de  dia- 
logues, à  l'imitation  de  ceux  de  Cicéron.  La 
dispute  commence  par  Licentius,  fils  de  ce 
Romanien   et    Trigétius ,    après   quoi   saint 
Alypius  et  saint  Augustin  premient  la  jia.- 
role.  Dans  le  premier  dialogiie,  Augustin, 
après  avoir  fait  remarquer  à  Romanien  cpe 
ni  les  honneurs,  ni  les  richesses,  ni  tout  ce 
cpi'on  appelle  Liens  de  la  fortune  ne  peu- 
vent rencke  les  hommes  heureux,  à  caase  de 
lem"  fi'agilité,  de  leur  inconstance,  et  que  ces 
biens  sont  toujours  mêlés  de  beaucoup  d'ad- 
versité, il  l'exhorte  à  se  donner  tout  entier  à 
l'élude  de  la  sagesse,  pour  laquelle  il  savait 
cju'il  avait  de  l'amour,  et  dont  il  avait  déjà 
goûté  les  douceurs.  Ensuite  U  lui  fait  un  dé- 
tail des  trois  conférences  ou    disputes  que 
Licentius  et  Trigétius  avaient  eues  sur  la  na- 
ture do  la  Ijéatilude.  Le  premier  soutenait, 
avec  les  académiciens,  cjue  pour  être  heu- 
reux il  suffit  de  chercher  la  vérité,  et  appuyait 
son  sentiment  de  l'autorité  des  plus  illustres 
philosophes  de  cette  secte,  et  en  particulier 
de  Carnéades  et  de  Cicéron ,  qui  non-sciûe- 
ment  devaient  être  regardés  comme  des  gens 
qui  avaient  été  heureux,  mais  qui  avaient 
encore  fait  consister  la  vraie  béatitude  dans 
la  recherche  seule  de  la  vérité.  Le  second 
prétendait ,  au  contraire ,  cjue  pour  être  vé- 
ritablement heureux ,  il  ne  suffisait  pas  de 
rechercher  la  vérité  ,  mais  qu'il  fallait  aussi 
la  connailro  parfaitement.  Comme  ils  conve- 
naient néanmoins  tous  deux  que  la  sagesse 
est  ce  qui  fait  le  bonheur  de  l'homme,  la  dis- 
pute tomba  sur  la  définition  de  la  sagesse. 
Trigétius  en  l'apporta  plusieurs,  et  une  entre 
autres,  où  il  disait  qu'elle  était  le  droit  che- 
min qui  conduit  à  la  vérité.  Licentius  les 
rejeta  toutes  et  soutint  que  la  sagesse  con- 
sistait dans  la  science  et  dans  la  recherche 
de  la  vérité,  disant  que  celui-là  est  sage  qui 
la  recherche,  et  que  dès  qu'il  est  sage,  il  est 
heureux.    Saint   Augustin  ,  après  les  avoir 
ouïs  l'uu  et  l'autre,  dit  qu'il   eût   pu   ter- 
miner leur  dilfércnd  en  peu  de  paroles  ,  s'il 
n'eût  eu  principalement  en  vue  de  les  exer- 
cer, et  de  voir  leurs  inclinations  et  la  force 

>  August.,  lib.  II  Cont.  Àcad.,  cap.  ix. 


de  leur  esprit,  et  il  conclut  de  tout  ce  qu'ils 
avaient  dit  que,  puisque  nous  ne  pouvons 
être  heureux  qu'en  connaissant  ou  qu'en 
cherchant  la  vérité,  nous  devons  mépriser 
tout  le  reste  pour  nous  appliquer  unique- 
ment à  la  rechercher. 

3.  Vers  le  dix-huitième  ou  le  dix-neuvième 
du  même  mois  de  novembre  de  l'an  386, 
saint  Augustin  reprit  ses  conférences  sm'  les 
académiciens.  Licentius  y  défendit  quelque 
temps  le  sentiment  de  ces  philosophes  contre 
Trigétius  et  contre  saint  Augustin  même; 
mais  cédant  la  place  à  saint  Alypius,  saint 
Augustin  traita  avec  lui  cette  matière  avec 
beaucoup  d'exactitude  ',  et  l'obligea  de  con- 
venir cpie  l'opinion  des  académiciens  n'était 
point  soutenable.  Cette  dispute,  qui  dura  trois 
jours  de  suite,  fait  le  sujet  du  second  livre. 
Ce  saint  Docteur  y  exliorte  encore  Romanien 
à  l'étude  de  la  philosophie,  témoignant  qu'il 
ne  pouvait  mieux  que  par-là  reconnaître  la 
générosité  extraordinaire  dont  il  avait  usé 
envers  lui,  en  fom-nissant  à  tous  ses  besoins 
depuis  la  mort  de  son  père.  Ensuite  il  rap- 
porte les  trois  autres  conférences  dans  les- 
quelles Licentius  et  Alypius  exposent  les 
sentiments  des  anciens,  et  ce  en  c[uoi  ils  dif- 
fèrent des  nouveaux  académiciens.  Comme 
ceux-ci  soutenaient  que  malgré  l'impossi- 
bilité de  connaitre  la  vérité,  il  y  avait  tou- 
tefois des  choses  cp^ie  l'on  pouvait  croire 
comme  vraisemblables,  saint  Augustin  fait 
voir  le  ridicule  de  cette  opinion,  par  l'impos- 
sibilité de  connaitre  si  une  chose  est  sem- 
blable à  la  véiité,  sans  connaitre  la  vérité 
même  ;  et  il  demande  que  l'on  recherche 
avec  plus  de  soin  ce  cjue  c'est  que  vraisem- 
blance et  probabilité,  suivant  les  principes 
de  ces  philosophes;  s'ils  ont  eu  un  senti- 
ment certain  touchant  la  connaissance  de  la 
vérité,  ou  s'ils  n'ont  pas  encore  voulu  le  faire 
connaitre. 

4.  Saint  Augustin  fait  dans  le  troisième 
livre  le  récit  de  ce  qui  se  passa  dans  deux 
autres  conférences  tenues  vers  le  21  ou  le 
22  du  même  mois.  Il  commence  ce  livre  par 
diverses  réllexions  sur  ce  qu'on  appelle  for- 
tune, et  par  montrer  que  quoiqu'elle  puisse 
aider  un  homme  dans  la  recherche  de  la 
vérité,  elle  n'est  pas  néanmoins  nécessaire 
au  sage;  et  qu'il  en  est  à  peu  près  des  biens 
de  la  fortune  comme  des  mamelles  à  l'égard 
des  petits  enfants  dont  ils  se  passent  dans 
un  âge  plus  avancé.  Il  montre  à  cette  occa- 
sion cp.i'il  y  a  cette  ditierence  entre  le  sage 


Analys 
du  deiiMi 
uv;  M"' 
pag.  2ul, 


[IV°  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


39 


et  celui  cpii  désire  de  l'être,  que  le  premier 
est  du  moins  instruit  de  la  science  et  qu'on 
ne  peut  donner  le  nom  de  sage  à  celui  qui 
ne  sait  rien.  Mais  il  soutient  -qu'on  ne  peut, 
sans  le  secours  de  Dieu,  connaître  la  véiité. 
Alypius,  qui  jusque-là  avait  soutenu  le  parti 
des  académiciens ,  l'ayant  abandonné  sur  ce 
qu'Augustin  avait  dit  pour  le  réfuter,  le  Saint 
en  continua  la  réfutation  dans  un  fort  long 
discours  qui  termina  toute  cette  dispiite.  Il 
y  fit  voir  contre  Cicéron  et  les  autres  acadé- 
miciens, qu'il  était  absurde  de  dire  qu'on 
ne  connaissait  rien  et  qu'il  ne  fallait  rien 
affirmer  :  c'étaient  deux  de  leurs  axiomes; 
et  montra  par  des  exemples  sensibles  qu'il 
y  avait  des  choses  dont  nous  étions  assurés, 
comme  de  l'existence  d'un  monde  et  de  plu- 
sieurs  autres  choses  semblables,  sur  les- 
quelles nos  sens,  quelque  faibles  qu'ils  soient, 
ne  peuvent  nous  tromper  :  qu'il  y  a  aussi 
plusieurs  vérités  incontestables  dans  la  dia- 
lectique, telles  que  sont  celles-ci  :  L'âme  ne 
peut  mourir  et  être  immoiielle  ;  l'homme  ne 
peut  pas  être  en  même  temps  heureux  et 
malheureux  ;  ainsi  de  toutes  les  propositions 
disjonctives  dont  l'une  est  vraie  et  l'autre 
fausse  :  que  du  moins  on  ne  peut  disconvenir 
que  le  sage  ne  connaisse  la  sagesse,  et  qu'en 
la  concevant,  il  ne  donne  son  consentement 
à  ce  qu'elle  lui  propose.  Il  combat  après  cela 
la  pernicieuse  maxime  de  ceux  qui  assu- 
raient qu'on  ne  péchait  point  en  suivant  une 
opinion  probable,  et  dit  qu'elle  ouvre  la 
porte  aux  adultères,  aux  parricides,  aux  sa- 
crilèges et  à  toiites  sortes  de  ci-imes  que  les 
juges  ne  laisseraient  pas  de  punir  sévère- 
ment, sans  avoir  égard  aux  sentiments  des 
philosophes  sur  ce  point.  Il  tâche  de  mon- 
trer que  ni  les  académiciens  anciens,  ni 
môme  Cicéron,  n'ont  autorisé  cette  maxime, 
et  que  leurs  véritables  sentiments  n'étaient 
pas  de  croire  qu'on  ne  pût  connaître  la  vé- 
rité; que,  quoiqu'ils  la  connussent,  ils  ont 
affecté  de  passer  comme  pour  ne  l'avoir  pas 
connue,  afin  que  leurs  successeurs  la  cher- 
chassent comme  un  trésor  caché,  et  que  pro- 
bahle  et  vraisemblable  était  la  même  chose 
dans  leurs  sentiments.  Il  remarque  que  de 
son  temps,  toutes  les  diverses  sectes  des 
philosophes  étaient  réduites  en  une,  ayant 
un  système  composé  des  sentiments  de 
Platon  et  d'Aristote ,  excepté  quelques  cyni- 


ques que  l'amour  du  libertinage  et  la  licence 
retenaient  encore  dans  leurs  anciennes  opi- 
nions. Saint  Augustin  ^  attribue  à  la  miséri- 
corde de  Dieu  l'avantage  qu'il  eut  de  con- 
fondre dans  cette  conférence  les  partisans 
des  académiciens,  celui  de  se  convaincre  lui- 
même  qu'il  pouvait  trouver  la  vérité,  et 
d'avoir  reconnu  que  l'autorité  et  la  raison 
étant  les  deux  sources  de  nos  connaissances, 
il  devait  s'attacher  inséparablement  à  l'au- 
torité de  Jésus-Christ  comme  à  la  plus  forte 
de  toutes ,  et  chercher  dans  Platon  des  vé- 
rités conformes  à  la  doctrine  des  auteurs  sa- 
ci'és,  avec  l'espérance  même  de  les  appro- 
fondir par  la  lumière  de  l'intelligence.  C'est 
par  cette  dernière  réflexion  qu'il  finit  ses 
livres  contre  les  académiciens.  Lorsqu'il  en 
fit  la  revue,  il  se  condamna  d'y  avoir  donné 
trop  d'éloges  à  Platon  et  à  ses  disciples,  de 
s'y  être  servi  trop  souvent  du  terme  de  for- 
tune, quoique  par-là  il  n'eût  entendu  aucune 
divinité,  mais  seulement  l'événement  fortuit 
des  choses  de  la  vie,  soit  pour  le  bien,  soit 
pour  le  mal,  et  d'y  avoir  dit  que  le  souverain 
bien  de  l'homme  consiste  dans  l'âme ,  au  lieu 
de  le  mettre  dans  Dieu ,  qui  seul  rend  l'âme 
heureuse  lorsqu'elle  jouit  de  lui  comme  du 
souverain  bien.  Il  y  reprend  encore  quelques 
autres  manières  de  parler  qui  lui  étaient  par- 
donnables dans  un  ouvrage  purement  phi- 
losophique, et  écrit  dans  im  temps  où  il  était 
moins  instruit  des  vérités  de  la  religion.  Un 
de  ses  amis ,  nommé  Hermogénien  ,  ayant 
vu  ces  trois  livres,  lui  écrivit  -  qu'il  avait 
vaincu  les  académiciens.  Cette  approba- 
tion fit  d'autant  plus  de  plaisir  à  saint  Au- 
gustin, qu'il  croyait  Hermogénien  plus  ca- 
pable que  personne  d'en  juger,  et  son  amitié 
sans  déguisement.  C'est  pourquoi  il  le  pria, 
en  répondant  à  sa  lettre,  d'examiner  avec 
plus  d'attention  ce  qu'il  y  disait  du  véritable 
sentiment  des  académiciens  et  de  lui  mar- 
quer ce  qu'il  en  pensait.  Il  cite  lui-même  ces 
livres  dans  son  Manuel  à  Laurent  ',  et  dans 
son  quinzième  livre  de  la  Trinité  '',  où  il  dit 
que  ceux  qui  les  liront  ne  seront  point  ébran- 
lés par  le  grand  nombre  des  arguments  dont 
les  académiciens  appuient  leurs  opinions.  Ils 
sont  écrits  avec  toute  la  justesse  et  toute 
l'élégance  possible,  et  les  matières  y  sont 
traitées  avec  beaucoup  de  méthode  et  de 
netteté. 


1  Lib.  I  Retract.,  cap.  i.  —  ^  August.,  Efifit.  ad. 
Herinog. 


'  Enchirid,  cap.  xx. 
*  Lib.  XV  de  Trinit. 


cap.  xir. 


40 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


§IV. 

Du  livre  de  la  Vie  bienheureuse. 

C"  livre  1.  Lc  livi'e  de  la  Vie  bienheureuse  est  de 
r^j^etrueii  j^  n;iême  année  que  les  pi-écédents,  c'est-à- 
dire  ,  de  386.  C'est  le  fruit  des  conférences 
que  saint  Augustin  eut  avec  ses  amis  et  ses 
parents  pendant  les  sept  jours  qui  s'écou- 
lèrent depuis  celles  cp.\i  font  la  matière  du 
premier  livre  contre  les  académiciens  ,  jus- 
qu'aux autres  qui  font  le  sujet  du  second. 
Saint  Alypius  ne  s'y  trouva  pas ,  parce  qu'il 
était  absent  :  c'est  pourquoi  il  n'y  est  rien 
dit  de  lui.  La  première  de  ces  conférences 
se  tint  le  13  de  novembre,  jour  de  la  nais- 
sance de  saint  Augustin.  Il  avait  donné  ce 
jour-là  à  tous  ceux  qui  demeuraient  avec 
lui  un  dîner  si  frugal,  qu'il  laissait  à  l'esprit 
la  liberté  entière  de  ses  fonctions.  Ayant 
donc,  après  dîner,  rassemblé  toute  sa  com- 
pagnie, du  nombre  desquels  étaient  sa  mère 
et  son  fils  Adéodat,  il  leur  fit  diverses  ques- 
tions touchant  la  béatitude ,  dans  le  dessein 
de  leur  procurer  le  moyen  d'y  arriver.  Il 
s'entretint  avec  eux  sur  la  même  matière 
les  deux  jours  suivants,  savoir,  le  14  et  le  13 
de  novembre,  et  finit  ces  entretiens  par  un 
discours  sur  la  Trinité.  Ce  Uvre  est  adressé 
à  un  nommé  Théodore  Manlius,  le  même  qui 
fut  préfet  des  Gaules  et  d'Italie  ,  puis  consul 
en  399. 

2.  Dans  le  prologue ,  saint  Augustin  dis- 
tingue trois  sortes  de  personnes.  Les  unes , 
pour  éviter  les  troubles  dont  cette  vie  est 
sans  cesse  agitée,  se  l'etirent  dans  le  port, 
aussitôt  cju'elles  ont  atteint  l'usage  de  raison, 
pour  y  passer  leurs  jours  dans  le  repos  et 
la  tranquillité  ;  les  autres ,  après  avoir  été 
enveloppées  quelque  temps  dans  les  orages 
du  siècle  ,  et  séduites  par  leurs  passions  ,  se 
trouvent  heureusement  repoussées  dans  le 
port  par  quelques  vents  contraires;  et  les 
dernières,  au  milieu  des  tempêtes,  ont  tou- 
jours fixé  leur  vue  sur  quelque  astre ,  dans 
le  dessein  de  revenir  dans  lem-  patrie,  et 
sont,  en  effet,  ramenées  par  quelque  adver- 
sité temporeUe.  Le  plus  grand  écueil  qui  se 
rencontre  dans  cette  navigation  lui  semble 
celui  de  la  vaine  gloire,  où  il  est  très-dillicile 
do  ne  pas  y  faire  naufrage.  S'appliquant  ces 
réflexions  à  lui-même ,  il  l'eprésejite  com- 
ment, après  avoir  été  longtemps  enveloppé 
dans  les  erreiu's  des  manichéens,  puis  agité 
par  les  incertitudes  de  la  philosophie  aca- 


démicienne, il  était  enfin  abordé  au  port  de 
la  philosophie,  ayant  trouvé  une  heureuse 
étoile,  dont  la  lumière  lui  avait  fait  connaître 
la  vérité  dans  les  discours  de  l'Évêque  Am- 
broise  et  de  Théodore  lui-même  :  il  prie  ce 
dernier  par  le  lien  et  le  commerce  que  les 
âmes  ont  entre  elles,  de  l'aimer,  et  de  s'as- 
sm'er  que  de  son  côté  il  l'aime  et  le  chérit. 
<(  C'est  vous,  lui  dit-il,  que  je  regarde  comme 
le  seul  qui  puissiez  me  donner  le  secours 
dont  j'ai  besoin.  Si  j'obtiens  cette  faveur  de 
votre  vertu,  j'arriverai  très -facilement,  avec 
un  peu  d'efforts,  au  calme  de  la  vie  heureuse, 
dont  je  crois  que  vous  jouissez  déjà.  » 

3.  Entrant  ensuite  en  matière,  il  pose  pour 
principe  qu'étant  composé  de  corps  et  d'âme, 
ces  deiix  parties  ont   également  besoin  de 
nourriture  ;  comme   le    corps ,   lorsqu'il  ne 
reçoit  pas    une   nourriture    convenable    et 
suffisante ,  devient  infirme  et  sujet  aux  ma- 
ladies, de  même  l'âme  qui  n'est  pas  nour- 
rie dans  les  sciences,  n'est  remplie  que  de 
vices  et  de   mauvaises   aûections  ;    l'esprit 
a  ses  dégoûts  comme  le  corps  a  les  siens; 
et  en  vain  il  entreprendrait  de  nourrir  les 
esprits  de  ceux  qui  l'écoutaient,  s'ils  ne  le 
souhaitaient   eux-mêmes.  Tous    ayant    té- 
moigné être  bien  disposés ,  saint  Augustin 
proposa  le  sujet  de  la  conférence.  «  Puisque 
tous  les  hommes ,  dit-il ,  souhaitent  d'être 
heureux ,  il  est  question  de  savoir  si  ceux-là 
sont  heureux,  qui  n'ont  pas  ce  qu'ils  veu- 
lent :  ou  si  l'ayant,  ils  le  sont  en  effet.  »  A 
l'égard   de   la   première   proposition  ,   tous 
convinrent  qu'on  ne  peut  être  heureux  sans 
avoir  ce  qu'on  désire.  Sur  la  seconde,  la 
mère  de  saint  Augustin  ayant  dit  que  ceux 
qui  ont  tout  ce  qu'ils  souhaitent  sont  heu- 
reux, pourvu  que  ce  qu'ils  souhaitent  soit 
bon ,  il   lui    répliqua  aussitôt  qu'elle  avait 
trouvé  le  plus  grand  secret  de  la  philoso- 
phie. Mais  comme  parmi  les  choses  créées 
qui  sont  toutes  bonnes,  il  y  en  a  même  dont 
la  possession  est  légitime,   saint  Augustin 
demanda  si  elles  pouvaient  rendre  l'homme 
hcui-eux  :  et  il  fut  convenu  que  non,  parce 
qu'étaiat  fragiles  et  périssables ,  il  j  a  tou- 
jom-s  lieu  de  craindre  qu'on  ne  vienne  à  les 
perdre.  D'où  on  conclut  que  pour  être  véri- 
tablement heureux ,  il  fallait  souhaiter  et 
posséder  un  bien  permanent ,  et  qui  ne  pût 
nous  être  enlevé.  Or,  ce  bien  est  Dieu  seul. 
Ainsi,  l'on  doit  dire  que  celui  qui  possède 
Dieu  est  heureux,  et  que  celui-là  le  possède 
qui  vit  bien,  c'est-à-dire,  qui  fait  sa  volonté. 


[IV"  ET  V°  SIÈCLES. 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


41 


L'académicien,  au  contraire ,  ne  peut  passer 
pour  heureux,  puisqu'il  n'a  pas  la  vérité 
qu'il  cherche;  et  dès  là  qu'il  n'est  pas  heu- 
reux, il  ne  peut  être  regardé  comme  sage, 
puisqu'il  est  inouï  que  celui-là  soit  sage  qui 
n'est  pas  véritablement  heureux.  Saint  Au- 
gustin traite  la  même  matière  dans  la  se- 
conde conférence ,  et  après  y  avoir  répété 
ce  dont  on  était  convenu  dans  la  première  , 
que  celui-là  possède  Dieu,  qui  fait  sa  vo- 
lonté, qui  vit  bien,  et  qui  n'est  point  possédé 
de  l'esprit  impur,  il  s'arrête  sur  ce  dernier 
point,  et  distingue  deux  sortes  de  mauvais 
esprits,  l'un ,  qui  trouble  l'âme  et  les  sens  ; 
l'autre,  qui  consiste  dans  la  mauvaise  dis- 
position de  l'âme  lorsqu'elle  se  trouve  souil- 
lée par  le  vice  et  par  l'erreur.  On  chasse  le 
premier  par  l'imposition  des  mains  et  parles 
exorcismes  qui  se  font  en  conjurant  le  mahn 
esprit  par  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  sacré. 
Pour  se  défaire  du  second,  il  faut  vivre  chas- 
tement, ce  qui  demande  que  l'on  s'abstienne 
non-seulement  des  péchés  d'impureté ,  mais 
encore  de  tout  autre  péché ,  parce  qu'il  n'y 
en  à  point  qui  ne  souille  l'âme.  Or,  celui-là 
vit  chastement  qui  pense  à  Dieu  et  qui  ne 
s'attache  qu'à  lui.  Comme  donc  tout  homme 
qui  a  trouvé  Dieu,  et  à  qui  Dieu  est  propice, 
doit  passer  pour  heureux  ;  celui-là ,  au  con- 
traire, qui,  par  ses  vices  et  ses  péchés  s'é- 
loigne de  Dieu,  non-seulement  n'est  point 
heureux,  mais  il  n'a  pas  même  Dieu  pro- 
pice. 

On  examine  dans  la  troisième  conférence, 
comment  il  est  vrai  que  tout  homme  qui  est 
dans  l'indigence  soit  malheureux ,  et  com- 
ment tout  malheureux  est  dans  l'indigence. 
Le  riche,  à  ne  regarder  que  les  biens  tem- 
porels, est  même  plus  misérable  que  le  pau- 
vre, en  ce  que,  non-seulement  il  est  toujours 
avide  de  nouvelles  richesses ,  mais  encore 
dans  la  crainte  et  l'inquiétude  de  perdre 
celles  qu'il  a  :  dernière  espèce  de  misère 
dont  le  pauvre  n'est  point  affligé.  De  toutes 
les  indigences,  la  plus  grande  est  de  man- 
quer de  sagesse  ;  au  contraire,  celui  qui  pos- 
sède la  sagesse,  ne  peut  avoir  besoin  de  rien 
«  Or,  continue-t-il,  il  n'y  a  point  de  sagesse 
véritable  sinon  celle  de  Dieu,  puisqu'il  est 
lui-même  la  sagesse  et  la  vérité,  selon 
qu'il  nous  en  assure  dans  le  chapitre  xiv 
de  saint  Jean.  Celui  donc  qui  ne  possède 
pas  la  sagesse  ne  possède  pas  Dieu,  et  par 

I  Lib.  II  fie  Ord.,  cap.  xv,  num.  43. 


conséquent  n'est  pas  heureux  ;  et  celui-là, 
au  contraire,  est  heureux  qui  possède  la 
sagesse ,  parce  qu'il  possède  Dieu.  »  Il  finit 
cette  conférence ,  en  exhortant  ceux  qui 
étaient  présents  à  chercher  Dieu  avec  toute 
l'ardeur  possible ,  afin  de  parvenir  à  le  con- 
naître parfaitement,  en  quoi  consiste  la  sa- 
tiété de  l'esprit  et  la  vie  bienheureuse. 

Saint  Augustin,  en  écrivant  son  premier 
livre  des  Rétractations ,  corrigea  cet  endroit 
et  quelques  autres  semblables,  où  il  avait 
mis  la  béatitude  dès  cette  vie,  en  la  faisant 
consister  dans  l'âme  seule ,  en  quelque  état 
que  fût  le  corps;  et  il  convient  que,  suivant 
la  doctrine  de  l'Apôtre,  l'homme  ne  pouvant 
connaître  Dieu  parfaitement  qu'en  l'autre 
vie,  lorsque  son  corps,  devenu  incorruptible 
et  immortel  sera  parfaitement  soumis  à  l'es- 
prit ,  il  ne  pouvait  être  entièrement  heureux 
en  cette  vie.  Il  se  repent,  dans  le  même  li- 
vre, d'avoir  ti'op  donné  à  Théodore,  en  di- 
sant de  lui  qu'il  jouissait  déjà  de  la  vie  heu- 
reuse, et  de  s'être  trop  souvent  servi  du  terme 
de  fortune.  Il  y  dit  encore  qu'il  n'avait  point 
entier  le  livre  de  la  Vie  bienheureuse;  toutes 
les  copies  qu'il  en  avait ,  et  celles  des  au- 
tres s'étant  trouvées  imparfaites ,  en  sorte 
qu'il  y  manquait  quelque  chose  qui  en  in- 
teiTompait  la  suite.  On  n'y  remarque  au- 
jourd'hui aucune  interruption. 

§v. 

Des  deux  limbes  de  VOrdre. 

1.  Les  deux  livres  de  VOrdre  suivent,  dans  ,  i.ivrcs 
les  Rétractations  de  saint  Augustin,  celui  de  faits  on 'ssa! 
la  Vie  bienheureuse.  Aussi  ce  Père  fit  le  pre- 
mier de  ces  deux  livres  avant  de  travailler 
au  second  contre  les  académiciens  ,  c'est-à- 
dire,  avant  le  dix-huit  ou  dix-neuvième  de 
novembre  de  l'an  386.  Mais  il  ne  commença 
le  second  livre  de  VOrdre  qu'après  avoir 
achevé  le  troisième  contre  les  académiciens, 
qui  y  est  cité  '.  Ces  deux  hvres  sont  encore 
un  fruit  des  conférences  qu'il  faisait  avec 
ses  deux  disciples  Licentius  et  Trigétius.  Sa 
mère  s'y  trouva  quelquefois  :  et  Alypius  qui 
n'avait  pu  assister  à  celles  qui  font  la  ma- 
tière du  premier  livre,  fut  présent  à  celles 
dont  le  second  livre  est  composé.  Ils  sont 
adressés  l'un  et  l'autre  à  Zénobius,  ami  de 
saint  Augustin,  et  avec  lequel  ce  saint  Doc- 
teur s'était  souvent  entretenu  sur  la  matière 
qui  s'y  est  traitée.  Zénobius  était  homme  de 


/i2 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Anîiiyse 
rlii  prcniiLT 
livre,  pag. 
315. 


Analyse 
du  f.ccodd 
livre,  rag. 
5:9. 


beaucoup  d'esprit  '  ,  et  grand  amateur  de 
tout  ce  qu'il  y  avait  de  beau. 

2.  Le  premier  livre  de  l'Ordre  renferme 
ce  qui  se  passa  dans  deux  conférences  sur 
cette  matière.  On  voit  dans  la  première,  que 
tous  les  biens  et  tous  les  maux  sont  compris 
dans  l'ordre  de  la  Providence,  en  sorte  cju'il 
ne  se  passe  rien  dans  le  monde,  sans  cpie 
la  providence  de  Dieu  n'y  ait  part.  On  y  fait 
voir  aussi  cpae  les  sciences  humaines  ont 
leur  utilité,  et  qu'elles  servent  beaucoup  à 
former  l'esprit,  poui-vu  cpi'on  en  use  sage- 
ment. On  recherche,  dans  la  seconde  confé- 
rence, ce  cjue  c'est  que  l'ordre,  et  on  l'y 
définit  ce  par  quoi  on  fait  toute  chose  en  la 
manière  que  Dieu  l'a  ordonné  ^  Saint  Au- 
gustin y  dit  en  passant,  quelcpie  chose  contre 
l'amour  de  la  vaine  gloire,  et  il  y  parle 
aussi  de  la  manière  dont  on  doit  modérer 
l'ardeur  de  l'émulation  et  de  la  vanité  cpii 
se  trouvent  d'ordinaire  parmi  les  jeunes 
étudiants.  Pendant  qu'il  en  faisait  l'apphca- 
tion  à  Licentius  et  à  Trigétius,  qui  s'étaient 
laissés  aller  à  quelques  légèretés,  sainte  Mo- 
nique entra  et  saint  Augustin  en  prit  occa- 
sion de  démontrer  que  l'on  ne  devait  pas 
interdire  aux  femmes  l'étude  de  la  sagesse  ; 
qu'il  y  avait  eu  des  femmes  chez  les  anciens 
qni  s'étaient  mêlé  de  philosopher;  et  que  les 
divines  Ecritures  ne  condamnent  point  en 
général  tous  les  philosophes,  mais  seidement 
ceux  de  ce  siècle,  c'est-à-dire,  les  faux  sa- 
ges. Afin  cpie  sa  mère  n'ignorât  point  ce  que 
le  terme  de  philosophie  signifie  en  grec,  il 
lui  rendit  ce  terme  en  latin,  et  dit  qu'il  si- 
gTiiflait  Vamoïir  de  la  sagesse. 

3.  Le  second  livre  est  aussi  composé  de 
deux  conférences.  Dans  la  première,  on 
examine  Ja  définition  de  l'ordre;  ce  c[ue  c'est 
qu'être  avec  Dieu  et  dans  l'ordre  de  Dieu  ; 
et  en  qnel  sens  on  peut  dire  que  le  sage  de- 
meure avec  Dieu  sans  pouvoir  être  ébranlé. 
«  Eti'C  avec  Dieu,  c'est  être  gouverné  par 
lui,  c'est  le  comprendre.  Le  sage  le  com- 
prend, il  s'en  occupe  seul  ou  lorsqu'il  con- 
verse avec  les  hommes.  11  ne  suit  pas  de  1;\ 
que  la  folie  soit  aussi  avec  Dieu,  parce  que 
le  sage  la  comprend  ;  la  folie  est  à  l'égard 
de  l'Ame  ce  que  les  ténèbres  sont  à  l'égard 
des  yeux,  qui  ne  les  voient  pas,  quelque 
sains  qu'ils  puissent   être.    Quoicpie  les   in- 


sensés agissent  contre  l'ordre,  leurs  actions 
ne  laissent  pas  d'entrer  dans  l'ordre  de  la 
Providence  ;  et  beaucoup  de  choses  qui  ne 
nous  paraissent  pas  dans  l'ordre,  y  sont 
néanmoins  et  concourent  également  à  la 
beauté  de  l'univers,  suivant  les  règles  de  la 
loi  éternelle,  cpioique  nous  en  jugions  autre- 
ment. Qu'y  a-t-il  de  plus  cruel  et  de  plus 
odieux  qu'un  boiu-reau  ?  Quoi  de  plus  dés- 
honnête  que  les  femmes  publiques  ?  L'un 
est  nécessaire  pour  le  maintien  de  la  police; 
les  autres  empêchent  de  plus  grands  désor- 
dres. »  Il  y  a  deux  voies  que  l'on  doit  suivre 
j)our  s'éclairer  sur  la  vérité  des  choses,  lors- 
cp'elles  nous  paraissent  obscures  :  la  raison 
et  l'autorité  :  l'autorité  est  la  révélation  par 
laquelle  Dieu  nous  fait  connaître  les  mys- 
tères que  notre  raison  seule  ne  pourrait  dé- 
couvrir. Dans  la  seconde  conférence,  le  saint 
Docteur- traite  de  la  justice  qu'il  dit  consister 
à  rencU'e  à  chacun  ce  qui  lui  est  d\à.  Quoi- 
que Dieu  ne  l'ait  exercée  cpie  depuis  qu'il  y 
a  des  bons  et  des  mauvais,  il  était  néan- 
moins juste  avant  qu'il  y  en  eût,  parce  qu'il 
pouvait  distinguer  le  bien  du  mal,  s'ils  eus- 
sent existé.  Le  mal  s'est  introduit  contre 
l'ordre  de  Dieu,  mais  la  justice  divine  l'a 
soumis  à  ses  ordres. 

De  ces  questions  métaphysiques,  il  passe 
aux  préceptes  de  morale,  et  pi-escrit,  en  ces 
termes,  la  manière  dont  ses  disciples  doivent 
se  conduire,  soit  dans  leurs  mœm's,  soit 
dans  les  emplois  où  ils  pourraient  être  occu- 
pés à  l'avenir.  «  Qu'ils  évitent,  dit-il,  les  dé- 
bauches et  les  excès  ;  qu'ils  méprisent  les 
parures  et  les  ajustements  immodestes; 
qu'ils  ne  perdent  pas  leur  temps  au  jeu,  ou 
h  des  amusements  inutiles  ;  qu'ils  ne  soient 
ni  paresseux,  ni  adonnés  au  sommeil,  ni 
jaloux,  ni  envieux,  ni  ambitieux,  ni  avides 
de  louanges  ;  qu'ils  regardent  l'amour  de 
l'argent  comme  le  poison  le  plus  dangereux 
dont  leurs  cœurs  puissent  être  infectés; 
qu'ils  évitent  également  d'être  lâches  et  té- 
méraires. S'il  arrive  qu'ils  soient  offensés 
par  quelques-uns  des  leurs ,  qu'ils  retien- 
nent leur  colère,  en  sorte  qu'il  n'en  paraisse 
rien  ;  qu'ils  ne  haïssent  personne  ;  cpi'il  n'y 
ait  aucun  vice  qu'ils  ne  prennent  à  tâche  de 
corriger  ;  qu'ils  ne  soient  ni  trop  sévères,  ni 
trop  complaisants  ;  qu'ils  ne  punissent  que 


•  Lib.  I  De  Ord.,  rap.  ir.  —  ^  Le  texto  porte 
ordn  est  per  qnem  agunlur  omnia  quœ  Deus 
constiiuit.  Ou  pourrait  traduire  :  «  L'ordre  est  ce 
par  quoi   est  couduit  tout  ce  que  Dieu  a  établi,  u 


Saint  Augustin  domie  en  elTct  une  définition  sem- 
blable de  l'ordre,  au  livre  11,  cliap.  i,  num.  2.  et  au 
livre  IV,  chap.  x,  num.  28.  (L'cdiicHr.) 


[IV'  ET  \'  SIÈCLES.] 


SAL\T  AUGUSTL\,  EYEQUE  D'HIPPOXE. 


43 


pour  qu'il  en  arrive  un  bien,  et  que  leui'  dou- 
ceur n'aille  jamais  à  autoriser  le  vice  ;  qu'ils 
regardent  comme  à  eux  ceux  sur  qui  ils  ont 
autorité  ;  qu'ils  rendent  service  aux  autres, 
de  manière  qu'ils  aient  honte  de  dominer 
sur  eux,  et  qu'ils  déminent  de  telle  sorte, 
qu'ils  soient  prêts  à  servir;  cpi'ils  évitent  avec 
soin  toute  inimitié  ;  qu'ils  la  supportent  pa- 
tiemment ;  s'il  leur  en  arrive  quelqu'une, 
qu'ils  y  mettent  fin  au  plutôt;  dans  toute  leur 
conduite  et  dans  les  atïaires  qu'ils  ont  avec 
les  autres,  que  cette  maxime  de  la  loi  natu- 
relle leur  serve  de  règle  :  Xe  faites  point  à 
autrui  ce  que  vous  ne  voudriez  point  qu'il 
vous  fut  fait  ;  qu'ils  ne  prennent  point  de  part 
aux  aû'aires  publiques,  s'ils  n'ont  beaucoup 
d'habileté  ;  qu'ils  ne  négligent  rien  pour  en 
acquérir,  même  de  bonne  heure,  c'est-à-dire 
dans  lem"  jeunesse  ;  qu'ils  se  fassent  des 
amis  dans  toute  leur  vie,  en  tout  lieu  et  en 
tout  temps  ;  qu'ils  servent  ceirx  qui  en  sont 
dignes,  sans  même  en  être  prévenus,  et 
lorsqu'ils  s'y  attendent  le  moins  ;  cpi'ils 
se  mettent  peu  en  peine  des  orgueilleux; 
qu'Us  vivent  d'une  manièi'e  réglée;  qu'ils 
honorent  Dieu  ;  qu'ils  pensent  à  lui  ;  qu'ils  le 
cherchent  parla  foi,  par  l'espérance  et  par  la 
charité  ;  qu'ils  donnent  une  certaine  étendue 
à  lem-s  études,  et  qu'ils  se  procurent,  à  eux- 
mêmes,  à  leurs  amis  et  à  tous  ceux  qu'ils 
poiuTont,  une  vie  paisible  et  tranquille.  » 

Saint  Augustin  leiu-  prescrit  ensuite  des 
règles  particuhères  pour  leurs  études,  et  dit 
que  l'on  apprend  par  autonté  et  par  raison. 
Il  disting-ue  deux  sortes  d'autorité  :  l'une 
divine,  qui  ne  nous  propose  jamais  rien  que 
de  vrai;  l'autre  humaine,  qui  est  sujette  à 
l'erreur.  La  raison  est  une  action  de  l'esprit 
qui  unit  les  choses  suivant  le  rapport  qu'elles 
ont  ensemble ,  ou  qui  les  sépare  suivant 
lem-  disconvenance.  C'est  elle  qui  nous  aver- 
tit de  ne  rien  faire  témérairement;  qui  a 
inventé  les  sciences,  la  grammaire,  la  dia- 
lectique, la  rhétorique,  la  géométrie,  l'arith- 
métique, l'astronomie.  Suint  Augustin  fait 
vou-  l'utilité  de  toutes  ces  sciences,  quels  en 
sont  les  objets  et  quel  oi'dre  Ll  faut  tenir 
dans  l'étude  qu'on  en  fait;  et  il  ajoute  que, 
lorsqu'on  les  possède,  on  mérite  le  nom  de 
savant  et  qu'on  peut  dès  ce  moment  s'appli- 
cpicr  à  des  sciences  supérieures ,  savoir  à 
la  connaissance  de  l'âme  et  de  Dieu,  en  quoi 
consiste,  selon  lui,  la  véritable  sagesse.  'Il 


veut  qu'on  la  demande  à  Dieu,  et  que  pour 
l'obtenir  on  vive  bien ,  parce  que  Dieu 
n'exauce  pas  les  prières  de  ceux  dont  les 
mœurs  ne  sont  point  réglées. 

§  VI. 

Des  Soliloques,  et  des  livres  de  l'Immortalité 
et  de  la  Grandeur  de  l'âme. 

Les  Soliloques  suivirent  de  près  les  livres  Les  soiuo- 
contre  les  Académiciens,  ceux  de  la  Vie  1^n%si^"ou 
bienheureuse  et  de  l'Ordre  ;  puisque  saint  ^■''''• 
AugTislin  les  composa  étant  encore  dans  la 
campagne  de  Cassiaque,  d'où  il  sortit  avant 
le  carême  de  387.  On  peut  donc  les  mettre 
ou  au  commencement  de  cette  année,  ou  à 
la  fin  de  la  précédente.  Il  était  alors  dans  sa 
trente-troisième  année'.  La  méthode  qu'il 
suivit  dans  cet  ouvrage  est  différente  de 
cehe  qu'il  avait  suivie  dans  les  précédents, 
car  tandis  que  dans  ceux-là  il  fait  parler  ses 
disciples  et  ses  amis,  et  dispute  avec  eux, 
dans  celui-ci,  il  s'entretient  seul  avec  lui- 
même.  C'est  pour  cela  qu'il  l'intitula  Solilo- 
ques, terme  ^  nouveau  et  d'ime  prononcia- 
tion assez  dure,  mais  très-propre  à  signifier 
la  chose  qu'il  marque,  a  H  n'y  a  point,  dit-il, 
de  meilleure  manière  de  chercher  la  vérité 
cpie  par  des  demandes  et  des  réponses  ;  mais 
parce  qu'il  se  trouve  peu  de  personnes  qui 
n'aient  honte  de  se  voir  convaincues  ,  il  arrive 
souvent  qu'après  qu'on  a  proposé  une  ques- 
tion pour  l'examiner  et  qu'on  a  commencé 
à  la  bien  traiter,  les  contestations  inutiles 
que  l'opiniâtreté  produit,  la  font  perdre  de 
vue.  On  s'échauffe,  on  crie,  on  en  vient  jus- 
cpi'à  l'aigreur,  que  l'on  dissimule  ordinaire- 
ment, mais  que  l'on  laisse  aussitôt  paraître 
tout  ouvertement.  J'ai  donc  cru,  continue- 
t-il,  que  pour  trouver  la  vérité  et  conserver 
mon  esprit  tranquille  ,  je  ne  pouvais  rien 
faire  de  mieux  que  de  chercher  cette  vérité 
avec  le  secours  de  Dieu,  en  m'interrogeant 
et  en  me  répondant  moi-même.  »  C'est  donc 
avec  sa  raison  et  avec  lui-même,  comme  si 
c'étaient  deux  personnes,  que  saint  Augustin 
parle  dans  cet  ouvrage. 

2.  11  est  divisé  en  deux  liM-es.  Le  but  que   ,,„  pnmwi- 
le  saint  Docteiu'  s'v  propose  est  de  se  perfec-  '"'■'=    "'''^ 
tionner  dans  la  connaissance  de  Dieu  et  de  p.  355. 
son  âme.  Il  commence  le  premier  par  une 
longue  et  excellente  prière  à  Dieu.  Après 
avoir  reconnu  que  Dieu  est  la  vérité ,  la  sa- 


August.,  lib.  I  Soliloq.,  cap.  x. 


Lib.  II  Soliloq.,  cap.  vu. 


44 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


gesse,  la  vie,  la  béatitude  et  que  c'est  par 
lui  que  tous  ces  biens  sont  communiqués 
aux  hommes;  que  c'est  lui  qui  nous  l'e- 
tire  de  l'erreur  et  qui  nous  fait  entrer  dans 
la  voie  du  salut;  que  celui-là  périt  qui  est 
abandonné  de  lui  ;  qu'il  est  le  souverain  bien, 
que  personne  n'a  cherché  comme  il  faut, 
qu'il  ne  l'ait  trouvé  ;  il  lui  demande  de  le 
convertir  entièrement  à  lui,  et  d'éloigner 
tous  les  obstacles  qui  pourraient  l'empêcher 
d'aller  vers  lui.  Il  se  demande  ensuite  à 
lui-même  quelle  est  la  fin  de  ses  désirs  et 
de  la  prière  qu'il  vient  de  faire  à  Dieu,  et  ré- 
pond que  c'est  de  connaître  Dieu  et  son 
âme.  «  Je  ne  serais  pas  content,  ajoute-t-il, 
si  quelqu'un  me  disais  :  Je  vous  ferai  con- 
naître Dieu  comme  vous  connaissez  Alypius  ; 
je  ne  le  serais  pas  même,  si  je  ne  le  connais- 
sais que  de  la  même  manière  que  je  connais 
les  vérités  les  plus  certaines  des  mathéma- 
tiques, ni  enfin,  si  je  n'en  savais  que  ce  que 
Platon  et  Plotin  en  ont  dit.  La  foi,  dit-il,  l'es- 
pérance et  la  charité  ne  sont  pas  moins  né- 
cessaires pour  s'élever  à  la  connaissance  de 
Dieu  que  pour  l'aimer.  »  Se  demandant  en- 
suite à  lui-même  s'il  aimait  quelque  chose 
outre  la  connaissance  de  Dieu  et  de  lui- 
même  :  ((  Je  pourrais  répondre,  dit-il,  suivant 
la  disposition  où  je  me  sens  actuellement, 
que  je  n'aime  rien  davantage;  mais  je  vois 
bien,  pour  le  plus  sûr,  que  je  suis  obhgé  d'a- 
vouer que  je  n'en  sais  rien.  Car  j'ai  souvent 
l'cmarqué  que  lorsque  je  croyais  être  insensi- 
ble à  tout  le  reste,  il  me  venait  des  choses 
dans  l'esprit  qui  m'y  faisaient  une  impres- 
sion toute  autre  que  je  ne  l'aurais  cru.  D'au- 
tres fois,  si  les  pensées  qui  m'attaquaient  ne 
m'abattaient  pas,  elles  me  troublaient  néan- 
moins plus  que  je  ne  m'y  étais  attendu. 
Mais  à  présent,  il  me  semble  qu'il  n'y  a  que 
trois  choses  dont  je  puisse  être  touché  :  de  la 
perte  de  mes  amis,  de  la  crainte  de  la  dou- 
leur et  de  l'appréhension  de  la  mort.  »  Il  re- 
connaît qu'il  n'était  plus  possédé  ni  de  l'a- 
mour des  richesses,  ni  des  honneurs,  ni  des 
plaisirs  de  la  bouche,  et  que  s'il  usait  des 
autres  avec  quelque  satisfaction,  il  s'en  pas- 
sait sans  peine,  et  que  dans  ce  qui  regardait 
les  besoins  du  corps,  il  n'en  prenait  que  ce  qui 
était  nécessaire  pour  sa  santé;  qu'à  l'égard 
du  mariage,  il  s'était  imposé  la  loi  de  ne  dé- 
sirer, de  ne  chercher,   de  n'épouser  jamais 


de  femme  ;  et  que  l'espérance  de  voir  cette 
beauté  éternelle  après  laquelle  il  soupirait 
ardemment,  s'augmentant  de  jour  en  jour 
en  son  âme,  tous  ses  plaisirs  ,  toutes  ses 
inclinations  se  portaient  vers  elle.  Il  avoue 
néanmoins  qu'il  sentait  encore  quelquefois 
des  mouvements  de  cette  passion  qui  l'avait 
autrefois  dominé  avec  tant  de  violence  ;  mais 
que  lorsque  cela  lui  arrivait ,  il  en  versait 
des  larmes  avec  tant  d'abondance  qu'elles 
nuisaient  à  sa  santé ,  et  que  son  soulage- 
ment, dans  ces  occasions,  était  de  recourir 
à  Dieu  et  de  se  jeter  dans  ses  bras  :  «  Ce- 
lui-là même,  disait-il,  que  je  souliaite  si  ar- 
demment de  voir,  sait  quand  je  pourrai  être 
guéri.  Qu'il  fasse  ce  qu'il  lui  plaira,  qu'il  se 
montre  à  moi  quand  il  le  trouvera  à  propos, 
je  m'abandonne  entièrement  à  sa  miséri- 
corde et  me  remets  à  ses  soins.  C'est  assez 
que  je  sente  qu'il  ne  peut  manquer  de  se- 
courir ceux  qui  sont  dans  cette  disposition.  » 
Saint  Augustin  traite  ensuite  de  la  manière 
dont  on  peut  connaître  l'âme,  et  convient  que 
c'est  seulement  par  la  vérité  :  ce  qui  l'en- 
gage à  examiner  si  le  vrai  et  la  vérité  sont 
deux  choses  diflerentes.  11  soutient  l'affirma- 
tive, et  dit  que  comme  un  homme  chaste 
peut  mourir  sans  que  sa  chasteté  meure,  de 
même  aussi,  ce  qui  est  vrai  peut  périr  sans 
que  la  vérité  périsse. 

3.  Dans  le  second  livre,  saint  Augustin  au;. 
traite  de  l'immortalité  de  l'âme,  et  prouve  u'rc^Jl 
que,  l'âme  étant  la  demeure  de  la  vérité  ^^^• 
et  la  vérité  étant  immortelle,  l'âme  ne  peut 
mourir.  Il  y  fait  diverses  réflexions  sur  la 
vérité  et  la  fausseté,  et  parle  de  deux  per- 
sonnes qui  écrivaient  alors  sur  l'immortalité 
de  l'âme,  l'une  en  prose  à  Milan  même,  c'é- 
tait apparemment  saint  Ambroise,  et  l'autre 
dans  les  Gaules.  On  croit  que  c'était  Zéno- 
bius,  à  qui  sont  adressés  les  deux  livres  de 
l'Ordre.  Il  témoigne,  dans  ses  Rétractations  ', 
ne  point  approuver  ce  qu'il  avait  dit  dans  le 
premier  li%Te  des  Soliloques  -,  que  Dieu  ne 
permet  qu'à  ceux  qui  sont  puis  de  connaître  la 
vérité  ;  puisqu'on  peut  dire  que  plusieurs  de 
ceux  qui  ne  sont  pas  purs  savent  beaucoup 
de  choses  qui  sont  vraies.  Il  y  reprend  aussi 
quelques  expressions  peu  correctes,  entre 
autres  celle-ci  :  Celui  qui  engendre  et  celui 
qu  il  a  engendré  est  un,  au  lieu  de  dire  sont 
un,  ainsi  que  parle  la  Vérité  même  dans  l'É- 


Lib.  I  SolUoq.,  cap.  i. 


Lib.  I.  Rctract.,  cap.  iv, 


[IV"  ET  V'  SIÈCLtS.] 


SAINT  AUGUSTIiN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


vangile  selon  saint  Jean  '  :  Moi  et  mon  Père, 
nous  sommes  un. 
vimmorta-  ^-  Saint  Augiistin,  de  retour  à  Milan,  après 
nié  (ici'â-  avoir  quitté  la  campagne  vers  le  carême  de 
l'an  387,  écrivit  le  livre  de  V Immortalité  de 
l'âme,  comme  un  mémoire  ^  pour  achever 
ses  Soliloques  qui  étaient  demeurés  impar- 
faits. Il  dit  qu'il  ne  sait  comment  ce  livre  est 
devenu  public  malgré  lui ,  en  sorte  qu'on 
l'ait  compté  parmi  ses  ouvrages.  Les  raison^ 
nements  en  sont  serrés  et  exprimés  avec  tant 
de  précision,  qu'ils  fatiguent  le  lecteur  et 
demandent  une  grande  attention;  lui-même 
convient  qu'il  avait  peine  à  les  entendre;  il 
y  a  un  endroit  dont  il  avoue  qu'il  ne  com- 
prenait pas  le  sens.  Voici  quelques-uns  des 
principes  dont  il  se  sert  poiu-  établir  l'im- 
mortalité de  l'âme. 
,    Aiia!y:c      o.  L'âme  est  la  demeure  de  la  science  : 

lie  ce  livre,  ,  . 

p.ig.  887.      or,  la  science  sera  toujours  ;  car  u  sera  tou- 
jours vrai,  par  exemple,  qu'une  ligne  tirée 
par  le  milieu  d'un  cercle  sera  plus  grande 
que  les  autres  lignes  qui  se  couperont  sans 
passer  par  le  centre  :  donc,  l'âme  doit  aussi 
dm'er  toujours.  La  raison  et  l'âme  sont  une 
même  chose  :  or,  la  raison  est  immuable  et 
immortelle,  l'âme  l'est  donc  aussi.  La  science 
et  l'art  sont  immuables ,  et  ils  ne  peuvent 
être  que  dans  l'esprit  ;  l'esprit  est  donc  im- 
muable et  conséquemment  immoi'tel  :  car  on 
ne  peut  pas  dire  que  l'art  et  la  science  ne 
puissent  être  que  dans  un  sujet  vivant.  Tant 
que  l'esprit  ne  sera  pas  séparé  de  la  raison, 
il  demeurera  :  or,  il  n'en  saurait  être  sé- 
paré, puisqu'on  ne   peut  assigner  aucune 
cause  de  cette  séparation  :  donc  il  subsistera 
toujoui'S.   L'âme  n'est  pas   de  pire    condi- 
tion (jue  la  matière  :  or,  quelque  division 
que  l'on  fasse  de  la  matière ,  elle  ne  peut 
être  réduite  au  néant  :  donc  l'âme  ne  peut 
non  plus  y  être  réduite.  Comme  rien  ne  se 
peut  créer,  puisqu'il  faudrait  être  avant  que 
l'on  fût ,  ce  qui  est  absurde ,  rien  aussi  ne 
peut  s'anéantir  soi-même.  Si  cela  est  vrai  du 
corps,  à  plus  forte  raison  l'est-il  de  l'âme. 
La  vie  est  l'essence  de  l'âme  :  elle  ne  peut 
donc  en  être  privée ,  autrement  ce  ne  serait 
plus  une  âme.  L'âme  ne  consiste  point  dans 
l'arrangement  des  parties  du  corps ,  puisque 
plus  l'on  s'efforce  de  la  dégager  des  sens, 
plus  l'on  a  de  facilité  à  comprendre  les  choses, 
n  n'y  a  rien  qui  soit  contraire  à  la  vérité  su- 
prême, ni  conséquemment  à  l'âme  qui  en 


est  une  émanation;  elle  est  donc  immortelle, 
n'y  ayant  rien  qui  puisse  la  détruire ,  puisque 
rien  ne  lui  est  contraire.  L'âme  ne  peut  être 
changée  en  corps  :  il  faudrait  pour  cela,  ou 
qu'elle  voulût  ce  changement ,  ou  qu'elle  pût 
y  être  contrainte  par  le  corps.  Or,  l'un  et 
l'autre  sont  également  absurdes  :  elle  n'est 
point  soumise  au  corps  :  il  ne  peut  donc  la 
contraindre,  et  elle  ne  veut  le  corps  que  pour 
l'avoir  en  sa  puissance  et  pour  le  vivifier.  L'es- 
prit ne  peut  point  être  affaibli  par  le  sommeil 
qui  n'assoupit  que  les  sens  pour  donner  du 
repos  au  corps  ;  si  l'esprit  se  souvient  d'avoir 
raisonné  pendant  le  sommeil  et  d'avoir  donné 
de  bonnes  raisons,  c'est  une  preuve  qu'il 
peut  faire  ses  fonctions  spirituelles  dans  le 
temps  même  qu'il  n'a  pas  l'usage  des  sens 
du  corps  auquel  il  est  uni  ;  l'union  de  l'âme 
avec  le  corps  n'est  point  locale,  quoique  le 
corps  soit  dans  un  lieu  ;  le  corps  ne  subsiste 
qu'en  tant  qu'il  est  animé  par  notre  âme; 
eUe  ne  peut  être  changée  en  une  âme  irrai- 
sonnable ,  parce  qu'il  faudrait  qu'elle  chan- 
geât d'espèce  et  qu'elle  prit  celle  d'une  chose 
qui  lui  est  infériem'e,  et  que,  comme  la  ma- 
tière ,  eUe  occupât  un  espace ,  ce  qui  ne  se 
peut  dire  ,  puisque  l'âme  est  toute  entière 
dans  tout  le  corps  et  dans  chaque  partie  du 
corps  ;  la  matière  ,  au  contraire  ,  n'est  toute 
entière  que  dans  le  tout,  et  non  pas  dans 
chaque  partie  du  tout.  Saint  Augustin,  dans 
ses  livres  des  Rétractations  ',  corrige  quel- 
ques endroits  de  celui  de  l'Immortalité  de 
l'âme,  en  particulier,   l'endroit  où  il  avait 
dit  que  l'esprit  de  l'homme  ne  peut  être  sé- 
paré de  la  raison  éternelle ,  parce  qu'il  ne 
lui  est  pas  uni  localement  :  et  il  reconnaît 
qu'en  cela  il  n'a  pas  parlé  conformément  à 
ce  que  nous  lisons  dans  le  prophète  Isaïe  : 
Vos  péchés  vous  sépa7-ent  de  Dieu.  D'où  il  cou-      i3ai.,ux, 
dut  que  l'on  peut  admettre  une  séparation     ' 
entre  les  choses  qui  ne  sont  pas  unies  loca- 
lement, mais  d'une  manière  spirituelle. 

6,  Il  témoigne,  dans  les  mêmes  livres  des  ,  Hy^  '''-■ 
lietractations  \  que  ce  fut  à  Rome  qu'il  écri-   tâuei-ûmc, 
vit  celui  de  la  Quantité  ou   de  la  Grandeur  ""  ^^^' 
de  l'âme,  peu  de  temps  après  qu'il  eut  quitté 
Milan,  et  lorsqu'il  avait  déjà  reçu  le  baptême. 
Il  avait  fait  auparavant,  dans  la  même  ville, 
les  livres  des  iVœurs  de  l'Eglise  catholique  et 
des  Mœurs  des  manichéens,  qui  devraient  con- 
séquemment être  placés  avant  celui   de  la 
Grandeur  de  l'âme.  Mais  on  l'a  mis  dans  cet 


'  Joan.  X,  30.  —  -  Lib.  Retract.,  cap. 


'  Lib.  I  Retract.,  cap. 


-  '  Ibid.,  cap.  VIII. 


46 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS    ECCLESIASTIQUES. 


endroit ,  parce  qri'il  traite  de  la  même  ma- 
tière que  ceux  dont  nous  venons  de  joarler, 
et  c'est  le  rang  qu'il  tient  dans  les  anciennes 
éditions  comme  dans  la  nouvelle,  quoique 
saint  Augustin  n'en  parle  dans  ses  livres  des 
Rétractations,  qu'après  avoir  parlé  de  ceux 
qui  traitent  des  mœurs  de  l'Eglise  et  de  cel- 
les des  manichéens.  On  met  celui  de  la  Gran- 
deur de  l'âme  vers  le  commencement  de  l'an 
388.  Il  est  en  forme  de  dialogue.  Évodius  y 
propose  les  difEcultés ,  et  saint  Augustin  les 
résout.  Au  lieu  d'Évodius  ,  on  lit  Adéodat 
dans  les  éditions  ordinaires  et  dans  quelques 
manuscrits ,  mais  qui  ne  sont  pas  anciens. 
C'est  une  faute  que  l'on  a  cori-igée  dans  la 
nouvelle  édition,  où  l'on  s'est  fondé  sur  ce 
que  saint  Augustin  '  reconnaît  lui-même 
dans  sa  162=  lettre  à  Évodius-,  que  c'était 
avec  lui  qu'il  s'entretenait  dans  ce  livre. 
D'ailleurs,  celui  qui  parle  dans  ce  dialogue 
avec  saint  Augustin,  se  présente  '  comme 
étant  dans  l'âge  viril,  d'où  l'on  passe  à  la 
vieillesse  :  ce  qui  ne  se  peut  dire  d'Adéodat, 
qui  n'était  âgé  pour  lors  que  d'environ  16  ans. 
7.  Saint  Augustin  agite  dans  ce  dialogue 
plusieiu's  questions  au  sujet  de  l'âme ,  sur 
son  origine  et  sur  sa  nature,  si  elle  est  éten- 
due, pourquoi  elle  a  été  unie  avec  le  corps, 
quel  changement  il  lui  ariive,  en  quel  temps 
elle  entre  dans  le  corps,  et  quand  elle  en 
sort.  Mais  il  s'arrête  principalement  à  exa- 
miner si  elle  est  étendue,  afin  de  montrer 
que  la  grandeur  de  l'âme  n'est  point  une 
quantité  ou  une  grandeur  corporelle,  quoi- 
que l'âme  soit  quelque  chose  de  grand  et 
de  relevé.  C'est  ce  qui  a  fait  intituler  ce 
livre  :  De  la  Grandeur  de  l'âme.  A  la  première 
question  d'Évodius,  qui  regarde  l'origine  de 
l'âme,  saint  Augustin  répond  que  cette  ques- 
tion peut  s'entendre  en  deux  manières  :  où 
est  la  demeure  de  l'âme?  et  quelle  est  la 
matière  dont  elle  est  composée?  La  demeure 
de  l'âme  et  sa  patrie  est  Dieu  qui  l'a  créée. 
Pour  ce  qui  est  de  sa  nature ,  on  ne  peut  la 
nommer  ni  l'expliquer,  n'étant  point  com- 
posée de  parties  sensibles  comme  sont  les 
corps.  Elle  est  unique  dans  son  espèce.  Evo- 
dius demande,  en  second  lieu  :  Quelle  est 
l'âme?  Saint  Augustin  lui  répond  qu'elle  est 
semblable  à  Dieu.  Bien  qu'elle  soit  faite  à 
sou  image,  elle  ne  peut  pas  pour  cela  faire 


ce  que  Dieu  fait;  ce  qui  n'est  pas  surpre- 
nant, puisque  la  représentation  ou  l'image 
de  notre  corps  n'a  pas  la  même  vertu  ni  le 
même  pouvoir  que  notre  corps  même.  Sur 
la  troisième  question ,  si  l'âme  est  étendue  , 
saint  Augustin  répond  :  l'âme  n'a  point  d'é- 
tendue, si  par  ce  terme  on  entend  une  éten- 
due corporelle  ;  elle  est  d'autant  plus  pré- 
cieuse,  qu'elle  n'a  aucun  des  attributs  qui 
conviennent  à  la  matière,  et,  n'aj'ant  aucune 
des  dimensions  corporelles,  elle  ne  laisse  pas 
d'être  une  substance,  différente  toutefois  du 
corps ,  et  même  de  l'air,  qu'on  ne  peut  nier 
être  matériel.  Saint  Augustin  donne  pour 
maxime  qu'il  est  plus  sûr  à  la  multitude, 
lorsqu'il  s'agit  d'examiner  la  nature  des 
choses,  de  s'en  rapporter  plutôt  à  l'autorité 
qu'aux  lumières  de  la  raison.  Il  entre  dans 
le  détail  des  figures  de  mathématique,  et 
parce  que  l'esprit  en  conçoit  toutes  les  pro- 
priétés qui  sont  invisibles,  il  en  infère  qu'il 
est  incorporel ,  et  qu'on  le  peut  définir,  une 
substance  raisonnable  destinée  à  gouverner 
le  corps.  Mais,  dira-t-on,  si  l'âme  n'a  aucune 
des  dimensions  corporelles,  comment  peut- 
on  dire  qu'elle  croît  avec  l'âge  et  que  la  rai- 
son se  perfectionne  ?  Saint  Augustin  l'épond 
que  ce  n'est  qu'une  façon  de  parler  méta- 
phorique, et  qu'on  ne  peut  réellement  attri- 
buer aucun  accroissement  à  l'âme.  Car  si  de 
ce  qu'un  enfant  apprend  peu  à  peu,  on  en 
pouvait  conclure  que  son  âme  en  reçoit  des 
accroissements  avec  l'âge,  il  faudrait  dire 
aussi  qu'elle  diminue ,  lorsque ,  dans  un  âge 
avancé,  on  oublie  ce  qu'on  avait  appris  étant 
jeune.  L'âme  naît  donc  avec  toutes  ses  con- 
naissances, et  quand  on  dit  qu'elle  apprend 
quelque  chose,  cela  ne  signifie  autre  chose 
sinon  qu'elle  se  rappelle  '  ce  qu'elle  savait 
déjà.  Le  saint  Docteur,  retouchant  cet  en- 
droit clans  son  premier  livre  des  Rétracta- 
tions, dit  qu'il  ne  faut  pas  l'entendre  comme 
si  l'âme,  suivant  les  principes  de  la  métemp- 
sycose ,  avait  appris,  soit  dans  un  corps  dif- 
férent de  celui  qu'elle  anime  actuellement, 
soit  hors  du  corps  et  dans  un  autre  monde, 
et  qu'il  faut  expliquer  ce  qu'il  dit  ici  de  la 
capacité  de  l'âme ,  des  choses  purement  in- 
tellectuelles. ((  Car,  ajoutc-t-il,  eUe  n'a  pas 
apporté  avec  elle  la  connaissance  de  tous  les 
arts  '',  de  ceux-là  en  particiûier  qu'on  ne 


1  August.,  Epist.  IfiS,  nmii.  2.  —  ^  C'est  la  lOf 
(les  anciennes  odilious,  mais  la  102»  de  celle  des 
Béuédictins.  [L'éditeur.) 


2  Lib.  De  Quant,  anim.,  cap.  xxiv. 
'  Lili.  De  QiuDit.  anim.,  p.  417. 
■^  Lib.  1  lielract.,  cap.  vin. 


[IV=  ET  V"  SIÈCLES.] 

peut  apprendre  sans  le  secours  des  sens, 
comme  de  la  médecine  et  de  l'astrologie, 
dont  l'âme  ne  sait  que  ce  qu'elle  en  a  appris 
depuis  son  union  avec  le  corps,  n  II  fait  voir 
ensuite  comment  l'âme  se  sert  des  nerfs 
comme  d'instruments  pom'  donner  le  mou- 
vement au  coi'ps,  et  comment  elle  n'est  point 
étendue  comme  le  corps,  quoiqu'elle  sente 
dans  toutes  les  parties  du  corps.  Il  parle  des 
cinq  sens ,  et  distingue  entre  la  raison  et  le 
raisonnement  ;  la  raison  est  le  regard  de 
l'âme,  et  le  raisonnement,  la  recherche  de 
la  raison.  Il  marque  la  différence  de  l'âme 
de  l'homme  de  celle  des  hôtes,  à  qui  il  ac- 
corde des  sensations  sans  connaissances.  Il 
convient  que  leurs  sensations  surpassent  les 
nôtres,  mais  que  nous  les  surpassons  en  es- 
prit, en  raison  et  en  science.  La  sensation 
se  fait  par  le  sentiment,  et  la  science  s'ac- 
quiert par  la  raison.  Ce  que  nous  connais- 
sons par  le  moyen  du  corps  s'appeUe  senti- 
ment, et  on  donne  le  nom  de  science  à  ce  qui 
est  connu  par  la  raison. 

Saint  Augustin  fait  après  cela  le  dénom- 
brement des  qualités  excellentes  de  l'âme 
de  l'homme,  soit  qu'on  la  considère  par  rap- 
port au  corps ,  soit  en  elle-même ,  soit  par 
rapport  à  Dieu,  et  les  réduit  à  sept  chefs  ou 
degrés.  Le  premier  consiste  en  ce  que  l'âme 
anime  le  corps  et  en  empêche  la  dissolution, 
en  faisant  distribuer  également  à  tous  les 
membres  les  aliments  nécessaires.  Le  se- 
cond, en  ce  que  tous  les  sens  font  impression 
sm'  elle;  en  sorte  que  par  le  toucher,  par 
exemple ,  elle  sent  et  distingue  ce  qui  est 
chaud,  froid,  rude,  doux,  et  ainsi  des  autres. 
Le  troisième  degré  regarde  l'étendue  prodi- 
gieuse de  la  mémoire,  qui  lui  rappelle  des 
choses  si  variées  et  en  si  grand  nombre.  Le 
quatrième  la  jette  dans  un  combat  continuel 
au  sujet  des  adversités  et  des  plaisirs  du 
monde,  dans  l'obligation  où  elle  est  de  se 
préférer  elle-même  non  seulement  à  son 
corps ,  mais  aussi  à  toutes  les  choses  corpo- 
relles. Épurée  par  ces  combats  et  victorieuse 
de  tous  ces  obstacles  avec  le  secours  de  la 
souveraine  justice,  l'âme  se  réjouit  en  elle- 
même  et  n'a  plus  rien  à  craindre.  Se  voyant 
donc  tranquille ,  elle  s'applique  avec  con- 
fiance à  la  contemplation  de  la  vérité  su- 
prême, et  parvient  enfin  à  jouir  du  vrai  et 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


47 


Livre  de 
la  Musi  - 
que ,  écrit 
cil  3S9. 


du  souverain  bien.  C'est  ce  qui  constitue  les 
cinquième,  sixième  et  septième  degrés.  De 
tant  d'excellentes  qualités  dont  l'âme  est  or- 
née, saint  Augustin  conclut  que  de  toutes 
les  créatures,  l'âme  est  celle  qui  approche 
le  plus  de  la  nature  de  Dieu.  Elle  est  aussi 
douée  du  libre  arbitre  ,  et  rien  ne  peut  l'en 
priver.  Il  ne  répond  point  aux  trois  autres 
questions  d'Évodius ,  mais  il  finit  ce  traité 
par  une  réflexion  sui'  la  véritable  rehgion, 
qu'il  fa't  consister  dans  le  retour  de  l'âme  à 
Dieu,  dont  elle  s'était  séparée  par  le  péché. 

§  vn. 

Des  livres  de  la  Musique  et  du  Maiti'e. 

i.  Pendant  le  séjom-  que  saint  Augustin 
fit  à  IMilan  *  pour  se  disposer  au  baptême ,  il 
travailla  à  divers  ouvrages  sur  les  belles- 
lettres  et  les  sciences.  Mais  il  n'y  acheva  que 
celui  de  la  grammaire ,  ayant  laissé  impar- 
faits ceux  qui  traitaient  de  la  logique ,  de  la 
rhétorique,  de  la  géométrie,  de  l'arithméti- 
que, de  la  philosophie  et  de  la  musique.  De 
retour  en  Afrique,  après  son  baptême  ^,  vei'S 
l'an  389,  il  reprit  ce  qu'il  avait  commencé 
sur  la  musique,  et  composa  six  livres  sur 
cette  matière.  Ils  sont  en  fonne  de  dialogue 
entre  le  maître  elle  disciple,  ou  comme  por- 
tent divers  manuscrits ,  entre  lui  et  son  dis- 
ciple Licentius,  cpii  avoue  dans  le  troisième 
livre  ',  ne  savoir  pas  alors  queUes  syllabes  il 
fallait  faire  longues  ou  brèves.  Saint  Augustin 
fit  cet  ouvrage  comme  un  jeu  d'esprit  dans 
les  moments  *  que  d'autres  soins  plus  impor- 
tants lui  laissaient  vides.  Il  n'y  traite  que 
cette  seule  partie  de  la  musique,  qui  regarde 
le  temps  et  le  mouvement,  se  réservant  à 
faire  °  encore  six  autres  livres  sur  la  modu- 
lation quand  il  en  aurait  le  loisir.  Mais  les 
soins  de  l'épiscopat  lui  firent  tomber  des 
mains  tous  ses  amusements  agréables. 

2.  Le  but  de  cet  ouvrage  est  de  montrer 
comment,  par  le  moyen  des  nombres  mua- 
bles  '^,  soit  corporels,  soit  spirituels,  on  peut  Qm.i  en  usi 
arriver  aux  nombres  immuables  qui  ne  se  '■=  '''^s*'^'"- 
trouvent  que  dans  la  vérité  incapable  de 
changement,  et  connaître  les  merveilles  in- 
visibles de  Dieu  par  ses  ou-^Tages  visibles. 
Les  cinq  premiers  hvi-es  sont  très-difficiles  à 
entendre  ',  à  moins  qu'on  n'ait  quelqu'un  qui 


DilTiculté 
qu'il  y  a 
d'  entendre 
livres. 


*  Augiist.,   lib.    I  Retract.,  cap.  vi.   —  '   Ibid. 
'  Aujïiist.,   lib.  III,   de  ilnsic,  nuui.    3,   i).   474. 

*  August.,  Epis  t.  101  ad  Mentor.  —  ^  Ibid. 


^  August.,  lib.  I  Retract.,  cap.   rr.  —  '  August., 
Epist.  101. 


HISTOmE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


puisse  non-seulement  distinguer  ce  que  ce 
Père  fait  dire  à  chacun  des  interlocuteurs, 
mais  encore  faire  sonner  les  longues  et  les 
brèA^es,  en  sorte  que  les  différentes  propor- 
tions des  nombres  s'entendent  et  frappent 
l'oreille.  Ce  qui  est  d'autant  plus  difficile 
que  les  sons  des  mots  qui  sont  apportés  en 
exemple  sont  entremêlés  de  certains  silences 
mesurés ,  qu'on  ne  saurait  aperceA'oir  à 
moins  d'être  aidé  par  un  homme  qui  pro- 
nonce selon  les  règles.  C'est  pourquoi  il  ne 
croit  pas  qu'ils  vaillent  la  peine  qu'on  les  lise, 
ni  qu'on  se  fatigue  pour  les  entendre,  d'au- 
tant que  l'on  trouvera  massé  dans  le  sixième 
livre  S  tout  le  fruit  que  l'on  peut  tirer  des  au- 
tres :  c'est  ce  qui  rendit  ce  livre  le  plus  cé- 
lèbre de  tous  ^.  Saint  Augustin  a  surtout  en 
vue  les  jeunes  gens,  et  les  autres  même  plus 
âgés,  qui  ont  de  l'esprit  et  de  l'amour  pour 
les  belles-lettres,  et  il  s'y  applique  à  leur  faire 
comme  un  degré  de  ce  qu'ils  aiment,  pour 
s'élever  peu  à  peu  jusqu'à  celui  que  nous 
devons  seul  aimer,  afin  qu'ils  s'attachent  à  lui 
par  l'amom"  de  la  vérité  immuable.  «  Celui 
donc,  dit-il  ^,  qui  lira  ces  cinq  livres,  recon- 
naîtra que  nous  nous  y  entretenons  avec 
ceux  qui  aiment  les  lettres  et  la  poésie,  non 
pour  nous  arrêter  avec  eux ,  mais  pour  nous 
avancer  ensemble.  Et  quand  il  sera  venu  au 
sixième  livre,  si  Dieu  me  fait  la  grâce,  comme 
je  l'espère  et  comme  je  l'en  supplie,  de  se- 
conder mon  dessein  et  mon  intention,  il  ju- 
gera que  le  chemin  si  bas  où  nous  marchons 
est  pour  arriver  à  quelque  chose  de  fort  grand 
et  sublime  ,  et  qu'ainsi,  si  nous  aimons 
mieux  prendre  une  route  si  basse  avec  les 
faibles,  plutôt  que  de  les  précipiter  en  leur 
faisant  prendre  un  trop  grand  effort,  ils  ju- 
geront ou  que  nous  n'avons  pas  péché  en 
cela,  ou  que  notre  faute  est  légère.  »  Il  dit 
ailleurs,  que  ceux  qui  n'ont  pas  l'esprit  assez 
subtil  pour  suivre  le  chemin  qu'il  trace  dans 
ses  livres  de  la  musique  et  qui  néanmoins 
vivent  de  la  foi  de  Jésus-Christ,  font  ce  même 
chemin,  non  en  y  marchant  avec  peine  et 
avec  fatigue,  mais  en  y  volant  en  quelque 
sorte, soutenus  par  les  ailes  de  la  charité  ; 
que  sans  avoir  besoin  de  la  lueur  et  du  faible 
éclat  des  raisonnements  humains,  ils  arrivent 
à  cette  bienheureuse  fin  par  la  force  et  la 
puissance  du  feu  de  leur  charité  qui  les  pu- 
rifie et  qu'ils  pai'viennent  enfin  après  cette 


vie ,  au  lieu  où  ce  feu  de  la  charité  con- 
duit, mais,  d'une  manière  plus  sûre  et  plus 
heureuse  que  les  autres  ;  que  ceux ,  au  con- 
traire, qui  ont  assez  d'intelligence  pour  en- 
tendre ces  raisonnements,  se  perdent  mal- 
heureusement avec  toute  leur  science,  s'ils 
ne  sont  conduits  par  la  foi  du  Médiateur.  Li- 
centius  *  et  l'évêque  Mémorius  ^  demandè- 
rent à  saint  Augustin  ses  six  livres  de  la  mu- 
sique, et  il  promit  de  les  envoyer  à  ce  dernier 
quand  il  les  aurait  corrigés  :  en  attendant  il 
lui  envoya  le  sixième,  l'aj^ant  trouvé  correct, 
et  ne  le  croyant  pas  indigne  de  son  atten- 
tion ".  On  ne  sait  s'il  lui  fît  part  des  cinq  au- 
tres. [Angelo  Maï  a  publié  dans  le  troisième 
volume  des  Scrrptores  w^eres  (llG-lSo)  un 
abrégé  des  six  livres  de  la  musique.  Cet 
abrégé,  publié  d'après  un  manuscrit  très-an- 
cien, offre  quelques  variantes  à  l'ouvrage 
entier  de  saint  Augustin  et  est  par  consé- 
quent bon  à  pubher  pour  les  nouveaux  édi- 
teurs.] 

Dans  le  premier  livre,  saint  Augustin  traite  des  '"vrcs 
de  la  musique  en  général,  qu'il  définit  la  qui!""îiBg.' 
science  de  chanter  avec  harmonie  et  avec  me-  "''• 
sure.  Il  y  parle  aussi  des  divers  nombres  qui 
servent  à  la  mesiu'e  des  temps  et  de  leur  pro- 
portion. Dans  le  second,  il  traite  des  syllabes 
et  des  pieds  mesurés,  c'est-à-dire,  composés 
de  longues  et  de  brèves,  dont  il  rapporte 
vingt-huit  espèces.  Il  montre  dans  le  troisième 
quelle  différence  il  y  a  entre  rliythme,  mesure 
et  vers  ;  après  quoi  il  traite  en  particulier  du 
rhythme  ou  cadence;  puis  il  commence  à 
parler  de  la  mesure  des  vers  ;  il  y  emploie 
encore  tout  le  quatrième  hvre.  Le  cinquième 
renferme  ce  qui  regarde  les  vers  et  leurs  dif- 
férentes espèces.  Dans  le  sixième,  il  fait  voir 
que  la  musique  doit  contribuer  à  élever  le 
cœur  et  l'esprit  à  une  harmonie  toute  céleste 
et  toute  divine.  C'est  pourquoi  il  y  traite  des 
nombres  muables,  soit  corporels,  soit  spiri- 
tuels, comme  étant  des  degrés  pour  parvenir 
aux  nombres  immuables  qui  ne  se  trou- 
vent que  dans  la  vérité  immuable.  Il  y  fait 
voir  que  l'on  ne  peut  A'aincre  l'amour  des 
choses  temporelles  que  par  la  doucem'  et 
l'avant-goût  des  biens  éternels,  et  que  l'âme 
est  rappelée  à  l'amour  de  Dieu  par  le  bel 
ordre  et  l'arrangement  qu'elle  aime  dans  les 
choses  créées.  D.  y  dit  aussi  quelque  chose 
des  quatre  vertus  qui  rendent  en  ce  monde 


1  Augn&L,  Epist.  dOl. 
Beiract.  cap.  ii. 


-  Ibid.  —  "  Aiigust.,  lib.  '  Angiist.,  lib.  VI  de  Music. ,cip.  l.  —  ^  IJ.,  Epist. 

39.  — "'•i  Epist.  101.  —  '  Ibid. 


flV°  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


49 


l'âme  parfaite ,  savoir  :  la  tempérance  ,  la 
force,  la  justice,  la  prudence.  Par  la  tempé- 
rance ,  qui  consiste  à  nous  détacher  des 
choses  inférieures  et  à  combattre  nos  an- 
ciennes habitudes,  nous  nous  mettons  en  état 
de  pouvoir  résister  aux  puissances  aérien- 
nes jalouses  de  notre  bonheur.  La  force  fait 
que ,  dans  les  affaires  du  salut ,  nous  ne 
craignons  ni  adversités,  ni  la  mort  même. 
La  justice  nous  apprend  à  ne  servir  et  à 
n'adorer  que  Dieu.  La  prudence  nous  fait 
distinguer  les  choses  temporelles  et  infé- 
rieures des  supérieures  et  des  éternelles,  et 
nous  enseigne  en  même  temps  à  ne  nous 
servir  des  premières  que  par  rapport  aux  se- 
condes. Ces  quatre  vertus  se  trouvent  aussi 
dans  les  bienheui'eux,  mais  d'une  autre  ma- 
nière que  dans  nous.  En  examinant  si  l'âme 
souffre  quelque  chose  de  la  part  du  corps  et 
comment  se  font  ses  sensations,  saint  Au- 
gustin dit  que  l'âme  n'anime  le  corps  que 
par  l'intention  de  celui  qui  l'a  créé  ;  qu'elle 
ne  souffre  rien  de  la  part  du  corps  ;  qu'elle  en 
dispose  et  agit  dans  lui  comme  l'ayant  reçu 
de  Dieu  en  subjection  ;  qu'elle  y  opère  avec 
plus  ou  moins  de  facilité,  selon  qu'elle  trouve 
dans  le  corps  plus  ou  moins  de  résistance, 
que  cette  résistance  est  proportionnée  aux 
mérites  ou  démérites  de  l'âme ,  c'est-à-dire 
à  proportion  de  ce  qu'elle  en  réprime  les 
mouvements  déréglés,  ou  qu'elle  ne  les  ré- 
prime pas.  Tous  les  objets  extérieurs  ne 
font  point  d'impression  sur  l'âme,  mais  sur 
le  corps;  mais  ce  qui  fait  son  plaisir  ou  sa 
douleur,  vient  de  la  différente  manière  dont 
son  corps  est  frappé  au  dehors.  H  dit  à  ceux 
qui  liront  cet  ouvrage  qu'il  l'a  composé  seu- 
lement pour  les  faibles  et  non  pour  ceux  qui, 
appuyés  de  l'autorité  de  la  foi  en  un  Dieu 
suprême,  adorent  la  consubstantielle  et  im- 
muable Trinité,  et  sont  purifiés,  non  par  les 
étincelles  des  raisonnements  humains,  mais 
par  le  feu  ardent  de  la  charité.  Il  n'eût  pas 
même,  ajoute-t-il,  osé  prendre  cette  voie 
pour  les  instruire,  s'il  n'eût  eu  l'exemple  de 
plusieurs  catholiques  de  mérite  qui  l'avaient 
employée  avant  lui,  pour  réfuter  les  héréti- 
ques, faisant  servir  à  cela  les  talents  et  les 
facultés  qu'ils  avaient  acquises  par  l'étude 
des  lettres  humaines. 

5.   Saint    Augustin    écrivit   le    livre    du 


Maître  '  ,  lorsqu'Adéodat  était  dans  sa  Hfatirc,  ce 
seizième  année,  la  seconde  depuis  qu'ils  î'i'ènt  "^"cr? 
avaient  reçu  le  baptême,  c'est-à-dire  vers  le  |,a„"  j^,'  ' 
milieu  de  l'an  389.  Il  n'y  avait  pas  longtemps 
qu'il  avait  achevé  ses  livres  de  la  Musique  : 
c'est  pourquoi  il  place  le  Uvre  du  Maître  im- 
médiatement après  ceux-là,  dans  son  pre- 
mier livre  des  Rétractations  \  Il  est  écrit  en 
forme  de  dialogue  entre  lui  et  Adéodat,  son 
fils,  et  il  proteste  ^  que  toutes  les  pensées  qui 
y  sont  écrites  au  nom  d'Adéodat,  sont  effec- 
tivement de  lui,  quoiqu'il  n'eût  encore  que 
seize  ans.  «  J'ai  même  vu ,  ajoute-t-il,  des 
choses  encore  plus  admirables  de  cet  en- 
fant, et  la  grandeur  de  son  esprit  m'éton- 
nait.  »  n  traite  dans  cet  ouvrage  de  la  force 
et  de  la  signification  des  mots,  et  fait  voir 
par  divers  raisonnements  et  par  l'autorité  de 
l'Ecriture  que  ce  ne  sont  pas  les  paroles  que 
les  hommes  font  retentir  à  nos  oreilles  qui 
enseignent  la  science  à  l'homme,  mais  que 
la  vérité  éternelle,  Jésus-Christ,  le  Verbe  de 
Dieu  est  notre  seul  et  véritable  maître,  et 
que  la  vie  bienheureuse  consiste  à  l'aimer  et 
à  le  connaître, 

§  vm. 

Des  trois  livres  du  Libre  arbitre. 

I.  Les  trois  livres  du  Libre  arbitre  ne  sont  .'-ivre  du 
pas  de  la  même  année.  Saint  Augustin  corn-  't!-7^  "rag." 
mença  le  premier  étant  à  Rome  en  388,  et  les  ,""  'jg^y 
deux  autres  ne  furent  achevés  qu'en  393 ,  et 
après  qu'il  eut  été  fait  prêtre  *.  Il  envoya  cet 
ouvrage  à  saint  Paulin,  en  lui  disant  ^  qu'il 
souhaiterait  que  la  question  importante  y  fût 
traitée  avec  une  clarté  et  une  solidité  qui  ré- 
pondit à  la  grosseur  de  leur  volume.  Quelque 
temps  après,  il  écrivit  à  Secondin,  manichéen 
de  Rome,  que  s'il  voulait  lire  ces  livres  ^  il 
les  trouverait  à  Noie  chez  saint  Paulin.  Il  y 
renvoya  encore  Evodius  ',  le  même  avec  qui 
il  s'y  entretient,  car  ils  sont  en  forme  de  dia- 
logue. Marcellin  ^  ayant  trouvé  à  redire  à  un 
endroit  du  troisième  livre,  saint  Augustin  en 
prit  la  défense,  mais  aprèsavoir  déclaré  qu'il 
reconnaissait  sans  peine  que  ses  ouvrages 
n'étaient  point  exempts  de  fautes,  et  que  ceux 
qui  lui  montreraient  celles  qu'il  ne  voyait  pas 
lui  feraient  plaisir.  «Voilà,  lui  dit-il,  ce  que 
je  pense  de  mes  ouvrages.  »  Venant  ensuite 


i  August.,    lib.  IX  Confes.,  cap.  vi.  —  ^    Idem, 
lib.  I  Hetract  cap.  sn.— s  Lib.  IX  Confes.,  cap.  vr. 
—  3  Lib.  I  Reiract.,  cap.  is. 
IX. 


*  August.    Epist.    31,  num.    7.  —  ^  Lib.   Cent. 
Secund.  —  ^  Epiât.  1C2,  num.  2. 
■^  E2nst.  143. 

4 


HISTÛIIIE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


50 

à  l'endroit  auquel  on  avait  trouvé  à  redire , 
et  où  on  lisait  que  l'âme  qui,  par  un  effet  de 
l'ordre  qu'il  a  plu  à  Dieu  d'établir,  a  été  atta- 
chée à  une  nature  si  fort  aa- dessous  de  la 
sienne ,  c'est-à-dire  à  la  nature  corporelle ,  ne 
gouverne  pas  tout  à  fait  son  corps  comme  elle 
voudrait,  et  n'en  dispose  qu'autant  que  les 
lois  générales  de  l'ordre,  établies  de  Dieu,  le 
permettent  ;  il  répond  :  «  Si  ceux  qui  préten- 
dent que  je  me  suis  déterminé  par-là  à  ime 
opinion  fixe  sur  l'origine  de  l'âme,  et  que  j'ai 
voulu  dire,  ou  qu'elle  passait  des  pères  dans 
les  enfants,  ou  que  c'est  une  punition  de  cer- 
tains péchés  commis  dans  je  ne  sais  quelle  vie 
qui  ait  précédé  ceUe-ci,  qu'elle  est  jetée  et  en- 
fermée dans  le  corps;  si  ceux-là,  dis-je,  veu- 
lent bien  examiner  ce  que  je  dis  dans  cet  en- 
droit-là, ils  verront  qu'en  me  tenant  à  ce  qui 
est  certain,  que,  depuis  le  péché  du  premier 
homme,  les  autres  hommes  sont  nés  et  naî- 
tront jusqu'à  la  fin  des  siècles,  dans  une  chair 
de  péché  pour  la  guérison  de  laquelle  Jésus- 
Christ  est  venu  dans  une  chair  semblable  à 
ceUe  du  péché;  j'ai  choisi  et  mesuré  mes  pa- 
roles de  teUe  sorte  qu'on  n'en  saurait  tirer  de 
préjugé  contre  aucune  des  quatre  opinions 
sui'  l'origine  de  l'âme  que  je  propose  dans 
ce  lieu-là,  sans  en  établir,  ni  même  en  appro- 
fondir aucune.  Je  les  ai  toutes  laissées  à  part 
pour  n'étabfir  que  ce  que  j'avais  entrepris, 
qui  est  que  de  quelque  côté  que  fût  la  vérité 
entre  les  quatre,  nous  avions  toujours  sujet 
de  louer  Dieu  et  de  le  remercier.  » 

Saint  Augustin,  écrivant  depuis  à  saint  Jé- 
rôme ',  lui  marque  de  quelle  manière  il  avait 
parlé  dans  ses  livres  de  l'origine  de  l'âme  dans 
le  corps,  sans  songer  aux  prisciUianistes  dont 
il  n'avait  pas  encore  ouï  parler.  H  lui  dit  aussi 
qu'il  ne  s'y  était  pas  beaucoup  étendu  sur  le 
baptême  des  enfants,  et  qu'il  n'avait  point 
parlé  de  leur  damnation  lorsqu'ils  meurent 
sans  baptême,  parce  que  cela  n'entrait  point 
dans  son  sujet.  Ces  trois  livres  sont,  comme  on 
vient  de  le  dire,  écrits  en  forme  de  dialogue, 
où  saint  Augustin  s'entretient  avec  Evodius. 
Le  sujet  de  lem-s  discours  ^  est  de  chercher 
la  cause  et  l'origine  du  mal ,  et  ils  s'efforcent 
l'un  et  l'autre  de  découvrir  par  les  lumières 


de  la  raison  ce  que  l'autorité  divine,  àlaquelle 
ils  avaient  soumis  leur  esprit ,  les  avait  déjà 
obligés  d'en  croire.  Comme  après  cet  examen, 
ils  convinrent  que  le  mal  ne  venait  que  du  li- 
bre arbitre,  ils  intitulèrent  ainsi  les  trois  livres 
qui  contiennent  ce  qui  fût  dit  dans  leurs  en- 
tretiens, n  se  présenta  pendant  qu'ils  discou- 
raient ensemble  diverses  autres  questions,  ou 
difficiles  à  résoudre,  ou  qui  demandaient  une 
trop  longue  discussion ,  mais  ils  ne  voulurent 
point  s'y  arrêter;  et  saint  Augustin  se  con- 
tenta de  montrer  que,  quelque  sentiment 
qu'on  eût  sur  ces  questions,  on  ne  pouvait 
disconvenir  que  Dieu  ne  fût  toujours  louable 
dans  ses  œuvi'es.  11  ne  parle  pas  non  plus  de 
la  grâce  par  laquelle  Dieu  prépare  la  volonté 
de  ses  élus,  et  s'il  en  dit  quelque  chose ,  ce 
n'est  qu'en  passant;  parce  qu'il  n'en  était  pas 
question ,  vu  qu'il  y  a  de  la  différence  entre 
savoir  d'où  vient  le  mal,  et  chercher  comment 
on  peut  recouvrer  le  bien  qu'on  a  perdu  ou 
en  acquérir  un  plus  grand.  Les  pélagiens  qui 
n'établissaient  le  libre  ai'bitre  que  pour  dé- 
truire le  mystère  de  la  grâce,  en  voulant  que 
Dieu  la  donnât  selon  les  mérites ,  ne  pou- 
vaient donc  tirer  avantage  de  ce  que  saint 
Augustin  avait  dit  dans  ses  trois  livres  en  fa- 
veur du  libre  arbitre.  Pelage  les  cite  toutefois, 
prétendant  que  saint  Augustin  y  avait  ensei- 
gné, tant  dans  le  pi-emier  livre  que  dans  les 
deux  suivants ,  que  la  grâce  se  donnait  selon 
les  mérites,  et  que  le  fibre  arbitre  se  suffisait 
à  lui-même  pour  éviter  le  péché.  Ce  fut  pour 
lui  répondre ,  que  saint  Augustin  écrivit  le 
livre  qui  est  intitulé  :  De  la  Nature  et  de  la 
Grâce,  et  il  y  fit  voir  '  que ,  dans  les  endroits 
mêmes  cités  par  Pelage ,  il  détruisait  le  mau- 
vais sens  que  cet  hérésiarque  donnait  à  ces 
paroles;  ajoutant  que  si  Pelage  voulait  con- 
fesser tout  ce  qui  était  dans  les  endroits  qu'il 
citait,  on  n'aurait  plus  rien  à  lui  dire  sur  ce 
sujet.  Car  quoique  les  trois  livres  du  Libre  ar- 
bitre îussenï  écrits  contre  les  manichéens,  et 
non  contre  les  pélagiens  dont  les  erreurs  n'é- 
taient pas  encore  connues ,  saint  Augustin  ne 
laisse  pas  de  les  détruire  suffisamment.  En 
effet,  il  enseigne  dans  le  second  livi'e  '  que 
les  moindres  biens ,  de  même  que  les  plus 


•  Epist.  166,  num.  18.  —  '  Lib.  I  Reiract., 
cap.  IX.  —  '  August.,  lib.  de  Natura  et  Gra- 
tta, cap.  6  et  7. 

*  Abundantia  et  magniludo  bonitatis  Dei  non 
solum  magna,  sed  etiam  média  et  minima  bona 
esse  prœstUit...  Tuautem  pietatcm  inconcussam 
tene,  et  nuUum  tibi  bonum  vel  senlienli,  vel 


inteUigenti  vel  quoqno  modo  cogitanti  occu^r- 
rat,  quod  non  sit  ex  Deo...  sed  qtioniam  non 
sicut  homo  sponte  cecidit,  ita  etiam'  sponte  sur- 
gere  potest,  porrectam  nobis  desuper  dexleram 
Dei,  id  est,  Doininwn  nostrum  Jesunt,  Christum, 
firnia  fide  teneamus.  August.,  lib.  11  de  Lib.  arb. 
cap.  xix,  uum.  50,  et  cap.  xx,  num.  39. 


\IX'  ET  Y"  SIÈCLES. 1 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


51 


grands  sont  de  Dieu;  que  toute  bonne  pen- 
sée ne  vient  que  de  Dieu;  que  l'honime  ne 
peut  se  relever  de  sa  chute,  si  Dieu  ne  lui  tend 
et  ne  lui  prête  la  main,  et  il  se  sert  dans  ses 
livres  des  Rétractations  '  de  ce  qu'il  avait  dit 
dans  ceux  du  Libre  arbitre,  pour  montrer  que 
longtemps  avant  l'hérésie  pélagienne,  ilavait 
enseigné  que  tout  bon  mouvement  du  libre 
arbitre  est  un  don  de  Dieu. 
Analyse      2.  Dans  le  premier  livre,  saint  Augustin 
!rr^")a"  explique  la  question  difficile  de  l'origine  du 
0.  mal  qui  avait  autrefois  si  longtemps  agité  son 

esprit,  et  l'avait  fait  tomber  dans  l'hérésie  des 
manichéens.  «Dieu  étant,  dit-il,  bon  par  lui- 
même  ,  il  ne  peut  être  l'auteur  du  mal  ;  cha- 
cun est  l'auteur  du  mal  qu'il  fait;  et  on  ne 
peut  pas  dire  que  celui  qui  pèche  ait  vu  naître 
celui  qnii  lui  ait  appris  à  mal  faire.  »  Le  mal 
tire  son  origine  du  libre-arbitre,  qui  suit  vo- 
lontairement les  mouvements  de  cette  cupi- 
dité criminelle  qu'on  appelle  convoitise,  et 
qui  est  l'amour  de  toutes  les  choses  qu'on 
peut  perdre  contre  son  gré.  Nous  avons  en 
nous-mêmes  une  impression  de  la  loi  éter- 
nelle, qui  veut  que  toutes  choses  soient  par- 
faitement dans  l'ordre,  et  cette  loi  est  si  im- 
muable ,  qu'il  n'y  a  ni  violence ,  ni  hasard , 
ni  aucun  renversement  dans  le  monde,  cpii 
puisse  jamais  empêcher  qu'il  ne  soit  juste 
que  tout  soit  exactement  dans  l'ordre ,  et  cet 
ordre  demande  que  l'homme  lui  soit  toujours 
soumis.  La  raison  qui  distingue  l'homme  des 
bêtes  doit  toujours  dominer  en  lui;  il  n'est 
contraint  par  aucun  endroit  d'obéir  à  la  cu- 
pidité sur  laquelle  il  a  un  véritable  empire  ; 
s'il  y  obéit,  il  mérite  d'en  être  puni,  parce 
qu'il  y  obéit  de  son  plein  gré  ;  comme  il  est 
en  son  pouvoir  de  faire  le  mal ,  il  peut  aussi 
faire  le  bien  s'il  le  veut;  en  sorte  que  c'est 
notre  volonté  qui  nous  rend  heureux  ou  mal- 
heureux. Par  conséquent ,  tout  homme  ^  qui 
veut  vivre  dans  la  justice  et  dans  l'honnê- 
teté ,  s'il  veut  cela  plus  qu'il  ne  veut  tous 
les  biens  passagers  et  fugitifs,  parviendra  à 
ce  bien  véritable  avec  tant  de  facilité  qu'il 
ne  lui  en  coûte  rien  auti-e  chose  pour  avoir 
ce  qu'il  veut,  que  de  le  vouloir.  «  Ce  n'est  pas 
que  tous  les  hommes  ne  veuillent  être  heu- 
reux: les  bons  et  les  méchants  le  souhaitent; 


mais  avec  cette  différence,  que  les  bons  s'en 
rendent  dignes  par  leurs  bonnes  actions,  et 
que  les  mauvais  ne  font  pas  ce  qu'ils  de- 
vraient faire  pour  être  hem^eux.  Ceux-là 
obéissent  à  la  loi  éternelle  qui  nous  défend  de 
nous  attacher  aux  biens  temporels  ;  ceux-ci , 
au  contraire,  n'aiment  point  cette  loi,  et  sont 
attachés  à  tout  ce  qu'elle  défend,  à  l'amour 
des  richesses,  des  honneurs  et  des  voluptés. 
N'attachons  point,  comme  eux,  notre  affection 
aux  biens  de  la  terre,  en  sorte  qu'ils  devien- 
nent comme  des  membres  et  des  parties  de 
notre  cœur,  ce  qui  est  le  propre  effet  de  l'a- 
mour ;  de  crainte  que  si  ces  biens  nous  sont 
ravis,  ils  n'ensanglantent,  pour  ainsi  dire, 
et  ne  rouillent  notre  âme  par  la  plaie  qu'elle 
en  souffrira  ;  mais  élevons-nous  tout  entiers 
au-dessus  de  ces  biens  terrestres,  afin  d'être 
prêts  à  les  avoir  et  en  user,  s'il  est  néces- 
saire ,  et  encore  plus  prêts  à  les  pei'dre  et  à 
en  être  privés.  » 

3.  Le  second  livre  commence  par  cette  Analyse 
question  d'Evodius  :  Pourquoi  Dieu  a  accordé  wwe,  i  ag. 
à  l'homme  la  liberté  de  pécher,  qui  lui  est  si  ^^''' 
préjudiciable  ?  Saint  Augustin  répond  :  «Nous 
ne  devons  point  croire  que  Dieu  ait  donné  à 
l'homme  le  libre  arbitre ,  précisément  parce 
que  c'est  par  le  libre  arbitre  que  nous  pé- 
chons ;  mais  parce  que  sans  lui  l'homme  ne 
peut  bien  vivre.  Dès  le  moment  que  l'on  con- 
vient qu'il  est  un  don  de  Dieu,  il  n'a  pu  nous 
être  donné  d'une  autre  manière  quil  nous  a 
été  donné  :  celui  de  qui  nous  l'avons  reçu 
n'étant  répréhensible  en  aucune  des  choses 
qu'il  a  faites.  »  Pour  éclaircir  davantage  la 
question  d'Evodius  ,  le  saint  Docteur  s'en 
propose  trois  autres  ;  la  première ,  comment 
il  est  évident  qu'il  y  a  un  Dieu  ;  la  seconde, 
si  tous  les  biens,  quels  qu'ils  soient,  vien- 
nent de  lui;  la  troisième,  si  l'on  doit  compter 
la  liberté  de  notre  volonté  parmi  les  biens. 
Pour  résoudre  la  première  question,  il  entre 
dans  le  détail  de  tout  ce  qu'il  y  a  de  grand 
dans  l'homme,  et  relève  surtout  la  raison 
dont  son  âme  est  douée.  Ensuite,  il  fait  voir 
qu'il  y  a  un  être  plus  parfait  que  notre  âme, 
et  que  cet  être  est  la  vérité  même,  la  bonté 
même  et  la  sagesse  même,  c'est-à-dire  notre 
Dieu ,  qui  nous  a  délivrés  de  la  mort  et  de 


1  Ecce  antequampelagiana  hœresis  exstitisset, 
sic  dispuiavimus  :  cum  enim  omnia  bona  dice- 
rentur  ex  Deo...  sequitur  ut  ex  Bto  sit  etiam 
bonus  usus  liberœ  voluntatis.  Aug.,  lib.  I  Relract. 
cap.  XI,  num.  5. 


-  Ex  quo  conficitur  ut  quisquis  recte,  hones- 
teque  vtiU  vivere.  si  id  velle  prœ  fugacibus  bo- 
nis velit,  assequatur  tantam  rem  tanta  felici- 
tate,  ut  nil  aliud  «i  quam  ipstim  velle,  sit  ha- 
ijfij'e  quod  voluit.  Lib.  I,  cap.  xiii,  num.  29. 


52 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


la  servitude  du  péché.  Notre  liberté  consiste 
à  être  soumis  à  cette  Térité,  et  c'est  elle  aussi 
qui  fait  notre  bonheui-,  parce  que  nous  en 
jouissons  avec  assurance  de  ne  le  point  per- 
dre. H  répond  à  la  seconde  question,  en  mon- 
trant que  tout  bien  et  toute  perfection  vien- 
nent de  Dieu  ;  il  distingue  pour  cela  trois 
sortes  de  biens;  les  plus  grands,  qui  sont  les 
vertus  qui  nous  font  bien  vivre  ;  les  plus  pe- 
tits, qui  sont  les  idées  des  objets  corporels 
sans  lesquels  on  ne  peut  bien  vivre;  et  les 
médiocres,  parmi  lesquels  il  met  les  puissan- 
ces de  l'âme,  t'on  ne  saurait  mal  user  des 
premiers,  c'est-à-dire  de  la  vertu,  parce  que 
le  propre  effet  de  la  vertu  est  de  nous  faire 
bien  user  des  choses  dont  nous  pourrions 
abuser;  mais  on  peut  mal  user  des  seconds 
et  des  derniers.  Le  libre  arbitre  est  du  nom- 
bre des  biens  médiocres ,  quoiqu'on  puisse 
s'en  servir  pour  faire  le  mal;  et  c'est  ce  que 
prouve  saint  Augustin  pour  répondre  à  la 
troisième  question.  La  raison  principale  qu'il 
en  donne ,  est  la  même  qu'il  avait  déjà  don- 
née plus  haut,  savoir,  que  rien  ne  peut  se 
faire  de  bien  que  par  le  même  libre  arbitre 
de  la  volonté ,  et  que  c'est  surtout  pour  le 
bien  que  Dieu  nous  l'a  donné.  Lorsque  cette 
volonté  s'attache  au  souverain  bien,  l'homme 
peut  s'assurer  qu'il  possède  la  béatitude,  mais 
quand  il  s'en  éloigne ,  pour  s'attacher  aux 
biens  extérieurs  et  terrestres ,  elle  y  trouve 
son  malheur  et  pèche.  Ce  n'est  donc  ni  la 
volonté  en  eUe-môme,ni  les  objets  auxquels 
elle  s'attache  qui  sont  des  maux ,  c'est  l'é- 
loignement  de  Dieu  et  l'attachement  aux 
choses  créées  qui  font  tout  le  mal  et  tout  le 
péché.  Or,  cet  éloignement  de  Dieu  et  cet 
attachement  aux  choses  créées  ne  viennent 
pas  de  Dieu  même ,  ils  ont  leur  cause  dans 
la  volonté. 
Analyse  4.  Mais  d'où  vient  le  mouvement  par  le- 
nl'e  "iwi'ë;  cjuel  la  volonté  s'éloigne  de  Dieu  et  s'attache 
v-'s-  'i09-  ;^  la  créature  ?  C'est  ce  que  saint  Augustin 
exphque  dans  le  troisième  livre.  Si  ce  mou- 
vement était  naturel,  U  serait  nécessaire,  et 
l'homme,  en  le  suivant,  ne  pécherait  pas, 
parce  qu'où  la  nature  et  la  nécessité  domi- 
nent, il  n'y  a  point  de  péché.  Puis  donc  que 
ce  mouvement  est  coupable,  il  n'est  pas  na- 
turel. U  est  coupable,  puisqu'il  déplaît.  Il  est 
volontaire,  puisque  notre  âme  ne  peut  deve- 
nir esclave  de  la  cupidité  que  par  sa  propre 
volonté  ,  étant  injuste  qu'elle  soit  contrainte 
au  vice  par  un  être  supérieur  ou  par  son  égal, 
n'y  ayant  point  d'être  d'une  nature  inférieure 


à  la  sienne  qui  ait  du  pouvoir  sur  elle.  Mais 
comment  accorder  la  liberté  de  l'homme  avec 
la  prescience  de  Dieu?  Car  c'est,  ce  semble, 
une  suite  nécessaire  que  je  sois  pécheur,  si 
Dieu  a  prévu  mon  péché.  Saint  Augustin 
fait  sentir  la  fausseté  de  ce  raisonnement  par 
celui-ci  :  «  Si  Dieu  a  prévu  que  vous  serez 
heureux,  vous  le  serez  donc  nécessairement 
et  malgré  vous  ;  votre  volonté  n'aura  aucune 
part  à  votre  béatitude.  »  Ensuite  il  pose  ce 
principe  certain,  que  rien  n'est  plus  en  notre 
pouvoir  que  notre  vouloir,  d'où  il  tire  cette 
conséquence  :  Comme  la  prescience  de  Dieu 
touchant  notre  béatitude  ne  nous  ôte  pas  la 
volonté  d'être  heureux,  la  volonté  que  nous 
avons  de  pécher  n'en  est  pas  moins  volonté, 
parce  que  Dieu  a  préATi  notre  péché  ;  sa  pres- 
cience n'ôte  pas  le  vouloir,  elle  le  suppose. 
La  prescience  de  Dieu  ne  nous  imposant  au- 
cune nécessité  de  pécher,  c'est  aA^ec  justice 
qu'il  punit  en  nous  des  actions  dont  il  n'est 
pas  auteur.  Mais  ne  doit-on  pas  imputer  au 
Créateur  les  fautes  de  lacréatare?  «Non,  ré- 
pond saint  Augustin,  nous  ne  lui  devons  que 
des  actions  de  gTâces  pour  nous  avoir  créés 
dans  l'état  même  où  nous  sommes,  c'est-à- 
dire  sujets  au  péché  et  à  la  misère.  »  On  dira, 
peut-être,  que  les  hommes  seraient  bien  plus 
parfaits  s'ils  eussent  été  tout  d'un  coup  créés 
dans  l'état  où  sont  les  anges  et  les  bienheu- 
reux, qui  ne  peuvent  être  séparés  de  l'amour 
de  Dieu.  «  Mais,  dit  saint  Augustin,  s'ensuit- 
il  que  Dieu  ait  été  obligé  de  nous  créer  plus 
parfaits  que  nous  ne  sommes ,  parce  que 
nous  concevons  un  état  plus  parfait  que  le 
nôtre?  ou  plutôt,  ne  devons-nous  pas  croire 
qu'il  a  eu  ses  raisons  pour  ne  nous  pas  créer 
plus  parfaits?  Ne  nous  plaignons  donc  point: 
Dieu ,  en  nous  créant ,  ne  nous  a  pas  obligé 
de  pécher,  mais  il  nous  a  laissé  le  pouvoir 
de  faire  ce  que  nous  voudrions.  Il  y  a  deux 
différentes  sortes  de  perfections.  Si  c'est  le 
souverain  bonheur  d'une  créature  de  jouir, 
espérer  de  recouvrer  la  béatitude  que  l'on  a 
perdue  par  le  péché,  est  un  avantage  beau- 
coup au-dessus  de  celui  d'une  créature  qui 
serait  dans  une  nécessité  éternelle  de  pécher. 
Ce  dernier  état  est  le  plus  misérable  de  tous, 
et  toutefois,  on  ne  peut  accuser  Dieu  d'injus- 
tice pour  avoir  donné  l'être  à  des  créatures 
qu'il  connaissait  devoir  être  éternellement 
malhem'euses.  Dieu  n'est  point  la  cause  du 
péché  de  l'homme,  et  soit  que  l'homme  pè- 
che de  son  plein  gré ,  ou  à  l'instigation  du 
démon,  son  péché  est  toujours  volontaire.  Il 


flV"  ET  V°  SIÈCLES.] 


est  vrai  que  Dieu  a  fait  des  créatures  qui  de- 
vaient persévérer  dans  la  vertu  et  dans  la 
justice,  et  qu'il  en  a  fait  d'autres  qui  devaient 
pécher;  mais  il  n'a  pas  créé  ces  dernières  afin 
qu'elles  péchassent  effectivement;  son  des- 
sein n'a  été  que  de  les  faire  servir  à  la  per- 
fection de  l'miivers ,  soit  qu'elles  voulussent 
pécher  ou  ne  pas  pécher.  Nous  ne  pouvons 
donc  faire  retomber  nos  péchés  sur  Dieu  : 
ils  n'ont  point  d'autre  cause  que  notre  vo- 
lonté même ,  qui  se  porte  librement  et  avec 
connaissance  à  faire  le  mal.  Car,  si  nous  ne 
pouvions  résister  au  péché,  si  nous  ne  pou- 
vions le  connaître  ni  l'éviter,  nous  ne  péche- 
rions pas.  Nous  péchons  néanmoins;  nous 
pouvons  donc  éviter  le  péché.  Pourquoi 
donc,  demande  saint  Augustin,  Dieu  punit-il 
les  péchés  d'ignorance  ?  Que  veulent  dire  ces 
paroles  de  l'Apôtre  :  Je  ne  fais  pas  le  bien  que 
je  veux,  mais  le  mal  que  je  ne  veux  pas?  Tontes 
ces  choses ,  répond-il ,  arrivent  à  des  hom- 
mes, qui,  en  naissant,  sont  enveloppés  dans 
une  condamnation  de  mort.  Si  elles  étaient 
de  la  nature  de  l'homme  et  non  pas  sa  peine, 
ce  ne  seraient  pas  des  péchés.  Toute  peine, 
si  elle  est  juste,  est  la  peine  d'un  péché  et 
s'appelle  mi  supplice  ;  si  la  peine  est  injuste 
et  qu'on  ne  doute  pas  que  ce  n'en  soit  une , 
il  faut  qu'elle  soit  imposée  à  l'homme  par 
quelque  injuste  domination.  Or,  comme  il  y 
aurait  de  la  folie  à  douter  de  la  justice  de 
Dieu,  celte  peine  est  donc  juste,  et  n'est 
imposée  que  pour  quelque  péché.  L'on  ne 
doit  pas  s'étonner  que  l'ignorance  empêche 
l'homme  d'avoir  une  volonté  libre  de  faire 
le  bien ,  ni  qae ,  par  la  résistance  habituelle 
de  la  chair ,  il  voie  ce  qu'il  faudrait  faire  et 
qu'il  le  veuille  sans  le  pouvoir  accomplir. 
Car  il  est  de  l'ordre  dans  la  punition  du  pé- 
ché que  l'homme  soit  privé  d'un  bien  dont 
il  n'a  pas  voulu  faire  bon  usage,  l'ayant  pu 
si  aisément,  s'il  eût  voulu,  c'est-à-dire  que 
celui  qui  n'a  pas  fait  le  bien  en  le  connais- 
sant soit  privé  de  la  connaissance  de  ce  qui 
est  bien ,  et  que  celui  qui  n'a  pas  voulu  le 
faire  quand  il  l'a  pu  n'en  ait  pas  le  pouvoir 
quand  il  le  veut.  Ce  sont  là  les  deux  châti- 
ments de  l'âme  qui  a  péché,  l'ignorance  et 
la  difficulté.  De  l'ignorance  vient  l'erreur, 
qui  nous  dégrade  et  nous  déshonore  ;  de  la 
difficulté  vient  le  tourment,  qui  nous  afflige. 
Car,  abandonner  la  vérité  pour  le  mensonge, 
dans  le  temps  même  qu'on  cherche  la  vérité, 
et  malgré  les  tourments  et  les  doulem's  que 
fait  sentir  la  dureté  des  liens  de  la  chair;  ne 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE.  53 

pouvoir  résister  à  ses  passions,  cela  n'est 
point  de  la  première  institution  de  l'homme, 
mais  de  la  peine  à  laquelle  il  a  été  con- 
damné. » 


5.  Saint  Augustin  se  propose  ensuite  la  Suite  <ie 
plus  forte  objection  des  manichéens  contre  iroisitme 
le  péché  originel  et  celle  que  faisaient  tous  23l'  ''''°' 
ceux  qui  avaient  coutume  de  rejeter  sur 
d'autres  la  faute  de  leurs  péchés.  Si  Adam 
et  Eve  ont  péché,  qu'avons-nous  fait,  misé- 
rables que  nous  sommes ,  pour  naître  dans 
les  ténèbres  et  dans  la  douleur,  en  sorte, 
qu'encore  que  nous  voulions  nous  soumettre 
aux  préceptes,  nous  ne  le  pouvons,  arrêtés 
par  la  résistance  inévitable  de  la  concupis- 
cence? Peut-être,  répond  ce  Père,  auraient- 
ils  raison  de  se  plaindre,  s'il  n'y  avait  aucun 
homme  qui  triomphât  de  l'erreur  et  de  la 
convoitise;  mais  comme  Dieu,  par  l'entre- 
mise de  ses  créatures,  rappelle  à  lui  en  mille 
manières  différentes  ceux  qui  s'en  sont  éloi- 
gnés, qu'il  enseigne  celui  qui  croit,  qu'il 
console  celui  qui  espère,  qu'il  anime  celui 
qui  aime,  qii'il  aide  celui  qui  fait  effort,  qu'il 
exauce  celui  qui  prie  ;  on  ne  vous  impute  pas 
comme  une  faute,  ni  d'être  dans  l'ignorance 
malgré  vous ,  mais  de  négliger  de  connaître 
ce  que  vous  ignorez  ;  ni  de  ne  pouvoir  faire 
agir  des  membres  infirmes  et  malades,  mais 
de  mépriser  celui  qui  veut  vous  guérir.  Il 
n'est  défendu  à  aucun  homme  de  savoir 
qu'il  y  a  de  l'utihté  à  chercher  à  connaître 
ce  qu'on  ignore  sans  aucune  utilité ,  et  qu'il 
faut  humblement  confesser  sa  faiblesse,  afin 
qu'en  la  confessant  et  en  cherchant ,  on  soit 
secom'u  de  celui  qui  ne  se  trompe ,  ni  ne  se 
fatigue  pas  quand  il  nous  aime.  Au  reste, 
quand  il  arrive  que  quelqu'un  fait  mal  par 
ignorance ,  ou  que ,  voulant  faire  le  bien ,  il 
ne  le  peut,  cela  s'appelle  péché,  parce  que 
cela  tire  son  origine  du  péché  du  premier 
homme ,  dont  la  volonté  était  parfaitement 
libre  :  car  c'est  ce  premier  péché  qui  a  mé- 
rité d'être  suivi  de  tous  ces  autres  péchés. 
Une  difficulté  non  moins  considérable  était 
de  savoir  pourquoi  une  âme  innocente  de- 
vient sujette  au  péché  par  son  union  avec  le 
corps.  Pour  la  résoudre,  saint  Augustin  rap- 
porte quatre  opinions  différentes  que  l'on 
avait  alors  sur  l'origine  des  âmes.  La  pre- 
mière est  qu'elles  sont  formées  par  celles  des 
parents  ;  la  seconde ,  que  Dieu  en  crée  de 
nouvelles  à  la  naissance  de  chaque  corps; 
la  troisième,  que  les  âmes  étant  déjà  créées. 
Dieu  ne  fait  que  les  envoyer  dans  les  corps  ; 


54 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


la  quatrième ,  qu'elles  y  descendent  d'elles- 
mêmes.  Il  ne  veut  point  décider  laquelle  est 
la  meilleure,  disant  qu'elle  n'a  pas  encore 
été  éclaiixie,  comme  elle  l'aurait  dû  être, 
par  aucun  écrivain  catholique ,  ou  du  moins 
qu'il  n'a  encore  vu  les  écrits  d'aucun  sur  ce 
sujet.  Mais  il  soutient  que ,  quelque  opinion 
que  l'on  embrasse  sur  l'origine  de  l'âme,  on 
peut  montrer  qu'il  n'était  pas  contre  la  jus- 
tice, que  les  pénalités,  c'est-à-dire  l'igno- 
rance, la  diliiculté  de  faire  le  bien  et  la  mor- 
talité passassent  du  premier  homme  à  ses 
descendants.  Il  se  fonde  sm'  la  justice  qu'il 
y  avait  de  la  part  de  Dieu  à  punir  l'homtoe 
dès  sa  naissance,  afin  que  dans  la  suite  il  lui 
fit  sentir  les  effets  de  sa  miséricorde ,  en  le 
délivrant  de  ses  péchés;  sur  l'équité  qu'il  y 
avait  qu'Adam  n'engendrât  pas  des  enfants 
meilleurs  que  lui-même,  et  sur  ce  que  le 
Créateur  aidant  l'homme  à  se  racheter  du 
supphce,  en  se  convertissant  à  Dieu,  fit  voir 
avec  quelle  facihté  le  premier  homme  pou- 
vait conserver  l'innocence  dans  laquelle  il 
avait  été  créé,  puisque  ses  descendants  effa- 
cent même  la  tache  du  péché  dans  lequel 
ils  sont  nés.  Il  ajoute  que  l'âme,  en  quelque 
état  qu'on  la  considère,  soit  avant,  soit  depuis 
son  péché,  a  toujours  des  motifs  de  rendre 
grâces  à  son  Créateur,  parce  qu'elle  a  une 
origine  beaucoup  meilleure  que  le  corps  le 
plus  parfait  et  que  ces  qualités  sont  plus  ex- 
cellentes. «  Ce  n'est  pas  peu ,  dit-il ,  avant 
tout  mérite  d'aucune  bonne  œuvre,  d'avoir 
reçu  un  discei-nement  naturel  par  lequel  elle 
préfère  la  sagesse  à  l'erreur  et  le  repos  à  la 
peine  pour  y  parvenir,  sinon  dès  sa  nais- 
sance ,  du  moins  par  ses  désirs  et  par  ses 
efforts.  Que,  si  l'homme  n'en  veut  rien  faire, 
c'est  avec  l'aison  qu'on  le  traitera  en  crimi- 
nel pour  n'avoir  pas  fait  un  bon  usage  du 
don  qu'il  avait  reçu.  Car,  quoiqu'il  soit  né 
assujetti  à  l'ignorance  et  au  travail ,  il  n'est 
pas  néanmoins  pressé  '  par  quelque  néces- 
sité de  demeurer  dans  l'état  où  il  est  né. 
Suiic  (le       6.  Il  restait  une  autre  question  à  résoudre 
fi'ôîsiùmc"   touchant  les  enfants  qui   meurent  aussitôt 
hue,  pag.    après  Icur  naissance.  Quelle  place  auront-ils 
au  jour  du  jugement?  Ils  ne  peuvent  être 
placés  parmi  les  justes,  puisqu'ils  n'ont  rien 


fait  de  bien,  ni  parmi  les  méchants,  puisqu'ils 
n'ont  point  fait  de  mal.  Saint  Augustin  ré- 
pond qu'on  ne  peut  pas  dire  que  les  enfants 
qui  meurent  aussitôt  après  lem-  naissance  ont 
été  créés  inutilement ,  puisque  dans  l'ordre 
de  la  Providence  une  feuiUe  d'arbre  n'a  pas 
même  été  créée  sans  raison,  mais  que  c'est 
inutilement  que  l'on  se  propose  des  questions 
touchant  les  mérites  de  ceux  qui  n'ont  rien 
mérité,  puisque  n'y  ayant  point  de  miheu 
entre  une  bonne  action  et  une  mauvaise,  il 
ne  se  peut  non  plus  que  le  juge  n'ordonne 
ou  la  récompense  ou  le  supplice.  Il  dit  en- 
suite à  l'égard  des  enfants  qui  ont  reçu  le 
baptême,  quoique  sans  connaissance,  qu'on 
croit  assez  pieusement  et  avec  assez  d'é- 
quité "  que  la  foi  de  ceux  qui  présentent 
l'enfant  pour  être  baptisé  lui  est  utile.  Ce 
qu'il  prouve  par  l'exemple  de  la  veuve,  qui 
par  sa  foi,  mérita  la  résurrection  de  son  fils. 
Quant  aux  peines  que  les  enfants  souffrent 
sans  les  avoir  méritées  par  aucun  péché, 
dont  leur  âge  n'est  pas  capable.  Dieu  a  ses 
desseins  en  cela.  Le  premier  homme,  quoique 
créé  sage  ou  capable  de  sagesse,  a  pu  néan- 
moins être  séduit  ;  ayant  péché  volontaire- 
ment, c'est  avec  justice  que  Dieu  l'a  puni  de 
son  péché  ;  c'est  le  démon  qui  l'a  fait  tomber 
en  lui  inspirant  l'orgueil  pour  lequel  il  avait 
été  condamné  lui-même,  et  c'est  pour  cela 
que  la  peine  dont  Dieu  l'a  châtié,  ne  va  point 
aie  faire  mourir,  mais  à  le  corriger. 

§IX. 

Des  deux  livres  de  la  Genèse  contre  les 
manichéens. 


l.  Saint  Augustin  '  met  les  deux  livres  sur         ,  i^^c 
la  Genèse  contre  les  manichéens ,  entre    ceux  ^"''  '•'  ce 

tliiSC        VCF' 

qu'il  fit  étant  en  Afrique  avant  sa  prêtrise.  Il  l'an  339. 
semble  dire  ''  que  ce  furent  les  premiers 
écrits  qu'il  fit  ouvertement  contre  ces  héré- 
tiques :  ce  qu'il  faut  sans  doute  entendre  de 
leur  théologie  ,  car  au  commencement  du 
premier  de  ces  livres,  il  dit  qu'il  en  avait 
déjà  écrit  d'autres  contre  les  manichéens,  et  a 

nous  verrons  dans  la  suite,  qu'il  composa  à 
Rome  celui  qui  a  pour  titre  :  Des  Mœurs  des 
manichéens.  Quelques  personnes  ''  instruites 


'  Quamquam  enim  in  ignoranlia  et  difficultate 
nata  sit,  non  lame:i  ad  permanendum  in  eo  quod 
nata  est,  atiqua  necessitate  comprimitur.  Au- 
gust.,  lib.  III  De  Lib.  arb-,  cap.  xx,  nuni.  B6. 

2  (Jua  in  re  saLispie  recieque  credUur prodesse 


parvido    eorum  /Idem    a   quibus    consecrandus 
offertur.  Ibid.,  cap.  xxin,  num.  67. 

5  August.,  lib.,  1  Retract.,  cap.  x. 

*  Ibtd. 

'  August.,  lib.  l  De  Gènes.,  cap.  i,  pag.  646. 


que 


[IV"  ET  V=  SIÈCLES.] 

dans  les  belles-lettres,  mais  véritablement 
chrétiennes,  ayant  lu  ces  premiers  ouvrages, 
remarquèrent  qu'ils  ne  pouvaient  être  en- 
tendus qu'avec  peine  de  ceux  qui  n'avaient 
que  peu  de  science.  Elles  avertirent  donc 
saint  Augustin  par  l'affection  qu'elles  avaient 
pour  lui,  que  s'il  voulait  retirer  les  plus 
grossiers  de  l'erreur  des  manichéens,  il  ne 
devait  point  écrire  d'une  manière  relevée 
que  les  ignorants  n'entendaient  pas,  mais 
demeurer  dans  le  style  simple  et  ordinaire, 
qui  est  intelligible  aux  savants  et  à  ceux  qui 
ne  le  sont  pas.  Profitant  de  cet  avis  \  il  en- 
treprit de  montrer  la  vanité  et  la  faiblesse 
des  manichéens,  non  par  un  discours  orné  et 
élégant,  mais  par  des  preuves  claires  et 
évidentes.  Cassiodore  ^  qui  avait  lu  ces  deux 
livres,  dit  que  saint  Augustin  explique  le 
texte  de  la  Genèse  avec  tant  de  soin  qu'il  n'y 
laisse  presque  rien  d'obscur.  «  Ainsi,  ajoute- 
t-il ,  ces  hérétiques  nous  ont  procuré  un 
grand  bien  sans  le  vouloir,  puisque  la  néces- 
sité de  réfuter  leurs  erreurs,  a  engagé  saint 
Augustin,  pour  les  vaincre,  à  nous  donner 
d'excellentes  instnictions.  » 

2.  Dans  le  premier  livre,  ce  Père  explique 
le  commencement  de  la  Genèse,  jusqu'au 
verset  où  il  est  dit  que  Dieu  se  reposa  le 
septième  jour.  Il  suit  dans  cette  explication 
le  sens  allégorique,  n'osant  pas  '  encore  s'at- 
tacher au  sens  propre  et  naturel;  ce  qu'il 
eût  cependant  beaucoup  mieux  aimé.  Mais 
il  déclare  en  même  temps  *,  que  les  sens  al- 
légoriques qu'il  donne  n'étaient  point  du 
tout  pour  préjudicier  à  une  meilleure  expli- 
cation, s'il  plaisait  à  Dieu  d'en  découvrir  une 
soit  par  son  ministère,  soit  par  d'autres.  «  Car 
si  quelqu'un,  ajoute-t-il,  peut  donner  aux 
paroles  de  la  Genèse  un  sens  littéral  qui  soit 
conforme  à  ce  que  la  foi  catholique  nous  en- 
seigne, non-seulement  il  ne  faut  pas  s'oppo- 
ser à  lui  par  un  mouvement  d'envie,  mais  on 
doit  même  le  louer  et  l'honorer  comme  un 
excellent  interprète.  »  En  effet,  il  entreprit 
lui-même  depuis  une  explication  littérale  du 
livre  de  la  Genèse  ^,  quoiqu'il  fasse  profes- 
sion, en  l'expliquant  contre  les  manichéens, 
de  suivre  le  sens  allégorique,  il  ne  laisse  pas 
de  temps  en  temps  d'en  donner  le  littéral.  IJ 
remarque  sur  l'ouvrage  du  sixième  jour  que 
les  manichéens  se  plaignaient  de   ce   que 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  53 

Dieu  avait  fait  tant  d'animaux,  ou  très-inuti- 
les, ou  souvent  incommodes  et  pernicieux 
aux  hommes.  Ceux  qui  parlaient  de  la  sorte, 
dit-il,  ne  considéraient  pas  que  toutes  les 
créatures  ont  leur  beauté  et  leur  utilité  dans 
l'art  et  l'intelligence  du  Créateur  qui  sait 
pourquoi  il  les  a  faites,  et  le  rang  qu'elles 
tiennent  dans  la  distribution  de  toutes  les 
parties  du  monde,  afin  qu'elles  conspirent 
chacune,  selon  le  degré  d'être  qu'il  leur  a 
donné,  à  la  beauté  et  à  la  perfection  de  l'u- 
nivers. Il  donne  diverses  explications  au  re- 
pos du  septième  jour,  et  dit  entre  autre  que 
ce  repos  de  Dieu,  après  avoir  fait  tout  ses 
ouvrages  qui  étaient  très-bons,  ne  signifie 
autre  chose  que  le  repos  qu'il  doit  un  jour 
nous  donner  après  toutes  nos  œuATes,  si 
elles  sont  bonnes. 

3.  Le  second  livre  commence  par  l'expli- 
cation   du 


Ce    que 
contient  le 

verset  quatrième  du  chapitre  ^"'•"''  ''; 
deuxième  de  la  Genèse,  et  finit  par  celle  du  oa»! 
vingt-quatrième  verset  du  chapitre  suivant, 
où  il  est  dit  que  Dieu  chassa  Adam  du  para- 
dis, et  qu'il  mit  devant  ce  jardin  de  délices 
un  chérubin  qui  faisait  étinceler  une  épée  de 
feu  pour  défendi-e  l'approche  de  l'arbre  de 
vie.  Il  y  a  deux  endroits  remarquables  dans 
ce  livre.  Le  premier  est  celui  où  saint  Au- 
gustin ^  dit  que  tous  les  hérétiques  trompent 
le  monde  en  leur  promettant  la  science  et 
en  condamnant  la  simplicité  de  la  foi  ;  mais 
qu'il  n'y  en  a  point  qui  fassent  l'un  et^l'autre, 
ni  plus  souvent,  avec  plus  d'ostentation  que 
les  manichéens;  ainsi  ils  sont,  dit-il,  claire- 
ment marqués  par  le  serpent  qui  perdit  Eve 
en  lui  persuadant  de  manger  du  fruit  de  la 
science,  dans  l'espérance  que  ses  yeux  se- 
raient ouverts  et  qu'elle  serait  comme  Dieu 
qui  sait  tout.  «  Cette  promesse,  ajoute-t-il, 
leur  convient  encore  parfaitement,  puisqu'ils 
ont  la  témérité  de  prétendre  que  leur  âme 
est  de  la  même  nature  que  Dieu.  «  Le  se- 
cond est  la  solution  que  saint  Augustin 
donne  aux  objections  des  manichéens  tou- 
chant le  péché  du  premier  homme.  Pour- 
quoi, disaient  ces  hérétiques,  Dieu  a-t-il  créé 
le  premier  homme ,  puisqu'il  savait  qu'il 
devait  tomber  dans  le  péché  ?  Pourquoi  Dieu 
a-t-il  permis  au  démon  de  tenter  la  femme  ' 
et  de  la  surprendre  ;  ou  pourquoi  même 
créait-il  la  femme,  puisqu'il  prévoyait  qu'elle 


'  Ibid.  —  '  Cassiod.,  Inst.,  cap.  i.  —  s  Lib.  1  Be- 
tract.,  cap.  xvni.  —  *  August.,  lib.  Il  De  Gènes, 
cont.  manieh  ,  cap.  ir,  num.  3. 


^Uh.ïRetract.,  cap.  svui.  —«Lib.  U  De  Gènes, 
cont.  manieh.,  cap.  25,  num.  8.—'  Lib.  Il  De  Gènes, 
cont.  manieh.,  cap.  28,  num.  42. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


56 

devait  se  laisser  séduire  et  qu'elle  entraîne- 
rait avec  elle  dans  la  même  faute  le  premier 
homme,  qui  sans  elle  n'aurait  pas  été  séduit 
et  n'aurait  point  péché  s'il  eût  été  seul  ?  Saint 
Augustin  répond   à  la  première  objection, 
que  Dieu  a  créé  le  premier  homme  parce  que, 
comme  il  prévoyait  sa  chute  et  les  maux  qui 
la  devaient  suivre ,  il   prévoyait  aussi  les 
grands  biens  qu'il  en  devait  tirer  et  qu'il 
gouvernerait  cette  multitude  d'hommes  nés 
pécheurs  d'un  père  pécheur,  par  une  sagesse 
si  profonde  et  si  incompréhensible,  que  sans 
avoir  la  moindre  part  à  la  malice  et  au  dé- 
règlement de  leur  cœm' ,  il  ferait  éclater  la 
sévérité  de  la  justice  dans  les  uns  et  les  ri- 
chesses de  sa  grâce  et  de  sa  miséricorde 
dans  les  autres.  Il  résout  la  seconde  en  di- 
sant que  la  femme  s'est  tentée  et  trompée 
elle-même.  Dieu  l'ayant  créée  si  pure  et  si 
forte  qu'elle  n'avait  rien  dans  elle  qui  la  put 
porter  le  moins  du  monde  à  s'écarter  de  ce 
qu'elle  devait  à  Dieu  et  qu'elle  pouvait,  au 
contraire,  si  elle  eût  voidu,  surmonter  le  dé- 
mon avec  beaucoup  de  facilité.  Sur  la  troi- 
sième, il  dit  que  Dieu  a  créé  la  femme  parce 
qu'elle  est  elle-même  un  bien  et  un  si  grand 
bien,  que  saint  Paid  l'appelle  la  gloire  de 
l'homme.  Il  ajoute  que  si  elle  eût  été  aussi 
dépendante  d'Adam  qu'elle  devait  être,  elle 
se  fut  bien  gardée  de  se  rendre  aux  pro- 
messes trompeuses  du  démon  avant  d'avoir 
consrdté  celui  qui  lui  tenait  lieu  de  chef  et 
de  conducteur;  et  que  se  conservant  dans 
les  avantages  que  Dieu  lui  avait  donnés  en 
la  créant,  elle  ne  fut  point  devenue  la  source 
du  maUieur  d'Adam  et  de  la  ruine  générale 
de  toute  sa  race.  «  Pourquoi,  ajoutaient  les 
manichéens,  Dieu  a-t-il  créé  le  démon  puis- 
qu'il savait  que  cet  esprit  de  malice  devait, 
non-seulement  se  révolter  contre  lui,  mais 
encore  engager  toute    la   nature  humaine 
dans  son  péché?  Saint  Augustin  répond  que 
rien  ne  devait  empêcher  la  création  du  pre- 
mier ange ,  puisque  Dieu  l'a  créé  dans  une 
beauté  et  une  sainteté  parfaites  ;  s'il  est  de- 
venu démon ,  ça  été  par  son  orgueil  et  par 
une  malice  toute  volontaire.  Si  l'on  s'étonne, 
ajoute  ce  Père ,  de  ce  que  Dieu  lui  a  permis 
de  tenter  Adam  et  Eve,  pourquoi  ne  consi- 
dérera-t-on  pas  qu'il  lui  a  permis  de  tenter 
sahit  Pierre,  de  tenter  saint  Paul,  et  qu'il  lui 
permet  généralement  de  tenter  tous  les  fi- 
dèles? Cependant  Dieu  use  avec  une  si  ad- 

'  Lib.  I  Retract.,  cap  x 


mirable  sagesse  et  une  puissance  si  invinci- 
ble de  tous  les  effoiis  que  fait  le  démon  pour 
perdre  les  hommes,  qu'il  s'en  sert  comme 
d'un  moyen  le  plus  propre  pour  fortifier  les 
faibles,  pour  perfectionner  les  forts,  et  pour 
augmenter  la  gloire  et  multiplier  les  cou- 
ronnes des  plus  grands  saints. 

Saint  Augustin  fait  à  la  fin  du  second  livi-e 
ime  antithèse  des  erreurs  des  manichéens 
touchant  la  Divinité,  avec  la  doctrine  de  l'É- 
glise. Comme  ces  hérétiques,  par  un  blas- 
phème inouï,  attribuaient  à  Dieu  toutes  les 
misères  de  la  nature  humaine,  il  leur  répond 
au  nom  des  catholiques  :  «  Il  n'y  a  dans  la 
misère  d'autre  nature  que  celle  que  Dieu  a 
faite  de  rien  ;  elle  n'y  a  pas  même  été  con- 
trainte, mais  eUe  s'y  est  engagée  volontaire- 
ment par  le  péché  ;  poiu-  effacer  ses  péchés, 
eUe  est  obhgée  d'en  faire  pénitence  ;  elle  en 
obtient  le  pardon,  si  elle  les  quitte  pour  se 
convertir  à  Dieu;  si  elle  est  changée,  c'est 
par  sa  volonté  ;  aucun  péché  ne  nuit  à  au- 
cune natm'e,  sinon  ceux  qui  lui  sont  propres  ; 
toutes  les  natures  sont  bonnes,  ce  qui  n'em- 
pêche point  qu'il  n'y  ait  entre  elles  différents 
degrés  de  bonté,  comme  il  en  a  été  ordonné 
parle  Créateur,  qui  fait  tous  les  biens  volon- 
tairement, et  n'est  jamais  nécessité  à  souffrir 
le  mal. 

4.  Ce  que  dit  ici  saint  AugTistin,  qu'il  n'y  a 
point  de  péché  qui  nuise  à  aucune  nature,  as  deux  i 
smon  ceux  qui  lui  sont  propres,  pouvait  seiTir 
d'argument  aux  pélagiens  contre  l'existence 
du  péché  originel.  Mais  ce  saint  Docteur  ' 
s'est  expliqué  lui-même  siu'  cet  endroit  dans  | 

ses  Rétractations,  où  il  dit  que  la  nature 
humaine  ayant  péché  dans  le  premier  hom- 
me ,  on  pouvait  dire  que  les  enfants  mê- 
mes ont  péché  en  lui ,  puisqu'ils  appartien- 
nent à  la  nature  humaine.  Il  dit  encore  que 
les  pélagiens  ne  pouvaient  se  prévaloir  de 
ce  qu'il  avait  dit  dans  le  chapitre  troisième 
du  premier  livre,  que  tous  les  hommes  peu- 
vent, s'ils  le  veident,  accomplir  les  comman- 
dements de  Dieu  :  n  Car,  dit-il,  rien  n'est 
plus  A'rai ,  que  tous  les  hommes  le  peuvent 
s'ils  le  veulent  ;  mais  c'est  Dieu  qui  prépare 
la  volonté.  » 

§X. 

Des  deux  livres  des  Mœurs  de  l'Église 
catholique  et  des  manichéens. 

1.  Il  n'y  avait  pas  longtemps  que  saint  Au-  ,.  cc^  (tni 
gustin  avait  recule  baptême,  lorsqu'il  écrivit  m  émi 
les  doux  livres  des  Mœurs  de  l'Eglise  ca- 


ques 


[IV«  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,   ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


3S8  et  pu-   tholique,  et  des  mœurs  des  manichéens.  Il  dit 
70.'''     "'  lui-même  ',  qu'il  était  encore  à  Rome  lors- 
qu'il les  composa,  et  on  sait  qu'il  y  demeura 
quelque  temps  après  son  baptême  avant  de 
passer  en  Afrique.  Il  les  écrivit  donc  sur  la 
fin  de  l'an  387  ou  au  commencement  de  388. 
C'est  de  ces  livres  dont  il  parle  dans  le  pre- 
mier de  la  Genèse  ^  contre  les  manichéens. 
Mais  il  faut  qu'il  les  ait  revus  depuis  son  re- 
tour en  Afrique  en  389 ,  puisque  dans  celui 
qui  a  pour  titre  :  Des  Mœurs  de  l'Église  catho- 
lique, il  fait  mention  de  son  explication  sur 
la  Genèse  contre  les  manichéens  ',  qu'il  ne 
fit  que  vei's  ce  temps-là.  Le  but  des  deux  li- 
vres intitulés  :  Des  Mœurs  des  chrétiens  et  des 
manichéens,  est  de  faire  voir  combien  la  fausse 
vertu  dont  ces  derniers  se  glorifiaient  était 
éloignée  de  la  vertu  des  vrais  disciples  de 
Jésus-Clu:ist.  Il  y  oppose  donc  les  mœurs  des 
vrais  fidèles  à  celles  des  manichéens.  Ces 
hérétiques  usaient  de    deux  artifices  pom' 
tromper  les  simples  :  l'un,  en  vomissant  des 
injures  contre  la  loi,  c'est-à-dire  contre  l'An- 
cien Testament;  l'autre,  en  faisant  profes- 
sion d'une  vie  pure.  Saint  Augustin  déclare 
que  son  dessein  est  seulement  de  faire  voir 
qu'ils  ne  possédaient  pas  la  véritable  vertu , 
et  qu'elle  ne  se  trouve  que  dans  l'Église  ca- 
tholique. 
Analyse       2.  Daus  le  premier  livre,  il  pose  nom- un 
liviv,  \y.\'i.   pnncipe  avoue  de  tout  le  monde,  qu  il  n  y  a 
"^^  ■  personne  qui  ne  désire  d'être  heureux;   ce 

qui  lui  donne  occasion  d'examiner  en  quoi 
le  bonheur  de  l'homme  consiste.  Selon  saint 
Augustin  ce  bonheur  n'est  que  dans  la  pos- 
session du  souverain  bien,  et  ce  souverain 
bien  doit,  pour  nous  rendre  heureux,  avoir 
deux  qualités  :  l'une,  qu'il  n'y  ait  point  d'au- 
tre bien  au-dessus  de  lui,  autrement  il  ne  se- 
rait pas  le  souverain  bien;  l'autre,  qu'il  soit 
tel  qu'il  ne  puisse  nous  être  ravi  contre  notre 
gré.  Comme  ces  deux  qualités  ne  se  trouvent 
qu'en  Dieu,  ce  Père  prouve,  par  divers  pas- 
sages de  l'Évangile  et  des  Épîtres  de  saint 
Paul  que  les  manichéens  recevaient,  que  lui 
seul  est  notre  souverain  bien  et  la  fin  à  la- 
quelle nous  devons  rapporter  toutes  nos 
pensées  et  tous  nos  desseins.  Viennent  aussi 
quelques  endroits  de  l'Ancien  Testament, 
semblables  à  ceux  du  Nouveau,  et  qui  font 
voir  aux  manichéens  la  conformité  des  deux 
Testaments.  Les  manichéens,  abusant  de 
quelques  passages  du  Vieirs  Testament  pris 

'  August.,  lib.  I  Relract.,  cap.  vu.  —  '  Lib.  I  De 
Gènes,  cont.  manich.,  cap.  i,  num.  1. 


57 

à  la  lettre,  attribuaient  aux  catholiques  des 
erreurs  grossières  touchant  la  nature  de  cet 
Être  suprême.  Le  saint  Docteur  y  fait  une 
digression  sur  la  nature  de  Dieu.  «L'Église, 
dit-il,  enseigne  que  c'est  une  folie  de  s'ima- 
giner que  Dieu  est  renfermé  dans  un  lieu  ou 
par  quelque  espèce  de  quantité  ;  et  eUe  fait 
un  crime  de  croire  qu'il  se  meuve  et  passe 
d'un  lieu  à  un  autre.  Elle  condamne  aussi 
comme  une  extravagance ,  de  penser  que 
Dieu  puisse  souffrir  quelque  altération  et 
quelque  changement  dans  sa  nature  et  dans 
sa  substance  ,  en  quelque  manière  que  ce 
puisse  être.  Si  donc  il  se  trouve  parmi  nous 
quelques  enfants  qui  se  représentent  Dieu 
sous  une  figure  humaine,  il  se  trouve  aussi 
beaucoup  de  vieillards  qui  regardent  sa  ma- 
jesté ,  non-seulement  comme  élevée  au-des- 
sus des  corps,  mais  encore  comme  régnante 
dans  un  état  incorruptible  et  immuable.  » 

Mais  en  quoi  consiste  le  désir  de  la  fé- 
licité? à  chercher  Dieu,  pour  le  posséder. 
((  Or,  nous  le  cherchons,  continue  saint  Au- 
gustin, en  l'aimant,  et  nous  le  possédons, 
non  en  devenant  ce  qu'il  est,  mais  en  nous 
unissant  à  lui  d'une  manière  admirable.  » 
U  revient  aux  deux  qualités  du  souverain 
bien,  et  conclut  du  précepte  qui  nous  com- 
mande de  l'aimer  plus  que  toute  chose,  qu'il 
n'y  a  rien  au-dessus  de  lui.  L'endroit  de 
VÉintre  aux  Romains ,  où  saint  Paul  dit  que 
ni  la  mort  ni  la  vie,  ni  quelque  créature  que 
ce  soit,  ne  pourront  jamais  le  séparer  de 
l'amour  de  Dieu,  montre  que  nous  ne  pou- 
vons le  perdre  malgré  nous.  «  Quel  autre, 
ajoute  ce  Père,  peut  être  le  souverain  bien 
de  l'homme,  sinon  celui  dans  l'union  duquel 
il  trouve  sa  béatitude?  et  quel  est  celui-là, 
sinon  Dieu,  auquel  nous  ne  saurions  être 
unis  que  par  la  charité  et  par  l'amour,  c'est- 
à-dire  par  la  vertu,  qui  n'est  autre  chose 
qu'un  souverain  amour  de  Dieu  ?  n 

Saint  Augustin  traite  des  vertus,  de  la 
tempérance,  de  la  force,  de  la  justice,  de  la 
prudence,  et  rapporte  les  passages  de  l'An- 
cien et  du  Nouveau  Testament  qui  regardent 
ces  vertus.  Elles  sont  des  expressions  de  l'a- 
mour que  nous  avons  pour  Dieu  ;  la  tempé- 
rance est  un  amour  qui  se  conserve  pur  et 
incorruptible  pour  Dieu  ;  la  force  est  un 
amour  cjui  soutïre  tout  pour  Dieu;  la  justice 
est  un  amour  qui  ne  sert  que  Dieu  et  qui,  en 
conséquence,  commande  le  bien  à  toutes  les 

s  Lib.  I  Be  Morib.  Eccles,,  cap.  i,  num.  1. 


S8 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Suiie  de 
l'analyse  du 
premier  li- 
vre ,  cap. 
xxvviii,  p. 
708. 


créatures  qui  lui  sont  soumises  ;  la  prudence 
est  un  amour  qui  distingue  entre  ce  qui  est 
utile  pour  conduire  à  Dieu,  et  ce  qui  peut 
l'empêcher.  L'amour  même  du  prochain 
n'est  bon  qu'autant  qu'il  se  rapporte  à  Dieu. 
Puis,  s'adressant  aux  manichéens,  saint  Au- 
gustin leur  déclare  que  l'Église  catholique  ne 
leur  découvrira  pas  l'excellence  et  la  profon- 
deur de  ses  mystères,  tant  qu'ils  les  combat- 
tront avec  opiniâtreté,  et  qu'ils  aboieront 
contre  elle  comme  des  chiens.  Il  les  exhorte 
à  chercher  dans  les  Écritures,  tant  ancien- 
nes que  nouvelles,  la  règle  qu'ils  doivent 
suivre  dans  leurs  mœurs,  les  assurant  qu'ils 
y  trouveront  que  l'on  doit  rapporter  toutes 
choses  à  Dieu.  Il  les  conjure  aussi  d'écouter 
les  hommes  savants  de  l'Eglise  catholique  : 
et  afin  de  ne  leur  rien  laisser  ignorer  des 
principes  de  la  morale  chi-étienne,  illem-  fait 
une  peinture  des  vertus  qui  se  pratiquaient 
dans  l'Eglise. 

3.  Viennent  d'abord  les  insti'uctions  géné- 
rales que  l'Eglise  donnait  à  tous  ses  enfants: 
((  Elle  leur  ordonne  dit-il,  de  servir  Dieu  d'un 
cœur  pur,  et  d'aimer  le  prochain  d'un  amour 
si  bien  réglé,  que  l'on  se  soulage  mutuelle- 
ment dans  tous  les  besoins.  Elle  enseigiie 
et  exerce  les  enfants  avec  indulgence,  en 
s'accoromodant  à  lem-  faiblesse  ;  les  hommes 
parfaits,  avec  une  fermeté  pleine  de  vigueur, 
et  les  vieillards  avec  une  gravité  pleine  de 
sagesse.  EUe  soumettes  femmes  à  leurs  ma- 
ris, en  les  obligeant  de  leur  rendi-e  les  de- 
voirs d'une  chaste  et  fidèle  obéissance.  EUe 
établit  la  domination  des  maris  sur  lem^s 
femmes,  non  pour  traiter  le  sexe  le  plus  fai- 
ble avec  mépris,  mais  pour  le  dominer  selon 
les  lois  d'une  pure  et  sincère  affection.  Elle 
assujettit  les  enfants  à  leurs  pères  par  une 
servitude  volontaire,  et  donne  aux  pères  un 
empire  de  douceur  et  de  bienveillance  sur 
leurs  enfants.  EUe  unit  les  frères  ensemble 
par  le  lien  de  la  rehgion,  qui  est  beaucoup 
plus  fort  que  celui  du  sang.  EUe  lie  d'ruie 
amitié  réciproque  ceiix  qui  sont  joints  par 
la  parenté  ou  par  l'aUiance,  conservant  ainsi 
l'union  de  la  nature  et  des  volontés.  EUe  en- 
seigne aux  serviteurs  à  s'attacher  plus  à 
leurs  maîtres  par  la  nécessité  de  leur  condi- 
tion, que  par  le  plaisir  de  les  servir.  EUe 
oblige  les  maîtres  à  traiter  doucement  lem-s 
serviteurs,  en  considération  de  leur  maître 
commun  qui  est  Dieu,  et  fait  qu'ils  sont  plus 
portés  à  les  instruire  qu'à  les  châtier.  EUe 
joint  les  citoyens  avec  les  citoyens,  les  peu- 


ples avec  les  peuples,  et  généralement  les 
hommes  avec  les  hommes,  non-seulement 
par  une  société  mutueUe,  mais  par  une  es- 
pèce de  fraternité  en  mémoire  du  premier 
père  dont  ils  sont  tous  descendus.  EUe  ex- 
horte les  rois  à  bien  gouverner  leurs  peuples, 
et  les  peuples  à  obéir  à  leurs  rois.  EUe  en- 
seigne avec  soin  quels  sont  ceux  que  l'on 
doit  honorer,  aimer,  respecter,  craindre, 
consoler,  instruire,  exhorter,  reprendi-e,  cor- 
riger, punir  ;  apprenant  aux  hommes,  et  que 
l'on  ne  doit  pas  toutes  choses  à  tous,  et  que 
l'on  doit  la  charité  à  tous,  et  que  Tonne  doit 
l'injustice  à  personne.  On  sait  dans  l'Eglise 
que  c'est  un  plus  grand  crime  de  pécher 
lorscpi'on  connaît  la  loi,  que  lorsqu'on  l'i- 
gnore. Chez  eUe,  il  y  a  des  personnes  hos- 
pitalières, charitables,  miséricordieuses,  sa- 
vantes, chastes,  saintes,  et  en  grand  nombre. 
Il  y  en  a  même  dont  la  vertu  est  montée 
jusqu'à  un  tel  point,  qu'au  jugement  de  quel- 
qnes-ims,  eUe  a  besoin  d'être  retenue  et 
comme  réduite  dans  les  bornes  de  la  nature 
humaine.  Il  y  en  a  d'autres  qui  après  avoir 
méprisé  les  plaisirs  du  monde,  vivent  en 
commim  d'une  manière  toute  chaste  et  toute 
sainte,  employant  le  temps  à  prier,  à  lire  et 
à  conférer  ensemble  ;  qui  vivent  dans  une 
parfaite  concorde,  occupés  de  la  contempla- 
tion des  grandem's  divines,  et  d'actions  de 
grâces  pour  tous  les  bienfaits  qu'ils  ont  reçus 
de  Dieu.  Nul  d'entre  eux  ne  possède  rien  en 
propre,  nul  n'est  à  charge  à  personne.  Ils  oc- 
cupent leurs  mains  à  des  travaux  suflîsants 
pour  la  nourriture  de  lem-s  corps,  sans  dé- 
tom-ner  l'esprit  de  penser  à  Dieu.  Ils  don- 
nent lem-s  ouvrages  à  ceux  qu'Us  nomment 
doyens,  parce  qu'Us  en  gouvei-nent  dix,  et  ce 
sont  ces  doyens  qui  prennent  soin  de  leur 
nourriture  et  de  leurs  vêtements,  corome  de 
toutes  leurs  autres  nécessités  corporeUes, 
soit  durant  la  santé,  soit  en  maladie.  C'est  à 
eux  à  ordonner  les  choses  dont  la  faiblesse 
de  la  nature  a  besoin,  rendant  néanmoins 
compte  de  tout  à  celui  qu'ils  appeUent  Père, 
qui  est  ordinairement  un  homme  saint  et 
très-habUe  en  la  science  divine.  » 

Saint  Augustin  décrit  la  manière  de  vivre 
de  ces  solitaires,  ce  qui  se  passe  dans  leurs 
assemblées  et  de  queUe  manière  Us  sont 
nourris,  remarquant  qu'ils  ne  souffrent  ja- 
mais qu'il  demeure  rien  chez  eux  qui  ne 
leur  soit  absolument  nécessaire.  Il  parle  en- 
suite des  femmes  qui  menaient  une  vie  toute 
semblable,  servant  Dieu  avec  autant  de  zèle 


i 


[IV"  ET  V°  SIÈCLES.] 

que  de  cliasteté;  vivant  séparées  et  éloi- 
g-nées  des  hommes  autant  que  la  bienséance 
l'exige,  et  se  nourrissant  du  travail  de  leurs 
mains.  Il  passe  delà  aux  exemples  de  piété 
que  plusieurs  évéques,  prêtres  et  autres  ec- 
clésiastiques donnaient  de  son  temps,  et  qu'il 
connaissait  particulièrement.  Leur  vertu  lui 
semble  d'autant  plus  admirable  et  plus  di- 
gne d'éloge,  qu'il  est  plus  difficile  de  la  con- 
server parmi  le  commerce  des  hommes  et 
dans  le  trouble  de  la  vie  commune.  «  Car,  dit- 
il,  ils  ne  gouvernent  pas  tant  des  personnes 
guéries  que  des  malades  qu'il  faut  guérir.  Il 
faut  qu'ils  tolèrent  le  mal  avant  de  le  chas- 
ser, ce  qui  fait  qu'il  ne  leur  est  pas  aisé  de 
demeurer  fermes  dans  une  vie  sainte.  »  Il  re- 
lève aussi  la  vertu  de  quelques  chrétiens  qui 
menaient  dans  les  viUes  une  vie  religieuse 
sous  la  conduite  d'un  prêtre,  vivant  du  tra- 
vail de  leurs  mains.  «Lorsque  j'étais,  dit-il, 
à  Milan,  j'ai  vu  une  maison  de  saints  qui 
étaient  en  assez  grand  nombre,  et  qui  avaient 
pour  supérieur  un  prêtre  très-savant  et  très- 
vertueux.  J'en  ai  vu  aussi  beaucoup  à  Rome 
dont  les  supéi'ieurs  possédaient  avec  émi- 
nence  la  gravité,  la  sagesse  et  la  science  di- 
vine. Ils  ne  sont  à  charge  à  personne,  mais 
ils  vivent  du  travail  de  lem-s  mains,  selon  la 
coutume  de  l'Orient  et  l'exemple  de  saint 
Paul.  Quelques-uns  d'entre  eux  font  d'ordi- 
naire de  si  longs  jeûnes  qu'ils  peuvent  passer 
pour  incroyables,  ne  se  contentant  pas  de 
ne  manger  qu'une  fois  le  jour,  et  seulement 
à  l'entrée  de  la  nuit,  ce  qui  est  très-ordinaire 
partout,  mais  passant  fort  souvent  trois  jours 
entiers,  et  même  quatre,  sans  prendre  au- 
cune nourriture,  ni  aucun  breuvage.  Ils  sont 
imités  dans  ce  genre  de  vie  par  des  commu- 
nautés de  veuves  et  de  vierges,  qui  vivent  de 
la  laine  qu'elles  filent  et  de  la  toile  qu'elles 
font.  EUes  sont  gouvernées  par  celle  d'entre 
elles  qui  est  la  plus  sage  et  la  plus  éprouvée, 
en  qui  on  connaît  mie  suffisance  nécessaire 
pour  régler  les  mœurs  et  pour  instruire  les 
esprits.  Parmi  tous  ces  exercices  de  piété,  on 
ne  force  personne  à  des  austérités  qu'il  ne 
peut  porter,  on  n'ordonne  rien  à  personne 
qu'il  refuse  d'accomplir,  et  on  n'est  pas  mé- 
prisé des  autres  pour  ne  pas  les  imiter,  quand 
on  reconnaît  que  l'on  n'en  a  pas  la  force;  c'est 
la  charité  qui  règle  tout  parmi  eux  ;  et  leur 
soin  ne  va  pas  à  rejeter  certaines  viandes 
comme  mauvaises,  mais  à  dompter  la  concu- 
piscence et  à  conserver  l'amour  entre  tous 
les  frères.  Ceux  qui  ne   mangent  point  de 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


59 


chair  et  ne  boivent  point  de  vin,  ne  croient 
pas  pour  cela  que  ni  l'un  ni  l'autre  soient 
impurs,  et  ils  s'accordent  étant  malades  ce 
qu'ils  se  sont  refusé  en  santé.  » 

4.  «  Ne  m'objectez  pas,  dit  saint  Augus-  ],jfn"',j!;e^u 
tin  aux  manichéens,  les  vices  de  ceux  qui  premier  li- 

"  vre. 

font  profession  ouverte  de  la  foi  chrétienne, 
et  qui,  ou  ne  savent  pas  les  obhgations  de 
cette  foi,  ou  n'y  satisfont  pas.  N'alléguez 
point  les  erreurs  et  les  dérèglements  d'une 
multitude  ignorante  qui,  dans  la  vraie  reli- 
gion même,  ne  laisse  pas  d'être  superstitieu- 
se, ou  qui  s'est  tellement  plongée  dansles 
voluptés  et  les  débauches  qu'elle  ne  se  sou- 
vient plus  de  tout  ce  qu'elle  a  promis  à  Dieu, 
n  y  en  a  beaucoup,  je  le  sais,  qui  adorent 
des  tombeaux  et  des  peintures,  qui  boivent 
sur  les  morts  jusqu'à  l'intempérance,  croyant 
que  ces  actions  honteuses  sont  des  actes  de 
religion;  il  y  en  a  encore  beaucoup  qui  ont 
renoncé  de  parole  au  inonde,  et  qui  souhai- 
tent néanmoins  qu'on  les  charge  des  soins 
et  des  ajffaires  du  monde.  On  ne  doit  pas  s'é- 
tonner que,  dans  une  si  grande  multitude  de 
peuples,  vous  trouviez  assez  de  personnes  dont 
vous  puissiez  blâmer  la  vie,  et  que,  par  ces  in- 
vectives, vous  trompiez  les  simples  et  les  dé- 
tourniez d'embrasser  la  religion  catholique, 
où  ils  pourraient  faire  leur  salut,  puisque, 
dans  votre  petit  nombre,  lorsqu'on  vous  de- 
mande un  homme  qui  garde  seulement  les 
préceptes  de  votre  secte,  vous  ne  pouvez  pas 
en  trouver  parmi  ceux  mêmes  que  vous  ap- 
pelez élus.  »  Saint  Augustin,  en  blâmant  ici  le 
culte  que  quelques  personnes  ignorantes  et 
qui  se  ressentaient  encore  des  superstitions 
païennes  rendaient  aux  tombeaux  et  aux  pein- 
tures, ne  condamne  point  les  peintures,  ni  la 
vénération  que  l'Eglise  a  pour  les  reliques 
des  saints,  et  nous  verrons  ailleurs  qu'il  fait 
mention  des  peintures  où  Jésus-Christ  était 
représenté  avec  saint  Pierre  et  saint  Paul, 
et  qu'il  témoigne  que  Dieu  avait  approuvé 
le  culte  des  reliques  par  un  grand  nombre 
de  miracles.  «  On  doit  considérer  l'Eglise, 
ajoute-t-il,  non  par  les  mauvais  chrétiens, 
mais  par  les  bons  qui  y  sont  en  grand  nom- 
bre. »  Il  montre  aux  manichéens  qu'en  pré- 
tendant que  les  baptisés  ne  pouvaient  se 
marier  ni  posséder  aucun  revenu,  ils  ensei- 
gnaient une  doctrine  contraire  à  celle  de 
l'Apôtre  qui  permet  l'un  et  l'autre.  «  Avec 
quel  front,  leur  dit-il  encore,  osez-vous  de- 
mander que  les  plus  faibles  d'entre  les  ca- 
tholiques soient  dans  un  état  parfait,  pour 


60 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


en  prendre    sujet  de    porter  les  simples  à 
quitter  l'Eglise,  puisque  ceux  que  vous  en 
avez  tirés  jusqu'ici  n'ont  point  ce  degré  de 
perfection?  »  Il  finit  ce  livre  en  disant  qu'il 
allait  en  commencer  un  autre,  où  il  décou- 
vrirait aux  yeux   de   tout    le    monde    les 
précoptes    qpie    les  manichéens   prenaient 
pour  règle  de  leur  vie,  et  leur  pureté  tant 
vantée. 
AnMyse       S.  Daus  le  socond  livre,  qui  est  intitulé  : 
n'vrc^'^F.g.'   ^^^  Mœurs  des  manichéens,  saint  Augustin 
■"5.  combat  d'abord  leur  erreur  principale  tou- 

chant la  nature  et  l'origine  du  mal,  qu'ils  di- 
saient être  une  substance  réelle,  et  avoir  un 
principe  différent  de'  l'auteur  du  bien.  Se- 
lon ce  Père,  le  mal  n'est  pas  une  substance, 
mais  un  simple  défaut ,  ou  une  privation  des 
choses  essentielles  à  la  nature  d'un  être  dont 
Dieu,  qui  est  si  bon  de  sa  natui-e,  ne  peut 
être  auteur.  La  distinction  que  les  mani- 
chéens faisaient  de  deux  principes  indépen- 
dants l'un  de  l'autre  ne  pouvait  se  soutenir  : 
car  si  le  bon  principe,  qu'ils  appelaient  Dieu 
et  auteur  du  bien,  est  immuable  de  sa  na- 
ture, comme  il  doit  l'être,  s'il  est  le  souve- 
rain bien,  à  qui  le  mauvais  principe  nuira-t- 
il?  Ensuite,  saint  Augustin  examine  ce  qu'ils 
appelaient  les  trois  sceaux  de  la  bouche,  de 
la  main  et  du  sein,  qui  comprenaient  toutes 
leurs  abstinences.  Ils  se  vantaient  d'avoir  un 
sceau  sur  la  bouche,  parce  qu'ils  s'abste- 
naient du  vin,  des  viandes,  du  lait  et  du 
poisson,  les  regardant  comme  impurs;  d'en 
avoir  un  sur  la  main,  parce  qu'ils  faisaient 
scrupule  d'arracher  des  herbes  et  de  cueillir 
des  fruits  ou  des  feuilles  ;  d'en  avoir  un  sur 
le  sein,  parce  qu'ils  faisaient  profession  d'une 
entière  chasteté.  Il  leur  demande  si  l'homme 
ne  pèche  donc  que  par  ces  trois  endroits  ; 
s'il  ne  pèche  pas  par  la  vue,  par  l'ouïe  et  par 
d'autres  parties  de  son  corps.  Puis,  déve- 
loppant leurs  blasphèmes,  leurs  impuretés 
et  les  autres  crimes  dont  ils  étaient  convain- 
cus, il  leur  prouve  que  leur  bouche,  leurs 
mains  et  leur  sein  n'étaient  pas  moins  cor- 
rompus cjue  les  autres  parties  de  leurs  corps. 
Ules  défie  même  de  montrer  un  seul  de  leurs 
élus  qui  observât  les  règles  de  leur  secte,  et 
déclare  que,  pendant  neuf  ans  qu'il  avait  été 
leur  auditeur,  il  n'en  avait  pas  connu  un 
seul  qui  ne  fût  ou  convaincu  ou  soupçomié 
de  crimes.  En  combattant  les  superstitions 


des  manichéens  qui,  tout  en  s'abstenant  du 
vin  et  de  la  chair,  comme  aliments  mauvais 
en  eux-mêmes,  se  livraient  avec  excès  à 
toutes  sortes  d'autres  viandes  et  de  boissons 
par  manière  de  rehgion,  il  établit  pour  prin- 
cipe que  l'abstinence  des  viandes  et  autres 
aliments  tire  son  prix  et  son  mérite  du  mo- 
tif pour  lequel  on  s'en  abstient.  Ce  qui  n'em- 
pêche pas  qu'il  ne  témoigne  de  l'estime  pour 
toutes  les  abstinences  qui  se  pratiquaient 
dans  l'Éghse,  ne  doutant  point  qu'elles  n'eus- 
sent un  saint  motif. 

§X. 

Du  livre  de  la  Vraie  Religion  et  de  la  Règle  de 
saint  Augustin. 

1.  Le  livre  de  la  Vraie  Religion  ^  est  mis,  cc  livrc 
par  saint  Augustin,  au  nombre  de  ceux  qu'il  ^^,!;"'  ^"^^ 
composa  n'étant  pas  encore  prêtre.  D.  l'écrivit  soo. 
donc  avant  391,  auquel  il  fut  honoré  de  cette 
dignité,  et  apparemment  vers  l'an  390.  Quel- 
ques années  auparavant,  écrivant  contre  les 
Académiciens  ',  il  avait  promis  à  Romanien, 
son  concitoyen  et  son  bienfaiteur,  de  com- 
poser un  ouvrage  sur  cette  matière  ;  et,  dans 
la  lettre  qu'il  lui  écrivit  en  390,  il  lui  mar- 
quait '  qu'il  l'avait  achevé,  et  qu'il  le  lui  en- 
verrait le  plus  tôt  qu'il  pourrait.  Il  renvoya  *, 
en  415,  Evodius  à  ce  livre,  pour  juger  que 
la  vei'tu  ne  peut  pas  démontrer  que  Dieu 
doit  être  nécessairement,  à  cause  de  la 
différence  qu'il  y  a  entre  être,  comme  Dieu 
est,  et  devoir  être.  Il  paraît  aussi  que  le 
livre  de  la  Vraie  Religion  était  un  des  cinq 
qu'Alypius  envoya  à  saint  Paulin,  et  qui 
étaient  écrits  contre  les  manichéens.  Du 
moins  l'éloge  qu'en  fait  saint  Paulin  con- 
vient-il à  ce  livre  autant  qu'à  tout  autre  écrit 
de  saint  Augustin.  Car,  quoique  celui-ci  ne 
fût  entré  que  depuis  peu  de  temps  dans  la 
connaissance  des  mystères  de  la  religion 
chrétienne,  et  qu'il  n'eût  point  encore  d'au- 
tre qualité  dans  l'ÉgUse  que  celle  de  simple 
fidèle,  il  y  parle  néanmoins  d'une  manière 
si  noble  et  si  élevée  de  ces  mystères,  et  il  y 
détruit  avec  tant  de  solidité  les  erreurs  des 
manichéens  qu'on  am-ait  pu,  dès  lors,  le  re- 
garder comme  un  docteur  accompli  et  comme 
un  évêque  plein  de  zèle  et  de  courage.  «  0 
vrai  sel  de  la  terre,  dit  de  lui  saint  Paulin, 
qui  pénétrez  divinement  nos  cœurs,  et  les 


1  August.,  lib.  I  Retract.,   cap.    xiii.  —  -  Idem, 
lib.  II  Cont.  Acad.,  cap.  ni,  uura.  2. 


'  Aiigust.,  Epist.  lo  ad  Roman.—''  Epist.  162  ad 
Ecod.,  Bum.  2, 


Analyse 


[iv'  ET  V"  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN 

rendez  incorruptibles  au  milieu  de  la  conta- 
gion du  siècle  !  0  lampe  si  dignement  élevée 
sur  le  chandelier  de  l'Église  '  !  Vous  répan- 
dez la  lumière  des  sept  dons  du  Saint-Esprit 
sur  toutes  les  villes  catholiques  ;  vous  dissi- 
pez heureusement  les  épaisses  ténèbres  de 
l'hérésie  et  vous  écartez  par  vos  savants  dis- 
com"s  ces  noires  vapeurs  qui  obscurcissent 
l'éclat  de  la  vérité.  »  Saint  Augustin  y  adresse 
quelquefois  la  parole  à  tous  les  hommes, 
mais  ordinairement  il  y  parle  à  Romanien. 
Il  dit,  dans  le  chapitre  quatorzième,  que  le 
péché  est  si  nécessairement  volontaire,  qu'une 
action  ne  serait  pas  péché,  si  elle  n'était  volon- 
taire; maxime  qui,  comme  il  le  remarque  ^ 
dans  ses  Rétractations ,  pourrait  paraître 
fausse,  mais  qui  est  néanmoins  véritable,  si 
on  l'examine  bien,  et  si  l'on  entend  par  pé- 
ché ce  qui  l'est  en  effet,  et  non  pas  ce  qui 
n'est  que  la  peine  du  péché.  Pour  donner  à 
cette  maxime  plus  de  précision,  il  ajoute  que 
les  péchés  qui  se  font  par  ignorance  ou  par 
cupidité  sont,  en  quelque  façon,  volontaires, 
puisqu'ils  ne  peuvent  être  commis  en  tout 
sans  la  volonté;  celui  en  effet  qui  pèche, 
même  par  ignorance,  fait  volontairement 
une  action  qui  n'est  point  à  faire,  mais  qu'il 
croit  permise.  «  Le  péché  originel  est,  dit-il 
encore,  volontaire,  parce  que  c'est  la  volonté 
du  premier  homme  qui  l'a  rendu  volontaire  ^ 
à  tous  ses  descendants.  »  Saint  Augustin 
veut  que  l'on  ne  prenne  point,  à  la  rigueur, 
ce  qu'il  dit  dans  le  chapitre  25  :  Qu'il  n'y 
avait  plus  de  miracles  de  son  temps,  de  peur 
que  les  hommes  ne  s'attachassent  toujours  aux 
choses  sensibles,  reconnaissant  qu'il  se  faisait 
encore  alors  des  miracles  dans  l'Eglise  *,  et 
qu'il  en  avait  vu  lui-même  à  Milan. 

2.  Le  premier  principe  que  saint  Augustin 
établit  dans  cet  ouvrage  est,  que  la  religion 
qui  nous  apprend  à  n'adorer  qu'un  Dieu  est 
la  seule  chose  qui  puisse  nous  conduire  à  la 
vérité,  à  la  vertu  et  à  la  félicité;  d'où  il  in- 
fère que  ceux-là  ont  été  visiblement  dans 
l'erreur ,  qui  ont  mieux  aimé  adorer  plu- 
sieurs dieux  qu'un  seul.  Il  remarque  que  les 
philosophes  païens  qui  pensaient  différem- 
ment du  peuple  sur  la  Divinité,  ne  laissaient 
pas  de  lui  être  unis  dans  le  culte  extérieur 


,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  61 

qu'ils  rendaient  en  commun  aux  dieux.  Il 
rapporte  ce  que  Socrate  a  pensé  des  fausses 
divinités,  et  dit  que  Platon  n'eût  pas  fait  dil- 
ficulté  de  reconnaître  et  de  suivre  la  religion 
chrétienne  s'il  eût  vécu  depuis  son  établis- 
sement, voyant  que  les  maximes  les  plus  éle- 
vées de  sa  philosophie,  touchant  la  Divinité 
et  la  nécessité  de  purifier  son  âme,  qu'il  dé- 
sespérait pouvoir  persuader  aux  païens,  était 
non-seulement  prêchée  par  toute  la  terre, 
mais  encore  suivie  par  une  infinité  de  chré- 
tiens. Il  cite  à  ce  sujet  l'exemple  des  martyrs 
qui  ont  souffert  les  feux  et  les  tortures,  et 
celui  de  plusieurs  milliers  de  jeunes  hommes 
et  de  jeunes  vierges  qui,  pleins  d'éloigne- 
ment  pour  le  mariage,  ont  passé  leur  vie 
dans  la  chasteté.  Il  dit  que  les  philosophes 
ne  peuvent  s'empêcher  de  reconnaître  que 
c'est  Dieu  qui  opère  toutes  ces  merveilles  et 
croire  à  lui  sans  s'arrêter  aux  opinions  de 
leurs  prédécesseurs,  qu'ils  croiraient  eux- 
mêmes,  s'ils  revenaient  au  monde  et  qu'ils 
vissent  les  églises  remplies,  tandis  que  les 
temples  sont  déserts.  «Du moins,  ajoute-t-il, 
ne  ucit-on  pas  chercher  la  vraie  religion  chez 
des  philosophes,  qui  approuvent  par  leurs 
actions  un  culte  qu'ils  condamnent  dans 
leurs  discours.  On  ne  doit  pas  non  plus  la 
chercher  dans  la  confusion  du  paganisme, 
ni  dans  l'impureté  de  l'hérésie,  ni  dans  la 
langueur  du  schisme,  ni  dans  l'aveuglement 
du  judaïsme;  elle  ne  se  trouve  que  dans 
l'Église  catholique,  qui  est  répandue  généra- 
lement par  toute  la  terre  et  qui  fait  servir  l'é- 
garement des  autres  à  son  propre  bien.  Elle 
se  sert  des  païens  comme  de  la  matière  dont 
elle  fait  ses  ouvrages  ;  des  hérétiques,  comme 
d'une  preuve  de  la  pureté  de  sa  doctrine  ; 
des  schismatiques,  comme  d'une  marque  de 
sa  fermeté,  et  des  juifs,  pour  relever  son 
éclat  et  sa  beauté.  Elle  invite  les  païens,  elle 
chasse  les  hérétiques ,  elle  abandonne  les 
schismatiques,  elle  passe  et  s'élève  au-des- 
sus des  juifs  ;  leur  ouvrant  néarunoins  à  tous 
l'entrée  des  mystères  et  la  porte  de  la  grâce, 
soit  en  formant  la  foi  des  premiers,  ou  en 
réformant  l'erreur  des  seconds,  ou  en  remet- 
tant les  autres  en  son  sein,  ou  en  admettant 
les  derniers  à  la  société  de  ses  enfants.  » 


1  Paul.,  Epist.  it  ad  Àugust.  —  «  Lib.  I  Retract., 
cap.  XIII. 

^  Le  texte  des  Bénédictina  porte  :  Via  ex  prima 
(peut-être  primi)  hominis  mala  voluntate  con- 
tractum  factmn  est  quoclam  modo  hcereditarium. 


Dans  l'édition  de  Louvain  on  lit  à  la  marge  ob  vo- 
luntarium.T).  Ceillier  a  réuni  les  deux  idées  dans 
la  traduction.  Mais,  il  a  omis  les  mots  quodam  modo 
qui  pourtant  ne  sont  pas  inutiles.  [L'éditeur.) 
*  Lib.  I  Retract.,  cap.  xiii. 


62 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Suite.  3.  Pour  les  chrétiens  charnels ,   c'est-à- 

dire  pour  ceux  qui  vivent  ou  qui  pensent 
d'une  manière  charnelle,  l'Eghse  les  souffre 
poiir  un  temps;  comme  la  paille  qui  met  à 
couvert  le  froment  dans  l'aire,  eUe  souffre 
ceux  qui  sont  dans  le  péché  ou  dans  l'erreur 
jusqu'à  ce  qu'ils  se  soient  accusés,  ou  qu'ils 
défendent  lem-s  fausses  opinions  avec  une 
animosité  opiniâtre.  Quant  à  ceux  qui  ont  été 
retranchés  de  l'Eglise,  ou  ils  y  retournent 
par  la  pénitence,  ou  emportés  par  leur  mal- 
heureuse liberté ,  ils  s'abandonnent  au  vice, 
ou  ils  font  schisme,  ou  ils  forment  quelque 
hérésie.  Telle  est  la  fin  des  chrétiens  char- 
nels que  l'Eglise  n'a  pu  ni  corriger,  ni  souf- 
frir dans  leurs  désordres.  La  providence  de 
Dieu  permet  même  souvent  que  des  hommes 
vertueixx;  soient  chassés  de  la  communion 
de  l'Eglise  par  des  troubles  et  des  tumul- 
tes que  des  personnes  charnelles  excitent 
contre  eux;  mais  après  qu'ils  ont  souffert 
avec  une  patience  extraordinaire  cette  igno- 
minie pour  conserver  la  paix  de  l'Eglise 
sans  faire  aucun  schisme  contre  elle  et  sans 
foi-mer  aiicune  nouvelle  hérésie ,  ils  sont 
couronnés  en  secret  par  le  Père  qui  les 
voit  dans  le  secret.  «  Ces  exemples  parais- 
,  sent  rares,  dit  saint  Augustin  ;  mais  il  y  en  a 
néanmoins  et  plus  qu'on  ne  saurait  croire; 
Dieu  en  usant  ainsi  pour  l'instruction  des 
chrétiens  de  toute  sorte  d'état.  » 

Suite.  4.  Après  avoir  montré  que  l'on  doit  reje- 

ter toutes  les  fausses  religions  dont  il  vient  de 
parler,  il  conclut  qu'il  faut  s'en  tenir  à  la  re- 
ligion chrétienne  et  à  la  communion  de  cette 
Eghse  qui  est  cathohque,  et  qui  est  appelée 
catholique,  non-seulement  par  les  siens,  mais 
aussi  par  tous  ses  ennemis  qui,  parlant  de 
l'Eghse  catholique  soit  entre  eux,  soit  avec 
les  étrangers,  ne  l'appellent  pas  autrement 
que  catholique.  Le  premier  fondement  de 
cette  religion  est  l'histoii'e  et  la  prophétie 
qui  nous  découvrent  la  conduite  de  la  di- 
vine Providence  dans  le  cours  des  temps 
pour  la  réparation  et  la  réformation  du  genre 
humain  et  pour  lui  procui'er  la  vie  éternelle. 
Le  second,  ce  sont  les  préceptes  divins  qui 
doivent  régler  notre  vie  et  purifier  notre  es- 
prit, afin  de  le  i-endre  capable  des  choses 
spirituelles,  c'est-à-dire  capable  de  connaître 
qu'il  n'y  a  qu'un  Dieu  en  trois  personnes  : 
le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit  qui  ont, 
sans  aucun  partage,  créé  le  monde  et  tout 
ce  qu'il  contient ,  l'incarnation  et  tous  les 
mystères  qui  en  sont  une  suite.  «  L'Eglise, 


ajoute  saint  Augustin,  tire  même  quelque  uti- 
lité des  hérétiques,  non  qu'ils  la  servent  en 
enseignant  la  vérité  qu'ils  ignorent,  mais  en 
donnant  sujet  aux  cathohcfues  qui  sont  char- 
nels de  la  rechercher  et  aux  spirituels  de  la 
découvrir.  »  Viennent  ensuite  les  erreurs  des 
manichéens ,  touchant  les  deux  principes 
qu'ils  admettaient  et  touchant  les  deux  âmes 
qu'ils  disaient  être  dans  chaque  corps,  dont 
l'ime  avait  Dieu  pour  auteur,  l'autre  le  prince 
des  ténèbres  ;  mais  le  saint  Docteur  ne  s'ar- 
rête que  peu  ou  point  à  les  réfuter,  l'ayant 
déjà  fait,  et  promettant  de  le  faire  encore 
en  une  autre  occasion.  Il  fait  voir  que  la 
vraie  religion  ne  peut  être  ni  réparée ,  ni 
soutenue  qpie  de  Dieu,  et  que  s'il  ne  demeu- 
rait toujours  immuable  dans  son  être,  il  n'y 
am"ait  aucune  des  natures  muables  qui  pût 
subsister  dans  le  sien.  Il  exphque  de  quelle 
manière  l'âme  devient,  poui-  ainsi  dire,  ter- 
restre et  charnelle  en  aimant  le  corps,  et 
comment  elle  sort  de  cet  état  malheureux 
en  s'élevant  à  Dieu  et  en  surmontant  avec 
la  grâce  de  Dieu  les  désirs  déréglés;  et  com- 
ment l'âme  établie  en  Dieu  et  jouissant  de 
lui  dans  le  ciel,  animera  le  corps  après  la  ré- 
surrection. Elle  n'aura  point  cette  vertu  par 
elle-même,  mais  par  la  vérité  immuable  qui 
est  le  Fils  de  Dieu,  par  qui  toutes  choses 
subsistent.  La  chute  des  anges  dont  il  traite 
ensuite,  a  eu,  selon  lui,  pour  cause  leur  or- 
gueil; ils  ont  voulu  être  plus  qu'ils  n'étaient, 
et,  s'aimant  plus  qu'ils  n'aimaient  Dieu,  ils 
n'ont  pas  voulu  lui  être  soumis.  Le  pé- 
ché doit  être  volontaire,  comme  le  prouve 
le  consentement  unanime  de  tous  les  doc- 
teurs et  même  de  ceux  qui  ne  le  sont  pas; 
et,  d'ailleurs,  si  nous  ne  faisons  pas  le  mal 
volontairement,  les  exhortations  et  les  ré- 
primandes deviennent  inutiles ,  et  consé- 
quemment  toutes  les  lois  de  la  religion  chré- 
tienne. La  mort,  la  faiblesse  du  corps  et  la 
douleur  sont  des  peines  du  péché  ;  mais  elles 
ne  sont  pas  inutiles,  parce  que  les  peines 
doivent  nous  guérir  et  nous  instraire  par 
leur  amertume ,  comme  les  biens  iufériem'S 
nous  ont  trompés  par  leur  douceur. 

5.  n  reprend  ensuite  la  matière  de  l'incar-  suiie. 
nation  qu'il  avait  entamée  plus  haut.  «  La 
bonté  de  Dieu  envers  les  hommes,  dit-il,  n'a 
jamais  tant  éclaté  que  dans  ce  mystère  ;  le 
Fils  unique  de  Dieu  consubstantiel  et  coéter- 
nel  au  Père,  a  bien  voulu  se  faire  chair  pour 
sauver  l'homme  entier,  aj-ant  même  voulu 
naître  d'une  femme,  afin  qu'aucun  des  deux 


TV°  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


63 


sexes  ne  se  crût  méprisé  de  son  créateur  ; 
il  n'a  point  employé  la  violence  pour  attirer 
les  hommes  à  lui,  mais  la  persuasion  ;  il  s'est 
montré  Dieu  par  des  miracles  et  homme 
par  ses  souffrances  ;  il  nous  a  appris  par  son 
exemple  à  aimer  la  pauvreté  et  les  oppro- 
bres en  se  privant  volontairement  de  toutes 
les  choses  dont  le  désir  nous  empêchait  de 
bien  vivre  et  en  souffrant  toutes  celles  dont 
l'aversion  nous  détournait  de  l'amour  et  de 
la  recherche  de  la  vérité.  Car  on  ne  saurait 
piécher  qu'en  deux  manières,  ou  en  souhai- 
tant ce  que  Jésus-Christ  a  méprisé,  ou  en 
fuyant  ce  qu'il  a  souffert.  Sa  vie  a  été  une 
instruction  continuelle  pour  le  règlement  de 
nos  mœurs,  et  en  ressuscitant  d'entre  les 
morts,  il  nous  a  appris  que  rien  ne  périt 
de  la  nature  humaine,  et  que  nous  devons 
espérer  d'être  un  jour  délivrés  de  toutes 
sortes  de  peines.  »  Saint  Augustin  donne  cette 
règle  pour  l'intelligence  de  l'Écriture  :  «  Ce 
qui  est  obscur  dans  ce  qui  regarde  les  mys- 
tères se  règle  et  s'explique  par  ce  qu'il  y 
a  de  clair.  »  La  raison  de  cette  obscurité, 
c'est  que  s'il  n'y  avait  rien  dans  l'Écriture 
que  de  clair  et  de  facile  à  entendre,  on 
n'aurait  pas  tant  d'ardeur  à  y  chercher  la 
vérité,  ni  tant  de  plaisir  à  l'y  trouver.  La 
différence  entre  les  deux  Testaments  est  cel- 
le-ci :  Sous  la  loi,  le  peuple  juif  était  lié  par 
la  crainte  et  chargé  d'un  grand  nombre  de 
cérémonies,  et  que  maintenant,  dans  la  loi 
nouvelle,  la  piété  commence  par  la  crainte 
et  s'achève  par  l'amour.  Le  Fils  de  Dieu, 
en  se  faisant  homme,  nous  a  délivrés  de  la 
servitude  de  la  loi,  a  aboli  les  ordonnances 
légales  et  n'a  établi  que  peu  de  sacrements, 
mais  très-salutaires  pour  entretenir  la  so- 
ciété du  peuple  chrétien.  Si  les  chrétiens 
n'ont  pas  les  mêmes  sacrements  qu'avaient 
les  Juifs,  il  ne  s'ensuit  pas  que  les  deux  Tes- 
taments ne  soient  pas  d'un  même  Dieu.  Un 
père  de  famille  très-équitable  ne  donne-t-il 
pas  des  ordres  plus  sévères  à  des  domesti- 
ques qui  ont  besoin  d'être  traités  plus  dure- 
ment, qu'à  d'autres  qu'il  veut  bien  adopter 
pour  ses  enfants?  Si  l'on  objecte  que  les  pré- 
ceptes de  la  loi  ancienne  sont  moins  consi- 
dérables que  ceux  de  la  loi  nouvelle,  qu'ainsi 
ils  ne  peuvent  être  d'un  même  législateur, 
on  peut  répondre  :  Dieu  en  a  agi  comme  un 
médecin  qui  soulage  les  plus  faibles  par  ses 
ministres  et  les  plus  forts  par  lui-même. 

6.  Saint  Augustin  prouve  que  toutes  les 
choses  créées  sont  boimes  en  elles-mêmes , 


mais  qu'elles  ne  sont  pas  le  souverain  bien, 
parce  qu'elles  sont  sujettes  au  changement 
et  aux  vicissitudes.  Pour  lui,  le  premier  vice 
de  l'âme  raisonnable  est  dans  la  volonté  de 
faire  ce  qui  lui  est  défendu  par  la  vérité  sou- 
veraine et  intérieure,  et  elle  pèche  en  se  dé- 
tournant du  bien  éternel  pour  s'attacher  au 
bien  temporel ,  et  en  quittant  le  bien  spiri- 
tuel pour  le  corporel.  D'où  cette  conclusion  : 
Les  créatures  sont  des  biens  que  l'âme  rai- 
sonnable ne  peut  aimer  sans  péché  ,  parce 
qu'elles  sont  d'un  ordi-e  qui  est  au-dessous 
d'elle.  Ce  que  le  saint  Docteur  n'entend  que 
de  ceux  qui  aiment  les  créatures  à  l'exclu- 
sion de  Dieu  ou  d'un  amour  déréglé.  «  Les 
créatures  mêmes,  ajoute-t-il,  qui  sont  aimées 
par  ime  âme  qui  néglige  de  servir  Dieu,  en 
deviennent  le  supplice ,  et  l'engagent  dans 
plusieurs  misères  en  la  repaissant  de  plai- 
sirs trompeurs  ;  parce  qu'elles  ne  demeurent 
jamais  au  même  état,  elles  ne  la  satisfont 
pas  pleinement,  au  contraire,  elles  l'affligent 
en  la  tourmentant  sans  cesse.  Il  n'en  est  pas 
de  même  du  juste ,  rien  ne  lui  déplaît  dans 
l'administration  de  l'univers.  » 

Saint  Augustin  traite  ensuite  de  la  na- 
tm^e  du  mal  qu'il  dit  consister  dans  l'atta- 
che vicieuse  de  la  volonté  aux  créatures 
corporelles.  Il  distingue  deux  voies  qui  con- 
duisent au  salut,'  l'autorité  et  la  raison ,  en 
remarquant  qu'elles  s'accordent  ensemble  : 
car  ,  en  suivant ,  dit-il ,  l'autorité  ,  on  ne 
laisse  pas  de  sui\Te  la  raison ,  lorsqu'on 
considère  à  qui  l'on  doit  croire.  L'autorité 
réside  dans  les  Livres  saints  et  dans  le  témoi- 
gnage de  ceux  qui  ont  cru  à  l'Évangile  par  la 
vue  des  miracles  dont  Dieu  s'est  servi  pour 
l'étabhr  dans  toute  la  terre.  La  raison  avertit 
l'homme  de  se  détacher  des  créatures  pour 
ne  s'attacher  qu'à  Dieu,  mais  elle  ne  l'en 
avertit  qu'aidée  eUe-même  des  lumières  de  la 
suprême  vérité  qui  est  Dieu.  L'attachement 
aux  biens  du  ciel  guérit  l'homme  de  la  triple 
convoitise  dont  parle  saint  Jean.  «  Celui,  dit- 
il,  qui  se  nom-rit  intérieurement  de  la  parole 
de  Dieu,  ne  cherche  point  de  plaisir  dans  le 
désert  de  cette  vie;  celui  qui  n'est  soumis 
qu'à  Dieu  seul ,  ne  cherche  point  de  sujets 
de  vanité  dans  les  grandeurs  de  la  terre  ;  et 
celui  qui  se  tient  attaché  à  la  contemplation 
éternelle  de  la  vérité  immuable,  ne  se  préci- 
pite point  par  ses  yeux  dans  la  connaissance 
trop  curieuse  des  choses  basses  et  temporel- 
les. »  Vient  ensuite  le  détail  de  cette  triple 
convoitise ,  et  l'on  voit  que  les  vices  mêmes 


64 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


auxquels  elles  nous  portent  doivent,  par  leur 
laideur,  nous  engager  à  embrasser  la  vertu, 
sui  c.  7.  Ici  se  présentent  divers  préceptes  très- 

utiles,  tant  poui'  nous  apprendre  ce  qui  doit 
être  l'objet  de  noti-e  amour  que  pour  la  ma- 
nière de  l'aimer.  En  général,  celui  qui  s'est 
rendu  victorieux  de  ses  vices,  ne  peut  être 
vaincu  par  aucun  homme ,  car  il  ne  le  peut 
être  que  lorsque  son  ennemi  lui  ravit  ce  qu'il 
aime  ;  si  donc  il  n'aime  que  ce  qui  ne  peut 
lui  être  ravi,  c'est-à-dire  s'il  aime  Dieu  de 
tout  son  cœur  et  le  prochain  comme  soi-même, 
il  est  invincible.  Une  autre  règle  générale  de 
l'amour  que  nous  devons  au  prochain,  est  de 
lui  souhaiter  tous  les  biens  que  nous  nous 
souhaitons  à  nous-mêmes,  et  de  ne  vouloir 
pas  qu'il  lui  arrivât  ce  que  nous  ne  voudrions 
pas  qu'il  nous  arrivât.  Mais  il  n'est  pas  per- 
mis d'aimer  son  prochain  autrement  que  soi- 
même  ;  ainsi,  celui-là  pèche  qui  n'aime  dans 
son  prochain  que  quelque  chose  de  corporel, 
parce  qu'aloi^s  il  n'aime  pas  l'homme  en  la 
manière  qu'il  doit  être  aimé.  On  ne  doit  point 
non  plus  s'aimer  comme  les  frères  charnels, 
les  personnes  mariées,  les  pai-ents,  les  conci- 
toyens s'aiment  les  uns  les  autres,  parce  que 
cette  espèce  d'amour  est  purement  temporel. 
Saint  Augustin  donne  des  règles  pour  l'in- 
telligence des  divines  Écritures,  dont  il  re- 
commande la  lecture  à  l'exclusion  des  poètes 
et  des  pièces  de  théâtre.  «  Nourrissons,  dit- 
il,  par  l'étude  des  Écritures  divines,  notre 
esprit  qui  est  lassé  par  la  faim  et  tom-menté 
par  la  soif  d'une  curiosité  inutile,  dans  la- 
quelle il  tâche  en  vain  de  se  contenter  et  de 
se  rassasier  par  des   fantômes  trompeurs, 
comme  par  des  viandes  qui  ne  sont  qu'en 
peintm-e.  »  Il  finit  en  exhortant  tous  les  hom- 
mes à  embrasser  la  véritable  religion,  à  n'ai- 
mer ni  le  monde  ni  ce  qui  est  dans  le  monde, 
puisque  tout  s'y  réduit  à  la  concupiscence  de 
la  chair,  à  la  concupiscence  des  yeiix  et  à 
l'orgueil  de  la  vie  ;  à  n'aimer  point  les  spec- 
tacles des  théâtres ,  de  peur  que  s'éloignant 
de  la  vérité  et  n'en  aimant  que  les  ombres, 
on  ne  soit  précipité  dans  les  ténèbres;  à  ne 
rendi'c  aucun  culte  aux  ouvrages  faits  de  la 
■  main  des  hommes  ;  à  n'adorer  aucun  homme 
mort ,  eût-il  bien  vécu ,  puisqu'on  n'adore 
pas  même  les  anges  et  qu'on  ne  leur  bâtit 

»  Lib.  I  'Retract.,  cap.  vi.  —  ^  Le  cardinal  Mai  a 
puilié  dans  le  tom.  I  Bibl.  Nov.  Patr.  II  part.,  pag. 
165-181,  une  grammaire  latine  de  saint  Augustin  d'a- 
près deux  manuscrits  estimables  du  ix<!  ou  x=  siècle 
adressés  à  Pierre  de  Milan.  Elle  est  différente  de  celle 
dont  parle  ici  l'auteur  il  y  a  plusieurs  choses  uou- 


point  de  temples,  mettant  la  religion  à  adorer 
un  seul  Dieu,  Père,  Fils  et  Saint-Esprit. 

8.  On  convient  que  la  Bègle  aux  serviteurs      r.fgic  de 
de  Dieu  que  l'on  a  mise  à  la  fin  du  premier   guMin.ilsl 
volume  des  œuvres  de  saint  Aug-ustin  est  de  ''^^• 
lui ,  mais   qu'il  l'avait  composée  pour  des 
filles  et  non  pour  des  hommes.  En  effet,  elle 
se  trouve  dans  la  lettre  211  qui  est  adressée 
à  des  religieuses  qui  vivaient  en  commun 
dans  un  même  monastère.  Mais  il  y  a  long- 
temps qu'on  l'a  appropriée  à  des  hommes, 
comme  on  le  voit  dans  la  liègle  de  Tarnate 
dont  elle  fait  partie,  comme  aussi  de  celle 
de  saint  Césaire  :  dans  un  manuscrit  de  Cor- 
bie  de  plus  de  mille  ans,  on  la  trouve  déjà 
appropriée  à  des  rehgieux.  Ceux  qui  en  ont 
pris  le  soin  ne  l'ont  pas  même  faite  avec 
exactitude ,  puisqu'ils  y  ont  laissé  la  distinc- 
tion entre  le  prêtre  et  le  supérieur,  et  la  su- 
bordination de  celui-ci  à  celui-là ,  ce  qui  est 
bon  dans  un  monastère  de  filles  et  non  dans 
un  monastère  d'hommes.  Nous  détaillerons 
cette  règle  dans  l'analyse  des  lettres  de  saint 
Augustin. 

§XL 

De  quelques  ouvrages  faussement  attribués 
à  saint  Augustin. 

1.  Saint  Augustin  fait  mention  dans  son  i-ivrc  iii 
premier  livre  des  Rétractations ,  d'un  livTe  '  maire. 
de  la  Grammaire  et  de  quelques  traités  sur  p-ig",';  ' 
la  dialectique,  la  rhétorique,  la  géométrie, 
l'arithmétique  et  la  philosophie,  et  dit  qu'il 
les  avait  composés  en  forme  de  dialogue  et 
qu'il  se  servait  de  ces  sciences  pour  élever 
l'homme  vers  son  Créateur.  Il  n'y  a  rien  de 
tout  cela  dans  le  livre  de  la  Grammaire  :  il 
n'est  ni  en  forme  de  dialogue ,  ni  propre  à 
élever  l'esprit  de  l'homme  vers  son  Créateur. 
Ce  qui  a  pu  donner  lieu  de  l'attribuer  à  saint 
Augustin,  c'est  qu'il  commence  par  les  mê- 
mes mots  qu'avait  employés  saint  Augustin 
en  commençant  le  sien  :  mais  comme  ils  ne 
se  trouvent  point  dans  les  anciens  exem- 
plaii-es,  il  n'y  a  point  de  doute  que  ces  mots 
n'aient  été  ajoutés  par  l'imposteur,  qui  a 
voulu  faire  passer  son  ouvrage  sous  le  nom 
respectable  de  ce  Père.  ^ 

velles  et  utiles  à  noter  sur  la  grammaire  et  les  lexi- 
cographes; elle  est  écrite  d'un  très-bon  style.  On  y 
remarque  le  mot  punique  délias  qui  signifie  carex 
et  qu'on  ne  trouve  nulle  part  ailleurs.  Ou  sait  que 
le  saint  Docteur  emploie  souvent  dans  ses  ouvrages 
des  mots  euipruntésàlalanguepunique.  {L'édilcur.) 


[IV"  ET  V'  SIÈCLES.^ 


SAINT  AUGUSÏLN,  EYEQUE  D'HIPPONE. 


65 


Livres  des 
i\  Ca  lègu- 
es,    pag. 


Les  Prin- 
pes  (le 
létorique 
35. 


Liires  2.  Le  liwe  qui  a  pour  titre  :  Principes  de 
■s  AeliA-  dialectique,  n'est  pas  non  plus  écrit  en  forme 
ciii|»e,  p.    (jg  (JialogTie  ,  et  on  n'y  voit  rien  du  but  que 

saint  Augustin  s'était  proposé  en  écrivant 

sur  cette  matière. 

3.  Il  faut  dire  la  même  chose  de  l'écrit  in- 
titulé :  Les  dix  Catégories;  d'aiUeurs,  saint 
Augustin  ne  dit  nulle  part  qu'il  ait  écrit  sur 
ce  sujet.  On  peut  ajouter  que  l'auteiu  de 
cet  écrit  fait  un  grand  cas  de  la  philosophie 
d'Aristote,  et  qu'il  dit  avoir  eu  bien  de  la 
peine  d'entendre  son  livre  des  Catégories 
avec  le  secours  de  Thémistius;  saint  Augus- 
tin ,  au  contraire ,  ne  les  estimait  pas  beau- 
coup, comme  on  le  voit  par  son  cinquième 
livre  *  contre  Julien ,  et  il  les  avait  comprises 
aisément  et  sans  maître,  ainsi  qu'il  le  dit  dans 
le  quatrième  livre  ^  de  ses  Confessions.  Le 
nom  d'Adéodat  que  l'on  a  mis  dans  les  im- 
primés, ne  se  lit  point  dans  les  manuscrits. 

4.  L'écrit  intitulé  :  Principes  de  rhétoi'ique, 
est  en  forme  de  discours  ordinaire  ;  ainsi , 
ce  ne  peut  être  celui  de  saint  Augustin,  qui 
était  en  forme  de  dialogue.  L'auteur  y  met 
aussi  en  grec  tous  les  termes  dont  il  donne 
des  définitions,  méthode  que  ce  Père  ne  suit 
pas  ordinairement  dans  ses  écrits. 

3.  La  Règle  aux  Clercs  est  adressée  aux 
moines  dans  le  code  des  Règles  d'Holsté- 
nius;  elle  leur  convient,  en  effet,  puisqu'il  y 
est  dit  qp'ils  résidaient  dans  des  monastères. 
Personne  ne  doute  aujourd'hui  qu'elle  ne  soit 
supposée.  On  juge  de  même  de  celle  qui  est 
intitulée  :  Seconde  Règle,  qui,  dans  un  ancien 
manuscrit  de  Corbie,  sert  d'introduction  à  la 
Règle  de  saiut  Augustin,  que  nous  avons  dit 
avoir  été  appropriée  aux  hommes.  Il  y  a  dans 
cette  Seconde  Règle  diverses  choses  qui  pa- 
raissent tirées  de  la  Règle  de  saint  Benoît. 
6.  La  même  Règle  est  citée  deux  fois  de 
suite  en  termes  exprès  dans  le  livre  qui  a 
pour  titre  :  De  la  Vie  érémitique.  Il  ne  peut 
donc  être  de  saint  Augustin.  Holsténius  en 
fait  auteur  le  bienheureux  Jîlvède  ,  abbé  de 
Revesby,    en  Angleterre,    cpii    vivait   vers 
le  milieu  du  xii'^  siècle.  Ce  livre  se  trouve,  en 
effet,  dans  le  catalogue  des  œuvres  de  cet 
abbé,  rapporté  dans  la  seconde  centurie  des 
écrivains  d'Angleterre,  au  nombre  de  qua- 
tre-vingt-dix-neuf, sous  ce  titre  :  De  l'Institu- 
tion des  recluses.  Il  y  en  a  une  partie  et  envi- 
ron le  tiers  parmi  les  œuvres  de  saint  Ansel- 
me, savoir,  les  méditations  xv",  xvi'^  et  xvii°. 


Règles 
IX  Clercs. 


Livre   de 

Vie  éré- 

■iiique,  p. 


ARTICLE  m. 

SECOND  TOJtE    DES    ŒUVRES    DE    SAINT   AUGUSTIN. 

Le  second  tome  contient  les  lettres  de  saint 
Augustin,  disposées  suivant  l'ordi-e  chrono- 
logique, et  divisées  en    quatre   classes.  La 
première  comtient  celles  que  saint  Augustin 
écrivit  avant  son  épiscopat,  c'est-à-dire  de- 
puis l'an  386  jusqu'en  395,  en  quoi  les  édi- 
teurs se  sont  conformés  à  la  méthode  que 
ce  saint  a  suivie  lui-même  dans  la  distri-   . 
bution  de  ses  ouvrages,  ayant  revu  de  suite, 
dans  le  premier  livre  de  ses  Rétractations, 
tous  ceux  qu'il  avait  composés  aA'ant  d'être 
évêque.  La  seconde  comprend  celles  qui  fu- 
rent écrites  depuis  l'an  396,  jusqu'au  temps 
de  la  conférence  de  Carthage  et  de  la  dé- 
couverte de  l'hérésie  pélagienne  en  Afrique, 
c'est-à-dire  jusqu'en  l'an  410;  la  troisième, 
celles  qu'il  a  écrites  depuis  l'an  411,  jusqu'à 
sa  mort,  qui  arriva  en  l'an  430;  la  quatrième, 
celles  dont  l'époque  n'est  pas  certaine,  quoi- 
que l'on  sache  qu'elles  n'ont  été  écrites  cpie 
depuis  son  épiscopat.  Il  y  en  a  en  tout  deux 
cent  soixante-dix,  àuxqueUes  on  en  a,  depuis 
l'édition  de  Paris,  en  1688,  ajouté  deux  qui 
ont  été  trouvées  dans  les  bibliothèques  d'Al- 
lemagne et  imprimées  en  1734  à  Paris.  On  a 
trouvé  parmi  ces  lettres  quelques  traités  qui 
s'y  trouvaient  déjà  dans  les  anciennes  édi- 
tions, quoique  saint  Augustin  les  appelle  Li- 
vres dans  ses  Rétractations.  De  ce  nombre  est 
le  livre  De  la  Vision  de  Dieu,  que  l'on  compte 
poiu'  la  lettre  147  à  Paulin. 

§1- 

Des  Lettres  de  la  première  classe. 

l .  La  lettre  à  Hermogénien  fut  écrite  quel-      '•  i-eifc 
que   temps  après  les  trois  livres  contre   les  nicn ,     en 
Académiciens,  c'est-à-dire  sui-  la  fin  de  l'an  ^^o,  pag.i. 
386,  ou  au  commencement  de  387.  Saint 
Augustin  explique  à  Hermogénien  dans  quel 
dessein  il  avait  écrit  ces  trois  livres;  savoir, 
pour  montrer  que  l'homme  est  capable  de 
connaîti'e  quelque  chose  avec  certitude.  Il 
ne  se  flatte  pas  néanmoins  d'avoir  vaincu 
ces  philosophes,  comme  Hermogénien  l'en 
avait  assuré  ;  mais  il  se  sait  bon  gré  de  s'être 
mis  au-dessus  du  désespoir  de  trouver  la 
vérité  qui  est,  dit-il,  la  nourriture  de  l'esprit, 
et  d'avoir  par  là  rompu  cette  chaîne  impor- 


Lib.  I  Retract. 
IX. 


cap  xiVi 


Ibid.,  cap.  XVI. 


66 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


tune  qui  l'empêchait  de  s'appliquer  à  la  vraie 
philosophie. 
II.  i..'iire       2.  Il  écrivit  vers  le  même  temps  à  Zéno- 
eifsso.'pag."   bius,  pour  lui  témoigner  le  déplaisir  que  lui 
^'  causaient  son  absence  et  l'impatience  où  il 

était  de  le  revoir,  pour  résoudre  ensemble 
une  question  qu'ils  avaient  commencé  d'exa- 
miner. Ce  Zénobius  était,  ce  semble,  le  môme 
à  qui  il  adressa  ses  livres  de  l'Ordre.  Il  dit 
au  chapitre  vu  du  second  livre ,  qu'il  s'était 
souvent  entretenu  avec  Zénobius  sui'  cette 
question  importante  :  si  tous  les  maux  et  tous 
les  biens  sont  compris  dans  l'ordi^e  de  la 
Providence.  Comme  il  n'avait  pu  décider  la 
question,  vu  que  Zénobius  avait  été  obhgé 
de  quitter  pour  des  affaires  pressantes,  c'est 
pour  cela  qu'il  lui  témoigne  un  grand  désir  de 
le  revoir,  afin  de  fixer  ensemble  ce  qu'ils  de- 
vaient penser  sur  ce  sujet.  On  voit  dans  cette 
lettre  comment  saint  Augustin  était  à  l'égard 
de  ses  amis.  «  Comme  j'ai,  dit-il,  de  la  peine 
à  me  voir  éloigné  de  mes  amis,  je  suis  bien 
aise  aussi  qu'ils  en  aient  à  se  voir  éloignés 
de  moi  :  mais  je  prends  garde,  autant  qu'il 
m'est  possible,  à  ne  rien  aimer  que  ce  qui 
ne  me  saurait  être  enlevé  malgré  moi.  » 
,„  ,ç|.  3.  L'année  suivante  387,  saint  Augustin 
ire  il  ^(!bri-   étant  eucore  à  Cassiaque  écrivit  à  Nébridius, 

tliiis,       en  ,        ^    ,      .  .  T 

ii.1-  l'un  de  ses  amis.  C  était  un  jeune  homme 

d'auprès  de  Carthage,  qui  l'était  venu  cher- 
cher jusqu'à  Milan  :  ayant  lu  ses  livres  contre 
les  Académiciens,  et  celui  qui  est  intitulé  : 
De  la  Vie  bienheureuse,  il  en  fut  si  charmé, 
qu'en  lui  écrivant,  il  l'avait  appelé  heureux 
d'avoir  tant  de  savoir  et  de  connaissances. 
Ce  Saint,  dans  sa  réponse,  lui  dit  qu'on  ne 
peut  l'estimer  heureux,  puisqu'il  ignorait 
tant  de  choses,  entre  lesqpielles  il  met  ceUes- 
ci  :  «  Pourquoi  le  monde  est-il  de  la  gran- 
deur dont  il  est?  Ne  pourrait-il  pas  être  plus 
ou  moins  grand?  Pourquoi  est-il  où  il  est, 
plutôt  qu'ailleurs?  »  Il  convient  que  la  ma- 
tière est  divisible  à  l'infini,  en  sorte  qu'on  ne 
peut  pas  dire  de  quelque  corps  que  ce  soit, 
qu'il  est  le  plus  petit  qu'il  puisse  être;  mais 
qu'il  n'en  est  pas  ainsi  des  nombres ,  que 
l'on  peut  bien  augmenter  à  l'infini,  mais  non 
pas  diminuer  à  proportion,  parce  qu'il  n'y  a 
rien  au-dessous  de  l'unité.  C'est  encore  à 
Cassiaque  qu'il  écrivit  la  lettre  suivante  à 
Nébridius.  Celui-ci  l'avait  prié  de  lui  rendre 
compte  de  son  progrès  dans  la  contemplation 
des  choses  éternelles  pendant  sa  retraite. 
Sur  quoi  saint  Augustin  lui  dit  que,  comme 
les  fausses  opinions   s'enracinent   d'autant 


plus  dans  l'esprit  qu'on  s'en  occupe  davan- 
tage et  qu'on  se  les  rend  plus  familières,  la 
même  chose  arrive,  et  à  plus  forte  raison, 
en  matière  de  vérités  :  «mais,  ajoute-t-il,  cela 
se  fait  par  un  progrès  presque  insensible.  » 
Il  lui  propose  ce  raisonnement,  en  le  priant 
de  voir  s'il  avait  quelque  chose  à  y  opposer  : 
«  L'intelhgence  est  au-dessus  de  cette  faculté 
grossière  qui  aperçoit  les  choses  sensibles  ; 
et  par  conséquent  ce  que  nous  connaissons 
par  l'intelligence,  a  plus  d'être  et  de  vérité 
que  ce  que  nous  voyons.  » 

4.  On  voit,  par  la  lettre  précédente,  que  I'it'"»  s 
Nebridius  et  saint  Augustin  s  écrivaient  tre-  briiiius  6 
quemment,  mais  la  plupart  de  lem's  lettres  gu's'iln,vu"rs 
sont  perdues.  Il  ne  nous  en  reste  que  trois  ^'*'  ^"s-  ">■ 
de  Nébridius,  dont  la  première  est  plutôt  ma 

billet  qu'une  lettre.  Il  y  plaint  saint  Augustin 
de  ce  que  les  affaires  des  particuhers  consu- 
maient son  loisir  et  le  détournaient  de  la . 
contemplation  de  la  vérité.  «Quoi!  lui  dit- 
il,  ni  Romanien,  ni  Lucinien  ne  sauraient- 
ils  faire  entendre  à  ces  gens-là  ce  que  vous 
aimez  avec  tant  d'ardem'?  Qu'ils  m'écoutent 
au  moins.  -Je  leui-  dirai,  je  leiu-  protesterai 
que  vous  n'aimez  que  Dieu,  que  vous  ne  vou- 
lez servir  que  lui,  ni  vous  attacher  qu'à  lui.  » 
Cette  lettre  fut  écrite  sur  la  fin  de  l'an  388. 
Dans  la  seconde,  qui  est  du  commencement 
de  l'année  suivante,  il  témoigne  à  saint  Au- 
gustin qu'il  gardait  ses  lettres  comme  ses 
propres  yeux  :  «  car  il  n'y  a  rien,  dit-il,  de 
plus  grand,  non  par  l'étendue,  mais  par  les 
choses  qui  y  sont.  Il  me  semble  que  j'y  en- 
tends parler  et  Platon,  et  Plotin,  et  Jésus- 
Christ  même.  J'y  trouve  une  éloquence  qui 
charme  l'oreille,  mie  brièveté  qui  fait  qu'elles 
ne  lassent  point,  un  fond  de  lumière  et  de 
sagesse  où  l'on  trouve  toujours  de  quoi  pro- 
fiter. »  Il  le  prie  de  lui  éclaircir  ces  deux 
questions  :  la  première,  si  la  mémoire  peat 
agir  sans  l'imagination;  la  seconde,  si  ce 
n'est  pas  des  sens,  mais  d'elle-même  cpie 
l'imagination  tire  les  images  des  choses. 

5.  Saint  Augustin  répondit  la  même  an-  Sciniè- 
née  aux  deux  questions  de  Nébridius.  Il  dit,  iNùbiiiiius , 
sur  la  première,  que  l'on  se  souvient  de  cer-  àsu' pat'.' s! 
taines  choses  qui  ne  peuvent  être  présentées 

par  aucune  image  sensible,  et  il  cite  pour 
exemple  l'idée  de  l'éternité;  d'où  il  conclut 
qu'il  y  a  une  mémoire  qui  ne  dépend  en 
aucune  manière  de  l'imagination.  Il  résout 
ainsi  la  seconde  :  il  y  a  trois  sortes  d'images 
ou  de  fantômes  dans  notre  imagination;  les 
uues  ont  été  transmises  par  les  sens,  les  au- 


llV"  ET  V''  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


67 


très  sont  formées  par  rimagination ,  et  d'au- 
tres sont  nées  de  la  considération  de  quel- 
ques vérités  spéculatives.  Les  images  du 
premier  genre  sont  celles  qui  représentent 
tout  ce  que  nous  avons  yu  et  senti  autrefois, 
soit  qu'il  subsiste  encore  ou  qu'il  ne  subsiste 
plus  :  un  ami,  ime  ville,  et  autres  choses  sem- 
blables. Les  images  du  second  genre  sont 
celles  par  lesquelles  nous  nous  représentons 
ce  que  nous  n'avons  point  vu,  mais  que 
nous  nous  imaginons  être  ou  avoir  été  de 
telle  et  teUe  manière.  C'est  ainsi  que  nous 
nous  représentons  le  visage  de  Médée  avec 
ses  dragons  volants.  11  faut  mettre  dans  le 
troisième  genre  les  images  qui  se  forment  en 
nous  par  l'étude  des  nombres  et  des  dimen- 
sions; les  unes  ont,  dans  la  nature,  quelque 
chose  qui  leur  répond,  comme  lorsqu'à  force 
de  penser  et  de  raisonner,  on  trouve  quelle 
est  la  figure  du  monde,  et  qu'on  se  la  repré- 
sente telle  qu'elle  est  en  effet;  et  les  autres 
ne  ressemblent  à  rien  de  subsistant,  mais 
nous  représentent  seulement  ce  que  nous 
avons  appris  ou  par  des  figures  dans  l'étude 
de  la  géométrie,  ou  par  les  valeurs  et  les  ca- 
dences des  sons  dans  celle  de  la  musique. 
Quant  aux  images  du  premier  genre,  on  ne 
peut  disconvenir  qu'elles  ne  viennent  des 
sens.  On  doit  aussi  convenir  que  celles  du 
second  tirent  encore  lem'  origine  des  sens. 
<(  A  l'égard  des  dernières,  continue  saint 
Augustin,  bien  qu'elles  semblent  nées  de 
raisons  et  de  principes  qui  ne  conduisent 
point  à  l'erreur,  dès  là,  néaimioins,  que  je 
me  les  représente  comme  quelque  chose 
d'étendu  et  de  corporel,  ces  mêmes  raisons 
m'en  découvrent  la  fausseté.  Comment  ar- 
rive-t-il  donc  que  nous  nous  représentons 
ce  que  nous  n'avons  jamais  vu?  C'est  sans 
doute  par  une  certaine  faculté  naturelle  de 
l'âme,  qui  la  rend  capable  d'augmenter  ou 
de  diminuer  les  images  qui  lui  restent  de  ce 
qu'elle  a  vu.  C'est  ainsi,  par  exemple,  qu'en 
se  mettant  devant  les  yeux  de  l'esprit  l'image 
d'un  corbeau,  que  la  vue  de  ces  sortes  d'oi- 
seaux a  formée  en  nous,  on  en  fera,  à  force 
d'ajouter  ou  de  diminuer,  une  autre  sorte 
d'image  qui  ne  ressemblera  à  rien  de  ce  que 
nous  avons  vu.  »  H  appelle  la  réminiscence 
de  Platon  une  très-belle  découverte,  et  sem- 
ble dire,  comme  de  lui-même,  que  l'âme  a 
vu  autrefois  la  vérité  et  s'en  est  séparée  en 
s'unissant  au  corps.  Il  dit  à  peu  près  la  même 

1  Lib.  I,  cap.  vin. 


Li;ttre    S 
de    Ncbri  ■ 


3S9, 
10. 


pag 


Lettres  0, 
10,  II,  î£, 
13  et  Kl,  à 
Nébridiiîs  , 
pair.    11  et 


chose  dans  le  livre  de  la  Grandeur  de  l'âme  ; 
mais,  dans  ses  Rétractations  \  il  explique  sa 
pensée,  et  ne  veut  pas  que  l'on  croie  que 
l'âme  ait  jamais  vécu  sans  le  corps  dans  le- 
quel elle  est  une  fois  entrée. 

6.  Nébridius  proposa  quelque  temps  après 
une  autre  question  à  saint  Augustin,  sur  un  miisTsiiint 
sujet  à  peu  près  semblable,  savoir  :  <(  Com-  vcrs"''"raiî 
ment  les  puissances  de  l'air,  c'est-à-dh-e  les 
démons,  peuvent  agir  sur  notre  âme,  lui  im- 
primer des  pensées,  et  nous  faire  voir  en 
songe  ce  qu'il  leur  plaît.  » 

7.  Le  Saint  lui  dit  tout  d'abord  cpi'une  pa- 
reille question  l'avait  eflrayé,  et  qu'il  fallait 
non  pas  une  lettre,  mais  un  entretien  de  vive 
voix,  ou  un  liwe  entier  pour  y  répondre. 
Il  ajoute  qu'il  se  contentera  de  découvrir 
comme  les  sources  de  ce  que  l'on  pouvait 
dire  sur  cette  matière,  ne  doutant  pas  que 
Nébridius  n'en  tirât  de  quoi  résoudre  cette 
difficulté,  et  de  l'expliquer  d'une  manière 
du  moins  vraisemblable.  11  dit  ensuite  que  les 
démons  excitent  en  nous  des  pensées  ou  des 
songes  en  remuant  les  parties  du  corps  qui 
peuvent  faire  quelque  impression  sur  l'âme, 
de  la  même  manière  que  les  joueurs  d'ins- 
truments de  musique  excitent  en  nous  cer- 
taines pensées,  certaines  passions  et  certaines 
affections.  Il  trouve  même  beaucoup  plus  de 
facilité  dans  les  démons  à  remuer  les  parties 
intérieures  du  corps,  que  n'en  ont  les  joueurs 
d'instruments  à  remuer  les  parties  extérieu- 
res, parce  que  les  démons  ont  une  subtilité 
naturelle  que  les  autres  n'ont  pas.  Il  parle 
d'une  lettre  de  Nébridius  que  nous  n'avons 
plus,  dans  laqueUe  Nébridius  se  plaignait  de 
sa  solitude  et  d'être  comme  abandonné  de 
ses  amis  ;  il  lui  répond  sur  cela  qu'il  ne  peut 
lui  conseiller  autre  chose  que  d'élever  au- 
tant qu'il  pourrait  son  esprit  à  Dieu,  «  en 
qui,  dit-il,  vous  nous  trouverez,  et  d'une  ma- 
nière bien  plus  solide  que  dans  les  images 
corporelles.  «  Les-  lettres  suivantes  jusqu'à 
la  quinzième,  sont  encore  adressées  à  Nébri- 
dius, et  paraissent  être  des  réponses  à  celles 
que  saint  Augustin  avait  reçues  de  lui.  Né- 
bridius lai  avait  écrit  pour  savoir  s'il  n'y  au- 
rait pas  moyen  qu'ils  puissent  vivre  ensem- 
ble. Saint  Augustin  lui  répondit  ^  qu'il  ne  lui 
était  pas  possible  de  quitter  les  personnes 
avec  qui  il  demeurait,  et  que  n'y  ayant  point 
d'apparence  que  Nébridius  voulût  quitter  sa 
mère,  qui  relevait  de  maladie,  il  ne  voyait 


'  August.,  Epist.  10,  pag.  12. 


G8 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


point  d'autre  moyen  de  le  contenter,  que 
d'aller  le  voir  souvent.  «  Mais  ce  n'est  là, 
dit-il,  ni  vivre  ensemble,  ni  vivi'e  comme 
nous  avons  résolu  ;  car  il  y  a  assez  loin  d'ici 
chez  vous  :  faire  un  voyage  et  entreprendre 
de  le  faire  souvent,  ce  n'est  pas  là  ce  repos 
et  ce  loisir  que  nous  cherchons.  D'ailleurs, 
passer  sa  vie  à  disposer  des  voyages  qu'on 
ne  saurait  faire  sans  peine  et  sans  embarras, 
cela  ne  convient  guère  à  quiconcpie  pense  à 
ce  dernier  voyage,  qu'on  appelle  la  mort, 
qui  seule,  comme  vous  savez,  mérite  qu'on  y 
pense  et  qu'on  s'en  occupe.  »  Il  convient  que 
Dieu  fait  quelquefois  la  grâce  à  certaines 
personnes,  choisies  pour  le  gouvernement 
des  Églises,  de  conserver  le  calme  et  la  tran- 
quillité d'esprit  dans  les  voyages  qu'elles 
sont  obligées  de  faire  pour  la  visite  de  leurs 
troupeaux  ;  mais  il  ne  croit  pas  que  ceux  qui, 
n'ayant  cherché  dans  les  charges  ecclésias- 
tiques que  les  honneurs  qui  y  sont  attachés, 
se  jettent  dans  l'embari'as  des  affaires,  puis- 
sent espérer  de  Dieu  de  se  familiariser  avec 
la  mort,  au  milieu  du  tumulte  et  de  l'agita- 
tion des  voyages  et  des  affaires.  «  C'est  donc 
à  vous,  ajoute  saint  Augustin,  à  chercher  de 
votre  côté  comment  nous  pourrions  vivre  en- 
semble. »  Il  lui  insinue  de  quitter  sa  mère,  si 
cela  se  pouvait,  en  laissant  auprès  d'elle  son 
frère  Victor.  Nébridius  lui  récrivit  aussitôt  ' 
qu'il  irait  chez  lui  dès  qu'il  le  pom'rait.  Saint 
Augustin  ne  craignant  donc  plus  de  quitter 
sa  sohtude  pour  aller  voir  Nébridius,  ne  s'oc- 
cupa plus  qu'à  répondre  aux  questions  qu'il 
lui  avait  proposées.  Mais,  passant  sm'  celles 
qui  ne  regardaient  point  la  religion,  il  s'appli- 
qua à  résoudre  ce  qu'il  avait  proposé  sur  le 
mystère  de  l'Incarnation,  et  à  expliquer,  au- 
tant qu'il  lui  était  possible,  comment  les  ac- 
tions des  trois  personnes  divines  étant  insé- 
parables, nous  devons  croire  que  le  Fils  seul  a 
pris  l'humanité,  et  non  pas  le  Père  ni  le  Saint- 
Esprit.  La  fm  et  l'effet  de  l'union  de  la  na- 
ture divine  et  de  la  nature  humaine  étant  de 
nous  donner  des  règles  de  bien  vivre,  c'est 
avec  beaucoup  de  raison  qu'on  attribue  par- 
ticulièrement cette  union  au  Fils,  puisque 
c'est  lui  qui,  par  ses  paroles  et  par  ses  exem- 
ples, nous  a  donné  ces  règles.  Ce  qui  regarde 
le  salut  des  hommes  s'opère,  il  est  vrai,  en 
commun  par  les  trois  pei-sonnes  divines ,  mais 
il  fallait  nous  le  montrer  séparément,  à  cause 
de  notre  faiblesse.  La  même  question  ^  avait 


été  touchée  dans  une  autre  lettre  à  Nébri- 
dius, mais  elle  n'est  pas  venue  entière  jusqu'à 
nous.  Nébridius  lui  avait  encore  demandé  si 
l'âme,  outre  le  corps  auquel  elle  est  unie  n'en 
avait  pas  encore  un  autre  plus  subtil  et  ré- 
pandu par  tout  le  monde,  que  quelques-uns 
appelaient  véhicule  ?  Saint  Augustin  lui  ré- 
pond ^  que  cette  question  est  non-seulement 
inutile,  mais  qu'il  n'est  pas  même  possible 
de  la  résoudre,  nos  sens  ne  pouvant  aper- 
cevoir ce  corps  subtil,  et  la  raison  ne  nous 
le  faisant  pas  connaître.  Dans  une  autre  let- 
tre à  Nébridius  '',  il  traite  deux  autres  ques- 
tions :  l'une,  pourquoi  les  hommes  ayant  tant 
d'actions  qui  leur  sont  communes,  ceUes  du 
soleil  ne  sont  communes  à  aucun  autre  astre  ; 
l'autre  est,  si  la  sagesse  suprême  comprend 
l'idée  de  chaque  homme  en  particulier,  ou 
seulement  celle  de  l'homme  en  général.  Il 
dit  sur  la  première,  que  si  nous  faisons  des 
choses  qui  nous  sont  communes  avec  les 
autres  hommes,  le  soleil  en  fait  aussi  qui  lui 
sont  communes  avec  les  autres  astres;  et  que 
s'il  en  fait  qui  lui  soient  particulières ,  nous 
en  faisons  aussi  qui  nous  le  sont.  Le  soleil 
se  meut,  et  les  autres  astres  aussi;  il  luit,  et 
les  autres  astres  aussi;  il  tourne,  et  les  autres 
astres  aussi  ;  mais  aucun  astre  que  le  soleil 
ne  fait  le  jour.  Il  dit  sur  la  seconde,  que  Dieu, 
dans  la  création,  n'a  eu  en  vue  que  l'idée  gé- 
nérale de  l'espèce,  mais  que  néanmoins  les 
idées  de  tous  les  hommes  qui  ont  été  et  qui 
seront  produits  dans  la  succession  de  tous  les 
temps,  subsistent  et  se  conservent  en  Dieu. 
Comme  cette  solution  pouvait  paraître  obs- 
cure, il  l'éclaircit  par  cet  exemple  :  a  L'idée 
que  j'ai,  dit-il,  de  l'angle  ,  est  unique  ,  aussi 
bien  que  celle  que  j'ai  du  carré;  ainsi,  quand 
je  veux  faire  entendre  un  angle,  il  ne  s'en  pré- 
sente à  moi  qu'une  seide  idée;  mais  quand 
je  veux  décrire  mi  carré,  il  faut  que  j'aie  dans 
l'esprit  l'idée  de  qiiatre  angles  assemblés. 
C'est  ainsi  que  chaque  liomme  en  particidier 
a  été  fait  sur  l'idée  générale  de  l'honune  :  mais 
lorsqu'il  est  question  de  la  création  de  tout 
un  peuple,  quoiqu'il  n'y  intervienne  qu'une 
seule  idée ,  ce  n'est  plus  l'idée  singidière 
d'un  homme,  c'est  l'idée  générale  de  plu- 
sieurs, XTis  et  conçus  tout  à  la  fois.  »  On  doit 
rapporter  à  la  retraite  de  saint  Augustin , 
toutes  les  lettres  qu'il  écrivit  à  Nébridius, 
puisque  celui-ci  mourut  peu  de  temps  après 
la  conversion  et  le  baptême  de  ce  Saint. 


Epist.  11,  p:ig.  14.  —  2  Epis  t.  12,  pag.  16. 


Epist.  13,  pag.  16.  —  *  Epist.  14,  pag.  17. 


[IV«  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


69 


i.dire  15       8.  La  lettre  qui  est  adressée  à  Romanien 
niin,  paft.    fut  édite  loi'squB  saint  Augustin  avait  déjà 
19,  en  090.    a(;];ievé  son  livre  De  la  véritable  Religion,  qu'il 
n'acheva  que  peu  de  temps  avant  la  prêtrise, 
c'est-à-dire  vers  l'an  390.  Il  promet  à  Roma- 
nien de  le  lui  envoyer,  et  l'exhorte  à  profiter 
du  loisir  que  Dieu  lui  procurait  pour  penser 
à  quelque  chose  de  meillem-e  qu'à  ce  qui  l'oc- 
cupait auparavant,  à  détacher  son  esprit  des 
biens  de  la  terre  et  à  en  faire  un  bon  usage. 
((  Plus  l'abeiUe,  lui  dit-il,  a  de  miel,  plus  ses 
ailes  lui  sont  nécessaires,  parce  que  son  pro- 
pre miel  est  pour  elle  une  glu  qui  la  fait 
mourir,  quand  elle  s'y  enfonce  trop  avant.» 
Lettre  16       9.  Dans  le  temps  que  saint  Augustin  était 

de  Maxime.  .        i       m  x 

Lciire  n  à  en  retraite  auprès  de  Tagaste ,  un  nomme 
39(>'","'pag".  Maxime ,  grammairien  d'une  ville  voisine , 
î"*'  appelée  Madaure  ',  homme  d'un  esprit  agréa- 

ble, raiUeur  et  enjoué,  quoique  déjà  vieux, 
lui  écrivit  une  lettre  en  réponse  à  celle  qu'il 
avait  reçue  de  lui  au  sujet  de  la  religion.  Il  y 
reconnaît  qu'il  n'y  a  qu'un  Dieu  souverain, 
sans  commencement,  dont  les  autres  dieux 
sont,  dit-il,  les  différentes  vertus,  et  comme 
les  membres.  Il  regarde  comme  une  fable 
tout  ce  que  les  Grecs  ont  dit  de  la  demeure 
des  dieux  sur  le  mont  Olympe  :  mais  il  sou- 
tient qu'on  ne  peut  contester  que  la  place 
publique  de  Madaure  ne  soit  habitée  par  un 
grand  nombre  de  divinités,  et  il  eii  donne 
pom-  preuve  le  secom-s  et  l'assistance  qu'elles 
accordaient  tous  les  jours  à  cette  ville.  Pas- 
sant du  culte  des  faux  dieux  à  celui  que  l'on 
rendait  à  quelques  martyrs  de  Madaure,  il 
témoigne  ne  pouvoir  souffrir  qu'on  les  mette 
au-dessus  de  Jupiter,  de  Junon,  de  Minerve 
et  autres  divinités,  qu'il  appelle  immortelles  ; 
ni  que  les  chrétiens,  oubliant  ce  qu'ils  doi- 
vent aux  mânes  de  leurs  ancêtres,  honorent 
les  tombeaux  de  ces  martyrs.  11  prie  saint 
Augustin  de  lui  exposer  nettement  quel  était 
ce  Dieu  que  les  chrétiens  prétendaient  n'ap- 
partenir qu'à  eux  seuls.  C'est  qu'il  avait  ouï 
dire  confusément  quelque  chose  du  mystère 
de  l'Eucharistie  ;  mais  il  lui  demande  en 
même  temps  de  ne  point  se  servir,  dans  sa 
réponse,  de  l'éloquence  qui  l'avait  rendu 
célèbre  partout,  ni  de  ces  arguments  serrés 
comme  ceux  de  Chrysippe,  qui  étaient  ses 
armes  ordinaires ,  ni  de  la  dialectique  qui 
rend  tout  également  probable.  Saint  Augus- 


tin, en  répondant  à  cette  lettre,  fait  voir  à 
Maxime  qu^il  y  avait  donné  grand  lieu  de 
montrer  combien  le  paganisme  était  ridicule, 
puisqu'il  avait  parlé  lui-même  comme  en  se 
raillant,  des  fausses  divinités,  et  qu'il  sem- 
blait s'être  moqué,  autant  que  font  les  chré- 
tiens, de  tout  ce  qui  l'ait  l'objet  de  la  re- 
ligion païenne.  Mais,  laissant  à  part  tout  ce 
qu'il  aurait  pu  dire  pour  en  faire  sentir  le 
faible,  il  dit  à  Maxime  de  plaider  la  cause 
de  ses  dieux ,  de  telle  sorte  qu'il  ne  paraisse 
pas  un  prévaricateur  qui  fom-nit  de  quoi  les 
attaquer,  plutôt  qu'un  homme  qui  cherche 
à  les  défendre.  «  Et  afin,  ajoute-t-il,  qu'il 
ne  vous  arrive  pas  de  tomber  sans  y  penser 
dans  des  calomnies  sacrilèges,  sachez  que, 
parmi  les  catholiques,  dont  vous  avez  vous- 
même  une  église  dans  votre  ville,  on  n'adore 
point  les  morts,  et  on  ne  rend  les  honneurs 
divins  qu'au  seul  Dieu  qui  a  créé  toutes 
choses.  » 

10.  Dans  les  trois  lettres  suivantes,  saint  ^^'■."'■''5.'* 
Augustin  ne  prend  pas  encore  la  qualité  de  i9,  àOius. 
pretre,  d  ou  on  mfere  qu  il  ne  refait  pas,  et  nin,cn390, 
qu'elles  fuirent  écrites  vers  l'an  390.  Dans  i*"»'  ^'" 
celle  qui  est  à  Célestin,  il  divise  les  êtres  en 
trois  classes  ou  en  trois  natures  :  la  première 
est  muable  par  rapport  au  lieu,  aussi  bien 
qu'au  temps;  et  c'est  le  corps.  La  seconde 
est  muable  par  rapport  au  temps,  mais  non 
pas  au  lieu;  et  c'est  l'âme.  La  ti'oisième  n'est 
muable  ni  par  rapport  au  lieu,  ni  par  rap- 
port au  temps  ;  et  c'est  Dieu.  Ce  qui  est  donc 
muable,  de  quelque  manière  que  ce  puisse 
être,  est  créature  ;  et  ce  qui  est  immuable, 
c'est  le  Créatem-.  Cet  Être  souverain  est  la 
félicité  par  essence,  et  l'âme  ne  saurait  être 
heureuse  que  quand  elle  se  porte  vers  lai. 
Il  parait  que  saint  Augustin  avait  convaincu 
Gaïus  de  la  vérité  de  notre  religion  dans 
quelque  dispute ,  et  ce  fut  pour  le  confirmer 
apparemment  dans  ses  bons  sentiments  qu'il 
lui  envoya  ses  ouvrages.  «  Il  y  en  a  beau- 
coup ,  lui  dit-il  ;  mais  je  sais  que ,  pensant 
de  moi  comme  vous  faites ,  il  n'y  en  saurait 
trop  avoir.  Si  ce  que  vous  y  trouverez  mé- 
rite votre  approbation  et  vous  paraît  vrai,  ne 
le  regardez  pas  comme  venant  de  moi,  mais 
'  comme  m'ayant  été  donné  ;  et  élevez-vous 
vers  celui  qui  vous  a  donné  à  vous-même  ce 
qui  vous  l'aura  fait  approuver.  Car  quand 


1  Les  ruines  de  Madaourouche ,  à  28  kilomètres 
au  sud  de  Souk-Arras,  nous  représentent  la  posi- 
tion de   la  ville   où   saint  Augustin   commença  à 


étudier  les  belles-lettres.  Madaure  avait  le  titre  de 
colonie  ;  ses  vestiges  sont  assez  considérables. 
(L'éditeur.) 


70 


HISTÛRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


nous  disons  quelque  chose  de  vrai ,  ce  n'est 
ni  le  liTi'e,  ni  l'auteur  même  qui  nous  le  fait 
trouTer  vrai,  c'est  une  impression,  c'est  un 
rejaillissement  que  nous  portons  en  nous- 
mêmes  de  la  lumière  éternelle  de  la  vérité. 
La  lettre  à  Antonin  est  un  éloge  de  sa  vertu. 
Saint  Augustin  y  établit  cette  maxime  :  «  C'est 
un  grand  bien  pour  nous  que  d'aimer  le 
bien  ;  et  c'est  s'aimer  que  d'aimer  quelqLi'im 
parce  que  nous  le  croyons  bon ,  soit  qu'il  le 
soit  véritablement  ou  non.  II  n'y  a  sur  cela, 
ajoute -t-il,  qu'à  prendre  garde  à  ne  point 
se  méprendre  ,  non  en  jugeant  bien  d'un 
homme,  mais  en  ne  jugeant  pas  selon  la 
vérité  de  ce  qui  est  le  bien  de  l'homme.  »  Il 
témoigne  un  grand  désir  de  voir  toute  la 
maison  d'Antonin  dans  l'union  d'une  même 
foi  et  dans  la  piété  véritable,  «  qui  ne  se 
trouve,  dit-il,  nulle  part  ailleurs  que  dans 
l'Église  cathohcpie.  »  Il  lui  offre  d'y  contri- 
buer par  ses  soins  et  son  travail,  et  l'exhorte 
à  ne  perdre  aucune  occasion  d'inspirer  à  sa 
femme  une  crainte  de  Dieu  solide  et  vérita- 
ble, et  de  l'engager  à  cet  effet  à  la  lecture 
de  l'Ecriture  sainte. 
i,citre  21       II.  La  lettre  à  Valère,  évêque  d'Hippone, 

^  VaiLTe.en         ,  ,  ,  .  . 

.^01 ,   pat:,    est  une  espèce  de  requête  que  samt  Augus- 
'^'  tin  lui  présenta  aussitôt  après  son  élévation 

au  sacerdoce,  poiu-  lui  demander  permission 
de  se  retirer  quelque  temps,  afin  d'étudier 
rÉcritm'e  sainte  et  de  se  préparer  aux  fonc- 
tions de  ce  saint  ministère.  Ainsi  elle  fut 
écrite  en  391.  Voici  d'abord  ce  qu'on  y  ht: 
n  Comme  il  n'y  a  rien  de  plus  agréable  cpie 
les  dignités  d'évéque,  de  prêtre  et  de  diacre, 
ni  rien  de  plus  doux  et  de  plus  aisé  que  d'en 
remplir  les  fonctions,  quand  on  veut  s'en  ac- 
quitter avec  quekfue  sorte  d'indifférence  et 
flatter  les  hommes  dans  leurs  désoi'dres  ;  il 
n'y  a  rien  aussi  de  plus  malheureux  et  de 
plus  odieux  devant  Dieu;  et  au  contraire,  il 
n'y  a  rien  de  plus  saint,  mais  en  même  temps 
de  plus  pénible,  quand  on  veut  faire  les  fonc- 
tions de  ces  mêmes  dignités  suivant  les  règles 
du  christianisme.  «  11  raconte  ensuite  com- 
ment il  avait  été  ordoimé  malgré  lui,  et  il  dit 
les  larmes  qu'il  avait  versées  dans  le  temps 
de  son  ordination ,  ne  se  croyant  pas  digne 
d'un  si  saint  ministère  et  mancpiant  des  qua- 
lités nécessaires  pour  le  bienremphr.  Il  prie 
donc  Valère  de  lui  permettre  de  recourir  à 
tout  ce  qu'il  y  a  de  remèdes  et  de  confortatifs 
da-:îs  les  saintes  Écritures ,  pour  eu  tirer  des 
forces  proportionnées  à  un  emploi  si  péril- 
leux. «J'y  trouverai  sans  doute,  dit-il,  des 


instructions  salutaires,  qui  peuvent  rendi-e 
le  ministre  de  Jésus-Christ  capable  d'exercer 
utilement  les  fonctions  ecclésiastiques,  et  de 
se  comporter  de  telle  sorte  au  miheu  des 
méchants,  qu'il  y  vive  avec  la  paix  de  sa  con- 
science, ou  qu'il  y  meure  pour  ne  pas  perdre 
cette  vie  qui  est  l'unique  objet  des  soupirs 
d'un  cœur  plein  de  la  douceur  et  de  l'humi- 
lité de  Jésus-Christ.  Comment  A-ient-on  à  ce 
point-là,  sinon  en  demandant,  en  cherchant, 
en  frappant  à  la  porte,  c'est-à-dire  à  force  de 
lectures,  de  prières  et  de  larmes  ?  Qu'aurai-je 
à  répondre  au  Seignem-  quand  il  me  jugera? 
Lui  dirai-je  qu'étant  une  fois  embarqué  dans 
les  emplois  ecclésiastiques,  il  ne  m'a  plus  été 
possible  de  m'instruire  de  ce  qui  m'était  né- 
cessaire pour  m'en  bien  acquitter  ?  Riais  ne 
me  répondi'a-t-il  pas  :  Mauvais  serviteur, 
si  quelqu'un  avait  voulu  s'emparer  des  fonds 
de  l'Église,  dont  on  recueiUe  les  revenus  avec 
tant  de  soin,  n'auriez-vous  pas,  de  PaAis  de 
tout  le  monde,  et  par  l'ordre  même  de  quel- 
ques-ims,  quitté  l'héritage  spirituel  que  j'ai 
arrosé  de  mon  sang,  pour  aller  défendre  de- 
vant le  juge  l'héritage  temporel  ?  et  si  le  pre- 
mier juge  avait  prononcé  contre  vous,  n'au- 
riez-vous pas  même  passé  la  mer  pom-  faire 
casser  son  jugement?  Se  plaindrait-on,  quand 
vous  seriez  absent  de  votre  ÉgUse,  un  an  ou 
davantage,  pour  en  consei-ver  les  biens  tem- 
porels ?  Comment  pouvez-vous  donc  vous 
excuser  sur  ce  que  le  loisir  vous  a  manqué 
pour  vous  rendre  savant  dans  l'agriculture 
spirituelle?  »  11  conjm'e  Valère  par  tous  ces 
motifs  de  lui  laisser  le  peu  de  temps  qu'il  y 
avait  jusqu'à  Pâques,  pour  se  rench'e  capa- 
ble de  l'emploi  dont  on  l'avait  chargé,  et  de 
l'aider  aussi  de  ses  prières. 

12.  Il  n'y  avait  pas  longtemps  qii'Aru'èle  ,  f";",^!:  22 
avait  été  fait  évêque  de  Carthage  ,  lorsqu'il  caniKiscs 
écrivit  à  saint  Augustin  pour  lui  demander  le  27.  '  "''""' 
secours  de  ses  prières  et  de  ses  conseils.  Ils 
étaient  déjà  liés  ensemble.  Saint  Augustin, 
ravi  de  cette  lettre  où  il  voyait  des  marques 
d'une  affection  sincère,  fut  quelque  temps 
sans  j  répondre,  ne  sachant  comment  le 
faire  d'une  manière  convenable  ;  mais  enfin 
il  s'abandonna  à  l'esprit  de  Dieu,  dans  l'es- 
pérance qu'il  lui  ferait  faire  une  réponse  di- 
gne du  zèle  cp^i'ils  avaient  l'un  et  l'autre  pour 
le  bien  et  l'honneur  de  l'Église.  Après  donc 
l'avoir  remercié  au  nom  d'Alypius  et  de  tous 
ceux  cp.ii  vivaient  avec  lui  en  communauté, 
de  l'amitié  qu'il  leur  témoignait,  il  l'exhorte 
à  corriger  l'abus  qui  s'était  introduit  en  Afri- 


[IV"  ET  v=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 

que,  dans  les  festins  que  l'on  faisait  en  l'hon- 
neur des  martyrs,  sous  prétexte  de  religion, 
non-seulement  les  fêtes,  mais  tous  les  jours, 
et  même  dans  les  églises.  Il  lui  fait  remar- 
quer que  des  trois  vices  condamnés  par 
saint  Paul  dans  son  Épître  aux  Romains,  sa- 
voir :  l'ivrognerie,  l'impureté  et  la  division, 
on  punissait  seulement  l'impureté;  qu'on 
tolérait  les  autres,  et  qu'on  croyait  même 
honorer  les  martyrs  en  buvant  avec  excès 
sur  leurs  tombeaux.  «  Ces  désordres,  ajoute- 
t-il,  n'ont  jamais  été  dans  les  Éghses  d'Italie, 
ni  dans  la  plupart  de  deçà  la  mer  ;  ou,  s'ils  y 
ont  été,  les  évêques  vigilants  les  ont  réfor- 
més. »  Valèi'e,  son  évêque,  ne  manquait  ni 
de  zèle,  ni  de  science  pour  les  abolir  dans 
son  diocèse  ;  mais  ces  dérèglements  étaient 
si  invétérés,  qu'il  n'y  avait  pas  lieu  d'espérer 
qu'on  pût  les  réformer,  sinon  par  l'autorité 
d'un  concile  ;  et  que  si  quelque  Eglise  parti- 
culière devait  le  faire,  c'était  à  celle  de  Car- 
thage  à  commencer.  «  Mais  il  faut,  continue- 
t-il,  s'y  prendre  doucement  :  car  on  n'ôte 
pas  un  abus  durement,  ni  d'une  manière  im- 
périeuse :  c'est  plutôt  en  enseignant  qu'en 
commandant,  plutôt  en  avertissant  qu'en  me- 
naçant. C'est  ainsi  qu'on  doit  agir  avec  la 
multitude;  au  lieu  qu'on  peut  en  user  avec 
sévérité  contre  les  péchés  des  particuliers. 
Si  nous  faisons  donc  quelques  menaces,  que 
ce  soit  en  gémissant  et  en  employant  celles 
del'Écritiu'e,  afin  que  ce  ne  soit  pas  nous  et 
notre  puissance,  mais  Dieu  que  l'on  craigne 
dans  nos  discours.  De  cette  manière,  les  spi- 
rituels seront  touchés  les  premiers,  et  ils 
entraîneront  la  multitude  par  leur  autorité. 
Et  parce  que  les  festins  dissolus  qui  se  font 
dans  les  cimetières,  sont  considérés  par  le 
peuple  grossier  et  ignorant,  non- seulement 
comme  honorables  aux  martyrs,  mais  en- 
core comme  procurant  du  soulagement  aux 
morts,  je  crois  que  l'on  pourra  plus  facile- 
ment les  en  détourner,  si,  en  les  leur  dé- 
fendant par  l'autorité  des  divines  Écritures, 
on  prend  soin  en  même  temps  que  les  obla- 
tions  que  l'on  reçoit  dans  l'église  pour  les 
morts,  se  fassent  avec  modestie  et  avec  peu 
de  dépenses,  n  Saint  Augustin  se  plaint  en- 
suite des  querelles,  des  animosités  et  des 
fourberies  qui  régnaient  plus  encore  dans 
le  clergé  que  dans  le  peuple.  Selon  lui,  le 


71 


seul  moyen  de  les  combattre,  est  de  tâcher 
d'inspirer  aux  ecclésiastiques  la  crainte  de 
Dieu  et  la  charité  par  des  exhortations  fré- 
quentes et  tirées  de  l'Écriture  sainte.  Mais 
celui  qui  l'entreprendra  doit  être  lui-même 
un  exemple  de  patience  et  d'humihté,  et 
il  faut  que  l'on  voie  qu'il  exige  toujours  bien 
moins  de  respect  qu'on  ne  lui  en  veut  ren- 
dre. Le  saint  Docteur  marque  ensuite  jus- 
qu'à quel  point  et  dans  quelle  vue  les  mi- 
nistres de  l'Église  peuvent  s'attirer  du  res- 
pect, bannissant  dans  eux  tout  appareil  ex- 
térieur, et  ne  leur  en  permettant  qu'autant 
qu'il  sera  nécessaire  pour  le  bien  et  le  salut 
des  autres.  H  donne  aussi  des  règles  sur  la 
manière  de  recevoir  les  louanges ,  voulant 
que  nous  reconnaissions  Dieu  pour  le  prin- 
cipe de  toutes  les  bonnes  pensées  qui  nous 
viennent.  Mais  il  avoue  avec  beaucoup  d'hu- 
milité que,  quoique  toujours  en  garde  contre 
l'ennemi,  il  en  recevait  souvent  des  blessu- 
res,, ne  pouvant  s'empêcher  de  sentir  quel- 
que plaisir  dans  les  louanges  qu'on  lui  don- 
nait. 

13.  On  ne  sait  pas  au  juste  en  quelle  année  Le  irc  23 
la  lettre  à  Maximin  de  Sinite  fut  écrite  :  on  vpis'^  '""n 
sait  seulement  que  saint  Augustin  n'était  en-  jJi*  •  '"'=• 
core  que  prêtre.  Il  l'écrivit  à  l'occasion  d'un 
diacre  de  l'Église  de  Mutugenne  ',  dépen- 
dante de  celle  d'Hippone,  qui  s'était  laissé 
rebaptiser  par  Maximin,  évêque  donatiste. 
Le  fait  n'était  pas  certain,  et  saint  Augustin 
avait  d'autant  plus  lieu  d'en  douter,  que  plu- 
sieurs personnes  l'avaient  assuré  que  Maxi- 
min n'était  point,  à  l'égard  de  la  rebaptisa- 
tion,  dans  les  mêmes  sentiments  que  ceux  de 
sa  secte.  Toiitefois,  comme  le  crime  du  diacre 
de  Mutugenne  lui  causait  une  extrême  dou- 
leur, il  alla  lui-même  sur  les  lieux  pour  s'as- 
surer si  ce  qu'on  lui  en  avait  dit  était  vérita- 
ble, n  ne  trouva  pas  ce  diacre,  mais  il  apprit 
de  ses  parents  que  les  donatistes  l'avaient 
aussi  fait  diacre  parmi  eux.  Non  content  de 
ce  témoignage,  il  voulut  savoir  la  chose  de 
source,  et  pria  Maximin  de  lui  mander  s'il 
l'avait  eflectivement  rebaptisé.  Le  commen- 
cement de  la  lettre  cpi'il  lui  écrivit  est  re- 
marquable ;  car ,  quoique  Maximin  fût  sé- 
paré de  l'Église  par  son  schisme,  saint  Au- 
gustin ne  laisse  pas  de  le  qualifier  son  très- 
cher  seigneur  et  très-vénérable  frère.  Il  rend 


>  L'emplacement  précis  de  cette  ville  ne  nous 
est  pas  connu,  mais  c'était  évidemment  dans  le 
voisinage  d'Hippone.  On  sait  (jue  les  restes  d'Hip- 


pone se  trouvent  à  un  quart  de  lieue  de  la  ville 
de  Bone.  {L'éditeur.) 


72 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


raison  de  toutes  ces  qualifications;  ill'appelle 
son  seigneur,  parce  qu'il  ne  lui  écrit  que  dans 
des  sentiments  de  charité  et  dans  la  vue  de 
lui  rendre  service  ;  il  l'appelle  son  très-cher, 
parce  qu'il  lui  souhaitait  les  mêmes  biens 
qu'il  se  souhaitait  à  lui-même  ;  il  lui  donne  le 
titre  de  ti'ès-vénérable,  non  qu'il  le  reconnût 
pour  évêque  ,  mais  parce  qu'étant  homme  , 
et  l'homme  étant  fait  à  l'image  de  Dieu,  il 
mérite  du  respect  et  de  l'hounçur,  d'autant 
qu'il  n'j'  avait  point  à  désespérer  de  son  sa- 
lut tant  qu'il  vivrait;  enfin,  il  l'appelle  son 
frère,  suivant  en  cela  l'ordi'e  que  Dieu  nous 
donne  de  traiter  de  frères  ceux  mêmes  qui 
ne  veulent  pas  être  nos  frères.  Il  lui  témoigne 
ensuite  sa  douleur  de  la  chute  de  ce  diacre 
et  de  le  voir  lui-même  tombé  dans  un  crime 
dont  il  ne  le  croyait  pas  capable,  le  priant 
instamment  de  lui  marquer  s'il  l'avait  re- 
baptisé ou  non.  «  Si  vous  ne  rebaptisez  pas, 
ajoute -t-il,  armez-vous  de  la  liberté  d'un 
clirétien ,  et  que  le  souvenir  de  ce  que  vous 
devez  à  Jésus-Christ  vous  mette  au-dessus 
de  tout  ce  que  les  hommes,  c'est-à-dire  les 
donatistes,  vos  confrères,  sont  capables  de 
dire  et  de  faire.  Les  honneurs  et  le  faste  de 
ce  siècle  passent,  et  devant  le  tribunal  de 
Jésus-Christ,  où  chacun  sera  accusé  par  sa 
propre  conscience  et  jugé  par  celui  qui  en 
connaît  le  fond ,  de  quel  secours  nous  pour- 
ront être  ces  trônes  élevés  de  tant  de  mar- 
ches, ces  chaires  couvertes  d'un  dais,  et  ces 
ti-oupes  de  vierges  consacrées  à  Dieu,  qui 
viennent  au-devant  de  nous  en  chantant  des 
hymnes  et  des  cantiques?  Nos  honneurs  de 
maintenant  deviendront  pour  nous  des  far- 
deaux qui  nous  accableront.  S'il  est  vrai  que, 
bien  loin  de  rebaptiser  ceux  qui  l'ont  été 
dans  l'Église  catholique,  vous  approuviez  son 
baptême  comme  celui  de  la  seule  véritable 
Mère  qui  ouvre  son  sein  à  toutes  les  nations 
pour  les  régénérer,  pourquoi  ne  vous  en  dé- 
clarez-vous pas  hautement?  Dites  publique- 
ment les  raisons  qui  vous  en  empêchent,  et 
loin  de  craindi-e  de  me  l'écrire,  réjouissez- 
vous  d'avoir  une  occasion  de  vous  en  expli- 
quer. Ne  vous  laissez  pas   épouvanter  par 
tout  ce  que  peuvent  faire  ceux  de  son  parti. 
Si  cela  leur  déplaît ,  ils  ne  sont  pas  dignes 
de  vous  avoir,  et  s'il  n'y  a  rien  en  cela  qui  ne 
leur  plaise,  il  faut  espérer  de  la  miséricorde 
de  Dieu  qu'on  verra  bientôt  la  paix   entre 
nous.  »  n  l'exhorte  à  examiner  avec  lui,  dans 
nn  esprit  de  paix,  la  vérité  de  l'Eglise ,  pour 
tâcher  d'étouU'er  un  si  fâcheux  schisme,  et 


le  prie  de  trouver  bon  que  les  lettres  qu'ils 
s'écriraient  mutuellement  sur  ce  sujet,  fus- 
sent lues  publiquement  au  peuple  de  part  et 
d'autre.  ((  Mais  quand  vous  ne  le  voudriez 
pas,  ajoute-t-il,  je  ne  pourrai  me  dispenser 
de  le  faire,  de  mon  côté,  pour  l'instruction 
des  catholiques  ;  si  vous  ne  daignez  pas  me 
faire  réponse,  je  ne  laisserai  pas  de  leur  lire 
mes  lettres ,  afin  de  lein^  faire  voir  combien 
vous  vous  défiez  de  la  honte  de  votre  cause, 
et  combien  il  serait  honteux  après  cela  d'al- 
ler se  faire  rebaptiser  chez  vous.  »  R  promet 
néanmoins  à  Maximin  de  ne  rien  lire  au 
peuple  qu'après  que  les  soldats,  qui  étaient 
alors  à  Hippone  et  dans  les  environs,  en  se- 
raient soiiis,  de  peur  Cfu'on  ne  crût  qu'il  cber- 
chait  à  exciter  du  tumulte,  plutôt  qu'à  paci- 
fier les  choses  et  contraindre  les  donatistes 
à  entrer  malgré  eux  dans  la  communion  de 
l'Église  catholique,  ce  qui  était  très-éloigné 
de  son  dessein,  qui  ne  tendait  qu'à  éclaircir 
les  choses  dans  un  esprit  de  paix.  On  croit 
que  Maximin,  à  qui  cette  lettre  est  adressée, 
est  le  même  dont  il  est  parlé  dans  la  lettre 
cent  cinquième  et  au  vingt-deuxième  livre 
de  la  Cité  de  Dieu,  chapitre  viii.  Il  se  réunit  à 
l'Église  catholique,  et  les  donatistes,  en  haine 
de  son  retour  à  l'unité,  publièi-ent  contre  lui 
ce  décret  :  Quiconque  sera  lié  de  communion 
avec  Maximin,  on  brûlera  sa  maison. 

14.  En  39i  et  395,  saint  Augustin  reçut 
deux  lettres  de  saint  Paulin,  et  une  de  Li- 
centius,  son  ancien  disciple.  Celui-ci  joignit 
à  sa  lettre,  qu'il  écrivit  de  Rome,  un  poème 
pour  demander  à  saint  Augustin  ses  livres 
de  la  Musique.  Il  l'assurait  que  son  plus  vif 
désir  était  de  demeurer  auprès  de  lui,  et 
qu'il  quitterait  tout  pour  s'y  rendre  aussitôt 
qu'il  le  lui  commanderait.  Mais  il  ne  lui  dissi- 
mulait pas  qu'il  était  près  de  s'engager  dans 
le  mariage  et  de  se  laisser  entraîner  au  tor- 
rent du  siècle.  Saint  Augustin,  extrêmement 
touché  du  danger  où  ce  jeune  homme  était 
exposé,  lui   fit   une  réponse  d'autant  plus 
remplie  du  feu  de  sa  charité,  qu'il  avait  pour 
lui  une  affection  plus  particulière  et  plus 
tendre,  u  Sans  doute,  dit -il,  il  en  coûte  à  la 
nature  pour  rompre  ses  liens  et  se  donner 
à  Dieu  ;  mais  ces  peines  sont  bien  récom- 
pensées par  les  douceurs  dont  elles  sont  sui- 
vies. Il  en  est  tout  au  contraire  des  chaî- 
nes qui  nous  attachent  au  monde  :  l'on  n'y 
trouve  rien  de  plus  réel  que  leur  pesanteur, 
et  rien  de  plus  imaginaire  que  leur  douceur; 
rien  de  plus  certain  que  la  douleur  cju'elles 


[lV°  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÈQUE  D'HIPPONE. 


73 


font  soufîiir,  et  rien  de  plus  dur  que  la  peine 
qu'on  a  de  les  porter,  et  rien  de  plus  fra- 
gile que  le  repos  qu'on  y  trouve;  enfin  rien 
de  plus  effectif  que  la  misère  qu'on  y  souf- 
fre, et  rien  de  plus  vain  que  le  bonheur  que 
l'on  s'en  promet.  »  Il  se  sert  des  vers  mêmes 
que  Licentius  lui  avait  envoyés,  pour  le  con- 
vaincre de  la  vanité  du  siècle.  Profitant  de 
l'éloquence  qu'il  avait  affectée,  il  lui  repro- 
che tacitement  de  souffrir  dans  son  cœur  un 
désordre  et  un  dérangement  qu'il  n'aurait 
pu  souffrir  dans  ses  vers.  «  Vous  m'avez 
écrit,  lui  dit-il,  que  je  n'ai  qu'à  commander. 
Je  vous  le  commande  :  Donnez-vous  donc  à 
moi,  mon  cher  Licentius  ;  donnez-vous  à  mon 
Seigneur,  qui  est  le  vôtre  comme  le  mien. 
Car,  que  suis-Je,  qu'un  homme  né  pour  vous 
servir  par  lui,  et  pour  le  servir  avec  vous? 
Ne  vous  commande-t-il  pas  lui-même  ce  que 
je  désire,  et  ne  dit-il  pas  à  haute  voix  dans 
l'Évangile  :  Venez  à  moi,  vous  tous  qui  pliez 
sous  le  poids  des  afflictions,  et  je  vous  soula- 
gerai? Si  vous  n'écoutez  pas  ces  paroles,  ou 
qu'elles  ne  touchent  que  vos  oreilles,  que 
peut- on  attendre  du  commandement  que 
vous  pourrait  faire  celui  qui  n'est  que  ser- 
viteur, non  plus  que  vous?  »  Il  renvoie  Li- 
centius au  grand  exemple  de  vertus  que 
donnait  saint  Paulin  dans  la  campagne  de 
Rome  ;  à  la  paix  et  à  la  joie  dont  ce  saint 
homme  jouissait,  après  avoir  foulé  aux  pieds 
tout  le  faste  et  toute  la  grandeur  mondaine. 
Venant  après  cela  au  parti  qu'il  était  prêt  à 
prendre  dans  le  monde  :  «  Pourquoi,  lui  dit- 
il,  ces  inquiétudes  qui  vous  déchirent  ?  Pour- 
quoi prêtez-vous  plutôt  l'oreille  au  murmure 
trompeur  des  voluptés  qui  vous  flattent,  qu'à 
la  voix  de  celui  qui  vous  parle?  Tout  cela 
meurt  et  précipite  dans  la  mort  :  il  n'y  a  que 
Jésus-Christ  qui  soit  la  vérité.  Allons  à  lui, 
pour  n'être  plus  exposés  aux  peines  qui  nous 
travaillent;  et  si  nous  voulons  qu'il  nous  dé- 
lasse,prenons  son  joug  sur  nous  :  il  est  doux, 
et  son  fardeau  léger.  » 
i.ctirc  21  dS.  La  lettre  à  saint  Paulin  est  un  éloge 
i?'"  TCrs  presque  continuel  de  ses  vertus.  Saint  Au- 
n  395 ,  gustin  y  relève  aussi  beaucoup  la  lettre  qu'il 
avait  reçue  de  lui  ;  il  lui  dit  qu'elle  avait  été 
lue  de  tous  les  frères ,  et  qu'ils  ne  se  las- 
saient point  de  la  relire  dans  l'admiration 
des  grands  dons  et  des  mérites  excellents 
dont  il  avait  plu  à  Dieu  de  combler  ce  saint 


homme.  Romanien  fiit  porteur  de  la  lettre 
de  saint  Augustin;  et  comme  il  portait  en 
même  temps  tous  les  ouvrages  que  ce  Père 
avait  faits  jusque-là,  soit  contre  les  héréti- 
ques, soit  pour  l'instruction  et  l'édification 
des  catholiques,  il  dit  à  saint  Paulin  qu'il  en 
pourra  demander  la  communication  à  Roma- 
nien. Mais  il  le  pria  de  les  lire  avec  exacti- 
tude pour  en  remarquer  les  défauts  et  l'en 
avertir.  ((  Si  vous  en  faites  une  sévère  criti- 
que, lui  dit-il,  vous  jugerez  de  mon  peu  de 
capacité  en  ce  que  vous  n'agréerez  pas;  mais 
si  vous  y  trouvez  quelque  chose  qui  vous 
plaise,  l'esprit  de  Dieu  qui  vous  anime  doit 
vous  porter  à  louer  et  à  aimer  celui  qui  est  la 
source  de  la  vie.  Ce  sont  ces  sentiments  que 
j'ai  moi-même  quand  je  relis  mes  ouvrages  ; 
je  gémis  lorsque  j'y  trouve  ce  qui  tient  du 
vieux  levain  de  ma  faiblesse,  et  quand  j'y 
rencontre  quelque  chose  qui  a  découlé  dtes 
soin-ces  toutes  pures  de  la  vérité  ,  je  m'en 
réjouis  dans  le  Seigneur,  mais  avec  crain- 
te, car  qu'avons- nous  qui  ne  nous  ait  été 
donné?»  Il  promet  à  saint  Pauhn  un  écrit 
sur  la  vie  de  l'évêque  Alypius  ,  que  saint 
Paulin  avait  demandé  à  Alypius  même.  L'af- 
fection que  ce  saint  évêque  avait  pom'  lui  le 
portait  à  lui  obéir;  mais  son  humilité  et  sa 
modestie  le  retenaient.  Saint  Augustin  le 
voyant  donc  balancer  entre  la  pudeur  et 
l'amitié,  se  chargea  de  cet  écrit  à  la  prière 
d'Alypius.  Il  l'aurait  envoyé  à  saint  Paulin 
par  Romanien,  si  celui  -  ci  ne  se  fût  pas  tout 
d'un  coup  résolu  à  partir.  Nous  n'avons  au- 
cune connaissance  de  cette  Vie,  et  nous  ne 
connnaissons  Alypius  que  par  ce  que  saint 
Augustin  en  dit  dans  ses  Confessions. 

16.  Ce  fut  encore  vers  l'an  395,  que  saint      i.piiie  28 
Augustin,  ayant  appris  par  Alypius  et  par   romc ,'  ^ciî 
d'autres  l'appHcation  continuelle  de  saint  Je-  ^^^  '    ""s- 
rôme  à  l'étude  des  saintes  lettres ,  lui  écrivit 
pour  le  prier  de  traduire  en  latin  les  meil- 
leurs interprètes  grecs  sur  '  l'Écriture,  plu- 
tôt que  de  la  traduire  de  nouveau  sur  l'hé- 
breu. Il  lui  fait  cette  prière  au  nom  de  toutes 
les  personnes  studieuses  des  Églises  d'Afri- 
frique,  et  il  ajoute  :  «  Car,  pour  ce  qui  est 
d'une  nouvelle  version  de  l'Écriture,  il  vous 
suffirait   de   marquer  les  endroits  où  vous 
traduiriez  autrement  que  les  Septante,  dont 
la  version  est  celle  qui  a  le  plus  d'autorité.  » 
Il  lui  donne  plusieiurs  raisons  pour  le  détour- 


•    Ou  mieux  de   l'Écriture  sainte.  Il   s'agit  ici 
non  des  conimentateurs,  mais  de   ceux   qui   ont 


traduit  en  grec  rÉ'îriture  sainte.  {L'éditeur.) 


74 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


lier  d'une  nouvelle  traduction  sur  l'hébreu, 
appuyant  principalement  sur  ce  qu'il  n'était 
pas  croyable  qu'il  y  eût  encore  des  choses 
dans  le  texte  hébreu,  qui  eussent  échappé  à 
tant  d'interprètes  si  versés  dans  la  connais- 
sance de  cette  langue.  H  lai  témoigne  sa 
douleui'  sur  l'explication  qu'il  avait  donnée 
de  l'endroit  de  l'Épître  aux  Galates  où  saint 
Paul  dit  qu'il  reprit  saint  Pierre  de  la  dissi- 
mulation dont  il  usait  envers  les  gentils. 
Ce  n'est  qu'avec  peine  qu'il  voit  saint  Jé- 
rôme se  déclarer  partisan  du  mensonge. 
«Rien  de  plus  dangereux,  dit- il,  que  d'en 
admettre  quelqu'un,  fat-il  léger  et  officieux, 
en  cpielque  endroit  que  ce  soit  de  l'Écri- 
ture, n  lui  serait  facile,  ajoute-t-il,  de  mon- 
trer que  tous  les  passages  dont  on  abuse 
pour  prouver  qu'il  est  quelquefois  bon  de 
mentir,  doivent  se  prendre  tout  autrement 
qu'on  ne  les  prend,  et  qu'il  n'y  en  a  pas  un 
que  l'on  ne  puisse  justifier  ,  l'Écriture  sainte 
étant  aussi  éloignée  de  favoriser  le  mensonge 
que  d'en  user.  En  effet,  continue-t-il,  si  l'on 
admet  une  fois  que  les  auteurs  canoniques 
peuvent  avoir  usé  de  mensonges  officieux 
dans  les  livres  qu'ils  nous  ont  laissés,  il  n'y 
aura  plus  rien  que  de  chancelant  dans  l'au- 
torité de  l'Ecriture,  et  chacun  sera  maître 
de  croire  ou  de  ne  pas  croire  ce  qu'il  lui 
plaira,  à  moins  qu'on  ne  puisse  donner  des 
règles  sûres  pour  distinguer  les  endroits  où 
le  mensonge  peut  avoir  lieu.  Si  vous  nous 
en  pouvez  donner,  dit -il  en  s'adressant  à 
Jérôme,  qu'elles  soient,  je  vous  prie,  de 
celles  qui  ne  supposent  rien  de  faux  ni  de 
douteux.  ))  n  témoigne  qu'il  serait  bien  aise 
de  conférer  avec  lui  sur  les  études  chré- 
tiennes auxqueUes  ils  s'appliquaient  l'un  et 
l'autre,  et  lui  envoie  en  même  temps  quel- 
ques-uns de  ses  ouvrages  parProfuturus,  en 
le  priant  de  les  corriger  avec  cette  sévérité 
charitable  qu'on  doit  avoir  pour  ses  frères. 
^  i.curc  20  17.  On  ne  peut  mettre  plus  tôt  qu'en  394, 
Cil  395,''p,ig'.  la  lettre  à  Alypius,  puisqu'il  y  est  qualifié 
?rc'  30 'de  évêquo,  et  qu'il  ne  le  fut  pas  avant  cette  an- 
saiiu  Pau-  née-Ià,  ni  plus  tard  qu'en  393,  car  saint  Au- 
gustin l'écrivit  étant  encore  prêtre.  Il  y  ra- 
conte comment  il  était  venu  à  bout  d'abolir 
dans  l'Eglise  d'Hippone  l'usage  des  festins 
sur  les  tombeaux  des  martyrs,  et  même  dans 
les  églises.  Le  peuple  de  cette  ville  avait 
coutume  d'en  faire  en  un  certain  jour  qu'on 
appelait  la  Réjouissance  :  c'était,  selon  le  titre 
de  la  lettre,  le  jour  de  la  fête  de  saint  Léonce, 
évêque    d'Hippone.    Quelque    temps   avant 


lin. 


cette  fête,  on  fit  défense  au  peuple  de  la  cé- 
lébrer en  la  manière  ordinaire.  Cette  défense 
excita  du  murmure  qui  aUa  toujours  en  aug- 
mentant jusqu'au  mercredi,  veille  de  l'As- 
cension, qu'on  lut  dans  l'église  cet  endroit  de 
riCvangile  :  ^Ye  donnezpoint  le  saint  aux  chiens, 
etc.  Saint  Augustin  en  prit  occasion  de  mon- 
trer combien  il  était  honteux  de  faire,  dans 
un  lieu  aussi  saint  que  l'église,  des  excès 
que  l'on  punirait  dans  des  maisons  particu- 
lières, par  l'excommunication  ou  par  la  pri- 
vation des  choses  saintes.  Son  discours  fut 
bien  reçu  :  mais  comme  l'assemblée  n'avait 
pas  été  nombreuse ,  il  reprit  le  même   su- 
jet le  jour  de  la  fête,  où  on  lut  l'évangile 
cpii  raconte  comment  Jésus-Christ  chassa  du 
temple  ceux  qui  vendaient  des  animaux.  11 
fit  voir  que  l'ivrognerie  était  beaucoup  plus 
contraire  à  la  sainteté  du  temple  de  Dieu, 
que  le  commerce  des  animaux  nécessaires 
pour  les  sacrifices.  Il  ajouta  divers  endroits 
de  l'Écriture  pour  montrer  combien  l'ivro- 
gnerie est  un  crime  infâme  et  dangereux,  et 
que,  loin  qu'on  en  puisse  faire  un  acte  do 
religion,  ni  l'exercer  dans  les  fieux  sacrés, 
saint  Paul  ne  voulait  pas  même  qu'on   y 
fit  les  repas  les  plus  modestes.  Les  gémis- 
sements et  les  marques  de  douleur  dont  il 
accompagna  son  discours,  les  prières  A'ives 
et  réitérées  qu'il  fît  à  son  peuple,  les  châti- 
ments dont  il  le  menaça  de  la  part  de  Dieu, 
tirèrent  des  larmes  des  yeux  de  ses  audi- 
teurs, et  il  ne  put  s'empêcher  d'y    mêler 
les  siemies.  Croyant  avoir  emporté  ce  qu'il 
désirait,  il  cessa  de  parler  pour  rendre  grâ- 
ces à  Dieu.  En  eflet,  dès  ce  jour -là,  cette 
mauvaise  coutume  fut  abolie.  Il  arriA-a  néan- 
moins le  lendemain,  qui  était  la  fête  de  saint" 
Léonce,  que  quelques-uns  "de  ceux  mêmes 
qui  avaient  assisté  la  veille  à  sou  sermon, 
murmurèrent  encore,  se  plaignant  qu'il  était 
bien  tard  de  leur  défendre  des  choses  qu'on 
leur  avait  toujours  permises,  et  qui  se  pra- 
tiquaient tous  les  jours  dans  l'église  de  saint 
Pierre  de  Rome.  Saint  Augustin,  erabarrassé 
sur  cela,  prit  le  parti  de  lire  à  ces  obstinés 
l'endroit  d'Ézéchiel  sur  le  devoir  des  senti- 
nelles, et  ensuite  de  secouer  ses  vêtements 
et  de  ne  pas  se  trouver  ce  jour-là  à  l'office. 
Mais  Dieu  eu  disposa  autrement.  Ceux  qui 
s'étaient  plaints  le  vinrent  trouver  avant  qu'il 
montât  à  l'autel  et  eu  chaire,  et  ils  cédèrent 
aussitôt  qu'il  leur  eut  parlé.  L'heure  du  ser- 
mon étant  venue,  il  se  contenta  de  dire  qu'on 
ne  devait  pas  s'étonner  de  ce  changement. 


[IV"  ET  y"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


Cet  usage  avait  toujours  été  mauvais  ;  si  on 
l'avait  toléré  quelque  temps,  c'était  parce 
que  ceux  qui  sortaient  du  paganisme  au- 
raient eu  peine  à  se  résoudre  d'embrasser 
d'abord  une  modestie  aussi  grande  qu'était 
celle  que  demandait  Jésus  -  Christ  ;  ainsi 
l'on  n'avait  souffert  qu'ils  célébrassent  les 
fêtes  des  saints  en  la  manière  qu'ils  célé- 
braient auparavant  celles  des  idoles,  qu'a- 
fin  qu'ils  cessassent  d'abord  d'être  idolâtres, 
et  que  l'on  prît  insensiblement  les  porter  à, 
une  vie  plus  chrétienne.  Il  représenta  aussi 
l'exemple  des  Églises  d'outre-mer,  qui  n'a- 
vaient jamais  été  dans  cet  abus,  ou  qui  l'a- 
vaient con-igé  par  le  moyen  des  bons  évê- 
ques.  A  l'égard  des  festins  qui  se  faisaient, 
disait-on,  dans  l'égHse  de  saint  Pierre  de 
Rome,  il  répond  :  <(  On  les  a  souvent  défen- 
dus ;  si  cette  défense  n'a  pas  toujours  eu  lieu, 
c'est  à  cause  du  grand  nombre  de  chrétiens 
charnels  qui  sont  dans  cette  ville  et  qui  y 
viennent  de  tous  côtés ,  et  encore  parce  que 
les  évêques  de  Rome  demeuraient  fort  loin 
de  cette  église;  mais  il  faut,  ajoute-t-il,  avoir 
moins  d'égard  à  ce  qui  se  pratique  dans  cette 
ville,  qu'à  ce  que  saint  Pierre  nous  enseigne 
dans  une  de  ses  épîtres.  »  Il  lut  un  grand 
passage  de  cette  épître  '.  Voyant  le  peuple 
tranquille  et  convaincu,  il  l'exhorta  à  reve- 
nir après  midi  entendi-e  les  lectures  et  les 
psaumes,  afin  de  célébrer  la  fête  d'une  ma- 
nière vraiment  chrétienne.  L'évêque  Valère 
l'obligea  de  parler  encore  au  peuple.  Il  le 
fit  et  l'exhorta  à  rendre  grâces  à  Dieu.  Un 
grand  nombre  d'hommes  et  de  femmes  étant 
restés  après  l'oflQce  de  vêpres ,  continuèrent 
à  chanter  des  hymnes  jusqu'à  ce  qu'il  ne  fit 
presque  plus  jour.  Saint  Augustin  se  hâta 
de  mander  un  si  heureux  succès  à  Alypius, 
qu'il  savait  être  très-inquiet  sur  cette  affaire. 
U  lui  marque,  sur  la  fin  de  sa  lettre,  que  les 
circonceUions  avaient  fait  une  irruption  dans 
l'église  d'Hippone,  qu'ils  en  avaient  brisé 
l'autel,  et  que  l'on  poursuivait  cette  affaire. 
Cette  lettre,  qui  ne  se  lit  que  dans  la  nou- 
velle édition  de  saint  Augustin,  a  été  don- 
née sur  un  manuscrit  du  monastère  de 
Sainte-Croix-en-Jérusalem  à  Rome. 

§.  11. 
Des  Lettres  de  la  seconde  classe. 

31       1 .  Saint  Paulin,  incertain  si  les  lettres  qu'il 
'  Cap,  iv,H ,  2,  3. 


avait  envoyées  en  Afrique  avaient  été  re-  asaimPau- 
çues,  en  écrivit  une  seconde  à  saint  Augustin,  p;]g.  55  ;  et 
où,  en  lui  protestant  de  son  amitié,  il  témoi-  j';,-']'"  W^t 
gnait  un  grand  désir  de  le  voir.  Romain  et  ""• 
Agile,  qu'il  envoyait  dans  ce  pays -là  pour 
quelque  œuvre  de  charité,  furent  porteui's 
de  cette  lettre.  Saint  Augustin  les  reçut  avec 
d'autant  plus  de  joie,  qu'il  croyait  voir  saint 
Paulin  dans  ses  enfants  spirituels.  R  les  ap- 
pelle une  seconde  lettre  dans  celle  qu'il  lui 
récrivit,  et  déclare  qu'il  avait  appris  par  leur 
bouche  plus  de  choses  de  sa  vie,  qu'il  n'eût 
pu  en  demander  lui-même,  «  Ces  lettres  vi- 
vantes, ajoute-t-il,  nous  ont  représenté  les 
sentiments  de  votre  esprit  et  de  votre  cœur, 
d'une  manière  qui  nous  a  fait  voir  qu'elles 
étaient  une  parfaite  copie  de  vos  grâces  et 
de  vos  vertus.  »  Il  marque  à  saint  Paulin  qu'il 
ne  pouvait  plus  songer  à  l'aUer  voir  en  Italie, 
parce  que  Valère  venait  de  le  charger  d'une 
partie  de  son  fardeau,  en  le  faisant  son  co- 
évêque.  Il  le  supplie,  comme  étant  moins 
occupe  par  les  affaires  de  l'Église,  de  vouloir 
bien  venir  en  Afrique ,  «  non-seulement,  dit-il, 
pour  ma  satisfaction  particuhère,  non-seule- 
ment même  pour  l'édification  des  personnes 
qui  ont  su  comme  vous  avez  quitté  vos  gran- 
deurs et  vos  richesses  pour  vous  consacrer 
au  service  de  Jésus ,  mais  principalement 
pour  le  salut  de  ceux  qui  n'ont  point  encore 
ouï  parler  de  vous,  ou  qui  ont  peine  à  croire 
ce  que  vous  avez  fait,  et  qui  pourraient  en 
être  touchés,  s'ils  en  étaient  pleinement  per- 
suadés en  vous  voyant.  Je  suis  persuadé, 
ajoute-t-il,  que  vous  attribuez  à  la  grâce  de 
Jésus-Christ  le  changement  qui  s'est  fait  en 
vous,  plutôt  qu'à  vos  propres  forces,  et  que 
vous  lui  en  l'apportez  toute  la  gloire.  Je  ne 
doute  pas  aussi  qu'ayant  autant  de  lumières 
et  de  piété  que  vous  en  avez,  vous  ne  soyez 
en  garde  contre  les  embûches  de  l'ennemi, 
et  que  vous  n'ayez  soin  de  vous  tenir  dans 
la  douceur  et  l'humilité  de  cœur  que  Jésus- 
Christ  recommande  à  ses  disciples.  Car  il  se- 
rait plus  avantageux  de  conserver  ses  biens 
avec  l'esprit  d'humilité,  que  de  les  quitter  par 
un  sentiment  de  vanité  et  d'orgueil.  »  Il  lui 
marque  qu'il  lui  envoie  ses  trois  livres  du 
Libi^e  arbitre,  et  le  prie  de  lui  faire  part  de 
ce  qu'il  avait  écrit  contre  les  païens,  et  de  lui 
envoyer  les  ouvrages  de  saint  Ambroise  où  ce 
Père  réfutait  solidement  l'orgueil  et  l'igno- 
rance de  ceux  qui  osaient  soutenir  que  Notre- 
Seigneur  avait  beaucoup  appris  des  livres 
de  Platon.  C'était  le  livre  intitulé  des  Sacre- 


76 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Le  tire  33 
ft  Piocnlicu 
en  395,  pag. 
62. 


Lcllri'S 
34  et  35  à 
Kiist'bc,  l'ii 
396,  pag. 
f6. 


tneiits  :  nous  ne  l'avons  plus.  Saint  Augustin 
lui  dit  encore  :  «  Nous  vous  envoj'ons  un  pain 
qui  deviendra  un  pain  de  bénédiction,  si  vous 
avez  la  bonté  de  l'agréer.  » 

2.  Évodius,  ami  intime  de  saint  Augustin, 
s'étant  un  jour  rencontré  dans  une  maison 
avec  Proculien,  évéque  donatiste,  l'entretien 
tomba  sur  l'espérance  des  fidèles,  c'est-à- 
dire  sur  l'héritage  et  l'Église  de  Jésus-Christ. 
Evodius  défendit  la  vérité  avec  ardeur.  Pro- 
culien se  croyant  offensé  par  quelques  termes 
injurieux  s'en  plaignit;  mais  il  témoigna  en 
même  temps  qu'il  serait  bien  aise  de  conférer 
aA'ec  saint  Augustin  en  présence  de  quelques 
personnes  d'honneur.  Ce  saint  évêque  l'ayant 
appris  par  Évodius,  écrivit  une  lettre  fort 
civile  à  Proculien,  où,  après  avoir  rejeté  sur 
l'amour   qu'Évodius  avait  pour  l'Éghse,  la 
vivacité  qu'il  pouvait  avoir  témoignée  dans 
la  dispute,  il  offre  à  Proculien  la  conférence 
qu'il  souhaitait,  l'assurant  que,  de  sa  part,  il 
éviterait  de  rien  dire  quipiitle  choquer.  ((Elle 
se  fera,  ajoute-t-il,  en  présence  de  qui  vous 
voudrez  :  mais  il  faut  qu'on  écrive  tout  ce 
que  nous  dirons,  afin  que  nous  ne  parlions 
pas  en  vain.  Nous  éviterons  par  là  le  trouble 
et  le  désordre  dans  notre  conférence  ;  et  s'il 
nous  arrivait  de  ne  nous  pas  souvenir  de  ce 
que  nous  aurions  dit,  il  n'y  aura  qu'à  lire 
pour  le  retrouver.  Si  vous  voulez  même,  nous 
commencerons  par  conférer  en  particulier 
par  lettres,  ou  de  vive  voix  et  avec  les  livres 
sur  la  table,  en  quel  lieu  il  vous  plaira.  Si 
vous  aimez  mieux  que  nous  conférions  par 
écrit,  nous  pourrons  lire  nos  lettres  au  peu- 
ple de  part  et  d'autre,  afin  de  parvenir  ainsi 
à  cette  union  tant  désirée,  qui  ne  fera  plus 
qu'ian  même  peuple  de  nous  tous.  »  Il  l'as- 
sure, sans  hésiter,  que  l'évêque  Valère,  qui 
était  pour  lors  absent,  agréera  avec  joie  tout 
ce  qu'ils  arrêtei'ont  ensemble,  et  le  conjure 
de  préférer  l'amour  de  la  paix,  à  la  considé- 
ration de  tous  les  honneurs  et  de  tous  les 
avantages  humains.  ((  Les  hommes,  dit-il, 
nous  traitent  de  saints  et  de  serviteurs  de 
Dieu,  lorsqu'ils  ont  recours  à  nous  pour  faire 
juger  leurs  aU'aires  temporelles,  qui  se  trai- 
tent tous  les  jours  devant  nous.  Ne  songe- 
rons-nous jamais  à  traiter  entre  nous  l'affaire 
de  notre  salut  et  du  leur  ?  » 

3.  Il  y  avait  à  Hippone  un  jeune  homme 
qui  battait  souvent  sa  mère,  et  dont  la  fu- 
reur était  si  impie,  qu'il  ne  cessait  pas  même 
de  la  maltraiter  dans  les  saints  jours  où  les 
lois  épargnent  les  plus  infâmes  scélérats  et 


suspendent  leur  supplice,  c'est-à-dire,  les 
jours  de  dimanche  et  dans  la  quinzaine  de 
Pâques.  Saint  Augustin  le  reprit  de  sa  faute. 
Ce  jeune  homme  voyant  que  l'Église  catho- 
lique l'empêchait  de  satisfaire  son  impiété, 
dit  tout  en  furie  à  sa  mère  qu'il  allait  se  met- 
tre parmi  les  donatistes ,  et  qu'ensuite  il  la 
ferait  mourir.  Ce  furieux,  altéré  du  sang  de 
sa  propre  mère ,  fut  en  effet  reçu  par  ces 
schismatiques.  Ils  l'habillèrent  de  blanc,  le 
placèrent  au  dedans  du  balustre  afin  de  le 
montrer  à  toute  l'assemblée  ;  et  pendant  que 
tout  le  monde  gémissait  de   son  crime ,  ils 
l'exposèrent  en  vue  comme  un  homme  re- 
nouvelé par  le  Saint-Esprit.  Saint  Augustin, 
vivement  touché  d'une  action  de  cette  na- 
ture, crut  qu'il  ne  pouvait  moins  faire  que  de 
parler  et  de  se  plaindre  avant  que  la  huitaine 
de  ce  misérable  néophyte  fût  achevée.  Il  fit 
dresser  des  actes  authentiques  de  ce  sacri- 
lège, et  écrivit  àEusèbe,homme  de  qualité, 
mais  donatiste  de  communion  et  ami  de  Pro- 
culien, ne  doutant  pas  que,  sage  et  modéré 
comme  il  était ,  il  ne  dût  désapprouver  cette 
action.  Il  le  prie  dans  sa  lettre,  comme  il 
avait  déjà  fait  par  des  personnes  d'honneur, 
de  savoir  s'il  était  vrai  que  Victor  eût  fait, 
sans  l'ordre  de  Proculien ,  ce  qu'il  avait  fait 
mettre  dans  les  actes  pubhcs  ;  ou  si  ceux  qui 
tiennent  les  actes  y  avaient  mis  autre  chose 
que  ce  que  Victor  leur  avait  dit.  Eusèbe,  dans 
sa  réponse,  avoua  à  saint  Augustin  qu'il  n'ap- 
prouvait point  qu'on  eût  re(;ii  ce  fils  qui  bat- 
tait sa  mère,  ajoutant  que  si  Proculien  le  sa- 
vait, il  le  séparerait  de  sa  communion  :  que, 
du  reste,  il  s'étonnait   que   saint  Augustin 
l'eût  voulu  rendre  juge  des  évêques.  Le  saint 
Docteur  écrivit  une  seconde  lettre  à  Eusèbe 
pour  lui  marquer  qu'il  n'avait  pas  prétendu  le 
constituer  juge  entre  des  évêques,  que  toute- 
fois il  n'y  avait  rien  dans  la  question  présente 
dont  il  ne  pût  être  juge.  Il  lui  répète  donc 
ce  qu'il  lui  avait  dit  dans  sa  première  lettre, 
c'est-à-dire  qu'il  voulait  savoir  de  Procu- 
lien, s'il  avait  ordonné  à  son  prêtre  Victor  ce 
que  les  officiers  publics  disaient  que  Victor 
leur  avait  rapporté  ,  ou  s'ils  avaient  mis  dans 
leurs  registres  autre  chose  que  ce  que  portait 
le  rapport  de  Victor;  et  de  s'informer  en  ou- 
tre dans  (juelle  disposition  était  Proculien  sur 
la  conférence.  ((  Quant  à  ce  que  vous  dites, 
ajoute-t-il,  que  si  Proculien  avait  su  jus- 
qu'où allait  la  fureur  de  ce  jeune  homme 
qui  battait  sa  mère,  il  ne  l'aurait  pas  reçu 
dans  sa  communion,  je  vous  répondrai  en 


[lye  j.^  ye  gj^cLES. 


SAL\T  AUGUSTLN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


77 


deux  mots,  qu'il  faut  donc  qu'il  l'eu  chasse 
présentement  qu'il  le  sait.  »  Il  dit  encore  à 
Eusèbe  que  Procidien  ne  pouvait  se  dis- 
penser de  retrancher  de  sa  communion  un 
nommé  Primus  ,  auparavant  sous-diacre  ca- 
tholique de  l'Église  de  Spagnane,  mais  qui, 
ayant  été  déposé  pour  crime  d'impudicité , 
avait  embrassé  le  parti  des  donatistes,  et 
reçu  d'eux  im  second  baptême.  Il  ajoute 
que  Proculien  doit,  aussi  bien  que  lui ,  ne 
pas  recevoir,  autrement  que  par  la  péni- 
tence, ceux  qui  sortent  de  l'Eglise  pour  ne 
pas  subir  la  rigueur  de  sa  discipline.  Il  fait 
des  plaintes  de  ce  que  les  donatistes  avaient 
séduit  la  fille  d'un  paysan  sujet  de  l'Église, 
pour  l'engager  à  recevoir  d'eux  le  baptême, 
et  de  ce  qu'ils  lui  avaient  donné  l'habit  et  la 
bénédiction  de  vierge ,  et  prie  Eusèbe  de 
faire  savoir  toutes  ces  choses  à  Proculien, 
ou  qu'il  les  lui  ferait  signifier  par  les  formes 
de  justice, 
^iire  36       4.  Saint  Augustin  n'était  évêque  que  de- 

"asulan,  .  ^  ,.,,..,_ 

396  ou  puis  peu  de  temps,  lorsqu  il  écrivit  les  deux 
^''°'  lettres  dont  nous  venons  de  parler  :  ainsi  ce 
fut  eu  396.  Sur  la  fin  de  la  même  année ,  ou 
au  commencement  de  la  suivante,  un  prêtre 
nommé  Casulan,  ami  de  saint  Augustin,  lui 
envoya  une  grande  dissertation  qu'il  avait 
reçue  de  Rome,  dans  laquelle  l'auteur  pré- 
tendait prouver  qu'il  fallait  sui-\Te  la  cou- 
tume de  cette  ville  touchant  l'observation  du 
jeûne  du  samedi.  Il  traitait  d'une  manière  in- 
jurieuse ceux  qui  ne  s'y  conformaient  pas, 
c'est-à-dire  presque  toute  l'Église.  Les  raisons 
sur  lesquelles  il  s'appuyait  n'étaient  nulle- 
ment fondées,  et  toute  sa  dissertation  consis- 
tait en  de  grands  éloges  du  jeune  et  en  in- 
vectives contre  les  débauches,  ce  qui  ne  tou- 
chait point  la  question.  Quelquefois  même, 
il  condamnait  ceux  qui  ne  jeûnaient  pas 
tous  les  jours;  en  quoi  il  attaquait  l'Église 
romaine  comme  les  autres.  Casulan  ne  vou- 
lut point  nommer  l'auteur  de  cet  écrit,  se 
contentant  de  l'appeler  un  certain  Romain. 
Saint  Augustin,  accablé  d'affaires,  oublia  de 
le  réfuter,  comme  Casulan  l'en  avait  prié; 
mais,  ayant  l'eçu  une  seconde  lettre  où  Ca- 
sulan l'interpellait  par  le  droit  de  la  charité 
fraternelle  de  lui  faire  enfin  réponse ,  il  ne 
différa  pas  plus  longtemps.  Voici  le  contenu 
de  cette  réponse  :  S'il  n'était  jamais  permis 
déjeuner  le  samedi.  Moïse,  ni  Élie,  ni  Jésus- 
Christ,  n'auraient  pas  jeûné  quarante  jours 
de  suite.  Ce  raisonnement  prouve  aussi  qu'il 
n'a  pas  toujoiu's  été  défendu  de  jeûner  le 


dimanche.  Mais  si  l'on  voulait  aujoiu-d'hui 
jeûner  ce  jom--là,  comme  quelques-uns  jeû- 
nent le  samedi,  l'Église  s'en  trouverait  scan- 
dalisée ;  car,  dans  les  choses  qui  ne  sont 
point  décidées  dans  l'Écriture,  les  coutumes 
reçues  parmi  les  chi-étiens  ou  établies  par 
nos  pères,  doivent  tenir  lieu  de  loi  ;  et  l'on 
ne  doit  point  contester  sur  ces  matières,  ni 
condamner  ce  qui  se  pratique  ailleurs,  sous 
prétexte  qu'il  est  contraire  aux  lois  établies 
dans  l'endroit  où  nous  demeurons.  L'auteur 
de  la  dissertation  n'a  donné  aucune  raison  de 
l'obhgation  de  jeûner  le  samedi,  et  n'a  pas 
même  touché  le  fond  de  la  question.  Le  jeûne 
nous  est  pi'escrit  par  l'Évangile  et  par  les 
écrits  des  Apôtres,  c'est-à-dire  par  tout  le 
Nouveau  Testament,  dit  saint  Augustin,  ex- 
pliquant sa  propre  pensée  ;  mais  ni  Jésus- 
Christ,  ni  les  Apôtres,  n'ont  point  déterminé 
les  jours  où  l'on  doit  jeûner,  ni  ceux  où  on 
ne  le  doit  pas  ;  il  parait  plus  à  propos  de  ne 
pas  jeûner  le  samedi,  non  que  ce  soit  une 
chose  nécessaire  au  salut ,  mais  afin  que  ce 
relâche  que  nous  nous  accordons  nous  soit 
une  marque  du  repos  éternel  qui  est  le  véri- 
table sabbat  ;  toutefois,  soit  que  l'on  jeûne  ou 
que  l'on  ne  jeûne  pas  le  samedi,  on  doit,  pour 
entretenir  la  paix,  observer  ce  précepte  de 
l'Apôtre  :  Que  celui  qui  mange,  ne  méprise 
point  celui  qui  n'ose  manger,  et  que  celui-là  ne 
condamne  point  celui  qui  mange.  Il  n'y  a  pas 
grand  inconvénient  à  observer  le  jeûne  du 
samedi,  puisque  l'Église  romaine  l'observe, 
de  même  que  quelques  autres  Églises  voisi- 
nes, et  quelques-unes  même  assez  éloignées, 
quoiqu'on  petit  nombre  ;  mais  de  jeûner  le 
dimanche,  ce  serait  un  scandale,  surtout  de- 
puis la  naissance  de  l'hérésie  des  mani- 
chéens ,  qui  affectent  de  prescrire  à  ceux 
qu'ils  appellent  leurs  auditeiu-s,  de  jeûner  le 
dimanche,  et  qui  regardent  ce  jour-là  comme 
particulièrement  consacré  au  jeûne,  a  Ceux- 
là,  néanmoins,  ajoute-t-il,  sont  pardonnables 
de  jeûner  le  dimanche ,  qui  peuvent  pousser 
le  jeûne  au  delà  d'une  semaine  entière  sans 
manger,  pour  approcher  d'autant  plus  du 
jeûne  de  quarante  jom-s,  comme  nous  savons 
que  quelques-uns  l'ont  pratiqué.  Nous  avons 
même  appris  de  personnes  dignes  de  foi, 
ç[u'il  s'en  est  trouvé  un  qui  a  poussé  son 
jeune  jusqu'aux  quarante  jours.  »  Ces  sortes 
d'exemples  ne  tirent  point  à  conséquence 
contre  la  coutume  générale  ;  mais  il  est  d'avis 
que  quand  il  faut  interrompre  le  jeûne  dans 
l'étendue  de  la  semaine,  le  dimanche  est  le 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


78 

jour  où  on  le  peut  faire  le  plus  à  propos.  11 
réfute  les  priscilliunistes,  qui  préteudaient 
qu'on  devait  jeîmcr  le  dimanche,  se  fondant 
siu-  un  passage  des  Actes  où  nous  lisons  que 
le  premier  jour  de  la  semaine,  les  disciples 
étant  assemblés  pour  rompre  le  pain,  saint 
Paul  se  mit  à  leur  parler,  et  continua  son 
discours  jusqu'à  minuit.  Cette  assemblée  se 
fit  ou  à  la  fin  du  jour  du  sabbat  et  au  com- 
mencement de  la  nuit  suivante,  qui  apparte- 
naient déjà  à  ce  jour  de  la  semaine  que  nous 
appelons  le  dimanche  ;  ou,  si  elle  se  fit  à 
l'entrée  de  la  nuit  qui  suit  le  dimanche,  on 
doit  dire  c[ue  cène  fut  pas  le  jeûne  qui  obli- 
gea saint  Paul  de  différer  si  long-temps  la 
fraction  du  pain,  mais  parce  qu'il  voulait  don- 
ner aux  fidèles ,  avant  de  partir  de  Troade  , 
les  instructions  dont  ils  avaient  besoin.  Quoi- 
que, dès  lors,  la  pratique  fût  de  ne  point 
jeûner  le  dimanche,  saint  Paul  pouvait,  sans 
scandale,  dans  la  nécessité  où  il  se  trouA'ait, 
passer  tout  le  dimanche  jusqu'à  minuit  et 
même  jusqu'au  point  du  jour  suivant  sans 
prendre  de  nourriture.  «  Mais  présentement 
que  les  hérétiques,  par  un  dogme  arrêté 
entre  eux,  se  font  une  pratique  de  religion 
de  jeûner  le  dimanche,  je  ne  crois  pas,  dit 
ce  Père,  que,  même  dans  une  nécessité  pa- 
reille à  celle  où  se  trouva  saint  Paul,  on  dût 
faire  ce  qu'il  fit,  car  il  y  aurait  à  craindre  que 
le  scandale  qui  en  arriverait  ne  causât  plus 
de  mal  que  la  prédication  de  la  parole  de 
Dieu  ne  pourrait  faire  de  bien.  »  Sa  décision 
est  donc,  qu'à  moins  de  s'être  obligé  par 
vœu  à  passer  de  suite  un  grand  nombre  de 
jours  sans  manger,  le  dimanche  n'en  est  pas 
un  où  l'on  doive  jeûner.  Ce  qui  fait  que  l'on 
a  accoutumé  dans  l'Eglise  de  jeûner  le  mer- 
credi et  le  vendi'edi,  c'est  qu'il  paraît,  par 
l'Évangile,  cpie  ce  fut  le  mercredi  cpie  les 
Juifs  tinrent  conseil  pour  faire  moiu'ir  Jésus- 
Christ,  et  que  le  vendredi  fut  le  jour  de  sa 
passion.  Son  coi-ps  ayant  reposé  la  nuit  dans 
le  sépulcre,  cela  a  donné  heu  aux  uns  de  ne 
pas  jeûner  en  ce  jour-là,  pour  marquer  le 
repos  auquel  il  est  consacré  ;  d'autres,  au 
contraire,  comme  l'Église  de  Rome  et  quel- 
ques auti'es  Églises  d'Occident,  observent  le 
jei\ne  en  mémoire  de  l'humiliation  et  de  la 
mort  du  Seigneur.  Mais  les  mis  et  les  autres 
s'accordent  pour  le  jeûne  du  samedi  qui  pré- 
cède la  fête  de  Pâques,  et  ceux  mêmes  qui 
dînent  tous  les  autres  samedis  de  l'année, 
jeûnent  très-dévotement  celui-là  en  mémoire 
tle  la  douleur  où  furent  les  disciples  pendant 


tout  ce  jour.  Il  finit  cette  lettre  en  rapportant 
une  règle  excellente  qu'il  avait  apprise  de 
saint  Ambroise,  étant  à  Milan  avec  sa  mère. 
«  Comme  elle  ne  savait  point,  dit-il,  s'il  fal- 
lait jeûner  le  samedi  selon  la  coutume  de  la 
ville  d'où  nous  sommes,  ou  ne  pas  jeûner 
selon  celle  de  Milan,  je  fus  trouver  l'homme 
de  Dieu  pour  la  tirer  de  peine,  et  voici  la 
réponse  que  j'en  eus.  Je  ne  puis,  me  dit  ce 
saint  évêque,  vous  prescrire  sur  cela  que  ce 
que  je  fais  moi-même.  Quand  je  suis  ici,  je  ne 
jeûne  point  le  samedi  ;  mais  quand  je  suis  à 
Rome,  je  jeûne  cejoui--là.  Ainsi,  dans  quel- 
que Église  que  vous  vous  trouviez,  suivez- 
en  les  coutumes,  si  vous  voidez  ne  causer 
de  scandale  à  personne,  et  que  personne  ne 
vous  en  cause.  »  Mais  parce  cpi'en  quelques 
endroits  de  l'Afrique ,  et  entre  les  Églises 
d'une  même  contrée,  et  même  entre  les  fi- 
dèles d'une  même  Éghse,  il  y  en  avait  qui 
jeûnaient  le  samedi,  et  d'autres  qui  ne  jeû- 
naient point,  saint  Augustin  conseille  à  Casu- 
lan  de  se  conformer  à  ceux  qui  ont  le  gou- 
vernement spirituel  des  peuples,  et  de  ne 
point  résister  sur  cela  à  sou  évêque. 

5.  La  lettre  à  l'évêque  Simplicien  est  une 
réponse  que  saint  Augustin  lui  fait  pour  le 
remercier  de  l'estime  qu'il  témoignait  de 
ses  ouvrages.  Il  les  soumet  entièrement  à  sa 
censure,  particulièrement  ceux  qui  regar- 
daient les  questions  que  Simplicien  l'avait 
chargé  de  traiter.  Dans  la  lettre  qu'il  écrivit 
à  Profuturus,  saint  Augustin  parle  de  la  pa- 
tience que  l'on  doit  conserver  dans  la  mala- 
die. Il  en  était  attaqué  lui-même  si  fortement, 
qu'il  était  obligé  de  garder  le  lit  ;  mais  il  met- 
tait en  pratique  les  maximes  cpi'il  avance  dans 
cette  lettre  :  «  Quoique  je  souffre,  je  suis 
bien,  puisque  je  suis  comme  Dieu  veut  que 
je  sois.  Car,  quand  nous  ne  voulons  pas  ce 
qu'il  veut,  c'est  nous  qui  sommes  en  faute, 
et  non  pas  lui,  qui  ne  saurait  rien  faire  ni 
permettre  que  de  juste.  »  Yoici  une  autre 
maxime  qui  n'est  pas  moins  utile  et  regarde 
la  manière  dont  on  doit  prévenir  la  colère 
et  empêcher  la  haine  de  se  former  dans 
le  cœur.  «  Ce  qui  donne  entrée  à  la  haine, 
c'est  que  chacun  croit  sa  colère  juste,  et 
cette  justice  qu'il  y  trouve  la  lui  faisant  gar- 
der avec  quelque  sorte  de  plaisir  dans  son 
cœm-,  elle  s'aigrit  par  le  séjour  qu'elle  y  fait, 
et  infecte  le  cœur  par  son  aigreur.  Ainsi  il 
est  bien  plus  sûr  de  ne  se  mettre  jamais  en 
colère,  quelque  sujet  qu'on  en  puisse  avoir, 
que  de  s'exposer,  sous  prétexte  d'une  juste 


[IV"  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


79 


colère,  au  danger  d'en  venir  jusqu'à  la  liaine, 
en  quoi  toute  colère  dégénère  facilement. 
Il  vaut,  sans  comparaison,  mieux  fermer  la 
porte  de  notre  cœur  à  une  colère  juste  qui 
se  présente,  que  de  la  laisser  entrer  au  ris- 
que de  ne  la  pouvoir  chasser,  et  de  la  trou- 
ver en  moins  de  rien  passer  de  la  grosseur 
d'un  filet  à  celle  d'une  poutre  ;  car  elle  croît 
avec  une  vitesse  incroyable  lorsqu'elle  n'est 
plus  resserrée  par  la  honte  et  qu'on  a  une 
fois  laissé  coucher  le  soleil  sur  elle.  » 
Lciirt  39       g_  Saint  Jérôme  avant  écrit  une  lettre  de 

saint  Je-  '^  ■      •  T 

IMS  (lo  a  politesse  en  397,  par  le  diacre  Présidais,  à 
vers   saint  Augustin,  ce  saint  évêque  lui  demanda 

".  su.^  '  ^'^^^  sa  réponse  quel  était  le  vrai  titre  du 
livre  des  Ecrivains  ecclésiastiques,  que  l'on 
avait  rapporté  en  Afrique  sous  le  titre  d'^- 
pitaphe.  Ce  qui  engageait  saint  Augustin  à 
lui  faire  cette  question,  c'est  qu'il  ne  voyait 
pas  que  le  nom  d'Epitapke  convînt  à  un  ou- 
vrage où  l'on  parlait  de  plusieurs  écrivains 
qui  vivaient  encore.  H  lui  témoigne  ensuite 
sa  peine  sur  son  explication  de  l'Epltre  aux 
Galates,  soutenant  qu'il  est  de  la  dernière 
conséquence  de  n'admettre  aucun  mensonge 
officieux,  en  quelque  endroit  de  l'Écriture 
que  ce  soit,  et. qu'il  n'y  eut  ni  jeu  ni  feinte 
dans  la  correction  que  saint  Paul  fit  à  saint 
Pierre.  Il  l'exhorte  donc  à  corriger  son  pro- 
pre ouvrage  et  à  chanter  hautement  la  pali- 
nodie, puisque  la  vérité  des  chrétiens  a,  sans 
comparaison,  plus  de  charmes  que  l'Hélène 
des  Grecs.  Il  lui  demande  pourquoi,  en  fai- 
sant mention  des  écrivains  hérétiques,  il 
n'avait  pas  aussi  marqué  leurs  erreurs,  et  le 
prie  de  lui  donner  une  énumération  abré- 
gée de  tous  les  dogmes  des  hérétiques  qui, 
par  orgueil,  par  ignorance  ou  par  opiniâ- 
treté, ont  tâché  de  coiTompre  la  pureté  de 
notre  foi.  Il  témoigne  en  particulier  souhai- 
ter de  connaître  toutes  les  erreurs  par  les- 
quelles un  aussi  grand  homme  qu'Origène 
s'est  écarté  de  la  vraie  foi. 

.iitiieûi  7.  Vers  le  commencement  de  son  épisco- 
à  saint  pat,  saint  Augustin  écrivit  tant  en  son  nom 

1  "''39"'^   qu'en  celui  d'Alypius,  à  Aurèle  de  Carthage, 

;.  87  et  pour  le  congratuler  d'avoir,  en  préférant  le 
bien  de  l'Éghse  à  l'honneur  de  l'épiscopat, 
permis,  contre  la  coutume  de  son  pays,  à  des 
prêtres  de  prêcher  en  sa  présence  la  parole 
de  Dieu.  Il  le  prie  de  lui  envoyer  quelques- 
uns  de  ces  sermons.  On  met  vers  le  même 
temps  la  lettre  qu'il  écrivit  à  saint  Paulin 
pour  lui  demander  une  seconde  fois  son  ou- 
vrage contre  les  Païens.   Il  le  lui  demande 


encore  dans  sa  lettre  quarante-cinquième. 

8.  Sur  la  fin  de  l'an  397,  ou  au  commen-  Lettre 'li 
cernent  de  398,  il  écrivit  cà  Glorius,  Éleusius,  eic'''"''«rs 
Félix  et  Grammaticus ,  tous  quatre  du  parti  '''i»  '  ^^s  , 
des  donatistes,  pour  leur  faire  voir  qu'ils  n'a-  '"'°' 
valent  aucune  raison  de  persévérer  dans  leur 
schisme  après  avoir  été  convaincus  si  sou- 
vent de  la  fausseté  des  prétextes  dont  ils  pré- 
tendaient l'autoriser.  Il  leur  parle  de  ce  fait  : 
étant  en  conférence  avec  eux  dans  leur  ville, 
et  leur  parlant  de  réunion,  ils  lui  avaient 
présenté  les  actes  de  la  condamnation  de 
Gécihen  et  de  Félix  d'Aptonge,  son  ordina- 
teur, par  le  concile  de  Cartilage;  mais  il 
leur  fit  voir  en  même  temps  les  défauts  de 
ce  concile,  pt  comment  sa  sentence  avait  été 
cassée  par  le  concile  de  Rome,  composé  d'é- 
vêques  nommés  par  Constantin,  à  la  requête 
même  de  donatistes,  par  le  concile  d'Arles, 
par  Constantin  même  à  qui  ils  avaient  ap- 
pelé, et  par  la  sentence  que  le  proconsul 
avait  rendue  en  faveur  de  Félix.  N'ayant  pas 
tous  ces  actes  en  main,  il  les  avait  envoyé 
chercher  ;  ils  étaient  arrivés  au  bout  de  deux 
jours,  et  il  leur  en  avait  donné  lecture,  leur 
laissant  une  entière  liberté  de  les  examiner 
et  même  de  les  copier.  Saint  Augustin  con- 
jure Glorius  et  ceux  cà  qui  il  écrit  de  faire  at- 
tention à  tous  ces  actes,  qui  font  si  bien  voir 
la  nullité  des  procédures  contre  Cécilien  :  et 
parce  qu'ils  auraient  pu  se  plaindre  en  par- 
ticulier de  l'autorité  que  l'êvêque  de  Rome 
s'était  donnée  dans  cette  affaire,  il  prévient 
cette  objection  en  cette  manière  :  «  Dira-t-on 
que  l'êvêque  de  Rome,  Melchiade,  n'a  pas 
dû  s'attribuer  la  connaissance  d'une  affaire 
une  fois  jugée  en  Afrique  par  un  concile 
de  soixante -et -dix  évêques,  ayant  le  pri- 
mat à  leur  tête?  Mais  ce  n'est  pas  lui  qui  se 
l'est  attribuée  :  c'est  l'Empereur  qui,  à  la 
prière  des  donatistes  mêmes,  nomma  des 
évêques  pour  en  connaître  avec  celui  de 
Rome  et  la  juger  selon  la  justice.  Nous  le 
prouvons,  et  par  la  requête  des  donatistes, 
et  par  la  déclaration  de  l'Empereur  :  vous 
avez  ces  pièces  en  mains.  »  Il  relève  ensuite 
la  modération  de  la  sentence  rendue  par  Mel- 
chiade :  «  Quand  il  vint,  dit-il,  à  prononcer  la 
sentence  définitive,  combien  y  fit-il  paraî- 
tre de  douceur,  d'intégrité,  de  sagesse  et  de 
soin  de  conserver  la  paix  ?  Car  il  ne  voulut 
point  rompre  de  communion  avec  ceux  de 
ses  collègues  contre  lesquels  il  n'y  avait 
rien  eu  de  bien  prouvé  ;  et  se  contentant  de 
charger  Donat,  qu'il  avait  reconnu  pour  prin- 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


80 

cipal  auteur  de  tout  le  mal,  il  laissa  les  autres 
en  état  de  •revenir,  s'ils  avaient  voulu.  Mais 
quand  nous  demeurerions  d'accord,  leur  dit 
encore  saint  Augustin,  que  les  ëvêques  qui 
jugèrent  l'aflaire  à  Rome,  ont  été  de  mau- 
vais juges,  on  pouvait  encore  examiner  la 
cause  dan^  un  concile  plénier  de  toute  l'E- 
glise, avec  ceux  qui  l'avaient  jugée,  afin  que, 
s'il  se  fût  trouvé  qu'ils  eussent  mal  jugé,  leur 
sentence  eût  été  cassée.  Que  les  donatistes 
prouvent  qu'ils  ont  eu  recours  à  ce  moyen  : 
nous  lem'  montrerons  aisément  qu'ils  ne 
l'ont  pas  employé  ;■  et  il  n'en  faut  point  d'au- 
tre preuve  que  ceUe-ci,  que  le  monde  en- 
tier ne  communique  pas  avec  eux.  Cette 
séparation  même  fait  voir  encore  que  s'ils 
ont  eu  recours  à  un  concile  plénier,  ils  y 
ont  été  convaincus  et  condamnés.  »  Saint 
Augustin  examine  toutes  les  autres  procédu- 
res dans  lesquelles  Cécilien  fut  déclaré  inno- 
cent, et  les  donatistes  condamnés  ;  puis  il  se 
plaint  amèrement  de  ce  qa'ils  rebaptisaient 
les  membres  de  l'Église,  et  qu'en  étant  eux- 
mêmes  séparés,  ils  continuaient  d'offrir  le 
sacrifice  ;  de  ce  qu'ils  saluaient  les  hommes 
par  le  souhait  ordinaire  de  la  paix,  en  même 
temps  qu'ils  leur  fermaient  l'entrée  de  la 
paix  et  du  salut  ;  de  ce  qu'ils  rompaient  l'u- 
nité de  Jésus-Christ,  et  trouvaient  mauvais 
que  les  puissances  séculières  les  châtiassent 
de  tous  ces  crimes  par  quelques  peines  tem- 
porelles, pour  tâcher  de  les  garantir  des 
éternelles,  que  méritent  leurs  sacrilèges. 
«  Pour  nous,  continue  ce  Père,  nous  leur 
reprochons  la  fm'eur  qui  les  tient  dans  le 
schisme,  et  nous  lem-  faisons  voir  dans  les 
livres  qui  sont  les  leurs  aussi  bien  que  les 
nôtres,  des  Églises  dont  ils  lisent  tous  les 
jours  les  noms,  et  avec  lesquelles  ils  n'ont 
point  de  communion.  Ils  nous  objectent  des 
crimes  supposés  de  gens  qui  ne  sont  plus, 
ne  prenant  pas  garde  que  dans  ce  que  nous 
leur  l'cprochons,  il  n'y  a  inen  dont  chacun 
d'eux  en  particulier  ne  soit  coupable  ;  au 
lieu  que  ce  qu'ils  nous  reprochent,  ne  tombe 
que  sur  la  paiUe  de  l'aire  du  Seigneur  et  ne 
regarde  point  le  froment.  Ils  ne  veulent  pas 
comprendre  qu'encore  qu'on  demeure  uni 
de  communion  avec  les  méchants,  ce  n'est 
qu'en  approuvant  le  mal  qu'ils  font,  que  l'on 
communique  avec  eux ,  et  que  ceux  qui  ne 
l'approuvent  point  et  ne  peuvent  y  mettre 
ordre,  n'y  participent  point,  bien  cju'ils  de- 
meurent avec  eux  dans  la  même  commimion.» 
II  rapporte  plusieurs  exemples  de  l'Ecriture, 


où  nous  voyons  que  les  saints  ont  toujours 
supporté  les  méchants,  sans  se  séparer  de 
leur  communion  ;  il  en  cite  aussi  des  dona- 
tistes, et  finit  cette  lettre  en  disant  à  Glorius  : 
«  Ce  discoiu's  que  Dieu  m'a  fait  la  grâce  de 
vous  faire  avec  un  amour  pour  la  paix  et 
une  charité  pour  vous  qui  n'est  connue  que 
'de  lui,  sera,  si  vous  le  voulez,  l'instrument 
de  votre  conversion,  ou  malgré  vous,  le  titre 
de  votre  condamnation.  » 

9.  Comme  saint  Augustin  n'avait  écrit  à 
Glorius  et  à  Éleusius,  que  parce  qu'il  les 
croyait  dans  la  disposition  de  chercher  sincè- 
rement la  vérité  pour  s'y  rendre  ;  ce  fut  dans 
la  même  persuasion  qu'il  leur  écrivit  une 
seconde  lettre,  adressée  aussi  à  deux  autres 
donatistes,  nommés  Félix.  Il  leur  fait  le  rap- 
port d'une  conférence  que  lui  et  Alypius 
avaient  eue  en  passant  à  Tubursique,  avec 
Fortuuius  qui  y  était  évèque  pour  les  dona- 
tistes. Fortunius  voulut  d'abord  soutenir  dans 
cette  conférence  que  la  communion  des  do- 
natistes s'étendait  par  toute  la  terre  :  mais 
saint  Augustin,  pour  le  convaincre  du  con- 
traire, lui  demanda  s'il  pouvait  lui  donner 
de  ces  lettres  de  communion,  qu'on  appelle 
ordinairement  lettres  formées,  pour  quelque 
Église  que  ce  fût,  offrant  de  sou  côté,  s'il  le 
souhaitait,  d'écrire  de  ces  sortes  de  lettres 
aux  Églises  dont  il  est  fait  mention  dans 
l'Écriture,  et  que  l'on  sait  avoir  été  fondées 
par  les  Apôtres,  c'est-à-dire  à  celle  de  Rome, 
d'Antioche  et  de  Jérusalem;  et  Fortunius 
voyant  qu'il  ne  pouvait  accepter-  la  proposi- 
tion, se  jeta  sur  les  persécutions  que  les  do- 
natistes avaient  souffertes  de  la  part  de  Ma- 
caire.  Mais  saint  Augustin  lui  fit  remarquer 
que  quand  Jésus-Christ  a  dit  :  Heureux  ceux 
qui  souffraient  perséaition ,  il  a  ajouté,  po?/?'  la 
justice  ;  qu'ainsi,  si  Macaire  ne  les  avait  per- 
sécutés que  depuis  leur  schisme,  comme  cela 
était  vrai,  ils  n'en  pouvaient  tirer  aucun 
avantage.  Fortunius  avança  qu'ils  avaient 
communiqué  avec  toutes  les  Églises  jusqu'à 
Macaire,  et  pour  le  prouver,  il  produisit  un 
certain  livre  par  lequel  il  paraissait  que  le 
concile  de  Sardique  avait  écrit  à  des  évêques 
africains  du  parti  de  Donat.  En  eflet,  on 
trouvait  dans  ce  livre  le  nom  de  Donat  entre 
les  autres  évéqpies  à  qui  le  concile  de  Sardi- 
que avait  écrit.  Saint  Augustin  ayant  vu  dans 
cette  lettre,  qu'elle  condamnait  saint  Atha- 
nase  et  le  pape  Jules,  reconnut  qu'elle  ne 
pouvait  venir  que  des  ariens,  et  non  du 
véritable  concile  de  Sardic[ue.  Elle  était  en 


Li'ltrc 
aux  «lêiii 
et  aux  ilet 
Félix  ,  I 
398  ,  liii 
101. 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


jn'"  ET  V"  SIÈCLES.] 

affet  du  concile  de  Pliilippopolis,  qui  prenait 
le  nom  de  celui  de  Sardiqûe.  Il  pria  Fortunius 
de  lui  permettre  d'emporter  ce  livre  pour 
l'examiner  davantage;  mais  Fortunius  s'en 
excusa,  et  ne  voulut  pas  même  souffrir  qii'il 
y  fit  quelque  marque  de  sa  main;  ce  que 
saint  Augustin  avait  souhaité,  de  peur 
qu'ayant  besoin  de  cette  pièce,  on  ne  lui  en 
substituât  ime  autre.  Continuant  à  montrer 
que  la  persécution  n'est  point  une  preuve 
suffisante  de  la  justice  d'une  cause,  le  saint 
évêque  allégua  l'exemple  de  Maximien  do- 
natiste,  que  ceux  de  ce  parti  persécutèrent 
jusqu'à  renverser  son  église  de  fond  en  com- 
ble, ((  quand  même,  ajouta-t-il,  on  aurait  eu 
tort  de  persécuter  les  donatistes,  ils  devaient 
plutôt  souffrir  ce  mal  dans  l'Église,  que  d'a- 
bandonner l'Église;  puisque  Jésus-Christ  a 
toléré  Judas,  et  lui  a  donné  le  sacrement  de 
son  corps  et  de  son  sang.  »  Après  quelques 
autres  contestations  Fortunius  vint  à  louer  la 
doucear  de  Généthelius,  évêque  de  Carthage 
avant  Aurèle.  Saint  Augustin  profitant  de 
l'occasion  répondit  que  selon  les  principes 
des  donatistes,  il  aurait  fallu  rebaptiser  cet 
évêque.  Fortunius  l'avoua,  disant  que  c'était 
une  règle  établie  de  rebaptiser  ceux  qui  ve- 
naient à  eux;  ce  qu'il  dit  d'une  manière  à 
faire  entendre  qu'il  n'approuvait  point  cette 
règle.  Comme  ils  n'avaient  point  touché  la 
question  du  schisme,  saint  Augustin  conjura 
Fortunius  de  travailler  avec  lui  dans  im  es- 
prit de  paix  et  de  tranquillité  à  la  terminer. 
Fortmiius  le  promit;  et  étant  venu  le  lende- 
main voir  saint  Augustin,  ils  s'entretinrent 
encore  sur  le  même  sujet,  mais  assez  peu  de 
temps,  parce  que  saint  Augustin  avait  envoyé 
quérir  le  ministre  des  célicoles  pour  lui  par- 
ler, et  qu'il  était  pressé  de  partir  pour  Cirthe. 
On  ne  sait  ce  que  c'était  que  ces  célicoles  ; 
saint  Augustin  qui  les  connaissait  n'en  parle 
pas  dans  son  Traité  des  hérésies.  On  cite  une 
loi  de  l'empereur  Honorius  '  qui  les  soumet 
aux  peines  décernées  contre  les  hérétiques, 
si  dans  un  an  ils  ne  se  convertissent  à  la 
religion  chrétienne.  Il  paraît  donc  qu'ils  n'é- 
taient pas  chrétiens,  et  que  c'était  une  es- 
pèce de  secte  assez  semblable  à  celle  des 
hypsistaires.  Dans  le  Code  Théodosien  ^,  les 
célicoles  sont  joints  avec  les  juifs  et  les  sa- 
maritains, comme  ayant  quelque  rapport 
avec  eux  en  certains  points,  quoiqu'ils  en 


81 


fussent  différents  en  d'autres.  Saint  Augus- 
tin écrivant  tout  ceci  à  éleusius  et  aux  autres 
donatistes,  les  conjure  par  le  sang  du  Sei- 
gneur de  faire  souvenir  Fortunius  de  sa  pro- 
messe ;  pour  éviter  le  tumulte,  son  avis  est 
que  l'on  s'assemble  dans  quelque  bourgade 
médiocre  où  il  n'y  ait  point  d'église,  mais 
qui  soit  habitée  par  des  catholiques  et  des 
donatistes  ;  que  l'on  y  porte  les  saintes  Écri- 
tures, et  toutes  les  pièces  que  l'on  voudra 
produire  de  part  et  d'autre,  afin  que  l'on 
s'applique  uniquement  à  discuter  cette  af- 
faire, et  à  la  terminer. 

10.  Vers  la  même  année  398,  Publicola,  Littrc  ds 
que  l'on  croit  avoir  été  le  fils  de  Mélanie  la,  vèUraiï 
l'ancienne,  et  père  de  la  jeune,  homme  d'une  \f^  '^^  'J^,^- 
conscience  timorée,  écrivit  à  saint  Augustin 
pour  lui  demander  la  solution  de  dix-huit 
difficultés  sur  lesquelles  il  était  embarrassé. 
Elles  roulaient  sur  le  serment  que  l'on  faisait 
faire  à  des  barbares  païens  par  leuis  dieux, 
pour  les  obliger  de  garder  avec  fidélité  les 
û'uits  que  Publicola  avait  dans  ses  terres  si- 
tuées dans  les  Arzuges  ',  qu'ils  n'auraient 
pas  gardés  fidèlement,  si  on  ne  les  y  eut 
obligés  par  serment  ;  sur  l'usage  des  viandes 
et  des  autres  choses  immolées  aux  idoles,  et 
sur  le  meurtre  de  celui  qui  nous  attaque,  ou 
qui  veut  nous  voler.  Saint  Augustin  répond, 
qu'il  n'est  point  défendu  d'exiger  le  serment 
d'autrui  ;  que  ceux  qui  jurent  par  de  fausses 
divinités  pèchent  doublement  quand  ils  se 
parjurent;  savoir,  pour  avoir  fait  un  jure- 
ment détestable,  et  pour  s'être  parjuré  ;  que 
Publicola  ne  pouvait  exiger  le  serment  des 
barbares,  mais  qu'il  lui  était  libre  de  se  ser- 
vir d'eux  quand  ils  auraient  prêté  le  serment, 
pour%'Ti  qu'il  n'y  ait  point  eu  de  part.  Quant 
aux  viandes  immolées  aux  idoles,  il  le  ren- 
voie aux  règles  que  l'Apôtre  a  prescrites  sur 
ce  sujet  ;  si  un  chrétien  en  voyage  pressé  de 
la  faim  ne  trouve  rien  à  manger  que  des  cho- 
ses offertes  aux  idoles,  certain  qu'elles  ont 
été  effectivement  offertes,  U  fera  mieux  de 
s'en  abstenir  par  une  générosité  chrétienne, 
quand  même  personne  ne  le  verrait  ;  mais 
s'il  est  certain  qu'elles  n'ont  pas  été  immo- 
lées ,  ou  s'il  ne  sait  ce  qui  en  est,  il  peut  en 
user  sans  scrupule.  A  l'égard  de  la  dernière 
question,  saint  Augustin  n'est  pas  du  senti- 
ment de  ceux  qui  croient  qu'un  homme  en 
peut  tuer  un  autre  de  peur  d'être  tué  lui- 


1  Cod.  Theod.,  tom.  IV,  pag.  163,  234.  —  2  md., 
pag.  235. 

IX. 


'  C'était  un  pays  barbare  du  midi  des  états  de 
Tunis  et  de  Tripoli.  {L'éditeur.) 


82 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


même  \  «  à  moins  que  ce  ne  soit,  dit-il,  un 
soldat,  ou   quelque  autre  personne   qui  en 
ayant  une  autorité  légitime,  le  fasse  pour  dé- 
fendre les  autres  ;  »  mais  il  approuve  qu'on 
repousse  par  la  terreur  ceux  qui  nous  atta- 
quent. 
Lctire  (is       11.  On  rappoi'te  à  la  même  année  la  let- 
Tcrs     i'aiî  tre  à  Eudoxe,  abbé  d'im  monastère  situé 
lit.'  ''°°'    ^^^^  1'^^^  ^^  Caprarie.  Saint  Augustin  ayant 
ouï  parler  de  la  piété  de  cet  abbé  et  de  ses 
moines,  lui  écrivit  pour  l'exhorter,  lui  et  ses 
religieux ,  à  employer  utilement  le  repos 
dont  ils  jouissaient,   en   sorte,  néanmoins, 
qu'ils  ne  le  préférassent  point  au  besoin  de 
l'Église,  si  elle  les  appelait  à  son  ministère. 
«  Car  si  tous  les  gens  de  bien  s'étaient  ex- 
cusés, leur  dit-il,  de  l'assister  dans  les  tra- 
vaux de  l'enfantement,  vous  n'auriez  pu 
naître  de  la  naissance  spirituelle  qui  vous  a 
fait  ses  enfants.  » 
U'tire  iio       12.  La  lettre  à  Honorât,  évêque  donatiste, 

à   Honorât  ,  .  ...... 

011 398,iias.   est  du  même  temps.  Il  avait  mvite  samt  Au- 
gustin à  traiter  par  lettres,  l'affaire  du  schis- 
me. Ce  Père  accepte  le  parti,  et  prie  Honorât 
de  lui  répondre  sur  l'article  de  l'Église,  et  de 
lui  dire  comment  elle  peut  être  renfermée 
dans  une  partie  de  l'Afrique,  et  comment  il 
est  arrivé  que  l'héritage  de  Jésus-Christ,  ré- 
pandu par  toute  la  terre,  suivant  l'accom- 
plissement des  prophéties ,  se   soit  trouvé 
tout  d'un  coup  réduit  à  une  seule  province, 
qu'il  ne  possède  pas  même  toute  entière.  En 
attendant  sa  réponse,  il  lui  fait  sentir  qu'il 
ne  peut  appeler  du  nom  de  catholique,  l'é- 
glise des  donatistes ,  puisqu'il  ne  pouvait 
nier  que  leur  parti  ne  s'appelât  le  parti  de 
Donat,  et  qu'il  était  connu  sous  ce  nom  par- 
tout où  leur  communion  était  répandue, 
i.curoso       13.  L'année  suivante  399,  soixante  chré- 
laiis  de  Sur-  tiens  ayant  brisé  une  statue  d'Hercide  à  Suf- 
vm'  SM^  fecte,  colonie  romaine  dans  la  province  Bi- 
pag.  11  u.     zacenne^,  les  païens  se  jettèrent  sur  eux  et 
les  massacrèrent.  Saint  Augustin  en  ayant 
été  averti,  écrivit  aux  chefs  de  cette  colonie 
pour  leur  reprocher  leur  cruauté  ,  et  le  mé- 
pris qu'ils  avaient  fait  des  lois  romaines.  Car 
l'année    précédente ,   l'empereur   Honorius 
avait  ordonné  que  l'on  démolirait  tous  les 
temples,  et  que  l'on  en  briserait  les  idoles, 
tant  dans   l'Afi-ique  que  dans  le  reste  de 
l'Empire.  Saint  Augustin  fait  remarquer  aux 


païens  le  ridicide,  et  de  l'idole  que  l'on 
avait  brisée,  et  du. culte  qu'ils  lui  rendaient, 
en  leur  promettant  de  lem-  rendre  incessa- 
ment  un  autre  dieu  bien  sculpté  et  bien  co- 
loré ,  «  afin,  dit-il,  qu'il  ne  manque  rien  de 
tout  ce  qui  peut  relever  l'éclat  de  vos  fêtes 
et  de  vos  cérémonies.  » 

14.  La  lettre  51,  est  touchant  le  schisme 
des   donatistes.   Saint  Augustin  y  propose 
quelques   arguments  à   Crispin,  évêque  de 
ce  parti  à  Calame.  Il  insiste  particulièrement, 
sur  ce  qu'il  n'avait  eu  aucmie  raison  de  se 
séparer  de  l'Église ,  pas  même  en  supposant 
que  Cécilien  était  coupable  ;  parce  que  le 
schisme  est  un  plus  grand  crime,  que  d'a- 
voir livré  les  saintes  Écritures,  qui  était  le 
seul  reproche  que  les  donatistes  faisaient  à 
Cécilien ,  ou  plutôt  à  son  ordinateur.  ((  Vous 
avez,  ajoute-t-il,  coutume  de  nous  repro- 
cher  d'employer  l'autorité   des  puissances 
séculières  pour   vous  persécuter.   Mais    si 
cette  prétendue  persécution  est  un  crime, 
pourquoi  avez-vous  persécuté  Maximien  et 
ceux  de  son  parti?   Pourquoi  vous    êtes- 
vous  servi  contre  eux  de  l'autorité  des  ju- 
ges, et   avez-vous  été  jusqu'à  employer  la 
force  des  soldats  pour  les  chasser  des  égli- 
ses dont  ils   étaient  en  possession  dès  la 
naissance  du  schisme?  Vous  nous  reprochez 
encore  que  nous  n'avons  pas  le  baptême  de 
Jésus-Chiist,  et  qu'il  n'est  nulle  part  hors  de 
votre    communion.   Si  cela  est,   pom'quoi 
avez-vous  admis  et  approuvé  le  baptême 
des  maximianistes,  en  recevant  Féhcien  et 
Prétextât,    avec   beaucoup    d'autres,    qui, 
quoique  baptisés  hors  de  votre  communion 
pendant  le  schisme,  n'ont  pas  néanmoins  été 
rebaptisés? Peut-on  dire  que  pendant  que  le 
baptême  des  maximianistes  est  reçu,  le  bap- 
tême de  l'Église  répandue  par  toute  la  terre, 
soit  anéanti  et  compté  pour  rien  ?  ))  Saint  Au- 
gustin ramasse  tous  les  points  de  contesta- 
tion entre  l'figlise  et  les  donatistes ,  et  prie 
Crispin  de  faire  voir  s'il  le  peut,  qu'il  y  ait 
encore  la  moindre  difficulté  à  la  réunion,  et 
à  faire  finir  un  schisme  plus  criminel  que  ce- 
lui que  les  donatistes  se  vantaient  d'avoir 
condamné    dans   les   maximianistes.    Cette 
lettre  fut  écrite  après  la  mort  d'Optat  de  Ta- 
mugade,  arrivée  en  399,  et  avant  celle  de 
Prétextât  d'Assur,  qui  ne  vivait  plus,  lors- 


'  Le  sentiment  commun  des  théologiens  sou- 
tenus par  l'antoritc!  de  saint  Thomas  est  contraire 
au  sentiment  de  saint  Augustin.  [L'éditeur.) 


s  Cette  province  est  aujourd'hui    de  la  régence 
de  Tunis.  [L'éditeur.) 


[rv*  ET  V*  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


83 


que  saint  Augustin  achevait  ses  livres  contre 
Parménien,  vers  l'an  400. 

15.  Ce  fut  à  peu  près  vers  ce  temps-là,  que 
Séverin  donatiste,  parent  de  saint  Augustin, 
lui  écrivit  comme  s'il  eût  été  dans  la  disposi- 
tion de  se  réunir  à  l'Église  catholique.  C'est 
du  moins  ce  que  ce  saint  évêque  conjectura 
en  apprenant  que  Séverin  avait  envoyé  un 
homme  exprès  à  Hippone,  pom'  porter  sa 
lettre.  Il  lui  témoigne  dans  sa  réponse,  com- 
bien il  gémissait  de  voir,  qu'étant  frères  selon 
la  chair,  ils  n'étaient  pas  unis  ensemble  dans 
le  corps  de  Jésus-Christ.  Pour  l'engager  à 
quitter  le  parti  de  Donat,  il  lui  représente  qu'il 
ne  s'étendait  pas  hors  de  l'Afrique ,  que  c'é- 
tait une  branche  morte  et  retranchée  de  la 
racine  des  Églises  d'Orient,  d'où  l'Évangile  à 
été  porté  en  Afrique  ;  et  qu'en  même  temps 
que  ces  schismatiques  adorent  la  terre  de 
ces  heureuses  contrées  quand  on  leur  en 
apporte ,  ils  rebaptisent  les  chrétiens  de  ces 
Églises,  qui  viennent  chez  eux,  comptant 
pour  rien  le  caractère  qu'ils  ont  reçu  au  bap- 
tême. «  Si  le  crime  dont  les  auteurs  du  schis- 
me voulurent  charger  leurs  confrères  eût  été 
véritable,  ajoute-t-il,  ils  auraient  gagné  leur 
cause  devant  les  Églises  d'Outre -mer;  au 
contraire,  les  accusés  sont  demeurés  dans 
la  communion  des  Églises  apostoliques ,  tan- 
dis que  les  accusatem's  en  sont  exclus.  » 

16.  Il  semble  que  Prétextât  d'Assur,  n'é- 
tait pas  encore  mort ,  lorsque  saint  Augustin 
écrivit  conjointement  avec  deux  de  ses  col- 
lègues, Fortunat  et  Alypius,  à  Générosus, 
catholique  de  Constantine.  Voici  quelle  fût 
l'occasion  de  cette  lettre  :  Un  prêtre  dona- 
tiste de  Cirthe,  s'avisa  d'écrire  à  Générosus, 
qu'un  ange  lui  avait  apparu,  et  lui  avait 
commandé  d'instruire  Générosus  de  l'ordre 
du  véritable  christianisme  de  l'Église  de  Cir- 
the, et  de  l'avertir  d'entrer  dans  le  parti  de 
Donat,  comme  Pétilien,  évêque  du  lieu,  l'en 
instruirait  dans  sa  lettre.  Ce  prêtre  vantait 
aussi  à  Générosus  la  succession  des  évêques 
de  ce  siège,  et  faisait  en  particulier  un  grand 
éloge  de  Silvain.  Générosus  ne  doutant  point 
que  cette  apparition  ne  fût  une  fiction  du 
prêtre  donatiste,  se  moqua  de  sa  lettre,  et 
l'envoya  à  Fortunat,  évêque  cathohque  de 
Cirthe,  à  Alypius  et  à  saint  Augustin  qui  se 
trouvaient  peut-être  alors  ensemble  en  cette 
ville.  Ces  trois  évêques  répondirent  à  Géné- 
rosus ,  et  le  prièrent  d'envoyer  leur  letti-e  à 
ce  prêtre  pour-  tâcher  de  le  convertir.  Ils  y 
font  voir  que  le  parti  des  donatistes  ne  peut 


être  la  véritable  Église,  et  ils  en  domient 
plusieurs  raisons.  La  première  est  qu'ils 
n'ont  point  de  succession  d'évêques  depuis 
les  Apôtres,  au  lieu  qu'elle  est  évidente  dans 
l'Église  catholique.  Pour  le  prouver,  saint 
Augustin ,  qui  fut  apparemment  chargé  de 
cette  réponse,  rapporte  la  succession  des 
évêques  de  Rome  depuis  saint  Pierre,  que  * 
Jésus-Christ  regardait  comme  la  figure  de 
toute  l'Église ,  lorsqu'il  lui  dit  :  Je  bâtirai 
mon  Église  sur  cette  pierre,  jusqu'à  Anastase 
qui  remphssait  alors  le  Saint-Siège.  «  Dans 
toute  cette  suite  d'évêques,  ajoute-t-il,  il  ne 
s'en  trouve  point  de  donatistes  ;  et  ces  schis- 
matiques n'ont  point  eu  d'autre  évêque  à 
Rome,  que  celui  qu'ils  y  envoyèrent  après 
l'avoir  ordonné  en  Afi'ique ,  pour  gouverner 
dans  cette  ville  un  petit  nombre  des  leurs, 
connus  sous  le  nom  de  montagnards.  »  Il 
fait  voir  en  second  lieu,  par  le  témoignage 
des  actes  faits  devant  Munatius-Félix,  sous 
le  consulat  de  Dioctétien  et  de  Maximien, 
que  Silvain,  qui  a  été  le  prédécesseur  de  l'é- 
vêque  donatiste  de  Cirthe  ,  fut  convaincu 
d'avoir  livré  les  saintes  Écritures.  Il  oppose 
en  troisième  lieu,  tous  les  jugements  rendus 
contre  les  donatistes,  soit  dans  les  Gaules, 
soit  à  Rome  :  et  fait  voir  enfin,  qu'ils  avaient 
tort  de  reprocher  ■  aux  catholiques  ,  l'exis- 
tence des  méchants  dans  lem-  Église  ,  puis- 
qu'ils avaient  eux-mêmes  reçu  dans  lem* 
commimion,  les  maximianistes  et  les  pri- 
mianistes,  après  les  avoir  condamnés  de  leur 
propre  bouche  comme  des  scélérats  et  des  sa 
criléges  comparables  aux  premiers  schisma 
tiques  que  la  terre  engloutit  tout  vivants.  Saint 
Augustin  ne  dit  rien  de  la  lettre  de  Pétilien      ps.  cv, 

17 

citée  par  le  prêtre  donatiste,  apparemment 
parce  qu'il  ne  l'avait  pas  encore  réfutée. 

17.  Nous  en  avons  deux  à  Janvier,  dont      Lcitie  sa 
la  seconde  est  la  plus  longue  :  saint  Au-  ters""!^aiî 
gustin,    à    cause  de  leur  longueur,   les   a  J^^-    v»°- 
mises  au  nombre  de   ses    livres  dans    ses 
Rétractations  '.  Il  dit ,    qu'ayant    traité    de 
plusieurs  choses  qui  regardent  les  sacre- 
ments, dont  quelques-unes  s'observent  uni- 
formément dans  toute  l'Église   et  d'autres 
avec  quelque  différence  en  certains  lieux ,  il 
n'a  pu  les  marquer  toujours,  s'étant  borné  à 
celles  qui  suffisaient  pour  résoudre  les  ques- 
tions proposées.  En  parlant  de  la  manne, 
il  avait  dit  que   chacun  y  trouvait  le  goût 
qu'il  voulait  ;  «je  ne  vois  pas,  ajoute-t-il, 

*  Aiigust.,  lib.  I  Retract.,  cap.  ir. 


84 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


qu'on  puisse  le  prouver  autrement,  que  par  le 
livre  de  la  Sagesse,  auquel  les  Juifs  ne  recon- 
naissent point  une  autorité  canoniqne.  »  H 
veut  que  l'on  entende  ce  qu'il  a  dit  sui'  ce 
sujet,  des  fidèles  et  des  saints  d'entre  les 
Juifs ,  et  non  pas  de  ceux  qui  murmurèrent 
contre  Dieu;  puisque,  s'ils  eussent  pu  trouver 
dans  la  manne  le  goût  qu'ils  auraient  sou- 
haité, ils  n'auraient  pas  désiré  d'autre  viande. 
Janvier,  dont  on  ne  sait  autre  chose ,  sinon 
qu'il  faisait  profession  de  piété,  avait  prié 
saint  Augustin  de  lui  marquer  comment  il 
devait  se  conduire  dans  les  usages  qui  n'é- 
taient point  uniformément  observés  dans 
tous  les  pays  et  dans  toutes  les  églises.  Saint 
Augustin  lui  donne  pour  maxime  fondamen- 
tale que  le  joug  que  Jésus-Christ  nous  a  im- 
posé étant  très-doux,  il  n'a  donné  au  peuple 
de  la  nouvelle  alliance ,  pour  lien  de  lem' 
société ,  qu'un  très-petit  nombre  de  sacre- 
ments ,  et'  très-faciles  à  observer  :  comme  le 
baptême  qui  se  donne  au  nom  de  la  Tri- 
nité, la  communion  de  son  corps  et  de  son 
sang,  et  les  autres  qui  sont  recommandés 
dans  les  Écritures  du  Nouveau  Testament. 
«  Quant  à  ce  que  nous  observons,  dit-il,  par 
tradition ,  si  on  l'observe  par  toute  la  terre , 
nous  devons  croire  qu'il  a  été  ordonné  par 
les  Apôtres  ou  par  les  conciles  généraux , 
dont  l'autorité  est  grande  dans  l'Éghse  : 
comme  la  célébration  annuelle  de  la  Passion, 
de  la  Résm'rection,  de  l'Ascension  de  Jésus- 
Christ  et  de  la  Descente  du  Saint-Esprit.  Mais 
ce  qui  s'observe  diflëremment  en  divers  lieux , 
comme  de  jeûner  le  samedi  ou  de  ne  pas 
jeûner;  de  communier  tous  les  jours  au  corps 
et  au  sang  du  Seigneur,  ou  seulement  à  cer- 
tains jom'S  ;  d'offrir  tous  les  jours,  ou  bien  le 
samedi  et  le  dimanche ,  ou  le  dimanche  seu- 
lement :  on  est  libre  sur  ces  choses-là  et  sur 
tontes  les  autres  de  cette  natiu-e  ;  et  il  n'y  a 
point  de  meilleure  règle  pour  un  chrétien 
sage ,  que  de  suivre  ce  qu'il  voit  pratiquer 
daus  l'Église  où  il  se  trouve.  Car  tout  ce  qui 
n'est  ni  contre  la  foi ,  ni  contre  les  bonnes 
mœm-s ,  doit  passer  pour  indilférent ,  et  être 
observé  pour  le  bien  de  la  société.  »  Il  rap- 
porte sur  ce  sujet  la  réponse  que  lui  fit  saint 
Ambroise  lorsqu'il  alla  le  consulter,  de  la 
part  de  sa  mère,  sur  le  jeûne  du  samedi. 
((  Quand  je  suis  à  Rome,  lui  répondit  ce  saint 
évèque,  je  jeûne  le  samedi,  mais  non  pas 
quand  je  suis  à  Milan.  C'est  ainsi  que  vous 
devez  faire,  suivez  ce  qui  se  pratique  dans 
l'Église  où  vous  vous  trouverez.  «  Saint  Au- 


gustin approuve  ceux  qui  ne  communient 
pas  tous  les  jours  par  respect ,  et  ceux  qui 
communient  tous  les  jours  par  d'autres  mo- 
tifs de  respect,  pourvu  qu'ils  ne  communient 
pas  dans  le  temps  qu'il  faut  s'éloigner  de 
l'autel  pom-  faire  pénitence  par  l'autorité  de 
l'évêque.  ((Mais,  dès  que  les  péchés  d'un 
homme ,  ajoute-t-il,  ne  sont  pas  de  la  nature 
de  ceux  pourlescjuels  on  le  juge  digne  d'être 
privé  de  la  participation  des  mystères,  le 
corps  du  Seigneur  est  un  remède  quotidien 
dont  il  ne  doit  pas  se  priver.  »  Mais  il  ap- 
prouve encore  plus  celui  qui  voyant  de  la 
contestation  entre  ceux  qui  s'approchent 
souvent  de  l'Eucharistie,  et  ceux  qui  s'en  ap- 
prochent rarement,  les  exhorte  à  demeu- 
rer dans  la  paix  de  Jésus-Christ ,  nonobstant 
la  diversité  de  leur  conduite ,  ((  puisque  ni  les 
uns  ni  les  autres,  dit-il,  ne  profanent  le  corps 
et  le  sang  du  Seigneur;  et  qu'au  contraire, 
ils  s'efforcent  à  l'envie  de  l'honorer.  Aussi 
ne  voyons -nous  point  que  Zachée,  qui  reçut 
avec  joie  le  Seigneur  dans  sa  maison,  et  le 
Centenier  cpii  ne  se  jugea  pas  digne  (ju'il  en- 
trât dans  la  sienne ,  aient  contesté  ensemble 
sur  la  manière  différente  et  contraire  en 
quelcjue  sorte ,  dont  chacun  d'eux  avait  ho- 
noré le  Sauveur;  ni  qu'ils  se  soient  voulu 
élever  l'un  au-dessus  de  l'autre,  sachant  bien 
qu'ils  étaient  l'un  et  l'autre  accablés  sous  la 
misère  du  péché,  et  qu'ils  avaient  reçu  misé- 
ricorde l'un  et  l'autre.  » 

Saint  Augustin  parle  ensuite  des  diflerents 
usages  des  Églises  sur  le  jeûne,  sur  le  sacri- 
fice et  sur  le  bain.  En  quelques  endroits  on 
ne  rompait  pas  le  jeûne,  et  on  ne  se  baignait 
pas  même  le  jeudi;  en  d'autres,  on  ne  jeû- 
nait point  tous  les  jeudis  de  carême,  et  ou  se 
baignait  aussi.  Quelques-uns  offraient  deux 
fois  le  sacrifice  le  Jeudi-Saint ,  le  matin  et  le 
soir  après  souper  ?  Il  répond  à  Janvier,  que 
ces  usages  n'étant  point  établis  générale- 
ment dans  l'Église ,  ni  déterminés  dans  l'E- 
critm-e ,  chacun  devait  suiwe  sur  cela  la 
pratique  établie  dans  les  Églises  où  il  se 
rencontrait  puisqu'il  n'y  a  rien  dans  ces  dif- 
férents usages  (jui  blesse  la  foi  ni  les  mœurs. 
((  Or,  ajoute-t-il,  on  ne  doit  changer  daus  les 
pratiques  établies,  qu'autant  que  le  bien  des 
mœurs  ou  l'intérêt  de  la  foi  le  demandent; 
car  les  changements,  mêmes  utiles,  ne  lais- 
sent pas  d'apporter  cpiekjue  trouble  par  la 
nouveauté  ;  et  ce  trouble  fait  que  dès  cpie  le 
changement  n'est  point  utile,  il  est  nuisible.  » 
Il  dit  que  hors  le  jour  du  Jeudi-Saint,  la  cou- 


[iv^  ET  Y°  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN ,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE 

tume  de  recevoir  l'Eucharistie  à  jeun ,  était 


85 


dès  lors  universelle  dans  l'Église.  Il  paraît 
persuadé,  , que  ce  cjue  l'Église  entière  ob- 
serve à  cet  égard  avec  une  parfaite  unifor- 
mité ,  a  été  établi  par  saint  Paulj  et  que  c'est 
une  des  choses  qu'il  avait  promis  de  régler 
avec  les  Corinthiens,  lorsqu'il  serait  avec 
eux.  n  croit  même  que  l'usage  de  célébrer  le 
sacrifice  le  matin  et  le  soir  le  jour  du  Jeudi- 
Saint  ,  ne  s'est  introduit  dans  quelques  Égli- 
ses, que  parce  que  dans  la  plupart  des  lieux 
on  prenait  les  bains  ce  jour-là.  On  offrait  les 
saints  mystères  le  matin ,  en  faveur  de  ceux 
qui  dînaient ,  parce  qu'ils  ne  pouvaient  por- 
ter tout  à  la  fois  le  jeune  et  les  bains;  on  les 
offrait  le  soir,  en  faveur  de  ceux  qui  jeû- 
naient. Selon  ce  Père ,  la  coutume  de  se  bai- 
gner le  Jeudi-Saint,  venait  vraisemblable- 
ment de  ceux  qui,  devant  être  baptisés,  s'y 
disposaient  par  cette  propreté  extérieure , 
n'osant  pas  se  présenter  aux  Fonts  Sacrés  le 
corps  couvert  de  la  crasse  qu'ils  avaient  con- 
tractée par  l'observation  du  carême. 

18.  Dans  la  seconde  lettre,  saint  Augustin 
répond  aux  autres  questions  de  Janvier.  La 
première  était  :  Pourquoile  jour  où  l'on  célè- 
bre tous  les  ans  la  Passion  de  Notre-Seigneur 
n'est-il  pas  toujours  le  même  comme  celui 
où  l'on  célèbre  sa  naissance  ?  «  C'est,  répond 
le  saint  évêque,  que  le  jour  de  la  Pâque  ne 
contient  pas  la  simple  mémoire,  mais  la  si- 
gnification des  mystères  qui  s'y  sont  accom- 
plis, au  lieu  que  la  fête  de  Noël  ne  renferme 
aucune  signification  mystérieuse,  et  qu'elle 
n'est  établie  que  pour  nous  remettre  en  mé- 
moire que  Jésus-Christ  est  né  pour  notre  sa- 
lut. »  Il  donne,  à  cette  occasion,  plusieurs 
raisons  mystiques  du  mot  Pâques,  et  expli- 
que ce  que  cette  fête  représente ,  c'est-à- 
dire  le  passage  de  cette  vie  mortelle  à  une 
autre  vie  où  l'on  ne  meurt  pas.  C'est  à  cause 
de  cette  nouvelle  vie  que  le  premier  mois  de 
l'année,  qui  est  appelé  dans  l'Écriture  le 
mois  de  renouvellement,  a  été  choisi  pour  cé- 
lébrer ce  mystère ,  et  on  doit  le  célébrer 
après  le  quatorzième  jour  de  la  lune,  parce 
que  cet  astre,  commençant  dès  ce  jour-là  à 
tourner  vers  le  ciel  sa  patrie,  nous  marque 
le  mouvement  qui  doit  détourner  notre  cœur 
des  choses  visibles  et  extérieures,  et  le  tour- 
ner vers  celles  qui  sont  invisibles  et  inté- 
rieures. Saint  Augustin  donne  des  raisons 
semblables  de  la  résurrection  de  Jésus-Christ, 
le  troisième  jour  d'après  sa  mort  et  des  au- 
tres mystères  qui  en  ont  été  des  suites.  Les 


astrologues,  à  qui  l'on  reprochait  lem'S  vaines 
fictions,  reprochaient  à  leiu^  tour  aux  chré- 
tiens de  régler  le  temps  de  la  célébration 
de  la  Pâque  sur  la  position  de  la  lune  et  du 
soleil  ;  mais  si  saint  Paul  défend  d'observer 
les  jours  et  les  temps,  ou  comme  les  Juifs 
assujettis  aux  cérémonies  de  l'ancienne  loi, 
ou  comme  les  païens,  qui  croyaient  des  jours 
heureux  et  malheureux  pour  les  actions  or- 
dinaires de  la  vie,  il  ne  nous  défend  pas  de 
nous  servir  des  divisions  du  temps  pour  ré- 
gler prudemment  notre  conduite,  a  On  peut 
donc  bien,  ajoute  le  saint  évêque,  observer 
les  astres,  ou  par  rapport  aux  diverses  cons- 
titutions de  l'air,  comme  font  les  laboureurs 
et  les  mariniers  ,  ou  par  rapport  à  la  situa- 
tion des  parties  du  monde,  comme  font  les 
pilotes  et  ceux  qui  marchent  dans  les  dé- 
serts ;  ou  pour  en  emprunter  des  figures  pro- 
pres à  faire  entendre  quelque  chose  d'utile.  » 
Il  explique  ensuite,  et  toujours  dans  un  sens 
mystique,  pourquoi,  dans  la  célébration  de 
la  fête  de  Pâques,  on  prend  garde  qu'elle 
soit  précédée  du  jour  du  Sabbat,  figure  du 
repos  éternel  ;  ce  que  nous  représentent  les 
trois  jours  consacrés  parle  crucifiement,  par 
la  sépulture  et  par  la  résurrection  de  Jésus- 
Christ  ;  ce  que  signifient  toutes  les  parties 
de  la  croix  à  laquelle  Jésus-Christ  fut  atta- 
ché, et  pourquoi  l'on  célèbre  le  carême  avant 
Pâques.  Il  fait  voir  que  ce  que  nous  appe- 
lons Carême  ou  jeûne  de  quarante  jours,  est 
autorisé  par  l'Écriture,  où  nous  voyons  que 
Moïse,  Élie  et  Jésus-Christ  ont  jeûné  qua- 
rante jours  ;  que  l'on  ne  pouvait  prendre  un 
temps  plus  convenable  pour  ce  jeûne  que 
celui  qui  aboutit  à  la  Passion  de  Jésus-Christ, 
puisqu'elle  nous  représente  la  vie  laborieuse 
que  nous  menons  ici-bas  et  qui  doit  être  ac- 
compagnée d'une  tempérance  qui  nous  prive 
des  fausses  douceurs  du  monde. 

Saint  Augustin  trouve  encore  des  signifi- 
cations mystérieuses  dans  le  nombre  de  qua- 
rante jours,  pendant  lesquels  Jésus-Christ 
conversa  avec  ses  disciples,  depuis  sa  Résur- 
rection jusqu'à  son  Ascension  ;  et  dans  celui 
des  cinquante  jours  depuis  Pâques  jusqu'à 
la  Pentecôte,  où  Dieu  envoya  le  Saint-Esprit 
qu'il  avait  promis.  Ces  jours  représentant  un 
temps  de  repos  et  de  joie,  le  jeûne  cesse,  on 
prie  debout,  on  chante  Alléluia.  On  prie 
aussi  debout  tous  les  dimanches,  cette  pos- 
ture étant  la  marque  de  la  résurrection.  L'ob- 
servation du  carême  avant  Pâques  était  une 
chose  établie  par  la  pratique  de  l'Église  aussi 


86 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


bien  que  la  célébration  des  huit  jours  sui- 
vant la  fête  de  Pâques,  pendant  lesquels  les 
nouveaux  baptisés  portaient  la  robe  blan- 
che; mais  la  coutume  de  ne  chanter  Y  Allé- 
luia que  depuis  Pâques  jusqu'à  la  Pente- 
côte n'était  pas  générale  ,  et  il  y  avait  des 
lieux  où  on  le  chantait  en  d'autres  temps. 
Pour  ce  qui  est  de  prier  debout,  même  pen- 
dant le  temps  pascal,  il  n'était  pas  constant 
si  cet  usage  était  généralement  observé  et 
s'il  l'était  dans  tous  les  dimanches.  Le  lave- 
ment des  pieds  était  en  usage,  et  le  temps  le 
plus  propre  à  le  mettre  en  pratique  était  ce- 
lui de  la  Passion  de  Jésus-Christ;  il  y  en 
avait  plusieurs  qui  n'étaient  pas  d'avis  d'en 
faire  un  usage  ordinaire,  de  peur  que  cette 
cérémonie  ne  fût  regardée  comme  faisant 
partie  du  baptême  qui  se  confère  dans  le 
même  temps  ;  d'autres  l'avaient  abolie  entiè- 
rement pour  la  même  raison ,  et  d'autres 
aussi,  pour  la  distinguer  du  baptême,  la  cé- 
lébraient ou  le  troisième  jour  dans  l'octave 
du  baptême,  ou  le  jour  même  de  l'octave. 
Voici  la  règle  qu'il  donne  pour  les  nouvelles 
pratiques  :  «  Quand  nous  voyons  établir  une 
chose  qui  va  à  nous  porter  à  mieux  vivre,  et 
qui  dès-là  ne  doit  êti'e  contraire  ni  à  la  foi, 
ni  aux  bonnes  mœurs,  ou  que  nous  appre- 
nons qu'elle  est  étabhe  quelque  part  que  ce 
puisse  être,  bien  loin  de  la  condamner,  il 
faut  la  louer  et  la  pratiquer,  à  moins  qu'on 
ne  soit  arrêté  par  la  crainte  de  blesser  les 
faibles  et  de  faire  par  là  plus  de  mal  que  de 
bien.  Car  dès  qu'il  y  a  plus  de  bien  à  espé- 
rer pour  ceux  qui  auraient  soin  d'en  profiter, 
que  de  mal  à  craindre  pour  ceux  qui  en  fe- 
raient du  bruit ,  il  le  faut  faire  sans  hésiter, 
surtout  quand  ce  sont  des  choses  que  l'Ecri- 
ture autorise,  par  exemple,  l'usage  de  chan- 
ter des  hymnes  et  des  psaumes ,  qui  est 
fondé  sur  l'exemple  aussi  bien  que  sur  les 
préceptes  des  Apôtres  et  de  Jésus -Christ 
même.  »  Saint  Augustin  remarque  néan- 
moins que  l'usage  de  chanter  des  psaumes 
n'était  pas  uniforme  dans  toutes  les  Églises  ; 
il  y  en  avait  en  Afrique  où  on  n'en  chantait 
que  rarement,  jusque-là  que  les  donatistes 
reprochaient  aux  catholiques  de  chanter  so- 
brement les  cantiques  des  prophètes  dans 
leurs  églises.  Il  blâme  les  nouvelles  pratiques 
que  l'on  voulait  introduire  sans  aucune  uti- 
lité ;  quand  elles  n'auraient  rien  de  contraire 
à  la  foi,  il  suffit,  pour  les  rejeter,  qu'elles 


chargent  notre  sainte  religion ,  et  nous  fas- 
sent retomber  dans  une  servitude  pire  que 
celle  des  Juifs.  «  L'Église  toutefois  se  voit, 
ajoute-t-il,  obligée  de  tolérer  bien  des  cho- 
ses, mais  sans  approuver  ce  qu'elle  trouve 
de  contraire  à  la  foi  et  aux  bomies  mœurs.  En 
général,  on  doit  retrancher  sans  aucune  dif- 
ficulté toutes  les  pratiques  qui  ne  sont  ni 
conteziues  dans  l'Écriture ,  ni  ordonnées  par 
les  conciles,  ni  confirmées  par  l'usage  uni- 
versel de  l'Église  et  dont  on  ne  voit  point  de 
raison.  »  Il  condamne  ceux  qui  s'abstenaient 
de  chair  parcequ'ils  la  regardaient  comme 
quelque  chose  d'impur,  ou  réglaient  leurs 
affaires  temporelles  par  les  paroles  qui  se 
présentaient  au  hasard  à  l'ouvertm-e  du 
livre  de  l'Évangile.  «  Car,  quoiqu'il  vaille 
mieux,  dit-il,  qu'ils  s'en  tiennent  là  que  d'al- 
ler consulter  les  démons,  je  ne  puis  approu- 
ver une  coutume  qui  détom-ne  à  des  usages 
profanes  les  oracles  de  Dieu  même,  qui  n'a 
parlé  que  pour  la  vie  éternelle  que  nous  at- 
tendons. »  Il  prie  Janvier  d'user  de  la  science 
comme  d'une  machine  propre  à  élever  l'édi- 
fice de  la  charité ,  qui  demeure  éternelle- 
ment, quoique  la  science  soit  détruite  ;  il  le 
prie  encore  de  se  souvenir  qu'en  rapportant 
la  science  à  la  charité,  elle  est  très-utile,  au 
lieu  que  par  elle-même,  et  sans  rapport  à 
cette  fin ,  elle  est ,  non-seulement  inutile  , 
mais  pernicieuse,  comme  l'expérience  le  fait 
voir. 

19.  Celer  ',  à  qui  les  lettres  56  et  57  sont 
adressées,  avait  prié  saint  Augustin  de  lui 
donner  quelques  instructions  sm*  le  schisme 
des  donatistes  dans  lequel  il  était,  ce  sem- 
ble, engagé;  mais  ce  saint  évêque  n'ayant 
pu  le  satisfaire  aussitôt  qu'il  l'eût  voulu , 
pria  un  prêtre  nommé  Optât  d'instruire  Ce- 
ler sur  ce  qu'il  demandait.  Depuis,  aj^ant 
fini  la  visite  des  églises  de  son  diocèse  et 
trouvant  quelque  loisir,  il  écrivit  lui-même  à 
Celer  pour  l'exhorter  à  cesser  tout  commerce 
avec  les  donatistes,  et  lui  envoya  en  même 
temps  un  livre  où  il  montrait  que  ces  schis- 
matiques  n'avaient  point  dû  se  séparer  de 
l'Église  catholique.  Il  le  fait  souvenir  dans 
la  même  lettre  que  cette  vie,  n'étant  qu'une 
vapeur  qin  se  dissipe  en  un  instant,  rien  ne 
devait  l'y  attacher,  ni  les  l'ichesses,  ni  la 
place  honorable  qu'il  occupait  dans  le 
monde. 

Dans  la  seconde  lettre,  saint  Augustin  lui 


56  el 

CiSlcr, 
Tan 
pas.  1' 


Ce  Celer  est  peut-être  le  luême  ijui  l'ut  pro-       consul   en   Afrique  dans  l'année  429.  [L'éditeur-) 


l-iv"  ET  v«  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN , 

promet  que  si,  après  avoir  lu  l'ouvrage  qu'il 
lui  avait  envoyé,  il  lui  restait  encore  quel- 
ques difScultés  à  propos  du  schisme  des  do- 
natistes,  il  était  tout  prêt  à  les  résoudre.  H 
insinue  néanmoins  assez  clairement  que  Ce- 
ler ne  leur  était  plus  attaché,  puisqu'il  le 
prie  de  recommander  l'union  catholique  aux 
sujets  qu'il  avait  dans  le  diocèse  d'Hippone. 
Il  lui  demande  sa  médiation  pour  se  remet- 
tre avec  une  personne  qui  était  alors  sur  ses 
terres;  mais  il  ne  marque  pas  le  sujet  de 
leur  mésintelligence.  On  met  ces  deux  let- 
tres vers  le  commencement  de  l'épiscopat 
de  saint  Augustin  et  avant  la  conférence  de 
Carthage ,  dont ,  en  effet,  il  n'y  est  point 
parlé. 

20.  Celle  qui  est  à  Pammaque  fut  écrite 
sur  la  fin  de  l'année  401 ,  et  portée  par  les 
députés  du  concile  de  Carthage.  C'est  un 
éloge  de  ce  sénateur  romain  qui,  plein  de 
zèle  pour  la  religion,  avait  porté,  par  ses 
lettres ,  les  donatistes  qu'il  avait  dans  ses 
terres,  situées  au  milieu  de  la  Numidie,  à  em- 
brasser l'unité  de  l'Eglise.  Aussitôt  que  saint 
Augustin  en  eût  reçu  la  nouvelle ,  il  en  té- 
moigna sa  joie  à  Pammaque  ,  en  des  termes 
qui  marquent  combien  son  cœur  était  péné- 
tré d'amour  pour  l'Église.  «Entrez,  lui  dit-il, 
par  votre  pensée  jusque  dans  le  fond  de 
mon  cœur,  et  voyez  ce  qui  s'y  passe  sur  vo- 
tre sujet.  Car  l'œil  de  la  charité  pénétre  jus- 
que dans  ce  sanctuaire  dont  nous  fermons 
la  porte  aux  vanités  tumultueuses  du  siècle , 
lorsque  nous  nous  y  retirons  pour  adorer 
Dieu.  C'est  là  que  vous  verrez  quelle  est  ma 
joie  de  cette  œuvre  excellente  cpie  vous  avez 
faite,  et  quelles  flammes  le  feu  de  mon 
amour  pousse  vers  le  ciel,  lorsque  j'offre 
pour  vous  un  sacrifice  de  louanges  à  celui 
qui  vous  a  inspiré  ce  dessein ,  et  qui  vous  a 
donné  les  moyens  de  l'accomplir.  Combien  y 
a-t-il  de  vos  collègues,  enfants  de  l'Église 
comme  vous,  qui  pourraient  faire  en  Afrique 
ce  que  vous  venez  de  faire,  et  qui  nous  don- 
nent autant  sujet  de  gémir  de  ce  qu'ils  ne  le 
font  pas,  que  nous  en  avons  de  nous  réjouir 
de  ce  que  vous  l'avez  fait.  »  Il  ajoute,  qu'il 
n'osait  les  y  exhorter,  de  crainte  que  s'ils 
ne  faisaient  pas  ce  qu'il  leur  aurait  conseillé, 
les  ennemis  de  l'Église  n'en  prissent  occa- 
sion de  l'insulter,  comme  si  elle  avait  été 
vaincue  par  leur  crédit.  Mais  il  prie  Pamma- 
que de  leur  lire  la  lettre  qu'il  lui  écrivait, 
en  lui  disant  qii'il  ne  négligeait  peut-être 
de  travailler  à  la  conversion  de  leurs  su- 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  87 

jets,  que  parce  qu'ils  la  croyaient  impossible. 

21.  Dans  le  même  temps,  c'est-à-dire  sur 
la  fin  de  401 ,  saint  Augustin  reçut  une  lettre 
de  Victorin ,  dans  laquelle  il  prenait  le  titre 
de  primat  de  Numidie.  Elle  était  circulaire 
pour  la  convocation  d'un  concile ,  tant  de  la 
Numidie  que  des  deux  Maïu'itanies  ;  et  toute- 
fois on  n'y  lisait  le  nom  d'aucun  des  évêques 
des  Mauritanies,  quoique  ces  deux  provinces 
eussent  leurs  primats,  et  qu'elles  ne  dépen- 
dissent point  du  primat  de  Numidie.  Elle 
n'était  pas  même  adressée  aux  principaux 
évêques  d'entre  eux;  et  saint  Augustin,  quoi- 
qu'un des  plus  jeunes  évêques  y  était  nommé 
le  troisième.  Il  en  fut  fâché,  et  le  fut  surtout 
de  n'y  point  trouver  le  nom  de  Xantippe, 
qui  devait  être  mis  le  premier,  comme  le  plus 
ancien.  Il  était  évêque  de  Tagoce,  et  dis- 
putait la  primatie  à  Victorin.  Toutes  ces  rai- 
sons firent  appréhender  à  saint  Augustin, 
que  la  lettre  qu'on  lui  avait  adressée  de  la 
part  de  Victorin,  ne  fût  fausse  ;  il  était  d'ail- 
leurs fort  indisposé  lorsqu'il  la  reçut ,  et  re- 
tenu par  de  pressantes  nécessités.  Il  prit 
donc  le  parti  d'écrii'e  à  Victorin,  pour  le 
prier  de  l'excuser,  et,  avant  toutes  choses, 
d'examiner  avec  Xantippe,  à  qui  d'eux  deux 
appartenait  la  primatie  et  le  droit  de  convo- 
quer le  concile,  ou  plutôt  de  le  convoquer 
tous  les  deux  ensemble  sans  préjudice  de 
leur  droit ,  jusqu'à  ce  qu'il  y  eût  été  décidé 
par  les  plus  anciens  évêques  de  la  province , 
qui  était  le  premier ,  ou  de  Victorin ,  ou  de 
Xantippe.  Il  y  a  bien  de  l'apparence  que 
Xantippe  fut  reconnu  primat,  puisque  dans 
une  lettre  que  saint  Augustin  lui  écrivit  l'an- 
née suivante  402,  il  s'adresse  à  lui  comme 
au  primat  de  Numidie.  Il  est  bon  de  remar- 
quer qu'en  Afrique  la  dignité  de  primat  se 
réglait  par  l'antiquité  de  l'ordination,  et  non 
par  la  qualité  du  lieu ,  qui  n'était  quelquefois 
qu'une  bourgade. 

22.  Saint  Augustin  avait  dans  son  monas- 
tère deux  ù'ères ,  dont  l'un  se  nommait  Do- 
uât. La  vanité  les  porta  à  en  sortir,  sous 
prétexte  d'aller  servir  à  Carthage,  où  il 
semble  qu'ils  étaient  nés,  et  y  faire  les  fonc- 
tions de  la  cléricature.  L'évêque  Aurèle 
croyant  qu'ils  n'étaient  venus  en  cette  ville 
qu'avec  l'agrément  de  saint  Augustin ,  éleva 
Donat  à  la  cléricature.  Le  saint  évêque  en 
ayant  été  averti,  écrivit  à  Aurèle  que  c'était 
exposer  les  moines  à  une  grande  tentation  et 
faire  affront  au  clergé,  que  d'élever  à  la  clé- 
ricature les  moines  déserteurs  ;   qu'on   n'y 


Lettre  59 
à  Victorin, 
enîiOl,  pag. 
1S5. 


Lettre  60 
à  Aurf;le 
sur  la  fia 
deïiOljpag. 
1^7, 


88 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


admettait  ordinairement  que  les  plus  excel- 
lents d'entre  eux ,  les  meillem's  mêmes  n'é- 
taient pas  quelquefois  propres  pour  la  cléri- 
ricature;  puisque  s'ils  avaient  d'un  côté  la 
piété  nécessaire ,   ils  manquaient    souvent 
d'instruction.    «    Donat,   ajoute -t-il,    était 
sorti  de  son  monastère,  quelques  efforts  qu'il 
eût  fait  pour  l'en  empêcher;  mais  ayant  été 
ordonné  avant  la  défense  du  concile,  tenu  le 
13  septembre  401,  Aurèle  pouvait,  s'il  le  ju- 
geait à  propos,  le  laisser  dans  la  cléricature, 
pourvu  qu'il  ne  fût  plus  possédé  de  l'esprit 
d'orgueil  ;  »  à  l'égard  de  son  frère,  qui  avait 
été  la  principale  cause  de  la  sortie  de  Donat, 
il  ne  veut  point  s'expliquer  sur  son  sujet, 
n'osant  contredire  les  sentiments  d'un  homme 
aussi  sage  et  aussi  plein  de  charité  qu'était 
Aurèle.  Le  canon,  dont  saint  Augustin  fait 
ici  mention,  porte  :   «  Que  si  un  évêque  en- 
((  treprend  d'élever  à  la  cléricature  un  moine 
«  d'un  monastère   qui   n'est   point   de  son 
«  diocèse ,  ou  de  le  faire  supérieur  dans  un 
«  de  ses  monastères,  il  sera  privé  de  la  com- 
((  munion  de  tous  les  autres  évêques ,  et  le 
«  moine  ne  demeurera  ni  clei'c  ni  supérieur.» 
^  i.ctirc  Gi       23.  Un  nommé  Théodore,  homme  de  con- 
vcrs"'ia  iii!  sidération,  avait  demandé  à  saint  Augustin, 
lie  1  an  Ml.  comment  il  recevrait  les  clercs  donatistes 
qui  voudraient  se  réunir  à  l'Église  catholi- 
(jue;  ce  saint  évêque,  qui  l'avait  déjà  assuré 
de  vive  voix,  qu'il  les  recevrait  dans  leurs 
degrés,  lui  écrivit  encore  de  sa  main,  afin 
qu'il  les  en  assurât,  et  leur  laissât  même  sa 
lettre,  s'ils  le  souhaitaient.  11  rend  ainsi  rai- 
son de  cette  indulgence  :  «Nous  ne  condam- 
nons  en   eux  cjue  leur  séparation,  qui  les 
rend  schismatiques  ou  hérétiques,  et  qui  les 
tient  hors  de  la  vérité  et  de  l'unité  de  l'É- 
glise catholique,  en  ce  qu'ils  ne  sont  point 
unis  par  le  lien  de  la  paix  et  de  la  commu- 
nion avec  le  peuple  de  Dieu,  répandu  par 
toute  la  terre,  et  qu'ils  ne  reconnaissent  et 
ne  respectent  point  le  baptême  de  Jésus- 
Christ   dans   ceux   qui  l'ont  reçu.  Mais   en 
même  temps  que  nous  rejetons  ces  maux 
comme  des   obstacles  à  l'union,  nous  em- 
brassons nos  fi'ères  pour  demem-er  unis  tous 
ensemble  par  l'unité  de  l'esprit  et  le  lieu 
de   la   paix.  Nous   reconnaissons    donc   eu 
eux  ce  qu'il  y  a  de  bon  et  qui  vient  de  Dieu, 
c'est-à-dire  le  baptême,  l'ordinalion,  la  pro- 
fession de  continence  et  de  virginité,  comme 
nous  y  reconnaissons  la  foi  de  la  Trinité  et 
les  autres  choses  de  cette  sorte  qui  étaient 
en  eux,  à  la  vérité,  mais  qui  leur  dcmcu- 


Lelti- 
02  et  6^ 


raient  inutiles,  tant  que  la  charité  n'y  était 
pas.  Or,  qui  peut  dire  qu'il  ait  la  charité  de 
Jésus-Christ,  tandis  qu'il  ne  demeure  point 
dans  son  unité?  » 

24.  Les  deux  lettres  à  Sévère,  évêque  de 
Milève,  sont  au  sujet  d'un  nommé  Timothée  sévère,  s' 
cfui  avait  lu  publiquement  les  Écritures  à  40;,  pa 
Subsane,  dans  une  églige  du  diocèse  d'Hip-  '"'■ 
pone  :  ce  qui  faisait  qu'on  pouvait  le  regar- 
der comme  lecteur,  et  ainsi  hoi's  d'état  de 
pouvoir  plus  passer  en  une  autre  Église.  Il 
témoigna  néanmoins  à  Sévère  le  désir  de 
l'aller  trouver  à  Milève  ;  mais  Sévère  lui  dé- 
fendit, à  moins  qu'il  n'en  obtînt  l'agrément 
de  Carcédoine,  qui  était  apparemment  le 
curé  de  Subsane.  Timothée,  nonobstant  cette 
défense,  et  sans  avoir  obtenu  le  consente- 
meiit  de  Carcédoine,  alla  à  Milève,  et  pro- 
testa avec  serment  à  Sévère  qu'il  ne  le  quit- 
terait pas.  Il  retourna  cependant  à  Subsane. 
Quelque  temps  après,  le  curé  du  lieu  et  un 
nommé  "Vérin,  le  firent  ordonner  sous-dia- 
cre à  l'iusu  de  saint  Augustin.  Ce  saint  évê- 
que étant  venu  à  Subsane,  avec  saint  Aly- 
pius  et  l'évêque  Samsucius,  reprirent  Timo- 
thée d'avoir  été  trouver  Sévère,  et  firent 
aussi  des  reproches  au  curé  et  à  Vérin,  de 
l'avoir  fait  ordonner  sous-diacre.  Tous 
avouèrent  leur  faute,  en  demandèrent  pai- 
don  et  l'obtinrent.  Mais  comme  on  voulait 
persuader  à  Timothée  de  rester  à  Subsane, 
il  déclara  qu'il  ne  le  pouvait,  attendu  le  ser- 
ment qu'il  avait  fait,  de  ne  point  quitter  Sé- 
vère. Saint  Augustin  et  les  autres  évêques, 
qui  étaient  avec  lui,  firent  voir  à  Timothée 
que  si  Sévère,  qui  ne  s'était  engagé  à  lui 
par  auciui  serment,  le  dégageait  du  sien,  il 
pourrait,  sans  se  rendre  coupable  de  par- 
jure, demeurer  à  Subsane  :  et  sur  cela  il 
promit  de  suivre  tout  ce  dont  ils  convien- 
draient avec  Sévère.  Saint  Augustin  et  les 
autres  évêques  mandèrent  à  Sévère  tout  ce 
qu'ils  avaient  fait,  et  le  conjurèrent,  par  la 
charité  de  Jésus-Christ,  de  dispenser  Timo- 
thée de  son  serment.  Cet  évêque,  ofi'ensé  de 
ce  qu'on  avait  ordonné  Timothée  sous-dia- 
cre pour  l'Eglise  de  Subsane,  témoigna  par 
sa  réponse  être  surpris  de  ce  qu'on  tolé- 
rait cette  ordination,  au  lieu  qu'on  pouvait 
corriger  la  faute  qui  avait  été  faite,  en  lui 
renvoyant  'J'imothée.  Saint  Augustin  crut 
donc  que,  pom'  conserver  avec  Sévère  le 
lien  de  la  charité,  il  ne  pouvait  faire  autre 
chose  que  de  lui  renvoyer  Thimotliée.  Car- 
cédoine eut  peine  à  y  consentir,  mais,  re- 


[IV°  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HÎPPONE. 


89 


gardant  Jésus-Christ  en  la  personne  de  Sé- 
vère, il  céda  enfin  à  son  désir,  et  pressa 
même  saint  Augustin  de  lui  renvoyer  Timo- 
thée.  Comme  saint  Augustin  ne  s'autorise 
point  dans  ces  deux  lettres,  d'un  canon  du 
concile  de  Milève,  tenu  le  27  août  402,  qui 
déclare  que,  quiconque  aura  lu  une  seiûe 
fois,  ne  poui-ra  point  éti'e  retenu  pour  le 
clergé  d'une  autre  Église,  on  en  infère  qu'il 
les  écrivit  avant  la  tenue  de  ce  concile,  sur 
la  fin  de  l'année  précédente, 
i.ciirc  04  25.  Un  joui-  ou  deux  avant  Noël  de  la  même 
sur"  la  fin'  année  401,  saint  Augustin  reçut  une  lettre 
pag.^'isi''  ^'^^  prêtre  nommé  Quintien,  qui  gouvernait 
l'Église  de  Badesile  dans  le  diocèse  ou  du 
moins  dans  la  province  d'Am'èle.  Il  se  plai- 
gnait, dans  cette  lettre,  de  ce  que  saint  Au- 
gustin avait  reçu  dans  son  monastère,  un 
jeune  homme  nommé  Privatien  qui,  ayant 
lu  une  fois  dans  l'Église  de  Badesile ,  devait 
passer  pour  lecteur.  Il  se  plaignait  encore 
de  ce  qu'Aurèle  ne  jugeait  pas  le  diiïérend 
qu'il  avait  avec  lui,  pour  avoir  fait  lire,  dans 
son  église,  quelques  Uvres  qui  n'étaient  point 
compris  dans  le  canon  des  Écritures,  et  qui 
passaient  pour  apocriphes.  Enfin ,  il  priait 
saint  Augustin  de  s'entremettre  pour  faire 
recevoir  ses  justifications  à  Aurèle,  et  d'é- 
crire au  peuple  de  Badesile,  avant  que  cet 
évêque  y  vînt.  Saint  Augustin  fit  réponse  à 
Quintien,  que  Privatien,  qui  n'avait  lu  que 
des  livres  apocryphes,  ne  pouvait  être  con- 
sidéré comme  lecteur,  et  qu'ainsi  il  n'était 
pas  compris  dans  le  canon  qui  défendait  de 
recevoir  les  clercs  d'un  autre  diocèse.  IL 
n'était  pas  même  fait  mention  de  monastère 
dans  ce  canon,  et  il  ne  défendait  autre  chose 
sinon  qu'aucun  évêque  ne  reçut  les  clercs 
d'un  autre  évêque.  Le  saint  l'exhorte  à  souf- 
fiir  avec  patience  le  traitement  que  lui  fai- 
sait Aoi'èle,  l'assurant  que  s'il  différait  à  le 
juger,  ce  n'était  par  aucune  animosité,  mais 
faute  de  loisir  :  il  le  blâme  absolument  d'a- 
voir fait  lire  dans  son  église  des  livres  apo- 
cryphes, dont  les  hérétiques,  et  surtout  les 
manichéens,  avaient  coutume  de  se  servir 
poiu:  tromper  les  peuples.  Il  cite  un  canon 
d'un  concile  tenu  depuis  peu,  où  il  avait  été 
ordonné  que  ceux  qui  se  retireraient  d'un 
monastère,  ou  qui  en  am'aient  été  chassés, 
ne  seraient  point  admis  à  la  cléricature  dans 
un  autre  diocèse,  et  qu'on  ne  les  ferait  pas 
supérieurs  dans  d'autres  monastères.  C'est 
le  concile  de  Carthage,  du  23  septembre 
401, 


26.  n  y  avait,  dans  le  diocèse  d'Hippone       Lettre  65 
un  prêtre  d'assez  mauvaise  réputation  nom-   pe  en"î'2| 
mé  Abundantius,  qui  gouvernait  le  peuple   ^''°'  "'''■ 
d'un  lieu  appelé  Straboniane.  Saint  Augus- 
tin voulant  savoir  par  lui-même  ce  qui  en 

était,  découvrit  que  ce  prêtre  avait  eu  en 
dépôt  l'argent  d'un  paysan,  et  qu'il  ne  pou- 
vait dire  ce  que  cet  argent  était  devenu  ;  en 
sorte  qu'il  y  avait  lieu  de  croire  qu'il  l'avait 
volé.  Abundantius  fut  aussi  convaincu  d'a- 
voir mangé  le  matin  et  le  soir  un  jour  de 
jeûne,  et  d'être  couché  chez  une  femme  mal 
famée.  C'en  fut  assez  à  saint  Augustin  pour 
ne  pas  lui  laisser  le  soin  d'une  Église  qui 
était  toute  environnée  d'hérétiques.  Il  le  dé- 
posa donc  du  sacerdoce.  La  sentence  qu'il 
rendit  était  du  27  décembre  cent  jours  avant 
Pâques,  qui,  en  402,  était  le  6  avril.  Saint 
AugTistin  écrivit  à  Xantippe  comme  au  pri- 
mat de  la  province,  pour  lui  rendre  raison 
de  ce  qu'il  avait  fait;  et  comme  Abundantius 
pouvait  se  pourvoir  dans  l'année,  et  faire 
juger  sa  cause  en  dernière  instance  par  six 
évêques ,  il  dit  à  Xantippe ,  que  si,  dans  ce 
jugement ,  on  ne  trouvait  pas  qu'Abundan- 
tius  méritât  la  déposition,  quiconque  le  vou- 
drait, poiuTait  lui  confier  la  desserte  d'une 
église  de  son  diocèse  ;  mais  que,  pour  lui,  il 
ne  le  pouvait  pas,  de  peur  de  se  rendre  cou- 
pable du  mal  qui  pourrait  en  arriver.  Cette 
lettre  fut  écrite  sur  la  fin  de  l'an  401,  ou  au 
commencement  de  402,  pour  le  plus  tard. 

27.  La  même  année  402,  saint  Augustin      L^-tireGC) 
ayant  appris  que  Crispin,  évêque  donatiste   eii(in2t'iK''s' 
de  Calame',  avait  contraint  environ  quatre-  ^^^' 
vingts  personnes  d'une  terre  nommé  Mappa- 

lie ,  qu'il  avait  achetée  du  domaine  de  l'Em- 
perem',  de  se  laisser  rebaptiser,  il  lui  en 
écrivit  pour  se  plaindre,  et  l'avertir  de  pren- 
dre garde  au  compte  qu'il  aurait  à  rendre  à 
Dieu  de  l'action  qu'il  avait  faite.  «  Si  ce 
sont,  lui  dit-il,  les  Mappaliens  eux-mêmes 
qui  ont  embrassé  votre  communion  de  leur 
propre  volonté,  conférons  nous  deux  en  leur 
présence  ;  on  écrira  ce  que  nous  dirons,  et 
après  avoir  signé  ce  que  nous  aurons  écrit, 
on  l'expliquera  à  ces  paysans  en  langue  pu- 
nique, et  on  leur  laissera  ensuite  la  liberté 
de  choisir  quelle  communion  ils  voudront.  » 
Saint  Augustin  ajoute,  que,  s'il  y  avait  des 
donatistes  qui  fussent  passés  dans  la  com- 
munion catholique,  par  la  crainte  de  leur 
seigneur,  il  consentait  qu'on  fit  à  leur  égard 

'  Aujourd'hui  Glielma.  {L'éditeur.) 


90 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Lettres 
67  et  68  à 
saint  Jérô- 
int?,  en  ^02, 
pag.  155. 


Lettre  69 
à  Castorius, 
en  002, pag. 
157. 


Lettre  70 
à  Naiicé  - 
lion,enCi02. 


ce  qu'il  demandait  pour  les  Mappaliens,  et 
le  conjure,  par  Jésus-Christ,  de  lui  faire  ré- 
ponse sur  cela. 

28.  La  lettre  que  saint  Augustin  écri-vit 
en  402,  à  saint  Jérôme,  était  pour  le  prier 
de  répondre  à  celle  qu'il  lui  avait  écrite 
en  397.  Celle-ci  avait  couru  longtemps  à 
Rome  et  dans  l'Italie  avant  d'être  rendue  à 
saint  Jérôme,  à  qui  l'on  avait  dit  que  saint 
Augustin  avait  envoyé  un  livre  à  Rome  con- 
tre lui.  Elle  combattait  le  sentiment  de  saint 
Jérôme  sur  la  dispute  de  saint  Pierre  et  de 
saint  Paul.  Le  solitaire  de  Bethléem  répon- 
dit à  cette  lettre  dès  qu'il  l'eut  reçue,  mais 
en  doutant  qu'elle  fût  de  saint  Augustin. 

29.  La  suivante  est  au  nom  de  saint  Au- 
gustin et  de  saint  Alypius.  Castorius,  à  qui 
elle  est  adressée,  avait  un  frère  évêque  de 
l'Église  de  Vagine  ,  nommé  Maximien  ,  qui 
voyant  qu'il  ne  pouvait  conserver  l'honneur 
de  l'épiscopat,  sans  troubler  l'Église  par  une 
dissension  honteuse ,  renonça  à  sa  dignité 
par  l'amour  de  la  charité  et  de  la  paix. 
Après  sa  cession,  Castorius  son  frère  fut  élu 
pour  lui  succéder;  et  dans  la  crainte  qu'il  ne 
refusât  l'épiscopat,  on  envoya  des  personnes 
pour  l'arrêter.  Saint  Augustin  et  saint  Aly- 
pius qui  connaissaient  ses  belles  (jualités,  lui 
écrivirent  pour  l'exhorter  à  accepter  la  di- 
gnité qu'on  lui  offrait ,  et  à  faire  voir  au 
peuple  de  Vagine,  par  son  application  à  le 
bien  gouverner,  que  son  frère  n'avait  pas 
quitté  cette  Église  par  la  fuite  du  travail, 
mais  pour  lui  donner  la  paix. 

30.  La  lettre  à  Nancélion  est  une  réponse 
à  celle  que  Nancélion  avait  écrite  à  saint  Au- 
gustin et  à  saint  Alypius.  Il  leur  avait  mar- 
qué que  Clarence,  évêque  donatiste,  n'avait 
osé  nier  dans  la  conférence  que  Félicien  de 
Musti  n'eût  été  condamné  par  les  donatistes, 
et  rétabli  ensuite  par  eux-mêmes  dans  sa  di- 
gnité. Il  ajoutait,  qu'ils  prenaient  le  parti  de 
dire  qu'il  était  innocent,  lorsqu'ils  le  con- 
damnèrent, et  que  bien  loin  d'avoir  été  en- 
tendu, il  n'avait  pas  même  été  présent  lors- 
qu'on le  condamna.  Par  cette  conduite,  ré- 
plique saint  Augustin,  les  donatistes  faisaient 
assez  voir  qu'ils  n'avaient  pas  condamné 
moins  témérairement  les  catholiques,  qu'ils 
avaient  autrefois  accusés  d'avoir  hvré  les 
saintes  Écritures  aux  païens  ;  et  la  manière 
dont  ils  s'étaient  comportés  à  l'égard  de  Féli- 
cien de  Musti,  condamnait  celle  qu'ils  tenaient 
à  l'égard  de  toute  la  terre.  Quand  mê- 
me Félicien  aurait  été  innocent  lors  de  sa 


condamnation  ,  les  donatistes  ne  pouvaient 
le  regarder  que  comme  coupable ,  depuis 
qu'il  avait  communiqué  avec  Maximien. 
«  Cependant,  ajoute-t-il,  combien  de  monde 
n'a-t-il  pas  baptisé  étant  dans  la  communion 
de  Maximien  ?  Son  baptême  était-il  bon  ou 
mauvais  ?  S'il  était  bon ,  quoique  donné  par 
un  homme  uni  de  communion  avec  Maxi- 
mien et  par  conséquent  dans  le  schisme , 
pourquoi  les  donatistes  rejettent-ils  le  bap- 
tême qui  se  donne  par  toute  la  terre  ?  S'il 
était  mauvais,  comment  en  rétablissant  Féli- 
cien, ont-ils  reçu  tous  ceux  qu'il  avait  bapti- 
sés, sans  en  rebaptiser  aucun  ?  » 

31.  Nous  avons  parlé  à  l'article  de  saint 
Jérôme,  de  la  lettre  que  saint  Augustin  lui 
écrivit  pour  le  détourner  du  dessein  où  il 
était  de  traduire  de  nouveau  sur  l'hébreu, 
les  livres  de  l'Ancien  Testament,  et  de  celles 
qu'ils  s'écrivirent  mutuellement,  soit  dans 
l'affaire  de  Ruiin  d'Aquilée,  soit  au  sujet  de 
la  dispute  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul, 
rapportée  dans  VEpître  aux  Galates. 

32.  Saint  Augustin  voyant  qu'après  plu- 
sieurs invitations  les  évoques  donatistes  re- 
fusaient d'entrer  en  conférence  avec  les  ca- 
tholiques ,  s'adressa  par  lettres  à  tous  les 
schismatiques  en  général,  pour  les  prier,  au 
nom  de  l'Église  catholique,  d'ouvrir  les  yeux 
de  leur  cœur  et  de  voir  dans  toute  la  terre 
l'accomplissement  des  prophéties  en  faveur 
de  cette  Église.  Il  leur  fait  une  récapitulalion 
de  l'histoire  de  la  naissance  et  du  progrès  de 
leur  schisme,  et  montre,  par  les  trois  juge- 
ments rendus  en  favem"  de  Cécilien ,  par  les 
crimes  d'Optat  de  Thamugade,  qu'ils  regar- 
daient comme  martyr ,  et  par  la  condescen- 
dance avec  laquelle  ils  avaient  traité  les  maxi- 
mianistes  et  Félicien  de  Musti,  que  la  vérité  et 
le  salut  ne  se  trouvaient  que  dans  l'Église  ca- 
tholique. «Si vos  évêques,  ajoute-t-il,  neveu- 
lent  pas  conférer  avec  nous,  que  les  laïques 
d'entre  vous  les  pressent  au  moins  de  leur 
répondre  à  eux-mêmes  sur  tout  ceci.  Mais 
si  votre  salut  vous  touche  tant  soit  peu,  que 
pouvez-vous  penser  de  ce  qu'ils  ne  veulent 
pas  entrer  en  conférence  avec  nous  ?  Si  les 
loups  sont  convenus  entre  eux  de  ne  point  ré- 
pondre aux  pasteurs,  à  quoi  songent  les  brebis 
de  demeurer  dans  les  cavernes  des  loups?» 

33.  On  croit  que  ce  fut  pendant  la  tenue 
du  concile  de  Carthage,  en  404,  qu'arriva 
l'affaire  de  Boniface  et  de  Spés.  Celui-ci  de- 
meurait dans  le  monastère  de  saint  Augus- 
tin, celui-là  était  prêtre  et  résidait  dans  la 


Lettres 
71,  72,  7.^ 
74,  75,  SI 
et  82  ,\  sailli 
J'Tôme  ei  â 
saint  Au- 
gustin, pag 
IGO. 


Leilre  7( 
aux  (lona 
ti^ile-;,  ver. 
l'an  .'i03  oi 
liO'i  ,  pag 
179. 


I.ettie  1 
i  FOlix,  7 
au  clerg 
(Pilippone 
Tcr>  l'a; 
'iiii.  pag 
ISl. 


[IV"  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


9! 


maison  du  saint  évêque.  Boniface  avait  ac- 
cusé Spés,  qui  était  un  jeune  homme,  d'un 
crime  infâme.  Spés,  au  contraire,  jetait  la 
faute  sur  Boniface.  Saint  Augustin  ne  trou- 
vant de  quoi  convaincre  ni  Tun  ni  l'autre ,  se 
résolut  de  laisser  la  chose  à  Dieu ,  jusqu'à 
ce  que  Spés,  qui  lui  était  suspect,  lui  donnât 
quelque  sujet  légitime  de  le  chasser  de  son 
monastère.  Soit  que  Spés  s'en  aperçut,  soit 
par  son  ambition  naturelle,  il  pressa  saint 
Augustin  de  le  promouvoir  à  la  cléricatm^e, 
ou  de  lui  donner  des  lettres  de  recomman- 
dation pour  être  ordonné  ailleurs.  Le  saint 
évêque  ne  voulant  ni  lui  imposer  les  mains, 
ni  en  charger  aucun  de  ses  confrères,  Spés 
demanda  que ,  puisqu'on  lui  refusait  la  clé- 
ricature,  on  ne  permit  pas  non  plus  au  prê- 
tre Boniface  de  garder  son  rang.  Boniface  y 
consentait,  aimant  mieux  être  privé  devant 
les  hommes  de  l'honneur  du  sacerdoce,  que 
de  donner  occasion  à  Spés  de  troubler  inu- 
tilement l'Église  par  le  bruit  qu'il  ferait,  et 
qui  pourrait  donner  occasion  aux  donatistes 
d'accuser  les  catholiques  de  retenir,  dans  le 
sacerdoce,  un  homme  qu'ils  croiraient  aisé- 
ment être  coupable,  parce  qu'il  n'aurait  pas 
eu  le  moyen  de  justifier  son  innocence.  Mais 
saint  Augustin  prit  un  milieu,  persuadé  qne 
Dieu  obligerait  le  coupable  à  confesser  sa 
faute,  il  les  fit  convenir  tous  les  deux  par 
écrit,  qu'ils  iraient  en  quelque  endroit  célè- 
bre par  des  miracles.  Ce  qui  l'engagea  à  pren- 
dre ce  tempéramment,  fut  qu'il  avait  vu  à 
Milan  un  semblable  miracle  ;  un  voleur  étant 
venu  à  un  tombeau  de  saint,  pour  faire  un 
faux  serment ,  fut  contraint  d'avouer  son 
crime.  Comme  le  tombeau  de  saint  Félix  de 
Noie  était  célèbre  par  un  grand  nombre  de 
miracles,  et  que  saint  Augustin  était  assuré 
d'apprendre  par  saint  Paulin  qui  y  demeu- 
rait, avec  plus  de  certitude  qu'en  tout  autre 
lieu,  ce  qui  leur  serait  arrivé,  il  leur  dit  d'al- 
ler à  saint  Félix  de  Noie.  Boniface,  quoique 
prêtre,  ne  prit  point  de  lettre  qui  témoignât 
le  rang  qu'il  tenait  dans  l'Église,  afin  d'être 
traité  également  avec  sa  partie  dans  une 
ville  où  ils  étaient  tous  deux  également  in- 
connus. Jusque-là  la  chose  était  demeurée 
secrète,  et  saint  Augustin  en  avait  dérobé 
la  connaissance  à  son  Église ,  pour  éviter 
le  scandale.  Mais  elle  fut  divulguée  malgré 
lui,  et  causa  le  scandale  qu'il  avait  prévu.  Le 
peuple  en  fut  d'autant  plus  fâché  qu'il  avait, 
quelque  temps  auparavant,  tiré  vanité  de  ce 
que  l'on  ne  voyait  point  les  clercs  de  saint 


Augustin  tomber  dans  des  fautes,  comme 
ceux  de  Proculien,  évêque  donatiste  d'Hip- 
pone.  On  ne  se  contenta  pas  de  murmurer  ; 
on  demanda  encore  que  l'on  effaçât  le  nom 
de  Boniface  du  catalogue  des  prêtres  que 
l'on  avait  coutume  de  réciter  à  l'autel,  pour 
ôter,  disait-on,  occasion  aux  donatistes  d'ac- 
cuser l'Église  de  laisser  les  crimes  impunis. 
Saint  Augustin  ne  voulait  pas  en  venir  à 
cette  extrémité,  dans  la  crainte  de  prévenir 
le  jugement  de  Dieu  auquel  on  avait  ren- 
voyé ce  prêtre.  Il  craignait  aussi  d'agir  con- 
tre la  disposition  des  septième  et  huitième 
canons  du  troisième  concile  de  Carthage,  en 
397,  où  il  est  défendu  de  suspendre  un  ec- 
clésiastique de  la  communion ,  jusqu'à  ce 
qu'il  ait  été  convaincu,  à  moins  qu'il  n'ait 
manqué  de  se  présenter  en  jugement.  Il 
écrivit  donc  à  Félix  et  à  HiJarin,  deux  des 
principaux  du  peuple  catholique  d'Hippone, 
qui  lui  avaient  écrit  sur  cette  affaire;  il 
leur  manda  qu'il  ne  fallait  point  s'étonner 
que  l'on  fit  courir  de  semblables  bruits  con- 
tre les  serviteurs  de  Dieu  ;  n'ayant  reconnu 
Boniface  coupable  d'aucun  crime,  il  ne  pou- 
vait se  résoudre  à  ôter  son  nom  d'entre  les 
prêtres  ;  et  comme  la  cause  était  remise  au 
jugement  dé  Dieu,  un  tel  préjugé  lui  ferait 
injure  :  dans  les  jugements  séculiers,  le  juge 
inférieur  n'ose  rien  attenter  au  préjudice  de 
l'appel.  11  écrivit  aussi  une  lettre  à  son  cler- 
gé, aux  anciens  et  à  tout  le  peuple  de  son 
Église,  pour  les  consoler  dans  la  douleur  que 
leur  causait  ce  scandale ,  en  les  avertissant 
néanmoins  de  prendre  garde  à  ne  pas  tom- 
ber eux-mêmes  sous  la  puissance  du  démon, 
en  jugeant  leur  frère  par  de  faux  soupçons. 
Il  leur  dit  pourquoi  il  n'avait  pas  cru  devoir 
effacer  le  nom  de  Boniface  du  catalogue  des 
prêtres,  ni  défendre  qu'on  le  lut  publique- 
ment. «  Mais  si  vous  trouvez  plus  à  propos, 
ajoute-t-il,  qu'on  ne  le  nomme  point  avec 
les  autres  prêtres,  afin  d'ôter  toute  occasion 
à  ceux  qui  ne  cherchent  que  des  prétextes 
pour  ne  pas  entrer  dans  le  sein  de  l'Éghse, 
cela  ne  nous  sera  pas  imputé,  mais  à  ceux 
à  cause  de  qui  nous  le  ferons.  Car ,  du 
reste  ,  qu'importe  à  ce  prêtre  de  n'être  pas 
inscrit  sur  cette  tablette  ,  où  des  hommes 
qui  ne  sont  que  ténèbres  et  ignorants , 
ne  peuvent  souffrir  son  nom ,  pourvu  que 
par  la  pureté  de  sa  conscience,  il  demeure 
écrit  sur  le  livre  de  vie  ?  »  Cette  tablette  est 
ce  que  l'on  entendait  communément  sous  le 
nom  de  sacrés  diptiques.  Il  y  en  avait  une 


92 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


pour  les  évêques  morts  en  la  communion  de 
l'Église  catholique  ;  une  autre  pour  les  vi- 
vants, et  une  troisième  pour  les  morts  en 
général.  Dans  la  seconde,  étaient  écrits  les 
noms  des  clercs ,  et  même  celui  de  l'Em- 
pereur et  des  autres  persozmages  considé- 
rables. Saint  Augustin  dit  à  son  clergé  : 
«  Dieu  à  la  vérité  est  partout  et  doit  être 
adoi'é  en  esprit  et  en  vérité,  mais  ce  n'est 
pas  à  nous  à  sonder  la  profondeur  de  ses 
conseils,  ni  à  demander  pourquoi  il  ne  se 
rend  sensible  qu'en  certains  lieux  par  les 
miracles  qui  s'y  font,  et  pourquoi  on  ne  voit 
rien  de  semblable  ailleurs.  Car  de  la  même 
manière  que  dans  la  naissance  de  l'Église, 
le  don  des  giiérisons  miraculeuses  n'était 
pas  commun  à  tous ,  de  même  dans  ces 
temps-ci,  celui  qui  distribue  ses  dons  à  cha- 
cun comme  il  lui  plaît,  ne  veut  pas  qu'il  ar- 
rive de  ces  merveilles  dans  tous  les  lieux  où 
les  corps  de  ses  saints  sont  honorés.  »  Il  les 
reprend  de  ce  qu'ils  insultaient  les  dona- 
tistes  à  cause  de  la  chute  de  deux  de  leurs 
diacres  :  «  On  ne  doit,  dit-il,  i-eprocher  aux 
hérétiques  que  de  n'être  pas  catholiques ,  » 
afm  de  ne  pas  imiter  les  accusations,  fausses 
pour  la  plupart ,  qu'ils  répandent  contre  l'É- 
glise. Il  les  exhorte  aussi  à  ne  pas  blâmer 
les  monastères  parce  qu'il  s'y  trouve  quel- 
ques méchants  ;  il  prend  Dieu  à  témoin  que, 
depuis  qu'il  s'était  consacré  à  son  service, 
comme  il  n'avait  guère  trouvé  de  meilleurs 
sujets  que  ceux  qui  ont  bien  vécu  dans  les 
monastères,  aussi  n'en  avait-il  point  trouvé 
de  plus  mauvais  que  ceux  qui  y  sont  tombés. 
Boniface  et  Spés  partirent  pour  Noie  ;  mais 
on  ne  sait  point  quelle  fin  eut  leur  affaire. 
On  trouve  un  Boniface  ami  de  saint  Augus- 
tin, évêque  de  Carthage ,  vers  l'an  408. 
Lcurc  7'j       34.  La  lettre  suivante  est  adressée  à  un 

b  1111  prêlro  .  •   -,    ,  .  .      , 

niiuiichien,  prêtre  manichéen,  qui  se  vantait  de  ne  point 
In",  pu''",  craindre  la  mort.  On  croit  que  ce  pourrait 
^'*''-  être  ce  Félix  avec  qui  saint  Augustin  disputa 

étant  évêque,  comme  il  avait  disputé  n'étant 
encore  que  prêtre ,  avec  Fortunat,  dont  il 
parle  dans  cette  lettre,  et  qu'il  avait  réduit 
à  ne  pouvoir  i-épondre.  Il  propose  donc  le 
même  ai-gument  à  Félix,  en  le  sommant  ou 
d'y  répondre,  ou  de  s'en  aller,  de  peur  que 
la  puissance  divine  ne  le  couvrit  de  confu- 
sion d'une  manière  qu'il  n'attendait  pas. 
i.ciirc8o       35.  11  prie  saint  Paulin,  dans  la  lettre  qu'il 
i'i.r',"'Tcr"s  ^"li  écrivit  vers  le  mois  de  mars  de  l'an  403, 
l'an    M3 ,    (Iq  2ui  mander  comment  on  pouvait  connaî- 

pag.  135.  ■*■ 

tre  la  volonté  de  Dieu  pour  distinguer  entre 


plusieurs  actions  qui  sont  bonnes,  celles  qu'il 
demande  de  nous,  et  que  nous  devons  pré- 
férer aux  autres  pour  suivre  sa  volonté.  Se- 
lon le  saint  Docteur,  il  convient  que  siu"  ce 
point  il  est  difScile  de  ne  pas  se  tromper,  et 
de  ne  pas  faire  des  fautes  par  ignorance  ;  et 
c'est  sur  cela  que  nous  avons  le  plus  de  su- 
jet de  nous  écrier  avec  le  Prophète  :  Qui  est- 
ce  qui  connaît  la  multitude  des  péchés  ?  Il  donne 
deux  exemples  de  l'attention  qu'ont  les  saints 
à  faire  la  volonté  de  Dieu  plutôt  que  la  leur, 
même  dans  les  choses  qui  sont  bonnes.  Le 
premier  est  celui  de  saint  Pierre;  cet  apô- 
tre, selon  la  parole  de  Jésus-Christ,  se  laissa 
lier  et  mener  où  il  aurait  voulu  ne  pas  al- 
ler, et  où  il  n'alla  que  parce  que  Dieu  le 
voulait.  Le  second  est  celui  d'Abraham,  ce 
patriarche  ayant  la  volonté  de  nourrir  son 
fils  et  de  le  conserver  autant  qu'il  dépen- 
drait de  lui,  changea  tout  d'un  coup  lorsque 
Dieu  lui  commanda  de  le  sacrifier.  «  Sa  pre- 
mière volonté,  dit  saint  Augustin,  n'était  pas 
mauvaise ,  mais  elle  aurait  commencé  à 
l'être,  s'il  y  avait  persisté  après  l'ordre  que 
Dieu  lui  donna  de  sacrifier  Isaac.  » 

36.  Les  habitants  de  Thiare  ayant  renoncé  .  '■em-ças 
au  schisme  des  donatistes,  on  leur  donna  c»  aos.'pà's' 
pour  les  gouverner  un  prêtre  du  monastère  "''^* 
de  Thagaste,  nommé  Honorât,  qui  s'était 
fait  moine  sans  se  défaire  de  son  bien.  Après 
sa  mort  ceux  de  Thiare  prétendirent  que  le 
bien  d'Honorat  leur  appartenait.  Saint  Aly- 
pius  soutenait  au  conti'aire  qu'il  appartenait 
à  son  monastère ,  parce  qu'Honorât  y  avait 
d'abord  été  moine ,  et  qu'un  moine  n'ayant 
plus  rien  en  propre,  tout  ce  qu'il  avait  eu  au- 
paravant appartenait  à  son  monastère;  et 
que  si  l'on  croyait  les  moines  capables  de 
posséder  quelque  chose ,  c'était  leur  donner 
lieu  de  différer  autant  qu'ils  pourraient ,  de 
se  défaire  de  leurs  biens.  Saint  Augustin,  % 

consulté  sur  cette  affaii^e,  et  n'ayant  [pas  le 
temps  de  l'examiner  à  fond ,  s'opposa  à  la 
prétention  de  ceux  de  Thiare ,  et  approuva, 
ce  semble,  la  pensée  de  saint  Alypius,  de 
partager  le  bien  d'Honorat,  d'en  donner  la 
moitié  à  ceux  de  Thiare ,  et  l'autre  aux  pau- 
vres, c'est-à-dire  au  monastère  de  Thagaste. 
Ce  parti  n'ayant  pas  satisfait  les  habitants 
de  Thiare ,  saint  Augustin ,  de  retour  à  Hip- 
pone,  examina  l'aiïaire  avec  plus  d'attention, 
et  trouva  que  ce  pai-tage  d'un  argent  con- 
testé, marquait  plus  d'amour  pour  un  intéi'èl 
pécuniaire ,  que  pour  la  justice.  11  crut  qu'il 
était  d'une  extrême  importance  de  persua- 


[n'  ET  V"  SIECLES.] 

der  aux  peuples  que  les  évêcjues  n'agissaient 
nullement  pour  l'argent,  en  ces  sortes  de 
rencontres,  et  qu'il  fallait  d'autant  plus  con- 
vaincre de  cette  vérité  ceux  de  Thiare, 
qu'ils  s'étaient  réunis  depuis  peu  à  l'Eglise. 
11  écri-snt  donc  à  saint  Alypius  qu'en  ne  lais- 
sant aux  habitants  de  Tliiare  que  la  moitié 
du  bien  d'Honorat ,  cette  seule  moitié  étant 
regardée  comme  lui  appartenant  légitime- 
ment, ce  serait  toujours  une  tentation  pour 
ceux  qui  se  retirent  dans  les  monastères ,  de 
différer  autant  qu'ils  pourraient  à  vendi'e 
leurs  biens;  qu'il  trouvait  qu'il  y  avait  moins 
de  danger  à  ne  rien  donner  du  tout  à  ceux 
de  Thiare  ,  mais  que  le  mieux  était  de  se  ré- 
gler en  cette  occasion  sur  les  lois  civiles, 
selon  lesquelles  les  moines  étaient  maîtres 
de  leurs  biens  jusqu'à  ce  qu'ils  l'eussent 
vendu,  ou  qu'ils  en  eussent  fait  une  dona- 
tion. «Or,  ajoate-t-il,  le  bien  dont  il  s'agit, 
appartient  si  certainement  à  Honorât ,  selon 
ces  lois-là,  que  quand  il  n'aurait  point  été 
ordonné  prêtre,  et  qu'il  serait  mort  dans  le 
monastère  de  Thagaste ,  tout  le  bien  dont  il 
n'aurait  pas  disposé  par  vente  ou  par  dona- 
tion aurait  passé  à  ses  héritiers.  »  Saint  Au- 
gustin donne  pour  exemple  Émilien ,  qui  hé- 
rita de  son  frère  Privât,  mort  dans  le  monas- 
tère d'Hippone.  11  trouve  fort  bon  qu'on  oblige 
les  moines  à  disposer  de  leur  bien  avant  d'ê- 
tre reçus  dans  le  monastère;  «  mais  s'ils 
meurent,  dit-il ,  sans  l'avoir  fait ,  il  faut  en 
passer  par  ce  que  les  lois  civiles  ordonnent , 
afin  d'éviter,  non-seulement  tout  ce  qui  est 
mal,  mais  tout  ce  qui  en  peut  avoir  l'appa- 
rence ,  et  de  conserver  la  bonne  réputation 
qui  est  si  nécessaire  aux  ministres  de  Jésus- 
Clurist.  »  L'évêque  Samsucius,  à  qui  saint 
Augustin  proposa  la  difiâculté,  fut  d'avis  d'a- 
bandonner aux  habitants  de  Thiare  la  suc- 
cession d'Honorat.  Nous  n'avons  plus  la  lettre 
cjue  saint  Augustin  leur  écrivit  sur  ce  sujet. 
Il  l'envoya  d'abord  à  saint  Alypius,  en  le 
priant  de  la  signer,  et  àe  la  leur  faire  passer 
au  plus  tôt.  Il  lui  marqua  en  même  temps  les 
raisons  qu'il  avait  eues  de  changer  de  senti- 
ment sur  cette  affaire.  Mais  comme  il  s'était 
engagé  à  récompenser  le  monastère  d'Aly- 
pius  de  la  moitié  qu'il  avait  consenti  de  lais- 
ser à  ceux  de  Thiare ,  il  dit  que  si  cet  évè- 
que  croit  que  la  répétition  en  soit  juste,  il 
s'acquittera  de  cette  dette ,  lorsqu'il  lui  sera 
venu  quelque  aumône  assez  considérable, 
pour  être  partagée  entre  le  monastère  d'Hip- 
pone et  celui  de  Thagaste. 


SALNT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


93 


37.  Saint  Augustin  avait  dans  son  diocèse  ,  '-ctircsa 
un  diacre  nommé  Lucille,  qu'il  estimait  beau-  vers  ra.i 
coup  à  cause  des  services  qu'il  rendait  à  son 

Église ,  par  la  facilité  avec  laquelle  il  parlait 
la  langue  punique.  Novat,  frère  de  Lucille  , 
voi.dait  l'avoir  auprès  de  lui  pour  s'en  servir 
aussi  dans  les  besoins  de  son  diocèse,  qu'on 
croit  avoir  été  celui  de  Stèfe,  capitale  d'une 
des  Mauritanies.  Saint  Augustin,  pour  enga- 
ger Novat  à  lui  laisser  Lucille,  lui  représente 
que  la  dispensation  des  trésors  de  l'Évangile 
était  beaucoup  retardée  dans  son  diocèse 
d'Hippone,  par  la  disette  où  on  y  était  d'ou- 
vriers qui  sussent  la  langTie  piinique  ;  au  lieu 
que  l'usage  de  cette  langue  était  familier  dans 
le  diocèse  de  Novat.  Il  le  presse  encore  par  le 
sacrifice  qu'il  avait  fait  lui-même  d'un  de 
ses  clercs,  pom-  le  service  d'une  autre  Église 
que  la  sienne.  Enfin,  il  lui  dit  :  «  Croyez- 
vous  que  ce  serait  aimer  le  salut  des  fidèles, 
de  nous  priver  d'un  homme  qui  possède  un 
talent  dont  nous  avons  un  si  grand  besoin, 
et  que  nous  trouvons  si  rarement?  Le  Sei- 
gneui",  en  qui  vous  avez  mis  toute  l'affection 
de  votre  cœur,  donnera  à  vos  travaux  une 
bénédiction  qui  vous  récompensera  du  bien 
que  vous  nous  ferez.  » 

38.  Paul,  à  qui  est  adressée  la  lettre  sui-  ;,  Pa^^'^vLTs 
vante,  avait  été  engendré  en  Jésus  -  Christ  '';'^>    ""s, 
par  saint  Augustin,  et  avait  reçu  de  lui  une 
éducation   chrétienne.   Élevé  à   la  dignité 
d'évêque  dans  la  Numidie,  il  donna  lieu  par 

ses  mœurs  déréglées  à  diverses  plaintes  que 
l'on  en  fit  à  saint  Augustin.  Ce  saint  évêque 
ne  croyant  pas  devoir  se  taire ,  donna  à  Paul 
tous  les  avis  qu'il  jugea  nécessaires;  mais 
ils  fui-ent  inutiles  :  en  sorte  que  saint  Augus- 
tin se  crut  obligé  de  se  séparer  de  sa  com- 
munion. Paul  lui  écrivit  pour  la  lui  rede- 
mander, se  plaignant  qu'il  ajoutait  trop  de 
foi  à  ses  ennemis.  La  réponse  que  lui  fit  ce 
saint  évêque ,  est  également  pleine  de  force 
et  de  charité.  Il  y  prend  Dieu  à  témoin  du 
bien  qu'U  souhaitait  à  Paul,  et  dit  que  la  seule 
chose  qui  l'empêchait  de  communiquer  avec 
lui,  c'est  qu'il  ne  pouvait  se  résoudre  à  le 
flatter.  «Comme  c'est  moi,  ajoute-t-il,  qui 
vous  ai  engendré  par  l'Évangile,  je  suis  obligé 
plus  qu'aucun  autre  de  ne  vous  épargner  au- 
cune des  amertumes  salutaires  que  la  vérité 
et  la  charité  peuvent  faire  sentir;  et  la  joie 
que  j'ai  eue  autrefois  de  la  grâce  que  Dieu 
nous  a  faite  de  ramener  tant  d'âmes  à  l'É- 
glise, ne  m'ôte  point  le  sentiment  de  la  dou- 
leur que  j'ai  de  voir  que  vous  lui  en  fassiez 


94 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


perdre  beaucoup  plus  par  la  plaie  que  vous 
avez  faite  à  l'Église  d'Hippone,  et  qui  ne  se 
peut  guérir  à  moins  que  Dieu  ne  vous  fasse 
rentrer  dans  une   vie  qui  soit  digne  d'un 
évêque,  en  vous  affranchissant  de  tous  les 
engagements  et  de  tous  les  soins  des  affaires 
temporelles.  L'épiscopat  ne  doit  pas  être  re- 
gardé comme  un  établissement,  et  un  moyen 
de  nous  procui'er  les  fausses  douceurs  de 
cette  vie.  » 
Lciire  80       39.  La  lettre  à  Cécilien ,  gouverneur  de 
iiiMb.pag!   Numidie,  en  405,  et  préfet  du  prétoire  en 
^'*^'  409,  est  pour  le  prier  d'employer  l'autorité 

qu'il  avait  en  Afrique ,  non  poiu'  punir  avec 
excès  les  persécutions  que  les  donatistes  fai- 
saient souffrir  aux  catholiques  des  environs 
d'Hippone ,  mais  pour  réprimer  leur  orgueil 
par  une  terreiu'  salutaire  qui  les  fit  rentrer 
en  eux-mêmes, 
i-euic  87  40.  On  voit  par  la  lettre  à  Émérite,  dona- 
hoiiati'stc'°  tiste  ',  que  saint  Augustin  ne  le  connaissait 
l'ci^^  '""  1^^  ^^  réputation.  11  passait  pour  un  homme 
208."  '  d'un  bel  esprit ,  instruit  dans  les  lettres  hu- 
maines, bien  élevé,  ennemi  des  violences 
ordinaires  à  ceux  de  sa  secte ,  et  en  un  mot 
pour  un  homme  de  bien  autant  qu'il  le  pou- 
vait être  dans  le  schisme.  Toutes  ces  belles 
qualités  engagèrent  saint  Augustin  à  lui 
écrire  deux  fois,  sur  l'assurance  que  des 
personnes  dignes  de  foi  lui  donnèrent,  qu'É- 
mérite  lui  répondrait,  s'il  lui  écrivait.  La 
première  des  deux  lettres  de  saint  Augustin 
est  perdue  :  nous  n'avons  que  la  seconde,  où 
il  fait  voir  à  Émérite  qu'il  n'avait  aucune 
raison  de  demeurer  dans  le  schisme,  lui 
montrant  en  particulier,  par  l'exemple  d'Op- 
tat  le  Gildonien,  évêque  de  Tamugade,  qu'on 
n'est  point  souillé  par  les  crimes  les  plus 
publics  de  ceux  de  la  même  communion, 
lorsque  des  raisons  légitimes  obligent  de  les 
tolérer.  Voici  son  raisonnement  :  «  Pouvez- 
vous  dire  que  vous  ne  chassiez  personne  de 
votre  communion,  ou  que  les  méchants  que 
vous  en  jugez  indignes,  soient  chassés  dès  le 
moment  qu'ils  ont  commis  les  fautes  qui 
vous  oHigent  de  ne  les  y  pas  souffrir?  Leur 
crime  ne  demeure-t-il  pas  quelque  temps 
caché,  avant  que  vous  puissiez  le  découvi'ir, 
et  condamner  les  coupables?  Je  vous  de- 
mande donc  si  les  crimes  de  ces  gens-là 
vous  rendaient  coupable  pendant  qu'ils 
étaient  cachés?  nullement,  me  dites-vous: 

1  Émérite  était  évêque  donatiste  à,  Césarée  ,  au- 
jourd'hui Cherchell.  [L'éditeur.) 


ils  ne  vous  auraient  donc  jamais  rendu  cou- 
pable tant  qu'ils  seraient  demeurés  cachés. 
Il  y  en  a  dont  les  crimes  ne  se  découvrent 
qu'après  leur  mort  :  personne  ne  se  croit 
souillé  pour  avoir  communiqué  avec  eux 
pendant  leur  vie.  Pourquoi  donc  avez-vous 
été  si  téméraire  que  de  vous  séparer  par  un 
schisme  si  sacrilège,  delà  communion  d'une 
infinité  d'Églises  d'Orient,  qui  n'ont  jamais 
rien  su  et  qui  ne  savent  encore  rien  des  cho- 
ses que  vous  dites  s'être  passées  en  Afrique, 
au  sujet  de  Cécilien?  Il  est  même  certain  que 
les  méchants,  même  ceux  que  l'on  connaît, 
ne  nuisent  pas  dans  l'Égiise  aux  gens  de 
bien  qui  n'ont  pas  le  pouvoir  de  les  en  chas- 
ser, ou  qui  en  sont  empêchés  par  l'intérêt 
qu'ils  ont  de  conserver  la  paix.  »  C'est  ce 
que  saint  Augustin  prouve  par  divers  en- 
droits de  l'Écriture,  où  l'on  voit  les  prophètes 
gémir  sur  les  péchés  qui  se  commettaient 
au  miheu  d'eux  par  le  peuple  de  Dieu;  il 
le  prouve  encore  par  l'exemple  de  saint 
Paul,  qui  a  toléré  des  faux  frères  qui  lui 
étaient  très-connus.  «  Et  il  faut,  ajoute-t-il 
en  s'adressant  à  Émérite ,  que  vous  demeu- 
riez d'accord  de  ce  principe,  qu'on  n'est 
point  souillé  pour  vivre  parmi  les  méchants, 
autrement  vous  seriez  tous  aussi  criminels, 
que  vous  saviez  qu'était  Optât  dans  le  temps 
même  ou  vous  communiquiez  avec  lui.  Si 
pour  votre  justification  vous  répondez  que 
ses  crimes  vous  étaient  inconnus,  à  combien 
plus  forte  raison  les  Églises  d'Orient  doivent- 
elles  être  reçues  à  dire  qu'elles  ne  savent 
point  ce  qu'étaient  les  évêques  d'Afrique  que 
vous  condamnez?  Cependant  vous  vous  te- 
nez séparé  par  un  schisme  sacrilège  de  la 
communion  de  ces  Églises,  dont  vous  lisez 
tous  les  jours  les  noms  dans  les  hvres  cano- 
niques. ))  Ces  Églises  étaient  celles  de  Coriu- 
the,  d'Ephèse,  de  Colosses,  dePhilippes,  de 
Thessalouique,  d'Antioche,  de  Pont,  de  Ga- 
latie,  de  Cappadoce,  et  plusiem's  autres  fon- 
dées par  les  Apôtres  en  diverses  parties  du 
monde.  Saint  Augustin  attaque  avec  la  même 
solidité  les  autres  raisons  que  les  donatistes 
alléguaient  pour  légitimer  lem-  séparation 
d'avec  l'Église  cathohque,  et  il  conjure  Émé- 
rite de  lui  faire  réponse ,  et  de  lui  déclarer 
son  sentiment  sur  la  question  principale  du 
schisme,  savoir  :  si  l'Église  de  Jésus-Christ 
est  celle  des  donatistes  ou  celle  des  catholi- 
ques. 

41.  Au  mois  de  janvier  de  l'an  406,  les     Lcme  ss 
donatistes,  dans  la  vue  d'obtenir  quelques   '"*  •''"■"'" 


[IV''  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


95 


•   modifications  des  lois  faites  contre  eux  par 
les  empereurs,  comparurent  devant  le  pré- 
fet du  prétoire  nommé  Longinien,  par  quel- 
ques-uns de  lem-s  évêques,  à  qui  ils  défen- 
dirent, avec  beaucoup  d'instances,  d'entrer 
en  conférence  avec  les  catholiques,  nommé- 
ment avec  Valentin,  évêque  de  Vaiane,  qui 
se  trouvait  alors  à  la  cour.  Cependant  leurs 
circoncellions  continuaient  à  maltraiter  les 
ecclésiastiques  d'Hippone.  Ceux-ci,  pour  faire 
cesser  ces  violences,  résolurent  de  se  plain- 
dre aux  donatistes  mêmes,  et  s'adressèrent 
à  Janvier,  évêque  de  Casesnoires,  que  ceux 
de  son  parti  regardaient  comme  primat  de 
Numidie,  parce  qu'en  effet  il  était  le  plus 
ancien  évêque  de  cette  province.  Us  lui  font 
voir  dans  leur  lettre,  par  les  pièces  justifi- 
catives de  ce  qui  se  passa  devant  l'empereur 
Constantin,  dans  l'affaire  de  Cécilien,  évêque 
de  Carthage,  que  les  donatistes  étaient  les 
premiers  qui  eussent  engagé  les  princes  à 
se  mêler  de  cette  affaire  ;  qu'ainsi  ils  ne  pou- 
vaient se  plaindre  des  lois  que  ces  princes 
avaient  faites  contre  eux,  ni  en  charger  les 
catholiques.  «  Ne  voyez-vous  pas,  lui  disent- 
ils,  que  quand  vous  en  prenez  sujet  de  crier 
contre  l'Église   catholique,  c'est  comme  si 
ceux  qui  avaient  fait  jeter  Daniel    dans  la 
fosse  aux  lions,  et  qui  y  furent  jetés  eux- 
mêmes  après  qu'il  en  eût  été  délivré,  avaient 
voulu  crier  contre  Daniel  ?  »  Es  détaillent  les 
violences    et    les  cruautés  des  donatistes, 
montrant  qu'elles  ont  occasionné  les  lois 
d'Honorius,  et  les  ont  rendues  nécessaires; 
que  toutefois  l'Église  catholique  n'en  avait  fait 
presque  aucun  usage  ;  et  qu'elle  n'y  aurait 
pas  recours,  si  leurs  circoncelhons,  et  les 
violences  de  leurs  clercs,  ne  l'avaient  obligée 
d'y  revenir  et  de  les  faire  renouveler.   Ils 
n'oublient  pas  la  chaux  et  le  vinaigre  dont 
ces  furieux  se  servaient  pour  brûler  les  yeux 
aux  catholiques,  et  les  autres  inhumanités 
qu'ils  leur  faisaient  souffrir,  même  sans  épar- 
gner les  prêtres.  Pour  mettre  fin  à  ces  désor- 
dres et  à  la  division  qui  les  occasionnait,  il  fal- 
lait, disent-ils,  que  les  évêques  des  deux  partis 
conférassent  ensemble  à  l'amiable,  et  qu'on 
envoyât  le  résultat  des  conférences  à  l'Em- 
pereur, signé  des  uns  et  des  autres,  afin  qu'il 
jugeât  lui-même  l'affaire  sm*  l'exposé  qu'on 
lui  fera  de  ce  qu'il  aura  été  dit.  Si  les  dona- 
tistes ne  veulent  point  conférer  de  cette  sorte, 
sous  préteste  que  les  lois   des  empereurs 
leur  défendent  de  se  mêler  en  quoi  que  ce 
soit  avec  les  évêques  catholiques  ;  du  moins, 


qu'ils  viennent  à  Hippone,  écouter  avec  les 
donatistes  de  la  ville,  ce  que  les  catholiques 
ont  à  leur  dii-e,  soit  pour  les  convaincre  qu'ils 
sont  dans  l'erreur ,  soit  pour  les  informer 
des  cruautés  qu'y  commettent  leurs  circon- 
celhons. Es  finissent  ainsi  :  «  Si  vous  mépri- 
sez nos  plaintes,  nous  ne  nous  repentirons 
pas  pour  cela  d'avoir  voulu  prendre  avec 
vous  les  voies  de  douceur  et  de  paix,  et  nous 
espérons  de  la  protection  que  Dieu  donne  à 
son  Éghse,  que  vous  aurez  sujet  de  vous  re- 
pentir d'avoir  méprisé  nos  soumissions  et 
nos  remontrances.  »  Le  style  de  cette  lettre 
fait  voir  qu'elle  est  de  saint  Augustin. 

42.  Celle  qu'il  adressa  la  même  année  406,  Lettre  so 
à  Festus,  officier  de  l'Empire,  qui  avait  de  M^s^'^pat" 
grands  biens  dans  le  territoire  d'Hippone,  -"• 
regarde  encore  les  donatistes.  Il  y  fait  voir 
qu'en  vain  ils  se  glorifiaient  des  persécutions, 
qu'ils  souffraient,  disaient-ils,  de  la  part  des 
cathohques  ;  puisque  ce  n'est  pas  le  supplice 
mais  la  cause  qui  fait  le  martyr,  et  que  l'hé- 
résie est  un  motif  suffisant  pour  punir  ceux 
qui  en  sont  coupables.  Il  fait  une  récapitu- 
lation de  tout  ce  qui  se  passa  dans  l'affaire 
de  Cécilien,  et  montre  que  quand  il  y  aurait 
eu  erreur  dans  le  jugement,  ce  n'était  pas 
une  raison  aux  donatistes  de  se  séparer  de 
l'Église  catholique,  et  de  prononcer  ana- 
thème  contre  toute  la  terre,  sans  l'avoir  en- 
tendue. Il  ne  peut  croire  ce  qu'on  disait 
d'eux  :  qu'ils  enseignaient  que  le  baptême 
n'est  véritable  et  ne  peut  passer  pour  le  bap- 
tême de  Jésus-Christ,  que  lorsqu'il  est  donné 
par  un  homme  juste,  car  ce  serait  mettre 
alors  son  espérance  en  l'homme  ;  ce  qui  est 
défendu  par  les  prophètes  sous  peine  de  ma- 
lédiction, et  contredit  formellement  l'Écri- 
ture, qui  nous  assure  que  c'est  Jésus-Christ 
qui  baptise.  «Ainsi,  quel  que  soit  le  ministre  xvii'.T 
de  son  baptême,  de  quelque  péché  qu'il  ssf^""  '* 
puisse  être  chargé,  ce  n'est  pas  le  ministre 
qui  baptise,  c'est  celui  sm-  lequel  le  Saint- 
Esprit  descendit  en  forme  de  colombe,  en 
un  mot,  c'est  Jésus-Christ.  Quel  que  soit  le 
ministre  qui  baptise,  le  baptême  est  égale- 
ment bon,  parce  que  c'est  Jésus-Christ  qui 
baptise.  C'est  pour  cela  que  nous  n'avons 
point  d'horreur  des  sacrements  des  donatis- 
tes, parce  qu'ils  nous  sont  communs  avec 
eux;  et  que  ce  sont  des  institutions  qui  vien- 
nent de  Dieu,  et  non  pas  des  hommes.  Mais 
ce  qu'il  faut  leur  ôter,  c'est  l'errem-.  »  Il  prie 
Festus  de  travailler  avec  lui  à  la  conversion 
des  sujets  donatistes  qu'il  avait  dans  le  ter- 


Jéréii:., 


96 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ritoire  d'Hippone,  et  lui  en  marqua  la  ma- 
nière, en  l'avertissant  que  les  lettres  qu'il 
leur  avait  écrites  sm'  ce  sujet,  ne  les  avaient 
pas  retirés  du  schisme. 
Leitn's  43.  Le  premier  jom'  de  juin  de  l'an  408, 
Cl'  loli  (i«  les  païens  de  Calame,  au  mépris  des  lois, 
à'^r\ocl;?ire.  célébrèrent  une  de  leurs  fêtes  avec  tant  d'in- 
223''et'237.'  solence,  qu'ils  passèrent  dansant  en  tz-oupes 
dans  la  rue,  et  même  devant  la  porte  de  l'E- 
glise; ce  qu'ils  n'avaient  jamais  fait,  pas 
même  sous  le  règne  de  Julien  l'Apostat. 
Quelques  ecclésiastiques  voulurent  s'oppo- 
rer  à  une  action  si  indigne  ;  mais  les  païens 
jetèrent  des  pierres  contre  l'Église.  Environ 
huit  jours  après,  l'évêque  du  lieu  fit  de  nou- 
veau signifier  au  corps  de  la  ville  les  lois 
contre  les  idolâtres,  sm-tout  celle  du  mois  de 
novembre  de  l'an  407  ;  et  comme  on  parais- 
sait vouloir  la  mettre  en  exécution ,  l'Église 
fut  encore  attaquée  à  coups  de  pierres.  Le 
lendemain  les  chrétiens  se  présentèrent  aux 
magistrats  pour  demander  justice  :  mais  l'au- 
dience leur  fut  refusée.  Le  même  jom'  il 
tomba  un  grosse  grêle ,  qui  semblait  en- 
voyée du  ciel  pom'  les  épouvanter  :  mais 
elle  ne  fut  pas  plutôt  passée  ,  qu'ils  revin- 
rent une  troisième  fois  à  coups  de  pierres 
contre  l'Église,  et  enfin  y  mirent  le  feu.  Ils 
tuèrent  un  servitem-  de  Dieu  qu'ils  ti'ouvè- 
rent  en  chemin,  les  autres  fidèles  se  sauvè- 
rent comme  ils  purent.  L'évêque  se  cacha 
dans  un  trou,  d'où  il  entendait  les  cris  de 
ceux  qui  le  cherchaient  pour  le  tuer,  et  qui 
se  reprochaient  de  n'avoir  rien  gagné  à  faire 
tant  de  mal,  puisqu'ils  ne  l'avaient  pu  trou- 
ver. La  sédition  dura  depuis  quatre  heures 
du  soir  jusque  bien  avant  dans  la  nuit,  sans 
qu'aucun  de  ceux  qui  avaient  de  l'autorité 
sur  le  peuple ,  se  mit  en  devoir  de  l'empê- 
cher. Il  n'y  eut  qu'un  étranger  qui  tira  de 
leurs  mains  quelques  chrétiens  qu'ils  étaient 
près  de  faire  mourir,  et  qui  lem'  arracha 
beaucoup  de  choses  qu'ils  avaient  pillées 
dans  le  monastère  que  Possidius  avait  éta- 
bli à  Calame.  Saint  Augustin,  averti  de  ce 
désordie,  vint  quelque  temps  après  en  cette 
ville  pom-  consoler  les  chrétiens.  Les  païens 
souhaitèrent  de  le  voir.  Il  leur  parla  et  leur 
donna  des  avis,  non-seulement  pour  se  tirer 
de  la  peine  dont  ils  ci-aignaient  que  la  sédi- 
tion ne  fût  suivie,  mais  encore  pour  cher- 
cher le  salut  éternel.  Ils  le  prièrent  d'être 
lem-  médiatem-  :  mais  comme  ils  craignaient 
toujours  les  suites  de  cette  sédition,  il  lui 
firent   écrire  par   un  d'entre   eux,  nommé 


Nectaire,  païen  comme  eux,  quoique  son 
père  eût  été  chrétien.  C'était  un  vieillard 
vénéi-able  et  homme  de  lettres.  Il  traite 
saint  Augustin  de  frère,  lui  représente  que 
c'est  l'amour  de  la  patrie  qui  le  fait  agir,  et 
convient  que  la  ville  de  Calame  mérite  selon 
les  lois  un  châtiment  rigoureux.  «  Mais  il 
est,  ajoute-t-il,  du  devoir  d'un  évêque,  de  ne 
faire  que  du  bien  aux  hommes  :  de  n'entrer 
dans  leurs  affaires  que  pour  les  rendre  meil- 
leurs; et  d'intercéder  auprès  de  Dieu  pour 
obtenir  le  pardon  de  leurs  fautes.  »  Ce  té- 
moignage est  remarquable  dans  la  bouche 
d'un  païen.  «  Je  vous  conjure  donc,  ajoute- 
t-il,  avec  toute  la  soumission  possible,  que 
si  la  faute  de  ceux  de  Calame  ne  souffre 
pas  d'excuse,  au  moins  elle  ne  soit  pas 
punie  avec  la  dernière  rig-ueur,  et  que  l'in- 
nocent ne  soit  pas  confondu  avec  le  coupa- 
ble. Le  dommage  est  aisé  à  réparer,  pourvu 
qu'on  nous  remette  la  peine  que  nous  mé- 
ritons. » 

Saint  Augustin  loue  dans  sa  réponse  l'af- 
fection de  Nectaire  pour  sa  patrie,  et  en 
prend  occasion  de  lui  l'épréseuter  que  rien 
ne  peut  mieux  entretenir  la  société  des 
hommes ,  ni  rendre  une  viUe  plus  floris- 
sante, que  la  religion  chrétienne,  qui  en- 
seigne la  frugalité,  la  tempérance,  la  foi  con- 
jugale, et  les  bonnes  mœurs,  comme  rien 
au  contraire  n'est  plus  capable  de  détruire 
la  société  civile,  que  la  corruption  des 
mœurs,  qui  est  une  suite  nécessaire  de  l'i- 
dolâtrie. C'est  ce  qu'il  prouve  par  le  témoi- 
gnage de  ceux  d'entre  les  païens'  qui  ont 
cherché  avec  beaucoup  de  soin  ce  qui  pou- 
vait rendre  parfaites  les  républiques  de  la 
terre.  Ils  ont  cru  que  pour  former  la  jeu- 
nesse ,  il  lui  fallait  proposer  en  exemple  les 
hommes  qui  leur  ont  paru  distingués  par 
leurs  vertus,  plutôt  que  leurs  propres  dieux, 
dont  la  vie  ne  pouvait  sei'vir  qu'à  autoriser 
les  adidtères,  et  toutes  sortes  de  désordres. 
Venant  ensuite  à  la  sédition  de  Calame,  il 
convient  des  points  suivants  :  il  est  de  la 
doucem-  cpiscopale  de  tâcher  de  garantir 
les  hommes  des  derniers  supplices,  et  de 
leur  procurer  le  salut  et  le  véritable  bien, 
qui  consiste  dans  la  bonne  vie,  et  non  dans 
la  licence  de  mal  faire  ;  ils  doivent  aussi  de- 
mander à  Dieu  le  pardon  des  fautes  d'au- 
trui,  aussi  bien  que  des  leurs,  mais  ils  ne 
sauraient  l'obtenir  que  pour  ceux  qui  sont 
convertis,  et  qui  ont  changé  de  vie  ;  dans  le 
cas  présent,  il  est  nécessaire  de  pmiir  les 


[lyc  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


97 


coupables ,  pour  empêcher  les  autres  villes 
de  suivre  un  si  mauvais  exemple  ;  mais  la 
punition  qu'on  tirera  d'eux,  n'ira  pas  à  leur 
ôter  la  vie,  ni  les  moyens  de  la  soutenir, 
mais  elle  se  bornera  à  leur  retrancher  ce 
qui  leur  donnait  le  moyen  de  vivre  mal. 
Quant  aux  pertes  que  les  chrétiens  ont  souf- 
fertes, ou  ils  les  prennent  en  patience,  ou 
elles  seront  réparées  par  d'autres  clirétiens. 
«  Nous  ne  voulons,  dit  saint  Augustin,  que 
les  âmes;  c'est  là  ce  que  nous  cherchons  au 
prix  de  notre  sang-  ;  c'est  la  moisson  que 
nous  voudrions  faire  à  Calame.  » 

Nectaire  fut  près  de  huit  mois  sans  répon- 
dre à  la  lettre  de  saint  Augustin,  espérant 
apparemment  qu'après  la  mort  de  Stilicon, 
les  lois  faites  pendant  qu'il  était  en  autorité 
seraient  abolies ,  et  qu'ainsi  la  condition  des 
païens  de  Calame  deviendrait  meilleure. 
Son  espérance  fut  vaine;  l'emperem'  Ho- 
norius,  à  la  requête,  ce  semble,  des  députés 
du  concile  de  Carthage ,  publia ,  au  mois  de 
janvier  409,  une  loi  par  laquelle  il  ordon- 
nait à  tous  les  juges  de  suivre  celle  qui 
avait  été  faite  contre  les  donatistes  et  les 
autres  hérétiques,  de  même  que  celle  qui 
était  contre  les  juifs  ou  les  païens,  et  leur 
prescrivit  d'avoir  une  application  particu- 
lière à  faire  exécuter  ces  décrets.  Nectaire 
recom'ut  donc  à  saint  Augustin,  et  répondit 
au  mois  de  mars  409,  à  la  lettre  qu'il  en 
avait  reçue  longtemps  auparavant,  lui  par- 
lant néanmoins  comme  s'il  lui  eût  écrit  aus- 
sitôt après  l'avoir  reçue.  Il  donne  de  gran- 
des louanges  à  ce  saint  évêque,  avec  quel- 
que espérance  de  se  convertir,  insiste  tou- 
jours sm'  une  indulgence  générale  pour  tous 
les  coupables,  sans  aucune  distinction ,  et 
suppose  faussement  avec  (juelques  philoso- 
phes, que  tous  les  péchés  sont  égaux ,  et 
que  dès  que  les  coupables  en  demandent 
pardon,  leurs  péchés  sont  effacés. 

Saint  Augustin  reçut  cette  lettre  le  29  de 
mars  de  la  même  année  409.  Dans  la  ré- 
ponse qu'il  y  fit,  il  demande  à  Nectaire  si 
Possidius  avait  obtenu  quelque  rescrit  trop 
rigoureux,  afin  qu'il  pût  chercher  les  moyens 
d'en  empêcher  l'exécution.  Mais  il  persiste 
à  vouloir  que  les  coupables  soient  punis 
d'une  manière  qui  marque  la  douceur  de 
l'Éghse.  «  Nous  ne  prétendons  point,  dit-il, 
qu'ils  perdent  la  vie  ,  ni  qu'ils  souffrent  des 
tourments  ou  aucune  peine  corporelle  ;  nous 
ne  voulons  pas  même  les  réduire  à  une  telle 
pauvreté ,  qii'ils  manquent  du  nécessaire  ; 
IX. 


mais  seulement  lem'  ôter  les  richesses  qui 
les  mettent  en  état  de  mal  faire ,  comme 
d'avoir  des  idoles  d'argent,  qui  sont  cause 
qu'ils  mettent  le  feu  à  l'église,  qu'ils  don- 
nent au  pillage  à  la  populace  la  subsistance 
des  pauvres ,  et  répandent  le  sang  innocent. 
Est-ce  aimer  vos  concitoyens  de  vouloir  que 
par  une  impunité  pernicieuse  on  leur  laisse 
ce  qui  sert  d'aliment  à  leur  audace  et  à  leur 
fureur?  Trouvez  bon  du  moins  qu'ils  crai- 
gnent pom'  leur  superflu,  eux  qui  ne  son- 
gent qu'à  brûler  et  piller  notre  nécessaire  ; 
et  que  nous  puissions  faire  ce  bien  à  nos  en- 
nemis, de  leur  épargner  des  crimes  qui  leur 
sont  nuisibles,  par  la  crainte  de  perdre  des 
choses,  dont  la  perte  n'est  point  un  mal.  » 
n  réfute  ce  que  Nectaire  avait  dit,  que  dès 
qu'on  demande  pardon,  il  ne  faut  plus  pren- 
dre garde  à  la  qrialité  du  crime.  «  Cela  se- 
rait bon,  dit-il,  si  on  n'avait  en  vue  que  de 
punir  les  hommes,  et  non  pas  de  les  corri- 
ger ;  et  c'est  uniquement  à  quoi  songent  les 
chi-étiens.  Car,  à  Dieu  ne  plaise  !  qu'aucun 
d'entre  eux  demande  la  punition  de  per- 
sonne pour  le  seul  plaisir  de  se  venger  ;  ou 
qu'ayant  été  offensé ,  il  manque  de  pardon- 
ner dès  qu'on  lui  demandera  pardon  et, 
avant  même  qu'on  le  lui  demande.  Le  repen- 
tir, sans  doute,  obtient  le  pardon,  et  efface 
le  péché  ;  mais  le  repentir  qui  produit  cet 
effet,  est  celui  qu'inspire  la  vraie  religion, 
par  la  considération  du  jugement  que  Dieu 
doit  prononcer  contre  le  monde;  et  non 
pas  celui  qu'on  témoigne  aux  hommes  dans 
le  moment,  qui  n'est  souvent  qu'une  feinte, 
et  qui  ne  va  pas  à  purger  l'âme  de  son  pé- 
ché pour  toujours,  mais  à  éviter  le  pérU  pré- 
sent. »  n  se  moque  de  la  doctrine  des 
stoïciens  touchant  l'égalité  des  péchés,  et 
demande  à  Nectaire,  qui  semblait  l'avoir 
adoptée,  si  c'est  un  aussi  grand  crime  de 
rire  avec  excès ,  que  de  mettre  sa  patrie  à 
feu  et  à  sang ,  et  si  l'envahissement  du  bien 
d'autrui  était  un  péché  égal  à  tous  les  au- 
tres ?  On  ne  sait  point  qu'elle  issue  eut  cette 
affaire. 

44.  Nous  avons  deux  lettres  de  saint  Au-     L'élire  92 
gustin  à  une  dame  romaine  nommée  ItaU-  cndôsSl 
que,  la  même  à  qui  saint  Chrysostôme  écri-  ef/ioy'pag.' 
vit,  pour  l'engager  à  apaiser  autant  qu'il  se-   ^''^• 
rait  en  elle,  le  trouble  de  l'Église  d'Orient. 
Comme  il  n'est  rien  dit,  dans  la  première 
lettre  de  saint  Augustin,  du  siège  de  Rome 
par  Alaric,  on  en  infère  qu'elle  fut  écrite  en 
408,  avant  que  la  nouvelle  de  ce  siège  fût 


98 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


passée  en  Afrique.  Cette  dame  avait  témoi- 
gné souhaiter  par  ses  lettres,  et  par  celui  qui 
en  avait  été  le  porteur,  des  motifs  de  conso- 
lation sm-  la  mort  de  son  mari,  a  Ce  qui  doit 
vous  consoler,  lui  répond  le  saint  Doctem', 
c'est  votre  foi  et  votre  espérance,  et  surtout 
cette  charité  que  le  Saint-Esprit  répand  dans 
les  cœurs  des  fidèles.  Pouvez-vous  vous  re- 
garder comme  abandonnée,  puisque  vous 
possédez  Jésus-Christ  par  la  foi,  et  qu'il  ha- 
bite dans  votre  cœur  ?  Et  devez-vous  vous  af- 
fliger comme  les  gentils  qui  n'ont  point  d'es- 
pérance ;  ayant  une  confiance  appuyée  sur 
le  fondement  inébranlable  des  promesses  de 
Dieu,  que  de  cette  vie  nous  passerons  à  ime 
autre,  où  nous  retrouverons  ceux  qui,  en 
sortant  de  ceUe-ci,  nous  ont  devancés  plu- 
tôt qu'ils  ne  nous  ont  quittés  ;  et  où  nous 
les  aimerons  sans  aucune  crainte  de  les  per- 
dre, et  où  ils  nous  seront  d'autant  plus  chers 
qu'ils  nous  seront  plus  intimement  et  plus 
parfaitement  connus?  Lorsque  le  jour  du 
Seignem-  sera  venu ,  alors  notre  prochain 
n'am-a  plus  rien  de  voilé  pour  nous  ;  il  n'y 
aura  plus  rien  à  confier  à  nos  amis,  plus 
rien  de  caché  aux  étrangers,  parce  que  cha- 
cun ne  trouvera  là  que  des  amis,  et  plus 
d'étrangers  ;  la  lumière  qui  nous  découvrira 
alors  tout  ce  qui  est  caché  présentement, 
n'est  autre  chose  que  Dieu  même;  mais 
cette  lumière  sera  visible  seulement  pour  les 
âmes  pures  et  non  pas  aux  yeux  du  corps.  » 
Il  réfute  ceux  qui  disaient  qu'on  pouvait  voir 
Dieu  des  yeux  du  corps,  et  qui  soutenaient 
que  tous  les  saints,  après  la  résurrection,  et 
même  les  réprouvés,  verraient  la  Divinité 
des  yeux  du  corps,  a  Ils  n'en  seront,  dit- 
il,  non  plus  capables  dans  le  ciel  que  sur 
la  terre,  puisqu'ils  ne  peuvent  voir  que  ce 
qui  occupe  quelque  espace,  ce  qu'on  ne 
peut  dire  de  Dieu.  D'ailleurs,  il  est  constant, 
comme  le  dit  l'apôtre  saint  Jean,  que  nous 
ne  veiTons  Dieu  qu'autant  que  nous  serons 
semblables  à  lui;  par  conséquent,  comme 
ce  n'est  pas  par  notre  corps  que  nous  de- 
vons être  semblables  à  Dieu,  mais  par  notre 
homme  intérieur,  c'est-à-dire  par  notre  âme 
et  par  notre  esprit,  ce  n'est  que  par  là  aussi 
que  nous  verrons  Dieu.  »  Il  prouve  qu'on 
ne  pouvait  dire  des  impies  qu'ils  verront 
Dieu  après  la  résurrection;  selon  l'Évangile, 
ce  privilège  est  réservé  à  ceux  qui  ont  le 
CQjur  i)ur.  Jésus-Christ  même  n'a  pas  vu  la 
^  Jh.iih  ,v,  Divinité  des  yeux  du  corps,  car  il  n'y  a  pas 
plus  de  raisons  d'accorder  cette  prérogative 


à  un  sens  qu'à  un  autre,  à  la  vue  qu'à  l'ouïe. 
Saint  Augustin  dit  à  Italique  de  lire  sa  lettre 
à  ceux  qui  viendraient  encore  lui  débiter  de 
semblables  rêveries. 

Dans  la  seconde  lettre,  écrite  depuis  les 
ravages  qu'Alaric  avait  commencés  en  Italie, 
c'est-à-dire  sur  la  fm  de  408,  ou  au  commen- 
cement de  409,  saint  AugTistin  salue  les  en- 
fants d'Italique,  et  dit  qu'ils  pouvaient  déjà 
voir  dans  ce  qu'ils  souffraient  en  un  âge 
si  tendre,  et  dans  les  calamités  publiques 
qu'ils  avaient  devant  levu's  yeux,  combien  il 
est  pernicieux  d'aimer  le  monde.  Il  ajoute 
qu'il  ne  pouvait  accepter  la  maison  qu'on  lui 
ofirait,  celle  qu'on  demandait  en  échange, 
faisant  partie  de  l'ancien  fonds  de  l'éghse  à 
laquelle  elle  était  jointe. 

45.  On  rapporte  à  l'an  -108,  la  lettre  à  Vin- 
cent, surnommé  le  Rogatiste,  parce  qu'il 
était  devenu  comme  le  chef  du  schisme  que 
Rogat,  évêque  donatiste  de  Cartonne  \  avait 
fait  parmi  les  donatistes.  Il  fut  le  successeur 
de  Rogat  dans  le  siège  de  cette  ville,  et  con- 
nut saint  Augustin  pendant  qu'il  étudiait  à 
Carthage.  Ayant  appris  depuis  qu'il  avait 
embrassé  la  rehgion  chi'étienne,  et  qu'il  te- 
nait même  un  rang  considérable  parmi  les 
catholiques,  il  lui  écrivit  pour  se  plaindre 
de  ce  que  l'on  employait  l'autorité  des  lois 
pour  contraindre  les  donatistes  à  embrasser 
l'unité.  Il  formait  dans  sa  lettre  beaucoup 
d'autres  difficxdtés,  auxquelles  saint  Augus- 
tin répondit  fort  au  long.  Il  lui  dit  en  pre- 
mier lieu  :  Il  est  très  à  propos  de  réprimer 
les  donatistes,  aussi  inquiets  qu'ils  le  sont, 
par  l'autorité  des  puissances  étabhes  de 
Dieu  ;  on  en  a  fait  revenir  par  ce  moyen  à 
l'unité  cathohque,  plusieurs  qui  sont  très- 
reconnaissants  de  la  grâce  que  Dieu  leui-  a 
faite  de  les  avoir  retirés  de  l'errem';  il  a 
faUu  la  terreur  des  puissances  séculières 
pour  rompre  leurs  chaînes,  sans  quoi  Os  ne 
se  seraient  jamais  appliqués  à  la  considéra- 
tion de  la  vérité  ;  c'est  cette  terreui-  qui  les  a 
rendus  capables  de  recomiaître  l'Église  ré- 
pandue dans  toutes  les  nations,  selon  les 
promesses  de  l'Écriture  ;  ainsi  il  n'a  pas  dû 
empêcher  ses  collègues  de  recourir  à  l'auto- 
rité des  lois,  pom"  l'amener  les  donatistes  à 
l'unité  de  la  foi.  Le  moyen,  disaient  quel- 
ques donatistes,  de  nous  défaire  d'une  doc- 
trine cjui  est  passée  en  nous  de  père  en  fils  î 

Saint  Augustin  répond  que  parmi  ceux 

1  Aujourd'hui  Tiincs.  {L'éditeur.) 


Lellre 
à  Viuc 
le  Uo; 
liste  , 
208,  p 
230. 


[IV°  ET  V"  SIÈCLES.' 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


99 


qui  tiennent  ce  langage,  il  y  en  a  qui  savent 
gré  de  ce  qu'on  les  a  pressés  par  la  rigueur 
des  lois,  de  rompre  les  chaînes  que  la  force 
de  la  coutume  avaient  formées  en  eux, 
avouant  que  sans  cela  ils  seraient  péris  in- 
failliblement. Il  convient  qu'il  y  en  a  aussi 
sur  lesquels  on  ne  gagne  rien  par  cette  voie  : 
«  mais,  répondit-il,  faut-il  abandonner  la  mé- 
decine, parce  qu'il  y  a  des  malades  incura- 
bles ?  »  n  veut  toutefois  qu'on  mette  en  usage 
tout  ensemble  la  terreur  et  l'instruction,  afin 
que  l'une  rompe  les  chaînes  de  la  coutume, 
pendant  que  l'autre  dissipe  les  ténèbres  de 
l'erreur.  Il  appuie  ce  qu'il  dit  de  l'utilité  de  la 
Proveib.  terreur  des  lois,  sur  l'endroit  des  Proverbes 
Lucjxivi  où  nous  lisons  que  la  sévérité  de  ceux  qui 
'■  nous  aiment,  nous  est  plus  salutaire  que  les 

caresses  affectées  d'un  ennemi  ;  sur  la  para- 
bole de  l'Évangile  où  le  père  de  famiUe 
commande  à  ses  gens  de  forcer  d'entrer  au 
festin  tous  ceux  qu'ils  rencontreraient;  et 
sur  la  manière  dont  saint  Paul  embrassa  la 
vérité.  Les  donatistes  objectaient  qu'on  ne 
trouvait  point  dans  l'Évangile,  ni  dans  les 
écrits  des  apôtres,  qu'ils  aient  jamais  eu 
recours  aux  rois  de  la  terre  contre  les  enne- 
mis de  l'Église.  «  Cela  est  vrai,  dit  saint  Au- 
gustin, mais  c'est  parce  cpie  cette  prophétie  : 
Psaim.  Il,  Ecoutez,  rois  de  la  terre,  et  servez  le  Seigneur 
avec  crainte,  n'était  pas  encore  accomplie, 
c'est-à-dire  que  les  princes  n'avaient  pas 
encore  embrassé  la  religion  chrétienne.  »  Il 
dit  aux  donatistes  qu'ils  approuvaient  aussi 
bien  que  les  catholiques,  les  lois  des  empe- 
reurs contre  les  sacrifices  païens  :  «  Et  tou- 
tefois, ajoute-t-il,  eUes  portent  des  peines 
bien  plus  sévères  que  celles  qu'on  a  faites 
contre  vous,  et  dans  lesquelles  on  a  songé 
à  vous  tirer  de  l'erreur,  plutôt  qu'à  punir 
votre  crime.  »  Il  loue  ceux  du  parti  de  Vin- 
cent, c'est-à-dire,  les  rogatistes,  de  ce  que 
non-seulement  ils  n'avaient  point  de  cir- 
concellions,  comme  les  donatistes,  mais  en- 
core de  ce  qu'ils  exerçaient  moins  de  vio- 
lences. Il  semble  néanmoins  rejeter  cette 
modération  sur  l'impuissance  où  leur  petit 
nombre  et  la  crainte  des  peines ,  les  met- 
taient de  faire  le  mal.  Pom-  donner  à  Vincent 
des  preuves  que  les  donatistes  avaient  soUi- 
cité  des  lois  auprès  des  empereurs  contre  les 
schismatiques,  et  qu'il  les  avaient  fait  exé- 
cuter, il  le  fait  souvenir  de  la  violence  avec 
laquelle  ils  avaient  présenté  les  maximia- 
nistes,  et  même  ceux  du  parti  de  Rogat  ;  et 
de  la  requête  qu'ils  présentèrent  contre  les 


catholiques  à  Juhen  l'Apostat,  dans  laquelle, 
par  un  mensonge  infâme,  ils  disaient  que  ce 
prince  n'était  touché  que  de  la  justice,  et  que 
nulle  autre  chose  n'avait  pouvoir  sur  lui.  H 
lui  fait  aussi  un  précis  de  l'affaire  de  Céci- 
lien,  portée  par  les  donatistes  au  tribunal  de 
l'empereur  Constantin  ;  et  il  ajoute  :  «  Que 
Cécihen  ait  été  coupable,  ou  qu'il  ait  été  in- 
nocent, cela  n'influe  en  rien  sur  des  églises 
qui  n'avaient  aucune  part  à  ce  dont  il  était 
accusé  ;  le  crime  d'autrui,  surtout  quand  il 
est  inconnu,  ne  pouvant  souiller  personne.  » 
Saint  Augustin  rapporte  sur  cela  divers 
exemples  de  toléi-ance  dans  l'Église.  Jésus- 
Christ  a  souffert  le  traître  Judas  dans  sa 
compagnie;  les  Apôtres  ont  toléré  ceux  à 
qui  la  seule  envie  faisait  annoncer  Jésus- 
Christ  ;  saint  Cyprien  ne  ne  se  sépara  pas  de 
quelques-uns  de  ses  collègues  convaincus 
d'avarice.  «  Il  ne  faut  donc  pas.  ajouta-t-il, 
regarder  si  l'on  force,  mais  à  quoi  l'on  force  : 
c'est-à-dire  si  c'est  au  bien  ou  au  mal.  Ce 
n'est  pas  que  personne  devienne  bon  par 
force  ;  mais  la  crainte  de  ce  qu'on  ne  veut 
point  souffrir  dissipe  l'entêtement  :  elle  fait 
ouvrir  les  yeux  à  la  vérité  ;  et  en  faisant  re- 
jeter l'erreur  dont  on  était  prévenu,  et 
chercher  le  vrai  qu'on  ne  voyait  pas,  elle 
dispose  à  vouloir  ce  qu'on  ne  voulait  point.  » 
n  dit  qu'il  pourrait  rapporter  un  grand  nom- 
bre d'exemples,  non-seulement  des  particu- 
liers, mais  des  villes  entières  qui  ont  passé 
du  parti  des  donatistes  à  l'Église  catholique, 
et  qui  reconnaissent  en  être  redevables  aux 
lois  faites  contre  les  schismatiques.  «  C'est 
par  ces  exemples,  continue-t-il,  que  mes 
collègues  m'ont  fait  revenir  à  leur  sentiment. 
Car  ma  pensée  était  autrefois  qu'on  ne  devait 
forcer  personne  de  revenir  à  l'unité  de  Jésus- 
Christ,  qu'il  ne  fallait  point  employer  d'au- 
tres armes  que  les  discours  et  les  raisons, 
et  qu'autrement  ce  serait  faire  des  catholi- 
ques déguisés.  Mais  après  avoir  résisté  aux 
raisons,  je  me  suis  enfin  rendu  à  l'expé- 
rience :  on  m'a  fait  voir  celui  de  la  même 
ville  d'où  je  suis,  qui  était  autrefois  toute  do- 
natiste,  et  que  la  crainte  des  lois  des  empe- 
reurs a  fait  revenir  à  l'unité  catholique  ;  en 
sorte  qu'à  voir  de  queUe  manière  eUe  déteste 
présentement  votre  opiniâtreté,  on  ne  croi- 
rait pas  qu'elle  eût  jamais  été  dans  un  pareil 
entêtement.  On  m'en  a  cité  beaucoup  d'au- 
tres où  la  même  chose  est  arrivée,  et  cela 
m'a  fait  comprendre,  qu'on  peut  appliquer 
à  ce  qui  se  passe  entre  nous,  cette  parole  de 


100 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  ACTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Prnvcri).,  l'Écriture  :  Donnez  occasion  à  celui  qui  est 
'*'  *■  déjà  sage  de  le  devenir  encore  plus,  et  il  n'y 

manquera  pas.  Car  combien  en  connaissons- 
nous  qui  étant  convaincus  par  l'évidence  de 
la  vérité,  auraient  bien  voulu  être  catholi- 
ques, mais  qui  diiteraient  de  jour  en  jour, 
parce  qu'ils  i-edoutaient  les  violences  de  ceux 
de  leur  parti.  Qaand  le  glaive  des  puissan- 
ces temporelles  attaque  la  vérité,  il  est  pour 
les  forts  une  épreuve  glorieuse,  et  pour  les 
faibles  une  dangereuse  tentation  :  mais 
quand,  il  est  tiré  contre  l'erreur,  il  est  poui' 
ce  qu'U  y  a  de  gens  sages  parmi  ceux  qui 
y  sont  engagés,  un  avertissement  salutaire, 
et  pour  les  autres  une  tribulation  infruc- 
tueuse. » 

Saint  Augustin  prouve  ensuite  par  divers 
endi'oits  de  l'Écritui-e,  que  l'Église  doit  être 
étendue  par  toute  la  terre,  et  montre  que 
Vincent  ne  pouvait,  sans  démentir  tous  ces 
témoignages  si  authentiques  et  si  clairement 
accomplis,  soutenir  que  cette  Église  pouvait 
s'éteindre  dans  le  reste  du  monde,  et  de- 
meurer renfermée  dans  une  province,  ou 
plutôt  dans  un  coin  de  la  Mauritanie  césa- 
rienne. 

Ce  rogatiste  alléguait  pour  le  montrer,  ce 
que  dit  saint  Hilaire,  que  la  foi  était  pres- 
que entièrement  éteinte  de  son  temps  dans 
toute  l'Asie.  Il  ajoutait  encore,  comme  s'il 
eût  été  bien  informé  de  ce  qui  se  passait 
dans  le  monde,  que  ce  qu'il  y  avait  de  pays 
où  la  foi  chrétienne  était  connue,  ne  faisait 
qu'une  très-petite' partie  de  la  terre  ;  que  le 
nom  de  catholique  ne  convenait  pas  à  la  com- 
munion répandue  par  tout  le  monde,  mais 
à  celle  qui  avait  tous  les  sacrements,  et  qui 
observait  tous  les  préceptes  de  Jésus-Chi-ist, 
telle  qu'était,  disait-il,  celle  des  rogatistes. 
Il  alléguait  aussi  l'autorité  de  saint  Cyprien 
et  d'Agrippin  son  prédécesseur,  pour  mon- 
trer que  le  baptême  donné  hors  de  l'Église 
est  nul.  Il  demandait  pom-quoi  les  catho- 
liques recherchaient  avec  tant  d'empresse- 
ment ceux  du  parti  de  Donat,  s'ils  étaient 
méchants  et  hérétiques. 

Saint  Augustin  répond  que  saint  Hilaire 
dans  l'endroit  objecté,  qui  est  tiré  du  Livre 
des  Synodes,  ne  parlait  que  du  mauvais 
grain  mêlé  paimi  le  bon  dans  les  dix  pro- 
vinces de  l'Asie,  c'est-à-dire  de  beaucoup  de 
petits  esprits ,  qui,  trompés  par  des  expres- 
sions obscures,  s'étaient  laissé  persuader 
que  la  foi  des  ariens  n'était  point  différente 
de  la  lem-;  ou  qui  ne  marchant  pas  di'oit  se- 


lon la  vérité  de  l'Évangile,  avaient  fait  sem- 
blant d'approuver  la  doctrine  des  ariens, 
quoi  qu'ils  en  connussent  le  venin.  «  C'est  à 
ce  mauvais  grain  de  ces  dix  provinces  d'Asie, 
dit  ce  Père,  que  s'adresse  la  correction  d'Hi- 
laire,  ou  peut-être  même  au  bon  grain  qui 
était  en  danger  de  se  corrompre ,  et  que  ce 
saiut  homme  ne  pouvait  voir  dans  ce  danger, 
sans  l'en  avertir  d'une  manière  d'autant  plus 
salutaire  ,  qu'elle  était  plus  forte.  C'est  ainsi 
qu'en  usent  les  autem-s  mêmes  canoniques  : 
quand  il  s'agit  de  reprendre,  nous  voyons 
qu'ils  parlent  comme  si  leur  discours  s'a- 
dressait à  tout  le  monde,  quoiqu'il  ne  re- 
garde que  quelques  particuliers.  »  C'est  ce 
que  saint  Augustin  fait  voir  par  plusieurs 
passages  de  l'Écriture.  Il  ajoute,  qu'il  y  a 
une  grande  différence  entre  l'autorité  des 
livi-es  canoniques,  et  celle  des  éci-ivains  ec- 
clésiastiques ;  qu'il  ne  faut  pas  croire  que 
ce  qu'on  en  lit  ou  qu'on  en  cite,  nous  doive 
tenir  lieu  de  loi,  et  qu'il  ne  soit  pas  permis 
d'être  d'un  sentiment  contraire  sm*  des 
choses  où  ils  pomTaient  en  avoir  eu  de  con- 
traires à  la  vérité.  Et  comme  Vincent  lui 
avait  aUégué  l'autorité  de  saint  Cyprien  : 
«  Que  ne  le  suivez-vous,  lui  répondit-il,  et 
en  ce  qu'il  a  fait  voir  qu'il  n'y  a  rien  de  plus 
vain  que  de  craindre  d'être  souillé  des  pé- 
chés d'auti'ui;  et  en  ce  qu'il  n'a  voulu  ni 
condamner  ni  priver  de  sa  communion  les 
évêques  qui  ne  se  trouvaient  point  de  son 
sentiment.  Mais  que  saint  Cyprien  ait  eu  sur 
la  matière  du  baptême  des  sentiments  con- 
traires à  ce  qui  est  enseigné  et  pratiqué  dans 
l'Église,  c'est  ce  que  nous  voyons  seulement 
dans  ses  écrits,  et  dans  les  actes  d'un  con- 
cile :  et  quoicpi'on  ne  trouve  point  qu'il  ait 
changé  de  sentiment,  il  est  ci'oyable  qu'il 
est  revenu  de  cette  erreur.  »  Saint  Augus- 
tin remarque  que  quelques-uns  soutenaient 
même  qu'il  ne  l'avait  jamais  enseignée  ; 
mais  deux  raisons  l'empêchent  d'embrasser 
cette  opinion  :  la  première,  que  les  endroits 
des  liwes  de  saint  Cyprien  que  l'on  cite  pour 
la  rebaptisation  sont  si  visiblement  de  son 
style,  qu'on  ne  les  saurait  méconnaître.  La 
seconde,  que  la  cause  des  catholiques  en 
est  d'autant  plus  invincible  contre  les  dona- 
tistes,  qu'ils  n'avaient  d'autres  prétextes  de 
séparation  que  la  crainte  d'être  souillés  par 
les  péchés  des  autres.  Car  il  paraît,  par  les 
livi-es  de  saint  Cyprien,  que  l'on  demeiu-ait 
uni  avec  les  pécheurs  dans  la  participation 
des  mêmes  sacrements.  Sur  quoi  le  saint 


[iV'  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


101 


évêque  d'Hippone  fait  ce  raisonnement  : 
((  Ou  saint  Cyprien  n'a  point  cru  ce  que 
vous  prétendez,  ou  les  règles  de  la  vérité 
l'en  ont  fait  revenir;  ou  cette  petite  tache 
d'un  cœur  d'ailleurs  si  pur  et  si  saint,  c'est- 
à-dire  son  erreur  sur  la  rebaptisation,  a  été 
couverte  par  l'abondance  de  cette  charité 
qui  lui  a  fait  maintenir  juqu'à  la  fin  le  lien 
de  la  paix,  et  soutenir  fortement  l'unité  de 
l'Église.  »  Il  rapporte  un  passage  de  ce 
Père  ',  pour  montrer  aux  donatistes  com- 
bien ils  étaient  inexcusables  de  vouloir,  sous 
prétexte  de  leur  propre  justice,  se  séparer 
de  l'unité  de  l'Égiise,  que  Dieu  selon  la  cer- 
titude immuable  de  ses  promesses  nous  fait 
voir  aujourd'hui  répandue  par  toute  la  terre. 
Il  résultait  de  ce  passage,  que  les  méchants 
étaient  mêlés  parmi  les  bons  :  et  c'est  ce 
que  saint  Augustin  fait  voir  encore  par  l'au- 
torité de  Tichoiius,  quoique  donatiste. 

Quant  à  l'objection  faite  par  Vincent  que 
les  catholiques  faisaient  rechercher  les  do- 
natistes avec  empressement  :  «  La  réponse 
est  bien  courte  et  bien  aisée,  dit  saint  Au- 
gustin. Nous  vous  recherchons,  parce  que 
vous  périssez,  et  que  nous  voudrions  pou- 
voir nous  réjouir  de  votre  retour,  au  lieu  de 
nous  attrister  de  votre  perte.  Si  nous  vous 
traitons  d'hérétiques,  c'est  pendant  que  vous 
refusez  de  revenir  à  l'unité  cathohque,  et 
que  vous  êtes  encore  engagés  dans  l'erreur. 
Mais  dès  que  vous  rentrez  parmi  nous,  vous 
cessez  d'être  ce  que  vous  étiez.  Baptisez- 
moi  donc ,  dites-vous.  Je  le  ferais  si  vous 
n'étiez  pas  déjà  baptisés  ;  ce  n'est  pas  le  sa- 
crement de  Jésus-Christ  qui  vous  manque, 
et  ce  n'est  point  par  là  que  vous  êtes  héré- 
tiques, mais  par  la  malice  de  votre  sépara- 
tion. Tous  les  sacrements  de  Jésus-Christ, 
viennent  de  l'Éghse  catholique  :  vous  ne 
les  donnez  et  vous  ne  les  avez  que  comme 
vous  les  y  avez  reçus  avant  d'en  sortir  ;  et 
quoique  vous  en  soyez  sortis,  vous  ne  lais- 
sez pas  d'avoir  encore  ce  qui  en  vient.  Vous 
dites  que  saint  Paul  a  rebaptisé  après  saint 
Jean.  Mais  est-ce  avoir  rebaptisé  après  un 
hérétique  ?  Si  saint  Paul  a  rebaptisé  quel- 
ques-uns de  ceux  qui  l'avaient  été  par  saint 
Jean,  c'est  qu'ils  n'avaient  pas  le  baptême 
de  Jésus-Christ,  mais  seulement  celui  de 
Jean.  » 

Vincent  avait  dit  dans  sa  lettre  qu'il  avait 
appris  de  plusieurs  que  saint  Augustin  s'é- 

'  Epist.  Ad  Àncon, 


tait  converti  à  la  foi  chrétienne.  Ce  Père 
tire  avantage  de  cet  aveu,  et  lui  dit  :  «  Si 
vous  avouez  que  je  me  suis  converti  à  la  foi 
chrétienne,  moi,  qui  ne  suis  ni  donatiste  ni 
rogatiste,  dès  là  vous  avouez  et  vous  déci- 
dez qu'il  y  a  une  foi  chrétienne,  hors  de  la 
communion  des  uns  et  des  autres.  C'est  cette 
même  foi  que  nous  voudrions  vous  obliger 
de  reconnaître  avec  nous  dans  toutes  les  na- 
tions où  elle  est  répandue  ,  et  qui  toutes  ont 
été  bénies  dans  la  race  d'Abraham ,  sui- 
vant les  promesses  faites  à  ce  saint  patriar- 
che, n 

46.  Possidius,  évêque  de  Calame,  ayant  été 
obligé  d'aller  à  la  cour  sur  la  fin  de  l'an  408 
ou  au  commencement  de  409,  saint  Augus- 
tin le  chargea  d'une  lettre  pour  saint  Paulin  ; 
il  y  répondait  à  la  lettre  qu'il  en  avait  reçue, 
et  dans  laquelle  saint  Paulin  lui  avait  pro- 
posé ses  pensées  sur  l'occupation  des  bien- 
heureiLX  après  la  résurrection.  Il  y  avait  dit 
aussi  à  saint  Augustin ,  qu'au  lieu  de  cher- 
cher comment  nous  serons  dans  le  ciel ,  il 
valait  mieux  s'instruire  de  la  manière  dont 
nous  devons  vivre  sur  la  terre.  Saint  Augus- 
tin s'arrêtant  à  ces  deux  considérations  com- 
mence par  diverses  réflexions  sur  la  vie  pré- 
sente, «  qui  doit,  dit-il,  être  réglée  de  telle 
soi'te  qu'elle  nous  prépare  à  la  vie  immor- 
telle. »  Il  expose  l'embarras  où  nous  nous 
trouvons  ordinairement  lorsqu'il  s'agit  de 
décider  comment  nous  devons  nous  conduire 
envers  ceux  avec  qui  nous  avons  à  vivre. 
«  n  y  a,  dit-il,  beaucoup  à  craindre  qu'ayant 
pour  eux  des  complaisances  jusque  dans 
leurs  défauts,  nous  ne  contractions  par  là, 
une  poussière  et  une  boue,  qui,  en  appesan- 
tissant notre  âme ,  l'empêche  de  s'élever  à 
Dieu,  et  de  mourir  de  la  mort  évangélique, 
qui  conduit  à  la  vie  de  l'Évangile.  Et  il  y  a 
même  beaucoup  de  danger  pour  ceux  qui 
font  quelques  progrès  dans  la  vertu,  à  cause 
de  la  vanité  à  laquelle  on  se  trouve  exposé 
lorsque  l'on  entend  au  dedans  de  soi-même 
une  voix  qui  nous  crie  :  Courage,  courage.  Le 
danger  de  ceux  qui  gouvernent  les  autres 
n'est  pas  moins  considérable,  par  la  diffi- 
culté qu'il  y  a  de  savoir  quelle  mesure  on 
doit  garder  dans  les  châtiments ,  non-seule- 
ment par  rapport  à  la  quantité  et  à  la  qua- 
lité des  fautes ,  mais  aussi  par  rapport  à  la 
force  et  à  la  disposition  des  esprits  ;  ce  qui 
augmente  encore  le  danger  c'est  de  savoir 
ce  que  chacun  est  en  disposition  d'accepter 
ou  de  refuser,  afin  que  les  peines  que  l'on 


Lettre  94 
Ile  S.  Pau- 
lin, et  95  à 
S.  Paulin  , 
un  ïi08  ou 
••OO  ,  pag. 
2ô0. 


102 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ordonne  profitent  au  lieu  de  nuire.  Quel 
chagrin  pour  un  pasteur  lorsqu'il  se  trouve 
que  s'il  punit  le  coupable,  il  le  fait  périr;  et 
que  s'il  ne  le  punit  point ,  il  en  fait  périr 
d'autres?  Que  d'incertitudes  et  de  sujets  de 
crainte  dans  l'explication  des  divines  Écri- 
tures ?  N'y  a-t-il  pas  un  très-grand  nombre 
de  textes  qui  scandaliseraient  les  faibles, 
s'ils  étaient  expliqués  à  la  lettre  par  un 
homme  même  spirituel,  et  sur  lesquels  il 
serait  aussi  dangereux  de  dire  ce  que  l'on 
pense,  qu'il  est  dur  de  ne  le  pas  dire,  et 
très-pernicieux  de  dire  le  contraire?  Quel 
danger  de  s'expliquer  sur  ce  que  l'on  n'ap- 
prouve pas  dans  les  écints ,  ou  dans  les  dis- 
cours de  ses  frères  et  de  ses  amis  ?  Ne  dit- 
on  pas  que  c'est  l'envie  plutôt  que  l'amitié 
qui  nous  fait  parler?  N'est-ce  pas  de  là  que 
naissent  les  inimitiés  irréconciliables  entre 
les  personnes  qui  vivaient  auparavant  dans 
une  parfaite  intelligence?  N'arrive-t-U  pas 
que  chacun  prenant  parti  pour  quelqu'un 
de  ceux  qui  sont  en  contestation,  on  se  dé- 
vore l'un  l'autre,  et  on  se  met  en  péril  de  se 
perdre  mutuellement  ?  » 

Après  avoir  exposé  les  dangers  que  l'on 
court  dans  le  monde,  saint  Augustin  prescrit 
le  genre  de  vie  que  l'on  doit  y  mener,  afin 
d'acquérir  la  vie  éternelle.  «  Je  sais ,  dit-il , 
qu'il  faut  réprimer  les  désirs  de  la  chair ,  et 
ne  nous  accorder  de  tout  ce  qui  peut  plaire 
à  nos  sens  que  ce  qui  est  nécessaire  pour 
entretenir  la  vie  naturelle.  Je  sais  qu'il  faut 
supporter  courageusement  et  avec  patience, 
pour  la  gloire  de  Dieu,  pour  le  salut  du  pro-: 
chain  et  notre  propre  sanctification,  toutes 
les  afflictions  temporelles  qui  peuvent  nous 
arriver.  Je  sais  que  la  charité  que  nous  de- 
vons à  notre  prochain  nous  oblige  à  contri- 
buer de  tous  nos  soins,  pour  le  porter  à 
vivre  maintenant  d'une  manière  qui  le  con- 
duise à  la  vie  éternelle.  Je  sais  que  nous  de- 
vons préférer  les  biens  de  l'âme  à  ceux  du 
corps,  et  ceux  qui  doivent  toujours  durer  à 
ceux  qui  sont  périssables.  Enfin,  je  sais  que 
tout  ce  que  je  viens  de  dire  est  plus  ou  moins 
possible  à  l'homme  ,  selon  qu'il  est  plus  ou 
moins  assisté  de  la  grâce  de  Dieu  par  Jésus- 
Cluist  Notre-Seigneur.  Mais  pourquoi  celui- 
là  est-il  assisté  de  cette  sorte,  et  celui-ci  l'est- 
il  d'une  autre  ?  C'est  ce  que  je  ne  sais  point. 
Mais  je  sais  que  Dieu  ne  fait  rien  eu  cela, 
que  par  une  très-grande  justice  qui  n'est 
connue  qu'à  lui  seul.  « 

Il  prie  saint  Paulin  de  lui  communiquer  les 


maximes  qu'il  pouvait  avoir  sui'  la  manière 
dont  on  doit  se  conduire  avec  les  hommes, 
dans  les  occasions  et  les  difficultés  qu'il  ve- 
nait de  marquer,  et  de  conférer  sur  cela 
avec  quelque  homme  de  Dieu,  soit  de  Noie, 
soit  de  Rome.  Il  traite  ensuite  de  l'état  des 
corps  après  la  résurrection  :  «  Ce  qu'il  y  a 
de  certain,  dit-il,  c'est  qu'ils  ne  seront  plus 
sujets  à  la  corruption,  et  n'auront  plus  be- 
soin des  aliments  corruptibles  dont  nous 
usons  présentement  ;  ils  pourront  toutefois 
en  prendre  et  les  consumer,  »  ce  qu'il  prouve 
par  l'exemple  de  Jésus-Christ  après  sa  résur- 
rection. Il  ne  veut  pas  décider  si  les  anges 
ont  des  corps  ou  si  ce  sont  de  purs  esprits  ; 
mais  il  ne  doute  pas  que  dans  la  cité  céleste 
les  hommes  que  la  grâce  de  Jésus-Christ 
aura  tirés  de  la  corruption  du  monde,  ne 
soient  mêlés  parmi  les  anges.  Là,  les  pen- 
sées se  feront  connaître  par  des  voix  per- 
ceptibles aux  sens  corporels,  et  tous  les 
bienheureux  connaîtront  réciproquement 
les  secrets  de  leurs  cœurs.  Tous  les  saints, 
intimement  unis  de  cœur  et  d'esprit,  chan- 
teront les  louanges  de  Dieu  dans  un  parfait 
concert  qui  unira  les  voix  de  leurs  corps , 
devenus  spirituels ,  aussi  bien  que  les  senti- 
ments de  leurs  cœurs. 

47.  Paul,  évêque  de  Cataqua  dans  la  Nu- 
midie,  avait  acheté,  d'un  argent  qui  appar- 
tenait au  fisc,  quelques  terres  et  en  avait 
joui  sous  le  nom  de  son  Égiise,  sans  même 
payer  les  droits  annuels  que  ces  terres  de- 
vaient à  l'épargne.  Boniface,  son  successeur, 
ne  voulant  pas  profiter  de  cette  fraude,  dé- 
clara comment  la  chose  s'était  passée,  et  de- 
manda à  l'Empereur  comme  une  grâce  la 
jouissance  des  mêmes  terres,  aimant  mieux 
les  tenir  de  la  fibéralité  de  ce  prince,  que 
de  l'injustice  secrète  de  son  prédécesseur.  Il 
obtint,  ce  semble,  quelque  rescrit  de  l'Em- 
perem'  sur  ce  sujet;  mais  l'affaire  ayant  ap- 
paremment été  l'envoyée  à  Olympius,  maître 
des  Offices  et  premier  ministre  de  la  coiu% 
depuis  la  mort  de  Stilicon,  arrivée  le  13 
août  408,  saint  Augustin  lui  écrivit  pour  le 
prier  d'obtenir  à  Boniface  la  grâce  qu'il  de- 
mandait, ou  bien  de  demander  ces  teri'es 
pour  lui-même,  et  de  les  domier  ensuite  à 
à  l'Église  de  Cataqua.  Il  dit  dans  cette  lettre 
qu'une  fraude  faite  au  trésor  public  n'est 
pas  moins  fraude  que  si  elle  était  faite  à  un 
particulier.  Il  y  dit  encore  qu'il  vaut  mieux 
que  ceux  qui  servent  Dieu  vivent  dans  la 
pauvreté  que  de  jouir  des  biens  donnés  à 


letti 
96  et  y 
Oljinpiu 
en  dOS,  [i,- 
260. 


[iv=  ET  v=  siÈcxEs.]  SAINT  AUGUSTIN, 

l'Église,  lorsqu'ils  savent  que  l'acquisition 
n'en  a  pas  été  légitime. 

Saint  Augustin  écrivit  la  même  année  -408, 
au  même  Olympius  pour  l'exhorter  à  main- 
tenir la  vigueur  des  lois  publiées  en  Afrique 
contre  les  hérétiques  et  les  païens  du  vivant 
de  Stilicon;  et  à  faire  entendre  aux  en- 
nemis de  l'Église  que  ces  lois,  ayant  été 
faites  du  propre  mouvement  de  l'Empereur, 
devaient  subsister  dans  toute  lem-  force. 
«  Nous  avons  déjà  la  joie,  lui  dit-il,  de  voir 
que,  par  le  moyen  de  ces  mêmes  lois,  un 
grand  nombre  de  ceux  pour  le  salut  éternel 
desquels  nous  exposons  notre  vie  tempo- 
relle ,  sont  revenus  et  solidement  établis  dans 
la  foi,  dans  la  paix  et  l'unité  catholique.  » 
Leiue  9s  i8.  On  croit  que  c'est  au  même  Boniface 
'n^i'i'is.pag;  <ïue  s'adresse  la  lettre  suivante.  Boniface 
'*'^-  avait  poposé,  par  écrit,  deux  questions  à 

saint  Augustin  :  la  première  était  de  savoir 
si  les  pères  et  mères  peuvent  nuire  à  leurs 
enfants  lorsqu'ils  emploient  des  remèdes  su- 
perstitieux et  des  sacrifices  profanes  pour 
leur  guérison.  La  raison  qu'il  avait  d'en  dou- 
ter était  qu'il  ne  voyait  pas  pom-quoi  la  foi 
des  parents  servait  à  leurs  enfants  lorsqu'ils 
les  présentaient  au  baptême,  si  leur  infidé- 
lité ne  pouvait  leur  nuire.  La  seconde  ques- 
tion consistait  à  savoir  comment  les  pères 
et  mères,  en  présentant  leurs  enfants  au 
baptême,  pouvaient  répondre  pour  eux  à 
toutes  les  interrogations  qu'on  lem"  fait  or- 
dinairement. Cette  question  lui  paraissait 
difficile,  à  cause  de  l'aversion  qu'il  avait 
pour  le  mensonge.  11  prie  saint  Augustin  de 
lui  répondre  en  peu  de  paroles,  en  se  ser- 
vant de  raisons  et  de  preuves,  et  non  pas 
d'usage  ni  d'autorité. 

Voici  ce  que  l'Évêque  d'Hippone  répond  à 
la  première  question  de  Boniface  :  «  La  ver- 
tu du  baptême  est  si  grande  cpae,  dès  qu'un 
enfant  a  été  régénéré,  il  ne  peut  plus  con- 
tracter aucun  péché  par  la  volonté  d'autrui, 
si  la  sienne  n'y  donne  son  consentement; 
aussi  l'àme  d'un  enfant  baptisé  ne  pèche 
point  lorsque  ses  parents  ou  quelqu'autre  per- 
sonne que  ce  puisse  être,  lui  appliquent  des 
remèdes  sacrilèges,  et  s'efforcent  de  le  gué- 
rir par  l'invocation  des  démons.  D.  n'en  est 
pas  de  même  du  péché  que  nous  avons  tiré 
d'Adam  :  nous  y  avons  participé,  parce  que 
nous  n'étions  qu'un  avec  lui  dans  le  temps 
qu'il  a  commis  ce  péché  que  nous  tenons  de 
lui.  Si  nous  sommes  régénérés  par  le  se- 
cours d'une  volonté  étrangère,  cela  se  fait 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  io3 

par  l'opération  du  seul  esprit  qui  est  le  prin- 
cipe de  notre  régénération,  et  nullement  par 
la  volonté  des  parents  ou  par  la  foi  des  pa- 
rents ou  des  ministres.  Car  il  n'est  pas  dit 
qu'on  doive  être  régénéré  par  leur  volonté, 
mais  par  l'eau  et  le  Saint-Esprit.  L'eau  re- 
présente extérieurement  le  mystère  et  la 
grâce  ;  et  le  Saint-Esprit  en  produit  l'effet 
intérieur,  en  brisant  les  hens  du  péché,  et 
en  réconciliant  cà  Dieu  ceux  qui  ne  tirent 
leur  origine  que  du  seul  Adam.  Cela  n'em- 
pêche pas  qu'n  ne  soit  vrai  de  dire  que  la 
volonté  des  parrains  est  utile  à  l'enfant 
qu'ils  présentent  au  baptême ,  parce  qu'ils 
agissent  par  le  même  esprit  qui  agit  dans 
cet  enfant.  Il  est  vrai  encore  que  ceux  qui, 
par  des  superstitions  sacrilèges  tâchent 
d'engager  au  démon  les  enfants  des  autres 
ou  les  leurs  propres,  en  sont  les  meurtriers, 
parce  qu'il  ne  tient  pas  à  eux  que  la  vie  ne 
leur  soit  ôtée.  »  Saint  Augustin  se  sert  de 
cette  distinction  pour  exphquér  quelques 
endroits  de  saint  Cyprien.  Il  montre  ensuite 
que  le  baptême  ne  laisse  pas  de  pi'oduire 
son  effet  dans  un  enfant  qui  est  présenté  à 
ce  sacrement  par  des  personnes  qui  n'ont 
aucune  intention  de  le  faire  régénérer. 
«  C'est  par  toute  la  société  des  saints,  dit-il, 
et  des  fidèles  que  les  enfants  sont  présentés 
pour  être  faits  participants  de  la  grâce  spi- 
rituelle du  baptême,  plutôt  que  par  ceux 
qui  les  portent  entre  lems  bras,  quoiqu'ils 
le  soient  aussi  par  ceux-là  mêmes,  lorsque 
ce  sont  de  véritables  fidèles,  car  il  faut  com- 
prendi-e  qu'ils  sont  présentés  par  tous  ceux 
qui  aiment  et  qui  désirent  cette  présenta- 
tion, et  dont  la  charité,  qui  est  la  même  en 
tous,  concourt  à  lem-  procurer  le  don  du 
Saint-Esprit.  Toute  l'Église  que  compose  la 
multitude  des  saints  agit  donc  en  cela, 
puisque  c'est  toute  l'Éghse  qui  engendre  à 
Jésus-Christ,  non-seulement  la  société  en- 
tière des  fidèles,  mais  aussi  chaque  fidèle 
en  particuher.  »  Le  saint  Docteur  se  sert  de 
cette  raison  pour  montrer  que  le  baptême 
donné  par  les  hérétiques  est  bon,  parce  que 
c'est  toujours  le  baptême  de  Jésus-Christ. 

A  l'égard  de  la  seconde  question,  il  fait 
voir  qu'il  n'y  a  point  de  mensonge  dans  les 
réponses  que  les  parrains  font  pour  l'enfant; 
ce  qu'il  prouve  d'abord  par  cette  compa- 
raison :  «  Aux  approches  de  la  fête  de  Pâ- 
ques ne  disons-nous  pas  :  Ce  sera  demain, 
ou  dans  deux  jours,  la  Passion  de  Jésus- 
Christ  ,  quoiqu'il  ait  souffert  il  y  a  tant  d'an- 


104 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


nées ,  et  qu'il  n'ait  souffert  qu'une  fois  ?  Ne 
disons-nous  pas  le  jour  de  Pâques  :  C'est  au- 
jourd'hui que   Jésus-Christ   est  ressuscité , 
quoiqu'il  y  ait  si  longtemps  qu'il  le  soit?  Il 
n'y  a  personne  néanmoins  qui  nous  accuse 
de   mensonge   quand   nous    parlons   ainsi , 
parce  que  ces  jours -là  nous  représentent 
ceux  où  les  choses  dont  nous  parlons  sont 
arrivées.  »  Il  rapporte  encore  poui'  exemple 
celui  que  fomniit  l'Eucharistie  :  «  Comme  le 
sacrement  du  corps  de  Jésus-Christ,  dit-il, 
est  son  corps  en  quelque  manière  \  et  comme 
le  sacrement  de  son  sang  est  son  sang  :  de 
même  le  saci'ement  de  la  foi  est  la  foi.  Or, 
c'est  croire  que  d'avoir  la  foi  ;  ainsi,  quand 
•on  dit  qu'un  enfant  qu'on  présente  au  bap- 
tême croit  et  se  convertit  à  Dieu,  quoiqu'il 
n'ait  pas  encore  le  sentiment  de  la  foi,  on 
ne  veut  dire  autre  chose,  sinon  qu'il  a  le  sa- 
crement de  la  foi  et  de  la  conversion  à  Dieu, 
et  on  ne  le  dit  que  parce  qu'il  est  de  la  célé- 
bration même  du  sacrement  de  le  dire,  en 
répondant  au  ministre  qui  le  confère.  Ainsi, 
quoique  l'enfant  qu'on  baptise  ne  soit  pas 
fidèle  de  cette  sorte  de  foi  qui  consiste  dans 
un  mouvement  de  la  volonté  de  celui  qui 
croit,  il  l'est  par  le  sacrement  de  la  foi. 
Aussi  ne  répond -on  pas  seulement   qu'il 
croit,  on  dit  même  qu'il  est  fidèle,  non  pour 
avoir  aquiescé  à  la  foi  par  un  mouvement  de 
son  esprit,  mais  pour  en  avoir  reçu  le  sacre- 
ment. » 
Lettre  100       49.  La  loi  qu'Honorius  publia  contre  les 
VoTOmui'   donatistes  et  les  Juifs  fut  adressée  en  parti- 
ïérr'''"'an  culier  à  Donat,  proconsul  d'Afrique.  Saint 
MO,   pag.    Augustin  en  ayant  eu  nouvelle,  écrivit  aus- 
sitôt à  Donat  pour  le  prier  de  faire  savoir  aux 
donatistes,  par  son  édit ,  que  les  lois  faites 
par  les  empereurs  contre  leur  schisme  sub- 
sistaient dans   toute  leur  force,  quoiqu'ils 
publiassent  qu'elles  étaient  abohes.  Mais  il 
le  conjure  en  même  temps  de  leur  épargner 
la  vie,  quelques  plaintes  qu'il  reçût  contre 
eux  au  sujet  des  violences  qu'ils  faisaient 
contre  l'Église.   «  Car  outre,  lui  dit-il,  que 
nous  ne  devons  jamais  cesser  de  travailler  à 
vaincre  le  mal  à  force  de  bien,  remarquez 
qu'il  n'y  a  que  les  ecclésiastiques  qui  pren- 
nent soin  de  porter  devant  vous  les  affaires 
de  l'Église.  De  sorte  que  si  vous  punissez  de 
mort  les  coupables,  vous  nous  ôterez  la  li- 
berté de  nous  plaindre;  et  dès  qu'ils  s'en 


269, 


apercevront,  ils  s'en  déchaîneront  plus  har- 
diment contre  nous ,  nous  voyant  réduits  à 
la  nécessité  de  nous  laisser  ôter  la  vie  plu- 
tôt que  de  les  exposer  à  la  perdre  par  vos 
jugements.  Du  reste,  vous  nous  soulageriez 
fort  dans  les  peines  auxquelles  nous  som- 
mes exposés,  si  en  réprimant  par  les  lois 
cette  orgueilleuse  secte ,  vous  tâchiez  d'ôter 
à  ceux  qu'on  punit  tout  prétexte  de  se  flatter 
que  c'est  pour  la  vérité  et  pour  la  justice 
qu'ils  souffrent  persécution.  »  Il  ajoute  : 
«  Quelque  grand  que  soit  le  mal  qu'on  veut 
faire  quitter  et  le  bien  qu'on  veut  faire  em- 
brasser, c'est  un  travail  plus  importun  que 
profitable,  de  n'y  réduire  les  hommes  que 
par  la  force ,  au  heu  de  les  gagner  par 
l'instruction.  »  Cette  lettre  est  de  la  fin  de 
408  ou  du  commencement  de  409. 

50.  Vers  le  même  temps  l'évêque  Mémor, 
père  de  Julien  qui  se  rendit  depuis  si  fameux 
parmi  les  pélagiens,  écrivit  à  saint  Augustin 
une  lettre  pleine  de  témoignages  d'amitié  et 
d'estime,  pour  lui  demander  ses  six  livres  & 
la  Musique.  Accablé  de  quantité  d'affaires, 
saint  Augustin  ne  se  trouva  pas  assez  de  loi- 
sir pour  les  revoir  avant  de  les  envoyer. 
Ainsi  il  se  contenta  de  lui  envoyer  le  sixième 
livre,  dont  il  chai'gea  Possidius,  qui  allait  au 
lieu  où  Mémor  demeurait.  Celui-ci  avait  en- 
core prié  le  saint  évêque  de  lui  dire  qu'elle 
était  la  mesure  des  vers  de  David  :  saint 
Augustin  lui  avoue  ingénuement  qu'il  n'en 
savait  rien,  parce  qu'il  n'avait  pas  appris 
l'hébreu  ;  mais  qu'au  rapport  de  ceux  qui 
étaient  instruits  dans  cette  langue,  il  y  avait 
quelques  mesures  dans  les  Psaumes. 

51.  Il  parle  dans   son  second  livre  des 


LclIrolO 
à  iMOmor 
vers  l'<i 
109 ,  pas 
270 


Lettre  10 

Rétractations,  de  celui  qu'il  avait  composé  à   nc^ogratia! 

vers  l'a 
(lOS,  pas 
275. 


la  prière  d'un  prêtre  nommé  Déogratias,  le 
même,  comme  l'on  croit,  à  qui  il  adressa  un 
traité  intitulé  :  Catéchisme  ou  manière  de  ca- 
téchiser les  ignorants.  Dans  ce  livre  il  ré- 
pondait à  six  questions  que  Déogratias  lui 
avait  envoyées  de  Carthage.  Il  remarque  que 
sur  la  seconde,  il  avait  dit  que  la  religion 
chrétienne,  qui  seule  peut  procurer  le  salut, 
n'a  jamais  manqué  à  aucun  de  ceux  qui  en 
ont  été  dignes  :  «  Mais  je  n'ai  pas  voulu  dire 
par-là,  ajoute-t-il,  que  personne  en  ait  été 
digne  par  ses  propres  mérites  ;  je  l'ai  dit 
dans  le  sens  de  ces  mots  de  l'Apôtre  :  Ce 
n'est  pas  en  considération  des  œuvres,  mais  de 


•  C'est  comme  s'il   disait,  le  signe  visible  du 
corps  de  Jésus-Christ  est  en  quelque  manière  le 


corps  de  J.-C.  parce  que  les  figures  prennent  le 
nom  des  choses  figurées. 


[iv"  ET  V  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


105 


la  vocation  de  Dieu,  qu'il  a  été  dit,  que  le  pre- 
mier né  serait  assujetti  au  puîné  :  c'est-à-dire, 
de  cette  sorte  de  vocation,  qui  est  selon  le 
décret  de  Dieu,  et  dont  le  même  apôtre 
Tiinjih.  parle,  qaiand  il  dit,  que  nous  n'avons  pas  été 
appelés  selon  nos  œuvres,  mais  selon  le  décret 
de  la  volonté  et  de  la  grâce  de  Dieu.  Le  prêtre 
qui  proposa  à  saint  Augustin  les  sis  questions 
expliquées  dans  ce  livre,  était  son  ami,  et 
assez  habile  homme  pour  les  résoudre  lui- 
même  ;  mais  il  aima  mieux  en  demander  la 
solution  à  ce  saint  évêque.  La  première  est 
touchant  la  résurrection.  Il  y  en  avait  qui  se 
préocuppaient  de  savoir,  et  qui  demandaient 
quelle  était  la  résurrection  cpii  nous  est  pro- 
mise ;  si  elle  doit  être  comme  celle  de  Jésus- 
Christ,  ou  comme  celle  de  Lazare.  Saint 
Augustin  répond  :  «  Notre  résurection  aura 
rapport  à  celle  de  Jésus-Christ,  plutôt  qu'à 
ceUp  de  Lazare,  parce  que  Lazare  n'est  res- 
sucité  que  pour  mourir  encore  une  fois,  au 
lieu  que  Jésus-Christ  ressuscité  ne  mourra 
plus,  n  n'importe  que  Jésus-Christ  soit  né 
d'une  manière  différente  de  nous,  puisqu'il 
n'en  est  pas  moins  véritablement  mort,  et 
qu'il  n'est  pas  mort  d'une  autre  mort  que  la 
nôtre.  Il  est  vrai  qu'après  sa  résurrection, 
son  corps  était  entier  et  exempt  de  pourri- 
ture, tandis  que  les  nôtres  étant  confondus 
par  la  pourriture  avec  le  reste  de  la  matière, 
il  faudra  les  démêler  de  cette  masse  ;  mais 
ce  qui  n'est  pas  possible  aux  hommes,  est 
facile  à  Dieu,  qui,  par  sa  seule  volonté  res- 
sucitera  aussi  facilement  les  corps  les  plus 
consumés  par  la  longueur  du  temps,  que 
ceux  qui  seraient  encore  dans  leur  entier. 
Du  reste,  il  n'y  a  rien  de  contraire  en  ce  que 
nous  disons,  que  Jésus-Christ  a  mangé  de- 
puis sa  résurrection,  et  qu'après  la  nôtre 
nous  n'aurons  plus  besoin  de  manger,  puis- 
que nous  lisons  que  des  anges  mêmes  ont 
mangé  très-réellement,  et  toutefois  sans  be- 
soin, mais  par  un  effet  de  la  vertu  de  leur 
nature.  Jésus-Christ  pouvait,  s'il  avait  voulu, 
ne  pas  conserver  les  cicatrices  des  plaies 
qu'il  avait  reçiies  dans  sa  Passion  ;  mais  il 
les  conserva  à  dessein,  afin  de  faire  voir  à 
ses  disciples  que  le  corps  qu'il  leur  montrait, 
était  celui-là  même  qu'ils  avaient 'sti  crucifié, 
et  non  pas  un  autre.  » 

La  seconde  question  regarde  le  temps  où 
la  religion  chrétienne  a  paru  dans  le  monde. 
Si  Jésus-Christ,  disait-on,  est  la  voie,  la 
grâce  et  la  vérité,  et  qu'il  n'y  ait  de  retour  à 
l'innocence  et  à  l'immortafité  que  par  lui. 


qu'ont  fait  ceux  qui  ont  vécu  dans  les  siè- 
cles qui  l'ont  précédé  ?  Avant  de  répondre 
à  cette  question,  saint  Augustin  demande 
à  ceux  qui  la  faisaient  si  le  culte  des  dieux 
a  été  de  quelque  utilité  pour  les  hommes  : 
«  Car  on  sait ,  précisément,  dit-il,  le  temps 
aucfuel  il  a  été  établi.  S'ils  répondent  qu'il 
n'a  servi  de  rien  pour  le  salut,  dès  là  ils  dé- 
truisent ce  culte.  S'ils  soutiennent  qu'il  a  été 
utilement  institué ,  c'est  à  eux  de  dire  que 
sont  devenus  ceux  qui  sont  morts  avant  son 
institution.  S'ils  répondent  :  Les  dieux  ont 
toujours  été  et  ont  pu  sauver  ceux  qui  les 
servaient,  mais  comme  ils  savaient  ce  qui 
convenait  aux  divers  états  où  le  monde  s'est 
trouvé,  ils  ont  voulu  être  servis  diS'éremment 
selon  la  différence  des  temps  et  des  lieux  ; 
pourquoi  donc  attaquent-ils  la  religion  chré- 
tienne par  une  objection  dont  ils  ne  sauraient 
se  tirer,  lorsque  nous  la  leur  faisons  sur  le 
culte  de  leurs  dieux,  sans  nous  fournir  de 
quoi  leur  répondre  quand  ils  nous  la  font  ? 
car  la  réponse  qu'ils  y  font  n'est  pas  moins 
forte  pour  nous  que  pour  eux.  Comme  la 
variété  des  sons  dont  on  est  obligé  de  se 
servir  pour  se  faire  entendre  à  des  gens  de 
différents  pays  et  de  différentes  langues, 
n'est  d'aucune  importance,  pour^Ti  que  ce 
que  l'on  dit  soit  vrai  ;  de  même  la  variété  du 
culte  extérieur  qui  con\'ient  aux  diverses 
circonstances  des  temps  et  des  lieux,  n'est 
d'aucune  conséquence,  pour-sni  que  ce  qu'on 
adore  soit  saint.»  Après  avoir  montré  que  les 
païens  (car  c'était  de  leur  part  que  Déogra- 
tias  proposait  ces  six  questions)  n'étaient  pas 
moins  embarrassés  sur  cette  objection  que 
les  chrétiens,  saint  Augustin  répond  que 
Jésus-Christ  étant  le  Verbe  de  Dieu,  par  qui 
toutes  choses  ont  été  faites,  et  dans  la  parti- 
cipation duquel  consiste  le  bonheur  de  toute 
âme  raisonnable,  tous  ceux  qui  ont  cru  en 
lui  depuis  le  commencement  du  monde,  et 
qui  ont  vécu  dans  la  piété  en  gardant  ses 
préceptes,  ont  été  sauvés  par  lui  en  quelque 
temps,  et  en  quelque  lieu  du  monde  qu'ils 
aient  vécu.  «  Car  de  même  que  nous  croyons 
au  Fils  de  Dieu,  venu  au  monde  revêtu  d'un 
corps,  les  anciens  croyaient  en  lui  et  subsis- 
tant dans  son  Père,  et  devant  prendre  un 
corps  pom*  se  montrer  aux  hommes.  Quoi- 
que la  diversité  des  temps  fasse  qu'on  an- 
nonce présentement  l'accompHssement  de 
ce  qui  n'était  alors  que  prédit,  on  ne  peut 
pas  dire  pour  cela  que  la  foi  ait  varié,  ni 
que  le  salut  soit  autre  chose  que  ce  qu'il 


106 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


était.  En  effet,  de  ce  qu'une  chose  est  an- 
noncée et  prédite  différemment  sous  diffé- 
rentes pratiques  de  religion,  on  ne  doit  pas 
en  conclure  qu'elle  est  différente  non  plus 
que  le  salut  qu'elle  apporte.  Quant  au  temps 
où  s'est  dû  accomplir  ce  qui  a  été  et  qui 
sera  toujoiurs  l'unique  principe  de  la  déli- 
vrance et  du  salut  des  fidèles,  c'est  à  Dieu 
d'en  ordonner  et  à  nous  d'obéir.  Ainsi  quoi- 
que la  religion  de  Jesus-Christ  ait  paru  au- 
trefois sous  un  autre  nom  et  sous  une  autre 
forme,  qu'elle  ait  été  autrefois  plus  cachée 
qu'à  présent,  et  qu'elle  soit  présentement 
plus  développée,  et  connue  d'un  beaucoup 
plus  grand  nombre  d'hommes  qu'elle  ne 
l'était  dans  les  premiers  siècles,  c'est  tou- 
jours la  même  religion.  Jésus-Christ  n'a 
voulu  paraître  dans  le  monde,  et  n'y  faire 
prêcher  sa  doctrine  que  dans  les  temps  et 
dans  les  lieux  où  il  savait  que  devaient  être 
ceux  qui  croiraient  en  lui.  Car  il  prévoyait 
que,  dans  les  autres  temps  et  dans  tous  les 
autres  lieux  où  son  Évangile  n'a  pas  étéprê- 
ché,  les  hommes  devaient  être  tels,  quand 
même  il  leur  eût  été  annoncé,  qu'ont  été  la 
plupart  de  ceux  qui,  ayant  vu  Jésus-Christ 
lui-même  pendant  sa  vie  mortelle,  sont  de- 
meurés dans  l'incrédulité  après  des  morts 
ressuscites,  et  après  avoir  vu  d'autres  mira- 
cles. » 

Les  demi  -  pélagiens  ne  manquèrent  pas 
d'abuser  de  cet  endroit.  Mais  saint  Augustin 
en  ayant  été  averti  par  Hilaire,  leur  répon- 
dit, dans  le  livre  de  la  Prédestination  des 
saints,  qu'il  ne  s'était  servi  du  seul  mot  de 
prescience,  que  parce  qu'il  avait  cru  que 
cela  suffisait  pour  convaincre  l'infidélité  des 
païens,  qui  faisaient  l'objection  à  laquelle  il 
répondait;  il  avait  laissé  en  son  entier  ce  qui 
est  caché  dans  les  conseils  de  Dieu,  des  mo- 
tifs de  cette  conduite,  et  même  ce  que  nous 
en  pourrions  connaître  ;  en  disant  donc  que 
Jésus-Christ  n'a  voulu  se  montrer  et  faii'e 
prêcher  l'Évangile  que  dans  les  lieux  et  dans 
les  temps  où  il  a  su  que  devaient  être  ceux 
qui  croiraient  en  lui,  c'est  comme  s'il  avait 
dit  que  Jésus-Christ  ne  s'est  montré  aux 
hommes  et  ne  leur  a  fait  prêcher  la  doc- 
trine que  dans  les  lieux  et  dans  le  temps  où 
il  a  su  que  devaient  croire  ceux  qui  ont  été 
élus  avant  la  création  du  monde. 

Par  la  troisième  question,  les  païens  de- 
mandaient pom'quoi  les  clu"étiens  condam- 
naient les  sacrifices  et  la  manière  de  les 
offrir,  les   victimes,  l'encens  et   beaucoup 


d'autres  choses  qui  ont  été  en  usage  dès  les 
premiers  temps.  Saint  Augustin  répond  : 
«  Si  Caïn  et  Abel  ont  offert  à  Dieu  des  fruits 
de  la  terre  et  les  prémices  des  troupeaux,  ce 
n'est  pas  qu'il  en  eût  besoin;  et  s'il  les  exi- 
geait et  les  acceptait ,  c'était  uniquement 
pour  le  bien  de  ceux;  qui  les  lui  offraient.  Si 
les  faux  dieux,  c'est-à-dire  les  démons,  en 
ont  exigé  de  leurs  adorateurs,  c'est  qu'ils  sa- 
vaient qu'ils  ne  sont  dus  qu'au  seul  vrai 
Dieu,  en  sorte  qu'au  lieu  que  ces  sacrifices 
soient  un  acte  de  religion  lorsqu'on  les  offi-e  à 
Dieu,  ils  deviennent  des  sacrilèges  quand  on 
les  offre  au  démon.  Suivant  la  différence  des 
temps,  les  sacrifices  ont  changé;  mais  ce 
changement  avait  été  prédit.  Le  Nouveau 
Testament  est  établi  sur  la  vraie  victime  du 
souverain  prêtre,  c'est-à-dire  sur  l'effusion 
du  sang  de  Jésus-Christ  ;  et  présentement 
nous  tous  qui  portons  le  nom  de  chrétiens, 
dont  la  profession  et  la  religon  se  marquent 
et  s'expliquent  par  ce  nom-là ,  nous  offrons 
un  sacrifice  qui  convient  à  la  manifestation 
de  la  nouvelle  alliance,  » 

La  quatrième  question  combat  l'éternité 
des  peines.  Voici  comme  raisonnaient  les 
païens  :  ((  Il  est  écrit  :  Vous  serez  mesurés  à  la 
mesure  avec  laquelle  vous  aurez  mesuré.  Or, 
toute  mesure  est  bornée  à  un  certain  espace 
de  temps.  Que  veulent  donc  dire  ces  menaces 
d'un  supplice  qui  ne  finira  jamais?  »  Saint 
Augustin  répond  :  «  Il  y  a  d'autres  mesures 
que  celles  du  temps  ;  et  l'on  dit  tous  les 
jours  qu'un  homme  sera  traité  comme  il 
aura  traité  les  autres,  quoiqu'il  ne  reçoive 
pas  précisément  le  même  traitement.  Ces 
paroles  de  Jésus-Christ  :  Vous  serez  mesurés 
à  la  mesure  dont  vous  aurez  mesuré  ne  signi- 
fient donc  autre  chose ,  sinon  que  les  hom- 
mes seront  récompensés  ou  punis  par  la 
même  volonté  qui  lem'  aiu-a  fait  faire  le  bien 
ou  le  mal  ;  c'est-à-dire  par  ces  mêmes  af- 
fections de  la  volonté,  qui  sont  la  mesure  de 
tout  ce  que  nous  faisons  de  bien  et  de  mal. 
Car,  comme  c'est  elle  qui  jouit  du  plaisir 
qu'elle  trouve  dans  le  péché,  c'est  elle  aussi 
qui  soufl're  dans  le  supplice  dont  il  est  pimi  ; 
et  comme  elle  a  jugé  sans  miséricorde,  elle 
est  aussi  jugée  sans  miséricorde.  Ce  qui 
fait  encore  que  les  péchés  ,  quoique  de  peu 
de  durée ,  peuvent  être  punis  des  supplices 
éternels,  c'est  que  comme  le  pécheur  au- 
rait voulu  jouir  éternellement  du  plaisir  qu'il 
a  trouvé  dans  son  péché,  il  est  juste  qu'il  en 
soit  puni  éternellement.  » 


|Malt 


eltrcl05 
s  doiia- 
:i'S  ,     cil 


[IV"  ET  y'  SIÈCLES.] 

Dans  la  cinquième  question ,  les  païens 
demandent  s'il  est  vi-ai  que  Salomon  ait  dit 
qu'il  n'y  a  point  de  Fils  de  Dieu.  Saint  Au- 
gustin répond  que  le  contraire  se  trouve 
dans  les  livres  qui  sont  de  lui,  et  en  particu- 
lier dans  les  Proverbes ,  dont  il  rapporte  plu- 
sieurs passages. 

L'histoire  du  prophète  Jonas  fait  la  ma- 
tière de  la  sixième  question.  Les  païens  se 
moquaient  de  ce  qu'on  lisait  que  ce  pro- 
phète avait  été  englouti  par  une  baleine,  et 
qu'il  était  resté  trois  jours  dans  les  entrailles 
de  ce  poisson.  Ils  demandaient  aussi  ce  que 
voulait  dire  cette  citrouille  qui  crut  en  si  peu 
de  temps  au-dessus  de  la  tête  de  Jonas  pen- 
dant qu'il  dormait.  Saint  Augustin  répond  : 
(c  Ce  qui,  dans  ce  miracle  peut  paraître  in- 
croyable, c'est  que  le  dissolvant  du  ventre 
de  ce  poisson  ait  pu  être  tempéré  de  telle 
sorte,  qu'un  homme  y  soit  demeiu-é  vivant  ; 
mais,  ajoute-t-il,  n'est-il  pas  beaucoup  plus  in- 
croyable que  les  trois  enfants,  dont  parle  Da- 
niel, jetés  dans  la  fournaise  ardente,  se  pro- 
menassent au  milieu  des  flammes  sans  en  être 
endommagés  ?  Si  ce  qui  est  écrit  de  Jonas, 
se  disait  de  quelqu'un  de  cens  qui  sont  en 
honneur  parmi  les  païens,  comme  d'Apulée 
de  Madaure,  ou  d'Apollonius  de  Thiane,  dont 
ils  content  mille  prodiges  qui  ne  sont  attestés 
d'aucun  auteur  digne  de  foi,  ils  en  triomphe- 
raient, tandis  qu'ils  se  moquent  de  ce  qui  est 
dit  de  Jonas.  «  Il  appuie  la  vérité  de  ce  qui 
était  arrivé  à  ce  prophète  par  l'autorité  de  Jé- 
sus-Christ, et  trouve  les  trois  jours  depuis  la 
mort  du  Sauveur  jusqu'à  sa  résurrection , 
en  prenant  partie  d'un  chacun  pour  son  tout  ; 
en  sorte  que  depuis  le  premier  jusqu'au  der- 
nier, on  trouve  les  trois  jours  avec  leurs 
nuits,  n  fait  un  comi  parallèle  entre  Jésus- 
Christ  et  Jonas,  et  donne  une  explication  al- 
légorique de  la  citrouille  que  Dieu  fit  naître 
pom'  couvrir  la  tète  du  Prophète  :  «  Cette 
plante,  dit-il,  qui  le  couvrait  de  son  ombre 
représentait  les  promesses  de  l'Ancien  Testa- 
ment, qui  étant,  selon  l'Apôtre,  des  ombres 
des  biens  à  venir,  servaient  de  défense 
aux  hommes  dans  la  terre  de  promission 
contre  l'ardeur  cuisante  des  maux  de  cette 
vie.» 

52.  La  lettre  qui  est  adressée  en  général 
à  tous  les  donatistes,  est  non-seulement  pour 
les  exhorter  à  rentrer  dans  l'unité,  mais  sur- 
tout pour  leur  faire  voir  que  les  lois  faites 
contre  eux  par  les  empereurs,  étaient  non- 
seulement  justes,  mais  nécessaires.   Pour 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


107 


les  convaincre ,  il  leur  rappelle  le  souvenir 
des  violences  de  leurs  circonceUions,  et,  en 
particulier,  celles  qu'ils  venaient  d'exercer 
contre  Marc,  prêtre  de  Casphalie  qui  avait, 
de  sa  bonne  volonté,  quitté  leur  parti  pour 
se  faire  catholique.  Il  leur  cite  encore  divers 
autres  exemples  tout  récents  de  leurs  cruau- 
tés ,  et  leiu'  dit  que  les  empereurs  ne  com- 
mandent, à  l'égard  de  l'unité,  que  ce  que 
Jésus-Christ  même  commande.  Cette  lettre 
fut  donc  écrite  avant  la  hberté  de  conscience 
qu'Honorius  accorda  sur  la  fin  de  l'an  409. 
Il  leur  fait  voir  ensuite  que  la  sainteté  et  la 
vertu  du  baptême  étant  l'effet  de  la  grâce 
de  Dieu  et  non  pas  celui  de  la  sainteté  de  ses 
ministres,  ils  ne  pouvaient,  sans  sacrilège, 
réitérer  ce  sacrement,  quand.il  aurait  été 
conféré  par  quelque  ministre  dont  la  probité 
ne  leur  serait  pas  connue.  Il  se  plaint  de  ce 
que  leurs  évêques  n'ont  jamais  voulu  entrer 
en  conférence  avec  les  catholiques,  sous  le 
faux  prétexte  qu'on  ne  doit  pas  même  par- 
ler aux  pécheurs,  et  les  réfute  sur  ce  point 
par  les  exemples  de  saint  Paul  et  de  Jésus- 
Christ  même ,  qui  n'ont  pas  dédaigné  de 
conférer  et  de  traiter  certaines  questions 
avec  les  plus  grands  pécheurs.  Il  rapporte 
après  cela  un  grand  nombre  de  passages  de 
l'un  et  l'autre  Testament ,  pour  prouver 
l'universalité  de  l'Éghse ,  et  qu'elle  ren- 
ferme dans  son  sein  les  bons  et  les  mauvais, 
sans  que  pour  cela  les  justes  participent  aux 
péchés  des  méchants ,  parce  que  ce  n'est 
qu'en  y  consentant  et  en  y  contribuant  que 
l'on  y  participe.  «  Nous  les  tolérons,  dit-il, 
comme  l'ivraie  mêlée  avec  le  bon  grain, 
dans  le  champ  de  l'Évangile,  qui  nous  re- 
présente l'Église  catholique  répandue  par 
toutes  les  nations;  ou  comme  de  la  paille 
mêlée  avec  du  froment  dans  cette  aire  de 
l'Évangile  qui  représente  la  môme  Église  ; 
et  nous  devons  les  tolérer  jusqu'au  jour  où 
le  champ  doit  être  moissonné  et  l'aire  net- 
toyée ;  autrement,  nous  nous  mettrions  en 
danger  d'arracher  le  bon  grain,  en  pensant 
arracher  l'ivraie.  »  Il  presse  donc  les  dona- 
tistes de  ne  pas  prendre  occasion  de  ce  mé- 
lange pour  se  séparer  de  l'Église,  a  Nous 
avons  tous,  leur  dit-il,  les  mêmes  Écritures  , 
et  comme  c'est  par  là  que  nous  reconnais- 
sons Jésus-Clmst,  c'est  parla  aussi  que  nous 
reconnaissons  l'Église.  » 

S3.  La  même  année  saint  Augustin  ayant  l.iipg 
appris  que  Macrobe,  évêque  donatiste  à  Hip-  jjg'  ^  jj^l 
pone,  se  disposait  à  rebaptiser  un  soudiacre   ^^lf^\^^  '^°^ 


ÛOO, 
304. 


108  HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 

pjg.  catholique  qui  s'était  jeté  dans  le  parti  des 
donatistes  ,  lui  écrivit  pour  le  prier  d'épar- 
gner à  ce  soudiacre  le  crime  dont  il  allait 


se  souiller,  et  de  s'épargner    à  lui-même 
celui  qu'il  voulait  commettre.  Il  lui  objecte 
que  les  donatistes  n'ayant  rebaptisé  aucun 
de  ceux  que   Félicien  et  Primien  avaient 
baptisés  dans  le  schisme ,  il  n'avait  pas  plus 
de  droit  de  rebaptiser  ceux  qui  avaient  déjà 
reçu  le  baptême  dans  l'Église   catholique. 
Maxime  et  Théodore ,  que   saint  Augustin 
avait  chargés  de  rendre  cette  lettre  à  Ma- 
crobe,  et  de  lui  en  rapporter  la  réponse  ,  lui 
écrivirent  que  Macrobe  ne  leur  avait  dit  au- 
tre chose,  sinon  qu'il  ne  pouvait  s'empêcher 
de  recevoir  ceux  qui  venaient  à  lui,  et  de 
leur  donner  la  foi  qu'ils  demandaient  ;  qu'à 
l'égard  de  Primien,  il  le  respectait  comme 
son  père,  sans  vouloir  le  juger.  Cette  ré- 
ponse engagea  saint  Augustin  à  écrire  une 
seconde  lettre  à  Macrobe,  où  il  lui  dit  ce  qui 
suit  :   «  L'engagement  que  vous  avez  pris 
parmi  les  donatistes,  n'était  pas  un  motif 
qui   dût   vous   retenir  dans  un   si   mauvais 
parti  ;  votre  réponse,  au  lieu  de  satisfaire  à 
la  difi]  culte  touchant  le  baptême  donné  par 
Félicien  et  par  Maximien,  renverse  de  fond 
en  comble  tous  les  prétextes  de  votre  sé- 
paration ,  et  toutes  les  calomnies  dont  vous 
prétendez  l'autoriser  ;  il  est  fort  surprenant, 
que  n'osant  juger  de  la  conduite  de  Primien, 
que  vous   connaissiez,  vous  ne  fassiez  au- 
cune difficulté  de  juger  de  celle  de  Cécilien, 
que  vous  ne  pouviez  connaître ,  ni  de  con- 
damner tous   les   chrétiens    qui  ne  jugent 
pas  comme  vous  cet  ancien  évêque  de  Car- 
thage.  n  Saint  Augustin  le  presse  de  nouveau 
sur  l'affaire   de  Primien    et  de  Maximien , 
dont  le  baptême  avait  été  reconnu  pour  bon 
par  les  donatistes,   quoique  l'un  et  l'autre 
eussent    été  regardés,   par  ceux  de    cette 
secte  ,  comme  déserteurs  de  la  vérité  et  re- 
belles à  l'Église.  Il  rapporte  toutes  les  au- 
torités de  l'Ecriture  que  les  donatistes  allé- 
guaient contre  les  catholiques  ,  faute  d'en 
bien    comprendi-e    le    sens  ;    entre   autres 
celle-ci  :  Abstenez-vous  de  l'eau  étrangère, 
et  répond  que  l'eau  du  baptême  n'est  point 
une  eau  étrangère ,  quoiqu'elle  soit  parmi 
les  étrangers  ;  que  c'est  pour  cela  que  les  do- 
natistes   ayant    eux-mêmes  reconnu    que 
l'eau  donnée  par  Maximien  n'était  point  une 
eau  étrangère,  ils  ne  s'en  étaient  point  abs- 
tenus. Saint   Augustin  répond  de  même   à 
tous  les  autres  passages  qu'ils  avaient  cou- 


tume d'alléguer  touchant  le  baptême.  Quant 
aux  autres  dont  ils  se  servaient  pour  colorer 
leur  séparation,  il  fait  voir  qu'on  ne  par- 
ticipe aux  péchés  d'autrui,  qu'en  y  consen- 
tant, et  qu'il  n'y  a  aucun  mal  de  demeurer 
avec  les  méchants  dans  la  communion  des 
mêmes  sacrements.  C'est  ce  qu'il  prouve  par 
plusieurs  exemples,  par  ceux   des  apôtres, 
de  Jésus-Christ,  et  de  saint  Cyprien,  dont 
il  rapporte  un  passage  où  nous  lisons,  ce 
qui  suit  :  «  Quoique  nous  voyions  de  l'ivraie 
dans  l'Église ,    cela  ne   doit  point  altérer 
notre  foi  ni  notre  charité;   cette  ivraie  ne 
doit  donc  pas  nous  faire  sortir  de  l'EgMse  , 
et    nous    devons    seulement    travailler    à 
être    du   bon  grain.   »    Les    donatistes   ap- 
phquaient  sans    cesse   aux    catholiques   ce 
passage    du   Prophète    :    Ils   sont    toujours 
prêts  à   répandre    le  sang.    Saint    Augustin 
répond   que   ce    serait    aux    catholiques   à 
en  faire  l'application  aux  donatistes  ;  et  il 
donne  pour  preuve,  non-seulement  les  vio- 
lences de  leurs  clercs  et  de  leurs  circoncel- 
lions,  mais  encore  leur  concile  de  Bagaïe, 
qui  dans  la  sentence  contre  Maximien  et  ses 
sectateui's  ,  les  fait  passer  pour  gens  tou- 
jours prêts   à  répandre  le    sang.  Il  prend 
Jésus-Christ  à  témoin  du  désir  sincère  où 
il  était  de  voir  Macrobe  dans  l'miité  de  l'É- 
glise, et  l'exhorte  à  bien  examiner  l'affaire 
de  Maximien ,  et  de  répondre   aux  consé- 
quences que  l'on  tirait  naturellement ,    et 
qu'au  cas  qu'il  ne  le  put,  il  le  conjure  de 
ne  pas  préférer  l'engagement  du  parti  où 
il  est ,  à  la  crainte  de  Dieu  et  à  son  salut. 
Il  fait,  à  cette  occasion,  un  long  dénombre- 
ment   de    toutes    les  fâcheuses    suites   du 
schisme ,   auquel   il  oppose  les  avantages 
de  l'unité.  «  Ouvrons  les  yeux,  lui  dit -il, 
reconnaissons  ce  que  demande  de  nous  la 
paix  de  Jésus-Christ  ;  tenons-nous  y  l'un  et 
l'autre  ;    travaillons    ensemble   autant   qu'il 
plaira  à  Dieu  de  nous  en  faire  la  grâce,  à 
être  du  nombre  des  bons,  et  même  à  cor- 
riger  les   méchants ,    autant    que   nous    le 
pourrons  ,    sans    rompre    l'unité.    Recon- 
naissons que  l'Église  est  l'arche  dont  celle 
de  Noé  n'était  que  la  figure  :  soyons  en- 
semble dans  cette  arche  comme  des  ani- 
maux purs  ;  mais  ne  trouvons  pas  mauvais 
qu'elle  en  porte  d'immondes  avec  nous  jus- 
qu'à la  fin  du  déluge.  Il  n'y  eut  que  le  cor- 
beau qui  s'en  retira,  et  qui  abandonna  avant 
le  temps  cette   demeure   commune.  Aussi 
n'était-il    pas  de    ces    animaux    purs    qui 


[rye  j,j  ye  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


109 


étaient  dans   l'arche  sept    de  chaque  es- 
pèce ;    mais    de    ces    animaux    immondes 
dont  il  n'y  en  avait  que  deux  de  chacun. 
Ayons   donc  en   horreur  son   impureté    et 
sa  séparation ,  qui   seule   rend  condamna- 
bles ceux  mêmes  dont  les  mœurs  seraient 
d'ailleurs  aussi  pures  que  les  vôtres.  »  Il 
manque  environ  vingt-sept  lignes  à  la  fin 
de  cette  lettre,  dans  le  manuscrit  du  Vati- 
can d'où  eUe  a  été  tirée. 
Leiircios       S4.  On  voit  par  la  lettre  de  Sévère,  évé- 
ïiio'^rs'^  que  de  Milève,  à  saint  Aug-ustin,  combien 
tèic  (le  Mi-  Sévère   trouvait  de  plaisir  dans  la  lecture 

ève,     vers  ^ 

l'an  409,  des  œuvres  de  ce  Père.  11  ne  put  s'empê- 
jîl.  "^  cher  de  le  lui  témoigner  par  écrit,  et  il  le 
fît  d'une  manière  qui  ne  lui  fait  pas  moins 
d'honneur  qu'à  saint  Augustin  :  tant  sa  let- 
tre est  pleine  d'esprit  et  de  piété.  Nous  n'en 
rapporterons  qu'un  endroit  où  il  s'adresse  à 
ce  saint  Docteur,  en  ces  termes  :  «  0  sainte 
«  et  industrieuse  abeille  de  Dieu,  qui  savez 
«  former  des  rayons  pleins  d'un  miel  tout 
«  céleste  et  tout  divin,  d'où  distille  la  misé- 
((  ricorde  et  la  vérité,  où  mon  âme  trouve 
«  toutes  ses  délices,  et  dont  elle  se  nourrit 
«  comme  d'une  source  de  vie,  pour  en  tii'er 
«  de  quoi  remplir  son  vide  et  soutenir  sa  fai- 
0  blesse.  En  prêtant  à  Dieu  votre  voix  et 
«  votre  ministère ,  vous  faites  qu'on  bénit 
n  son  nom.  Vous  écoutez  ce  que  le  Seigneur 
((  chante  dans  votre  cœur,  et  vous  y  répon- 
«  dez  parfaitement  par  votre  voix.  Ainsi  ce 
«  qui  se  répand  jusque  sur  nous  de  la  plé- 
«  nitude  de  Jésus-Christ,  nous  devient  plus 
«  doux  et  plus  agréable,  en  passant  par  un 
((  si  excellent  canal,  et  nous  étant  présenté 
((  par  un  ministre  si  saint ,  si  digne ,  si  pur, 
«  si  fidèle.  Vous  relevez  tellement  ces  véri- 
«  tés  par  le  tour  que  vous  leur  donnez,  et  le 
<(  jour  où  vous  les  mettez,  que  la  beaut^  de 
((  votre  esprit  nous  éblouirait  et  arrêterait 
«  nos  yeux  sm-  vous,  si  vous  n'étiez  toujours 
«  appliqué  à  nous  faire  regarder  le  Seigneur, 
((  et  à  nous  faire  rapporter  à  lui  tout  ce  que 
«  nous  admirons  en  vous,  afin  que  nous  re- 
((  connaissions  qu'il  vient  de  Dieu,  et  qne  tout 
«  ce  qu'il  y  a  de  bon,  de  pur  et  de  beau  en 
«  vous,  n'y  est  que  par  participation  de  sa 
«  bonté,  de  sa  pureté,  de  sa  beauté.  »  L'hu- 
milité de  saint  Augustin  l'empêcha  de  se  re- 
connaître dans  l'éloge  que  Sévère  avait  fait 
de  lui;  mais  ne  pouvant  d'aiUem's  le  regar- 
der comme  un  flatteur,  il  lui  dit  dans  sa  ré- 
ponse :  «  Je  ne  puis  douter  que  vous  ne 
pensiez  ce  que  vous  dites  de  moi  ;   mais 


comme  je  ne  me  reconnais  point  dans  le 
portrait  que  vous  en  faites,  il  se  peut  faire 
que  vous  ne  disiez  pas  vrai,  quoique  vous 
parliez  très-sincèrement.  »  Il  témoigne  un 
fond  d'estime  et  de  vénération  pour  Sévère, 
mais  il  le  prie,  en  même  temps,  de  ne  point 
le  charger  de  nouveaux  travaux,  et  de  dé- 
tourner même  les  autres  qui  voudraient  l'y 
engager.  Ces  deux  lettres  sont  de  l'an  409. 

53.  Vers  le  mois  de  novembre  de  la  mê-  Lettre  m 
me  année,  saint  Augustin  répondit  à  la  let-  enS09,i)aa! 
tre  que  le  prêtre  Victorien  lui  avait  écrite,  ^*®' 
au  sujet  de  quelques  calamités  semblables 
à  celles  qui  afQigeaient  alors  presque  toutes 
les  parties  du  monde.  Les  barbares  avaient 
tué  des  serviteurs  de  Dieu,  apparemment 
des  moines  ;  emmené  captives  des  vierges, 
et  commis  beaucoup  d'autres  excès,  qui 
donnaient  occasion  aux  païens  de  blasphé- 
mer contre  Dieu,  et  d'attribuer  les  malheurs 
de  l'Empire  à  la  religion  chrétienne.  «  Ces 
malheurs  ayant  été  prédits ,  l'effet  qu'ils 
doivent  produire,  dit  saint  Augustin,  est 
que  ceux  qui  demeuraient  dans  l'incré- 
dulité, tandis  qu'ils  se  contentaient  d'en 
lire  la  prédiction  dans  les  Hvres  saints , 
doivent  cesser  d'être  incrédules  présen- 
tement qu'ils  les  voient  s'accomplir  de- 
vant leurs  yeux;  si  les  impies  en  mur- 
murent contre  la  Providence ,  les  fidè- 
les et  les  saints  en  prennent  occasion  d'a- 
dorer sa  justice  et  d'implorer  sa  miséri- 
corde ;  si ,  comme  le  disaient  les  païens , 
on  n'avait  pas  entendu  parler  de  sembla- 
bles malheurs  avant  la  prédication  de  l'É- 
vangile ,  c'est  qu'il  est  juste  que  les  chré- 
tiens qui  continuent  à  faire  le  mal  depuis 
qu'ils  ont  connu  la  vérité,  soient  plus  rude- 
ment châtiés,  qu'ils  ne  l'auraient  été  avant 
qne  de  la  connaître.  Pour  les  autres,  quel- 
que saints  qu'ils  fussent ,  ils  ne  devaient  pas 
prétendre  l'être  davantage  que  Daniel  et 
les  jeunes  hommes  qui  furent  jetés  dans 
la  fournaise ,  ni  que  les  saints  Machabées, 
qui,  dans  toutes  leurs  afltlictons,  avaient  re- 
connu ne  rien  souffrir,  qu'ils  ne  l'eussent 
mérité  par  leurs  péchés.  »  fi  prie  donc  Vic- 
torien de  veiller  sur  lui-même,  afin  qu'il  ne 
lui  arrivât  point  de  mm^murer  contre  Dieu 
dans  ces  calamités  :  et  d'avertir  les  autres 
d'y  prendre  garde.  «  Ce  sont,  dites-vous, 
de  très-gens  de  bien,  des  fidèles,  des  ser- 
viteurs de  Dieu,  des  saints  qui  ont  été  mis 
à  mort  par  les  barbares,  mais  qu'importe 
que  ce  soit  le  fer  ou  la  fièvre  qui  les  ait  déli- 


no 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


ILcltre  H2 
^  Umiut,  t'i) 
Ii09  ou  aïo, 
pag.  320. 


vrés  de  le  prison  de  leurs  corps  ?  Ce  que  Dieu 
regarde  dans  la  mort  de  ses  serviteurs,  ce 
n'est  pas  ce  qai  les  fait  mourir,  mais  ce  qu'ils 
sont  quand  ils  meurent.  Que  savons-nous, 
ajoute-t-il,  si  Dieu  ne  veut  point  qae  ces  fem- 
mes ,  emmenées  par  les  barbares ,  devien- 
nent dans  leurs  pays  des  instruments  de  ses 
merveilles  ?  Ce  que  vous  avez  à  faire,  c'est  de 
prier  devant  Dieu  pour  elles,  de  tâcher  d'en 
apprendre  des  nouvelles,  et  de  leur  procurer 
tous  les  secours  et  toutes  les  consolations 
qui  dépendent  de  vous.  »  Il  rapporte  qu'une 
vierge  consacrée  à  Dieu,  nièce  de  l'évêque 
Sévère,  ayant  été  emmenée  captive  par  les 
bai'bares,  il  ai-riva  que  dans  la  maison  où 
elle  servait,  ses  maîtres,  qui  étaient  trois 
frères,  furent  tout  d'un  coup  frappés  d'une 
maladie  dangereuse.  Leur  mère  voyant  que 
cette  fille  servait  Dieu,  et  croyant  que  ses 
prières  pourraient  tirer  ses  eufants  du  pé- 
ril où  ils  étaient,  la  conjura  de  prier  pour 
eux,  lui  promettant  que  s'ils  guérissaient, 
on  la  rendrait  à  ses  parents.  Elle  jeûna,  elle 
pria  et  fut  exaucée.  Les  barbares  sensibles 
à  la  miséricorde  de  Dieu ,  conçurent  de 
grands  sentiments  d'admiration  pour  cette 
vierge  et  la  renvoyèrent  avec  honneur.  A 
l'égard  de  celles  qui  depuis  peu  avaient  été 
emmenées  captives,  saint  Augustin  dit  avec 
confiance  que  Dieu,  qui  a  coutume  d'assis- 
ter les  siens,  ne  permettra  pas  que  les  bar- 
bares entreprennent  rien  contre  leur  chas- 
teté, ou  que  s'il  le  permet,  il  ne  leur  sera 
rien  imputé.  «  Car,  dit-il,  quand  le  cœur 
demeure  pur,  et  qu'il  ne  consent  point  au 
crime,  il  ne  se  peut  rien  passer  dans  le 
corps  de  criminel,  et  quoique  puisse  entre- 
prendre un  impudique  sur  une  personne 
chaste  qui  n'y  donne  point  de  lieu,  et  qui 
n'y  prend  point  de  part,  le  crime  n'est  que 
pour  lui  seul.  A  l'égard  de  l'autre,  c'est  une 
violence  qu'elle  souffre,  mais  non  pas  une 
tache  qui  la  souille.  » 

56.  La  lettre  à  Donat,  qui  sortait  de  la 
charge  de  proconsul,  est  poui'  l'exhorter  à  se 
dépouiller  de  tout  le  faste  de  la  vanité  hu- 
maine, pour  s'élever  vers  Jésus-Christ,  dont 
la  doctrine  porte  non  à  une  grandeur  trom- 
peuse et  apparente ,  mais  solide  et  toute  cé- 
leste, ceux  qui  se  convertissent  à  lui.  Comme 
Donat  avait  rempli  sa  charge  avec  beaucoup 
d'honneur  et  de  probité ,  saint  Augustin  lui 
dit  que  si  quelque  chose  nous  donne  de  la  joie 
dans  l'approbation  des  hommes ,  ce  ne  doit 
pas  être  de  voir  qu'ils  approuvent  ce  que 


nous  avons  fait,  mais  d'avoir  sujet  de  croire 
que  nous  avons  fait  ce  qu'il  fallait  faire. 
Car  le  prix  des  bonnes  actions  vient  d'elles- 
mêmes,  et  non  pas  de  ce  qu'en  peuvent  dire 
les  hommes,  dont  l'esprit  n'est  que  ténèbres; 
et  quand  il  leur  arrive  d'improuver  ce  qui 
est  bien,  ce  sont  eux  qui  sont  dignes  de  com- 
passion, et  non  pas  celui  qui  est  condamné 
pour  avoir  bien  fait  ;  et,  par  la  même  raison, 
lorsque  le  bien  que  nous  faisons  est  ap- 
prouvé, le  prix  de  nos  bonnes  actions  n'aug- 
mente pas  pom-  cela  ;  puisqu'il  dépend  uni- 
quement du  fond  de  la  vérité ,  et  qu'il  ne 
subsiste  que  sur  le  témoignage  de  la  bonne 
conscience. 

57.  Un  nommé  Faventius  avait  pris  à  ferme 
ime  forêt.  Comme  il  craignait  quelque  chose 
de  fâcheux  de  la  part  de  celui  à  qui  elle  ap- 
partenait, il  eut  recom's  à  l'Église  d'Hip- 
pone,  et  s'y  réfugia.  U  s'y  tint  comme  avaient 
accoutumé  ceux  qui  recouraient  à  la  protec- 
tion des  Églises,  attendant  que  son  affaire 
pût  être  réglée  par  l'entremise  de  saint  Au- 
gustin. La  chose  tramant  en  longueur,  sa 
crainte  diminua  peu  à  peu,  et  il  devint 
moins  soigneux  de  se  tenir  dans  les  bornes 
de  son  asile  ;  de  sorte  qu'un  soir,  comme  il 
revenait  de  souper  chez  un  de  ses  amis,  il 
fut  arrêté  et  enlevé.  A  la  première  nouvelle 
qu'en  eut  saint  Augustin,  il  en  écrivit  à  Cres- 
conius,  et  ensuite  à  Florentin,  puis  à  Fortu- 
nat,  évêque  de  Cirthe,  et  enfin  à  Générosus, 
gouverneur  de  la  Numidie.  Il  demande  dans 
ces  lettres  qu'on  accorde  du  moins  à  Faven- 
tius le  délai  de  trente  jours  que  les  lois  ac- 
cordaient à  ceux  que  l'on  emprisonnait  pour 
dettes  ;  mais  aussi  qu'en  ne  lui  permettant 
pas  de  sortir  de  la  ville  où  il  serait  arrêté  , 
on  ne  le  gardât  pas  de  trop  près ,  afin  qu'il 
pût  mettre  ordre  à  ses  affaires  et  trouver  de 
l'argent. 

58.  Saint  Augustin  était  malade  lorsqu'on 
vint  lui  apporter  une  lettre  d'un  jeune  homme 
de  naissance  nommé  Dioscore ,  qui  ne  vou- 
lait pas  retourner  en  Grèce  sans  avoir  reçu 
de  lui  la  solution  de  plusieurs  difficul- 
tés qu'il  lui  proposait,  touchant  divers  sen- 
timents des  anciens  philosophes,  et  sur 
quelques  livres  de  Cicéron,  en  particulier 
sur  ceux  qui  sont  intitulés  :  De  l'Orateur. 
Comme  toutes  ces  questions  n'étaient  que  de 
curiosité,  saint  Augustin  ne  crut  pas  devoir 
s'occuper  à  les  examiner,  d'autant  qu'il  n'a- 
vait pas  même  à  Hippone  les  livres  nécessai- 
res à  cette  discussion.  Dioscore  la  regardait 


Leilre 
113,  lia, 
115  et  116 
pour  Fa  - 
ventius,  co 
ÛIO,  pag 
325. 


[IV''  ET  V°  SIÈCLES.] 

néanmoins  comme  indispensable ,  et  la  rai- 
son qu'il  en  donnait  était  qu'il  craignait  de 
passer  dans  son  pays  pour  ignorant  et  pour 
stupide,  s'il  ne  pouvait  pas  y  répondre. 
Saint  Augustin  lui  fait  voir  que  ce  qu'il  ap- 
pelait nécessité  indispensable,  était  une  pure 
vanité,  à  laquelle  des  évêques  ne  devaient 
avoir  aucun  égard.  «  Cette  vanité,  ajoute-t- 
11,  est  même  sans  fondement,  puisque  ni  à 
Rome ,  ni  en  Afiique ,  ni  ailleurs ,  personne 
ne  s'amuse  plus  de  pareilles  questions  ;  on 
n'est  plus  curieux  de  la  doctrine  d'Anaxi- 
mène  ou  d'Anaxagore;  les  sectes  des  stoï- 
ciens et  des  épicuriens  venus  longtemps  de- 
puis, sont  tellement  éteintes,  qu'il  n'en 
est  presque  plus  question;  mais  tout  re- 
tenti des  faux  dogmes  d'une  infinité  d'hé- 
rétiques. »  Saint  Augustin  les  nomme,  et  ne 
dit  rien  des  pélagiens,  ce  qui  fait  voir  que 
cette  lettre  fut  écrite  avant  l'an  -411.  11  ex- 
horte Dioscore  à  s'instruire  plutôt  des  er- 
reurs de  ces  hérétiques,  par  intérêt  pour 
la  religion  chrétienne,  que  de  réveiller  par 
une  vaine  curiosité  d'anciennes  disputes  de 
philosophes  ;  et  il  l'engage  de  s'appliquer  à 
chercher  les  moyens  par  où  l'on  peut  arri- 
ver à  la  vie  heureuse,  c'est-à-dire,  à  la  pos- 
session du  souverain  bien.  Il  rapporte  les 
sentiments  des  philosophes  sur  ce  souverain 
bien,  et  remarque  que  Platon  qui  l'étabhs- 
sait  dans  la  sagesse  immuable  et  dans  la 
vérité  permanente  et  toujours  égale  à  elle- 
même,  est  celui  de  tous  dont  la  doctrine  ap- 
proche le  plus  du  christianisme.  11  dit  à  Dios- 
core ,  que  l'humilité  est  la  seule  voie  pour 
arriver  à  la  connaissance  de  la  vérité  ;  que 
cette  vertu  doit  précéder,  accompagner  et 
suivre  tout  ce  que  nous  faisons  de  bien;  que 
les  sciences  humaines  sont  contraires  à  l'hu- 
milité ,  enfin  que  cette  vertu  est  ce  qu'il  y  a 
de  plus  important  à  observer  dans  la  religion 
chrétienne.  Saint  Augustin  lui  dit  ensuite 
quelque  chose  de  la  génération  du  Verbe, 
qu'il  représente  beaucoup  au-dessus  de  tou- 
tes les  autres  générations;  et  pom*  le  conten- 
ter en  quelque  sorte,  il  résout  en  peu  de 
mots  quelques-unes  de  ses  questions  de  phi- 
losophie. Après  lui  avoir  fait  remarquer  dans 
combien  d'absurdités  les  anciens  philosophes 
sont  tombés;  il  prouve  que  l'autorité  de  Jé- 
sus-Christ est  la  seule  voie  pour  amener  les 
hommes  à  la  vérité.  «Nous  devons,  ajoute-il, 
nous  rendre  d'autant  plus  volontiers  à  son 
autorité,  que  nulle  erreur  n'ose  plus  se  pro- 
duire ,  ni  entreprendre  de  faire  des  partis  et 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


m 


de  chercher  des  sectatem's ,  même  parmi  les 
simples  et  les  ignorants,  qu'en  se  couvrant 
du  nom  de  Jésus-Cln-ist;  et  que  les  juifs,  qui 
sont  de  toutes  les  anciennes  sectes  les  seuls 
qui  subsistent  encore,  mais  dont  nous  voyons 
des  conventicules  sous  un  autre  nom  que  ce- 
lui de  Jésus-Christ,  portent  les  Écritures  qui 
annoncent  ce  même  Jésus-Christ ,  quoiqu'ils 
ne  l'y  veuillent  pas  voir.  C'est  une  témérité 
ordinaire  à  tous  les  hérétiques,  de  promettre 
à  ceux  qu'ils  veulent  séduire,  de  les  con- 
duire par  la  raison,  voyant  bien  que  s'ils 
entreprenaient  de  les  mener  par  autorité,  ils 
tomberaient  eux-mêmes  dans  le  mépris, 
ceUe  qu'ils  ont  n'étant  rien  en  comparaison 
de  l'autorité  de  l'Église  catholique;  mais 
Jésus-Christ  ne  s'est  pas  contenté  de  mettre 
son  Église  à  couvert  sous  la  forteresse  de 
l'autorité,  dont  les  sièges  apostoliques,  et  le 
consentement  de  tant  de  peuples  et  de  na- 
tions très-célèbres,  sont  comme  autant  de 
remparts  ;  il  l'a  encore  munie  par  le  minis- 
tère de  quelques  personnages  également 
pieux,  savants  et  spirituels,  de  tout  ce  que 
la  raison  peut  fournir  de  plus  invincible.  Ce- 
pendant la  conduite  la  plus  régulière  est 
que  les  faibles  se  tiennent  à  couvert  sous  le 
boulevard  de  la  foi  ;  et  que  pendant  qu'ils  y 
sont  en  sûreté ,  on  combatte  pour  eux  avec 
toutes  les  forces  de  la  raison.  La  doctrine  de 
Jésus-Christ  ayant  commencé  à  se  répandre 
par  toute  la  terre,  plusieurs  platoniciens,  re- 
connaissant que  ce  divin  Sauveur  était  cet 
Homme-Dieu,  en  qui  la  vérité  et  la  sagesse 
immuable  s'était  incarnée ,  et  par  la  bouchç 
de  qui  elle  avait  parlé  aux  hommes,  se  ran- 
gèrent sous  ses  étendards,  n  Saint  Augustin 
dit  à  Dioscore  qu'il  n'avait  pas  jugé  à  propos 
de  répondre  à  ses  questions  sur  les  livres  de 
l'Orateur,  n'étant  pas  dignes  d'occuper  un, 
évêque;  que  pour  celles  auxquelles  il  avait 
répondu,  il  en  trouverait  la  solution  à  la 
marge  des  mémoires  qu'il  lui  avait  envoyés 
par  Cerdon. 

59.  Un  autre'laïque ,  nommé  Consentius,         Lctire 
qui  demeurait  dans  les  îles,  vivant  appliqué   ,ii''a,ns!.n° 
à  l'étude ,  et  à  composer  même  des  ouvra-  Jj„|^s,.,'i[iu/' 
ges,  en  adressa  quelques-uns  à   saint  Au-  f"  ''OS  «à 
gustan,  avec  une  lettre  qui  servait  de  pre-  3m. 
face,  dans  laquelle  il  le  priait,  non-seule- 
ment de  les  lire,  mais  encore  de  les  corriger, 
et  de  l'affermir  lui-même  dans  les  agitations 
de  la  foi.  Il  le  priait  aussi  de  lui  donner  ses 
instructions  par   écrit,  parce  que  dans  les 
îles  où  il  demeurait,  il  y  avait  plusieurs  per- 


il2 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


sonnes  dans  la  même  erreur  que  lui;  et 
parce  qu'il  ne  serait  pas  content,  si  ses  frè- 
res ne  trouvaient  le  moyen  de  sortir  de  leur 
égai'ement.  Consentius  fit  connaître  son  des- 
sein à  saint  Alypius,  et  le  pria  d'obtenir 
de  saint  Augustin  la  grâce  qu'il  souhaitait. 
Dans  l'impatience  où  il  était  de  s'instruire,  il 
yint  lui-même  trouver  le  saint  évêque;  mais 
il  ne  put  le  voir,  parce  qu'il  n'était  point  à 
Hippone.  Il  prit  donc  le  parti  de  lui  écrire 
et  de  lui  marquer  ses  doutes,  ce  qu'il  fait 
avec  beaucoup  d'humilité.  «  Comme  vos  dé- 
cisions, lui  dit-il,  sont  comme  une  ancre  qui 
nous  tiendra  d'autant  plus  fermes  qu'elle 
entrera  plus  avant  dans  mon  cœur,  pourquoi 
feriez-vous  difficulté,  vous  qui  possédez  la 
doctrine  de  Jésus-Christ  dans  toute  sa  per- 
fection, de  reprendre  publiquement  un  fils 
qui  est  en  faute,  et  qui  a  mérité  d'être  re- 
pris? »  Il  lui  parle  ainsi,  parce  que  saint  Au- 
gustin s'était  offert  de  l'instruire  en  secret. 
Mais  Consentius  qui  ne  trouvait  point  d'a- 
mertume dans  un  remède  qu'il  espérait  de- 
voir procurer  même  aux  autres  la  vie  du 
ciel,  voulut  être  repris  publiquement  :  car  il 
ne  s'agissait  pas  d'une  question  peu  impor- 
tante, et  il  était  en  danger  avec  tous  ceux 
des  îles  où  il  demeurait,  de  tomber  dans 
l'idolâtrie. 

Saint  Augustin  satisfit  donc  à  son  désir, 
par  une  grande  lettre  où  il  répond  à  toutes 
les  questions  que  Consentius  ]ui  avait  propo- 
sées sur  la  Trinité.  Il  approuve  ce  que  Con- 
sentius avait  dit  dans  sa  lettre,  que  dans  une 
matière  comme  celle  qui  regarde  le  mystère 
de  la  Trinité,  le  principal  point  de  notre  foi, 
il  valait  mieux  se  contenter  de  suivre  l'auto- 
rité des  saints  que  de  vouloir  tâcher  à  force 
de  raisons,  de  s'en  procurer  l'inteUigence  ; 
mais  il  soutient  que  la  soumission  où  nous 
devons  être  sur  tout  ce  qui  fait  partie  de  la 
foi,  ne"doit  pas  nous  empêcher  de  chercher 
et  de  demander  raison  de  ce  que  nous 
croyons ,  puisque  nous  ne  pourrions  pas 
même  croire  si  nous  n'étions  capables  de 
raison.  Le  prophète  en  disant  :  Si  vous  rie 
croyez,  vous  ne  comprendrez  point ,  nous  con- 
seille de  commencer  par  croire ,  afin  de 
pouvoir  comprendre  ce  que  nous  croirons. 
La  foi  doit  donc  marcher  devant  :  ce  qui 
n'empêche  pas  que  la  foi  ne  soit  aussi  fondée 
sur  la  raison  ,  parce  que  la  raison  nous  per- 
suade qu'il  faut  croii-e  ;  et  en  ce  sens ,  elle 
marche  aussi  devant ,  ce  qui  doit  s'entendre 
de  la  vi'aie  raison  ;  car  il  y  en  a  de  fausses , 


comme  celles  qui  ont  fait  croire  à  quelques- 
uns,  que  dans  la  Trinité,  qui  est  le  Dieu  que 
nous  adorons,  le  Fils  n'est  pas  coéternel  au 
Père,  ou  qu'il  est  d'une  autre  substance,  ou 
que  le  Saint-Esprit  est  dissemblable  en  quel- 
que chose,  et  par  conséquent  inférieur  au 
Père ,  ou  que  le  Père  et  le  Fils  sont  d'une 
même  substance,  mais  non  pas  le  Saint- 
Esprit.  C'est  par  des  raisons  qu'on  persuade 
ces  erreurs  ;  mais  des  raisons  qu'il  faut  reje- 
ter, non  parce  qu'elles  sont  raisons,  mais 
parce  qu'elles  sont  fausses;  car  si  elles 
étaient  vraies,  eUes  ne  conduiraient  pas  à 
l'ei-reur. 

Saint  Augustin  s'étend  sur  la  manière  de 
connaître  les  choses  visibles  et  invisibles,  et 
sur  la  nature  et  la  substance  de  la  Trinité, 
en  prescrivant  à  Consentius,  ce  qu'il  en  fal- 
lait croire.  «  Vous  devez,  lui  dit-il,  croire 
d'une  foi  inébranlable,  que  le  Père,  le  Fils 
et  le  Saint-Esprit,  sont  ce  que  nous  appe- 
lons la  sainte  et  adorable  Trinité ,  quoi- 
qu'ils ne  soient  qu'un  seul  Dieu  ;  et  vous  ne 
devez  pas  croire  que  la  Divinité  soit  comme 
une  quatrième  chose  qui  soit  commune  à 
tous  les  trois;  elle  n'est  autre  chose  que 
cette  même  Trinité  indivisible  et  ineffa- 
ble :  le  Père  seul  engendi-e  le  Fils  ;  le  seul 
Fi] s  est  engendré  du  Père;  et  le  Saint- 
Esprit  est  l'esprit  du  Père  et  du  Fils.  Quand 
vous  élèverez  vos  pensées  jusqu'à  ce  mys- 
tère, tout  ce  qui  se  présentera  à  vous  de 
semblable  au  corps,  chassez4e,  écartez-le, 
désavouez-le,  rejetez-le.  Car,  en  attendant 
que  nous  soyons  capables  de  connaître  ce 
que  Dieu  est,  ce  n'est  pas  être  peu  avancé 
dans  cette  connaissante,  que  de  savoir  au 
moins  ce  qu'il  n'est  pas.  Quand  nous  disons 
à  ce  Dieu  adorable  :  Notre  Père  qui  êtes  dans 
le  ciel,  cela  ne  veut  pas  dire  qu'il  soit  là 
sans  être  ici,  puisque  par  une  présence  qui 
ne  tient  rien  de  celle  du  corps,  il  est  tout 
entier  partout  ;  mais  nous  voulons  dire  par 
ces  paroles,  qu'il  ha])ile  en  ceux  dont  il 
anime  et  soutient  la  piété,  et  que  ceux-là 
sont  proprement  dans  le  ciel  :  nous  y  vivons 
et  nous  y  conversons  vraiment  dès  à  présent, 
si  notre  bouche  est  sincère,  quand,  dans  la 
célébration  des  saints  mystères,  nous  répon- 
dons au  ministre,  que  notre  cœur  se  tient 
élevé  vers  le  ciel.  » 

Saint  Augustin  réfute  ceux  qui  voudraient 
prendre  dans  un  sens  grossier  et  charnel, 
ces  paroles  du  prophète  Isaïe  :  Le  ciel  est 
mon  trûne,  et  la  terre  l'escabeau  de  mes  pieds, 


[rv"  ET  V'  SIÈCLES.] 

par  ces  autres  du  même  propliète  :  Sa  main 
étendue  es(  la  mesure  du  ciel,  et  la  terre  tient 
dans  le  creux  de  sa  main.  Car  comment  être 
assis  sur  la  grandeur  de  sa  main  étendue  ? 
Et  comment  poser  son  pied  sur  ce  qu'on  en- 
ferme dans  le  creux  de  sa  main?  La  con- 
ti'adiction  cpie  renferment  donc  ces  passages 
de  l'Écriture,  en  les  prenant  littéralement, 
nous  avertit  qu'il  faut  concevoir  les  choses 
spirituelles  d'une  manière  toute  spirituelle. 
Ainsi,  quoique  nous  nous  représentions  sous 
une  forme  humaine  et  avec  des  membres 
comme  les  nôtres,  le  corps  de  Jésus-Christ, 
qu'il  a  élevé  dans  le  ciel,  après  l'avoir  fait 
sortir  du  tombeau,  nous  ne  devons  pas  croire 
pour  cela,  que  ce  qui  est  dit  dans  le  Symbole, 
qu'il  est  assis  à  la  droite  du  Père,  signifie 
qu'il  ait  le  Père  assis  à  sa  gauche  ;  car  dans 
cet  état  de  béatitude  qui  surpasse  tout  ce 
que  les  hommes  en  peuvent  concevoir,  il 
n'y  a  point  de  gauche  :  tout  est  à  la  droite  ; 
et  ce  mot  ne  signifie  autre  chose  que  le  bon- 
heur même  de  cet  état. 

Il  explique  aussi,  dans  un  sens  spirituel, 
ces  paroles  de  Jésus-Christ  ressuscité  à  la 
Madeleine  :  Ne  me  touchez  pas,  car  je  ne  suis 
pas  encore  monté  à  mon  Père,  disant  que  Jé- 
sus-Christ ne  peut  être  touché,  comme  il 
désire  de  l'être,  que  par  cette  foi  salutaù-e 
par  laquelle  on  croit  qu'il  est  égal  à  son 
Père.  Il  rejette  comme  une  erreiu-,  de  dire 
qu'il  n'y  a  que  la  divinité  qui  soit  dans  le 
ciel  et  partout  ailleurs,  et  que  le  Père  n'est 
dans  le  ciel  qu'autant  qu'il  est  une  personne 
de  la  Trinité  :  «  Comme  si,  dit-il,  autre  chose 
était  le  Père,  autre  chose  la  divinité,  qui 
lui  est  commune  avec  le  Fils  et  le  Saint- 
Esprit.  Vous  savez,  ajoute-t-il,  que  c'est  une 
vérité  constante  de  la  foi  catholique,  que  ce 
qui  fait  que  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit 
ne  sont  qu'un  seul  Dieu,  quoique  ce  soient 
trois  personnes  distinctes,  c'est  qu'ils  sont 
d'une  même  et  indivisible  substance  ou  es- 
sence, comme  parlent  ordinairement  les  au- 
teurs grecs.  Quant  à  ce  que  vous  dites,  qu'il 
vous  semblait  autrefois  que  la  justice  n'est 
point  une  substance  vivante,  et  qu'ainsi  vous 
ne  sauriez  concevoir  que  Dieu,  qui  est  une 
substance  vivante,  soit  quelque  chose  de 
semblable  à  la  justice  :  je  ne  veux  pom'  vous 
convaincre,  que  vous  demander  si  l'on  peut 
dire  que  la  vie  qui  fait  vivre  tout  ce  que 
nous  pouvons  appeler  véritablement  vivant, 
n'est  rien  de  vivant.  »  L.  lui  fait  voir  que 
les  âmes  des  justes  seules  peuvent  passer 
IX. 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


H3 


pour  vivantes,  et  çpie  les  âmes  appelées 
mortes  dans  l'Ecriture,  sont  celles  des  im- 
pies. Cette  justice  qui  donne  la  vie  est 
Dieu,  qui  étant  vie  et  justice  par  lui-même, 
devient  notre  vie  et  notre  justice,  lorsque 
nous  participons  en  quelque  sorte  à  son 
essence,  et  qu'étant  unis  à  lui,  nous  me- 
nons une  vie  juste  et  sainte  ;  mais  comme 
notre  justice  dans  ce  monde,  où  elle  est  seu- 
lement commencée,  est  d'avoir  faim  et  soif 
de  cette  souveraine  justice,  la  consommation 
de  notre  justice  dans  l'éternité  sera  d'en 
être  rassasiés. 

60.  Des  trois  lettres  suivantes,  la  première  Lettres 
est  de  saint  Paulin  à  saint  Augustin,  pour  lôs'&iitcs 
lui  proposer  quelques  questions  sur  divers  \\\^  jj"," 
endroits  des  Psaumes,  de  l'Évangile  et  des  sss.' 
Épitres  de  saint  Paul;  la  seconde  est  un 
biUet  de  saint  Jérôme,  écrit  en  termes  énig- 
matiques,  où  il  attaque  un  évêque  qui  sou- 
tenait en  secret  des  erreurs  condamnées. 
D'autres  veulent  que  ce  Père  y  parle  de  la 
prise  de  Rome  et  de  l'aveuglement  de  cette 
ville,  qui  ne  voulait  point  reconnaître  la 
main  de  Dieu  dans  les  afflictions  qui  l'acca- 
blaient. La  troisième  est  de  saint  Augustin 
à  son  clergé  d'Hippone.  On  y  voit  que  ceux 
de  cette  ville,  alarmés  des  malhem-s  de  l'I- 
talie, et  craignant  qu'AJaric,  après  avoir 
pillé  cette  province,  ne  vînt  aussi  se  rendre 
maître  de  l'Afi^ique,  s'étaient  relâchés  de 
leiu-  piété,  et  commençaient  à  négliger  l'u- 
sage où  ils  étaient  depuis  plusieurs  années 
de  vêtir  les  pauvres.  Saint  Augustin  en 
ayant  eu  avis  pendant  son  absence,  leur 
écrivit  avec  beaucoup  de  douceur,  pour  les 
exhorter  non-seulement  à  continuer,  mais 
même  à  redoubler  leurs  bonnes  œuvres. 
«  Comme  on  se  hâte,  dit-il,  de  sortir  d'une 
maison  dont  les  murs  commencent  à  s'é- 
branler, et  d'en  tirer  ce  qu'on  y  a  de  plus 
précieux  pom^  le  mettre  en  sûreté  ;  ainsi,  à 
mesure  que  les  tribulations  que  nous  éprou- 
vons, et  qui  deviennent  tous  les  jours  plus 
fréquentes,  nous  font  voir  que  le  monde 
menace  ruine,  les  vrais  chrétiens  doivent  se 
hâter  de  mettre  en  sûreté  dans  les  trésors 
de  Jésus-Christ,  les  biens  qu'ils  ne  son- 
geaient qu'à  laisser  en  terre.  Par  là,  s'il 
nous  arrive  quelque  accident,  nous  aurons 
la  joie  de  nous  être  mis  nous  et  nos  biens 
en  sûreté,  et  de  ne  les  pas  voir  enveloppés 
dans  les  ruines  du  monde;  et  quand  il  ne 
nous  arriverait  rien  de  fâcheux,  songeons 
que  nous  devons  mom'ir  tôt  ou  tard,  et  nous 

8 


114 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


I.cttrfs 
12(1,  125  L'i 
126  iwUbiiie 
et  i  Ali  • 
pins,     vers 

l'un    un , 

pag.  363. 


n'aurons  point  de  regret  d'avoir  mis  nos 
biens  en  dépôt  entre  les  mains  d'un  Dieu 
immortel,  où  nous  espérons  de  les  retrouver 
un  jour.  » 

§in. 

troisième  classe  des  lettres  de  saint  Augustin. 

1 .  Quelque  temps  avant  le  siège  de  Rome 
par  Alaric,  Albine,  Pinien  son  gendre  et 
Mélanie  la  jeune,  sa  fille,  quittèrent  le  sé- 
jour de  cette  ville,  pour  passer  en  Afrique, 
afin  de  se  soustraire,  par  la  fuite,  aux  mal- 
heurs dont  leur  patrie  était  menacée.  Ils 
arrivèrent  à  Carthage,  et  de  là  à  Tagaste, 
où  ils  firent  divers  présents  à  l'Eglise.  Leur 
dessein,  dans  un  si  long  voyage,  était  de 
voir  saint  Augustin,  qui  souhaitait  aussi  ar- 
demment de  les  voir,  parce  qu'ils  n'étaient 
pas  moins  recommandables  par  leur  piété, 
que  par  leur  naissance  et  leurs  richesses  ; 
mais  le  froid  excessif  de  l'hiver,  qui  était 
extrêmement  contraire  à  son  tempéram- 
ment,  l'empêcha  d'aller  à  Tagaste  ;  il  crai- 
gnit même  qu'en  faisant  ce  voyage,  le  peu- 
ple d'Hippone,  qui  s'était  déjà  scandalisé  de 
son  absence  sur  la  fin  de  410,  ne  témoignât 
un  nouveau  mécontentement,  s'il  se  fut  ab- 
senté sitôt  après.  Il  se  contenta  donc  de  leui- 
écrire  pour  leur  faire  ses  excuses,  et  se 
recommander  à  leurs  prières.  Ils  vinrent  eux- 
mêmes  à  Hippone  ;  et  il  paraît  que  saint  Aly- 
pius,  évêque  de  Tagaste,  les  accompagna. 
Comme  ils  étaient  dans  l'église,  le  peuple 
se  jeta  sur  Pinien ,  demandant  avec  de 
grands  cris  qu'il  fût  ordonné  prêtre  de  leur 
église.  Saint  Augustin  dit  qu'il  ne  l'ordon- 
nerait point  malgré  lui,  qu'il  lui  en  avait 
donné  parole  et  qu'il  quitterait  plutôt  l'épis- 
copat,  que  de  rien  faire  de  contraire  à  sa 
promesse.  Pinien  et  Mélanie  son  épouse, 
avec  laquelle  il  vivait  depuis  longtemps  en 
continence,  s'opposaient  à  cette  ordination, 
prétendant  que  le  peuple  d'Hippone  ne  la 
souhaitait  que  par  intérêt,  et  pour-  acquérir 
à  cette  église  et  aux  pauvres  de  la  ville  les 
richesses  qu'ils  distribuaient  avec  profusion. 
Saint  Augustin  disait  encore,  qu'ordonner 
Pinien  malgré  lui,  c'était  le  vrai  moyen  de 
l'obhger  à  se  retirer  après  son  ordination; 
qu'ainsi  on  n'y  gagnerait  rien.  En  effet, 
Pinien  lui  envoya  dire  qu'il  voulait  jurer  au 
peuple,  que  si  on  l'ordonnait  malgré  lui,  il 
sortirait  absolument  de  l'Afrique.  Saint  Au- 
gustin qui  craignait  que  ce  serment  n'aigrit 


encore  plus  le  peuple,  n'en  dit  rien  ;  mais  il 
quitta  son  siège  pour  aller  parler  à  Pinien 
qui  l'en  avait  prié.  Comme  il  y  allait,  on 
vint  lui  dire,  de  la  part  de  Pinien,  qu'il  de- 
mem'erait,  si  on  ne  l'engageait  point  à 
entrer  malgré  lui  dans  le  clergé.  Saint  Au- 
gustin en  fit  rapport  au  peuple,  qui  demanda 
que  Pinien  ajoutât  à  sa  promesse,  que  si  ja- 
mais il  consentait  à  entrer  dans  le  clergé, 
ce  ne  serait  que  dans  l'église  d'Hippone. 
Pinien  y  consentit,  et  le  peuple  fut  content. 
Le  diacre  lut  à  haute  voix  le  sei-ment  de 
Pinien,  qui  le  confirma  lui-même.  Il  sortit 
d'Hippone  le  lendemain,  y  étant  contraint 
pour  quelque  affaire  :  ce  qui  causa  de  l'é- 
motion parmi  le  peuple  ;  mais  quand  on  eut 
appris  le  sujet  de  son  départ  et  le  dessein 
où  il  était  de  i-evenir,  l'émotion  cessa.  Albine 
sa  belle-mère,  qui  ce  semble  n'était  pas  à 
Hippone  lorsque  tout  cela  se  passa,  se  plai- 
gnit de  la  violence  qu'on  avait  faite  à  son 
gendre,  soutenant  qu'on  n'en  voulait  qu'à 
son  bien,  et  que  le  serment  qu'il  avait  fait 
par  force  et  par  la  crainte  de  la  mort,  ne 
pouvait  l'obliger.  EUe  en  écrivit  à  saint 
Augustin,  pour  se  plaindre  de  ce  qu'il  ne 
l'avait  pas  empêché  de  s'engager  par  ser- 
ment à  ce  que  le  peuple  d'Hippone  avait 
exigé  de  lui.  Saint  Alypius  lui  écrivit  aussi 
pour  lui  dire  qu'il  fallait  examiner  pnsemble 
ce  qu'on  devait  penser  de  ces  sortes  de  ser- 
ments où  la  violence  avait  eu  part.  Il  disait 
néanmoins^  dans  un  mémoire  joint  à  la  let- 
tre, que  son  sentiment  était  que  Pinien 
devait  demeurer  à  Hippone,  et  qu'il  fallait 
interpréter  les  serments,  non  à  la  lettre, 
mais  suivant  l'intention  de  ceux  à  qui  on  les 
a  faits. 

Saint  Augustin  lui  répondit  qu'après  les 
exemples  que  les  anciens  Romains  avaient 
donnés  au  sujet  du  serment,  c'était  une 
chose  honteuse  de  délibérer  seulement  si 
Pinien  observerait  le  sien  ou  non  ;  qu'on  ne 
pourrait  plus  se  fier  à  la  parole  des  évêques, 
si  l'on  prenait  le  parti  de  souffrir  qu'un  aussi 
saint  homme  que  lui  violât  la  sienne.  «  Tout 
ce  qu'il  y  a  donc  à  faire,  ajoute-t-il,  c'est  de 
suivre  l'avis  que  vous  lui  donnez  dans  votre 
réponse,  c'est-ù-dire  de  garder  la  promesse 
qu'il  a  faite  de  se  tenir  à  Hippone  comme 
nous  nous  y  tenons,  moi  et  les  habitants  de 
cette  viUe,  à  qui  il  est  libre  d'en  sortir  et 
d'y  revenir.  »  Il  établit  pom-  maxime  qu'un 
serviteui'  de  Dieu  doit  plutôt  s'exposer  à  une 
mort  certaine,  que  de  promettre  avec  ser- 


[IV'=  ET  V*  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIiN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


115 


ment  une  action  défendue  ;  parce  qu'il  ne 
pourrait  accomplir  son  serment  que  par  un 
crime  ;  mais  que  celui  qui  a  promis  une 
chose  permise  par  la  crainte  d'un  mal  in- 
certain, corome  Pinien,  doit  accomplir  sa 
promesse  plutôt  que  de  commettre  un  par- 
jm-e  certain.  Il  ajoute  qu'il  est  convaincu 
que  la  foi  du  serment  est  seulement  gardée 
quand  on  remplit,  non  ce  que  signifient  à  la 
rigueur  les  paroles  dans  lesquelles  le  ser- 
ment est  conçu,  mais  l'attente  de  celui  à 
qui  on  l'a  fait,  quand  on  l'a  connue  en  le 
faisant.  D'où  cette  conclusion;  quoique  l'on 
mette  en  exécution  tout  ce  que  signifient  à 
la  lettre  les  termes  du  serment,  on  est  par- 
jure si  l'on  trompe  l'attente  de  ceux  à  qui 
on  l'a  fait,  et,  dès  qu'on  la  remplit,  on 
n'est  point  parjure,  quoique,  d'ailleurs,  on 
n'exécute  pas  à  la  lettre  tout  ce  qu'emporte 
la  signification  des  termes  du  serment.  Il  té- 
moigne à  saint  Alypius  qu'il  ne  croyait  pas 
qu'aucun  des  clercs  ou  des  moines  d'Hip- 
pone  eût  eu  part  aux  injures  qu'il  disait 
avoir  reçues  en  cette  viUe;  et  il  marque 
qu'il  lui  envoie,  avec  sa  lettre,  une  copie 
de  l'acte  que  Pinien  avait  signé. 

Saint  Augustin,  dans  sa  réponse  à  Albine, 
lui  rend  un  compte  exact  de  tout  ce  qui  s'é- 
tait passé  à  Hippone  au  sujet  de  Pinien,  son 
gendre.  Puis  il  fait  voir  que  les  libéralités 
(ju'on  pouvait  attendre  de  Pinien,  ne  regar- 
dant point  le  peuple,  on  ne  pouvait  le  soup- 
çonner de  l'avoir  voulu  retenir  par  intérêt. 
«  Ce  n'est  pas,  lui  dit-il,  votre  argent  qui  les 
a  touchés,  mais  le  mépris  que  vous  avez 
pour  l'argent.  Ce  qui  leur  a  plu  en  moi , 
c'est  qu'ils  savaient  que  j'avais  quitté  pom* 
servir  Dieu,  quelques  petits  héritages  de 
mon  patrimoine  ;  et  ils  ne  les  ont  pas  en- 
viés à  l'église  de  Tagaste,  où  je  suis  né  ; 
mais  conune  elle  ne  m'avait  point  engagé 
dans  la  cléricature,  ils  m'y  ont  fait  entrer 
quand  ils  ont  pu.  A  combien  plus  forte  rai- 
son ont-ils  été  touchés,  de  voir  en  notre 
cher  Pinien,  le  mépris  de  tant  de  richesses 
et  d'espérances?  Plusieurs  trouvent  que  loin 
de  quitter  les  richesses,  j'y  suis  parvenu; 
mon  patrimoine  étant  à  peine  la  vingtième 
partie  de  cette  église.  Mais  Pinien ,  quand  il 
serait  évéque  en  quelque  église  que  ce  soit, 
principalement  d'Afrique,  ne  saurait  être  que 
pauvi'e  en  comparaison  des  biens  avec  les- 
quels il  est  né.  » 

Après  avoir  ainsi  justifié  le  peuple  d'Hip- 
pone,  il  se  justifie  lui-même  du  soupçon 


d'intérêt,  de  même  que  son  clergé,  parce 
qu'on  les  regardait  l'un  et  l'autre  comme 
les  maîtres  du  bien  de  l'église  dont  ils 
avaient  l'administration.  «  Dieu  m'est,  dit-il, 
témoin  que,  loin  d'aimer,  comme  l'on  croit, 
cette  adminish-ation,  elle  m'est  à  charge;  et 
que  je  ne  m'y  soumets  que  par  la  crainte  de 
Dieu  et  par  la  charité  que  je  dois  à  mes  frè- 
res; en  sorte  que  je  voudrais  m'en  pouvoir 
décharger,  si  mon  devoir  me  le  permettait.  » 
Il  ajoute  qu'il  ne  lui  était  pas  possible  d'imi- 
ter les  apôtres  dans  le  travail  des  mains 
pour  avoir  de  quoi  subsister;  et  que,  quand 
il  le  pourrait,  ses  occupations  ne  le  lui  per- 
mettraient pas.  Comme  Albine  lui  avait  de- 
mandé si  l'on  était  obligé  de  tenir  un  ser- 
ment extorqué  par  force,  il  lui  demande  à 
elle-même  ce  qu'elle  en  croyait,  et  soutient 
qu'un  clirétien  menacé  d'une  mort  cer- 
taine, ce  que  Pinien  n'avait  aucun  sujet  de 
craindre,  ne  peut  faire  servir  à  une  trompe- 
rie le  nom  de  Dieu,  ni  l'appeler  à  témoin 
d'une  fausseté,  lui  qui,  quand  même  il  ne 
serait  point  question  de  serment,  et  qu'on 
ne  le  menacerait  de  la  mort  que  pour  lui 
faire  rendre  un  faux  témoignage,  devrait  se 
laisser  ôter  la  vie  plutôt  que  de  la  souiUer 
d'un  tel  crime. 

2.  Rome  venait  d'être  ravagée  parles  bar-  ,  Lciirei27 
bares,  lorsqpie  samt  Augustm  écrivit  à  Ar-  laîre  ei  à 
mentaire  et  à  Pauline  sa  femme.  C'était  donc  vcrs"'"ràn 
vers  l'an  411.  IL  avait  appris  par  Ruflférius  3,3;    P""- 
leur  allié  ,  qu'ils  avaient  fait  l'un  et  l'autre 
vœu  de  se  donner  entièrement  à  Dieu  et  d'em- 
brasser la  continence.  Pauline  y  était  entiè- 
ment  disposée,  mais  Armentaire  en  différait 
l'exécution.  Ce  fut  pour  le  presser  d'accom- 
plir ce  vœu  sans  délai,  que  saint  Augustin 
écrivit  la  lettre  dont  nous  parlons ,   où   il 
s'adi-esse  presque  toujours  à  Armentaire  :  "^ 

u  Quand  vous  ne  vous  seriez  pas,  lui  dit-il, 
consacré  à  Dieu  par  un  vœu,  que  vous  au- 
rait-on pu  conseiller  autre  chose,  et  qu'est- 
ce  cfue  l'homme  peut  faire  de  mieux  que  de 
se  donner  tout  entier  à  celui  qui  lui  a  donné 
l'être,  et  surtout  après  que  Dieu  a  signalé 
l'amour  qu'il  nous  porte,  jusqu'à  envoyer 
son  Fils  rmique ,  afin  qu'il  mourût  pour 
nous?»  Il  lui  représente  que  si,  pour  la  con- 
servation de  cette  vie  qui  doit  finir,  on  ne 
craint  point  d'essuyer  tout  ce  qu'il  s'y  ren- 
contre de  peines,  à  plus  forte  raison  doit-on 
s'exposer  à  tout  pour  la  vie  éternelle  ;  que 
ce  n'est  pas  trop  exiger  d'im  chrétien  qu'il 
ait  pour  la  vie  éternelle  un  amour  aussi  vif 


lie 


HISTOffiE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


que  les  mondains  en  ont  poiu'  le  monde.  Il 
fait  une  peinture  des  calamités  et  des  inquié- 
tudes de  la  yïe  présente;  puis,  venant  au 
vœu  qu'Armentaire  avait  fait  à  Dieu,  il  le  con- 
jure de  le  lui  rendre  sans  différer.  La  raison 
qu'il  lui  en  donne,  c'est  que  l'homme  se  doit 
tout  entier  à  Dieu,  et  que  pour  être  hem-eux 
il  faut  qu'il  se  donne  à  celui  qui  lui  a  donné 
l'être.  «  Avant  votre  vœu,  dit-il  à  Armentaire, 
il  vous  était  libre  de  vous  placer  dans  un 
plus  bas  degré  de  mérite  ;  mais  maintenant 
que  vous  êtes  lié  et  engagé ,  il  ne  vous  est 
plus  permis  de  vivTe  autrement  que  vous  l'a- 
vez promis.  Ce  qui  reste  à  faire ,  est  de  vous 
mettre  en  garde  contre  un  aussi  énorme  pé- 
ché que  serait  celui  de  manquer  à  votre 
vœu.  Tenez  donc  ferme  ;  accomplissez  ce  que 
vous  avez  promis;  celui  qui  l'exige  de  vous, 
vous  aidera  à  le  lui  rendre.  Heureuse  est 
la  nécessité  qui  nous  porte  à  ce  qu'il  y  a  de 
meiUem"  et  de  plus  parfait.  Une  seule  chose 
pourrait  m'empècher  de  vous  exhorter  à 
garder  votre  vœu,  et  m'obligerait  même  à 
vous  le  défendre  :  ce  serait  que  l'infirmité 
de  votre  femme  se  trouvât  assez  grande, 
de  la  part  de  l'esprit  ou  du  coi'ps,  pour 
l'empêcher  d'y  consentir.  Car  cette  sorte 
de  vœu  ne  se  peut  faire  par  des  person- 
nes mariées  que  d'un  commim  consente- 
ment; et  quand  un  des  deux  l'a  fait  mal  à 
propos,  il  doit  songer  à  se  corriger  de  sa  té- 
mérité plutôt  qu'à  garder  sa  promesse,  puis- 
que Dieu  défend  de  disposer  de  ce  qui  ap- 
partient à  autrui,  bien  loin  d'exiger  ce  qu'on 
n'a  pu  lui  promettre  qu'au  préjudice  de  cette 
défense.  Mais  comme  j'apprends  que  votre 
femme  est  tellement  prête  à  faire  la  même 
chose  de  son  côté,  que  rien  ne  la  retient 
que  la  crainte  de  vous  voir  user  de  votre 
''  di'oit,  rendez  l'un  et  l'autre,  ce  que  vous 

avez  voué  l'un  et  l'autre ,  et  faites-en  un  sa- 
crifice à  Dieu.  Votre  consentement  sur  ce 
point  sera  une  offrande  k  présenter  au  pied 
du  trône  de  Dieu,  et  deviendra  même  entre 
vous  un  lien  d'affection  et  de  charité,  d'au- 
tant plus  fort  qu'il  sera  plus  saint,  et  que 
vous  serez  plus  affranchis  de  tout  ce  qui  tient 
de  la  cupidité.  »  Il  remai-que  que  le  sexe  le 
plus  faible  était  le  plus  disposé  à  embrasser 
la  continence. 
Leiircs       3.  Ouoicrue    les    deux    lettres    suivantes 

128    et   l'>9  "       ^  i 

àMarceiiin,   soient  signées  par  Aurèle  de  Carthage  et  par 

cn^<iH,i)as.   gjjYj^j^  ^e  Zomme,  doyen  et  primat  de  Nu- 

midie,  il  est  aisé  de  voir  au  style  qu'elles 

sont  l'une  et  l'autre  de  saint  Augustin.  Elles 


sont  adressées  àMarcellin,  tribun  et  notaire, 
à  qui  l'empereur  Honorius  avait  envoyé  mi 
rescrit  portant  que  les  évêques  donatistes 
s'assembleraient  à  Carthage  dans  quatre 
mois  avec  les  catholiques,  afin  que  les  évê- 
ques choisis  de  part  et  d'autre  pussent  con- 
férer ensemble.  Ce  rescrit,  qui  était  daté  de 
Ravenne,  la  veille  des  ides  d'octobre,  sous 
le  consrdat  de  Varane,  c'est-à-dire  le  14  oc- 
tobre 410,  menaçait  les  donatistes  d'être  dé- 
possédés de  lem's  églises,  s'ils  ne  se  trou- 
vaient point  à  Carthage  après  avoir  été  ap- 
pelés trois  fois.  Il  établissait  aussi  Marcel- 
liu  juge  de  la  conférence ,  et  pour  exécuter 
ce  qui  était  porté  par  ce  rescrit  et  les  autres 
lois  données  en  faveur  de  la  religion  catho- 
liques, l'Empereur  donnait  à  Marcellin  pou- 
voir de  prendre  entre  les  officiers  du  pro- 
consul, du  vicaire  du  préfet  du  prétoire  et 
de  tous  les  autres  juges,  les  personnes  né- 
cessaires pour  l'exécution  de  sa  commis- 
sion. MarceUin,  avant  de  la  commencer,  fit 
deux  ordonnances;  l'une,  pour  indiquer  le 
jour  et  le  lieu  de  la  conférence,  et  l'autre, 
pour  en  régler  la  manière  et  les  conditions, 
et  pour  obliger  les  évêques  de  part  et  d'au- 
tre, de  déclarer  par  écrit  s'ils  les  accep- 
taient. Ce  fut  pour  y  satisfaire  que  les  évê- 
ques catholiques  lui  écrivirent,  avec  pro- 
messe d'exécuter  tous  les  ordres  qu'il  avait 
prescrits.  Dans  la  première  de  leurs  lettres, 
ils  consentent  poiu:  se  conformer  à  la  de- 
mande de  Marcellin,  que  le  nombre  de  ceux 
qui  devaient  assister  à  la  conférence  fût  ré- 
glé ;  que  ceux  qui  seraient  nommés  pour 
conférer  signassent  toutes  lem's  demandes  ; 
que  Marcellin  eût  par  devers  lui  l'écrit  por- 
tant leurs  pouvoirs  ;  de  souscrire  à  tout  ce 
que  les  députés  feraient  et  de  lui  laisser  l'é- 
crit qu'ils  auraient  signé.  Ils  promettent, 
dans  la  même  lettre ,  d'empêcher  que  les 
peuples  ne  parussent  dans  le  lieu  de  l'as- 
semblée, afin  qu'elle  fût  plus  paisible  et  plus 
cahne,  et  déclarent,  par  la  confiance  qu'ils 
avaient  dans  la  force  de  la  vérité,  que  si  les 
donatistes  peuvent  prouver  que  l'Église  est 
réduite  à  lem*  communion ,  ils  se  soujnet- 
tront  absohunent  à  eux  sans  prétendi-e  rien 
conserver  de  la  dignité  épiscopale  ;  que 
si  les  catholiques  montrent,  au  contraire, 
comme  ils  l'espèrent ,  que  les  donatistes 
ont  tort ,  ils  leur  conserveront  l'honnem-  de 
l'épiscopat  ;  en  sorte  que  dans  les  lieux  mê- 
me oii  il  se  trouvera  im  évêque  catholique 
et  un  donatiste,  ils  seront  alternativement 


[iv=  ET  v°  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


117 


assis  dans  la  chaire  épiscopale;  ou  bien,  qiie 
l'un  aura  une  église,  et  l'autre  une  autre, 
et  cela  jusqu'à  ce  que,  l'un  des  deux  étant 
mort,  l'autre  demeure  seul  évêque  ;  ou  que 
si  les  peuples  chrétiens  ont  trop  de  peine  à 
voir  deux  évêqnes  dans  une  même  église, 
tous  les  deux  se  démettront.  «  Car  pourquoi, 
disent-ils,  ne  ferions-nous  pas  à  notre  Ré- 
dempteur ce  sacrifice  d'humilité,  lui  qui 
nous  a  rachetés  ?  Il  est  descendu  du  ciel  et  a 
pris  un  corps  semblable  au  nôtre ,  afin  que 
nous  fussions  ses  membres,  et  nous  ne  vou- 
drions pas  descendre  de  nos  chaires  pour  ne 
pas  laisser  ses  membres  se  déchirer  par  un 
cruel  schisme?  11  nous  suffit,  pour  nous- 
mêmes,  d'être  des  chrétiens  fidèles  et  sou- 
mis à  Jésus-Christ.  C'est  ce  que  nous  devons 
être  aux  dépens  de  toute  chose.  Si  avec  cela 
nous  sommes  évêqnes ,  c'est  pour  le  service 
du  peuple  chrétien.  Usons  donc  de  notre 
épiscopat  en  la  manière  qui  est  la  plus  utile 
au  peuple  pour  y  établir  l'union  et  la  paix  de 
Jésus-Christ.  Si  nous  cherchons  le  profit  de 
notre  Maître,  pouvons-nous  avoir  de  la  peine 
qu'il  fasse  un  gain  éternel  aux  dépens  de 
de  nos  honneurs  passagers  ?  La  dignité  de 
l'épiscopat  nous  sera  bien  plus  avantageuse 
si,  en  la  quittant,  nous  réunissons  le  trou- 
peau de  Jésus-Christ,  que  si  nous  le  dissi- 
pions en  la  conservant.  Serions-nous  assez 
impudents  pour  prétendre  à  la  gloire  que 
Jésus-Christ  nous  promet  dans  l'autre  vie,  si 
notre  attachement  à  la  gloire  du  siècle  était 
un  obstacle  à  la  réunion  des  fidèles  ?  » 

Saint  Augustin,  après  avoir  fait  lire  dans  un 
sermon  une  partie  de  cette  lettre,  assura  ses 
auditeurs  que  quand  ont  vint  à  proposer  le 
parti  de  la  démission  aux  évêqnes  catholi- 
ques, qui  se  trouvaient  environ  trois  cents 
dans  le  concile,  tous  l'agréèrent  d'un  commun 
consentement  et  s'y  portèrent  même  avec 
ardeur,  prêts  à  quitter  l'épiscopat  pour  l'u- 
nité de  Jésus-Christ,  croyant,  non  le  perdre, 
mais  le  mettre  plus  sûrement  en  dépôt  entre 
les  mains  de  Dieu  même.  ((  Il  n'y  en  eut,  dit-il, 
que  deux  à  qui  cela  fit  de  la  peine  ;  l'un  qui 
était  fort  âgé,  encore  changea-t-il  de  senti- 
ment aux  reproches  que  lui  firent  ses  con- 
frères, et  l'autre  changea  aussi  dévisage.» 
Il  ajoute  qu'une  si  sainte  résolution  fut  si- 
gnée de  tous  ces  évoques,  et  sanctifiée  par  la 
prière  que  tout  le  Concile  adressa  à  Dieu  pour 
ce  sujet.  Suivant  l'ordonnance  de  Marcellin, 
il  ne  devait  se  trouver  à  la  conférence  qu'un 
certain  nombre  d'évêques  de  chaque  parti , 


choisis  par  tous  les  autres.  Mais  les  évéques 
donatistes,  voulant  y  assister  tous,  déclarè- 
rent publiquement  leurs  prétentions  sur  ce 
point.  C'est  ce  qui  donna  occasion  aux  évê- 
qnes catholiques  d'écrire  une  seconde  lettre 
à  Marcellin,  où  ils  lui  témoignent  leur  in- 
quiétude sur  la  difficulté  que  faisaient  les 
donatistes  de  se  soumettre  à  ce  qu'il  avait  si 
sagement  ordonné.  «  Si  ce  n'est,  disent-ils, 
que  touchés  d'an  mouvement  de  crainte  de 
Dieu,  ils  veulent  tous  assister  à  la  confé- 
rence, pour  se  réunir  tous  à  la  foi.  Ils  ont 
dit  que  leur  intention,  en  venant  tous  à  l'as- 
semblée, était  de  montrer  leur  grand  nom- 
bre et  de  convaincre  de  mensonge  leurs  ad- 
versaires; si  les  nôtres  ont  dit  quelquefois 
que  les  donatistes  étaient  peu  nombreux, 
ils  ont  pu  le  dire  très  -  véritablement  des 
lieux  où  nous  sommes  beaucoup  plus  nom- 
breux ,  et  principalement  dans  la  province 
proconsulaire,  quoique  dans  les  autres  pro- 
A'inces  d'Afrique,  excepté  la  Numidie  consu- 
laire ,  ils  soient  aussi  beaucoup  moins  nom- 
breux que  nous.  Du  moins  avons-nous  raison 
de  dire  qu'ils  sont  en  très-petit  nombre  par 
rapport  à  toutes  les  nations  qui  composent 
la  communion  catholique.  Pourquoi  donc  " 
vouloir  assister  tous  à  la  conférence  ?  Quel 
trouble  n'apporteront-ils  pas  en  parlant,  ou 
qu'y  feront-ils  sans  parler?  Quand  on  ne 
crierait  point,  le  seul  murmure  d'une  telle 
multitude  suffira  pour  empêcher  la  confé- 
rence. Craignant  donc  qu'ils  n'aient  des- 
sein de  causer  du  tumulte,  nous  consentons 
qu'ils  y  assistent  tous  ;  mais ,  de  notre  part, 
il  y  aura  seulement  le  nombre  que  vous 
avez  jugé  suffisant,  afin  que  s'il  arrive  du 
tumulte,  on  ne  puisse  l'imputer  qu'à  ceux 
qui  auront  amené  une  multitude  inutile  pour 
une  affaire  qui  ne  se  peat  traiter  qu'entre 
peu  de  personnes.  Mais  si  la  multitude  est 
nécessaire  pour  la  réunion ,  nous  nous  y 
trouverons  tous  quand  ils  voudront  ;  nous 
courrons  au-devant  d'un  si  grand  bien,  avec 
la  grâce  de  celui  qui  en  sera  l'auteur,  et  nous 
leur  dirons,  tout  transportés  des  joies  :  Vous  is 
êtes  nos  frères.  »  *' 

Les  évêques  catholiques  témoignent  en- 
core à  MarceUin ,  qu'il  leur  est  d'autant  plus 
sensible  de  voir  les  donatistes  divisés  d'avec 
les  catholiques,  qu'ils  ont  les  uns  et  les  autres 
les  mêmes  Écritures,  où  il  est  clairement  éta- 
bli que  l'Éghse  de  Jésus-Christ  doit  être  ré- 
pandue par  toutes  les  nations  et  dans  toutes 
les  parties  du  monde,  et  que  les  promesses 


118 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ï,5. 


faites  à  cet  égard ,  ont  commencé  à  avoir 
leur  accomplissement,  aussitôt  après  la  pu- 
blication de  l'évangile ,  comme  on  le  voit 
dans  les  actes  et  les  épîtres  des  apôtres, 
où  nous  lisons  les  noms  des  lieux ,  des  villes 
et  des  provinces  où  l'Église  s'était  répandue, 
et  d'où  elle  a  passé  en  Afrique,  non  en  ces- 
sant d'être  où  elle  était,  mais  en  s'étendant 
toujours  de  plus  en  plus. 
Leitres  4.  Les  feux  que  les  Goths  avaient  allumés 
Pro'ba,  'en  dans  Rome  n'étaient  pas  encore  éteints, 
pgg''382j^'  lorsque  Proba,  qui  craignait  qu'Alaric  ne  re- 
vint en  cette  ville,  la  quitta  avec  Julienne  sa 
bru  et  sa  fiUe  Démétriade  pom*  passer  en 
Afrique.  EUes  s'y  firent  connaître  à  saint 
Augustin  par  leurs  lettres,  et  c'est  de  ce 
commerce  que  nous  est  venue  l'excellente 
instruction  que  ce  saint  évêqiie  nous  a  lais- 
sée sur  les  devoirs  des  veuves  et  sur  la 
prière.  Proba  lui  avait  demandé  cette  ins- 
truction, sachant  que,  suivant  l'avis  de  saint 
Paul,  la  principale  affaire  d'une  veuve  est 
i.Timoiii.  de  vaquer  à  la  prière  jour  et  nuit.  «  Une  si 
sainte  pensée,  lui  dit  saint  Augustin,  ne  peut 
venir  que  de  Dieu  :  car,  comment  seriez-vous 
si  soigneuse  de  le  prier,  si  vous  n'aviez  mis 
votre  espérance  en  lui  ;  et  comment  l'y  au- 
riez-vous  mise,  si  vous  faisiez  votre  bonheur 
d'une  chose  aussi  peu  solide  que  les  riches- 
ses de  la  terre  ?  »  Proba  était  une  des  plus 
illustres  dames  romaines,  et  extrêmement 
riche  :  toutefois  saint  Augustin  veut  qu'à 
force  d'aimer  et  de  désirer  la  véritable  vie, 
eUe  se  regarde  comme  abandonnée  et  sans 
consolation  dans  celle-ci,  quelque  heureuse 
qu'elle  y  fût.  La  raison  qu'il  en  donne,  c'est 
qu'il  n'y  a  de  véritable  consolation  que  celle 
que  Dieu  pi'omet  par  ses  Prophètes,  c'est-à- 
isai.  Lvii,  dire  une  paix  qui  est  au-dessus  de  toute  paix, 
qui  ne  se  trouve  ni  dans  les  richesses  ni  dans 
les  dignités  temporelles,  mais  dans  la  vie  de 
l'âme  et  dans  la  pureté  de  cœur.  «  Ne  vous 
estimez  donc  pas  davantage,  lui  dit-il,  pour 
avoir  en  abondance  tout  ce  qui  fait  les  déli- 
ces de  la  vie.  Ne  regardez  toutes  ces  choses 
qu'avec. mépris,  et  n'en  prenez  que  ce  qui 
est  nécessaire  pour  conserver  votre  santé. 
Car  les  besoins  de  la  vie  vous  obligent  d'en 
avoir  soin,  en  attendant  que  ce  corps  mor- 
tel soit  revêtu  d'immortalité.  U  y  a  eu  un 
grand  nombre  de  personnes  saintes,  qui  ont 
abandonné  tous  leui'S  biens,  et  les  ont  distri- 
bués aux  pauvres  pour  s'assurer  un  trésor 
dans  le  ciel.  Si  la  tendresse  que  vous  avez 
pom'  votre  famille  vous  empêche  d'en  faire 


18. 


autant  ;  c'est  à  vous  à  régler  vos  comptes 
avec  Dieu  sur  ce  sujet.  Mais  il  est  du  devoir 
d'une  veuve  chrétienne,  qui  se  trouve  com- 
me vous  dans  l'abondance  des  biens  et  des 
délices,  de  prendre  garde  que  son  cœur  ne 
s'y  attache,  et  qu'en  s'engageant  dans  la 
corruption ,  il  n'y  trouve  la  mort  ;  au  lieu 
qu'il  doit  se  tenir  élevé  vers  le  ciel,  pour  y 
trouver  la  véritable  vie.  A  l'égard  de  la  prière 
sur  laquelle  vous  me  demandez  avis,  je  n'ai 
qu'à  vous  en  dire  deux  mots,  que  la  vie 
heureuse  est  ce  que  vous  devez  demander 
dans  vos  prières.  » 

Saint  Augustin  fait  voir  que  cette  vie 
heureuse ,  qui  est  désirée  des  méchants 
comme  des  bons,  ne  consiste  pas  à  vivre 
comme  l'on  veut,  ni  même  à  avoir  tout  ce 
que  l'on  veut,  si  ce  n'est  lorsqu'on  ne  veut 
rien  qui  ne  soit  dans  l'ordre.  Celui-là  ne 
fait  rien  contre  l'ordre  qui  souhaite  des 
honneurs  et  des  dignités,  s'il  les  souhaite 
comme  des  moyens  de  faire  du  bien  à  ceux 
qui  seront  sous  sa  charge,  et  non  pas  pour 
les  dignités  même;  il  n'est  pas  non  plus 
contre  l'ordre  de  souhaiter,  soit  pour  soi, 
soit  pour  ses  amis,  ce  qui  est  nécessaire  à 
la  vie ,  pourvu  qu'on  ne  veuille  rien  davan- 
tage ;  qu'on  peut  aussi  désirer  l'amitié  et  la 
santé.  Le  saint  Évêque  entend,  par  la  santé, 
non-seulement  la  conservation  de  la  vie  et 
la  bonne  disposition  du  corps,  mais  encore 
celle  de  l'esprit  ;  et  par  l'amitié,  ce  qui  nous 
lie  à  tous  ceux  que  nous  devons  aimer  et 
qui  les  embrasse  tous,  quoique  le  cœur  se 
porte  plus  volontiers  vers  les  uns  que  vers 
les  autres.  «  Nous  pouvons,  dit-U,  demander 
à  Dieu  toutes  ces  choses  dans  nos  prières, 
quand  nous  ne  les  avons  pas,  et  lui  en  de- 
mander la  conservation  quand  nous  les 
avons.  Mais  ce  n'est  pas  là  ce  qui  fait  la  vie 
heureuse  ;  comme  il  ne  nous  est  utile  de  vi- 
vre, dans  le  temps,  que  pour  mériter  de 
vivre  dans  l'éternité,  c'est  à  cette  seule  vie, 
qui  nous  fera  vivre  de  Dieu  et  avec  lui,  que 
se  doit  rapporter  tout  ce  qu'il  nous  est  pei'- 
mis  de  désii-er  dans  ceUe-ci  :  c'est  cette 
vie,  que  les  égards  que  nous  avons  pour  les 
autres  et  nos  propres  besoins  nous  obligent 
de  rechercher.  C'est  donc  en  vain,  continue- 
t-il,  que  la  crainte  de  ne  pas  prier  comme  il 
faut,  nous  fait  parcourir  tant  de  choses  pour 
chercher  ce  que  nous  devons  demander  dans 
nos  prières,  et  nous  n'avons  qu'à  dire  avec 
David  :  Je  n'ai  demandé  qu'une  seule  chose  à  ps: 
mon  Dieu,  et  je  la  lui  demanderai  sans  cesse  ;   '""  ' 


salin 


[iv°  ET  v^  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


H9 


c'est  que  je  puisse  hnbiter  tous  les  jours  de  ma 
vie  dans  la  maison  du  Seigneur,  afin  d'y  goû- 
ter ses  délices,  et  de  l'adorer  dans  son  temple. 
Ce  n'est  pas  à  force  de  parler  que  nous  som- 
mes exaucés;  Jésus-Christ  en  disant  dans 
l'Évangile  qu'il  faut  toujours  p)ner,  et  ne  s'en 
lasser  jamais,  n'avoidu  direautre  chose,  sinon 
que  nous  devons  désirer  sans  cesse  ;  parce 
qu'un  désir  continuel  formé  par  la  charité, 
et  soutenu  par  la  foi  et  par  l'espérance ,  est 
une  prière  continuelle.  Il  faut  néanmoins 
prier  même  vocalement  à  certaines  heures 
réglées,  afin  que  les  paroles  nous  rappellent 
ce  que  nous  devons  désirer,  et  que,  ren- 
trant en  nous-mêmes,  nous  puissions  connaî- 
tre si  nous  profitons ,  si  nos  désirs  vont  en 
augmentant;  et  qu'eafin  nous  travaillions  sans 
cesse  à  les  rendre  plus  vifs  et  plus  ardents. 
Saint  Augustin  donne  un  même  sens  à  ces 
paroles  de  l'Apôtre  :  Priez  sans  cesse,  et  les 
explique  du  désir  continuel  que  nous  devons 
avoir  de  la  vie  heureuse,  qui  n'est  autre  que 
la  vie  éternelle.  «  Les  prières  des  solitaires 
d'Egypte  étaient  fréquentes,  ajoute-t-il,  mais 
courtes,  de  peur  que  la  ferveur  de  l'esprit, 
qui  est  si  nécessaire  dans  la  prière  ne  vînt  à 
se  relâcher  si  l'on  priait  trop  longtemps;  ils 
nous  faisaient  assez  voir  par-là,  que  comme 
il  ne  faut  pas,  si  l'on  sent  qu'elle  ne  puisse 
durer,  se  mettre  au  hasard  de  l'affaiblir  en 
allongeant  la  prière  ;  aussi  ne  doit-on  pas  l'in- 
terrompre tant  qu'elle  peut  se  soutenir.  C'est 
seulement  à  nous-mêmes  que  les  paroles  sont 
nécessaires  dans  la  prièi'e,  pour  nous  re- 
mettre dans  l'esprit  ce  que  nous  avons  à  de- 
mander, et  non  pas  pour  fléchir  Dieu,  ni 
pour  lui  apprendre  ce  que  nous  désirons; 
ainsi,  lorsque  nous  lui  disons  :  Que  votre  nom 
soit  sanctifié,  c'est  pour  nous  avertir  nous- 
mêmes,  que  nous  devons  désirer  que  le  nom 
de  Dieu,  qui  ne  saurait  jamais  cesser  d'être 
saint,  soit  regardé  comme  saint  et  toujours 
respecté  parmi  les  hommes.  Nous  disons  : 
Que  votre  règne  arrive,  pour  nous  exciter  à  le 
désirer.  Quand  nous  disons  à  Dieu  :  Que  votre 
volonté  soit  faite,  nous  lui  demandons  qu'il 
nous  fasse  obéir  à  sa  sainte  volonté,  afin 
qu'elle  s'accomplisse  par  nous  sur  la- terre, 
comme  les  saints  anges  l'accomplissent  dans 
le  ciel.  Par  le  pain  de  chaque  jour ,  nous  lui 
demandons,  non-seulement  ce  qui  est  néces- 
saire pour  notre  subsistance,  désignée  par  le 
pain  qui  est  le  principal  aliment,  mais  encore 
le  sacrement  des  fidèles,  dont  nous  avons 
besoin  en  cette  vie  pour  acquérir  la  félicité 


éternelle.  Quand  nous  lui  disons  :  Pardonnez- 
nous  nos  offenses,  comme  noies  pardonnons,  nous 
nous  remettons  devant  ks  yeux  ce  que  nous 
devons  demander,  et  ce  que  nous  avons  à 
faire  pour  l'obtenir.  Par  ces  paroles  :  Ne  nous 
livrez  point  à  la  tentation,  nous  sommes  aver- 
tis de  lui  demander  que  sa  grâce  ne  nous 
abandonne  point ,  de  peur  qu'en  étant  aban- 
donnés, nous  ne  succombions  à  la  tentation. 
Enfin,  lorsque  nous  lui  disons  :  Délivrez-nous 
du  mal,  c'est  pour  nous  faire  souvenir  que 
nous  ne  sommes  pas  encore  dans  cet  heu- 
reux état  où  nous  n'aurons  aucun  mal  à  souf- 
frir. » 

Toutes  les  prières  des  saints  de  l'Ancien 
Testament  se  rapportent  à  l'Oraison  domini- 
cale qui  est  comme  un  mémorial  des  choses 
que  nous  avons  à  demander.  La  vie  heu- 
reuse qui  doit  être  l'unique  objet  de  nos 
prières  consiste  dans  la  vision  de  Dieu; 
elle  consiste  à  vivre  éternellement  avec  lui , 
ce  que  prouvent  ces  paroles  du  Psaume  143  : 
Heureux  le  peuple  dont  le  Seigneur  est  le  Dieu. 
Le  jeûne  et  la  privation  volontaire  des  plai- 
sirs de  la  vie,  donnent  beaucoup  de  force  à  nos 
prières.  Les  afflictions  sont  aussi  très-utiles 
pour  nous  guérir  de  l'enflure  de  l'orgueil, 
ou  pour  exercer  notre  patience  par  des 
épreuves  qui  augmentent  notre  récompense 
et  notre  gloire,  ou  pour  nous  châtier,  ou  nous 
purifier  de  nos  péchés.  C'est  à  l'égard  de  ces 
afllictions  que  l'Apôtre  a  dit,  que  nous  ne  sa- 
vons si  ce  que  nous  demandons  dans  nos 
prières,  est  ce  qu'il  faut  demander.  Car 
dès  là  qu'elles  sont  dures  et  fâcheuses  à  no- 
tre faiblesse,  la  pente  générale  de  la  volonté 
nous  porte  à  demander  à  Dieu  qu'il  nous  en 
délivre  :  mais  ce  ne  doit  être  qu'avec  une 
soumission  parfaite  aux  ordres  de  sa  provi- 
dence et  de  sa  sagesse.  L'impatience  de 
quelques-uns  a  fait  que  Dieu,  par  un  effet 
de  sa  colère,  leur  a  accordé  ce  qu'ils  deman- 
daient; comme,  au  contraire,  ça  été  par  un 
effet  de  sa  miséricorde,  qu'il  a  refusé  d'exau- 
cer les  prières  de  saint  Paul.  Il  accorda  aux 
Israélites  dans  le  désert  ce  qu'ils  lui  avaient 
demandé  ;  mais  leur  cupidité  ne  fut  pas  plu- 
tôt rassasiée,  que  leur  impatience  fut  très- 
sévèrement  punie.  Quand  nous  lisons  dans 
l'Épître  de  saint  Paul  aux  Romains,  que  le 
Saint-Esprit  prie  pour  nous ,  nous  ne  devons 
pas  nous  imaginer  que  ce  divin  Esprit,  qui 
étant  une  des  personnes  de  la  sainte  Trinité, 
n'est  qu'un  même  Dieu  éternel  et  immuable 
avec  le  Père  et  le  Fils,  prie  poiu  les  saints. 


120 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


comme  pourrait  faire  quelqu'autre  intelli- 
gence ,  qiii  ne  serait  pas  une  même  chose 
avec  Dieu;  c'est  comme  si  cet  apôtre  avait 
dit,C]Tiele  Saint-Esprit  fait  prier  les  saints,  n 
Saint  Augustin  exhorte  Proba  à  se  sou- 
venir sans  cesse  de  ce  qu'il  venait  de  lui 
dire;  et  pour  l'engager  à  prier  avec  une  foi 
vive  et  une  ardente  charité,  comme  il  con- 
venait à  une  veuve  chrétienne,  il  lui  pro- 
pose l'exemple  de  deux  saintes  femmes  ; 
l'une  mariée,  qui  était  la  mère  de  Samuel  ; 
l'autre  veuve,  que  l'Évangile  appelle  la  pro- 
phétesse,  louées  toutes  les  deux  dans  l'Écri- 
ture, pour  la  ferveur  et  l'assiduité  de  leurs 
prières.  «  Souvenez -vous,  ajoute-t-il,  de 
beaucoup  prier  aussi  pour  moi;  car  Je  serais 
fâché  que  sous  prétexte  de  respecter  ma  di- 
gnité, qui  m'expose  à  mie  infinité  de  périls, 
vous  me  refusassiez  vm  secours  dont  je  sens 
que  j'ai  tant  de  besoin.  » 

Dans  une  autre  lettre,  saint  Augustin  dit 
à  Proba,  qu'elle  avait  eu  raison  de  lui 
écrire,  que  la  nature  est  impuissante  pour 
s'élever  à  Dieu,  étant  toute  penchée  vers  la 
terre,  au  lieu  de  s'élever  en  haut  vers  l'uni- 
que objet  de  son  bonheur;  mais  que  Jésus- 
Christ  est  venu  pour  la  relever,  et  mettre  le 
chrétien  au  point  de  n'entendre  pas  en  vain 
cette  parole  qui  se  dit  dans  la  célébration 
des  saints  mystères  :  Que  nos  cœurs  s'élèvent 
en  haut,  et  de  dire  vrai  quand  il  répond, 
qu'il  tient  le  sien  élevé  vers  Dieu.  Il  la  loue 
de  ce  qu'elle  s'armait  de  l'espérance  de  la 
vie  future,  pour  se  rendre  supportables  les 
maux  de  celles-ci,  et  lui  fait  voir  qu'ils  de- 
viennent des  biens,  quand  on  en  fait  bon 
usage,  et  que  l'on  rend  également  grâces  à 
Dieu  dans  l'adversité  comme  dans  la  pros- 
périté, 
i.ciiic  132  5.  La  lettre  à  Volusien,  oncle  de  la  jeune 
iiiai2,p;ig.'  Mélanie,  est  du  commencement  de  l'année 
3D5-  4,12.  On  y  voit  que  sa  mère,  qui  était  une 

femme  sainte,  souhaitait  extrêmement  le 
salut  de  son  fils.  Saint  Augustin,  qui  ne  le 
souhaitait  pas  moins  qu'elle,  écrivit  à  Vo- 
lusien, pour  l'exhorter  à  s'appliquer  à  l'étude 
de  l'Ecriture  sainte.  «  Vous  n'y  trouverez 
rien,  lui  dit-il,  que  de  solide  et  de  wai  :  ce 
n'est  point  par  des  discours  fai-dés,  et  des 
façons  de  parler  étudiées  qu'elle  s'insinue 
dans  l'esprit;  ses  paroles  ne  sont  point  de 
celles  qui  ne  font  cpie  du  bruit  et  qui  sont 
vides  de  sens.  Elle  touche  beaucoup  ceux 
qui  cherchent  des  choses,  et  non  pas  des 
mois  :  eUe  les  frappe  et  les  étonne,  mais 


c'est  pour  les  mettre  ensuite  dans  une  par- 
faite sécm'ité.  »  Il  lui  conseille  de  lire  parti- 
culièrement les  écrits  des  apôtres,  qui  lui 
feront  naître  le  désir  de  lire  aussi  les  pro- 
phètes, que  les  apôtres  citent  fort  souvent, 
n  lui  promet  de  répondre  par  écrit  sur 
toutes  les  difficultés  qui  pourront  lui  surve- 
nir, soit  en  lisant,  soit  en  méditant  ce  qu'il 
aura  lu. 

6.  Comme  les  circonceUions  et  les  clercs  i.eiireisG 
donatistes,  continuaient  leurs  violences  à  unj'^\à%'. 
Hippone  et  dans  les  environs,  plusieurs  ^l^ringius* 
d'entre  eux  furent  déférés  à  la  justice  et  p-'s-  ^si 
convaincus  de  mem-tres  et  de  mutilation.  Sur 
l'avis  qu'en  eut  saint  Augustin,  il  écrivit,  en 
412,  au  tribun  Marcellin,  pour  le  prier  de  ne 
point  les  punir  selon  la  sévérité  des  lois,  qui 
allaient  à  lem-  faire  souffrir  ce  qu'ils  avaient 
fait  souffrir  aux  autres.  Il  le  prie  de  se  con- 
tenter, sans  toucher  à  leur  vie  ni  à  leurs 
corps,  de  leur  ôter  la  liberté  de  mal  faire, 
en  les  tenant  en  prison  ou  en  les  envoyant 
travailler  à  quelque  ouvrage  public,  qui,  en 
les  mettant  hors  d'état  de  nuire  aux  autres, 
les  mettrait  même  dans  la  nécessité  de  faire 
quelque  chose  de  bon  et  d'utile.  «  Souve- 
nez-vous, lui  dit-il,  que  vous  êtes  un  juge 
chrétien,  et  qu'en  faisant  le  devoir  de  juge 
vous  devez  faire  l'office  de  père.  Consei'vez- 
en  les  sentiments,  et  gardez  dans  le  sup- 
plice la  même  douceur  que  vous  avez  gar- 
dée dans  la  question,  où  vous  n'avez  em- 
ployé, ni  les  ongles  de  fer,  ni  le  feu  ;  mais 
seulement  les  verges,  qui  sont  une  soi'te  de 
châtiments  dont  les  pères  se  servent  en- 
vers leurs  enfants,  et  souvent  même  les 
évêques  dans  les  affaires  qui  se  traitent  de- 
vant eux.  »  Il  lui  représente  que  l'Apôtre 
ne  nous  recommande  pas  seulement  la  dou- 
ceur, mais  qu'il  veut  encore  que  nous  la 
fassions  éclater  aux  yeux  des  hommes,  et 
il  lui  propose  l'exemple  de  celle  que  David 
exerça  envers  Saiil.  Il  l'assure  même  que 
l'indulgence  dont  il  usera  en  cette  occasion, 
sera  utile  à  l'Église  catholique,  ou  du  moins 
à  ceUe  d'Hippone. 

Saint  Augustin  écrivit  en  même  temps  à 
Api-ingius,  qui  était  proconsul  et  frère  de 
Marcellin,  croyant  que  cette  afiaire  pourrait 
bien  tomber  entre  ses  mains.  Il  lui  fait  le 
détail  des  crimes  dont  ces  circonceUions 
étaient  coupaljles,  et  de  la  manière  dont  ils 
les  avaient  avoués;  et  il  le  conjure  de  ne  pas 
employer  contre  eux  le  supplice  de  mort. 
11  convient  que  les  juges  du  siècle  sont  les 


[iv»  ET  r  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


ministres  de  Dieu  pour  la  punition  de  ceux 
qui  font  le  mal  :  «  Mais  autres,  dit-il,  sont 
les  intérêts  de  la  société  civile,  et  autres 
ceux  de  l'Église;  l'mie  demande  une  grande 
sévérité  ;  l'autre  ne  cherche  qu'à  signaler 
sa  douceur.  Les  souffrances  de  ceux  qui 
servent  Dieu  dans  l'Église  catholique,  doi- 
vent être  à  tout  le  monde  des  leçons  et  des 
exemples  de  patience,  dont  il  faut  se  bien 
garder  de  ternir  le  lustre  par  le  sang  des 
mem'triers.  Si  le  dernier  supplice  était  la 
seule  peine  établie  par  les  lois,  pour  répri- 
mer l'audace  des  méchants,  peut-être,  se- 
rait-on forcé  d'en  venir  là  ;  nous  aimerions 
mieux  néanmoins  qu'on  les  laissât  aller, 
que  de  voir  répandre  le  sang  pour  venger 
la  mort  de  nos  frères.  Mais  puisqu'il  y  a 
des  moyens  pour  accorder  l'un  et  l'autre, 
c'est-à-dire,  pour  signaler  ^la  douceur  de 
l'Église ,  et  réprimer  en  même  temps  la 
cruauté  de  ses  ennemis  ;  pourquoi  ne  pren- 
dre pas  le  parti  de  la  douceur,  puisque  par 
là,  on  pourvoit  à  tout,  et  que  les  juges  ont 
ce  pouvoir  dans  les  causes  mêmes  qui  ne 
regardent  point  l'Église  ?  » 
-  'f"/"^      7.  Volusien  charmé  de  la  beauté  du  style 

1,  136  et  •' 

T  Ile  vo-  et  de  l'élévation  des  pensées  de  la  lettre  de 
arn'iiiiî,''  saint  Augustin,  la  lut  à  Marcellin  et  à  beau- 
^fî'n'.pag.'  coup  d'autres  personnes.  Il  y  répondit  par 
9,tisuiv.  une  lettre  très-polie,  et  profitant  de  l'offre 
que  le  saint  Évêque  lui  avait  faite  de  résou- 
dre ses  doutes  sur  la  religion,  il  lui  fait  le 
récit  d'une  conférence  où  il  s'était  trouvé, 
dans  laquelle  un  des  assistants  avait  proposé 
quelques  difficultés  sur  l'Incarnation,  qui 
tendaient  à  montrer  qu'elle  était  indigne  de 
celui  qui  a  créé  toutes  choses.  Il  prie  saint 
Augustin  de  répondre  à  toutes  ces  difficul- 
tés, et  il  le  fait  en  des  termes  qui  marquent 
combien  la  réputation  du  saint  Docteur  était 
grande  dans  l'Église.  «  Il  y  va,  dit-il,  de  vo- 
tre honneur,  de  résoudre  ces  questions  :  l'i- 
gnorance se  tolère  en  quelque  sorte  dans  les 
autres  évêques,  sans  que  la  religion  en  souf- 
fre ;  mais  quand  on  vient  à  l'évêque  Augus- 
tin, on  compte  que  tout  ce  qu'il  se  trouvera 
ignorer,  n'est  pas  de  la  loi  chrétienne.  » 

Comme  Volusien  avait  témoigné  à  Marcel- 
lin  qu'il  avait  encore  beaucoup  d'autres  dif- 
ficultés sur  lesquelles  il  aurait  souhaité 
d'être  éclairci,  comme  sur  le  changement  et 
l'abolition  des  cérémonies  de  l'Ancien  Tes- 
tament, et  sur  l'incompatibilité  que  les  pré- 
ceptes les  plus  parfaits  du  Nouveau  Testa- 
ment paraissent  avoir  avec  la  vie  civile  et  le 


121 

bien  public  des  États,  écrivit  à  saint  Au- 
gustin pour  le  prier  de  répondre  non-seu- 
lement aux  difficultés  que  Volusien  lui  avait 
proposées  sur  l'Incarnation,  mais  encore  à 
celles  qu'il  lui  proposait  de  sa  part,  et  de  ré- 
futer surtout  ce  que  les  païens  osaient  dire, 
qu'Apollonius  de  Tyanne,  Apulée  et  quelques 
autres  magiciens  avaient  fait  de  plus  grands 
miracles  que  Jésus-Christ.  L'objection  que 
l'on  formait  contre  l'Incarnation,  était  conçue 
en  ces  termes  :  ce  Peut-on  croire  que  le 
((  Maître  du  monde,  qui  l'a  fait  et  qui  le 
«  gouverne,  se  soit  renfermé  dans  le  sein 
«  d'une  viei'ge  pendant  neuf  mois  ;  qu'elle 
«  l'ait  enfanté  au  terme  ordinaire  de  la  gros- 
ci  sesse  des  femmes  ,  et  que  tout  cela  se  soit 
«  passé  en  elle  sans  intéresser  sa  virginité  ? 
«  Quoi  !  ce  Maître  de  toutes  choses  a  été  si 
((  longtemps  absent  du  trône  d'où  il  pré- 
ce  side  à  l'univers  ;  le  soin  et  le  gouverne- 
ce  ment  du  monde  ont  été  transportés  dans  le 
«  corps  d'un  enfant  !  On  a  vu  cet  Homme- 
«  Dieu  se  laisser  aller  au  sommeil  comme 
«  les  autres  hommes;  soutenir  sa  vie  par 
c(  les  aliments,  et  éprouver  tout  ce  qui  fait 
«  impression  sur  une  nature  mortelle,  sans 
«  qu'il  se  soit  fait  connaître  pour  ce  qu'il 
«  était,  par  aucun  signe  proportionné  à  une 
«  si  grande  majesté  ;  car  les  démons  chas- 
((  ses,  les  malades  guéris,  et  les  morts  res- 
«  sucités,  sont  peu  de  chose  pour  un  Dieu, 
((  puisque  d'autres  en  ont  fait  autant.  » 

Pour  répondre  à  cette  objection,  saint 
Augustin  fait  voir  que  ceux  qui  la  proposent 
ont  de  fausses  idées  sur  l'Incarnation  de 
Jésus-Christ,  de  même  que  sur  l'immensité 
de  Dieu  ;  selon  lui  la  source  de  ces  fausses 
idées  ne  vient  que  de  ce  qu'ils  ne  sont  pas 
capables  de  distinguer  les  propriétés  des 
substances  spirituelles,  d'avec  celles  des 
substances  corporelles.  <(  Quand  on  dit  que 
Dieu  est  par  tout,  et  qu'il  remplit  tout  le 
monde,  ce  n'est  pas,  dit-il,  comme  l'eau, 
l'air,  ou  la  lumière  même  le  pourrait  remplir  ; 
en  sorte  qu'une  plus  petite  partie  de  la  subs- 
tance de  Dieu,  remplit  une  plus  grande  par- 
tie de  l'univers.  Dieu  est  partout  sans  qu'au- 
cun lieu  le  contienne.  Il  vient  sans  sortir 
d'où  il  était,  il  s'en  va  sans  sortir  d'où  il 
vient;  cela  étonne  l'espi'it  de  l'homme,  et 
parce  qu'il  ne  le  comprend  pas,  peut-être 
qu'il  ne  le  croit  pas.  Mais  s'il  méconnaît  son 
Dieu,  qu'il  se  considère  lui-même  ;  que  son 
âme  s'élève  un  peu,  s'il  est  possible,  au- 
dessus  du  corps,  et  de  ce  qu'elle  aperçoit 


122 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


par  le  corps;  et  qu'elle  voie  ce  qu'il  est,  elle, 
à  qui  le  corps  sert  d'instrument  pour  agir.  » 
Saint  Augustin  examine  de  quelle  manière 
se  font  en  nous  les  sensations  par  le  moyen 
de  l'union  de  l'âme  avec  le  corps.  «  Ce  qui  se 
passe  à  cet  égard  de  merveilleux,  dit-il,  doit 
nous  convaincre  que  ce  que  la  foi  nous  ap- 
prend de  l'union  du  Verbe  avec  la  nature  hu- 
maine n'est  pas  incroyable  ;  il  a  pu  prendre 
un  corps  dans  le  sein  d'une  vierge  et  se  ren- 
dre semblable  aux  hommes,  sans  rien  perdre 
de  son  immortalité,  et  sans  qu'il  soit  arrivé 
aucun  changement  à  son  éternité  ;  le  Vei'be 
de  Dieu  demeure  toujours  ce  qu'il  est;  il 
est  tout  entier  partout  ;  ainsi,  quand  on  dit 
qu'il  vient  ou  qu'il  s'en  va,  cela  ne  veut  dire 
autre  chose  sinon  qu'il  se  montre  ou  qu'il 
se  cache;  car  soit  qu'il  soit  visible  ou  caché, 
il  est  toujours  présent  partout,  comme  la  lu- 
mière est  présente  aux  yeux  d'un  aveugle 
aussi  bien  qu'à  ceux  d'un  homme  qui  voit 
clair.  Il  ne  faut  pas  que  le  peu  d'étendue  du 
corps  de  Jésus-Christ  enfant,  nous  fasse 
craindre  qu'une  aussi  grande  majesté  que 
celle  de  Dieu  y  ait  été  resserrée,  puisque  la 
grandeur  de  Dieu  n'est  pas  une  grandeur 
d'étendue,  mais  de  vertu  et  de  puissance,  et 
qu'il  s'est  plû  à  faire  paraître  ses  merveilles 
dans  les  plus  petites  choses,  comme  dans  les 
fourmis  et  les  abeilles  qui  ont  un  sentiment 
plus  exquis  que  les  chameaux  et  autres  ani- 
maux semblables  ;  et  comme  dans  les  petites 
graines  qui  se  ti'ouvent  dans  les  figues,  dont 
il  fait  naître  d'aussi  grands  arbres  que  les 
figuiers,  au  lieu  que  d'autres  semences 
beaucoup  plus  grosses  ne  produisent  que  des 
plantes  beaucoup  plus  petites.  C'est  par  la 
grandeur  de  cette  même  puissance  qu'il  a 
rendu  une  vierge  féconde,  sans  que  rien 
d'extérieur  ni  d'étranger  ait  contribué  à  la 
faire  devenir  mère  ;  c'est  par  cette  même 
puissance  qu'ayant  uni  une  âme  raisonnable 
au  corps  qu'il  a  formé  dans  le  sein  de  cette 
vierge,  il  s'est  uni  lui-même  à  cette  âme  et  à 
ce  coi'ps  ;  et  que  sans  aucun  changement  qui 
le  dégrade,  il  a  bien  voulu,  par  un  etfet  de  sa 
bonté,  faire  part  à  cet  homme  auquel  il  s'est 
uni,  du  nom  et  de  la  dignité  de  Dieu.  C'est 
encore  par  cette  même  puissance ,  qu'au 
bout  de  neuf  mois,  il  a  fait  sortir  le  corps 
formé  dans  le  sein  de  la  vierge  Marie,  sans 
aucune  lésion  de  sa  virginité,  par  une  mer- 
veille semblable  à  celle  par  laquelle  ce  même 
corps  devenu  grand,  est  entré  dans  le  Cé- 
nacle les  portes  fermées.  Or,  dans  tout  cela, 


il  n'y  aurait  plus  rien  d'admirable,  si  on  en 
pouvait  rendre  raison,  ni  rien  de  singulier, 
s'il  y  en  avait  des  exemples.  Concevons  que 
Dieu  peut  faire  des  choses  qui  nous  sont 
incompréhensibles,  et  qu'il  n'y  a  point  d'au- 
tres raisons  à  rendre  de  ces  merveilles,  que 
la  puissance  de  celui  qui  les  a  opérées.  Si 
Jésus-Christ  s'est  assujetti  à  tous  les  besoins 
des  autres  hommes,  c'a  été  pour  les  con- 
vaincre qu'il  était  véritablement  homme,  et 
que  pour  avoir  été  uni  à  la  nature  humaine, 
il  n'a  pas  perdu  la  nature  divine.  » 

A  ceux  qui  demandaient  comment  il  avait 
pu  se  faire  que  Dieu  et  l'homme  s'unissent 
assez  étroitement,  pour  n'en  faire  qu'une 
même  personne  ;  saint  Augustin  répond  que 
c'est  à  eux  à  expliquer  comment  une  âme  et 
un  corps  sont  unis  assez  étroitement,  pour 
n'en  faire  qu'une.  La  première  de  ces  deux 
unions  ne  s'est  faite  qu'une  fois  ;  la  seconde 
se  fait  tous  les  jours.  Mais  elles  ont  cela  de 
semblables,  que  comme  ce  qui  fait  un  hom- 
me est  un  corps  et  une  âme  unis  en  unité 
de  personne,  ainsi,  ce  qui  fait  le  Christ,  c'est 
Dieu  et  l'homme  unis  de  même  en  unité  de 
personne. 

Il  rapporte  les  motifs  de  l'Incarnation , 
qu'il  dit  avoir  été  arrêtée  avant  tous  les  siè- 
cles, afin  de  fournir  aux  hommes  les  secours 
nécessaires  pour  arriver  au  salut  éternel. 
Ces  motifs  sont  ceux-ci  :  Jésus-Christ  est 
venu  confirmer  et  sceller  pour  ainsi  dire, 
par  sa  présence  et  par  son  autorité,  non- 
seulement  ce  qui  avait  été  dit  par  les  pro- 
phètes ,  mais  encore  par  les  philosophes , 
dans  les  ouvrages  desquels  on  ne  peut  nier 
qu'il  ne  se  trouve  des  vérités  parmi  un  grand 
nombre  de  faussetés.  Une  telle  autorité  était 
principalement  nécessaire  à  ceux  qui  n'au- 
raient su  découvrir  ni  distinguer  les  vérités 
particulièi'es  dans  cette  vérité  primitive  où 
elles  résident,  c'est-à-dire,  aux  moins  éclai- 
rés, qui,  par  la  vertu  des  leçons  toutes  divi- 
nes de  Jésus-Christ,  sont  présentement  per- 
suadés que  l'âme  est  immortelle  ,  et  qu'il  y 
a  une  autre  vie  après  celle-ci.  Les  prophè- 
tes ont  fait  de  semblables  miracles  à  ceux 
que  l'Évangile  rapporte  de  Jésus-Christ,  et 
en  particidier,  ils  ont  rendu  la  vie  à  des 
morts  ;  mais  il  soutient  qu'Apulée  et  les  au- 
tres magiciens  du  paganisme ,  n'ont  rien 
fait  de  semblable  ;  et  que  Moïse ,  par  la 
seule  invocation  du  nom  de  Dieu ,  rendit 
inutiles  tous  les  eflorts  des  magiciens  d'E- 
gypte dont  les  merveilles  n'étaient  qu'ap- 


[IV=  ET  Y"  SIÈCLES.] 

parentes.  Si  Jésus-Christ,  continue  ce  Père , 
a  fait  des  miracles  de  même  genre  qu'é- 
taient cetix  des  prophètes,  c'est  qu'il  était 
à  propos  qu'il  fit  par  lui-même  ce  qu'U 
avait  fait  par  eux.  Mais  il  en  a  dû  faire 
aussi  qui  lui  fussent  particuliers,  comme 
de  naître  d'une  "\aerge,  de  ressusciter  et 
de  monter  au  ciel.  Si  c'est  peu  de  chose 
pour  un  Dieu,  je  ne  sais  ce  qu'on  peut  dé- 
sirer de  plus.  Voudrait-on  qu'il  eût  fait  ce 
qu'il  n'a  pas  dû  faire  étant  revêtu  de  chair  ? 
C'est  lui  qui  a  créé  le  monde  ;  fallait -il 
qu'après  s'être  uni  à  notre  nature,  il  créât 
un  autre  monde  pour  nous  convaincre  que 
c'était  par  lui  que  le  monde  avait  été  fait  ? 
Mais  au  lieu  d'un  nouveau  monde  qu'il 
n'était  pas  à  propos  de  faire,  il  a  fait  dans 
le  monde  des  choses  toutes  nouvelles.  Car 
faire  naître  d'une  vierge  l'homme  auquel 
il  s'est  uni,  passer  de  la  mort  à  une  vie 
qui  ne  finit  point,  et  s'élever  au-dessus 
des  cieux  ;  c'est  peut-être  quelque  chose 
de  plus  grand  que  d'avoir  fait  le  monde. 
Pom*  convaincre  ceux  qui  refusaient  de 
croire  le  mystère  de  l'Incarnation ,  il  ne 
faut  que  leur  faire  considérer  toute  la  suite 
des  choses  depuis  le  commencement  jus- 
qu'à la  consommation  de  ce  mystère,  c'est- 
à-dire  leur  faire  voir  que  tous  les  oracles 
des  prophètes  se  sont  accomplis  dans  la 
naissance,  dans  la  vie,  dans  la  mort,  dans 
la  résurrection  et  dans  l'ascension  de  Jésus- 
Christ,  de  même  que  dans  l'établissement 
de  son  Église. 

Saint  Augustin  fait  une  peinture  de  la 
naissance  de  cette  Eglise  et  de  son  progrès 
en  ces  termes  :  «  Jésus-Christ  envoie  le 
«  Saint-Esprit,  il  en  remplit  les  fidèles  as- 
«  semblés  en  une  maison.  Tout  remplis 
«  de  ce  divin  esprit  ils  parlent  toutes  sortes 
«  de  langues  ;  ils  attaquent  courageuse- 
ce  ment  les  erreurs  ;  ils  prêchent  les  véri- 
K  tés  qui  nous  sauvent  ;  ils  exhortent  les 
«  hommes  à  la  pénitence ,  et  leur  promet- 
«  tent  le  pardon  de  leurs  péchés,  et  non- 
«  seulement  ils  prêchent  la  véritable  reli- 
«  gion,  mais  ils  en  confirment  la  vérité  par 
«  les  mh-acles  les  plus  capables  de  l'établir. 
«  Quoiqu'en  petit  nombre ,  ils  parcourent 
«  toute  la  terre  ;  ils  convertissent  toutes  les 
«  nations  avec  une  facilité  admirable,  ils 
«  croissent  au  miheu  de  lem-s  ennemis,  et  se 
«  multiplient  à  force  de  persécutions  ;  tous 
<(  les  maux  qu'on  leur  fait  souffrir  ne  ser- 
«  vent  qu'à  les  répandi-e  jusqu'aux  extrémi- 


SAJjNT  AUGUSTLN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


123 


«  tés  du   monde.  D'une  poignée  de   gens 
^'«  qu'ils  étaient,  grossiers,  ignorants  et  mé- 
«  prisés,  ils  se  trouvent  tout  d'un  coup  éclai- 
«  rés,  et  célèbres  par  tout  le  monde,  etmul- 
«  tiplient  avec  une  vitesse  incroyable,  faisant 
«  plier  sous  le  joug  de  Jésus-Christ  les  plus 
«  grands  esprits,  les  plus  éloquents,  les  plus 
«  subtils   et  les  plus   savants   hommes   du 
«  monde,  dont  ils  font,  non -seulement  des 
«  sectateurs,  mais  des  prédicateiu?s  de  la 
«  doctrine  du  salut  et  de  la  véritable  piè- 
ce té.  Les  nations  impies  et  infidèles  fré- 
«  missent    contre   l'Éghse  ;   mais   elle  de- 
ce  meure  victorieuse   par  sa  patience ,    et 
c(  par  un  attachement  fidèle   et  inviolable 
c(  à  sa  foi,  malgré  les  cruautés  de  ses  per- 
ce sécuteurs.  Dès  que  la  vérité   commence 
ce  à  paraître,  les  sacrifices  de  la  loi  ancienne 
ce  s'abolissent ,   et  le    temple   même ,   qui 
ce  était  le  seul  lieu  où  on  les  pût 'offrir  est 
ce  détruit ,  parce  (ju'Us  n'étaient    que   des 
ce  figures  de  cette  vérité.  Le  peuple  juif,  ré- 
ce  prouvé  pour  son  incrédulité ,  est  chassé 
ce  de  son  propre  pays,  et  dispersé  çà  et  là 
ce  par  le  monde,  afin  qu'il  porte  de  toute 
ce  part  les  livres  saints,  et  qu'on  ne  puisse 
ce  pas  dire  que  les  prophéties  qui  prédisent 
ce  Jésus-Christ  et  son  Église  sont  des  pièces 
ce  fabriquées  après  coup  par  les  chrétiens, 
ce  Les  idoles  et  les  temples  des  démons  se 
ce  détruisent  peu  à  peu,  et  tout  le  culte  sa- 
ce  crilége    qu'on  leur  rendait  s'abolit,  ainsi 
ce  qu'il  avait  été  prédit.  Il  s'élève  des  héré- 
ee  sies  contre  le  nom  de  Jésus-Christ,  qui  se 
ce  couvrent  néanmoins  du  même  nom  de  Jé- 
ce  sus-Christ  ;  et  cela  arrive  comme  il  a  été 
ce  prédit,  pom'  donner  lieu  à  l'Église  de  ma- 
ce  nifester  de  plus  en  plus  les  trésors  de  la 
ce  sainte  doctrine  dont  elle  est  dépositaire.  » 
Après  cette  suite  de  preuves  de  la  vraie 
religion,  saint  Augustin  fait  voir  que  la  doc- 
trine de  Jésus-Christ  est  beaucoup  au-des- 
sus de  tout  ce  qu'ont  enseigné  les  anciens 
philosophes,  et  que  ses  préceptes  ne  sont 
pas  moins  salutaires  aux  états  qu'aux  par- 
ticuliers;  (jue   nos  divines    Écritures  sont 
d'un  style  cjui  les  rend  accessibles  à  tout  le 
monde,  cjuoicju'il  s'y  trouve  des  profondeurs 
que   peu   d'esprits   peuvent  pénétrer;    cjue 
toutefois  ce  qu'elles  nous  cachent  dans  les 
passages  obscurs,  n'est  cjue  ce  cpi'elles  nous 
expriment  clairement    dans  les  autres.   Il 
répond  à  ceux  qui  disaient  que  la  doctrine 
chrétienne  était  préjudiciable  au  bien  de  la 
république  ;   qu'ils  ne  pensaient  ainsi,  (jue 


124 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


TjCtIre 
138  Cl  139, 
à  Marccllîn, 


parce  qu'ils  souhaitaient  que  la  république 
subsistât  par  l'impunité  du  vice  plutôt  que 
par  la  pratique  solide  de  la  vertu.  «  Mais  il 
n'en  est  pas,  leur  dit-il,  de  Dieu  comme  des 
rois  de  la  terre,  ou  des  magistrats  à  l'égard 
de  qui  tous  les  péchés  sont  impunis  dès 
qu'ils  sont  communs.  La  justice  de  Dieu  ne 
laisse  rien  d'impuni.  » 

8.  Dans  la  lettre  suivante,  le  saint  Doc- 
teur répond  aux  difficultés  que  MarceUin 
«ïo  cumv'.  ^^^i  ^"^^^t  proposées  de  la  part  de  Volusien. 
La  première  regarde  le  changement  et  l'a- 
bolition de  la  loi  ancienne.  Pour  y  répon- 
dre, il  rapporte  divers  exemples  de  change- 
ments dans  la  nature,  tous  fondés  sur  la 
raison,  et  il  en  conclut  qu'il  n'est  pas  vrai, 
que  ce  qui  a  été  une  fois  bien  établi  ne 
doive  jamais  changer,  car  souvent,  lorsque 
le  temps  a  changé  l'état  des  choses,  la 
droite  raison  veut  que  l'on  change  ce  qui 
avait  été  auparavant  très-bien  établi.  Les 
sacrifices  ordonnés  dans  l'ancienne  loi  con- 
venaient à  ces  premiers  temps,  mais  ils  ne 
conviennent  plus  à  celui  où  nous  sommes, 
puisque  Dieu  qui  connaît  sans  comparaison 
mieux  que  l'homme  ce  qu'il  y  a  de  propre 
pour  chaque  temps,  en  a  ordonné  d'autres 
pour  celui-ci.  Il  avait  institué  les  sacrifices 
de  l'ancienne  loi  pour  être  des  signes  de  ce 
qui  nous  vient  d'en  haut,  et  qui  va  ou  à 
nous  enrichir  du  don  des  vertus,  ou  à  nous 
faire  acquérir  le  salut  éternel,  et  pour  être 
aux  hommes  un  exercice  de  piété  très-utile 
et  très-salutaire.  Le  changement  de  ces  sa- 
crifices avait  été  résolu  et  arrêté  dans  les 
conseils  de  la  sagesse  de  Dieu,  les  prophètes 
l'avaient  prédit  :  Le  temps  viendra,  dit  le 
Seigneur,  dans  Jérémie,  que  je  ferai  avec  la 
maison  de  Jacob,  une  nouvelle  alliance,  toute 
différente  de  celle  que  je  fis  avec  leurs  pères, 
lorsque  je  les  tirai  d'Egypte.  Ce  qui  arrive 
donc  de  nouveau  dans  le  temps  n'est  point 
nouveau  à  l'égard  de  celui  qui  a  fait  les 
temps.  Saint  Augustin  donne  pour  raison 
du  changement  des  sacrifices  et  des  sacre- 
ments de  la  loi  ancienne,  qu'il  était  à  pro- 
pos que  les  sacrements  qui  devaient  nous 
marqiier  cpie  Jésus-Christ  était  venu,  fus- 
sent différents  de  ceux  qui  n'étaient  que  des 
prédictions  de  sa  venue. 

La  seconde  objection,  proposée  par  Mar- 
ceUin, était  touchant  la  doctrine  de  Jésus- 
Christ,  qu'on  disait  être  contraire  au  bien 
de  l'état,  parce  qu'elle  défend  de  rendre  le 
mal  pour  le  mal.  Le  saint  Docteur  la  résout, 


en  faisant  voir  que  cette  maxime  était  même 
admise  chez  les  Romains,  qui,  au  rapport  de 
Saluste,  aimaient  mieux  pardonner  les  in- 
jures que  de  s'en  venger  ;  qu'une  des  louan- 
ges que  Cicéron  donne  à  César,  c'est  qu'il 
n'oubliait  que  les  injures  ;  et  si  l'on  suivait 
la  doctrine  de  Jésus-Christ  en  ce  point,  on 
établirait,  on  conserverait,  on  affermirait, 
on  augmenterait  la  répubhque,  beaucoup 
mieux  que  n'ont  su  faire,  ni  Romulus,  ni 
Numa,  ni  Brutus,  ni  tout  ce  qu'il  y  a  eu  de 
grands  hommes  parmi  les  Romains.  La 
preuve  qu'il  en  donne,  c'est  que  cette  doc- 
trine a  pour  but  l'union  des  cœurs,  et  que 
cette  union  fait  le  bien  d'une  république. 
En  effet,  la  patience  avec  laquelle  Jésus- 
Chi'ist  veut  que  nous  supportions  les  inju- 
res, ne  tend  qu'à  faire  que  les  méchants 
soient  vaincus  par  les  bons,  et  qu'ils  soient 
ramenés  à  leur  devoir  et  à  la  paix.  Le 
précepte  de  tendre  l'autre  joue  lorsqu'on 
a  été  frappé,  regarde  plutôt  la  préparation 
du  cœm',  que  ce  qui  se  passe  au  dehors  ;  et 
il  ne  va  qu'à  nous  faire  conserver  au  de- 
dans la  patience  et  la  charité,  nous  laissant 
au  surplus  la  liberté  de  faire  au  dehors  ce 
qui  nous  paraîtra  de  plus  utile  pour  ceux 
dont  nous  désirons  le  bien.  Le  saint  rapporte 
sur  cela  l'exemple  de  Jésus-Christ  et  de  saint 
Paul  ;  et  il  ajoute,  qu'il  n'est  pas  contre  la 
doctrine  de  Jésus-Christ,  de  punir  les  mé- 
chants par  une  sévérité  charitable  ;  qu'on 
peut  même  faire  la  gueiTO  dans  cet  esprit, 
en  ne  cherchant  la  victoire  que  pour  le  bien 
des  vaincus,  c'est-à-dire,  pour  les  empêcher 
de  faire  le  mal. 

Une  troisième  objection  était  celle-ci  :  Les 
empereurs  chrétiens  avaient  fait  beaucoup 
de  mal  aux  affaires  de  l'Empire.  Saint  Au- 
gustin y  répond,  en  montrant  que  la  déca- 
dence de  -  la  république  romaine ,  venait 
principalement  du  dérèglement  et  de  la  coi- 
ruptiou  des  mœurs  des  Romains,  et  il  cite  sur 
cela  une  satire  de  Juvénal.  C'est  aux  per- 
sonnes et  non  à  la  doctrine,  ajoute-t-il,  qu'il 
faudrait  imputer  cette  décadence,  ou  plutôt 
ce  n'est  pas  tant  aux  empereui-s  mêmes 
qu'il  faudrait  s'en  pi-endre,  qu'à  ceux  qui 
agissent  sous  leurs  ordi'es,  et  dont  ils  ne 
sauraient  se  passer.  La  comparaison  que 
l'on  veut  établir  entre  Apollonius,  Apulée 
et  Jésus-Christ,  est  une  chose  digne  de  ri- 
sée ;  Apulée  avec  toute  sa  magie  n'a  ja- 
mais pu  non-seulement  se  faire  roi,  mais 
même  arriver  à  aucune  soi'te  de  magislratm'e 


[IV»  ET  V»  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


dans  la  république,  ni  à  se  faire  dresser  une 
statue  dans  la  ville  où  il  s'était  marié,  quel- 
ques efforts  qu'il  eût  faits  à  cet  égard. 

Saint  Augustin  écrivit  une  autre  lettre  au 
même  Marcellin  pour  le  prier  de  rendi-e  pu- 
blics les  actes  du  procès  de  quelques  dona- 
tistes  convaincus  de  crimes  atroces  par  leui' 
propre  aveu.  Mais  il  le  prie  en  même  temps 
et  pour  le  repos  de  sa  conscience,  et  par 
l'intérêt  que  l'Église  catholique  a  de  signa- 
ler sa  douceur,  qu'ils  ne  soient  pas  punis  de 
mort.  «  Car,  lui  dit-il,  le  principal  avantage 
que  nous  pouvons  tirer  de  leur  aveu,  c'est 
qu'il  donne  lieu  à  l'Église  catholique  de 
marquer  la  modération  qu'elle  garde,  même 
envers  ses  plus  cruels  ennemis.  »  Il  le  fait 
souvenir  qu'en  matière  de  crimes ,  il  est  au 
pouvoir  des  juges  de  condamner  à  moins 
que  ce  qui  est  prescrit  par  les  lois  ;  et  il  lui 
cite  l'exemple  de  l'Empereur ,  qui  consentit, 
à  la  prière  des  catholiques ,  que  l'on  ne  pu- 
nit point  du  dernier  supplice  les  païens  qui 
avaient  mis  à  mort  des  clercs  du  Val-d'A- 
naune  ,  révérés  depuis  comme  martyrs.  C'é- 
taient saints  Sisinnius,  Martyrius  et  Alexan- 
dre. Il  fait  mention  des  livres  du  Baptême 
des  enfants,  de  l'Abrégé  de  la  Conférence  de 
Carthage,  des  deux  lettres  précédentes,  de 
celle  aux  donatistes ,  et  d'un  livre  auquel  il 
travaillait  actuellement,  pour  répondi-e  à 
cinq  questions  qu'un  catéchumène,  nommé 
Honorât,  lui  avait  proposées, 
.etirei'io  g_  p^j,  jj^  première.  Honorât  demandait 
ai2,pag!  ce  que  veulent  dire  ces  paroles  de  Jésus- 
Christ  :  Mon  Dieu,  mon  Dieu ,  pourquoi  m'a- 
vez-vous  abandonné  ?  Par  la  seconde,  com- 
ment il  faut  entendre  ce  que  dit  l'Apôtre  : 
Je  prie  Dieu ,  qu'étant  enracinés  et  fondés  dans 
la  charité,  vous  puissiez  comprendre  avec  tous 
les  saints,  quelle  est  la  largevr,  la  longueur, 
la  hauteur  et  la  profondeur.  Par  la  troisième, 
quel  est  le  sens  de  la  parabole  des  dix 
vierges  de  l'Évangile,  dont  les  unes  sont 
folles  et  les  autres  sages.  La  quatrième,  re- 
gardait l'explication  des  ténèbres  extérieures, 
dont  il  est  parlé  en  saint  Matthieu  ;  et  la 
cinquième,  comment  il  faut  entendre  ce 
qu'a  dit  saint  Jean,  que  le  Verbe  a  été  fait 
chair.  Saint  Augustin,  prenant  occasion  de 
ces  questions  pour  attaquer  les  pélagiens 
qui  commençaient  à  se  multiplier,  en  ajouta 
une  sixième,  qui  avait  pom'  but  de  montrer 
quelle  est  la  grâce  du  Nouveau  Testament. 
Il  s'appliqua  même  particulièrement  à  l'exa- 
miner, et  y  fit  revenir  toutes  celles  qu'Ho- 


123 

norat  lui  avait  proposées  :  d'où  vient  que  ce 
livre  est  intitulé  :  De  la  Grâce  du  Nouveau 
Testament.  Il  y  mêla  encore  l'explication  du 
Psaume  xxi,  dont  les  premières  paroles  sont 
la  matière  de  la  première  question  d'Hono- 
rat.  Il  parle  de  cette  lettre  dans  le  chapitre 
XXXVI  du  second  livre  des  Rétractations,  où 
il  l'appelle  \m  Livre.  Elle  mérite,  en  effet,  ce 
titre  par  sa  longueur  :  il  en  est  parlé  dans 
Cassiodore  '. 

On  y  trouve  ces  observations  : 

«  Il  y  a  deux  sortes  de  vies  et  de  félicités  qui 
partagent  les  hommes  ;  la  première  ne  cher- 
che que  ce  qui  flatte  le  corps,  la  seconde  ne 
s'occupe  que  des  plaisirs  qui  touchent  l'es- 
prit; cette  différence  vient  de  ce  que  les 
hommes,  qui  ont  tous  une  âme  douée  de 
raison,  ne  font  pas  de  cette  raison  un  usage 
égal ,  les  uns  ne  s'en  servant  que  pour  se 
porter  aux  biens  qui  touchent  les  sens  ; 
les  autres ,  pour  en  rechercher  qui  ne 
regardent  que  l'esprit  ;  l'âme  peut  toutefois 
faire  un  bon  usage  de  la  félicité  même  tem- 
porelle, en  n'en  usant  que  pour  le  service 
du  Créateur  :  car  toutes  les  substances  que 
Dieu  a  créées,  soit  corporelles,  soit  spiri- 
taelles,  étant  bonnes  de  leur  nature,  c'est 
un  bien  d'en  user  selon  l'ordre  établi  de 
Dieu,  comme  c'est  un  mal  d'en  user  contre 
l'ordre.  Dieu  a  accordé  la  félicité  temporelle 
aux  anciens  patriarches,  mais  en  annonçant 
sous  le  voile  de  ces  avantages  temporels  la 
nouvelle  alliance  :  en  sorte  que  ces  saints, 
quoique  ministres  de  l'ancienne  loi  qui  con- 
venait à  leur  temps,  appartenaient  néanmoins 
à  la  nouvelle  ;  et  que  la  félicité  temporelle 
dont  ils  jouissaient ,  leur  représentait  la  vé- 
ritable félicité  qui  ne  finira  jamais.  La  grâce 
qui  était  aussi  demeurée  cachée  sous  les 
voiles  de  l'ancienne  alliance,  s'est  mani- 
festée dans  la  plénitude  des  temps  ;  le  Verbe 
de  Dieu  par  qui  toutes  choses  ont  été  faites, 
s'étant  uni  à  l'homme  pour  être  vu  des 
hommes,  afin  de  les  guérir  de  leur  corrup- 
tion et  de  leur  aveuglement  par  le  moyen 
de  la  foi ,  et  pour  les  mettre  en  état  de  voir 
ce  qu'ils  n'étaient  pas  capables  de  voir  au- 
paravant. Ceux  qui  l'ont  reçu  sont  devenus 
les  enfants  de  Dieu  ;  enfants,  non  par  na- 
ture comme  Jésus-Christ,  mais  enfants  d'a- 
doption par  la  grâce.  Comme  le  Verbe  ne 
s'est  fait  homme  que  pour  nous  manifester 
ce  qui  a  rapport  à  la  vie  éternelle,  et  non 

1  Cassiod.,  Instit,  divin.,  cap.  xvi. 


126 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


pas  à  celle  que  nous  menons  ici-bas,  il  n'a 
rien  dû  paraître  en  lui  d'heureux  ni  de  dé- 
sirable selon  le  monde  ;  de  là  viennent  ses 
abaissements,  sa  passion  ;  les  fouets,  les  cra- 
chats, les  outrages,  les  croix,  les  plaies  et 
la  mort  même,  où  il  a  paru  aux  yeux  du 
monde,  comme  vaincu  et  succombant  sous 
la  force  de  ses  ennemis  ;  tout  cela  afin  que 
ses  fidèles  apprissent  ce  qu'ils  doivent  es- 
•  pérer    et  demander   pour  récompense   de 
leur  piété,  à  celui  dont  ils  ont  été  fait  les 
enfants  ;  et  qu'ils  ne  regardassent  pas  la  fé- 
licité de  cette  vie  comme  quelque  chose  de 
grand.  Aussi  voyons-nous  que  Dieu,  par  une 
disposition  salutaire  de  sa  providence,  fait 
part  aux  impies  mêmes   de  la   félicité  de 
cette  vie,  de  peur  que  les  bons  ne  la  recher- 
chent comme  quelque  chose  de  grand  prix. 
Telle   est  l'économie  de  la  nouvelle   al- 
liance ,  que  saint  Augustin  explique  fort  au 
long.  Pour  la  prouver,  il  donne  l'explication 
du  Psaume  xxi  tout  entier,  montrant  que  ces 
mots  :  Mon  Dieu,  mon  Dieu,  pourquoi  m'avez- 
vous  abandonné?  qui  faisaient  le  sujet  de  la 
première  question  d'Honorat,  sont  comme 
tout  le  reste  de  ce  Psaume,  un  langage  que 
Jésus-Chi-ist  a  emprunté  de  notre  infirmité, 
qui  le  rendait  sujet  à  la  mort  qu'il   allait 
souffrir  sur  la   croix.  Il  s'applique  surtout, 
dans  cette  explication,  à  faire  voir  que  nous 
devons  mépriser  tous  les  biens  de  cette  vie, 
et  ne  faire  d'estime  que  de  ceux  dont  nous 
jouirons   dans   l'autre,    l'amour   des   biens 
éternels  étant  la  seule  fin  de  la  nouvelle  al- 
liance. ((  Que  l'infirmité  humaine,  ajoute-t-il, 
se  garde  donc  bien  de  croire  que  ce  soit 
le  Verbe  de  Dieu  qui  parle  dans  ce  Psaume  ; 
qu'elle  y  reconnaisse  au  contraire,  le  lan- 
gage de  cette  chair,  qui  est  comme  tout  le 
reste,  l'ouvrage  de  ce  même  Verbe.  Qu'elle 
entende  la  voix  d'une  chair  mortelle,  de- 
venue par  son  union  avec  le  Verbe  le  re- 
mède qui  guérit  notre  aveuglement.  Jésus- 
Christ  a  exprimé  par  ces  paroles,  le  senti- 
ment de  ces  martyrs,  qui,  selon  la  nature, 
auraient  voulu  ne  pas  mourir,  et  qui,  en  ce 
sens,  ont  paru  abandonnés  de  Dieu  pour  un 
temps,  en  ce  qu'il  n'a  pas  fait  pour  eux  ce 
qu'ils  auraient  désiré  selon  la  nature  ;  mais 
si  l'on  reconnaît  la  voix  des  martyrs  dans 
cette  plainte  de  Jésus-Christ  à  son  Père,  on 
ne  la  reconnaît  pas  moins  dans  ces  autres 
qu'il  lui  adresse  aux  approches  de  sa  Pas- 
sion :  Que  votre  volonté  se  fasse  et  non  pas  la 
mienne,  n 


Saint  Augustin  exphque  du  diable  et  de 
ses  anges  ce  qui  est  dit  des  ténèbres  exté- 
rieures,  et   dit    qu'on  pourrait  encore  les 
entendre  des  maux  du  corps  que  souffriront 
les  damnés.  Quant  aux  quatre  dimensions 
dont  parle  saint  Paul,   il  montre  qu'elles 
conviennent   à  la   charité.  Car,  tantôt   elle 
s'exerce  dans  les  bonnes  œuvres,  cherchant 
de  toutes  parts  à  faire  le  bien ,  et  s'étendant 
à  tous  les  besoins  auxquels  elle  peut  subve- 
nir :  et  c'est  là  sa  largeur.  Tantôt  elle  sup- 
porte les  adversités  de  cette  vie  avec  une 
patience  qui  ne  se  lasse  pas,  persévérant 
courageusement  dans  ce  que  la  vérité  lui 
fa'it  embrasser  :  et  c'est  là  sa  longueur.  Or, 
dans  l'un  et  dans  l'autre,  elle  a  pour  objet 
la  vie  éternelle  qui  lui  est  promise  dans  le 
ciel:  et  c'est  là  sa  hauteur.  EUe  vient  d'un 
principe  caché  qui  nous  est  impénétrable, 
c'est-à-dire,  des  richesses  de  la  sagesse  et 
de  la  science  de  Dieu  :  et  voilà  sa  profon- 
deur. La  doctrine  renfermée  dans  la  para- 
bole des  dix  vierges,  tend  encore  à  nous 
inspirer  l'amour   des  biens   éternels  :   les 
lampes  ardentes  que  tiennent  les  vierges 
sages,   ne   signifiant  autre   chose   que  les 
bonnes  œuvres  qu'elles  font ,  tant  pour  glo- 
rifier notre  Père   céleste   que   pom*  édifier 
les  hommes  et  acquérir  la  vie  immortelle. 
L'Évangile  nomme  folles,  celles  qui,  touchées 
des  louanges  des  hommes,  ne  songent  qu'à 
s'en  procurer  par  le  bien  qu'elles  font  ;  au 
lieu  que  les  vierges  sages  mettent  toute  leur 
gloire  dans  le  bon  témoignage  de  lem"  cons- 
cience. 

Saint  Augustin  combat  les  pélagiens,  mais 
sans  les  nommer,  se  contentant  de  montrer 
qu'en  suivant  leur  nouvelle  doctrine,  il  n'é- 
tait pas  possible  qu'on  eût  un  grand  amour 
pour  Dieu,  ni  qu'on  ne  se  glorifiât  qu'en  lui, 
puisqu'ils  ne  connaissaient  point  la  justice 
qui  vient  de  Dieu,  et  qu'ils  croyaient  tenir 
d'eux-mêmes  ce  qu'ils  avaient  de  bon.  En 
pai'lant  du  sacrifice  de  la  Messe,  il  n'en  ré- 
vèle pas  le  mystère,  disant  à  Honorât  qu'il 
saurait,  après  avoir  reçu  le  baptême,  en  quel 
temps  et  de  quelle  manière  on  l'offrait. 

10.  La  lettre  aux  donatistes  est  signée  de     Lenrei 
Silvain,  de  Valentin,  d'Aurèle,  de  saint  Au-   ustcs, 
gustin  et  de  quatre  autres  évèques  du  nom-  J^g/    ''' 
bre  de  ceux  qui  avaient  assisté  au  concile 
de  Zerte,  en  412.  Mais  saint  Augustin  recon- 
naît, dans  son  second  hvre  des  Réti^actations, 
que  ce  fut  lui  qui  la  composa,  quoiqu'on  ne 
la  mît  pas  au  rang  des  siennes,  ayant  été 


[vi=  ET-  v=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


127 


faite  de  l'avis  et  au  nom  du  Concile.  On  y 
voit,  en  abrégé,  ce  qui  s'était  passé  de  plus 
important  dans  la  conférence  de  Carthage, 
et  comment  les  évêques  donatistes  y  avaient 
été  convaincus  de  schisme. 
,çiir(ii2       II   Celle  gui  est  adressée  à  Saturnin  et  à 

bntlirnill  ^ 

lEuphia-  Euphrate  qui  étaient,  ce  semble,  prêtres 
'(,61.  '  d'Hippone,  mais  attachés  au  parti  des  dona- 
tistes, est  pour  les  congratuler,  ainsi  que 
d'autres  clercs  de  la  même  communion,  de 
ce  qu'ils  étaient  revenus  à  la  paix  et  à  l'unité 
de  Jésus-Chi'ist.  Saint  Augustin  les  exhorte 
à  y  demeurer  fermes,  et  à  s'acquitter  fidèle- 
ment, et  avec  ime  sainte  joie,  de  leur  minis- 
tère, dans  la  vue  de  plaire  à  Dieu,  à  qui 
nous  devons  rendre  compte  de  toutes  nos 
actions. 
eiirciïiS  12.  Marcellin  lui  avait  écrit  par  l'évêque 
4i2,pag.  Boniface,  pour  lui  demander  comment  les 
magiciens  de  Pharaon  avaient  pu  trouver 
en  Egypte,  de  l'eau  qu'ils  pussent  convertir 
en  sang  à  l'imitation  de  ce  qu'avait  fait 
Moïse,  puisque,  par  le  miracle  de  ce  législa- 
teur, toute  l'eau  d'Egypte  était  déjà  changée 
en  sang.  Saint  Augustin  dit  que  l'on  peut 
répondre  en  deux  manières  à  cette  dilE- 
culté;  1°  ces  magiciens  s'étaient  fait  appor- 
ter de  l'eau  de  la  mer;  2°  ce  qui  paraît  plus 
vraisemblable,  les  plaies  d'Egypte  n'avaient 
eu  leur  effet  que  dans  les  lieux  où  habi- 
taient les  Égyptiens,  et  non  dans  ceux  où 
étaient  les  enfants  d'Israël. 

Par  une  seconde  lettre,  que  le  prêtre  Ur- 
bain avait  apportée  à  saint  Augustin,  Mar- 
cellin lui  proposait  une  autre  dilEculté  tirée 
du  troisième  de  ses  livres  du  Libi'e  arbitre, 
où,  parlant  de  l'âme  raisonnable,  il  disait 
que,  par  un  effet  de  l'ordre  qu'il  a  plu  à 
Dieu  d'établir,  elle  a  été  unie  à  une  nature 
si  fort  au-dessous  de  la  sienne,  c'est-à-dire 
au  corps,  qu'elle  ne  le  gouverne  pas  tout  à 
fait  comme  elle  voudrait,  et  n'en  dispose 
qu'autant  que  les  lois  générales  de  l'ordre 
établi  de  Dieu  le  permet.  Le  Saint  répond 
premièrement,  qu'il  se  croyait  très-capable 
de  faire  des  fautes,  et  qu'on  ne  lui  faisait 
point  plaisir  de  parler  de  lui  d'une  autre 
manière.  «  Car  ce  serait,  dit-il,  s'aimer  d'un 
amour  bien  déréglé,  si,  pour  cacher  ses  er- 
reurs, on  voulait  laisser  errer  les  autres. 
N'est-il  pas  utile  à  tout  le  monde,  non-seule- 
ment que  les  lecteurs  ne  se  méprennent  point 
où  l'auteur  s'est  mépris  ;  mais  que  l'auteur 
même  soit  redressé  par  les  lecteurs,  ou  que 
s'il  ne  veut  pas  entendre  raison,  du  moins 


il  erre  tout  seul.  »  Il  dit  en  second  lieu,  que 
ses  livres  ayant  été  écrits  avec  précipitation, 
il  était  dans  le  dessein  de  les  revoir  tous, 
pour  marquer,  dans  un  écrit  qu'il  publierait 
exprès,  ce  qu'il  y  aurait  à  redire,  et  faire 
voir  à  tout  le  monde  combien  il  se  flattait 
peu  lui-même.  Il  remarque  ensuite  qu'on 
ne  doit  point  approuver  la  louange  que  Ci- 
céron  a  donnée  à  une  personne,  en  disant 
qu'il  ne  lui  était  jamais  échappé  un  seul  mot 
qu'elle  eût  voulu  n'avoir  pas  dit,  cette  louan- 
ge ne  pouvant  convenir  qu'à  des  hommes 
tout  divins,  par  qui  le  Saint-Esprit  a  parlé, 
n  fait  voir,  après  cela,  qu'on  ne  pouvait  rien 
reprendre  dans  l'endroit  de  ses  livres  du  Li- 
bre arbitre  qu'on  objectait,  puisqu'il  n'y 
avait  rien  décidé  touchant  l'origine  de  l'âme 
et  qu'il  était  certain  que,  depuis  le  péché 
d'Adam,  l'âme  ne  gouvernait  pas  son  corps 
avec  un  pouvoir  égal  à  celui  qu'elle  aurait  si 
Adam  n'eût  pas  péché.  Il  dit  à  ceux  qui  lui 
faisaient  cette  objection  (on  croit  que  c'é- 
taient les  pélagiens)  de  décider  eux-mêmes 
ce  que  l'on  devait  penser  sur  l'origine 
de  l'âme,  sur  laquelle  ni  l'Écriture  ni  la 
raison  ne  dictaient  rien  de  certain.  Il  mar- 
que à  Marcellin,  qui  le  pressait  de  donner 
au  public  ses  ouvrages  sur  la  Genèse  et  sur 
la  Trinité,  qu'il  ne  les  donnera  qu'après 
qu'il  aura  eu  le  loisir  de  les  corriger. 

Comme  Volusien  avait  témoigné  n'être 
pas  convaincu  que  la  bienheureuse  Marie 
ait  pu  concevoir  et  enfanter  Jésus-Christ, 
sans  cesser  d'être  vierge,  saint  Augustin  ré- 
pond que  si  ce  qu'il  en  avait  dit  ne  persua- 
dait pas  la  possibilité  de  ce  miracle,  il  fallait 
nier  aussi  tout  ce  qui  s'est  jamais  fait  de  mi- 
raculeux sur  les  corps. 

13.  Ce  saint  évêque  étant  à  Cirthe  en  412,  ,^  ^^l'^^ 
donna  tous  ses  soins  à  la  conversion  des  do-  cinue, 
natistes ,  qui  étaient  en  si  grand  nombre ,  aei.' 
qu'ils  formaient  le  corps  de  la  ville.  Ses  tra- 
vaux n'eurent  pas  d'abord  le  succès  qu'il 
aurait  souhaité  ;  mais  après  qu'il  fut  sorti 
de  Cirthe,  presque  tous  les  donatistes  qui 
y  étaient  embrassèrent  l'union.  Persuadés 
que  Dieu  avait  opéré  leur  conversion  par  le 
ministère  de  saint  Augustin,  ils  lui  écrivirent 
pour  lui  en  apprendre  la  nouvelle,  et  le  prier 
de  venir  les  visiter.  Le  Saint  leur  répondit 
qu'ils  devaient  regarder  leur  conversion 
comme  l'ouvrage  de  Dieu  et  non  comme  ce- 
lui des  hommes  ;  qu'il  était  bien  vrai,  com- 
me ils  le  disaient  dans  leur  lettre,  que  Po- 
lémon,  homme  débauché,  avait  été  changé 


14'l 
(le 
ea 


128 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


tout  d'un  coup  par  les  discours  de  Xéno- 
crate,  mais  qu'il  ne  l'était  pas  moins  qu'on 
devait  attribuer  ce  changement  à  Dieu  mê- 
me. «  Car  ce  serait,  dit -il,  le  comble  de 
l'orgueil  et  de  l'ingratitude,  de  s'imaginer 
que  la  beauté  du  coi"ps,  la  force  et  la  santé, 
sont  des  dons  de  Dieu,  et  que  la  chasteté, 
qui  fait  partie  de  la  beauté  de  l'âme,  puisse 
être  l'ou^'rage  de  l'homme?»  11  exhorte  donc 
ceux  de  Cirthe  à  reconnaître  que  c'était  à 
Dieu  qu'ils  devaient  rendre  grâces.  ((  Crai- 
gnez-le, ajoute-t-il,  si  vous  ne  voulez  pas 
tomber;  aimez-le,  si  vous  voulez  avancer.  » 
Il  leur  dit  quelque  chose  de  l'affaire  de  Cé- 
cihen,  dont  s'autorisaient  ceux  de  lem-  vUle, 
qui  résistaient  encore  à  la  vérité,  et  leur  fait 
entendre  que  cet  évèque,  ayant  été  trouvé 
innocent ,  les  donatistes  ne  pouvaient  en 
prendre  occasion  de  se  séparer  de  l'Éghse 
catholique. 
Lettre  1(15  14.  Là  lettre  suivante  est  encore  une  ré- 
cn  "un'oà  ponse  de  saint  Augustin  à  un  de  ses  amis 
ull.'  """^  nommé  Anastase,  qui  se  trouvait  au  milieu 
des  troubles  et  des  malheurs  dont  le  monde 
était  alors  accablé.  C'est  pour  cela  qu'il 
lui  fait  les  observations  suivantes  :  «  Les 
peines  de  cette  vie  ne  peuvent  nous  être 
qu'utiles,  puisqu'à  mesure  qu'elles  se  mul- 
tiplient, elles  nous  font  désirer  plus  forte- 
ment le  repos  éternel  de  l'autre;  le  monde 
est  plus  dangereux  quand  il  nous  caresse 
que  quand  il  nous  tom-mente,  parce  que  ses 
caresses  en  inspirent  insensiblement  l'a- 
mour, au  heu  que  ses  disgrâces  ne  peuvent 
nous  en  donner  que  du  dégoilt  et  de  l'hor- 
reur. L'amour  des  biens  de  la  terre  se  ghsse 
tellement  dans  notre  cœur  pendant  cette  vie, 
qu'il  a  toujours  quelque  part  à  nos  meil- 
leures actions  ;  on  ne  peut  s'en  défendre,  à 
moins  que  la  grâce  de  Dieu  ne  vienne  au 
secours  de  la  volonté,  qui  ne  peut  être  re- 
gardée comme  libre  ',  tant  qu'eUe  est  do- 
minée et  maîtrisée  par  la  cupidité  ;  la  loi 
sert  à  découvrir  à  l'homme  sa  propre  fai- 
blesse, afin  que  la  connaissant  il  ait  recours 
â  Jésus-Christ;  ainsi  la  loi  conduit  à  la  foi 
qui  nous  obtient  l'efi'usion  du  Saint-Esprit, 
c'est-à-dire  la  charité  qui  accomplit  la  loi  ; 
•  et  en  vain  on  se  croit  victorieux  du  péché, 
lorsqu'on  ne  s'en  abstient  que  par  la  crainte 
du  châtiment.  «  Quoiqu'on  n'aiUe  pas,  dit-il, 

1  Saint  Augustin  ea  disant  nec  libéra  dicenda 
est,  n'a  pas  prétendu  nier  que  la  volonté  perde 
alors  toute  liberté,  mais  seulement  qu'elle  n'est 
pas  pleinement  libre,  comme  le  prouve  le  texte 


jusqu'à  l'action  extérieure  de  ce  que  la  cu- 
pidité demande,  le  désir  secret  qu'on  a  dans 
le  cœur  de  faire  le  mal,  qui  n'est  retenu  que 
par  la  crainte  de  la  peine,  est  un  tyran  dont 
on  demem'e  esclave.  Ainsi,  l'on  peut  dire 
que  celui  qui  ne  s'abstient  de  pécher  que 
par  la  crainte  du  châtiment  est  ennemi  de 
la  justice  ;  mais  qu'il  en  sera  l'ami,  quand 
l'amour  de  cette  même  justice  l'empêchera 
de  pécher  :  car  alors  il  craindra  véritable- 
ment de  pécher.  Tant  qu'il  n'y  a  que  la 
crainte  de  l'enfer  qui  retient  le  pécheur,  il 
ne  craint  pas  de  pécher,  mais  de  brûler  : 
au  lieu  que  celui  qui  a  une  véritable  crainte 
de  pécher  n'a  pas  moins  d'horreur  pour  le 
péché  que  pour  l'enfer ,  et  c'est  là  cette 
crainte  du  Seigneur,  cette  crainte  chaste 
qui  demeure  éternellement.  Mais  pour  la 
crainte  qui  n'a  d'autre  objet  que  la  peine, 
elle  en  est  toujours  accompagnée,  elle  n'est 
point  dans  la  charité,  et  la  charité  parfaite 
la  chasse  dehors.  «  Nous  ne  haïssons  donc  le 
péché ,  dit  saint  Augustin ,  qu'autant  que 
nous  aimons  la  justice,  et  ce  qui  nous  la 
peut  faire  aimer,  ce  n'est  pas  la  lettre  de 
la  loi,  mais  l'esprit  qui  nous  guérit  par  la 
grâce.  ))  Il  fait  voir  que  ce  n'est  pas  non 
plus  la  crainte  du  châtiment ,  mais  l'amour 
qui  nous  tient  unis  à  Jésus-Christ,  et  que  cet 
amour  n'est  autre  que  l'amour  de  la  justice, 
n  combat  encore  l'hérésie  des  pélagiens  sans 
la  nommer,  et  il  en  usa  ainsi  jusque  vers 
l'an  416.  Cette  hérésie  donnait  tout  à  la  vo- 
lonté de  l'homme,  comme  si  elle  n'eût  be- 
soin que  de  connaître  la  loi  pour  l'observer , 
sans  être  aidé  du  secours  de  la  grâce.  D'où 
ce  saint  évêque  infère  que  c'était  donc  en 
vain  que  Jésus-Christ  nous  avait  ordonné  de 
prier  pour  ne  point  tomber  dans  la  tenta- 
tion, puisque  suivant  les  principes  de  cette 
nouvelle  doctrine,  il  était  au  pouvoir  de  la 
volonté  de  vaincre  la  tentation  sans  le  se- 
cours de  la  grâce. 

15.  Quoique  la  lettre  que  saint  Augustin  ^'^^'^"J 
écrivit  à  Pelage,  vers  le  commencement  de  ennis.pj 
l'an  413,  ne  fût  qu'une  réponse  de  civilité,  ''^^' 
il  ne  laisse  pas ,  sachant  qu'il  combattait 
la  grâce  de  Jésus-Christ,  de  lui  en  parler 
brièvement.  «  Priez,  lui  dit-il,  pour  moi, 
afin  que  le  Seigneur  me  rende  tel  que 
vous  croyez  que  je  suis.  Je  le  prie  qu'il  lui 

même  de  l'Évangile  qu'il  allègue  pour  développer 
sa  pensée.  Si  vos  fiUus  liberaverit,  vere  liberi 
eritis.  (L'éditeur.) 


[IV=  EX  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONË. 


l2d 


îpist.92. 


lallli.  V, 
Joan. 


■>. 


CcnèS. 
.11,  30. 

Mdilh. 
Il,  10. 


plaise  de  vous  rendre  agréable  à  ses  yeux.  » 
16.  Il  parle  dans  son  second  livre  des 
Réti-actations,  des  deux  lettres  suivantes  : 
l'une  à  Pauline,  et  l'autre  à  Fortunatien, 
évèque  de  Sique,  et  les  met  après  les  livres 
composés  en  412.  Il  remarque  que  dans  la 
première,  qui  est  intitulée  :  De  la  Vision  de 
Dieu,  il  n'avait  pas  voulu  entrer  dans  la 
question  :  si  Dieu,  qui  est  un  pur  esprit, 
peut  être  vu  par  les  yeux  mêmes  d'un  corps 
devenu  spii'ituel,  comme"  seront  ceux  des 
saints  après  la  résurrection,  et  de  quelle  ma- 
nière cela  se  peut  faire  ;  mais  qu'ayant  pro- 
mis de  composer  quelques  traités  particu- 
liers sur  ce  point,  il  l'avait  en  effet  examiné 
et  suffisamment  éclairci,  dans  le  dernier 
livre  de  la  Cité  de  Dieu.  L'occasion  de  cette 
lettre  à  Pauline,  lui  vint  de  ce  qu'il  avait  dit 
dans  une  autre  lettre  assez  courte,  que  les 
yeux  de  notre  chair  ne  peuvent  voir  Dieu 
présentement,  et  ne  le  pourront  pas  même 
après  la  résurrection.  Il  s'y  était  encore  servi 
de  ces  paroles  :  Que  la  chair ,  plongée  dans 
des  pensées  toutes  charnelles,  écoute  ce  que 
dit  Jésus-Christ  :  Dica  est  esprit.  On  trouve  à 
peu  près  les  mêmes  termes  dans  la  lettre  à 
Italique.  Pauline  ayant  vu  cette  lettre  pria 
saint  Augustin  de  lui  expliquer  avec  éten- 
due, ce  qui  regardait  la  vision  de  Dieu,  et 
de  traiter  fort  au  long  la  question,  si  Dieu 
peut  être  vu  des  yeux  du  corps.  Le  Saint  ne 
put  lui  refuser  cette  grâce  ;  mais  ses  occu- 
pations, et  la  difficulté  de  la  matière,  ne  lui 
permirent  pas  de  satisfaire  sitôt  un  si  saint 
désir.  Il  ne  le  fit  que  vers  l'an  413,  quoiqu'il 
en  eût  été  prié  longtemps  auparavant. 

Il  prie  Pauline  de  ne  pas  se  faire  une  loi 
de  croire  tout  ce  qu'il  lui  dira  sur  ce  sujet, 
à  moins  qu'elle  ne  le  voie  appuyé  de  l'auto- 
rité de  l'Écriture,  ou  qu'elle  ne  la  comprenne 
par  la  lumière  intérieure  de  la  vérité.  En- 
suite il  pose  pom-  un  principe  avéré,  qu'on 
peut  voir  Dieu,  puisqu'il  est  dit  dans  l'Evan- 
gile :  Heureux  ceux  qui  ont  le  cœur  pur,  car 
ils  verront  Dieu.  Et  encore  :  Nous  savons  que 
lorsqu'il  viendra  à  paraître  nous  serons  sem- 
blables à  lui,  parce  que  nous  le  verrons  tel 
qu'il  est.  El  pose  un  autre  principe  également 
établi  dans  l'Écriture,  que  personne  n'a  ja- 
mais vu  Dieu.  «  Cependant,  ajoute-t-il,  Ja- 
cob dit  dans  la  Genèse  :  J'ai  vu  Dieu  face  à 
face,  et  il  ne  m'en  a  point  coûté  la  vie  :  et  on 
lit  dans  l'Évangile  que  les  anges  mêmes 
voient  sans  cesse  le  visage  du  Père  céleste.  » 
n  rapporte  plusieurs  autres  passages  de 
LX. 


l'Écriture,  où  il  est  dit  que  Dieu  a  été  vu 
d'Abraham,  d'Isaac,  et  de  plusieurs  autres 
anciens;  et  un  du  livre  de  Job,  où  il  est  dit 
que  le  diable  se  présenta  devant  Dieu  avec 
les  bons  anges  ;  d'où  quelques-uns  tiraient 
cette  conclusion  :  Les  impies  mêmes  verront 
Dieu.  Saint  Augustin  s'efforce  d'accorder 
ces  passages  ;  selon  lui  les  uns  regardent 
l'avenir,  et  les  autres  le  passé;  et  encore 
que  personne  n'ait  jamais  vu  Dieu,  cela 
n'empêche  pas  que  ceux  qui  deviendront 
enfants  de  Dieu  par  la  pureté  de  leur  cœur, 
ne  doivent  le  voir  un  jour.  Saint  Jean  ne 
dit  pas,  nous  avons  vu  Dieu  tel  qu'il  est, 
mais  nous  le  verrons  ;  quand  le  même  Apôtre 
dit  que  personne  n'a  vu  Dieu,  il  parle  des 
hommes  et  non  des  anges  ;  Dieu  a  été  vu 
des  saints  de  l'Ancien  Testament,  non  dans 
sa  propre  essence,  mais  sous  la  figure  qu'il 
lui  a  plus  de  paraître  ;  figiu'e  qu'il  a  for- 
mée, non  de  sa  substance,  qui  est  inaltéra- 
ble et  incapable  de  changement,  mais  qu'il 
a  choisie  par  sa  volonté.  C'est  en  cette  ma- 
nière que  Moïse  a  vu  Dieu,  puisque  s'il  l'a- 
vait vu  dans  sa  propre  nature,  ce  Prophète 
ne  lui  aurait  pas  dit  :  Montrez-vous  à  moi,  et 
faites  que  je  vous  voie;  et  il  n'aurait  pas  reçu 
cette  réponse  :  Nul  homme  vivant  ne  saurait 
voir  Dieu.  Nous  le  verrons  lorsque  élevés 
par  les  illustrations  ineffables  qui  émanent 
du  Fils  unique,  au  point  de  pureté  qui  puisse 
nous  rendre  capables  de  le  voir,  nous  se- 
rons pénétrés  de  cette  vue  ineffable.  On  ne 
doit  pas  croire  que  le  diable  ait  vu  Dieu 
lorsqu'il  se  présenta  devant  lui  avec  les  an- 
ges :  «Car,  dit  le  saiiat  évêque,  nous  voyons 
bien  ce  qui  se  présente  devant  nous,  mais 
il  ne  s'en  suit  pas  que  nous  en  soyons  vus. 
Aussi  l'Écriture  ne  dit  pas  qu'ils  aient  vu 
Dieu,  mais  seulement  qu'ils  parurent  devant 
Dieu.  Dieu,  conclut  ce  Père,  est  donc  invi- 
sible par  sa  nature  ;  mais  il  se  fait  voir 
cpiand  il  lui  plaît,  comme  il  lui  plaît  ;  et  il  a 
été  vu  de  plusieurs,  non  tel  qu'il  est,  mais 
sous  la  forme  qu'il  lui  a  plu.  Si  notre  âme 
et  notre  intelligence,  qui  est  ce  qu'il  y  a 
de  plus  excellent  en  nous  ,  est  invisible 
à  nos  yeux,  comment  ce  qui  est  infini- 
ment plus  excellent,  pourrait  être  visible  à 
ces  mêmes  yeux?  Mais  quelque  invisible 
que  soit  Dieu,  les  cœurs  purs  ne  laisseront 
pas  de  contempler  sa  substance  :  c'est  même 
en  cela  que  consistera  la  grande  et  ineffable 
récompense,  que  le  Fils  de  Dieu  a  promise 
à  ceux  qui  aiment  Dieu  et  qui  le  sei-vent.  » 

9 


130 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


;i  Fintiin.'i- 
lii'n  i-n  'lis, 
p;ig,  ^9ii. 


Saint  Aiignstin  appuie  tout  ce  qu'il  dit 
sur  la  A'ision  de  Dieu,  des  paroles  de  saint 
Ambroise  sur  la  même  matièi-e,  mais  en 
avertissant  Pauline  qu'il  ne  l'oblige  pas  à 
avoir  autant  de  déférence  pour  les  pensées 
de  ce  Père,  qu'elle  en  a  pour  les  saintes 
Écritures.  Il  s'objecte  :  «  Que  verront  donc 
les  yeux  du  corps  dans  la  vie  future,  s'ils 
sont  incapables  de  voir  Dieu?  Seront-ils 
comme  ceux  des  aveugles  dans  une  entière 
incapacité  de  rien  voir,  ou  les  aurons- 
nous  sains  et  entiers  pour  n'en  faire  aucun 
usage?  Cette  difficulté,  répond-il,  ne  doit 
faire  aucune  peine.  Car  s'il  n'y  a  point  de 
corps  dans  le  ciel,  comme  le  prétendent 
ceux  qui  la  font,  il  n'y  aura  point  d'yeux 
par  conséquent ,  et  dès  là  leur  objection 
tombe  d'elle-même.  Si  au  contraire  il  doit  y 
avoir  des  corps,  il  y  aura  de  quoi  faire  usage 
des  yeux  du  corps.  » 

i7.  Saint  Augustin  traite  encore  la  ques- 
tion de  la  vision  de  Dieu,  dans  un  mémoire 
adressé  à  Fortunatien,  évéque  de  Sique. 
Voici  quelle  en  fut  l'occasion.  Dans  un  let- 
tre sur  la  même  matière,  il  avait  dit  que 
Dieu  n'est  point  visible  des  yeux  du  corps, 
ni  sur  la  terre ,  ni  dans  le  ciel.  L'évêque 
qu'il  réfutait  dans  cette  lettre,  et  qui  n'é- 
tait pas  éloigné  de  l'erreur  des  antropomor- 
pliites,  se  trouva  choqué  de  quelques  ter- 
mes qui  avaient  échappé  à  saint  Augustin 
dans  la  chaleur  de  la  composition.  Le  saint 
se  condamna  lui-même  au  lieu  de  s'excu- 
ser, et  pria  cet  évêque  de  lui  pardonner 
cette  faute,  en  considération  de  leur  ancienne 
amitié.  L'évêque  le  refusa.  Ce  qui  enga- 
gea saint  Augustin  à  lui  faire  écrire  par 
une  personne  vénérable ,  à  prier  Fortuna- 
tien de  le  voir  de  sa  part,  et  de  l'assurer, 
que  loin  de  le  mépriser,  il  l'honorait  sin- 
cèrement et  craignait  Dieu  en  sa  personne. 
En  attendant  la  réussite  de  cette  médiation, 
il  envoya  à  Fortunatien  le  mémoire  dont 
nous  parlons,  où,  soutenant  toujours  la  mê- 
me vérité  qu'il  avait  défendue  dans  sa  let- 
tre :  il  montre  qu'on  ne  peut  dire  en  aucune 
manière  que  Dieu  puisse  être  vu  des  yeux 
du  corps  même  glorieux,  en  la  manière 
que  nous  voyons  les  choses  sensibles.  C'est 


ce  qu'il  prouve  par  les  témoignages  de  saint 
Ambroise,  de  saint  Jérôme,  de  saint  Atha- 
nase,  et  de  saint  Grégoire,  évêque  dans  l'O- 
rient, c'est-à-dire  de  Grégoire  d'Elvire  *.  Il 
consent  d'examiner  avec  son  collègue,  dans 
un  esprit  de  paix,  quelle  sera  cette  qualité 
spirituelle  qu'auront  les  corps  après  la  ré- 
surrection, et  dit  que  s'il  croit  qu'elle  sera  de 
nature  à  leur  faire  voir  les  choses  mêmes 
intectuelles,  il  est  prêt  d'écouter  avec  beau- 
coup de  docilité  les  raisons  qu'il  aura  à  lui 
dire  de  son  sentiment.  «Du  reste  j'avoue, 
dit-il,  que  je  n'ai  encore  rien  trouvé  nulle 
part  qui  m'ait  paru  suffisant ,  ni  pour  ins- 
truire les  auti'es,  ni  pour  me  fixer  moi- 
même  sur  ce  que  seront  ces  corps  spirituels 
que  nous  ain-ons  après  la  résurrection  ;  jus- 
ques  à  quel  point  ils  seront  transformés  et 
changés  en  mieux;  si  cela  ira  jusqu'à  la  pu- 
reté et  la  simphcité  de  la  nature  spirituelle, 
en  sorte  que  l'homme  tout  entier  ne  soit 
plus  qu'esprit;  ou,  ce  que  je  croirais  plus 
volontiers ,  -jans  oser  pourtant  le  donner 
pour  certain,  si  nos  corps  ne  seront  spiri- 
tuels qu'à  raison  de  l'agilité  et  de  l'activité 
ineffables  qu'ils  auront,  quoique  d'ailleurs 
la  substance  corporelle  demeure  corporelle, 
sans  avoir,  non  plus  qu'ici-bas,  de  vie  ni  de 
sentiment  par  elle-même ,  mais  seulement  par 
l'esprit  qui  l'anime,  et  qui  s'en  sert  comme 
d'un  instrument.  »  11  explique  en  quel  sens  on 
doit  entendre  les  endroits  de  l'Écriture,  qui 
parlent  de  Dieu  comme  de  quelque  chose  de 
corporel.  «  Comme  par  les  ailes  que  l'Écriture 
lui  attribue,  nous  n'entendons  autre  chose, 
dit-il,  que  sa  protection;  de  même,  quand 
elle  parle  de  ses  mains ,  nous  ne  devons  en- 
tendre que  son  opération;  par  ses  pieds, 
que  ce  qui  nous  le  rend  présent  ;  par  ses 
yeux,  que  la  connaissance  qu'il  a  de  tou- 
tes choses  ;  par  son  visage ,  que  celle  que 
nous  avons  de  lui,  et  ainsi  de  toutes  les  au- 
tres expressions  dont  l'Écriture  se  sert  en 
parlant  de  Dieu,  et  que  je  ne  doute  point 
qu'on  ne  doive  prendre  dans  un  sens  qui 
ne  convienne  qu'aux  purs  esprits.  Je  ne  suis 
ni  le  seul  qui  le  croie,  ni  le  premier  qui  l'ait 
cru  :  c'est  un  sentiment  commun  à  tous 
ceux  cjTii  ayant  eu  l'intelligence  assez  épu- 


1  Cette  citation  est  tirée  de  la  49»  oraisou  de 
saiut  Grégoire  de  Nazianze;  mais  d'aprt'S  l'opinion 
qui  a  prévalu  chez  les  savants,  cette  49^  oraisou 
n'est  pas  de  saint  Grégoire  de  Nazianze  ni  d'aucun 
Père  grec;  elle  appartient  à  un  écrivain  latin  dont 


le  nom  est  resté  douteux.  D'autres  prétendent  qu'il 
s'agit  vraiment  d'un  évêque  d'Orient,  parce  que 
saint  Augustin  s'appuie  ici  sur  l'autorité  des  Pères 
grecs.  [L'éditeur.) 


[tV"  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EYEQUE  D'HIPPONE. 


131 


l'ée  pour  comprendre  quelque  chose  de  la 
nature  spirituelle  de  Dieu ,  ont  combattu 
ceux  qui  veulent  qu'il  ait  un  corps  comme 
le  nôtre ,  et  à  qui  on  a  donné  pour  cette 
raison  le  nom  à'antropomoiyhites.  Soit  que 
nous  trouvions  ou  non  ce  que  ce  sera  que 
cette  qualité  spirituelle  des  corps  après  la 
résurrection,  nous  devons  croire  sans  hési- 
ter que  nous  verrons  Dieu,  et  il  suffit,  pour 
nous  le  faire  croire,  que  dès  cette  vie  nous 
voyions  des  yeux  de  l'esprit,  la  charité,  la 
paix,  la  sainteté,  et  les  autres  choses  pure- 
ment spirituelles ,  plus  ou  moins  selon  qu'ils 
sont  plus  ou  moins  purs.  » 
'■'''  18.  Saint  Paulin  avait  proposé  diverses 
questions  à  saint  Augustin  sur  les  Psaumes, 
les  Épitres  de  saint  Paul  et  les  Évangiles.  Ce 
fut  pour  y  satisfaire,  que  le  saint  évêque  lui 
écrivit  la  lettre  cent  quarante -neuvième  , 
dont  on  met  l'époque  en  414.  Selon  lui  le  sens 
le  plus  naturel  de  ces  paroles  du  psaume  16  : 
Chassez-les  de  la  terre,  est  celui-ci  :  Chassez 
les  Juifs  de  la  terre  que  vous  leur  aviez 
donnée,  et  dispersez-les  parmi  les  nations  : 
c'est  en  effet  ce  qui  est  arrivé,  lorsque  ayant 
été  vaincus  et  désarmés  par  les  Romains, 
leur  répubhque  fut  entièrement  ruinée.  Ce 
qu'ajoute  le  Psalmiste  :  Leurs  entrailles  ont 
été  remplies  de  ce  que  vous  aviez  de  caché,  veut 
dire,  qu'ils  ont  été  visiblement  séparés  de 
l'Église,  par  un  effet  des  secrets  jugements 
de  Dieu,  et  qu'ils  ont  encore  ressenti  dans 
le  fond  de  lem-  conscience ,  les  châtiments 
secrets,  dont  Dieu  punit  invisiblement  les 
méchants.  Par  les  paroles  suivantes  :  Ils  ont 
été  rassasiés  de  leurs  propres  enfants,  saint  Au- 
gustin entend  les  œuvres  des  méchants, 
qui  sont  comme  les  enfants  de  leur  cœur. 
Et  pour  ce  qui  est  dit  ensuite  :  Ils  ont  laissé 
leurs  restes  à  leurs  petits  enfants,  il  croit  que 
c'est  l'accomplissement  de  ce  que  les  Juifs 
demandaient  eux-mêmes  à  la  Passion  de 
Jésus-Christ,  disant  que  son  sang  retombât 
sur  eux  et  sur  lem's  enfants  :  car  il  est  vrai 
qu'ils  ont  laissé  à  leiirs  enfants  les  restes  de 
leurs  péchés,  et  les  suites  funestes  de  leurs 
œuvres  criminelles,  n  dit  qu'au  lieu  que 
nous  lisons  dans  le  psaume  i.o  :  Il  a  rendu 
toutes  ses  volontés  admirables  au  milieu  d'eux, 
on  doit  lire  comme  s'il  y  avait,  en  eux;  et 
que  cet  endroit  doit  s'entendre  des  saints  qui 
sont  dans  la  terre  du  Seignexir,  c'est-à-dire 

*  Dans  l'ancienne  Vulgate  on  lisait  legis  tuœ 
au  lieu    de  poptili  mei  qu'on   y   lit  aujourd'liiii. 


dans  son  Église.  Il  entend  des  Juifs  ces  pa- 
roles du  psaume  58  :  Ne  les  exterminez  point, 
et  ne  permettez  pas  qu'ils  oublient  votre  loi  '. 
Le  Prophète  demande  ici  à  Dieu  que  cette 
nation,  quoique  vaincue  et  détruite  par  ses 
ennemis,  ne  se  laisse  point  aller  à  la  su- 
perstition et  à  l'idolâtrie  de  ses  vainqueurs  ; 
mais  qu'elle  demeure  toujours  attachée  à 
l'observance  de  sa  loi,  afin  qu'elle  soit  un 
témoin  irréprochable  de  la  vérité  de  la 
sainte  Écriture ,  dans  toutes  les  parties  du 
monde ,  d'où  Dieu  devait  assembler  son 
Église.  Car  les  juifs  nous  servent  d'une 
prouve  invincible  ,  pour  persuader  aux 
païens  que  ce  n'a  pas  été  par  une  inven- 
tion humaine,  ni  par  l'industrie  d'un  im- 
posteur, que  le  nom  de  Jésus-Christ  s'est 
acquis  tout  à  coup  une  si  grande  autorité 
parmi  toutes  les  nations,  qu'on  le  regarde 
comme  l'objet  de  notre  vénération,  et  com- 
me l'espérance  du  salut  éternel;  mais  que 
cela  s'est  fiiit  par  les  ordres  de  Dieu,  qui 
avaient  été  écrits  et  publiés  longtemps  au- 
paravant. En  effet,  ne  pouvait-on  pas  dire 
que  ces  prophéties  ont  été  forgées  par  les 
chrétiens,  si  nous  n'en  justifiions  la  vérité, 
par  les  livres  mêmes  de  nos  ennemis?  C'est 
pour  cela  que  le  Prophète  dit  à  Dieu  :  Ne 
souffrez  pas  que  cette  nation  périsse  abso- 
lument, ni  qu'elle  oublie  votre  loi ,  comme 
il  serait  arrivé,  si  les  Juifs  avaient  été  con- 
traints d'embrasser  la  rehgion  des  Romains, 
et  qu'ils  n'eussent  pas  eu  la  liberté  d'exer- 
cer une  partie  de  la  leur.  Le  Prophète  ajou- 
te :  Dispersez-les  par  votre  puissance,  parce 
que  s'ils  demeuraient  tous  dans  un  même 
endroit,  ils  ne  pourraient  pas  contribuer  è 
faire  recevoir  les  vérités  de  l'Évangile,  qui 
devait  être  prêché  avec  fruit  par  tout  le 
monde,  en  faisant  connaître  par  les  livres 
sacrés,  que  ces  vérités  y  étaient  prédites.  Il 
fallait  donc  que  Dieu,  par  sa  puissance,  les 
dispersât  par  toute  la  terre ,  pour  déposer 
en  faveur  de  celui  qu'ils  ont  rejeté,  persé- 
cuté et  mis  à  mort  ;  faisant  voir  que  toutes 
ces  choses  étaient  prédites  dans  les  livres 
de  la  loi,  qu'ils  n'oublient  point,  quoique  ce 
souvenir  leur  soit  inutile.  Car  autre  chose 
est  d'avoir  la  loi  de  Dieu  dans  la  mémoire, 
et  autre  chose  d'en  pénétrer  l'obligation,  et 
les  mystères  qu'elle  contient. 

A  l'égard  de  ce  que  dit  saint  Paul,  que 

Le  texte  original  porte   populi   mei.    {L'éditeur.) 


132 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Dieu  a  établi  dans  son  Église,  les  uns  apôtres, 
les  autres  prophètes ,  saint  Augustin  s'expli- 
que ainsi  :  «  Par  ce  mot  de  prophètes,  il  faut 
entendi-e  ceux  qui  dans  les  premiers  temps 
du  christianisme  avaient  reçu  le  don  de  pro- 
phétie, comme  Agabus;  et  non  pas  les  an- 
ciens Prophètes  qui  ont  prédit  l'incarnation 
de  Jésus-Christ.  Saint  Paul  n'a  distingué  au 
même  endroit  les  évangélistes  des  apôtres, 
que  pour  nous  faire  connaître  que  saint 
Marc  et  saint  Luc,  qui  sont  évangélistes, 
n'ont  point  été  apôtres.  Les  noms  de  pas- 
teurs  et  de  docteurs  conviennent  à  la  même 
personne ,  et  l'Apôtre  n'a  ajouté  le  mot  de 
docteur  à  celui  de  pasteur,  que  pour  appren- 
dre aux  pasteurs  qu'ils  sont  obligés  d'ensei- 
gner. Le  saint  évoque  s'étend  beaucoup  à 
montrer  la  différence  qu'il  faut  faire  entre  les 
supphcations  et  les  prières  dont  parle  saint 
Paul.  Par  le  mot  de  supplications,  nous  de- 
vons entendre  toutes  les  cérémonies  qui  se 
font,  et  les  paroles  qui  se  prononcent  par  les 
ministres  de  l'Église,  avant  la  bénédiction  de 
ce  qui  se  met  sur  la  table  du  Seigneur  ;  et 
par  celui  de  prières ,  ce  qui  se  fait  et  se  dit 
pendant  que  l'on  bénit  ces  oblations,  qu'on 
les  sanctifie ,  et  qu'on  les  partage  pour  les 
distribuer  aux  fidèles;  ce  qui  se  termine, 
selon  la  pratique  de  presque  toutes  les 
éghses,  par  l'Oraison  dominicale.  Quant  au 
mot  a:  interpellât  ions,  que  les  exemplaires 
de  saint  Paulin  rendaient  par  celui  de  de- 
mandes, le  sentiment  de  saint  Augustin  est 
que  ce  sont  les  prières  que  l'on  fait  quand 
on  bénit  le  peuple,  et  que  les  évoques 
étendant  les  mains  sur  lui,  l'offrent  à  la 
miséricorde  de  la  toute -puissance  '  de 
Dieu.  «  Après  toutes  ces  saintes  cérémonies, 
dit -il,  vient  l'action  de  grâces,  qui  se  fait 
lorsque  l'on  a  participé  à  ce  grand  sacre- 
ment, qui  est  comme  la  conclusion  de  tout 
le  reste.  L'Apôtre,  après  avoir  marqué  ces 
diverses  sortes  de  prières,  commande  de 
les  offrir  pour  les  rois,  et  pour  tous  ceux  qui 
sont  élevés  en  dignité,  de  peur  que,  par  un 
effet  de  la  faiblesse  humaine ,  quelqu'un  ne 
crût  qu'il  ne  fallait  point  prier  pour  ceux 
qui  persécutaient  l'Église  ;  et  parce  qu'il  sa- 
vait que  dans  toutes  les  conditions  il  y  a  des 
membres  de  Jésus-Clirist  à  rassembler  ^.  De 
crainte  aussi  que  quelqu'un  ne  s'imaginût 

1  Le  texte   porte  misericordissimœ  potestali. 
{L'éditeur.) 

2  Saiut  Augustin    rapporte    ici    les  paroles   de 
saint  Paul,  1    Tiinoth.,  cap.  n,  v  3,  i.   Hoc   cnim 


qu'une  vie  pure  et  innocente  suffit  avec  le 
culte  du  seul  Dieu  véritable  pour  arriver  au 
salut,  et  qu'il  n'est  point  nécessaire  de  parti- 
ciper au  corps  et  au  sang  de  Jésus-Chi-ist, 
l'Apôtre  dit  immédiatement  après,  que  com- 
me il  n'y  a  qu'un  Dieu,  il  n'y  a  aussi  qu'un 
médiateur  entre  Dieu  et  les  hommes,  qui  est 
Jésus-Christ;  afin  que  l'on  comprît  que  ce 
qu'il  venait  de  dire,  que  Dieu  veut  que  tous 
les  hommes  soient  sauvés,  ne  s'accomplit 
que  par  le  médiateur,  c'est-à-dire  par  Jésus- 
Christ.  » 

Saint  Paulin  avait  demandé  ce  que  si- 
gnifiaient ces  paroles  de  l'Épître  aux  Ro- 
mains :  Quant  à  l'Evangile ,  ils  sont  ennemis 
à  cause  de  vous;  pourquoi,  disait-il  :  Quant  à 
l'Évangile?  «  C'est,  répond  saint  Augustin, 
qu'il  fallait  pour  notre  rédemption  que  le 
sang  de  Jésus-Christ  fût  répandu  ;  et  il  ne  le 
pouvait  être  que  par  ses  ennemis.  Voilà  l'u- 
sage que  Dieu  sait  faire  des  méchants  mê- 
mes poiu-  le  salut  des  bons.  Mais  quant  à 
l'élection,  continue  l'Apôtre,  ils  sont  chéris  à 
cause  de  leurs  pères,  c'est-à-dire  ceux  d'entre 
eux  qui  appartiennent  au  nombre  des  élus, 
et  non  pas  ceux  qu'il  venait  d'appeler  enne- 
mis, quoiqu'il  se  soit  exprimé  indéfiniment, 
selon  la  manière  ordinaire  de  l'Écriture,  qui 
parle  souvent  d'une  partie  comme  du  tout. 
Autres  sont  donc  ceux  que  saint  Paul  appelle 
ennemis,  et  autres  ceux  qu'il  appelle  chéris 
et  bien-aimés  :  mais  comme  ils  étaient  tous 
d'un  même  peuple,  il  en  parle  comme  si  c'é- 
taient les  mêmes.  Or,  parmi  ceux -mêmes 
qu'il  appelle  ennemis,  parce  qu'ils  avaient 
crucifié  Jésus-Christ,  il  y  en  a  eu  plusieurs 
qui  se  sont  convertis,  et  qui  n'ont  commencé 
de  paraître  éhis  que  par  cette  conversion  qui 
a  été  le  commencement  de  leur  salut;  mais 
ils  étaient  élus  à  l'égard  de  la  prescience  de 
Dieu  dès  avant  la  création  du  monde.  Ainsi 
on  peut  dire  que  ceux  que  saint  Paul  appelle 
ennemis  et  ceux  qu'il  appelle  bien-aimés  sont 
les  mêmes  en  deux  manières,  c'est-à-dire  et 
à  l'égard  du  même  peuple,  auquel  les  uns 
et  les  autres  appartenaient,  et  à  l'égard  de 
ceux-mêmes  qui,  après  avoir  été  ennemis 
de  Jésus-Christ,  en  sont  devenus  les  bien- 
aimés,  à  raison  d'une  élection  secrète,  qui 
n'a  commencé  de  se  manifester,  que  lors- 
qu'ils ont  été  convertis.  L'Apôtre  dit  que  ces 

bonum  est  et  acceptum  coram  salvatore  nostro 
Dec,  qui  omiies  homines  vuU  sakws  fieri  et  in 
agnitionem  verilatis  venire.  [L'éditeur.) 


[IV«  ET  V*  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


133 


bien-aimés  le  sont  à  cause  de  leurs  pères,  parce 
qu'il  fallait  que  ce  qui  avait  été  promis  aux 
anciens  patriarches  fût  accompli.  Il  ajoute  : 
Les  dons  et  la  vocation  de  Dieu  sont  immua- 
bles; et  Une  s'en  repent  point  ;  ce  qui  montre, 
que   par   ceux   qu'il  appelle   bien-aimés,  il 
n'entend  que  ceux  d'entre  les  juifs ,  qui  sont 
du  nombre  des  prédestinés,  dont  il  avait  dit 
plus  haut   que  Dieu  les  a  appelés  selon  son 
décret.  Or ,  les  élus  ne  sont  que  ceux-là  mê- 
mes qui  ont  été  appelés  selon  ce  décret  de 
Dieu  et  de  cette  vocation  immuable.  Ainsi, 
ceux  qui  ne  persévèrent  pas  jusqu'à  la  fin 
n'appartiennent  point  à  cette  sorte  de  voca- 
tion, et  ne  sont  point  du  nombre  de  ces 
prédestinés  appelés  selon  le  décret  de  Dieu  : 
car  s'ils  en  avaient  été.  Dieu  pouvait  les 
enlever  avant  que  la  malice  eût  changé  lem- 
cœur.  Mais  pourquoi  ceux-ci  sont-ils  pré- 
destinés  et  appelés  de  cette  sorte,  et  non 
pas  ceux-là?  C'est  ce  que  nous  ne  savons 
point  :  la  cause  en  est  cachée  ;  mais  elle  ne 
saurait  être  que  juste  :  et  l'Apôtre  a  eu  soin 
de  nous  marquer  que  cela  n'aiTive  que  par 
un  efiet  des  jugements  de  Dieu,  afin  que 
personne  ne  crût  qu'il  y  eût  en  cela  injus- 
tice et  témérité.  » 

Saint  Augustin,  après  avoir  expliqué 
quelques  autres  difficultés  sur  les  Épitres 
de  saint  Paul,  passe  à  celle  que  saint  Pau- 
lin lui  avait  proposée,  sur  ce  qui  est  dit 
dans  l'Évangile,  que  plusieurs  personnes 
de  l'un  et  de  l'autre  sexe,  à  qui  Jésus-Christ 
se  montra  après  sa  résurrection,  et  de  qui  il 
était  très-connu  durant  sa  vie,  le  méconnu- 
rent d'abord  qu'il  leur  apparut,  quoiqu'il  eût 
après  sa  résurrection  le  même  corps  qu'il 
avait  auparavant  ;  il  répond  ainsi  :  «  Puisque 
le  Sauveui",  dit-il,  dans  sa  transfigm-ation  re- 
leva la  couleur  et  l'éclat  de  son  visage,  jus- 
qu'au point  de  paraître  brillant  comme  le  so- 
leil, on  peut  admettre,  sans  aucun  inconvé- 
nient, que  parun  effet  de  la  même  puissance, 
il  y  a  changé  quelque  chose  aux  traits  de  ce 
même  visage  dans  les  premiers  moments 
de  ses  apparitions  après  sa  résurrection , 
afin  qu'on  ne  le  reconnût  pas  d'abord;  et 
qu'il  reprit  sa  forme  naturelle ,  comme  il 
reprit  sa  couleur  naturelle  après  sa  trans- 
figuration. »  Le  saint  évêque  ne  doute  point 
que  le  pain  que  Jésus -Christ  rompit  aux 
disciples  d'Emmaiis,  ne  fût  le  sacrement 
qui  nous  unit  dans  la  connaissance  de 
Jésus- Christ;  et  que  par  l'épée  dont  l'â- 
me de  la  sainte  Vierge  devait  être  trans- 


Lcltri!  150 
à  Prulja  1 1 
à  Julienne, 


percée,  il  ne  faille  enteudre  la  vive  douleur 
dont  son  cœm-  fut  transpercé  en  voyant  son 
Fils  attaché  à  la  croix. 

■19.  Démétriade,  fille  de  Julienne,   pro- 
fitant des  instructions  que  saint  Augustin 
lui  avait  données  avec  saint  Alypius,  fit  pro-  ^'.'^  "''  °" 
fession  de  virginité,  préférant  l'aUiance  de   sui. 
Jésus-Christ   à  l'époux  terrestre   auquel  on 
voulait  la  marier;  Proba  et  Julienne  s'em- 
pressèrent de  domier  avis  de  cette  nouvelle 
à  saint  Augustin ,  ne  doutant  pas  qu'elle  ne 
ne  lui  causât  beaucoup  de  joie.  EUes  lui 
envoyèrent  en  même  temps  un  présent  pour 
marque  de  la  solennité  de  sa  consécration, 
en  l'assurant  que   la  résolution   de  Démé- 
triade était  le  fruit  de  ses  travaux  et  de  ses 
exhortations.  On  voit  par   la   réponse  que 
saint  Augustin  leur  fit ,  combien  cette  nou- 
velle lui  avait   été  agréable  ;    il  ne   trouve 
point  de  paroles  assez  énergiques  pour  leur 
faire  comprendre  combien  il  leur  était  plus 
glorieux  et  plus  utile,  selon  Jésus-Christ,  de 
lui  avoir  donné  pour  épouse  une  vierge  de 
leur  sang,  qu'il  ne  l'est,  selon  le  monde, 
d'avoir  eu  des  consuls  pour  époux.  «  Car  s'il 
y  a,  dit-il,  quelque  chose  de  beau  et  de 
grand  à  voir  le  cours  des  années  marqué  du 
nom  de  son  mari,  il  est  beaucoup  plus  beau 
et  plus  grand  de  s'acquérir  par  l'intégrité 
du  corps  aussi  bien  que  de  l'esprit  un  mé- 
rite et  un  bonheur  sur  lequel  les  années  ne 
peuvent  rien.  Jouissez  donc,  continue-t-il ,  à 
Démétriade,  de  ce  qui  manque  à  la  perfec- 
tion de  votre  état.  Pour  elle ,  elle  n'a  qu'à 
persévérer   jusqu'à   la    fin    dans    l'alliance 
qu'elle  a  contractée  avec  celui  dont  le  rè- 
gne n'a  point  de  fin.  Que  celles  qui  la  ser- 
vent suivent  son  exemple,  et  que  ceUes  qui 
sont  dans  quelque  sorte  d'élévation  selon  le 
monde  imitent  cette  humilité  qui  la  relève 
si  fort;  et  qu'au  lieu  d'aspirer  à  ce  qu'elles 
voient  de  grandeur  dans  sa  maison,    elles 
aspirent  à  ce  qu'eUes  y  voient  de  sainteté,  n 
20.  En  413 ,  saint  Augustin  fit  un  voyage 
à  Carthage ,  et  il  arriva  que  pendant  son  sé- 
jour en  cette  ville,  le  comte  Marin,  gagné  par 
les  donatistes,  fit  arrêter  le  tribun  Marcellin, 
à  qui  ils  en  voulaient  depuis  la  conférence 
de  Cai'thage.  Comme  ils  étaient  encore  mé- 
contents d'Apriugius  son  frère,  mais  pour 
d'autres  raisons.  Marin  le  fit  aussi  arrêter. 
Saint  Augustin  et  les  autres  évêques  firent 
tout  ce  qui  était  en  eux  pour  empêcher  que 
Marin  ne  causât  à  l'Église  une  douleur  ex- 
ti'ême  par  la  mort  de  ces  deux  frères,  sur- 


Lri:re  151 
à  Cf'cilieii, 
en  kiZ  ou 
l>Vi,  pag. 
517. 


134 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


tout  de  Marcellin,  et  qu'il  ne  tuât  lui-même 
son  âme  par  un  si  grand  crime.  Cécilien  se 
Joignit  aux  évêcpies  pour  solliciter  en  faveur 
de  Marcellin  :  Marin  donna  même  de  belles 
paroles,    et  Cécilien,  dans  une  visite  qu'il 
rendit  à  saint  Augustin,  lui  fit  espérer  la  dé- 
livrance des  prisonniers.  Mais,  dans  le  temps 
que  ce  saint  évêque  se  tenait  comme  assuré 
qu'ils  auraient  leur  grâce,  on  vint  lui  dire 
qu'ils  étaient  déjà  exécutés  à  moi't.  Une  si 
cruelle  perfidie  ne  lui  permit  pas  de  rester 
plus  longtemps  à  Carthage  ;  de  sorte  que 
Cécilien  étant  venu  pour  le  voir ,  on  lui  dit 
qu'il  n'était  plus  dans  la  ville.  Cécilien  prit 
donc  le  parti  de  lui  écrire.  On  voit  par  la  ré- 
ponse que  lui  fit  saint  Augustin,  que  quoiqu'il 
eût  tout  lieu  de  croire  qu'il  avait  eu  quelque 
part  à  la  moii  de  ces  deux  frères,  le  saint 
ne  l'en   croyait  pas   néanmoins  coupable. 
Tout  ce  qu'il  lui  demande,  c'est  que  pour 
se  justifier  devant  tout  le  monde  d'un  crime 
dont  ses  liaisons  avec  le  comte  Marin  le  fai- 
saient soupçonner,  il  renonce  à  sa  familia- 
rité et  n'ait  plus  pour  lui  qu'une  affection 
purement  spirituelle  qui,  faisant  paraître  au 
dehors  l'horreur  qu'il  avait  de  son  crime,  le 
porte  à  en  faire  pénitence.  «  Détestez-le,  lui 
dit-il,  si  vous  l'aimez.  Ayez-le  en  bori-em%  si 
vous  voulez  qu'il  évite  les  supplices  éternels. 
Voilà  ce  que  vous  pouvez  faire  de  mieux,  et 
pour  votre  réputation,  et  même  pour  l'avan- 
tage de  votre  ami  :  car  vous  aurez  pour  lui 
une  amitié  d'autant  plus  véritable,  que  vous 
aurez  plus  de  haine  pour  son  crime.  »  Saint 
Augustin  donne  dans  cette  lettre  de  grands 
éloges  à  Marcellin,  et  relève  surtout  la  pu- 
reté de  ses  mœurs  et  son  amour  pour  la  vé- 
rité. Il  raconte  de  lui  qu'étant  en  prison,  son 
frère  A^ringius  lui  dit  :  «  Si  ce  sont  mes 
péchés  qui  m'ont  attiré  cette  disgrâce,  par 
où  avez-vous  méi'ité  d'y  tomber,  vous  dont 
nous  savons  que  la  vie  a  toujours  été  si  chré- 
tienne, et  qui  avez  toujours  eu  tant  de  zèle 
pour  tous  les  devoirs  de  la  piété?  »  Sur  quoi 
Marcellin  lui  fit  cette  réponse  :  <(  Quand  ce  que 
vous  dites  de  moi  serait  véritable,  et  quand 
l'état  où  je  suis   devrait  aller  jusqu'à  me 
faire  perdre  la  vie,  n'est-ce  pas  une  grande 
miséricorde  de  Dieu  sur  moi,  de  me  l'avoir 
envoyé  pour  me  châtier  ici  de  mes  péchés, 
et  de  n'en  pas  réserver  la  punition  au  jour 
de  son  jugement.  »  On  pourrait  croire,  sur 
ce  discours,  que  Marcellin  se  sentait  coupa- 
ble de  quelques  péchés  secrets  d'impureté  : 
(I  Mais  voyez,  dit   saint  Augustin,  ce  que 


Dieu   a  permis,  pour  ma   consolation,  que 
j'aie  su  de  sa  propre  bouche.  Comme  j'é- 
tais seul  avec  lui  dans  sa  prison,  je  lui  fis 
entendre  que  l'état  où  Dieu  permettait  qu'il 
fût  tombé,  me  faisait    craindre  qu'il  n'eût 
besoin  de  satisfaire  à  sa  justice,  par  quelque 
pénitence  plus  sévère  et  plus  publique.  Ce 
soupçon  seul  le  fit  rougir,  quoiqu'il  ne  se 
sentît  point  coupable  ;  mais  il  n'en  reçut  pas 
moins  bien  ce  que  je  lui  disais  ;  et,  me  ser- 
rant la  main  droite  entre  les  deux  siennes, 
il  me  dit  avec  un  souris  modeste  :  Je  prends 
à  témoin  les  saints  mystères  que  cette  main 
ofire  à  la  majesté  de  Dieu,   que,  ni  avant 
ni  depuis  mon  mariage,  je  n'ai  jamais  ap- 
proché d'aucune  femme  que  de  la  mienne. 
La  mort,  continue  saint  Augustin,  n'a  donc 
fait  aucun  mal,  elle  n'a  pu  faire  au  contraire 
que  beaucoup  de  bien  à  un  homme  dont 
l'âme,  ornée  de  tant  d'excellents  dons,  a  pas- 
sé de  cette  vie  dans  le  sein  de  celui  qui  les 
lui  avait  départis.  »   Aussi  l'Église  l'honore 
publiquement  comme  un  martyr,  le  sixième 
d'avril,  quoiqu'il  fût  mort  le  13  septembre. 
Les  évéques  catholiques  avaient  envoyé  un 
d'entre  eux  en  cour  pour  la  justification  de 
Marcellin,  qui  y  fut  pleinement  déchargé, 
en  sorte  qu'on  ne  trouva  pas  même  qu'il  fal- 
lût des  lettres  de  rémission,  et  que  si  Marin 
n'eût  pas  pi'écipité  le  jugement  et  l'exécu- 
tion de  Marcellin,  il  eût  été  renvoyé  absous. 
Marin,  convaincu  de  mensonge  dans  l'ordre 
qu'il  supposait  avoir  reçu  de  la  cour,  au  su- 
jet de  Mai'cellin,  fut  rappelé  d'Afrique  et 
dépouillé  de  toutes  ses  charges.  Cécilien,  à 
qui  cette  lettre  est  adressée,  avait  été  vicaire 
du  préfet  du  prétoire  en  Italie,  en  404,  et 
préfet  du  prétoire  en  409,  mais  on  ne  voit 
point  qu'il  ait  eu  de  charge  en  413.  Comme 
il  n'était  encore  que  catéchumène,  saint  Au- 
gTistin  l'exhoi'te  à  ne  point  diftërer  à  rece- 
voir le  baptême. 

21.  Macédonius,  vicaire  d'Afrique  en  414, 
souhaitant  lier  amitié  avec  saint  Augustin  et 
recevoir  de  ses  lettres,  lui  en  écrivit  une 
très-obligeante,  où,  en  lui  demandant  raison 
pourquoi  il  s'était  intéressé  pour  une  per- 
sonne, il  le  priait  de  lui  dire,  si  c'était  une 
chose  conforme  au  devoir  du  christianisme , 
que  des  évoques  intercédassent  ainsi  pom' 
des  coupables.  Les  raisons  que  ce  magistrat 
avait  d'en  douter  étaient  que  Dieu  défend 
si  sévèrement  le  péché,  qu'on  n'est  pas  mê- 
me reçu  à  la  pénitence  après  une  première 
fois;  que  c'est  autoriser  le  crime'ct  l'approu- 


Oros,  lili 
Ml.     cap 


Lclln 
152  Cl  i; 
(le  Macédi 
ni  IIS    el 

M,ici(l0-| 
iiiiiA, 
lilii,     pal 
523. 


[rv"  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


135 


ver,  que  de  ne  vouloir  pas  qu'il  soit  puni;  et 
que  les  choses  étaient  portées  jusqu'au  point 
que  les  coupables  voulaient  tout  à  la  fois 
et  qu'on  leurs  épargnât  la  peine  due  à  leurs 
fautes,  et  qu'on  les  laissât  jouir  de  ce  qui  les 
avait  portés  à  les  commettre.  Macédonius 
priait  en  même  temps  saint  Augustin  de  lui 
envoyer  les  écrits  qu'il  lui  avait  promis  , 
afin  qu'il  pût  se  nourrir  de  sa  doctrine,  puis- 
qu'il ne  pouvait  pas  avoir  le  plaisir  de  con- 
véi'ser  avec  lui. 

Le  Saint  lui  envoya  ses  trois  premiers  li- 
vres de  la  Cité  de  Dieu.  Quant  à  la  difficulté 
qu'il  lui  avait  proposée,  il  répond  :  «  L'a- 
mendement n'ayant  lieu  que  dans  cette  vie, 
et  dans  l'autre  chacun  demeurant  chargé 
pour  jamais  de  ce  qu'il  emporte  de  celle-ci, 
l'amour  que  nous  avons  pour  les  hommes 
nous  oblige  d'intercéder  pour  les  criminels, 
de  peur  que  du  supplice  qui  finit  en  faisant 
finir  leur  vie,  ils  ne  tombent  dans  un  sup- 
plice qui  ne  finit  point.  Cette  conduite  est 
autorisée  de  Dieu  même,  qui,  selon  que  le 
dit  l'Évangile ,  fait  lever  son  soleil  sur  les 
méchants  comme  sur  les  bons ,  quoiqu'il 
voie  parfaitement  ce  que  chacun  est  et  ce 
qu'il  doit  être;  et  si  les  évêques  par  leurs  in- 
tercessions ont  soustrait  quelques-uns  à  la 
sévérité  des  jugements,  ils  ont  eu  soin  de 
les  séparer  de  la  participation  du  saint  Au- 
tel, afin  de  les  mettre  en  état  d'apaiser  par 
la  pénitence  celui  qu'ils  ont  méprisé  et  of- 
fensé par  leurs  péchés.  S'il  y  en  a  qui,  après 
avoir  fait  pénitence  ,  après  avoir  été  récon- 
ciliés et  rétablis  dans  la  participation  des 
saints  mystères,  retombent  dans  les  mêmes 
désordres  et  encore  dans  de  plus  grands, 
l'Église  ne  les  reçoit  plus  à  faire  pénitence, 
de  peur  qu'un  remède  qui  est  d'autant  plus 
salutaire  qu'on  l'expose  moins  au  mépris 
des  pécheurs,  ne  perdit  sa  vertu,  s'il  deve- 
nait plus  commun;  mais  eUe  ne  désespère 
pas  pour  cela  de  leur  salut,  qu'ils  peu- 
vent obtenir  par  la  miséricorde  de  Dieu,  en 
se  convertissant  et  en  changeant  de  vie.  » 
Saint  Augustin  montre  par  divers  exem- 
ples tirés  de  l'Écriture,  qu'il  n'est  point  dé- 
fendu d'intercéder  pom*  les  criminels,  que 
c'est  im  devoir  d'humanité  ;  et  que  Macédo- 
nius avait  lui-même  intercédé  pour  im  clerc 
qui  s'était  attiré  la  colère  de  son  évêque.  Il 
avoue  néanmoins  que  la  puissance  souve- 
raine des  princes,  le  droit  de  vie  et  de  mort 
qu'ils  confient  aux  juges,  les  épées  des  sol- 
dats, les  ongles  de  fer  qui  arment  la  main 


des  bomTeaux  et  tout  ce  que  l'autorité  pu- 
blique emploie  pour  imprimer  de  la  ter- 
reur aux  scélérats,  sont  des  choses  utiles,  et 
aux  bons,  et  même  aux  méchants,  qui,  se 
voyant  les  mains  liées,  par  la  crainte  des 
supphces,  peuvent  invoquer  Dieu  et  changer 
de  mal  en  bien.  Car  on  ne  peut  les  mettre 
au  rang  des  bons,  tandis  qu'il  n'y  a  que  la 
crainte  qui  les  empêche  de  faire  le  mal.  Ce 
n'est  pas  par  la  crainte  qu'on  est  bon,  mais 
par  l'amour  de  la  justice.  Comme  il  y  a  des 
rencontres  où  c'est  être  miséricordieux  que 
de  punir,  il  y  en  a  aussi  oîi  c'est  être  cruel 
que  de  pardonner;  et  c'est  de  ce  principe 
même  que  l'on  conclut  que  pour  châtier  les 
méchants  d'une  manière  qui  leur  soit  utile," 
il  ne  faut  pas  aller  jusqu'à  leur  ôter  la  vie, 
puisque  ce  châtiment  ne  saurait  être  utile  à 
celui  qui  n'est  plus.  Quoiqu'il  puisse  arriver 
que  la  grâce  obtenue  pour  un  criminel  ait 
des  suites  toutes  contraires  à  cèdes  que  s'en 
promettaient  les  intercesseurs,  en  sorte  que 
celui  à  qui  ils  auraient  sauvé  la  vie,  l'ôte 
lui-môme  à  plusieurs,  ces  maux  ne  doivent 
pas  leur  être  imputés,  et  l'on  ne  doit  mettre 
sur  leur  compte  que  le  bien  qu'ils  ont  eu 
en  vue,  en  s'employant  auprès  des  magis- 
trats pour  le  coupable.  On  ne  peut  nier  que 
la  sévérité  des  lois  n'ait  son  utilité  ,  puis- 
qu'elle assure  le  repos  public;  ni  qu'elle  ne 
soit  agréable  aux  gens  de  bien ,  puisque 
saint  Paul  menace  les  hommes  de  l'épée 
même  que  portent  les  magistrats  ;  ni  que  les 
intercessions  qui  tempèrent  cette  sévéï'ité 
n'aient  aussi  leurs  avantages,  puisqu'elles 
peuvent  engager  les  coupables  à  faire  péni- 
tence de  leurs  crimes  et  à  se  corriger. 

Saint  Augustin  établit  ensuite  plusieurs 
règles  touchant  la  restitution  des  biens  vo- 
lés ou  mal  acquis.  «  C'est  se  moquer,  dit-il, 
et  non  pas  faire  pénitence,  de  ne  pas  rendre, 
quand  on  le  peut,  le  bien  qui  n'est  acquis 
que  par  le  crime.  Dieu  ne  remet  point  le 
péché  qu'on  ne  rende  ce  que  l'on  a  pris, 
lorsqu'on  est  en  état  de  le  rendi-e.  Celui  qui 
veut  ravoir  son  bien  peut,  sans  injustice, 
faire  mettre  le  voleur  à  la  question,  quand 
il  est  bien  persuadé  que  ce  voleur  a  de  quoi 
rendre.  Car  encore  qu'il  ne  pourrait  rendre 
ce  qu'il  a  pris,  il  serait  juste  qu'il  fût  puni 
de  l'avoir  pris,  par  les  peines  mêmes  qu'on 
lui  ferait  souffrir  pour  l'obhger  de  le  rendre. 
Mais  il  n'est  point  contre  la  charité  que  l'on 
doit  à  celui  qui  a  souffert  le  tort,  d'intercé- 
der pour  celui  qui  l'a  fait,  comme  pour  les 


136 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


autres  criminels.  En  intervenant  alors,  ce 
n'est  pas  pour  s'opposer  à  la  restitution , 
que  celui  qui  a  perdu  son  bien  a  droit 
de  demander ,  mais  pour  empêcher  qu'on 
n'exerce  des  cruautés  inutiles  contre  un 
homme  qu'on  croit  n'avoir  pas  de  quoi  ren- 
dre, ou  n'être  pas  convaincu  de  vol.  Il  vaut 
mieux  courir  le  risque  de  laisser  son  bien 
à  un  voleur,  qui  l'a  peut-être,  mais  qui  le 
nie,  que  de  s'exposer  à  le  tourmenter  et  à 
le  faire  peut-être  mourir  inutilement,  s'il 
ne  l'a  pas.  En  pareil  cas,  c'est  plutôt  auprès 
des  parties  qu'il  faut  intercéder  qu'auprès 
des  juges,  qui  ne  peuvent  se  dispenser  d'u- 
ser de  leur  autorité  pour  faire  rendre  ce 
■  qui  est  dû  à  un  chacun.  Car  ce  serait  être 
complice  du  vol  et  du  crime,  que  de  vouloir 
empêcher  par  nos  intercessions  que  les  vo- 
leurs ne  rendissent  ce  qu'ils  ont  pris,  et  mê- 
me de  ne  les  y  pas  obliger  autant  que  nous 
pouvons  le  faire  honnêtement,  lorsqu'ils  se 
réfugient  dans  nos  églises.  Il  ne  s'ensuit  pas 
néanmoins  que  nous  puissions  employer  les 
tourments  et  la  torture  pour  forcer  les  vo- 
leurs à  rendre,  ni  les  livrer  à  ceux  qui  les 
y  veulent  apphquer.  Nous  faisons  auprès 
d'eux  ce  que  des  évêques  peuvent  faire , 
nous  tâchons  de  leur  imprimer  la  terreur  des 
jugements  de  Dieu,  et  quelquefois  même  des 
jugements  des  hommes.  Nous  les  séparons 
même  quelquefois  de  la  communion  du  saint 
autel,  à  moins  que  la  crainte  de  quelque 
chose  de  pis  ne  nous  en  empêche.  » 

Le  saint  Docteur  ne  croit  pas  que  tout  ce 
qu'on  prend  de  quelqu'un  malgré  lui ,  soit 
toujours  pris  injustement.  «  Il  y  en  a,  dit-il, 
qui  ne  paient  les  médecins  et  les  ouvriers 
que  malgré  eux.  Cependant,  bien  loin  qu'il 
y  ait  de  l'injustice  aux  uns  et  aux  autres 
de  vouloir  se  faire  payer,  il  y  en  a  à  leur 
refuser  le  salaire  qui  leur  est  dû.  Il  en  est 
de  même  des  avocats  et  des  jurisconsultes. 
Mais  quoi  qu'ils  puissent  vendre ,  les  uns , 
une  juste  défense  et  les  autres  un  conseil  lé- 
gitime, il  ne  s'ensuit  pas  qu'un  juge  puisse 
vendre  un  juste  jugement,  ni  un  témoin  un 
témoignage  véritable.  Car,  tandis  que  les 
avocats  prennent  parti  et  se  donnent  tout  en- 
tiers à  la  cause  do  l'une  de  leurs  parties,  le 
juge  doit  être  neutre,  et  en  état  de  tout  exa<- 
miner  de  part  et  d'autre  pour  trouver  la  vé- 
rité. Ils  sont  encore  bien  plus  criminels  lors- 
qu'ils prennent  de  l'argent,  l'un  pour  dépo- 
ser faux  et  l'autre  pour  rendre  une  sentence 
injuste;  puisque  ceux  mêmes  qui  donnent 


de  l'argent  pour  cela  ne  sont  pas  exempts 
de  crime ,  quoiqu'ils  le  donnent  volontaire- 
ment. On  est  aussi  en  droit  de  dire  à  un 
avocat  :  rendez  ce  que  vous  avez  reçu  pour 
avoir  appuyé  l'iniquité,  pour  avoir  trompé 
le  juge,  pour  avoir  fait  succomber  une  bonne 
cause,  pour  avoir  fait  triompher  la  fausseté 
et  le  mensonge.  Il  y  a  d'autres  sortes  de 
personnes  de  plus  bas  étage,  qui  prennent 
de  l'argent  des  deux  pnrties,  comme  les  ser- 
gents, les  archers  et  ceux  qui  les  comman- 
dent et  qui  les  font  travailler  pour  les  affai- 
res des  particuliers.  On  peut  leur  faire  ren- 
dre ce  que  leur  avarice  leur  fait  exiger,  mais 
non  pas  ce  qu'on  leur  donne  volontairement 
et  qu'un  usage  supportable  fait  regarder 
comme  leur  étant  légitimement  acquis.  Quant 
aux  biens  acquis  par  des  vols,  des  rapines, 
des  calomnies ,  des  oppressions ,  des  violen- 
ces et  par  toutes  les  autres  voies  qui  sont 
contraires  aux  lois  de  la  société  humaine, 
on  doit  les  rendre  à  ceux  à  qui  on  les  a  pris, 
plutôt  que  de  les  donner  aux  pauvi'es,  suivant 
ce  que  l'Evangile  nous  enseigne  par  la  bouche 
de  Zachée  qui,  ayant  reçu  Jésus-Christ  chez 
lui,  et  se  trouvant  tout  d'un  coup  changé, 
et  dans  la  disposition  de  mener  à  l'avenir 
une  vie  sainte,  lui  dit  :  Je  donne  aux  pauvres  Luc.  mi, 
la  moitié  de  mon  bien,  et  si  j'ai  fait  tort  à 
quelqu'un,  je  lui  rendrai  le  quadruple.  Les 
usuriers  ne  sont  pas  moins  obligés  à  restitu- 
tion, attendu  qu'il  y  a  plus  de  cruauté  à  con- 
sumer tout  le  bien  d'un  pauvre  honune  par 
des  intérêts,  qu'à  dérober  ou  à  prendre  même 
quelque  chose  dé  force  à  un  homme  riche.  » 
Saint  Augustin  soutient  même  que  l'on 
peut  dire ,  en  un  sens,  que  les  infidèles 
ne  possèdent  rien  légitimement  et  que  tout 
appartient  aux  fidèles.  Voici  son  raisonne- 
ment :  «  Tout  bien  qu'on  n'a  pas  droit  de 
posséder,  est  le  bien  d'autrui  ;  on  n'a  droit 
de  posséder  que  ce  qu'on  possède  justement, 
et  l'on  ne  possède  justement  que  ce  qu'on 
possède  comme  il  faut.  Tout  ce  qu'on  ne 
possède  pas  comme  il  faut  est  donc  le  bien 
d'auti'ui  ;  ce  n'est  pas  posséder  le  bien  com- 
me il  faut,  que  de  n'en  pas  bien  user.  Ainsi, 
les  méchants  ne  possèdent  jamais  de  bien 
comme  il  faut  ;  les  bons  au  contraire  le  pos- 
sèdent d'autant  plus  légitimement,  qu'ils  l'ai- 
ment moins.  »  Ce  Père  se  fonde  sur  un  pas- 
sage du  livre  des  Proverbes  cité  par  beau- 
coup d'anciens,  mais  qui  ne  se  trouve  que 
dans  la  version  des  Septante  et  dans  l'a- 
rabe. Voici  ce  passage  :  Que  le  monde  entier  ^vit,  b"^"^  '" 


[IV'  ET  Y"  SIÈCLES. 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


137 


Lettre 
et  155 

Macc- 
iius  et 
Macédo- 


cn 


pas 


est  anx  fidèles,  et  que  les  infidèles  n'ont  pas 
même  une  obole.  Mais  il  est  à  remarquer  '  que 
saint  Augustin  ne  prend  pas  ce  passage  au 
pied  de  la  lettre ,  ni  selon  toute  l'étendue 
des  termes  dans  lesquels  il  est  conçu.  Il  ne 
dit  pas  que  les  infidèles  ou  les  méchants  ne 
possèdent  rien  légitimement,  mais  au  con- 
traire qu'ils  possèdent  légitimement  tout  ce 
dont  ils  font  un  bon  usage.  Ce  qu'il  leur  con- 
teste, c'est  de  ne  posséder  pas  bien  les  cho- 
ses dont  ils  usent  mal.  D'où  il  en  infère  qu'ils- 
peuvent  pour  cette  raison  être  convaincus 
de  posséder  le  bien  d'autrui,  Dieu  qui  est 
l'auteur  et  le  distributeur  de  tous  les  biens, 
ne  les  donnant  à  personne  pour  en  mal  user, 
mais  seulement  pour  en  faire  un  bon  usage. 
Mais  il  ne  s'ensuit  pas  de  là  qu'il  soit  permis 
d'ôter  aux  méchants  ni  aux  infidèles  les 
biens  qu'ils  possèdent  :  c'est  à  Dieu  et  non 
aux  hommes  qu'ils  sont  comptables  de  l'em- 
ploi qu'ils  en  font.  «  On  tolère,  ajoute  saint 
Augustin,  l'iniquité  de  ceux  cpii  ne  possèdent 
pas  comme  il  faudrait  les  biens  de  ce  monde  : 
on  a  même  établi  des  lois  qui  en  règlent  la 
possession,  et  qu'on  appelle  les  lois  civiles, 
parce  qu'elles  font  subsister  la  société  ci- 
vile, non  en  faisant  que  ceux  qui  possèdent 
de  ces  sortes  de  biens  en  usent  comme  il 
faut,  mais  en  ne  souffrant  pas  qu'ils  en  abu- 
sent jusqu'à  l'oppression  des  autres.  Nous 
avons  égard  à  ces  lois  humaines  et  tempo- 
relles, et  nos  intercessions  ne  vont  jamais 
à  empêcher  qu'on  ne  rende  ce  qui  est  mal 
acquis  selon  ces  mêmes  lois.  » 

22.  Macédonius,  en  donnant  avis  à  saint 
Augustin  qu'il  avait  accordé  la  grâce  à  la 
personne  ^  pour  qui  il  s'était  intéressé,  fait 
un  éloge  magnifique  des  trois  premiers 
livres  de  la  Cité  de  Dieu,  que  ce  Père  lui 
avait  envoyés,  et  de  la  prudence  dont  il  ac- 
compagnait ses  remontrances  qpiand  il  in- 
tercédait pour  des  malheureux.  «  Je  suis,  lui 
dit-il,  merveilleusement  touché  de  la  sa- 
gesse qui  reluit  et  dans  les  livres  que  vous 
avez  mis  au  jour,  et  dans  ce  que  vous  avez 
la  bonté  de  m'écrire  quand  vous  intercédez 
pour  des  criminels.  Je  vois  dans  les  uns  tant 
d'esprit,  de  science  et  de  sainteté,  qu'on  ne 
peut  rien  désirer  aa  delà  ;  et  dans  les  autres 
tant  de  retenue,  que  si  je  ne  vous  accordais 
pas  ce  que  vous  demandez,  je  me  condam- 
nerais moi-même,  sans  me  pouvoir  excuser 


sur  la  difficulté  des  choses  que  vous  me 
demandez.  La  plupart  de  ceux  de  ce  pays- 
ci  pressent  et  veulent  à  quelque  prix  que 
ce  soit,  qu'on  leur  accorde  tout  ce  qu'ils 
demandent.  Mais  vous  n'en  usez  pas  de 
même  :  vous  vous  bornez  à  ce  qu'il  vous  pa- 
raît qu'on  peut  demander  à  un  juge  chargé 
de  tant  de  soins  ;  et  vous  le  demandez  par 
forme  d'avis  et  de  remontrances,  jointe  à 
une  modestie,  qui  viendrait  à  bout  des 
choses  les  plus  difficiles,  parce  que  rien  n'a 
plus  de  force  sur  le  cœur  de  ceux  qui  ont  de 
l'honneur.  J'ai  donc  fait  sur  le  champ  ce 
que  vous  avez  désiré.  J'ai  lu  vos  hvres  d'un 
bout  à  l'autre  :  car  ce  ne  sont  pas  de  ces  ou- 
vrages froids  et  languissants  qu'on  peut  quit- 
ter, lorsqu'on  en  a  commencé  la  lecture, 
et  qui  laissent  en  état  de  songer  à  autre 
chose;  ils  ne  m'ont  point  donné  de  repos, 
et  ils  m'ont  attaché  d'une  manière  qui  m'a 
fait  oublier  toute  autre  affaire.  Aussi  vous 
puis-je  protester  que  je  ne  sais  ce  qu'on  y 
doit  admirer  davantage  ;  si  c'est  ou  la  sain- 
teté parfaite  et  vraiment  épiscopale  qu'on  y 
voit,  ou  les  dogmes  philosophiques,  ou  la 
profonde  connaissance  de  l'histoire,  ou  l'a- 
grément de  l'éloquence  qui  touche  de  telle 
sorte  les  plus  ignorants,  qu'ils  ne  sauraient 
s'empêcher  d'aller  jusqu'au  bout  ;  et  que 
quand  ils  ont  achevé  de  les  lire,  ils  vou- 
draient recommencer.  » 

Saint  Augustin  répondit  aux  politesses  de 
Macédonius  par  une  excellente  instruction, 
où  il  lui  met  devant  les  yeux  les  principaux 
devoirs  d'un  chrétien,  et  surtout  d'un  ma- 
gistrat. Après  y  avoir  réfuté  ce  que  les  an- 
ciens philosophes  ont  dit  de  la  sagesse  et  de 
la  béatitude,  il  fait  voir  que  la  véritable  sa- 
gesse dans  cette  vie  consiste  dans  le  culte 
du  vrai  Dieu,  dont  nous  recueillerons  pour 
fruit  dans  l'autre,  la  véritable  félicité  qui 
sera  dans  le  ciel  le  partage  des  saints,  com- 
me la  piété  persévérante  est  le  leur  sur  la 
terre  ;  que  l'on  n'est  point  heureux  même  en 
cette  vie,  par  l'amas  de  tout  ce  qui  compose 
une  féhcité  temporelle  ;  qu'il  n'y  a  que  les 
enfants  étrangers,  c'est-à-dire  ceux  qui 
n'ont  point  de  part  à  la  régénération  par  la- 
quelle nous  sommes  faits  enfants  de  Dieu, 
qui  mettent  en  cela  leur  félicité  ;  mais  que 
les  enfants  de  Dieu  la  font  consister  avec 
David  à  être  uni  à  Dieu  et  à  l'aimer.  C'est 


1   Voyez   l'apologie 
pag.  419. 


de  la   Morale-,  des   Pères, 


^  D.  Ceillier  a  sans  doute    voulu  dire  aux  per- 
sonnes. {L'édileur.) 


138 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECGLESIASTIQ  TES. 


pourquoi  il  dit  à  Macédonius,  que  si  dans 
les  fonctions  de  sa  charge  il  n'avait  pour 
but  que  de  garantir  les  hommes  de  tout  ce 
qui  pourrait  les  faire  souffrir  selon  la  chair, 
et  non  pas  de  les  engager  à  rendre  à  Dieu 
le  culte  qui  lui  est  dû,  toutes  ses  peines  ne 
lui  serviraient  de  rien  pour  la  vie  où  se 
trouve  la  véritable  félicité.  Il  fait  consister 
la  vertu  dans  l'amour  de  Dieu.  «  La  vertu, 
dit-il,  n'est  autre  chose  dans  cette  vie  que 
l'amour  de  ce  qu'il  faut  aimer  :  en  savoir 
faire  le  choix,  c'est  ce  qu'on  appelle  pru- 
dence ;  n'en  pouvoir  être  détourné  par  aucun 
mal,  par  aucun  plaisir,  par  aucun  orgueil, 
c'est  ce  qu'on  appelle  force ,  tempérance 
et  justice.  Que  pouvons-nous  choisir  pour 
objet  principal  de  notre  amour,  que  le  plus 
grand  de  tous  les  biens  ?  et  quel  est-il?  C'est 
Dieu,  qui  est  tellement  notre  souverain  bien, 
que  d'aimer  quelque  autre  chose  ou  plus 
ou  autant  que  lui,  c'est  ne  savoir  pas  nous 
aimer  nous-mêmes  :  car  notre  état  est  d'au- 
tant meilleur,  que  nous  nous  portons  avec 
plus  d'impétuosité  vei's  ce  qu'il  y  a  de  meil- 
leur. Mais  ce  ne  sont  point  nos  pas,  c'est 
notre  amour  qui  nous  porte  vers  ce  bien-là , 
et  il  nous  sera  d'autant  plus  intimement  pré- 
sent, que  l'amour  qui  nous  y  porte  sera  plus 
pur.  Nul  espace  ne  contient  ni  n'enferme  ce 
bien  ineffable;  comme  il  est  présent  partout, 
et  tout  entier  partout,  ce  ne  sont  point  nos 
pieds  qui  nous  portent  vers  lui,  mais  nos 
mœurs  ;  et  nos  mœurs  dépendent  non  de  la 
qualité  de  nos  connaissances,  mais  de  celle 
de  notre  amour.  Car  elles  ne  sont  bonnes  ou 
mauvaises,  que  selon  que  nous  sommes  pos- 
sédés d'un  bon  ou  d'un  mauvais  amour.  »  11 
ajoute ,  qu'une  suite  de  cet  amour  est  de 
porter  de  toutes  nos  forces  vers  ce  souve- 
rain bien,  ceux  que  nous  aimons  comme 
nous-mêmes,  c'est-à-dire,  notre  prochain  : 
ce  qui  comprend  non-seulement  ceux  qui 
nous  sont  unis  par  le  lien  du  sang,  mais 
tous  ceux  à  qui  nous  tenons  par  le  don  com- 
mun de  la  raison ,  qui  lie  tous  les  hommes 
dans  une  même  société.  Or,  nous  pouvons 
les  porter  à  aimer  et  à  servir  Dieu,  soit  en 
leur  faisant  du  bien,  soit  en  les  instruisant, 
soit  en  les  châtiant  autant  qu'il  est  en 
nous. 
Leiires  23.  Saint  Jérôme,  dans  SOU  troisième  livre 
d'iiiioire  e'i  Contre  les  Pélagiens,  fait  mention  d'une  let- 
eii  in'p'ig!  ^''^  ^®  ^tàni  Augustin  à  Hilaire ,  comme 
51*2.  écrite  depuis  peu,  ce  qui  montre  qu'on  la 

doit  mettre  à  la  lin  de  l'an  414,   puisque 


saint  Jérôme  écrivit  en  413,  ces  livi'es 
contre  ces  hérétiques.  L'hérésie  pélagienne 
qui  se  répandait  partout,  tant  en  Orient 
qu'en  Occident,  et  qui  causait  particulière- 
ment des  troubles  à  Syracuse,  donna  occa- 
sion à  Hilaire  d'écrire  à  saint  Augustin ,  par 
quelques  personnes  d'Hippone  qui  s'en  re- 
tournaient de  Syracuse  en  leur  pays,  et  de 
le  consulter  sur  les  propositions  suivantes  : 
L'homme  peut  être  sans  péché  ;  il  peut  gar- 
der aisément  les  commandements  de  Dieu, 
s'il  le  veut.  Un  enfant  mort  sans  baptême  ne 
peut  périr  justement,  parce  qu'il  est  né  sans 
péché.  Un  riche  demeui-ant  dans  ses  ri- 
chesses, ne  peut  entrer  au  royaume  de 
Dieu ,  s'il  ne  vend  tous  ses  biens  ;  et  s'il 
en  use  pour  accomplir  les  commandements, 
cela  ne  lui  sei't  de  rien.  Il  ne  faut  pas  jurer 
du  tout.  L'Eglise  dont  il  est  écrit,  qu'elle  est 
sans  ride  et  sans  tache,  est  celle  où  nous 
sommes  à  présent,  et  elle  peut  être  sans  pé- 
ché. 

Hilaire  ne  prend  aucun  titre  dans  sa  let- 
tre, et  saint  Augustin  lui  donne  dans  sa  ré- 
ponse celui  de  fils,  ce  qui  fait  croire  qu'il 
était  laïque,  et  que  c'est  le  même  cpii  écrivit 
depuis  à  saint  Augustin  la  lettre  deux  cent 
vingt-sixième ,  contre  les  semi-pélagiens. 
En  effet ,  le  style  de  ces  deux  lettres  est  fort 
semblable. 

Saint  Augustin  répond  dans  la  sienne  à 
tous  les  ai'ticles  qu'Hilaire  lui  avait  propo- 
sés, et  dit  en  premier  lieu  qu'il  n'y  a  per- 
sonne qui  soit  exempt  de  péché  en  cette 
vie.  Si  nous  disons  qxie  nous  sommes  sans  pé-  ï  ^oai 
ché ,  dit  l'Apôtre  saint  Jean ,  nous  nous  trom- 
pons nous-mêmes,  et  la  vérité  n'est  point  en 
nous.  Ne  faut-il  pas,  que  suivant  le  précepte 
de  Jésus-Christ,  chacun  dise  à  Dieu  :  Par-    Matih. 

12. 

donnez-nous  nos  offenses  comme  nous  pardon- 
nons à  ceux  qui  nous  ont  offensés.  Si  les  apô- 
tres mêmes  ont  été  obligés  de  faire  à  Dieu 
cette  prière ,  y  a-t-il  quelqu'un  assez  parfait 
pour  n'avoir  pas  besoin  de  la  réciter  en  tout 
ou  en  partie.  Daniel  en  parlant  à  Dieu,  lui 
confessait  non-seulement  les  péchés  de  son 
peuple,  mais  les  siens  propres  :  qui  est  plus  r>a" 
sage  que  Daniel?  En  second  lieu,  ou  ne  sau-  '  ei 
rait  s'empêcher  de  dire  anathême  à  ceux  *^" 
qui  enseignent  que  l'homme  sans  être  aidé 
de  la  grâce  de  Dieu  et  du  don  du  Saint- 
Esprit,  peut,  par  les  forces  de  son  libre  arbi- 
tre accomplir  la  loi  de  Dieu.  Le  libre  arbitre 
peut  faire ^de  bonnes  œuvres,  s'il  est  aidé 
de  Dieu  ;  ce  qui  se  fait  en  priant  humble- 


[IV°  ET  Y'  SIÈCLES.] 


SAIiNT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


139 


inent  et  en  travaillant.  Mais  s'il  est  aban- 
donné du  secours  de  Dieu ,  quelque  science 
de  la  loi  qui  le  relève,  il  n'aura  aucune  so- 
lidité de  justice,  mais  seulement  l'enflure  de 
l'orgueil.  C'est  ce  que  l'Oraison  dominicale 
nous  apprend  ;  car  en  vain  prions-nous  Dieu 
de  ne  nous  pas  laisser  succomber  à  la  tentation, 
s'il  est  tellement  en  notre  pouvoir  de  nous 
en  empêcher,  que  nous  n'ayons  besoin  pour 
cela  d'aucun  secours  de  Dieu. 

Saint  Augustin  fait  voir  que  la  grâce  ne 
ruine  point  le  libre  arbitre,  et  que  c'est  au 
contraire  parce  qu'il  n'est  pas  détruit,  qu'il 
est  en  état  d'être  secouru.  Celui  qui  disait  à 
Psaim.    Dieu  :  Soyez  mon  aide  et  mon  secours,  nous 
^*  '   ■       montre  tout  à  la  fois,  et  qu'il  voulait  accom- 
plir ce  que  Dieu  nous  commande,  et  qu'il 
avait  besoin  de  recourir  à  lui  pour  le  pou- 
voir accomplir.  Le  sage,  ayant  connu   que 
sap.  Mil,  personne  ne  saurait  avoir  la  continence,  si  Dieu 
ne  la  donne,  s'est  tourné  vers  Dieu  et  a  im- 
ploré son  secours  :  il  voulait  sans  doute,  mais 
de  quoi  cette  volonté  aurait-elle  été  capable 
sans  cette  grâce  qu'il  demandait  ? 

Les  nouveaux  hérétiques  soutenaient 
qu'un  enfant  quoique  prévenu  de  la  mort 
avant  le  baptême  ne  pouvait  périr,  parce 
qu'il  était  né  sans  péché.  Saint  Augustin 
montre  fort  au  long  que  cette  doctrine  ne 
iioin.  V,  s'accordait  pas  avec-celle  de  saint  Paul.  Ze 
péché,  dit  cet  Apôtre,  est  entré  dans  le  monde 
par  un  seul  homme,  et  la  mort  par  le  péché  ; 
et  c'est  ainsi  qu'elle  a  passé  dans  tous  les  hom- 
mes, tous  ayant  péché  par  un  seul  ;  et  un  peu 
plus  bas  ,  par  le  jugement  de  Dieu  nous  avons 
été  condamnés  pour  un  seul  péché,  au  lieu  que 
nous  sommes  justifiés  par  la  grâce  après  pht- 

•  sieurs  péchés.  «  Quel  est  ce  péché,  demande 
saint  Augustin,  pour  lequel  l'Apôtre  dit  que 
nous  avons  tous  été  condamnés,  sinon  le 
péché  d'Adam  ?  Et  pourquoi,  ajoute-t-il,  que 
nous  sommes  justifiés  par  la  grâce  après 
même  plusieurs  péchés,  sinon  parce  que  la 
grâce  de  Jésus-Christ  efface  non-seulement 

"ce  péché  commun,  avec  lequel  naissent 
tous  les  descendants  d'Adam,  mais  encore 
tous  les  autres  péchés  que  ces  criminels, 
venant  à  croître,  ajoutent  à  celui-là  par  leur 
mauvaise  vie?  Voilà  donc  l'Apôtre  qui  dé- 
clare que  ce  seul  péché  qui  infecte  tout  ce 
qui  descend  d'Adam  par  la  voie  ordinaire  de 
la  propagation,  suffit  pour  encourir  la  con- 
damnation. Dès  là  le  baptême  est  néces- 
sfiire  aux  enfants  mêmes  ,  et  ils  ont  besoin 
que  la  grâce  de  la  régénéi-ation  les  délivre 


de  cette  condamnation  à  laquelle  les  assu- 
jettit la  manière  dont  ils  ont  été  engendrés. 
En  effet,  comme  il  n'y  a  point  d'homme  qui 
n'ait  été  engendré  d'Adam  selon  la  chair, 
il  n'y  en  a  point  qui  soit  régénéré  spirituel- 
lement que  ceux  qui  le  sont  par  Jésus-Christ. 
Mais  tandis  que  la  génération  charnelle  ne 
nous  rend  sujets  à  la  condamnation  que  par 
un  seul  péché,  la  régénération  spirituelle 
efface  non-seulement  ce  péché,  pour  lequel 
on  baptise  les  enfants,  mais  tous  les  autres 
que  les  hommes  peuvent  avoir  ajouté  à 
celui  dans  lequel  ils  ont  été  engendrés.  Di- 
ra-t-on  que  l'Apôtre  n'a  voulu  dire  autre 
chose,  sinon  que  le  péché  a  commencé  par 
Adam,  et  que  comme  les  autres  hommes  ne 
pèchent  qu'à  son  imitation,  il  est  vrai  de  dire 
que  c'est  ce  premier  péché  qui  les  entraine 
dans  le  jugument  et  la  condamnation,  puis- 
que ce  n'est  qu'à  l'exemple  de  celui-là  qu'ils 
commettent  les  autres  péchés  par  lesquels 
ils  s'attirent  la  condamnation  ?  n 

C'est  l'objection  que  ce  Père  se  fait  de  la 
part  des  pélagiens.  Il  y  répond,  par  le  paral- 
lèle que  saint  Paul  fait  d'Adam  et  de  Jésus- 
Christ,  dans  lequel  il  nous  met  devant  les 
yeux,  l'un  comme  le  principe  de  la  géné- 
ration charnelle,  et  l'autre  comme  celui  de 
la  régénération  spirituelle  ;  l'un  comme 
ayant  attiré  sur  les  hommes,  par  un  seul  pé- 
ché, la  condamnation,  et  l'autre  comme  leur 
ayant  procuré,  même  après  plusieurs  péchés, 
la  grâce  de  la  justification.  Comme  donc,  dit  n 
cet  Apôtre,  c'est  par  le  péché  d'un  seul  que  tous 
les  hommes  sont  tombés  dans  la  condamnation 
[dont  les  enfants  ont  par  conséquent  autant 
besoin  que  les  autres  d'être  délivrés  par  le 
baptême  ]  :  de  même  c'est  par  la  justice  d'un 
seul  que  tous  les  hommes  reçoivent  la  justifica- 
tion et  la  vie.  Si  l'Apôtre  s'était  expliqué 
ainsi  uniquement  pour  nous  faire  entendre 
que  les  hommes  ne  sont  pécheurs  par  Adam 
que  parce  qu'ils  sont  imitateurs  de  son  pé- 
ché, et  non  par  aucun  péché  qui  passe 
de  lui  en  eux,  il  aurait  allégué  l'exemple  du 
démon  plutôt  que  l'exemple  d'Adam  ;  car  le 
démon  est  le  premier  pécheur,  et  encore 
qu'il  ne  passe  rien  de  lui  en  nous  par  voie 
de  propagation,  il  ne  laisse  pas  d'être  ap- 
pelé dans  l'Evangile,  le  père  des  impies, 
parce  que  les  méchants  suivent  son  exemple  ^"' 
quand  ils  pèchent.  De  même  aussi  quoique 
nous  ne  descendions  point  d'Abraham  selon 
la  chair,  l'Écriture  ne  laisse  pas  de  l'appeler  g, 
notre  père,    parce    que    nous   sommes  les   ^5' 


ip.  II. 


140 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


I   Timo 


imitateurs  de  la  foi,  comme  ceux  qui  suivent 
le  parti  du  diable  sont  les  imitateurs  de  son 
péché.  On  ne  peut  objecter  qu'Adam  ayant 
été  le  premier  pécheur  d'entre  les  hommes, 
l'Apôtre  a  dû  dire,  cpie  c'est  lui  que  nous 
imitons  lorsque  nous  péchons,  et  que  c'est  à 
lui  qu'appartient  tout  ce  qu'il  y  a  eu  de  pé- 
cheurs parmi  les  hommes.  Si  cela  était,  il 
aurait  donc  dû  aussi  mettre  Abel  à  la  tête 
des  justes,  et  dire  que  tous  les  justes  lui 
appartiennent,  puisqu'il  est  le  premier  des 
justes.  Mais  ce  n'est  pas  Abel  qu'il  oppose  à 
Adam,  c'est  Jésus-Christ  :  parce  que  de  la 
même  manière  que  ce  premier  homme  a 
infecté  sa  postérité  par  son  péché,  de  môme 
ce  Dieu-Homme  sauve  par  sa  justice  ceux 
qui  composent  son  héritage  :  celui-là  en 
faisant  passer  sa  souillure  en  nous  par  la 
propagation  de  la  chair,  ce  que  le  diable  ne 
pouvait  faire  avec  toute  sa  malice  ;  et  celui-ci 
en  communiquant  l'esprit  de  grâce, ce  qu'A- 
bel  ne  pouvait  faire  avec  toute  sa  justice. 
Saint  Augustin  remarque  que  Gélestius, 
disciple  de  Pelage,  cité  à  Carthage  devant 
les  évéques  du  Concile,  avait  été  contraint 
d'avouer  que  l'on  baptise  les  enfants,  parce 
qu'ils  ont  besoin  comme  les  autres  de  la 
rédemption  de  Jésus-Christ,  ponr  être  sans 
doute  tirés  de  la  puissance  du  démon  où 
les  a  mis  le  péché  originel.  En  résumé, 
voici  la  réponse  de  saint  Augustin  à  la  ques- 
tion proposée  sur  les  riches  :  Pour  être 
sauvé  il  n'est  pas  nécessaire  de  quitter  tous 
ses  biens,  ni  de  se  réduire  à  une  extrême 
pauvreté  ;  le  riche  de  l'Évangile,  qui  après 
sa  mort  fut  précipité  dans  les  tlammcs,  au- 
rait obtenu  miséricorde,  s'il  l'avait  lui-même 
exercée  envers  ce  pauvre  couvert  d'ulcères, 
qu'il  voyait  étendu  devant  sa  porte,  et 
qu'il  négligeait  de  secourir.  Jésus- Christ 
ne  dit  pas  à  ce  riche  qui  le  consultait  sur 

ih.  ce  qu'il  avait  à  faire  pour  être  sauvé  :  Allez 
et  vendez  tout  ce  que  vous  possédez,  mais 
seulement,  gardez  les  commandevients.  Saint 

th.  Paul,  en  parlant  des  riches  de  ce  monde, 
leur  ordonne  seulement  de  n'être  point  or- 
gueilleux, de  ne  mettre  point  leur  confiance 
dans  leurs  richesses,  d'en  faire  part  à  ceux 
qui  sont  dans  le  besoin,  afin  de  pouvoir  ar- 
river à  la  véritable  vie.  Les  préceptes  qu'il 
donne  aux  pères  et  aux  mères  pour  l'éduca- 
tion de  leurs  enfants,  ne  pourraient  même 
être  réduits  en  pratique,  s'ils  ne  conser- 
vaient ni  biens  ni  maisons.  Jésus-Christ  en 
disant  qu'il  est  bien  difficile  qu'un  riche  entre 


dans  le  royaume  du  ciel,  ne  condamne  pas  J^'aith 
pour  cela  les  richesses,  mais  seulement  l'at- 
tadiement  que  l'on  y  pourrait  avoir;  et  s'il 
ordonne  de  les  quitter,  c'est  dans  le  même 
sens  qu'il  veut  que  l'on  quitte  jusqu'à  sa 
femme,  ses  enfants,  ses  parents,  ses  frères 
et  ses  sœiu's,  ce  qui  -signifie  qu'un  riche 
doit  mettre  sa  coufiance  en  Jésus-Christ,  et 
non  dans  ses  richesses ,  en  faire  un  saint 
usage  ,  les  donner  et  les  répandre  volon- 
tiers, et  être  même  prêt  à  les  abandonner 
dès  qu'il  ne  pourra  plus  les  conserver  sans 
perdre  Jésus-Christ,  comme  il  abandonnerait 
en  pareil  cas  son  père,  sa  mère,  ses  enfants, 
ses  frères  et  sa  propre  femme.  Ceux  qui 
ont  suivi  ce  conseil  de  Jésus-Christ,  comme 
l'Apôtre  l'a  suivi  lui-même  par  le  secours 
de  la  grâce  :  Allez,  vendez  tout  ce  que  vous  jiaiiii 
avez,  et  donnez-le  aux  pauvres,  ne  condamnent  '"^'  ^' 
point  ceux  qui  ne  se  sont  point  élevés  à  ce 
degré  de  perfection,  mais  qui  usent  de  leurs 
richesses  comme  la  religion  le  prescrit. 

Pour  répondre  à  ce  qu'Hilaire  lui  avait 
demandé  touchant  l'Écriture,  saint  Augustin 
dit  qu'il  faut  nécessairement  qu'elle  porte 
jusqu'à  la  fin  les  méchants  aussi  bien  que 
les  bons.  Il  l'exhorte  à  éviter  le  jurement, 
autant  qu'il  lui  sera  possible,  car  le  meilleur 
est  de  ne  point  jurer  du  tout,  pas  même  des 
choses  vraies,  puisque  quand  on  a  la  cou- 
tume de  jiirer,  on  se  trouve  à  tout  moment 
sur  le  bord  du  parjure,  et  l'on  y  tombe  sou- 
vent. Il  est  vrai  que  l'Apôtre  a  juré  quelque- 
fois dans  ses  Épitres,  comme  lorsqu'il  dit  : 
Par  la  gloire  qui  me  revient  en  Jésus-Christ,  icor. 
et  encore  :  Je  prends  Dieu  à  témoin  contre  {[  cor.t 
mon  âme  ;  mais  nous  ne  devons  pas  pour  ^*- 
cela  nous  faire  un  jeu  du  jurement,  et  le 
plus  sûr  pour  nous  est  de  n'avoir  dans  la 
bouche  que  le  oui  et  le  non,  selon  le  con- 
seil de  Jésus-Christ  ;  non  que  ce  soit  un 
péché  de  jurer  d'une  chose  vraie,  mais 
pai'ce  que  c'est  un  horriljle  péché  de  jurer 
d'une  chose  fausse,  et  que  ceux  qui  ont 
coutume  de  jurer,  sont  plus  en  dangers  de 
faire  de  faux  serments. 

24.  Évodius,  évêque  d'Uzale,   très-uni   à         i-ciirc. 
saint   Augustin   depuis  qu'ils  avaient  reçu    d'Evo'iius 
ensemble  le  baptême,  lui  proposa  une  autre  J-JlnJ"  '^"' 
question  qui  n'était  pas  peu  embarrassante  :   ?'^>    l'^S' 
c'était  de  savoir,  si  l'âme  n'avait  point  un 
corps  après  la  mort.  Ce  qui  lui  fit  naître  le 
dessein  de  s'instruire  sur  ce  sujet,  fut  l'ap- 
parition d'un  diacre  mort  depuis  quatre  ans, 
à  une  veuve  nommée  Urbique,  qui  passait 


[IY=  ET  V°  SIÈCLES.] 

pour  une  fidèle  servante  de  Dieu.  Voici 
quelle  en  fut  l'occasion.  Évodius  avait  au- 
près de  lui  en  qualité  d'écrivain  un  jeune 
homme,  fils  d'Arménus,  prêtre  de  Mélone, 
qui  après  avoir  été  prompt  et  turbulent  jus- 
qu'à sa  vingt-deuxième  année,  devint  alors 
extrêmement  posé  et  modeste,  menant  une 
vie  pure  et  réglée.  Il  souhaitait  même  d'être 
dégagé  des  liens  du  corps  pour  s'unir  à  Jé- 
sus-Christ. Dans  ces  sentiments,  il  tomba 
malade,  et  pendant  les  seize  jours  que  dura 
sa  maladie,  il  avait  presque  sans  cesse  à 
la  bouche  des  endroits  de  l'Écriture  qu'il 
savait  par  cœur.  Le  jour  qu'il  mourut,  il  de- 
manda son  père  pour  l'embrasser,  ce  qu'il 
fit  juscpi'à  trois  fois,  lui  disant  à  chaque 
fois  :  Èlon  père  rendons  grâces  à  Dieu,  et  il 
l'oHigea  de  remercier  Dieu  avec  lui,  comme 
s'il  eût  voulu  l'exhorter  à  passer  avec  lui  à 
une  meilleure  vie.  En  effet,  son  père  le  suivit 
au  bout  de  sept  jours.  Le  fils  sortit  de  cette 
vie  comme  un  homme  que  l'ont  vient  cher- 
cher pour  passer  à  une  autre  :  car  dans  ce 
même  temps  un  autre  de  ses  condisciples, 
mort  depuis  environ  huit  mois ,  lecteur 
comme  lui,  et  qui  écrivait  aussi  pour  Évo- 
dius, apparut  en  songe  à  quelqu'un,  qui  lui 
demanda  ce  qu'il  venait  faire  ;  le  jeune 
homme  répondit,  qu'il  venait  chercher  son 
ami.  Comme  il  approchait  de  sa  fin  il  chan- 

Psaiiii.  t'^'t  à  haute  voix  ces  paroles  de  David  :  Mon 
■»""''  2.    âme  brûle  d'ardeur  et  d'impatience  d'être  dans 

„  ,  la  maison  du  Seiqneur.  Et  ces  autres  :  Vous 
II,  5.  avez  répandu  sur  ma  tête  un  parfum  exquis,  et 
je  m'enivre  délicieusement  de  la  coupe  que  vous 
me  présentez.  Lorsqu'il  fut  sur  le  point  d'ex- 
pirer, il  fit  le  signe  de  la  croix  sur  son  front, 
et  il  baissait  la  main  pour  le  faire  aussi  sur 
sa  bouche,  lorsque  son  âme,  qu'il  avait  eu 
si  grand  soin  de  renouveler  de  jour  en 
jour,  se  détacha  de  son  corps.  «  Nous  lui 
fîmes,  dit  Evodius,  des  obsèqnes  fort  hono- 
rables, et  dignes  d'une  telle  âme  :  car  nous 
chantâmes  des  hymnes  à  la  louange  de 
Dieu  sur  son  tombeau  trois  jours  durant,  et 
le  troisième  nous  offrîmes  le  Sacrement  de 
notre  rédemption.  Le  second  jour  de  sa 
mort,  une  très-honnête  femme  de  la  viUe  de 
Figes,  veuve  depuis  douze  ans,  vit  en  songe 
un  certain  diacre,  qui,  avec  d'autres  séna- 
teurs et  servantes  de  Dieu,  vierges  et  veu- 
ves, préparait  et  ornait  un  grand  palais.  La 
pariu'e  en  était  si  riche  et  si  magnifique  qu'il 
brillait  de  toute  part,  et  paraissait  tout  d'ar- 
gent. Comme  cette  veuve  demandait  pour 


SALNT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


IM 


qui  on  préparait  ce  palais,  le  diacre  lui  ré- 
pondit :  C'est  pour  ce  jeune  homme  qui 
mourut  hier,  et  qui  était  fils  du  prêtre  Ar- 
ménus.  Elle  vit  ensuite  dans  le  même  palais 
un  vieillard  vêtu  de  blanc,  qui  donna  ordre 
à  deux  autres,  qui  étaient  vêtus  de  la  même 
manière,  d'aller  au  sépulcre  de  ce  jeune 
homme,  d'en  tirer  son  corps,  et  de  le  porter 
dans  le  ciel  ;  après  qu'il  y  eut  été  porté,  elle 
vit  sortir  de  son  tombeau  des  tiges  de  rosiers 
chargés  de  roses  vierges,  c'est-à-dire  qui 
n'étaient  pas  encore  épanouies.  » 

Evodius  raconte  encore  quelques  autres 
apparitions  dont  il  avait  ouï  parler,  et  quel- 
ques-unes dont  il  avait  été  témoin,  comme  de 
celle  de  Profuturus,  de  Privât  et  de  Servilius  , 
«  qui  m'ont,  dit-il,  parlé  depuis  leur  mort, 
et  m'ont  dit  des  choses  qui  n'ont  pas  man- 
qué d'arriver.  »  Il  prie  donc  saint  Augustin 
de  lui  expliquer  comment  se  font  ces  appa- 
ritions, et  si  l'âme  n'a  point  un  corps  après 
la  mort. 

Saint  Augustin  répond  qu'il  ne  croit  pas 
que  l'âme  sorte  du  corps  avec  un  corps,  et 
que  quant  aux  visions  où  l'on  apprend  mê- 
me quelque  chose  de  l'avenir,  on  ne  saurait 
exphquer  comment  eUes  se  font,  à  moins  de 
savoir  auparavant  par  où  se  fait  tout  ce  qui 
se  passe  en  nous  quand  nous  pensons  :  «  Car, 
dit-il,  nous  voyons  clairement  qu'il  s'excite 
dans  notre  âme  un  nombre  innombrable  d'i- 
mages qui  nous  représentent  ce  qui  a  frappé 
nos  yeux  ou  nos  autres  sens  :  nous  l'expé- 
rimentons tous  les  jours  et  à  toute  heure. 
Dans  le  moment  même  que  je  dicte  cette 
lettre,  je  vous  vois  des  yeux  de  mon  esprit, 
sans  que  vous  soyez  présent,  ni  que  vous  en 
sachiez  rien;  et  je  me  représente  par  la  con- 
naissance que  j'ai  de  vous,  l'impi'cssion  que 
mes  paroles  feront  sur  votre  esprit,  sans  sa- 
voir néanmoins,  et  sans  pouvoir  comprendre 
comment  tout  cela  se  passe  en  moi.  Tout  ce 
que  j'en  sais,  c'est  que  ce  n'est  point  par  des 
mouvements  corporels,  ni  des  qualités  corpo- 
relles; cpioiqu'il  y  ait  en  cela  quelque  chose 
de  fort  ressemblant  à  des  corps.  »  Il  ren- 
voie Evodius  à  ce  qu'il  avait  dit  sur  cette  ma- 
tière dans  son  ou\Tage  sur  la  Genèse.  ((Vous 
y  trouverez,  lui  dit-il,  un  grand  nombre  de 
semblables  histoires ,  les  unes  dont  je  suis 
témoin,  et  les  autres  que  j'ai  apprises  d'une 
personne  digne  de  foi.  »  Pour  lui  faire  com- 
prendre que  l'âme  peut  voir  sans  le  secours 
du  corps,  il  lui  rapporte  ce  qui  était  arrivé 
à  un  médecin  nommé  Gennadius,  qui  vivait 


Ii2 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


encore,  et  demeurait  à  Cartilage,  après  avoir 
exercé  son  art  à  Rome  avec  beaucoup  de 
réputation.  Quoicpi'il  eût  beacoup  de  vertu, 
il  doutait  qu'il  y  eût  une  autre  vie  après 
celle-ci.  Dans  ce  doute ,  il  vit  une  nuit  en 
songe  un  jeune  homme  d'une  grande  beauté 
qui  lui  dit  :   «  Suivez-moi.  »  Gennadius  le 
suivit,  et  arriva  ainsi  dans  une  ville,  où  il 
ne  fut  pas  plutôt  entré,  qu'il  entendit  à  sa 
droite  une  musique  d'une  douceur  et  d'une 
harmonie  qui  surpassait  tout  ce  qu'il  avait 
jamais  entendu.  En  peine  de  savoir  ce  que 
c'était,  le  jeune  homme  qui  le  conduisait  lui 
dit  :  «  Ce  sont  les  hymnes  des  saints  et  des 
bienheureux.  »  Il  vit  aussi  quelque  chose  à 
sa  gauche  :  «Mais  j'ai  oublié,  dit  saint  Au- 
gustin, ce  que  c'était.  »  S'étant  éveillé,  le 
songe  s'évanouit  et  Gennadius  ne  le  regarda 
que  comme  un  songe.  La  nuit  suivante  ce 
même  jeune  homme  lui  apparut  encore ,  et 
lui   demanda  s'il  le  reconnaissait,  et  où  il 
l'avait  vu.  Gennadius  répondit  affirmative- 
ment, et  comme  il  avait  la  mémoire  toute 
fraîche  de  ces  hymnes  des  saints  dans  le  lieu 
où  ce  jeune  homme  l'avait  conduit,  il  n'eut 
pas  de  peine   à  répondre   sur   cet  article. 
«  Mais  ce  que  vous  me  marquez-là,  lui  dit  le 
jeune  homme ,  l'avez-vous  vu  en  songe  ou 
éveillé?  En  songe,  répondit  Gennadius.  Il 
est  vrai,  reprit  le  jeune  homme,  c'est  en 
songe  que  vous  l'avez  vu  :  et  ce  qui  se  passe 
encore  présentement,  ce  n'est  qu'en  songe 
que  vous  le  voyez.  Gennadius  en  demeura 
d'accord.  Et  où  est  actuellement  votre  corps, 
répliqua  le  jeune  homme  qui  l'instruisait? 
Dans  mon  lit,  répondit  Gennadius.  Savez- 
vous  bien,  ajouta  le  jeune  homme,  que  vos 
yeux  corporels  sont  présentement  fermés  et 
sans  action ,  et  que  vous  n'en  voyez  point  ? 
Je  le  sais,  dit  Gennadius.  De  quels  yeux  me 
voyez- vous  donc,  reprit  l'autre?  »  Comme 
Gennadius  hésitait  à  cette   question,  et  ne 
voyait  pas  bien  ce  qu'il  avait  à  répondre,  le 
jeune    homme  lui  fit   comprendre    à    quoi 
aboutissaient   toutes  ces  questions,   en  lui 
disant  :  «  Vous  reconnaissez  donc,  qu'encore 
que  les  yeux  de  votre  corps  soient  fermés  et 
sans  action  pendant  que  vous  êtes  an  lit,  et 
que  vous   dormez,   vous  en   avez  d'autres 
dont  vous  me  voyez,  et  dont  vous  découvrez 
tout  ce  qui  vous  parait  maintenant.  De  même 
quand  vous  serez  mort,  quoique  vos  yeux 
corporels  n'aient  plus  d'action,  vous  demeu- 
rerez vivant,  et  capable  de  voir  et  de  sentir. 
Gardez-vous  bien  de  douter  jamais  dans  la 


lo:. 


suite  qu'il  y  ait  une  autre  vie  pour  les  hom- 
mes après  la  mort.  Voilà,  ajoute  saint  Au- 
gustin, par  où  Gennadius,  cet  homme  si  vé- 
ritablement chrétien,  dit  qu'il  a  été  tiré  du 
doute  où  il  était  sur  ce  sujet.  » 

Le  saint  Docteur  s'expUque  encore  sur  les 
apparitions,  dans  un  autre  lettre  à  Évodius, 
où  il  dit  que  quand  l'âme  est  occupée  de  ces 
visions  qui  nous  viennent  en  dormant,  eUe 
n'est  plus  dans  les  yeux  du  corps,  elle  en 
est  absente  et  ne  leur  prête  plus  la  même 
action  qu'elle  faisait  en  veillant.  «  La  mort 
même,  ajoute-t-il,  n'est  qu'une  absence  à 
peu  près  de  même  natm-e,  mais  causée  par 
quelque  chose  de  plus  fort  qae  le  sommeil, 
et  qui  dérobe  aux  yeux,  qui  sont  comme  la 
lumière  du  corps  ou  aux  autres  facultés, 
tout  le  secours  que  l'àme  lem'  prête.  L'àme 
en  passant  de  l'exercice  du  sens  de  la  Yue 
aux  visions  qui  arrivent  en  dormant,  n'em- 
porte aucun  corps  avec  elle  ;  il  ne  faut  pas 
s'imaginer  non  plus  que  dans  cette  autre 
jilus  grande  absence  de  l'âime  que  nous  ap- 
pelons la  mort,  il  y  ait  quelque  corps  qui  se 
détache  de  ce  corps  grossier,  et  que  l'àme 
emporte  avec  elle.  Car  si  cela  était,  il  fau- 
drait dire  que  dans  le  soleil  même,  où  elle 
se  retire  des  yeux  du  corps,  et  les  abandonne 
jusqu'à  un  certain  point ,  elle  emporterait 
aussi  avec  elle  d'autres  yeux  plus  subtils,  à 
la  vérité ,  mais  toujours  corpoi'els ,  ce  qui 
n'est  pas  néanmoins,  quoiqu'elle  en  em- 
porte d'autres  par  le  moyen  desquels  eUe 
voit  des  choses  très-semblables  à  des  corps, 
mais  qui  n'en  sont  pas,  non  plus  que  les 
yeux  dont  eUe  les  voit.  » 

25.  Évodius  proposa  beaucoup  d'autres 
difficultés  à  saint  Augustin,  entre  autres  sur 
la  Trinité  et  sur  la  colombe  qui  avait  repré-  'i"", 
sente  le  Saint-Esprit  au  baptême  de  Jésus- 
Christ  ;  sur  ce  que  c'est  que  Dieu  et  la  rai- 
son ;  sur  un  endroit  de  sa  lettre  à  Volusien  ; 
sur  l'origine  de  l'àme  de  Jésus-Christ  et  sur 
l'endi'oit  de  l'Épitre  de  saint  Pierre,  où  il  est 
dit  que  Jésus-Christ  a  prêché  en  esprit  aux 
esp?'its  retenus  dans  la  prison,  et  qui  avaient  été 
incrédules  autrefois,  lorsque  la  patience  de  Dieu 
les  attendait  au  temps  de  Noé.  Saint  Augustin 
qui  avait  traité  plusieurs  de  ces  questions 
dans  ses  livres  de  la  Trinité,  du  Libre  arbi- 
tre, de  la  Qualité  de  l'âme  et  de  la  Vraie 
religion,  y  renvoie  Évodius,  n'ayant  pas 
le  loisir  de  les  traiter  en  particulier,  à 
cause  de  divers  autres  ouvrages  auxquels  il 
était  alors  occupé.  Il  les  interrompit  néan- 


r.etir 
lOO  ,     10 
102,  163 
164    d'Ev 


£\oiniis, 
liiti  on  AI 
papr.  566 
suiv. 


I  Pcir.  I 
19. 


[IV°  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


143 


moins  pour  le  satisfaire  sur  quelques-unes 
de  ses  demandes.  Il  avait  dit,  en  parlant 
dans  sa  cent  trente  -  septième  lettre  à  Vo- 
lusien,  contre  ceux  qui  ne  voulaient  pas 
que  l'on  crût  que  Jésus-Christ  fût  né 
d'une  vierge,  demeurée  vierge  après  l'a- 
voir mis  au  monde,  que  si  on  pouvait  ren- 
dre raison  de  cette  naissance,  il  n'y  aurait 
plus  rien  d'admirable.  Il  dit  à  Evodius  que, 
par  cette  façon  de  parler,  il  n'a  pas  pré- 
tendu que  cet  événement  n'ait  pas  sa  rai- 
son, mais  seulement  qu'elle  est  inconnue  à 
ceux  à  qui  Dieu  a  voulu  qu'il  fût  admirable. 
«  Quant  à  ce  que  j'ai  ajouté,  dit-il,  que  si  on 
pouvait  apporter  des  exemples  de  cette  nais- 
sance miraculeuse,  elle  ne  serait  plus  singu- 
lière, c'est  vainement  que  vous  croyez  en 
avoir  trouvé  dans  les  vers  qui  se  forment 
dans  les  cœurs  des  fruits,  et  dans  les  arai- 
gnées dont  le  corps  demeure  vierge  en  quel- 
que sorte,  quoiqu'elles  en  tirent  les  filets 
dont  elles  composent  leurs  toiles.  Ce  sont 
des  comparaisons  trouvées  avec  esprit.  Mais 
enfin  Jésus-Christ  seul  est  né  d'une  vierge  ; 
et  je  pense  que  vous  voyez  bien  que  c'est 
ce  qui  m'a  fait  dire  que  sa  naissance  est 
sans  exemple.  »  Quant  à  la  difficulté  qui  re- 
garde l'endroit  de  la  première  Épître  de 
saint  Pierre,  saint  Augustin  répond  ainsi  : 
«  1°  Personne  ne  peut  douter  que  Jésus- 
Christ,  mort  en  sa  chair,  ne  soit  descendu 
aux  enfers.  2°  Il  n'en  a  pas  délivré  tous  les 
hommes,  mais  seulement  ceux  qu'il  a  ju- 
gés dignes  d'être  délivrés.  3°  Presque  toute 
l'Éghse  croit  qu'il  en  a  délivré  le  père  com- 
mun de  tous  les  hommes,  quoiqu'il  n'en  soit 
rien  dit  dans  les  livres  canoniques,  si  ce 
n'est  dans  celui  de  la  Sagesse,  où  nous  li- 
X,  sons  :  C'est  elle  qui  a  conservé  le  premier' 
homme,  père  de  tout  le  genre  humain,  quoi- 
qu'il eût  été  créé  tout  seul,  et  qui,  l'ayant 
tiré  de  son  péché ,  l'a  rendu  capable  de  su?'- 
monter  toutes  les  adversités.  4°  Il  y  en  a  qui 
croient  que  le  même  bienfait  a  été  accordé 
aux  premiers  saints,  comme  Abel,  Seth, 
Noé  et  sa  famille,  Abraham,  Isaac,  Jacob, 
et  autres  patriarches  et  prophètes  :  mais 
qu'il  est  plus  vraisemblable  qtt'ils  étaient 
dans  un  autre  lieu  de  repos  appelé  le  sein 
d'Abraham.  S"  Les  justes  qui  ressuscitè- 
rent à  la  mort  de  Jésus-Christ,  ne  repri- 
rent leur  corps  que  pour  mourir  une  se- 
conde fois ,  aiitrement  il  ne  serait  pas  vrai 
que  Jésus-Christ  soit  le  premier  né  d'entre 
les  morts,  comme  le  dit  saint  Paul.  6°  L'on 


ne  peut  pas  dire  que  Jésus-Christ  ait  an- 
noncé l'Évangile  à  ceux  qui  furent  incré- 
dules au  temps  de  Noé,  puisqu'on  ne  lit 
j)as  qu'ils  soient  revenus  en  vie,  et  qu'ils 
aient  repris  leurs  corps.  7°  Le  passage  de 
saint  Pierre  ne  doit  pas  s'entendre  des  es- 
prits ou  des  âmes  retenues  dans  les  enfers, 
mais  des  esprits  de  ceux  qui  vivaient  du 
temps  de  Noé,  que  le  Verbe  a  éclairés  dès 
lors  ;  en  sorte  que  le  sens  de  cet  endroit  de 
saint  Pierre,  n'est  pas  que  Jésus-Christ  soit 
descendu  aux  enfers  pour  y  prêcher  l'É- 
vangile à  ceux  qui  avaient  été  incrédules 
du  temps  de  ce  patriarche,  mais  que  Jésus- 
Christ  après  être  mort  pour  nous  en  sa 
chair,  a  été  ressuscité  par  le  même  Esprit, 
par  lequel  il  prêcha  à  ceux-mêmes  qui  fu- 
rent autrefois  incrédules  dans  le  temps  que 
Noé  fabriquait  l'arche.  Car  depuis  qu'il  est 
venu  revêtu  de  chair  pour  mourir  pour 
nous,  ce  qu'il  n'a  fait  qu'une  seule  fois, 
comme  saint  Pierre  le  marque,  il  est  venu 
plusieurs  fois  en  esprit  pour  éclairer  et 
instruire  ceux  qu'il  lui  a  plu  par  diverses 
sortes  de  visions,  et  de  la  manière  qu'il  a 
jugée  convenable.  Il  venait  alors  dans  le 
même  esprit  par  lequel  il  est  ressuscité 
après  la  mort  qu'il  avait  souiferte  dans  sa 
chair.  » 

Pour  ce  qui  est  de  l'origne  de  l'âme  de 
Jésus-Christ,  saint  Augustin,  sans  entrer 
dans  la  discussion  des  différentes  opinions 
sur  l'origine  de  l'âme  en  général ,  assure 
que  celle  de  Jésus-Clmst ,  par-dessus  le  don 
de  l'immortalité  commun  à  toutes  les  autres, 
a  reçu  cette  prérogative  de  n'éprouver  ni  la 
mort  que  le  péché  donne,  ni  la  condamna- 
tion qui  en  est  une  suite;  qu'ainsi  on  ne 
saurait  entendre  de  l'âme  de  Jésus-Christ, 
ce  que  dit  saint  Pierre,  qu'il  a  été  vivifié  ou 
ressuscité  par  l'esprit,  puisqu'il  n'y  a  eu  en 
lui  rien  de  vivifié  que  ce  qui  avait  perdu  la 
vie,  c'est-à-dire  sa  chair,  qui  se  retrouva  vi- 
vante par  le  retour  de  son  âme,  comme  elle 
avait  éprouvé  la  mort  quand  son  âme  la 
quitta. 

26.  La  lettre  suivante  est  déplacée,  ayant  Leurcs 
été  écrite  vers  l'an  410;  mais  on  l'a  mise  iot 'de  saint 
ici  à  cause  du  rapport  cj;u'elle  a  avec  celle  ■'^'s"i"1  j,*;' 
de  saint  Augustin ,  qui  traite  de  l'oriffine   '{"'"^ ■  , ,'" 

r,  ,  .'llO  et  dlD, 

de  lame.  Cette  lettre   est  de  samt  Jérôme   pas.  ssi. 
et  adressée    à  Marcellin  et   à   Anapsyquie 
sa  femme,  qui  l'avaient  consulté  sur  l'ori- 
gine   de  l'âme.    Ce   Père  leur  fait   remar- 
quer dans  sa  réponse  que  cette  question  est 


144 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


une  des  plus  importantes  de  toute  la  science 
ecclésiastique,  et  dit  qu'il  y  a  sur  ce  sujet 
diverses  opinions.  «Quelques-uns,  dit-il, 
comme  les  pitagoriciens,  les  platoniciens  et 
Origène,  ont  cru  que  l'âme  descendait  du  ciel. 
Elle  est,  selon  les  stoïciens,  les  manichéens 
et  les  prisciUianistes,  ime  portion  de  la  subs- 
tance même  de  Dieu.  Plusieurs  se  sont 
imaginés  que  Dieu  tient  toutes  les  âmes 
comme  eu  réserve  dans  ses  trésors  ,  d'où 
il  les  envoie,  chacune  dans  le  corps  qui  lui 
est  destiné;  et  cette  opinion  n'a  pas  déplu 
à  quelques  catholiques.  D'autres  sont  pei- 
suadés  que  Dieu  les  crée  journellement  pour 
les  envoyer  dans  les  coi'ps.  Ils  s'appuient 
Joan.  V,  sur  Cette  parole  de  l'Evangile  :  Mon  Père 
n'a  point  cessé  d'agir  depuis  le  commence- 
ment du  monde,  et  agit  encore  présente- 
ment,  et  moi  avec  lui.  Enfin  Tertullien  et 
Apollinaire ,  et  la  plupart  des  occidentaux 
sont  du  sentiment  que  les  âmes  passent  des 
pères  aux  enfants  par  voie  de  propagation, 
en  sorte  que  les  âmes  produisent  les  âmes, 
comme  les  corps  produisent  les  corps ,  et 
que  nos  âmes  sont,  à  cet  égard,  de  même 
condition  que  celle  des  bêtes.  «  Saint  Jé- 
rôme ne  dit  point  ici  quel  est  son  sentiment. 
H  renvoie  MarceUin  à.  ce  qu'il  avait  dit  sur  ce 
sujet  dans  la  Réfutation  du  livre  de  Ruffin, 
adressée  au  pape  Anastase.  Il  le  renvoie 
aussi  à  saint  Augustin ,  «  qui  pourra,  dit-il, 
vous  instruire  de  vive  voix  sm-  cette  matière, 
et  vous  apprendre  mon  sentiment  en  vous 
disant  le  sien.  » 

Le  traité  du  saint  évêque,  sur  l'Origine  de 
l'âme ,  est  adressé  à  saint  Jérôme ,  à  qui  il 
l'envoya  en  415,  par  Orose,  qui  était  venu 
cette  année-là  d'Espagne  en  Afrique.  Mais 
au  lieu  d'y  décider  ce  que  l'on  doit  penser 
sur  l'origine  de  l'âme,  il  se  contente  de  pro- 
poser les  différentes  opinions,  priant  saint 
Jérôme  de  lui  marquer  à  laquelle  il  faut  s'en 
tenir,  et  de  queUe  manière  on  peut  se  dé- 
fendre contre  les  pélagieus,  quand  on  suit 
celle  qui  veut  que  les  âmes  soient  crées  à 
mesure  qu'il  vient  quelqu'un  au  monde. 
Cette  opinion  était  celle  que  saint  Jé- 
rôme semblait  approuver  le  plus;  et  c'est 
celle-là  que  saint  Augustin  combat  le  plus 
fortement.  »  S'il  est  vrai,  lui  dit-il,  que  les 
âmes  se  créent  journellement,  apprenez- 
moi  oîi  les  âmes  des  enfants  pour  qui  Dieu 
les  crée  ont  péché ,  et  par  où  elles  se  trou- 
vent coupables  du  péché  d'Adam,  de  qui 
dérive  la  chair  de  péché  ;  en  sorte  que  pom- 


être  déhvi'ées  de  ce  péché,  elles  aient  be- 
soin du  sacrement  de  Jésus-Christ.  Si  eUes 
n'ont  point  péché,  apprenez-moi  comment 
la  justice  du  Créateur  leur  peut  imputer  un 
péché  étranger,  pour  cela  seul  qu'elles  se 
trouvent  liées  à  une  chair  qui  descend  de 
celui  qui  l'a  commis,  et  le  leur  imputer 
de  telle  sorte,  qu'à  moins  qu'elles  ne  soient 
secourues  par  l'Église,  elles  tombent  dans 
la  damnation,  quoiqu'il  ne  dépende  point 
d'eUes  de  se  procurer  le  remède  du  bap- 
tême ?  Par  quelle  justice.  Dieu  peut-U  dam- 
ner les  âmes  de  tant  de  milliers  d'enfants 
morts  avant  l'âge  de  raison,  et  sans  avoir 
reçu  la  grâce  du  sacrement  qui  nous  fait 
chrétiens,  s'il  est  vrai  qu'elles  n'aient  été 
crées  que  sm*  le  point  d'être  renvoyées  cha- 
cune dans  le  corps  qui  lui  était  destiné,  et 
que  ce  ne  soit  en  punition  d'aucun  péché 
précédent  qu'elles  y  soient  envoyées  par  la 
volonté  du  Créateur,  qui  savait  fort  bien  que 
ce  ne  serait  point  par  leur  faute  qu'elles  sor- 
tiraient du  corps  sans  avoir  recule  baptême. 
Comme  donc  nous  ne  saurions  dire,  ni  que 
Dieu  jette  les  âmes  par  force  dans  le  péché, 
ni  qu'il  punisse  ce  qui  est  innocent  ;  comme 
d'ailleurs  la  foi  ne  nous  permet  pas  de  dou- 
ter que  les  âmes  des  enfants  mêmes  qui 
sortent  de  cette  vie  sans  baptême,  ne  tom- 
bent dans  la  damnation  ;  dites-moi,  je  vous 
prie  ,  par  où  se  peut  soutenir  cette  opinion , 
qui  prétend  que  les  âmes  ne  viemient  point 
de  celle  d'Adam,  et  qu'elles  sont  toutes 
crées  de  nouveau  pour  chacun,  comme 
celle  du  premier  homme  le  fut  pour  lui.  » 

Saint  Augustin  réfute  aussi  l'opinion  de 
ceux  qui  voulaient  que  l'âme  fut  une  partie 
de  la  substance  de  Dieu.  «S'il  en  était  ainsi, 
dit-il,  l'âme  serait  totalement  immuable  et 
incorruptible  ,  et  par  conséquent ,  elle  ne 
pom'rait  non  plus  changer  en  mieux  qu'en 
pis,  ce  qui  est  conti-e  l'expérience ,  qui  nous 
apprend  que  l'âme  change  souvent  de  senti- 
ments et  d'affections.  Ce  serait  en  vain  que 
l'on  dirait  que  les  faiblesses  et  les  infirmi- 
tés qu'elle  éprouve  lui  viennent  du  corps , 
puisque  si  elle  était  immuable  de  sa  nature, 
il  ne  pourrait  lui  arriver  aucun  change- 
ment, de  quelque  part  que  ce  pût  être.  » 

Il  montre  ensuite  que  l'âme  étant  toute 
entière  dans  les  plus  petites  pai-ties  du  corps, 
elle  ne  peut  être  corporelle,  parce  qu'il  est 
de  la  nature  du  corps  d'être  plus  ou  moins 
grand  à  proportion  de  l'espace  qu'il  rem- 
plit. «  L'âme  n'est  point  dans  le  corps,  dit- 


[lye  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


US 


il,  par  une  extension  locale;  mais  par  une 
certaine  action  de  vie,  qui  la  rend  présente 
à  toutes  les  parties  du  corps  qu'elle  anime  ; 
en  sorte  qu'elle  est  toute  en  chacune  aussi 
bien  qu'en  toutes,  quoique  son  action  soit 
moins  vive  dans  les  unes  que  dans|  les  autres. 
Ce  qui  fait  voir  que  l'âme  est  toute  entière 
dans  chaque  partie ,  c'est  que  toute  l'âme 
sent  ce  qui  ne  se  passe  qu'en  une  partie 
de  son  corps.  Aussi,  quelque  petit  endroit 
de  la  chair  vive  que  l'on  puisse  toucher, 
quand  ce  ne  serait  qu'un  point,  toute  l'âme 
s'en  ressent ,  quoique  ce  point ,  bien  loin 
d'être  tout  le  corps,  soit  presque  impercep- 
tible dans  le  corps.  Or,  d'où  vient  cette  im- 
pression? On  ne  peut  pas  dire  que  ce  qui 
se  passe  en  cet  endroit,  soit  porté  par  tout 
le  corps ,  puisque  l'âme  ne  le  sent  que  dans 
ce  seul  endroit  ;  mais  c'est  qu'elle  est  toute 
entière  où  la  chose  se  passe ,  sans  cesser 
néanmoins  d'être  présente  aux  autres  par- 
ties du  corps  où  il  ne  se  passe  rien  de  sem- 
blable. Car  dès  qu'elles  sont  vivantes,  il  faut 
que  l'âme  y  soit  présente,  puisqu'elles  ne  le 
sont  que  par  la  présence  de  l'âme.»  Quelque 
peine  qu'ait  saint  Augustin  d'adopter  l'opi- 
nion de  la  création  journalière  des  âmes,  il 
convient  qu'il  est  fort  embarrassé',  quand  il 
fait  réflexion  sur  les  peines  de  la  damna- 
tion où  tombent  les  enfants  après  cette  vie, 
s'ils  meurent  sans  avoir  participé  à  la  grâce 
de  Jésus-Christ  par  le  baptême,  ne  conce- 
vant pas  qu'ils  puissent  être  punis  de  cette 
sorte,  s'ils  ne  sont  coupables  de  péché.  Une 
l'est  pas  moins  en  considérant  que  si  ce  n'é- 
tait que  pour  le  bien  du  corps  et  non  pour 
celui  de  l'âme  que  l'on  baptise  les  enfantsj, 
on  baptiserait  également  les  morts  et  les 
vivants.  C'est  pourquoi  il  consent  à  prendre 
cette  opinion  pour  la  sienne  jusqu'à  nouvel 
éclaircissement ,  d'autant  plus  qu'il  trouve 
les  mêmes  difficultés  dans  l'opinion  de  ceux 
qui  veulent  que  les  âmes  ayant  été  créées 
dès  le  commencement  du  monde ,  et  mises 
en  réserve,  Dieu  les  envoie  dans  les  corps. 
«  Car  on  leur  demandera,  dit-il,  pourquoi 
les  âmes  des  enfants  qui  meurent  sans 
baptême,  sont  punies,  s'il  est  vrai  qu'elles 
sont  innocentes  quand  elles  entrent  dans 
les  corps  ?  Quant  à  ceux  qui  prétendent 
que  Dieu  envoie  [les  âmes  dans  les  corps 

'  Je  ne  vois  pas  comment  Tricalet,  Bliblioth. 
portative,  tom.  V,  nouvelle  édition,  pag.  130,  s'élève 
contre  cette  phrase,  et  prétend  que  D.  Geillier  a 
omis  quelque   chose  où  s'est  mépris.  D.   Geillier 

IX. 


selon  qu'elles  ont  mérité  dans  je  ne  sais 
(juelle  vie  précédente  ,  ils  ne  peuvent  pas 
mieux  se  tirer  de  cette  difficulté  :  car  il 
y  a  une  grande  différence  entre  avoir 
péché  en  Adam ,  en  qui  l'Apôtre  dit  que 
tous  ont  péché,  et  avoir  mérité  par  un 
péché  commis  quelque  part  ailleurs  qu'en 
Adam  ,  d'être  jetés  dans  une  chair  qui 
descend  d'Adam,  comme  dans  une  espèce 
de  prison.  »  H  ne  s'arrête  point  à  exa- 
miner l'autre  opinion,  qui  veut  que  toutes 
les  âmes  tirent  leur  origine  de  celle  d'A- 
dam. Pour  lui,  jusqu'à  ce  qu'il  sache  à  la- 
quelle de  ces  opinions  il  faut  s'attacher,  il 
dira  que  ceUe-là  est  la  véritable',  qui  n'en- 
seigne rien  de  contraii'e  à  la  foi  constante 
et  inébranlable,  par  laquelle  l'Éghse  croit 
que  les  enfants ,  non  plus  que  les  autres,  ne 
sauraient  être  délivrés  de  la  damnation 
qu'au  nom  de  Jésus-Christ  et  par  la  grâce 
enfermée  dans  ses  sacrements.  Il  demande 
en  même  temps  à  saint  Jérôme,  quel  était 
le  sens  de  ces  paroles  de  saint  Jacques  : 
Quiconque  ayant  gardé  toute  la  loi,  la  viole  en 
un  seul  point,  est  coupable  comme  l'ayant  toute 
violée.  Il  en  donne  lui-même  une  explica- 
tion ,  mais  en  la  somnettant  au  jugement  de 
ce  Père.  Le  sentiment  général  des  philo- 
sophes ,  était  que  sans  l'assemblage  de 
toutes  les  vertus ,  on  ne  pouvait  bien  vivre  ; 
mais  les  stoïciens  seuls  avançaient,  que  tous 
les  péchés  étaient  égaux. 

Saint  Augustin  combat  ces  deux  opi- 
nions :  d'un  côté ,  la  vertu  n'étant  autre 
chose  que  l'amour  de  ce  qu'on  doit  aimer, 
on  peut  avoir  plus  ou  moins  de  cet  amour, 
et  quelquefois  point  du  tout;  de  l'autre,  le 
dogme  de  l'égalité  des  péchés  est  contraire 
au  sentiment  des  auteurs  canoniques ,  ou 
plutôt  à  la  vérité  même ,  puisque  c'est  elle 
qui  a  parlé  par  leur  bouche  ;  car  quoique  là 
où  il  n'y  a  point  de  vertu,  il  n'y  ait  rien  que 
de  défectueux,  ce  qui  l'est,  le  peut  être  plus 
ou  moins.  Celui  donc  qui  viole  la  loi  en  un 
seul  chef,  est  coupable  comme  s'il  l'avait 
violée  en  tout,  parce  qu'en  tout  péché,  on 
fait  quelque  chose  contre  ce  qui  comprend 
toute  la  loi,  c'est-à-dire ,  contre  cette  double 
charité  pour  Dieu  et  pour  le  prochain,  qui 
nous  est  ordonnée  par  ces  deux  préceptes 
où  la  Loi  et  les  Prophètes  sont  compris.  Mais 

rend  bien  le  texte  de  saint  Augustin  qui  est  em- 
barrassé sur  la  question  des  supplices  des  enfants 
morts  sans  baptême.  {L'éditeur.) 


10 


Jac.    11,10. 


146 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


il  ne  suit  pas  de  là  que  tous  les  péchés 
soient  égaux,  parce  cjiie,  quoique  par  clia- 
qne  péché  particulier  que  l'on  commet,  on 
■viole  la  charité  d'où  dépend  la  loi,  cela 
n'empêche  pas  que  l'on  ne  soit  plus  ou 
moins  coupable  ,  selon  que  les  péchés  com- 
mis sont  plus  ou  moins  grands. 

Saint  Jérôme  ayant  reçu  ces  deux  let- 
tres ',  témoigna  beaucoup  d'estime  de  la 
manière  dont  saint  Augustin  y  avait  expli- 
qué la  question  de  l'origine  de  l'âme ,  et  les 
paroles  de  saint  Jacques;  mais  il  s'excusa 
de  répondre  à  ses  difficultés  sur  son  peu  de 
loisir,  et  sur  ce  que  l'intérêt  de  l'Eglise  de- 
mandait qu'ils .  ne  pai'ussent  pas  divisés  de 
sentiment,  même  dans  les  moindres  choses. 
Cependant,  saint  Augustin  espérant  toujours 
que  saint  Jérôme  y  répondrait,  ne  voulut 
pas  publier  ces  deux  lettres  tant  qu'il  vécut, 
se  réservant  de  les  donner  avec  ses  ré- 
ponses. Il  ne  voulut  pas  même  en  donner 
de  copies,  ni  les  envoyer  à  ses  plus  in- 
times amis.  Depuis  la  mort  du  solitaire  de 
Bethléem,  il  les  rendit  publiques  toutes 
deux  ;  la  première ,  afin  que  ceux  qui  la  li- 
raient, ou  s'abstinssent  de  rechercher  d'où 
vient  l'âme  que  Dieu  donne  à  chacun  de 
nous  quand  nous  venons  au  monde  ,  ou  du 
moins  n'adoptassent  sur  cette  question  que 
les  solutions  qui  peuvent  s'accorder  avec  ce 
que  la  foi  catholique  enseigne  du  péché  ori- 
ginel ;  et  la  seconde,  afin  que  l'on  vît  de 
quelle  manière  il  croyait  qu'on  pouvait  ré- 
soudre la  question  qu'il  y  propose  sur  ce 
qu'on  lit  dans  l'Épitre  de  saint  Jacques,  que 
celui  qui  viole  la  loi  en  un  seul  point,  est  cou- 
pable comme  l'ayant  toute  violée.  Il  donne  à 
ces  deux  letti'es  le  titre  de  Livre,  dans  le  se- 
cond de  ses  Rétractations  ^.  Elles  sont  citées 
toutes  deux  par  saint  Fulgence  ',  qui  loue 
l'éloquence  ,  l'esprit ,  la  profondeur  des  rai- 
sonnements ,  et  le  grand  nombre  des  auto- 
rités avec  lesquelles  saint  Augustin  exa- 
mine la  question  de  l'oingine  de  l'âme  ; 
mais  particulièrement,  la  modération  qu'il 
y  fait  paraître,  en  ne  voulant  rien  détermi- 
ner sur  une  difficulté  qui  lui  paraissait  très- 
obscure.  Il  ne  faut  pas  omettre  ce  que  saint 
Augustin  dit  dans  le  second  livre,  à  l'occa- 
jac.  Il,  2.  sion  de  ces  autres  paroles  de  saint  Jacques  : 
Nous  manquons  tous  en  bien  des  choses.  <(  Il 
est  vrai,  dit-il,  que  nous  manquons  tous, 
mais  les   uns  plus    considérablement,  les 


autres  moins,  selon  que  cbacun  pèche  plus 
ou  moins  ;  et  chacun  pèche  plus  ou  moins, 
selon  qu'il  a  plus  ou  moins  d'amour  pour 
Dieu  et  pour  le  prochain.  Ainsi  il  y  a  en 
nous  d'autant  plus  de  péché ,  qu'il  y  a 
moins  de  charité  ;  et  quand  il  ne  nous  res- 
tera plus  rien  de  notre  infirmité,  ce  sera 
alors  que  nous  serons  parfaits  dans  la  cha- 
rité. Or  je  ne  ci'ois  pas  que  ce  soit  un  pé- 
ché léger,  que  d'asservir  la  foi  de  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ  à  des  égards  pour  la 
condition  des  personnes,  du  moins  en  ce 
qui  regarde  le  choix  de  ceux  qu'on  doit 
élever  aux  dignités  ecclésiastiques  :  car  qui 
peut  souffrir  qu'on  y  élève  un  homme  riche 
préférablement  à  un  pauvre  qui  sera  plus 
habile  et  plus  saint  ?  L'Apôtre  saint  Jac- 
ques, après  nous  avoir  averti  que  nous  man- 
quons tous  en  bien  des  choses,  nous  indique  le 
remède  que  Jésus-Clu'ist  même  nous  donne 
poiu-  l'appliquer  journellement  à  nos  fautes 
journalières ,  qui  quoique  légères,  sont  tou- 
jours des  taches  et  des  blessures.  Cehci, 
dit-il ,  qui  n'aura  point  fait  miséricorde , 
sera  jugé  sans  miséricorde ,  ce  qui  re- 
vient à  ces  paroles  du  Sauveur  :  Pardon- 
nez, et  il  vous  sera  pardonné  :  car  la  miséri- 
corde ,  continue  saint  Jacques ,  s'élèvera  au- 
dessus  du  jugement.  Il  ne  dit  pas  que  la  mi- 
séricorde sera  victorieuse  du  jugement,  car 
l'un  n'est  pas  contraire  à  l'autre  ;  mais 
qu'elle  s'élèvera  au-dessus  de  la  justice  ri- 
goureuse du  jugement,  parce  que  plusieurs 
qui  devraient  subir  ce  jugement,  seront  re- 
cueillis par  miséricorde.  Qui  seront  ceux-là? 
ce  seront  ceux  qui  auront  fait  miséricorde, 
selon  cette  parole  de  Jésus-Christ  :  Heureux 
sont  les  miséricordieux ,  parce  qu'ils  recevront 
miséricorde.  Le  même  Apôtre  nous  marque 
ensuite,  comment  on  expie  les  péchés  jour- 
naliers dont  on  n'est  point  exempt  en  cette 
vie.  Si  l'homme,  dit  saint  Augustin,  négli- 
geait de  les  effacer  par  ces  remèdes,  il  ar- 
riverait au  pied  du  tribunal  du  souverain 
Juge,  chargé  d'un  amas  de  péchés  qui  l'ac- 
cablerait ;  et,  n'ayant  point  fait  de  miséri- 
corde aux  autres,  il  n'en  trouverait  point 
pour  lui-même  ;  au  lieu  que  s'il  a  soin  de 
donner  et  de  pardonner,  il  méritera  le  par- 
don de  ses  péché  et  l'eflet  des  promesses  de 
Dieu.  » 

28.  La  lettre  de  Timasius  et  de  Jacques, 
est  un  remercîment  qu'ils  font  à  saint  Au-  sai 


Loltrt  l 
ïimasi 
Ht    Ail 


1  Hier.  Êpist.  172.  «pwdAugust.  — 2  Lib.  II  iîcJra^c,       cap.  xly. 


cap.   xvn,. 


[IV"  ET  V°  SIÈCXES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVÊQUE  D'HIPPONE. 


147 


"aV.  co°."''  gustin ,  du  livre  de  la  Nature  et  de  la  Grâce 
qu'il  leur  avait  envoyé.  Ils  lui  témoignent 
qu'ils  l'ont  lu  avec  beaucoup  de  joie  et  de 
satisfaction ,  et  que  quoiqu'ils  eussent  dès 
auparavant  abandonné  l'erreur  de  Pelage, 
ils  lui  étaient  néanmoins  fort  obligés  de  leur 
avoir  fourni  dans  cet  écrit,  des  armes  pour 
combattre  cette  nouvelle  hérésie  dans  les 
autres. 
Leiire  109       29.  Dans  la  lettre  à  Évodius,  saint  Augus- 

a  Evodius,  en       ^  '  o 

415,  fag.  603.  tin  répond  à  deux  questions  que  cet  évéque 
lui  avait  faites  depuis  quelque  temps  ;  l'une 
sur  la  Trinité,  l'autre  sur  la  colombe  sous  la 
forme  de  laquelle  le  Saint-Esprit  parut  lors- 
que Jésus-Christ  reçut  le  baptême.  La  pre- 
mière question  l'engage  dans  un  détail  très- 
exact  de  ce  que  la  foi  de  l'Église  nous  en- 
seigne sur  la  Trinité  :  «  Si  l'Écriture,  dit-il, 
parle  en  plusieurs  endroits  de  chaque  per- 
sonne comme  de  quelque  chose  de  séparé 
des  autres,  c'est  afin  de  nous  faire  entendre 
que  cette  Trinité,  quoique  inséparable,  est 
toujours  Trinité.  Car  de  même  que  pour  dé- 
signer les  trois  personnes  par  des  paroles, 
il  faut  nécessairement  les  exprimer  l'une 
après  l'autre,  quoiqu'elles  soient  insépara- 
bles; de  même  aussi  l'Écriture  en  divers 
endroits  les  exprime  séparément,  et  par  di- 
vers symboles  de  choses  créées  ;  le  Père,  par 
exemple,  par  cette  voix  qui  se  fit  entendre 
Luc.  m,  22.  au  baptême  de  Jésus-Christ  :  Vous  êtes  mon 
Fils  bien-aimé  ;  le  Fils,  par  l'homme  auquel 
il  s'est  uni  ;  et  le  Saint-Esprit  sous  la  figure 
d'une  colombe.  Pour  nous  aider  à  compren- 
dre une  chose  si  élevée ,  nous  nous  servons 
d'ordinaire  de  l'exemple  de  la  mémoire ,  de 
l'entendement  et  de  la  volonté  :  car  quoique 
nous  exprimions  ces  trois  facultés  séparé- 
ment, nous  ne  saurions  en  nommer  aucune, 
ni  agir  par  aucune,  sans  que  les  deux  autres 
y  concourent.  Il  ne  faut  pas  néanmoins  s'i- 
maginer, ajoute-t-il,  que  la  comparaison 
que  nous  en  faisons  avec  la  Trinité,  soit  juste 
en  toutes  ses  parties.  Elle  est  elle-même 
défectueuse  en  plusieurs  choses,  première- 
ment, en  ce  que  la  mémoire,  l'entendement 
et  la  volonté  sont  dans  l'âme ,  mais  ne  sont 
pas  l'âme  ;  au  lieu  que  la  Trinité  n'est  pas 
en  Dieu,  mais  elle  est  Dieu;  et  c'est  ce  qui 
fait  cette  simplicité  ineffable,  que  nous  ad- 
mirons en  Dieu,  en  qui  l'être,  l'intelligence 
et  toutes  les  autres  choses  que  nous  y  recon- 
naissons, ne  sont  qu'une  même  chose.  Mais 
à  l'égard  de  l'âme,  autre  chose  est  d'être,  et 
autre  chose  de  faire  quelque  action  d'intelli- 


gence, puisqu'elle  peut  être  sans  entendre 
et  sans  concevoir.  Secondement,  qui  oserait 
dire  que  le  Père  n'est  point  inteUigent  par 
lui-même,  mais  par  le  Fils,  comme  la  mé- 
moire n'est  point  intelligente  par  elle-même, 
mais  par  l'entendement?  On  n'a  donc  re- 
cours à  cette  comparaison  que  pour  faire 
entendi-e  en  quelque  sorte,  que  de  la  même 
manière  que  le  nom  de  chacune  des  trois 
facultés  de  l'âme,  quoiqu'on  les  exprime  sé- 
parément ,  ne  se  peut  énoncer  que  toutes 
les  trois  n'y  concourent,  puisque  lorsqu'on 
l'énonce,  il  faut  et  qu'on  s'en  souvienne, 
qu'on  l'entende  et  qu'on  le  veuille  énoncer; 
de  même,  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit 
agissent  conjointement  et  indivisiblement 
dans  la  production  des  choses  créées,  quoi- 
que l'Écriture  nous  les  représente  sous  di- 
vers symboles.  » 

En  parlant  de  l'Incarnation,  il  dit  que  le 
Fils  de  Dieu  s'est  uni  d'une  manière  ineffa- 
ble et  singulière  à  l'humanité  sans  rien  per- 
dre de  l'immutabilité  de  sa  nature,  en  sorte 
que  l'homme  a  été  élevé  jusqu'à  être  uni  au 
Verbe;  sans  que  le  Verbe  en  s'unissant  à 
l'homme  ait  été  changé  en  homme.  Il  est 
demeuré  immuablement  ce  qu'il  était;  ainsi, 
ce  qu'on  appelle  le  Fils  de  Dieu ,  c'est  et  le 
Verbe  et  l'homme  auquel  il  s'est  uni  ;  d'où 
il  résulte ,  que  le  Fils  de  Dieu  est  immuable 
et  coéternel  à  son  Père ,  mais  à  raison  du 
Verbe  seul;  qu'il  a  été  crucifié,  mis  à  mort  et 
enseveli,  mais  à  raison  de  l'humanité  seule. 
Ainsi,  quand  on  parle  du  Fils  de  Dieu,  il 
faut  prendre  garde  à  raison  de  quoi,  ce  que 
l'on  en  dit,  lui  convient:  car  l'incarnation  n'a 
pas  multiplié  les  personnes  divines;  la  Tri- 
nité est  toujours  demeurée  Trinité;  et  dans 
Jésus-Christ  le  Verbe  et  l'homme  ne  font 
qu'une  même  personne,  comme  dans  tous 
les  autres  hommes,  l'âme  et  le  corps  n'en 
font  qu'un. 

Sur  la  seconde  question  d'Évodius,  saint 
Augustin  dit  que  la  voix  qui  fut  entendue  au 
baptême  de  Jésus-Christ,  la  colombe  qui  pa- 
rut dans  la  même  occasion,  et  les  langues  de 
feu  qui  se  posèrent  sur  chacun  des  disciples 
au  jour  de  la  Pentecôte,  n'étaient  que  des 
choses  passagères,  produites  en  signe  et  en 
figure  de  quelque  autre  chose;  qu'il  faut 
donc  bien  se  garder  de  croire  que  la  subs- 
tance du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit, 
soit  capable  de  changement,  et  puisse  deve- 
nir quelque  autre  chose  que  ce  qu'elle  est  ; 
et  que  de  même  que  cette  voix  put  se  faire 


148 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


LcUro  170 
h  MaxiniQj  on 


I  Cor.  .\i.i, 
■u. 

Eeal.    Ti, 


Sap.vil,26. 


GcD,i,  1. 


entendre  par  la  seule  obéissance  de  la  ma- 
tière à  la  volonté  de  Dieu,  la  colombe  a  pu 
paraître  par  un  effet  de  la  même  volonté, 
sans  qu'elle  ait  été  rien  de  vivant,  ni  d'a- 
nimé, quoiqu'elle  ait  eu  la  forme  et  le 
mouvement  d'une  véritable  colombe.  Il 
parle  dans  cette  lettre  de  deux  divers  ou- 
vrages qu'il  avait  composés  depuis  peu, 
et  de  ceux  auxquels  il  était  actuellement 
occupé. 

30.  Maxime,  à  qui  est  adressée  la  lettre 
suivante,  y  est  qualifié  médecin.  Engagé  de- 
puis longtemps  dans  l'bérésie  arienne,  il  en 
avait  même  infecté  plusieurs  personnes  de 
sa  famiUe  par  ses  persuasions;  et  c'était 
chez  lui  que  ceux  de  cette  secte  tenaient  or- 
dinairement leiu's  assemblées.  Dieu  le  re- 
tira de  Terreiu'  dans  un  âge  avancé,  et  il  se 
réunit  à  l'Église  catholique  en  présence  de 
saint  Augustin  et  de  saint  Alypius  qui  en  re- 
çurent ime  grande  joie  avec  tout  le  peuple 
de  Dieu.  Les  parents  de  Maxime  qu'on  es- 
pérait voir  suivre  son  changement,  n'en  pa- 
rurent point  touchés  :  comme  il  n'avait  pas 
assez  d'ardeur  pour  ramener  à  la  vérité  ceux 
qu'il  en  avait  détoiirnés,  saint  Augustin  et 
saint  Alypius  lui  écrivirent  pour  animer  son 
zèle,  et  le  confirmer  lui-même  dans  la  foi  de 
la  divinité  du  Fils  et  du  Saint-Esprit.  Ils 
montrent  par  un  passage  de  la  première  aux 
Corinthiens,  que  le  culte  de  latrie  que  nous 
sommes  obligés,  suivant  l'Écriture ,  de  ren- 
dre à  Dieu,  est  également  dû  au  Saint-Esprit 
comme  au  Père  et  au  Fils,  puiscjue  le  Saint- 
Esprit  a  dans  nous  un  temple,  ce  qui  est  la 
marque  de  la  divinité.  Ils  font  voir  ensuite  en 
quelle  manière  le  Père  est  le  principe  du 
Fils,  et  comment  le  Fils  est  coéternel  au 
Père.  «  C'est,  disent-ils,  de  sa  propre  subs- 
tance qu'U  a  engendré  son  Fils,  au  lieu  qu'il 
a  tiré  du  néant  les  créatures;  et  ce  n'est 
point  dans  le  temps  qu'il  l'a  engendré,  puis- 
que c'est  par  lui  qu'il  a  fait  les  temps;  mais 
comme  entre  la  flamme  et  la  splendeur 
qu'elle  cngendi"e ,  il  n'y  a  nulle  priorité  de 
temps,  il  n'y  en  a  point  non  plus  entre  le 
Père  et  le  Fils,  et  jamais  l'im  n'a  été  sans 
l'autre.  Car  le  Fils  est  cette  sagesse  du  Père 
que  l'Écritm'e  appelle  la  splendeur  de  la  lu- 
mière éternelle  ;  il  faut  donc  que  cette  splen- 
deur soit  coéternelle  à  la  lumière  qui  en 
est  le  principe  et  qui  n'est  autre  chose  cpie  le 
Père.  C'est  pourquoi  l'Écriture  ne  dit  pas 
que  Dieu  a  fait  son  Verbe  au  commence- 
ment, comme  elle  dit,  qu'a;/,  commencement 


Dieu  a  créé  le  ciel  et  la  terre  ;  mais  elle  dit , 
qu'07(  commencement  était  le  Verbe.  Le  Saint- 
Esprit  n'est  pas  non  plus  une  créature  tirée 
du  néant,  mais  il  procède  du  Père  et  du  Fils, 
sans  avoir  été  fait  ni  par  le  Père  ni  par  le  Fils. 
Cette  Trinité  n'a  qu'une  même  nature  et  une 
même  substance .  qui  n'est  ni  moindre  en 
chacune  des  personnes  que  dans  toutes,  ni 
plus  grande  en  toutes  que  dans  chacmie  ;  il  y 
en  a  tout  autant  dans  le  Père  seul,  ou  dans  le 
seul  Fils  que  dans  tous  les  deux;  et  tout  au- 
tant dans  le  Saint-Esprit  seul,  que  dans  le 
Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit  pris  ensemble. 
Le  Père  engendre  son  Fils  de  sa  substance, 
mais  sans  aucune  diminution  de  cette  même 
substance.  Il  en  est  de  même  du  Saint-Es- 
prit, qui  laisse  en  son  entier  le  principe  d'où 
il  procède.  Ces  trois  sont  donc  un,  sans  con- 
fusion, et  trois  sans  division;  comme  lem* 
unité  n'empêche  pas  que  ce  ne  soient  trois 
choses  distinctes,  leur  distinction  n'empêche 
pas  non  plus  qu'il  n'y  ait  entre  eux  une  par- 
faite unité.  Les  noms  de  Père  et  de  Fils 
dira-t-on,  sont  néanmoins  différents,  et  ne 
le  sont  que  parce  qu'ils  expriment  des  cho- 
ses difierentes.  Il  est  vrai,  mais  ce  n'est  pas 
lanatm-e  qu'ils  expriment,  c'est  l'affinité  ou 
la  relation  qui  se  trouve  entre  ces  deux  per- 
sonnes :  or,  comme  la  relation  qui  se  trouve 
entre  plusieurs  choses  de  même  natm-e , 
peut-être  la  même ,  elle  peut  aussi  être  dif- 
férente. Elle  est  la  même  de  frère  à  fi-ère , 
d'ami  à  ami  ;  mais  elle  est  différente  de 
père  à  fils  et  de  fils  à  père,  parce  que  le  fils 
n'est  pas  au  père,  ce  que  le  père  est  au  fils. 
Cependant,  qui  dit  et  père  et  fds,  dit  homme  ; 
ainsi  ce  qu'il  y  a  de  différent  entre  eux,  c'est 
la  relation  et  non  pas  la  nature.  Vous  voyez 
donc,  disent-ils  ensuite  à  Maxime,  que  ceux 
de  l'erreur  de  qui  Dieu  vous  a  délivré ,  ne 
parlent  pas  raisonnablement ,  quand  ils 
avancent  qu'il  faut  bien  que  la  natru-e  du 
Père  soit  différente  de  celle  du  Fils,  puisque 
l'un  est  Père  et  l'autre  Fils  :  car  qui  peut  ne 
pas  voir  que  ce  n'est  pas  la  nature  que  ces 
mots  expriment  précisément,  mais  les  per- 
sonnes et  les  relations  de  l'une  à  l'autre. 
Les  ariens  n'ont  pas  moins  tort  quand  ils 
disent,  qu'U  faut  bien  que  le  Fils  soit  d'mie 
autre  nature  que  le  Père,  puisque  le  Fils 
vient  du  Père,  et  que  le  Pèi'e  ne  vient  point 
d'un  autre  Dieu;  car  le  Fils  n'en  est  pas 
moins  Dieu  pour  venir  du  Père;  ces  termes 
de  Père  et  de  Fils  n'étant  pas  institués  pour 
exprimer  la  substance,  mais  l'origine,  c'est- 


I,  I. 


[iv°  ET  Y'=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


U9 


Lellre  171 
i  Pérégrin,en 


à-dire,  pour  marquer  non  ce  que  sont  en 
elles-mêmes  les  personnes  divines,  mais  que 
l'une  est  d'elle-même,  et  que  l'autre  a  son 
origine.  Nul  homme  n'a  été  le  principe  d'A- 
dam; celui-ci  a  donné  la  naissance  à  Abel: 
ils  sont  néanmoins  l'un  et  l'autre  de  même 
nature  et  de  même  substance.  Que  si  le  Fils 
de  Dieu  attribue  à  son  Père  tout  ce  qu'il  a 
et  tout  ce  qu'il  peut,  c'est  parce  qu'il  n'est 
pas  par  lui-même ,  mais  par  son  Père,  quoi- 
que d'aiUem-s  il  lui  soit  égal  :  mais  il  tient 
cela  même  du  Père,  non  pour  avoir  reçu 
cette  égalité  sans  l'avoir  eue  auparavant, 
mais  pour  être  né  avec  elle.  Car  comme  il 
est  né  sans  commencement,  cette  égalité 
n'a  pas  commencé.  Il  ne  faut  donc  pas 
s'imaginer  qu'il  soit  né  moindre  que  son 
Père.  Cette  égalité  est  un  apanage  de  sa 
naissance,  son  Père  l'ayant  engendré  par- 
faitement égal  à  lui  et  sans  aucune  diffé- 
rence. S'il  dit  dans  l'Évangile  que  son  Père 
est  plus  grand  que  lui,  c'est  parce  qu'il  s'est 
anéanti  non  en  perdant  la  forme  de  Dieu, 
mais  en  prenant  celle  de  serviteur,  selon  la- 
quelle il  s'est  fait,  non-seulement  moins  que 
son  Père,  mais  moins  que  lui-même  et  moins 
que  le  Saint-Esprit;  et  non-seulement  moins 
que  toute  l'adorable  Trinité,  mais  moins  que 
les  anges  mêmes  et  en  quelque  sorte  moins 
que  les  hommes,  ayant  été  soumis  à  Joseph 
et  à  Marie.  » 

31.  Saint  Augustin  et  saint  Alypius,  écri- 
virent peu  de  temps  après  à  l'évêque  Péré- 
grin,  pour  savoir  de  lui  si  Maxime  avait  bien 
reçu  leur  lettre,  et  si  elle  avait  servi  de  quel- 
que chose.  Ils  le  priaient  aussi  d'informer 
Maxime,  qu'en  écrivant  de  si  longues  let- 
tres, soit  à  des  laïques  de  leurs  amis,  soit 
même  à  des  évêques,  ils  avaient  coutume 
de  leur  donner  la  même  forme  qu'ils  avaient 
donnée  à  la  sienne;  parce  que  c'était  plutôt 
fait,  et  que  les  lettres  de  cette  sorte  se  li- 
saient plus  commodément.  Quand  on  écri- 
vait à  des  personnes  de  considération,  c'é- 
tait l'usage  de  n'écrire  que  d'un  côte  du  pa- 
pier, ou  des  tablettes,  ce  qui  obUgeait  à 
prendre  un  plus  grand  papier.  Mais  quand  on 
écrivait  à  des  amis,  on  se  dispensait  de  cette 
formalité.  H  y  a  apparence  que  saint  Augus- 
tin et  saint  Alypius  avaient  écrit  à  Maxime 
en  cette  dernière  manière,  et  que  c'est  ce 
qui  les  inquiétait,  dans  la  crainte  que  ce 
nouveau  converti  n'en  fut  formalisé. 

32.  Il  arriva  vers  l'an  416,  qu'un  nommé 
Donat,  prêtre  donatiste,  de  la  bourgade  de 


Mutugenne ,  dans  le  diocèse  d'Hippone,  fut 
pris  et  amené  dans  cette  ville  avec  un  autre 
prêtre   donatiste ,   pour   avoir   fait  tomber 
beaucoup   de   personnes    dans   le  schisme. 
Donat  refusa  le  cheval  qu'on  lui  présentait 
pour  faire  le  voyage;  il  se  jetta  même  à 
terre  si  violemment  qu'il  en  fut  blessé;   et 
étant  arrivé  à  Hippone ,  il  se  précipita  dans 
un  puits  où  il  se  serait  noyé,  si  les  catholi- 
ques ne  l'en  eussent  retiré  malgré  lui.  Son 
opiniâtreté  dans  le  schisme  était  telle,  qu'il 
disait  sans  cesse  :  «  Je  veux  demeurer  dans 
mon  ei'rem-,  je  veux  y  périr,»  et  autres  cho- 
ses semblables.  Saint  Augustin ,  touché  sen- 
siblement de  l'état  malhem-eux  de  ce  prê- 
tre, lui  écrivit  une  lettre  très -touchante , 
mais  très-forte,  pour  tâcher  de  l'en  retirer. 
«Vous   trouvez  mauvais,  lui  dit-il,  qu'on 
vous  fasse  violence  pour  vous  faire  rentrer 
dans  la  voie  du  salut  ;  mais  avez  vous  ou- 
blié avec  quelle  violence  vous  avez  entraîné 
dans  l'erreur  un  si  grand  nombre  des  nô- 
tres ?  Que  voulions-nous  autre  chose,  sinon 
qu'on  vous  prît  et  qu'on   vous  amenât  ici 
pom-  vous  empêcher  de  périr  ?  Que  si  vous 
croyez  qu'on  n'a  pas  dû  le  faire,  parce  que 
d'après  vous  il  ne  faut  forcer  personne,  non 
pas  même  à  faire    le  bien,  souvenez-vous 
qu'il  y  en  a  plusieurs  à  qui  l'on  a  fait  vio- 
lence pour  accepter  l'épiscopat ,  qui ,  selon 
l'Apôtre,  est  un  bien.  On  les  prend,  on  les 
emmène  par  force ,  on  les  tient  enfermés 
jusqu'à   ce   qu'on  leur  ait  fait  accepter  ce 
bien-là.  Vous  dites  que  Dieu  ayant  fait  les 
hommes  maîtres  d'eux-mêmes  par  le  libre- 
arbitre  qu'il  leur  a  donné,  on  ne  doit  pas 
plus  les  forcer  au  bien  qu'au  mal.  D'où  vient 
donc  qu'on  en  force  d'accepter  l'épiscopat? 
N'est-ce  pas  les  forcer  au  bien?  Et  le  plus 
grand  eifet  de  la  bonne  volonté  des  bons, 
n'est-il  pas  de  redresser  la  mauvaise  volonté 
des  méchants?  S'il  faut  toujours  abandon- 
ner la   mauvaise  volonté    à  sa  liberté  na- 
tm'elle,  pourquoi  Saul  n'a-t-il  pas  été  aban-     aci.  or.  ix, 
donné  à  la  fureur  qui  lui  faisait  persécuter 
l'Église  ?  Pourquoi   a-t-il  été   renversé  par 
terre   et  aveuglé  ,    afin   qu'il   changeât   de 
sentiment?    Pourquoi    l'Écritiwe    ordonne-     pr„v.  x,„, 
t-elle  aux  pères  d'employer  les  coups  poiu-   '*' 
dompter    l'opiniâtreté  de    leurs  enfants   et 
les  contraindre   à  une  bonne   vie?  L'Écri-  iKrca,. isiv, 
tm'e  ne  reprocbe-t-elle  pas  aux  pasteurs  né-   '" 
gligents,  de  n'avoir  pas  ramené  au  troupeau 
la  brebis  qui  s'égarait,  et  de  ne  l'avoir  pas 
été  chercher  après  l'avoir  perdue?  Ne  di- 


150 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Joon. 
cl  G8. 


tes  donc  plus  :  Je  veux  me  peindre,  car  nous 
sommes  obligés  de  vous  en  empêcher  au- 
tant que  nous  le  pouvons.  Quand  vous  vous 
êtes  jeté  dans  un  puits ,  vous  avez  suivi  vo- 
tre volonté,  mais  pour  vous  perdre  ;  ceux 
qui  vous  en  ont  retiré  malgré  vous ,  ont 
forcé  votre  volonté ,  mais  pour  vous  sau- 
ver. Si  donc,  lors  même  qu'il  n'est  question 
que  de  la  vie  du  corps,  on  doit  aimer  les 
hommes  jusqu'au  point  de  la  leur  conserver 
malgré  eux,  que  ne  doit  on  point  faire  lors- 
qii'il  s'agit  de  leur  conserver  la  vie  de  l'âme, 
et  qu'on  les  voit  en  danger  de  périr  éternel- 
lement? J'apprends  que  vous  dites  qu'il  est 
permis,  selon  saint  Paul,  d'attenter  à  sa  pro- 
pre vie  ,  mais  si  vous  comprenez  bien  le  sens 
de  ses  paroles,  vous  verrez  que  son  sentiment 
n'est  pas  qu'on  se  jette  dans  le  feu,  pour 
éviter  la  persécution  d'un  ennemi ,  mais  que 
quand  on  nous  propose  de  faire  du  mal  ou 
d'eu  souffrir,  nous  devons  prendre  tou- 
jours le  parti  d'en  souffrir  plutôt  que  d'en 
faire.  Et  voj'ez  ce  que  l'Apôtre  ajoute  :  Si  je 
n'ai  la  charité,  tous  les  autres  dons  ne  me  ser- 
viront de  rien  :  c'est  à  cette  charité  qu'on 
vous  appelle.  Croyez-vous  donc  qu'il  vous 
oiit  servi  de  quelque  chose  de  vous  être  ôté 
la  vie  à  vous-même,  puisque  tant  que  vous 
serez  ennemi  de  la  charité,  il  ne  vous  servi- 
ra de  rien  de  mourir  pour  le  nom  de  Jé- 
sus-Christ ?  Étant  hors  de  l'Église  comme 
vous  êtes,  et  séparé  de  l'unité  et  de  la  cha- 
rité qui  en  est  le  lien,  vous  n'auriez  que 
l'enfer  pour  partage  cpiand  on  vous  ferait 
brûler  tout  vif  pour  ce  saint  nom.  » 

Les  évêques  donatistes  avaient  avoué  dans 
la  conférence  de  Carthage,  que  personne  ne 
peitt  préjudicier  à  un  autre.  Donat  les  dé- 
savouait en  ce  point,  et  prétendait  qu'il 
pourrait  soutenir  la  cause  de  son  parti  en 
ôtant  cet  aveu;  sur  quoi  saint  Augustin 
lui  fait  voir  que  si  les  paroles  des  évêques 
donatistes ,  dites  si  soleimellement,  ne  peu- 
vent lui  préjudicier,  à  lui,  qui  n'est  qu'un 
simple  prêtre,  ce  que  Cécilien  avait  fait  ou 
pu  faire  ne  pouvait,  à  plus  forte  raison,  pré- 
judicier à  toute  l'Église.  Donat  s'appuyait 
sur  ce  passage  de  l'Évangile,  que  soixante- 
dix  disciples  se  retirèrent  de  Jésus-Christ, 
et  que  non-seulement  il  les  laissa  aller,  mais 
qu'il  dit  même  aux  douze  autres  qui  res- 
i  taient  :  Ne  voulez-vous  pas  aussi  vous  en  aller? 
((iSIais  vous  ne  prenez  pas  garde,  lui  répond 
saint  Augustin,  que  dans  ce  temps-là,  l'É- 
glise n'était  que  comme  une  plante  qui  com- 


mence à  sortir  de  terre  et  qu'on  n'avait 
pas  encore  vu  l'accomplissement  de  cette 
prophétie  :  Tous  les  rois  de  la  te7-re  l'adore- 
ront, et  toutes  les  nations  le  serviront.  C'est  ce 
qui  s'accomplit  tous  les  jours  à  vos  yeux,  et 
à  mesure  que  l'Église  va  croissant,  elle  agit 
aussi  avec  plus  d'autorité;  elle  ne  se  con- 
tente pas  de  convier  au  bien ,  elle  y  force. 
C'est  ce  que  Jésus-Christ,  ajoute-t-il,  nous 
montre  dans  cette  parabole  du  festin,  où 
après  que  ■  les  conviés  eurent  refusé  de  ve- 
nir, le  maître  dit  à  ses  gens  :  Allez  dans  les  L'ic.îu-,2i, 
rues  et  dans  les  places  de  la  ville,  et  faites  en- 
trer ici  les  pauvres,  les  estropiés,  les  aveugles. 
Et  comme  il  y  avait  encore  des  places  vides, 
le  maître  ajouta  :  Allez  le  long  des  haies  et  des 
grands  chemins,  efforcez  d'entrer  ceux  que  vous 
rencontrerez,  afin  que  ma  maison  'se  remplisse. 
Quand  il  n'est  question  que  des  premiers, 
Jésus-Chris*  ne  dit  pas  forcez-les,  mais  faites- 
les  entrer;  parce  que  ceux-là  marquent  le 
commencement  de  l'Église,  qui  devait  croî- 
tre et  venir  peu  à  peu  au  point  de  pouvoir 
forcer  les  hommes  d'entrer  dans  le  festin  de 
l'éternité,  ceux-là  surtout,  qui  usent  de 
cruauté  et  de  violence  contre  l'Église  catho- 
lique, comme  font  les  donatistes.  » 

33.  Saint  Augustin  ne  put  achever  que  lch™  m 
dans  sa  vieillesse,  les  livres  de  la  Trinité,  carihiV, 
qu'il  avait  commencés  étant  jeune,  encore  '  ''''°' 
ne  les  acheva-t-il  qu'aux  instances  réitérées 
de  ses  amis.  Ce  qui  l'avait  dégoûté  de  con- 
tinuer l'ouvrage,  c'est  qu'on  en  avait  pu- 
blié les  premiers  lÎA'res  avant  qu'ils  les  eût 
corrigés.  Il  les  revit  dans  la  suite  et  y  en 
ajouta  d'autres  jusqu'au  nombre  de  douze, 
qu'il  envoya  à  Aurèle  de  Carthage,  en  le 
priant  de  faire  mettre  cette  lettre  à  la  tête  de 
l'ouvrage,  de  manière  néanmoins,  qu'il  ne 
semblât  pas  qu'elle  en  fit  partie.  Il  y  dit  que 
s'il  avait  pu  suivre  son  premier  dessein,  ces 
livres  seraient  tout  autres,  non  pour  le  fonds 
de  la  doctrine  qui  serait  toujours  le  même, 
mais  pour  la  manière  d'expliquer  les  cho- 
ses, qu'il  aurait  bien  mieux  démêlées. 

3-4.  Nous  avons  parlé  dans  l'article   du     Loiuef 
pape  saint  Innocent ,  des  lettres  que  les  cou-  nifèm,  ci  m 
ciles  de  Carthage  et  de  Milève  et  saint  Au- 
gustin lui  écrivirent  au  sujet  de  Pelage  et 
de  Célestius,  et  des  réponses  qu'ils  en  reçu-  «•  '^^'^ 
rent.  Saint  Augustin  fit  aussi  savoir  à  Hi- 
laire,  qu'on  croit  être  l'évêque  de  Narhonne, 
à  qui  Zozime  écrivit  en  417,  qu'il  s'était  élevé 
de  nouveaux  hérétiques,  ennemis  de  la  grâce 
de  Jésus-Christ,  qui  croyaient  que  l'homme, 


ù  Ililau- 
416,  |.ag.  or 
cl  eau  ;  cl  loi 
1res  ISl,  182 
183     ol     18« 


[lV°  ET  V°  SIÈCLES.] 

par  les  seules  forces  de  son  libre  arbitre , 
peut  ne  point  pécher  et  vaincre  toutes  les 
tentations.  Il  lui  manda  en  même  temps  , 
que  les  évêques  de  la  province  de  Carthage, 
avaient  donné  un  décret  contre  cette  héré- 
sie, le  priant  de  se  tenir  en  garde  contre 
ceux  qui  s'efforçaient  de  la  répandre. 

35.  Comme  Jean,  évêque  de  Jérusalem, 
passait  pour  un  ami  de  Pelage  ,  saint  Au- 
gustin crut  devoir  lui  écrire,  pour  le  prier 
de  l'aimer  tellement,  qu'on  ne  l'accusât  pas 
de  s'être  laissé  tromper  par  cet  hérésiarque. 
Pour  lui  montrer  qu'il  avait  raison  de  lui 
donner  cet  avis,  il  lui  envoyait  le  livre  de 
Pelage  sur  les  Forces  de  la  nature,  avec  celui 
de  la  Nature  et  de  la  Grâce,  qu'il  avait  fait 
pour  y  répondre,  afin  que  Jean  pût  voir  plus 
aisément,  combien  les  dogmes  de  Pelage 
étaient  dangereux.  11  disait  dans  son  hvre 
sur  les  Forces  de  la  nature ,  que  l'homme 
peut,  avec  les  forces  natm'elles  de' son  libre- 
arbitre  ,  accomplir  tous  les  commandements 
de  Dieu  et  remplir  tous  les  devoirs  de  la  jus- 
tice chrétienne.  Saint  Augustin  fait  remar- 
quer à  Jean  que  Pelage  détruit  par -là  cette 
grâce  dont  l'Apôtre  parle,  quand  après  avoir 
dit  :  Malheureux  que  je  suis,  qui  me  délivre- 
ra du  corps  de  cette  mort,  il  ajoute  :  Ce  sera 
la  grâce  de  dieupar  /e'sMS-CAri's^?  qu'il  anéantit 
le  divin  secours  que  Jésus-Christ  nous  oblige 
de  demander  par  ces  paroles  de  l'Oraison 
dominicale  :  iVe  nous  laissez  point  succomber 
à  la  tentation;  qu'il  rend  vaine  la  prière  que 
Jésus-Christ  fit  poiir  saint  Pierre,  puisque 
cet  Apôtre  pouvait,  selon  Pelage,  empêcher 
de  lui-même  que  sa  foi  ne  s'éteignît  ;  et  les 
bénédictions  par  lesquelles  les  évêques  de- 
mandent à  Dieu  de  faire  croître  leurs  peu- 
ples de  plus  en  plus  dans  la  charité  qu'ils 
doivent  avoir  les  uns  pour  les  autres  et-  en- 
vers tous,  de  les  combler  de  joie  dans  la  foi, 
d'augmenter  leur  espérance,  et  de  les  ani- 
mer de  plus  en  plus  par  la  vertu  de  son  es- 
prit. Il  avertit  Jean  de  l'abus  que  Pelage 
fait  du  nom  de  grâce,  sous  lequel  il  n'entend 
autre  chose  que  la  faculté  naturelledu  libre 
arbitre,  et  le  prie  de  travailler  à  luifaire  con- 
fesser clairement  et  sincèrement  la  nécessité 
de  la  grâce  du  Sauveur,  qui  opère  la  déli- 
vrance et  le  salut  de  tous  ceux  qui  sont  sau- 
vés et  délivrés ,  comme  aussi  à  confesser  le 
péché  originel;  le  reste  des  erreurs  qu'on  lui 
objectait,  se  pouvant  plus  aisément  tolérer 
jusqu'à  ce  qu'il  s'en  corrigeât.  H.  le  prie  en- 
core de  lui  envoyer,  à  lui  et  aux  autres  évê- 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


151 


ques  d'Afrique,  les  véritables  Actes  du  synode 
de  Diospolis  dont  ils  n'avaient  qu'une  con- 
naissance fort  confuse,  parce  que  Pelage,  au 
lieu  de  leur  envoyer  ces  Actes,  comme  il  au- 
rait dû  faire ,  ne  leur  avait  communiqué 
qu'un  écrit  où  il  répondait  à  quelques  objec- 
tions qui  lui  avaient  été  faites  par  des  évê- 
ques des  Gaules.  C'étaient  Héros  et  Lazare  , 
le  premier  évêque  d'Arles,  le  second  d'Aix. 
Saint  Augustin  fait  voir  que  Pelage ,  en 
avouant  dans  cet  écrit  que  les  premiers 
temps  de  la  A'ie  de  l'homme  n'étant  point 
sans  péché ,  ne  s'accorde  pas  avec  ce  qu'il 
avait  dit  dans  le  livre  intitulé  :  Des  Forces  de 
la  nature;  qu'il  y  a  des  hommes  dont  toute 
la  vie  a  été  absolument  exempte  de  péché, 
comme  Abel.  Comme  Pelage  pouvait  pren- 
dre le  parti  de  désavouer  ce  livre,  ou  de 
soutenir  que  cet  endroit  n'y  était  pas,  saint 
Augustin  dit  qu'il  sait  de  Timasius  et  de 
Jacques  qu'il  en  est  l'auteur,  et  que  le  pas- 
sage qu'il  en  vient  de  rapf>orter,  s'y  trou- 
ve. Il  écrivit  cette  lettre  en  latin,  quoique 
Jean  de  Jérusalem  ne  l'entendît  pas,  mais  il 
y  avait  en  cette  ville  des  personnes  qui  l'en- 
tendaient. On  croit  qu'il  n'en  reçut  point 
de  réponse  non  plus  que  d'une  autre  lettre 
qu'il  lui  avait  écrite  précédemment,  cet  évê- 
c[ue  étant  mort  apparemment  avant  qu'elles 
lui  eussent  été  rendues. 

36.  On  voit  par  la  lettre  à  Océanus,  l'un 
des  plus  intimes  amis  de  saint  Jérôme,  que 
ce  Père  s'était  enfin  rendu  au  sentiment  de 
saint  Augustin  touchant  le  sens  que  l'on 
doit  donner  à  l'endroit  de  l'Épître  aux  Ga- 
lates,  où  il  est  dit  que  saint  Paul  résista  en 
face  à  saint  Pierre.  Mais  comme  Océanus 
tenait  encore  pour  le  mensonge  ofBcieux, 
comme  il  paraissait  par  ses  lettres ,  saint 
Augustin  répond  aux  raisons  sur  lesquelles 
il  prétendait  s'appuyer.  «  .Vous  croyez,  lui 
dit-il,  pouvoir  autoriser  votre  sentiment  par 
l'exemple  de  Jésus-Christ  même,  à  cause 
qu'il  a  dit  dans  l'Évangile,  que  le  temps  du 
jour  du  jugement  n'était  connu  ni  des  an- 
ges, ni  du  Fils  même,  mais  du  Père  seul.  11 
ne  me  paraît  pas  qu'une  façon  de  parler 
figurée  se  puisse  appeller  un  mensonge  :  et 
saint  Hilaire  a  fait  voir  que  ce  que  Jésus- 
Christ  appelle  à  son  égard  ne  savoir  pas,  c'é- 
tait vouloir  cacher  les  choses,  et  faire  qu'on 
ne  les  sut  pas.  C'est  par-là  que  cet  évêque, 
bien  loin .  d'excuser  le  mensonge  que  d'au- 
tres pourraient  trouver  dans  cette  façon  de 
parler,  montre  au  contraire,  qu'il  n'y  en  a 


Lellrc  180 
à  OccaDus,  en 
U6,  I>af.  633. 


1S2 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


point,  non-seulement  dans  ces  figures  moins 
usitées,  mais  même  dans  celle  qu'on  ap- 
pelle métaphore,  et  qui  est  si  commune  dans 
le  langage  ordinaire,  que  tout  le  monde  la 
connaît.  Quand  nous  disons  qu'au  prin- 
temps la  yigne  commence  à  se  couvrir  de 
perles,  dira-t-on  que  ce  soit  mentir,  sous 
prétexte  qu'on  ne  voit  point  de  véritables 
perles  sur  la  vigne  ?  »  Il  fait  voir  à  Océanus, 
que  ces  paroles  de  l'Épître  aux  Galates  : 
Comme  je  vis  qu'il  ne  marchait  pas  droit  selon 
la  vérité  de  l'Evangile,  je  dis  à  Pierre  devant 
tout  le  monde  :  Si  tout  Juif  que  vous  êtes,  vous 
vivez  à  la  manière  des  gentils  et^  non  pas  à 
celle  des  Juifs ,  pourquoi  forcez-vous  les  gentils 
de  judaïser  ?  ne  contiennent  point  de  figure 
qui  fasse  aucune  obscurité  ;  qu'elles  doivent 
se  prendre  dans  leur  signification  natui'elle  ; 
qu'on  n'y  trouve  rien  qui  puisse  choquer, 
ni  dans  le  courage  vraiment  apostolique, 
avec  lequel  saint  Paul  redressa  son  collè- 
gue, ni  dans  le  gi'and  exemple  d'humilité 
que  donna  saint  Pierre,  par  la  manière  ad- 
mirable dont  il  reçut  la  correction.  Il  prie 
Océanus  de  lui  faire  part  de  ce  qu'il  pouvait 
avoir  appris  de  saint  Jérôme,  touchant  l'ori- 
gine de  l'âme,  et  de  lui  envoyer  un  livre  de 
ce  père,  oîi  il  traitait  de  la  résurrection  de 
la  chair. 
Lcitre  !8o  37.  Dans  le  temps  qu'il  écrivait  son  hvre 
417,  pag.  m.  des  Actes  de  Pelage,  c'est-à-dire,  en  417,  le 
comte  Boniface ,  importuné  souvent  par  les 
Lit.  II  donatistes ,  le  pria  de  lui  mander  ce  qu'ils 

Relr.         cup.  .  11         TfY>/  «1  -1 

sLviii.  étaient,  et  quelle  diilerence  il  y  avait  entre 

eux  et  les  ariens.  Voici  la  réponse  de  saint 
Augustin  :  ((  Ceux-ci  disent  que  le  Père,  le 
Fils  et  le  Saint-Esprit  sont  de  différente  subs- 
tance :  les  donatistes,  au  contraire,  recon- 
naissent la  substance  du  Père,  du  Fils  et  du 
Saint-Esprit  comme  étant  la  même  ;  et  si 
quelques-uns  d'eux  ont  dit  que  le  Fils  était 
moins  que  le  Père,  ils  n'ont  pas  nié  pour 
cela  que  le  Père  et  le  Fils  fussent  de  mê- 
me substance  ;  la  plupart  protestent  qu'ils 
croient  sur  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Es- 
prit, tout  ce  que  croit  l'Église  cathohque.  Ce 
n'est  qu'au  sujet  de  l'unité  de  communion, 
qu'il  s'éloignent  de  cette  Église  ;  ils  n'en 
veulent  qu'à  l'unité  de  Jésus-Christ,  et  leur 
erreur  ne  consiste  que  dans  l'éloignement 
qu'ils  ont  pour  eUe.»  Il  dit  à  Boniface  :  «Leur 
aveuglement  est  tel ,  qu'en  même  temps 
qu'ils  reçoivent  les  témoignages  de  l'Écri- 
ture touchant  Jésus-Christ ,  ils  ne  veulent 
point  la  l'ecevoir  dans  ce  qu'elle  dit  de  son 


Église  ;  au  lieu  de  reconnaître  cette  Église 
aux  marques  par  lesquelles  elle  est  désignée 
dans  les  Livres  saints,  ils  s'en  font  une  fausse 
idée  qui  n'a  pour  fondement  que  le  men- 
songe et  la  calomnie  ;  ils  reconnaissent  Jé- 
sus-Clu"ist  dans  ces  paroles  du  psaume  xxi. 
Ils  ont  compté  tous  mes  os,  et  ils  ne  veu- 
lent point  reconnaître  l'Église  dans  celles 
qui  suivent  :  Toutes  les  parties  de  la  lettre  se 
souviendront  du  Seigneur  et  se  convertiront  à 
lui,  et  toutes  les  nations  du  monde  lui  r'endront 
leurs  hommages.  Ces  paroles,  continue-t-il, 
en  môme  temps  qu'elles  montrent  que  Jé- 
sus-Christ est  mort  pour  nous ,  font  voir  que 
son  Église  n'est  pas  resserrée  dans  l'Afri- 
que, comme  ils  le  prétendent,  mais  qu'elle 
est  répandue  par  toute  la  terre.  »  Saint  Au- 
gustin le  prouve  par  beaucoup  d'autres  pas- 
sages tant  de  l'Ancien  que  du  Nouveau  Tes- 
tament. Il  remonte  à  l'origine  de  leur  schis- 
me, et  prouve  par  les  actes  de  la  conférence 
de  Cartilage,  que  les  donatistes  avaient  été 
confondus  sur  tous  les  chefs  dont  ils  s'auto- 
risaient. Il  s'étend  sur  la  justice,  l'utilité  et 
la  nécessité  des  lois  que  l'empereur  Hono- 
rius  avait  faites  contre  eux,  faisant  voir  par 
divers  exemples  de  l'Écriture,  que  comme 
les  lois  que  les  princes  font  pour  le  men- 
songe contre  la  vérité,  servent  à  éprouver 
les  gens  de  bien  et  à  leur  mériter  des  cou- 
ronnes quand  ils  soutiennent  la  bonne 
cause  jusqu'au  bout  :  de  même  celles  que 
les  princes  font  pour  la  vérité  contre  le  men- 
songe, servent  à  réprimer  les  entreprises  de 
ceux  [qui  sont  dans  l'erreur,  et  à  ramener 
ceux  d'entre  eux  qui  ont  encore  quelque 
reste  de  sens  et  de  droiture.  C'est  ce  qu'il 
justifie  par  un  grand  nombre  de  donatistes 
que  la  tei-reur  des  lois  avait  fait  réunir  à 
l'Église  catholique,  et  qui  en  témoignaient 
hautement  leur  joie.  Quant  à  ce  que  disaient 
ceux  qui  demeuraient  obstinés  dans  le  schis- 
me :  Que  l'ICglise  ne  persécute  personne  , 
saint  Augustin  répond  :  «  Comme  il  y  a  une 
persécution  injuste,  qui  est  celle  que  les  mé- 
chants font  à  l'Église  de  Jésus-Christ,  il  y  a 
une  persécution  juste,  qui  est  celle  que  l'É- 
glise de  Jésus-Clu'ist  fait  aux  méchants.  L'É- 
glise ne  persécute  que  par  amour  et  pom* 
faire  du  bien;  les  impies,  au  contraire,  per- 
sécutent par  haine  et  pour  faire  du  mal  ; 
celle-ci  pour  corriger,  ceux-là  pour  perver- 
tir ;  celle-ci  pour  retirer  de  l'erreur,  ceux-là 
pom-  y  jeter.  »  Il  décrit  les  excès  de  cruau- 
té ,  que  les  donatistes  commettaient  contre 


[IY«  ET  v=  SiÈCtES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HtPPONE. 


133 


les  catliolicpies  ,  et  contre  eux-mêmes  ,  et 
il  en  infère  cpie  c'est  donc  leur  faire  une 
grande  cliarité,  que  d'employer  l'autorité 
même  des  empereurs  pour  les  retirer  d'une 
secte,  où  ils  ont  appris  i'i  exercer  de  sembla- 
bles violences.  «En  vain  nous  objectent-ils, 
dit  ce  Père,  que  les  apôtres  n'ont  jamais  eu 
recours  aux  rois  de  la  terre  ;  ils  ne  prennent 
pas  garde  que  dans  ces  premiers  temps  ,  il 
n'y  avait  point  de  princes  qui  fussent  en 
état  de  faire  des  lois  pour  le  service  de  Dieu 
et  en  faveur  de  la  piété  contre  l'impiété. 
Cela  n'est  arrivé  que  quand  les  rois  de  la 
Psaim.  Il,  terre  se  sont  assujetis  au  Seigneur  avec 
crainte,  suivant  l'expression  du  Prophète, 
c'est-à-dire,  lorsqu'ils  ont  embrassé  la  reli- 
gion chrétienne.  Or,  comment  est-ce  que  les 
rois  servent  le  Seigneur  avec  crainte,  sinon 
en  défendant  et  en  punissant  avec  une  sainte 
sévérité,  ce  qui  se  fait  contre  ses  ordres  ? 
Car  autre  est  le  service  qu'ils  rendent  à  Dieu 
comme  hommes ,  et  autre  celui  qu'ils  lui 
rendent  cemme  rois  :  en  tant  qu'hommes,  ils 
le  servent  en  vivant  en  vrais  fidèles;  mais 
en  tant  que  rois,  ils  ne  le  servent  qu'en  éta- 
blissant et  en  faisant  obsei'ver  avec  fermeté 
des  lois  justes  qui  vont  à  faire  faire  le  bien, 
et  à  empêcher  le  mal.  » 

Saint  Augustin  rapporte  les  lois  qu'Ézé- 
cliias,  Josias  et  divers  autres  princes  ont 
faites  pour  détruire  l'impiété  et  établir  le 
culte  du  vrai  Dieu ,  et  il  ajoute  :  <(  Quoi  !  les 
princes  auront  soin  de  faire  vivre  les  hom- 
mes selon  les  lois  de  l'honnêteté  et  de  la 
pudeur ,  sans  que  personne  leur  ose  dire 
que  cela  ne  les  regarde  pas ,  et  on  osera 
leur  dire  que  ce  n'est  pas  à  eux  de  prendre 
connaissance  si  dans  leurs  étafs  on  suit  les 
lois  de  la  véritable  religion,  ou  si  l'on  s'a- 
bandonne à  l'impiété  et  au  sacrilège  !  Si  dès 
là  que  Dieu  a  donné  à  l'homme  le  libre  ar- 
bitre, le  sacrilège  lui  doit  être  permis,  pour- 
quoi punira-t-on  l'adultère  ?  L'âme  qui  viole 
la  fîdéhté  qu'elle  doit  à  son  Dieu  est-elle 
donc  moins  criminelle  que  la  femme  qui 
viole  celle  qu'elle  doit  à  son  mari?  »  Les 
donatistes  objectaient  cette  maxime  de  Té- 
rence  :  Il  vaut  beaucoup  mieux  tenir  ses  en- 
fants dans  le  devoir,  en  leur  inspirant  des 
sentiments  honnêtes,  que  de  les  mener  par 
la  crainte.  «  Nous  en  convenons,  dit  saint 
Augustin  ;  mais  quoique  ceux  qui  se  con- 
duisent par  douceur  et  par  amour  valent 
beaucoup  mieux  que  les  autres,  ils  ne  font 
pas  le  plus  grand  nombre,  et  il  y  en  a  sans 


comparaison  davantage  dont  il  n'y  a  que  la 
crainte  qui  puisse  en   venir   à  bout.   C'est 
pourquoi  chez  le  même  Térence,  un  de  ses  ^  ,:^,,''^''7,"i''f 
interlocuteurs,  dit  à  l'autre  :    «Vous  ne  fe-   s'^'o-i- 
riez  jamais  rien  de  bien  si  l'on  ne  vous  y 
forçait.  » 

Ce  Père  rapporte  plusieurs  passages  de 
l'Ecriture,  qui  nous  aprennent  que  les  mé- 
chants ne  se  corrigent  que  par  la  crainte 
et  par  les  verges.  Les  donatistes  avaient 
eux-mêmes  employé  la  force  pour  faire  en- 
trer dans  leur  parti  plusieurs  catholiques  : 
pourquoi  l'Eglise  ne  pourrait-elle  pas  em- 
ployer la  terreur  salutaire  des  lois  pour  les 
en  retirer?  «Il  est  vrai,  dit  saint  Augustin, 
qu'avant  que  ces  lois  eussent  été  publiées 
en  Afrique,  je  croyais  qu'il  n'en  fallait  pas 
demander  de  précises  contre  cette  hérésie, 
et  qui  allassent  à  l'abolir,  en  ordonnant  des 
peines  contre  ses  sectatem-s,  et  que  l'on  de- 
vait se  contenter  d'en  obtenir  qui  missent  à 
couvert  de  la  fureur  des  donatistes,  ceux  qui 
prêcheraient  la  vérité  catholique  ;  c'était  aus- 
si le  sentiment  de  beaucoup  d'autres  de  nos 
fi'ères,  et  il  fut  arrêté  dans  un  concile  de 
Carthage  ,  qu'on  ne  demanderait  rien  autre 
chose  aux  empereurs,  à  qui  l'on  envoya  des 
députés  à  cet  effet.  Mais  Dieu  ne  permit  pas 
qu'ils  réussissent  :  car  l'Emperem',  sur  de 
grandes  plaintes  qu'il  avait  reçues  contre  les 
donatistes,  avait  déjà  publié  une  loi  qui  or- 
donnait contre  eux  le  supplice  de  mort.  Dès 
qu'elle  fut  publiée  en  Afrique,  ceux  qui  ne 
cherchaient  que  l'occasion  de  se  convertir, 
et  qui  n'étaient  retenus  que  par  la  crainte 
de  s'attirer  ces  furieux,  ou  d'encourir  l'indi- 
gnation de  leurs  proches,  rentrèrent  dans  la 
communion  de  l'Eglise.  Plusieurs  autres  qui 
ne  demeuraient  dans  le  schisme,  que  parce 
qu'ils  y  étaient  nés,  sans  avoir  cherché  le 
sujet  de  cette  séparation,  commencèrent  à 
s'en  informer;  et  la  trouvant  mal  fondée,  se 
firent  catholiques.  L'exemple  et  les  persua- 
sions de  ceux-ci,  en  gagnèrent  d'autres 
moins  capables  d'examiner  les  choses  par 
eux-mêmes,  et  de  comprendre  en  quoi  con- 
sistait le  diflférence  de  l'erreur  des  donatis- 
tes et  de  la  vérité  catholique  ;  mais  d'autres 
plus  endurcis,  s'obstinèrent  davantage  dans 
l'erreur,  et  continuèrent  à  faire  souffrir  aux 
catholiques ,  surtout  aux  clercs  et  aux  évê- 
ques,  des  maux  horribles,  crevant  les  yeux 
aux  uns,  massacrant  les  autres,  coupant  les 
mains  et  la  langue  à  quelques-uns,  pillant 
et  brûlant  les  maisons  et  les  églises.  Ils  se 


lo4 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


plaignaient  que  par  ces  lois,  les  catlioliques 
n'en   voulaient  qu'à  leurs  biens.    «  Si  cela 
était,  leur  répond  saint  Augustin ,  emploie- 
rions-nous l'autorité  de  ces  lois  pour  les  faire 
rentrer  dans  notre  communion?  Qu'ils  voient 
si  ceu.K  de  leur  parti,  qui  sont  présentemenl 
parmi  nous,  ne  sont  pas  en  possession,  non- 
seulement  de  leurs  propres  biens,  mais  en- 
core de  ce  qu'ils  n'avaient  pas  et  qui  pour- 
rait nous  appartenir,  ou  aux  pauvres.  Car 
si  nous  avons  de  notre  chef  de  quoi  nous  en- 
tretenir, ces  biens-là  ne  sont  point  à  nous  ; 
ils  sont  aux  pauvres,  nous  n*en  sommes  que 
les  administratem-s ,  et  nous  nous  gardons 
bien  de  nous  les  approprier,   parce   que 
nous  ne  saurions  le  faire  sans  une  usurpa- 
lion  condamnable.  11  est  vrai  que  les  lois 
des  empereurs  ont  réuni  à  l'Église  catholi- 
que celles  du  parti  de  Donat,  avec  tout  ce 
qu'elles  avaient  de  bien;  mais  les  pauvres 
de  ces  mêmes  Églises  à  qui  l'on  faisait  part 
de  ses   biens,    sont  rentrés  parmi   nous.  » 
Saint  Augustin  réfute  l'opinion  des  donatis- 
tes,  qui   faisaient  dépendre  l'efi'et  du  bap- 
tême de  la  sainteté  du  ministre,  montrant 
qu'il  n'y  a  que  Dieu  qui  soit  tout  à  la  fois  et 
juste   et  principe  de  justice.  Il  les  réfute 
aussi  dans  ce  qu'ils  disaient  que  leur  Égiise 
était  sans  ride  et  sans  tache,  ce  qui  ne  pou- 
vait s'accorder  avec  l'Oraison  dominicale, 
Maitb.  VI,   O'ii  nous  disons  à  Dieu  :  Pardonnez -nous  nos 
' '■  offenses;  ni  avec  ses  paroles  de  saint  Jean  : 

ijnaii.1,8.  Si  nous  disons  que  nous  sommes  sans  péché ,  la 
vérité  n'est  point  en  nous.  «Cependant,  ajoute 
saint  Augustin,  il  est  vrai  de  dire  que  Jésus- 
Ei.hos,  V,  Christ  purifie  son  Église  par  la  parole  de  vie 
"'  daiis  le  baptême  de  l'eau;  premièrement  parce 

que  le  baptême  efface  toutes  les  taches  de 
nos  péchés  passés,  pourvu  que  ce  soit  dans 
l'unité  que  l'on  en  porte  le  caractère,  et 
qu'on  l'ait  reçu  dans  l'Éghse  même  ;  ou  que 
si  on  l'a  reçu  dehors,  on  y  rentre;  et  en  se- 
cond lieu,  parce  que  les  péchés  mêmes  que 
l'infirmité  humaine  nous  fait  contracter  de- 
puis le  baptême,  nous  sont  remis  en  consi- 
dération de  ce  même  |baptême.  Car  il  ne 
sert  de  rien  à  ceux  qui  ne  sont  point  bapti- 
sés de  dire  :  Remettez-nous  nos  dettes.  »  Les 
donatistes  disaient  encore  :  «Pourquoi  vou- 
lez-vous nous  avoir,  si  nons  sommes  des 
méchants?  C'est,  lem*  réplique  saint  Augus- 
tin, afin  que  vous  ne  le  soyez  plus.  »  Il  leur 
fait  voir  ensuite  que  si  l'Église  en  les  rece- 
vant, leur  consen'ait  la  dignité  de  la  clérica- 
tiu-e,  et  même  de  l'épiscopat,  l'intérêt  de  la 


paix  et  de  l'unité  lui  faisait  relâcher  en  cela 
quelque  chose  de  la   sévérité  de   sa  disci- 
pline, qui  exclut  de  la  cléiicature,  tous  ceux 
qui  auraient  besoin,  comme  les  donatistes, 
d'expier    leui-s   crimes    par    la    pénitence  ; 
qu'elle  en  a  agi  de  même   dans  certaines 
rencontres  où  il  s'agissait  de  tirer  des  peu- 
ples entiers    de  la  mort,  c'est-à-dire   du 
schisme  et  de  l'hérésie.  Il  cite  pom-  exem- 
ple l'indulgence  que  l'Église  accorda  à  ceux 
qui  s'étaient  laissés   infecter  du  venin  de 
l'hérésie  arienne.  Lucifer  ne  le  trouva   pas 
bon,  mais  il  perdit,  bientôt  après,  la  lumière 
de  la  chai-ité,  et  tomba  dans  les  ténèbres  du 
schisme.  Enfin  il  fait  voir  qne  le  péché  con- 
tre le  Saint-Esprit  n'est  ni   l'erreur,  ni  le 
blasphème,  puisqu'il  s'en  suivrait  de  là  que, 
pas  un  hérétique  n'en  pourrait  obtenir   la 
rémission;  mais  qu'il  faut   entendre  par-là 
une  dureté  de  cœur,  qui  subsiste  jusqu'à  la 
fin  de  la  vie,  et  qui  fait  qu'on  s'obstine  à 
ne  vouloir  pas  chercher  la  rémission   des 
péchés   dans    l'unité   du    corps    de   Jésus- 
Christ;  et   qu'ainsi   les  donatistes,  n'ayant 
point  péché  contre  le  Saint-Espi'it  en  rebap- 
tisant les  catholiques ,  ni  ne  devaient  croire 
leur  faute  irrémissible,  ni  en  prendre  pré- 
texte de  ne  pas  se  réunir  à  l'Église  catholi- 
que. Saint  Augustin  les  recommande  à  Bo- 
niface  au  nom  de  l'Église ,  le  priant  de  tra- 
vailler à  les  corriger  et  à  les  guérir ,  soit  en 
les  instruisant  lui-même ,  soit  en  les  adi'es- 
sant  aux   évêques   et  aux  docteurs  catholi- 
ques. 11  le  prie  aussi  de  lire  l'abrégé  qu'il 
avait  fait  des  actes  de  la  conférence  de  Car- 
thage,  qu'Optât  devait  avoir,  ou  qu'il  pou- 
vait   aisément    faire   venir    de  l'Éghse   de 
Stefie. 

38.  L'hérésie  des  pélagiens  ne  lui  tenait 
pas  moins  au  cœur  que  le  schisme  des  dona- 
tistes. Ayant  donc  appi-is  que  saint  Paulin 
avait  eu  de  l'amitié  pour  Pelage,  et  que  dans 
son  clergé  ou  du  moins  dans  la  Aille  de  Noie, 
il  y  avait  des  personnes  qui  combattaient  la 
doctrine  du  péché  originel,  il  lui  écrivit  tant 
en  son  nom  qu'au  nom  de  saint  Alypius, 
pour  qui  il  savait  que  saint  Paulin  avait  beau- 
coup de  considération.  Son  but,  dans  cette 
leltre,  est  de  réfuter  les  pélagiens,  et  d'éta- 
blir la  doctrine  de  la  grâce  et  de  la  prédes- 
tination. Pelage,  soit  dans  son  livre  sur 
les  Forces  de  la  nature,  soit  dans  ses  lettres, 
enseignait ,  à  la  vciité ,  que  nous  tenons 
du  Créatem-  la  possibilité  de  A'ouloir  et  d'a- 
gir, sans  laquelle  nous  ne  saurions  faire  ni 


Lrll 
S    Paulin, 
117,  pag,  - 


[IV°  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,   EVEQUE  D'HIPPONE. 


153 


désirer  le  bien;  mais  il  réduisait  cette  grâce 
du  Créateur  au  seul  libre  arbitre ,  en  sorte 
que,  selon  lui,  il  n'y  avait  point  d'autre 
grâce  cpie  celle  qui  est  commune  aux  païens 
et  aux  chrétiens,  aux  saints  et  aux  impies,  aux 
fidèles  et  aux  infidèles.  D'où  il  suivait  que 
la  justice  pouvant  s'acquérir  par  les  seules 
forces  de  la  nature,  c'était  en  vain  que  Jé- 
sus-Christ avait  souffert  la  mort.  Cette  doc- 
trine pei'nicieuse  fut  combattue  dès  sa  nais- 
sance par  les  conciles,  par  les  papes  et  par 
les  évèques,  qui  déclarèrent  que  c'est  la 
grâce  de  Dieu  par  Jésus-Christ  notre  Sei- 
gneur, qui  fait  passer  les  enfants  nouvelle- 
ment nés,  aussi  bien  que  les  adultes,  de  la 
mort  que  nous  avons  encourue  par  le  pre- 
mier Adam,  à  la  vie  que  le  second  Adam 
communique  ;  et  que  cela  ne  se  fait  pas 
seulement  par  la  rémission  des  péchés,  mais 
par  un  secours  qui  fait  éviter  le  mal  et  faire 
le  bien  à  ceux  qui  sont  en  âge  d'user  de  leur 
libre  arbitre;  en  sorte  que,  sans  ce  secours, 
nous  ne  saurions  ni  accomplir  ni  vouloir 
aucune  action  de  piété  et  de  justice,  puis- 
que, comme  le  dit  saint  Paul,  c'est  Dieu  qui 
opère  en  nous  le  vouloir  et  le  faire  selon  ce 
qu'il  lui  plait. 

Saint  Augustin  marque  à  saint  Paulin, 
qu'il  lui  envoie  des  copies  de  tous  les  écrits 
où  cette  doctrine  se  trouvait  établie.  Il  l'é- 
tablit lui-même  dans  ectte  lettre,  mon- 
cor.  1,1,  trant  par  l'autorité  de  l'Écriture,  que  nous  ne 
sommes  pas  capables  de  fonner  de  nous-mêmes 
aucune  bonne  pensée,  comme  de  nous-mêmes; 
mais  que  c'est  Dieu  qui  nous  en  rend  capables; 
que  ce  n'est  qu'en  reconnaissant  que  notre 
Psaiiii.  force  vient  de  Dieu,  que  nous  la  conservons  ; 

tvin,  10.  '  ^  ' 

que  c'est  Dieu  qui  est  notre  protecteur  et 
Psaim.  notre  soutien ,  puisqu'il  est  écrit  :  Si  le  Sei- 
gneur ne  garde  lui-même  une  ville,  c'est  en  vain 
que  veillent  ceux  qui  la  gardent  ;  que  c'est 
par  la  grâce  que  l'homme  est  justifié,  et  non 
en  considération  de  ses  œuvres,  puisque 
autrement  la  grâce  ne   serait  plus  grâce. 

Rora.^in,  «  Assurément,  dit  saint  Augustin,  les  bon- 
nes œuvres  ne  demeurent  pas  sans  récom- 

lora.  II,  c.  pense ,  puisqu'il  est  écrit  que  Dieu  rendra  à 
chacun  selon  ses  œuvres,  mais  les  œuvres  vien- 
nent de  la  grâce  et  non  pas  la  grâce  des 
œuvres.  Si,  on  dit  que  nous  méritons  par  la 
foi  la  grâce  de  faire  le  bien,  c'est  une  vérité 
que  nous  confessons  volontiers  ;  mais  comme 
"•  ■'"'•  c'est  Dieu  qui  distribue  à  chacun  la  mesure 
de  la  foi  comme  tout  le  reste,  il  n'y  a  aucun 
mérite  de  la  part  de  l'homme,  qui  précède 


Psalm. 
I.viil,  10. 


la  grâce,  lorsqu'il  obtient  la  justification  par 
la  foi  ;  mais  c'est  la  grâce  même  qui  mérite 
que  Dieu  la  fasse  croiti'e,  afin  qu'étant  ac- 
crue, elle  mérite  qu'il  la  porte  à  sa  perfec- 
tion; la  volonté  en  étant  la  compagne  et  non 
pas  le  guide,  et  ne  faisant  que  la  suivre,  au 
lieu  de  la  prévenir.  D'où  vient  que  David  ne 
se  contente  pas  de  dire  :  Ce  sera  en  reconnais- 
sant que  toute  ma  force  vient  de  vous .  ô  mon 
Dieu,  que  je  la  conserverai  ;  »  mais  il  reconnaît 
encore ,  qu'avant  la  grâce  il  n'y  avait  rien 
de  bon  en  lui  qui  la  pût  mériter;  Mon  Dieu,  ibn.ters.ii 
s'écrie-t-il,  votre  miséricorde  me  préviendra  ; 
c'est-à-dire  quelque  haut  que  je  remonte 
pour  chercher  des  mérites  antécédents,  je 
me  trouverai  prévenu  par  votre  miséricorde. 
Mais  où  la  grâce  paraît  le  plus  visiblement 
gratuite ,  c'est  dans  les  enfants  que  Dieu 
prévient  tellement  de  ses  miséricordes,  que 
s'ils  viennent  à  mourir  après  avoir  reçu  le 
baptême,  ils  commencent  dès-lors  à  jouir  du 
royaume  des  cieux  en  vertu  d'une  grâce 
qu'ils  ont  reçue  sans  la  connaître. 

Saint  Augustin  nous  assm-e,  que  telle  est 
la  doctrine  qu'il  a  reçue  des  anciens,  et  qu'il 
est  si  peu  possible  qu'il  y  ait  rien  dans  les 
enfants,  qui  précède  les  dons  de  Dieu,  que 
la  grâce  par  laquelle  Dieu  les  leur  commu- 
nique, agit  même  sans  que  leur  volonté 
l'accompagne  ni  la  suive ,  bien  loin  de  la 
prévenir.  Au  contraire,  ils  résistent  en  quel- 
que sorte  au  bien  qu'on  leur  procure,  et  se 
défendent  ;  ce  qui  les  rendrait  coupables  de 
sacrilège,  si  leur  volonté  était  en  état  de  les 
faii'e  agir.  Il  fait  voir,  par  ces  paroles  de  l'A- 
pôtre. Tous  sont  tombés  par  un  seul  dans  la  Rom.  v,  ic 
condamnation,  que  les  enfants  naissent  sujets 
à  la  punition,  et  que  c'est  un  effet  de  la  mi- 
séricorde de  Dieu,  et  non  pas  de  leurs  mé- 
rites, quand  ils  renaissent  en  Jésus-Christ 
par  la  grâce.  Car  autrement  la  grâce  n'est 
plus  grâce,  si  ce  n'est  point  un  don  et  mie 
opération  gratuite  de  Dieu  en  nous,  et  si 
elle  n'est  que  la  récompense  des  mérites 
humains.  Les  pélagiens  prétendaient  que  les 
enfants  usaient  de  leur  libre  arbitre  dans  le 
sein  de  leur  mère.  «  Voilà,  disaient-ils,  Esaû 
et  Jacob  qui  luttent  dans  le  ventre  de  leur 
mère,  et  lorsqu'ils  en  sortent,  l'un  est  sup- 
planté par  l'autre,  et  le  dernier  vient  au 
monde  tenant  le  pied  de  son  frère  avec  la 
main  comme  étant  encore  aux  prises.  Com- 
ment donc  peut-on  dire  que  des  enfants  qui 
sont  capables  de  faire  de  telles  choses  n'ont 
point  encore  l'usage  de  leur  libre  arbitre, 


156 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


pour  se  porter  au  bien  ou  au  mal,  et  pour 
mériter  ainsi  par  avance,  la  récompense  ou 
le  châtiment  qu'ils  ont  reçu?  »  Saint  Augus- 
tin leur  répond  :  «  Le  libre  arbitre  n'a  eu  au- 
cune part  aux  mouvements  extraordinaires 
de  ces  deux  enfants  qui  semblaient  se  com- 
battre l'un  l'autre  ;  ce  qui  arriva  alors  n'é- 
tait qu'une  figure  de  l'avenir  ;  et  l'Apôtre, 
au  lieu  de  croire  que  le  premier  né  des  deux 
avait  été  assujetti  en  considération  des  œu- 
vres de  l'un  ou  de  l'autre,  s'est  au  contraire 
servi  de  l'exemple  de  ces  deux  jumeaux, 
pom-  faire  voir  que  la  grâce  est  toute  gra- 

^^r.om.  11,11  tuite,  nous  déclarant  qu.' avant  qu'ils  fussent 
nés,  et  qu'ils  eussent  encore  fait  ni  bien  ni  mal, 
il  fut  dit,  afin  que  le  décret  de  Dieu  demeurât 
ferme,  selon  son  élection  éternelle,  non  à  cause 
de  leurs  œuvres,  mais  à  cause  du  choix  et  de  la 
vocation  de  Dieu,  que  le  premier  né  serait  assu- 
jetti à  celui  qui  naîtrait  le  dernier.  Par  où  il 
est  visible  que  l'élection,  dont  parle  l'Apô- 
tre, n'est  pas  une  élection  fondée  sur  les  mé- 
rites de  la  volonté ,  ni  sur  les  qualités  de  la 
nature,  puisque  ces  deux  jumeaux  étaient 
tous  deux  également  dignes  de  la  mort  et 
de  la  damnation  ;  mais  une  élection  de  grâ- 
ce, qui  ne  trouve  pas  les  hommes  dignes 
d'être  choisis,  mais  qui  les  en  rend  dignes. 
«  Comment,  disaient  ces  hérétiques,  se  peut- 
il  faire  qu'il  n'y  ait  point  d'injustice  en  Dieu, 
si  c'est  par  un  effet  de  sa  bienveillance, 
qu'entre  des  hommes  qu'aucun  mérite  ne 
distingue  les  uns  des  autres,  il  choisit  les 
uns  plutôt  que  les  autres?  L'Apôtre  s'est  lui- 
même  proposé  cette  objection,  répond  saint 
Augustin  ;  et  pour  y  réponcbe,  il  n'a  pas  dit 
que  Dieu  fonde  ses  jugements  sur  les  œu- 
vres ou  sur  les  mérites  qui  se  tiouvent  dans 
les  enfants,  quoiqu'ils  soient  encore  dans  le  • 
sein  de  leiu's  mères,  mais  il  se  contente  de 
Rom.  IX.  dire  :  Dieu  a  dit  à  Mo'ise,  jefei^ai  miséricorde 

xlx'ni,  lo?  '  à  qui  il  me  plaira  de  faire  miséricorde,  et  j'au- 
rai pitié  de  qui  il  me  plaira  d'avoir  pitié,  vou- 
lant nous  apprendre  par-là  que,  d'être  retire 
de  cette  masse  d'Adam,  qui  ne  mérite  que 
la  mort,  c'est  im  bienfait  de  la  miséricorde 
de  Dieu,  et  non  pas  un  effet  des  mérites  des 
hommes  ;  qu'ainsi  il  n'y  a  point  d'injustice 
en  Dieii,  puisqu'il  n'y  en  a  aucune,  ni  à  exi- 
ger, ni  à  remettre  ce  qui  est  justement  dû.  » 
Le  même  Apôtre  a  prévenu  une  autre  objec- 
tion des  pélagiens  contre  l'élection  gratuite, 
rum.  .xi,  en  disant:  0  homme,  qui  êtes-vous  pour  con- 
tester avec  Dieu  ?  Un  vase  d'argile  peut-il  dire 
à  celui  qui  l'a  fait,  pourquoi  m'avez-vous  fait 


ainsi  ?  N'est-il  pas  libre  au  potier  de  faire  de  la 
même  masse,  un  vase  destiné  à  des  usages  hono- 
rables, et  un  vase  destiné  à  des  usages  vils  et 
honteux?  Si  cette  masse  était  comme  dans 
un  certain  milieu  entre  le  bien  et  le  mal,  en 
sorte  qu'elle  ne  méritât  ni  récompense  ni 
châtiment,  il  pourrait  sembler  injuste  qu'on 
en  formât  des  vases  d'ignominie  ;  mais  comme 
elle  est  tombée  toute  entière  dans  la  con- 
damnation, par  le  libre  arbitre  du  premier 
homme ,  quand  Dieu  en  forme  des  vases  nom. 
d'honneur,  c'est  sans  doute  par  un  pur  effet 
de  sa  miséricorde,  et  non  pas  de  la  justice 
de  l'homme  ;  puisqu'avant  la  grâce,  il  n'y  a 
aucune  justice  dans  l'homme  ;  et  quand  il 
en  forme  des  vases  d'ignominie,  c'est  un  effet 
de  ses  justes  jugements,  et  non  d'aucune  in- 
justice qui  soit  en  lui  ;  car  comment  y  aurait- 
il  en  Dieu  de  l'injustice? 

Mais,  ajoutaient  les  pélagiens,  Esaû  n'a-t- 
il  pas  été  condamné  sans  l'avoir  mérité, 
comme  il  n'y  a  eu  de  la  part  de  Jacob  au- 
cunes bonnes  œuvres  qui  aient  précédé  son 
élection?  «  Non,  répond  saint  Augustin,  il 
n'y  a  eu  de  la  part  de  l'un  ni  de  l'autre,  ni 
bonnes  œuvres  ni  mauvaises,  c'est-à-dire  qui 
fussent  proprement  et  personnellement  les 
leurs  ;  mais  l'un  et  l'autre  étaient  coupables 
en  celui  par  qui  tous  sont  devenus  dignes 
de  mort,  parce  que  tous  ont  péché  en  lui  : 
Car  tous  les  hommes  qui  devaient  sortir  de 
celui-là  étaient  alors  tous  réunis  en  lui.  Son 
péché  n'eût  été  que  pour  lui  seul,  s'il  n'eût 
point  eu  de  descendants  ;  mais  comme  il  n'y 
a  personne  qui  ne  tire  de  lui  la  nature  qui 
nous  est  commune,  il  n'y  a  personne  aussi 
qui  soit  exempt  de  la  corruption  dont  elle 
a  été  infectée.  Voilà  de  quelle  manière  ces 
deux  jumeaux,  qui  n'étaient  encore  capa- 
bles de  faire  aii  bien  ni  mal,  n'ont  pas  laissé 
de  naîti-e  coupables  par  la  tache  de  leur  ori- 
gine. Que  celui  qui  est  délivré  bénisse  donc 
la  miséricorde  de  celui  qui  le  sauve,  mais 
que  celui  qui  est  condamné  n'accuse  pas  le 
jugement  qui  le  punit.  »  Saint  Augustin  veut 
qu'on  réponde  à  ceux  qui  dix-aient:  N'am'ait- 
il  pas  été  mieux  que  l'un  et  l'autre  eussent 
été  délivrés  ?  0  homme,  qui  êtes-vous  poiir  Rom. 
contester  avec  Dieu?  Dieu  sait  très-bien  ce 
qu'il  fait;  il  sait  quel  doit  être  en  premier 
lieu  le  nombre  des  liommes ,  et  puis  quel 
doit  être  celui  des  saints  aussi  bien  que  des 
anges,  des  astres  et  des  autres  crcatiu'cs. 
Or  comme  tout  ce  qu'il  a  fait  est  bon,  ne 
pourrions-nous  pas  dire  ou  penser  qu'il  eût 


[IV"  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


1S7 


été  mieux  que  Dieu  eût  doublé  et  même 
multiplié  encore  au-delà  le  nombre  de  tou- 
tes choses?  De  même,  soit  que  la  justifica- 
tion de  l'impie  soit  un  pur  effet  de  la  grâ- 
ce, soit  qu'il  y  ait  quelque  chose  qui  pro- 
cède du  libre  arbitre ,  ne  pourrait-on  pas 
toujours  dire  :  Pourquoi  Dieu  a-t-il  créé 
ceux  dont  il  a  prévu  très-certainement  que 
les  péchés  l'obligeraient  de  les  condamner 
au  feu  éternel  ?  Mais  qui  sommes-nous  pour 
coiitester  avec  Dieu  ?  » 

Saint  Augustin  presse  encore  les  péla- 
giens  par  les  paroles  suivantes  :  Qui  peut  se 
plaindre  de  Dieu,  si  voulant  montrer  sa  juste 
colère,  et  faire  éclater  sa  puissance,  il  souffre 
avec  une  patience  extrême,  les  vases  de  colère  pré- 
parés pour  la  perdition ,  afin  de  faire  d'autant 
mieux  éclater  les  richesses  de  sa  gloire  sur  les  va- 
ses de  miséricorde.  «  Il  voit,  dit  ce  Père ,  dans 
sa  prescience,  le  nombre  certain  et  déter- 
miné de  ses  saints,  au  bien  desquels  tout 
contribue ,  parce  qu'ils  aiment  Dieu  ;  les 
ayant  appelés  selon  son  décret,  après  les 
avoir  connus  et  prédestinés.  Ce  sont  ceux-là 
qui  sont  les  enfants  de  la  promesse  et  les 
vases  de  miséricorde.  Pour  tous  les  autres 
qui  n'appartiennent  point  à  cette  société 
bienheureuse.  Dieu  qui  a  vu  dans  sa  pres- 
cience ce  qui  en  devait  arriver,  les  a  créés 
pour  faire  voir  en  eux  de  quoi  était  capable 
sans  sa  grâce,  le  libre  arbitre  de  ceux  qui 
l'abandonnent,  et  afin  que  le  supplice  dont 
ils  seront  punis ,  et  qui  leur  est  si  justement 
dû,  servît  à  faire  voir  aux  vases  de  miséri- 
corde, quelle  est  la  grandeur  du  bienfait 
qu'ils  ont  reçu.  »  Selon  saint  Augustin,  tous 
ceux  qui  enseignent  une  autre  doctrine  tou- 
chant la  prédestination,  sont  confondus  par 
ce  qui  se  passe  à  l'égard  des  enfants,  dont 
les  ims  sont  choisis  de  Dieu,  et  les  autres 
rejetés  même  avant  leur  naissance  et  avant 
qu'ils  aient  fait  ni  bien  ni  mal.  Pelage,  après 
avoir  anathématisé  devant  les  évoques  de  la 
Palestine ,  cette  proposition  :  Le  péché  d'A- 
dam n'a  fait  tort  qu'à  lui-même,  n'avait  pas 
laissé  de  la  soutenir  dans  ses  derniers  ou- 
vi-ages.  On  disait  qu'il  y  avait  encore  des 
gens  si  opiniâtres  à  la  soutenir,  que  plutôt 
que  d'y  renoncer,  ils  étaient  prêts  d'aban- 
donner Pelage  même  qu'ils  avaient  su  l'a- 
Toir  anathématisée.  Saint  Augustin  rapporte 
douze  articles  que  les  mêmes  évêques  de 
Palestine  objectèrent  à  Pelage,  et  qu'il  fut 
obligé  d'anathématiser,  et  en  propose  douze 
autres  cpxe   «  l'Église  catholique ,  dit-il ,  a 


toujours  tenus,  savoir  :  Adam  ne  fût  point 
mort,  s'il  n'eût  point  péché  ;  son  péché  lui 
a  fait  tort  et  à  tout  le  genre  humain.  Les  en- 
fants, quoique  nouvellement  nés,  ne  sont 
point  dans  l'état  où  était  Adam  avant  sa  dé- 
sobéissance ;  ainsi,  ce  que  l'Apôtre  dit,  que  la 
mort  est  venue  par  un  homme  ,  les  regarde 
aussi  bien  que  les  autres;  c'est  de  là  qu'il  ar- 
rive que  les  enfants  morts  sans  baptême,  non- 
seulement  ne  sauraient  posséder  le  royau- 
me du  ciel,  mais  qu'ils  ne  sauraient  même 
avoir  la  vie  éternelle.  Les  riches  ne  sont 
point  exclus  du  royaume  de  Dieu,  quoicju'ils 
ne  renoncent  point  à  leurs  richesses  après 
leur  baptême,  pourvu  qu'ils  soient  tels  que 
l'Apôtre  les  décrit  dans  sa  première  Épître 
àThimothée.  La  grâce  est  un  secours  donné 
à  chaque  action;  cette  grâce  ne  nous  est 
point  donnée  en  considération  d'aucun  mé- 
rite et  que  c'est  là  ce  qui  fait  qu'elle  est 
vraiment  grâce,  c'est-à-dire  donnée  gratui-* 
tement.  L'on  peut  appeler  enfants  de  Dieu 
ceux  mêmes  qui  lui  disent  tous  les  jours  : 
Pardonnez-nous  nos  offenses,  ce,  qu'ils  ne  pon- 
raient  dire  sincèrement,  s'ils  étaient  absolu- 
ment sans  péché.  Le  Hbre 'arbitre  ne  laisse 
pas  d'être  véritablement  libre,  quoiqu'il  ait 
besoin  du  secours  de  Dieu.  Dans  les  com- 
bats que  nous  soutenons  contre  les  tenta- 
tions et  les  mauvais  désirs,  quoique  notre 
volonté  agisse ,  ce  n'est  pourtant  pas  par 
elle ,  mais  par  le  secours  de  Dieu  (jue  nous 
demeurons  victorieux  ;  autrement  l'Apôtre 
n'aurait  pas  dit  vrai,  quand  il  a  dit  que  cela 
ne  vient  ni  de  celui  qui  veut ,  ni  de  celui  qui 
court,  mais  de  \Dieu  qui  fait  miséricorde.]  En 
fm,  c'est  par  grâce  et  par  miséricorde  que 
Dieu  accorde  le  pardon  aux  pénitents ,  et 
non  pas  en  considération  de  leurs  mérites, 
puisque  l'Apôtre  en  disant  de  quelques-uns, 
que  peut-être  Dieu  leur  donnera  un  jour  l'es- 
ptrit  de  pénitence,  nous  apprend  que  la  péni- 
tence même  est  un  don  de  Dieu.  » 

Saint  Augustin  remarque  que  Pelage,  qui 
semblait  avoir  rétracté  ses  erreurs  dans  le 
concile  de  Diospolis,  n'avait  pas  été  cons- 
tant dans  sa  rétractation ,  puisque  dans  les 
écrits  publiés  depuis,  il  balance  tantôt  avec 
une  telle  égalité  le  pouvoir  de  la  volonté, 
qu'il  assure  qu'elle  a  autant  de  pouvoir  pour 
pécher  que  pour  ne  pas  pécher;  par  où  il 
exclut  entièrement  le  secours  de  la  grâce, 
sans  laquelle  nous  disons  que  le  libre  ar- 
bitre n'a  aucune  force  pour  ne  point  pé- 
cher. Tantôt  il  convient  qu'il  faut  que  nous 


1S8 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


soyons  sans  cesse  assistés  du  secours  de  la 
grâce  de  Dieu,  mais  en  soutenant  toujours 
que  notre  libre  arbitre  a  toute  la  force  né- 
cessaire pour  éviter  le  péché  ;  en  sorte  que 
le  secours  de  Dieu,  selon  lui,  ne  nous  serait 
donné  que  par  surabondance,  pour  faire  le 
bien  avec  une  plus  grande  facilité.  11  rap- 
porte un  assez  long  témoignage  d'une  lettre 
de  saint  Paulin ,  pour  le  convaincre  par  lui- 
même  qu'il  doit  rejeter  et  condamner  Pe- 
lage. Il  ajoute  que  Janvier,  porteur  de  sa  let- 
tre, lui  expliquera  plus  au  long  ce  qu'il  avait 
appris  de  ceux  qui  combattaient  à  Noie  la 
doctrine  du  péché  originel,  et  qui  étaient 
des  personnes  d'un  esprit  subtil  et  émi- 
nent. 
Leiire  187       39.  Qq  fyt  aorès  la  tenue  du  concile  de 

û     Darctanus,  ^ 

6°8.*"'  ''°^'  Diospolis,  et  pendant  l'été  de  l'an  417,  que 
saint  Augustin  répondit  aux  questions  de 
Dardanus,  le  même,  comme  l'on  croit,  à  qui 
•saint  Jérôme  écrivit,  et  qui  était  préfet  des 
Gaules  et  patrice.  La  première  était  de  sa- 
voir comment  on  doit  entendre  cette  parole 

^L..c.Mxiii,  de  Jésus-Christ  au  bon  larron  :  Vous  serez 
aujourd'hui  avec  moi  en  paradis.  La  seconde, 
si  les  enfants  n'ont  point  quelque  notion  de 
Dieu  dès  le  ventre  de  leurs  mères,  comme 
il  semble  qu'on  le  peut  inférer  de  ce  que 
saint  Jean  tressaillit  dans  le  sein  de  sainte 
Elisabeth,  à  la  présence  de  Jésus-Christ. 
Dardanus  souhaitait  encore  de  savoir  si  le 
baptême  donné  aux  femmes  enceintes  n'o- 
Lib.  II   père  point  aussi  sur  leurs  enfants.  Saint  Au- 

Retracl.   cap.  ,  i        .      i  n  <  •  ^ 

iLi.v.  gustm  parlant  dans  ses  Rétractations  de  sa 

réponse  à  ces  questions ,  dit  que  son  but 
principal  était  d'y  saper  l'hérésie  péla- 
gienne,  quoiqu'il  ne  l'y  ait  pas  nommée. 
Sur  la  première  question,  il  croit  qu'on  peut 
dire  que,  comme  Dieu  est  partout,  et  que 
Jésus-Christ  homme  est  uni  à  Dieu  ,  Jésus- 
Christ  homme  est  aussi  partout,  et  que  c'est 
ainsi  qu'il  a  pu  être  le  jour  même  de  sa 
mort  avec  le  bon  larron  dans  le  paradis.  Il 
croit  aussi  que  l'endi'oit  où  Jésus-Christ 
avait  promis  au  bon  larron  qu'il  serait  ce 
jour-là  même  avec  lui,  peut  s'entendre  du 
lieu  où  étaient  les  âmes  des  justes,  connu 
sous  le  nom  de  sein  d'Abraham,  et  où  en 
effet  Jésus-Christ  descendit,  suivant  l'Écri- 
tui'e  ;  heu  que  l'on  peut  nommer  le  paradis, 
qui,  en  général,  signifie  tous  les  lieux  de  re- 
pos. Mais  il  est  persuadé  que  le  sens  le  plus 
simple  et  le  plus  naturel  des  paroles  de  Jé- 
sus-Christ au  bon  larron,  c'est  de  ne  les  en- 
tendre que  de  Jésus-Christ  Dieu.  Car  au  lieu 


que  Jésus-Christ  homme  devait  être  ce  jour- 
là  dans  le  sépulcre  qpiant  à  son  corps ,  et 
dans  les  enfers  quant  à  son  âme,  Jésus- 
Christ  Dieu  est  toujours  partout,  puisqu'il 
est  cette  lumière  qui  luit  dans  les  ténèbres 
mêmes,  quoique  les  ténèbres  ne  l'aperçoi- 
vent point.  Ainsi,  quelque  part  que  soit  le 
paradis,  les  bienhem^eux  n'y  sauraient  être 
qu'avec  celui  qui  est  partout.  Il  prend  de  là 
occasion  de  traiter  de  l'immensité  de  Dieu, 
et  de  la  manière  dont  il  est  partout  et  tout 
entier  partout.  «  Dieu,  dit-il,  est  vraiment 
partout,  car,  dans  toute  l'universalité  des 
choses,  il  n'y  a  rien  où  il  ne  soit  présent,  et  il 
est  vraiment  tout  entier  partout ,  car  il  n'est 
pas  présent  à  chaque  chose  par  parties  ;  en 
sorte  qu'une  partie  plus  ou  moins  grande  de 
l'être  de  Dieu  réponde  à  chaque  paiiie  plus 
ou  moins  grande  de  la  chose;  mais  il  est 
présent  tout  entier,  non  -  seulement  à  l'u- 
nivers entier,  mais  à  chaque  partie  de  l'u- 
nivers aussi  bien  qu'à  toutes  ensemble. 
Cela  n'empêche  pas  qu'on  puisse  dire  que 
Dieu  n'habite  pas  également  dans  tous  les 
saints,  et  qu'il  n'y  ait  des  hommes  qui  sont 
loin  de  Dieu,  car  les  saints  ne  sont  à  l'égard 
de  Dieu  que  comme  des  vases,  en  qui  il  est 
plus  ou  moins,  selon  leur  plus  ou  moins 
grande  capacité.  Quant  à  ceux  qu'on  dit  être 
loin  de  Dieu  :  cela  ne  s'entend  que  de  l'ha- 
bitude de  pécher,  par  laquelle  ils  se  sont 
rendus  dissemblables  à  lui  ;  comme  l'on  dit 
au  contraire,  qu'ils  s'en  approchent,  lorsque 
par  une  sainte  vie  ils  deviennent  ses  ima- 
ges. »  Le  saint  évêque  dit  à  l'égard  de  Jé- 
sus-Christ :  «  Comme  on  ne  doit  point  douter 
qu'en  tant  que  Dieu  il  ne  soit  présent  par- 
tout, on  ne  doit  point  douter  non  plus  que 
son  corps  ne  soit  en  quelque  partie  du  ciel, 
dans  un  espace  proportionné  à  son  éten- 
due. » 

Sur .  la  seconde  question  de  Dardanus , 
saint  Augustin  répond  ((  Le  mouvement 
extraordinaire  de  saint  Jean  dans  le  sein  de 
sa  mère,  fut  pi-oduit  miraciileusement  par 
la  toute-puissance  de  Dieu;  mais  il  n'est  pas 
dit  dans  l'Évangile,  que  ce  tressaillement  se 
fit  par  un  mouvement  de  foi  de  la  part  de 
cet  enfant,  ce  qui  supposerait  de  la  connais- 
sauce,  mais  seulement  qu'il  tressaillit  de  joie. 
D'ailleurs  ce  qui  est  arrivé  à  saint  Jean,  ne 
doit  pas  se  prendre  pour  règle  de  ce  qu'on 
doit  penser  des  autres  enfants,  et  il  est 
hors  de  vraisemblance  que  les  enfants  aient 
dans  le  sein  de  leurs  mères  quelque  notion 


[lV°  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


139 


de  Dieu,  dans  le  temps  qu'ils  n'ont  pas  même 
les  connaissances  qui  sont  les  plus  familiè- 
res aux  hommes. 

Il  dit  sur  la  troisième  question,  que  la  sanc- 
tification qui  nous  rend  le  temple  de  Dieu, 
n'est  que  pour  ceux  qui  ont  'été  régénérés  ; 
que  la  régénération  suppose  la  naissance.  En 
effet,  nous  ne  disons  pas  qu'un  enfant  vient 
de  renaître  quand  il  est  sorti  du  ventre  de  sa 
mère,  comme  s'il  était  déjà  né,  dès  qu'il  est 
conçu,  et  que  ce  fut  naître  une  seconde  fois 
que  d'en  sortir  ;  mais  nous  disons  qu'il  vient 
de  naître,  ne  comptant  pas  la  conception 
pour  une  naissance.  Quand  nous  naissons , 
ce  n'est  donc  que  lorsque  nos  mères  nous 
mettent  au  monde  ;  c'est  après  être  nés  de 
cette  sorte  que  nous  sommes  en  état  d'être 
régénérés  par  l'eau  et  le  Saint-Esprit,  et  si 
l'homme  pouvait  être  régénéré  par  la  grâce 
du  Saint-Esprit  dès  le  ventre  de  sa  mère,  il 
serait  vrai  de  dire  qu'il  renaîtrait  avant  que 
de  naître ,  ce  qai  ne  se  peut  dire. 

Saint  Augustin  fait  voir  que  la  foi  qui  nous 
sauve  était  la  môme  dans  l'ancienne  alliance 
comme  dans  la  nouvelle,  et  que  la  différence 
qu'il  y  a  entre  les  anciens  patriarches  et 
nous,  c'est  qu'ils  croyaient  comme  une  chose 
à  venir  le  mystère  de  l'Incarnation,  que  nous 
croyons  comme  une  chose  déjà  accomplie. 
La  lettre  à  Dardanus  est  intitulée  :  De  la  pré- 
sence de  Dieu,  parce  que  saint  Augustin  s'y 
étend  beaucoup  à  montrer  comment  la  na- 
ture divine  est  présente  en  toutes  choses,  et 
Fuig.Episi,  comment  elle  habite  dans  les  saints.  Elle 
h!  n  R?-  est  citée  par  quelques  anciens,  qui  l'appel- 
Lvi'.     '      lent  Livre.  Saint  Augustin  la  qualifie  ainsi 

dans  ses  Rétractations. 
Lettre  1S8  40.  La  lettre  à  Julienne  est  au  nom  de 
n  ou  «8,  saint  Alypius  et  de  saint  Augustin.  Ils  lui  en 
avaient  écrit  une  autre  pom-  l'avertir  de  ne 
point  prêter  l'oreille  à  ceux  qui  corrom- 
paient la  foi  par  leurs  discours ,  et  par  des 
ouvrages  pleins  de  venin.  Julienne  leur 
avait  témoigné  dans  sa  réponse,  qu'elle 
n'avait  aucun  commerce  avec  ces  gens-là; 
qu'elle  ne  les  laissait  pas  même  approcher 
de  sa  maison  ;  et  que  toute  sa  famille  avait 
toujours  été  si  inviolablement  attachée  à  la 
foi  catholique,  que  personnen'y  était  jamais 
tombé  dans  aucune  hérésie,  non  pas  même 
dans  celles  dont  les  erreurs  paraissaient  les 
plus  légères.  Saint  Alypius  et  saint  Augus- 
tin lui  écrivirent  la  lettre  dont  nous  parlons, 
où  après  avoir  dit  que,  comme  ils  avaient 
l'un  et  l'autre  contribué  à  la  profession  de 


sa  fille  Démétriade,  on  ne  pouvait  trouver 
mauvais  qu'ils  prissent  la  liberté  de  lui  par- 
ler de  son  salut,  et  de  l'avertir  de  se  tenir 
sur  ses  gardes  contre  les  ennemis  de  la 
grâce;  ils  la  priaient  de  leur  mander  ce 
qu'elle  savait  d'un  livre  adressé  à  Démé- 
triade, qui  contenait  des  erreurs  très-dan- 
gereuses; de  qui  était  ce  livre;  si  elle  l'a- 
vait lu  ,  et  comment  Démétriade  l'avait 
reçu.  Ils  lui  font  remarquer  le  danger  qu'il 
y  avait  de  laisser  entre  les  mains  de  Démé- 
triade, un  livre  où  l'auteur  lui  parlait  ainsi  : 
a  Vous  avez  en  cela  même  un  avantage  qui 
vous  élève  au-dessus  des  autres ,  ou  plutôt 
c'est  pour  cela  même  que  vous  méritez  le 
plus  de  leur  être  préférée.  Car  la  noblesse  et 
les  richesses  que  vous  possédez,  viennent  plu- 
tôt de  vos  ancêtres  que  de  vous-même;  mais 
pour  vos  richesses  spirituelles,  elles  n'ont  pu 
venir  que  de  vous.  C'est  donc  de  celles-là 
que  vous  méritez  d'être  louée  ;  c'est  par  là 
qu'on  vous  doit  mettre  au-dessus  des  au- 
tres; puisque  ces  sortes  de  biens  sont  en 
vous  et  ne  peuvent  venir  que  de  vous.  »  Ils 
font  sentir  à  Julienne  tout  le  venin  qui  était 
caché  sous  ces  paroles,  en  lui  faisant  voir 
que  la  continence  virginale  qui  faisait  la 
sainteté  de  l'état  de  sa  fille,  était  un  don  de 
Dieu.  Sur  quoi  ils  allèguent  l'autorité  de  Maiih.  xn, 
Jésus-Christ,  de  saint  Paul  et  de  saint  Jac-  "/<"  "'''-X 
ques.  «  Nous  voulons  bien,  ajoutent-ils, 
que  Démétriade  dise  avec  David  :  Ce  que  je  P-=ain-.  lv, 
vous  ai  voué  est  en  moi,  et  je  le  conserverai  à 
la  louange  de  votre  nom;  mais  comme  cela 
ne  vient  pas  d'elle,  quoiqu'il  soit  en  elle, 
qu'elle  se  souvienne  de  dire  aussi  :  C'est  Psaim.ixiï, 
vous,  Seigneur,  qui  par  votre  bon  plaisir, 
m'avez  enrichie  de  ces  dons,  et  c'est  votre  force 
qui  me  les  conserve.  Car  quoiqu'il  soit  vrai  de 
dire  que  ce  bien-là  vient  aussi  d'elle  à  rai- 
son de  son  libre  arbitre ,  sans  quoi  nous  ne 
faisons  aucun  bien,  il  n'est  pas  vrai  qu'il  ne 
vienne  que  d'elle,  puisque  si  la  grâce  de 
Dieu  ne  vient  au  secours  du  libre  arbitre ,  il 
ne  saurait  même  y  avoir  de  bonne  volonté 
dans  l'homme.  C'est  Dieu,  dit  l'Apôtre  ,  ^wi  Pwiip.  ■■, 
opère  en  nous  le  vouloir  et  le  faire,  selon  son 
bon  plaisir,  non  en  nous  éclairant  simple- 
ment, pour  nous  faire  connaître  nos  devoirs, 
comme  les  pélagiens  le  prétendent,  mais 
en  nous  inspirant  la  charité,  afin  de  nous 
faire  aimer  le  bien  que  nous  avons  appris.  » 
Us  témoignent  ensuite  être  pleinement  per- 
suadés ,  que  Démétriade  ,  nourrie  comme 
elle   l'avait  été,  dans  l'humilité  chrétienne, 


160 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ne  se  sera  pas  laissée  frapper  des  paroles  de 
cet  auteur;  et  que,  si   elle  les  a  lues,  elle 
n'aura  pu  le  faire  sans  gémir,  sans  frapper 
sa  poitrine  et  même  sans  verser  des  larmes, 
convaincue   que  c'est  de  Dieu  qu'elle  tient 
tous  les  biens  qui  la  rendent  bonne,  et  que 
c'est  aussi  de  lui  qu'elle  espère  tous  ceux 
qui  la  rendront   encore  meilleure.  Ils  con- 
viennent qu'il  y  a  dans  ce  livre  quelques 
endi'oits    où  l'auteur    semble    en    quelque 
façon  reconnaître  la  grâce  de  Dieu.  «  Mais 
si  vous  y  regardez  de  près,  disent-ils  à  Ju- 
lienne ,  vous  y  trouverez  tant  d'ambiguité , 
que  ce  qu'on  y  dit  se  peut  entendre  ou  des 
facultés    naturelles,    ou   des    instructions, 
ou  de  la  rémission  des  péchés.  »  Car  c'est 
à  cela  que  les  pélagiens  réduisent  ce  que 
Dieu    nous  a  donné   de   grâces  et  de   se- 
cours pour  le  bien.    Comme  ce  livre    était 
écrit    avec   élégance ,    ce    qui    faisait    que 
beaucoup  de  personnes  le  lisaient ,  ces  deux 
saints    évéques   témoignent    souhaiter   que 
l'auteur  reconnaisse  la  grâce  prêchée   par 
l'Apôtre,    et  qu'il  déclare  que    chacun   n'a 
de  foi  qu'autant  qu'il  a  plu  à  Dieu  de  lui  en 
départir.  Mais  ils  n'y   trouvaient  rien   qui 
approchât  de   cette   doctrine.  L'auteur  n'y 
avait  pas  mis  son  nom,  ni  le  nom  de  celle 
à   qui   il  l'adressait,  ni  celui  de   Juhenne, 
quoiqu'il  y  déclarât  qu'il  l'avait  écrit  à  la 
Aur.iib.De  prière  de  la  mère  d'une  vierge.  On  sut  certai- 
uT^ài"",,;  nement  dans  la  suite  que  c'était  Pelage.  Il  se 
ai»i"b°''  '°  découvrit  lui-même  en  citant  quelques  en- 
droits de  ce  livre  pour  montrer  qu'il  recon- 
naissait sans  ambiguïté  la  grâce  de  Jésus- 
Chi'ist  qu'on  l'accusait  de  nier. 
Loiire  189       41.  La  lettre  au  comte  Boniface,  est  une 
en  4i°8°'  pagl  instructlon  sur  la  manière  dont  il  devait  se 
conduire  dans  la  profession  des  armes.  Saint 
Augustin  lui  recommande  de  s'avancer  de 
jom-  en  jour,  à  force  de  prières  et  de  bonnes 
œuvres,  dans  la  pratique  du  double  précepte 
de  l'amour  de  Dieu  et  du  prochain,  parce 
que  la   foi  opère  par  la  charité;   c'est  par 
elle  que  tous  les  saints  ont  été  agréables  à 
Dieu,  et  que  les  martyrs  ont  répandu  leur 
sang.  11  ne  croit  pas  qu'il  soit  impossible  de 
plaire  à  Dieu  dans  la  profession  des  armes, 
et  il  en  donne  pour  exemple  dans  l'Ancien 
Testament  le  roi  David  â  qui  l'Écriture  rend 
un  témoignage  si  avantageux;   et   dans  le 
Nouveau,  Corneille  le  centenier  à  qui  Dieu 
envoya  un  ange,  pour  lui  dire   qu'il  avait 
agréé  ses  aumônes  et  exaucé  ses  prières.  Il 
s'autorise  aussi  de  ce  que  saint  Jean  ne  dit 


point  aux  soldats  cpii  étaient  venus  lui  de- 
mander  le   baptême ,  de  cesser  de  porter 
leurs  armes,  mais  seulement  de  ne  faire  ni 
fraude  ni  violence  à  personne,  et  de  se  con- 
tenter de  leur  paie.  Mais  il  conseille  à  Boni- 
face  de  ne  manquer  de  foi  envers  personne, 
pas  même  envers  les  ennemis  de  la  répu- 
blique, après  la  leur  avoir  promise,  et  de 
conserver  toujours  dans  sa  volonté  le  désir 
de  la  paix,   lors  même  qu'il  se  trouvera 
dans  la  nécessité  de  faire  la  guerre.  Il  veut 
même   qu'il  n'y  ait  que  la  nécessité  toute 
seule  qui  fasse  ôter  la  vie  à  l'ennemi,  et  que 
la  volonté  n'y  ait  jamais  de  part.  «  Gomme 
on  l'accable  par  la  force  quand  il  résiste, 
ou  qu'après  s'être  rendu  il   se  soulève,   on 
doit,  dit  saint  Augustin,  lui  faire  grâce  dès 
qu'il  est  pris  ou  vaincu,  surtout   lorsqu'on 
n'a   pas   heu   d'en    rien    appréhender    qui 
puisse  troubler  la  paix.  »   Ce  Père  recom- 
mande encore  à  Boniface  la  pudicité  conju- 
gale, la  sobriété  et  la  frugaUté,  et  lui  con- 
seille de  se  bien  garder  de  chercher  du  bien 
par  de  mauvaises  actions  ;  de  mettre ,  au 
contraire,  le  sien  en  dépôt  dans  le  ciel,  par 
de  bonnes   œuvres,  un  cœur  ferme  et  véri- 
tablement  chrétien,  ne   devant   ni  s'enfler 
pour  voir  augmenter  son  bien,  ni  se  laisser 
abattre  pour  en  perdre.  «  Comme  vous  au- 
rez,  ajoute-t-il,  toujom's  besoin  de  pardon 
tant    que   vous   serez   revêtu   de   ce   corps 
mortel,    ayez  soin  de   pardonner  prompte- 
ment  dès  que  ceux  qui  vous  auront  offensé, 
vous   demanderont   pardon  ;    afin    que   vos 
prières  étant  sincères,  vous  puissiez  obtenir 
que  Dieu  vous  pardonne  vos  péchés.  » 

42.  Un  évêque  nommé  Optât,  avait  fait  un  ^^  ^^l", 
livre  sur  l'origine  de  l'âme,  sans  être  néan-  *"'P=s-' 
moins  convaincu  si  elle  venait  par  propaga- 
tion de  celle  que  Dieu  a  créée  poui*  le  pi'e- 
mier  homme,  ou  si  Dieu  en  crée  toujours 
de  nouvelles  pom'  chacun  en  particuher. 
Comme  il  souhaitait  extrêmement  de  savoir 
à  quoi  s'en  tenir,  il  en  écrivit  à  quelques-uns 
de  ses  amis,  et  sa  lettre  arriva  à  Alger  ' 
pendant  que  saint  Augustin  y  était.  Un 
serviteur  de  Dieu  nommé  René,  chargé  ap- 
paremment de  cette  lettre,  la  mit  entre  les 
mains  de  ce  saint  Évêque,  et  le  pressa  avec 
tant  d'instance  d'y  répoudre,  qu'il  ne  put 
s'en  défendre,  quoique  occupé   à  d'autres 


1  Le  teste  porte  César ée;  c'est  la  ville  nommée 
aujourd'hui  Cherchell.  {L'éditeur.) 


[iv^  ET  v-^  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


161 


choses.  Il  écrivit  donc  à  Optât,  que  n'ayant 
jamais  osé  se  prononcer  définitivement  sur 
cette  matière,  il  n'était  ni  assez  hardi,  ni 
d'assez  mauvaise  foi,  pour  donner  aux  au- 
tres comme  constant  ce  qui  ne  l'était  pas 
encore  pour  lui-même.  Ensuite  il  établit  di- 
vers principes  qui  pouvaient ,  sinon  lever 
toute  sorte  de  doutes  sur  cette  matière,  du 
moins  empêcher  qu'on  ne  décidât  rien  té- 
mérairement. 1°  Suivant  les  divines  Écritures 
on  ne  peut  douter  que,  comme  de  tous  les 
descendants  d'Adam  il  n'y  en  a  aucun  qui 
ne  naisse  engagé  dans  le  péché  et  dans  la 
condamnation,  nul  n'en  est  délivré  qu'en 
renaissant  par  Jésus-Christ  ;  2°  Quoique  l'on 
puisse  ignorer  sans  danger  qu'elle  est  l'o- 
rigine de  l'âme ,  on  doit  néanmoins  tenir 
pour  certain  qu'elle  n'est  pas  une  partie  de 
la  substance  de  Dieu,  mais  qu'elle  est  une 
créature  ;  qu'elle  est  un  esprit  et  non  pas 
un  corps  ;  et  si  elle  se  trouve  engagée  dans 
ce  corps  corruptible,  ce  n'est  point  en  pu- 
nition d'aucun  péché  qu'elle  ait  commis 
dans  quelque  autre  vie  ;  3°  Personne  ne  peut 
être  justifié  que  par  la  foi  en  Jésus-Christ, 
les  justes  mêmes  qui  ont  vécu  avant  son 
Incarnation ,  n'ont  été  sauvés  que  par  la 
foi  en  cet  Homme-Dieu.  C'est  ce  que  saint 
Augustin  prouve  par  plusieurs  endroits  de 
l'Ecriture.  Après  quoi  il  fait  voir  que  les 
paroles  de  saint  Paul  sur  l'infection  de  toute 
la  masse  par  Adam,  suffisent  pour  satisfaire  à 
toutes  les  difficultés  que  l'on  fait  ordinaire- 
ment sur  le  mystère  de  la  prédestination. 
«  Si  toute  la  masse,  dit-il,  n'était  pas  tom- 
bée dans  la  condamnation  par  Adam,  on 
aurait  raison  de  trouver  injuste  que  Dieu  en 
fît  des  vases  de  colère  pour  la  perdition; 
mais  comme  elle  est  condamnée  toute  en- 
tière et  très-justement,  c'est  par  une  grâce 
toute  gratuite,  que  de  ce  qui  sort  de  cette 
masse,  il  fait  les  uns  des  vases  de  miséri- 
corde ,  et  les  autres  des  vases  de  colère  par 
une  juste  punition.  Or,  on  est  vase  de  colère 
par  la  seule  naissance,  mais  on  n'est  vase 
de  miséricorde  que  par  la  régénération.  Si 
Dieu  laisse  venir  au  monde  tant  de  milliers 
de  personnes  qu'il  sait  ne  point  appartenir 
à  sa  grâce,  c'est  afin  de  î'aire  voir  à  ceux 
qui  sont  rachetés  de  la  condamnation ,  que 
toute  la  masse  méritait  le  traitement  que  la 
justice  de  Dieu  fait  à  la  plupart,  parmi  les- 
quels ils  voient,  non-seulement  ceux  qui 
ont  ajouté  plusieurs  péchés  à  celui  de  leur 
naissance,  mais  encore  un  grand  nombre 
IX. 


d'enfants  qui ,  n'étant  coupables  que  de  ce- 
lui-là seul,  sont  enlevés  de  cette  vie  sans 
avoir  participé  à  la  grâce  du  Médiateur.  Car 
la  masse  entière  tomberait  dans  la  damna- 
tion qui  lui  est  justement  due  ,  si  Dieu,  qui 
n'a  pas  moins  de  miséricorde  que  de  jus- 
tice, ne  faisait  des  ^ases  d'honneur  d'una 
partie  de  cette  masse,  par  un  pur  effet  de  sa 
grâce,  et  sans  rien  devoir  à  ceux-là  non 
plus  qu'aux  autres.  » 

Après  s'être  expliqué  sur  la  prédestina- 
tion, saint  Augustin  dit  que,  si  on  rejette 
l'opinion  de  Tertulhen  sur  la  nature  de  l'â- 
me, qu'il  croyait  corporelle,  on  peut  admet- 
tre l'opinion  qui  enseigne  que  les  âmes 
viennent  par  la  propagation  ;  elle  lui  semble 
mieux  s'accorder  que  les  autres  avec  la  doc- 
trine du  péché  originel,  quoiqu'elle  ait  de 
grandes  difficultés.  Cette  opinion  était  la 
plus  commune  en  Occident;  et  il  la  croit 
plus  probable  que  celle  de  saint  Jérôme, 
qui  était  pour  la  création  journalière  ;  mais 
il  n'ose  rien  décider  là-dessus,  n'ayant  rien 
trouvé  de  clair  dans  l'Ecriture,  sur  l'origine 
de  l'âme.  IL  avertit  Optât  de  se  mettre  en 
garde  contre  la  nouvelle  hérésie  des  péla- 
giens,  qui  avait  pour  auteurs  Pelage  et  Cé- 
lestius  déjà  condamnés,  dit-il,  par  les  papes 
Innocent  et  Zozime,  qui  ont  si  dignement 
remph  le  Siège  apostohqae,  et  par  un  grand 
nombre  d'évêques  assemblés  en  deux  conci- 
les. 11  lui  fait  remarquer  que  leur  hérésie  ne 
consiste  pas  à  dire  que  les  âmes  de  ceux 
qui  naissent  journellement,  ne  viennent 
point  de  cette  âme  qui  a  péché  la  première 
de  toutes ,  mais  en  ce  qu'ils  en  tirent  une 
conséquence  contre  le  péché  originel,  sou- 
tenant que  les  âmes,  ne  venant  point  d'A- 
dam, ne  participent  pas  non  plus  à  son 
péché,  et  qu'il  n'y  a  rien  en  elles  qui  ait 
besoin  d'être  expié  par  les  eaux  du  bap- 
tême. 11  ajoute,  que  quelque  soit  l'origine 
des  âmes ,  et  soit  qu'elles  viennent  de 
celle  d'Adam,  ou  qu'elles  soient  créées  de 
nouveau  pour  chacun,  on  doit  tenir  pour 
certain  qu'aucun  péché  n'a  passé  d'Adam 
dans  l'âme  du  Médiateur.  Car  s'il  a  bien  pu 
nous  délivrer  de  nos  péchés,  on  ne  saurait 
nier  qu'il  n'ait  pu  tirer  aussi  pour  lui  une 
âme  sans  péché,  l'eùt-il  tirée  même  de  cette 
source  corrompue,  lui  qui  a  tiré  des  seuls 
trésors  de  sa  toute-puissance  celle  dont  il  a 
animé  le  corps  d'Adam  qu'il  avait  formé  de 
terre.  Il  parait  qu'Optât  ne  se  contenta  pas 
de  cette  lettre,  puisque  saint  Augustin  lui 

H 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


162 

en  écrivit  deux  autres  sur  le  même  sujet  '. 
Letirc  131       43.  Le  bruit  qui  avait  couru  que  le  prêtre 
en  u1°'p4"   Sixte  qui  fut  depuis  pape,  favorisait  à  Rome 
'™'  l'erreur  des  pélagiens,  s'étant  trouvé  faux, 

saint  Augustin  l'en  félicita,  en  répondant  à 
la  lettre  qu'il  avait  reçue  de  lui  sur  ce  sujet, 
et  où  Sixte  se  déclarait  ouvertement  pour  la 
grâce.  Il  le  prie  de  s'intéresser  dans  le  châ- 
timent de  ceux  qui  répandaient  des  erreurs 
si  pernicieuses,  de  travailler  à  mettre  en 
sûreté  beaucoup  d'esprits  faibles,  aisés  à  se 
laisser  surprendre  ;  et  d'empêcher  ceux  qui 
ne  cessent  de  les  répandre  en  secret,  en 
s'insinuant  dans  les  maisons.  «  Car  combien 
en  connaissez-vous,  lui  dit-il,  qui  se  décla- 
raient hautement  pour  cette  doctrine  em- 
poisonnée, avant  quelle  eût  été  proscrite, 
comme  elle  l'a  été  solennellement,  et  par  le 
jugement  même  du  Siège  apostolique  ?  On 
les  a  vns  tout  d'un  coup  prendre  le  parti  du 
silence  ;  mais  quoiqu'on  ne  puisse  encore 
s'y  fier,  il  faut  les  traiter  doucement,  sans 
cesser  toutefois  d'user  envers  eux  des  remè- 
des nécessaires,  puisque  leurs  plaies,  pour 
être  cachées,  ne  laissent  pas  d'être  des 
plaies  ;  ces  remèdes  sont  les  instructions 
qii'il  leur  faut  donner,  et  qu'ils  sont  d'autant 
plus  en  état  de  recevoir,  que  la  crainte  du 
châtiment  a  préparé  les  voies  à  la  vérité.  » 
Il  est  parlé  dans  cette  lettre  de  celle  que 
Sixte  écrivit  au  primat  Aurèle  en  faveur  de 
la  doctrine  de  la  grâce. 
Leiire  152  44.  Saiut  Augustin,  de  retour  à  Hippone, 
di^crefenus;  après  uH  voyago  en  Mauritanie  ^  en  418,  y 
pag.  710.  trouva  diverses  lettres  qu'on  lui  écrivait  d'I- 
talie, auxquelles  il  répondit  par  l'acolyte 
Albin,  n  y  en  avait  une  de  Célestin  qui  n'é- 
tait alors  que  diacre  de  l'Église  de  Rome, 
mais  qui  en  fut  depuis  évêque  après  la  mort 
du  pape  Boniface.  Ce  n'était  qu'un  compli- 
ment d'amitié. 

Saint  Augustin,  dans  sa  réponse,  l'entre- 
tient des  devoirs  de  la  charité,  dont  il  dit 
qu'on  demeure  toujours  redeA'able,  quoi- 
qu'on s'en  acquitte,  parce  qu'il  n'y  a  point 
de  temps  où  l'on  soit  dispensé  de  les  rem- 
plir. Il  distingue  entre  la  charité  qu'on  doit 
à  ses  ennemis,  et  ceUe  qu'on  doit  à  ses 
amis.  A  l'égard  des  ennemis,  c'est  une 
avance  que  l'on  fait  et  que  l'on  est  obligé 
de  faire  avec  réserve  et  avec  précaution  ;  et 


»  Fulg.  lib.  m  De  Prœd  ,  cap.  xviil.— ^  La  Mau- 
ritanie est  représentée  par  notre  province  d'Alger. 
{L'éditeur.) 


à  l'égard  des  amis,  c'est  un  réciproque  que 
l'on  rend  sans  précaution  et  sans  réserve. 
Le  but  de  la  charité  envers  nos  ennemis,  est 
de  les  rendre  nos  amis,  et  de  souhaiter 
conséquemment  qu'ils  deviennent  bons,  ce 
qu'ils  ne  peuvent  être  tandis  qu'ils  garderont 
dans  leur  cœur  la  haine  qu'ils  ont  contre 
nous.  Il  n'en  est  pas  de  la  charité  comme  de 
l'argent  ;  car  on  aime  d'autant  plus  ceux 
à  qui  on  le  donne,  que  l'on  songe  moins  à 
le  ravoir;  au  lieu  que  lorsque  nous  exigeons 
de  la  charité  de  la  part  de  ceux  pour  qui 
nous  en  avons,  non-seulement  elle  s'aug- 
mente en  nous,  mais  ceux  de  qui  nous  en 
exigeons,  ne  commencent  d'en  avoir,  que 
lorsqu'ils  commencent  de  nous  en  rendre. 
Cette  lettre  fut  portée  par  Albin,  acolyte, 
aussi  bien  que  la  suivante. 

45.  Elle  est  adressée  à  Mercator,  le  même, 
comme  l'on  croit,  dont  nous  avons  quelques 
petits  ouvrages  contre  les  pélagiens  et  con- 
tre les  nestoriens.  Il  était,  ce  semble,  à  Ro- 
me en  417  ou  418,  dans  le  temps  que  l'on  y 
examinait  l'affaire  des  pélagiens.  Son  zèle 
pour  la  foi  catholique  lui  fit  entreprendre 
un  ouvrage  pour  la  détendre  contre  ces 
nouvelles  erreurs  :  et  quoiqu'il  les  combattît 
avec  beaucoup  de  sohdité  et  de  force,  il 
voulut  néanmoins  rendre  saint  Augustin 
juge  de  ce  qu'il  avait  écrit  sur  cette  matière. 
Il  lui  envoya  donc  son  ouvrage  avec  une 
lettre.  Mais  le  saint  n'y  ayant  pas  répondu, 
parce  qu'il  reçut  l'une  et  l'autre  étant  à 
Carthage  où  il  était  extrêmement  occupé, 
Mercator  lui  écrivit  une  seconde  lettre,  où 
il  se  plaignait  en  quelque  façon,  que  saint 
Augustin  l'eût  méprisé  ou  oublié.  Il  joignit 
à  cette  lettre  un  second  ouvrage  contre  les 
pélagiens,  qu'il  combattait  particulièrement 
par  un  grand  nombre  de  passages  de  l'Écri- 
ture. Saint  Augustin  le  prie  dans  sa  réponse, 
de  ne  point  douter  de  la  joie  que  lui  avaient 
causée  et  ses  lettres  et  ses  ouvrages,  rien  ne 
pouvant  lui  faire  plus  de  plaisir  que  de  voir 
les  défenseurs  de  l'Église  se  miûtiplier,  et 
réprimer  de  toute  part,  ceux  qui  par  des 
nouveautés  profanes,  tâchent  de  surprendre 
les  simples  et  les^  faibles.  Il  lui  fait  voir  en- 
suite, que  puisque  les  pélagiens  avouaient 
que  les  enfants  qui  l'ecevaient  le  baptême, 
croyaient  par  l'entremise  de  ceux  qui  les  y 
présentaient,  ils  pouvaient  bien  dire  aussi 
que  le  péché  originel  leur  était  remis  par  la 
foi  de  leurs  parrains  ;  et  qu'ainsi  leur  procès 
était  vidé  avec  ces  hérétiques  sur  ce  point, 


[IV"  ET  Y'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÈQOE  D'HIPPONE. 


163 


sans  entrer  dans  le  détail  d'aucune  contesta- 
tion. Mercator  disait  dans  ses  lettres,  que 
les  pélagiens  niaient  que  la  mort  fût  l'effet 
et  la  punition  du  péché  :  et  qu'ils  se  fon- 
daient sur  ce  qu'Enoch  et  Élie  ne  sont  pas 
morts,  et  sur  ce  que  dit  saint  Paul,  dans  sa 
première  aux  Thessaloniciens,  que  ceux  qui 
se  trouveront    vivants    quand   Jésus-Christ 
viendra,  seront  emportés  dans  les  nues  au- 
devant  de  lui,  sans  mourir.  Saint  Augustin 
répond  à  la  première  difficulté,  que  l'exem- 
ple d'Enoch  et  d'Élie,  ne  prouve  nullement 
que  la  mort  ne  soit  pas  la  peine  du  péché, 
puisqu'il  y  a  apparence  qu'ils  mourront  un 
jour;  quand  ils  seraient  exempts  de  la  mort, 
ce  serait  par  une  grâce  particulière  de  Dieu, 
qui  peut,  s'il  le  veut,  exempter  des  person- 
nes d'une  peine  due  au  péché,  comme   il 
nous  exempte  de  beaucoup  d'autres.  «  Mais 
cela  n'empêche  pas,  dit-il,  qu'il  ne  soit  vi'ai 
Roin.v,  12,   que  le  péché  est  enti'é  dans  le  monde  'par  un 
seul  homme,  et  la  mort  par  le  péché,  qu'ainsi 
eUe  a  passé  dans  tous  les  hommes.  Quand 
nous   disons  que  le   péché  damne  tout  le 
monde,  ne  disons-nous  pas  vrai  ?  cependant 
tout  le  monde  n'est  pas  damné.  Comment 
donc  cette  proposition  est-elle  vraie  ?  C'est 
parce  qu'on  n'est  damné  que  par  le  péché, 
quoique  tout  le  monde  ne  soit  pas  damné.  » 
Il  convient  que  celui-là  ferait  une  difficulté 
mieux  fondée,  qui  dirait  :  Comment  se  peut- 
il  faire,  que  la  peine   du  péché  demeure 
après  le  péché  remis  ;  mais  il  ne  la  résout 
pas,  renvoyant  Mercator  à  la  solution  qu'il 
en  avait  donnée  dans  les  livres  intitulés  : 
Du  Baptême  des  enfants. 

Quant  au  passage  de  l'Épître  aux  Thessa- 
loniciens, il  soutient  qu'il  ne  favorise  en 
rien  les  pélagiens,  puisqu'on  peut  dire  de 
I  Tiiess.  iT,  ceux  qui  seront  enlevés  tous  vivants,  et  empor- 
tés sur  les  nues  au-devant  de  Jésus-Christ,  que 
s'ils  ne  passent  pas  par  la  mort,  ce  sera  par 
ime  grâce  particulière,  comme  on  l'a  dit 
d'Enoch  et  d'Élie  :  qu'ainsi  il  demeurera 
toujours  constant  que  la  mort  du  corps  aussi 
bien  que  ceUe  de  l'âme,  n'est  qu'une  suite 
du  péché,  et  que  ce  retour  qui  fera  passer 
les  justes  de  la  mort  à  la  vie,  pour  être  à 
jamais  heureux  dans  le  ciel,  est  un  effet 
bien  plus  merveilleux  de  la  puissance  de  la 
grâce,  que  s'ils  entraient  sans  passer  par  la 
mort. 

siS»°  'en       ^^-  Le  même  Albin  qui  fut  le  porteur  des 

°,t'S.-r,.  lettres  à  Mercator  et  à  Célestin,  en  rendit 

ime  au  prêtre  Sixte ,  dans  laquelle  saint  Au- 


gustin lui  promettait  de  lui  écrire  plus  au 
long  sur  la  grâce.  11  ne  fut  pas  longtemps 
sans    accomplir    sa    promesse,    en    ayant 
trouvé  l'occasion  par  Firmus  qui  s'en  re- 
tournait à  Rome.  Il  rapporte  dans  cette  se- 
conde lettre  les  erreurs  des  pélagiens,  et  ré- 
pond à  leurs  objections.  «  Ils  croient,  dit-il, 
qu'on  leur  ôte  leur  libre  arbitre,  s'ils  con- 
viennent   que    sans    le    secours    de   Dieu, 
l'homme  n'a  pas  même  la  bonne  volonté  ;  et 
ils  ne  comprennent  pas  que  loin  d'affermir 
le  libre  arbitre,  ils  le  mettent  en  l'air,  ne 
l'appuyant  pas  sur  le  Seigneur  qui  est  la 
pierre  sohde.  Ils  s'imaginent  reconnaître  en 
Dieu   acception   de    personne,   s'ils  croient 
que  sans  aucun  mérite  précédent,  il  fait  mi- 
séricorde à  qui  il  veut,  qu'il  appelle  qui  il 
lui  plaît ,  et  ils  ne  considèrent  pas  que  celui 
qui  est  condamné  reçoit  la  peine  qui  lui  est 
due ,  et  que  celui  qui  est  délivré  reçoit  la 
grâce  qui  ne  lui  est  pas  due  ;  en  sorte  que 
l'un  n'a  point  sujet  de  se  plaindre,  ni  l'autre 
de  se  glorifier.  C'est  plutôt  là  le  cas  où  il  n'y 
a  point  d'acception  de  personne,  quand  tous 
sont  enveloppés  dans  une  même  masse  de 
condamnation.  Mais,  disent-ils,  il  est  injuste 
dans  une  même  mauvaise  cause  de  délivrer 
l'un  et  de  punir  l'autre.  Il  est  donc  juste,  ré- 
pond saint  Augustin,  de  punir  l'un  et  l'au- 
tre :  ainsi  nous  devons  rendre  grâces  au 
Sauveur  de  ne  nous  avoir  pas  traités  comme 
nos  semblables.    Car  si  tous  les  hommes 
étaient  délivrés ,  on  ne  verrait  pas  ce  que  la 
justice  doit  au  péché  :  si  personne  ne  l'était, 
on  ne  connaîtrait  pas  le  bienfait  de  la  grâce. 
Il  faut  donc,  dans  une  question  si  difficile, 
avoir  recours  aux  paroles  de  l'Apôtre,  et 
dire  avec  lui,  que  Dieu  voulant  montrer  sa      Rom.  u , 
juste  colère  et  faire  éclater  sa  puissance,  souf-   ^'' 
fre  avec  une  extrême  patience  les  vases  de  Co- 
lette, préparés  pour  la  perdition,  afin  de  faire 
paraître  les  richesses  de  sa  gloire  sur  les  vases 
de  miséricorde,  sans  que  nul  ait  droit  de  lui 
dire  :  Pourquoi  m'avez-vous  fait  ainsi  ?  puis- 
qu'il a  le  pouvoir  de  faire  de  la  même  masse, 
l'un  un  vase  d'honneur,   et  l'autre  v.n   vase 
d'ignominie.  )> 

Saint  Augustin  prouve  contre  les  péla- 
giens que  la  grâce  recommandée  par  l'A- 
pôtre, n'est  point  celle  par  laquelle  nous 
avons  été  créés  pour  être  hommes,  mais 
celle  par  laquelle  nous  avons  été  justifiés 
étant  de  méchants  hommes.  «  Car,  dit-il,  Jé- 
sus-Christ n'est  pas  mort  pour  la  création  de 
ceux  qui  n'étaient  point,  mais  pour  la  justi- 


164 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


19, 


fication  de  ceux  qui  étaient  impies.  »  Il  prouve 
encore  que  la  grâce  nous  est  donnée  sans 
aucun  mérite,  et  que  la  foi  même  qui  est  le 
commencement  de  toute  justice,  est  un  don 

iiom.xn,3.  purement  gratuit  de  Dieu  qui  donne  la  foi  à 
chacun  selon  le  mesure  qu'il  lui  plaît,  de  sorte 
qae  'c'est  l'homme  qui  fait  les  bonnes  œu- 
vres, mais  Dieu  met  et  forme  dans  l'homme 
cette  foi ,  sans  laquelle  il  ne  fait  jamais 
d'œuvre  qui  soit  bonne,  n  Celui  donc  qui 
prie,  dit-il,  ne  doit  point  se  glorifier  de  sa 
prière ,  lorsqu'il  voit  qu'elle  lui  obtient  la 
grâce  de  vaincre  le  penchant  qui  entraîne 
vers  les  biens  temporels,  et  d'aimer  les  éter- 
nels, et  Dieu  même  la  som-ce  de  tout  bien  ; 
qu'il  sache  que  c'est  la  foi  qui  prie  en  lui,  et 
qu'il  a  si  peu  obtenu  cette  foi  par  ses 
prières,  que  sans  elle  il  n'aurait  jamais  pu 

Rom.  X,  14.  pi-ier.  Car  comment  invoquer  celui  en  qui  on 
ne  croit  pas?  C'est  cette  foi  qui  nous  attire  à 
Jésus-Christ;  et  si  ce  n'était  pas  un  don 
purement  gratuit  qui  nous  vient  d'en  haut, 

joan.  VI,  [i  n'aurait  pas  dit  :  Personne  ne  peut  venir  à 
moi,  si  mon  Père  qui  m'a  envoyé  ne  l'attire. 
Que  diront  à  cela  les  pélagiens  ?  Nous  ob- 
jecteront-ils ce  que  saint  Paul  s'objecte  de 
la  part  de  ceux  qui  n'avaient  pas  voulu  de- 
meurer d'accord  de  ce  qu'il  venait  de  dire  ? 
''''  Que  Dieu  fait  miséricorde  à  qui  il  lui  plo.tt, 
et  qu'il  endurcit  qui  il  lui  plaît.  Comment 
Dieu  se  plaint-il  encore  des  pécheurs,  puisque 
personne  ne  résiste  à  sa  volonté?  Nous  lem-  ré- 
pondrons avec  le  même  Apôtre  :  0  hommes 
qui  êtes-vous  piour  contester  avec  Dieu  ?  car  si 
nous  cherchons  par  où  l'on  mérite  l'endur- 
cissement, nous  le  trouverons  sans  peine  ; 
puisque  par  le  péché  toute  la  masse  a  été 
très-justement  condamnée;  que  ce  n'est  pas 
en  inspirant  la  mahce  que  Dieu  endm-cit, 
mais  eu  ne  faisant  pas  miséricorde  ;  que 
ceux  à  qui  il  ne  la  fait  pas,  ne  la  méritent 
pas,  et  que  tout  ce  qu'ils  méritent,  c'est  qu'il 
ne  la  leur  fasse  pas.  De  même  si  nous  cher- 
chons par  où  l'on  mérite  la  miséricorde, 
nous  ne  trouverons  rien,  parce  qu'il  n'y  a 
rien  ;  et  que  la  grâce  serait  anéantie ,  si  elle 
n'était  point  donnée  gratuitement,  mais  ac- 
cordée au  mérite.  » 

Quel  tort  avons-nous  de  vivre  mal,  disaient 
les  pélagiens,  si  nous  n'avons  pas  reçu  la 
grâce  qui  nous  aurait  fait  vivre  d'une  autre 
manière?  Saint  Augustin  leur  répond  que 
s'ils  vivent  mal,  c'est  par  leur  corruption  qui 
vient  ou  du  péché  originel  avec  lequel  ils 
sont  nés,  ou  des  crimes  qu'ils  ont  ajoutés  à 


celui-là.  «  Tous  les  pécheurs,  ajoute-t-il, 
sont  donc  sans  excuse,  soit  ceux  qui  n'ont 
que  le  péché  de  leur  origine,  soit  ceux  qui 
en  ont  ajouté  d'autres  par  la  malice  de  leur 
propre  volonté  ;  soit  qu'ils  aient  été  instruits 
ou  non  ;  qu'ils  aient  usé  de  discernement, 
ou  qu'ils  n'en  n'aient  pas  usé  :  car,  comme 
l'ignorance  est  sans  doute  un  péché  dans 
ceux  qui  n'ont  pas  voulu  s'instruire,  elle  est 
la  peine  du  péché,  dans  ceux  qui  ne  l'ont 
pu.  Ainsi  il  n'y  a  pohit  de  juste  excuse  ni 
pour  les  uns,  ni  pour  les  autres  ;  il  n'y  a 
pom'  tous  qu'une  juste  condamnation.  Com- 
me tous  ceux  qui  sont  délivrés  par  la  grâce 
du  Rédempteur,  ne  le  sont  que  par  pure 
grâce,  ceux  qui  sont  condamnés  le  sont  très-, 
justement,  de  quelques  excuses  qu'ils  pré- 
tendent couvrir  leur  iniquité.»  Quant  à  ceux 
qui  disent  que  c'est  accuser  Dieu  d'accep- 
tion de  personnes ,  d'avancer  qu'entre  plu- 
sieurs qui  sont  en  même  terme,  sa  miséri- 
corde se  répand  sm-  les  uns,  et  que  sa  colère 
demeure  sm'  les  autres  ;  «  Il  n'y  a,  dit  ce 
Père,  qu'à  leur  alléguer  ce  qui  se  passe  à  l'é- 
gard des  petits  enfants,  pour  confondre  tous 
les  discours  que  les  fausses  lumières  de  la 
raison  humaine  leur  font  faire  sm"  ce  sujet.  En 
effet  ce  qui  est  écrit ,  que  nul  n'entrera  dans  '""'■  '">' 
le  royaume  du  ciel,  qui  n'ait  été  régénéré  par 
l'eau  et  le  Saint-Esprit,  regarde  les  enfants 
aussi  bien  que  les  autres.  Or ,  quelle  raison 
peut-on  rendre  de  ce  que  Dieu  dispose  les 
choses  de  telle  sorte  à  l'égard  de  l'un,  qu'il 
ne  sort  de  cette  vie  qu'après  avoir  passé  par 
le  baptême  ;  et  que  l'autre  mem-t  avant  qu'on 
lui  puisse  procurer  ce  sacrement?  Est-ce 
par  leur  choix  et  par  leur  faute  qu'ils  ont  eu 
des  parents  infidèles  ou  négligents?  Si  l'on 
cherche  des  mérites  du  côté  de  ces  enfants 
mêmes,  il  est  clair  qu'ils  n'en  ont  point  qui 
leur  soient  propres,  et  iju'ils  appartiennent 
tous  également  à  la  masse  condamnée.  Si 
l'on  en  cherche  du  côté  de  lem's  parents, 
on  trouvera  ceux  dont  la  mort  enlève  les  en- 
fants avant  le  baptême,  pleins  des  mérites 
de  leurs  bonnes  œuvres  ;  et  ceux  au  con- 
traire dont  les  enfants  reçoivent  le  baptême, 
chargés  de  crimes.  » 

Saint  Augustin  prouve  ce  qu'il  allègue 
sur  ce  sujet  par  l'autorité  de  saint  Paul, 
qui  ne  cite,  dit-il,  ces  paroles  du  pi-ophète 
Malachie,  J'ai  aimé  Jacob,  et  j'ai  haï  Esaû, 
que  pom'  nous  faire  entendre  que  ce  pro- 
phète n'a  fait  que  nous  découvrir  plusiem-s 
siècles  après  la  naissance  de  ces  deux  ju- 


alach.  I 


[v,"  ET  V  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


meaiix,  ce  qui  était  arrêté  avant  leur  nais- 
sance dans  la  prédestination  de  Dieu  par  sa 
grâce.  Car  qu'est-ce  que  Dieu  aimait  dans  Ja- 
cob avant  qu'il  fût  né  et  avant  qu'il  eût  fait 
aucun  bien,  sinon  le  présent  gratuit  de  sa 
miséricorde?  et  que  liaïssait-il  en  Esaii  avant 
sa  naissance,  et  avant  qu'il  eût  fait  aucun 
mal,  sinon  le  péché  originel?  C'est  une 
chose  étrange  de  voir  dans  quels  précipices 
nos  adversaires  se  jettent,  quand  on  les 
pousse  jusque-là ,  plutôt  que  de  se  rendre  à 
la  vérité.  Dieu,  disent-ils,  haïssait  l'un,  et 
aimait  l'autre,  parce  qu'il  prévoyait  ce  qu'ils 
devaient  faire.  Mais  qui  n'admirera  que  l'A- 
pôtre n'ait  pas  eu  assez  de  lumière,  pour 
trouver  cette  solution  ?  Et  si  eUe  est  aussi 
vraie  qu'ils  se  l'imaginent,  comment  étant 
d'ailleurs  si  décisive  et  si  simple,  ne  s'en 
est-il  point  servi  pour  répondre  à  l'objection 
qu'il  s'était  faite  ?  Au  contraire  il  ne  pense 
qu'à  nous  faire  connaître  dans  ce  choix  le 
prix  et  la  nature  de  la  grâce,  en  ajoutant 
Eom.  IX    que  Dieu  dit  à  Moïse  :  Je  fetrn  miséricorde  à 

16  et  IC.  ^     .    .  .  .     '  ... 

qui  il  me  plaira  de  la  faire,  et  j  aurai  pitié  de 
qui  il  me  plaira  d'avoir  pitié,  et  que  cela  ne 
dépend  ni  de  celui  qui  veut,  ni  de  celui  qui 
court,  mais  de  Dieu  qui  fait  misércoi^ide.  C'est 
dans  le  même  dessein  que  saint  Paul  mar- 
que que  Rébecca  conçut  tout  à  la  fois  deux 
enfants  d'Isaac,  afin  que  non-seulement  il 
ne  restât  à  Jacob  aucun  sujet  de  se  glorifier, 
ni  d'aucun  mérite  qui  lui  fût  propre,  ni  des 
mérites  d'un  père  et  d'une  mère  différents 
de  ceux  d'Esaû  ;  mais  qu'il  ne  pût  pas  même 
se  glorifier  d'avoir  été  engendré  par  leur 
père  commun  dans  un  temps  où  ce  père  eût 
peut-être  été  plus  homme  de  bien,  que  lors- 
qu'il engendra  Esaû;  ni  rapporter  à  cette 
cause  la  préférence  que  Dieu  avait  eue 
pour  lui.  Ainsi  tout  est  égal  entre  eux,  et  du 
côlé  du  mérite  du  père  qui  les  engendra,  et 
du  côté  de  celui  de  la  mère  qui  les  conçut. 
D'où  il  suit  que  Jacob  n'a  pu  être  séparé 
que  par  pure  grâce  de  cette  masse  infectée 
du  péché  d'origine,  à  laquelle  il  appartenait 
aussi  bien  que  son  frère,  qui  pour  cette 
seule  cause  a  été  très-justement  condamné. 
Mais  quand  on  persisterait  dans  l'aveugle- 
ment, où  nous  venons  de  faire  voir,  dit  saint 
Augustin,  qu'il  faut  être  pour  soutenir  que 
c'est  en  vue  de  ce  que  ces  deux  enfants 
d'Isaac  devaient  faire,  que  Dieu  a  aimé  Jacob, 
et  qu'il  a  haï  Esaii ,  du  moins  ne  pourrait-on 
pas  dire  de  deux  enfants  qui  doivent  mourir 
avant  l'usage  de  i-aison,  que  Dieu  procure  le 


165 

baptême  à  l'un,  et  non  pas  à  l'autre,  en  vue 
de  ce  qu'ils  devaient  faire.  Car  comment  de- 
vaient-ils faire  ce  qu'ils  n'ont  point  fait  et 
qu'ils  ne  feront  jamais  ?  Ils  l'auraient  fait, 
s'ils  eussent  vécu,  répondaient  les  péla- 
giens,  et  Dieu  qui  le  prévoyait,  fait  mourir 
sans  baptême  ceux  dont  il  savait  que  la  vie 
aurait  été  criminelle,  punissant  en  eux  le 
mal  qu'ils  n'ont  pas  fait,  mais  qu'ils  auraient 
fait  s'ils  avaient  vécu  davantage.  «  C'est 
donc  mal  à  propos,  répond  ce  Père,  que  ces 
hérétiques  assurent  que  les  enfants  qui 
'meurent  sans  baptême  ne  sont  point  dam- 
nés. Car  puisque  le  baptême  leur  est  refusé 
en  punition  du  mal  qu'ils  auraient  fait,  s'ils 
avaient  vécu,  ils  sont  donc  aussi  damnés 
sans  doute  par  ce  même  mal,  s'il  est  vrai 
que  Dieu  punisse  celui  qu'on  devait  com- 
mettre, quoiqu'on  ne  l'ait  pas  commis.  D'ail- 
leurs, si  Dieu  procure  le  baptême  à  ceux 
dont  il  prévoit  que  la  vie  aurait  été  bonne, 
si  elle  avait  été  plus  longue,  pourquoi  leur 
ôte-t-il  une  vie  qu'ils  auraient  ornée  de  tant 
de  bonnes  œuvres  ?  Pourquoi  procure-t-il  ce 
sacrement  à  quelques-uns  qui  dans  la  suite 
d'une  longue  vie ,  ne  font  que  se  charger  de 
crimes  ?  Et  comment  est-ce  que  Dieu  qui 
prévoyait  le  péché  d'Adam  et  d'Eve,  et  qui 
peut,  selon  les  pélagiens,  punir  avec  justice 
ceux  mêmes  qu'on  n'a  pas  commis,  ne  les 
chassa  pas  du  paradis  avant  qu'ils  fussent 
tombés  dans  le  crime  dont  ils  devaient 
souiller  ce  lieu  si  saint  ?  » 

Saint  Augustin  ajoute  que,  quoique  ces 
hérétiques  se  trouvassent  pressés  de  toute 
part,  et  par  l'autorité  des  Ecritures,  et  par 
les  cérémonies  que  la  tradition  nous  a  con- 
servées, et  que  l'Éghse  observe  inviolable- 
mentdans  le  baptême,  comme  sont  les  exor- 
cismes  qu'on  fait  sur  eux,  et  les  renonce- 
ments qu'ils  font  à  Satan  par  la  bouche  de 
leurs  parains,  et  qui  font  voir  si  clairement 
que  le  baptême  les  délivre  de  sa  puissance, 
il  n'y  a  point  d'extravagance  où  ils  ne  se 
précipitent  plutôt  que  de  renoncer  à  leurs 
erreurs.  «  Ils  croient  même,  dit-il.  avoir 
bien  rencontré,  quand  ils  demandent  com- 
ment il  se  peut  faire  que  le  péché  qui  a  été  ef- 
facé par  le  baptême  dans  les  fidèles,  passe  dans 
leurs  enfants?  comme  si  la  maladie  de  la 
concupiscence  était  absolument  guérie,  en 
même  temps  que  la  tache  du  péché  qu'elle 
imprime  est  effacée.  Non,  on  a  beau  être 
mis  au  monde  par  des  personnes  régéné- 
rées, dès  là  qu'on  y  vient  par  la  voie  de  la 


166 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


concupiscence,  on  demeui-era  indubitable- 
ment coupable  de  ce  péché,  jusqu'à  ce 
cpi'on  ait  été  régénéi'é  comme  eux.  » 

Une  autre  subtilité  des  pélagiens  était  de 
dire  que  les  enfants  pouvaient  bien  répondre 
par  la  bouche  de  leurs  parains,  qu'ils  ct^oyaient 
en  la  rémission  des  péchés,  non  qu'aucun  péché 
leur  soit  remis,  mais  parce  que  la  rémission 
des  péchés  se  donne  dans  l'Église,  et  même  par 
le  baptême,  à  ceux  en  qui  il  y  en  a,  mais  non 
pas  ceux  à  qui  il  n'y  en  a  point.  Saint  Au- 
gustin leur  fait  voir  qu'avec  cette  distinction 
ils  ne  peuvent  se  démêler  de  la  pratique  du 
souffle  et  des  exorcismes  que  l'on  fait  sur 
les  enfants,  et  qui  est  vaine  et  illusoire  s'ils 
ne  sont  point  sous  la  domination  de  satan. 
Comme  donc  ils  n'oseraient  dire  cjue  ces  cé- 
rémonies se  pratiquent  en  vain  dans  l'Église, 
il  faut  qu'ils  avouent  que  les  enfants  mêmes 
Luc,  XIX,  10.  sont  du  nombre  de  ceux  qui  étaient  perdus 
et  que  Jésus-Christ  est  venu  chercher  :  car 
tout  ce  qui  ne  peut  être  ni  cherché  ni  re- 
trouvé que  par  la  grâce,  n'était  sans  doute 
perdu  que  par  le  péché. 
Leiii-e  195       47.  La  ffucrro  que   saint  Augustin  faisait 

de    saint    Je-  O  ,  i     •  -,  .  i  i        i 

rôme,  en  106,  aux  novatcurs  le  rendait  célèbre  par  toute 
en  4t8,  p»r.  la  terre  ;  tous  les  catholiques  avaient  les 
yeux  sur  lui,  et  le  recevaient  comme  le  res- 
taurateur de  la  foi  de  leurs  pères;  ce  qui 
était  encore  plus  glorieux  pom'  lui,  tous  les 
hérétiques  le  haïssaient.  C'est  ce  que  dit  saint 
Jérôme,  dans  une  lettre  de  félicitation  qu'il 
■  lui  écrivit  vers  l'an  418,  c'est-à-dire  dans  le 
temps  où  saint  Augustin  combattait  forte- 
ment les  ennemis  de  la  grâce  de  Jésus- 
Chi'ist.  n  en  eut  un  autre  à  combattre  nom- 
mé Aptus,  qui  joignait  à  la  profession  de  la 
religion  chrétienne,  la  qualité  de  juif  et  d'is- 
râélite,  enseignant  aux  clu-étiens  à  judaïser, 
à  s'abstenir  des  viandes  défendues  par  la 
loi,  et  à  observer  les  autres  cérémonies  du 
judaïsme  abolies  par  l'Évangile.  L'évêque 
AseUicus  en  écrivit  à  Donatien,  primat  de  la 
Byzacène,  qui  envoya  sa  lettre  à  saint  Au- 
gustin, en  le  priant  d'y  répondre.  Saint  Au- 
gustin le  fit  et  adressa  sa  lettre  à  Asellicus. 
Il  y  pose  pour  un  principe  décidé  par  saint 
Gai.  n,  14.  Paul,  que  les  chrétiens,  et  surtout  ceux  qui 
viennent  des  gentils,  doivent  se  garder  de 
judaïser,  et  que  les  œuvres  de  la  loi  ne  jus- 
tifient personne  ;  ce  qui  s'entend  non-seide- 
ment  des  sacrements  et  des  cérémonies  an- 
ciennes ,  comme  sont  la  circoncision ,  le  re- 
pos du  Sabbat,  l'abstinence  de  certaines 
viandes,  mais  encore  des  préceptes  de  mo- 


rale qui,  quoique  pom'  les  chrétiens,  aussi 
bien  que  pour  les  Juifs,  ne  justifient  que  par 
la  foi  en  Jésus-Christ  et  par  la  grâce  de  Dieu 
par  Jésus-Clmst  Notre-Seigneur.  Il  met  l'u- 
tilité de  la  loi  à  convaincre  l'homme  de  son 
infirmité,  et  à  le  forcer  de  recourir  au  re- 
mède  de  la  grâce.  D'où  il  conclut  que,  se 
vanter  d'être  de  la  race  d'Israël  et  se  glori- 
fier dans  la  loi  destituée  de  la  grâce  de  Jésus- 
Christ,  c'est  ne  pas  connaître  la  justice  de 
Dieu,  c'est-â-dire  celle  que  l'homme  tient 
de  Dieu,  et  établir  la  sienne  propre,  c'est-à- 
dire  ceUe  que  l'homme  croit  avoir  de  son 
fonds,  ce  qui  revient  au  pélagianisme.  Les 
chrétiens  sont  véritablement  juifs,  Israélites, 
enfants  d'Abraham  et  de  Sara,  mais  dans  un 
sens  spirituel,  et  non  selon  la  chair;  mais 
on  ne  doit  point  pour  cela  donner  le  nom"  de 
juifs  à  ceux  qui  font  profession  du  christia- 
nisme, étant  ridicule  de  changer  les  maniè- 
res de  parler  établies,  et  de  confondre  les  ter- 
mes par  lesquels  on  a  coutume  de  distin- 
guer les  choses,  et  les  chrétiens  eux-mêmes, 
qui  sont  connus  sous  un  si  beau  nom,  ne  doi- 
vent point  se  laisser  aller  au  vain  plaisir  de 
se  donner  celui  d'Israélites.  Les  apôtres  qui 
n'ignoraient  pas  que  les  chrétiens  sont  la 
véritable  postérité  d'Abraham,  héritiers  de 
la  promesse ,  et  juifs  selon  l'esprit,  ne  don- 
naient néanmoins  le  nom  de  juifs  et  d'Israé- 
lites ,  qu'à  ceux   qui  descendaient  d'Abra-     nom.  •: 
ham  selon  la  chair,  et  qui  étaient  connus 
de  tout  le  monde  sous  ce  nom-là.  Saint  Paul 
appeUe  grecs  tous  les  gentils,  parce  que  le 
peuple  grec  tenait  le  premier  rang  parmi 
eux;  mais  par  le  mot  de  juif ,  il  n'entend 
que  ceux  que  tout  le  monde  appelait  de  ce 
nom-là  ;  autrement   il  s'ensuivrait  que  cet 
Apôtre,  en  disant  que  Jésus-Christ  crucifié      b»™,  > 
est  un  scandale  pour  les  Juifs,  aurait  voulu 
dire  qu'il  est  un  scandale  pom^les  clu'étiens, 
ce  qu'on  ne   saurait  penser  sans  extrava- 
gance. On  doit  dire  la  même  chose  du  nom 
d'Israélites.  Comment  l'am-ait-il  donné  aux 
chrétiens,  après  avoir  dit,  dans  son  Épître 
aux  Romains,  que  les  Israélites  sont  un  peu-     Ro"-" 
pie  incrédule  et  rebeUe  à  la  parole  de  Dieu? 
Saint  Aug-ustin  marque  dans  cette  lettre 
que  Pelage  et  Célestius,  chefs  des  pélagiens, 
avaient  été    chassés   de  la   communion  de 
l'Église  catholique  par  un  juste  jugement 
de  Dieu,  et  par  le  soin  et  le  ministère  de  ses 
fidèles  servitem's;  c'est-à-dire  apparemment 
par  les  évêques  des  conciles  d'Afrique ,  et 
ensuite  par  les  papes  Innocent  et  Zozime. 


[IV°  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


167 


i98'°"'i33""à  ^^-  Hésychiiis,  évêque  de  Salone,  métro- 
^d'Fii?-"hùi<^'  P°l^  ^^  1^  Dalmatie,  s'était  persuadé  que  la 
et'Va'ri'ts?  ^^  ^^  monde  était  proche,  fondé  sur  cpiel- 
'^''  ques  passages  des  Prophètes  qui  lui  sem- 

blaient le  marquer  assez  clairement.  Mais 
pour  s'en  assurer  il  consulta  saint  Augustin, 
qui  pour  le  mettre  plus  au  fait  du  sens  de  la 
prophétie  de  Daniel,  lui  envoya  l'explication 
que  saint  Jérôme  en  avait  faite,  et  où  ce  Père 
montrait  qu'il  faut  entendre  des  temps  qui 
sont  déjà  passés,  ce  que  le  prophète  dit  des 
soixante-douze  semaines.  Saint  Augustin  ap- 
prouve lui-même  cette  explication  à  l'égard 
du  temps  qui  reste  à  s'écouler  jusqu'au  der- 
nier avènement  de  Jésus-Christ  :  il  dit  qu'il 
n'oserait  en  faire  le  calcul,  d'autant  qu'au- 
cun prophète  n'en  a  fixé  le  terme  ;  qu'il 
faut  s'en  tenir  à  cette  parole  de  Jésus-Chi-ist 
Act.  1, 7,  même  :  Nul  ne  peut  savoir  les  teinps  que  le 
Père  a  réservés  à  son  souverain  pouvoir.  Il 
réfute  la  distinction  que  quelques-uns  fai- 
saient entre  le  jour  et  le  temps  du  juge- 
ment, et  qui  disaient  que  le  temps  n'en  était 
pas  caché  quoiqu'on  ne  put  en  savoir  ni  le 
jom'  ni  l'heure,  o  Cette  prétention,  dit-il,  est 
ruinée  par  le  passage  des  Actes,  où  Jésus- 
Christ  interrogé  par  ses  disciples  sur  le 
temps  de  son  avènement,  leur  répondit  : 
Personne  ne  peut  savoir  les  temps  que  le  Père  a 
réservés  à  son  souverain  pouvoir.  Ce  qu'il  y  a  de 
vrai,  ajoute  saint  Augustin,  c'est  qu'il  ne  vien- 
di'a  point  que  l'Évangile  n'ait  été  prêché  par 
toute  la  terre,  pour  servir  de  témoignage  à 
toutes  les  nations.  Si  donc  quelques  servi- 
teurs de  Dieu  s'étaient  chargés  de  parcourir 
toute  la  terre,  pour  voir  combien  il  reste 
encore  de  nations  à  qui  l'Evangile  n'a  point 
été  prêché,  et  qu'ils  en  fussent  venus  à 
bout,  peut-être  que  sur  leur  rapport  nous 
pourrions  juger  à  peu  près  combien  il  y  a 
encore  de  temps  d'ici  à  la  fin  du  monde. 
Mais  si  les  déserts  et  les  lieux  inaccessibles 
qui  sont  dans  le  monde,  rendent  impossible 
l'exécution  d'un  tel  projet;  et  s'il  l'est  par 
conséquent  de  savoir  par  ce  moyen-là,  com- 
bien il  y  a  encore  de  nations  qui  n'ont  point 
été  éclairées  de  la  lumière  de  l'Évangile,  il 
est  encore  moins  possible  de  trouver  par 
l'Écriture  combien  il  reste  de  temps  jusqu'à 
la  fin  du  monde.  On  dira  peut-être  que  l'É- 
vangile s'étant  répandu  avec  beâlicoup  de 
rapidité  dans  tout  l'Empire  romain,  et  même 
parmi  les  barbares,  il  n'est  pas  incroyable 
qu'il  puisse  se  répandre  en  peu  d'années 
dans  tout  le  reste  du  monde.  Mais  autant 


que  cela  sera  aisé  à  voir  quand  l'expé- 
rience le  montrera,  autant  il  est  difflcile 
de  le  trouver  dans  l'Écriture  avant  qu'il  ar- 
rive.» Il  rejette  l'opinion  bizarre  d'un  certain 
homme  qui  avait  osé  avancer,  que  les  se- 
maines de  Daniel  regardent  le  dernier  avè- 
nement de  Jésus-Christ,  et  non  pas  le  pre- 
mier. Hésychius  écrivit  une  seconde  lettre 
à  saint  Augustin,  dans  laquelle  il  lui  avouait 
que  quoiqu'on  ne  put  savoir  le  jour  ni  l'an- 
née du  jugement  dei'nier,  on  en  pouvait 
néanmoins  connaître  à  peu  près  le  temps.  Il 
se  fondait  sui'  l'obligation  où  l'Écriture  nous 
met  de  nous  en  instruire,  et  sur  les  repro- 
ches que  Jésus-Clmst  fait  aux  Juifs  de  n'a- 
voir pas  coiHiu  le  temps  auquel  Dieu  les 
avait  visités.  Il  ajoutait,  que  les  prodiges 
que  l'on  avait  vus  et  les  signes  qui  avaient 
pai'u  dans  le  ciel,  c'est-à-dire  apparemment 
la  grande  éclipse  de  soleil,  du  19  juillet  418, 
joints  aux  malheurs  et  aux  guerres  conti- 
nuelles de  ce  temps-là,  devaient  faire  juger 
qu'il  était  proche  ;  et  que  les  peuples  qui 
restaient  à  convertir,  le  pouvaient  être  en 
peu  de  temps.  Quant  aux  semaines  de  Da-  Dan. 
niel,  il  prétendait  qu'elles  ne  sont  point 
encore  accomplies,  et  que  si  l'abomination 
qui  est  prédite,  était  déjà  arrivée,  Jésus- 
Christ  ne  nous  avertirait  pas  de  prendre 
garde  au  temps  où  nous  la  verrons. 

Saint  Augustin,  en  répondant  à  cette  se- 
conde lettre  d'Hésychius,  établit  deux  maxi- 
mes ;  la  première  ,  que  nous  devons  aimer 
l'avènement  de  Jésus-Chi-ist  d'un  amour  fi- 
dèle qui  nous  le  fasse  désirer,  soit  que  le 
divin  Maitre  doive  venir  tôt  ou  tard,  puis- 
que la  couronne  de  justice  est  pour  tous 
ceux  qui,  avec  l'Apôtre,  aiment  et  désirent 
l'avènement  du  Sauveur.  La  seconde,  que 
chacun  a  sujet  de  craindre  que  le  dernier 
jour  de  sa  vie  ne  le  surprenne,  parce  que  le 
dernier  jour  du  monde  trouvera  chacun 
dans  le  même  état  où  le  dernier  jour  de 
sa  vie  l'aura  trouvé  ;  et  que  nous  serons  ju- 
gés au  dernier  jour  sur  l'état  où  la  mort 
nous  aura  trouvés.  Ensuite  il  distingue  entre 
le  désir  que  nous  devons  avoir  de  l'avène- 
ment de  Jésus-Christ,  d'avec  la  recherche 
du  temps  auquel  il  se  fera  ;  l'un  est  du  de- 
voir des  chrétiens,  et  l'autre  est  contraire  à 
l'Évangile,  et  on  ne  peut  présumer  savoir 
ce  que  les  apôtres  n'ont  pas  su.  Ce  que  Jé- 
sus-Christ demande  de  ses  bons  serviteurs 
dans  l'Évangile,  n'est  pas  de  savoir  la  fin  Maiih. 
des  temps,  mais  de  veiller  sans  cesse  dans 


II, £7. 


168 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


l'incertitude  du  joui'  auquel  le  Seigneur  doit 
venir  ;  s'il  blâme  les  Juifs  de  ce  qu'ils  ne 
savaient  pas  connaître  les  temps,  c'est  parce 
qu'ils  n'avaient  pas  connu  celui  de  son  pre- 
mier avènement.  L'Apôtre  dans  sa  seconde 
Épître  aux  Thessaloniciens  marque  bien  que 

iiThcss.n,  le  Seignem-  Jésus  fera  péinr  l'Antéchrist  ;jar 
le  souffle  de  sa  bouche,  mais  pour  le  temps  de 
sa  venue,  il  ne  le  marque  ni  clairement  ni 
obscurément.  Depuis  le  premier  avènement 
de  Jésus-Christ  nous  sommes  dans  la  der- 
nière heure ,  c'est-à-dire  dans  le  dernier 
temps  ;  mais  on  ne  peut  pas  dire  combien 
ce  temps  durera.  Les  semaines  de  Daniel  ne 
peuvent  s'entendre  du  dernier  avènement, 
puisque  si  cela  était,  on  pourrait  dire  que 
Jésus-Christ  viendra  dans  soixante-dix  ans, 
ou  dans  cent  ans  tout  aii  plus  ;  car  ces  sep- 
tante semaines  ne  font  en  tout  que  quatre 
cent  quatre-vingt-dix  ans  :  or  nous  comp- 
tons présentement  quatre  cent  vingt  ans 
depuis  la  naissance  de  Jésus-Christ.  Si  donc 
les  semaines  de  Daniel  courent  depuis  la 
naissance  du  Sauveur,  il  ne  reste  plus  que 
soixante  et  dix  ans  jusqu'à  son  dernier  avè- 
nement. Mais  une  preuve  indubitable  que 
ces  semaines  sont  accomplies,  c'est  qu'il  est 

Dia.ix  24.  dit  dans  Daniel,  qu'après  leur  accomplisse- 
ment le  Christ  sera  misa  mort.  Dira-t-on  que 
ce  ne  sera  qu'à  la  fin  des  siècles  ? 

Saint  Augustin  fait  observer  à  Hésycbius 
que  parmi  les  signes  marqués  dans  l'Évan- 
gile, il  y  en  a  qui  regardent  la  destruction 
de  Jérusalem  ;  d'autres  l'avènement  de  Jé- 
sus-Christ dans  ce  qui  compose  son  corps, 
qui  est  son  Église  ;  et  quelques-uns  doivent 
précéder  son  second  avènement  et  la  fin 
du  monde  :  il  prouve  par  la  suite  des  paroles 
de  saint  Luc  et  des  autres  Évangélistes,  que 
l'abomination  prédite  par  Daniel,  doit  se 
rapporter  au  temps  où  Jérusalem  fut  prise 
et  détruite  par  les  Romains,  comme  ce  qui 
y  est  dit  de  l'abréviation  de  ces  jours-là  en 
favem*  des  élus.  «  Car  on  ne  saurait  douter, 
dit-il,  que  quand  Jérusalem  fut  détruite. 
Dieu  n'eût  des  élus  parmi  le  peuple  Juif, 
où  il  y  en  avait  qui  avaient  déjà  cru  dès  ce 
temps-là  ;  et  qu'il  n'eût  abrégé  ces  jours  en 
leur  faveur,  c'est-à-dire  qu'il  n'eût  rendu 
ces  maux  moins  sensibles  aux  élus,  par  la 
patience  qu'il  leur  donna,  et  qui  abrégea 
leurs  maux,  en  les  rendant  plus  supporta- 
bles. On  voit  en  effet  par  l'Histoire  de  Jo- 
sèphe,  que  les  maux  qui  arrivèrent  aux  Juifs 
en  ces  temps-là,  furent  si  grands  et  si  ex- 


traordinaires, qu'à  peine  les  peut-on  croire! 
ce  qui  montre  encore  que  Jésus-Christ  vou- 
lait parler  de  ces   maux,   quand  il  disait    muih.  mv, 
qu'il  n'y  avait  jamais  eu  et  qu'il  n'y  aurait 
jamais  de  ti'ibulation    égale  à  celle-là.   » 
Quant  aux  signes  qui  doivent  paraître  dans 
le  ciel  et  sur  la  terre,   saint  Augustin   dit 
qu'on  en  a  vu  de  tout  temps  ;  et  qu'il  en  est 
de  même  des  guerres  et  des  autres  cala- 
mités qui  affligent  le  monde.  E.  donne  une 
explication  allégorique  des  signes  de  la  fin 
du  monde,  marqués  dans  l'Évangile,  et  sou- 
tient que  ce  passage  de  David  :  Le  son  de  Psaim. 
leuî's  paroles  s'entendra   dans  toute  la  terre,         '"' 
n'avait  point   été  accompli  du  temps  des 
apôtres ,  et  ne  l'était  pas   même   encore. 
Pour  savoir  donc  ce  que  l'on  devait  penser 
au  sujet  du  jour  du  jugement  dernier,  il  re- 
présente la  disposition   de  trois  personnes 
fidèles ,    qui    l'attendent ,    dont  l'une    croit 
qu'il  viendra  bientôt ,  l'autre  plus  tard  ,  et 
la  troisième   avoue    ne    savoir  si  ce    sera 
tôt  ou  tard.    «    Laquelle   des  trois,   dit  ce 
Père,   est  le  plus  selon  l'Évangile?  L'une 
dit:  Veillons  et  prions,  parce  que  le  Seigneur 
viendra  bientôt  ;  l'autre  :  Veillons  et  prions, 
quoique  le  Seigneur  ne  soit  pas  prêt  à  venir, 
car  la  vie  est  courte,  et  l'heure  de  la  mort 
incertaine,  et  la  dernière  :  Veillons  et  prions, 
et  parce  que  la  vie  est  courte,  et  l'heure  de 
la  mort  incertaine,  et  parce  que  nous    ne 
savons  quand  le  Seigneur  doit  venir.  »  Quoi- 
que toutes   les    trois    tiennent  un  langage 
conforme  à  celui  de  l'Évangile,  saint  Augus- 
tin est  d'avis  que  l'opinion  de  la  troisième 
est  la  plus  sûre  et  la  meilleure  ;  quoique  la 
première  soit  plus  selon  nos  souhaits,  il  y  a 
du  danger  d'être  trompé   en  l'embrassant, 
parce  qu'il  peut  arriver  que,  voyant  écouler 
tant  de  temps  sans  l'avènement  de  ce  qii'on 
se  promettait,   on  ne   commence  à  croire, 
non  que  le  Seigneur  tarde    à   venir,  mais 
qu'il  ne  doit  point  venir  du  tout,  ce  qui  se- 
rait la  chose  du  monde  la  plus  pernicieuse. 
Il  y  aurait  moins  de  danger  dans  la  seconde 
opinion   :   car   quand  le  Sauveur  viendrait 
plus  tôt  qu'on  ne  l'attend,  la  foi  de  ceux  qui 
l'auraient  cru  n'en  serait  point  ébi'anlée,  et 
la  joie    qu'ils  auraient  de    son  avènement 
serait  même  d'autant  plus  grande,  qu'ifs  s'y 
seraient  moins  attendus. 

-49.  La  lettre  au  comte  Valère  se  trouve  t-cure  se 
aussi  à  la  tête  du  livre  du  Mariage  et  de  la  '•"^  w-  «i 
Concupiscence,  que  saint  Augustin  lui  adresse 
pour  se  justifier  des  calomnies  dont  les  pé- 


[IY«  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


169 


lagiens  l'ayaient  noirci  auprès  de  lui ,  en 
l'accusant  de  condamner  le  mariage  dans 
les  écrits  où  il  établissait  la  doctrine  du  pé- 
ché originel.  Valère  était  une  personne  de 
piété,  comme  on  le  voit  dans  l'éloge  que 
saint  Augustin  fait  de  lui  en  ces  termes  : 
«  Je  savais  déjà  combien  votre  foi  est  pure 
«  et  catholique  ;  avec  combien  de  piété  vous 
«  désirez  et  attendez  les  biens  à  venir  , 
«  combien  vous  avez  d'amour  pour  Dieu 
«  et  pour  le  prochain  ;  combien  vous  êtes 
«  éloigné  de  vous  laisser  enfler  par  les 
((  honneurs  et  les  dignités  ,  et  de  mettre 
«  votre  espérance  dans  des  richesses  in- 
«  certaines  et  périssables;  combien  vous 
«  êtes  fidèle  à  ne  vous  appuyer  que  sur 
«  le  Dieu  vivant  ;  combien  vous  êtes  ri- 
«  che  en  bonnes  œuvres  ;  de  quel  se- 
«  cours  et  de  quelle  consolation  votre  mai- 
«  son  est  pour  les  saints  ;  combien  elle  im- 
n  prime  de  terreur  aux  méchants  ;  com- 
«  bien  vous  avez  soin  d'empêcher  qu'aucun 
«  des  anciens  ou  des  nouveaux  ennemis  de 
«  Jésus-Christ ,  se  couvrant  de  son  saint 
«  nom,  ne  dresse  des  embûches  à  ses  mem- 
«  bres  ;  enfin,  combien  vous  êtes  tout  à  la 
«  fois  et  opposé  à  l'erreur,  et  soigneux  du 
«  salut  de  ceux  qui  y  sont  engagés,  n  II 
semble  aussi  par  la  suite  de  cette  lettre,  que 
Valère  vivait  avec  sa  femme  comme  avec  sa 
sœur,  dévotion  qui  n'était  point  extraordi- 
naire en  ce  temps-là. 
Lciires  201       50.  On  a  mis  parmi  les  lettres  de  saint 

et2C2,en  419.  *- 

Augustin,  l'Ordre  des  empereurs  Honorius 
et  Théodose,  à  Aurèle  de  Carthage,  daté  du 
4  juin  419,  par  lequel  ils  lui  enjoignaient  de 
faire  savoir  à  tous  les  évêques  qu'ils  eussent 
à  sousci'ire  à  la  condamnation  de  Pelage  et 
de  Célestius  qu'ils  avaient  fait  chasser  de 
Rome,  et  que  ceux  qui,  par  une  obstination 
impie,  refuseraient  de  le  faire,  seraient  pri- 
vés de  leurs  dignités ,  chassés  pour  tou- 
jours de  leurs  villes  et  exclus  de  la  commu- 
nion de  l'Église.  A  la  fin  de  cette  lettre, 
dans  laquelle  ces  deux  princes  déclarent 
qu'ils  suivent  la  profession  de  foi  du  concile 
de  Nicée,  il  est  dit  qu'ils  envoyèrent  une  let- 
tre toute  semblable  au  saint  évêque  Augus- 
tin, ce  qui  montre  que  ce  que  ces  princes 
donnaient  au  mérite  et  à  la  grande  répu- 
tation de  ce  saint  évêque,  ils  le  donnaient 
au  rang  de  l'Eglise  de  Carthage. 

Dans  Ja  lettre  suivante,  saint  Jérôme  féli- 
cite saint  Alypius  et  saint  Augustin,  de  ce 
que  l'hérésie  de  Pelage  et  de  Célestius  était 


éteinte  par  leurs  soins  et  par  leurs  travaux. 
Il  s'y  excuse  de  n'avoir  pas  encore  réfuté  les 
blasphèmes   d'un   certain  Anien,  faux  dia-  t,^"^^.  S 
cre  de  l'Eglise  de  Célède,  et  prie  saint  Au- 
gustin de  vOTiloir  bien  s'en  donner  la  peine. 

51.  Ce  Père,  dans  sa  réponse  à  Largus,       1.6I1.8203 

j     n  1  p  •  i  Largus,   en 

proconsul  d  Afrique  en  415,  418  et  419,  lui  "s.pae-isi. 
dit  pour  l'engager  à  mépriser  les  biens  de 
cette  vie,  que  toute  la  douceur  qu'on  y 
trouve  est  fausse,  et  le  travail  qu'on  y  em- 
ploie infructueux,  a  Quand  je  considère  les 
amateurs  du  siècle,  ajoute-t-il,  je  ne  sais 
dans  quel  état  il  faudrait  les  prendre  pour 
leur  insinuer  les  vérités  du  salut.  Car  s'ils 
sont  dans  quelque  sorte  de  prospérité ,  l'or- 
gueil les  entle  et  leur  fait  rejeter  les  avis  sa- 
lutaires qu'on  leur  donne  ;  s'ils  sont  dans  ' 
l'aiBiction,  ils  ne  songent  qu'à  s'en  délivrer 
dans  le  moment,  au  lieu  de  penser  à  s'ap- 
pliquer les  remèdes  qui  pourraient  les  gué- 
rir et  les  mettre  dans  un  état  où  il  n'y  aura 
plus  d'aflQiction  à  craindre.  Il  s'en  trouve 
néanmoins,  mais  en  petit  nombre  qui,  pres- 
sés par  l'adversité ,  prêtent  les  oreilles  du 
cœur  à  la  vérité  ;  mais  il  y  en  a  bien  moins 
qui  le  fassent  dans  la  prospérité.  »  Il  témoi- 
gne à  Largus  sa  douleur  de  le  voir  dans  la 
peine  :  «  Mais  j 'en  ai  encore  davantage,  lui 
dit-il,  de  ce  que  votre  vie  n'en  soit  pas  de- 
venue meilleure.  » 

52.  n  marque  dans  sa  lettre  à  Dulcitius,  .  '-'"i''-?,.^"» 

^  'a     Dulcitius, 

tribun,  et  chargé  par  l'Empereur  d'exécuter  ""■  i"^-  ™*' 
les  ordonnances  contre  les  donatistes,  qu'il 
leur  avait  déjà  répondu  amplement,  et  qu'il 
ne  trouvait  rien  à  redire  à  l'ordonnance 
qu'il  avait  publiée  contre  eux  à  Thamugade. 
Il  le  loue  de  la  douceur  dont  il  avait  usé  en- 
vers eux,  en  écrivant  à  Gaudentius,  évêque 
de  Thamugade,  pour  les  engager  à  se  réu- 
nir, et  à  cesser  de  se  tuer  eux-mêmes.  Sur 
quoi  il  dit  qu'il  avait  déjà  fait  voir  plusieurs 
fois  et  de  vive  voix  et  par  écrit,  qu'il  n'était 
pas  possible  que  ces  gens-là  mourussent  de 
la  mort  des  martyrs,  puisqu'ils  ne  vivaient 
pas  de  la  vie  des  chrétiens  ;  que  ce  ne  sont 
pas  les  souffrances  qui  font  le  martyr,  mais 
le  sujet  pour  lequel  on  souffre.  Il  les  croit 
donc  coupables  de  leur  mort,  la  règle  géné- 
rale étant  que  quiconque  ôte  la  vie  à  tm 
homme,  sans  une  autorité  légitime,  est  ho- 
micide. Comme  ces  malheureux,  pour  justi- 
fier leur  conduite,  alléguaient  l'exemple  du 
vieillard  Razias ,  homme  considérable  parmi  ^/^i  ^Maccai.. 
les  Juifs,  qui  voulant  mourir  noblement  et 
courageusement,  se  précipita  du  haut  d'un 


170 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Lellre 
&  CoD5cn 
oa    420, 
707. 


mur,  et  ensuite  du  haut  d'un  rocher,  pour 
éviter  de  tomber  entre  les  mains  de  ses  en- 
nemis; saint  Augustin  leur  répond,  que  l'É- 
criture ne  fait  que  rapporter  simplement 
cette  action  de  Razias ,  sans  la  louer  ;  que  si 
elle  est  grande,  elle  n'en  est  pas  meilleure  ; 
qu'il  ne  s'ensuit  pas  que  tout  ce  qui  est 
grand  soit  bon,  puisqu'il  y  a  des  crimes  mê- 
mes qui  ont  quelque  chose  de  grand.  Il  est 
dit  dans  l'Ecritm'e  :  Gardez-vous  bien  de  tuer 
le  juste  et  l'innocent.  Si  donc  Razias  n'était 
ni  innocent  ni  juste,  pourquoi  alléguer  son 
action  comme  un  exemple  à  suivre?  Si  au 
contraire  il  était  juste  et  innocent,  comment 
est-ce  qu'étant  devenu  le  meurtrier  d'un  in- 
,     nocent  et  d'un  juste,  en  se  tuant  de  ses 

propres  mains,  on  croit  le  pouvoir  louer? 
205  53.  Consentius  avait  demandé  à  saint  An- 
pal.'  gustin,  si  le  corps  de  Notre-Seigneur  a  pré- 
sentement des  os  et  du  sang,  et  s'il  a  les 
mêmes  parties,  les  mêmes  proportions  et  les 
mêmes  traits  qu'il  avait  sur  la  terre.  «  Je 
crois,  lui  répondit  ce  Père,  que  le  corps  de 
Jésus-Christ  est  tel  dans  le  ciel  qu'il  était 
sur  la  terre,  lorsqu'il  la  quitta  pour  monter 
au  ciel.  C'est  lui-même  qui  nous  en  assure, 
en  faisant  voir  à  ses  disciples  qu'ils  ne  pou- 
vaient douter  de  sa  résurrection,  puisqu'il 
avait  des  mains,  des  pieds,  des  os  et  de  la 
chair,  après  sa  résurrection  comme  aupara- 
vant. Comme  donc  il  est  monté  au  ciel  tel 
que  ses  Apôtres  l'avaient  vu  depuis  sa  ré- 
surrection ,  et  que ,  suivant  le  témoignage 
des  anges,  il  viendra  du  ciel  tel  qu'on  l'y  a 
vu  monter,  il  est  hors  de  doute  qu'il  est 
dans  le  ciel  avec  le  même  corps  qu'il  avait 
sur  la  terre.  Il  est  vrai  que  l'Écritiire  en  par- 
lant du  corps  de  Jésus-Christ  ressuscité,  ne 
fait  aucune  mention  du  sang;  mais  nous  de- 
vons nous  contenter  de  ce  qu'elle  veut  bien 
nous  apprendre,  de  peur  qu'en  poussant  no- 
tre curiosité  plus  loin,  on  ne  nous  demande 
encore  si,  outre  le  sang,  il  n'y  a  pas  aussi 
dans  le  corps  du  Sauveur,  de  la  pituite,  de 
la  bile  ou  de  la  mélancolie,  puisque  c'est  l'as- 
semblage de  ces  quatre  humeurs  qui  com- 
pose le  tempérament  du  corps  humain.  » 

Saint  Augustin  ne  nie  pas  néanmoins  que 
ces  humeurs  ne  puissent  se  trouver  dans  les 
corps  glorieux  ;  mais  il  soutient  qu'on  ne 
peut  ,sans  blesser  la  foi,  les  croire  altérables 
et  corruptibles.  Il  prend  de  là  occasion  de 
montrer  par  le  témoignage  de  saint  Paul, 
que  les  corps  des  bienheureux  seront  incor- 
ruptibles, et  que  Dieu  sans  rien  changer  à 


leur  conformation  extérieure ,  leur  donnera 
par  sa  toute-puissance  une  vigueur  inaltéra- 
ble ,  en  sorte  qu'ils  paraîtront  toujours  ce 
qu'ils  étaient,  mais  sans  être  sujets  à  au- 
cune sorte  d'altération;  capables  de  se  mou- 
voir et  incapables  de  se  lasser  ;  capables  de 
manger,  mais  affranchis  de  la  nécessité  qui 
nous  y  force.  D'après  lui,  la  différence  de  la 
résurrection  des  bons  et  de  celle  des  mé- 
chants consistera  en  ce  (jue  ceux-ci  ne  se- 
ront point  élevés  à  cet  état  d'incorruptibi- 
lité qui  exclut  la  douleur  aussi  bien  que  l'in- 
corruption ,  tandis  que  ceux-là  ressuscite- 
ront dans  un  état  qui  les  mettra  hors  d'at- 
teinte à  tout  ce  qui  tient  de  la  corruption. 
Tous  néanmoins  ressusciteront  incorrupti- 
bles quant  à  l'intégrité  de  leurs  corps  ;  mais 
les  méchants  demeureront  sujets  à  la  cor- 
ruption quant  à  la  douleur,  qui  les  saisira 
au  moment  qu'ils  auront  entendu  de  la  bou- 
che du  souverain  Juge ,  cette  effroyable  Maiih.  i 
sentence  :  Allez,  maudits,  au  feu  éternel. 

Consentius  avait  expliqué  ces  paroles  de 
l'Apôtre  :  La  chair  et  le  sang  ne  posséderont  i  cor. 
point  le  royaume  de  Dieu,  en  disant  qu'il  fal- 
lait entendre  par  les  mots  de  chair  et  de 
sang,  les  œuvres  de  la  chair  et  du  sang. 
Saint  Augustin  ne  méprise  point  cette  expli- 
cation, mais  il  croit  qu'il  faut  entendre  par 
les  mots  de  chair  et  de  sang,  la  corruptibilité 
de  la  chair  et  du  sang,  en  sorte  que  l'Apô- 
tre n'ait  voulu  dire  autre  chose,  sinon  que 
la  chair  sujette  à  la  corruption,  comme  elle 
l'est  en  cette  vie,  ne  possédera  point  le 
royaume  de  Dieu,  ou,  comme  sajnt  Paul  dit 
immédiatement  après  :  La  corruption  ne  pos- 
sédera point  ce  qui  est  incorruptible. 

Une  autre  question  de  Consentius ,  était 
de  savoir  si  c'est  Dieu  qui  prend  soin  de 
former  un  à  un  tous  les  traits  de  nos  visages 
et  des  autres  parties  de  nos  corps.  Sur  quoi 
saint  Augustin  dit  qu'on  n'y  trouvera  au- 
cune difficulté ,  si  l'on  conçoit ,  autant  que 
l'esprit  de  l'homme  en  est  capable ,  avec 
quelle  force  et  quelle  facilité  la  puissance 
de  Dieu  agit.  Il  aUègue  sur  cela  l'endroit  de 
Jérémie,  où  Dieu  dit  à  ce  prophète,  qu'il  jj'.^'if";;,' 
l'avait  formé  dans  le  sein  de  sa  mère,  et  ce- 
lui de  l'Evangile,  où  il  est  dit  que  Dieu  vêtit 
l'herbe  des  champs  qui  naît  aujorn-d'hui. 

Quant  à  ce  que  Consentius  lui  avait  de- 
mandé, si  les  baptisés,  qui  viennent  à  mou- 
rir sans  avoir  fait  pénitence  des  crimes  com- 
mis après  leur  baptême  ,  en  doivent  obtenir 
le  pardon  après  im  certain  temps,  il  le  ren- 


[IV«  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


Lettre  209 
k  Célestin,  on 
423,  pas.  177, 


voie  à  ce  qu'il  avait  dit  sur  ce  sujet,  dans 
son  livre  de  la  Foi  et  des  Œuvres.  Enfin,  il 
lui  dit  que  le  souffle  de  Dieu  sur  Adam ,  a 
été  ou  son  âme ,  ou  ce  qui  la  produisit  :  il 
l'avertit  de  bien  se  garder  de  croire  que 
l'âme  de  l'homme  qui  est  une  nature  créée, 
soit  la  substance  de  Dieu  même  ou  quelque 
portion  de  cette  nature. 

54.  Il  n'y  a  rien  de  remarquable  dans  les 
deux  lettres  suivantes.  Dans  l'une,  saint  Au- 
gustin recommande  l'évêtjue  Félix  au  comte 
Valère,  et  dans  l'autre,  il  marque  à  l'évê- 
que  Claude ,  qu'en  reconnaissance  de  ce 
qu'il  lui  avait  envoyé  les  quatre  livres  de 
Julien,  il  lui  faisait  part  de  la  réponse  qu'il 
y  avait  faite. 

35.  La  lettre  à  la  vierge  Félicie,  est  pour 
la  consoler  d'un  scandale  qui  était  arrivé 
depuis  qu'elle  avait  quitté  le  parti  des  dona- 
tistes,  pour  se  réunir  à  l'Église  catholique. 
II  paraît  que  ce  scandale  était  venu  de  la 
part  d'Antoine  de  Fussale,  bourg  du  diocèse 
d'Hippone.  Ainsi,  il  faut  mettre  cette  lettre 
vers  l'an  423.  Saint  Augustin  représente  à 
Félicie  que  les  scandales  n'ont  été  prédits 
par  Jésus-Christ,  qu'afm  que  nous  fussions 
moins  troublés  lorsqii'ils  arriveraient;  que 
comme  il  y  a  de  bons  pasteurs  qui  n'occu- 
pent les  sièges  des  églises  que  pour  le  bien 
du  troupeau  de  Jésus-Christ,  il  y  en  a  aussi 
qui  ne  les  tiennent  que  pour  jouir  des  hon- 
neurs et  des  avantages  temporels  qui  sont 
attachés  à  leurs  dignités;  et  qu'il  faut  que 
dans  la  succession  de  tous  les  âges ,  jus- 
qu'à la  fin  du  monde,  il  y  ait  de  ces  sortes 
de  pasteurs,  même  dans  l'Église  catholique , 
comme  les  troupeaux  seront  toujours  com- 
posés de  bons  et  de  méchants.  «  Tenons- 
nous  donc,  dit-il  à  Félicie,  dans  l'unité,  sans 
que  le  trouble  des  scandales  causés  par 
ceux  qui  ne  sont  que  la  paille  de  l'aire  du 
Seigneur  nous  en  fasse  sortir.  Car  si  nous 
voulons  continuer  d'être  du  nombre  de  ceux 
qui  sont  figurés  par  le  bon  grain ,  il  faut 
que  le  poids  de  la  charité  nous  affermisse  et 
nous  fasse  tolérer  jusqu'au  jour  de  la  sé- 
paration, cette  paille  faible  et  légère,  si  fa- 
cile à  briser,  et  que  le  vent  emporte  à  la  pre- 
mière occasion.  » 

56.  Antoine  de  Fussale  s'étant  mal  com- 
porté dans  l'épiscopat,  les  évèqnes  de  la 
province  lui  ôtèrent  l'administration  de  son 
Église.  Pour  empêcher  l'exécution  de  ce  ju- 
gement, il  eut  recours  au  pape  Boniface, 
qui  écrivit  en  Afrique  de  le  rétablir  dans 


171 

ses  fonctions ,  si  toutefois  il  se  trouvait  qu'il 
eût  exposé  sincèrement  l'état  de  son  affaire. 
Ceux  de  Fussale  refusèrent  de  le  recevoir. 
Mais  comme  on  les  menatjait  de  leur  en- 
voyer des  soldats  pour  les  contraindre  d'o- 
béir à  la  sentence  du  Siège  apostolique ,  ils 
eurent  recours  à  CéJestin,  successeur  de  Bo- 
niface, pour  les  délivrer  des  maux  dont 
Antoine  les  menaçait.  Saint  Augustin  se 
joignit  à  eux.  Il  écrivit  à  Gélestin,  le  conju- 
rant par  le  sang  de  Jésus-Christ  et  par  la 
mémoire  de  saint  Pierre,  de  les  délivrer  des 
persécutions  d'Antoine.  Il  raconte  comment 
il  l'avait  élevé  à  l'épiscopat  et  la  manièi'e 
dont  on  avait  procédé  contre  lui.  Et  sur  ce 
qu'Antoine  disait  qu'il  fallait  ou  lui  ôter  son 
rang  et  la  dignité  d'évéque,  ou  le  laisser 
dans  son  siège ,  saint  Augustin  montre  par 
divers  exemples  qu'il  y  a  eu  des  évêques 
punis  par  jugement  du  Siège  même  aposto- 
lique ,  sans  qu'on  leur  ait  ôté  le  rang  d'évé- 
que. Priscus,  évêque  de  la  province  Césa- 
rienne fut  laissé  dans  son  siège,  en  lui  inter- 
disant le  droit  à  la  dignité  de  métropolitain 
que  l'antiquité  lui  aurait  pu.  procurer  à  son 
tour.  Victor,  évêque  de  la  même  province, 
fut  aussi  déchu  de  la  primatie ,  et  nul  autre 
évêque  ne  pouvait  communiquer  avec  Lui 
que  dans  son  diocèse.  Laurent,  aussi  évê- 
que de  cette  province,  fut  puni  précisément 
de  la  même  peine  qu'Antoine.  Saint  Augus- 
tin avoue  ingénument  la  faute  qu'il  avait 
faite  de  l'élever  à  l'épiscopat;  et  dans  la 
tristesse  profonde  où  le  jetait  la  vue  du 
péril  de  l'église  de  Fussale ,  il  dit  au  Pape 
que  s'il  arrivait  que  cette  éghse  fut  ravagée 
par  Antoine,  il  renoncerait  à  l'épiscopat 
pour  ne  plus  songer  qu'à  pleurer  la  faute 
qu'il  avait  faite  en  l'en  constituant  évêque. 
n  parait  que  saint  Célestin  eut  égard  à  ses 
remontrances,  et  qu'il  consentit  qu'Antoine 
ne  fit  plus  aucune  fonction  èpiscopale  dans 
l'église  de  Fussale,  puisqu'on  427  ou  428, 
saint  Augustin  était  chargé  de  cette  église. 

57.  On  ti'ouve  dans  la  lettre  à  Félicité  et  à 
Rustique,  des  instructions  sur  la  manière 
dont  on  doit  supporter  les  maux  de  cette 
vie,  et  faire  la  correction  fraternelle.  «  Qu'y 
a-t-il  dans  tout  ce  qui  nous  arrive ,  dit  saint 
Augustin,  qui  ne  soit  un  effet  de  la  bonté  et 
de  la  miséricorde  de  Dieu,  puisque  les  afflic- 
tions mêmes  qu'il  nous  envoie  sont  des  bien- 
faits? Car,  si  les  prospérités  sont  des  dons 
de  Dieu  par  où  sa  bonté  nous  console,  les 
adversités  sont  des  dons  de  Dieu  par  où 


Voyez  tom. 
VII,  pag.  11 
et  12. 


Lettres  210 
el  2U  à  Féli- 
cite, eu  423, 
pag.  780. 


172 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


cette  même  bonté  cherche  à  nous  faire  ren- 
trer en  nous-mêmes,  n  II  remarque  que  l'a- 
mour que  nous  avons  pour  nos  frères  est 
souvent  ce  qui  fait  naître  les  dissensions. 
En  effet,  cet  amour  nous  oblige  de  les  re- 
prendre quand  ils  sont  en  faute  ;  et  où  en 
trouve-t-on  qui  soient  bien  aises  d'être  re- 
rroT..i  f.  pris?  Où  est  celui  dont  il  est  dit  :  Reprenez  le 
,  sage,  et  il  vous  en  aimera  d'autant  plus?  Il  ne 
faut  pas  néanmoins  que  cela  nous  empêche 
de  reprendre  nos  frères,  et  de  leur  faire 
la  correction,  de  peur  qu'en  se  flattant 
d'une  fausse  sécurité  dans  leurs  péchés 
mêmes,  ils  ne  se  jettent  dans  la  mort.  Il 
peut  se  faire,  et  il  arrive  même  souvent, 
que  la  correction  attriste  dans  le  moment 
celui  à  qui  on  la  fait;  qu'il  résiste  et  qu'il 
conteste ,  mais  ensuite  venant  à  penser  à  ce 
qu'on  lui  a  dit,  et  à  le  repasser  dans  le  si- 
lence de  son  cœur,  où  il  n'y  a  que  Dieu  et 
lui,  et  où  il  n'est  plus  touché  de  la  peine 
cpie  la  correction  lui  faisait  par  rapport  au 
mépris  des  hommes,  mais  de  la  crainte  de 
déplaire  à  Dieu,  s'il  ne  se  con-ige  pas,  il  prend 
du  moins  une  ferme  résolution  de  ne  plus 
tomber  dans  la  faute  dont  on  l'a  justement 
repris.  Féhcité  était  apparemment  la  supé- 
rieure du  monastère,  et  Rustique  le  prêtre 
qui  en  avait  soin.  La  lettre  que  Saint  Au- 
gustin leiu'  éci'ivit,  s'adresse  encore  à  toutes 
les  sœurs  de  la  même  maison.  Il  semble  qu'il 
y  eiît  dès  lors  entre  elles  quelque  division  : 
du  moins  il  en  an-iva  bientôt,  et  il  s'y  forma 
un  schisme  scandaleux.  Il  fat  excité  par 
quelques  rehgieuses  du  monastère,  qui  de- 
mandaient qu'on  leur  ôtât  la  supérieure, 
qui  l'était  depuis  longtemps,  pour  leur  en 
donner  une  autre.  Saint  Augustin  voyant 
que  ce  changement  était  contre  le  bien 
de  leur  maison ,  et  un  exemple  très-dange- 
reux contre  la  règle  de  la  discipline,  ne 
voulut  point  leur  accorder  ce  qu'elles  de- 
mandaient, ni  même  les  aller  voir,  dans  la 
crainte  que  sa  présence  n'augmentât  la 
sédition,  et  qu'il  ne  se  trouvât  obligé  d'user 
envers  elles  de  plus  de  sévérité  qu'il  n'eût 
voulu.  Il  se  contenta  donc  de  leur  écrire, 
mais  avec  autant  de  force  que  de  charité, 
sur  la  faute  qu'elles  avaient  faite,  en  les 
exhortant  à  ranimer  leur  première  vertu 
par  une  sincère  pénitence,  et  à  imiter  les 
larmes  de  saint  Pierre,  et  non  pas  le  déses- 
poir de  Judas.  Ensuite,  il  leur  prescrit  une 
règle  de  vie  très-sage  et  très-prudente,  qui 
a  depuis  été  observée  dans  un  grand  nom- 


bre de  communautés  d'hommes.  En  voici  la 
substance  : 

«  Que  votre  premier  soin  soit  de  vivre 
dans  la  maison  du  Seigneur  avec  une  par- 
faite union  d'esprit;  qu'il  n'y  ait  entre  vous 
qu'un  cœur  et  qu'une  âme;  que  personne 
n'ait  rien  en  propre,  et  que  tout  soit  en 
commun;  que  celle  qui  gouverne  distribue 
à  chacune  les  vivres  et  le  vêtement,  non  par 
portion  égale ,  mais  selon  les  besoins  ;  que 
celles  qui  ont  apporté  dans  le  monastère  ce 
qu'elles  possédaient  dans  le  monde,  le  met- 
tent en  commun;  et  que  celles  qui  n'y  ont 
rien  apporté,  se  gardent  bien  d'y  chercher 
ce  qu'elles  n'auraient  pu  avoir  ailleurs; 
qu'on  accorde  néanmoins  à  leur  infirmité 
les  choses  dont  elles  ont  besoin,  quoique 
auparavant  le  nécessaire  même  leur  ait  man- 
qué; qu'elles  ne  s'en  fassent  pas  accroire 
sous  prétexte  qu'elles  se  voient  les  compa- 
gnes et  les  sœurs  de  quelques-unes  dont 
elles  n'auraient  osé  approcher  auparavant, 
mais  aussi  que  les  riches  ne  méprisent  pas 
les  pauvres  qui  sont  devenues  leurs  sœurs. 
Appliquez-vous  à  la  prière  aux  heures  mar- 
quées, et  qu'on  ne  fasse  autre  chose  dans 
l'oratoire  que  ce  à  quoi  il  est  destiné,  et 
d'où  il  tire  son  nom.  Lorsque  dans  vos  priè- 
res vous  récitez  des  psaumes  ou  des  canti- 
ques, que  le  cœur  suive  ce  que  la  voix  pro- 
nonce. Chantez  seulement  ce  qui  est  mar- 
qué pour  être  chanté,  et  contentez-vous  de 
dire  le  reste  à  voix  basse.  Domptez  votre 
chair  par  le  jeune;  mais  que  celles  mêmes 
qui  ne  pourront  jeûner,  ne  prennent  rien 
qu'à  l'heure  du  repas,  si  ce  n'est  qu'elles 
soient  malades.  Pendant  que  vous  êtes  à 
table,  écoutez  sans  bruit  la  lecture  qui  se 
fait  suivant  la  coutume,  afin  qu'en  même 
temps  que  le  corps  prend  sa  nourriture, 
l'esprit  se  nourrisse  de  la  parole  de  Dieu. 
S'il  arrive  que  celles  qui  ont  été  élevées 
dans  le  monde  d'une  manière  plus  délicate, 
et  dont  la  complexion  est  plus  faible,  soient 
traitées  un  peu  plus  délicatement,  non-seu- 
lement pour  la  nomTiture,  mais  pour  les 
lits,  les  couvertures  et  les  habits,  que  celles 
que  l'on  traite  autrement  parce  qu'elles 
sont  plus  fortes,  ne  trouvent  pas  mauvais 
ce  que  l'on  fait  de  plus  pom-  les  autres  par 
tolérance,  plutôt  que  par  préférence.  Com- 
me il  faut  retrancher  aux  malades  quelque 
chose  de  leur  nourriture  ordinaire  pour  ne 
les  pas  accabler,  on  doit  donner  aux  conva- 
lescentes tout  ce  qui  peut  contribuer  à  les 


[n'*  ET  V^  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


173 


rétablir  promptement ,  sans  distinction  de 
pauvi'e  ni  de  riche,  parce  que  la  maladie 
fait  dans  celles  qui  étaient  robustes,  ce 
que  la  délicatesse  de  la  complexion  ou  de 
l'éducation  fait  dans  les  autres.  Qu'il  n'y  ait 
rien  de  remarquable  dans  vos  habits,  et  que 
vos  voiles  ne  soient  point  transparents ,  en 
sorte  qu'ils  laissent  voir  votre  coiiïure.  Que 
vos  cheveux  ne  paraissent  par  aucun  en- 
droit. Si  vous  allez  quelque  part,  marchez 
toutes  ensemble  ;  et  quand  vous  serez  arri- 
vées, tenez-vous  aussi  toutes  ensemble.  Si 
en  passant,  vos  regards  tombent  sur  quel- 
qu'un, qu'au  moins  ils  ne  s'arrêtent  sur  per- 
sonne ;  car  il  ue  vous  est  pas  défendu  de 
voir  des  hommes  quand  il  s'en  trouve  sur 
votre  chemin,  mais  de  désirer  d'en  voir,  ou 
d'en  être  vues.  Si  vous  remarquez  dans 
quelqu'une  de  vos  sœurs  de  ces  sortes  de 
regards,  avertissez-la  sans  différer,  de  peur 
que  le  mal  ne  gagne,  et  pour  l'étouffer  dès 
sa  naissance.  Si  elle  retombe,  faites  remar- 
quer ce  qui  se  passe  à  une  ou  deux  des 
sœurs,  afin  qu'étant  convaincue  par  deux 
ou  trois  témoins,  elle  puisse  être  punie 
comme  elle  le  mérite.  Si  elle  ne  se  corrige 
point ,  avertissez  la  supérieure ,  qui  après 
l'avoir  corrigée  en  secret,  la  punira  publi- 
quement en  cas  de  rechute,  et  la  chassera 
même  du  monastère,  si  eUe  refuse  de  subir 
la  peine  que  le  supérieur  ou  la  supérieure 
aiu'ont  ordonnée  pour  sa  correction.  Si  quel- 
qu'une va  jusqu'à  recevoir  secrètement  des 
lettres  ou  des  présents  de  quelque  homme, 
et  qu'elle  vienne  à  s'en  accuser  eUe-même, 
qu'on  lui  pardonne,  et  que  l'on  prie  pour 
elle.  Mais  si  la  chose  se  découvre  d'une 
autre  manière,  et  qu'on  ait  trouvé  de  quoi 
l'en  convaincre,  qu'on  la  châtie  plus  sé- 
vèrement, selon  l'avis  de  la  supérieure,  ou 
du  prêtre  ou  même  de  l'évêque. 

Que  tous  les  habits  soient  gardés  dans  un 
même  lieu  sous  la  charge  d'une  ou  de  deux 
personnes.  Lorsqu'on  en  change  selon  les 
saisons V  recevez  indifféremment,  s'il  est 
possible,  tout  ce  qu'on  tirera  de  ce  vestiaire 
commun  pom-  chacune  de  vous,  sans  pren- 
dre garde  si  l'on  donne  à  l'une  ce  qui  avait 
auparavant  servi  à  l'autre,  pourvu  qu'on 
donne  à  chacune  tout  ce  qui  lui  est  néces- 
saire. Mais  s'il  arrivait  que  par  condescen- 
dance l'on  souffrit  cpie  chacune  au  change- 
ment de  saison  reprît  dans  le  vestiaire  com- 
mun ce  qu'elle  y  avait  déposé,  cela  n'em- 
pêche pas  qu'on  ne  doive  garder  tous  les 


habits  dans  un  même  lieu.  Qu'aucune  ne 
travaille  pour  elle-même,  soit  en  habits,  en 
lits,  en  ceintures,  en  couvertures,  en  voiles, 
mais  que  tous  vos  ouvrages  se  fassent  en 
commun,  et  même  avec  plus  de  soin,  de 
plaisir  et  de  joie  que  si  chacune  travaillait 
pom-  soi.  Vos  habits  seront  lavés  ou  par  les 
sœurs  mêmes,  ou  par  des  ouvriers  suivant 
la  disposition  de  la  supérieure. 

«  Quant  à  l'usage  des  bains,  on  ne  le  per- 
mettra qu'une  fois  le  mois,  si  ce  n'est  en  cas 
de  maladie  et  par  l'avis  du  médecin.  Quand 
les  sœurs  iront  au  bain,  elles  ne  seront  ja- 
mais moins  de  trois,  et  ce  ne  sera  pas  celle 
qui  en  aura  besoin,  mais  la  supérieure  qui 
les  choisira.  Il  y  aura  une  sœur  particuliè- 
rement destinée  pour  avoir  soin  des  mala- 
des ou  des  convalescentes,  qui  prendra  dans 
la  cuisine  les  choses  nécessaires  à  chacune 
des  infirmes.  Chaque  jour,  à  une  certaine 
heure,  on  viendra  prendre  les  livres  :  passée 
cette  heure,  on  n'en  donnera  point.  Quant 
aux  habits  et  aux  souliers,  celles  qui  en  au- 
ront soin  en  donneront  aux  sœurs  suivant 
leur  besoin  et  sans  différer.  » 

Saint  Augustin  veut  que,  s'il  arrive  quel- 
que querelle  dans  le  monastère ,  on  l'apaise 
aussitôt;  que  les  sœurs  s'abstiennent  de 
toutes  paroles  dures  et  capables  de  blesser 
la  charité,  et  que,  s'il  en  échappe  à  quel- 
qu'une, eUe  ne  fasse  point  de  diflEiculté  de 
tirer  le  remède  de  la  même  bouche  dont  est 
sorti  ce  qui  a  fait  le  mal.  Il  excepte  de  cette 
règle  celles  qui  sont  en  charge  ,  les  dispen- 
sant de  demander  pardon  à  leurs  inférieu- 
res, quand  même  elles  s'apercewaient  d'a- 
voir dépassé  les  bornes  dans  les  paroles  du- 
res dont  la  nécessité  de  maintenir  l'ordre  et 
la  discipline  les  obligent  quelquefois  d'user. 
((  Car  en  portant,  dit-il,  l'humilité  trop  loin, 
on  avilirait  l'autorité  ;  mais  qu'au  moins 
eUes  en  demandent  pardon  au  Maître  com- 
mun des  unes  et  des  autres,  qui  le  leur  ac- 
cordera en  considération  de  la  charité  qu'el- 
les ont  pour  celles  mêmes  à  qui  elles  ont 
fait  une  correction  trop  sévère.  »  Il  les 
exhorte  à  purifier  teUement  l'amour  qu'elles 
ont  les  unes  pour  les  autres ,  qu'il  ne  tien- 
ne ni  de  la  chair  ni  du  sang;  à  obéir  à 
leur  supérieure  comme  à  leur  mère ,  et  plus 
exactement  encore  au  prêtre  chargé  du  soin 
de  toute  la  communauté  ;  c'est  à  lui  que 
la  supérieure  doit  recourir  dajis  ce  qui  passe 
ses  forces  et  sa  capacité;  si  elle  trouve  sa 
condition  heureuse,  que  ce  soit  par  la  cha- 


174 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Lrttre  212 
&  QuÎDliliËO, 
en  423,  pajf. 
ISS. 


Aclo  de  lï- 
leclion  d'Hé- 
roclius  ,  en 
426,  pag.  788. 


Leitres  214 
et  215  H  Va- 
'entîn,en  427, 
paf.  791  ,  et 
de  Valenlin  ï 
?aint  Augus- 
tin, pay.  79C. 


rite  qui  la  rend  servante  de  toutes  les  autres, 
plutôt  que  par  l'autorité  qui  l'en  rend  en 
quelque  façon  maîtresse.  «  Si  elle  est,  dit-il, 
au-dessus  des  autres  aux  yeux  des  hommes, 
qu'elle  soit  au-dessous  de  ses  sœurs  aux 
yeux  de  Dieu  par  son  humilité.  Qu'elle  serve 
d'exemple  à  toutes  en  toutes  sortes  de  bon- 
nes œuvres  ;  qu'elle  reprenne  celles  qui 
seront  déréglées,  qu'elle  console  celles  qui 
seront  dans  l'abattement,  qu'elle  supporte 
les  faibles,  qu'elle  soit  patiente  envers  tou- 
tes, qu'elle  se  soumette  volontiers  à  la  ri- 
gueur de  la  discipline  et  qu'elle  ne  l'impose 
aux  autres  qu'avec  ci'ainte,  qu'elle  ait  beau- 
coup plus  de  soin  de  se  faire  aimer  que  de 
se  faire  craindre,  et  qri'elle  pense  sans  cesse 
qu'elle  rendra  compte  à  Dieu  de  toutes  cel- 
les qui  lui  sont  soumises.  » 

Saint  Augustin  ordonne  qu'on  lise  cette 
règle  à  la  communauté  une  fois  la  semaine , 
afin  qu'on  n'en  oublie  aucun  précepte,  et 
qu'elle  soit  mieux  observée. 

58.  Sa  lettre  à  l'évêque  QuintiHen,  est 
pour  lui  recommander  une  sainte  veuve 
nommée  Gella  et  sa  fille  Simplicie,  que  sa 
qualité  de  vierge  consacrée  à  Jésus-Christ 
mettait  au-dessus  de  sa  mère.  Il  avertit 
QuintiHen  qu'elles  portaient  avec  elles  des 
reliques  du  martyr  saint  Etienne,  sachant 
qu'il  était  instruit  du  respect  qu'il  devait 
avoir  pour-  ces  précieux  restes  d'un  si  grand 
saint.  On  a  mis  à  la  suite  de  cette  lettre  l'acte 
dressé  publiquement  à  Hippone  dans  l'église 
de  la  Paix,  du  choix  que  fit  saint  Augustin 
du  prêtre  Héraclius,  pour  lui  succéder  dans 
l'épiscopat,  et  le  soulager  dans  sa  vieillesse 
d'une  partie  de  ses  soins. 

59.  On  rapporte  à  l'an  427  le  trouble  qui 
arriva  dans  le  monastère  d'Adrumet  \  au 
sujet  des  disputes  qui  régnaient  alors  sur  le 
libre  arbitre  et  sur  la  grâce.  Florus,  l'un 
des  moines  de  ce  monastère,  ayant  été  obli- 
gé par  charité  de  faire  un  voyage  à  Uzale, 


y  lut  quelcpes  ouvrages  de  saint  Augus- 
tin, c'est-à-dire  VÉ pitre  à  Sixte,  prêtre  de 
Rome,  n  la  transcrivit  même  avec  la  per- 
mission des  moines  d'Uzale,  et  l'aide  de  Fé- 
lix, moine  du  monastère  d'Adrumet,  qui  l'a- 
vait accompagné  à  Uzale.  Florus  alla  de 
cette  ville  à  Carthage,  et  Félix  s'en  retourna 
en  son  monastère  avec  le  livre  de  saint  Au- 
gustin qu'il  lut  à  ses  confrères,  sans  que  Va- 
lentin  leur  abbé  en  sût  rien.  Cinq  d'entre 
eux  qui  ne  prenaient  pas  bien  le  sens  des 
paroles  de  saint  Augustin,  excitèrent  un 
grand  bruit  dans  le  monastère,  prétendant 
que  les  autres  qui  entendaient  l'écrit  de  ce 
Père  autrement  qu'eux,  soutenaient  telle- 
ment la  grâce  qu'ils  détruisaient  le  libre  ar- 
bitre. Florus  étant  de  retom'  à  Adrumet,  le 
trouble  recommença,  parce  qu'ils  l'accu- 
saient d'être  la  cause  de  tout  ce  qui  était 
arrivé.  Tout  cela  se  passa  sans  que  Valentin 
en  eût  connaissance  :  mais  Florus  crut  être 
obligé  de  l'en  avertir.  Valentin,  en  voyant 
la  lettre  à  Sixte,  ne  douta  point  qu'elle  ne 
fût  de  saint  Augustin,  dont  il  connaissait  le 
style.  Il  la  lut  avec  joie,  et,  pour  étouffer  les 
questions  impies  que  l'ignorance  de  quelques- 
uns  de  ses  frères  avait  fait  naître,  il  proposa 
d'envoyer  quelqu'un  à  saint  Évodius,  évéque 
d'Uzale,  pour  avoir  l'explication  du  livie  de 
saint  Augustin.  Il  y  envoya  en  effet  :  Évodius 
ayant  appris  ^  les  disputes  qu'ils  avaient  entre 
eux  sur  le  libre  arbitre  et  la  justice  de  Dieu, 
leur  manda  par  une  lettre  dont  le  père  Sir- 
mond  nous  a  donné  un  fi-agment,  qu'il  louait 
leur  amour  pour  la  connaissance  de  la 
vérité,  mais  qu'il  fallait  se  garder  d'avoir 
un  zèle  aigre  et  contentieux  ;  que  la  dispute 
produit  le  trouble,  mais  que  l'amour  de  la 
vérité  demande  la  piété.  Il  leur  apprend  con- 
formément à  la  doctrine  de  saint  Augustin, 
que  le  premier  homme  avait  le  libre  arbitre 
dans  son  entier,  mais  qu'il  a  été  affaibli  par 
le  péché  ;  que  l'homme  a  donc  encore  son 


*  La  ville  d'Adrumet,  célèbre  en  ce  temps-là, 
était  la  métropole  civile  de  la  Bizacène  ;  [elle  se 
trouvait  dans  ce  qui  forme  aujourd'hui  la  régence 
de  Tunis.) 

2  Honorabiles  fratres  retuleriint  nobis,  quia 
nescio  quœ  ibi  contentiones  inler  vos  natœ  sunt 
de  libero  arbitrio  et  de  justitia  Dei.  Laudamus 
qwidem  studmm  vestrum,  sed  nolumus  esse  con- 
tentiosum.  Conlentio  enim  perturbationem  exci- 
tât, sed  studium  pietatem  requirit.  Liberi  ar- 
bitra plenissimum  afjfectwm  habuit  homo  primo 
creatus,  Adam  dico.  Sed  ubi  sauciaVmn  est, 
ipsum  liberiim  arbitrium  infirmatum  est.  Ergo 


est  in  homine  nunc  liberum  arbitrium,  sed  sau- 
ciatum  :  inde  dictum  est.  Psalm-  xxxvii ,  2  : 
Infirmatus  est  in  cgestate  vigor  meus,  et  lumen 
oculorum  meorum  non  est  mecum.  Ad  hoc  re- 
cuperandum  missus  est  medicus  salvator  Chris- 
tus,  ut  salvaret  quod  perierat,  et  curaret  quod 
vitiatum-  fiierat....  Legant  ergot  san.cti  Dei  ma- 
jorum  dicta,  siciit  jam  dixi,  qui  habent  divini 
muneris  affectum  ;  et  quando  non  intelligtint, 
non  cito  reprehendant,  sed  orent  ut  intelligant. 
Évod.  apud  Sirmondum,  in  Prœdestinat.  Histor., 
cap.  I. 


[VI»  ET  V^  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


175 


libre  arbitre,  mais  faible  et  infirme;  que  Jé- 
sus-Christ a  été  envoyé  comme  sauveur  et 
comme  médecin  pour  réparer  nos  pertes  et 
guérir  nos  blessures.  Après  diverses  autres 
choses,  Évodius  les  avertit  que,  quand  ils 
trouvent  dans  les  écrits  des  personne  illus- 
tres, des  choses  qu'ils  n'entendent  point, 
ils  ne  doivent  pas  se  hâter  de  les  reprendre, 
mais  prier  pour  en  avoir  l'intelligence. 

Cette  lettre  ne  fit  point  d'impression  sur 
des  esprits  échauffés.  Us  résolurent,  contre 
le  sentiment  de  leur  abbé,  d'aUer  trouver 
saint  Augustin  même.  Valentin  pour  les  en 
détourner  engagea  un  saint  prêtre  nommé. 
Sabin,  à  donner  une  explication  de  cette  let- 
tre, mais  elle  ne  put  les  guérir  ;  de  sorte  que 
Valentin  n'y  voyant  point  d'autre  remède, 
les  laissa  partir  ;  mais  il  ne  leur  donna  point 
de  lettre  pour  saint  Augustin ,  de  peur  qu'il 
ne  parût  douter  aussi  bien  qu'eux  de  la  vé- 
rité de  sa  doctrine.  Les  moines  d'Adrumet 
s'en  allèrent  donc  à  Hippone,  portant  avec 
eux  la  lettre  à  Sixte  dont  ils  se  scandali- 
saient. Il  n'y  en  eut  que  deux  d'entre  eux 
qui  y  arrivèrent,  savoir  Cresconius,  et  un 
Félix  différent  de  celui  qui  avait  apporté  la 
même  lettre  à  Adrumet.  Quoiqu'ils  n'eus- 
sent point  de  lettre  de  leur  abbé,  saint  Au- 
gustin les  reçut  avec  beaucoup  de  bonté,  les 
trouvant  trop  simples  pour  faire  une  faus- 
seté. Ils  lui  dirent  que  quelques-uns  de  leurs 
frères,  en  voulant  établir  la  grâce,  niaient 
le  libre  arbitre,  et  disaient  qu'au  jour  du 
jugement  Dieu  ne  rendra  point  à  chacun 
selon  ses  œuvres;  mais  que  le  plus  grand 
nombre  n'était  pas  de  ce  sentiment;  qu'ils 
reconnaissaient  le  libre  arbitre,  et  qu'ils 
avouaient  aussi  qu'il  avait  besoin  d'être 
aidé  de  la  grâce,  pour  goûter  et  pratiquer 
le  bien  ;  et  qu'ainsi  quand  le  Seigneur  vieu- 
cba  pour  rendre  à  chacun  selon  ses  œuvres, 
il  en  trouvera  de  bonnes  en  nous,  qu'il 
avait  préparées  pour  nous  y  faire  marcher. 

Saint  Augustin  instruisit  Cresconius  et  Fé- 
lix, et  leur  expliqua  sa  lettre  au  prêtre  Sixte. 
Outre  cela  il  écrivit  par  eux  sa  deux  cent 
quatorzième  lettre  à  Valentin ,  et  aux  autres 
frères  de  son  monastère,  dans  laquelle  il 
traite  cette  question  si  difficile  du  libre  arbi- 


tre et  de  la  grâce.  «Lorsque  vous  lirez,  leur 
dit-il  ',  mon  livre  ou  ma  lettre  (c'est  la  cent- 
quatre-vingt-quatorzième  à  Sixte)  entendez- 
la  de  telle  sorte  que  vous  ne  niiez  pas  la 
grâce  de  Dieu,  ni  que  vous  ne  défendiez,  pas 
le  libre  arbitre  en  le  séparant  de  la  grâce 
de  Dieu,  comme  si  nous  pouvions  sans  elle 
penser  ou  faire  quelque  chose  de  bon  se- 
lon Dieu  :  car  c'est  ce  que  nous  ne  saurions 
pouvoir  en  aucune  manière ,  comme  Jésus- 
Christ  même  nous  l'a  appris,  lorsque  parlant 
à  ses  apôtres  des  fruits  de  justice,  il  leur  dit  : 
Sans  moi  vous  ne  pouvez  rien  faire.  » 

Saint  Augustin  eut  bien  voulu  envoyer  à 
Valentin  par  ses  deux  religieux  quelques 
pièces  qui  concernaient  l'histoire  du  péla- 
gianisme,  en  particulier  ce  qui  s'était  fait 
contre  cette  hérésie  dans  les  conciles  d'Afri- 
que, mais  ils  ne  voulaient  pas  lui  donner  le 
temps  de  les  faire  copier,  se  hâtant  de  s'en 
retourner  dans  leur  monastère  avant  la  fête 
de  Pâques,  qui  en  427  était  le  3  avril.  Le 
saint  évêque  eut  néanmoins  depuis  assez  de 
pouvoir  sur  leur  esprit,  pour  les  engager  à 
passer  cette  solennité  à  Hippone.  Pendant 
cet  intervalle  arriva  l'autre  Félix  qui  avait 
porté  la  lettre  à  Sixte  aux  moines  d'Adru- 
met. Saint  Augustin  pour  instruire  plus  à 
fond  les  trois  qu'il  avait  auprès  de  lui,  de  ce 
qui  regardait  l'hérésie  pélagienne ,  leur  lut 
les  lettres  des  conciles  de  Carthage  et  de 
Numidie,  celle  des  cinq  évêques  à  Innocent, 
avec  les  trois  réponses  de  ce  pape,  celle  du 
concile  d'Afrique  à  Zozime,  celle  de  Zozime 
à  tous  les  évêques,  et  les  canons  du  con- 
cile général  d'Afrique  contre  l'hérésie  des 
pélagiens.  Il  leur  lut  aussi  le  livre  de  saint 
Cyprien  sur  l'Oraison  dominicale,  en  leur 
faisant  remarquer  de  queUe  manière  ce 
saint  évêque  enseigne  que  nous  devons  de- 
mander à  notre  Père  qui  est  dans  le  ciel  tout 
ce  qui  fait  les  bonnes  mœurs  et  la  bonne 
vie,  de  peur  que,  présumant  des  forces  de 
notre  libre  arbitre,  nous  ne  venions  à  dé- 
cheoir  delà  grâce.  Enfin,  pour  ne  rien  omet- 
tre de  ce  qui  pouvait  les  rendre  fermes  dans 
la  foi,  sans  nier  ni  le  libre  arbitre,  ni  la  né- 
cessité de  la  grâce ,  il  lut  encore  avec  eux 
sa  lettre  à  Sixte,  en  leur  faisant  voir,  qu'il 


1  Proinde  librum  vel  epistolam  meam,  quam 
seciim  ad  nos  supradicti  attulerunt,  secundum 
hanc  fidem  intelligite,  ut  neque  negetis  Dei  gra- 
tiam,  neque  liberum  arbitrium  sic  defendatis,  ut 
a  Dei  gratia  separetis,  tanquam  sine  illa  vel  co- 
gitare  aliquid,  vel  agere  secundum  Deum  ulla  ra- 


tione  possimus,  quod  omnino  non  possumus. 
Propter  hoc  enim  Dominus,  cum  de  fructu  jus- 
titicB  loqueretur,  ait  discipulis  suis  :  Sine  me 
nihil  potestis  faoere.  Aug.,  Epist.  214,  num.  2, 
pag.  791,  tom.  2. 


176 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


ne  l'avait  écrite  que  contre  ceux  qui  disent, 
que  c'est  selon  nos  mérites  que  la  grâce  de 
Dieu  nous  est  donnée ,  c'est-à-dire  contre  les 
pélagiens.  Il  fit  même  pour  eux  un  ouvrage 
exprès  sur  cette  matière,  intitulé  :  De  la  grâce 
et  du  libre  arbitre,  qu'il  adressa  à  Valentin 
et  aux  autres  qui  servaient  Dieu  ensemble 
dans  le  monastère  d'Adrumet ,  espérant 
qu'avec  la  grâce  de  Dieu,  ce  livre  apai- 
serait toutes  les  disputes ,  s'ils  le  lisaient  at- 
tentivement, et  s'ils  en  comprenaient  bien  le 
sens.  Il  en  cliargea  donc  Cresconius  et  Félix, 
joignant  à  ce  livre  toutes  les  autres  pièces 
contre  les  :pélagiens  qu'il  leur  avait  lues,  et 
une  seconde  lettre  à  Yaleutin,  où  il  établit 
encore  la  nécessité  de  la  grâce.  Il  y  prie  cet 
abbé  de  lui  envoyer  Florus.  Valentin  le  lui 
envoya  aussitôt  après  le  retour  de  Cresco- 
nius et  de  ses  compagnons ,  avec  une  lettre 
pour  saint  Augustin,  où  il  lui  fait  le  récit  de 
ce  qui  s'était  passé  dans  son  monastère.  Il  y 
fait  aussi  une  déclaration  de  sa  foi,  qu'il 
proteste  être  celle  de  Florus,  priant  ce  saint 
évêque  de  n'en  point  juger  par  ce  que  lui 
en  avaient  dit  les  autres  frères,  qui  lui  ont 
eux-mêmes,  dit-il,  entendu  dire  plusieurs 
fois,  que  ce  n'est  pas  en  considération  d'au- 
cun mérite  qui  soit  en  nous,  mais  par  la 
grâce  du  Rédempteur,  que  Dieu  nous  dé- 
partit les  dons  de  sa  miséricorde.  «  Nous  ne 
nions  pas,  ajoute  Valentin,  que  le  libre  ar- 
bitre n'ait  été  guéri,  et  rendu  sain  par  la 
grâce  de  Dieu  ;  et  nous  croyons  avec  con- 
fiance que  c'est  le  secours  journalier  de  la 
grâce  de  Jésus-Clu-ist  qui  le  soutient,  et  qui 
le  fait  avancer  dans  le  bien.  »  11  condamne 
l'orgueil  de  ceux  qui  vantaient  les  forces  de 
leur  libre  arbitre ,  comme  s'il  pouvait  quel- 
que chose  de  lui-même,  et  déclare  une  se- 
conde fois,  qu'il  ne  le  croit  capable  de  faire 
le  bien  qu'avec  le  secours  de  la  grâce  de 
Dieu. 
i  vii"r  ^én  6^-  ^^^^  le  même  temps  on  rapporta  à 
»n.  iiog.  703.  saint  Augustin  qu'un  homme  de  considéra- 
tion de  l'Église  de  Carthage,  nommé  Vital, 
errait  aussi  sur  la  grâce ,  enseignant  que  le 
commencement  de  la  bonne  volonté  et  de  la 
foi  n'est  pas  un  don  de  Dieu  ;  mais  que 
par  nous-mêmes  et  par  une  volonté  pro- 
pre que  Dieu  n'a  point  formée  dans  notre 
cœur,  nous  pouvons  commencer  de  croire  en 
Dieu,  et  nous  soumettre  à  l'Évangile.  Quand 
on  lui  demandait  ce  que  veulent  donc  dire 
phiiir.  M,  ces  paroles  de  saint  Paul  :  C'est  Dieu  qui 
"'  opère  en  nous  le  vouloir  et  le  faire,  il  répon- 


dait qu'elles  signifient  seulement  qu'il  le  fait 
autant  qu'il  est  en  lui,  en  nous  instruisant 
par  sa  loi  et  par  ses  Ecritures;  mais  qu'il  dé- 
pend tellement  de  nous  d'y  consentir,  ou  de 
n'y  pas  consentir,  que  quand  nous  ne  le 
voulons  pas,  l'opération  de  Dieu  n'a  point 
de  forces  en  nous.  Vital  convenait  que  pour  ^'"s-  sc- 
ies autres  devoirs  de  la  vie  chrétienne,  c'est 
Dieu  qui  nous  les  donne  par  sa  grâce,  lors- 
que nous  demandons  par  la  foi,  que  nous 
cherchons  et  que  nous  frappons. 

Saint  Augustin ,  pour  réfuter  cette  erreur, 
qui  est  celle  de  ceux  qu'on  appela  depuis 
semi-pélagiens,  lui  écrivit  une  longue  let- 
tre, dans  laquelle  il  fait  voir  que  cette  doc- 
trine combat  les  prières  de  l'Eglise.  «  Dites 
donc  nettement ,  dit-il  à  Vital ,  que  nous  ne 
devons  point  prier  pour  ceux  à  qui  nous 
prêchons  l'Evangile  ;  mais  seulement  leur 
prêcher.  Elévez-vous  contre  les  prières  de 
rÉghse,  et  quand  vous  entendez  le  prêtre  à 
l'autel  exhortant  le  peuple  de  Dieu  à  prier 
pour  les  infidèles,  afin  qu'il  les  convertisse  ; 
pour  les  catéchumènes,  afin  qu'il  leur  ins- 
pire le  désir  du  baptême  ;  et  pour  les  fidèles, 
afin  qu'ils  persévèrent  par  sa  grâce ,  mo- 
quez-vous de  ces  saintes  exhortations  ,  et 
dites  que  vous  ne  prierez  point  Dieu  pour 
les  infidèles,  afin  qu'il  les  rende  fidèles  : 
parce  que  ce  n'est  point  un  bienfait  de  sa 
miséricorde,  mais  un  etfet  de  leur  vo- 
lonté. »  Il  fait  voir  encore  que  cette  doc- 
trine est  contraire  à  celle  de  saint  Cyprien, 
qui  dans  l'explication  de  l'Oraison  domini- 
cale, enseigne  que  nous  devons  demander  à 
Dieu  pour  les  infidèles,  le  même  don  de  la 
foi  que  les  iidèles  ont  déjà  reçu  ;  qu'elle  est 
aussi  contraire  à  cet  endroit  de  la  seconde 
aux  Corinthiens,  nous  demandons  à  Dieu  que 
vous  ne  fassiez  aucun  mal  :  car  on  ne  peut 
pas  dire  que  ce  n'est  point  faire  de  mal,  que 
de  ne  pas  embrasser  la  foi  de  Jésus-Clu-ist  ; 
enfin  qu'elle  est  contraire  à  ces  paroles  de 
David  :  Le  Seiçjneur  dresse  les  pas  de  l' homme,  p« 

et  c'est  alûi's  que  l'homme  veut  et  recherche  les 
voies  du  Seigneur.  «  Peut-être,  répondrez- 
vous,  dit  ce  Père  à  Vital,  que  c'est  en  fai- 
sant arriver  l'homme,  par  la  lecture,  ou  par 
la  prédication  de  l'Évangile,  à  la  connais- 
sance de  la  vérité,  que  le  Seigneur  fait  ce 
que  dit  le  Prophète  ?  Mais  s'il  en  était  ainsi, 
il  suturait  de  prêcher  et  d'exphquer  la  vérité 
aux  infidèles,  ou  de  les  obliger  à  s'en  ins- 
truire par  la  lecture  ;  on  n'aurait  que  faire 
de  prier  Dieu  de  convertir  leurs  cœurs,  non 


[IV"  Eï  V'  SIÈCLES.] 

plus  que  de  lui  demander,  par  le  secours  de 
sa'grâce,  l'avancement  et  la  persévérance 
pour  ceux  qui  seraient  déjà  convei'tis  ;  et  ce 
serait  une  moquerie  plutôt  qu'une  véritable 
prière,  de  demander  à  Dieu  pour  eux  ce 
qui  n'est  pas  l'effet  de  sa  grâce.  » 

n  dit  à  Vital  que  pour  soutenir  comme  on 
doit  le  libre  arljitre,  il  faut  bien  se  garder 
d'attaquer  ce  qui  le  rend  libre ,  c'est-à-dire 
la  grâce,  qui  le   délivre  de  l'esclavage,  et 
qui  le  met  dans  la  liberté  nécessaire  pour 
fuir  le  mal  et  faire  le  bien  ;  que  si  la  déli- 
vrance de  notre  libre  arbitre  était  notre  ou- 
vrage, l'Apôtre  ne  dirait  pas  que  c'est  Dieu 
qui  l'a  arraché  de  la  puissance  des  ténèbres,  et 
ne  lui  en  rendrait  pas  grâces,  puisque  nous 
ne  remercions  pas  Dieu  de  ce  qu'il  ne  fait 
pas.  Il  lui  fait  voir  que  la  grâce  de  Dieu 
consiste   non    dans  la  faculté  naturelle  du 
libre  arbitre,  ni  dans  la  loi,  ni  dans  les  ins- 
tructions, mais   dans  un   secours   donné  à 
chaque  action  selon  la  volonté  de  celui  dont 
il  est  écrit  :   Vous  réserverez,  Seigneur,  selon 
votre  bon  plaisir  une  pluie  et  une  rosée  de  bé- 
nédiction pour  notre  héritage.  «  Car  nous  n'a- 
vons plus,  dit-il,  de  libre  arbitre  pour  aimer 
Dieu,  l'ayant  perdu  à  cet  égard  par  l'énor- 
mité  du  premier  péché  ;  et  la  loi  de  Dieu 
toute    sainte,  toute  juste,   et  toute   bonne 
qu'elle   est,   tue  néanmoins,  si  l'esprit  ne 
■\avifie,   en   faisant   qu'elle   entre   dans   nos 
cœurs  non  par  la  force  de  la  prédication, 
ni  par  la  lecture  que  nous  en  faisons,  mais 
par  l'obéissance  ci  par  l'amour  qu'il  nous 
inspire.  De  sorte   que   de   croire  en  Dieu, 
et  de  vivre   dans  la  piété,  cela  ne  vient  ni 
de  celui  qui  veut,  ni  de  ce  lui  qui  court,  mais 
de  Dieu  qui  fait  miséricorde  ;  d'où  il  ne  suit 
pas  que  nous  ne  dussions  vouloir  et   cou- 
rir; mais  que  c'est  lui  qui  opère  en  nous 
le  vouloir  et  le  couiùr;  et  de  là  vient  que 
Jésus-CMst  faisant   la    différence  de  ceux 
qui  croient  d'avec  ceux  qui  ne  croient  pas, 
dit  :  Personne  ne  vient  à  moi  si  cela  ne  lui  est 
donné  de  mon  Père.  Ne  disons  donc  pas,  con- 
tinue saint  Augustin,  que  la  grâce  consiste 
dans    la    doctrine  ;    mais  reconnaissons  la 
grâce  qui  fait  que  la  doctrine  profite,  puis- 
que nous  voyons  qu'au  Heu  de  profiter,  elle 
nuit,  si  la  grâce  manque.  En  effet,  quand 
nous  offrons  nos  prières  à  Dieu  pour  les 
infidèles,  nous  ne  le  prions  pas  de  les  faire 
hommes,  et  de  produire  en  eus  la  nature 
qu'ils  ont  déjà  :  nous  ne  lui  demandons  pas 
non  plus  que  sa  doctrine  leur  soit  annoncée, 
IX. 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


177 


puisqu'ils  ne  l'entendent  que  pour  leur  con- 
damnation lorsqu'ils  ne  croient  pas;  mais 
nous  demandons  que  leur  volonté  soit  re- 
dressée, et  qu'elle  embrasse  la  doctrine  du 
salut.  » 

Ensuite  il  propose  à  Vital  douze  articles, 
qui  comprennent  ce  que  l'on  doit  croire  sur 
la  grâce.  «  1°  Nous  savons  que  les  hommes 
avant  leur  naissance,  n'ont  point  eu  de  vie 
où  ils  aient  fait  ni  bien  ni  mal  ;  mais  que 
descendant  d'Adam  selon  la  chair,  ils  parti- 
cipent par  leur  première  naissance  au  venin 
de  cette  mort  ancienne  qu'il  encourut  par 
son  péché,  et  qu'ils  ne  sont  point  délivrés 
de  la  mort  éternelle,  qui,  par  tme  juste  con- 
damnation, s'est   répandue    d'un  seul    sur 
tous,  s'ils  ne  renaissent  en  Jésus-Christ  par 
la  grâce.  2°  Nous  savons  que  la  grâce  de 
Dieu  n'est  donnée  ni  aux  enfants,  ni  aux 
pei-sonnes  qui  sont   en  âge    de  raison,  en 
considération    d'aucuns    mérites.    3°    Nous 
savons  que  la  grâce  est  donnée  pour  cha- 
que action,   à    ceux   qui   sont  en  âge   de 
raison.    4°   Nous   savons   qu'elle  n'est    pas 
donnée  à  tous  les  hommes,  et  que  ceux  à 
c[ui  eUe  est  donnée,  la  reçoivent  sans  l'avoir 
méritée,  ni  par  leurs  œuvres,  ni  même  par 
leur  volonté  ;  ce  qui  paraît  particulièrement 
dans  les  enfants.  5°  Nous  savons  que  c'est 
par  une  miséricorde  de  Dieu  toute  gratuite, 
qu'elle  est  donnée  à  ceux  à  qui  elle  est  don- 
née. 6°  Nous  savons  que  c'est  par  un  juste 
jugement  de  Dieu,  qu'elle  n'est  pas  donnée 
à  ceux  à  qui  elle  n'est  pas  donnée.  7°  Nous 
savons  que  nous  paraîtrons  tous  devant  le 
tribunal  de  Jésus-Christ,  afin    que   chacun 
reçoive  récompense   ou  punition,  selon  ce 
qu'il  aura  fait  par    son  corps,  et  non  pas 
selon  ce  qu'il  aurait  fait,  s'il  eût  vécu  da- 
vantage.   8°  Nous    savons    que   les  enfants 
même  ne  recevi-ont  récompense  ou  punition 
que  selon    ce  qu'ils    auront   fait   par  leurs 
corps,  c'est-à-dire  pendant    qu'ils  ont    été 
dans  le  corps,  selon  que  les  uns  ont  été  ré- 
générés, et  que  les  autres  ne  l'ont  pas  été. 
9°  Nous  savons  que  le  bonhem'  éternel  est 
assuré  à  tous  ceux  qui  meurent  en  Jésus- 
Christ,  et  qu'il  ne  leur  est  rien  imputé  de 
ce    qu'ils   auraient  fait,  s'ils   avaient   vécu 
plus  longtemps.  10°  Nous  savons  que  ceux 
qui  croient  en  Dieu  de  leur  propre  mouve- 
ment, le   font  volontairement  et  par   une 
action  de  lem*  libre  arbitre.  11°  Nous  savons 
que  c'est  agir  conformément  aux  règles  de 
la  foi,  lorsque  nous,  qui  sommes  déjà  fidè- 

12 


178 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


les,  offrons  des  prières  à  Dieu  pour  ceux  qui 
ne  croient  pas,  afin  qu'ils  veuillent  croire. 
12°  Nous  savons  que  quelqii'un  de  ceux- 
là  ayant  embrassé  la  foi,  nous  devons  en 
rendre  grâces  à  Dieu  sincèrement,  comme 
d'un  bienfait  de  sa  miséricorde,  et  que  c'est 
la  coutume  de  le  faire.  » 

Saint  Augustin  applique  ensuite  ces  douze 
articles  à  la  dispute  qu'il  avait  avec  Vital,  et 
qui  consistait  à  savoir,  si  la  grâce  nous  est 
donnée,  parce  que  nous  voulons;  on,  si  le 
vouloir  même  n'est  pas  une  chose  que  Dieu 
opère  en  nous  par  la  grâce.  «  Comment,  lui 
dit-il,  peut-on  enseigner  que  la  grâce  ne  fait 
que  suivre  le  mérite  de  la  volonté  de  l'hom- 
me, puisqu'elle  est  même  donnée  aux  en- 
fants avant  qu'ils  soient  en  état  de  faire  au- 
cun usage  de  leur  volonté  ?  Comment  peut-on 
dire  qu'aucun  mérite  de  la  volonté  précède 
la  grâce ,  soit  dans  les  enfants ,  soit  dans  les 
adultes,  puisque  ce  qui  fait  qu'elle  est  vérita- 
blement grâce,  c'est  qu'elle  ne  nous  est  point 
donnée  en  considération  d'aucun  mérite, 
comme  Pelage  même  fut  obligé  de  le  recon- 
naître, pour  éviter  la  condamnation  des  évo- 
ques? Comment  peut-on  dire  que  la  grâce 
consiste  ou  dans  la  faculté  naturelle  du  li- 
bre arbitre,  ou  dans  la  loi  ou  la  doctrine, 
puisque  le  même  Pelage  a  encore  condamné 
cet  article,  et  reconnu  que  la  grâce  est  un 
secours  donné  pour  chaque  action,  à  ceux 
qui  sont  en  âge  d'user  de  leur  libre  arbitre? 
Comment  peut-on  dire  que  la  grâce  soit  don- 
née à  tous  les  hommes,  puisqu'elle  n'est  point 
donnée  à  un  si  grand  nombre  d'enfants  qui 
meurent  sans  baptême,  non  par  la  faute  des 
parents  ou  des  ministres  de  l'Église,  mais 
parce  que  Dieu  ne  le  A'eut  pas?  Comment 
peut-on  dire  que  quand  la  grâce  est  donnée 
à  l'homme,  c'est  qu'il  la  mérite  par  l'usage 
qu'il  fait  de  sa  volonté;  puisque  c'est  par  une 
miséricorde  de  Dieu  toute  gratuite  qu'elle 
est  donnée  à  ceux  h.  qui  elle  est  donnée;  et 
qu'il  faut  que  cela  soit  ainsi,  afin  qu'elle  soit 
véritablement  grâce?  Comment  peut-on  pré- 
tendre que  Dieu  trouve  dans  la  volonté 
de  l'homme  quelque  mérite  auquel  il  ait 
égard  dans  la  dispensation  de  sa  grâce, 
puisque  sans  qu'il  y  ait  pour  l'ordinaire  au- 
cune différence  du  côté  de  la  volonté  et  du 
mérite,  entre  ceux  à  qui  il  donne  sa  grâce,  et 
ceux  à  qui  il  la  refuse,  et  ceux-ci  n'étant  en 
rien  inférieurs  aux  autres,  c'est  néanmoins 
par  un  juste  jugement  qu'il  la  leur  refuse, 
afin  que  ceux  à  qui  elle  est  donnée,  conçoi- 


vent combien  la  miséricorde  que  Dieu  exerce 
en  cela  sur  eux  est  gratuite  ;  puisqu'il  pour- 
rait leur  refuser  sa  grâce  avec  autant  de  jus- 
tice qu'aux  autres,  dont  la  condition  est  par- 
faitement égale  à  la  leur.  Comment  peut-on 
s'empêcher  de  reconnaître  pour  des  effets 
de  la  grâce  non-seulement  la  première  vo- 
lonté qui  nous  porte  à  croire,  mais  même 
celle  cjui  nous  fait  persévérer  jusqu'à  la  fin; 
puisque  ce  n'est  pas  de  l'homme,  mais  de 
Dieu ,  qu'il  dépend  de  finir  la  vie  de  chacun 
quand  il  lui  plaît;  et  qu'avant  que  la  malice 
ait  changé  le  cœur  de  celui  qui  ne  doit  pas 
persévérer,  il  pourrait  par  u.n  effet  de  sa  mi- 
séricorde le  retirer  du  monde?  Comment 
peut-on  dire  que  ce  qui  fait  qu'entre  les  en- 
fants ,  qui  meurent  avant  l'usage  de  raison, 
les  uns  reçoivent  la  giâce,  et  non  pas  les 
autres,  c'est  l'usage  que  Dieu  préA'oit  qu'ils 
auraient  fait  de  leur  volonté,  s'ils  avaient 
vécu  davantage;  puisque  les  hommes  ne  se- 
ront pas  jugés  selon  ce  qu'ils  auraient  fait 
dans  une  plus  longue  vie,  mais  que  chacun 
recevi'a  récompense  ou  punition  selon  ce  qu'il 
aura  fait  par  son  corps?  Si  les  hommes  ne 
devaient  être  jugés  que  selon  l'usage  qu'ils 
am^aient  fait  de  leur  volonté  s'ils  avaient 
vécu  davantage,  nous  n'aurions  point  de 
raison  de  nous  réjouir  pour  ceux  que  nous 
savons  être  morts  dans  la  pureté  de  la  foi 
et  la  sainteté  de  la  vie;  ni  de  détester  la 
mémoire  de  ceux  qui  finissent  leurs  jom's 
dans  l'infidélité  et  dans  le  dérèglement  des 
mœurs;  ce  qui  est  contre  la  doctrine  de  saint 
Cyprien,  dont  le  livre  de  la  mortalité  ne  tend 
qu'à  nous  faire  voir  que  nous  devons  nous 
réjouir  pour  les  fidèles  qui,  mourant  dans  la 
piété  chrétienne,  sont  mis  à  couvert  des  ten- 
tations de  cette  vie,  et  dans  une  heui'euse 
assurance  de  ne  plus  pécher.  Comment  peut- 
on  accuser  de  nier  le  liLre  arbitre  ceux  qui 
reconnaissent  que  quiconque  croit  en  Dieu, 
ne  le  fait  que  d'une  volonté  toute  libre  ?  Ceux- 
là  ne  sont-ils  pas  plutôt  ennemis  du  libre 
arbitre  qui  attaquent  la  grâce  de  Dieu,  qui 
le  rend  véritablement  libre  pour  choisir  et 
faire  le  bien?  Comment  au  lieu  de  recon- 
naître que  c'est  par  une  infusion  secrète  de 
la  grâce,  que  s'accomplit  ce  que  dit  l'Écri- 
ture :  C'est  Dieu  qui  prépare  la  volonté,  pré- 
tend-on que  c'est  par  la  connaissance  qu'il 
nous  procure  de  sa  loi,  puisqu'en  priant, 
comme  nous  faisons,  pour  ceux  qui,  bien  loin 
de  vouloir  embrasser  cette  loi,  la  rejettent; 
et  en  lui  demandant  qu'il  la  leur  fasse  em- 


TV'  ET  V''  SIÈCLES.] 

brasser,  nous  agissons  suivant  les  principes 
de  la  foi  orthodoxe  ?  Comment  peut-on  dire 
que  Dieu,  dans  la  dispensation  de  sa  grâce, 
attend  que  le  mouvement  de  la  volonté  de 
l'homme  ait  précédé;  si  c'est  un  devoir  de 
justice  de  rendre  grâces  à  Dieu  comme  nous 
faisons,  de  ce  qu'il  va  chercher  au  milieu  de 
l'incrédulité  ceux  mêmes  qui  persécutent  sa 
vérité,  pour  les  convertir  à  lui,  et  leur  faire 
vouloir  ce  qu'ils  ne  voulaient  pas  au- 
paravant? Pourquoi  lui  rendre  grâces  de 
ce  changement,  si  ce  n'est  pas  lui  c[ui  le 
fait?  » 

Saint  Augustin  rapporte  sur  ce  sujet  ce 
que  dit  saint  Paul  des  actions  de  grâces  que 
les  éghses  de  Judée  rendaient,  à  Dieu,  de 
ce  que  par  un  effet  de  sa  bonté  il  avait  con- 
verti le  cœur  de  Paul  ;  remarquant  que  mal- 
à-propos  elles  auraient  publié  la  grandeur 
de  la  bonté  de  Dieu  sur  ce  sujet,  si  Dieu 
même  n'avait  pas  fait  le  grand  ouvrage  de 
la  conversion  de  cet  apôtre.  Il  conclut  de  la 
doctrine  renfermée  dans  les  douze  articles, 
que  la  grâce  de  Dieu  prévient  et  prépare  la 
volonté  de  l'homme,  bien  loin  d'être  la  récom- 
pense d'aucun  mérite  que  l'homme  puisse 
s'attribuer  de  lui-même.  Il  confirme  encore 
cette  doctrine  par  un  grand  nombre  de  pas- 
sages de  l'Écriture,  et  principalement  des 
Épitres  de  saint  Paul,  qui  nous  font  voir  que 
c'est  Dieu  qui  par  sa  grâce  ôte  aux  infidèles 
leurs  cœurs  de  pierre,  et  que  cette  grâce  pré- 
vient dans  les  hommes  toute  bonne  volonté, 
et  par  conséquent  tout  mérite. 

61.  Il  étabht  la  même  doctrine  dans  sa 
lettre  à  Palatin,  en  le  faisant  souvenir  que 
pour  persévérer  il  avait  besoin  de  cette  même 
sagesse  qui  lui  avait  fait  prendre  le  bon 
parti ,  c'est-à-dire  de  renoncer  à  la  vanité 
des  richesses  et  de  la  gloire  mondaine,  pour 
com'ir  dans  la  voie  du  salut,  et  servir  Dieu 
avec  une  piété  forte  et  abondante  en  fruits 
célestes.  Palatin  s'était  retiré  pour  cela  en 
un  heu  où  il  ne  manquait  pas  de  personnes 
qui  l'exhortassent  au  bien  :  et  ce  fut  de  là 
qu'il  écrivit  à  saint  Augustin,  et  qu'il  lui  en- 
voya des  cilices.  Ce  Père  les  reçut  avec 
plaisir ,  regardant  cette  sorte  de  présent 
comme  une  leçon  que  Palatin  lui  avait  faite 
le  premier  sur  le  soin  que  nous  devons  avoir 
de  vaquer  à  la  prière,  et  de  conserver  l'hu- 
milité, qui  en  doit  être  inséparable.  Il  lui 
dit  dans  sa  réponse  que  ses  parents  se  ré- 
jouissaient comme  de  véritables  fidèles,  de 
ce  que  les  espérances  frivoles  qu'il  avait  au- 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÈQUE  D'HIPPONE. 


179 


trefois  dans  le  siècle,  ont  fait  place  aux  espé- 
rances soHdes  qu'il  commence  d'avoir  en 
Jésus-Christ. 

62.  Léporius,  moine  gaulois,  tomba  aussi 
dans  les  erreurs  de  Pelage,  attribuant  tout 
ce  qu'il  faisait  de  bien,  à  son  libre  arbitre  et 
à  ses  propres  forces,  et  non  à  la  grâce  de 
Dieu.  Ce  ne  fut  pas  là  le  seul  malheur  qui 
lui  arriva.  Il  renouvela  l'ancienne  impiété 
des  ébionites,  et  jeta  les  fondements  de 
celle  de  JNestorius,  en  disant  que  Jésus- 
Christ  n'était  en  naissant  qu'un  pur  homme  ; 
qu'il  n'était  pas  né  Dieu,  mais  qu'il  avait  été 
choisi  de  Dieu,  et  qu'il  avait  acquis  la  divi- 
nité par  le  mérite  de  ses  travaux  et  de  ses 
souffrances.  Comme  il  publiait  ces  erreurs 
de  vive  voix  et  par  écrit,  les  évêques  des 
Gaules  s'élevèrent  contre  lui  ;  et  voj^ant  qu'il 
s'opiniâtrait  dans  sa  mauvaise  doctrine,  ils 
le  condamnèrent  et  le  chassèrent  del'Égiise. 
Des  Gaules  il  passa  en  Afrique,  où  Aurèle  de 
Carthag-e,  saint  Augustin  et  quelques  autres, 
sans  s'éloigner  de  la  sentence  prononcée 
contre  lui,  le  consolèrent  dans  le  trouble  où 
il  était,  et  travaillèrent  à  le  détromper  et  à 
le  guérir.  Dieu  bénit  leurs  travaux.  Léporius 
revint  de  ses  erreurs  et  les  désavoua  publi- 
quement. Il  en  fit  même  une  rétractation 
par  écrit  qu'il  adressa  à  Proculus  et  à  Cylin- 
nius,  ceux  des  évêques  des  Gaules  qui  avaient 
eu  le  plus  de  part  à  sa  condamnation.  Il  si- 
gna cet  écrit  dans  l'église  de  Carthage;  et 
quatre  évêques,  savoir  :  Aurèle,  saint  Au- 
gustin, Florent  et  Second,  le  signèrent  aussi 
pour  attester  que  cet  écrit  était  véritable- 
ment de  lui,  et  pour  en  approuver  la  doc- 
trine. Ils  écrivirent  outre  cela  une  lettre  par- 
ticulière à  Proculus  et  à  Cylinnius,  où  ils 
leur  rendaient  compte  de  la  manière  dont 
Léporius  s'était  venir  jeter  entre  leurs  bras, 
et  qu'ils  l'avaient  reçu.  «  Comme  sa  péni- 
tence, ajoutaient-ils,  nous  a  obligés  de  le  re- 
cevoir; sa  profession  de  foi,  que  nous  avons 
-  certifiée  véritable  par  nos  signatures ,  doit 
vous  obliger  de  lui  faire  la' même  grâce.  » 
Le  style  de  cette  lettre  fait  juger  que  ce  fut 
saint  Augustin  qui  l'écrivit,  et  on  ne  peut 
même  guères  douter  qu'il  n'ait  aussi  dressé 
la  confession  de  foi  de  Léporius. 

63.  Le  comte  Boniface,  après  la  mort  de 
sa  première  femme,  était  résolu  de  quitter 
la  profession  des  armes ,  et  de  vivre  dans 
une  entière  continence.  Saint  Augustin  et 
saint  Alypius  l'avaient  porté  à  demeurer 
dans  cette  profession,  et  à  y  servir  Dieu  et 


Lellro  219 
à  Pioculus,  en 
427,  pa».  810. 


Lellrc  220 
à  Boniface, on 
427,  pas.  812. 


180 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


l'Église,  comme  il  l'avait  fait  auparavant; 
mais  ils  ne  lui  avaient  pas  conseillé  de  se 
remarier.  Boniface  oubliant  sa  résolution, 
épousa  une  seconde  femme  nommée  Péla- 
gie, mais  à  condition  qu'elle  abandonnei'ait 
l'arianisme  pour  se  faire  catholique.  L'an- 
nonce de  cette  conversion  *  consola  un  peu 
saint  Augustin  dans  la  douleur  qu'il  ressen- 
tit en  apprenant  que  Boniface  s'était  rema- 
rié. Il  n'osa  la  lui  témoigner  d'abord,  le  sa- 
chant au  milieu  des  périls.  Mais  ayant  depuis 
trouvé  un  homme  que  Boniface  aimait,  sa- 
voir le  diacre  Paid,  il  le  chargea  d'une  let- 
tre pour  ce  comte,  où  son  principal  dessein 
est  de  l'avertir  de  songer  à  son  salut.  «  Je 
sais,  lui  dit-il,  que  vous  ne  manquez  pas  de 
ces  sortes  d'amis  qui  n'aiment  que  par  rap- 
port à  la  vie  présente,  et  qui  vous  donnent, 
sur  ce  qui  la  regardent,  des  conseils  tantôt 
bons,  tantôt  mauvais  ;  tels  qu'en  peuvent 
donner  des  hommes  qui  ne  voient  que  le 
présent,  et  qui  ne  savent  fias  ce  qui  doit 
arriver  d'un  joiu"  à  l'autre  ;  mais  oîi  sont 
ceux  qui  vous  donnent  des  avis  sur  ce  qui 
regarde  Dieu  et  le  salut  de  votre  âme?  »  Il 
lui  représente  la  piété  où  il  avait  vécu  quel- 
que temps,  le  dessein  qu'il  avait  eu  de  quit- 
ter tous  ses  emplois,  et  la  promesse  qu'il 
avait  faite  de  garder  la  continence.  Puis  ve- 
nant à  son  second  mariage,  il  lui  met  devant 
les  j'eux  l'état  malheureux  où  une  pareille 
aUiance  le  réduisait.  Comme  Boniface  pré- 
tendait justifier  sa  conduite,  saint  Augustin 
lui  dit  qu'il  ne  pouvait  en  être  le  juge,  n'é- 
tant point  au  fait  des  raisons  de  ceux  qui 
l'accusaient  tant  sur  la  guerre  qu'il  soute- 
nait, que  sur  les  fautes  qu'il  commettait  en 
ce  genre,  et  que  les  autres  commettaient  à 
cause  de  lui  ;  mais  il  l'avertit  de  songer  à  se 
justifier  devant  Jésus-Clu-ist,  dont  il  faisait 
profession  d'être  un  fidèle  serviteur,  et  de- 
vant sa  propre  conscience,  où  il  verrait,  que 
quand  même  l'Empire  aurait  mal  reconnu 
ses  services,  un  chrétien  tel  qu'il  était,  ne 
devait  pas  rendre  le  mal  pour  le  mal.  Il  lui 
conseille  de  moins  penser  à  la  conservation 
de  ses  dignités  et  de  ses  richesses,  qu'à  sau- 
ver son  âme,  qui  lui  devait  être  plus  pré- 
cieuse que  tout  le  reste,  et  lui  dit  avec  l'a- 
!  .loan.  Il  pôtre  saint  Jean  :  N'aimez  point  le  monde,  7ii 
'"  les  choses  qui  sont  dans   le  inonde.  <(  Voilà, 

ajoute-t-il,  le  conseil  que  j'ai  à  vous  donner. 
Embrassez -le  sans  hésiter,  et  faites- nous 


voir  en  le  mettant  en  pratique,  que  vous  êtes 
homme  de  cœur.  »  Comme  cela  n'était  pas 
aisé  à  pratiquer  dans  les  engagements  où  le 
comte  Boniface  se  trouvait,  saint  Augustin 
l'exhorte  à  recourir  à  la  prière,  et  de  dire 
souvent  à  Dieu  avec  le  prophète  :  Délivrez- 
moi  des  nécessités  où  je  suis.  11  lui  conseille 
aussi  de  joindre  l'aumône  à  la  prière,  et 
même  de  jeûner  autant  qu'il  le  pourra  sans 
intéresser  sa  santé.  Il  lui  dit  encore  que  s'il 
n'avait  point  de  femme,  il  l'exhorterait  à  vi- 
we  dans  la  continence,  et  même  d'aban- 
donner la  profession  des  armes,  pom'  se  re- 
tirer avec  les  saints  qui  servent  Dieu  dans 
un  monastère,  a  Mais  je  ne  puis  plus,  dit-il, 
vous  exhorter  à  cette  sorte  de  vie,  puisque 
vous  ne  sauriez  embrasser  la  continence 
sans  le  consentement  de  votre  femme  :  car 
quoique  de  votre  part,  vous  n'eussiez  pas  dû 
vous  remarier,  après  ce  que  vous  nous  aviez 
dit  à  Tuburnes,  elle  est  dans  la  bonne  foi, 
puisqu'elle  ne  savait  rien  de  tout  cela,  quand 
elle  vous  a  épousé.  Plût  à  Dieu  que  vous 
pussiez  la  faire  consentir  à  votre  première 
résolution,  afin  d'être  en  état  de  rendre  à 
Dieu  ce  que  vous  savez  que  vous  lui  devez. 
Du  reste,  il  y  a  d'autres  choses  à  quoi  le 
mariage  n'est  point  ou  ne  doit  point  être  un 
empêchement,  c'est  d'aimer  Dieu,  de  ne 
point  aimer  le  monde,  de  vous  conduire  de 
telle  sorte  dans  l'exercice  des  armes,  si  vous 
ne  le  pouvez  quitter,  que  vous  gardiez  in- 
violablement  la  foi  à  ceux  à  qui  vous  l'aurez 
promise,  et  que  vous  ne  fassiez  la  guerre 
que  pour  avoir  la  paix.  » 

•64.  La  bonté  avec  laquelle  saint  Augustin 
recevait  ceux  qui  s'adressaient  à  lui,  enga- 
gea Quod^TiUdeus,  diacre  de  l'église  de  Car- 
thage,  à  lui  écrire  pour  le  prier  de  faire  un 
traité  de  toutes  les  hérésies  qui  s'étaient 
élevées  depuis  le  commencement  de  l'Église, 
d'y  rapporter  leurs  dogmes,  d'y  montrer  en 
quoi  elles  étaient  contraires  à  la  vérité,  d'y 
mettre  ce  que  l'Ecrirui-e  et  la  raison  fom'uis- 
sent  pour  les  combattre ,  d'expliquer  de 
quelle  manière  l'Église  reçoit  ceux  qui  aban- 
donnent leurs  erreurs,  et  qui  sont  les  héré- 
tiques dont  l'Église  rejette  ou  admet  le  bap- 
tême. Pom-  traiter  à  fond  toutes  ces  choses, 
il  aurait  fallu  plusieurs  volumes  :  aussi 
Quodvidtdeus  se  restreint  aussitôt,  et  se  con- 
tente de  demander  à  saint  Augustin  de  mar- 
quer en  abrégé  les  errem's  de  chaque  secte 


Lellres 

aai'dc  c 

Quodvull 
pas.,816 


'  Cette  femme,  malgré  sa  promesse,  n'abandonna       point  l'arianisme.  (L'éditeur.) 


[iV^  ET  v"  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 

d'hérétiques,  et  ce  que  l'Eglise  catholique 


181 


223 
do 


de  contraire  aux  dogmes  de  cha- 
cune, en  renvoyant  ceux  qui  voudraient  en 
avoir  une  plus  ample  connaissance  aux  trai- 
tés déjà  faits  sur  ce  sujet. 

Saint  Augustin  répondit  à  Quodvultdeus, 
par  deux  lettres.  Dans  la  première,  qui  est 
perdue,  il  lui  faisait  connaître  combien  la 
chose  était  difficile  h  exécuter.  Il  lui  dit  dans 
la  seconde,  que  saint  Philastre,  et  saint  Epi- 
phane  ayant  fait  l'un  et  l'autre  un  catalogue 
des  hérésies,  il  ne  s'agissait  que  de  traduire 
du  grec  l'ouvrage  du  dernier.  Quodvultdeus 
ne  se  rebuta  point;  et  imitant  la  persévé- 
rance de  cet  importun  de  l'Évangile,  qui 
alla  en  plein  minuit  demander  trois  pains  à 
son  ami  et  les  obtint,  il  écrivit  une  seconde 
lettre  à  saint  Augustin,  protestant  qu'il  ne 
cesserait  de  le  presser  jusqu'à  ce  qu'il  eût 
obtenu  ce  qu'il  demandait.  «Laissons-là,  lui 
dit-il,  les  mets  étrangers  que  vous  nous  pro- 
mettez ;  nous  ne  voulons  que  ceux  que  l'Afri- 
que pi'oduit  et  qui  sont  les  délices  de  nos 
provinces,  n  Saint  Augustin  céda  à  l'impor- 
tunité  de  ce  pieux  diacre  ;  et  quoique  oc- 
cupé actuellement  à  la  réfutation  des  livres 
de  Julien,  à  la  révision  de  ses  propres  ou- 
vrages et  à  divers  autres  écrits,  il  promit  à 
Quodvultdeus  de  travailler  sur  les  hérésies, 
et  de  donner  à  ce  travail  une  partie  de  son 
temps.  Il  accompht  sa  promesse,  mais  sans 
suivre  entièrement  la  pensée  de  Quodvult- 
deus, dans  l'exécution  de  son  projet. 
•  65.  Nous  parlerons  ailleurs  des  lettres  que 
saint  Prosper  et  Hilaire  écrivirent  à  saint 
Augustin  en  429  ,  sur  les  semi-pélagiens.  La 
même  année,  ce  Père  écrivit  au  saint  vieil- 
lard Alypius,  sur  la  conversion  de  deux  païens 
qui  avaient  été  baptisés  à  Pâques.  L'un  s'ap- 
pelait Gabinien,  et  l'autre  Dioscore.  Le  pre- 
mier ne  cessait  d'avoir  dans  la  bouche  aussi 
bien  que  dans  le  cœur,  la  grâce  qu'il  avait 
reçue  au  baptême.  Voici  ce  qui  occasionna 
au  second  de  se  convertir.  Sa  fiUe  unique, 
qui  faisait  toute  sa  joie,  tomba  malade  à 
l'extrémité,  en  sorte  qu'il  trouvait  lui-même 
(car  il  était  médecin)  qu'il  n'y  avait  nulle 
espérance.  Dioscore  ne  voyant  plus  d'autre 
ressource,  se  résolut  enfin  d'avoir  recom^s  à 
la  miséricorde  de  Jésus-Christ,  et  fit  vœu  de 
se  faire  chrétien,  si  sa  fille  guérissait.  EUe 
guérit,  mais  Dioscore  négligea  d'accomplir 
son  vœu.  Il  perdit  la  vue  en  un  moment  ;  et 
reconnaissant  d'abord  ce  qui  lui  avait  attiré 
ce  châtiment,  il  s'en  accusa,  et  s'oHigen  par 


un  nouveau  vœu  d'accomplir  le  premier,  si 
Dieu  lui  rendait  la  vue.  Son  désir  fut  accom- 
pli, il  recouvra  la  vue  et  se  fit  baptiser.  11 
n'avait  pas  néanmoins  appris  le  Symbole 
comme  c'était  la  coutume,  s'en  étant  excusé 
sur  la  faiblesse  de  sa  mémoire.  Mais  lorsque 
les  huit  jours  de  la  solennité  de  son  bap- 
tême furent  passés ,  il  tomba  tout  d'un  coup 
paralytique  de  presque  tous  ses  membres, 
et  même  de  la  langue.  En  cet  état  il  fut 
averti  en  songe  que  ce  malheur  lui  était 
arrivé  pour  n'avoir  pas  appris  et  récité  le 
Symbole.  Il  eut  ordre  de  le  déclarer,  et  il  le 
fit  par  écrit,  ne  le  pouvant  faire  de  bouche. 
Aussitôt  Dieu  lui  rendit  l'usage  de  tous  ses 
membres,  à  la  réserve  néanmoins  de  la  lan- 
gue. Depuis,  il  apprit  le  Symbole  par  cœur, 
comme  il  le  déclara  par  un  billet. 

66.  L'évêque  Honorât  avait  prié  saint  Au- 
gustin de  lui  dire  s'il  était  permis  aux  prê- 
tres, aux  clercs  et  aux  évêqnes  de  fuir  et 
d'abandonner  leurs  troupeaux  dans  les  temps 
de  persécution  :  sa  raison  d'en  douter  était 
qu'il  ne  voyait  pas  qu'en  demeurant  dans 
leurs  villes ,  ils  en  pussent  tirer  d'autre 
avantage  pour  eux  ni  pour  les  autres,  que 
d'être  spectateurs  de  la  mort  des  hommes, 
de  l'embrasement  des  églises  et  de  quantité 
d'autres  violences ,  et  d'être  eux  -  mêmes 
exposés  à  périr  dans  les  tourments  que  les 
barbares  leur  feraient  souffrir  pour  leur 
faire  donner  l'or  et  l'argent  qu'ils  n'auraient 
pas. 

Saint  Augustin  crut  résoudre  suffisam- 
ment son  doute  en  lui  envoyant  une  lettre 
que  nous  n'avons  plus,  et  qui  était  adressée 
à  Quodvultdeus,  où  ce  Père  avait  fait  voir 
qu'il  fallait  laisser  aller  ceux  qui  étaient  en 
état  de  se  retirer  dans  des  lieux  de  sûreté, 
mais  que  les  évêques  ne  devaient  point 
abandonner  leurs  éghses ,  ni  rompre  les 
liens  par  lesquels  la  charité  de  Jésus-Christ 
les  y  attache  :  parce  que,  quelque  peu  nom- 
breux que  soit  le  troupeau  qui  est  resté  dans 
ces  lieux-lâ,  le  ministère  des  pasteurs  lui  est 
toujours  nécessaire.  Honorât  peu  satisfait  de 
cette  solution,  craignait  toujours  que  ce  no 
fût  aller  contre  le  précepte  de  Jésus-Christ 
qui  a  commandé  de  fuir  dans  les  persécu- 
tions, et  qui  l'a  pratiqué  lui-même.  «  Mais 
peut-on  croire,  lui  répond  saint  Augustin, 
que  Jésus-Christ  ait  prétendu  par  là,  que 
nous  abandonnassions  les  brebis  qu'il  a  ac- 
quises au  prix  de  son  sang  ?»  Il  fait  voir  à 
Honorât  qu'il  n'y  a  que  deux  occasions  où  il 


Lettre  223 
'i  Houoraf,  en 
'.28    OH    iog 
pag.  83U 


182 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


soit  permis  aux  ecclésiastiques,  chargés  de  la 
dispensation  de  la  parole  et  des  sacrements, 
de  se  retirer.  La  première  est,  quand  on  les 
poui-suit  personnellement,  et  que  pendant 
qu'ils  fuient,  ceux  de  leurs  confrères  qu'on 
ne  chercbe  pas  nommément  comme  eux,  de- 
meurent potu'  servir  l'Église  et  pour  distri- 
buer à  ce  qui  compose  la  famille  du  Maître 
commun,  la  nourriture  spirituelle  sans  la- 
quelle elle  ne  pourrait  subsister.  La  seconde, 
lorsque  tout  leur  peuple  s'est  retiré,  en  sorte 
qu'il  ne  se  trouve  plus  personne  qui  ait  be- 
soin de  leur  ministère.  Mais  lorsque  le  péril 
men'ace  également  les  évêques,  les  clercs  et 
les  laïques,  ceux  à  qui  il  appartient  de  se- 
com-ir  les  autres,  ne  doivent  pas  les  aban- 
donner, et  il  faut  ou  que  tous  ensemble  se 
retirent  en  un  lieu  de  sûreté;  ou  que,  s'il  y 
en  a  qui  soient  obligés  de  demeurer,  ceux 
qui  comme  les  évêques  leur  doivent  le  se- 
cours, demeurent  aussi  pour  vivre  ou  mou- 
rir avec  eux,  selon  qu'il  plaira  à  Dieu  d'en 
ordonner. 

Saint  Augustin  appuie  ses  décisions  de 
divers  exemples  :  Saint  Atbanase,  évèque 
d'Alexandrie,  prit  le  parti  de  s'enfuir,  parce 
qu'il  était  nommément  persécuté  par  Cons- 
taiice  ;  et  encore  qu'il  se  retirât,  le  peuple 
de  cette  ville  n'était  point  abandonné  , 
y  ayant  d'autres  ministres  pour  en  avoir 
soin;  quelques  saints  évêques  d'Espagne 
se  sont  enfuis  ,  mais  après  avoir  vu  leurs 
peuples  réduits  à  rien  ,  partie  par  la  fuite , 
partie  par  le  fer,  partie  par  la  faim,  et  par 
les  autres  calamités  d'un  long  siège,  partie 
pour  avoir  été  faits  prisonniers  et  dispersés 
çà  et  là  par  les  ennemis;  mais  d'autres 
évêques  et  en  bien  plus  grand  nombre , 
voyant  que  leurs  peuples  demeuraient,  sont 
restés  avec  eux,  au  risque  de  tous  les  maux 
qui  leur  pouvaient  arriver.  «  S'il  y  en  a  eu , 
ajoute-t-il,  qui  ont  abandonné  leurs  peuples, 
ils  l'ont  fait  contre  leur  devoir,  suivant 
dans  leur  fuite,  non  l'autorité  de  l'Ecriture, 
mais  les  faux  raisonnements  de  leur  esprit, 
ou  les  mouvements  de  leur  crainte.  » 

On  avait  rapporté  à  saint  Augustin  qu'un 
certain  évêque  disait  que,  si  Jésus-Christ 
nous  ordonne  de  nous  dérober  par  la  fuite 
aux  persécutions  mêmes  qui  nous  feraient 
remporter  la  couronne  du  martyre,  nous 
devons  à  bien  plus  forte  raison  chercher  à 
nous  mettre  à  couvert  des  incursions  des 
barbares,  dont  nous  ue  saurions  attendre 
c[ue  des  souffrances  infructueuses.  Mais  le 


saint  répond  que  cela  ne  peut  être  véritable 
qu'à  l'égard  de  ceux  qui  ne  sont  point  char- 
gés du  soin  des  éghses,  c'est-à-dire  à  l'égard 
des  laïques  ;  poru'  ceux  qui  demeurent,  par 
l'engagement  que  leur  impose  leur  minis- 
tère d'assister  les  fidèles,  cette  charité  leur 
peut  faire  acquérir  un  martyre  encore  plus 
glorieux    que   s'ils    le   souffraient  pour  ne 
pas  renoncer  à  la  foi  de  Jésus-Christ.  Il  fait- 
voir,  par  l'exemple  d'une  ville  menacée  d'ê- 
tre prise,  combien  la  présence  des  ministres 
de  Jésus-Christ  est  nécessaire  en  ces  occa- 
sions.   «  Quel  concours  alors,  dit-il,  à  l'É- 
glise de  personnes  de  tout  âge  et   de  tout 
sexe,  dont  les  uns  demandent  le  baptême, 
les  auti'es  la  réconcihation,  d'autres  d'être 
mis  en  pénitence,  et  tous  qu'on  les  console? 
S'il  ne  se  trouve  point  de  ministres  en  ces 
occasions,  quel  malheur  pour  ceux  qui  sor- 
tent de  cette  vie  sans  être  régénérés  ou  dé- 
liés ?  Quelle  douleur  pour  leurs   proches , 
s'ils  sont  fidèles,  de  ne  pouvoir  espérer  de 
les  avoir  avec  eux  dans  le  repos  de  l'éter- 
nité? Quels  cris,  quelles  lamentations,  quel- 
les imprécations  même  de  la  part  de  quel- 
ques-uns, de  se  voir  sans  ministres  et  sans 
sacrements?  Si,  au  contraire,  les  ministres 
ont  été  fidèles  à  ne  point  abandomier  leurs 
peuples,  ils  assistent  tout  le  monde  selon  les 
forces  qu'il  plaît  à  Dieu  de  leur  donner.  On 
baptise  les  uns,  on  réconcilie  les  autres,  per- 
sonne n'est  privé  de  la  communion  du  corps 
du  Seigneur;   on  console,  on  soutient,  on 
exhorte  tout  le  monde  à  implorer  par  de 
ferventes  prières  le  secoui's  de  la  miséri- 
corde de  Dieu.  » 

Saint  Augustin  convient  néanmoins,  qu'il 
est  permis  à  une  partie  des  ministres  de  se 
retirer  dans  les  calamités  pubhques,  pour 
être  en  état  de  servir  l'Église  dans  des 
temps  plus  calmes,  pourvu  qu'il  y  en  ait 
d'autres  qui  tiennent  leur  place.  «  Mais  s'il 
arrivait,  dit-il,  que  la  persécution  n'en  vou- 
lût qu'aux  pasteiu'S,  faudrait-il  qu'ils  pris- 
sent tous  le  parti  de  la  fuite  ;  et  vaudi-ait-il 
mieux  que  l'Église  en  fût  privée  par  leur 
fuite  que  par  leur  mort?  »  Il  répond  qu'il 
est  rare  qu'on  soit  assuré  que  la  persécution 
n'en  veuille  qu'aux  ecclésiastiques  ;  mais 
qiie,  dans  cette  supposition,  les  laïques 
pom-raient  cacher  leurs  clercs  et  lem's  évê- 
ques ;  qu'il  serait  à  souhaiter  qu'en  ces  oc- 
casions les  uns  s'enfuissent,  et  que  les  au- 
tres demeurassent,  afin  que  l'Église  ne  fût 
pas  abandonnée;  et  qu'ufin  que  ceux  qui 


[iV^  ET  v=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

prendraient  volontairement  le  parti  de  se  re- 
tirer, ne  passassent  pas  pour  être  lâches,  ou 
pour  s'estimer  plus  nécessaires  à  l'Église 
que  les  autres,  il  serait  bon  d'avoir  recours 
au  sort,  voie  qui,  pour  n'être  pas  ordinaire, 
ne  pourrait  être  blâmée  que  des  envieux  ou 
des  ignorants.  Il  finit  sa  lettre  par  cette 
maxime  :  «  C'est  faii'e  ce  que  Jésus-Clirist 
nous  permet  ou  nous  ordonne,  que  de  nous 
retirer  lorsqu'il  reste  d'autres  ministres  pour 
servir  l'Église;  mais  (juand  par  notre  fuite 
les  brebis  de  Jésus-Christ  se  trouvent  frus- 
trées des  aliments  qui  soutiennent  la  vie  de 
lem's  âmes,  c'est  être  des  mercenaires.  » 
„J''","'S.--I'       67.  La  lettre  au  comte  Darius  est  à  l'occa- 

230  et  231  do 

DTHu«'"en  ^'°^  du  vojage  qu'il  fit  en  Afrique  pour  y 
«3,  pag.  835.  traiter  de  la  paix  avec  le  comte  Boniface  qui 
était  prêt  de  se  réconciher  avec  l'Empire. 
Saint  Augustin  qui  connaissait  Darius  sur  le 
rappoi't  qu'on  lui  avait  fait  de  ses  belles  qua- 
lités, lui  écrivit  pour  le  féliciter  sur  sa  com- 
mission. Ce  comte  lui  mande,  dans  sa  ré- 
ponse, ce  qu'il  avait  déjà  fait  pour  la  paix, 
ajoutant  qu'il  espérait  de  ses  vœux  et  de  ses 
prières  que  la  guei're  serait  bientôt  entière- 
ment éteinte.  Il  lui  dit  quelque  chose  de  la 
lettre  d'Abgare  à  Jésus-Christ,  et  de  la  ré- 
ponse du  Sauveur,  mais  d'une  manière  qui 
fait  voir  qu'il  doutait  de  l'authenticité  de 
l'une  et  de  l'autre.  Il  prie  saint  Augustin  de 
lui  récrire  et  de  lui  envoyer  ses  Confessions. 
Le  saint  évêque  les  lui  envoya  et  y  joignit 
divers  autres  traités,  savoir,  ceux  de  la  Foi 
des  choses  qui  ne  se  voient  pas,  de  la  Pa- 
tience, de  la  Continence,  de  la  Providence  et 
son  ouvrage  de  la  Foi,  de  VEspérance  et  de 
la  Charité.  Il  accompagna  tout  cela  d'une 
lettre  où,  à  l'occasion  des  louanges  que  Da- 
rius lui  avait  données  dans  la  sienne,  il  dit 
que  les  hommes  ne  doivent  pas  demander 
qu'on  loue  en  eux  ce  qui  ne  mérite  point  de 
louanges;  que,  comme  on  doit  désirer  la 
vertu  et  la  vérité,  qui  sont  les  seules  choses 
qui  méritent  d'être  louées,  on  doit  aussi  se 
donner  de  garde  de  la  vanité  qui  se  glisse 
aisément  en  nous,  par  les  louanges  d,es 
hommes.  Ce  qu'il  entend  par  vanité,  c'est 
ou  de  ne  faire  cas  de  la  vertu  même,  que 
parce  qu'elle  attire  des  louanges,  ou  de  pré- 
tendre s'en  attirer  par  des  choses  peu  estima- 
bles, ou  dont  on  mérite  même  d'être  blâmé 
plutôt  que  loué.  Les  hommes  ne  doivent  pas 
se  proposer  les  louanges  des  hommes  com- 
me la  fin  de  leurs  bonnes  actions,  mais  ils 
doivent  êti'e  bien  aises  d'être  loués  desliom- 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  '   183 

mes  pour  l'amour  des  hommes  mêmes  ; 
parce  que  les  louanges  que  l'on  donne  airx 
gens  de  bien  sont  utiles  aux  autres  qui  ont 
intérêt  de  les  imiter.  Ceux  qui  ne  recon- 
naissent point  en  eux  les  vertus  desquelles 
on  les  loue,  doivent  avoir  une  confusion  sa- 
lutaire de  n'être  pas  tels  qu'on  les  croit  et 
qu'ils  devraient  être,  et  que  cela  doit  leur 
faire  désirer  de  le  devenir.  Si,  au  contraire, 
ils  reconnaissent  en  eux  quelque  chose  du 
bien  qu'on  y  loue,  ils  doivent  en  rendre  grâ- 
ces à  Dieu,  et  se  réjouir  de  ce  que  les  au- 
tres aiment  la  vertu.  Le  saint  évêque,  en 
parlant  de  la  prospérité  et  de  l'adversité, 
ajoute  que  les  caresses  de  ce  monde  sont 
encore  plus  dangereuses  que  les  persécu- 
tions, à  moins  que  nous  ne  regardions  le 
repos  dont  nous  pouvons  jouir  ici-bas  que 
comme  un  moyen  de  mener  une  vie  paisible  et 
tranquille  dans  toute  sorte  de  piété  et  d'hon- 
nêteté. C'est,  dit-il,  ce  que  l'Apôtre  nous  or- 
donne de  demander  :  car,  à  moins  d'avoir  le 
cœur  plein  de  charité  et  de  piété,  le  repos 
et  l'exemption  des  maux  de  la  vie  n'est 
qu'une  source  de  perdition,  et  ne  sert  que 
d'instrument  et  d'aiguillon  à  la  cupidité.  Si 
donc  nous  souhaitons  de  mener  une  vie  pai- 
sible et  tranquille,  ce  ne  doit  être  que  pour 
avoir  un  moyen  de  pratiquer  la  piété  et  la 
charité.  »  Il  remercie  Darius  des  remèdes 
qu'il  lui  avait  envoyés  pour  le  soutien  de  sa 
santé,  et  de  l'argent  par  lequel  il  avait  bien 
voulu  contribuer  à  la  réparation  et  à  l'aug- 
mentation de  sa  bibliothèque. 

§IV. 

Quatrième"^  classe  des  Lettres  de  saint  Augus- 
tin. 

i .  Cette  quatrième  classe  contient,  comme      lc"™  332 

,  aus   habitants 

on  l'a  déjà  remarque,  les  lettres  de  samt  «^  iMaure, 
Augustin  dont  la  date  n'est  pas  connue. 
Celle  aux  habitants  de  Madaure,  dont  la 
plupart  étaient  encore  idolàtrtîs,  est  pour  les 
exhorter  à  embrasser  la  véritable  religion. 
Outre  la  terreur  du  dernier  jugement,  il  em- 
ploie l'accomplissement  des  prédictions  mar- 
quées dans  l'Écriture.  «  Tout,  leur  dit-il,  se 
passe  précisément  comme  il  a  été  prédit. 
Vous  voyez  le  peuple  juif  arraché  de  son 
pays  et  dispersé  cà  et  là  presque  par  toute 
la  terre  :  or  cette  dispersion  a  été  prédite, 
aussi  bien  que  l'origine  de  ce  même  peuple, 
son  accroissement,  sa  décadence  et  l'exlinc- 
tion  de  la  royauté  parmi  eux.  Tout  cela  est 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


184 

arrivé  de  point  en  point,  ainsi  que  les  Prophè- 
tes l'avaient  annoncé.  Vous  voyez  que  la  loi 
est  la  parole  de  Dieu  qui,  étant  sortie  d'en- 
tre les  juifs  par  Jésus-Christ,  né  de  ce  même 
peuple  d'une  manière  miraculeuse,  s'est  ré- 
pandue par  toute  la  terre,  et  est  présente- 
ment l'objet  de  la  foi  de  toutes  les  nations. 
C'est  ce  que  nous  lisons  dans  l'Écriture, 
et  que  nous  voyons  accompli  comme  il  a  été 
prédit.  Vous  voyez  que  ces  sectes  mêmes 
que  nous  appelons  des  schismes  et  des  hé- 
résies, tirent  toute  leur  gloire  du  nom  et  de 
la  qualité  de  chrétiens,  quoiqu'ils  n'en  aient 
que  l'ombre  et  l'apparence  ;  et  de  tout  cela 
il  n'y  a  rien  qui  ne  soit  prédit  dans  l'Écri- 
ture. Vous  voyez  les  temples  des  idoles,  les 
uns   tombés  en    ruine,  sans   que   l'on    se 
mette   en  devoir  de  les  rétablir  ;  d'autres 
murés,  d'autres  qu'on  fait  servir  à  différents 
usages,  et  les  idoles  mêmes  brisées  ou  brû- 
lées, ou  enterrées,  ou  abattues  ;  et  ces  mê- 
mes puissances  qui  pei'sécutaient  autrefois 
les  chrétiens  par  attachement  au  culte  des 
faux  dieux,  domptées  et  subjuguées,  non 
par  la  résistance  de  ces  chrétiens  persécu- 
tés, mais  par  leur  patience  à  se  laisser  égor- 
ger. Vous  voyez  que  les  princes  ont  tourné 
présentement  contre  les  idoles  ces  mêmes 
lois  et  cette  même  autorité  qui  leur  sacri- 
fiaient autrefois  les  chrétiens,  et  que  la  gran- 
deur suprême  de  la  majesté  impériale  vient, 
le  diadème  bas,  faire  ses  prières  au  tombeau 
de  Pierre  le  pêcheur.  Tout  cela  a  été  prédit, 
il  y  a  plusieurs  siècles,  dans  les  Livres  sacrés 
qui  sont  présentement  entre  les  mains  de 
tout  le  monde,  et  l'accomplissement  affer- 
mit d'autant  plus  notre  foi,  qu'il  établit  da- 
vantage l'autorité  des  hvres  où  nous  lisons 
ces  prédictions.  » 

Saint  Augustin  ajoute  qu'un  si  grand  nom- 
bre de  prophéties  déjà  accomplies  de  point 
en  point,  sont  un  gage  de  l'accomplissement 
de  celles  qui  rçgardent  le  jugement  dernier; 
qu'alors  il  ne  restera  aucune  excuse  aux  in- 
fidèles, puisque  dès  ce  temps-ci  il  n'y  a  plus 
rien  qui  ne  prêche  le  nom  de  Jésus-Christ  ; 
qu'il  est  dans  la  bouche  des  justes  comme 
dans  celle  des  parjures,  dans  celle  des  prin- 
ces comme  dans  celle  des  sujets,  en  un  mot 
que  tout  en  retentit.  Il  explique  avec  beau- 
coup de  netteté  la  doctrine  de  la  Trinité  et 
celle  de  l'Incai'nation,  en  faisant  remarquer 
que,  si  le  Vei'be  fait  chair  a  exercé  ses  fonc- 
tions sous  la  forme  d'un  homme,  c'a  été  afin 
que  l'homme  ayant  devant  les  yeux  un  tel 


Lettres  233, 
îii   et   23b  à 


objet,  eût  horreur  de  son  propre  orgueil,  et 
ne  craignît  plus  de  s'humiher  à  l'exemple 
d'un  Dieu.  C'est  pour  la  même  raison  que 
Dieu  a  voulu  qu'on  prêchât  par  toute  la 
terre  non  Jésus-Clirist  revêtu  de  l'éclat  de  la 
majesté  royale,  ni  riche  des  biens  de  la 
terre,  ni  pourvu  de  ce  qui  fait  la  féhcité  de 
ce  monde,  mais  Jésus-Christ  crucifié. 

2.  Les  deux  lettres  à  Longinien  ont  aussi 
pour  but  de  lui  faire  abandonner  le  culte  J'^K^-SeSl 
des  idoles.  Saint  Augustin,  dans  un  entre-  '"°-  *" 
tien  avec  ce  philosophe,  avait  reconnu  qu'il 
était  persuadé  qu'on  devait  adorer  Dieu  qui 
est  notre  souverain  bien,  et  qu'il  avait  du 
respect  pour  Jésus-Christ.  Ces  bonnes  dis- 
positions l'engagèrent  à  lier  un  commerce 
de  lettres  avec  Longinien.  Dans  la  première 
qu'il  lui  écrivit,  il  le  pria   de  lui  mander 
comment   il    croyait    qu'on    devait  adorer 
Dieu;  ce  qu'il  pensait  de  Jésus-Christ,  s'il 
croyait  qu'on  pût  aniver  à  la  vie  heureuse 
par  le  chemin  qu'il  nous  a  marqué ,  ou  mê- 
me qu'on  ne  pût  y  arriver  que  par  celui-là, 
et  quelles  raisons  il  avait  de  différer  de  se 
convertir.  Longinien  lui  répondit  suivant  les 
principes  de  Platon,  qu'il  faut  aller  au  seul 
vrai  Dieu,   créateur  de  toutes  choses,  par 
une  vie  pure,  par  la  société  des  dieux  infé- 
rieurs ou  des  anges,  comme  les  appellent  les 
clu'étiens,  et  par  les  expiations  et  les  sacri- 
fices ;  qu'à  l'égard  de  Jésus-Chi-ist,  il  n'osait 
ni  ne  voulait  en  rien  dire,  parce  qu'il  ne  le 
connaissait  pas.  Il  appelle  saint  Augustin 
le  plus  excellent  des  romains  et  un  homme 
de  bien,  s'il  y  en  eût  jamais   (les  païens 
donnaient  aux  chrétiens  le  nom  de  romains 
depuis  que  les  empereurs  avaient  embrassé 
le  christianisme).  Saint  Augustin,  dans  une 
seconde  lettre ,  témoigna  à  Longinien  qu'il 
ne  désapprouvait  point  sa  retenue  touchant 
Jésus-Christ,  mais  il  le  pria  en  même  temps 
de  lui  marquer  si  les  expiations,  dont  il  par- 
lait, étaient  nécessaires  outre  la  bonne  vie, 
ou  bien  si  elles  étaient  une  catise,  oii  un 
effet,  ou  une  partie  de  cette  bonne  vie,  ou 
si  c'étaient  deux  choses  diflerentes.  On  ne 
sait  quelle  fut  la  réponse  de  Longinien,  ni 
s'il  se  convertit.  Il  y  eut  un  Longinien,  pré- 
fet d'Italie,  tué  en  408,  sous  le  règne  d'Ho- 
norius. 

3.  Un  manichéen  nommé  Victorin ,  fei 
gnant  d'être  catholique,  s'était  fait  ordonner  p"s-  ''^*' 
sous-diacre  de  l'Église  de  Malliane,  dans  la 
Mauritanie  Césariemie.  Éfant  venu  à  Hip- 
pone,  il  y  enseigna  ses  erreurs  à  un  grand 


Lettre  23 
A     Deutcrius 


[IV"  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


183 


nombre  de  personnes,  dans  la  persuasion 
qu'elles  ne  venaient  l'écouter  que  pour  se 
rendre  ses  disciples,  de  sorte  qu'il  fut  facile  à 
saint  Augustin  de  le  convaincre.  Il  ne  fit  pas 
même  beaucoup  de  difficulté  de  s'avoaer 
manicliéen,  voyant  qu'il  ne  lui  serait  pas 
aisé  de  se  cacher  par  un  désaveu;  mais  il 
soutint  qu'il  n'était  parmi  les  manichéens 
qu'au  rang  des  auditeurs  et  non  de  ceux 
qu'ils  appellent  élus.  Il  pria  même  saint  Au- 
gustin de  le  ramener  dans  le  chemin  de  la 
vérité  et  de  la  doctrine  catholique  ;  mais  le 
saint  évêque  ne  voyant  en  lui  aucune  marque 
de  conversion,  le  fit  châtier  et  chasser  ensuite 
de  la  ville,  et  de  peur  qu'il  n'infectât  la  Mau- 
ritanie, il  en  écrivit  à  Deutérius,  évêque  mé- 
tropolitain de  Césarée  ou  d'Alger,  pour  l'a- 
vertir d'y  prendre  garde,  d'empêcher  qu'on 
ne  lui  accordât  la  pénitence,  à  moins  qu'il  ne 
découvrit  tous  les  manichéens  qui  étaient  à 
Malliane;  de  donner  ordre  qu'on  le  déposât 
de  la  cléricature,  et  que  tout  le  monde  l'é- 
vitât ,  s'il  ne  se  convertissait.  Il  marque 
à  Deutérius  les  blasphèmes  que  tenaient 
les  auditeurs  des  manichéens,  la  discipline 
qu'ils  observaient,  et  la  différence  qu'il  y 
avait  entre  eux  et  les  élus.  Les  auditeurs 
mangeaient  de  la  chair ,  exerçaient  l'agri- 
culture et  se  mariaient  s'ils  le  jugaient  à 
propos.  Les  élus  ne  faisaient  rien  de  tout 
cela.  Mais  les  uns  et  les  autres  adoraient  et 
priaient  le  soleil  et  la  lune,  jeûnaient  le  di- 
manche et  croyaient  tous  les  dogmes  impies 
de  cette  secte. 
Leiiro  239      4.  Salut  Augustîn  parle   encore  des  er- 

&      Cérétius  ,  '^  ^ 

pag.  849.  reurs  des  manichéens  dans  sa  lettre  à  Cé- 
rétius. Mais  il  y  combat  surtout  celles  des 
priscillianistes.  L'évêque  Cérétius  lui  avait 
envoyé  deux  volumes  qui  ne  contenaient,  ce 
semble,  que  des  livres  apocryphes,  avec  une 
hymne  attribuée  à  Jésus-Christ,  sur  laquelle 
il  lui  demandait  son  sentiment.  Quant  aux 
livres  contenus  dans  ces  deux  volumes,  saint 
Augustin  ne  doute  pas  qu'ils  ne  vinssent  de 
quelques  priscillianistes,  qui  recevaient  in- 
différemment les  livres  canoniques  et  lés 
apocryphes,  se  tii'ant  de  ce  qu'il  y  a  dans  les 
uns  et  dans  les  autres  de  contraire  à  leurs 
dogmes,  par  des  intei'prétations  dont  quel- 
ques-unes étaient  assez  subtiles,  etles autres 
très-ridicules.  Ce  Père  en  rapporte  plusieurs 
exemples.  Il  rapporte  aussi  diverses  paroles 
de  l'hymne  qu'ils  attribiiaient  à  Jésus-Chi'ist 
à  la  sortie  de  la  Gène,  e^  il  montre  qu'elle  ne 
contenait  rien,  qui  ne  fut  dans  les  livres  ca- 


noniques si  on  s'en  tenait  à  la  manière  dont 
ils  l'expliquaient  en  public ,  mais  il  soup- 
çonne qu'entre  eux,  ils  lui  donnaient  un  au- 
tre sens  qu'ils  n'osaient  découvrir.  «  Tandis 
que  les  autres  hérétiques,  dit-il,  mentent 
seulement  par  le  même  principe  d'infirmité 
qui  fait  que  l'on  est  sujet  aux  autres  vices, 
les  priscillianistes  mentent  par  principe  de 
religion ,  un  des  préceptes  de  leur  secte 
étant ,  non-seulement  de  mentir ,  mais  de 
mentir  même  avec  serment,  quand  cela  est 
nécessaire,  plutôt  que  de  révéler  le  secret  de 
lem"  doctrine. 

5.  Nous  avons  trois  lettres  de  saint  Au-     Leurcsass, 

""•Sî)  250  et  ''k\. 

gustin  à  Pascentius,  qui  est  crualifié  comte  àPasccmius, 
de  la  maison  royale.  Il  était  arien,  et  avait  ims.pag.siis. 
pressé  ce  saint  évêque  de  conférer  avec  lui 
sur  la  foi.  Saint  Augustin  y  consentit.  On 
s'assembla,  on  entra  en  matière.  Pascentius 
s'arrêta  d'abord  au  mot  de  consubstantiel  et 
demanda  que  les  catholiques  le  condanmas- 
sent  comme  n'étant  point  dans  l'Écriture. 
Saint  Augustin  lui  fit  voir  qu'un  mot  peut 
n'être  pas  dans  l'Écriture  et  néanmoins  avoir 
un  bon  sens.  Pascentius  donna  sa  confes- 
sion de  foi  par  laquelle  il  croyait  en  Dieu,  le 
Père  tout-puissant,  invisible,  non  engendré; 
et  en  Jésus-Christ  son  Fils,  Dieu,  Seigneur 
né  avant  les  siècles,  par  qui  toutes  choses 
ont  été  faites  ;  et  au  Saint-Esprit.  Saint  Au- 
gustin dit  que  cette  foi  était  la  sienne  ,  et 
qu'il  était  prêt  de  la  signer.  Il  inféra  de  ce 
que  Pascentius  se  servait  du  mot  non  engen- 
dré en  parlant  du  Père,  qu'il  était  donc  per- 
mis de  se  servir  de  termes  qui  ne  sont  pas 
dans  l'Écriture.  Pascentius  soutint  d'abord 
qii'il  y  était;  ensuite  il  convint  qu'il  n'y  était 
pas.  Mais  de  peur  qu'on  ne  se  servit  de  sa 
profession  de  foi  contre  lui,  il  la  reprit  d'en- 
tre les  mains  de  saint  Augustin  et  la  déchira. 
Tout  cela  se  passa  le  matin.  On  se  rassem- 
bla après  dîner  ;  saint  Augustin  amena  avec 
lui  des  notaires,  consentant  que  Pascentius 
en  fit  venir  de  son  côté.  Ils  ne  furent  d'au- 
cun usage.  Pascentius  parlant  sans  dicter, 
répéta  sa  profession  de  foi,  sans  y  mettre  le 
mot  de  non  engendré,  et  demanda  que  saint 
Augustin  déclarât  aussi  sa  croyance.  Ce  saint 
le  fit  ressouvenir  qu'on  était  tombé  d'accord 
d'écrire,  et  le  pria  de  dicter  ce  qu'il  avait 
dit.  Pascentius  n'en  voulut  rien  faire.  Ainsi 
la  conférence  n'eût  aucun  succès.  Mais  ce 
que  saint  Augustin  avait  prévu  arriva.  Aussi- 
tôt qu'on  se  fut  séparé,  Pascentius,  qui  était 
plein  de  colère  et  de  fureur,  publia  partout 


186 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


les  choses  autrement  qu'elles  ne  s'étaient 
passées.  Il  se  vanta  qu'il  avait  vaincu  cet 
évéque  si  estimé  de  tout  le  monde  ;  qu'il  lui 
avait  hautement  déclaré  sa  foi  et  que  lui 
n'avait  osé  déclarer  la  sienne.  Comme  il  s'é- 
tait trouvé  à  la  conférence  divers  évèques  et 
plusieurs  personnes  qualifiées,  il  était  aisé 
à  saint  Augustin  de  justifier  qu'il  avait  fait 
beaucoup  d'instances  pour  écrire  ce  qui  se 
dirait  de  part  et  d'autre,  et  qu'il  n'avait  pas 
eu  peur  de  déclarer  sa  foi.  Mais  il  prit  le 
parti  d'écrire  une  grande  lettre  à  Pascen- 
tius,  où,  après  avoir  rapporté  avec  fidélité 
ce  qui  s'était  passé  de  part  et  d'autre,  il  le 
prend  lui-même  à  témoin,  et  il  ajoute  :  «  Le 
hien  de  l'homme  n'est  pas  de  triompher 
d'un  autre  homme,  mais  de  vouloir  bien  que 
la  vérité  triomphe  de  lui  :  car  eUe  triomphe 
de  nous  bon  gré  malgré,  et  le  plus  grand 
malheur  qui  nous  puisse  arriver,  c'est  qu'elle 
en  triomphe  malgré  nous.  » 

Saint  Augustin  ne  mit  pas  le  nom  de  Pas- 
centius  dans  cette  lettre,  de  peur  qu'il  ne  le 
trouvât  mauvais.  Mais  il  la  signa  du  sien, 
afin  que  personne  ne  pût  l'accuser  de  ca- 
cher sa  foi,  qu'il  y  expose,  en  effet,  avec 
beaucoup  d'exactitude  et  de  netteté.  Il  l'en- 
voya à  Pascentius,  afin  qu'il  la  lût  et  qu'il  la 
donnât  à  lire  à  qui  il  voudrait.  Pascentius  n'y 
fit  aucune  réponse,  et  ne  voulut  pas  même 
la  lire.  Saint  Augustin,  qui  s'en  doutait,  lui 
eu  écrivit  une  seconde,  où  il  fait  encore  une 
déclaration  de  sa  foi,  ajoutant  qu'il  en  avait 
donné  des  preuves  dans  sa  première  lettre, 
et  promettant  à  Pascentius,  que,  s'il  veut 
traiter  la  question  par  écrit,  il  le  satisfera  de 
tout  son  possible.  Pascentius  répondit  enfin 
à  ces  deux  lettres,  mais  en  traitant  saint  Au- 
gustin avec  beaucoup  de  mépris.  11  le  presse 
de  déclarer  laquefie  des  trois  personnes  est 
Dieu,  et  lui  oflre  de  conférer  avec  lui  et 
avec  quelques  autres  évêques,  dans  un  es- 
prit de  paix  et  avec  des  intentions  droites, 
sm-  les  choses  de  Dieu  ;  mais  il  ne  parle 
point  d'écrire  ce  qui  se  dirait  dans  la  confé- 
rence. 

Cette  lettre  engagea  saint  Augustin  à  lui 
en  écrire  une  troisième,  où  il  proteste  qu'il 
ne  se  tenait  pas  ofl'ensé  des  injures  de  Pas- 
centius, parce  qu'il  les  recevait  comme  de 
la  part  d'un  homme  puissant,  et  non  comme 
de  la  part  de  la  vérité.  Quant  à  l'objection 
qu'il  lui  avait  faite,  de  croire  que  Dieu  est  une 
personne  à  trois  têtes  :  «  Je  vous  réponds, 
lui  dit-il,  que  ce  n'est  pas  là  ce  que  je  crois, 


et  je  crois,  au  contraire ,  qu'il  n'y  a  rien 
de  plus  uniforme,  que  le  Père,  le  Fils  et  le 
Saint-Esprit,  qui  n'ayant  qu'une  même  .di- 
vinité, ne  sont  tous  ensemble  qu'un  même 
Dieu.  »  Il  demande  à  Pascentius,  comment 
il  entendait  ce  que  dit  l'Apôtre,  que  celui  i  coiimi,. 
qui  se  joint  à  une  prostituée ,  ne  fait  qu'un 
même  corps  avec  elle,  et  que  celui  qui  demeure 
attaché  au  Seigneur,  est  un  même  esprit  avec 
lui  :  car  si  la  seule  union  de  deux  corps  de 
différent  sexe  lui  fait  dire  que  les  deux  ne 
sont  plus  qu'un  même  corps,  et  qu'un  hom- 
me attaché  à  Dieu  est  un  même  esprit  avec 
lui  ;  à  combien  plus  forte  raison,  le  Fils  de 
Dieu ,  qui  est  si  intimement  un  avec  son 
Père  qu'il  ne  peut  ni  n'a  jamais  pu  soufifrir 
la  moindre  sépai-ation,  a-t-il  pu  dire  :  3Io7i  ^^  ^'""'-  ''■ 
Père  et  moi  ne  sommes  qu'un. 

6.  Un  autre  arien  nommé  Elpidius,  qui  i-etire  2»; 
trouvait  qu'il  y  avait  de  la  folie  à  dire  que  p»r-  «e. 
le  Fils  est  égal  au  Père,  s'avisa  d'écrire  à 
saint  Augustin,  qu'il  ne  connaissait  que  de 
réputation,  pour  lui  offrir  de  le  tirer  de  l'er- 
reur où  il  le  croyait,  sur  la  Trinité.  Quelque 
ridicule  que  fût  le  procédé  d'Elpidius,  le 
Saint  lui  répondit  avec  beaucoup  de  douceiu" 
et  de  politesse.  Venant  au  point  de  la  diffi- 
culté, il  lui  fait  voir,  que  malgré  l'impossibi- 
lité de  connaître  l'essence  de  Dieu,  on  ne 
peut  s'empêcher  de  croire,  après  le  témoi- 
gnage de  l'Écriture,  que  le  Verbe  n'est  point 
fait  et  que  le  Fils  est  égal  à  son  Père.  Voici 
son  raisonnement.  «  Si  toutes  choses  ont  été 
faites  par  le  Fils,  comme  saint  Jean  nous 
en  assure  dans  son  Évangile,  ce  qui  n'a 
point  été  fait  par  lui,  n'a  point  été  fait  ;  or 
le  Fils  n'a  point  été  fait  par  lui-même,  il 
n'a  donc  point  été  fait.  L'Évangile  nous 
obhge  de  croire  que  tout  a  été  fait  par  le 
Fils;  il  nous  oblige  donc  aussi  de  croire  que 
ce  Fils  n'a  point  été  fait.  De  plus,  si  rien  n'a 
été  fait  sans  lui,  tout  ce  qu'on  prétend  avoir 
été  fait  sans  lui  n'est  rien  ;  et  il  n'est  rien 
lui-même,  s'il  a  été  fait.  Or  comme  ce  serait 
ime  impiété  sacrilège,  de  dire  qu'il  n'est 
rien,  il  faut  avouer  nécessairement,  ou  qu'il 
a  été  fait  par  lui-même,  ou  qu'il  n'a  point  été 
fait  du  tout.  On  ne  peut  admettre  la  première 
supposition,  puisque  pour  se  faire  lui-même,  il 
faudrait  qu'il  eût  été  avant  que  d'être.  On  doit 
donc  avouer  qu'il  n'a  pas  été  fait.  Vous  de- 
mandez, dit-il  à  Elpidius,  comment  le  Père  a 
pu  seul  engendrer  un  Fils,  et  comment  ce  Fils 
a  pu  naître  égal  à  celui  dont  il  est  né  :  c'est 
ce  que  je  ne  saurais  vous  expliquer,  et  je 


[lV=  ET  V'^  SIÈCLES.] 


SALNT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


187 


Lollrc  213 
867. 


isai.  Lii.s.  m'en  tiens  à  ce  que  dit  le  Prophète  :  Qui 
pom^ra  expliquer  sa  génération .  Que  si  vous 
prétendez  que  cela  se  doit  entendre  de  la 
génération  temporelle  de  Jésus-Christ  et  de 
sa  naissance  d'une  Vierge  ;  consultez-vous 
vous-même,  et  voyez  si  votre  esprit  qui  phe 
sous  le  faix,  quand  il  n'est  question  que 
d'expliquer  cette  génération  temporelle , 
peut  oser  entreprendre  d'expliquer  la  géné- 
ration éternelle  du  Verbe,  n  Comme  Elpi- 
dius  lui  avait  envoyé  un  livre  fait  par  un 
évêque  de  sa  secte ,  il  répond  que  s'il  a  le 
loisir  de  le  réfuter  en  détail,  il  en  fera  voir 
la  faiblesse  et  la  vanité. 

7.  Saint  Augustin  avait  eu  chez  lui.  pen- 
dant quelque  temps,  un  jeune  homme  nom- 
mé Laetus  qui  commençait  à  sei'vir  Dieu,  et 
qui,  par  sa  piété  et  son  ardeur,  donnait 
beaucoup  de  joie  aux  frères.  Mais  tenté  de 
retommer  à  ce  qu'il  avait  quitté  dans  le 
monde,  il  succomba  et  s'en  retoiu'na  chez 
lui.  Il  s'y  vit  attaqué  de  beaucoup  de  tenta- 
tions, surtout  de  la  part  de  sa  mère,  qui 
s'efforçait  de  le  retenir  auprès  d'elle.  Dans 
ces  perplexités,  il  écrivit  aux  ecclésiastiques 
d'Hippone,  pour  se  procm'er  de  leur  part 
quelques  consolations,  leur  témoignant  en 
même  temps,  qu'il  souhaitait  que  saint  Au- 
gustin lui  fit  la  charité  de  lui  écrire.  Le 
saint  se  rendit  facilement  au  désir  de  Lœtus 
pour  l'encom-ager  à  demeurer  ferme  dans 
ce  qu'il  avait  commencé  :  il  lui  met  devant 
les  yeux  les  deux  comparaisons  rapportées 
dans  l'Écriture  :  l'une,  d'un  homme  qui  se 
prépare  à  bâtir  une  tour  ;  l'autre,  d'un  roi 
qui  marche  contre  un  autre  roi  son  ennemi. 
Il  ajoute,  que  Jésus-Christ,  en  les  proposant, 
nous  fait  entendre,  que  quiconque  ne  re- 
nonce pas  à  tout,  ne  saurait  être  son  disci- 
ple, n  lui  conseille  donc,  pour  accomplir  ce 
(|ue  Jésus-Christ  demande  de  ses  disciples, 
de  laisser  à  sa  mère  et  à  ceux  de  sa  famille, 
en  cas  qu'ils  en  eussent  besoin,  le  bien  qu'il 
pouvait  avoir,  et  après  cela,  de  rompre  en- 
tièrement avec  eux.  a  Car  si  vous  avez  ré- 
solu, lui  dit-il,  de  distribuer  vos  biens  aux 
pauvres,  pour  arriver  à  la  perfection  évan- 
gélique,  vous  devez  commencer  par  pour- 
voir aux  nécessités  de  vos  proches,  puisque 
n'avoir  pas  soin  des  siens  et  particulière- 
ment de  ceux  de  sa  maison,  c'est  avoir  re- 
noncé à  la  foi  et  être  pire  qu'un  infidèle.  Du 
reste,  si  votre  mère  ne  veut  pas  vous  suivre 
dans  le  chemin  du  salut,  qu'au  moins  elle 
ne  vous  empêche  pas  d'y  marcher.  Prenez 


garde  qu'en  refusant  de  se  changer  en 
mieux,  elle  ne  vous  change  en  pis.  C'est 
une  Eve  dont  l'exemple  d'Adam  vous  doit 
avertir  de  vous  défendre;  et  pour  être  votre 
mère  (tandis  que  celle  qui  séduisit  Adam 
était  sa  femme)  elle  n'en  est  pas  moins  à 
craindre.  Cette  fausse  tendresse  qu'elle  a 
pour  vous,  tient  de  la  corruptioii  qui  ouvrit 
les  yeux  à  nos  premiers  parents,  sur  leur 
nudité  ;  et  toutes  ces  démonstrations  d'ami- 
tié, par  où  elle  tâche  d'éteindre  en  vous  la 
charité  évangélique,  tiennent  de  la  duplicité 
du  serpent.  » 

8.  Dans  sa  lettre  à  Chrisime,  il  tâche  de  le 
consoler  sur  une  perte  qu'il  avait  faite.  11 
lui  remontre  que  notre  Dieu  est  le  bien  de 
ceux  qui  lui  appartiennent,  et  un  bien  qui 
ne  périt  point  et  qui  empêche  même  de  pé- 
rir ceux  qui  le  possèdent;  et  que  s'il  permet 
que  nous  soyons  affligés  en  ce  monde,  c'est 
afin  que  nous  rompions  les  liens  de  la  cupi- 
dité qui  nous  y  attache. 

9.  Possidius,  évêque  de  Calame,  avait 
consulté  saint  Augustin  sur  la  manière  de 
remédier  au  luxe  qui  régnait  parmi  son 
peuple.  «  Je  ne  voudrais  pas,  lui  répondit 
ce  saint  évêque,  que  vous  défendissiez  si 
vite  toutes  les  parures  d'or  et  d'étoffes  pré- 
cieuses, si  ce  n'est  à  ceux  qui  n'étant  point 
mariés  et  n'ayant  pas  dessein  de  l'être,  ne 
doivent  songer  qu'à  plaire  à  Dieu.  Pour  les 
autres,  ils  sont  encore  occupés  des  choses 
du  monde  et  du  soin  de  plaire,  les  femmes 
à  leurs  maris,  et  les  maris  à  leurs  femmes  ; 
il  ne  faut  pas  néanmoins  souffrir  que  les 
femmes,  même  mariées,  laissent  voir  leurs 
cheveux,  puisque  l'Apôtre  yeut  qu'elles 
soient  voilées.  A  l'égard  du  fard'ou  du  rouge 
qu'elles  mettent  pour  paraître  plus  blan- 
ches ou  plus  incarnates,  je  suis  sûr  que  les 
maris  pour  lesquels  seuls  on  permet  la  pa- 
rure aux  femmes,  par  tolérance  plutôt  que 
par  conseil,  ne  veulent  pas  qu'on  les  trom- 
pe; et  cet  usage  doit  être  interdit.  Car  la 
vraie  parure  des  chrétiens  de  l'un  et  de 
l'autre  sexe,  n'est  ni  un  fard  trompeur,  ni 
même  l'or,  ni  les  étoffes  précieuses,  mais  la 
pureté  des  mœurs.  Quant  aux  nœuds  et  aux 
ligatures,  et  même  aux  pendants  d'oreilles 
que  les  femmes  portent  d'un  côté,  ce  sont 
des  superstitions  détestables,  inventées  pom' 
rendre  hommage  aux  démons,  plutôt  que 
pour  se  parer  et  plaire  aux  hommes.  »  Il 
dit  que  l'Apôtre  a  défendu  toutes  ces  sortes 
de  superstitions,   eu  défendant  en  général 


Lettre  2i4 
Cliris'iinû  , 


IjCiIro  3iS 
Possidiii.- 
S-   872. 


188 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


toute  société  avec  les  démons;  et  il  conseille 
à  Possidiiis  d'avertir  les  coupables,  que,  s'ils 
ne  veulent  pas  oLcir  aux  préceptes  salutaires 
de  l'Écriture,  du  moins  ils  ne  sontieunent 
pas  comme  légitimes,  ces  pratiques  sacrilè- 
ges, n  lui  dit  encore  qu'il  ne  lui  conseille 
pas  d'ordonner  un  homme  qui  aurait  été 
baptisé  par  les  donatistes. 
Lciire  2iG       10.  Il  fait  voir  à  Lampadius,  qui  était  pré- 

t  Lampadius,  i.  '    ±  x 

t.ag.  673.  venu  en  taveur  de  l'astrologie,  que  de  croire 
que  les  astres  et  le  destin  aient  du  pouvoir 
sur  les  hommes,  c'était  ruiner  toutes  les  lois 
divines  et  humaines,  et  toute  la  discipline 
publique  et  domestique  ;  que  les  mathémati- 
ciens mêmes  ne  se  conduisaient  pas  dans 
leurs  maisons  selon  la  science  qu'ils  ven- 
daient si  cher  aux  autres  ;  et  qu'ils  ne  lais- 
saient pas  de  châtier  les  fautes  de  leurs  fem- 
mes et  de  leurs  enfants,  quoiqu'ils  ensei- 
gnassent qu'on  doit  rejeter  sur  le  destin 
celles  qu'on  commettait.  Saint  Augustin  dit 
à  Lampadius,  que  si  cette  lettre  ne  suffit  pas 
pour  le  détromper,  il  composera  un  livre 
entier  sur  cette  matière.  On  ne  voit  point 
qu'il  l'ait  fait. 

11.  Un  nommé  Pontican,  intendant  de 
Romulus,  s'était  fait  payer  de  ce  que  les 
fermiers  devaient  à  son  maître  ;  mais  il  avait 
en  même  temps  tourné  les  fruits  des  terres 
à  son  propre  profit.  Romulus  se  mit  en  de- 
voir de  faire  payer  une  seconde  fois  ses 
fermiers,  quoiqu'il  reconnût  qu'ils  avaient 
déjà  payé  une  fois.  Saint  Augustin,  touché 
de  cette  injustice,  lui  écrivit  une  lettre  très- 
forte  pour  l'obliger  à  se  désister  de  ses  pour- 
suites ;  il  lui  représente  entre  autres  choses, 
que  si  ces  fermiers  paient  une  seconde  fois , 
ils  ne  souffriront  que  pour  un  temps  ;  au  lieu 
qu'il  s'amassera  un  trésor  de  colère  pour  le 
jour  du  jugement  de  Dieu,  qui  rendra  à 
chacun  selon  ses  œuvres. 

12.  n  dit  au  moine  Sébastien,  qui  lui  avait 


Lellre  211 
à  Homulus , 
pog.  ST.. 


Lcllro  2'.8 
i     Sébasiien, 

pag.  S76.        témoigné  être  extrêmement  afiligé  des  pé 


chés  et  des  scandales  du  monde,  que  sou- 
vent les  pécheui's  se  trouvent  exempts, 
quant  au  corps,  de  tous  les  maux  qu'ils 
méritent;  mais  que  le  cœur  des  gens  de 
bien  ne  le  sera  jamais  de  ce  que  la  vue  de 
l'iniquité  leur  fait  souffrir.  Il  l'exhorte  à 
persévérer  clans  le  bien ,  nonobstant  les 
scandales  dont  il  gémissait,  et  à  chercher 
sa  consolation  dans  la  vertu  des  gens  de 
bien  et  dans  les  promesses  infaillibles  de 
Dieu.  Saint  Alypius  à  qui  Sébastien  avait 
aussi  écrit  sur  le  même   sujet,  ne  lui  fit 


point  de  réponse  en  particulier,  se  conten- 
tant d'ajouter  quelques  lignes  à  la  lettre  de 
saint  Augustin,  pour  marquer  qu'il  en  ap- 
prouvait le  contenu,  et  combien  ils  étaient 
unis. 

13.  La  lettre  au  diacre  Restitutus,  est  sur  ^  Leu™  î-n 

à    RoFtiliiliis , 

la  même  matière.  Saint  Augustin  le  renvoie  i»s-sn. 
au  livre  de  Ticonius  le  donatiste,  sur  l'É- 
ghse,  pour  y  apprendre  que,  jusqu'à  la  fin 
du  monde,  les  bons  doivent  être  mêlés  avec 
les  méchants.  Il  ajoute,  qu'à  peine  y  a-t-il 
une  seule  page  dans  l'Écriture,  où  elle  ne 
nous  exhorte  à  conserver  la  paix  avec  ceux 
mêmes  qui  en  sont  ennemis,  et  à  demeurer 
avec  eux  dans  la  communion  des  sacre- 
ments, par  où  Dieu  nous  prépare  la  vie 
éternelle,  attendant  avec  gémissement  la 
fin  de  notre  exil. 

14.  11  avait  pour  maxime,  de  ne  jamais  ^  ^^^^'^^^ 
anathématiser  la  maison  ou  la  famille  des  s/s.eiàcias- 

Eicion  ,     pag. 

pécheurs  avec  eux,  quelque  grands  que  fiis-  "'■ 
sent  leurs  crimes  ;  mais  il  semble  que  d'au- 
tres n'étaient  pas  si  réservés.  Auxilius,  qui 
n'était  ordonné  évêque  que  depuis  quelques 
mois,  fut  de  ce  nombre.  H  excommimia 
Classicien,  homme  de  considération  et  toute 
sa  famille  ,  parce  qu'il  était  venu  à  l'éghse 
demander  les  personnes  qui  s'y  étaient  reti- 
rées, après  avoir  profané  par  un  faux  ser- 
ment, la  sainteté  de  l'Évangile.  Classicien 
s'en  plaignit  à  saint  Augustin,  en  protestant 
que  ces  personnes  reconnaissant  leur  faute 
étaient  sorties  volontairement  de  l'Eglise , 
sans  qu'il  les  y  forçât.  Quelque  expérience 
qu'eût  le  saint  dans  le  gouvernement,  il 
voulut  bien  demander  à  Auxilius,  s'il  avait 
quelque  raison  pour  montrer  qu'il  fût  per- 
mis d'anathématiser  toute  une  maison,  poin- 
ta faute  de  quelques  particuhers,  disant 
qu'il  était  prêt  de  l'apprendre  de  lui  ;  mais 
que,  s'il  n'en  avait  pas,  il  avait  eu  tort 
d'entreprendre  une  chose  dont  il  ne  pouvait 
rendre  compte.  Il  le  prie,  en  cas  que  Classi- 
cien soit  innocent,  de  se  réconcilier  avec 
lui,  et  de  bitfer  le  procès-verbal  qu'il  avait 
fait  contre  lui.  «  Ne  croyez  pas,  ajoute-t-il, 
que  dès  là  qu'on  est  évêque,  on  soit  inca- 
pable d'être  surpris  par  aucun  mouvement 
de  colère  injuste.  Songeons,  au  contraire, 
que,  tant  qu'on  est  homme,  on  est  exposé 
de  toutes  parts  à  la  tentation  et  au  péril  de 
se  perdre,  n  Dans  le  fragment  qui  nous  reste 
de  sa  réponse  à  Classicien,  il  lui  dit  que  dans 
le  concile,  il  parlera  de  ceux  qui,  pour  le 
péché  d'un  seul,  excommunient  toute  une 


[IV"  ET  V"  SIÈCLES.' 


SAE^T  AUGUSTLN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


189 


maisou;  que  ce  qui  lui  fait  plus  de  peine 
dans  cette  affaire,  c'est  qu'elle  peut  occa- 
sionner que  quelqu'un  mourra  sans  bap- 
tême; qu'il  consultera,  s'il  est  besoin,  le 
Siège  apostolique,  pour  savoir  s'il  ne  faut 
pas  chasser  de  l'Église  ceux  qui  ne  s'y  réfu- 
gient que  parce  qu'ils  manquent  de  foi  à 
leurs  cautions  ;  qu'en  attendant  une  décision 
là-dessus,  il  est  de  sentiment  qu'une  excom- 
munication injuste  fait  plus  de  tort  à  celui 
qui  la  prononce  qu'à  celui  qui  la  souffre  ; 
puisque  le  Saint-Esprit  qui  habite  dans  les 
saints,  et  par  qui  on  est  hé  ou  délié,  ne  fait 
souffrir  aucune  peine  à  personne  qui  ne  l'ait 
méritée. 
Lciire  231  13.  H  y  avajt  dans  le  diocèse  d'Hippone, 
tis.eso.'  °'  une  paroisse  nommée  Germanicie,  dont  Se- 
condin  avait  soin,  et  qu'il  gouvernait  au 
contentement  du  peuple.  Cependant  un  laï- 
que qui  se  nommait  Pancarius,  et  qui,  ayant 
des  prétentions  sur  quelque  héritage  de  l'É- 
ghse  de  ce  lieu,  disputait  avec  lui,  y  vint 
avec  les  titres  qui  autorisaient  ses  préten- 
tions. Comme  Secondin  défendait  avec  vi- 
gueur les  droits  de  son  Église,  Pancarius  lui 
suscita  des  accusateurs,  et  fit  venir  des  do- 
natistes  pom*  le  dénoncer.  Saint  Augustin 
ne  répondit  à  Pancarius,  qu'en  lui  témoi- 
gnant sa  surprise  des  plaintes  que  les  habi- 
tants de  Germanicie  faisaient  de  Secondin; 
ajoutant  néanmoins ,  qu'il  ne  pouvait  refu- 
ser de  les  entendre,  s'ils  lui  demandaient 
justice.  Mais  il  y  mit  en  même  temps  pour 
condition,  que  ce  serait  des  catholiques  qui 
accuseraient  Secondin ,  n'étant  pas  juste  de 
recevoir  contre  lui  le  témoignage  des  héré- 
tiques, n  veut  même  que  Pancarius  fasse 
sortir  du  hallage,  tous  les  hérétiques  qui  y 
étaient  alors,  et  qu'il  y  avait  fait  venij-  lui- 
même. 
L=ure3252,  16.  Les  quatre  lettres  suivantes  furent 
i°Kfet'Bé-  écrites  à  l'occasion  d'une  jeune  orpheline, 
°°"°is,p!,f!  qui  était  en  la  garde  de  l'Éghse  d'Hippone, 
pour  y  être  protégée  contre  les  méchants, 
de  peur  que  quelqu'un  ne  l'enlevât.  Elle  y 
avait  été  confiée  par  un  laïque  de  qualité, 
dont  le  nom  n'est  pas  connu.  Saint  AugTistin 
prenait  un  grand  soin  de  cette  jeune  fille, 
en  attendant  l'arrivée  de  ce  seigneur,  afin 
de  voir  avec  lui,  quelle  disposition  on  en 
ferait.  Dans  cet  intervaUe,  l'évêque  Bénéna- 
tus  écrivit  à  saint  Augustin  pour  proposer 
un  parti  à  cette  fiUe.  Le  Saint  lui  répondit , 
qu'Û  ne  lui  désagréait  pas,  mais  que  la  fille 
était  encore  trop  jeune  pour  la  promettre  à 


«so. 


personne  ;  qu'on  ne  savait  pas  même  si  elle 
voudrait  se  marier;  qu'elle  disait  qu'elle 
voulait  être  religieuse;  et  que,  quoiqu'il  ne 
faUut  pas  s'arrêter  à  cette  pensée  à  cause  de 
son  âge,  on  devait  attendre  qu'elle  fût  en 
âge  de  choisir  un  état.  Un  nommé  Rusti- 
que, qui  était  païen,  demanda  cette  fille 
pour  son  fils  qui  était  aussi  païen,  mais  il 
ne  parlait  point  de  se  faire  chrétien.  Saint 
Augustin  lui  fit  réponse  qu'il  ne  pourrait  la 
marier  cpi'à  un  chrétien;  que  d'ailleurs,  il 
avait  des  raisons  de  ne  point  l'engager  alors 
dans  le  mariage,  et  qu'il  les  avait  marquées 
dans  sa  lettre  à  l'évéque  Bénénatus.  Il  y 
disait  que,  quand  il  est  question  de  marier 
une  fille,  la  nature  veut  que  la  volonté  de 
la  mère  l'emporte  sur  celle  de  tous  les  au- 
tres, à  moins  que  la  fille  ne  soit  dans  un 
âge    à   pouvoir   disposer  d'ehe-même. 

17.  Christinus  avait  prié  saint  Augustin 
de  lui  écrire,  pour  le  presser  de  se  donner  à  v^ 
Dieu.  Ce  Père  se  contenta  de  lui  envoyer 
cette  maxime,  en  le  priant  de  la  méditer 
beaucoup  :  «  En  pensant  fuir  ce  que  notre 

«  lâcheté  nous  fait  craindre  dans  la  voie 
«  de  Dieu,  qui  est  plus  douce  que  nous 
((  ne  croyons ,  et  où  il  y  a  tant  à  gagner, 
«  nous  nous  jetons  misérablement  dans  les 
«  voies  du  siècle,  où  il  y  a  des  choses  sans 
«  comparaison  plus  dures  à  essuyer,  et  qui 
«  ne  nous  produisent  rien.  » 

18.  La  lettre  à   Oronce,    est  une  réponse 
de  civihté.  Dans  celle  qui  est  à  Martien,  231 
saint  Augustin  se  réjouit  de  ce  qu'il  était  '"■ 
enfin  au  rang  des  catéchumènes.  Il  l'exhorte 

à  recevoir  au  plus  tôt  les  sacrements  des  fi- 
dèles, et  à  observer  exactement  les  précep- 
tes de  l'amour  de  Dieu  et  du  prochain,  qu'il 
lui  fait  regarder  comme  le  seul  fondement 
de  la  véritable  amitié,  «  dont  l'observation, 
dit-il ,  rendra  notre  amitié  véritable  et  éter- 
nelle, et  nous  unira,  non-seulement  l'un  à 
l'autre,  mais  tous  deux  à  Dieu.  » 

19.  On  voit  par  la  lettre  à  Corneille,  qu'é- 
tant jeune,  il  s'engagea  avec  saint  Augustin   i^s 
dans  l'erreur  des  manichéens;  que  depuis, 

il  se  retira  de  la  débauche  où  il  s'était  d'a- 
bord plongé,  mais  qu'il  y  retomba  ensuite; 
qu'il  reçut  le  baptême  étant  en  danger  de 
mort  et  déjà  vieux;  et  qu'ayant  recouvré  la 
santé,  il  s'abandonna  de  nouveau  au  plaisir. 
Saint  Augustin  l'avait  souvent  averti  de  se 
corriger,  mais  inutilement.  Avec  tant  de  dé- 
fauts, il  trouva  une  femme  très-chaste,  qui 
ne  laissait  pas  de  l'aimer  malgré  ses  dérè- 


LnUre  253 
Clifibliauâ, 
1".  SS2. 


Lelde  237 
Oion^a,  cl 
iàMirlion, 
f .  8S2. 


Lellra  239 
Corneille  , 


190 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


glements  ;  mais  elle  souhaitait  beaucoup  sa 
conversion.  Elle  mourut,  et  fut  reçue  avec 
ce  qu'il  y  a  eu  de  femmes  chastes  et  fidèles 
qui  l'avaient  devancée  dans  la  gloire.  Cor- 
neille, touché  extrêmement  de  sa  mort, 
pria  saint  Augustin  de  l'en  consoler,  en 
écrivant  quelque  chose  à  la  louange  de  sa 
femme.  Ce  père  lui  fit  réponse  que  sa 
femme  n'avait  aucun  besoin  d'éloge  pour 
elle-même;  que  ce  n'était  que  pour  ceux 
qui  sont  encore  sur  la  terre,  qu'on  louait 
ceux  qui  l'ont  quittée;  que  c'était  à  lui  à 
mériter,  par  le  changement  de  sa  vie,  d'ar- 
river où  était  sa  femme,  et  qu'on  en  fit  l'é- 
loge, qu'il  le  lui  promettait  à  cette  condi- 
tion; que  sa  femme,  après  sa  mort  souhai- 
tait sa  conversion,  comme  elle  l'avait  sou- 
haitée dui'ant  sa  vie  ;  enfin  qu'il  serait  pour 
elle  ce  qu'il  désirait,  lorsqu'il  aurait  fait 
lui-même  ce  qu'elle  souhaitait  touchant  le 
changement  de  ses  mœurs.  H  représente  à 
Corneille  avec  beaucoup  de  force,  l'état 
honteux  de  sa  vie ,  et  après  lui  avoir  exposé 
la  manière  dont  le  mauvais  riche  souffrait 
dans  les  enfers,  il  lui  dit  :  «  Lisez  vous- 
même  toute  cette  histoire  dans  l'Évangile  : 
c'est  Jésus-Christ  qui  y  parle;  et  si  vous 
n'écoutez  pas  les  hommes,  il  faut  du  moins 
écouter  Dieu.  » 
Le.ires2co,  20.  L'évêque  Audax,  ayant  trouvé  trop 
2ci,pag.38c.   çQ^^,^g  ^g  jg^^j^.g  q^g  gj^j^^  Augustin  lui  avait 

écrite,  le  pria  de  lui  en  écrire  une  pluslongue, 
marquant  l'extrême  désir  qu'il  avait  d'être 
abreuvé  de  ses  vives  eaux,  par  cinq  vers  hexa- 
mètres, que  l'on  a  rendus  ainsi  en  français  : 

D'où  vient  donc  qu'Augustin,  cette  source  féconde, 
Qui  de  ses  vives  eaux,  arrose  tout  le  monde, 
Ne  fait  que  distiller  goutte  à  goutte  pour  moi, 
Lui  qui  sait  que  mon  cœur,  tout  vide  et  tout  à  soi, 
Cherche  avec  une  soif  que  rien  ne  désaltère. 
Les  célestes  douceurs  du  nectar  salutaire 
Que  cet  oingt  du  Seigneur,  cet  apjmi  des  autels, 
Répand  de  toute  part  pour  le  bien  des  mortels? 
Qu'il  fasse  donc  enfin  couler  en  abondance 
De  ses  amples  discours  la  pompeuse  opulence. 
Je  les  attends,  rempli  d'espérance  et  de  foi, 
Au  pied  du  sacré  bois  où  pend  mon  Sauveur  et  mon 

[roi.] 

Saint  Augustin  s'excusa  sur  le  grand 
nombre  de  ses  occupations,  de  ce  qu'il  ne 
lui  avait  pas  écrit  une  plus  longue  lettre,  et 
le  renvoya  à  la  lectm-e  de  ses  ouvrages,  si 
mieux  il  n'aimait  le  venir  trouver  à  Hip- 
pone.  Il  demande  à  Audax,  pourquoi  le  der- 
nier de  ses  vers  avait  sept  pieds,  et  il  ajoute  : 


«  Je  n'ai  point  les  psaumes  de  la  traduction 
de  saint  Jérôme  sur  l'hébreu,  et  je  ne  les 
ai  point  traduits  ;  je  n'ai  fait  que  corriger 
sur  le  grec  beaucoup  de  fautes  des  versions 
latines.  Par  le  moyen  de  ces  corrections,  ce 
que  nous  avons  est  meilleur  qu'il  n'était, 
mais  il  n'est  pas  encore  tel  qu'il  devrait 
être  ;  car  je  coi'rige  encore  présentement  en 
comparant  les  exemplaires,  ce  qu'il  y  reste 
de  défectueux,  et  qui  nous  avait  échappé. 
Ainsi  nous  en  sommes  aussi  bien  que  vous, 
à  chercher  cette  perfection  que  vous  souhai- 
teriez. » 

21.  La  lettre  à  Cédicie  renferme  d'excel- 
lentes instructions  sur  les  devoirs  des  fem-   pi 
mes  envers    leurs   maris.  Après    avoir  fait 
vœu  de  continence  à  l'insu  de  son  mari,  elle 
vint  à  bout  de  le  lui  faire  ratifier  ;  et  ils  vé- 
curent ensemble  en  continence  durant  plu- 
sieurs  années.   Cédicie  poussant  son  zèle 
plus  loin,  se  vêtit  de  noir  comme  une  veuve 
et  une  religieuse  :  ce  qui  déplut  à  son  mari, 
qui  voulait  qu'elle  portât  l'habit  ordinaire 
des  femmes  mariées  :  enfin  elle  distribua  de 
son  chef,  ses  meubles,  son  argent  et  son 
bien  aux  pauvres.  Son  mari  en  étant  averti, 
entra  dans  une  étrange  colère  contre  elle,  et 
rompant  de  dépit  le  vœu  de  continence  qu'il 
avait  fait  à  la  sollicitation  de  sa  femme,  il  s'a- 
bandonna aux  derniers  excès  de  l'adultère. 
Cédicie  ne  sachant  quel  parti  prendre  dans 
de  si  fâcheuses  circonstances,  consulta  saint 
Augustin,  qui  lui  fit  ouvrir  les  yeux  sur  les 
fautes  qu'elle   avait  commises   envers   son 
mari,  soit  en  voulant  vivre  dans  la  conti- 
nence sans  son  agrément,  soit  eu  disposant 
des  biens  de  la  maison  sans  sa  permission, 
soit  en  prenant,  avant  qu'il  fut  mort,  l'habit 
de  veuve.  Il  lui  fait  voir,  par  l'autorité  de 
l'Écriture,  que  le  parti  de  la  continence  en- 
tre des  personne  mariées,  ne  se  peut  pren- 
dre que  du  consentement  des  deux  :  u  Comme 
le  corps  de  la  femme,  dit-il,  n'est  pas  en  la 
puissance  de  la  femme,  mais  en  celle  de  son 
mari,  de  même  celui  du  mari  n'est  pas  en 
sa  puissance,  mais  en  celle  de  sa  femme  ;  et 
l'Apôtre  n'a  marqué  aucun  temps  où  cette 
loi  cessât  d'avoir  lieu;  si  votre  mari  était 
moins  porté  qu'il  ne  devait  à  faire  l'aumône, 
vous  amiez  pu  l'instruire  et  le  persuader  sur 
cela  comme  sur  la  continence,  au  lieu  de 
l'irriter  par  des  profusions  à  contre  temps, 
et  dont  vous  pouviez  avoir  besoin  pour  l'édu- 
cation de  votre  fils,  dont  la  vocation  pom* 
l'état  ecclésiastique  n'est  pas  encoie  mar- 


Lellre  262 
Cédicie, 


[IV"  ET  V''  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTLN    ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


191 


quée.  Vous  ne  deviez  même  rien  changer 
dans  la  manière  dont  les  femmes  de  votre 
condition  s'habillent,  puisque  sans  donner 
dans  les  parures  que  l'Écriture  condamne , 
on  peut  garder  dans  chaque  état  la  modestie 
que  l'Apôtre  prescrit  aux  femmes.  Quand 
même  votre  mari  vous  aurait  forcée  par 
quelques  mauvais  traitements  à  passer  en 
cela  les  bornes  de  la  modestie  chrétienne, 
rien  ne  vous  aurait  empêché  de  conserver 
un  cœur  humble  sous  des  habits  superbes 
et  magnifiques.  »  Il  l'exhorte  à  prier  sans 
cesse  avec  larmes,  pour  la  conversion  de 
son  mari  ;  à  lui  écrire  de  la  manière  qu'elle 
jugera  la  plus  propre  pour  l'apaiser  ;  à  lui 
demander  pardon  de  la  faute  cpi'elle  avait 
faite,  en  disposant  de  son  bien  sans  sa  par- 
ticipation ;  et  à  lui  promettre,  en  cas  qu'il  se 
convertisse,  une  obéissance  entière,  a  Quant 
à  votre  fils,  lui  dit  saint  Augustin,  comme  il 
est  né  d'un  légitime  mariage  ,  il  est  sous  la 
puissance  du  père  plutôt  que  sous  la  vôtre  : 
ainsi  on  ne  saurait  le  lui  refuser  lorsqu'il 
saura  où  il  est  et  qu'il  le  demandera,  n 
Leiire  367       22.  Uue   saiiitc  vierge  nommée  Sapida, 

0-2.    °'   extrêmement  afiQigée  de  la  mort  de  Timo- 

thée  son  frère ,  diacre  de  Carthage ,  pria 
saint  Augustin  de  vouloir  accepter  pour  sa 
consolation,  une  tunique  qu'elle  avait  faite 
de  ses  propres  mains  pour  servir  à  son  frère. 
Le  saint  évèque  l'accepta  pour  ne  pas  la 
contrister.  «  J'avais  même,  lui  dit-il,  déjà 
commencé  à  mettre  cette  tunique  lorsque 
j'ai  pris  la  plume  pour  vous  écrire.  Prenez 
donc  courage,  mais  cherchez  des  consola- 
tions plus  eflicaces  et  plus  solides  dans  les 
divines  Écritures.  La  charité  qui  tenait  Ti- 
mothée  uni  avec  vous,  n'est  pas  éteinte  ; 
elle  n'est  que  cachée  dans  Dieu  avec  Jésus- 
Christ  où  elle  subsiste  comme  dans  son  cen- 
tre ,  et  entretient  toujours  entre  vous  la 
même  liaison.  On  pardonne  aux  hommes  la 
■  douleur  qu'ils  ont  de  la  mort  des  personnes 
qui  leur  sont  chères  ;  mais  cette  douleur  ne 
doit  pas  être  de  durée  parmi  les  fidèles,  qui 
ont  l'espérance  de  la  résuri-ection.  » 
.eiiro  2C.I       23.  La  sainte  dame  Maxima,  vovait  avec 

Il    ivl  a  M  m  a ,  '  v" 

pjg.  694.  beaucoup  de  douleur  et  avec  quelque  sorte 
de  trouble,  son  pays  infecté  de  plusieiu-s 
erreurs  très-dangereuses;  l'Evêque  d'Hip- 
pone  lui  dit  que  toutes  ces  choses  ont  été 
prédites,  et  que  Dieu  ne  permettrait  pas 
qu'elles  arrivassent,  si  elles  n'étaient  des 
épreuves  et  des  leçons  dont  les  saints  ont  be- 
soin. «C'est  par  un  semblable  motif,  ajoute 


t-il,  qu'il  laisse  les  méchants  dans  le  monde  ; 
c'est-à-dire  pour  faire  rentrer  ses  enfants 
en  eux-mêmes,  et  pour  exercer  leur  patience 
et  leur  vertu  ;  ainsi  il  nous  console  par  no- 
tre affliction  même ,  puisque  l'abattement 
que  nous  cause  la  vue  de  l'iniquité,  nous 
relève,  au  lieu  qu'il  achève  d'accabler  les 
méchants  qui  persistent  dans  le  mal.  »  Saint 
Augxistin  approuve  la  doctrine  de  Maxima 
sur  l'Incarnation,  et  la  prie  de  lui  envoyer 
les  écrits  de  ceux  qui  auraient  enseigné 
quelque  chose  de  contraire  à  cette  doctrine, 
si  toutefois  elle  en  a  quelques-uns. 
24.  Une  autre  dame  nommée  Séleucienne,   ,  l'^l'^^ss 

a     Seleucien- 

désirant  de  gagner  à  Jésus-Christ  un  nova-  ■'».  p^s-  Ca- 
tien avec  qui  elle  avait  eu  quelque  entre- 
tien, pria  saint  Augustin  de  lui  donner  sur 
cela  quelque  instruction.  Cet  homme  ne  re- 
connaissait point  d'autre  pénitence  que  celle 
qui  précédait  le  baptême;  il  prétendait  que 
saint  Pierre  n'aA'ait  point  été  baptisé,  et  il 
semblait  croire   que  les  apôtres  se  conten- 
taient  quelquefois    d'imposer  la   pénitence 
aux  nouveaux  convertis,  sans  leur  donner  le 
baptême.  Saint  Augustin  répondit  à  Séleu- 
cienne, qu'il  ne  pouvait  comprendre  com- 
ment ce  novatien,  avouant  que  les  autres 
apôtres  avaient  été  baptisés ,  il  osait  nier 
que  saint  Pierre  l'eût  été,  sans  en  donner 
aucune  preuve.    On  peut  dire  néanmoins, 
que  quand   saint  Pierre  renia  Jésus-Christ, 
il  n'avait  pas  encore  été  baptisé,  pourvu  que 
cela  s'entende  non  du  baptême  de   l'eau, 
mais  du  baptême   du  Saint-Esprit,  dont  il     - 
ne  devait  être  baptisé  avec  les  autres  apô- 
tres, cpi'après  l'Ascension  de   Jésus-Christ. 
Quand  on  dit  que  saint  Pierre  a  fait  péni- 
tence, il  faut  bien  se  garder  de  croire  qu'il 
l'ait  faite  comme  la  font  dans  l'Église  ceux  à 
qui  on  donne  le  nom  de  pénitents.  Sur  quoi 
il  distingue  deux  sortes  de  pénitence,  celle 
qui  précède  le  baptême,  et  celle  qui  le  suit: 
la  première  est  comme  le  préliminaire  de 
ce    sacrement;  la   seconde   est  nécessaire 
pour  obtenir  le  pardon  des  péchés  pour  les- 
quels on  est  excommunié  et  séparé  de  l'au- 
tel. Il  y  a  encore  une  pénitence  journalière 
des  fidèles  mêmes  qui  vivent  dans  la  piété 
et  dans  l'humilité.  C'est  celle  qui  nous  fait 
dire  tous  les  jours  en  frcippant  notre  poi- 
trine, pardonnez-nous  nos  offenses  comme  nous 
les  pardomions  à  ceux  qui  nous  ont  offensés; 
ce  C[ui  s'entend  de  ces  péchés  légers  à  la  vé- 
rité, mais  fréquents ,  où  la  fragihté  humaine 
nous  fait  tomber,  et  que  nous  devons  avoir 


192 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


soin  d'expier  sans  cesse,  de  peur  que  leur 
multitude  ne  nous  accable  comme  pourrait 
faire  quelque  grand  péché.  Car  que  le  vais- 
seau soit  enfoncé  ou  par  ces  montagnes 
d'eau  que  la  tempête  forme,  ou  par  ce  qui 
s'en  amasse  peu  à  peu  par  les  fentes,  et 
qu'on  aura  négligé  de  vider,  c'est  égale- 
ment faire  naufrage.  Il  faut  donc  recourir 
sans  cesse  aux  remèdes  du  jeûne,  de  l'au- 
mône et  de  la  prière. 
Lcii.o  2CC       23.  Nous  voyous  dans  la  lettre  à  Florcn- 

.=1    [•'lorentine,  /       -       i.i  't     /      t 

pas.  9C'j.  tme,  quelle  était  Ihumuite  de  samt  Augus- 
tin. Le  père  et  la  mère  de  cette  fille  l'avaient 
prié  de  la  vouloir  aider  à  s'avancer  dans  le 
chemin  de  la  vertu,  et  même  à  lui  écrire  le 
premier ,  afin  qu'elle  eût  plus  de  liberté 
de  lui  demander  ses  avis.  Le  Saint  fit  ce 
qu'on  souhaitait  de  lui,  et  exhorta  Floren- 
tine à  lui  demander  tout  ce  qu'elle  vou- 
drait. «  Si  je  sais,  lui  dit-il,  ce  que  vous 
souhaitez  d'apprendi-e ,  je  vous  en  ferai 
part  avec  joie.  Si  ce  sont  des  choses  que  j'i- 
gnore, sans  que  cette  ignorance  soit  préju- 
diciable à  la  foi  ou  au  salut,  je  tâcherai  de 
vous  faire  aussi  comprendre  qu'il  n'est  pas 
aussi  nécessaire  de  les  savoir,  et  que  vous 
pouvez  demeiirer  tranquille  en  les  ignorant. 
Mais  si  vous  me  demandez  une  chose  qu'il 
faille  savoir  et  que  je  ne  la  sache  pas,  je  fâ- 
cherai d'en  obtenir  la  connaissance  du  Sei- 
gneur, pour  satisfaire  à  votre  besoin  :  car 
souvent  l'obligation  d'instruii-e  les  autres  , 
fait  que  nous  obtenons  de  Dieu  qu'il  nous 
instruise  lui-même;  ou  je  vous  ferai  con- 
naître par  ma  réponse,  à  qui  nous  devons 
nous  adresser  ensemble  pour  demander  l'in- 
telligence de  ce  que  nous  ignorerons  l'un  et 
l'autre.  Car  je  ne  préfends  point  me  donner 
poiu"  un  docteur  consommé,  mais  pour  un 
homme  qui  cherche  à  se  perfectionner  avec 
ceux  qu'il  est  obligé  d'instruire.  Dans  les 
choses  mêmes  que  je  sais  en  quelque  sorte, 
j'aimerais  mieux  que  vous  les  sussiez  aussi, 
que  de  vous  voir  dans  le  besoin  d'en  être 
instruite  ;  n'étant  pas  à  souhaiter  que  les 
autres  soient  dans  l'ignorance,  afin  de  leur 
apprendre  ce  que  nous  savons,  et  étant  plus 
expédient  que  nous  les  apprenions  tous  de 
Dieu  même.  » 


26.  11  répondit  à  une  autre  fille,  nommée   ,  ,V'V° ,-" 
Fabiole,  qui  se  plaignait  de  ne  pas  pouvoir  v^s-^'^- 
toujours  vivre  avec  les  saints,  qu'elle  était 
heureuse  de  n'aimer  que  les  choses  du  ciel, 

et  que  les  saints  en  celte  vie  sont  plus  utile- 
ment ensemble  lorsqu'ils  se  communiquent 
leurs  pensées,  que  quand  ils  ne  font  que  se 
voir. 

27.  Voici  quelle  fut  l'occasion  de  la  lettre  ^/^p'/Sp^u 
qu'il  écrivit  au  peuple  d'Hippone.  Un  fidèle  paf.'s"."""' 
catholique,  appelé  Fascius,  pressé  par  ses 
créanciers  pour  dix -sept  livres  d'or,  et 
n'ayant  pas  le  moyen  de  les  payer,  eut  re- 
cours à  la  protection  de  l'Église.  Saint  Au- 
gustin lui  offrit  de  parler  au  peuple  de  son 
affaire.  Fascius  le  pria  de  n'en  rien  faire,  ce 

qui  obligea  le  saint  évêque  d'emprunter  cette 
somme.  Fascius  promit  de  la  rendre  un  cer- 
tain jour,  consentant  que,  s'il  ne  la  rendait 
au  jour  nommé,  on  en  parlât  au  peuple. 
Fascius  ne  s'étant  pas  trouvé  en  état  d'y  sa- 
tisfaire, saint  Augustin,  qui  s'était  absenté 
d'Hippone  pour  quelque  affaire,  écrivit  du 
lieu  où  il  était  à  son  peuple,  pour  le  prier 
de  donner  les  dix-sept  livres  d'or  par  au- 
mône, moins  pom'  décharger  Fascius,  que 
pour  le  dégager  lui-même  de  la  promesse 
qu'il  avait  faite  de  celte  somme  à  un  nommé 
Macédonius  qui  la  lui  avait  prêtée.  Il  écrivit 
efti  même  temps  à  son  clei-gé,  afin  que  si  la 
contribution  du  peuple  ne  suffisait  pas,  on  y 
suppléât  du  bien  de  l'Éghse. 

28.  Il  s'excuse  dans  sa  lettre  à  Nobilius,  ^  KiLfei 
d'aller  à  la  dédicace  de  son  Éghse,  h  cause  AÎgiisnù"', 
du  froid  de  l'hiver,  de  la  longueur  du  chemin  '"'°'  "''■'  '"^' 
et  de  ses  infirmités.  A  la  suite  de  cette  lettre, 

on  en  a  mis  une  autre  adressée  â  saint  Augus- 
tin, dont  l'auteur  n'est  pas  connu.  Il  se  plaint 
k  ce  saint  évêque  de  ne  l'avoir  pas  i-encontré 
comme  il  espérait,  avec  Sévère  dans  la  ville 
de  Léges. 

29.  A  ces  lettres  qui  se  trouvent  toutes  lcu™  h 
imprimées  dans  le  second  tome  des  Œuvres  Abraiiam. 
de  saint  Augustin  de  l'édition  de  Paris  en 
1689,  il  en  faut  ajouter  deux  imprimées  sé- 
parément à  Vienne,  en  Autriche,  eu  1732  et 
à  Paris  en  1734'.  La  première  est  adressée 
à  Pierre  et  à  Abraham  qui,  ce  semble,  étaient 
moines.  Dans  le  manuscrit  de  l'abbaye  de 


'  Elles  sont  réimprimées  dans  la  nouvelle  édi- 
tion des  Œuvres  de  saint  Augustin  donnée  par 
Gaume,  tome.  Il,  et  forment  les  Épîtres  184  his  et 
202.  On  les  trouve  aussi  dans  le  même  ordre  au 
toui.  11  de  l'édition  des  Œuvres  de  saint  Augus- 


tin publiées  par  M.  Migne.  On  les  trouve  dans  la 
préface  du  tom.  Il  des  deux  éditions  avec  les  pré- 
faces de  Bessélius  et  de  Jacques  Martin.  {L'édi- 
teur.) 


[iV  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTLN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


Gottwic,  sur  lequel  elle  a  été  donnée  au  pu- 
blic, elle  est  intitulée  :  De  la  Nature  et  de 
l'origine  de  rame,  litre  qui  ne  lui  convient 
point,  puisqu'il  n'est  pas  dit  un  mot  de  l'âme 
ni  de  son  origine,  ce  qui  ne  peut  venir  que 
de  quelque  copiste  ignorant.  C'est  pourquoi 
le  docte  abbé  Bessélius,  qui  l'a  fait  impri- 
mer le  premier,  a  substitué  à  l'inscription 
cpi'elle  avait  dans  le  manuscrit  de  son  ab- 
baye, celle-ci  :  Des  Peines  des  enfants  qui  meu- 
rent sans  baptême.  C'est  en  effet  la  question 
principalement  traitée  dans  cette  lettre.  Saint 
Augustin  y  établit  clairement  qu'il  n'y  a  pas, 
même  pour  les  enfants,  de  milieu  entre  le 
royaume  de  Dieu  et  le  supplice  :  parce  que, 
naissant  de  la  concupiscence ,  ils  naissent 
enfants  de  colère,  c'est-à-dire  sujets  à  la 
peine  due  au  péché,  dont  ils  ne  sont  déli- 
vrés qu'en  renaissant  par  le  baptême.  Il  fait 
voir  que  Jésus-Christ  n'étant  pas  né  en  la 
manière  des  autres  enfants,  n'a  point  en- 
couru la  malédiction  des  pécheurs,  et  que 
ceux  même  qui  naissent  par  la  voie  du  ma- 
riage, ne  l'auraient  pas  encom-ue  si  Adam 
n'avait  pas  péché.  Il  dit  à  Pierre  et  à  Abra- 
ham que  ,  nos  livres  saints  n'étant  d'aucune 
autorité  chez  les  gentils  qu'il  appelle  aussi 
païens,  on  doit  pour  les  convertir  avoir  re- 
cours à  la  prière  et  demander  pour  eux  la 
foi  qui  est  un  don  de  Dieu.  Il  les  renvoie  à 
ses  livres  de  la  Cité  de  Dieu,  dont  il  achevait 
le  quatorzième  livre,  lorsqu'il  écrivit  cette 
lettre,  qu'il  faut  par  conséquent  mettre  au 
commencement  de  l'an  417.  Possidius  en 
parle  dans  le  catalogue  des  œuvres  de  ce 
Père.  Ainsi,  on  ne  peut  la  contester. 
LeiirBàOr..  30.  La  seconde  lettre  donnée  par  M.  l'abbé 
Bessélius,  est  à  l'évéque  Optât,  le  même  à  qui 
saint  Augustin  écrivit  la  cent  quatre-vingt- 
dixième,  touchant  l'origine  de  l'âme,  en 
418.  Celle-ci  ne  peut  se  metti-e  qu'en  420, 
puisque  ce  Père  y  dit  en  termes  exprès  qu'il 
n'avait  pas  encore  reçu  la  réponse  à  la  lettre 
qu'il  avait  écrite  à  saint  Jérôme  environ 
cinq  ans  auparavant,  c'est-à-dire,  en  41S, 
pour  savoir  de  lui  ce  que  l'on  devait  croire 
touchant  l'origine  de  l'âme.  Saint  Fulgence' 
marque  trois  lettres  de  saint  Augustin  à 
Optât  sur  cette  matière,  dont  celle-ci  est  ap- 
paremment la  seconde.  Dans  le  manuscrit 
de  l'abbaye  de  Gottwic ,  cet  Optât  est  qua- 
lifié de  Milève.  C'est  une  faute  de  copiste. 

1  Fulg.    De    Veritate   prœdesHnat.,    lib.    III, 
cap.  xvni. 

IX. 


193 

Optât,  évêque  de  Milève ,  ne  vivait  plus  en 
396,  et  dès  cette  année  jusqu'en  426,  Sévère 
fut  évêque  de  cette  ville.  Quel  que  soit  cet 
Optât,  il  écrivit  à  saint  Augustin  par  Satur- 
nin, prêtre  de  l'Église  d'Hippone ,  pour  le 
prier  de  lui  résoudre  enfin  la  difficulté  qu'il 
lui  avait  déjà  proposée  sur  l'origine  de 
l'âme.  C'est  qu'il  croyait  que  ce  saint  évê- 
que avait  reçu  quelques  éclaircissements 
sur  ce  sujet  de  la  part  de  saint  Jérôme.  Mais 
Optât  était  mal  informé.  Saint  Augustin  le 
prie  donc  d'attendre  que  saint  Jérôme  ait 
répondu  à  la  lettre  qu'il  lui  avait  écrite  par 
Orose;  et  pour  lui  faire  voir  qu'il  l'avait  vé- 
ritablement consulté  sur  l'origine  de  l'âme, 
il  rapporte  une  partie  de  la  lettre  de  ce  Père, 
où  il  s'excuse  de  répondre  à  cette  difficulté 
sur  son  peu  de  loisir,  et  sur  ce  que  l'intérêt 
de  rÉghse  demandait  qu'ils  ne  parussent 
pas  divisés  de  sentiment  même  dans  les 
moindres  choses.  Saint  Augustin  avoue  in- 
génument qu'il  n'avait  encore  pu  compren- 
dre comment  il  était  possible  que  l'âme  fût 
souillée  du  péché  d'Adam  sans  tirer  de  lui 
son  origine.  Il  demande  à  Optât  quelles  rai- 
sons il  avait  pour  combattre  l'opinion  de 
ceux  qui  croyaient  que  les  âmes  tiraient 
leur  origine  de  celle  d'Adam;  comment  Dieu 
les  forme,  si  elles  ne  viennent  point  par  la 
propagation  et  si  elles  sont  créées  de  rien? 
Comme  Optât  avait  apparemment  détaiUé 
ses  raisons  dans  un  livre  qu'il  avait  fait  sur 
cette  matière ,  et  qu'il  en  avait  encore  écrit 
quelque  chose  à  ses  amis ,  saint  Augustin  le 
prie  de  lui  envoyer  ce  livre ,  en  l'avertissant 
de  ne  pas  combattre  les  traditions  respec- 
tables des  anciens,  lui  qui  était  encore  jeune 
et  peu  instruit.  Il  l'approuve  en  ce  qu'il  avait 
réfuté  ceux  qui  niaient  que  nos  âmes  fussent 
l'ouvrage  de  Dieu  ;  parce  qu'elles  le  sont  en 
efifet,  aussi  bien  que  nos  corps,  et  il  propose 
en  peu  de  mots  ce  qu'il  y  a  de  certain  sur 
la  nature  de  l'âme  :  savoir,  qu'elle  est  un 
esprit  et  non  pas  un  corps,  qu'elle  est  rai- 
sonnable et  intellectuelle,  qu'elle  n'est  point 
la  nature  de  Dieu.  Mais  une  créature,  et 
même  mortelle  en  quelque  sens,  c'est-à-dire, 
en  ce  qu'elle  peut  changer  de  mieux  en  pis 
et  devenir  étrangère  à  Dieu  dont  la  partici- 
pation la  rendrait  heureuse.  Mais  qu'en  un 
autre  sens  elle  est  immortelle,  puisque 
même  après  cette  vie  elle  ne  pourra  perdre 
le  sentiment,  soit  qu'elle  soit  heureuse  ou 
malheureuse.  Il  ajoute  qu'il  sait  aussi  que 
l'âme  n'a  ,pas  mérité  par  des  actions  faites 

13 


194 


HISTOmE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


dans  une  ^16  précédente,  c'est-à-dire,  avant 
son  union  avec  le  corps,  d'être  enfermée 
dans  ce  corps  ;  qu'elle  n'y  est  pas  pour  cela 
exempte  de  péché,  et  que  personne  ne 
naît  d'Adam  par  la  propagation ,  sans  être 
souillé  du  péché  ;  d'oii  vient  qu'il  est  néces- 
saire que  les  enfants  mêmes  renaissent  en 
Jésus-Christ  par  la  grâce  de  la  régénéra- 
tion. 
Leiire  i  31.  Primasius,  dans  son  Commentaire  svr 
l'Apocalypse,  nous  a  conservé  un  assez  long 
fragment  d'une  lettre  de  saint  Augustin  à 
Maxime  ' ,  où  l'on  voit  le  chemin  qu'il  faut 
tenir  pour  se  sanctifier.  «  Commencez,  dit-il, 
par  la  ci'ainte  de  Dieu,  puisqu'il  est  écrit 
qu'elle  est  le  commencement  de  la  sagesse. 
Car  il  faut  que  la  crainte  marche  devant 
pour  abattre  l'orgueil  de  l'homme.  Devenu 
"doux  et  souple  par  la  piété,  vous  appren- 
drez à  vous  soumettre  à  l'autoi-ité  des  Écri- 
tures, attendant  avec  patience  que  vous 
soyez  capable  d'en  comprendre  les  vérités. 
Lorsque,  pour  vous  faire  couuaitre  à  vous- 
même,  Dieu  commencera  de  vous  découvrir 
quelle  est  la  chaîne  de  mortalité  que  nous 
fait  ti'aîner  la  qualité  d'enfants  d'Adam, 
écriez-vous  avec  l'Apôti-e  :  Malheureux  que  je 
suis,  qui  me  déliv7'era  du  corps  de  cette  mort  ? 
afin  que  la  grâce  de  Dieu  par  Jésus-Christ 
Notre -Seigneur  vous  console  dans  votre 
douleur,  par  la  promesse  de  cette  délivrance 
après  laquelle  vous  soupirez.  »  Saint  Augus- 
tin dit  à  Maxime,  qu'il  doit  fortement  s'ap- 
pliquer à  la  prière,  qui  est  un  effet  de  la 
faim  et  de  la  soif  que  tout  chrétien  doit 
avoir  de  la  justice  ;  et  qu'afin  de  l'obtenir 
plus  aisément  de  la  miséricorde  de  Dieu, 
il  est  besoin  de  mettre  en  pratique  les  œu- 
vres de  miséricorde ,  qui  consistent  dans 
ces  deux  points ,  donner  et  pardonner  :  don- 
ner à  ceux  qui  sont  dans  le  besoin,  et  par- 
donner à  ceux  qui  nous  ont  oli'ensés.  11 
l'exhorte  encore  à  la  pureté  de  cœur,  c'est- 
à-dire,  à  ne  chercher  dans  ses  actions,  ni  de 
plaire  aux  hommes,  ni  de  pai-venir  aux 
biens  et  aux  commodités  de  la  vie  présente, 
mais  à  plaire  à  Dieu  qui  veut  être  servi  gra- 
tuitement. Il  lui  promet  que,  lorsqu'il  sera 
ai-rivé  à  cette  pureté  d'intelligence  par  les 
différents  degrés  de  la  bonne  vie ,  alors  U 
pourra  se  flatter    d'atteindre    en    quelque 


1  Ce  fragment  ost  reproduit  daus  le  tom.  III  de 
l'iidition  bénédictine  vers  la  iîu,  dans  le  tom.  Vlll 
de   l'éditiou   Gaume,  pag.    1S07-1K20,   et    dans    le 


sorte  l'unité  de  la  sainte  et  ineflable  Tri- 
nité, où  est  la  paix  parfaite. 

§.  IV. 

Des  lettres  faussement  attribuées  à  saint 
Augustin. 

1.  A  la  suite  des  véritables  Lettres  de  saint  ^   LeinM  » 
Augustin,  on  en  a  impinmé  plusieurs  qui  se 
trouvent  sous  son  nom  dans  quelques  an- 
ciens manuscrits,  mais  qui  sont  communé- 
ment reconnues  pour  supposées.  Il  y  en  a 

seize  de  saint  Augustin  à  Boniface  et  de  Bo- 
niface  à  saint  Augustin,  qui,  outre  la  diffé- 
rence du  style ,  méritent  d'être  rejetées , 
parce  qu'il  n'en  est  fait  mention  ni  dans 
Possidius,  ni  dans  aucun  ancien,  si  ce  n'est 
de  la  treizième  qui  est  iTipportée'par  Anselme 
de  Luc,  par  Yves  de  Chartres  et  par  Gratien. 

2.  La  lettre  à  Démétriade  est  un  livre  qui    Leii.càDé 

■^  mélriade. 

tomba  d'abord  entre  les  mains  de  samt  Au- 
g-ustin  sans  nom  d'auteur,  mais  qu'il  recon- 
nut ensuite  être  de  Pelage,  et  dont  cet 
hérésiarque  s'avoua  l'auteur  dans  sa  lettre 
au  pape  Innocent. 

3.  La  lettre  de  saint  Cyrille  à  saint  Augus-        i-»iir-e 

•'  °  saint    Cjnll 

tin  est  visiblement  l'ouvrage  d'un  imposteur  ■!»  Jénisaie. 

o  ^  et     de     sair 

ignorant,  puisqu'on  y  fait  détailler  à  saint  ^^^glj'fijV'' 
CjTille  les  vertus  et  les  miracles  opérés  au 
tombeau  de  saint  Jérôme,  mort  longtemps 
api'ès  ce  saint  évêque  de  Jérusalem. 

4.  La  dispute  de  saint  Augustin  avec  „    i-cure 

^  ^  PasceQtius. 

Pascentius,  n'a  rien  ni  de  la  solidité  des  rai- 
sonnements de  saint  Augustin,  ni  du  feu 
des  emportements  de  Pascentius  ;  d'ailleurs, 
on  a  vu  par  la  lettre  238,  que  ce  Père  ne 
put  jamais  obtenir  de  Pascentius,  cpie  l'on 
écrivit  de  part  et  d'autre,  ce  qui  se  dirait 
dans  leur  conférence  :  et  ce  qui  est  à  remar- 
quer, c'est  que  Possidius  et  saint  Augustin 
ne  parlent  que  d'une  conférence  avec  Pas- 
centius, au  lieu  que  l'auteur  de  cet  écrit  sup- 
pose qu'il  y  en  avait  déjà  eu  une  précédente. 


ARTICLE  IV. 

DES  ÉCRITS  CONTENUS  DANS  LE  TR0ISIÈ51E  TO.UE. 
§1- 

Des  quatre  livres  de  la  Doctrine  chrétienne. 
1 .  Ce  troisième  tome  renferme  les  traités       "vm  i 


loui.   II   de  l'édition  Jligae  à  sa  place  naturelle 
pag.  731  et  suiv.  {L'éditeur.) 


IV°  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


193 


Doctrine   (Je  saint  Augustin  sur  l'Écriture  sainte,  qui 
'^'39?'°"   ^^^^  l^s    éditions  précédentes  se   trouvent 
distribuées  dans  le  troisième,  le  cpiatrième 
et  le  neuvième  volume.  Comme  les  livres 
de  la  Doctrine  chrétienne  sont  une  clé  de  la 
méthode    que   ce   Père   a   suivie   dans   ses 
Commentaires  sur  l'Ecriture,  on  les  a  mis  au 
commencement  de  ce  tome,  pour  servir  de 
préface  à  ses  commentaires.  Saint  Augustin 
commença  cet  ouvrage  quelque  temps  après 
son  épiscopat,   c'est-à-dire,   vers  l'an  397  ; 
mais  il  ne  l'acheva  pas,  et  il  en  demeura  au 
vingt-cinquième  chapitre  du  troisième  livre. 
Cela  n'empêcha  pas  qu'il  ne  parût  en  public 
tel  qu'il  était.  Parcourant  depuis   tous   ses 
petits  traités,  et  trouvant  celui-ci  imparfait, 
il  résolut  de  l'achever  avant  de  passer  à  la 
revue  de  ses  autres  ouvrages.  Il  acheva  donc 
non-seulement  le  troisième  livre,  mais  il  en 
ajouta  un  quatrième,   (c  Les  trois  premiers 
servent,  dit-il  ',  à  l'intelligence  des  Écritu- 
res, et  le  quati'ième  contient  la  manière  de 
mettre  au  jour  et  d'expliquer  les  vérités  di- 
vines qui  y  sont  cachées,  lorsqu'on  les  aura 
comprises.  »  Il  remarque  deux  choses  sur 
cet  ouvrage  dans  son  second  livre  des  Ré- 
tractations ^  :  la  première,  qu'il   n'est  pas 
constant  comme  il  l'avait  dit  d'abord,  que  la 
Sagesse  de  Salomon  soit  de  Jésus  fils  de  Sy- 
rach,  le  même  qui  a  écrit  l'Ecclésiastique  ;  la 
seconde  qu'en  disant  que  l'Ancien   Testa- 
ment contient  quarante-quatre  livres,  il  s'est 
servi  de  ce  nom  selon  la  manière  dont  l'É- 
ghse  parlait  de   son  temps,    quoique  saint 
Paul  semble  n'entendre  par  l'Ancien  Testa- 
ment que  la  loi  donnée  sur  la  montagne  de 
Sinaï.  Il  remarque  aussi  qu'il  a  fait  une  faute 
de  mémoire  dans  le  chapitre  xxvju  du  se- 
cond lisTe,  en  citant  un  écrit  de  saint  Am- 
broise  pour  un  autre.  Les  quatre  livres  de  la 
Doctrine  chrétienne  sont  précédés  d'un  prolo- 
gue où  il  fait  voir  que  ce  n'est  point  en  vain 
qu'on  donne  des  règles  pour  étudier  l'Écri- 
ture sainte.  Il  y  répond  aussi  à  trois  sortes 
de  personnes  qu'il  prévoyait  pouvoir  trouver 
à   redire   à   son   ouvrage  ;   les   unes,  parce 
qu'elles  ne  comprendi'aient  rien  aux  règles 
qu'il  y  doime  pour  l'intelligence  de  l'Écri- 
ture ;   les  autres,  parce  qu'elles  ne  pour- 
raient pas   s'en  servir;    et   quelques-unes, 
parce  qu'elles  entendraient  et  exphqueraient  , 
l'Écriture  sainte  sans  le  secours  de  ces  rè-  -, 
gles,  et  par  les  seules  lumières  du  Saint- p:> 

•  Lib.  11  Retract,  cap.  iv.  —  2  ibid.  li 


Esprit,  n  dit  aux  premières  et  aux  secondes, 
qu'elles  ne  doivent  point  s'en  prendre  à  lui 
ni  le  blâmer,  si  elles  manquent  d'intelli- 
gence ;  et  aux  dernières,  qu'elles  ne  doivent 
pas  juger  des  autres  par  elles-mêmes. 
Quelques-uns,  il  est  vrai,  en  ont  été  favori- 
sés, comme  un  esclave  de  Barbarie  nommé 
Macaire  qui  était  chrétien  :  ne  sachant  point 
lire,  et  n'ayant  personne  pour  l'instruire, 
il  en  obtint  de  Dieu  la  faculté  par  une 
prière  de  trois  jours,  en  sorte  qu'il  lisait 
fort  couramment.  Cependant  il  ne  laisse 
pas  d'être  vrai  aussi  que  nous  apprenons  à 
lire  seulement  par  le  ministère  des  autres 
hommes,  et  que  nous  ne  savons  pas  même 
notre  langue  maternelle  qu'à  force  de  l'en- 
tendre parler.  Il  ne  faut  pas  tenter  l'autem- 
de  notre  foi  ;  le  diacre  Philippe  n'envoya 
point  à  un  ange  l'eunuque  de  la  reine  de 
Candace,  mais  il  lui  donna  lui-même  l'intel- 
ligence du  prophète  Isaïe,  en  s'asseyant 
auprès  de  lui  dans  son  char,  et  en  lui  dé- 
couvrant avec  une  langue  et  des  paroles 
humaines,  ce  qui  était  caché  sous  l'endroit 
mystérieux  que  cet  eunuqrie  lisait.  Enfin 
ceux  mêmes  qui  se  glorifient  de  pénétrer 
dans  les  profondeurs  de  l'Écriture,  par  la 
seule  lumière  divine  et  sans  le  secours  d'au- 
cune règle,  ne  laissent  pas  d'en  instruire 
les  autres,  au  lieu  de  les  renvoyer  à  Dieu 
pour  en  être  instruits  intérieurement. 

2.  Toutes  les  connaissances,  comme  l'en-     ^nai 

'  prenne 

soigne  saint  Augustin  dans  le  premier  livre,  ^s-e 
sont  ou  de  signes  ou  de  choses.  Il  distingue 
deux  sortes  de  choses,  les  unes  dont  il  faut 
jouir,  les  autres  dont  il  faut  user.  «  Jouir, 
c'est  s'attacher  à  une  chose  pour  l'amour 
d'elle-même  :  user ,  c'est  employer  tout  ce 
qui  est  à  notre  usage  pour  obtenir  ce  qu'on 
aime,  supposé  toutefois  qu'on  doive  l'aimer; 
car  user  d'une  chose  pom- une  fin  illégitime, 
c'est  moins  en  user  qu'en  faire  abus.  Il  n'y 
a  que  trois  personnes  divines  dont  on  doive 
jouir.  Ces  trois  choses  sont  toutes  trois  une 
dans  le  Père,  toutes  trois  égales  dans  le  Fils, 
toutes  trois  unies  dans  le  Saint-Esprit.  Elles 
sont  ce  Dieu  ineffable  que  l'on  considère 
comme  l'Être  souverain,  mais  dont  on  ne 
peut  parler  dignement  ;  cette  sagesse  im- 
muable que  tout  le  monde  convient  être 
préférable  à  une  vie  assujettie  aux  vicissi- 
tudes et  aux  défaillances.  Mais  pour  se  ren- 
dre capable  de  la  connaître,  cette  sagesse, 
il  faut  purifier  son  esprit  et  son  cœur. 
C'est  pom'  nous   en   enseigner  la   manière 


yse   du 
r  livre, 

1.  in. 


196 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


que  cette  même  sagesse  divine  est  venue  à 
nous,  non  en  traversant  de  grands  espaces, 
mais  en  paraissant  dans  une  chair  mortelle 
à  des  hommes  moi-tels.  C'est  elle  qui  a  guéri 
l'homme  pécheur,  qui  l'a  délivré  de  ses  fai- 
blesses, de  son  aveuglement,  et  de  la  mort 
même.  Jésus-Christ,  cette  sagesse  incréée,  a 
confirmé  notre  foi  par  sa  résurrection  et  par 
son  ascension,  nous  faisant  voir  en  reprenant 
la  vie  avec  combien  de  liberté  il  l'avait  don- 
née. Il  excite  et  soutient  aussi  notre  foi  parla 
vue  de  la  récompense  qu'il  nous  prépare  à 
la  fin  de  notre  carrière,  et  par  la  crainte  du 
jour  terrible  où  il  viendra  juger  les  vivants  et 
les  morts.  Tout  invisible  qu'il  est,  il  répand 
sur  chacun  des  inembres  de  son  Eglise  les 
dons  les  plus  propres  à  l'éclairer  et  à  la 
former;    s'il  l'éprouve  et  la   purifie  par  de 
salutaires  afflictions,  c'est  afin  que,  dégagée 
du  siècle,  elle  lui  soit  un  jour  éternellement 
unie,  comme  une  épouse  qui  n'aura  plus  ni 
taches  ni  rides,  ni  rien  qui  lui  déplaise.  11 
lui  a  donné  des  clés  pour  lier  les  pécheurs 
et  pour  délier  les  pénitents.  On  ne  peut  mê- 
me obtenir  la  rémission  de  ses  péchés,  sans 
croire   que   l'Église  a  le  pouvoir   d'en  ab- 
soudre. Le  divorce  que  fait  le  pénitent  avec 
les  objets  de  ses  passions  pourrait,  dans  un 
sens,  s'appeler  la  mort  de  l'âme  qui,  par  la 
pénitence,  ressuscite  et  se  rétablit  dans  de 
meilleures  dispositions.  Mais  celle,    qui  ne 
meurt  point  au  siècle  corrompu,  et  qui  ne 
commence  pas  dès  ici-bas  à  se  conformer  à 
la  vérité,  lorsque  son  corps  meurt,  tombe 
eUe-même  dans  une  mort  encore  plus  af- 
freuse :  eUe  ne  renaîtra  pas  pour  être  trans- 
formée dans  un  état  céleste,  mais  pour  souf- 
frir des  tourments  infinis.  A  l'égard  de  ce 
monde  et  de  toutes  les  créatures,  il  faut  en 
user  et  non  pas  en  jouir,  c'est-à-dire  qu'on 
peut  s'en  servir  et  non  pas  les  considérer 
comme  sa  dernière  fin.  On  doit  même  les 
aimer,  mais  par  rapport  à  Dieu  :  c'est  dans 
ce  sens  qu'il  nous  est  commandé  de  nous 
aimer  les  uns  les  autres.  Car  aimer  un  autre 
pour  l'amour  de  lui-même,   c'est  en  jouir; 
ne  l'aimer  que  par  rapport  à  Dieu,  c'est  en 
user.  On  ne  doit  pas  non  plus  s'aimer  par 
rapport   à   soi-même,  mais   par   rapport  à 
l'objet  dont  on  doit  jouir,  qui  est  Dieu.  Si 
l'homme  vient  à  s'aimer  pour  lui-même ,  il 
ne  se  rappoi-te  plus  à  Dieu.  Il  n'est  plus  tour- 
né vers  quelque  chose  d'immuable ,    mais 
uniquement  occupé  de  lui-même  :  plus  il  en 
veut  jouir,  plus  il  se  dégrade  et  perd  de  sa 


perfection.  Quiconque  aime  donc  son  pro- 
chain comme  il  faut,  doit  l'aimer  de  manière 
que  cela  ne  l'empêche  point  d'aimer  Dieu 
de  tout  son  cœur.  En  l'aimant  ainsi  comme 
soi-même,  on  absorbe  l'un  et  l'autre  amom- 
dans  l'amour  de  Dieu,  qui  ne  peut  souflrir 
que  ce  fleuve  diminue  par  le  détour  d'aucun 
ruisseau  qui  s'en  écarte. 

Il  j  a  quatre  choses  que  nous  devons  ai- 
mer. La  première  est  au-dessus  de  nous,  la 
seconde  est  nous-mêmes,  la  troisième  est 
auprès  de  nous,  et  la  quatrième  est  au-des- 
sous. Il  n'était  pas  nécessaire  de  nous  com- 
mander d'aimer  la  seconde  et  la  quatrième, 
car  l'homme  a  beau  s'éloigner  de  la  vérité, 
il  ne  perd  jamais  l'amour  de  lui-même  et  de 
son   corps.   Il   croit  avoir  beaucoup  gagné 
quand  il  peut  commandjr  à  d'autres  hom- 
mes :  mais  une  teUe  manière  de  s'aimer  doit 
plutôt  s'appeler  une  véritable  haine,  étant 
injuste  de  vouloir  être  obéi  par  ce  qui  est 
au-dessous  de  soi,  et  de  ne  vouloir  pas  obéir 
à  ce  qui  est  au-dessus.  Personne  ne  hait  sa 
propre  chair,  pas  même  celui  qui  la  châtie, 
parce  qu'il  ne  le  fait  pas  pom'  la  détruire, 
mais  pour  la  dompter.  Ce  n'est  pas  non  plus 
haïr  son  corps  que  d'aimer  quelque  chose 
plus  que  lui,  comme  de  sacrifier  quelques- 
luis  de  ses  membres  pour  la  conservation 
de  sa  vie.  L'ordi-e  de  l'amour  demande  que 
l'on  aime  ce  qui  doit  être  aimé ,  et  qu'on 
n'aime  point  ce  qui  ne  doit  pas  l'être.  Tout 
pécheur  considéré  comme  pécheur  ne  doit 
point  être  aimé,  mais  tout  homme  considéré 
comme  homme  doit  être  aimé  pour  Dieu,  et 
Dieu  pour  lui-même.  Comme   on  ne  peut 
être  utile  à  tous,  il  faut   particulièrement 
s'appliquer  à  servir  ceux  qui,  selon  les  dif- 
férentes conjonctures  d'aflaires,  ou  par  rap- 
poi't  aux  temps  et  aux  lieux,  semblent,  par 
je  ne  sais  queUe  renconU-e,  nous  être  plus 
éti'oitement  unis.  Mais  en  général  nous  de- 
vons désirer  que   tous  aiment  Dieu  avec 
nous,  et  rapporter  à  cette  fin  tous  les  biens 
que  nous  leur  faisons,  ou  que  nous  en  l'ece- 
vons.  La  raison  de  vouloir  du  bien  à  tous 
les  hommes,  c'est   qu'ils   sont  tous  notre 
prochain.  Les    anges    mêmes    sont    com- 
pris dans  le    commandement  qui  nous  est 
fait  d'aimer  notre  prochain,  puisque  les  di- 
vines Écritures  sont  remplies  des  bons  offi- 
ces et  des  secours  que  nous  recevons  d'eux. 
Dieu  se  sert  de  nous,  mais  il  n'en  jouit  pas, 
autrement  il  faudrait  dire  qu'il  a  besoin  de 
nos  biens;  ce  que  personne  n'oserait  penser. 


[IV"  ET  Y"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVÊQUE  D'HIPPONE. 


197 


Le  prophète  ne  dit-il  pas  à  Dieu  :  Vous  n'a- 
vez pas  besoin  de  mes  biens  :  si  Dieu  ne  se  ser- 
vait pas  de  nous,  comment  pourrait-il  nous 
aimer?  mais  l'usage  qu'il  en  fait  n'est  pas 
semblable  à  celui  que  nous  faisons  des  créa- 
tures :  nous  usons  d'elles  pour  parvenir  à  la 
possession  de  sa  bonté  infinie,  au  lieu  que 
Dieu  rapporte  à  sa  bonté  même  toutes  les 
créatures  dont  il  se  sert;  non  à  son  utilité, 
mais  à  la  nôtre. 

Saint  Augustin  dit  que  l'amour  de  Dieu  et 
du  prochain  étant  l'accomplissement  de  la 
loi  et  la  fin  de  toute  l'Écriture,  ce  double 
précepte  de  la  charité  doit  servir  de  règle 
pour  l'intelligence    des  vérités  qui  y  sont 
contenues  ;  que  toute  science  et  toute  inter- 
prétation des  Ecritures  sont  fondées  sur  ces 
trois  choses, la  foi,  l'espérance  et  la  charité; 
que  l'homme  qui  est  solidement  appuyé  sur 
ces  trois  vertus  n'a  besoin  des  Écritures  que 
pour  en  instruire  les  autres,  et  que  même 
un  grand  nombre  de  justes  qui  en  sont  ani- 
més  passent  leurs  jours  dans  les   déserts 
sans  le  secours  des  livres  saints,  les  inspira- 
tions immédiates  qu'ils    reçoivent  de  Dieu 
les  faisant  atteindre  jusqu'au  comble  de  la 
perfection.  Il  conclut  ainsi  :  «  Celui  qui  con- 
naît que  la  charité  qui  procède  d'un  cœur 
pm*,  d'une  bonne  conscience   et  d'une  foi 
sincèi'e,  est  la  fin  de  la  loi,  et  qui  est  dis- 
posé à  rapporter  à  ces  trois  choses  toute 
l'inteUigence  des  Écritures,  peut  avec  con- 
fiance ouvrir  ces  livres  divins  pour  les  étu- 
dier. » 
.\naii>B  du       3.  Après  avoir  traité  des  choses  dans  le 
lag-.  19.         premier  livre,  saint  Augustin  traite  des  si- 
gnes dans  le  second.  «  Le  signe,  outre  l'idée 
qu'il  donne  de  lui-même  à  nos  sens,  nous 
fait  venir  encore  dans  la  pensée   quelque 
autre  chose  que  lui.  Par  exemple  à  la  vue  de 
la  fumée,  nous  connaissons  qu'il  y  a  du  feu. 
H  y  a  des  signes  naturels  et  des  signes  d'ins- 
titution. Les  naturels  sont  ceux  qui  font  con- 
naître par  eux-mêmes  quelque  autre  chose 
que  ce  qu'ils  sont.  La  fumée  signifie  le  feu, 
non  par  une  détermination  arbitraire,  mais 
par  sa  nature.  Les  signes  d'institution  sont 
ceux  que  tous  les  êtres  animés  se  donnent 
mutuellement  pour  découvrir,  autant  qu'il 
leur  est  possible,  les  différents  mouvements 
de  leur  âme.  Entre  ces  signe»,  les  uns  ont 
rapport  aux  yeux,  plusieurs  a  l'ouïe,  et  quel- 

1  Saint   Augustin  ajoute  un  septième  degré  qui 
est  la  sagesse.  {L'éditeur.} 


ques-uns  aux  autres  sens.  Les  paroles  tien- 
nent le  premier  rang  entre  ces  signes.  Mais 
comme  elles  s'évanouissent  aussitôt  qu'elles 
ont  frappé  l'aii',  on  a  inventé  les  lettres  pour 
être  les  signes  des  paroles.  Les  livres  saints 
n'ont  d'abord  été  écrits  qu'en  une  seule  lan- 
gue, mais  dans  la  suite,  s'étant  répandus 
par  toute  la  terre  par  les  différents  langages 
des  interprètes,  cette  divine  Écriture  est  ve- 
nue à  la  connaissance  de  tous  les  peuples. 
L'obscurité  qui  se  rencontre  en  plusieurs 
endroits  ne  laisse  pas  d'avoir  son  utilité  ;  il 
parait  même  que  c'est  par  une  conduite  de 
la  sagesse  divine  qui  veut  dompter  l'orgueil 
de  l'homme  par  le  travail,  et  prévenir  les 
dégoûts  de  son  esprit  qui,  d'ordinaire,  n'a 
que  du  mépris  pour  ce  qu'il  découvre  trop 
aisément,  qu'il  est  arrivé  que  certains  pas- 
sages de  l'Écriture  se  sont  trouvés  couverts 
d'épaisses  ténèbres.  » 

Mais  saint  Augustin  remarque  qu'oi'dinai- 
rement  ce  qui  est  obscur  en  un  endroit,  est 
expliqué    clairement    ailleurs  ;    qu'ainsi    le 
Saint-Esprit   va   au-devant  de   la   faim   de 
l'homme  par  les  endroits  clairs,  et  prévient 
la  tiédeur  et  l'ennui  par  l'exercice  que  don- 
nent ceux  qui  sont  obscurs.  Il  compte  sept 
degrés  par  lesquels  on  parvient  à  la  connais- 
sance de  la  parfaite  sagesse  contenue  dans 
la   sainte   Écriture ,  savoir  :  la  crainte  de 
Dieu,  la  piété,  la  science,  la  force,  le  con- 
seil et  la  pureté  de  cceur\  Le  catalogue  des 
livres   canoniques   qu'il  donne  est  entière- 
ment conforme  à  celui  qui  est  aujourd'hui 
reçu  dans  l'Église,  et  il  veut  que,  pour  distin- 
guer les  livres  canoniques  d'avec  ceux  qui 
ne  le  sont  pas,  on  s'en  rapporte  à  l'autorité 
du  plus  grand  nombre  des  églises  catholi- 
ques, et  particulièrement  de  celles  qui  ont 
mérité  d'être  le  Siège  des  apôtres  et  d'en  re- 
cevoir des  lettres.  Il   conseille  à  ceux  qui 
sont  touchés  de  la  crainte  de  Dieu,  et  qui 
cherchent  à  connaître  sa  volonté,  de   lire 
tous  les  livres  canoniques,  pour  y  puiser  les 
préceptes  des  mœurs  et  les  règles  de  la  foi. 
Il  est  d'avis  qu'ils  les  hsent,  quoi  qu'ils  n'en 
n'aient  pas  encore  l'intelligence,  dans  la  vue 
d'en  remplir  leur  mémoire  ;  qu'ensuite  ils 
approfondissent  avec  toute  l'application  qui 
dépendra  d'eux,  les  vérités  qui  y  sont  clai- 
rement expliquées.  Il  leur  donne  après  cela 
des  moyens  pour  parvenir  à  l'intelligence 
des  endroits  obscurs  et  difficiles.  Le  premier 
est  la  connaissance  des  langues  dans  les- 
quelles les  livres  sacrés  sont  écrits,  et  surtout 


198 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


des  langues  grecque  et  hébraïque.  Le  se- 
cond est  de  consulter  et  de  comparer  les  dif- 
férentes versions,  dont  les  unes  servent  à 
éclaircir  les  autres,  comme  il  le  fait  voir  par 
un  passage  da  huitième  chapitre  d'Isaïe,  et 
de  quelques  autres  écrivains  sacrés.  La  rai- 
son qu'il  apporte  pour  prouver  l'utilité  de 
comparer  les  différentes  versions,  c'est  que 
le  véritable  sens  d'une  pensée  ne  parait  pas 
aisément  quand  plusieurs  interprètes  ont 
travaillé  à  l'expliquer,  si  l'on  ue  consulte  la 
langue  qu'ils  ont  traduite,  parce  que  souvent 
le  traducteur  incertain  s'écarte  du  vrai  sens 
de  l'auteur,  s'il  n'est  fort  habile.  Entre  les 
versions  latines,  il  préfère  l'Italique  ou  l'an- 
cienne Vulgate  ,  à  cause  qu'elle  s'attache 
plus  aux  termes,  et  qu'elle  met  la  vérité  dans 
un  plus  grand  jour.  Entre  les  versions  grec- 
ques, celle  des  Septante,  qui,  selon  la  tradi- 
tion des  plus  célèbres  Eglises ,  ont  été  as- 
sistés du  secours  du  Saint-Esprit,  doit  avoir 
le  plus  d'autorité  pour  ce  qui  regai'de  l'An- 
cien Testament  ;  c'est  sur  elle  qu'il  faut  cor- 
riger les  versions  latines,  et  s'il  se  trouve 
quelque  chose  dans  le  texte  hébreu  qui  soit 
différent  de  ce  que  les  Septante  ont  omis,  il 
faut  s'en  tenir  à  ce  qu'on  lit  dans  leurs  ver- 
sions. Un  troisième  moyen  pour  parvenir  à 
l'intelligence  de  l'Écriture  sainte ,  c'est  la 
connaissance  des  noms  propres,  soit  d'hom- 
mes, soit  de  villes,  comme  aussi  de  la  na- 
ture des  animaux,  des  plantes,  des  herbes 
et  des  autres  choses  qui  entrent  dans  les 
comparaisons  et  dans  les  figures  employées 
dans  les  Livres  saints.  Saint  Augustin  expli- 
que à  ce  sujet  les  figures  mystérieuses  de 
la  branche  d'olivier  que  la  colombe  apporta 
dans  l'arche  ,  et  celle  de  l'hyssope  dont 
David  disait  qu'il  serait  purifié  lorsque  Dieu 
l'en  arroserait.  La  connaissance  des  nom- 
bres et  de  la  musique  lui  paraît  aussi  très- 
utile  dans  l'exphcation  des  textes,  et  il  cite 
un  auteur  qui  avait  traité  de  la  différence 
qu'il  y  a  entre  le  psaltérion  et  la  harpe.  Il 
croit  qu'on  peut  encore  faire  usage  des 
sciences  profanes,  en  prenant  d'elles  ce 
qu'elles  ont  de  bon  et  d'utile;  mais  il  veut 
qu'on  rejette  celles  qui  ne  sont  fondées  que 
sur  la  fable,  ou  qui  sont  mêlées  de  su- 
perstitions, particulièrement  l'astrologie  ju- 
diciaire et  la  magie.  Il  fait  peu  de  cas  de  la 
peinture  et  de  la  sculpture,  si  ce  n'est  qu'el- 
les s'emploient  à  des  représentations  de 
quelque  importance.  La  science  de  l'histoire 
lui  paraît  d'un  grand  secours  pour  l'intelli- 


gence des  Livres  saints.  «Combien,  dit-il, 
de  difficultés  ne  naît-il  pas  tous  les  jom's  à 
l'occasion  des  olympiades  et  des  noms  des 
consuls  ?  Et,  n'est-ce  pas  <à  la  faveur  de  ces 
connaissances  que  notre  grand  évêque  Am- 
broise  a  découvert  que  Platon  avait  été  en 
Egypte  du  temps  de  Jérémie,  et  a  prouvé 
par  là  qu'il  était  hien  plus  vi'aisemblable 
qiie  ce  philosophe  avait  pris  dans  nos  livres 
toutes  les  grandes  maximes  qu'il  a  établies 
dans  les  siennes,  que  de  dire  que  Notre-Sei- 
gneur  Jésus-Christ  avait  pris  dans  Platon 
celles  qu'il  nous  a  enseignées  dans  l'Evan- 
gile ?  »  Saint  Augustin  montre  ensuite  que 
la  mécanique ,  la  dialectique ,  la  rhétori- 
que et  les  autres  sciences  ont  leur  utilité, 
pourvu  qu'on  en  fasse  un  bon  usage ,  à 
l'exemple  de  Lactance,  de  Victorin,  d'Optat 
et  d'Hilaire ,  qui  ne  se  sont  servis  des  con- 
naissances qu'ils  avaient  acquises  dans  le 
paganisme,  que  pour  faire  honorer  le  vrai 
Dieu  et  pour  abolir  le  culte  des  idoles.  11 
soutient  néanmoins  qu'on  trouve  dans  les 
saintes  Écritures  tout  ce  qu'il  peut  y  avoir  de 
bon  dans  les  autres  livres ,  mais  qu'outre 
cela  on  apprend  dans  l'admirable  et  sublime 
simplicité  de  ces  Écritures  divines,  ce  qu'on 
ne  peut  apprendre  ailleurs. 

■4.  Il  donne  dans  le  troisième  liwe.  des  rè-     Anaiis»  i« 

Iroisieme    II  ■ 

gles  pour  ôter  l'ambiguité  qui  vient  des  "«,  p^e-w. 
termes  propres,  ou  métaphoriques  de  l'É- 
criture. Quand  les  mots  propres  font  im 
sens  obscur,  il  faut  d'abord  examiner  si 
cette  obscurité  ne  vient  point  de  ce  qu'on 
les  a  ou  mal  ponctués  ou  mal  prononcés. 
Si  après  cet  examen,  on  demeure  encore 
dans  l'incertitude,  il  faut  consulter  les  rè- 
gles de  la  foi,  et  fixer  le  sens  d'un  passage 
par  d'autres  endroits  plus  clairs  et  plus  ai- 
sés à  entendre,  et  par  l'autorité  de  l'Église. 
Si  deux  ou  plusieurs  endroits  nous  parais- 
sent renfermer  de  l'obscurité,  même  selon 
les  règles  de  la  foi,  il  faut  examiner  les 
choses  qui  suivent  et  qui  précèdent,  et  en 
comparer  les  rapports  avec  ce  qui  est  obs- 
cur afin  de  découvrir  avec  lequel  de  tout 
les  sens  qui  se  présentent,  ces  termes  obs- 
curs, paraissent  avoir  phis  de  liaison.  Voici 
un  des  exemples  qu'il  propose  pour  l'appli 
cation  de  cette  règle.  Les  ariens  lisaient 
ainsi  dans  saint  Jean  :  Au  commencement 
était  le  Verbe,  et  le  Verbe  était  avec  Dieu,  e' 
Dieu  était,  de  manière  que  ce  qui  suit  faisai; 
un  autre  sens  :  Ce  Verbe  était  en  Dieu  iès  L 
commencement.  Ils  faisaient  assez  voir  dan. 


[IV''  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTLX,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


199 


ces  ponctuations  qu'ils  ne  voulaient  point 
confesser  la  divinilô  du  Verbe.  Mais  leur 
hérésie  doit  se  réfuter  par  la  règle  de  la  foi, 
qui  nous  enseigne  l'égalité  des  trois  per- 
sonnes de  la  sainte  Trinité,  Ainsi  il  faut 
lire  :  Et  le  Verbe  était  Dieu ,  ajoutant  en- 
suite :  //  était  au  commencement  avec  Dieu. 
Mais  quand  il  arrive  quel'ambiguité  ne  peut 
s'éclaircir  ni  par  les  règles  de  la  foi,  ni  par 
la  suite  du  texte,  on  peut  suivre  celui  des 
deux  sens  qui  paraît  le  plus  probable.  On 
doit  suivre  la  même  règle  pour  déterminer 
la  prononciation  et  la  signification  des  ter- 
mes indéterminés  ;  et  si  cela  ne  se  peut  faire 
ni  par  les  règles  de  la  foi,  ni  par  le  rapport 
aux  choses  qui  précèdent  ou  qui  suivent, 
le  lecteur  pourra  les  prononcer  comme  il 
voudra  sans  faire  de  fautes.  Dans  ces  sortes 
d'ambiguïtés,  on  fera  bien  aussi  de  recourir 
au  texte  original.  «  Quant  aux  ambiguïtés, 
dit-il,  qui  naissent  des  termes  métaphoriques, 
elles  demandent  beaucoup  de  soin  et  de  pré- 
caution. Il  faut  bien  prendre  garde  de  ne  pas 
s'attacher  scrupuleusement  aux  significa- 
tions que  la  lettre  présente,  ni  prendre  les 
signes  pour  autant  de  choses  réelles.  Les 
juifs  ont  été  longtemps  esclaves  de  cette 
lettre  qui  tue,  sans  comprendre  ce  qu'il  y 
avait  de  spirituel  et  de  mystérieux  sous  les 
figures  de  la  loi.  Les  gentils  ont  aussi  été 
esclaves  du  culte  superstitieux  des  faux 
dieux.  Mais  la  loi  de  grâce  et  de  liberté, 
c'est-à-dire  la  loi  nouvelle,  a  délivré  les 
Juifs  de  leur  servitude  en  leur  donnant  la 
connaissance  des  mystères  cachés  sous  la 
lettre  des  Écritures,  et  en  les  élevant  aux 
vérités  mêmes  qu'elle  renfermait.  Elle  a  dé- 
livré les  gentils  en  leur  faisant  voir  la  vanité 
de  leur  culte,  et  en  rejetant  entièrement 
leurs  cérémonies  profanes.  Mais  la  religion 
de  Jésus-Christ  en  délivrant  les  Juifs  et  les 
gentils  de  la  servitude  où  les  tenaient  les 
signes  et  les  figures,  ne  s'est  chargée  que 
d'un  petit  nombre  de  signes  très-faciles  à 
remplir,  qui  ne  signifient  rien  que  de  très- 
auguste,  et  qui  n'ont  rien  que  de  très-pur 
dans  leur  usage.  Tels  sont  le  sacrement  du 
baptême  et  la  célébration  du  mystère  du 
coi'ps  et  du  sang  de  Noti'e-Seigneur  Jésus- 
Christ.  » 

Saint  Augustin  donne  d'autres  règles  né- 
cessaires pour  connaître  quand  une  expres- 
sion est  figurée.  La  première  et  la  plus  gé- 
nérale ,  est  que  tout  ce  qui  dans  l'Écri- 
ture ne  peut  se  rapporter  ou  aux  vérités  de 


la  foi,  ou  à  la  pureté  des  mœurs,  est  néces- 
sairement figuré.  Mais  il  ne  veut  pas  qu'on 
juge  de  ce  qui  peut  être  honnête  ou  vérita- 
ble, par  les  préjugés  de  l'usage  ou  de  la 
coutume ,  mais  seulement  par  les  règles  de 
la  foi  et  de  la  charité  :  «  Car  l'Écriture,  dit- 
il,  ne  commande  que  la  charité,  et  ne  con- 
damne que  la  cupidité  :  c'est  ainsi  qu'elle 
instruit  les  hommes,  et  qu'elle  forme  les 
mœurs.  Quand  il  est  clair  et  évident  que  les 
faits  et  les  maximes  de  l'Écriture,  quoique 
trop  austères  et  trop  dures  en  apparence, 
servent  à  détruire  le  règne  de  la  cupidité, 
on  ne  doit  pas  les  entendre  d'une  manière 
figurée.  Telles  sOnt  ces  paroles  de  l'Apôtre  :  no,n.  n, 
Vous  vous  amassez  un  trésor  de  colère  pour  le 
jour  de  la  manifestation  du  juste  jugement  de 
Dieu,  etc.  Mais  on  ne  peut  clouter  que  toutes 
celles-ci  de  Jérémie  ne'soient  figurées  :  Je  ■>«'■="'• 
vous  ai  établi  sur  les  peuples  afin  que  vous  ar- 
rachiez, que  vous  détruisiez,  etc.  Lorsqu'on 
trouve  aussi  dans  l'Écriture  des  paroles  et 
des  actions  qui  paraissent  criminelles  au  ju- 
gement des  ignorants,  et  qui  sont  néan- 
moins attribuées  à  Dieu  et  aux  saints,  il  est 
nécessaire  de  les  expliquer  dans  un  sens 
figuré  :  cette  règle  a  heu  surtout  dans  les 
choses  exprimées  par  forme  de  commande- 
ment. Mais  si  la  lettre  de  l'Écriture  défend 
un  crime ,  et  qu'elle  commande  un  bien ,  il 
n'y  a  point  alors  de  sens  figuré.  Au  con- 
traire ,  s'il  paraît  qu'elle  commande  le 
crime,  et  qu'elle  défende  le  bien,  alors  il  y 
a  de  la  figure  :  Si  vous  ne  mangez,  dit  le  Sau-  Jom.  ^ 
veur,  la  chair  du  Fils  de  l'homme,  et  si  vous 
ne  buvez  son  sang,  vous  n'aure-z  point  la  vie  en 
vous.  Il  semble  que  Jésus-Christ  commande 
un  crime.  Il  y  a  donc  une  figure  dans  cette 
façon  de  parler,  où  il  nous  est  ordonné  de 
participer  à  la  passion  du  Sauveur. 

Il  faut  remarquer  que  la  figure  que  trouve 
ici  saint  Augustin,  no  tombe  point  sur  la 
présence  réelle  de  Jésus-Christ  dans  l'Eu- 
charistie, mais  sur  la  manière  dont  les  fidè- 
les mangent  son  corps  dans  ce  sacrement, 
afin  que  nous  ne  l'entendions  pas  charnelle- 
ment comme  l'entendaient  les  capharnaïtes. 
En  effet,  si  Jésus-Christ  n'était  qu'en  figure 
dans  l'Eucharistie,  saint  Augustin,  en  pre- 
nant à  la  lettre  tous  les  termes  de  ce  pas- 
sage, n'y  trouverait  ni  crime,  ni  cruauté, 
puisqu'il  n'y  aurait  aucun  mal  à  manger 
ime  chose  qu'on  ne  mangerait  qu'en  figure 
et  spirituellement.  Ainsi,  ce  que  ce  Père  dit 
en  cet  endroit,  est  favorable  à  la  présence 


200 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


réelle  loin  de  lui  nuire.  «  Souvent,  dit  saint 
Augustin,  il  arrive  que  ceux  qui  sont  ou  qui 
croient  être  élevés  à  un  plus  haut  degré  de 
vertu  et  de  spiritualité,  prennent  pour  des 
choses  dites  figurément,  des  préceptes  qu'on 
donne  à  ceux  qui  marchent  dans  les  voies 
communes  de  la  justice  ;  mais  ces  personnes 
doivent  faire  attention  qu'il  y  a  des  choses 
qui  sont  commandées  à  tous,  et  d'autres  qui 
le  sont  aux  personnes  de  chaque  condition 
différente,  parce  qu'il  est  de  l'équité  de 
donner  le  remède  conformément  aux  forces 
du  malade,  et  de  le  rétabhr  dans  la  disposi- 
tion qui  lui  est  propre,  quand  on  ne  peut  pas 
l'élever  à  une  disposition  plus  parfaite.  Une 
autre  observation  qui  contribue  encore  à 
l'intelligence  de  l'Écriture,  c'est  de  considé- 
rer en  quel  temps  les  choses  ont  été  com- 
mandées ou  permises  ;  si  c'était  avant  la 
venue  de  Jésus-Christ  ou  depuis.»  Saint  Au- 
gustin apporte  pour  exemple  la  polygamie 
des  Patriarches  qu'il  excuse,  parce  qu'ils 
usaient  saintement  du  mariage  dans  la  vue 
d'avoir  des  enfants  ;  il  préfère  même  leur 
état  à  celui  des  personnes  qui,  n'ayant 
qu'une  femme,  n'auraient  dans  le  mariage 
d'autres  vues  que  de  satisfaire  des  plaisirs 
charnels. 

Selon  le  saint  évêque,  lorsque  l'Écriture 
rapporte  quelque  péché  commis  par  de 
grands  hommes,  on  peut  chercher  à  y  dé- 
couvrir quelques  figures  des  choses  à  venir; 
mais  le  meilleur  usage  qu'on  en  peut  faire, 
c'est  de  ne  se  laisser  surprendre  à  aucun 
mouvement  de  vanité  dans  les  œuvres  les 
plus  saintes  ;  de  ne  point  mépriser  les  au- 
tres, et  de  ne  point  les  regai-der  comme  des 
pécheurs  en  vue  de  sa  propre  justice.  Il 
ajoute  qu'un  même  mot  ne  signifie  pas  par- 
tout la  même  chose,  qu'une  expression  figu- 
rée signifie  quelquefois  deux  choses  toutes 
différentes,  et  même  absolument  contraires; 
que  l'on  doit  éclaircir  les  endroits  obscurs 
par  ceux  qui  sont  clairs  et  faciles  à  enten- 
dre, et  qu'un  même  passage  de  l'Écriture 
peut  avoir  deux  sens  également  bons.  Il  fait 
l'application  de  ces  règles  par  divers  exem- 
vojM  Ion.,  pies  tirés  de  l'Ecriture,  et  finit  son  troisième 
'  '"^'  "  livre  par  l'exposition  des  sept  règles  du 
donatiste  Ticonius,  cpie  nous  avons  rappoi"- 
tées  ailleurs. 
Anaijso  du       g.  H  commenco  Ic  quatrième  livre  en  aver- 

quatriùiiie    li-  7 

™-  tissant  que  son  dessein  n  est  pus  de  donner 

des  règles  d'éloquence ,  quoiqu'il  ne  croie 
pas  l'usage  de  la  rhétorique  inutile  à  un 


docteur  chrétien.  Mais  il  dit  qu'on  peut  s'en 
instruire  ailleurs,  et  qu'on  doit  en  appren- 
dre les  préceptes  dans  un  âge  qui  soit  pro- 
pre à  cette  étude,  et  lorsqu'on  peut  le  faire 
en  peu  de  temps,  c'est-à-dire,  dans  la  jeu- 
nesse. Il  ne  laisse  pas  d'entrer  dans  un 
grand  détail  sur  les  qualités  d'un  orateur 
chi'étien,  à  qui  il  croit  néanmoins  qu'il  im- 
porte beaucoup  plus  de  parler  sagement 
qu'éloquemment.  Mais,  selon  ce  Père,  il  est 
extrêmement  nécessaire  que  celui  qui  est 
obhgé  de  dire  avec  sagesse  ce  qu'il  ne  peut 
dire  avec  éloquence,  retienne  les  termes  de 
l'Écriture.  Car  plus  il  se  voit  pauvre  en  lui- 
même,  plus  il  doit  s'enrichir  de  ces  sortes 
de  biens,  afin  que  les  paroles  divines  ser- 
vent de  preuves  aux  siennes,  et  que  celui 
qui  par  ses  propres  discours  n'a  rien  de 
grand,  croisse  en  quelque  manière  en  em- 
pruntant le  témoignage  et  l'impression  de 
ceux  qui  sont  véritablement  grands.  «  A 
l'égard  de  ceux  qui  veulent  non-seulemenl 
parler  sagement,  dit-il,  mais  éloquemment, 
comme  il  est  certain  qu'ils  réussiront  beau- 
coup plus  s'ils  peuvent  faire  l'un  et  l'autre  , 
j'aime  mieux  leur  conseiller  de  lire,  d'en- 
tendre et  d'imiter  les  hommes  reconnus  et 
admirés,  tant  pour  leur  sagesse,  que  pour 
leur  éloquence,  que  de  les  renvoyer  aux 
maîtres  de  la  rhétorique.  »  Il  montre  par 
divers  exemples  tirés  des  Épîtres  de  saint 
Paul,  et  de  la  prophétie  d'Amos,  qui  n'avait 
pas  d'autre  emploi  que  de  garder  les  trou- 
peaux, que  l'éloquence  est  jointe  à  la  sa- 
gesse dans  les  auteurs  sacrés  ;  mais  il  ajout(> 
que,  quoiqu'on  les  puisse  prendi-e  pour  mo- 
dèles de  la  belle  éloquence  dans  les  en- 
droits de  leurs  éci'its  où  ils  sont  aisés  it 
entendre,  l'orateur  chrétien  ne  doit  pas  le;; 
imiter  dans  les  choses  qu'ils  ont  envelop- 
pées d'obscurités  et  de  figures,  pour  don 
ner  de  l'exercice  aux  esprits  des  lecteurs.  K 
veut  même  que  celui  qui  entreprend  dr- 
traiter  des  choses  difficiles  et  obscures,  soi, 
moins  occupé  de  le  faire  avec  éloquence 
qu'avec  clarté  et  avec  évidence,  sans  néaii 
moins  négliger  absolument  les  agrément 
du  discours.  Il  rapporte,  d'après  Cicéron,  le 
devoirs  d'un  orateur,  qni  sont  d'instruire 
de  plaire  et  d'émouvoir.  ((L'obligation  d'in;^^- 
truire  regarde  les  choses  dont  on  veut  par- 
ler ;  plaire  et  émouvoir  regardent  la  manier 
de  les  dire.  Tout  style  indittcremment  n' 
suffit  pas  pour  remphr  ces  deux  dernieis 
devoirs  ;  car  comme  il  faut  plaire  à  l'audi  ■ 


Kom.  V,  3 
cl  o. 
Il  Cor. 


[iv"  ET  v"  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


201 


G.il.  IV, 
I    TTi,    i:j 

I  Tiiii.  V 

II  Cor. 

'  Roii).  V 


teur  pour  le  retenir  dans  l'attention,  il  faut 
aussi  l'émouvoir  pour  l'animer  à  l'action.  Et 
comme  il  est  touché  quand  vous  lui  parlez 
avec  agrément,  de  même  il  est  ému  s'il 
aime  ce  que  vous  lui  promettez  ;  s'il  craint 
le  mal  dont  vous  le  menacez.  Mais  avant 
d'entreprendre  d'instruire,  de  plaire  ou  d'é- 
mouvoir, un  orateur  chrétien  doit  plus  re- 
courir à  Dieu  dans  la  prière  qu'aux  talents 
de  l'éloquence,  afin  que  gémissant  aux  pieds 
du  Seigneur  pour  lui-même  et  pour  ceux 
qui  l'entendront,  il  n'exerce  le  ministère  de 
prédicateur  qu'après  avoir  fait  celui  de  sup- 
pliant. L'heure  de  parler  étant  venue,  qu'il 
élève  à  Dieu  son  âme  altérée  des  eaux  de  la 
sagesse  pour  les  répandre  après  les  avoir 
reçues,  et  faire  part  aux  autres  des  biens 
dont  il  est  rempli,  n 

Saint  Augustin  distingue  trois  différentes 
sortes  d'éloquence ,  selon  qu'on  veut  ins- 
truire ,  plaire  et  émouvoir  ;  distinction  que 
Cicéron  avait  faite  avant  lui ,  en  disant 
que  celui-là  sera  éloquent  qui  parlera  sim- 
plement des  petites  choses,  des  médiocres 
modérément  et  des  grandes  avec  grandeur. 
«Mais,  dit-il,  comme  l'orateur  chrétien  n'a 
que  des  choses  élevées  à  traiter,  ces  trois 
sortes  d'éloquence  ne  peuvent  avoir  lieu 
que  dans  le  barreau.  H  ne  laisse  pas  d'y 
avoir  trois  sortes  de  style  dont  l'orateur 
chrétien  peut  se  servir  suivant  les  différents 
sujets  qu'il  a  à  traiter;  im  style  commun, 
un  style  médiocre,  im  style  sublime.  Quoi- 
qu'il n'y  ait  rien  de  plus  grand  que  Dieu,  ce- 
lui toutefois  qui  enseigne  le  mystère  de  l'a- 
dorable Trinité,  doit  le  faire  d'un  style  facile 
et  commun,  afin  qu'un  mystère  si  difficile 
en  lui-même  se  puisse  comprendre  suivant 
la  mesure  de  lumière  qu'il  plait  à  Dieu  de 
nous  donner.  Mais  quand  il  s'agit  d'invecti- 
ver contre  les  pécheurs,  on  ne  saurait  trop 
s'élever  dans  son  discours  pour  faire  voir 
l'énormité  du  crime.  »  Ce  Père  apporte  des 
exemples  de  ces  trois  sortes  de  styles  tirés 
-'  de  l'Écriture,  mais  particulièrement  de  saint 
;'•  Paul,  et  de  quelques  écrivains  ecclésiasti- 
,,,,  ques,  en  particulier  de  saint  Cyprien  et  de 
saint  Ambi'oise,  remarquant  qu'il  n'est  donc 
pas  contre  les  règles  de  varier  le  discours  par 
les  différents  genres  du  style  ;  qu'on  peut  au 
contraire  le  faire  avec  utilité.  «  Car ,  ajoute- 
t-il,  quand  il  est  trop  long  dans  un  seul  genre, 
il  attache  moins  l'auditeur  ;  mais  si  l'on  passe 
de  l'un  à  l'autre ,  le  discoui's  se  continue 
avec  plus  de  grâce.  Il  est  toutefois  plus  aisé 


de  soutenir  longtemps  le  style  simple  que  le 
sulilime,  et  plus  il  est  nécessaire  d'émouvoir 
l'âme  pour  la  convaincre ,  plus  on  doit  la 
retenir  dans  cette  émotion  quand  elle  a  été 
suffisamment  excitée,  n  II  assure  sur  sa  pro- 
pre expérience  qu'on  ne  doit  pas  juger  du 
sublime  de  l'orateur,  par  les  fréquentes  et 
fortes  acclamations  qu'on  fait  à  son  dis- 
cours, mais  qu'on  en  peut  beaucoup  mieux 
juger  par  les  larmes,  les  gémissements  et  le 
changement  de  vie  des  auditeurs  ;  effets  qui 
peuvent  aussi  être  produits  par  le  style  sim- 
ple. «  Quant  au  style  médiocre  et  tempéré 
qui  consiste  à  plaire,  on  ne  doit  pas,  dit 
saint  Augustin,  s'en  servir  précisément  pour 
lui-même,  mais  afin  que  l'auditeur  étant 
déj<à  persuadé,  le  plaisir  lui  détermine  un 
peu  plus  promptement  le  cœur ,  et  l'attache 
plus  fortement  aux  choses  sur  lesquelles  il 
n'est  plus  besoin  de  l'émouvoir  ni  de  l'ins- 
truire. Mais  quelque  sublimité  de  discours 
qu'emploie  un  orateur  chrétien,  sa  vie  aura 
encore  plus  d'autorité,  si  elle  répond  à  ses 
paroles,  au  heu  que  s'il  vit  mal,  il  pourra 
bien  instruire  ceux  qui  ont  un  grand  désir 
d'apprendre,  mais  il  sera  inutile  poin-  lui- 
même.  »  En  général,  saint  Augustin  veut 
qu'on  s'attache  plus  à  la  vérité  qu'aux  ter- 
mes, et  il  ne  blâme  point  un  prédicatem- 
qui,  ayant  le  talent  de  bien  prononcer  un 
discours,  mais  non  pas  celui  de  le  compo- 
ser ,  récite  de  mémoire  le  discours  d'un  au- 
tre plus  habile  que  lui. 

§u. 

Du  Livre  imparfait  sur  la  Genèse. 

i .  Le  premier  des  ouvrages  que  saint  Au- 
gustin fit  après  le  concile  d'Hippone,  est 
celui  qu'il  intitule  :  Livre  imparfait  sur  la 
Genèse  expliquée  selon  la  lettre.  Dès  l'an  389, 
il  l'avait  expliquée  en  deux  livres,  et  avait 
réfuté  les  difficultés  que  les  manichéens  fai- 
saient sur  les  trois  premiers  chapitres;  mais 
ses  explications  n'étaient  qu'allégoriques.  11 
se  proposa  en  393  d'en  donner  de  littérales, 
et  de  montrer  contre  les  mêmes  hérétiques 
que  l'histoire  de  la  Genèse,  prise  à  la  lettre, 
ne  renferme  rien  de  ridicule,  comme  ils  le 
prétendaient.  Ce  travail  était  très-pénible  et 
très-difficile  ;  en  sorte  que  saint  Augustin , 
qui  n'était  pas  encore  assez  fort  pour  péné- 
trer dans  les  secrets  des  choses  naturelles, 
succombant  sous  le  poids  de  son  entreprise, 
la  laissa  imparfaite,  sans  rendre  pubhc  ce 


Livre 

ini- 

[  arrait 

iir  la 

Genèse 

en 

:i'J3. 

Aug. 

lib.  I 

néiratl. 

cap. 

202 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


qu'il  avait  fait.  Il  voulait  même  brûler  cet 
écrit  lorsqu'il  fit  la  révision  de  ses  ouvi-ages, 
surtout  à  cause  des  douze  livres  qu'il  avait 
faits  depuis,  pour  expliquer  le  texte  de  la  Ge- 
nèse à  la  lettre.  Mais  il  se  contenta  d'y  ajou- 
ter quelques  périodes,  qui  font  environ  une 
demi-page,  croyant  que  cet  ouvrage,  tout 
impai'fait  qu'il  était,  pourrait  servir  de  quel- 
que chose,  en  faisant  voir  de  quelle  manière 
il  avait  commencé  à  discuter  et  à  examiner 
les  paroles  de  l'Écriture.  Il  finit  au  vingt- 
septième  verset  du  chapitre  premier,  c'est- 
à-dii'e  à  la  création  de  l'homme. 
AosijM  de  2.  Comme  les  hérétiques  avaient  coutume 
93.  ""'  '"^'  de  détourner  le  sens  des  Écritures  pour  y 
trouver  de  quoi  appuyer  leurs  erreurs,  saint 
Augustin,  avant  d'entreprendre  l'explication 
de  la  Genèse,  donne  ime  déclaration  de  la 
foi  de  l'Église  sur  la  Trinité  et  sur  l'Incarna- 
tion ,  ne  croyant  point  qu'il  soit  permis  de 
chercher  dans  l'Écriture  autre  chose  que  ce 
qui  a  rapport  à  la  doctrine  de  l'Église  catho- 
lique. Il  ne  reconnaît  aucune  créature  con- 
substantielle  ou  coéfernelle  à  Dieu,  et  dit 
contre  les  manichéens,  que  le  péché  n'a  pas 
Dieu  pour  auteur  ;  qu'il  n'est  autre  chose 
qu'un  consentement  d'une  volonté  libre  à 
une  chose  que  la  justice  défend,  et  dont  il  lui 
est  hbi'e  de  s'abstenir;  en  sorte  que  le  péché 
ne  consiste  pas  dans  les  choses  mêmes,  mais 
dans  le  mauvais  usage  du  libre  arbitre.  Il 
enseigne  que  l'Église  qui  est  notre  mère,  a 
été  établie  de  Jésus-Christ  ;  qu'elle  est  appe- 
lée catholique,  parce  qu'elle  est  parfaite  en 
tout,  et  qu'elle  est  répandue  par  toiite  la 
terre.  H  distingue  quatre  sens  de  l'Ecriture  , 
l'historique  ,  qui  nous  représente  les  faits 
comme  ils  se  sont  passés  ;  l'allégorique,  qui 
explique  ce  qui  est  dit  en  figure;  l'analogi- 
que, où  l'on  compare  ensemble  l'Ancien  et 
le  Nouveau  Testament ,  pour  montrer  qu'ils 
s'accordent,  et  l'étiologique ,  par  lequel  on 
rend  raison  des  faits  et  des  discours  rap- 
portés dans  l'Écriture.  Après  ces  prélimi- 
naires, il  explique  l'histoire  de  la  création, 
formant  plusieurs  difHcultés  sur  chaque  mot, 
et  examinant  en  quel  sens  chaque  verset 
doit  être  entendu,  si  c'est  à  la  lettre  ou  dans 
un  sens  figuré.  Sur  le  verset  19,  oîi  nous  li- 
sons :  £t  Dieu  dit  que  la  lumière  se  fasse,  et 
la  lumière  fut  faite,  il  s'exprime  ainsi  : 
«  C'est  une  opinion  téméraire  de  croire  que 

i  August.  lib.  IX  De  Gen.  ad  litt.  cap.  xn. 
2  Lib.  I  Retract,  cap.  xvni. 


quelque  chose  commence ,  ou  prenne  fin  en 
Dieu,  si  l'on  prend  ces  termes  à  la  rigueur  et 
si  l'on  veut  parler  exactement  ;  on  peut  néan- 
moins passer  ces  façons  de  parler  aux  petits 
et  aux  faibles,  dans  l'espérance  qu'ils  les  quit- 
teront un  jour  lorsqu'ils  seront  mieux  ins- 
truits. Car  tout  ce  qu'on  dit  que  Dieu  com- 
mence ou  finit,  ne  doit  point  s'entendre  dans 
Dieu  même,  mais  dans  sa  créature,  qui  lui 
obéit  d'une  manière  admirable.  » 

§  m. 

Des  douze  livres  sur  la  Genèse  à  la  lettre. 

1.  En  401  ,  saint  AusTistin   entreprit  de      i-^s  12  ij- 

'-'  ^  vres     sur     la 

nouveau  l'explication  de  l'histoire  de  la  créa-  ccntee,  écrits 

■*-  en  101  publies 

tion,  et  composa  d'abord  onze  livres  sur  le  ""■'  '"'  "^ 
commencement  de  la  Genèse  jusqu'au  vingt- 
deuxième  verset  du  chapitre  troisième,  c'est- 
à-dire  jusqu'à  l'endroit  où  il  est  dit  qir'Adam 
fut  chassé  du  paradis.  Depuis,  il  y  en  ajouta 
un  douzième  sur  le  paradis,  où  il  examine 
fort  au  long  de  quelle  manière  nous  voyons 
les  choses  corpoi'elles  des  yeux  de  l'esprit  \ 
Son  dessein  dans  cet  ouvrage  ,  n'est  pas  de 
développer  les  mystères  contenus  dans  le 
texte,  mais  seulement  de  montrer  qu'il  ne 
renferme  rien  qui  ne  puisse  être  véritable  à 
la  lettre,  ni  qui  soit  contraire  à  ce  que  nous 
connaissons  par  les  lumières  de  la  raison, 
et  que  ce  qui  pourrait  nous  y  paraître 
superflu,  est  nécessaire  pour  l'intelligence 
du  mystère.  Dans  ses  livres  des  Rétracta- 
tions^ il  parle  ainsi  :  «  Cet  ouvrage  est  in- 
compai'ablement  meilleur  que  celui  que  j'ai 
fait  étant  prêtre ,  c'est-à-dire  que  le  Livre 
imparfait  sur  la  Genèse^ ;  toutefois,  j'y  cher- 
che plutôt  la  vérité  en  beaucoup  de  choses 
que  je  ne  la  trouve,  et  lors  même  que  je 
l'ai  trouvée,  je  ne  la  représente  pas  ordinai- 
rement comme  certaine,  réservant  le  plus 
souvent  la  solution  des  difficultés  à  une  plus 
ample  discussion.  Je  fais  voir  '  plutôt  le  be- 
soin que  j'ai  d'être  éclairé  moi-même  sur 
tous  les  eudj'oifs  où  j'hésite,  que  je  ne  dé- 
cide ce  qu'il  faut  croire  en  des  matières  si 
embarrassées.  »  C'est  ainsi  qu'il  nous  ap- 
prend par  là  à  ne  point  assurer  avec  témé- 
rité ce  que  nous  ne  savons  pas.  Quelques 
instances  que  lui  tissent  ses  amis  de  publier 
cet  ouvrage,  il  le  garda  longtemps  sans  le 
donner,  afin  de  le  perfectionner  dans  ses 


3  Lib.  H  Retract,   cap, 
Gen.,  ad  litl.  cap.  i. 


Lib.  XII  De 


[iv°  ET  r  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIxN, 

moments  de  loisir,  et  d'y  corriger  ce  qui  lui 
paraîtrait  défectueux.  Il  le  place  dans  ses 
Rétractations  '  après  les  écrits  qu'il  avait 
composés  en  400,  ce  qui  fait  voir  qu'il  l'a- 
vait achevé  dès  l'an  401.  Mais  il  paraît  qu'il 
ne  le  rendit  public  qu'après  sa  seconde  let- 
tre à  Évodius^,  c'est-à-dire  vers  l'an  415. 
Go  qu'il  y  a       2.  Il  Y  suit  à  pou  près  la  même  méthode 

'e    remarqua-  *'  «    .  f         /-»       » 

i^iivrc?  S"  1*^^  dans  le  Livre  imparfait  sur  la  Genèse, 
'*■  '  expliquant  tous  les  mots  du  texte,  et  se  pro- 
posant un  grand  nombre  de  questions  dont 
il  résout  quelques-unes,  et  laisse  les  autres 
sans  solution.  Selon  saint  Augustin,  dans 
Livro  pic-  tous  les  Livres  saints  nous  devons  considérer 
les  biens  éternels  qui  y  sont  désignés,  les 
faits  qui  y  sont  rapportés ,  les  choses  futu- 
res qui  y  sont  prédites,  et  les  règles  qui  y 
sont  prescrites,  ou  les  avis  qui  y  sont  don- 
nés pour  la  conduite  de  la  vie  ;  dans  le  récit 
des  choses  passées,  nous  pouvons  examiner 
si  ce  sont  seulement  de  simples  figures,  ou 
si  nous  sommes  obligés  de  les  soutenir  com- 
me des  vérités  historiques.  Les  trois  person- 
nes de  la  sainte  Trinité  sont  marquées  dans 
les  deux  premiers  versets  ,  où  nous  Usons 
qu'au  commencement  Dieu  créa  le  ciel  et  la 
terre,  et  que  l'esprit  de  Dieu  était  porté  sur 
les  eaux  :  le  Père  est  désigné  par  le  nom  de 
Dieu,  le  Fils  par  le  terme  de  principe  ou  de 
commencement  et  le  Saint-Esprit,  par  l'es- 
prit qui  était  porté  sur  les  eaux.  «  Il  y  était 
porté,  dit-il,  non  comme  dans  un  lieu  et  dans 
un  espace  corporel  ;  mais  il  était  au-dessus 
des  eaux  par  la  souveraineté  de  sa  puissance 
infinie  ,  pour  en  former  tout  ce  qu'il  y  a  de 
grand  et  d'admirable  dans  le  ciel  et  dans  la 
terre,  comme  l'esprit  d'un  savant  architecte 
est  élevé  au-dessus  d'un  grand  amas  de 
pierres,  dont  il  doit  former  un  palais,  selon 
toutes  les  règles  de  son  art.  »  Il  approuve 
aussi  bien  que  saint  Basile  l'explication  d'un 
docte  syrien ,  qu'on  croit  être  saint  Ephrem, 
qui  au  lieu  de  dire  que  l'Esprit  était  poi-té 
sur  les  eaux,  lisait  :  Il  se  reposait  sur  les  eaux, 
comme  pour  les  animer  en  quelque  sorte  par 
sa  vertu  et  sa  fécondité  divine,  et  pour  en 
produire  toutes  les  créatures-  de  l'univers  ; 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  203 

comme  un  oiseau  se  repose  sur  ses  œufs,  et 
les  anime  peu  à  peu  pour  en  faire  éclore  les 
petits.  Faisant  réflexion  sur  ces  paroles  : 
Que  la  lumière  soit  faite  :  la  lumière  fut  faite, 
la  lumière  plut  à  Dieu,  le  saint  évéque  dit  : 
«  Dieu  commande  comme  Dieu  ;  il  fait  ce 
qu'il  a  dit,  comme  tout-puissant;  il  approuve 
ce  qu'il  a  fait,  comme  infiniment  bon.  » 

3.  Il  raconte  qu'un  auteur  qui  écrivait  de    W'™'i'!i",'iiJ- 

-•■  J-  me,  pag;.  13It 

son  temps,  ne  pouvant  répondre  à  l'objec- 
tion qu'on  bii  faisait,  que  l'eau  étant  natu- 
rellement plus  pesante  que  l'air,  ne  pour- 
rait pas  demeurer  ainsi  suspendue  au-des- 
sus de  l'air,  du  ciel  et  des  étoiles,  se  tira  de 
cette  difficulté,  en  disant  qu'il  fallait  enten- 
dre par  le  firmament ,  non  le  ciel  où  sont 
les  étoiles,  mais  l'air  où  sont  les  oiseaux, 
qui  est  appelé  ciel  dans  l'Écriture ,  et  dans 
le  langage  ordinaire  des  hommes.  Ce  Père 
approuve  en  quelque  manière  cette  solu- 
tion ;  elle  lui  paraît  pi-opre  à  expliquer  sans 
peine  comment  le  firmament  ou  le  ciel, 
c'est-à-dire,  l'air  où  volent  les  oiseaux,  avait 
au-dessus  de  soi  les  eaux  plus  légères  des 
vapeurs  qui  s'élèvent  de  la  terre  en  haut,  et 
d'où  les  pluies  se  forment  ;  et  au-dessous 
de  soi  les  eaux  plus  grossières  de  la  mer  et 
des  fleuves  qui  sont  sur  la  terre  ;  et  com- 
ment il  est  vrai  de  dire  que  le  ciel,  c'est-à- 
dire  l'air,  divise  les  eaux  d'avec  les  eaux.  Il 
témoigne  toutefois  qu'il  ne  pouvait  s'y  arrê- 
ter, parce  que  quelque  ingénieuse  que  fût 
cette  pensée,  l'autorité  de  la  parole  de  Dieu 
doit  être  infiniment  plus  considérable  à  une 
âme  vraiment  clu-étienne,  que  tous  les  rai- 
sonnements de  l'esprit  humain,  toujours  fai- 
bles et  souvent  très-faux  ;  que  la  pesanteur 
naturelle  des  eaux  ne  doit  pas  nous  empê- 
cher de  croire,  que  Dieu  ne  les  ait  pu  pla- 
cer en  un  heu  au-dessus  du  firmament, 
comme  il  est  dit  dans  l'Écriture.  Tout 
corps  quelque  petit  qu'il  soit  lui  sem- 
ble divisible  à  l'infini.  La  raison  qu'il  en 
donne,  est  que  toute  partie  d'un  corps  est 
un  corps  elle  -  même ,  et  que  tout  corps 
a  nécessairement  sa  moitié,  c'est-à-dire 
qu'il  est  divisible  en  deux.  A  l'imitation  des 


'  Lib.  III  Retract,  cap.  xxiv. 

2  Le  cardinal  Maï  a  publié  dans  le  toiu.  I  de  la 
Bibliothèque  nouvelle,  2«  partie,  pag.  U9-lo0  les 
chapitres  ou  sommaires  des  douze  livres  sur  la 
Genèse  e  codice  sessoriano  du  6«  ou  7=  siècle.  Ces 
sommaires  sont  de  la  même  écriture  que  tout 
l'ouvrage;  s'ils  ne  sont  pas  de  saint  Augustin,  ils 
lui  sont  presque  contemporains  et  doivent  par  con- 


séquent être  mis  en  tête  de  ces  livres  par  les 
futurs  éditeurs.  Jusqu'à  présent  ils  ont  été  ignorés. 
On  y  voit  que  les  divisions  des  livres  et  des  cha- 
pitres sont  différentes  de  celles  des  livres  impri- 
més; celles  du  i'^'  livre  qui  étaient  au  nombre  de 
23  manquent,  deux  feuilles  ayant  été  égarées. 
Voyez  Maï,  ibid.,  pag.  119  et  Annales  de  philosophie 
chrétienne,  tom.  X  et  VllI,  pag.  228.  {L'éditeur.) 


204 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Livie  Iroisi 
nie,  img.  J 


philosophes,  dit  saint  Augustin ,  on  pourrait 
former  plusieurs  questions  sur  les  cieiix,  et 
demander  combien  il  y  en  a,  quelle  est  la  ma- 
tière, la  figure  et  le  mouvement  des  astres  que 
Dieu  y  a  placés  ;  mais  Moïse  qui  était  rempli 
de  l'esprit  de  Dieu,  et  qui  savait  certainement 
tout  ce  qui  peut  y  avoir  de  véritable  et  de  so- 
lide dans  la  connaissance  du  ciel  et  des  as- 
tres, n'ayant  point  traité  ces  questions  dans 
un  livre  destiné  plutôt  à  guérir  qu'à  satisfaire 
cette  avidité  inquiète  de  tout  savoir,  il  ne 
voulait  pas  s'y  arrêter  lui-même.  Les  savants 
du  siècle  avaient  traité  toutes  ces  choses 
avec  beaucoup  d'ostentation  ;  mais  ceux  à 
qui  Dieu  à  confié  la  dispensation  de  ses 
Ecritures,  ont  cru  au  contraii'e,  avec  beau- 
coup de  pmdence,  qu'ils  n'en  devaient  point 
parler,  parce  que  ces  connaissances  sont 
non-seulement  inutiles  aux  hommes,  pour 
les  l'endre  heureux ,  mais  qu'elles  leur  sont 
encore  nuisibles  en  leur  dérobant  le  temps 
qui  leur  devrait  être  si  précieux,  et  qu'il  est 
de  leur  intérêt  d'employer  à  des  choses  sa- 
lutaires. Quant  à  l'astrologie  Judiciaire  et 
au  destin  que  quelques-uns  faisaient  dépen- 
dre des  astres,  il  rejette  ces  opinions  comme 
contraires  à  la  foi ,  puisqu'en  les  admettant, 
dit-il,  c'est  tarir  la  source  de  la  prière,  et 
donner  lieu  d'accuser  Dieu  d'être  auteur  du 
mal  comme  créateur  des  étoiles.  Il  réfute 
ces  erreurs  par  l'exemple  do  Jacob  et 
d'Esaii,  qui  quoique  jumeaux,  eurent  un  sort 
fort  différent.  «  Tout  bon  chrétien,  dit-il, 
doit  se  défier  de  tous  les  tireurs  d'horos- 
copes, et  de  tous  les  devins,  principalement 
quand  ils  disent  vrai ,  de  crainte  qu'ils  ne 
jettent  l'âme,  trompée  par  le  commerce  des 
démons,  dans  une  espèce  de  pacte  qu'elle 
atirait  contractée  par  la  société  qu'elle  au- 
rait eue  avec  ces  gens-là.  » 
iè-  Ce  Père  ci'oit  avec  beaucoup  d'autres  an- 
ciens, que  les  oiseaux  tirent  leur  origine  de 
l'eau,  n  raconte  comme  une  chose  extraor- 
dinaire, qu'U  y  avait  une  fontaine  auprès  de 
Bulle-Royale,  dont  les  poissons  avaient  cou- 
tume de  suivre  ceux  qui  se  promenaient  à 
l'entour,  parce  que  ceux  qui  y  venaient,  leur 
jetaient  assez  souvent  quelque  chose  à  man- 
ger, et  il  dit  qu'il  en  avait  lui-même  été  té- 
moin. Il  ne  s'oppose  pas  au  sentiment  de 
ceux  qui  donnent  aux  démons  un  corps 
aérien  et  semble  croire  qu'avant  leur  pé- 
ché, ils  avaient  un  corps  céleste;  mais  qu'en 
punition  de  leur  prévarication  ils  en  reçu- 
rent lui  d'air  afin  qu'ils  pussent  être  toui- 


mentés  par  le  feu.  Ces  mots  :  Faisons  l'hom- 
me à  notre  image  et  à  notre  ressemblance,  lui 
indiquent  la  sainte  Trinité,  et  il  fait  consis- 
ter la  ressemblance  de  Dieu  avec  l'homme, 
dans  le  don  de  la  raison ,  que  Dieu  lui  a  ac- 
cordé, pour  le  distinguer  des  autres  créa- 
tures, qui  ne  sont  point  raisonnables. 

4.  «  Si  Dieu,  dit  saint  Augustin,  cessait 
d'opérer  dans  les  créatures,  elles  n'auraient 
aucun  mouvement,  elles  cesseraient  elles- 
mêmes  d'être  :  car  il  n'en  est  pas  du  monde 
comme  d'un  bâtiment,  qui  subsiste  quoique 
l'architecte  n'y  fasse  plus  rien  ;  si  Dieu  ces- 
sait de  gouverner  ce  monde,  il  ne  durerait 
pas  un  clin  d'œil.  »  Il  trouve  beaucoup  de 
ditficulté  à  concevoir  comment  Dieu,  qui  a 
tout  fait  avec  une  facilité  incompréhensible, 
et  qui  en  son  action  même,  est  toujours  de- 
meuré dans  la  stabihté  de  son  repos  éternel, 
n'a  néanmoins  sanctifié  (jue  le  septième 
jour  auquel  il  s'est  reposé,  après  avoir 
achevé  tous  ces  grands  ouATages.  La  raison 
qu'il  rend  de  cette  conduite  est  celle-ci  : 
«  Dieu  n'ayant  tiré  du  néant  les  créatures 
que  pour  exercer  sa  bonté  envers  elles,  il 
n'a  sanctifié  ni  le  premier,  ni  le  dernier  jour 
de  la  création,  mais  le  septième  auquel  il 
est  entré  dans  son  repos,  pour  nous  faire 
voir  que  ce  n'est  point  hors  de  lui,  mais  en 
lui-même  qu'il  trouve  sa  félicité  et  sa  gran- 
deur; et  pour  nous  apprendre  encore  qu'il  a 
formé  toutes  les  créatures  sans  avoir  aucun 
besoin  d'elles;  qu'il  était  aussi  grand  et  aussi 
heureux  avant  de  les  avoir  créées,  qu'après. 
Il  met  rme  grande  différence  entre  la  con- 
naissance de  chaque  chose  dans  le  Verbe  de 
Dieu,  et  la  connaissance  de  cette  même  cho- 
se dans  sa  nature  :  «  En  comparaison ,  dit- 
il,  de  cette  lumière  par  laquelle  on  voit  dans 
le  Verbe  de  Dieu,  toute  lumière  qui  nous 
fait  connaître  les  créatures  en  elles-mêmes, 
peut  être  appelée  ténèbres.  »  Aussi  veut-il 
que  les  saints  anges  connaissent  les  créa- 
tures dans  le  Verbe,  n  ne  croit  pas  qu'on 
doive  regarder  les  join-s  de  la  création 
comme  semblables  aux  nôtres,  c'est-à-dire, 
mesurés  par  le  cours  du  soleil;  son  senti- 
ment est  que  Dieu  a  tout  créé  en  même 
temps.  11  ne  le  propose  néanmoins  qu'eu 
doutant,  et  en  laissant  aux  autres  la  liberté 
de  penser  autrement,  se  fondant  pour  pen- 
ser ainsi  lui-même,  sur  ce  qui  est  dit  dans 
l'Écriture,  que  Dieu  a  créé  tout  ensemble. 

5.  Les  anges  sont  l'ouvrage  du  premier 
jour,  et  lem"  création  paraît  marquée  par 


Livre 

îrîèmo  , 
lo9. 


qua- 
pa(r. 


LiM-e  ci 
quième,  pa 


[iv"  ET  V  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


205 


Livre 
me,  p:<{ 


septiè- 
;.  211. 


!  Ijuiliè- 
IS.  22(i. 


celle  de  la  lumière.  Ils  connaissent  non-seu- 
lement ce  qui  est  caché  dans  Dieu,  mais  en- 
core ce  qui  se  fait  ici-bas  ;  ils  connaissent  le 
mystère  du  l'oyaume  des  cieux,  qui  nous  à 
été  aussi  révélé  dans  le  temps  marqué  pour 
notre  salut,  et  ils  savent  que,  délivrés  un 
jour  de  cet  exil,  nous  leur  serons  associés 
dans  la  gloire.  Toutes  les  créatures  étaient 
connues  de  Dieu,  même  avant  qu'il  les  eût 
faites  ;  mais  elles  n'étaient  connues  que  dans 
sa  science  et  non  en  elles-mêmes.  C'est 
peut-être  en  cette  manière  qu'il  connaissait 
Jérémie  avant  qu'il  fût  formé  dans  le  sein 
de  sa  mère,  quoique  Dieu  ait  pu  aussi  le  con- 
naître dans  des  causes  plus  prochaines , 
comme  dans  Adam  qui  a  été  la  racine  et 
et  l'origine  de  tous  les  hommes.  Il  y  a  eu 
toutefois  cette  différence  entre  le  corps  d'A- 
dam et  les  nôtres,  que  celui  d'Adam,  quoique 
sujet  à  la  mort,  pouvait  ne  pas  mourir, 
s'il  n'eût  pas  péché;  au  lieu  que  le  nôtre, 
à  cause  du  péché  que  nous  tirons  de  ce  pre- 
mier père,  est  dans  la  nécessité  de  mourir. 
Quant  à  l'âme  que  l'Ecriture  appelle  un 
soufle  de  vie,  Dieu  ne  la  tira  point  comme 
il  avait  tiré  le  corps ,  de  quelque  matière 
déjà  existante,  mais  il  la  créa  du  néant.  Au- 
tant Dieu  est  élevé  au-dessus  des  créatures, 
autant  l'âme  surpasse  en  dignité  les  choses 
corporelles.  Elle  fait  tellement  partie  de 
l'homme,  qu'elle  ne  peut  passer  de  lui  dans 
les  bêtes,  quoique  l'homme,  par  la  corrup- 
tion de  ses  mœurs,  puisse  leur  devenir  sem- 
blable en  quelque  manière,  ainsi  que  le  dit 
l'ÉcriLure.  Dieu  en  mettant  une  âme  dans  le 
corps  qu'il  avait  formé,  soufle  sur  son  vi- 
sage comme  sur  la  partie  la  plus  noble  du 
corps,  où  est  le  siège  de  tous  les  sens,  et 
d'où  ils  se  distribuent  dans  toutes  les  par- 
lies  du  corps.  Comme  il  nous  est  naturel  de 
souhaiter  de  vivre,  il  l'est  à  l'âme  d'être  unie 
au  corps. 

6.  Quelques-uns  soutenaient  que  l'on  de- 
vait expliquer  selon  la  lettre,  le  paradis  ter- 
restre où  Dieu  mit  l'homme  qu'il  avait  for- 
mé, et  qu'il  ne  signifiait  rien  selon  l'esprit. 
D'autres  au  contraire,  croyaient  que  le  pa- 
radis terrestre  n'était  qu'une  allégorie  ,  et 
qu'il  n'avait  jamais  existé.  Une  troisième 
opinion  était,  qu'on  pouvait  expliquer  en 
deux  manières  ce  que  Moïse  dit  de  ce  lieu. 
Saint  Augustin  donne  raison  à  ceux  qui 
soutiennent  que  le  paradis  terrestre  a 
été  véritablement  et  selon  la  lettre  ;  mais 
il  pense  qu'ils  se  trompent  en  s'imaginant 


qu'on  ne  puisse  pas  expliquer  d'une  manière 
spirituelle  et  édifiante,  ce  qui  en  est  dit.  Il 
répond  à  ceux  qui  regardent  le  paradis  ter- 
restre comme  une  pure  allégorie,  que  s'ils 
ont  du  respect  pour  l'Éghse  et  pour  les  li- 
vres saints,  ils  devraient  bien  considérer 
jusqu'où  les  pourraient  mener  sans  qu'ils 
s'en  aperçussent ,  les  conséquences  inévi- 
tables d'une  opinion  si  dangereuse.  «  Poui'- 
quoi,  en  effet,  dit-il,  serait-il  difiîcile  de 
croire  que  Dieu  ait  créé  le  paradis  terres- 
tre, c'est-à-dire,  un  jardin  délicieux,  plein  de 
beaux  arbres  et  d'excellents  fruits,  puisque 
nous  croyons  sans  peine,  qu'il  a  créé  dans 
le  monde  tant  de  grandes  forêts,  et  qu'il  a 
fait  tant  d'autres  merveilles,  comme  la  créa- 
tion de  l'homme  même  ?  »  Il  approuve  donc 
la  troisième  opinion  ,  et  consent  que  l'on 
donne  un  sens  spirituel  à  ce  qui  est  dit  du 
paradis  terrestre,  pourvu  que  l'on  reçoive 
pour  constante  la  vérité  de  cette  histoire. 
C'est  en  suivant  cette  règle  qu'il  explique  ce 
que  nous  en  lisons  dans  la  Genèse  ;  et  pour 
montrer  que  le  sens  figuré  n'exclut  point  le 
sens  littéral, {il  fait  remarquer  que  quoique  se- 
lonl'Apôtre,  Agar  et  Sara  aient  été  lesfigures 
de  l'ancienne  alliance  et  de  la  nouvelle,  il  ne 
s'ensuit  pas  pour  cela,  que  ce  qui  est  dit  de 
ces  deux  femmes  ne  soit  qu'une  parabole,  et 
n'ait  pas  été  effectivement  :  comme  il  ne 
s'ensuit  pas  que  la  pierre  dont  Moïse  fit  sor- 
tir une  somxe  d'eau,  n'ait  été  réellement 
une  pierre,  parce  qu'elle  a  été  selon  le  même 
apôtre,  la  figure  de  Jésus-Christ.  Quant  au 
lieu  où  le  paradis  terrestre  était  situé ,  il  ne 
veut  rien  décider;  «  il  vaut  mieux,  dit-il, 
douter  des  choses  obscures  que  de  disputer 
de  celles  qui  sont  et  seront  toujours  très-in- 
certaines ;  »  non-seulement  on  ne  sait  point 
où  était  ce  paradis  terrestre,  mais  encore, 
les  hommes  sont  très-incapables  de  le  con- 
naître. Selon  saint  Augustin  ,  la  culture  des 
plantes  et  des  arbres  auraient  été  l'occupa- 
tion du  premier  homme  dans  ce  jardin  de 
délices  où  il  avait  été  créé.  «  Qu'y  a-t-il  en 
effet,  dit-il,  ou  de  plus  innocent  que  cet  em- 
ploi pour  ceux  qui  ont  assez  de  temps  pour 
s'y  occuper,  ou  de  plus  propre  à  élever  l'es- 
prit à  Dieu,  pour  ceux  qui  ont  une  assez 
grande  lumière  pour  approfondir  cette  foule 
de  merveilles  sous  le  cours  ordinaire  de  la 
nature  ?  » 

7.  On  pourrait  demander  pourquoi  Dieu    ^'> 
ayant  uni  Adam  et  Eve  par  un  mariage  si 
saint,  ils  sortirent  néanmoins  vierges  du  pa- 


ivrcneuvlè- 
pag.  243. 


206 


HISTORE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


dis  terrestre  ?  Saint  Augustin  répond  qu'ils 
n'ont  pas  usé  du  mariage  dans  cet  état 
d'innocence,  premièi'ement ,  parce  que  la 
femme  ne  fut  pas  plus  tôt  formée  qu'elle 
tomba  dans  le  péclié;  secondement,  parce 
que  Dieu  ne  leur  avait  pas  commandé  d'en 
user.  «  On  peut  dire  avec  grande  raison, 
ajoute  ce  Père,  qu'il  ne  leur  serait  point 
venu  dans  la  pensée  d'user  du  mariage,  à 
moins  que  l'autorité  même  de  Dieu  ne  les  y 
eût  obligés;  parce  que  l'état  si  saint  où  ils 
avaient  été  créés,  n'était  pas  capable  de  la 
moindre  impression  de  cette  concupiscence 
ténébreuse  dont  les  sens  sont  aujourd'hui 
tout  enveloppés,  et  qu'il  n'y  avait  rien  ni 
dans  leurs  esprits  ni  dans  leurs  corps  qui 
leur  donnât  la  moindi'e  pente  à  cette 
concupiscence.  »  Il  ajoute  qu'Adam  ne  pro- 
nonça ces  paroles  de  la  Genèse  :  Voilà 
maintenant  l'os  de  mes  os  et  la  chair  de 
ma  chair,  que  par  une  lumière  qu'il  avait 
reçue  du  ciel.  Aussi  nous  voyons  qu'un 
peu  auparavant  Dieu  lui  avait  envoyé  un 
sommeil,  qui  fut  en  lui  comme  un  ravisse- 
ment et  une  extase,  afin  qu'étant  admis 
dans  la  compagnie  des  saints  anges,  il  en- 
trât dans  le  sanctuaire  de  Dieu,  et  qu'il  y 
apprît  le  grand  mystère  qui  ne  devait  s'ac- 
complir qu'à  la  fin  des  temps.  Sur  ces  paro- 
les :  L'homme  quittera  son  père  et  sa  mère,  et 
s'attachera  à  sa  femme  ;  et  ils  seront  deux  dans 
une  seule  chair ,  saint  Augustin  remarque 
que  Jésus-Christ  les  cite  dans  l'Évangile, 
comme  ayant  été  dites  par  Dieu  lui-même, 
pour  montrer  qu'Adam  les  a  prononcées 
comme  un  prophète,  après  les  avoir  apprises 
de  Dieu  dans  l'extase  où  cette  vérité  lui  fut 
révélée 
Lhredixiè-  8.  Il  s'étend  beaucoup  sur  la  nature  et 
me, pag.  t,o.  pQj,jgjjjg  ^jg  l'âmc ,  [saus  décider  ce   qu'il 

faut  en  croire.  Il  parait  néanmoins  favorable 
à  l'opinion  qui  veut  qu'une  âme  soit  produite 
par  une  autre  âme.  Mais  il  prouve  qu'elle 
n'est  point  une  partie  de  la  substance  de 
Dieu,  qu'elle  ne  tire  point  non  plus  son  ori- 
gine des  anges,  et  qu'elle  n'est  point  corpo- 
relle, ni  composée  de  divers  éléments.  Il 
croit  qu'elle  contracte  le  péché  originel, 
lorsque  unie  aussitôt  après  la  création  avec 
un  corps  impur,  elle  se  trouve  toute  appe- 
santie par  cette  union,  qui  lie  si  étroitement 


1  D.  Ceillier  a  sans  doute  voulu  dire  l'âuesse, 
couime  l'exprime  saint  Augustin  d'après  l'Écriture. 
{V  M  leur.) 


l'un  avec  l'autre,  qu'il  se  fait  comme  un 
débordement  de  la  corruption  du  corps 
dans  toutes  les  puissances  de  l'âme;  et  que 
cette  peste  contagieuse  l'infecte  et  la  rem- 
plit de  toute  part.  Il  prouve  par  la  coutume 
où  est  l'Éghse  de  baptiser  les  enfants,  qu'il 
croit  venir  de  la  tradition  des  apôtres,  que 
personne  n'est  exempt  de  ce  péché. 

9.  En  expliquant  le  troisième  chapitre  de  ^^l'^^^^/i^; 
la  Genèse ,  il  demande  pourquoi  Dieu  a  per- 
mis qu'Adam  fût  tenté.  A  quoi  il  répond, 
que  l'homme  n'eût  guère  été  digne  de 
louange,  s'il  n'eût  éprouvé  la  tentation.  «Sa 
chute,  ajoute-t-il,  a  servi  de  leçon  aux  pré- 
destinés, le  tentateur  ne  serait  point  venu  à 
bout  de  le  faire  tomber  dans  la  prévarica- 
tion, si  Adam  lui-même  ne  se  fût  dès  aupa- 
ravant laissé  emporter  à  un  mouvement 
d'orgueil.  Le  diable  aussi  est  tombé  par 
l'orgueil  ;  sa  chute  a  suivi  de  près  sa  créa- 
tion; en  sorte  qu'il  ne  s'est  passé  aucun 
temps  pendant  lequel  il  ait  vécu  heureux 
avec  les  saints  anges.  »  Saint  Augustin  sem- 
ble adopter  l'opinion  de  ceux  qui  croient 
que  le  démon  était  un  ange  inférieur  aux 
bons  anges,  et  que  Dieu  ne  lui  avait  pas 
fait  connaître  comme  à  ceux-ci,  s'il  persé- 
vérerait ou  non  dans  l'état  dans  lequel  Dieu 
l'avait  créé.  Il  croit  que  ce  fût  le  démon  qui 
forma  par  l'organe  du  serpent  les  sons  et 
les  paroles  par  lesquels  il  voulait  séduire 
la  première  femme";  que  c'est  lui  encore  qui 
parle  dans  les  possédés,  et  qui  leur  fait  dire 
des  choses  qu'ils  n'entendent  pas.  Mais  il  ne 
doute  pas  que  ce  ne  fût  un  bon  ange  qui 
parla  par  l'organe  de  l'âne  *  de  Balaam.  La 
conduite  d'Eve  lui  semble  renfermer  un 
grand  mépris  de  Dieu.  «  Car  si  elle  avait, 
dit-il ,  oubhé  cette  défense  si  expresse  qu'il 
leur  avait  faite,  quoique  cette  négligence 
eût  été  criminelle,  l'oubli  néanmoins  sem- 
blei'ait  avoir  quelque  chose  d'excusable  ; 
mais  elle  se  souvient  très-bien  de  ce  que 
Dieu  avait  dit  :  elle  le  rapporte  même  au 
serpent,  et  après  cela  elle  méprise  la  ma- 
jesté de  Dieu  qu'elle  devait  considérer 
comme  présente  dans  ce  commandement 
si  exprès  qu'il  lem-  avait  donné  lui-même, 
et  auquel  il  avait  attaché  l'hommage  dû  à  la 
puissance  suprême  qu'il  avait  sur  eux.  »  On 
trouve  encore  les  enseignements  suivants  : 
«  La  présence  de  Dieu  qui  faisait  toute 
la  joie  de  nos  premiers  parents  dans  l'état 
d'innocence,  devint  leur  supplice  après  leur 
péché  ;  ils  ne  purent  se  résoudre  h  exposer 


[IV'  ET  \'  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


207 


aux  yeux  si  pixrs  de  cette  majesté  suprême, 
leur  nudité,  qui,  étant  la  peine  honteuse 
de  leur  crime,  était  insupportable  à  leurs 
propres  yeux.  Le  son  de  la  voix  qui  se  fit 
entendre,  et  le  bruit  d'une  personne  qui  se 
promenait,  étaient  quelque  chose  de  corpo- 
rel, soit  qu'un  ange  revêtu  d'une  forme  hu- 
maine, et  représentant  Dieu  ait  parlé  ou  se 
soit  promené  de  cette  sorte;  soit  qu'il  ait 
fait  seulement  entendre  une  voix  et  un 
bruit  :  car  la  substance  de  Dieu  étant  in- 
visible et  toute  entière  partout  comme  un 
pur  esprit,  n'a  pu  paraître  aux  sens  corpo- 
rels d'Adam  et  d'Eve  par  un  mouvement 
attaché  à  un  certain  lieu,  et  qui  ait  passé 
avec  le  temps.  La  soumission  de  la  femme 
envers  son  mari  n'est  point  attachée  à  sa 
natm'e  ;  elle  est  une  peine  de  sa  prévarica- 
tion; néanmoins  si  l'on  ne  gai-dait  cet  ordre 
dans  l'état  malheureux  où  nous  nous  trou- 
vons réduits,  la  nature  se  déréglerait  davan- 
tage et  le  péché  se  multiplierait  encore  plus. 
Ces  paroles  de  Dieu  au  premier  homme  : 
Voilà  Adam  devenu  comme  l'un  de  nous,  sa- 
chant le  bien  et  le  mal,  n'étaient  pas  une  in- 
sulte, mais  un  avertissement  salutaire,  soit 
poui'  hii-même,  afin  qu'il  reconnût  combien 
son  orgueil  l'avait  trompé;  soit  pour  les  au- 
tres, afin  que  la  chute  et  la  punition  du  père 
devînt  la  terreur  et  l'instruction  de  tous  ses 
enfants.  Dieu  le  chassa  comme  par  une  es- 
pèce d'excommunication,  de  ce  jardin  déli- 
cieux, comme  l'Éghse,  qui  est  aujourd'hui 
le  paradis  de  la  terre ,  a  coutume  de  sé- 
parer selon  l'ordre  de  sa  discipline,  du  sa- 
crement visible  de  l'autel,  ceux  qui  ont  tué 
leur  âme  par  les  péchés.  Celui  d'Adam  ne 
fut  pas  comme  quelques-uns  l'ont  cru  d'avoir 
connu  Eve  avant  que  Dieu  le  lui  eût  or- 
donné; mais  il  pécha  plutôt  par  complai- 
sance pour  sa  femme,  ne  voulant  pas  l'at- 
trister eu  se  refusant  aux  instances  et  aux 
supplications  qu'elle  lui  faisait  de  manger 
du  fruit  défendu.  Au  reste  il  est  sans  appa- 
rence qu'il  se  soit  laissé  séduire  comme  sa 
femme,  aux  paroles  du  démon,  en  s'imagi- 
nant  que  Dieu  leur  avait  défendu  le  fnzit  de 
l'arbre  de  vie,  comme  par  une  espèce  d'en- 
vie, de  peur  qu'ils  ne  deviusent  semblables 
à  Dieu .  » 

Saint  Augustin  compare  la  faute  d'Adam 
à  ceUe  de  Salomon,  qui  consentit  à  l'impiété 
de  ses  femmes  étrangères,  jusqu'à  bâtir 
dans  Jérusalem  des  temples  à  lem's  idoles, 
non  qu'il  se  fût  laissé  séduire  à  leurs  sacri- 


lèges, s'imaginant  comme  eUes,  que  l'on 
pût  rendre  à  des  pierres  des  honneurs  di- 
vins; mais  parce  que,  transporté  pour  ces 
personnes  d'une  passion  aveugle  et  furieuse, 
il  aima  mieux  attirer  sur  lui  la  colère  de 
Dieu  par  le  violement  du  plus  grand  de  ses 
préceptes,  que  de  déplaii'e  à  celles  dont  il 
n'adorait  point  les  idoles,  mais  dont  il  était 
lui-même  idolâtre  dans  son  cœur. 

10.  Le  saint  Docteur  traite  fort  au  long  du 
paradis  ou  du  troisième  ciel  où  saint  Paul 
fut  ravi;  ce  qui  lui  donne  occasion  de  rap- 
porter un  grand  nombre  de  visions  et  de 
prédictions  extraordinaires  de  certaines  per- 
sonnes qui  n'étaient  point  inspirées  de  Dieu, 
et  qui  ne  laissaient  pas  d'annoncer  des  cho- 
ses qui  arrivaient  comme  elles  les  avaient  pré- 
dites. «Nous avons  connu,  dit-il,  un  homme 
tourmenté  par  l'esprit  impur ,  qui ,  ayant 
coutume  d'être  visité  par  un  prêtre,  avertis- 
sait du  temps  auquel  ce  prêtre  se  mettait 
en  chemin  pour  le  venir  voir,  quoique  ce  fût 
à  près  de  cinq  lieues  de  là.  Il  marquait  du- 
l'ant  toute  sa  route  en  quel  endroit  il  était , 
s'il  était  bien  proche ,  quand  il  entrait  dans 
le  viUage,  dans  sa  maison,  dans  sa  cham- 
bre. Il  fallait  que  ce  malade-,  pour  parler  si 
juste ,  vît  ces  choses  de  quelque  manière , 
quoiqu'il  ne  les  vît  pas  dès  yeux.  Il  avait  la 
fièvre,  et  il  disait  tout  cela  comme  un  fréné- 
tique qui  parle  sans  réflexion.  Peut-être 
était-il  effectivement  frénétique,  et  on  le 
croyait  à  cause  de  cela,  possédé  du  démon, 
n  ne  voulait  recevoir  aucune  nomi-iture  de 
tous  ceux  qui  étaient  avec  lui;  il  fallait  que 
ce  fût  ce  prêtre  qui  le  fît  manger.  On  avait 
toutes  les  peines  imaginables  à  le  retenir,  et 
il  n'y  avait  que  ce  prêtre  qui  le  pût  calmer. 
Quand  il  venait,  le  malade  se  tenait  en  repos, 
lui  obéissait  en  tout,  lui  répondait  avec  sou- 
mission. Le  pi'être ,  toutefois,  ne  le  pût  dé- 
livrer de  cette  extravagance  ou  de  ce  dé- 
mon ;  et  ce  mal  ne  le  quitta  point  qu'il  ne  fût 
guéri  de  sa  fièvre,  comme  cela  arrive  à  tous 
les  frénétiques. 

Ce  Père  raconte  aussi  qu'il  avait  connu 
un  autre  frénétique  qui  avait  prédit  la  mort 
d'une  femme  d'une  manière  fort  particu- 
lière, et  dont  la  prédiction  fut  entièrement 
vérifiée  par  l'événement.  Il  dit  qu'il  aiTÎve 
quelquefois  à  des  personnes  qui  veillent,  qui 
ne  sont  point  malades,  et  qui  ont  le  juge- 
ment sain  et  libre,  de  recevoir,  comme  par 
un  instinct  secret,  certaines  pensées  qui  les 
font  deviner,  soit  qu'elles  pensent  à  toute  au- 


Livrc  couzlè* 
nio  ,  paf.  298. 


208 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


I.,ps  Façon? 
(ie  parler  sut 
t  11  epl  a  1  e  II' 
<Iiie,paf.  rjfîfi. 
MTfi  l'ail  îI'J, 


tre  chose  qu'à  deviner,  comme  Gaïphe  qui 
prophétisa  sans  en  avoir  aucun  dessein  ;  soit 
qu'elles  en  aient  effectivement  la  volonté.  A 
cette  occasion,  il  rapporte  une  histoire  singu- 
lière de  quelques  jeunes  gens  qui,  en  faisant 
voyage,  voulurent,  pour  se  divertir,  faire  les 
astrologues,  sans  savoir  seulement  si  l'on 
comptait  douze  signes  dans  le  zodiaque.  Ils 
dirent  à  leur  hôte  tout  ce  qui  leur  vint  à  la 
bouche,  et  cet  homme  leur  avoua  que  tout 
ce  qu'ils  avaient  dit  était  vrai.  Comme  ils 
allaient  partir,  leur  hôte  leur  demanda  com- 
ment se  portait  son  fds  qui  était  absent  de- 
puis longtemps.  Ils  répondirent  sans  hésiter 
qu'il  se  portait  bien,  et  qu'il  était  près  de  la 
maison  :  en  effet,  il  ai'riva  dans  le  moment. 
Saint  Augustin  compare  ces  visions  à  celles 
qu'ont  ceux  qui  rêvent;  comme  celles-ci  sont 
quelquefois  fausses  et  quelquefois  vraies, 
souvent  agitées  et  souvent  tranquilles;  cel- 
les-là sont  aussi  quelquefois  confomies  aux 
événements  ;  quelquefois  elles  sont  aussi 
énoncées  d'une  manière  claire,  et  quelque- 
fois d'une  façon  plus  obscure  et  plus  em- 
barrassée. 

Il  traite  de  l'état  de  l'âme  après  la  mort, 
et  croit  qu'elle  est  alors  dégagée  de  toute 
sorte  de  corps;  qu'elle  est  punie  ou  récom- 
pensée suivant  ses  mérites. 

DES  FAÇONS  DE  PARLER  DES  SEPT  PREMIERS  LIVRES 
DE  LA  BIBLE. 

Bes  Questions  sur  la  Genèse,  l'Exode,  le  Lévi- 
tique,  les  Nom.bres,  le  Deutéronome,  Josué 
et  les  Juges. 

1.  On  met  vers  l'an  419,  les  sept  livres  des 
Locutions  ou  façons  de  parler,  sur  les  sept 
premiers  livres  de  l'Écriture,  le  Pentateuque, 
Josué  et  les  Juges,  et  sept  autres  de  questions 
sur  les  mêmes  livres.  Saint  Augustin  tra- 
vailla aux  uns  et  aux  autres  dans  le  même 
temps.  Il  met  néanmoins  ceux  des  Locutions 
les  premiers  dans  le  second  livre  de  ses  Ré- 
tractations ^  Mais  ce  qui  fait  voir  qu'il  ne 
ne  les  composa  qu'après  les  sept  livres  des 
Questions,  c'est  qu'il  cite  ces  Questions  ias- 
qu'à  trois  fois  ^,  dans  les  livres  des  Locutions. 
S'il  a  donc  placé  ceux-ci  les  premiers,  c'est 
ou  parce  qu'il  avait  commencé  de  les  dicter 


1  Lib.  H  Retract,  cap.  lfv.  —  ^  Lib.  11  De  Exod. 
locut,  62,  lib.  YII  de  Judic.  locut.  49  et  31. 


avant  les  Questions,  ou  qu'il  a  voulu  qu'on 
les  lût  dans  cet  ordre.  Les  livres  des  Locu- 
tions, sont  un  recueil  des  manières  de  par- 
ler particulières  à  l'Écriture,  qui  ne  viennent 
que  du  tour  propre  au  grec  ou  à  l'hébreu, 
et  qui,  étant  moins  usitées  dans  le  latin,  don- 
nent sujet  à  ceux  qui  n'y  prennent  pas  as- 
sez garde  d'y  chercher  des  sens  mystérieux. 
Pour  faire  entendre  aisément  un  grand  nom- 
bre d'endroits  qui  paraissent  obscurs  à  cause 
de  ces  expressions,  le  saint  Docteur  crut 
qu'il  n'y  avait  qu'à  remarquer  quel  sens  el-  :? 

les  avaient  dans  d'autres  endroits  où  le  sens 
était  facile,  pour  l'appliquer  aux  endroits  où 
il  est  moins  clair.  Il  prit  lui-même  la  peine 
de  recueillir  ces  idiotismes  ou  façons  de  par- 
ler particulières  des  cinq  livres  de  Moïse,  de 
Josué  et  des  Juges,  se  contentant  quelquefois 
de  marquer  ces  expressions,  et  d'autres  fois 
en  les  expliquant.  Cassiodore  ^  trouve  ces 
livres  admirables  :  «  Saint  Augustin,  dit-il, 
y  fait  voir  que  toutes  les  figures  du  discours 
que  les  grammairiens  et  les  orateurs  relè- 
vent si  fort,  ont  leur  origine  dans  l'Écriture, 
laquelle  a  toujours,  néanmoins,  conservé 
des  beautés  qu'aucun  des  doctes  de  ce  siè- 
cle n'a  pu  imiter  ;  ces  livres  servent  même  à 
nous  empêcher  de  corriger  témérairement 
comme  des  fautes  de  copistes,  des  expi-es- 
sions  consacrées  par  l'autorité  sainte  des 
Ecritures.  » 

2.  Cassiodore,  en  parlant  des  questions  de       oukiiom 

^  ^  sur  la  Genèse, 

saint  Augustin  sur  les  cinq  livres  de  Moïse,  çd.^*'»'  p»s- 
de  Josué  et  des  Juges,  dit  que  ce  grand  maî- 
tre de  la  doctrine  de  l'Église,  et  cet  amateur 
de  la  vérité  y  a  donné  à  un  grand  nombre 
de  difïicultés  des  éclaircissements  très-né- 
cessaires, travaillant  à  faire  que  ces  paroles 
divines  qui  ont  été  données  aux  hommes 
pour  le  salut  de  leurs  âmes,  ne  demeurassent 
point  par  ime  négligence  très-dangereuse, 
couvertes  de  ténèbres  cpii  les  rendissent  inuti-  j 

les.  Saint  Augustin'  fit  ses  sept  livres  des 
questions  en  lisant  les  saintes  Écritures,  et 
en  conférant  ensemble  les  divers  exemplaires 
des  Septante,  auxquels  il  joignait  les  versions 
d'Aquila  et  de  Théodotion,  et  quelquefois  '^^ 

aussi  la  version  latine  qui  avait  été  faite  sm- 
l'hébreu,  c'est-à-dire,  apparemment  celle  de 
saint  Jérôme.  Il  mit  par  écrit  toutes  les  diffi-  j 

cultes  qu'il  rencontra  dans  le  texte  de  l'É- 
critui'e,  se  contentantfl'en  marquer  les  unes, 


2  Cassiod. 
liag.  370. 


Inst.  cap.  I.  —  *   Quœst.  in  Gen. 


[IV«  ET  V"  SIÈCLES.] 

d'en  examiner  d'auti-es  en  passant,  et  de  ré- 
soudre celles-là  seulement  qu'il  pouvait 
éclaircir  sans  s'arrêter.  Car  son  dessein  n'é- 
tait pas  de  traiter  alors  les  choses  à  fonds  ; 
il  ne  voulait  que  décharger  sa  mémoire, 
pour  pouvoir  trouver  quand  il  voudrait,  ou 
les  difficultés  qu'il  y  avait  à  examiner,  ou 
les  solutions  qu'il  y  avait  déjà  données.  C'est 
pour  cela  qu'il  donna  le  nom  de  Questions 
à  cet  ouvrage.  Il  ne  laisse  pas  d'y  résoudre 
et  d'y  éclaircir  la  plupart  des  difficultés,  en 
priant  ses  lecteurs  de  ne  pas  se  dégoûter  du 
style  simple  d'un  ouvrage  fait  en  courant  ; 
mais  de  s'attacher  seulement  à  la  vérité, 
puisqu'on  ne  la  cherche  pas  pour  paiier, 
mais  qu'on  parle  pour  la  chercher.  Il  ne  dit 
rien  des  difficultés  qui  regardent  l'histoire 
de  la  création,  ni  de  ce  qui  se  passa  dans  le 
paradis  terrestre,  parce  qu'il  les  avait  déjà 
traitées  dans  ses  douze  livres  sur  la  Genèse. 
Il  ne  commence  qu'au  dix-septième  verset 
du  quatrième  chapitre  de  ce  livre,  où  nous 
Usons  que  Caïn  bâtit  une  ville. 

Après  avoir  fini  ces  questions  sur  l'Hepta- 
teuque,  il  commença  à  examiner  de-  même 
les  livres  des  Rois  '  ;  mais  il  fut  presque  aus- 
sitôt obligé  de  discontinuer  ce  travail  pour 
s'appliquer  à  d'autres  ouvrages  plus  néces- 
saires. Voici  ce  qu'on  peut  remarquer  dans 
ses  Questions  sur  la  Genèse.  Au  lieu  des  anges 
de  Dieu,  plusieurs  manuscrits  grecs  et  latins 
lisaient  les  enfants  de  Dieu  ;  ce  qui  sei'vait  à 
expliquer  ce  qui  est  dit  de  leur  mariage  avec 
les  filles  des  hommes.  Il  n'est  pas  surpre- 
nant qu'il  soit  né  en  ce  temps-là  des  géants 
de  cette  alliance,  puisque,  dans  le  siècle  où 
il  écrivait,  on  voyait  encore  des  corps  non- 
seulement  d'hommes,  mais  aussi  de  femmes 
d'une  grandeur  démesurée.  La  coudée  dont 
Noé  s'était  servi  dans  les  dimensions  de  l'ar- 
che, ayant  été,  selon  Origène,  une  coudée 
géométrique,  plus  grande  six  fois  que  l'or- 
dinaire, il  n'est  pas  étonnant  que  l'arche  ait 
été  assez  grande  pour  renfermer  tout  ce  que 
l'Écriture  dit  que  Noé  y  fit  entrer.  Quoique 
les  eaux  ne  fussent  pas  encore  séchées  lors- 
que Noé  fit  sortir  le  corbeau  de  l'arche,  cet 
animal  put  néanmoins  subsister,  parce  qu'il 
trouva  apparemment  des  corps  morts  sur 
lesquels  il  se  l'eposa  et  dont  il  se  nourrit. 
Pharaon,  roi  d'Egypte,  fut  empêché,  par  les 
plaies  dont  Dieu  le  frappa,  de  corrompre  la 
pureté  de  Sara  ;  on  ne  peut  nier  que  le  nom 

'  Lib.  II  Retract.,  cap.  lv. 
IX. 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


209 


de  juste  n'ait  pu  être  donné  à  Lot  en  une 
certaine  manière,  c'est-à-dire  en  ce  qu'il 
était  comme  Abraham,  adorateur  du  vrai 
Dieu,  et  en  ce  que,  demeurant  avec  les  ha- 
bitants de  Sodome,  il  consei'va  une  extrême 
horreur  des  abominations  de  cette  ville,  bien 
loin  d'être  tenté  de  les  imiter.  On  ne  voit  pas 
bien  de  quelle  manière  Rébecca  consulta  le 
Seigneur,  parce  qu'il  n'y  avait  alors  ni  tem- 
ple ni  prêtre,  si  ce  n'est  qu'elle  ait  été  au 
lieu  où  Abraham  avait  dressé  un  autel  ;  mais 
on  peut  crune  que  Dieu  lui  parla  en  la  ma- 
nièi'e  que  l'Ecriture  nous  enseigne  qu'il  a 
fait  en  d'autres  rencontres,  en  lui  révélant 
par  un  ange,  ou  en  songe,  ou  autrement,  que 
ce  qui  se  passait  en  elle  était  un  mystère. 
Une  conduite  particulière  de  la  providence 
de  Dieu  permit  qu'Ésaii  se  retirât  d'avec  Ja- 
cob son  frère,  et  allât  en  un  autre  pays;  c'é- 
tait afin  que  Jacob  demeurât  paisible  pos- 
sesseur de  la  terre  de  Chanaan  que  Dieu  lui 
avait  pi'omise.  Joseph  ne  mentit  pas  à  ses 
frères  en  les  accusant  de  lui  avoir  volé 
ime  coupe  qu'il  avait  fait  mettre  exprès  à 
l'entrée  du  sac  du  plus  jeune,  parce  que 
ce  patiiarche  put  parler  ainsi  en  riant,  et 
que  ce  qui  se  dit  de  la  sorte  ne  passe  point 
pour  un  mensonge,  parce  qu'il  se  prononce 
d'une  telle  manière  qu'on  donne  assez  à  en- 
tendre que  l'on  ne  veut  point  l'assurer  com- 
me véritable.  On  ne  peut  accuser  Joseph  de 
n'avoir  point  assez  ménagé  ses  frères  en  cette 
occasion;  au  contraire,  il  se  conduisit  envers 
eux  avec  une  grande  prudence,  n'ayant  dif- 
féré leur  bonheur  que  pour  l'augmenter  et 
pour  le  leur  rendre  plus  sensible  ;  il  ne  faut 
pas  croire  que  les  Septante  interprètes  que  l'É- 
glise a  coutume  délire,  aient  erré,  lorsqu'en 
parlant  de  la  ruine  de  Ninive,  ils  ont  mis 
trois  jours  au  lieu  de  quarante  ;  ils  n'igno- 
raient pas  que  le  texte  hébreu  portait  qua- 
rante  ;  s'ils  ont  mis  trois,  ils  l'ont  fait  par 
une  inspiration  particulière  de  l'esprit  pro- 
phétique qui  les  a  dirigés  dans  leur  traduc- 
tion. 

3.  Les  Actes  des  apôtres  rapportent  que  ,„  'îïxôdT, 
Moïse  voyant  qu'on  faisait  injure  à  l'un  de  ^%tfyn,^r', 
ses  frères,  le  défendit  et  le  vengea  en  tuant 
l'égyptien  qui  l'outrageait.  Saint  Augustin , 
frappé  de  ces  paroles,  en  conclut  que  ce  lé- 
gislateur avait  reçu  dès  lors  un  ordre  de 
Dieu  pour  être  le  chef  et  le  libérateur  de 
son  peuple,  et  que  cet  ordre  lui  donnait  le 
pouvoir  de  faire  justement  une  action  si 
hardie.  Selon  ce  Père  on  doit  prendi'e  à  la 

14 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


210 

lettre  ces  paroles  :  J'ai  entendu  les  cris  de  mon 
peuple,  au  lieu  qne  celles-ci  :  Le  cri  des  péchés 
de  Sodome  était  monté  jusqu'à  Dieu,  doivent  au 
contraire  se  prendre  dans  un  sens  figuré  : 
elles  marquent  l'excès  du  débordement  de 
cette  ville,  qui  s'était  emportée  à  toute  sorte 
de  crimes,  sans  qu'il  lui  restât  aucune  pu- 
deur à  l'égard  des  hommes,  ni  aucune 
crainte  de  la  justice  de  Dieu.  On  voit  dans 
ces  puroles  de  Dieu  à  Moïse  :  Je  serai  dans 
votre  bouche,  et  je  vous  aj^prendrai  ce  que  vous 
aurez  à  dire,  deux  effets  de  la  grâce  de  Dieu, 
dans  la  manière  dont  il  conduit  ses  minis- 
tres :  car,  non-seulement  il  est  dans  leur 
cœur  pour  les  éclairer  et  pour  les  instruire  ; 
mais  il  est  encore  dans  leur  bouche  pour 
former  et  régler  toutes  leurs  paroles.  Il  ne 
dit  pas  :  Ouvrez  vous-même  votre  bouche  et 
je  vous  instruirai;  mais  il  promet  les  deux 
ensemble  :  J'ouvrirai  votre  bouche,  et  je  vous 
instruirai.  Quoiqu'il  soit  dit  que  le  Seigneur 
se  fâcha  contre  Moïse,  on  ne  doit  pas  croire 
qu'il  se  soit  fâché  effectivement,  mais  qu'il 
le  reprit  simplement  d'appréhender  avec 
excès  le  défaut  de  langue  dont  il  se  plai- 
gnait, sans  considérer  qu'il  avait  son  frère 
Aaron  qui  parlait  avec  facilité,  et  sur  lequel 
il  pourrait  se  reposer  de  tout  ce  qu'il  aurait 
à  dire  au  peuple  ou  à  Pharaon  de  la  part  de 
Dieu.  Il  ne  faut  pas  non  plus  regarder  ces 
paroles  de  Moïse  à  Dieu  :  Seigneur,  pourquoi 
m'avez-vous  envoyé  ?  comme  des  paroles  de 
plaintes  :  Moïse  en  parlant  ainsi,  offrait  à 
Dieu  ses  prières  et  lui  demandait  ses  ordres. 
Aussi  Dieu  dans  sa  réponse  ne  l'accuse 
point  comme  ayant  peu  de  foi,  mais  il  lui 
apprend  ce  qu'il  a  dessein  de  faire. 

Saint  Augustin  remarque  en  parlant  des 
prodiges  que  firent  les  magiciens,  que  les 
démons  peuvent  rassembler  et  tempérer  de 
telle  sorte  les  semences  des  choses  cachées 
dans  le  secret  de  la  nature,  qu'il  en  sorte 
des  effets  tout  extraordinaires  ;  mais  que 
Dieu  seul  est  le  créateur  et  la  première 
cause  de  ces  causes  secondes,  sur  lesquelles 
les  démons  peuvent  agir.  Quand  Dieu  dit  à 
Moïse  :  Pharaon  ne  vous  écoutera  point,  afin 
qu'il  se  fasse  un  grand  nombre  de  prodiges 
dans  l'Egypte,  c'est  comme  s'il  lui  avait  dit  : 
Quelques  prodiges  que  vous  fassiez  devant 
Pharaon,  il  demeurera  inOexible,  mais  je 
me  servirai  de  son  endurcissement  pour 
l'instruction  de  mon  peuple ,  afin  qu'il  ap- 
prenne par  les  plaies  dont  je  frapperai  ce 
piince,  à  me  craindre  et  à  m'obéir.  Dieu,  en 


cette  occasion,  usa  en  bien  de  la  dureté  do 
cœur  de  Pharaon,  mais  Pharaon  abusa  de 
la  patience  de  Dieu.  La  gloire  que  Dieu  s'ac- 
quiert par  l'usage  saint  qu'il  fait  de  la  ma- 
lice des  méchants,  sert  à  ceux  qu'il  a  rendus 
les  vases  de  sa  miséricoi'de,  et  leur  apprend 
à  plaindre  ceux  qui  se  sont  rendus  eux-mê- 
mes les  vases  de  sa  colère.  On  ne  doit  pas 
compter  les  quatre  cent  trente  ans  qui  s'é- 
coulèrent entre  l'alliance  faite  avec  Abraham 
et  la  publication  de  la  loi,  depuis  qu'Israël 
entra  en  Egypte  ;  mais  depuis  que  Dieu 
commanda  à  Abraham  de  sortir  de  son  pays 
pour  venir  en  la  terre  qu'il  lui  montrerait. 
//  est  écrit  :  Le  Seigneur  dit  à  Moïse,  pour- 
quoi criez-vous  vers  moi  ?  L'Écriture  toutefois 
ne  marque  point  que  Moïse  ait  alors  parlé  à 
Dieu.  Mais  si  sa  bouche  était  muette,  son 
cœur  parlait. 

Saint  Augustin  n'est  pas  du  sentiment  de 
ceux  qui  font  Jéthro  prêtre  des  idoles  ;  il 
croit  plus  vraisemblable  qu'il  était  prêtre 
du  vrai  Dieu.  «  Car  si  Job,  dit-il,  a  connu 
et  adoré  le  vrai  Dieu  parmi  des  gentils  et 
des  idolâtres,  il  est  bien  plus  à  présumer 
que  Jéthro  l'a  connu  parmi  une  nation  qui 
avait  Abraham  et  un  fils  d'Abraham  pour 
chefs  et  pour  pères.  »  Le  conseil  que  Jéthro 
donnait  à  Moïse  de  ne  pas  s'embarrasser  de 
tant  de  soins,  parce  qu'alors  Dieu  serait  avec 
lui,  fournit  à  saint  Augustin  cette  réflexion  : 
«  Par  là  nous  apprenons  que  le  cœur  étant 
occupé  des  soins  extérieurs  et  des  servi- 
ces qu'il  rend  aux  hommes,  se  vide  en  quel- 
que sorte  de  l'esprit  de  Dieu,  dont  il  se  rem- 
plit d'autant  plus  qu'il  s'applique  avec  plus 
de  liberté  à  la  considération  des  choses  cé- 
lestes et  éternelles.  »  Selon  le  saint  Docteur, 
l'extrême  frayeur  dont  le  peuple  fut  saisi 
au  bruit  des  tonnerres  qui  se  firent  entendre 
lors  de  la  publication  de  la  loi,  fait  voir 
clairement  que  la  crainte  appartient  à  l'An- 
cien Testament,  comme  l'amour  appartient 
au  Nouveau,  quoiqu'il  soit  vrai  que  le  Nou- 
veau fut  caché  dans  les  ombres  de  l'Ancien, 
comme  l'Ancien  se  développe  par  la  lumière 
du  Nouveau.  La  loi  commande  de  regar- 
der comme  homicide  celui  qui  a  tué  im 
voleur  en  plein  jour,  saint  Augustin  expli- 
que ainsi  cette  prescription  :  «  Lorsqu'il  fait 
clair,  cet  homme  peut  discerner  si  le  voleur 
vient  pom'  tuer,  ou  seulement  pour  dé- 
rober quelque  chose.  On  se  trompe  fort,  si 
l'on  prétend  se  défendre  d'avoir  violé  la 
justice  et  la  vérité,  parce  que  l'on  a  fait  ce 


[IV°  ET  V=  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVÊQUE  D'HIPPONE. 


211 


mal  avec  plusieurs  ;  ce  qui  est  péché  par 
soi-même  ne  cessant  pas  de  l'être,  quoiqu'on 
Je  commette  avec  plusieurs.  La  compassion 
est  bonne,  mais  il  ne  faut  pas  en  user  aux 
dépens  de  la  justice.  Les  tables  de  la  loi, 
la  manne  et  la  verge  d'Aaron  que  Dieu 
commanda  à  Moïse  de  mettre  dans  l'arche, 
représentaient  diverses  choses  :  la  loi,  la 
vérité  de  Dieu  ;  la  verge,  sa  puissance  ;  la 
manne,  sa  grâce.  Les  premiers^  d'entre  les 
apôtres  même  n'ont  point  été  exempts  de  la 
révolte  qui  se  trouve  entre  l'esprit  et  le 
corps,  afin  i^ue  la  crainte  des  périls  où  les 
exposait  cette  guerre  intérieure,  les  conser- 
vât toujours  dans  l'humilité,  et  qu'ils  sus- 
sent que  la  pureté  de  l'âme  et  du  corps, 
marquée  par  le  vêtement  des  prêtres  de  la 
loi  ancienne,  n'est  pas  une  vertu  qu'ils  aient 
reçue  ou  de  la  nature  ou  de  leurs  propres 
forces  ;  mais  qu'elle  leur  a  été  donnée,  et 
qu'ils  ont  besoin  de  s'en  revêtir  à  tout  mo- 
ment. Le  sabbat  est  appelé  une  aUiance 
éternelle  de  la  part  de  Dieu ,  parce  qu'il 
promettait  à  son  peuple  par  cette  figure  qui 
devait  passer,  le  repos  éternel  qui  ne  pas- 
sera jamais.  Aarou  ordonna  au  peuple  de 
lui  apporter  les  pendants  d'oreille  de  leurs 
femmes,  afin  que  la  peine  même  qu'elles 
auraient  à  se  priver  de  ces  ornements,  les 
détournât  du  dessein  criminel  de  se  faire 
des  dieux  qui  marchassent  devant  eux  ;  mais 
que  le  démon  qui  leur  avait  inspiré  cette 
pensée  si  impie,  la  rendit  plus  forte  dans 
leur  cœur,  que  l'attache  à  la  vanité  de  ces 
ornements.  Dieu,  en  faisant  éclater  contre 
les  Israélites  ses  paroles  terribles  et  mena- 
çantes, inspirait  en  secret  au  cœur  de  Moïse, 
cette  affection  si  tendre  pour  eux,  et  ce  désir 
ardent  d'obtenir  leur  grâce,  parce  que  Dieu 
lui-même  les  aimait.  Dieu  sait  les  raisons 
pour  lesquelles  il  pardonne  à  certaines  per- 
sonnes, en  attendant  qu'ils  réparent  leurs 
fautes  par  un  véritable  changement  de  vie. 
Moïse,  en  disant  à  Dieu  :  Pardonnez  cette 
faute  à  ce  peuple,  ou  effacez-moi  de  votre  livre, 
était  plein  de  confiance,  que  comme  Dieu 
^  ne  voudrait  pas  l'effacer  du  livre  de  vie,  il 

ne  lui  refuserait  pas  le  pardon  qu'il  deman- 
dait pour  son  peuple. 
sur  STS"!  ^'  0^1  distingue  dans  le  Lévitique  le  pe'e/ié 
que,  pas,  400.  de  la  faute,  mais  on  n'y  exprime  pas  en  quoi 
consiste  cette  distinction.  Saint  Augustin  l'a 
marquée  en  deux  manières.  La  première  est 
ceUe-ci  :  Lorsque  un  homme  ne  fait  pas  ce 
qu'il  doit,  c'est  une  faute  ;  et  lorsqu'il  fait  le 


contraire  de  ce  qu'il  doit  faire,  c'est  un  ;je- 
ché.  La  seconde,  quand  ou  pèche  par  igno- 
rance, c'est  une  faute;  mais  quand  on  pèche 
avec  une  pleine  connaissance,  c'est  un 
péché.  L'Évangile,  dit  que  l'on  pratiquera 
pour  la  purification  ce  qui  était  marqué 
dans  la  loi.  Le  saint  Évêque,  fait  observer 
que  l'Ecriture  ne  dit  pas  que  cela  se  fit  pour 
la  mère  de  Jésus,  mais  pour  Jésus  même, 
qui  voulut  être  purifié,  comme  il  voulut  être 
baptisé,  quoiqu'il  fut  l'Agneau  sans  tache  et 
le  Saint  des  saints;  que  la  pauvreté  dans 
laquelle  il  voulut  naître,  était  si  grande,  que 
sa  sainte  mère,  le  portant  au  temple  le  jour 
de  la  Purification,  y  offrit  selon  la  loi,  deux 
tourterelles,  ou  deux  petites  de  colombes, 
qui  étaient  l'hostie  marquée  pom-  les  pau- 
vres. 

Dieu,  en  défendant  à  un  homme  d'offrir 
un  bœuf  ou  une  brebis  dans  le  camp,  ne 
lui  défend  point  de  tuer  son  bœuf  ou  sa 
brebis  pour  s'en  nourrir,  mais  pom'  en  offrir 
des  sacrifices  particuliers,  ne  voulant  point 
que  chacun  agisse  comme  s'il  eût  été  prêtre, 
ni  qu'il  oflYît  des  victimes  en  quelque  Heu 
qu'il  lui  plairait.  «  Cette  loi,  ajoute  saint 
Augustin,  était  très-utile  pour  empêcher 
l'idolâtrie,  en  commandant  qu'aucun  sacri- 
fice ne  fût  offert  à  Dieu  que  dans  le  Taber- 
nacle, et  ensuite  dans  le  Temple,  et  qu'il 
lui  fût  présenté  par  les  prêtres  étabhs  de 
Dieu,  n  Comme  on  pouvait  lui  objecter  qu'É- 
lie  avait  sacrifié  hors  du  Temple,  lorsqu'il 
fit  tomber  le  feu  sur  un  autel  qu'il  avait 
dressé,  il  répond  qu'il  n'y  a  que  Dieu  qui 
ait  autorisé  ces  actions  extraordinaires, 
comme  ce  fût  lui  seul  qui  autorisa  le  sacri- 
fice d'Abraham.  Quand  Dieu  commande  une 
chose  qui  est  contraire  à  une  loi  qu'il  a  faite, 
ce  commandement  tient  lieu  de  loi,  parce 
qu'étant  l'auteur  de  la  loi,  il  s'en  peut  dis- 
penser lui-même  quand  il  lui  plaît. 

Selon  le  saint  Docteur  on  ne  peut  sans 
pécher,  même  dans  la  nouvelle  loi,  contre- 
venir à  ce  précepte  de  l'ancienne  :  Voies  ne 
vous  approcherez  point  d'une  femme  qui  souffre 
ce  qui  arrive  tous  les  mois.  Et  parce  qu'il 
y  est  dit  aussi  :  Vous  ne  prendrez  point  la 
sœur  de  votre  femme  pour  la  rendre  sa  ri- 
vale, et  qu'on  pouvait  lui  objecter  que  Jacob 
avait  agi  contre  cette  loi;  il  répond  qu'elle 
n'était  pas  faite  quand  Jacob  épousa  Rachel, 
après  avoir  épousé  Lia  ;  que  d'ailleurs,  Ja- 
cob n'épousa  les  deux  sœurs  que  par  la 
tromperie  de  Laban,  qui  lui  fit  épouser  la 


212 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


première  sans  qu'il  le  sut  et  contre  la  pro- 
messe qu'il  lui  avait  faite  de  lui  donner  la 
seconde  ;  qu'ainsi  Jacob  se  trouva  obligé  de 
prendre  une  seconde  femme  avec  la  pre- 
mière, contre  le  dessein  qu'il  avait  eu  en 
demandant  Racliel,  de  n'épouser  qu'une 
seule  femme. —  «  Comment  est-il  vrai,  dit  ce 
Père,  que  Moïse  sanctifie,  puisque  c'est  Dieu 
lui-même  qui  sanctifie  ?  L'un  et  l'autre  est 
vrai,  mais  d'une  manière  différente.  Moïse 
sanctifie  par  son  ministère,  par  les  signes  et 
les  sacrements  visibles  ;  mais  Dieu  sanctifie 
par  sa  grâce  invisible  et  par  l'Esprit-Saint  : 
sans  cette  grâce  invisible,  de  quoi  servi- 
raient les  signes  visibles  ?  Que  servit  à  Si- 
mon le  magicien  d'avoir  reçu  le  signe  exté- 
riem'  du  baptême,  et  non  la  grâce  et  la 
vertu  de  ce  sacrement?  Les  signes  extériem-s 
peuvent  cbanger  selon  les  temps  ;  mais  ils 
ne  peuvent  rien  sans  la  grâce  intérieure, 
qui  peut  tout  elle-même  sans  ces  signes.  11 
faut  néanmoins  se  bien  garder  de  mépriser 
les  sacrements  visibles,  puisque  celui  qui 
les  mépriserait  ne  pourrait  en  aucune  ma- 
nière recevoir  la  grâce  invisible.  C'est  pour 
cela  que  saint  Pierre  baptisa  Corneille  et 
ceux  qui  étaient  avec  lui,  encore  qu'ils  eus- 
sent déjà  reçu  le  Saint-Esprit,  comme 
il  parut  en  ce  qu'ils  parlaient  diverses  lan- 
gues. Cet  Apôtre  crut  que  le  sacrement 
visible  leiu'  servhait  beaucoup,  quoiqu'ils 
eussent  déjà  reçu  la  sanctification  invisi- 
ble. » 
QiiKiions  5.  Par  les  péchés  que  la  loi  ordonne  de 
ijres,pag.s27.  coufesser,  saint  Augustin  entend  ceux  qui  se 
commettent  contre  la  justice,  et  où  le  tort 
qu'on  a  fait  peut  être  réparé  avec  de  l'ar- 
gent, après  l'estimation  de  ce  tort.  Il  ensei- 
gne que  Moïse ,  en  disant  à  Dieu  :  Il  y  a  six 
cent  mille  hommes  de  pied  dans  ce  peuple,  et 
vous  dites,  je  leur  donnerai  de  la  viande  à 
manger  un  mois  entier,  ne  tomba  pas  dans  la 
défiance,  mais  qu'il  demanda  seulement  à 
Dieu  la  manière  en  laquelle  il  accomplirait 
la  promesse  qu'il  faisait  de  nourrir  de  chair 
un  mois  entier  un  si  grand  peuple  dans  un 
désert  si  éloigné  de  tout  secours.  Il  confirme 
sa  pensée  par  la  réponse  que  Dieu  fit  à  ce 
législateur,  dans  laquelle  il  se  contenta  de 
l'instruire  du  prodige  qu'il  allait  faire,  sans 
lui  reprocher  en  aucune  manière  d'avoir 
manqué  de  confiance  en  lui.  Ces  autres  pa- 
roles :  Pourrons-nous  voiis  faire  sortir  de  l'eau 
de  cette  pierre?  lui  fournissent  le  même  sens. 
Sur  celles-ci  :  L'homme  qui  aura  péché  par  or- 


gueil, périra  du  milieu  du  peuple ,  il  dit  quo 
le  péché  qui  a  tué  l'âme,  ne  peut  être  remi.s 
sans  la  peine  de  celui  qui  l'a  commis  ;  et  que 
lorsqu'il  est  guéri  par  de  dignes  fruits  d'un 
sincère  repentir ,  l'afDiction  de  la  pénitence 
en  est  la  peine,  mais  la  peine  bienhem-euse. 
puisqu'elle  devient  le  salut  de  l'âme.  En  ex- 
pliquant la  demande  que  firent  les  ambas- 
sadeurs d'Israël  au  roi  Séhon  de  leur  per- 
mettre de  passer  par  son  pays,  il  fait  remar- 
quer avec  combien  de  justice  et  d'équité 
Dieu  voulait  que  son  peuple  se  conduisît 
dans  les  g-uerres  qu'il  entreprenait.  «  Car. 
dit-il,  ils  n'attaquèrent  ce  roi  des  Amorrhéens 
qu'après  qu'il  leur  eût  refusé  le  passage  par 
ses  États  ;  ce  qu'il  ne  pouvait  leur  refuser, 
sans  violer  l'équité  naturelle,  et  les  droits  de 
la  société  humaine.  »  lî  admire  que  la  pas- 
sion ou  la  colère  de  Balaam  ait  été  si  grande, 
qri'au  lieu  d'être  épouvanté  en  voyant  qu'une 
ânesse  lui  parlait,  il  lui  réponde  au  con- 
traire, comme  il  aurait  répondu  à  un  hom- 
me qui  lui  eût  parlé,  a  Ce  n'est  pas,  ajoute 
ce  Père,  que  Dieu  eût  donné  en  ce  moment 
inie  âme  raisonnable  à  cette  ânesse  ;  mais 
suppléant  par  sa  puissance  au  défaut  des  or- 
ganes de  cet  animal,  il  fit  sortir  de  sa  bou- 
che des  sons  semblables  à  des  paroles  hu- 
maines, pour  réprimer  la  folie  de  ce  faux 
prophète  ;  figurant  peut-être  dès  lors  ce  que 
saint  Paul  a  dit  depuis,  que  Dieu  choisirai! 
ceux  qui  paraissent  sans  raison,  pour  con- 
fondre l'orgueil  des  saç os.  »  Les  punitions 
sévères  que  Dieu  fit  souffrir  à  ceux  qui  s'é- 
taient consacrés  au  culte  des  idoles ,  et  à 
ceux  qui  s'étaient  livrés  à  l'impudicité,  lui 
semblent  des  peines  proportionnées  au 
temps  de  la  loi  et  à  la  dureté  de  l'esprit 
des  Juifs ,  et  des  exemples  de  la  justice 
de  Dieu,  qui  nous  font  voir  quelle  horreur 
nous  devons  avoir  cru  des  crimes  infâ- 
mes ,  ou  de  l'impiété  de  l'idolâtrie.  Si  le 
Seigneur  commanda  à  Moïse  de  mettre 
sa  main  sur  la  tête  de  Josué,  ce  fut  pour 
nous  faire  connaître  que  nul  homme  , 
quelque  rempli  de  grâces  qu'il  puisse  être, 
ne  doit  présumer  pouvoir  sans  la  grâce  de 
la  consécration  s'acquitter  du  ministère  de 
la  conduite  des  peuples.  Saint  Augustin  de- 
mande comment  il  est  dit  que  les  Isi-aélites 
tuèrent  les  rois  des  Madianites  avec  Ba- 
laam ,  puisqu'il  est  marqué  que  celui  -  ci 
s'en  retourna  en  sa  maison  après  avoir  béni 
malgré  lui  le  peuple  de  Dieu?  A  quoi  il  ré- 
pond qu'il  s'en  retourna  non  en  Mésopota- 


1  lyr    j,j    ye    SUJCI^Eg. 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


213 


mie  d'où  il  était  venu,  mais  en  la  maison 
où  il  demeurait  tant  qu'il  fut  paimi  les  Ma- 
dianites. 
QuMions       6.  Quand  on  accomplit  véritablement  ce 
rononic,  pg.  qui  est  ppescrit  par  la  loi,  on  le  fait  par  un 
motif  de  charité  et  non  de  crainte  :   cette 
charité  est  la  grâce  du  Nouveau  Testament. 
Il  était  ordonné  aux  Israéhtes  de  tenir  les 
paroles  de  la  loi  suspendues  comme  un  si- 
gne dans  leurs  mains  et  sur  leur  front,  et  de 
les  écrire  sur  les  poteaux  et  sur  les  portes 
de  leurs  maisons  ;  mais  on    ne   voit   nulle 
part  qu'ils  aient  exécuté  ce   précepte  à  la 
lettre.  Ce  n'était  qu'une  façon  de  parler  mé- 
taphorique dont  Moïse  se  servit  pour  expri- 
mer avec  force  l'obligation  indispensable  où 
ils  étaient  de  penser  souvent  à  l'observer. 
La  prescription  qui  leur  est  faite  d'immoler 
la  Pâque  au  Seignem'  en  lui  immolant  des 
brebis  et  des  bœufs,  doit  s'entendre  des  sa- 
crifices que  l'on  offrait  pendant  les  jours  des 
azymes,  et  non  de  la  principale  immolation 
pascale  ,    qui  ne  pouvait   être   que  de  l'a- 
gneau.   Saint   Augustin  se   demande   com- 
ment Rutli,  qui  était  moabite,  fut  contre  la 
défense  de  Dieu,  associée  aux  Hébreux,  et 
devint  une  des  tiges  d'où  le  Messie  devait 
naître  selon  la  chair.  Il  répond  que  l'ordon- 
nance qui  défendait  aux  Moabites  d'entrer 
jamais  dans  l'assemblée  du  Seignem",  ne  re- 
gardait que   les  hommes,  et  non  pas  les 
femmes.  Ce  qu'on  laisse  à  la  veuve  et  à  l'or- 
phelin dans  les  campagnes  ou  sur-  des  arbres, 
lui  paraît  tellement  à  eux ,  qu'il  avance  que 
ceux  qui  se  l'approprient  prennent  le  bien 
d'autrui,  et  ce  qui  est  encore  plus  criminel,  le 
bien  des  pau^TCs.  Comment  Moïse  pouvait-il 
dire  aux  Israélites,  qu'ils  avaient  vu  tous  les 
signes  et  les  prodiges  que  le  Seigneur  avait 
faits,  puisque  aussitôt  ce  législateur  ajoute 
ipie  le  Seignem-  ne  leur  avait  point  donné 
des  yeux  qui  pussent  voir?  Ils  les  avaient  vus 
des  yeux  du  corps,  répond  saint  Augustin, 
mais  non  pas  des  yeux  du  cœur  ;  Moïse  dit 
au  même  endi'oit  que   Dieu  ne  leur- avait 
point  donné  un  cœur  qui  eût  de  l'intelli- 
gence. Quoiqu'ils  eussent  été   privés  de  ce 
secours  de  Dieu,  ils  n'en  étaient  pas  pour 
cela  excusables  dans  les  fautes  qu'ils  com- 
mettaient, parce  que  les  jugements  de  Dieu, 
bien  que  cachés  sont  toujours  justes.  Il  com- 
pare le  pécheur  à  un  malade,  et  dit   qu'il 
doit  se  soumettre  à  Dieu  comme  à  son  méde- 
cin, pour  être  traité  par  lui  selon  les  règles 
salutaires  de  sa  discipline  toute  sainte. 


7.  Quoique  Dieu  ait  puni  Moïse  en  ne  lui  5„,°j"=f;f 
accordant  pas  comme  à  Josué  d'entrer  dans   p'^-  ^'^^^ 
la  terre  promise,  l'Écriture  ne  laisse  pas  de 
l'appeler  depuis  sa  mort,  serviteur  du  Sei- 
gneur, et  de  le  représenter  comme  un  hom- 
me qui  s'était  rendu  agréable  à  Dieu  :  d'où 
nous  apprenons  que  Dieu  peut  bien  quel- 
quefois se  mettre  en  colère  contre  ses  bons 
serviteurs  et  les  punir  de  quelques  peines 
temporelles,  mais  qu'alors  même  il  les  re- 
garde comme  des  vases  précieux  et  hono- 
rables de  sa  maison,  à  qui  il  doit  faire  part 
de  l'héritage  promis  aux  saints.  On  peut  de- 
mander si  ce  fut  devant  l'ange  que  Josué  se 
prosterna,  et  si  ce  fut  lui  qu'il  appela  son 
SeigTieur;    ou  bien   si  dans  ce  moment  il 
n'envisagea  pas  celui  qui  lui  envoyait  cet 
ange,  c'est-à-dire  le  Seigneur,  et  si  ce  ne 
fut  pas  devant  Dieu  qu'il  se  prosterna  pour 
l'adorer.  Saint  Augustin  semble  témoigner 
que  c'est  à  ce  dernier  sens  qu'on  doit  s'at- 
tacher ;  la  frayeiu-  dont  Josué  fut  saisi  par 
la  présence  de  Dieu ,  le  fit  jeter  par  terre 
pour  l'adorer.    Le    saint  Docteur  se  forme 
une  objection  considérable,  comment  Dieu 
pouvait  punir  justement  le  péché  d'Acham 
par  la  mort  de  plusieurs  personnes  qui  en 
étaient  innocentes,  lui  qui  avait  établi  une 
loi  par  laquelle  il  défendait  que  les  pères 
fussent  punis  pour  les  péchés  des  enftints,  et 
que  les  enfants  fussent  punis  pour  les  péchés 
de  leurs  pères?  Il  la  résout  ainsi  :    «  Cette 
loi  était  faite  pour  les   hommes  ,   à  qui  il 
n'était  pas  permis  de  punir  l'un  à  cause  de 
l'autre,  et  qui  n'avaient  droit  cpie  de  juger 
chacun  selon  ses  propres  mérites  ;  mais  les 
jugements  de  Dieu  ne  sont  poiut  assujettis  à 
cette  loi;  et  il  peut  étendre  les  châtiments 
temporels    qu'il    exerce    sur   les  hommes , 
pour  leur   imprimer   une  crainte   salutaire 
de  sa  justice.  »  Au  sujet  du  commandement 
que  Dieu  fit  à  Josué  de  dresser  une  embus- 
cade pour  surprendre  la  ville  de  Haï ,  ce 
Père  enseigne  que  l'on  peut,  sans  injustice, 
employer  les  stratagèmes  de  guerre,  lors- 
que la  guerre  que  l'on  fait  n'est  pas  en  elle- 
même  injuste  ;  qu'ainsi  ceux  qui  ont  droit 
de  faire  la  guerre,  doivent  avant  toute  cho- 
se^ regarder  si  elle  est  accompagnée  de  jus- 
tice ;  et  qu'au  cas  qu'elle  soit  juste,  il  est 
très-iudifïérent  pour  ce  qui  regarde  la  jus- 
tice, que  l'on  vainque  l'ennemi  à  force  ou- 
verte, ou  par  stratagème,  et  en  usant  d'em- 
buscade. Il  croit  qu'on  peut  exphquer  ce  qui 
est  dit  des  mouches  piquantes  que  Dieu  en- 


214 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


voya   pour  exterminer  les  Amorrliéens  et 

les  chasser  de  leur  pays,  des  aiguillons  très- 

psoiin.   perçants  de  la  crainte  dont  ces  peuples  fu- 

l.xivii,  43.  ,         ...  ■        ,      .    ,        . 

rent  saisis  et  comme  piques  tres-vivement, 
.  qui  les  faisaient  fuir  devant  Israël  :  ou  bien 
des  esprits  répandus  invisiblement  dans 
l'air ,  qui  sont  appelés  dans  l'Écriture  les 
mauvais  anges.  Néanmoins  il  ne  s'oppose 
pas  au  sentiment  de  ceux  qui  entendraient 
cet  endroit  à  la  lettre. 
Quesuoos       8.  En  expliquant  ces  paroles  du  livre  des 

sur  les  Juges,  ,  ^    .    .    , 

pag.  595.  Juges:  y  oici  les  peuples  que  le  Seigneur  laissa 
vivre  pour  servir  d'exercice  et  d'instruction 
aux  Israélites,  et  à  tous  ceux  qui  ne  connais- 
saient point  les  guerres  des  Chananéens  ;  afin 
que  leurs  enfants  apprissent  après  eux  à  com- 
battre contre  leurs  ennemis,  saint  Augustin 
dit  qae  c'était  l'ordre  de  la  Providence, 
qu'ils  fussent  ainsi  éprouvés  et  qu'ils  ap- 
prissent à  faire  la  guerre  comme  ils  le  de- 
vaient, c'est-à-dire  qu'ils  la  fissent  avec  au- 
tant de  piété  et  d'obéissance  aux  ordres  de 
Dieu  que  leurs  pères,  qui  s'étaient  rendus 
agréables  au  Seigneur  par  les  guerres  mê- 
mes qu'ils  avaient  faites  ;  non  que  la  guerre 
soit  désirable,  mais  parce  que  la  piété  est 
louable  dans  la  guerre  même.  Il  paraît  per- 
suadé qu'Aod  en  tuant  Égion,  roi  de  Moab, 
ne  fit  qu'exécuter  l'ordre  de  Dieu,  qui  l'a- 
vait choisi  pour  sauveur  de  son  peuple  ; 
mais  il  ne  doute  pas  que  Gédéon  n'ait  com- 
mis un  péché  en  mettant  un  éphod  dans  sa 
ville  d'Éphra,  c'est-cà-dire  tous  les  orne- 
ments sacerdotaux  destinés  aux  sacrifices 
que  l'on  offrait  à  Dieu  ;  ce  qu'il  était  dé- 
fendu de  faire  hors  duTabernacle. 

§  V. 

Des  Notes  sur  Job,  et  du  Miroir  tiré  de 
l'Ecriture. 

cequecesi       i.  Ou  uc  pcut  mettre  plus  tard  ou'en  -402 

que  les  Noies     ,  nj  ^  ■ 

î".n  40^'  ''"'  A'o/e*  de  saint  Augustin  sur  Job ,  puis- 

qu'il les  place  dans  le  second  livre  de  ses 
Rétractations  avant  son  ouvrage  contre  Pé- 
tilien  ,  fait  vers  "cette  année-là.  Il  les  avait 
écrites  à  la  marge  d'un  exemplaire  du  livre 
de  Job  ;  d'où  quelques  particuliers  les  copiè- 
rent pour  en  faire  un  corps  d'ouvrage.  D'où 


1  August.,  lib.  II  Retract.,  cap.  xiii.  —  ^  Possid., 
in  Vita  Ati,gust.,  cap.  xsviu.  —  ^  Ctissiod.,  lib.  de 
Inst.,  divin,  cap.  xvi. 

*  Le  cardiiial  iMaï  a  trouvé  uu  autre  témoiguage 
dans  un  manuscrit  très-aucieu  d'Eugypius  où  l'on 


vient  qu'il  dit  '  qu'il  ne  sait  si  on  doit  le  lui 
attribuer,  ou  à  ceux  qui  ont  recueilli  ces  no- 
tes. Il  convient  que  les  plus  intelligents  peu- 
vent les  lire  avec  plaisir,  mais  qu'elles  n'en 
feront  aucun  à  ceux  qui  ont  moins  de  pé- 
nétration; parce  que  non  -  seulement  leur 
grande  brièveté  les  rend  obscm^es ,  mais 
qu'il  y  en  a  quelques-unes  jointes  à  des  pa- 
roles du  texte  auxquelles  elles  ne  convien- 
nent point.  Quand  il  fit  la  révision  de  ses 
ouvrages,  il  trouva  celui-ci  si  plein  de  fautes, 
qu'il  l'eût  volontiers  supprimé,  s'il  n'eût  été 
informé  que  plusieurs  d'entre  les  frères  en 
avaient  tiré  des  copies.  Ces  Notes  peuvent 
être  regardées  comme  une  espèce  de  para- 
phrase ou  d'explication  littérale  du  livre  de 
Job,  que  ce  Père  éclaircit  en  beaucoup  d'en- 
droits. Il  n'explique  pas  les  trois  derniers 
chapitres. 

2.  Il  faut  metti'e  beaucoup  plus  tard  l'ou-  juroir  «rc 
vrage  qu  il  a  intitule  le  È'Iiroir,GX  le  rappor-  ters  lan  42-;. 
ter  à  l'an  427,  puisque  selon  Possidius,  il  le 
composa  ^  vers  le  même  temps  que  ses  Ré- 
tractations, et  un  peu  avant  que  les  Vandales 
vinssent  en  Afrique ,  ce  qui  arriva  en  428. 
Cassiodore  '  dit  qu'on  doit  lire  cet  ouvrage 
avec  beaucoup  d'attention ,  et  il  le  regarde 
comme  très-propre  à  former  et  à  corriger  les 
mœurs  ^.  Ce  n'est,  en  effet  ^,  qu'un  recueil 
de  passages  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Tes- 
tament, par  lesquels  Dieu  nous  défend  ou 
nous  commande  quelque  chose,  non  pour 
nous  instruire  des  vérités  que  nous  devons 
seulement  croire,  ou  pour  nous  exercer  par 
des  obscurités  saintes,  mais  pour  régler  no- 
tre conduite  par  des  préceptes  simples  et 
sans  figure.  Saint  Augustin  composa  ce  re- 
cueil pour  les  personnes  qui  veulent  servir 
Dieu ,  particulièrement  pour  celles  qui  ne 
peuvent  pas  lire  beaucoup  ;  afin  qu'elles  s'y 
considérassent  elles-mêmes  ^ ,  qu'elles  vis- 
sent en  quoi  elles  obéissaient  ou  n'obéis- 
saient pas  à  Dieu;  quels  progrès  elles  avaient 
faits  dans  les  bonnes  œuvres,  et  ce  qui  leur 
manquait  encore  ;  qu'ainsi  elles  pussent  lui 
rendre  grâces  du  bien  qu'elles  avaient,  et 
employer  avec  une  piété  fidèle  leurs  soins 
et  leurs  prières  pour  le  conserver ,  et  tra- 
vailler à  acquérir   celui   qu'elles  n'avaient 


prouve  l'autorité  des  Septante  par  le  Miroir  de 
saint  Augustin.  Vide  Mai,  Bibl.  nov.  tom.  1, 
2'  partie,  préface.  [L'éditeur.) 

^  Possid.  ibid. 

"  August.,  Prœf.  in  Specitl. 


[IIV'^  ET  V'=  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN, 


pas.  Pour  rendre  s(în  travail  plus  à  la  portée 
du  peuple,  il  n'y  fit  entrer  que  les  endroits 
où  les  préceptes  étaient  exprimés  claire- 
ment. Il  paraît  que  ce  fut  dans  le  même  des- 
sein qu'il  ne  se  servit  pas  de  la  version  la- 
tine faite  sur  le  grec  des  Septante  qu'il  avait 
coutume  de  suivre  lui-même,  mais  de  celle 
que  saint  Jérôme  avait  faite  sur  l'hébreu.  Il 
s'était  même  propose  de  concilier  les  passa- 
ges de  l'Ecriture,  qui  semblent  renfermer 
quelques  contrariétés  ;  mais  soit  qu'il  ait 
exécuté  ce  dessein  ou  non,  il  n'en  est  rien 
venu  jusqu'à  nous.  Il  y  a  même  tout  lieu  de 
croire  qu'il  en  fut  empêché  par  quelqu'autre 
ouvrage  plus  pressant ,  puisque  Possidius 
n'en  dit  rien  du  tout,  quoiqu'il  ait  cru  de- 
voir remarquer  que  saint  Augustin  avait  mis 
une  préface  à  ce  Miroir.  Il  y  en  a  une  en- 
core ajourd'hui,  qui  est  non-seulement  de 
son  style,  mais  qui  a  un  tel  rapport  avec  ce 
qu'en  dit  Possidius,  qu'on  ne  peut  douter 
qu'elle  ne  soit  de  saint  Augustin. 

■=  Mi-  3.  Les  passages  sont  rangés  dans  ce  re- 
cueil, non  par  ordre  de  matière,  mais  sui- 
vant l'ordre  des  hvres  de  l'Écriture,  en  quoi 
il  est  différent  d'un  autre  recueil  des  passa- 
ges de  l'Ecriture  fait  par  matière,  que  le 
Père  Vignier  a  fait  imprimer  sous  le  nom 
de  saint  Augustin,  sur  un  manuscrit  de  la 
main  de  Théodulphe  d'Orléans,  c'est-à-dire 
de  plus  de  huit  cents  ans.  Ce  recueil  est  en- 
core différent  de  celui  de  saint  Augustin,  en 
ce  qu'il  n'y  a  point  de  préface,  mais  surtout 
parce  qu'on  y  a  ramassé  des  passages  sur 
les  matières  qui  regardent  la  foi  et  sur  celles 
des  mœurs.  Ainsi  on  ne  peut  l'atti'ibuer  à 
ce  Père  ,  à  moins  de  dire  qu'après  avoir 
donné  un  recueil  des  passages  qui  renfer- 
ment des  préceptes  moraux ,  il  en  fit  un  de- 
puis qui  tendait  également  à  régler  la  foi 
et  les  mœurs  par  l'autorité  de  l'Écriture. 
Mais  outre  qu'on  ne  trouve  rien  pour  ap- 
puyer cette  conjecture,  elle  est  suffisamment 
détruite  par  le  silence  de  Possidius,  qui  ne 
parle  que  du  seul  Èliroir  où  chacun  pouvait 
voir  sur  quoi  il  devait  régler  ses  mœurs.  On 
a  encore  publié  deux  autres  Miroirs  sous  le 
nom  de  saint  Augustin*,  mais  on  croit  que 
l'un  peut  être  d'Alcuin,  et  que  l'autre  qui  est 
intitulé  le  Miroir  du  pécheur,  est  d'un  écrivain 
du  X'  ou  xi°  siècle. 

îir  pi.-       [Le  cardinal  Mai  a  publié  dans  le  premier 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  215 

volume  de  la  Biblioth.  nov.  Pat.,  2"  partie,  '^^^^^'^^^^ 
page  1-117  un  Miroir  ou  spéculum  ^  en  143 
chapitres  où  le  saint  Docteur  établit  tous  les 
points  du  dogme  et  de  la  morale  chré- 
tienne, avec  les  seuls  textes  de  l'Écriture 
sainte,  sans  y  ajouter  un  seul  commen- 
taire. Ces  extraits  sont  précieux,  car  ils  sont 
empruntés  à  l'ancienne  version  de  l'Écriture 
dite  Italique,  qu'ils  reproduisent  en  grande 
partie.  Le  savant  Cardinal,  dans  une  préface 
de  huit  pages,  prouve  que  saint  Augustin 
a  composé  un  Miroir  ;  expose  et  réfute  les 
raisons  qui  avaient  été  alléguées  contre  ce 
fait;  démontre  que  saint  Augustin  a  dû  se 
servir  de  la  version  Italique  ^  et  que ,  par 
conséquent,  le  Spéculum  édité  par  les  Béné- 
dictins où  l'on  trouve  la  version  de  saint 
Jérôme,  ou  n'est  pas  de  saint  Augustin,  ou 
a  dû  être  changé  par  les  copistes  lors- 
que la  version  de  saint  Jérôme  eut  pré- 
valu. Les  raisons  que  fait  valoir  avec  beau- 
coup de  modestie  l'illustre  Éditeur,  pour 
appuyer  la  préférence  qu'il  donne  à  son 
Miroir,  sont  celles  -  ci  :  «  Saint  Augustin 
n'employa  presque  jamais  la  nouvelle  tra- 
duction de  saint  Jérôme;  il  n'est  pas  à 
croire  qu'il  l'eût  employée  dans  un  ouvrage 
tout  à  fait  populaire ,  dans  la  crainte  bien 
fondée  de  choquer  les  fidèles  habitués  à 
l'ancienne  version.  D'ailleurs  ce  Miroir  est 
plus  en  rapport  avec  le  but  que  se  propo- 
sait saint  Augustin.  D'après  Cassiodore,  le 
saint  Docteur  se  pi'oposait  de  faire  un  livre 
de  philosophie  morale ,  propre  à  former  les 
mœurs  en  s'appuvant  sur  l'autorité  divine. 
Or,  le  Miroir  publié  par  les  Bénédictins, 
n'offre  qu'une  suite  de  textes  tels  qu'ils 
se  présentent  dans  l'ordre  des  livres  saints 
sans  aucune  indication,  ce  qui  n'indique  pas 
facilement  la  morale  qu'on  peut  en  tirer.  » 
Le  Miroir,  édile  par  le  Cardinal,  au  con- 
traire renferme,  sous  des  titres  particuliers , 
tout  ce  que  rÉcriture  contient  sur  la  vie 
chrétienne,  par  exemple  sur  l'aumône,  la 
patience,  la  prière,  le  jeûne ,  etc.  ;  de  sorte 
que  par  un  simple  coup  d'œil,  on  voit 
comme  dans  un  miroir  le  progrès  que  l'on 
a  fait  ou  les  manquements  qu'on  a  à  se  re- 
procher sur  les  vertus  exigées  par  la  sainte 
Écriture.  Le  Miroir  publié  par  le  Père  Vi- 
gnier s'accorde  avec  celui  du  cardinal  Mai, 
pour  les  titres  et  l'ordre  des  matières  ;  mais 


1  Torn.  VI,  Oper.  Aug.  iu  Append.,  p.  145  et  153. 

2  Ex  Codice  Basil  seu  monaslerii  sessor. 


'  Il  serait  plus  exact  selon  le  C.  Wisemau  de 
dire  la  version  africaine.  {L'éditeur.) 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


216 

il  eu  diffère  pour  le  texte  qui  est  donné  d'a- 
près la  version  de  saint  Jérôme,  soit  que  ce 
changement  provienne   de   Théodulplie  ou 
d'un  auteur  inconnu  ou  du  Père  Vignier  lui- 
même.    Dans  le   Miroir  édité  par  le   car- 
dinal Mai  on  trouve  le  texte  de  saint  Jean 
sur  la  Trinité,  conçu   en  ces  termes   :   Et 
très   sunt  qui   testimonium  dicunt   in  cœlo  : 
Pater,   Verbum  et  Spiritus  :  et  M  très  unum 
sunt.  Ce    qui  prouve  que  l'ancienne  Itali- 
que et  les   exemplaires  grecs   contenaient 
ce  verset.  L'Éditeur  donne  un  fac  simile  du 
manuscrit  qui  contient  un  extrait  de  la  page 
6  où  ce  texte  est  rapporté  ;  et  il  met  sur  ce 
point  de  doctrine  une  longue  note  qui  vaut 
une    dissertation,    mais    qui    est    fort  peu 
exacte.  On  peut   encore   observer  dans  ce 
Miroir  les  choses  suivantes.   1°  »  Les  Évan- 
gélistes  sont  cités  en  cet  ordre  :  saint  Mat- 
thieu, saint  Jean,  saint  Luc,  saint  Marc;  on 
sait  que  cet  ordre  est  celui  de  l'ancienne 
Italique.  2°  Le  chapitre  xx  de  saint  Matthieu 
a  une  addition  '  prise  du  chapitre  xiv,  de 
saint  Luc,  ce  que  dom  Calmet  avait  déjà  ob- 
servé ,  et  le  Cardinal  lui-même  avait  Aé.\h 
publié  plus  au  long  cette  addition  dans  le 
tom.    III  des    Scriptores   veteres,    partie    2% 
page  275,  d'après  le  manuscrit  de  Clermont, 
maintenant  du  Vatican.  3°  L'ordre  des  Epî- 
tres  apostoliques  est  différent  de  celui  de  la 
Yulgate.  4°  On  y  trouve  cités  les  livres  deu- 
térocanoniques  Tobie  ^ ,  Judith,  Esther^,  Ba- 
ruch,  le  cantique  des  Trois  enfants,  la  Sa- 
gesse, l'Ecclésiastique,  le  1"  et  le  2'  livre  des 
Macchabées,  trois  versets  du  psaume  xxxiii. 
Ainsi  se  trouve    encore   parfaitement   con- 
firmé le  Canon  des  livres  saints  à  l'usage  de 
l'Église  latine.   On  y  lit  une  citation  de  la 
lettre  non  canonique  aux  Laodicéens  \  Si 
quelques  livres  canoniques  ne  sont  pas  cités 
dans  le  Miroir,  c'est  sans  doute  que  le  sujet 
ne  le  comportait  pas.  Ainsi,  on  n'y  trouve 
rien  d'Abdias,  de  Jouas,  de  l'Évangile  de 
de  saint  Marc,  de  l'Épître  aux  Hébreux ,  de 
celle  à  Philémon  et  de  la  3'^  de  saint  Jean. 

Le  Cardinal  y  fait  observer  que  la  pré- 
face, qui,  d'après  Possidius ,  était  à  la  tête 
du  Spéculum,  est  peut-être  celle  qui  a  été 
j)ubliéc  pai'  les  Bénédictins  :  «  On  doit  ce- 
[lendant,  ajoute-t-iP,  en  retrancher  la  phrase 
où  il  est  dit  que  l'auteur  donnera  des  ci- 

1  Vide  cap.  xxxiv  et  lsxxvi  dans  l'édition  de  Jlaï. 
[l'éditeur.)  —  ^  A  la  page  273  du  Miroir,  ou 
trouve  une  traduction  du  vcvsct  11,  chap.  iv,  dif- 
férente de  celles  qui  sont  éditées. 


talions,  d'abord  de  l'Ancien  Testament  et 
ensuite  du  Nouveau;  ce  qui  est  vrai  pour 
le  Miroir  de  l'Édition  bénédictine,  mais  non 
pour  le  sien. 

Ce  sont-là  les  traités  de  saint  Augustin 
sur  l'Ancien  Testament,  qui  composent  la 
troisième  partie  du  troisième  tome.  La  se- 
conde renferme  les  traités  sur  le  Nouveau 
Testament.] 

§    VI. 

De  l'Accord  des  Évangélistes,  et  du  Sermon  sur 
la  montagne. 

1.  On  brisait  encore  les  statues  des  idoles 
par  l'autorité  des  lois  principales,  lorsque 
saint  Augustin  commenra  ses  livres,  intitu- 
lés :  De  l'Accord  des  Évangélistes.  Ainsi,  on 
ne  peut  les  mettre  au  plus  tôt  que  vers  la 
fin  de  l'an  399,  auquelles  lois  qui  ordon- 
naient expressément  de  briser  ces  statues 
furent  publiées  et  exécutées  en  Afrique. 
Car  le  saint  Docteur  convient  ^  qu'avant 
cette  loi  il  n'avait  pas  le  pouvoir  de  les  rom- 
pre qu'avec  le  consentement  des  particu- 
liers à  qui  elles  appartenaient.  Il  travailla  à 
cet  ouvrage  sans  interruption  '',  et  quitta 
même  pour  cela  les  livres  de  la  Trinité  qu'il 
avait  déjà  commencés;  se  pressant  de  fer- 
mer la  bouche  à  ceux  qui  soutenaient  que 
les  Évangélistes  étaient  contraires  l'un  à 
l'autre. 

2.  Cet  ouvrage  est  divisé  en  quatre  livres, 
dont  le  dessein  général  est  de  montrer  qu'il 
n'y  a  rien  dans  les  quatre  Évangiles  qui  ne 
s'accorde.  Ce  travail  coûta  beaucoup  à  son 
auteur,  comme  il  le  reconnaît  lui-même ,  et 
comme  il  est  aisé  de  le  comprendi'e  ;  puis- 
que destitué  alors  de  presque  tous  les  se- 
cours qu'ont  eu  ceux  qui  ont  depuis  travaillé 
sur  la  même  matière,  il  no  leur  a  laissé 
néanmoins  que  très-peu  de  choses  à  ajouter 
à  ses  découvertes.  Il  emploie  son  premier 
livi'C    ;\   combattre   ceux   qui   honorant    ou 
plutôt  feignant  d'honorer  Jésus-Christ  com- 
me im  homme  extrêmement  sage,  ne  vou- 
laient pas  toutefois  se  soumettre  à  l'Evan- 
gile, sous  prétexte  qu'il  n'a  pas  été  écrit  par 
Jésus-Christ  même,  mais  par  ses  disciples, 
((  qui  lui  ont,  disaient-ils,  attribué  faussement 
la  divinité  ;  qui  l'ont  voulu  faire  passer  pour 

'  Esther  est  citée  par   corruption  sous    le  nom 
d'Efdras.    —  ■''  Pag.  62.  —  ''  Pag.  i,  note  i. 
s  August.,  Serm.G,  de  verb   Dom.,  cap.   xi. 
'  Lilj.  M  Relract.,  cap.  xvi. 


Le  livre  de 
rAccord  des 
Evaugé!îste!î  . 
on  309  ou  JOI. 
Lib.  I  de  con- 
!cnsu,cap. 27. 


Dcï-seui  et 
division  de  tel 
ouvrrge.iÎL.I. 
pa(r.  l,  Trait. 
I|L>  cl  in  in 
Joan. 


[IV"  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


217 


Dieu,  quoiqu'il  ne  le  fût  pas,  et  ont  défendu 
le  culte  des  idoles,  quoique  Jésus-Christ  ne 
leur  eût  point  ordonné  de  le  défendre  ni  de 
le  combattre.  Saint  Augustin  établit  donc  en 
premier  lieu  l'autorité  des  quatre  livres  de 
l'Évangile ,  en  montrant  qu'on  y  trouve  l'ac- 
complissement de  ce  que  la  loi  et  les  pro- 
phètes ont  prédit  devoir  arriver.  Des  quatre 
Évangélistes,  il  y  en  a  eu  deux  du  nombre  des 
apôtres,  savoir  :  saint  Matthieu  et  saint 
Jean;  et  deux  qui  n'en  étaient  pas,  saint 
Marc  et  saint  Luc,  afin  que  l'on  ne  pût  dire 
qu'il  y  eût  quelque  difïérence  entre  ceux 
qui  avaient  vu  les  actions  de  Jésus-Glirist 
de  leurs  propres  yeux,  et  ceux  qui  les 
avaient  écrites  sur  le  rapport  fidèle  des 
témoins  ocidaires.  Les  ouvrages  des  autres 
qui  ont  entrepris  d'écrire  l'histoire  de  Jé- 
sus-Christ ou  des  apôtres,  n'ont  pas  mérité 
d'être  reçus  de  l'Eglise  comme  des  livres 
d'une  autorité  égale  à  celle  des  livres  cano- 
niques, parce  que  les  auteurs  de  ces  histoires 
n'étaient  pas  tels  qu'on  dût  leur  ajouter  foi, 
et  qu'ils  avaient  même  mêlé  dans  leurs  écrits 
des  faussetés  et  des  erreurs  contraires  à  la 
règle  de  la  foi  cathohque  et  apostolique.  Les 
quatre  Évangiles  ont  été  écrits  suivant  l'or- 
dre qu'on  leur  a  fait  garder  dans  nos  Bibles. 
Saint  Matthieu  est  le  seul  qui  ait  écrit  en  hé- 
breu, et  les  autres  en  grec  ;  chaque  évan- 
géliste  a  gardé  un  orda-e  particulier  dans  le 
récit  des  choses,  et  chacun  d'eus ,  sans  se 
mettre  en  peine  de  rien  dire  qui  eût  déjà  été 
écrit  par  un  autre  ,  a  rapporté  les  choses 
en  la  manière  qu'elles  lui  avaient  été  inspi- 
rées. Saint  Matthieu  et  saint  Marc  se  sont 
principalement  appHqués  à  rapporter  la 
race  royale  de  Jésus-Christ,  et  à  le  re- 
présenter selon  la  vie  humaine  qu'il  a  me- 
née parmi  les  hommes.  Saint  Luc  s'est  pro- 
posé de  faire  remarquer  son  sacerdoce,  c'est 
pour  cela  qu'il  a  eu  soin  d'observer  que  la 
Vierge  Marie  sa  mère  était  parente  d'Elisa- 
beth qui  était  de  la  race  sacerdotale,  et 
femme  du  prêtre  Zacharie.  Saint  Jean  s'est 
surtout  occupé  dans  son  Évangile  à  nous 
faire  connaître  sa  divinité,  par  laquelle  il  est 
égal  à  son  père  ;  en  sorte  qu'on  peut  dire 
qu'au  lieu  que  les  trois  autres  Évangélistes 
ne  semblent  que  converser  avec  Jésus-Christ 
sur  la  terre,  celui-ci  s'élève  jusqu'au  ciel, 
pour  y  découvrir  qu'au  commencement  était 
le  Verbe,  que  le  Verbe  était  avec  Dieu,  .que 
le  Verbe  était  Dieu,  et  que  c'est  par  lui  que 
toutes  choses  ont  été  faites.  Après  avoir  fait 


l'application  de  ce  qui  est  dit  des  quatre 
animaux  de  l'Apocalypse,  aux  quatre  Évan- 
gélistes. Saint  Augustin  dit  à  ceux  qui  trou- 
vaient à  redire  que  Jésus-Christ  n'eût  rien 
écrit,  que  quelques-uns  d'entre  les  plus 
illustres  philosophes,  comme  Pythagore  et 
Socrate,  en  ont  usé  de  même,  laissant  à 
leurs  disciples  le  soin  de  mettre  par  écrit 
leur  doctrine  et  leurs  instructions.  Il  de- 
mande à  ceux  qui  formaient  cette  difEculté, 
pourquoi  reconnaissant  Jésus-Christ  pour  un 
homme  très-sage,  sur  la  réputation  qu'ils 
en  ont,  ils  refusent  de  le  reconnaître  pour 
Dieu ,  puisqu'on  le  croit  tel  dans  l'Église 
catholique  répandue  dans  tout  le  monde? 
Ces  personnes  ne  laissaient  pas  d'attribuer 
quelques  livres  à  Jésus-Christ,  mais  c'étaient 
des  livres  de  magie.  EUes  en  attribuaient- 
aussi  à  saint  Pierre  et  à  saint  Paul,  ayant 
choisi  ces  deux  apôtres  parce  qu'elles  les 
croyaient  plus  amis  de  Jésus-Christ  que  les 
autres,  apparemment  parce  qu'elles  les 
avaient  vus  peints  ensemble  en  plusieurs 
endroits  avec  Jésus-Christ.  Mais  saint  Au- 
gustin leur  répond,  que  ces  livres  de  magie 
pouvaient  être  l'ouvrage  des  ennemis  du 
nom  chrétien,  et  que  la  calomnie  était  si  vi- 
sible, que  les  enfants  mêmes  que  l'on  met- 
tait au  rang  des  lecteurs  la  découvraient  et 
s'en  moquaient.  Le  Sauveur  n'a  point  eu  re- 
cours aux  opérations  de  magie,  pour  enga- 
ger tous  les  peuples  à  embrasser  sa  doc- 
trine ;  celle  qu'il  a  enseignée  touchant  le 
culte  d'un  seul  Dieu,  est  celle  qu'ont  en- 
seignée les  Prophètes,  qui  ont  prédit  que  le 
Messie  la  prêcherait  sur  la  terre  ;  qu'elle  se- 
rait publiée  et  reçue  dans  tout  le  monde  ;  en 
effet,  les  Romains  qui  n'avaient  refusé  d'a- 
dorer le  seul  et  vrai  Dieu,  que  parce  qu'il 
défendait  le  culte  des  dieux  étrangers,  s'é- 
taient entièrement  soumis  à  lui.  Si  ce  Dieu 
a  souffert  que  les  Juifs  fussent  vaincus  à 
cause  de  leur  prévarication,  par  des  peuples 
étrangers,  il  n'a  pas  été  vaincu  lui-même, 
puisqu'il  a  brisé  toutes  les  idoles,  et  a  fait 
embrasser  son  culte  à  toutes  les  nations 
par  la  prédication  de  l'Évangile.  Sa  divinité 
est  suffisamment  établie  par  ses  œuvres 
merveilleuses  et  par  l'accomphssement  des 
choses  qu'il  a  prédites  par  ses  Prophètes  ; 
l'on  doit  penser  de  même  de  la  doctrine  des 
apôtres,  qui  n'ont  prêché  qu'une  doctrine 
conforme  à  celle  des  Prophètes.  On  ne  peut 
attribuer  à  l'établissement  du  christianisme 
la  décadence  des  choses  humaines,  puisqu'il 


218 


HISTOIRE  GENKRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


n'a  pour  but  que  de  réformer  les  mœurs  qui 
étaient  extrêmement  dépravées  sous  le  rè- 
gne du  paganisme. 
Livres  deu.       3.  Daus  le  deusïème  livre,  saint  Augustin 
me  l't  quairiè.  examino  de  suite  le  texte  de  l'Evaneùle  selon 

Bie,    pag.  27,  .  . 

93,  liii.  samt  Matthieu ,  depuis  le  commencement 
jusqu'au  vingt-sixième  chapitre ,  où  il  est 
parlé  de  la  Cène  que  Jésus-Christ  fit  avec 
ses  disciples  ;  et  comparant  les  trois  autres 
Evangiles  avec  celui-ci,  il  fait  voir  qu'ils 
s'accordent  partout.  Le  troisième  livre,  qu'il 
commence  au  vingt-sixième  chapitre  de  saint 
Matthieu,  et  qu'il  finit  par  ce  qui  y  est  dit 
de  l'apparition  de  Jésus-Christ  aux  onze 
disciples,  c'est-à-dire  par  le  dernier  chapi- 
tre du  même  Évangile,  est  consacré  à  mon- 
trer le  même  accord.  Le  quatrième  livre  a 
pom-  objet  d'exposer  ce  que  chacun  des 
Évangélistes  a  de  particulier,  et  de  conci- 
lier les  contrariétés  apparentes  qui  se  trou- 
vent quelquefois  entre  eux. 
seniioBdc       4.  Yers  l'an  393  ou  394,  saint  Augustin 

J.-C.    tur    la  '^ 

Monugno,  n'étant  encore  que  prêtre,  fit  en  deux  livres 

\crs  l'an  333,  ^  '^  ' 

pag.  165. ,  l'explication  du  sermon  de  Jésus-Christ  sur 
la  montagne,  rapporté  au  cinquième,  sixiè- 
me et  septième  chapitre  de  saint  Matthieu. 
C'est  ce  que  l'on  voit  par  son  premier  livre 
des  Rétractations,  où  il  parle  de  cette  expli- 
cation aussitôt  après  la  dispute  qu'il  eut  sur 
la  foi  et  le  Symbole  dans  le  concile  d'Hip- 
pone  de  l'an  393.  Dans  le  premier  de  ces  li- 
vres, il  explique  la  première  partie  du  ser- 
mon de  Jésus-Christ  contenu  dans  le  cin- 
quième chapitre  de  saint  Matthieu  ;  et  dans 
le  second ,  le  reste  de  ce  sermon  rapporté 
dans  les  deux  chai^itres  suivants.  On  ne  sait 
pas  bien  pom'quoi  il  commença  par  ce  dis- 
cours ses  recherches  sur  les  Évangiles',  si  ce 
n'est  parce  qu'il  renferme,  comme  il  le  dit 
lui-même,  toute  la  perfection  des  divins  pré- 
ceptes qui  peuvent  servir  à  former  un  chré  - 
tien. 
Difiicuiids       g.  Un  nommé  Pollentius,  lisant  ces  deux 

dans  ces  deux  ' 

livres.  livres  de  saint  Augustin  plusieurs  années 

après,  y  trouva  quelques  difficultés  sur  le 
divorce,  et  les  proposa  au  saint  Évêque,  qui 
y  répondit  par  le  premier  livre  des  Mariages 
adultères.  Comme  il  avait  étendu  ce  qui  est 
dit  de  la  fornication  à  tous  les  crimes  qui 
nous  éloignent  de  Dieu,  il  rétracta  cette  opi- 
nion dans  le  premier  livre  de  ses  Rétracta- 
tions -,  avouant  qu'elle  n'était  pas  bien  cer- 
taine ;  mais  qu'il  n'y  avait  point  de  doute 

'  Lib.  1  Retract,  cap.  xix.  —  -  Ibid,  cap.  xix. 


que  le  divorce  ne  fût  permis  pour  la  forni- 
cation proprement  dite.  Il  corrigea  aussi  ce 
qu'il  avait  dit  que  le  péché  à  la  mort  pour 
lequel  saint  Jean  ne  dit  pas  qu'il  faiUe  prier 
était  l'envie  contre  son  frère,  reconnaissant 
qu'il  n'y  avait  aucun  pécheur  en  ce  monde 
dont  il  fallût  désespérer  et  pour  lequel  on 
ne  pût  prier,  si  ce  n'est  celui  qui  meurt 
dans  le  crime.  11  rétracta  encore  le  terme 
l'homme  du  Seigneur,  dont  il  s'était  servi 
en  parlant  de  Jésus-Christ,  se  repentant 
de  l'avoir  employé ,  quoiqu'il  pût  recevoir 
un  bon  sens,  et  qu'il  l'eût  vn  dans  quelques 
écrivains  ecclésiastiques.  Les  autres  en- 
droits de  ces  deux  livres  qu'il  corrigea  dans 
le  premier  de  ses  Rétractations,  sont  de  moin- 
dre conséquence.  Il  y  en  a  deux  où  il  avait 
dit  qu'il  se  pouvait  trouver  en  cette  vie  des 
hommes  si  pacifiques  qu'ils  ne  ressentissent 
rien  de  la  révolte  de  la  chair  contre  l'esprit, 
n  s'explique  et  dit  que  cela  ne  doit  s'enten- 
dre que  de  ceux  qui,  en  domptant  lem-s  pas- 
sions, acquièrent,  non  une  parfaite  tranquil- 
lité, mais  la  plus  grande  dont  cette  vie  est 
capable,  et  que  c'est  de  cette  paix  dont  les 
apôtres  ont  joui. 

6.  On  y  trouve  plusieurs  instructions  très-   ,  cc  qu  ii  r  i 

.J  L  de   rcmarqun- 

utiles.  La  miséricorde,  selon  saint  Augustin,  '''■ 
est  le  seul  remède  qui  puisse  nous  délivrer 
de  tant  de  maux  qui  nous  font  gémir  en 
cette  vie.  Pardonnons  donc  à  notre  prochain 
comme  nous  voulons  que  Dieu  nous  pardon- 
ne. Aidons  les  autres  dans  tout  ce  que  nous 
pouvons,  comme  nous  désirons  être  aidés 
dans  tout  ce  que  nous  ne  pouvons  point  par 
nous-mêmes  :  car  la  miséricorde  est  promise 
à  ceux  qui  sont  miséricordieux,  parce  qu'en 
gens  vraiment  sages,  ils  usent  du  moyen 
qui  lem-  est  le  plus  salutaire,  en  donnant  à 
ceux  qui  ont  besoin  d'être  secourus  par  eux, 
dans  leurs  faiblesses,  le  secours  qu'ils  espè- 
rent eux-mêmes  de  recevoir  d'un  plus  puis- 
sant qu'eux.  Quiconque  aime  encore  les  dé- 
lices de  ce  siècle,  et  recherche,  étant  chré- 
tien, les  conmiodités,  les  richesses  tempo- 
relles, doit  se  souvenir  que  notre  béatitude 
est  au-dedans  de  nous-mêmes,  et  qu'au  de- 
hors on  nous  promet  des  malédictions,  des 
persécutions  et  des  injures,  en  nous  promet- 
tant toutefois  que  nous  en  recevrons  la  ré- 
compense dans  les  cieux  si  nous  les  suppor- 
tons avec  patience.  Jésus-Christ,  en  parlant 
du  bien  que  nous  devons  faire  devant  les  hom- 
mes, ne  dit  pas  seulement  afin  qu'ils  voient 
vos  bonnes  œuvres,  mais  il  ajoute  et  qu'ils  en 


[lV=  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


219 


glorifient  votre  Père  qui  est  au  ciel,  afin  que 
l'on  ne  mette  pas  sa  fin  dernière  dans  cette 
complaisance  humaine  ;  mais  qu'on  la  rap- 
porte à  Dieu,  c'est-à-dire  qu'on  ne  veuille 
plaire  aux  hommes  qu'afin  que  Dieu  en  soit 
glorifié.  Dans  ces  paroles  :  Quiconque  se  met- 
tra en  colère  contre  son  frère,  il  y  a  trois  de- 
grés de  faute  et  de  châtiment  à  remarquer  : 
l'un  qui  est  le  moindre,  l'autre  qui  est  plus 
considérable,  et  le  troisième  qui  est  le  plus 
grand.  Le  premier  degré  du  péché  dont 
Jésus-Clmst  parle,  est  de  se  mettre  en  co- 
lère et  d'entretenir  ce  mouvement  dans  son 
cœur,  sans  néanmoins  le  produire  au  dehors. 
Le  second  est  de  dire  quelques  paroles  qui 
fassent  paraître  de  l'empoi'tement  ;  et  ce  de- 
gré de  péché  est  plus  grand  que  celui  d'une 
colère  que  l'on  supprime  par  le  silence.  Le 
troisième  est  lorsqu'on  s'emporte  jusqu'à 
dire  une  injure  formelle  à  son  frère,  comme 
serait  de  l'appeler  fou.  Or,  si  Jésus-Christ 
nous  défeud  de  nous  fâcher  'contre  notre 
frère,  de  lui  témoigner  du  mépris  et  de  l'ou- 
trager de  paroles,  bien  moins  nous  permet- 
il  de  conserver  du  ressentiment  contre  lui 
dans  le  fond  du  cœur,  en  sorte  que  notre 
première  indignation  se  change  en  haine. 
C'est  pour  cela  qu'il  nous  ordonne  qu'étant 
sur  le  point  de  présenter  notre  don  à  l'autel, 
si  nous  nous  souvenons  que  notre  frère  a 
quelque  chose  contre  nous,  de  laisser  là  no- 
tre don  pour  nous  réconcilier  auparavant 
avec  notre  frère.  Les  préceptes  de  présenter 
sa  joue  pour  recevoir  un  second  soufflet,  de 
laisser  prendre  son  manteau,  et  de  suivre 
celui  qui  nous  veut  emmener  avec  lui,  doi- 
vent êti-e  entendus  de  la  disposition  inté- 
rieure de  notre  cœur,  et  non  de  la  pratique. 
C'est  à  celui  à  qui  la  puissance  en  a  été 
donné  selon  l'ordre  établi  dans  les  choses 
humaines,  de  réprimer  et  de  châtier  le  mal, 
mais  il  le  doit  faire  dans  le  même  sentiment 
qu'un  père  châtie  son  enfant  lorsqu'il  est  en- 
coi'e  si  petit  qu'il  ne  peut  le  haïr.  Exemple 
très-propre  à  nous  faire  connaître  comment 
l'ainour  nous  peut  porter  à  châtier  plutôt  le 
péché  qu'à  le  laisser  impuni,  non  pas  à  des- 
sein de  rendre  misérable  par  la  peine  celui 
que  nous  châtions,  mais  plutôt  de  le  l'endre 
heureux  par  une  correction  salutaire.  Il  est 
dit  dans  l'Écriture  :  Donnez  à  toute  personne 
qui  vous  demande,  non  ])as  tout  ce  qu'on  vous 
demande  ,  mais  ce  que  vous  pouvez  jus- 
tement et  honnêtement  donner  ;  non  pas 
toujours  ce  qu'on  vous  demande,  car  il  arri- 


verait quelquefois  que  vous  donneriez  quel- 
que chose  de  meillem"  en  corrigeant,  lors- 
qu'on n'a  pas  raison  de  vous  demander. 
On  ne  voit  point  qu'il  ait  été  commandé  au 
peuple  d'Israël  de  dire  à  Dieu,  en  priant  : 
Notî'e  Père,  car  on  le  leur  représentait  seu- 
lement comme  leur  Seigneur,  à  cause  qu'é- 
tant sous  la  loi  de  servitude,  ils  vivaient  en- 
core selon  la  chair.  Mais  adoptés  dans  le 
Nouveau  Testament  au  nombre  des  enfants 
de  Dieu,  nous  devons  reconnaître  cette  grâce 
dès  le  commencement  de  cette  prière,  en  lui 
disant  :  Notre  Père,  nom  seul  capable  d'exci- 
ter en  nous  un  grand  amour,  puisque  rien 
ne  doit  être  si  cher  à  des  enfants  que  leur 
père.  Les  riches,  les  nobles  et  les  grands  du 
monde  sont  aussi  avertis  par  ces  premières 
paroles  de  l'Oraison  dominicale,  de  ne  point 
s'enfler  d'orgueil  au  mépris  de  ceux  qui  sont 
pauvres  et  d'une  basse  condition,  puisqu'ils 
disent  tous  ensemble  à  Dieu  :  Notre  Père,  ce 
qu'ils  ne  sauraient  dire  avec  vérité  et  avec 
piété,  sans  reconnaître  qu'ils  sont  tous  frè- 
res. Si  nous  refusons  de  pardonner  à  nos 
frères,  lorsque  nous  demandons  à  Dieu  dans 
cette  prière  de  nous  pardonner,  nous  men- 
tons, et  notre  prière  devient  inutile.  Nous 
devons  toujours  interpréter  en  meilleure 
part  les  actions  d'autrui,  lorsque  nous  dou- 
tons par  quel  esprit  elles  ont  été  faites.  Car 
il  y  a  de  la  témérité  d'en  juger,  et  surtout 
de  les  condamner.  Si  la  nécessité  ou  la  cha- 
rité nous  engagent  à  reprendre  ou  à  corri- 
ger quelqu'un,  nous  devons  considérer,  pre- 
mièrement, si  nous  ne  sommes  jamais  tom- 
bés dans  le  vice  que  nous  avons  à  reprendre, 
et  qu'étant  hommes,  nous  y  avons  pu  tom- 
ber. Si  nous  y  avons  été  autrefois  sujets  et 
que  nous  nous  en  soyons  retirés,  la  fragi- 
lité humaine,  qui  nous  est  commune,  nous 
doit  porter  à  reprendre  plutôt  par  un  senti- 
ment de  compassion  que  d'indignation  et  de 
haine,  en  sorte  que  nous  soyons  bien  assu- 
rés de  la  sincérité  de  notre  intention.  Si 
uous  nous  trouvons  encore  assujettis  au 
même  vice,  ne  nous  ingérons  point  d'en  re- 
prendre les  autres,  mais  pleurons  et  gémis- 
sons avec  eux  ;  et  au  lieu  de  vouloir  qu'ils 
défèrent  à  notre  conseil,  invitons-les  seule- 
ment à  travailler  d'un  commun  effort  à  nous 
corriger.  On  ne  doit  user  de  réprimande  que 
rarement  et  dans  une  grande  nécessité,  et 
lors(jue  nous  en  usons,  ce  ne  doit  jamais 
être  pour  presser  les  auti-es  de  nous  obéir, 
mais  d'obéir  au  Seigneur.  Si  Jésus-Christ 


±20 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES, 


déclare  qu'il  ne  connaît  point  ceux  qui  com- 
mettent l'iniquité,  il  s'en  suit  qu'il  ne  con- 
naîtra que  celui  qui  s'exerce  clans  l'équité  et 
clans  la  justice. 

§  VIL 

Des   devx  livres  de  Questions  sur  quelque 
endroits  de  l'Évangile. 

Qucsiion,       i.  L'époque  de  ces  deux  livres  nous  est 

sur  les  Evan-  ^  i    i* 

fiiesoersi'an  comiue  non-seulemeut  par  le  second  livre 
des  Rétractations  ',  où  saint  Augustin  les 
met  parmi  les  ouvrages  c[u'il  composa  vers 
l'an  400  ;  mais  encore  par  un  endroit  de  ces 
livres  mêmes  ^,  où  il  dit  que  l'Eglise  étant 
maintenant  glorifiée,  et  le  peuple  gentil 
délivré  de  la  servitude  des  démons,  ceux 
qui  n'ont  pas  voulu  croire  en  Jésus-Christ, 
sont  contraints  de  rendre  leur  culte  sacri- 
lège aux  faux  dieux  dans  des  lieux  secrets  ; 
ce  qui  a  visiblement  rapport  à  la  loi  par 
lac[ue]le  l'empereur  Honorius  défendit  en 
399,  le  culte  public  des  idoles.  Saint  Augus- 
tin ne  suivit  aucun  ordre  dans  cet  ouvrage, 
pas  même  celui  des  Évangiles  ,  ne  s'appli- 
quaut  C[u'à  résoudre  les  difficultés,  dans  le 
temps  et  en  la  manière  qu'elles  lui  étaient 
proposées  par  une  persomie  qui  lisait  l'É- 
vangile. Néanmoins  pour  la  facilité  des  lec- 
teurs, il  donna  des  titres  à  toutes  les  ques- 
tions qu'on  lui  aA^ait  faites,  et  qu'il  avait 
éclaircies.  Les  quarante-sept  premières,  qui 
sont  sur  divers  endroits  de  l'Évangile  selon 
saint  Matthieu,  composent  le  premier  livre. 
Le  second  en  contient  cinquante-ct-une  sur 
saint  Luc.  On  peut  y  remarquer  les  choses 
suivantes  :  «La  sainteté  et  la  justice  ne  con- 
sistent ni  dans  le  manger  ni  dans  l'absti- 
jience  ;  mais  dans  la  disposition  de  l'esprit, 
à  supporter  la  pauvreté,  et  dans  l'usage 
modéré  des  biens  de  la  terre.  Il  ne  faut  pas 
tant  prendre  garde  à  la  quantité  ou  à  la 
qualité  des  viandes  qu'une  personne  prend 
selon  qu'il  convient  ou  à  sa  condition  ou  à 
sa  santé,  qu'à  la  facihté  avec  laquelle  on  sait 
s'en  passer  quand  il  est  à  propos  ou  néces- 
saire. Le  jeune  général  consiste  à  s'abste- 
nir, non-seulement  de  la  convoitise  des 
viandes,  mais  généralement  de  toutes  les 
joies  des  plaisirs  du  monde. 
Dix-sopi       2.  A  kl  suite  de  ces  Questions,  ou  en  a 

Queslions  sur 

1  Lilj.  Il  Relracl..  cap.  xn.  —  ^  Lib.  II  Quœst. 
Evang.  mu.  —  '■'  Au^nst.,  lib.  Posl.  Collai,  con- 
Ira  donuiisl.  cap.  vin,  cl  iii  Àctis  collât,  part. 
3,  cap.  ccLvin  et  cciav. 


imprimé  dix-sept  autres  sur  saint  Matthieu,  ^J''","^"'''" 
dont  le  style  a  beaucoup  de  ressemblance  îf^'J'j,;^.''!;;-; 
avec  celui  de  saint  Augustin.  Elles  sont 
même  citées  sous  son  nom  dans  le  quatriè- 
me livre  des  Commentaires  de  Rhaban  Maur 
siu-  cet  Évangile,  et  dans  un  manuscrit  de  la 
table  des  ouvrages  de  saint  Augustin,  par 
Possidius.  Mais  il  n'en  est  rien  dit  clans  les 
meillem's  manuscrits  de  cette  table,  ni  dans 
les  recueils  de  l'abbé  Eugypius,  auteur  du 
sixième  siècle,  qui  cite  toutefois  divers  eu- 
droits  des  deux  livres  précédents.  Saint  Au- 
gustin n'en  dit  rien  non  plus  dans  ses  Ré- 
tractations ;  et  ce  qui  semble  ne  laisser  au- 
cun doute  sur  la  supposition  de  cet  ouvrage, 
c'est  que  l'auteur  exphque  '  de  la  vie  qu'on 
ne  doit  point,  dit-il,  ôter  aux  méchants,  la 
parabole  des  zizanies  ;  au  lieu  que  saint  Au- 
gustin soutient  '  avec  saint  Gyprien  qu'on 
doit  l'entendre  de  l'Église,  où  les  méchants 
sont  mêlés  avec  les  bons  ;  c'est  en  ce  sens 
que  ce  saint  évéque  l'a  toujours  expliqué, 
surtout  depuis  la  conférence  de  Carthage 
où  les  donatistes  avancèrent  qu'elle  signifiait 
le  monde  et  non  pas  l'Eglise. 

§  VIII. 

Des  traités  sur  l'Evangile  et  l'Epître  de  saint 
Jean. 

•1.  Ce  fut  au  plus  tôt  en  416  ou  417,  que  ..J'^ii':?  *"■ 
saint  Augustin  commença  à  expliquer  l'E-  ^j^^uwn.cn 
vangile  et  la  première  Epitre  de  saint  Jean, 
puisque  dans  le  cent  vingt-unième  traité,  il 
parle  de  la  révélation  du  corps  de  saint 
Etienne ,  arrivée  sur  la  fin  de  l'an  413, 
comme  déjà  connue  presque  de  toute  la 
terre,  par  l'histoire  que  le  prêtre  Lucien  en 
avait  faite.  L'explication  de  l'Evangile  selon 
saint  Jean  est  distribuée  en  124  traités,  dont 
Possidius  dit  ^  que  l'on  faisait  six  volumes. 
Ils  sont  en  forme  d'homéUes.  On  ht  dans  di- 
vers manuscrits  *  qu'on  les  écrivait  pendant 
que  saint  Augustin  les  prononçait  devant  le 
peuple,  et  qu'après  cela  il  les  revoyait,  et 
les  mettait  en  l'état  où  ils  sont  aujourd'hui. 
C'est  ce  qu'il  dit  lui-même  assez  clairement 
dans  un  de  ses  livres  sur  lu  'Irinité  '.  Il 
faisait  ses  homélies  tous  les  jours  de  la  se- 
maine sans  distinction,  lorsqu'il  en  avait  le 
loisir.  La  première  fut  faite  un  dimanche,  et 

''  Qiiœst^  XII,    num.  2,p:ig.  281.   —  '  PossiJ.  iu 
indic. .iiig.,  'np.  vi.  —  «Toui.  III  Oper.  Avg.  p.ig. 287. 
7  Lib.  XV  De  TriniL,  cap.  xxvii. 


[IV*  ET  y'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


la  seconde  un  lundi.  La  46'^  fut  aussi  faite  un 
dimanche  ;  et  la  43%  le  samedi.  Les  34%  33% 
36'  et  37''  furent  prononcées  en  des  jours 
consécutifs,  comme  on  le  voit  par  la  fin  et 
le  commencement  de  chacune.  Les  19", 
20%  21%  22'=  et  23%  furent  aussi  faites  en  cinq 
jours  de  suite.  Mais  on  voit  par  la  huitième, 
qu'il  avait  passé  un  jour  sans  expliquer  le 
même  Évangile,  à  cause  de  quelques  néces- 
sités. 
Sa  méthode       2.  U  avait  coutume  de  faire  lire  dans  l'of- 

(Iniis   ces   es- 

piicaiinns.  ggg  ^^  jour,  l'eudroit  qu'il  voulait  expli- 
quer, et  il  tâchait  de  donner  l'explication  de 
tout  ce  qu'on  avait  lu.  Mais  lorsqu'elle  le 
conduisait  trop  loin,  il  remettait  à  un  autre 
jour  ce  qu'il  n'avait  pu  expliquer,  et  faisait 
alors  relire  dans  l'office  le  même  endroit  de 
l'Évangile  qui  était  resté  sans  explication. 
Tiaci.  ic.  On  voit  par  la  sixième  homéfie  ou  traité, 
qu'il  commença  dès  l'hiver  à  expliquer  cet 
Évangile,  puisqu'il  y  dit  qu'il  avait  appré- 
hendé que  le  froid  n'empêchât  le  peuple  de 
venir  à  l'église.  Il  dit  dans  la  dixième  que 
la  fête  de  la  Passion,  et  celle  de  la  Résur- 
rection approchaient,  et  dans  la  onzième 
qu'il  était  temps  d'exhorter  ceux  qui  étaient 
encore  catéchumènes. 
11  inior-       3.  Il  semble  dire   au  commencement  de 

,.i,™ir,ni.  la  treizième  qu  il  avait  discontinue  depuis 
assez  longtemps  l'explication  de  l'Évangile 
selon  saint  Jean  ;  et  en  eûet,  c'était  l'usage 
pendant  la  fête  et  l'octave  de  Pâques,  de 
lire  l'histoire  de  la  Résurrection  suivant 
qu'elle  est  rapportée  par  les  quatre  Évangé- 
listes.  Ne  pouvant  donc  continuer  à  expli- 
T.aci.  1  ia  quer  celui  de  saint  Jean,  il  chercha  quel- 
cpi'autre  livre  de  l'Ecriture  qu'il  pût  expli- 
quer tout  entier  dans  la  semaine;  et  pour 
s'éloigner  moins  de  celui  dont  il  avait  com- 
mencé l'explication,  il  prit  la  première  Épî- 

Elsr'j.ia  '"  '^'^  '^"  même  apôtre  ,  sur  laquelle  il  fit  une 
homéfie  tous  les  jours  de  la  semaine  de 
Pâques,  au  moins  jusqu'au  vendredi.  Mais 
n'ayant  pu  l'exphquer  tout  entière  en  si  peu 
de  temps,  il  remit  le  reste  à  quelqu'autre 
jour  de  fête,  et  fit  en  tout  dix  homélies  sur 
cette  Épître.  Après  les  avoir  achevées,  il 
Traci.  0.  rcprit  l'Évaugile  de  saint  Jean.  Il  n'en  était 
encore  qu'à  la  vingt-septième  homélie  le 
jour  de  la  fête  de  saint  Laurent  ;  ce  qui 
marque,  ce  semble,   qu'il  avait  été   obli- 


221 

gé   de   s'absenter  pour   quelques  voyages. 

4.  Saint  Augustin  cite  lui-même  sa  quatre-  ,.Traîi.  27in 
vmgt-dix-neuvieme  homélie  sur  saint  Jean  % 
La  soixante-dix-huitième  est  citée  deux  fois 
par  saint  Léon  %  et  une  fois  par  Théodoret. 
Cassien  rapporte  un  endi-oit  de  la  seconde  ^  ; 
et  on  en  trouve  plusieurs  dans  saint  Ful- 
gence ,  tirés  de  la  quatorzième  et  de  la 
vingt-deuxième.  L'abbé  Eugypius,  Bède  et 
Alcuin,  de  même  que  Florus,  ont  rapporté 
un  grand  nombre  de  passages  de  ces  homé- 
lies. Il  en  est  parlé  dans  Cassiodore  avec 
beaucoup  d'estime  '  ;  cet  autem'  loue  sur- 
tout la  manière  admirable  dont  saint  Au- 
gustin a  parlé  de  la  charité  dans  ses  dix 
homéfies  sur  l'Épitre  de  saint  Jean. 

3.  On  trouve  â  la   tête  de  ces  homélies     iwface  sur 

ces    horriclies 

une  préface  qu'on  ne  croit  pas  être  de  saint  ""  '"'"='• 
Augustin,  tant  parce  qu'elle  n'est  pas  de  son 
style,  qu'à  cause  qu'elle  ne  lui  est  attribuée 
dans  aucun  manuscrit.  Elle  se  ht  presque 
dans  les  mêmes  termes  dans  les  explica- 
tions que  Bède  et  Alcuin  ont  données  de 
l'Évangile  de  saint  Jean.  L'auteur  y  fait 
l'éloge  de  cet  Évangéhste,  et  remarque  cpi'il 
s'est  apphqué  à  rapporter  les  faits  que  saint 
Matthieu,  saint  Marc  et  saint  Luc  avaient 
passés  sous  silence,  particulièrement  à  nous 
apprendre  ce  qui  regarde  la  divinité  de 
Jésus-Christ. 

6.  Quoique  saint  Augustin,  dans  ses  ho-     0"='  en  est 

,,.  .     ,     T  ...  's  dessein. 

meiies  sur  saint  Jean,  s  applique  surtout  à 
éclaircir  les  mystères  de  notre  religion,  et  à 
étabhr  divers  principes  pour  le  règlement 
de  nos  mœm-s,  il  ne  laisse  échapper  presque 
aucune  occasion  de  combattre  les  hérésies 
qui  faisaient  encore  de  son  temps  quelques 
ravages  dans  l'Égiise.  Il  le  fait  même  quel- 
cpiefois  en  s'éloignant  un  peu  de  son  sujet  ; 
mais  il  y  revient  aussitôt.  Il  y  attaque  prin- 
cipalement les  ariens,  les  manichéens,  les 
donatistes  et  les  pélagiens. 

7.  Voici  sa  réflexion  sur  le  commence-      n  comim 
ment  de  l'Évangile  de  saint  Jean  :   «  Corn-   '"  ""°°'' 

«  ment  le  Verbe  de  Dieu  peut-il  avoir  été 

«  fait,  puisque  c'est  par  lui  que  Dieu  a  fait 

«  toutes  choses?  Si  le  Verbe  de  Dieu  a  été     Tract,  r  ;. 

«  tait,  par  quel  autre  verbe  a-t-il  été  fait  ?   '°™' 

«  Si  vous  dites  qu'il  y  a  un  autre  verbe,  par 

«  qui  le  Verbe  a  été  fait,  je  dis  que  cet  autre 

«  Verbe  est  le  fils  unique  de  Dieu.  Que  si 


1  August.,  lib.  XV  De  Trinit.,  cap.  sxix. 

2  Léo,  Epist.  lU,  ad  Léon,  Àii,gn,st..  Théodor. 
dial.  2,  p.  108. 


3  Cassian.,  lib.  VU  De  Incarn.,  cap.  xxvii.  Fulg., 
Epist.  14.  Quîesf.  2  et  .S.  —  '  Cassiod.,  Instit., 
cap.  VII. 


222 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


«  vous  avouez  qu'il  n'y  a  point  d'autre  verbe 
«  par  lequel  celui-ci  ait  été  fait,  avouez  donc 
«  aussi  que  le  Verbe  par  lequel  toutes  choses 
«  ont  été  faites,  n'a  pas  été  fait  lui-même. 

loJn""''"'"  "  *-''"^'  celui  par  qui  tout  a  été  fait,  ne  peut- 
«  être  mis  au  nombre  des  choses  qui  ont  été 
«  faites.  »  Pour  montrer  que  le  Fils  n'était 
point  égal  à  son  Père,  mais  qu'il  lui  était 
inférieur^  et  qu'il  avait  été  tel  de  toute  éter- 
nité, les  anciens  se  servaient  d'un  passage 
joan.v,  19.  (Je  saint  Jean,  où  Jésus-Christ  dit  que  le  Fils 
ne  peut  agir  par  lui-même,  et  qu'il  ne  fait 
que  ce  qu'il  voit  faire  au  père.  Saint  Augus- 
tin leur  répond  :  «  Jésus-Christ  ne  voulant 
pas  nous  donner  occasion  de  croire  que  le 
Père  fasse  des  ouvrages  différents  de  ceux  de 
son  Fils,  et  que  le  Fils  en  fasse  de  semblables 
sur  le  modèle  de  ceux  qu'il  voit  faire  au 
Père,  prévient  cet  inconvénient  en  disant 
aussitôt  après  :  Tout  ce  que  fait  le  Père,  le 
Fils  le  fait  aussi.  Il  ne  dit  pas  que  le  Père  fai- 
sant quelque  chose ,  le  Fils  en  fait  quelque 
autre  semblable  ;  mais  que  tout  ce  que  fait 
le  Père,  le  Fils  le  fait  aussi.  D'où  il  suit  que 
ce  que  le  Père  fait,  il  le  fait  par  le  Fils ,  et 
qu'ainsi  les  œuvres  du  Père  et  du  Fils  ne 
sont  point  des  œuvres  distinctes  qui  soient 
seulement  semblables  les  unes  aux  autres, 
mais  les  mêmes  œuvres,  et  faites  de  la  même 
manière.  Comment  donc  peut-on  s'imaginer 
çpi'il  y  ait  la  moindre  différence  entre  le 
Père  et  le  Fils,  et  que  le  Fils  ne  lui  soit  pas 

^^jnan.  T.ii,  égal?  Lorsque  Jésus-Christ  ajoute  :  Je  ne  suis 
pas  seul,  et  mon  Père  qui  m'a  envoyé,  est  avec 
moi,  il  nous  apprend  que  le  Père  et  le  Fils 
sont  deux  personnes?  Mais  en  disant  ail- 
joaD.i,3f .  leurs  :  Mon  Père  et  moi  nous  ne  sommes  qu'une 
même  chose,  il  établit  une  parfaite  égalité 
entre  le  Père  et  le  Fils ,  et  nous  garantit  de 
l'hérésie  arienne.  Car  si  le  Père  et  le  Fils 
sont  une  même  chose,  il  s'en  suit  néces- 
sairement qu'ils  ne  sont  dissemblables  en 
rien  :  autrement  cette  expression  ne  leur 
conviendrait  pas.  Il  nous  munit  même  par 
i.att.  u  le  même  passage ,  contre  l'hérésie  des  sa- 
belliens ,  en  disant  :  Nous  sommes  une  même 
chose,  puisque  parlant  ainsi  en  pluriel,  il 
faut  de  nécessité  que  le  Père  et  le  Fils  soient 
deux  ;  le  terme  sommes,  \\&  pouvant  conve- 
nir à  une  seide  personne.  » 

^  jo»n.  Mil,  Le  Père  est  plus  grand  que  le  Fils  ,  ob- 
jectaient encore  les  ariens,  puisqu'il  est 
écrit  que  c'est  le  Père  qui  glorifie  le  Fils. 
«Mais  il  n'y  a  qu'à  leur  répondre,  dit  saint 

^  joan.  XVII,  An.gustin,  que  dans  un  autre  endroit  de  l'É- 


vangile le  Fils  dit  aussi  qu'il  glorifie  son 
Père.  Si  donc  le  Fils  glorifie  le  Père,  de 
même  que  le  Père  glorifie  le  Fils,  il  faut  re- 
connaître l'égalité  qui  est  entre  le  Père  et  le 
Fils.  De  ce  que  Jésus-Christ  dit  en  saint 
Jean  :  Ce  que  je  vous  dis,  je  ne  vous  le  dis  pas  ^^^J""-  ^'"y 
de  moi-même  :  mais  mon  Père  qui  demeure  en 
moi,  fait  lui-même  les  œuvres  que  je  fais,  les 
ariens  inféraient  que  le  Fils  n'est  pas  égal 
au  Père  ;  et  les  sabelhens,  que  le  Père  et  le 
Fils  ne  font  qu'une  même  personne.  Saint 
Augustin  dit  aux  premiers  que  si  ces  pa- 
roles de  Jésus-Christ  leur  font  douter  de 
l'égalité  du  Fils  avec  le  Père,  comme  si  le  Fils 
ne  faisait  pas  ce  qu'il  voulait,  ils  écoutent 
ce  que  ce  même  Fils  dit  ailleurs  en  parlant 
de  son  pouvoir:  Comme  le  Père  ressiicite  les  3aan.\,^\. 
morts  et  leur  donne  la  vie,  de  même  le  Fils 
donne  la  vie  à  ceux  à  qui  il  la  veut  donner.  Il 
dit  aux  sabelliens  que  s'ils  font  attention  à 
cet  autre  endroit  de  l'Évangile  :  Tout  ce  que 
le  Père  fait,  le  Fils  le  fait  aussi,  ils  verront  que 
ce  n'est  pas  une  seule  personne,  qui  fait 
deux  fois  une  même  chose,  mais  deux  per- 
sonnes difl'érentes  qui  la  font.  Néanmoins 
parce  que  de  ces  deux  personnes  il  y  en  a 
une  qui  vient  de  l'autre,  le  Fils  du  Père,  le 
Fils  dit  :  Ce  que  je  dis,  je  ne  le  dis  pas  de  moi- 
même,  parce  qu'en  efl'et  il  n'est  pas  de  lui- 
même,  mais  du  Père  de  qui  il  est  né.  Et 
c'est  aussi  pour-  cela  qu'il  dit  que  c'est  le 
Père  qui  demeure  en  lui,  qui  fait  lui-même 
les  œuvres  qu'il  fait  ;  parce  que  le  Père  qui 
fait  toutes  choses  par  lui  et  avec  lui,  est  par 
lui-même,  et  n'est  pas  né  d'un  autre  comme 
le  Fils. 

8.  Le  saint  Docteur  parlant  contre  les  ma-  ,    fi  s  '■>•": 

^  Lat    les  mani- 

nichéens,  s'écrie  :  «  Y  a-t-il  rien  de  plus  no-  'Mf"'- 
ble  que  l'ange  parmi  les  créatures,  et  rien 
de  plus  méprisable  que  le  ver  ?  Cependant 
le  même  qui  a  créé  l'auge,  a  créé  aussi  le  jj™°'-  '  '" 
ver,  l'un  pour  le  louer  dans  le  ciel,  et  l'autre 
pour  ramper  sur  la  tei-re  ;  en  sorte  que 
toutes  les  créatm'es,  sans  en  excepter  au- 
cune ,  les  grandes  et  les  petites ,  ceUes  qui 
sont  au  plus  haut  des  cieux,  celles  qui  sont 
au  centre  de  la  terre ,  tout  ce  qui  est  esprit , 
tout  ce  qui  est  corps,  tout  ce  qui  a  quelque 
forme,  quelque  assemblage  et  convenance 
de  parties  entre  elles,  enfin  toute  substance 
qui  peut-être  pesée,  nombrée  et  mesurée,  a 
été  faite  par  celui  duquel  il  est  dit,  qu'il  a  dis-  sap.  n,  21. 
posé  toutes  choses  avec  mesure,  avec  nombre  et 
avec  poids.  Que  personne  donc  ne  prenne 
occasion  de  vous  tromper,  lorsqu'il  vous  voit 


[IV''  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


223 


importtmé   des  mouches,  c'est  un  artifice 
dont  le  démon  se  sert  quelquefois  avec  suc- 
cès, comme  il  est  arrivé  depuis  peu  à  je  ne 
sais  quel  catholique,  qui  étant  importuné 
des  mouches ,  tomba  entre  les  mains  d'un 
manichéen,  à  qui  contant  son  chagrin  con- 
tre ces  insectes,  cet  liérétique  lui  demanda 
d'abord,  qui  il  en  croyait  auteur  ?  Comme  il 
en  était  fort  ennuyé  et  les  haïssait  beau- 
coup, il  n'osa  pas  dii'e  que  ce  fût  Dieu.  Le 
manichéen  le  pressant,  lui  dit,  qui  pensez- 
vous  donc  qui  les  a  faites,  si  ce  n'est  point 
Dieu  ?  Je  pense ,  répondit  ce  malheureux 
dans  son  chagrin,  que  c'est  le  diable  qui  les 
a  formées.  Si  elles  sont  l'ouvrage  du  diable, 
continua  le  manichéen,  comme  vous  venez 
de  l'avouer  avec  beaucoup  de  raison,  de  qui 
croyez-vous  qu'est  l'abeille ,  qui  est  un  peu 
plus  grosse  que  la  mouche  ?  Le  catholique 
venant  d'avancer  que  Dieu  n'avait  pas  fait  la 
mouche,  n'osa  dire  qu'il  eût  créé  l'abeille, 
à  cause  du  peu  de  différence  qu'il  y  a  de 
l'une  à  l'autre.  De  l'abeille  il  le  conduisit  à 
la  sauterelle  ;  de  la  sauterelle  au  lézard  ;  du 
lézard  aux  oiseaux  ;  des  oiseaux  aux  petites 
bêtes  à  quatre  pieds,  de  là  au  bœuf,  du 
bœuf  à  l'éléphant  ;  et  enfin  de  l'éléphant  à 
l'homme  ;  tâchant  de  pei'suader  à  ce  catho- 
lique que  Dieu  n'avait  pas  fait  l'homme,  n 
Saint  Augustin  rapporte  tout   ce  détail 
pour  apprendre  aux  fidèles  à  tenir  avec  soin 
leurs  oreilles  fermées  aux  séductions  de  l'en- 
nemi ;  et  afin  qu'ils  soient  toujours  persua- 
dés que  c'est  Dieu  qui  a  fait  toutes  choses, 
qui  les  a  rangées  comme  elles  sont;  et  que 
s'il    s'en    trouve    qui   nous  incommodent , 
c'est  parce  que  nous  avons  offensé  le  Dieu 
qui  les  a  créées.  Les  manichéens  abusaient 
de  ces  paroles  du  Sauveur  aux  Juifs  :  Vous 
êtes  les  enfants  du  diable,  pour  favoriser  leur 
hérésie,  et  pour  établir  leur  prétendue  na- 
ture du  mal.  Le  saint  Docteur  leur  fait  voir 
que  rien  de  ce  que  Dieu  a  fait  ne  peut  être 
mauvais  ;  et  que  si  quelque  chose  le  devient 
à  l'égard  de  l'homme,  c'est  parce  qu'il  s'est 
fait  méchant  lui-même.  «  Par  où  donc,  di- 
rez-vous,  les  Juifs  étaient-ils  enfants  du  dia- 
ble, s'ils  ne  l'étaient  pas  par  leur  nature  ? 
Ils  étaient  ses  enfants  parce  qu'ils  l'imitaient. 
Par  une  semblable  raison  le  prophète  Ézé- 
chiel  parlant  aux  Juifs,  leur  dit  :  Les  Amor- 
rhéens  sont  vos  pères,  et  les  Céthéennes  seront 
vos  mères:  non  que  les  Juifs  fussent  de  la 
race  des  Amorrhéens,  ni  de  ceUe  des  Cé- 
théens  ;    mais    parce    qu'ils    imitaient    les 


crimes  de  ces  deux  nations  extrêmement  im- 
pies. » 

Saint  Augustin  croit  que  l'origine  du  dia- 
ble n'est  point  différente  de  celle  des  bons 
anges  ;  qu'ils  viennent  les  uns  et  les  autres 
du  même  principe  qui  les  a  créés  ;  mais 
que  les  bons  anges  ont  mérité  par  leur 
obéissance  de  demeurer  dans  l'état  bien- 
heureux où  ils  avaient  été  créés  ;  au  lieu 
que  le  diable  en  est  déchu,  et  que  d'ange 
qu'il  était,  il  est  devenu  démon  par  sa  dé- 
sobéissance et  par  son  orgueil.  C'était  en- 
core une  erreur  des  manichéens  de  croire 
que  le  Fils  de  Dieu  est  ce  soleil  qui  est  vu 
des  yeux  du  corps  par  les  bêtes  aussi  bien 
que  par  les  hommes.  «Mais,  dit  le  saint  Doc- 
teur, la  foi  orthodoxe  de  l'Église  catholique 
rejette  cette  imagination  fausse,  qu'elle  re- 
garde comme  une  doctrine  diabolique.  Non, 
Jésus-Christ  n'est  point  ce  soleil  qui  a  été 
fait  ;  il  est  le  Créateur  par  lequel  le  soleil  a 
été  fait.  Tout  a  été  fait  par  lui,  et  rien  n'a  été 
fait  sans  lui.  »  Ces  hérétiques  avaient  un 
grand  nombre  de  cérémonies  aussi  impies 
que  superstitieuses  sur  lesquelles  ils  avaient 
bâti  leur  l'eligion.  Ils  faisaient  profession, 
contre  la  défense  de  l'Église,  de  deviner 
l'avenir  par  l'inspection  des  entrailles  des 
animaux  qu'ils  éveutraient,  par  les  cris  et  le 
vol  des  oiseaux,  et  par  un  grand  nombre 
d'autres  signes  bizarres  que  le  démon  leur 
fournissait,  et  dont  ils  rebattaient  sans  cesse 
les  oi'eilles  de  ceux  qu'ils  avaient  séduits, 
ou  qu'ils  voulaient  séduire.  C'est  d'eux  dont 
l'Apôtre  a  dit  qu'il  viendra  un  temps  que  les 
hommes  ne  pourront  plus  souffrir  la  saine 
doctrine,  et  que  fermant  l'oreille  à  la  vé- 
rité, ils  l'ouvriront  à  des  contes  et  à  des  fa- 
bles. 

9.  Le  même  Père  fait  voir  dans  ses  Traités 
sur  saint  Jean,  combien  était  grande  l'absur- 
dité des  donatistes  de  vouloir  resserrer  l'É- 
glise catholique  dans  un  petit  coin  de  l'Afri- 
que, tandis  que  nous  lisons  dans  l'Écriture 
que  Jésus-Christ,  qui  en  est  le  chef  et  l'é- 
poux, est  ime  victime  de  propitiation  pour  nos 
péchés,  et  non-seulement  pour  nos  péchés,  mais 
aussi  pour  ceux  de  tout  le  monde.  Lorsqu'ils 
entendent  chanter  parmi  eux  l'endroit  du 
psaume  où  il  est  dit  :  Levez-vous,  ô  Dieu  ! 
venez  juger  la  terre  ;  car  vous  posséderez 
toictes  les  nations  ;  peuvent -ils  ne  pas 
voir  par-là  qu'ils  sont  exclus  dé  l'héri- 
tage du  Seigneur,  n'ayant  pas  de  commu- 
nion avec  l'Église  qui    est  répandue  dans 


Tracl.  34  in 
Joaii. 


-ïnan.  I,  3. 


Tract.  97  in 
Joan.  I 


11   Timolh. 
IV,  3. 


1!  y  combat 
les  donatistes. 


Tract. 
Joan. 


I  Jean,   il, 


Psalm. 
LXXXI,  3. 


Tiact.     3 
10  in  Joan. 


224 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 

Ce  n'est  pas  vous  qui  m'avez  choisi  :  car  s'il 


Il  y  Cftiiiliil 


Tracl.  86  in 
Jo.nn. 


toutes  les  nations  ;  car  il  n'y  a  qu'une  véri- 
table Église  ;  rien  ne  peut  donner  atteinte  à 
son  intégrité  ;  et  elle  demeure  toujours  telle 
qu'elle  doit  être  ?  » 

10.  Saint  Augustin  trouve  un  grand  éloge 
de  la  grâce,  et  une  vérité  qui  instruit  ceux 
qui   ont  un  cœur  humble,  et  qui  ferme  la 
bouche  aux  superbes,  dans  ces  paroles  de 
Jésus-Christ  :  Comme  la  branche  de  la  vigne 
ne  saurait  porter  du  fruit  d'elle-même,  si  elle 
ne  demeia-e  attachée  au  cep,  ainsi  vous  n'en 
pourrez  porter  aucun,  si  nous  ne  demeurez  en 
moi.  Il  y  trouve  en  même  temps  la  condam- 
nation de  ceux  qui  se  sachant  bon  gré  à  eux- 
mêmes  du  bien  qu'ils  font,   croient  que  le 
secours  de  Dieu  ne  leur  est  pas  nécessaire 
pour  faire  de  bonnes  œuvres.  C'étaient  les 
pélagiens.    Ils  avouaient   sans   peine    que 
c'était  Dieu   qui   les   avait   faits   hommes; 
mais    c'est    nous-mêmes,    disaient-ils,    qui 
nous  sommes  faits  justes,  et  nous  ne  le  de- 
vons qu'à  nous-mêmes.  «  Que  dites- vous  là, 
misérables?   leur  répond   saint  Augustin  : 
pourquoi  vous  trompez- vous  ainsi  voiis-mê- 
mes,  et  précipitez-vous  le  libre  arbitre  à  force 
de  le  vouloir  élever  ?  Il  tombe  de  cette  élé- 
vation ruineuse    où  votre   présomption   le 
porte  ;  et  votre  vanité  est  comme  un  vide  à 
travers  de   quoi  il  passe  pour  s'abîmer  et 
pom-  couler  à  fond.  Faites  réflexion  à  ce  que 
Jésus-Christ  continue  de  dire  soi-  ce  sujet  : 
Je  suis  le  cep  de  la  vigne,  et  vous  en  êtes  les 
branches;  celui  gui  demeure  en  moi  et  en  qui  je 
demeure,  porte  beaucoup  de  fruits  ;  car  vous  ne 
pouvez  rien  faire  sans  moi.  De  peur  que  quel- 
qu'un ne  fût  tenté  de  croire  que,  si  la  bran- 
che du  cep  ne  pouvait  pas  porter  beaucoup 
de  fruits  par  elle-même,  du  moins  pouvait- 
elle  en  porter  un  peu,  Jésus-Christ  dit  nette- 
ment :  Vous  ne  pouvez  rien  faire  sans  moi.  Or  on 
ne  peut  porter  ni  peu  ni  beaucoup  de  fruits 
sans  celui  sans  qui  l'on  ne  peut  rien  faire.  « 
Yoici  comment  le  même  Père  explique  ces 
autres  paroles  de  Jésus-Christ  :  «  Ce  n'est  pas 
vous  gui  m'avez  choisi,  mais  c'est  moi  qui  vous 
ai  choisis;  parlerait-il  de  la  sorte,  dit-il,  si  sa 
miséricorde  ne  nous  avait  prévenus  ?  C'est 
ici  qu'échouent  les  vains  raisonnements  de 
ceux  qui  prennent  le  parti  de  la  prescience 
de  Dieu,  contre  la  grâce  de  Jésus-Christ,  en 
disant  que  si  Dieu  nous  a  choisis  avant  la 
création  du  monde,  c'est  parce  qu'il  a  pré- 
vu que  nous  serions  bons,  et  non  point  parce 
qu'il  a  prévu  cpa'il  nous  rendrait  bons.  Ce 
n'est  point  là  ce  que  vent  dire  celui  qui  dit  : 


nous  avait  choisis  pour  avoir  prêtai  que  nous 
serions  bons,  il  s'ensui\-t'ait  qu'il  aurait  aussi 
prévu  que  nous  devions  le  choisir  les  pre- 
miers, puisque  sans  cela  nous  ne  pouvions 
être  bons,  à  moins  qu''il  ne  se  trouve  quel- 
qu'u.n  qui  ose  dire  qu'un  homme  peut  être 
bon  sans  choisir  le  bien,  et  le  préférer  au 
mal.  Qu'a  donc  trouvé  Jésus  -  Christ  en 
ceux  qu'il  a  choisis,  qui  l'ait  obligé  à  les 
choisir  ?  Ils  n'ont  pas  été  choisis ,  parce 
qu'ils  étaient  bons,  puisqu'ils  ne  sont  deve- 
nus bons  que  parce  qu'ils  les  a  choisis  ;  au- 
trement la  grâce  ne  serait  plus  ime  grâce, 
si  l'on  prétend  qu'elle  a  été  précédée  par  les 
mérites.  »  Le  saint  Docteur  confirme  cette 
doctrine  par  ce  passage  de  l'Apôtre  dans  l'É- 
pître  aux  Romains  :  Dieu  a  sauvé  en  ce  temps, 
selon  l'élection  de  sa  grâce,  un  petit  nombre 
qu'il  s'est  réservé.  Si  c'est  par  grâce,  ce  n'est 
donc  pilvs  par  les  œuvres;  autrement  la  grâce 
ne  serait  plus  grâce. 

M.  «  Il  y  a  eu  des  philosophes,  dit  saint 
Augustin,  qui  ont  tâché  de  parvenir  à  la 
connaissance  du  Créateur  par  celle  des  créa- 
tures, comme  cela  se  peut  faire,  selon  que 
le  dit  l'Apôtre  dans  son  Épître  aux  Romains. 
Ds  ont  bien  vu  où  il  fallait  aller  ;  mais  l'in- 
gratitude avec  laquelle  ils  se  sont  attribué  à 
eux-mêmes  cette  connaissance  qu'ils  te- 
naient de  Dieu,  les  a  rendus  superbes,  et 
l'orgueil  lem-  a  fait  perdre  ce  qu'ils  avaient 
acquis  de  connaissance,  en  les  jetant  dans 
ini  si  grand  excès  d'aveuglement  qu'ils  ont 
préféré  les  idoles  au  vrai  Dieu.  Mais  ils  ne 
sont  tombés  dans  cet  abîme  qu'après  avoir 
été  comme  écrasés  sous  le  poids  de  lem-  or- 
gueil, qui  faisait  qu'ils  se  regardaient  com- 
me les  sages  du  monde.  On  voit  par  leurs 
livres  qu'ils  ont  connu,  comme  saint  Jean 
l'a  dit,  que  toutes  choses  avaient  été  faites 
par  le  Verbe.  Il  paraissent  même  avoir 
connu  que  Dieu  avait  un  Fils  unique  créa- 
teur de  toutes  choses.  Ils  ont  pu  entrevoir 
de  loin  Celui  qci  est  ;  mais  ils  n'ont  pu  en- 
trer dans  l'humihté  de  Jésiis-Christ,  et  n'ont 
eu  cfue  du  mépris  pour  sa  croix,  quoique  ce 
fût  le  vaisseau  nécessaire  pour  les  conduire 
avec  sûreté  à  ce  qu'ils  apercevaient  de  si  loin. 
Ayez  donc,  leur  dit  saint  Augustin,  recom'S 
à  la  croix  de  Jésus-Christ;  croyez  fermement 
qu'il  y  a  été  attaché  pom'vous,  et  vous  pour- 
rez, par  ce  moyen,  arriver  au  port.  Il  a  été 
ci'ucifié  pour  vous,  afin  de  vous  apprendre  â 
être  humble.  » 


11  comlf 
Ip^  plitloFn 
ptiei^. 


[lV«  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONË. 


â2S 


Tracl.  3  in 
loun. 


Le  même  Père  dit  aux  chrétiens  qu'ils  por- 
tent tous  la  marque  de  Jésus-Christ,  c'est-à- 
dire  la  croix  sur  leur  front  ;  mais  qu'elle  fera 
la  confusion  de  ceux  qui  ne  l'ont  pas  dans 
le  cœur.  «  II.  est  vrai,  dit-il,  que  les  Mages 
ont  appris  sa  naissance  par  une  étoile  créée 
exprès  dans  le  ciel,  mais  c'est  sa  croix,  et 
non  point  cette  étoile  qu'il  a  voulu  que  les 
chi'étiens  portassent  pour  sa  marque.  Il  a 
voulu  relever  sa  gloiie  par  le  même  endroit 
par  lequel  il  s'est  humilié,  et  il  a  fait  trouver 
aux  humbles  leur  élévation  dans  ses  abais- 
sements. » 
Conduiiede       12.  Cc  quo  dit  saint  Augustin  de  la  con- 

Eglise      en-  ^  '-' 

BIS  les  iiéré-  (juite  de  l'Eglise  envers  les  donatisles  est  re- 
marquable,  parce  qu'on  en  peat  faire  aisé- 
ment l'application  aux  autres  hérétiques  ou 
Ce  qu'on  schlsmatiquos.  a  Pourquoi  nous  pressez-vous, 

oil  [lenser  de      .,...-  , 

jurs  marisTs.   disaicnt-ils ,  de  passer,  parmi  vous  si  nous 

Tratl.  6  in  ,    ,  „    r, ,  f>  ■■ 

ii=n-  sommes  méchants  ?  C  est  aun  que  vous  de- 

veniez bons  :  car,  si  vous  étiez  déjà  bons, 
nous  ne  vous  chercherions  pas  comme  des 
brebis  égarées;  vous  seriez  tout  retrouvés. 
Celui  qui  est  bon  est  tout  retrouvé,  mais  ce- 
lui qui  est  méchant,  comme  il  est  dans  l'é- 
garement, a  besoin  qu'on  le  cherche  ;  c'est 
pour  cela  que  nous  vous  cherchons.  Reve- 
nez donc  dans  l'arche.  J'ai  déjà  le  baptême, 
me  direz-vous  ?  mais  à  quoi  vous  sert-il,  après 

I  Cor.  xn,  ce  que  dit  l'Apôtre  :  Quand  j'aurais  le  don  de 
prophétie,  que  je  pénétrerais  tous  les  mystères, 
et  que  j'aurais  toute  la  foi  possible  et  capable  de 
transporter  des  montagnes,  si  je  n'ai  la  charité, 
je  ne  suis  rien.  Dès  que  nous  verrons  en  vous 
le  fruit  de  l'olivier,  c'est-à-dire  la  charité, 
nous  vous  verrons  bientôt  rentrer  dans  l'ar- 
che. Vous  direz  peut-être  :  Outre  la  foi  et  le 
vrai  baptême  ,  on  trouve  encore  dans  notre 
communion  la  souffrance  des  persécutions? 
mais  est-ce  pour  Jésus-Christ  que  vous  souf- 
frez ces  persécutions  ?  N'est-ce  pas  pour  con- 
server les  dignités  que  vous  vivez  dans  l'E- 
ghse?  N'est-ce  pas  aussi  pour  en  tirer  vanité, 
que  vous  vous  vantez  de  faire  de  grandes 
aumônes,  de  donner  libéralement  aux  pau- 
vres, d'être  exposés  à  de  mauvais  traite- 
ments? N'est-ce  pas  pour  Douât,  et  non  point 
pour  Jésus-Christ  que  vous  les  endurez  ? 
Faites  donc  moins  de  fonds  sur  vos  préten- 
dues persécutions,  et  plus  d'attention  sur  ce- 
lui pour  qui  vous  vous  y  exposez  :  car  s'il  se 
trouve  que  ce  ne  soit-pas  pour  Jésus-Christ, 
mais  pour  Donat,  vous  souffrez  pour  un  su- 
perbe, et  vous  ne  gémissez  pas  avec  la  co- 
lombe. Donat  n'était  point  l'ami  de  l'Époux; 
IX. 


s'il  l'avait  été,  il  en  aurait  cherché  la  gloire, 
et  non  la  sienne  propre.  Les  martyrs  de  Jé- 
sus-Christ, qui  ont  souffert  pour  son  nom 
durant  les  persécutions  de  l'Église,  l'ont  fait 
avec  charité  :  aussi  leurs  souffrances  leur 
ont  été  utiles;  mais  ceux  du  parti  de  Donat 
souffreut  par  orgueil  et  par  une  enflure  de 
cœur,  qui  les  portent  à  être  leurs  propres 
persécuteurs.  Revenez  donc  à  la  colombe, 
afin  d'y  trouver  la  charité.  Vous  me  direz 
que  vous  avez  parmi  vous  des  martyrs  ;  mais 
quels  martyrs?  Comme  ils  n'appartiennent 
point  à  la  colombe,  ils  ont  inutilement  tenté 
de  voler  jusqu'au  trou  de  la  pierre  pour  s'y 
réfugier.  » 

Les  donatistes  se  plaignaieut  qu'on  leur 
avait  enlevé  un  fonds  de  terre,  qui  apparte- 
nait, disaient-ils,  à  l'Éghse  dont  Faustin  était 
évêque.  «  Mais  ils  sont  bien  hardis,  répond 
saint  Augustin,  d'appeler  l'Église  une  société 
schismatique  gouvernée  par  Faustin.  Qu'ils 
disent  donc,  au  parti  de  Faustin,  et  non  pas  à 
l'église  de  Faustin.  Il  n'y  a  que  la  colombe 
seule  qui  soit  en  droit  d'être  appelée  l'É- 
glise :  qu'ils  cessent  de  se  récrier  injuste- 
ment comme  ils  font,  sur  nos  prétendues 
usurpations.  Nous  n'avons  ni  pris,  ni  mangé 
leurs  héritages;  ce  n'est  pas  à  nous  qu'ils 
ont  été  donnés,  c'est  a  l'Église.  Il  s'agit  de 
savoir  qu'elle  est  cette  Église,  et  de  les  lui 
laisser  posséder  en  paix.  Mais  de  quel  droit 
possédaient -ils  les  terres  qu'ils  disent  leur 
avoir  été  ôtées?  Était-ce  de  droit  divin, 
ou  de  droit  humain?  Le  premier  de  ces  droits 
est  établi  dans  les  Ecritures  saintes  ;  et  l'autre 
par  les  lois  des  princes.  Personne  ne  peut 
rien  posséder  légitimement  que  par  l'un  ou 
l'autre  de  ces  deux  titres.  Ils  ne  peuvent  pas 
répondre  que  c'est  de  droit  divin  que  ces 
fonds  leur  appartenaient ,  puisque  les  choses 
nécessaires  à  l'usage  de  l'un  appartiennent 
par  cet  endroit  également  à  tous  les  hommes  ; 
Dieu  ayant  pétri  du  môme  limon  les  pauvres 
et  les  riches,  les  uns  et  les  autres  habitant 
sur  la  môme  terre  ;  et  cette  terre  avec  ce 
qu'eUe  contient  étanf  au  Seigneur.  C'est 
donc  le  droit  humain  qui  a  réglé  la  portion 
de  ces  sortes  de  choses  que  chacun  doit  pos- 
séder en  propre;  et,  c'est  le  seul  titre  sur 
lequel  nous  pouvons  nous  fonder  pour  dire 
avec  justice  :  Cette  maison  est  à  moi,  ce 
fonds  de  tei-re  est  à  moi,  cet  esclave  est  à 
moi.  Or,  ce  droit  humain  est  uniquement 
fondé  sur  les  lois  des  princes  :  parce  que 
Dieu  se  sert  d'eux  pour  donner  de  ces  sortes 


226 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


de  lois  aux  hommes.  H  faut  donc  de  deux 
choses  l'une  :  ou  anéantir  la  puissance  des 
lois  des  princes,  auquel  cas  il  ne  reste  jdIus 
de  titre  à  personne,  par  lequel  il  puisse  dire  : 
Ce  fonds  de  terre  est  à  moi  ;  ou  il  faut  y 
obéir  comme  à  la  règle  certaine  qui  main- 
tient chacnn  dans  la  possession  de  ce  qui  est 
à  lui  ;  et  en  ce  cas,  au  lieu  de  vous  plaindre 
vous  aurez  sujet  de  vous  réjouir,  quand  il 
ne  resterait  qu'un  seul  jardin  à  vos  préten- 
dues églises,  et  de  reconnaître  que  vous  le 
devez  à  la  douceur  de  la  colombe,  ne  tenant 
qu'à  elle  de  vous  le  faire  ôter,  puisqu'il  y  a 
des  lois  des  empereurs  par  lesquelles  il  est 
expressément  défendu  à  ceux  qui ,  étant 
hors  de  l'Église  catholique ,  ne  laissent  pas 
de  se  parer  du  nom  de  chrétien ,  de  rien 
posséder  au  nom  de  leurs  prétendues  égli- 
ses. » 
^T?,^?.'       13.    Parmi    un  grand  nombre   d'instnic- 

taieraX"""  tions  morales  répandues  dans  les  traités 
Traci.  10.  ^^  g^j^^^  Augustin  sur  saint  Jean,  nous 
remarquerons  celle-ci  :  «  Quand  vous  voyez 
dans  la  maison  de  Dieu  quelque  chose  de 
déréglé;  si  c'est  un  ami,  avertissez-le  douce- 
ment; si  c'est  votre  femme,  corrigez-la  sé- 
vèrement; si  c'est  un  serviteur  ou  une  ser- 
^'ante,  réprimez-les  par  un  châtiment  rigou- 
reux ;  faites  tout  ce  que  vous  pourrez  selon 
l'état  où  vous  vous  trouvez,  et  vous  accom- 
plirez cette  parole  de  l'Écriture  :  Le  zèle  pour 
votre  maison  m'a  consumé  ;  mais  ne  soyez  pas 
froid,  lâche  et  indolent,  ne  regardant  que 
vous  seul,  et  comme  si  vous  n'aviez  point 
d'intérêt  à  guérir  les  péchés  d'autrui.  » 
On  ne  rt.iii       14.    «  Jésus-Christ ,    dit  saint   Augustin, 

p'éreTdu  'par-  vovait  dc  dessus  la  croix  où  il  était  attaché , 

don  de  ses  pé-  ^  -  i     •  ,  •        , 

quelques-uns  de  ceux  qui  lui  appartenaient 
parmi  le  grand  nombre  des  autres  qui  ne 
lui  appartenaient  pas.  Il  demandait  pardon 
à  son  Père  pour  les  premiers  dans  le  temps 
même  qu'il  en  recevait  une  si  sanglante 
injure ,  ne  considérant  pas  qu'ils  le  faisaient 
mourir,  mais  seulement  qu'il  mourait  pour 
eux.  Ce  fut  un  grand  avantage  qu'il  leur  ob- 
tint de  son  Père  la  rémission  de  leurs  pé- 
chés, afin  que  personne  ne  désespérât  du 
pardon  des  siens,  voyant  que  ceux  mêmes 
qui  firent  mourir  Jésus-Christ  ont  obtenu  le 
pardon  d'un  si  grand  crime.  Mais  s'il  ne 
faut  pas  désespérer  de  son  salut,  on  ne  doit 
pas  non  plus  différer  à  se  convertir  sur  l'es- 
pérance qu'on  se  convertira  un  jour  :  car,  si 
Dieu  a  proposé  le  port  de  son  indulgence  en 
faveur  de  ceux  qui  se  trouvent  en  danger 


chés, 
Trnd.  31 


d'être  submergés  par  la  tempête  du  déses- 
poir, il  a  laissé  dans  l'incertitude  de  la  mort 
ceux  qu'un  trop  facile  espoir  de  salut  met 
en  péril,  et  qui  se  laissent  tromper  par  l'at- 
tente d'une  conversion  qu'ils'  diffèrent  de 
jour  en  jour.  Qu'est-ce  que  Dieu  ne  pardon- 
nera point  à  celui  qui  est  converti,  après 
avoir  pardonné  le  sang  de  Jésus-Christ  à 
ceux  mêmes  qui  l'ont  répandu?  Qui  est  l'ho- 
micide qui  doive  désespérer  après  que  celui 
qui  a  tué  Jésus-Christ  a  été  rétabh  dans  l'es- 
pérance de  son  salut?  En  effet,  plusieurs  de 
ses  bourreaux  crurent  en  lui,  son  sang  leur 
fut  pardonné,  et  Dieu  le  leur  ayant  fait  boire, 
les  délivra  du  crime  qu'ils  avaient  commis 
en  le  répandant.  » 

15.  0  Si  l'amour  que  nous  avons  pour  le 
monde  ne  nous  empêchait  pas  de  sentir  no- 
tre mal  et  d'en  gémir,  nous  frapperions  sans 
cesse  avec  un  esprit  plein  de  respect  et  de 
piété  à  la  porte  de  Celui  qui  nous  a  appelés. 
Le  désir  est  comme  le  sein  de  notre  cœur  ; 
ainsi  à  proportion  qu'il  croîtra  en  nous,  no- 
tre cœur  s'étendra  et  deviendra  capable  de 
recevoir  avec  plus  d'abondance  ces  sortes 
de  sentiments.  C'est  ce  que  fait  en  nous  la 
lecture  des  Écritures  saintes,  l'assemblée  des 
fidèles  dans  les  églises,  la  solennité  des  mys- 
tères qui  s'y  célèbrent,  le  baptême  et  les 
autres  sacrements  qu'on  y  reçoit,  les  canti- 
ques que  l'on  y  chante  à  la  louange  de  Dieu, 
les  disputes  que  l'on  y  fait  pour  éclaircir  les 
vérités  du  salut  :  tout  cela  n'a  pour  fin  que 
de  semer  dans  nos  cœurs  ce  saint  désir ,  de 
l'y  faire  germer  et  croître  jusqu'au  point 
d'étendue  qu'il  doit  avoir  pour  nous  ren- 
dre capables  de  recevoir  un  jour  en  nous 
ce  que  l'œil  n'a  point  vu,  ce  que  l'oreille  n'a 
point  ouï,  et  ce  que  l'esprit  de  l'homme  n'a  jms 
compris.  Aimons  ce  bonheur  ineffable,  mais 
souvenons-nous  qu'il  ne  se  peut  faire  que 
celui  qui  aime  Dieu,  aime  beaucoup  l'ar- 
gent. Regardons-le  donc  comme  un  petit  se- 
com's  nécessaire  dans  le  voyage  de  cette  vie, 
et  non  pas  comme  un  bien  auquel  notre 
cœur  doive  s'attacher.  Servons-nous-en  dans 
nos  nécessités,  au  lieu  d'en  jouir  et  de  met- 
tre notre  plaisir  dans  cette  jouissance.  Re- 
gardons la  vie  présente  comme  une  hôtel- 
lerie, et  usons  des  biens  temporels  que  Dieu 
nous  y  donne ,  comme  un  voj'ageur  use 
d'une  table,  d'un  verre,  d'un  lit  et  des  au- 
tres meubles  qu'il  y  a  dans  une  hôtellerie 
où  il  se  retire  pendant  qu'il  est  en  voj-age.  » 

iC.   «  Que  personne  ne  se  trompe  en  di- 


Ne  s'alla 
cher  q  u ' 
Dieu,  et  nnn 
[las  aux  bicn- 
périss^ibles. 
Tracl.  4a. 


[iv"  ET  r  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


sant  qu'il  aime  Dieu,  s'il  ne  garde  pas  ses 
Ineiiis.eirex-  commandements  :  car  nous  n'aimons  Dieu 
cpi'autant  cpie  nous  les  gardons  ;  moins  nous 
les  gardons,  moins  nous  l'aimons.  Peut-U 
rien  manquer  là  où  est  la  charité  ?  y  a-t-il 
quelque  chose  d'utile  où  la  charité  n'est  pas? 
Le  diable  croit  et  n'aime  point  ;  mais  on  ne 
peut  aimer  sans  croire.  C'est  en  vain  que 
l'on  croit,  si  l'on  n'aime  point  ;  cependant  il 
se  peut  faire  que  sans  aimer  on  espère 
le  pardon  de  ses  péchés;  mais  il  est  certain 
que  personne  n'en  saurait  désespérer,  quand 
il  aime.  Lors  donc  que  la  charité  est  en  quel- 
qu'un, il  est  infaillible  que  la  foi  et  l'espé- 
rance y  sont  aussi  :  l'amour  de  Dieu  accom- 
pagne nécessairement  celui  du  prochain. 
Pourquoi  Jésus-Christ  nous  aime-t-il,  sinon 
afin  que  nous  puissions  régner  avec  lui?  Ai- 
mons-nous donc  tous  pom'  la  même  fin,  si 
nous  voulons  distinguer  notre  amitié  de 
ceux  qui  ne  s'entr'aiment  pas  dans  la  même 
vue,  parce  qu'ils  ne  s'aiment  pas  véritable- 
ment. Ceux-là  s'aiment  véritablement,  qui 
s'aiment  pour  posséder  Dieu,  et  qui  aiment 
Dieu  pour  se  bien  aimer  eux-mêmes.  Or, 
c'est  un  amour  qui  n'est  pas  dans  tous  les 
hommes  ;  il  s'en  trouve  très-peu  qui  ne  s'ai- 
ment eux-mêmes ,  qu'afin  qiie  Dieu  soit  tout 
en  tous.  Où  est  la  charité,  là  est  la  paix,  et 
où  est  l'humilité,  là  est  aussi  la  charité.  Per- 
sonne ne  saurait  dire  quelle  est  la  figure  et 
la  taille  de  la  charité  :  elle  a  néanmoins  des 
pieds,  puisqu'elle  mène  les  justes  à  l'Église; 
eUe  a  des  mains ,  puisqu'elle  donne  l'au- 
mône aux  pauvres;  elle  a  des  yeux,  puis- 
qu'elle voit  ceux  qui  sont  dans  la  nécessité  ; 
elle  a  des  oreilles,  puisque  c'est  d'elle  que  le 
Seigneur  dit  :  Que  celui  qui  a  des  oreilles  pour 
entendre,  entende.  Tous  ses  membres  ne  sont 
pas  distincts  et  séparés  en  lieux  différents  ; 
mais  celui  qui  a  la  charité  comprend  tout 
ensemble  dans  son  esprit  toutes  ces  diverses 
choses.  Aimez  et  faites  ce  que  vous  vou- 
drez ;  soit  que  vous  demeuriez  en  silence, 
demeurez-y  par  charité  ;  soit  que  vous  par- 
liez à  haute  voix,  parlez  ainsi  par  charité  ; 
soit  qne  vous  corrigiez  qnelcpi'mi ,  corri- 
gez-le par  charité  ;  soit  que  vous  pardon- 
niez à  un  autre,  pardonnez -lui  par  chari- 
té. Que  la  racine  de  la  charité  soit  dans  le 
fond  de  votre  cœur,  et  soyez  certain  cpi'il 
ne  peut  rien  sortir  que  de  bon  de  cette  ra- 
cine. » 

17.   «  Ne  méprisez  pas  les  péchés  légers  ; 
si  vous  les  méprisez  quand  vous  les  pesez, 


227 

soyez-en  épouvantés  quand  vous  les  comp-  jj""'  '  '" 
tez.  Plusieurs  petites  choses  font  un  grand 
amas;  plusieurs  gouttes  d'eau  remplissent 
un  fleuve  ;  plusieurs  grains  de  blé  font  un 
gros  monceau.  » 

18.  «  Quand  vous  faites  une  bonne  œuvi'e.      En  quel  es- 

^  uni    11     faut 

si  VOUS  craignez  d'avoir  des  spectateurs ,  „j™J„\%'°°" 
vous  n'aurez  point  d'imitateurs  :  il  est  donc  EpTsT'j'oan.'" 
bon  que  vous  soyez  vus  quand  vous  faites 
du  bien;  mais  vous  ne  devez  pas  faire  le 
bien  pour  être  vus.  Méprisez-vous  vous-même 
quand  les  autres  vous  louent;  que  Dieu 
seul,  qui  fait  ce  bien  par  vous,  soit  loué  dans 
vous.  Lorsque  vous  donnez  à  un  pauvre, 
vous  vous  élevez  peut-être  au-dessus  de  lui, 
et  vous  êtes  bien  aise  de  le  voir  soumis  à 
vous,  parce  que  vous  êtes  l'auteur  du  bien 
qu'il  reçoit.  Il  était  dans  la  nécessité,  et  c'est 
vous  qui  l'avez  assisté  dans  sa  misère  :  vous 
paraissez  en  cela  plus  puissant  que  lui  ; 
mais  souhaitez  plutôt  qu'U  devienne  votre 
égal,  afin  que  vous  soyez  tous  deux  somnis 
à  Celui  à  qui  personne  ne  peut  rien  donner. 
Quelquefois  l'orgueil  fait  qu'on  revêt  un 
pauvre  afin  d'attirer  les  louanges  humaines, 
et  quelquefois  la  charité  fait  qu'on  châtie  un 
serviteur  afin  de  le  corriger.  Mais  les  coups 
qui  partent  de  la  charité  sont  plus  agréa- 
bles à  Dieu  que  l'aumône  qui  vient  de  l'or- 
gueil. » 

19-  «  La  crainte  sert  comme  à  disposer  j/"/ Jj"'";',*. 
dans  votre  cœur  la  chai-ité  ;  mais  quand  la  Ep?s"jM„.'° 
charité  y  est  une  fois  entrée,  elle  en  fait 
sortir  cette  crainte  qui  lui  avait  préparé  sa 
place  :  car  autant  que  la  charité  croit  dans 
le  cœur,  autant  la  crainte  y  diminue  ;  plus 
l'une  s'y  enracine  profondément,  plus  l'au- 
tre sort  au  dehors  :  si  la  charité  y  est  plus 
forte,  la  crainte  y  sera  plus  faible;  si  la 
crainte  y  est  plus  faible,  la  charité  j^  sera 
plus  forte  ;  mais  cpiand  il  n'y  a  aucune  crainte 
dans  le  cœur,  il  n'y  reste  aucune  ouvertui'e 
par  laquelle  la  charité  y  puisse  entrer.  La 
crainte  perce  et  déchire  la  conscience;  mais 
n'appréhendez  point  ce  mal ,  la  charité  y  va 
venir  pour  guérir  toutes  les  blessures  que  la 
crainte  y  a  faites.  Si  vous  ne  craignez  Dieu 
qu'à  cause  des  peines  dont  il  vous  menace, 
vous  n'aimez  pas  encore  celui  que  vous  crai- 
gnez :  vous  ne  désirez  pas  des  biens,  mais 
vous  craignez  seulement  des  maux  ;  toute- 
fois à  force  de  craindre  le  mal,  vous  com- 
mencerez à  désirer  les  ^Tais  biens,  et  votre 
crainte  deviendra  chaste  en  n'appréhendant 
plus  que  de  les  perdre.» 


â2S 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


§ix. 


De  l'explication  de  l'Épître  aux  Romains  et 
aux  Galates. 

QuEsiinns       1.   Saint   Augustin,   n'étant   encore   mie 

sur      l'EpSIic  r- 

aux  Bomains,   prêtre,  fit  UH  voyage  à  Cartilage,  A'ers  l'an 

vers  1  an  391,     ^  '  .^      o  O     ' 

394.  Il  se  rencontra  que,  dans  une  compa- 
gnie où  il  était,  on  lut  l'Epître  aux  Romains  ; 
ce  qui  donna  occasion  à  ceux  qui  étaient 
présents  de  lui  faire  des  questions  sur  di- 
verses difficultés  de  cette  Épitre.  Ils  lui  fi- 
rent même  trouver  bon  qu'on  écrivît  ses  ré- 
ponses. On  en  fit  un  livre  dont  il  parle  lui- 
même  dans  plusieurs  de  ses  écrits,  particu- 
lièrement dans  le  premier  livre  de  ses  Ré- 
tractations, où  il  reconnaît  que,  n'ayant  point 
encore  alors  assez  étudié  la  matière  de  la 
prédestination,  il  avait  parlé  dans  ce  livre 
comme  si  le  commencement  de  la  foi  venait 
de  nous  et  non  de  la  grâce.  Les  semi-péla- 
giens  ne  manquèrent  pas  de  citer  cet  ou- 
vrage et  de  l'approuver  comme  contenant 
leurs  véritables  sentiments  ,  mais  saint  Au- 
gustin en  avouant  '  qu'il  avait  alors  pensé 
comme  eux,  les  exhorta  depuis  à  sortir  de 
l'erreur,  comme  il  en  était  sorti  lui-même. 
Ce  livre  est  composé  de  quatre-vingt-quatre 
questions  et  d'autant  de  réponses,  dont  plu- 
sieurs, qui  regardent  la  prédestination,  font 
le  sujet  des  remarques  qu'il  fait  sur  ce  livre 
dans  ses  Rétractations. 
Ejpiicaiion       2.  Cc  fut  aussl  durant  sa  prêtrise  -  qu'il 

ds  rÉpîlro  aux  .        ,,  ,.  ,  .,        i  .  J,     . 

Ron.oms.^ers   entreprit  d  expliquer  de  suite  la  même  Epi- 

l'an  354,  pag.  ^  .,,.,,  , 

s^"'  tre  aux  Romams.  Mais  la   longueur  et  la 

difficulté  d'un  si  grand  dessein  le  lui  firent 
quitter  pour  s'appliquer  à  d'autres  ouvrages 
plus  faciles.  Ainsi  il  n'en  acheva  que  le  pre- 
mier livre  qui  ne  contient  que  l'explication 
du  titre,  et  de  la  salutation  de  celte  lettre.  Il 
est  vrai  qu'il  s'y  arrêta  assez  longtemps  sur 
une  question  incidente  touchant  le  péché 
contre  le  Saint-Esprit,  qu'il  met  dans  l'im- 
pénitence  finale.  Il  est  parlé  de  ce  livre  dans 
Cassiodore  ^,  qui  fait  aussi  mention  du  com- 
mentaire de  ce  Père  sur  l'Épître  aux  Ga- 
lates. 
Ce  qu'il  y  a  3.  On  voit  par  cctte  explication  que  saint 
Mo'r.°s''Ms  Augustin  ne  doutait  pas  que  l'Épître  aux 

exil  icat.ons.  jj^]-,j,g^yj^  j^g  f^^^  jg  saîut  Paul  '  ;  mais  il  re- 
marque qu'elle  n'est  point  intitulée  de  son 
nom  ,  parce  que  les  Juifs,  trop  irrités  contre 


lui,  n'auraient  pas  voulu  la  fire  s'ils  avaient 
su  qu'il  en  était  l'auteur.  Il  ajoute  que  cette 
différence  d'avec  les  autres  Épîtres  de  cet 
Apôtre,  qui  toutes,  excepté  celle-là,  sont 
marquées  de  son  nom,  avait  été  cause  que 
quelques-uns  ne  voulaient  pas  la  mettre  au 
nombre  des  canoniques.  Voici  ce  qu'on  peut 
encore  remarquer  dans  ces  explications  :  «  La 
vraie  justice  de  l'homme  consiste  à  n'aimer 
en  nous  que  ce  qu'il  y  a  de  Dieu,  et  à  y  haïr 
ce  qu'il  y  a  de  nous-mêmes  ;  à  ne  point  dé- 
fendre ses  propres  fautes,  ni  les  rejeter  sur 
les  autres ,  mais  à  n'en  blâmer  que  nous  ;  à 
ne  point  se  contenter  de  se  déplaire  dans  le 
péché,  mais  â  travaiUer  avec  soin  à  s'en  cor- 
riger ;  à  ne  point  s'imaginer  que  nos  propres 
forces  soient  suffisantes  pom'  éviter  les  pé- 
chés, si  nous  ne  sommes  aidés  de  Dieu.  Les 
tribulations  et  les  peines  dont  la  justice  di- 
vine punit  les  péchés ,  ne  portent  pas  les 
bons  et  les  justes  à  en  commettre  de  nou- 
veaux, puisque  les  péchés  leur  déplaisent 
plus  qu'aucune  peine  corporelle;  mais  ces 
peines  au  contraire  servent  à  les  purifier  en- 
tièrement de  toutes  les  souillures  du  péché. 
Nous  jouirons  un  jour  d'une  paix  parfaite, 
même  selon  le  corps,  si  nous  conservons  ici 
constamment  et  inviolablement  la  paix  que 
Notre-Seigneur  nous  a  donnée  par  la  foi.  » 

4.  Quelque  temps  avant  cette  explication 
de  l'Epître  aux  Romains,  et  immédiatement' 
après  son  ,livre  des  Quatre-vingt-quatre 
questions  sur  la  même  Épître  ,  il  expliqua 
l'Épître  aux  Galates,  non  par  endroits  comme 
celle  aux  Romains ,  mais  de  suite  et  tout 
entière  :  ce  qui  ne  fait  néanmoins  qu'un  li- 
vre, parce  qu'il  se  contente  d'y  éclaircir  le 
texte,  sans  s'éloigner  de  son  sujet.  Il  y  dit 
que  tous  ceux  qui  ont  été  justifiés  dans  l'An- 
cien Testament,  l'ont  été  par  la  même  foi  que 
nous  :  avec  cette  difl'érence,  que  ce  que  nous 
croyons  en  partie  comme  étant  déjà  passé, 
savoir  le  premier  avènement  de  Notre-Sei- 
gneur ;  et  en  partie  comme  futur,  savoir  le 
second  avènement  ;  ils  croyaient  l'un  et  l'au- 
tre comme  à  venir,  par  l'inspiration  du 
Saint-Esprit  qui  les  leur  révélait,  afin  qu'ils 
fussent  sauvés.  Il  veut  qu'en  corrigeant  les 
pécheurs,  on  ne  pense  qu'à  les  guérir,  et 
non  à  leur  insulter  ;  à  les  secourir,  et  non  à 
leur  faire  des  reproches  ;  et  remarque  que 
plusieurs  qui  d'abord  n'avaient  souiïert  les 


Expîicalk 
dclÉpîlreai 
Gdlale^, 
l'an  49i,  pa 
9'.». 


*   August.,    lib.   De    Prœd., 
2  Lib.  I  Retract.,  cap.  xxiii. 


cap.   ni  et.  iv.  — 


9  Cassiod.,  Inst.,  cap.  vnl.  —  '  Exp.;  Epist.  ad 
Rom.,  nuui.  M.  —  *  Lib.  I  Rctract.,  cap.  xxiv. 


[IV"  ET  V'  SIÈCLES.' 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


229 


répréhensions  qu'avec  chagrin,  rentrant  en- 
suite en  eux-mêmes,  s'étaient  repris  encore 
plus  sévèrement ,  et  s'étaient  corrigés  ,  la 
vertu  des  paroles  salutaires  qui  leur  avaient 
été  dites,  ayant  pénétré  peu  à  peu  jusques 
dans  les  moelles  de  leurs  âmes.  Une  autre 
règle  qu'il  prescrit  pour  les  corrections,  c'est 
de  ne  les  point  faire  sans  connaître  claire- 
ment qu'on  ne  les  fait  que  par  une  pure 
charité.  Il  ajoute  :  «  Si  les  injures,  ou  les  me- 
naces, ou  les  persécutions  de  ceux  que  vous 
reprenez  vous  ont  ulcéré  l'esprit,  quoique 
vous  espériez  pouvoir  les  guérir,  n'entre- 
prenez pas  néanmoins  de  leur  rien  répon- 
dre, jusqu'à  ce  vous  ayez  premièrement 
guéri  le  trouble  do  votre  esprit  :  autre- 
ment tout  ce  que  vous  pourriez  dire  avec 
un  esprit  ému ,  serait  plutôt  l'effet  d'une 
impétuosité  de  vengeance  ,  que  d'un  pur 
zèle  de  correction.  » 

•    §x. 

Des  ouvrages  faussement  attribués  à  saint 
Augustin. 

\ .  L'appendice  du  troisième  volume  con- 
tient plusieurs  ouvrages  attribués  à  saint 
Augustin  dans  quelques  manusci'its  ,  mais 
qu'on  convient  aujourd'hui  n'être  point  de 
lui.  Le  premier  qui  est  divisé  en  trois  livres, 
est  intitulé  :  Des  Merveilles  de  l'Écriture 
sainte.  L'auteur  rapporte  dans  le  premier 
ce  qu'il  y  a  de  merveilleux  dans  les  livres 
historiques  de  l'Ancien  Testament.  Il  dé- 
taille dans  le  second  les  merveilles  rappor- 
tées dans  les  livres  des  prophètes  ;  et  dans 
le  troisième,  celles  que  l'on  trouve  dans  le 
Nouveau  Testament.  Cet  ouvrage  est  mal 
écrit,  et  n'a  rien  ni  du  style  ni  du  génie  de 
saint  Augustin,  comme  saint  Thomas  le  re- 
connaît' dans  sa  Somme.  On  croit  qu'il 
est  d'un  auteur  anglais  ou  hibernais  :  on 
en  juge  ainsi  parla  manière  dont  il  pai-le^ 
du  flux  et  du  reflux  de  la  mer  qui  se  fait 
aux  côtes  des  îles  Bi-ita uniques;  et  par  ce 
qu'il  dit  de  la  mort  d'un  manichéen  hiber- 
nais ^  Il  fait  aussi  connaître,  en  parlant  des 
cycles,  qu'il  écrivait  après  l'an  660. 
Lhre  des  2.  Lo  socoud  a  pour  titre  :  Des  Bénédictions 
^jiatriarche  du  patriarc/w  Jucoh.  C'est  un  fragment  des 
Questions  d'Alcuin  sur    la   Genèse ,   tiré  en 


1  Thomas.  III,  QliŒSt.  45,  art.  3.  —  2  Lib.  1, 
cap.  VII.  —  ^  Lib.  II,  cap.  m.  —  *  August.,  lib.  III 
De  Doct.  Christ-,  cap.  xsx, 


Pag. 


partie  des  Questions  de  saint  Jérôme  sur  le 
même  livre ,  et  en  partie  des  Mot^ales  de 
saint  Grégoire  sur  Job.  Il  se  trouve,  mais 
avec  quelques  différences,  soit  pour  l'arran- 
gement, soit  pour  les  paroles,  dans  le  troi- 
sième livre  du  Commentaire  sur  la  Genèse, 
atti'ibué  autrefois  à  saint  Eucher,  évêque  de 
Lyon,  et  imprimé  sous  son  nom  dans  la  Bi- 
bliothèque des  Pères. 

3.  Le  troisième  est  un  recueil  d'un  grand 
nombre  de  questions  sur  l'Ancien  et  le  Nou- 
veau Testament,  où  l'auteur  s'éloigne  entiè- 
rement des  sentiments  de  saint  Augustin 
sur  la  création  de  la  femme,  sur  l'origine 
de  l'âme,  sur  l'évocation  de  Samuel,  et  sur 
plusieurs  autres  difficidtés  de  l'Écriture. 
Quelques-uns  ont  cru  que  c'était  l'ouvrage 
d'Hilaire,  diacre  de  l'Église  romaine,  sous 
le  pontificat  du  pape  Damase.  On  y  trouve 
en  effet  plusieui's  opinions  et  plusieurs 
maximes  exprimées  dans  les  mêmes  tei- 
mes  que  dans  le  Commentaire  sur  saint 
Paul,  qui  porte  le  nom  de  cet  auteur.  Mais 
il  y  a  apparence  que  toutes  ces  questions  ne 
sont  pas  d'une  même  personne  :  car  il  y  a 
des  manuscrits  où  il  ne  s'en  trouve  que  127, 
d'autres  qui  en  contiennent  151. 

4.  Le  quatrième  contient  19  homélies  sur 
l'Apocalypse  de  saint  Jean,  tirées  des  com- 
mentaires de  Victorin,  de  Primatius  et  de 
Bède.  Quelques-uns  les  ont  attribuées  à  Ty- 
conius  le  donatiste,  ne  faisant  point  atten- 
tion que  ces  homéhes,  au  lieu  de  favoriser 
les  erreurs  des  donatistes ,  les  combattent 
expressément,  et  que  la  rebaptisation  est 
condamnée  dans  la  sixième,  où  l'auteur  ex- 
plique le  onzième  verset  du  huitième  chapi- 
tre de  l'Apocalypse.  Il  n'y  a  rien  non  plus 
dans  ces  homélies ,  des  explications  que 
Bède  rapporte  comme  étant  de  Tyconius  ; 
ni  de  ce  qu'il  disait  dans  son  Commentaire 
sur  l'Apocalypse,  pour  montrer  que  sous  le 
nom  d'anges  *,  dont  il  est  parlé  dans  ce  livre, 
il  faut  entendre  lesÉghses. 


ARTICLE  V. 

DES  ÉCRITS  CONTENUS  DANS  LE  QUATEIÈMB  TOME. 

Explication  des  Psaumes. 
1 .  Comme  saint  Augustin  en  commençant      Ex^icat  on 

°  .        oes  Peaumes, 

l'Explication  des  Psaumes ,   ne  se  proposait   j',»^'™.  ''"'' 
pas  de  les   expliquer  tous,  ne  se  mit  pas 
beaucoup  en  peine  de  les  prendre  de  suite, 
ni  de  s'assujettir  à  l'ordre  qu'ils  gardent  dans 


Sur  l'Apnra- 
lypse  de  saint 
Jean,  pag. 
159. 


230 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


nos  Bibles,  cela  paraît  par  son  commentaire 
sur  le  psaume  lxvi,  où  il  cite  ceux  qu'il  avait 
fait  sui-  les  psaumes  en  et  cm.  H  cite 
aussi  l'explication  de  ce  dernier  psaume 
en  expliquant  le  cii ,  et  dans  celle  du  psau- 
me Lxxx  il  semble  marquer  ce  qu'il  avait 
dit  sur  le  psaume  cm.  Il  expliquait  donc 
ces  cantiques  suivant  les  diverses  occasions 
qu'il  en  trouvait ,  ou  qu'on  lui  faisait  naître. 
Par  exemple,  il  expliqua  le  psaume  cxxxixàla 
prière  de  quelques  évêques  avec  qui  il  était 
assemblé;  le  xciv  par  l'ordre  de  son  père, 
c'est-à-dire,  ou  d'Aurèle  de  Cartbage,  ou 
du  vieillard  Valère  dont  il  était  coadjuteur  ; 
et  le  cm  pour  faire  plaisir  à  ime  personne 
de  grande  autorité  dans  la  viUe  de  Gartliage. 
Il  paraît  néanmoins  par  ce  qu'il  dit  sur 
le  psaume  cxxii,  qu'il  avait  dessein  d'ex- 
pliquer de  suite  les  quinze  psaumes  gra- 
duels, et  que  lorsqu'il  entreprit  d'expliquer 
le  cxxv  et  le  cxxxi,  il  avait  déjà  expliqué  les 
précédents,  si  l'on  en  excepte  le  cxviii,  sur 
lequel  il  ne  fit  de  commentaire ,  qu'après  en 
avoir  fait  sur  tous  les  autres.  «  J'en  dififé- 
rais,  dit-il  ',  l'explication,  non  pas  tant  à 
cause  de  sa  long-ueur,  qui  comme  l'on  sait 
est  extraordinaire,  que  pour  la  profondeur 
des  mystères  qu'il  cache,  et  que  peu  de  per- 
sonnes découvrent.  Mais  nos  frères,  voyant 
avec  peine  qu'il  ne  manquait  que  ce  psaume 
pour  rendre  cet  ouvrage  parfait ,  et  me 
pressant  avec  instance  de  m'acquitter  de 
cette  dette ,  j'ai  été  longtemps  à  me  rendi'e 
à  leurs  prières  et  à  leurs  commandements. 
Toutes  les  fois  que  je  commençais  ceite  en- 
treprise ,  je  la  trouvais  toujours  au-dessus. 
de  mes  forces  :  car  plus  ce  psaume  paraît 
d'abord  être  clair,  et  n'avoir  rien  que  d'aisé 
et  de  facile,  plus  les  mystères  qu'il  cache 
sous  cette  clarté  apparente  m'ont  semblé 
profonds,  en  sorte  que  je  ne  pouvais  pas 
même  en  montrer  la  profondeur.  Dans  les 
autres  psaumes  dont  le  sens  pai-aît  obscur, 
on  voit  du  moins  qu'ils  sont  difficiles  à  ex- 
pliquer, et  leur  obscurité  se  fait  voir  tout 
d'un  coup  à  tout  le  monde  ;  mais  celle  de  ce 
psaume  ne  se  voit  pas  môme,  et  la  surface 
en  paraît  si  facile  ,  qu'il  semble  qu'il  ne 
Faille  que  le  lire  ou  l'entendre  réciter,  sans 
qu'il  soit  nécessaire  d'en  donner  aucune  ex- 
plication. M 


Ed   quelle 
manière 


On  ne  sait  pas  bien  en  quel  temps  saint 
Augustin  commença  ses  Commentaires  sur 
les  Psaumes,  ni  en  quel  temps  il  les  acheva; 
mais  on  voit  par  sa  lettre^  à  Paulin,  écrite 
vers  l'an  414  ,  qu'il  avait  déjà  dicté  une 
courte  explication  du  psaume  xvi  ;  et  par 
celle  qu'il  écrivit  '  à  Évodius  sur  la  fin  de 
l'an  413,  qu'il  avait  depuis  peu  expliqué  les 
psaumes  lxvii,  lxxi  et  lxxvii.  Il  prie  même 
cet  évêque  de  ne  le  point  détourner  de  ce 
travail  en  lui  proposant  d'autres  questions  , 
quelles  qu'elles  fussent  ;  ce  qui  donne  lieu  de 
conjecturer  que  n'ayant  point  voulu  inter- 
rompre ses  Commentaires  sur  les  Psaumes,  il 
les  acheva  en  41G  au  plus  tard. 

2.  Il  expliqua  les  Psaumes  de  David  * , 
partie  en  parlant  au  peuple,  et  partie  en  "^^"^"e^s.  '" 
dictant;  et  quelques-uns  '^  même,  de  l'une 
et  l'autre  manière.  Possidius  marque  en  par- 
ticulier ceux  que  ce  Père  a  dictés,  et  observe 
que  ce  sont  les  plus  courts.  Il  dit  qu'excep- 
té le  psaume  cxvm,  il  a  expliqué  tous  les 
autres  devant  le  peuple  en  123  discours.  Ces 
psaumes  sont  en  beaucoup  plus  grand  nom- 
bre que  les  autres,  parce  que  saint  Augus- 
tin se  plaisait  à  instruire  son  peuple  des  vé- 
l'ités  de  l'Ecriture.  Ils  sont  aussi  plus  animés 
que  les  commentaires  qu'il  a  dictés,  et  plus 
remplis,  parce  qu'il  y  cherchait  à  satisfaire 
l'avidité  de  son  peuple  pour  la  science 
de  l'Église  ^  Le  Saint  y  mêle  de  temps  en 
temps  des  exhortations  si  véhémentes  et  si 
pathétiques,  qu'on  ne  peut  même  les  lire 
sans  en  être  vivement  touché,  et  sans  se 
sentir  le  cœur  embrasé  du  même  feu  qui 
embrasait  le  cœiu'  des  disciples,  tandis  que  Lut 
Jésus-Christ  leur  parlait,  et  leur  expliquait 
les  Écritures.  C'est  ce  qu'expérimenta  saint 
Fulgence  en  lisant  l'explication  du  psaume 
xxxvi ,  où  saint  Augustin  parle  du  jugement 
dernier,  parce  qu'on  avait  lu  dans  l'office 
du  jour,  le  vingt-quatrième  chapitre  de  saint 
Matthieu.  Saint  Fulgence  frappé  de  ce  que 
ce  Père  dit  sur  ce  sujet  '  ,  résolut  de  rendre 
public  le  dessein  qu'il  avait  conçu  depuis 
quelque  temps  de  renoncer  au  monde,  et  de 
changer  d'habit. 

3.  On  ht  dans  un  manuscrit  que  saint  Au-         Enquei 

,.  ,  . ,  lieu    il    les  a 

gustm  expliqua  le  quarante-quatrième  psau-   osçiiquês;.di- 
me  étant  à  Cartbage  ;  il  donna  l'explication   "=?»• 
des  autres  à  Hippone  et  en  d'autres  enckoits 


'  August.,  Prolog,  in  Psalm.  cxvin,  pag.  277. 
2  Augusl.,    Epist.    149,  num.  5.  —   •'  Epist.   IK!), 
jnuTi.  I. 


*  Prolog,  in  Psalm.  cxvni.  —  ^  Possid.,  cap.  vi, 
iu  Indiculo.  —  ^  Cassiod.,  Prolog,  in  Psalm. 
'•  Fcrraud,  iu  Vil.  Fulg.,  cap.  in. 


[IV'  ET  \°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTLN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


231 


suivant  qu'il  en  trouvait  l'occasion.  Dans  le 
sixième  siècle  '  on  divisait  toutes  les  expli- 
cations qu'il  a  données  des  Psaumes  en 
quinze  décades  ou  quinze  parties,  compo- 
sées chacune  de  dix  psaumes  ;  ce  qui  se 
trouve  encore  dans  trois  manuscrits,  un  de 
l'Égiise  de  Paris,  et  deux  de  la  Bibliothèque 
de  M.  Golbert  ;  mais  comme  Possidius  ne  dit 
rien  de  cette  division,  il  y  a  apparence 
qu'elle  ne  vient  pas  de  saint  Augustin, 
le  quelle       4.  Qq  Pèrc  SB  sorvit  dans  l'explication  des 

loD    saint  1 

Augusiia  se  Psaumcs,  de  la  version  latine  faite  du  grec. 
parce  qu'il  ^  n'avait  pas  encore  celle  que 
saint  Jérôme  fit  sur  l'hébreu.  Mais  pour 
plus  grande  exactitude,  il  consulta  les  diffé- 
rents exemplaires  latins,  et  les  conféra  avec 
le  texte  grec  des  Septante,  pour  déterminer 
le  sens  des  endi'oits,  où  le  latin  pouvait  en 
avoir  plusiem's,  et  pour  corriger  aussi  quel- 
ques fautes  de  latin. 
LesPréfa-       S.   Los  Commentaires  de    saint  Augustin 

pïaumK   m  sur  les  Psaumes ,  sont  précédés  de  trois  pré- 
sent point  de  »  t      i    .     t  ■  i 

^aini  AuguE-  taces,  dont  aucune  n  est  de  lui.  La  première 

.in.  '  ^ 

qui  est  la  plus  longue,  est  d'un  auteur  très- 
récent  ;  la  seconde  est  celle  de  saint  Basile 
sur  les  Psaumes,  de  la  traduction  de  Ruffin; 
la  troisième  ne  s'accorde  pas  avec  saint  Au- 
gustin touchant  l'auteur  des  Psaumes,  puis- 
qu'on y  enseigne  qu'ils  ne  sont  pas  tous  de 
David  ;  tandis  que  ce  Père  croit  l'opinion 
contraire  plus  probable  '  . 
EsthM  qu'on       6.  Il  citc  lui-mèmc  ses  Commentaires  sur 

fait  de   ces  ,  7        ?       ^-y  ■  i 

tommeniai-    les  Psttumes  daus  ses  livres    de  la  Cité  de 

es. 

Dieu,  et  y  renvoie  *  ceux  qui  voudront  sa- 
voir combien  David  a  prophétisé  de  choses 
touchant  Jésus-Christ  et  l'Église.  Cassiodore  y 
eut  recom'S  ^  lorsqu'il  entreprit  une  nouvelle 
explication  des  Psaumes,  et  il  reconnaît 
«  qu'il  avait  tiré  quelques  ruisseaux  de  cette 
mer  de  science  et  d'instruction.  »  C'est  ainsi 
qu'il  appelle  ces  Commentaires  dont  il  parle 
ailleurs  ^  «  comme  d'un  ouvrage  fait  avec 
autant  de  soin  cpie  d'étendue.  »  Il  en  est 
parlé  aussi  avec  éloge  dans  une  petite  pièce 
de  poésie  '  mise  à  la  tète  d'un  abrégé  de 
ces  Commentaires  fait  par  un  nommé  Annon 
à  l'ordre  de  Landuîfe,  en  faveur  de  ceux 
qui  n'avaient  pas  le  moyen  d'acheter  l'ou- 
vrage entier,  ni  assez  de  temps  ou  d'appli- 
cation pour  le  lire. 
Méthode  de       7.  Saint  Augustin  ne  s'arrête  pas  beau- 


coup ordinairement  à  développer  le  sens  î?^°^j„'^"f.,",': 
littéral  des  Psaumes  ;  mais  pom-  peu  qu'il  ^'j^'j,""  ''"' 
soit  intelligible,  il  passe  au  sens  figuré, 
cherchant  et  trouvant  partout  Jésus-Clu'ist 
et  son  corps,  qui  est  l'Église,  avec  la  double 
charité  qui  comprend  toute  la  loi  et  les  pro- 
phètes. Il  suit  cette  méthode  non-seulement 
dans  les  discom's  faits  au  peuple  sur  les 
Psaumes,  mais  encore  dans  les  explications 
qu'il  en  a  dictées,  où  il  lui  était  libre  de  se 
fixer  à  un  sens  plutôt  qu'à  un  autre.  Quel- 
quefois il  donne  jusqu'à  trois  sens  d'un 
même  psaume,  l'entendant  premièrement 
de  Jésus-Christ,  ensuite  de  l'Église  qui  est 
son  corps,  puis  de  chacun  des  fidèles.  Sa 
raison  de  rapporter  à  la  charité  toutes  les 
connaissances  et  toutes  les  instructions 
qu'on  découvre  dans  les  paroles  divines, 
c'est  qu'il  est  dit  dans  l'Évangile  que  toute  Mauii.xxn, 
la  loi  et  les  prophètes  ne  consistent  que  dans  les 
deux  jjréceptes  de  la  charité  de  Dieu  et  du  pro- 
chain, et  que  saint  Paul  dit  aussi  que  la  fin  itium.s. 
du  précepte  est  la  charité.  C'est  sur  cela  qu'il 
déclare  à  son  peuple  en  expliquant  le 
psaume  cent-quarantième,  que  tout  ce  que 
nous  concevons  et  tout  ce  que  nous  disons 
de  bon,  et  tout  ce  que  nous  tirons  de  quel- 
que endroit  que  ce  soit  de  l'Écriture,  a  pour 
unique  fin  et  seul  but,  la  charité  ;  que  nous 
n'y  devons  pas  chercher  autre  chose  ;  qu'elle 
est  cachée  dans  tout  ce  qu'il  y  a  d'obscm", 
et  qu'elle  paraît  visiblement  dans  tout  ce  qui 
est  clair  et  manifeste.  Avec  le  secom-s  de 
cette  règle,  saint  Augustin  fait  voir  que  tou- 
tes les  paroles  des  Psaumes,  qui  paraissent 
autoriser  les  malédictions  et  les  vengeances, 
sont  seulement  des  prophéties  et  des  prédic- 
tions des  malheurs  qui  doi\ent  arriver  aux 
pécheurs  s'ils  ne  se  convertissent.  David  en 
demandant  d'être  délivré  de  ses  ennemis  ou 
de  les  vaincre,  demande  de  ne  point  suc- 
comber aux  tentations.  Par  les  ennemis  de 
ce  saint  roi  on  doit  entendre  non-seulement 
les.  démons  ou  les  pécheurs,  mais  aussi  les 
passions  mauvaises  qui  en  cette  vie  sont  un 
obstacle  à  notie  salut  ;  les  promesses  qui 
semblent  dans  les  Psaumes  ne  regarder  que 
les  biens  temporels,  doivent  s'entendre  des 
biens  éternels.  Tout  ce  qui  y  est  dit,  doit  se 
rapporter  à  l'édification  des  âmes,  à  l'ins- 
truction des   fidèles,    à   la  pratique  de  la 


1  Cassiod.,  Prolog,  in  Psal.,  cap.  xxviii.  — 
2  August.,  Epist.  261.  —  3  August.,  lib.  XVII  De 
Civil.  Dei,  cap.  xiv.  —  *  Ibid.  cap.  xv. 


>>  Cassiod.,  Prolog,  in  Psalni.  —  '  Idem,  Instit., 
cap.  IV. 
^  Prcef.  Bened.  i7\Aug-  Psal.  ccx.xvj. 


232 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


vertu.  C'est  pour  inculquer  plus  aise'ment 
toutes  ces  vérités,  cpie  saint  Augastin  fait 
souvent  parler  Jésus-Christ  par  la  bouche 
de  David,  suivant  en  cela  l'usage  de  plu- 
sieurs anciens  commentateurs.  Mais  comme 
on  trouve  plusieurs  endroits  dans  les  Psau- 
mes où  le  Sauveur  semble  s'attribuer  non- 
seulement  les  infirmités  humaines,  mais 
aussi  des  péchés ,  le  saint  Docteur  avertit 
qu'on  ne  doit  point  en  les  lisant  séparer 
Jésus-Christ  de  ses  membres,  mais  le  regar- 
der comme  uni  par  un  lien  indissoluble  au 
corps  entier  de  l'Église  dont  il  est  le  chef. 
RéDe'i-ms       g.  Tous  CCS  seus  différents  que  l'obscurité 

remarqualiies  ,  -*- 

dons  CCS  es-  même  de  l'Ecriture  fournit,  donnent  lieu  à 
Saint  Augustin  de  faire  un  grand  nombre  de 
réflexions  mortiles  sur  toutes  sortes  de  s'ujets. 

iDPsai.iv.  Nous  en  rapportons  quelques-unes  :  «L'on 
ne  doit  aimer  que  les  biens  intérieurs  ;  pour 
tous  les  autres,  on  en  peut  user  dans  la  né- 
cessité, mais  non  pas  en  jouir  pour  le  plai- 
sir. L'âme  qui  s'abandonne  aux  plaisirs  du 
monde  est  toujours  embrasée  d'une  cupidité 
qui  ne  peut  être  satisfaite  ;  et  étant  partagée 
par  une  inimité  de  passions  qui  la  déchirent, 
elle  est  incapable  de  contempler  le  saint  et 
vrai  bien  qui  seul  peut  la  rendre  heureuse. 

lu  Psai.  Ti.  Lorsqu'elle  s'efforce  de  s'avancer  vers  Dieu, 
elle  se  trouve  souvent  si  ébranlée  et  si  chan- 
celante dcins  ses  voies,  quelle  n'accomplit 
pas  ses  bons  desseins,  de  crainte  de  choquer 
des  personnes  avec  qui  eUe  a  à  vi-sTe,  et  qui 
n'aiment  que  les  biens  passagers.  Les  raille- 
ries des  impies  sont  aussi  quelquefois  si 
puissantes  sur  les  esprits  des  personnes  fai- 
bles, qu'elles  les  font  rougir  de  mener  une 

inPsai.is.  vie  digne  du  nom  de  Jésus-Christ.  C'est  par 
un  secret  jugement  que  Dieu  fait  sentir  des 
peines  à  chacun  des  hommes,  c'est  ou  pour 
les  exercer,  afin  qu'ils  se  purifient  ;  ou  pour 
les  avertir  afin  qu'ils  se  convertissent;  ou 
s'ils  méprisent  ses  corrections  et  ses  avis, 
pom'  les  aveugler,  afin  de  les  punir  éter- 
nellement. L'âme  ne  se  convertit  à  Dieu 
qu'en  se  détachant  du  monde  :  et  rien  n'est 
plus  capable  de  l'en  détacher  que  les  déplai- 
sirs qui  se  mêlent  dans  ses  vains  et  perni- 
cieux plaisirs.  Mais  les  pécheurs  sont  telle- 
ment serrés  par  les  hens  de  leurs  plaisirs  cri- 
minels, qu'ils  ne  peuvent  en  détacher  leur  af- 
fection, pour  la  porter  à  des  choses  qui  leur 
seraient  avantageuses;  et,  quand  ils  font 
des  efforts  pour  en  sortir,  ils  ressentent  dans 
leur  âme  une  douleur  pareille  à  celle  des 
captifs,  qui  se  tourmentent  pour  se  délivrer 


de  leurs  chaînes;  de  sorte  que,  succombant 
à  cette  douleur,  ils  ne  peuvent  se  résoudre  à 
quitter  ces  plaisirs  pernicieux.  » 

9.  «  Dieu  n'est  jamais  plus  en  colère,  que 
lorsqu'il  ne  châtie  pas  les  péchés,  et  qu'il 
semble  les  oublier  et  n'y  prendre  pas  garde. 
C'est  donc  une  marque  qu'il  aime  ceux  qu'il 
prend  soin  de  châtier;  mais  de  crainte  que, 
s'endormant  dans  une  trop  grande  sécurité , 
ils  ne  vivent  avec  plus  de  relâchement  et  de 
négligence,  il  les  prive  de  la  douceur  de  son 
amour,  quand  il  connaît  qu'il  leur  est  plus 
utile  de  le  craindre.  Nous  devons,  en  chan- 
tant les  Psaumes,  conformer  nos  mouvements 
à  ceux  qu'inspirent  ces  cantiques.  Si  donc 
un. psaume  prie.,  priez  aussi  avec  lui;  s'il  gé- 
mit, gémissez  aussi;  s'il  se  réjouit  en  Dieu, 
réjouissez -vous  aussi;  s'il  espère,  espérez 
aussi;  s'il  craint,  craignez  aussi  :  car  tout  ce 
qui  y  est  écrit,  est  comme  un  miroir  auquel 
notre  âme  doit  se  conformer.  Les  vrais  cris 
que  Dieu  entend  ne  sortent  pas  de  la  bou- 
che, mais  du  cœur  ;  plusieurs,  gardant  le  si- 
lence des  lèvres,  ont  fortement  crié  vers 
Dieu  du  fond  du  cœur  ;  et  plusieurs ,  au 
contraire,  poussant  de  leur  bouche  de  gran- 
des clameurs ,  pendant  que  leur  cœur  était 
détoxirné  de  Dieu,  n'en  ont  pu  rien  obtenir. 
Si  donc  vous  criez  à  Dieu,  criez  au  dedans 
de  vous,  où  Dieu  vous  entend.  Vous  voulez 
vous  venger,  vous  qui  êtes  chrétien;  ne  sa- 
vez-vous  pas  que  Jésus-Christ  n'est  point 
encore  vengé?  Vous  avez  souffert  des  inju- 
res et  des  persécutions  :  est-ce  que  Jésus- 
Christ  n'en  a  pas  souffert?  Ne  les  a-t-il  pas 
endurées  le  premier  poiu-  l'amour  de  vous, 
sans  qu'il  y  ait  eu  rien  en  lui  qui  ait  mérité 
qu'il  les  souffrît?  Aimez,  mais  prenez  garde 
à  ce  que  voxis  devez  aimer.  L'amour  de  Dieu 
et  du  prochain  est  appelé  charité,  et  l'a- 
mour du  monde  cupidité.  Réprimez  la  cupi- 
dité dans  votre  âme  et  allumez-y  la  charité. 
Si  vous  avez  de  la  foi,  vous  vous  tiendrez 
sur  vos  gardes,  et  vous  vous  efforcerez  d'é- 
viter le  péché.  Alors  Dieu  regardera  vos 
efforts,  il  considérera  votre  bonne  volonté , 
et  il  sera  le  spectateur  des  combats  que 
vous  livi'erez  contre  votre  chair.  C'est  lui  qui 
vous  exhorte  à  combattre,  et  qui  vous  aide 
pour  vaincre  :  il  vous  regarde  quand  vous 
combattez,  il  vous  relève  quand  il  vous  voit 
prêts  à  tomber,  et  il  vous  couronnera  lorsque 
A'ous  aurez  achevé  de  vaincre.  Il  n'oubhe 
point  sa  miséricorde  en  exerçant  sa  justice, 
ni  sa  justice  en  exerçant  sa  miséricorde.  Il 


[iv°  ET  v=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN , 

a  pitié  des  pécheurs;  et  il  appelle  ceux  qui 
se  sont  détournés  de  lui.  Il  pardonne  les  pé- 
chés à  ceux  qui  se  sont  convertis,  mais  il  ne 
les  pai'donne  pas  à  ceux  qui  ne  se  convertis- 
sent point  :  n'étant  pas  juste  que  Dieu  traite 
également  ceux  qui  sont  convertis ,  et  ceux 
qui  ne  le  sont  point  ;  ni  qu'il  reçoive  avec  la 
même  bonté  celui  qui  dénie  ses  fautes,  et 
celui  qui  les  confesse;  l'humble  et  le  su- 

In  Psai.  perbe.  Il  n'y  a  rien  de  meilleur  dans  l'afïlic- 
tion  que  de  se  retirer  de  tous  les  bruits  ex- 
térieurs, pour  rentrer  dans  l'intérieur  et  le 
secret  de  notre  âme ,  afin  d'y  invoquer  Dieu, 
sans  que  personne  soit  témoin  de  nos  cris, 
ni  du  secours  que  Dieu  nous  y  donne  ;  de  s'y 
humilier  dans  la  confession  de  ses  péchés  ; 
et  d'y  louer  Dieu  également,  soit  qu'il  nous 
châtie,  soit  qu'il  nous  assiste.  » 
Suite.  10.  «  Je  \eux,  dit-il,  que  le  jour  du  juge- 

ment dans  lequel  Dieu  rendra  aux  justes  et 

In  Psai.  aux  injustes  ce  qu'ils  méritent,  soit  encore 

XXVI,  d  T.  7 

bien  éloigné  ;  mais  il  est  certain  que  votre 
dei'uier  jour  est  proche  ;  et  c'est  à  celui-là 
que  vous  devez  vous  préparer,  puisque  vous 
paraîtrez  à  ce  grand  jour  de  la  vie  future, 
tel  que  vous  serez  au  sortir  de  la  vie  pré- 
sente. Quand  Dieu  nous  jugera,  il  n'y  aura 
point  d'autre  témoin  que  notre  conscience 
In  Psai.  pour  nous  accuser  :  ainsi,  entre  un  juge  juste 
et  notre  propre  conscience  nous  n'avons  à 
craindre  que  la  faiblesse  de  notre  cause.  Je 
ne  veux  pas  que  vous  commettiez  l'usure, 
et  je  ne  le  veux  pas,  parce  que  Dieu  vous 
le  défend.  Car  quand  je  ne  le  voudrais  pas, 
si  Dieu  le  voulait  bien,  vous  pourriez  le  faire 
sans  crainte;  comme  au  contraire,  si  Dieu 
ne  le  veut  pas,  vous  ne  le  pouvez  sans  pé- 
ché, quoique  je  vous  le  permisse.  Si  vous 
exigez  donc  plus  que  ce  que  vous  avez  prêté, 
soit  que  ce  soit  de  l'argent  ou  du  blé,  ou  du 
vin,  ou  toute  autre  chose,  vous  êtes  usmùer 
et  par  conséquent  vous  méritez  d'être  re- 
pris. L'usurier  veut  plus  recevoir  qu'il  n'a 
prêté  :  faites-en  de  même.  Donnez  de  petites 
choses  et  recevez-en  de  grandes;  donnez  des 
biens  temporels, ,  et  recevez  des  biens  éter- 
nels; donnez  la  terre,  recevez  le  ciel.  Les 
pauvres  ont  besoin  de  vous,  et  vous  avez 
In  Piai.  besoin  de  Dieu.  Si  vous  ne  méprisez  pas 
ceux  qui  ont  besoin  de  vous,  Dieu  ne  vous 
méprisera  pas,  vous  qui  avez  besoin  de  lui. 
Remplissez  donc  l'indigence  des  nécessiteux, 
afin  que  Dieu  remplisse  votre  âme  de  ses 
xvn,.'"'''''  dons.  Vous  n'étiez  point,  et  vous  avez  été 
faits  :  qu'avez-vous  donné  pour  cela  à  Dieu  ? 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


233 


In  Psal. 
XXXVIII, 


Vous  étiez  méchants,  et  vous  avez  été  délivrés 
du  péché  ?  Que  lui  avez-vous  donné  ?  Et  que 
n'avez-vous  point  reçu  gratuitement  de  sa 
bonté?  C'est  parce  que  ses  dons  sont  gra- 
tuits qu'ils  sont  appelés  des  grâces  :  c'est 
encore  pour  cela  qu'il  demande  de  vous, 
que  vous  le  serviez  gratuitement.  Plusieurs 
n'ont  point  de  honte  de  pécher,  et  ils  en  ont 
de  faire  pénitence.  0  foHe  incroyable  !  Vous 
ne  rougissez  point  de  vos  blessures,  et  vous 
rougissez  des  remèdes  qu'on  y  applique 
pour  les  guérir.  Le  Seigneur  pardonne  à  ce- 
lui qui  confesse  son  péché,  et  qui  le  punit 
aussi  lui-même.  De  celte  manière  il  conserve 
sa  miséricorde  en  ce  que  le  pécheur  est  dé- 
livré; et  sa  justice  en  ce  que  le  péché  est 
puni.  A  la  mort  la  pénitence  sera  inutile,  inPsai. u, 
parce  qu'elle  viendra  trop  tard.  Voulez-vous 
que  la  pénitence  vous  soit  utile?  n'attendez 
pas  si  tard  à  la  faire.  L'Église  a  différé  de 
recevoir  ce  pécheur  à  la  pénitence,  de  peur  inPsai.Lxi, 
qu'il  ne  vînt  à  elle  que  pour  la  tenter;  et 
enfin  elle  l'y  a  reçu,  de  peur  qu'il  ne  fût  inPsai, 
tenté  lui-même  plus  dangereusement,  si  elle 
différait  davantage  à  le  recevoir.  Il  ne  nous 
est  pas  expédient  de  ne  point  avoir  de  tenta- 
tions; et  nous  ne  devons  pas  demander  à 
Dieu  de  n'être  pas  tentés,  mais  seulement 
de  ne  pas  succomber  à  la  tentation.  Aimez  et 
craignez  :  aimez  les  biens  que  Dieu  promet  : 
craignez  les  maux  dont  il  menace  ;  et  vous 
ne  pourrez  être  corrompu  par  les  promesses 
des  hommes,  ni  épouvanté  par  leurs  mena- 
ces. Quand  Dieu  donne  aux  bons  les  biens         i"  p^"'- 

LIVI, 

temporels,  c'est  pour  les  consoler  dans  les 
travaux  de  leur  pèlerinage  sur  la  terre  ;  et 
quand  il  les  donne  aux  méchants,  c'est  pour 
apprendre  aux  bons  à  désirer  d'autres  biens, 
qui  ne  puissent  leur  être  communs  avec  les 
méchants.  Quand  Dieu  ôte  aux  bons  les 
biens  temporels,  c'est  pour  leur  apprendre 
quelles  sont  leurs  forces,  et  leur  faire  con- 
naître la  disposition  de  leurs  cœurs,  qui 
peut-être  leur  était  cachée.  La  félicité  du  ^j„„',°  P'"'- 
monde  est  encore  plus  à  craindre  que  sa 
misère;  car  souvent  la  misère  nous  fait  ti- 
rer un  fruit  avantageux  des  souffrances  ;  la 
féhcité,  au  contraire,  corrompt  l'esprit  par 
une  sécurité  pernicieuse,  et  donne  lieu  au 
démon  de  nous  tenter  et  de  nous  perdre.  » 

11.  (1  Si  vous  négligez  de  confesser  vos  pé-     suiio. 
elles,  il  n'y  a  plus  lieu  d'espérer  miséricorde  ; 
et  si  vous  vous  rendez  le  défenseur  de  votre 
péché,  comment  Dieu  en  sera-t-il  le  libéra- 
teur? Si  donc  vous  voulez  qu'il  vous  en  dé- 


234 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


livi'e,  accusez-vous-en.  Priez-le  qu'il  détourne 
sa  vue  de  vos  péchés  et  non  pas  de  vous  : 

In  psai.  qu'il  la  détourne  de  ce  que  vous  avez  fait, 
et  non  pas  de  ce  cju'il  a  fait  :  car  il  vous  a 
fait  homme,  et  c'est  vous  qui  vous  êtes  fait 
pécheur.  Quels  vœux  doit  on  faire  à  Dieu  î 

In  p-ai.  De  croire  en  lui,  d'espérer  de  lui  la  vie  éter- 
nelle,  de  bien  vivre  dans  la  vie  commune, 
et  d'accomplir  les  commandements  qui  sont 
communs  à  tous  les  chrétiens  :  c'est  là  ce 
que  doivent  vouer  tous  les  fidèles.  Il  y  a 
aussi  des  vœux  particuliers  que  chacun  peut 
faire,  pourvu  que  l'on  considère  bien  l'obli- 
gation où  l'on  est  de  les  accomplir  :  car  si 
après  les  avoir  faits,  l'on  vient  à  regarder  en 
arrière,  on  fait  mal.  Une  vierge  humble  est 
préférable  à  une  femme  mariée  qui  est 
superbe;  mais  une  vierge  superbe  est  moins 
estimable    qu'une    femme    mariée    qui   est 

In  Psai.  humble.  Chacun  des  fidèles  peut  dire  :  Je 
SUIS  saint  ;  et  ce  n  est  pas  la  la  manière  de 
parler  d'un  homme  superbe,  mais  la  confes- 
sion de  l'homme  qui  n'est  pas  ingrat  ;  dites 
donc  hardiment  à  Dieu  :  Je  suis  saint,  parce 
que  vous  m'avez  sanctifié;  parce  que  j'ai 
reçu  de  vous  cette  sainteté,  et  non  parce 
que  je  l'ai  eue  de  moi-même  ;  parce  que 
vous  me  l'avez  donnée,  et  non  parce  que  je 
l'ai  méritée.  Tirez  de  votre  chef  votre  di- 
gnité. Tous  les  martyrs  qui  sont  avec  Jésus- 
Christ  intercèdent  sans  cesse  pour  nous  ;  et 
leurs  intercessions  ne  finiront  point  que  nos 
gémissements  dans  cette  vie  ne  soient  pas- 

in  Psai.  ses.  La  confession  des  péchés  doit  toujours 
marcher  la  première,  puis  être  suivie  d'une 
pénitence  salutaire  qui  soit  capable  de  cor- 
riger l'âme.  Dieu  a  promis  d'une  part  aux 
In  Psai.ci.  hommes  le  port  salutaire  de  son  indulgence, 
de  crainte  que  par  désespoir,  ils  ne  s'aban- 
donnassent dans  ime  vie  plus  criminelle  ;  et 
de  l'autre,  il  les  a  laissés  dans  l'incertitude 
du  joiu"  de  leur  mort,  de  peur  que  sous  l'es- 
pérance du  pardon,  ils  ne  péchassent  da- 
vantage; réglant  ainsi  les  choses  par  un 
ordre  admirable  de  sa  providence,  afin  que 
ceux  qui  voudraient  revenir  à  lui  pussent 
être  reçus  ;  et  que  ceux  qui  différeraient  de  se 
convertir,  eussent  toujours  devant  les  yeux 

In  psai.  un  juste  sujet  de  trembler.  Ne  méprisez  au- 
cun pauvre  lorsqu'il  vous  demande  ;  don- 
nez-lui si  vous  le  pouvez  ;  et,  si  vous  ne  le 
pouvez  pas,  du  moins  témoignez-lui  de  la 
compassion  et  de  la  doucem".  Cherchez  et 
informez-vous  comment  vit  le  pauvre  ;  ce 
ne  sera  pas  une  curiosité  blâmable.  Il  y  en 


In  Psal. 
CXVIIl. 


In  Psal. 
cr.Lvii. 


a  qui  viennent  à  vous  pour  vous  demander, 
mais  il  y  en  a  d'autres  que  vous  devez  pré- 
venir, afin  qu'ils  ne  soient  pas  obligés  de 
vous  demander.  Les  désirs  illicites  de  la 
convoitise  opèrent  malgré  nous  ce  que  l'A- 
pôtre appelle  péché  ;  mais  si  notre  volonté 
n'y  prête  point  sou  consentement,  quoique 
les  affections  de  notre  cœm-  en  soient  émues, 
le  péché  ne  produit  en  nous  aucun  effet. 
Vous  ne  savez  à  quelle  heure  le  Seigneur 
viendra,  veillez  donc  toujoui's,  afin  qu'il 
vous  trouve  prêts  à  le  recevoir  ;  et  n'est-ce  pas 
peut-être,  afin  que  vous  ayez  soin  d'être  tou- 
jours prêts,  qu'il  ne  veut  pas  que  vous  sa- 
chiez quand  il  viendra?  Votre  superflu  vous 
devient  nécessaire  poru-  vous-même,  lorsque 
vous  l'employez  au  soulagement  des  pauvres. 
Nous  aurions  beaucoup  de  superflu,  si  nous 
nous  réduisions  au  irécessaire  ;  mais  si  nous 
voulons  chercher  des  choses  inutiles,  nous 
n'en  aurons  jamais  assez  :  ne  cherchez  donc 
que  ce  qui  suffit  à  l'œuvre  de  Dieu,  et  non  à 
votre  cupidité.  Le  superflu  des  riches  est  le 
nécessaire  des  pauvres  :  c'est  garder  le  bien 
d'autrui,  que  de  garder  notre  superflu.  Re- 
tranchez quelque  chose  de  fixe  et  de  réglé, 
ou  de  vos  revenus  ordinaires,  ou  de  ce  que 
vous  gagnez  tous  les  jours  >  et  destinez-le  cxn/" '''"'' 
pour  les  pauvres.  Sera-ce  la  dime?  C'est 
bien  peu;  puisque  les  pharisiens  en  don- 
naient autant  :  et  toutefois  l'Évangile  nou.,; 
enseigne  que  votre  justice  doit  surpasser  la 
leur.» 

12.  Les  explications  de  saint  Augustin  sur     Pnèrs  à  la 

■^  *-  fin    des  Coni- 

les  Psaumes,  finissent  par  une  prière  qu'il  "fp//^f„,ç"/ 
avait,  dit-on,  coutume  de  réciter  après  cha- 
cun de  ses  discours  ou  traités  ;  on  la  trouve 
en  mêmes  termes,  après  le  sermon  183%  qui 
est  sur  la  première  Épitre  de  saint  Jean  et 
encore  ailleurs,  la  voici  :  »  Tournons-nous 
((  vers  le  Seigneur  notre  Dieu,  le  Père  tout- 
ce  puissant,  et  rendons -lui  avec  uu  cœur 
«  pur,  d'aussi  grandes  et  d'aussi  abondan- 
«  tes  actions  de  grâces  que  nous  eu  som- 
«  mes  capables  dans  notre  faiblesse.  Implo- 
«  rons  de  toute  la  force  de  notre  esprit  sa 
«  miséricorde  infinie,  et  supplions-le  qu'il 
«  daigne  écouter  favorablement  nos  prières, 
«  qu'il  chasse  par  sa  puissance  l'ennemi, 
«  de  peur  qu'il  ne  se  mêle  dans  nos  actions 
«  et  dans  nos  pensées  ;  qu'il  augmente  eu 
((  nous  la  foi  ;  qu'il  gouverne  notre  esprit  ; 
«  qu'il  nous  inspire  de  saintes  pensées,  et 
«  qu'il  nous  fasse  arriver  à  la  jouissance  de 
<(  sa  béatitude.  »  On  a  ajouté  à  la  fin  du      '^'i"""»" 


[iV"  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


233 


du  psaume   cTuatrième  tome  des  Œuvres  de  saint  Auqus- 

KIV  EUppO.        ^  . 

sée  i  saint  (in  uiiB  explicatioii  du  psaume  xiv ,  qui, 
dans  divers  manuscrits,  se  trouve  immédia- 
tement avant  celle  que  ce  saint  Docteur  a 
faite  de  ce  même  psaume  ;  mais  on  ne  croit 
pas  qu'elle  soit  de  lui;  elle  se  trouve  pour  la 
plus  grande  partie  dans  le  Commentcdre  sur 
les  Psaumes,  imprimé  sous  le  nom  de  saint 
Jérôme. 

ARTICLE  VI. 

DES   ÉCRITS  CONTENUS  DANS  LE   CINQUIÈME  TOME. 

1.  Quoique  saint  Augustin  prêchât  n'étant 
que  prêtre,  il  le  fit  néanmoins  depuis  son 
épiscopat  '  ,  avec  plus  d'application ,  plus 
de  ferveur  et  plus  d'autorité,  non  dans  un 
seul  pays,  mais  partout  où  on  l'en  priait  : 
et  l'on  y  voyait  les  fruits  de  cette  semence 
divine  qu'il  était  toujours  prêt  à  répandre 
avec  bonté,  par  les  nouveaux  accroisse- 
ments que  prenait  l'Église.  Il  continua  ^ 
cette  fonction  de  son  ministère  jusqu'à  la 
mort  avec  la  même  assiduité,  la  même  ar- 
deur, la  même  force,  la  même  vigueur  et  le 
même  jugement.  Lors  même  qu'il  était  en- 
core jeune  '  ,  s'il  se  rencontrait  en  quelque 
endroit  où  il  fallait  paiier  au  peuple,  c'é- 
tait toujours  lui  qu'on  choisissait  pour  le 
faire  :  il  était  rare  qu'on  lui  permit  d'écou- 
ter les  autres,  et  de  demeurer  en  silence. 
Le  peuple  l'écoutait  avec  beaucoup  d'atten- 
tion ;  souvent  pour  lui  marquer  qu'il  com- 
prenait les  choses  les  plus  difficiles,  il  l'in- 
terrompait par  des  applaudissements.  Le 
saint  Évêque  ne  s'en  contentait  pas  dans  les 
choses  importantes,  mais  il  continuait  * 
jusqu'à  ce  qu'il  vit  verser  des  larmes.  Il  ces- 
sait aussitôt,  jugeant  alors  que  ses  audi- 
tem's  étaient  véritablement  touchés  et  péné- 
trés de  la  vérité.  Les  hérétiques  comme  les 
catholiques  venaient  en  foule  à  ses  sermons. 
Ils  en  faisaient  un  tel  cas  qu'ils  les  écri- 
vaient eux-mêmes  dans  le  temps  qu'il  les 
prêchait,  ou  employaient  des  éciivains  en 
notes  pour  n'en  rien  laisser  échapper  ° .  Il 
n'est  pas  douteux  que  parmi  les  discours 
que  nous  avons  de  lui,  il  n'en  ait  dicté  plu- 
sieurs avant  de  les  prononcer.  Il  semble 
même  qu'il  en  ait  composé  pour  les  autres  ; 


du  moins,  il  fait  l'apologie  de  ceux  qui, 
n'ayant  pas  la  facilité  de  la  composition,  ré- 
citaient à  leur  peuple  les  sermons  d'autrui. 
Il  prêchait  ordinairement  en  latin,  et  nous 
n'en  avons  pas  même  d'autres  de  lui  qu'en 
cette  langue,  parce  qu'apparemment  on  l'en- 
tendait généralement  à  Hippone,  qui  était 
une  ville  considérable,  et  un  port  de  mer, 
où  il  venait  beaucoup  d'étrangers.  De  là 
vient  que  dans  un  de  ses  sermons  il  dit  un 
])roverbe  punique  en  latin  "  ,  parce  que  les 
habitants  de  cette  ville  n'entendaient  pas 
tous  le  punique.  Nous  avons  vu  ailleurs,  Episi.  207. 
qu'il  y  avait  des  endroits  dans  le  diocèse 
d'Hippone,  où  le  punique  était  plus  com- 
mun, et  que  saint  Augustin  avait  peine  de 
trouver  des  ecclésiastiques  qui  sussent  assez 
bien  cette  langue  pour  instruire  ceux  qui  y 
demeuraient. 

§!■ 

Des  Sermons  sur  l'Écriture. 

1 .  Tous  les  sermons  de  saint  Augustin,  crui     msuibuiion 

.    ,  ,  "-^  ■*■  des     sermons 

jusgu  ICI,  se  trouvaient  dans  une  grande  con-  <i»  sain'  au- 

•I         i  '  o  gusdn.     Pro- 

fusion, sont  rangés  dans  un  très-bel  ordre    ïï'*'™  '^'='"»' 

'  ^  ,  Des    sermons 

dans  le  cinquième  tome  de  la  nouvelle  Edi-  p°^)'f"'""'°' 
tion  de  ses  œuvres.  Ils  y  sont  divisés  en  cinq  serm.e. 
classes',  dont  la  première  contient  cent  qua- 
tre-vingt trois  sermons  sur  divers  endroits 
de  l'Écriture  sainte.  Les  neuf  premiers  sont 
tant  sur  la  Genèse  '  que  sur  l'Exode.  Ce 
Père  y  dit,  en  parlant  des  apparitions  : 
«  Si  Dieu  a  quelquefois  voulu  se  faire  voir 
aux  yeux  corporels  des  saints,  il  ne  s'est  pas 
pour  cela  rendu  visible  par  lui-même,  mais 
par  le  moyen  de  quelque  créature  sensible, 
c'est-à-dire  ou  par  une  voix  qui  frappait  les 
oreilles,  ou  par  un  feu  qui  se  faisait  aper- 
cevoir aux  yeux,  ou  par  un  ange  qui  appa- 
raissait sous  quelque  figure  visible.  Ce  n'é- 
tait donc  pas  cette  majesté  qui  a  fait  le  ciel 
et  la  terre,  puisqu'elle  ne  peut  être  aper- 
çue par  des  yeux  mortels,  et  que  la  sagesse 
de  Dieu,  par  qui  toutes  choses  ont  été  fai- 
tes, n'a  pu  se  rendre  sensible  qu'en  prenant 
une  chair  humaine.  » 

Parmi  les  sermons  qui  sont  sur  l'Exode,  il     serm.g. 
y  en  a  un  qui  est  intitulé  :  Des  dix  cordes, 
c'est-à-dire  des  dix  préceptes  de  la  loi ,  re- 


»  Possid.,  in  VU.,  cap.  15.  —  2  Possid.,  ia  Vit., 
cap.  XXXI.  —  s  Prolog.  Retract.  —  *  Lib.  IV  De 
Boct.  Christ,  cap.  xxiv.  —  ^  Possid.,  in  Vit.,  cap. 
vu.  —  6  August.,  Serm.  1167. 


'  On  a  découvert  et  publié  plusieurs  autres  ser- 
mons de  saint  Augustin;  nous  en  parlerons  dans 
le  supplément  à  la  fin  du  volume.  {L'éditeur.) 


236 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


présentés  par  l'instrument  à  dix  cordes  dont 
il  est  parlé  dans  le  psaiirae  cxiiii.  Le  saint  y 
fait  les  remarques  suivantes:  «L'observation 
du  sabbat  doit  être  spirituelle  ;  ce  n'est  pas 
assez  de  s'abstenir,  comme  les  Juifs,  des 
œuvres  servîtes  ,  il  vaudrait  mieux  travailler 
aux  champs  que  d'assister  aux  théâtres; 
une  femme  serait  moins  coupable  de  filer 
de  la  laine,  que  de  danser  tout  le  jour  du 
sabbat.  Il  ne  faut  pas  s'imaginer  qu'on 
puisse  commettre  tous  les  jours  des  adultè- 
res, dans  la  pensée  de  s'en  purifier  tous  les 
jours  par  des  aumônes  :  parce  que  les  bon- 
nes œuvres  qu'on  fait  tous  les  jours  ne  suffi- 
sent pas  pour  expier  de  si  grands  péchés  ; 
il  y  a  bien  de  la  différence  entre  une  vie 
que  l'on  doit  changer,  comme  est  celle  d'un 
adultère,  et  une  vie  que  l'on  est  obligé  de 
tolérer.  C'est  la  perversité  des  hommes  qui 
fait  que  l'on  regarde  l'adultère  des  maris 
comme  beaucoup  moindre  que  celui  de 
leurs  femmes ,  quoique  la  faute  soit  égale 
dans  tous  les  deux.  Comme  l'on  doit  éviter 
les  grands  péchés,  on  doit  aussi  se  purifier 
de  ceux  qui  paraissent  légers,  par  l'aumône, 
par  le  jeûne  et  par  la  prière  ;  on  doit  même 
les  éviter  avec  grand  soin,  parce  qu'étant 
multipliés,  ils  fieuvent  nous  occasionner  la 
mort,  de  même  qu'un  grain  de  sable,  s'il 
vient  à  s'accumuler,  peut  par  son  poids  sub- 
merger un  vaisseau.  » 

Serin.  10.  Lo  dixlèmc  sermon  est  sur  le  jugement  que 
Salomon  rendit  entre  deux  femmes.  Saint 
Augustin  y  dit  qu'on  ne  peut  donner  dans 
'  l'ÉgUse  une  plus  grande  preuve  de  charité, 
que  lorsqu'on  méprise  ce  qui  parait  honora- 
ble aux  hommes,  afin  d'empêcher  qae  les 
fidèles  ne  se  divisent  entre  eux,  et  que  l'u- 
nité ne  soit  rompue. 

Serra.  11 ,  Lc  onzièmc  sermon  est  sur  Élie  et  la  veuve 
de  Sarepta,  et  le  douzième  sur  ce  qui  est  écrit 
dans  Job,  que  les  anges  se  présentèrent  de- 
vant Dieu,  et  que  Satan  parut  au  milieu 
d'eux.  Saint  Augustin  croit  que,  dans  toutes 
leui'S  apparitions,  les  anges  ont  un  vrai 
corps,  auquel  ils  font  prendre  la  figure  qu'ils 
veulent,  selon  le  besoin  du  ministère  auquel 
Dieu  les  emploie. 

Les  sermons  suivants,  jusqu'au  trente-qua- 
trième, sout  sur  plusieurs  endroits  desPsau- 

serm.  17.  mcs.  La  plupart  furent  prêches  h  Carthage. 
L'insensibilité  des  pécheurs  d'habitude  y  est 
comparée  à  celle  d'un  membre  corrompu 
qui  ne  sent  point  la  douleur,  parce  qu'il  est 
mort.  «  Il  semble,  dit  saint  Augustin,  qu'on 


devrait  le  retrancher  ;  mais  souvent  nous 
nous  contentons  de  reprendre ,  car  nous 
sommes,  pour  ainsi  dire,  lents  et  paresseux 
à  excommunier  et  à  chasser  de  rÉgfise.  Il 
faut,  nous  dit  Dieu,  que  le  péché  soit  puni 
par  moi  ou  par  vous.  Le  péché  est  donc  pu-  seim.  lo. 
ni  par  l'homme  pénitent  ou  par  un  Dieu 
vengeur.  Qu'est-ce  que  la  pénitence,  sinon 
la  colère  de  l'homme  contre  lui-même?  D'où 
vient  que  celui  qui  se  repent  se  fâche  contre 
lui-même  en  frappant  sa  poitrine.  »  C'était  serm.  21. 
l'usage,  quand  on  voulait  affranchir  un  es- 
clave, de  le  mener  à  l'Éghse.  Saint  Augustin  se™.  27. 
met  également  au  nombre  des  personnes  de 
mauvaise  vie,  celui  qui  est  adultère,  ou  qui 
est  adonné  aux  spectacles,  ou  qui  fait  son 
occupation  de  la  chasse. 

Les  sermons  ,33%  36%  37%  sont  sur  les 
Proverbes.  Les  38%  39%  40*=  et  41%  siu-  l'Ec- 
clésiastique. Le  saint  y  dit  aux  pécheurs  : 
«  Dieu  vous  a  promis  que,  le  jour  auquel  Sarm.  33. 
vous  vous  convertirez,  il  oubliera  vos  péchés 
passés;  mais  vous  a-t-il  promis  que  vous 
verrez  le  jour  de  demain?  Peut-être  que 
Dieu  ne  vous  l'ayant  pas  promis,  un  astro- 
logue vous  en  a  assurés,  afin  de  vous  damner 
en  se  perdant  lui-même.  C'est  par  miséri-  serm.  so. 
corde  que  Dieu  nous  a  caché  le  temps  de 
notre  mort  ;  et  si  le  dernier  jour  nous  est 
inconnu,  c'est  afin  que  nous  veiUions  sans 
cesse.  »  Il  leur  dit  encore  :  «  Voidez-vous 
que  je  vous  promette  ce  que  Dieu  ne  vous 
promet  pas?  Supposons  qu'un  économe  vous 
promette  une  entière  sûreté,  à  quoi  servi- 
ra-t-elle,  si  le  Père  de  famille  ne  la  ratifie 
pas?  Je  ne  suis  qu'un  économe  et  qu'un 
serviteur.  Vous  voulez  que  je  vous  dise  :  Vi- 
vez comme  il  vous  plaira,  le  Seigneur  ne 
vous  fera  pas  périr.  L'«conome  peut  vous 
donner  sûreté,  mais  elle  ne  vous  servira  de 
rien.  » 

3.  Les    sermons  suivants    depuis    le   42''     saiie. 
jusqu'au  50%  sont  sur  les  prophètes  Isaïe, 
Ezéchiel,  Michée  et  Aggée.  Le  saint  Évêque     seim.  12. 
y  demande  comment  Dieu  nous  délivre  ,  et 
il  répond  :    «  C'est  en  nous  remettant  nos 
péchés,   en  nous   donnant  des  forces  pom* 
combattre  nos  mauvais  désirs,  en  nous  ins- 
pirant la  vertu,   et  en  formant  dans  notre 
esprit  une  délectation  céleste,  par  laquelle 
toute  délectation  terrestre  est  surmontée.  » 
Il  dit  que,  quand  un  pasteur  se  réjouit  d'être     s-em.  '.e 
préposé  à  la  conduite  des  autres,  qu'il  y  re- 
cherche   rhonnenr,  et    qu'il   n'y  considère 
que  ses  commodités  et  ses  avantages,  il  se 


[iy«  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


237 


paît  lui-même,  et  ne  paît  pas  ses  brebis.  II 
ajoute  :  «  S'il  y  a  nécessité  dans  un  ministre 
de  l'Église  de  recevoir  des  fidèles  ce  dont  il  a 
besoin  pour  vivre ,  il  y  a  de  la  part  des  fidè- 
les charité  à  le  lui  donner  :  ce  n'est  pas,  néan- 
moins que  l'Évangile  soit  une  chose  vénale  , 
et  que  la  subsistance  reçue  par  celui  qui  le 
prêche  eu  soit  le  prix  ;  ce  serait  vendre  à  vil 
prix  une  chose  si  grande  et  si  précieuse.  Il 
faut  donc  que  les  pasteurs  reçoivent  du  peu- 
ple de  Dieu  lear  subsistance  nécessaire,  et 
qu'ils  n'attendent  que  de  Dieu  seul  la  ré- 
compense de  la  dispensation  de  son  Évan- 
gile. Comme  le  devoir  des  pasteurs  est  de 
ne  se  pas  taire,  celui  des  brebis  est  d'écou- 
ter les  paroles  du  souverain  Pasteur  dans 
les  saintes  Ecritures.  » 

4.  Il  y  a  quarante  -  quatre  sermons  sur 
l'Évangile  de  saint  Matthieu,  trois  sur  celui 
de  saint  Mai'C,  dix-neuf  sur  celui  de  saint 
Luc,  et  trente-quatre  sur  l'Évangile  de  saint 
Jean.  Les  autres  qui  composent  la  pre- 
mière classe,  sont  sur  les  Épîtres  de  saint 
Paul,  de  saint  Jacques  et  de  saint  Jean.  «  Si 
l'on  nous  demande  ,  dit  -  il ,  ce  qui  peut 
nous  faire  croire  que  Jésus -Christ  soit  né 
•»!•  d'une  vierge,  c'est  l'Évangile  qui  a  été 
prêché  et  qui  se  prêche  encore  aujour- 
d'hui par  toute  la  terre.  Car  si  c'est  au 
grand  nombre  qu'il  faut  croire,  qu'y  a-t-il 
de  plus  nombreux  que  l'Église  ?  Si  c'est  aux 
riches,  combien  y  en  a-t-il  dans  son  sein  ? 
Si  c'est  aux  pauvres,  combien  de  milliers  y 
en  trouve-t-on  ?  Si  c'est  aux  nobles,  presque 
tous  ceux  qui  sont  sur  la  terre  sont  présen- 
tement entrés  dans  l'Église.  Si  c'est  aux  rois, 
ils  sont  soumis  à  Jésus-Christ.  Si  c'est  à  ce 
qu'il  y  a  de  plus  sage,  de  plus  savant  et  de 
plus  éloquent  parmi  les  hommes,  combien 
d'orateurs,  de  savants,  de  philosophes  ont 
été  pris  dans  les  filets  des  apôtres  et  rame- 
nés du  fond  de  l'abîme  dans  la  région  du 
salut?» 

Saint  Matthieu  compte  quarante-deux  gé- 
nérations jusqu'à  Jésus-Christ;  toutefois 
quand  on  les  prend  en  détail,  il  n'y  en  a 
que  quarante-et-une.  Saint  Augustin  conci- 
lie cette  contrariété  apparente,  en  disant 
qu'il  faut  compter  deux  fois  Jéchonias, 
parce  qu'il  est  le  dernier  de  la  seconde 
classe,  et  le  pi-emier  de  la  troisième.  Or, 
chaque  classe  renfermant  quatorze  généi'a- 
tions,  les  trois  font  quarante-deux.  Il  fait  les 
remarques  suivantes  :  «  Parmi  les  Hébreux, 
les  vierges   aussi   bien   que   les    femmes, 


étaient  appelées  femmes;  ainsi  l'Apôtre,  en 
disant  que  Jésus-Glu-ist  est  né  d'une  femme, 
n'a  point  dérogé  à  la  profession  de  notre  foi 
dans  le  Symbole  :  or,  nous  reconnaissons 
qu'il  est  né  de  la  Vierge  Ma/rie  par  l'opéra- 
tion du  Saint-Esprit.  Le  mariage  entre  les 
personnes  qui  vivent  en  continence  est  un 
vrai  mariage,  puisque  c'est  l'amour  conju- 
gal qui  fait  le  mariage,  et  non  pas  le  com- 
merce de  la  chair  ;  néanmoins  la  fin  du  ma- 
riage est  de  mettre  des  enfants  au  monde  ; 
cette  clause  était  apposée  dans  les  contrats 
de  mariage,  et  elle  se  hsait  publiquement 
de  même  que  le  contrat,  lorsque  l'époux 
prenait  de  sa  main  l'épouse  ;  les  anciens 
Pati-iarches  ont  pu  avoir  des  enfants  de 
leurs  esclaves  sans  commettre  d'adultère  ; 
et  parmi  eux,  le  choix  et  la  bonne  volonté 
donnaient  des  enfants  aussi  bien  que  la  voie 
ordinaire  et  naturelle.  C'est  ce  qu'on  a  ap- 
pelé depuis  adoption. 

Le  saint  Docteur  prouve  contre  les  patri-  ssim. ea. 
passiens  qui  disaient  que  le  Père  était  né 
d'une  femme,  qu'il  avait  souffert,  et  que  le 
Père  et  le  Fils  étaient  deux  noms  et  non  pas 
deux  choses  ;  que  la  naissance,  la  passion 
et  la  résurrection  du  Fils  de  Dieu,  sont  l'ou- 
vrage du  Père  et  du  Fils  ;  et  qu'encore  que 
le  Fils  seul  soit  né,  mort  et  ressuscité,  ces 
trois  choses  qui  ne  regardent  que  lui,  n'ont 
été  faites  ni  par  le  Père  seul,  ni  par  le  seul 
Fils,  mais  par  le  Père  et  par  le  Fils.  Il  trouve  se™.  ca. 
dans  la  mémoire,  l'entendement  et  la  vo- 
lonté de  l'homme,  une  image  de  la  Trinité  ; 
par  la  largeur,  la  longueur,  la  hauteur  et  la 
profondeur  dont  saint  Paul  parle  dans  son 
Épître  aux  Éphésiens,  il  faut  entendre  la  di- 
latation du  cœur,  qui  fait  faire  les  bonnes 
œuvres  ;  la  persévérance  et  la  longanimité, 
qui  nous  les  font  pratiquer  sans  interruption  ; 
l'attente  des  récompenses  éternelles,  aux- 
quelles l'Église  nous  exhorte  en  nous  aver- 
tissant, dans  la  célébration  de  la  Messe,  de 
tenir  nos  cœurs  élevés  en  haut,  et  la  grâce 
de  Dieu,  dont  la  dispensation  est  cachée 
dans  la  profondeur  ou  le  secret  de  sa  vo- 
lonté. 

Il  ne  croit  pas  qu'il  soit  utile  de  se  répan-  s™.  56. 
dre  en  beaucoup  de  paroles  dans  la  prière, 
ni  qu'il  nous  soit  permis  de  demander  autre 
chose  que  ce  que  contient  l'Oraison  domini- 
cale, dont  les  paroles  doivent  être  le  modèle 
de  nos  désirs.  Selon  saint  Augustin,  par  le 
pain  quotidien  que  nous  y  demandons,  on 
doit  entendre  aussi  l'Eucharistie,  et  il  la  dé- 


238 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


signe  en  cet  endroit  d'une  manière  envelop- 
pée, parce  qu'il  parlait  à  des  catéchumènes. 
Les  pécliés  qui  obligeaient  de  se  séparer  de 
ce  pain  sacré,  étaient  l'idolâtrie,  l'astrologie, 
les  remèdes  superstitieux,  les  enchante- 
ments, l'hérésie,  le  schisme,  l'homicide,  l'a- 
dultère et  tout  autre  péché  mortel,  même 
de  la  langue ,  y  en  ayant  de  ce  genre  qui 
doivent  nous  séparer  de  l'autel.  Il  met  entre 

,  s-,  les  péchés  journaliers  qu'on  peut  effacer 
par  l'aumône  et  l'oraison,  d'avoir  un  peu 
plus  parlé  qu'on  ne  devait,  d'avoir  dit  quel- 
que chose  qu'on  ne  devait  pas  dire  ;  d'avoir 
ri  ou  bu  immodérément  ;  d'avoir  ouï  ou  vu 
avec  plaisir  ce  qu'on  ne  devait  ni  voir  ni  en- 
tendre ;  d'avoir  pensé  avec  plaisir  à  ce  à 
quoi  on  ne  devait  pas  penser. 

f,n.  Pour  engager  ses  auditeurs  aux  œuvres 
de  miséricorde,  il  leur  fait  remarquer  que 
Jésus-Christ  au  jour  du  Jugement  dernier, 
semble  n'accorder  le  ciel  qu'à  ces  œuvres, 
et  ne  punir  de  l'enfer  que  la  dureté  envers 
le  prochain.  «  Le  Seigneur,  dit-il,  pouri^ait 
en  examinant  sévèrement  notre  vie,  nous 
condamner;  mais  dès  qu'il  aperçoit  des 
œuvres  de  miséricorde,  il  nous  fait  part  de 
sa  gloire.  » 

.  m.  Après  avoir  dit  que  la  confession  des  pé- 
chés est  une  marque  que  l'on  est  déjà  res- 
suscité, il  s'objecte  :  a  A  quoi  sert  donc  le 
ministère  de  l'Église.  »  Le  voulez-vous  sa- 
voir ?  répond-il  :  Vous  n'avez  qu'à  considé- 
rer Lazare.  Il  sort  du  tombeau  ;  mais  il  en 
sort  lié.  C'est  un  pécheur  qui,  à  la  vérité, 
est  déjà  vivant  par  la  confession  de  ses  pé- 
chés ,  mais  il  est  encore  lié  :  il  ne  saurait 
marcher.  Que  fait  donc  l'Éghse,  à  qui  Jésus- 
Christ  a  dit  :  Ce  que  vous  délierez  sur  la  terre, 
sera  délié  dans  le  ciel  ?  ce  que  firent  les  apô- 
tres à  l'égard  de  Lazare,  lorsque  le  Seigneur 

.  T[.  leur  dit  :  Déliez-le  et  le  laissez  aller.  Mais  il 
est  si  vrai  qu'il  n'y  a  point  de  rémission  des 
péchés  hors  de  l'Église,  que  quand  quel- 
qu'un de  ceux  qui  ne  sont  pas  du  nombre 
de  ses  enfants,  ferait  pénitence  de  ses  pé- 
chés, sa  pénitence  ne  lui  servirait  de  rien  si 
son  cœm'  demeurait  dans  l'impénitence,  à 
l'égard  de  l'éloignement  qu'il  a  pour  l'É- 
glise ;  puiscjue  par  cela  seul  qu'il  est  hors 
de  l'Église,  qui  seide  a  reçu  le  don  de  re- 
mettre les  péchés  par  le  Saint-Esprit,  il 
blasphème  contre  ce  divin  Esprit.  Au  con- 
traire, fut -on  entré  dans  cette  Église  par 
le  ministère  d'un  mauvais  prêtre ,  d'un 
hypocrite ,    d'un    réprouvé ,    pourvu    que 


ce  soit  un  des  ministres  de  l'Église ,  et 
qu'on  y  vienne  d'un  cœur  sincère  ;  on  ne 
laisse  pas  d'y  recevoir  la  rémission  de  ses 
péchés  par  la  vertu  du  Saint-Esprit.  Car 
tandis  que  le  bon  grain  est  encore  mêlé 
avec  la  paille,  l'influence  de  ce  divin  Esprit 
est  telle  dans  l'Église,  qu'il  ne  rejette  la  pro- 
fession de  personne,  pourvu  qu'elle  soit  sin- 
cère. » 

5.  Saint  Augustin  veut  que  la  différence  suii^. 
des  fautes  fasse  celle  de  la  correction,  en  serm.sî. 
sorte  que  l'on  reprenne  devant  le  monde  les 
fautes  qui  se  commettent  pubhquement,  et 
qu'on  ne  reprenne  qu'en  secret  les  fautes 
secrètes.  La  raison  qu'il  en  donne,  c'est  que 
si  l'on  reprenait  publiquement  celui  qui  n'a 
péché  qu'en  secret,  il  arriverait  souvent 
qu'on  le  livrerait  à  sa  partie,  qui  ne  man- 
querait pas  de  le  poursuivre  ;  et  qu  'il  est  du 
devoir  de  celui  qui  fait  la  correction,  de  son- 
ger à  guérir  le  coupable,  et  non  pas  à  être 
son  dénonciateur.  Il  enseigne  qu'il  est  dans  S"™-  "• 
l'ordre  qne  les  minisfi'es  du  Seigneur,  qui 
sont  élevés  en  dignité  dans  l'Éghse,  y  tien- 
nent les  premières  places,  et  que,  dans  les 
assemblées,  ceux  qui  président  soient  dans 
la  place  la  plus  éminente,  afin  que  leur 
siège  même  les  distingue  et  marque  leurs 
fonctions.  «  Mais  bien  loin  de  s'en  faire  ac- 
croire, pour  être  assis  plus  haut  que  les  au- 
tres, il  faut,  dit-il,  que  cette  distinction  mê- 
me leur  remette  devant  les  yeux  le  fardeau 
dont  ils  sont  chargés,  et  le  compte  qu'ils  en 
doivent  rendre.  » 

C'était  sa  coutume  de  faire  lire  au  peuple 
un  mémoire  des  miracles  qu'il  plaisait  à  Dieu  se™.  si  * 
de  faire  par  ses  martyrs,  et  d'inviter  ses  col- 
lègues, dans  l'épiscopat,  de  venir  prêcher 
dans  son  église  chacun  à  leur  tour,  lorsqu'ils 
venaient  lui  rendre  visite.  Il  voulait  aussi 
qire  chaque  chef  de  famille  fit  dans  sa  mai- 
son l'office  d'évêque,  qu'il  prît  garde  quelle 
était  la  foi  des  siens  et  qtielles  étaient  leurs 
mœurs.  Il  montre  que  les  justes  ne  sont  pas 
moins  redevables  que  les  pécheurs  convertis, 
parce  que  s'ils  ne  sont  pas  tombés  dans  le 
crime,  c'est  que  Dieu  a  fait  qu'ils  n'ont  eu  ' 
personne  pour  les  y  porter,  et  que  le  temps,  so™.  m. 
le  lieu  et  l'occasion  de  le  commettre  leur  ont 
manqué.  On  voit,  dans  un  de  ses  sermons 
sur  saint  Luc,  que  c'était  la  coutume,  en 
Afrique,  que  les  évoques  célébrassent  chacpie 
année,  le  jour  de  leur  ordination,  et  que  la  serm.  loî. 
veille  ils  l'annonçaient  ou  le  faisaient  annon- 
cer au  peuple.  Il  ne  croit  pas  que  le  men- 


[IV"  ET  V=  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN 


songe  d'Ananie  et  de  Saphire  ait  été  puni 
autrement  que  par  la  mort  temporelle,  dont 

serm.  US.  ils  furent  frappés  sur  le  moment.  Mais  il  ne 
doute  pas  que  celles  qui,  après  avoir  consa- 
cré à  Dieu  leur  virginité  dont  elles  étaient 
maîtresses,  comme  Ananie  et  Saphire  de  leur 
argent,  ne  doivent  s'attendre  qu'à  une  mort 
éternelle,  c'est-à-dire  au  supplice  de  l'enfer, 
si  elles  viennent  à  se  marier. 

Serin.  1,2.       Parlant  des  prières,  du  sacrifice  et  des  au- 
mônes pour  les  morts,  il  s'exprime  ainsi  : 
«Les pompes  funèbres, la  midtitude  dont  les 
convois  sont  accompagnés,  l'embaumement 
des  corps,  les  richesses  des  tombeaux,  sont 
un    sujet  de   consolation  pour  les  vivants, 
mais   cela  n'est   d'aucun  secours   pour  les 
morts;  il  n'en  est  pas  ainsi  des  prières  de 
l'Église,  du  salutaire  sacrifice  et  des  aumô- 
nes que  l'on  fait  pour  les  morts  ;  il  ne  faut 
pas  douter  que  tous  ces  secours  ne  leur  ser- 
vent pour  être  traités  du  Seigneur  avec  plus 
d'indulgence  que  leurs  péchés  n'en  méri- 
taient ;  c'est  une  pratique  qui  a  passé  de  nos 
pères  à  nous,  que  toute  l'Église  observe,  de 
prier  pour  ceux  qui  sont  morts  dans  la  com- 
munion du  corps  et  du  sang  de  Jésus-Clu"ist, 
et  de  le  faire  même  dans  le  Sacrifice  à  l'en- 
droit où  l'on  fait  commémoration  d'eux,  et 
où  l'on   marqne   qu'il    est  offert  pour  eux 
aussi  bien  que  pour  les  vivants  ;  il  en  est  de 
même  des  œuvres  de  charité  qu'on  fait  à 
leur  intention,  et  pour  leur  rendre  Dieu  pro- 
pice ;  on  ne  saurait  douter  qu'elles  ne  leur 
soient  utiles,  aussi  bien  que  les  prières  que 
l'on  fait  à  Dieu  pour  eux.  Mais  tout  cela  ne 
sert,  ajoute  saint  Augustin,  qu'à  ceux  qui 
ont  vécu  d'une  manière  à  pouvoir  tirer  du 
secours  de  ce  qu'on  ferait  pour  eux  après 
leur  mort.  A  l'égard  de  ceux  qui  sortent  de 
ce  monde  sans  la  foi  que  la  charité  fait  agir, 
et  sans  les  sacrements  de  cette  même  foi, 
en  vain  reçoivent-ils  de  leurs  proches  et  de 
leurs  amis  ces  offices  de  piété,  puisque  pen- 
dant leur  vie  ils  n'ont  point  l'eçu  la  grâce 
de  Dieu,  ou  que,  l'ayant  reçue  en  vain,  ils 
se  sont  amassé  un  trésor,  non  de  miséri- 
corde, mais  de  colère.  »  Il  permet  aux  pro- 
ches et  aux  amis  des  défunts  de  s'affliger  de 
les  avoir  perdus,  et   de   les   pleurer   après 
leur  mort,  mais  en  mettant  des  bornes  à 
leur  doideur  et  à  lem's  larmes,  sachant  que 

i  In  Viebus  pascalibus.ll  s'agit,  comme  le  montre 
la  suite  des  sermons,  de  la  senle  semaine  de  Pfi- 
tjue.?.  {L'éditeur.) 


EVEQUE  D'HIPPOxXE.  239 

la  foi  nous  apprend  que  les  fidèles  qui  meu- 
rent ne  nous  quittent  que  pour  un  temps.  Il 
consent  aussi  que  l'on  console  les  parents 
des  morts,  soit  en  assistant  aux  funérailles, 
soit  en  se  tenant  auprès  d'eux  pour  adoucir 
leur  douleur.  Mais  il  les  exhorte  surtout,  à 
secourir  les  âmes  des  défunts  par  des  obla- 
tions,  par  des  prières  et  par  des  aumônes. 

§  xu. 

Des  Sermons  du  temps. 

\ .  La  seconde  classe  des  Sermons  de  saint  s»"-")» 
Augustin  en  comprend  quatre-\-ingt-huit,  qui  sSns  II 
sont  tous  sur  les  grandes  fêtes  de  l'année,  siT.""'  ''°°' 
intitulés  ordinairement  :  Sermons  du  temps.  Il 
y  en  a  treize  sur  la  fête  de  Noël  ;  deux  sur 
les  Calendes  de  janvier,  où  il  combat  les  su- 
perstitions des  païens  en  ce  jour,  six  sur  la 
fête  de  l'Epiphanie;  sept  sur  le  Carême  ;  qua- 
tre sm-  le  Symbole  ;  un  aux  Compétents  ;  un 
sur  ces  paroles  de  Jésus-Christ  :  Mon  Père,  Joan.  xm, 
je  désire  que,  là  où  je  suis,  ceux  que  vous  m'a- 
vez donnés,  y  soient  aussi  avec  moi  ;  un  sur  la 
Passion  de  Notre-Seigneur,  où  il  en  exphque 
les  circonstances  et  les  mystères  en  très-peu 
de  mots  ;  cinq  sur  la  veille  de  Pâques  ;  cinq 
sur  la  Fête  de  ce  jour  ;  un  fragment  du  dis- 
cours qu'il  prononça  le  lendemain;  vingt- 
neuf  sur  le  temps  Pascal  '  ;  deux  au  jour  de 
l'octave  ;  cinq  sm-  l'Ascension  du  Seigneur  ; 
un  sur  la  veille  de  la  Pentecôte,  et  six  sur 
celte  solennité. 

2.  Ce  Père  y  dit  de  très-belles  choses  sur  sc™.  ig», 
le  mystère  de  la  naissance  de  Jésus-Christ. 
«  Voici,  dit-il,  une  nouveauté  inouïe  et  uni- 
que dans  le  monde  ;  ime  vierge  conçoit,  elle 
enfante  et  elle  demeure  vierge  après  l'enfan- 
tement :  celui-là  est  dans  la  crèche  qui  con- 
tient le  monde;  celui  qui  repaît  les  anges 
se  nom-rit  de  lait;  il  s'est  enveloppé  de  lan- 
ges, lui  qui  nous  revêt  de  l'immortahté. 
Étant  entré  dans  une  chambre  les  portes  fer- 
mées, il  a  bien  pu  sortir  du  sein  de  la  sainte 
Vierge,  sans  blesser  sa  virginité.  Si  l'in- 
fidèle, qui  ne  croit  point  que  Jésus-Chi'ist 
soit  Dieu,  révoque  ces  deux  faits  en  doute,  la 
foi  qui  nous  enseigne  que  Dieu  est  né  dans 
la  chair,  croit  l'un  et  l'autre  possible.» 

Dans  les  sermons  sur  le  Carême,  saint  Au-  serm.  o.>. 
gustin  exhorte  les  chrétiens  à  vivre  dans 
la  continence;  à  donner  en  aumônes  ce  que 
chacun  se  retranche  de  sa  nourriture  ;  à  rem- 
plir par  la  prière  le  temps  qu'ils  donnaient 
le  reste  de  l'année  à  certains  plaisirs  permis; 


240 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


à  augmenter  les  mortifications  qu'ils  se  pres- 
crivaient dans  d'autres  temps  ;  à  ne  pas  subs- 
tituer à  la  viande  et  au  vin  d'autres  mets  et 
serm.  207.  d'autrcs  boissons  délicates.  Selon  ce  Père, 
ils  doivent  nourrir  le  corps  ou  plutôt  le 
soutenir  par  des  aliments  communs,  faciles 
à  trouver,  et  non  pas  par  des  mets  précieux 
et  exquis,  de  peur  que  le  Carême,  au  lieu 
d'être  une  occasion  de  réprimer  les  ancien- 
nes convoitises,  n'en  soit  une  de  chercher 
de  nouvelles  délices.  Il  leur  repi'ésente  l'exem- 
ple de  David,  qui  se  repentit  d'avoir  souhaité 
même  de  l'eau  avec  ardeur.  Il  dit  que  le 
jeûne  du  Carême  était  observé  dans  toutes 
les  parties  du  monde  ;  et  remarque  qu'il  y 
avait  certains  jours  pendant  cet  intervalle, 
auxquels,  suivant  la  coutume  de  l'Eglise,  il 

scim.  227  était  défendu  de  jeûner.  Il  dit  bien  nette- 
ment aux  nouveaux  baptisés,  que  le  pain 
qu'ils  voyaient  sur  l'autel,  et  qui  avait  été 
sanctifié  par  la  parole  de  Dieu,  était  le  corps 
de  Jésus-Christ,  et  que  le  calice  contenait  son 

Sera.  232.  sang.  Du  temps  de  ce  saint  Docteur,  on  ne 
lisait  la  Passion  qu'une  fois;  c'était  dans  l'É- 
vangile de  saint  Matthieu.  Il  avait  souhaité 
qu'on  la  lût  d'après  tous  les  Évangélistes.  Il 
le  fit  une  fois,  mais  comme  on  n'y  était  pas 

Sera,  28t.  accoutumé,  plusieurs  en  furent  troublés.  On 
hsait,  dans  le  temps  de  Pâques,  l'histoire  de 
la  Résurrection,  selon  qu'elle  est  rapportée 
dans  les  quatre  Évangélistes.  Il  l'explique  en 
effet  dans  quatre  discours  différents,  eu  s'atta- 
chant  à  ce  qui  en  est  dit  dans  les  quatre  Evan- 
gélistes. Il  croit  que  Jésus-Christ  donna  l'Eu- 
charistie aux  disciples  d'Emmatis,  et  que  ce 
fut  par  là  qu'il  se  fit  connaître  à  eux.  «  Les 
fidèles,  dit-il,  savent  ce  que  je  dis,  ils  con- 
naissent eux-mêmes  Jésus-Christ  dans  la 
fraction  du  pain  :  car  tout  pain  n'est  pas  le 
corps  de  Jésus-Christ,  mais  celui-là  seule- 
ment qui  le  devient  en  recevant  la  bénédic- 
tion de  Jésus-Christ.  »  On  voit  encore  que  la 
coutume  de  chanter  Alléluia  pendant  les 
cinquante  jours  qui  s'écoulent  depuis  Pâques 
jusqu'à  la  Pentecôte,  était  fondée  sur  une 

serni.  260.  traditiou  ancienne.  Saint  Augustin  dit  à 
ceux  qui  avaient  fait  vœu  de  continence, 
qu'ils  devaient  s'en  acquitter;  qu'on  ne  l'exi- 
gerait pas  d'eux  s'ils  ne  s'y  étaient  obligés 
d'eux-mêmes;  mais  que  ce  qui  leur  était  per- 
mis avant  leur  engagement,  ne  l'était  plus. 
«  Ce  n'est  pas,  ajoute-t-il,  que  nous  condam- 
nions le  mariage;  nous  disons  seulement 
que  celui  qui  regarde  derrière  soi,  est  con- 
damné. » 


§  ni. 

Des  Sermons  sur  les  Fêtes  des  Saints. 

i.  La  troisième  classe  est  composée  de 
soixante-neuf  sermons  sur  les  fêtes  des 
saints,  et  particulièrement  sur  celles  des 
martyrs,  entre  autres,  de  saint  Vincent,  de 
sainte  Perpétue  et  de  sainte  Félicité,  de 
saint  Laurent,  de  saint  Etienne  et  de  plu- 
sieurs autres  dont  nous  avons  parlé  dans  les 
volumes  précédents,  où  nous  avons  rapporté 
lem's  actes  tirés  en  partie  de  ces  discours. 
Il  y  en  a  aussi  sept  en  l'honneur  de  saint 
Jean-Baptiste,  et  cinq  sur  la  fête  de  saint 
Pierre  et  de  saint  Paul,  deux  sur  la  dédicace 
de  l'Église,  et  deux  au  jour  de  son  ordina- 
tion. 

2.  Tous  ces  discours  roulent  presque  tou- 
jours sur  le  culte  des  martyrs,  et  sur  l'avan- 
tage de  lem'  intercession  ;  mais  saint  Augus- 
tin a  grand  soin  d'y  marquer  la  différence 
de  leur  culte  d'avec  celui  que  nous  rendons 
à  Dieu.  ((  Dieu  seul,  dit-il,  doit  avoir  un  tem- 
ple, comme  c'est  à  lui  seul  que  le  sacrifice 
doit  être  offert.  Aussi  nous  ne  bâtissons  ni 
temples,  ni  autels  aux  martyrs,  et  nous  ne 
leur  offrons  aucun  sacrifice.  Nous  les  res- 
pectons, nous  les  louons,  nous  les  aimons, 
nous  les  honorons  ;  mais  aous  réservons  no- 
tre culte  pour  le  Dieu  des  martyrs.  »  On  li- 
sait leurs  actes  dans  l'Église,  et  il  y  en  avait 
entre  eux  de  si  célèbres,  que  partout  où  ré- 
gnait le  nom  chrétien ,  on  célébrait  leurs  fê- 
tes, en  particulier  celle  de  saint  Vincent.  «  Si 
Dieu,  ajoute-t-il,  a  accordé  aux  églises  les 
corps  des  martyrs,  c'est  moins  pour  sei'vir  à 
leur  gloire,  que  pour  nous  exciter  à  les  prier. 
Ils  ont  en  efi'et  pitié  de  nous,  et  prient 
pour-  nous.  L'Église  prie  pour  ceux  qui  sont 
moi'ts,  mais  eUe  ne  prie  pas  pour  les  mar- 
tyrs, quoiqu'on  récite  leurs  noms  dans  le  sa- 
crifice :  au  contraire,  elle  se  recommande 
È.  leurs  prières ,  parce  qu'ils  sont  nos  avo- 
cats, non  par  eux-mêmes,  mais  par  celui 
auquel  ils  sont  demeurés  attachés  comme 
les  membres  au  chef.  C'est  Jésus-Christ  qui 
est  véritablement  notre  seul  avocat,  et  qui 
demande  pour  nous.  Mais  est-il  le  seul  avo- 
cat, comme  le  seulpastem'?  c'est-à-dire,  quoi- 
Jésus-Christ  soit  notre  pasteur,  cela  n'em- 
pêche pas  que  Pierre  ne  le  soit  aussi.  S'il 
ne  l'était  pas,  lui  aurait-on  dit  :  Paissez  mes 
brebis  ?  » 

Saint  Augustin  dit  avoir  été  témoin  ocu- 


Troisiôme 
classe.  Des 
Sermons  des 
saints ,  pa?, 
IIOÔ. 


Ce   qu'ils 
contiennent 
de    plus    re- 
marquable. 


Serm.   230. 


Serai.    28f!. 


[lV=  ET  V=  SIÈCLES.' 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONÈ. 


241 


laire  de  la  guérison  miraculeuse  d'un  aveu- 
gle, lorsque  l'on  trouva  à  Milan  les  corps  de 
saint  Gervais  et  de  saint  Protais.  Cet  aveugle 
vivait  encore  et  servait  dans  l'église  de  ces 
saints  martyrs,  lorsqu'il  en  fit  le  panëgyri- 

?'n„.  ail.  qyg_  Il  s'était  introduit  à  Carthage  un  abus 
considérable,  qui  était  de  passer  la  nuit  au- 
près du  tombeau  de  saint  Gyprien,  d'y 
chanter  et  même  d'y  danser.  Saint  Augaistin 

.=nin.  3in.  combat  fortement  cet  usage.  Il  montre  que 
les  louanges  que  nous  donnons  aux  mar- 
tyrs, tournent  à  la  gloire  de  Dieu  même, 
puisqu'en  les  louant,  nous  louons  les  œuvres 
de  Dieu  et  ses  combats  dans  ses  soldats. 
«EnefTet,  dit-il,  c'est  Dieu  qui  arme  les  mar- 
tyrs et  qui  les  aide  dans  le  combat.  »  Quoi 
qu'il  y  eût  eu  beaucoup  de  martyrs  en  Afri- 
que et  dans  les  auîios  parties  de  l'univers,  à 
peine  ce  Père  pouvait-il  trouver  leurs  actes 
pour  les  faire  lire  dans  l'Église  au  jour  de 

serm.  315.  leurs  solennités.  Mais  comme  on  avait  ceux 
de  saint  Etienne  dans  les  Actes  des  apôtres, 
on  les  lisait  avec  le  reste  de  ce  livre,  dont 
on  commençait  la  lecture  le  jour  de  Pâques. 
Il  paraît  qu'il  y  avait  dans  l'église  où  il  prê- 
chait, un  tableau  qui  représentait  le  martyre 

Serai.  517.  ^e  cG  saint,  car  il  dit  à  ses  auditeurs  :  «  Cette 
«  peinture  fait  grand  plaisir,  vous  y  voyez 
((  lapider  saint  Etienne,  et  Saul  qui  garde 
«  les  habits  de  ceux  qui  le  lapident.  »  Il  y 
avait  aussi  des  reliques  de  ce  martyr  dans 
la  même  église,  comme  on  le  voit  par   ce 

stm.  SIC.  q^'ji  (lit  .  (,  Un  peu  de  poussière  a  fait  as- 
«  sembler  ici  un  peuple  nombreux.  Cette 
«  cendre  est  cachée,  mais  les  bienfaits 
«  qu'elle  produit  sont  connus.  Songez  aux 
«  biens  qui  nous  sont  réservés  dans  la  ré- 
«  gion  des  vivants,  puisque  Dieu  nous  en 
«  fait  de  si  grands  par  la  poussière  des 
«  morts.  »  Il  raconte  divers  miracles  faits 
par  l'intercession  de  saint  Etienne,  et  ajoute 
qu'il  n'en  fait  le  récit  qu'afm  de  nous  appren- 
dre, que  les  prières  de  ce  saint  martyr  ob- 
tiennent beaucoup  de  choses,  quoiqu'elles 
n'obtiennent  pas  tout.  Voici  un  de  ces  mira- 
cles arrivé  à  Uzale,   qu'il  rapporte  comme 

scrm.  319.  bleu  ccrtain  :  <(  Une  iïemme  perdit  son  en- 
ce  faut  avant  qu'il  fut  baptisé.  Ayant  imploré 
«  le  secours  de  saint  Etienne,  cet  enfant  re- 
«  couvra  la  vie.  Aussitôt  la  mère  le  porta 
((  aux  prêtres  ;  il  fut  baptisé  et  sanctifié  ;  on 
«  l'oignit,  on  lui  imposa  la  main,  et  après 
((  qu'on  eût  achevé  de  lui  donner  tous  ces 
«  sacrements,  il  mourut  une  seconde  fois.  » 

sorm.  336.  Saiut  Augustin  regarde  l'honnem-  que 
IX. 


nous  rendons  aux  martyrs,  comme  utile  h 
nous-mêmes  et  non  pas  à  eux  :  mais  il  dit 
que  les  honorer  sans  imiter  leurs  vertus, 
c'est  une  adulation  mêlée  de  mensonge; 
parce  que  les  fêtes  n'ont  été  instituées  en 
leur  honneur  dans  l'Église  de  Jésus-Christ, 
qu'afin  que  les  chrétiens,  qui  sont  ses  mem- 
bres, soient  avertis  d'imiter  ces  martyrs.  Il 
remarque  qu'on  avait  soin  de  mettre  des  re- 
liques des  martj'rs  dans  les  églises,  lors- 
qu'on les  consacrait  à  Dieu  ;  et  il  avertit  ses 
auditeurs,  que  tout  ce  qui  se  faisait  maté- 
riellement dans  l'édification  d'une  éghse, 
devait  se  faire  spirituellement  avec  le  se- 
cours de  la  grâce  de  Dieu  dans  nos  âmes  et 
dans  nos  corps,  qui  sont  le  temple  du  Saint- 
Esprit.  Les  deux  discoui-s  prononcés  au  jour  ^"''-  '■""^■ 
de  son  ordination,  sont  employés  à  montrer 
combien  est  pesant  le  fardeau  épiscopal,  et 
combien  un  évêque  a  besoin  pom*  le  porter, 
de  la  grâce  de  Jésus-Christ,  et  des  prières 
de  ses  peuples,  qui  composent  eux-mêmes 
ce  fardeau. 

§IV. 

Dfis  sermons  sur  divers  sujets. 

1.  Il  n'y  a  dans  la  quatrième  classe  que       ouainèmo 

.  ■'  ^     ,  ^_.        classe.        Dos 

vmgt-lrois   sermons ,   qui  sont  tous  sur  di-  sortons   sur 

.  1        1-    •     '     r    T       r  r  divers   sujels, 

vers  sujets;  les  uns  sur  la  divinité  de  Jésus-  pas- an. 
Christ,  les  autres  en  l'honneur  de  quelques 
saints,  et  d'autres  sur  l'amour  de  Dieu,  sur 
la  crainte,  sur  la  pénitence,  sur  le  mépris 
du  monde,  sur  les  mœurs  et  la  vie  des 
clercs,  sur  )a  paix  et  la  concorde  et  sur  la 
résurrection  des  morts. 

2.  Dans  celui  qui  regarde  la  divinité  de 
Jésus  -  Christ ,  saint  Augustin  combat  les 
ariens,  et  fait  voir  contre  eux  que  le  Fils 
de  Dieu  ne  peut  être  dit  égal  ou  inférieur  iV 
son  Père  sous  différents  aspects  ;  parce  que 
tout  ce  qui  se  dit  de  Dieu ,  n'est  autre  chose 

que  lui-même.  «  En  lui,  dit-il,  la  puissance  serm.  su 
n'est  pas  autre  chose  que  la  prudence  ;  ni  la 
force,  que  la  justice  et  la  chasteté;  quand 
donc  nous  attribuons  à  Dieu  ces  choses,  il 
ne  faut  pas  les  concevoir  comme  différentes 
les  unes  des  autres  ;  et  en  quelque  manière 
que  nous  nous  exprimions,  nous  ne  le  fai- 
sons jamais  avec  toute  la  dignité  convena- 
ble. Nous  disons  néanmoins  de  Dieu,  qu'il 
est  juste,  parce  que  les  expressions  humai- 
nes ne  nous  fournissent  rien  de  mieux  à 
dire  de  lui,  quoiqu'il  soit  beaucoup  plus  que 
la  justice  même.  » 

IG 


Ce  qu'ils 
cODtiennent 
do   remarqua- 
ble. 


242 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Le  saint  Docteur,  dans  ses  discours  sur 
la  pénitence,  en  distingue  de  trois  sortes, 
qu'il  dit  être  en  usage  dans  l'Église.  La  pre- 
mière est  celle  qui  se  fait  avant  le  baptême, 
et  qui  nous  fait  commencer  une  vie  nou- 
velle, en  nous  inspirant  le  repentir  de  celle 
que  nous  avons  menée  précédemment.  La 
seconde  qui  se  fait  par  une  prière  conti- 
nuelle accompagnée  d'humilité,  doit  durer 
autant  que  notre  vie.  Par  la  troisième  qui  a 
pour  objet  la  rémission  des  péchés,  qui,  se- 
lon l'Apôtre,  excluent  du  royaume  de  Dieu, 
chacun  doit  exercer  contre  soi-même  une 
grande  sévérité,  afin  que  le  pécheur  se  ju- 
geant lui-même,  ne  soit  point  jugé  de  Dieu. 
Qu'il  s'accuse  donc  lui-même,  et  que  les  lar- 
mes suivent  la  confession  de  ses  péchés  ;  qu'il 
se  juge  indigne  de  participer  au  corps  et  au 
sang  de  Jésus-Christ  ;  et  que  la  crainte  d'ê- 
tre séparé  du  royaume  des  deux,  par  un 
arrêt  du  souverain  Juge  ,  lui  fasse  trouver 
bon  d'être  séparé  ici-bas  du  sacrement  du 
pain  céleste  par  la  discipline  de  l'Eglise. 

Saint  Augustin  fait  voir  combien  grande 
est  l'erreur  de  ceux  qui  se  promettent  un 
bonheur  dans  l'autre  monde,  différent  de 
celui  dont  les  saints  jouiront  dans  le  ciel  ;  et 
prouve  par  l'autorité  de  l'Écriture,  que  la 
sentence  que  Dieu  pi'ononcera  au  dernier 
jour,  enverra  ou  dans  la  gloire,  ou  au  feu 
éternel.  Il  conclut  donc  que  celui  qui,  après 
le  baptême,  s'est  souillé  par  le  péché  mortel, 
ne  doit  ni  difierer,  ni  refuser  d'avoir  recours 
aux  pontifes  qui  ont  le  pouvoir  des  clés 
dans  l'Église  ;  que  c'est  d'eux  qu'il  doit  ap- 
prendre la  manière  dont  il  est  obligé  de  sa- 
tisfaire pour  ses  péchés  ;  en  sorte  que,  con- 
trit et  humilié,  il  pratique  non-seulement  ce 
qui  lui  sera  utile  pour  recouvrer  la  santé  de 
l'âme,  mais  encore  poiu-  l'édiiicalion  du  pro- 
chain, (c  Car  si  son  péché  a  été  scandaleux, 
dit  le  saint  Docteur,  et  si  l'évêque  trouve 
qu'il  est  de  l'utilité  de  l'Église,  qu'il  en  fasse 
pénitence  en  présence  de  plusieurs,  ou  mê- 
me de  tout  le  peuple,  il  ne  doit  point  le  re- 
fuser, de  peur  que  par  une  fausse  pudem',  il 
ne  joigne  l'orgueil  à  une  plaie  déjà  mortelle. 
Pour  nous,  ajoute-t-il,  nous  ne  pouvons 
éloigner  personne  de  la  communion ,  à 
moins  qu'il  ne  s'accuse  de  lui-même,  ou 
qu'il  n'ait  été  convaincu  et  nommé  dans  un 
jugement  civil  ou  ecclésiastique.  Il  ne  suffit 
pas  de  changer  ses  mœurs  en  mieux,  ni  de 
quitter  le  mal  ;  il  faut  outre  cela  satisfaire  à 
Dieu  par  une  douleur  de  ses  fautes  passées, 


par  des  gémissements  humbles,  par  le  sacri- 
fice d'un  cœur  contrit ,  et  faire  concourir 
l'aumône  à  la  rémission  des  péchés.  Il  y  a 
en  des  hérétiques  qui  niaient  qu'on  pût  ac- 
corder la  pénitence  à  certains  pécheurs  ; 
mais  ils  ont  été  condamnés  et  chassés  de 
l'Éghse.  » 

3.  Le  passage  de  la  mer  Rouge  était  une  suite. 
figure  du  baptême;  mais  parce  que  le  bap- 
tême, c'est-à-dire  l'eau  du  salut,  n'est  teUe  serm. 
cpi'après  avoir  été  consacrée  par  le  nom  de 
Jésus-Christ,  c'est  pour  cela  que  nous  fai-  serm. 
sons  sur  cette  eau  le  signe  de  la  croix.  Ceux 
qui  sont  engagés  dans  le  mariage,  sont 
membres  du  corps  de  Jésus-Christ,  de  même 
que  ceux  qui  vivent  dans  la  continence.  Mais 
ceux-ci  tiennent  dans  l'Église  une  place  plus 
honorable  comme  étant  des  membres  plus 
nobles.  Mais  il  faut  que  la  continence  soit 
accompagnée  d'humilité,  n'y  ayant  point  de 
doute  que  celui  qui  est  humble  dans  le  ma- 
riage ne  soit  préférable  à  celui  qui  tire  vanité 
de  sa  continence.  On  voit  par  les  deux  dis- 
cours intitulés  :  Vc  la  Vie  et  des  Mœurs  des 
clercs,  que  saint  Augustin  avait  dans  sa  mai- 
son épiscopale ,  un  monastère  de  clercs , 
c'est-à-dire  de  prêtres,  de  diacres  et  de 
sous-diacres  qui  desservaient  l'Église  d'Hip- 
pone  ;  qu'il  menait  avec  eux,  autant  qu'il  le 
pouvait,  la  vie  des  premiers  chrétiens  de  Je-  ^,  jl^™- 
rusalem;  que  tout  était  en  commun  parmi 
eux,  et  qu'aucun  ne  s'attribuait  rien  en  par- 
ticulier comme  lui  étant  propre  ;  qu'il  n'or- 
donnait aucun  clerc  qu'il  ne  s'engageât  à 
demeurer  avec  lui,  à  cette  condition  ;  que  si 
quelqu'un  quittait  ce  genre  de  vie,  il  le  dé- 
gradait de  la  cléricatnre,  comme  un  déser- 
teur de  la  profession  qu'il  avait  vouée.  Ceux 
qui  avaient  quelque  chose  en  entrant  dans 
cette  communauté,  étaient  obligés  ou  de  le 
distribuer  aux  pauvres,  ou  de  le  mettre  eu 
commun.  On  en  distribuait  à  chacun  selon 
ses  besoins,  on  le  faisait  aussi  pour  ce  qui 
provenait  des  offrandes  des  fidèles.  Si  quel- 
ques-uns, étant  malades  ou  convalescents, 
avaient  besoin  de  manger  avant  l'hem-e  du 
dîner,  saint  Augustin  ne  trouvait  pas  mau- 
vais qu'ils  reçussent  du  dehors  ce  soulage- 
ment :  mais  il  voulait  qu'ils  ne  pi'issent  le 
dîner  et  le  souper  que  dans  la  communauté, 
et  de  la  communauté.  Il  avait  lui-même  tout 
en  commun,  et  quand  on  lui  donnait  quel- 
que chose  qui  ne  pouvait  servir  qu'à  lui,  il 
le  vendait  afin  que  le  prix  tournât  au  profit 
do  la  communauté.  Ceux  qui  étaient  char- 


[iV'  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUG'JSïL\,  EVÊQUE  D'HIPPONE. 


243 


gés  de  l'administration  de  ses  biens ,  avaient 
le  nom  de  prévôts.  Ils  géraient  cet  emploi 
pendant  un  an.  Il  refusait  quelquefois  d'ac- 
cepter des  successions  qu'on  avait  données 
à  l'Église,  quelques  secours  que  les  pauvres 
on  pussent  tirer,  persuadé  que  selon  la  jus- 
lice,  elles  devaient  appartenir  aux  enfants 
des  testateurs.  A  ce  propos,  il  citait  luie  ac- 
tion d'Aurèle,  évêque  de  Carthage,  qui  avait 
édifié  tout  le  monde.  Un  certain  homme  , 
n'ayant  point  d'enfaut  ni  l'espérance  d'en- 
avoir,  avait  donné  tout  son  bien  à  l'Église 
en  s'en  réservant  l'usufruit.  Il  arriva  contre 
son  attente  qu'il  eût  des  enfants  :  l'évêque, 
qui  jpouvait  suivant  les' lois  civiles  ne  lui 
pas  rendre  son  bien,  le  lui  rendit,  ne  dou- 
tant point  qu'il  n'y  fût  oWigé  en  conscience. 
Mais  s'il  arrivait  que  quelqu'un  mourut  sans 
enfant,  saint  Augustin  recevait  les  legs  tes- 
tamentaires. Il  exhortait  même  les  fidèles  à 
compter  Jésus-Christ  au  nombre  de  leurs 
enfants,  et  à  lui  laisser  une  part  dans  leur 
succession.  Il  avait  aussi  une  espèce  de 
tronc  pour  recevoir  les  aumônes  et  les  obla- 
tions  des  fidèles.  Mais  il  le  vidait  bientôt  en 
faveur  des  pauvres, 
scrm.  301       II  fait  voir  dans  les  sermons  sur  la  résur- 

232. 

rection  des  morts,  qu'il  est  aussi  facile  à 
Dieu  de  rétablir  le  corps  de  l'homme  après 
sa  mort,  que  de  le  tirer  du  néant  ;  il  répond 
à  ceux  qui  niaient  la  résurrection,  que  si  la 
difficulté  de  le  rétablir  venait  uniquement 
de  ce  qu'après  la  mort  il  est  réduit  en  pous- 
sière ,  les  Égyptiens  seraient  les  seuls  qui 
auraient  lieu  de  croire  la  résurrection  des 
corps,  qu'ils  ont  le  secret  de  rendi'e  ailssi 
durs  que  l'airain,  en  les  desséchant.  Il  veut 
que  sur  cette  matière  on  s'en  tienne  à  la 
règle  de  foi  marquée  dans  le  Symbole,  où 
nous  faisons  profession  de  croire  en  la  ré- 
surrection de  la  chair. 

§  V. 

Des  sermons  qu'on  doute  être  de  saint 
Augustin. 

cinqi.ièmo  Qu  a  mls  daus'la  cinquième  classe  trente- 
rmons  dou-  et-un  scrmous  mi'on  n'est  pas  assuré  être  de 
'*'•  saint  Augustin,    quoiqu'il  n'y  ait   pas  non 

plus  de  certitude  qu'il  n'en  soit  pas  l'auteur. 

Mais  dans  ce  nombre,  il  y  en  a  quelques- 


uns  dont  on  a  plus  sujet  de  douter  :  c'est 
pour  cela  qu'on  les  a  imprimés  en  plus  petit 
caractère.  Le  premier  est  sm-  Samson.  Pos- 
sidius  en  marque  un  sous  ce  titre  :  on  croit 
que  celui-ci  en  comprend  une  partie.  Il  y 
en  a  plusieurs  sur  la  Naissance  de  Jésus- 
Christ  \  sur  l'Epiphanie  et  les  autres  mystè- 
res, sur  les  fêtes  de  saint  Jean-Baptiste  et 
sur  celle  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul,  sur 
l'amour  du  prochain,  sur  l'aumône  et  divers 
autres  points  de  morale.  Le  dernier,  qui  est 
du  nombre  de  ceux  dont  on  doute  beaucoup, 
fut  prononcé  le  jour  de  la  fête  de  sainte  Per- 
pétue et  de  sainte  Félicité.  Ces  trente-et-un 
discours  sont  suivis  de  fragments  de  quel- 
ques autres  sermons  de  saint  Augustin,  tirés 
des  recueils  d'Eugyppius,  de  Bède,  de  Florus 
et  de  Jean,  diacre  de  l'Éghse  romaine.  On  y 
a  joint  im  fragment  d'un  sermon  sur  l'As- 
cension, et  un  sermon  entier  du  prêtre  Éra- 
clius,  prononcé  en  présence  de  saint  Augus- 
tin, qu'il  appelle  son  pieux  père  et  son  bon 
maître.  Éraclius  y  dit  qu'il  n'avait  entrepris 
ce  discours  que  par  ordre  de  saint  Augus- 
tin ,  et  pour  remplir  les  devoirs  de  la  charge  ''""•  "^^■ 
qu'on  lui  avait  imposée  depuis  peu,  en  l'éle- 
vant à  la  prêtrise.  Éraclias  avait  déjà  prêché 
plusieurs  fois,  mais  en  l'absence  de  saint  Au- 
gustin. Pour  s'assurer  de  sa  capacité  avant 
de  le  déclarer  son  successeur,  le  saint  Évoque 
l'obhgea  de  faire  un  discours  en  sa  présence  ; 
Érachus  obéit,  en  s'étonnant  de  ce' qu'il 
osait  parler  tandis  que  saint  Augustin  se 
taisait.  «  Mais  non,  dit-il,  il  ne  se  tait  pas, 
puisque  c'est  lui  qui  parle  par  son  disciple, 
si  le  disciple  ne  dit  que  ce  qu'il  a  appris  du 
maître.  »  Tout  son  discours,  qui  est  très- 
élégant,  n'est  qu'un  éloge  de  ce  saint  Évê- 
que; tout  ce  qu'il  y  dit  au  peuple,  c'est  d'a- 
voir dans  l'esprit  et  de  mettre  en  pratique 
tout  ce  qu'il  avait  appris  depuis  si  longtemps 
de  sa  bouche.  Nous  avons  encore  un  autre 
discours  ^  sous  le  nom  d'Éraclius,  sur  l'en- 
droit de  l'Évangile,  où  il  est  dit  que  saint 
Pierre  marchait  sur  les  eaux  de  la  mer.  Il 
est  assez  du  style  de  celui-ci,  serré  et  fleuri. 
On  lui  a  aussi  attribué  un  discours  sur  la 
confession  des  péchés,  qui  est  aujourd'hui  le 
deux  cent  cinquante-troisième  dans  l'Appen- 
dice du  cinquième  tome  ;  mais  le  style  fait 
voir  qu'il  est  de  saint  Césaire.  On  y  ti'ouve 


'  Le  cardinal  Maï  donne  comme  authentique  le 
sermon  239  sur  la  naissance  de  Jésus-Christ  rangé 
parmi  les  douteux.  Il  est  contenu  dans  un  manus- 


crit qui  n'est  postérieur  à  la  mort  de  saint  Augus- 
tin que  de  cent  et  quelques  années.  [L'éditeur.] 
-  Serm.  72,  in  Append.,  pag.  131. 


244  HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES 

divers   endroits  des  Commentaires  de  saint 


Augustin  sur  les  Psaumes. 
§  VI. 

Des  sermons  contenus  dans  l'Appendice  du 
cinquième  tome. 

L'on  a  encore  distinbué  en  quatre  classes 
les  sermons  faussement  attribués  à  saint  Au- 
gustin'. La  première  contient  ceux  qui  sont 
sur  les  livres,  tant  de  l'Ancien  que  du  Nou- 
veau Testament;  la  seconde,  les  sermons  du 
temps  ou  sur  les  principales  fêles  de  l'an- 
née; la  troisième,  les  panégj'riques,  et  la 
quatrième,  les  sermons  sur  divers  sujets. 
On  trouve  à  la  tête  de  chacun  une  critique 
qui  en  fait  connaître  le  véritable  auteur,  ou 
du  moins  cpii  fait  voir  que  ce  n'est  pas  de 
saint  Augustin.  Cette  critique  est  fondée 
premièrement,  sur  la  différence  du  style  ;  se- 
condement, sur  le  catalogue  que  Possidius 
a  fait  des  sermons  de  ce  Père;  en  troisième 
lieu,  sur  la  doctrine  constante  de  saint  Au- 
gustin et  sm'  sa  manière  d'expliquer  l'Écri- 
ture sainte;  quatrièmement,  sur  les  témoi- 
gnages d'Eugyppius,  de  Bède  et  de  Florus  qui 
ont  fait  des  recueils  de  divei's  endroits  de  ses 
sermons  ;  cinquièmement ,  sur  l'autorité  des 
plus  anciens  manuscrits.  Avec  tous  ces  se- 
cours, on  a  restitué  à  saint  Césaire,  à  Ori- 
gène,  à  saint. Cyprien,  à  saint  Ambroise,  à 
saint  Maxime,  à  saint  Léon,  à  Fauste,  à  saint 
Grégoire  le  Grand,  à  Alcuin,  ù  Yves  de  Char- 
tres et  à  quelques  autres,  des  discours  qui, 
non-seulement  dans  quelques  manuscrits  , 
mais  même  dans  les  imprimés,  portaient  le 
nom  de  saint  Augustin.  Ils  sont  au  nombre 
de  trois  cent  dix-sept.  Nous  aurons  lieu  d'en 
parler  plus  au  long  dans  la  suite  en  traitant 
des  auteiirs  à  qui  ces  sermons  appartien- 
nent. La  plupart  de  ceux  de  saint  Augustin, 
paraissent  avoir  été  prononcés  sans  beau- 
coup de  prépai'ation.  Aussi  y  traite-t-il  ra- 
rement à  fond  les  points  de  morale  ou  de 
doctrine  qui  en  font  la  matière. 

1  Parmi  les  sermons  contenus  dans  VÀpjiendice 
il  eu  est  un  certain  nombre  qu'on  s'est  trop  pressé 
de  mettre  au  rang  des  sermons  supposés.  Le  ma- 
nuscrit du  Vatican,  dont  nous  parlions  tout  à  l'heure, 
contient  quatre  sermons  condamnés  par  les  Béné- 
dictins, savoir  le  sermon  123,  9"  sur  la  Naissance  de 
Jésus-Christ;  le  sermon  133,  5«  sur  l'Epiphanie;  le 
sermon  199,  4"  sur  saint  Jean-Baptiste.  On  y  trouve 
aussi  sept  sermons  enlevés  à  saiut  Augustin  pour 
les  attribuer  à  saint  Pierre  Chrysologue,  dans  les 
œuvres  duquel  on  les  trouve  sous  le  nuni.  12  sur 


[Parmi  les  sermons  rejetés  par  les  Béné- 
dictins, comme  u'étant  pas  authentiques,  on 
remarque  le  sermon  cent  quatre-vingt-qua- 
torzième, pour  la  fête  de  l'Annonciation  du 
Seigneur,  et  le  sermon  deux  cent  huitième, 
pour  la  fête  de  l'Assomption  de  Marie.  Mon- 
seigneur d'Alger,  dans  sor|i  instruction  sur 
le  culte  de  la  sainte  A'ierge  dans  la  primi- 
tive Église  d'Afrique,  admet  ces  deux  pièces 
comme  l'œuvre  de  saint  Augustin ,  quoi 
qu'en  disent  les  Bénédictins  de  Saint-Maur. 
Voici  les  paroles  de  ce  saint  évêque  :  «  Re- 
marquons d'abord  (ceci  n'est  pas  sans  im- 
portance) que  ces  religieux  ont  laissé,  de  leur 
vivant  et  après  eux,  un  certain  renom  de 
jansénisme  qui ,  à  leur  insu,  n'a  pas  man- 
qué d'influer  sur  leurs  jugements  critiques 
et  Httéraires.  Ce  n'est  pas  sans  une  pénible 
émotion  qu'on  remarque  l'afiectation  avec 
laquelle  ces  hommes,  d'ailleurs  si  doctes, 
impriment  en  lettres  majuscules,  les  moin- 
dres propositions  de  saint  Augustin,  qu'ils 
jugent  favorables  au  système  du  jansénisme 
et  à  la  grâce  nécessitante  :  combien  d'autres 
l'auront  observé  avant  nous!  Or,  on  sait 
combien  peu  cette  hérésie  s'accommode  du 
culte  de  la  sainte  Vierge  et  quels  coups  elle 
lui  avait  portés  dans  le  dernier  et  l'avant- 
dernier  siècle.  Rien  d'étonnant  que  cette 
malheureuse  disposition  d'esprit  ait  porté 
les  éditeurs  de  Saint-Maur  à  rejeter,  sous  de 
simples  prétextes,  tous  les  discours  qui  glo- 
rifient la  dévotion  et  la  contiance  en  Marie. 
Assurément,  elle  est  grave  l'autorité  des  Bé- 
nédictnis,  si  grave  que  l'annaliste  autoi'isé 
de'l'Afiique  chrétienne,  le  savant  jésuite 
Morcelh,  n'a  pas  osé  la  contredire,  et  qu'il 
affirme,  sans  hésitation,  qu'on  n'a  d'Augustin 
aucun  discours  sur  la  sainte  Vierge.  Et  ce- 
pendant il  y  a  quelque  chose  de  bien  autre- 
ment grave  que  l'autorité  de  ces  savants  re- 
ligieux, c'est  l'autorité  des  siècles  et  celle  de 
l'Église  romaine.  » 

En  effet,  les  Bénédictins  eux-mêmes  en 
conviennent ,  leur  édition  est  la  première 

le  jeûne  et  la  tentation  de  Jésus- Christ;  sous  le 
uum.  75  sur  Lazare  ;  sous  le  num.  106  sur  le 
figuier  qui  ne  porte  pas  de  fruit;  sous  le  num.  14) 
sur  l'Annonciation  de  la  Sainte-Vierge  ;  sous  le 
131  sur  la  fuite  de  Notre-Seigneur  en  Egypte  ;  sous 
le  num.  132  sur  le  massacre  des  enfants.  Un  autre 
manuscrit  très-ancien  contient  le  sermon  sur  l'As- 
cension qui  commence  par  ces  mots  :  Dies  isti  et 
celui  sur  la  Pentecôte.  Voyez  Bibl.  nov.  Pair.,  iwg. 
19  et  15  de  la  Préface  et  pag.  229.  {L'éditeur.) 


[IV'  ET  V=  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN, 


qui  renvoie  à  l'Appendice,  comme  n'étant 
pas  de  saint  Augustin,  les  discours  dont 
nous  venons  de  parler,  tandis  cpie  toutes 
les  éditions  pi-écédentes  les  comprennent 
parmi  les  œuvres  authentiques  du  grand 
Docteur.  Jusqu'alors,  tous  les  auteurs  catho- 
liques les  lui  ont  attribués,  sans  ombre  d'hé- 
sitation et  sans  contradiction  aucune.  Le  Bré- 
viaii-e  romain  en  a  inséré,  sous  le  même  titre, 
les  morceaux  les  plus  saillants;  l'Église  nous 
fait  clianter  le  suffrage  :  Sancta  Maria  sicc- 
curre  miseris  qui  en  est  extrait  mot  pour  mot. 
Enfin,  depuis  l'édition  bénédictine,  une  foule 
d'auteurs,  saint  Liguori  entre  autres,  conti- 
nuent à  reconnaître  saint  Augustin  comme 
l'auteur  de  ces  pages;  Bossuet,  dont  le  savoir 
égalait  l'éloquence,  s'appuie  de  leur  autorité, 
notamment,  pour  appliquer  à  Marie  le  pas- 
sage de  l'Apocalypse,  sur  la  femme  revêtue 
du  soleil,  et  il  cite  précisément  l'édition  bé- 
nédictine. 

Ce  n'est  donc  pas  à  la  légère  qiie  nous 
avons  entrepris  de  plaider  ce  procès  de  gé- 
niiifé,  et  d'opposer  à  l'autorité  de  quelques 
critiques  des  autorités  supérieures  à  la  leur. 
Avant  nous  et  par  les  mêmes  motifs , 
MM.  Caillau  et  de  Saint- Yves,  dans  leurs 
Vinditice  scrmonum  sancti  Aiigvstini,  p.  3, 
adressent  aux  Bénédictins  les  mêmes  repro- 
ches sur  leur  facilité  à  rejeter  comme  apo- 
cryphe tout  ce  qui  glorifie  la  sainte  Vierge  ; 
mais  la  bonne  foi  exige  que  nous  répondions 
aux  motifs  qui  ont  fixé  l'opinion  des  reh- 
gieux  de  Saint-Maur. 

Ils  rejettent  le  sermon  204',  De  Annuntia- 
tione  dominica'^  de  la  manière  la  plus  dure. 
Ils  l'appellent  opus  imperiti  consarcinatoins ; 
et  c'est  celui  où  se  trouve  ce  beau  tableau 
des  siècles  captifs  qui  pressent  Mai'ie  d'ac- 
cepter la  fonction  de  mère  de  Dieu,  et 
c'est  précisément  à  la  fin  de  ce  discours 
que  se  trouve  l'admirable  prière  :  Sancta 
Maria  succurre  miseris,  etc.,  que  l'Eglise  ro- 
maine a  placée  sous  le  nom  d'Augustin  dans 
son  office  public.  Ils  se  récrient  parce  que  la 
première  phrase  suppose  que  l'orateur  parle 
un  jour  de  fête  de  la  sainte  Vierge  ;  ils  nous 
afièguent  premièrement  qu'on  ne  faisait  pas 
encore  la  fête  de  la  NatiA'ité  de  Marie,  com- 
me s'il  en  était  le  moins  du  monde  question 
dans  le  texte ,  et  secondement,  le  silence  du 
calendrier  de  Cartilage  ,  silence  que  nous 
croyons  avoir  raisonnablement  expliqué  ;  ils 

>  Tom.  V  Append.,  pag.  320. 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  245 

ajoutent  enfin  qu'il  y  a  des  répétitions  du 
discours  précédent  ;  pauvi-e  raison  qui  ferait 
nier  l'authenticité  d'un  très-grand  nombre 
de  sermons  de  Bossuet,  où  les  mêmes  pen- 
sées se  reproduisent  le  plus  souvent  dans  les 
mêmes  termes  :  c'est  précisément  le  con- 
traire qu'il  fallait  conclure. 

Enfin  ils  rejettent  le  208"  sermon  :  In  Festo 
Assumptionis  Marice,  sans  indiquer  le  motif, 
mais  évidemment  par  celui  qu'ils  ont  donné 
contre  le  discours  précédent,  que  la  fête  de 
l'Assomption  ne  se  célébrait  point  alors  en 
Afrique.  D'après  ce  que  nous  avoûs  expliqué 
plus  haut,  rien  n'est  moins  sûrement  établi 
que  cette  assertion.  D'ailleurs,  le  discours 
parle  de  la  mort  de  la  sainte  Vierge  dans 
une  phrase  de  l'exorde,  et  il  ne  dit  rien  de 
l'Assomption.  En  tout  cas,  la  sévérité  de  la 
critique  s'est  arrêtée  cette  fois ,  devant  la 
beauté  du  discoui'S  dont  vous  avez  lu  un  ad- 
mirable passage,  que  les  saints,  Bonaven- 
ture,  par  exemple,  ont  plus  d'une  fois  cité. 
Aussi  les  Bénédictins  paraissent-ils  vouloir 
l'attribuer  à  Fulbert  de  Chartres.  Ils  se  ré- 
crient sur  l'insei'tion  dans  le  texte  d'une 
phrase  de  saint  Isidore  de  Séville ,  et  ils  ont 
grandement  raison,  puisque  Isidore  de  Sé- 
ville vivait  plus  de  cent  ans  après  saint  Au- 
gustin ;  mais  est-il  si  difficile  de  faire  ce  qui  a 
été  fait  mille  fois  avec  justice,  d'admettre  une 
interpolation  ?  Cela  est  d'autant  plus  natm'el 
à  croire  que  le  texte  d'Isidore  vient  unique- 
ment en  confirmation  de  cette  véi-ité,  que  la 
sainte  Vierge  n'est  pas  morte  par  le  glaive. 
La  phrase  de  saint  Isidore  aura  été  d'abord 
écrite  à  la  marge  comme  annotation  :  cela 
se  fait  tous  les  jours  par  les  hommes  d'étude 
et  notamment  dans  les  manuscrits  ;  un  igno- 
rant copiste  aura  placé  la  phrase  dans  le 
texte.  Du  reste,  pour  notre  thèse,  nous  n'a- 
vons aucun  besoin  de  ce  discours  ;  le  pré- 
cédent nous  suffit  pour  démontrer  la  dévo- 
tion d'Augustin  et  de  son  peuple  à  Marie  et 
la  pieuse  confiance  qu'ils  mettaient  en  sa 
protection.] 

ARTICLE   SEPTIÈME. 

DES  OUVRAGES  CONTENUS  DANS  LE  SIXIÈME  TOME. 
§1- 

Des  quatre-vingt-trois  questions. 

Après  le  retour  de  saint  Augustin  en  Afri-   ,5°l?[.°:j'4r. 
que,  ses  frères,  profitant  des  moments  où  ils   }i;°l.j5l"38s.' 


246 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Analyse  do 
ces  queslîoDs, 
lom.  YI,  pag. 
1. 

Quesl.  1. 


Qucst.  2. 
Qucsl.  3. 


Quesl.  4. 


Qucsl,  n. 
Quesl.  6. 


Qucsl.  7. 


ne  le  voyaient  pas  occupé,  lui  faisaient  sou- 
vent diverses  questions.  Il  leur  répondait 
sans  garder  d'autre  ordre  dans  ses  réponses, 
que  celui  qu'ils  gardaient  eux-mêmes  dans 
leurs  questions.  11  ne  prenait  pas  même  la 
précaution  de  les  dicter  de  suite  sur  une 
même  feuille  ;  en  sorte  qu'elles  se  trou- 
vaient dispersées  çà  et  lu.  C'était  au  com- 
mencement de  sa  conversion ,  et  peu  de 
temps  après  sa  sortie  d'Italie,  c'est-à-dire 
sur  la  fin  de  l'an  388.  Mais,  depuis  qu'il  fut 
évêque,  il  fit  recueillir  toutes  les  questions 
qu'on  lui  avait  faites,  et  les  réponses  qu'il  y 
avait  données,  et  en  composa  un  livre.  Il  en 
parle  '  dans  ses  Rétractations  ,  où  il  entre 
dans  le  détail  de  toutes  les  questions  dont 
ce  livre  était  composé.  Il  remarque  dans  la 
douzième,  que  la  sentence  qu'il  avait  citée 
sous  le  nom  d'un  certain  sage,  était  d'un 
cartliagiuois  nommé  Fontéius ,  qui  l'avait 
écrite  étant  encore  païen,  mais  qui  était 
mort  chrétien  après  avoir  reçu  le  baptême. 

2.  Cassiodore  parle  de  ces  questions  % 
qu'il  dit  être  expliquées  et  pesées  avec  une 
sagesse  admirable.  Elles  sont  au  nombre  de 
quatre-vingt-trois  ,  dont  voici  les  plus  re- 
marquables. L'âme  tire  son  origine  de  la 
vérité  qui  est  Dieu,  on  ne  peut  donc  pas 
dire  qu'elle  soit  d'elle-même,  ni  par  elle 
même.  Quoique  l'homme  ait  été  créé  bon, 
il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  celui-là 
est  meilleur ,  qui  est  bon  par  volonté , 
qu'un  autre  qui  ne  l'est  que  par  nature  : 
c'est  pour  cela  que  Dieu  a  donné  à  l'hom- 
me une  volonté  libre.  S'il  est  vrai  qu'un 
homme  sage  ne  rend  jamais  mi  autre 
homme  plus  mauvais  ,  est -il  à  présumer 
que  Dieu,  qui  surpasse  en  sagesse  tous  les 
hommes  sages,  fasse  les  hommes  plus  mé- 
chants ?  Il  faut  donc  jeter  la  méchanceté  de 
l'homme  sur  sa  propre  volonté,  soit  qu'il  soit 
porté  au  mal  par  le  conseil  de  quelque  mé- 
chant, soit  par  lui-même.  L'animal  qui  n'a 
point  de  raison,  n'a  point  non  plus  de  con- 
naissance; il  ne  peut  par  conséqueat  être 
heureux.  De  tons  les  êtres,  soit  corporels, 
soit  spirituels ,  il  n'y  en  a  point  qui  n'ait 
quekpie  perfection  qui  en  fasse  l'essence;  le 
mal  n'en  a  point  :  ce  n'est  donc  pas  un  être, 
mais  un  nom  qui  marque  la  privation  de  la 
perfection.  On  confond  quelquefois  l'àme 
avec  l'esprit,  et  d'autres  fois  on  les  distin- 
gue :  si  l'on  attribue  à  l'àme  de  l'homme 


des  actions  qui  lui  sont  communes  avec  les 
bêtes,  on  ne  peut  alors  par  le  teime  d'âme 
entendre  l'esprit ,  parce  que  les  bêtes  n'ont 
point  de  raison,  et  que  la  raison  est  jointe 
nécessairement  à  l'esprit.  Tout  homme  qui 
sent  en  soi  une  volonté,  sent  aussi  que  l'âme 
se  meut;  car  si  nous  voulons,  ce  n'est  pas 
un  autre  qui  veut  pour  nous.  L'âme  même 
n'a  pas  d'autres  mouvements  que  les  volon- 
tés ;  et  qu-oique  ses  mouvements  soient  li- 
bres ,  c'est  cependant  de  Dieu  qu'elle  a  reçu 
la  faculté  de  se  mouvoir.  Elle  fait  changer 
le  corps  de  place,  sans  changer  eUe-mème. 
II  ne  faut  pas  attendre  des  sens  la  connais- 
sance de  la  vérité  éîeruelle  et  immuable  :  ils 
ne  nous  fout  connaître  que  des  choses  qui 
sont  sensibles,  et  dans  un  continuel  change- 
ment. Tout  ce  qui  est  bon  et  qui  a  quelque 
perfection  vient  de  Dieu  :  les  corps  sont  de 
ce  genre  :  ils  ont  donc  Dieu  pour  auteur. 
Lorsque  Dieu  délivre,  il  ne  délivre  pas  une 
partie,  mais  tout  ce  qui  est  en  danger,  et 
c'est  pouj"  montrer  qu'il  a  voulu  sauver  les 
deux  sexes,  qu'il  est  né  d'une  vierge.  Quoi- 
que Dieu  soit  présent  partout,  on  ne  le  voit 
point  quand  on  a  l'âme  souillée.  C'est  cette 
pensée  que  saint  Augustin  dit  être  de  Fon- 
téius. Ce  qui  prouve  l'excellence  de  l'homme 
au-dessus  des  bêtes ,  c'est  qu'il  peut  les 
dresser  et  les  dompter  ;  au  lieu  que  les  bê- 
tes n'en  peuvent  faire  aotant  à  l'égard  de 
l'homme.  Si  le  corps  de  Jésus-Clu'ist  n'a  été 
qu'un  fantôme,  il  nous  a  trompé  ;  s'il  nous  a 
trompés,  il  n'est  pas  la  vérité.  Or,  il  est  la 
vérité  ;  son  corps  n'a  donc  pas  été  un  fan- 
tôme. L'esprit  de  l'homme  se  comprend  soi- 
même,  il  ne  souliaite  pas  môme  d'être  infini  ; 
il  est  donc  fini.  Dieu  étant  la  cause  de  toute 
chose,  l'est  aussi  de  sa  sagesse  ;  et  comme 
il  n'a  jamais  été  sans  elle,  il  en  est  donc  une 
cause  éternelle.  Le  passé  n'est  plus,  le  futur 
n'est  pas  encore  ;  mais  en  Dieu,  il  n'y  a  ni 
passé  ni  futur,  tout  est  présent.  Tout  ce  qui 
existe  doit  avoir  trois  causes  ;  celle  qui  lui 
donne  l'être,  ceUe  qui  lui  donne  une  telle 
façon  d'être,  et  celle  qui  fait  que  les  parties 
dont  il  est  composé  ont  entre  elles  de  la  con- 
venance. Toute  créature  a  donc  une  trinité 
pour  cause.  Il  y   a  cette  diti'érence   entre 
immortel  et  éternel ,  que   tout  ce  qui  est 
éteruel  est  aussi  immortel  ;  au  lieu  que  fout 
ce  qui  est  immortel,  comme  l'àiue  de  l'hom- 
me, n'est  pas  pour  cela  éternel.  Dans  l'éter- 


Quesl.  8.  I 


Quest.  0. 


Quesl.  10. 
Quesl.  11. 

Quesl.  12. 
Quesl.  13. 


Qucsl.  U. 


Qucsl.  15. 
Quesl.  16. 


Qucsl.  n. 
Qucsl.  18. 


Qucsl.  10. 


1  Lib.  I  Relract.,  cap.  xxvi. 


Cassiod,,  Inst.,  cap.  xvi. 


[iv"  ET  v"  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

nité,  il  n'y  a  ni  passé,  ni  futur,  tout  est  pré- 
Quest.  20.    sent.  Dieu  comprend  toutes  choses  et  toutes 
choses  sont  dans  lui,  sans  être  le  lien  des 
choses  :  car  il  ne  le  pourrait  être  sans  être 
corporel, 
gaesi.  21.        3.  Dieu  étant  l'auteur  de  toutes  les  choses 
qui  existent,  il  ne  le  peut  être  de  ce  qui  tend 
au  néant  :  le  mal  y  tend  ;  Dieu  n'est  donc  pas 
Quest.  2î.    l'auteur  du  mal.  Où  il  n'y  a  aucun  défaut, 
il  n'y  a  point  non  plus  de  besoin  ni  de  né- 
cessité :  en  Dieu  il  n'y  a  point  de  défaut  , 
et  par  conséquent,  aucun  besoin  ni  néces- 
Qaest.  23.    site.  L'iiomme   n'est  sage  que    parce  qu'il 
participe  à  la  sagesse,  et  il  en  est  de  même 
de  toutes  les  autres  vertus;  Dieu,  au  con- 
Qnesi.  24.    traire,  est  sage  par  sa  sagesse  même.  Tout 
ce  qui  se  fait  par  hasard,  se  fait  téméraire- 
ment, et  ce  qui  se  fait  témérairement,  ne  se 
fait  pas  par  la  Providence.  Si  donc  dans  le 
monde  il  y  a  des  choses  qui  se  fassent  par 
hasard,  le   monde    n'est   pas    entièrement 
gouverné  par  la  Providence;  et  il  y  a  quel- 
ques natures  ou  substances  qui  ne  sont  pas 
l'ouvrage  de  la  Providence.  Cependant  tous 
les  êtres  sont  parfaits,  et  Ils  ne  peuvent  être 
parfaits  qu'en   tant    qu'ils  participent  à   la 
bonté  et  à  la  perfection  de  Dieu  ;  ils  sont 
donc  son  ouvrage.  Il   y    a  néanmoins   des 
choses  auxquelles  Dieu  et  l'homme  ont  part  : 
Dieu  ne  permet  pas  que  personne  soit  puni 
ou  récompensé  sans  l'avoir  mérité  :  et  le  pé- 
Quesi.  25.    ché  de  même  que  la  bonne  action  dépendent 
de  notre  libre  arbitre.   Comme  il  n'y  avait 
rien  de  plus  odieux  parmi  les  hommes  que 
la  mort  de  la  croix,  Jésus-Christ  l'a  souffer- 
te, parce  qu'il  était  de  sa  sagesse  de  faire 
voir  à  l'homme  qu'il  ne  devait  pas  craindre 
Qiiofi.  2s.    la  mort  la  plus  ignominieuse.  Il  y  a  des  pé- 
chés de  faiblesse,  d'ignorance  et  de  malice  : 
les  uns  sont  contraires  à  la  force  de  Dieu, 
les  autres  à  sa  sagesse,  et  les  derniers  à  sa 
bonté.  Quiconque  sait  ce  que  c'est  que  la 
force,  la  sagesse  et  la  bonté  de  Dieu,  peut 
savoir  quels  sont  les  péchés  véniels;  et  ceux 
qui  méritent   d'être  punis  en  ce  monde  et 
en  l'autre;  et  qui  sont  ceux  que  l'on  ne  doit 
pas  contraindre    à  la   pénitence    publique, 
quoiqu'ils  avouent  leurs  crimes  ,  et  ceux  qui 
ne  peuvent  espérer  de  salut,  s'ils  n'offrent  à 
Dieu  le  sacrifice  d'un  cœur  contrit  par  la 
Quest.  27.    pénitence.  Il  est  possible  que  Dieu  se  serve 
des  méchants  pour  punir  et  pour  secourir, 
comme  on  l'a  vu  dans  les  Juifs,  dont  l'im- 
piété a  occasionné  leur  perte  et  le  salut  des 
gentils.  Les  maux  sont  aussi  un  exercice 


EVEQUE  D'HIPPÛNE. 


247 


pour  les  justes  et  une  punition  pour  les  mé- 
chants :  et  le  repos  et  la  paix  qui  les  cor- 
rompent, sanctifient  les  justes.  Dieu  se  sert 
de  nous  pour  faire  réussir  les  desseins  de  sa 
providence  sans  que  nous  le  sachions.  En 
obéissant  à  ses  commandements,  nous  agis- 
sons ;  mais  dans  les  autres  événements. 
Dieu  nous  conduit  par  les  ressorts  de  sa  pro- 
vidence sans  que  nous  y  ayons  de  part. 

Comme  il  n'y  a  rien  au-dessus  de  la  vo-     Qucsi.  as. 
lonté  de  Dieu,  il  ne  faut  pas  lui  demander 
pourquoi  il  a  créé  le  monde  ;  ce  serait  cher- 
cher une  cause  de  ce  qui  est  la  cause  de 
tout.  Quand  il  est  dit  dans  l'Épître  aux  Co- 
lossiens.  Ayez  du  goût  pour  les  choses  d'en     Q''=s'-  ^5. 
haut ,  cela  ne  doit  pas  s'entendre  des  choses 
corporelles,  mais  des  spirituelles.  La  parfaite     Q'"!^'-  3o. 
raison  de  l'homme  que  l'on  appelle  vertu, 
se  sert  premièrement  d'elle-même  pour  con- 
naître Dieu,  afin  de  jouir  de  celui  qui  l'a 
formée  ;  puis  elle  use  de  toutes  les  autres 
créatures  raisonnables  par  rapport  à  la  so- 
ciété, et  des  irraisonuables  par  le  droit  de 
supériorité  qui  lui  a  été   donné  au-dessus 
d'elles.  Elle  rapporte  sa  vie  à  Dieu  poiu-  en 
jouir,  ce    n'est    qu'ainsi    qu'elle   peut   être 
bienhem-euse.   Elle    se    sert  aussi  de   son 
corps,  soit  qu'elle  prenne  ou  qu'elle  rejette 
certaines  choses  pour  la  conservation  de  sa 
santé,  soit  qu'elle  en  souffre  d'autres  pour 
exercer  la   patience,  soit   qu'elle    en  règle 
d'autres  pour  pratiquer  la  justice,  soit  qu'elle 
en  considère  d'autres  pour  apprendre  quel- 
que vérité,  soit  qu'elle   se  serve  de  celles 
mêmes  dont  eUe  s'abstient  pour  garder  la 
tempérance.  C'est  ainsi  que  l'âme  use  bien 
de  toutes  choses,  soit  que  pour  cela  elle  se 
serve  de  ses  sens,  ou  qu'elle  ne  s'en  serve 
pas.  Celui  qui  conçoit  une  chose  autrement     Quesi.  32. 
qu'elle  n'est,  ne  la  conçoit  pas  ;  d'où  il  suit 
qu'on   ne    peut   concevoir  une    chose   que 
comme  elle  est   en  elle-même.  La  charité     0"°='-  ^s. 
doit  rejeter   comme   un  poison  qui  lui  est 
mortel  l'espérance  d'acquérir  et  le  désir  de 
conserver  les  biens  temporels  :  le  retranche- 
ment de  la  cupidité    est  sa  nourriture,  et 
l'extinction  entière  de  cette  même  cupidité 
sa  perfection.  La  diminution  de  la  crainte, 
est  la  marque  de  l'accroissement  de  la  cha- 
rité, et  l'extinction  entière  de  cette  même 
crainte,  celle  de  sa  perfection  :  parce  que  la     i  Tim.  ti, 
cupidité  est  la  crainte  de  tous  les  maux,  et  que 
V  amour  par  fait  bannit  la  crainte.  Quiconque    ^^  '»»"■  ""i 
veut    donc    entretenir   la  charité  dans  son 
âme,  doit  travailler  à  en  retrancher  la  cupi- 


248 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


dite,  qui  n'est  autre  chose  que  l'amour  et  le 
désir  des  choses  du  monde.  Or,  le  premier 
pas  qu'il  faut  faire  pour  diminuer  la  cupi- 
dité, est  de  craindre  Dieu,  qui  seul  ne  peut 
être  craint  sans  être  aimé.  L'unique  et  le 
grand  exemple  que  nous  devons  nous  pro- 
poser à  imiter,  est  celui  de  Notre-Seigneur, 
qui,  nonobstant  cette  grande  puissance  qu'il 
a  fait  éclater  par  tant  de  miracles,  a  néan- 
moins voulu  mépriser  ce  que  les  hommes 
ignorants    et  aveugles   considèrent  comme 
de  grands  biens,  et  souifrir  ce  qu'ils  regar- 
dent comme  de  grands  maux. 
guesi.  4B.        4.  On  n'ajoute  foi  à  ce  que  disent  les  as- 
trologues, que  parce  qu'on  oublie  les  faus- 
setés qu'ils  ont  débitées,  et  qu'on  ne  fait  at- 
tention qu'aux  événements  où  le  hasard  a 
mis  de  la  conformité  avec  leurs  prétendues 
QuKi.  il.    prédictions.  Après  la  résurrection  les  hom- 
mes connaîti'out  mutuellement  toutes  leurs 
pensées,  car  maintenant  on    en   découvre 
plusieurs  en  considérant   les  mouvements 
des  yeux,  qui  à  présent  ne  sont  que  chair 
en  comparaison  de  ce  que  tout  le  corps  sera 
alors,  c'est-à-dire  transparent  et  comme  de 
guesi.  is.    l'air-  ïl  y  a  trois  sortes  de  choses  que  l'on 
croit  :    les  premières  sont    celles   que   l'on 
croit  toujours  et  que  l'on  ne  conroit  jamais  : 
comme  l'histoire  qui  nous  détaille  des  faits 
temporels  et  humains;   les    secondes,  que 
l'on  conçoit  aussitôt  qu'on  les  croit,  comme 
sont  les  raisonnements  humains,  qui  regai'- 
dent,  soit  la  combinaison  des  nombres,  soit 
toute  autre  science  ;  les  troisièmes  sont  cel- 
les que  l'on  croit  d'abord  sans  les  concevoir, 
et  que  l'on  conçoit  ensuite  ,    comme  sont 
les  instructions  divines  qui  ne  peuvent  être 
conçues  que  de  ceux  qui  ont  le  cœur  pur. 
Quosi.  SI.    Lorsqu'il  est  dit  dans  l'Écriture,  que  l'hom- 
me est  fait  à  l'image  et  à  la  ressemblance  de 
Dieu,  cela  ne  doit  point  s'entendre  du  corps 
de  l'homme,  mais  de  son  âme,  qui  est  ca- 
pable de  raison,  de  sagesse  et  de  connaître 
la  vérité.   Quand  il  est  dit  que  Dieu  se  re- 
pentit d'avoir  fait  l'homme,  cette  façon  de 
parler  ne  doit  pas  se  prendre  à  la  lettre  non 
plus  que  les  endroits  de  l'Écriture,  qui  lui 
attribuent  des  yeux,  des  mains  et  des  pieds. 
Les  Écrivains  sacrés  ne  s'étant  sei'vi  de  ces 
façons  de  parler,  que  parce  qu'étant  plus 
proportionnées  à  nos  manières  d'agir,  eUes 
nous  font  mieux  concevoir  ce  que  Dieu  de- 
mande de  nous,  et  comment  il  nous  gou- 
verne. 
(jue!i,  S3.        Si  Dieu  ordonna  aux  Hébreux  d'emprun- 


ter des  Égyptiens  leurs  vases  précieux  pour 
les  emporter,  c'est  qu'il  voulut  se  servir 
d'eux  pour  punir  ces  peuples,  et  en  même 
temps  pour  récompenser  les  Hébreux  d'un 
long  et  pénible  travail  dont  ils  n'avaient  pas 
été  récompensés  ;  mais  on  ne  peut  inférer 
de  là  qu'il  soit  permis  de  tromper,  ni  que 
Dieu  soit  lui-même  un  trompeur  :  il  sait,  au 
contraire,  distinguer  les  mérites  et  les  per- 
sonnes, et  il  le  fait  avec  équité.  Dieu  n'en 
agit  ainsi  avec  les  Israélites,  que  parce  qu'ils 
n'étaient  pas  capables  de  la  perfection  éS'an- 
'gélique. 

Saint  Augustin  dit  en  expliquant  la  para-  Q^^si. 
bole  des  dix  vierges,  que  ceux  qui  ne  se 
soutiennent  dans  le  bien  que  par  les  louan- 
ges des  hommes,  tombent  aussitôt  qu'ils  en 
sont  privés;  ce  qui  ne  les  empêche  pas  de 
continuer  à  chercher  ces  faux  biens,  où  leur 
esprit  s'est  accoutumé  de  trouver  sa  joie. 

Les  questions  suivantes  ne  sont  que  des 
explications  mystiques  et  morales  de  quel- 
ques endroits  de  l'Ancien  et  du  Nouveau 
Testament.  Il  enseigne  dans  la  soixante-sixiè-  '-'"»'"• 
me,  qu'avant  la  loi,  l'on  ne  combattait  point 
contre  les  plaisirs  du  monde,  qu'on  les 
combattait  sous  la  loi,  mais  qu'on  était 
vaincu  ;  que  sous  la  grâce,  l'on  combat  et 
l'on  remporte  la  victoire  ;  que  dans  la  paix, 
c'est-à-dire  dans  le  ciel,  l'on  n'aura  plus 
besoin  de  combattre,  mais  qu'on  se  repo- 
sera dans  une  étei'uelle  et  parfaite  paix. 
Dans  la  soixante-seizième,  il  enseigne  qu'il 
n'y  a  aucune  conlraiiété  entre  saiut  Paul 
et  saint  Jacques,  lorsque  l'un  dit  que 
l'homme  est  justifié  par  la  foi  sans  les  œu- 
vres, et  que  l'autre  assure  que  la  foi  ne  sert 
à  rien  sans  les  œuvres,  parce  que  celui-là 
parle  des  œuvres  qui  précèdent  la  foi,  et 
celui-ci,  des  œuvres  qui  la  suivent.  Dans  la 
soixante-dix-neuvième,  il  semble  admettre  Uumi-  il- 
dans  les  mauvais  anges  un  pouvoir  pour 
cei'taiues  choses  ;  et  c'est  suivant  cette  idée 
qu'il  explique  les  prodiges  que  tirent  les  ma- 
giciens de  Pharaon  ;  mais  il  reconnaît  que 
dans  les  miracles  que  font  les  saints,  c'est 
Dieu,  dont  ils  sont  le  temple,  qui  agit  en 
eux.  Dieu  ,  dit  -  il ,  n'accorde  pas  à  tous 
les  saints  le  don  des  miracles,  de  crainte 
que  les  faibles  ne  regardent  faussement 
ces  dons  comme  plus  excellents,  que  ceux 
qui  nous  font  accomplir  les  œuvres  de  jus- 
tice ,  qui  seules  nous  obtiennent  la  vie 
éternelle.  Si  les  méchants  nuisent  sou- 
vent aux  bons  dans  les  choses  temporelles, 


yuEsi. 


JnC.     M,    20 

et   Rûiii.    111, 


Mail.  XXIV, 


Quesl.  86. 


Léo  deux  li- 
vres à  Siniplî- 
n  ,  êer  ts 
icii  l'an  yjT. 


[rv'  ET  V=  SIÈCLES.] 

Dieu  ne  le  permet  que  pour  l'avantage 
des  bons,  et  pour  l'épreuve  de  leur  pa- 
tience ;  et  il  parait  par  l'Écriture  que  des 
scélérats,  comme  sera  l'Antéchrist,  peuvent 
faire  de  plus  grands  prodiges  que  les  saints 
n'en  peuvent  faire  eux-mêm'es,  mais  ils  n'eu 
seront  pas  pour  cela  plus  recommandables 
auprès  de  Dieu.  Dans  la  quatre-vingt-sixième, 
saint  Augustin  fait  voir  contre  les  apolina- 
ristes  que  le  Fils  de  Dieu  en  se  faisant  homme 
a  pris  une  âme  humaine  avec  toutes  les  af- 
fections attachées  à  sa  nature  ;  mais  qu'il 
a  pris  ces  affections  volontairement,  et  non' 
par  aucune  nécessité. 

§n. 

Des  deux  livres  à  Simplicien. 

1.  Simplicien,  à  qui  ces  deux  livres  sont 
dédiés,  est  le  même  à  qui  saint  Augustin  s'a- 
dressa en  356  '  ,  pour  lui  découvrir  les  agi- 
tations de  son  âme  et  pour  apprendre  de  lui 
quel  genre  de  vie  il  devait  embrasser.  De- 
puis ce  temps-là,  Simplicien  conserva  tou- 
jours pour  lui  mie  amitié  très-tendre,  lisant  ^ 
avec  plaisir  ceux  de  ses  écrits  qui  tom- 
baient en  ses  maius.  11  lui  écrivit  même 
pour  lui  témoigner  sa  joie  des  dons  que 
Dieu  lui  avait  communiqués.  Mais  en  même 
temps  il  lui  proposa  quelques  difficultés  en 
le  priant  de  lui  en  donner  l'éclaircissement, 
et  de  faire  pour  cela  un  petit  livre  ^.  Saint 
Augustin  reçut  avec  beaucoup  de  joie  tou- 
tes ces  marques  d'affection  et  l'approbation 
que  Simplicien  donnait  à  ses  ouvrages  ;  re- 
connaissant *,  néanmoins,  avec  beaucoup 
d'humilité,  que  ce  qu'il  y  avait  de  bon  et  de 
digne  de  louanges  dans  ses  écrits  venait  de 
Dieu,  à  qui  il  n'avait  fait  que  prêter  son  mi- 
nistère ;  et  que  Simplicien,  comme  un  bon 
père,  avait  voulu  l'exercer  ^,  non  pour  ap- 
prendre quelque  chose  de  lui,  mais  pour 
connaître  ses  progrès,  et  lui  faire  remar- 
quer ses  fautes.  Il  convient  *  que  clans  les 
questions  qu'il  lui  avait  proposées  en  parti- 
culier sur  l'Épître  aux  Romains,  il  y  en  avait 
de  fort  difficiles,  et  que  si  elles  l'eussent  été 
moins,  Simplicien  ne  lui  en  eût  pas  demandé 
la  solution.  C'est  pour  cela  qu'au  lieu  de  le 
renvoyer  à  ce  qu'il  en  avait  dit  dans  un  au- 
tre ouvrage,  il  s'appliqua  de  nouveau  à  les 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


249 


examiner,  de  peur  de  ne  l'avoir  pas  fait  la 
première  fois  avec  assez  de  soin  et  d'atten- 
tion. 11  nous  apprend  lui-même  '  qu'il  était 
évoque,  lorsqu'il  écrivit  ces  deux  livres,  et 
qu'il  ne  l'était  que  depuis  peu.  Néanmoins, 
comme  il-  n'y  dit  rien  de  saint  Ambroise, 
mort  en  397,  il  y  a  appai-ence  qu'il  ne  les 
composa  qu'après  le  4  avril  de  cette  an- 
née, qui  fut  le  jour  de  la  mort  de  ce  saint 
évêque,  et  lorsque  Simplicien  occupait  déjà 
le  siège  épiscopal  de  l'église  de  Milan.  Ce 
qui  confirme  ce  sentiment,  c'est  que  dans 
ses  Rétractations,  il  dit  que  ces  deux  livres 
étaient  adr^essés  à  Simplicien,  évêque  de  Milan, 
successeur  de  saint  Ambroise  ^ . 

2.  Le  second  examen  qu'il  fit  de  ces  pa- 
roles de  saint  Paul  :  Qu'avez-vous  que  vous 
n'ayez  reçu,  lui  fit  changer  le  sentiment  où 
il  était  auparavant,  que  la  foi  venait  de 
l'homme,  et  qu'après  avoir  ouï  prêcher  la 
vérité,  c'était  lui  qui  se  déterminait  à  croire 
ou  à  ne  pas  croire.  Car  profitant  à  mesure 
qu'il  écrivait  et  qu'il  étudiait,  il  reconnut 
parla  lumière  que  Dieu  lui  donna,  que  le 
premier  commencement  de  la  foi  n'était  pas 
moins  un  don  de  la  grâce,  que  toute  la  suite 
des  bonnes  œuvres.  C'est  ce  qu'il  dit  lui- 
même  dans  son  livre  de  la  Prédestination  des 
saints,  adressé  à  saint  Pi'osper  et  à  Hilaire. 
(i  Vous  voyez,  leur  dit-il  ',  dans  quels  senti- 
ments j'étais  en  ce  temps-là  (c'est-à-dire 
vers  l'an  394,  lorsqu'il  répondait  à  diverses 
difficultés  qu'on  lui  avait  faites  sur  l'Épître 
aux  Romains)  sur  le  sujet  de  la  foi  et  des 
bonnes  œuvres  ;  quoique  d'ailleurs  je  prisse 
grand  soin  de  faire  connaître  le  prix  et  la 
force  de  la  grâce  ,  je  vois  que  c'est  en  cela 
même  que  consiste  l'erreur  de  ceux  dont 
vous  m'avez  écrit,  qui  ont  été  peut-être  as- 
sez soigneux  de  lire  mes  livres,  mais  non 
pas  de  profiter  en  les  lisant,  comme  j'ai  fait 
à  mesure  que  j'ai  continué  d'écrire.  Car  s'ils 
avaient  eu  ce  soin-là,  ils  auraient  trouvé 
cette  question  résolue  selon  la  vérité  des 
saintes  Écritm'es,  dans  le  premier  des  deux 
livres  que  j'adressai  à  l'cvêque  Simplicien 
peu  de  temps  après  queje  fus  fait  moi-même 
évêque.  »  Il  déclare  la  même  chose  dans  son 
livre  du  Don  de  la  persévéïmnce .  «  Ce  fut,  dit- 
il  '",  en  ce  temps-là  que  je  commençai  de 
reconnaître  et  d'établir  cette  vérité  catho- 


Saint  Au- 
gustin cbaags 
de  sentiment 
sur  la  grâce. 


1  August.,  tib.  VIII  Conf.,  cap.  i.  -  2  August., 
Epist.  ad  Simp.,  tom.  VI,  pag.  79.  —  '  Lib.  II  ad 
Simp.  quœst.  6,  pag.  120.  —  *  Epist.  ad  Simp.  ubi 
supra. 


°  Lib.  II  ad  Simp.  quœst.  2,  pag.  112.  —  ^  Prolog, 
in    lib.   ad  Simp.  —  '  Lib.  il  Retract.,  cap.    i. 
8  Ibid.  —  '  .\ugust.,  lib.  De  Prœd.  Sanct.,  cap.  iv. 
1°  Lib.  De  Don.  pers.,  cap.  xx. 


250 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


lique,  que  le  commencement  même  de  no- 
tre foi  est  un  don  de  Dieu.  »  Et  encore  •  : 
«  Mais  puisque  ceux  pour  qui  nous  travail- 
lons protestent,  comme  vous  m'en  assurez , 
suivre  sur  le  sujet  que  nous  traitons ,  tout 
ce  que  j'ai  enseigné  ci-devant,  qu'ils  pren- 
nent garde  à  la  fm  du  premier  des  deux 
premiers  livres  que  j'ai  adressés  à  Simpli-, 
cien,  évoque  de  Milan;  qu'ils  voient  si,  après 
ce  que  je  dis  en  cet  endroit-lii ,  ou  peut  en- 
core mettre  en  doute  que  la  grâce  ne  nous 
est  point  donnée  en  considération  d'aucun 
mérite  ;  et  si  je  n'ai  pas  montré  au  même 
endroit,  que  même  le  commencement  de 
notre  foi  est  un  don  de'Dieu  ;  et  enfin  si  de 
tout  ce  que  j'y  traite,  on  ne  doit  pas  néces- 
sairement conclure,  quoique  cela  ne  soit 
peut-être  pas  marqué  expressément,  que  la 
persévérance  jusqu'à  la  fin  vient  unique- 
ment de  celui  qui  nous  a  prédestinés  pour 
avoir  part  à  son  royaume  et  à  sa  gloire.  » 
Analyse  dn       3.  C'cst  surtout  daus  la   seconde   partie 

premier  h-vre  .        i-  ,„.,..  •     ,    i 

i^simniicien,  du  prcmicr  livre  a  hmiplicien,  que  samt  Au- 
gustin s'applique  à  montrer  que  la  grâce 
n'est  point  donnée  selon  les  mérites.  Dans 
la  première,  il  explique  fort  au  long  ce  que 
.  l'Apôtre  dit  de  la  loi  dans  le  chapitre  vu  de 
son  Épître  aux  Romains.  Il  fait  voir  qu'avant 
que  l'homme  fût  délivré  par  la  grâce  de 
Jésus-Christ,  et  lorsqu'il  était  encore  sous 
la  loi,  elle  ne  lui  servait  pas  pour  éviter  le 
péché,  mais  uniquement  pour  le  lui  faire 
connaître  ;  et  qu'elle  le  rendait  même  plus 
coupable  eu  ce  que  sachant  ce  que  Dieu  dé- 
fendait, il  ne  laissait  pas  de  le  faire.  Il  en- 
tend CCS  paroles  de  l'Apôtre  :  La  loi  est  spi- 
ritvelle,  mais  poi  je  suis  charnel,  d'un  hom- 
me sous  la  loi,  avant  d'avoir  reçu  la  grâce. 
Mais  il  reconnut  -  depuis  qu'elles  se  pou- 
vaient aussi  entendre,  et  même  avec  plus 
de  raison,  de  celui  qui  a  déjà  commencé  à 
vivre  selon  l'esprit,  c'est-à-dire  qui  étant 
spirituel  dans  la  partie  supérieure,  se 
trouve  charnel  par  les  désirs  et  les  mouve- 
ments de  la  partie  inférieure.  Il  montre  que 
le  péché  n'habite  dans  notre  chair  qu'à 
cause  de  la  racine  de  la  mortalité  et  de  l'ha- 
bitude des  voluptés  ;  que  la  première  est  la 
peine  du  péché  originel,  et  l'autre  la  peine 
des  péchés  actuels  souvent  réitérés  ;  que 
nous  entrons  en  cette  vie  avec  ce  premier 
péché  ;  qu'à  mesure  que  nous  y  marchons, 

1  Lib.  De  Don  pers.,  cap.  xxi.  —  "-  Lib.  II  Re- 
tract-, cap.  I.  —  3  Lib.  II  Retract.,  cap.  i. 


nous  y  ajoutons  les  autres  ;  et  que  ces  deux 
choses,  savoir  la  nature  et  l'habitude,  étant 
jointes  ensemble,  forment  cette  cupidité  si 
forte  que  l'Apôtre  appelle  péché.  Il  ajoute 
que  le  but  de  Dieu  a  eu  en  donnant  la  loi, 
a  été  d'apprendre  à  l'homme  captif,  et  as- 
servi sous  la  domination  du  péché,  à  ne  pas 
présumer  de  ses  propres  forces,  mais  à  re- 
connaître qu'il  ne  peut  être  délivrée  de  ce 
corps  de  mort  que  par  la  grâce  de  Dieu  ;  et 
que  ce  qui  reste  d'utile  au  libre  arbitre  en 
cette  vie  mortelle,  n'est  pas  d'accomplir  la 
justice  aussitôt  qu'il  le  voudra,  mais  de  s'a- 
dresser par  une  prière  humble  et  pieuse  à 
Celui  par  le  don  diujuel  il  la  puisse  accom- 
plir. Eu  rapprochant  ensuite  les  passages 
des  Épîtres  aux  Romains  et  aux  Corinthiens, 
où  l'Apôti'e  parle  de  la  loi  tantôt  comme 
bonne,  et  tantôt  comme  ne  l'étant  pas,  il 
fait  voir  que  cette  même  loi  qui  a  été  don- 
née par  Moïse  afin  qu'on  la  craignît,  a  été 
faite  grâce  et  vérité  par  Jésus-Christ,  afin 
qu'on  l'accomplît. 

Dans  la  seconde  partie  du  même  livre, 
saint  Augustin  examine  ces  paroles  du  cha- 
pitre IX  de  la  même  Épître  aux  Romains  : 
Cela  se  voit  non-seulement  dans  Sara,  mais  en-  Rem.  n, 
core  dans  Rébecca,  qui  conçut  deux  enfants  ' 
en  même  temps  de  notre  père  Isaac,  jusqu'à 
celles-ci  :  Si  le  Seigneur  des  arîm'es  ne  s'était 
réservé  quelques-uns  de  notre  race,  nous  serions 
devenus  comme  Sodome  et  Gomorrhe.  Ce  Père 
en  faisant  la  révision  '  de  ce  qu'il  avait  écrit 
sur  cet  endroit,  dit  que,  quoiqu'il  ait  com-  ^ 

battu  pour   le  libre  arbitre,  néanmoins  la  f 

grâce  l'a  emporté,  et  qu'il  n'a  pu  conclure 
autre  chose,  sinon  qu'il  n'y  a  rien  de  plus 
clair  que  la  vérité  qui  a  fait  dire  à  l'Apôtre  : 
Qui  est-ce  qui  met  de  la  différence  entre  vous? 
Qu'avez-vous  que  vous  n'ayez  reçu  ?  Et,  si  vous 
l'avez  reçu,  pourquoi  vous  en  donnez-vous  la 
gloire  comme  si  vous  ne  l'aviez  pas  reçu  ?  Il 
ajoute  que  saint  Cyprien  voulant  montrer  la 
même  chose,  a  décidé  la  question  en  di- 
sant :  Que  nous  ne  devons  nous  glorifier  de 
rien, puisqu'il  n'y  a  rien  qui  vienne  de  nous. 

Le  dessein  de  saint  Augustin  dans  cette 
seconde  partie  est  donc  d'établir  comme  mic 
vérité  incontestable,  non-seulement  que  la  S 

foi  n'est  point  donnée  selon  nos  mérites, 
mais  que  le  commencement  même  de  la  foi 
est  un  don  de  Dieu.  Il  s'autorise  en  cela  des 
paroles  de  saint  Paid,  que  nous  venons  de 
rapporter;  et  insiste  particulièrement  sur 
celles-ci  :  Il  ne  dépend  pas  de  f  homme  qui  veut 


_, 


[iv=  ET  v«  SIÈCLES.]  SÀTNT  AUGUSTIN, 

et  qui  court,  mais  de  Dieu  qui  fait  miséricorde  ; 
en  sorte  que  si  la  miséricorde  de  Dieu  ne 
précède  en  nous  appelant  à  la  foi,  nous  ne 
pouvons  croire,  ni  être  justifiés.  Il  l'econnaît 
des  commencements  de  foi  «  qui  ne  sont, 
dit-il,  que  comme  de  simples  conceptions, 
et  qui  ne  peuvent  nous  procurer  la  vie  éter- 
nelle, parce  qu'il  ne  suffit  pas  d'être  conçu; 
il  faut  naître.  »  Mais  il  soutient  que  ces  com- 
mencements même  de  foi  ont  pour  principe, 
quelque  instruction  extérieure  ouintériem-e; 
et  que  Corneille  n'aurait  eu  en  aucune  sorte 
la  foi  qu'il  a  eue,  quoique  encore  imparfaite 
et  commencée,  s'il  n'avait  été  appelé  à  la 
foi,  ou  par  des  visions  secrètes  qui  frappent 
l'esprit,  ou  par  des  instructions  extérieures 
qui  frappent  les  sens  du  corps.  Il  ne  com- 
prend pas  comment  quelques-uns  disaient 
qu'en  vain  Dieu  nous  faisait  miséricorde,  si 
nous  ne  le  voulions  bien,  puisqu'il  appar- 
tient à  cette  même  miséricorde  de  nous  le 
faire  vouloir.  «  Car  il  n'y  a  personne,  dit-il, 
qui  ose  nier  que  la  bonne  volonté  ne  soit  un 
don  de  Dieu.  D'ailleurs,  comment  Dieu  fe- 
rait-il en  vain  miséricorde  à  quelqu'un ,  lui 
cjui  appelle  celui  à  qui  il  fait  miséricorde,  de 
la  manière  qu'il  sait  lui  être  convenable,  pour 
qu'il  ne  i-ejette  pas  sa  vocation?  Et  quand  il 
abandonne  quelqu'un  en  ne  l'appelant  pas  à 
la  foi  d'une  manière  qui  puisse  l'y  faire  ve- 
nir; qui  pom-ra  dire  que  le  Tout-Puissant  ait 
manqué  de  moyens  capables  de  le  persuader 
de  croire  en  lui?  n 

Selon  le  saint  Docteur,  l'endurcissement  de 
l'homme  par  rapport  à  Dieu  est  de  ne  point 
vouloir  lui  faire  miséricorde  ;  cet  endurcis- 
sement ne  vient  pas  de  ce  qu'il  met  quelque 
chose  dans  le  cœur  de  l'homme  qui  le  l'ende 
pire  qu'il  n'était;  mais  seulement  de  ce  qu'il 
ne  lui  communique  pas  ce  qui  le  rendrait  meil- 
leur. Il  rejette  sur  le  péché  originel  la  cause 
de  la  réprobation  d'Ésaii  :  Dieu  ne  haïssait 
en  lui  ni  l'âme,  ni  le  corps  qu'il  avait  créés, 
mais  le  péché;  comme  il  hait  souveraine- 
ment l'iniquité,  il  la  punit  par  la  damnation 
dans  les  uns,  et  la  détruit  dans  les  autres 
par  la  justification,  agissant  en  cela  selon 
qu'il  le  juge  à  propos  par  le  conseil  de  ses 
jugements  impénétrables.  Enfin,  il  soutient 
cpie  saint  Paul  n'a  pas  eu  d'autre  intention 
dans  son  Épître  aux  Romains,  que  de  mon- 
trer l'obligation  où  sont  les  justes  de  ne  se 
glorifier  que  dans  le  Seigneur,  qui  forme  en 
nous  la  bonne  volonté  même.  «Si  nous  con- 
sidérons, dit-il,  avec  attention  et  avec  soin 


ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


2ol 


ce  que  dit  saint  Paul  :  Cela  ne  dépend  pas  de  noi^.  u, 
riiomme  qui  veut,  et  qui  court,  mais  de  Dieu 
qui  fait  miséricorde,  nous  trouverons  que  l'A- 
pôtre n'a  point  parlé  de  cette  sorte  seulement 
pour  nous  avertir  que  c'est  avec  le  secours 
de  Dieu  que  nous  accomplissons  ce  que  nous 
voulons;  mais  aussi  pour  nous  marquer  ce 
qu'il  enseigne  en  un  autre  endroit,  que  nous 
devons  travailler  à  notre  salut  avec  crainte  jj  '''■'"i'-  "> 
et  tremblement,  parce  que  c'est  Dieu  qui 
produit  en  nous  le  vouloir  et  l'action  selon 
qu'il  lui  plaît.  Par  où  il  montre  clairement, 
que  le  bon  mouvement  de  la  volonté  se  pro- 
duit en  nous  par  l'opération  de  Dieu  :  car 
s'il  dit  que  cela  ne  dépend  pas  de  l'homme,  qui 
veut,  et  qui  court,  mais  de  Dieu  qui  fait  mi- 
sécoi'de,  c'est  seulement  parce  que  la  vo- 
lonté de  l'homme  ne  suffit  pas  toute  seule 
pour  bien  vivre,  si  nous  ne  sommes  aidés  de 
la  miséricorde  de  Dieu.  On  peut  dire  aussi 
de  la  même  manière,  que  cela  ne  dépend 
pas  de  Dieu  qui  fait  miséricorde,  mais  de 
l'homme  qui  veut  consentir,  parce  que  la 
miséricorde  de  Dieu  ne  suffit  pas  toute  seule, 
si  le  consentement  de  notre  volonté  n'y  in- 
tervient. Cependant  il  est  évident  qu'en  vain 
nous  voulons,  si  Dieu  ne  nous  fait  miséri- 
corde. Mais  je  ne  sais  pas  comment  on  ose- 
rait dire,  qu'en  vain  Dieu  nous  fait  miséri- 
corde si  nous  ne  voulons  consentir ,  puisqu'il 
ne  se  peut  pas  que,  lorsqu'il  nous  fait  misé- 
ricorde, nous  ne  voulions  et  ne  consentions, 
le  premier  effet  de  cette  miséricorde  étant  de 
nous  faire  vouloir  et  de  nous  faire  consentir; 
parce  que  c'est  Dieu  qui  produit  en  nous  le 
vouloir  et  l'action  selon  sa  bonne  volonté.  » 

4.  Dans  le  second  hvre,  saint  Auanistin  ré-     -■\°5'.«»  ^" 

,  .  '-^  second     livre, 

pond  a  cinq  questions  que  Simplicien  lui  i=s-  '^o. 
avait  faites  sur  divers  endroits  des  livres  des 
Rois.  La  première  regarde  la  pythonisse  qui 
fit  paraître  l'âme  de  Samuel  à  Saiil.  Ce  Père 
examine  d'abord  de  quel  esprit  on  doit  en- 
tendre ce  qui  est  dit  dans  le  premier  livre 
des  Rois  :  L'esprit  de  Dieu  entra  dans  Saûl;  Qucs(.  i, 
si  c'est  du  Saint-Esprit  ou  du  malin  esprit  ''IW.  i,  lo. 
dont  ce  prince  fut  possédé  depuis  :  il  convient 
qu'il  faut  les  entendre  de  l'esprit  de  Dieu, 
dont  Saiil  fut  rempU  pour  un  temps,  et  du- 
quel il  reçut  même  l'esprit  de  prophétie,  non 
à  la  manière  des  Prophètes  envoyés  de  Dieu 
comme  Jérémie  et  Isaïe,  mais  comme  Ba- 
laam  et  comme  Caiphe,  qui  n'ont  eu  ce  don 
que  poui-  un  instant,  et  qui  ont  prophétisé 
sans  le  savoir.  Il  ajoute  que  Saiil  après  avoir 
été  rempli  de  l'esprit  de  Dieu  fut  possédé 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Quest. 
pag.  115. 


Uuesl. 
;.  115. 


252 

du  malin  esprit,  qui  n'est  appelé  esprit  du 
Seigneur  que  parce  que  Dieu  se  servait  de 
son  ministère  pour  la  punition  de  ce  prince. 
La  seconde  question  consistait  à  savoir  com- 
ment on  pouvait  accorder  le  repentir  de 
Dieu  avec  sa  prescience,  parce  qu'il  est  dit 
dans  le  premier  livre  des  Rois  :  Je  me  repens 
d'avoir  établi  Saïil  pour  roi.  Saint  Augustin 
répond  cpie,  comme  il  y  a  des  choses  loua- 
bles dans  les  hommes  qu'on  ne  peut  dire  de 
Dieu,  il  y  en  a  de  blâmables  en  eux  qu'on  peut 
lui  attribuer,  non  dans  le  même  sens,  mais 
en  se  servant  des  mêmes  termes,  pris  toutefois 
dans  une  signification  plus  relevée  ;  que  tel 
est  le  mot  de  repentir,  qui  dans  Dieu  n'est 
pas  comme  dans  les  hommes  accompagné 
d'un  regi'et  ou  d'une  douleur  d'esprit  qui 
les  obligent  à  reprendre  en  eux-mêmes  le 
mal  qu'ils  ont  fait  témérairement,  mais  le 
seul  vouloir  qu'une  chose  soit  ainsi  qu'elle 
était  auparavant.  C'est  ce  que  ce  Père  mon- 
tre par  la  suite  du  discours,  où  nous  lisons 
que  le  même  Samuel,  à  qui  Dieu  avait  dit 
qu'il  se  repentait  d'avoir  établi  Saiil  pour 
roi,  dit  à  Saiil  en  parlant  de  Dieu  qu'il  n'est 
pas  semblable  à  l'homme  pour  se  repentir. 

Sur  la  troisième  question  qui  était  tou- 
chant la  pythonisse,  saint  Augustin  ne  trouve 
point  d'inconvénient  à  admettre  l'apparition 
de  Samuel  à  Saiil  comme  réelle,  Dieu  ayant 
pu  permettre  au  démon  d'évoquer  l'àme  de 
ce  pro|jhète,  comme  il  lui  permit  de  trans- 
porter le  Sauveur  sur  le  haut  du  temple. 
Mais  il  reconnaît  aussi  qu'il  n'y  a  point  d'in- 
convénient à  dire  que  ce  fut  seulement  un 
fantôme  qui  se  présenta  h  l'imagination  de 
Saiil  par  une  illusion  du  diable;  et  que, 
comme  on  donne  aux  images  le  nom  des 
choses  qu'elles  représentent,  l'Écriture  a  pu 
nommer  Samuel,  ce  qui  n'était  que  son 
image  tracée  dans  l'imagination  de  Saûl. 
Mais  comment  le  démon  pouvait-il  prédire 
la  mort  du  roi?  Le  saint  Évêque  lépond  : 
«  Rien  n'empêche  que  Dieu,  pour  punir  les 
hommes,  ne  permette  que  le  démon  ap- 
prenne la  vérité  des  choses  par  le  ministère 
des  bons  anges  ;  toutefois  de  semblables 
prédictions  sont  ordinairement  accompa- 
gnées de  faussetés  :  ce  qui  paraît  dans  cette 
prédiction  même,  car  l'image  de  Samuel, 
après  avoir  dit  ù  Saiil  qu'il  mourrait  ce  jour- 
là,  comme  il  arriva  en  effet,  ajouta  :  Vous 


1  Cassiod.,  Inst.,  cap.  Ii, 
eccles.,  cap.  xxxvi. 


et  Geunad.,  De  Scrip. 


serez  aujourd'hui  avec  moi ,  ce  qui  était  ime 
fausseté.  » 

5.  n  ne  trouve  pas  grande  difficulté  dans 
la  quatrième  question,  où  il  s'agissait  de 
donner  le  vrai  sens  de  ces  paroles  :  Le  roi 
David  entra  et  s'assit  devant  le  Seiqneur.  «Car 
elles  signifient,  dit-il,  ou  que  ce  prince  s'as- 
sit dans  l'endroit  où  était  l'arche  du  Testa- 
ment qui  marquait  d'une  façon  particulière  la 
présence  du  Seigneur,  ou  qu'il  pria  du  fond 
de  son  cœur  sans  qu'aucun  homme  le  vit, 
ou  enfin  qu'il  pria  étant  assis,  comme  l'était 
aussi  Elle  lorsqu'il  fit,  par  sa  prière,  tomber 
la  pluie  du  ciel.  »  Ces  exemples  nous  appren- 
nent qu'il  ne  nous  est  pas  prescrit  de  quelle 
manière  le  corps  doit  être  quand  nous  prions, 
pourvu  que  notre  âme  soit  en  la  présence 
de  Dieu. 

A  l'égard  de  la  cinquième  question,  saiul 
Augustin  fait  voir  qu'elle  n'aurait  aucune 
difficulté  si  l'on  avait  observé  une  exacte 
ponctuation  dans  tous  les  exemplaires  de  la 
Bible.  Car  au  lieu  de  hre  avec  Simplicien  : 
Seigneur  qui  êtes  témoin  de  la  piété  de  la  veuve 
chez  qui  je  demeure,  vous  avez  fait  mal  de  met- 
tre à  mort  son  fils,  il  faut  lire  par  forme  d'in- 
terrogation, avez-vous  fait  mal?  Dieu,  en  ef- 
fet, n'avait  permis  la  mort  de  cet  enfant  que 
pour  le  ressusciter,  et  rendre  par  ce  miracle 
son  prophète  recommandable  aux  hommes. 

6.  Une  sixième  question,  dont  ce  Père  ne 
fait  pas  mention  dans  ses  livres  des  Rétrac- 
tations, a  pour  objet  de  savoir  quel  était  cet 
esprit  de  mensonge  par  qui  A  chah  fut  trom- 
pé. Saint  Augustin  croit  que  comme  Dieu, 
qui  sait  récompenser  ou  punir  suivant  le 
mérite,  se  sert  des  bons  anges  pour  de  bon- 
nes actions,  il  emploie  aussi  les  mauvais 
anges  à  des  œuvres  qui  sont  dignes  d'eux, 
et  convenables  à  l'incliuation  qu'ils  ont  de 
nuire,  en  leur  prescrivant  néanmoins  les 
bornes  qu'il  juge  nécessaires.  Cassiodore  et 
Gennade  marcfuent  '  cet  ouvrage  de  saint 
Augustin,  mais  Gennade  semble  dire  que  ce 
Père  l'écrivit  n'étant  encore  que  prêtre,  ce 
qui  ne  peut  se  soutenir. 

§  ni. 

Des  questions  à  Dulcitius. 

1.  On  lit  dans  la  préface  du  livre  des  huii 
questions  adressées  à  Dulcitius,  que  le  di- 
manche de  Pâques  avait  été  cette  année-là 
le  troisième  des  calendes  d'avril,  c'est-à-dire 
le  30  mars.  C'était  ou  en  419  ou  en  430, 


Quesl.  S, 
r.  21-7. 


n  Reg.Tii, 


inBog.  18. 


pag.  lis. 


111  Beg. 
xvll,  20. 


Quest. 
r.  119. 


Solution  des 
questions  do 
Dulcit.us  Ters 
1  an  4i'2.  Qui 
ét.'ùl  Dulci  • 
tins. 


Quo-I 


[lY«  EX  V'  SIÈCLES.] 

car  il  n'y  eût  que  ces  deux  années  pendant 
l'épiscopat  de  saint  Augustin,  où  Pâques  se 
soit  renconti'c  le  30  mars.  On  ne  peut  toute- 
fois mettre  cet  ouvrage  en  430,  puisqu'il  en 
est  parlé  dans  les  livres  des  Rétractations 
composés  en  427  ;  ni  même  en  419,  puisque 
VEncliiridion  ou  Manuel,  qui  ne  peut  avoir 
été  écrit  avant  421,  y  est  cité.  Il  semble  donc 
qu'il  y  ait  faute  dans  le  texte  de  saint  Au- 
gustin au  sujet  du  jour  de  Pâques  et  qu'au 
lieu  du  3  des  calendes  d'avril ,  on  doit  lire 
le  6  des  calendes  du  même  mois ,  c'est-à- 
dire  le  26  mars ,  auquel  était  Pâques  en 
422,  si  mieux  l'on  n'aime  lire  le  11  des  ca- 
lendes d'avril ,  c'est  -  à  -  dire  le  22  mars  , 
auquel  quelques  latins  célébrèrent  Pâques 
en  425,  comme  le  marque  Bucliérius  '  . 
Dulcitius  à  qui  ce  livre  est  adressé,  était 
tribun  et  notaire  ;  c'est  le  même,  à  ce  qu'on 
croit,  qui  était  en  Afrique  vers  l'an  420, 
en  qualité  d'exécuteur  des  lois  impériales 
contre  les  donatistes.  Il  y  était  encore 
lorsqu'il  consulta  ^  saint  Augustin  sur  di- 
verses questions,  par  une  lettre  qu'il  lui 
envoya  de  Carthage,  et  que  le  Saint  reçut 
vers  la  fête  de  Pâques.  Il  ne  put  répondre 
à  ces  questions  aussitôt  qu'il  l'eût  souhaité, 
ayant  été  obligé  d'aller  lui-même  à  Car- 
thage incontinent  après  les  fêtes  de  Pâques, 
d'où  on  ne  le  laissa  revenir  qu'au  bout  de 
trois  mois.  Des  affaires  pressantes  l'occupè- 
rent encore  quinze  jours  depuis  son  retour. 
Après  les  avoir  expédiées,  il  travailla  pour 
Dulcitius. 

9  'lo  2.  Ce  tribun  l'avait  consulté  sur  huit  dif- 
ficultés,  dont  saint  Augustin  avait  donné  la 
solution,  excepté  de  la  cinquième,  en  di- 
vers endroits  de  ses  écrits.  Il  se  contenta 
donc  d'extraire  sur  les  sept 'autres  ce  qu'il 
en  avait  déjà  écrit  ',  pour  satisfaire  d'une 
part  le  désir  de  Dulcitius,  et  s'épargner  de 
l'autre  la  peine  de  les  traiter  une  seconde 
fois,  ce  qui  eût  été  très-pénible  pour  lui,  et 

!•  très-inutile  à  son  ami.  Il  s'agissait  dans  la 
première  question  de  savoir,  si  les  baptisés 
qui  meurent  dans  le  péché,  seront  un  jour 
délivrés  de  l'enfer.  Saint  Augustin  répond 

.  m,  que  non.  En  expliquant  le  passage  de  la 
première  aux  Corinthiens,  où  il  est  parlé 
du  feu  qui  doit  purifier  les  fidèles  ;  en  con- 
sumant ce  qu'ils  auront  édifié  de  mauvais 
sur  le  fondement  solide  de  la  foi;  il  fait  voir 

1  Le    père    Boucher.    {L'éditeur.)  —  ^  August., 
Prœf.  aclDulcit.,  pag.  121.  —  »  Ibid. 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


253 


qu'il  faut  entendre  par  le  feu  les  tribula- 
tions de  cette  vie  qui  purifient  les  fidèles  des 
péchés  légers  :  «  11  est  croyable,  ajoute-t-il, 
qu'il  se  fait  aussi  quelque  chose  de  sembla- 
ble en  l'autre  vie,  à  l'égard  de  ceux  qui  meu- 
rent sans  être  entièrement  purifiés  des  pé- 
chés légers.  La  vie  éternelle  n'étant  appelée 
ainsi  que  parce  que  les  bienheureux  en 
jouiront  éternellement,  on  doit  penser  de 
même  du  feu  éternel  auquel  seront  con- 
damnés tous  ceux  qui  meurent  coupables 
des  péchés,  qui,  selon  l'Écriture,  excluent 
du  royaume  du  ciel.» 

3.  Dulcitius  lui  avait  demandé,  en  second  pjg.^^s'''  ^' 
lieu,  si  l'oblation  et  les  prières  que  l'on  fait 

pour  les  morts  leur  servent  de  quelque 
chose.  Saint  Augustin  répond  comme  il 
avait  déjà  fait  dans  son  livre  du  Soin  qu'on 
doit  avoir  po2ir  les  morts,  adressé  à  saint  Pau- 
lin, que  les  oblations  et  les  prières  profitent 
à  ceux  qui  ont  mérité,  pendant  leur  vie,  que 
les  prières  de  l'Église  leur  pussent  être  de 
quelque  utilité.  «  Que  si,  au  contraire,  ajou- 
te-t-il, ils  n'ont  point  mérité  ce  secom's  par 
une  bonne  vie,  les  œuvres  de  piété  qu'on 
pourrait  faire  pour  eux  après  leur  mort,  ne 
leur  serviront  de  rien.  »  Il  cite  ce  qu'il  avait 
dit  dans  son  Manuel  à  Laurent ,  que  pen- 
dant le  temps  qui  se  trouvera  entre  la  mort 
des  hommes  et  la  résurrection  dernière,  les 
âmes  seront  retenues  dans  des  lieux  secrets, 
où  elles  seront  en  repos  ou  en  peine  selon 
qu'elles  l'auront  mérité  en  ce  monde  ;  que 
celles  qui  pendant  qu'elles  y  étaient  auront 
mérité  par  leurs  actions,  que  le  sacrifice  du 
Médiateur  et  les  bonnes  œuvres  leur  pus- 
sent être  utiles,  en  recevront  effectivement 
du  soulagement  après  leur  sortie  de  ce 
monde  ;  mais  qu'à  l'égard  de  ceux  qui  ont 
été  d'une  conduite  déréglée,  si  ces  choses 
ne  leur  servent  de  rien,  elles  sont  du  moins 
une  espèce  de  consolation  pour  les  vivants. 

4.  Par  la  troisième  question,  Dulcitius  de-        Qu»si.  3, 
mandait  deux  choses  :  La  première,  si  le  ju-   i™' 
gement  dernier  suivrait  immédiatement  l'a- 
vènement  de  Jésus-Christ  ;  la   seconde,  si 

tous  les  hommes  sans  exception  mourront. 
Saint  Augustin  répond  :  «  La  cause  de  l'avè- 
nement de  Jésus-Christ,  étant  de  juger  les  vi- 
vants et  les  morts,  il  n'y  aura  aucun  inter- 
valle entre  sa  venue  et  le  jugement.  Quand 
à  ceux  qui  seront  encore  en  vie  lorsqu'il 
viendra,  quelques-uns  du  moins  d'entre  eux 
ne  mourront  pas,  mais  passeront  de  la  vie 
mortelle  à  l'immortalité  qui  sera  accordée 


25-4 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


aux  saints.  »  II  renvoie  Dulcitius  à  la  lettre 
Cfu'il  avait  écrite  sur  ce  sujet  à  Mercator;  et 
il  le  prie  lui-même  de  lui  communiquer  là- 
dessus  ce  qu'il  pourrait  avoir  lu  ou  entendu 
de  décisif.  «  Car,  je  vous  avoue,  lui  dit-il, 
que  j'aime  mieux  apprendre  que  d'ensei- 
gner. La  douceur  de  la  vérité  suffit  pour 
nous  exciter  à  apprendre  ;  mais  il  n'y  a  que 
la  charité  qui  puisse  nous  obliger  d'ensei- 
gner. Ainsi,  nous  devons  plutôt  prier  Dieu 
que  cette  nécessité  qui  oblige  un  homme  à 
en  enseigner  un  autre  n'ait  plus  de  lieu,  et 
fpie  nous  devenions  tous  ensemble  disciples 
de  Dieu.  » 
pag.'^îaV,'  et  3.  La  quatrième  question  est  sur  le  sens 
133."'  '"  ^'^'  du  second  verset  du  troisième  psaume  que 
saint  Augustin  explique  comme  dans  ses 
Commentaires.  «  Avoir  le  cœur  droit,  dit-il, 
c'est  ne  pas  résister  aux  corrections  de  no- 
tre Père  céleste ,  et  croire  fermement  en  ses 
promesses.  »  Il  répète  dans  la  solution  de  la 
sixième,  ce  qu'il  avait  dit  à  Simplicien  tou- 
chant la  pythonisse ,  avec  cette  différence 
qu'il  reconnaît  ici  que  c'était  Samuel  même 
qui  avait  apparu  à  Saiil  :  en  quoi  il  s'appuie 
sur  l'autoi'ité  du  livre  de  l'Ecclésiastique. 
Il  dit  qu'il  n'y  avait  pas  plus  de  difficulté  à 
l'esprit  immonde  qui  était  dans  cette  femme, 
de  faire  voir  Samuel  à  Saûl,  et  de  les  faii'e 
parler  ensemble,  qu'à  satan,  prince  de  tous 
les  esprits  immondes,  de  parler  à  Dieu,  de 
lui  demander  permission  de  tenter  Job,  et 
de  transporter  Jésus-Christ  sur  le  haut  du 
Temple. 
Qiicft.  7,  6.  Il  fait  voir  en  répondant  à  la  septième 
question  que  ni  Abimélech,  ni  Pharaon  n'a- 
busèrent de  Sara  femme  d'Abraham  ;  pre- 
mièrement ,  parce  que  l'Écriture  n'en  dit 
rien;  en  second  lieu,  parce  que  ce  n'était 
pas  l'usage  alors  que  les  femmes  couchas- 
sent aussitôt  avec  les  princes  à  qui  elles 
avaient  plu,  et  qu'elles  étaient  quelquefois 
plusieurs  mois ,  et  même  une  année  entière 
avant,  comme  on  le  voit  par  le  livre  d'Es- 
^Esiher  II,  thcr.  «  Pendant  ce  temps  ,  dit  saint  Augus- 
tin, Dieu  empêcha  Abimélech  et  Pharaon 
d'attenter  à  la  chasteté  de  Sara,  et  en  dé- 
tournant l'un  par  des  songes  ,  et  l'autre  par 
des  plaies  dont  il  affligea  son  corps.  »  Il  ra- 
conte à  cette  occasion  une  histoire  singu- 
lière arrivée  dans  la  Mauritanie  de  Stèfe. 
Un  jeune  catéchumène  nommé  Celticchius, 
avait  enlevé  une  veuve  qui  avait  fait  vœu  de 
continence,  et  il  voulait  l'avoir  pom-  fem- 
me. Dès  qu'il  se  fut  mis  au  lit,  il  se  trouva 


par.  laG. 


accablé  de  sommeil,  et  pendant  qu'il  dor- 
mait. Dieu  le  frappa  d'mie  si  grande  ter- 
reur, qu'il  amena  la  veuve,  sans  l'avoir  tou- 
chée ,  à  l'évêque  de  Stèfe ,  qui  la  faisait 
chercher  avec  beaucoup  d'inquiétude.  Ils 
vivaient  encore  l'un  et  l'autre  dans  le  temps 
que  saint  Augustin  écrivait  ceci.  Celticchius, 
converti  par  ce  miracle,  reçut  le  baptême, 
et  vécut  depuis  dans  une  si  grande  piété, 
qu'on  réleva  à  l'épiscopat  ;  et  la  veuve  per- 
sévéra dans  la  sainte  viduité. 

7.  La  huitième  question  est  touchant  l'ex-   ,  Q"»*!-  »  ot 

^  s,  pag,  13  1  et 

plicatiou  des  deux  premiers  versets  de  la  '^s. 
Genèse.  Saint  Augustin  pense  que  par  ces 
paroles  :  Au  commencement  Dieu  fit  le  ciel  et 
la  terre,  il  faut  entendre  le  Père  et  le  Fils; 
et  que  par  celles-ci  :  l'Esprit  de  Dieu  était 
porté  sur  les  eaux.  Moïse  a  voulu  marquer  le 
Saint-Esprit,  et  reconnaître  dès  le  com- 
mencement de  son  livre  la  Trinité  par- 
faite. 

Dans  la  cinquième  question,  que  saint  Au- 
gustin a  mise  la  dernière,  Dulcitius  souhai- 
tait de  savoir  comment  Dieu  avait  pu  appe- 
ler David  un  homme  selon  son  cœur ,  lui 
qui  avait  fait  tant  de  mauvaises  actions.  Ce 
Père  répond  que  ce  prince  n'était  point  se- 
lon le  cœur  de  Dieu  en  tant  que  pécheur, 
mais  comme  pénitent. 

§  IV. 

Des  livides  de  la  Croyance  des  choses  qu'on  ne 
voit  pas.  De  la  Foi  et  du  Symbole.  De  la 
Foi  et  des  bonnes  œuvres. 

1 .  Le  livre  de  la  Croyance  des  choses  qu'on     Le  li-n-e  i" 

"^  ■'la     Cio\ance 

ne    voit  point,  mis  au    rang   des  ouvrages   ^'^  choses 

'  ,  '-'  o  qu  on  ne  voit 

supposés  par  Érasme  et  les  docteurs  de-  h^^,  't„„^°. 
Louvain,  a  été  restitué  à  saint  Augustin  à'",'."'"'*'"" 
dans  la  nouvelle  édition.  Il  est  en'  effet  de 
son  style,  et  digne  de  lui.  Érasme  l'avait  at- 
tribué à  Hugues  de  saint  Victor,  ne  sachant 
pas  que  dans  des  manuscrits  plus  anciens 
que  cet  auteur,  ce  livre  portait  le  nom  de 
saint  Augustin.  Mais  ce  qui  met  la  chose 
hors  de  doute,  c'est  que  ce  Père  le  cite  lui- 
même  dans  sa  deux  cent  trente -unième 
lettre  au  comte  Darius,  avec  les  livres  de 
la  Patience,  de  la  Continence,  et  quelques  au- 
tres. Ainsi  il  ne  faut  avoir  aucun  égard  à 
ce  qu'on  objecte  cpi'il  n'en  est  fait  aucune 
mention  dans  les  livres  des  Rétractations, 
ni  dans  le  catalogue  de  Possidius.  Ce  qu'on 
lit  au  chapitre  septième  de  ce  traité,  de  la 
démolition  des  temples,  fait  voir  qu'il  n'a 


Ti.ilyse   de 
livre,  pag. 


[iv^  ET  V'  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 

été  écrit  que  depuis  la  loi    d'Honorius  en 
399. 

2.  Le  dessein  de  saint  Augustin  est  d'y 
montrei'  qu'on  peut  croire  sans  témérité 
dans  la  religion  chrétienne,  des  choses  qui 
ne  se  voient  pas  des  yeux  du  corps.  C'est 
ce  qu'il  prouve  premièrement  par  ce  qui  se 
passe  tous  les  jours  parmi  les  hommes,  où 
l'on  croit  plusieurs  choses  que  l'on  ne  voit 
point,  comme  sont  la  hienveillance  et  l'ami- 
tié que  nous  croyons  dans  nos  amis.  Car  si 
nous  ne  les  croyions  pas  en  eux,  dit-il,  nous 
ne  leur  rendrions  pas  le  réciproque.  Il  mon- 
tre en  second  lieu  que  la  foi  humaine,  qui 
nous  fait  croire  des  choses  que  nous  ne 
voyons  pas,  est  si  essentielle  à  la  société, 
qu'elle  tombe  jiécessairement,  si  cette  foi 
ne  subsiste  pas.  «  Comment  en  effet,  dit-il, 
l'amitié  subsistera-t-elle  entre  deux  per- 
sonnes ,  s'il  est  vrai  que  je  ne  dois  point 
croire  ce  que  je  ne  vois  pas  ;  puisque  cette 
amitié  est  invisible?  Or,  en  ôtant  l'amitié 
mutuelle,  tous  les  liens  du  mariage,  de  la 
parenté  ,  de  l'alBnité  sont  rompus.  Une 
femme  n'aimera  point  son  mari,  et  l'un  et 
l'autre  ne  souhaiteront  pas  d'avoir  des  en- 
fants, parce  qu'il  n'y  aura  rien  de  certain 
entre  eux  touchant  la  réciprocité  de  l'amitié. 
Il  est  vrai  que  les  amis  se  donnent  mutuel- 
lement des  preuves  extérieures  de  leur  ami- 
tié; mais  ceux-là  se  trompent  grossièrement 
qui  s'imaginent  que  les  chrétiens  croient  en 
Jésus-Christ  et  à  sa  doctrine  sans  avoir  des 
preuves  sensibles  de  la  vérité  de  leur 
croyance.  » 

Saint  Augustin  réduit  ces  preuves  ou  ces 
motifs  de  crédulité  à  l'accomplissement  des 
prophéties  et  à  l'étaWissement  de  l'Église 
dans  toute  la  terre.  D'où  il  conclut  que  l'é- 
vénement des  choses  prédites  doit  nous  être 
un  garant  que  le  reste  des  prédictions  s'ac- 
complira ;  les  luies  et  les  autres  se  trouvant 
également  écrites  dans  les  livres  que  les 
Juifs,  ennemis  des  chrétiens,  nous  ont  con- 
servés. «  Car  Dieu  a  voulu,  continue-t-il, 
que  cette  nation  ne  fût  point  détruite,  mais 
dispersée  partout,  afin  que  produisant  elle- 
même  les  prophéties  qui  regardent  l'Église, 
on  puisse  convaincre  plus  aisément  d'erreur 
les  infidèles.  En  sorte  que  si  les  Juifs  sont 
nos  ennemis  dans  le  cœur,  ils  nous  favorisent 
par  leurs  écrits,  et  nous  serviront  toujours 
par  là  de  témoins  irréprochables.  »    Ce  Père 


253 


ajoute  que  quand  même  il  n'y  aurait'eu  aucune 
prophétie  touchant  la  venue  de  Jésus-Christ  ^ 
et  l'établissement  de  son  Église,  ce  qui  s'est 
fait  ensuite  suffirait  pour  nous  autoriser  à 
croire  ce  que  l'on  nous  en  enseigne.  «  N'a- 
t-on  pas  vu  le  culte  des  faux  dieux  aban- 
donné, leurs  idoles  brisées,  leui's  temples 
renversés  ou  employés  à  d'autres  ijsages; 
tant  de  vaines  superstitions  déracinées,  le 
vrai  Dieu  invoqué  partout,  et  cela  par  l'au- 
torité d'un  seul  homme  moqué,  pris,  lié,  fla- 
gellé, souffleté,  crucifié  et  mis  à  mort  ;  qui 
n'avait  pour  disciples  que  des  idiots  et  des 
pêcheurs,  mais  dont  la  constance  à  combat- 
tre la  vérité  de  la  doctrine  de  leur  Maître 
n'a  pu  êti'e  vaincue  par  aucun  tourment,  ni 
par  la  mort  même  ?  »  Saint  Augustin  finit  ce 
traité  en  exhortant  les  nouveaux  chrétiens, 
de  même  que  ceux  qui  l'étaient  depuis  long- 
temps, à  demeurer  fermes  dans  la  foi  de 
l'Église,  sans  se  laisser  séduire  ni  par  les 
païens,  ni  par  les  Juifs,  ni  par  les  hérétiques, 
ni  par  les  mauvais  catholiques ,  ennemis 
d'autant  plus  à  craindre  qu'ils  sont  au  mi- 
lieu de  l'Eglise  même. 

3.  Les  évêques  d'Afrique,  s'étant  assem-  LWre  de  la 
blés  à  Hippone,  en  393,  ordonnèrent  '  à  sjmbo'ie,  el 
saint  Augustin,  qui  n'était  encore  que  prê- 
tre, de  faire  en  leur  présence  un  discours 
sur  la  Foi  et  sur  le  Symbole.  Il  obéit,  et  fut 
depuis  contraint  par  les  pressantes  sollicita- 
tions de  ses  plus  intimes  amis,  de  faire  de 
ce  discours  un  livi-e,  qui  est  venu  jusqu'à 
nous.  Il  y  explique  tous  les  articles  du  Sym- 
bole, mais  sans  rapporter  tous  les  termes 
dans  lesquels  on  les  faisait  apprendre  par 
cœur  aux  catéchumènes,  lorsqu'on  les  avait 
admis  au  baptême.  Ce  livre  est  cité  par  Cas- 
siodore  ^. 

4.  Saint  Augustin  y  combat  les  mani-     Analyse  do 

^  ^  co  livre,  i-'ag, 

chéens  et  plusieurs  autres  hérétiques,  qui  '»'■ 
cachaient  le  poison  de  leurs  erreurs  sous  les 
termes  du  Symbole ,  qu'ils  récitaient  de 
même  que  les  catholiques.  Il  y  en  avait  qui, 
sans  oser  dire  que  Dieu  le  Père  ne  fût  pas 
tout-puissant ,  soutenaient  néanmoins  qu'il 
avait  formé  le  monde  d'une  matière  préexis- 
tante, et  qui  lui  était  coéternelle.  Il  leur  fait 
voir  qu'il  y  a  contradiction,  entre  dire  que 
Dieu  est  tout-puissant,  et  dire  qu'il  y  a  quel- 
que chose  qu'il  n'a  pas  créé  ;  et  que  comme 
il  a  tout  créé  par  son  Verbe,  lui  seul  a  pu 
l'engendrer.  «  On  appelle,  continue-t-il,  le 


1  August.,  lib.  I  Retract.,  cap.  xvn. 


-  Cassiod.,  Inst.,  cap.  xxn. 


256 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Fils  de  Dieu  Ve?'be,  parce  que  c'est  par  lui 
que  le  Père  nous  est  connu,  de  même  que 
nos  paroles  servent  à  faire  connaître  ce  que 
nous  pensons;  le  Père  l'a  engendi'é  de  lui- 
même  et  de  sa  propre  substance,  en  sorte  que 
le  Fils  est  égal  à  son  Père,  et  n'est  poiut  créa- 
ture, étant  engendré,  et  non  créé  de  rieu; 
il  s'est  fait  homme  pour  nous  apprendre  à 
retourner  par  l'humilité  à  l'état  d'oîi  nous 
sommes  déchus  par  l'orgueil;  en  se  faisant 
chair  il  a  pris  l'homme  entier,  c'est-à-dire 
un  corps  et  une  âme,  le  corps  par  l'opéra- 
tion du  Saint-Esprit ,  dans  le  sein  de  la 
Vierge,  où  rien  de  mortel  n'a  été  conçu  de- 
puis, comme  aucun  mort  n'a  été  mis  dans 
le  sépulcre  où  le  corps  de  Jésus-Christ  avait 
été  enfermé.  Les  manichéens  objectaient  ces 
paroles  de  Jésus-Christ  à  sa  mère  :  Femme 
joan.  II,'..  qu'y  a-t-U  entre  vous  et  moi?  Et  encore  : 
joan.  11, 10.  Quelle  est  ma  mère  et  qui  sont  mes  frères  ?  pré- 
tendant prouver  par  là  que  Marie  n'était 
pas  sa  mère.  Saint  Augustin  leur  répond  que 
Jésus-Christ  s'est  exprimé  de  la  sorte  pour 
montrer  que ,  comme  Dieu,  il  n'avait  point 
de  mère,  et  que  pour  preuve  de  sa  divinité 
il  allait  changer  l'eau  en  vin  ;  en  disant  : 
Quelle  est  ma  mère  et  qui  sont  mes  frères? 
a  voulu  nous  faire  connaître  que  nous  ne 
devons  pas  connaître  nos  parents  lorsqu'ils 
nous  empêchent  de  nous  acquitter  du  minis- 
tèi'e  de  la  parole  que  Dieu  nous  a  confié.  Il 
prouve  contre  ces  hérétiques  que  Dieu  ne 
peut  avoir  de  contraire.  «  Dieu  est,  dit-il,  ce 
qui  est.  Le  contraire,  est  ce  qui  n'est  pas. 
Il  ne  peut  donc  y  avoir  rieu  qui  lui  soit  con- 
traire. » 
Suite.  S.  Il  a  été  nécessaire  de  mettre  dans  le 

Symbole  le  nom  de  Ponce  Pilate,  afin  que 
l'on  connut  le  temps  auquel  Jésus-Chi'ist  a 
été  crucifié.  Quand  il  est  dit  dans  le  même 
Symbole  que  le  Sauveur  est  assis  à  la  droite 
du  Père,  on  ne  doit  pas  ci-oire  que  le  Père 
ait  comme  les  hommes  un  côté  droit  et  un 
côté  gauche,  la  droite  en  cet  endroit  ne  signi- 
fiant autre  chose  que  la  souveraine  béatitude. 
Par  les  termes  de  vivants  et  de  7norts  que  le 
Fils  de  Dieu  viendra  juger,  on  doit  entendre 
les  justes  et  les  pécheurs.  Pour  l'endre  la 
confession  de  notre  foi  parfaite,  il  a  été  bon 
d'ajouter  au  Symbole,  que  nous  croyons 
aussi  au  Saint-Esprit,  qui  est  consubstantiel 
et  coéternel  au  Père  et  au  Fils,  parce  que 
cette  Trinité  n'est  qu'un  seul  Dieu,  quoique 

1  Angust.,  lib.  I  Retract.,  cap.  xvii. 


le  Père  ne  soit  pas  le  Fils,  et  que  le  Fils  ne 
soit  pas  le  Saint-Esprit.  Pour  montrer  qu'on 
ne  peut  dire  trois  dieux,  quoiqu'il  y  ait  trois 
personnes,  le  saint  Docteur  se    sert   de  la 
comparaison  de  trois  verres  d'eau  pris  d'une 
môme  source.  «  C'est  la  même  eau,  dit-il, 
ce  n'est  qu'une  eau.  Trois  choses  peuvent 
donc  porter  un  môme  nom,  qui  leur  est  ap- 
plicable séparément  ou  prises   ensemble.  » 
Cette  comparaison  cependant  ne  représente 
pas  exactement  la  ressemblance  de  la  nature 
divine  qui  est  dans  les  trois  personnes  ;  tous 
les  exemples  que  l'on  tire  des  choses  visibles 
n'étant  que  pour  nous  faciliter  l'intelligence 
des  invisibles.  Les  hérétiques  et  les  schis- 
matiques   donnent  à    leur    congrégation  le 
nom  d'église  ;  mais  nous  appelions   la  nôtre 
sainte  et  cathohque.  Les  uns  et  les  autres 
n'appartiennent   point   à  cette  Église  ;    les 
hérétiques,  parce  qu'ils  violent   sa  foi,  les 
schismatiques,  parce   qu'ils  n'ont    point  la 
charité  fraternelle.  Sans  entrer  dans  la  dif- 
férence   des    péchés,    nous    devons    croire 
qu'ils  ne  nous  seront  pardonnes  en  aucune 
manière,  si  nous  ne  pardonnons  aux  autres. 
Saint  Augustin  en  parlant  de  la  résurrec- 
tion des  corps,  dit   qu'ils  seront  tellement 
changés  alors,  (ju'il  ne  restera  ni  chair  ni 
sang,  conformément  à  ce  que  l'Apôtre  en- 
seigne :  Que  la  chair  et  le  sang  ne  posséderont  -,„^  '''"'■  '"' 
pas  le  royaume  du  ciel.  Comme  cet  endroit 
pouvait  souffrir  de  la  difficulté,  il  l'explique 
dans  ses  Rétractations  ',  en    disant  que  le 
changement   qui  arrivera  au    corps  par  la 
résurrection,  n'empêchera  pas  qu'il  ne  soit 
palpable  et  visible  comme   le  fut  celui  du 
Sauveur  ;  qu'ainsi  l'Apôtre  veut  dire  seule- 
ment que  ceux  qui  vivent  selon  la  chair  ne 
posséderont  pas  le  royaume  du  ciel. 

6.  Il  faut  rapporter  au  commencement  de  po^êVdesŒu 
l'an  413,  le  livre  intitulé  :  De  la  Foi  et  des  ^;5^'™"  '■"' 
Œuvres,  puisque  dans  le  chapitre  dix-neu- 
vième, saint  Augustin  dit  qu'il  y  avait  fort 
peu  de  temps  qu'il  avait  composé  celui  de 
r Esprit  et  de  la  Lettre,  qu'on  sait  avoir 
été  achevé  sur  la  fin  de  l'an  412.  Il  fut 
obligé  de  faire  le  livre  de  la  Foi  et  des 
Œuvres  ^,  pour  répondre  à  des  écrits  que 
quelques  personnes,  qui  étaient  du  nombre 
des  laïques,  mais  qui  n'eu  n'avaient  pas 
moins  de  zèle  pour  la  parole  de  Dieu,  lui 
avaient  envoyés.  Les  auteurs  de  ces  écrits 
distinguaient   tellement  la    foi   en    Jésus - 

^  Lib.  II  Retract.,  cap.  xxxviii. 


[IV'  ET  v-=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

Christ  des  bonnes  œuvres  ;  qu'ils  voulaient 
qu'on  pût  être  sauvé  sans  les  bonnes 
œuvres  ;  pourvu  seulement  qu'on  eût  la  foi. 
C'est  pourquoi  ils  voulaient  qu'on  admît 
tout  le  monde  au  baptême  et  à  l'Eucharistie, 
sans  se  mettre  en  peine  si  on  changeait  de 
vie,  et  même  cpioiqu'on  déclarât  vouloir  per- 
sévérer dans  des  dérèglements  criminels  ;  et 
selon  ces  mêmes  auteurs  on  ne  devait  ins- 
truire de  leurs  devoirs  ceux  qui  étaient  ad- 
mis de  la  sorte,  qu'après  leur  avoir  donné 
le  baptême.  Ils  prétendaient  que  c'était  une 
nouveauté,  d'en  user  autrement.  Il  parait  ' 
qu'ils  étaient  tombés  dans  des  sentiments  si 
pernicieux,  pour  avoir  voulu  soutenir  quel- 
ques particuliers  qu'on  n'avait  point  voulu 
admettre  au  baptême,  parce  que,  après  avoir 
répudié  leur  première  femme,  ils  en  avaient 
épousé  une  seconde,  ce  qui  était  un  adul- 
tère, comme  Jésus-Christ  le  déclare  dans 
l'Évangile.  Quelques-uns  ont  cru  -  cpie  les 
écrits  que  saint  Augustin  dit  lui  avoir  été 
envoyés  par  des  laïques,  étaient  ceux  de 
saint  Jérôme,  tant  sur  Isaïe  que  sur  saint 
Paul  ;  mais  il  n'y  a  rien  dans  les  écrits  de 
ce  Père  qui  favorise  la  première  ni  la  seconde 
erreur;  et  il  est  hors  d'apparence  qu'il  ait 
enseigné  la  troisième.  Il  est  parlé  du  livi'e 
de  la  Foi  et  des  Œuvres  dans  le  Manuel  à 
Laurent  ',  dans  le  livre  des  Questions  de 
Dulcitius,  et  dans  VEpître  à  Consentius. 
Aiiaijse  de  7.  Pour  détruire  la  première  erreur,  saint 
Augustin  fait  voir  que  ,  tout  en  souffrant 
les  méchants  dans  l'Église ,  on  ne  doit 
pas  pour  cela  néghger  de  les  corriger, 
ni  rien  relâcher  de  la  rigueur  de  la  disci- 
pline. 11  rapporte  un  exemple  de  Moïse  qui 
sut  en  même  temps  user  de  patience  envers 
les  méchants,  et  en  punir  plusieurs  de  mort  ; 
de  Phinéès  qui  perça  de  son  épée  des  adul- 
tères ;  de  saint  Paul  qui  livra  à  satan  l'inces- 
tueux de  Corinthe.  Selon  ce  Père,  toutes  les 
punitions  corporelles  usitées  dans  l'ancienne 
loi,  marquaient  les  dégradations  et  les  ex- 
communications dont  on  doit  se  servir  dans 
l'Égiise  où  l'usage  du  glaive  est  interdit.  Il 
avoue  néanmoins  que  l'on  doit  reprendre  les 
pécheurs  avec  doucem'  et  avec  charité,  et 
propose  sur  ce  sujet  la  manière  dont  Jésus- 
Christ  a  ordonné  la  correction  fraternelle.  Ve- 
nant ensuite  aux  dispositions  nécessaires  pour 
être  admis  au  baptême|,  U  soutient  qu'on  en 


EVEQUE  D'HIPPONË. 


287 


livre,  pajj. 


doit  exclure  tous  les  pécheurs  qu'on  sait 
vouloir  persister  dans  leurs  crimes.  Il  témoi- 
gne qu'on  exigeait  une  si  grande  pureté  de 
ceux  C]ui  se  préparaient  à  recevoir  ce  sacre- 
ment ,  qu'on  les  purifiait  non-seulement  par 
l'abstinence,  le  jeûne  et  les  exorcismes ,  mais 
qu'on  les  obligeait  encore  à  la  continence 
pendant  certains  jours;  en  sorte  qu'on  ne 
l'aurait  pas  administré  à  un  homme  qui 
n'aurait  pas  voulu  promettre  de  s'abstenir 
de  sa  femme  légitime  pendant  les  quelques 
jours  qui  précédaient  la  cérémonie  du  bap- 
tême. 

8.  Voici  comment  il  combat  la  seconde  suiie. 
erreur  :  11  n'y  a  point  de  temps  plus  pro- 
pre pour  insti'uire  ceux  qui  souhaitent 
avec  ardeur  le  baptême,  que  celui  qui  en 
précède  l'administration;  l'Apôtre  prescrit 
l'ordre  qu'on  doit  garder  dans  cette  occa- 
sion, en  disant  :  Dépouillez-vous  du  vieil  hom-  cai.  m,  9, 
me  et  revêtez-vous  du  nouveau.  Tout  le  temps 
du  catéchuménat  est  employé  à  instruire  les 
catéchumènes  de  la  foi  et  de  la  vie  que  doi- 
vent tenir  les  chrétiens,  afin  que,  s'étant 
éprouvés  eux-mêmes,  ils  s'approchent  de  la 
table  du  Seigneur  pom-  y  manger  et  boire  du 
calice.  Les  apôtres ,  et  saint  Pierre  en  parti- 
culier, ne  se  contentaient  pas  de  la  foi,  mais 
ils  exigeaient  encore  que  ceux  qu'ils  ad- 
mettaient au  baptême  fissent  pénitence  :  ce 
qui  enfermait  et  un  renoncement  à  l'infidé- 
lité, et  le  désir  d'une  vie  nouvelle.  On  objec- 
tait que  l'eunuque  de  la  reine  de  Candace 
fut  baptisé  par  saint  Philippe  aussitôt  qu'il 
eut  fait  profession  de  croire  en  Jésus-Christ  ; 
d'où  l'on  concluait  qu'il  fallait  en  user  de 
même  envers  tout  le  monde.  Saint  Augustin 
répond  que  l'écrivain  sacré  qui  raconte  ce 
fait,  n'a  pas  dit  tout  ce  qui  s'était  passé  en 
cette  occasion  ;  il  y  a  plusieurs  choses  dont 
l'Écriture  ne  parle  point,  mais  cpie  nous 
savons  par  tradition  devoir  être  observées  ; 
quand  saint  Luc  dit  que  le  diacre  Philippe  an- 
nonça Jésus-Christ  à  cet  eunuque,  cela  ne  veut 
pas  dire  seulement  qu'il  lui  enseigna  ce  qu'il 
fallait  croire  de  Jésus-Christ,  mais  encore  ce 
qu'il  faUait  faire  pour  lui  être  incorporé. 
Ce  Père  explique  de  même  ce  passage  de 
saint  Paul  :  Je  ti'ai  point  fait  profession  de  i  cor.  m, 
savoir  autre  chose  parmi  vous,  que  Jésus- 
Christ,  et  Jésus-Christ  crucifié.  Ces  deux 
préceptes  de  la  charité,  dont,  selon  ces  au- 


*  Lib.  XV  De  Fiàe  et  oper.,  cap.  i. 

—  ^  Garner, 

3  Enchir.,    cap.  Lxvn,    Quœst. 

I  ad  Dulcit. 

ad   I  part.   Marc,  pag.  117. 

Epist.    205    ad   Consent. 

IX. 

17 

et 


258 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Jnen,  v,  14 


teurs,  le  premier  regarde  ceux  qui  deman- 
dent le  baptême,  et  le  second  ceux  qui  l'ont 
reçu,  ont  entre  eux  xme  telle  liaison,  qu'on 
ne  peut  observer  l'un  sans  l'autre,  comme 
on  le  voit  en  divers  endroits  de  l'Écriture. 
Saint  Paul,  dans  son  Épître  aux  Hébreux,  et 
saint  Pierre  dans  les  Actes  des  apôtres,  exi- 
gent la  pénitence  des  œmTes  de  mort  dans 
ceux  qu'on  admet  au  baptême.  L'Apôtre,  en 
disant  que  le  temple  de  Dieu  ne  peut  ?e 
rencontrer  avec  les  idoles ,  enseigne  consé- 
quemment  qu'on  ne  peut  admettre  au  bap- 
tême celui  qui  ne  vevit  pas  renoncer  aux  sa- 
crifices superstitieux  des  païens.  Saint  Jean 
a  donné  des  préceptes  touchant  les  mœurs  à 
ceux  qui  venaient  à  lui  pour  être  baptisés. 
Jésus-Christ  prescrivit  au  riche  qui  lui  de- 
mandait le  chemin  de  la  vie  éternelle,  l'ob- 
servation des  préceptes,  marquant  par  I;ï 
cpi'il  ne  suiïïsait  pas  de  croire,  si  l'on  n'ob- 
servait aussi  les  préceptes  des  mœurs  que 
Dieu  a  donnés  à  l'homme. 

9.  Ensuite  il  réfute  la  troisième  erreur, 
soutenue  par  ceux  qui  croyaient  la  foi  suffi- 
sante sans  les  œuvres.  Un  grand  nombre  de 
passages  lui  sont  allégués  pour  prouver  que 
quelque  grande  que  soit  la  foi ,  elle  ne  sert 
de  rien  sans  la  charité  ;  et  que  tous  ceux 
même  du  nombre  des  chrétiens  qui  meurent 
en  état  de  péché  mortel  sans  en  avoir  fait 
pénitence  seront  damnés  éternellement.  Il 
fait  voir  que  Jésus-Christ  n'habite  dans  nos 
cœurs  que  par  la  foi  qui  opère  par  la  cha- 
rité; que  l'Apôtre,  en  appelant  Jésus-Christ 
le  fondement  du  salut ,  entend  parler  de 
cette  sorte  de  foi.  Il  s'étonne  que  quelques- 
uns  aient  osé  taxer  de  nouveauté  l'usage 
d'instruire  les  catéchumènes  avant  le  bap- 
tême, puisqu'on  n'en  recevait  point  qui  ne 
fissent  profession  de  renoncer  aux  habi- 
tudes criminelles  qu'ils  avaient  avant  d'ap- 
procher des  sacrements.  Il  marque  l'ordre 
qu'on  tenait  à  leur  égard,  qui  était  de  leur 
faire  réciter  tous  les  articles  du  Symbole; 
ensuite  de  les  avertir  de  faire  pénitence 
de  leurs  péchés,  et  d'en  espérer,  sans  au- 
cun doute ,  la  rémission  dans  le  baptême. 
En  sorte  qu'on  pouvait  leur  dire  véritable- 
ment :  Vovs  voilà  guéris,  ne  péchez  plus  à  l'a- 
venir. Il  distingue  trois  sortes  de  péchés  que 
l'on  punissait  partout  de  l'excommunication, 
jusqu'à  ce  cpie  ceux  qui  les  avaient  commis 
eir  eussent  fait  une  humble  pénitence  ;  sa- 


voir :  l'impudicité,  l'idolâtrie  et  l'homicide, 
posant  pour  un  principe  certain  que  l'indul- 
gence ne  s'accorde  point  i  ceux  qui  sont 
obstinés  dans  leurs  péchés,  mais  aux  péni- 
tents :  et  cpie  soit  chrétiens,  soit  infidèles, 
tous  ceux-là  périront  éternellement  qui  au- 
ront mal  vécu,  et  n'auront  pas  fait  péni- 
tence, le  baptême  ne  pouvant  procurer  le 
royaume  du  ciel  qu'à  ceux  qui  auront  mené 
une  vie  conforme  à  l'innocence  que  l'on 
reçoit  dans  ce  sacrement  et  non  à  ceux 
qui ,  après  l'avoir  reçu,  s'abandonnent  à 
toutes  sortes  de  vices.  Il  dit,  qu'outre  les 
péchés  qui  doivent  être  remis  par  la  péni- 
tence que  l'on  accorde  dans  l'Église  à  ceux 
qui  sont  appelés  proprement  pénitents,  com- 
me sont  les  fornicateurs ,  les  idolâtres  et  les 
homicides,  il  y  en  a  d'antres  qui  peuvent 
être  guéris  par  les  médicaments  de  la  cor- 
rection fraternelle  prescrite  dans  l'Évan- 
gile, et  d'autres  enfin  sans  lesquels  on  ne 
passe  point  cette  -sàe,  qui  trouvent  leurs  re- 
mèdes journaliers  dans  l'Oraison  domini- 
cale. 

§'V. 

Bu  Manuel  à  Laurent,  ou  du  Traité  de  la  Foi, 
de  l'Espérance  et  de  la  Charité. 

1 .  Saint  Augustin  met  son  Manuel  '  ou  son 
Traité  de  la  Foi,  de  l'Espérance  et  de  la  Cha- 
rité, entre  ses  derniers  ouvrages,  et  immé- 
diatement après  ses  six  livres  contre  Juhen, 
qui  fiu-ent  écrits  vers  l'an  421.  Ce  qui  prouve 
qu'il  ne  le  composa  pas  plus  tût,  c'est  cpi'il  y 
parle  ^  de  saint  Jérôme  comme  déjà  mort, 
et  on  sait  qu'il  ne  mourut  que  le  dernier 
jour  de  septembre  de  l'an  420. 

2.  Cet  ouvrage  est  adressé  à  Laïu-ent  ',  qui 
est  appelé  frère  de  Dulcitiiis  dans  le  livre 
des  Huit  Questions;  c'était  une  personne  de 
grande  condition  et  de  beaucoup  de  piété, 
mais  laïcpie;  du  moins  saint  Augustin  ne  dit 
en  aucun  endroit  que  Laurent  ait  été  mem- 
bre du  clergé.  11  ne  l'appelle  que  sou  fils  et 
son  bien-aimé  en  Jésus-Christ.  Dans  quel- 
ques manuscrits,  Laurent  est  cpiahfié  chef 
du  coUége  des  notaires  et  secrétaire  de  la 
ville  de  Rome  ;  clans  d'autres,  on  ne  le  nom- 
me que  notaire  de  cette  ville,  et  il  y  en  a 
011  ou  lui  donne  la  c^ualité  de  diacre,  mais 
il  n'y  a  rien  de  certain  là-dessus.  Comme  il 
souhaitait  extrêmement  d'être  instruit  par 


Malt.xviit, 


11  fsl  i 
é  à  Lan 


'  August.,  lib.  Il  Retract.,  cap.  lxui. 


*  Enchir.,  cap.  lxxxvu.  —  '  Qumst.  i,  num.  10. 


[IV  ET  V"  SIÈCLES.] 

saint  Augustin,  il  lui  écrivit  '  pour  le  prier 
de  lui  faire  un  livre  ^  qui  ne  sortît  point  de 
ses  mains,  où  il  put  apprendre  ce  que  l'on 
doit  embrasser  sur  toutes  choses,  et  ce  que 
l'on  doit  principalement  éviter  à  cause  des 
diverses  hérésies  qui  se  sont  répandues  dans 
le  monde,  en  quoi  la  raison  suit  la  religion 
et  l'appuie,  et  en  quoi  elle  ne  s'accorde  pas 
avec  elle,  mais  la  laisse  toute  seule,  se  trou- 
vant trop  faible  pour  la  suivre  ;  quel  est  le 
commencement  et  l;i  fin  de  nos  espérances, 
quel  est  l'abrégé  de  toute  la  doctrine  chré- 
tienne, et  quel  est  le  véritable  et  le  pre- 
mier fondement  de  la  foi  catholique.  Lau- 
rent voulait  que  saint  Augustin  répondit  en 
peu  de  paroles  à  ces  six  questions,  et  le  saint 
Docteur  le  fit  en  effet.  «  Vous  saurez ,  lui 
dit-il,  lout  cela  lorsque  vous  saurez  exacte- 
ment ce  que  l'on  doit  croire,  ce  que  l'on 
doit  espérer  et  ce  que  l'on  doit  aimer;  puis- 
que c'est  cela  principalement,  ou  plutôt 
c'est  tout  ce  que  l'on  doit  embrasser  dans 
notre  religion.  Celui  qui  résiste  à  ces  vérités, 
ou  est  ennemi  du  nom  de  Jésus-Christ,  ou 
est  hérétique.  Il  faut  les  défendre  par  la  rai- 
son, lorsqu'on  peut  les  appuyer  du  témoi- 
gnage des  sens,  ou  les  éclaircir  par  la  lu- 
mière de  l'intelhgence.  Mais  quant  aux  vé- 
rités que  nous  ne  pouvons  pas  même  com- 
prendre par  la  lumière  de  l'esprit,  nous  les 
devons  croire  certainement  sur  le  rapport 
des  auteurs  sacrés.  Mais  lorsque  l'esprit  a 
été  instruit  des  principes  de  la  foi  qui  agit 
par  l'amour,  il  s'ellbrce,  en  vivant  bien,  de 
parvenir  à  la  souveraine  félicité  ;  tels  sont  le 
commencement  et  la  fin  de  la  religion  :  elle 
commence  par  la  foi,  et  elle  se  termine  à  la 
possession  de  la  beauté  éternelle.  C'est  là 
aussi  l'abrégé  de  toute  la  doctrine  chrétien- 
ne. Quant  au  véritable  et  parfait  fondement 
de  la  foi  catholique,  c'est  Jésus-Christ.  » 
Saint  Augustin,  après  avoir  ainsi  répondu 
à  Laurent,  lui  dit  qu'il  faudrait  un  ouvrage 
de  plusieurs  volumes  pour  répondre  à  toutes 
ses  questions,  tant  la  matière  en  est  vaste; 
mais  comme  il  ne  demandait  qu'un  petit  li- 
vre qu'il  pût  avoir  toujours  dans  les  mains, 
et  non  pas  de  gros  livres  propres  à  remplir 
des  bibliothèques,  il  entreprit  de  traiter  dans 
un  seul  livre  toutes  les  questions  qu'il  lui 
avait  proposées.  II  l'intitula  :  Enchiridion, 
c'est-à-dire  Manuel  à  Laurent  ',  ou  Livre  de 


SAINT  AUGUSTIN    ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


2o9 


la  Foi,  de  l'Espérance  et  de  la  Charité.  C'est 
sous  ce  dernier  titre  qu'il  est  cité  par  saint 
Fulgence  ',  mais  d'autres,  comme  Facondus 
et  Cassiodore  le  nomment  Enchiridion  ou 
Manuel  ^ 

3.  On  peut  le  diviser  en  trois  parties.  Dans  m  h^rf°vl 
la  première,  qm  est  la  plus  longue,  samt 
Augustin  enseigne  ce  que  nous  devons  croi- 
re; et  s'attache  pour  cela  à  l'ordre  du  Sym- 
bole, montrant  d'abord  qu'il  suffit  à  un 
chi'étien  de  croire  qu'il  y  a  un  Dieu  en  ti'ois 
p'ersonnes,  par  qui  toutes  choses  ont  été 
faites,  soit  terrestres,  soit  visibles,  soit  invi- 
sibles ;  qu'il  n'y  en  a  aucune  qui  ne  soit 
bonne  de  sa  nature;  que  toute  ensemble 
sont  excellemment  bonnes,  parce  qu'elles 
composent  par  leur  multitude  et  par  lem' 
variété  la  beauté  merveilleuse  de  l'univers  ; 
que  ce  qu'on  appelle  mal,  fait  partie  de  cette 
beauté  si  admirable,  lorsqu'il  est  disposé  se- 
lon l'ordre  qui  lui  est  propre  et  mis  en  la 
place  qu'il  doit  avoir  ;  qu'au  reste  le  mal 
n'est  qu'une  privation  du  bien,  comme  dans 
les  corps  des  animaux  les  maladies  ne  sont 
qu'une  privation  de  la  santé  :  ce  qui  n'em- 
pêche pas  qu'on  ne  puisse  dire  que  le  mal 
ne  tire  son  origine  d'une  chose  bonne  ; 
puisque  nous  voyons  que  la  bonne  et  la 
mauvaise  volonté  naissent  également  de  la 
nature  de  l'homme  qui  est  bonne  elle-même. 
11  y  a  des  choses,  ajoute-t-il,  qu'il  importe 
peu  de  savoir,  et  même  de  s'y  tromper, 
comme  sont  les  secrets  de  la  nature  ;  et 
qu'il  suffit  de  connaître  les  causés  des  bon- 
nes et  des  mauvaises  choses,  pour  pouvoir 
éviter  les  erreurs  et  les  misères  dont  cette 
vie  est  pleine.  Il  est  quelquefois  utile  d'er- 
rer, mais  non  pas  dans  ce  qui  regarde 
les  mœurs.  A  ce  sujet  il  raconte  qu'ayant 
un  jour  pris  un  chemin  pour  un  autre,  il 
évita  par  cette  erreur  une  troupe  de  do- 
natistes  qui  l'attendaient  au  passage  pour 
lui  faire  violence.  U  ne  doute  point  que 
tout  mensonge  ne  soit  un  péché,  qui  est 
plus  considérable  dans  celui  qui  ment  pour 
nuire,  que  dans  celui  qui  ment  pour  faire 
du  bien.  Mais  il  ne  veut  pas  qu'on  re- 
garde comme  menteur  celui  qui  dit  une 
chose  fausse  la  croyant  vraie,  parce  qu'il 
est  plutôt  trompé  qu'il  n'a  envie  de  tromper. 
((  n  est  encore  très-important,  dit-il,  de  sa- 
voir  en   quoi   quelqu'un    est  menteur,    ou 


1  August.,  lib.  II  Retract.,  cap.  m.  —  ^  Aug.,  En- 
chir.  cap.  ccxxii.  —  '  Aug.,  lib.  H  Retract.,  cap.Lxin. 


'  Fulg.,  Ejjist.  a,  quœst.  2.  —  ■'  Facund.,  lib.  I, 
cap.  VI,  et  Cassiod.,  m  Psalm.  xxxiir,  xxxvn. 


260 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


trompé.  ))  Le  mensouge  en  général  selon  lui, 
c'est  de  parler  contre  sa  pensée  avec  dessein 
et  volonté  de  tromper;  et  soit  que  le  men- 
songe soit  officieux  ou  nuisible,  il  est  tou- 
jours péché,  mais  dans  un  degré  différent. 
Par  la  cause  de  tous  les  biens  dont  il  croit  la 
connaissance  nécessaire,  il  entend  la  bonté 
de  Dieu  ;  et  par  la  cause  des  maux,  la  vo- 
lonté créée  qui  se  retire  du  bien  immuable, 
pour  s'attacher   au  bien    muable  et  chan- 
geant. Vient  ici  une  excellente  description 
de  la  chute  des  anges  et  de  celle  de  l'hom- 
me ;  elle  se  termine  ainsi  :  «Dieu  a  jugé  qu'il 
A'alail  mieux  tirer  du  bien  des  maux  que  de 
ne  pas  permettre  qu'il  n'arrivât  aucun  mal... 
Une  partie  des  anges  étant  tombée,  et  l'autre 
demeurée  dans  la  justice.  Dieu  a  voulu  rem- 
plir le  nombre  des  anges  rebelles  par  ceux 
d'entre  les  hommes  à  qui  il  a  fait  miséri- 
corde. » 
suito  delà-       4.   «  Les  hommes  étant  tous  enveloppés 
ans."  '     °'  dans  la  colère  de  Dieu  parle  péché  originel, 
et  l'étant   d'autant  plus   qu'ils   en   avaient 
ajouté  plusieurs    à  celui-là,  il    était   néces- 
saire d'avoir  un  réconciliateur  qui   apaisât 
cette    colère,    par  l'oflrande   d'un   sacrifice 
particulier  et  imique,  dont  tous  les  sacrifices 
de  la  loi  et  des  Prophètes  n'étaient  que  les 
ombres.  Ce  réconciliateur  est  Jésus-Christ, 
Fils  de  Dieu  et  homme  tout  ensemble  ;  Dieu 
avant  tous  les  temps   et    homme   dans   le 
temps  :  Dieu,  parce  qu'il    est  le    A'erbe  de 
Dieu  ;  et  homme,  parce  que  le  corps  et  l'â- 
me raisonnable  se  sont  joints  au  Verbe  dans 
l'unité  d'une  seule  personne.  C'est  poiu'quoi 
en  tant  qu'il  est  Dieu,  son  Père  et  lui  ne  sont 
qu'un;  mais  en  tant   qu'il  est   homme,  le 
Père  est  plus  grand  que  lui.  Comme  Verbe 
il  est  égal  au  Père,  et  comme  homme  il  est 
moindre  que  lui.  C'est  dans  ce  mystère  que 
la  grâce    de  Dieu   paraît    bien  clairement. 
Qu'avait  mérité  la  nature  humaine  dans  Jé- 
sus-Christ homme,  pour  être  jointe  à  sa  di- 
vinité par  une  faveur  particulière,  et  entrer 
ainsi  dans  l'unité    de   la   personne  du  Fils 
unique  de  Dieu  ?  Dieu  seul  agit  en  cette  oc- 
casion, afin  que  les  hommes  reconnussent 
qu'ils  sont  justifiés  de  leurs  péchés  par  la 
même  grâce  quia  fait  que  Jésus-Christ  hom- 
me ne  put  avoir  aucun  péché.  Le  même  Fils 
unique  de  Dieu  est  né  du  Saint-Esprit  et  de 
la  Vierge  Marie.  On  ne  peut  pas  dire  néan- 
moins qu'il  soit  Fils  du  Saint-Esprit  :  mais 
en  l'une  et  l'autre  nature  il  est  le  Fils  uni- 
que du  Père,  quoiqu'il  soit  aussi  le  Fils  de 


la  sainte  Vierge  selon  la  nature  humaine. 
Toute    la  l'rinité,  dont    les   omTages   sont 
inséparables,  a   fait    cetîe  créature  que  la 
Vierge   a  conçue  et    enfanté,  qui  toutefois 
n'appartient    qu'à    la    seule    personne    du 
Fils.  Pourquoi  donc  le  Saint-Esprit  a-t-il  été 
nommé  seul,  lorsqu'il  l'a  fallu  foi'mer?  C'était 
pour  marquer  la  grâce  de  Dieu,  par  laqueUe 
l'homme  sans    aucuns  mérites   précédents, 
devait  dans  le  moment  où  il  a  commencé 
d'être,  se  trouver  joint  au  Verbe  de  Dieu 
dans  une    telle  unité  de  personne,  que  le 
même  qui  était  le    fils  de  l'homme  ,  était 
fils   de   Dieu;    et    ce    même    qui   était  fils 
de  Dieu,  était  fils  de  l'homme  ;    et    cette 
grâce  devait  être  marquée  par  le  Saint-Es- 
prit, parce  qu'il  a  cela  de  particulier  que, 
quoique  Dieu  il  ne  laisse  pas  d'être  appelé 
don  de  Dieu.  Jésus-Christ  ayant  été  conçu 
sans  concupiscence,  n'a  point  contracté  de 
péché ,  et   n'en   a   pu    commettre    aucun  ; 
mais  il  est  devenu  péché  pour  nous,  c'est-à- 
dii-e  sacrifice  pour  nos  péchés,  afin  que  nous 
soyons  justice  ;  non  notre  justice,  mais  celle 
de  Dieu  ;  non  en  nous,  mais  en  lui  ;  comme  il 
n'est  pas  son  péché,  mais  le  nôtre,  ni  en 
soi,  mais  en  nous,  par  la  ressemblance  de  la 
chair  du  péché,  en  laquelle  il  a  été  crucifié 
afin  que  n'ayant  point  de  péché  il  mom'ùt  en 
quelque  sorte  au  péché,  en  mourant  selon  la 
chair,  en  laquelle  était  la  ressemblance  du 
péché.  C'est  en  cela  que  consiste  le  sacre- 
ment de  baptême,  dont  l'eflet  est  si  grand, 
que  tous  ceux  qui  le  reçoivent  meurent  au 
péché,  et    qu'ils   vivent    en  renaissant  des 
eaux.  Les  enfants  ne  mem'ent  qu'au  péché 
originel,  au  lieu  que  ceux  qui  sont  plus  avan- 
cés en  âge  mem-ent  aussi  à  tous  les  péchés 
qu'ils  ont  ajoutés  par  leur  mauvaise  vie  à  ce- 
lui de  leur  naissance.  Quoique  le  péché  ori- 
ginel soit  unique,  on  peut  dire  qu'il  en  ren- 
ferme plusieurs  :  il  renferme  l'orgueil,  en  ce 
que  l'homme  a  mieux  aimé  être  maître  de 
soi-même,  que  d'être  soumis  à  Dieu  :  il  ren- 
ferme un  sacrilège,  parce  qu'il  a  manqué  de 
foi  à  Dieu.  Il  renferme  l'homicide,  parce  qu'il 
s'est  précipité  lui-même  dans  la  mort.  Il  ren- 
ferme une  fornication  spirituelle,  parce  que  la 
pureté  de  l'esprit  humain  a  été  corrompue 
par  la  persuasion  du  serpent  ;  il  renferme  un 
larcin,  parce  que  l'homme,  a  pris  du  fi'uit  qui 
lui  avait  été  défendu;  il  renferme  l'avarice, 
parce    que   l'homme  a  désiré  d'avoir   plus 
que  ce  qui  lui  devait  suffire.  Ce  péché  ne  se 
remet  que  par  le  baptême;  mais  à  l'égard  des 


[lyc  j,j  ye  SIÈCLES.]        -    SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


261 


Cor.   m 


péchés  que  l'on  commet  après  ce  sacrement, 
ils  peuvent  être  guéris  par  la  pénitence.  » 

Saint  Augustin  traite  ensuite  des  autres 
mystères  qui  regardent  Jésus-Clirist,  comme 
de  sa  mort,  de  sa  sépulture ,  de  sa  résurrec- 
tion, de  son  ascension  au  ciel,  de  sa  séance 
à  la  di-oite  de  son  Père,  et  de  son  avène- 
ment pour  juger  les  vivants  et  les  morts, 
qui  sont  autant  d'articles  du  Symbole.  Après 
quoi  il  vient  à  l'article  du  Saint-Esprit,  à 
celui  de  l'Eglise  et  de  la  communion  des 
saints.  «Puisque  le  Saint-Esprit  a  un  temple, 
dit-il ,  comment  ne  serait-il  pas  Dieu  ?  Com- 
ment serait -il  moindre  que  Jésus-Christ, 
puisqu'il  a  ses  membres  pour  temples  ?  Jé- 
sus-Christ est  le  chef  de  l'Eglise ,  et  cette 
Église  est  composée  d'hommes  ,  afin  qu'il 
eût  la  supériorité  sur  tous.  Quoiqu'il  ne  soit 
pas  mort  pour  les  bons  auges,  ils  ont  néan- 
moins part  à  sa  mort,  en  ce  qu'elle  a  mis  la 
paix  entre  le  ciel  et  la  terre,  et  réparé  les 
ruines  des  anges  qui  sont  tombés.  L'ÉgHse 
qui  est  dans  le  ciel  contient  les  anges  et  les 
vertus  :  mais  celle  qui  est  sur  la  terre  n'est 
composée  que  d'hommes.  C'est  elle  qui  a 
été  rachetée  de  tout  péché  par  le  sang  de 
son  Médiateur.  » 

En  expliquant  l'article  de  la  rémission  des 
péchés,  il  distingue  entre  les  véniels,  qu'il 
regarde  comme  les  péchés  des  enfants  de 
Dieu,  dont  ils  lui  doivent  sans  cesse  deman- 
der pardon  ;  et  les  mortels  qui  s'appellent 
crimes  et  qui  ont  besoin  d'une  plus  grande 
pénitence.  Quelques  grands  qu'ils  soient,  l'É- 
glise a  le  pouvoir  de  les  remettre  à  ceux  qui 
en  font  une  pénitence  proportionnée  ;  ils  ne 
se  remettent  pas  ailleurs,  parce  que  c'est 
elle  seule  qui  a  reçu  le  gage  du  Saint- 
Esprit,  sans  lequel  nul  péché  ne  se  remet 
d'une  manière  qui  fasse  obtenir  la  vie 
éternelle.  Il  réfute  l'erreur  de  ceux  qui  di- 
saient que  les  mauvais  chrétiens  ne  seraient 
punis  en  l'autre  monde  que  par  un  feu  pas- 
sager, fondé  sur  ce  que  dit  saint  Paul  :  Que 
ceux  qui  bâtissent  sur  le  fondement  qui  est  Jé- 
sus-C/wist,  du  bois,  du  foin,  de  la  paille,  se- 
ront sauvés,  mais  comme  par  le  feu  ;  et  il  fait 
voir  que  ces  paroles  doivent  s'entendre  des 
tribulations  de  cette  vie  qui  servent  à  puri- 
fier les  fidèles  de  leurs  péchés,  et  non  du 
feu  de  l'autre  vie,  ni  des  pécheurs  dont  il  est 
dit  qu'ils  ne  posséderont  pas  le  royaume  de  Dieu. 
Il  soutient  qu'il  est  besoin  de  changer  de  vie, 
et  de  quitter  entièrement  les  péchés  mortels 
pour  en  obtenir  le  pardon  ;  mais'  que  les  pé- 


chés véniels  dont  personne  n'est  exempt, 
s'effacent  par  l'Oraison  dominicale  et  par  les 
œuvres  de  miséricorde,  surtout  par  le  par- 
don des  ennemis.  Il  y  en  avait  qui,  ne  se  sou- 
ciant pas  de  se  corriger  de  leurs  vices,  ne 
laissaient  pas  de  faire  beaucoup  d'aumônes, 
se  flattant  en  vain  de  ce  que  Jésus-Christ  a 
dit  :  Faites  l'aumône  et  vous  serez  purifiés  en 
tout.  Saint  Augustin  les  détrompe ,  en  leur 
prouvant  par  ces  paroles  qui  suivent,  que  la 
première  œuvre  de  miséricorde  est  d'avoir  pi- 
tié de  notre  âme,  et  que  la  justice  et  l'amour 
de  Dieu  sont  les  véritables  aumônes  par  les- 
quelles nous  pouvons  nous  purifier  de  la 
corruption  qui  est  au  dedans  de  nous.  Il 
ajoute  qu'afin  qu'il  ne  semblât  pas  que  Jé- 
sus-Christ eût  rejeté  les  aumônes  qui  se  font 
des  biens  temporels,  il  dit  aussitôt  après  :  Il 
faut  faille  ces  choses,  savoir,  être  juste  et  ai- 
mer Dieu,  et  ne  négliger  pas  celles-là,  c'est-à- 
dire  les  aumônes  des  fruits  de  la  terre. 

3.  C'est  par  le  jugement  de  Dieu,  et  non 
par  celui  des  hommes,  que  saint  Augustin 
veut  que  l'on  juge  de  la  grandeur  des  pé- 
chés :  il  remarque  qu'il  y  a  certaines  ac- 
tions qui,  pour  paraître  permises  dans  l'Écri- 
ture, ne  sont  point  regardées  comme  des 
péchés,  quoiqu'elles  en  soient  en  effet.  Il 
donne  pour  exemple  la  liberté  que  saint 
Paul  laisse  aux  personnes  mariées  ,  pour 
éviter  l'incontineace.  «  On  pourrait  croire, 
dit-il ,  qu'il  n'y  aurait  point  de  péché  en 
cela,  s'il  n'avait  ajouté  :  Mais  je  voies  le  dis 
en  usant  envers  vous  d'indulgence,  et  non  pas 
en  vous  l'ordonnant.  Or,  qui  peut  nier  qu'une 
chose  que  l'on  pardonne  à  ceux  qui  la  font, 
ne  soit  un  péché  ?  C'est  pour  ces  sortes  de 
péchés,  et  pour  d'auti'es,  quoique  moindres 
que  ceux-là,  qui  se  commettent  par  parole  et 
parpensée,  qu'il  faut  prier  Dieu  tous  les  jours 
et  souvent.  Il  y  en  a  d'autres  que  l'on  croi- 
rait très-légers,  si  l'Écriture  sainte  ne  nous 
enseignait  qu'ils  sont  plus  grands  que  nous 
ne  le  croyons.  Qui  penserait  que  celui  qui 
appelle  son  frère  fou,  mérite  l'enfer,  si  la  Vé- 
rité même  ne  le  disait?  Qui  croirait  que  ce 
fût  un  si  grand  péché  d'observer  les  jours, 
les  mois,  les  années  et  les  temps  comme  font 
ceux  qui  veulent  ou  ne  veulent  pas  com- 
mencer quelque  chose  à  certains  jours,  à 
certains  mois  ,  à  certaines  années  ;  parce 
que,  suivant  la  vaine  doctrine  de  quelques- 
uns,  ils  s'imaginent  qu'il  y  a  des  temps  heu- 
reux et  malheureux,  si  nous  ne  considé- 
rions la  grandeur  de  ce  mal  par  la  crainte 


Luc.  XI,  îl. 


Suite  de  l'a 
nalyso. 


I  Cor.  vir, 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Suilcdel'î- 
i-jalvse. 
Pag.  2J3. 


262 

que  l'Apôtre  nous  en  donne,  dans  son  Épî- 
tre  aux  Galates  ?  » 

Ce  Père  se  plaint  que,  de  son  temps,  plu- 
sieurs crimes  s'étaient  tellement  tournés  en 
coutume  publique,  que  non-seulement  les 
évêques  n'osaient  pas  excommunier  un  laï- 
que qui  les  avait  commis,  mais  pas  même 
dégrader  un  ecclésiastique.  Il  marque  deux 
sources  de  tous  les  péchés,  l'ignorance  et 
l'infirmité  ;  l'une  est  cause  que  nous  ne 
voyons  pas  ce  que  nous  devons  faire  ;  et 
l'autre  nous  empêche  de  faire  ce  que  nous 
connaissons  être  de  notre  devoir.  Selon  le 
saint  Docteur ,  comme  la  grâce  seule  peut 
nous  faire  surmonter  ces  deux  obstacles , 
c'est  aussi  par  elle  que  nous  faisons  péni- 
tence de  nos  péchés.  On  pèche  contre  le 
Saint-Esprit,  lorsque  ne  croyant  pas  que  l'É- 
glise ait  la  puissance  de  remettre  les  péchés, 
on  refuse  opiniâtrement  jusqu'à  la  mort,  de 
recourir  h  elle  pour  en  recevoir  cette  grâce. 

6.  Saint  Augustin  passe  de  là  à  l'explica- 
tion de  l'article  de  la  résurrection  de  la 
chair,  et  il  résout  plusieurs  difficultés  tou- 
chant la  manière,  la  forme  et  la  grandeur 
en  laquelle  les  corps  ressusciteront.  Tous  les 
enfants  morts  dans  le  sein  de  leur  raère  au- 
ront part  à  la  résurrection  des  morts,  et  il 
porte  le  même  jugement  de  tous  les  enfants 
monstrueux  et  difformes,  soit  par  l'excès, 
ou  par  le  défaut  de  leur  nature.  Mais  au 
temps  de  la  résurrection,  il  n'y  aura  rien 
dans  les  corps  qui  ne  soit  dans  l'ordre  et 
dans  la  justesse;  et  tout  y  sera  dans  la 
bienséance.  Sur  quoi  il  raconte  qu'il  était  né 
en  Orient  un  monstre  qui  avait  deux  têtes 
et  quatre  mains.  Les  corps  des  bienheu- 
reux ressusciteront  sans  aucun  défaut  ;  mais 
les  damnés  ne  reprendront  les  leurs  que 
pour  être  pmiis.  Ceux  qui  ne  seront  cou- 
pables que  du  péché  originel  contracté  par 
leur  naissance ,  soufi'riront  la  plus  douce 
peine  de  tous  ,  et  ceux  qui  en  auront  ajouté 
d'actuels,  éprouveront  une  damnation  pro- 
portion7iée  au  nombre  de  leurs  péchés. 

Sur  l'article  de  la  vie  éternelle,  il  parle  un 
peu  de  la  prédestination,  qu'il  attribue  à  la 
miséricorde  toute  gratuite  de  Dieu,  en  fai- 
sant remarquer  que,  comme  elle  n'est  due  à 
personne,  personne  aussi  n'est  damné  sans 
l'avoir  mérité.  Il  dit  qu'il  n'y  a  aucun  doute 
que  Dieu  ne  fasse  un  bien  en  permeïtant 
tout  ce  qui  se  fait  dans  le  monde,  pai'ce  que 
si  ce  n'était  pas  un  bien,  qu'il  y  eut  aussi 
des  maux,  celui  qui  est  souverainement  bon, 


ne  permettrait  pas  qu'ils  fussent  lui  étant 
aussi  aisé  de  les  empêcher,  que  de  faire  ce 
qu'il  veut,  a  Si  nous  ne  croyons  cela,  ajoute- 
t-il,  nous  renversons  le  commencement  de 
notre  foi ,  oii  nous  déclarons  que  nous 
croyons  en  Dieu  le  Père  tout  -  puissant  ; 
puisqu'il  n'est  appelé  tout -puissant  que 
parce  qu'il  peut  tout  ce  qu'il  veut,  et  que 
l'effet  de  la  volonté  du  Tout-Puissant  n'est 
empêché  par  la  volonté  d'aucune  créature.  » 
Cela  donne  occasion  à  saint  Augustin  d'ex- 
pliquer ce  passage  de  saint  Paul  :  Dieu  veut 
que  tous  les  hommes  soient  sauvés.  «  Quand  on 
demande,  dit-il,  pourquoi  tous  les  hommes 
ne  sont  pas  sauvés,  on  répond  d'ordinaire  : 
C'est  parce  qu'ils  ne  le  veulent  pas;  ce  qui 
ne  se  peut  dire  des  enfants  qui  ne  sont  pas 
en  état  de  vouloir  ou  de  ne  pas  vouloir. 
Personne  ne  dira  non  plus  que  Dieu  ne 
puisse  changer  les  mauvaises  volontés  des 
hommes,  celles  qu'il  veut,  quand  il  veut,  et 
où  il  veut.  La  volonté  du  Tout-Puissant  est 
toujours  invincible.  Comment  donc  veut-il 
que  tous  les  hommes  soient  sauvés,  puis- 
qu'il est  certain  que  tous  ne  le  sont  pas?  On 
peut  l'entendre  en  plusieurs  manières.  Pre- 
mièrement, comme  s'il  y  avait ,  que  nul 
homme  n'est  sauvé,  que  celui  que  Dieu  veut 
qui  soit  sauvé  :  le  sens  n'étant  pas,  qu'il  n'y 
a  personne  qu'il  ne  veuille  qui  soit  sauvé  ; 
mais  que  nul  n'est  sauvé ,  que  celui  qu'il 
veut  sauver.  Et  c'est  ainsi  que  nous  enten- 
dons, dit  ce  Père,  ce  qui  est  écrit  dans  l'É- 
vangile :  Qu'il  éclaire  tous  les  hommes,  le  sens 
n'étant  pas  qu'il  n'y  a  personne  qu'il  n'é- 
claire, mais  que  nul  n'est  éclairé  que  par 
lui.  On  peut,  en  second  lieu,  dire  que  Dieu 
veut  que  tous  les  hommes  soient  sauvés , 
parce  que  de  toute  la  race  des  hommes,  il 
en  veut  sauver  de  toute  condition ,  rois , 
particuliers  ,  nobles  ou  non  nobles,  grands 
ou  petits,  savants  ou  ignorants,  sains  ou  ma- 
lades, ingénieux  ou  stupides,  riches,  pau- 
vres ou  médiocres,  hommes,  femmes,  en- 
fants, jeunes,  âgés  ou  vieux,  de  toutes  lan- 
gues, de  toutes  mœurs,  de  tous  arts,  de  tou- 
tes professions  ;  et  quelques  diversités  infi- 
nies qu'il  y  ait  entre  eux  de  volonté,  de 
conscience ,  et  de  quelques  autres  choses 
que  ce  puisse  être  ;  car,  quel  est  celui  de 
ces  états  dans  l'ordre  desquels  Dieu  ne 
veuille  sauver  les  hommes  dans  toutes  les 
nations  par  son  Fils  unique  Notre-Seigneur, 
et  qu'il  ne  le  fasse,  parce  que  le  Tout-Puis- 
sant ne  peul  pas  vouloir  en  vain,  quelque 


Do    Spirin 


[iV-  £T  V°  SIÈCLES.] 


SÀEN'T  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPOiNE. 


263 


a    uaen,   cliose  CTu'il  veuille  ?  n  Saint    Auffustin   dit 

car.,  xxxiii  et  ^  TA- 

sMiv.  clairement  ailleurs   que  Dieu  veut   sauver 


Suite  de  1 
Daljse. 


tous  les  horomes. 

7.  Ce  Père  traite  ensuite  du  libre  arbi- 
pag.  236.  {i-Q  (Je  rhomme  dans  l'étal  d'innocence,  dans 
celui  de  la  gloire  et  dans  celui  de  la  nature 
corrompue.  Dans  le  premier  état,  l'homme 
pouvait  vouloir  le  bien  et  le  mal ,  se  tuer  par 
sa  seule  volonté,  en  abandonnant  la  justice, 
et  conserver  sou  innocence ,  assisté  néan- 
moins de  la  grâce  de  celui  qui  l'avait  créé. 
Dans  le  second  état,  qui  est  celui  de  la  gloire, 
il  ne  pourra  vouloir  le  mal ,  et  en  sera 
d'autant  plus  libre.  Quant  au  troisième  état, 
l'homme  depuis  sa  chute  a  besoin,  pour  faire 
le  bien,  d'être  délivré  de  la  servitude  où  il  a 
été  réduit  par  le  pîché,  c'est  pour  cela  qu'il 
a  fallu  un  médiateur  de  Dieu  et  des  hommes, 
qui  est  Jésus-Christ,  Dieu  et  homme  tout  en- 
semble. Durant  le  temps  qui  s'écoulera  en- 
tre la  mort  de  l'homme  et  la  résurrection 
dernière,  les  âmes  sont  retenues  dans  des 
lieux  secrets  et  cachés,  selon  que  chacune 
d'elles  est  digne  ou  de  repos  ou  de,  peine, 
et  selon  qu'elle  a  vécu  étant  au  monde. 
Ou  ne  peut  nier  cpie  les  âmes  des  morts  ne 
soient  soulagées  par  la  piété  des  vivants, 
lorsqu'on  offre  pour  elles  le  sacrifice  du  Mé- 
diateur, ou  que  l'on  fait  pour  elles  quelques 
aumônes  dans  l'Eglise,  mais  cela  ne  sert 
qu'à  ceux  qui,  durant  leur  vie,  ont  mérité 
par  leurs  actions  que  toutes  ces  choses  leur 
pussent  être  utiles  après  qu'ils  seraient  sor- 
tis du  monde.  Ainsi  le  sacrifice  de  l'autel 
et  les  aumônes  pour  les  morts  qui  ont  été 
baptisés,  sont  des  actions  de  grâces  pour 
ceux  qui  ont  été  extrêmement  bons,  des  in- 
tercessions pour  ceux  qui  n'ont  pas  été 
grands  pécheurs,  et  des  motifs  de  consola- 
tion aux  vivants  lorsqu'ils  font  ces  œuvres 
de  piété  pour  ceux  qui  sont  morts  dans  le 
péché.  La  tendresse  et  la  compassion  que 
quelques  personnes  ont  pour  les  damnés,  sont 
vaines,  car  elles  se  persuadent  faussement 
contre  l'autorité  de  l'Écriture ,  que  leurs 
peines  ne  dureront  pas  toujours.  Il  les  abu- 
sait, en  cette  occasion ,  de  ces  paroles  du 
^^Psain  .ivi,  Prophète  :  Dieu  n'oubliera  point  de  faire  misé- 
ricorde, et  n'arrêtera  pas  sa  clémence  dans  sa 
colère,  ces  paroles  devant  s'entendre  de  ceux 
qui  sont  appelés  les  vases  de  miséricorde,  parce 
qu'en  eûèt  ils  ne  sont  pas  déhvrés  de  la  mi- 
sère par  leurs  propres  mérites,  mais  par  la 


miséricorde  de  Dieu.  Il  n'y  a  aucun  lieu  de 
s'imaginer  que  l'on  doive  voir  finir  un  jour 
la  damnation  de  ceux  dont  il  est  dit  :  Ils  iront     waiih.  x>:v, 

.'.6. 

au  supplice  éternel. 

8.  La  seconde  paiiie  du  Manuel  est  em-     ce  lEsp.:- 

^  rance ,      pa,-- 

ployee  à  montrer  que  les  chrétiens  ne  doi-  230. 
vent  mettre  leur  espérance  qu'en  Dieu  seul, 
et  que  tout  ce  que  nous  devons  espérer,  est 
compris  dans  l'Oraison  dominicale.  Saint  Au- 
gustin remarque  que  saint  Luc  ne  rapporte 
dans  cette  prière  que  cinq  demandes,  au 
lieu  que  saint  Matthieu  en  met  sept  ;  mais 
que  cette  différence  n'en  fait  aucune  pour  le 
fond  de  la  prière,  qui  est  la  même  dans  ces 
deux  Evaugélistes. 

9.  Dans  la  troisième  partie,  le  saint  Doc-     De  ucha- 

^  rite,  pEj.  2'tO. 

teur  traite  de  la  charité.  «  Quand  on  demande, 
dit-il,  si  quelqu'un  est  homme  de  bien,  on 
ne  s'informe  pas  de  ce  qu'il  croit,  mais  de 
ce  qu'il  aime  ;  parce  qu'on  est  certain  que 
celui  qui  aime  ce  qu'il  doit  aimer,  croit  ce 
qu'il  doit  croire,  et  espère  ce  qu'il  doit  espé- 
rer. La  loi  peut  bien  commander,  mais  non 
pas  aider  ;  au  contraire,  elle  rend  l'homma 
prévaricateiu",  en  lui  ôtant  le  pouvoir  de 
s'excuser  sur  son  ignorance  ;  ainsi  il  est  be- 
soin qu'en  connaissant  la  loi,  nous  soyons 
assistés  de  l'esprit  de  Dieu  pour  en  observer 
les  préceptes.  Tous  les  commandements  de 
Dieu,  de  même  que  tous  les  conseils  évan- 
géliques,  se  rapportent  à  la  charité.  Ce  que 
l'on  fait  ou  par  la  crainte  de  la  peine  ou  par 
quelque  intention  cliarnelle,  et  non  par  un 
mouvement  d'amour,  ne  se  fait  pas  en  la 
manière  qu'on  le  doit  faire,  puisque  cet 
amour  est  l'amour  de  Dieu  et  du  prochain, 
et  que  toute  la  loi  et  tous  les  Prophètes  ne 
consistent  qu'en  l'accomplissement  de  ces 
deux  préceptes  » 

§.VI. 

Du  Combat  chrétien  et  de  la  manièi^e  d'enseigner 
les  principes  de  la  religion. 

1.  Le  livre  du  Combat  chrétien  est  ^  le  troi-         liito  du 

Combat  cliit- 

sième  ouvrage  compose  par  saint  Augustin,  ^^en,AersraD 
depuis  son  épiscopat.  Ainsi  il  faut  le  rap- 
porter à  l'an  396  ou  397  au  plus  tard.  Cô 
Père  remarque  lui-même  ^  qu'il  l'écrivit  d'un 
style  simple  et  proportionné  à  rinteHigence 
des  frères  qui  étaient  peu  instruits  dans 
la  langue  latine.  C'était  apparemment  des 
moines  dont  il  voulait  parler.  Aussi  Gassio- 


1  August.,  Ub.  II  Retract.,  cai).  m. 


î  Ibid. 


264 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


dore  dit  '  qu'il  est  principalement  néces- 
saire à  ceux  qui,  ayant  foulé  aux  pieds  les 
pompes  du  siècle,  s'exercent  aux  combats 
dont  il  est  parlé  dans  ce  traité.  Saint  Au- 
gustin l'a  intitulé  :  Du  Combat  chrétien , 
parce  qu'il  y  apprend  aux  chrétiens  à 
combattre  contre  le  démon  et  contre  eux- 
mêmes. 
Anaisse  do  2.  Le  dlablo  étant  le  prince  des  cupidités 
|8  ja.ie,  pag.  ^^^^  ^^^  hommes  sont  possédés  pour  les  biens 
périssables,  il  est  certain  que  c'est  lui  que 
nous  surmontons  lorsque  nous  remportons  la 
victoire  sur  nos  cupidités  et  nos  passions,  et 
quand  nous  réduisons  notre  corps  en  servi- 
tude, et  que  nous  nous  soumettons  nous- 
mêmes  à  Dieu,  à  qui  toute  créature  doit 
être  assujettie  ou  volontairement  ou  par  né- 
cessité. Dans  ce  combat,  l'homme  est  armé 
par  la  foi,  et  soutenu  dans  ses  faiblesses  par 
les  secours  que  Jésus-Christ  nous  a  mérités 
par  sa  mort.  Pour  montrer  que  le  combat 
auquel  il  exhorte  n'est  point  de  nature  à 
faire  périr  ceux  qui  s'y  engagent,  saint  Au- 
*  gustin  cite  en  général  des  exemples  d'hom- 
mes et  de  femmes  de  tout  âge  et  de  toute 
condition  qui ,  par  le  secours  de  la  foi ,  se 
sont  mis  au-dessus  des  biens  temporels  pour 
ne  s'occuper  que  des  éternels,  et  qui,  par 
une  conduite  si  sainte,  ont  mérité  les  louan- 
ges de  ceux  qui  n'ont  pas  eu  assez  de  force 
pour  les  imiter.  Il  donne  un  abrégé  de  la 
règle  de  la  foi  et  des  principes  de  la  morale  ; 
comme  il  faut  éviter  l'erreur  dans  les  con- 
naissances, de  même  on  doit  éviter  l'ini- 
quité dans  les  actions,  et  celui-là  est  dans 
l'erretu'  qui  s'imagine  pouvoir  connaiti'e 
la  vérité  tandis  qu'il  vit  mal.  Selon  liii,  l'ini- 
quité consiste  à  aimer  ce  monde,  à  estimer 
comme  quelque  chose  de  grand  les  choses 
passagères,  à  les  désirer,  à  travailler  pour 
les  acquérir,  à  se  réjouir  de  les  posséder 
avec  abondance,  à  craindre  de  les  perdre  et 
à  s'afïliger  quand  on  les  a  perdues.  «  Une  telle 
vie,  ajoute-t-il,  ne  saïu-ait  jamais  contempler 
la  vérité  pure  et  immuable,  ni  s'y  attacher, 
ni  obtenir  un  repos  qui  soit  éternel.  »  11  y  en 
«avait  qui  niaient  que  le  corps  de  Jésus-Christ 
ressuscité  fût  le  même  qui  avait  été  mis  dans 
le  tombeau.  Saint  Augustin  leur  répond  :  «  Si 
ce  n'eût  pas  été  le  même,  il  n'aurait  pas  dit  à 
Luc.  xMv,  ses  disciples,  après  sa  l'ésurrection  :  Touchez 
et  considérez  qu'un  esprit  n'a  ni  chair  ni  os, 
comme  vous  voyez  que  j'ai.  Ou  ne  doit  pas 


être  plus  surpris  de  voir  qu'il  ait  passé  dans 
une  chambi'e  dont  les  portes  étaient  fermées, 
que  de  ce  qu'il  ait  marché  sur  les  eaux,  et 
qu'il  en  ait  donné  la  puissance  à  saint  Pierre. 
D'ailleurs,  si  avant  sa  passion  il  a  pu  donner 
à  son  coi'ps  l'éclat  du  soleil,  n'a-t-il  pas  pu, 
après  sa  résurrection,  rendre  ce  même  corps 
si  subtil  qu'il  ait  passé  par  des  portes  fer- 
mées? » 

Ce  Père  marque  les  principales  hérésies 
qui  s'étaient  élevées  jusqu'à  son  temps,  en- 
tre lesquelles  il  met  les  sectes  des  donatistes 
et  des  lucifériens.  Il  dit  que  l'Église  catholi- 
que, comme  une  vraie  mère,  n'insulte  pas 
même  aux  pécheurs  arrogants,  qu'elle  est  fa- 
cile à  accorder  le  pardon  à  ceux  qui  se  sont 
corrigés.  Il  donne  pour  exemple  de  cette  in- 
dulgence, la  conduite  qu'elle  tint  envers  les 
évêques  qui  avaient  consenti  à  la  perfidie 
arienne.  Elle  les  reçut  dans  son  sein  mater- 
nel aussitôt  qu'ils  eurent  condamné  l'erreur 
qu'ils  avaient  crue  ou  fait  semblant  de  croire. 
Il  prend  de  là  occasion  de  prouver  contre 
les  cathares  ou  novatiens,  que  l'Église  a  le 
pouvoir  de  remettre  tous  les  péchés,  les 
clés  du  royaume  du  ciel  lui  ayant  été  don- 
nées, lorsque  Jésus-Chi-ist  les  a  données  à 
saint  Pierre. 

3.  Le  traité  dit  Catéchisme  ou  de  la  Manière 
d'enseigner  les  prinipes  de  la  religion  chrétienne  '™^',.,„  ^jj, 
à  ceux  qui  n'en  sont  jyas  encore  instruits,  se 
trouve  dans  les  livres  des  Rétractations  ^  parmi 
les  ouvrages  que  saint  Augustin  composa  vers 
l'an  400.  Il  est  adressé  à  un  diacre  de  l'é- 
glise de  Carthage,  nommé  Déogratias  qui, 
chargé  d'instruire  un  grand  nombre  de  per- 
sonnes des  premiers  éléments  du  christia- 
nisme, avait  prié  saint  Augustin  de  lui  pres- 
crire la  manière  dont  il  devait  s'en  acquitter. 
Non-seulement  il  trouvait  quelquefois  du  dé- 
goût dans  cet  emploi,  mais  il  était  presque 
toujours  embarrassé  sur  la  méthode  qu'il  fal- 
lait garder  poiu"  enseigner  avec  facilité  les  vé- 
rités qu'il  faut  croire  pour  être  chrétien;  par 
où  il  fallait  commencer  ou  finir  ses  instruc- 
tions ;  s'il  était  nécessaire  d'y  ajouter  quel- 
ques exhortations,  ou  exposer  simplement 
les  préceptes  dont  l'observation  est  essentiel- 
le pour  mener  une  vie  véritablement  chré- 
tienne. Le  saint  Évèque  jugeant  que  le  ser- 
vice et  la  charité  qu'il  devait  à  un  ami,  et 
généralement  à  toute  l'Église,  notre  mère 
commune,  l'obligeait  à  accorder  de  bon  cœur 


Livre  de  la 
manière  d'ins- 


1  Cassiod.,  Inst.,  cap.  xvi. 


2  Lib.  Il  Retract.,  cap.  siv. 


[iv=  ET  V  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


ce  que  Déogratias  demandait  de  lui,  écrivit 
le  livre  dont  nous  parlons.  Ce  livre  est  cité 
par  Facundus  '  pour  montrer  qu'il  ne  faut 
pas  traiter  d'iiérétiques  tous  ceux  qui,  par 
ignorance  et  par  un  effet  de  la  fragilité  hu- 
maine, tombent  dans  quelques  erreurs,  quoi- 
que d'autres  en  prennent  occasion  de  former 
des  hérésies, 
i'^raiîl.re!  ^-  Saint  Augustin  y  console  d'abord  Déo- 
''■  gratias  de  ce  que  souvent  il  devenait  tout 

tiède  et  tout  languissant  dans  ses  discours, 
avouant  que  lui-même  n'était  presque  ja- 
mais content  de  ce  qu'il  disait,  et  que  sa 
langue  demeurait  souvent  au-dessous  de  ses 
pensées.  «  Puisque  vous  voyez,  lui  dit-il, 
qu'on  vous  choisit  pour  instruire  des  princi- 
pes de  la  foi,  ceux  qui  ont  besoiii  d'en  être 
instruits,  vous  devez  en  conclure  que  vos 
discours  n'ennuient  pas  les  autres  comme 
ils  vous  ennuient;  et  vous  ne  devez  pas 
croire  que  vous  travaillez  inutilement,  quoi- 
que vous  ne  puissiez  pas  exprimer  les  cho- 
ses aussi  parfaitement  que  vous  les  conce- 
vez. » 

Venant  ensuite  à  la  manière  dont  il  de- 
vait exposer  les  choses  à  ceux  qu'on  lui  en- 
voyait, il  lui  conseille  de  commencer  ses 
instructions  par  l'histoire  de  la  création  du 
monde,  et  d'aller  de  suite  jusqu'au  temps 
de  l'Église  présente.  «  Ce  n'est  pas,  dit-il, 
qu'il  faille  pour  cela  leur  réciter  tout  le 
Pentateuqiie  avec  les  livres  des  Juges,  des 
Rois  et  d'Esdras,  et  ensuite  tout  l'Évangile  et 
les  Actes  des  apôtres  :  il  n'est  nullement  né- 
cessaire d'entrer  dans  tout  ce  détail.  Il  suffit 
de  traiter  les  choses  d'une  manière  plus  gé- 
nérale et  plus  abrégée,  choisissant  celles  qui 
étant  les  plus  merveilleuses  sont  plus  agréa- 
bles à  entendre.  Il  établit  pour  principe  que 
celui  qui  instruit  les  autres  doit,  non-seule- 
ment avoir  en  vue  la  fin  du  précepte  qui  est 
la  charité,  mais  qu'il  doit  encore  faire  en 
sorte  que  ceux  qu'il  instruit  croient  ce 
qu'on  leur  dit,  qu'ils  espèrent  ce  qu'ils 
croient,  et  qu'ils  aiment  ce  qu'ils  espèrent. 
Il  doit  pour  cela  leur  représenter  que  Jé- 
sus-Christ nous  ayant  aimés  le  premier, 
en  donnant  sa  vie  pour  nous,  il  serait  de  la 
dernière  ingratitude  de  ne  lui  pas  rendre 
amour  pour  amour  ;  il  doit  faire  servir  aussi 
à  former  l'édifice  de  la  charité  dans  leurs 
cœurs,  la  terrem-  salutaire  qu'imprime  la 
sévérité  de  la  justice  de  Dieu.  Le  catéchiste 

1  Facund.,  in  Mocian.,  pag.  S78. 


265 

doit  examiner  avec  soin  le  motif  de  ceux 
qui  viennent  pour  se  faire  chrétiens ,  et 
agir  autrement  avec  les  personnes  qui  ont 
de  l'érudition  qu'avec  celles  qui  n'en  ont 
point  du  tout.  «  Ceux-là,  dit-il,  n'attendent 
pas  le  moment  où  il  s'agit  de  les  recevoir 
pour  s'instruire,  et  d'ordinaire  ils  ont  eu 
soin  de  s'éclairer  par  avance,  et  de  commu- 
niquer leurs  pensées  et  leurs  sentiments  à 
des  personnes  capables.  Il  faut  donc  avec 
eux  traiter  les  choses  en  peu  de  mots,  et 
parcourir  simplement  ce  que  nous  traite- 
rions plus  à  fond  avec  des  gens  sans  lettres 
et  sans  instruction.  Si  ce  sont  de  grammai- 
riens ou  des  orateurs,  on  doit  particulière- 
ment leur  apprendre  de  quelle  manière  il 
faut  écouter  la  parole  de  Dieu  dans  l'Écri- 
ture sainte,  de  peur  que  les  livres  sacrés, 
tout  solides  qu'ils  sont,  ne  les  dégoûtent 
sous  le  prétexte  que  le  style  n'est  ni  enflé 
ni  pompeux,  et  qu'ils  ne  s'imaginent  qu'il 
suffit  de  prendre  à  la  lettre  tout  ce  qui  y  est 
dit,  sans  qu'il  faille  se  mettre  en  peine  d'en 
chercher  la  véritable  intelligence  à  travers 
les  voiles  grossiers  dont  elle  est  enveloppée. 
Il  faut  même  leur  faire  remarquer  combien 
est  utile  cette  manière  de  proposer  les  mys- 
tères, qui  ne  sont  appelés  mystères  que 
parce  qu'ils  sont  cachés;  combien  elle  a  de 
force  pour  réveiller  en  nous  l'amour  de  la 
vérité,  et  nous  garantir  du  dégoût  où  nous 
tombons  aisément  pour  toutes  les  choses 
qui  ne  nous  coûtent  rien.  Ce  qu'il  faut  leur 
faire  voir  par  l'expérience  de  quelques  véri- 
tés dont  on  n'aurait  point  été  touché,  si  el- 
les avaient  été  proposées  nûment,  et  qui 
donnent  un  extrême  plaisir  quand  on  les 
tire  d'une  allégorie  où  elles  sont  renfermées. 
Ils  ont  encore  grand  besoin  qu'on  leur  fasse 
comprendre  que  les  paroles  ne  sont,  en  com- 
paraison du  sens,  que  ce  que  le  corps  est  en 
comparaison  de  l'âme  ;  qu'ils  doivent  mieux 
aimer  des  discours  pleins  de  vérités,  que 
d'en  entendre  qui  n'aient  que  l'agrément 
de  l'éloquence  ;  que  la  voix  du  cœur  est  le 
seul  langage  qui  aiUe  jusqu'aux  oreilles  de 
Dieu  ;  et  que  s'il  arrive,  aux  ministres  de 
l'Éghse,  d'user  de  termes  barbares  et  d'ex- 
pressions qui  choquent  les  règles  de  la 
grammaire  dans  les  prières  qu'ils  adressent 
à  Dieu,  ils  n'en  doivent  point  faire  de  raille- 
ries. Pour  ce  qui  est  du  baptême,  il  suffit 
d'expliquer  en  peu  de  mots  aux  plus  éclai- 
rés, ce  que  signifient  les  cérémonies  de  ce 
sacrement  :  mais  on  doit  s'étendre  davan- 


266 


UISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


tage  avec  ceux  qui  sont  moins  instruits,  et 
leur  faire  entendre  la  vertu  de  ce  mystère 
par  diverses  comparaisons,  de  peur  que,  ne 
s'arrètant  qu'à  ce  qui  touchera  leurs  yeux, 
ils  n'aient  pas  tout  le  respect  qu'on  doit 
avoir  pour  des  choses  si  respectables.  » 
suiedura.  5.  Saint  Augustin  propose  ensuite  divers 
moyens  pour  acquérir  cette  gaîté  si  néces- 
saire pour  parler  avec  succès,  et  les  réduit 
presque  tous  à  l'amour  et  au  zèle  qu'on  doit 
avoir  pour  le  salut  du  prochain.  Il  veut  aussi 
qu'un  catéchiste  attire  daus  son  creur  la 
grâce  de  Jésus-Christ  par  de  fréquentes 
invocations.  Après  cela  il  découvre  quelles 
sont  les  causes  ordinaires  de  l'ennui  des 
auditeurs,  et  il  conseille  de  renouveler  son 
attention  de  temps  en  temps  par  quelques 
discours  plus  égaj'és,  mais  qui  aient  toujours 
du  rapport  avec  ce  que  l'on  traite  ;  ou  par 
quelque  chose  capable  de  donner  de  l'admi- 
ration, ou  même  de  la  douleur  et  de  la  com- 
passion. «  On  peut  encore,  dit-il,  soulager 
l'attention  de  l'auditeur  en  le  faisant  asseoir, 
et  même  il  serait  mieux  qu'il  fût  assis  dès 
le  commencement,  suivant  la  coutume  de 
quelques  églises  d'Outre-mer,  où  le  peuple 
qui  écoute,  est  assis  de  même  que  l'évêque 
qui  parle,  de  peur  que  la  lassitude  ôtant 
l'attention  aux  infirmes,  ne  les  empêche  de 
profiter  ou  ne  les  oblige  de  se  retirer.  » 

Le  saint  Docteur  propose  deux  discours 
très-beaux  et  très-instraclifs,  l'un  plus  long, 
l'autre  plus  court,  pour  servir  d'exemple  et 
de  modèle  aux  instructions  que  l'on  doit 
donner  à  ceux  qui  demandent  le  baptême. 
Le  premier  renferme  un  précis  des  événe- 
ments les  plus  remarquables  depuis  la  créa- 
tion du  monde  jusqu'après  la  dispersion  des 
apôtres,  c'est-à-dire  pendant  les  cinq  pre- 
miers âges  du  monde  et  les  commencements 
du  sixième. 

Le  premier  âge  s'étend  depuis  la  création 
d'Adam  jusqu'à  Noé.  Le  second  depuis  Noé 
jusqu'à  Abraham.  Le  troisième  depuis  Abra- 
ham jusqu'à  David.  Le  quatrième  depuis 
David  jusqu'à  la  captivité  de  Babylone.  Le 
cinquième  depuis  cette  captivité  jusqu'à  Jé- 
sus-Christ, Le  sixième  depuis  l'avènement 
de  Jésus-Christ.  Dans  ce  discours  il  prévient 
les  catéchumènes  sur  les  sujets  de  scandale 
qu'ils  pourront  rencontrer  même  dans  Vli- 
giise  ;  mais  il  les  assure  que  s'ils  ne  s'atlai- 
blissent  point  dans  la  foi,  et  ne  s'écartent 
point  du  droit  chemin,  ils  en  recevront  une 
plus  grande  recompense.  Il  remarque  qu'a- 


près que  celui  que  l'on  avait  instruit  témoi- 
gnait être  résolu  d'observer  ce  qu'on  lui 
avait  enseigné,  on  le  marquait  du  sceau  des 
fidèles,  en  lui  apprenant  en  même  temps  à 
•  révérer  dans  les  signes  sous  lesquels  on  ad- 
ministrait les  choses  saintes,  ce  qu'ils  ren- 
fermaient d'invisible  ;  à  ne  plus  regarder 
comme  une  matière  d'usage  ordinaire,  celle 
qui  avait  été  sanctifiée  par  la  bénédiction,  et 
qu'au  cas  qu'il  trouverait  dans  l'Écriture 
quelque  chose  qui  ne  lui  présenterait  qu'un 
sens  grossier  et  charnel,  de  la  regarder 
comme  une  figiu'e  qui  cache  quelque  chose 
de  spirituel,  soit  touchant  les  bonnes  mœurs, 
soit  louchant  la  félicité  de  la  vie  future. 

Le  second  discours  traite  à  peu  près  les 
mêmes  matières  que  le  premier,  mais  en 
moindre  nombre  et  avec  beaucoup  plus  de 
précision. 

§  VII. 

Des  livres  de  lo.   Continence,  du  Bien  du  ma- 
riage et  de  la  sainte  virginité. 

i.  Erasme  a  cru  que  le  livre  intitulé  de  la 
Continence,  était  de  Hugues  de  saint  Victor, 
soit  à  cause  de  quelques  différences  de  style, 
soit  parce  que  saint  Augustin  n'en  dit  rien 
dans  ses  Rétractations.  Mais  si  le  style  a 
quelque  chose  de  différent  de  ses  traités,  il 
est  fort  ressemblant  à  celui  de  ses  discours, 
surtout  de  ceux  qu'il  dicta  n'étant  encore 
que  prêtre.  D'ailleurs  il  le  reconnaît  pour 
son  ouvrage  daus  sa  lettre  deux  cent 
soixante-deuxième  au  comte  Darius,  et  il  en 
est  parlé  dans  le  Catalogue  de  Possidius  qui 
l'appelle  un  discours  et  non  pas  un  livre.  Il 
est  qualifié  de  même  par  Eugj-pius,  par 
Florus  et  dans  plusieurs  anciens  manuscrits. 
Ce  discours  est  très-long  et  est  employé 
pour  la  plus  grande  partie  à  réfuter  les  ma- 
nichéens, dont  saint  Augustin  avait  coutume 
de  combattre  les  erreurs  au  commencement 
de  sa  conversion,  toutes  les  fois  qu'il  en 
trouvait  l'occasion. 

2.  Il  e.KpHqae  ces  deux  versets  du  psau-     ami^»  d. 

, ,  -,    .  .        - ,         ,      ce  IrailO,  I-ap 

me  CXL  :  Mettez ,  Seigneur,  une  sentinelle  a  iss. 
ma  bouche,  et  une  porte  de  continence  à  mes 
lèvres  ;  que  mon  cœur  ne  consente  point  à  des 
paroles  de  malice  pour  soutenir  les  fausses  ex- 
cuses des  pécheurs.  La  continence  qui  consiste 
à  réprimer  toutes  ses  passions,  et  qui  esl 
même  nécessaire  .pour  garder  la  chasteté 
conj-ugale,  est  un  don  de  Dieu,  comme  on  le 
voit  en  divers  endroits  de  l'Écritui'e.  Ou  pè- 


[lV=  ET  V°  SIÈCLES.] 

che  contre  cette  vertu  par  le  consentement 
intérieur  que  l'on  donne  aux  suggestions 
mauvaises  de  l'eunemi,  quoiqu'on  ne  passe 
pas  jusqu'à  l'action  extérieure.  Il  n'y  a  au- 
cun des  maux  qui  se  commettent  extérieure- 
ment par  les  organes  du  corps,  qui  n'ait 
pour  principe  une  mauvaise  pensée  qui  le 
précède  et  qui  rende  l'homme  impur  dès 
qu'elle  est  formée,  quoique  le  crime  ne 
s-'exécute  pas  au  dehors.  Ainsi  on  n'est  pas 
moins  homicide  lorsqu'on  ne  s'abstient  de 
tuer  quelqu'un  que  faute  d'en  trouver  les 
moyens  ;  on  n'est  pas  moins  voleur,  lorsqu'il 
n'y  a  que  le  manqiie  de  pouvoir  qui  empêche 
qu'on  ne  prenne  le  bien  d'autrui  ;  on  n'est 
pas  moins  fornicateur,  lorsqu'il  n'y  a  que  le 
défaut  de  complice  qui  empêche  qu'on  ne 
commette  le  péché.  11  en  est  de  même  des 
autres  crimes  où  le  corps  n'a  point  de  part, 
et  qui,  ne  paraissant  point  au  dehors,  ne 
laissent  pas  de  nous  rendre  intériem-ement 
coupables  par  le  seul  consentement  qui  se 
forme  dans  le  secret  de  la  pensée..  C'est 
parce  que  nous  portons  au-dedans  de  nous- 
mêmes  une  cupidité  qui  résiste  à  l'envie  que 
nous  avons  de  faire  le  l^ien  qu'il  est  be- 
soin de  combattre  par  la  vertu  de  conti- 
nence les  désirs  qui  naissent  de  ce  mauvais 
fond.  Nous  pouvons  faire  le  bien  jusqu'au 
point  de  ne  pas  consentir  aux  mouvements 
de  la  cupidité  ;  mais  l'accomplissement  et  la 
perfection  du  bien,  par  l'extinction  entière  de 
cette  cupidité,  ne  seront  que  dans  l'autre  vie. 
Le  saint  Évêque  rapporte  plusieurs  excuses 
dont  les  hommes  tâchent  de  couvrir  leurs  pé- 
chés. Les  uns  se  plaignent  qu'ils  sont  empor- 
tés par  une  certaine  nécessité  de  leur  des- 
tinée, et  rejettent  sur  elle  tout  le  mal  qu'ils 
font.  D'autres  s'en  prennent  au  diable  de 
toutes  leiu's  mauA'aises  actions,  ne  voulant 
pas  même  qu'on  leur  en  puisse  attribuer  la 
moindre  partie.  Il  y  en  a  d'autres  qui  vont 
jusqu'à  en  accuser  Dieu  même,  prétendant 
qne  le  péché  lui  plaît  ;  autrement,  disent-ils, 
comment  est-ce  qu'un  Dieu  tout-puissant  le 
permettrait.  «  Mais  si  Dieu  permet  le  péché, 
répond  saint  Augustin,  du  moins  n'en  souf- 
fre-t-il  point  d'impunis,  pas  même  dans  ceux 
qu'il  délivre  de  la  peine  éternelle.  Jamais  il 
ne  remet  la  principale  peine  due  au  péché, 
qu'il  n'en  fasse  souffrir  quelqu'autre,  quoi- 
que beaucoup  plus  légère  ;  et  en  faisant  mi- 
séricorde, il  conserve  toujours  les  droits  de 
sa  justice.  Au  heu  donc  de  dire  :  Pourquoi 
Dieu  permet-il  le  péché ,  s'il  lui  déplaît  ?  il 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONË. 


267 


faut  dire  :  Comment  le  péché  plairait-il  à 
Dieu,  puisqu'il  le  punit?» 

La  révolte  de  la  chair  contre  l'esprit  ne 
vient  pas,  comme  le  prétendaient  les  mani- 
chéens, d'un  mélange  chimérique  de  deux 
natures  produites  par  deux  principes  con- 
traires, mais  de  la  révolte  de  notre  nature 
que  le  péché  a  soulevée  contre  elle-même  ; 
elle  n'était  pas  telle  en  Adam  avant  son  pé- 
ché ;  elle  est  ime  peine  à  laquelle  il  est  de- 
venu sujet  par  sa  condamnation.  Quoique  le 
corps  soit  différent  de  l'âme,  il  entre  néan- 
moins dans  la  composition  de  l'homme  de 
même  que  l'àme  ;  en  sorte  que  dans  ceux 
qu'il  plaît  à  Dieu  de  délivrer  de  la  damna- 
tion commune,  le  corps,  aussi  bien  que  l'âme, 
a  part  à  la  grâce  de  la  délivrance.  La  conti- 
nence n'arrête  pas  seulement  les  mouve- 
ments de  la  cupidité  dans  ce  qui  regarde  les 
plaisirs  du  corps,  mais  sa  fonction  est  de 
régler  en  tout  la  cupidité  qui  est  un  vice  de 
l'âme  comme  du  corps.  Car,  comme  l'impu- 
dicité  et  l'ivrognerie  sont  des  dérèglements 
du  corps,  les  inimitiés,  les  disputes,  les  ja- 
lousies, sont  des  dérèglements  de  l'âme. 

3.  Ce  livre,  qui  a  pour  titre  du.  Bien  du  i. 
mariaqe,  fut  fait  à  l'occasion  de  Jovinien,  ri.ii?o 
qui,  étant  a  Rome,  avait  détourne  plusieurs 
filles  du  dessein  qu'elles  avaient  de  demeu- 
rer vierges,  en  leur  persuadant  '  que  la 
virginité  n'avait  pas  plus  de  mérite  que  la 
chasteté  conjugale.  «  Êtes-vous,  leur  disait- 
il  ,  meilleures  que  Sara ,  que  Suzanne , 
qu'Anne,  et  tant  d'autres  saintes  femmes  ?  » 
Cette  hérésie  avait  été  condamnée  par  le 
pape  Sirice  et  par  un  concile  de  Milan.  Saint 
Jérôme  l'avait  aussi  combattue  avec  beau- 
coup de  force  dès  l'an  392  :  en  sorte  que 
personne  n'osait  plus  la  soutenir  ouverte- 
ment. Mais  on  ne  laissait  pas  d'en  remar- 
quer encore  des  restes  dans  les  discours  que 
les  disciples  de  Jovinien  semaient  quelque- 
fois en  secret  ;  et  ils  soutenaient  que  l'on  ne 
pouvait  réfuter  son  sentiment  qu'en  blâmant 
le  mariage.  On  accusait  même  saint  Jérôme 
de  ne  l'avoir  réfuté  qu'en  cette  manière.  Pour 
montrer  donc  qu'on  pouvait  en  même  temps 
défendre  la  sainteté  du  mariage  contre  les 
manichéens,  et  faire  voir  que,  quoicpi'il  fût 
bon,  la  virginité  était  encore  meilleure,  saint 
Augustin  entreprit  deux  ouvrages  exprès  , 
l'un,  du  Bien  du  mariage  ;  et  l'autre,  de  la 
sainte  Virginité.  Il  cite  le  premier  dans  son 

1  Lib.  H  Retract.,  cap.  xxii. 


îvrf>  du 
du  ma- 
vor?[  au 


268 


HISTOmE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


neuvième  livre  sur  la  Genèse,  où  il  dit  qu'il 
l'avait  publié  depuis  peu.  Puis  donc  qu'il  • 
commença  à  expliquer  cette  partie  de  l'Écri- 
ture en  401,  on  doit  dire  qu'il  écrivit  vers  le 
même  temps,  son  livre  du  Mariage. 
Aimisse  do  4.  Après  y  avoir  remarqué  que  Dieu  a 
voulu  former  tous  les  hommes  d'un  seul, 
afin  qu'ils  fussent  unis  ensemble,  non-seule- 
ment par  la  ressemblance  de  la  nature,  mais 
encore  par  le  lien  de  la  parenté,  il  examine 
quels  sont  les  avantages  du  mariage,  et  les 
réduit  à  quatre,  savoir  :  la  société  des  deux 
sexes,  la  procréation  des  enfants,  le  bon 
usage  de  la  cupidité  qui  se  trouve  réglé  par 
la  vue  d'avoir  des  enfants,  et  la  fidélité  mu- 
tuelle de  l'homme  et  de  la  femme.  Il  blâme 
l'incontinence  des  maris  qui  manquent  de 
réserve  à  l'égard  de  leurs  femmes  lorsqu'el- 
les sont  enceintes  ;  et  rejette  sur  les  époux 
tout  ce  qu'ils  font  entre  eux  d'immodeste  et 
de  contraire  à  la  pudeur,  et  non  sur  le  ma- 
riage. Il  enseigne  que  toute  union  de  l'hom- 
me et  de  la  femme  n'est  pas  un  mariage,  et 
ne  croit  pas  qu'on  doive  donner  ce  nom  à 
ceux  qui  ne  s'unissent  ensemble  que  dans 
la  vue  de  contenter  une  passion  brutale, 
s'ils  faisaient  d'ailleurs  ce  qui  serait  en  leur 
pouvoir  pour  n'avoir  point  d'enfants.  Il  dé- 
cide qu'une  des  parties  ne  peut  garder  la 
continence  que  du  consentement  de  l'autre  ; 
et  croit  coupable  d'un  péché  véniel,  ceux 
qui  usent  du  mariage  dans  d'autres  vues  que 
d'avoir  des  enfants.  Mais  il  ne  fait  retomber 
cette  faute  que  sur  celui  qui  exige  le  devoir 
et  non  sur  celui  qui  le  rend.  Il  regarde  le 
sacrement  du  mariage  comme  indissoluble  ; 
en  sorte  que  le  lien  n'en  est  pas  même 
rompu  par  la  séparation  des  parties  :  un 
homme  donc  qui  a  renvoyé  sa  femme  pour 
cause  d'adultère,  ne  peut  en  épouser  une 
autre  pendant  tout  le  temps  qu'elle  vit. 
Cela  était  néanmoins  permis  par  les  lois  hu- 
maines :  mais  l'Église  le  défendait.  Dans  les 
premiers  temps,  il  était  nécessaire  que  les 
hommes  se  mariassent,  parce  que  le  Messie 
devait  naître  d'eux  :  aujourd'hui  cette  né- 
cessité ne  subsiste  plus;  et  comme  l'alliance 
spiritueUe  est  assez  étendue  parmi  tous  les 
peuples,  pour  former  entre  eux  en  tous 
lieux  une  sincère  et  sainte  société  ;  on  peut 
exhorter  ceux  mêmes  qui  ne  veulent  se 
marier  que  pour  avoir  des  enfants,  à  aspirer 
à  un  état  plus  excellent  que  le  mariage. 
«  car  il  me  semble,  dit  saint  Augustin,  qu'il 
n'y  a  que  ceux  qui  ne  peuvent  pas  garder 


la  continence,  qui  devraient  présentement 
se  marier.  Comment,  dira  quelqu'un,  le 
genre  humain  subsisterait-il,  si  personne  ne 
voulait  se  marier  ?  Plût  à  Dieu,  répond  ce 
Père,  que  tous  les  hommes  voulussent  bien 
'se  passer  du  mariage,  pourvu  que  ce  fût  par 
le  motif  de  cette  charité  qui  naît  d'un  cœur  iTim.  t.s. 
pur,  d'une  bonne  conscience  et  d'une  foi  sincère; 
puisque  par  ce  moyen,  la  fin  du  monde  en 
viendrait  plus  tôt  !  Le  mariage  n'est  pas  un 
péché,  mais  c'en  est  un  d'en  user  dans 
d'autres  vues  que  d'avoir  des  enfants.  On 
doit  même  dire  que  le  corps  des  gens  mariés 
qui  vivent  chrétiennement  est  saint;  mais 
celui  des  vierges  l'est  davantage;  aussi  leur 
est-il  dû  une  plus  grande  récompense,  parce 
qu'elles  pratiquent  un  plus  grand  bien.  Les 
Pères  de  l'Ancien  Testament,  auxquels  il 
était  permis  d'avoir  chacun  plusieurs  fem- 
mes, vivaient  plus  chastement  avec  elles, 
que  ne  font  présentement  avec  mie  seule 
tous  ceux  à  qui  l'Apôtre  n'accorde  le  ma- 
riage que  par  indulgence  ;  parce  qu'ils  n'a- 
vaient en  vue  que  d'avoir  des  enfants.  Ce 
que  les  apôtres  ordonnent  aux  personnes 
mariées,  c'est  là  proprement  ce  qui  appar- 
tient au  mariage  ;  mais  ce  qu'ils  ne  leur  ac- 
cordent que  par  indulgence,  c'est  un  dérè- 
glement que  le  mariage  souffre,  mais  qu'il 
n'autorise  pas.  »  Saint  Augustin  ne  croit  pas 
que  le  lien  du  mariage  soit  dissous  par  une 
stérilité  marquée,  et  qui  ne  laisse  aucune 
espérance  d'avoir  des  enfants.  «  Par  la  mê- 
me raison,  dit-il,  il  était  permis  autrefois 
d'avoir  plusieurs  femmes  ;  au  lieu  qu'il  ne 
l'était  pas  aux  femmes  d'avoir  plusieurs 
hommes.  Mais  de  notre  temps,  le  sacrement 
des  noces  est  borné  entre  un  homme  et  une 
femme  :  et  la  pureté  de  l'Evangile  sur  ce 
point  a  été  si  grande  dès  le  commencement, 
qu'il  a  été  défendu  d'admettre  aux  Ordres 
sacrés,  c'est-à-dire  à  l'cpiscopat  et  même  au 
diaconat,  celui  qui  aurait  été  marié  plus 
d'une  fois,  n'eùt-il  élé  que  catécliumène  ou 
païen  lors  de  son  premier  mariage  ;  de  mê- 
me que  de  consacrer  comme  vierge  après 
le  baptême,  une  fdle  qui  aurait  été  violée 
étant  catéchumène,  m 

Saint  Augustin  regarde  les  piunfications 
ordinaires  dans  la  loi  pour  certaines  impu- 
retés, comme  des  figures  de  ce  que  nous  de- 
vons faire  pour  nous  purifier  des  diÛbrmités 
qui  se  rencontrent  dans  nos  mœurs.  Il  dis- 
tingue dans  la  continence  comme  dnns  les 
autres  vertus  l'habitude  de  l'acte,  et  donne 


[rv=  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


269 


pour  maxime,  qu'il  faut  être  capable  de  se 
passer  du  mariage,  poitt  en  bien  user.  «  Per- 
sonne, dit-il,  n'en  use  bien  que  celui  qai 
pourrait  n'en  pas  user  ;  car  plusieurs  s'en 
abstiendi-aient  plus  facilement  en  n'en  usant 
point  du  tout,  qu'en  y  gardant  la  tempé- 
rance nécessaire  pour  en  bien  user.  Or,  il 
est  certain  que  nul  ne  peut  être  assez  sage 
pour  en  user  avec  modération  s'il  n'est  assez 
continent  pour  s'en  pouvoir  passer  tout  à 
fait.  »  De  là  il  conclut  que  le  mérite  de  la 
continence  était  égal  dans  Abi'aham,  quoique 
marié,  et  dans  saint  Jean  qui  n'a  point  eu 
de  femme,  avec  cette  différence  que  celui-ci 
en  a  eu  l'habitude  et  la  mise  en  pratique, 
au  lieu  que  celui-là  n'en  a  eu  que  l'habi- 
tude. 
Eépooseani       §.  C'est  par  cette  distinction  qu'il  répond 

cbjecliCDS    do  '•  •  Ti 

jovinieu.  à,  l'objection  des  disciples  de  Jovimen.  Ils 
demandaient  à  ceux  qui  voulaient  faire  pro- 
fession de  continence  :  «  Etes-vous  donc 
meilleurs  qu'Abraham  et  plus  paifaits  que 
lui?  Non,  répond-il,  mais  la  virginité  est  plus 
parfaite  que  la  chasteté  conjugale.  Abraham 
a  eu  ces  deux  vertus.  Car  il  avait  l'habitude 
de  la  continence,  et  il  exerçait  la  chasteté 
conjugale.  Mais  quoique  la  continence  soit 
meilleure  que  la  chasteté  conjugale,  il  se 
peut  faire,  ajoute  ce  Père,  qu'une  personne 
mariée  soit  meilleure  que  celle  qui  garde  la 
virginité.  Une  vierge  désobéissante  est  moins 
estimable  qu'une  personne  mariée  qui  est 
obéissante.  Car  le  mariage  n'est  condamné 
en  aucun  endroit  de  l'Écriture ,  et  la  déso- 
béissance est  condamnée  partout.  Comme 
chez  le  peuple  de  Dieu,  c'est-à-dire  dans 
l'Église  catholiqpie,  la  sainteté  du  sacrement 
de  mariage  est  telle  qu'il  n'est  pas  permis  à 
un  homme  qui  a  répudié  sa  femme  de  se  re- 
marier à  une  autre  tout  le  temps  que  vit  la 
répudiée  ;  de  même  le  sacrement  de  l'ordre 
subsiste  dans  un  clerc  ordonné  pour  gou- 
verner un  peuple,  quand  même  il  arriverait 
que  ce  peuple  ne  s'assemblerait  pas.  Si  ce 
clerc  venait  à  être  déposé  de  son  emploi 
pour  quelques  fautes,  il  ne  serait  pas  pour 
cela  privé  du  sacrement  du  Seigneur  qu'il  a 
reçu  une  fois ,  mais  il  ne  le  garderait  que 
pour  sa  condamnation.  » 

Le  saint  Doctem'  finit  ce  traité,  en  exhor- 
tant ceux  qui  font  profession  de  continence, 
de  ne  point  s'élever  de  leur  état  et  de  ne 


point  mépriser  les  saints  Pères  qui  ont  été 

engagés  dans  le  mariage.  Sur-  quoi  il  leur 

cite  ces  paroles  de  l'Ecclésiastique  :  Autant    Ecd.111,20. 

vous  êtes  grands  et  élevés,  autant  humiliez-vous 

en  toutes  choses. 

6.  Aussitôt  que  saint  Augustin  eût  achevé  L""  de  i» 
le  livre  du  Bien  du  mariage  ' ,  il  composa  ce-  n-'é,  eu  m. 
lui  qui  est  intitulé  :  De  la  sainte  Virginité.  Il 

le  cite  lui-même  dans  deux  de  ses  ouvra- 
ges -.  Sou  but  est  d'y  faire  voir  que  la  sainte 
virginité  est  un  don  de  Dieu  ;  combien  ce 
don  est  grand  et  combien  l'humilité  est  né- 
cessaire pour  le  conserver. 

7.  Il  pose  pour  principe  que,  de  droit  di-  Amijse  do 
vm  la  continence  est  préférable  au  mariage,    3"- 

et  que  la  virginité  seule  est  plus  excellente 
que  le  Heu  conjugal.  Mais  il  ne  veut  pas 
pour  cela  que  les  vierges  s'imaginent  que 
ceux  qui  servaient  autrefois  par  la  généra- 
tion des  enfants,  au  dessein  de  Jésus-Chrisf 
qui  devait  naître  d'eux,  leur  aient  été  infé- 
rieurs en  mérite  et  en  sainteté.  Il  relève 
l'excellence  de  la  virginité  par  le  vœu  qu'en 
fit  la  bienheureuse  Vierge  Marie  :  «  Si  elle 
n'eût  pas  fait  vœu  à  Dieu  de  demeurer  tou- 
jours vierge,  dit-il,  elle  n'aurait  pas  répondu 
l'ange  qui  lui  annonçait  le  mystère  de  l'In- 
carnation :  Comment  cela  se  fera-t-il,  puisque 
je  ne  connais  point  cV  homme?  »  Ou  doit  regar- 
der le  fruit  divin  de  cette  sainte  Vierge, 
comme  l'honneur  et  la  gloire  de  toutes  les 
saintes  vierges  ;  elles  sont  elles-mêmes  com- 
me Marie,  les  mères  de  Jésus-Christ,  si  elles 
font  la  volonté  de  son  Père.  «  Car  c'est,  dit- 
il,  ce  qui  a  rendu  Marie  la  mère  de  Jésus- 
Christ  d'une  manière  plus  louable  et  plus 
heureuse  qu'ehe  ne  l'était  selon  la  chair, 
suivant  ces  paroles  du  Sauveur  :  Quiconque  n,,,.  j,j. 
fait  la  volonté  de  mon  Père  qui  est  dans  le  °'' 
ciel,  celui-là  est  mon  frère,  ma  sœur  et  ma 
mère.  » 

Le  saint  évêque  réfute  ceux  qui  préfé- 
raient la  fécondité  du  mariage  à  la  pureté 
des  vierges,  et  soutient  que  si  la  génération 
charnelle  des  enfants  était  nécessaire  dans 
ce  peuple  illustre,  dont  Dieu  voulait  que  le 
Messie  tirât  sa  naissance  selon  la  chair,  cela 
ne  l'est  plus  maintenant,  que  les  membres 
de  Jésus-Christ  peuvent  être  assemblés  de 
toute  sorte  d'état  et  de  toute  nation;  pour 
ne  plus  faire  qu'un  même  peuple.  «  Ce  n'est 
pas,  dit-il,  une  raison  de  comparer  l'état 


August.,  lib.  II  Retract.,  cap.  sxiir. 


^  Lib.  De  Bono  vid.    cap. 
pecc.  merit,,  cap.  xxix. 


XV  et  xsui  et  lib.  1  De 


270 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DÉS  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


des  personnes  mariées  au  mérite  des  autres 
qui  gardent  la  continence,  de  ce  que  c'est 
par  le  moyen  du  mariage  que  les  vierges 

Pag.  2t7.  viennent  au  monde.  Car  ce  bien  n'est  pas  un 
efïet  du  mariage,  mais  de  la  nature  dans  la- 
quelle il  a  plu  à  Dieu  d'établir  cet  ordre, 
que  de  quelque  alliance  que  l'homme  naisse, 
il  n'en  puisse  naître  que  vierge.  Or,  ce  que 
nous  estimons  si  foi't  dans  les  vierges,  n'est 
pas  simplement  qu'elles  soient  vierges,  mais 
c'est  qu'elles  aient  consacré  à  Dieu  leur  virgi- 
nité par  une  sainte  et  pieuse  continence.  La 
vierge  qui  mérite  donc  d'être  préférée  à  une 
femme  mariée,  n'est  pas  celle  qui  expose 
aux  yeux  de  tout  le  monde  ce  qu'elle  a  de 
plus  agréable  pour  se  faire  aimer,  mais  celle, 
qui  vivement  touchée  de  l'amour  de  Jé- 
sus-Christ et  ne  pouvant  le  concevoir  corpo- 
rellement  comme  a  fait  Marie ,  garde  à 
cause  de  lui  sa  chair  dans  une  entière  et  in- 
violable pureté,  après  l'avoir  conçu  spiri- 
tuellement dans  son  cœur.  » 

Quelques-uns  objectaient  que  suivant  l'A- 
pôtre, la  profession  de  virginité  n'était  avan- 

ictr.  i,is.  tageuse  qu'à  cause  des  fâcheuses  nécessités  de 
la  vie  présente  dont  elle  délivre,  et  non  à 
.  cause  de  l'éternité  bienheureuse  que  nous 
atteiîdons.  Mais  saint  Augustin  leur  fait  voir 
que  saint  Paul  n'a  eu  d'autre  dessein  dans 
toutes  les  fonctions  de  son  ministère,  que 
de  nous  inspirer  l'amour  et  le  désir  de  la 
vie  éternelle.  Il  convient  que  cet  Apùtre  n'a 
pas  fait  un  précepte  de  la  virginité  ;  qu'elle 
n'est  que  de  conseil;  qu'on  ne  doit  pas 
l'embrasser  comme  une  chose  nécessaire  au 
salut,  mais  comme  un  état  d'une  plus  grande 
perfection  ;  qu'il  est  permis  de  se  marier, 
mais  qu'il  est  meilleur  de  ne  pas  le  faire.  Ce 
qui  lui  donne  occasion  d'expliquer  les  en- 
droits oà  saint  Paul  compare  la  virginité 
avec  le  mariage.  «  Il  y  a  bien  de  la  différence, 
ajoute-t-il,  entre  consentir  aux  désirs  hon- 
teux de  la  chair,  ou  ressentir  des  maux  et  des 
afflictions  dans  sa  chair  :  c'est  un  crime 
de  souffrir  le  premier,  et  une  peine  de  souf- 
frir le  second.  C'est  une  égale  erreur,  ou 
d'égaler  le  mariage  à  la  sainte  virginité,  ou 
de  condamner  le  mariage  comme  mauvais, 
et  d'enseigner  que  Ton  doit  embrasser  la 
continence  perpétuelle,  non  pour  la  vie  pré- 
sente, mais  pour  celle  qui  nous  est  promise 
dans  le  ciel.»  A  ce  sujet,  il  rapporte  plusieurs 
passages  de  l'Écriture,  tant  de  l'Ancien  que 

isaî.  v: ,  s.  du  Nouveau  Testament,  qui  promettent  aux 
vierges  une  place  plus  honorable  dans  le 


Apnc. 


ciel  qu'aux  personnes  mariées.  Car,  quoique 
la  vie  éternelle,  marquée  par  le  denier 
évangélique,  soit  donnée  à  tous  les  ouvriers, 
il  y  a  néanmoins  dans  cette  même  vie  diffé- 
rents degrés  de  gloire,  suivant  les  différents 
mérites.  C'est  des  vierges  qu'il  est  écrit, 
qu'elles  suivent  l'agneau  partout  où  il  A'a  ; 
et  quoiqu'on  ne  puisse  douter  que  les  per- 
sonnes mai'iées  ne  soient  sanctifiées  par 
les  œuvres  de  piété,  marquées  dans  les  huit 
Béatitudes,  il  n'y  a  que  les  vierges  qui  aient 
droit  de  le  suivre  lorsqu'il  marche  dans  la 
beauté  et  dans  l'éclat  de  la  virginité. 

8.  Craignant  que  celles  qui  ont  consacré  à  Pag.  2:i' 
Dieu  leur  virginité,  n'en  perdent  le  mérite 
par  leur  orgueil,  ce  Père  les  exhoi'te  à  la 
pratique  de  l'humilité,  en  leur  proposant  les 
plus  beaux  endroits  de  l'Écriture,  et  les  rai- 
sons les  plus  paissantes  pour  les  engager  à 
la  pratique  de  cette  vertu.  Il  leur  fait  surtout 
remarquer  que  la  continence  est  un  don  de 
Dieu;  que  c'est  lui  qui  conduit  et  qui  empê- 
che de  tomber  celles  qui  demeurent  chastes 
depuis  le  commencement  jusqu'à  la  fin;  et 
que  quiconque  d'impudique  devient  chaste, 
ne  le  devient  que  parce  que  Dieu  le  convei'- 
tit.  «  Mais,  ajoute-t-il,  dira-t-on,  quel  motif 
a  donc  une  vierge  pour  s'humilier?  Elle  se 
souviendra,  répond -il,  que  les  grâces  de 
Dieu  sont  cachées  et  incertaines,  et  qu'elles 
ne  font  connaître  à  chacun  ce  qu'il  est,  que 
dans  l'épreuve  de  la  tentation.  Que  sait  une 
vierge,  si  elle  n'a  pas  quelques  faiblesses 
d'esprit  qu'elle  ne  connaît  pas,  et  qui  fe- 
raient qu'elle  ne  pourrait  pas  encore  souffrir 
le  martyre,  tandis  qu'une  femme  à  qui  elle 
se  préfère,  la  croyant  beaucoup  au-dessous 
d'elle,  serait  capable  de  boire  ce  calice  que 
le  Seigneur  présenta  à  ses  deux  disciples?» 
D'ailleurs,  n'est-il  pas  dit  dans  Job,  qu'il  Job.xsv,». 
n'y  a  personne  qui  soit  pur  devant  Dieu?  Le  p,cv.  .vx,o. 
sage  ne  dit-il  pas,  que  nul  ne  doit  se  glori- 
fier d'avoir  le  cœur  pur?  Puis  donc  qu'avec 
toute  la  vigilance  cpi'on  peut  apporter  pour 
se  garantir  de  tout  péché,  on  ne  laisse  pas  de 
tomber  par  surprise  dans  ces  fautes  qui  vien- 
nent de  l'infirmité  humaine,  on  a  toujours 
matière  de  s'humilier;  ce  n'est  même  qu'en 
s'humiliant  qu'on  obtient  le  pardon  de  ses 
fautes.  ((  Avancez-vous  donc  de  plus  en  plus 
dans  la  voie  delà  perfection  par  l'humilité, 
leur  dit  saint  Augustin,  c'est  Dieu  qui  élève 
ceux  qui  le  suivent  humblement,  après  qu'il 
a  bien  voulu  descendre  vers  ceux  qui  étaient 
couchés  par  terre.  Mettez  en  sa  garde  les 


[Vf"  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  B'HIPFONE. 


â71 


dons  que  vous  avez  reçus  de  lui.  Si  vos  for- 
ces ont  été  déjà  éprouvées,  ne  laissez  pas 
de  vous  tenir  sur  vos  gardes,  de  peur  cpie 
vous  ne  tiriez  vanité  de  ce  que  vous  aurez  re- 
connu que  vous  pouviez  :  si  vous  n'avez  pas 
encore  été  éprouvées,  priez  Dieu  qu'il  ne 
permette  pas  que  vous  soyez  tentées  au-des- 
sus de  ce  que  vous  pouvez.  Si  en  public  vous 
paraissez  meilleures  que  d'autres  personnes 
de  piété,  croyez  qu'en  secret  elles  sont  meil- 
leures que  vous.  Que  celles  qai  persévèrent 
avec  vous  dans  le  service  de  Dieu,  vous  ser- 
vent d'exemple,  et  que  celles  qui  tombent 
de  cet  état  si  heureux,  vous  frappent  de 
crainte  :  aimez  la  persévérance  des  premiè- 
res pour  les  imiter  ;  déplorez  la  chute  des  au- 
tres pour  ne  vous  pas  élever.  Si  étant  mariées 
vous  eussiez  dû  beaucoup  aimer  un  mari, 
combien  devez -vous  aimer  celai  pour  l'a- 
mour duquel  vous  n'avez  point  voulu  avoir 
de  mari?  Qu'il  soit  tout  entier  attaché  à  votre 
cœur,  comme  il  l'a  été  tout  entier  pour  vous 
à  la  croix.  II  ne  vous  est  pas  permis  de  n'ai- 
mer que  peu  celui  pour  lequel  vous  n'avez 
point  aimé  ce  qu'il  vous  était  permis  d'ai- 
iiiib.  XI,  mer  ;  c'est  ainsi  qu'aimant  celui  qui  est  doux 
et  humble  de  cœur,  je  ne  craindrai  plus  pour 
vous  que  vous  soyez  superbe.  » 

§  vni. 

Des  livres  du  Bien  de  la  viduité,  et  des 
mariages   adultères. 

Livre  du  1 .  Saiut  Augustiu  ne  dit  rien  du  livre  du 
dùfié,  enul'  Bien  de  la  viduité  dans  ses  Rétractations, 
parce  qu'il  est  écrit  en  forme  de  lettre  : 
mais  on  ne  peut  douter  qu'il  ne  soit  de  lui, 
parce  qu'il  se  trouve  marqué  dans  le  Catalo- 
gue de  Possidius  '  qui  l'appelle  une  lettre  sur 
la  sainte  viduité.  Florus  et  Bède  l'attribuent 
aussi  à  saint  Augustin.  On  objecte  que,  dans 
le  quatrième  concile  de  Carthage,  souscrit 
par  saint  Augustin,  il  fut  décidé  que  les 
veuves,  qui,  après  s'être  consacrées  à  Dieu, 
passeraient  à  de  secondes  noces,  seraient 
privées  de  la  communion  et  regardées  com- 
me coupables  d'adultère.  On  infère  de  là 
que  le  livre  du  Bien  de  la  viduité  n'est  point 
de  ce  Père  ,  parce  qu'on  y  condamne  ceux 
qui  ne  voulaient  point  reconnaître  pour  de 
véritables  mariages,  ceux  que  contractaient 

1  Possid.,  in  Catalog.,  cap.  vu. 

2  Si  qua  virgo  se  dedicaverit  Dec,  similiter  et 
monachus,  non  licere  eis  jungi  nuptiis.  Si  vero 
inventi  fuerint  hoc  facientes,  maneant  excommu- 


les  veuves  consacrées  à  Dieu.  Mais  c'est  mal 
prendre  le  sens  de  ce  livre  :  saint  Augustin 
n'y  dit  rien  de  contraire  au  canon  104  du  con- 
cile de  Carthage.  Il  ne  défend  ni  d'excom- 
munier, ni  de  punir  comme  adultères  les  veu- 
ves qui  se  remarient  après  avoir  voué  la  con- 
tinence ;  et  ne  prétend  autre  chose,  sinon  que 
leurs  mariages  étaient  bons  et  validement 
contractés ,  parce  qu'alors  l'Église  ne  les 
avait  pas  encore  déclarés  nuls,  comme  on  le 
voit  par  le  seizième  canon  du  concile  de 
Calcédoine  ^. 
2.    Le  livre    du  Bien   de   la   viduité,    est     A"»'^»  ^' 

1  '    i     T    T  m  o    .  ^'^  livre,  pag. 

adresse  à  Juhenne.  Toutefois  samt  Augustin  si^n- 
ne  l'écrivit  pas  pour  elle  seule,  ni  pour 
Proba,  sa  belle-mère,  qui  vivait  avec  elle; 
mais  aussi  pour  toutes  les  autres  veuves  qui 
pourraient  le  lire.  On  le  met  en  414,  parce 
qu'il  y  est  parlé  de  la  consécration  de  Démé- 
triade  comme  faite  depuis  peu;  et  on  sait 
que  cette  sainte  fiUe  consacra  à  Dieu  sa  virgi- 
nité sur  la  fin  de  l'an  413.  Saint  Augustin  fait 
voir,  dans  cet  écrit,  que  l'état  de  viduité  doit 
être  préféré  au  mariage.  Il  tire  sa  preuve 
des  paroles  mêmes  de  saint  Paul,  qui  dit  :  i  cor.  vu, 
Celui  qui  marie  sa  fille  fait  bien,  mais  que  ce-  ^*' 
lui  qui  ne  la  marie  point  fait  encore  mieux. 
Et  ensuite  :  La  femme  est  liée  à  la  loi  du  ma-  H'''»-  *»• 
liage  tant  que  son  mari  est  vivant  ;  mais  si  son 
mari  meurt ,  il  lui  est  libre  de  se  marier.  Mais 
elle  sera  plus  heureuse  si  elle  demeure  veuve. 
Si  dans  la  loi  ancienne,  quelques  veuves  se 
sont  engagées  dans  de  seconds  mariages, 
elles  l'ont  fait  poiu'  obéir  à  l'ordre  de  Dieu 
plutôt  que  pour  satisfaire  leur  cupidité.  Dieu 
voulant  que  son  peuple  se  multipliât,  et  qu'il 
y  eût  dans  ce  peuple  plusieurs  prophètes,  afin 
de  leur  faire  prédire  l'avènement  de  Jésus- 
Christ;  mais  dans  la  fin  des  siècles  où  nous 
sommes,  Julienne  ne  pourrait  rechercher 
un  second  mariage  ni  pour  obéir  aux  or- 
donnances de  la  loi,  ni  pour  servir  aux  pro- 
phéties de  Jésus-Christ,  mais  uniquement 
par  un  mouvement  d'incontinence.  Le  saint 
Docteur  ne  condamne  pas  néanmoins  les 
secondes  noces,  ni  même  les  troisièmes,  et 
il  reprend  Tertuliien  de  les  avoir  regardées 
comme  illicites  ;  mais  il  soutient  que  les 
vierges  et  les  veuves  qui  ont  fait  vœu  de 
coutinence,  non-seulement  ne  doivent  plus 
se   marier,  mais  ne  peuvent  pas  même  en 

nicati.  Statuimus  vero  jiosse  in  eis  facere  huma- 
nilatem  si  ita  prohaverit  loci  episcopus.  Coi:c. 
Cal.,  can.  16. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


272 

avoir  la  volonté,  sans  se  rendi-e  coupables 
d'un  crime.  Il  croit  néanmoins  que  le  ma- 
riage qu'elles  contractent  après  leur  vœu, 
est  bon  et  valide,  quoiqu'elles  pèchent 
mortellement  en  le  contractant.  Il  ajoute 
qne  le  crime  qu'elles  commettent  dans  ce 
cas  est  plus  grand  que  l'adultère  même,  quoi- 
qu'on ne  puisse  lai  donner  ce  nom.  «  Car, 
dit-il,  lorsqu'on  ne  s'acquitte  pas  d'un  vœu 
qu'on  a  fait  sans  précepte,  mais  seulement 
par  conseil,  l'iniquité  de  ce  vœu  transgressé 
est  d'autant  plus  grande  qu'il  y  avait  moins 
de  nécessité  de  le  faire.  »  Il  renvoie  à  son  li- 
vre du  Bien  du  mariage  et  à  celui  de  la  sainte 
Virginité,  pour  y  trouver  des  preuves  de  l'a- 
vantage que  la  virginité  a  par  dessus  le  ma- 
riage ;  ce  qui  prouve  encore  que  le  livre  du 
Bien  de  la  vidinté  est  de  lui.  Après  quoi  il  don- 
ne à  Julienne  diverses  instructions,  tant  pour 
se  conduire  elle-même  dans  l'état  de  viduité 
où  elle  avait  promis  à  Dieu  de  persévérer, 
que  pour  sa  fille  Démétriade.  «  Ce  que  vous 
avez,  lui  dit-il,  maintenant  à  faire,  est  de  vous 
rendre  toutes  deux  dans  la  vérité  parfaite- 
ment agréables  à  ce  roi,  qui  a  conçu  de  l'a- 
mour pour  la  beauté  de  cette  unique  épouse 
dont  vous  êtes  les  membres  ;  c'est  de  vous 
attacher  toutes  deux  à  lui;  elle  par  l'inté- 
grité toute  pure  d'une  vierge;  vous  par  la 
continence  d'une  chaste  veuve  ;  toutes  deux 
par  la  beauté  spirituelle  de  vos  âmes.  C'est 
cette  beauté  qui  se  ti-ouve  même  encore 
dans  son  aïeule  Proba,  votre  beUe-mère, 
aussi  bien  qu'en  vous,  quoiqu'elle  soit  déjà 
fort  avancée  en  âge.  Car  l'éclat  de  cette 
beauté,  qui  croît  toujoru-s  de  plus  eu  plus,  à 
mesui'e  qu'on  s'avance  dans  la  perfection  du 
divin  amoui-,  ne  peut  être  llétri  par  les  rides 
de  la  vieillesse.  »  Il  les  exhorte  encore  à  se 
détacher  de  l'amour  des  richesses,  et  à  ajou- 
ter à  la  continence  les  jeûnes,  les  veilles, 
sans  toutefois  ruiner  leur  santé;  le  chant 
des  Psaumes,  de  saintes  lectures,  et  la  mé- 
ditation continuelle  de  la  loi  de  Dieu.  11  veut 
aussi  que  leur  conduite  extérieure  soit  ac- 
compagnée de  beaucoup  de  sagesse  et  de 
circonspection  :  parce  que  si  la  bonne  vie 
nous  est  nécessaire,  notre  réputation  l'est  à 
notre  prochain,  et  que  quiconque  a  soin 
non-seulement  de  bien  vivre,  mais  encore 
de  conserver  sa  répiitation,  est  miséricor- 
dieux envers  les  autres. 
LivrcdesMa-  3.  Lcs  deux  llvrcs  à  Pollentius,  intitulés  : 
SfïcKVan  j)gs  Mariages  adultères,  sont  mis  dans  le  se- 
cond liva-e  des  i?eï»'ac<«<ions,  après  ceux  de  l'o- 


rigine de  l'âme  :  ainsi  on  peut  les  rapporter  à 
l'an  419.  Voici  ce  qui  y  donna  occasion. 
Pollentius  hsant  les  livres  faits  par  saint  Au- 
gustin pour  expliquer  le  sermon  de  Jésus- 
Clu"ist  sur  la  montagne,  fut  surpris  de  voir 
qu'il  y  soutenait  que  les  femmes  mêmes  qui 
se  sont  séparées  légitimement  de  lem'S  maris 
adultères,  doivent  garder  la  continence  sans 
pouvoir  se  remarier  du  vivant  de  leurs  ma- 
ris. Il  en  écrivit  à  saint  Augustin,  pour  le 
prier  de  lui  donner  là-dessus  des  éclaircis- 
sements, lui  témoignant  que  son  sentiment 
était  que  les  femmes  qui  quittaient  leui's 
maris  pour  d'autres  causes  que  pour  l'adul- 
tère, étaient  les  seules  à  qui  il  né  fût  pas 
permis  de  se  remarier.  Saint  Augustin  avait 
déjà  répondu  à  cette  difficulté,  lorsque  Pol- 
lentius lui  en  envoya  d'autres  à  résoudre; 
ce  qui  l'obligea  d'ajouter  un  second  livre  au 
premier. 

4.  La  première  des  questions  qu'il  y  exa-  ,rf^?'",-„^° 
mine,  regarde  ces  paroles  de  l'Apôtre  aux  p»e-3". 
Corinthiens  :  Quant  à  ceux  qui  sont  mariés...  j,^,'^"''-  '''"' 
si  la  femme  se  sépare  de  son  mari,  qu'elle  de- 
meure sans  se  marier.  PoUentius  croyait  que 
ce  précepte  de  l'Apôtre  ne  regardait,  comme 
nous  venons  de  le  dire,  que  les  femmes  qui 
se  séparent  de  leurs  maris,  pour  d'autres 
causes  cpie  pour  la  fornication,  et  que  ce 
n'était  qu'à  celles-là  seules  qu'il  était  dé- 
fendu de  se  remarier.  Saint  Augustin  sou- 
tient, au  contraire,  que  ce  passage  regarde 
seulement  celles  qui  se  sont  séparées  de 
leurs  maris  pour  cause  d'adultère.  La  raison 
qu'il  en  donne ,  c'est  que  l'Apôtre  ne  parle 
■en  cet  endroit  que  des  fennnes  à  qui  il  était 
permis  de  se  séparer  de  leurs  maris.  Or,  il 
n'y  avait  aucune  autre  cause  légitime  de  sé- 
paration que  celle  qu'occasionnait  l'adultère; 
J.-C.  n'en  ayant  point  allégué  d'autres,  lors- 
que, interi'ogé  par  les  pharisiens,  s'il  était 
permis  à  un  homme  de  quitter  sa  femme 
pour  quelque  cause  que  ce  fut,  il  leur  ré- 
pondit :  Quiconque  quitte  sa  femme,  si  ce  Matu.ix.g. 
n'est  en  cas  d'adultère,  et  en  épouse  une  autre, 
commet  un  adultère.  Le  Sauveur  ajoute  : 
Celui  qui  épouse  celle  qu'un  autre  aura  quit- 
tée, commet  aussi  un  adultère.  Il  est  donc 
clair  qu'il  a  décidé  deux  choses  ;  la  première 
qu'il  n'est  jamais  permis  de  se  séparer  de 
sa  femme  que  pour  cause  d'adultère  ;  la  se- 
conde, qu'après  cette  séparation  qui  est  lé- 
gitime, il  n'est  pas  permis  d'en  épouser  une 
autre  ;  parce  qu'en  ce  cas,  comme  dans  tout 
autre,  se  marier  avec  une  autre  que  sa  fem- 


[IV»  ET  V  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONii. 


273 


Marc,  x,  11 
el  12. 


me,  ce  serait  un  adultère.  Comme  saint 
Matthieu  n'avait  parlé  que  de  l'homme  qui 
quitte  sa  femme  et  non  pas  de  la  femme 
qui  quitte  son  mari,  PoUentius  prétendait  en 
tirer  avantage  pour  son  sentiment.  Mais 
saint  Augustin  prouve  par  l'autorité  de  saint 
Marc  et  de  saint  Luc,  que  la  cause  de  la 
femme  est  égale'  dans  le  mariage  à  celle  de 
l'homme  ;  et  que  comme  on  n'oserait  dire 
qu'une  femme,  qui  quitte  un  mari  infidèle, 
puisse  en  épouser  un  autre  ;  on  ne  peut  dire 
non  plus,  que  le  mari  qui  se  sépare  de  sa 
femme  à  raison  de  quelque  infidélité,  puisse 
en  prendre  une  autre  sans  devenir  adultère. 
Il  appuie  cette  vérité  par  ce  raisonnement. 
Saint  Luc  dit  que  celui  qui  épouse  une  femme 
répudiée,  comînet  un  adultère.  Comment  le 
commet-il?  sinon  parce  que  la  femme  qu'il 
épouse  lui  est  étrangère,  tandis  que  le  mari 
qui  l'a  répudiée  est  en  vie,  et  qu'elle  ne 
cesse  pas,  pour  être  répudiée,  d'être  tou- 
jours sa  femme.  La  seconde  question,  est 
touchant  la  dissolution  du  mariage  des  infi- 
dèles, dont  il  est  encore  paiié  dans  la  même 

I  Cor.  vil,  Epitre  aux  Corinthiens.  PoUentius  ne  croyait 
pas  qu'elle  fût  permise  ;  Saint  Augustin  croit 
le  contraire,  et  il  s'autorise  du  silence  de 
Jésus-Christ,  qui  n'a  point  défendu  la  disso- 
lution de  ces  sortes  de  mariages,  c'est-à-dire 
d'un  fidèle  avec  une  infidèle.  Il  ne  croit 
pas  néanmoins,  qu'il  soit  expédient  d'en  ve- 
nir à  cette  dissolution ,  suivant  en  cela  l'a- 
vis de  l'Apôtre,  qui  dans  l'incertitude    de 

I Cor. vil,  l'événement,  dit:  Que  savez-vous,  ô  femme, 
si  vous  ne  sauverez  point  votre  mari  ?  Et  que 
savez-vous  aussi,  ô  mari,  si  vous  ne  sauverez 
point  votre  femme  ?  Car,  saint  Paul  ne  défend 
pas  au  fidèle  de  quitter  l'infidèle,  à  cause 
de  l'indissolubilité  de  leur  mariage  ,  mais 
afin  que  le  mari  fidèle  gagne  à  Jésus-Christ 
la  femme  infidèle  ;  d'où  il  suit  que  la  pro- 
fession du  christianisme,  rompait  le  lien  du 
mariage  contracté  dans  l'infidélité,  quoi- 
qu'il ne  fut  pas  expédient  d'user  de  la  li- 
berté que  la  religion  accordait  à  cet  égard. 
Saint  Augustin  profita  de  cette  occasion 
pour  montrer  qu'il  y  a  beaucoup  de  choses 
que  l'on  pourrait  faire,  parce  qu'elles  ne 
sont  point  défendues  dans  la  loi,  mais  dont 
on  doit  s'abstenir  par  un  motif  de  charité.  Il 
dit  que,  si  dans  la  loi  nouvelle,  il  est  permis 
à  un  fidèle  de  demeurer  avec  une  femme 
infidèle,  au  lieu  qu'il  était  ordonné  aux  Is- 
raélites de  quitter  les  femmes  qu'ils  auraient 
prises  parmi  les  peuples  étrangers,  c'est  que 
IX. 


les  deux  gentils  qui  s'étaient  unis  par  le 
mariage,  avant  (jue  l'un  d'eux  fût  chrétien, 
n'avait  pas  contracté  cette  union  contre  la 
défense  du  Seigneur  ;  au  lieu  qu'il  était  dé- 
fendu par  la  loi  aux  Israélites  d'épouser  des 
femmes  étrangères,  de  peur  qu'elles  ne  les 
engageassent  dans  le  culte  des  faux  dieux. 
Touchant  les  conseils  qu'on  ht  dans  l'Écri- 
ture, il  dit  qu'on  doit  les  regarder  comme 
venant  de  l'inspiration  du  Seigneur,  ne  fus- 
sent-ils donnés  que  par  ses  serviteurs,  c'est- 
à-dire  par  les  apôtres  ;  mais  qu'on  doit  met- 
tre cette  différence  entre  le  précepte  et  le 
conseil,  qu'il  est  fibre  de  se  conformer  à 
celui-ci,  au  lieu  qu'on  ne  peut  s'éloigner  de 
l'autre.  Il  ne  veut  pas  que  l'on  défende  aux 
hommes,  avec  autant  de  sévérité,  les  choses 
licites,  mais  qu'il  ne  leur  est  pas  expédient 
de  pratiquer,  que  les  choses  qui  sont  illicites 
par  elles-mêmes.  Il  croit  qu'on  doit  donner 
le  baptême  à  uu  catéchumène  qui,  réduit  à 
l'extrémité  par  un  mal  subit  et  violent,  ne 
pourrait  demander  ce  sacrement,  ni  répon- 
dre aux  interrogations  que  l'on  a  coutume 
de  faire,  voulant  qu'on  juge  favorablement 
de  sa  disposition  par  la  volonté  qu'il  a  té- 
moignée, avant  cet  accident  de  faire  profes- 
sion de  la  foi  chétienne.  Néanmoins,  il  ne 
condamne  pas  ceux  qui  seraient  plus  réser- 
vés à  accorder  cette  grâce.  Mais  il  croit  son 
opinion  si  assurée,  qu'il  veut  qu'on  ne  re- 
fuse pas  le  baptême  à  ces  sortes  de  catéchu- 
mènes, c'est-à-dire  qui  se  trouvent  dans  le 
danger  de  mort,  quand  même  ils  seraient 
engagés  dans  un  mariage  adultère  ,  afin, 
dit-il,  que  ce  péché-là  même  soit  aussi  lavé 
avec  les  autres  dans  ce  sacrement.  Il  décide 
de  même  d'un  pénitent  qui  se  trouve  à 
l'article  de  la  mort,  ne  doutant  pas  que  l'in- 
tention de  l'Éghse  ne  soit  de  leur  accorder 
la  réconciliation,  et  de  ne  pas  les  laisser 
sortir  de  cette  vie  sans  avoir  reçu  les  gages 
de  sa  paix. 

5.  Dans  le  second  livre,  saint  Augustin     Anaiv 
combat  encore  l'opinion  de  PoUentius,  qui   p''^°"''i: 
voulait   que   l'adultère,    de    même    que   la   ^s. 
mort,  rompit  le  hen  du  mariage.  PoUentius 
s'autorisait  de  ces  paroles  de  saint  Paul  :  La 
femme  est  liée  à  la  loi  du  mariage  tant  que  son 
mari  est  vivant  ;  mais  si  son  mari  meurt,  il 
lui  est  libre  de  se  marier  à  qui  elle  voudra; 
et  il  voulait  qu'en  cet  endi'oit  le  terme  de 
mort  se  prit  aussi  pour  celui  qui  a  commis 
un  adultère.    Mais  saint   Augustin  lui  fait 
voir  que  c'est  visiblement  forcer  le  sens  de 

18 


Fe  du 
livre, 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


274 

ce  passage,  et  que  si  le  lien  du  mariage 
est  rompu  par  la  mort  naturelle  de  l'un  des 
deux  époux,  il  ne  l'est  nullement  par  la  sé- 
paration qui  se  fait  entre  eux  pour  cause 
d'adultère.  C'est  ce  qu'il  montre  par  un  en- 
droit de  l'Épître  aux  Romains,  où  il  est  dit  : 
Si  une  femme  épouse  un  autre  homme  jien- 
dant  la  vie  de  son  mari,  elle  sera  tenue  pour 
adultérée.  Cette  femme  ne  peut  donc  devenir 
l'épouse  d'un  second  mari,  tandis  que  le 
premier  est  en  vie,  mais  elle  cessera  d'êti'e 
la  femme  du  premier,  s'il  meurt  et  non  s'il 
commet  un  adultère.  Il  est  permis  de  répu- 
dier pour  cause  de  fornication,  mais  le  lien 
du  mariage  demeure  ;  en  sorte  qne  celui-là 
est  coupable  d'adultère,  qui  épouse  celle 
qui  a  été  répudiée  pour  ce  crime.  Car  de 
même  que  le  sacrement  de  la  régénération 
demeure  dans  un  homme  excommunié  pour 
quelques  crimes,  n'en  reçût-il  jamais  l'abso- 
lution ;  de.  même  aussi  la  femme  est  liée  par 
la  loi  du  mariage  à  son  mari,  quoique  répu- 
diée pour  cause  de  fornication,  quand  mê- 
me elle  ne  devrait  jamais  se  réconcilier 
avec  lui.  II  montre  par  l'indulgence  dont 
Jésus-Christ  usa  envers  la  femme  adultère, 
combien  il  est  à  propos  qu'un  chrétien  traite 
aussi  avec  douceur  sa  femme  adultère,  lors- 
qu'elle témoigne  du  repentir  de  son  crime. 
II  veut  même  qu'il  soit  puni  plus  sévère- 
ment dans  les  hommes  que  dans  les  fem- 
mes, disant  que  les  hommes  leur  doivent 
donner  l'exemple  de  la  fidélité  conjugale  ; 
ou  du  moins  qu'il  soit -puni  également  dans 
les  hommes  comme  dans  les  femmes,  con- 
formément à  la  loi  d'Antonin  qu'il  rapporte. 
PoUentius  et  ceux  qui  étaient  de  son  senti- 
ment, trouvaient  la  défense  de  Jésus-Christ 
trop  rigoureuse ,  et  sous  prétexte  que  les 
hommes ,  séparés  de  leurs  femmes  pour 
cause  d'adultère,  ne  pouvaient  garder  la 
continence ,  ils  soutenaient  que  dans  ce  cas 
il  leur  devait  être  permis  de  prendre  d'au- 
tres femmes  ,  du  moins  pour  avoir  des 
enfants.  Saint  Augustin  leur  répond,  qu'il 
n'est  pas  permis  de  commettre  un  crime 
dans  la  vue  d'avoir  des  enfants,  puisque 
l'on  ne  doit  pas  même  l'épudier  une  femme 
stérile  ;  que  le  fardeau  de  la  continence  de- 
viendra léger,  s'il  devient  le  fardeau  de  Jé- 
sus-Christ ;  qu'il  sera  le  fardeau  de  Jésus- 
Christ,  s'il  est  accompagné  de  la  foi,  qui 
obtient  de  celui  qui  nous  donne  ses  com- 
mandements, la  force  de  les  accomplir.  Il 
leur  répond  encore  par  l'exemple  des  fem- 


mes des  marchands  de  Syrie  :  les  maris 
les  laissaient,  souvent  encore  jeunes,  pour 
s'en  aller  trafiquer,  et  ne  les  revenaient 
trouver  que  lorsqu'elles  étaient  déjà  vieilles. 
Mais  il  insiste  surtout  sur  l'exemple  des 
clercs,  que  l'on  obligeait  à  garder  la  conti- 
nence, en  les  contraignant  par  une  violence 
imprévue  à  accepter  l'honneur  de  la  cléri- 
cature,  et  qui  néanmoins  s'acquittaient  fidè- 
lement, avec  le  secours  du  Seigneur,  d'une 
chose  à  laquelle  ils  n'avaient  jamais  pensé 
s'engager.  On  dira  peut-être,  ajoute  ce  Doc- 
teur, que  l'honneur  de  la  cléricature  les 
consolait.  Mais  la  crainte  du  Seigneur  doit 
modérer  encore  davantage  les  feux  de  ceux 
qui  témoignent  tant  de  peine  à  se  contenir 
dans  les  bornes  de  la  chasteté. 

§  IX. 

Des  deux  livres   du  Mensonge  et   contre    le 
mensonge. 

\.  Le  livre  du  Mensonge  est  du  nombre 
de  ceux  que  saint  Augustin  composa  n'étant 
encore  que  prêtre,  c'est-à-dire  avant  la  fin 
de  l'an  39S.  Il  est  intitulé  dans  les  anciennes 
éditions  :  Du  Mensonge  à  Consentius  :  mais  le 
nom  de  Consentius  ne  se  lit  pas  dans  les  ma- 
nuscrits ;  on  ne  le  trouve  qu'à  la  tête  du  livre 
que  ce  Père  écrivit  plusieurs  années  après 
contre  le  mensonge.  En  faisant  la  revue  de 
ses  ouvrages  \  il  trouva  celui  du  Mensonge 
si  embarrassé,  que  n'en  étant  pas  content, 
il  était  prêt  de  le  supprimer  entièrement, 
parce  qu'il  n'avait  pas  encore  été  rendu 
public  ;  il  y  fut  encore  plus  porté,  depuis 
qu'il  en  eût  composé  un  autre  sur  la  même 
matière  contre  les  priscillianistes.  Néan- 
moins, il  consentit  après  à  lui  laisser  voir 
le  jour,  parce  qu'il  s'y  trouvait  quelque 
chose  qui  n'était  pas  dans  l'autre. 

2.  Dès  le  commencement  de  ce  livre,  saint 
Augustin  convient  qu'il  n'est  pas  aisé  de 
traiter  du  mensonge.  «Cette  question,  dit-il, 
n'est  pas  peu  embarrassante  ;  parce  qu'il  y  a 
des  occasions  où  il  semble  qu'il  est  de  l'hon- 
nêteté et  même  de  la  charité  de  mentir.  Ce 
que  l'on  ne  dit  pas  sérieusement  ne  peut 
passer  pour  ini  mensonge,  parce  que  l'on  fait 
assez  connaître  par  l'air  de  jeu  et  de  raille- 
rie dont  on  parle,  qu'on  ne  veut  tromper 
personne,  quoiqu'on  ne  dise  pas  vrai.  Mais  il 
ne  décide  pas  s'il  est  permis  aux  âmes  par- 

1  Lib.  Retract.,  cap.  ult. 


Livre  du 
Mensonço, 
écrit  vers  l'ao 
39S. 


ce  livre,  pag 
419. 


[IV=  ET  •V'=  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


273 


faites  d'user  "de  ces  manières  de  parler. 
Mentir ,  c'est  avoir  dans  la  pensée  autre 
chose  que  dans  les  paroles  ou  dans  quelqpie 
autre  signe  que  ce  soit,  dont  on  se  sert  pour 
se  faire  entendi-e  ;  c'est  pour  cela  qu'on  dit 
que  le  menteur  a  le  cœur  double.  Tout  le 
mal  du  mensonge  consiste  donc  dans  le  dé- 
sir de  vouloir  tromper  celui  à  qui  on  parle, 
soit  qu'on  le  trompe  effectivement,  soit  qu'il 
ne  soit  pas  trompé.  Le  saint  Docteur  exa- 
mine les  exemples  que  l'on  apporte  en  fa- 
veur du  mensonge,  tirés  tant  de  l'Ancien  que 
du  Nouveau  Testament,  etrépond,  que  ce  qui 
paraît  avoir  été  des  mensonges  dans  les  an- 
ciens patriarches ,  n'en  était  pas  effective- 
ment, c'était  des  figures;  et  ce  qui  est  fi- 
guratif, n'est  point  un  mensonge.  Quant  à  la 
dissimulation  de  Pierre  et  de  Barnabe  %  elle 
était  condamnable,  et  le  premier  de  ces  apô- 
tres l'ayant  reconnue,  souffrit  volontiers  la 
correction  de  Paul.  Ainsi,  comme  le  men- 
songe nous  peut  faire  perdre  la  vie  éter- 
nelle, il  ne  faut  jamais  mentir  pour  sauver 
la  vie  temporelle  de  qui  que  ce  soit  ;  il  n'est 
pas  non  plus  permis  à  une  femme  de  men- 
tir ,  pour  conserver  sa  chasteté  ,  personne 
ne  devant  mentir ,  fut-ce  dans  l'intention  de 
procurer  la  vie  éternelle  au  prochain. 

Saint  Augustin  condamne  ces  fables  pieu- 
ses, inventées  pour  inspirer  l'éloignement 
du  vice  et  l'amour  de  la  vertu  et  dit,  en 
général,  qu'on  doit  éviter  avec  plus  de  soin 
de  commettre  un  petit  péché  que  d'empê- 
cher son  prochain  d'en  commettre  un  plus 
grand.  «  Quand  même ,  ajoute-t-il ,  le  men- 
songe que  l'on  dit  ne  ferait  aucun  tort  au 
prochain,  on  doit  s'en  abstenir;  parce  qu'on  se 
nuit  toujours  à  soi-même  en  mentant.  Dire 
même  line  fausseté  à  la  louange  de  Jésus- 
Christ,  c'est  se  rendre  coupable  d'un  faux 
témoignage.  Ceux-là  ne  sont  pas  excusables 
qui,  pom-  paraître  agréables  dans  la  conver- 
sation, aiment  mieux  mentir  que  de  ne  rien 
dire ,  quoiqu'ils  n'aient  aucun  dessein  de 
nuire  à  personne.  On  ne  peut  mentir  pour 
sauver  la  vie  à  un  innocent,  qu'on  sait  devoir 
périr  si  on  découvre  le  lieu  où  il  s'est  ca- 
ché.» A  ce  sujet,  le  saint  Docteur  rapporte 
qu'un  évêque  de  Thagaste  ,  nommé  Firmus, 
ayant  été  requis,  au  nom  de  l'Empereur,  de 
livrer  un  homme  qui  était  caché  chez  lui. 


répondit  hardiment  qu'il  ne  voulait  ni  men- 
tir, ni  le  livrer,  aimant  mieux  souffrir  de  rî- 
gom'eux  tourments,  que  de  faire  ce  qu'on 
exigeait  de  lui ,  ou  de  dire  une  fausseté. 
Quand  notre  silence  indique  ce  que  l'on  veut 
apprendre,  c'est  comme  si  on  le  découvrait; 
ainsi  lorsqu'on  cherche  un  homme  pour  le 
faire  mourir,  et  qu'on  nous  demande  où  il 
est,  au  lieu  de  ne  rien  répondre,  on  doit 
dire  :  Je  sais  où  il  est,  mais  je  ne  vous  le 
montrerai  pas.  Pour  ne  rien  laisser  désirer 
sur  toutes  les  différentes  manières  de  mentir, 
saint  Augustin  en  rapporte  de  huit  sortes, 
et  fait  voir  par  l'autorité  de  l'Écriture,  qu'il 
n'est  permis  en  aucun  cas  de  mentir ,  et 
qu'on  doit  s'en  tenir,  pour  la  conduite  des 
mœurs ,  aux  préceptes  de  l'Évangile.  Il 
ajoute  que,  si  dans  ce  genre  de  doctrine,  il 
nous  paraît  quelque  chose  d'obscur  dans 
l'Écriture,  il  faut  l'expliquer  par  les  actions 
des  saiuts,  non  par  celles  qui  sont  fîgui'ati- 
ves,  mais  par  les  autres  qui  sont  louées  dans 
le  Nouveau  Testament. 

3.  Plusieurs  années  après,  saint  Auerustin  ,  l™™ jod- 

■L  '  o  tre    le   Men  - 

composa  un  second  livre  sur  le  Mensonge ,  s™s°,'  ^°°s" 
pour  répondre  à  quelques  écrits  que  Con-  ''"'  '^''• 
sentius  lui  avait  envoyés  sur  cette  matière. 
On  y  voyait  une  élocution  agréable  ^,  beau- 
coup d'esprit,  une  grande  connaissance  dés 
saintes  Écritures;  et  Consentius  y  témoi- 
gnait un  grand  zèle  contre  la  tiédeur  et  l'a 
négligence  des  catholiques,  de  même  que 
contre  les  déguisements  dont  les  prisciUîa- 
nistes  se  servaient  pour  se  cacher.  Mais  son 
zèle  n'était  pas  assez  éclairé  ^  prétendant  que 
pour  mieux  découvrir  ces  hérétiques,  illùî 
était  permis  de  faire  semblant  d'être  de  leur 
parti,  et  de  suivre  leurs  erreurs.  Ce  fut  ce 
qui  obligea  saint  Augustin  d'écrire  son  livre 
contre  le  Mensonge.  Il  le  met  après  ceux  qu'il 
composa  contre  l'ennemi  de  la  loi  et  'des 
prophètes  qui  furent  achevés  au  commence- 
ment de  l'an  420,  et  après  sa  réponse  à  Gau- 
dence,  qui  est  de  la  même  année ,  ce  qui 
montre  qu'on  peut  aussi  y  rapporter  celui-ci. 

4.  C'était  une  maxime  chez  les  priscillia-     Analyse  de 

...  ^  ce  livi-e,  pag. 

nistes,  qu  us  pouvaient,  pour  cacher  leur  hé-  *"• 
résie,  mettre  en  usage  non-seulement  la  dis- 
simulation, mais  le  mensonge  même  et  le 
parjure.  Ils  employaient  encore,  pour  encou- 
rager leurs  sectateurs  à  mentir,  les  exem- 


1  II  n'y  a  point  eu  de  constestation  entre  saint 
Pierte  et 'saint  Barnabe;  mais  seulement  entre 
saint  Pierre  et  saint  Paul,  touchant  la  conduite  de 


saint   Pierre    et    d,e   saint    Barnabe.    (L'éditeur.) 
2  August.,  cant.  Mendac,  cap.  i.  —  '  Lib.  II  Re- 
tract., cap.  Lx. 


276 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


pies  prétendus  des  patriarctes,  des  prophè- 
tes, des  apôtres  et  des  anges,  ne  craignant 
pas  d'y  en  ajouter  de  Jésus-Christ  même, 
afin  d'établir  leur  erreur  par  le  témoignage 
de  la  vérité  même.  C'est  de  là  que  saint  Au- 
gustin tire  son  premier  argument  contre  Con- 
sentius,  pour  lui  montrer  cpi'il  ne  devait  pas 
ressembler  à  ces  hérétiques  dans  une  chose 
qui  les  rendait  les  plus  détestables  de  tous. 
Mais,  disait  Consentius,  poiivous-nous  autre- 
ment découvrir  ces  loups  ravissants  qui  rava- 
gent cruellement  le  troupeau  de  Jésus-Christ, 
qu'en  faisant  semblant  de  suivre  leur  doc- 
trine? «  Comment  est-ce,  lui  répond  saint  Au- 
gustin, qu'on  les  a  découverts  avant  qu'on 
eût  inventé  ce  beau  moyen  ?  Par  où  a-t-on  pu 
parvenir  jusqu'à  découvrir  l'auteur  de  cette 
secte,  le  plus  rusé  et  le  plus  caché  de  tous? 
Par  où  en  a-t-on  reconnu  et  condamné  un 
si  grand  nombre,  sans  compter  ceux  qui  se 
sont  convertis,  et  que  la  charité  de  l'Eglise  a 
recueillis  comme  du  naufrage?  S'il  était  per- 
mis d'user  de  dissimulation  et  de  mensonge 
pour  découvrir  les  hérétiques,  pourquoi  Jé- 
sus-Clu-ist  n'aurait-il  pas  enseigné  à  ses  bre- 
bis de  se  couvrir  de  la  peau  des  loups  pour 
aller  parmi  eux,  et  les  connaître  par  cet  arti- 
fice? II  ne  leur  a  pas  fait  de  telles  leçons, 
pas  même  lorsqu'il  les  a  envoyés  au  milieu 
des  loups.  Ce  n'est  donc  que  par  la  vérité, 
cpi'il  faut  éviter,  découvrir  et  ruiner  le  men- 
songe. A  Dieu  ne  plaise  que  pour  détruire 
les  blasphèmes  de  ceux  qui  n'y  tombent  que 
par  ignorance,  nous  y  tombions  avec  con- 
naissance ,  et  que  nous  imitions  le  men- 
songe et  la  fourberie  pour  en  empêcher  le  mal; 
si  toutefois  c'est  l'empêcher  que  d'y  tomber. 
Car  celui  qui  cherche  à  découvrir  les  priscil- 
lianistes,  en  feignant  d'être  des  leurs,  renie- 
t-il  moins  Jésus-Christ  pour  conserver  dans 
son  cœur  le  contraire  de  ce  qu'il  dit  de  bou- 
Eom.  x,io.  che?  L'Apôtre,  après  avoir  dit  que  c'est  par 
la  foi  que  l'on  a  dans  le  cœur,  qu'on  est  justifié, 
n'ajoute-t-il  pas  que  c'est  par  la  confession  que 
la  bouche  fait  de  cette  foi,  que  l'on  est  sauvé  ? 
Quand  donc  il  serait  absolument  impossible 
de  découATir  ces  hérétiques  à  moins  de  dé- 
guiser la  vérité  dans  nus  discoui's,  il  vau- 
drait mieux  qii'ils  demeurassent  cachés  que 
de  nous  rendre  coupables  d'un  tel  crime.  II 
y  a  certaines  actions  qui,  n'étant  point  pé- 
ché par  elles-mêmes,  deviennent  bonnes  ou 
mauvaises,  selon  le  motif  que  l'on  a  en  les 
faisant  ;  mais  lorsqu'il  s'agit  d'actions,  qui 
d'elles-mêmes  sont  péché,  elles  ne  peuvent 


être  justifiées  par  une  bonne. fin.  Y  a-t-il 
quelqu'un  qui  puisse  dire  qu'il  est  permis  de 
voler  les  riches  pour  avoir  de  quoi  donner 
aux  pauvres  ;  ou  qu'on  peut  porter  faux  té- 
moignage pour  de  l'argent  ?  II  y  a  des  pé- 
chés qui  méritent  là  damnation  et  d'autres 
qui  ne  sont  que  véniels  :  dira-t-on  pour  cela 
qu'on  peut  commettre  ceux-ci  impunément  ? 
Il  s'agit  de  voir  s'il  y  a  péché  ou  non  à  faire 
une  telle  ou  une  telle  chose,  et  non  pas  s'il  y 
a  d'autres  péchés  plus  ou  moins  grands  que 
celui-là.  n  faut  néanmoins  avouer  qu'il  y  a 
des  péchés  où  il  se  rencontre  une  certaine 
compensation  de  bien  et  de  mal  qui  égare 
l'esprit  humain  jusqu'à  faire  trouver  dans 
ces  péchés- là  quelque  chose  de  louable. 
C'est  sans  doute  un  grand  péché  à  un  père 
de  prostituer  ses  filles  ;  cependant  un  homme 
juste  s'est  vu  dans  une  circonstance  où  il  a 
cru  devoir  prendre  ce  parti,  pour  garantir 
de  la  violence  et  de  la  brutalité  des  sodo- 
mites ,  ceux  qu'il  avait  reçus  chez  lui.  Si 
l'on  convient  une  fois  qu'il  est  permis  de 
faire  un  moindre  mal,  de  peur  qu'un  autre 
n'en  fasse  un  plus  grand,  il  n'y  a  plus  de 
borne  au  débordement  de  l'iniquité.  II  fau-_ 
dra  voler  pour  empêcher  qu'un  autre  ne 
commette  un  adultère  ;  et  ainsi  des  autres 
crimes.  Mais,  puisqu'il  est  certain  que  nous 
ne  devons  pas  faire  le  moindre  mal  pour 
empêcher  qu'un  autre  n'en  commette  un 
plus  grand,  il  faut  dire,  de  l'action  de  Loth, 
que  c'est  un  exemple  à  éviter  plutôt  qu'à 
suivre  ;  et  rejeter  sa  faute  sur  le  trouble  où 
le  jeta  l'horreur  de  l'outrage  dont  les  sodo- 
mites  menaçaient  ses  hôtes.  Le  serment  que 
fit  David,  dans  la  colère  de  faire  mourir 
Nabal,  sera-t-il  pour  nous  un  motif  de  ju- 
rer témérairement?  Non,  sans  doute;  car, 
comme  ce  fut  le  trouble  où  la  crainte  qui 
porta  Loth  à  prostituer  ses  filles,  ce  fut  le 
trouble  où  la  colère  qui  fit  faire  à  David 
ce  serment  téméraire,  n 

3.  De  là,  saint  Augustin  conclut  que  nous  ne  su;ir,  p 
devons  pas  nous  faire  des  règles  de  morale  de 
toutes  les  actions  des  justes  et  des  saints  qui 
sont  rapportées  dans  l'Écriture.  Ensuite  il 
examine  les  exemples  que  l'on  alléguait 
pour  autoriser  le  mensonge.  Abraham,  en 
faisant  passer  Sara  pour  sa  sœur,  n'avança 
rien  de  faux,  puisqu'elle  l'était  véritable- 
ment du  côté  de  son  père  ;  mais  il  cacha 
quelque  chose  de  ATai  ;  c'est-à-dire  qu'elle 
était  encore  sa  femme.  Si  on  regarde  de  près 
l'action  de  Jacob,  on  trouvera  que  c'est  un 


[lye  ET  v"  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSÏLN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


277 


mystère  et  non  pas  un  mensonge.  L'action 
de  saint  Pierre  et  de  saint  Barnabe  ne  peut 
autoriser  personne,  puisqu'elle  fut  reprise  et 
blâmée.  Saint  Paul,  en  pratiquant  quelques 
observations  légales  à  la  manière  des  autres 
juifs,  n'en  usa  point  ainsi  par  un  esprit  de 
mensonge,  mais  uniquement  pour  montrer 
qu'il  n'en  voulait  ni  à  la  loi,  ni  aux  prophè- 
tes ;  il  ne  regardait  pas  comme  sacrilèges 
des  cérémonies  établies  par  l'ordre  de  Dieu. 
Jésus-Christ ,  en  feignant  d'aller  plus  loin  , 
n'eut  point  intention  de  faire  entendre  à  ses 
disciples  qu'il  voulait  passer  outre ,  mais  un 
mystère  qui  s'exécuta  quelque  temps  après, 
lorsqu'il  monte  au-dessus  de  tous  les  cieux. 
Quant  à  ce  qui  est  dit  des  sages-femmes  des 

F.xod.  1, 17.  Hébreux,  et  de  Rahab  de  Jéricho,  que  Dieu 
les  récompensa,  il  ne  faut  pas  croire,  que  ce 
fût  pom'  avoir  menti,  mais  pour  avoir  exercé 

jji.ii,(.  miséricorde  envers  ceux  qui  appartenaient  à 
Dieu.  Ce  fut  leur  humanité  et  leur  compas- 
sion, et  non  pas  leur  fraude,  ni  leur  men- 
songe qui  leur  attirèrent  les  biens  tempo- 
rels dont  Dieu  les  récompensa.  Aurait-il 
donc  mieux  valu,  dira-t-on,  que  ces  femmes, 
plutôt  que  de  mentir,  eussent  manqué  à  faire 
le  bien  qu'elles  firent?  «Mais  qui  les  empê- 
chait, répond  saint  Augustin,  de  se  tenir  fer- 
mes à  ne  rien  dire  contre  la  vérité,  et  de  re- 
fuser courageusement  d'exécuter  l'ordre  bar- 
bare qui  leur  avait  été  donné  de  faire  mou- 
rir tous  les  enfants  des  Hébreux  ?  Il  est  vrai 
qu'on  les  aurait  peut-être  fait  mourir  elles- 
mêmes  ,  mais  au  lieu  des  récompenses  tem- 
porelles ,  Dieu  leur  en  aurait  accordé  une 
éternelle.  «  Le  saint  Docteur  fait  le  même  rai- 
sonnement sur  la  femme  de  Jéricho,  et  sou- 

I  josn.  it,  tient  que  nul  mensonge  ne  venant  de  la  vérité, 
il  n'y  a  aucune  rencontre  où  il  faille  mentir. 
11  exhorte  donc  Consentius,  s'il  voulait  réfu- 
ter utilement  et  solidement  l'ouvrage  que 
les  prisciUianistes  appelaient  le  Livre ,  de 
renverser,  avant  toutes  choses,  l'article  fon- 
damental de  leur  doctrine,  par  lequel  ils  pré- 
tendaient qu'il  était  permis  de  mentir  pom' 
cacher  ce  que  l'on  croit  en  matière  de  reli- 
gion ;  et  de  faire  voir  pour  cela  qu'entre  les 
choses  qu'ils  rapportaient  de  l'Écriture,  pom" 
autoriser  lem's  mensonges,  il  y  en  a  qui  ne 
sont  point  des  mensonges,  et  que  celles  où 
il  y  a  des  mensonges,  ne  sont  pas  des  exem- 
ples à  imiter. 


AugList.,  lib.  II  Retract.,  cap.  u. 


§X. 

De  l'Ouvrage  des  moines,  des  prédictions  des  dé- 
mons, du  soin  qu'on  doit  avoir  pour  les  morts, 
et  de  la  patience, 

\.  Depuis  que  saint  Augustin  eut  commencé  ,„  wvre  aa 
en  Afrique  la  vie  monastique,  cette  institu-  |!™",°^j;  "■"■"= 
tion  se  répandit  aussitôt  en  divers  endroits 
de  cette  province,  particulièrement  à  Car- 
thage.  Il  se  forma  *  dans  cette  ville  plusieurs 
monastères,  mais  qui  ne  suivaient  pas  tous 
le  même  genre  de  vie.  Les  uns,  selon  le  pré- 
cepte de  l'Apôtre,  travaillaient  de  leurs  mains 
pour  avoir  les  choses  nécessaires  à  la  vie, 
et  les  autres,  se  reposant  sur  la  chai'ité  des 
fidèles,  voulaient  vivre  des  oblations  qu'on 
leur  faisait,  vivant  dans  l'oisiveté  et  ne  fai- 
sant rien  pour  avoir  de  quoi  subsister.  Es  se 
vantaient  même  de  remplir  le  précepte  de 
Jésus-Christ  qui  dit  dans  l'Évangile  :  Consi-  Maiti,.  v,, 
dérez  les  oiseaux  du  ciel.  Ils  ne  sèment  point:  et 
les  lys  des  champs,  ils  ne  travcd lient  point.  II  y 
avait  même  des  laïques  d'une  vie  très-esti- 
mée  d'ailleurs,  qui  tombaient  dans  ce  dé- 
faut ;  et  qui,  par  attachement  à  leurs  propres 
sentiments,  troublaient  l'Éghse-  et  y  exci- 
taient des  querelles  et  des  divisions  entre 
les  fidèles  ;  les  uns  pom*  ne  pas  condamner 
des  personnes  si  saintes,  donnant  un  faux 
sens  aux  paroles  de  saint  Paul;  et  les  autres 
aimant  mieux  défendre  le  véritable  sens  de 
l'Écriture,  que  de  flatter  personne.  Aurèle, 
évêque  de  Carthage,  craignant  les  suites  de 
ces  divisions,  pria  saint  Augustin  de  faire 
quelques  écrits  sur  cette  matière.  Le  Saint 
lui  obéit,  et  composa  l'ouvrage  que  nous 
avons  encore  sous  le  titre  :  Du  Travail  des 
moines.  Il  le  place  dans  ses  Rétractations  ' 
après  les  deux  réponses  à  Janvier,  et  avant 
son  livre  du  Bien  du  mariage.  Ainsi,  on  peut 
le  mettre  vers  l'an  400,  puisque  le  livre  du 
Bien  du  mariage  fut  achevé  en  401,  comme 
on  l'a  dit  plus  haut. 

2.    Saint    Auaustin    y    rapporte    d'abord     Anaij=e  da 

<J  .J  i-  r  c(.  livre,   pa^'. 

toutes  les  raisons  et  toutes  les  autorités  dont  '•'''•'■ 
ces  moines  oisifs  se  servaient  pour  justifier 
leur  genre  de  vie.  «  Ce  n'est  point,  disaient- 
ils,  du  travail  corporel  que  doit  s'entendre 
le  précepte  de  l'Apôtre  :  //  ne  faut  point 
donner  à  manger  à  celui  qui  ne  veut  point 
travailler  :  car  il  n'a  pu  contredire  l'Évangile 
où  le  Seigneur  nous  défend  de  nous  inquié- 

'  Ibici.,  cap.  xsi.  —  ^  ibid.,  cap.  xx  et  xxn. 


278 


'/.a 


HISTOIRE  (ÎÉMrALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


II  TheS! 
III,  12. 


Suile 
l'anahïB,  p 
496, 


ter  ni  des  besoins  de  la  vie ,  ni  de  l'avenir. 
C'est  donc,  ajoutaient-ils,  des  œuvres  spiri- 
tuelles qu'il  faut  entendre  les  paroles  de 
saint  Paul,  c'est-à-dire  de  la  prière,  du 
chant  des  Psaumes,  des  hymnes  et  des  can- 
tiques spirituels.  »  Saint  Augustin  leur  fait 
voir  par  la  suite  du  passage  de  l'Apôtre, 
qu'ils  en  corrompaient  le  sens,  et  qu'il  devait 
s'entendre  d'un  travail  corporel.  En  effet, 
ayant  appris  qu'il  y  avait  parmi  les  Thessalo- 
niciens  des  gens  déréglés,  qui  ne  travail- 
laient pas,  et  qui  se  mêlaient  de  ce  qui  ne 
les  regardait  point,  il  leur  ordonna  de  man- 
ger leur  pain  en  travaillant  en  silence.  11  le 
prouve  encore  par  ce  que  saint  Paul  avait 
dit  précédemment  :  Nous  n'avons  mangé  gra- 
tuitement le  jMÎn  de  personne,  mais  nous  avons 
travaillé  de  nos  mains  jour  et  nuit  avec  peine, 
avec  fatigue,  pour  n'être  à  charge  à  aucun  de 
vous.  Ce  n'est  pas  que  nous  n'en  eussions  le 
pouvoir;  mais  c'est  que  nous  avons  voulu  nous 
donner  nous-mêmes  pour  modèle,  afin  que  vous 
nous  imitassiez.  Saint  Augustin  prouve,  par 
divers  autres  endroits  des  Epîtres  de  saint 
Paul,  que  cet  Apôtre  travaillait  de  ses  mains, 
non  qu'il  ne  fût  en  droit  de  vivre  de  l'Évan- 
gile comme  les  autres  apôtres  ,  mais  pour  se 
donner  en  exemple  à  ceux  qui  voulaient 
exiger  ce  qui  ne  lem"  était  pas  dû,  et  pour 
n'être  lui-même  à  charge  à  personne.  «  Il 
était,  dit  ce  Père,  également  permis  à  tous 
les  apôtres  de  ne  point  travailler  de  leurs 
mains,  assez  occupés  des  travaux  apostoli- 
ques ;  mais  Paul  et  Barnabe  n'usaient  pas 
de  cette  liberté,  servant  l'Église  dans  un 
entier  désintéressement ,  particulièrement 
dans  les  lieux  où  ils  jugeaient  que  les  esprits 
faibles  auraient  été  scandalisés  s'ils  en 
avaient  agi  autrement.  Toutefois,  de  crainte 
qu'ils  ne  parussent  condamner  la  conduite 
des  autres  apôtres  qui  vivaient  aux  dépens 
de  l'Évangile,  saint  Paul  pose  pour  principe 
dans  sa  première  aux  Corinthiens,  que  celui 
qui  prêche  l'Évangile  doit  vivre  de  l'Évan- 
gile. » 

3.  Sans  s'expliquer  ici  sur  la  nature  du 
travail  auquel  saint  Paul  s'occupait,  saint 
Augustin  prouve  que  tous  les  arts  néces- 
saires à  la  vie  sont  honnêtes  et  louables  ;  et 
que  cet  Apôtre  en  commandant  le  travail 
aux  serviteui'S  de  Dieu,  n'empêche  pas  pour 
cela  les  fidèles  de  leur  faire  du  bien.  Il  reçut 
lui-même  quelques  secours  des  frères  qui 
étaient  venus  de  Macédoine.  Les  moines  qui 
refusaient  de  travailler  des  mains,  disaient 


qu'ils  s'occupaient  à  la  psalmodie,  à  la  prière 
et  à  la  lecture  de  la  parole  de  Dieu.  Saint 
Augustin  loue  ces  occupations;  mais  il  leur 
répond  que  s'ils  trouvaient  du  temps  pour 
manger,  ils  pouvaient  aussi  en  trouver  pour 
vaquer  au  précepte  apostolique  touchant  le 
travail  des  mains  ;  qu'une  prière  obéissante 
est  plutôt  exaucée  que  ceUe  qui  vient  de 
l'esprit  rebelle  ;  et  que  ceux  qui  travaillent 
de  leurs  mains  peuvent  en  même  temps 
chanter  de  divins  cantiques ,  et  se  soulageir 
de  cette  sorte  à  la  manière  de  ceux  qui,  ra- 
mant sur  la  mer,  adoucissent  leurs  peines  par 
quelques  chansons.  «  Quand,  dans  un  monas- 
tère, ajoute-t-il,  il  y  en  aurait  quelques-uns 
d'occupés  aux  travaux  spirituels ,  il  ne  s'en- 
suivrait pas  que  tous  fussent  capables  d'une 
pareille  occupation  ,  quand  même  tous  en 
seraient  capables,  il  serait  du  bon  ordre 
qu'ils  le  fissent  chacun  à  leur  tour.  Enfin, 
saint  Paul  partageait  tellement  son  temps, 
qu'il  destinait  certaines  heures  au  travail 
des  mains,  et  l'autre  à  la  distribution  de  la 
parole  de  Dieu.  Si  les  moines  étaient  occu- 
pés au  ministère  de  l'autel  et  à  la  dispensa^ 
tion  des  sacrements,  il  serait  en  leur  pou- 
voir de  s'exempter  du  travail  des  mains, 
sui'tout  si,  étant  dans  le  siècle,  ils  avaient  eu 
assez  de  bien  pour  vivre  de  leurs  revenus , 
et  qu'en  se  donnant  à  Dieu,  ils  les  eussent 
donnés  aux  pauvres.  Mais  la  plupart  de  ces 
moines  oisifs  sont  passés,  d'une  vie  péni- 
ble et  laborieuse ,  dans  les  monastères  ;  et 
c'est  pour  cette  raison  qu'il  faut  les  obUger 
au  travail  des  mains  dont  ils  ne  peuvent  se 
dispenser  sous  le  prétexte  d'un  tempéra- 
ment faible,  et  dont  en  effet,  ils  ne  ^e  dis- 
pensent que  par  une  fausse  interprétation 
des  pai'oles  de  l'Évangile.  Ils  ont  encore 
un  autre  défaut,  c'est  de  faire  des  provi- 
sions des  choses  extérieui-es,  et  en  cela  ils 
contreviennent  au  précepte  de  l'Evangile, 
qui  défend  de  rien  garder  pour  le  lende- 
main. Pour  se  justifier  ils  répondent  que 
Jésus-Clu'ist  a  bien  eu  une  bourse  pour  met- 
tre en  réserve  l'argent  que  l'on  recueillait  ; 
et  que  saint  Paul  avait  aussi  ordonné  des 
cueillettes  pour  les  frères  de  Jérusalem.  » 
Saint  Augustin  se  sert  de  leurs  réponses 
contre  eux-mêmes,  et  leur  dit  :  «  Puisque  le 
Seigneur  en  vous  défendant  de  rien  garder 
pour  le  lendemain,  ne  vous  contraint  pas 
néanmoins  à  vivre  sans  rien  réserver  pour 
l'avenir ,  pourquoi  dites-vous  qu'il  vous  dis- 
pense du  ti'avail,  quand  il  vous  dit  :  Regar- 


[iv=  ET  v°  siècles;] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


279 


dèz  les  oiseaux  du  ciel  :  c<n:  si  vous  ne  les 
imitez  pas  en  ne  réservant  rien,  pourquoi 
les  prenez-vous  en  exemple  pour  ne  rien 
faire  ?  Le  travail  des  mains  convient  même 
à  ceux  qui,  étant  d'une  condition  distinguée, 
s'enrôlent  parmi  les  pauvres  de  Jésus-Christ, 
et  à  plus  forte  raison  cà  ceux  qui,  venant 
d'une  condition  basse,  sont  ou  accoutumés 
ou  plus  propres  au  travail,  n'étant  pas  bien- 
séant qu'en  cette  vie,  où  les  sénateurs  de- 
viennent laborieux, les  artisans  soient  oisifs.» 
Le  saint  Docteur  explique  les  passages  de  l'É- 
criture qui  semblent  favoriser  ceux  qui  ne 
veulent  point  travailler  de  leurs  mains  ,  et 
montre  que  Jésus-Christ  n'a  eu  d'autre  vue, 
dans  tous  ces  endroits ,  que  d'avertir  ses 
ministres  qu'ils  ne  doivent  point  s'engager 
dans  le  ministère,  uniquement  pour  y  trou- 
ver leurs  nécessités  corporelles,  mais  plutôt 
le  royaume  de  Dieu  et  sa  justice, 
suiie  de  4.  Voici  le  portrait  qu'il  fait  de  ces  moines, 
unaijsc,  pjg.  fJ^j^^f^^^g^  g^  vagabonds:  «Ils  vont,  sous  l'ha- 
bit de  moine,  de  province  en  province,  sans 
être  envoyés  de  personne,  ne  s'arrêtant  en 
aucun  endroit,  et  changeant  à  tout  moment 
de  demeure.  Les  uns  portent  des  reliques 
des  martyrs,  si  toutefois  ce  sont  des  re- 
liques, et  les  font  valoir;  les  autres  s'en 
font  accroire  à  cause  de  leur  habit  et  de 
leur  profession.  Quelques-uns,  ne  feignant 
pas  de  mentir,  disent  qu'ils  vont  voir  leurs 
parents,  qu'on  leur  a  dit  être  dans  un  tel 
pays.  Ils  demandent  tous;  ils  exigent  tous 
qu'on  leur  donne,  ou  pour  subvenir  aux' 
besoins  d'une  pauvreté  qui  les  rend  si  ri- 
ches, ou  pour  récompenser  une  honnêteté 
feinte  et  apparente.  »  Il  fait  un  parallèle 
des  occupations  et  des  fatigues  de  l'épisco- 
pat  avec  la  vie  que  l'on  menait  dans  les  mo- 
nastères réglés,  et  dit  qu'il  aimerait  mieux  y 
travailler  des  mains  à  certaines  heures,  et 
en  avoir  d'autres  pour  la  lecture  et  la  prière, 
que  d'être  continuellement  occupé  par  le 
devoir  de  l'épiscopat  à  juger  ou  accommoder 
des  affaires  séculières.  Il  exhorte  les  bons 
moines  à  ne  pas  se  laisser  corrompre  par  le 
mauvais  exemple  des  moines  oisifs,  et  se 
moque  de  la  fantaisie  de  ceux  d'entre  eux 
qui  ne  voulaient  point  se  faire  couper  les 
cheveux'.  «  Ouand  l'Apôtre,  dit-il,  défend 
aux  homiriès  de  les  laisser  croître,  il  en- 
tend parler  du  commun  des  hommes,  et  non 
de  ceux  qui  se  sont  faits  eunuques  pour  le 


royaume  des  cieux.  »  Il  leut 'fait  voir  qu'ils 
sont  hommes  comme  les  autres,  et  exhorte 
ceux  de  ces  moines  qui  étaient  les  plus  rai- 
sonnables, de  faire  couper  leurs  cheveux, 
afin  de  faire  cesser  les  troubles  qu'une  di- 
versité d'usage  mettait  dans  l'Église,  en  oc- 
casionnant de  tourner  en  mauvais  sens  les 
paroles  de  saint  Paul.  Il  prie  Aurèle  de  l'a- 
vertir, de  ce  qu'il  aurait  trouvé  à  retrancher 
ou  à  corriger  dans  ce  traité. 

5.  On  met  le  livre  de  la  Divination  ou  des    .     „  Vr^'^ 

des     Predic  - 

Prédictions  des  dénions,  en  l'une  des  années  Si7„s  „^„'f'i  ^^: 
qui  s'écoulèrent  entre  406  et  4U  ;  et  On  se  "■°*''6«"'"- 
folide  pour  cela  sur  ce  que  saint  Augustin  le 
l'apporte  lui-même  '  au  temps  qu'il  publia 
ses  écrits  contre  les  donatistes  avant  la  con- 
férence de  Carthage.  L'occasion  de  ce  traité 
vint  d'un  entretien  -  qu'il  avait  eu  un  matin, 
dans  la  huitaine  de  Pâques,  avant  la  célébra- 
tion de  l'office,  avec  quelques  laïques  chré- 
tiens qui  étaient  autour  de  lui  en  grand  nom!- 
bre.  On  dit  dans  cet  entretien  qu'un  certain 
païen  avait  prédit  la  démolition  qu'on  avait 
faite  du  temple  de  Sérapis,  à  Alexandrie,' 
vers  l'an  389.  Saint  Augustin  essaya  de  ren- 
dre raison  sur-le-champ  de  cette  prédiction, 
et  des  autres  semblables  qui  n'excèdent  pas 
le  pouvoir  des  démons  ;  et,  à  son  premier  loi- 
sir, il  mit  par  écrit  ce  qui  s'était  dit  de  part  et 
d'autre,  mais  sans  nommer  ceux  qui  avaient 
alors  combattu  la  vérité,  quoiqu'ils  l'eussent 
fait  seulement  pour  savoir  ce  que  l'on  pbù^' 
vait  répondre  aux  objections  des  païens,   ''i' 

6.  Saint  Augustin  prouve,  en  premier  lieu,'     Anaipo  de 

fJ  ^  '  ^  'ce  livre,   pag. 

dans  ce  traité,  qu'on  ne  peut  conclure  que  »"»• 
les  prédictions  des  démons,  ni  toutes  les  cho- 
ses qui  appartiennent  à  leur  culte,  soient  bon- 
nes, parce  que  Dieu  ne  les  empêche  pas.  «  Ne 
souffre-t-il  pas  aussi,  dit-il,  les  homicides,  les 
adultères,  les  rapines,  et  beaucoup  d'autres 
mauvaises  actions?  Dira-t-on  qu'elles  sont 
bonnes?  non  :  'd'il' lès  tolère,  il  ne  laisse  pas 
de  les  défendre  èt'dê  les  punir.  »  En  second 
lieu,  il  rend  raison  des  prédictions  des  dé- 
mons, et  pour  cela  il  suppose  comme  cer- 
tain qu'ils  ont  un  corps  aérien,  doué  d'un 
sentiment  très-vif  et  d'une  vitesse  extraor- 
dinaire; qu'enfin  ils  ont  acquis  une  longue 
expérience.  Tout  cela  supposé ,  il  prétend 
qu'ils  peuvent  produire  tous  les  efifèts  siir-' 
prenants  qu'on  leur  attribue,  et  qui,  prodi- 
gieux pour  nous,  ne  sont  qu'une  suite  de  ^ 
leur  nature   et  de  leur  expérience.  Il  dit 


1  August.,  lilD.  \\  Hetràct.,  cap.  m. 


August.  De  Divin,,  cap.  i. 


280 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Lî>re 
Ëoin  pour 
mcTlFCn  /i 


qu'ils  prédisent  les  choses  qu'ils  doivent 
faire  eux-mêmes,  recevant  souvent  de  Dieu 
la  puissance  d'envoyer  des  maladies,  de 
corrompre  l'air,  et  de  persuader  le  mal  aux 
méchants  en  agissant  sur  lem'  imagination  ; 
qu'habiles  dans  leurs  conjectures,  ils  peu- 
vent aussi  prédire  certaines  choses  ;  par 
exemple,  une  tempête,  par  la  connaissance 
de  la  disposition  de  l'air,  et  qu'il  se  peut 
encoise  faire  qu'ils  connaissent  les  disposi- 
tions de  l'homme,  non-seulement,  lorsqu'ils 
les  font  connaître  eux-mêmes  de  la  voix  ou 
de  quelque  autre  manière  sensible ,  mais 
aussi  lorsqu'elles  ne  sont  que  dans  l'inté- 
rieur de  l'âme.  D  montre  qu'il  y  a  une  diffé- 
rence infinie  entre  les  prédictions  des  pro- 
phètes et  celles  des  démons?  que  celles-là 
sont  toujours  vraies,  et  celles-ci  très-souvent 
fausses;  que  s'il  est  arrivé  que  les  démons 
aient  prédit  la  ruine  des  temples  et  le  ren- 
versement des  idoles,  c'est  qu'ils  aA'aient 
appris  eux-mêmes  des  Prophètes  que  le  culte 
du  vrai  Dieu  prendrait  la  place  du  culte  des 
.  démons.  Saint  Augustin  remarque  à  cette 
occasion  que  le  paganisme  diminuait  tous 
les  jours;  qu'il  n'y  avait  point  d'année  où  U 
n'y  eût  moins  de  païens  qu'en  la  précédente. 
11  promet  de  répondre  à  ce  qu'ils  pourraient 
objecter  contre  ce  qu'il  dit  dans  cet  écrit, 
dn  7.  Le  [livre  qui  est  intitulé  du  Soin  qu'on  doit 
21'  avoii'  pour  les  morts,  fut  composé  peu  de 
temps  après  le  Mayiuel  à  Laurent,  et  quel- 
que temps  avant  les  Questions  à  Dulcitius  ' , 
c'est-à-dire  vers  l'an  421.  Saint  Paulin  en 
fournit  la  matière  à  saint  Augustin.  A  cette 
occasion,  un  jeune  homme,  nommé  Cyné- 
gius,  étant  mort  après  avoir  reçu  le  baptême, 
sa  mère  souhaita  et  obtint  qu'il  fût  enterré 
dans  l'église  de  saint  Félix  de  Noie.  Une 
autre  dame  d'Afrique  appelée  Flora,  qui 
était  veuve,  ayant  aussi  perdu  un  fils,  qui 
était  moii  apparemment  dans  les  environs 
de  Noie,  pria  saint  Paulin  de  permettre 
qu'on  l'enterrât  dans  quelque  église.  Saint 
Paulin  lui  accoi'da  sa  demande,  et  en  lui 
faisant  réponse,  il  écrivit  à  saint  Augustin, 
pour  lui  demander  s'il  croyait  qu'il  servît 
de  quelque  chose  d'être  enterré  dans  l'é- 
glise d'un  saint.  Il  disait  dans  sa  lettre  que 
pour  lui,  cela  ne  lui  paraissait  pas  inutile, 
puisque  des  gens  de  bien  le  souhaitaient.  Il 
se  confirmait  dans  cette  pensée  par  les  priè- 
res qu'on   avait   coutume   d'ollïir  pour  les 


morts,  et  qui  devaient  être  de  quelque  uti- 
hté,  puisque  l'usage  en  était  général  dans 
toute  l'Éghse.  D'un  autre  côté  il  ne  voyait 
pas  comment  ces  prièi'es  pouvaient  s'accor- 
der avec  ce  que  dit  saint  Paul,  que  chacun 
recevra  la  récompense  de  ce  qu'il  aura  fait 
par  son  corps.  Saint  Augustin,  accablé  d'af- 
faires, fut  longtemps  à  répondre  aux  doutes 
de  saint  Paulin;  il  ne  le  fit  qu'aux  instances 
et  à  la  sollicitation  du  prêtre  Candidien,  non 
par  une  lettre  ^,  mais  par  un  livre,  «  afin  , 
dit-il,  d'avoir  plus  longtemps  la  satisfaction 
de  l'entretenir.  » 

8.  La  première  difficulté  qu'il  résout  est     A?»'r=«  ^^ 

^  -^  ce  hvre,  pag. 

celle  qui  regarde  l'utilité  de  la  prière  pom*  ^is. 
les  morts.  Ces  prières  leur  sont  utiles,  mais 
ils  n'en  peuvent  tirer  d'avantage,  qu'autant 
qu'ils  ont  mérité  durant  leur  vie  qu'elles 
leur  pussent  servir  après  leur  mort.  L'auto- 
rité du  livre  des  Machabées  lui  sert  à  démon- 
trer que  c'était  l'usage,  dans  l'Ancien  Testa- 
ment, d'offrir  le  sacrifice  pour  les  morts. 
Quand  cette  vérité  ne  se  trouverait  point 
établie  dans  les  Écritui-es  de  la  loi  ancienne, 
la  coutume  de  l'Eglise  universelle  doit  être 
d'un  grand  poids  à  cet  égard  ;  la  l'ecomman- 
dation  des  morts  a  une  place  particulière 
dans  les  prières  que  le  prêtre  fait  à  Dieu  de- 
vant son  autel.  Il  ajoute  quei'Église  a  coutu- 
me de  faire  des  prières  pour  tous  ceux  qui 
sont  morts  dans  la  société  chrétienne  et  catho- 
lique ;  qu'elle  les  comprend  sous  une  générale 
recommandation  sans  les  nommer  par  lem'S 
noms;  afin  que  ceux  à  qui  les  pères  ou 
leurs  enfants,  ou  leurs  parents,  ou  les  amis 
manquent  de  rendre  ces  derniers  devoirs , 
les  puissent  recevoir  tous  ensemble  de  l'É- 
glise leur  mère  commune.  Toutefois  nous  ne 
devons  pas  nous  imaginer  que  les  morts  res- 
sentent aucun  avantage  de  tous  les  soins 
que  l'on  prend  pour  eux,  soit  en  offrant  le 
sacrifice  de  l'autel,  soit  par  des  prières  ou 
par  des  aumônes,  s'ils  n'ont  mérité  que  ces 
œuvres  de  piété  leur  fussent  utiles.  Comme 
nous  ne  pouvons  savoir  s'ils  l'ont  mérité,  ou 
non,  il  faut  rendre  ces  devoirs  à  tous  ceux 
qui  ont  été  régénérés  par  le  baptême ,  afin 
de  n'en  omettre  aucun  qui  en  puisse  et  doive 
recevoir  jquelque  avantage. 

Sur  la  seconde  difficulté  Saint  Augustin 
répond  :  «  L'honneur  comme  la  privation  de 
la  sépulture  ne  fait  ni  bien  ni  mal  à  l'âme  du 
mort;  mais  les  soins  que  l'on  prend  des  fu- 


'  August.,  II  Retract.,  cap.  lxiv. 


'  Lih.  de  cura  promort.,  cap.  xvui. 


[IV»  ET  V  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


281 


Suifo  dp  !"! 
alise,  |38 
2.J. 


nérailles,  et  surtout  des  personnes  de  piété, 
ne  laissent  pas  d'être  louables  :  »  ce  qu'il 
prouve  par  l'exemple  des  anciens  et  en 
particulier  de  Tobie.  Il  lui  semble  qu'être 
enterré  dans  l'église  de  quelque  martj'r  ne 
sert  autre  cbose  à  celui  qui  est  mort,  sinon 
qu'en  le  recommandant  à  l'assistance  de  ce 
saint  martyr,  l'affection  de  prier  pour  lui 
s'accroît  toujours  de  plus  en  plus  dans  celui 
qui  prie  ;  au  reste  les  martyrs  mêmes  ont  né- 
gligé ces  sortes  de  soins,  qui  ne  viennent  que 
de  l'attachement  que  l'on  a  pour  son  corps , 
l'Écriture  ne  louant  ceux  qui  ont  eu  soin  de 
la  sépulture  des  morts,  que  parce  que  c'est 
une  marque  de  la  tendresse  et  de  l'affection 
qu'Os  ont  eue  pour  leurs  frères. 

9.  Saint  Augustin  s'objecte  que  plusieurs 
morts  ont  apparu  pour  indiquer  eux-mêmes 
aux  vivants  l'endroit  où  étaient  leurs  corps, 
et  les  engager  à  leur  donner  la  sépulture. 
Mais  il  répond  que  l'on  ne  peut  rien  as- 
surer sur  ces  sortes  de  visions,  et  qu'on 
ne  doit  pas  croire  que  les  morts  sentent  eux- 
mêmes  ce  qu'ils  nous  paraissent  sentir  en 
songe.  «Les  vivants,  dit-il,  n'apparaissent-ils 
pas  sans  qu'ils  le  sachent,  à  d'autres  vivants 
pendant  le  sommeil?  Ne  peut-il  pas  en  être 
de  même  des  apparitions  des  morts?»  Il  rap- 
porte sur  cela  diverses  visions  que  des  hom- 
mes vivants  avaient  eues  eu  songe,  une  en- 
tre autres  qui  le  regardait,  et  qui  était  arri- 
vée pendant  qu'il  était  à  Milan.  Un  nom- 
mé Euloge,  qui  avait  étudié  sous  lui  la  rhé- 
torique, expliquant  lui-même  à  ses  écoliers 
les  hvres  de  Cicéron,  et  prévoyant  la  leçon 
qu'il  en  devait  faire  le  lendemain,  y  trouva 
un  endroit  fort  obscur.  Comme  il  ne  l'enten- 
dait pas,  il  en  eut  tant  d'inquiétude,  qu'à 
peine  put-il  s'endormir  la  nuit.  Il  sommeilla 
toutefois,  et  pendant  son  sommeil  saint  Au- 
gustin lui  exphqua  cet  endroit  même  :  «  Ou 
plutôt,  dit  le  saint  Docteur,  ce  ne  fut  pas 
moi,  mais  mon  fantôme  qui  le  fit  sans  que 
j'en  susse  rien,  et  durant  que  je  m'occupais 
et  rêvais  à  toute  autre  chose,  bien  éloigné 
d'Euloge,  dont  j'étais  séparé  par  la  mer,  et 
ne  pensant  en  aucune  manière  à  ce  qui  le 
mettait  tant  en  peine.  »  Selon  saint  Augus- 
tin, les  âmes  des  morts  prennent  part  aux  af- 
faires des  vivants;  s'il  en  était  ainsi,  sa  mère 
qui  l'avait  suivi  par  terre  et  par  mer,  pour 
vivre  avec  lui,  ne  l'abandonnerait  point.  Les 
âmes  des  défunts  sont  dans  un  lieu  où  elles 
ne  voient  point  ce  qui  se  passe  eii  cette  vie. 
Comment  donc,  dira  quelqu'un,  le  mauvais 


riche  s'inquiétait-il  de  ses  frères,  et  priait-il 
Abraham  d'envoyer  Lazare  vers  eux,  pour 
les  empêcher  de  venir  dans  le  lieu  des  tour- 
ments? «  Il  était  en  peine  des  vivants,  ré- 
pond saint  Augustin ,  quoiqu'il  ignorât  ce 
qu'ils  faisaient,  comme  nous  sommes  en 
peine  des  morts,  quoique  nous  ne  sachions 
pas  ce  qu'ils  font.  Car,  si  nous  n'en  avions 
aucun  soin,  nous  ne  prierions  pas  Dieu  pour 
eux.  »  Néanmoins,  les  morts  peuvent  ap- 
prendre ce  qui  se  passe  ici-bas,  soit  par 
ceux  qui  sortent  de  cette  vie,  soit  par  le  mi- 
nistère des  anges,  soit  par  la  bonté  de  Dieu. 
C'est  à  la  même  bonté  et  puissance  de  Dieu 
qu'il  faut  attribuer  les  apparitions  de  saint 
Félix,  et  les  bienfaits  dont  les  martyrs  com- 
blent ceux  qui  les  invoquent  dans  les  périls, 
soit  en  les  priant  à  leurs  tombeaux,  soit  en 
les  invoquant  en  des  lieux  fort  éloignés; 
mais  saint  Augustin  ne  décide  point  com- 
ment cela  se  fait,  s'ils  le  font  par  eux-mê- 
mes, ou  si  Dieu  le  fait  faire  par  ses  anges,  à 
la  prière  des  martyrs  ;  se  contentant  de  décla- 
rer comme  il  l'avait  déjà  fait,  que  les  âmes 
des  morts  ne  peuvent,  par  leur  propre  na- 
ture, être  présentes  aux  affaires  des  vivants. 

10.  Il  rapporte  une  apparition  miraculeuse  p«5.  sm. 
d'un  saint  moine  nommé  Jean,  le  même 
que  l'empereur  Théodose  consulta  sur  l'é- 
vénement de  la  guerre  civile,  et  duquel  il 
reçut  l'assurance  de  la  victoire.  Un  officier 
vint  trouver  ce  saint ,  le  conjurant  de  per- 
mettre que  sa  femme,  qui  avait  beaucoup 
de  piété,  pût  le  venir  voir.  Jean  lui  répondit 
qu'il  n'avait  jamais  accordé  cette  permis- 
sion à  aucune  femme,  mais  qu'il  pouvait 
dire  à  la  sienne  qu'elle  le  verrait  cette  nuit 
en  songe.  La  chose  arriva  comme  il  l'avait 
dit  ;  ce  saint  moine  donna  en  cette  occasion 
à  cette  femme  les  avis  qui  convenaient  à 
son  état.  Cette  femme,  s'étant  éveiUée,  rap- 
porta à  son  mari  ce  qu'elle  avait  vu,  ce 
qu'elle  avait  entendu,  et  quel  était  le  visage 
de  celui  qui  lui  avait  apparu  ;  il  se  trouva 
que  c'était  le  même  que  son  mari  avait  vu. 
Saint  Augustin  assure  que  cette  histoire, 
qu'il  ne  donne  ici  qu'en  abrégé,  lui  avait 
été  dite  par  une  personne  de  qualité  fort 
grave,  et  très-digne  de  foi,  qui  l'avait  ap- 
prise de  ceux  mêmes  à  qui  elle  était  arrivée. 
Il  ajoute  que  s'il  avait  parlé  lui-même  à  ce 
saint  moine  ,  il  s'en  serait  encore  instruit  plus 
particulièrement,  et  qu'il  lui  aurait  demandé 
s'il  était  allé  en  songe  à  cette  femme,  c'est- 
à-dire  si    son  esprit  s'était  présenté  à  elle 


282 


HISÏOIKE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


sous  la  figure  de  son  corps  ;  ou  si  cette  vi- 
sion s'était  passée  dans  le  songe  de  cette 
femme,  soit  par  le  moyen  d'un  ange,  soit 
de  quelque  autre   manière,  dans  le  temps 
qu'il  faisait  autre  chose,  ou  qu'il  songeait  à 
autre  chose  ;  s'il  dormait  alors,  et  si,  pour 
le  promettre  comme  il  fit,  il  avait  connu  par 
un  esprit  de  prophétie  que  cela  devait  arri- 
ver ainsi.  «  Car,  dit  ce  Père,  s'il  est  allé  se 
présenter  lui-même  en  songe  à  cette  femme, 
il  ne  l'a  pu  que  d'une  manière  toute  mira- 
culeuse et  nullement  naturelle  ;   ce  n'a  pu 
être  que  l'effet,  non  de  sa  propre  puissance, 
mais  de  la  toute-puissance  de  Dieu.  Si  cette 
femme  l'a  vu  en  songe,  lorsqu'il  dormait  ou 
qu'il  faisait  autre  chose,  et  qu'il  avait  l'es- 
prit occupé  d'autres  objets,  c'est  à  peu  près 
la  même  chose  que  ce  que  nous  hsons  dans 
les  Actes  des  apôtres,   où  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ  parlant  de  Saul  à  Ananie,  lui 
marque  que  Saul  voyait  venir  Ananie  à  lui, 
quoi   qu'Ananie  ignorât   ce   qui  se   passait 
dans  Saul.    Quelque  réponse  que  Jean  me 
donnât,    continue   saint  Augustin,  je   l'in- 
terrogerais encore  sur  la  manière  dont  les 
martyrs  apparaissent  à  ceux  qui  les  invo- 
quent. Je  pense  qu'il  me  satisferait  sur-  tou- 
tes ces  choses  comme  je  le  désire  ;  en  sorte 
que,  ou  je  m'en  éclaircirais  par  ses  instruc- 
tions, assuré  que  tout  ce  qu'il  me  dirait  se- 
rait vrai  et  certain  ;  ou  je  croirais  sans  com- 
prendre ce  qu'il  me  dirait  pour  en  avoir  lui- 
même  une   parfaite    comiaissance.  S'il  me 
^  Ecd.  ■„,  répondait  par  ce  passage  de  l'Écriture  :  Ne 
cherchez  point  des  choses  qui  sont  trop  élevées 
pour  vous,  et  ne  tâchez  pas  d'approfondir  ce 
qui  surpasse  votre  piortée;  mais   occupez-vous 
sans  cesse  de  ce  que  le  Seigneur  vous  a  com- 
mandé; je  recevrais  de   lui  cette  réponse 
ayec  reconnaissance  :  car  ce  n'est  pas  un 
petit  avantage  de  savoir  clairement  et  cer- 
tainement qu'il  ne  faut  point  vouloir  péné- 
trer certaines  choses  obscures  et  douteuses 
que  nous  ne  sommes  pas  capables  de  com- 
prendi'e  ;  et  d'être  assm-é  qu'on  peut  ignorer 
sans  danger,  ce  qu'on  désirerait  connaître 
pour  en  profiter.  » 
pi'rel'ws       11-  li  n'est  pas  étonnant  que  saint  Augus- 
ran  tis,'        tin  ne  fasse  pas  mention  du  livre  de  la  Pa- 
tience dans   ses  Rétractations;  car   ce  n'est 
qu'un  discours  quoiqu'il  soit  intitulé.  Livre. 
Nous    avons    vu   ailleurs   '  qu'après   avoir 
achevé  la  revision  de  tous  ses  traités,  il  avait 
'ili'i    w   Mii'i  ••.  iif    !ii!)'j'H  li'i' 
'  Efist.  224  ad  QiiodvuUdeum 


aussi  dessein  de  revoir  ses  lettres  et  ses  ser-' 
mons  ;  mais  la  mort  l'en  empêcha.  Au  reste' 
il  est  parlé  du  livre  de  la  Patience  dans  l'épî- 
tre  deux  cent  trente-unième  à  Darius.  Ainsi 
on  ne  peut  douter  qu'il  n'en  soit  auteur. 
Comme  il  n'y  répond  point  à  l'exemple  de 
Razias  que  les  donatistes  ne  commencèrent 
à  objecter  qu'en  420,  pour  montrer  qu'ils 
se  pouvaient  tuer  eux-mêmes  ;  et  qu'il  y 
ménage  beaucoup  les  pélagiens,  qu'il  ne 
combattit  nommément  et  ouvertement  qu'en 
■418,  on  en  infère  avec  beaucoup  de  vrai- 
semblance qu'il  prononça  ce  discours  quel- 
que temps  auparavant. 

12.  Ce  livre  est  plus  dogmatique  que  mo-  „^i"°'- 
rai.  Selon  le  saint  Docteur,  la  patience  est  un  ^^• 
don  de  Dieu  si  excellent,   qu'il  est  loué  lui- 
même  dans  l'Écriture  de  la  patience  avec  la- 
quelle il  attend  les  pécheurs  à  pénitence  ; 
mais  la  patien:e  de  Dieu  est  bien  différente 
de  celle  des  hommes  ;  on  ne  peut  pas  même 
la  définir,  parce  qu'il  est  incapable  de  souf- 
frir.   Dans  l'homme,  la  véritable  patience 
est  celle  qui  lui  fait  conserver  la  paix  et  l'é- 
galité d'esprit  dans  la  souffrance  des  maux 
de  cette  vie,  et  dans  la  recherche  des  biens 
qui  ont  rapport  à  ceux  qui  nous  sont  réser- 
vés dans  le  ciel.  Les  ambitieux,  les  avares, 
les  voluptueux,  endurent  des  maux  et  des 
peines  infinies  pour  les  choses  qui  sont  l'ob- 
jet de  leurs  passions.  11  n'y  a  point  de  périls 
auxquels  ils  ne  s'exposent  pom-  en  jouir  ; 
mais  on  ne  peut  pas  dire  pour  cela  qu'ils 
ont  la  vertu  de  patience,  parce  qu'ils  souf- 
frent pour  une  mauvaise  fin,  qui  est  de  con- 
tenter leur  cupidité.  Il  n'y  a  que  ceux  qui 
souffrent  pour  luie  bonne  fin,  et  qui  ne  tient 
rien  de  la  cupidité,  qui  soient  véritablement 
patients,   et  qui  puissent  préteudi'e  au  mé- 
rite et  à  la  récompense  de  cette  vertu.  Mais 
si  les    enfants  du  siècle    soufirent  tant  de 
maux  pour  contenter  leurs  passions,  que  ne 
devons-nous  point  souflrir  poui-la  piété,  et 
pour    acquérir   une    félicité    parfaite    dans 
l'autre  vie.  Quoique   la  patience    soit   une 
vertu  de  l'esprit,  elle  s'exerce  néanmoins  et 
par  rapport  au  corps,  et  par  rapport  à  l'es- 
prit. Nous  la  pratiquons  en  cette  dernière 
façon,  lorsque,  sans  avoir  rien  à  souûrir  de 
de  la  part  du  corps,  nous  nous  trouvons  ex- 
posés à  toute  sorte  d'injures.  L'autre  sorte 
de  patience   est  celle   par  laquelle  l'esprit 
supporte  tout  ce  qui  peut  arriver  de  fâcheux 
à  son  corps  pour  la  justice.  Les  saints  mar- 
tyrs ont  pratiqué   ces  deux  sortes  de  pa- 


I 


[iV  ET  v=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


283 


tience,  ayant  essuyé  de  la  part  des  mé- 
chants, non-seulement  des  outrages  et  des 
injures,  mais  les  prisons,  la  faim,  la  soif, 
les  tourments. 

Saint  Augustin  qui  trouvait  aussi  dans  le 
saint  homme  Job  la  patience  toute  entière, 
le  propose  pour  modèle  aux  donatistes  qui 
se  donnaient  la  mort,  tandis  que  Dieu  cher- 
chait à  les  faire  entrer  dans  le  chemin  de  la 
vie.  «  S'il  était  permis,  leur  dit-il,  de  se 
donner  la  mort  pour  se  délivrer  du  mal. 
Job  l'aurait  fait  sans  doute  pour  se  tirer  de 
ceux  dont  la  cruauté  du  démon  l'avait 
frappé  dans  ses  biens,  dans  ses  enfants ,  et 
dans  son  corps.  »  Il  fait  voir  que  c'est  un 
plus  grand  crime  de  se  tuer  soi-même  que 
d'en  tuer  un  autre,  par  la  raison  que  per- 
sonne ne  nous  est  si  proche  que  nous-mê- 
me.  Comme  les  donatistes  ne  laissaient  pas 
de  prétendre  aller  de  pair  avec  les  martyrs  : 
«  Comment,  leur  dit  ce  Pèi-e,  se  pourrait-il 
faire  que  l'impatience  fût  couronnée  aussi 
bien  que  la  patience.  »  11  prouve  contre  les 
pélagiens,  que  la  patience  est  un  don  de 
Dieu.  Et,  parce  qu'on  pouvait  lui  objecter 
que  les  hommes  étant  capables,  par  les  seu- 
les forces  du  libre  arbitre,  de  supporter  les 
maux  nécessaires  pour  arriver  à  la  jouis- 
sance des  biens  temporels  et  des  plaisirs 
criminels,  ils  pouvaient  aussi  en  supporter 
autant  pour  la  justice  et  pour  la  vie  éter- 
nelle par  les  mêmes  forces  du  libre  arbitre  ; 
U  répond  que  la  cupidité  ayant  la  volonté 
pour  principe,  la  charité  au  contraire  a  pour 
principe  celui-là  même  qui  la  répand  dans 
le  coeur  des  justes.  Si  l'on  voit  quelqu'un  de 
ceux  qui  sont  dans  le  schisme,  souffrir  les 
tortures  plutôt  que  de  renoncer  à  Jésus- 
Christ,  il  y  a  quelque  chose  de  louable  dans 
cette  sorte  de  patience  ;  mais  ce  qu'on  doit 
en  penser,  c'est  qu'eUe  servira  peut-être  à 
faire  que  ce  schismatique  soit  puni  d'un 
moindre  supplice,  que  s'il  avait  renoncé  à 
Jésus-Clu'ist,  pour  se  délivrer  des  tour- 
ments. Le  saint  Docteur  se  fait  sur  cela 
cette  objection  :  ou  cette  patience  est  un 
don  de  Dieu,  ou  il  faut  l'attribuer  aux  for- 
ces de  la  volonté  humaine.  Si  on  dit  que 


c'est  un  don  de  Dieu,  on  en  pourra  conclure 
que  ce  schismatique  peut  parvenir  à  la  vie 
éternelle.  Si  l'on  soutient  que  ce  n'est  pas 
un  don  de  Dieu,  il  faudra  avouer  que  sans 
le  secours  de  Dieu,  la  volonté  de  l'homme 
est  capable  de  quelque  bien  ;  car  on  ne 
peut  nier  que  ce  ne  soit  un  bien  de  croire 
qu'on  sera  puni  éternellement  si  on  renonce 
à  Jésus-Christ,  et  si  l'on  ne  souffre  totit  plu- 
tôt que  de  le  renoncer.  Saint  Augustin  ré- 
pond :  «  On  ne  peut  nier  que  cela  ne  soit 
un  don  de  Dieu,  mais  il  y  a  de  la  différence 
entre  les  dons  que  Dieu  fait  aux  citoyens  de 
la  Jérusalem  céleste  qui  représentent  la 
femme  libre,  dont  nous  sommes  les  enfants; 
et  entre  les  dons  qu'il  fait  aux  enfants  mê- 
mes des  concubines,  c'est-à-dire  aux  juifs 
charnels,  aux  hérétiques  et  aux  schismati- 
ques  ;  et  autre  chose  sont  les  dons  des  vrais 
héritiers,  et  autre  chose  ceux  des  enfants 
qui  n'auront  point  de  part  à  l'héritage,  n 

§X1. 

Des  Sermons  du  Symbole,  de  la  Culture  de  la 
vigne  du  Seigneur,  du  Déluge,  de  la  Persé- 
cution des  barbares,  de  la  Discipline,  de  l'U- 
tilité du  jeûne,  de  la  Prise  de  Rome  et  du 
nouveau  Cantique. 

1 .  Les  quatre  discours  sur  le  Symbole  por- 
tent le  nom  de  saint  Augustin,  soit  dans  les 
imprimés,  soit  dans  plusieurs  anciens  ma- 
nuscrits. On  convient  néanmoins  qu'il  n'y  a 
que  le  premier  qui  soit  de  son  style  et  digne 
de  \m  ;  que  les  trois  autres  n'ont  rien  de 
son  génie  '.  Ils  ont  même  quelque  chose  de 
bas  ;  et  l'Écriture  .y  est  souvent  expliquée 
d'une  manière  qui  ne  serait  point  honorable 
à  saint  Augustin.  Le  second  paraît  être  d'un 
auteur  qui  vivait  dans  le  temps  de  la  persé- 
cution des  Vandales,  où  les  ariens  em- 
ployaient les  menaces  et  les  caresses  pour 
attirer  les  catholiques  dans  leur  parti.  Pos- 
sidius  fait  mention  de  trois  traités  de  saint 
Augustin  sur  le  Symbole.  Nous  en  avons 
parlé  plus  haut.  On  voit  par  le  premier  de 
ceux  dont  il  est  ici  question,  qu'il  n'était 
pas  permis  aux   catéchumènes  d'écrire  le 


Sermo.'S  du 
Symbole  :  ils 
ne  sont  pas 
loii^  de  Failli 
Augustin. 


P.-e.  547. 


'  Cependant,  les  Bénédictins  conviennent  que 
jusqu'à  eux,  on  a  attribué  ces  discours  à  saint  Au- 
gustin. Les  rejeter  sous  le  prétexte  allégué  c'est 
trancher  bien  légèrement  une  question  de  goût 
littéraire,  car  c'est  précisément  de  l'un  de  ces  dis- 
cours que  Bossuet  a  empruntés  comme  étant  vrai- 
ment de  saint  Augustin,   un  passage   important. 


(Bossuet,  4»  serni.  sur  l'Annonciation).  Or,  en  fait 
de  goût,  nous  pouvons  sans  scrupule  et  malgré 
l'avis  des  Bénédictins  nous  en  rapporter  à  Bossuet. 
Voyez  Monseigneur  d'Alger,  du  Culte  de  la  Sain- 
te- Vierge  dans  la  primitive  Église  d'Afrique. 
{L'éditeur.)  ,  , 


284 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Symbole,  mais  qu'ils  le  devaient  apprendre 
de  mémoire,  et  le  réciter  avant  de  se  cou- 
cher ou  de  sortir  de  leurs  maisons.  Saint 
Augustin  leur  en  explique  tous  les  articles 
avec  beaucoup  de  netteté  et  de  précision. 
Pour  leur  donner  quelques  preuves  de  l'u- 
nité de  nature  dans  le  Père  et  le  Fils,  il  se 
sert  de  ce  qui  est  dit  dans  les  Actes  des  apô- 
tres, gue  les  premiers  fidèles  n'étaient  tous 
qu'mie  âme  par  leur  charité.  «  Si  donc, 
leur  dit-il,  l'amour  a  pu  de  tant  d'âmes  n'en 
faire  qu'une  ,  le  Père  et  le  Fils  dont  l'amour 
est  ineffable  etl'union  intime,  ne  doivent-ils 
pas  être  appelés  un  seul  Dieu  ?  »  Il  enseigne 
que  la  sainte  Vierge  n'a  i*ien  souffert  dans 
sa  virginité,  ni  avant  ni  après  son  enfante- 
ment ;  que  l'Eglise  est  une,  sainte,  véritable 
et  catholique  ;  qu'elle  combat  toutes  les  hé- 
résies, et  ne  peut  en  être  vaincue  ;  que  le 
baptême  remet  toute  sorte  de  péchés  et  l'O- 
raison dominicale  les  péchés  légers  sans 
lesquels  nous  ne  pouvons  vivre.  Il  exhorte 
les  catéchumènes  à  ne  pas  commettre  de 
ces  sortes  de  péchés  par  lesquels  on  était 
séparé  du  corps  de  Jésus-Christ,  et  qu'on 
expiait  par  une  pénitence  publique  :  c'était 
les  adultères  et  d'autres  crimes  semblables. 
Ainsi  il  y  avait  trois  manières  d'obtenir  la 
rémission  de  ses  péchés,  savoir:  par  le  bap- 
tême, par  l'oraison,  et  parla  grande  humilité 
de  la  pinitence  ;  mais  personne  ne  pouvait 
espérer  ce  pardon,  qu'il  n'eût  reçu  le  bap- 
tême. 
Sermons  c-î       g.  Daus  le  discours  intitulé  :  De  la  Disci- 

la    Discij'line 

fl-^tiîr  '  pline  chrétienne,  saint  Augustin  prescrit  la 
manière  dont  on  doit  vivre  en  ce  monde, 
pour  vivre  éternellement  dans  l'autre.  11  ré- 
duit tous  les  préceptes  qu'on  peut  donner 
là-dessus  à  la  pratique  des  deux  commande- 
ments de  l'amour  de  Dieu  et  du  prochain.  Il 
dit  en  général  que  quiconque  aura  bien 
vécu,  ne  peut  mal  mourir  ;  qu'ainsi  appren- 
dre à  bien  vivre ,  c'est  apprendre  à  bien 
mourir.  11  exhorte  les  riches  à  se  décharger 
du  fardeau  de  leurs  richesses,  en  les  distri- 
buant en  partie  aux  pauvres.  Comme  la  plu- 
part s'en  excusaient  sur  ce  qu'il  était  besoin 
de  les  garder  pour  leurs  enfants,  il  leur  dit  : 
«  Comptez  ce  que  vous  avez  d'enfants,  et 
ajoutez  à  leur  nombre  Notre -Seigneur 
même.  Si  vous  en  avez  un,  que  Jésus-Christ 
soit  le  second  ;  si  vous  en  avez  deux,  qu'il 
soit  le  troisième.  » 
Sam.,™,  da       3.  Qu  doute  si  le  discours  gui  a  pour  ti- 

nouvciiu  Can- 

tique,  et  quel-  titre  :  Du  nouveau  Cantique,  est  de  samt  Au- 


gustin. 11  ne  pai'aît  pas  de  son  style,  et  il  j;;!"    °°^JJ5 

renferme  plusieurs  phrases  qui  sont  trans-  lï^j^f^iî""- 

crites    du    sermon   de  V Utilité   du  jeûne. 

Quant  aux  discours  sur  la   quatrième  férié 

ou  la  culture  de  la  vigne  du  Seigneur,  sur 

le  déluge  et  la  persécution  des  barbares, 

ils  sont  rejetés  comme  n'étant  pas  dignes  de 

ce  Père,  soit  pour  le  style,  soit  pom'  les 

pensées,  quoiqu'il  y  en  ait  quelques-uns  de 

lui,  mais  qui  sont  tirés  de  ses   Traités  sur 

saint  Jean. 

4.  Le  discours  sur  l'Utilité  du  jeûne  est 
marqué  dans  le  Catalogue  de  Possidius  '. 
Saint  Augustin  y  fait  voir  que  le  jeûne  nous  nyiJ,'™''-'!!; 
fait  entrer  en  quelque  sorte  en  société  avec  J,™°°'  i's- 
les  anges  ;  cju'il  est  absolument  nécessaire 
pour  dompter  sa  chair  ;  et  il  s'exprime  en 
cette  manièi-e  :  «  Si  donc  l'on  vous  dit  :  Est-ce 
que  vous  plaisez  à  Dieu  en  vous  tourmentant 
vous-même  ?  Ce  serait  un  Dieu  cruel,  s'il  se 
plaisait  à  vous  voir  souffrir.  Vous  pouvez  ré- 
pondre à  ce  tentateur  :  Je  ne  me  tourmente 
moi-même  qu'afm  qu'il  m'épargne  ;  je  me 
châtie,  afin  qu'il  m'assiste,  afin  de  plaire  à 
ses  yeux ,  afin  de  hii  pouvoir  être  agréable. 
Car  on  fait  ordinairement  du  mal  à  la  vic- 
time, pour  la  mettre  sur  l'autel  oii  elle  doit 
être  immolée.  »  On  ne  doit  point  pour  cela 
regarder  la  chair  comme  ennemie  de  l'es- 
prit, comme  faisaient  les  manichéens  cjui 
distinguaient  l'auteur  de  la  chair ,  de  celui 
de  l'espi-it.  Mais  la  révolte  de  la  chair  con- 
tre l'esprit  est  une  peine  du  péché  ;  il  est 
bon  de  la  priver  quelquefois  des  plaisirs  per- 
mis, parce  que  celui  qui  ne  se  prive  d'aucun 
des  plaisirs  qui  sont  permis ,  est  bien  près 
de  s'abandonner  à  ceux  qui  sont  défendus  : 
au  lieu  que  quand  on  se  prive  des  joies  de 
la  chair,  ou  obtient  les  joies  de  l'âme.  Les 
païens  jeûnaient  quelquefois ,  mais  sans 
connaître  la  patrie  vers  laquelle  nous  mai- 
chons  :  les  juifs  jeûnent  aussi,  et  ils  ignorent 
le  chemin  dans  lequel  nous  sommes  :  les  hé- 
rétiques jeûnent,  et  ils  se  flattent  de  se  ren- 
dre agréables  à  Dieu  en  jeûnant  :  mais 
qu'elle  récompense  peuvent-ils  espérer  du 
présent  qu'ils  font  à  Dieu  ?  Qu'ils  consi- 
dèrent ce  qiii  est  dit  dans  l'Évangile  :  Lais- 
sez-là  votre  don,  et  allez  vous  réconcilier  aupa- 
ravant avec  votre  f l'ère.  Vcnt-ou  croire  qu'ils  .Maïu.v.a. 
mortifient  leur  chair  comme  ils  doivent,  eux 
qui  déchirent  les  membres  de  Jésus-Christ?  » 
Saint  Augustin  prend  de  là  occasion  de  trai- 

1  Possitiius,  in  indiculo,  cap.  vm. 


I  rV  ET  V°  SIÈCLES. 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


ter  de  l'unité  qui  doit  régner  entre  les  mem- 
bres d'un  même  corps,  et  il  recommande  de 
ne  rien  négliger  pour  rappeler  les  héréti- 
ques à  l'unité  de  l'Église. 
Sermons  5.  Après  ce  discours  suit  celui  qui  est  in- 
■(ic^BoniMas.  litulé  :  Sw  Itt  Ruifie  de  la  ville  de  Morne ,  qui 
est  le  troisième  que  saint  Augustin  composa 
sui-  ce  sujet.  Il  est  cité  par  Bède  dans  son 
Commentaire  sur  l'Épltre  aux  Corinthiens. 
Le  but  de  ce  discours  est  de  montrer  que 
ces  sortes  d'accidents  sont  toujours  des  effets 
de  nos  péchés.  Saint  Augustin  y  témoigne 
que  la  nouvelle  des  maux  dont  cette  grande 
viUe  fut  accablée  ,  tira  bien  des  gémisse- 
ments de  son  cœur,  et  lui  fit  souvent  répan- 
dre des  larmes  ;  qu'elle  souffrit  les  ravages, 
les  pillages,  les  embrasements  et  tous  les 
autres  maux  qui  sont  ordinaires  aux  villes 
prises  dans  la  guerre  par  les  ennemis  ;  et 
qu'il  y  eut  beaucoup  de  personnes  qui  souf- 
frirent des  toui'ments  étranges  pour  décla- 
rer où  était  leur  argent.  Il  demande  pour- 
quoi Dieu  ne  pardonna  point  à  cette  viUe  à 
cause  des  justes  qui  y  étaient  :  «  Car  peut-on 
douter,  dit-il,  qu'il  n'y  en  eût  au  moins  cin- 
quante dans  un  si  grand  nombre  de  fidèles , 
de  vierges  consacrées  à  Dieu ,  de  continents 
et  de  serviteurs  et  servantes  du  Seigneur?  » 
Il  répond  :  a  II  est  évident  que  Dieu  pardonna 
à  cette  ville ,  puisqu'elle  ne  fut  pas  entière- 
ment détruite  comme  le  fut  Sodome  ;  il  était 
sorti  de  Rome  beaucoup  de  personnes  qui 
devaient  y  retourner  ;  il  y  en  demeura  un 
grand  nombre,  et  surtout  dans  les  lieux 
saints  à  qui  l'ennemi  ne  fit  aucun  mal.  Car 
Alaric  \  avant  d'entrer  dans  la  ville,  avait 
ordonné  aux  soldats  de  ne  pas  toucher  à 
tous  ceux  qui  se  réfugieraient  dans  les  lieux 
saints ,  principalement  dans  les  églises  de 
saint  Pierre  et  de  saint  Paul.  Quelque 
grande  que  fût  cette  calamité ,  elle  ne  le  fut 
pas  plus  que  celle  dont  Job  fut  affligé  ;  en- 
fin, les  tourments  temporels  sont  légers  en 
comparaison  de  ceux  de  l'enfer.  » 

Il  rapporte  la  manière  dont  Dieu  menaça 
la  ville  de  Constantinople  par  une  nuée  de 
feu,  et  dit  qu'il  y  en  avait  parmi  son  peuple, 
et  peut-être  même  parmi  ceux  qui  l'écou- 
taient,  qui  avaient  été  témoins  de  cette  mer- 
veille. On  la  met  en  396.  Voici  comment  il 
raconte  ce  fait.  «  Durant  le  règne  d'Arcade 
à  Constantinople  ,  Dieu  voulut  effrayer  cette 
ville  ,  et  en  l'effrayant  la  corriger ,  la  con- 

1  Orosius,  lib.  VII,  cap.  xxxix. 


283 

vertir,  la  purifier,  la  changer.  Il  apparut, 
dans  une  révélation,  à  un  de  ses  fidèles  ser- 
viteurs, qui  était,  dit-on,  un  homme  d'épée  ; 
lui  déclara  que  la  ville  devait  périr  un  cer- 
tain jour  par  un  feu  qui  viendrait  du  ciel,  et 
lui  dit  d'en  aller  avertir  l'évêque.  L'évêque 
ne  négligea  point  cet  avis  :  il  en  parla  au 
peuple,  et  la  ville  ayant  eu  recours  aux  lar- 
mes de  la  pénitence ,  comme  autrefois  celle 
de  Ninive,  elle  obtint  ainsi  la  révocation  de 
l'arrêt  prononcé  contre  elle.  Mais  afin  qu'on 
ne  crût  pas  que  l'auteur  de  cet  avis  eût  été 
trompeur  ou  trompé,  lorsque  le  jour  qu'il 
avait  marqué  fut  venu,  et  que  tout  le  monde 
attendait  avec  frayeur  l'effet  de  sa  prédic- 
tion, on  vit  au  commencement  de  la  nuit 
une  petite  nuée  de  feu  qui  s'élevait  du  côté 
de  l'Orient.  Elle  s'avança  en  croissant  tou- 
jours, jusqu'à  ce  qu'enfin  elle  s'étendit  sur 
toute   la   ville ,  où   elle   causa   un  étrange 
frayeur.  Chacun  voyait  pendre  la  flamme  sur 
sa  tête  ;  et  on   sentait  en  mêm  temps  une 
odeur  de   soufre.  Tout  le   monde   courait 
aux   églises ,    et  elles  n'étaient  pas  assez 
grandes  pour  ceux  qui  y  cherchaient  leur 
refuge.  Ceux  qui  n'avaient  pas  encore  reçu 
le  baptême,  le  demandaient  avec  empres- 
sement à  tous  les  ministres  de  l'Église  qu'ils 
pouvaient  trouver ,  non-seulement  dans  les 
temples,  mais  dans  les  maisons,  dans  les 
places  publiques ,  dans  les  rues,  pour  éviter 
non  le  feu  dont  ils  se  voyaient  alors  me- 
nacés ,  mais   celui  qu'ils  craignaient   pour 
l'éternité.   Enfin,   après   que  Dieu    eut  fait 
trembler  tout  ce  grand  peuple  ,  et  qu'il  l'eut 
convaincu  de  la  vérité  de  ce  que  son  servi- 
tem-  avait  dit  de  sa  part,  la  nuée  commença 
à  diminuer,  et  peu  à  peu  elle  se  dissipa  en- 
tièrement. A  peine  commençait-on  à  se  re- 
mettre de  cette  peur,  lorsque  le  bruit  se  ré- 
pandit   qu'il  fallait   absolument    quitter    la 
ville,  parce  qu'elle  devait  périr  le  samedi 
suivant;   on  marquait  même  l'heure.  Tout 
le  peuple  et  l'Empereur  même  quittèrent  la 
ville,  qui  que  ce  fut  n'y  demeura,  personne 
ne  fermant  même  la  porte  de  sa  maison, 
tant  la  crainte  de  la  mort  avait  fait  oublier 
tout  le  reste.  On  se  retira  à  quelques  milles 
de  la  ville ,  où  l'on  était  occupé  à  demander 
à  Dieu  miséricorde  ,  lorsque  tout  d'un  coup 
à  l'heure  prédite  ,  on  vit  une  grande  fumée 
s'élever  au-dessus  de  Constantinople.  A  cette 
vue  les  prières  redoublèrent  avec  de  grands 
cris,  jusqu'à  ce  que,  l'air  étant  devenu  se- 
rein ,  on  envoya  voir  ce  qui  était  arrivé,  et 


286 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


on  apprit,  avec  joie,  que  la  ville  subsistait 
tout  entière.  Alors  on  j  retourna  en  ren- 
dant à  Dieu  de  grandes  actions  de  grâces  ; 
et  chacun  trouva  sa  maison  en  l'état  qu'il 
l'avait  laissée,  sans  qu'on  en  eût  rien  ôté, 
quoiqu'elle  fut  demeurée  ouverte.  »  Saint 
Augustin  infère  de  cet  événement  que  Dieu, 
l'ayant  permis  pour  la  correction  de  la  ville 
de  Constantinople,  a  eu  un  semblable  mo- 
tif en  permettant  la  prise  de  Rome.  «  Car , 
ajoute-t-il,  il  est  non-seulement  un  père  mi- 
séricordieux ,  mais  encore  un  médecin  ha- 
bile qui  sait  comment  guérir  nos  blessures.  » 

-  §  XII. 

Des  ouvrages  faussement  attribués  à  saint 
Augustin. 

um  dos  1.  On  a  mis  à  la  tête  des  ouvrages  fausse- 
qSifour,  ment  attribués  à  saint  Augustin,  le  livre  des 
^°°'  '  Vingt  et  une  sentences  ou  questions.  C'est  un 

recueil  informe  de  divers  endroits  des  ou- 
vrages de  ce  Père,  où  l'auteur  a  pris  si  peu 
de  précautions,  qu'il  met  souvent  sous  un 
même  titre,  des  choses  qui  n'ont  entre  elles 
aucun  rapport  ;  et  quoique  ce  recueil  soit 
très-petit,  il  y  a  des  choses  qu'il  répète 
deux  fois.  Ses  définitions  ne  sont  pas  même 
toujours  exactes  ;  et  on  voit  par  les  solécis- 
mes  qu'il  fait,  qu'il  ne  possédait  pas  bien  la 
langue  latine. 
LWredes  2.  Il  v  a  plus  d'ordrc  dans  le  livre  des 
quesiions,  Soixaute-cinq  questions,  elles  sont  presque 
toutes  sur  dfes'matières  théologiques.  Elles 
sont  attribuées  dans  quelques  mamisci'its  à 
Orose  ;  mais  elles  ne  sont  pas  de  son  style,  et 
moins  encore  de  celui  de  saint  Augustin. 
L'auteur  les  a  recueillies ,  partie  de  l'opus- 
cule intitulé  de  la  Trinité  et  de  l'unité  de 
Dieu,  qui  se  trouve  parmi  les  pièces  suppo- 
sées du  huitième  tome  de  saint  Augustin  ; 
partie  des  Commentaires  sur  la  Genèse  qui 
porte  le  nom  de  saint  Eucher,  et  des  livres 
de  saint  Augustin  sur  la  Genèse  à  la  lettre. 
LiTro  de  la      3.  On  ne  doute  plus  aujourd'hui  que  le 

Foi   à   Pion  0,      ,,  T7ï^.,^»■  •  •  r  IJA 

i.ag.is.  livre  de  la  Foi  a  Pierre,  impiime  sur  1  auto- 
rité de  quelques  manuscrits,  sous  le  nom 
de  saint  Augustin,  ne  soit  de  saint  Fulgence. 
H  lui  est  attribué  nommément  par  Ratramne 
dans  le  livre  du  Corps  et  du  Sang  du  Seigneur. 
Isidore  de  Séville  et  Honorius  d'Autun  en 
font  aussi  mention  dans  l'article  de  saint 
Fulgence. 
LiTio  do      4.  Le  livre  de  l'Esprit  et  de  l'âme,  est  un 

l'4nir|"Us°  recueil   de  divers  passages  des  écrits   de 

34. 


saint  Augustin,  de  Gennade,  de  Boëthius, 
de  Cassiodore,  d'Isidore  de  Séville,  dé  Bède, 
d'Alcuin,  de  Hugues  de  saint  Victor,  de 
saint  Bei'nard  et  de  quelques  autres.  L'abbé 
Trithème  en  parle  dans  le  catalogue  des 
ouvrages  de  Hugues  de  saint  Victor,  sous  le 
nom  duquel  il  est  aussi  cité  par  Vincent  de 
Beauvais.  On  l'a  imprimé  parmi  ses  ouvra- 
ges; mais  on  croit  qu'il  est  d'Alcher,  ami 
d'Isaac,  abbé  de  l'Étoile.  Alcher  était  moine 
de  Clairvaux,  homme  de  lettres,  et  très-ins- 
truit dans  la  physique,  si  l'on  en  croit  le 
Père  Possevin. 

5.  Le  Traitéde  l'Amitié  n'est  qu'un  abrégé     LiycdeiA- 
de  celui   d'iElreide,  abbé  de  Reveisby,  en 
Angleterre  :  nous  l'avons  encore  aujourd'hui 

parmi  ses  œuvres,  où  il  est  en  forme  de 
dialogue  et  divisé  en  trois  livres.  Mais  l'a- 
bréviateur  n'en  a  gardé  ni  la  méthode  ni  le 
style  ;  il  en  a  même  changé  et  altéré  les 
pensées. 

6.  Le  livre  de  la  Substance  de  l'amour  est  Lirre  de  u 
composé  de  deux  petits  traités,  dont  le  pre-  lâmou?,  pa^. 
mier  qui  a  pour  titre  de  la  Substance  de  l'a- 
mour, est  quelquefois  attribué  à  saint  Au- 
gustin ;  mais  plus  souvent  à  Hugues  de  saint 
Victor.  Le  second  ne  porte  point  de  nom 
d'auteur,  il  pour  titre  :  Que  l'Amour  est  la 

vie  du  cœur.  On  l'a  imprimé  parmi  les  œu- 
vres diverses  de  Hugues  de  saint  Victor. 

7.  L'auteur  du  livre  de  l'Amour  de  Dieu,     Livre  do i'a- 

A,^.         1  »  !•  ■  '>,!        rourdoDieu, 

parait  être  le  même  que  celui  qui  a  écrit  le  r-s-  's- 
traité  de  l'Esprit  et  de  l'âme.  Saint  Jérôme 
y  est  cité  comme  un  ancien,  et  on  y  trouve 
divers  fragments  des  ouvrages  de  saint  An- 
selme, de  saint  Bernai'd,  et  de  Hugues  de 
saint  Victor.  Il  est  cité  par  Vincent  de  Beau- 
vais, sous  le  nom  de  Pierre  Comestor. 

8.  Nous  avons  parlé  ailleurs  des  Soliloques     Los  soiii»- 
de  saint  Augustin.  Ceux-ci  sont  écrits  avec   meTpag'!  so.  " 
une  toute  autre  méthode,  et  d'un  style  tout 
différent.  L'auteur  les  a  composés  de  passa- 
ges des  vrais  Soliloques,  et  des  Confessions 

de  saint  Augustin  :  il  en  a  fait  entrer  quel- 
ques-uns des  écrits  de  Hugues  de  saint 
Victor,  et  un  chapitre  presque  entier  du 
quatrième  concile  de  Latran,  tenu  vers 
l'an  1198. 

9.  L'auteur  du  livre  des  Méditations  dit,       t,wre  de» 
dans  le  chapitre  xxxi,  que  sa  foi  a  été  éclairée  ras.  io7. 
dès  son  enfance,  et  nourrie  des  lumières  de 

la  grâce  divine  ;  et,  dans  le  chapitre  xli, 
qu'il  n'était  coupable  d'aucun  péché  avant 
son  baptême  que  du  péché  originel.  Ce 
n'est  donc  point  saint  Augustin  qu'on  sait 


[l?'  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


Le  Manuel, 
)ag.  t3ô. 


Le   Miroir 
pag.  146. 


Le  Miroir, 
pag.  lùii. 


Livre  des 
Trois  Habifa- 
tioDS  ,  pag. 
159. 


L'Échelle 
Paradis  , 
pag.  1G3. 


Livre  do  la 
Connaissance 
de  la  vie,  pas. 
no. 


s'être  converti  assez  tard,  et  avoir  mené  une 
vie  dérangée  avant  son  baptême.  Les  pre- 
mières méditations  se  trouvent  parmi  celles 
de  saint  Anselme  :  on  croit  que  les  autres 
sont  de  Jean,  abbé  de  Fécamp,  qui  vivait 
du  temps  de  l'empereur  Henri  III.  La  raison 
qu'on  en  donne,  c'est  qu'elles  sont  jointes, 
dans  un  manuscrit  de  saint  Arnoul  de  Metz, 
à  une  lettre  que  cet  abbé  écrivit  à  la  veuve 
de  ce  prince.  D'ailleurs,  elles  sont  écrites 
dans  ce  manuscrit  d'un  caractère  qui  re- 
vient au  temps  où  cet  abbé  vivait. 

10.  C'est  encore  en  partie  des  Méditations 
de  saint  Anselme,  qu'est  tiré  le  livre  de  la 
Contrition  du  cœur;  mais  on  y  trouve  aussi 
des  endroits  qui  se  lisent  dans  les  écrits  de 
Hugues  de  saint  Victor. 

11.  Le  Manuel  a  été  imprimé  quelquefois 
sous  le  nom  de  saint  Augustin  ;  et  d'autres 
fois,  mais  en  partie  seulement,  parmi  les 
œuvres  de  saint  Anselme  et  de  Hugues  de 
saint  Victor.  C'est  un  composé  de  passages 
de  saint  Augustin,  de  saint  Cj'prien,  de 
saint  Grégoire  et  d'Isidore  de  Séville. 

12.  Il  s'en  trouve  aussi  une  partie  dans 
le  livre  intitulé  le  Miroir.  Le  reste  de  cet 
écrit  est  composé  de  passages  des  œuvres 
d'Alcuin. 

13.  Le  livre  suivant  est  encore  intitulé  : 
Miroir.  L'auteur  n'en  est  pas  connu  ;  mais 
il  vivait  après  saint  Odon,  abbé  de  Clugny  ; 
puisqu'il  cite  un  endroit  de  l'éloge  que  cet 
abbé  a  fait  de  saint  Martin.  Il  se  sert  aussi 
du  terme  de  prébende,  pour  marquer  un 
bénéfice  ecclésiastique  ;  ce  qui  ne  paraît  pas 
avoir  été  en  usage  avant  le  x"  siècle. 

14.  On  ne  connaît  pas  mieux  celui  qui  a 
écrit  le  livre  des  trois  Habitations,  savoir  du 
royaume  de  Dieu,  du  monde  et  de  l'enfer. 
Les  pensées  en  sont  les  mêmes  que  du 
traité  précédent. 

13.  Celui  qui  a  pour  titre  l'Echelle  du 
Paradis,  a  été  quelquefois  attribué  à  saint 
Bernard  ;  mais  on  l'a  restitué  à  Guigues  le 
Chartreux,  sur  une  lettre  qui  y  sert  de  pré- 
face dans  un  manuscrit  de  la  Chartreuse  de 
Cologne. 

16.  U  n'y  a,  ce  semble,  point  de  doute 
que  le  livre  intitulé  :  De  la  Connaissance  de  la 
vraie  vie,  ne  soit  d'Honorius  d'Autun,  puis- 
qu'il s'attribue  lui-même  un  traité  sous  ce 
titre,  dans  son  livre  des  Luminaires  de  VÉ- 
glise.  Il  faut  ajouter  que  cet  écrit  a  une  pré- 
face, et  que  c'était  la  coutume  d'Hoiiorius 
d'en  mettre  à  ses  opuscules. 


287 

17.  Le  livre  de  la  Vie  chrétienne  est  d'un 
anglais  nommé  Fastidius,  comme  Gennade 
le  dit  expressément.  C'est  sous  ce  nom  qu'il 
fut  imprimé  c\  Rome  par  Holsténius,  en  1633, 
sur  un  ancien  manuscrit  du  Mont-Cassin.  Il 
j  a  quelques  endroits  dans  ce  hvre  qui  pa- 
raissent favoriser  l'hérésie  de  Pelage.  Tri- 
thème  met  Fastidius  vers  l'an  420,  sous  les 
règnes  d'Honorius  et  de  Théodose. 

18.  Gi-atien,  et  quelques  autres  après  lui, 
comme  Trithème,  ont  cité  sous  le  nom  de 
saint  Augustin ,  le  livre  des  Enseignements 
salutaires;  mais  il  a  été  restitué  sur  l'au- 
torité d'un  manuscrit  de  la  bibhothèque 
de  Colbert  à  Paulin,  patriarche  d'AquUée, 
qui  mourut  dans  les  commencements  du 
ix°  siècle. 

19.  Le  hvre  des  Douze  abus  du  siècle,  a  été 
imprimé  parmi  les  œuvres  de  saint  Cyprien. 
Il  est  cité  par  Jonas  d'Orléans;  ainsi,  il  ne 
peut  être  de  Hincmar  qui  a  écrit  un  traité 
sur  la  même  matière,  comme  le  dit  Flo- 
doard.  Pamélius  témoigne  avoir  vu  un  ma- 
nuscrit où  il  était  attribué  à  saint  Augustin  ; 
m.-iis  où  l'on  avait  mis  à  la  marge  le  nom 
d'Evrard  à  la  place  de  celui  de  ce  Père.  On 
ne  connaît  point  cet  Evrard. 

20.  Le  père  Vignier  a  fait  imprimer  ces 
deux  traités  sous  le  nom  de  saint  Augustin, 
dans  la  première  partie  de  son  Supplément  ; 
mais,  comme  ils  se  trouvent  parmi  les  œu- 
vi-es  de  Hugues  de  saint  Victor,  on  les  a 
supprimés  dans  la  nouvelle  édition  de  saint 
Augustin. 

21.  Le  Ti'aité  du  combat  des  vices  et  des 
vertus,  après  avoir  été  attribué  successive- 
ment à  saint  Augustin,  à  saint  Léon,  à  saint 
Ambroise  et  à  Isidore  de  Séville,  a  été  enfin 
reconnu  pour  être  d'Ambroise  Autpert , 
moine  de  saint  Benoît  sur  le  Vulturne,  pro- 
che de  Bénévent.  Il  en  est  fait  mention  dans 
sa  vie  rapportée  au  m"  siècle  bénédictin,  sur 
l'an  778,  et  on  remarque  que  le  style  de  ce 
traité  a  beaucoup  de  conformité  avec  celui 
du  même  auteur  sur  l'Apocalypse. 

22.  On  ne  sait  point  l'auteur  de  livre  de  la 
Sobriété  et  de  la  Chasteté.  Il  fait  l'éloge  de 
ces  deux  vertus  avec  assez  d'élégance,  et 
combat  les  vices  opposés,  par  les  suites  fâ- 
cheuses qu'ils  entraînent  nécessairement. 

23.  Gratien  et  Pierre  Lombard  ont  trans- 
crit beaucoup  d'endroits  du  livre  de  la  vraie 
et  de  la  fausse  Pénitence,  le  croyant  de  saint 
Augustin,  sous  le  nom  duquel  il  est  aussi 
cité  par  Pierre  de  Blois,  par  Vincent  de 


Livra  de  la 
Vie  chrétien- 
ne, pag.  183. 
Gennad. 
scrip.  eccles. 
cap.  LVi. 


Livre  des 
Enseigne  - 
menls  salutai- 
res, pag,  194. 


Livre  des 
Douze  abus 
du  siècle,  pag. 
211. 


Traités  des 
sept  vices  et 
des  sept  don» 
du  Saint-Es- 
prit, pag.  213 


Traité  du 
combat  des  vi- 
ces et  des  ver- 
tus, pag.  219. 


Livre  de  la 
Sobriété  et  de 
la  Chasteté  , 
pag.  227. 


Livre  de  la 
vraie  et  de  la 
fausse  Péni- 
tence ,  pag, 
231. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Livifi 
de  l'Ante- 
cil  risl,  pa^. 
242. 


Le  Psautier, 
pag.  2-'iC. 


C;jiiliquo 
Magn  i  n  eut, 
pag.  247. 


De  l'As- 
somption de 
la  Vicîfje.T.np. 


Livre  ilc  la 
Visite  des  in- 
fiiini  s  et  i!o 
la  Cnnsolation 
des  m  n  rt  s, 

Tac.    2:i4    et 


Troîlé  do  la 
cnnduite  cliré- 
tlennc,    pog. 


288 

Beauvais,  par  saint  Thomas  et  quelques  au- 
tres. Trithème  le  croit  supposé,  parce  que 
saint  Augustin  y  est  cité  lui-même  au  chapi- 
tre XVII.  Il  faut  ajouter  que  le  style  en  est  diffé- 
rent de  celui  de  ce  Père,  et  que  l'auteur  ex- 
plique plusieurs  endroits  de  l'Ecriture  d'ime 
toute  autre  manière  que  lui. 

24.  Le  petit  traité  de  V Antéchrist  se.  trouve 
tout  entier  parmi  les  œuvres  d'Alcuin,  et  en 
partie  parmi  celles  de  Rhaban  Maur.  Il  est 
cité  par  l'abbé  Rupert,  mais  sans  nom 
d'auteur.  Divers  manuscrits  l'attribuent  à 
Alcuin,  et  marquent  qu'il  le  dédia  à  Charle- 
magne.  Quel  qu'en  soit  l'autem-,  il  parle  de 
l'Antéchrist  et  de  la  fin  du  monde,  d'mie 
manière  qu'on  dirait  que  tout  ce  qu'il  en 
rapporte  lui  a  été  révélé.  Par  le  temple  de 
Dieu  où  l'Antéchrist  s'associera,  il  entend  la 
sainte  Église. 

25.  Le  traité  suivant  qui,  dans  les  impri- 
més, était  intitulé  :  Psautier,  que  l'évèque 
Augustin  composa  pour  sa  mère,  a  pour 
titre  dans  un  manuscrit  de  la  bibliothèque 
du  roi  :  Psautier  du  Bienheureux  Jean  pape, 
fait  à  Vienne  :  on  croit  que  c'est  Jean  XXII. 
C'est  une  prière  tirée  de  plusieurs  versets 
des  Psaumes,  dans  laqueUe  l'auteur  implore 
le  secours  de  Dieu  dans  ses  besoins. 

26.  L'explication  du  cantique  Magnificat 
n'est  qu'un  fragment  de  celle  de  Hugues  do 
saint  Victor,  que  l'auteur  a  extrêmement 
corrompue  et  altérée. 

27.  Le  Traité  de  l'Assomption  de  la  Vierge 
paraît  être  d'un  auteur  du  xii°  siècle.  Il  en- 
seigne que  la  sainte  Vierge  n'a  point  subi 
la  sentence  prononcée  contre  le  premier 
homme  :  Vous  êtes  poudre  et  vous  retournerez 
en  poudre  ;  mais  qu'elle  est  en  corps  et  en 
âme  dans  le  ciel. 

28.  Les  deux  livres  de  la  Visite  des  infir- 
mes apprennent  la  manière  dont  les  prêtres 
doivent  se  conduire  envers  les  malades,  et 
dont  les  malades  eux-mêmes  doivent  de- 
mander et  recevoir  les  sacrements.  On  n'en 
sait  pas  l'auteur;  mais  il  ne  peut  être  fort 
ancien.  On  peut  lui  attribuer  les  deux  livres 
de  la  Consolation  des  morts,  dont  le  premier 
se  trouve  sous  le  nom  de  saint  Jean ,  appa- 
remment Chrysostôme,  dans  un  ancien  ma- 
nuscrit de  Corbie. 

29.  Le  traité  de  la  Conduite  chrétienne  ou 
catholique,  se  lit  dans  le  second  livre  de  la 
Vie  de  saint  Eloi,  écrite  par  Audoënus  ou  saint 
Ouën  ;  mais  les  pensées,  et  même  les  paroles 
sont  presque  toutes  tirées  des  sermons  de 


saint  Césaire,   qu'on  lisait  alors  dans  les 
églises  de  France  [et  d'Espagne. 

30.  Le  discours  sur  le  Symbole  est  composé 
de  passages  tirés  des  écrits  de  Rufin,  de  saint 
Grégoire,  de  Césaire,  d'Yves  de  Chartres  et 
de  quelques  autres.  Il  est  inutile  de  s'arrêter 
sur  quekjues  autres  petits  traités,  comme 
sur  celui  de  l'Agneau  pascal,  sur  les  Trois 
discours  aux  néophites ,  sur  la  Création  du 
premier  homme ,  sur  la  Vanité  du  siècle,  sur 
le  Mépris  du  monde ,  sur  le  Bien  de  la  disci- 
jjline,  sur  l'Obéissance  et  l'Humilité,  sur  la 
Charité,  sur  la  Prière  et  l'A  umône  ;  enfin  sur 
le  traité  de  la  Généralité  des  aumônes.  Ils  n'ont 
rien  ni  du  style,  ni  de  génie  du  saint  Augus- 
tin. 

31.  Le  traité  des  Douze  pierres  dont  il  est 
parlé  dans  l'Apocalypse,  a  beaucoup  de  con- 
formité avec  l'explication  qu'en  donne  Bède 
le  Vénérable  ;  mais  on  doute  aussi  s'il  n'est 
pas  de  l'évèque  Amatus,  moine  du  Mont- 
Cassin,  à  qui  Pierre,  diacre,  attribue  un 
traité  semblable. 

32.  Les  soixante-seize  sermons,  adi'essés 
aux  frères  du  désert,  sont  l'ouvrage  d'uu  im- 
posteur également  grossier  et  ignorant.  Ils 
sont  remplis  de  fables  et  de  faussetés,  écrits 
d'un  style  puéril  et  barbare.  Tout  ce  qu'on 
y  trouve  de  bon  est  tiré  de  saint  Augustin, 
de  Césaire  et  de  saint  Grégoire. 

ARTICLE  VIH. 

DES     ODVBAGES    CONTENUS     DANS      LE     SEPTIÈME 
TOME    DES    LIVRES    DE   LA    CITÉ   DE    DIEU. 

i.  Nous  avons  vu  en  parlant  des  apolo- 
gies, que  Tertullien,  Arnobe,  saint  Cyprierr, 
et  quelques  autres  anciens  ont  faites  pour  la 
religion  chrétienne,  que  c'était  la  coutume 
des  païens,  aussitôt  que  le  monde  était  af- 
fligé de  quelques  calamités,  d'en  faire  re- 
tomber la  cause  sur  les  chrétiens.  Ces  ca- 
lomnies, tant  de  fois  réfutées ,  se  renou- 
velèrent sous  le  règne  de  l'empereur  Hono- 
rius.  Les  païens  eurent  la  hardiesse  d'at- 
tribuer la  prise  de  Rome,  en  410,  au  culte 
de  Jésus-Clu'ist  et  à  l'abolition  de  l'idolâtrie  ; 
car  alors,  les  lois  des  empereurs  ne  permet- 
taient à  personne  d'adorer  les  faux  dieux. 
Ce  qu'il  y  eût  '  de  plus  étrange  dans  les 
blasphèmes  que  l'on  proféi'a  alors  contre 
Jésus-Cln-ist,  c'est  qu'ils  sortirent  de  la 
bouche  d'une  partie  de  ceux-mêmes  d'entre 

'  Augiist.,  lil).  I  De  Civit.  Dei,  cap.  I. 


Discours  sa 
e     Symbole 


Trailé  de; 
Douze  pierres 
P2S.  301. 


Fermon? 
aux  Frères  ilu 
déseit. 


L;vres  do  la 
Cil.'  lie  Dieu  : 
Il  quelle  ncca. 
sioD  écrits. 


[n''  ET  Y"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  É^'ÊQUE  D'HIPPONE. 


289 


ne  Tu- 
athevés 
42tj  ou 


les  païens  qui  ne  se  sauvèrent  de  la  mort 
qu'en  se  réfugiant  dans  les  églises  qui  lui 
étaient  consacrées ,  ou  en  faisant  même 
semblant  de  suivre  sa  religion.  Ce  fut,  pour 
détruire  à  fond  leurs  vains  raisonnements, 
que  saint  Augustin  entreprit  le  grand  ou- 
vrage qui  a  pour  titre  :  De  la  Cité  de  Dieu. 
Il  ne  craint  point  de  dire  '  lui-même  que  ce 
fut  le  zèle  de  la  maison  du  Seigneur  qui  l'en- 
tlamma  du  désir  de  réfuter  les  blasphèmes 
des  païens. 

2.  Saint  Augustin  avait  déjà  dit  quelque 
chose  sur  cette  matière  dans  les  lettres  qu'il 
écrivit  en  412  à  Volusien  et  à  Marcellin  ;  mais 
ce  dernier,  ne  trouvant  pas  qu'il  y  eût  suffi- 
samment répondu  aux  calomnies  des  païens, 
l'exhorta  à  faire,  non  des  lettres  contre  eux, 
mais  des  livres  ent'ers,  «  qui  seraient,  lui 
disait-il,  d'une  utilité  incroyable  pour  l'É- 
glise. »  Saint  Augustin  ne  fut  pas  d'abord  de 
cet  avis ,  croyant  qu'il  valait  mieux  réfuter 
les  païens  par  lettres;  mais  peu  après  il 
pria  ^  MarceUin  de  lui  mander  s'il  croyait 
qu'il  faUùt  des  livres  plutôt  que  des  lettres 
pour  la  conviction  des  païens  ,  ne  doutant 
pas,  qu'avec  le  secours  de  Dieu,  il  ne  pût 
répondre  à  toutes  leurs  plaintes.  Il  parait 
par-là  qu'en  412,  saint  Augustin  n'avait  pas 
encore  commencé  ses  livres  de  la  Cité  de 
Dieu,  et  qu'il  n'en  forma  même  le  dessein 
que  quelque  temps  après,  c'est-à-dire,  vers  le 
commencement  de  l'an  413,  avant  la  mort 
de  Marcellin  ',  arrivée  au  mois  de  septem- 
bre de  la  même  année. 

3.  Ces  livres  sont  au  nombre  de  vingt- 
deux;  il  n'y  a  que  les  deux  premiers  qui 
soient  dédiés  à  Marcellin,  parce  qu'appa- 
remment MarceUin  était  mort  lorsqpie  saint 
Augustin  travailla  aux  suivants.  Le  troi- 
sième suivit  de  près  les  deux  premiers.  Le 
quatrième  et  le  cinquième  sont  de  l'an  413, 
comme  on  le  voit  par  la  lettre  *  que  ce  Père 
écrivit  à  Évodius  sur  la  fin  de  cette  année, 
où  il  dit  qu'il  avait  ajouté  deux  livres  aux 
trois  premiers.  Il  avait  déjà  achevé  les  dix 
premiers,  et  travaillait  au  onzième  en  416 
ou  417,  lorsque  Orose  ^  commençait  à  écrire 
son  Histoire  universelle.  Il  cite  lui-même  le 
quatorzième  livre  dans  son  ouvrage  "  contre 
V Adversaire  de  la  Loi  et  des  Prophètes,  fait 
vers  l'an  420  ;  et  le  vingi-deuxième  (jui  est 

'  Lib.  II  Retract.,  cap.  XLin.  —  '^  August.,  Epist. 
136  et  138.—  3  Epist.  loi.  —  *  August.,  Epist.  169. 
—  ^  Oro9.,  Prœf.  ad  hist.  —  i^  August.,  iu  Advera., 
cap.  XIV. 

IX. 


le  dernier,  dans  ses  livres  des  Rétractations 
achevés  en  426  ou  427.  Cet  ouvrage,  comme 
on  le  voit,  le  tint  plusieurs  années,  parce 
qu'il  survenait  de  temps  en  temps  d'autres 
affaires  qu'il  ne  pouvait  remettre. 

Dans  les  cinq  premiers*^ livres  saint  Augus- 
tin réfute  ceux  qui  croient  que  le  culte  de  plu- 
sieursdieux  est  nécessaire  au  bien  du  monde, 
et  qui  soutiennent  que  tous  les  malheurs  arri- 
vés depuis  peu  ne  viennent  que  de  ce  qu'on 
le  défend.  Les  cinq  suivants  sont  contre 
ceux  qui  demeurent  d'accord  que  ces  mal- 
heurs sont  ■arrivés  dans  tous  les  temps; 
mais  qui  prétendent  que  le  culte  des  divini- 
tés du  paganisme  est  utile  pour  l'autre 
vie.  Comme  ces  dix  premiers  livres  ten- 
daient seulement  à  réfuter  les  opinions  chi- 
mériques des  païens,  saint  Augustin,  crai- 
gnant qu'on  lui  reprochât  de  n'avoir  fait 
que  combattre  leurs  sentiments,  sans  éta- 
blir ceux  de  l'Église,  employa  à  cet  effet 
l'autre  partie  de  cet  ouvrage  cpii  comprend 
douze  livres.  Les  quatre  premiers  contien- 
nent la  naissance  des  deux  cités,  de  celle 
de  Dieu  et  de  celle  du  monde;  les  quatre 
suivants,  leurs  progrès;  et  les  quatre  der- 
niers, leurs  fins.  Mais  (juoique  tous  ces 
vingt-deux  livres  traitent  également  de  ces 
deux  cités,  ils  ont  néanmoins  pris  le  nom  de 
la  meilleure,  en  sorte  qu'on  les  appelle  les 
livres  de  la  Cité  de  Dieu. 

4.  C'est  de  là  '  que  tous  ceux  qui,  depuis 
saint  Augustin,  ont  combattu  les  ennemis  de 
la  religion  chrétienne,  ont  tiré  ce  qu'ils  ont 
dit  de  plus  fort  pour  sa  défense.  Macédonius,  • 
vicaire  d'Afrique,  qui  n'avait  vu  que  les 
trois  premiers  livres,  ne  se  lassait  pas  de  les 
lire  et  de  les  admirer.  «  Je  les  ai  lus  de 
suite,  dit-il  à  saint  Augustin  lui-même  '°  :  car 
ils  ne  sont  pas  si  froids ,  et  si  languissants 
qu'on  puisse  les  quitter  quand  on  les  a  une 
fois  commencés.  Ils  m'ont  entraîné,  et  m'ont 
tellement  attaché  à  eux,  qu'ils  m'ont  fait 
oublier  toutes  mes  affaires.  Aussi,  je  vous 
proteste  que  je  ne  sais  ce  qu'on  y  doit 
admii-er  d'avantage;  si  c'est  ou  ces  maximes 
de  rehgion  si  parfaites  et  si  dignes  de  nous 
être  enseignées  par  un  pontife  de  Jésus- 
Christ,  ou  la  science  de  la  philosophie,  ou 
la  profonde  connaissance  de  l'histoire,  ou 
une    éloquence    pleine    d'agréments    qui 

■>  Lib.  I  Retract.,  cap,  ssvi  et  lib.   II,  cap.  xli. 
'  Lib.  II  Retract.,  cap.  xlui.  —  '  Bened.,  Prœf. 
in  lib.  de  Civit.,  pag.  l. 
»»  Epist.  154, 

19 


Estime 
a  faiio  à 

lîTres. 


290 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


charme  de  telle  sorte  les  ignorants  mêmes, 
qu'ils  ne  sauraient  s'empêcher  d'aller  sans 
relâche  jusqu'au  bout;  et  que,  quand  ils  ont 
achevé  de  les  lire ,  ils  voudraient  qu'ils  ne 
fussent  pas  encore  finis.  »  Orose  dit  '  que 
les  dix  premiers  livres  sont  comme  autant 
de  rayons  éclatants,  et  qu'ils  ne  furent  pas 
plutôt  sortis  de  cette  source  de  lumière,  où 
ils  avaient  pris  leur  naissance,  qu'on  les  vit 
briUer  par  tout  le  monde.  <(  Nous  devons, 
dit  Cassiodore^,  en  paiiant  de  ces  vingt-deux 
livres,  les  hre  sans  cesse,  et  ne  nous  en  dé- 
goûter jamais.  »  Charlemagne  ^,  qui  aimait 
les  écrits  de  saint  Augustin,  prenait  plaisir 
surtout  à  lire  celui  de  la  Cité  de  Bien  ;  et  le 
roi  Charles  V,  surnommé  le  Sage,  crut  de- 
voir récompenser  magnifiquement  celui  qui 
lui  dédia  cet  ouvrage  traduit  en  français. 

Saint  Augustin,  en  revoyant  ses  livi'es 
de  la  Cité  de  Dieu,  y  corrigea  quelcfues  en- 
droits ;  mais  qui  ne  sont  point  de  grande  im- 
portance. «  Dans  le  dixième,  dit-il  *,  je  ne 
devais  pas  parler,  comme  d'un  miracle,  du 
feu  du  ciel  qui  courut  entre  les  victimes  dans 
le  sacrifice  d'Abraham,  puisque  ce  n'était 
qu'une  vision.  Dans  le  dix-septième,  au  lieu 
de  dire  en  parlant  de  Samuel,  qu'il  n'était 
pas  des  enfants  d'Aaron  ,  j'aurais  dû  plutôt 
dire  qu'il  n'était  pas  fils  du  grand-prêtre  : 
car  c'était  la  coutume  que  les  enfants  des 
grands-prêtres  leur  succédassent.  » 
Analyse  .lu       5.  La  religiou  clirétienne,  loin  d'avoir  été 

premier  livi  e,  ^ 

pag.  387.  nuisible,  a  procure  de  grands  biens  non-seu- 
lement à  ceux  qui  la  professaient,  mais  en- 
•  core  à  ses  plus  grands  ennemis.  «  En  effet,  dit- 
il,  après  la  prise  de  Rome,  les  sépulcres  des 
martyrs,  elles  basiliques  des  apôtres  servi- 
rent également  d'asile  aux  clrrétiens  et  aux 
païens.  C'est  là  que  s'arrêtait  l'effort  d'un 
ennemi  altéré  de  sang  et  de  carnage  ;  c'est 
là  que  se  brisait  la  fureur  de  ces  meur- 
triers, qui  partout  ailleurs  exerçaient  sans 
aucune  compassion  tous  les  actes  d'hostihté, 
que  la  rage  leur  inspirait,  ou  qui  leur  étaient 
permis  par  le  droit  des  armes.  Combien  de 
gueri'es  avant  et  depuis  la  fondation  de  Ro- 
me ?  Que  les  païens  en  produisent  quelques- 
unes,  où  les  ennemis  après  la  prise  d'une 
ville  aient  épargné  ceirx  qui  s'étaient  réfu- 
giés dans  les  temples  de  leurs  dieux,  et  où 
un  chef  des  barbares  ait  commandé,  comme 
Alaric  à  ses  soldats,  de  les  épargner.  Énée  ne 


vit-il  pas  égorger  Priam  au  pied  des  autels 
que  lui-même  avait  dressés?  Diomède  et 
Ulysse  n'enlevèrent-ils  pas  l'image  de  Pallas 
après  avoir  tué  ceux  qui  la  gardaient?  Ce 
sont  pourtant  là  les  dieux  auxquels  les  Ro- 
mains avaient  confié  la  gai'de  de  leur  ville  : 
Virgile  ne  craint  pas  de  les  appeler  des 
dieux  vaincus.  Quelle  folie  n'est-ce  donc  pas 
de  croire  qu'on  ait  bien  fait  de  mettre 
Rome  sous  la  protection  de  tels  défenseurs,  et 
de  prétendre  qu'elle  n'eût  pu  être  saccagée  si 
elle  ne  les  eût  perdus  ?  Le  temple  de  Junon 
ne  sauva  aucun  de  ceux  qui  s'y  réfugièrent 
dans  la  prise  de  Troie  ;  mais  les  basiliques 
des  apôtres  garantirent  tous  ceux  qui  s'y  re- 
tirèrent dans  la  prise  de  Rome.  Les  Romains 
mêmes  n'ont  jamais  épargné  les  temples  des 
villes  qu'ils  ont  forcées;  et  si  Fabius,  dans  la 
prise  de  la  ville  de  Tarente,  ne  pilla  point  les 
statues  des  dieux,  ce  ne  fut  par  aucun  res- 
pect. Car,  comme  on  lui  demandait  ce  qu'il 
voulait  qu'on  en  fit,  il  s'informa  comment 
elles  étaient  faites,  et  ayant  appris  qu'il  y  en 
avait  plusieurs  fort  gx'andes  et  même  armées  : 
Laissons  aux  Tarentins,  dit-il,  leurs  dieux 
irrités.  C'est  donc  au  désordre  de  la  guerre 
et  non  pas  au  nom  de  Jésus-Christ  qu'il  faut 
imputer  la  prise  de  Rome  par  les  Goths,  les 
incendies,  les  piUages  et  les  meurtres  qui  en 
furent  la  suite.  Si,  l'on  demande  pourquoi, 
dans  cette  occasion,  la  divine  miséricorde 
s'est  étendue  sur  les  païens  qui  s'étaient  ré- 
fugiés dans  les  éghses,  comme  sur  les  chré- 
tiens ,  c'est  que  les  biens  et  les  maux  de  ce 
monde  sont  communs  aux  bons  et  aux  mé- 
chants, et  que  celui  qui  a  exercé  cette  misé- 
ricorde, est  celui  même  qui  tous  les  jours 
fait  lever  son  soleil  sur  les  bons  et  sur  les 
méchants,  et  pleuvoir  sur  les  justes  et  sm- 
les  injustes.  Il  y  a  cependant  cette  différence 
dans  l'usage  que  les  uns  et  les  autres  fout 
de  ces  biens  et  de  ces  maux,  que  les  bons 
ne  s'élèvent  point  dans  la  bonne  fortune,  et 
ne  s'abattent  point  dans  la  mauvaise  ;  tandis 
que  les  méchants  se  laissent  abattre  dans 
l'advei'sité,  parce  qu'ils  se  sont  laissés  cor- 
rompre par  la  prospérité,  et  l'ont  considérée 
comme  un  grand  bonheur.  De  là  vient  qu'en 
une  même  affliction  les  méchants  blasphè- 
ment conh-e  Dieu,  et  les  bons  le  prient  et  le 
bénissent.  Au  reste  les  châtiments  des  bons 
et  des  méchants  sont  souvent  une  punition 


'  Oros.,  Prœf.   ad    hist.  —  ^  Cassiod.,  Inst,, 
cap.  XVI. 


'  Bened.,  Prœf.  in  lib.  de  Civit. 
lib.  II  Retract.,  cap.  xsxiv. 


*  August., 


[IV°  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


291 


des  péchés  dont  les  plus  justes  ne  peuvent  se 
dire  exempts.  Ils  servent  encore  à  faire  con- 
naître à  l'homme,  s'il  aime  véritablement 
Dieu  ;  et  lorsque  ces  châtiments  sont  publics, 
ils  sont  souvent  une  suite  des  mœurs  corrom- 
pues de  la  multitude  ;  en  ce  cas  les  bons  se 
trouvent  enveloppés  avec  les  méchants 
dans  une  calamité  commune.  » 

Saint  Augustin  remarque  que  Dieuj)unit 
aussi  les  bons  avec  les  méchants ,  parce 
qu'ils  n'ont  pas  soin  de  les  reprendre  et  de  les 
corriger;  ce  qu'il  entend  surtout  de  ceux  qui 
ont  la  conduite  des  peuples  dans  l'Église.  Il 
soutient  que  les  gens  de  bien  ne  perdent 
rien  en  perdant  les  biens  d'ici-bas,  pourvu 
qu'ils  ne  perdent  ni  la  foi,  ni  la  piété,  ni  les 
biens  de  l'homme  intérieur  qui  le  rendent 
riche  devant  Dieu.  Il  cite,  à  cette  occasion, 
l'exemple  de  saint  Paulin,  évéque  de  Noie, 
qui,  ayant  été  pris  par  les  barbares  dans  le 
sac  de  cette  ville,  faisait  en  son  cœur  cette 
prière  à  Dieu  :  «  Seigneur,  ne  permettez  pas 
que  je  sois  tourmenté  pour  de  l'or  et  de  l'ar- 
gent :  car  vous  savez  où  sont  tous  mes  biens .  » 
En  effet,  continue  le  saint  Docteur,  il  les  avait 
mis  où  celui  qui  avait  menacé  le  monde  de 
ce  fléau  l'avait  averti  de  les  mettre,  et  d'en 
faire  un  trésor  en  les  donnant  aux  pauvres. 

Plusieurs  chrétiens ,  disait-on ,  sont  morts 
de  faim,  ou  ont  péri  par  le  glaive  pendant 
le  siège  de  la  ville  de  Rome.  Il  y  en  a  mê- 
me eu  plusieurs  qui  n'ont  point  été  ensevelis. 
Enfin  on  en  a  raené  un  grand  nombre  en  cap- 
tivité. Saint  Augustin  répond  :  «Il  importe  peu 
de  quel  genre  de  mort  on  meurt  quand  on  a 
bien  vécu,  puisqu'alors  on  meurt  toujours 
bien;  ce  n'est  pas  un  mal  pour  les  chrétiens 
de  n'être  pas  ensevelis ,  les  cérémonies  des 
enterrements,  le  soin  des  funérailles,  le  choix 
de  la  sépulture  étant  plutôt  pour  la  conso- 
lation des  vivants  que  pour  le  soulagement 
des  morts  ;  il  ne  faut  pas  pour  cela  négliger 
et  abandonner  les  corps  de  ceux  qui  sont 
morts,  surtout  des  fidèles  et  des  gens  de 
bien,  dont  le  Saint-Esprit  s'est  servi  comme 
d'instrument  et  d'organe  pour  toutes  les 
bonnes  œuvres.  Ceux  qui  ont  été  emmenés 
captifs,  ont  Dieu  avec  eux  qui  ne  manquera 
pas  de  les  consoler  dans  leur  captivité , 
comme  il  consola  Daniel  et  les  trois  enfants 
de  Babylone  qui  étaient  aussi  captifs  ;  la 
piété  de  Régulus  envers  les  dieux  n'empê- 
cha pas  que  les  Carthaginois  ne  le  fissent 
mourir  cruellement.  Ainsi  il  y  a  bien  moins 
de   raisons   de  blâmer    le    christianisme   à 


cause  de  la  captivité  de  quelques  chrétiens, 
puisque,  attendant  avec  joie  la  jouissance  de 
la  céleste  patrie,  ils  savent  qu'ils  sont  étran- 
gers dans  leurs  propres  maisons.  » 

Pour  montrer  ensuite  que  les  vierges  à 
qui  on  avait  fait  violence  n'avaient  pas  pour 
cela  perdu  leur  chasteté  ,  saint  Augustin 
établit,  comme  un  principe  assuré,  que  la 
vertu  qui  fait  que  l'on  vit  bien,  a  son  siège 
dans  l'âme,  d'où  elle  commande  aux  mem- 
bres du  corps;  de  sorte  que  le  corps  est 
saint,  lorsque  la  volonté  qui  règle  ses  mou- 
vements, est  sainte.  Il  excuse  celles  qui  se 
sont  tuées  elles-mêmes  pour  éviter  l'outrage 
qu'on  voulait  faire  à  leur  chasteté  ;  mais  il 
prouve  en  même  temps  que  l'action  de  Lu- 
crèce, dame  romaine ,  si  vantée  par  les 
païens,  n'était  pas  moins  contraire  à  la  rai- 
son qu'aux  lois  de  la  nature;  et  qu'il  n'est 
jamais  permis  de  se  tuer  soi-même.  Il  sou- 
tient qu'il  n'y  a  en  cela  aucune  générosité, 
mais  beaucoup  de  faiblesse  ,  et  que  Lucr'èce 
n'en  vint  à  cette  extrémité  que  dans  la 
crainte  d'être  regardée  comme  complice  de 
l'adultère  avec  le  fils  du  roi  Tarquin,  si  elle 
souffrait  une  action  si  lâche  avec  patience. 
«  Les  femmes  chrétiennes,  dit-il,  qui  sont 
tombées  dans  le  même  malheur,  n'ont  pas 
suivi  sa  conduite.  Elles  vivent,  et  n'ont  pas 
vengé  sur  elles-mêmes  le  crime  d'autrui. 
Elles  ont  au-dedans  d'elles  la  gloire  de  la 
chasteté,  et  l'ont  aux  yeux  de  leur  Créateur  : 
et  cela  leur  sufiit.  »  Il  ne  laisse  pas  néan- 
moins de  se  servir  des  louanges  que  les  ora- 
teurs païens  avaient  données  à  Lucrèce,  pour 
justifier  l'innocence  des  femmes  chrétiennes 
dont  on  avait  abusé  dans  le  sac  de  Rome.  Un 
d'eux  aVait  dit,  ne  parlant  de  ce  qui  était  ar- 
rivé à  cette  dame  romaine  :  Chose  admirable  ! 
ip  étaient  deux,  et  un  seul  a  été  adultère.  Il  se 
fait  cette  objection  :  quelques  saintes  fem- 
mes, pendant  la  persécution,  se  sont  jetées 
dans  la  rivière  pour  se  sauver  de  la  violence 
de  ceux  qui  les  voulaient  déshonorer  ;  et 
l'Église  catholique  les  a  honorées  comme 
martyres.  Il  répond  qu'elles  ont  pu  être 
poussées  à  cette  action  par  l'esprit  de  Dieu, 
comme  Samson  ;  et  que  c'est  peut  être  aussi 
par  l'inspiration  du  même  Esprit  que  l'Église 
leur  a  rendu  l'honneur  du  martyre.  Quand 
Dieu  commande  une  chose,  qui  peut  faire 
un  crime  de  l'obéissance  qu'on  lui  rend?  Ce 
ne  fut  point  par  courage  que  Caton  se  tua  , 
mais  parce  qu'il  ne  voulait  pas  que  César 
eût  la  gloire  de  lui  pardonner.  S'il  était  per- 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ADaljpe  (lu 
secoud  livre  , 
P»S.  31. 


292 

mis  de  se  tuer,  même  pour  éviter  de  péché, 
il  vaudi-ait  mieux  le  faire  aussitôt  après  le 
baptême  ;  mais  il  faut  bien  que  l'Église  ne 
croie  point  cette  voie  légitime,  puisqu'elle 
exhorte  les  baptisés  à  garder  la  virginité,  ou 
à  demeurer  chastes  dans  l'état  de  la  viduité 
ou  du  mariage.  Les  païens  avaient  tort  d'in- 
sulter aux  chrétiens  dans  leurs  disgrâces, 
puisqu'ils  n'en  étaient  pas  eux-mêmes 
exempts  ;  s'ils  imputaient  aux  chrétiens  les 
calamités  publicpies,  c'était  parce  qu'ils  au- 
raient souhaité  d'être  méchants  en  toute  as- 
surance, et  pour  mener  une  vie  toute  pleine 
de  dissolution  et  de  débauche ,  sans  que 
rien  les  troublât  dans  la  jouissance  de  leurs 
plaisirs. 

Saint  Augustin  décrit  comment  la  corrup- 
tion des  mœurs  s'était  glissée  chez  les  Ro- 
mains, depuis  qu'ils  n'avaient  plus  Carthage 
pour  rivale  ;  et  par  quels  degrés  Rome  é  tait 
devenue  esclave  de  sa  propre  amliition.  «  Sci- 
pionNasica,  dit-il,  qui  savait  que  les  plus  flo- 
rissantes républiques  ne  peuvent  se  maintenir 
que  par  la  vertu,  s'opposa  au  dessein  que  l'on 
avait  de  construire  un  amphithéâtre,  crai- 
gnant que  la  molesse  des  Grecs  ne  corrom- 
pit l'austérité  des  mœurs  romaines.  Avec 
quelle  ardeur  se  fut-il  porté  â  abohr  les  jeux 
mêmes  de  théâtre,  s'il  eut  osé  choquer  l'au- 
torité de  ceux  qu'il  prenait  pour  des  dieux, 
et  qu'il  ne  savait  pas  être  des  démons  ?  car 
il  passait  pour  certain  parmi  les  Romains, 
que  les  jeux  de  théâtre  avaient  été  intro- 
duits à  Rome  par  le  commandement  des 
dieux.  Les  châtiments  que  Dieu  exerce  sur 
son  Église,  ajoute  le  saint  Docteur,  ne  doi- 
vent surprendre  personne  :  elle  a  des  enfants 
parmi  ses  ennemis,  et  des  ennemis  parmi 
ses  enfants  ;  et  ces  deux  cités  sont  mêlées  et 
confondues  ensemble  en  ce  monde,  jusquà 
ce  que  le  dernier  jugement  les  sépare.  » 

6.  Les  peuples  parmi  les  païens,  étaient 
tellement  prévenus  que  les  malheurs  qui  les 
affligeaient  de  temps  en  temps  et  en  cer- 
tains lieux,  n'arrivaient  qu'à  cause  du  nom 
chrétien ,  qu'il  était  passé  en  proverbe  chez 
eux  :  «  Il  ne  pleut  pas  :  les  clu-étiens  en 
sont  la  cause.  )>  Le  dessein  de  saint  Augus- 
tin, dans  le  second  livre,  est  de  détruire  ce 
faux  préjugé,  et  de  montrer  que  les  maux 
que  Rome  a  souû'erts  depuis  sa  naissance, 
soit  dans  elle-même,  soit  dans  les  provinces, 
sont  arrivés  lorsqu'elle  servait  les  dieux,  et 
avant  l'établissement  de  la  religion  chré- 
tienne. Il  commence  par  la  dépravation  de 


leurs   mœurs ,  le   plus   grand    de   tous  les 
maux,  puisqu'il  fait  périr  l'innocence  qui  est 
le  soutien  et  l'ornement  des  vertus.  «  Pour- 
quoi, dit-il,  leurs  dieux  n'ont-ils  point  voulu 
prendre  soin  de  leurs  mœurs,  et  en  empê- 
cher le  dérèglement?  n'était-il  pas  raison- 
nable que,  comme  les  hommes  songeaient  à 
ordonner  leurs  mystères  et  leurs  sacrifices, 
ils   songeassent  aussi  à  régler  les  mœurs  et 
les  actions  des  hommes?  Les  Romains  ré- 
pondent que  personne   n'est  méchant   que 
parce  qu'il  le  veut  être.  Qui  en  doute,  répli- 
que ce  Père  ?  mais  pour  cela  les  dieux  ne 
devaient  pas   cacher   aux   peuples   qui   les 
adoraient  les  préceptes  qui  pouvaient  servir 
à  les  faire  vivre  en  gens  de  bien.  Ils  étaient 
obligés,  au  contraire,  de  les  publier  haute- 
ment, de  reprendre  même  les  pécheurs  par 
leurs  ministres,   de  menacer  de    punir  les 
méchants,  et  de  promettre  des  récompenses 
aux  bons.  A-t-on  jamais  ouï  prêcher  rien  de 
semblable  dans  vos  temples  ?  Comment  ho- 
norait-on Cybèle,  cette  vierge  et  mère  de 
tous  les  dieux  ?  par  des  chansons  obscènes, 
qui  auraient  pu  faire  rougir  des  actrices  mê- 
mes de  théâtre.  Si  c'était-là  les  mystères  du 
paganisme,   qu'appellerous-nous  sacrilège? 
Scipion  Nasica  aurait-il  voulu  voir  sa  propre 
mère    honorée  comme  l'était  la  mère  des 
dieux,  lui  qui  fut  choisi  par  le  sénat  comme 
le  plus  homme  de  bien  de  Rome,  pom'  aller 
recevoir  l'idole   de   ce  démon  et  la  porter 
dans  la  ville  ?  Je  suis  assuré  qu'il  aurait  eu 
honte  qu'on  lui  eût  décerné  de  semblables 
honneurs  où  l'on  mêlait  tant  de  choses  hon- 
teuses,  et  où  l'on  se    servait  de  paroles 
dont  une  honnête  femme  se  tiendrait  oflen- 
sée.  » 

Saint  Augustin  remarque,  en  passant , 
qu'un  des  principaux  motifs  des  Grecs  et 
des  Romains,  pour  mciïre  im  homme  au 
rang  des  dieux  et  lui  en  déférer  les  hon- 
neiu's ,  était  quelques  bienfaits  qu'ils  en 
avaient  reçus.  Il  fait  mention  d'une  fête  ap- 
pelée Fuite,  instituée  en  mémoire  d'une  dé- 
route d'ennemis,  dans  laquelle  on  chantait 
des  obscénités  étranges,  que  l'on  accompa- 
gnait de  gestes  qui  blessaient  la  pudeur. 
Comme  les  Romains  pouvaient  répondre  que, 
si  les  dieux  n'ont  point  donné  de  préceptes 
pour  le  règlement  des  mœurs,  ils  en  avaient 
reçu  de  leurs  philosophes,  qui  même  ne  les 
avaient  donnés  qu'avec  le  secours  de  leurs 
dieux  ;  le  saint  Docteur  répond  :  «  Sur  ce 
pied-lâ,  il  serait  bien  plus  juste  de  décerner 


[lV=  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


293 


les  honneurs  divins  à  ces  philosophes  qu'aux 
dieux  mêmes;  il  serait  plus  honnête  de  lire 
les  livres  de  Platon  dans  un  temple  qu'on 
lui  aurait  dédié,  que  de  voir  les  prêtres  de 
Cybèle  se  mutiler  dans  les  temples  des  dé- 
mons; et  plus  utile,  pour  former  la  jeunesse 
à  la  vertu,  de  lire  publiquement  de  bonnes 
lois  de  leurs  dieux,  que  de  louer  inutilement 
celles  de  leurs  ancêtres.  Car,  lorsqu'une  pas- 
sion déréglée  répand  son  noir  poison  dans 
les  veines  '  de  ceux  qui  adorent  de  telles 
divinités,  ils  regardent  plutôt  ce  que  Jupiter 
à  fait,  que  ce  que  Platon  a  enseigné.  C'est 
ainsi  qu'un  jeune  homme  commit  un  crime  ^ 
de  gaîté  de  cœur  en  voyant  un  tableau  qui 
l'eprésentait  Jupiter  qui,  sous  la  forme  d'une 
pluie  d'or,  se  glissait  dans  le  sein  de  Danaé. 
On  dira  peut-être  que  ce  sont  des  fictions 
des  poètes;  mais,  pourquoi  les  dieux  ont-ils 
ordonné  des  jeux  où  elles  seraient  repré- 
sentées? s'ils   étaient  chastes,  ils  devraient 
s'offenser  de  se  voir  traduits  comme  des  im- 
pudiques. D'où  vient  qu'eUes  font  partie  des 
belles-lettres .  et  que  des  personnes  âgées 
obligent  les  enfants  à  les  lire  et  à  les  ap- 
prendre ?  Les  anciens  Romains  ont  à  la  vé- 
rité  réprimé  la  licence  des  poètes,  et  dé- 
fendu qu'on  nommât  personne  sur  les  théâ- 
tres. Les  Grecs  pensèrent  autrement,  et  tra- 
duisirent les  actions  de  leurs  dieux   sur  la 
scène.  Ils  crurent  même  avoir  raison,  non- 
seulement  de  diffamer  leurs  citoyens,  puis- 
que les  dieux  étaient  bien  aise  qu'on  publiât 
d'eux  des   crimes   véritables   ou  supposés; 
mais  d'admettre  encore  les  comédiens  aux 
charges  pubhques.  » 

Il  relève  la  contradiction  dans  laquelle  les 
Romains  étaient  tombés  en  défendant  à 
leurs  poètes  de  par'ler  mal  de  personne  sm' 
le  théâtre,  et  de  leur  permettre  de  dire  cent 
choses  déshonorantes  de  leurs  dieux.  «  Car, 
dit-il,  ils  devaient  reconnaître  que  des  dieux 
qui  demandaient  d'être  déshonorés  par  les 
infamies  du  théâtre,  ne  méritaient  pas  des 
honneurs  divins,  n  II  préfère  à  ces  dieux, 
Platon  qui  ne  voulait  pas  qu'on  admît  les 
poètes  dans  une  ville  bien  réglée.  «  H  est  vi- 
sible, ajoute-t-il,  que  les  Romains  se  sont 
choisi  certains  dieux  plutôt  par  flatterie 
que  par  raison.  Car,  pourquoi  Romulus 
avait-il  un  prêtre  du  nombre  de  ceux  qu'on 
appelle  Flamines,  et  qui  étaient  considéra- 
bles parmi  les  Romains,  tandis  que  Saturne, 


père  de  Jupiter,  n'en  avait  point?  Si  ces 
peuples  eussent  pu  recevoir  de  leurs  dieux 
des  lois  pour  le  règlement  de  leurs  mœurs, 
auraient-ils  été  obligés  de  demander  aux 
Athéniens  les  lois  de  Solon,  quelques  années 
api'ès  la  fondation  de  Rome  ?  Il  est  vrai  que 
Salluste  dit  des  Romains  qu'ils  avaient  une 
inchnation  naturelle  pour  la  justice.  Mais  en 
ont-ils  donné  des  preuves  dans  le  rapt  des 
Sabines?Qu'y  a-t-il  de  plus  injuste  que  d'en- 
lever par  force  des  filles  à  leurs  parents, 
après  leur  avoir  tendu  un  piège  pour  les 
surprendre  ?  » 

Saint  Augustin  fait  voir  par  les  témoigna- 
ges mêmes  de  cet  historien,  que  le  peu  de 
temps  que  les  Romains  ont  été  justes  et 
équitables,  ce  n'a  point  été  par  l'amour  de 
la  justice,  mais  par  la  crainte  de  leurs  enne- 
mis, et  qu'aussitôt  qu'ils  en  eurent  triom- 
phé, ils  se  plongèrent  dans  toutes  sortes  de 
dérèglements;  que  telle  était  la  corruption 
de  la  république  avant  l'avènement  de  Jé- 
sus-Christ; que  c'était  donc  â  leurs  débau- 
ches, plutôt  qu'au  christianisme,  que  les  Ro- 
mains devaient  attribuer  toutes  leurs  afflic- 
tions. Il  compare  l'empire  romain  plongé 
dans  tous  ces  désordres  à  la  maison  de  Sar- 
danaple,  «  prince  si  voluptueux,  dit-il,  qu'il 
fit  écrire  sur  son  tombeau,  qu'il  ne  rempor- 
tait de  tous  ses  biens  que  ce  qui  avait  servi 
à  ses  plaisirs.  Cicéron  dit,  non  comme  Sal- 
luste, que  cette  république  était  toute  cor- 
rompue par  le  vice,  mais  qu'elle  était  périe 
dès  lors  et  ne  subsistait  plus.  En  effet, 
qu'on  fasse  attention  au  temps  de  Marius  et 
de  Cinna,  de  Carbon  et  de  Sylla,  osera-t-on 
dire  que  c'était  alors  une  vraie  république? 
Quelles  cruautés  !  combien  de  sang  répandu! 
Et  cela  entre  des  citoyens.  » 

Les  païens  objectaient  que  les  dieux 
avaient  fait  prédire  la  victoire  à  Sylla. 
Saint  Augustin  leur  répond  qu'aucun  de  ces 
dieux  ne  s'était  soucié  de  le  reprendre  de  ce 
qu'il  allait  être  cause  de  tant  de  maux  par 
la  fureur  de  ses  armes  ;  que  les  démons  onf 
bien  pu,  par  leur  sagacité,  prévoir  ce  qui 
arriverait ,  mais  qu'ils  ne  firent  rien  pour 
rendre  Sylla  meilleur  ;  et  que  sa  victoire  le 
rendit  plus  criminel,  puisqu'elle  fut  la  cause 
de  tant  de  proscriptions.  Il  dit  aux  Romains 
qu'ils  vont  tort  de  se  plaindre  des  guerres, 
puisque  leurs  dieux  en  ont  donné  eux- 
mêmes  l'exemple  aux  hommes,  en  combat- 


'  Persius,  Satyr  3. 


'Terent.  in  Eunuc,  act.  3. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Analyse   du 
troisième      li- 

Tre,  pag.  S9, 


294 

tant  les   uns   contre    les   autres   dans   une 
grande  plaine  de  la  Campanie  ;  qu'ils  don- 
nent  publiquement  des  exemples  d'impu- 
dicité,  en  permettant  que  l'on  en  commette 
dans  leurs   temples  ;  et  que    les   Romains 
eux-mêmes  ne  cherchent  à  les  apaiser  que 
par   des  jeux  infâmes   et   des  représenta- 
tions impures  et  honteuses.  Il  oppose  aux 
mœurs  déréglées  des  Romains  la  pureté  de 
la  religion  chrétienne  ;  et  la  modestie  qu'on 
remarquait  dans  les  Églises  où,  pour  une  plus 
grande  honnêteté,  les  hommes  étaient  sépa- 
rés des  femmes  ;  où  l'on  apprenait  ce  qu'il 
faut  faire  pour  bien  vivre  en  ce  monde,  afin 
d'être  éternellement  heureux  en  l'autre  ;  et 
où  l'Écriture  sainte  était  annoncée  d'un  heu 
élevé  en  présence  de  tout  le  monde,  afin 
que  ceux  qui  observaient  ses  enseignements 
l'entendissent  pour  leur  salut;  et  ceux  qai 
ne  les   observaient  pas,  l'écoutassent  pour 
leur  condamnation.  Il  exhorte  les  païens  à 
embrasser  cette  religion  et  à  travailler,  non 
pour  acquérir  l'empire  de  la  terre,  mais  pour 
faire  la  conquête  du  ciel.  «  Vous  n'y  trouve- 
rez, leur  dit-il,  ni  un  feu  de  vestales,  ni  un 
Jupiter  capitolin  ;   mais  le  Dieu  unique    et 
véritable,  qui  ne  mettra  point  dé  bornes  à 
la  durée  de  votre  règne.  » 

7.  Des  maux  de  l'âme,  ce  Père  passe  à 
ceux  du  corps,  et  montre  en  détail  que  les 
Romains  ont  éprouvé  de  plus  grandes  cala- 
mités, tandis  que  les  faux  dieux  étaient  ho- 
norés à  Rome ,  que  depuis  que  cette  gi-ande 
ville  avait  embrassé  le  christianisme.  ((  En 
premier  lieu,  dit-il,  pourquoi  Troie  d'où  sont 
nus  les  Romains,  a-t-elle  été  prise  et  ruinée 
par  les  Grecs?  ne  servait-elle  pas  les  mêmes 
dieux  ?  C'est,  disent-ils,  que  Priam,  roi  des 
Troyens,  a  été  puni  du  parjure  de  son  père 
Laomédon.  U  est  donc  vrai,  continue  saint 
Augustin,  qu'Apollon  et   Neptune  se  louè- 
rent à  Laomédon  pour  bâtir  les  murailles 
de  Troie  ;  car  on  dit  qu'il  leur  promit  de  les 
payer  de  leurs  journées,  et    qu'il    n'en  fit 
iien.  Je  m'étonne  qu'Apollon  qui  passe  pour 
prophète  ait  entrepris  un  si  grand  ouvrage, 
et  n'ait  pas  su  qu'il  n'en  serait  point  payé. 
Neptune  même,  son  oncle,  frère  de  Jupiter, 
et  roi  de  la  mer ,  ne  devait  pas  non  plus 
ignorer  l'avenir.  »  C'est  ainsi  que  ce  Père 
fait  sentir  le  ridicule  des  divinités  païemies. 
Il  se  moque  aussi  des  païens  mêmes  qui, 
pour    excuser  leurs  dieux   de  la   ruine   de 
Troie,  alléguaient  l'adultère  de  Paris.  ((Leur 
coutume,   dit-il,  est  plutôt  d'enseigner  et 


d'approuver  les  crimes  que  de  les  venger. 
Comment  am^aient-ils  haï  l'adultère  de  Paris, 
puisqu'ils  ne  haïssaient  pas  celui   que  Vé- 
nus, leur  compagne,  avait  entre  autres  com- 
mis avec  Anchise ,  dont  elle  eut  Énée  ?  les 
dieux  ne  sont  point  jaloux  de  leurs  femmes. 
Paris  fit-il  plus  de  mal  en  enlevant  Hélène, 
que  Romulus  en  tuant  son  frère.  Cependant 
les  dieux  n'ont  pas  tiré  vengeance  de  ce 
fratricide  :  pourquoi  auraient-ils  puni  si  sé- 
vèrement cet  adultère  ?  Mais  qu'avait  fait  la 
ville    de    Troie    pour  mériter,  pendant  les 
guerres  civiles,  d'être  détruite  par  Fimbria, 
capitaine  du  parti  de  Marins,  et  d'être  traitée 
plus  cruellement  qu'elle  ne  l'avait  été  par 
les  Grecs?  Lorsque  ceux-ci  la  prirent,  plu- 
sieurs se  sauvèrent  ou  furent  faits  prison- 
niers; mais  Fimiria   commanda  qu'on  ne 
pardonnât  à  personne  de  ses  habitants,  et  il 
brûla  la  viUe  avec  tous  ceux  qui  y  étaient. 
Je  veux  que  les  dieux  aient  quitté  des  adul- 
tères, et  abandoniîé  Troie  aux  flammes  des 
Grecs,  afin  que  Rome,  plus  chaste,  naquit  un 
jour  de  ses  cendres  ;  mais  pourquoi  l'ont-ils 
abandonnée  depuis,  eUe  qui  était  devenue 
la  mère  de  Rome,  et  qui  gardait  une  fidélité 
inviolable  au  parti  le  plus  juste  ?  »  Saint  Au- 
gustin infère   de  tout   cela   que   les  dieux 
n'ont  laissé  prendre  Troie  que  parce  qu'ils 
n'ont  pu  l'empêcher  ;  et  qu'après  un  si  grand 
exemple  de  leur  impuissance,  les  Romains 
ne  devaient  pas  leur  commettre  la  défense 
de  leur  ville. 

U  fait  voir  qu'on  ne  pouvait  attribuer  aux 
ordonnances  que  Numa  fit  pour  le  culte  des 
dieux,  la  paix  dont  on  jouit  sous  son  règne, 
((  puisque,  dit-il,  tant  d'autres  qui  ont  honoré 
les  faux  dieux  jusqu'au  règne  d'Auguste,  ont 
été  dans  des  guerres  continuelles.  La  statue 
d'Apollon  à  Cumes  ne  versa-t-elle  pas  des 
larmes,  parce  que  ce  dieu  n'avait  pu  secou- 
rir les  Grecs  ?  Diane  put-elle  sauver  la  vie  à 
CamiUe ,  à  Hercule  à  Pallas  ?  Non.  De  pareilles 
divinités  pouvaient-elles  donc  rendre  heu- 
reux le  règne  de  Numa  ?  Il  parait  qu'il  ne  le 
croyait  pas  lui-même  :  car  songeant  à  quels 
dieux  il  confierait  le  salut  de  Rome  ,  il  prit 
le  parti  d'en  ajouter  d'autres  à  ceux  qui  y 
étaient  passés  avec  Romulus  ,  ou  qui  y  de- 
vaient passer  api'ès  la  destruction  d'Albe,  ou 
pour  les  garder  comme  fugitifs ,  ou  pour 
les  aider  comme  impuissants.  Les  Romains 
en  ajoutèrent  plusieurs  à  ceux  de  Numa,  sans 
que  cela  leur  servit  de  rien.  Au  contraire, 
ils  furent  plus  heureux,   et  leiu's  mœurs 


[iv^  ET  v"  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

plus  pures,  qiiand  ils  en  eurent  moins.  » 
Parmi  les  calamités  que  Rome  souffrit 
sous  ses  rois  mêmes,  saint  Augustin  met  la 
discorde  entre  Rémus  et  Romulus  qui  ne 
finit  que  par  le  meurtre  du  premier  ;  les 
guerres  sanglantes  qui  furent  les  suites  de 
l'enlèvement  des  Sabines  ;  les  maux  que  cau- 
sa au  peuple  romain  la  guerre  qu'il  eut  con- 
tre les  habitants  d'Albe  ;  la  fin  malheureuse 
de  presque  tous  les  rois  de  Rome  ;  les  divi- 
sions qui  régnèrent  dans  Rome  depuis  qu'ils 
en  eurent  chassé  leurs  rois;  les  malheurs  qui 
arrivèrent  aux  Romains  pendant  la  première 
et  la  seconde  guerre  punique.  «  Combien  de 
combats,  dit-il,  de  défaites  d'armées  romai- 
nes, de  villes  prises  et  forcées?  La  rage  d'An- 
nibal,  tout  cruel  qu'il  était,  fut  tellement  as- 
souvie dans  la  j  ournée  funeste  de  Cannes ,  qu'U 
commanda  qu'on  cessât  de  tuer;  il  y  mourut 
tant  de  chevaliers  romains  qu'on  remplit 
trois  boisseaux  d'anneaux  d'or  qu'ils  por- 
taient à  leurs  doigts.  Annibal  les  envoya  A 
Garthage,  pour  faire  entendre  aux  Cartha- 
ginois qu'il  était  plus  aisé  de  mesurer  que 
de  compter  les  chevaliers  romains  qui  étaient 
morts  sur  le  champ  de  bataille  ;  et  pom'  leur 
laisser  juger  par  là  quel  carnage  l'on  y 
avait  fait  des  simples  soldats.  Quoi  de  plus 
déplorable  que  la  prise  de  Sagonte?  cette 
ville  d'Espagne,  si  affectionnée  au  peuple 
romain,  ne  fut-elle  pas  détruite  pour  lui 
avoir  été  trop  fidèle  ?  Cependant  les  dieux 
de  la  république  l'abandonnèrent  à  son 
malheureux  sort.  Ils  ne  garantirent  pas  non 
plus  Scipion  des  mauvais  traitements  de  ses 
ennemis,  quoiqu'il  eût  garanti  lui-même  les 
temples  des  dieux  de  la  fureur  d'Annibal. 
Mithridate  ne  fit-il  pas  tuer,  en  un  même 
jour,  tous  les  Romains  qui  se  trouvèrent 
dans  son  empire.  Il  ne  paraît  pas  néan- 
moins qu'ils  eussent  méprisé  les  augures. 
Ils  avaient  des  dieux  publics  et  domestiques 
qu'ils  pouvaient  consulter  avant  que  d'entre- 
prendre un  voyage  si  funeste  en  Asie.  A 
quelle  cause  attribuera-t-on  la  rage  dont 
tous  les  animaux  domestiques  furent  saisis 
avant  la  guerre  des  aUiés  ?  Combien  de  sé- 
ditions excitées  à  l'occasion  des  lois  des 
Grecs?  et  ne  donnèrent-elles  pas  commence- 
ment aux  guerres  civiles.  » 

Saint  Augustin  se  moque  agréablement 
du  sénat  romain,  cpii  ordonna  la  construc- 
tion d'un  temple  dédié  à  la  Concorde,  au 
lieu  même  où  il  s'était  fait  un  horrible 
carnage  des  citoyens  pendant  la  sédition. 


EVEQUE  D'HIPPONE. 


293 


«  Pourquoi,  dit-il,  ne  bâtissait-on  pas  plutôt 
un  temple  à  la  Discorde  ?  Y  a-t-il  quelque 
raison  de  dire  que  la  concorde  soit  une  di- 
vinité, et  que  la  discorde  n'en  soit  pas  une? 
Ne  dressa-t-on  pas  à  Rome  un  temple  à  la 
Fièvre  aussi  bien  qu'à  la  Santé  ?  Combien  de 
guerres  depuis  la  construction  de  ce  tem- 
ple de  la  Concorde ,  qui  désolèrent  toute 
l'Italie  et  la  réduisirent  à  un  état  déplo- 
rable ?  » 

Il  touche  légèrement  les  meurtres  causés 
par  Marius  et  Sylla  dans  la  guerre  civile. 
«  Mérula,  grand  prêtre  de  Jupiter,  y  périt 
avec  tant  d'autres  illustres  romains,  et  l'on 
massacra  aux  yeux  de  Marius  tous  ceux  à 
qui  il  ne  donnait  pas  sa  main  à  baiser,  lors- 
qu'ils le  saluaient.  Le  pontife  Mucius  Scévola 
fut  tué  même  au  pied  de  l'autel  de  Vesta,  où 
il  s'était  réfugié  comme  dans  un  asile  invio- 
lable ;  il  éteignit  presque  de  son  sang  le  feu 
que  les  vestales  avaient  soin  d'entretenir. 
Le  carnage  que  SyUa  fit  dans  la  ville  fut  si 
grand  qu'il  était  impossible  de  compter  les 
morts  ;  il  n'accorda  la  vie  à  quelques  Ro- 
mains qu'afiu  qu'il  eût  à  qui  commander. 
Le  sac  de  Rome  par  les  Goths  ne  fat  pas  à 
beaucoup  près  aussi  cruel.  Sylla  fit  mourir 
plus  de  sénateurs  que  les  Goths  n'en  purent 
dépouiller.  Quelle  est  donc  l'extravagance 
des  païens  d'imputer  à  Jésus-Christ  les  mal- 
heurs des  dernières  guerres  ?  Pourquoi  n'en 
chargent-ils  pas  leurs  dieux?  Les  guerres 
civiles  sont  sans  doute  les  plus  fâcheuses  : 
combien  n'en  a-t-on  pas  vu  avant  la  nais- 
sance de  Jésus-Christ  ?  Outre  la  guerre  de 
Marius  et  de  Sylla,  on  compte  ceUes  de  Ser- 
torius  et  de  Catilina.  Après  vient  la  guerre  de 
Lépidus  et  de  Catulus;  puis  celle  de  César 
et  de  Pompée  :  enfin  ceUe  d'un  autre  César 
qui  fut  depuis  appelé  Auguste,  sous  l'em- 
pire duquel  Jésus- Christ  prit  naissance. 
Puisque  tant  de  calamités  sont  ai'rivées  aux 
païens  dans  les  temps  mêmes  où  lem's  faus- 
ses divinités  étaient  honorées  le  plus  religieu- 
sement, et  où  la  pompe  du  culte,  qu'on  leur 
rend,  était  montée  à  son  plus  haut  degré,  c'est 
une  impudence  de  leur  part  d'attribuer  au 
christianisme  les  malheurs  de  la  guerre  des 
Goths.  » 

8.  A  tous  ces  maux  arrivés  à  la  républi- 
que romaine  avant  la  venue  de  Jésus-Christ, 
saint  Augustin  dit,  dans  le  quatrième  livre, 
qu'il  en  aurait  pu  ajouter  beaucoup  d'autres 
qu'Appulée  touche  en  passant  dans  son 
livre  du  Monde,  pour  montrer  que  toutes  les 


Analyse  du 
quatrième  li- 
vre, pag.  533. 


296 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


choses  d'ici-bas  sont  sujettes  à  une  infinité 
de  changements  et  de  révolutions.  11  rap- 
porte que  des  villes  ont  été  abîmées  par 
d'effroyables  tremblements  de  terre  ;  que 
des  régions  entières  ont  été  noyées  dans  des 
déluges  ;  que  le  continent  a  été  changé  en 
îles  par  l'impétuosité  des  flots  des  mers,  et  les 
mers  en  continent  par  leur  retraite  ;  que  des 
tourbillons  de  vent  ont  renversé  des  villes  ; 
que  des  foudres  sortant  des  nuées  ont  con- 
sumé des  contrées  d'Orient,  et  que  d'auti'es 
en  Occident  ont  été  ravagées  par  de  furieuses 
inondations;  qu'on  a  vu  quelquefois  le  mont 
Etna  rompre  ses  barrières,  et  faire  couler 
dans  les  plaines  des  torrents  de  feu. 

Les  païens  vantaient  la  durée  et  l'étendue 
de  l'empire  romain  comme  un  grand  bien- 
fait des  dieux.  Saint  Augustin  leur  fait  voir 
que  les  grands    empires    ne    sont    pas  un 
grand  bien,  parce  qu'ils  sont  exposés  à  de 
grands  troubles  ;  qu'on  ne  doit  pas  réputer 
heureux  un  État  qui  ne  s'accroît  que  par  les 
guerres  ;   que  quand  la  justice  est  bannie 
d'un  royaume,  ce  n'est  plus  qu'un  brigan- 
dage ;  et  que  les  assemblées  des  brigands 
mêmes  sont  de  petits  empires,  puisqu'elles 
ont  un  chef  pour  les    gouverner  ;   qu'elles 
sont  liées  par  une  espèce  de  société  ,  et  que 
s'il  arrive  que  cette  société  grossisse,  qu'elle 
prenne  des   villes,  subjugue  des    peuples, 
alors   elle  prend    ouvertement  le  nom  de 
royaume,  non  parce  que  sa  cupidité  est  di- 
minuée, mais  parce  que  son  impunité  est 
accrue.  11  rapporte  la  réponse  qu'un  pirate 
fit  à  Alexandre  le  Grand  qui  l'avait  pris.  Ce 
prince  lui  demanda  par  quel  droit  il  infestait 
la  mer.  Le  pirate  lui  répondit  fièrement  : 
«  Quel  droit  avez-vous  vous-même  de  trou- 
bler toute  la  terre  ?  Parce  que  je  n'ai  qu'un 
vaisseau,  on   m'appelle  corsaire;  et  parce 
que  vous  avez  une  grande  flotte,  on  vous 
appelle  conquérant.  «  Mais,  ajoute  ce  Pèi-e, 
si  les  progrès  des  armes  sont  des  faveurs  des 
dieux,  il  faut  donc  aussi    leur  attribuer  la 
puissance    des    gladiateurs    fugitifs    de   la 
Campanie,  qui  firent  de  si  grands  maux  à 
toute  ritahe.  »  C'est  im  vrai  brigandage  de 
faire  la  guerre  à  ses  voisins,  et  d'attaquer  des 
peuples  de  qui  l'on  n'a  reçu  aucun  déplai- 
sir, uniquement  pour  satisfaire  son  ambition. 
Ninus  est  le  premier  qui  ait  commis  cette 
injustice ,    avant  lui',  chacun   était  content 
du  pays  que  ses  ancêtres  avaient  occupé. 
Si  l'on  prétend  que  Ninus  a  été  maintenu 
dans    ses    conquêtes   par   l'assistance   des 


dieux,  je  demande  de  quels  dieux?  Car  les 
peuples  qu'il  s'assujettissait  n'adoraient  pas 
d'autres  dieux  que  ceux  que  les  païens  ado- 
rent  aujourd'hui.   Si  l'on  dit  que  les  Assy- 
riens avaient  des  dieux  particuliers,  plus 
habiles  pour  former  et  conserver  un  empire, 
ces  dieux  sont-ils  donc  morts  lorsque  l'em- 
pire est  passé  des  Assyriens  aux  Mèdes,  et 
depuis  aux  Perses?   ou  bien  n'est-ce    pas 
que,  n'ayant  pas  été  payés  de  lem*  salaire, 
ils  ont  abandonné  ceux  qu'ils  avaient  pro- 
tégés d'abord?  Si  cela  est  ainsi,  ou  les  dieux 
sont  infidèles  d'abandonner  leurs  amis,  pour 
passer  du  côté  des  ennemis  ;  ou  ils  ne  sont 
pas  aussi  puissants  que  des  dieux  le  doivent 
être,  puisqu'ils  peuvent  être  vaincus  par  la 
prudence  ou  par  la  force.  On  dira  peut-être 
que  lorsque  les  hommes  combattent  les  uns 
contre  les  autres,  les  dieux  ne  sont  pas  vain- 
cus par  les  hommes,  mais  par  d'autres  dieux 
que  chaque  État  s'est  rendus  propres.  Mais 
il  y  a  donc  aussi  des   inimitiés  enti-e  eux, 
dont  ils  se  chargent  pour  l'intérêt  du  parti 
qu'ils  embrassent  :  et  en  ce  cas  un  État  ne 
doit  pas  plutôt  adorer  ses  dieux  que  ceux 
des  autres  États  pour   lescfuels  la  victoire 
s'est  déclarée.  » 

Saint  Augustin  nomme  un  grand  nombre 
de  divinités  des  Romains  qui  présidaient  aux 
choses  les  plus  viles.  Ils  en  comptaient  jus- 
qu'à trois  pour  une  porte  ;  et  jusqu'à  sept 
ou  huit  pour  un  épi  de  blé.  Les  Romains 
attribuaient  à  Jupiter  la  grandeur  de  leur 
Empire  comme  au  roi  des  dieux  et  des 
déesses.  A  ce  sujet,  saint  Augustin  rapporte 
les  sentiments  différents  des  philosophes 
païens  et  de  leurs  poètes,  qui,  sentant  le  ri- 
dicule de  leur  mythologie,  avaient  recours 
à  l'allégorie,  et  disaient  que  Jupiter  était  la 
plus  haute  région  de  l'air,  et  Junon  la  plus 
basse  ;  que,  comme  ces  deux  éléments  sont 
joints  ensemble,  c'est  pour  cela  que  l'on  di- 
sait que  Junon  était  la  femme  ou  la  sœur  de 
Jupiter.  Le  saint  Docteur  fait  voir  que  ce 
système  n'avait  pas  plus  de  solidité  que  les 
fables  mêmes;  que  d'ailleurs  il  manquait 
d'uniformité ,  les  uns  disant  que  Junon  était 
la  terre,  d'autres  Cérès,  et  d'autres  Vesta, 
Il  en  propose  un  autre  qu'il  dit  être  un  des 
plus  savants  d'entre  les  païens  :  «  Dieu,  dit- 
il,  selon  ses  difi'érents  efl'ets,  emprunte  des 
noms  divers  :  on  le  nonnne  Jupiter  dans 
l'air,  Neptune  dans  la  mer,  Pluton  dans  la 
terre,  Proserpine  dans  les  lieux  souteiTains, 
Apollon  dans  les  devins,   Saturne  dans  le 


IV°  ET  Y'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


297 


temps,  Bacchus  dans  les  vignes,  Gérés  dans 
les  moissons,  Diane  dans  les  bois.  Minerve 
dans  les  esprits  ;  en  sorte  que  Jupiter  ren- 
ferme en  lui  seul  cette  multitude  de  divinités 
que  les  païens  adorent.  Or,  ne  serait-il  pas 
plus  court,  leur  demande  ce  Père,  et  beau- 
coup plus  sensé,  d'adorer  un  seul  Dieu 
comme  font  les  chrétiens.  » 

Il  réfute  l'opinion  de  ceux  qui  ont  cru 
que  Dieu  était  l'âme  du  monde,  et  tout  l'u- 
nivers, son  corps  :  «Il  suivrait  de  là,  dit-û, 
qu'en  marchant  sur  la  terre,  on  foule  Dieu 
aux  pieds,  et  qu'on  l'égorgé,  du  moins  en 
partie,  toutes  les  fois  qu'on  tue  un  animal. 
En  vain  on  se  retrancherait  à  dire  que  les 
seuls  animaux  raisonnables  sont  des  parties 
de  Dieu,  il  s'en  suivrait  toujours  que  Dieu 
commettrait  tous  les  crimes  de  tous  les 
hommes.  Au  lieu  d'attribuer  à  Jupiter  la 
grandeur  de  l'empire  romain  et  ses  progrès, 
il  serait  moins  déi'aisonnaljle  d'en  faire  hon- 
neur à  la  Victoire,  qui,  étant  aussi  une 
déesse,  a  pu  suffire  elle  seule  à  tout  cela, 
Jupiter  fût-il  demeuré  les  bras  croisés.  Les 
méchants  regardent  comme  un  bonheiu-  de 
faire  la  guerre,  et  d'étendre  leur  empire  en 
subjuguant  plusieurs  nations  ;  mais  les  gens 
de  bien  ne  le  regardent  que  comme  une  né- 
cessité où  les  réduit  l'injustice  de  lem-s  voi- 
sins ;  et  ils  seraient  bien  plus  heureux  de 
vivre  en  paix  avec  de  bons  voisins,  que 
d'être  obligés  d'en  dompter  de  mauvais.  » 
L'autorité  de  Platon  et  des  autres  philoso- 
phes lui  sert  à  montrer  que  la  bonté  étant 
un  attribut  essentiel  de  la  divinité,  les  païens 
n'avaient  pas  dû  admettre  des  dieux  bons 
et  des  dieux  mauvais,  et  que  la  Fortune  dis- 
tribuant sans  choix  et  sans  discernement  ses 
faveurs,  les  prièi-es  qu'on  lui  adressait  et  le 
culte  qu'on  lui  rendait,  étaient  également  inu- 
tiles. Les  païens  prétendaient  que  sa  statue 
avait  parlé,  et  dit  plus  d'une  fois  qu'on  avait 
bien  fait  de  lui  rendre  ces  honneurs.  Saint 
Augustin  répond  qu'il  n'était  pas  mal  aisé 
aux  démons  de  tromper  ainsi  les  hommes  ; 
toutefois  il  aime  mieux  croire  que  cette  sta- 
tue n'avait  pas  parlé,  et  que  ce  n'était 
qu'ime  fiction.  Il  prouve  aux  païens  qu'ils 
ont  eu  tort  de  faire  des  divinités  de  la  Vertu 
et  de  la  Foi,  puisque  ce  ne  sont  que  des 
dons  de  Dieu  ;  qu'en  vain  ils  ont  inventé 
tant  de  divinités  du  second  rang,  la  Félicité 
devant  seule  leur  sufiire,  et  leur  tenir  lieu 
de  toute  autre  divinité  ;  en  effet,  celui  qui 
la  possède  a  tout.  Ge  ne  fut  pourtant  qu'en 


ce  temps  qu'on  lui  bâtit  un  temple  à  Rome. 
Lucullus  fut  le  premier  qui  s'en  avisa. 

11  réfute  les  raisons  qu'ils  apportaient 
pour  se  défendre  de  ce  qu'ils  adoraient  les 
dons  de  Dieu  comme  des  dieux.  «  S'il  n'y  en 
a  qu'un,  leur  dit-il,  de  qui  viennent  ces 
dons,  qu'on  le  cherche  et  qu'on  le  serve, 
cela  suffit.  Il  leur  reproche  de  représenter 
sur  le  théâtre  Jupiter  comme  un  adultère. 
«  Si  c'est  un  crime  qu'on  lui  suppose,  ne 
s'en  doit-il  pas  offenser.  Si  le  crime  est  vé- 
ritable, doit-on  l'adorer.  »  Scévola  et  Varron 
avaient  écrit  que  les  dieux,  tels  que  le  peuple 
les  honorait,  n'étaient  qu'une  pure  fiction  des 
poètes;  que  tout  ce  qu'on  en  débitait  était 
très-éloigné  de  la  nature  de  Dieu;  mais  qu'il 
était  avantageux  au  peuple  d'être  trompé  en 
matière  de  rehgion.  «Quelle  religion,  reprend 
saint  Augustin,  que  celle  qui  n'est  fondée  que 
sur  la  fausseté  :  comment  y  avoir  recours 
pour  être  délivré  de  l'erreur ,  puisqu'au  lieu 
d'y  trouver  la  vérité,  on  croit  même  qu'il  est 
utile  de  tromper.  Mais,  si  le  culte  des  dieux 
est  la  vi-aie  cause  de  l'agrandissement  de  la 
république  romaine,  les  Grecs,  beaucoup  plus 
superstitieux  que  les  Romains  ,  dans  les  cé- 
rémonies du  paganisme,  auraient  dû  deve- 
nir maîtres  du  monde  entier.  » 

Saint  Augustin  rappelle  ici  la  fin  malheu- 
reuse de  Julien  l'Apostat,  l'un  des  plus  zélés 
pour  le  culte  des  faux  dieux  ;  et  se  sert  avan- 
tageusement du  témoignage  de  Cicéron,  qui, 
quoique  augure ,  se  moque  de  ceux  qui  se 
conduisaient  par  le  cri  des  corbeaux  et  des 
corneilles.  Il  emploie  aussi  le  témoignage  de 
Varron  ,  qui  dit  nettement  que  Dieu  est  es- 
prit ;  que  les  anciens  Romains  ont  été  plus 
de  cent  soixante-dix  années  à  adorer  les 
dieux  sans  en  faire  aucune  image  ;  et  que,  si 
cela  s'observait  encore  maintenant ,  le  culte 
qu'on  leur  rend  en  serait  plus  pur  et  plus 
saint.  G'est  parce  qu'il  éta.it  de  l'intérêt  des 
politiques  de  tromper  le  peuple  en  matière 
de  religion  qu'ils  ont  introduit  le  culte  des 
faux  dieux.  «  Dieu ,  dit-il,  donne  des  royau- 
mes aux  bons  et  aux  méchants ,  afin  que  ses 
serviteurs  apprennent  par  là  à  ne  pas  les  dé- 
sirer comme  quelque  chose  de  grand  ;  mais 
pour  la  félicité  ,  il  ne  l'accorde  qu'aux  gens 
de  bien.  Dieu  a  fait  voir  dans  la  conduite 
qu'il  a  tenue  envers  le  peuple  juif,  qu'il  est  le 
maître  des  biens  d'ici-bas;  puisque  sans  le  se- 
cours ni  de  Mars,  ni  de  Bellone,  ni  des  autres 
fausses  divinités,  il  s'est  extrêmement  mul- 
tiplié en  Egypte.  Les  Juifs  ont  vaincu  leurs 


298 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Analjse  du 
cinquième  li- 
vre, pnp.  1 14. 


ennemis  et  ont  eu  un  empire  très-tlorissant, 
qu'ils  auraient  encore,  s'ils  n'avaient  point 
offensé  Dieu  par  leurs  impiétés  et  leur  ido- 
lâtrie, et  ensuite  en  faisant  mourir  le  Christ. 
Maintenant,  ils  sont  dispersés  par  toute  la 
terre,  par  un  effet  de  la  providence  du  seul 
vrai  Dieu ,  afin  que  nous  puissions  prouver 
par  leurs  livres  mêmes,  que  si  nous  voyons 
aujourd'hui  les  statues  des  faux  dieux  ren- 
versées, leurs  autels  abattus,  leurs  bois  cou- 
pés, leurs  temples  démolis,  leurs  sacrifices 
défendus ,  tout  cela  a  été  prédit  il  y  a  long- 
temps. Si  on  ne  lisait  ces  choses  que  dans 
nos  Écritures,  peut-être  croirait-on  que 
nous  les  avons  inventées  ? 

9.  C'est  la  providence  de  Dieu  qui  établit 
les  royaumes  de  la  terre.  On  ne  doit  donc 
pas  écouter  ceux  qui  prétendent  que  l'in- 
fluence des  astres  y  a  quelque  part,  et  qui  at- 
tribuent la  grandeur  de  l'Empire  romain  ou 
à  une  cause  fortuite,  ou  à  la  position  de  cer- 
taines constellations.  Les  astrologues,  qui 
étaient  de  ce  sentiment,  s'autorisaient  de  ce 
que  deux  jumeaux  ne  sont  semblables  que 
de  ce  qu'ils  naissent  sous  une  même  cons- 
tellation. Mais  saint  Augustin  ti'ouve  beau- 
coup plus  probable,  la  conjecture  des  méde- 
cins, d'après  lesquels  les  jumeaux  se  ressem- 
blent si  bien  que  parce  que,  étant  conçus  en- 
embles,  ils  reçoivent  une  pareille  impression 
de  la  disposition  du  corps  de  leurs  parents; 
en  sorte  qu'ayant  pris  ensuite  un  même  ac- 
croissement dans  le  ventre  de  leur  mère,  ils 
naissent  avec  une  complexion  toute  sembla- 
ble. Il  réfute  les  astrologues  par  l'exemple 
des  deux  jumeaux ,  Esaû  et  Jacob,  qui  s'en- 
tresuivirent  de  si  près  en  venant  au  monde, 
que  l'un  tenait  l'autre  par  la  plante  du  pied, 
et  dont  toutefois  la  vie ,  les  mœurs ,  les  ac- 
tions, les  inclinations  et  la  fortune  furent  si 
dilférentes.  Il  avait  connu,  ajoute-t-il,  deux 
jumeaux  de  divers  sexes  qui  vivaient  encore, 
lesquels,  toutefois,  quoique  se  ressemblant 
de  visage  autant  qu'il  se  peut  pour  des  per- 
sonnes d'un  sexe  diflerent ,  menaient  un 
geni'e  de  vie  tout  opposé,  l'un  étant  à  l'ar- 
mée, l'autre  dans  sa  maison  :  l'un  marié, 
l'autre  vierge  ;  l'un  ayant  beaucoup  d'en- 
fants, et  l'autre  n'en  voulant  point  avoir. 
S'il  n'y  avait  que  les  hommes  qui  fussent 
soumis  aux  astres ,  comme  le  disent  les  as- 
trologues, pourquoi  choisit-on  certains  jours 
pour  planter  les  vignes  ou  semer  les  blés? 
Quaud  ils  prédisent  plusieurs  choses  qui  se 
vérifient  par  l'événement ,  cela  vraisembla- 


blement se  fait  par  ime  secrète  inspiration 
des  démons,  qui  tâchent  de  répandre  et  d'é- 
tablir dans  les  esprits  la  dangereuse  opinion 
de  la  fatalité  des  astres. 

Parmi  les  philosophes  ,  il  y  en  avait  qui 
combattaient  la  prescience  de  Dieu ,  disant 
qu'elle  ne  s'accordait  point  avec  notre  li- 
berté ;  d'autres  qui  soutenaient  que  les 
choses  n'arrivaient  pas  nécessairement , 
quoiqu'elles  arrivassent  toutes  par  l'ordre 
du  destin.  Saint  Augustin  convient  que  la  pa- 
role de  Dieu  est  immuable  ,  parce  cpi'il  con- 
naît immuablement  tout  ce  qui  doit  arriver. 
«Mais  il  ne  s'ensuit  pas,  ajoute-il,  que  l'or- 
dre des  causes  étant  certain  pour  Dieu , 
rien  ne  dépende  de  notre  volonté  :  car  nos 
volontés  mêmes  sont  dans  l'ordre  des  causes, 
qui  est  certain  pour  Dieu,  et  qu'il  prévoit  ; 
parce  que  les  volontés  des  hommes  sont 
aussi  les  causes  de  leurs  actions;  en  sorte 
que  celui  qui  a  prévu  toutes  les  causes ,  a 
sans  doute  aussi  prévu  nos  volontés  qui  sont 
les  causes  de  nos  actions.  Nos  volontés  sont 
donc  à  nous  ;  c'est  par  elles  que  nous  fai- 
sons ce  que  nous  voulons  faire  ,  et  que  nous 
ne  ferions  pas,  si  nous  ne  le  voulions.  Il  ne 
suit  donc  pas  que  rien  ne  dépende  de  notre 
volonté  ,  parce  que  Dieu  a  prévu  ce  qui  en 
doit  dépendre.  Au  contraire,  de  ce  qu'il  a 
prévu  que  quelque  chose  en  dépendrait ,  il 
faut  qu'il  y  ait  eu  effet  quelque  chose  qui 
en  dépende,  puisque  autrement  il  ne  l'au- 
rait pas  prévu,  sa  prévoyance  ne  s'étendanl 
pas  sm-  rien.  Ainsi,  nous  ne  sommes  point 
obligés  de  ruiner  le  libre  arbitre  pour  main- 
tenir la  prescience  de  Dieu  ,  ni  de  nier  cette 
prescience  pour  faire  subsister  le  libre  ar- 
bitre ;  mais  nous  embrassons  également  ces 
deux  vérités,  l'uaepour  bien  croire,  et  l'au- 
tre pour  bien  vivre.  Car,  il  n'est  pas  possible 
de  vivre  comme  il  faut,  sans  qu'on  n'ait  de 
Dieu  la  croyance  qu'on  en  doit  avoir.  Gar- 
dons-nous donc  bien,  sous  prétexte  de  vou- 
loir être  libre,  de  nier  la  prescience  de  celui 
dont  la  grâce  nous  i-end  ou  nous  rendra  li- 
bres. Ce  n'est  pas  en  vain  qu'il  y  a  des  lois, 
ni  qu'oa  se  sert  d'exhortations  et  de  correc- 
tions. Dieu  a  prévu  toutes  ces  choses;  elles 
auront  autant  de  force  qu'il  a  prévu  qu'elles 
en  auraient.  Les  prières  servent  aussi  poiu- 
obtenir  de  lui  les  choses  qu'il  a  prévu  de- 
voir accorder  à  ceux  qui  le  prieraient.  Il  y  a 
encore  de  la  justice  à  récompenser  les  bon- 
nes actions,  et  à  punir  les  mauvaises.  Un 
homme   ne  pèche  pas ,  parce  que  Dieu   a 


[IV°  ET  V'  SIÈCLES.' 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


299 


prévu  qu'il  pécherait  ;  l'on  ne  doute  point 
au  contraire,  que  lorsqu'il  pèche,  ce  ne  soit 
lui-même  qui  pèche,  parce  que  celui  dont  la 
prescience  ne  se  peut  tromper ,  a  prévu  que 
ce  ne  serait  point  le  destin,  ni  la  fortune,  ni 
quelque  autre  chose,  mais  lui-même  qui  pé- 
cherait, n  est  vrai  qu'il  ne  pèche  point  s'il  ne 
veut  pécher  ;  mais  s'il  ne  veut  point  péher. 
Dieu  l'a  aussi  connu  par  sa  prescience.  » 

Saint  Augustin  montre  ensuite  que  la  pro- 
vidence de  Dieu  embrasse  toutes  choses  ;  que 
c'est  d'elle  que  vient  l'accroissement  de  l'em- 
pire romain,  Dieu  ayant  bien  voulu  accorder 
aux  Romains  cette  récompense  temporelle  à 
cause  de  leurs  vertus  morales.  «  Celle  des 
saints,  dit-il,  est  bien  supérieure,  ils  joui- 
ront sans  fin  d'une  vraie  et  parfaite  félicité. 
A  le  bien  prendre,  les  victoires  mêmes  des 
Romains  ne  les  ont  pas  rendus  de  meilleure 
condition  que  ceux  qu'ils  avaient  vaincus, 
puisqu'ils  vivaient  eux-mêmes  sous  les  lois 
qu'ils  donnaient  aux  autres,  et  que  leurs 
terres  payaient  aussi  tribut.  Otez  le  faste  e.t 
la  vanité,  que  sont  les  hommes?  que  des 
hommes.  Et  si  on  a  dans  le  siècle  de  la  consi- 
dération pour  les  plus  gens  de  bien,  ce  n'est 
qu'une  légère  fumée.  » 

Il  exhorte  les  chrétiens  à  faire  et  à  souffrir 
pour  le  ciel  ce  que  les  Romains  ont  fait  et 
souffert  pour  la  liberté  et  la  gloire  de  leur 
patrie.  Ici,  il  rapporte  les  actions  tant  vantées 
de  Brutus,  de  Torquatus,  de  Furius  Camil- 
lus,  de  Mucius  Scévola,  de  Curtius,  deMarcus 
PulviUus^  et  de  beaucoup  d'autres  qui  sont 
célèbres  dans  l'histoire.  Il  loue  la  plupart  des 
Romains  de  n'avoir  aspiré  à  la  domination 
que  par  les  voies  dont  les  honnêtes  gens  du 
monde  se  servent  pour  y  arriver,  ce  qui  les 
faisait,  dit-il,  paraître  vertueux.  Mais  il  con- 
vient qu'U  y  en  a  eu  parmi  eux  qui,  peu 
inquiets  de  leur  réputation,  n'avaient  pas 
moins  de  désir  de  dominer;  entre  ceux-ci,  il 
met  l'empereur  Néron,  le  px'emier  qui  ait 
porté  ce  vice  le  plus  loin.  Les  mauvaises  qua- 
lités de  ce  prince  donnent  occasion  à  saint 
Augustin  de  remarquer  que  la  puissance 
souveraine  n'est  donnée  à  des  personnes 
de  la  sorte,  que  par  la  providence  de  Dieu, 
quand  il  juge  que  les  hommes  méritent  d'a- 
voir de  tels  maîtres.  «  Car  c'est  Dieu  qui 
donne  les  royaumes  de  la  terre  aux  bons  et 
aux  méchants.  C'est  le  même  Dieu  qui  a 
donné  la  puissance  souveraine  à  Marins  et  à 
César  ;  à  Auguste  et  à  Néron  ;  à  Tite  les 
délices  du  genre  humain,  et  à  Domitien  le 


plus  cruel  de  tous  les  tyrans  ;  à  Constan- 
tin, cet  empereur  si  chrétien,  et  à  Julien 
l'Apostat  dont  les  bonnes  .inclinations  furent 
corrompues  par  l'ambition  et  par  une  cm'io- 
sité  détestable  et  sacrilège.  C'est  Dieu  aussi 
qui  dispose  des  temps  de  la  guerre,  et  qui 
permet  que  les  unes  finissent  plus  tôt,  les 
autres  plus  tard.  La  première  guerre  puni- 
que dura  23  ans  ;  la  seconde,  18  ans  ;  mais 
la  troisième  fut  terminée  avec  une  Aàtesse 
incroyable  par  Scipion.  C'était  donc  en  vain 
que  les  païens  attribuaient  aux  chrétiens  la 
durée  de  la  guerre  que  leur  faisaient  les 
Goths,  puisque  longtemps  auparavant  ils  en 
avaient  eu  de  plus  longues,  quoique  le  culte 
des  dieux  fût  en  honneur.  Dieu  fit  voir  par 
la  défaite  de  Radagaise,  roi  des  Goths,  quel- 
que temps  avant  qu'Alaric  prit  Rome,  que 
les  sacrifices  des  dieux  ne  sont  point  néces- 
saires pour  le  salut  des  empires.  Car  ce 
prince  qui  leur  sacrifiait  tous  les  jours,  fut 
défait  avec  tant  de  bonheur  pour  les  soldats 
de  l'armée  romaine,  qu'ils  tuèrent  plus  de 
cent  miUe  hommes  à  Radagaise  sur  place, 
sans  qu'aucun  d'eux  fût  blessé  ;  ils  le  prirent 
lui-même  avec  ses  enfants.  Nous  appelons 
les  heureux  princes,  quand  ils  font  régner 
la  justice,  et  non  pas  ceux  qui  ont  régné 
longtemps,  ou  qui  sont  morts  en  paix,  lais- 
sant leur  couronne  à  leurs  enfants,  ou  qui 
ont  vaincu  les  ennemis  de  l'État,  ou  opprimé 
les  séditieux.  » 

Dieu  pour  empêcher  qu'on  ne  crût  qu'il 
n'était  pas  possible  d'acquérir  les  grandeurs 
et  les  royaumes  de  la  terre  sans  la  faveur 
des  démons,  combla  de  bien  l'empereur 
Constantin;  mais  pour  empêcher  les  empe- 
peurs  de  se  faire  chrétiens,  afin  de  posséder 
les  mêmes  avantages  temporels  que  ce 
prince,  Dieu  voulut  que  le  règne  de  Jovinien 
fût  plus  court  que  celui  de  Juhen  ;  et  il  per- 
mit même  que  Gratien  fût  tué  par  un  usur- 
pateur de  l'empire.  Saint  Augustin  décrit 
les  prospérités  du  règne  de  Théodose,  et  ses 
victoires  sur  les  tyrans  Maxime  et  Eugène, 
remarquant  qu'il  ne  les  obtint  pas  par  le 
secours  des  faux  dieux,  mais  en  envoyant 
vers  Jean  de  Lycople,  solitaire  d'Egypte, 
qu'il  avait  ouï  dire  être  un  grand  serviteur 
de  Dieu,  et  de  qui  il  reçut  l'assurance  de  la 
victoire.  11  est  rapporté  qu'ayant  fait  abattre, 
à  son  retour,  certaines  statues  de  Jupiter 
qui  tenaient  en  mains  des  foudres  d'or  avec 
je  ne  sais  quel  sortilège  pour  le  faire  périr  ; 
il  donna  ces  foudres  à  ses  valets  de  pied  qui 


300 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEUllS  ECCLÉSIASTIQUES. 


lui  dirent  en  riant  qu'ils  voudraient  bien  en 
être  foudroyés.  Ce  saint  Docteur  fait  l'éloge 
de  la  piété  de  ce  prince  et  de  ses  bonnes 
œuvres  :  «  C'est  là,  ajoute-t-il,  tout  ce  qu'il 
a  emporté  avec  lui  de  toute  cette  vaine 
pompe  d'une  grandeur  humaine  et  passa- 
gère. » 

Sur  la  fin  de  ce  cinquième  livre  on  voit, 
que  quelques  païens  voulaient  répondre  aux 
trois  premiers  livres,  et  qu'ils  n'attendaient 
pour  publier  leur  réponse,  que  quelque  oc- 
casion favorable  où  ils  le  pussent  faire  sans 
craindre  les  lois  des  empei-eurs.  Saint  Au- 
gustin leur  dit  cjue  s'ils  ne  veulent  répondre 
que  pom-  parler,  ce  qui  est  souvent  plus  aisé 
à  la  fausseté  qu'à  la  vérité,  ou  pour  dire  des 
injures,  ils  ont  grand  tort  de  souhaiter  une 
liberté  qui  ne  pouvait  que  leur  être  désavan- 
tageuse ;  qu'ils  feront  mieux  d'examiner  son 
écrit  avec  un  esprit  de  paix,  et  de  lui  de- 
mander l'éclaircissement  des  diflîcultés  qu'ils 
pourraient  y  trouver. 
Analyse  du  10.  Dans  Ic  sixième  livre,  il  fait  voir  le  ridi- 
p>j- 143.  '  cule  de  ceux  qui  disaient  qu'ils  ne  servaient 
pas  les  dieux  pour  recevoir  d'eux  des  récom- 
penses temporelles,  mais  la  vie  éternelle. 
«  Comment,  leur  dit-il,  des  dieux  dont  la 
puissance  est  bornée  à  une  chose  passagère, 
pourraient -ils  vous  procurer  des  récom- 
penses éternelles?  Bacchus  ne  donne  cpie 
du  vin,  et  les  nymphes  ne  donnent  que  de 
l'eau.  Quelle  folie  d'attendre  la  vie  éternelle 
des  dieux  dont  le  pouvoir  est  si  limité,  qu'on 
ne  saurait  demander  à  l'un  ce  qui  dépend 
de  la  charge  de  l'autre.  Il  dit  qu'au  rapport 
de  Yarron,  le  plus  savant  des  Romains,  la 
religion  des  païens  n'était  que  d'institution 
humaine,  et  il  infère  de  ce  qu'il  a  dit  des 
dieux  du  paganisme,  qu'il  ne  les  a  pas  re- 
connus pour  de  véritables  dieux,  ni  capables 
de  donner  à  leurs  adorateurs  la  vie  éter- 
nelle. Varron  distinguait  trois  genres  de 
théologie  ou  de  science  des  dieux;  la  fabu- 
leuse telle  qu'on  la  trouve  dans  les  poètes, 
la  naturelle  qui  est  celle  des  philosophes,  et 
la  civile  que  suivaient  les  peuples.  11  rejette 
la  théologie  fabuleuse  comme  injurieuse  aux 
dieux  qu'elle  charge  de  toutes  sortes  de  cri- 
mes. Il  ne  trouve  rien  à. redire  à  la  théologie 
naturelle,  sinon  que,  partagée  en  diiïérentes 
opinions,  elle  a  donné  lieu  à  diverses  sec- 
tes. Mais  il  la  bannit  du  public  et  la  renferme 
dans  les  écoles.  Par  la  théologie  civile,  il  en- 
tend celle  dont  les  citoyens  des  villes,  et 
surtout   les  prêtres,   doivent  être  instruits. 


Elle  consiste  à  savoir  quels  dieux  doivent 
être  adorés  publiquement,  et  les  cérémonies 
ou  les  sacrifices  auxquels  chacun  est  obligé . 
On  voit  par  là  que  la  théologie  civile  était 
peu  diflterente  de  la  fabuleuse  ,  puisqu'elles 
avaient  l'une  et  l'autre  les  mêmes  dieux  pour 
objet;  qu'ainsi  Yarron  rejetant  l'une  de  ces 
théologies,  devait  aussi  rejeter  l'autre.  Saint 
Augustin  rappoi'te  diverses  explications  ti- 
rées des  choses  naturelles,  dont  les  païens  se 
sei-vaient  pour  défendre  leur  théologie  civile, 
et  montre  qu'on  pourrait  défendre  de  la  mê- 
me manière  la  théologie  fabuleuse.  Eprouve 
de  même  que  les  emplois  que  la  théologie 
civile  donnait  aux  dieux  ,  faisait  voir  qu'elle 
était  encore  plus  absurde  que  la  fabuleuse. 
Ni  l'une  ni  l'autre,  conclut  saint  Augustin, 
ne  peut  conduire  à  la  vie  éternelle,  ce  qu'il 
confirme  par  plusieurs  passages  de  Sénèque 
le  Philosophe,  où  l'on  voit  qu'il  a  repris  plue 
fortement  la  théologie  civile,  que  Yarron  n'a 
fait  la  fabuleuse.  «  Toutefois,  ajoute  saint  Au- 
gustin, ce  philosophe  ne  laissait  pas  d'adorer 
ce  qu'il  reprenait,  et  de  faire  ce  qu'il  condam- 
nait, parce  qu'il  était  sénateur.  La  philoso- 
phie lui  avait  appris  à  n'être  pas  supersti- 
tieux, mais  les  lois  et  la  coutume  le  tenaient 
asservi  ;  de  soi'te  qu'encore  qu'il  ne  montât 
pas  sur  le  théâtre ,  il  imitait  les  comédiens 
dans  les  temples  ;  en  cela  d'autant  plus  cou- 
pable, que  le  peuple  croyait  qu'il  faisait  sé- 
rieusement ce  qu'il  ne  faisait  que  par  feinte.  » 
Entre  autres  superstitions  de  la  théologie  ci- 
vile, Sénèque  condamne  les  céi'émonies  des 
Juifs,  surtout  leur  sabbat.  Il  ne  dit  ni  bien 
ni  mal  des  chrétiens ,  «  craignant,  dit  saint 
Augustin,  de  les  louer  contre  la  coutume  de 
son  pays,  et  ne  voulant  pas  peut-être  les 
blâmer  contre  sa  propre  inclination.  » 

11.  Il  continue  dans  le  septième  livre  à  a^ 
montrer  cpi'on  ne  peut  servir  les  dieux  de  la  vre,'; 
théologie  civile,  en  yue  de  la  vie  éternelle, 
et  qu'on  ne  peut  pas  même  adorer  ceux  que 
les  païens  appelaient  dieux  choisis ,  qui 
étaient  vingt  en  tout,  douze  mâles  et  huit 
femelles  ;  savoir  Janus,  Jupiter,  Saturne,  le 
Génie,  Mercure,  Apollon  ,  Mars  ,  Yulcain  , 
Neptune,  le  Soleil,  Pluton,  Liber  ou  Bac- 
chus, la  Terre,  Cérès,  Jinion,  la  Lune,  Dia- 
ne, Minerve,  Yénus  et  Ycsta.  Les  païens  ne 
pouvaient  apportei'  aucune  bonne  raison  du 
choix  qu'ils  avaient  fait  de  ces  dieux,  puis- 
que la  plupart  étaient  occupés  à  des  emplojs 
et  fonctions  moins  considérables  que  les 
dieux  du  second  rang  :  ce  qu'il  prouve  par 


[IV"  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


le  détail  des  occupations  des  uns  et  des  au- 
tres, n  parcourt  le  système  de  Varron  et  de 
quelques  philosophes  touchant  la  théologie 
civile,  et  relève  les  contradictions  qui  s'y 
rencontrent.  «  Janus,  dit-il,  selon  eux,  est  le 
monde  ,  Jupiter  l'est  aussi  :  pourquoi  en 
faire  deus  dieux,  puisqu'il  n'y  a  qu'un  mon- 
de ?  Pourquoi  ont-ils  leurs  temples  diffé- 
rents, et  des  statues  figurées  différemment?)) 
Suivant  ces  philosophes  mêmes ,  Saturne 
et  le  Génie  ne  sont  autre  chose  que  Ju- 
piter ;  Mercure  et  Mars  ne  sont  point  des 
dieux,  ou  ils  sont  Jupiter  même  ;  au  reste 
Varron  n'a  donné  que  comme  douteuses  les 
opinions  qu'il  avait  des  dieux.  «  Ce  qu'on 
en  peut  dire  de  plus  vraisemblable,  ajoute 
ce  Père  ,  c'est  que  ces  dieux  ont  été  des 
hommes  à  qui  leurs  flatteurs  ont  fait  des  fê- 
tes et  des  sacrifices  selon  leurs  mœurs,  leurs 
actions  et  les  divers  accidents  de  leur  vie  ; 
ce  culte  sacrilège  s'est  établi  peu  à  peu  dans 
les  esprits  des  hommes  corrompus,  et  amou- 
reux de  ces  nouveautés;  il  a  encore  été  ap- 
puyé par  les  mensonges  agréables  des  poè- 
tes, et  par  les  séductions  des  malins  esprits. 
Rien  ne  fait  mieux  voir  que  Saturne  est  une 
fausse  divinité,  que  ce  qu'on  dit  de  lui  qu'il 
avait  été  surmonté  par  son  fils  Jupiter,  qu'il 
avait  coutume  de  dévorer  ses  enfants ,  et 
que  quelques-ims  lui  en  immolaient,  comme 
les  Carthaginois.  Une  cruauté  sifolle  tient-elle 
du  caractère  d'un  Dieu  ?»  IL  prouve  la  mê- 
me chose  de  Bacchus,  par  les  infamies  avec 
lesquelles  on  l'honorait  ;  et  de  Cybèle,  la 
mère  des  dieux,  comme  de  beaucoup  d'au- 
tres divinités  fabuleuses  ;  faisant  sentir  aux 
païens  que  c'est  une  folie  sans  égale  d'ado- 
rer une  créature  quelle  qu'elle  soit,  au  lieu 
du  vrai  Dieu,  et  surtout  de  l'adorer  par  un 
culte  infâme  et  détestable,  tel  qu'on  le  ren- 
dait à  la  plupart  des  dieux.  Il  s'étend  à  mon- 
trer que  tout  ce  que  la  théologie  païenne 
rapportait  au  monde  comme  à  un  vrai  dieu, 
pouvait  fort  bien  être  attribué  à  celui  qui  l'a 
créé  :  c'est  ce  Dieu  qui  gouverne  toutes  cho- 
ses, de  manière  néanmoins  qu'il  leur  permet 
d'agir  par  les  mouvements  qui  leur  sont 
propres  ;  c'est  à  lui  que  nous  devons  rendre 
grâces  de  tous  les  biens  qui  sont  dans  le 
monde  et  dans  la  nature,  et  surtout  de  ceux 
qui  sont  au-dessus  de  la  nature,  entre  au- 
tres du  bienfait  de  l'Incarnation.  Ce  mys- 
tère de  la  vie  éternelle  a  été  annoncé  par  les 
anges  dès  le  commencement  du  monde  à 
ceux  à  qui  Dieu  l'a  bien  voulu,  mais  seule- 


301 

ment  par  des  signes  et  des  sacrements  con- 
venables à  ces  temps-là.  C'est  parmi  le  peu- 
ple juif  que  s'est  accompli  tout  ce  qui  avait 
été  prédit  par  les  Prophètes  touchant  l'avè- 
nement de  Jésus-Christ  ;  et  ce  peuple  a  été 
dispersé  par  toutes  les  nations  pour  servir 
de  témoin  aux  Écritures  qui  annoncent  le 
salut  éternel  en  Jésus-Christ.  De  là,  saint  Au- 
gustin infère  que  la  religion  chrétienne  qui 
est  la  véritable,  a  pu  seule  découvrir  que  les 
dieux  des  païens,  tant  ceux  du  premier  que 
du  second  rang,  sont  des  démons  impurs 
qui  tâchent  de  se  faire  passer  pour  des  dieux 
sous  le  nom  de  quelques  hommes  qui  sont 
morts.  Il  rapporte  d'après  Varron,  que  les 
livres  de  Numa  qui  contenaient  les  causes 
des  mystères  qu'il  avait  institués,  ayant  été 
trouvés  par  hasard  par  un  laboureur,  et  pro- 
duits en  plein  sénat,  les  principaux  de  ce 
tribunal  en  ayant  lu  quelque  chose,  ne  tou- 
chèrent point  aux  règlements  de  Numa , 
mais  ordonnèrent  que  ces  livres  seraient 
brûlés  par  le  piétem'.  D'où  on  peut  juger 
des  horreurs  qu'ils  contenaient,  et  combien 
ils  furent  trouvés  dangereux.  En  effet,  Nu- 
ma, par  une  curiosité  défendue,  pénétra  les 
secrets  des  démons,  et  eut  recours  à  l'hy- 
dromancie  pour  voir,  dans  l'eau,  les  images 
des  dieux,  ou  plutôt  les  illusions  des  démons, 
et  apprendre  d'eux  les  mystères  qu'il  devait 
établir.  Saint  Augustin  conjecture  qu'on  ap- 
prenait dans  ces  livres  que  ceux  que  le  peu- 
ple regardait  comme  des  dieux  immortels, 
n'étaient  que  des  hommes  morts  depuis  long- 
temps, et  que  les  démons  se  faisaient  adorer 
eux-mêmes  sous  leurs  noms. 

12.  n  emploie  le  huitième  fivi'e  à  combat- 
tre la  théologie  naturelle  des  philosophes.  Il 
en  distingue  de  deux  sortes  qui  avaient  formé 
deux  sectes  diÉférentes  ;  l'une ,  nommée  Ita- 
lique, de  cette  partie  de  l'Italie  qu'on  appe- 
lait autrefois  la  gi'ande  Grèce  ;  et  l'autre  Io- 
nique, du  pays  qu'on  nomme  encore  aujour- 
d'hui la  Grèce.  La  secte  itahque  eut  pour 
auteur  Pythagore.  Tlialès  de  Milet,  l'un  des 
sept  sages  de  la  Grèce,  fut  le  chef  de  la  secte 
ionique,  mais  il  s'adonna  particulièrement  à 
l'étude  de  la  physique,  où  il  acquit  beau- 
coup de  réputation.  Il  eut  pour  disciple 
Anaximandre.  A  celui-ci  succéda  Anaxi- 
mènes,  dont  le  disciple  fut  Anaxagore,  qui 
fut  maître  de  Socrate,  le  premier  qui  a  rap- 
porté toute  la  philosophie  aux  mœurs  :  car 
avant  lui ,  les  philosophes  ne  s'occupaient 
presque  qu'à  la  recherche  de  la  nature.  Pla- 


AnalyEB  du 
huitième  li- 
Tre,  pag.  Ï39. 


302 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


ton  fut  1g  plus  considérable  des  disciples  de 
Socrate  ;  il  ent  même  la  gloire  d'avoir  porté 
la  philosophie  à  sa  dernière  perfection.  Il 
l'a  divisée  en  trois  parties;  la  morale,  qui 
consiste  principalement  dans  l'action  ;  la 
physique,  qui  s'occupe  de  la  spéculation;  et 
la  logique  qui  apprend  à  distinguer  le  vrai 
du  faux.  Saint  Augustin  trouve  que  l'opi- 
nion de  Platon  touchant  la  Divinité,  est  la 
plus  raisonnable  de  toutes  celles  des  païens; 
et  que  ce  philosophe  est  préférable  à  tous 
les  autres,  soit  pour  la  physique,  soit  pour 
la  logique,  soit  pour  la  morale.  «  En  effet, 
dit-il ,  Platon  a  reconnu  que  Dieu  n'était 
point  un  corps;  aussi  s'est-il  élevé  au-dessus 
de  tous  les  corps  pour  le  chercher.  II  a  vu  de 
même  que  tout  ce  qui  est  sujet  au  change- 
ment n'est  pas  Dieu;  c'est  pourquoi  il  n'a 
pas  cherché  la  Divinité  dans  les  esprits  créés. 
II  a  conçu  encore  que  tous  les  êtres  mua- 
bles,  n'étant  pas  parfaits,  ont  dû  avoir  pour 
auteur  un  être  souverainement  parfait  :  c'est 
ainsi  que  Dieu  lui  a  manifesté  sa  nature ,  en 
l'amenant,, lui  et  ses  disciples,  à  la  connais- 
sance de  ce  qui  est  invisible  par  les  choses 
sensibles.  Platon  met  aussi  le  souverain  bien 
à  Tivre  selon  la  vertu,  et  dit  que  celui-là  seul 
peut  la  pratiquer,  qui  connaît  et  imite  Dieu; 
qu'autrement  il  ne  saurait  être  heureux.  On 
voit,  par  là,  que  les  platoniciens  ont  appro- 
ché davantage  de  la  croyance  des  chrétiens. 
Quelques-uns  en  ont  conclu  que  Platon,  dans 
son  voyage  en  Egypte,  avait  ouï  le  prophète 
Jérémie,  ou  qu'il  avait  lu  les  livres  des  Pro- 
phètes. Ni  l'un  ni  l'autre  ne  peut  être  vrai. 
Platon  ne  vint  au  monde  qu'environ  cent 
ans  après  le  prophète  Jérémie  :  et  la  ver- 
sion grecque  des  Septante  ne  fut  faite  que 
près  de  soixante  ans  depuis  la  mort  de  Pla- 
ton :  en  sorte  que  ce  philosophe  n'a  pu  voir 
ni  Jérémie,  mort  longtemps  avant  lui,  ni  lire 
les  Écritures  qui,  de  son  temps,  n'étaient 
point  encore  traduites  en  grec. 

Saint  Augustin  conjecture  avec  d'autres 
que,  comme  ce  philosophe  était  fort  stu- 
dieux, il  a  pu  apprendre  quelque  chose  des 
saintes  Écritures  par  la  conversation  des 
Juifs.  Il  appuie  cette  conjecture  sur  ce  que 
Platon,  dans  son  Thnée,  parle  de  la  création 
du  monde,  à  peu  près  comme  il  en  est  parlé 
dans  le  livre  de  la  Genèse.  Le  saint  Docteur 
n'entre  dans  tout  ce  détail  que  pour  mon- 
trer qu'il  choisit  avec  raison  les  platoniciens 
pour  traiter  avec  eux  cette  question  de  la 
théologie  naturelle,  s'il  faut  servir  un  seul 


Dieu  ou  plusieurs  pour  la  félicité  de  l'autre 
vie.  Ces  philosophes  ont  cru  qu'il  en  fallait 
adorer  plusieurs.  Sur  quoi  saint  Augustin  leur 
demande  quels  dieux  ils  croient  qu'on  doive 
servir  ;  si  ce  sont  les  bons  ou  les  méchants, 
ou  les  uns  et  les  autres.  Tous  les  dieux  sont 
bons,  répondaient-ils;  et  s'ils  n'étaient  pas 
bons,  ils  ne  seraient  pas  dieux.  ((  Si  cela  est 
ainsi,  réplique  saint  Augustin,  l'opinion  de 
ceux  qui  estiment  qu'il  faut  apaiser  les  mau- 
vais dieux  par  des  sacrifices,  de  peur  qu'ils 
ne  nous  nuisent,  et  invoquer  les  bons,  tom- 
be par  terre.  »  C'était  toutefois  celle  de  La- 
béon,  le  même  qui  a  mis  Platon  au  nombre 
des  demi-dieux.  Ce  Labéon  estime  que  les 
mauvais  dieux  s'apaisent  par  des  sacrifices 
sanglants,  et  les  bons  par  des  jeux  et  des 
fêtes.  Les  platoniciens  pour  se  soutenir,  dis- 
tinguaient trois  sortes  d'êtres  qui  ont  une 
âme  raisonnable,  les  dieux,  les  démons  et 
les  hommes.  Les  dieux,  selon  eux,  occupent 
le  lieu  le  plus  haut,  les  démons  le  milieu,  et 
les  hommes  le  plus  bas.  Les  dieux  font  leur 
demeure  dans  le  ciel,  les  démons  dans  l'air, 
les  hommes  sur  la  terre.  Les  dieux  sont  plus 
excellents  que  les  hommes  et  les  démons; 
les  hommes  le  sont  moins  que  les  dieux  et  les 
démons  ;  et  les  démons  le  sont  moins  que 
les  dieux  et  plus  que  les  hommes.  Car  leur 
corps  est  immortel  comme  celui  des  dieux; 
mais  ils  sont  sujets  aux  passions  comme  les 
hommes;  ils  se  plaisent  à  la  hcence  des 
spectacles  et  aux  fictions  des  poètes,  de  mê- 
me que  les  hommes.  C'est  ainsi  qu'Apulée 
explique  le  sentiment  de  Platon,  dans  le  li- 
vre intitulé  :  Du  dieu  de  Socrate,  où  il  fait 
voir  que  ce  n'était  pas  un  dieu,  mais  un  dé- 
mon. Saint  Augustin  montre  ou  qu'il  ne  faut 
point  faire  honneur  à  Socrate  de  l'amitié 
qu'il  avait  avec  un  démon,  ou  que  l'esprit 
familier  de  Socrate  n'était  pas  un  démon; 
que  les  platoniciens  ont  aussi  eu  tort  de  pré- 
férer les  démons  aux  hommes ,  puisque  ni 
les  corps  d'air  qu'ont  les  démons,  ni  le  lieu 
qu'ils  occupent,  ne  les  mettent  au-dessus  des 
hommes;  qu'autrement  il  faudrait  aussi  pré- 
férer aux  hommes  les  oiseaux,  parce  qu'ils 
habitent  dans  l'air,  et  plusieurs  bêtes  qui 
ont  les  sens  plus  subtils  que  nous,  ou  qui 
sont  plus  agiles  ou  plus  fortes,  ou  qui  vivent 
plus  longtemps;  que  les  démons  étant,  de 
l'aveu  de  ces  philosophes,  sujets  aux  mêmes 
passions  que  les  hommes,  sont  misérables 
et  ne  méritent  point,  par  conséquent,  d'être 
adorés,  les  honmies  ne  devant  point  adorer 


[IV*  ET  V'  SIÈCLES. 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEUUE  D'HU^FONE. 


303 


des  esprits  dont  ils  doivent  fuir  les  yices. 
Apulée  disait  que  les  démons  étaient  média- 
teurs entre  les  hommes  et  les  dieux.  «  Mais, 
dit  saint  Augustin,  si  un  homme  veut  obte- 
nir la  chasteté,  emploiera-t-il  pour  interces- 
seur un  esprit  qui  se  plaît  aux  ordures  du 
théâtre  ?  Les  lois  qui  défendent  la  magie  ne 
font-elles  pas  voir  que  Tintercession  des  dé- 
mons est  impie  ?  Pourquoi  les  dieux  n'écou- 
teraient-ils pas  eux-mêmes  les  hommes  qui 
s'adressent  à  eux?»  C'est,  disaient  les  plato- 
niciens ,  que  les  dieux  ne  communiquent 
point  avec  les  hommes.  «  Voilà,  dit  ce  Père, 
une  merveilleuse  sainteté  de  ces  dieux  :  ils 
ne  communiquent  point  avec  les  hommes 
qui  les  prient  humblement,  et  communi- 
quent avec  les  démons  superbes  et  arro- 
gants. Ils  ne  communiquent  point  avec  les 
hommes  qui  demandent  pardon  de  leurs  cri- 
mes, et  communiquent  avec  les  démons  qui 
conseillent  les  crimes.  »  Il  croit  que  ces  es- 
prits impurs  habitent  dans  l'air  comme  dans 
une  prison,  après  avoir  été  chassés  du  ciel 
en  punition  de  leurs  transgressions  crimi- 
nelles. Il  rapporte  l'opinion  de  Trismegiste 
sur  la  différence  des  dieux,  et  trouve  que, 
dans  ses  écrits,  il  a  prévu  en  quelque  manière 
l'abolition  du  paganisme  et  des  idoles.  «  Ce 
n'est  point,  ajoute-i-il,  parTentremise  des  dé- 
mons que  nous  devons  aspirer  à  l'amitié  des 
dieux,  mais  plutôt  par  celle  des  bons  anges,  en 
tâchant  de  leur  devenir  semblables  par  une 
bonne  volonté.  »  Après  quoi  il  justifie  le  culte 
que  l'EgMse  rend  aux  martyrs ,  montrant 
qu'il  est  bien  différent  de  celui  qu'elle  rend 
à  Dieu,  u  Nous  ne  bâtissons  point  des  tem- 
ples, dit-il,  et  n'ordonnons  point  des  prêtres, 
ni  des  cérémonies,  ni  des  sacrifices  aux  mar- 
tyrs ,  parce  que  ce  n'est  pas  eux  ,  mais  leur 
Dieu  qui  est  notre  Dieu.  Il  est  vrai  que  nous 
honorons  leurs  sépulcres,  comme  étant  ceux 
de  bons  serviteui's  de  Dieu  qui  ont  combattu 
pour  la  vérité  jusqu'à  la  mort,  et  répandu 
leur  sang  pour  faire  connaître  la  vraie  reli- 
gion et  convaincre  l'erreur  ;  mais  qui  des 
fidèles  a  jamais  w.  un  prêtre  présent  à  un 
autel  consacré  à  Dieu  sur  le  corps  d'un  mar- 
tyr, dire  dans  les  prières  :  Pierre,  Paul  ou 
Cyprien  ,  je  vous  offre  ce  sacrifice  ?  Lors- 
qu'on l'offre  sur  leurs  tombeaux,  on  l'offre 
à  Dieu  qui  les  a  faits  et  hommes  et  martyrs , 
et  qui  les  a  associés  à  ses  anges  ;  Ces  so- 
lennités ont  été  instituées  sur  leurs  sé- 
pulcres, afin  de  rendre  grâces  au  vrai  Dieu 
de  la  victoire  qu'ils  ont  remportée  ;  et  elles 


nous  animent  à  imiter  leur  courage ,  et  à 
nous  rendre  dignes  d,'avoir  part  à  leurs  cou- 
ronnes et  à  leurs  récompenses.  Donc,  tous 
les  actes  de  piété  et  de  religion  qui  se  font 
aux  tombeaux  des  saints  martyrs  ,  sont  des 
honneurs  qu'on  rend  à  leur  mémoire,  et  non 
des  sacrifices  qu'on  leur  offre  comme  à  des 
dieux.  » 

13.  Saint  Augustin  examine  dans  le  neu-     Anaijîe  di 

.  ^  ^  neuvième     h 

vieme  livre,  s'il  est  vrai,  comme  le  disaient  la  '■"^-  f='-  2'" 
plupart  des  philosophes,  qu'il  y  a  des  bons 
et  des  mauvais  démons.  U  tii-e  avantage 
d'mi  endroit  d'Apulée  qui  avoue  nettement 
que,  non-seulement  leur  âme  n'a  point  de 
vertu  pour  résister  aux  passions  vicieuses, 
mais  encore  que,  comme  celle  des  plus  mé- 
chants hommes ,  elle  en  est  violemment 
troublée  et  agitée.  Il  prouve  d'ailleurs  que 
le  même  philosophe  parle  de  tous  les  dé- 
mons, quand  il  leur  attribue  des  passions 
vicieuses;  et  que  le  corps  immortel  qu'on 
leur  donne  ,  ne  peut  servir  qu'à  éterniser 
leur  misère,  a  Quand  même,  ajoute-t-il ,  il  y 
aurait  de  bons  démons,  ils  ne  pourraient 
être  médiateurs  entre  Dieu  et  les  hom- 
mes ;  il  n'y  a  que  Jésus-Christ  qui  ait  pu 
remplir  cet  office ,  parce  qu'il  fallait  que  le 
médiateur  entre  Dieu  et  nous,  eût  une" mor- 
talité passagère  et  une  féhcité  permanente  , 
afin  d'être  conforme  aux  hommes  mortels 
par  ce  qui  devait  passer  en  lui,  et  de  les  faire 
passer  de  leur  état  mortel  à  ce  qu'd  y  a  de 
stable  et  de  permanent.  »  ïl  s'étend  ensuite 
sur  le  nom  et  la  natiure  des  démons.  D'après 
ce  Père  ils  n'ont  connu  Jésus-Christ,  qu'au- 
tant qu'il  lui  a  plu  de  se  découvrir  à  eux 
par  certains  eflets  passagers  de  sa  puis- 
sance. Mais  ,  les  bons  anges  ont  une  con- 
naissance beaucoup  plus  certaine  de  toutes 
choses ,  parce  qu'ils  en  contemplent  les  rai- 
sons éternelles  dans  le  Verbe  de  Dieu  ;  et  de 
là  vient  qu'ils  ne  se  trompent  jamais ,  tandis 
que  les  démons  se  trompent  souvent,  parce 
qu'Us  ne  connaissent  les  choses  que  par 
conjectiu-e.  Il  passe  aux  platoniciens  de 
donner  aux  anges  le  nom  de  dieux  comme  à 
des  créatures  immortelles  et  bienheureuses, 
et  il  cite  lui-même  quelques  passages  de 
l'Écriture  où  le  nom  de  Dieu  est  donné  à 
des  créatm-es. 

1-4.  Comme  c'est  Dieu  seul  qui  peut  faire  le 
bonheur  des  anges  comme  celui  des  hommes, 
c'est  aussi  à  lui,  dit  saint  Augustin,  dans  son 
dixième  hvre,  que  nous  devons  rendre  le 
culte  de  latrie ,  soit  dans  tous  les  devoirs  de 


Analyse    du 
dixième  livre, 


304 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


religion,  soit  en  nous-mêmes.  Il  explique 
quels  sont  les  sacrifices  que  Dieu  demande 
de  nous.  <c  Si  les  anciens  Pères ,  dit-il ,  ont 
immolé  à  Dieu  des  victimes,  ce  que  les 
fidèles  ne  font  point  aujourd'hui ,  c'est  que 
c'était  seulement  une  figure  de  ce  qui  se 
passe  maintenant  en  nous,  c'est-à-dire  de 
l'amour  qui  nous  unit  à  Dieu,  et  à  notre  pro- 
chain pour  le  porter'à  Dieu.  »  Il  réduit  ces  sa- 
crifices à  un  seul  qu'il  dit  être  vrai  et  par- 
fait, qui  consiste  en  ce  que  les  chrétiens 
soient  tous  ensemble  un  même  corps  en  Jé- 
sus-Clirist.  «  C'est  aussi,  dit-il,  ce  que  l'Église 
célèbre  souvent  dans  le  Sacrement  de  l'au- 
tel, où  elle  apprend  qu'elle  est  offerte  elle- 
même  dans  l'oblation  qu'elle  fait  à  Dieu. 
Les  miracles  de  l'Ancien  Testament  n'ont 
été  opérés  que  pour  établir  le  culte  du  vrai 
Dieu,  et  pour  ruiner  celui  que  l'on  ren- 
dait aux  fausses  divinités  ;  ces  miracles  se 
faisaient  par  une  foi  simple ,  et  non  par  les 
charmes  et  les  enchantements  d'une  cm-io- 
sité  criminelle  qu'on  appelle  magie  ;  tandis 
que  les  prodiges  de  cet  art  ne  se  font  que 
par  l'entremise  du  démon.  C'est  ce  que 
montre  le  philosophe  Porphyre  dans  sa  let- 
tre à  Anébunte  ,  prêtre  égyptien ,  où  il  dé- 
couvre et  détruit  tout  cet  art  sacrilège.  Dieu 
se  sert  souvent  des  anges  pour  opérer  les 
miracles  qui  servent  à  établir  son  culte.  Lors- 
que ses  anges  écoutent  les  prières  des  hom- 
mes, c'est  lui  qui  les  entend  en  eux  comme 
dans  son  vrai  temple.  Quoiqu'il  soit  invisi- 
ble de  sa  nature,  il  s'est  souvent  rendu  vi- 
sible pat  le  ministère  des  anges  ;  et  les  pa- 
triarches ne  l'ignoraient  pas.  Comme  il  s'est 
servi  du  ministère  de  ces  esprits  célestes 
pour  donner  la  loi  ancienne ,  il  les  emploie 
dans  d'autres  occasions  ,  où  ils  exécutent, 
sans  difiSculté  et  sans  délai  par  des  opéra- 
tions sensibles,  les  ordres  qu'il  leur  donne, 
et  qu'ils  entendent  d'une  manière  qu'eux 
seuls  peuvent  comprendre.  » 

Saint  Augustin  demande  aux  platoniciens 
et  à  tous  les  autres  philosophes,  s'il  n'est 
pas  plus  raisonnable  d'adorer  Celui  que  les 
anges  nous  commandent  d'adorer  à  l'exclu- 
sion de  tout  autre ,  que  d'adorer  ces  anges 
ou  ces  dieux  qui  veulent  qu'on  les  adore. 
De  là,  il  prend  occasion  de  montrer  la  supé- 
riorité et  l'évidence  des  miracles  faits  en  fa- 
veur des  Hébreux  par  le  ministère  des  bons 
anges,  au-dessus  de  ceux  qu'on  attribuait 
au  démon.  Il  donne  pour  exemple  de  ces 
prodiges  fabuleux,  ce  qu'on  disait  que   les 


dieux  pénates  qu'Énée  apporta  de  Troie , 
passèrent  d'eux-mêmes  d'un  heu  à  un  au- 
tre ;  que  Tarquin  coupa  une  pierre  avec  un 
rasoir;  qu'un  serpent  d'Épidaure  accompa- 
gna Esculape  à  son  voyage  de  Rome; 
qu'une  vestale,  pour  justifier  sa  chasteté, 
tira  seule  avec  sa  ceinture,  le  vaisseau  qui 
portait  l'image  de  la  mère  des  dieux  que 
tant-  d'hommes  et  d'animaux  n'avaient  pu 
remuer;  qu'une  autre  pour  le  même  sujet 
puisa  de  l'eau  dans  un  crible.  «  Quelle  com- 
paraison de  ces  faits  obscurs,  dit-il,  avec  les 
merveilles  opérées  en  la  présence  de  l'arche 
d'alliance?  le  Jourdain  s'ouvre  pour  lui 
donner  passage,  et  à  tous  les  Hébreux;  por- 
tée sept  fois  au  tour  des  mui-ailles  de  Jéri- 
cho, elle  les  renverse  sans  sape  ni  mine. 
Les  Philistins,  pour  l'avoir  enlevée,  sont 
punis  jusqu'à  ce  qu'ils  l'aient  rendue  au 
peuple  de  Dieu.  Ils  l'enferment  dans  leur 
temple,  et  elle  fait  tomber  par  terre  l'idole 
de  leur  dieu.  Si  les  païens  ne  doutent  point 
de  la  vérité  des  miracles  rapportés  dans 
leurs  livres  de  magie,  pourquoi  font-ils  dif- 
ficulté de  donner  créance  à  nos  miracles 
sur  la  foi  de  nos  Écritures?  Jésus-Christ, 
quoique  vrai  Dieu ,  n'a  pas  voulu  qu'on  lui 
offrit  des  sacrifices ,  de  crainte  qu'étant 
homme  aussi,  on  ne  crût  qu'on  pouvait  en 
offrir  à  une  créature.  Il  a  mieux  aimé  être 
lui-même  le  sacrifice  que  de  le  recevoir  :  en 
sorte  qu'il  est  le  prêtre  et  la  victime  tout  en- 
semble :  il  a  voulu  nous  le  figurer  comme  dans 
le  sacrifice  que  l'Église  lui  offre  tous  les 
jours  :  car,  comme  c'est  le  corps  de  ce  chef 
adorable,  elle  s'offre  elle-même  par  lui.  Si 
Dieu  a  permis  que  les  démons  exigeassent  en 
certains  temps  des  sacrifices  de  la  part  des 
hommes,  ça  été  pour  l'avantage  de  l'Église, 
ces  sacrifices  ayant  servi  à  accomplir  le 
nombre  des  martyrs,  qui  tiennent  un  rang 
d'autant  plus  honorable  dans  la  cité  de  Dieu, 
qu'ils  combattent  plus  généreusement  jus- 
qu'à l'eâusion  de  leur  sang  contre  ces  puis- 
sances du  monde.  Car  les  ser^âteurs  de  Dieu 
les  chassent  de  l'air  en  les  conjurant:  elles  sont 
vaincues  au  nom  de  celui  qui  s'est  revêtu  de 
notre  nature  humaine,  et  qui  a  vécu  sur  la 
terre  sans  péché,  afin  qu'étant  ensemble  le 
prêtre  et  le  sacrifice,  les  péchés  fussent  re- 
mis par  lui,  comme  médiateur  entre  Dieu  et 
les  hommes.  Les  platoniciens  ont  reconnu 
eux-mêmes  qu'il  n'y  a  que  Dieu  qui  puisse 
purifier  les  hommes  de  leurs  péchés  :  il  sem- 
ble même  qu'ils  ont  eu  quelque  notion  de  la 


(rv"  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HtPPONE. 


305 


Trinité,  quoiqu'ils  se  soient  exprimés  là-des- 
sus avec  peu  d'exactitude.  » 

Saint  Augustin  croit  même  qu'il  n'y  a  que 
l'orgueil  qui  les  ait  empêchés  de  reconnaître 
le  mystère  de  l'Incarnation,  et  de  confesser 
que  le  Fils  de  Dieu  est  l'unique  médiateur. 
Il  raconte,  d'après  le  saint  vieillard  Simpli- 
cien,  évêque  de  Milan,  qu'un  certain  plato- 
nicien disait  qu'il  fallait  écrire  en  lettres  d'or 
dans  les  lieux  les  plus  éminents  des  églises, 
ce  commencement  de  l'Évangile  de  saint 
Jean  :  Le  Verbe  était  dès  le  commencement. 
«  Mais,  ajoute-t-il,  ces  superbes  philoso- 
phes ont  dédaigné  de  prendre  ce  Dieu  pour 
maître,  parce  que  le  Verbe  a  été  fait  chair,  et 
a  habité  parmi  nous,  ayant  honte  de  la  méde- 
cine qui  les  pouvait  guérir,  n  II  fait  voir  aux 
platoniciens  de  son  temps,  qu'ils  ne  doivent 
pas  avoir  honte  d'embrasser  la  doctrine 
clu'étienne,  de  crainte  de  s'éloigner  de  celle 
de  Platon,  puisque  Porphyre  s'en  est  éloigné 
et  l'a  même  corrigée  en  des  choses  fort  im- 
portantes. » 

IS.  Après  avoir  répondu,  dans  les  dix  li- 
vres précédents,  aux  ennemis  de  la  sainte 
cité,  c'est-à-dire  de  l'Eglise,  saint  Augustin 
parle,  dans  les  suivants,  de  la  naissance,  du 
pl'ogrès  et  de  la  fin  des  deux  cités,  de  celle 
de  la  terre  et  de  celle  du  ciel ,  qu'il  dit  être 
encore  mêlées  ici-bas.  Il  dit  qu'elles  ont  com- 
mencé dans  la  diversité  des  anges.  Ce  qui 
lui  donne  occasion  de  traiter  de  la  création 
du  monde  visible,  qui  a  été  précédée  immé- 
diatement de  celle  du  monde  invisible,  c'est- 
à-dire  des  anges  cpii,  tous,  ont  été  créés  dans 
un  état  de  justice,  dont  plusieurs  déchurent 
par  leur  faute.  «Lemonde  visible,  dit-il,  a  été 
créé  de  Dieu  comme  il  nous  l'apprend  lui- 
même,  par  la  bouche  de  son  prophète,  dans 
les  divines  Ecritures.  Car,  quoique  Moïse  ne 
fût  pas  présent  lorsque  Dieu  créa  le  ciel  et  la 
terre,  la  sagesse  de  Dieu,  par  qui  toutes 
choses  ont  été  faites,  était  présente  :  et  c'est 
elle  qui  lui  a  raconté  ses  œuvres  intérieure- 
ment et  sans  bruit.  Nous  devons  d'autant 
plus  l'en  croire,  que  le  même  esprit  qui  lui 
a  révélé  ce  qui  s'est  passé  à  la  création  du 
monde,  lui  a  fait  prédire,  depuis  tant  de  siè- 
cles, que  nous  le  croirions.  Mais,  sans  parler 
des  témoignages  des  Prophètes,  le  monde 
même  crie  en  quelque  sorte  par  ses  révolu- 
tions si  régulières  et  par  la  beauté  de  toutes 
les  choses  visibles,  qu'il  a  été  créé,  et  qu'il 
ne  l'a  pu  être  que  par  un  Dieu  dont  la  gran- 
deur et  la  beauté  sont  invisibles  et  inetfa- 
IX. 


blés.  »  Quelques-uns  de  ceux  qui  avouaient 
que  le  monde  est  l'ouvrage  de  Dieu,  ne  vou- 
laient pas  qu'il  eût  eu  un  commencement. 
«Mais,  répond  il,  comment  cette  opinion  peut- 
elle  subsister  à  l'égard  de  l'âme  ?  s'ils  préten- 
dent qu'elle  est  coéternelle  à  Dieu,  comment 
pourront-ils  expliquer  d'où  lui  est  survenue 
une  nouvelle  misère  qu'elle  n'avait  point 
eue  pendant  toute  l'éternité?  S'ils  disent 
qu'elle  a  toujours  été  dans  une  vicissitude 
de  félicité  et  de  misère,  il  faut  qu'ils  disent 
aussi  qu'elle  sera  toujours  dans  cet  état;  d'où 
il  suivra  cette  absurdité  qu'elle  est  heureuse 
sans  l'être,  puisqu'elle  prévoit  sa  misère  et 
sa  difformité  avenir.»  D'autres  demandaient 
qu'on  les  satisfasse  touchant  le  temps  au- 
quel Dieu  a  créé  le  monde;  pourquoi  alors 
plutôt  qu'auparavant?  Mais  on  peut  leur  de- 
mander de  même  pourquoi  il  a  été  plutôt 
créé  où  il  est,  qu'autre  part?  En  effet,  s'ils 
s'imaginent  avant  le  monde  des  espaces  in- 
finis de  temps  où  il  ne  soit  pas  possible  que 
Dieu  soit  demeuré  sans  rien  faire ,  qu'ils 
s'imaginent  donc  aussi,  hors  du  monde,  des 
espaces  infinis,  dans  lesquels  Dieu  aura  pu 
créer  le  monde,  et  même  une  infinité  de 
mondes,  ainsi  que  l'a  cru  Épicm'e.  Le  monde 
et  le  temps  ont  été  créés  ensemble,  puisque 
le  mouvement,  qui  est  la  mesure  du  temps,  a 
été  créé  avec  le  monde;  comme  cela  est  vi- 
sible par  l'ordre  même  des  six  ou  sept  pre- 
miers jom's,  où  le  soir  et  le  matin  sont  mar- 
qués, jusqu'à  ce  que  toutes  les  choses  que 
Dieu  fit  pendant  ces  jours  fussent  accom- 
plies. Le  repos  de  Dieu,  au  septième  jour, 
ne  doit  pas  s'entendre  puérilement,  comme 
s'il  s'était  lassé  à  force  de  travailler;  mais  il 
signifie  le  "repos  de  ceux  cpii  se  reposent  en 
lui,  et  dont  il  fait  lui-même  le  repos.  Les 
anges,  qui  font  une  partie  principale  de 
la  sainte  Cité,  sont  l'ouvrage  du  Seigneur. 
Il  semble  qu'ils  soient  désignés,  ou  par  le 
ciel,  lorsqu'il  est  dit  :  Au  commencement. 
Dieu  créa  le  ciel;  ou  par  la  lumière,  dont  il 
est  dit  :  Que  la  lumière  soit  faite.  Quelques- 
uns  de  ces  anges,  s'étant  éloignés  de  cette 
lumière  dont  ils  étaient  participants,  c'est-à- 
dire  de  la  lumière  éternelle,  qui  n'est  autre 
que  la  sagesse  immuable  de  Dieu,  n'ont 
point  acquis  la  perfection  de  la  béatitude, 
puisqu'on  ne  peut  être  parfaitement  heureux, 
qu'on  ne  soit  assuré  de  l'être  éternellement. 
Ce  n'est  pas,  toutefois,  que  l'incertitude  ne 
soit  compatible  avec  une  espèce  de  félicité, 
car,  qui  oserait  nier  que  nos  premiers  pa- 

20 


306 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


rents   n'aient   été   heui-eux   avant  le  péché 
dans  le  paradis  terrestre,  quoiqu'ils  fussent 
incertains  de   la  durée  de  leur  béatitude? 
mais  il  faut  entendre  cette  félicité  de  la  sa- 
tisfaction présente  qu'ils  avaient  dans  le  pa- 
radis terrestre.   Pour  former  la  béatitude 
parfaite,  il  faut  l'union  de  ces  deux  choses  : 
jouir  de   Dieu,    et  être   assuré    d'en  jouir 
toujours.  C'est  cette  béatitude   que   possè- 
dent les  anges  de  lumière ,  ainsi  que  la  foi 
nous  l'apprend  ;   et  la  raison  nous  fait  con- 
clure,   que  les  anges   prévaricateurs  ne  la 
possédaient  pas   même    avant   leur  chute  , 
parce   qu'ils   n'étaient   pas    assurés   de    la 
posséder   toujours.  Ce   qui  n'empêche   pas 
qu'ils  n'aient  eu  quelque  félicité  dont  la  du- 
rée ne  leur  était  pas  même  connue.  Le  dia- 
ble était  bon  par  sa  nature,  il  est  devenu 
mauvais  par  sa  volonté  :  car  si  le  péché  lui 
était  naturel,   il  ne   serait  point  coupable. 
Ainsi,  dans  ce  passage  de  saint  Jean  :  Le 
diable  pèche  dès  le  commencement,  il  ne  faut 
pas  entendre  qu'il  ait  péché  dès  le  commen- 
cement de  sa  création,  mais  dès  qu'il  a  com- 
mencé à  être  orgueilleux.  Ce  n'est  donc  qu'à 
l'égard  de  sa  nature,  et  non  de  sa  malice, 
qu'il  est  écrit  dans  Job  :  C'est  le  commence- 
ment de  l'ouvrage  de  Dieu,  puisqu'une  natui'e 
ne  peut  être  viciée,  qu'elle  n'ait  été  aupa- 
ravant sans  vice.  Or,  le  vice  est  tellement 
contre  nature,  qu'il  ne  peut  nuire  qu'à  la 
nature.   Ce  ne  serait  donc  pas  un  vice  de 
s'éloigner  de  Dieu,  s'il  n'i'tait  naturel  d'être 
avec  Dieu.  Dieu,  en  créant  le  démon,  avait 
bien  prévu  sa  méchanceté  ;  et  il  ne  l'aurait 
pas  créé,  s'il  n'eût  prévu  les  moyens  de  bien 
user  de  lui  quand  il  serait  devenu  méchant.  » 
Saint  Augustin  remarque  que  l'obscurité 
de  l'Écriture  sert  à  faire  trouver  plusieurs 
choses  véritables  par  les  divers  sens  qu'on 
lui  donne,    et  qu'on  confkme  par  d'autres 
passages  clairs,  quoique  ce  ne  soit  pas  tou- 
jours le  sens  de  celui  qui  a  écrit.  Il  croit  donc 
que  l'on  peut  entendre  de  la  distinction  des 
bons  et  des  mauvais  anges,  ce  qui  est  dit 
que  Dieu  sépcwo  la  lumière  des  ténèbres  ;  celui- 
là  seul  les  ayant  pu  séparer,  qui  a  pu  pré- 
voir leur  chute  et  connaître  qu'ils  demeure- 
raient obstinés  dans  leur    aveuarlemeut.  Il 
remarque  que  Dieu,  après  avoir  créé  la  lu- 
mière,  vit   qu'elle  était  bomie;    mais  que, 
l'ayant  séparée   des  ténèbres,    il   ne   porta 
point  un  semblable  jugement  des  ténèbres, 
c'est-à-dire  des  mauvais  anges,  parce  qu'il 
ne  devait  pas  les  approuver,  quoiqu'il  eût 


résolu  de  les  ordonner  à  quelque  bien.  Il 
fait  voir  que  Dieu  n'a  rien  créé  que  de  bon. 
Bien  que  notre  corps,  en  punition  du  pé- 
ché ,  trouve  ici -bas  beaucoup  de  choses 
qui  lui  sont  contraires,  et  qui  le  détruisent, 
comme  le  feu,  le  fi-oid,  les  bêtes  farouches, 
toutes  ces  choses  néanmoins  sont  excellen- 
tes dans  leur  lieu  naturel,  contribuant  cha- 
cune en  particulier  à  la  beauté  de  l'univers  et 
nous  procm-ant  de  grands  avantages  quand 
nous  en  savons  bien  user;  en  sorte  que  les 
poisons  même  deviennent  des  remèdes, 
lorsqu'on  les  emploie  à  propos  ;  comme  au 
conti-aire,  les  meilleures  choses  deviennent 
nuisibles  quand  on  en  prend  avec  excès.  Le 
saint  Docteur  rejette  l'opinion  de  ceux  qui  veu- 
lent que  lésâmes  aient  mérité,  parleurs  pé- 
chés, d'être  renfennées  i:n  divers  corps,  com- 
me dans  une  prison,  selon  la  diversité  de  leurs 
crimes,  et  que-  c'est  pour  cela  que  Dieu  a 
créé  le  monde.  D.  trouve  la  Trinité  marquée 
dans  le  premier  chapitre  de  la  Genèse,  dans 
les  trois  parties  de  la  philosophie,  et  dans 
l'homme  même  :  car  il  existe,  il  connaît  son 
existence,  et  il  l'aime. 

Les  anges,  selon  le  saint  Docteur,  appren- 
nent à  connaître  Dieu  par  la  présence  mê- 
me de  la  vérité,  c'est-à-dire  par  son  Verbe. 
Es  connaissent  tellement  le  Vei-be  même,  et 
le  Père  avec  le  Saint-Esprit,  que  la  connais- 
sance qu'ils  en  ont  leur  est  plus  claire  que 
celle  que  nous  avons  de  nous-mêmes.  Ils 
connaissent  également  qr.e  cette  Trinité  est 
inséparable,  et  que  chaque  personne  de 
cette  Trinité  est  une  seule  et  même  subs- 
tance, sans  que  ces  trois  personnes  divines 
soient  trois  dieux.  Enfin  ils  connaissent  tou- 
tes choses  dans  le  Verbe  de  Dieu  où  elles 
ont  leur  cause  et  leur  raison  éternellement 
subsistantes,  selon  lesquelles  elles  ont  été 
faites.  Ils  les  connaissent  ainsi  beaucoup 
mieux  que  dans  elles-mêmes.  L'Écriture  dit 
que  tout  fut  achevé  en  six  jours,  mais  il  ne 
faut  pas  croire  que  Dieu  ait  eu  besoin  de  ce 
temps,  comme  s'il  n'eut  pas  pu  créer  tout  à 
la  fois,  et  faire  ensuite  marquer  les  temps 
par  des  mouvements  convenables  ;  elle  s'ex- 
prime ainsi,  pour  montrer  la  perfection  des 
ouvrages  de  Dieu  par  celle  du  nombre  de 
six,  qui  est  un  nombre  parfait.  Quant  au 
septième  jour,  Di6u  n'a  pas  voulu  le  sancti- 
fier par  ses  ouvrages,  mais  par  son  repos 
qui  n'a  point  de  fin.  Quelques-uns  étaient 
du  sentiment  cjue  la  création  des  anges  a 
précédé  celle  du  monde. 


Il  Pclr.  1 


[IV«  ET  y"  SliCLES.] 

Saint  Augustin  ne  décide  rien  là-dessus, 
laissant  à  chacun  d'en  penser  avec  liberté, 
pourvu  qu'on  ne  cloute  pas  que  les  saints 
anges  ne  sont  pas  à  la  vérité  coéternels  à 
Dieu,  mais  qu'ils  sont  néanmoins  certains 
de  leur  véritable  et  éternelle  félicité.  Il  ap- 
puie de  l'autorité  de  saint  Pierre  et  de  saint 
Paul,  ce  qu'il  avait  dit  plus  haut  de  la  sé- 
paration des  bons  anges  d'avec  les  mau- 
vais marquée  par  ces  paroles  :  Dieu  sépara 
la  lumière  des  ténèbres,  montrant  qu'à  cause 
de  leurs  péchés,  ils  ont  été  précipités  dans 
les  prisons  obscures  de  l'enfer  ;  et  que  l'É- 
criture a  pu  les  nommer  très-justement  ténè- 
bres. 

16.  n  n'est  pas  permis  de  douter  que  les 
inclinations  opposées  des  bons  et  des  mé- 
chants anges  ne  viennent  de  leur  volonté  et 
non  pas  de  leur  nature,  puisque  Dieu  qui 
n'a  rien  fait  que  de  bon,  est  le  créateur  des 
uns  et  des  autres.  Leur  différence  est  donc 
venue  parce  que  les  uns  sont  demeurés  cons- 
tamment attachés  au  bien  commun  à  tous, 
qui  est  Dieu,  sans  s'éloigner  de  son  éternité, 
de  sa  vérité  et  de  sa  charité  ;  les  autres,  au 
contraire ,  s'étant  plu  en  leur  propre  excel- 
lence, comme  s'ils  eussent  été  eux-mêmes 
leur  propre  bien,  se  sont  détachés  du  bien 
commun  à  tous  pour  s'attacher  à  leur  bien 
particulier  ;  ainsi,  n'ayant  qu'une  élévation 
fastueuse  au  lieu  de  la  gloire  éminente  de 
l'éternité,  que  l'artifice  et  le  mensonge  au 
lieu  de  la  vérité,  et  qu'un  esprit  de  faction 
et  de  parti,  au  lieu  de  l'union  de  la  charité, 
ils  sont  devenus  superbes,  trompeurs  et  en- 
vieux. D'où  il  suit  qu'il  n'y  a  que  Dieu  qui 
puisse  rendre  heureuse  la  créature  raison- 
nable et  intellectuelle.  Qu'on  ne  cherche 
donc  pas  d'autre  cause  de  la  félicité  des 
bons  anges  et  de  la  misère  des  mauvais, 
que  la  volonté  des  uns  et  des  autres.  Si  l'on 
demande  quelle  a  été  la  cause  efficiente  de 
la  mauvaise  volonté  dans  les  anges  qui  sont 
tombés,  il  n'y  en  a  point.  La  volonté  est  la 
cause  d'une  mauvaise  action,  mais  rien 
n'est  la  cause  de  cette  mauvaise  volonté. 

Saint  '  Augustin  suppose  deux  personnes 
également  disposées  de  corps  et  d'esprit, 
voyant  une  beauté  ;  l'une  la  regarde  avec  des 
yeux  lascifs,  et  l'autre  conserve  son  cœur 
chaste.  «D'où  vient,  dit-il,  que  l'une  a  cette 
mauvaise  volonté,  et  que  l'autre  ne  l'a  pas? 
qui  est  la  cause  de  ce  désordre  ?  Ce  n'est 
pas  la  beauté  du  corps,  puisque  toutes  deux 
l'ont  vue  également,  et  que  toutes  deux  n'en 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


307 

ont  pas  été  touchées  de  la  même  manière.  Ce 
n'est  point  non  plus  la  différente  disposition 
du  corps  ou  de  l'esprit  de  ces  deux  person- 
nes, puisque  nous  les  supposons  également 
disposées.  Dirons-nous  que  c'est  que  l'une  a 
été  tentée  par  une  secrète  suggestion  du  ma- 
lin esprit.  Mais  c'est  par  sa  volonté  qu'elle  a 
consenti  à  cette  suggestion.  »  Il  décide  donc 
que  si  toutes  deux  sont  tentées  de  même,  que 
l'une  cède  à  la  tentation,  et  que  l'autre  y  ré- 
siste, on  ne  peut  dire  autre  chose,  sinon  que 
l'une  a  voulu  demeurer  chaste,  et  que  l'autre 
ne  l'a  pas  voulu.  «  On  ne  doit  donc  pas,  con- 
tinue-t-il,  chercher  la  cause  efficiente  de  la 
mauvaise  volonté  :  elle  n'en  a  point;  c'est  plu- 
tôt une  cause  défaillante.  Mais,  comme  cette 
mauvaise  volonté  n'est  dans  celui  en  qui  elle 
est  que  parce  qu'il  le  veut,  c'est  justement 
qu'on  punit  une  défaillance,  qui  est  entière- 
ment volontaire.  Il  n'en  est  pas  de  même  de 
la  bonne  volonté  des  anges;  Dieu  en  est 
l'auteur  aussi  bien  que  de  leur  nature.  C'est 
lui  qui  leur  a  donné  en  même  temps  la  na- 
ture et  la  grâce.  Les  bons  anges  n'ont  donc 
jamais  été  sans  la  bonne  volonté,  c'est-à- 
dire  sans  l'amour  de  Dieu.  Pour  les  autres, 
qui,  ayant  été  créés  bons,  sont  devenus  mé- 
chants par  leur  mauvaise  volonté ,  il  faut 
dire  qu'ils  ont  reçu  une  moindre  grâce  de 
l'amour  divin,  que  ceux  qui  y  ont  persévéré 
ou  que  s'ils  ont  été  créés  également  bons, 
ceux-ci  tombant  par  leur  mauvaise  volonté, 
ceux-là  ont  reçu  un  plus  grand  secours  pour 
arriver  à  ce  comble  de  bonheur  d'où  ils  ont 
été  assurés  qu'ils  ne  décherraient  point.  Il 
faut  avouer  à  la  juste  louange  du  Créateur, 
que  ce  n'est  pas  seulement  des  gens  de 
bien,  mais  des  saints  anges,  qu'on  peut  dire 
que  l'amour  de  Dieu  est  répandu  en  eux 
par  le  Saint-Esprit  qui  leur  a  été  donné  ;  et 
que  c'est  autant  leur  bien  que  celui  des 
hommes  d'être  étroitement  unis  à  Dieu. 
C'est  par  la  participation  de  ce  bien  com- 
mun qu'ils  sont  unis  avec  les  hommes,  et 
ne  composent  avec  eux  qu'une  même  cité 
de  Dieu.  » 

Saint  Augustin,  après  avoir  parlé  des  an- 
ges, traite  de  l'origine  de  l'homme.  Il  com- 
bat d'abord  ceux  qui  soutenaient  que  les 
hommes  aussi  bien  que  le  monde  ont  tou- 
jours été.  Il  fait  voir  qu'ils  se  fondaient  sur 
certaines  histoires  fabuleuses  qui  faisaient 
mention  de  plusieurs  milliers  d'années;  tan- 
dis que  selon  l'Écriture  sainte  de  la  version 
des  Septante,  il  n'y  a  pas  encore  six  mille 


308 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


ans  accomplis  depuis  la  création  de  l'hom- 
me, n  croit  que  ceux  qui  ont  donné  tant  de 
milliers  d'années  à  la  monarchie  des  Assy- 
riens, des  Perses  et  des  Macédoniens,  les  fai- 
saient bien  plus  courtes,  et  qu'elles  n'avaient 
que  quatre  mois ,  en  sorte  qu'il  en  fallait 
trois  pom"  en  faire  une  des  nôtres.  Il  répond 
à  ceux  qui  demandaient  pourquoi  l'homme 
n'avait  pas  été  créé  plus  tôt,  que  leur  de- 
mande n'était  pas  raisonnable  ;  puis  qu'on  ne 
pouvait  dire  ni  tôt  ni  tard  en  comparaison 
de  l'éternité,  et  que  le  monde  n'aurait  pas 
été  créé  plus  tôt,  quand  on  le  supposerait  plus 
ancien  de  plusieurs  milUons  d'années.  Il  ré- 
fute l'opinion  de  quelques  philosophes  qui 
croyaient  qu'après  une  certaine  révolution 
de  temps,  toutes  les  choses  du  monde  reve- 
naient; en  sorte  que,  comme  un  philosophe, 
nommé  Platon,  a  enseigné  autrefois  la  philo- 
sophie dans  une  école  d'Athènes  appelée 
l'Académie,  le  même  Platon  ait  enseigné  la 
même  philosophie  dans  la  même  ville , 
dans  la  même  école  et  devant  les  mêmes  au- 
diteurs longtemps  auparavant  en  des  siècles 
infinis,  et  la  doit  encore  enseigner  de  même 
après  une  révolution  de  plusieurs  années. 
«  Dieu  nous  garde,  dit-il,  de  croire  une  telle 
extravagance  :  Jésus-Christ,  qui  est  mort  une 
fois  pour  nos  péchés,  ne  meurt  plus.  Et  nous, 
après  la  résurrection,  nous  serons  toujours 
avec  le  Seigneur  à  qui  nous  disons  avec  le 
Psalmiste  :  Vous  nous  conserverez  toujours  de- 
puis ce  siècle  jusqu'à  l'éternité,  n  II  leur  ap- 
plique ces  paroles  de  l'Écriture  :  Les  impies 
vont  en  tournant,  non  parce  qu'ils  doivent 
repasser  par  ces  cercles  qu'ils  imaginent; 
mais  parce  qu'ils  tournoient  dans  ce  laby- 
rinthe d'erreurs.  Il  convient  qu'il  est  bien 
difiicile  de  comprendre  que  Dieu  ait  tou- 
jours été,  et  qu'il  ait  voulu  créer  l'homme 
dans  le  temps  sans  changer  de  dessein  ni  de 
volonté,  et  ne  veut  rien  décider  sur  la  ma- 
nière dont  Dieu  a  pu  toujours  être  Seigneur, 
quoiqu'il  n'y  ait  pas  toujours  eu  des  créa- 
tures, «  afin ,  dit-il ,  que  ceux  qui  liront  son 
ouvrage  apprennent  à  s'abstenir  des  ques- 
tions dangereuses.  »  Mais,  pour  répondre 
aux  allégations  de  ces  philosophes  qui  di- 
saient que,  si  les  mêmes  choses  ne  reve- 
naient pas  continuellement,  comme  on  ne 
saurait  assigner  un  commencement  aux  ou- 
vrages de  Dieu,  elles  seraient  infinies  dans 
leur  diversité  ,  le  saint  Docteur  s'exprime 
ainsi  :  «  Ce  qui  les  trompe,  c'est  qu'ils  me- 
surent à  leur  esprit  muable  et  borné,  l'es- 


prit de  Dieu  qui  est  immuable  et  sans  borne, 
qui  connaît  toutes  choses  par  une  seule  pen- 
sée. D'où  il  leur  arrive  ce  que  dit  l'Apôtre, 
que  ne  se  comparant  qu'à  eux-mêmes,  ils  ne 
s'entendent  pas  :  car,  comme  ils  font  par  un 
nouveau  dessein  quelque  chose  de  nouveau 
à  cause  du  changement  de  leur  esprit,  ils 
veulent  que  ce  soit  la  même  chose  à  l'égard 
de  Dieu.  Pour  nous,  il  ne  nous  est  pas  per- 
mis de  croire  que  Dieu  soit  autrement  dis- 
posé lorsqu'il  se  repose  que  lorsqu'il  agit  ; 
puisqu'on  ne  doit  pas  dire  même  qu'il  soit 
disposé,  comme  s'il  se  faisait  quelque  chose 
en  lui  qui  n'y  ait  pas  été  auparavant  :  car , 
celui  qui  est  disposé  d'une  telle  ou  telle  façon, 
souffre;  et  tout  ce  qui  souffre  quelque  chose 
est  muable.  Qu'on  ne  s'imagine  donc  pas  de 
l'oisiveté  et  de  la  paresse  dans  son  repos, 
non  plus  que  de  la  peine  et  de  la  contention 
dans  son  tra\%il  :  il  sait  agir  en  se  reposant 
et  se  reposer  en  agissant.  Il  peut  faire  un 
nouvel  ouvrage  par  un  dessein  éternel,  et 
lorsqu'il  a  commencé  de  faire  quelque 
chose,  ce  n'est  point  pour  s'être  repenti  de 
ne  l'avoir  pas  fait  auparavant.  Lors  même 
qu'on  dit  qu'il  s'est  reposé  d'abord,  puis 
qu'il  a  travaillé ,  toutes  ces  différences  de 
temps  ne  se  doivent  entendi-e  qu'à  l'égard 
des  choses  qu'il  a  créées.  Car,  pour  lui,  une 
seconde  volonté  n'a  pas  changé  en  lui  la 
première  ;  mais  c'est  une  même  volonté 
éternelle  et  immuable  qui  a  fait  que  les 
créatures  n'ont  pas  été  plus  tôt  et  qu'elles 
ont  commencé  d'être.  Quant  à  ce  que  disent 
ces  mêmes  philosophes,  que  si  l'on  n'admet 
point  de  révolution  dans  les  choses,  elles 
seront  infinies  dans  leur  variété,  et  dès  lors 
incompréhensibles  à  Dieu  même  ;  il  faut,  pour 
comble  d'impiété,  qu'ils  soutiennent  aussi 
que  Dieu  ne  connaît  pas  tous  les  nombres, 
puisqu'il  est  certain  qu'ils  sont  infinis ,  ou  du 
moins  Cfu'on  les  peut  multiplier  à  l'infini.  Si 
tout  ce  qui  se  comprend  est  fini  dans  l'en- 
tendement de  celui  qui  le  comprend,  il  n'y 
a  rien  qui  ne  soit  fini  à  l'égard  de  Dieu, 
parce  que  rien  ne  lui  est  incompréhensible.» 
Le  saint  Docteur  rejette  comme  un  senti- 
ment contraire  à  la  religion,  et  sans  aucun 
fondement ,  ce  que  disaieat  quelques-uns, 
que  les  âmes,  après  avoir  joui  de  Dieu,  re- 
tourneront dans  des  corps  par  une  révolu- 
tion éternelle  de  félicité  et  de  misère ,  et  il 
montre  que  Porphyre,  quoique  platonicien, 
n'a  pas  parlé  ainsi,  soit  qu'il  ait  été  frappé 
de  l'extravagance  de  cette  opinion,  soit  qu'il 


[IV*  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,   ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


309 


'se  du 
e  li- 
:.  32). 


ait  été  retenu  par  la  connaissance  qu'il  avait 
du  christianisme.  «  Dieu,  dit-il,  a  jugé  à 
propos  de  ne  créer  qu'un  seul  homme,  non 
pour  le  laisser  sans  compagnie,  mais  pour 
lui  faire  aimer  davantage  par  là  l'union  et  la 
concorde,  en  faisant  que  les  hommes  ne  fus- 
sent pas  seulement  unis  entre  eux  par  la 
ressemblance  de  la  nature,  mais  aussi  par 
les  liens  de  la  parenté  ;  d'où  vient  qu'il  ne 
voulut  pas  même  créer  la  femme  comme  il 
avait  fait  l'honîme,  mais  la  tirer  de  l'hom- 
me ,  afin  que  tout  le  genre  humain  sortît 
d'un  seul.  Il  a  donné  à  l'homme  une  âme 
douée  de  raison  et  d'intelligence,  pour  l'é- 
lever au-dessus  de  toutes  les  bêtes  ;  et  après 
la  lui  avoir  donnée,  soit  qu'il  l'eût  déjà 
créée  auparavant,  ou  plutôt  en  soufflant 
contre  la  face  de  l'homme  qu'il  avait  formé 
de  la  poussière,  il  lui  donna  aussi  une  fem- 
me pour  la  génération ,  en  la  formant  d'un 
os  qu'il  avait  tiré  de  son  côté  par  sa  puis- 
sance divine.  Les  anges  peuvent  bien  prêter 
leur  ministère  aux  ordres  de  Dieu  pour  les 
êtres  créés ,  mais  on  ne  doit  point  croire 
qu'ils  aient  créé  la  moindre  chose  du  monde. 
Dieu  seul  est  le  créateur  de  toutes  choses  : 
c'est  sa  vertu  qui  se  trouve  présente  à  tout, 
et  qui  donne  l'être  à  tout  ce  qui  est,  de  quel- 
que façon  qu'il  soit.  » 

17.  La  différence  que  Dieu  a  'mise  entre 
l'ange  et  l'homme,  consiste  en  ce  ce  que 
celui-là  ne  pouvait  mourir  même  en  pé- 
chant ;  et  que  celui-ci  devait  avoir  la  mort 
pour  peine  de  sa  désobéissance.  On  peut 
dire  néanmoins  que  l'âme  de  l'homme  est 
immortelle,  parce  qu'elle  ne  cesse  jamais 
de  vivre  et  de  sentir  ;  mais  cela  n'empêche 
pas  qu'elle  n'éprouve  une  sorte  de  mort, 
qui  lui  arrive  quand  Dieu  l'abandonne, 
comme  le  corps  meurt  quand  l'âme  le 
quitte.  L'âme  vit  de  Dieu  quand  elle  vit 
bien  ;  car  elle  ne  peut  bien  vivre,  que  Dieu 
ne  lui  fasse  faire  ce  qu'il  faut.  Mais  le  corps 
est  vivant  lorsque  l'âme  l'anime,  soit  qu'elle 
vive  de  Dieu  ou  non.  La  mort  est  bonne 
pour  les  bons,  et  mauvaise  pour  les  mé- 
chants, quoique  dans  les  uns  et  dans  les 
autres  elle  soit  la  peine  du  péché  :  car  Adam 
ne  serait  pas  mort,  s'il  n'avait  désobéi.  Si  la 
mort,  dira-t-on,  est  une  peine  du  péché, 
pourquoi  ceux  dont  le  péché  est  effacé  par 
le  baptême,  sont-ils  sujets  à  la  mort?  «  C'est, 
répond  saint  Augustin,  afin  que  la  foi  opère 
en  nous  comme  elle  a  opéré  dans  un  grand 
nombre  de  martyrs,  en  qui  elle  n'aurait  pas 


remporté  tant  d 'illustres  victoires  sur  la  mort 
s'ils  avaient  été  immortels.  D'ailleurs,  si  le 
baptême  délivrait  de  la  mort,   cpii  n'y  ac- 
courrait avec  les    petits   enfants,    pour  ne 
point  mourir?  et  alors,  la  foi  ne  serait  plus 
éprouvée  par  la  pi'omesse  des  récompenses 
invisibles,    puisqu'elle   recevrait    à  l'heure 
même  sa  récompense.  Comme  les  méchants 
usent  mal  de  la  loi  quoiqu'elle  soit  bonne, 
puisque  c'est  une   défense  de    pécher,  les 
bons  ne  font  pas  seulement  un  bon  usage 
des  biens,  mais  des  maux,   et  de  la  mort 
même,  en  la  souffrant  comme  il  faut,  c'est- 
à-dire  avec  la  patience   d'un  vrai  chrétien. 
Celle  qu'on  souffre  pour  Jésus-Christ,  en  con- 
fessant son  nom,  tient  lieu  de  baptême,  et 
obtient  le  pardon  des   péchés,  cette   mort 
ne  pouvant  être  que  l'eflet  de  la  grâce  de 
cet  esprit  qui  souffle  où  il  veut.  On  peut 
même  dire  que  ceux  qui  meurent  pour  la 
vérité,  ne  le  font  que  pour  se  garantir  de  la 
mort;  qu'ils  n'en  souffrent  une  partie  que 
pour  l'éviter  toute  entière,  et  de  crainte  de 
tomber  dans  la  seconde  mort  qui  ne  finira 
jamais.  Les  âmes  des  gens  de  bien  séparées 
du  corps  sont  en  repos  ;  celles  des  méchants 
sont  tom-mentées  jusqu'à  ce  que  les  corps 
des  uns  revivent  pour  la  vie  éternelle,   et 
ceux  des  autres  pour  la  mort  éternelle  qui 
est  la  seconde.   Comme  on  nomme   mou- 
rant celui  qui  est  proche  de  sa  mort,  il  y  a 
lieu  de  dire  que  l'on  ne  sait  quand  on  est 
vivant,  puisque  les    hommes  tendent  avec 
rapidité  vers  la  mort  dès  le  premier  moment 
de  leur  vie.  Quand  Dieu  dit  à  nos  premiers 
parents  .;  Du  jour  que  vous  mangerez  du  fruit 
défendu,  vous  mourrez,  cette  menace  ne  com- 
prenait pas  seulement  la  mort  qui  sépare 
l'âme  du  corps,  ni  le   châtiment   que  doit 
subir  l'âme  séparée  de  Dieu  et  du  corps, 
mais  toutes  les  morts  jusqu'à  la  dernière, 
qui  est  la  seconde  et  éternelle.  Leur  déso- 
béissance fut  premièrement  punie  par  la  ré- 
volte de  la  chair  contre  l'esprit.  Nous  nais- 
sons avec  le  combat  de  ces  deux  parties  qui 
tire  son  origine  de  cette  première  prévari- 
cation. Adam  avait  été  créé  droit  et  innocent, 
mais  corrompu  par  sa  propre  malice  et  jus- 
tement condamné,  il  a  engendré  des  enfants 
corrompus  comme  lui.  Nous  étions  tous  en 
lui  ;  et  quoique  nous  n'eussions  pas  encore 
reçu  notre  propre  existence,  le  germe  d'où 
nous   devions   sortir  était   déjà;  comme  il 
était  corrompu  par  le  péché,  et  la  nature 
justement  condamnée  à  la  mort,  l'homme  ne 


310 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


pouvait  naître  d'une  autre  condition  que  lui. 
Toute  cette  suite  de  misères  auxquelles  nous 
sommes  sujets,  ne  vient  que  du  mauvais 
usage  qu'Adam  a  fait  de  son  libre  arbitre, 
et  elle  nous  conduit  jusqu'à  la  seconde  morl 
qui  ne  doit  jamais  finir,  si  la  grâce  de  Dieu 
ne  nous  en  préserve.  Toutes  les  morts  où 
l'homme  tombe,  ne  viennent  que  de  celle 
de  l'âme  qui  consiste  à  être  séparée  de 
Dieu,  qui  est  sa  A'ie.  Ce  n'est  pas  Dieu  qui  a 
abandonné  l'homme  le  premier  ;  au  con- 
traire, comme  la  volonté  de  l'homme  pré- 
vient Dieu  pour  le  mal,  la  volonté  de  Dieu 
prévient  l'homme  pour  le  bien  ;  soit  pour  le 
former  quand  il  n'était  pas  encore,  ou  pom' 
le  réformer  après  sa  chute.  » 

Saint  Augustin  combat  en  passant  les  pla- 
toniciens qui  ne  voulaient  pas  que  la  sépa- 
ration du  corps  et  de  l'âme  fût  une  suite  du 
péché  ,  et  qui  soutenaient  encore  que  des 
corps  de  terre,   comme  sont  les  nôtres,  ne 
pouvaient  devenir  immortels   et  incorrup- 
tibles. «  Si  les  moindres  dieux,  dit  le  saint 
Docteur,  ont  pu,  selon  Platon,  ôter  au  feu  la 
vertu  de  brûler ,  sans  lui  ôter  celle  de  luire 
et  d'éclairer ,  on  ne  peut  douter  que  le  Dieu 
souverain ,  à  qui   ce   philosophe  donne  le 
pouvoir  d'empêcher  que  les  choses  qui  ont 
pris  naissance    ne  périssent ,  et  que  celles 
qui  sont  composées  de  parties  aussi  diffé- 
rentes que  le  coi-ps  et  l'esprit  ne  se  démen- 
tent, ne  puisse  ôter  la  corruption  et  la  pe- 
santeur à  la  chair  qu'il  rendra  immortelle, 
sans  détruire  ni  sa  nature,  ni  la  configura- 
tion de  ses  membres.  Comme  la  religion  en- 
seigne que  les  premiers  hommes  ne  seraient 
point  morts  s'ils  n'eussent  péché,  elle  ensei- 
gne aussi  que  les  bienheureux  reprendront, 
dans  la  résurrection,  les  mêmes  corps  qu'ils 
ont  eus  en  cette  vie  ;  mais  tels  néanmoins 
qu'ils  ne  leur  feront  plus  aucune  peine.  Les 
corps   mêmes  des  bienheureux  ressuscites 
seront  plus  parfaits  que  n'étaient  ceux  de 
nos  premiers  pères  dans  le  paradis  terres- 
tre.   Car,  quoiqu'ils  n'eussent   point   vieillis 
par  l'ûge ,  à  cause  de  l'arbre  de  vie  que 
Dieu  avait  mis  pour  cet  efi"et ,   cela   n'em- 
pêchait pas  qu'ils  n'eussent  besoin  de  se 
noiu'rir  des  fruits  de  ce  paradis  ,  parce  que 
leurs  corps  n'étaient  pas  encore  spirituels  ; 
au  lieu  qu'après  la  résurrection,  les  corps 
des  saints  n'auront  plus  besoin  d'aucun  ar- 
bre pour  les  empêcher  de  mourir  de  vieil- 
lesse ou  de  maladie,  ni  d'aliments  corporels 
pom-  se  garantir  de  la  faim  ou  de  la  soif, 


parce  qu'ils  seront  revêtus  d'une  immorta" 
hté  glorieuse  :  en  sorte  que  s'il  mangent, 
ce  sera  parce  qu'ils  le  voudront ,  et  non  par 
nécessité,  comme  on  a  \u  quelquefois  des 
anges  manger  avec  les  hommes.  » 

Saint  Augustin  ne  blâme  pas  certains  in- 
terprètes qui  donnaient  un  sens  spirituel  à 
ce  que  l'Écriture  dit  du  paradis  terrestre, 
pourvu  qu'on  croie  en  même  temps  que 
tout  ce  qui  en  est  dit  a  été  en  efi'et  comme 
l'Écriture  le  rapporte.  Ils  «ntendaient  par 
le  paradis  terrestre,  la  vie  des  bienheureux; 
par  les  quatre  fleuves,  les  quatre  vertus  car- 
dinales ;  par  les  arbres ,  les  sciences  utiles  ; 
par  les  fruits  des  arbres,  les  bonnes  mœurs  ; 
par  l'arbre  de  vie,  la  sagesse  qui  est  la  mère 
de  tous  les  biens;  et  par  l'arbre  de  la  science 
du  bien  et  du  mal,  l'expérience  du  Aaolement 
du  commandement  de  Dieu.  D'autres  enten- 
daient par  là  le  libre  arbiti'e,  et  par  les  qua- 
tre fleuves,  les  quatre  Évangiles.  Ce  Père 
rejette  l'opinion  de  ceux  qui  prétendaient 
que  le  corps  d'Adam  était  spirituel  dans  le 
paradis.  Il  fait  voir,  par  l'autorité  de  l'Apô- 
tre ,  qu'il  a  été  créé  avec  un  corps  animal  ; 
et  que,  comme  le  premier  homme  a  été  terres- 
tre, ses  enfants  sont  aussi  terrestres. 

18.  La  corruption  du  corps  qui  appesantit 
l'âme ,  n'est  pas  la  cause ,  mais  la  peine  du 
premier  péché.  Quoiqu'elle  excite  donc  en 
nous  certains  désirs  déréglés  ,  il  ne  faut  pas 
néanmoins  attribuer  tous  les  désordres  à  la 
chair ,  de  peur  que  nous  ne  justifiions  le 
diable  qui  n'en  a  point.  Les  mouvements  de 
l'âme  sont  bons  ou  mauvais  selon  que  la  vo- 
lonté est  bonne  ou  mauvaise  ;  la  bonne  vo- 
lonté est  le  bon  amour;  et  la  mauvaise,  le 
mauvais.  Ce  sont  les  différents  mouvements 
de  cet  amour  qui  font  toutes  les  passions. 
S'il  se  porte  vers  quelque  objet ,  c'est  ce 
qu'on  appelle  désir  ;  s'il  en  jouit,  c'est  joie  ; 
s'il  s'en  éloigne,  c'est  crainte  ;  s'il  le  sent 
malgré  lui,  c'est  tristesse.  Or,  ces  passions 
sont  bonnes  ou  mauvaises,  selon  que  l'a- 
mom'  est  bon  ou  mauvais,  comme  saint  Au- 
gustin le  prouve  par  divers  passages  de  l'É- 
criture. Il  montre  contre  les  stoïciens ,  que 
l'âme  du  sage  est  sujette  aux  passions  ;  et 
ajoute  aux  raisons ,  l'exemple  de  Jésus-Clu-ist 
même,  qui,  ayant  véritablement  \m  corps  et 
une  âme,  avait  aussi  de  véritables  pas- 
sions; d'où  vient  que  dans  l'Évangile  il 
est  représenté  avec  une  tristesse  mêlée 
d'indignation  ,  en  voyant  l'endurcissement 
des  Juifs.  Vivre  sans   être    sujet    à  aucu- 


Cor.  xv,i4- 


Analyse  du 
quatorziè- 
me  iivre,  paj. 


[IV°  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE, 


3H 


ne  passion,  cela  n'appartient  pas  à  cette 
vie,  mais  à  l'autre  ;  c'est  bien  assez  de 
vivre  maintenant  sans  crime  ;  mais  croire 
vivre  sans  péché ,  ce  n'est  ni  le  moyen  d'en 
être  exempt,  ni  d'en  obtenir  le  pardon; 
l'apathie,  qui  consiste  à  n'être  touché  d'au- 
cune passion,  est  une  insensibilité  pire  que 
tous  les  vices.  «  Nos  premiers  parents,  dit-il, 
n'étaient,  avant  leur  péché,  troublés  d'au- 
cune passion  dans  l'âme,  ni  affligés  d'au- 
cune incommodité  dans  le  corps  ;  ils  vivaient 
l'un  et  l'autre  selon  Dieu  dans  le  paradis 
corporel ,  aussi  bien  que  dans  le  spirituel  : 
car,  puisqu'il  y  avait  un  paradis  pour  les 
biens  du  corps,  il  fallait  qu'il  y  en  eût  un 
pour  ceux  de  l'esprit.  Mais  l'ange  superbe, 
jaloux  du  bonheur  de  l'homme,  choisit  le 
serpent,  animal  fin  et  rusé ,  comme  l'instru- 
ment le  plus  propre  pour  les  faire  tomber 
dans  la  désobéissance.  La  femme  ajouta  foi 
aux  paroles  du  serpent,  et  l'homme  ne  se 
voulut  pas  séparer  d'elle,  même  pour  mal 
faire.  Encore  donc  qu'il  n'ait  point  été  sé- 
duit comme  la  femme ,  il  n'en  a  pas  été 
moins  coupable,  puisqu'il  n'a  péché  qu'avec 
connaissance.  Que,  si  quelqu'un  s'étonne  de 
ce  que  le  péché  d'Adam  a  eu  des  suites  si 
fâcheuses,  quoique  ce  péché  paraisse  léger, 
il  ne  doit  pas  juger  de  la  gi-andeur  de  ce  pé- 
ché par  sa  matière,  mais  par  la  désobéis- 
sance qui  l'accompagna.  Car  Dieu,  dans  le 
commandement  qu'il  fit  à  l'homme,  ne  con- 
sidérait que  son  obéissance,  vertu  qui  est 
la  mère  de  toutes  les  autres.  Ce  commande- 
ment donc  étant  si  court  à  retenir,  et  si  fa- 
cile à  observer  au  milieu  d'une  si  grande 
abondance  d'autres  fruits  dont  il  lui  était  li- 
bre de  manger,  et  ne  sentant  encore  rien 
au-dedans  de  lui  qui  lui  résistât,  il  a  été 
d'autant  plus  coupable  de  le  violer  qu'il  lui 
était  plus  aisé  de  l'observer.  Cette  trans- 
gression fut  pi'écédée  en  lui  d'une  mauvaise 
volonté  ,  et  d'un  sentiment  d'orgueil ,  puis- 
que c'est  par  là  que  tout  péché  commence , 
ainsi  que  le  dit  l'Écriture.  Adam  et  Eve  ne 
firent  qu'accroître  leur  péché  en  s'excusant. 
L'avaient-ils  moins  commis,  parce  que  la 
femme  le  commit  à  la  persuasion  du  ser- 
pent, et  l'homme  à  l'instance  de  la  femme  ? 
Ce  fut  donc  avec  justice  que  Dieu,  pour  pu- 
nir leur  prévarication,  les  abandonna  à  eux- 
mêmes,  non  pour  vivre  dans  l'indépendance 
qu'ils  affectaient,  mais  pour  être  esclaves  de 
celui  à  (jui  ils  s'étaient  joints  en  péchant, 
pour  soufii'ir  malgré  eux  la  mort  du  corps, 


comme  ils  s'étaient  volontairement  procuré 
celle  de  l'âme  ,  et  pour  être  même  condam- 
nés à  la  mort  éternelle,  si  Dieu  ne  les  en 
délivrait  par  sa  grâce.  » 

Saint  Augustin  traite  de  la  concupiscence, 
qui  est  une  suite  du  péché  de  nos  premiers 
pères,  et  fait  voir  combien  les  mouvements 
en  sont  fâcheux  à  ceux  qui  aiment  Dieu. 
Dans  le  paradis  terrestre,  on  eût  engendré 
sans  cette  concupiscence  ;  elle  n'était  pas 
encore  née,  lorsque  Dieu  donna  sa  bénédic- 
tion aux  premiers  hommes  pour  croître  et 
multiplier,  et  pour  remplir  la  terre,  pour 
montrer  que  la  génération  des  enfants  ap- 
partient à  la  gloire  du  mariage,  et  qu'elle 
n'est  pas  une  peine  du  péché.  Quoique  l'on 
puisse  donner  un  sens  spirituel  à  ce  qui  est 
dit  de  la  création  de  l'homme  et  de  la  fem- 
me, on  doit  néanmoins  exphquer  à  la  lettre 
ces  paroles  de  la  Genèse  :  Dieu  les  créa  mâle 
et  femelle,  comme  deux  sexes  en  différentes 
personnes  ;  on  les  appelle  toutefois  un  "seul 
homme,  ou  à  cause  de  l'union  du  mariage, 
ou  à  cause  de  l'origine  de  la  femme  qui  a 
été  formée  du  côté  de  l'homme.  Le  saint 
Docteur  ne  s'explique  qu'avec  peine  sur  la 
différence  qu'il  y  aurait  eue  entre  la  manière 
d'engendrer  des  enfants  avant  le  péché,  et 
celle  qui  en  est  une  suite.  Seulement  il  dit 
que  sans  le  péché,  nous  n'aurions  point  su- 
jet de  rougir  de  ce  qui  fait  aujourd'hui  la 
révolte  de  la  chair  contre  l'esprit.  Il  rap- 
porte plusieurs  exemples  de  certains  mou- 
vements extraordinaires  du  corps,  soumis  à 
la  volonté  ;  d'où  il  infère  que  ceux  mêmes 
de  la  concupiscence  auraient  pu  lui  être 
soumis  dans  le  paradis  terrestre.  «  Tout  le 
monde  sait,  dit-il,  qu'il  y  en  a  qui  pleurent 
quand  ils  veulent,  et  autant  qu'ils  veulent. 
Mais  voici  une  chose  bien  plus  incroyable, 
qui  s'est  passée  depuis  peu,  et  dont  la  plu- 
part de  nos  frères  sont  témoins.  Il  y  avait 
un  prêtre  de  l'Église  de  Calame,  nommé 
Restitut,  qui,  toutes  les  fois  qu'il  voulait, 
s'aliénait  tellement  l'esprit,  à  certaines  voix 
plaintives  que  l'on  contrefaisait,  qu'il  de- 
meurait étendu  par  terre  comme  mort , 
et  non-seulement  ne  sentait  pas  quand  on 
le  piquait,  mais  pas  même  quand  on  le 
brûlait.  Or,  pour  montrer  que  son  corps  ne 
demeurait  immobile  que  parce  qu'il  était 
privé  de  tout  sentiment,  c'est  qu'il  n'avait 
plus  du  tout  de  respiration  non  plus  qu'un 
mort.  Il  disait  néanmoins  que  quand  on  par- 
lait fort  haut,  il  entendait  comme  des  voix 


312 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


qui  venaient  de  loin.  Si  donc,  il  y  en  a  même 
à  cette  heure  à  qui  le  corps  obéit  en  des 
choses  si  extraordinaires  ,  pourquoi  ne  croi- 
rions-nous pas  qu'avant  le  péché  et  la  cor- 
ruption de  la  nature,  il  eût  pu  nous  obéir 
en  ce  qui  regarde  la  génération.  » 

n  fait  une  peinture  de  la  vie  que  menait 
l'homme  dans  le  paradis  terrestre,  remar- 
quant en  particulier,  qu'il  y  jouissait  de 
Dieu  qui  le  rendait  bon  par  sa  souveraine 
bonté  ;  et  que  comme  son  corps  y  était  dans 
une  pleine  santé,  son  âme  possédait  une 
tranquillité  parfaite.  «  Personne,  ajoute-t-il, 
n'oserait  dire  que  Dieu  n'ait  pu  empêcher  sa 
chute  de  même  que  celle  de  l'ange  ;  mais 
il  a  mieux  aimé  laisser  cela  en  leur  pouvoir, 
afin  de  montrer  de  quel  mal  l'orgueil  est 
capable,  et  ce  que  peut  sa  grâce,  n 

19.  Après  avoir  marqué,  dans  le  dernier 
chapitre  du  livre  précédent,  c'est-à-dire  du 
quatorzième,  la  diflerence  des  deux  cités,  il 
dit  que  deux  amours  les  ont  bâties,  l'amour 
de  soi-même  jusqu'au   mépris  de  Dieu ,  il 
l'amour  de  Dieu  jusqu'au  mépris  de   soi- 
même  ;  il  examine   dans  le   suivant,  quels 
sont  les  citoyens  de  ces  deux  cités.  Il  en  con- 
sidère le  cours  et  le  progrès  en  commençant 
par  Caïn,  qu'il  regarde  comme  citoyen  de  la 
cité  terrestre  ;  et  par  Abel,  comme  citoyen  de 
la  cité  du  ciel.   «L'Écriture  dit,  ajoute-t-il, 
que  Caïn  bâtit  une  ville  ;  mais  Abel,  qui  était 
étranger  ici-bas ,  n'en  bâtit  point  :  car  la  cité 
des  saints  est  là-haut,  quoiqu'elle  enfante  ici- 
bas  des  citoyens  dans  lesquels  elle  est  étran- 
gère en  ce  monde,  jusqu'à  ce  que  le  temps  de 
son  règne  arrive.  Il  ne  laisse  pas  néanmoins 
d'être  vrai,  qu'une  partie  de  la  cité  de  la  terre, 
est  l'image  de  la  cité  du  ciel,  n'ayant  pas  été 
étabhe  pour  elle-même,  mais  pour  en  signi- 
fier une  autre  :  il  y  a  donc  deux  choses  dans 
la  cité  de  la  terre,  elle-même,  et  la  cité  du 
ciel  qu'elle  représente.  La  nature  corrompue 
enfante  les  citoyens  de  la  cité  teiTestre  ;  et 
la  grâce,  qui  délivre  la  nature  du  péché,  en- 
fante les   citoyens  de  la  cité  céleste.  Les 
deux  enfants  d'Abraham,  Ismaël  et  Isaac, 
appartenaient  à  ces  deux  cités;  le  premier  à 
la  cité  de  la  terre,  parce  qu'il  était  né,  selon 
la  chair,  de  la  servante  ;  et  le  second,  qui 
était  né  de  la  femme  libre,  en  exécution  de 
la  promesse  de  Dieu,  appartenait  à  la  cité 
du  ciel,  et  marquait  les  enfants  de  la  grâce. 
Comme  les  biens  que  possède  la  cité  de  la 
terre  ne  sont  pas  tels  qu'ils  ne  causent  quel- 
ques traverses  à  ceux  qui  les  aiment,  de  là 


vient  qu'elle  est  souvent  divisée  contre  elle- 
même,  et  que  ses  citoyens  se  font  la  guerre,* 
donnent  des  batailles,   et   remportent  des 
victoires  sanglantes.  On  ne  peut  néanmoins 
douter  que  les  choses,  dont  cette   cité  fait 
l'objet  de  ses  désirs,  ne  soient  de  véritables 
biens  ;  mais  en  s'y  arrêtant,  sans  aspirer  à 
des  biens  beaucoup  plus  excellents,  on  se 
procure  nécessairement  beaucoup  de  misè- 
res. Le  premier  fondateur  de  cette  cité  tua 
son  fi'ère  :  en  quoi  U  fut  imité  depuis  par 
Romulus,  fondateur  de  la   ville    qui  devait 
être  la  capitale  de  cette  même  cité.  Rien  ne 
put  détourner  Caïn  de  tuer  son  frère  ;  déjà 
corrompu  en  son  cœur,  il  ne  fit  aucun  cas 
de  l'avertissement  de  Dieu.  Les  Juifs,  figurés 
par  Caïn,  ont  aussi  fait  mourir  Jésus-Christ 
représenté    par  Abel.  Mais   comment   Caïn 
put-il  bâtir  une  viUe,  puisqpie  l'Écriture  ne 
fait  mention  que  de  trois  hommes,  lorsqu'il 
la  bâtit  ?  L'historien  sacré  n'était  pas  obligé 
de  faire  mention  de  tous  les  hommes  qui 
pouvaient   être   alors,   mais    seulement  de 
ceux  qui  faisaient  à  son  sujet.  Son  dessein 
n'était  que  de  descendre  jusqu'à  Abraham 
par  la  suite  de  certaines  générations,  et  puis 
des  enfants  d'Abraham  venir  au  peuple  de 
Dieu,  qui,  séparé  de  tous  les  autres  peuples 
de  la  terre,  devait  annoncer  en  figure  tout 
ce  qui  regardait  la  cité  dont  le  règne  sera 
éternel,  et  Jésus-Christ  son  roi  et  son  fonda- 
tem-.  La  vie  des  premiers  hommes  était  si 
longue,  que  celui  qui  a  le  moins  vécu  avant 
le  déluge,  a  vécu  sept  cent  cinquante-trois 
ans.  Plusieurs  même  ont  passé  neuf  cents 
ans.  Qui  peut  donc  douter  que  pendant  la 
vie   d'un   seul   homme ,   le   genre    humain 
n'ait  pu  tellement  se  multiplier,  qu'U  ait  été 
suffisant  poui'  bâtir  plusieurs  villes  ?  car  l'É- 
criture en  rapportant  le  nombre  des  années 
de  ces  premiers  hommes,  conclut  toujours 
en  disant,  et  il  engendra  des  fils  et  des  filles. 
Comme  les  hommes  vivaient  plus  longtemps 
avant  le  déluge,  que  l'on  ne  vit  à  présent, 
les  hommes  étaient  aussi  plus  grands  et  plus 
robustes.   On   doit  s'en  convaincre  par  les 
sépulcres  découverts  à  la  suite  des  années, 
ou  par  des  débordements  de  fleuves  et  au- 
tres accidents,  où  l'on  a  trouvé  des  os  de 
•morts   d'une   grandeur  incroyable.   J'ai  vu 
moi-même  sur  le   rivage   d'Utique,  et  plu- 
sieurs l'ont  vu  avec  moi,  une  dent  macbe- 
fière  d'un  homme,  si  grosse,  qu'on  eut  pu 
en  faire  cent  des  nôtres.  » 

Saint  Augustin  remarque  que  s'il  se  trouve 


[IV°  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


313 


quelque  différence  pour  le  nombre  des  an- 
nées des  premiers  hommes  entre  les  livres 
hébreux  et  les  nôtres,  c'est-à-dire  les  Sep- 
tante, elle  n'est  pas  telle  qu'ils  ne  s'accordent 
touchant  la  longue  vie  des  hommes  de  ce 
temps-là .  Suivant  les  Septante ,  il  faut  que 
Mathusalem  ait  encore  vécu  quatorze  ans  de- 
puis le  déluge  ;  ce  qui  donne  lieu  de  croire 
que  les  exemplaires  en  ont  été  altérés,  puis- 
qu'il est  certain,  qu'il  ne  survécut  point  au 
déluge,  et  qu'il  mourut  la  même  année,  sui- 
vant la  chronologie  des  Hébreux.  Il  rejette 
l'opinion  qui  voulait  que  les  années  des  an- 
ciens n'aientjpas  été  si  longues  que  les  nôtres, 
et  il  prouve  le  contraire  par  l'autorité  de  l'É- 
criture. «Il  est  écrit,  dit-il,  que  le  déluge  ar- 
riva sur  la  tertre,  l'an  six  cent  de  la  vie  de  Noé, 
au  second  mois,  le  vingt-septième  jour  du  mois  : 
comment  cela  serait-il,  si  les  années  n'avaient 
que  trente-six  jours,  comme  on  le  prétend?  Si 
cela  était,  ou  ces  années  n'auraient  point  eu 
de  mois,  ou  les  mois  n'aaraient  été  que  de 
trois  jours  pour  en  trouver  douze.  N'est-il 
donc  pas  visible  que  leurs  mois  étaient 
comme  les  nôtres,  puisqu'autrement  l'Ecri- 
ture ne  dirait  pas,  que  le  déluge  ari'iva  le 
vingt-septième  jour  du  second  mois?  Elle 
dit  encore  :  L'arche  s'arrêta  sur  les  monta- 
gnes d'Arménie  le  septième  mois,  le  vingt- 
septième  jour  du  mois;  cependant  les  eaux 
diminuèrent  jusqic'au  onzième  mois  ;  et  le 
premier  jour  de  ce  mois,  on  vit  paraître  les 
croupes  des  montagnes.  Si  leurs  mois  étaient 
semblables  aux  nôtres,  il  est  hors  de  doute 
que  leurs  années  l'étaient  aussi.  Si  l'on  in- 
siste que  les  jours  étaient  plus  courts,  il 
faudra  donc  qu'un  déluge  aussi  effroyable, 
qui  ne  se  fit,  selon  l'Ecriture,  qu'après  qua- 
rante jours  et  quarante  nuits  de  pluie,  se 
soit  fait  en  moins  de  quarante  de  nos  jours  : 
ce  qui  est  absurde.  Il  est  certain  qu'ils 
étaient  aussi  longs  alors  qu'à  présent  ;  c'est- 
à-dire  de  vingt -quatre  heures,  les  mois 
égaux  aux  nôtres,  et  réglés  sur  le  cours  de 
la  lune  ;  et  les  années  composées  de  douze 
mois  lunaires,  en  y  ajoutant  cinq  jours  et 
un  quart  de  jour,  pour  les  ajuster  aux  an- 
nées solaires.  Quant  à  la  différence  qui  se 
rencontre  entre  les  exemplaires  hébreux  et 
ceux  des  Septante,  personne  n'a  encore  osé 
corriger  cette  version  sur  le  texte  original  ; 
et,  à  la  réserve  des  fautes  des  copistes,  il 
faut  s'arrêter  à  leur  version,  et  les  regarder, 
non  comme  des  interprètes,  mais  comme 
des  prophètes  inspirés  de  Dieu.  D'où  vient 


que  les  apôtres,  en  alléguant  des  témoigna- 
ges de  l'Ancien  Testament  dans  leurs  écrits, 
se  servent  tantôt  de  l'hébreu,  et  tantôt  de  lu 
version  des  Septante.  » 

Mais  est-il  croyable  que  les  anciens  pa- 
triarches aient  été  quatre-vingts  ou  cent  ans 
sans  avoir  d'enfants  ?  Saint  Augustin  qui  se 
fait  cette  question,  y  répond  en  disant,  ou 
que  l'âge  d'avoir  des  enfants  venait  plus 
tard  en  ce  temps-là  à  proportion  des  années 
de  la  vie;  ou,  ce  qui  lui  paraît  plus  vraisem- 
blable, l'Ecriture  n'a  pas  toujours  fait  men- 
tion des  aînés,  mais  seulement  de  ceux  dont 
il  fallait  parler  selon  l'ordi^e  des  générations 
pour  parvenir  à  Noé  et  ensuite  à  Abraham. 
«Saint  Matthieu,  dit-il,  en  a  usé  de  même  en 
faisant  la  généalogie  temporelle  de  Jésus- 
Christ  :  Abraham,  dit-il,  engendra  Isaac.  Pour- 
quoi ne  dit-il  pas  Ismaël ,  qui  fut  le  fils  aîné 
d'Abraham  ?  Et  Isaac,  ajoute-t-il ,  engendra 
Jacob.  Pourquoi  ne  dit-il  pas  Esaii  qui  fut  son 
aîné?  C'est  sans  doute,  qu'il  ne  pouvait  pas 
arriver  par  eux  à  David.  Il  dit  encore  :  Jacob 
engendra  Juda  et  ses  frères.  Est-ce  que  Juda 
fut  l'aîné  des  enfants  de  Jacob?  Juda,  ajoute 
l'Évangéliste,  engendra  Phares  et  Zaram.  Ce- 
pendant Juda  avait  eu  trois  enfants  avant 
ceux-là.  1) 

Le  saint  Évêque  remarque  que  le  monde, 
ayant  besoin  d'être  peuplé,  et  n'y  ayant 
point  d'autres  hommes  que  ceux  qui  sorti- 
rent des  deux  premiers,  les  frères  épousè- 
rent leurs  sœurs  ;  la  nécessité  excusant  alors 
en  eux  ce  qui  serait  maintenant  un  crime 
détestable  à  cause  de  la  défense  qui  en  a  été 
faite.  Cette  défense  est  fondée  sur  une  rai- 
son très-juste  :  car  étant  nécessaire  d'entre- 
tenir l'amitié  et  la  société  parmi  les  hommes, 
cela  se  fait  mieux  en  s'alliant  avec  des  étran- 
gers qu'avec  les  siens,  avec  qui  on  est  déjà 
uni  par  les  liens  de  la  nature.  Quoique  les 
mariages  des  cousines  germaines  ne  soient 
pas  défendus  par  la  loi  de  Dieu  ,  et  qu'il  n'y 
eût  pas  encore  de  son  temps ,  des  lois  hu- 
maines qui  les  défendissent,  ces  mariages 
étaient  néanmoins  très  -  i^ai-es,  et  regardés 
avec  horreur,  à  cause  de  la  proximité  du  de- 
gré, ce  qui  lui  fait  juger  qu'il  serait  plus 
honnête  de  les  défendre ,  principalement 
parce  qu'il  y  a  une  certaine  pudeur  louable, 
qui  fait  que  nous  avons  naturellement  honte 
de  nous  unir  par  le  mariage  aux  personnes 
pour  qui  la  parenté  nous  donne  du  respect. 
Il  regarde  la  circoncision  comme  un  signe  vi- 
sible et  corporel  de  la  régénération  ;  néces- 


314 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Annlyïe 

du 

tdïlimo 

li- 

\rc,  pas. 

13. 

saire  pour  être  habitant  de  la  cité  du  ciel; 
mais  il  ne  veut  pas  décider  si,  avant  le  délu- 
ge, il  y  avait  un  semblable  signe,  l'Écriture 
ne  faisant  mention  que  du  sacrifice.  Il  dit,  en 
parlant  des  générations  qui  composaient  la 
postérité  de  Caïn,  qu'il  y  avait  plusieurs  mil- 
liers de  citoyens  de  la  cité  de  Dieu,  qui,  dès 
ici-bas,  s'abstenaient  du  mariage  ;  que  les 
gymnosopbistes  des  Indes,  s'en  abstenaient 
aussi  ;  mais  que  la  continence  n'est  un  bien, 
que  quand  on  la  garde  pour  l'amour  du  sou- 
verain bien,  qui  est  Dieu;  qu'on  ne  voit  pas 
que  personne  l'ait  pratiquée  avant  le  déluge, 
puisque  Enoch  même,  qui  fut  enlevé  du 
monde  pour  son  innocence,  engendra  des  fils 
et  des  filles.  En  parlant  du  mélange  des  deux 
cités  parle  mariage  des  enfants  de  Dieu,  c'est- 
à-dire  des  enfants  des  saints  avec  les  filles 
des  hommes ,  occasionné  par  la  beauté  de 
celles-ci,  il  dit  que  la  beauté  du  corps  est 
un  bien  qui  vient  de  Dieu;  mais  que  comme 
c'est  un  bien  passager,  bas  et  chétif,  on  ne 
l'aime  pas  comme  il  faut,  quand  on  l'aime 
plus  que  Dieu  qui  est  un  bien  éternel,  inté- 
rieur et  immuable.  Il  ne  croit  pas  qu'on 
puisse  nier  qu'Enoch  n'ait  écrit  quelque 
chose ,  puisque  l'apôtre  saint  Jude  le  témoi- 
gne dans  son  Épître  canonique  ;  que  ce  n'est 
pas  toutefois  sans  raison  que  les  livres  de  ce 
patriarche  ne  se  trouvent  point  dans  le  Cata- 
logue des  Écritures  conservé  dans  le  temple 
des  juifs  par  le  soin  des  prêtres;  parce  que, 
ses  écrits,  étant  très-anciens,  on  ne  pouvait 
justifier  que  ceux  qui  portaient  son  nom 
fussent  les  mêmes  qu'il  avait  écrits.  Il  trouve 
dans  l'arche  de  Noé  et  dans  ses  dimensions, 
une  figure  de  Jésus-Christ  et  de  son  Église. 
20.  Sem,  l'un  des  enfants  de  Noé,  fut  aussi 
une  figure  de  Jésus-Christ,  qui  même  na- 
quit de  lui  selon  la  chair.  Au  reste,  depuis 
Noé  jusqu'à  Abraham,  les  livres  canoniques 
ne  parlent  de  la  piété  de  qui  que  ce  soit.  Ils 
ne  rapportent  que  les  généalogies  des  trois 


enfants  de  Noé,  la  division  des  nations,  et  la 
confusion  des  langues.  Il  est  dit  que  Dieu 
descendit  à  cet  effet,  ce  qui  ne  se  doit  pas 
entendre  matériellement,  comme  s'il  chan- 
geait de  lieu  ;  mais  on  dit  qu'il  descend,  lors- 
qu'il fait  quelque  chose  d'extraordinaire  sur 
la  teiTB,  qui  marque  sa  présence.  Ces  paroles 
de  l'Écriture  :  Venez,  descendons,  et  confondons 
leur  langage,  est  un  discours  qu'il  adresse  aux 
anges,  par  lequel  il  nous  fait  voir  qu'il  agit 
tellement  par  ses  ministres,  que  ses  minis- 
tres agissent  avec  lui ,  suivant  ce  que  dit 
l'Apôtre  :  Nous  sommes  les  coopérateurs  de  ic 
Dieu. 

Saint  Augustin  répond  à  ceux  qui  souhai- 
taient de  savoir  comment,  depuis  le  déluge, 
toutes  sortes  de  bêtes  ont  pu  peupler  les  îles, 
que  les  hommes  peuvent  les  y  avoir  trans- 
poi'tées  pour  leur  plaisir  ou  pour  leur  uti- 
lité, ou  que  Dieu  s'est  servi  du  ministère  des 
anges  pour  en  répandre  par  toute  la  terre. 
Il  ne  doute  pas  que.les  nations  monstrueuses 
dont  l'histoire  parle,  ne  tirent  leur  origine 
d'Adam,  comme  du  père  de  tous  les  hommes  ; 
mais  il  regarde  comme  fabuleux  ou  du  moins 
comme  très-douteux,  ce  qu'on  dit  de  certains 
hommes  qui  n'ont  qu'un  œil  au  milieu  du 
front;  et  de  certains  autres,  qui,  n'ayant 
point  de  bouche,  ne  vivent  que  de  l'air  qu'ils 
respirent  par  le  nez.  Il  ne  croit  pas  non  plus 
qu'il  y  ait  des  antipodes  ' ,  c'est-à-dire  des 
hommes  dont  les  pieds  sont  opposés  aux 
nôtres  ,  et  qui  habitent  cette  partie  de  la 
terre  où  le  soleil  se  lève,  quand  il  se  couche 
pour  nous.  Son  sentiment  est  que  la  langue 
hébraïque  est  celle  dont  les  hommes  se  sont 
servis  dès  le  commencement,  et  que  s'étant 
conservée  dans  la  maison  d'Héber,  tandis 
que  les  autres  nations  furent  divisées  en 
plusieurs  langues ,  elle  fut  depuis  appelée 
hébraïque  ,  pour  la  distinguer  des  autres. 
Cette  langue  se  maintint  aussi  vraisemblable- 
ment dans  la  maison  de  Tharé,  père  d'Âbra- 


1  Voyez,  sur  cette  question,  Mémoires  de  Tré- 
voux, année  1708,  janvier,  tom.  XXVIII  et  la  Vé- 
rité historique,  revue  hebdomadaire,  tom.  CCXIII 
et  suiv.  On  y  montre  très-bien  que  saint  Au- 
gustin ne  rejetait  les  antipodes  qu'à  cause  des 
prétentions  de  certains  philosophes  de  l'antiquité 
qui  soutenaient  que  tous  les  hommes  ne  venaient 
pas  d'un  seul  homme.  Tout  se  réduit  à  ce  raison- 
nement très-court  et  très-sensible  :  Les  philoso- 
phes qui  ne  parlent  de  l'existence  des  antipodes 
que  par  conjecture  ,  prétendent  que  les  antipodes 
ne  peuvent  être  entants  d'Adam  :  or,  la  sainte 
Écriture  nous  apprend  que  tous  les  hommes  sont 


venus  d'Adam  ;  il  n'est  donc  pas  possible  d'accor- 
der ce  que  l'Écriture  sainte  nous  apprend  avec  les 
conjectures  des  philosophes  sur  les  antipodes  :  il 
faut  donc  regarder  ces  conjectures  comme  des  fa- 
bles et  n'y  ajouter  aucune  foi.  Mais  lé  saint  Doc- 
teur ne  rejetait  pas  les  antipodes  absolument;  il 
n'eût  fait  aucune  difficulté  de  reconnaître  que 
cette  partie  de  la  terre,  qui  nous  est  directement 
opposée,  était  effectivement  habitée,  si  les  philoso- 
phes eussent  pu  ajouter  à  leurs  conjectures,  que 
ces  antipodes  étaient  venus  d'Adam  comme  les  au- 
tres hommes,  et  que  la  zone  torride  n'avait  pas 
toujours  été  habitée.  (V éditeur .) 


[IV"=  ET  Y'  SIÈCLES.] 

liam,  de  même  que  le  culte  du  vrai  Dieu. 
Saint  Augustin  fait  voir  les  progrès  de  la 
cité  de  Dieu  depuis  Abraham,  où  elle  a  com- 
mencé à  paraître  davantage,  et  où  les  pro- 
messes qui  se  sont  accomplies  en  Jésus- 
Christ  ont  été  plus  claires  et  plus  précises  ; 
ce  qu'il  fait  en  donnant  un  précis  de  l'his- 
toire de  ce  patriarche,  des  promesses  que 
Dieu  lui  réitéra  plusieiirs  fois  ;  du  sacrifice 
de  son  fils  Isaac  ;  de  la  naissance  de  ce  fils  ; 
de  son  mariage  avec  Rébecca  ;  de  ses  deux 
fils,  Jacob  et  Ésaii  ;  et  en  donnant  l'explica- 
lion  des  bénédictions  que  Jacob  donna  à  ses 
enfants  avant  de  mourir.  Il  marque  en  peu 
de  mots,  ce  qui  se  passa  du  temps  de  Moïse, 
de  Josué,  des  Juges  et  des  Rois,  jusqu'à  Da- 
vid, de  qui  Jésus-Chi'ist  est  principalement 
appelé  fils  dans  l'Écriture. 

21.  Dans  le  livre  dix-septième,  saint  Au- 
gustin entre  dans  le  détail  de  ce  qui  arriva 
sous  le  règne  de  ce  prince,  ne  remarquant 
toutefois  que  ce  qui  avait  rapport  au  dessein 
de  son  ouvrage.  Il  fait  voir  que  ce  ne  fut  pro- 
prement .que  sous  les  Rois  que  les  promesses 
faites  à  Abraham,  à  Isaac  et  à  Jacob,  touchant 
la  terre  de  Chanaan,  furent  accomplies,  puis- 
que leur  postérité  fut  tellement  établie  dans 
cette  terre,  qu'il  ne  manquait  plus  rien  à 
l'entier  accomplissement  des  promesses  de 
Dieu  à  cet  égai'd,  sinon  que  les  Juifs  la  pos- 
sédassent jusqu'à  la  fin,  en  demeurant  fidèles 
àleur  Dieu.  Il  distingue  trois  sortes  de  prophé- 
ties dans  l'Ancien  Testament.  Les  unes  se  rap- 
portent à  la  Jérusalem  terrestre  ;  les  autres 
à  la  céleste  ;  et  les  autres  à  toutes  les  deux. 
«  Les  avertissements,  dit-il,  que  le  prophète 
Nathan  donna  à  David,  en  lui  reprochant  son 
crime,  et  en  lui  annonçant  le  châtiment,  com- 
me les  avertissements  du  ciel  qui  concernent 
l'utilité  publique  ,  appartiennent  à  la  cité  de 
la  terre.  Ces  paroles  de  Jérémie  :  Voici  venir 
le  temps,  dit  le  Seigneur,  que  je  ferai  une  nou- 
velle alliance  avec  la  maison  d'Israël  et  la  mai- 
son de  Juda,  etc....  et  je  serai  leur  Dieu  et  ils 
seront  mon  peuple,  sont  une  prophétie  de  la 
Jérusalem  céleste ,  dont  Dieu  même  est  la 
récompense.  Mais,  quand  l'Écriture  appelle 
Jérusalem  la  cité  de  Dieu,  et  qu'on  y  lit  une 
prophétie  qui  prédit  que  la  maison  de  Dieu 
y  sera  construite,  cela  se  rapporte  à  l'une  et 
à  l'autre  cité;  à  la  Jérusalem  terrestre,  parce 
que  cela  a  été  accompli  selon  la  vérité  de 
l'histoire  dans  le  fameux  temple  de  Salomon  ; 
et  à  la  Jérusalem  céleste,  parce  que  c'en  était 
une  figure.»  Le  saint  Docteur  remarque  que 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


313 

ce  genre  de  prophétie,  composé  de  l'un  et 
de  l'autre  dans  les  livres  historiques  de  l'An- 
cien Testament,  a  beaucoup  exercé  les  com- 
mentateurs de  l'Écriture,  pour  trouver  les 
allégories  de  ce  qui  se  doit  accomplir  en  la 
postérité  spirituelle  d'Abraham,  dans  ce  qui 
a  été  prédit  et  accompli  dans  sa  postérité 
charnelle.  Il  lui  semble  que  ceux-là  se  trom- 
pent, qui  excluent  toute  allégorie  des  livres 
historiques  de  l'Écriture  ;  et  croit  aussi  que 
c'est  beaucoup  entreprendre  que  d'y  en 
vouloir  trouver  partout.  Selon  lui,  le  Nou- 
veau Testament  fut  figuré  dans  la  réproba- 
tion de  Saiil  et  d'Éfie  ;  Dieu  ne  promit  l'éter- 
nité au  sacerdoce  et  au  royaume  des  Juifs, 
qu'afin  qu'en  les  voyant  détruits,  on  recon- 
nût que  cette  promesse  tombait  sur  un  autre 
royaume  et  sur  un  auti-e  sacerdoce,  dont 
ceux-là  étaient  la  figure.  Les  promesses  fai- 
tes à  David,  touchant  son  fils  Salomon,  ne 
peuvent  s'entendi-e  que  de  Jésus-Christ,  en 
qui  eUe  ont  eu  leur  entier  accomplissement. 
Il  en  est  même  de  plusieurs  endroits  de  l'É- 
critui-e,  qui  semblent  être  dits  de  Salomon, 
et  qui  néanmoins  n'ont  été  accomplis  qu'en 
Jésus-Christ.  Tel  est  cet  endroit  du  psau- 
me Lxxi,  qui  porte  le  nom  de  ce  prince  :  // 
étendra  son  empire  de  l'une  à  l'autre  mer,  et 
depuis  le  fleuve  jusqu'aux  extrémités  de  la 
terre  :  car  on  sait  quelles  étaient  les  bornes 
du  royaume  de  Salomon.  L'explication  du 
psaume  lxxxviii  le  conduit  à  montrer,  que 
ce  qui  y  est  dit  de  Jésus-Christ,  sous  la  per- 
sonne de  David,  a  rapport  à  la  forme  de  ser- 
viteur qu'il  a  prise  dans  le  sein  de  la  Vierge. 
D'après  lui,  la  paix  promise  à  David  par  Na- 
than, n'est  pas  celle  du  règne  de  Salomon, 
ni  d'aucun  autre  prince,  n'y  ayant  jamais  eu 
de  roi  si  puissant  qu'il  n'ait  appréhendé  le 
joug  ou  l'invasion  de  ses  voisins  ;  et  ainsi  le 
lieu  d'une  demeure  si  paisible  et  si  assurée, 
promis  par  ce  prophète,  est  un  lieu  éternel, 
dû  aux  citoyens  de  la  Jérusalem  libre,  où 
régnera  véritablement  le  peuple  d'Israël. 

Quelques-mis  voulaient  que,  des  cent  cin- 
quante psaumes  qui  composent  le  Psautier, 
David  fut  seulement  auteur  de  ceux  qui 
portent  son  nom.  D'autres  ne  lui  attribuaient 
que  ceux  qui  sont  intitulés  ,  de  David,  et 
disaient  que  les  psaumes  qui  portent  ,  à 
David,  ont  été  faits  par  d'autres,  et  appro- 
priés à  sa  personne.  Saint  Augustin  réfute 
ce  dernier  sentiment  par  l'autorité  de  Jésus- 
Christ,  qui  attribue  à  David  le  psaume  cix, 
qui  toutefois  n'a  pas  pour   titre,  de  David, 


Rof.  vu, 

t  SUIT. 


'.Sdl.    LXII, 


Il  Reg.  VI!, 
10. 


316 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


m  Rcg.  I. 


Psalm. 
1,26. 


mais  à  David.  Il  croit  donc'  l'opinion  de 
ceux-là  plus  vraisemblable,  qui  attribuent 
tous  les  psaumes  à  David,  et  qui  disent  qu'il 
en  a  intitulé  quelques-uns  d'autres  noms 
que  du  sien,  qui  figurent  quelque  chose  qui 
fait  au  sujet,  et  qu'il  en  a  laissé  d'autres 
sans  j  mettre  de  nom,  par  une  inspiration 
de  Dieu,  dont  la  raison  n'est  pas  sans  mys- 
tère, quoiqu'elle  ne  soit  pas  évidente.  «  Il 
ne  faut  pas,  ajoute-t-il,  s'arrêtera  ce  que 
l'on  voit  quelques  psaumes  qui  portent  en 
tête  les  noms  de  quelques  prophètes  qui 
ne  sont  venus  que  depuis  David,  et  qui 
semblent  toutefois  y  parler.  L'esprit  prophé- 
tique qui  a  inspiré  ce  prince,  a  pu  lui  révé- 
ler les  noms  de  ces  prophètes,  et  lui  faire 
chanter  des  choses  qui  leur  convenaient, 
comme  nous  voyons  qu'un  certain  prophète 
a  parlé  de  Josias  et  de  ses  actions,  plus  de 
trois  cents  ans  avant  que  ce  prince  naquit.  » 
C'était  l'endroit  d'expliquer  les  prophéties 
contenues  dans  les  Psaumes,  touchant  Jé- 
sus-Christ et  son  Église;  mais  saint  Augus- 
tin, ti'ouvant  qu'il  était  trop  long  de  les  ex- 
pliquer toutes,  et  craignant,  en  les  choisis- 
sant, d'omettre  celles  qui  paraîtraient  aux 
autres  les  plus  nécessaii'es  ,  renvoie  ses 
lecteurs  aux  commentaires  qu'il  avait  faits 
sur  cette  partie  de  l'Écriture.  Il  exphque 
toutefois  la  prophétie  de  Jésus-Christ  et  de 
son  Église,  rapportée  dans  le  psaume  xliv, 
et  fait  voir  que  son  sacerdoce  et  sa  passion 
sont  prédits  dans  les  psaumes  cix  et  xxi; 
qu'à  l'égard  de  sa  mort  et  de  sa  résurrec- 
tion, on  les  trouve  marquées  dans  les  psau- 
mes in,  XL,  XV  etLXVii.  «11  est  vrai,  dit-il,  que 
les  Juifs  ne  voient  pas  dans  les  Psaumes  ce 
que  y  est  prédit  de  Jésus-Christ,  autrement 
ils  ne  résisteraient  pas  à  des  témoignages  si 
évidents,  conflrmés  par  l'événement;  mais 
n'est-il  pas  prédit  dans  ces  mêmes  psaumes 
que  leurs  yeux  sei'ont  obscurcis,  afin  qu'ils  ne 
voient  point?  On  trouve  aussi  des  prophéties 
touchant  Jésus-Christ,  et  particulièrement 
sur  sa  passion  et  sur  sa  mort,  dans  les  trois 
livres  de  Salomon  que  l'Église  reçoit  au 
nombre  des  canoniques,  qui  sont  les  Prover- 
bes, l'Ecclésiaste  et  le  Cantique  des  canti. 
(jues.  Les  autres  rois  qui  sont  venus  après  Sa- 
lomon, n'ont  pas  fait  ni  dit  beaucoup  de  cho- 
ses qui  puissent  se  rapporter  à  Jésus-Christ 
et  à  son  Église,  soit  en  Juda  ou  en  Israël.  Il 
y  eut  néanmoins  des  prophètes  sous  leurs 
règnes,  même  sous  celui  de  Jéi'oboam,  qui 
reprirent  ce  prince  de  ses  impiétés.  Il  y  en 


eut  encore  pendant  la  captivité  de  Baby- 
loue;  mais  ,  dans  la  suite  des  temps  qui  s'é- 
coulèrent depuis  le  retour  des  Juifs  jusqu'à 
l'avènement  du  Sauveur,  c'est-à-dire  depuis 
Malachie,  Aggée,  Zacharie  et  Esdras,  ils 
n'eurent  point  de  prophètes  parmi  eux.  Za- 
charie, père  de  saint  Jean-Baptiste  et  ÉUsa- 
beth  sa  femme ,  prophétisèrent  au  temps 
de  la  naissance  du  Messie  avec  Siméon, 
Anne  et  saint  Jean,  qui  fat  le  dernier  des 
prophètes.  » 

22.  Saint  Augustin  ayant  marqué  ainsi  les 
progrès  de  la  cité  de  Dieu,  reprend  dans  le 
dix-huitième  livre ,  le  cours  de  la  cité  du 
monde  depuis  Abraham,  afin  qu'on  pût  com- 
parer ensemble  ces  deux  cités.  «  Entre  tous 
les  empires,  dit-il,  que  les  divers  intérêts  de 
la  cité  de  la  terre  ont  établis,  il  y  en  a 
deux  beaucoup  plus  puissants  que  les  au- 
tres; celui  des  Assyriens  et  celui  des  Ro- 
mains, tous  deux  séparés  de  temps  et  de 
lieu.  L'empire  des  Assyriens  à  fleuri  le 
premier  en  Orient,  et  celui  des  Romains, 
qui  n'est  venu  qu'après,  s'est  étendu  en 
Occident.  Tous  les  autres  royaumes  n'ont 
été  que  comme  de  petits  l'ejetons  de  ceux- 
ci.  Ninus,  second  roi  des  Assyriens,  qui 
avait  succédé  à  son  père  Bélus,  régnait  du 
temps  qu'Abraham  naquit  en  Chaldée.  En 
ce  temps-là  florissait  aussi  le  petit  empire 
des  Sicyoniens,  par  où  Varron  commence  son 
histoire  romaine ,  descendant  des  rois  des 
Sicyoniens  aux  Athéniens,  de  ceux-ci  aux 
Latins,  et  des  Latins  aux  Romains.  Ninus 
subjugua  toute  l'Asie,  c'est-à-dire  la  moitié 
du  monde,  et  porta  ses  conquêtes  jusqu'aux 
confins  de  la  Libye.  Les  Indiens  furent  les 
seuls  de  tous  les  peuples  d'Orient  qui  de- 
meurèrent aâ"ranchis  de  sa  domination  ;  en- 
core, après  sa  mort,  furent-ils  domptés  par 
Sémiramis,  sa  femme.  Le  fils  de  S'iimiramis 
se  nommait  Ninus,  comme  son  père  ou  Ni- 
nias.  Télexion  régnait  alors  chez  les  Sicyo- 
niens ;  son  règne  fut  si  tranquille  que  ses  su- 
jets, après  sa  mort,  en  firent  un  dieu,  et  lui 
décernèrent  des  jeux  et  des  sacrifices.  Isaac 
naquit  sous  Aralius,  cinquième  roi  des  Assy- 
riens, Abraham  ayant  alors  cent  ans.  Ce 
patriai'che  vivait  encore  lorsqu'Isaac,  âgé 
de  soixante  ans,  eût  deux  enfants  jumeaux 
de  sa  femme  Rébecca  ,  Esau  et  Jacob.  Dieu 
parla  à  Isaac,  et  lui  promit,  comme  à  Abra- 
ham, qu'il  donnerait  la  terre  de  Chanaan  à 
sa  postérité,  et  qu'en  elle  toutes  les  nations 
seraient  bénies.  Il  promit,  la  même  chose 


Analjse 
flix  -  buitië^ 
livre  , 


[IV'  ET  v°  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

à  Jacob ,    sous  le  règne  de   Béloc ,  neu- 
vième roi  des  Assyriens,  et  de  Phoronée, 
fils  d'inachus,    deuxième  roi  des  Argiens. 
Ce  fut  sous  Phoronée,  roi  d'Ai'gos,   que  la 
Grèce  commença  à  devenir  célèbre  par  ses 
lois  et  ses  règlements.  Pbégoiis,  son  frère, 
fut  honoré  comme  un  dieu  après  sa  mort; 
on  lui    bâtit    un  temple  sur  son  sépulcre, 
apparemment    parce   que,    dans    la  partie 
du   royaume    que  son  père   lui  avait  lais- 
sée,   il   avait   construit   des   chapelles    aux 
dieux,   et  divisé  les  temps  par  mois  et  par 
années.  Isis,  fille  d'inachus,  fut  aussi  hono- 
rée, en  Egypte,  comme  une  divinité.  Outre 
plusieurs  choses  utiles  dont  on  lui  fait  hon- 
neur, on  lui  attribue  l'invention  des  lettres. 
Les   Égyptiens   défendirent,   sous  peine  de 
mort,  de  dire  que  c'eût  été  une  femme.  » 
Saint  Augustin  marque  de  suite  quels  fu- 
rent les  rois  des  Assyriens,   des  Sicyoniens 
et  des  Argiens  du  temps  de  Jacob,  de  Jo- 
seph et  de  Moïse.  Il  remarque  que  les  fables 
ne  commencèrent  à  avoir  cours  en  Grèce  que 
depuis  la  naissance  de  ce  législateur  et  sous 
le  règne  de  Cécrops,  roi  des  Athéniens  ;  que 
ce  fut  alors  que  la  superstition  des  Grecs  mit 
plusieurs  morts  au  rang  des  dieux;  qu'arriva 
le  déluge  de  Deucalion,  appelé  ainsi  à  cause 
que  le  pays  où  il  commandait  en  fut  princi- 
palement inondé.  «  Sur  la  fin  du  règne  du 
même  Cécrops,  dit-il,  les  Israélites  sortirent 
d'Egypte  ;  et  ce  fut  depuis  ce  moment-là  jus- 
qu'à la  mort  de  Josué,   que  les  rois  de  la 
Grèce  instituèrent  en  l'honneur    des    faux 
dieux  plusieurs   solennités  qui   rappelaient 
le  souvenir  du  déluge,  et  les  temps  malheu- 
reux qui  l'accompagnèrent.  Les  fables  furent 
inventées,   pom-  la  plupart,  du  temps   des 
Juges,  jusqu'à  la  guerre  de  Troie,  à  l'occa- 
sion   de    quelques    événements    véritables 
parmi  les  païens.  Il  y  eut   dans  ce  même 
temps  quelques  poètes  ,  appelés  aussi  théo- 
logiens, parce  qu'ils   faisaient  des   vers  en 
l'honneur  des  dieux.  Que  si,  parmi  tant  de 
fables,   ils  ont  dit  quelque  chose  du  vrai 
Dieu,  ils  ne  lui  ont  pas  rendu  pour  cela  le 
cidte  qiii  n'est  dû  qu'à  lui  seul,  et  ils  ont 
même  déshonoré  leurs  dieux  par  des  contes 
ridicules.  Ce  fut  encore  du  temps  des  Juges 
que  le  royaume   des   Argiens   finit,  et  fut 
transféré  à  Mycènes,  dont  Agamemnon  fut 
roi.   Celui    des   Laurentins   commença,    au 
contraire,  à  s'établir  alors.  Ils  eurent  pour 
premier  roi  Picus,  fils  de  Saturne,  qui  régna 
en  Italie.  Les  Laurentins,  depuis  la  ruine  de 


EVEQUE  D'HIPPONE. 


317 


Troie,  qui  arriva  sous  le  règne  de.Latinus, 
s'appelèi'ent  Latins.  Après  la  mort  de  Lati- 
nus,  Énée  régna  trois  ans  en  Italie.  Son  fils, 
Sylvius,  fut  le  quatrième  roi  des  Latins.   On 
met  sous  son  règne,  et  du  temps  du  grand- 
prêtre  Élie,  la  fin  de  la  monarchie  des  Sy- 
cyoniens.  Les  Latins,  sous  le  règne  de  Salo- 
mon,  fondèrent  Albe,  qui  donna  son  nom  à 
leurs  rois  .  qui,  au  lieu  de  Latins,  s'appelè- 
rent Albains.  Les  Latins   eurent   onze  rois 
après  Énée;  le  douzième  fut  Aventin.  Il  eut 
pour    successeur    Romulus,     fondateur    de 
Rome.  Cette  viUe  fut  bâtie  comme  une  autre 
Babylone ,  dont  il  plut  à  Dieu  de  se  servir 
pour  dompter  tout  l'univers,  et  rassembler 
toutes  ses  nations  sous  un  même  corps  de 
république.  Lors  de  sa  fondation,  il  y  avait 
déjà  718  ans  que  les  Juifs  demeuraient  dans 
la  terre  promise.  Ce  fut  du  temps  de  Romu- 
lus que  parurent  les  prophéties  de  la  SibyUe 
Erythrée,   dont  Lactance  a  fait  usage,  pré- 
tendant y  trouver  diverses  prédictions  tou- 
chant Jésus-Christ.   Dans    le   même   temps 
florissait  Thaïes  de  Milet,  l'un  des  sept  sages 
de   la   Grèce,  qui  succédèrent   aux  poètes. 
C'est  aussi  l'époque  de  la  captivité  de  Baby- 
lone, où  les  dix  tribus  d'Israël  furent  em- 
menées par  les  Chaldéens;  et  celle  de  la  Sy- 
byUe  samienne.  Pythagore,  le  premier  des 
philosophes,  parut  sous  le  règne  de  Sédécias, 
roi  des  Juifs,  et  de  l'ancien  Tarquin,  roi  des 
Romains.  Les  Juifs  furent  remis  en  hberté 
sous  un  autre  Tarquin,  dit  le  Superbe,  qui 
fut  le  dernier  roi  des  Romains.  Jusque-là  il 
y   avait  eu   des  prophètes    parmi   les  Juifs 
sans  aucune  interruption.  » 

Saint  Augustin  marque  le  temps  de  cha- 
cun d'eux,   particulièrement   de  ceux  dont 
les  prophéties  sont  venues  jusqu'à  nous.  Il 
dit,  en  parlant  de  celles  d'Isaïe,  qu'il  y  en  a 
de  si  claires  que  les  ennemis  mêmes  de  la 
religion  les  entendent  malgré  eux.  Il  semble 
reconnaître   Esdras  pour  l'auteur  du  hvre 
d'Esther,  et  plutôt  pour  historien  que  pom' 
prophète;  «  quoique,  dit-il,  il  ait  prophétisé 
Jésus-Christ  dans  cette  dispute  qui  s'éleva 
entre  quelques  jeunes  gens,  pour  savoir  qui 
était  la  chose  du  monde  la  plus  puissante.  » 
Cela  se  trouve  dans  le  troisième  livre  d'Es- 
dras.  L'Église  rejette  les  écrits  de  quelques 
prophètes,   nommément    de    ceux  qui   ont 
écrit  l'histoire  des  rois  d'Israël  et  de  Juda. 
Saint  Augustin  avoue  qu'il  en  ignore  la  rai- 
son :  «  Si  ce  n'est,  dit-U,  que  ces  prophètes 
ont  pu  écrire  certaines  choses  comme  hom- 


318 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


mes  et  sans  l'inspiration  du  Saint-Esprit,  et 
que  ce  sont  celles-là  que  l'Église  ne  reçoit 
point  dans  son  canon  poui'  faire  partie  de  la 
religion,  quoiqu'elles  puissent  d'ailleurs  être 
utiles  et  véritables.  Depuis  le  rétablissement 
du  Temple  jusqu'à  Aristobule,  les  Juifs  ne 
furent  plus  gouvernés  par  des  i-ois,  mais 
par  des  princes.  La  supputation  de  ces 
temps  se  trouve  dans  les  livres  des  Macha- 
bées,  rejetés  comme  apocryphes  par  les 
Juifs,  mais  adoptés  par  l'Église.  » 

Saint  Augustin  fait  voir  que  les  prophètes 
sont  plus  anciens  que  les  philosophes,  Py- 
thagore,  qui  en  a  le  premier  porté  le  nom, 
n'ayant  commencé  à  fleurir  que  sur  la  fin 
de  la  captivité  de  Babylone  ;  que  la  langue 
hébraïque  a  toujours  été  conservée  par  tra- 
dition avec  ses  caractères  ;  qu'aucune  na- 
tion n'a  donc  droit  de  se  vanter  de  sa 
science  comme  plus  ancienne  que  nos  pa- 
triarches et  nos  prophètes  ;  que  les  Égyp- 
tiens qui  se  vantent  d'avoir  connu  l'astro- 
logie, il  y  a  cent  mille  ans,  ne  peuvent 
disconvenir  qu'ils  n'aient  appris  à  lire  de 
leur  Isis,  il  n'y  a  guère  plus  de  deux  mille 
ans  ;  enfin,  que  les  écrivains  canoniques, 
pour  ne  parler  que  des  sentiments  qui  re- 
gardent la  religion,  sont  autant  d'accord 
entre  eux,  que  les  philosophes  le  sont  peu. 
«N'a-t-onpas  vu  en  vogue,  continue-t-il,  dans 
la  même  viUe  d'Athènes,  les  épicuriens  qui 
soutenaient  que  les  dieux  ne  prenaient 
aucun  soin  des  choses  d'ici-bas,  et  les  stoï- 
ciens qui  voulaient  qu'ils  gouvernassent  le 
monde.  N'est-ce  pas  encore  à  Athènes  qu'A- 
ristippe  mettait  le  souvei'ain  bien  dans  la 
volupté  du  corps,  et  Antisthène  dans  la 
vertu,  quoique  disciples  l'un  et  l'autre  de 
Socrate.  » 

Saint  Augustin  raconte  comment  Ptolé- 
mée  Philadelphe,  roi  d'Egypte,  fit  traduire 
en  grec  les  divines  Écritures.  Il  préfère  cette 
version  à  toutes  les  autres  qui  ont  été  faites 
depuis,  et  dit  que  c'est  sur  elle  qu'ont  été 
faites  les  latines  qui  étaient  en  usage  de 
son  temps,  dans  les  Églises  d'Occident.  Il 
convient  qu'il  y  a  plusiem^s  endroits  où  les 
Septante  paraissent  s'être  éloignés  de  la  vé- 
rité hébraïque  ;  mais  il  soutient  que  ces  en- 
droits, bien  entendus,  se  trouvent  parfaite- 
ment conformes  au  texte  original. 

Il  vient  après  cela  aux  temps  qui  suivirent 
la  captivité  de  Babylone,  où  les  Juifs  n'ayant 
plus  de  prophètes,  devinrent  plus  méchants 
qu'ils  n'étaient  auparavant;  quoique  ce  fui 


le  temps  où  ils  croyaient  devenir  meiUeui-s, 
suivant  cette  prophétie  d'Aggée,  qii'ils  enten- 
daient trop  httéralement  :  La  gloire  de  cette 
dernière  maison  sera  plus  grande  que  celle  de 
la  première.  Saint    Augustin    leur  fait  voir 
que  cette  prophétie  ne  devait   pas  s'expli- 
quer, comme  ils  le  croyaient,  du  temple  de 
Jérusalem  rétabli  après  la  captivité,  mais  de 
l'Église  ((  qui  est,  dit-il,  un  temple  d'autant 
plus  illustre,  qu'elle  est  composée  de  pierres 
vivantes,  c'est-à-dire  des  fidèles  renouvelés 
par  le  baptême.  Cette  Église,  dans  ce  siècle 
pervers,    est  exercée   par  une    infinité  de 
craintes,  de  douleurs,  de  travaux  et  de  ten- 
tations, sans  avoir  d'autre  joie  que  l'espé- 
rance. Beaucoup  de  réprouvés  y  sont  mêlés 
avec  les  élus  ;  les  uns  et  les  autres  sont  ren- 
fermés comme  dans  ce  filet  de  l'Évangile, 
où  ils  nagent  pêle-mêle  dans  la  mer  de  ce 
monde,  jusqu'à  ce  qu'on  arrive  au  bord,  où 
les  méchants  seront  séparés  des  bons.  Jésus- 
Christ,  né  d'une  vierge  à  Bethléem,  ville  de 
Juda,  comme  l'avaient  prédit  les  Prophètes, 
a  choisi  des  disciples  qu'il  a  nommés  apô- 
tres, nés  de  bas   lieux,  méprisables,  sans 
lettres,  afin  d'être  et  de  faire  en  eux  tout  ce 
qu'ils  seraient   et  feraient  de  grand.  C'est 
par  eux  qu'il  a  prêché  l'Évangile,  première- 
ment  aux   Juifs,  ensuite  aux  gentils  ;  il  a 
employé  dans  ce  ministère  non-seulement 
les  témoins  de  sa  passion  et  de  sa  résurrec- 
tion, mais  d'autres  encore  qui  leur  ont  suc- 
cédé, et  qui  ont  porté  l'Évangile  par  tout 
le  monde,  parmi  de  sanglantes  persécutions. 
Dieu  se  déclarant  en  leur  faveur,  par  plu- 
sieurs prodiges  et  par  divers  dons  du  Saint- 
Esprit,  afin  que  les  gentils,  croyant  en  celui 
qui  a  été  crucifié  pour  les  racheter,  révé- 
rassent, avec  un  amour  digne  des  chrétiens, 
le  sang  des  martyrs  qu'ils  avaient  répandu, 
et  que  les  rois  mêmes  dont  les  édits  rava- 
geaient l'Église,  se  soumissent  humblement 
à  ce  nom,  que  leur  cruauté  s'était  efforcée 
d'exterminer.   Les    démons,    voyant    qu'on 
abandonnait  leurs  temples,  suscitèrent  les 
hérétiques  pour  combattre  la  doctrine  chré- 
tienne, sous  le  nom  de  chrétiens.  Tous  ceux 
qui  ont  des  opinions  mauvaises  et  dange- 
reuses,   ne  sont  pas    pour    cela    regardés 
comme  hérétiques  dans  l'Église,  mais  ceux- 
là  seulement  qui,  en  étant  repris,  y  persis- 
tent  opiniâtrement ,  et  refusent  de  se   ré- 
tracter   de    leur    dogmes    pernicieux.    Ils 
sont  en  un  sens  utiles  à  l'Éghse,  parce  que 
Dieu   se   sert  d'eux   pour   exercer   la  pa- 


[iv'ETV'siÈcxES.]  SAINT  AUGUSTLN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


se   du 
\ième 


tience  et  la  sagesse  de  ses  serviteurs.  » 
Quelques-uns  s'imaginaient  que  l'Eglise 
n'avait  plus  de  persécution  à  souffrir  jusqu'à 
la  venue  de  l'Antéchrist,  disant  qu'elle  en 
avait  déjà  souffert  dix,  et  que  l'Antéchrist 
ouvrira  la  onzième.  Saint  Augustin  leur  fait 
vou'  qu'il  n'y  a  rien  d'assuré  sur  le  nombre 
des  persécutions  de  l'Éghse;  qu'elle  en  a 
enduré  beaucoup  au  delà  de  dix  ;  qu'on  ne 
peut  toutefois  assurer  sans  témérité,  qu'elle 
en  souffrira  encore  beaucoup  d'autres,  avant 
ceUe  de  l'Antéchrist.  11  se  moque  des  païens 
qui  faisaient  courir  de  prétendus  oracles 
touchant  l'extinction  de  la  religion  chré- 
tienne après  365  ans  ;  le  grand  nombre 
d'années  qui  s'est  écoulé  depuis  faisant 
suffisamment  voir  la  fausseté  de  cette  pré- 
diction. Il  dit  à  ceux  qui  étaient  curieux  de 
savoir  quand  la  fin  du  monde  arriverait, 
que,  s'ilnous  était  utile  de  le  savoir,  Jésus- 
Christ  l'aurait  appris  à  ses  disciples;  et  que, 
puisqu'il  n'a  pas  voulu  le  leur  révéler,  c'est 
en  vain  que  nous  tâchons  de  déterminer 
les  années  qui  restent  encore  à  s'écouler. 

23.  Les  premiers  chapitres  du  dix-neu- 
vième livre,  sont  employés  à  réfuter  l'opi- 
nion des  philosophes  touchant  le  souverain 
bien,  que  les  uns  mettent  dans  la  possession 
des  biens  de  la  nature,  les  autres,  dans  les 
biens  de  l'âme,  et  les  autres,  dans  tous  les 
deux.  Saint  Augustin  leur  oppose  le  senti- 
ment des  chrétiens,  qui  fait  consister  le 
souverain  bien  dans  la  vie  éternelle,  et  le 
souverain  mal  dans  la  mort  éternelle  ;  d'où 
il  suit  qu'on  ne  peut  jouir  du  souverain  bien 
en  ce  monde.  C'est  ce  qu'il  prouve  premiè- 
rement, par  ces  paroles  du  Prophète  :  Le 
juste  vit  de  la  foi,  parce  que  ne  le  voyant 
point  encore,  il  est  besoin  qu'il  le  cherche 
par  la  foi;  et  en  second  lieu,  par  un  détail 
des  combats  de  la  chair  contre  l'esprit,  et 
des  misères  auxquelles  l'homme  est  sujet 
tandis  qu'il  est  en  cette  vie.  Il  ajoute  que  la 
possession  de  ce  qu'il  y  a  de  meillem'  en  ce 
monde,  sans  l'espérance  de  l'autre,  est  une 
fausse  béatitude  et  une  grande  misère  ; 
qu'on  n'y  jouit  pas  même  des  vrais  biens  de 
l'âme,  à  moins  qu'elle  ne  se  propose  pour 
fin  celle  où  Dieu  fera  toutes  choses  en  tous 
par  une  éternité  assurée,  et  par  une  paix 
parfaite.  Il  marque  la  différence  de  conduite 
en  ce  monde  de  la  cité  du  ciel ,  d'avec 
celle  de  la  terre.  «L'usage  des  choses  néces- 
saires à  la  vie,  dit-il,  est  commun  aux  ci- 
toyens de  l'une  et  de  l'autre  dans  le  gouver- 


319 

nement  de  leurs  maisons  ;  mais  la  fin  à 
laquelle  ils  rapportent  cet  usage  est  bien 
différente.  Ceux  qui  appartiennent  à  la  cité 
de  la  terre,  cherchent  leur  paix  dans  les 
Mens  et  dans  les  commodités  de  cette  vie, 
au  lieu  que  ceux  qui  sont  de  la  cité  du  ciel 
se  servent  des  biens  temporels  comme  des 
voyageurs  et  des  étrangers,  non  pour  y 
mettre  leur  cœur,  mais  pour  en  être  sou- 
lagés, et  se  rendre  en  quelque  façon  plus 
supportable  le  poids  de  ce  corps  corruptible 
qui  appesantit  l'âme.  La  cité  céleste  use 
donc  pendant  son  pèlerinage  de  la  paix 
temporelle,  et  des  choses  qui  sont  nécessai- 
.rement  attachées  à  notre  nature  mortelle  ; 
et  elle  rapporte  la  paix  terrestre  à  la  céleste 
qui  est  tellement  la  vraie  paix,  que  la  créa- 
ture raisonnable  n'en  peut  justement  avoir 
d'autre.  Elle  a  cette  paix  ici-bas  par  la  foi  ; 
elle  vit  de  cette  foi,  lorsqu'elle  rapporte  à 
l'acquisition  de  cette  paix  tout  ce  qu'elle 
fait  de  bonnes  œuvres  en  ce  monde,  tant  à 
l'égard  de  Dieu  que  du  prochain  :  car  la  vie 
de  cette  cité  est  une  vie  de  société.  Elle  ne 
se  soucie  pas  quel  genre  de  vie  l'on  mène 
lorsqu'on  embrasse  la  foi  qui  conduit  à  Dieu, 
pourvu  que  ce  genre  de  vie  ne  soit  pas  con- 
traire à  ses  commandements.  C'est  pourquoi, 
quand  les  philosophes  mêmes  se  font  chré- 
tiens, elle  ne  les  obhge  point  de  quitter  leur 
manière  de  vivre,  à  moins  qu'elle  ne  choque 
la  rehgion,  mais  seulement  à  abandonner 
lem-s  mauvais  dogmes.  Quant  aux  trois  gen- 
res de  vie,  l'actif,  le  contemplatif,  et  celui 
qui  est  mêlé  des  deux,  chacun  dans  cette 
cité  peut  embrasser  celui  qui  lui  plaira, 
pourvu  que  ce  soit  par  l'amour  de  la  vérité, 
et  qu'il  ne  néglige  pas  le  devoir  de  la  cha- 
rité. Car,  on  ne  doit  point  tellement  s'adon- 
ner au  repos  de  la  contemplation,  qu'on  ne 
songe  aussi  à  être  utile  au  prochain;  ni  s'a- 
bandonner à  l'action  de  telle  sorte,  qu'on 
oublie  la  contemplation.  Dans  le  repos,  on 
ne  doit  point  aimer  l'oisiveté,  mais  s'occuper 
à  la  recherche  de  la  vérité,  afin  de  profiter 
soi-même  de  cette  connaissance,  et  de  ne  la 
pas  envier  aux  autres.  Dans  l'action,  il  ne 
faut  aimer  ni  les  honneurs,  ni  la  puissance, 
parce  que  tout  cela  n'est  que  vanité  ;  mais 
le  travail  qui  l'accompagne  lorsqu'il  contri- 
bue au  salut  de  ceux  qui  nous  sont  soumis. 
C'est  ce  qui  fait  dire  à  l'Apôtre,  que  celvi 
qui  désire  l'épiscopat,  désire  une  bonne  œuvre. 
En  eflet,  l'épiscopat  est  un  nom  de  charge, 
et  non  pas  de  dignité,  ce  nom  signifiant  en 


320 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


grec,  veiller  sur  quelqu'un  et  en  avoir  soin, 
pour  montrer  que  celui-là  n'est  pas  évêque, 
qui  aime  à  commander  sans  se  soucier  d'ê- 
tre utile  à  ceux  à  qni  il  commande.  Tout  le 
monde  peut  donc  s'appliquer  à  la  recher- 
che de  la  vérité,  en  quoi  consiste  le  repos 
louable  de  la  vie  contemplative  ;  mais  pour 
les  dignités  de  l'Éghse,  quand  on  s'y  gou- 
vernerait comme  il  faut,  il  est  toujours  hon- 
teux de  les  désirer.  C'est  pour  cela  qu'il  ne 
faut  qu'aimer  la  vérité,  pour  embrasser  le 
saint  repos  de  la  contemplation;  mais  ce 
doit  être  la  charité  et  la  nécessité  qui  nous 
engagent  dans  l'action.  De  sorte  que,  si  per- 
sonne ne  nous  impose  ce  fardeau,  il  faut  va- 
quer à  la  recherche  et  à  la  contemplation 
de  la  vérité  ;  et  si  on  nous  l'impose,  il  faut 
s'y  soumettre  par  charité  et  par  nécessité. 
Mais  alors  même  il  ne  faut  pas  abandonner 
tout  à  fait  les  douceurs  de  la  contemplation, 
de  peur  que,  privés  de  cet  appui,  nous  ne 
soyons  accablés  de  la  pesanteur  de  notre 
charge.» 

Comme  il  est  essentiel  à  une  république 
d'être  gouvernée  par  les  lois  de  la  justice, 
selon  que  le  dit  Cicéron,  saint  Augustin  fait 
voir  qu'il  n'y  a  jamais  eu  de  république 
parmi  les  Romains,  parce  qu'ils  n'ont  point 
servi  le  vrai  Dieu,  sans  lequel  il  n'y  a  point 
de  vraie  justice.  «  Car,  lorsque  l'homme  ne 
sertpas  Dieu,  dit-il,  quelle  justice  peut-il  avoir 
puisque  ce  n'est  que  le  service  qu'on  rend  à 
Dieu  qui  donne  droit  à  l'esprit  de  commander 
au  corps,  et  à  la  raison  de  gouverner  les  pas- 
sions? S'il  n'y  a  point  de  justice  en  un  homme 
de  cette  sorte,  il  n'y  en  aura  point  non  plus 
en  une  assemblée  composée  de  tels  hom- 
mes. »  Il  montre  que  le  seul  Dieu  qui  méri- 
tait le  culte  des  Romains  est  le  Dieu  des  chré- 
tiens, et  rapporte  les  oracles  que  l'on  trouve 
dans  les  écrits  du  philosophe  Porphyre,  tou- 
chant le  vrai  Dieu  et  Jésus-Christ.  Il  fait  voir 
encore  qu'il  n'y  a  pas  de  vraie  vertu  où  il  n'y 
a  point  de  vraie  religion  :  parce  que  les  ver- 
tus, si  on  ne  les  rapporte  pas  à  Dieu,  sont  plu- 
tôt des  vices  que  des  vertus.  «Mais,  quelque 
différence  qu'il  y  ait  entre  la  cité  de  Dieu 
et  celle  de  Babylone ,  continue-t-il,  la  pre- 
mière se  sert  de  la  seconde  et  profite  de  sa 
paix,  qui  est  commune  aux  bons  et  aux  mé- 
chants. C'est  pour  cela  que  l'Apôtre  avertit 
l'Église  de  prier  pour  les  rois  et  les  grands 
I  Tim..is.x,  du  monde,  afin,  dit-il,  que  nous  menions  une 
vie  tranquille  en  toute  piété  et  charité.  Quel- 
que soit  néanmoins  la  paix  des  serviteurs  de 


Dieu  ici-bas,  elle  sert  plutôt  à  soulager  no- 
tre misère  qu'à  nous  rendre  heureux,  cette 
paix  étant  traversée  par  diverses  tentations 
et  par  divers  combats.  » 

24.  Il  commence  le  vingtième  livre  par 
étabhr  la  foi  de  l'Église  touchant  le  juge- 
ment dernier,  employant  à  cet  effet  tout  ce 
qui  a  rapport  à  cette  matière  dans  l'Ancien 
et  dans  le  Nouveau  Testament.  Il  distingue 
deux  résurrections,  celle  de  l'âme  qui  se  fait 
maintenant,  et  celle  du  corps  qui  ne  se  fera 
qu'au  dernier  jour.  Il  dit  que  c'est  faute  d'a- 
voir entendu  cette  première  résurrection, 
dont  il  est  aussi  parlé  dans  l'Apocalj'pse,  que 
quelques  catholiques  ont  cru  le  règne  de  mille 
ans.  «  Cette  opinion,  ajoute-t-il,  serait  en  quel- 
que façon  supportable,  si  l'on  croyait  que, 
durant  ce  repos  de  mille  ans,  les  saints  joui- 
ront de  quelques  déhces  spirituelles,  à  cause 
de  la  présence  du  Sauveur  :  car,  moi-même, 
j'ai  été  autrefois  de  ce  sentiment;  mais  com- 
me ils  disent  que  ceux  qui  ressusciteront 
alors  seront  dans  des  festins  continuels,  il 
n'y  a  que  des  personnes  charnelles  qui  puis- 
sent avoir  cette  pensée.  »  Il  explique  de  l'Égli- 
se,, ce  qui  est  dit  du  règne  de  mille  ans  dans 
l'Apocclypse,  soutenant  qu'outre  le  royaume 
préparé  aux  saints,  ils  en  ont  dès  maintenant 
un  autre  où  ils  régnent  avec  Jésus -Christ, 
puisqu'autrement  l'Église  ne  serait  pas  appe- 
lée son  royaume.  Quand  donc  saint  Jean  dit  : 
Je  vis  des  trônes  et  des  personnes  assises  dessus  : 
et  on  leur  donna  le  pouvoir  déjuger,  il  ne  faut 
pas  imaginer  que  ces  paroles  s'appliquent 
au  dernier  jugement,  mais  qu'elles  désignent 
les  trônes  des  évéques,  et  les  évoques  mô- 
mes qui  gouvernent  présentement  l'Église. 
Quant  au  pouvoir  déjuger  qui  leur  est  don- 
né, il  semble  qu'on  ne  le  puisse  mieux  en- 
tendre que  de  celui-ci  :  Ce  que  vous  lierez  sur 
la  terre  sera  lié  au  ciel,  et  ce  que  vous  délierez 
sw:  la  terre  sera  délié  au  ciel.  Par  les  âmes  qui, 
d'après  saint  Jean,  ont  régné  mille  ans  avec 
Jésus-Christ,  il  veut  qu'on  entende  les  âmes 
des  martyrs  encore  séparées  de  leurs  corps. 
((  Car,  dit-il,  les  âmes  des  gens  de  bien  qui  sont 
morts  ne  sont  point  séparées  de  l'Église  qui, 
maintenant  même,  est  le  royaume  de  Jésus- 
Christ.  Autrement,  on  n'en  ferait  point  mé- 
moire à  l'autel  dans  la  communion  du  corps 
de  Jésus-Christ,  où  on  ne  le  fait  que  parce 
que  les  fidèles,  tout  morts  qu'ils  sont,  ne 
laissent  pas  d'être  membres  de  Jésus-Christ. 
Saint  Jean,  il  est  vrai,  fait  seulement  men- 
tion des  âmes  des  martyrs,  parce  que  ceux- 


Analy? 
vingtièm 
\re,  [jag. 


S73l 


Apoc.xx,4. 


[IT'  ET  ■?=  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


321 


aîysc  du 
-  iiDième 
,       pag. 


là  régnent  principalement  avec  Jésus-Clirist 
après  leur  mort,  qui  ont  combattu  jusqu'à  la 
mort  pour  la  vérité;  cependant,  en  prenant 
la  partie  pour  le  tout,  nous  pouvons  enten- 
dre que  les  autres  morts  appartiennent  aus- 
si à  l'Église,  qui  est  le  royaume  de  Jésus- 
Christ.  » 

Par  les  mille  ans  pendant  lesquels  le  diable 
est  lié,  saint  Augustin  entend  tout  le  temps 
qui  s'écoulera  depuis  le  premier  avènement 
de  Jésus-Christ  jusqu'au  second.  Il  y  en  avait 
qui  croyaient  que  la  résurrection,  n'apparte- 
nant qii'au  corps,  c'est  de  celle-là  qu'il  fal- 
lait entendre  la  première  résurrection  dont 
parle  saint  Jean.  «  Mais,  dit-il,  que  répon- 
dront-ils à  l'Apôtre  qui  admet  aussi  une  ré- 
sm'rection  de  l'âme?  Car,  ceux-là  étaient  res- 
suscites selon  l'homme  intérieur,  et  non  pas 
selon  l'extérieur,  à  qui  il  dit  :  Si  vous  êtes  res- 
suscites avec  Jésus-Christ,  ne  goûtez  plus  les 
choses  du  siècle.  » 

Saint  Augustin  fait  voir  par  divers  endroits 
de  l'Éci'iture,  que  l'âme  tombe  de  même 
que  le  corps,  non  en  cessant  d'être,  mais 
par  le  péché  ;  qu'ainsi  l'on  doit  avouer  qu'il 
lui  appartient  comme  au  corps  de  ressusci- 
ter. 11  explique  succintement  ce  qu'on  lit, 
dans  l'Apocalypse,  des  persécuteurs  que  le 
diable  suscitera  contre  l'Eglise  à  la  fin  des 
siècles;  du  feu  que  saint  Jean  voit  descendre 
du  ciel  pour  les  consumer  ;  des  trois  ans  et 
demi  que  le  diable  sera  délié  ;  de  l'étang  de 
feu  et  de  souffre  où  il  fut  jeté  ;  et  des  autres 
circonstances  qui  appartiennent  au  juge- 
ment dernier.  Les  preuves  qu'il  avait  déjà 
données  de  ce  jugement  futur  sont  corro- 
borées par  celles  que  fournissent  les  Épîtres 
de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul,  la  prophétie 
d'Isaïe  et  celle  de  Daniel,  les  Psaumes  et  les 
écrits  de  quelques  petits  prophètes.  Il  finit 
ce  livre  en  marquant  les  choses  qui  arrive- 
ront alors,  ou  environ  ce  temps-là,  savoir, 
l'avènement  d'Éhe,  la  conversion  des  juifs, 
la  persécution  de  l'Antéchrist,  la  venue  de 
Jésus-Christ  pour  juger,  la  résmTection  des 
morts,  la  séparation  des  bons  et  des  mé- 
chants, l'embrasement  du  monde,  et  son  re- 
nouvellement. 

23 .  Le  but  de  saint  Augustin,  dans  le  vingt- 
unième  livre ,  est  de  traiter  du  supplice 
que  doit  souffrir  le  diable  et  ses  comphces, 
lorsque  les  deux  cités  seront  parvenues  à 
leurs  fins  par  Notre-Seigneur  Jésus-Christ, 
juge  des  vivants  et  desmorls.  Les  incrédules 
ne  pouvaient  comprendre  comment  des  corps 
IX. 


humains  pourraient  être  brîilésparlefeu,  et 
subsister  éternellement  au  milieu  des  flam- 
mes et  des  tourments.  Le  saint  Docteur  leur 
répond  qu'il  y  a  des  animaux  corruptibles, 
qui  vivent  toutefois  au  milieu  des  feux  ; 
et  qu'on  trouve  une  certaine  sorte  de  vers 
dans  des  sources  d'eau  chaude  qu'on  ne 
saurait  toucher  sans  se  brûler  ;  et  qui,  non- 
seulement  y  vivent,  mais  qui  ne  peuvent 
vivre  ailleurs.  Ils  disaient  qu'il  n'y  avait 
point  de  corps  qui  pût  souffrir,  et  ne  pas 
mourir.  «  Qui  peut  assurer,  leur  répond 
saint  Augustin,  que  les  démons  ne  souffrent 
pas  en  leurs  corps,  lorsqu'ils  avouent  eux-mê- 
mes qu'ils  sont  extrêmement  tourmentés  ?  » 
Il  demande  à  ces  incrédules  quelle  raison  il 
y  a  de  faire  de  la  douleur  un  argument  de 
mort,  puisque  c'est  plutôt  une  marque  de 
vie  ;  et  puisqu'il  est  nécessaire  que  celui  qui 
souffre  vive,  et  qu'il  ne  l'est  pas  que  la  dou- 
leur tue.  «  Ce  qui  est  cause,  ajoute-t-il,  que 
la  douleur  tue  maintenant,  c'est  que  l'âme 
est  tellement  unie  au  corps,  qu'elle  cède 
aux  gi'andes  douleurs  et  se  retire  ,  parce 
que  la  liaison  des  membres  est  si  délicate, 
qu'elle  ne  peut  soutenir  l'effort  de  ces  dou- 
leurs aiguës.  Mais,  dans  l'autre  vie,  l'âme 
sera  teUement  jointe  au  corps,  et  le  corps 
sera  tel  que  ce  nœud  ne  pourra  être  déhé 
par  aucun  espace  de  temps,  ni  rompu  par 
quelque  douleur  que  ce  soit.  Quoiqu'il  soit 
donc  vrai  qu'il  n'y  ait  point  maintenant  de 
chair  qui  puisse  souffrir  et  être  immortelle, 
ce  ne  sera  pas  alors  la  même  chose  ;  la 
chair  ne  sera  pas  telle  qu'elle  est,  comme  la 
mort  sera  bien  différente  de  celle  d'à  pré- 
sent. Il  y  aura  toujours  une  mort,  mais  elle 
sera  éternelle,  parce  que  l'âme  ne  pourra 
vivre  étant  séparée  de  Dieu,  ni  être  délivrée 
par  la  mort  des  douleurs  du  corps.  La  pre- 
mière mort  chasse  l'âme  du  corps  malgré 
eUe,  et  la  seconde  l'y  retiendra  malgré  elle. 
L'une  et  l'autre,  néanmoins,  ont  cela  de 
commun  que  le  corps  fait  souffrir  à  l'âme  ce 
qu'elle  ne  veut  pas  :  car,  c'est  l'âme  qui 
souffre  et  non  le  corps,  lors  même  que  sa 
douleur  lui  vient  du  corps ,  comme  lors- 
qu'eUe  souffre  à  l'endroit  où  le  corps  est 
blessé.  )) 

n  l'apporte  plusiem^s  exemples  des  choses 
naturelles  qui  montrent  qu'il  est  très-possi- 
ble que  les  corps  des  damnés  subsistent  éter- 
nellement au  milieu  des  flammes,  parce 
qu'alors  la  substance  de  la  chair  recevia  une 
qualité  admirable  de  celui  qui  en  a  donné 

21 


322 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


de  merveilleuses  à  tant  de  choses  que  nous 
voyons,  et  que  leur  multitude  nous  empêche 
d'admirer.  «  La  salamandi-e,  dit-il,  vit  dans 
le  feu,  ainsi  que  le  disent  les  naturahstes.  La 
chair  du  paon  lorsqu'elle  est  cuite  ne  se  cor- 
rompt pas.  Le  feu  noircit  tout  ce  qu'il  brûle, 
quoique  lui-même  soit  luisant.  L'aimant  attire 
le  fer.  Chez  lesGararaautes,  il  y  a  une  fontaine 
si  froide  le  jour  qu'on  n'en  saurait  boire,  et 
si  chaude  la  nuit  qu'on  n'y  peut  toucher.  11 
y  a  une  pierre  en  Arcadie,  qui,  étant  une 
fois  échaufTée,  demeure  toujours  chaude, 
quoi  qu'on  fasse  pour  la  refroidir.  Puisque 
les  incrédules  ne  peuvent  rendre  raison  de 
tous  ces  effets  sui'prenants,  qu'ils  conçoivent 
donc,  une  fois  pour  toutes,  qu'il  ne  s'ensuit 
pas  qu'une  chose  ne  soit  ou  ne  doive  être, 
parce  que  la  raison  nous  en  est  cachée.  Dieu 
ne  fait  jamais  rien  sans  raison,  et  rien  de  ce 
qu'il  veut  ne  lui  est  impossible.  Sa  toute- 
puissance  est  la  raison  des  choses  qui  sont 
au-dessus  de  la  raison.  Pourquoi  ne  peut-il 
pas  faire  que  les  corps  des  morts  ressusci- 
tent, et  que  ceux  des  damnés  soient  éter- 
nellement tourmentés  dans  le  feu,  lui  qui  a 
créé  le  ciel,  la  terre,  l'air,  les  mers  et  le 
monde  entier,  ce  qui  est  un  plus  grand  mi- 
racle que  tout  cela  ?  La  nature  du  corps  de 
l'homme  avant  le  péché  était  de  ne  pouvoir 
mourir  ;  et  à  la  résurrection  des  morts,  il  sera 
rétabli  dans  son  premier  état.  »  Il  fait  voir, 
par  le  témoignage  même  des  païens,  qu'une 
chose  peut  être  dans  la  suite  des  temps 
toute  autre  qu'elle  n'était  dans  son  état  na- 
turel. Castor,  au  rapport  de  Varron,  écrit 
que  l'étoile  du  jour  changea  de  couleur,  de 
grandeur,  de  figure  et  de  mouvement  ;  ce 
qui  n'était  jamais  arrivé.  On  met  cet  événe- 
ment sous  le  règne  d'Ogygès.  La  terre  de 
Sodome  n'a  pas  toujours  été  comme  elle 
est  ;  son  terroir  était  semblable  à  celui  des 
autres,  et  même  plus  fertile.  Mais,  depuis 
que  le  feu  du  ciel  est  tombé  dessus,  la  face 
en  est  affreuse,  et  ses  fruits,  sous  une  belle 
apparence,  ne  couvrent  qu'un  peu  de  cendre 
et  de  fumée.  » 

Le  saint  Docteur  rapporte  plusieurs  passa- 
ges de  l'Écriture  touchant  le  supplice  éter- 
nel des  damnes,  et  montre,  par  la  même  au- 
torité ,  que  soit  que  les  démons  aient  un 
corps  aérien,  soit  qu'ils  n'en  aient  point,  ils 
seront  tourmentés  par  le  même  feu  matériel 
qui  brûlera  les  corps  des  damnés.  «En  effet, 
dit-il,  puisque  les  âmes  des  hommes  qui  sont 
incorporelles,  peuvent  être  maintenant  en- 


fermées dans  des  corps,  et  qu'elles  y  seront 
alors  unies  par  des  liens  indissolubles,  pour- 
quoi les  démons  ne  pourront-ils  pas  être  tour- 
mentés par  un  feu  corporel  d'une  manière 
très-réelle,  mais  merveilleuse  et  ineffable? 
Mais  n'est-il  pas  injuste  de  punir  d'un  sup- 
plice éternel  des  péchés  qu'on  a  commis  en 
si  peu  de  temps  ?  » 

Saint  Augustin  rappoi'te  les  peines  éta- 
blies par  les  lois  humaines,  et  montre  qu'au- 
cune, quant  h  la  durée,  ne  se  mesure  à  celle 
du  péché,  si  ce  n'est  peut-être  la  peine  du  ta- 
lion, qui  ordonne  que  le  criminel  souffre  le 
même  mal  qu'il  a  fait.  Il  dit  même  que  la  peine 
de  mort  ne  consiste  pas  dans  ce  petit  espace 
de  temps  qu'on  exécute  les  ci'iminels,  et  que 
les  lois  font  consister  principalement  ce  sup- 
plice en  ce  qu'il  ôte  les  coupables  pour  ja- 
mais de  la  société  des  vivants.  «Dans  l'Évan- 
gile, dit-il,  on  ht,  il  est  vrai,  qu'on  nous  me- 
surera à  la  même  mesure  que  nous  aurons 
mesuré  les  autres;  mais  la  mesure  dont  il  est 
parlé  en  cet  endroit  ne  regarde  pas  le  temps, 
mais  le  mal;  c'est-à-dire  que  celui  qui  aura 
fait  le  mal  le  souffi-ira.  Ainsi,  si  celui  qui 
juge  et  condamne  injustement  son  prochain, 
est  jugé  lui-même  et  condamné  justement,  il 
reçoit  en  la  même  mesure,  quoiqu'il  ne  re- 
çoive pas  la  même  chose  qu'il  a  donnée. 
Car,  il  est  jugé  comme  il  a  jugé  les  autres; 
mais  la  condamnation  qu'il  souffre  est  juste, 
au  heu  que  celle  qu'il  a  faite  est  injuste.  » 

Il  y  en  avait  qui  croyaient  que  les  mé- 
chants, après  leur  mort,  ne  seront  punis  que 
par  des  peines  purgatives  ;  d'autres  pensaient 
que  les  peines  des  damnés  ne  seront  pas 
élernelles  ;  quelques-uns,  au  contraire,  s'ima-^ 
ginaient  qu'aucun  homme  ne  sera  damné  au 
dei'uier  jugement,  à  cause  de  l'intercession 
des  saints;  d'autres,  enfin,  accordaient  le 
salut  à  tous  ceux  qui  ont  été  baptisés,  qui 
ont  participé  au  corps  de  Jésus-Christ,  et  qui 
ont  fait  l'aumône,  quelque  vie  qu'ils  aient 
menée  d'ailleurs. 

Selon  saint  Augustin  il  y  a  dans  l'autre 
vie  des  peines  temporelles  et  purement  pur- 
gatives, parce  qu'il  y  a  des  personnes  à  qui 
ce  qui  n'est  pas  remis  en  ce  siècle,  est  remis 
en  l'autre,  afin  qu'ils  ne  soient  pas  punis  du 
supplice  étei-nel.  Mais  ceux  qui,  selon  l'an-êt 
du  Sauveur,  v'ont  dans  le  feu  éternel  gui  est 
préparé  pour  le  diable  et  pour  ses  anges,  y  de- 
meureront sans  retour,  de  même  que  le  dia- 
ble et  ses  anges.  «Qui  osera  dire,  en  effet,  dit- 
il,  que  la  sentence  que  Dieu  prononcera  alors 


[IV«  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


323 


contre  les  anges  et  contre  les  hommes,  ne 
sera  vraie  que  pour  les  anges?  L'Évangile 
ne  met-il  pas  en  parallèle  d'un  côté  le  sup- 
plice éfernel,  et  de  l'autre,  la  vie  éter- 
nelle ?  Si  cela  est,  comme  on  n'en  peut  dou- 
ter, n'y  aurait-il  pas  de  l'absurdité  à  pré- 
tendre que,  dans  une  seule  et  même  période, 
la  vie  éterneUe  n'ait  point  de  fin ,  et  le  sup- 
plice éternel  eu  ait  une  ?  Si  les  prières  des 
saints  doivent  être  si  efficaces  au  jour  du 
jugement  dernier,  comme  quelques-uns  se 
l'imaginent,  pourquoi  ne  les  emploieront-ils 
que  pour  les  hommes  et  non  pas  pour  les  an- 
ges, afin  que  Dieu  révoque  son  arrêt,  et  les 
préserve  des  flammes  éternelles  qui  leur  sont 
préparées?  Quelle  raison  aurait  même  l'É- 
glise de  ne  pas  prier  pour  le  diable  et  pour 
ses  anges,  puisque  Dieu,  qui  est  son  maître, 
lui  a  commandé  de  prier  pour  ses  ennemis? 
La  même  raison  qui  empêche  donc  aujour- 
d'hui l'Église  de  prier  pom*  les  mauvais  an- 
ges, qu'elle  sait  être  ses  ennemis,  l'empê- 
chera alors  de  prier  pour  les  hommes  desti- 
nés au  feu  éternel.  Maintenant  elle  prie 
pom-  tous  les  hommes,  parce  que  c'est  le 
temps  d'une  pénitence  utile;  mais  elle  n'est 
exaucée  que  pour  ceux,  qui,  quoique-  ses 
ennemis,  sont  prédestinés  à  devenir  ses  en- 
fants par  le  moyen  de  ses  prières.  Elle  ne 
prie  pas  en  particulier  pour  les  âmes  de 
ceux  qui  meurent  dans  leur  obstination,  et 
qui  n'entrent  point  dans  son  sein.  Pourquoi 
cela?  Sinon  parce  qu'elle  compte  déjà  du 
parti  du  diable,  ceux  qui,  pendant  cette  vie, 
ne  sont  point  passés  à  celui  de  Jésus-Christ.  » 
Il  répond  à  ceux  qui  croyaient  que  les  hé- 
rétiques, ou  les  mauvais  catholiques  seront 
délivrés  des  peines  de  l'enfer  par  la  vertu  des 
sacrements,  a  Saint  Paul,  dit-il,  n'en  a  pas 
jugé  ainsi,  lorsqu'il  a  dit  que  les  fornicateurs, 
les  impudiques,  les  hérétiques,  les  envieux ,  les 
ivrognes,  les  débauchés,  ne  posséderont  point  le 
royaume  de  Dieu.  Quand  Jésus-Christ  a  dit 
que  celui  qui  mange  son  corps,  ne  meurt 
point,  cette  parole  s'entend  seulement  de 
ceux  qui  sont  dans  l'unité  de  ce  corps,  c'est- 
à-dire  qui  en  sont  membres  ;  ce  qui  ne  con- 
vient ni  aux  hérétiques,  ni  aux  schismati- 
ques,  qui  ne  sont  ni  les  uns  ni  les  autres 
dans  le  lieu  de  paix  représenté  par  ce  sacre- 
ment. On  ne  peut  pas  dire  non  plus  que 
ceux  qui  persévèrent  dans  leiu-s  désordres 
jusqu'à  la  fin  de  leur  vie,  puissent  être 
comptés  parmi  les  membres  de  Jésus-Christ, 
p  uisqu'ils  se  font  par  leurs  crimes  les  mem- 


bres d'une  prostituée.  Il  est  vrai  toutefois  que 
les  mauvais  catbohques  ne  se  sont  point  sépa- 
rés de  l'unité  de  Jésus-Christ;  mais,  n'ayant 
point  ajouté  les  œiivres  à  la  foi,  ils  n'ont 
bâti  sur  le  fondement,  qui  est  Jésus-Christ, 
que  du  bois,  du  foin  et  de  la  paille  ;  au  lieu 
que  ceux  à  qui  Jésus-Christ  dira  :  Venez,  vous 
que  mon  Père  a  bénis,  ont  bâti  sur  le  même 
fondement,  de  l'or,  de  l'argent  et  des  pierres 
précieuses.  »  Ce  Père  dit  à  ceux  qui  étaient 
persuadés  que  l'aumône  efface  tous  les  cri- 
mes :  <i  De  même  qu'il  servirait  de  peu  à  celui 
qui  appellerait  son  frère  fou  par  colère  et 
sans  songer  à  le  corriger,  de  faire  des  au- 
mônes, pour  obtenir  le  pardon  de  cette 
faute,  à  moins  de  se  réconciUer  avec  lui 
suivant  le  précepte  de  Jésus -Christ  :  de 
même  il  sert  peu  de  faire  de  grandes 
aumônes  pour  ses  péchés,  quand  on  de- 
meure dans  l'habitude  du  péché.  Si  les 
fautes,  même  légères,  dont  les  plus  "Saints 
ne  sont  pas  exempts  en  cette  vie,  ne  se  par- 
donnent qu'à  condition  que  nous  pardonne- 
rons aussi  à  ceux  qui  nous  ont  offensés  , 
combien  plus  les  crimes  énormes,  quoiqu'on 
cesse  de  les  commettre,  demandent-ils  pour 
être  remis  que  nous  pardonnions  à  nos  frè- 
res? ))  Saint  Augustin  remarque  qu'on  dit  la 
prière  dominicale ,  parce  qu'on  commet  des 
péchés ,  mais  que  Jésus-Christ,  en  nous  la 
donnant,  n'a  pas  entendu  nous  donner  une 
fausse  confiance  en  cette  oraison,  pour  en 
commettre  tous  les  jours  de  nouveaux. 

26.  Il  traite  dans  le  vingt-deuxième  livre 
de  la  béatitude  éternelle  de  la  cité  de  Dieu. 
«Cette béatitude,  dit-il,  est  appelée  éternelle, 
non  parce  qu'elle  doit  durer  longtemps,  mais 
parce  qu'elle  ne  doit  jamais  finir  :  car  il  est 
écrit  dans  l'Evangile  :  Son  royaume  n'aura 
point  de  fin.  L'éternité  de  ce  bonheur  ne 
consistera  pas  en  une  révolution  continuelle 
de  personnes  qui  meurent  et  d'autres  qui 
succèdent  en  leur  place  ,  mais  en  ce  que 
tous  les  citoyens  de  cette  cité  seront  immor- 
tels, et  que  les  hommes  acquerront  ce  que 
les  saints  anges  n'ont  jamais  perdu.  Dieu 
tout-puissant,  qui  en  est  le  fondateur,  fera 
cette  merveille.  Il  l'a  promis  ,  et  pour  en 
confirmer  la  vérité,  il  a  déjà  accompli  beau- 
coup de  choses  qu'il  avait  promises.  C'est 
lui  qui,  dès  le  commencement,  a  créé  le 
monde  rempli  de  tous  les  biens  visibles  et 
intelligibles ,  et  nous  n'y  voyons  rien  de 
meilleur  que  les  esprits  qu'il  a  doués  d'in- 
telligence, rendus  capables  de  le  connaître , 


Marc.  V, 23. 


Analyse  du 
vingt-  àcuxiè- 
n^e  livre,  pag, 

ass. 


324 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


et  joints  ensemble  par  les  liens  d'une  même 
société,  que  nous  appelons  la  cité  sainte  et 
céleste.  C'est  lui  qui  a  donné  un  libre  arbitre 
à  celte  nature  intelligente  ,  en  sorte  que  si 
elle  voulait  abandonner  Dieu,  qui  est  la  sour- 
ce de  sa  béatitude  ,  elle  tomberait  aussitôt 
dans  la  misère.  C'est  lui  qui  a  très-justement 
puni  la  chute  volontaire  d'un  grand  nombre 
de  ces  esprits  célestes,  et  qui  a  donné  à 
ceux  qui  sont  demeurés  attachés  au  souve- 
rain bien,  une  assurance  de  ne  le  perdre  ja- 
mais, comme  la  récompense  de  leur  fidélité. 
C'est  lui  qui  a  créé  l'homme  droit  avec  le 
même  libre  arbitre,  animal  terrestre  à  la  vé- 
rité, mais  digne  du  ciel ,  s'il  demeurait  atta- 
ché à  son  Créateiir,  à  condition  aussi  que 
s'il  s'en  séparait,  il  tomberait  dans  la  misère 
convenable  à  sa  nature.  Prévoyant  de  même 
qu'il  pécherait  en  transgressant  sa  loi,  il  n'a 
pas  v.ûulu  le  priver  de  la  puissance  de  son 
libre  arbitre,  parce  qu'il  prévoyait  le  bien 
qu'il  devait  tirer  de  ce  mal ,  et  qu'il  rassem- 
blerait, par  sa  grâce,  un  si  grand  peuple  de 
cette  race  mortelle  justement  condamnée, 
qu'il  en  pourrait  remplir  les  places  des  an- 
ges prévaricateurs  ;  en  sorte  que  cette  cité 
suprême,  non-seulement  ne  sera  pas  privée 
du  nombre  de  ses  citoyens,  mais  en  aura 
peut-être  même  davantage.  » 

Il  établit  la  béatitude  éternelle  par  divers 
passages  de  l'Écriture,  où  Dieu  la  promet  , 
mais  comme  quelques-uns  s'imaginaient  que 
des  corps  terrestres  ne  pouvaient  demeurer 
dans  le  ciel,  il  leur  dit  que,  la  terre  étant 
pleine  d'esprits  à  qui  des  coi'ps  terrestres 
sont  joints  d'une  manière  admirable,  un 
corps  terrestre  pourra  sans  difficulté  être  en- 
levé parmi  les  corps  célestes,  si  Dieu  le  veut 
ainsi.^  Il  s'appuie  encore  sm-  la  foi  générale 
de  l'Église,  des  doctes  et  des  ignorants,  qui 
croient  que  le  corps  de  Jésus-Christ,  tout 
terrestre  qu'il  était,  a  été  emporté  au  ciel. 
Cl  que  la  chair  de  ceux  qui  ressusciteront 
pour  la  vie  éternelle,  y  montera  aussi.  «  Le 
même  Dieu,  ajoute-t-il,  qui  a  prédit  que  les 
corps  ressusciteraient,  a  prédit  encore  que 
le  monde  le  croirait,  et  il  a  prédit  ces  deux 
choses  longtemps  avant  qu'aucune  des  deux 
arrivât.  Nous  en  voyons  déjà  une  accomplie, 
qui  est  que  le  monde  croirait  la  i-ésurrection 
des  corps  ;  pourquoi  donc  désespérerions- 
nous  de  voir  l'autre,  c'est-à-dire  la  résurrec- 
tion même  des  corps ,  puisque  celle  qui  est 
arrivée  n'est  pas  moins  difficile  à  croire  ?  »  Il 
montre  qu'en  considérant  la  manière  dont 


le  monde  a  embrassé  la  foi  de  la  résurrec- 
tion, elle  paraît  encore  plus  incroyable  que 
la  chose  même  ;  cette  foi  ayant  été  prêchée 
par  un  petit  nombre  d'hommes  grossiers  et 
ignorants,  qui  n'avaient  aucune  teinture  des 
belles-lettres,  point  de  grammaire ,  point  de 
dialectique,  point  de  rhétorique,  en  un  mot, 
de  pauvres  pêcheurs.  Il  rapporte  ce  que  Ci- 
céron  a  dit  de  la  prétendue  divinité  de  Ro- 
mulus,  et  montre  qu'elle  n'a  ni  été  prédite, 
ni  établie  par  des  miracles  comme  celle  de 
Jésus-Christ  ;  qu'il  est  bien  vrai  que  l'histoire 
nous  apprend  qu'on  a  cru  qu'il  avait  été  re- 
çu au  nombre  des  dieux,  mais  que  l'on  n'ap- 
porte aucun  prodige  pour  justifier  la  vérité 
de  cet  apothéose  ;  tandis  que  les  miracles  se 
sont  joints  aux  prophéties  pour  faire  recon- 
naître par  tout  le  monde  la  divinité  de  Jé- 
sus-Christ. 

Pourquoi,  disaient  les  incrédules,  ces  mi- 
racles ne  se  font-ils  plus  maintenant  ?  «  Je 
pourrais  répondre,  dit  saint  Augustin,  qu'ils 
étaient  nécessaires  avant  que  le  monde  crût 
pour  le  porter  à  croire.  A  présent,  quicon- 
que demande  des  prodiges  pour  croire  est 
lui-même  un  grand  prodige  de  ne  pas  croire 
tandis  que  toute  la  terre  croit.  »  Il  remarque 
qu'on  lisait  au  peuple  ces  miracles  tels  qu'ils 
se  trouvent  dans  les  livres  sacrés ,  afin 
qu'ils  les  crussent,  et  qu'on  ne  les  leur  lii'ait 
pas,  si  ces  merveilles  n'avaient  été  crues.  D. 
ajoute  qu'il  se  fait  encore  des  miracles  au 
nom  de  Jésus-Christ,  soit  par  les  sacrements 
ou  par  les  prières  et  les  reliques  ou  mémoi- 
res de  ses  saints  ;  mais  qu'ils  ne  sont  pas  si 
célèbres  que  ceux  qui  sont  rapportés  dans 
les  livres  sacrés.  Il  atteste,  comme  témoin 
oculaire,  la  guérison  d'un  aveugle  par  la 
vertu  des  reliques  des  saints  martyrs  Ger- 
vais  et  Protais  à  Milan.  Il  fut  aussi  témoin 
de  la  guérison  miraculeuse  d'un  avocat  de 
Carthage,  nommé  Innocent.  «  On  lui  avait 
déjà  fait  plusieurs  incisions,  dit-il,  et  quoi- 
qu'elles l'eussent  réduit  à  l'extrémité,  il  fut 
résolu,  de  l'avis  des  médecins,  de  lui  en  faire 
une  nouvelle.  La  nuit  qui  devait  précéder  l'o- 
péi'ation,  plusiem's  évêques,  accompagnés 
de  prêtres  et  de  diacres,  allèrent  visiter  le 
malade,  le  consolant  du  mieux  qu'ils  pou- 
vaient, et  l'exhortant  à  se  confier  en  Dieu 
et  à  se  soumetti-e  à  sa  volonté.  Tous  se  mi- 
rent en  oraison,  et  Innocent,  se  jetant  par 
teiTe  avec  tant  d'impétuosité,  qu'il  semblait 
que  quelqu'un  l'eût  fait  tomber,  commença 
à  prier  avec  tant  de  larmes,  de  gémissements 


[IV"  ET  Y"  SIÈCLES.] 

et  de  sanglots,  que  tous  ses  membres' en 
tremblaient,  et  qu'il  en  était  presque  suffo- 
qué. Je  ne  sais,  continue  saint  Augustin,  si  les 
autres  priaient,  et  si  tout  cela  ne  les  détour- 
nait pas.  Pour  moi,  je  ne  le  pouvais  faire,  et 
je  dis  seulement  en  moi-même  ce  peu  de 
mots  :  Seigneur,  quelles  prières  de  vos  ser- 
viteurs exaucerez-vous,  si  vous  n'exaucez 
celles-ci.  Le  lendemain  matin,  les  méde- 
cins étant  venus,  découvrirent  l'appareil,  et, 
après  avoir  bien  regardé,  ils  trouvèrent  la 
plaie  parfaitement  guérie.  En  la  même  ville 
de  Garthage,  une  dame  de  condition  et  de 
piété,  qui  avait  un  cancer  au  sein,  que  les 
médecins  regardaient  comme  incurable,  fut 
avertie  en  songe  de  prendre  garde  à  la  pre- 
mière femme  qui  se  présenterait  à  elle  au 
sortir  du  baptistère,  et  de  la  prier  de  faire 
le  signe  de  la  croix  sur  son  mal.  Elle  le  fit 
et  fut  guérie  à  l'heure  même.  Un  médecin 
goutteux,  en  la  même  ville,  sortit  des  eaux 
salutaires  du  baptême,  non-seulement  guéri 
des  douleurs  extraordinaires  qu'il  ressentait, 
mais  encore  de  sa  goûte,  sans  qu'il  en  eût 
depuis  aucune  atteinte.  Un  habitant  de  Cu- 
rube  fut  guéri,  dans  les  fonts  baptismaux, 
d'une  paralysie  et  d'une  descente.  Le  tri- 
bun Hespérius,  ayant  remarqué  que  les  es- 
prits malins  tourmentaient  ses  esclaves  et  le 
bétail  qu'il  avait  dans  une  métairie  au  terri- 
toire de  Fussales,  pria  un  des  prêtres  d'Hip- 
pone  de  les  en  chasser  par  ses  oraisons.  Le 
prêtre  y  alla,  offrit  le  sacrifice  du  corps  de 
Jésus-Christ,  faisant  d'ardentes  prières  pour 
faire  cesser  cette  vexation,  et  aussitôt  elle 
cessa  par  la  miséricorde  de  Dieu.  Hespérius 
avait  reçu  d'un  de  ses  amis  un  peu  de  la 
terre  sainte  de  Jérusalem,  où  Jésus-Christ  fut 
enseveli  et  ressuscita  le  troisième  jour.  Ill'a- 
vait  suspendue  dans  sa  chambre  pour  se  ga- 
rantir de  l'infestation  du  démon.  Après  que 
sa  maison  en  fut  délivrée,  il  donna  cette  terre 
à  saint  Augustin  et  à  Maximin,  évêque  de 
Synite,  pour  l'enfouir  en  un  lieu  où  les  chré- 
tiens pussent  s'assembler.  Il  y  avait,  proche 
de  là,  un  jeune  paysan  paralytique  qui,  sur 
cette  nouvelle,  pria  ses  parents  de  le  poi'ter 
sans  différer  en  ce  lieu-là.  Il  n'y  eut  pas  plu- 
tôt fait  son  oraison  qu'il  s'en  retourna  par- 
faitement guéri.  » 

Saint  Augustin  rapporte  d'autres  miracles 
faits  de  son  temps  et  dans  son  diocèse,  au- 
près d'une  châsse  de  deux  martyrs  de  Milan, 
Gervais  et  Protais,  et  de  quelques  autres  mar- 
tyrs, entre  autres  de  saint  Etienne,  dont  l'é- 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


323 


vêque  Projectus  avait  apporté  des  reliques  à 
Tibile.  Une  femme  aveugle,  de  ces  quartiers- 
là,  pria  qu'on  la  menât  à  l'évêque  qui  possé- 
dait ce  sacré  dépôt  :  elle  donna  des  fleurs 
qu'elle  portait  pour  les  faire  toucher  aux  re- 
liques, mais  lorsqu'on  les  lui  eût  rendues, 
elle  les  appliqua  sur  ses  yeux  et  recouvra  la 
vue  aussitôt.  Euchaire,  prêtre  d'Espagne, 
qui  demeurait  à  Calame,  fut  guéri  d'une 
pierre  par  les  reliques  du  même  martyr  que 
l'évêque  Possidius  avait  apportées  en  cette 
ville.  Une  religieuse  de  Caspale,  étant  déses- 
pérée des  médecins,  on  porta  sa  robe  à  la 
châsse  des  reliques  de  ce  saint,  mais  il  arri- 
va que  la  religieuse  mourut  avant  qu'on  l'eût 
rapportée.  Ses  parents  ne  laissèrent  pas  d'en 
couvrir  son  corps  ;  elle  ressuscita  et  fut  gué- 
rie. Le  fils  d'un  certain  Irénée ,  collecteur 
des  tailles,  étant  mort  à  Hippone,  comme 
on  se  préparait  à  ses  funérailles,  un  des 
amis  du  père  lui  conseilla  de  faire  frotter 
son  fils  de  l'huile  du  même  martyr,  ce  qui 
ayant  été  fait,  l'enfant  ressuscita. 

Saint  Augustin  ajoute  que  s'il  voulait  rap- 
porter toutes  les  guérisons  qui  se  sont  faites 
à  Calame  et  à  Hippone  par  le  glorieux  mar- 
tyr saint  Etienne,  il  en  faudrait  faire  plu- 
sieurs volumes.  «  Encore  ne  serait-ce,  dit-il, 
que  celles  dont  on  a  fait  des  relations  pour 
les  lire  au  peuple.  Car  nous  avons  ordonne 
qu'on  en  fit,  voyant  arriver  de  notre  temps 
plusieurs  miraules  semblables  à  ceux  d'au- 
trefois, et  jugeant  qu'il  n'en  fallait  pas  lais- 
ser perdi'e  la  mémoire.  Or,  il  n'y  a  pas  en- 
core deux  ans  que  cette  relique  est  à  Hip- 
pone, et  quoiqu'on  n'ait  pas  dressé  des  re- 
lations de  tous  les  miracles  qui  se  sont  faits 
depuis ,  il  s'en  trouve  néanmoins  près  de 
soixante-dix,  lorsque  j'écris  ceci.  Mais  à 
Calame,  où  les  reliques  de  ce  saint  martyr 
sont  bien  auparavant  et  où  l'on  a  soin  de 
faire  ces  relations,  le  nombre  en  monte  bien 
plus  haut.  Il  s'est  fait  aussi  plusieurs  mira- 
cles à  Uzales  par  les  reliques  du  même  mar- 
tyr, que  l'évêque  Évodius  y  a  apportées.  En 
voici  un,  continue  ce  Père,  qui  est  arrivé 
parmi  nous,  et  qui  est  connu  de  toute  la  ville 
d'Hippone.  Dix  enfants,  dont  il  y  a  sept  gar- 
çons et  trois  filles,  natifs  de  Césarée  en  Cappa- 
doce,  ayant  été  maudits  par  leur  mère,  pour 
quelques  outrages  qu'elle  en  avait  reçus,  fu- 
rent frappés  d'un  tremblement  de  membi'es 
qui  les  obhgea,  pour  éviter  la  confusion 
qu'ils  en  recevaient  dans  leur  pays,  d'aller 
çà  et  là  dans  tout   l'empire  romain;  il  en 


326 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


■\ànt  deux  à  Hippone  quelques  jours  avant  la 
fête  de  Pâques,  un  frère  et  une  sœur,  Paul 
et  Palladie.  Ils  visitaient  tous  les  jours  l'é- 
glise ,  où  il  y  avait  des  reliques  de  saint 
Etienne,  priant  Dieu  de  leur  rendre  la  santé. 
Le  jour  de  Pâques,  comme  le  jeune  homme 
tenait  les  balustres  du  lieu  où  étaient  les  re- 
liqpies  du  martyr,  il  tomba  tout  à  coup,  et 
demeura  par  terre  comme  endormi.  Ensuite 
il  se  leva  sur  ses  pieds  sans  trembler,  étant 
parfaitement  guéri.  Toute  l'église  retentit  de 
cris  de  joie;  et  comme  j'en  rendais  grâces  à 
Dieu  en  moi-même,  le  jeune  homme  vint  se 
jeter  à  mes  pieds  :  je  l'embrassai  et  le  rele- 
vai. Il  dîna  avec  nous,  et  nous  raconta  en 
détail  toute  l'histoire  de  son  malheur,  de  ce- 
lui de  ses  frères  et  de  sa  mère.  Trois  jours 
après,  je  fis  mettre  le  fi-ère  et  la  sœur  sur 
les  degrés  du  lieu  où  je  montai  pour  parler 
au  peuple,  afin  qu'on  les  pût  voir.  Lorsqu'on 
eut  achevé  de  lire  la  relation  de  ce  miracle, 
je  les  fis  retirer.  A  peine  cette  jeune  fille 
fut-elle  descendue  des  degrés  où  je  l'avais 
fait  mettre,  qu'elle  alla  à  la  châsse  du  mar- 
tir  y  faire  ses  prières.  Aussitôt  qu'elle  en 
eut  touché  les  barreaux,  elle  tomba  comme 
son  frère,  et  se  releva  parfaitement  saine. 
Tous  ces  miracles  rendent  témoignage  à  la 
foi  qui  prêche  que  Jésus-Christ  est  ressus- 
cité avec  un  corps.  C'est  en  soutenant  la 
même  foi ,  que  les  martyrs  se  sont  attirés  la 
haine  et  les  persécutions  du  monde,  qu'ils  ont 
vaincu,  non  en  résistant,  mais  en  mourant.  » 
Les  païens  objectaient  contre  la  résurrec- 
tion des  corps,  l'inconvénient  qu'il  y  aurait 
que  tous  ressuscitassent  dans  le  même  étal 
et  avec  les  mêmes  défauts  où  ils  se  sont 
trouvés  en  mourant ,  et  l'impossibilité  de 
réunir  toutes  les  parties  d'un  coi'ps,  ou  ré- 
duites en  poussière,  ou  dispersées  çà  et  là. 
Saint  Augustin  leur  répond  :  «  Les  petits 
enfants  recewont  en  un  instant,  par  la  toute- 
puissance  de  Dieu,  l'accroissement  où  ils 
devaient  arriver  avec  le  temps;  chacmi 
ressuscitera  aussi  grand  qu'il  était,  ou  qu'il 
aurait  été  dans  sa  jeunesse  ;  les  deux 
sexes  ressusciteront  également  chacun  dans 
leur  nature,  mais  le  vice  sera  alors  ôfé 
au  corps  ;  les  corps  n'auront  aucun  dé- 
faut lorsqu'ils  ressusciteront ,  le  Créateur 
suppléant  ce  qui  manquera,  ou  ôtaut  ce  qui 
se  trouvera  de  superllu;  rien  ne  sera  tel- 
lement caché  dans  le  sein  de  la  nature , 
qu'il  puisse  se  dérober  à  la  connaissance 
ou  au  pouvoir  du  Créateur;  il  lui  sera  fa- 


cile de  rappeler  toutes  les  parties  d'un 
corps ,  qui  ont  été  ou  dévorées  par  les 
bêtes,  ou  consumées  par  le  feu,  ou  changées 
en  poussière  ,  en  eau  ou  en  air;  les  corps 
des  bienheureux  ressusciteront  spirituels, 
c'est-à-dire  leur  chair  sera  revêtue  d'in- 
corruption  et  d'immortalité,  et  qu'en  cet  état 
elle  sera  soumise  à  l'esprit.  » 

Saint  Augustin  entre  dans  le  détail  des 
misères  de  cette  vie,  qu'il  fait  envisager 
comme  des  peines  du  péché  du  premier 
homme,  et  dont  il  dit  qu'on  ne  peut  être  dé- 
livré que  par  la  grâce  de  Jésus-Christ.  Il  re- 
marque qu'outre  les  maux  qui  sont  com- 
muns aux  bons  et  aux  méchants,  les  gens 
de  bien  en  ont  de  particuliers  à  essuyer  dans 
la  guerre  continuelle  qu'ils  font  à  leui's  pas- 
sions; mais  que  cette  guerre  fait  partie  des 
maux  qui  sont  la  suite  du  péché  du  premier 
homme.  A  tous  ces  maux,  il  oppose  les 
biens  par  lesquels  Dieu  en  a  voulu  tempérer 
la  rigueur.  Il  met  au  nombre  de  ces  biens 
la  bénédiction  qu'il  a  continuée  au  geni'e 
humain  pour  croître  et  multiplier  ;  l'enten- 
dement, la  raison  et  l'inteUigence  qu'il  a 
conservés  à  l'homme  ;  l'industrie  pour  tou- 
tes soi'tes  d'arts,  et  un  grand  nombre  de 
connaissances  également  belles  et  utiles.  Il 
examine  les  sentiments  de  Platon,  de  Por- 
phyre et  de  Varron,  et  croit  qu'on  peut  tirer 
de  leurs  écrits  à  peu  près  ce  que  nous 
croyons  de  la  résurrection  de  la  chair.  Mais 
il  ne  veut  pas  décider  si  les  bienheureux 
ressuscites  verront  Dieu  avec  les  yeux  du 
corps,  l'Écriture  ne  déterminant  rien  sur  ce 
sujet.  Tout  ce  qu'il  en  dit,  c'est  que  Dieu 
leur  sera  si  connu  et  si  sensible ,  qu'ils  le 
verront  par  l'esprit  au  dedans  d'eux-mêmes, 
dans  les  autres,  dans  lui,  dans  le  ciel  nou- 
veau, dans  la  terre  nouvelle,  eu  un  mol, 
dans  toute  créature  qui  sera  alors,  et  qu'ils 
le  verront  aussi  parle  corps  dans  tout  corps. 
De  quel  côté  qu'ils  jettent  les  yeux  sm-  la  fé- 
licité des  bienheureux,  elle  ne  sera  traver- 
sée d'aucun  mal,  et  l'on  n'y  aura  point 
d'autre  occupation  que  de  chanter  les 
louanges  de  Dieu  ,  qui  sera  toutes  choses  en 
tous.  «  En  etlet,  dit-il ,  que  ferait-on  autre 
chose  dans  un  lieu  où  il  n'y  aura  ni  paresse 
ni  indigence?  Heureux,  dit  le  Prophète, cet/o^ 
qui  habitent  clans  votre  maison.  Seigneur,  ils 
vous  loueront  éternellement.  Toutes  les  parties 
de  notre  corps  qui  sont  maintenant  destinées 
à  certains  usages  nécessaires  à  la  Aie,  n'en 
auront  point  d'autre  que  de  concourir  aux 


[IV"  ET  V'^  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


327 


Psal, 
m,  I. 


louanges  de  Dieu.  Cette  harmonie  du  corps 
qui  nous  est  maintenant  cachée,  se  décou- 
vrant alors  à  nos  yeux  avec  une  infinité 
d'autres  choses  admirables,  nous  échauffe- 
ra d'une  sainte  ardeur  pour  louer  haute- 
ment un  si  grand  ouvrier.  Le  corps  sera 
aussitôt  où  l'esprit  voudi-a,  et  il  ne  voudra 
rien  qui  soit  méséant  au  corps  ou  à  l'âme. 
Là  se  trouvera  la  vraie  gloire,  il  n'y  aura  ni 
erreur  ni  flatterie.  Là  aussi  se  trouvera  le 
véritable  honneur,  puisqu'on  ne  le  refusera 
à  aucun  qui  le  méritera,  et  qu'il  ne  sera  dé- 
féré à  aucun  qui  ne  le  méritera  pas.  La  véri- 
table paix  s'y  trouvera  encore,  puisqu'on  ne 
souffrira  rien  de  contraire,  ni  de  soi-même 
ni  des  autres.  Celui  qui  est  l'auteur  de  la 
vertu  en  sera  la  récompense,  parce  qu'il  n'y 
a  rien  de  meilleur  que  lui,  et  qu'il  l'a  pro- 
mis. Il  sera  la  fin  de  nos  désirs  :  on  l'aimera 
sans  dégoût  :  on  le  louera  sans  lassitude. 
Cette  occupation  sera  commune  à  tous,  aus- 
si bien  que  la  vie  éternelle.  Quoiqu'on  ne 
sache  pas  quel  sera  le  degré  de  gloire  pro- 
portionné au  mérite  de  chacun,  il  n'y  a 
point  de  doute  que  ces  degrés  ne  soient  dif- 
férents. Mais  un  des  grands  biens  de  cette 
cité,  c'est  que  l'on  ne  portera  point  envie  à 
ceux  qu'on  verra  au-dessus  de  soi,  comme 
maintenant  les  anges  ne  sont  point  envieux 
de  la  gloire  des  archanges.  Il  ne  faut  pas  s'i- 
maginer que  les  bienheureux  n'auront  point 
de  libre  arbitre,  parce  qu'ils  ne  pourront  pren- 
dre plaisir  au  péché  :  ils  seront  au  contraire 
d'autant  plus  libres  qu'ils  seront  délivrés  du 
plaisir  de  pécher,  pour  en  prendre  invariable- 
ment à  ne  plus  pécher  :  qualité  qu'ils  n'auront 
pas  d'eux-mêmes,  mais  du  bienfait  de  Dieu. 
De  cette  sorte  que  l'homme  ne  pourra  pas  plus 
perdre  sa  vertu  que  sa  félicité.  11  n'en  sera 
pas  moins  libre  pour  cela,  puisqu'on  ne 
saurait  dire  que  Dieu  n'a  point  de  libre  ar- 
bitre sous  prétexte  qu'il  ne  saurait  pécher. 
L'âme  se  souviendra  néanmoins  de  ses  maux 
passés,  mais  seulement  quant  à  la  connais- 
sance qu'elle  en  aura,  et  non  quant  au  sen- 
timent, car  les  bienheureux  seront  exempts 
de  tous  maux.  En  effet,  s'ils  ne  se  souve- 
naient pas  d'avoir  été  misérables,  et  s'ils  ne 
connaissaient  même  la  misère  éternelle  des 
damnés,  comment,  selon  lePsalmiste,  chan- 
teraient-ils éternellement  les  miséricordes 
de  Dieu  ?  Dans  cette  cité  divine,  cette  parole 
sera  accomplie  :  Tenez-vous  en  repos,  et  recon- 


naissez que  je  suis  Dieu,  c'est-à-dire  que  l'on 
y  jouira  de  ce  grand  sabbat  qui  n'aura  point 
de  soir,  et  où  Dieu  nous  fera  reposer  en 
lui  ?  )) 

27.  Les  pièces  que  l'on  a  mises  dans 
l'Appendice  du  septième  tome,  ont  rapport  à 
la  découverte  des  reliques  de  saint  Etienne. 
La  première  est  une  lettre  d'Avite,  prêtre 
espagnol,  adressée  à  Balcone,  évêque  de 
Brague  en  Portugal,  et  à  toute  son  Église. 
Avite  était  à  Jérusalem  vers  le  temps  que  se 
fit  la  découverte  des  reliques  de  saint  Etien- 
ne. Il  en  demanda  quelques  parties  à  Lucien 
avec  la  relation  de  la  manière  dont  le  corps 
de  ce  saint  martyr  avait  été  trouvé.  Lucien 
lui  donna  en  secret,  non-seulement  des  cen- 
dres du  corps  de  saint  Etienne,  mais  aussi 
quelques  os  pleins  d'une  onction,  dit  Avite, 
qui  était  une  preuve  visible  de  leur  sainteté. 
Elle  surpassait  les  parfums  nouvellement 
faits  et  les  odeurs  les  plus  agréables.  Avite 
envoya  ce  riche  présent  à  l'Église  de  Brague 
dont  il  était  prêtre,  dans  l'espérance  que  ce 
premier  martyr  obtiendrait  de  Dieu,  ou 
l'expulsion  des  barbares  qui  ravageaient 
alors  toute  l'Espagne,  ou  l'adoucissement  de 
leurs  esprits  inhumains.  Orose,  qui  s'en  re- 
tournait alors  en  Espagne,  fut  le  porteur  de 
ce  riche  trésor.  Avite  le  chai-gea  en  même 
temps  d'une  lettre  pour  Balcone,  et  de  la 
relation  de  Lucien  qu'il  avait  traduite  en  la- 
tin, afin  qu'on  ne  pût  douter  de  la  vérité 
des  reliques  qu'il  avait  confiées  à  Orose. 
Gennade  '  fait  mention  de  cette  lettre  d'Avite 
et  de  sa  traduction  de  la  relation  de  Lucien. 

28.  Ce  témoignage  de  Gennade  pourrait 
suffire  pour  rendre  certaiire  et  authentique, 
la  relation  que  Lucien  a  faite  de  la  décou- 
verte du  corps  de  saint  Etienne  ;  mais  il 
n'est  pas  le  seul  qui  en  ait  parlé.  Elle  est 
citée  dans  la  Chronique  deMarcellin,  et  dans 
les  Fastes  d'Idace.  Il  faut  bien  qu'elle  ait  été 
très-connue  du  temps  de  saint  Augustin, 
puisque  ce  Père,  dans  son  120°  traité  sur 
saint  Jean,  dit  que  presque  toutes  les  na- 
tions savaient  alors,  par  la  révélation  du 
corps  de  saint  Etienne,  que  Nicodème  était 
devenu  disciple  de  Jésus -Christ.  Il  parle 
aussi  de  cette  relation  dans  deux  de  ces  dis- 
cours, savoir  dans  le  trois  cent  dix-huitiè- 
me et  le  trois  cent  dix-neuvième.  Le  Véné- 
rable Bède  en  a  copié  un  fort  long  passage  ^ 
dans  ses  Rétractations  sur  les  Actes  ;  et  on  en 


Écrils  iou- 
chant  l'iaven- 
lion  des  reli- 
ques do  saint 
Éliennc. 

Lettre  d'A- 
vite. in  Ap- 
pend. 


1  Gennad.,  lih.  Vir,  illust.,  cap.  xl. 


2  Bède,  toii].  VI,  pag.  13. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


328 

trouve  diverses   choses   dans  une   homélie 
qui  porte  le  nom  d'Eusèbe  d'Emèse  '.  Lu- 
cien, auteur  de  cette  relation,  était  prêtre 
de  Jérusalem,  et  curé  d'un  heu  appelé  Ca- 
phargamala   où   reposaient  les  reliqnes  de 
saint  Etienne.  Un    vendredi,  troisième    de 
décembre,  sous  le  dixième  consulat  d'Hono- 
rius,  et  le  sixième  de  Théodose,  c'est-à-dire 
en  l'an  415,  Gamaliel  lui  apparut  en  songe 
sm'  les  huit  heures  du  soir,  et  lui  déclara 
cil    étaient   son   corps ,   et   ceux   d'Abibas 
son  fils,   de  saint  Etienne,   et  de  Nicodè- 
me ,  lui  recommandant  de  ne    les  laisser 
pas  plus  longtemps  dans  le  tombeau  néghgé 
où  ils  étaient  ;  mais  de  dire  à  Jean,  évèque 
de  Jérusalem,  de  venir  ouvrir  leurs  tom- 
beaux  pour   détourner  les   maux    dont  le 
monde  était  menacé.  Lucien,  s'étant  éveillé 
après  cette  apparition,  se  prosterna  en  terre 
pour  prier,  et  dit  à  Jésus-Christ  que  si  la 
vision  qu'il  avait    eue  venait  de  lui,  il  lui 
plût  de  la  lui  réitérer  encore  deux  fois.  Ce- 
pendant il  se  prépara  à  cette  grâce  par  le 
jeûne,  ne  mangeant  que  des  viandes  sèches, 
et  ne  buvant  que  de  l'eau.  Il  vécut  de  la 
sorte  jusqu'au  vendredi  suivant,  dixième  dé- 
cembre, jour  où  Gamaliel  lui  apparut  sous  la 
même  forme  que   la  première   fois.  Après 
avoir  reproché  à  Lucien  sa  désobéissance, 
il  lui  montra  sous  la  figure  de  quatre  cor- 
beilles pleines  de  fleurs,  dont  trois  étaient 
d'or,  et  la  quatrième  d'argent,  les  différents 
mérites    des  quatre   saints  dont   les  corps 
étaient  dans  le  même  tombeau.  Lucien  ren- 
dit grâces  à  Dieu  ;  et  ayant  continué    son 
jeûne  jusqu'au  troisième  vendredi,  dix-sep- 
tième décembre,  Gamaliel  lui  apparut  pour 
la  troisième  fois,  à  la  même  heure.  S'étant 
éveillé,  Lucien  alla  promptement  à  Jérusalem 
trouver  Jean,  à  qui  il  raconta  tout  ce  qui 
lui  était  arrivé.  L'évêque  ne   pouvant  pas 
venir  lui-même  à  Capharmagala,  parce  qu'il 
devait  se  trouver  au  concile  de   Diospohs, 
dit  à  Lucien  de  faire  creuser  à  un  tas  de 
pierres  qu'il  lui  marqua  ;  et  de  l'avertir,  s'il 
trouvait   quelque   chose.    Le  lendemain  18 
décembre,   Gamaliel  apparut  la  uuit   à  un 
moine  fort  simple,  nommé  Migécius,  et  lui 
marqua  expressément  le  lieu  où  lui  et  les 
autres    étaient    enterres ,    particulièrement 
saint  Etienne.  Lucien  fit  creuser  à  l'endroit 
que  Jean  lui  avait  désigné  ;   mais  n'ayant 
rien  trouvé,  il  envoya  les  ouvriers  au  lieu 


que  Migécius  lui  indiqua.  Il  y  trouva  le  jour 
même  le  trésor  qu'il  désirait  selon  la  révé- 
lation qu'il  en  avait  eue*  de  Dieu.  Il  y  avait 
dans  le  tombeau  une  pierre,  sur  laquelle  on 
avait  gravé  quatre  mots  hébreux,  qui  signi- 
fiaient Etienne,  Nicodème,  Gamaliel  et  Abi- 
bas  son  fils.  Lucien  ayant  trouvé  les  corps 
de  ces  saints,  en  avertit    aussitôt  Jean  de 
Jérusalem,  qui  vint  du  concile  de  Diospohs 
avec  les  évêques  de  Sébaste  et  de  Jéricho. 
Ils  ouvrirent  le  cercueil  de  saint  Etienne,  et 
en  même  temps  la  terre  trembla.  On  sentit 
une  odeur  excellente,  et  un  grand  nombre 
de  malades  furent  guéris.  Il  y  en  eut  même 
qui  furent  délivrés  du  démon.  Les  évêques 
après  avoir  baisé  les  reliques,  refermèrent 
le  cercueil,  que  l'on  transpoi-ta  au  chant  des 
psaumes   et    des   hymnes   dans  l'Église  de 
Sion.  A  la  même  heure  il  tomba  une  pluie 
abondante  qui  humecta  la   terre  extrême- 
ment aride  par  une  longue  sécheresse.  Jean 
de    Jérusalem   laissa    quelques-uns  des    os 
avec  les  cendres  du  saint  martyr  à  Caphar- 
magala. Telle  est  en  abrégé  la  relation  que 
Lucien  a  faite  de  l'invention  des  reliques  de 
saint  Etienne.  Il  l'écrivit  en  grec,  et  l'adressa 
à  toute  l'Église,  afin  de  faire  part  à  tous  les 
fidèles  des  merveilles  dont  il  avait  été  té- 
moin oculaire.  Les  dernières  lignes  ne  s'a- 
dressent point  à  toute  l'Eglise,  mais  à  quel- 
ques particuliers  :  ce  qui  donne  lieu  de  croire 
que  c'est  Avite  qui  y  parle  à  l'évêque  et  au 
peuple  de  l'Éghse  de  Brague,  à  qui  il  adres- 
sait la  relation  de  Lucien.  Ce  qui  le  persuade 
encore,  c'est  que  cette  fin  ne  se  ht  pas  dans 
le  manuscrit  de  Fleury. 

29.  Suit  dans  l'Appendice,  une  lettre  d'A- 
nastase  le  Bibliothécaire ,  à  Landuléus , 
évèque  de  Capoue,  où  il  lui  marque  qu'il 
avait  traduit  en  latin  l'Histoire  de  la  trans- 
lation des  reliques  de  saint  Etienne,  de  Jé- 
rusalem à  Constantinople,  et  où  il  lui  re- 
commande cette  histoire  comme  quelque 
chose  de  bon.  Elle  a  été  connue  et  reçue 
de  Nieéphore  ^,  et  des  autres  grecs  posté- 
rieurs. On  ne  doute  pas  néanmoins  que  ce 
ne  soit  une  pièce  supposée.  1°  L'auteur  de 
cette  histoire  met  la  translation  de  ces  reli- 
qnes à  Constantinople,  à  peu  près  dans  le 
temps  où  elles  furent  découvertes  par  Jean 
de  Jérusalem.  Nieéphore  dit,  au  contraire, 
que  ces  reliques  furent  apportées  à  Cons- 
tantinople   sous   le  règne  de    Constantin  ; 


Ledrn  c 
naslasc  à  I 

11. 


1  Eiiseb.  Eiiips,  Eomil.  3,  pag.  8. 


2  Niceph.,  lib.  \IV,  cap.  iv. 


[IV*  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


329 


mais  qu'une  partie  étant  restée  en  Pales- 
tine, y  fut  trouvée  par  Lucien.  2°  Il  est  dit 
dans  cette  histoire  cpie  le  tombeau  de  saint 
Etienne  fut  mis  dans  l'oratoire  bâti  par 
Alexandre ,  sous  le  dixième  consulat  de 
l'empereur  Constantin  :  or,  il  est  certain  par 
les  fastes ,  que  ce  prince  ne  fut  que  huit 
fois  consul.  3°  Saint  Cyrille  y  est  marqué 
évéque  de  Jérusalem,  en  même  temps  que 
Constantin,  surnommé  le  Grand,  occupait 
l'Empire  ;  ce  qiii  est  insoutenable,  puisque 
saint  Cyrille  ne  fut  élevé  à  l'épiscopat  que 
sous  le  règae  de  Constance. 
Leiiro  do       30.  Mais  il  n'y  a  aucun  lieu  de  douter  de 

cvere  à  toute  *^ 

Efiise,  pas--  la  vérfté  de  la  lettre  de  Sévère,  évêque  de 
l'île  de  Minorque,  puisqu'elle  est  citée  dans 
le  premier  livre  des  miracles  de  saint  Etienne 
fait  par  l'ordre  de  saint  Évodius.  Cette  let- 
tre est  adressée,  comme  la  relation  de  Lu- 
cien, à  toute  l'Eglise.  Sévère  l'écrivit  au 
mois  de  février  de  l'an  418,  peu  après  qu'il 
eût  été  fait  évêque.  C'est  une  relation  des 
miracles  qui  se  firent  dans  l'île  de  Minorque 
par  les  reliques  de  saint  Etienne.  Elles  y 
avaient  été  apportées  par  le  saint  prêtre 
Orose,  que  Sévère  ne  nomme  pas,  mais  qu'il 
désigne  assez,  en  disant  que  ce  prêtre  y 
était  abordé  de  Jérusalem  ;  qu'il  avait  ré- 
solu de  porter  en  Espagne  les  reliques  dont 
il  était  chargé,  et  que  n'ayant  pu  y  passer 
à  cause  que  les  Goths  et  les  Vandales  l'oc- 
cupaient toute  entière,  il  s'en  était  retourné 
en  Afrique,  laissant  les  reliques  qu'il  portait 
dans  l'église  de  Magone,  l'une  des  deux  vil- 
les de  l'île  de  Minorque.  Il  y  avait  dans  cette 
ville  un  grand  nombre  de  Juifs,  et  ils  étaient 
même  les  plus  qualifiés  du  lieu.  Mais  il  n'y 
en  avait  aucun  dans  la  seconde  ville  de  Mi- 
norque nommée  Jammone  ,  persuadés  qii'ils 
n'y  pourraient  vivre.  La  présence  de  ces  re- 
liqnes  excita  le  zèle  des  chrétiens  de  Ma- 
gone ;  et  ils  commencèrent  par  toute  la  ville 
à  disputer  sur  la  religion  avec  les  Juifs.  Le 
jour  ayant  été  marqué  pour  une  confé- 
rence publique,  les  chrétiens,  pour  s'y  pré- 
parer, dressèrent  un  mémoire  des  princi- 
paux points  de  la  dispute. 'Les  Juifs  prièrent 
un  de  leurs  principaux,  nommé  Théodore, 
de   s'y  trouver  avec    Théodose   qui    avait 

1  Eodem  namque  die  in  quo  ingressœ  sunt  Ec- 
clesiam  beati  Stephani  reliquice,  in  ipso  princi- 
pio  canonicariim  lectionum,  epistola  ad  nos  quo- 
que  delata  cujusdam  sancti  Episcopi,  Severi  no- 
mine,  Minoriensis  inswlce ,  de  pulpito  in  aures 
Ecclesiœ  cum  ingenti  favore  recitata  est  :  quœ 


parmi  eux  la  dignité  de  patriarche.  Sévère 
y  vint  de  Jammone  où  il  faisait  sa  résidence 
ordinaire.  Le  fruit  de  cette  conférence,  qui 
dura  plusieurs  jours,  fut  que  cinq  cents  qua- 
rante personnes  se  convertirent,  frappés  des 
miracles  qui  se  faisaient  par  les  reliques  de 
saint  Etienne.  Aussitôt  après,  les  Juifs  con- 
vertis commencèrent  à  détruire  ce  qui  res- 
tait de  leur  synagogue  qui  avait  été  brûlée 
avec  tous  ses  ornements,  excepté  les  livres 
de  l'argenterie,  et  bâtirent  une  nouvelle 
église,  non-seulement  à  leurs  dépens,  mais 
de  lem's  propres  mains.  Sévère  raconte  les 
prodiges  qui  arrivèrent  en  cette  occasion. 

31.  La  relation  de  Sévère  fut  bientôt  ap-       umsies 

,  *-         Miraclcb       do 

portée  en  Afrique,  où  Evodius,  évêque  d'U-  sniniEiienno, 
zales,  ancien  ami  de  saint  Augustin,  la  fit  lire 
pubhquement  [dans  l'Église,  le  jom'  même 
qu'il  y  reçut  solennellement  des  reliques  de 
saint  Etienne  ' .  Comme  elle  contenait  le 
détail  des  miracles  qui  s'étaient  opérés  en 
présence  d'une  autre  partie  des  reliques  du 
même  saint  martyr  dans  l'île  de  Minorque, 
elle  fut  écoutée  du  peuple  d'Uzales  avec  beau- 
coup de  ferveur  et  de  dévotion.  Les  reliques 
apportées  à  Uzales,  consistaient  en  une  fiole 
où  il  y  avait  des  gouttes  de  sang  de  saint 
Etienne,  et  de  petits  fragments  d'os,  comme 
des  pointes  d'épis.  Évodius  alla  les  recevoir 
à  une  lieue  de  la  ville  d'Uzales,  où  était  la 
mémoire  de  deux  anciens  martyrs,  Félix  et 
Gennade.  Après  c[u'il  eût  célébré  les  saints 
mystères  en  ce  lieu  il  en  partit  assis  dans 
un  char,  ayant  des  reliques  du  saint  sur  ses 
genoux,  accompagné  d'une  multitude  infinie 
de  peuple  divisé  en  plusieurs  chœurs,  por- 
tant des  cierges  et  des  flambeaux,  chantant 
des  psaumes  et  répétant  souvent  ces  paro- 
les :  Béni  soit  celui  qui  vient  au  nom  du  Sei- 
gneur. Ils  marchèrent  en  cet  ordre  jusqu'à 
Uzales,  où  ils  arrivèrent  le  soir.  L'évêque 
déposa  les  rehques  dans  l'éghse  de  la  ville 
sous  l'abside,  c'est-à-dire  dans  le  sanc- 
tuaire, et  les  plaça  sur  un  trône  orné  de 
tentures,  avec  un  linge  qui  les  couvrait.  El-  - 
les  furent  mises  ensuite  sur  un  petit  lit, 
dans  un  heu  fermé,  où  il  y  avait  des  portes  • 
et  une  petite  fenêtre  par  où  on  faisait  tou- 
cher des  linges,  qui  guérissaient  les  mala- 

continebat  gloriosi  Stephani  virtutes,   quas  in 
insula  memorata  per  prœsentiam  reliquiarum 
suarnm  in  s'alutem  omnium,  illio  credentium per-    ■ 
fecerat  Judœorum.  Lib.  I  De  Mirac.  Stephan., 
cap.  n. 


330 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


dies.  On  mit  devant    la  mémoire  de  saint 
Etienne  un  voile  donné  par  un  homme  in- 
connu, où  le  saint  était  peint  '  ,  portant  sur 
ses  épaules  une  croix,  de  la  pointe  de  la- 
quelle il  frappait  la  porte  de  la  ville,  et  en 
chassait  un  dragon.  Évodius  avait  d'abord 
séparé  une  partie  des  reliques,  et  les  avait 
mises    dans  son  monastère,  eu  une   petite 
châsse    d'argent,    pour   les  transporter    en 
une  église  de  son  diocèse  qu'il  avait  retirée 
des  donatistes.  Mais    la  veille  qu'il  devait 
faire  cette  translation,  le  peuple  d'Uzales  s'y 
opposa  et  l'obligea  même  de  promettre  avec 
serment,  qu'il  n'enlèverait  rien  des  reliques 
de  saint  Etienne.  Évodius  remit  donc  cette 
partie  des  reliques  avec  les  autres.  Comme 
il  les  portait  de  son  monastère  à  l'église, 
un  aveugle  toucha  la  châsse  d'argent  qui  les 
renfermait,  et  recouvra  aussitôt  la  vue.  Un 
autre  aveugle  ayant  été  guéri,  laisssa  pour 
offrande  une  lampe  d'argent.  Il  se  fit  à  Uzales 
un  grand  nombre  d'autres  miracles,  et  on  y 
venait  de  tous  côtés.  Pour  en  conserver  la 
mémoire,   Évodius  les  fit  écrire  par  un  de 
ses  clercs,    qui,  ne  pouvant  les    rapporter 
tous,   choisit  les  plus  connus,  dont  il  fit  un 
livre,  où  il  proteste  ^  qu'il  n'a  travaillé  qu'à 
rapporter  les  faits  avec  toute  la  vérité  et  la 
simplicité  possible,  ayant  même  mis  quel- 
quefois les  propres  termes  dont  les  malades 
s'étaient  servis.  ((  Car  les  personnes  sages  et 
religieuses  aiment  toujours  mieux,  dit-il,  la 
vérité,  quelque  barbares  que  soient  les  ter- 
mes dont  on  l'exprime,  que  le  mensonge 
orné  des  expressions  les  plus  éloquentes  et 
les  plus  polies.  »  Il  assure'  qu'il  avait  été  pré- 
sent lorsqu'on  apporta  les  reliques  de  saint 
Etienne  dans  la  ville  d'Uzales.  Quelquefois,  il 
adresse  son  discours  à  Évodius  ;  ce  qui  fait 
voir  que  cet  évêque  n'est  point  auteur  de  ce 
recueil  ;  et  d'autres  fois  il  l'adresse  à  ses  pè- 
res et  à  ses  frères.  L'auteur  le  composa  pour 
être  lu  publiqiiement  le  jour  de  la  fête  de 
saint  Etienne  *.  Ou  lut  en  effet  ces  miracles, 
et  après  la  lecture  de  chacun  d'eux  on  faisait 
monter  ^  au  jubé  la  personne  dont  on  venait  de 


'  Dédit  ergo  subdiacono  vélum  variis  pictum 
coloribus,  in  quo  inerat  pictiira  hœc.  In  dextera 
veli  parte  ipse  sanctus  Stephanus  videbatur  ad- 
stare ,  et  gloriosam  crucem  propriis  repositam 
htimeris  bajulare,  qua  crucis  cuspide  portam  ci- 
vitatis  videbatur  pulsare,  ex  qua  profugiens 
draco  ieterrimus  cernehatur  exire,  amico  Dei 
videlicet  adoentante.  Lib.  U  De  Mirac.  Steph. 
cap.  IV. 


rapporter  la  guérison,  lorsqu'elle  se  trouvait 
présente,  afin  qu'elle  en  rendît  elle-même 
un  témoignage  authentique.  Plusieurs  per- 
sonnes prenaient  des  copies  de  la  relation 
de  ces  miracles,  à  mesure  qu'on  en  faisait 
la  lecture  ;  ce  qui  obligea  l'auteur  d'en 
composer  un  second  liwe.  Il  remarque  que 
le  saint  martyr  apparaissait  assez  ordinaire- 
ment sous  la  forme  d'un  jeime  homme,  et 
quelquefois  en  habit  de  diacre  ^  .  Saint  Au- 
gustin rapporte  dans  son  vingt-deuxième 
livre  de  la  Cité  de  Dieu  plusieurs  des  mira- 
cles marqués  dans  ces  deux  livres;  et  il 
semble  que  c'est  à  ce  recueil  qu'il  renvoie 
ses  auditeurs  dans  le  sermon  trois  cent 
vingt-troisième,  lorsqu'il  leur  dit  :  «  Infor- 
mez-vous du  grand  nombre  de  miracles  qui 
se  sont  faits  à  Uzales  où  Évodius  mon  ami 
est  évêque.  n  On  n'y  avait  point  coutume  de 
faire  donner  à  ceux  qui  étaient  guéris  par 
miracle,  des  mémoires  de  leur  maladie  et 
de  leur  guérison  pour  les  faii'e  lire  devant 
le  peuple,  comme  on  faisait  en  d'autres  en- 
droits. Mais  saint  Augustin  y  étant  venu 
vers  l'an  426,  à  peu  près  dans  le  temps 
qu'une  dame  de  qualité  nommée  Pétronie 
avait  été  guérie  miraculeusement,  il  l'ex- 
horta '  à  la  prière  d'Évodius,  à  donner  un 
mémoire  de  ce  miracle;  elle  y  consentit 
volontiers. 

ARTICLE  IX. 

DES  OUVRAGES  CONTENUS  DANS  LE 
HUITIÈME  TOME. 

§  I- 

Du   Traité  des  hérésies,  et  contre  les  Juifs. 

1.  Quodvultdeus,  diacre  de  l'Église  de  Car-  iraiié  de: 

thage ,  encouragé  par  l'exti-éme  bonté  de  ia"Trièi-e"4 

saint  Augustin  *,  qui  était  reconnue  de  tout  çiçus.Torsi'iii 
le  monde,  ne  craignit  point  de  le  presser  par 

diverses  lettres ,  de  faire  un  catalogue  de  i 

tout  ce   qu'il  y    avait    eu    d'hérésies  jus-  " 
qu'alors ,  de  marquer  les  erreurs  de  cha- 


2  Lib.  I  De  Mirac.  Steph.  in  Prolog.  —  '  Lib.  I, 
cap.  II.  —  *  Lib.  I,  cap.  xv. 

5  Lib.  II,  cap.  I. 

^  Deinde  quodam  ingresso  juvene ,  candida 
veste  nitente,  habitum  diaconi  prœferente.  ac  di- 
cente  illis  mortuis:  Recedite,  statim  îllas  mor- 
tuorum  turbas  jioîï  comparuisse.  Lib.  I,  cap.  vi. 

'  August.,  lib.  XXII   De  Civit.  Dei,  cap.  viii. 

«  Apud  Aug.  Epist.  221. 


[IY°  ET  V°  SIÈCLES.] 

cune  ;  ce  qu'elles  avaient  de  contraire  à  la 
foi  de  l'Église  catholique  sur  la  Trinité,  sur 
le  Baptême,  sur  la  Pénitence,  sur  les  deux 
natures  de  Jésus-Christ,  sur  sa  résurrection, 
sur  les  livres  de  l'Ancien  et  du  Nouveau 
Testament,  et  sur  ce  que  chacun  avait  de 
contraire  à  la  vérité.  Il  souhaitait  aussi  que 
ce  Père  fit  connaître  dans  ce  catalogue,  quels 
sont  les  hérétiques  que  l'Église  rejette,  ou 
dont  elle  admet  le  baptême,  et  qu'il  joignît 
au  détaifde  toutes  les  sectes  ce  que  l'Écri- 
ture et  la  raison  fournissent,  pour  les  con- 
vaincre d'erreurs.  Un  ouvrage  de  cette  na- 
ture ne  pouvait  qu'être  très-utile  tant  aux 
ignorants    qu'aux   doctes    mêmes.    Mais   il 
était  d'un  travail  infini  ;  et  saint  Augustin, 
chargé   d'années    et   d'occupations ,  n'était 
guère  en  état  de  l'achever.  Aussi  Quodvult- 
deus  se  restreignit  à  lui  demander  un  abré- 
gé ou  un  sommaire  des  erreurs  de  chaque 
secte  d'hérétiques ,  et  de  ce  que  l'Église  en- 
seigne de  contraire   aux   dogmes   de   cha- 
cune,  ne  s'étendant  sur  l'un  et  sur  l'au- 
tre de  ces  points  qu'autant  que  la  matière 
le  demanderait,  renvoyant  ceux    qui  vou- 
draient voir  plus  au  long  les  objections  des 
hérétiques  et  les  réponses  des  cathohques, 
aux  traités  faits  sur  ce  sujet,  tant  par  les  au- 
tres q;iie  par  lui-même.  Saint  Augustin  s'ex- 
cusa '  d'entreprendre  ce  travail,  le  croj'ant 
au-dessus  de  ses  forces.  11  savait  d'ailleurs 
que  saint  Philastre  et  saint  Epiphane  avaient 
traité  cette  matière.  Ainsi  il  offrit  à  Quod- 
vultdeus  de  lai  envoyer  l'ouvrage  de  saint 
Epiphane  ,  qu'il  préférait   à  celui  de  saint 
Philastre.  Le  diacre  de  Carthage  ne  se  re- 
buta point,  et  protesta  au  saint  évêque  dans 
une  seconde  lettre  qu'il  ne  cesserait  point 
de  le   presser  jusqu'à   ce  qu'il  eût  obtenu 
l'effet  de  ses  prières.  Il  lui  présenta  qu'en 
vain  il  le  renvoyait  à  des  auteurs  grecs,  lui 
qui  ne  connaissait  pas  même  les  latins  qui 
avaient  écrit  sur  cette  matière  ;  et  que  de- 
puis la  moi't  de  saint  Philastre  et  de  saint 
Epiphane  il  s'était  élevé  beaucoup  de  nou- 
velles hérésies  dont  on  ne  pouvait  par  con- 
séquent rien  trouver  dans  leurs  ouvrages. 
«  Je  reviens  donc  encore  à  vous,  ajoufe-t- 
iF,  comme  à  mon  unique  recours;  j'inter- 
pelle de  nouveau  la  bonté  de  ce  cœur  si 
tendre,  toujours  prêt  à  exercer  la  charité. 
Quoique  vous  n'entendiez  que  ma  voix,  les 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


331 


désirs  qu'elle  exprime  sont  ceux  de  tout  le 
monde.  Laissons  à  part  les  mets  étrangers 
que  vous  nous  présentez  :  nous  ne  voulons 
que  de  ceux  que  l'Africpie  même  produit,  et 
qui  font  les  déhces  de  nos  provinces.  Ne 
nous  refusez  point,  dans  la  faim  qui  nous 
presse,  ce  pain  exquis  et  aussi  délicieux  que 
la  manne,  quoique  nous  vous  le  demandions 
peut-être  tY  contre  temps.  Souvenez-vous 
que  cet  importun  de  l'Évangile  qui  alla  en 
plein  minuit  demander  trois  pains  à  son  ami, 
ne  laissa  pas  d'obtenir  ce  qu'il  demandait?» 
Saint  Augustin  ne  put  se  refuser  à  des 
instances  si  vives  :  seulement  il  pria  Quod- 
vultdeus  '  de  lui  donner  du  temps,  à  cause 
des  occupations  qui  lui  étaient  survenues,  et 
qui  l'avaient  obligé  de  quitter  même  l'ou- 
vrage qu'il  avait  entre  les  mains.  C'était  la 
réponse  aux  huit  livres  que  Julien  avait  pu- 
bliés, et  la  revue  de  ses  propres  ouvrages. 
Ainsi  l'on  ne  peut  mettre  son  traité  des  Hé- 
rédes  qu'après  l'an  427,  époque  à  laquelle 
ce  Père  acheva  ses  deux  livres  des  Rétracta- 
tions. 

2.  Alors,  c'est-à-dire  vers  le  commence-     „     . 

Dessoin 

ment  de  l'année  suivante  428,  il  travailla  ««""""S' 
sur  les  hérésies  ;  mais  il  ne  s'assujettit  pas 
au  plan  que  le  diacre  de  Carthage  lui  en 
avait  formé.  Il  crut  que  pour  savoir  ce  que 
l'on  pensait  dans  l'Église  touchant  chacune 
des  sectes  qui  s'y  étaient  élevées,  il  suffisait 
de  savoir  qu'elle  croit  le  contraire  de  ce 
qu'enseignent  les  hérétiques;  et  il  ne  jugea 
pas  qu'il  fût  nécessaire  de  prouver  par  au- 
torité ou  par  raison  les  vérités  qu'elle  croit. 
Il  ne  prétendit  pas  même  donner  en  détail 
toutes  les  hérésies,  parce  qu'il  y  en  a  de  si 
obscures  qu'elles  échappent  aux  plus  cu- 
rieux ;  ni  expliquer  tous  les  dogmes  des  hé- 
rétiques dont  il  donnerait  le  catalogue,  y  en 
ayant  quelques-uns  que  plusieurs  d'entre 
eux-mêmes  ignoraient. 

3.  Son  dessein  était  de  distribuer  cet  ou- 
vrage en  plusieurs  livres.  Le  premier  ne  de- 
vait contenir  qu'une  hste  des  diverses  sectes 
d'hérétiques,  avec  les  hérésies  qu'elles  te- 
naient ou  avaient  tenues  :  il  se  proposait  de 
montrer  dans  un  second  livre*,  ou  même 
dans  plusieurs  autres,  ce  qui  rend  un  hom- 
me hérétique  ;  et  de  donner  des  règles,  non- 
seulement  pour  connaître  ce  qui  fait  l'héri- 
tique,  mais  encore  pour  se  garantir  de  tou- 


1 1  devait 
Elle  distribué 
en  plusieurs 
livres. 


1  August.,  Epist.  222. 
224. 


2  Epist.  223. 


August.,  Prolog,  in  lib.  de  hœres.,  tom.  VIII, 


pag. 


332 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


TI  y  parle  de 
quatre-vinf  t- 

liu;t   hérésies. 


Esl.nie  iiu 
en  fait. 


Traité  ccii- 
tro  les  Juifs, 
P-'ï-  29. 


tes  les  hérésies  connues  et  inconnues.  Nous 
n'avons  que  la  première  partie  de  cet  ou- 
vrage ;  la  mort  qui  le  prévint ,  l'empêcha 
d'exécuter  la  seconde. 

4.  Il  compte  dans  la  première ,  quatre- 
vingt-huit  hérésies  depuis  Jésus-Christ  jus- 
qu'à son  temps  ;  commençant  aux  simoniens 
et  finissant  aux pélagiens,  qu'il  appelle  aussi 
célestiens.  Ce  qu'il  dit  de  la  plupart  des  hé- 
résies est  tiré  en  partie  de  saint  Philastre 
et  de  saint  Épiphane,  parficuhèrement  du 
dernier  :  mais  il  ne  les  suit  pas  en  tout.  Il  se 
servit  aussi  de  l'histoire  d'Eusèbe  de  Césa- 
rée;  traduite  par  Rufîn.  Aussitôt  qu'il  eût 
achevé  cette  première  partie,  il  l'envoya  à 
Quodvultdeus,  afin  que  cela  l'engageât,  lui 
et  les  autres  qui  la  hraient',  à.  demander  à 
Dieu  la  grâce  et  la  lumière  dont  il  avait  be- 
soin pour  achever  l'autre  partie  qui  n'était 
pas  moins  intéressante. 

3.  Possidius  parle  de  cet  ouvrage  ^  com- 
me étant  demeuré  imparfait  ;  mais  on  voit 
par  Isidore'  de  Séville,  que  Primasius,  évé- 
que  d'Afrique,  vers  l'an  330,  acheva  ce  que 
saint  Augustin  avait  commencé ,  et  qu'il 
composa  à  cet  eflet  trois  livres  sous  le  mê- 
me titre ,  adressés  à  Fortunat.  Dans  le  pre- 
mier il  faisait  voir  ce  qui  rend  un  homme 
hérétique  ;  et  dans  les  deux  autres,  il  don- 
nait les  moyens  de  reconnaître  celui  qui 
l'est.  Cassiodore  *  conseille  la  lecture  de  l'a- 
brégé que  saint  Augustin  a  fait  des  hérésies, 
et  il  en  donne  pour  raison  qu'on  peut  y  ap- 
prendre à  éviter  les  écueils  où  d'autres  ont 
fait  naufrage.  Ce  traité  est  encore  cité  par 

Il  y  a  des  manus- 
encore  les 

hérésies  des  timothéens ,  des  nestoriens  et 
des  eutichiens  :  mais  on  ne  doute  point 
qu'elles  n'y  aient  été  ajoutées  après  coup, 
les  erreurs  de  Nestorius  et  d'Eutychès 
n'ayant  pas  été  taxées  d'hérésie  avant  la 
mort  de  saint  Augustin. 

6.  On  ne  sait  point  l'époque  du  Traité  con- 
tre les  Juifs,  qui  est  quelquefois  intitulé  : 
Discours  sur  l'incarnation  du  Seigneur.  Saint 
Augustin  y  fait  voir,  par  le  témoignage  de 
saint  Paul,  la  réprobation  des  Juifs  et  la  vo- 
cation des  gentils.  Il  remarque  que  les  Juifs 
ne  tenaient  aucun  compte  de  l'autorité  de 
l'apôtre  saint  Paul,  quand  elle  leur  était  pré- 


saint Grégoire  le  Grand  ^ 

crits  ^  où  ce  catalogue  renferme 


sentée,  et  qu'ils  faisaient  aussi  peu  de  cas 
de  l'Évangile,  lorsqu'on  en  tirait  contre  eux 
quelques  preuves.  Mais  il  soutient  qu'ils  pen- 
seraient autrement,  s'ils  savaient  que  c'est 
de  saint  Paul  que  le  prophète  Isaïe  a  dit  :  Je 
vous  ai  donné  pour  être  la  lumière  des  nations, 
afin  que  vous  soyez  mon  salut  jusqu'aux  extré- 
mités de  la  terre,  et  que  c'est  des  apôtres  qu'il 
est  écrit  dans  les  Psaumes  :  Le  son  de  leurs 
paroles  s'est  fait  entendre  par  toute  la  terre. 
Mais  afin  qu'il  ne  restât  aucune  réplique  aux 
Juifs,  il  emploie  contre  eux  un  grand  nom- 
bre de  passages  de  l'Ancien  Testament,  qui 
prédisent  clairement  la  venue  de  Jésus- 
Christ  et  sa  passion,  et  qui  prouvent  aussi 
que  leur  loi  devait  avoir  une  fin,  et  être 
changée  en  une  loi  nouvelle  ;  il  en  était  de 
même  de  leui's  sacrifices  et  de  leurs  autres 
cérémonies.  11  prouve  aussi,  par  divers  en- 
droits du  prophète  Isaïe,  que  Dieu  devait  re- 
jeter les  Juifs  pour  appeler  les  gentils,  et 
que  la  même  chose  a  été  prédite  par  le  pro- 
phète Malachie.  Les  Juifs  objectaient  :  Com- 
ment les  chrétiens  peuvent-ils  se  servir  de 
l'autorité  des  livres  de  l'Ancien  Testament, 
eux  qui  n'observent  point  les  lois  qui  y  sont 
prescrites  ?  Saint  Augustin  répond  qu'ils  ne 
les  observent  point  parce  qu'elles  sont  chan- 
gées, à  cause  que  ce  changement  a  été  pré- 
dit par  celui  en  qui  les  chrétiens  croient  ; 
qu'au  reste,  les  chrétiens  ne  négligent  de  la 
loi  ancienne  que  ce  qui  était  figuratif,  mais 
qu'ils  en  acceptent  les  promesses.  Il  ajoute 
que,  s'ils  n'oflïent  point  à  Dieu  des  sacrifi- 
ces à  la  manière  des  Juifs,  ils  offrent  par 
toute  la  terre  celui  qui  a  été  prédit  par  le 
prophète  Malachie,  non  que  Dieu  ait  besoin 
de  nos  sacrifices,  mais  parce  que  ceux  que 
nous  lui  offrons  nous  sont  utiles  à  nous-mê- 
mes. H  y  a,  dans  la  conclusion  de  ce  dis- 
cours, quelques  expressions  qui  ne  sont  pas 
ordinaires  à  saint  Augustin,  et  que  l'on  ne 
trouve  que  dans  ceux  qui  lui  sont  faussement 
attribués;  ce  qui  donne  lieu  de  croire  qu'elle 
n'est  pas  de  lui. 


n. 


De  r  Utilité  de  la  foi  et  du  livre  des  Deux  âmes, 
et  contre  Adimante, 

1.  Le  livi-e  de  V  Utilité  de  la  foi  ou  de  la 


I^iï.    XI.|| 


Fralres 
rjssiiiil. 


•  August.,  Prolog,  in  lib.  de  hœres.,  tom.  VIII, 
pag.  2.-2  Possid.,  in  Indic,  cap.  v. 
'  Isidor.  Hispal.  De  Scrip.  Ecoles.,  cnp.  is. 


*  Cassiod.,  Inst.,  cap.  xn.  —  8  Greg.,  lib.   YI, 
Epis  t.  4. 
«  Lib.  De  Hwr.,  pag.  27,  in  nolis, 


[iV"  ET  V=  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


333 


■F"i.   Croyance  \  parait  être  le  premier  que  saint 
Augustin  composa  à  Hippone  depuis  qu'il 
eut  été  élevé  au  sacerdoce  ^  C'était  donc 
vers  le  commencement  de  l'an  391.  Il  l'a- 
dressa à  Honorât  son  ami,  engagé  dans  les 
pièges  que  les  manichéens  lui  avaient  ten- 
dus,   et  dans  lesquels   il   avait  lui  -  même 
contribué    à    le    faire  tomber  ''.    Honorât  ' 
s'était  laissé  surprendre  aux  promesses  spé- 
cieuses que  faisaient  ces  hérétiques  de  ne 
rien  avancer  que  de  clair,  de  démonstratif 
et  de  visible,  et  il  se  moquait  de  ce  que,  dans 
.     l'Église  catholique  ',  on  obligeait  les  person- 
nes à  croire,  au  lieu  de  lem'  prouver  la  vé- 
rité par  la  raison.    Mais,  comme  il  n'était 
attaché  à  la  terre  par  aucun  intérêt  humain, 
et  seulement  par  une  fausse  apparence  de 
la  vérité,  il  était  moins  hérétique  que  trom- 
pé par  les  hérétiques.  C'est  ce  qui  persuada 
à  saint  Augustin  qu'il  pourrait  le  conduire  à 
la  vérité,  par  le  même  chemin  qui  l'y  avait 
conduit  lui-même.  Il  déclare,  au  commence- 
ment de  cet  ouvrage,  qu'il  ne  l'a  entrepris 
ni  par  vanité  ni  par  ostentation,  mais  par 
charité  et  pour  l'utilité   de  ses  û-ères  qui 
étaient   dans  l'erreur.   «  Dieu  qui  connaît  le 
fond  de  mon  cœur,  dit-il  à  Honorât,  sait  que 
mon  intention  est  droite  et  sincère,  que  je 
dis  les  choses  comme  Je  crois  qu'il  faut  les 
entendre  pour  trouver  la  vérité,  dont  la  re- 
cherche fait  depuis  longtemps  mon  unique 
occupation.  Ce  qui  m'oblige  donc  à  écrire, 
c'est  que  j'aurais  une  extrême  douleur  si, 
après  avoir  trouvé  tant  de  facilité  à  m'éga- 
rer  avec  vous,  il  ne  m'était  pas  possible  de 
marcher  aussi  avec  vous  dans  le  vrai  che- 
min. »    Si  cet  Honorât  est  le  même  qui  écri- 
vait de  Carthage  à  saint  Augustin,  vers  l'an 
4]  2,  et  lui  proposait  diverses  questions  à  ex- 
pliquer, on  ne  peut  douter  que  le  hvre  que 
ce  Père  lui  adressa  n'ait  eu  le  succès  qu'il 
en  attendait. 
do       2.  Il  y  établit  d'abord,  qu'il  y  a  cette  diffé- 
rence entre  un  hérétique  et  celui  qui  s'est 
laissé  sm-prendre  à  l'erreur;  que  celui-là  s'at- 
tache à  l'erreur  par  quelque  intérêt  humain, 
ou  par  le  désir  de  la  gloire  et  de  dominer 
sur  les  autres,  au  lieu  que  celui-ci  ne  l'em- 
brasse que  trompé  par  une  fausse  apparence 
de  la  vérité.  Il  dit  ensuite  que  le  but  de  son 
ouvrage  est  de  montrer  que  c'est  une  témé- 

*  Le  cardinal  Maï  a  donné  le  prologue  ou  som- 
maire de  ce  livre  d'après  un  manuscrit  d'une  an- 
tiquité douteuse.  Vid.  Bibl.  Nov.  Pat.  tom.  I, 
2=  part.,  pag.  150-1S2.  {L'éditeur.) 


rite  sacrilège  aux  manichéens,  de  se  moquer 
de  ceux  qui,  suivant  l'autorité  de  la  foi  ca- 
tholique, se  préparent  à  l'intelligence  des 
vérités  en  croyant  ce  qu'ils  ne  peuvent  en- 
core comprendre,  et  qui  se  purifient  pour 
recevoir  l'infusion  de  la  lumière  di^^ne.  Il 
raconte  comment  il  avait  été  lui-même  en- 
gagé dans  les  rêveries  de  ces  hérétiques  qui 
avaient  sans  cesse  le  nom  de  la  vérité  sur 
les  lèwes,  quoiqu'elle  ne  fût  pas  eu  eux. 
Après  cela  il  justifie  l'Ancien  Testament 
qu'ils  avaient  coutume  de  blâmer,  lorsqu'ils 
avaient  afifaire  à  des  ignorants,  et  prouve 
que  soit  qu'on  l'entende  dans  le  sens  histo- 
rique, ou  dans  le  moral,  ou  dans  l'allégori- 
que, il  convient  entièrement  avec  le  Nou- 
veau; et  que  l'Église  ne  peut  être  accusée 
d'erreur  dans  aucun  des  sens  qu'elle  lui 
donne.  Il  prévient  Honorât  sur  les  fausses 
explications  qu'en  avaient  faites  les  enne- 
mis de  l'Église,  et  lui  dit  :  «  Croyez-moi, 
tout  ce  qui  est  dans  l'Écriture  sainte,  est 
grand  et  divin.  La  vérité  y  est  toute  entière, 
et  l'on  y  rencontre  une  doctrine  extrême- 
ment propre  à  nourrir  l'âme  et  à  réparer  ses 
forces.  Elle  est  accomodée  de  teUe  sorte  à 
nos  besoins  et  à  notre  capacité ,  qu'il  n'y  a 
personne  qui  n'en  puisse  tirer  ce  qui  lui 
suffit,  pourra  qu'on  s'en  approche  avec  la 
foi  et  la  piété  que  la  vraie  religion  de- 
mande. » 

Il  exhorte  donc  Honorât  à  ne  point  avoir 
d'aversion  pour  les  auteurs  de .  ces  livres 
saints,  et  même  à  les  aimer,  quoiqu'il  ne  les 
comprenne  pas  encore.  ((Quoiqu'on  n'entende 
pas  les  poèmes  de  Yirgile,  dit-il,  et  qu'il  pa- 
raisse d'abord  y  avoir  quelque  absurdité  dans 
plusieurs  des  vers  de  ce  poète,  on  ne  laisse 
pas  de  lui  applaudir  à  cause  de  l'estime  pres- 
que générale  qu'on  a  faite  de  lui  ;  on  ne  doit 
pas  moins  favoriser  les  livres  sacrés  à  qui 
tant  de  siècles  ont  rendu  témoignage,  qu'ils 
sont  l'ouvrage  du  Saint-Esprit.  Ceux  qui  s'i- 
maginent y  voir  des  absurdités  sont  des  enne- 
mis de  l'Église.  Il  ne  vous  appartient  donc  pas 
de  vous  jeter  sans  guide  et  sans  interprète, 
dans  la  lecture  de  ces  livres  saints,  et  vous 
devez  encore  moins  en  porter  jugement  sans 
en  avoir  été  instruit  par  aucun  maître.  Si 
vous  n'aviez  aucune  connaissance  des  poè- 
tes, ni  de  lem'  art,  vous  n'oseriez  entrepren- 


-  August.,  lib.  I  Retract.,  cap.  siv. 
De  Util-  cred.,  cap.  i.  —  *  Ibid.,  cap. 
5  Lib.  II  Retract.,  cap.  xiv. 


'  August., 


334 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Les  lois  no 
défendent  pas 
d'embrasser  la 
foi  catholi- 
que. 


tire  de  lire  Térentianus-Maurus  sans  le  se- 
cours d'un  maître.  On  a  besoin  d'Aspér,  de 
Cornutus,  de  Donat  et  d'une  infinité  d'autres 
commentateurs  pour  pouvoir  entendre  quel- 
qu'un de  ces  poètes,  dont  on  voit  que  les  vers 
ont  obtenu  l'applaudissement  des  théâtres; 
et  vous  osez  vous  jeter  sans  guide  et  sans  in- 
terprète dans  la  lectiu'e  de  ces  livres  qui,  de 
l'aveu  de  presque  tous  les  hommes,  sont 
remplis  de  choses  divines  ?  Si  vous  y  en  ren- 
contrez qui  vous  paraissent  absurdes,  vous 
n'en  accusez  pas  votre  pesanteur  ni  votre 
incapacité,  ni  les  ténèbres  qui  sont  répan- 
dues dans  les  esprits  corrompus  par  les  pas- 
sions mondaines;  mais  vous  en  jetez  la 
faute  sur  ces  excellents  livres  qui  ne  peu- 
vent être  entendus  par  des  personnes  de  ce 
caractère.» 

3.  Saint  Augustin  fait  voir  à  Honorât  qu'il 
était  permis  par  les  lois  divines  et  humaines 
de  s'informer  de  la  foi  catholique ,  et  que 
c'était  dans  l'Église  même .  catholique  qu'il 
fallait  la  chercher.  Il  lui  raconte  par  quel 
moyen  il  eut  lui-même  le  bonheur  de  la 
connaître  et  de  l'embrasser,  après  avoir 
consulté  et  raisonné  beaucoup  sur  les 
moyens  de  la  trouver,  et  Si  vous  pensez,  lui 
dit-il  ensuite,  vous  être  déjà  assez  mis  en 
peine,  et  avoir  assez  travaillé  pour  vous  ins- 
truire de  la  vérité,  et  si  vous  voulez  mettre 
fin  à  ce  travail,  suivez  la  voie  de  la  doctrine 
catholique  qui  est  venue  de  Jésus-Christ  jus- 
qu'à nous  par  les  apôtres,  et  qui  passera  de 
nous  à  ceux  qui  nous  doivent  suivre  de  siè- 
cles en  siècles.  » 

Il  montre  que  rien  n'est  plus  raisonnable , 
dans  la  nécessité  où  l'on  est  de  prendre  un 
parti,  que  de  se  déterminer  en  faveur  de 
l'Église  catholique;  qu'il  est  vrai  qu'elle 
nous  propose  de  croire,  au  lieu  que  les  hé- 
rétiques promettent  de  rendre  raison  de 
tout;  mais  qu'elle  a  l'autorité  de  le  faire ,  la 
vraie  religion  ne  pouvant  subsister  si  elle 
n'est  en  autorité  décommander;  quetousles 
hommes  n'étantpas  capables  de  raison,  il  est 
plus  sûr  pour  eux  de  croire  à  ce  que  l'Église 
enseigne  ;  et  qu'il  est  même  nécessaire  à  la 
société  humaine  de  s'en  rapporter  en  beau- 
coup de  choses  à  la  foi  d'autrui,  et  surtout 
à  ceux  qui  passent  pour  les  plus  sages;  que 
si  dans  les  moindres  cboses  on  doit  s'en  rap- 
poi'ter  à  ceux  qui  ont  plus  d'expérience,  ou 
le  doit  bien  ,plutôt  faire  dans  les  choses  de 


la  religion,  dont  il  est  moing  aisé  de  s'ins- 
truire que  des  choses  humaines,  et  que  pour 
mener  une  vie  irréprochable,  il  faut  cher- 
cher ceux  qui  sont  plus  sages  que  nous,  afin 
qu'en  leur  obéissant  on  puisse  se  déhvrer  de 
la  domination  de  l'erreur  et  de  la  folie.  «  Il 
faut  même  croire,  continue  saint  Augustin, 
pour  chercher  la  vraie  religion  :  car  si  l'on 
ne  croyait  pas  qu'il  y  en  ait  une,   pourquoi 
la   chercherait-on?  Il   n'y   a  point  d'héré- 
tiques qui  n'avouent  que  l'on   doit   croire  à 
Jésus-Chtist,  autrement  ils  ne  seraient  pas 
chrétiens.    Mais    à    qui    nous  rapportons - 
nous  des  vérités  qui  le  regardent ,  puisque 
nous  n'avons  point  vu  ce   Sauveur?  Cette 
foi    n'est  fondée  que  sur    l'opinion  confir- 
mée des  peuples  et  des  nations,  qui  ont  cru 
jusqu'aujourd'hui  les  mystères  de  l'Église.  » 
4.   Honorât    répondait    avec    les    mani- 
chéens :  Croyez  à  l'Écriture.  «Mais,  lui  répli- 
que saint  Augustin,  toute^doctrine  écrite  que 
l'on  produit ,  si  elle  est  nouvelle  et  inouïe  , 
ou  qu'elle  ne  soit  autorisée  que  par  peu  de 
gens,  sans  être  confirmée  par  quelques  rai- 
sons, quand  on  l'embrasse,  ce  n'est  pas  à 
elle  qu'on  donne  sa  croyance,  mais  à  ceux 
qui  la  veulent  faire  recevoir.  C'est  pourquoi, 
si  les  Écritures  dont  il  s'agit  n'étaient  pré- 
sentées que  par  vous,  il  ne  serait  pas  per- 
mis de   vous    croire ,   étant   en   aussi  petit 
nombre,  et  aussi  inconnus  que  vous  l'êtes. 
Jésus-Christ,  voulant  apporter  un  remède  qui 
pût   guérir  la    corruption   des  mœurs   des 
hommes  ,  se  concilia  l'autorité  par  des  mi- 
racles ,  mérita  la  foi  par  l'autorité  qu'il  s'é- 
tait acquise  ;  etassembla  par  la  foi  la  multi- 
tude des  peuples.  Par  la  succession  de  cette 
multitude  sa  religion  s'acquit  l'ancienneté  ; 
et  par  cette  ancienneté ,  elle  s'est  affermie 
si  solidement  qu'elle  n'a  pu  être  renversée 
même  en  partie  par  les  païens ,  ni  par  les 
hérétiques.  »  Ce  n'est  pas  que  saint  Augus- 
tin n'ajoutât  foi  aux  témoignages  que  l'Écri- 
ture rend  de  Jésus-Christ ,  mais  c'est  qu'il 
fondait  sa  foi  sur  les  témoignages  de  l'É- 
glise, avant  de  l'appuyer  sur  ceux  de  nos 
livres  saints.  L'autorité  de  l'Église   l'avait 
touché  et  gagné  avant  qu'il  ne  le  fût  par 
l'autorité    de    l'Écriture,    parce    que    cette 
première  autorité  était  plus  connue  et  plus 
manifeste.  »Sije  crois  en  Jésus-Christ  S  con- 
tinue-t-il,  c'est  à  cause  de  sa  réputation  si  ré- 
pandue et  si  célèbre  et  qui  est  si  confirmée 


Autoi 
l'Église 
lique. 


Hoc  ergo  credidi,  lit  dixi,  fainœ,  celebrilale,      consensione,  vetusiate  rohoratœ. 


[IV^  ET  Y"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTLN,  ÉVÊQUE  D'HIPPOiNE. 


333 


Vfotifs  qui 
gen(  à  la 
linDaltre. 


par  son  antiquité  et  pai-  un  consentement 
universel.  » 

5.  «Nous  devons  croire  en  effet,  ajoute  ce 
Père,  que  Dieu  même  a  établi  une  autorité 
par  laquelle  il  veut  que  nous  nous  élevions 
jusqu'à  lui  comme  par  de  certains  degrés  qui 
nous  soutiennent.  Il  n'y  a  que  l'autorité  qui 
frappe  et  touche  ceux  qui  n'ont  pas  assez  de 
sagesse  :  elle  seule  la  leur  fait  embrasser. 
Or,  c'est  ce  qu'elle  fait  en  deux  manières , 
savoir  ,  en  nous  émouvant  par  les  miracles  , 
et  par  le  grand  nombre  de  ceux  qui  suivent 
sa  doctrine.  L'Église  ne  persuade  pas  moins 
par  la  pureté  de  ses  mœurs,  par  l'abstinence 
et  l'austérité  d'un  si  grand  nombre  de  péni- 
tents ;  par  la  chasteté  avec  laquelle  tant  de 
vierges  vivent  dans  le  corps  comme  si  elles 
n'étaient  qu'un  pur  esprit  ;  par  la  patience 
avec  laquelle  tant  de  martyrs  ont  soutTert  de 
très-grands  suppUces  ;  par  la  charité  sans 
borne  avec  laquelle  tant  de  saints  ont  dis- 
tribué tout  leur  bien  aux  pauvres  en  préfé- 
rant pour  eux-mêmes  la   pauvreté  aux  ri- 
chesses ;  par  le  détachement  du  monde  et 
le  mépris  de  la  vie  présente  qui  ont  éclaté 
dans   plusieurs    saints,    avides    d'en   sortir 
pour  aller  jouir  de  Dieu.  On  dira  peut-être , 
s'objecte  ce  Père ,  qu'il  y  a  peu  de  person- 
nes qui  fassent  des  choses  si  extraordinaires, 
et  qu'il  y  en  a  encore  moins  qui  les  fassent 
bien  et  avec  prudence  ?  Mais  les  peuples , 
répond -il,  approuvent  toutes  ces  choses; 
les  peuples  les  entendent  raconter  avec  res- 
pect ;  les  peuples  les  révèrent  ;  les  peuples 
les  aiment  en  ceux  qui  les  pratiquent  ;  les 
peuples  accusent  leur  faiblesse  de  ce  qu'ils 
ne  peuvent  pas  les  pratiquer  ;  ce  qu'ils  ne 
font  pas  sans  quelque  élévation  de  leur  âme 
vers  Dieu ,  et  sans  quelques  étincelles  de 
vertu.  La  divine  Providence  a  fait  que  ces 
choses  sont  arrivées  suivant  les  prédictions 
des   Prophètes,  par  la  doctrine   de  Jésus- 
Christ,  et  par  les  exemples  qu'il  a  donnés 
dans  son  humanité  sainte;  par  le  ministère 
des  apôtres  ;  par  les  outrages,  les  croix,  l'é- 
panchement  du  sang  et  la  mort  des  martyrs  ; 
par  la  vie  admirable  de  tant  de  saints,  et 
par  un  grand  nombre  de  miracles  dont  tant 
de  grandes  actions  et  tant  de  vertus  ont  mé- 
rité  d'être   accompagnées ,  selon   que   les 
temps  le  demandaient.  » 

6.  «  Balancerons -nous  donc,  continue 
saint  Augustin ,  à  nous  retirer  dans  le  sein 
de  cette  Église  qui  est  arrivée  au  comble  de 
l'autorité,  jusqu'à  avoir  fait  embrasser  au 


genre  humain  la  doctrine  qu'elle  a  conser- 
vée par  les  évêques  qui  ont  succédé  les  uns 
aux  autres  depuis  les  apôtres,  malgré  les 
contradictions  des  hérétiques.  Elle  a  obtenu 
cette  autorité  en  partie  par  le  jugement 
même  du  peuple  fidèle,  en  partie  par  l'au- 
torité des  conciles  .  et  en  partie  par  l'éclat 
des  miracles  ;  de  sorte  que  ne  vouloir  pas 
donner  à  l'Égiise  le  premier  rang ,  c'est 
ou  une  grande  impiété,  ou  une  arrogance 
téméraire.  Car  s'il  n'y  a  point  de  che- 
min assuré  pour  parvenir  à  la  sagesse  et  au 
salut,  sinon  lorsque  l'on  préfère  la  foi  à  la 
raison ,  n'est-ce  pas  être  tout  à  fait  mécon- 
naissant de  la  grâce  et  de  l'assistance  di- 
vine ,  que  de  voidoir  résister  à  une  autorité 
munie  de  tant  de  prérogatives  qui  la  doivent 
faire  révérer  à  tous  les  hommes  ?  » 

7.  Saint  Augustin  finit    ce  livre  en  con-    ..Quoi;  doit 
seiUant  à  Honorât  de  s'abandonner  par  une   pHer™.™  ar- 
foi  sincère,  par   une   espérance  ferme,  et  ■■''" 
par  une  charité  simple  aux  meilleurs  maî- 
tres de  la  doctrine  chrétienne  et  catholique, 
et    de  ne  point   cesser  de  prier  Dieu,  qui 
nous  a  donné  l'être  par  sa  bonté,  qui  nous 
a  punis  par  sa  justice,  qui  nous  a  délivrés 
par  sa  clémence  ;  ajoutant  qu'en  se  condui- 
sant de  la  sorte,  il  ne  manquerait  ni  d'être 
instruit  par  les  hommes  qui   sont  les  plus 
doctes  et  vraiment  chrétiens,  ni  d'avoir  de 
bons  hvres,  ni  de  s'occuper  de  pensées  assez 
raisonnables   pour    trouver  facilement    ce 
qu'il  cherchait ,  c'est-à-dire  la  vérité.  Il  le 
conjure  d'abandonner  pour  toujours  l'héré- 
sie des  manichéens,  et  ses  sectateurs,  dont 
il  réfute  en  passant  les  erreurs  sur  la  nature 
de  Dieu,  qu'ils  disaient  être  auteur  du  mal, 
et   corporel.   Car  ces    hérétiques  '  préten- 
daient que  la  lumière  visible  aux  yeux  mê- 
mes des  animaux,  était  la  substance  de  Dieu. 
Ils  disaient  aussi  que  le  mal,  étant  une  subs- 
tance réelle  ,  devait  avoir  Dieu  pour  auteur. 
C'est  pourquoi  ils  étabhssaient  deux  natures 
ou  deux  principes  opposés  ;  l'un  auteur  du 
bien,  et  l'autre  auteur  du  mal.  Ils   ensei- 
gnaient que,  y  ayant  eu  combat    entre  ces 
deux  natures,  la  bonne  avait  été  obligée  de 
hvrer  une  partie  d'elle-même  à  la  mauvaise  ; 
et  que,  ces  deux  natures  ayant  été  ainsi  mê- 
lées, l'âme  avait  été  produite  de  ce  mélange, 
et  composée  de  deux  natures  ;  en  sorte  que 
c'étaient  deux  âmes,  l'une  bonne  qui  était 
une  partie  de  Dieu  même,  et  de  la  même 

1  August.,  Eœr.  46  et  lib.  I  Retract., cap.  xv. 


336 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Livre  des 
De*'i  â!i!e?,en 
.":)l.  Analjse 
de  ce  livre , 
pag.  75. 


nature  que  lui  ;  et  l'autre  mauvaise  née  de 
satan. 

8.  Ce  fut  pour  combattre  cette  erreur,  que 
saint  Augustin,  aussitôt  après  avoir  achevé 
le  livre  de  l'Utilité  de  la  Foi  '  écrivit  celui 
des  Deux  âmes.  Selon  les  manichéens,  il  y 
en  avait  deux  dans  l'homme,  l'une  bonne, 
ei  l'autre  mauvaise.  La  première  était  d'une 
substance  divine,  cause  de  tout  ce  qui  se 
fait  de  bien  en  nous  ;  et  la  seconde  mauvai- 
se, de  la  nature  ou  du  principe  des  ténèbres, 
propre  à  la  chair;  et  que  les  manichéens  di- 
saient être  la  cause  de  tous  les  mouvements 
déréglés,  et  de  tout  le  mal  que  nous  faisons. 

Le  saint  Docteur  prouve  en  premier  lieu, 
que  l'âme  étant  un  esprit  et  une  vie,  ne  peut 
avoir  d'autre  auteur  que  le  souverain  prin- 
cipe de  la  vie,  qui  est  le  seul  et  vrai  Dieu. 
Il  dit  en  second  heu,  que  si  la  lumière  cor- 
porelle sensible  à  nos  yeux  est  créée  de 
Dieu,  il  doit,  à  plus  forte  raison,  être  le  créa- 
teur de  l'âme  qui  n'est  visible  que  des  yeux 
de  l'esprit ,  et  conséquemment  beaucoup 
plus  parfaite  que  la  lumière  corporelle.  Cette 
âme  même  que  les  manichéens  disaient  être 
mauvaise,  ajoute-t-il,  est  meilleure  par  sa 
nature,  que  cette  lumière.  Et  il  prend  de  là 
occasion  de  montrer  qu'il  n'y  a  aucune  na- 
ture, ni  aucune  substance  mauvaise  d'elle- 
même,  et  que  le  mal  et  le  défaut  de  notre 
âme  ne  consiste  que  dans  l'abus  que  nous 
faisons  de  notre  liberté.  Il  s'objecte  plusieurs 
passages  de  l'Écriture  dont  les  manichéens 
se  servaient  pour  montrer  que  les  méchants 
n'ont  pas  Dieu  pour  auteur  ;  et  fait  voir  par 
d'autres  passages  de  la  même  Écriture,  que  si 
les  pécheurs  ne  sont  pas  de  Die#en  tant  que 
pécheurs,  ils  en  sont  en  tant  qu'hommes  ; 
ce  qu'il  appuie  par  une  réflexion  à  la  portée 
de  tout  le  monde,  qui  est  que  rien  ne  peut 
vivre  sans  le  secours  de  Dieu.  Ensuite  il 
donne  la  définition  du  péché  et  de  la  volon- 
té ;  et  montre  par  le  pardon  que  l'Église  ac- 
corde aux  pécheurs  qui  le  demandent,  par 
l'utilité  des  regrets  d'un  homme  pénitent, 
qu'une  âme  pécheresse  n'est  point  naturel- 
lement mauvaise,  et  qu'eUe  ne  l'est  que  par 
le  mauvais  usage  de  sa  liberté.  D'où  il  con- 
clut que  la  même  âme,  voulant  tantôt  le 
bien,  tantôt  le  mal,  suivant  les  mouvements 
de  son  hbre  arbitre ,  c'est  celle-là  même 
qui  est  bonne  ou  mauvaise,  selon  qu'elle  se 
porte  au  bien  ou  au  mal.  On  trouve  dans  ce 
livre  quelques  endroits  qui  paraissent  trop 
donner  au  libre  arbitre,   et   trop  peu  à  la 


grâce  :  il  y  en  a  même  qui  pourraient  don- 
ner quelques  atteintes  à  la  doctrine  du  pé- 
ché originel  ;  mais  saint  Aug-ustin  s'est  ex- 
pliqué sur  tous  ces  endi'oits  dans  son  pre- 
mier livre  des  Rétractations.  Celui  des  Deux 
âmes  est  de  l'an  391. 

9.  L'année  suivante  392,  saint  Augustin  pj-^i'^^^™" 
fut  deux  jours  en  conférence  avec  un  prêtre  ^f-.j'^";?^; 
manichéen  nommé  Fortunat.  Ce  prêtre  avait  p°5.  5i. 
séduit  un  grand  nombre  de  personnes  dans 
la  ville  d'Hippone,  où  il  demeurait  depuis 
longtemps,  et  où  il  s'était  fait  une  certaine 
réputation  qui  lui  en  rendait  le  séjour  plus 
agréable.  Les  catholiques  de  la  ville  voyant 
augmenter  de  jour  en  jour  le  nombre  de  ses 
disciples,  prièrent  saint  Augustin  d'entrer 
en  conférence  avec  lui  sur  la  doctrine  de  la 
foi,  H  en  fut  aussi  prié  par  des  donatistes. 
Le  saint  toujours  prêt  à  rendre  raison  de  sa 
foi,  consentit  à  la  conférence,  au  cas  que 
Fortunat  voulût  y  entrer.  Ceux  de  sa  secte 
l'en  pressèrent  si  vivement,  que  craignant 
que  son  refus  ne  passât  pour  un  aveu  tacite 
de  la  faiblesse  de  sa  cause,  il  accepta  le  parti. 
On  convint  du  jour  et  du  lieu,  et  on  arrêta 
qu'on  examinerait  par  la  raison,  s'il  était  vrai 
qu'il  pût  y  avoir  deux  natures  coéterneUes 
et  opposées,  comme  l'enseignaient  les  ma- 
nichéens, parce  que  n'admettant  des  Écri- 
tures que  ce  qu'il  leur  en  plaisait,  il  n'était 
pas  aisé  de  les  convaincre  par  autorité.  Le  28 
août  de  l'an  392,  qui  était  le  jour  destiné, 
saint  Augustin  et  Fortunat,  avec  plusieurs 
catholiques  et  manichéens,  s'assemblèrent  à 
Hippone  dans  un  lieu  appelé  les  Bains  de 
Socie.  Tout  ce  qui  se  dit  de  part  et  d'au- 
tre fut  écrit  par  des  notaires,  comme  dans 
des  actes  pubhcs  ;  c'est  ce  qui  fait  la  ma- 
tière du  livre  de  saint  Augustin,  intitulé  : 
Actes  ou  disputes,  contre  Fortunat  le  mani- 
chéen. Il  est  en  forme  de  dialogue  ;  saint 
Augustin  y  parle  le  premier,  et  Fortunat  le 
second. 

La  question  qui  fut  agitée  dans  cette  con- 
férence regarde  la  nature  et  l'origine  du 
mal.  Selon  le  saint  Docteur,  le  mal  vient  du 
mauvais  usage  que  nous  faisons  de  notre  li- 
berté ;  le  prêtre  manichéen  prétend,  au  con- 
traire, qu'il  y  a  une  nature  mauvaise  aussi 
éternelle  que  Dieu.  Mais  comme  il  ensei- 
gnait avec  ceux  de  sa  secte,  que  Dieu  avait 
été  obligé  de  se  défendre  contre  la  nation 
des  ténèbres  qui  s'était  révoltée  contre- lui, 

*  August.,  Eœr.  46  et  lib.  I  Retract.,  cajj.  xv. 


[iv<^  ET  V'  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

saint  Augustin  fait  sentir  à  Fortuuat  com- 
bien il  est  impie  de  dire  qu*un  Dieu  tout- 
puissant  ait  souffert  quelque  chose  de  la 
part  d'une  puisscpice  ennemie.  Il  presse  For- 
tunat  par  ce  raisonnement  :  «  Si  Dieu  n'a  pu 
rien  souffrir  de  la  part  des  nations  des  ténè- 
bres, parce  qu'il  est  inviolable  ,  il  n'a  pas  dû 
faire  souffrir  aux  âmes,  c'est-à-dire  selon  les 
manicliéens,  à  une  partie  de  sa  propre  subs- 
tance, les  misères  qu'elle  souffre  en  cette 
vie.  Si  au  contraire,  il  a  pu  souffrir  quelque 
chose  de  la  part  de  cette  nation  des  ténè- 
bres, il  n'est  pas  inviolable  ;  et  en  ce  cas, 
les  manichéens  trompaient  ceux  à  qui  ils 
enseignaient  que  Dieu  est  inviolable.  »  Quoi- 
qu'on fût  convenu  que  l'on  ne  se  servirait 
point  de  l'autorité  de  l'Écriture,  Fortunat  ne 
laissa  pas  de  citer  un  passage  de  l'Épître 
aux  Romains,  pour  appuyer  son  erreur  des 
deux  natures  contraires  ;  mais  saint  Augus- 
tin lui  fit  voir  qu'il  s'agissait  en  cet  endroit 
des  deux  natures  en  Jésus-Christ,  qui,  pré- 
destiné pour  être  Fils  de  Dieu  dans  une  sou- 
veraine puissance ,  est  aussi  né,  selon  la 
chair,  du  sang  de  David.  Fortunat  produisit 
encore  le  lendemain  plusieurs  passages  de 
l'Écriture,  et  en  particuher  l'endroit  de  saint 
Matthieu,  où  Jésus-Christ,  parlant  des  faux 
prophètes,  dit  qu'un  arbre  qui  est  mauvais 
produit  de  mauvais  fruits,  et  qu'un  bon  ar- 
bre en  produit  de  bons.  Saint  Augustin  ré- 
pondit et  prouva,  par  e  Imême  Évangile,  que 
ces  deux  arbres  signifiaient  non  deux  natu- 
res différentes,  mais  les  volontés  différentes 
des  hommes,  qui  peuvent  vouloir  le  bien  ou 
le  mal.  Fortunat  s'étant  échappé  dans  la 
première  conférence  jusqu'à  dire  que  le 
Verbe  de  Dieu  était  lié  dans  la  nation  des 
ténèbres,  ce  blasphème  fît  horreur  à  tout  le 
monde.  Comme  il  ne  put,  dans  la  seconde, 
répondre  aux  objections  que  saint  Augustin 
lui  fit,  il  la  finit  en  disant  qu'il  en  confére- 
rait avec  ceux  de  sa  secte  ;  et  il  sortit  plein 
de  confusion.  Quelque  temps  après  il  quitta 
le  séjour  d'Hippone ,  et  n'y  revint  jamais 
depuis. 


EVEQUE  D'HIPPONE. 


337 


10.  Deux  ans  après,  c'est-à-dire  vers  l'an 
394,  saint  Augustin  entreprit  de  combattre 
un  autre  manichéen  beaucoup  plus  célèbre 
que  Fortunat.  Il  se  nommait  Addas  ou  Bad- 
das  ;  mais  il  est  plus  connu  sous  le  nom  d'A- 
dimante.  Il  fut  disciple  deManichée*,  et  en- 
voyé en  Syrie  pour  y  répandre  la  doctrine 
de  son  maître  ;  ce  qu'il  fit ,  non-seulement 
de  vive  voix,  mais  encore  par  écrit.  Nous  en 
connaissons  un  où  il  opposait  les  passages 
de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament  com- 
me contraires  l'un  à  l'autre.  Il  en  composa 
un  autre,  intitulé  le  Boisseau,  que  l'on  con- 
fondait avec  l'Évangile  vivant  de  Manichée. 
Saint  Augustin,  ayant  rencontré  le  premier 
de  ces  ouvrages,  dont  le  but  était  de  mon- 
trer que  l'Ancien  et  le  Nouveau  Testament 
étant  opposés,  ne  pouvaient  être  d'un  mê- 
me Dieu  ,  il  crut  devoir  y  répondre.  C'est 
ce  qu'il  fait  dans  son  livre  contre  Andimante, 
où  mettant  à  la  tête  de  chaque  chapitre  les 
passages  des  deux  testaments  qu'Adimante 
prétendait  être  contraires,  il  en  fait  voir  l'ac- 
cord et  la  conformité.  Pour  rendre  cet  ac- 
cord plus  sensible,  il  établit  pour  principe, 
qu'il  y  a  tant  de  choses  dans  l'Ancien  Tes- 
tament qui  publient  et  qui  annoncent  par 
avance  ce  qui  est  dans  le  Nouveau,  que  l'on 
ne  trouve  dans  la  doctrine  évangélique  et 
apostolique  aucunes  promesses,  ni  aucuns 
préceptes,  quelques  divins  et  parfaits  qu'ils 
soient,  qui  ne  se  rencontrent  aussi  dans  ces 
livres  anciens.  Il  y  pose  aussi  cet  autre  prin- 
cipe, que  le  Saint-Esprit ,  voulant  marquer 
aux  hommes  intelligents,  combien  les  cho- 
ses de  Dieu  sont  ineffables,  s'est  quelquefois 
servi  pour  les  exprimer  de  certaines  manières 
de  parler  dont  les  hommes  ont  coutume  de 
se  servir  entre  eux  pour  marquer  le  vice,  afin 
de  noiTs  apprendre  par  cette  conduite,  que 
les  expressions  qu'on  emploie  en  [parlant  de 
Dieu,  et  que  nous  croyons  être  dignes  de  lui, 
se  ti'ouvent  très-peu  dignes  de  sa  majesté  ;  et 
que  quand  il  s'agit  de  lui,  un  silence  plein  de 
respect  convient  beaucoup  mieux  qu'aucune 
parole  humaine.  Il  enseigne  encore  que  Dieu 


Livre  contre 
Adimante.  en 
^y4.  Analyse- 
de  ce  livre , 
l,ag.  111. 


1  C'est  le  même  que  Manès.  Le  premier  nom  de 
Manès  fut  Cubricus  :  cet  hérétique  en  commen- 
çant à  répandre  sa  doctrine  voulut  couvrir  l'ohs- 
curité  de  son  origine  en  changeant  de  nom  ;  il  se 
fit  appeler  Manès  qui,  en  langage  persan,  signifie 
un  orateur,  un  homme  qui  se  rend  célèbre  par  ses 
discours.  Mais  Dieu  permit  qu'en  prenant  ce  nom 
il  se  discrédita  chez  les  Grecs,  chez  qui  Manès 
signifiait  la  fureur  et  la  manie  dont  il  était  tour- 

IX. 


mente.  Ses  disciples,  soit  pour  éviter  cette  fâcheuse 
allusion,  soit  pour  lui  donner  en  grec  un  nom  pré- 
cieux assorti  à  l'idée  qu'ils  avaient  de  lui,  le  nom- 
mèrent Menichée,  prétendant  signifier  par  là  qu'il 
répandait  la  manne  d'une  doctrine  céleste.  Le 
nom  de  Manichée  prévalut,  et  c'est  delà  que  ces 
disciples  furent  appelés  manichéens.  Tricalet,  Bibl. 
Portât.  [L'éditeur.) 


22 


338 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


après  avoir,  dans  l'Ancien  Testament,  op- 
posé à  l'homme  qui  s'ennuyait  de  lui,  une 
loi  pleine  de  menaces  pour  se  faire  craindre 
comme  son  maître,  il  lui  a  découvert  dans 
le  Nouveau,  comme  un  bon  père,  lorsqu'il  a 
commencé  de  revenir ,  une  loi  pleine  de 
charmes  pour  se  faire  aimer.  C'est  sur  ces 
fondements  que  roulent  les  réponses  que 
saint  Augustin  fait  aux  objections  d'Adi- 
mante.  Il  y  a  des  passages  qu'il  traite  deux 
fois,  ce  qu'il  en  avait  écrit  d'abord  s'étant 
quelquefois  égaré,  et  ensuite  retrouvé,  après 
en  avoir  donné  une  seconde  explication.  Il 
en  traita  d'autres  dans  quelques-uns  de  ses 
sermons,  et  n'en  laissa  que  très-peu  sans 
réponses,  soit  qu'il  les  eût  oubliés,  soit  qu'il 
n'eût  pas  le  temps  de  les  expliquer.  Cet  ou- 
vrage est  cité  à  la  fin  du  second  livre  contre 
l'Adversaire  de  la  loi  et  des  prophètes,  où, 
après  avoir  nommé  Adimante ,  il  ajoute , 
qu'il  se  nommait  aussi  Addas.  Ce  mani- 
chéen objectait  entre  autres ,  l'endroit  de 
l'Évangile  où  Jésus-Christ  assure  qu'un  bon 
arbre  ne  peut  porter  de  mauvais  fruits,  et 
qu'un  mauvais  arbre  ne  peut  porter  de  bons 
fruits ,  prétendant  que  ces  paroles  étabhs- 
saientle  dogme  des  deux  natures,  dont  l'une 
est  la  nature  du  mal,  qui  ne  peut  faire  au- 
cun bien  ;  et  l'autre  ,  la  natm^e  du  bien  qui 
ne  peut  faire  aucun  mal.  Saint  Augustin  lui 
fait  voir  par  d'autres  endroits  de  l'Évangile, 
que  les  deux  arbres  signifiaient  les  disposi- 
tions diverses  d'une  seule  volonté  qui  est 
dans  tous  les  hommes,  et  dont  chacun  peut 
rendre  sa  volonté  bonne  ou  mauvaise ,  et 
en  conséquence  produire  de  bons  ou  de 
mauvais  fruits. 

§  ni. 

Livre  contre  l'Épitre  du  Fondement,  et  contre 
Fauste  le  manichéen. 


Livre   con- 
tre l'Epitre  du      .- 
Fondement  en     tlOnS 
307.   Analyse 
de    ce    livre  , 
pag,  151, 


1 .  Saint  Augustin  place  dans  ses Rétracta- 


',  le  livre  contre  VÉpître  de  Manichée 
après  ceux  qu'il  écrivit  à  Simplicien  au  com- 


mencement de  son  épiscopat.  On  peut  donc 
le  mettre  en  396  ou  397  au  plus  tard.  Les 
manichéens  donnaient  à  l'Épître  de  leur 
maître  le  titre  du  Fondement,  parce  qu'elle 
contenait  tout  l'essentiel  de  leur  doctrine. 
Aussi,  se  trouvait-elle  entre  les  mains  de  tous 
ceux  de  cette  secte.  Ce  fut  apparemment 
pour  cette  raison  que  ce  Père  entreprit  de 

1  August.,  lib.  U  Retract.,  eap.  n. 


la  réfuter  ;  mais  il  n'en  réfuta  que  le  com- 
mencement, dont  il  rapporte  les  propres  pa- 
roles, et  se  contenta  de  faire  sur  le  reste 
quelques  notes  qui  renfermaient  tout  ce  qui 
était  nécessaire  pour  la  ruiner  entièrement, 
afin  qu'elle  lui  sei'vît  de  mémoires  lorsqu'il 
aurait  le  loisir  d'en  achever  la  réfutation.  Ces 
notes  ne  sont  pas  venues  jusqu'à  nous,  et 
nous  n'avons  que  le  livre  dans  lequel  il  en 
réfute  le  commencement.  Il  y  fait  profession 
d'abord  de  demander  à  Dieu  un  esprit  de 
paix,  qui  lui  fasse  aimer  la  conversion  et  le 
salut  des  manichéens,  plutôt  que  leur  con- 
fusion et  leur  ruine,  laissant  à  ceux  qui  ne 
savent  pas  avec  combien  de  peines  on  trouve 
la  vérité,  et  combien  il  est  difficile  de  se  ga- 
rantir de  l'erreur,  à  traiter  rigoureusement 
soit  de  paroles,  soit  de  fait,  les  personnes 
qu'il  entreprenait  de  combattre.  La  raison 
qu'il  avait  d'en  agir  ainsi,  c'est  qu'il  savait, 
par  sa  propre  expérience,  combien  de  gé- 
missements et  de  soupirs  il  était  nécessaire 
d'employer  pour  commencer  à  connaître 
Dieu. 

Après  avoir  marqué  avec  cpielle  douceur 
on  doit  attaquer  ceux  qui  se  trouvent  enga- 
gés dans  l'erreur,  il  détaille  les  motifs  qui 
le  retenaient  dans  l'Église  catholique,  en 
avertissant  que  ce  n'est  pas  la  pénétration 
de  l'intelligence,  mais  la  simplicité  de  la  foi, 
qui  met  en  sûreté  le  commun  des  fidèles. 
((  Je  suis,  dit-il,  retenu  dans  cette  Église  par 
le  consentement  des  peu^  les  et  des  nations. 
J'y  suis  retenu  par  l'autorité  qui  s'est  établie 
par  les  miracles,  nourrie  par  l'espérance, 
accrue  par  la  charité,  affermie  par  l'ancien- 
neté. J'y  suis  retenu  par  la  succession  con- 
tinuelle des  évéques,  depuis  la  séance  de 
saint  Pierre  apôtre,  auquel  Notre-Seigneur, 
après  sa  résurrection,  a  recommandé  de 
paître  ses  brebis,  jusqu'à  l'évêque  qui  oc- 
cupe présentement  son  même  siège.  J'y  suis 
retenu  enfin,  par  le  nom  même  de  catholi- 
que que  l'Église  seule  a  toujours  conservé 
avec  beaucoup  de  raison,  parmi  un  si  grand 
nombre  d'hérésies,  qui  se  sont  soulevées 
contre  elle  :  car  encore  que  tous  les  héréti- 
ques affectent  de  se  dire  catholiques,  toute- 
fois, lorsqu'un  étranger  leur  demande  où 
est  l'Égfise  des  catholiques,  aucun  d'eux  n'a 
la  hardiesse  de  montrer  son  temple  ou  sa 
maison.  C'est  par  tous  ces  liens  du  nom 
chrétien  si  précieux  et  si  chers,  qu'un 
homme  fidèle  est  attaché  à  l'Église  catho- 
lique, quoiqu'il  n'ait  pas  encore  une  intelli- 


[IV'=  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


339 


gence  parfaite  de  la  vérité,  à  cause  qu'il 
n'est  pas  capable  de  l'enteudi-e,  ou  à  cause 
qu'elle  ne  se  montre  pas  à  lui  avec  une  en- 
tière clarté. » 

Il  ajoute  que  parmi  les  manichéens ,  il  n'y 
avait  aucune  de  ces  raisons  pour  l'inviter  ou 
poTU'  le  retenir,  et  qu'il  n'attendait  de  leur 
part  que  de  vaines  promesses  de  lui  faire 
connaître  la  vérité.  IL  passe  à  l'examen  de 
la  lettre  de  Manichée,  faisant  voir  qu'il  n'a- 
vait aucune  raison  de  s'y  donner  le  titre 
d'apôtre  de  Jésus-Christ  ;  qu'il  n'y  en  avait 
pas  plus  à  ses  sectateurs  de  le  reconnaître 
pour  le  Saint-Esprit  ;  que  le  combat  qu'il 
soutenait  avoir  été  livré  avant  la  création 
du  monde ,  entre  les  deux  natures,  ou  les 
deux  principes  opposés  ,  quoique  tous  deux 
souverains  et  éternels  ,  était  une  rêverie  de 
Manichée ,  de  même  que  tout  ce  qu'il  disait 
des  suites  de  ce  combat  entre  ces  deux  na- 
tm'es  ;  qu'en  vain  il  promettait  à  ses  secta- 
teurs la  connaissance  des  choses  certaines  , 
puisqu'il  leur  ordonnait  de  croire  môme  les 
incertaines  ,  et  qu'il  leur  en  enseignait  qui 
étaient  visiblement  fausses,  et  en  particulier 
ce  qu'il  disait  de  la  terre  et  de  la  nation  des 
ténèbres  placée  à  côté  de  la  terre  et  de  la 
substance  de  Dieu. 

Il  parcourt  de  suite  toutes  les  autres  extra- 
vagances renfermées  dans  la  lettrée  du  Fon- 
dement :  puis  après  avoir  montré  qu'il  n'y  a 
aucune  nature  qui  ne  soit  bonne  d'elle- 
même  ,  il  parle  ainsi  ans  manichéens  :  <i  Si 
l'homme  n'a  plus  sur  les  créatures  un  empire 
aussi  absolu  qu'il  l'avait  lors  de  sa  création, 
c'est  le  péché  qui  le  lui  a  fait  perdre.  Quel 
sujet  de  s'étonner  si  après  avoir  péché , 
c'est-à-dire  désobéi  à  votre  Maître,  les 
choses  de  la  terre  sur  lesquelles  vous  de- 
viez avoir  la  domination,  vous  font  de  la 
peine  ?  Car  ,  elles  vous  marquent  que  vous 
êtes  en  effet  leur  maître  dans  ce  qui  en  elles 
vous  est  encore  soumis  ;  et  en  ce  qu'elles 
vous  sont  fâcheuses  et  pénibles ,  elles  vous 
apprennent  à  servir  et  à  obéir  à  celui  qui 
est  votre  maître  et  votre  souverain  Sei- 
gneur. »  Il  montre  qu'il  n'y  a  que  Dieu  qui 
soit  souverainement  bon  ;  qu'il  n'est  point 
autem-  du  mal  ;  et  que  celui  qu'il  permet 
par  im  ordre  secret  de  sa  providence  ,  vient 
de  nous-mêmes.  Il  en  rapporte  la  cause  à 


notre  attachement  pour  les  créatures ,  et 
dit  :  «  Ne  cherchons  point  dans  la  beauté  de 
ce  monde  ,  qui  n'est  qu'une  beauté  basse  et 
inférieure,  ce  qu'elle  n'a  point  reçu  ;  mais 
louons  Dieu  en  ce  qu'il  a  donné  tant  de 
beauté  à  cette  créature,  quoique  inférieure  : 
prenons  bien  garde  de  ne  nous  pas  attacher 
à  elle  en  l'aimant  trop,  mais  élevons-nous 
au-dessus  d'elle  en  louant  Dieu.  » 

2.  Fauste   le   manichéen    fournit   encore 
une  occasion  à  saint  Augustin  de  combattre 
les  erreurs   de  cette   secte  avec  beaucoup 
d'étendue.  Il  était  Afi'icain  \  né  dans  la  ville 
de  Milève  ,  d'une  basse  condition.  Il  se  ren- 
dit si  considérable  parmi  les  manichéens , 
qu'ils  lui  donnèrent  le  nom  d'évêque.  Son 
savoir  ^  n'était  pas  néanmoins  considérable, 
et  il  n'avait  rien  non  plus  au-dessus  des  au- 
tres pour  les  mœurs.  Mais  il  avait  l'esprit 
vif,   et  était  d'un  naturel  doux  ^,  modéré, 
d'une  humeur  accommodante  ',  agréable  en 
compagnie  ,  et  d'un  visage  bien  composé.  Il 
avait  aussi  une  sorte  d'éloquence  qui  don- 
nait de  l'agrément  aux  choses  les  plus  com- 
munes. A  force  d'avoir  lu  quelques  oraisons 
de  Cicéron ,  quelques  endi'oits  de  Sénèque, 
quelques  vers  des  poètes  ,  et  les  livres  de  sa 
secte  les  mieux  écrits  en  latin  ,  il  avait  ac- 
quis une  facilité  d'expression  qui  lui  était 
d'autant  plus  propre  pour  séduire,  que  ses 
talents   naturels   le    faisaient   écouter  avec 
plaisir.   Ce  fut  par  là  °  qu'il  attira  dans  le 
manichéisme  un  grand  nombre  de  person- 
nes ,  et  qu'il  se  fit  passer  pour  un  maître 
également  docte   et  prudent.   Quoiqu'il    se 
vantât   d'avoir  tout   abandonné   suivant  le 
commandement  de  l'Évangile  *,  et  de  ne  se 
pas  même  inquiéter  du  lendemain,  il  menait 
néanmoins  une  vie   très-voluptueuse ,  cou- 
chant sur  des  lits  de  plume ,  et  vivant  dans 
l'abondance  et  dans  les  délices.  Il  se  vantait 
aussi  d'avoir  souffert  pour  la  vérité  :  et  de 
vrai,  il  fut  mis  en  justice,  ayant  été  dénoncé 
au  proconsul  d'Afrique  avec  quelques  autres 
manichéens.  Mais  au  lieu  de  la  peine  de 
mort  qu'il  avait  encourue  selon  les  lois ,  il 
fut   seulement  relégué   dans  une  île ,  à  la 
prière  même  des  chrétiens  qui  l'avaient  ac- 
cusé ,  et  rappelé  peu  de  temps  après.  On 
croit  que  ce  fut  vers  l'an  386  ,  sous  le  pro- 
consulat de  Messien.  De  retour  de  son  exil , 


LÎTre  con- 
tre Fauste  le 
m  a  D  i  c  h  é  en , 
vers  l'an  404. 


1  Lib.   I    in  Faust.  ^   cap.  i  et  lib.  V,  cap.  v.  ^  Lib.    Y   Conf.^    cap.    vi.    —    ^ 

2  De    Util,   cred.y    cap.    viu.  —    ^  Lijj,  xVI  iu      Faust. ,  cap.  m  et  x= 

Faust.,  cap.  xxvi.  ^  Lib.  V  in  Faust.,  cap.  n  et  viii. 


Lib.    XXI   in 


340 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Analyse  des 
cinq  premiers 
livres  ,  pag. 
183  el suiv. 


il  écrivit  '  un  ouvrage  contre  l'Église,  où  il 
répandait  quantité  de  blasphèmes  contre 
Dieu  auteur  de  la  loi  et  des  prophètes.  Il  y 
attaquait  aussi  le  mj'stère  de  rincarnation , 
prétendant  que  les  Écritures  du  Nouveau 
Testament  étaient  corrompues  dans  les  en- 
droits auxquels  il  ne  pouvait  répoudi'e.  Cet 
ouvrage  étant  tomlié  entre  les  mains  de 
saint  Augustin  -,  plusieurs  des  fidèles  qui 
l'avaient  lu,  le  prièrent  de  le  réfuter.  Ne 
pouvant  leur  refuser  ce  devoir  de  charité,  il 
fit  ce  qu'ils  souhaitaient  de  lui,  et  réfuta 
mot  pour  mot  l'ouvrage  de  Fauste.  Le  saint 
Docteur  nous  apprend  lui-même  qu'il  en- 
voya ses  livres  contre  ce  manichéen,  à  saint 
Jérôme,  avec  l'Épître  quatre  vingt-deuxième, 
vers  l'an  403  :  et  dans  ses  Rétractations  ', 
il  met  la  conférence  avec  Félix  le  mani- 
chéen, immédiatement  après  les  livres  con- 
tre Fauste.  Puis  donc  que  Félix  mourut 
en  -404,  au  mois  de  décembre,  il  y  a  toute 
apparence  que  saint  Augustin  avait  dès  lors 
achevé  l'ouvrage  dont  nous  parlons.  Il  est 
cité  par  Cassiodore  et  par  saint  Fulgence  '. 
Le  premier,  dit  que  saint  Augustin  y  con- 
fond l'impiété  de  Fauste  par  un  raisonne- 
ment très-clair,  et  qu'il  y  parle  admirable- 
ment du  livre  de  la  Genèse. 

3.  II  est  divisé  en  trente-trois  livres  dont 
les  uns  sont  extrêmement  courts  et  les  au- 
tres plus  longs,  suivant  que  ceux  de  Fauste 
lui  fournissaient  plus  ou  moins  de  matière. 
Le  premier  est  une  espèce  de  prologue  clans 
lequel  saint  Augustin  se  propose  de  montrer 
que  les  manichéens  ne  pouvaient,  en  aucune 
façon,  se  donner  pour  de  vrais  chrétiens. 
Il  justifie,  dans  le  second,  ce  qui  est  dit 
dans  l'Ëvangile  de  la  généalogie  et  de  la 
naissance  de  Jésus-Christ  selon  la  chair. 
Dans  le  troisième,  il  concilie  les  contrariétés 
apparentes  qui  se  trouvent  dans  les  généa- 
logies rapportées  par  saint  Matthieu  et  par 
saint  Luc,  rendant  raison  en  même  temps 
pourquoi  le  premier  commence  cette  généa- 
logie en  descendant  depuis  Abraham  jus- 
(ju'à  Joseph;  au  lieu  que  le  second  com- 
mence à  Joseph,  et  va  en  remontant,  non 
jusqu'à  Abraham  seulement,  mais  jusqu'à 
Dieu  qui  a  fait  l'homme.  Il  prouve  par  di- 
vers exemples  que,  chez  les  anciens,  l'adop- 
tion était  en  usage,  et  que  Joseph,  ayant  eu 
deux  pères,  l'un  naturel,  et  l'autre  adoptif, 


il  n'est  pas  surprenant  que  saint  Matthieu  lui 
ait  donné  des  ancêtres  que  saint  Luc  ne  lui 
donne  pas  ;  le  premier  ayant  parlé  des  an- 
cêtres du  père  naturel  de  Joseph,  le  second 
de  son  père  adoptif.  Il  dit  à  Fauste  que  si, 
au  lieu  de  condamner  témérairement  l'Évan- 
gile à  cause  de  quelques  obscurités  qu'il 
renferme  sur  ce  sujet,  il  s'en  fût  éclairci 
avec  piété,  il  ne  serait  pas  tombé  dans  ces 
égarements.  «  Car,  ajoute-t-il,  tous  ceux  qui 
ont  considéré  avec  une  pieuse  disposition 
d'esprit  l'excellence  et  l'autorité  des  Écri- 
tures divines,  ont  été  persuadés  qu'il  y  avait 
dans  les  endroits  obscurs  quelque  chose  de 
caché,  dont  la  connaissance  serait  accordée 
à  ceux  qui  la  demanderaient  avec  humihté,  et 
refusée  à  ceux  qui  la  déchireraient  par  leurs 
invectives;  qu'ils  seraient  découverts  à  ceux 
qui  la  chercheraient,  mais  déniés  à  ceux  qui 
la  combattraient  ;  qu'ils  seraient  ouverts  à 
ceux  qui  frapperaient  pour  y  entrer,  et  fer- 
més à  ceux  qui  y  seraient  opposés  ;  ainsi  ils 
l'ont  demandée,  ils  l'ont  cherchée,  ils  ont 
frappé  à  la  porte,  et,  par  ce  moyen,  ils  l'ont 
reçue,  ils  l'ont  trouvée,  et  ils  y  sont  entrés 
heureusement.  »  Comme  Fauste  objectait 
qu'il  n'était  pas  digne  de  Dieu,  et  du  Dieu 
des  chrétiens  qu'on  le  crût  né  d'une  femme, 
saint  Augustin  répond  que  les  chrétiens  ne 
croient  pas  que  la  ■  nature  divine  ait  pris 
naissance  d'une  femme ,  mais  que  Jésus- 
Christ  en  est  né  selon  la  chair,  ainsi  que  le 
dit  l'Apôtre  dans  son  Épitre  aux  Romains. 

Il  fait  voir,  dans  le  livre  quatrième,  que 
les  promesses  des  biens  temporels  sont  ren- 
fei-mées  dans  l'Ancien  Testament,  et  que 
c'est  pour  cela  qu'on  l'a  intitulé  ainsi;  mais 
que  ces  pi-omesses  temporelles  n'étaient  que 
les  figures  de  celles  des  biens  à  venir,  qui 
ont  reçu  leur  accomphssement  dans  le  Nou- 
veau Testament;  que  l'espérance  des  chré- 
tiens n'a  point  pom'  objet  ces  biens  tempo- 
rels auxquels  même  les  saints  de  l'Ancien 
Testament  n'étaient  point  attachés ,  pai'ce 
qu'ils  ne  les  regardaient  que  comme  des  fi- 
gures de  ceux  que  le  Nouveau  Testament 
devait  procm-er. 

Il  enseigne,  dansle  cinquième  livre,  que  l'on 
ne  doit  pas  penser  de  Jésus-Christ,  suivant 
la  doctrine  des  manichéens,  mais  conformé- 
ment à  ce  qu'eu  dit  l'Évangile  qui  nous  ap- 
prend qu'il  est  né,  selon  la  chair,  de  la  fa- 


'  Lit.  II  Retract.,  cap. vu.  —  ^  Lib.  I  iu  Faust., 
cap.  I.  —  3  Lib.  11  Retract.,  cap.  vin. 


*  Cassiod.,  Inst.,  cap.  i    et   Fulg.   ad  Monim., 
lib.  II,  cap.  XIV. 


Analyse   du 


[IV°  ET  V*  SIÈCLES.] 

mille  de  David  ;  qu'il  est  mort  pom'  nos  pé- 
chés ;  qu'il  est  ressuscité  et  que,  pour  avoir 
la  vie  éternelle,  il  faut  croire  qu'il  est  en 
même  temps  vrai  fils  de  Dieu  et  vrai  fils  de 
l'homme.  Les  manichéens  se  vantaient  d'ac- 
complir parfaitement  ses  préceptes,  et  Fauste 
en  particulier  se  glorifiait  de  n'avoir  point 
d'argent  dans  sa  bourse.  Mais  saint  Augus- 
tin assure  que,  si  lui  et  ceux  de  sa  secte 
n'avaient  point  d'argent  dans  leurs  bourses, 
ils  avaient  au  moins  des  sacs  et  des  coffres 
pleins  d'or.  Sur  quoi  il  raconte  qu'un  nom- 
mé Constantius,  alors  de  la  secte  des  mani- 
chéens, en  ayant  rassemblé  plusieurs  à  Ro- 
me dans  sa  maison,  afin  de  leur  faire  obser- 
ver la  loi  et  les  préceptes  de  Manichée,  la 
plupart  n'en  voulurent  rien  faire,  de  sorte 
que  ceux  qui  voulurent  y  persévérer  firent 
schisme  avec  les  autres  qui  les  appelèrent 
des  nattiers,  parce  qu'ils  couchaient  sur  des 
nattes  de  jonc.  Ce  Constantius  embrassa  de- 
puis la  religion  catholique. 

Saint  Augustin  exhorte  les  manichéens  à 
quitter  leur  hypocrisie,  afin  que  leurs  dis- 
cours ne  se  trouvent  pas  contraires  à  leurs 
mœurs.  Il  fait  un  détail  de  la  vie  de  Fauste 
et  de  ceux  de  son  parti,  qai  était  toute  vo- 
luptueuse, et  leur  oppose  ceUe  d'un  grand 
nombre  de  catholiques  de  l'un  et  de  l'autre 
sexe,  qui  observaient  les  plus  sublimes  pré- 
ceptes de  rSvangile,  vivant  dans'  le  célibat 
et  dans  des  jeûnes  presque  continuels,  dont 
la  plupart  n'avaient  rien  en  propre,  n'étant 
avec  leurs  frères  qu'un  cœur  et  qu'une  âme, 
et  se  contentaient  des  choses  nécessaires  à 
la  vie. 

4.  Dans  le  sixième  livre,  saint  Augustin 
explique  la  différence  qu'il  y  a  entre  les 
préceptes  de  l'Ancien  Testament,  qui  regar- 
dent la  vie  active,  et  ceux  qui  n'étaient  que 
figuratifs.  Vous  ne  convoiterez  jjoint ,  c'est  un 
précepte  de  la  vie  active.  Tout  enfant  mâle 
sera  circoncis  le  huitième  jour,  c'est  un  pré- 
cepte de  la  vie  significative.  Les  cathoh- 
ques  observent  les  premiers  de  ces  précep- 
tes ;  mais  ils  se  dispensent  de  l'observation 
des  seconds,  comme  inutiles.  Saint  Augustin 
fait  sentir  tout  le  ridicule  du  mélange  que 
les  manichéens  disaient  être  arrivé  dans  la 
nation  des  ténèbres,  et  de  la  répugnance 
qu'ils  avaient  à  manger  certaines  viandes, 
sous  prétexte  qu'elles  étaient  impures  ;  et 
fait  voir  que  si  les  saints  de  l'Ancien  Tes- 
tament s'eu  sont  abstenus,  parce  que  Dieu 
l'avait  ordonné    ainsi,    elles    ne    sont   pas 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


341 

néanmoins  impures  de  leur  nature,  et  que 
ce  que  cette  abstinence  figurait  étant  ac- 
complie, eUe  n'est  plus  de  précepte,  mais 
un  simple  témoignage.  Il  montre  en  peu 
de  mots,  dans  le  septième  livre,  qu'il  est 
nécessaire,  suivant  les  Écritures,  de  croire 
que  Jésus-Christ  est  en  même  temps  fils 
de  Dieu  et  fils  de  l'homme,  qu'il  est  des- 
cendu du  ciel  ;  et  que  le  Verbe  s'étant 
fait  chair,  a  habité  parmi  les  hommes. 
Dans  le  huitième  livre  il  confirme  ce  qu'il 
avait  dit  dans  les  précédents,  que  ce  qui  est 
marqué  dans  l'Ancien  Testament,  était  une 
figure  du  Nouveau.  Et  parce  que  Fauste  ob- 
jectait qu'il  n'y  avait  pas  de  raison  aux 
chrétiens  de  recevoir  l'Ancien  Testament, 
puisqu'ils  n'en  observaient  point  les  précep- 
tes, saint  Augustin  après  lui  avoir  répondu 
dans  le  dixième  hvre,  qu'ils  en  observaient 
les  préceptes  qui  regardaient  la  vie  active, 
non  la  figurative,  lui  demande  pourquoi, 
lui  et  ceux  de  sa  secte  qui  recevaient  les 
livres  des  Évangiles,  non-seulement,  ne 
croyaient  pas  les  vérités  qui  y  sont  conte- 
nues, mais  les  combattaient  encore  de  tou- 
tes leurs  forces.  D'où  il  infère  qu'ils  ne  pou- 
vaient disconvenir  qu'il  lem\  était  plus 
diflacile  de  répondre  aux  passages  du  Nou- 
veau Testament  qu'on  leur  objectait,  qu'aux 
catholiques  de  résoudre  les  objections  tirées 
de  l'Ancien.  «  En  effet,  dit-il,  les  catholi- 
cpies  reconnaissent  pour  vrai  et  pour  divin 
tout  ce  qui  est  commandé  dans  l'Ancien 
Testament ,  et  les  manichéens  rejettent  du 
Nouveau  tout  ce  qui  les  embarrasse ,  ne 
trouvant  pas  moyen  d'y  répondre.  »  Ils  di- 
saient, par  exemple,  que  ces  paroles  que 
nous  lisons  dans  l'Épître  aux  Romains  :  Son 
fils  Cjui  lui  est  né  selon  la  chair,  du  sang  de 
David,  n'étaient  point  de  saint  Paul  ;  ou  que 
si  elles  en  étaient,  cet  Apôtre  avait  changé 
de  sentiment,  lorsqu'il  écrivait  sa  seconde 
Épître  aux  Corinthiens,  puisqu'il  y  dit  :  Si 
nous  avons  connu  Jésus-Christ  selon  la  chair, 
maintenant  nous  ne  le  connaissons  plus  de  cette 
sorte.  Mais,  d'après  saint  Augustin,  au  on- 
zième livre,  ce  passage  de  l'Epître  aux  Ro- 
mains était  véritablement  de  l'Épître  aux 
Romains,  n'y  ayant  aucun  exemplaire,  soit 
ancien,  soit  nouveau,  où  il  ne  se  trouvât  ;  et 
s'il  y  avait  quelque  diflërence  entre  les  exem- 
plaires grecs  et  latins,  c'est  que  ceux-là  por- 
taient que  Jésus-Christ  avait  été  fait  selon  la 
chair  ;  tandis  que  dans  ceux-ci  on  lisait  né  se 
lon^ia  chair.  Il  n'y  a  entre  ces  deux  endroits 


342 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


de  saint  Paul,  aucune  contrariété,  parce  que 
cet  Apôtre,  par  le  mot  de  chair,  n'entend 
pas  dans  sa  seconde  aux  Corinthiens,  la 
substance  corporelle  de  l'homme,  que  Jésus- 
Christ,  après  sa  résurrection,  appelle  aussi 
chair  ;  mais  la  corruption  et  la  mortalité  de 
la  chair  qui  ne  sera  plus  en  nous  après  la 
résurrection,  comme  elle  n'est  plus  en  Jé- 
sus-Christ depuis  qu'il  est  ressuscité.  Quand 
donc  il  dit  que  maintenant  nous  ne  connais- 
sons plus  Jésus-Christ  selon  la  chair,  c'est 
comme  s'il  disait  :  Nous  ne  le  connaissons 
plus  sujet  à  la  mort,  parce  que  ressuscité 
une  fois,  il  ne  meurt  plus,  comme  le  dit  le 
même  Apôtre,  dans  l'Épitre  aux  Romains. 
5.  Fauste  avançait  que  les  prophètes  d'en- 
tre les  Hébreux  n'avaient  rien  prophétisé 
sur  Jésus-Christ,  ou  que  du  moins  ils  n'a- 
vaient pas  vécu  d'une  manière  à  donner  du 
poids  aux  témoignages  qu'ils  en  avaient 
rendu.  C'est  ce  qui  engagea  saint  Augustin, 
dans  le  douzième  livre,  à  rapporter  les  pro- 
phéties de  l'Ancien  Testament  qui  regardent 
etla  venue  de  Jésus-Christ,  et  l'établissement 
de  son  Église,  soutenant  que  tout  ce  qui  est 
contenu  dans  les  livres  saints  a  été  dit  ou 
de  Jésus-Christ  ou  pour  Jésus-Christ.  Comme 
Fauste  et  les  autres  manichéens,  en  reje- 
tant les  témoignages  des  prophètes  hébreux 
ne  laissaient  pas  de  recevoir  ceux  de  l'É- 
vangile, et  particulièrement  celui  de  saint 
Paul,  saint  Augustin  leur  fait  voir  par  un 
grand  nombre  de  passages  tirés  des  Épi- 
tres  de  saint  Paul  et  des  Évangiles,  que 
Jésus-Christ  a  été  annoncé  par  les  pro- 
phètes des  Hébreux.  Il  joint  à  ces  pro- 
phéties diverses  figures  sous  lesquelles  Jé- 
sus-Christ et  son  Église  ont  été  représen- 
tés; Jésus -Christ  sous  la  figure  d'Abel  et 
de  plusieurs  autres  anciens  patriarches  ;  et 
l'Église,  sous  la  figure  de  l'arche  de  Noé, 
sous  celles  des  juges,  et  plusieurs  autres 
bien  marquées  dans  nos  hvres  saints.  Il  fait 
surtout  remarquer  l'accomplissement  de  la 
prophétie  de  Jacob  dans  Jésus-Christ,  et 
toutes  les  circonstances  de  sa  passion  rap- 
portées par  Isaïe  et  par  le  Psalmiste.  Il  con- 
tinue la  même  matière  dans  le  treizième 
livre  ;  et  pour  faire  mieux  sentir  quelle  est 
l'autorité  des  prophètes,  il  introduit  un  païen 
curieux  de  s'instruire  de  la  vérité  de  notre 
religion.  «  Si  nous  disons  à  cet  homme,  s'é- 
crie-t-il,  de  croire  à  Jésus-Christ,  parce  qu'il 
est  Dieu.  Pourquoi,  nous  répondra-t-il,  croi- 
rai-je  ne  lui  ?  11  ne  se  rendra  pas  même  à 


l'autorité  des  témoignages  que  nous  lui  pro- 
duirons de  la  part  des  prophètes  hébreux  ; 
mais  si  nous  lui  prouvons  que  ce  que  ces 
prophètes  ont  annoncé,  est  arrivé  ;  qu'ils 
ont  prédit  toutes  les  persécutions  dont  l'É- 
glise a  été  agitée,  l'établissement  de  cette 
Église,  qui  est  aujourd'hui  connue  de  tout 
le  monde  ;  la  destruction  des  idoles  et  de 
l'idolâtrie  ;  l'aveuglement  des  Juifs  et  leur 
réprobation  ;  la  foi  des  princes  et  des  peu- 
ples, et  beaucoup  d'autres  événements, 
pourra-t-il  ne  pas  se  rendre  ?  » 

Selon  le  saint  Docteur,  on  peut  bien  em- 
ployer contre  les  païens  les  témoignages 
rendus  au  vrai  Dieu  par  les  Sybilles,  Orphée 
et  quelques  autres  philosophes  et  théologiens 
célèbres  parmi  les  gentils.  Mais  ces  té- 
moignages ne  suffisent  pas  pour  donner  à 
ces  philosophes  ou  à  ces  théologiens  quel- 
qu'autorité.  Les  livres  des  manichéens  n'é- 
taient pas  d'un  plus  grand  poids  en  fait  de 
rehgion,  et  ils  ne  pourraient  servir  à  la  con- 
version d'un  païen,  n'y  ayant  personne  as- 
sez aveugle  pour  dire  :  «  Je  crois  à  Manès , 
mais  je  ne  crois  pas  à  Jésus-Christ;  »  et  qui 
ne  pût  dire  à  un  manichéen  :  «  Pourquoi  me 
commandez-vous  d'ajouter  foi  à  vos  livres, 
vous  qui  me  défendez  de  croire  à  ceux  des 
Hébreux?»  Il  remarque  en  passant^que  Ma- 
nès se  qualifiait  mal  à  pi'opos  apôtre  de  Jé- 
sus-Christ au  commencement  de  toutes  ses 
lettres,  puisqu'il  est  constant  cpie  l'hérésie 
dont  il  est  le  chef  et  l'inventeur,  ne  s'est 
élevée  que  depuis  la  mort  le  saint  Cyprien, 
c'est-à-dire  plus  de  deux  siècles  depuis  Jé- 
sus-Christ. 

Dans  le  quatorzième  livre,  saint  Augustin 
fait  voir  que  Jésus-Christ,  s'étant  revêtu 
d'une  chair  semblable  à  celle  du  péché, 
pour  condamner  le  péché  dans  la  chair,  n'a- 
vait pas  lui-même  une  chair  de  péché,  ne 
l'ayant  pas  pris  de  Marie  par  les  voies  ordi- 
naires ;  qu'il  n'a  pas  été  sujet,  à  raison  de  sa 
propre  chair,  à  la  malédiction  que  prononce 
Moïse  contre  celui  qui  est  attaché  à  la  croix  ; 
mais  seulement  à  cause  de  nos  péchés  qu'il 
s'est  bien  voulu  charger  d'expier.  D'où  il 
conclut  que  Fauste  n'a  pas  eu  raison  d'ac- 
cuser Moïse  de  blasphème,  lorsqu'il  a  dit 
dans  le  Deutéronome  :  Maudit  est  tout  homme 
qui  est  attaché  au  bois.  En  effet,  saint  Paul  se 
sei't  d'une  expression  à  peu  près  semblable 
en  parlant  de  Jésus-Christ  :  Notre  vieil  homme 
a  été  crucifié  avec  lui,  afin  que  le  corps  du  péché 
soit  détruit. 


Roin.  Ti,  fi. 


[IV"  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIiN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


343 


AnaijsBdes       6.  Lbs  oTimzième  et  seizième  livres  ont 

{Dinzieme,  ^ 

ie'ïôme'  dix'  po^r  t"it  de  montrep  que  l'Ancien  Testa- 
uï-'n^ufième'  nient  n'est  qpi'une  prophétie  du  Nouveau, 
IS'eismî!"'  pour  ceux  qui  l'entendent  comme  il  doit  être 
entendu;  et  que  l'autorité  des  anciennes 
Écritures  n'en  est  pas  moindre,  de  ce  que 
les  Juifs  ne  les  entendent  pas,  mais  qu'elle 
en  est  au  contraire  plus  forte,  puisque  leur 
aveuglement  même  y  est  prédit.  Saint  Au- 
gustin se  moque  de  ceux  qui  trouvaient  à 
redire  que  les  catholiques  se  servissent  des 
livres  reçus  des  Juifs  pour  autoriser  la  reli- 
gion chrétienne.  «Les  témoignages  que  l'on 
en  tire  pour  la  divinité  de  Jésus-Christ,  leur 
dit-il,  sont  en  cela  même  d'un  plus  grand 
poids  :  ils  sont  pris  des  livres  de  ceux  qui 
blasphèment  contre  lui.  Toutes  les  nations 
converties  à  la  foi  reçoivent  ces  livres  avec 
respect  et  dévotion ,  et  elles  ne  peuvent 
soupçonner  aucune  fraude  dans  ce  qu'on  leur 
dit  de  Jésus-Christ,  puisqu'elles  voient  que 
ce  que  l'on  en  dit,  se  lit  dans  des  livres  qui 
sont  d'une  si  grande  autorité  depuis  tant  de 
siècles  parmi  ceux-mêmes  qui  l'ont  crucifié. 
Au  reste, Iles  chrétiens  observent  tout  ce  qui 
est  prescrit  dans  ces  livres  par  Moïse,  non 
en  pratiquant  à  la  lettre  ce  qu'il  y  comman- 
de, mais  en  la  manière  qu'on  doit  observer  ce 
qui  n'était  qu'une  figure  des  choses  à  venir. 
Il  fait  voir  dans  la  dix-septième  livre,  qu'en 
ce  qui  regarde  Jésus-Christ,  on  doit  beaucoup 
plus  s'en  rapporter  à  saint  Matthieu,  témoin 
oculaire  de  presque  tout  ce  qu'il  en  a  dit 
qu'à  Manès,  qui  non-seulement  n'était  pas 
né  lorsque  Jésus-Christ  a  paru  parmi  les 
hommes,  mais  qui  en  a  dit  encore  des  choses 
toutes  contraires  à  celles  qu'en  raconte  l'É- 
vangile, n  est  vrai  que  saint  Matthieu,  par- 
lant de  sa  vocation  à  l'apostolat ,  ne  dit  pas  : 
Jésus  me  vit,  et  me  dit  :  Suivez-moi  ;  mais,  Jé- 
sus vit  Matthieu  et  lui  dit  :  Suivez-moi.  Mais 
on  sait  que  c'est  l'usage  des  historiens,  lors- 
qu'ils parlent  d'eux-mêmes  d'en  parler  à  la 
troisième  personne. 

Sur  la  fin  de  ce  livre  et  dans  le  dix-hui- 
tième, le  saint  Docteur  montre  que  Jésus- 
Christ  a  véritablement  accompli  tout  ce  qui 
était  prescrit  dans  la  loi  et  dans  les  prophè- 
tes ;  et  que  les  chrétiens  accomplissent  toutes 
les  réalités  annoncées  dans  les  figures  de 
l'Ancien  Testament  ;  qu'ainsi  on  ne  peut  les 
accuser  de  prévarication,  d'autant  plus  que 
Dieu  a  dit  par  son  prophète  Jérémie ,  qu'il 
leur  donnerait  un  Testament  Nouveau  diffé- 
rent de  celui  qu'il  avait  donné  à  leurs  pères. 


c'est-à-dire  'aux  patriarches.  Car  le  peuple 
juif,  à  cause  de  la  dureté  de  son  cœur,  avait 
reçu  certains  préceptes  dont  l'observation, 
quoique  bonne  par  rapport  aux  circonstan- 
ces des  temps,  n'était  qu'une  figure  de  ce  qui 
devait  arriver,  et  être  pratiqué  dans  la  suite. 
Au  lieu  du  sabbat,  nous  célébrons  le  jour 
du  dimanche  en  mémoire  de  la  résurrec- 
tion de  Notre-Seigneur,  et  le  sang  de  Jésus- 
Christ  nous  tient  lieu  de  tous  les  sacrifices 
d'animaux,  situés  dans  la  loi  ancienne,  et 
qui  n'étaient  que  des  figures  dont  Jésus- 
Christ  est  la  vérité  et  la  réaMté.  Il  observe  en 
passant  que  les  noms  des  jours  et  des  mois 
leur  ont  été  donnés  par  les  païens  en  l'hon- 
neur de  leurs  divinités. 

Dans  le  dix-neuvième  livre  ,  il  rend  raison 
pourquoi  les  sacrements  de  l'ancienne  loi  ont 
été  supprimés  à  la  venue  de  Jésus-Christ. 
«  Es  n'étaient,  dit-il,  que  prophétiques  pour 
annoncer  la  venue  du  Seigneur  ;  de  sorte 
qu'ayant  été  accomplis  par  son  avènement, 
ils  devaient  être  supprimés  ;  et  ils  l'ont  été 
parce  qu'ils  ont  été  accomplis,  Jésus-Christ 
étant  venu  accomplir  la  loi,  et  non  pas  la  dé- 
truire. Mais  il  a  institué  dans  la  nouvelle  loi 
d'autres  sacrements  plus  grands  en  vertu, 
plus  excellents  en  utilité,  plus  faciles  dans 
leur  observation,  et  moindres  en  nombre. 
Si  nous  admirons  et  louons  si  fort  les  Mac- 
chabées, parce  qu'ils  n'ont  pas  youlu  man- 
ger de  la  chair,  qui  est  maintenant  permise 
aux  chrétiens,  mais  qui  dans  ces  temps  pro- 
phétiques, était  défendue  ;  à  combien  plus 
forte  raison  un  chrétien  doit-il  maintenant 
être  prêt  à  souffrir  tous  les  maux  du  monde, 
pour  soutenir  la  vérité  du  baptême  de  Jésus- 
Christ,  de  l'Eucharistie  de  Jésus-Christ,  du  si 
gne  de  Jésus-Christ  ;  puisque  ces  premières 
choses  étaient  seulement  les  promesses  de 
celles  qui  se  devaient  accomplir  ;  et  que  ces 
dernières  sont  les  signes  qu'elles  ont  été  ac- 
complies? »  Aussi  saint  Augustin  dit  dans  un 
autre  endroit  S  que  le  peuple  juif  était  de- 
venu comme  un  grand  prophète,  ayant  été 
la  figure  vivante  de  ce  qui  devait  arriver  à 
Jésus-Christ  et  à  son  Église. 

7.  C'est  ce  cru'il  étaWit  encore  dans  le  li-   ,  Analyse  des 

^  livres  TiDgt^e- 

vre  vingtième,  où,  après  avoir  rapporté  les  ^„%°'^_^'|!|g'; 
imaginations  des  manichéens  sur  la  nature   ''  -'"■'• 
du  soleil  et  le  culte  qu'ils  lui  rendaient,  et 
plusieurs  autres  de  leurs  superstitions,  il  dit 
que  les  Juifs,  en  offrant  à  Dieu  les  victimes 

1  Lib.  cont.  Faust.,  pag.  253. 


3U 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


des  animaux,  célébraient  alors  en  plusieurs 
et  différentes  manières,  comme  la  chose  le 
méritait  bien,  la  prophétie  de  la  victime  futu- 
re que  Jésus-Christ  a  depuis  offerte  en  sa  per- 
sonne; c'est  pour  cela,  ajoute-t-il,  que  les 
chrétiens,  après  que  ce  sacrifice  a  été  une 
fois  offert,  en  célèbrent  maintenant  la  mé- 
moire par  l'oblation  sainte  et  sacrée ,  et  la 
participation  du  corps  et  du  sang  de  Jésus- 
Christ.  Fauste  accusait  les  catholiques  de 
rendre  aux  martyrs  un  culte  superstitieux, 
et  tout  semblable  à  celui  que  les  païens  ren- 
daient à  leurs  idoles;  c'est  ce  qui  oblige  saint 
Augustin  d'expliquer  pourquoi  les  fêtes  des 
martyrs  se  célébraient  dans  l'Eglise.  <(  Le 
peuple  chrétien,  dit-il,  célèbre  la  mémoire 
des  martyrs  par  de  religieuses  solennités, 
soit  pour  s'exciter  à  les  imiter,  soit  pour 
s'associer  à  leurs  mérites,  et  pour  être  as- 
sistés de  leurs  prières  :  mais  il  ne  sacrifie 
pas  pour  cela  à  aucun  des  martyrs  ;  mais 
seulement  au  Dieu  des  martyrs  ,  quoiqu'il 
érige  des  autels  dans  les  églises  des  mar- 
tyrs, n  n'est  jamais  arrivé  à  aucun  évêque, 
étant  à  l'autel  dans  les  lieux  saints  où  repo- 
sent les  reliques  des  martyrs,  de  dire  :  Nous 
vous  offrons,  Pierre  ou  Paul,  ou  Cypi'ien, 
mais  que  ce  qu'on  offre  est  offert  à  Dieu 
qui  couronne  les  martyrs,  et  dans  les  mé- 
moires de  ceux  qu'il  a  couronnés.  Nous  ho- 
norons dorfc  les  martyrs  de  ce  culte  de  di- 
lection  et  de  société,  dont  nous  honorons 
durant  cette  vie  les  saints  hommes  de  Dieu 
que  nous  croyons  avoir  le  cœur  préparé  à 
endurer  de  pareilles  souffrances  pour  la  vé- 
rité de  l'Évangile  ,  mais  ,^nous  honorons  les 
saints  martyrs  ïivec  d'autant  plus  de  dévo- 
tion, que  nous  le  faisons  a'vec  plus  d'assu- 
rance après  la  consommation  de  leurs  saints 
combats  ;  et  nous  les  louons  avec  une  con- 
fiance d'autant  plus  ferme,  qu'ils  sont  main- 
tenant victorieux  dans  une  pleine  sécurité, 
et  qu'ils  ne  sont  plus  comme  des  voyageurs 
incertains  durant  le  cours  de  la  vie  pré- 
sente. ))  Le  saint  Docteur  soutient  k  Fauste 
que  l'on  ne  rend  point  aux  martyrs  dans 
l'Église  cathohque  le  culte  que  les  grecs  ap- 
pellent de  latrie,  qui  n'est  dû  qu'à  Dieu 
seul,  ajoutant  que  les  plus  saints  d'entre  les 
hommes  comme  saint  Paul  et  saint  Barnabe, 
et  les  anges  eux-mêmes,  n'ont  jamais  per- 
mis qu'on  leur  rendît  un  culte  de  cette  nature. 
Comme  Fauste  calomniait  aussi  les  aga- 
pes ou  festins  de  charité,  en  accusant  les 
chrétiens  de  s'y  abandonner  au  vin  jusqu'à 


l'excès,  saint  Augustin  lui  répond  que  ces 
sortes  de  repas  servaient  à  la  nourriture  des 
pauvres;  et  que  bien  loin  d'approuver  les 
excès  du  vin  dans  les  mémoires  des  mar- 
tyrs, l'Éghse  les  condamne  dans  les  mai- 
sons des  particuliers..  Mais  quelque  grand 
que  soit  le  péché  d'intempérance,  selon  saint 
Augustin,  il  y  aurait  moins  de  mal  de  reve- 
nir plein  de  vin  des  mémoires  des  martyrs, 
que  de  leur  sacrifier  à  jeun,  tant  il  était  éloi- 
gné de  penser  qu'on  pût  leur  rendre  un 
culte  idolâtre.  Avant  la  venue  de  Jésus- 
Christ,  la  chair  et  le  sang  de  son  sacrifice 
nous  étaient  promis  par  des  victimes  qui 
n'en  avaient  que  la  ressemblance  ;  mais  de- 
puis la  vérité  nous  en  a  été  donnée  dans  sa 
passion,  et  après  son  ascension  glorieuse  la 
mémoire  en  est  célébrée  par  son  sacrement. 
Fauste  ne  savait  ce  qu'il  disait  en  accusant 
les  chrétiens  de  vivre  à  la  manière  des  gen- 
tils, car  ceux  qui  vivent  de  la  foi  et  d'une 
foi  véritable ,  et  qui  conséquemment  ren- 
ferme la  foi,  l'espérance  et  la  charité,  ne 
peuvent  être  accusés  de  vivre  comme  les 
païens,  qui  n'ont  aucune  de  ces  trois  vertus. 

Dans  le  vingt- unième  livre,  le  saint  Évê- 
que fait  voir  à  Fauste,  que  lui  et  ceux  de 
sa  secte  admettaient  deux  dieux,  quoiqu'ils 
s'en  défendissent,  parce  qu'ils  ne  donnaient 
le  nom  de  Dieu  qu'au  bon  principe,  appe- 
lant satan  le  principe  mauvais  ;  qu'au  con- 
traire les  chrétiens  n'admettent  qu'un  seul 
Dieu,  à  qui  appartiennent  également  la  misé- 
ricorde et  la  justice  ,  et  qui  récompense  la 
vertu  et  punit  le  vice. 

8.  Dans  le  vingt-deuxième  livre,  il  explique 
comment  il  est  vrai  que  la  loi  a  été  donnée 
par  Moïse,  et  que  la  grâce  et  la  vérité  ont 
été  apportées  par  Jésus-Christ.  «  La  grâce, 
dit-il,  a  été  apportée  par  Jésus-Christ,  afin 
que,  l'indulgence  des  péchés  nous  ayant  été 
accordée,  nous  fassions  avec  le  secours  de 
Dieu  ce  qui  nous  avait  été  commandé  ;  et  la 
vérité  a  été  accomplie,  lorsque  ce  culte  de 
Dieu,  qui  ne  consistait  qu'en  des  ombres  et 
des  figures,  a  été  anéanti  par  la  présence 
de  Jésus-Clirist.  » 

Le  texte  même  de  l'Écriture  lui  sert  à 
prouver  qu'on  ne  pouvait  dire,  comme 
Fauste  l'avançait,  qu'il  y  ait  eu  un  temps 
où  Dieu  ait  été  enveloppé  dans  les  ténèbres, 
lui  qui  a  fait  la  lumière  ;  et  que  ce  mani- 
chéen était  obligé  d'expliquer  en  un  bon 
sens  une  quantité  d'expressions  du  Nouveau 
Testament,  toutes  semblables  à  celles  qu'il 


Analyse  dil 
vingl-deuxiÈ* 
me  livre,  (lag. 
a03  ol  suiv. 


[lye  ET  r  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTLN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


343 


condamnait  dans  l'Ancien.  Il  reprenait  en 
particulier  les  menaces  que  Dieu  y  fait  aux 
hommes,  soit  pécheurs  soit  justes.  Sur  quoi 
saint  Augustin  lui  répond  :  «  Le  souverain 
vvigneron  coupe  les  branches  de  sa  vigne 
qui  sont  bonnes  à  porter  du  fruit,  d'une  au- 
tre manière  que  les  inutiles  ;  cependant  il 
n'épargne  ni  les  unes  ni  les  autres,  en  tail- 
lant seulement  les  bonnes  et  en  retranchant 
entièrement  les  mauvaises.  Nul  homme  sur 
la  terre  n'est  ni  assez  juste  ni  assez  parfait 
pour  n'avoir  pas  besoin  de  tentation,  soit 
pour  pei'fectionner  sa  vertu,  soit  pour  la  for- 
tifier, soit  pour  l'éprouver.  Si  dans  la  secte 
de  Fauste  on  ne  rend  pas  aux  patriarches 
et  aux  prophètes  de  l'Ancien  Testament 
l'honneur  qui  leur  est  dû,  c'est  qu'on  ne  les 
connaît  pas  tels  qu'ils  sont  représentés  dans 
les  saintes  Ecritures  ;  et  quelque  mauvais 
qu'ils  les  crient,  ils  sont  beaucoup  meil- 
leurs que  les  élus  des  manichéens,  et  même 
que  le  dieu  de  ces  hérétiques.  Non-seule- 
ment la  langue  et  les  paroles  des  prophètes, 
mais  leur  vie  même  et  tout  le  royaume  des 
Juifs  ont  été  comme  un  grand  prophète 
destinés  à  prédire  la  vie  du  Christ  et  de  son 
Eglise.»  Puis,  venant  à  la  défense  de  ces  pa- 
triarches en  particulier,  il  les  justifie  des  re- 
proches dont  on  chargeait  leur  conduite. 

Il  y  en  avait  qui  accusaient  de  mensonge 
Abraham  lorsqu'il  persuada  à  sa  femme  de 
dire  aux  Égyptiens  qu'elle  était  sa  sœur. 
Saint  Augustin  répond  :  a  On  ne  doit  pas  ac- 
cuser un  si  grand  homme  d'avoir  eu  recours 
à  un  mensonge  pour  sauver  sa  vie  ;  au  con- 
traire, il  parla  en  cette  occasion  très-sincè- 
rement ;  car  il  ne  nia  pas  que  Sara  fût  sa 
femme,  à  ceux  qui  lui  auraient  demandé  si 
elle  ne  l'était  pas,  ce  qui  aurait  été  un  men- 
songe :  mais  aux  personnes  qui  ne  connais- 
saient ni  lui  ni  Sara,  et  lui  demandaient  qui 
elle  était,  il  répond  qu'elle  est  sa  sœur,  ce 
qui  était  vrai  comme  ce  patriarche  le  soutint 
par  la  suite.  Ainsi,  continue  le  saint  Doc- 
teur, il  ne  dit  rien  de  faux,  quoiqu'il  ne  dise 
pas  une  chose  qui  est  vraie.  »  Il  justifie  aussi 
Abraham  sur  ce  que  d'après  le  désir  de  Sara, 
il  prit  Agar  sa  servante  pour  avoir  des  en- 
fants par  elle,  soutenant  qu'en  cette  occa- 
sion, il  n'avait  point  été  dominé  par  une 
passion  impure,  et  qu'il  n'avait  cherché  que 
l'avoir  des  enfants  qui  sont  la  fin  et  la  gloire 
du  mariage.  Fauste  objectait,  que  du  moins 
ce  patriarche  avait  manqué  de  foi  à  la  pa- 
role de  Dieu  qui  lai  avait  promis  une  nom- 


breuse postérité  de  son  mariage  avec  Sara. 
Mais  saint  Augustin  montre,  par  la  suite  de 
l'Écriture,  que  cette  promesse  ne  fut  faite  à 
Abraham  que  depuis  qu'il  eût  connu  Agar  ; 
et  que  jusque-là.  Dieu  ne  lui  avait  pas  fait 
connaître  en  quelle  manière,  ni  de  qui  lui 
naîtrait  cette  postérité. 

On  objectait  encore,  qu'il  aurait  été  plus 
digne  de  la  grandeur  de  la  foi  et  de  la 
générosité  d'Abraham,  de  ne  point  exposer 
l'honneur  de  Sara  pour  sauver  sa  propre 
vie,  mais  d'avouer  simplement  aux  Égyp- 
tiens qu'il  était  son  mari,  en  se  reposant 
sur  la  toute-puissance  de  Dieu,  du  soin  de 
sauver  en  même  temps  l'honneur  de  Sara, 
et  sa  personne.  Saint  Augustin  répond  : 
((  Si  Abraham  eût  agi  de  la  sorte ,  loin  de 
faire  paraître  une  foi  et  rme  générosité 
plus  grande,  il  aurait  au  contraire  manqué 
de  lumière,  et  déplu  à  Dieu.  Car,  poursuit-il, 
c'est  un  principe  indubitable  de  la  vérité  qui 
règle  nos  mœurs,  que  l'homme  ne  doit  ja- 
mais tenter  Dieu;  et  que  s'il  se  trouve  en  mê- 
me temps  exposé  à  deux  périls,  dont  il 
puisse  éviter  l'un  par  un  moyen  humain,  et 
dont  l'autre  soit  entièrement  inévitable,  il 
doit  se  délivrer  lui-même  du  premier,  et  re- 
mettre à  Dieu  le  soin  de  le  tirer  du  second. 
C'est  ce  qui  est  arrivé  à  Abraham  dans  cette 
rencontre.  Il  devait  craindre  en  même  temps 
la  perte  et  de  sa  vie  et  de  l'honneur  de  sa 
femme.  Il  sauve  sa  vie  en  disant  ce  qui 
était  vrai,  que  Sara  était  sa  sœur,  c'est-à- 
dire  sa  nièce  selon  l'expression  des  anciens, 
qui  donnaient  le  nom  de  sœur  à  leurs  pro- 
ches parentes,  comme  on  le  voit  par  le  livre 
de  Tobie  et  de  la  Genèse ,  et  il  remet  à  Dieu 
le  soin  de  tirer  du  péril  l'honneur  de  sa 
femme.  » 

Saint  Augustin  appuie  cette  explication  de 
l'exemple  de  Jésus-Christ,  qui  étant  enfant, 
évita  la  fureur  d'Hérode  en  se  sauvant  en 
Egypte,  quoique  étant  Dieu,  ilfutle  maître  et 
de  sa  vie  et  de  la  volonté  de  ses  emiemis.  Il 
l'appuie  aussi  de  l'exemple  de  saint  Paul,  qui, 
pour  ne  pas  offenser  Dieu  en  le  tentant,  aima 
mieux  se  faire  descendre  dans  une  corbeille 
le  long  de  la  muraille  de  la  ville  de  Damas, 
que  de  s'exposer  à  la  fureur  de  ses  ennemis. 
Le  saint  Docteur  demande  si  la  chasteté  de 
Sara  aurait  été  blessée,  en  cas  que,  pour  sau- 
ver la  vie  à  son  époux  et  par  son  ordre,  elle 
eût  passé  entre  les  bras  d'Abimélech  ou  de 
Pharaon  ;  comme  Abraham  lui-môme  ne  com- 
mit point  un  adultère,  lorsque  déférant  à  la 


Tob.  VIII,  0. 
Gcn.xiii.S, 


346 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


volonté  de  Sara,  il  consentit  d'admettre  dans 
son  lit  Agar  son  esclave.  A  ce  sujet,  il  dit 
qne  la  loi  naturelle  interdit  à  une  femme  la 
pluralité  des  maris,  mais  non  pas  à  un  hom- 
me la  pluralité  des  femmes;  et  qne,  par  con- 
séquent, il  a  pu  être  permis  à  Abraham  d'a- 
voir une  concubine,  mais  qu'il  n'a  pu  être 
permis  à  Sara  de  se  donner  un  second  mari 
avec  Abraham,  quand  même  elle  l'eût  fait 
pour  lui  sauver  la  vie. 

A  l'égard  de  ce  qui  se  passa  entre  Loth  et 
ses  deux  filles,  saint  Augustin  ne  croit  point 
que  l'on  puisse  excuser  une  conduite  si  con- 
traire à  l'honnêteté  et  à  la  sagesse  ;  si  l'É- 
criture appelle  Loth  un  homme  juste,  c'est 
qu'il  l'était  en  une  certaine  manière,  c'est-à- 
dire  en  ce  qu'il  était,  comme  Abraham,  ado- 
rateur du  vrai  Dieu;  et  que,^ comparé  aux 
habitants  de  Sodome,  non-seulement  il  pa- 
raissait juste,  mais  très-affermi  dans  la  vertu 
et  dans  la  justice ,  puisqii'il  conserva  tou- 
jours une  extrême  horreur  des  abominations 
de  cette  ville,  bien  loin  d'être  tenté  de  les 
imiter.  Loth  n'étant  donc  appelé  juste  qu'en 
iiBeir.iii,  ce  sens  qui  est  celui  de  l'apôtre  saint  Pierre, 
n'y  avait-il  pas  dans  Fauste  de  la  témérité 
et  de  la  folie  de  condamner  les  livres  de 
l'Ancien  Testament,  parce  qu'ils  rapportent 
cette  action  de  Loth,  ne  prenant  pas  garde 
qu'ils  ne  la  rapportent  point  comme  ayant 
été  ordonnée  de  Dieu,  ou  comme  l'approu- 
vant ,  mais  simplement  comme  l'action  d'un 
homme?  Il  relève  ensuite  le  ridicule  de  ce 
manichéen  qui  censurait  certaines  marques 
de  tendresse  qu'lsaac,  au  rapport  de  l'Écri- 
ture, avait  données  à  sa  femme.  Le  saint 
Docteur,  au  lieu  de  les  regarder  comme  in- 
décentes, ne  doute  point  que  les  saints  mê- 
mes qui  sont  mariés,  ne  puissent  en  agir 
ainsi  sans  se  dépouiller  entièrement  de  la 
gravité  convenable  à  l'homme,  pour  condes- 
cendre en  quelque  sorte  à  la  faiblesse  du 
sexe.  Il  dit  en  parlant  de  l'entretien  de  Ra- 
chel  avec  Lia,  au  sujet  des  Mandragores, 
que  le  Saint-Esprit  qui  est  l'auteur  de  cette 
histoire,  n'aurait  garde  d'y  rapporter  de  si 
petites  choses  qui  se  passent  entre  les  fem- 
mes, s'il  n'avait  dessein  en  même  temps  de 
■nous  engager  à  y  rechercher  de  grands 
mystères,  qu'elle  y  couvi-e  sous  des  ombres 
et  des  figures.  A  l'égard  des  quatre  femmes 
dont  Fauste  faisait  un  grand  crime  à  Jacob, 
saint  Augustin  répcnid  que  l'usage  étant 
alors  d'épouser  plusieurs  femmes,  ce  n'était 
point  un  crime  ;  mais  que  c'en  serait  un  au- 


jourd'hui ,  parce  que  ce  n'est  pas  l'usage. 
Il  ne  justifie  point  le  crime  de  Juda,  ni  de 
beaucoup  d'autres  anciens  qui  sont  marqués 
dans  la  généalogie  de  Jésus-Christ,  se  con- 
tentant de  dire  que  les  crimes,  dont  ils  se 
sont  rendus  coupables,  ne  dérogent  en  rien 
au  mystère  de  l'Incarnation ,  le  Sauveur 
ayant  voidu  naître  d'ancêtres,  les  uns  bons, 
les  autres  mauvais ,  pour  être  le  Sauveur 
des  uns  et  des  autres.  Mais  il  soutient  que 
ce  n'était  pas  une  raison  à  Fauste  de  rejeter 
l'Éci'iture,  parce  qu'elle  fait  mention  de  ces 
crimes ,  ayant  coutume  de  rapporter  sans 
acception  de  personne  ,  le  bien  et  le  mal 
de  chacun,  comme  on  le  voit  dans  David, 
dont  elle  rapporte  les  péchés  et  les  vertus, 
et  dans  saint  Pierre  dont  elle  raconte  égale- 
ment le  renoncement  et  la  confession. 

Après  un  bel  éloge  de  Moïse  que  Fauste  n'é- 
pargnait pas  plus  que  les  anciens  justes,  il 
fait  voir  qu'il  ne  pécha  point  en  dépouillant 
les  Égyptiens  de  ce  qu'ils  avaient  de  plus 
précieux,  et  qu'au  contraire,  il  se  serait  ren- 
du coupable  s'il  eût  agi  autrement.  Dieu  lui 
ayant  commandé  tout  ce  qu'il  fît  en  cette 
occasion.  Ce  législateur  n'est  pas  même  à 
condamner  dans  les  guerres  qu'il  entreprit, 
et  montre  à  cette  occasion  ce  qu'il  y  a  de 
mauvais  dans  la  guerre.  «  Qu'y  a-t-il  à  blâ- 
mer, dit-il,  dans  la  guerre?  Est-ce  de  ce 
qu'elle  fait  mourir  des  hommes  qui  mour- 
raient aussi  bien  un  jour,  afin  que  les  vain- 
queurs vivent  en  paix  ?  Il  n'appartient  qu'à 
des  gens  timides,  et  non  à  des  personnes  de 
piété,  de  blâmer  en  cela  la  guerre  ;  mais  la 
passion  de  nuire  aux  autres,  la  cruauté  pour 
se  venger,  l'aversion  de  la  paix,  les  senti- 
ments implacables  de  l'esprit,  l'emporte- 
ment de  la  révolte,  là  convoitise  de  dominer 
et  toutes  les  antres  passions  semblables,  sont 
les  défauts  blâmables  dans  la  guerre;  et 
quelquefois  c'est  afin  de  punir  ces  passions 
déréglées  dans  ceux  qui,  par  leurs  violences, 
résistent  à  la  justice  de  leurs  desseins,  que 
les  bons  entreprennent  la  guerre  contre  les 
méchants.  Un  homme  juste  peut  donc  fort 
bien  faire  la  guerre,  même  sous  le  comman- 
dement d'un  roi  sacrilège,  en  gardant,  au- 
tant qu'il  le  peut,  l'ordre  et  la  paix  de  ses 
citoyens  ;  lorsqu'il  sait  certainement  que  ce 
qui  lui  est  commandé  n'est  pas  contre  les 
préceptes  de  Dieu,  ou  qu'il  ne  sait  pas  cer- 
tainement s'il  lui  est  contraire.  Ainsi, l'ini- 
quité du  commandement  rend  quelquefois 
un   roi  coupable,  en  môme  temps  que  le 


[IV"  ET  V  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


347 


devoir   d'obéir  rend  un  soldat  innocent.  » 

Voici  la  raison  qu'il  donne  pour  expliquer 
comment  quelques-uns  des  justes  de  l'an- 
cienne loi  ont  régné  et  fait  des  guerres,  tan- 
dis que  les  apôtres  et  les  martyrs  n'ont  fait 
que  souffrir,  n  Les  patriarches  et  les  pro- 
phètes, dit-il,  ont  régné  sur  la  terre,  afin  de 
faire  voir  que  c'est  Dieu  qui  donne  et  qui 
ôte  tous  ces  royaumes  comme  il  lui  plaît  ; 
mais  les  apôtres  et  les  martyrs  n'y  ont  pas 
régné,  afin  de  nous  apprendre  à  désirer  plu- 
tôt le  royaume  du  ciel  que  ceux  de  la  terre. 
Ces  rois  anciens  ont  fait  des  guerres,  afin  de 
montrer  aux  hommes  que  c'est  Dieu  qui  par 
sa  volonté  souveraine  donne  les  victoires  ; 
mais  les  martyrs  se  sont  laissés  tuer  sans 
faire  de  résistance,  afin  de  nous  enseigner 
que  la  plus  excellente  victoire  est  de  mourir 
pour  la  foi  de  la  vérité.  » 

Selon  saint  Augustin ,  l'homme  devient 
injuste  et  pécheur,  quand  il  aime  pom^  elles- 
mêmes  des  choses  dont  on  ne  doit  user  (jue 
pour  parvenir  à  d'autres,  et  il  se  sert,  afin 
d'arriver  à  ces  choses-là,  de  celles  qu'on 
doit  aimer  pour  efies-mêmes  :  car  il  trouble 
par  ces  actions  autant  qu'il  le  peut,  l'ordre 
naturel  que  la  loi  éternelle  veut  que  l'homme 
garde.  «  L'homme  au  contraire,  ajoute-t-il, 
devient  juste  quand  il  ne  veut  user  des  cho- 
ses du  monde,  que  selon  la  fin  pour  la- 
queUe  eUes  ont  été  instituées  ;  qu'il  dé- 
sire de  jouir  de  Dieu  pour  lui-même,  et  de 
son  ami  et  de  soi-même  en  Dieu  et  pour 
Dieu.  » 

Il  restait  encore  à  saint  Augustin  de  ré- 
pondre aux  reproches  que  Fauste  faisait  au 
Dieu  de  l'Ancien  Testament,  d'avoir  ordon- 
né au  prophète  Osée  de  prendre  pour  fem- 
me celle  qui  avait  commis  le  péché  de  for- 
nication, et  d'en  avoir  des  enfants.  Il  répond 
donc  à  ce  manichéen,  que  Dieu  n'en  agit 
ainsi  que  pour  retirer  cette  femme  de  son 
désordre,  et  que  selon  l'Évangile,  les  fem- 
mes publiques  précéderont  les  Juifs  dans 
le  royaume  des  cieux.  Quant  à  Salomon, 
dont  Fauste  objectait  aussi  les  désordres,  le 
saint  Docteur  répond  que  l'Ecriture,  qui  rap- 
porte le  bien  qu'il  fît  dans  les  commence- 
ments de,  son  règne,  l'a  repris  des  excès 
dans  lesquels  il  tomba  sur  la  fin. 

Ensuite  il  reprend  tout  ce  que  Fauste 
avait  objecté  touchant  Juda,  Thamar,  David, 
Salomon,  Osée  et  Moïse,  et  donne  à  tous  ces 
faits  des  explications  morales  et  spirituelles. 
Voici  celles  qu'il  donne  du  veau  d'or  que 


Moïse  ordonna  de  jeter  dans  le  feu.  «  Cette 
idole ,  dit-il ,  représentait  tout  le  corps  et 
toute  la  société  des  gentils,  adorateurs  des 
idoles.  Le  corps  de  cette  idole  est  jeté  dans 
le  feu ,  parce  que  les  gentils,  étant  convertis 
et  embrasés  de  ce  feu  que  le  Fils  de  Dieu  est 
venu  apporter  du  ciel  sur  la  terre,  devaient 
un  jour  perdre  la  force  du  péché,  que  le  dé- 
mon leur  avait  imprimée,  pour  être  trans- 
formés en  Jésus-Christ.  Cette  idole  est  ré- 
duite en  poudre,  parce  que  Dieu  a  brisé 
l'orgueil  des  gentils  idolâtres,  pour  les  ré- 
duire dans  la  poussière  de  lem"  néant.  La 
poussière  de  cette  idole  est  jetée  dans  l'eau, 
parce  qu'après  que  les  gentils  ont  été 
convertis  par  l'impression  du  Saint-Esprit, 
ils  ont  été  sanctifiés  par  l'eau  du  baptê- 
me. Et  les  Israélites  boivent  de  cette  eau, 
parce  que  l'Égfise  qui  est  le  véritable 
Israël,  a  fait  passer  les  gentils  dans  son 
propre  corps.  » 

D'après  saint  Augustin  ceux  qui  croient 
que  l'esprit  de  Bien,  dans  ces  histoires  sain- 
tes, rapporte  seulement  les  choses  passées 
sans  prédire  les  futures ,  sont  dans  une 
grande  erreur ,  puisqu'ils  combattent  for- 
mellement les  paroles  de  Jésus-Christ  et  des 
apôtres  ;  ceux ,  au  contraire ,  qui  croient 
que  non-seulement  les  actions  principales, 
mais  aussi  les  plus  petites  circonstances  de 
ces  histoires  saintes,  sont  prophétiques  et 
mystérieuses ,  semblent  entreprendre  une 
chose  bien  hardie  et  bien  difficile,  quoiqu'on 
doive  recevoir  avec  respect  ces  sortes  d'ex- 
plications ,  si  elles  sont  solides  et  fondées 
dans  l'Écriture.  Il  éclaircit  cette  règle  par 
une  comparaison,  a  C(jmmedans  une  Imrpe, 
dit-il,  tout  sert  pour  la  faire  résonner,  et 
tout  néanmoins  ne  résonne  pas,  n'y  ayant 
que  les  cordes  seules,  qui,  étant  touchées 
avec  art,  composent  l'harmonie  des  sons  : 
ainsi,  dans  l'histoire  sacrée,  tout  générale- 
ment n'est  pas  une  figure  et  une  prophétie, 
mais  les  moindres  choses  servent  comme  de 
jointure  et  de  liaison  pour  les  plus  grandes 
qui  sont  prophétiques  et  mystérieuses.  »  En- 
fin, il  remarque  que  les  Écritures  sacrées 
ont  rapporté  quelques  exemples  de  la  chute 
des  bons  dans  le  mal,  et  du  retour  des  mé- 
chants au  bien,  afin  que  les  justes  ne  s'éle- 
vassent point  dans  l'orgueil  par  une  trop 
grande  assui'ance,  et  que  les  méchants  ne 
s'endurcissent  point  dans  le  péché  par  le 
désespoir. 

9.  Les  sept  livres  suivants  contiennent  les 


Analyse  des 


348 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


YiDfl-Irotpiè- 
me,\ingt-qua- 
Irième,  vingl- 
c  i  Q  q  II  i  è  m  e- 
■wnçt-fi.xîème, 
vingt-  fpiiliè- 
me,  vingl-hui, 
liënie.  vingt- 
neuvièmp  li- 
vres, pog.  423 
cl  suiv, 


Analj>e  des 
l  r  e  n  l  i  6  ni  0  , 
trenle-  unie  - 
me ,  Uenle- 
deuxième  , 
trente-  lro>iè- 


réponses  de  saint  Augustin  à  quelques  vai- 
nes subtilités  de  Fauste  touchant  la  parenté, 
la  naissance,  la  mort  et  les  actions  de  Jésus- 
Clirist.  Le  saint  Docteur  y  démontre  les 
points  suivants  :  La  sainte  Vierge,  de  laquelle 
est  né  le  Sauveui-,  était  véritablement  de  la 
famille  de  David,  et  Joseph  son  époux  en 
était  aussi.  Ce  que  Fauste  disait  du  père  de 
la  sainte  Vierge,  qu'il  s'appelait  Joachim,  et 
qu'il  était  ptétre  de  la  tribu  de  Lévi,  ne  se  li- 
sait point  dans  les  livi'es  canoniques;  mais 
quand  le  fait  serait  vrai,  il  était  très-pos- 
sible qu'il  appartînt  à  la  famille  de  David,  et, 
qu'étant  de  la  tribu  de  Juda,  il  ait  été  adopté 
dans  celle  de  Lévi.  Quand  Jésus-Christ  ne  se- 
rait point  né  de  Marie,  cela  n'empêcherait 
pas  qu'il  ne  fût  mort ,  puisqu'Adam ,  qui 
n'était  né  de  personne,  n'avait  pas  laissé  de 
mourir.  Au  reste  on  croit,  dans  l'Église,  que 
Jésus-Christ  est  né,  qu'il  a  souffert,  qu'il  a 
prêché,  qu'il  est  mort,  parce  que  tous  ces 
faits  sont  attestés  par  ceux  qui  en  ont  été 
témoins,  et  qui  les  ont  mis  par  écrit.  Saint 
Augustin  rejette  la  lettre  que  les  manichéens 
faisaient  courir  sous  le  nom  de  Jésus-Christ. 

10.  Voici  ce  qu'on  remarque  dans  le  tren- 
tième livre  :  les  manichéens  s'abstenaient  des 
viandes  parce  qu'ils  les  croyaient  immondes, 
et  ils  portaient  les  filles  à  embrasser  la  vir- 
ginité, parce  qu'ils  détestaient  le  mariage; 
au  contraire,  si  les  catholiques  s'abstenaient 
quelquefois  des  viandes,  ce  n'était  pas  qu'ils 
les  crussent  mauvaises,  mais  uniquement 
pour  se  mortifier  et  humiher  davantage  leur 
âme  dans  la  prière,  et,  s'ils  préféraient  aussi 
la  virginité  au  mariage ,  c'est  parce  qu'ils  la 
croyaient  meilleure.  La  même  matière  est 
traitée  dans  le  trente-unième  livre.  Saint 
Augustin  prouve,  par  le  témoignage  de  l'A- 
pôtre, que  tout  est  pur  pour  ceux  qui  sont 
pirrs.  «Si  l'Apôtre,  dit-il,  appelle  immondes 
ceux  qui,  dans  le  Nouveau  Testament,  vou 
laient  que  l'on  observât  encore  les  ombres  des 
choses  futures  comme  nécessaires  au  salut, 
c'est  qu'ils  pensaient  ti'op  charueUement,  et 
c'est  pour  la  même  raison  qu'il  les  appelle 
infidèles  parce  qu'ils  ne  distinguaient  pas  le 
temps  de  la  loi  d'avec  celui  de  la  grâce.  » 

11  reconnaît,  dans  le  livre  trente-deuxiè- 
me, que  les  catholiques  recevaient  comme 
divines  toutes  les  écritures  de  l'Ancien  Tes- 
tament, et  que,  s'ils  ne  rendaient  pas  à  Dieu 
le  même  culte  que  lui  rendaient  les  Hébreux 
sous  la  loi  ancienne,  c'est  qu'ils  ont  appris 
des  Pères  du  Nouveau  Testament,  à  lui  en 


rendre  un  autre  figuré  par  les  ombres  de 
l'Ancien. 

Fauste  objectait  comme  un  crime  ce  qui 
est  ordonné  dans  le  chapitre  xxv  du  Deuté- 
ronome  que,  lorsque  deux  frères  demeure- 
ront ensemble,  et  que  l'un  d'eux  sera  mort 
sans  enfants,  la  femme  du  mort  n'en  épou- 
sera point  un  autre  que  le  frère  de  son  mari, 
afin  que  celui-ci  suscite  des  enfants  à  son 
frère. 

Saint  Augustin  répond  à  cette  difficulté  en 
deux  manières  :  1°  Cette  loi  marquait,  en  fi- 
gure, que  chaque  prédicateur  de  l'Évangile 
doit  travailler  dans  l'Église  de  telle  sorte 
qu'il  suscite  des  enfants  à  son  frère  qui  est 
mort,  c'est-à-dire  à  Jésus-Christ  qui  est  mort 
pour  nous,  afin  que  les  enfants  qu'il  lui 
donnera  portent  son  nom  ;  que  l'Apôtre, 
accomplissant  cette  loi ,  non  pas  charneUe- 
ment  et  en  figure,  mais  spirituellement  et 
en  vérité  par  l'ardeur  de  ses  travaux  apos- 
toliques, se  met  en  une  sainte  colère  contre 
ceux  qu'il  dit  avoir  engendrés  en  Jésus- 
Christ  par  l'Évangile,  et  les  reprend  très-sé- 
vèrement de  ce  qu'ils  voulaient  être  à  Paul. 
Est-ce  Paul,  leur  disait-il,  qui  a  été  crucifié 
pour  vous,  ou  avez-vous  été  baptisés  au  nom  de 
Paul?  Comme  s'il  leur  avait  dit  :  Je  vous  ai 
engendrés  à  mon  frère  qui  est  mort,  et  vous 
vous  nommez  de  son  nom,  c'est-à-dire  clu'é- 
tiens  et  non  pas  pauliens.  2°  Cette  loi  signi- 
fie que  celui  qui,  ayant  été  choisi  par  l'É- 
glise pour  le  ministère  de  l'Évangile,  refuse 
de  l'accepter,  est  semblable  en  cela  à  ce  frère 
dont  il  est  parlé  au  même  lieu,  qui  ne  veut 
point  épouser  la  femme  de  son  frère  mort,  et 
qu'il  se  rend  digne  véritablement  d'être  mé- 
prisé par  l'Église  même. 

Fauste  reprochait  aux  chrétiens  de  ne  pas 
célébrer  la  Pâque  comme  les  juifs,  et  de  ne 
pas  observer  comme  eux  certaines  abstinen- 
ces. Saint  Augustin  lui  répond  :  «  Les  clu'é- 
tiens,  célébrant  chaque  jour  l'immolation 
de  l'Agneau,  et  eu  faisant  chaque  année  la 
solennité,  ne  doivent  pas  se  rencontrer  dans 
cette  fête  avec  les  Juifs,  qui  ne  célèbrent 
cette  immolation  qu'en  figure;  et  il  ajoute 
qu'ils  font  cette  fête  le  dimanche,  jour  au- 
quel Jésus-Christ  est  ressuscité,  comme  ils 
célèbrent  le  cinquantième  jour  depuis  la 
résurrection  du  Sauveur,  le  jour  de  la  des- 
cente du  Saint-Esprit  sur  les  apôtres,  l'É- 
glise ayant  coutume  de  célébrer  les  mystè- 
res au  jour  même  qu'ils  sont  arrivés.  Quant 
aux  viandes  défendues  aux  Juifs,  comme 


I  Cor.    », 
15,  • 


[IV=^  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


349 


elles  n'étaient  que  l'ombre  des  choses  futu- 
res, le  saint  Docteur  répond  que  le  temps 
des  figures  étant  passé,  l'abstinence  de  ces 
viandes  ne  doit  plus  être  observée.  Il  fait 
un  parallèle  de  la  doctrine  des  chrétiens,  et 
particulièrement  de  ce  qui  regardait  la  foi 
en  Jésus-Christ,  avec  la  doctrine  des  mani- 
chéens à  qui  il  reproche  de  ne  rejeter  cer- 
taines parties  du  Nouveau  Testament,  que 
parce  qu'ils  les  croyaient  contraires  l'une  à 
l'autre,  et  qu'ils  n'en  jugeaient  ainsi,  que 
parce  qu'ils  ne  les  entendaient  pas.  Il  in- 
siste beaucoup  dans  le  livre  trente-troi- 
sième, sur  l'authenticité  des  divines  Écritu- 
res, en  particulier  sur  les  écrits  des  apôtres, 
disant  qu'il  n'y  a  rien  de  certain,  s'il  ne  l'est 
pas  que  ces  écrits  sont  de  ceux  dont  ils  por- 
tent le  nom.  Il  aUègue  sur  cela  le  témoi- 
gnage de  l'Église  répandue  parmi  toutes  les 
nations  ;  et  pour  rendre  sa  preuve  plus  sen- 
sible, il  dit  à  Fauste  :  «  Gomment  est-on 
certain  que  les  hvres  d'Hypocrate,  de  Pla- 
ton, d'Aristote,  de  Cicéron,  de  Varron,  et 
de  beaucoup  d'autres  auteurs  de  ce  genre, 
sont  véritablement  d'eux,  sinon  par  le  té- 
moignage successif  de  chaque  siècle,  de- 
puis celui  où  ils  ont  vécu  jusqu'au  nôtre. 
Il  en  est  de  même  des  livres  qui  ont  été 
composés  par  certains  écrivains  ecclésiasti- 
ques à  qui  l'on  n'attribue  les  ouvrages  qui 
portent  leur  nom,  que  parce  que  dans  le 
siècle  où  ils  ont  vécu  on  les  leur  a  attribués 
comme  dans  toute  la  suite  des  temps  jus- 
qu'à nous.  » 

n  finit  son  ouvrage  contre  Fauste  en  le- 
vant quelques  contrariétés  apparentes  qui 
se  rencontrent  dans  les  Évangiles,  et  en 
avertissant  ceux  qui  pourraient  avoir  quel- 
ques difficultés  sur  les  livres  de  l'Ancien 
Testament,  qu'ils  les  trouveront  exphquées 
dans  le  Nouveau,  où  les  mystères  sont  dé- 
veloppés et  les  prophéties  accomphes. 


§  IV. 

Des  deux  livres  contre  Félix  le  manichéen; 
des  livres  de  la  Nature  du  bien,  et  contre 
Secondin. 

isdeuxii-       1.  Félix  \  l'un  des  élus  et  même  un  des 

ont    été  ' 

écrits  en  404.  doctcurs  des  manichéens  était  venu  à  Hip- 
pone  pour  y  semer  ses  erreurs.  Quoique 
fort  ignorant   dans    les    belles   lettres ,    il 


était  plus  adroit  que  Fortunat,  confondu 
par  saint  Augustin,  encore  prêtre,  dans  une 
dispute  publique  au  mois  d'août  de  l'an  393. 
Il  arriva  qu'on  saisit  à  Félix  ses  papiers  ^, 
c'est-à-dire  les  livres  des  manichéens  qu'il 
avait,  et  qu'on  les  mit  sous  la  garde  du 
sceau  public.  Pour  se  les  faire  rendre  il 
présenta  sa  requête  au  curateur  de  la  ville 
d'Hippone ,  le  6  décembre  de  l'an  404, 
sous  le  sixième  consulat  de  l'empereur  Ho- 
norius.  Il  s'offrait  dans  cette  requête  de 
conférer  avec  saint  Augustin,  déclarant  qu'il 
était  prêt  de  soutenir  les  écrits  de  Manichée, 
de  montrer  qu'ils  ne  contenaient  aucune 
mauvaise  doctrine  ;  et  qu'au  cas  qu'il  s'y 
trouvât  quelque  chose  de  mal,  il  voulait 
bien  être  brûlé  avec  ses  livres,  et  subir  toute 
la  rigueur  des  lois.  Saint  Augustin  n'eut 
point  de  peine  d'accepter  la  dispute  ;  et  il 
semble  qu'il  entra  en  conférence  avec  Félix, 
le  jour  même  que  celui-ci  la  proposa  :  car 
on  voit  par  Possidius  qu'il  y  en  eut  deux  ou 
trois,  quoiqu'il  n'y  en  ait  que  deux  dont  les 
actes  aient  été  rédigés  par  écrit  ;  mais  tout 
au  commencement  de  la  première  de  ces 
deux  conférences,  saint  Augustin  dit  à  Fé- 
lix ^  :  «Vous  savez  que  vous  vous  êtes  vanté 
hier  de  pouvoir  défendre  les  écrits  de  Mâ- 
nes. »  Dans  la  même  conférence  Félix  dit 
à  saint  Augustin  *,  que  s'il  lui  apportait  les 
cinq  auteurs  qu'il  lui  avait  dit,  il  serait  en 
état  de  lui  répondre  sur  tout,  ce  qui  mar- 
qua visiblement  qu'ils  s'étaient  déjà  entre- 
tenus la  veiUe  du  7  décembre,  qui  est  la 
date  de  la  première  des  deux  conférences, 
dont  nous  avons  les  actes,  et  dont  saint  Au- 
gustin a  fait  deux  livres. 
2.  Elle  se  tint  dans  l'Église  d'Hippone,  en     Analyse  du 

^  Ai.?  premici'  livie, 

présence  du  peuple  qui  écoutait  avec  beau-  t's-"^' 
coup  de  modestie  et  un  grand  silence  devant 
les  balustres  du  chœur.  II  y  avait  aussi  des 
notaires,  et  ils  écrivirent  toutes  les  paroles 
de  l'un  et  de  l'auti'e.  Saint  Augustin  prit 
d'abord  en  main  la  lettre  de  Manès  appelée 
du  Fondement  :  Félix  la  reconnut,  et  en  lut 
lui-même  le  commencement,  où  cet  héré- 
siarque se  disait  apôtre  de  Jésus -Chi'ist. 
Alors  saint  Augustin  lui  dit  :  «  Prouvez - 
nous  comment  Manès  est  apôtre  de  Jésus^ 
Christ  :  car  nous  ne  le  voyons  point  dans 
l'Évangile  au  nombre  des  apôtres.  Nous  sa- 
vons celui  qui  a  été  ordonné  à  la  place  du 


•  August.,  lib.  II  Retract.,  cap.  vm. 
in  Fel.,  cap.  i. 


2  Lib.  II  s  August.,  lib.  1  m  Fel.,    cap.    i.    —   *   Ibid., 

cap.  XIV. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


350 

traître  Judas,  qui  est  saint  Matthias,  et  celui 
qui  a  été  ensuite  appelé  du  ciel  par  la  voix 
du  Seigneur,  qui  est  saint  Paul.  »  Félix  ré- 
pondit :  «  Votre  ainteté  me  prouve  comment 
Jésus-Christ  a  accompli  sa  promesse  d'en- 
voyer le  Saint-Esprit.  Et  de  suite  il  cita  ce 
qui  en  est  rapporté  dans  le  seizième  chapi- 
tre de  saint  Jean.  » 

Saint  Augustin  lut  cette  promesse  dans  le 
vingt-quatrième  chapitre  de  saint  Luc,  con- 
forme à  celle  qui  se  trouve  dans  saint  Jean; 
puis  il  lut  le  commencement  des  Actes  des 
apôtres,  et  ce  qui  y  est  dit  de  la  descente 
du  Saint-Esprit.  Félix  réphqua  :  «  Puisque 
vous  dites  que  les  apôtres  ont  reçu  le  Saint- 
Esprit,  donnez-m'en  un  qui  m'enseigne  ce 
que  Manès  m'a  enseigné,  ou  qui  détruise 
sa  doctrine,  n  Saint  Augustin  répondit  : 
«  Les  apôtres  ont  été  enlevés  du  monde 
avant  que  l'erreur  de  Manichée  y  fut  née  ; 
c'est  pourquoi  on  ne  trouve  aucun  écrit  des 
apôtres  où  ils  le  combattent  nommément. 
Je  vous  lirai  néanmoins,  ajouta-t-il,  ce  que 
l'apôtre  saint  Paul  a  prédit  de  vos  sembla- 
bles ;  et  ayant  pris  la  première  Épître  à  Ti- 
mothée,  il  lut  l'endroit  du  quatrième  cha- 
pitre où  il  est  dit  :  Dans  le  temps  à  venir 
quelques-uns  abandonneront  la  foi,  en  suivant 
des  esprits  d'erreur  et  des  doctrines  diaboliques 
qui  interdiront  le  mariage,  et  qui  obligeront 
de  s'abstenir  des  viandes  que  Dieu  a  créées  pour 
être  reçues  avec  action  de  grâces  pour  les  fidè- 
■  les.  »  Ensuite  il  pressa  Félix  de  déclarer,  s'il 
croyoit  que  toute  viande  propre  à  la  nourri- 
ture des  hommes  fût  pure,  et  que  le  mariage 
fût  permis.  Félix,  au  heu  de  répondre,  se  fit 
répéter  une  seconde  fois  les  paroles  de  la 
première  à  Timothée,  et  dit  que  Manès  ne 
s'était  point  retiré  de  la  foi  comme  ceux 
dont  parle  saint  Paul  en  cet  endroit.  Puis, 
détournant  la  question  sur  laquelle  saint 
Augustin  l'avait  pressé  de  répondre,  il 
ajoute  :  «  Vous  dites  que  le  Saint-Esprit  est 
venu  en  Paul.  Toutefois,  il  dit  dans  une  au- 
tre Épître,  qui  est  la  première  aux  Corin- 
thiens, que  nos  connaissances  sont  impar- 
faites, et  que  quand  la  perfection  viendra, 
elles  seront  détruites.  Manès  est  venu,  et 
nous  a  enseigné  le  commencement,  le  miheu 
et  la  fin.  Il  nous  a  instruits  de  la  formation 
du  monde,  des  causes  du  jour  et  de  la  nuit, 
du  cours  du  soleil  et  de  la  lune,  n'ayant 
point  trouvé  cela  dans  Paul,  ni  dans  les 
écrits  des  autres  apôtres,  nous  croyons 
qu'il  est  le  Paraclet.  »  «  Nous  ne  lisons  point 


dans  l'Évangile,  répondit  saint  Augustin, 
que  Jésus-Christ  ait  dit  :  Je  vous  envoie  le 
Paraclet  pour  vous  instruire  du  cours  du 
soleil  et  de  la  lune.  Car  il  voulait  faire  des 
chrétiens,  et  non  pas  des  mathématiciens.  Il 
suûit  aux  hommes  de  savoir  de  ces  choses 
pour  l'usage  de  la  vie,  ce  qu'ils  en  appren- 
nent dans  les  écoles.  Autrement  je  vous  de- 
mande combien  il  y  a  d'étoiles,  et  vous  êtes 
obligés  de  me  répondre,  vous  qui  prétendez 
que  le  Saint-Esprit  vous  a  enseigné  ces  sor- 
tes de  choses.  Mais,  en  attendant,  je  vous 
expliquerai  ce  que  dit  saint  Paul  de  l'imper- 
fection de  nos  connaissances.  Il  pai-le  de 
l'état  de  cette  vie  ;  et  pour  le  montrer, 
voyez  ce  qu'il  dit  :  Nous  voyons  maintenant  ^u  cor, 
comme  dans  un  miroir  et  en  une  énigme,  mais 
alors,  nous  verrons  face  à  face.  Dites-moi, 
vous  qui  prétendez  que  l'Apôtre  prédisait 
le  temps  de  Manichée,  voyez-vous  mainte- 
nant Dieu  face  à  face.  » 

3.  Félix  dit  :  «  Je  n'ai  pas  assez  de  forces  sniie, 
pour  résister  à  votre  puissance,  le  rang 
épiscopal  est  grand  :  je  ne  puis  résister  non 
plus  aux  lois  des  empereurs,  et  je  vous  ai 
prié  de  m'enseigner  sommairement  ce  que 
c'est  que  la  vérité.  »  Saint  Augustin,  après 
avoir  repris  en  peu  de  mots  ce  qui  avait  été 
dit  jusque-là,  et  montré  que  Félix  n'avait 
pu  lui  répondre,  ajouta  ;  «  Vous  avez  dit 
que  vous  craigniez  l'autorité  épiscopale, 
quoique  vous  voyiez  avec  quelle  tranquilité 
nous  disputons  :  ce  peuple  ne  vous  fait  au- 
cune violence,  et  ne  vous  donne  aucun  sujet 
de  crainte  ;  il  écoute  paisiblement ,  comme 
il  convient  à  des  chrétiens.  Vous  avez  dit 
(jue  vous  craigniez  les  lois  des  empereurs  : 
un  homme  qui  serait  rempli  du  Saint-Esprit 
n'aurait  pas  cette  crainte  ,  en  soutenant  la 
vraie  foi.  »  Félix  dit  :  «  Les  apôtres  mêmes 
ont  craint.  Ils  ont  craint,  dit  saint  Augustin, 
jusqu'à  se  cacher  ,  non  jusqu'à  refuser  de 
déclarer  leur  foi  quand  ils  étaient  pris.  Hier, 
vous  donnâtes  une  requête  au  cm'ateur  de 
la  ville ,  en  criant  publiquement  que  vous 
vouhez  être  brûlé  avec  vos  livres,  si  on  y 
trouvait  quelque  chose  de  mauvais  :  vous 
imploriez  si  hardiment  les  lois,  et  aujour- 
d'hui vous  fuyez  lâchement  la  vérité.  » 

Félix  après  plusieurs  chicanes  s'expliqua 
sm'  le  combat  qu'il  y  avait  eu  entre  Dieu  et 
la  nation  de  ténèbres  ;  saint  Augustin  lui  fit 
le  même  argument  qu'à  Fortunat  :  «  Com- 
ment la  nation  des  ténèbres  pouvait- elle 
nuire  à  Dieu,  dont ,  selon  Manès ,  les  royau- 


P«é| 


[iy=  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


351 


mes  étaient  si  solidement  fondés  ,  qu'ils  ne 
pouvaient  être  ni  remués  ni  ébranlés  ?  » 
Félix  dit  :  «  Si  rien  n'est  opposé  à  Dieu, 
pourquoi  Jésus-Clirist  a-t-il  été  envoyé  pour 
nous  délivrer  des  liens  de  la  mort  ?  Pour- 
quoi sommes-nous  baptisés  !  A  quoi  sert 
l'Eucharistie  et  le  christianisme?  »  Saint  Au- 
gustin répondit  :  (c  Jésus-Christ  est  venu 
nous  délivrer  de  nos  péchés ,  parce  que 
nous  ne  sommes  pas  engendrés  de  la  subs- 
tance de  Dieu,  mais  faits  par  sa  parole.  Or, 
il  y  a  une  grande  différence  entre  ce  qui  est 
né  de  la  substance  de  Dieu,  et  ce  qu'il  a  fait. 
Tout  ce  qu'il  a  fait  est  sujet  au  changement  ; 
mais  Dieu  n'y  est  point  sujet,  parce  que  l'ou- 
vrage ne  peut  être  égal  à  l'ouvrier.  Mais 
vous  qui  venez  de  dire  que  le  Père  qui  a 
engendré  des  enfants  de  lumière ,  l'air  et  la 
terre,  et  les  enfants,  ne  sont  qu'une  subs- 
tance, et  que  tout  est  égal  ;  il  faut  que  vous 
me  disiez  comment  la  nation  des  ténèbres 
pourrait  nuire  à  cette  substance  incorrup- 
tible. »  Félix  demanda  pour  y  répondre  jus- 
qu'au lundi  douzième  du  mois  de  décembre, 
et  pour  assurance  qu'il  ne  s'enfuirait  point , 
il  se  mit  à  la  garde  d'un  chrétien  nommé 
Boniface  qu'il  choisit  entre  les  assistants. 

4.  Ainsi  finit  la  première  conférence,  dont 
les  actes  furent  signés  par  saint  Augustin  et 
par  Félix.  La  seconde  se  tint  au  jour  mar- 
qué dans  la  même  Église  d'Hippone,  appelée 
l'Eglise  de  la  Paix.  Saint  Augustin  ayant  re- 
pris son  argimient,  Félix  dit  qu'il  n'avait  pu 
se  préparer  à  y  répondre,  parce  qu'on  ne  lui 
avait  point  rendu  ses  livres  ;  mais  que  si  on 
les  lui  rendait,  il  viendrait  au  combat  dans 
deux  jours.  «Tout  le  monde  voit,  dit  saint 
Augustin,  que  vous  n'avez  rien  à  répondre, 
ayant  demandé,  non  vos  livres,  mais  un  dé- 
lai. Toutefois,  puisque  vous  les  demandez, 
dites  ce  que  vous  voulez  qu'on  en  apporte 
pour  le  voir  maintenant  et  répondre.  »  Fé- 
lix s'en  tint  à  l'épître  du  Fondement,  et  saint 
Augustin  répétant  son  objection,  dit  :  «Si 
vous  adorez  un  Dieu  incorruptible,  en  quoi 
lui  pouvait  nuire  cette  nation  contraire  que 
vous  imaginez  ?  Si  rien  ne  lui  pouvait  nuire, 
il  n'a  point  eu  de  raison  pour  mêler  une 
partie  de  lui-même  à  la  nature  des  démons.» 
Félix,  voulant  justifier  Manès  ,  tâcha  de 
prouver  par  l'Évangile  et  par  saint  Paul, 
dont  il  produisit  plusieurs  passages,  qu'il  y 
a  deux  natures,  l'une  bonne,  et  l'autre  mau- 
vaise. Saint  Augustin  répondit,  que  toutes 
les  créatures  soit  visibles ,  soit  invisibles , 


sont  l'ouvrage  de  Dieu,  et  que  l'origine  du 
mal  est  le  libre  arbitre  par  lequel  on  fait  le 
bien  ou  le  mal  ;  ce  qu'il  prouva  non-seule- 
ment par  un  passage  de  l'Évangile  de  saint  Maiih,  xn, 
Matthieu ,  mais  encore  par  les  livres  des 
manichéens,  l'un  intitulé  le  Trésor,  et  l'au- 
tre, les  Actes  des  apôtres,  écrits  par  Leutius. 
Il  fit  voir  que,  suivant  les  principes  des  mani- 
chéens, il  n'y  aurait  point  de  péché,  ui  de 
justice  dans  la  punition  ;  et  qu'il  est  néces- 
saire de  distinguer  ce  qui  est  de  Dieu,  com- 
me procédant  de  sa  propre  substance ,  et  ce 
qu'il  a  tiré  du  néant,  comme  son  ouvrage. 
On  revint  encore  à  l'incorruptibilité  de  Dieu; 
et  Félix' ayant,  avoué  que  quiconqxie  disait 
Dieu  corruptible,  devait  être  anathématisé, 
le  saint  lui  prouva  que  Manès  enseignait  ce 
blasphème.  Félix  se  trouvant  embarrassé, 
dit  à  saint  Augustin  :  Que  voulez-vous  que 
je  fasse  ?  «  Que  vous  anathématisiez  Ma- 
nès, auteur  de  ces  blasphèmes,  lui  répondit 
saint  Augustin  ;  mais  ne  le  faites  que  de  bon 
cœur,  car  personne  ne  vous  y  contraint.  » 
Félix  souhaita  que  saint  Augustin  l'anathé- 
matisât  le  premier,  lui  et  l'esprit  qui  avait 
parlé  en  lui.  Ce  Père  ayant  donc  pris  un  pa- 
pier, écrivit  ces  mots  :  «  Moi,  Augustin,  évê- 
que  de  l'Église  cathohque,  j'ai  déjà  anathé- 
matisé Manès  et  sa  doctrine,  et  l'esprit  qui  a 
dit  par  lui  de  si  exécrables  blasphèmes , 
parce  que  c'était  un  esprit  séducteur,  non 
de  vérité,  mais  d'une  erreur  abominable;  et 
maintenant  j 'anathématisé  encore  de  même 
Manès  et  son  esprit  d'erreur.  »  Il  donna  le  pa- 
pier à  Félix,  qui  anathématisa  Manès  en  des 
termes  qui  marquaient  qu'il  pénétrait  bien 
l'abomination  de  ces  blasphèmes,  et  qu'il  les 
avait  eflectivement  en  horreur.  Us  signèrent 
l'un  et  l'autre  les  actes  de  cette  seconde 
conférence,  comme  ils  avaient  fait  ceux  de 
la  première.  Il  y  a  un  manuscrit  où  après  le     Tom,  vm 

T  7        TT  >     '    '        \     r\         1        1    t  r  1-  Oper.    Au^,, 

livre  des  Hérésies  a  Quodvultdeus,  on  lit  un  i^-iTi- 
acte  d'une  information  faite  contre  les  mani- 
chéens ;  Félix  y  reconnaît  avoir  abandonné 
leur  hérésie,  déclare  ceux  qu'il  sait_.être[de 
cette  secte. 

S.  Saint  Augustin,  après  avoir  parlé  dans 
le  second  livre  de  ses  Rétractations  ' ,  des 
conférences  qu'il  eut  avec  Félix,  met  immé- 
diatement après  le  livre  intitulé  :  De  la  Na- 
ture du  bien,  contre  les  manichéens.  Il  peut 
donc  l'avoir  composé  vers  l'an  404  ou  403  ; 
mais  cette  époque  n'est  point  sûre,  parce 

'  August.,  lib.  II  Retract.,  cap.  ix. 


Livra  de  la 
Natu  ro  du 
bien, vers  l'an 
404.  Analysa 
de  ce  livre, 
pag.  BOl.l 


352 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


E\oJ. 
i'.. 


qu'il  semble  que  ce  Père  a  voulu  joindre  en- 
semble, dans  ses  Rétractations,  tous  ses  écrits 
contre  les  manichéens.  Il  montre  dans  celui- 
ci  que  Dieu  est  le  souverain  bien,  et  qu'étant 
une  nature  immuable,  l'être  lui  est  essentiel; 
d'où  vient  u'il  dit  lui-même  à  Moïse  :  Je  suis 
celui  qui  est,  et  vous  direz  avx  enfants  d'Israël  : 
Celui  qui   est   m'a  envoyé  vers  vous.  Selon 
saint  Augustin  toutes  les  autres   natures, 
soit  spirituelles,  soit  corporelles,  sont  créées 
de  Dieu  ;  toutes  sont  bonnes  en  ce  qu'elles 
ont  de  nature  et  d'être  :  si  elles  sont  cor- 
ruptibles, c'est  qu'elles  sont  faites  de  rien; 
qu'il  n'y  en  a  aucune  qui  soit  mauvaise  d'elle- 
même  ;  le  pécbé  ne  vient  point  de  Dieu,  mais 
de  la  volonté  du  pécheur  ;  cela  n'empêche 
pas  qu'il  n'appartienne  également  à  Dieu  de 
pardonner  ou  de  punir  le  péché  ;  les  mauvais 
anges  n'ont  pas  été  créés  tels  de  Dieu,  mais 
ils  sont  devenus  mauvais  en  péchant.  L'ar- 
bre  dont  Dieu   défendit  le  fruit   à  Adam, 
n'était  point  mauvais  par  lai-même,  et  Dieu 
ne  lui    défendit   d'en    manger,  que  pour 
éprouver  son  obéissance  ;  le  mal  des  créa- 
tures n'est  pas  dans  elles-mêmes,  mais  dans 
le  mauvais  usage  que  l'homme  en  fait  ;  Dieu 
sait  user  en  bien  des  maux  que  fait  le  pé- 
cheur, en  faisant  éclater  sa  justice  par  les 
peines  qu'il  leur  fait  subir,  s'ils  ne  se  corri- 
gent pas  ;  le  feu  même  qui  doit  les  brûler 
n'est  pas  mauvais  de  sa  nature,  et  si  on 
l'appelle  éternel,  ce  n'est  pas  qu'il  le  soit  en 
la  même  manière  que  Dieu  l'est,  mais  imi- 
quement  parce  qu'il  n'aura  point  de  fin.  En- 
suite il  explique  combien  les  manichéens, 
suivant  leurs  fictions ,  mettaient  de  biens 
dans  la  nature,  qu'ils  appelaient  du  mal, 
et  combien  ils  mettaient  de  maux  dans  ce 
qu'ils  appelaient  nature  du  bien  :  sur  quoi  il 
rapporte  deux  passages  de  Manichée  ;  l'un, 
du  septième  livre  du  Trésor  ;  l'autre,  de  Vé- 
pître  du  Fondement,  où  l'on  voit  clairement 
le  principe  des  abominations  horribles  que 
ceux  de  cette  secte  commettaient  ensemble, 
et  dont   plusieurs   furent  convaincus   tant 
en  Paplilagonie ,  que  dans  les  Gaules.  Ils 
croyaient  que  les   parties  de  la  substance 
de  lumière  qui,  selon  eux,  était  celle  de  Dieu 
même  ,  étaient  mêlées  par  la  génération , 
avec  les  parties  de  la  substance  des  ténèbres, 
et  qu'elles  en  étaient  séparées  quand  leurs 
élus  mangeaient  les  corps  où  se  rencontrait 
ce  mélange.  Saint  Augustin  dit  avoir  appris 


ce  qu'il  rapporte  des  turpitudes  avouées  en 
pubhc  par  quelques-uns  des  manichéens, 
d'un  chrétien  catholique  de  Rome.  Il  fait  à 
Dieu  une  ardente  et  longue  prière,  pour  lui 
demander  qu'il  convertisse,  par  son  minis- 
tci'e,  ceux  qui  étaient  encore  engagés  dans 
ces  abominations ,  comme  il  en  avait  déjà 
converti's  un  grand  nombre. 
6.  Vers  le  même  temps,  un  nommé  Secon-     Livra 

^  tre  Secon 

din  ,  romain  de  naissance,  et  qui  n'avait  ^"^'^11^3°^ 
parmi  les  manichéens  que  le  rang  d'auditeur,  «™.i'«s.; 
ayant  lu  quelques  ouvrages  de  saint  Augus- 
tin, y  trouva,  comme  il  le  dit  ',  un  orateur  par- 
fait, et  presque  un  dieu  de  l'éloquence;  mais 
n'y  ayant  point  reconnu  un  défenseur  de  la 
vérité,  il  se  plaignit  à  lui  par  une  longue 
lettre  pleine  de  démonstrations  d'amitié  et 
de  respect,  de  ce  qu'il  combattait  par  ses 
écrits  la  doctrine  de  Manès ,  qu'il  suj)posait 
que  saint  Augustin  n'avait  abandonnée  que 
par  crainte,  et  par  le  désir  des  honneurs 
temporels. 

Saint  Augustin  qui  ne  connaissait  pas  Se- 
condin,  même  de  visage,  lui  répondit  par 
une  lettre  ^  encore  plus  longue,  qu'il  a  pla- 
cée lui-même  parmi  ses  livres,  parce  qu'il 
n'y  avait  pas  mis  à  la  tête  l'inscription  ordi- 
naire des  lettres.  Il  y  rend  compte  en  peu 
de  mots  et  avec  beaucoup  de  modestie,  des 
motifs  qui  l'avaient  obligé  de  quitter  la  secte 
des  manichéens  ;  mais  il  y  traite  avec  éten- 
due la  cause  de  l'Éghse,  et  renverse  avec 
tant  de  force  les  principes  de  cette  secte, 
qu'il  préféra  cet  écrit  à  tous  ceux  qu'il  avait 
faits  auparavant  contre  elle.  L'argument  sur 
lequel  il  presse  Secondin,  est  tiré  de  ces  pa- 
roles de  saint  Paul  aux  Romains  :  Ils  ont  rendu  R™-  '> 
à  la  créature  le  culte  souverain,  au  lieu  de  le  ren- 
dre au  Créateur  :  car  il  y  a  deux  choses  à  re- 
marquer dans  ce  passage  :  l'une  que  s'il  y  avait 
quelque  nature  étrangère  à  Dieu,  l'Apôtre  ne 
dirait  point  que  Dieu  en  est  le  créateur;  et 
l'autre  que  si  le  Créateur  et  la  créature  étaient 
d'une  même  substance,  le  même  Apôtre  ne 
fei'ait  point  un  reproche  aux  païens  d'avoir 
rendu  leur  culte  à  la  créature,  plutôt  qu'au 
Créateur;  puisqu'en  servant  la  créature  ou 
le  Créatem',  ils  auraient  adoré  une  même 
substance.  Il  presse  encore  ce  manichéen 
sur  ce  qu'il  avouait  dans  sa  lettre,  que  Jésus- 
Christ  est  le  premier  né  de  l'ineffable  et  très- 
sacrée  Majesté,  et  le  roi  de  toute  lumière.  En 
eflet,  Secondin  ne  pouvait  parler  ainsi,  sans 


1  Secund.,  Epist.  ad  Atig.,  pag.  520. 


2  August.,  lib.  H  Retract.,  cap.  x. 


[iv°  ET  v=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTLN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


333 


cesser  d'être  manichéen,  sans  reconnaître 
la  différence  qu'il  y  a  enti-e  le  créateur  et  la 
créature,  ni  sans  avouer  que  Jésus-Christ 
qui  en  tant  que  Vei'be  est  Fils  unique  de 
Dieu,  est  appelé  premier  de  toutes  créatu- 
res, parce  que  c'est  en  lui  que  toutes  ont  été 
créées,  les  visibles  et  les  invisibles.  Ce  ma- 
nichéen avait  encore  avancé  que  l'âme  ne 
pèche  point  par  sa  propre  volonté,  mais 
parce  qu'elle  est  mêlée  avec  la  chair.  «  S'il 
en  est  ainsi,  reprend  saint  Augustin,  Dieu 
ne  doit  punir  aucune  âme  ;  et  c'est  mal  à 
propos  que  Manès  lui-même  a  dit  qu'il  y 
avait  des  supphces  destinés  aux  âmes,  à 
celles-là  même  qui  viennent  de  la  partie  de 
la  lumière.  »  Secondin  sentant  son  opinion 
insoutenable,  avait  ajouté,  pour  l'expliquer, 
que  si  l'âme,  lorsqu'elle  se  connaît,  cousent 
au  mal  et  ne  combat  point  contre  l'ennemi 
qui  l'y  porte,  alors  elle  pèche  par  sa  pro- 
pre volonté.  A  ce  sujet,  saint  Augustin  fait 
divers  raisonnements,  qui  tendent  tous  à 
prouver  qu'il  n'y  a  aucune  nature  qui  soit 
mauvaise  d'elle-même ,  et  que  le  mal  est 
l'effet  de  la  volonté  qui  aime  la  créature 
au  lieu  du  Créateur,  qu'elle  le  fasse  de 
son  propre  mouvement ,  ou  à  la  persuasion 
d'un  autre.  Il  reprend  Secondin  d'avoir 
tourné  en  dérision  ces  paroles  d'Abraham  à 
Eliézer  :  Mettez  votre  main  sur  ma  cuisse,  et 
et  jurez-moi  par  le  Dieu  du  ciel  ;  et  soutient 
que  c'était  une  prédiction  que  le  Dieu  du 
ciel  et  de  la  terre  paraîtrait  un  jour  dans  le 
monde  revêtu  d'une  chair  sortie  du  même 
patriarche.  II  explique  dans  le  même  sens 
l'endroit  où  il  est  dit  qu'un  ange  lutta  avec 
Jacob.  Et  parce  que  Secondin,  pour  ne  pas 
avouer  que  le  Christ  est  venu  dans  la  chair, 
disait  dans  sa  lettre  qpi'il  ne  reconnaissait 
qu'iui  Sauveur  spirituel ,  n'étant  pas  possi- 
ble de  mettre  son  espérance  dans  un  Sau- 
veur charnel;  saint  Augustin  en  infère  qu'il 
ne  pouvait  donc  mettre  son  espérance  dans 
Manichée,qui  était  né  d'un  homme  et  d'une 
femme  à  la  manière  de  tous  les  autres  hom- 
mes. Secondin  se  fondait  sur  le  petit  nom- 
bre de  ceux  de  sa  secte,  disant  que,  suivant 
les  paroles  du  Seigneur,  peu  de  personnes 
marchaient  par  la  voie  étroite.  Saint  Augus- 
tin répond  que  les  grands  crimes  sont  rares 
quoique  le  plus  grand  nombre  soit  des  mé- 
chants ;  qu'il  y  a  moins  d'homicides  que  de 
voleurs,  et  moins  d'incestueux  que  d'adultè- 


res. «Ainsi,  prenez  garde,  lui  dit-il,  que 
l'horreur  de  votre  impiété  ne  fasse  le  petit 
nombre  dont  vous  vous  vantez.  Il  est  vrai 
qu'il  y  en  a  peu  qui  marchent  par  la  voie 
étroite,  mais  cela  n'est  dit  qu'en  comparai- 
son de  la  multitude  des  pécheurs  ;  et  ce  pe- 
tit nombre  de  saints  est  maitennant  caché 
dans  le  plus  grand  nombre  de  paiUes ,  qu'il 
faut  maintenant  amasser  dans  l'aire  de  l'É- 
glise catholique ,  dans  laquelle  il  faut  que 
vous  entriez  si  vous  désirez  être  véritable- 
ment fidèle.  1) 

§  V. 

Des  limbes  contre  l'Adversaire  de  la  loi  et  des 
prophètes. 

1.  Après  les  livres  de  l'Ame  et  de  son  ori- 
gine ,  et  après  ceux  qui  sont  intitulés  :  Des 
Mariages  adultères,  que  l'on  rapporte  à 
l'an'  419,  saint  Augustin  parle  dans  ses  Ré- 
tractations '  des  deux  livres  qu'il  composa 
contre  V Adversaire  de  la  loi  et  des  prophètes. 
Ainsi  on  peut  les  mettre  vers  l'an  4-20.  Voici 
quelle  en  fut  l'occasion.  Il  arriva  que  vers 
ce  temps-là  l'on  exposa-  en  vente  dans  la 
viUe  de  Carthage  un  liwe  sans  nom  d'au- 
teur. C'était,  comme  le  dit  le  saint  Docteur^, 
l'ouvrage  de  quelque  marcionite ,  ou  de 
quelque  autre  de  ces  hérétiques  qui  con- 
damnaient avec  les  manichéens  la  loi  et  les 
prophètes,  et  qui  enseignaient  de  plus  que 
ce  n'était  pas  Dieu,  mais  le  démon  qui  avait 
créé  le  monde.  Cet  auteur  inconnu  disait  ' 
avoir  appris  sa  doctrine  d'un  certain  Fabri- 
cius  qu'il  avait  rencontré  à  Rome,  et  dont  il 
se  faisait  gloire  d'être  le  disciple.  Pour  dé- 
crier l'Ancien  Testament,  il  en  alléguait  di- 
vers passages ,  où  il  prétendait  trouver  des 
sens  ou  erronés  ou  ridicules.  Et  comme  il 
voulait  paraître  en  quelque  manière  chré- 
tien, il  en  alléguait  aussi  du  Nouveau  Tes- 
tament, prétendant  qu'ils  étaient  contraires 
à  ceux  de  l'Ancien.  Il  se  servait  aussi  pour 
le  combattre  de  certains  livres  apocryphes. 
Comme  Secondin  il  relevait  son  hérésie  par 
le  peu  de  sectateurs  qu'elle  avait.  Son  livre 
était  adressé  à  un  particulier  qu'il  tâchait 
d'engager  dans  son  parti ,  et  qu'il  appelle 
ordinairement  son  frère.  A  la  suite  de  cet 
ouvrage  il  y  en  avait  un  autre  dans  le  même 
volume ,  qui  était  apparemment  du  même 
auteur,  puisqu'on  prétendait  faire  voir  que  la 


Ces  lîTres 
ODl  élé  faits 
vers  l'an  420. 


August.,  lib.  Il  Retract.,  cap.  Lvni.  —  ^  Lib.  I 
IX. 


in  Advers.,  cap.  ii.  —  3  Lib.  II  iu  Àdvers.,  cap.  il. 

23 


354 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLlîSIASTIQUES. 


Analyse   d 
promier  livri 


chair  n'a  pas  été  créée  de  Dieu.  On  y  troii- 
A'ait  aussi  quelque  chose  de  l'écrit  d'Adi- 
mante,  disciple  de  Manichée,  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut.  Ce  volume-  exposé 
ainsi  en  vente ,  fut  lu  et  écouté  d'un  grand 
nombre  de  personnes  qui  venaient  le  voir  par 
une  curiosité  dangereuse.  Ce  qui  engagea 
quelques  fidèles  à  l'acheter.  Ils  l'envoyèrent 
à  saint  Augustin,  en  le  priant  avec  beau- 
coup d'instance  de  le  réfuter.  Il  y  consentit, 
et  leur  adressa  l'écrit  qu'il  fit  sur  ce  sujet, 
intitulé  :  Contre  l'Aduersaire  de  la  loi  et  des 
prophètes. 

2.  Il  est  divisé  en  deuxhvres.  Dans  le  pre- 
mier, ce  Père  examine  tous  les  endroits  de 
l'Ancien  Testament ,  dont  cet  auteur  se  mo- 
quait, et  montre  qu'ils  n'ont  rien  de  mauvais 
ni  de  ridicule.  L'Adversaire  reprenait  Moïse 
comme  d'une  chose  absurde  et  impossible, 
d'avoir  dit  que  les  eaux  qui  sont  sous  le  ciel  se 
rassemblèrent  en  un  seul  lieu  :  et  la  raison 
qu'il  en  apportait,  c'est  que  la  terre  étant 
alors  toute  couverte  d'eau ,  les  eaux  n'au- 
raient pu  trouver  aucun  lieu  où  elles  se  re- 
tirassent, afin  que  la  terre  parût  à  décou- 
vert ,  et  qu  'elle  produisit  de  son  sein  toutes 
les  plantes.  Mais  saint  Augustin  lui  répond  : 
((  Si  on  lit  ces  paroles  avec  l'humble  atten- 
tion d'un  homme  qui  les  révère,  et  non  ave 
la  prévention  d'un  ennemi  qui  cherche  de 
quoi  exercer  la  malignité  d'un  orgueil  im- 
pie ,  il  est  aisé  de  concevoir  que  ce  qu'il 
s'imagine  être  impossible  a  pu  se  faire  en 
deux  manières  :  l'eau  qui  couvrait  la  sur- 
face de  la  terre  a  pu  être  plus  subtile,  et 
semblable  à  ces  vapeurs  dans  lesquelles 
l'eau  se  raréfie  et  tient  beaucoup  de  la  na- 
ture de  l'air  ;  et  ainsi  elle  était  comme  un 
brouillard  sombre  qui  environnait  toute  la 
terre  ;  mais  Dieu  l'ayant  ensuite  épaissie  , 
et  réduite  à  la  nature  et  à  la  pesanteur  de 
l'eau  ordinaire,  elle  a  occupé  sans  compa- 
raison moins  de  place,  et  a  laissé  vide  une 
partie  de  la  terre.  La  terre  par  la  toute-puis- 
sance de  Dieu  a  pu  s'entrouvrir  en  divers  en- 
droits, et  y  former  de  vastes  et  de  profondes 
concavités,  où  l'eau  se  retirant  aurait  formé 
les  mers  d'où  sortent  les  fleuves  ;  et  ainsi 
les  eaux  ayant  laissé  toutes  sèches  les  plus 
hautes  parties  de  la  terre  ,  elle  serait  deve- 
nue capable  de  produire  de  son  sein  toutes 
les  plantes.  »  L'Adversaire  de  la  loi  blâmait 
les  sacrifices  d'animaux  qu'on  avait  coutu- 
me d'olFrir  pour  apaiser  la  colère  de  Dieu. 
Saint   Augustin   répond,   que  Dieu  ne    les 


avait  commandés  dans  les  premiers  temps 
qu'afm  de  prophétiser  par  ces  signes  le  véri- 
table sacrifice  ;  et  qu'afîn  que  les  hommes, 
voyant  ces  victimes  pures  et  exemptes  des 
défauts  de  corps,  fussent  portés  à  espérer  que 
celui-là  seul,  qui  serait  exempt  de  péché,  se- 
rait immolé  pour  eux.  Le  même  auteur  ac- 
cusait le  Dieu  de  l'Ancien  Testament,  d'être 
sujet  au  repentir,  à  la  cruauté,  à  la  colère, 
à  l'oubli,  à  la  vengeance.  Pour  justifier  Dieu 
de  ces  reproches,  saint  Augustin  explique 
en  quelle  manière  on  attribue  à  Dieu  les 
noms  des  passions  humaines.  «  On  appelle, 
dit-il  ,  repentir  en  Dieu  ,  le  changement  qui 
parait  inopiné  aux  yeux  des  hommes  ;  des 
choses  qui  sont  soumises  à  son  pouvoir  ;  co- 
lère ,  la  vengeance  ou  punition  du  péché  ; 
miséricorde ,  la  bonté  dont  il  nous  assiste  ; 
zèle,  la  providence  avec  laquelle  il  ne  per- 
met pas  que  ceux  qui  lui  sont  soumis, 
aiment  impunément  ce  qu'il  leur  défend 
d'aimer.  Il  faut  donc  concevoir  Dieu,  comme 
faisant  miséricorde  ,  sans  être  touché  de  pi- 
tié ;  comme  s'irritant  sans  colère  ,  comme 
étant  zélé,  sans  jalousie;  comme  ne  souve- 
nant pas,  sans  oubli;  comme  ne  connaissant 
pas,  sans  ignorance;  comme  se  repentant, 
sans  repentir.  »  Il  rejette  comme  apocryphes 
certains  écrits  que  l'Adversaire  de  la  loi 
avait  produits  ,  sous  le  nom  de  saint  André 
et  de  saint  Jean,  apôtres,  parce  que  s'ils 
étaient  efl'ectivement  d'eux  ,  ils  auraient  été 
reçus  par  l'Église  depuis  le  temps  auquel 
ces  apôtres  ont  vécu  jusqu'à  nos  jours.  Ce 
même  auteur  prenait  sujet  de  décrier  l'An- 
cien Testament,  de  certaines  expressions  qui 
se  trouvent  au  chapitre  xxviii  du  Deutéro- 
nome  ,  verset  56 ,  les  regardant  comme  in- 
dignes de  la  souveraine  pureté  ;  mais  saint 
Augustin  fait  voir  que  plus  ces  choses  pa- 
raissent horribles  ,  plus  elles  sont  propres  à 
nous  donner  de  la  terreur.  «  Car,  dit-il,  le 
Prophète  ne  les  a  pas  dites  pour  apprendi-e 
aux  hommes  à  les  faire  ,  mais  au  contraii-e 
pour  en  détourner  les  hommes  par  ses  me- 
naces :  il  les  a  dites,  non  pour  les  porter 
jusqu'à  des  excès  si  eilroyables,  mais  pour 
empêcher  que  s'abandonnaut  aux  dérègle- 
ments que  leur  inspirait  la  corruption  de 
leur  cœur ,  ils  ne  tombassent  dans  des  châ- 
timents pour  qui  la  nature  et  les  sens  ont 
une  si  grande  horreur.  En  expliquant  à  la 
lettre  la  malédiction  marquée  dans  cet  en- 
droit duDeutéronome,  il  est  sans  doute  très- 
raie,  et  à  peine  pourra-t-on  voir  arriver  que 


rv"  ET  Y'-  SIECLES. 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


353 


Analyse  du 
deuxième  lî- 
\re,  pag.  579. 


la  famine  soit  si  effroyable ,  qu'elle  porte 
jusqu'à  ces  excès  qu'on  ne  peut  se  repré- 
senter sans  hoiTcnr ,  c'est-à-dire  jusqu'à 
manger  la  chair  de  ses  propres  enfants , 
comme  il  est  dit  dans  le  verset  suivant  ; 
mais  cette  autre  faim  malheureuse  qui 
pousse  les  âmes  criminelles  des  pécheurs,  à 
cause  de  l'indigence  où  elles  sont  de  la  vé- 
rité, à  se  nourrir  de  ce  qu'elles  ont  enfanté, 
et  de  ce  qu'elles  enfantent  tous  les  jours  par 
un  effet  de  la  corruption  des  leur  sens  char- 
nels, et  à  s'en  nourrir  comme  de  la  vérité 
même  ;  cette  faim  si  redoutable  remplit 
presque  toute  la  terre  ;  et  elle  est  d'autant 
plus  pernicieuse  ,  qu'étant  sans  comparai- 
son plus  mortelle  que  l'autre,  elle  cause 
toutefois  beaucoup  moins  d'horreur.  C'est 
par  le  jugement  d'un  Dieu  très-juste ,  que 
quelques  pécheurs  ,  comme  parle  l'Apôtre, 
ont  été  livrés  à  des  passions  honteuses,  afin  de 
punir  leurs  crimes  par  d'autres  crimes  ;  et 
les  supplices  de  ces  pécheurs  ne  sont  pas 
tant  des  tourments  ,  que  des  accroissements 
des  vices.  »  Nous  passons  plusieurs  autres 
objections  de  cet  ennemi  de  la  loi  auxquelles 
saint  Augustin  répond  avec  la  même  facilité 
qu'à  celles  que  nous  venons  de  rapporter. 

3.  Dans  le  second  livre  ce  Père  explique 
les  passages  du  Nouveau  Testament  dont  cet 
hérétique  abusait  pour  décrier  l'Ancien;  ce 
qu'il  fait,  non  en  suivant  l'ordre  de  l'écrit  de 
son  adversaire ,  mais  celui  qui  lui  paraissait 
le  meilleur.  L'Adversaire  prétendait  prouver 
d'abord  que  saint  Paul  avait  condamné  tous 
les  écrits  des  prophètes  dans  sa  première  let- 
tre à  Timothée,  où  il  l'avertit  de  ne  point  s'a- 
muser aux  fables  juives  et  à  des  généalogies 
sans  fin,  qui  servent  plutôt  à  exciter  des  dispu- 
tes, qu'à  fonder  l'édifice.  Mais  cette  objection, 
comme  le  remarque  saint  Augustin,  n'était 
fondée  que  sur  l'ignorance  où  était  cet  en- 
nemi de  la  loi,  qu'outre  les  Écritures  légiti- 
mes et  prophétiques,  les  Juifs  avaient  des 
traditions  non  écrites,  et  qui  n'étaient  gra- 
vées que  dans  lem'  mémoire.  Ce  sont  ces 
fausses  traditions  dont  l'Apôtre  avertit  Ti- 
mothée de  se  garder,  et  dont  Jésus-Christ 
même  détourne  tous  les  fidèles,  comme  on 
le  voit  dans  le  septième  chapitre  de  l'É- 
vangile selon  saint  Marc.  Le  saint  Doc- 
teur fait  voir  que  saint  Paul  en  disant 
aux  Corinthiens,  qu'il  s'est  fait  Juif  avec  les 
Juifs,  pour  gagner  les  Juifs,  en  observant 
comme  eux  certains  préceptes  de  la  loi,  ne 
le  disait  point  par  un  esprit  de  mensonge 


ni  pour  les  tromper,  mais  par  un  senti- 
ment de  compassion  pour  les  tirer  de  l'er- 
reur où  ils  étaient,  et  les  amener  à  la  vérité 
de  l'Évangile.  Il  n'était  pas  possible,  objec- 
tait l'ennemi  de  la  loi  que  les  prophètes  des 
Juifs  annonçassent  la  venue  de  notre  Sau- 
veur. «  Pourquoi,  répond  saint  Augustin, 
cela  ne  leur  était-il  pas  possible ,  puisque 
saint  Paul  dit  en  termes  exprès  que  les  ora- 
cles de  Dieu  leur  ont  été  confiés;  et  que  Dieu 
avait  promis  longtemps  auparavant  par  sespro 
pliètes  dans  les  Écritures  saintes,  que  son  Fils 
naîtrait  selon  la  chair,  du  sang  de  David  ?  » 
L'Adversaire  de  la  loi  objectait  encore  qu'il 
est  dit  dans  saint  Jean  que  la  loi  a  été  don- 
née par  Moïse,  mais  que  la  vérité  vient  de 
Jésus-Christ.  Saint  Augustin  lui  répond  :  h  Le 
texte  de  cet  Évangéliste  ne  porte  pas  ainsi, 
mais  :  La  loi  a  été  donnée  par  Moise  ;  la  grâce 
et  la  vérité  ont  été  faites  par  Jésus-Christ  ;  ce 
qui  est  arrivé  lorsque  la  charité  aj^ant  été 
répandue  dans  nos  cœurs  par  son  esprit,  elle 
nous  a  fait  accomplir  ce  qui  nous  était  com- 
mandé par  Moïse.  Mais,  disait  cet  hérétique, 
n'est-il  pas  écrit  que  Dieu  a  établi  dans  son 
Église,  premièrement  les  apôtres,  seconde- 
ment les  prophètes?  «  Cela  est  vrai,  réphque 
saint  Augustin,  mais  saint  Paul,  en  cet  en- 
droit, ne  parle  que  des  prophètes  qui  ont 
vécu  depuis  l'avènement  de  Jésus-Christ. 
Car,  il  y  avait  aussi  en  ce  temps  des  pro- 
phètes, comme  on  le  voit  par  la  première 
Épître  aux  Corinthiens,  où  nous  lisons  :  Pour 
ce  qui  est  aussi  des  prophètes,  qu'il  n'y  en  ait 
point  plus  de  deux  ou  trois  qui  parlent.  » 

Saint  Augustin  relève  en  passant  l'erreur 
de  son  adversaire,  qui  s'était  imaginé  qu'É- 
piménide ,  dont  les  Cretois  faisaient  un  pro- 
phète, était  du  nombre  des  prophètes  de 
l'Ancien  Testament.  Il  montre  aussi  qu'on 
ne  peut  entendre  ni  de  Moïse,  ni  d'aucun 
prophète  de  l'ancienne  loi,  ce  que  Jésus- 
Christ  dit  dans  saint  Matthieu  :  Plusieurs  me 
diront  en  ce  jour-là  :  Seigneur,  Seigneur,  n'a- 
vons-nous pas  prophétisé  en  votre  nom?...  et 
alors  je  leur  dirai  hautement  :  Je  ne  vous  ai 
jamais  connus;  ces  paroles  regardent  certains 
prédicateurs  qui,  depuis  la  publication  de 
l'Évangile,  s'aviseront  de  prêcher  des  cho- 
ses qu'ils  n'entendront  pas  eux-mêmes. 

Après  avoir  répondu  à  plusieurs  autres 
diflicultés  de  cette  nature,  saint  Augustin 
remarque,  sur  la  fin  de  ce  second  livre,  qu'il 
était  ordinaire  à  tous  les  hérétiques  ennemis 
de  l'Église  catholique  répandue  dans  toute 


3S6 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


la  terre,  de  se  glorifier  du  petit  nombre  de 
leurs  sectateurs,  disant  que  la  sagesse  est  le 
partage  du  petit  nombre.  Il  renvoie  aux 
écrits  qu'il  avait  déjà  composés  contre  les 
manicliéens,  pour  y  trouver  la  réfutation 
d'un  autre  écrit  joint  à  celui  de  l'Adversaire 
de  la  loi  et  des  proj)hètes,  où  l'auteur  pré- 
tendait montrer  que  la  chair  n'a  pas  été  for- 
mée de  Dieu.  Les  deux  livres  contre  V Adver- 
saire de  la  loi,  sont  marqués  dans  le  Catalo- 
gue de  Possidius  '  ;  et  Cassiodore  témoigne 
que  saint  Augustin  y  a  éclairci  beaucoup  de 
•questions  des  livres  saints  ^. 

§  VI.  ' 

Livre  à  Orose  contre  les  priscillianistes  et  les 
origénistes. 

!iOro.  1.  Vers  l'an  415,  un  jeune  prêtre,  nommé 
Paul  Orose,  vînt  des  extrémités  de  l'Espagne 
dans  l'Afrique,  par  le  seul  désir  de  voir  saint 
Augustin,  et  de  s'instruire  auprès  de  lui 
dans  la  science  des  saintes  Écritures,  et  dans 
la  doctrine  de  l'Église.  Il  brûlait  en  même 
temps  de  zèle  pour  combattre  les  erreurs 
qui  se  répandaient  dans  son  paj's,  et  il  était 
persuadé  d'une  part  que  Dieu  l'envoyait  à 
saint  Augustin ,  et  de  l'autre  que  Dieu  avait 
choisi  ce  saint  pour  guérir  par  sa  main  les 
plaies  que  les  peuples  d'Espagne  s'étaient 
attirées  par  leurs  péchés.  En  attendant  qu'il 
apprît  de  ce  Père  les  éclaircissements  qu'il 
en  attendait,  il  lui  donna  un  mémoire  des 
points  sur  lesquels  il  souhaitait  d'être  ins- 
truit. Dans  le  même  temps  deux  évoques  ^ 
nommés  Eutrope  et  Paul,  touchés  comme 
Orose  du  désir  de  contribuer  au  salut  de 
tout  le  monde,  présentèrent  aussi  un  mé- 
moire à  saint  Augustin,  touchant  quelques 
hérésies  qui  ravageaient  les  lieux  confiés  à 
leurs  soins.  Mais  comme  ils  n'y  avaient  pas 
compris  toutes  celles  qui  mettaient  le  trou- 
ble dans  l'Espagne,  Orose  lui  présenta  un 
second  mémoire  en  forme  de  lettre,  où  il 
marquait  en  quoi  consistaient  les  hérésies 
de  Priscillien  et  d'Origène,  qui  infectaient 
alors  l'Église  d'Espagne,  afin  qu'il  les  réfu- 
tât en  même  temps  qu'il  répondrait  au  mé- 
moire d'Eutrope  et  de  Paul.  Selon  lui,  Pris- 
cilhen  enseignait  comme  les  manichéens,  que 
l'âme  était  une  portion  de  la  substance  di- 
vine, envoyée  dans  le  corps  pour  être  punie 
selon  son  mérite ,  et  il  ne  confessait  la  Tri- 


nité que  de  nom,  comme  SabeUius.  Cette  hé- 
résie s'était  répandue  en  Espagne  avec  celle 
d'Origène.  Cette  dernière  hérésie,  par  le 
moyen  d'un  nommé  Avitus  (le  même,  à  ce 
l'on  cpie  croit,  à  qui  saint  Jérôme  envoya,  vers 
l'an  409,  sa  traduction  des  Principes  d'Origè- 
ne), ne  contenait  rien  qui  ne  fut  conforme  à 
la  vraie  foi  de  la  Trinité  ,  de  la  création,  de 
la  bonté  des  ouvrages  de  Dieu  ;  mais  elle  ren- 
fermait diverses  erreurs.  D'après  elle,  les  au- 
ges, les  démons  et  les  âmes  étaient  d'une 
même  substance,  et  ils  avaient  reçu  ces  rangs 
différents  selon  leur  mérite  ;  le  monde  cor- 
porel avait  été  fait  le  dernier,  pour  y  puri- 
fier les  âmes  qui  avaient  péché  auparavant; 
le  feu  éternel  n'était  que  le  remords  de  la 
conscience,  nommé  éternel,  parce  qu'il  du- 
rerait longtemps  ;  ainsi  toutes  les  âmes  se- 
raient à  la  fin  purifiées,  et  le  diable  mê- 
me; le  Fils  de  Dieu  avait  toujours  eu  un 
coi'ps,  mais  plus  ou  moins  subtil,  selon  les 
créatures  auxquelles  il  avait  prêché,  les  an- 
ges, les  puissances,  et  enfin  les  hommes;  par 
la  créature  soumise  à  la  corruption  malgré 
elle,  on  devait  entendre  le  soleil,  la  lune  et  les 
étoiles,  toutes  puissances  raisonnables,  sui- 
vant cette  doctrine.  Cet  Avitus,  un  autre  Espa- 
gnol de  même  nom,  et  un  Gi'ec  nommé  Ba- 
sile, qualifié  saint  par  Orose,  enseignaient 
cette  doctrine  comme  venant  d'Origène. 

2.  Saint  Augustin  répondit  au  mémoire 
d'Orose  par  un  écrit  qu'il  lui  adressa,  inti- 
tulé :  Contre  les  priscillianistes  et  contre  les 
origénistes.  Pour  le  rendre  plus  court,  il  ne 
dit  presque  rien  sur  les  erreurs  des  priscil- 
lianistes, se  contentant  de  renvoyer  à  ses 
ouvrages  contre  l'hérésie  des  manichéens, 
dont  celle  de  Priscillien  n'était  qu'un  reje- 
ton. A  l'égard  des  errem-s  attribuées  à  Ori- 
gène,  il  dit  à  Orose  qu'il  ferait  bien  d'aller 
dans  le  pays  où  elles  étaient  nées  autrefois, 
et  où  elles  avaient  été  découvertes  depuis 
peu,  c'est-ci-dire  en  Orient.  Il  prouve  qu'il 
est  de  la  foi  que  l'âme  est  un  ouvrage  de 
Dieu,  et  qu'elle  est  tirée  du  néant  comme  les 
autres  créatures.  Comme  on  objectait  qu'é- 
tant faite  par  la  volonté  de  Dieu,  on  ne  pou- 
vait dire  qu'elle  eût  été  faite  de  rien  ;  saint 
Augustin  répond  :  «  Ces  paroles  :  Dieu  a 
fait  les  choses  de  rien ,  signifient  qu'il  n'y 
avait  point  de  matière  préexistante  pour  en 
former  les  choses  qu'il  a  créées,  quoiqu'il  les 
ait  créées  par  sa  volonté.  »  Il  montre  aussi 


Analyse  di^ 
co  trailé,  pn^', 
Gll. 


ipossid.,  in  Jnrf.jCap.  VI.— ^  Cassiod.jius^.,  cap.  I.  *  Oro?.,  Epist.  ad  Aug.,  tom.  Vlll,  pag.  G07. 


[iV'  ET  V^  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPOxNE. 


357 


que  le  feu  éternel  est  un  vrai  feu,  et  vrai- 
ment éternel,  par  ce  passage  de  rÉvangile 
où  il  est  dit  que  le  feu  qui  brûlera  les  im- 
pies, sera  de  même  durée  que  la  gloire  dont 
les  bienheureux  seront  récompensés.  Alois, 

Maii'i.xxv,  dit  Jésus-Christ,  ceux-ci  iront  dans  le  feu 
éternel,  et  les  justes  dans  la  vie  éternelle. 
Quelques  autres  passages  de  l'Écriture,  en 
particulier  celui  d'Isaïe,  ou  nous  lisons  que 
le  'ver  des  pécheurs  ne  mourra  jaas,  et  que  le 
feu  qui  les  brûlera  ne  s'éteindra  pas,  servent 
encore  au  saint  Docteur  à  prouver  cette  vé- 
rité. On  y  trouve  aussi  les  enseignements 
suivants  :  le  monde  n'a  point  été  fait  de 
Dieu  pour  punir  les  péchés  des  esprits  rai- 
sonnables, mais  par  d'autres  vues  dignes  de 
la  bonté  du  Créateur  ;  toutes  les  créatures 
qu'il  renferme,  depuis  les  plus  considérables,' 
jusqu'à  celles  qui  le  sont  moins,  sont  toutes 
bonnes  de  leur  nature  et  dans  l'ordre  qui 
leur  convient.  Il  n'y  a  aucune  raison  de 
croire  que  les  astres  soient  animés  et  rai- 
sonnables, les  passages  de  Job  que  l'on  al- 
lègue pour  le  prouver  ne  démontrent  point 

rob.  ssxv,  cette  opinion.  Ces  paroles  :  Les  étoiles  ne 
sont  pas  pures  devant  lui,  à  plus  forte  raison 
l'homme  qui  n'est  que  pomriture,  ne  sont  pas 
de  Job  même,  mais  de  quelqu'un  de  ses  amis. 
L'Écriture  rapporte  beaucoup  de  choses  qui 
ne  sont  pas  vraies  en  elles-mêmes,  comme 
les  discours  pleins  d'impiété  que  l'Évangile 
rapporte  sous  le  nom  des  Juifs.  Il  y  en  a 
même  quelques-uns  des  apôtres  avant  leur 
conversion,  dont  ils  ont  été  repris  par  Jésus- 
Christ  même,  qui,  voyant  que  saint  Pierre 

lîaiih.  .XVI,  le  détournait  de  souffrir,  lui  dit  :  Retirez- 
vous  de  moi,  Satan  ;  vous  m'êtes  à  scandale. 
Quant  à  la  nature  des  corps  et  des  esprits 
célestes,  on  ne  doit  pas  la  rechercher  trop 
curieusement  ;  pour  lui  il  croit  très-ferme- 
ment qu'il  y  a  des  trônes,  des  dominations, 
des  principautés,  des  puissances,  et  que  ces 
anges  diffèrent  entre  eux  :  «Mais,  ajoute-t-il, 
afin  que  vous  me  méprisiez,  moi,  que  vous 
croyez  un  si  grand  Docteur,  je  ne  sais  ce 
qu'ils  sont,  ni  en  quoi  ils  diffèrent.  »  Il  ren- 
voie donc  Orose  à  des  personnes  plus  doctes, 
et  surtout  à  Jésus-Christ,  le  seul  et  vrai  maî- 
tre, de  qui  il  avait  reçu  la  grâce  de  s'inté- 
resser pour  l'Église,  et  de  chercher  la  vérité. 

§  VII. 

Des  Ecrits  contre  les  ariens. 

Réponses       1.  Quelque   temps    après  la  dispute  que 


saint  Augustin  eut  avec  Émérite.  évêque  de 
Césarée,  pour  les  douatistes,  c'est-à-dire 
sur  la  fin  de  l'an  418,  on  apporta  à  ce  saint 
Docteur  un  discoru's  des  ariens  pour  le  réfu- 
ter. Ce  n'est  pas  que  ceux  de  cette  secte 
eussent  quelque  église  dans  Hippone  ;  mais 
le  grand  nombre  d'étrangers  qui  y  abor- 
daient de  toutes  parts,  pouvait  avoir  amené 
quelques  ariens.  Il  se  peut  faire  encore  que 
ce  discours  ne  fût  point  des  ariens  de  cette 
ville,  mais  de  quelque  autre  endroit.  Quoi 
qu'il  en  soit,  saint  Augustin  le  réfuta  avec  le 
plus  de  diligence  et  de  précision  qu'il  lui 
fut  possible.  Ce  fut  pour  cela  qu'au  lieu  de 
mettre  toujours  le  texte  qu'il  réfutait,  il  mit 
le  discours  tout  entier  à  la  tête  de  son  ou- 
vrage, avec  des  chiffres  qui  renvoyaient 
aux  articles  de  sa  réfutation. 

2.  11  leur  demande  d'abord  si  le  Fils  a  été 
fait  de  rien,  et,  comme  ils  n'osaient  répon- 
dre affirmativement,  il  en  infère  qu'il  est 
donc  Dieu  de  Dieu,  et  que,  par  conséquent, 
la  nature  du  Père  et  du  Fils  est  une  et  la 
même.  En  effet,  comme  il  n'est  pas  possible 
que  l'homme  engendre  des  enfants  d'une 
autre  nature  que  de  la  sienne.  Dieu  n'a  pu 
engendrer  un  fils  d'une  nature  différente. 
Les  ariens  disaient  que  le  Fils  n'était  point 
venu  en  ce  monde  de  lui-même,  mais  en- 
voyé par  le  Père.  «  Cette  mission,  répond 
saint  Augustin,  emporte-t-elle  donc  une  dif- 
férence de  nature  ?  Et  s'il  est  permis  à  un 
homme  d'envoyer  son  fils,  quoique  de  la 
même  nature,  pourquoi  ne  le  sera-t-il  pas  à 
Dieu  ?  «  Ils  insistaient  sur  ce  qu'il  est  dit  dans 
l'Épitre  aux  Hébreux  :  Vous  l'avez  rendu  pour 
un  peu  de  temps  inférieur  aux  anges.  Saint 
Augustin  répond  que  ces  paroles  doivent 
s'entendre*  de  Jésus-Christ  selon  sa  nature 
humaine,  de  même  que  celles  que  nous  li- 
sons dans  saint  Jean  :  Mon  père  est  plus  grand 
que  moi.  Il  exphque,  dans  le  même  sens,  ce 
que  Jésus-Christ  dit  dans  le  même  Évangile  : 
Je  suis  descendu  du  ciel,  non  pour  faire  ma  vo- 
lonté, mais  la  volonté  de  celui  qui  m'a  envoyé, 
et  toutes  les  autres  paroles  de  l'Écriture  qui 
marquent  en  Jésus-Christ  quelque  soumis- 
sion ou  quelque  infériorité  de  nature  ;  ainsi, 
à  cause  de  l'unité  de  personne  en  deux  na- 
tures, on  dit  que  le  Fils  de  l'homme  est  des- 
cendu du  ciel,  et  que  le  Fils  de  Dieu  a  été 
crucifié  et  enseveli.  Il  prouve  contre  eux,  mais 
smiout  contre  les  apollinaristes  que  le  Ver- 
be, en  prenant  un  corps,  a  pris  aussi  une 
âme  humaine,  et  il  rapporte   sur  cela  un 


aux  Sermons 
des  Ariens , 
vers  lan  418. 


Analyse  de 
0  discours, 
aj.  C2i>. 


358 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Mallli.  XXVI, 
.loan.  X,  18. 
Joan.  XV,  13. 
PeoI.  XV,  lu. 
Act.  11,  31. 
Psal.  Gix,   1. 


Jûan.v, 19, 


l.-a 
li.'. 


grand  nombre  de  passages  qui  montrent  que 
la  divinité  ne  tenait  pas  dans  Jésus-Christ 
la  place  de  l'âme  humaine,  comme  le  di- 
saient ces    hérétiques.    Mais,    disaient    les 
ariens,  le  Père  ne  dit-il  pas  à  son  Fils  :  As- 
seyez-vous à  ma  droite  ?  Saint  Augustin  ré- 
pond :  «  Si  l'on  n'entend  pas  ce  passage  d'une 
manière    spirituelle ,   il    s'ensuivra   que   le 
Père  sera  à  la  gauche  du  Fils.  »  Il  veut  donc 
qu'on  l'explique  de  la  félicité  éternelle  et 
ineffable  dont  le  Fils  de  l'homme  jouit  de- 
puis qu'il  est  devenu  immortel  dans  sa  chair. 
Il  est  dit  de  Jésus-Christ  dans  saint  Jean  :  Je 
juge  selon  que  j'entends;  saint  Augustin  ré- 
pond que  c'est  la  même  chose  au  Fils  de 
Dieu  d'entendre  et  de  voir  que  d'être ,   et 
que,  comme  il  reçoit  l'être  de  son  Père, 
c'est  aussi  de  lui  qu'il  tient  le  pouvoir  déju- 
ger, mais  qu'on  ne  peut  inférer  de  là  une 
différence  de  nature  entre  le  Père  et  le  Fils, 
comme  il  n'y  a  aucune  différence  entre  les 
œuvres  de  l'un  et  de  l'autre,  selon  que  Jé- 
sus-Christ le  déclare  au  même  endroit  :  Tout 
ce  que  le  Père  fait,  dit-il,  le  Fils  aussi  le  fait 
comme  lui.  On  peut  aussi  entendre  ces  paro- 
les .■  Je  juge  comme  j'entends,  de  Jésus-Christ 
comme  Fils  de  l'homme,  de  même  que  les 
suivantes  :  Mon  jugement  est  juste,  parce  que 
je  ne  recherche  pas  ma  volonté  propre,  mais  la 
volonté  de  mon  Père  qui  m'a  envotjé.  Au  con- 
traire, on  peut  entendre  de  Jésus-Christ,  se- 
lon sa  nature  divine,  ce  qui  est  dit  dans 
saint  Jean  :  Nous  avons  pour  avocat,  envers  le 
Père,  Jésus-Christ  Cjui  est  piste,  et  ce  que  le 
Sauveur  dit  du  Saint-Esprit  :  Je  prierai  mon 
Père,  et  il  vous  donnera  un  autre  consola- 
teur ;  car  c'est  comme  Dieu  qu'il  envoie  le 
Saint-Espi'it,  ainsi  qu'il  le  déclare  dans  le 
même  Évangile  :  Si  je  m'en  vais,  je  vous  enver- 
rai cet  esprit  consolateur.  Il  est  vrai  qu'il  dit 
ailleurs  que  son  Père  l'enverra  en  son  nom, 
mais  cela  même  prouve  que  le  Père  et  le 
Fils  envoient  le  Saint-Esprit,  comme  on  voit 
par  le  prophète  Isaïe  que  c'est  le  Père  et  le 
Saint-Esprit    qui   ont   envoyé   le  Fils.    Les 
ariens  disaient  que,  puisque  le  Saint-Espi'it 
fait  auprès   du  juge  la   fonction  d'avocat , 
c'est-à-dire  auprès  du  Fils,  il  doit  donc  être 
regardé    comme   lui   étant  inférieur.    Mais 
saint  Augustin  fait  voir  que  les  juges  mêmes, 
c'est-à-dire  les   apôtres   destinés  à  juger 
les  tribus  d'Israël,  ont  besoin  d'être  remplis 
du  Saint-Esprit  pour  juger  ;  que  les  fidèles, 
selon  l'Apùlre,  sont  le  lemple  du  Saint-Es- 
prif,  et  que  Salomon  eut  ordre  de  dresser  au 


Saint-Esprit  un  temple  composé  de  bois  et 
de  pierres  ;  qu'ainsi  on  ne  peut  douter 
qu'il  ne  soit  Dieu ,  puisqu'on  lui  rend  un 
culte  de  latrie. 

3.  Ces  hérétiques  avouaient  que  le  Fils 
est  engendré  du  Père,  mais  ils  disaient  que 
le  Saint-Esprit  a  été  fait  par  le  Fils,  que  le 
Saint-Esprit  est  ministre  du  Fils,  comme  le 
Fils  est  ministre  du  Pore.  Saint  Augustin 
leur  répond  qu'ils  ne  troiiveront  jamais  dans 
l'Écriture  que  le  Saint-Esprit  ait  été  fait  par 
le  Fils,  ni  qu'il  soit  ministre  du  Fils  ;  qu'au 
contraire  le  Fils  dit  du  Saint-Esprit  qu'il  pro- 
cède du  Père  ;  que  si  l'Ecriture  dit  que  le 
Fils  a  été  obéissant,  cela  doit  s'entendre  se- 
lon la  forme  d'esclave,  selon  laquelle  le  Père 
est  plus  grand  ;  et  que  si  l'on  admettait  le 
Saint-Esprit  comme  ministre  du  Fils,  on 
pourrait  dire  aussi  en  un  sens  que  les  apô- 
tres sont  de  meilleure  condition  que  le  Saint- 
Esprit,  puisqu'ils  se  disent  ministres  de  Dieu. 
Si  Jésus-Christ  dit  du  Saint-Esprit  :  Il  pren- 
dra ce  qui  est  à  moi,  il  ne  s'ensuit  point  que 
le  Saint-Esprit  ait  reçu  du  Fils  ce  qu'il  n'a- 
vait pas  auparavant  ;  comme  il  a  reçu  du 
Père  en  procédant  de  lui,  il  en  recevra  tou- 
jours, parce  qu'il  ne  cessera  jamais  d'en 
procéder.  Quoiqjie  l'éternité  n'ait  point  de 
temps,  c'est-à-dire  ni  commencement  ni  fin, 
on  ne  laisse  pas  de  dire  de  Dieu  qu'il  est,  qu'il 
a  été,  qu'il  sera.  Tous  les  temps  se  disent 
de  l'éternité  sans  distinction,  encore  qu'on  la 
conçoive  sans  temps.  Le  Fils,  disaient-ils,  prie 
le  Père  pour  nous,  et  le  Saint-Esprit  prie  le 
Fils.  C'est  ainsi  qu'ils  lisaient  l'endroit  de 
l'Épltre  aux  Romains  où  nous  hsons  seule- 
ment que  le  Saint-Esprit  lui-même  prie  pour 
nous  par  des  gémissements  ineffables.  Saint  Au- 
gustin, après  leur  avoir  reproché  d'ajouter 
à  l'Écriture ,  qui  ne  dit  nulle  part  que  le 
Saint-Esprit  interpelle  le  Christ  ou  le  Fils, 
soutient  que,  lorsque  nous  lisons  qu'il  prie 
pour  nous,  c'est  comme  s'il  était  écrit  qu'il 
nous  fait  prier.  Ils  appelaient  le  Fils  la  pro- 
pre et  digne  image  de  toute  la  bonté,  de  la 
sagesse  et  de  la  vertu  du  Père.  Mais  saint 
Augustin  leur  répond  que  l'Apôtre  ne  le 
qualifie  pas  ainsi,  mais  Dieu  même,  la  vertu 
de  Dieu  et  la  sagesse  de  Dieu.  Il  convient 
avec  eux  que  le  Père  est  glorifié  par  le  Fils, 
mais  il  prouve  aussi  par  les  paroles  de  l'É- 
vangile que  le  Fils  est  glorifié  par  le  Père. 
Il  convient  encore  que  la  sanctification  des 
saints  est  l'ouvrage  du  Saint-Esprit.  Mais 
il  soutient  que  le  Saint-Esprit  n'agit  pas  en 


Suite, 


I,  ei  XI, 


[IV°  ET  V'=  SiÈCtES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HÎPPONE. 


Analyse  do 
la  ConrérL-n- 
ce,  piig.  609. 


cela  sans  le  Fils,  lui  qui  est  la  lumière 
qui  éclaire  fous  les  hommes.  Quant  à  ce 
qu'ils  ajoutaient  qu'il  est  impossible  qu'un 
même  soit  père  et  fils ,  il  répond  qu'en  cela 
ils  attaquent  les  sabelliens,  et  non  pas  les  ca- 
tboliques.  Ceux-là  enseignent  que  le  Fils  est 
le  même  que  le  Père,  ceux-ci,  au  contraire, 
croient  que  le  père  et  le  fils  sont  deux  per- 
sonnes, mais  non  pas  deux  natures  différen- 
tes; et  que,  quoique  le  Père  ne  soit  pas  le 
même  que  le  Fils,  néanmoins  le  Père  et  le 
Fils  sont  une  même  chose,  c'est-à-dire  une 
même  nature.  Ils  poussaient  leur  impiété 
jusqu'à  dire  que  le  Père  prévoyait  qu'il  se- 
rait Père  du  Fils  iniique  de  Dieu,  comme  s'il 
y  avait  eu  un  temps  où  il  n'était  pas  Père,  lui 
dont  le  Fils  lui  est  coéternel.  Saint  Augustin 
remarque  que  les  ariens  appelaient  les  catho- 
liques homousiens,  parce  qu'ils  admettaient 
la  consubstanfialité  du  Fils  avec  le  Père,  et 
ajoute  que  c'était  la  coutume  des  autres  hé- 
rétiques de  donner  divers  noms  aux  catho- 
liques ;  au  lieu  que  chaque  secte  d'héréti- 
ques n'avoit  d'autre  nom  que  celui  sous  le- 
quel ils  étaient  connus  de  tout  le  monde. 

4.  Il  n'est  rien  dit  dans  les  Rétractations 
de  saint  Augustin,  de  la  conférence  qu'il 
eut  avec  Maximin ,  évêque  arien  ,  ni  des 
deux  livres  qu'il  écrivit  depuis  contre  lui  ; 
apparemment  parce  qu'il  n'eut  cette  confé- 
rence et  n'écrivit  ces  deux  livres  qu'après 
qu'il  eut  achevé  ses  Rétractations.  Mais  Pos- 
sidius  en  fait  mention  '  dans  la  table  des 
ouvrages  de  ce  Père.  Bède  ou  plutôt  Florus 
cite  quelques  endroits  des  livres  contre 
Maximin  dans  son  Explication  de  l'Épitre 
aux  Romains  :  et  le  dernier  de  ces  livres 
fut  cité  avec  éloge  par  le  pape  Agathon 
dans  le  sixième  concile  "^  Le  pape  Jean  II 
en  cite  un  du  second  ^  A  l'égard  de  la  con- 
férence avec  Maximin,  Possidius  en  fait  une 
histoire  abrégée  dans  le  dix-septième  cha- 
pitre de  la  vie  de  saint  Augustin. 

5.  Maximin  était  venu  à  Hippone  vers 
l'an  427  ou  428,  avec  le  comte  Sigisoult  et 
les  Goths  qu'il  commandait  pour  l'empereur 
Valentinien  contre  le  comte  Bonifacc.  11 
conféra  d'abord  paisiblement  avec  le  prêtre 
Héraclius  '*,  ayant  été,  dit-il,  défié  par  lui  ; 
mais  Héraclius  fit  ensuite  venir  saint  Augus- 
tin, qui  en  fut  aussi  prié  par  un  grand  nom- 
bre de  personnes  '\  Maximin  n'osa  le  refu- 


3S9 

ser,  de  crainte  d'être   abandonné  de  ceux 
qui  suivaient  sa  doctrine.  La  conférence  se 
fit  en  présence  de  beaucoup  de  personnes 
de  qualité  tant  laïques  qu'ecclésiastiques;  et 
des  notaires  écrivirent  ce  qui  fut  dit  de  part 
et  d'autre.  Saint  Augustin  demanda  à  Maxi- 
min quelle   était  sa  foi.   Celui-ci  répondit, 
qu'il  tenait  celle  du  concile  de  Rimini.  Pres- 
sé de  dire  ce  qu'il  croyait  touchant  le  Père, 
le  Fils  et  le  Saint-Esprit,  il  dit  :  «  Je  crois 
qu'il  y  a  un  seul  Dieu  Père,  qui  n'a  reçu  la 
vie  de  personne  ;^et  un  seiU  Fils,  qui  a  reçu 
du  Père  son  être  et  sa  vie  ;  et  un  seul  Saint- 
Esprit  consolateur,  qui  illumine  et  sanctifie 
nos  âmes.  »   Saint  Augustin  lui  demanda  si 
le  Christ  illuminait  le  monde  par  lui-même, 
ou  s'il  ne  l'illuminait  que  par  le  Saint-Es- 
prit? Maximin,  après  avoir  beaucoup  tergi- 
versé, répondit  que  Jésus-Christ  l'illuminait 
par  le  Saint-Esprit ,  et  le  Saint-Esprit  par  le 
Christ.  De  cet  aveu,  le  saint  Docteur  inféra 
que  la  puissance  du  Saint-Esprit  et  du  Fils 
était  égale.  Maximin  interrogea  à  son  tour 
saint  Augustin  sur  sa  foi,  et  lui  dit  de  pi-ou- 
ver  l'égalité    des   trois    personnes    divines, 
soutenant  que,  jusque-là,    les    passages  de 
l'ïïcrilure  qu'il  avait  allégués,  ne  prouvaient 
que  l'unité  d'un  Dieu  et  d'un  Créateur  de 
toutes  choses.  Saint  Augustin  répondit  que 
les  catholiques  interrogés  si  le    Père  était 
Dieu,  si  le  Fils  était  Dieu,  si  le  Saint-Esprit 
était  Dieu,  disaient  que  oui;  mais  qu'interro- 
gés de  nouveau  si  ces  trois  personnes  étaient 
trois  dieux,  ils  répondaient  par  ces  paroles 
de  l'Écriture  :  Ecoutez  Israël,  le  Seigneur  ton 
Dieu,  est  un  seul  Seigneur  ;  en   sorte  qu'ils 
ont  appris  que  la  même  Trinité  est  un  seul 
Dieu.  Si,  comme  il  est  dit  dans  les  Actes  des 
apôtres,   la    multitude    des    fidèles    n'était 
qu'un  cœur  par  l'union  que  la  charité  du 
Saint-Esprit  avait  établie  entre  eux,  à  plus 
forte  raison  doit-ou  croire  cpie  le  Père,  le  Fils 
et  le  Saint-Esprit ,  unis  inséparablement  et 
par  ime  charité  ineflablCj  ne  sont  qu'un  seul 
Dieu.  Maximin,  sous  prétexte   de    soutenir 
l'unité  d'un  Dieu,  dit  :.«  C'est  ce  seul  Dieu 
que  Jésus-Christ  et  le  Saint-Esprit  adorent, 
que  toute  créature  respecte  ;  et  c'est  ainsi 
que  nous  disons  qu'il  est  un.  »  Sur  quoi  saint 
Augustin  dit  :  «  Il  s'ensuit  que  vous  n'ado- 
rez point  Jésus-Christ,  ou  que  vous  n'adorez 
pas  un  seul  Dieu,  mais  deux  dieux.  »  En- 


1  Possid.,  in  Ind.  cap.  v.  —  ^  'fom. 
pag.  641.—  '  Toin,  IV  Conc,  pag.  1452. 


VI  Conc,  ■'•  Angust.,  in  Max.  lib.   I.  —  ^  Possid.,  in  Vit., 

cap.  xvu. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Analyse  du 
premier  li^vre 
contre  Maxi- 
inin,pag.6î8. 


Analyse  du 
sci  ond  livre , 
pag.  691. 


360 

suite  il  demanda  à  Maximin  cjii'il  prouvât 
par  l'Écriture,  que  le  Saint-Esprit  adore  le 
Père  ;  tout  en  convenant  que  le  Fils  l'adore 
en  tant  qu'homme.  Puis  il  prouva  lui-même 
la  divinité  du  Saint-Esprit  par  divers  passa- 
ges de  l'Évangile  et  des  Épitres  de  saint 
Paul,  appuyant  sur  ceux,  en  particulier,  où 
il  est  dit  que  le  Saint-Esprit  a  des  temples; 
ce  qui  n'appartient  qu'à  Dieu.  Maximin  em- 
ploya le  reste  de  la  conférence  par  un  grand 
discours  où  il  dit  lieaucoup  de  choses  qui 
ne  faisaient  rien  à  la  question.  Saint  Augus- 
tin n'ayant  pas  eu  le  loisir  de  le  faire  relire 
pour  le  réfuter,  aurait  souhaité  de  continuer 
le  lendemain  la  conférence  ;  mais  il  ne  pût 
y  engager  Maximin,  qui  se  disait  pressé  de 
retourner  à  Carthage.  Il  prit  donc  le  parti 
de  mettre  la  conférence  par  écrit,  promet- 
tant de  faire  voir  la  fausseté  de  la  doctrine 
que  Maximin  soutenait.  Il  signa  cette  pro- 
messe ;  et  Maximin  écrivit  aussi  de  sa  main, 
que  s'il  ne  lui  répondait  pas  à  tout,  il  vou- 
lait bien  passer  pour  coupable. 

6.  Saint  Augustin  ne  manqua  pas  à  sa 
promesse,  et  il  se  sentit  d'autant  plus  obligé 
de  l'accomphr,  que  Maximin,  étant  de  retour 
à  Carthage,  se  vanta  '  d'avoir  eu  l'avantage 
dans  la  conférence.  Il  écrivit  donc  deux  li- 
vres fort  longs,  qu'il  adressa  à  Maximin 
même.  Dans  le  premier,  il  fait  voir  que 
Maximin  n'avait  pu  réfuter  aucune  des 
preuves  qu'il  lui  avait  alléguées  en  faveur 
de  la  doctrine  catholique,  ni  répondre  à  ses 
objections.  Ce  livre  est  distribué  en  vingt 
chapitres  qui  renferment  tous  les  points  sur 
lesquels  la  conférence  avait  roulé,  savoir 
sur  l'unité  d'un  Dieu  en  trois  personnes; 
sur  la  consubstantialité  du  Fils  ;  sur  la  di- 
vinité du  Saint-Esprit.  Saint  Augustin  y  ré- 
pète et  fortifie  les  preuves  qu'il  en  avait 
données,  et  ses  réponses  aux  objections  de 
Maximin. 

7.  Dans  le  second  livre,  il  réfute  le  long 
discours  de  Maximin,  auquel  celui-ci  ne  lui 
avait  pas  donné  le  temps  de  répondre.  Mais 
il  en  retranche  tout  ce  qu'il  y  avait  d'inutile 
et  qui  ne  servait  de  rien  à  la  contestation 
qui  était  entre  eux.  11  la  réduit  au  point  de 
savoir  si  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit, 
sont  d'une  nature  différente  ;  ou  s'ils  sont 
d'une  même  substance,  ainsi  que  le 
croyaient  les  catholiques.  Maximin  objec- 
tait quelques  endroits  des  Épitres  de  saint 

'  Possid.,  in'Jit-  Àug.,  cap.  xvn. 


Paul,  où  nous  lisons  que  Dieu  a  donné  à 
Jésus-Christ  un  nom  qui  est  au-dessus  de  tout 
nom,  parce  qu'il  avait  été  obéissant  jusqu'à 
la  mort  de  la  croix.   Saint  Augustin  répond 
que  ce  nom  a  été  donné  à  Jésus-Christ  com- 
me homme ,  et  que  c'est  aussi  en  cette  qua- 
lité que  le  Sauveur  a  été  obéissant  jusqu'à 
la  mort.  Comme  Maximin  lui  avait  demandé 
des  témoignages  qui  prouvassent  l'égalité  du 
Saint-Esprit  avec  le  Fils  ;  ce  Père  lui  en  al- 
lègue trois  des  Épitres  aux  Corinthiens,  où 
il  est  dit  que  c'est  l'esprit  qui  donne  la  vie, 
que  nos  corps  sont  le  temple  du   Saint- 
Esprit,   et  les  membres  de  Jésus-Christ.  Il 
prouve  aussi  que  le  Saint-Esprit,  de  même 
que  le  Fils  sont  invisibles  de  leur  natm'e,  et 
que  c'est  d'eux  comme  du  Père,  que  l'Apô- 
tre dit  :  Au  seul  Dieu  immortel  et  invisible. 
Dieu  le  Père,   disait   Maximin,    n'est   donc 
qu'une  partie  de  Dieu,  a  A  Dieu  ne  plaise , 
répond  saint  Augustin  ;  ces  trois  personnes  , 
le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit,  étant  d'une 
même    substance,    ne    sont    qu'une    même 
chose  et  un  seul  Dieu.  »  Maximin  s'imaginait 
que  le  Père  était  plus  puissant  que  le  Fils, 
parce  que  le  Père  a  engendré  le  Créateur, 
et  que  le  Fils  n'en  a  point  engendré.  Saint 
Augustin  résout  cette  vaine  subtihté  en  di- 
sant :    «  Si  le   Fils  n'a  point   engendré  le 
Créateur  ,  ce  n'est  pas  qu'il  ne  l'ait  pu,  mais 
parce  qu'il  ne  le  fallait  pas.  Le  Tout-Puis- 
sant  a  donc ,    ajoute-il ,  engendré   un  Fils 
tout-puissant,  puisque  comme  nous  lisons 
dans  l'Écriture,  tout  ce  que  le  Père  fait,  le 
Fils  le  fait  aussi.  »  Cet  hérétique  demandait 
pourquoi  le  Saint-Esprit,   étant  de  la  subs- 
tance du  Père,  de  même  que  le  Fils,  l'im 
était  Fils,  et  l'autre  ne  l'était  pas.  Saint  Au- 
gustin répond  que  l'une  des  personnes  est. 
Fils,  parce  qu'elle  est  engendrée  du  Père  ; 
et  que  l'autre  est  appelé  l'Esprit  des  deux, 
c'est-à-dire  du  Père  et  du  Fils,  parce  qu'il 
procède  de  tous  les  deux.  H  marque  en  pas- 
sant   comment   le    terme    de   consubstantiel 
fut  consacré  dans  le  concile  de  Nicée,  pour 
signifier  contre  les  ariens  l'unité  de  subs- 
tance du  Père  et  du  Fils  ;  et  ce  que  firent 
ces  hérétiques  dans  celui   de  Rimini  pour 
l'abolir.  Puis,  revenant  à  Maximin  qui  ob- 
jectait que  le  Fils  avait  reçu  la  vie  du  Père, 
ainsi  qu'on  le  lit  dans  saint  Jean,  il  répond 
qu'il  l'a  reçue  ainsi  que  celui  qui  est  en- 
gendre la  reçoit  de  celui  qui  l'engendre.  Ce 
qu'il   confirme    par    ce    passage   du  même 
Évangile  :  Comme  le  Père  a  la  vie  en  lui-mè- 


[iv"  ET  r  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 

me,  il  a  aussi  donné  au  Fils  d'avoir  la  vie  en 


361 


lui-même.  Maximin  objectait  ce  que  Jésus- 
Christ  dit  encore  dans  saint  Jean  :  Je  fais 
toujours  ce  qui  lui  est  agréable,  et  encore  : 
Mon  pire,  je  vous  rends  grâces  de  ce  que  vous 
m'avez  exaucé.  Saint  Augustin  répond  que 
ces  endroits  doivent  s'expliquer  de  Jésus- 
Christ  en  tant  qu'homme,  parce  que,  consi- 
déré selon  la  forme  d'esclave,  le  Fils  est 
moindre  que  le  Père  ;  au  lieu  qu'il  est  égal 
ail  Père  dans  la  forme  de  Dieu.  Il  avoue 
que  Maximin  disait  vrai,  en  avançant  que  le 
Père,  esprit,  a  engendré  un  esprit  ;  mais 
qu'il  croyait  une  chose  fausse,  entendant 
sous  ces  noms  d'esprit,  des  substances  d'une 
nature  diverse,  comme  sont  l'esprit  de  Dieu 
et  l'esprit  de  l'homme.  Cet  hérétique  avouait 
encore  que  le  monde  avait  été  fait  par  le 
Fils,  mais  il  ne  voulait  pas  qu'on  donnât  au 
Saint-Esprit  la  qualité  de  créateur.  Saint 
Augustin  prouve  que  le  Saint-Esprit,  de  mê- 
me que  le  Père,  sont  sous-entendus  dans  ces 
paroles  que  saint  Jean  applique  au  Fils  de 
Dieu  :  Toutes  choses  ont  été  faites  par  lui  ; 
comme  ils  sont  sous-entendus  dans  le  com- 
mandement que  saint  Pierre  fait  aux  Juifs 
de  recevoir  le  baptême  au  nom  de  Jésus- 
Christ  :  car,  quoiqu'il  ne  pai'le  que  du  bap- 
tême de  Jésus-Christ,  on  ne  doit  pas  croire 
qu'ils  n'aient  été  baptisés  qu'au  nom  du 
Fils,  mais  au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du 
Saint-Esprit.  D'ailleurs,  comment  refuser  la 
qualité  de  créateur  au  Saint-Esprit,  lui  qui 
a  fait  la  chair  donnée  pour  la  vie  du  monde? 
Il  est  donc  A'rai  que  tout  a  été  fait  par  le 
Fils  ,  mais  sans  exclure  le  Saint  -  Esprit  ; 
comme  saint  Paul  n'exclut  pas  le  Fils ,  lors- 
qu'il dit  des  opérations  du  Saint-Esprit  : 
C'est  un  seul  et  même  Esprit  qui  opère  tou- 
tes ces  choses.  Saint  Augustin  répond  en- 
suite à  diverses  objections  de  Maximin,  en 
distinguant  ce  qui  appartient  à  Jésus-Christ 
comme  Dieu,  d'avec  ce  qui  est  dit  de  lui  se- 
lon sa  natm'e  humaine.  Quand  nous  lisons 
que  le  Saint-Esprit  pousse  des  gémissements 
pour  nous,  ce  n'est  pas  qu'il  gémisse  en 
effet,  mais  c'est  qu'il  nous  fait  gémir,  en 
nous  inspirant  de  saints  désirs.  Il  établit 
après  cela  l'unité  de  substance  dans  le  Père 
et  dans  le  Fils  par  un  grand  nombre  de  pas- 
sages du  Nouveau  Testament  ;  et  prouve  la 
même  chose  du  Saint-Esprit,  montrant  en 
même  temps  que  s'ils  sont  une  même  subs- 
tance, ce  sont  néanmoins  trois  personnes 
distinguées  l'une   de   l'autre    sans   aucune 


confusion.  Il  fait  voir  que  Maximin  ne  pou 
vait,  sans  erreur,  entendre  du  Père  seul  ce 
qui  est  dit  dans  saint  Marc  :  Il  n'y  a  que  Dieu 
seul  qui  soit  bon.  En  effet,  l'Évangile  ne  dit 
pas  :  Personne  n'est  bon  sinon  le  Père, 
mais,  il  n'y  a  que  Dieu  seul  qui  soit  bon  ;  ce 
qui  s'entend  de  toute  la  Trinité.  C'est  ce 
qu'il  prouve  en  lui  faisant  remarquer,  que 
le  jeune  homme  de  l'Évangile,  qui  appelait 
Jésus-Christ,  bon  maître,  ne  le  croyait  pas 
Dieu,  mais  un  homme  comme  les  autres  ; 
en  sorte  qu'il  faut  donner  ce  sens  à  ces  pa- 
roles :  «  Vous  auriez  raison  de  m'appeler 
bon,  si  vous  saviez  que  je  suis  Dieu  ;  mais 
ne  me  connaissant  que  pour  un  homme, 
pourquoi  m'appelez-vous  bon,  puisque  rien 
ne  peut  vous  faire  heureux  et  bon,  si  ce 
n'est  le  bien,  immuable,  qui  n'est  autre  que 
Dieu?  M  Maximin  s'était  beaucoup  appliqué 
à  montrer  dans  son  discours,  que  ce  n'était 
pas  le  Père,  mais  le  Fils  qui  s'était  montré 
aux  hommes  dans  l'Ancien  Testament.  Saint 
Augustin  répond  qu'en  cela  il  n'avait  rien 
gagné,  puisque  le  Père  et  le  Saint-Esprit 
auraient  pu  se  faire  voir  de  même  en  pre- 
nant quelque  foi-me  sensible;  qu'au  reste, 
le  Fils  n'est  point  visible  dans  sa  propre 
substance,  non  plus  que  les  deux  autres  per- 
sonnes de  la  sainte  Trinité.  11  finit  en  exhor- 
tant Maximin  à  ne  plus  se  répandre  en  pa- 
roles inutiles,  et  à  prendre  plutôt  le  parti 
du  silence,  puisqu'il  n'avait  pas  répondu  à 
ce  qu'on  lui  avait  demandé,  quoiqu'on  lui 
en  eût  donné  tout  le  temps. 

§  vm. 

Des  livres  sur  la  Trinité. 

l.  Saint  Augustin  était  encore  jeune 'lors- 
qu'il commença  ses  livres  sur  la  Trinité, 
qui  est,  dit-il,  le  Dieu  souverain  et  vérita- 
ble; mais  il  ne  put  les  mettre  au  jour  que 
dans  sa  vieillesse.  11  les  avait  même  comme 
abandonnés,  sur  ce  qu'il  découvrit  qu'on  lui 
avait  enlevé  les  premiers  de  ces  livres  avant 
qu'il  les  eût  retouchés  comme  c'était  son  des- 
sein et  avant  qu'il  eût  pu  achever  tout  l'ou- 
vrage. Car  il  ne  voulait  pas  les  donner  un  à 
im,  mais  tous  à  la  fois;  parce  qu'ils  tenaient 
tous  les  uns  aux  autres  par  la  connexité  des 
questions.  Cependant  les  instances  de  plu- 
sieurs de  ses  frères,  et  l'ordre  d'Aurèle,  évo- 
que de  Cartilage,  l'obligèrent  de  reprendre 

>  Epist.  74  ad  Aurel. 


Livre  sur  la 
Trinité,  coni- 
meiicé  vers 
l'an  400  et  fini 
vers  /(16. 


362 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


un  ouvrage  si  difficile.  Il  acheva  donc  ce  qui 
restait  à  faire,  et  corrig-ea  ce  qui  était  déjà 
fait,  non  comme  il  aurait  voulu,  pour  rendre 
des  choses  si  difficiles  plus  claires  et  plus 
aisées,  mais  comme  il  pût,  tâchant  de  ren- 
dre les  premiers  de  ces  livres  peu  différents 
de  ceux  qu'on  lui  avait  enlevés,  et  qui  étaient 
déjà  fort  répandus.  «Il  yen  a,  dit-il,  qui 
n'ont  les  quatre  ou  même  les  cinq  premiers 
livres  que  tronqués  de  leur  préface,  et  le 
douzième,  d'une  bonne  partie  de  la  fin.  Ils 
pourront  les  corriger  sur  cette  édition,  si 
elle  vient  à  leur  connaissance.  »  Il  parle  de 
celle  qu'il  envoj^a  à  Aurèle,  et  qui  renfer- 
mait ses  quinze  livres  sur  la  Trinité.  Il  le 
prie  de  faire  mettre  à  la  tête  de  ces  livres 
la  lettre  qu'il  lui  écrivait  par  un  diacre  de 
l'Eglise  d'Hippone ,  pour  y  servir  comme  de 
prologue.  Dans  les  livres  àes  Rétractations  ', 
ils  sont  mis  après  le  traité  du  Catéchisme, 
c'est-à-dire  vers  l'an  400,  parce  qu'il  les 
commença  alors.  On  voit  par  la  lettre  cent- 
vingtième  à  Consentius,  écrite  en  410,  que 
saint  AugTistin  n'avait  pas  encore  achevé  cet 
ouvrage  ;  et  dans  la  cent  soixante-deuxième 
lettre  à  Évodius ,  qui  est  de  l'an  414 ,  il 
dit  qu'il  ne  l'avait  pas  encore  publié.  Il  n'é- 
tait pas  même  achevé  en  413,  comme  il  le 
témoigne  dans  une  seconde  lettre  à  Évodius, 
écrite  sur  la  fin  de  cette  année;  mais  il  pa- 
raît qu'ils  étaient  bien  avancés  en  416.  C'est 
du  moins  en  cette  année  que  l'on  met  sa 
lettre  à  Aurèle  de  Carthage,  qui  ne  fut  écrite 
qu'après  que  saint  Augustin  eût  fini  entière- 
ment cet  ouvrage.  Il  y  renvoie  ^  saint  Pros- 
per,  croyant  qu'on  en  avait  déjà  connais- 
sance dans  les  Gaules,  vers  l'an  429.  Tout 
l'ouvrage  est  divisé  en  quinze  livres ,  dont 
Cassiodore  dit  '^  qu'ils  demandent  une  ap- 
plication et  une  pénétration  très-grande, 
parce  qu'ils  sont  d'ane  subtilité  et  d'une 
élévation  singulières.  Gennade  trouvait  en 
les  Hsant  ''  que  saint  Augustin  avait  été  in- 
troduit dans  la  chambre  du  roi ,  selon  le 
langage  de  l'Écriture,  et  revêtu  de  la 
robe  de  la  sagesse  divine,  qui  éclate  par 


toute  sorte  de  beauté.  Ils  sont  aussi  cités 
avec  éloge  par  saint  Fulgence  et  par  divers 
autres  anciens  ^.  On  en  trouve  "  une  tra- 
duction grecque,  faite  vers  l'an  1330,  par 
Maxime  Planude,  moine  grec  '' . 

2.  Saint  Augustin,  ^  en  traitant  cette  ma- 
tièi-e,  avait  pour  but  de  désabuser  les  infi- 
dèles, qui,  refusant  de  se  soumettre  à  l'auto- 
rité de  la  foi,  demandaient  qu'on  leur  fit 
connaîti'e,  par  les  lumières  de  la  raison,  la 
vérité  de  nos  mystères.  Il  serait  même  resté 
volontiers  dans  le  silence  ' ,  si  les  difficultés 
qui  regardent  le  mystère  de  la  Trinité  eus- 
sent été  suffisamment  éclaircies  par  les  la- 
tins; ou  si  les  écrits  des  pères  grecs  eussent 
été  traduits  en  cette  langue  ;  ou  enfin,  si 
d'autres  personnes  eussent  voulu  se  donner 
la  peine  de  répondre  aux  difficultés  qu'on 
lui  proposait  sur  cette  matière. 

3.  Voici  ce  qu'il  remarque  dans  la  préface 
du  premier  livre  :  «  Les  hommes  sont  dans 
l'erreur  à  l'égard  de  la  Divinité  ,  pour  trois 
raisons  :  les  uns  conçoivent  Dieu  comme  une 
substance  corporelle ,  en  lui  attribuant  les 
propriétés  du  corps  ;  les  autres  s'en  forment 
une  idée  entièrement  semblable  à  celle  qu'ils 
ont  de  leur  âme  et  des  autres  esprits,  en 
sorte  qu'ils  en  attribuent  à  Dieu  les  imper- 
fections; d'autres,  voulant  s'en  former  une 
idée  qui  n'ait  rien  de  commun  avec  les  créa- 
tures, le  conçoivent  d'une  manière  qui  u'ap- 
proche  en  rien  de  la  vérité ,  mais  purement 
chimérique.»  Ici  ■snent  une  courte  réfutation 
de  ces  trois  erreurs,  qui  est  suivie  de  cette 
observation  «  :  Si  l'Écriture  sainte,  pom'  s'ac- 
commoder à  la  faiblesse  des  hommes,  at- 
tribue quelquefois  à  Dieu  des  termes  qui 
ne  conviennent  proprement  qu'à  des  corps 
ou  à  des  esprits  imparfaits,  comme  lors- 
qu'elle lui  donne  des  ailes,  ou  qu'elle  dit  de 
lui  qu'il  s'est  repenti,  c'est  pour  nous  élever 
insensiblement  et  comme  par  degrés  à  la 
connaissance  des  choses  divines  que  nous  ne 
pouvons  bien  comprendre  qu'après  nous 
être  nourris  de  la  foi.  » 

Après  ces  remarques ,  le   saint   Docteur 


Dcss. 

CCI  OUV 


Analy 
premier 
pas.  41 


'  August.,  lib.  II  Relract-,  cap.  xv.  -  -  Lib.  de 
Prced.  cap.  vm.  —  '  Cassiod.,  Inst.,  cap.  xvi. 

''  Geniiad.  De  Script.  Ecoles.,  cap.  xxxvui. 

6  Fulg.,  ad  Monim.,  lib  II,  cap.  xiv  et  Epist.  14, 
Quœst.  2.  Facuud.,  lib.  XI,  cap.  vi  et  Conc,  toiii. 
IV,  pag.  1732. 

«  Jlabil.,  Iter.  ilal.  png.  33. 

'  Le  cardinal  Maï  a  pnlilié  les  sommaires  des 
quinze  livres  de  la  TriuitO,  lùiu.  1  Bibliolh.  î\'ov. 


pars.  2,  pag.  152-160.  Ces  sommaires  sont  tirés  d'un 
manuscrit  dn  xi»  siècle.  Le  savant  éditeur  pense 
ponvoir  les  attribuer  à  saint  Augustin  lui-même, 
ils  doivent  dans  les  nouvelles  éditions  prendre  lu 
place  de's  divisions,  titres  et  sommaires  que  les 
Bénédictins  ont,  de  leur  propre  autorité,  composés 
pour  leur  édition.  {L'éditeur.) 

8  Angust.,  lib.  I  De  Trinit.,  cap.  i. 

5  Lib.  III  De  trinit.  in  Prolog. 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


[IV'^  ET  Y"  SIÈCLES.] 

propose  la  matière  du  premier  livre  qui  est 
de  montrer  par  l'autorité  de  l'Écriture,  que 
le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit  sont  un 
seul   et  vrai  Dieu,  d'une  même  nature  ou 
essence.  C'est  la  méthode  qu'avaient  gardée 
avant  lui,  comme  il  le  reconnaît,  ceux  qui 
avaient  entrepris  de  traiter  la  même  matière. 
Il  commence  sa  preuve  par  la  personne  du 
Fils  qu'il  montre,  par  un  grand  nombre  de 
passages,  être  vrai  Dieu,  et  de  la  même  na- 
ture que  le  Père;  en  sorte  que  c'est  par  le 
Fils  comme  par  le  Père,  que  se  sont  opérées 
toutes  les  merveilles  dont  nous  avons  con- 
nïiissance;  la  création  du  monde,  la  résur- 
rection des  morts,  et  autres  prodiges  sem- 
blables, n  passe  de  là  à  la  divinité  du  Saint- 
Esprit,  et  il  prouve,  par  l'autorité  de  l'É- 
criture, qu'où  lui  doit   le    culte  de  latrie, 
comme  étant  parfaitement  égal  au  Père  et 
au  FUs,  coéternel  et  consubstantiel  à  l'un 
et  à  l'autre.  Il  n'oublie  pas  de  remarquer, 
comme   il   avait   déjà   fait   dans    beaucoup 
d'autres  traités,  que  nous  sommes  les  tem- 
ples  du  Saint-Esprit,  qu'ainsi  nous  lui  de- 
vons la  même  servitude  qu'à  Dieu.  Il  se  fait 
l'objection  que  les  ariens  avaient  coutume  de 
tirer  de  ces  paroles  du  Seigneur  :  Mon  Père 
est  plus  grand  que  moi;  et  répond  que  Jésus- 
Cbrist  en  tant  qu'homme,  est  non-seulement 
moindre  que  le  Père,  mais  qu'en  cette  qua- 
lité, il  est  même  moindre  que  lui-même  en 
tant  que  Fils  de  Dieu.  C'est  aussi  en  faisant 
remarquer  la  nécessité  de  distinguer  ce  qui 
est  dit  de  la  nature  humaine,  d'avec  ce  qui 
est  dit   de  la  nature  divine,  unies  en  une 
seule  personne  dans  Jésus-Chi'ist,   qu'il  ex- 
plique tous  les  passages  de  l'Ecriture  qui  lui 
attribuent  quelque  infériorité   à  l'égard  de 
,  Dieu  son  Père.  Il  est  écrit  qu'après  la  con- 
sommation de  toutes  choses,  le  Fils  remettra 
son   royaume    à  Dieu   son  Père.    «  Mais  il 
ne  le   fera    pas ,   répond   saint   Augustin  , 
de  manière    qu'il  se  l'ùte   à  lui-même;   si 
on  prenait  ces  paroles  à  la  lettre,  il  s'en- 
suivrait que  le  Père  n'a  point  actuellement 
de  royaume.  Ainsi  il  faut  les  entendre  du 
règne  que  le  Fils   exerce  maintenant  dans 
les   justes   qui   vivent    de   la   foi ,    et   qu'il 
doit  conduire  dans  le  royaume  où  ils  ver- 
l'ont  le  Père  face  à   face.  Car   c'est  là   en 
quoi  consiste  la  vraie  béatitude  de  jouir  de 
celui  à  l'image  duquel  nous  avons  été  faits, 
c'est-à-dire  de  Dieu  le  Père,  le  Fils  et  le 
Saint-Esprit.  Mais  lorsijue  le  Fils  aura  con- 
duit les  justes  à  ce  degré  de  béatitude  après 


363 

lequel  nous  soupirons,  il  ne  fera  plus  les 
fonctions  de  médiateur  pour  nous,  parce 
qu'il  aura  remis  le  royaume,  c'est-à-dire  les 
justes  à  son  Père.» 

Si  quelqu'un  parle  contre  le  Fils  de  l'homme, 
il  lui  sera  remis;  mais  s'il  parle  contre  le  Saint- 
Esprit,  il  ne  lui  sera  remis  ni  en  ce  siècle  ni  en 
l'autre.  Les  ariens  inféraient  de  ces  paroles 
que  le  Saint-Esprit  même  était  plus  grand  que 
le  Fils.  Saint  Augustin  fait  voir  que  ce  pas- 
sage et  quelques  autres  semblables  doivent 
s'entendre   de   Jésus-Christ ,  non   selon  la 
forme  de  Dieu  dans  laquelle  il  est  égal  à 
son  Père,  mais  selon  la  forme  de  l'homme 
dans  laquelle  il  est  inférieur  au  Père  ,  à  lui- 
même  et  au  Saint-Esprit.  C'est,  au  contraire, 
de  Jésus-Christ  comme  Dieu,  que  l'on  doit 
entendre  ce  qu'il  dit  en  saint  Jean  :  Tout  ce 
qu'a  m.on  Père  est  à  moi.  Le  saint  Doctem' 
rapporte  divers  exemples  tirés  de  l'Ecriture, 
où,  à  cause  de  l'union  des  deux  natures  en 
une  seule  personne,  on  dit  de  Jésus-Christ 
certaines  choses  qui  lui  conviennent  comme 
Dieu  ;  d'autres  qui  lui  conviennent  comme 
homme  ;  les  unes  et  les  autres  sans  aucune 
restriction.  11  est  dit  dans  la  première  Épitre 
aux  Corinthiens ,   que  si  les  princes  de  ce 
monde  eussent  connu  Jésus-Christ,  ils  n'eus- 
sent jamais  crucifié  le  Seigneur  et  le  roi  de  la 
gloire.  Quoiqu'il  n'ait  été  crucifié  que  selon 
la  forme  d'esclave ,  c'est  cependant  le  Sei- 
gnem-  et  le  roi  de  gloire  qui  a  été  crucifié. 
On  lit  ailleurs  que  le  fils  de  l'homme  jugera 
toutes  les  nations  :  néanmoins  ce  n'est  pas 
comme  honome  qu'il  les  jugera  ;  mais  par 
le  pouvoir  qu'il  en  a  comme  Fils  de  Dieu. 

4.  Il  continue  dans  le  second  li\Te  à  prou- 
ver, par  l'autorité  de  l'Ecriture,  l'égalité  et 
l'unité  de  substance  entre  le  Père  et  le  Fils. 
11  établit  la  même  vérité  par  rapport  au 
Saint-Esprit,  et  il  donne  cette  règle  :  quand 
l'Écriture  dit  des  choses  du  Fils  et  du  Saint- 
Esprit  qu'elle  ne  dit  pas  du  Père  ,  c'est  pour 
montrer  qu'ils  reçoivent  du  Père  leur  es- 
sence. Par  exemple  ,  lorsqu'il  est  dit  dans 
saint  Jean,  que  le  Père  a  donné  au  Fils  d'a- 
voir la  vie  en  lui-même ,  cela  ne  signifie 
point  que  le  Fils  soit  d'une  nature  différente 
de  ceUe  du  Père  ,  mais  seidement  qu'il  est 
engendi'é  de  celle  du  Père,  et  qu'il  reçoit 
de  lui  sa  substance.  De  même,  quand  Jésus- 
Christ  dit  que  l'Esprit  de  vérité  ne  parlera 
pas  de  lui-même  ;  mais  qu'il  dira  tout  ce 
qu'il  aura  entendu,  il  s'exprime  ainsi  parce 
que  le  Saiul-Esprit  procède  du  Père.  Quand 


ICor.  II,  S. 


Analyse  du 
secoD'i  livre, 
pag.  772. 


364 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


joan.  xvii,  le  Fils  dit  à  son  Père  :  Glorifiez-moi,  cela  ne 
marque  entre  ces  deux  personnes  aucune 
inégalité  :  parce  que  ,  si  le  Père  glorifie  le 
Fils,  le  Fils  giorifie  aussi  le  Père;  aussi,  il 

">'■'•  est  écrit  au  même  endroit  :  Je  vous  ai  glo- 

rifié sur  la  terre. 

Yient  ensuite  ce  qui  regarde  la  mission  du 
Fils  et  du  Saint-Esprit;  être  envoyé  n'est  au- 
tre chose  dans  le  Fils  qu'apparaître  dans  le 
lieu  même  où  il  était  déjà  ;  il  en  est  de  même 
du  Saint-Esprit  ;  ainsi  la  mission  de  l'un  et  de 
l'autre  ne  prouve  point  qu'ils  soient  inférieiu-s 
au  Père.  En  effet,  puisque  étant  Dieu,  ils 
sont  partout,  on  doit  dire  aussi  qu'ils  sont 
dans  le  monde  ,  et  qu'ils  n'ont  été  envoyés 
que  là  où  ils  étaient  déjà.  On  ne  lit  point 
dans  l'Ecriture  que  le  Saint-Esprit  soit  moin- 
dre que  le  Père,  comme  on  le  lit  du  Fils. 
C'est  que  le  Saint-Esprit  n'a  point  été  uni 
liypostatiquement  à  certaines  natures  cor- 
porelles sous  lesquelles  il  a  apparu  ,  et  que 
cette  union  n'a  été  que  momentanée  ;  tan- 
dis que  dans  Jésus-CIirist,  la  nature  divine  a 
été  unie  à  la  nature  liumaine  dans  l'unité  de 
personne.  L'invisil^ilité  et  l'immortalité  sont 
un  attribut  commun  aux  trois  personnes  de  la 
Trinité  ;  et  encore  que  le  Fils  de  Dieu  se  soit 
trouvé  seul  revêtu  de  la  nature  liumaine  , 
néanmoins  les  trois  personnes  de  la  Trinité 
ont  formé  l'humanité  sainte  qu'il  a  prise,  et 
l'ont  unie  à  sa  personne  divine.  Les  trois 
anges  qui  apparui-ent  à  Abraham  présentent 
une  image  du  mystère  de  la  Trinité,  Dieu, 
sous  la  figure  de  ces  trois  anges  dont  aucun 
n'avait  rien  ou  dans  sa  forme  extérieure,  ou 
dans  son  âge ,  ou  dans  quelque  marque 
d'autorité ,  qui  parût  le  mettre  au  -  dessus 
des  autres,  ayant  voulu  représenter  la  par- 
faite égalité  des  trois  personnes  dans  l'unité 
d'une  même  nature  et  d'une  même  subs- 
tance. Le  saint  Docteur  s'étend  beaucoup, 
tant  sur  cette  apparition  que  sur  celles  qui 
furent  faites  à  Loth  et  à  Moïse ,  et  il  de- 
mande si  ces  apparitions  ont  été  communes 
à  toute  la  Trinité,  ou  si  elles  n'ont  été  que 
d'une  personne  seule.  Selon  saint  Augustin, 
dans  l'apparition  des  trois  anges  à  Abra- 
ham, on  ne  peut  assurer  que  celui  auquel  ce 
patriarche  s'adressa  comme  au  premier  des 
trois,  ait  été  le  Fils  de  Dieu,  et  que  les  deux 
autres  fussent  des  anges.  S'il  y  a  quelque  en- 
di'oit  dans  l'Ecriture,  où  il  semble  que  Dieu 
ait  voulu  apparaître  en  sa  propre  personne, 
c'est  lorsqu'il  apparut  à  Moïse  dans  le  buis- 
son ardent,  en  lui  disant  ces  paroles  :  Je  suis 


CELUI  Qtfi  EST  ;  on  ne  saurait  du  moins  douter 
que  si  c'était  un  ange,  il  parlait  au  nom  de 
Dieu  ;  mais  on  ne  saurait  assurer  s'il  parlait 
en  la  personne  du  Fils,  ou  en  celle  du  Saint- 
Esprit,  ou  en  celle  de  Dieu  le  Père,  ou  au 
nom  de  la  Trinité;  puisque  ces  paroles  qu'il 
dit  à  Moïse  :  Je  suis  le  Dieu  d'Abraham,  le 
Dieu  d'Isaac,  le  Dieu  de  Jacob,  conviennent  éga- 
lement au  Père,  au  Fils,  au  Saint-Esprit,  et 
à  la  sainte  Trinité,  comme  enfermant  les  trois 
personnes  divines  en  une  seule  nature.  S'il 
lui  est  permis  de  proposer  ses  conjectiires 
avec  une  retenue  pleine  de  modération  et  de 
respect,  sans  avoir  la  témérité  de  prétendre 
établir  en  quelque  sorte  son  propre  senti- 
ment, il  lui  semble  que  l'on  peut  dire  que 
l'ange  qui  parlait  à  Moïse  sur  le  mont  Sinaï, 
d'une  manière  si  terrible,  parlait  plutôt  en  la 
personne  du  Saint-Esprit  qu'en  celle  du  Fils 
ou  du  Père,  car  le  Saint-Esprit  étant  appelé  le 
doigt  de  Dieu  dans  l'Ecriture ,  il  paraît  digne 
de  cette  sagesse  avec  laquelle  Dieu  garde 
les  mesures  et  les  proportions  en  toutes  cho- 
ses, que  le  même  Esprit-Saint  qui  a  gravé 
cinquante  jours  après  la  Résurrection  du  Fils 
de  Dieu,  la  loi  nouvelle  en  des  tables  vi- 
vantes, et  dans  le  cœur  des  premiers  disci- 
ples par  l'effusion  de  ses  grâces  et  de  son 
amour,  ait  aussi  gravé  cinquante  jours  après 
la  célébration  de  l'Agneau  pascal,  sm*  le  mont 
Sinaï,  en  des  tables  de  pierre,  la  loi  de  crainte 
et  de  rigueur.  Il  est  certain  que  Dieu  peut 
se  servir  du  ministère  ou  de  l'interposition 
d'une  créature  qui  lui  est  soumise,  pom-  se 
faire  connaître  aux  hommes  sous  quelque  res- 
semblance corporelle;  mais  cela  n'est  point 
particuher  au  Fils  ;  au  contraire ,  cela  est 
commun  au  Saint-Esprit  et  au  Père  comme 
au  Fils,  chacune  des  personnes  divines  pou- 
vant se  faire  connaître  aux  hommes  de  la 
même  sorte.  Mais  saint  Augustin  ne  veut  pas 
définir  quelle  est  celle  des  trois  personnes 
qui  s'est  fait  connaître  sous  une  figure  cor- 
porelle à  quelqu'un  des  patriarches  et  des 
prophètes  ;  et  il  trouve  qu'il  y  aurait  de  la 
témérité,  dans  une  semblable  décision ,  à 
moins  qu'elle  ne  fût  fondée  siu"  des  raisons 
fortes  et  probables  tirées  des  circonstances 
particulières  de  ce  même  endroit  de  l'Écri- 
ture sur  lequel  on  voudrait  l'établir. 

S.  Les  apparitions  dont  il  est  parlé  dans 
l'Écriture,  font  encore  le  sujet  du  ti-oisième 
livre.  Saint  Augustin  examine  si  Dieu,  dans 
ses  apparitions,  a  formé  des  créatures  pour 
se  faire  connaître  par  elles  aux  hommes  ;  ou 


[Vf^  ET  V'  SIÈCLES.] 

si  ces  apparitions  ont  été  faites  par  le  minis- 
tère des  anges  qui,  selon  la  puissance  à  eux 
accordée  par  le  Créateur,  se  sont  servis  de 
ces  corps  en  la  manière  qui  leur  paraissait 
la  plus  convenable  pour  former  ces  appari- 
tions. Il  établit,  par  l'autorité  de  l'Écriture, 
une  vérité  incontestable,  qui  est  que  Dieu  se 
sert  des  créatures  selon  sa  volonté,  et  qu'il 
a  fait  celles  qui  sont  visibles,  pour  que  nous 
parvenions  par  elles  à  la  connaissance  du 
Créateur.  Il  ne  trouve  point  de  différence 
entre  les  événements  miraculeux  et  ceux 
qui  ne  le  sont  pas,  sinon  que  ceux-là  sont 
plus  rai'es,  et  que  Dieu  ne  garde  pas  dans 
les  uns  et  dans  les  autres  la  même  manière 
d'agir,  quoique  ce  soit  par  la  même  puis- 
sance qu'il  agisse.  N'est-ce  pas,  en  effet,  le 
même  Dieu  qui  ressuscite  un  mort,  et  qui 
donne  la  vie  à  un  corps  nouvellement  formé 
dans  le  sein  d'une  femme?  C'est  lui  aussi 
c[ui  donne  l'être  aux  créatures  que  les  magi- 
ciens cliangent  quelquefois  par  leurs  en- 
chantemeuts,  et  qui  permet  aux  démons  ces 
opérations  magiques,  soit  pour  tromper  les 
trompeurs,  soit  pour  exercer  la  patience  des 
justes,  soit  pour  d'autres  vues  qui  lui  sont 
connues.  Mais  on  ne  peut  inférer  de  là,  que 
les  démons  aient  le  pouvoir  de  créer  de  rien 
aucune  chose  ;  par  exemple,  un  serpent  ou 
des  grenouilles  ;  cela  n'appartient  qu'au 
Créateur.  Toutefois,  comme  ces  animaux 
peuvent  naître  de  corruption;  et  comme  il  y 
a  certaines  semences  cachées  dans  les  corps 
naturels  ,  les  démons  peuvent ,  lorsqu'elles 
se  trouvent  en  certains  degrés  ou  d'humi- 
dité ou  de  sécheresse ,  ou  de  froid  ou  de 
chaud,  et  mêlées  en  une  manière,  former  de 
semblables  bêtes.  Car  alors  ces  esprits  ma- 
lins peuvent  rassembler  et  tempérer  de  telle 
sorte  ces  semences  des  choses  cachées  dans 
le  secret  de  la  natm'e  ,  qu'il  en  sorte  ensuite 
des  effets  tout  extraordinaires  :  mais  c'est 
Dieu  seul  qui  est  le  créateur  et  la  première 
cause  de  ces  causes  secondes  sur  lesquelles 
les  démons  peuvent  agir.  Le  saint  Docteur 
se  détermine  ensuite  pour  le  sentiment  qui 
veut  que  les  apparitions  faites  à  Abraham  , 
à  Moïse  et  aux  autres  patriarches  se  soient 
faites  par  le  ministère  des  anges. 

H  s'objecte  qu'on  ne  lit  pas  dans  l'Écri- 
ture :  L'Ange  dit  à  Moïse  :  mais  :  Le  Seigneur 
diflfl  Moïse.  Il  répond  :  «  Lorsque  le  héraut 
prononce  les  paroles  du  juge,  on  n'écrit  pas 
dans  les  fastes  :  Le  héraut  a  dit  :  mais  :  Le 
juge  a  dit;  et  lorsque  nous  disons  d'un  pro- 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


363 


Act.viT,f;i. 


Analyse  du 
quatrième    li- 


phète  inspiré  de  Dieu,  qu'il  a  dit  telles 
choses,  nous  entendons  que  c'est  Dieu  même 
qui  a  parlé  ainsi.  »  Il  rapporte  pour  ce  senti- 
ment divers  endroits  de  l'Ecriture ,  en  parti- 
culier du  livre  des  Actes  des  apôtres,  où 
saint  Etienne,  après  avoir  dit  que  le  Dieu  de 
gloire  apparut  à  Abraham  lorsqu'il  était  en 
Mésopotamie ,  ajoute  en  parlant  de  Moïse  : 
Quarante  ans  après,  un  ange  lui  apparut  ait 
désert  de  la  montagne  de  Sinaï.  Selon  saint 
Augustin,  ce  ne  fut  pas  Dieu,  mais  les  anges 
qui  apparurent  à  Abraham  dans  la  vallée  de 
Mambré  :  «  Car  ,  dit  -  il ,  ces  paroles  qui 
suivent  :  Abraham  ayant  levé  les  yeux,  trois 
hommes  lui  parurent  auprès  de  lui,  ne  peuvent 
s'expliquer  de  Dieu.  »  Enfin  il  montre  par 
le  discours  de  saint  Etienne,  que  la  loi  a  été 
donnée  à  Moïse  par  le  ministère  des  anges  ; 
d'où  il  conclut  que  c'est  encore  par  eux  que 
Dieu  a  parlé  à  Moïse ,  et  que  c'est  encore 
par  eux  que  le  Fils  de  Dieu,  qui  devait  naître 
de  la  race  d'Abraham  ,  a  disjDosé  les  choses 
C[ui  regardaient  sa  venue. 

6.  Dans  le  quatrième  livre  ,  saint  Augus- 
tin traite  du  mj-slère  de  l'Incarnation.  On  y  Vre,  pag.  809 
voit  comment  le  Yerbe  fait  chair  dissipe  nos 
ténèbres  et  nous  rend  capables  de  connaître 
la  vérité  ;  comment  par  sa  mort  et  par  sa 
résm-rection  ,  il  rend  la  vie  à  notre  âme  et  à 
notre  coi-ps  ;  nous  délivre  de  deux  morts 
tout  à  la  fois,  quoiqu'il  n'en  ait  souffert 
qu'une,  savoir,  celle  du  corps.  II  fait  une 
digression  sur  le  nombre  six  ,  qui ,  multiphé 
par  quarante-six  ,  rend  le  nombre  des  jours 
que  Je'sus-Christ  a  été  dans  le  sein  de  sa 
mère  ;  car  on  croyait  qu'il  avait  été  conçu 
le  huit  des  calendes  d'avril ,  et  qu'il  était  né 
le  huit  des  calendes  de  janvier.  Il  dit  aussi 
quelque  chose  sur  le  nombre  trois,  à  l'occa- 
sion des  trois  jours  pendant  lesquels  Jésus- 
Christ  demeura  dans  le  tombeau  ,  remar- 
quant que  ces  trois  jours  ne  furent  pas  en- 
tiers ,  n'y  ayant  été  qu'une  partie  du  ven- 
dredi et  du  dimanche  ,  et  le  samedi  tout  le 
jour.  Il  explique  comment,  par  la  grâce  du 
Médiateur,  les  fidèles  sont  unions  ensemble, 
non-seulement  en  ce  qu'ils  ont  une  même 
nature,  mais  en  ce  qu'ils  sont  unis  par  la 
société  d'une  même  charité,  après  avoir  été 
délivrés  de  leurs  péchés  par  l'oblation  de  la 
victime  la  plus  parfaite.  Car,  comme  il  y  a 
quatre  choses  à  considérer  dans  tout  sacri- 
fice, celui  à  qui  on  l'offre,  celui  qui  l'offre, 
ce  qu'on  offre,  et  ceux  pour  qui  on  l'offre; 
c'est  pour  cela  que  Jésus-Christ,  cet  unique 


366 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


et  véritable  médiateur,  en  nous  réconciliant 
par  son  sacrifice  à  Dieu  son  Père,  demeurait 
rm  avec  celui  à  qui  il  l'offrait ,  unissait  en 
lui  ceux  pour  lesquels  il  l'ofïrait,  et  lui-mê- 
me qui  l'offrait,  était  un  et  même  chose  que 
ce  qu'il  offrait.  Un  autre  fruit  de  sa  média- 
tion a  été  de  nous  purifier  tellement  par  la 
foi,  que  nous  devinssions  capables  de  con- 
naître la  vérité  immuable  et  de  jouir  des 
biens  éternels.  Les  prophètes  avaient  prédit 
la  venue  de  ce  Médiateur  ;  et  nous  avons  des 
Gai.  IV  4.    preuves  comme  il  est  venu.  Dieu  l'a  envoyé 
formé  d'une  femme,  et  assujetti  à  la  M  :  et  eu 
cette  qualité  le  Fils  est  moindre  que  le  Père  : 
mais  il  est  égal,  coéternel  et  consubstantiel 
à  son  Père  selon  sa  nature  divine,  n'y  ayant 
à  cet  égard   aucune    différence  entre    être 
envoyé  du  Père  et  né  du  Père  :  car,  comme 
celui  qui  engendre  et  celui  qui  est  engendré 
sont  une  même  chose,  de  même  celui  qui 
envoie  et  celui  qui  est  envoyé  sont  une  mô- 
me chose  ;  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit 
n'étant  qu'une  même  chose,  quoique  le  Père 
soil  le  principe  de  la  divinité. 
Analyse  du       7.  Saint  Augustin  répond,  dans  le  cinquiè- 
•vrc,  pog.  831.  me  livre,  a  divers  sophismes  des  ariens  con- 
tre le  mystère  de  la  Trinité.  Ils  disaient  : 
Tout  ce  qui  se  conçoit  ou  se  dit  de  Dieu,  se 
dit  et  se  conçoit  selon  la  substance,  et  non 
selon  l'accident  ;  donc,  être  non  engendré  se 
dit  du  Père  selon  la  substance,  et  être  en- 
gendré, se  dit  aussi  du  Fils  selon  la  subs- 
tance. Or,  il  est  différent  d'être  engendré  et 
de  ne  l'être  pas  ;  la  substance  du  Père  et 
du  Fils  est  donc  différente.  Ce  Père  leur  ré- 
pond :  «  Si  tout  ce  qui  se  dit  de  Dieu,  se  dit 
selon  la  substance,  il  est  donc  dit  selon  la 
substance  :  Mon  Père  et  moi  sommes  une  même 
chose  ;  et,  par  conséquent,  la  substance  du 
Père  et  du  Fils  est  une  et  la  même.  »  Il  leur 
objecte  d'autres  passages  de  l'Écriture  qui 
prouvent  également  l'unité    de    substance 
dans  le  Père  et  le  Fils.  Après  quoi  il  fait  voir 
que  tout  ce  qui  se  dit  de  Dieu  ne  se  dit  pas 
toujours  selon  la   substance  ,   comme  lors- 
qu'on dit  qu'il  est  bon,  qu'il  est  grand  ;  mais 
qu'il  y  a  des  choses  qui  marquent  en  Dieu 
un  certain  rapport  d'origine  'et    de  proces- 
sion, que  nous  appelons  relations,  qui  ne 
mettent  rien  de  réel  dans  les  personnes,  et 
qui   ne   sont,  à   proprement   parler,    qu'un 
pur  rapport  de  subordination,  comme  parmi 
les  hommes,  la  qualité  de  maître  et  de  ser- 
viteur, et  dans  Dieu,  la  quahté  de  Seigneur 
par  rapport  à  la  créature  qui  lui  est  sou- 


Jiiaii. 
3(1. 


mise.  Or,  tous  ces  rapports  ne  changent  rien 
dans  la  nature  des  choses.  Il  en  donne  pour 
exemple,   cet  endroit   du  psaume  lxxxvii  : 
Seigneur,  vous  êtes  devenu  notre  refuge.  C'est 
en  effet  par  rapport  à  nous  que  Dieu  est  de- 
venu refuge,  et  il  ne  l'est  devenu  que  lors- 
que nous  avons  eu  recours  à  lui  ;  mais  cette 
qualité  ne  produit  en  Dieu  aucun  change- 
ment.   Elle    marque   seulement   que    nous 
étions    mauvais   avant   de   recourir    à   lui , 
et  que  nous  sommes  devenus  meilleurs  en 
y  recourant.  Il  prouve  la  même  vérité  par 
l'exemple  d'une  pièce  d'argent,  laquelle  ne 
reçoit  aucun  changement  dans  sa  nature  et 
dans  son  espèce,  soit  qu'on  l'ait  en  dépôt, 
ou  en  gage,  ou  en  arrlie;  soit  qu'on  l'ait  ga- 
gnée légitimement  par  son  travail,  ou  injus- 
tement par  de  mauvaises  voies  ;  soit  qu'elle 
soit  le  prix  de  la  vertu,  ou  le  fruit  du  vice  ; 
soit  qu'elle  provienne  de  la  gratification  du 
prince,  ou  d'une  vente  de  marchandises,  ou 
de  la  banque,  ou  du  jeu,   ou  des  revenus 
d'une  terre.  11  pose  donc  pour  un  principe 
certain  que  ce  qui  se  dit  substantiellement 
de  Dieu,  se  dit  également  des  trois  person- 
nes, comme  bon,  grand,  tout-puissant,  parce 
qu'il  n'y  a  dans  les  trois  personnes  qu'une 
seule  et  même  essence  ;  mais  que  tout  ce 
qui  se  dit  relativement,  comme  Père,  Fils  et 
Saint-Esprit,   n'est  pas   commun   aux   trois 
personnes  ;  c'est  ce  que  les  Grecs  appellent 
hypostases.  Mais  il  convient  en  même  temps 
que  ce  que  la  foi  enseigne  du  mystère  de  la 
Trinité,  ne  se  peut  exprimer  par  des  paroles  : 
0  Quand  on  demande,  dit-il,  qu'est-ce  qu'il 
y  a  de  trois  en  Dieu  ?  c'est  alors  que  le  dis- 
cours humain  se  trouve  dans  une  grande 
stérilité    d'expressions.  L'on  dit  néanmoins 
trois  personnes,  non  qu'on  doive  croire  par  là 
exprimer  clairement  la  chose,  mais  pour  ne 
pas  la  taire  absolument.  » 

8.  Dans  les  deux  livres  suivants,  saint  Au- 
gustin examine  en  quel  sens  l'Apùtre  ap- 
pelle Jésus-Christ  la  sagesse  et  la  puissance 
du  Père ,  et  si  le  Père  n'est  pas  lui-même  la 
sagesse,  mais  seulement  le  père  de  la  sa- 
gesse. Avant  de  décider  cette  question,  il 
prouve  l'unité  et  l'égalité  du  Père,  du  Fils, 
et  du  Saint-Esprit,  et  fait  voir  que  saint  Hi- 
laire',  en  disant  que  l'éternité  est  dans  le 
Père,  la  ressemblance  dans  l'image,  et  l'u- 
sage dans  le  don,  n'a  eu  d'autre  dessein 
que  de  marquer  les  attributs  des  personnes, 

'  Lib.  XV,  cap.  VII,  pag.  971  L:t  973. 


[lV=  ET  V=  SlisCLES.' 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


367 


sans  toucher  à  l'unité  et  à  l'égalité  de  leur 
nature.  Ensuite  divers  passages  de  l'Écriture 
lui  servent  à  prouver  que  le  Père  et  le  Fils 
sont  la  même  sagesse  et  la  même  essence  ; 
et  que  comme  l'un  est  la  sagesse  et  l'essence 
engendrante  ;  l'autre  est  la  sagesse  et  l'es- 
sence engendrée  ;  que  le  Fils  est  la  sagesse 
procédente  de  la  sagesse  du  Père,  comme  il 
est  la  lumière  de  la  lumière.  Il  montre  la 
même  vérité  du  Saint-Esprit,  qu'il  appelle 
une  sagesse  procédente  de  la  sagesse;  ajou- 
tant qu'on  ne  peut  pas  dire  néanmoins  qu'il 
y  ait  trois  vertus  et  trois  sagesses,  mais  une 
vertu  et  une  sagesse,  comme  il  n'y  a  qu'un 
Dieu  et  qu'une  essence  ou  nature.  Selon 
lui,  le  Fils  est  particulièrement  désigné  sous 
le  nom  de  Sagesse  dans  l'Écriture,  parce 
qu'étant  l'image  égale  du  Père,  c'est  sur 
son  exemple  que  nous  devons  nous  former 
pour  nous  rapprocher  de  l'image  de  Dieu  en 
vivant  sagement.  L'Écriture,  en  parlant  du 
Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit,  ne  dit  ja- 
mais qu'il  y  ait  en  Dieu  trois  personnes  ;  ces 
termes  ne  sont  devenus  en  usage  dans  l'É- 
glise que  par  le  besoin  de  défendre  la  foi  de 
la  Trinité  contre  les  hérétiques,  et  d'expri- 
mer en  la  manière  que  nous  le  pouvons  ce 
que  nous  savons  de  ce  mystère.  Le  saint  Doc- 
teur doute  s'il  est  digne  de  Dieu,  d'être  appe- 
lé une  substance,  parce  que  ce  terme  marque 
un  sujet  capable  de  recevoir  quelque  forme  ; 
et  il  prétend  qu'il  est  beaucoup  mieux,  en 

»»••  "I  parlant  de  la  nature  de  Dieu,  de  se  servir 
du  mot  d'essence,  comme  il  s'en  est  servi 
lui-nlême,  lorsqu'il  dit  à  Moïse  :  Je  suis  celui 
qui  suis.  Sans  blâmer  l'usage  des  Grecs  qui 
admettent  en  Dieu  une  essence,  et  trois 
substances  ou  hypostases,  il  aime  mieux 
qu'on  dise  avec  les  latins,  une  essence  en 
trois  personnes.  Jésus-Christ  dans  l'Évan- 
gile a  mai'qué  l'unité  de  cette  essence  ou 
nature,  en  disant  :  Mon  Père  et  moi  sommes 
une  même  chose  ;  et  la  pluralité  des  person- 
nes, par  ce  mot  sommes,  en  le  prenant  rela- 
tivement au  Père  et  au  Fils.  Comme  tout  ce 
que  saint  Augustin  avait  écrit  sur  ce  sujet, 
pouvait  surpasser  l'intelhgence  de  plusieurs 
personnes,  il  dit  qu'il  leur  suffit  de  croire 
au  Père,  au  Fils,  et  au  Saint-Esprit,  un 
Dieu,  seul,  grand,  tout-puissant,  bon,  juste, 
miséricordieux,  et  créateur  de  toutes  cho- 
ses visibles  et  invisibles  ;  en  sorte  qu'enten- 
dantdire  que  le  Père  est  seul  Dieu,  ils  ne  sé- 
parent pas  de  la  divinité  le  Fils  et  le  Saint-Es- 

naiite  dj   prit^  qiii  ne  sont  qu'un  seul  Dieu  avec  le  Père. 


9.  Il  fait  voir,  dans  le  huitième  hvre,  que  im 
les  trois  personnes  ensemble  ne  sont  pas  ^'° 
plus  grandes  qu'une  seule  ;  qu'ainsi  non  - 
seulement  le  Père  n'est  pas  plus  gTand  que 
le  Fils,  mais  que  le  Père  et  le  Fils  ne  sont 
pas  plus  grands  non  plus  que  le  Saint-Es- 
prit. La  raison  qu'il  en  donne,  c'est  que  la 
grandeur  d'un  être  consiste  dans  la  vérité  de 
l'être,  laquelle  étant  la  même  dans  les  trois 
persoimes  ,  prouve  évidemment  que  l'une 
n'est  pas  plus  grande  que  l'autre.  Il  passe 
de  là  à  la  manière  dont  on  doit  s'élever  à 
la  connaissance  de  Dieu  ;  et  montre  qu'on 
ne  peut  l'acquérir  que  par  l'amour  de  la  jus- 
tice, c'est-à-dire  par  la  charité,  qui  est  ap- 
pelée Dieu  dans  l'Écriture,  et  qui  est  insé- 
parable de  la  pratique  de  la  vertu  et  de  l'at- 
tachement à  la  vérité.  11  examine  comment 
on  doit  aimer  son  prochain  et  soi-même,  et 
dit  :  «  On  ne  doit  aimer  les  hommes  que 
parce  qu'ils  sont  justes  ou  afin  qu'ils  le  de- 
viennent, puisqu'on  ne  doit  s'aimer  soi-mê,- 
me  que  parce  qu'on  est  juste  ou  qu'on  es- 
père le  devenir.  Celui  qui  s'aime  d'une  autre 
sorte,  s'aime  injustenient,  c'est-à-dire  pour 
être  injuste  ;  et  par  conséquent  ne  s'aime 
pas  en  effet,  puisque  quiconque  aime  l'ini-  p 
quité,  hait  son  âme.  »  Il  blâme  ceux  qui 
s'imaginent  devoir  chercher  Dieu  en  faisant 
des  prodiges  extérieurs  comme  en  ont  fait 
les  anges,  au  heu  d'imiter  leur  piété  et  leur 
charité  ;  posant  pour  principe  que  plus  nous 
sommes  sains  et  guéris  de  l'enflure  de  l'or- 
gueil, plus  nous  sommes  remplis  de  la  vraie 
dilection.  «Car,  dit-il,  de  quoi  est  plein,  sinon 
de  Dieu,  celui  qui  est  plein  de  charité  et  d'a- 
mour? L'amour  que  nous  avons  de  la  justice 
nous  fait  aimer  les  justes,  et  c'est  par  la 
force  de  cet  amour  que  nous  nous  sentons 
comme  enflammés  de  dilection  pour  saint 
Paul,  lorsque  nous  entendons  réciter  ou  que 
nous  lisons  ce  qu'il  a  fait.  »  La  charité  offre 
au  saint  Docteur  une  espèce  de  Trinité, 
celui  qui  aime,  ce  qui  est  aimé,  et  l'amour 
qui  joint  celui  qui  aime  avec  la  chose  ai- 
mée. 

10.  Il  commence  le  livre  neuvième  par  a 
cette  maxime  :  «  N'ayons  point  d'incrédulité  v™, 
pour  douter  des  choses  que  l'on  doit  croire, 
ni  de  témérité  pour  déterminer  le  sens  de 
celles  que  l'on  doit  connaître  :  dans  les  pre- 
mières, il  faut  se  soumettre  à  l'autorité  ;  et 
dans  les  autres,  il  faut  en  rechercher  la  vé- 
rité avec  grand  soin.  »  Ensuite  il  s'applique 
à  chei'cher  dans  l'homme  qui  a  été  fait  à 


fièmo  li-vie, 
r.  865. 


lomG     I 
pag.  871 


368 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


l'image  de  Dieu,  une  Trinité,  et  y  trouve  un 
esprit,  une  connaissance  de  soi-même,  et  un 
amour  par  lequel  il  s'aime.  Ces  trois  choses 
sont  non-seulement  distinguées  les  unes  des 
autres  sans  confusion,  mais  sont  encore 
égales  entre  elles,  et  ne  sont  cpa'une  même 
essence.  Il  enseigne  qu'il  ne  nous  est  pas 
défendu  d'aimer  les  créatures,  et  qu'en  rap- 
portant cet  amour  au  Créateur,  ce  n'est 
plus  cupidité ,  mais  charité.  «  Car  ou  ap- 
pelle, dit-il,  cupidité,  l'amour  que  l'on  porte 
à  la  créature  pour  elle-même  ;  et  cet  amour 
au  lieu  d'être  utile  à  celui  qui  devrait  seule- 
ment user  de  la  créature,  ne  sert  qu'à  le 
corrompre,  parce  qu'il  en  veut  jouir.  Toutes 
les  créatures  nous  étant  ou  infériem'es  ou 
pareilles,  nous  devons  user  des  premières 
pour  aller  à  Dieu,  et  jouir  des  autres,  mais 
en  Dieu  seul.  » 
Li-vres dixiè-       n.  La  mémoiro  de  l'homme,  son  enten- 

me,  onzième,  ,     p  . 

douzième    ei  dément  et  sa  volonté  fournissent  encore  a 

treizième,  ,  ., 

pap^.  838  et  saint  Augustin  une  image  de  la  Trinité,  qu'u 
croit  même  plus  claire  et  plus  ressemblante 
que  la  précédente.  Il  l'explique  dans  le 
dixième  livre,  où  il  traite  de  la  nature  de 
l'âme.  Il  en  trouve  une  autre  dans  l'homme 
extérieur  et  dans  les  sens  intérieurs,  ce  qui 
fait  la  matière  du  onzième  hvre.  Le  douziè- 
me est  employé  à  chercher  aussi  de  ces 
sortes  de  trinités  dans  la  science.  Mais  il  y 
rejette  la  trinité  que  quelques-uns  trouvaient 
dans  le  mariage  de  l'homme  et  de  la  femme 
et  dans  la  production  de  l'enfant,  comme 
étant  contraire  à  l'Écriture.  Il  remarque 
dans  ce  livre  que  celui  qui  fait  trop  d'atten- 
tion à  une  mauvaise  pensée,  ne  saurait  être 
exempt  de  péché.  «  Quand  l'esprit  ne  se 
plaît,  dit-il,  aux  choses  défendues,  que  dans 
la  seule  pensée,  non  pas  en  se  déterminant 
à  les  commettre,  mais  seulement  en  s'y  ap- 
plicpiant  et  prenant  plaisir  à  y  faire  atten- 
tion, au  lieu  qu'il  aurait  dû  en  rejeter  d'a- 
bord la  pensée  ;  il  n'y  a  pas  lieu  de  douter 
que  ce  ne  soit  un  péché,  mais  beaucoup 
moindre  que  si  l'on  s'était  résolu  de  l'accom- 
plir par  l'action.  C'est  pourquoi  nous  devons 
demander  à  Dieu  le  pardon  de  ces  sortes 
de  pensées,  et  lui  dire  en  frappant  notre 
poitrine  :  Seigneur,  pardonnez-nous  nos  pé- 
chés. » 

Dans  le  treizième  livre ,  où  il  continue 
d'examiner  l'image  de  la  Trinité,  que  lui 
fournit  la  science,  il  enseigne  que  la  mau- 
vaise volonté  suffit  elle  seule,  pour  nous  ren- 
dre misérables  ;  mais  que  uotre  pouvoir  fait 


que  nous  le  sommes  bien  davantage  lors- 
qu'il nous  procure  l'accomplissement  des 
désirs  de  cette  mauvaise  volonté.  On  y  trou- 
ve encore  les  enseignements  suivants  :  Dans 
la  félicité  éternelle,  on  aura  tout  ce  que  l'on 
aime,  et  l'on  ne  désirera  point  ce  qu'on 
n'aura  pas;  il  n'y  aura  rien  qui  ne  soit  bon  ; 
Dieu  y  sera  notre  souverain  bien  ;  les  ama- 
teurs de  ce  bien  suprême  l'auront  toujouj-s 
présent  pour  en  jouir  ;  et  ce  qui  fera  le 
comble  de  leur  bonheur,  c'est  qu'ils  seront 
assurés  que  cela  durera  ainsi  éternellement. 
Quoique  Dieu  ait  eu  d'autres  moyens  possi- 
bles pour  guérir  notre  misère,  que  celui  de 
l'Incarnation  de  son  Fils,  il  n'y  en  avait 
point  de  plus  convenable,  et  il  ne  devait 
point  y  en  avoir  d'autre  que  celui  qu'il  a 
pris  pour  nous  sauver,  c'est-à-dire  de  s'unir 
à  notre  nature  sans  souffrir  dans  la  sienne 
aucun  changmeent  ni  altération.  Quoique  la 
mort  du  corps  procède  originairement  du 
péché  du  premier  homme,  c'est  néanmoins 
le  bon  usage  de  cette  mort  qui  a  couronné 
de  gloire  les  saints  martyrs.  Encore  que  la 
mort,  les  douleurs,  les  travaux  et  tous  les 
autres  maux  que  souffrent  les  hommes , 
soient  les  peines  du  péché  et  principalement 
du  pi'emier  péché,  ils  ont  dû  toutefois  de- 
meurer, même  après  la  rémission  des  pé- 
chés, pour  servir  de  matière  aux  combats 
que  les  fidèles  soutiennent  pour  la  vérité,  et 
d'épreuve  à  la  pureté  de  le  m-  vertu;  ainsi 
les  maux  que  les  fidèles  souffrent  en  ce 
monde  avec  piété,  leur  servent  ou  pour  les 
purifier  de  leurs  péchés,  ou  pour  exercer 
et  éprouver  leur  justice,  ou  pour  leur  faire 
connaître  la  misèi-e  de  cette  vie,  afin  qu'ils 
désirent  avec  plus  d'ardem%  et  qu'ils  recher- 
chent avec  plus  d'instance  cette  autre  vie 
future,  où  se  trouvera  une  vraie  et  éternelle 
félicité. 

12.  Saint  Augustin  traite  dans  le  quartor- 
zième  livre,  de  la  vraie  sagesse  de  l'homme. 
L'homme  n'est  pas  l'image  de  Dieu,  en  ce  qu'il 
renferme  dans  son  âme  l'image  de  la  Trinité, 
c'est-à-dire  en  ce  que  cette  âme  se  souvient 
d'elle-même,  qu'elle  se  comprend  et  qu'elle 
s'aime  ;  mais  en  ce  qu'elle  se  souvient  de 
celui  qa'i  l'a  créé,  qu'elle  le  connaît  et  qu'elle 
l'aime.  Car  c'est  en  cette  manière  que  l'âme 
se  renouvelle  dans  la  connaissance  de  Dieu 
selon  l'image  de  celui  qui  a  créé  l'homme  à 
sou  image.  L'homme  rend  cette  image  toute 
difibrme  par  le  péché,  et  il  ne  la  rétablit 
que  par  la  convei'sion  et  la  réformalion  de 


[ir  ET  V'  siÈcxES.]  SAINT  AUGUSTIN' ,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


369 


ses  mœui's.  Le  premier  degré  de  sa  guéri- 
son,  lorsqu'il  est  tombé  malade  par  le  pé- 
ché, est  d'éloigner  la  cause  de  sa  maladie, 
ce  qui  se  fait  par  la  rémission  de  tous  ses 
péchés  ;  le  second  degré  est  de  guérir  la  lan- 
gueur qui  reste,  ce  qui  se  fait  peu  à  peu  en 
s 'avançant  sans  cesse  dans  le  renouvelle- 
ment de  l'image  de  Dieu,  à  la  ressemblance 
de  laquelle  il  avait  été  form,é  avant  le  péché. 
Si  l'on  s'avance  dans  ce  renouvellement  spi- 
rituel jusqu'à  la  mort,  alors  on  sera  reçu 
par  les  saints  anges  pour  être  conduit  à 
Dieu,  être  rétabli  par  lui  dans  une  entière 
perfection,  et  recevoir  à  la  fin  du  monde  un 
corps  incorruptible,  non  pour  la  peine,  mais 
pour  la  gloire. 

Le  commencement  du  quinzième  livre,  est 
une  récapitulation  de  ce  qui  avait  été  dit  dans 
les  précédents.  Viennent  ensuite  ces  ré- 
flexions :  Quoique  nous  ayons  ici  -  bas  des 
images  de  la  Trinité,  nous  ne  devons  néan- 
moins la  chercher  que  dans  les  choses  éternel- 
les, incorporelles  et  immuables,  dont  la  par- 
faite contemplation  doit  faire  la  vie  bienheu- 
reuse que  l'on  nous  promet.  La  Trinité  ne  nous 
est  visible  en  cette  vie  que  par  figure  et  en 
énig-me  ,  comme  lorsque  nous  nous  formons 
une  idée  de  la  génération  du  Verbe  de  Dieu, 
sur  la  production  du  Verbe  de  notre  entende- 
ment, et  une  idée  de  la  procession  du  Saint- 
Esprit  sur  l'amour  qui  naît  de  noti'e  volonté. 
Saint  Aug-ustin  termine  ce  livre  par  la  profes- 
sion de  foi  en  la  Sainte-Trinité,  et  il  ajoute  :  la 
Vérité  n'a  pu  dire  aux  apôtres  :  Allez,  baptisez 
toutes  les  nations,  au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du 
Saint-Esprit,  qu'autant  qu'elle  existe.  Puis, 
s'adressant  à  Dieu,  le  saint  Docteur  lui  de- 
mande avec  beaucoup,  d'humilité  sa  connais- 
sance et  son  amour  :  «  Seigneur,  ma  force 
et  mon  infirmité  sont  devant  vos  yeux,  con- 
servez l'une  et  guérissez  l'autre  :  ma  science 
et  mon  ignorance  sont  aussi  présentes  de- 
vant vous  :  quand  vous  ouvrez  la  porte  de 
la  vérité  à  ma  connaissance,  recevez -moi  fa- 
vorablement lorsque  j'y  entre;  et,  quand 
vous  me  la  fermez,  laissez-vous  fléchir  à  mes 
importunités,  lorsque  je  frappe  pour  y  en- 
trer. Faites,  Seigneur,  que  je  ne  vous  oublie 
jamais,  que  je  vous  connaisse,  que  je  vous 
aime,  et  augmentez  en  moi  tous  ces  dons, 


jusqu'à  ce  que  vous  m'ayez  rétabli  et  renou 
vêlé  parfaitement.  » 

§XI. 

Des  ouvrages  faussement  attribués  à  saint 
Augustin. 

1 .  Le  traité  contre  cinq  hérésies  ,  intitulé 
dans  quelques  manuscrits  :  Livre  contre  cinq 
sortes  (F ennemis,  savoir  :  contre  les  païens, 
les  juifs,  les  manichéens,  les  sabelliens  et  les 
ariens,  a  été  regardé  par  Érasme  comme  l'ou- 
vrage d'un  homme  d'esprit  et  de  savoir;  mais 
ce  critique  a  douté  que  ce  titre  fût  de  saint 
Augustin,  à  moins,  dit-il,  qu'il  ne  l'ait  com- 
posé étant  encore  jeune.  Les  docteiu-s  de 
Louvain  n'ont  fait  aucune  difficulté  de  le  lui 
atti'ibuer,  et  BeUarmin  en  a  fait  de  même, 
appuyé  de  l'autorité  de  Bède,  ou  plutôt  de 
Florus  de  Lyon,  qui,  dans  son  commentaire 
sur  le  premier  chapitre  de  l'Epître  de  saint 
Paul  aux  Romains,  cite  quelques  endroits  de 
ce  ti'aité  sous  le  nom  de  saint  Augustin.  On  ne 
peut  douter  néanmoins  que  ce  traité  ne 
soit  supposé,  et  qu'il  n'ait  été  écrit  dans  le 
temps  que  l'arianisme  dominait  en  Afrique, 
et  que  ceux  de  ce  parti  employaient  les 
tourments 'et  les  caresses  pour  attirer  à  eux 
les  catholiques  ;  ce  qui  n'arriva  qu'après  la 
mort  de  saint  Augustin,  lors  de  la  persécu- 
tion des  Vandales.  D'aiUeurs  le  style  de  ce 
traité,  quoique  assez  élégant,  u'a  ni  l'exac- 
titude, ni  la  gravité  de  celui  de  saint  Augus- 
tin. Ce  Père  n'aurait  pas  dit,  comme  on  le 
lit  dans  le  chapitre  troisième,  que  la  bonne 
volonté  a  tenu  lieu  de  femme  à  Dieu  le  Père 
pour  engendrer  le  Fils.  Il  faut  donc  dire  que 
Florus  avait  eu  en  mains  un  manuscrit  peu 
correct,  et  porter  le  même  jugement  de  ce- 
lui de  Possidius,  imprimé  par  Jean  Ulim- 
mérius,  où  ce  traité  est  marqué  parmi  les 
ouvrages  de  saint  Augustin.  Car,  dans  tous 
les  autres  exemplaires  du  Catalogue  de  Pos- 
sidius, soit  imprimés ,  soit  manuscrits,  il 
n'est  rien  dit  du  traité  contre  cinq  héré- 
sies. 

2.  Le  discours  contre  les  juifs,  les  païens 
et  les  ariens,  qui  se  trouve  quelquefois  in- 
titulé du  Symbole,  parait  aussi  avoir  été  com- 
posé dans  le  temps  que  l'arianisme  était  la 


Traité  con- 
Irs  les  cinq 
hérésies,  tom.' 
VUI,  pas,  1, 
in  Aiipend. 


Traité  coii- 
Ire  les  Juifs, 
les  païens  et 
les  ariens  , 
pag.  1  1. 


*  VH  estis  fontes  lacrimarum  ?  Quibus  agri- 
colis  loquorf  Àlii  sunt  mortui,  alii  fugati.  Tract, 
contra  qiiinque  hseres.,  cap.  vi.  Adversatur  aria- 
nus,  clamât,   litigat,  pugnat,  twbas  congregat, 

IX. 


contra  Christum  dimicat.  Ille  sanguinem  fudil, 
ut  redimal  :  iste  pecuniam  spargit,  ut  périmât. 
Ibid.,  cap.  VII. 


24 


nio 


HISTOIP.E  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


religion  dominante  en  Afrique,  et  que  sespar- 
sans  étaient  assez  puissants  et  assez  riches 
pour  opprimer  les  callioliques,  ou  les  gagner 
par  argent'.  On  y  trouve  divers  endroits  tirés 
des  écrits  de  saint  Augustin,  en  particulier 
de  ses  discours  aux  catéchumènes,  du  pre- 
mier livre  de  l'Accord  des  Évangélistes,  et 
du  dix-huitième  de  la  Cité  de  Dieu,  d'où  l'on 
a  pris  apparemment  occasion  de  l'intituler 
de  son  nom. 
Disiuicra-       3.  Il  n'y  a  rien,  ni  de  son  sénie,  ni  de 

Iro  l'Èslisccl  ,11  1,  .        .  .  r~. 

la  Synagogue,  SOU  stylc  daus  lecrit  qui  a  pour  titre,  Dis- 
pute entre  l'Église  et  la  Synagogue.  C'est  un 
dialogue  où  quelque  jurisconsulte  introduit 
l'Eghse  faisant  le  procès  à  la  Synagogue,  de 
la  manière  que  les  juges  ont  coutume  de  le 
faire  aux  accusés.  L'auteur  y  fait  voir  quel- 
que connaissance  des  Écritures. 
Livie  tiG  la       4.  Le  livre  de  la  Foi  contre  les  manichéens 

Foi  cnnlro  'es  -  i  •  i  • 

manichéens,  so  trouvB  SOUS  le  iiom  de  saint  Augustin 
Clans  les  anciennes  éditions  de  ses  œuvres. 
Mais,  outre  qu'il  n'en  est  rien  dit  daus  le  Ca- 
talogiw  de  Possidius,  ni  dans  les  livres  des 
Rétractations,  le  stjde  en  est  si  différent, 
qu'on  ne  peut  le  lui  attribuer.  L'auteur  pa- 
rait toutefois  avoir  pris  saint  Augustin  pour 
son  modèle,  et  non-seulement  il  en  preud 
les  pensées,  mais  il  en  copie  aussi  les  termes, 
surtout  de  l'ouvrage  intitulé,  de  la  Nature 
du  bien  contre  les  manichéens.  Le  Père  Sir- 
mond  croit  que  ce  traité  est  d'Évodius,  évê- 
que  d'Uzales,  et  il  y  a,  en  effet,  quelques 
manuscrits  où  il  se  trouve  sous  son  nom. 
Do  la  Ma-       S.  Le  mémoirc  qui  contient  la  forme  de 

nifîre  de  rece-  •      i  •    i     '  ^i      \,  v 

voiiiesman>  recevoir  ies  manichéens,  parait  être  un  re- 
c^  ens,  p„g.   g.jgj^gjjj.  ç■^g  quelque  concile  d'Africpie.  Il  est 

composé  de  neuf  anathèmes,  tous  contre 
les  erreurs  des  manichéens,  ou  contre  la 
personne  de  Manichée  ;  et  d'une  lettre  que 
l'évêque  donnait  à  ceux  de  cette  secte  qui 
se  convertissaient  à  la  foi  catholique,  afin 
de  leur  servir  de  témoignage  contre  ceux 
qui,  ne  sachant  pas  leur  conversion,  ose- 
raient leur  objecter  leur  ancienne  erreur. 
Dutraiiéjo  6.  On  ne  peut  douter  que  le  traité  de 
TOniiô.'^i,.-.!;'  l'Unité  de  la  Trinité  ne  soit  du  même  auteur 
que  les  livres  contre  Varimadus,  puisqu'il 
se  l'attribue  lui-même  dans  la  préface  de 
ses  livres.  Il  est  donc  de  Vigile  de  Tapse, 
sous  le  nom  duquel  on  le  trouve  dans  un 
ancien^manuscrit  de  Dijon,  écrit  il  y  a  plus  de 


nèse,  [ 


huit  cents  ans.  Il  ne  laisse  pas  d'être  cité 
par  Lanfrauc,  par  Alcuin  et  quelques  autres 
comme  étant  de  saint  Augustin,  dont  il  porte 
en  effet  le  uom  dans  plusieurs  manuscrits. 
Mais  le  style  fait  voir  évidemment  que  ce 
Père  n'en  est  point  l'auteur  ;  et  il  n'est  pas 
impossible  que  Vigile  de  Tapse  n'ait  em- 
prunté son  nom,  comme  il  a  fait  pour  quel- 
ques-uns de  ses  .autres  ouvrages,  en  parti- 
culier pour  la  Dispute  avec  Pascentius,  rap- 
portée dans  V Appendice  du  second  tome  des 
œuvres  de  saint  Augustin.  Ce  traité  de  l'U- 
nité est  en  forme  de  dialogue  entre  Félicien 
et  Augustin. 

7.  On  convient  que  les  Questions  sur  la       q»'»'" 

^  ^  sur  !a  Tiiui 

Trinité  et  sur  la  Genèse  sont  d'Alcuiu.  Elles  ;;',.';"■  J-i  g 
sont  au  nombre  de  vingt-huit,  et  adressées 
à  Frédégèse. 

8.  Les   deux   livres    de   l'Incarnation    du  Lcsdeux 

vres   do   II 

Verbe,  adressés  à  Janvier,  sont  tirés  des  li-   camaiio 

pag 

vres  des  Principes  d'Origène ,  suivant  la 
version  que  Rufin  en  a  faite. 

9.  Le  livre  c?e  la  Trinité  et  de  l'Unité  de     Litres  de 

Trinité   et 

Dieu,  qm  n'est  aujourd'hui  distribué  qu'en  ij'.'^,,"'!,!  , 
cinq  chapitres  ,  l'était  autrefois  en  treize  , 
dont  les  neuf  derniers  renfermaient  presque 
tout  entier  le  livre  de  saint  Augustin  contre 
le  discours  des  ariens,  mais  en  abrégé,  et 
altéré  en  beaucoup  d'endroits  ;  et  les  quatre 
premiers,  quelques  questions  du  dialogue 
d'Orose,  tronqué  et  corrompu.  Dans  ce  que 
nous  avons  aujourd'hui  de  ce  livre  on  trouve 
quelques  endroits  de  saint  Augustin  sur 
saint  Jean,  de  ses  livres  sur  la  Trinité,  et 
des  questions  sur  le  Nouveau  Testament, 
qui  se  lisent  dans  l'Appendice  de  la  première 
partie  du  troisième  tome. 

10.  Ce  n'est  pas  seulement  à  saint  Augus-   „^  i.î>™ 

J-  °  l'Essonee 

tin,  mais  encore  à  saint  Ambroise,  à  saint   '»    Dmni 

'  pag.  66. 

Jérôme,  à  saint  Anselme  et  à  saint  Bonaveu- 
ture,  que  l'on  a  attribué  le  livre  intitulé , 
de  l'Essence  de  la  Divinité,  mais  on  a  recon- 
nu qu'il  était  tiré  presque  tout  entier  d'nn 
ouvi'age  de  saint  Eucher,  évêque  de  Lyon, 
qui  a  pour  titre  ,  des  Formules  de  l'intelligence 
spirituelle. 

11.  Le  Dialoque  de  l'unité  de  la  Trinité ,     Diaioi^o 
doit  passer  pour  trcs-ancien ,  puisqu  il  se   Trinité,  f. 
trouve  dans  deux  manuscrits  qui  ont  chacun 
plus  de  huit  cents  ans.  Dans  l'un,  il  est  sans 
nom  d'autem',  et  dans  l'autre,  il  porte  celui  de 


"  Maçinus  tibi  videris,  quia  disputas  nullo  te-      guid  esse,  cum  nihil  sis  :  et  sedwctus  nntltos  se 
ctiin  altcrcante,  nullo  judice  prœsidente.  El  dum      dticcre  concupiscis,  aliqiMS  pecunia,  aliquos  pn- 
suffragalur  lentpus  errori  luo,  existiwns  te  ali-       tenlia.  Semi.  de  Synili.,  cap.  vu. 


[iV''  ET  V=  SIÈCLES.] 


SALNT  AUGUSTIN,  ÉYEQUE  D'HIPPONE. 


371 


Tom.  Y. 
.  9i. 


saint  Augustin,  mais  sans  raison,  cet  ouvrage 
n'étant  ni  de  son  génie  ni  de  son  style.  Il 
n'en  est  question  ni  dans  les  livres  des  Ré- 
tractations ,  ni  dans  le  Catalogue  de  Possi- 
dius. 

12.  C'est  aussi  sans  raison  que  le  livre 
des  Dogmes  ecclésiastiques  lui  est  attribué  dans 
quelques  manuscrits,  et  qu'il  est  cité  sous  son 
nom  par  le  Maître  des  Sentences.  Tliritlième 
le  donne  à  Alcuin,  mais  dans  de  très-anciens 
manuscrits,  il  porie  le  nom  de  Gennade,  à 
qui  il  est  aussi  attribué  par  Ratramne.  Nous 
aurons  lieu  d'en  parler  plus  au  long  dans 
l'article  de  Gennade,  prêtre  de  Marseille. 

[Le  cardinal  Mai,  dans  le  tome  '  Biblioth. 
Nov.  Patr.  pag.  331,  a  publié  un  supplément 
à  ce  livre,  d'après  un  manuscrit  de  la  reine 
de  Suède.] 

ARTICLE  X. 

DES  OUVRAGES  CONTENUS  DANS  LE  HUITIÈME 
TOME. 

1 .  Quelques  soins  que  se  soit  donnés  saint 
Augustin  pour  défendre  la  doctrine  de  l'E- 
glise contre  les  manichéens  et  les  ariens,  on 
peut  les  compter  pour  rien,  en  comparaison 
de  ce  cpi'il  a  fait,  soit  pom-  combattre  les 
donatistes,  soit  pour  les  ramener  à  l'unité  et 
à  la  communion  de  l'Église.  Voyages,  lettres, 
conférences,  écrits,  il  n'a  rien  négligé,  tâ- 
chant surtout  de  vaincre  leur  cruauté  et  leur 
fureur  par  un  esprit  de  charité,  de  douceur 
et  de  patience.  Nous  avons  déjà  vu  que  leur 
schisme  prit  naissance  en  Afrique,  environ 
quarante-trois  ans  avant  la  naissance  de 
saint  Augustin,  et  quelque  temps  après  la 
fin  de  la  persécution  de  Dioctétien.  Ce  prin- 
ce, au  mois  de  mars  de  l'an  303,  selon  que 
le  marque  Eusèbe  de  Césarée  \  donna  son 
premier  édit  contre  les  chrétiens,  par  lequel 
il  était  ordonné  d'abattre  les  églises  jusque 
dans  les  fondements,  et  de  brûler  en  plein 
marché  les  livres  des  Écritures  saintes.  Cet 
édit  fut  exécuté  en  Afrique  avec  une  extrê- 
me rigueur  par  Anulin  et  par  Florus  ;  l'un 
préfet  de  la  Proconsulaire,  et  l'autre  de  la 
Numidie,  parce  qu'il  y  allait  de  la  vie  pour 
tous  les  magistrats  qui  auraient  laissé  aller 
un  clnrétien  qui  avait  avoué  avoir  les  Ecri- 
tures, sans  l'obliger  à  les  livrer.  Il  y  en  eut 


beaucoup  qui ,  ayant  confessé  qu'ils  en 
avaient,  souffrirent  la  mort  plutôt  que  de 
mettre  ces  livi'es  sacrés  entre  les  mains  des 
persécuteurs.  D'autres  qui,  sans  être  pris  ni 
interrogés,  se  présentèrent  d'eux-mêmes,  et 
déclarèrent  qu'ils  ne  livreraient  jamais  les 
livres  saints  qu'ils  avaient.  Mensurius,  alors 
évêque  de  Cartbage  ^,  trouvant  qu'il  y  avait 
de  l'excès  dans  leur  zèle,  défendit  qu'on  les 
honorât  comme  martyrs ,  suivant  en  cela 
l'esprit  du  concile  d'Elvire  ^  qni  ne  veut  pas 
qu'on  reçoive  au  nombre  des  martyrs  ceux 
qui  auront  été  tués  pour  avoir  brisé  des  ido- 
les. Il  y  en  eut  au  contraire  qui ,  tombant 
dans  un  excès  opposé,  livrèrent  les  livres  de 
l'Écriture  afin  d'acheter  quelques  moments 
de  ce'te  vie  si  incertaine,  en  pei'dant  le  bon- 
heur de  l'éternité  *.  On  les  nomma  tradi- 
teurs,  nom  qui  donna  occasion  et  prétexte 
au  schisme  des  donatistes.  Mensurius  fut  ac- 
cusé de  ce  crime,  et  on  l'objecta  surtout  à 
Félix  d'Aptonge,  qui  ordonna  Cécihen  évê- 
que de  Cartbage,  après  la  mort  de  Mensu- 
rius '^.  Mais  l'une  et  l'autre  de  ces  accusa- 
tions se  trouvèrent,  dans  la  suite,  sans  au- 
cun fondement. 

2.  En  303,  plusiem-s  évèques  du  nombre 
de  ceux  qui  avaient  livré  les  saintes  Écritu- 
res, s'assemblèrent  à  Cirthe,  pour  donner 
un  évêque  à  l'Église  de  cette  ville  à  la  place 
de  Paul,  sons  qui  la  persécution  de  Dioclétien 
avait  commencé.  La  fin  de  ce  concile  fut  ° 
qu'ils  remirent  au  jugement  de  Dieu  les  fautes 
qu'ils  avaient  faites,  et  Sylvain,  traditeur,  y 
fat  fait  évêque  de  Cirthe  par  ceux  qui  étaient 
coupables  de  la  même  faute  que  lui.  Ce  sont 
ces  évêques  que  l'on  fait  auteurs  du  schisme 
des  donatistes,  mais  Donat  des  Cases-noires 
est  regardé  comme  le  premier  auteur  de 
tout  le  mal,  et  comme  ayant  le  premier  élevé 
dans  Cartbage  autel  contre  autel.  En  effet, 
ce  fut  lui  qui  divisa  le  peuple  chrétien  contre 
Cécihen,  élu  évêque  de  Carthage,  et  qni  or- 
donna, avec  d'autres  évêques  de  sa  faction, 
Majorin  pour  évêque  de  cette  ville.  Par  cette 
ordination,  l'Afrique  se  vit  entièrement  divi- 
sée en  deux  parties,  et  il  arriva  que,  dans 
plusieurs  Églises,  il  y  eut  deux  évêques  or- 
donnés, l'un  par  Majorin,  et  l'autre  par  Cé- 
cilien  ou  par  ceux  de  sa  communion.  A  l'é- 
gard des  provinces  hors  de  l'Afrique,  elles 


1  Euseb.,  Eist.  lib.  VIII,  cap.  n.  —   ^  August., 
Brev.  ni,  13.  —  ^  Conc.  Eliber.  can.  60. 
'>  Optât.,  lib.  I,  pag.  11. 


5  August.,  Brev.  m,  13  et  lib.  III  cont.  Cresc, 
cap.  Lx.  —  s  Gesta.,  apud  Zenopli.  iu  Appeml., 
tom.  IX,  pag.  32. 


372 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


demeurèrent  unies  h  Cécilien '.  On  ne  voit 
pas  que  les  scbismatiques  se  soient  donné 
aucun  mouvement  pour  justifier  leur  con- 
duite aux  Églises  d'outre-mer  jusqu'après 
que  Constantin  se  fût  rendu  maître  de  l'Afri- 
que, c'est-à-dire  jusqu'à  l'an  313.  Alors,  ils 
accusèrent  Cécilien  devant  ce  prince  ^,  de- 
mandant d'être  jugés  par  des  évoques  des 
Gaules,  comme  n'étant  pas  tombés  dans  le 
crime  d'avoir  livré  des  choses  sacrées.  Cons- 
tantin leur  accorda  les  juges  qu'ils  deman- 
daient ',  et  nomma  à  cet  effet  Maternus,  évè- 
que  de  Cologne.  Réticius,  d'Autun,  et  Marin, 
d'Arles,  laissant  aux  évéques  l'examen  et  le 
jugement  entier  de  cette  affaire.  Il  ordonna 
en  même  temps  qu'ils  se  transporteraient  en 
diligence  à  Rome  '  pour  la  juger  en  cette 
ville,  conjointement  avec  le  pape  Miltiade, 
que  Cécilien  s'y  rendrait  aussi  avec  dix  évé- 
ques de  son  choix,  et  qu'il  y  en  viendrait  dix 
autres  du  parti  contraire.  L'affaire  ayant  été 
examinée  pendant  trois  séances,  Cécilien  fut 
déclaré  absous,  et  Donat  condamné  et  re- 
connu pour  l'auteur  de  tout  le  mal.  Les  do- 
natistes  se  plaignirent  du  concile  de  Rome, 
et  persévérant  dans  leur  division,  quelques- 
uns  d'entre  eux  vinrent  trouver  Constantin 
pour  se  plaindre  que  Cécilien  était  indigne 
du  rang  qu'il  tenait  dans  l'Eglise,  et  préten- 
dirent °  même  qu'il  avait  corrompu  les  juges. 
Ils  obtinrent  de  ce  prince,  par  leurs  impor- 
tunités,  que  l'affaire  serait  discutée  de  nou- 
veau, et  que  l'on  examinerait  surtout  si  Fé- 
lix d'Aptonge  ^  qui  avait  ordonné  Cécilien, 
était  effectivement  traditeur.  Car  ils  soute- 
naient que  Cécilien ,  quoiqu'absous  par  le 
concile  de  Rome,  ne  pouvait  être  évêque, 
ayant  été  ordonné  par  un  traditeur.  L'affaire 
de  Félix  fut  commise  à  Vérus,  alors  préfet 
des  préfets  dans  l'Afrique.  La  lettre  que  l'on 
produisit  contre  Félix  fut  convaincue  de 
faux,  de  même  que  tous  les  chefs  d'accusa- 
tion dont  il  fut  chargé,  et  Vérus  le  déclara 
innocent.  Cécilien  fut  encore  absous  dans  le 
concile  d'Arles  que  l'Empereur  i  assembla 
l'année  suivante,  314,  aux  instances  des  do- 
natistes.  Mais,  peu  contents  de  ce  nouveau 
jugement,  ils  appelèrent  du  concile  à  l'Em- 
pereur, qui  détesta  comme  une  folie  et  une 


impiété,  l'appel  qu'ils  avaient  interjeté.  Ce 
prince  ne  laissa  pas  enfin  de  le  recevoir,  y 
étant  contraint  pour  tenter  la  réunion  de 
ceux  qui  ne  voulaient  point  se  rendre  au  ju- 
gement du  concile  d'Arles;  mais  bien  résolu 
de  les  punir  sévèrement  s'ils  refusaient  d'o- 
béir à  la  sentence  de  celui  à  qui  ils  avaient 
appelé,  n  fit  donc  venir  les  parties  à  Milan, 
où  après  les  avoir  ouïes,  et  examiné  les 
raisons  de  part  et  d'autre,  il  jugea  en  fa- 
veur de  Cécilien'.  Les  donatistes  en  mm-mu- 
rèrent,  et,  attribuant  le  jugement  que  Cons- 
tantin avait  porté  contre  eux  aux  sugges- 
sions  d'Osius,  évêque  de  Cordoue  *,  ils  le 
noircirent  de  tout  leiu'  pouvoir,  afin  de  lui 
ôter  la  confiance  que  ce  prince  lui  avait  don- 
née. Pour  les  punir  de  leur  opiniâtreté,  l'Em- 
pereur porta  contre  eux  dits  lois  très-sévères, 
dont  l'une  leur  ôtait  les  basiliques  et  tous  les 
lieux  où  ils  s'assemblaient,  pour  les  adjuger 
au  fisc.  Constantin  confisqua  les  biens  mêmes 
de  plusieurs  d'entre  eux,  et  en  envoya  quel- 
ques-uns en  exil. 

3.  De  cette  manièi'e,  le  schisme  des  dona-  suite, 
listes  se  transforma  en  hérésie,  non-seule- 
ment parce  que  c'est  être  hérétique  que  de 
demeurer  opiniâtre  dans  le  schisme  ^  mais 
encore  parce  qu'ayant  violé  l'unité  de  l'É- 
glise, ils  tombèrent  dans  diverses  erreurs. 
Une  des  principales  était  que,  le  crime  se 
commettant  par  la  communion  avec  des  cou- 
pables, l'Église  catholique  n'était  demeurée 
entière  que  dans  le  parti  de  Donat,  tandis 
qu'elle  était  périe  dans  toutes  les  autres  par- 
ties de  la  terre,  à  cause  des  crimes  de  Céci- 
lien, avec  qui  les  autres  églises  avaient  com- 
muniqué. Par  une  autre  erreur  qui  était  une 
suite  de  la  précédente,  les  donatistes  bapti- 
saient de  nouveau  ceux  qui  se  rémiissaienl 
à  leur  parti.  Il  ne  parait  pas  que  Constantin 
ait  rien  fait  depuis  contre  eux,  mais  l'hor- 
reur qu'il  avait  témoignée  pour  leur  schisme 
passa  à  ses  trois  enfants  Constantin,  Cons- 
tantius  et  Constant,  avec  ses  États. 

A.  Ce  dernier  prince,  dans  la  vue  de  les      suue. 
réunir  à  l'Église  catholique,  envoya  en  Afri- 
que, l'an  348,  Paul  et  Macau-e,  et  leur  or- 
donna absolument  la  réunion  '".Mais,  voyant 
que  ce  commandement  produisait  le  trouble. 


•  Euseb.,  lib.  X,  cap.  vi.  —  -  In  Append.,  tom. 
IX,  pag.  15.  —  '  Optât.,  lib.  I  et  in  Append.,  pag.  16. 

■'•  Euseb.,  lib.  X,  pag.  5.  —  6  August.,  lib.  III 
cont.  Cresc,  cap.  ,xxxi.  —  ^  In  Append.,  pag.  21  et 
22.—  '  Const.,  Epist.,  ad  Eumal.  an.  310. 


8  Angust.,  lib.  I  cont.  Parm.,  cap.  i  et  Epist. 
lOS,  num.  9  et  lib.  Il  contra  Petit.,  cap.  xcii 
et  Epist.  88,  num.  3  et  lib.  post.  collai.,  cap.  .xxxni. 

s  August.,  lib.  De  Bœres.  et  lib.  cont.  Cresc, 
cap.  VII.  —  1»  Optât.,  lib.  III. 


[iv=  ET  v=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


373 


et  que  plusieurs  refusaient  de  se  réunir,  il 
bannit  Donat  de  Carthage,  et  les  autres  évê- 
ques  obstinés.  Par  ce  moyen  et  par  les  exhor- 
tations de  Paul  et  de  Macaire,  plusieurs  évé- 
ques  donatistes  rentrèrent  dans  l'unité,  et  la 
paix  que  Constant  avait  procurée  à  l'Église 
d'Afrique  s'y  maintint  pendant  près  de  qua- 
torze ans,  c'est-à-dire  jusqu'à  l'an  361  que 
Julien  l'Apostat  prit  les  rênes  de   l'empire 
après  la  mort  de  Constantius.  Alors  les  évê- 
qùes  donatistes  obtinrent  de  ce  prince  leur 
rappel,  l'en  ayant  fait  supplier  par  Rogatien, 
Pontius,  Cassien  et  quelques  autres  du  parti 
de  Donat.  Leur  retour  fut  suivi  de  beaucoup 
de  meurtres  et  d'autres  crimes  que  Julien 
l'Apostat  dissimula,  et  auxquels  l'empereur 
Jovien  ne  put  remédier,  étant  mort  presque 
aussitôt  qu'il  fut  parvenu  à  l'empire.  Valen- 
tinien,  son  successeur  ',  fit  contre  ces  héré- 
tiques une  loi  très-sévère,  qfli  fut  renouve- 
lée par  Gratien.  On  ne  peut  douter  non  plus 
que  leur  fureur  n'ait  été  réprimée  par  le 
comte  Romain,  général  des  troapes  d'Afri- 
que, depuis  le  règne  de  Jovien,  jusque  vers 
l'an  373,  puisque  les  donatistes  le  mettaient 
entre  les  persécuteurs  de  leur  Église.  Enfin 
Théodose  le  Grand,  par  une  loi  datée  du  15 
juin  392,  adressée  à  Tatien,  préfet  du  pré- 
toire, condamne  à  dix  livres  d'or  les  clercs 
qui  auraient  ordonné  ou  été  ordonnés  dans 
cette  hérésie,  et  ce  prince  sévit  dans  la  suite 
plus   fortement   contre    les   donatistes   que 
contre   tous   les   autres   hérétiques    de   son 
temps. 

S.  Mais  rien  n'affaiblit  tant  cette  secte  ^ 
que  les  guerres  intestines  et  les  divisions  qui 
s'élevèrent  entre  ceux  qui  en  étaient  les  fau- 
teurs. Le  premier  qui  écrivit  contre  leurs 
dogmes  fut  Tichonius,  quoique  donatiste.  Il 
y  avait  entre  eux  tant  de  partis  différents 
dans  la  Mauritanie  et  la  Numidie  ^  qu'eux- 
mêmes  ne  pouvaient  dire  combien  il  y  en 
avait.  Le  plus  célèbre  était  celui  des  maxi- 
mianistes.  Saint  Augustin  nomme  quelque- 
fois les  urbanistes  qui  étaient  réduits  dans 
un  coin  de  la  Numidie,  et  les  claudianistes 
que  Primien,  successeur  de  Parménien,  vers 
l'an  391,  reçut  dans  sa  communion  avant 


que  le  schisme  des  maximianistes  fut  com- 
mencé. Cette  réunion  fut  désapprouvée  de 
quelques  anciens  du  parti  des  donatistes  ;  et 
soit  pour  ce  sujet,  soit  pour  d'autres  crimes 
dont  il  fut  accusé,  Primien  fut  déposé  de 
l'épiscopat  par  cent   évêques   assemblés    à 
Cabarsusse  '  ville  de  laByzacène,  qui  mirent 
à  sa  place  Maximien,  diacre  de  Carthage,  non 
en  l'ordonnant  eux-mêmes  diacre  de  cette 
ville,  mais  en  lui  décernant  l'épiscopat.  Douze 
des  évêques  qui  avaient  condamné  Primien, 
assistèrent  à  l'ordination  de  Maximien  ,   et 
lui  imposèreot  les  mains  en  présence    de 
quelques  ecclésiastiques   de   Carthage.  Les 
plus  connus  dans  l'histoire,  sont  Prétextât 
d'Assur,  et  Félicien  de  Musti.  C'est  là  l'ori- 
gine du  schisme  entre  Primien  et  Maximien, 
tous  deux  évêques  de  Carthage  pour  le  parti 
des  donatistes.  Primien  se  fit  déclarer  inno- 
cent par  le  grand  concile  de  Bagai  en  Niimi- 
die,  l'an  394,   et  il  demeura  toujours  assis 
dans  la  chaire  °  où  il  avait  été  établi  par  son 
ordination,  malgré  les  efforts  des  Maximia- 
nistes. Il  y  eut  même''   plusieurs   évêques 
qui  abandonnèrent  le  parti  de  Maximien,  et 
qui  se  réunirent  au  corps  de  leiir  secte  en 
conséquence  des  décrets  du  concile  de  Ba- 
gai ,  et  on   ne   rebaptisa  point   ceux  qu'ils 
avaient  baptisés    étant    unis   à  Maximien , 
quoique  baptisés  hors  de  la  communion  des 
donatistes,  qui  reconnaissaient  ainsi  que  le 
baptême  pouvait  être  vahde  hors   de  leur 
église.  Les  autres  évêques  qui  ne  voulurent 
pas  rentrer   dans  leur   parti  souffrirent  de 
grandes  persécutions  de  la  part  des  dona- 
tistes. Ceux-ci  poursuivirent  Maxiniien  avec 
tant  d'ardeur,  qu'ils  démolirent  jusqu'aux 
fondements  une  église  qu'il  tenait  dans  Car- 
thage et  cpi'ils  appelaient  pour  ce  sujet  sa 
cavei'ne''.  Quant  à  ses  partisans,  le  délai 
que  leur  avait  donné  le  concile   de  Bagai 
étant  expiré,  ils  employèrent  pour  les  faire 
rentrer  dans  leur  parti  toutes  sortes  de  persé- 
cutions. Ils  exercèrent,  entre  autres,  de  gran- 
des cruautés  contre  Salvie  deMembrèce,  ma- 
ximianiste,  contre  Prétextât  d'Assur  et  contre 
Félicien  de  Musti.  Ces  deux  derniers  évê- 
ques, lassés  de  tant  de  maux  qu'on  leur  fai- 


1  Tom.  XVI,  lib.  H,  pag.  i94.  August.,  Epist.  131, 
num.  2.  Collât.  Carih.  III,  cap.  cchvni  in  Àppend., 
tom.  IX,  pag.  67. 

2  August.,  lib.  I  cont.  Parm.,  cap.  iv,  num.  9  et 
lib.  de  Agon.  Christ-,  cap.  xxix.  —  s  ^jb.  cont. 
Parm.,    cap.  iv. 


*  Lib.  m  cont.  Cresc,  cap.  xin.  —  ^  August., 
lib.  IV   cont.  Cresc,  cap.  vir. 

6  Lib.  XXI  in  Parm.,  cap.  iv  et  cont.,  Cresc. 
lib.  IV,  cap.  ssx. 

''  Lib.  cont.  Cresc,  cap.  xlvi  et  xlvii. 


374 


HISTOmE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


*  sait  soufifrir,  se  résolurent  enfin  de  se  réunir 
à  Primien  '.  Ils  furent  reçus  dans  une  assem- 
blée très-nombreuse  où  était  Primien  même, 
avec  un  grand  nombre  d'évéques  donatisles, 
qu'Optât  de  Tamugade,  évéque  de  ce  parti, 
avait  fait  venir  à  sa  fête,  et  ce  fut  particu- 
lièrement à  la  demande  de  cet  Optât  qu'on 
les  reçut.  Ils  auraient  dû,  suivant  leurs  pi'in- 
cipes,  ne  les  recevoir  que  dans  le  degré  de 
pénitents,  ou  au  moins  les  ordonner  de  nou- 
veau ;  mais,  ils  les  reconnurent  pour  leurs 
frères,  et  leurs  conservèrent  tous  les  hon- 
nem's  de  l'épiscopat  ^,  au  préjudice  même 
de  Rogat  qu'ils  avaient  fait  évéque  d'Assur  à 
la  place  de  Prétextât.  Ils  approuvèrent  aussi, 
contre  leurs  principes,  le  baptême  que  Pré- 
textât et  Félicien  avaient  donné  dans  le 
schisme.  Car,  tandis  que  ces  deux  évêques 
étaient  unis  de  communion  avec  Maximien, 
ils  avaient  administré  le  baptême  à  un  grand 
nombre  de  personnes,  non-seulement  dans 
les  maladies,  mais  publiquement  dans  les 
fêtes  de  Pâques,  tant  dans  leurs  villes,  que 
dans  les  églises  de  leurs  diocèses. 
Suite.  6.  L'Église  tira  de  grands  avantages,  non- 

seulement  des  divisions  qui  s'élevèrent  par- 
mi les  donatistes ,  mais  encore  de  ce  qu'en 
différentes  occasions  ils  avaient  agi  contre 
les  principes  de  leur  secte.  Celui  sur  lequel 
ils  insistaient  le  plus  ,  était  que  la  commu- 
nion que  l'on  a  avec  des  personnes  crimi- 
nelles, rend  les  innocents  coupables.  Néan- 
moins ils  avaient  reçu^  Félicien  et  Prétextât 
dans  leur  communion,  sans  satisfaction  et 
sans  pénitence,  après  leur  avoir  fait  les  re- 
proches les  plus  outrageux.  Un  autre  de  leur 
principe  était  que  tout  baptême  donné  hors 
de  l'Église  est  nul  et  doit  être  réitéré  :  et 
toutefois  ils  avaient  ratifié  celui  que  Féli- 
cien et  Prétextât  avaient  conféré  dans  la  com- 
munion de  Maximien,  quoiqu'ils  ne  pussent 
douter  qu'il  n'eût  été  donné  hors  de  l'Égli- 
se. C'est  de  ces  deux  principes  que  saint  Au- 
gustin se  sert  presque  dans  tous  ses  écrits 
pour  combattre  les  donatistes  :  et  l'Église 
d'Afrique  en  fit  un  des  principaux  fonde- 
ments de  l'instruction  qu'elle  donna  à  ses 
députés  pour  la  conférence  de  l'an  ■411.  Elle 
se  tint  à  Garthage  pendant  le  mois  de  juin 
de  cette  année.  Les  donatistes  y  furent  vain- 
cus. Ils  en  appelèrent  à  l'Empereur  qui  les 


condamna  le  30  janvier  de  l'année  suivante  : 
en  sorte  que  plusieurs  d'entre  eux  pi-irent  le 
parti  de  céder  et  de  se  réunir.  Nous  avons 
une  loi  d'Honorius  du  22  juin  414,  et  une 
du  30  août  de  la  môme  année,  où  ce  prince 
maintient  en  vigueur  les  actes  de  la  confé- 
rence de  Cartilage,  à  laquelle  le  comte  Mar- 
cellin  avait  présidé  ;  et  i;ne  du  30  mai  428, 
où  Théodose  le  jev.ne'*  met  les  donatistes 
avec  les  prisciUianistes  et  les  autres,  à  qui  la 
loi  défend  absolument  toute  assemblée  dans 
les  villes  et  à  la  campagne. 

§1- 

Psaume  de  Saint  Augustin  contre  le  parti  de 
Donat,  et  livres  contre  Parménien. 

1.  Le  premier  des  ouvrages  de  saint  Au- 
gustin contre  les  doniftistes,  est  celui  qu'il 
appelle,  dans  «ses  Rétractations '^ ,  \e  Psaume 
abécédaire.,  parce  qu'il  est  divisé  en  plusieurs 
parties,  dont  chacune  commence  par  une 
lettre  différente  selon  l'ordre  de  l'alphabet. 
C'est  une  espèce  de  rythme  et  de  chanson 
qui  a  son  refrain  à  la  fin  de  chaque  strophe, 
composée  tout  d'un  nombre  à  peu  près  égal 
de  versets.  Ce  Père  y  comprend  l'histoire 
du  schisme  des  donatistes,  depuis  son  ori- 
gine jusque  vers  l'an  397,  et  la  réfutation 
des  erreurs  de  ces  schismatiques,  avec  au- 
tant de  clarté  que  de  simphcité.  Car  il  le  fit 
pour  instruire  les  moins  intelligents,  et  les 
plus  grossiers  du  simple  peuple.  C'est  pour 
cela  qu'il  le  mit  en  façon  de  rythme,  afin 
qu'on  le  pût  chanter,  et  qu'on  le  gravât  plus 
aisément  dans  la  mémoire  ;  mais  non  pas 
en  vers,  de  peur  que  la  gêne  des  mesures  no 
l'obligeât  à  se  servir  de  termes  moins  à  la 
portée  du  vulgaire.  Il  avait  mis  en  tête  de 
ce  psaume  un  prologue  qu'on  chantait  aussi, 
mais  dont  les  strophes  ne  commençaient  pas 
comme  ce  psaume  par  une  lettre  différente 
selon  l'ordre  de  l'alphabet.  Nous  ne  l'avons 
plus.  Il  ne  conduisit  ce  psaume  qve.  jusqu'à 
la  lettre  U,  omettant  les  trois  dernières  let- 
tres :  auxquelles  il  supplée  par  un  épilo- 
gue, où  il  fait  parler  l'Église  aux  donatistes 
pour  les  engager  à  rentrer  dans  son  sein. 

2.  Son  second  ous'rage  contre  les  dona- 
tistes fut  la  réfutation  de  Donat  de  Car- 
thage,  le  même  qu'on  croit  avoir  été  le  hé- 


CC    PS31 

a  élc  trritve 
Van  303. 


Uériilririo 


1  Lib.  cont  Cresc.    cap.  ix  et  lib.  IV,  cap.  xxv.      liapt.,  cap.  su  et  lib.   111  cent.  Cresc,  cap.  xn. 
«  Ibiii.,  cap.  LX.  *  Cad.  Theod.  XVI,  tom.  V,  lib.  L.W,  pag.  1S7. 

3  August.,  lib.  U  iu  Parin.,  cap.  m  et  lib.  U  De  ^  Aiigusl.,  lib.  U  Retract.,  cap.  xx. 


[iV"  ET  V""  SIÈCLES. 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQHE  D'HIPPONE. 


373 


ros  du  schisme,  et  lui  avoir  donné  le  nom. 
Entre  divers  écrits  que  ce  Donal  avait  laissés 
après  sa  mort,  il  y  avait  une  lettre  où  il  s'ef- 
forçait de  montrer  que  le  baptême  ne  pou- 
vait êti-e  conféré  que  dans  sa  secte.  Ce  fut 
cette  lettre  que  saint  Augustin  entreprit  de 
réfuter.  Mais  ce  qu'il  écrivit  à  ce  sujet  est 
perdu.  Il  se  reproche  dans  ses  Rétracta- 
tions'^, d'avoir  traité  Donat  de  voleur  et  de 
violateur  des  paroles  de  Dieu,  et  de  l'avoir 
accusé  d'infidélité ,  comme  s'il  eût  retran- 
ché des  mots  importants  d'un  endroit  de  l'É- 
criture ;  faute  néanmoins  qui  se  trouvait 
aussi  dans  des  exemplaires  plus  anciens  que 
le  schisme  des  donatistes. 

3.  Saint  Augustin  met  les  deux  ouvrages, 
dont  nous  venons  de  parler,  après  le  traité 
de  la  Foi  et  du  Symbole,  fait  au  mois  d'octo- 
bre de  l'an  393  ;  et  comme  il  n'y  dit  rien  de 
l'histoire  des  maximianistes.qui  faisait  déjà 
du  bruit  en  394,  on  peut  avancer  qu'il  avait 
fait  son  Psaume  abécédaire  dès  l'an  393.  II 
marque  au  contraire  dans  ses  livres  contre 
la  lettre  de  Parméuien,  comment  les  dona- 
tistes avaient  reçu  dans  leur  communion  Fé- 
licien et  Prétextât  :  ce  qui  n'étant  arrivé 
qu'au  commencement  de  l'an  397,  on  doit 
en  inférer  que  ces  livres  ne  fm-ent  écrits  que 
quelque  temps  après  et  au  plus  tôt  en  400, 
puisque  dans  le  premier  -,  il  parle  de  l'édit 
d'Honorius  pour  le  renversement  des  idoles, 
publié  en  399.  Ce  qui  lui  donna  occasion 
d'écrire  contre  Parménien,  fut  la  lettre  que 
cet  évéque  de  Carthage  pour  les  donatistes, 
avait  écrite  contre  Tichonius.  Il  ne  put  ré- 
sister aux  instantes  prières  que  ses  frères 
lui  firent  de  la  réfuter,  voyant  surtout  que 
Parménien  y  abusait  de  divers  passages  de 
l'Écriture  pour  justifier  le  schisme  de  son 
parti.  Il  met  '  cette  réfutation  avant  les  der- 
niers livi-es  contre  Pétihen  faits  au  plus  tard 
en  402  '.  Elle  est  divisée  en  trois  livres,  dont 
le  sujet  est  de  savoir  si  les  bous  sont  souillés 
par  le  commerce  des  méchants,  en  demeu- 
rant dans  l'unité  de  la  même  Église  et  la 
participation  des  mêmes  sacrements. 

4.  Tichonius,  quoique  engagé  dans  la  secte 
des  donatistes,  ne  laissa  pas  d'apercevoir 
dans  les  paroles  de  l'Écriture,  l'Église  de 
Dieu  répandue  par  toute  la  terre ,  telle 
qu'elle  avait  été  prévue  si  longtemps  aupa- 
i-avant  par  la  lumière  des  saints  Prophètes 


et  prédite  par  leurs  oracles.  Frappé  de  cette 
vérité,  qu'il  rencontrait  presque  dans  chaque 
page  de  nos  Livres  saints,  il  entreprit  de 
montrer,  contre  les  principes  de  sa  secte, 
que  le  péché  d'aucun  homme  quelque  grand 
et  quelque  énorme  qu'il  soit,  ne  peut  arrêter 
les  promesses  de  Dieu  ;  et  que  quelque  im- 
piété qui  se  puisse  commettre  dans  l'Éghse, 
elle  ne  peut  empêcher  que  Dieu  n'exécute 
ce  qu'il  a  promis,  savoir  que  cette  Église  dont 
nos  pères  n'ont  eu  que  l'espérance,  et  nous 
la  vérité,  s'étendra  jusqu'aux  extrémités  de 
l'univers.  C'est  ce  qu'il  prouvait  avec  beau- 
coup de  force  par  un  grand  nombre  de  rai- 
sons ;  et  il  fermait  la  bouche  à  ceux  d'un 
sentiment  contraire,  par  le  poids  et  la  multi- 
tude des  passages  clairs  et  précis  qu'il  allé- 
guait. Ce  qu'il  y  a  de  surprenant,  c'est  qu'il 
n'ait  pas  suivi  ses  principes  jusqu'au  bout, 
et  qu'au  lieu  de  reconnaître  que  les  chré- 
tiens d'Afrique,  qui  communiquaient  avec 
toutes  les  provinces  du  monde,  étaient  ceux 
qui  appartenaient  à  l'Église  répandue  dans 
tout  le  monde,  il  ait  mieux  aimé  demeurer 
dans  celle  des  donatistes  qui  étaient  séparés 
de  tout  le  reste  du  monde.  Parménien  et  les 
autres  de  sa  secte,  au  lieu  de  céder  à  une 
vérité  que  Tichonius  leur  montrait  si  claire- 
ment, aimèrent  mieux  la  combattre  avec 
opiniâtreté.  Celui-là  écrivit  donc  contre  Ti- 
chonius une  lettre  pour  le  corriger,  disait-il, 
de  sa  faute.  Mais  il  n'opposa  a  la  clarté  et  à 
la  force  des  passages  allégués  par  ce  dona- 
tiste,  que  la  fumée  du  mensonge,  c'est-à- 
dire  l'autorité  de  son  propre  témoignage , 
comme  si  on  l'eût  dû  croire  plutôt  que  Dieu. 
Saint  Augustin,  pour  soutenir  la  même  vé- 
rité que  Tichonius  avait  défendue,  fait  voir 
comme  lui  qu'il  est  bien  plus  raisonnable  de 
s'en  rapporter  à  ce  que  les  prophètes  et  les 
apôtres  ont  écrit  touchant  l'universalité  de 
l'Eglise  dans  toutes  les  provinces  du  monde, 
qu'à  cpielques  donatistes  qui  voulaient  la 
renfermer  dans  une  partie  de  l'Afrique.  II 
rapporte  sur  cela  les  promesses  faites  à 
Abraham  et  à  sa  race,  en  laquelle  toutes  les 
nations  devaient  être  bénies.  II  montre  que 
les  reproches  des  donatistes  contre  ceux 
qu'ils  accusaient  d'avoir  été  Iraditeurs,  ne 
pouvaient  empêcher  l'effet  de  ces  promesses 
pour  l'universalité  de  l'Église  répandue  par 
toute  la  terre,  et  son  éternité  dans  tous  les 


'  Augu?t.,  lib.  Il  Retract.,  cap.  xxi. 
cont.  Parin.,  cap.  is. 


3  Lib.    II    Retract.,  cap.  viir. 
Pctil.,  cap.  Li. 


Lib.    I    cont. 


376 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


I  Cor.  M, 
l'hil.  I,  L5 


Suite  ,  ia£ 


siècles,  ni  nuire  aux  chrétiens  des  autres 
pays,  des  Gaules,  des  Espagnes,  de  l'Italie, 
qui  n'avaient  point  eu  de  connaissance  de 
ce  qui  s'était  passé  en  Afrique.  Il  raconte 
d'après  saint  Optât,  comment  Lucille,  ennemi 
de  Cécilien,  parce  qu'il  lui  avait  dit  la  vérité, 
se  sépara  de  sa  communion,  et  enfanta  le 
schisme  ;  et  comment  Secondin  et  quelques 
autres  évèques  de  Numidie,  qui  s'étaient 
joints  aux  schismatiques,  déposèrent  Céci- 
lien sans  l'avoir  entendu,  et  ordonnèrent  à 
sa  place  Majorin,  évéque  de  Carthage.  Et 
parce  que  les  donatistes  soutenaient  que 
tous  les  peuples  qui  avaient  communiqué 
avec  Cécilien,  s'étaient  rendus  coupables 
des  crimes  dont  il  était  accusé,  saint  Augus- 
tin fait  voir  l'iniquité  de  cette  conséquence, 
par  la  conduite  de  l'Apôtre  "qui  ne  craignait 
point  d'être  souillé  par  la  communion  de 
certains  faux  frères,  à  qui  il  permettait  de 
prêcher  l'Évangile,  quoiqu'il  sût  qu'ils  le 
prêchaient  par  envie  et  sans  charité  ;  et  par 
celle  de  saint  Cyprien,  qui  ne  se  crut  pas 
non  plus  souillé  en  travaillant  pour  la  con- 
version de  ceux  qui  étaient  tombés  dans  la 
persécution.  Il  ajoute,  qu'il  y  aurait  de  l'in- 
justice à  rendre  coupables  toutes  les  pro- 
vinces du  monde  pour  avoir  communiqué 
avec  Cécilien,  qu'elles  n'avaient  pu  connaî- 
tre, et  bien  moins  le  condamner,  sans  avoir 
connu  s'il  était  coupable  ou  non. 

5.  Ensuite  saint  Augustin  réfute  les  calom- 
nies dont  les  donatistes  chargeaient  Osius, 
parce  qu'ils  le  soupçonnaient  d'avoir  tra- 
vaillé plus  que  personne  à  leur  condamna- 
tion. Ils  prétendaient  que  les  Espagnols 
l'ayant  condamné  et  les  Gaulois  l'ayant  ab- 
sous, ceux-là  l'avaient  enfin  reçu  comme 
innocent.  D'où  ils  prenaient  occasion  de  les 
accuser  de  prévarication,  et  d'avoir  édifié 
de  nouveau  contre  le  précepte  de  saint 
Paul,  ce  qu'ils  avaient  détruit  d'abord.  Saint 
Augustin  leur  répond,  que  si  saint  Paul 
avait  prétendu  nous  apprendre  par  là  qu'il 
ne  faut  jamais  changer  de  sentiment  et  de 
conduite  :  il  ne  se  serait  pas  fait  lui-même 
chrétien  ;  il  ne  serait  pas  devenu  apôtre  ;  il 
n'aurait  pas  édifié,  par  ses  prédications,  les 
Églises  qu'il  avait  tâché  de  détruire  par  ses 
persécutions.  D'où  ce  Père  infère  que  les 
donatistes  n'ont  jamais  mieux  montré  pour- 
quoi ils  n'ont  pas  voulu  se  rendre,  quoique 
vaincus  partout,  qu'en  faisant  un  crime  aux 
Espagnols  d'avoir  cédé  à  l'examen  et  an  ju- 
gement de  leurs  collègues,  contre  ce  qu'ils 


avaient  jugé  auparavant.  «  Car  autant,  dit-il) 
que  la  conduite  de  ceux-ci  est  conforme  à  la 
douceur  chrétienne,  autant  celle  des  dona- 
tistes est-elle  digne  de  l'opiniâtreté  du  dia- 
ble. Ainsi  il  ne  faut  pas  s'étonner  que  les 
humbles  aient  conservé  le  lien  de  la  paix, 
et  que  les  superbes  l'aient  rompu.  »  Il  leur 
dit,  que  si  par  l'amour  de  la  vérité  et  pour 
le  bien  de  la  paix,  ils  avaient  acquiescé  au 
jugement  des  évêques  d'Outre  -  mer  qui 
avaient  déclaré  Cécihen  absous,  ils  auraient 
remporté  une  victoire  beaucoup  plus  avan- 
tageuse, que  s'ils  l'avaient  fait  condamner 
dans  le  concile  où  il  avait  été  jugé  innocent  ; 
étant  bien  plus  glorieux  de  triompher  de 
son  orgueil  et  de  sa  haine,  que  de  vaincre 
non-seulement  un  seul  homme,  mais  même 
que  de  soumettre  une  ville  entière,  selon 
que  le  dit  l'Écriture.  Parménien  avouait  que 
c'était  ceux  de  son  parti  qui  s'étaient  adres- 
sés à  l'empereur  Constantin  dans  l'affaire 
de  Cécilien.  Mais,  en  même  temps,  il'accusait 
d'injustice  ceux  que  ce  prince  avait  commis 
pour  le  juger.  Saint  Augustin  lui  demande 
sur  cela  ce  que  répondrait  une  personne 
désintéressée  ;  et  si  elle  ne  déciderait  pas 
plutôt  en  faveur  des  juges  qui  avaient  rendu 
une  sentence  qui  déclarait  Cécilien  absous, 
qu'en  faveur  de  ceux  que  cette  même  sen- 
tence condamnait,  et  ne  voulaient  pas  finir 
le  procès  :  «  Certes,  ajoute-t-il,  toute  la  terre 
s'en  est  rapportée  à  ce  que  les  juges  ont  or- 
donné en  cette  afl'aire  ;  il  n'y  a  que  les  do- 
natistes et  leurs  fauteurs  qui  accusent  ces 
juges  d'injustice,  imitant  en  cela  ceux  qui, 
quoique  condamnés  justement,  sont  assez 
aveuglés  pour  se  plaindre  d'un  juge  qui  n'a 
fait  que  suivre  les  lois  de  la  justice  et  de  l'é- 
quité. 1)  Ce  Pèi-e  ajoute,  au  nom  des  Églises 
d'Asie,  qu'il  introduit  comme  se  plaignant 
de  ce  que  les  donatistes  les  rendaient  cou- 
pables du  crime  des  traditeurs  de  l'Afrique, 
quoiqu'elles  n'en  eussent  aucune  connais- 
sance, que  puisqu'ils  ne  craignaient  point 
de  condamner  par  des  soupçons  téméraires 
leurs  frères  qui  demem-aient  dans  des  pays 
si  éloignés,  c'était  une  preuve  qu'ils  avaient 
eux-mêmes  été  justement  condamnés  par 
leurs  voisins. 

6.  Parménien  accusait  de  cruauté  la  sen- 
tence de  Constantin  qui  ordonnait  la  peine 
de  mort  contre  les  donatistes  qui  refusaient 
de  se  soumettre  aux  jugements  rendus  con- 
tre eux,  et  il  en  rejetait  avec  eux  tout  l'o- 
dieux sur  Osius  de  Cordoue.   A  quoi  saint 


[IV'  ET  v=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

Augustin  répond  :  premièrement  ,  il  est 
bien  plus  probable  qu'im  évêque  aurait  fait 
pencher  l'Emperear  à  la  douceur,  quoique 
le  crime  des  donatistes ,  c'est-à-dire  leur 
schisme  sacrilège,  fut  des  plus  horribles. 
Secondement  ,  les  tourments  qu'on  leur 
faisait  souffrir  ,  étaient  un  avertissement 
de  la  part  de  Dieu,  pour  les  engager  à  se 
préserver  des  supplices  éternels  ;  qu'au  res- 
te, ils  étaient  proportionnés  au  mérite  de 
leurs  fautes,  et  décernés  par  une  puissance 
légitime.  Il  ajoute  que  s'ils  veulent  se  mettre 
au  nombre  des  martyrs  de  la  vérité  à  cause 
des  supplices  dont  on  les  tourmentait,  ils 
doivent  auparavant  donner  des  preuves 
qu'ils  ne  sont  ni  hérétiques  ni  schismaliques. 
Car,  si  tous  ceux  qui  sont  punis  de  l'Empe- 
peur  ou  des  juges  institués  de  sa  part,  sont 
martyrs,  il  faudra  dire  que  toutes  les  prisons 
sont  pleines  de  martyrs,  et  accorder  le  mê- 
me honneur  à  tous  les  exilés  et  à  ceux  qui 
sont  condamnés  par  sentence  des  juges  à 
être  brûlés  vifs  ou  envoyés  en  exil,  ou  aux 
mines.  Il  leur  reproche  d'avoir  refusé  cons- 
tamment de  conférer  avec  les  catholiques  : 
puis,  reprenant  l'argument  qu'il  venait  de 
quitter,  il  leur  demande  si  l'on  pourrait  met- 
tre au  nombre  des  martyrs,  ceux  des  païens 
qui,  d'après  la  défense  faite  depuis  peu  par 
l'Empereur,  sous  peine  de  la  vie,  d'offrir  des 
sacrifices  aux  idoles,  en  auraient  offert  et  subi 
en  conséquence  la  peine  de  mort?  «  Au- 
cun chrétien,  dit-il,  n'osera  le  dire.  »  La  rai- 
son que  saint  Augustin  en  rend,  c'est  que 
ce  n'est  pas  la  peine  qui  fait  le  martyr,  mais 
la  cause.  11  fait  voir  que  les  princes,  étant 
obligés  de  veiller  à  la  pureté  de  la  religion, 
sont  en  droit  de  punir  ceux  qui  la  violent; 
et  ajoute  que  les  donatistes  eux-mêmes  se 
donnent  la  licence  de  renverser  les  temples, 
et  d'user  de  violence  envers  ceux  qui  ne 
sont  point  de  leur  sentiment.  II  remarque 
qu'aucun  empereur  n'a  fait  pour  eux  de  lois 
favorables,  sinon  Julien  l'Apostat,  autant 
ennemi  de  la  paix  que  de  l'unité  chrétienne  ; 
que  ce  fut  lui  qui  leur  rendit  les  Églises; 
que  les  autres  empereurs  les  obligèrent  à 
rendre  non  -  seulement  les  basiliques  qui 
avaient  été  aux  catholiques,  mais  aussi  cel- 
les qu'ils  avaient  bâties  eux-mêmes  depuis 
leur  schisme  ;  mais  que  la  douceur  chré- 
tienne fit  que  ces  lois  ne  fm'ent  pas  exécu- 
tées avec  beaucoup  de  rigueur,  en  sorte 
qu'ils  consei'vaient  alors  non-seulement  les 
églises  qu'ils  avaient  bâties  dans  le  schisme. 


ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


377 


mais  même  quelques-unes  de  celles  qui 
avaient   appartenu    dès  le    commencement 
aux  catholiques. 
7.  Les  donatistes  s'autorisaient  dans  leur     A"»ir?  ^<^ 

second    li'vre , 

schisme  de  quelques  passages  du  prophète  p»s-  '=. 
Isaïe  ,  qui  défendent  la  communion  avec  les 
méchants.  Mais  saint  Augustin  leur  fait  voir 
qu'en  prenant  les  passages  à  la  lettre,  ils  ne 
faisaient  pas  moins  contre  eirs  que  contre 
les  catholiques  ,  puisqu'ils  communiquaient 
avec  Optât  le  Gildonien  ,  qui  s'était  telle- 
ment fait  connaître  par  ses  crimes,  que  per- 
sonne ne  pouvait  dire  qu'il  ne  sût  pas  quel 
il  était.  Il  ne  servait  de  rien  aux  donatistes 
de  dire  que  les  actions  d'Optat  déplaisaient 
à  tous  les  gens  de  bien  de  leur  parti,  puis- 
que c'était ,  selon  eux  ,  la  communion  des 
méchants  qui  souillait ,  et  non  l'approbation 
de  leurs  crimes.  Tout  ce  qui  leur  restait  à 
dire  ,  était  que  l'on  doit  quelquefois  tolérer 
les  méchants ,  pour  éviter  de  plus  grands 
maux,  et  pour  le  bien  de  la  paix;  d'où  il 
suivait  qu'ils  auraient  dû  tolérer  Cécilien , 
quand  même  il  eût  été  coupable,  plutôt  que 
de  diviser  l'Église  ,  ce  qui  est  le  plus  grand 
de  tous  les  maux.  Le  saint  Docteur  prouve 
donc  que  dans  tous  les  passages  de  l'Écri- 
ture ,  où  il  est  défendu  de  communiquer 
avec  les  méchants  ,  cela  ne  doit  s'entendre 
que  de  l'approbation  qu'on  donnerait  à 
leurs  crimes.  Après  quoi  il  montre  par  di- 
vers endroits  du  Nouveau  Testament,  que 
l'Église ,  étant  comme  un  champ  où  le  bon 
grain  est  mêlé  avec  la  zizanie,  les  bons  et 
les  méchants  représentés  par  ce  bon  grain 
et  par  cette  zizanie  ,  doivent  demeurer  en- 
semble jusqu'au  jour  de  la  moisson ,  c'est-à- 
dire  jusqu'à  la  fin  des  siècles,  sans  que  les 
bons  souffrent  de  cette  communion  avec  les 
méchants  ,  comme  la  paille  ne  nuit  point  au 
grain ,  pourvu  que  les  bons  ne  donnent 
point  leur  consentement  aux  mauvaises  ac- 
tions des  méchants.  Les  donatistes  objec- 
taient selon  l'Écriture  ,  tel  qu'est  le  juge  du 
peuple,  tels  sont  ses  ministres  ;  et  tel  qu'est  ecci.x,  2. 
le  prince  de  la  ville  ,  tels  sont  aussi  les  ha- 
bitants. Saint  Augustin  leur  répond  que  le 
sens  de  ce  passage  est  que  nous  ne  devons 
point  mettre  notre  espérance  en  l'homme, 
en  sorte  que,  s'il  nous  arrivais  de  vivre  dans 
une  ville  où  l'évêque  ne  fut  pas  de  bonnes 
mœurs  ,  nous  croyions  qu'il  nous  fût  permis 
de  vivi'e  mal  comme  lui ,  nous  autorisant  à 
cet  eûet  du  passage  objecté  ,  comme  si  l'on 
ne    pouvait   pas   être  bon  lorsque   l'on  vit 


378 


HISTOIRE  GÉNlîRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Mal 

XIilT,  3. 


Isai.  LWI, 
U.  P^0^.  .\\1, 
27.  Fxod.xix, 
22.  Joan.  i.\, 
31.P.sal.XLrx, 
IG. 


Mallli, 
x.'iin,  3. 


SOUS  un  prince  qui  ue  l'est  pas.  II  montre, 
an  contraire,  par  les  paroles  de  Jésus-Christ, 
qae  nous  devons  faire  le  bien  que  nous  en- 
seignent nos  princes  et  nos  évèques,  et  nous 
abstenir  du  mal  qu'ils  font.  Les  donatistes 
alléguaient  divers  autres  endroits  de  l'É- 
ci'iture  qui  semblent  rejeter  le  sacrifice,  la 
prière  et  la  prédication  des  impies.  Saint 
Augustin,  après  avoir  exiDliqué  tous  ces  pas- 
sages, montre  que  le  prêtre,  quoique  pé- 
cheur, est  exaucé  quand  il  prie  pom*  le  peu- 
ple ,  et  il  en  donne  pour  exemple  la  prière 
que  fit  le  prophète  Balaam  qui  fut  exaucée 
de  Dieu,  bien  que  ce  faux  prophète  n'en  eût 
]  oint  d'envie ,  et  qu'ils  ne  cherchât  qu'à 
I  uire  au  peuple  d'Israël;  que  la  prédication 
l'un  mauvais  ministre  ne  laisse  pas  d'être 
utile  aux  autres,  quand  il  enseigne  la  vérité, 
ainsi  que  le  dit  Jésus-Christ  des  pharisiens 
assis  sur  la  chaire  de  Moïse  ;  et  que  le  sa- 
crifice de  l'impie  ne  nuit  qu'à  lui-même  ; 
parce  qu'il  n'y  a  qu'un  sacrifice  toujours 
saint,  offert  principalement  par  Jésus-Christ 
toujours  juste  ;  sacrifice  qui  profite  à  celui 
qui  le  reçoit ,  selon  la  disposition  dans  la- 
quelle il  le  reçoit. 

8.  Les  donatistes  objectaient  d'autres  pas- 
sages qui  semblent  faire  dépendre  l'effet  du 
baptême  et  des  autres  sacrements  ,  de  la 
probité  du  ministre.  Saint  Augustin  répond  : 
«  Tous  les  sacrements  sont  profitables  à  ceux 
qui  les  reçoivent  avec  des  dispositions  con- 
venables ,  et  qu'ils  ne  nuisent  qu'à  ceux  qui 
les  administrent  indignement,  soit  que  leurs 
péchés  soient  connus  ,  soit  c[u'il  ne  le  soient 
pas,  car,  quoique  ces  ministres  soient  morts 
parieur  impiété  ,  celui-là  vit  toujours  ,  dont 
il  est  dit  dans  ■  l'Évangile  :  C'est  celui-ci  qui 
nom.  VI,  9.  baptise  ;  parce  que,  comme  dit  l'Apôtre  :  Jé- 
sus-Christ ressuscité  d'entre  les  morts,  ne  meurt 
plus.  Comme  le  bon  ministre,  en  communi- 
quant la  grâce  au  peuple,  mérite  pour  soi  la 
récompense  ;  le  mauvais  ue  laisse  pas  de 
communiquer  la  grâce  ,  parce  que  le  Saint- 
Esprit  n'abandonne  pas,  à  cause  de  la  mau- 
A'aise  vie  de  ce  niinislre,  le  ministère  qui  lui 
est  confié  pour  opérer  le  salut  des  autres.  Car, 
c'est  Dieu  qui  donne  la  grâce  par  les  hom- 
mes ,  comme  il  la  donne  quelquefois  lui- 
même  sans  le  ministère  des  hommes.  »  Quel- 
ques-uns d'entre  les  donatistes  convenaient 
que  celui  qui  se  sépare  de  l'Éghse,  ne  perd 
pas  pour  cela  le  sacrement  du  baptême  ; 
mais  ils  soutenaient  qu'il  perdait  le  iioiivoir 
de  le  donner  aux  autres.  Saint  Augustin  ré- 


Suito ,  pag. 
37.  Jerem.  n, 
12,  16  cl  18. 
Eccl.    -\xxiv 


Joaa.  I,  33. 


pond  que  cette  distinction  n'est  point  fondée, 
et  que  le  sacrement  du  baptême  ,  de  même 
que  le  pouvoir  de  le  conférer ,  se  donnant  à 
l'homme  par  une  consécration  particulière  ; 
l'un  ,  lorsqu'il  est  baptisé  ;  l'autre  ,  lorsqu'il 
est  ordonné,  ces  deux  prérogatives  sont  éga- 
lement inadmissibles;  que  c'est  pour  cela 
que,  dans  l'Eglise  catholique,  ni  le  baptême 
ni  l'ordination  ne  se  réitèrent,  et  qu'on  ne 
saurait  les  réitérer  sans  faire  injure  au  sa- 
crement. Il  est  écrit,  disaient  encore  les  do- 
natistes :  Ne  vous  rendez  point  participant  des 
péchés  d'autrui  ;  conservez-vous  pur  vous-même. 
La  manière  dont  saint  Augustin  lisait  cet 
endroit,  ôtait  toute  la  diliiculté.  Car,  tandis 
que  dans  nos  Bibles  latines  il  y  a  :  N'e  vous 
rendez  pas  participant ,  il  lisait  dans  ses 
exemplaires  :  afin  que  vous  ne  vous  rendiez 
pas  participant  des  péchés  d'autr-ui ,  conservez- 
vous  pur  vous-même  ;  par  où  il  est  clair  que 
Thimothée  parlait  de  la  participation  et  du 
consentement  aux  péchés  d'autrui ,  et  non 
pas  de  la  simple  communion  avec  le  pécheur; 
qu'ainsi  ce  n'est  point  participer  à  son  péché 
que  de  communiquer  avec  lui ,  en  vivant 
avec  lui,  et  recevant  de  lui  la  parole  de  Dieu 
ou  les  sacrements ,  si  en  même  temps  on  ne 
consent  à  son  péché. 

9.  Dans  le  troisième  livre,  saint  Augustin 
répond  aux  autres  passages  de  l'Écriture 
que  Parménien  objectait  pour  s'autoriser 
dans  son  schisme.  Le  premier  était  tiré  de 
l'Kpitre  aux  Corinthiens,  oih  l'Apôtre  dit: 
Retranchez  ce  méchant ,  c'est-à-dire  cet  inces- 
tueux ,  du  milieu  de  vous  :  ce  cp.i'il  ne  dirait 
pas ,  ajoutait  Parménien ,  si  la  société  des 
mécbants  n'était  nuisible  aux  justes.  Saint 
Augustin  répond  que  l'Apôtre  en  cet  endroit 
ne  parle  qpie  d'une  séparation  de  cœur  et  de 
commerce  ordinaire  accompagnée  de  la  pri- 
vation des  saci'ements,  et  non  d'une  sépai'a- 
tion  de  corps,  comme  le  voulait  Parménien. 
C'est  ce  que  ce  Père  px^ouve  par  un  passage 
de  l'Épître  aux  Thessaloniciens  ,  où  l'Apôtre 
dit  que  si  c/uelqu'un  n'obéit  pas  à  ce  que  nous 
ordonnons,  notez-le,  et  n'ayez  point  de  commerce 
avec  lui ,  afin  qu'il  en  ait  de  la  confusion  et  de 
la  honte.  Ne  le  considérez  pas  néanmoins  comme 
un  ennemi;  mais  avertissez-le  comme  votre 
frère.  «  Car  il  y  a  ,  dit  saint  Augustin ,  une 
charité  qui  est  sévèi'e,  et  une  charité  qui  est 
douce  :  c'est  bien  la  même  charité,  mais  elle 
est  différente  dans  ses  différentes  opéra- 
tions. Quand  la  nécessité  oblige  les  pasteurs 
à  se  servir  du  châtiment  de  l'excommunica- 


ITira.  v,2; 


nalyse  t 
ièmn  i. 
l.aj.  S6f 


!I 

u,  IV. 


[IY«  ET  Y"  SIÈCLES. 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


379 


tion ,  l'humilité  de  ceux  qui  pleurent  leurs 
fautes  doit  obtenir  la  miséricorde  que  le  pé- 
cheur obstiné  rejette  par  son  orgueil  ;  et  au 
lieu  de  négliger  le  salut  de  celui  qui  est  re- 
tranché de  la  société  de  ses  frères ,  il  faut 
faille  tout  ce  que  l'on  peut,  afin  que  ce  châ- 
timent lui  soit  utile  ;  et  si  on  ne  peut  le  cor- 
riger par  les  répréhensions ,  il  faut  agir 
devant  Dieu  en  sa  faveur  par  nos  désirs  et 
par  nos  prières.  » 

Mais,  dira  quelqu'un ,  si  nous  ne  nous  sé- 
parons que  de  cœur  et  non  de  corps  de  celui 
qui  est  reconnu  pour  pécheur,  comment  ob- 
serverons-nous le  précepte  de  l'Apôtre ,  qui 
défend  de  manger  avec  im  homme  noté  de 
cette  sorte.  Saint  Augustin  résout  cette  dif- 
ficulté par  l'usage  de  l'Église ,  qui  était  tel 
que,  quand  un  chrétien  était  convaincu  d'un 
péché  digne  d'anathème,  elle  le  séparait 
pour  le  corriger,  pourvu  qu'il  n'y  eût  aucun 
péril  de  schisme,  que  ce  particulier  fût  sans 
appui,  et  que  la  multitude  aidât  le  pasteur 
contre  lui  ;  l'intention  de  l'Église  n'étant 
point  de  le  traiter  comme  un  ennemi ,  mais 
de  le  corriger  comme  un  frère ,  suivant  le 
précepte  de  l'Apôtre.  «Si  ce  pécheur,  ajoute 
le  saint  Docteur,  ne  veut  pas  se  reconnaître 
ni  faire  pénitence,  c'est  lui-même  qui  sort  de 
l'Église  et  qui  est  retranché  de  sa  commu- 
nion par  sa  propre  volonté.  Si  au  contraire 
la  maladie  a  gagné  le  grand  nombre ,  il  ne 
reste  ans  gens  de  bien  qu'à  gémir,  de  peiu" 
d'arracher  le  bon  grain  avec  la  zizanie  ;  on 
peut  seulement  alors  user  de  reproches  en- 
vers la  multitude,  et  encore  à  propos,  comme 
à  l'occasion  des  calamités  publiques ,  qui 
l'humilient  et  la  rendent  un  peu  plus  docile. 
Mais  la  séparation  est  inutile,  pernicieuse  et 
sacrilège ,  parce  qu'elle  ne  vient  que  d'or- 
gueil ;  elle  trouble  les  gens  de 'bien  faibles, 
sans  corriger  les  méchants  emportés.  »  Il 
donne  pour  exemple  de  cette  conduite  saint 
Cyprien  qui,  quoique  bien  informé  des  mau- 
vaises mœurs  de  plusieurs  de  ses  collègues 
dans  l'épiscopat,  crut  qu'il  était  plus  à  propos 
d'en  laisser  le  jugement  à  Dieu  que  de  se 
séparer  d'eux.  La  maxime  qu'il  veut  que 
l'on  suive  en  pareil  cas,  est  que  l'homme  cor- 
rige avec  bonté  et  miséricorde  tout  ce  qu'il 
peut  corriger,  et  qu'il  souffre  le  reste  avec 
patience,  gémissant  avec  charité  sur  les  dé- 
fauts de  ses  frères ,  jusqu'à  ce  qu'il  plaise  à 
Dieu  de  les  corriger  lui-même.  Ceux  qui  sont 
préposés  au  gouvernement  de  l'Eglise  doi- 
vent se  souvenir  qu'ils  ne  sont  que  les  ser- 


viteurs de  ceux  à  qui  ils  commandent  :  au- 
tant il  est  facile  à  un  évèque  de  dégrader  un 
de  ses  clercs,  ou  d'ôter  quelqu'un  du  nombre 
des  pauvres  nourris  aux  dépens  de  l'Église , 
ou  de  séparer  un  laïque  de  l'assemblée  des 
fidèles ,  autant  il  est  difficile  de  séparer  la 
multitude ,  en  quelque  ordre  de  l'Église 
qu'efie  se  trouve ,  du  commerce  avec  les  fi- 
dèles. 

10.  L'argument  dont  Parménien  se  préva- 
lait le  plus  était  tiré  du  prophète  Jérémie  : 
Qvelle  comparaison  y  a-t-il  entre  la  paille  et 
le  blé  ?  Mais  il  n'en  comprenait  pas  le  sens , 
comme  saint  Augustin  le  fait  voir.  <(En  effet, 
peut-on  dire  dans  le  champ ,  quelle  compa- 
raison entre  la  paille  et  le  blé  ,  lorsque  l'un 
et  l'autre  sont  portés  sur  la  même  racine? 
peut-on  le  dire  dans  l'aire  où  ils  sont  foulés 
ensemble?  Non,  cela  ne  se  peut  dire  que 
dans  le  grenier  où  le  blé  sera  mis  sans  la 
paille  par  le  Père  de  famille  :  ce. qui  arrivera 
au  jugement  où  cette  prophétie,  quelle  com- 
paraison y  a-t-il  entre  la  paille  et  le  blé?  sera 
accomplie ,  lorsque  la  nourriture  des  boucs 
et  des  brebis  ne  pourra  plus  être  commune. 
Si  l'on  veut  que  les  paroles  de  Jérémie  aient 
leur  accomplissement  dès  ce  monde ,  il  faut 
les  entendre  de  cette  sorte,  que  dans  une 
même  société  la  paille  et  le  blé  se  trouvent 
ensemble  jusqu'à  ce  que  ,  par  la  dissolution 
de  cette  société,  ils  soient  séparés  corporel- 
lement  ;  mais  en  attendant  ceux  qui  sont 
représentés  par  le  blé,  tiennent  leur  cœur 
élevé  en  haut ,  ceux  que  la  paille  désigne 
l'ayant  attaché  aux  choses  d'ici-bas.  » 

Saint  Augustin  exphque  de  même  ce  pas- 
sage d'Isaïe  dont  Parménien  s'autorisait 
aussi  :  Retirez-vous,  sortez  de  Babylone ,  sortez 
du  milieu  d'elle,  p)uri fiez-vous ,  vous  qui  portez 
les  vases  du  Seigneur;  faisant  voir  que  celui-là 
ne  touche  rien  d'immonde  ,  qui  ne  consent 
au  péché  de  personne ,  et  qu'il  sort  vérita- 
blement de  Babylone,  sans  encourir  de  Dieu 
aucun  reproche,  s'il  ne  néglige  aucun  des 
moyens  de  corriger  les  méchants  en  gardant 
toutefois  la  paix  et  la  charité.  «  Car  celui , 
dit-il,  qui  veut  se  séparer  corporellement  de 
ceux  qui  paraissent  manifestement  méchants, 
abandonne  spirituellement  les  bons  qui  lui 
sont  cachés,  et  cpi'il  est  souvent  obligé  d'ac- 
cuser sans  les  bien  connaître,  lorsqu'il  s'ef- 
force de  défendre  sa  séparation.  »  Il  de- 
mande aux  donatistes  pourquoi ,  s'il  était 
immonde  lorsqu'il  était  séparé  d'eux,  ils  ont 
reçu  comme  purs  ceux  qu'il  avait  baptisés 


Suile,  pag, 


Jeroin. 
XKUi.  28. 


Isai.  LK,  12. 


380 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


dans  le  schisme  ?  Puis,  revenant  aux  paroles 
de  Jérémie,  il  dit  que  l'on  n'en  peut  mieux 
prendre  le  sens,  qu'en  examinant  les  actions 
même  de  ce  prophète.  «  Quand  il  a  dit  : 
Quelle  comparaison  entre  la  paille  et  le  blé? 
était-ce  pour  se  séparer  des  pailles  de  son  peu- 
ple ,  à  qui  il  annonçait  tant  de  vérités  ?  Et 
lorsque  Isaïe  disait  :  Retirez-vous  ,  ne  touchez 
rien  d'impur,  n'a-t-il  pas  touché  lui-même 
l'impureté  qu'il  reprenait  si  fortement,  en 
demeurant  au  milieu  de  ceux  qui  en  étaient 
coupables?  David  qui,  dans  ses  Psaumes, 
invective  si  souvent  contre  les  mauvais 
Israélites,  s'est-il  jamais  séparé  d'eux?  S'il  y 
a  dans  la  maison  du  Seigneur  des  vases 
d'honneur  qui  en  font  la  beauté ,  n'y  souf- 
fre-t-on  pas  aussi  des  vases  d'ignominie  ?  Ceux 
qui,  dans  le  prophète  Ézéchiel,  pleurent  et 
gémissent  sur  les  iniquités  du  peuple  ne  s'en 
sont  point  séparés.  Il  n'est  donc  jamais  per- 
mis de  se  séparer  de  l'Éghse  ;  et  il  n'y  a  au- 
cune sûreté  que  dans  l'unité  de  cette  Église, 
fondée  sur  les  promesses  de  Dieu,  et  néces- 
sairement connue  par  toute  la  terre.  » 

Saint  Augustin  fait  voir  après  cela  que  les 
maux  que  les  donatistes  avaient  soufferts , 
n'étant  qu'une  peine  de  leur  prévarica- 
tion et  de  leur  schisme ,  ils  ne  pouvaient 
mettre  au  nombre  des  martyrs  ceux  qui 
les  avaient  soufferts,  et  qu'ils  n'étaient 
pas  mieux  fondés  à  jurer  par  les  cheveux 
blancs  de  ces  prétendus  martyrs,  à  célébrer 
le  jour  de  leur  naissance  et  à  réciter  à  l'autel 
les  noms  des  principaux  moteurs  de  leur  fu- 
reur. Il  raconte  les  outrages  que  les  primia- 
nistes  avaient  fait  souffrir  àSalvius,  qui  était 
du  pai'ti  de  Maximien ,  et  ajoute  :  «Tandis 
qu'on  reçoit  les  maximianistes  condamnés 
dans  le  concile  de  Bagai,  on  condamne  des 
nations  que  l'on  ne  connaît  pas.  Le  baptême 
des  maximianistes  est  reçu ,  et  l'on  rejette 
comme  nul  celui  qui  se  donne  par  toute  la 
terre.  » 

§n. 

Des  sept  livres  du  Baptême  contre  les 
donatistes. 

Ltre  du       1.  Saint  Augustin,  en  travaillant  au  second 

vcrs"iïï'Tdo!   livre  contre  Parménien ,   avait   promis  '  de 

traiter  ailleurs  plus  exactement  et  avec  plus 

d'étendue  la  question  du  baptême.  Ce  fut 


pour  exécuter  sa  promesse,  et  aussi  pour  sa- 
tisfaire aux  instances  de  ses  frères  ^,  qu'il 
composa  ses  sept  livres  du  Baptême,  qu'il 
place  immédiatement  après  les  trois  contre 
Parménien  dans  ses  Rétractations  '.  Ils  sont 
donc  tous  à  peu  près  du  même  temps ,  et 
faits  vers  l'an  400.  Son  dessein,  dans  ces  sept 
livres,  est  de  répondre  à  toutes  les  objections 
des  donatistes  contre  la  doctrine  de  l'Église 
sur  le  baptême  ,  et  particulièrement  à  celles 
qu'ils  tiraient  des  écrits  et  de  la  conduite  de 
saint  Cyprien.  Comme  il  y  dit  quelquefois  que 
l'Église  est  sans  taches  et  sans  rides  ,  il  veut 
que  cela  s'entende  '*  de  l'Éghse  non  en  l'état 
qu'elle  est  à  présent,  comme  si  elle  était  déjà 
sans  tache ,  mais  de  l'état  glorieux  dans  le- 
quel elle  paraîtra  un  jour.  «  Car,  pour  le  pré- 
sent ,  dit-il ,  les  ignorances  et  les  infirmités 
de  ses  membres  lui  donnent  matière  de  dire 
chaque  jour:  Pardonnez-nous  nos  offenses.  «Il 
remarque  dans  ses  Rétractations  '"  que,  dans 
son  septième  livre  du  Baptême,  il  a  suivi,  en 
parlant  des  vases  d'or  et  d'argent  qui  sont 
dans  une  grande  maison ,  le  sens  de  saint 
Cyprien  qui,  par  les  vases  d'or  et  d'argent, 
entend  les  gens  de  bien,  comme  il  entend  les 
méchants  par  les  vases  de  bois  et  de  terre , 
rapportant  aux  premiers  ce  que  dit  l'Apôtre:  ' 
Les  uns  sont  destinés  à  des  usages  honnêtes,  et 
aux  seconds  ce  qu'il  ajoute  :  Et  les  autres  à 
des  usages  honteux.  «  Mais,  ajoute-t-il,  j'ap- 
prouve davantage  ce  que  j'ai  trouvé  depuis 
dans  Tichonius ,  qu'il  faut  entendre  des  uns 
et  des  autres  vases  ce  que  dit  l'Apôtre ,  en 
sorte  que  tant  dans  les  vases  d'or  et  d'ar- 
gent, que  dans  ceux  de  bois  et  de  terre ,  il  y 
en  ait  qui  sont  destinés  à  des  usages  hono- 
rables, et  d'autres  à  des  usages  honteux,  n 
2.  Le  dessein  du  premier  livre  est  de  mon-     Ami;.. 

1-1  *  *  n  r     r     1  premier 

trer  que  le  baptême  peut  être  conféré  hors  p'e-  ■ra- 
de la  communion  catholique  par  les  héréti- 
ques ou  par  les  schismatiques  ;  sur  quoi 
saint  Augustin  raisonne  ainsi  :  «On  convient 
que  les  apostats  et  les  schismatiques  conser- 
vent leur  baptême,  puisque  lorsqu'ils  re- 
viennent à  l'Église  et  qu'ils  font  pénitence, 
on  ne  les  rebaptise  point.  Si  donc  le  baptême 
peut  se  conserver  hors  de  l'Église,  pourquoi 
ne  pourrait-il  pas  être  aussi  conféré  hors  de 
l'Église.  Si  vous  objectez  qu'on  ne  le  donne 
point  légitimement  dehors,  je  vous  réponds  , 
que  comme  on  ne  le  conserve  pas  légitime- 


i  Lib.  H  cont.  Parm.,  cap.  xv.  —  ^  Lib.  II  De 
Dapt.,  cap.  I.  —  '  Lib.  Il  Retract.,  cap.  xviii. 


'■"  August. , 
s  Ibid. 


lib.   II  Retract.  ,    cap.    xvin. 


[1V«  ET  V"  SIÈCLES. 


SAINT  AUGUSTIiN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


381 


ment  dehors,  quoiqu'on  ne  laisse  pas  de  l'a- 
voir; de  même  quoiqu'il  ne  soit  pas  conféré 
selon  les  règles  hors  de  l'Église,  on  ne  laisse 
pas  de  le  conférer  ;  et  que  comme  les  schis- 
matiques,  en  se  réunissant  à  l'Eglise,  com- 
mencent à  tirer  utilité  de  ce  qu'ils  avaient 
inutilement  hors  de  l'unité;  de  même  ce  qui 
avait  été  donné  inutilement  hors  de  l'Eglise, 
devient  utile  dès  que  l'on  se  réconcilie  avec 
elle.  »  Il  fait  le  même  raisonnement  à  l'égard 
de   l'ordination,  fondé   sur   ce  que  l'on  ne 
réordonnait  pas  ceux  qui  avaient  été  ordon- 
nés avant  leur  schisme,  et  qu'on  leur  con- 
servait à  leur  retour  les  mêmes  administra- 
tions qu'ils  avaient  auparavant,  si  l'utilité  de 
l'Église  le  demandait  ainsi.  De  là  cette  con- 
clusion :  «  Ceux-là  sont  coupables  d'impiété 
qui  rebaptisent,   et,  au  contraire ,  ceux-là , 
font  bien  qui  ne  désapprouvent  pas  les  sa- 
crements de  Dieu,  même  dans  le  schisme. 
Car  les  schismatiques  sont  avec  nous  en  tout 
ce  qu'ils  croient  comme  nous,  et  ils  ne  se 
sont  éloignés  de  nous  qu'en  ce  qu'ils  diffè- 
rent d'avec  nous,  n'étant  séparés  de  nous 
que  spirituellement,  par  les  sentiments  et  la 
volonté.  Nous  ne  les  empêchons  point  d'a- 
gir à  l'égard  des  choses  qui  leur  sont  com- 
munes  avec   nous;    mais   nous   employons 
tous  les  moyens  que  la  charité  nous  suggère 
pour  se  réunir  en  tout  avec  nous.  Nous  ne 
leur  disons  pas  :  Ne  donnez  point  le  bap- 
tême, mais  ne  le  donnez  point  dans  le  schis- 
me. Nous  ne  disons  point  à  ceux  que  nous 
savons  se  présenter  à  eux  pour  être  bapti- 
sés :  Ne  recevez  point  le  baptême,  mais  ne 
le  recevez  point  dans  le  schisme.  »  Le  saint 
Docteur  approuve  toutefois  le  baptême  que 
quelqu'un  aurait  reçu  dans  l'extrême  néces- 
sité, d'un  hérétique  ou  d'un  schismatique, 
supposé  qu'il  n'ait  point  trouvé  de  catholi- 
que pour  le  lui  administrer,  et  qu'en  le  re- 
cevant il  ait  gardé  dans  son  cœur  la  paix  et 
l'union  avec  l'Église  catholique.  Mais  il  blâ- 
me celui  qui,  pouvant  recevoir  le  baptême 
dans  l'Église  catholique,  aime  mieux,  par 
une   mauvaise  intention,  se   faire   baptiser 
dans  le  schisme,  encore  que  son  dessein  fût 
de  retourner  à  l'Église  après  avoir  reçu  ce 
sacrement.  Son  grand  principe,  c'est  que  les 
biens  que  les  schismatiques  ont   communs 
avec  nous,  c'est-à-dire  la  foi  et  les  sacre- 
ments,  leur  sont  inutiles   sans  la  charité, 
dont  le   défaut  les  sépare   de   nous.  Et  il 
pousse  ce  principe  jusqu'à  dire  que  le  mar- 
tyre que  souffrent  ces  schismatiques,  leur  est 


inutile.  «  Si  dans  une  persécution  générale, 
dit  ce  Père,  des  schismatiques  livrent  avec 
nous  tout  leur  corps  aux  flammes,  pour  la 
confession  de  la  foi  qui  leur  est  commune 
avec  nous,  comme  ils  sont  séparés  de  nous, 
qu'ils  ne  soufixent  pas  en  esprit  de  dilection, 
qu'ils  ne  s'étudient  pas  de  conserver  l'unité 
dans  le  lien  de  la  paix,  et  qu'ainsi  ils  n'ont 
pas  la  charité  ;  avec  tous  ces  tourments  qui 
leur  deviennent  inutiles,  ils  ne  sauraient 
parvenir  au  salut  éternel.  Il  en  est  de  même 
des  méchants  qui  sont  dans  l'Église,  vivant 
selon  la  chair  et  sans  charité,  quoique  mê- 
lés selon  le  corps  dans  l'unité  de  l'Église,  ils 
en  sont  séparés  selon  l'esprit  par  les  désor- 
dres de  leur  vie.  Au  contraire,  les  hommes 
spirituels,  ou  qui  s'efforcent  de  le  devenir  par 
leur  avancement  dans  la  piété,  ne  sortent 
jamais  hors  de  l'Église  ;  parce  qu'encore 
qu'ils  paraissent  quelquefois  en  être  chassés, 
ou  par  la  malice  des  hommes,  ou  par  de 
certaines  rencontres  de  nécessité  qui  sur- 
viennent, ils  en  sont  mieux  éprouvés  et  pu- 
rifiés, que  s'ils  fussent  demeurés  dans  l'inté- 
rieur de  l'Éghse,  d'autant  qu'ils  ne  s'élèvent 
nullement  contre  elle,  mais  qu'ils  demeurent 
plus  profondément  enracinés  dans  la  pierre 
sohde  de  l'unité,  par  la  vertu  inébranlable  de 
la  charité.  » 

Il  prouve  par  les  donatisles  mêmes,  que 
le  baptême  donné  hors  de  l'Éghse  doit  être 
regardé  comme  bon,  puisqu'ils  avaient  rati- 
fié le  baptême  donné  par  les  maximianistes, 
qu'ils  savaient  avoir  été  condamnés  dans  le 
concile  de  Bagai,  et  qu'ils  regardaient  com- 
me schismatiques  et  hors  de  leur  commu- 
nion. Il  prouve  la  même  vérité  par  un  en- 
droit de  l'Évangile  selon  saint  Luc,  où  nous 
hsons  que  les  apôtres  ayant  vu  un  homme 
qui  chassait  les  démons  au.  nom  de  Jésus- 
Christ,  l'en  empêchèrent,  parce  qu'il  ne  sui- 
vait pas  Jésus-Christ  avec  eux  ;  mais  que  le 
Sauveur  leur  dit  :  Ne  l'empêchez  point  ;  car 
celui  qui  n'est  pas  contre  vous,  est  pour  vous.  Il 
en  donne   encore   une   autre   raison  ,  c'est 
que  l'Éghse  catholique  même  qui  adminis- 
tre  le  baptême    chez  les  hérétiques  et  les 
schismatiques  ;  et  que  c'est  elle  qui  engen- 
dre par  les  mêmes  sacrements ,  soit  de  son 
sein,  soit  de  celui  de  ses  servantes.  «  Car  ce 
n'est   pas,  dit-il,  le  schisme  qui  engendre, 
mais  ce  que  le  schisme  tient  de  l'Église  ca- 
thohque.  Les   schismatiques   peuvent   donc 
recevoir  le  baptême  de  l'Église,  on  ne  les 
rebaptise  pas  quand  ils  y  reviennent,  mais  le 


382 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


sacrement  qui  leur  était  inutile,  commence 
alors  à  servir  à  lem-  salut.  » 

Les  donatistes  disaient  :  Si  le  baptême  de 
Jésus -Christ  engendre  des  enfants  à  Dieu 
dans  le  parti  de  Donat,  s'il  remet  les  péchés, 
l'Église  est  donc  dans  le  parti  de  Donat,  elle 
Saint-Esprit  y  est  aussi.  Saint  Augustin  ré- 
pond que  ce  parti  n'engendre  point  des  en- 
fants à  Dieu,  par  l'endroit  qu'il  s'est  séparé 
du  lien  de  la  charité  et  de  la  paix,  mais  par 
où  il  est  uni  à  l'Église ,  c'est-à-dire  par  l'u- 
nité du  baptême,  qui,  quoique  conféré  chez 
des  schismatiques  et  par  des  schismatiques, 
n'est  pas  leur  baptême,  mais  le  baptême  de 
Dieu  et  de  son  Église,  en  quelque  heu  qu'il 
soit  donné.  Il  établit  comme  une  maxime 
certaine,  cpie  celui  qui,  doutant  si  le  baptême 
reçu  chez  les  donatistes  est  utile ,  le  reçoit 
d'eux  tandis  qu'il  est  assuré  qu'on  le  reçoit 
utilement  dans  l'Église  cathohque ,  pèche 
considérablement  par  cela  seul  que,  dans  les 
choses  qui  regardent  le  salut  de  l'âme,  il 
préfère  l'incertain  au  certain.  Il  soutient  que 
dans  toutes  les  communions  séparées  de 
l'Église,  on  peut  recevoir  le  baptême,  pourra 
qu'il  se  confère  et  qu'on  le  reçoive  dans  les 
formes  ordinaires  ;  mais  qu'il  ne  produit  la 
rémission  des  péchés,  que  lorsque  le  baptisé, 
réconcilié  à  l'unité  de  l'Église,  se  dépouille 
du  sacrilège  du  schisme,  qui  tenait  ses  pé- 
chés comme  liés  et  empêchait  qu'ils  ne  fus- 
sent remis. 

Sur  la  fin  de  ce  livre,  il  entre  dans  l'exa- 
men du  sentiment  de  saint  Cyprien ,  tou- 
chant le  baptême  des  hérétiques.  «Dieu, 
dit-il,  ne  voulut  pas  révéler  à  un  si  grand 
saint  que  son  sentiment  était  contraire  à  la 
vérité,  afin  de  rendre  plus  éclatante  l'humi- 
lité et  la  charité  que  ce  saint  fit  paraître  en 
demeurant  dans  la  paix  de  l'Église,  et  que 
son  exemple  profitât  non -seulement  aux 
chrétiens  de  son  temps,  mais  encore  à  toute 
la  postérité,  parce  que  le  corps  demeurant 
entier,  s'il  y  a  quelque  membre  malade, 
il  peut  recouvrer  la  santé  par  le  moyen 
des  autres  membres  qui  sont  sains  et  vigou- 
reux; au  lieu  qu'un  membre  retranché  du 
corps  est  mort  sans  remède.  Combien  de 
gens,  ajoute -t- il,  l'auraient  -  ils  suivis  s'il 
eût  voulu  se  séparer?  Combien  son  nom  se- 
rait-il devenu  célèbre  parmi  les  hommes  ? 
Combien  le  parti  des  cyprianistes  serait-il 
plus  étendu  que  celui  des  donatistes  ;  mais 
il  était  enfant  de  paix,  et  c'est  pour  cela 
qu'étant  d'ailleurs  si  éclairé,  il  y  a  eu  quel- 


que chose  qu'il  n'a  pas  vu,  afin  qu'on  vît  par 
lui  une  autre  vérité  beaucoup  plus  excel- 
lente que  celle  qu'il  a  ignorée  ;  c'est  celle  de 
la  charité  que  ce  saint  a  conservée  si  hum- 
blement, si  fidèlement,  si  constamment,  qu'il 
a  mérité  de  recevoir  la  couronne  du  mar- 
tyre, afin  que  s'il  s'était  élevé  cpielque  nuage 
de  la  fi-agihté  humaine  dans  une  âme  si 
éclairée,  il  fût  dissipé  par  l'éclat  du  sang 
qu'il  répandit  pour  Jésus-Christ  dans  la  paix 
de  son  cœur  et  dans  l'unité  de  l'Éghse.  En 
quoi  sa  conduite  a  été  bien  diflërente  de 
celle  des  donatistes  qui,  ayant  abandonné  le 
chemin  de  la  paix  et  de  l'unité,  ne  l'ont  plus 
connu  depuis.  » 

3.  Il  continue  dans  le  second  livre,  à  ex- 
cuser saint  Cyprien,  et  il  apporte  à  ce  sujet 
l'exemple  de  saint  Pierre  c[ui  se  trompa  dans 
la  question  des  observances  légales.  Il  l'ex- 
cuse encore  par  l'obscurité  de  la  question 
que  ce  saint  évêque  avait  àti-aiter;  et  par 
la  liberté  où  il  était  de  soutenir  son  opinion, 
avant  que  cette  question  eût  été  décidée  par 
l'autorité  d'un  concile  plénier  ou  universel. 
Il  établit  pour  régie,  touchant  l'autorité  que 
l'on  doit  suivre  dans  l'Église,  que  l'Écriture 
sainte  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament; 
est  au-dessus  de  tout,  et  qu'il  n'est  pas  per- 
mis de  disputer  de  la  vérité  ou  de  la  di'oi- 
ture  de  ce  qui  y  est  contenu;  que  les  écrits 
des  évêqnes  peuvent  être  corrigés  par  d'au- 
tres évêques  plus  habiles  et  par  les  conciles; 
cjue  les  conciles  nationaux  et  provinciaux 
doivent  céder  à  l'autorité  de  ceux  qui  sont 
assemblés  de  toutes  les  parties  du  monde 
chrétien  ;  et  que  ces  conciles  mêmes  géné- 
raux ou  pléniers  peuvent  être  corrigés  par 
des  conciles  postérieurs,  lorsque  l'on  vient 
à  découvrir  dans  la  suite  quelque  chose 
qui  était  demeuré  caché.  Il  fait  admirer 
la  charité  et  l'humilité  de  saint  Cyprien; 
quoique  d'un  sentiment  différent  de  plu- 
sieurs de  ses  collègues,  il  ne  se  sépara  ja- 
mais de  leur  communion.  «Avoir  mie  fausse 
opinion  de  quelque  chose,  ajoute  le  saint 
Docteur,  c'est  une  tentation  humaine  ;  s'em- 
porter jusqu'à  se  séparer  de  communion, 
et  faire  un  schisme  ou  une  hérésie  sacrilège, 
par  un  trop  grand  amour  de  son  opinion 
propre,  ou  par  un  esprit  d'envie  contre  de 
plus  gens  de  bien  que  soi  ;  c'est  une  pré- 
somption de  démon;  mais  ne  se  tromper 
jamais  en  rien,  c'est  une  perfection  d'ange.  » 
De  là  cette  conclusion  :  saint  Cyprien  n'a 
pu  être    souillé   par  l'erreur  dans   laquelle 


Analy: 
£ecoud 


hy"  ET  V'  SIÈCLES.! 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


383 


il  était  tombe,  parce  qu'il  l'avait  tellement 
embrassée  qu'il  s'était  toujours  tenu  uni  à 
l'Église.  Il  demande  ans  donatistes  pourquoi 
ils  s'étaient  séparés  également  de  ceux  qui 
étaient  innocents,  comme  de  ceux  qui  étaient 
coupables  d'avoir  livré  les  livres- saints,  et 
leur  dit  de  ne  point  peser  les  choses  suivant 
leur  caprice,  mais  au  poids  de  l'Écriture. 
«  Ne  nous  servons  pas  de  fausses  balances 
pour  y  peser  ce  qui  nous  plaît  et  quand  il 
nous  plaît,  en  disant  :  Ceci  est  léger;  mais 
tirons  comme  des  trésors  du  Seigneur  les  ba- 
lances de  ses  saintes  Écritures,  afin  de  trou- 
ver le  vrai  poids  des  choses  en  les  y  pesant; 
ou  plutôt  reconnaissons-en  le  poids  comme 
y  ayant  déjà  été  pesées  par  le  Seigneur 
même.  Ne  nous  objectez  pas  l'autorité  de 
Cyprien  pour  la  réitération  du  baptême  ; 
mais  conservez  avec  nous  l'unité  à  son 
exemple.  La  question  du  baptême  n'avait 
pas  été  encore  traitée  avec  exactitude  ;  mais 
l'Église  tenait  la  coutume  salutaire  de  corri- 
ger ce  qu'il  y  avait  de  mauvais  dans  les 
scMsmatiques  et  dans  les  hérétiques  ;  et  de 
ne  pas  réitérer  ce  qui  leur  avait  été  donné, 
c'est-à-dire  le  baptême;  et  je  crois  que  cette 
coutume  vient  de  la  tradition  des  apôtres, 
comme  on  croit  avec  fondement,  que  plu- 
sieurs choses  qui  ne  se  trouvent  point  dans 
les  Épitres  des  apôtres,  ni  dans  les  conciles 
qui  ont  depuis  été  tenus ,  et  qui  néanmoins 
s'observent  par  toute  l'Église,  viennent  de 
la  tradition  et  de  l'ordonnance  des  apôtres.» 

Saint  Augustin  fait  voir  ensuite  que  saint 
Cyprien  n'avait  donné  dans  le  sentiment  de 
la  rebaptisation  que  sur  l'autorité  d'Agrip- 
pin,  et  croit  qu'il  ne  l'avait  embl'assée  que 
dans  la  disposition  d'en  suivre  un  meilleur, 
s'il  parvenait  à  le  connaître.  C'est  ce  qu'il 
prouve  par  un  endroit  de  sa  lettre  à  Quintus 
où  il  dit,  en  parlant  de  la  rebaptisation  : 
«  Agrippin,  d'heureuse  mémoire,  l'a  ordon- 
né ainsi  après  une  mûre  délibération  avec 
les  autres  évoques  qui  gouvernaient  alors 
l'Église  de  Notre-Seigneur  dans  la  province 
d'Afrique  et  de  Numidie,  et  nous  avons  suivi 
le  règlement  qu'ils  avaient  fait  en  concile, 
comme  saint,  juste,  salutaire  et  conforme  à 
la  foi  de  l'Église.  Eu  effet,  cette  soumission 
de  saint  Cyprien  aux  décrets  de  ses  prédé- 
cesseurs, montre  bien  que,  s'il  y  avait  eu  sur 
ce  sujet  une  décision  de  l'Église  universelle, 
non-seulement  il  en  aurait  fait  mention, 
mais  il  l'aurait  encore  adoptée.  » 

Saint  Augustin  presse  les  donatistes,  par 


l'exemple  de  la  réunion  qu'ils  avaient  déjà 
faite  avec  les  maximianistes,  de  se  réunir 
eux-mêmes  avec  toute  l'Église,  d'y  ramener 
même  ceux  qu'ils  avaient  rebaptisés,  et  de 
rendre  par  là  la  vie  de  la  charité  à  ceux 
qu'ils  avaient  tués  en  Jes  engageant  dans 
leur  schisme.  Il  remarque  que  la  tradition 
de  l'Église  était  de  n'admettre  personne  à 
l'autel,  qu'il  n'eût  auparavant  reçu  le  bap- 
tême, et  que,  comme  c'était  aussi  l'usage 
d'y  admettre  celui  qui,  après  avoir  été  re- 
baptisé, en  avait  fait  pénitence,  c'était  une 
preuve  que  l'on  ne  doutait  pas  de  la  validité 
de  son  premier  baptême. 

4.  Les  donatistes  s'appuyaient  beaucoup  de 
l'autorité  du  concile  de  Carthage,  assemblé 
dans  la  cause  de  la  rebaptisation  et  de  la  let- 
tre de  saint  Cyprien  à  Jubaïen.  L'examen  de 
ces  deux  pièces  fait:  le  sujet  du  troisième  li- 
vre, où  saint  Augustin  montre  qu'elles  ne 
peuvent  servir  à  prouver  que  l'on  doive  re- 
baptiser les  hérétiques.  En  effet,  après  qu'on 
eut  lu  dans  ce  concile  la  lettre  de  Jubaïen  à 
saint  Cyprien  et  la  réponse  de  saint  Cyprien  à 
Jubaïen  touchant  le  baptême  des  hérétiques, 
saint  Cyprien,  qui  présidait  à  ce  concile,  dit 
aux  évêqTies  qui  étaient  présents  :  «  Ce  qui 
reste  à  faire,  c'est  que  nous  disions  chacun 
notre  avis  là-dessus,  ne  condamnant  per- 
sonne, et  n'excommuniant  personne  pour  ce 
sujet,  quand  il  serait  d'une  autre  opinion. 
Car,  aucun  de  nous  ne  se  constitue  évêque 
des  évêques,  et  ne  prétend  contraindre  ty- 
ranniquement  ses  collègues  à  obéir,  puisque 
tout  évêque  est  libre  de  faire  ce  qu'il  lui 
plaît,  et  ne  peut  non  plus  être  jugé  par  un 
autre  que  juger  les  autres,  n  Saint  Augustin 
remarque  que  saint  Cyprien  non-seulement 
ne  contraignait  personne  à  regarder  comme 
nul  le  baptême  des  hérétiques,  mais  qu'il 
laissait  encore  la  liberté  de  le  croire  bon 
et  valide,  sans  se  séparer  de  communion  de 
ceux  qui  se  trouveraient,  sur  ce  point,  d'un 
sentiment  différent  du  sien.  Le  saint  Doc- 
teur avoue  qu'après  avoir  lu  la  lettre  à  Ju- 
baïen, il  serait  volontiers  entré  dans  le  sen- 
timent de  saint  Cyprien,  s'il  n'en  avait  été 
détourné  par  l'autorité  de  beaucoup  d'autres 
anciens  d'un  égal  ou  même  d'un  plus  profond 
savoir,  soit  latins,  soit  grecs,  soit  de  quel- 
qu 'autre  nation;  non  qu'il  ne  soit  possible 
que,  dans  une  question  aussi  difficile  que  cel- 
le-là, le  petit  nombre  ne  pensât  mieux  que  le 
plus  grand,  mais  parce  qu'il  est  plus  sûr,  eu 
fait  de  religion,  de  s'attacher  au  sentiment 


Analyse  du 
(roîsiÎTiie  I;- 
vre,  pag-.  107. 


38i 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


du  plus  grand  nombre,  qu'à  celui  de  cpiel- 
que  particulier.  Qu'il  avait  trouvé,  ajoute-t- 
il,  dans  les  lettres  mêmes  de  saint  Cyprien, 
de  quoi  s'affermir  dans  la  doctrine  de  l'É- 
glise, qui  tient  que  le  baptême  de  Jésus- 
Clirist  ne  tire  point  son  efficacité  du  mérite 
de  ceux  qui  le  confèrent,  mais  de  celui  dont 
joan.  1, 31.  il  est  écrit  :  C'est  celui-ci  qui  baptise,  c'est-à- 
dire  de  Jésus-Christ. 

Le  passage  que  saint  Augustin  apporte  est 
tiré  de  la  lettre  à  Jubaïen,  où  nous  lisons  : 
Mais,  dira  quelqu'un,  qu'aiTivera-t-il^  de  ceux 
qui,  venant  autrefois  de  l'hérésie  de  l'Eglise,  y 
ont  été  reçus  sans  baptême  ?  Paroles  qui  mon- 
trent assez  que.  la  coutume  de  l'Église,  avant 
l'épiscopat  d'Agrippin,  était  de  recevoir  les 
hérétiques  cpii  se  réunissaient  à  l'Éghse  sans 
les  obliger  à  se  faire  baptiser  de  nouveau.  A 
ce  passage,  saint  Augustin  en  ajoute  plu- 
sieurs autres  tirés  des  souscriptions  du  con- 
cile de  Carthage,  où  les  évêques  reconnais- 
sent, en  termes  formels,  que  le  parti  qu'ils 
y  avaient  pi'is  de  rebaptiser  les  hérétiques, 
était  contraire  à  ce  qui  se  pratiquait  dans 
l'Église  avant  ce  concile. 

11  avoue,  avec  saint  Cyprien,  que  celui  qui 
reçoit  le  baptême  hors  de  la  communion  de 
l'Église,  n'en  reçoit  aucune  grâce,  s'il  est 
uni  de  consentement  aux  hérétiques  ou  aux 
schismatiques,  de  qui  il  le  reçoit,  et  que 
ceux-là  font  mal,  qui  administrent  le  bap- 
tême hors  de  l'Église.  Mais  il  soutient  que 
ce  baptême  est  véritable,  quoique  donné  et 
reçu  illicitement.  Il  convient  aussi  que  saint 
Cyprien  faisait  bien  de  ne  pas  s'arrêter  à  ce 
que  quelqu'un  lui  objectait  que  les  novatiens 
rebaptisaient  ceux  qui  passaient  de  l'Église 
catholique  dans  leur  parti  :  «  Car  il  ne  serait 
pas  juste,  dit-il,  que  les  cathohques  s'abs- 
tinssent de  faire  une  chose  parce  qu'à  leur 
imitation  les  hérétiques  en  font  de  même.» 
Saint  Cyprien,  pour  montrer  qu'en  ordon- 
nant la  rebaptisation,  il  n'avait  rien  ordonné 
de  nouveau,  disait  qu'elle  avait  eu  lieu  dès 
l'épiscopat  d'Agrippin.  D'où  saint  Augustin 
infère  que  cette  pratique  était  nouvelle  du 
moins  dans  le  temps  d'Agrippin.  Il  ne  trouve 
pas  même  qu'elle  ait  été  en  vigueur  univer- 
sellement dans  toute  l'Afrique  ,  autrement 
Jubaïen  n'en  aurait  point  été  troublé  comme 
d'une  nouveauté,  et  les  évêques  du  concile 
de  Carthage  n'auraient  pas  dit  que  la  cou- 
tume devait  céder  à  la  vérité.  Saint  Augus- 
tin examine  ensuite  une  question  qu'il  avait 
déjà  traitée  dans  le  premier  livre,  savoir,  si  le 


baptême  donné  par  les  hérétiques  remet  les 
péchés  :  ((  S'il  les  remet,  dit-il,  ils  sont  con- 
tractés de  nouveau  par  l'obstination  dans  le 
schisme  et  dans  l'hérésie  ;  s'il  ne  les  remet 
pas  à  cause  du  défaut  de  charité,  ceux  qui 
l'ont  reçu  obtiennent  seulement  la  rémission 
de  leui's  péchés,  lorsqu'ils  viennent  à  la  paix 
de  l'Église.  Au  surplus,  la  foi  de  celui  qui 
reçoit  le  baptême  ne  fait  rien  à  son  intégrité, 
c'est-à-dire  à  sa  vérité ,  comme  il  est  fort 
possible  qu'un  homme  sache  de  mémoire 
toutes  les  paroles  du  Symbole,  quoiqu'il  soit 
dans  l'errem'  sur  plusieurs  articles,  par  exem- 
ple sur  la  Trinité  ou  sur  la  résurrection.  Mê- 
me pour  la  vérité  du  sacrement,  ni  la  foi  ni 
les  bonnes  mœurs  ne  sont  pas  nécessaires 
dans  celui  qui  le  confère  :  il  suffit  que  le  bap- 
tême soit  donné  par  les  paroles  de  l'Évan- 
gile, au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint- 
Esprit,  quelque  mauvais  sens  que  leur  domre 
celui  qui  baptise  ou  celui  qui  est  baptisé.  » 
C'est  pourquoi  le  saint  Docteur  reconnaît 
pour  valide  le  baptême  conféré  par  Marcion, 
par  Yalentin,  par  Arius  et  par  beaucoup 
d'autres  hérétiques,  posant  pour  principe 
que  les  sacrements  qui  se  confèrent  de  la 
même  manière  ont  partout  leur  intégrité, 
nonobstant  les  mauvais  sentiments  et  le  dé- 
faut de  charité  dans  les  ministres,  comme 
l'éci-ilure  de  l'Évangile,  si  elle  n'est  point  al- 
térée, est  entière  partout,  quoiqu'on  la  fasse 
servir  à  appuyer  diverses  erreurs. 

5.  Dans  le  quatrième  livre,  saint  Augus- 
tin répond  aux  raisons  c[ue  saint  Cyprien  al- 
léguait contre  le  baptême  des  hérétiques. 
Selon  ce  Père,  l'Église  est  comme  le  para- 
dis où  il  n'y  a  que  des  arbres  qui  portent 
de  bons  fruits;  l'eau  sainte,  fidèle  et  sa- 
lutaire de  l'Église,  ne  peut  être  cori'ompue 
non  plus  que  l'Église  même  qui  demeure 
toujours  chaste  et  incorruptible  :  d'où  il  in- 
férait la  nullité  du  baptême  des  hérétiques. 
Saint  Augustin  convient  de  la  comparaison 
de  l'Église  avec  le  paradis  terrestre  :  mais  il 
remarque  que  les  fleuves  qui  en  arrosaient 
les  arbres,  répandaient  aussi  leurs  eaux  au 
dehoi'S.  11  ne  veut  pas  néanmoins  qu'on  in- 
fère de  là  que  la  félicité  de  la  vie  qui  se 
trouvait  dans  le  paradis,  se  soit  trouvée  aussi 
partout  ailleurs  où  ces  fleuves  coulaient  ; 
mais  cette  comparaison,  et  ce  que  saint  Cy- 
prien disait  de  l'eau  salutaire  de  l'Église,  ne 
faisait  l'ien  à  la  question  ;  saint  Cyprien  mê- 
me, en  reconnaissant  dans  plusieurs  de  ses 
lettres,  que  les  avares,  les  lavisseurs  et  les 


quatrième   I 


[IV'  ET  y  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

autres  méchants  sont  dans  l'Église,  ne  pou- 
vait doutei'  que  le  baptême  qu'ils  donnaient 
ou  qu'ils  recevaient  ne  fiît  bon.  L'eau  de 
l'Église,  quoique  sainte,  n'est  salutaire  qu'à 
ceux  qui  en  usent  bien,  et  elle  est  inutile 
à  ceux  qui  en  usent  mal,  soit  qu'ils  soient 
dedans  ou  dehors  de  l'Église.  Un  homme 
baptisé  dans  l'hérésie,  disait  saint  Cyprien, 
ne  devient  point  le  temple  de  Dieu.  «  S'en- 
suit-il, répond  saint  Augustin,  qu'on  ne  doi- 
ve pas  le  regarder  comme  baptisé  ?  Un  avare 
cpji  a  reçu  le  baptême  dans  l'Église  catholi- 
que, n'est  pas  non  plus  le  temple  de  Dieu, 
s'il  ne  quitte  son  avarice.  »  C'est  en  vain, 
ajoutait  saint  Cyprien,  que  quelques-uns  ne 
pouvant  l'ésister  à  la  raison,  nous  opposent 
la  coutume,  comme  si  la  coutume  était  plus 
considérable  que  la  vérité.  «  Non,  dit  saint 
Augustin,  on  ne  doit  point  préférer  la  cou- 
tume à  la  vérité  ;  mais  lorsque  la  vérité  ap- 
puie et  confii'me  la  coutume,  il  n'y  a  rien  à 
quoi  on  ne  doive  s'attacher  avec  plus  de  fer- 
meté. »  Saint  Cyprien  disait  encore  :  «Qu'on 
n'allègue  point  pom-  se  justifier,  la  tradition 
des  apôtres,  puisqu'ils  ne  nous  ont  laissé 
qu'une  Église  et  qu'un  baptême  qui  n'est 
que  dans  cette  Église.  »  Saint  Augustin  ré- 
pond :  «  La  coutume  de  ne  point  rebaptiser 
les  hérétiques  était  regardée  comme  venant 
des  apôtres,  non-seulement  par  les  évèques 
qui  vivaient  avant  saint  Cyprien,  et  de  son 
temps ,  mais  encore  elle  a  été  jugée  telle 
depuis  par  l'autoriié  d'un  concile  plénier.  » 
Sur  quoi  il  fait  ce  raisonnement  :  «  Ce  que 
la  coutume  de  l'Eglise  a  tenu  dans  tous  les 
temps  ;  ce  que  la  dispute  sur  le  baptême  n'a 
pu  empêcher  d'être  observé  ;  ce  qui  a  été 
autorisé  par  un  concile  plénier;  ce  qui,  après 
avoir  été  examiné  de  part  et  d'autre,  et 
pesé  par  les  raisons  et  par  les  témoignages 
de  l'Écriture,  a  été  trouvé  vrai,  c'est  là  le 
sentiment  cpie  nous  suivons.  »  Il  répète  ce 
qu'il  avait  déjà  dit  plus  haut,  que  dans  la 
question  du  baptême,  il  ne  faut  pas  faire 
attention  à  celui  qui  donne,  ni  à  celui  qui 
reçoit,  mais  à  ce  qu'on  donne,  à  ce  qu'on 
reçoit,  ou  à  la  manière  dont  on  le  possède, 
savoir  si  c'est  utilement  ou  inutilement  ;  ce 
qu'il  montre  de  nouveau  par  l'exemple  des 
méchants,  qui,  de  l'aveu  de  saint  Cyprien, 
peuvent  recevoir,  conserver  et  donner  le 
baptême,  et  par  l'exemple  de  ceux  qui  étant 
dans  l'Église  catholique,  combattent  contre 
elle  en  vivant  mal.  «  Mais,  ajoutait  saint  Cy- 
prien, ne  trouvons-nous  pas  dans  les  Épîtres 
IX. 


ÉVÊQOE  D'HIPPONE.  385 

des  apôtres,  qu'ils  avaient  les  hérétiques  en 
horreur,  et  qu'ils  disaient  de  leur  discours  : 
//  gagne  comme  un  chancre?  Comment  donc 
les  hérétiques  peuvent-ils  donner  la  rémis- 
sion des  péchés,  ne  pouvant  y  avoir  rien  de 
commun  entre  la  justice  et  l'iniquité,  entre 
la  lumière  et  les  ténèbres?»  Saint  Augustin 
répond  :  «  Les  apôtres  ont  tenu  de  semblables 
discours  touchant  les  voluptueux  et  les  avares, 
qu'ils  reconnaissaient  cependant  être  dans 
rÉghse,  comme  on  le  voit  par  la  première 
Epître  aux  Corinthiens.  Ceux  que  l'Apôtre 
reprenait  dans  le  passage  cité  par  saint  Cy- 
prien étaient  regardés  par  le  même  Apôtie 
comme  des  vases  de  la  grande  maison,  c'est- 
à-dire  de  l'Église.  »  Le  baptême  donné  par 
les  paroles  évangéhques  est  bou,  en  quelque 
manière  que  les  entende  celui  qui  baptise, 
ou  qui  est  baptisé.  Le  saint  Docteur  appelle 
un  homme  véritablement  hérétique ,  celui 
qui,  après  avoir  entendu  la  doctrine  de  l'É- 
glise catholique,  aime  mieux  y  résister  que 
de  s'y  soumettre,  et  se  résout  avec  choix  de 
demeurer  dans  sa  croyance.  Saint  Cyprien 
disait  :  «  Le  baptême  peut-il  avoir  plus  de 
force  et  de  vertu  que  la  confession  et  le  mar- 
tyre ?  Cependant,  cette  sorte  de  baptême  ne 
sert  de  rien  à  un  hérétique  pour  le  sauver, 
lorsqu'il  soutire  le  martyre  hors  de  l'Église,  n 
Saint  Augustin  répond  :  «  S'il  ne  sert  de 
rien  à  un  hérétique  de  souffrir  le  martyre, 
c'est  parce  que  le  martyre  est  inutile  sans 
la  charité  ;  il  ne  profite  pas  même  à  ceux 
qui  sont  dans  l'Église  sans  charité,  quoique 
le  baptême  qu'ils  donnent  soit  bon,  selon 
saint  Cyprien.  Tout  ce  qui  appartient  donc 
à  l'Église  ne  profite  pas  pour  le  salut  à  ceux 
qui  sont  hors  de  l'Église  ;  mais  c'est  autre 
chose  de  n'avoir  pas  ce  qui  est  d'elle,  et 
autre  chose  de  ne  l'avoir  pas  utilement.  Ce- 
lui qui  ne  l'a  pas,  doit  être  baptisé,  afin 
qu'il  l'ait  :  celui  qui  ne  l'a  pas  utilement, 
doit  se  corriger,  pour  qu'il  l'ait  utilement. 
Et  on  ne  peut  pas  dire  que  l'eau  employée 
dans  le  baptême  des  hérétiques  soit  adul- 
tère, parce  que  la  créature  de  Dieu  n'est 
point  mauvaise,  et  que  les  paroles  évangé- 
liques  n'ont  rien  de  répréhensible  dans  la 
bouche  de  ceux-là  mêmes  qui  sont  dans  l'er- 
reur ;  on  ne  doit  reprendre  que  l'erreur  qui 
rend  leur  âme  adultère.  Ainsi  rien  n'empê- 
che que  le  baptême  ne  nous  soit  commun 
avec  les  hérétiques,  avec  qui  l'Évangile  nous 
peut  être  commun,  quoiqu'il  y  ait  une  diffé- 
rence entre  notre  foi  et  leur  erreur.  » 

23 


I  Cor.  I,  32 

El   n. 


386 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Analyse  du 
cinquième  li- 
vre, pag.  141. 


Selon  saint  Augustin,  non-seulement  le 
martyre  que  l'on  souffre  pour  le  nom  de 
Jésus-Christ  peut  suppléer  au  défaut  du  bap- 
tême ;  mais  la  foi  même  et  la  conversion  du 
cœur  y  peuvent  suppléer  aussi,  lorsque  la 
nécessité  du  temps  ne  permet  pas  de  célébrer 
le  mystère  du  baptême.  C'était  une  tradi- 
tion dans  toute  l'Église,  que  les  enfants  pou- 
vaient être  baptisés.  Comme  on  aurait  pu 
lui  demander  ce  qu'il  entendait  par  une 
tradition  apostolique,  il  la  définit  ainsi  :  «  Ce 
que  toute  l'Église  tient,  et  ce  que  l'on  ne 
voit  point  avoir  été  établi  par  aucun  concile, 
mais  ce  qui  toujours  y  a  été  observé,  c'est 
avec  grande  raison  que  l'on  croit  que  cela 
ne  vient  que  de  la  tradition  apostolique.  )) 
Il  prouve  par  le  baptême  des  enfants,  que  la 
validité  de  ce  sacrement  ne  dépend  d'aucune 
disposition  intérieure.  «  Car  aucun  chrétien, 
dit-il,  ne  dira  que  leur  baptême  soit  inutile, 
ni  qu'il  ne  sauve  pas  les  enfants  qui  meu- 
rent avant  que  de  pouvoir  croire,  et  faire  de 
bonnes  œuvres.  Au  contraire,  la  foi  seule  et 
la  charité  sauvent  celui  qui  ne  peut  recevoir 
le  baptême,  comme  le  bon  larron.  Mais  la 
vertu  seule  ne  suffit  pas  ^à  celui  qui  peut 
être  baptisé,  parce  que  le  mépris  du  bap- 
tême marquerait  que  sa  conversion  ne  serait 
pas  sincère.  De  même  le  baptême  seul  ne 
suffit  pas  à  celui  qui  est  en  âge  de  pratiquer 
la  vertu.  »  Saint  Augustin  dit  ici  plusieurs 
fois  que  le  bon  larron  fut  sauvé  sans  avoir 
reçu  le  baptême;  mais  dans  ses  Rétracta- 
tions, il  marque  que  ce  fait  était  incertain. 

6.  Il  examine,  dans  le  cinquième  livre,  la 
dernière  partie  de  la  lettre  de  saint  Cy- 
prien  à  Jubaïen,  celle  que  le  même  évêque 
écrivit  à  Quiutus,  l'Épitre  synodique  aux  évê- 
ques  de  Numidie,  et  une  autre  à  Pompéius. 
«  Mais  quelqu'un  dira  peut-être  (c'est  saint 
Cyprien  qui  parle) ,  que  deviendront  donc 
ceux  qui,  ayant  quitté  les  hérétiques  ont  été 
reçus  ci-devant  dans  l'Égiise  sans  y  avoir 
été  baptisés?  »  Saint  Augustin  trouve  dans 
ces  paroles  de  quoi  mettre  les  donatistes 
hors  d'état  de  répondre.  «  Car,  dit-il,  si  ceux 
qui  viennent  de  l'hérésie  à  l'Église  n'ont  pas 
un  vrai  baptême,  il  s'ensuivi'ait  de  deux 
choses  l'une ,  ou  que  l'Église,  souillée  par  la 
communication  de  ces  hérétiques  non  bap- 
tisés ,  avait  péri  dès  avant  l'épiscopat  de 
saint  Cyprien,  ou  qu'elle  n'avait  reçu  au- 
cune tache  en  communiquant  avec  eux.  Les 
donatistes  ne  pouvaient  pas  dire  que  l'Eglise 
avait  péri   alors ,  puisque   dans  l'intervalle 


qui  s'écoula  entre  la  mort  de  ce  saint 
évêque,  et  l'édit  qui  ordonna  de  brûler  les 
saintes  Écritures ,  ils  se  séparèrent  pour 
faire  schisme.  Et,  en  avouant  que  la  commu- 
nion des  méchants  ne  souille  point  l'Église  , 
il  fallait  aussi  qu'ils  avouassent  que  c'était 
sans  raison  qu'ils  s'en  étaient  séparés.  »  11 
répond  ensuite  à  l'objection  que  se  fait  saint 
Cyprien  ,  par  la  solution  que  ce  Père  y  fait 
lui-même  en  ces  termes  :  «  Dieu  est  puissant 
pour  leur  faire  miséricorde ,  et  leur  pardon- 
ner leurs  péchés  :  et  ceux  qui  ayant  ainsi 
été  reçus  simplement  dans  l'Église ,  y  sont 
morts,  ne  seront  pas  privés  des  grâces  que 
Dieu  a  accordées  à  leur  mère ,  c'est-à-dire  à 
l'Église.  Si  les  hérétiques  voient,  ajoute 
saint  Cyprien ,  que  nous  confirmions  et  au- 
torisions leur  baptême  ,  ils  croiront  aussi 
avoir  l'Église  parmi  eux  ,  et  posséder  juste- 
ment et  légitimement  les  autres  grâces  qui 
lui  ont  été  faites.  »  Saint  Augustin  remar- 
que que  cet  endroit  de  saint  Cyprien  ne 
pouvait  servir  aux  donatistes,  parce  qu'il  ne 
dit  pas  ,  que  les  hérétiques  cvoivoni posséder 
les  grâces  faites  à  l'Église  ;  mais  qu'ils  les 
posséderont  justement  et  légitimement .  «  Or,  dit 
saint  Augustin .  nous  n'accordons  pas  aux 
hérétiques  qu'ils  possèdent  justement  et  lé- 
gitimement le  baptême ,  quoique  nous  ne 
puissions  pas  nier  qu'ils  ne  le  possèdent ,  et 
que  ceux-mêmes  qui  sont  dans  l'Église  et 
qui  vivent  mal,  ne  le  possèdent  pas  légitime- 
ment ,  parce  qu'ils  n'en  n'usent  pas  comme 
il  faut.  Le  baptême  des  hérétiques  est  donc 
bon  ,  mais  il  leur  est  inutile  pour  le  salut.  » 
Saint  Augustin  en  fait  ici  la  comparaison  avec 
l'Eucharistie.  «Celui,  dit -il,  qui  reçoit  in- 
dignement ce  sacrement  du  Seignem-,  ne  fait 
pas,  à  cause  qu'il  est  mauvais  lui-même,  que 
le  sacrement  le  soit  aussi  ;  ni  qu'il  n'ait  rien 
reçu,  parce  qu'il  ne  l'a  pas  reçu  pour  son 
salut ,  car  le  corps  et  le  sang  de  Notre- 
Seigneur  ne  laissent  pas  d'être  aussi  à  l'é- 
gard de  ceux  dont  l'Apôtre  dit  qu'en  le  man- 
geant indignement,  ils  mangent, leur  con- 
damnation. » 

Il  passe  ensuite  à  ce  que  saint  Cyprien  di- 
sait du  baptême  de  saint  Jean  :  Les  héré- 
tiques ne  refuseront  pas  d'être  baptisés  parmi 
nous,  lorsqu'ils  auront  appris  de  nous  que  ceux 
qui  avaient  déjà  reçu  le  baptême  de  saint  Jean, 
ne  laissèrent  pas  d'être  baptisés  par  saint  Paul, 
comme  nom  le  lisons  dans  les  Actes  des  apôtres. 
((  C'est,  reprend  saint  Augustin,  que  le  bap- 
tême de  saint  Jean  n'était  pas  le  baptême 


[IV^  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,   ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


387 


de  Jésus-Christ,  mais  de  saint  Jean;  au  con- 
traire, le  baptême  que  les  apôtres  ont  donné 
et  que  donnent  leurs  successeurs  ,  n'est  pas 
leur  baptême  ,  mais  le  baptême  de  Jésus- 
Christ.  Le  baptême  de  saint  Jean  n'a  été  que 
pour  faire  paraître  l'humilité  de  Jésus-Christ 
en  le  recevant  ;  il  a  fallu  néanmoins  que 
d'autres  le  reçussent ,  de  peur  que  si  Jésus- 
Christ  l'eût  reçu  seid,  on  ne  se  fût  imaginé 
que  ce  baptême  était  plus  excellent  que  le 
sien,  qui  est  donné  indifféremment  à  tout  le 
monde.  » 

Saint  Augustin  ajoute  qu'il  ne  fallait  pas 
aussi  que  tout  le  monde  reçût  celui  de  saint 
Jean ,  de  peur  que  le  baptême  de  ■  Jésus- 
Christ  ne  semblât  pas  suffire  pour  le  sa- 
lut ;  si  saint  Paul  a  rebaptisé  après  saint 
Jean,  cela  fait  voir  que  le  baptême  de  saint 
Jean  lui  était  personnel,  au  lieu  que  celui 
de  Jésus-Christ  est  indépendant  des  qua- 
lités de  la  personne  qui  le  confère.  Il  té- 
moigne son  étonnement  de  ce  que  saint  Cy- 
prien  dit  dans  la  même  lettre  à  Jubaïen , 
que  le  baptême  et  l'Église  ne  peuvent  être  sé- 
parés, puisque,  de  l'aveu  même  de  saint  Cy- 
prien,  il  est  certain  que  ceux  qui  ont  été 
baptisés  dans  l'Église  et  qui  s'en  séparent, 
ne  perdent  point -le  ai-  baptême  ,  mais  qu'ils 
le  portent  hors  de  l'Église  avec  eux,  et  qu'il 
en  est  séparé  comme  eux.  Les  dernières  pa- 
roles de  la  lettre  à  Jubaïen,  qui  ne  respirent 
que  la  paix,  l'amour  fraternel  et  la  douceur 
de  la  charité,  donnent  lieu  à  saint  Augustin 
de  s'étendre  sur  les  louanges  de  saint  Cy- 
prien;  et  comme  il  ne  doutait  pas  que  le 
martyre  ne  l'eût  mis  dans  la  gloire,  il  té- 
moigne une  grande  confiance  en  ses  prières. 
Il  remarque  que  Dieu  a  permis  l'eiTeur  de 
ce  saint  par  une  grande  miséricorde  pour 
les  hommes ,  à  qui  il  est  utile  pour  les  hu- 
miUer  et  lem'  faire  davantage  respecter  l'É- 
crilure-Sainte  ,  qu'il  y  ait  quelque  chose  à 
reprendre  dans  les  ouvrages  des  orateurs 
chrétiens  les  plus  pieux  et  les  plus  savants, 
pendant  que  ceux  de  quelques  pauvres  pê- 
cheurs dont  il  s'est  servi  pour  pubher  son 
Évangile,  sont  sans  faute,  sans  erreur,  et 
entièrement  irrépréhensibles. 

7.  La  suite  du  cinquième  livre  est  em- 
ployée à  l'examen  de  quelques  autres  lettres 
de  saint  Cyprien,  et  des  raisons  qu'il  y  em- 
ployait pour  soutenir  la  nullité  du  baptême 
des  hérétiques.  Saint  Aug-ustin  y  fait  voir 
que  Dieu  sanctifie  par  le  ministère  des  mé- 
chants, comme  par  celui  des  bons,  parce 


que  c'est  lui  qui  agit  dans  les  uns  et  dans 
les  autres,  et  que  les  sacrements  de  Dieu  et 
les  paroles  dont  on  se  sert  pour  les  adminis- 
trer, n'ont  rien  que  de  bon,  en  quelque  en- 
droit que  ce  soit.  «  L'hérétique  ,  selon  vous, 
dit-il  aux  donatistes,  n'a  point  de  baptême, 
parce  qu'il  n'est  pas  dans  la  véritable  Éghse, 
quoiqu'il  proteste  que  c'est  par  le  moyen  de 
cette  Église  qu'il  attend  la  rémission  de  ses 
péchés.  Mais  ne  croit-il  pas  au  moins  être 
dans  la  véritable  Église,  et  n'est-ce  pas  de  la 
véritable  Église,  de  l'Église  de  Jésus-Christ, 
qu'il  attend  cette  grâce,  quoiqu'il  se  trompe 
en  attribuant  à  sa  secte  ce   qui  ne  lui  con- 
vient pas  ?  Dieu  n'est-il  pas  toujours  présent 
à  ses  sacrements,  et  aux  paroles  qu'il  a  éta- 
blies pour  les  conférer,  sans  que  la  méchan- 
ceté-des  hommes  y  puisse  mettre  un  obsta- 
cle, sinon  que  ces  sacrements  ne  leur  profi- 
teront de  rien  pour  leur  salut  éternel  ?  Si  on 
demande  au  catéchumène  :   Croyez-vous  la 
rémission  des  péchés  par  la  sainte  Eglise?  on 
lui  demande  encore   :  Ne  renoncez-voits  pas 
aussi  au  siècle  et  à  ses  pompes?  Supposons 
donc  qu'un  catéchumène  réponde  oui  à  cette 
dernière  interrogation ,  quoiqu'il  soit  résolu 
de  persévérer  dans  ses  mauvaises  habitudes, 
le   mensonge   qu'il   fait  rendra-t-il  nul  son 
baptême  ?  et  lorsqu'il  viendra  â  se  corriger, 
faudra-t-il  le  rebaptiser  ?  Non,  sans  doute.  Il 
en  est  de  même  de  celui  qui,  par  un  men- 
songe a  faussement  attribué  à  sa  secte  le 
nom  et  la  qualité  d'Éghse.  On  lui  donnera 
ce  qu'il  n'avait  pas,  je  veux  dire  l'Église  ; 
mais  on  ne  réitérera  pas  ce  qu'il  avait  reçu, 
c'est-à-dire  le  baptême.  Vous  dites  que  Dieu 
n'exauce  point  les  pécheurs  ;  que  personne 
ne  peut  donner  ce  qu'il  n'a  pas  ;  que  les  hé- 
rétiques, n'ayant  point   le  Saint-Esprit,   ne 
peuvent  le  conférer;  que  n'ayant  point  d'au- 
tel ,   ils  ne  peuvent  consacrer  de  chrême  ; 
mais  faites-Tous  réflexion  qu'on  peut  vous 
faire  les  mêmes  objections?  Celui  qui  hait  son 
frère,  dit  l'Écriture,  est  im  homicide:  et,  de 
votre  propre  aveu ,  vous  avez   parmi  vous 
plusieurs  homicides   de  cette  nature.  Dieu 
n'exaucera   donc  point  les  prières  que  ces 
mauvais  ministres  feront  sur  l'eau  du  bap- 
tême, sur  le  chrême  et  sur  la  matière  des 
autres  sacrements  ;  ils  ne  pourront  donner 
le  Saint-Esprit  qu'ils  ont  chassé  de  leurs 
cœurs.   Comme  donc  vous  êtes  obligés  de 
dire,  que  Dieu  ne  laisse  pas  de  se  servir  des 
paroles  de  cet  homicide  pour  sanctifier  l'eau 
et  l'huile,  et  pour  remettre  les  péchés,  sans 


388 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


que  l'indignité  de  ce  méchant  homme  l'en 
empêche  :  vous  devez  avouer  la  même 
chose  de  celui  qui  est  dans  l'erreur,  si  ce 
n'est  qu'on  veuille  dire,  qu'un  morceau  de 
bois,  c'est-à-dire  un  autel,  car  on  ne  les  fai- 
sait alors  que  de  bois ,  posé  malicieuse- 
ment hors  du  lieu  où  il  doit  être ,  soit  un 
plus  grand  obstacle  à  la  puissance  de  Dieu, 
qu'un  cœur  perverti  et  corrompu.  Il  faut  re- 
baptiser l'hérétique,  dites-vous,  et  le  renou- 
veler lorsqu'il  vient  à  l'Église ,  afin  qu'il  soit 
sanctifié  par  les  saints.  Mais  si  malheureuse- 
ment le  prêtre  qui  le  baptisera  n'est  pas 
saint  ;  si  c'est  un  homme  plein  d'envie  et  de 
jalousie  contre  ses  frères,  le  baptême  qu'il 
lui  donnera  sera  donc  nul  aussi?  Vous  objec- 
tez qu'il  n'y  a  qu'un  baptême,  cela  est  vrai  ; 
mais  comme  il  n'y  a  qu'un  baptême,  il  n'y  a 
aussi  qu'un  Esprit  et  une  Église.  Comme 
donc  dans  l'Église  catholique ,  le  juste  et 
le  péchem-  n'ont  qu'un  baptême,  quoiqu'ils 
n'aient  pas  le  même  esprit  ;  ainsi  l'hérétique 
et  le  catholique  n'ont  qu'un  baptême,  quoi- 
qu'ils n'aient  pas  la  même  Église.  » 

Saint  Augustin  conclut  de  tout  cela,  que 
Dieu  donne  le  sacrement  de  sa  grâce  par  les 
méchants  mêmes ,  quoiqu'il  ne  donne  la 
grâce  que  par  lui-même,  ou  par  ses  saints 
ministres  qui  appartiennent  à  la  Colombe, 
dont  ils  sont  les  membres.  Il  convient  avec 
saint  Cyprien  que  les  hérétiques  ne  peuvent 
remettre  les  péchés,  mais  il  nie  qu'ils  ne 
puissent  donner  le  baptême.  «  Il  est  vrai, 
ajoute-t-il,  que  ce  baptême  ne  servira  que 
pour  la  perte  et  la  confusion  de  ceux  qui  le 
donnent,  de  même  que  de  ceux  qui  le  re- 
çoivent, à  cause  des  mauvaises  dispositions 
où  ils  se  trouvent,  et  de  l'abus  qu'ils  font  des 
dons  de  Dieu.  Mais  comme,  dans  l'Église,  ni 
l'indignité  du  ministre,  ni  les  mauvaises  dis- 
positions du  catéchumène,  n'empêchent  pas 
que  celui-là  ne  donne,  et  que  celui-ci  ne  re- 
çoive véritablement  le  baptême  ,  quoiqu'il 
ne  leur  serve  de  rien  pour  la  rémission  de 
leurs  péchés;  il  en  est  de  même  du  baptême 
des  hérétiques.  »  Il  dit  ensuite  que  le  pape 
Etienne,  non-seulement  ne  donna  point  dans 
le  sentiment  de  saint  Cyprien,  mais  qu'il  le 
combattit  par  écrit,  s'appuyant  dans  le  sien 
sur  la  tradition  des  apôtres,  qui  est,  dit-il, 
une  règle  très-certaine  de  connaître  la  vé- 
rité. La  raison  que  saint  Augustin  rend  de 
l'imposition  des  mains  que  l'on  faisait  aux 
hérétiques  lorsqu'ils  revenaient  à  l']']glise, 
est  qu'il  était  besoin  de  faire  connaître  qu'ils 


n'étaient  pas  exempts  de  fautes,  et  de  leur 
conférer  le  don  de  la  charité,  sans  laquelle 
tout  ce  qu'il  y  a  de  saint  dans  l'homme  ne 
lui  profite  pas  pour  le  salut. 

Ensuite  il  explique  en  queUe  manière  l'ar- 
che de  Noé  a  été  la  figure  de  l'Église  et  du 
baptême  au  miheu  de  l'eau.  «  Elle  était  la 
figure  de  l'Église  par  son  unité,  et  parce 
que,  comme  personne  ne  fut  sauvé  que  ceux 
qui  étaient  dans  l'arche,  de  même  nul  n'est 
sauvé  qu'il  ne  soit  dans  l'Église.  Elle  était 
la  figure  du  baptême,  à  cause  que  ceux  qpii 
furent  sauvés  dans  l'arche,  ne  le  furent  que 
par  l'eau,  comme  personne  n'est  sauvé  que 
par  l'eau  du  baptême.  Mais  comme  ce  fut  la 
même  eau  qui  sauva  ceux  qui  étaient  dans 
l'arche,  et  qui  fit  mourir  ceux  qui  étaient 
dehors  ;  c'est  aussi  par  le  même  baptême 
que  sont  sauvés  les  bons  catholiques  et  que 
périssent  les  mauvais  catholiques  ou  les  hé- 
rétiques ;  non  que  le  baptême  soit  mauvais 
dans  ceux-ci,  mais  parce  qu'ils  le  reçoivent 
mal.  »  Il  s'était  objecté  auparavant  ce  qu'on 
lit  de  l'Égfise  dans  le  Cantique  des  Canti- 
ques, qu'elle  est  un  jardin  fermé,  la  fontaine 
scellée,  et  la  source  d'eau  vive.  Mais  il  ne  croit 
devoir  lui  appliquer  ces  qualités,  qu'en  tant 
qu'elle  est  dans  les  justes  et  dans  les  saints, 
et  non  en  tant  qu'elle  est  dans,  les  avares,  les 
trompem^s,  les  ravisseurs  du  bien  d'autrui,  les 
usiu'iers,  les  ivrognes,  les  envieux,  que  saint 
Cyprien  reconnaît  avoir  été  mêlés  de  son 
temps  dans  l'Éghse  avec  les  bons,  parce  qu'ils 
ont  le  baptême  commun  avec  eux,  et  non  la 
charité.  En  tant  donc  que  l'Église  est  le  lis  au 
milieu  des  épines,  elle  est  seulement  dans 
les  justes  qui  sont  juifs  en  secret  par  la  cir- 
concision du  cœur.  Car  toute  la  beauté  de  la 
fille  du  roi  est  au  dedans.  Et  entre  ceux-là 
est  le  nombre  des  saints  qui  est  arrêté  avant 
la  création  du  monde.  C'est  d'eux  qu'il  est 
dit  que  le  Seigneur  connaît  ceux  qui  sont  à 
lui. 

Saint  Augustin  dit  qu'il  y  en  a  qui,  étant 
encore  charnels,  travaillent  à  devenir  spiri- 
tuels, que  l'on  doit  mettre  de  ce  nombre;  et 
d'autres  encore  qui  semblent  être  dehors , 
parce  qu'ils  sont  encore  engagés  dans  quel- 
que secte  d'hérétiques  ou  dans  la  fausse  re- 
ligion des  païens,  ou  qui  sont  déréglés  dans 
leur  vie  ;  mais  qui  sont  néanmoins  dedans 
dans  le  regard  ineflable  de  la  prescience  de 
Dieu,  qui  connaît  ceux  qui  sont  à  lui. 

8.  Le  sixième  et  septième  livre  du  bap- 
tême   renferme  les  réponses  de  saint  Au- 


[IV«  ET  V°  SIÈCLES.] 

gustin  à  toutes  les  raisons  que  les  évèques 
du  concile  de  Garlhage,  où  la  rebaptisa ti on 
fut  ordonnée ,  alléguèrent  pour  la  soutenir, 
et  aux  passages  de  l'Écriture  dont  ils  s'ap- 
puyèrent. Si  saint  Gyprien  se  fut  trouvé  seul 
dans  son  opinion,  et  qu'il  n'eût  eu  personne 
de  son  côté,  on  aurait  pu  dire,  qu'il  n'avait 
osé  entreprendre  de  faire  un  sctiisme ,  et  de 
former  un  parti,  de  peur  de  se  voir  aban- 
donné de  tout  le  monde.  «  Mais  avoir,   dit 
saint   Augustin ,    un    si   grand    nombre    de 
saints  prélats  dans  sa  croyance  ;  voir  tant 
d'Églises,  tant  de  provinces,  tant  de  peu- 
ples suivre  son  sentiment,  et  demeurer  néan- 
moins toujours  uni  avec  ceux  qui  en  avaient 
un  contraire,  c'est  montrer  que  ce  n'est  pas 
la  crainte  d'être  seul  de  son  parti,  mais  un 
sincère  et  constant  amour  de  la  paix,  qui  lui 
a   fait  garder  inviolablement  le  sacré   lien 
de  l'imité  avec  toute  l'Église  catholique.  Au 
reste  les  raisons  de  ces  évêques  reviennent 
à  celles  que  saint  Gyprien  avait  données  lui- 
même.  Ils  soutiennent  que  le  baptême  ne 
peut  être  chez  ceux  qui  ont   abandonné  l'É- 
glise, conformément  à  cette  parole  de  Jéré- 
mie   :  Ils  m'ont  abandonné,  moi,  qui  suis  la 
source  d'eau  vive,  et  se  sont  creusé  des  citernes 
rompues  qui  ne  peuvent  contenir  de  l'eau;  qu'é- 
tant nécessaire  de  purifier  l'eau ,  et  de  la 
sanctifier  avant  que  de  l'employer  au  bap- 
tême, cela  ne  pouvait  se  faire  chez  les  héré- 
tiques, qui  sont  impurs,  et  en  qui  le  Saint- 
Esprit  n'habite  point  ;  que  la  rémission  des 
péchés  ne  pouvait  se  donner  que  dans  l'É- 
glise, et  non  par  les  hérétiques  qui  en  sont 
dehors  ;  qu'il  n'était  pas  permis ,   selon  le 
Prophète,  d'oindre  sa  tête    par   l'huile  du 
pécheur,   c'est-à-dire  que  les  hérétiques 
n'ayant  ni  autel,  ni  église ,  ils  n'étaient  pas 
en  droit  de  consacrer  le  chrême  dont  on  se 
servait  dans  le  baptême  ;  enfin  que  les  hé- 
rétiques, n'ayant  point  le  Saint-Esprit,  ne 
pouvaient  le  conférer  à  d'autres,  personne 
ne  donnant  et  ne  pouvant  donner  ce  qu'il 
n'a  pas.  » 

Saint  Augustin  répond ,  que  toutes  ces 
objections  sont  également  contre  les  mau- 
vais catholiques,  à  qui  toutefois  ces  évêques 
ne  contestaient  pas  le  pouvoir  de  conférer 
le  baptême  ;  et  il  répète  ce  qu'il  avait  déjà 
dit  si  souvent,  que  la  vérité  du 'Sacrement 
ne  dépend  ni  de  la  foi,  ni  des  bonnes  mœurs 
de  ceux  qui  le  donnent  ou  qui  le  reçoivent  ; 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


389 


mais  que  l'im  et  l'autre  sont  nécessaires 
pour  l'eflet  et  l'utilité  du  sacrement.  Il  in- 
voque saint  Gyprien  régnant  dans  le  ciel,  . 
pour  imiter  ses  vertus  et  résister  aux  héré- 
tiques et  aux  schismatiques,  qui  voulaient 
■  abuser  de  ses  écrits  :  et  dit  à  ceux-ci  :  «  Si 
c'est  un  sacrilège  et  une  prévarication  de 
recevoir  les  hérétiques  sans  les  baptiser , 
toute  l'Égfise,  avant  Agrippin,  était  tombée 
dans  la  prévarication  ,  c'est-à-dire  qu'il  n'y 
avait  plus  d'Église.  »  Saint  Gyprien  lui-même 
n'aura  point  trouvé  d'Église  avec  qui  il  pût 
s'unir  dé  communion.  Mais,  si  la  réception 
de  ces  hérétiques  n'a  pas  été  une  cause  de 
sépai-ation,  on  peut  donc  communiquer  avec 
les  pécheurs;  et  les  donatistes  ont  tort  de 
reprocher  aux  catholiques  les  prétendus 
crimes  de  Gécihen ,  et  d'en  faire  le  fonde- 
ment de  leur  schisme.  Saint  Augustin  re- 
marque, lorsqu'il  fut  dit,  dans  le  concile  de 
Garthage,  que  tout  évêque  est  libre  de  faire 
ce  qu'il  lui  plaît ,  cela  ne  doit  s'enlendre 
que  pour  les  questions  qui  ne  sont  pas  en- 
core parfaitement  éclaircies. 

§  ni. 

Des  trois  livres  contre  les  lettres  de  Pétilien. 

1 .  Après  les  livres  du  Baptême,  saint  Au- 
gustin met  dans  ses  livres  des  Rétractations^, 
un  écrit  qui  avait  pour  titre  :  Réfutation  de 
ce  qu'a  apporté  Centurius.  Il  en  est  parlé  dans 
le  Catalogue  de  Possidius  '.  G 'était  une  ré- 
ponse à  certains  passages  de  l'Écriture ,  que 
les  donatistes  prétendaient  être  pour  eux. 
Ils  avaient  été  apportés  à  l'Église  par  un 
laïque  d'entre  eux  nommé  Genturius.  Nous 
n'avons  plus  cet  ouvrage  de  saint  Augustin, 
mais  nous  avons  encore  les  trois  livres  qu'il 
écrivit  contre  les  lettres  de  Pétilien ,  évêque 
du  parti  de  Donat.  Il  avait  été  autrefois  avo- 
cat, et  se  vantait  d'avoir  eu  beaucoup  de  ré- 
putation dans  le  barreau,  jusqu'à  dire  ^  qu'il 
y  avait  acquis  la  même  qualité  de  Paraclet 
que  l'on  donne  au  Saint-Esprit.  Né  de  parents 
cathohques,  il  n'était  encore  que  catéchu- 
mène ,  lorsque  les  donatistes  l'enlevèrent 
par  force,  le  baptisèrent  et  l'ordonnèrent 
évêque  malgré  lui ,  voulant  l'engager  dans 
leur  schisme  par  le  lien  honorable  de  la  di- 
gnité épiscopale.  Gonstantine  ou  Girlhe,  qui 
était  la  métropole  civile  de  la  Numidie,  fut  le 
heu  dont  ils  le  firent  évêque ,  et  il  l'était  dès 


Livres  con- 
tre les  dona- 
tistes perdus, 
Qui  était  Pé- 
tilien. 


1  August.,  lib.  II  Retract,  cap.  six.— 2  possid.,  in       Catalog.,  cap.  m.—  ^  Lib.  ÏII  cont-  Petit.,  cap.  xvi, 


390 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Analyse  du 
premier  livre, 
ccril  vers  l'an 
/lOO,  paï.  20C. 


avant  la  mort  d'Optat.  Depuis  son  ordination 
il  devint  un  des  plus  zélés  défenseurs  des  do- 
natistes  ,  et  fut  un  des  sept  évêques  choisis 
pour  disputer  contre  autant  d'évêques  ca- 
tholiques dans  la  conférence  de  Carthage. 
Il  y  employa,  pour  le  mensonge,  tout  ce  qui 
se  peut  imaginer  d'esprit,  de  chicane  et 
d'obstination,  afin  de  prolonger  les  choses 
et  d'empêcher  de  terminer  l'affaire  pour  la- 
quelle on  s'était  assemblé.  Saint  Augustin 
dit  de  lui  ' ,  qu'il  passait  pour  exceller  au- 
dessus  de  tous  ceux  de  sa  secte ,  en  érudi- 
tion et  en  éloquence,  et  que  ses  discours 
avaient  de  la  politesse  et  de  l'ornement  ;  mais 
il  lui  reproche  une  rhétorique  enflée  ,  pro- 
pre à  déclamer  devant  le  peuple,  et  à  faire 
beaucoup  de  bruit. 

2.  Longtemps  avant  la  conférence  de  Car- 
thage ,  Pétilien  avait  écrit  une  lettre ,  qui 
fait  le  sujet  des  livres  que  saint  Augustin 
composa  contre  lui.  Elle  était  adressée  aux 
prêtres  et  aux  diacres  de  son  diocèse ,  con- 
tre l'Éghse  cathoKque  ,  qu'il  chargeait  sans 
en  apporter  de  preuves  ,  de  reproches  ou- 
trageux  ,  faisant  passer  les  catholiques  pour 
traditeurs  ou  fds  de  traditeurs  ;  et  se  plai- 
gnant de  leurs  persécutions  ,  et  de  ce  qu'ils 
avaient  eu  recours  à  l'autorité  impériale 
pour  leur  ôter  les  églises  dont  ils  étaient  en 
possession.  Il  prétendait  aussi  montrer  que 
les  donatistes  avaient  seuls  le  vrai  baptême, 
et  disputaient  à  l'Éghse  le  titre  de  catho- 
lique. Cette  lettre  ^  était  entre  les  mains  de 
beaucoup  de  personnes ,  qui  en  apprenaient 
même  divers  endroits  par  cœur ,  comme 
propres  à  combattre  les  catholiques.  Ceux-ci, 
n'en  n'ayant  pu  trouver  une  copie  entière  , 
présentèrent  à  saint  Augustin  ce  qu'ils  en 
purent  découvrir.  Ce  n'était  que  le  com- 
mencement et  une  très-petite  partie  de  la 
lettre  de  Pétihen.  Mais  il  se  résolut  d'y  ré- 
pondre, et  le  fit  avec  le  plus  de  promptitude 
et  de  clarté  qu'il  put ,  dans  la  crainte  que 
les  personnes  moins  habiles  ne  crussent  que 
cette  letlre  contenait  quelque  chose  de  so- 
lide contre  FÉglise  catholique.  C'est  ce  qu'il 
fait  dans  son  premier  livre  contre  Pétilien  , 
écrit  en  forme  de  lettre  adressée  aux  fidèles 
de  son  diocèse. 

3.  Comme  il  pai'Ie  dans  ce  livre  de  la  mort 
de  Gildou  et  d'Optat  son  satellite ,  il  ne  peut 
l'avoir  écrit  au  plus  tôt  que  sur  la  fin  de  l'an 
398,  et  s'il  ne  le  composa  qu'après  sa  Icltie 


à  Générosus,  sous  le  pontificat  d'Anastase, 
comme  il  y  a  lieu  de  le  croire,  on  ne  le  peut 
mettre  avant  399,  l'élection  de  ce  pape 
n'ayant  été  faite  qu'à  la  fin  de  398.  Ainsi  on 
ne  le  peut  mieux  placer  qu'en  l'an  400 ,  im- 
médiatement avant  les  livres  contre  Parmé- 
nien.  Pour  montrer  que  les  catholiques 
n'avaient  pas  le  vrai  baptême,  qu'ainsi  en  le 
recevant  dans  le  parti  de  Donat,  ils  ne  re- 
cevaient pas  un  nouveau  baptême ,  mais  ce 
qu'ils  n'avaient  pas,  ils  disaient  que  l'on  de- 
vait faire  attention  à  la  conscience  de  celui 
qui  le  donne,  parce  que  quiconque  reçoit  la 
foi  d'un  perfide  ne  reçoit  point  la  foi ,  mais 
se  rend  coupable  de  son  péché.  «  Mais,  ré- 
pond saint  Augustin,  si  l'on  ne  connaît  point 
la  conscience  de  celui  qui  donne  le  baptême, 
ou  si  elle  est  impure,  comment  pourra-t-elle 
laver  celle  du  baptisé  ?  Ou  si  l'on  dit  que  ce 
qu'il  y  a  de  mauvais  dans  la  conscience  du 
ministre  ne  regarde  point  celui  qui  reçoit  le 
baptême,  peut-être  s'ensuivra-t-il  que  l'igno- 
rance de  celui-ci  l'empêchera  de  participer 
au  péché  de  l'autre.  Supposons  donc  que 
celui  qui  se  présente  pour  être  baptisé  ignore 
la  perfidie  de  celui  qui  le  doit  baptiser,  que 
recevra-t-il ?  Sera-ce  la  foi  ou  la  faute?  Si 
vous  dites  qu'il  recevra  la  foi ,  il  faut  donc 
avouer  qu'on  peut  la  recevoir  d'un  ministre 
perfide.  Si  vous  dites  qu'au  lieu  de  la  foi, 
le  ministre  communique  sa  faute  et  son  pé- 
ché, il  est  donc  nécessaire  que  les  donatistes 
rebaptisent  ceux  qui  ont  été  baptisés  par  les 
maximianistes  et  autres  scélérats  convaincus 
et  condamnés  pour  leurs  crimes.  »  Saint 
Augustin  ajoute  que ,  dans  le  principe  de 
Pétilien,  ce  sei'ait  mettre  son  espérance  dans 
l'homme;  ce  qui  est  contraire  à  l'Écriture  où 
nous  lisons  :  Quiconque  met  son  espérance  dans 
un  /lomme,  quelque  juste  et  innocent  qu'il  le 
connaisse,  est  maudit. 

Pétihen,  après  avoir  dit  que  celui  qui  reçoit 
la  foi  d'un  perfide,  ne  la  reçoit  pas,  mais  son 
crime,  en  donnait  pour  raison  que  toute 
chose  prend  sa  force  ou  sou  être  de  son  ori- 
gine et  de  sa  racine,  et  que  celui  qui  est 
sans  chef  n'est  rien.  Saint  Augustin  répond  : 
«Quiconquereçoit  le  baptême,  que  le  ministre 
soit  fidèle  oupei'fide,  ce  n'est  pas  de  lui  qu'il 
reçoit  la  foi,  mais  de  Jésus-Christ,  qui  dès 
lors  devient  l'origine,  la  racine  et  le  chef  du 
baptisé.  C'est  lui  seid  qui  fait  l'homme  inno- 
cent ,  lui  seul  étant  mort  pour  nos  péchés  et 


'  Lib.  1  cont.  Petil-,  cap.  i,  et  lib.  III,  cap.  xvi. 


-  Lib.  De  Unit.,  cap.  i. 


[IV"  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


391 


ressuscité  pour  notre  justification. Personne, 
autre  que  le  Verbe  de  Dieu,  n'est  la  semence 
par  laquelle  nous  sommes  régénérés  ;  et  ce 
n'est  ni  celui  qui  plante  ni  celui  qui  arrose 
qui  nous  fait  porter  de  bons  fruits,  mais  Dieu 
qui  donne  l'accroissement.  »  Il  est  écrit,  di- 
sait Pétilien,  que  le  baptême  ne  sert  de  rien 
à  celui  qui,  après  avoir  touché  mi  mort,  le 
touche  de  nouveau.  L'Écriture  ne  dit  pas, 
remarque  saint  Augustin ,  si  c'est  un  mort 
connu ,  mais  absolument  un  mort  ;  ainsi  si 
par  ce  mort  l'on  entend  un  ministre  pécheur, 
il  s'ensuivra  que  celui  qui  est  baptisé  par  un 
impie  secret  le  sera  inutilement,  comme  s'il 
l'avait  été  par  un  impie  connu.  Par  ceux  qui 
sont  baptisés  par  les  morts ,  il  faut  entendre 
ceux  qui  sont  baptisés  dans  les  temples  des 
idoles  ;  mais  à  l'égard  du  baptême  de  l'É- 
glise, c'est  Jésus-Christ  qui  le  donne,  lui  qui 
ne  meurt  plus  et  sur  qui  la  mort  n'aura  plus 
d'empire.  Si  par  le  mort  dont  parle  l'Écri- 
ture ,  il  faut  entendre  le  pécheur  connu ,  les 
donatistes  auraient  bien  dû  rebaptiser  ceux 
que  le  scélérat  Optât,  dont  les  crimes  étaient 
publics,  et  ceux  que  les  maximianistes,  con- 
damnés dans  le  concile  de  Bagai ,  avaient 
baptisés;  ce  que  toutefois  ils  n'ont  pas  fait, 
les  ayant  reçus  à  leur  communion  sans  les 
rebaptiser  de  nouveau.  Il  fait  la  même  ré- 
ponse à  cette  affirmation  de  Pétilien  que 
celui  qui  n'a  jamais  eu  la  vie ,  et  celui  qui, 
après  l'avoir  eue,  l'a  perdue,  n'ont  ni  l'un  ni 
l'autre  la  vie  du  baptême.  En  effet,  Félicien 
et  Prétextât  avaient,  selon  le  principe  de 
Pétilien,  perdu  la  vie  du  baptême ,  et  ils  ne 
pouvaient  l'avoir  donnée  à  ceux  qu'ils  avaient 
baptisés  dans  leur  schisme.  Toutefois  les  uns 
et  les  autres  avaient  été  reçus  sans  un  nou- 
veau baptême  dans  le  parti  de  Donat.  Saint 
Augustin  témoigne  ne  pas  concevoir  ce  que 
voulait  dire  Pétilien  par  ce  passage  de  l'É- 
vangile qu'il  avait  inséré  dans  sa  lettre  : 
J'envoie  vers  vous  des  prophètes,  des  sages  et 
des  scribes ,  et  vous  en  tuerez,  etc.  «Car,  dit 
ce  Père  ,  s'ils  se  croient  les  prophètes  et  les 
scribes,  et  nous  les  persécuteurs  des  prophè- 
tes, pourquoi  ne  veulent-ils  pas  parler  avec 
nous,  puisqu'ils  sont  envoyés  vers  nous?» 
11  y  avait  mis  encore  cet  autre  passage  : 
Vous  les  connaîtrez  par  leurs  fruits. D'oiiSnint 
Augustin  prend  occasion  de  parler  des  cri- 
mes des  donatistes  ,  et  en  particulier  de  Syl- 
vain, évêque  de  Cirthe,  fait  évêque  de  cette 
ville  parles  traditeurs,  après  avoir  lui-même 
livré  les  vases  sacrés,  et  s'être  rendu  coupable 


du  schisme  de  l'Afrique,  de  simonie  et  de 
plusieurs  autres  fautes.  Il  parle  aussi  des  ty- 
rannies qu'ils  avaient  exercées  sur  les  catho- 
liques, des  excès  et  des  profanations  de  leurs 
circoncellions.  Puis,  après  avoir  touché  en- 
core quelque  chose  de  l'histoire  d'Optat  et 
des  maximianistes ,  il  exhorte  son  peuple  à 
bien  savoir  cette  dernière  ,  comme  très-pro- 
pre pour  réfuter  sans  peine  tout  ce  que  les 
donatistes  pouvaient  objecter ,  et  ajoute  : 
(I  Souvenez-vous  de  ces  choses,  mes  frères , 
et  publiez-les  partout ,  mais  avec  non  moins 
de  douceiu'que  de  zèle.  Aimez  les  personnes 
en  persécutant  et  détruisant  leurs  erreurs. 
Soyez  ravis  d'être  dans  la  vie  de  la  vérité  , 
mais  n'en  soyez  pas  superbes.  Combattez 
pour  ses  intérêts,  mais  ne  la  déshonorez  pas 
par  aucune  animosité.  Réfutez  et  convain- 
quez ces  adversaires;  mais  en  même  temps, 
priez  Dieu  de  leur  faire  la  grâce  de  se  corri- 
ger. » 

4.  Saint  Augustin,  ayant  depuis  recouvré 
la  lettre  de  Pétilien  toute  entière,  y  répon- 
dit plus  exactement,  et  interrompit  même 
pour  ce  sujet  ses  livres  sur  la  Trinité  et  sur 
la  Genèse.  Ce  n'était  pas  que  Pétilien  eût  dit 
quelque  chose  de  nouveau,  et  qui  n'eût  pas 
déjà  été  réfuté  plusieurs  fois  ;  mais  saint  Au- 
gustin le  fit  pour  s'accommoder  aux  person- 
nes les  moins  intelligentes,  et  qui  n'avaient 
pas  assez  de  lumière  pour  apphquer  à  un 
endroit  ce  qui  avait  été  dit  sur  le  même  su- 
jet dans  un  autre.  Il  s'engagea  même,  à  la 
prière  de  ses  amis,  à  suivre  pied  à  pied  la 
lettre  de  PétiHen,  mettant  d'abord  les  paro- 
les de  ce  donatiste,  puis  ses  propres  répon- 
ses, comme  si  c'eût  été  un  dialogue  où  ils 
eussent  disputé  l'un  contre  l'autre,  et  que  des 
notaires  eussent  écrits  ce  qu'ils  avaient  dit 
tous  deux.  C'était  le  moyen  d'empêcher  qu'on 
ne  l'accusât  d'avoir  passé  quelque  chose 
de  la  lettre  de  Pétilien,  sans  y  répondre  ; 
de  conférer  en  quelque  manière  par  écrit 
avec  les  donatistes  qui  ne  voulaient  point 
conférer  de  vive  voix  avec  les  catholiques  ; 
et  de  leur  faire  voir  qu'ils  n'avaient  rien 
à  objecter  qui  pût  échapper  à  la  lumière  et 
à  la  force  de  la  vérité.  Il  n'écrivit  ce  second 
livre  qu'environ  deux  ans  après  le  premier, 
c'est-à-dire  en  402  au  plus  tard,  puisqu'il  y 
parle  du  pape  Anastase  comme  occupant 
encore  le  saint  siège  '.  Le  commencement 
de  ce  livre  est  employé  à  réfuter  celui  de  la 

1  Lib.  II,  cap.  XV. 


Analyse  du 
fecoDd  livre, 
pag.  218. 


392 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


lettre  de  Pétilien,  aucpiel  il  avait  déjà  ré- 
pondu ;  ce  qu'il  y  ajoute,  regarde  l'inscrip- 
tion de  sa  lettre,  dans  laquelle  il  saluait  ses 
frères,  les  prêtres  et  les  diacres  de  son  dio- 
cèse, avec  les  mêmes  paroles  dont  saint  Paul 
s'était  servi  en  écrivant  aux  Romains,  aux 
Corinthiens ,  aux  Galates  et  aux  autres  Égli- 
ses. «  Quelle  folie  n'est-ce  pas  à  vous,  lui 
dit-il,  de  ne  pas  vouloir  communiquer  le  sa- 
lut de  la  paix  avec  ces  Églises  dont  les  let- 
tres vous  ont  appris  la  manière  de  donner 
le  salut  de  paix.  «  Comme  ce  n'est  pas  l'eau 
versée  par  un  mauvais  ministre  qui  souille, 
ce  n'est  pas  non  plus  celle  que  vei'se  un  mi- 
nistre saint,  qui  purifie  ;  mais  l'eau  donnée 
an  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit, 
est  de  celui  sur  qui  descendit  la  colombe,  et 
qui  baptise  dans  le  Saint-Esprit.  Les  donatis- 
tes  n'étaient  point  excusables  de  s'être  sépa- 
rés de  ceux  qu'ils  accusaient  d'avoir  livi'é  les 
divines  Écritures,  tandis  qu'ils  se  séparaient 
eux-mêmes  de  toutes  les  nations,  qui,  selon 
ces  mêmes  Écritures,  appartiennent  à  l'E- 
glise. Les  fautes  des  particuliers  ne  peu- 
vent préjudicier  à  la  promesse  faite  à  Abra- 
ham, que  toutes  les  nations  seraient  bénies 
dans  sa  race.  Les  donatistes  seraient  moins 
blâmables  d'avoir  percé  avec  le  fer  les 
prophètes,  que  de  tenter  d'anéantir  leurs 
prophéties  qui  marquent  en  tant  d'endroits 
l'établissement  de  l'Église  jusqu'aux  extré- 
mités de  la  terre  ;  ils  ne  peuvent  nier  que 
leur  parti  ne  soit  un  parti  schismatique,  puis- 
qu'il n'est  point  uni  de  communion  avec 
tontes  les  nations  et  les  Églises  fondées  par 
les  travaux  apostoliques.  S'ils  se  plaignent 
de  souffrir  persécution  de  la  part  des  catho- 
liques, il  est  aisé  de  les  convaincre  par  les 
actes  proconsulaires  et  municipaux,  de 
celles  qu'ils  ont  fait  souffrir  aux  maximia- 
nistes.  Ils  ne  peuvent  produire  aucune  loi 
des  empereurs ,  sollicitée  par  les  catholi- 
ques, pour  sévir  contre  eux  jusqu'à  la  mort  ; 
ce  sont  eux-mêmes  qui  se  donnent  une  moi't 
véritable,  en  se  séparant  de  la  vive  racine 
de  l'unité;  en  vain  ils  se  tlattent  d'être  bap- 
tisés dans  leur  sang,  le  royaume  des  cieux 
n'appai-tenant  qu'à  ceux  qui  répandent  leur 
sang  pour  la  justice.  C'était  eux  qui  recon- 
naissaient deux  baptêmes,  l'un  des  justes, 
l'autre  des  impies,  et  non  pas  les  catholiques, 
qui  n'en  admettent  qu'un,  Jésus-Christ,  se- 
lon eux,  baptisant  dans  les  uns  et  dans  les 
autres  ;  ce  que  le  prêtre  donne  ne  laisse  pas 
d'être  véritable,  quoiqu'il  soit  lui-même  un 


menteur,  parce  qu'il  donne,  non  ce  qui  lui 
appartient,  mais  ce  qui  est  de  Dieu;  comme 
la  prière  d'un  mauvais  prêtre  ne  laisse  pas 
d'être  vraie,  lorsqu'il  la  fait  avec  les  paroles 
marquées  dans  l'Évangile,  quoiqu'il  soit  lui- 
même  un  profane.  La  vraie  Église  n'est 
cachée  aux  yeux  de  personne,  étant,  selon 
l'Évangile,  une  ville  située  sur  une  haute 
montagne,  au  lieu  que  le  parti  de  Donat  est 
inconnu  à  un  nombre  infini  de  nations.  Le 
baptême  de  saint  Jean  n'ayant  rien  de  com- 
mun avec  celui  de  Jésus-Christ,  il  n'est  pas 
surprenant  que  saint  Paul  ait  baptisé  du 
baptême  de  Jésus-Christ  ce.ux  qui  n'avaient 
reçu  que  celui  de  son  précurseur.  La  ch'con- 
cision  et  le  baptême  de  saint  Jean  ne  nous 
sont  point  nécessaires,  parce  que  nous  avons 
reçu  Jésus-Christ  que  l'une  et  l'autre  annon- 
çaient. 

Pétilien  prétendait  que  le  Psalmiste  avait 
fait  l'éloge  du  baptême  des  donatistes  dans 
le  psaume  vingt-deuxième ,  où  nous  lisons  : 
C'est  le  Seigneur  qui  me  nourrit ,  rien  ne 
pourra  me  manquer  :  il  m'a  établi  dans  un 
lieu  abondant  en  pâturages.  Il  m'a  élevé  près 
d'une  eau  fortifiante  ;  et  il  a  fait  revenir  mon 
âme,  etc.  Saint  Augustin  répond ,  que  ce 
psaume  doit  s'entendre  de  ceux  qui  reçoivent 
le  baptême  comme  on  le  doit,  et  qui  usent 
saintement  d'une  chose  sainte  ;  et  non  pas 
de  ceux  qui,  comme  Simon,  le  magicien,  le 
reçoivent  dans  de  mauvaises  dispositions. 
«  Car  il  y  en  a,  dit-il,  qui  prennent  la  vie 
sur  la  fable  du  Seigneur,  ainsi  que  fit  Pierre; 
et  non  leur  jugement,  ainsi  que  Judas  :  ce 
ne  fut  néanmoins  pour  tous  deux  qu'une 
même  fable  ;  mais  elle  ne  fit  pas  en  fous 
deux  un  même  effet,  parce  qu'ils  n'étaient 
pas  tous  deux  une  même  chose.  » 

5.  PétiUen  disait  aux  évoques  catholiques 
qu'ils  étaient  assis  sur  la  chaire  que  David 
nomme  pestilentielle.  Comme  il  n'en  don- 
nait aucune  preuve,  saint  Augustin  lui  dit  : 
n  Que  vous  a  fait  la  chaire  de  l'Église  ro- 
maine, sur  laquelle  Pierre  s'est  assis,  et  qui 
est  aujourd'hui  remplie  par  Anastase  ?  Que 
vous  a  fait  celle  de  Jérusalem,  sur  laquelle 
Jacques  s'est  assis,  et  qui  est  aujourd'hui 
remplie  par  Jean,  avec  lesquels  nous  som- 
mes unis  dans  l'unité  catholique,  et  dont 
vous  vous  êtes  séparés  par  une  fureur  crimi- 
nelle ?  Pourcpjoi  appelez-vous  chaire  de  pes- 
tilence, la  Chaire  apostolique?  Si  vous  eu 
usez  ainsi,  parce  que  vous  croyez  que  ceux 
qui  y  sont  assis  prêchent  la  loi  et  ne  la  pra- 


[lV«  ET  V"  SIÈCLES.' 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


393 


tiquent  pas  ;  est-ce  ainsi  que  Jésus-Christ 
en  a  usé  ?  A-t-il  appelé  ainsi  la  chaire  de 
Moïse,  parce  que  les  pharisiens  qui  y  étaient 
assis,  ne  faisaient  pas  le  bien  qu'ils  ensei- 
gnaient aux  autres  ?  N'a-t-il  pas  ,  au  con- 
traii'e,  conservé  l'honneur  de  cette  chaire, 
lorsqu'en  reprenant  les  pharisiens,  il  a  dit, 
pour  appuyer  leur  doctrine  :  Faites  ce  qu'ils 
vous  disent.  » 

Pétilien  avouait  en  quelque  sorte  que  les 
catholiques  chassaient  les  démons  ;  mais  il 
ajoutait  aussitôt  qu'ils  n'étaient  chassés 
qii'aa  nom  de  Jésus-Christ.  Saint  Augustin, 
profitant  de  cet  aveu,  en  infère  que  ce  nom, 
quoique  invoqué  par  des  pécheurs,  est  utile 
pour  le  salut  des  autres;  qu'ainsi  les  péchés 
d'aufrui  ne  nuisent  point  au  salut  de  ceux 
sur  qui  le  nom  de  Jésus-Christ  est  invoqué. 
Il  justifie  la  conduite  des  catholiques  à,  l'é- 
gard des  éghses  da  parti  de  Donat  qui  leur 
avaient  été  restituées  par  les  lois  des  empe- 
reurs ;  et  comme  Pétilien  leur  reprochait 
qu'ils  n'avaient  pas  la  paix  dont  il  est  parlé 
dans  le  prophète  Jérémie ,  saint  Augustin 
répond  qu'elle  ne  se  trouve  pas,  dans  le  parti 
de  Donat,  inconnu  à  un  grand  nombre  de 
nations  chrétiennes  ;  qu'il  n'est  point  cette 
ville,  qui,  placée  sur  une  montagne,  n'est 
cachée  aux  yeux  de  personne  ;  mais  que  cette 
paix  est  véritablement  dans  l'Église  catholi- 
que, celui-là  est  la  paix,  qui  des  deux  peuples 
n'en  a  fait  qu'un;  et  non  Donat,  qui  d'un 
en  fait  deux.  Il  ajoute,  qu'on  ne  saurait  con- 
server la  charité  chrétienne  que  dans  l'unité 
de  l'Église  ;  que  les  donatistes  ne  l'ayant 
point,  ne  sont  rien  du  tout  quoiqu'ils  aient 
le  baptême  et  la  foi,  et  que  leur  foi  soit  mê- 
me capable  de  transporter  les  montagnes 
d'un  lieu  à  un  autre.  Les  donatistes  se  fai- 
saient honneur  de  ne  contraindre  personne 
à  embrasser  leur  foi.  Saint  Augustin  con- 
vient de  la  bonté  du  principe,  disant  avec 
eux  que  nul  ne  doit  être  conduit  par  force  à 
la  foi  :  «  Mais,  ajoute-t-il,  l'incrédulité  et  la 
perfidie  sont  d'ordinaire  châtiées  de  Dieu  par 
la  rigueur,  o\\  plutôt  par  la  miséricorde  des 
tribulations  temporelles.  Et  serait- il  juste 
qu'A  cause  que  la  bonne  vie  doit  être  em- 
brassée par  une  libre  élection  de  la  volonté, 
la  mauvaise  vie  ne  doive  pas  être  punie  par 
la  juste  rigueur  des  lois?»  D  approuve  donc 
les  lois  que  les  princes  avaient  faites  pom- 
réprimer  l'audace  et  la  fureur  des  schismati- 


ques,  et  dit  que  l'utilité  de  ces  lois  est  évi- 
dente en  ce  qu'elles  rappellent  à  son  devoir 
celui  qu'elles  punissent  pour  s'en  être  écarté. 

Pétilien  trouvait  mauvais  que  les  catholi- 
ques fussent  liés  d'amitié  avec  les  princes 
du  siècle,  toujours  ennemis  du  nom  chré- 
tien. Saint  Augustin  fait  un  dénombrement 
des  anciens  justes  qui  ont  été  favorisés  des 
princes  sous  le  règne  desquels  ils  ont  vécu  ; 
et  pour  combattre  Pétilien  par  lui-même,  il 
lui  demande  pourquoi  ceux  de  son  parti 
s'étaient  adressés  à  Julien  l'Apostat  l'ennemi 
du  christianisme  ,  pour  obtenir  de  lui  des 
églises.  Il  ajoute,  que  ce  même  prince  leur 
avait  fait  rendre  les  basiliques  que  Constantin 
leur  avait  ôtées.  «  Les  rois  mêmes,  lui  dit-il 
encore  ,  doivent  servir  Dieu  d'une  manière 
particulière,  en  faisant,  selon  leur  condition, 
des  choses  que  des  particuliers  ne  peuvent 
faire,  et  cela  en  l'honneur  de  Dieu.»  Pétilien 
disait,  en  faisant  allusion  aux  catholiques  : 
L'huile  du  pécheur  n'oindra  pas  ma  tête.  Saint 
Augustin  lui  fait  remarquer  que  David,  de 
qui  sont  ces  paroles,  ne  dit  pas  l'huile  des 
traditeurs ,  l'huile  de  ceux  qui  offrent  de 
l'encens  aux  idoles,  l'huile  du  persécuteur, 
mais  l'huile  du  pécheur,  u  Voyez  donc,  lui 
dit-il,  premièrement  si  vous  n'êtes  pas  vous- 
mêmes  pécheurs,  et  comment  n'étant  même 
coupables  que  de  quelques  péchés  légers, 
on  ne  peut  dire  de  vous,  l'huile  du  pécheur. 
Je  vous  demande,  si  vous  récitez  l'Oraison 
dominicale ,  et  si  vous  la  récitez,  comment 
vous  dites  :  Remettez-nous  nos  dettes  comme 
nous  les  remettons  à  nos  débiteurs.  Car,  comme 
il  ne  s'agit  pas  dans  ces  paroles,  des  péchés 
qui  nous  ont  été  remis  dans  le  baptême,  ou 
elles  ne  vous  permettent  pas  de  faire  à  Dieu 
cette  prière,  ou  elles  font  connaître  que  vous 
êtes  pécheurs.  » 

6.  Pétilien  ayant  vu  le  premier  livi-e  de  Analyse  du 
saint  Augustin,  y  fit  une  réponse,  où  faute  v'rc,%"° 
de  raisons  il  le  chargeait  d'injures,  lui  re- 
prochant quantité  de  choses,  ou  qui  étaient 
absolument  fausses,  ou  qui  ne  le  regardaient 
plus  depuis  son  baptême.  Il  lui  reprochait 
entre  autres,  d'avoir  été  prêtre  des  mani- 
chéens', dont  il  lui  attribuait  toutes  les  in- 
famies. Il  l'accusait  d'avoir  été  banni  d'Afri- 
que comme  manichéen,  et  d'en  avoir  tou- 
jours conservé  la  doctrine  ^  Il  lui  faisait  un 
crime  d'avoir  été  l'instituteur  des  moines 
dans  l'Afrique,  et  beaucoup  d'autres  repro- 


tioisième     ii- 
29S. 


'  Lib.  III  cont.  Petit ,  cap,  xvi  et  xvn. 


Cap.  XXV  et  X. 


394 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ches  qu'il  est  mutile  de  rapporter  '.  A  l'égard 
des  preuTes  que  saint  Augustin  avait  tirées 
de  l'histoire  des  maximianistes  contre  le  parti 
de  Donat,  Pétilien  en  renvoyait  l'examen  à 
un  second  livre  qu'il  promettait  et  qu'il  ne 
fit  jamais  ^.  Il  laissait  beaucoup  d'autres  preu- 
ves du  saint  sans  y  répondre  en  aucune  ma- 
nière, et  ne  touchait  les  autres  que  fort  lé- 
gèrement ^  La  réplique  de  saint  Augustin  à 
ce  livre  de  Pétilien,  fait  le  troisième  contre 
ce  donatiste.  Il  y  montre  d'abord  qu'en  dis- 
putes de  religion  tous  les  reproches  person- 
nels sont  inutiles,  et  qu'on  y  doit  compter 
pour  rien  l'autorité  de  l'homme.  Ensuite  il 
déclare  qu'il  condamne  absolument  tout  ce 
qui  s'était  passé  avant  son  baptême,  se  con- 
tentant de  bénir  le  médecin  qui  l'avait  guéri. 
A  l'égard  de  sa  conduite  depuis  son  bap- 
tême, il  en  fait  juge  les  enfants  de  l'Éghse, 
et  proteste  que,  quoiqu'une  puisse  dire  avec 
l'Apôtre,  je  ne  me  sens  coupable  de  rien,  il 
peut  néanmoins  avancer  avec  vérité  en  la 
présence  de  Dieii,  qu'il  ne  se  connaissait 
coupable  d'aucune  des  fautes  dont  Pétihen 
l'accusait.  Pétilien  abusant  de  ce  que  saint 
Augustin  enseignait  dans  ses  écrits  ,  qu'il 
n'était  pas  permis  de  quitter  la  communion 
de  l'Église,  sous  prétexte  de  se  séparer  des 
méchants  ,  prétendait  qu'on  ne  punissait 
point  le  crime  parmi  les  catholiques,  et  citait 
pour  cela  un  évêque  qui, "après  avoir  été  dé- 
posé pour  crime,  avait  été  rétabli  dans  l'é- 
piscopat.  Il  citait  aussi  un  nommé  Quodvult- 
déus  qui,  quoique  chassé  par  les  donatistes 
comme  convaincu  de  deux  adultères,  avait 
été  reçu  ou  à  la  communion,  ou  même  à 
l'état  ecclésiastique  par  les  catholiques.  Sur 
le  premier  chef,  saint  Augustin  se  contente 
de  dire  à  Pétilien,  qu'il  ne  savait  ce  qu'il  di- 
sait. Sur  le  second  il  répond  que  Quodvult- 
déus  ne  fut  admis  à  la  commuaion  ou  à  l'é- 
tat ecclésiastique  qu'après  qu'il  eût  prouvé 
son  innocence.  Pour  preuve  que  la  disci- 
pline était  mieux  observée  chez  les  catholi- 
ques que  parmi  les  donatistes  :  «  il  y  a,  dit-il 
à  Pétilien,  une  infinité  d'exemples  de  per- 
sonnes qui,  ayant  été  dans  l'épiscopat  ou 
dans  quelque  autre  degré  ecclésiastique,  en 
ont  été  déposés,  et  qui  après  cela  se  sont 
retirés  de  honte  en  d'autre  pays  ,  ou  ont 
passé  dans  votre  parti  ou  dans  celui  de 
quelques  autres  hérétiques.  Il  y  en  a  qui 
sont  demeurés  dans  les  mêmes  lieux  où  ils 


étaient,  et  ils  y  sont  connus  de  tout  le 
monde.  »  Il  nomme  Honorius  de  Milève,  et 
un  Splendonius,  déposé  du  diaconat  dans  les 
Gaules,  qui,  étant  venu  à  Constantine  ou  à 
Cirthe,  y  fut  rebaptisé  et  fait  prêtre  par  Pé- 
tilien ;  ce  qui  obligea  Forlunat,  évéque  ca- 
tholique de  cette  ville  de  faire  afficher  pu- 
bliquement les  actes  de  la  déposition  de 
Splendonius.  Pétilien  fut  obligé  lui-même  de 
l'excomjiiunier  dans  la  suite,  l'ayant  con- 
vaincu d'une  perfidie  horrible.  Saint  Augus- 
tin nomme  encore  un  Cyprien,  évêque  de 
Tubursicubiue ,  du  parti  des  primianistes , 
qui,  ayant  été  surpris  dans  un  lieu  infâme, 
fut  condamné  et  excommunié  par  Primien, 
sans  qu'aucun  de  ceux  qu'il  avait  baptisés, 
fût  rebaptisé  par  les  donatistes,  lors  de  leur 
réunion.  Ce  Père  fait  ensuite  un  précis  des 
objections  de  Pétilien,  et  des  réponses  qu'il 
y  avait  données  dans  les  deux  livres  précé- 
dents, et  montre  que  non-seulement  il  n'a- 
vait pas  répondu  aux  preuves  dont  la  vérité 
catholique  est  soutenue,  mais  qu'il  n'avait 
même  rien  dit  qui  touchât  le  fond  de  la  cause 
dont  il  s'agissait.  Il  finit  ce  livre  par  ces 
paroles  adi-essées  aux  donatistes  en  général  : 
«  Savez- vous  discerner  le  vrai  d'avec  le  faux, 
un  discom's  solide  d'avec  une  value  déclama- 
tion, l'esprit  de  paix  d'avec  l'esprit  de  dis- 
sension ,  les  divines  prophéties  d'avec  les 
imaginations  des  hommes,  les  preuves  clai- 
res d'avec  les  accusations  vagues,  les  actes 
authentiques  d'avec  les  fictions,  ceux  qui  dé- 
montrent ce  qui  est  dans  la  question  d'avec 
ceux  qui  évitent  même  d'entrer  en  question  ? 
Si  vous  savez  faire  ce  discernement, àla  bonne 
heure  :  si  vous  ne  le  pouvez  faire,  nous  ne 
nous  repentirons  pas  néanmoins  du  soin  que 
nous  prenons  de  vous,  parce  que  si  votre 
cœur  ne  se  tourne  pas  à  la  paix,  notre 
paix,  comme  le  dit  l'Évangile ,  reviendra  à 
nous.  » 

§IV. 

Livre  de  l'Unité  de  l'Eglise,  ou  Epître  contre 
les  donatistes. 

1 .  Dans  le  temps  même  que  saint  Augus-     ce  livr»  es 
tin  publia  son  second  livre  contre  Pétilien,   gusifn.°iué° 
et  avant  que  de  travailler  au  troisième,  il 
adi'essa  une  lettre  pastorale  à  tons  les  fidèles 
de  son  diocèse ,  qui ,  dans  plusieurs  manus- 
crits ,  est  intitulée  :  Livre  de  l'Unité  de  l'E- 


'  Lib.  m  cont.  Pelil.,  cap.  xl, 


'  Cap.  xxxM.  —  ^  Cap.  l. 


[IV°  ET  V°  SIÈCLES.] 

glise.  Saint  Augustin  n'en  dit  rien  dans  ses 
Rétractations,  peut-être,  parce  que  c'est  pro- 
prement une  lettre,  quoiqu'elle  soit  fort  lon- 
gue ,  et  non  un  livre.  Et  s'il  y  met  son  pre- 
mier livre  contre  Pétilien  qui  est  aussi  en 
forme  de  lettre ,  c'est  sans  doute  parce 
qu'il  a  toujours  fait  corps  avec  le  deuxième 
et  le  troisième.  Possidius  '  cite  le  Traité  de 
l'Unité  dans  le  Catalogue  des  livres  de  saint 
Augustin ,  en  ces  termes  :  Lettre  contre  les 
clonatistes  aux  frères  catholiques,  et  dit  que 
cette  lettre  faisait  un  livre  ;  ce  qui  ne  laisse 
aucun  lieu  de  douter  que  saint  Augustin  n'en 
soit  l'auteur,  d'autant  qu'on  y  trouve  son 
génie  et  sa  manière  d'écrire,  et  qu'il  y  cite  ^ 
son  premier  et  son  second  livre  contre  Péti- 
lien. On  ne  laisse  pas  de  trouver  dans  cet 
écrit  quelques  expressions  moins  élégantes 
et  moins  propres  que  dans  les  autres  ou- 
vrages de  saint  Augustin .  On  y  trouve  encore 
quelques  passages  de  l'Ecriture  cités  autre- 
ment que  selon  la  version  ordinaire.  11  est 
dit  dans  un  endroit  que  le  royaume  d'Israël 
n'était  pas  une  hérésie  du  temps  d'Élie  ;  ce 
qui  ne  s'accorde  pas  avec  ce  que  dit  saint 
Augustin  dans  son  premier  livre  contre  Cres- 
conius ,  que  les  Samaritains,  du  temps  de 
Notre-Seigneur,  étaient  hérétiques  à  l'égard 
des  Juifs.  On  y  lit  qu'un  homme  qui  fait  des 
actions  criminelles  n'est  retranché  de  la  ra- 
cine de  l'Éghse  que  lorsqu'il  résiste  à  la  vé- 
rité qu'on  lui  oppose  clairement  et  lorsqu'il 
la  hait  :  ce  qui  parait  contraire  à  ce  que  le 
saint  Évêque  enseigne  dans  le  second  livre 
contre  Cresconiiis,  qu'un  homme  endurci  dans 
le  péchéest  hors  de  l'Église,  quoiqu'il  paraisse 
être  dedans.  Enfin  la  salutation  qui  est  au 
commencement  de  cette  lettre  n'est  point  or- 
dinaire à  saint  Augustin;  elle  est  en  ces  ter- 
mes :  «  Le  salut  qui  est  en  Jésus-Christ  et 
la  paix  de  l'unité  et  de  sa  charité  soit  avec 
vous.  »  Mais  ces  difficultés  qui,  d'ailleurs,  ne 
sont  pas  sans  solution,  ne  détruisent  point 
la  preuve  tirée  du  témoignage  de  Possidius, 
ni  celle  que  l'on  tire  du  rapport  qu'il  y  a 
entre  le  commencement  de  ce  livre  et  les 
deux  premiers  de  saint  Augustin  contre  Pé- 
tilien. Il  n'est  pas  surprenant  que  dans  un 
écrit  où  ce  Père  s'adi-essait  à  son  peuple,  et 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


393 


où  il  voulait  se  faire  entendre  de  tout  le 
monde,  il  ait  moins  travaillé  son  style  que 
celui  de  la  plupart  de  ses  autres  ouvrages. 
Le  Psaume  contre  le  parti  de  Donat  n'est-il 
pas  composé  do  termes  vulgaires  et  popu- 
laires ,  parce  qu'il  s'agissait  d'apprendre 
aux  plus  simples  de  quoi  il  était  question 
entre  les  catholiques  et  les  donatistes,  et 
d'exhorter  ceux-ci  à  l'unité?  Lorsque  saint 
Augustin  met  les  Samaritains  au  nombre  des 
hérétiques  de  la  nation  juive,  il  ne  veut  point 
parler  des  Samaritains  du  temps  d'Élie,  mais 
de  ceux  qui  vivaient  en  même  temps  que 
Jésus-Christ.  S'il  cite  quelques  passages  de 
l'Ecriture  dans  des  termes  un  peu  différents 
de  ceux  qu'il  cite  ailleurs ,  c'est  apparem- 
ment qu'il  n'avait  pas  toujours  en  mains  les 
mêmes  exemplaires ,  n'y  ayant  point  alors 
de  versions  authentiques  et  reçues  généra- 
lement de  tout  le  monde.  A  le  bien  prendre, 
ce  qu'il  dit  dans  le  livre  de  l'Unité  de  l'É- 
glise, touchant  l'endurcissement  du  pécheur, 
n'a  rien  de  contraire  à  ce  qii'il  en  dit  dans 
son  second  livre  contre  Cresconius.  Ne  peut- 
on  pas  dire,  en  effet,  que  tout  péché  mortel 
nous  sépare  de  Jésus-Christ;  et  que  ceux  qui 
en  sont  coupables  en  sont  séparés  selon  l'es- 
prit par  le  désordre  de  leur  vie ,  quoiqu'ils 
soient  encore  selon  le  corps  dans  l'unité  de 
l'Église?  L'endurcissement  dans  le  péché',  la 
résistance  à  la  vérité  qu'on  nous  montre,  la 
révolte  contre  l'autorité  de  l'Église,  le  schis- 
me qui  forme  une  fausse  Éghse,  sont  autant 
de  nouveaux  degrés  de  séparation.  A  l'égard 
de  la  salutation  qui  se  trouve  au  commence- 
ment du  livre  ou  de  la  lettre ,  elle  n'est  pas 
indigne  de  saint  Augustin,  et  quoiqu'il  ne 
s'en  soit  pas  servi  ailleurs,  il  a  pu  l'employer 
ici.  n  y  a  des  choses  dans  ce  livre  ',  par 
exemple  ce  qu'il  y  dit  des  persécutions,  qui 
semblent  convenir  aux  lois  d'Honorius  en 
40S.  Mais,  comme  on  peut  aussi  les  rappor- 
ter aux  lois  précédentes ,  soit  contre  les  do- 
natistes en  particulier,  soit  contre  tous  les 
hérétiques  en  général,  rien  n'empêche  qu'on 
ne  le  place  vers  le  même  temps  que  le  se- 
cond livre  contre  Pétilien,  c'est-à-dire  en 
402. 
2.  Saint  Augustin  traite  dans  ce  livre  la     ai.jijsc  de 


'  Episto la  contra  donatistas  ad  catholicos  fra- 
tres  liber  unus.  Possid.,  in  Catal.,  cap.  ni. 

2  Meministis ,  fratres ,  Petiliani  perparvam 
Epistolœ  partemin  mamis  nostras  aliquando  ve- 
nisse,  eique  particulœ  quod  responderimus  scrip- 


sisse  me  ad  dilectionem  vestram.  Sed  cum  postea 
tota  et  plena  nobis  a  fratribus  qui  ibi  sunt,  mit- 
teretur,placibit  ei  ab  exordio  respondere  tanquam 
prœsentes  ageremus.  Aug.,  De  Unit.  Eccl.,  cap.  i, 
3  Lit.  De  Unit.,  cap.  xx. 


396 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


ce^ii-vre,  psg.  question  de  la  vraie  Église,  et,  laissant  à 
part  toutes  les  disputes  sur  les  faits,  il  n'em- 
ploie que  les  passages  les  plus  clairs  et  les 
plus  décisifs  de  l'Écriture.  «  Où  est  l'Église, 
dit-il  d'abord  ,  est-ce  chez  nous,  ou  chez  les 
donatistes?  Cette  Église,  est  une  ,  et  nos  an- 
ciens l'ont  nommée  catholique,  afin  de  faire 
voir  par  son  nom  même  qu'elle  est  répandue 
par  toute  la  terre.  Cette  Église  catholique 
est  le  corps  de  Jésus-Christ,  ainsi  que  le  dit 
Cote.i,2i.  l'Apôtre.  Celui  qui  n'est  point  membre  de 
ce  corps  ne  peut  donc  avoir  part  au  salut  pro- 
mis aux  chrétiens.  Pour  savoir,  continue-t-il, 
où  est  cette  Église,  il  ne  faut  pas  s'embarras- 
ser de  s'assurer  si  les  crimes  que  les  •  évê- 
ques  d'Afrique,  catholiques  et  donatistes, 
s'objectent  mutuellement ,  sont  véritables  , 
parce  qu'ils  n'intéressent  pas  les  autres 
Églises  du  monde  ;  mais  chercher  unique- 
ment dans  les  livres  canoniques  de  quoi 
montrer  où  est  cette  Éghse.  En  effet ,  si  l'on 
pouvait  prouver,  par  les  divines  Écritures, 
que  l'Église  est  dans  l'Afrique  seule  ,  ou 
dans  quelques  montagnards  qui  résident  à 
Rome ,  ou  dans  la  maison  de  LuciUe ,  cette 
femme  qui  a  comme  donné  naissance  au 
schisme  des  donatistes,  il  faudrait  reconnaî- 
tre qu'eux  seuls  ont  l'ÉgHse.  Si,  au  contraire, 
on  montre  par  l'Écriture  que  l'Église  est 
placée  chez  les  Maures  de  la  province  Césa- 
rienne, il  faudra  passer  chez  les  rogatistes. 
Si  on  la  met  dans  la  Byzacène,  nous  serons 
obligés  de  dire  que  les  maximianistes  sont 
en  possession  de  l'Église.  Si  on  la  place 
dans  les  seules  provinces  de  l'Orient ,  il  fau- 
dra la  chercher  parmi  les  ariens  ,  les  euno- 
miens,  les  macédoniens  et  autres  hérétiques 
de  ces  cantons.  Mais  s'il  est  bien  prouvé  par 
des  témoignages  certains  des  Écritures  ca- 
noniques ,  que  l'Éghse  est  répandue  dans 
toutes  les  nations,  on  ne  pourra  se  dispen- 
ser de  convenir  que  celle-là  est  la  seule 
Église  qui  s'y  trouve  effectivement  répan- 
due. »  Un  autre  principe  de  saint  Augustin, 
c'est  que,  pour  décider  cette  question,  on  ne 
doit  point  avoir  recours  aux  passages  de 
l'Écriture  qui  sont  obsciu's ,  ou  qui  doi- 
vent être  pris  dans  un  sens  figuré,  ou  qui 
sont  conçus  de  façon  qu'ils  peuvent-être  al- 
légués par  les  deux  partis;  mais  à  ceux-là 
seuls  qui  doivent  se  prendre  dans  le  sens  lit- 
téral. Il  trouve  l'Église  catholique  bien  mar- 
quée dans  ces  paroles  de  Dieu  à  Abraham  : 
Gai.  isii,  Toutes  les  nations  de  la  terre  seront  bénies  par 
celui  qui  sortira  de  vous,  parce  que  vous  avez 


obéi  à  ma  voix.  Car  on  ne  pourrait  dire  avec 
les  Juifs  ,  qu'elles  doivent  s'entendre  du 
seul  peuple  qui  est  né  d'Abraham  selon  la 
chair ,  puisque  saint  Paul ,  dont  les  dona- 
tistes lisaient  les  Épîtres  dans  leurs  assem- 
blées ,  soutient  que  les  promesses  de  Dieu  à 
Abraham  ont  été  accomplies  dans  les  gentils 
comme  dans  les  Juifs  ;  et  qu'il  remarque,  à 
cet  effet,  que  lorsque  l'Écriture  parle  de  ces 
promesses ,  elle  ne  dit  pas  qu'elles  ont  été 
faites  à  ceux  de  la  race  d'Abraham,  comme 
s'il  en  eût  voulu  marquer  plusieurs  ;  mais  à  sa 
race ,  c'est-à-dire  à  l'un  de  sa  race  qui  est  Jé- 
sus-Christ, marquant  par  là  qui  était  celui  en 
qui  toutes  les  nations  devaient  être  bénies. 
Le  saint  Docteur  rapporte  aussi  d'autres  pro- 
messes, mais  tout  à  fait  semblables  à  celles- 
là,  faites  en  d'autres  occasions  à  Isaac,  fils  cen.  « 
d'Abraham,  et  à  Jacob,  fils  d'Isaac;  puis,  '6- 
passant  aux  Prophètes,  il  montre  que,  selon 
Isaïe,  la  terre  doit  être  remplie  de  la  connais-  ^^P^ai.  si 
sance  du  Seigneur,  comme,  la  mer  des  eaux  dont 
elle  est  couverte  ;  et  que  le  rejeton  de  Jessé  sera 
exposé  comme  un  étendard  devant  tous  les  peu- 
ples; qu'il  dominera  sur  les  nations,  et  que  les 
nations  espéreront  en  lui.  «  Quel  est  ce  reje- 
ton, dit-il?  Tout  le  monde  convient  que  c'est 
Jésus-Christ  ~ qui  est  né  de  David  selon  la 
chair.  Si  l'on  en  doute ,  que  l'on  consulte 
l'Apôtre  qui,  dans  son  Épître  aux  Romains,  Rom.ïv 
cite  ce  passage  d'isaïe,  pour  prouver  que 
Jésus-Christ  a  été  promis  aux  Juifs,  et  donné 
par  grâce  aux  gentils.  Qui  des  chrétiens  a 
jamais  douté  que  le  deuxième  psaume  ne 
dût  s'entendre  de  Jésus-Christ,  et  que  l'on 
ne  doive  également  entendi'e  de  l'Église  l'hé- 
ritage que  ce  psaume  promet  en  ces  ter- 
mes :  Le  Seigneur  m'a  dit  :  Vous  êtes  mon  fils,  Psai.  n, 
je  vous  ai  engendré  aujourd'hui.  Demandez-moi 
et  je  vous  donnerai  les  nations  pour  votre  héri- 
tage,  et  j'étendrai  vot7'e  possession  jusqu'aux 
extr-émités  de  la  terre.  Il  n'y  a  personne  qui 
ne  reconnaisse  que  c'est  de  Jésus-Chiist  dont 
il  est  dit  :  Ils  ont.percé  mes  mains  et  mes  pieds,  pmi.  s; 
et  ils  ont  compté  tous  mes  os.  Ils  se  sont  appli- 
qués à  me  regarder  et  à  me  considérer  ;  ils  ont 
partagé  entre  eux  mes  habits,  et  ils  ont  jeté  le 
sort  sur  ma  robe.  C'est  donc  aussi  de  lui  qu'il 
est  dit  ensuite,  que  pour  le  prix  de  son  sang, 
la  terre  dans  toute  son  étendue  se  convertira 
au  Seigneur,  et  que  tous  les  peuples  diffé- 
rents des  nations  seront  dans  l'adoration  en 
sa  présence ,  parce  que  le  règne  est  au  Sei- 
gneur, et  que  c'est  lui  qui  régnera  sur  les 
nations.  N'est-il  pas  dit  aussi  dans  le  psaume 


[lyo  ET  V°  SIÈCLES.] 

soixante-onzième,  qui,  quoique  intitulé  de 
Salomon,  doit  s'entendre  de  Jésus-Christ  et 
de  son  Église  :  //  régnera  depuis  ime  mer  jus- 
qu'à une  autre  mer,  et  depuis  le  fleuve  jusqu'aux 
extrémités  de  la  tertre.  Les  Éthiopiens  se  pros- 
terneront devant  lui,  les  rois  de  Tharse  et  les 
îles  lui  offriront  des  présents ,  tous  les  rois  de 
la  ten^e  l'adoreront ,  toutes  les  nations  lui  se- 
ront assujetties,  tous  les  peuples  de  la  terre  se- 
ront bénis  en  lui,  toutes  les  nations  rendront 
gloire  à  sa  grandeur  ? 

3.  Les  donatistes  ne  pouvant  contester  la 
vérité  de  toutes  ces  promesses,  se  rédui- 
saient à  dire  qu'elles  n'avaient  pas  eu  leur 
accomplissement,  parce  que  les  hommes  l'a- 
vaient empêché  en  s'opposant  au  progrès  de 
l'Église ,  et  à  ce  qu'elle  fût  répandue  dans 
toute  la  terre.  Saint  Augustin  ne  nie  pas  que 
l'homme  n'ait  le  pouvoir  de  faire  le  mal 
ou  de  s'en  ahstenir;  et  il  convient  que,  si 
Judas  avait  voulu,  il  n'aurait  pas  trahi  le 
Seigneur.  Mais  il  soutient  que  Dieu,  ayant 
prévu  les  volontés  de  l'homme,  a  pu  annon- 
cer certainement  par  ses  prophètes  ce  qui 
devait  arriver,  quoique  dépendamment  de  la 
volonté  des  hommes  ;  qu'ainsi,  sachant  que 
les  hommes  embrasseraient  le  christianisme, 
il  a  pu  prédire  qu'ils  l'embrasseraient  en  ef- 
fet, quoiqu'ils  dussent  l'embrasser  librement. 
Ici  viennent  divers  témoignages  de  l'Évan- 
gile par  lesquels  le  saint  Docteur  prouve  que 
les  promesses  de  l'Ancien  Testament,  tou- 
chant Jésus-Christ  et  son  Eglise,  ont  eu  leur 
entier  accomplissement,  et  que,  comme  le 
dit  Jésus-Christ  à  ses  disciples ,  s'il  était  né- 
cessaire pour  accomplir  les  Écritures,  qu'on 
prêchât  enson,nom  la  pénitence  et  la  rémission 
des  péchés  dans  toutes  les  nations  en  commençant 
par  Jénisalem ,  l'Église  avait  commencé  dès 
cette  ville  à  se  répandre  dans  toutes  les  par- 
ties de  la  terre ,  comme  on  le  voit  par  les 
Actes  des  apôtres,  dont  saint  Augustin  rap- 
porte un  grand  nombre  de  passages. 

4.  Nous  lisons,  disaient  les  donatistes, 
qu'Enoch  ayant  été  enlevé  de  ce  monde, 
parce  qu'il  était  agréable  à  Dieu,  le  reste  des 
hommes  périt  par  le  déluge  ;  que  Loth  fut 
seul  délivré  de  Sodome  avec  ses  filles; 
qu'excepté  Abraham ,  Isaac  et  Jacob ,  il  y 
avait  alors  peu  de  persoimes  dans  ces  terres 
étrangères  qui  plussent  à  Dieu;  que,  des 
douze  tribus  d'Israël,  il  n'y  en  eut  que  deux 
qui  demeurèrent  attachées  au  royaume  du 
fils  de  Salomon  ;  et  que  tout  le  monde, 
ayant  apostasie  de  leur  temps,  ils  étaient 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


397 

demeurés  seuls  dans  l'Éghse.  «Nous  ajoutons 
foi  à  tous  ces  endroits  de  l'Écriture,  leur  ré- 
pond saint  Augustin;  croyez  donc  aussi  à  ce 
que  dit  le  Seigneur,  qu'il  faut  que  la  péni- 
tence et  la  rémission  des  péchés  soient  prè- 
chées  parmi  toutes  les  nations,  en  commen- 
çant par  Jérusalem.  »  Il  ajoute  que  mal  à 
propos  ils  alléguaient  pour  exemple  de  leur 
séparation  la  division  des  tribus;  que  celles 
d'Israël,  en  se  séparant  du  royaume  de  Juda, 
ne  furent  pas  pour  cela  schismatiques ,  Dieu 
ayant  commandé  cette  division  par  rapport 
au  royaume  de  Juda,  et  non  par  rapport  à 
la  religion  ;  qu'au  reste  il  s'était  trouvé  de 
saints  prophètes  dans  ces  dix  tribus ,  et  que 
Dieu  s'y  réserva  dans  la  suite  sept  mille 
hommes  qui  ne  fléchirent  point  le  genou  de- 
vant Baal.  Il  prouve,  par  divers  endroits  de 
l'Écrilui-e,  que,  dans  l'Éghse,  les  bons  seront 
mêlés  avec  les  méchants  jusqu'à  la  fin  des 
siècles.  Et  parce  que  les  donatistes  se  fai- 
saient honneur  de  leur  petit  nombre,  il  leur 
dit  qu'en  ce  cas  on  devait  leur  préférer  les 
rogatistes  et  les  maximianistes,  dont  le  nom- 
bre était  encore  moins  grand;  que,  quoique 
selon  l'Évangile,  le  nombre  des  bons  soit  pe- 
tit, ce  n'est  que  par  rapport  au  grand  nombre 
des  méchants,  l'Écriture  marquant  plusieurs 
fois  que  le  nombre  des  bons  est  considérable  : 
«  Delà  vient,  ajoute-t-il,  qu'elle  compare  les 
enfants  d'Abraham  aux  étoiles  du  ciel  et  aux 
grains  de  sable  de  la  mer.  «  Il  est  écrit ,  di- 
saient les  donatistes ,  que  les  premiers  seront 
les  derniers  :  or,  l'Évangile  n'a  été  prêché  en 
Afrique  qu'après  avoir  été  annoncé  aux 
orientaux  et  à  toutes  les  autres  nations. 
C'est  encore  de  l'Afrique,  ajoutaient-ils, 
qu'il  est  dit  dans  le  Cantique  des  Cantiques  : 
0  vous  qui  êtes  la  bien-aimée  de  mon  âme,  ap- 
prenez-moi ou  vous  vous  reposez  à  midi.  Saint 
Augustin  leur  fait  voir  que  cet  endroit  de 
l'Évangile  peut  également  s'entendre  des 
Juifs  et  des  gentils  qui  ne  sont  pas  encore 
convertis  ;  que  plusieurs  nations  barbares 
ont  reçu  l'Évangile  depuis  qu'il  a  été  prêché 
en  Afrique  ;  qu'ainsi  cette  partie  du  monde 
ne  doit  pas  être  regardée  comme  la  dernière 
dans  l'ordre  de  la  foi.  Quanta  ce  qui  est  dit 
dans  le  Cantique  des  Cantiques,  il  montre  que 
cela  peut  s'entendre  également  de  toutes 
les  autres  Églises  commode  ceUes d'Afrique, 
le  terme  de  midi  étant  mis  en  cet  endroit 
pour  marquer  la  grande  charité  de  Jésus- 
Christ  pour  son  épouse  qui  est  l'Éghse  ;  qu'en 
le  pi'enant  à  la  lettre,  il  vaudrait  mieux  l'en- 


XIX,  13. 


398 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


tendre  de  l'Egypte,  qui  est  plus  méridionale 
et  où  l'Église  se  connaît  bien  mieux  par  des 
milliers  de  serviteurs  de  Dieu  qui  pratiquent 
dans  les  déserts  la  pauvreté  évangélique  dans 
toute  son  étendue.  Il  leur  porte  le  défi  de 
produire  autant  de  témoignages  de  l'Écriture 
d'où  l'on  puisse  inférer  que  l'Église  est  anéan- 
tie partout,  qu'il  en  avait  allégués  pour  mon- 
trer qu'elle  est  répandue  dans  toute  la  terre; 
il  les  défie  aussi  de  montrer  que  l'Église  est 
restée  dans  l'Afrique  seule,  en  sorte  que  la  foi 
lui  ait  été  communiquée,  non  de  Jérusalem, 
mais  de  Carthage  où  ils  ont  en  premier  lieu 
élevé  un  épiscopat  contre  l'épiscopat.  «  Que 
si  vous  répondez ,  ajoute-t-il,  que  la  foi  pré- 
chée  par  les  apôtres  ayant  disparue  dans  les 
lieux  où  ils  l'avaient  semée,  il  est  nécessaire 
de  la  semer  de  l'Afrique  dans.  les  autres  pro- 
vinces ,  nous  vous  demandons  de  le  prouver 
par  quelques  témoignages  des  oracles  di- 
vins. »  n  donne  un  précis  des  actes  munici- 
paux par  lesquels  il  était  constant  que  les  au- 
teurs des  donatistes  avaient  été  traditeurs,  et 
montre  que  nul  ne  parvient  à  la  vie  éternelle 
qu'il  n'ait  pour  chef  Jésus-Christ  ;  et  que  nul 
ne  le  peut  avoir  pour  chef,  s'il  n'est  dans  son 
coi'ps  qui  est  l'Église.  C'est  pourquoi  il  dit  aux 
donatistes  d'employer!  l'autorité  respectable 
de  l'Écriture,  pour  montrer  qu'ils  sont  dans 
l'ÉgUse,  disant  que  les  catholiques  n'exi- 
geaient pas  qu'on  les  crût  dans  l'Église  de  Jé- 
sus-Christ ,  parce  qu'ils  tiennent  la  même  foi 
qu'ont  tenue  Optât  de  Milève,  Ambroise  de 
Milan  et  un  nombre  infini  d'évêques  de  leur 
communion,  ou  parce  qu'elle  a  été  préconi- 
sée dans  les  conciles,  ou  parce  qu'il  se  fait 
par  tout  le  monde,  dans  les  heux  mêmes  de 
leur  communion,  des  miracles  dans  les  lieux 
saints  où  reposent  les  corps  des  martyrs; 
mais  parce  qu'ils  sont  en  état  de  montrer 
par  l'autorité  des  livres  sacrés  que  l'Église 
dans  laquelle  ils  vivent  est  la  véritable. 
sui(e.  pag.  5.  Les  donatistes  se  plaignaient  des  per- 
sécutions que  leur  faisaient  les  cathohques 
pour  les  engager  à  se  réunir  à  eux.  Saint  Au- 
gjstin  leur  répond  :  «  Il  arrive  tous  les  jours 
qu'un  fils  se  plaint  de  son  père  comme  d'un 
persécuteur,  de  même  qu'une  femme  de 
son  mari,  et  un  serviteur  de  son  maître, 
quoique  le  père,  le  mari  et  le  maître  n'em- 
ploient les  châtiments  que  pour  la  coiTec- 
tion  de  ceux  qui  leur  sont  soumis.  On  n'ap- 
pelle persécuteurs,  que  ceux  qui  font  du  mal 
aux  bons  pour  les  engager  dans  le  mal,  et 
non  ceux  cpi  ne  châtient  les  méchants  que 


pom-  les  faire  rentrer  dans  le  devoir.  Les 
peines  que  les  empereurs  ont  fait  souffrir 
aux  donatistes  en  les  privant  ou  des  lieux  où 
ils  s'assemblaient,  ou  des  honneurs  dont  ils 
jouissaient,  ou  de  leur  argent,  sont  douces 
en  comparaison  de  leurs  sacrilèges  ;  et  ils 
ne  les  ont  même  employées  que  pour  les 
retirer  du  crime,  et  les  préserver  de  la  dam- 
nation éternelle.  Au  reste  un  méchant  fils 
persécute  plus  son  père  par  sa  mauvaise  vie, 
qu'un  bon  père  ne  persécute  son  fils  par  ses 
corrections.  La  servante  de  Sara  persécu- 
tait plus  sa  maîtresse  par  l'iniquité  de  sou 
orgueil,  que  Sara  ne  persécutait  sa  servante 
par  un  juste  châtiment.  Et  ceux  à  l'égard 
desquels  il  est  écrit  :  Le  zèle  de  votre  maison 
m'a  consumé,  persécutaient  plus  cruellement 
Notre-Seigneur,  qu'il  ne  les  persécuta  lui- 
même,  lorsqu'il  renversa  leurs  tables  et  qu'il 
les  chassa  du  temple  avec  un  fouet.  » 

6.  La  dernière  difficulté  des  donatistes  re-     smie, 

377. 

gardait  la  manière  dont  ils  seraient  reçus  des 
catholiques,  s'ils  se  réunissaient  à  eux;  saint 
Augustin  leur  répond  :  «  Les  hérétiques  ayant 
les  mêmes  sacrements  que  l'Église  catholi- 
que, ils  y  sont  reçus  en  corrigeant  leurs  pro- 
pres erreurs,  et  non  en  violant  le  sacrement 
de  Jésus-Christ,  c'est-à-dire  non  en  se  fai- 
sant baptiser  de  nouveau,  mais  en  embras- 
sant le  lien  de  la  paix  et  de  la  charité  qu'ils 
n'ont  pas ,  et  sans  laquelle  le  baptême 
qu'ils  ont,  ne  peut  leur  être  utile  ;  car 
l'un  et  l'autre  sont  nécessaires  au  salut,  le 
baptême  et  la  justice  qui  sont  inséparables 
de  la  charité  et  du  lien  de  la  paix.  Il  n'y  a 
rien  de  clair  dans  l'Écriture  touchant  la  ma- 
nière de  recevoir  les  hérétiques  au  sein  de 
l'Église,  parce  que  nous  n'y  lisons  point  que 
quelqu'un  soit  passé  de  l'hérésie  à  l'unité  ; 
mais  toutes  les  nations,  en  commençant  par 
Jérusalem,  devant  recevoir  la  pénitence  et 
la  rémission  des  péchés  au  nom  de  Jésus- 
Christ,  il  est  visible  qu'on  peut  aussi  l'ac- 
corder aux  hérétiques  lorsqu'ils  la  deman- 
dent sincèrement  et  sans  détom\  »  Le  saint 
Docteur  explique  de  la  charité,  et  non  du 
baptême  visible,  ce  qui  est  dit  dans  le  livre 
des  Proverbes  :  Buvez  de  Veau  de  votre  citerne  Prov. 
et  des  ruisseaux  de  votre  fontaine,  etc.;  et 
montre  que  cette  eau  qui  manque  aux  héré- 
tiques, lorsqu'ils  reçoivent  le  baptême,  leur 
est  accordée,  lorsqu'ils  reviennent  à  l'unité 
de  l'Église.  Ils  ont  néanmoins  l'eau  figurée 
par  celle  qui  sortit  du  côté  de  Jésus-Christ, 
c'est-â-dire  le  baptême,  qui  quoique  de  l'É- 


[iV"  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


399 


glise  est  passée  à  ceux  qui  en  sont  dehors. 
II  revient  à  l'argument  que  les  donatistes 
tiraient  de  leur  situation  au  midi;  et  pi'ouve 
par  plusieurs  endi'oits  des  Psaumes,  que  non- 
seulement  les  peuples  qui  sont  au  midi,  mais 
ceux-là  aussi  qui  sont  au  nord  et  au  cuochant 
sont  citoyens  de  la  cité  du  grandroi.  Ilmon- 
Ire  enfin  qu'il  n'y  a  aucune  partie  du  mon- 
de où  l'Évangile  ne  doive  être  prêché  avant 
la  fin  du  monde.  Il  conclut  en  disant  qu'il 
n'est  pas  à  croire  qu'une  Église,  qui,  comme 
le  disaient  les  donatistes,  devait  si  tôt  périr, 
quoique  répandue  dans  toutes  les  parties 
de  la  terre,  ait  été  relevée  par  tant  de  té- 
moignages de  l'Écriture,  et  qu'il  ne  soit  rien 
dit  de  celle  de  Donat,  qui,  selon  eux,  devait 
demeurer  jusqu'à  la  fin  des  siècles. 

§  V. 

Des  quatre  livres  contre  Cresconius. 

1.  Un  donatiste,  nommé  Cresconius,  ayant 
trouvé  l'écrit  de  saint  Augustin  contre  le 
commencement  de  la  lettre  de  Pétilien,  c'est- 
à-dire  son  premier  livre,  y  fit  une  répliqp^ie 
dans  laquelle  il  entreprenait  de  défendre 
son  parti,  et  de  soutenir  ce  que  Pétilien 
avait  avancé  dans  sa  lettre.  Cresconius  était 
un  simple  laïque,  et  grammairien  de  profes- 
sion. Il  adressa  son  ouvrage,  qui  était  en 
forme  de  lettre,  à  saint  Augustin  même,  qui 
lui  répondit  en  trois  livres.  Mais,  voyant  dans 
la  suite  que  le  seul  argument  de  leur  schis- 
me entre  Maximien  et  Primien,  suffisait  pour 
répondre  à  tout,  il  le  traita  en  particulier 
dans  un  quatrième  livre  qui  est  aussi  inti- 
tulé :  Contre  Cresconius.  Ces  quatre  livres 
ne  furent  faits  que  longtemps  après  l'ou- 
vrage de  Cresconius  ;  car  saint  Augustin  ne 
l'avait  reçu  que  fort  tard.  Il  y  marque  lui- 
même  '  que  loi'squ'il  les  écrivit,  l'empereur 
Honorius  avait  déjà  donné  ses  lois  contre 
les  donatistes,  mais  qu'elles  étaient  encore 
toutes  récentes.  C'était  donc  vers  l'an  406  : 
car  ces  lois  furent  données  en  405  après  le 
meurtre  de  Maximien,  évêque  catholique  , 
comme  le  marque  le  même  saint  dans  son 
troisième  livre  ^ 

2.  Il  commence  le  premier  livre  par  justi- 
fier l'éloquence  et  la  dialectique  contre  les  ca- 
lomnies de  Cresconius,  qui  soutenait  que  les 
chrétiens  ne  devaient  point  en  user,  et  mon- 
tre que  ni  l'une,  ni  l'autre  ne  doivent  point 


empêcher  les  défenseurs  de  la  vérité  de  com- 
•  battre  la  fausseté  ;  puisqu'il  est  permis  de  re- 
prendre ceux  qui  se  trompent,  et  même  d'u- 
ser de  véhémence  en  les  attaquant,  selon 
que  la  charité  le  demande.  Il  fait  sentir  com- 
bien l'excuse  de  Cresconius  était  vaine,  lors- 
qu'il se  disait  beaucoup  au-dessous  de  lui 
dans  l'art  de  bien  dire,  et  peu  instruit  dans 
la  doctrine  de  la  religion  chrétienne.  «A  quoi 
bon  cette  excuse,  lui  dit  saint  Augustin?  vous 
ai-je  contraint  de  réfuter  mes  ouvrages?  »  Il 
fait  voir  que  saint  Paul  et  Jésus-Christ  même 
ont  employé  la  dialectique  dans  leurs  dis- 
cours. Puis,  passant  à  la  question  du  baptê- 
me, il  montre  que  si  les  catholiques  recon- 
naissent pour  valide  le  baptême  des  donatis- 
tes, ceux-ci  ne  peuvent  en  conclure  qu'il  faille 
le  recevoir  d'eux  ;  que  la  raison  de  le  recon- 
naître pour  bon  chez  les  donatistes,  c'est 
qu'il  est  le  même  que  celui  qui  se  confère 
dans  l'Église  catholicpie;  avec  cette  difféx'ence 
que  donné  chez  eux  il  est  inutile  ,  et  utile 
chez  les  catholiques  où  se  trouvent  la  foi 
et  la  piété.  «  Il  n'y  a,  ajoute-t-il,  qu'un  Dieu, 
qu'une  foi,  qu'un  baptême,  et  qu'une  Église 
catholique  qui  ne  peut  être  corrompue,  non 
dans  laquelle  seule  on  sert  et  on  honore  un 
sfeul  Dieu,  mais  dans  laquelle  seule  on  le 
sert  et  on  l'honore  avec  une  vraie  piété; 
non  dans  laquelle  seule  on  garde  une  seide 
foi,  mais  dans  laquelle  seule  on  a  une  seule 
foi  accompagnée  de  charité  ;  non  dans  la- 
quelle seule  on  ne  reçoit  qu'un  baptême, 
mais  dans  laquelle  seule  on  le  reçoit  salu- 
tairement.  »  On  convenait  de  part  et  d'autre 
qu'il  n'y  avait  qu'une  Église.  Cresconius  en 
concluait  que  ceux  qui  ne  sont  pas  dans 
cette  Église  miique,  ne  pouvaient  pas  avoir 
le  baptême  unique.  Mais  saint  Augustin  lui 
répond,  qu'il  peut  y  avoir  plusieurs  choses 
appartenant  à  la  loi  de  Dieu,  parmi  des 
gens  qui  ne  seront  pas  dans  cette  même 
Église,  c'est-à-dire  parmi  des  hérétiques  ;  et 
que  le  baptême  en  est  une.  Ne  pouvant  pro- 
duire d'exemples  tirés  du  Nouveau  Testa- 
ment, pour  prouver  qu'on  ne  doit  point  re- 
baptiser les  hérétiques ,  0  en  rapporte  de 
l'Ancien,  et  demande  à  Cresconius,  si  un 
homme  circoncis  chez  les  Samaritains  rece- 
vait une  seconde  fois  la  circoncision  lors- 
qu'il passait  chez  les  Juifs.  Il  ajoute,  que  si 
quelqu'un  des  Juifs  se  mettait  du  pai^ti  des 
Nazaréens  qui  sont  en  même  temps  circoncis 


'  Lib.  II  Retract.,  cap.  xxvi. 


2  August.,  lib.  m  cont.  Cresc,  cap.xunet  xlvu. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Analype  du 
SPcond  Ihre  , 
pce:.  423. 


400 

et  baptisés,  on  ne  l'obligerait  point  de  se 
faire  circoncire  de  nouveau.  Il  presse  Cres- 
conius  de  montrer,  par  l'autorité  de  l'Écri- 
ture, que  l'on  ait  baptisé  quelqu'un  venant 
de  l'hérésie  à  l'Église  catholique.  Et  comme 
il  n'était  possible  ni  aux  donatistes  ni  aux 
catholiques  de  s'appuyer  par  quelques  exem- 
ples tirés  de  l'Écriture,  il  déclare  qu'il  faut 
s'en  rapporter  au  sentiment  de  l'Église  uni- 
verselle, dont  l'autorité  se  trouve  établie  dans 
les  saintes  Écritures  ;  et  que  nous  devons  la 
consulter  si  nous  ne  voulons  pas  être  trompés 
dans  une  question  si  obscure.  Car,  comme  la 
sainte  Écriture  ne  peut  tromper,  quiconque 
craint  d'être  trompé  sur  l'obscurité  de  cette 
question  touchant  la  vraie  Église,  doit  con- 
sulter sur  cela  cette  même  Église,  que  l'É- 
criture nous  fait  connaître,  sans  aucune  am- 
biguïté, être  l'Église  véritable.  Saint  Augus- 
tin offre  à  Cresconius  de  lui  prouver  par  des 
témoignages  clairs,  que  la  vraie  Église  est 
celle  qui  est  répandue  dans  toute  la  terre. 

3.  Il  montre  dans  le  second  livre,  que  ce 
grammairien  n'avait  en  aucune  manière  ré- 
futé son  écrit  contre  Pétilien;  si  ce  n'est 
peut-être  parce  qu'il  lui  avait  appris  qu'il  fal- 
lait appeler  donatiens,  et  non  pas  donatistes 
ceux  du  parti  de  Donat.  Il  lui  passe  sans 
peine  ces  remarques  grammaticales,  disant 
que  lorsque  les  choses  étaient  constantes, 
on  devait  peu  s'inquiéter  des  noms  et  des 
termes.  Il  prouve  par  la  définition  même  de 
Cresconius,  que  les  donatiens  étaient  en 
même  temps  hérétiques  et  schismatiques; 
et  parce  qu'il  faisait  un  reproche  aux  catho- 
bques  d'avoir  reçu  au  nombre  des  évêques 
ceux  qui  l'avaient  été  dans  le  parti  de  Donat, 
il  le  bat  par  lui  même  ayant  reconnu  dans  sa 
définition  que  les  catholiques  et  les  donatiens 
avaient  une  même  rebgion  et  les  mêmes 
sacrements.  «  Quoique,  dit-il,  dans  leur  or- 
dination on  invoque  sur  eux  le  nom  de 
Dieu,  et  non  celui  de  Donat,  on  ne  les  reçoit 
néanmoins  dans  leur  degré  d'honneur  lors- 
qu'ils reviennent  à  l'Église,  qu'autant  qu'il 
est  utile  pour  la  paix  et  le  bien  de  cette  Égli- 
se. Car  ce  n'est  pas  pom"  nous,  pom-suit-il, 
que  nous  sommes  évêques,  mais  pour  ceux 
auxquels  nous  administrons  la  parole  et  le 
sacrement  du  Seigneur,  de  sorte  que  se- 
lon que  la  nécessité  le  demande ,  et  que  la 
crainte  de  scandahser  et  de  nuire  à  ceux 
que  nous  avons  à  gouvei-ner  le  permet,  nous 
devons  être  prêts  à  être  ou  à  n'être  pas  ce 
que  nous  ne  sommes  que  pour  les  autres  et 


f 


non  pas  pour  nous.  D'ofi  vient  que  plusieurs 
évêques,  pleins  d'une  sainte  humilité,  étant 
touchés  à  la  vue  de  quelques  défauts  qu'ils 
voyaient  en  eux,  se  sont  rendus  dignes  de 
louange  en  se  démettant  de  l'épiscopat,  ne 
l'ayant  fait  que  par  un  religieux  sentiment 
de  piété,  bien  loin  d'avoir  faiUi.  »  Saint  Au- 
gustin soutient  donc  que,  lorsqu'il  s'agit  de 
l'utilité  des  peuples,  il  convient  de  recevoir, 
dans  le  degré  de  l'épiscopat,  ceux  qui  occu- 
paient le  même  degré  chez  les  hérétiques, 
la  charité  étant  la  seule  qui  ne  se  trouve 
point  hors  de  l'Église.  Cresconius  s'efforçait 
de  montrer  que  Pétilien  avait  eu  raison  de 
dire  que  dans  l'administration  des  sacre- 
ments il  fallait  faire  attention  à  la  bonté  de 
la  conscience  de  celui  qui  les  confère.  Et 
parce  que  Pétilien  ne  s'était  point  assez 
expliqué  sur  la  manière  de  connaître  cette 
bonne  conscience,  Cresconius  disait  que  l'on 
peut  en  juger  par  la  réputation  que  le 
ministre  se  trouve  avoir  dans  le  public.  Mais 
saint  Augustin  lui  démontre  qu'il  y  a  de  la 
fohe  dans  cette  exception ,  puisqu'il  est 
très-possible  qu'un  homme  de  bonne  répu- 
tation ait  la  conscience  mauvaise  ;  et  qu'ainsi 
il  faut  tenir  pour  certain  que  les  mauvais 
comme  les  bons  administrent  [également  le 
sacrement  de  baptême,  quant  à  ce  qui  est 
visible  et  sensible;  et  qu'à  celui-là  seul  ap- 
partient de  laver  et  de  purifier  la  conscience  j 
qui  est  toujours  bon,  qui  est  l'auteur  du 
baptême  visible  et  de  la  grâce  invisible. 
Quant  aux  persécutions  dont  Cresconius  ac- 
cusait les  catholiques,  et  aux  crimes  de  tra- 
ditions et  d'idolâtrie  qu'il  leur  objectait, 
saint  Augustin  répond  que  s'ils  s'en  trouvent 
coupables,  on  ne  doit  en  accuser  que  ceux, 
qui  dans  l'Église  sont  regardés  comme  la 
paille  de  l'aire,  c'est-à-dire  les  mauvais  ca- 
tholiques; mais  que  ce  ne  saurait  être  une 
raison  pom-les  donatistes  de  quitter  l'aire  du 
Seigneur  avant  la  séparation  du  bon  grain 
d'avec  la  paille. 

4.  Cresconius  objectait  ces  paroles  du 
psaume  cxl  :  L'huile  du  pécheur  n'oindra  pas 
via  tète.  Saint  Augustin  répond  qu'elles  fai- 
saient également  contre  les  donatistes  qui 
ne  rebaptisaient  pas  ceux  qui  avaient  été 
baptisés  par  des  pécheurs  cachés,  dont  les 
crimes  venaient  ensuite  à  se  manifester.  Il 
ajoute  que  ces  autres  paroles  de  l'Écriture  : 
Celui  qui  est  baptisé  par  tm  mort,  que  lui  sert 
son  baptême?  ne  faisaient  pas  moins  contre  les 
donatistes,   puisqu'elles  regardaient   égale- 


Suitt 
43.1. 


[IV'  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


401 


se  du 
c  H  . 
.  136. 


ment  le  pécheur  caché  ou  connu  ;  l'Écriture 
ne  faisant  aucune  distinction  de  l'un  d'avec 
l'autre.  Et  sur  ce  que  Cresconius  insistait 
beaucoup  sur  la  lettre  de  saint  Cyprien  à  Ju- 
haïen  où  le  baptême  des  hérétiques  est  re- 
gardé comme  nul,  saint  Augustin  lui  répond 
qu'il  n'est  point  frappé  de  l'autorité  de  cette 
lettre  ;  qu'il  ne  regarde  pas  non  plus  les  au- 
tres lettres  de  ce  Père  comme  canoniques; 
qu'il  en  reçoit  ce  qui  est  conforme  aux  divines. 
Écritures,  rejetant  ce  qui  y  est  contraire.  «  Si 
les  méchants,  ajoute-t-il,  perdent  les  bons  à 
cause  de  la  communication  des  sacrements, 
il  est  hors  de  doute  que  ceux  qui,  avant  saint 
Cyprien,  sont  passés  de  l'hérésie  dans  l'Église 
catholique,  sans  y  avoir  été  baptisés  de  nou- 
veau, y  ont  corrompu  les  bons  par  leur  con- 
tagion. Il  n'y  avait  donc  plus  alors  d'Église  à 
laquelle  saint  Cypi-ien  pût  s'attacher,  ni  d'où 
Donat  put  sortir  ensuite.  Mais  si  cette  conta- 
gion n'a  pas  corrompu  les  bons,  celle  des 
traditeurs  n'a  pu  non  plus  corrompre  tout  le 
monde  chrétien.  »  D'où  il  infère  que  les  do- 
natistes  n'ont  eu  aucune  raison  de  se  sépa- 
rer de  l'Église,  qui  «  paraît,  dit-il,  visible  et 
reconnaissable  aux  yeux  de  tous ,  puisqu'elle 
est  cette  ville,  qui  étant  située  sur  la  monta- 
gne, ne  saurait  être  cachée  ;  et  par  laquelle 
le  Seigneur  règne  depuis  une  mer  jusqu'à 
l'autre,  et  depuis  le  fleuve  jusqu'aux  extré- 
mités de  la  terre,  selon  l'expression  de  l'Écri- 
ture.» 

5.  Saint  Augustin  prouve  dans  le"  troisième 
livre,  qu'en  vain  Cresconius  s'autorisait  du 
nom  de  saint  Cyprien,  puisque  non-seule- 
ment un  grand  nombre  d'évêques  étaient 
alors  d'un  sentiment  contraire ,  mais  que  ce 
Père  laissait,  à  ceux  qui  ne  pensaient  pas 
comme  lui  sur  le  baptême  des  hérétiques,  la 
liberté  de  penser  autrement,  sans  pour  cela 
se  séparer  de  leur  communion.  Il  réfute  de 
suite  et  par  ordre  les  objections  de  ce  gram- 
mairien, qui  revenaient  à  celles  de  Pétilien 
déjà  réfutées  dans  les  livres  centime  ce  dona- 
tiste.  Il  les  réduit  à  trois  chefs.  Cresconius 
accusait  les  catholiques  d'avoir  pour  auteurs 
des  traditeurs ,  de  s'être  servis  de  l'autorité 
des  empereurs  pour  persécuter  les  donatis- 
tes ,  et  de  croire  que  le  baptême  de  l'Église 
peut  être  donné  hors  de  l'Eglise.  Saint  Au- 
gustin répond  au  premier  chef  que  les  do- 
natistes  avaient  aussi  accusé  les  maximia- 
nistes  d'être  traditeurs;  que,  toutefois,  ils 
les  avaient  reçus  dans  leur  communion  ;  au 
second,  qu'ils  avaient  exercé  de  très-grandes 
IX. 


cruautés  envers  les  maximianistes,  sous  l'au- 
torité des  juges  commis  par  les  empereurs; 
au  troisième ,  qu'ils  avaient  reconnu  pour 
bon  le  baptême  donné  dans  le  schisme  par 
les  maximianistes,  puisqu'ils  n'avaient  pas 
rebaptisé  ceux  qui  l'avaient  été  hors  de  leur 
Église,  et  dans  celle  des  schismatiques.  Il 
prouve  tous  ces  faits  par  les  actes  des  con- 
ciles de  Cirthe  et  deBagai,  et  par  les  actes  pro- 
consulaires et  municipaux.  Ensuite,  pour 
convaincre  de  schisme  les  donatistes ,  il  en 
apporte  un  argument  sensible,  savoir,  le  dé- 
faut de  communion  avec  l'Église,  qui  s'étend 
et  s'accroît  par  tout  le  monde.  Car  cette  éten- 
due est  une  marque  qui  distingue  visible- 
ment la  vraie  Église  des  sociétés  hérétiques. 
«  Étant ,  dit-il ,  les  uns  dans  un  lieu ,  et  les 
autres  dans  un  autre ,  ils  combattent  contre 
l'unité  catholique  qui  est  répandue  partout. 
L'Église,  dont  ces  hérétiques  sont  sortis,  est 
partout  ;  mais  eux  ne  peuvent  être  partout, 
puisqu'il  est  prédit  qu'ils  diront  :  Voici  Jé- 
sus-Christ ici,  le  voici  là.  Donc,  le  parti  de 
Donat  n'est  point  lié  de  communion  à  cette 
Église  qui  se  répand  partout  par  de  grands 
accroissements.  La  vraie  communion  n'est 
pas  celle  que  toutes  les  sectes  d'hérétiques 
ont  ensemble  ;  c'est  celle  que  les  hérétiques 
n'ont  pas  avec  les  cathohques,  et  que  les 
catholiques  ont  entr'eux  ;  c'est  celle  qu'ont 
avec  l'Éghse  catholique  les  justes  et  les  pail- 
les intériem'es,  et  non  pas  ceux  qui  sont  hors 
de  l'Église,  et  que  saint  Augustin  appelle  les 
pailles  hérétiques  séparées  de  l'aire  du  Sei- 
gneur. » 

6.  C'est  aussi  par  cette  marque  que  saint 
Augustin  distingue  dans  le  quatrième  hvre, 
la  vraie  Église ,  non-seulement  des  donatis- 
tes, mais  aussi  des  novatiens,  des  ariens, 
des  patropassiens ,  des  valentiniens,  des  ap- 
pellistes  et  des  marcioniles.  «L'Église,  dit-il, 
est  pai'tout  où  sont  ces  hérésies ,  comme  elle 
est  dans  l'Afrique  où  vous  êtes.  Mais  vous 
n'êtes  pas  partout  où  elle  est,  ni  aucune  de 
ces  hérésies.  Et  c'est  de  là  qu'il  paraît  qu'elle 
est  cet  arbre  qui  étend  ses  branches  par 
toute  la  terre,  et  qui  sont  ses  branches  rom- 
pues qui  n'ont  point  la  vie  de  la  racine ,  et 
qui  tombent  chacune  dans  les  Meux  où  elles 
sèchent.  » 

Dans  ce  quatrième  livre ,  ce  Père  réfute 
de  nouveau  la  lettre  entière  de  Cresconius, 
et  il  le  fait  par  la  seule  histoire  des  maxi- 
mianistes, qui,  selon  lui,  fournissaient  des 
solutions  sans  réplique ,  à  toutes  les  objec- 

26 


Analyse  du 
quatrième  U- 
-Vie,  pag.  4S2. 


402 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


tions  que  Cresconius  et  les  autres  donatistes 
faisaient  contre  les  catholiques.  En  effet ,  si 
les  donatistes  trouvaient  mauvais  que  les 
princes  se  mêlassent  des  les  affaires  ecclé- 
siastiques, ils  s'étaient  eux-mêmes  adressés 
aux  juges  commis  par  les  princes  contre  les 
maximianistes.  S'ils  se  plaignaient  de  la  ri- 
gueur des  lois  faites  contre  eux,  ils  les 
avaient  employées  contre  les  maximianistes. 
S'ils  disaient  qu'il  est  injuste  de  persécuter 
et  glorieux  de  souffrir ,  les  maximianistes 
avaient  souffert ,  de  leur  part ,  toutes  sortes 
de  persécutions.  Si  la  communion  avec  les 
pécheurs  rend  les  innocents  coupables,  ils 
avaient  reçu  Félicien  et  Prétextât  dans  leur 
communion,  sans  satisfaction  et  sans  péni- 
tence ,  après  les  avoir  condamnés  dans  le 
concile  de  Bagai,  comme  ordinateurs  de 
Maximien ,  et  les  avoir  poursuivis  devant  le 
proconsul,  pour  être  dépossédés  de  leurs 
églises.  Si  tout  baptême  donné  hors  de  l'É- 
glise catholique  doit  être  réitéré  comme  nul, 
pouvaient-ils  douter  de  la  nullité  du  baptême 
donné  par  Félicien  et  Prétextât ,  et  par  les 
autres  de  la  communion  de  Maximien?  Tou- 
tefois ,  quoiqu'ils  le  reganiassent  comme 
donné  hors  de  l'Église  ,  ils  l'avaient  ratifié , 
en  recevant  ceux  de  ce  parti  sans  les  bapti- 
ser de  nouveau.  Il  est  vrai  que  Cresconius  et 
les  autres  donatistes  répondaient  qu'Optât, 
dit  le  Gildonien,  les  y  avait  obligés;  que 
d'ailleurs  Félicien  et  Prétextât  étaient  reve- 
nus dans  le  temps  que  le  concile  leur  avait 
donné  ;  mais  saint  Augustin  se  moque  avec 
raison  d'une  pareille  réponse,  disant  que  la 
crainte  d'Optat  n'avait  pas  dû  les  obliger  à 
agir  contre  leurs  principes.  Quant  à  ce  qu'ils 
disaient  du  retour  de  Félicien  et  de  Prétex- 
tât ,  il  fait  voir  par  les  actes  proconsulaires, 
qu'ils  ne  revinrent  qu'après  le  terme  qu'on 
leur  avait  donné.  Comme  ils  n'avaient  pas 
non  plus  rebaptisé  ceux  à  qui  cet  Optât  avait 
conféré  le  baptême,  il  leur  dit  :  «  Si  le  bap- 
tême donné  de  la  part  d'im  si  méchant 
homme  leur  paraissait  bon,  il  était  honteux 
à  eux  de  ne  pas  recevoir  comme  valide  celui 
qui  était  donné  dans  les  Éghses  des  Corin- 
thiens, des  Galates ,  des  Éphésiens  et  autres 
fondées  par  les  apôtres,  où  les  accusations 
formées  contre  Cécihen,  non-seulement  n'ont 
pas  été  connues,  mais  où  l'on  n'a  peut-être 
jamais  entendu  parler  de  lui.  »  Mais  quoi- 
qu'il soutienne  que  le  baptême  donné  par 


un  bon  ou  un  mauvais  ministre  ,  dedans  ou 
dehors  de  l'Église,  soit  valide,  il  croit  toute- 
fois qu'il  y  a  de  l'avantage  à  le  recevoir 
d'un  ministre  doué  de  probité  ;  non  que  le  sa- 
crement en  soit  meilleur ,  mais  parce  qu'en 
voyant  les  bonnes  mœurs  de  celui  de  qui  on 
reçoit  le  baptême,  on  est  porté  \  les  imiter. 
Possidius  fait  mention  '  des  quati'e  livres 
contre  Cresconius,  et  d'une  lettre  écrite  à  un 
grammairien  de  même  nom.  C'était  appa- 
remment le  même  qui  avait  pris  la  défense 
de  la  lettre  de  Pétilien ,  et  que  saint  Augus- 
tin réfuta  dans  les  quatre  livres  dont  nous 
venons  de  parler.  Le  premier  avait  pour  ti- 
tre :  Preuves  et  témoignages  contre  les  dona- 
tistes ?  Le  second  était  intitulé  :  Contre  je  ne 
sais  quel  donatiste^.  Voici  quelle  en  fut  l'occa- 
sion. Saint  Augustin  avait  promis  à  ceux  de  ce 
parti  de  leur  fournir  toutes  les  pièces  et  tous 
les  actes ,  soit  ecclésiastiques ,  soit  civils ,  et 
tous  les  passages  de  l'Écriture  nécessaires  pour 
décider  la  question  du  schisme,  afin  de  les 
exciter  à  les  demander.  Un  de  ceux,  entre  les 
mains  de  qui  cette  promesse  tomba ,  fit  un 
écrit  contraire,  où  il  ne  prr^nait  d'autre  nom 
que  celui  de  donatiste;  ce  qui  engagea  saint 
Augustin  dans  la  réponse  qu'il  lui  fit  de  ne 
lui  point  donner  d'autre  nom.  Le  troisième 
parut  sous  le  titre  écrit,  d'Avis  aux  donatistes, 
touchant  les  maximianistes ,  parce  qu'il  y 
faisait  voir  par  la  seule  histoire  de  ces  der- 
niers, que  le  parti  de  Donat  n'était  soute- 
nable  en  aucune  manière. 

§  VI. 

De  l'Unité  du  baptême  contre  Pétilien. 

i.  Le  livre  de  l'Unité  du  baptême,  fut  com- 
posé avant  la  conférence  de  Carthage,  c'est- 
à-dire  avant  le  mois  de  juin  de  l'an  411. 
Cela  se  prouve  non-seulement  parce  qu'il 
n'y  est  rien  dit  de  cette  conférence,  mais 
encore  parce  que  saint  Augustin  y  dit  que 
les  donatistes  n'apportaient  aucune  preuve 
des  reproches  qu'ils  faisaient  au  pape  Mar- 
cellin  et  à  ses  prêtres  Melchiade,  Marcel  et 
Sylvestre,  d'avoir  livré  les  saintes  Écritures, 
et  offert  de  l'encens  aux  idoles.  Car  ils  en 
alléguèrent  quelques-unes  dans  la  confé- 
rence, quoique  fausses  et  sans  aucun  fonde- 
ment. On  y  voit  encore  que  ce  Père  ne  s'é- 
tait pas  corrigé  d'une  erreur  de  fait  dans  la- 
quelle il  était  déjà  tombé  plusieurs  fois,  qui 


Livre 
l'Unité 
bsptëme,  V) 


1  Possid.,  in  CataU,  cap.  m. 


*  Lib.  H,  Relract.,  cap.  x.xvn,  xxviii  et  xxix. 


[IV^  ET  V'  SIÈCLES.' 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÈQUE  D'HIPPONE. 


403 


était  de  ne  mettre  le  jugement  de  Félix 
d'Aptonge  qu'après  celui  que  l'empereur 
Constantin  rendit  en  faveur  de  Cécilien  ;  er- 
reur qu'il  corrigea  sur  la  fin  de  l'an  411, 
lorsqu'il  fît  l'abrégé  de  la  conférence  de 
Carthage,  après  s'être  mieux  instruit  de  la 
vérité  de  ce  fait,  par  l'examen  des  actes  qui 
regardaient  l'affaire  de  Cécilien. 

2.  Ce  qui  l'engagea  à  traiter  encore  une 
fois  la  question  du  liaptême,  fut  la  prière  ' 
qu'un  de  ses  lamis,  nommé  Constantin,  lui* 
fit  de  répondre  à  un  livre  que  l'on  venait 
de  rendre  public,  où  l'auteur,  que  l'on  disait 
être  Pétilien  de  Cirthe  ,  .entreprenait  de  dé- 
montrer que  le  baptême  ne  se  pouvait  don- 
ner que  dans  la  secte  des  donatistes.  Quoi- 
qu'il eût  souvent  traité  la  même  matière,  il 
ne  crut  pas  devoir  se  refuser  aux  instances 
de  cet  ami,  dans  la  persuasion  qu'il  était 
utile  de  multiplier  les  bons  livres,  afin  qu'ils 
tombassent  plus  aisément  entre  les  mains 
de  tout  le  monde  ;  et  aussi  pour  satisfaire 
les  moins  intelligents  ^,  qui  s'imaginent 
qu'une  raison  est  nouvelle,  lorsqu'on  la  dit 
d'une  nouvelle  manière. 

3.  Pétilien  disait  que  le  baptême  appai"- 
tenait  tellement  aux  donatistes,  qu'il  ne  pou- 
vait pas  même  être  réitéré  par  les  sacrilè- 
ges, c'est-à-dire  par  les  catholiques.  Saint  ' 
Augustin  répond  :  n  Celui-là  n'est  pas  sacri- 
lège, qui  n'ose  pas  réitérer  l'unique  baptê- 
me ,  qui  est  de  Jésus-Christ,  et  non  des  do- 
natistes. Comme  les  Juifs  sont  mauvais 
dans  une  bonne  loi,  de  même  les  donatistes 
sont  mauvais  avec  un  bon  baptême  ;  et 
comme  on  ne  détruit  pas  dans  un  juif,  lors- 
qu'il se  fait  chrétien,  ce  qu'il  y  a  de  bon, 
c'est-à-dire  la  loi  ;  de  même  lorsque  les  hé- 
rétiques et  les  schismatiques  reviennent  à 
l'Église,  on  ne  viole  point  en  eux  les  sacre- 
ments en  les  réitérant,  si  toutefois  ils  les  ont 
reçus  dans  la  forme  usitée.  Dans  les  païens 
mêmes,  qui,  selon  saint  Paul,  ont  connu 
Dieu  par  ses  œuvres,  il  y  a  quelque  chose 
de  bon,  c'est-à-dire  cette  connaissance  de 
Dieu;  et  il  ne  s'agit  plus,  lorsqu'ils  se  conver- 
tissent, que  de  les  détromper  sur  les  menson- 
ges par  lesquels  ils  ont  obscurci  cette  con- 
naissance. » 

Pétilien  se  fondait  sur  l'endroit  des  actes 
où  nous  lisons  que  saint  Paul  fit  baptiser  au 
nom  de  Jésus-Christ  ceux  qui  n'avaient  reçu 
que  le  baptême  de  saint  Jean.  «  Montrez- 


nous,  lui  répond  saint  Augustin,  que  saint 
Jean  a  été  ou  hérétique  ou  schismatique, 
ou  que  saint  Paul  a  donné  une  seconde  fois 
le  baptême  de  saint  Jean  à  ceux  qui  l'avaient 
déjà  reçu.  Vous  n'oseriez  dire  que  saint 
Jean  ait  été  hérétique  ou  schismatique,  et 
il  parait  par  l'Écriture  que  saint  Paul  ne 
donna  pas  le  baptême  de  saint  Jean  à  ceux 
qui  l'avaient  déjà  reçu,  mais  qu'il  les  bap- 
tisa du  baptême  de  Jésus-Christ.  Ainsi  vous 
ne  pouvez  rien  tirer  de  là  pour  la  rebaptisa- 
tion.  » 

Pétilien  comparait  ceux  qui  baptisaient 
hors  du  parti  de  Donat,  à  ceux  qui,  après 
avoir  chassé  les  démons  au  nom  de  Jésus- 
Christ,  entendront  de  lui  au  jour  du  juge- 
ment :  Je  ne  vous  connais  point  :  retirez-vous 
de  moi,  vous  qui  faites  l'iniquité.  Saint  Au- 
gustin répond  :  «  Jésus-Christ,  .à  cause  de 
l'iniquité  des  méchants,  ne  méconnaîtra  pas 
la  vérité  que  ces  méchants  auront  retenue 
dans  leur  iniquité;  mais  il  ne  recevra  pas 
non  plus  dans  sou  royaume  tous  ceux  en 
qui  il  aura  trouvé  quelque  vérité,  mais  ceux- 
là  seulement  qui  auront  conservé  la  charité 
convenable  à  la  vérité  ;  ainsi,  comme  il  ne 
sert  de  rien  aux  sacrilèges  d'opérer  des 
merveilles  au  nom  de  Jésus-Christ,  c'esit  de 
même  une  chose  inutile  aux  hérétiques  de 
baptiser,  ou  d'être  baptisés  du  baptême 
de  Jésus  -  Christ  ;  ce  qui  n'empêche  pas 
que  le  baptême,  donné  au  nom  de  Jésus- 
Christ  par  les  schismatiques,  ne  soit  un  vrai 
baptême  ;  comme  il  est  vrai  que  c'est  en  son 
nom  que  les  démons  sont  chassés  par  ceux- 
là  mêmes  qu'il  méconnaîtra  dans  le  dernier 
jour.  »  Il  n'y  a,  disait  Pétilien,  qu'un  Dieu, 
qu'une  foi,  qu'un  baptême  :  saint  Augustin 
n'en  disconvient  pas.  Mais  il  dit  que  l'on 
trouve  qu'il  y  en  a  hors  de  l'Église  qui  a(îo- 
rent  le  même  Dieu  que  nous,  qui  croient  de 
Dieu  ce  que  nous  en  croyons  ;  qu'il  est  donc 
aussi  possible  que  l'on  trouve  le  vrai  bap- 
tême hors  de  l'Église,  comme  on  y  trouve 
le  véritable  Évangile.  II  veut  que,  puisqu'il 
n'est  rien  décidé  dans  les  Écritures  canoni- 
ques sur  la  rebaptisation  de  ceux  qui  pas- 
sent de  l'hérésie  à  l'Église  catholique,  ni  si 
l'on  doit  les  recevoir  sans  les  baptiser  de 
nouveau,  l'on  s'en  rapporte  à  l'usage  de 
l'Église  catholique  qui  a  en  horreur  la  re- 
baptisation. Pétilien  objectait  le  décret  du 
concile  des  évêques  d'Afrique  et  de  Numidie 


August.,  lib.  II  Retract.,  cap.  xxxiv. 


Lib.  De  Unit.  Bapt.,  cap.  i. 


404 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


sous  Agrippin.  Sur  quoi  saint  Augustin  lui 
dit   que    l'erreur   de    ces   grands   hommes 
n'était  point  à  imiter,  mais   leur  verta,  et 
surtout  leur  charité   qui  a   été  si  grande, 
qu'ils  ne  se  sont  jamais  séparés  de  commu- 
nion d'avec  ceux  qui  ne  pensaient  pas  com- 
me eux  sur  la  question  du  baptême.  Il  de- 
mande à  Pëtilien,  qui,  en  nommant  par  ordre 
tous  les  évoques  de  l'Église  romaine,  avait 
nommé  Etienne,  pourquoi  ce  pape  qui,  non- 
seulement  ne  rebaptisait  pas  les  hérétiques, 
mais  qui  voulait  encore  que  l'on  excommu- 
niât ceux  qui  les  rebaptisaient,  se  conduisit 
néanmoins  de  telle  sorte  à  l'égard  de  saint 
Cyprien,  qu'ils  conservèrent  toujours  ensem- 
ble la  charité  et  l'unité?  Car,  s'il  est  vrai, 
comme  le  disent  les  douatistes,  que  les  mau- 
vais corrompent  les  bons  dans  la  participa- 
tion des  mêmes  sacrements ,  il  faut  avouer 
que  l'Église   avait  péri  dès  le   temps   d'É- 
tienne  et  de  Cyprien,  et  qu'il  n'y  en  a  point 
eu  dans  la  suite  où  Donat  ait  pu  acquérir 
une  naissance  spirituelle.  S'il  n'est  pas  per- 
mis de  penser  que  l'Église  ait  péri  par  la 
communion  des  sacrements  de  Jésus-Christ 
entre  les  bons  et  les  mauvais  ;  elle  a  donc 
pu,  cette  Église,  et  pourra  dans  la  suite  de- 
meurer dans  toutes  les  parties  du  monde, 
ainsi  qu'il  a  été  prédit,  sans  que  le  mélange 
des  bons  et  des  mauvais  puisse  lui  nuire.  La 
conséquence  qu'en  tire  saintAugustin  est  qu'il 
n'y  a  pas  eu  de  raison  au  parti  de  Majoiin  ou 
de  Donat,  de  se  séparer  de  celui  de  Cécilien. 
Pétilien  accablait  de  reproches  MarceUin,  et 
ses  prêtres  Melchiade,  Marcel  et  Sylvestre  ; 
mais  comme  il  ne  donnait  aucune  preuve  qu'ils 
fussent  coupables  des  crimes  dont  il  les  ac- 
ciisait,  saint    Augustin    lui  répond  simple- 
ment :   «  Je  les  crois  innocents.  »  Il  justifie 
néanmoins  en  particulier  Melchiade,  qui  oc- 
cupait le   saint    Siège   lorsque   l'empereur 
Constantin  lui  renvoya  l'affaire  de  Cécilien. 
Il  fait  voir  que  les  douatistes  avaient  tort  de 
l'accuser  d'avoir  livré  les  Écritures  et  offert 
de  l'encens,  puisqu'ils  ne  lui  objectaient  rien 
de  semblable,  lorsqu'il  fut  commis  juge  de 
cette  affaire,  ni  même  après  qu'il  eut  rendu 
\m  jugement  favorable  pour  Cécilien.  «  Quels 
qu'aient  été,  ajoute-t-il,  MarceUin,  Marcel, 
Mensurius  et  Cécilien,  et  tous  ceux  que  les 
douatistes  chargent  de  reproches ,  leur  con- 
duite ne  portait  aucun  préjudice  à  l'Église 


répandue  dans  toute  la  terre  ;  comme  nous 
ne  sommes  point  couronnés  par  la  sain- 
teté et  l'innocence  des  autres,  nous  ne  se- 
rons pas  non  pins  damnés  à  cause  de  leur 
iniquité.  S'ils  ont  été  bons,  ils  ont  été  sépa- 
rés de  la  paille  comme  le  bon  grain  daiis 
l'aire  de  l'Église  catholique  ;  s'ils  ont  été 
mauvais,  ils  y  ont  été  hachés  par  le  menu 
comme  de  la  paille.  Les  bons  et  les  mauvais 
peuvent  être  ensemble  dans  cette  aire  ;  mais 
*les  bons  ne  peuvent  être  au  dehors  d'elle.  » 
Après  le  lÏYve  de  l'Unité  du  baptême,  saint 
Augustin  en  met  un  dans  ses  Rétractations\ 
qui  avait  pour  titre ,  des  Maximianistes  con- 
tre les  donatistes.  Il  est  perdu. 

§  vn. 

Abrégé  de   la  Conférence  avec    les  donatistes 
Livre  aux  donatistes  après  la  conférence. 

1.  Aussitôt  après  que  la  conférence  entre 
les  catholiques  et  les  donatistes  fut  finie,  le 
tribun  MarceUin  que  l'empereur  Honorius 
avait  commis  pour  la  faire  tenir,  en  rendit 
les  actes  publics.  Comme  ils  étaient  extrê- 
mement longs ,  embarrassés  et  ennuyeux  à 
lire,  MarceP,  qui  avait  eu  quelque  part  dans 
l'aflaiie,  fut  prié  par  Séverien  et  Julien,  ca- 
tholiques comme  lui,  d'en  faire  l'abrégé.  Il 
le  fit,  et  mit  partout  des  chiflres  pour  ré- 
pondre aux  articles  des  actes ,  afin  qu'on 
pût  y  recourir,  et  trouver  aisément  ce  que 
l'on  souhaiterait.  Cet  abrégé,  qui  est  fort  obs- 
cur, ne  parut  pas  apparemment  suffisant  à 
saint  Augustin  ',  qui  en  fit  un  autre  que 
nous  avons  encore,  divisé  en  trois  parties, 
selon  les  trois  séances  ou  les  trois  jours  que 
dura  la  Conférence.  Ce  travail  lui  sembla 
utile,  parce  qu'on  y  pouvait  voir  sans  peine 
ce  qui  s'était  passé  dans  cette  assemblée. 
Mais  afin  que  ceux  qui  voudraient  consulter 
les  actes  entiers  pussent  le  faire  commodé- 
ment, il  mit  dans  son  ouvrage,  ainsi  que 
Marcel  avait  fait  dans  le  sien,  des  chi&'res 
qui  renvoyaient  aux  articles  de  la  Confé- 
rence rapportés  au  long  dans  les  actes  ori- 
ginaux. Saint  Augustin  parle  de  cet  abrégé 
dans  sa  lettre  à  MarceUin  ',  où  il  témoigne 
que  ce  travail  lui  coûta  beaucoup  de  peine  ; 
mais  qu'il  ne  put  s'en  exempter,  voyant  que 
personne  ne  voulait  prendre  la  peine  de  lire 
une  pièce  aussi  longue  qu'étaient  ces  actes. 


Abrégé 
la  GoDfére 
faite  vers 
411  0ii4l£ 


1  August,  lib.  WRetract;  cap.  xxxv.  — ^  Toiu.ll 
Conc,  iiag.  1337. 


3  Lib.  H  Retract.,  cap.  xx.kix.  —  '•  Epist.  139, 
num.  3. 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE 
comte    Boniface   à   cet 


[IV°  ET  V*  SIÈCLES.] 

Il  renvoie  aussi  le 
abrégé,  qu'il  ne  fit  au  plus  tôt  que  sur  la  fin 
de  l'an  411,  la  conférence  s'étant  tenue  au 
mois  de  juin  de  la  même  année.  Monsieur 
Baluse  '  nous  a  donné  les  actes  des  deux 
premières  conférences  et  une  partie  de  la 
troisième,  en  suppléant  à  ce  qui  y  manque, 
par  ce  qu'on  en  trouve  dans  l'abrégé  du  troi- 
sième jour  par  saint  Augustin.  U  nous  a 
donné  aussi  la  letti'e  et  l'abrégé  de  Marcel, 
et  toutes  les  autres  pièces  qui  ont  rapport  à 
cette  assemblée.  La  dernière  est  la  sentence 
que  Marcellin  rendit  après  avoir  ouï  les  par- 
ties. On  trouve  aussi  la  plupart  de  ces  pièces 
dans  le  second  tome  des  Conciles. 

2.  Ce  fut  chez  Marcellin  que  les  évéques 
catholiques  et  douatisles  s'assemblèrent  à 
Cartilage  par  ordre  de  l'empereur  Honorius, 
le  1"  juin  de  l'an  411.  Les  donatistes  qui 
savaient  que  leur  cause  n'était  pas  bonne, 
firent  tout  leur  possible  pour  empêcher  que 
cette  conférence  n'eût  lieu,  et  qu'on  ne  trai- 
tât la  question  qui  était  entre  eux  et  les  ca- 
tholiques, mais,  voyant  qu'ils  n'en  pouvaient 
venir  à  bout,  ils  en  multiplièrent  les  actes 
autant  qu'ils  le  purent,  afin  d'ôter,  du  moins 
par  leur  longueur,  l'envie  de  les  lire.  Les 
évêques  des  deux  partis  étant  entrés,  le  tri- 
bun Marcellin  fit  lire  le  rescrit  de  l'Empe- 
reur qui  ordonnait  cette  conférence,  et  l'édit 
qu'il  avait  envoyé  lui-même  dans  toutes  les 
provinces,  pour  faire  savoir  à  tous  les  évé- 
ques d'Afrique,  tant  catholiques  que  dona- 
tistes, de  se  trouver  à  Carthage  le  premier 
jour  de  juin,  pour  y  tenir  un  concile.  Il  dé- 
clarait dans  cet  édit  ou  ordonnance ,  que, 
qaoiqu'iln'en  eût  pas  d'ordre  de  l'Empereui-, 
on  rendrait  aux  évêques  donatistes,  qui 
promettraient  de  se  trouver  à  ce  concile,  les 
églises  qui  leur  avaient  été  ôtées;  il  leur  per- 
mettait en  outre  de  choisir  un  autre  juge  pour 
être  avec  lai  l'arbitre  de  cette  dispute.  On 
lut  ensuite  rme  seconde  ordonnance  de  Mar- 
cellin faite  aux  évêques  présents,  qui  leur 
prescrivait  le  lieu  et  la  manière  de  la  confé- 
rence. Mais  comme  les  évêques  du  parti  de 
Donat  demandaient  que  les  catholiques  pro- 
posassent avant  toutes  choses  quel  était  le 
sujet  de  leur  assemblée,  le  tribun  différa  à 
leur  accorder  ce  qu'ils  demandaient,  voulant 
d'abord  qu'on  lut  par  ordre  tout  ce  qui 
s'était  passé  avant  le  jour  de  la  conférence. 
n  fit  donc  lire  la  lettre  des  donatistes  :  ils  y 

1  Balus.,  Conc,  pag.  118. 


403 


disaient  qu'ils  ne  pouvaient  approuver  ce 
que  Marcellin  avait  statué,  que  ceux-là  seu- 
lement assisteraient  à  la  conférence  qui  au- 
raient été  choisis  pour  plaider  leur  cause; 
et  demandaient  à  y  être  tous  admis,  pour 
convaincre  de  fausseté  les  catholiques,  qui 
leur  reprochaient  leur  petit  nombre.  On  lut 
après  cela  les  lettres  des  évêques  catholiques 
adressées  au  tribun  MarceUin,  à  qui  ils  dé- 
claraient qu'ils  consentaient  à  tout  ce  qui 
était  porté  dans  son  ordonnance.  Us  ajou- 
taient dans  ces  lettres  :  <i  Si  les  donatistes 
peuvent  montrer  que  l'Église  n'est  demeurée 
que  dans  le  seul  parti  de  Donat,  nous  leur  cé- 
derons l'honneur  de  l'épiscopat,  et  nous  nous 
rangerons  sous  leur  conduite.  Mais  si  nous 
leur  montrons,  continuaient-ils,  que  la  véi'lté 
est  dans  notre  communion,  nous  ne  leur  re- 
fuserons pas  même  l'honneur  de  l'épiscopat, 
et  nous  consentons,  pour  le  bien  de  la  paix, 
qu'en  se  réunissant  à  nous  ils  conservent 
leur  degré  d'honneur,  afin  que  l'on  voie,  que 
nous  ne  détestons  pas  en  eux  les  sacre- 
ments, mais  leurs  erreurs.  Si  les  peuples  ne 
peuvent  souffrir  de  voir  ensemble  deux  évê- 
ques, ils  se  retirei'ont  l'un  et  l'autre,  et  l'on 
n'en  mettra  qu'un  qui  sera  ordonné  par  les 
évêques  qui  seront  sans  compétiteurs  dans 
leurs  églises.  »  ' 

On  lut  aussi  d'autres  lettres  des  catholiques 
en  réponse  à  la  déclaration  des  donatistes , 
dans  lesquelles  les  catholiques  consentaient, 
si  la  multitude  était  nécessaire  pour  la  réunion, 
que  les  évêques  des  deux  partis  s'y  trouvassent 
tous;  ils  consentaient  en  même  temps  à  ne  s'y 
rendre  de  leur  part  qu'au  nombre  marqué 
par  l'ordonnance  du  tribun;  afin  que  s'il  ar- 
rivait quelque  tumulte  ,  il  ne  fût  pas  imputé 
aux  catholiques  qui  n'étaient  qu'en  petit 
nombre,  mais  que  la  faute  en  retombât  sur 
les  donatistes  qui  avaient  amené  avec  eux 
une  multitude ,  c'est-à-dire  tous  les  évêques 
de  leur  parti ,  excepté  ceux  que  la  maladie 
ou  l'extrême  vieillesse  avaient  ou  retenus 
chez  eux ,  ou  arrêtés  en  chemin.  Les  catho- 
liques plaidaient  aussi  dans  ces  lettres  la 
cause  entière  de  l'Église  catholique ,  mon- 
ti-ant  qu'elle  ne  pouvait  être  dans  le  parti  de 
Donat;  mais  que  c'est  celle  qui  est  répandue 
partout  le  monde  et  qui  s'est  accrue  en  com- 
mençant à  Jérusalem,  suivant  qu'il  est  mar- 
qué dans  l'Écriture.  Ils  y  montraient  encore 
que  les  méchants  ne  rendent  pas  coupables 
les  innocents  en  communiquant  avec  eux; 
que  Cécilien  avait  été  absous  soit  dans  des 


406 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


^: 


tribunaux  ecctésiastiques ,  soit  devant  l'Em- 
pereur devant   lesquels  il  avait  été  traduit 
par  les  donatistes  ;  enfin  ils  y  parlaient  des 
maximianistes  ;    quoique  persécutés  et  con- 
damnés par  les  donatistes,  ceux-ci  n'avaient 
pas  laissé  de  les  recevoir  et  de  reconnaître 
pour  bon  le  baptême  qu'ils  avaient  donné 
ou  reçu  dans  le  schisme. 
p»?-"'-         3.  Après  la  lecture  de  ces  lettres,  Marcel- 
lin  demanda  si  les  donatistes  avaient  choisi 
leurs  députés  comme  les  catholiques.  Les 
donatistes  répondirent  que  les  catholiques 
avaient  déjà  plaidé  la  cause  avant  que  l'on 
eût  réglé  les  qualités  des  parties.  Ce  qu'ils 
disaient  à  cause  des  lettres  dont  nous  venons 
de  parler,  et  qui  contenaient  sommairement 
toute  la  question.  Ils  demandèrent  donc  que 
l'on  traitât  du  temps ,  de  la  procuration  ,  de 
la  personne,  de  la  cause,  avant  d'en  venir  au 
fond.  Le  tribun  répondit  que  la  cause  était 
en  son  entier,  et  demanda  une  seconde  fois 
si  on  avait  obéi  à  son  ordonnance  ,  en  choi- 
sissant le  nombre  des  députés  qui  devaient 
tout  traiter.  Mais  les  donatistes  commencè- 
rent à  parler  du  temps  et  à  dire  que  la  cause 
ne  pouvait  plus  être  agitée ,  parce  que  le 
jour  en  était  passé.  Car,  les  quatre  mois  por- 
tés par  la  première  ordonnance  du  commis- 
saire Marcellin  étaient  accompHs  le  19  de 
mai,  cette  ordonnance  étant  datée  du  14  des 
calendes  de  mars,  c'est-à-dire  du  16  de  fé- 
vrier 411 ,  et  l'Empereur  avait  ordonné  que 
l'affaire  fîit  traitée  dans  quatre  mois  :  d'où 
les  donatistes  concluaient  que  le  terme  était 
passé,  et  demandaient  que  les  catholiques 
fussent  condamnés  comme  défaillants,  quoi- 
qu'ils fussent  présents  et  n'eussent  jamais 
été  interpellés  de  procéder  plus  tôt.  Marcellin 
répondit  que  les  parties  étaient  convenues 
du  l"  de  juin,  et  que  si  elles  n'eussent  pas 
été  présentes,  l'Empereur  lui  avait  donné  pou- 
voird'accorderencore  deux  mois.  Maisparce 
qu'il  déclare  en  même  temps  que  l'excep- 
tion fondée  sur  le  temps  convenait  mieux  à 
un  tribunal  sécuHer  qu'à  un  jugement  épis- 
copal,  les  donatistes  en  prirent  occasion  de 
dire  que  l'on   ne  devait  point   agir   contre 
eux  par  les  lois  séculières  ,  mais  seulement 
par  les  Écritures  divines.  Sur  quoi  le  Com- 
missaire  demanda  le   sentiment  des  deux 
partis.  Les  catholiques  le  prièrent  de  faire 
lire  leur  procuiation ,  assurant  que   l'on  y 
/errait  qu'ils  traitaient  cette  affaire  par  les 
Écritures  divines,  et  non  par  les  formalités 
'.udiciaires.   Les  donatistes    s'opposèrent  à 


cette  lectiu'e  et  chicanèrent  quelque  temps 
sur  ce  point ,  mais  les  catholiques  l'empor- 
tèrent et  la  procuration  fut  lue.  Cette  procu- 
ration ou  mandement  des  catholiques  conte- 
nait ce  qu'ils  avaient  de  plus  considérable  à 
dire  en  faveur  de  l'Église  catholique ,  et  ils 
l'avaient  fait  à  dessein ,  parce  que  le  bruit 
courait  que  les  donatistes  emploieraient  des 
exceplions  et  des  chiennes  poui*  avoir  pré- 
texte, si  on  les  refusait,  de  rompre  la  confé- 
rence, et  les  catholiques  voulaient  qu'il  parût 
dans  les  actes  qui  demeureraient,    que   la 
cause  de  l'Église  avait  été  traitée  au  moins 
sommairement,  et  que  les  donatistes  n'a- 
vaient pas  voulu  entrer  en  conférence ,  dans 
la  crainte  de  succomber  et  de  demeurer  sans 
réplique.  Il  s'éleva  entre  les  parties  une  con- 
testation qui  dura  quelque  temps.  Les  dona- 
tistes demandaient  que  tous  ceux  qui  avaient 
souscrit    la   procuration    se   présentassent, 
soutenant  que  les  catholiques  avaient  pu  sur- 
prendre le  Commissaire ,  en  faisant  paraître 
devant  lui  des  gens  qui  pouvaient  n'être  pas 
évéques,  et  qu'ils  avaient  ajouté  de  nouveaux 
évéques ,  outre   ceux  des  anciens  sièges , 
pour  augmenter  leur  nombre.  Les  catholi- 
ques soutenaient  que  leurs  confrères  ne  de- 
vaient point  se  présenter,  dans  la  crainte  que 
les  donatistes  ne  voulussent  faire  du  tumulte  à 
la  faveur  de  la  foule,  et  rompre  la  confé- 
rence. Car  leurs  chicanes  faisaient  assez  voir 
qu'ils  n'en  voulaient  point  du  tout,  et  on 
croyait  qu'ils  n'avaient  point  encore  osé  faire 
de  désordre,  parce  que,  la  multitude  n'étant 
que  de  leur  côté  ,  on  n'aurait  pu  s'en  prendre 
qu'à  eux.  Toutefois  les  catholiques  cédèrent  : 
ils  consentirent  que  l'on  fît  entrer  tous  ceux 
qui  avaient  signé  leur  procuration,  et  il  parut 
que  les  donatistes  ne  croyaient  pas  qu'il  en 
fût  venu  à  Carlhage  un  si  grand  nombre, 
parce  qu'ils  y  étaient  entrés  modestement  et 
à  petit  bruit.  On  fit  donc  entrer  les  évéques 
catholiques,  qui  avaient  souscrit  la  procura- 
tion, et  à  mesure  qu'ils  étaient  nommés ,  ils 
s'avançaient  et  étaient  reconnus  par  les  do- 
natistes du  même  lieu  ou  du  voisinage;  et 
par  là  on  connut  aussi  les  lieux  oii  il  n'y 
avait  point  de  donatistes.  Tous  les  catholi- 
ques qui  avaient  souscrit  se  trouvèrent  pré- 
sents, et  chacun  sortit  aussitôt  qu'il  eut  été 
reconnu,  excepté  les  dix-huit  députés.  Quand 
on   appela  Victorin,  évêque   catholique   de 
Mustite,  il  dit  :  «  Me  voici,  j'ai  contre  moi 
Félicien  de  Mustite  et  Donat  de  Ture.  »  Alors 
Alypius  dit  :  «  Remarquez  le  nom  de  Féli- 


[iv"  ET  v=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

cien.  Est-il  dans  la  communion  de  Primien?  » 
C'est  que  Félicien  avait  été  condamné  comme 
maximianiste  par  le  grand  parti  des  dona- 
tistes  dont  Primien  était  le  chef  :  et  c'est 
pour  cela  que  les  catholiques  exigèrent  qu'il 
fût  constant  par  les  actes  que  Félicien  était 
dans  la  communion  de  Primien,  et  qu'il 
avait  été  reçu  en  sa  qualité  d'évêque ,  sans 
qu'on  eût  rebaptisé  ceux  qu'il  avait  baptisés 
dans  le  schisme  de  Maximien.  Les  donatistes 
ne  voulurent  point  répondre  à  ce  que  les  ca- 
tholiques leur  demandaient  touchant  Pri- 
mien, disant  que  cela  l'egardait  le  fond  de 
l'affaire.  Sm*  quoi  Marcellin  ordonna  que  l'on 
continuerait  de  vérifier  les  souscriptions. 
Après  qu'on  eut  lu  les  noms  de  tous  les  évé- 
ques  catholiques  qiù  avaient  souscrit  la  pro- 
curation, Marcellin  pria  ceux  qui  étaient 
présents  de  s'asseoir.  Les  donatistes  refusè- 
rent cette  civilité ,  en  lui  donnant  beaucoup 
de  louanges ,  l'appelant  Juste ,  plein  de  mo- 
dération et  de  bonté  ;  mais  en  même  temps 
ils  auraient  bien  souhaité  qu'il  ne  fût  pas  le 
juge  d'une  affaire  pour  laquelle  tant  de  per- 
sonnes s'étaient  assemblées. 

Pag.  Bso.  4.  Onlut  ensuite  la  procuration  des  donatis- 
tes avec  les  souscriptions,  et  à  la  réquisition 
des  cathohques,  on  les  vérifia  toutes,  en  fai- 
sant approcher  tous  les  évêques  donatistes  à 
mesure  qu'ils  étaient  nommés,  afin  qu'on  pût 
constater  qu'ils  avaient  souscrit  étant  à  Car- 
thage.  En  récitant  leurs  noms  il  s'en  trouva 
plusieurs  qui  n'étaient  point  du  tout  venus  à 
Carthage,  pour  qui  d'autres  avaient  souscrit 
afin  de  grossir  le  nombre.  Toutes  les  sous- 
criptions vérifiées,  le  tribun  fit  compter  par 
ses  officiers  le  nombre  des  évêques  de  part 
et  d'autre.  Il  s'en  trouva  des  donatistes  deux 
cent  soixante-neuf,  en  comptant  les  absents 
pour  qui  d'autres  avaient  signé,  et  même 
Quodvultdéus,  évêque  de  Sessite,  en  Mau- 
ritanie, que  Pétilien  disait  être  mort  en  che- 
min. Des  catholiques,  il  s'en  trouva  deux  cent 
soixante-six  qui  avaient  souscrit  la  procura- 
tion, et  vingt  autres  qui  l'approuvèrent  de 
vive  voix;  ce  qui  faisait  deux  cent  quatre- 
vingt-six.  Ainsi,  dans  la  supputation  que  l'on 
fit  de  tous  les  évêques  présents,  le  nombre 
des  catholiques  se  trouva  plus  grand  que  ce- 
lui des  donatistes.  Ensuite  tous  les  évêques, 
exceptés  ceux  qui  étaient  nécessaires  pour 
la  conférence,  étant  sortis,  Marcellin,  du  con- 
sentement des  parties,  la  remit  au  sur-lende- 
main, c'est-à-dire  au  troisième  jour  de  juin. 

secondjour       5.  Le  jourmaïqué  étant  venu,  on  s'assem- 


EVEQUE  D'HIPPONE. 


407 


Ma  au  même  lieu,  Marcellin  pria  encore  les  •!«  la  conré- 

'  ^  .  rence ,      pag. 

évêques  de  s'asseoir;  et  les  catholiques  le  ssi. 
firent  aussitôt;  mais  les  donatistes  le  refusè- 
rent, disant  que  la  loi  divine  leur  défendait 
de  s'asseoir  avec  de  tels  adversaires.  Les 
catholiques  laissèrent  passer  cette  marque 
de  vanité  des  donatistes  sans  y  répondre 
pour  ne  pas  s'arrêter  inutilement.  Marcellin 
voyant  qu'ils  se  levaient,  fit  ôter  son  siège, 
en  disant  qu'il  demeurerait  debout  jusqu'au 
jugement  de  l'affaire.  Il  fit  lire  une  requête 
que  les  donatistes  avaient  donnée  le  jour 
précédent,  par  laquelle  ils  demandaient 
communication  de  la  procuration  des  ca- 
tholiques, poiu:  venir  préparés  à  la  confé- 
rence, parce  que  les  écrivains  ne  pourraient 
avoir  mis  les  actes  au  net.  Au  bas  de  cette 
requête  était  le  décret  du  tribun,  qui  leur 
accordait  leur  demande.  Ensuite  il  demanda 
s'ils  étaient  d'accord  pour  souscrire  à  tout  ce 
qu'ils  avaient  dit,  comme  il  avait  marqué 
dans  la  seconde  ordonnance.  Les  catholiques 
dirent  qu'ils  avaient  déclaré  par  leurs  let- 
tres, qu'ils  étaient  d'accord;  mais  les  do- 
natistes, émus  par  cette  demande,  répondi- 
rent que  c'était  une  chose  nouvelle  et  ex- 
traordinaire. Marcellin  leur  ayant  demandé 
ensuite  s'ils  étaient  contents  des  gardiens, 
que  l'on  avait  donnés  pour  la  sûreté  des 
actes  ,  ils  demandèrent  qu'on  leur  donnât 
communication  de  ces  actes  mis  au  net, 
avant  qu'ils  fussent  obligés  de  répondre. 
Sur  quoi  il  y  eut  une  longue  contestation  en- 
tre eux  et  les  cathohques.  MarcelHn  repré- 
senta aux  donatistes,  que  dans  leur  requête 
du  jour  précédent,  ils  avaient  demandé  la 
procuration  des  catholiques,  pour  suppléer 
aux  actes  qui  ne  pourraient  être  transcrits. 
Mais  persistant  toujours  à  les  demander,  ils 
revinrent  à  leur  première  chicane,  en  disant 
que  le  terme  de  la  conférence  était  passé, 
puisqu'il  finissait  au  dix-neuvième  de  mai. 
Mais  les  catholiques  leur  représentèrent  que 
les  donatistes  avaient  eux-mêmes  agi  de- 
puis ce  terme,  en  faisant  leur  procuration  le 
vingt-cinquième  du  même  mois.  Toutefois 
l'opiniâtreté  des  donatistes  l'emporta  ;  et  le 
délai  qu'ils  demandaient  leur  fut  accordé. 
Le  tribun  demanda  aux  écrivains  dans  quel 
temps  ils  pourraient  donner  les  actes  rilis  au 
net  ;  ils  demandèrent  six  jours,  qui'  leur  fu- 
rent accordés.  Ainsi  la  conférence  fut  remise 
au  sixième  des  ides  de  juin,  c'est-à-dire  au 
huitième  du  même  mois  ;  et  les  parties  pro- 
mirent d'être  prêtes  ce  jour-là. 


408 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


6.  La  conférence  se  tint  de  grand  matin; 
et,  les  parties  étant  entrées,  le  tribun  de- 
manda en  premier  lieu  si  on  avait  donné  les 
copies  des  actes  des  deux  journées  précé- 
dentes; et  il  se  trouva  qu'ils  avaient  été 
fournis  un  jour  plus  tôt  qu'on  avait  pro- 
mis, c'est-à-dire  le  sixième  de  juin  au  lieu 
du  septième.  Les  donatistes  les  avaient  re- 
çues ce  jour-là  à  neuf  heures  du  matin  ;  les 
catholiques  à  onze  heures.  MarceUin  de- 
manda que  l'on  vînt  au  fond  de  la  question  ; 
sur  quoi  les  catholiques  dirent  qu'il  fallait  que 
les  donatistes  donnassent  des  preuves  tou- 
chant les  accusations  qu'ils  avaient  coutume 
de tormer  contre  l'Église  répandue  dans  toute 
la  terre.  Mais  les  donatistes  soutinrent  qu'il 
fallait  examiner  auparavant  qui  étaient  les 
demandeurs  et  les  défendeurs,  et  voir  à  cet 
effet  qui  avait  demandé  la  conférence  ;  et  ils 
insistèrent  beaucoup  sur  cela,  prétendant 
que  les  catholiques  étaient  demandeurs, 
pour  avoir  droit,  selon  les  formes  du  bar- 
reau, de  chicaner  sur  leurs  personnes ,  ce 
qui  eût  produit  des  longueurs  et  des  embar- 
ras infinis.  Pour  y  obvier.,  Marcellin  fit  re- 
hre  le  rescrit  de  l'Empereur,  qui  contenait 
sa  commission,  où  il  pai^aissait  que  les  ca- 
tholiques avaient  demandé  la  conférence.  Ils 
en  convenaient,  mais  ils  soutenaient  qu'ils 
ne  l'avaient  demandée  que  pour  défendre 
l'Église,  ils  insistaient  pour  que,  sans  entrer 
dans  les  discussions  proposées  par  les  do- 
natistes, on  en  vînt  promptement  à  la  cause 
principale.  Cependant  il  fut  question  du  nom 
de  catholique;  les  donatistes  prétendirent 
qu'il  leur  appartenait  ;  mais  le  Commissaire 
déclara  (fue,  sans  préjudice  aux  parties,  il 
nommait  catholiques  ceux  que  l'Empereur 
nommait  ainsi  dans  sa  commission.  On  lut 
certains  actes  faits  devant  le  préfet  du  pré- 
toire en  406,  afin  de  connaître  quels  étaient 
les  demandeurs  ;  et  quelques  actes  des  catho- 
liques faits  avant  cette  année,  et  quelques 
autres  pièces,  entre  autres  ime  lettre  que  les 
donatistes  avaient  composée  depuis  la  pre- 
mière conférence,  pour  répondre  à  la  pro- 
curation des  catholiques.  Ces  derniers  avaient 
prouvé  dans  leur  procuration  par  des  té- 
moignages tirés  de  la  loi,  des  Prophètes,  des 
Psaumes,  des  Évangiles  et  des  Épîtres  apos- 
toliques, que  l'Église  cathohque  doit  être 
répandue  dans  tout  le  monde.  Mais  les  do- 
natistes ne  firent  aucune  réponse  à  tous  ces 
témoignages;  ils  se  contentèrent  d'en  allé- 
guer, pour  montrer  qu'il  n'a  pas  été  prédit 


que  l'Église  doive  être  composée  de  bons  et 
de  mauvais.  Toutefois,  quand  on  lem"  objec- 
tait la  parabole  évangéhque,  où  il  est  dit  que 
les  bons  et  les  mauvais  poissons  se  trouvè- 
rent ensemble  dans  les  filets  lorsqu'on  les  tira 
de  la  mer,  de  même  que  la  parabole  de  la  ziza- 
nie mêlée  parmi  le  bon  grain,  ils  ne  purent 
disconvenir  que  les  méchants,  du  moins 
ceux  qui  l'étaient  en  secret,  ne  fussent  mê- 
lés dans  l'Église  avec  les  bons.  Aux  pas- 
sages qu'ils  alléguaient  pour  montrer  que 
ce  mélange  ne  pouvait  se  renconti'er  dans 
rÉgHse,les  catholiques  dirent  qu'il  fallait  dis- 
tinguer les  deux  états  de  l'Église  :  celui  de 
la  vie  présente,  où  elle  est  mêlée  de  bons  et 
de  mauvais;  et  celui  de  la  vie  future,  où  elle 
sera  sans  aucun  mélange  de  mal,  et  où  ses 
enfants  ne  seront  plus  sujets  au  péché  ni  à 
la  mort.  Ils  montrèrent  aussi  comment  on  est 
obligé  en  ce  monde  de  se  séparer  des  mé- 
chants; c'est-à-dire  par  le  cœur,  en  ne  com- 
muniquant point  à  leurs  péchés,  mais  non 
pas  toujours  en  se  sépai-ant  extérieurement. 
Ce  fut  à  cette  occasion  que  saint  Augustin, 
qui  parlait  pour  les  catholiques,  répondit  à 
la  chicane  des  donatistes ,  qui  avaient  re- 
fusé de  s'asseoir  dans  la  conférence,  sous 
prétexte  qu'il  est  écrit  ;  Je  ne  me  suis  point  Psai.xx',*. 
assis  dans  l'assemblée  des  impies  ;  et  n'avaient 
pas  laissé  d'entrer  avec  les  catholiques, 
quoique  l'Écriture  ajoute  :  Et  je  n'entrerai 
point  avec  ceux  qui  commettent  l'iniquité. 
Comme  ce  Père  avait  distingué  l'état  pré- 
sent de  l'Église  où  elle  est  composée  de  bons 
et  de  méchants,  et  l'état  futur  où  elle  n'aui-a 
plus  que  des  saints  glorieux  et  immortels, 
les  donatistes  accusèrent  les  catholiques  d'a- 
voir dit  qu'il  y  avait  deux  Églises.  Mais  saint 
Augustin  les  réfuta  aisément,  en  montrant 
que  ce  sont  seulement  deux  différents  états 
de  la  même  Église. 

7.  La  cause  de  l'Église  ayant  été  ainsi  ter-  Pag.rei. 
minée  conformément  à  l'intention  des  ca- 
tholiques, Marcellin  voulut  que  l'on  traitât 
la  première  cause  du  schisme,  c'est-à- 
dire  l'affaire  de  Cécilien.  On  lut  donc  les 
deux  relations  d'Anuhn  à  l'empereur  Cons- 
tantin ;  les  lettres  de  ce  prince  aux  évoques, 
cjui  leur  ordonnait  de  prendre  connaissance 
de  l'accusation  formée  contre  Cécihen  ;  et  le 
mgement  du  pape  Melchiade,  et  des  autres 
évêques  de  Gaule  et  d'Italie  assemblés  à 
Rome.  On  n'avait  encore  lu  que  les  actes  de 
la  premièi'e  journée  de  ce  concile,  lorsque 
les  donatistes  demandèrent  qu'on  lut  aussi 


[IV''  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAL\T  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


409 


les  pièces  qu'ils  produisaient  pour  la  dé- 
fense de  leur  cause.  C'était  des  lettres  mis- 
sives de  Mensurius,  évêque  de  Garthage,  pré- 
décesseur de  Cécilien,  et  de  Second  de  Ti- 
gisi,  par  lesquelles  ils  prétendaient  prouver 
que  Mensurius  avait  livré  les  saintes  Ecritu- 
res, pendant  la  persécution  de  Dioclétien  ; 
mais  ces  lettres  ne  le  prouvaient  pas.  Ils  lu- 
rent aussi  les  actes  du  concile  tenu  à  Car- 
tilage, où  ils  avaient  condamné  Cécilien 
quoique  absent,  comme  ayant  été  ordonné 
par  les  traditeurs.  Les  catholiques  de  leur 
côté  rapportèrent  les  actes  du  concile  de 
Cirtlie,  où  présidait  le  même  Second  de  Ti- 
gisi,  par  lesquels  il  était  prouvé  que  cet 
évêque  et  plusieurs  autres  du  concile  de 
Carthage,  où  Cécilien  avait  été  condamné, 
étaient  eux-mêmes  traditeurs.  Les  donatis- 
tes  objectaient  contre  ce  concile,  que  la  date 
en  prouvait  la  fausseté,  puisque  les  conciles 
n'en  devaient  point  avoir,  à  quoi  ils  ajou- 
taient qu'il  ne  pouvait  avoir  été  tenu,  puis- 
qu'on n'en  tenait  point  pendant  la  persécu- 
tion. On  leur  répondit  que  les  conciles  des 
catholiques  avaient  toujours  été  datés  du 
jour  et  de  l'année  ;  et  on  leur  prouva  par 
des  Actes  des  martyrs ,  que  le  peuple  fidèle 
ne  laissait  pas  de  tenir  les  Collectes  ou  as- 
semblées ecclésiastiques  pendant  la  persé- 
cution ;  et  qu'ainsi  douze  évêques  avaient 
bien  pu  s'assembler  dans  une  maison  par- 
ticulière. A  l'égard  du  concile  de  Carthage 
que  les  donatistes  voulaient  faire  valoir , 
les  catholiques  répondirent  qu'il  ne  devait 
pas  ^faire  plus  de  préjudice  à  Cécilien,  que 
le  concile  des  maximianistes  en  avait  fait 
à  Primien  leur  évêque,  qui  avait  été  con- 
damné absent  par  le  parti  de  Maximien  , 
comme  Cécilien  avait  été  autrefois  con- 
damné absent  par  le  parti  de  Majorin.  Après 
quelques  aatres  contestations,  on  acheva  la 
lecture  du  concile  de  Rome,  qui  avait  ab- 
sous Cécilien  ;  et  le  Commissaire  pressa  les 
donatistes  de  dire  quelque  chose,  s'ils  pou- 
vaient, contre  ce  concile.  Ils  dirent  que  Mel- 
chiade,  qui  y  avait  présidé,  était  lui-même 
traditeur  ;  mais  les  actes  qu'ils  produisirent, 
en  preuve  de  ce  fait,  ne  prouvaient  rien.  On 
lut  ensuite  le  jugement  de  l'empereur  Cons- 
tantin, c'est-à-dire  sa  lettre  à  Eumalius,  vi- 
caire d'Afrique  ,  où  il  témoignait  qu'il  avait 
trouvé  Cécilien  innocent,  et  les  donatistes  ca- 
lomniateurs. Lesdonatistes,  pressés  de  répon- 


dre à  cette  lettre,  lurent  un  passage  d'Optat 
de  Milève,  qui  ne  prouvait  rien,  et  dont  la 
suite  montrait  au  contraire  que  Cécilien  avait 
été  déclaré  innocent.  Ils  firent  lire  encore 
d'autres  pièces,  dont  une  donna  occasion  à  la 
lectiu-e  des  actes  de  la  justification  de  Félix 
d'Aptonge,  ordinateur  de  Cécilien. 

8.  Le  tribun  Marcellin,  voyant  que  les  do- 
natistes n'avaient  rien  de  bon  à  opposer, 
pria  tous  les  évêques  présents  de  sortir,  afin 
que  l'on  pût  écrire  la  sentence  qui  pronon- 
çât sur  tous  les  chefs.  Lorsqu'il  l'eut  dres- 
sée, il  fit  rentrer  les  parties,  et  leur  en  donna 
la  lecture.  Il  y  déclarait  que,  comme  per- 
sonne ne  doit  être  condamné  pour  la  faute 
d'autrui,  les  crimes  de  Cécihen,  quand  mê- 
me ils  auraient  été  prouvés,  n'auraient  porté 
aucun  préjudice  <à  l'Église  universelle  ;  qu'il 
était  prouvé  que  Donat  était  l'auteur  du 
schisme  ;  que  Cécihen  et  son  ordinateur  Fé- 
lix d'Aptonge,  avaient  été  pleinement  justi- 
fiés. Ensuite  il  ordonnait  que  les  magistrats, 
les  propriétaires  et  locataires  des  terres  em- 
pêcheraient les  assemblées  des  donatistes , 
dans  les  villes  et  en  tous  lieux  ;  et  que  ceux- 
ci  délivreraient  aux  catholiques  les  églises 
qu'il  leur  avait  accordées  pendant  sa  com- 
mission ;  que  tous  les  donatistes  qui  ne  vou- 
draient pas  se  réunir  à  l'Église,  demeure- 
raient sujets  à  toutes  les  peines  des  lois  ;  et 
que  pour  cet  efi'et  tous  leurs  évêques  se  re- 
tireraient incessamment  chacim  chez  eux;  en- 
fin que  les  terres  où  l'on  retirerait  des  trou- 
pes de  circoncellions,  seraient  confisquées. 

9.  Quoique  le  tribun  MarceUin  n'eût  fait 
que  suivre  dans  sa  sentence  ,  ce  que  les 
donatistes  avaient  jugé  contre  eux-mêmes, 
soit  par  les  pièces  '  qu'ils  avaient  données, 
soit  par  la  défiance  qu'ils  avaient  témoignée 
de  lem' cause,  ils  ne  laissèrent  pas  d'en  appe- 
ler, sans  s'arrêter  à  ce  qu'on  leur  repré- 
senta ,  que  leurs  propres  paroles  les  con- 
damnaient. Es  signèrent  toutefois  les  actes 
de  la  troisième  conférence ,  comme  ils 
avaient  signé  ceux  des  deux  premières,  ajou- 
tant, que  c'était  sans  préjudice  de  leur  ap- 
pel. On  ne  sait  si  leur  acte  d'appel  est  l'écrit 
qu'on  disait  avoir  été  signé  par  les  évêques 
donatistes  après  la  conférence.  Saint  Au- 
gustin parle  de  cet  écrit^,  et  il  y  a  apparence 
que  c'est  celui  qu'il  réfute  dans  le  livre  inti- 
tulé ,  m^x  Donatistes  après  la  conférence  ^.  Ils  y 
répétaient  les  passages  de  l'Écriture   qu'ils 


StiUe,   pag 
670. 


Livre  aux 
Donatistes  de. 
puis  la  cooré' 
rence. 


[n  Àppend.,  tom.  IX,  pag.  69. 


August.,  post.  coll.,  cap.  sxvi,  U  et  10. 


410 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


avaient  employés  dans  la  lettre  qui  fut  lue 
dans  la  conférence,  et  auxquels  les  catholi- 
ques avaient  répondu.  Ils  tâchaient  d'y  ex- 
pliquer ce  qu'ils  avaient  avancé  dans  la 
séance  du  troisième  jour,  qu'une  affaire  '  ou 
bien  une  personne  ne  fait  point  de  préjuge 
contre  une  autre  affaire  ou  une  autre  per- 
sonne; maxime  ijui  favorisaitles  catholiques, 
et  dont  ils  avaient  même  coutume  de  se  ser- 
vir contre  les  donatistes,  pour  montrer  que 
les  crimes  de  Cécihen,  quand  ils  auraient 
été  prouvés,  ne  tiraient  point  à  conséquence 
contre  ses  successeurs  et  les  autres  évêques 
d'Afrique,  et  beaucoup  moins  contre  l'Église 
universelle.  Les  donatistes  disaient  encore 
que  Donat,  accusateur  de  Cécilien,  n'était  pas 
celui  de  Carthage,  mais  l'évéque  des  Cases- 
Noires.  Enfin,  ils  s'y  plaignaient  de  ce  que  la 
sentence  avait  été  prononcée  durant  la  nuit  ; 
qu'on  les  avait  tenus  enfermés  comme  dans 
une  prison,  et  qu'on  ne  leur  avait  pas  per- 
mis de  dire  tout  ce  qu'ils  auraient  voulu, 
parce  que  Marcellin,  qui  était  catholique, 
favorisait  ceux  de  sa  communion.  Ce  sont-là 
les  calomnies  que  saint  Augustin  entreprit 
de  réfuter  dans  le  livre  qu'il  adressa  aux 
donatistes  laïques. 
Analyse  de       10.  Il  v  relève  tous  les  avantages  que  les 

ee  livre,  pag.  -,      ■,•  •  i  i 

««a-  évêques  catholiques  avaient  eus  dans  la  con- 

férence, et  le  bien  qui  en  était  revenu  à  l'É- 
glise ;  les  vains  efforts  des  donatistes  pour 
empêcher  qu'elle  ne  se  tînt;  les  chicanes 
dont  ils  avaient  usé  pour  ne  point  entrer  en 
matière ,  et  les  plaintes  qu'ils  avaient  faites 
qu'on  les  y  faisait  entrer  malgré  eux.  Comme 
ils  y  avaient  été  convaincus  par  leurs  pro- 
pres paroles  et  par  les  pièces  mêmes  qu'ils 
y  avaient  produites,  saint  Augustin  en  prend 
occasion  d'avertir  ces  donatistes  laïques  de 
ne  plus  se  laisser  séduire  par  leurs  évêques, 
vaincus  dans  la  conférence  de  Carthage  par 
leurs  propres  armes.  C'est  ce  qu'il  justifie 
par  le  narré  de  ce  qui  se  passa  dans  cette 
conférence.  Venant  ensuite  à  cette  maxime 
qu'ils  y  avaient  avancée ,  qu'une  affaire  ne 
fait  point  de  préjugé  contre  une  autre  af- 
faire, ni  une  personne  contre  une  autre  per- 
sonne :  «  Combien ,  dit  saint  Augustin ,  au- 
rions-nous donné  de  montagnes  d'or  pour 
leur  faire  faire  cette  réponse  qui  décide  en- 
tièrement notre  différend?  »  En  effet,  il  sui- 
vait de  là  que  quand  même  Cécilien  aurait 
été  coupable,  son  crime  n'aurait  point  taché 

'  Lib.  11,  «ap.  X.1X. 


ceux  qui  étaient  demeurés  dans  sa  commu- 
nion. 11  détruit  après  cela  tout  ce  qu'ils  di- 
saient dans  le  pubfic  et  dans  divers  écrits 
contre  le  jugement  rendu  par  Marcellin ,  et 
s'arrêtant  sur  l'affectation  qu'ils  firent  pa- 
raître d'empêcher  qu'on  ne  vînt  au  fond  de 
l'affaire,  et  à.  allonger  par  leurs  discours  su- 
perflus les  actes  de  cette  conférence  :  «  Je 
ne  sais,  dit-il,  s'ils  ont  fait  cela  par  un  tour 
d'adresse ,  ou  parce  qu'ils  étaient  abandon- 
nés de  la  vérité;  mais,  assurément,  c'est  tout 
ce  qu'ils  ont  pu  faire  en  faveur  d'une  si  mé- 
chante cause,  qu'ils  eussent  encore  mieux 
fait  d'abandonner.  Si  ceux  de  leur  parti  les 
accusent  de  s'être  laissés  corrompre  par 
nous,  pour  fortifier  notre  cause  et  infirmer 
la  leur  propre,  par  tant  de  choses  qu'ils  ont 
dites  et  produites  contre  eux-mêmes  dans  le 
procès,  je  ne  sais  pas  comment  ils  pour- 
raient mieux  se  justifier,  qu'en  représentant 
que  s'ils  avaient  été  gagnés  par  nous,  ils  au- 
raient bientôt  terminé  une  si  méchante  cause, 
qu'eux  et  nous  avons  si  bien  montré  être 
insoutenable.  Néanmoins,  c'est  à  Dieu  que 
nous  en  rendons  grâces,  et  non  à  eux,  puis- 
que la  charité  ne  les  a  pas  portés  à  nous 
rendre  ce  service,  mais  que  la  véiité  les  y  a 
forcés.  »  Il  donne  le  nom  de  frères  à  ces 
donatistes  laïques ,  remarquant  que  les  évê- 
ques de  leur  parti  avaient  trouvé  mauvais 
dans  la  conférence  qu'on  leur  donnât  ce 
nom. 

§  VIII. 

Du  Discours  ou  de  la  conférence  en  présence 
d'Émérite, 

I.  Au  sortir  de  Carthage,  saint  Augustin  Discours»! 
fut  obhgé,  en  418,  d'aller  en  Mauritanie  pour  KV-us, 
quelques  affaires  que  le  pape  Zosime  lui 
avait  recommandées  et  à  quelques  autres 
évêques  d'Afrique.  Comme  ils  étaient  à 
Césarée,  on  vint  dire  à  saint  Augustin  qu'É- 
mérite ,  l'un  des  évêques  donatistes  qui  s'é- 
taient signalé.s  dans  la  conférence  de  Car- 
thage pour  la  défense  de  son  parti ,  y  était 
aussi.  Ce  saint  alla  aussitôt  au-devant  de  lui, 
et  l'ayant  trouvé  dans  la  place  publique,  il 
le  pria,  après  qu'ils  se  furent  salués,  de  ve- 
nir à  l'Église.  Émérite  n'en  fit  aucune  diffi- 
culté, en  sorte  que  saint  Augustin  croyait 
qu'il  était  tout  disposé  à  embrasser  la  com- 
munion cathohque.  Dès  qu'il  y  fut  entré, 
saint  Augustin  commença  à  parler  au  peu- 
ple ;  il  s'étendit  surtout  sur  la  charité ,  la 


pag.  SIS. 


[iV"  ET  V'  SIÎDCLES.] 

paix  et  l'unité  de  l'Église  catholique.  Dans 
son  discours,  tantôt  il  adressait  la  parole  au 
peuple ,  et  tantôt  à  Émérite.  Le  peuple , 
charmé  de  l'entendre,  l'interrompit  en  té- 
moignant à  haute  voix  souhaiter  qu'Emérite 
se  réunit  sur-le-champ  sans  attendre  davan- 
tage. Saint  Augustin  dit  qu'il  le  souhaitait 
aussi ,  et  réitéra  les  offres  faites  par  les  ca- 
tholiques dans  la  conférence ,  de  recevoir 
les  évéques  donatistes  en  qualité  d'évêques, 
et  il  le  promit  de  la  partd'Euthérius,  évêque 
catholique  de  Césarée.  Comme  plusieurs  des 
donatistes  qui  étaient  présents,  mais  qui 
n'étaient  pas  bien  instruits ,  trouvaient  à  re- 
dire que  l'on  reçût  dans  l'Eglise  catholique 
ceux  qui  quittaient  le  schisme  ou  l'hérésie, 
sans  les  baptiser  ou  les  ordonner  de  nou- 
veau ,  saint  Augustin  en  prit  occasion  de 
montrer  qu'on  ne  pouvait  réitérer  ni  le  baptê- 
me ni  l'ordination.  «  Le  baptême,  dit-il,  n'est 
point  des  hérétiques  ni  des  schismatiques, 
mais  de  Jésus-Christ,  et,  lorsqu'on  ordonne 
un  évêque,  on  invoque  sur  sa  tête  en  lui  im- 
posant les  mains,  non  le  nom  de  Donat,  mais 
le  nom  de  Dieu.  Le  soldat  qui  déserte  est 
coupable  de  crime  de  désertion,  mais  le  ca- 
ractère qu'il  porte  n'est  pas  le  sien,  c'est  ce- 
lui de  l'Empereur.  Si,  Donat  après  avoir  fait 
schisme,  avait  baptisé  en  son  nom,  je  ne 
recevrais  point  ce  baptême,  je  l'aurais  en 
horreur;  mais  ce  déserteur  a  imprimé  à  ceux 
qu'il  a  baptisés  le  sceau  de  son  prince,  c'est- 
à-dire  de  Dieu.  Nousne  devonsdonc  point  haïr 
en  eux  ce  qui  est  de  Dieu,  c'est-à-dire  le  bap- 
tême, ni  les  haïr  eux  mêmes,  parce  qu'en 
tant  qu'hommes,  ils  sont  de  Dieu,  comme 
c'est  aussi  de  Dieu  qu'ils  ont  l'Évangile  et  la 
foi.  Si  vous  me  demandez  ce  qu'ils  n'ont 
pas,  ayant  le  baptême  et  la  foi  de  Jésus- 
Christ,  je  vous  répondrai  qu'ils  n'ont  pas  la 
charité,  sans  laquelle  l'Apôtre  dit  que  tous 
les  dons  de  Dieu  sont  inutiles.  La  marque 
du  salut  est  la  charité  ;  sans  elle  vous  pou- 
vez avoir  le  sceau  du  Seigneur,  mais  il  ne 
vous  servira  pas.  On  peut  donc,  hors  de  l'É- 
glise, avoir  l'honneur  de  l'épiscopat  et  le 
sacrement  de  baptême;  on  peut  chanter  Al- 
léluia et  répondre  A  men  ;  on  peut  savoir  l'É- 
vangile ,  avoir  la  foi  et  la  prêcher  au  nom 
du  Père ,  du  Fils ,  et  du  Saint-Esprit  ;  mais 
on  ne  pourra  jamais  trouver  le  salut  que 
dans  l'Église  catholique.  Il  y  a  plus ,  celui 
qui  répand  son  sang  plutôt  que  d'ado- 
rer les  idoles ,  ne  peut  recevoi  r  la  cou- 
ronne, s'il' est  hors  de  l'Éghse    parce  que 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HTPPONE. 


m 


Conrérence 
en  préseace 
d'Emcrite,  en 
418,  pag.  6-20. 


Jésus-Christ  a  dit,  que  ceux-là  seuls  sont  bien-  ""'"'•  v-  '" 
heureux  qui  souffrent  persécution  pour  la  jus- 
tice. )) 

11  finit  son  discours  en  témoignant  qu'il 
espérait  de  la  miséricorde  de  Dieu  la  con- 
version d'Émérite,  et  invite  les  assistants  à 
la  demander  par  leurs  prières.  Cet  évêque 
ne  se  convertit  pas  néa>nmoins  après  ce  dis- 
cours; mais  comme  saint  Augustin  n'en  dé- 
sespérait pas  tout  à  fait,  on  lui  donna  du 
délai. 

2.  Deux  jours  après,  c'est-à-dire  le  20 
septembre  418,  Euthérius,  évêque  de  Cé- 
sarée, avec  Alypius  de  Thagaste,  Augustin 
d'Hippone ,  Possidius  de  Calame ,  Rustique 
de  Cartenne,  Pallade  de  Sigabite,  et  les  au- 
tres évêques,  étant  venus  dans  une  salle  en 
présence  des  prêtres,  des  diacres,  de  tout  le 
clergé  et  d'un  peuple  nombreux,  en  pré- 
sence aussi  d'Émérite,  évêque  du  parti  de 
Donat,  Augustin,  évêque  de  l'Église  catho- 
lique ,  dit  :  ((  Mes  frères ,  vous  qui  avez  tou- 
jours été  cathohques,  et  vous  qui  êtes  reve- 
nus de  l'erreur  des  donatistes,  ou  qui  doutez 
encore  de  la  vérité,  écoutez-nous,  nous  qui 
cherchons  votre  salut  par  une  charité  pure.» 
Il  raconta  ensuite  ce  qui  s'était  passé  deux 
jours  auparavant ,  comment  il  avait  invité 
Émérite  à  venir  à  l'Église ,  ce  qu'il  avait  dit 
en  sa  présence  sur  la  paix,  la  charité  et  l'u- 
nité de  l'Église,  et  les  marques  d'obstination 
que  cet  évêque  avait  données,  et  ajouta  : 
«  Puisqu'il  se  trouve  ici  avec  nous ,  il  faut 
que  sa  présence  soit  utile  à  l'Église ,  ou  par 
sa  conversion ,  comme  nous  le  souhaitons , 
ou  du  moins  pour  le  salut  des  autres.  »  Il 
remarqua  que ,  depuis  la  conférence  de  Car- 
tilage, presque  tous  les  donatistes  de  l'un  et 
de  l'antre  sexe  s'étaient  convertis;  et  fit  voir 
la  fausseté  de  ce  qu'on  leur  avait  dit  que , 
dans  la  conférence ,  les  catholiques  avaient 
acheté  la  sentence  du  Commissaire,  et  qu'ils 
n'avaient  pas  permis  aux  donatistes  de  dire 
tout  ce  qu'ils  voulaient.  Puis ,  s'adressant  à 
Émérite  :  «  A'^ous  avez,  lui  dit-il,  assisté  à 
cette  conférence  ;  si  vous  y  avez  perdu  votre 
cause,  pourquoi  êtes-vous  venu  ici?  si  vous 
ne  croyez  pas  l'avoir  perdue ,  dites-nous  par 
où  vous  croyez  la  devoir  gagner?  Si  vous 
croyez  n'avoir  été  vaincu  que  par  la  puis- 
sance, il  n'y  en  a  point  ici.  Si  vous  sentez 
que  vous  avez  été  vaincu  par  la  vérité,  pour- 
quoi rejetez -vous  encore  l'unité?  »  Émérite 
répondit  :  «  Les  actes  montrent  si  j'ai  perdu 
ou  gagné,  si  j'ai  été  vaincu  par  la  vérité  ou 


412 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


»  Saint  Augustin 


opprimé  par  la  puissance 
le  pressa  beaucoup  de  dire  pourquoi  il  était 
venu ,  et  voyant  qu'après  une  réponse  fort 
équivoque  ,  il  s'obstinait  à  ne  plus  parler,  il 
s'adressa  au  peuple ,  à  qui  il  fit  remarquer 
le  silence  de  cet  évêque  donatiste.  Il  recom- 
manda à  Euthérius  de  faire  lire  tous  les  ans 
dans  son  Église  les  actes  de  la  conférence , 
tout  au  long,  pendant  le  carême  à  l'imita- 
tion des  Églises  de  Carthage ,  de  Thagaste , 
de  Constantine,  et  de  toutes  celles  qui  étaient 
les  mieux  réglées. 
pnB.r28.  3.  Saint  Al}  plus  lut  ensuite  la  lettre  que 
les  évèques  catholiques  avaient  adressée  au 
tribun  Marcellin  avant  la  conférence.  EUe 
était  signée  au  nom  de  tous  par  Aurèle  de 
Carthage  et  par  Sylvain  de  Summe,  doyen 
et  primat  de  Numidie.  Ces  évêques  y  témoi- 
gnaient que  leur  dessein  dans  la  conférence 
était  de  montrer  que  l'Église,  répandue  par 
toute  la  terre,  ne  peut  périr,  quelque  péché 
que  commettent  ceux  dont  elle  est  compo- 
sée; que  l'affaire  de  Cécilien  était  terminée, 
puisqu'il  avait  été  déclaré  innocent  et  ses 
accusateurs  reconnus  pour  calomniateurs  ; 
que  tous  les  autres  aussi  que  les  donatistes 
accusaient,  étaient  innocents,  ou  que  leurs 
fautes  ne  pouvaient  porter  de  préjudice  à 
l'Église.  Ils  y  déclaraient  aussi  que  si  les  do- 
natistes pouvaient  prouver  que  l'Église  est 
l'éduite  à  leur  communion,  ils  se  soumet- 
traient absolument  à  eux  sans  prétendi'e 
rien  conserver  de  la  dignité  épiscopale  ;  et 
que  si  les  catholiques  montraient  au  con- 
traire, comme  ils  l'espéraient,  que  les  dona- 
tistes avaient  tort,  ils  leur  conserveraient 
l'honneur  de  l'épiscopat  ;  en  sorte  que  dans 
les  lieux  mêmes  où  il  se  trouveraient  un 
évêque  catholique  et  un  donatiste,  ils  se- 
raient alternativement  assis  dans  la  chaire 
épiscopale,  l'autre  demeurant  un  peu  plus 
bas  auprès  de  lui,  qui  était  la  place  que  l'on 
donnait  aux  évêques  étrangers  ;  ou  bien  que 
l'un  aurait  une  église,  et  l'autre  une  au- 
tre, et  cela  jusqu'à  ce  que  l'un  des  deux 
étant  mort,  l'autre  demeurât  seul  évêque 
selon  l'ordre  ancien  ;  ou  que  si  les  peuples 
avaient  trop  de  peine  à  voir  deux  évêques 
dans  une  église,  tous  les  deux  se  démet- 
traient, et  ceux  qui  seraient  trouvés  sans 
compétiteurs,  en  ordonneraient  un  autre. 
«Pouvons-nous,  en  efl'et,  ajoutaient  ces  évê- 
ques catholiques,  faire  quelques  difficultés 
d'offrir  ce  saci'ifice  d'humilité  au  Sauveur 
qui  nous  a  rachetés?  Il  est  descendu  du  ciel, 


et  a  pris  un  corps  semblable  à  nous,  afin 
que  nous  fussions  ses  membres,  et  nous  ne 
voudrions  pas  descendre  de  nos  chaires  pom* 
ne  pas  laisser  ses  membres  se  déchirer  par 
un  cruel  schisme  !  Il  nous  suffit  pour  nous- 
mêmes  d'être  des  chrétiens  fidèles  et  soumis 
à  Jésus-Christ.  C'est  ce  que  nous  devons  être 
aux  dépens  de  toutes  choses.  Que  si  nous 
sommes  évêques,  c'est  pour  le  service  du 
peuple  chrétien.  Usons  donc  de  notre  épis- 
copat  en  la  manière  qui  est  la  plus  utile  au 
peuple,  pour  y  établir  l'union  et  la  paix  de 
Jésus-Christ.  Si  nous  cherchons  le  profit  de 
notre  Maître,  pouvons-nous  avoir  de  la  peine 
qu'il  fasse  un  gain  éternel,  aux  dépens  de  nos 
honneurs  passagers  ?  La  dignité  de  l'épisco- 
pat nous  sera  bien  plus  avantageuse,  si  en 
la  quittant  nous  réunissons  le  troupeau  de 
Jésus-Christ,  que  si  nous  le  dissipions  en  la 
conservant.  Et  serions-nous  assez  impudents 
pour  prétendre  à  la  gloire  que  Jésus-Christ 
nous  promet  dans  l'autre  vie,  si  notre  atta- 
chement à  la  gloire  du  siècle  est  un  obstacle 
à  la  réunion  des  fidèles  ?  » 

Saint  Augustin  interrompit  la  lecture  de 
cette  lettre  pour  faire  part  à  ceux  qui  étaient 
présents  d'une  chose  bien  agréable  et  bien 
consolante  qui  lui  était  arrivée.  «  Avant  la 
conférence,  dit-il,  nous  nous  rencontrâmes 
un  jour  quelques  évêques  ensemble,  et  nous 
nous  entretenions  de  cette  vérité  :  Que  c'est 
pour  la  paix  de  Jésus-Christ  et  le  bien  de 
l'Église  qu'il  faut  être  évêque,  ou  cesser  de 
l'être.  Je  vous  avoue,  ajoute-t-il,  qu'en  je- 
tant les  yeux  sur  les  uns  et  les  auti-es  de  nos 
confrères,  nous  n'en  trouvions  pas  beaucoup 
qui  nous  parussent  être  disposés  à  faire  ce 
sacrifice  d'humilité  au  Seigneur.  Nous  di- 
sions, comme  cela  se  fait  ordinairement  en 
ces  sortes  de  rencontres  :  Celui-ci  le  poiu*- 
rait  faire,  celui-là  n'en  est  pas  capable.  Un 
tel  le  voudrait  bien  :  un  tel  n'y  consentira 
jamais.  Eu  cela  nous  suivions  nos  conjectu- 
res, ne  pouvant  voir  leurs  dispositions  inté- 
rieures. Mais  quand  on  vint  à  le  proposer 
dans  notre  concile  général,  qui  était  com- 
posé de  près  de  trois  cents  évêques,  tous 
l'agréèrent  d'un  consentement  unanime,  et 
et  s'y  portèrent  même  avec  ardeur,  prêts  à 
quitter  l'épiscopat  pour  l'unité  de  Jésus - 
Christ,  croyant  non  le  perdre,  mais  le  met- 
tre plus  sûrement  en  dépôt  entre  les  mains 
de  Dieu  même.  Il  n'y  en  eut  que  deux  à 
qui  cela  fit  de  la  peine  ;  l'un  qui  était  fort 
âgé  et  qui  ne  craignit  pas  de  l'avouer;  et 


[lye  j;,j,  ye  gi^jCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


413 


l'auti'e  qui  marqua  sur  son  visage  ce  qu'il 
pensait  dans  son  cœur.  Mais  tous  nos  con- 
frères s'étant  élevés  contre  ce  vieillard,  il 
cliangea  aussitôt  de  sentiment,  et  l'autre 
changea  aussi  de  visage.  » 

Saint  Augustin  expliqua  ensuite  ce  qui 
s'était  passé  entre  les  donatistes  à  l'occasion 
du  schisme  de  Maximien  qui  avait  duré  en- 
viron trois  ans,  faisant  remarquer  comment 
après  avoir  persécuté  avec  cruauté  Félicien 
et  Prétextât,  tous  deux  maximianistes,  ils 
les  avaient  reçus  pour  collègues  dans  l'épis- 
copat;  et  tous  ceux  qu'ils  avaient  baptisés 
dans  le  schisme,  sans  les  baptiser  de  nou- 
veau. Comme  Émérite  était  un  des  chefs 
des  primianistes,  et  que  c'était  lui  qui  avait 
dicté  la  sentence  du  concile  de  Bagai  contre 
Maximien  et  ses  sectateurs  ;  il  l'interpella 
de  le  démentir,  s'il  avançait  quelcpie  chose 
contre  la  vérité.  Mais  Émérite  s'opiniâtra 
dans  son  silence,  malgré  les  instances  de 
ses  concitoyens  qui  le  pressaient  de  répon- 
dre, et  il  ne  voulut  jamais  reconnaître  pour 
frère  l'évéque  Deutérius  ,  quoiqu'il  fut  d'ail- 
leurs son  parent. 

§IX. 

Des  deux  livres  contre  Gaudence. 
Lwre  cou.       1.  Vers  l'an  420,  Dulcitius,  tribun  et  no- 

tre  Gaudence, 

7cre  lan  «20.  taire  de  l'Empereur,  se  trouvant  en  Afrique 
pour  faire  exécuter  les  lois  contre  les  dona- 
tistes, et  travailler  à  leur  réunion,  en  écrivit 
à  Gaudence,  évéque  de  Thamugade,  qui 
avait  été  un  de  leurs  commissaires  dans  la 
conférence  de  Carthage  '.  Ceux  de  Thamu- 
gade étaient  plus  opiniâtres  que  les  autres 
dans  le  schisme,  et  Gaudence,  leur  évéque, 
y  était  si  fort  attaché ,  qu'il  menaçait  de  se 
brûler  lui-même  et  les  siens  avec  son  église, 
en  cas  qu'on  voulût  les  contraindre  à  se  réu- 
nir. Dulcitius,  qui  avait  beaucoup  de  dou- 
ceur, n'omit  j'ien  dans  sa  lettre  pour  détour- 
ner Gaudence  de  se  brûler  lui-même,  et 
d'entraîner  avec  lui  des  misérables  dans  une 
mort  si  funeste ,  à  laquelle  peut-être  ils  n'é- 
taient nullement  disposés.  Il  lui  représente 
aussi  qu'il  serait  étrange  qu'il  eût  brûlé  un 
aussi  bel  édifice  qu'était  leur  église ,  où  il 
avait  si  souvent  invoqué  le  nom  de  Dieu; 
que,  s'il  se  croyait  innocent,  il  deA'ait  plutôt 
s'enfuir,  suivant  le  précepte  de  Jésus-Christ, 


*  August.,  lib. 
cont.  Gaudent. 


H   Retract.,  cap.  lix  et  lib.  IH 


que  de  se  brûler.  Gaudence  ayant  reçu  cette 
lettre ,  y  répondit  à  l'heure  même ,  mais  en 
peu  de  mots ,  de  peur,  disait-il ,  de  retarder 
ceux  qui  devaient  porter  sa  réponse.  Il  y 
déclarait  que  pour  lui  il  était  résolu ,  si  on 
lui  faisait  violence  ,  de  finir  sa  vie  par  le  feu 
avec  son  église;  mais  que  pour  les  autres ,  il 
ne  pensait  nullement  à  les  contraindre  à  un 
semblable  genre  de  mort  ;  qu'au  contraire  , 
il  avait  exhorté  tous  ceux  qui  en  auraient  de 
l'éloignement  à  le  dire  publiquement  sans 
craindre,  et  à  l'éviter.  Le  lendemain  il  écri- 
vit une  seconde  lettre  à  Dulcitius ,  mais  plus 
longue,  ovi  pour  justifier  sa  fureur  par  l'auto- 
rité des  Ecritures,  il  alléguait,  entre  autres, 
l'exemple  de  Razias,  dont  la  mort  est  rap- 
portée dans  le  second  livre  des  Macchabées. 
Le  tribun  envoya  ces  deux  lettres  à  saint 
Augustin,  le  priant  d'y  répondre  lui-même. 
Ce  saint  s'en  excusa  d'abord  par  une  lettre 
où  il  se  dit  accablé  d'occupations,  ajoutant 
qu'il  avait  déjà  réfuté  les  vains  discours  des 
donatistes  dans  plusieurs  autres  ouvrages. 
Toutefois  il  lui  promet  sur  la  fin  de  sa  lettre, 
de  réfuter  les  deux  de  Gaudence  à  son  pre- 
mier loisir. 

2.  Il  fit  pour  cela  un  livre  dont  il  parle  lui- 
même  dans  ses  Rétracta f  mis.  Il  met  d'abord 
le  texte  de  Gaudence,  et  ensuite  sa  réponse, 
afin  que  les  moins  intelhgents  ne  pussent 
douter  qu'il  n'eût  répondu  à  tout.  Il  avait 
suivi  la  même  méthode  en  répondant  ù  Pé- 
tilien,  et  avait  mis  à  chaque  article  :  Pétilien 
a  dit;  et  ensuite  :  Augustin  a  répondu.  Mais 
Pétihen  l'avait  accusé  de  mensonge,  soute- 
nant qu'il  n'avait  jamais  disputé  avec  lui  de 
vive  voix.  Afin  donc  que  Gaudence  ne  lui  fit 
pas  un  semblable  reproche,  il  met  :  Paroles 
de  la  lettre;  et  ensuite ,  Réponse.  Comme 
Gaudence  n'avait  rien  dit  de  nouveau  en  fa- 
veur de  son  parti,  saint  Augustin  lui  répond 
aussi  à  peu  près  de  la  même  manière  qu'aux 
autres  donatistes.  Il  fait  voir  à  l'occasion  de 
Gabinus,  qui  était  passé  du  parti  de  Do- 
uât à  l'ÉgHse  catholique ,  que  l'on  ne  doit 
point  rebaptiser  les  hérétiques  qui  revien- 
nent à  l'unité,  et  qu'ils  n'ont  besoin  que 
d'être  purifiés  par  la  charité  de  l'unité  de 
l'Église  ;  que  les  lois  des  empereurs  qui  ten- 
dent à  empêcher  le  désordre,  ne  sont  point 
contraires  à  la  liberté;  que  pour  souffrir 
avec  quelque  mérite  les  persécutions  de  la 
part  des  hommes,  il  faut  les  souffrir  pour  In 
justice;  que  l'on  peut  user  d'une  espèce  de 
contrainte  pour  engager  les  hommes  à  faire 


Analyse    u 

premier  li^vro, 
pag.  63o. 


414 


HISTOIRE  GÉiNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


le  bien  et  à  recevoir  la  vérité  ;  ce  qui  paraît 
joan.  xiiTii,   par  l'ordre  que  le  roi  de  Ninive  donna  aux 
Luc.  XIV,  21.   habitants  de  cette  ville  déjeuner  et  de  prier, 
et  par  celui  que  le  père  de  famille  donna  à 
ses  serviteurs  de  contraindre  tous  ceux  qu'ils 
trouveraient  dans  les  places  et  sur  les  grands 
chemins   d'entrer  dans  la   salle   du  festin. 
«  En  vain,   ajoute-t-il,   les  donatistes  se 
tuaient  eux-mêmes,  ou  se  présentaient  vo- 
lontairement aux  païens  pour  en  recevoir  la 
mort,  dans  le  dessein,  disaient-ils,  de  lem- 
plir  le  nombre  des  martyrs  marqués  dans 
l'Apocalyse,  puisque  ce  nombre  ne  sera  ac- 
compU   qu'au   temps   de   l'Antéchrist.  »   Le 
saint  Doctem-  réfute  plus  au  long  l'exemple 
de  Razias,    dont  Gaudence  s'autorisait.  Il 
dit   que  l'histoire   des  Macchabées  n'a  pas 
été  reçue  inutilement  par  l'Église,  surtout  à 
cause  de  ces  grands  saints  qui  souffrirent  de 
si  horribles  persécutions  pour  la  loi  de  Dieu 
comme  de  véritables  martyrs.  Mais  il  veut 
qu'on  la  lise  avec  précaution,  et  qu'on  l'en- 
iende  comme  on  doit  l'entendi'e.  Il  fait  voir, 
par  l'autorité  de  saint  Cyprien,  que  ceux  qui, 
du  temps  des  persécutions,  prévenaient  l'ar- 
rêt des  persécuteurs,  et  se  jetaient  dans  les 
tlammes  sans  avoir  été  condamnés,  ne  le  fai- 
saient pas  par  un  conseil  de  sagesse,  mais 
par  une  folie  pleine  de  fureur.   Il   allègue 
l'exemple  de  Job,  qui,  tout  couvert  d'ulcères, 
aurait  pu  tout  d'un  coup  se  délivrer  d'une 
vie  si  insupportable,  s'ill'avait  voulu;  mais 
qui  ne  le  voulut  pas,  parce  que  la  justice  ne 
le  lui  permettait  pas.  «Il  est  vrai,  ajoute-t-il, 
X  "'/,"""'■  'J^^  ^^^  saintes  Écritm-es  ont  donné  des  louan- 
ges à   Razias.  Mais   comment   est-il  loué  ? 
Parce  qu'il  aimait  sa  ville.  Ne  l'a-t-il  pas  pu 
faire  charnellement,  en   aimant  la   Jérusa- 
lem terrestre  qui  est  esclave  avec  ses  en- 
fants, et  non  celle  qui  est  d'en  haut,  qui  est 
libre  et  notre  vraie  mère?  Il  a  été  loué  com- 
me s'étant  conse7-vé  pu?-  da?is  le  judaïsme,  mais 
pui.iM,  s.  c'est  ce  que  l'Apôtre  a  regardé  comme  une 
perte  et  comme  du  fumier,  en  comparaison 
de  la  justice  chrétienne.  Il  a  été  loué,  parce 
tous  le  nommaient  le  père  des  Juifs.  Mais,  qu'y 
a-t-il  d'étonnant,  si,  étant  homme,  il  s'est  élevé 
et  s'est  plu  superbement  en  lui-même  sm-  ce 
sujet,  et  si,  au  milieu  de  cette  gloire  dont  il 
jouissait  parmi  ses  concitoyens,  il  a  mieux 
aimé  se  tuer  de  sa  propre  main,  que  de  tom- 
ber dans  une  honteuse  servitude  entre  les 
mains  de  ses  ennemis?  De  quelque  manière 
donc  qu'on  veuille  entendre  les  louanges  qui 
sont  données,  dans   l'Écriture,  à  la  vie  de 


Razias,  sa  mort  ne  peut  être  louée  par  la  sa- 
gesse, puisqu'elle  n'est  point  accompagnée 
de  la  patience  qui  convient  aux  vrais  servi- 
teurs de  Dieu,  et  c'est  à  lui  qu'on  doit  appli- 
quer plutôt  cette  parole  de  la  sagesse  même, 
qui  ne  tend  pas  à  louer  sa  mort,  mais  à  la 
faire  détester  :  Malheur  à  ceux  qui  ont  perdu 
la  patience.    Reconnaissons    que   l'Écriture 
nous  a  plutôt  raconté  la  mort  de  Razias 
comme   un    événement   qui   pouvait    nous 
étonner,  qu'elle  ne  nous  l'a  proposée  comme 
un  exemple  louable  de   sagesse  qu'on   pût 
imiter.  Ainsi,  quand  il  est  dit  :  qu'il  choisit  de 
mourir  noblement,  il  faut  entendre  qu'il  aurait 
fait  un  meilleur  choix  de  mourir  plutôt  hum- 
blement, parce  qu'il  l'eût  fait  utilement;  les 
histoires  profanes  ont  coutume  de  se  servir 
de  ces  sortes  d'expressions  pour  louer,  non 
les  martyrs  de  Jésus-Christ,  mais  les  héros 
de  ce  siècle.  Qu'aurait  donc  dû  faire  alors 
Razias  ?  Ce  que  nous  lisons  dans  le  même  li- 
vre de  l'Écriture,  que  firent  les  sept  frères 
Macchabées,  à  l'exhortation   même  de  leur 
mère.  Étant  pris,  il  aurait  dû  demeurer  in- 
violablement  attaché  à  la  loi  sainte  du  Sei- 
gneur, accepter  tout  ce  qui  lui  serait  arrivé, 
se  soutenir  humblement  dans  sa  douleur  et 
conserver  la  patience  dans  son  humiliation. 
N'ayant  donc  pu  supporter  la  confusion  de 
tomber  entre  les  mains  de  ses  ennemis,  il  a 
donné  un  exemple,  non  de  sagesse,  mais  de 
folie,  et  un  exemple  qui  ne  peut  être  imité 
par  les  martyrs  de  Jésus-Christ.  » 

Saint  Augustin  avoue,  toutefois,  que  cet 
exemple  de  Razias,  ne  laisse  pas  d'avoir  son 
utilité,  non-seulement  pour  nous  exercer 
l'esprit ,  en  nous  donnant  lieu  de  juger  des 
choses  que  nous  lisons,  par  la  lumière  de  la 
vérité ,  et  non  point  par  l'apparence  ;  mais 
encore  pour  nous  apprendre  ce  qu'un  chré- 
tien est  obligé  de  souSrir  de  ses  ennemis 
par  le  mouvement  d'une  charité  ai'dente, 
puisque  ce  juif  a  tant  souffert  de  lui-même 
par  la  crainte  seule  d'une  humihation  hu- 
maine. Mais  cette  ardeur  de  la  charité  est 
un  effet  de  la  sublimité  de  la  grâce  divine; 
tandis  que  la  crainte  de  l'humiliation  naît 
da  désir  des  louanges  des  hommes.  C'est 
pom-quoi  celui-là  est  victorieux  par  la  pa- 
tience; au  contraire  ce  juif  pécha  et  fut  vain- 
cu par  son  impatience. 

3.  Gaudence,  ayant  vu  ce  livre,  récrivit  à 
saint  Augustin,  non  pom-  le  réfuter,  mais 
uniquement  poiu-  ne  pas  demeurer  muet,  et 
afin  qu'on  ne  dit  pas  qu'il  avait   été   con- 


An?lyse  du  1; 
second    livre, 
pag.  Sfîfi. 


[lye  ET  ye  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


vaincu.  Il  prétendit  prouver  dans  sa  réponse, 
par  quelques  témoignages  tirés  des  écrits  de 
saint  Cyprien,  que  l'Église  du  parti  de  Donat 
était  la  catholique  ;  et  il  alléguait  aussi  pour 
le  montrer,  que  Dulcitius,  en  lui  écrivant, 
l'avait  traité  de  piété.  Il  alléguait  aussi  le  nom 
de  saint  Cyprien,  pour  autoriser  la  rebaptisa- 
tion  parmi  les  donatistes.  Saint  Augustin  ne 
crut  pas  devoir  laisser  cette  lettre  sans  ré- 
ponse, et  il  en  fit  une  petite  réfutation,  qui 
passe  pour  le  second  livre  contre  Gaudence.  Il  y 
fait  voir,  par  saint  Cyprien  même,  que  l'Église 
catholique  est  celle-là  qui  répand  les  rayons 
de  sa  lumière,  qui  est  celle  de  Dieu  même 
dans  toutes  les  parties  du  monde,  et  qui  les 
arrose  de  ses  eaux  salutaires;  celte  étendue 
étant  même  marquée  par  le  mot  de  catholi- 
que. Il  prouve  encore,  par  le  même  saint  Cy- 
prien, que  les  péchés  des  autres  ne  souillent 
point  même  ceux  qui  les  connaissent,  au  lieu 
que    Gaudence    prétendait    qu'ils    souillent 
ceux  mêmes  qui  ne  les  connaissent  pas. Quant 
à  l'allégation  de  Gaudence  que  le  baptême  ne 
pouvait  se  donner  que  dans  l'Église  de  Do- 
nat ,   il  la   réfute   par  l'histoire  des    maxi- 
mianistes    reçus  dans  ce  parti    sans   avoir 
été  baptisés  une  seconde  fois.  Il  répond  au 
fait   d'Agrippin  et  de   saint  Cyprien ,  que , 
quoique   d'un  sentiment  différent  du  pape 
Etienne,  ils  n'avaient  jamais  rompu  l'unité 
catholique;  qu'aureste,  si  l'Église  catholique 
recevait  comme  bon  le  baptême  donné  par 
des  hérétiques,  c'est  que  ce  baptême   était 
non  des  hérétiques,  mais  de  l'Église  catholi- 
que. Il  convient  que  le  tribun  Dulcitius  qui 
était  un  laïque  et  homme  d'épée,  n'aurait 
pas  dû,  en  écrivant  à  Gaudence,  qu'il  savait 
être  hérétique,  se  servir  de  ces  termes  :  Vo- 
tre piété  ou  votre  religion  ;  mais  en   même 
temps,  il  en  tire  un  argument  contre  Gau- 
dence même,  qui,  en  répondant  à  Dulcitius, 
avait  commencé  sa  lettre  par  ces  mots  :  Vo- 
tre piété.  Car  s'il  n'y  a  point  de   piété  que 
dans  la  vérité,  il  fallait  que  Gaudence  recon- 
nût que  Dulcitius,  qui  était  catholique,  fût 
dans  la  vérité ,  et  que  lui  au  contraire  fût 
dans  Terreur. 

4.  On  a  joint  à  ces  deux  hvres  un  discours 
touchant  le  sous-diacre  Rusticien,  rebaptisé 
et  ordonné  diacre  par  les  donatistes.  Mais  le 
style  seul  fait  voir  qu'il  n'est  point  de  saint 
Augustin.  Il  n'a>ri&n  ni  4e  son  génie,  ni  de 
la  noblesse  de  ses  expressions.  On  y  confond 
d'ailleurs  des  faits  arrivés  à  différentes  per- 
sonnes et  en  différents  temps  ;  l'histoire  de 


415 

Rusticien,  sous-diacre  dans  le  diocèse  d'Hip- 
pone,  avec  celle  de  Rusticien,  diacre  du  Mu- 
tugène;  la  lettre  de  saint  Augustin  à  Ma- 
crobe,  avec  celle  qu'il  écrivit  à  Maximin. 


§X. 

Des  ouvrages  faussement  attribués  à  saint 
Augustin. 

i .  On  peut  encore  juger,  par  le  style  seul 
du  livre  contre  Fulgence,  le  donatiste,  qu'il 
n'est  point  de  saint  Augustin.  On  n'y  i-ema'r- 
que,  ni  son  éloquence,  ni  son  érudition;  les 
pensées  pom*  la  plupart  en  sont  basses,  et 
l'auteur  ne  se  soutient  point  dans  ses  expli- 
cations de  l'Écriture,  donnant  tantôt  un  sens, 
tantôt  un  autre  à  nu  même  passage.  A  quoi 
il  faut  ajouter  qu'il  n'y  a  dans  cet  ouvrage  ni 
suite  ni  méthode  ;  l'auteur  commence  à  traiter 
une  matière,  puis  il  la  quitte  pour  en  trai- 
ter une  autre  ;  ensuite  il  revient  à  celle  qu'il 
avait  entamée  d'abord.  Par  exemple,  après 
avoir  commencé  à  parler  du  baptême,  il 
passe  à  la  question  du  mélange  des  bons 
et  des  méchants,  puis  il  revient  à  celle  du 
baptême.  L'auteur  était  Africain  et  très-an- 
cien,'puisqu'il  avait  vu  le  concile  de  Carthage 
en  312,  où  Cécilien  fut  condamné  par  les 
soixante-dix  évêques  du  parti  de  Donat.  Il 
cite  la  sentence  que  Marcien,  l'un  de  ces 
soixante-dix  évêques  prononça  contre  Céci- 
lien ;  sentence  qui  ne  se  trouve  citée  dans  au- 
cun des  écrits  de  saint  Augustin,  quoique 
celui-ci  ait  eu  occasion  de  le  faire. 

2.  Suivent,  dans  l'Appendice  du  neuvième 
tome,  diverses  pièces  qui  appartiennent  à 
l'histoire  des  donatistes,  et  nécessaires  pour 
bien  entendre  les  écrits  de  saint  Augus- 
tin contre  les  schismatiques;  l'origine  du 
schisme  de  Donat,  .ainsi  que  l'a  l'apportée 
Optât  de  Milève  ;  la  lettre  de  l'empereur 
Constantin  à  Cécilien,  par  laquelle  ce  prince 
lui  mande  qu'il  le  chargeait  de  distribuer 
une  certaine  somme  d'argent  à  divers  minis- 
tres de  l'Église  catholiqu-e  suivant  le  billet  d'O- 
sius;  la  lettre  de  Constantin  à  Anulin,  pour 
décharger  des  clercs  de  l'Église  catholique, 
à  laquelle  Cécilien  présidait,  de  toutes  fonc- 
tions publiques;  la  relation  que  fit  Anulin 
de  son  exactitude  à  faire  savoir  à  Cécilien 
et  aux  ecclésiastiques  de  sa  communion,  la 
loi  de  Constantin  qui  leur  accordait  l'immu- 
nité ;  la  requête  des  évêques  donatistes,  par 
laquelle  ils  priaient  Constantin  de  leur  don- 
ner des  juges  dans  les  Gaules,  disant  qu'elles 


Livre  con* 
ive  Fulgence 
le  donaliste , 
pag.  3,  iQ  Ap- 
penâ.tom.lX. 


Monuments 
pour  riiistoiro 
des  donalis  - 
tes. 


M6 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES   AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


n'étaient  pas  encore  tombées  dans  le  crime 
où  tombaient  ceux  qui  livraient  les  choses 
sacrées;  la  lettre  de  Constantin  au  pape  Mel- 
chiade  pour  juger  l'affaire  de  Cécilien,  con- 
jointement avec  Marc,  et  trois  évéques  des 
Gaules,  saint  Materne  de  Cologne,  saint  Ma- 
rin d'Arles  et  saint  Rétice  d'Autun;  le  juge- 
ment qui  fut  rendu  à  Rome  en  faveur  de 
Cécilien  sous  le  pape  Melcliiade;  la  relation 
du  voyage  des  deux  évéques  Eunomius  et 
Olympius,  en  Afrique,  pour  ôter  les  deux 
contendants  de  l'évêclié  de  Cartilage,  et  en 
ordonner  un  troisième,  et  pour  pronon- 
cer quel  parti  était  celui  de  l'Église  catlioli- 
que;  l'ordi-e  que  Constantin  donna  après  la 
justification  de  Cécilien,  à  Vérus,  vicaii-e  des 
préfets  dans  l'Afrique,  d'instruire  l'affaire  de 
Félix  d'Aptonge,  ordinateur  de  Cécilien;  les 
actes  pi'oconsulaires  de  ce  qui  se  passa  dans 
cette  information,  qui  tourna  à  l'avantage 
de  Félix,  déclaré  innocent  par  le  jugement 
de  Vérus;  l'ordre  des  empereurs  à  Probien, 
proconsul  d'Afrique,  pour  leur  envoyer  In- 
gentius,  accusateur  de  Cécilien,  et  convaincu 
de  faux  par  les  actes  pi^oconsulaires  ;  l'ordre 
de  Constantin  à  Ablavius,  vicaire  d'Afrique, 
pour  envoyer  à  Arles,  Cécilien  et  ses  adver- 
saires, pour  y  finir  les  divisions  qui  étaient 
entre  eux  dans  le  concile  qui  devait  s'y  as- 
sembler; la  lettre  du  même  prince  à  Clirest 
ou  Crescent,  évêque  de  Syracuse,  pour  l'in- 
viter à  ce  concile  ;  les  actes  de  ce  concile  ou 
la  lettre  synodale  adressée  au  pape  Sylves- 
tre; celle  que  Constantin  écrivit  aux  évéques 
catholiques  du  concile  d'Arles,  où  après  leur 
avoir  témoigné  beaucoup  de  joie  de  ce  que 
Dieu  avait  fait  paraître  la  vérité  au  miheu 
des  ténèbres  dont  on  avait  voulu  l'obscurcir, 
il  leur  disait  qu'ils  pouvaient  s'en  retourner 
à  leurs  églises  ;  l'ordre  de  ce  prince  aux  évé- 
ques du  parti  de  Donat  de  se  trouver  avec 
Cécilien  pour  finir  l'aflaire  qui  était  entre 
eux  ;  la  promesse,  qu'il  fit  à  Celse,  vicaire 
d'Afrique,  de  s'y  rendre  en  personne  afin  d'y 
examiner  l'affaire  de  Cécilien  et  de  Donat; 
luie  lettre  des  préfets  du  prétoire  à  Celse, 
sur  la  môme  affaire  ;  le  jugement  que  Cons- 
tantin i-endit  c'i  Milan  en  faveur  de  Cécilien  ; 
sa  lettre  à  tous  les  évéques  et  au  peuple 
catholique  d'Afrique;  celle  qu'il  écrivit  aux 
évéques  catholiques  de  Numidie  en  réponse 
de  la  lettre  qu'il  en  avait  reçue,  où  ils  le 
priaient  de  leur  accorder  une  place  du 
domaine  à  Cirthe  ou  Constantine  pour  y 
bâtir  une  église  ;  ceUe  qu'ils  y  avaient  étant 


entre  les  mains  des  donatistes  qui  s'en 
étaient  emparés  avec  insolence.  Ce  prince 
leur  accorda  non-seulement  la  place  qu'ils 
demandaient,  mais  il  voulut  encore  que  l'é- 
glise fut  bâtie  aux  dépens  du  fisc,  et  il  écri- 
vit pour  cela  au  gouverneur  de  la  Numidie. 
Il  témoigne  aussi  dans  cette  lettre  son  ex- 
trême désir  pour  le  retour  des  schismatiques, 
voulant  que  les  évéques  de  Numidie  y  tra- 
vaillassent par  des  avertissements  et  des 
exhortations  continuelles.  Cette  lettre  finit 
ainsi  :  «  Quoi  qu'ils  fassent,  pour  nous,  mes 
frères,  attachons-nous  à  notre  devoir,  appli- 
quons-nous à  ce  que  Dieu  nous  ordonne, 
gardons  ses  divins  préceptes,  méritons  par 
nos  bonnes  œuvres  de  ne  point  tomber  dans 
l'erreur,  et  par  le  secours  de  la  miséricorde 
divine ,  conduisons  nos  pas  dans  la  voie 
droite  de  l'Évangile.  » 

3.  On  trouve  ensuite  les  actes  de  ce  qui 
se  passa  devant  le  consulaire  Zénophile  par 
lesquels  on  voit  que  Sylvain  de  Cirthe,  dé- 
noncé par  Nondinaire,  fut  convaincu  d'avoir 
livré  les  saintes  Écritures  et  ensuite  banni  ; 
divei'S  extraits  des  monuments  qui  regar- 
dent la  liberté  que  Constantin  accorda  aux 
donatistes,  et  leur  rappel  de  lem'  exil;  le 
récit  des  mauvais  ti-aitements  que  les  dona- 
tistes firent  à  Paul  et  à  Macaire,  envoyés  en 
Afrique  par  l'empereur  Constant  pour  tra- 
vailler à  leur  réunion,  et  distribuer  des  au- 
mônes aux  pauvres  des  églises  de  cette 
province  ;  l'avis  de  Gratus,  dans  le  premier 
concile  de  Carthage,  vers  l'an  348,  et  deux 
canons  de  ce  concile  contre  les  donatistes; 
ce  que  dit  Optât  de  Milève  touchant  la  li- 
berté que  Julien  l'Apostat  accorda  aux  do- 
natistes de  retourner  dans  leurs  églises,  et 
les  crimes  qu'ils  commirent  depuis  leur 
retour  ;  l'évêque  qu'ils  avaient  à  Rome  et  la 
caverne  qui  leur  servait  d'église  hors  de 
cette  ville.  Suivent  les  lois  des  empereurs 
contre  ceux  qui  rebaptisaient  les  hérétiques  ; 
le  décret  du  concile  d'Hippone  pour  recevoir 
les  clercs  donatistes  au  nombre  des  laïques  ; 
la  lettre  du  concile  de  Cabarsusse  dans  la 
Bysacène  contre  Primien,  évoque  donatiste 
de  Carthage  ;  la  sentence  de  celui  de  Bagai 
contre  Maximien  et  ses  ordinateurs  ;  un  au- 
tre décret  du  concile  de  Carthage  touchant 
les  enfants  baptisés  chez  les  donatistes  ;  une 
loi  d'Honorius  contre  ceux  qui  s'étaient  em- 
parés des  églises  et  y  avaient  fait  irruption  ; 
la  révocation  du  décret  obtenu  de  Jidien 
l'Apostat,  par  les  donatistes  ;  la  légation  du 


Suite, 


Vûyez  lom. 
Il,  pag.  SU 
suiv. 


[IV"  ET  V°  SIÈCLES.] 

concile  de  Cai'thage  pour  consulter  Anastase 
et  Vénérius  s'il  était  permis  d'ordonner 
clercs  dans  l'Église  catholique  ceux  qui,  étant 
enfants,  avaient  été  baptisés  chez  les  dona- 
tistes  ;  les  décrets  du  concile  général  d'Afri- 
que assemblé  à  Carthage  touchant  la  ma- 
nière de  réconcilier  les  donatistes  qui  reve- 
naient à  l'Église  ;  la  légation  d'un  autre 
concile  de  la  même  viUe  à  l'empereur  Hono- 
rius  contre  les  donatistes  ;  une  loi  de  ce 
prince  contre  ceux  qui  rebaptisaient  ;  deux 
décrets  de  deux  conciles  de  Carthage  dont 
le  dernier  regarde  les  peuples  qui  avaient 
abandonné  le  schisme  des  donatistes  ;  di- 
verses lois  du  même  empereur  qui  confir- 
ment celles  qui  avaient  été  portées  aupara- 
vant contre  les  donatistes,  ou  qui  révoquent 
la  liberté  qui  leur  avait  été  accordée  de 
s'assembler.  Les  dernières  pitces  deV Appen- 
dice regardent  les  trois  séances  de  la  grande 
conférence  de  Carthage,  et  ce  qui  fut  or- 
donné contre  eux  par  l'empereur  Honorius 
depuis  cette  conférence. 

ARTICLE  XL 

DES  OUVRAGES  CONTENUS  DANS  LE  DIXIÈME  TOME. 

* 

Il  n'y  avait  que  ti'ès-peu  de  temps  que  l'É- 
glise avait  remporté  la  victoire  sur  l'hérésie 
des  donatistes,  lorsqu'il  s'en  éleva  une  autre 
dans  son  sein;  d'autant  plus  dangeieuse, 
qu'elle  attaquait,  non  le  corps  de  la  société 
chrétienne,  comme  avaient  fait  les  donatis- 
tes, mais  l'âme  même  de  cette  société, 
c'est-à-dire  la  grâce  du  Sauveur  par  laquelle 
nous  sommes  clu-étiens. 

Pelage,  auteur  de  cette  nouvelle  hérésie, 
faisait  profession  de  la  vie  monastique.  Le 
long  séjour  qu'il  fit  à  Rome  lui  attira  en 
cette  ville  beaucoup  de  connaissances,  et  il 
y  acquit  même  une  grande  l'éputation  de 
vertu;  il  avait  l'esprit  vif,  subtil  et  péné- 
trant, parlant  la  langue  grecque  de  même 
que  la  latine.  Avant  d'être  connu  pour  héré- 
tique, il  composa  divers  ouvrages  où  il  jeta 
les  semences  de  son  erreur,  qui  fut  condam- 
née pour  la  première  fois,  par  un  concile 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


417 

tenu  à  Carthage  l'an  412.  C'était  Célestius, 
le  premier  et  le  plus  célèbre  de  ses  disciples, 
qui  l'avait  répandue  en  cette  ville,  et  en 
beaucoup  d'autres  endroits;  il  avait,  comme 
son  maître,  l'esprit  vif,  et  ses  autres  qualités 
eussent  pu  le  rendre  utile  à  beaucoup  de 
personnes,  si  on  l'eût  corrigé  de  ses  mauvais 
sentiments. 

Saint  Augustin,  quoiqu 'informé  des  er- 
reurs que  Pelage  répandait,  ne  voulut  pas 
néanmoins  écrire  contre  lui,  qu'il  ne  l'eût 
vu  lui-même,  ou  qu'il  n'eût  trouvé  des  preu- 
ves de  son  hérésie  dans  quelqu'un  de  ses 
écrits.  Pelage  vint  à  Carthage  en  41 1  ;  mais 
ce  saint  Augustin,  occupé  de  la  conférence 
qui  devait  se  tenir  avec  les  donatistes,  n'eut 
pas  le  loisir  d'examiner  la  doctrine  de  ce 
nouvel  hérésiarque,  qui  se  hâta  même  de 
partir  de  cette  viUe,  pour  passer  la  mer  et 
se  retirer  en  Palestine.  Mais,  depuis  que  Cé- 
lestius,  son  disciple,  eut  été  condamné  à 
Carthage,  saint  Augustin  et  les  autres  évo- 
ques catholiques  ne  cessèrent  de  combattre 
ses  erreurs  dans  leurs  sermons  et  leurs  con- 
versations particulières.  Ce  Père  se  trouva 
même  obligé  de  l'attaquer  par  écrit  en  412, 
à  la  prière  du  tribun  Marcellin,  le  même  qui 
avait  présidé  à  la  conférence  de  Carthage 
l'année  précédente.  Importuné  par  les  dis- 
cours que  lui  faisaient  chaque  jour  ceux 
qui  se  trouvaient  engagés  dans  les  erreurs 
de  Pelage,  et  embarrassé  par  quelques-unes 
de  leurs  objections,  il  s'adressa  à  saint  Au- 
gustin, en  le  priant  de  les  résoudre  K 

§  I. 

Des  livres  des  Méi-ites  des  péchés,  et  de  leur 
rémission,  ou  du  Baptême  des  enfants. 

1.  Saint    Augustin    était    alors   dans    de      l™»  dei 
grands  ^  embarras  et  dans  de  grandes  in-  pédlTei  f» 

.  , ,       ,  ,  -  .  leur      remis  - 

quietucies,  a  cause  des  vexations  que  les  do-  sion.  ed  412. 
natistes  continuaient  à  exercer  en  quelques 
endroits  contre  les  catholiques.  Mais  il  ne 
put  s'empêcher  de  satisfaire  aux  instances 
d'une  personne  avec  qui,  comme  il  le  dit' 
lui-même,  il  n'était  qu'un  dans  l'unité  im- 


'  Sur  les  pélagiens  et  le  pélagianisme,  voir  les 
nombreux  écrits  de  saint  Augustin,  ceux  de  saint 
Jérôme,  de  Marius  Mercator  et  d'Orose,  tous  com- 
temporains.  Pour  les  modernes,  le  cardinal  Noris, 
Historia  pelagiana,  édit.  de  Vérone.  Les  savantes 
dissertations  du  P.  Garnier  sur  Mercator,  tom. 
XLVIU  Pair,  lat.,  édit.  Migae.  La.  Vie  de  Pelage  du 
père  PatouiUet;    Noël  Alexandre,  y°  sœcul.  avec 

IX. 


les  notes  de  Roncaglia;  Saccarelli,  an  412,  num.  7 
et  suiv.;  Baronius;  ce  sont  des  sources  pures  :  eu 
général,  tous  les  biographes  de  saint  Augustin. 
(L'abbé  Blanc,  Cours  d'hist.  ecclés.  tom.  11,  pag. 
196  de  la  première  édition,  note  1.)  Voyez  aussi  le 
supplémeut  à  la  fin  de  ce  volume.  (L'éditeur.) 

2  Lib.  I  De  Pectum.,  cap.  1. 

3  Ibid. 

27 


/il  8 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Analyee 
premier  ]iv 
pag.liloin, 
an,  ItiOG. 


muable  de  Dieu.  Pour  répondre  donc  aux 
questions  qu'elle  lui  avait  proposées  et  en- 
voyées de  Cartilage ,  il  composa  un  écrit  di- 
visé en  deux  livres,  qu'il  iutitula  '  :  Des  Mé- 
rites et  de  la  rémission  des  pécliés.  C'est  ainsi 
qu'il  les  nomme  dans  ses  Rétractations.  Mais 
ailleurs  -  ils  sont  intitulés ,  du  Baptême  des 
enfants.  C'était  en  effet  la  principale  des 
questions  de  Marcellin,  comm'e  c'est  la  plus 
forte  preuve  du  péché  originel  que  saint  Au- 
gustin avait  à  défendre  contre  Pelage  et  ses 
sectateurs.  On  leur  a  donné  ces  deux  titres 
différents  dans  la  nouvelle  édition  des  œu- 
vres de  ce  Père.  Ils  sont  adressés  à  Marcel- 
lin,  d'où  vient  que  saint  Augustin  les  cite 
quelquefois  '  sous  ce  nom,  sans  autre  titre. 
Saint  Fulgence  *,  qui  rapporte  divers  en- 
droits du  second',  les  nomme  livres  à  Mar- 
cellin sur  le  baptême  des  enfants.  On  en  met 
l'époque  en  412. 

2.  Depuis  le  commencement  du  premier 
livre  jusqu'au  chapitre  xxxiv,  saint  Augustin 
attaque  l'ouATage  d'un  pélagien,  qui  conte- 
nait les  erreurs  de  cette  secte.  Cet  homme 
prétendait  qu'Adam  serait  mort,  quand 
même  il  n'aurait  pas  péché.  Et  pour  répon- 
die  à  ce  qu'on  lit  dans  TÉcriture,  que  Dieu 
menaça  l'homme  de  mort,  au  jour  même 
qu'il  aurait  mangé  du  fruit  défendu,  il  sou- 
tenait que  cette  menace  ne  devait  s'enten- 
dre que  de  la  mort  de  l'âme.  Mais  saint  Au- 
gustin le  réfute  par  ces  paroles  qui  marquent 
Gen,  iij.do.  bien  clairement  une  mort  corporelle  :  Vous 
êtes  terre,  et  vous  retournerez  en  terre.  Car  il 
est  évident  que  c'est  selon  le  corps  et  non 
selon  l'âme  que  l'homme  doit  retourner  en 
terre.  Mais  s'il  n'eût  pas  péché,  son  corps, 
quoique  créé  de  terre,  eût  été  changé  en 
un  corps  spirituel,  c'est-à-dire  en  cette  in- 
corruptibilité promise  aux  saints  et  aux  fidè- 
les, dont  non-seulement  nous  avons  le  désir, 
mais  après  lequel  nous  soupirons,  comme 
l'Apôtre  le  témoigne  dans  sa  seconde  Épitre 
aux  Corinthiens.  Et  il  n'eut  pas  été  à  craindre 
que  le  corps  dût  alors  périr  par  le  poids  des 
années  ,  puisque  si  Dieu  a  été  assez  puissant 
pour  empêcher  que  les  habits  et  les  chaus- 
sures des  Israélites  ne  s'usassent  point  pen- 
dant quarante  ans,  il  l'aurait  sans  doute  été 
assez  pour  maintenir  le  corps  de  l'homme  en 
an  état  où  il  ne  défaiUit  point  par  le  nom- 


Cap    1. 


Cap.  It. 
11  Cor.  V, 


21  el  fioin. 
12. 


bre  des  années.  On  en  voit  un  exemple  dans 
Enoch  et  dans  Élie,  quoique  leurs  corps  ne 
soient  pas  encore  revêtus  ds  cette  qualité  ; 

spirituelle  qui  nous  est  promise  après  la  ré- 
surrection. Depuis  qu'ils  ont  été  transférés, 
leurs  corps  sont  rassasiés  à  la  manière  dont 
Élie  le  fut  pendant  quarante  jours  ;  ou  s'ils  C'p.  m. 
ont  besoin  de  nourriture  pour  se  substanter, 
ils  se  nourrissent  peut-être  dans  le  paradis 
terrestre  des  mêmes  aliinents  que  mangeait 
Adam  avant  qu'il  en  sortît.  L'Apôtre  nous 
dit  aussi  bien  clairement  que  le  péché  est  la  cap.  iv. 
cause  de  la  mort  du  coi'ps  :  Si  Jésus-Christ  Rom.  n 
est  en  vous,  ce  sont  ses  paroles,  quoique  le  cap.vei- 
corps  soit  mort  en  vous,  à  cause  du  péché,  l'es- 
jjrit  est  vivant  à  cause  de  la  justice.  Ce  passage 
paraît  si  précis  à  saint  Augustin  contre  les 
pélagiens,  qu'il  craint  de  l'expliquer.  Il  en 
ajoute  plusieurs  autres  du  même  apôtre  qui 
prouvent  tous  que  la  mort  du  corps  est  une 
suite  du  péché.  Comme  le  péché  est  entré  dans 
le  m.onde  par  un  seul  homme,  et  la  mort  par  le 
2xché  :  ainsi  la  mort  est  passée  dans  tous  les 
hommes  par  ce  seul  homme,  en  qui  tous  ont  pé- 
ché. Les  pélagiens  répondaient  qu'il  fallait 
entendre  ces  paroles  de  l'Apôtre,  d'un  pé- 
ché qui  était  entré  dans  le  monde,  non  par 
propagation,  mais  par  imitation.  Mais  si  cela 
était,  saint  Paul  aurait  rejeté  le  péché  sur 
le  diable,  qui,  selon  saint  Jean,  pèche  dès  le 
commencement,  et  non  pas  sur  Adam.  Car 
c'est  le  diable  qu'imitent  les  pécheurs,  et 
ceux  qui  sont  ses  enfants,  ainsi  que  le  dit  le 
même  Apôtre.  Saint  Augustin  remarque  que 
c'est  avec  dessein  que  saint  Paid  a  ajouté  dans 
le  passage  que  nous  venons  de  citer  dans  le- 
quel tous  ont  péché,  pour  nous  faire  distin- 
guer dans  l'homme  deux  sortes  de  péchés  : 
l'originel  et  l'actuel.  Il  insiste  sur  le  paral- 
lèle que  cet  apôtre  fait  de  la  manière  dont 
les  hommes  contractent  le  péché  et  la  mort, 
par  le  péché  d'un  seul  homme,  avec  celle  cap.  i. 
dont  ils  acquièrent  la  justice  par  la  grâce 
d'un  seul  homme  qtii  est  Jésus-Christ.  «  Car 
ceux  qui  sont  justifiés  en  Jésus-Christ,  le 
sont  par  une  secrète  communication  et  ins- 
piration de  la  grâce  spirituelle,  et  non  pas 
uniquement  par  imitation;  d'où  vient  que 
l'on  ne  trouvera  jamais  qu'il  soit  dit  que 
quelqu'un  a  été  justifié  par  Paul  ou  Pierre, 
ni  par  aucun  des  grands  hommes  qui  se 


I  Joan. 
Cap.  1.T, 


1  Lil).     Il     Retract.  ,     cap.     .\xui. 

2  De  Pecc.  orig. ,  cap.  xxi  et  lib.  Xdl  De  Civil. , 
cap.  IV. 


'  De  Nat.  et  Grat.,  cap.  xv  et  lib.  I  Oper.  im- 
per., cap.  Lïviii. 
'•  Fulg.,  ad  Mon.,  lib.  1,  cap.  sxviii. 


[IV^  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


419 


sont  rendus  recommandables  par  leur  sain- 
teté dans  le  peuple  de  Dieu.  D'où  il  suit  que 
cette  parole  :  Le  -péché  est  entré  dans  le  monde 
par  un  seul  homme,  doit  s'entendre  du  péché 
transmis  par  la  génération,  et  non  par  imita- 
tion. » 

3.  Le  saint  Docteur  montre  ensuite  com- 
ment il  est  vrai  de  dire  que  le  bénéfice  de  la 
grâce  du  Sauveur  est  plus  étendu,  et  s'est 
répandu  beaucoup  plus  abondamment  sur 
plusieurs,  par  la  grâce  d'un  seul  homme,  qui 
est  Jésus-Christ,  que  le  péché  d'Adam  n'a 
causé  de  mal.  En  effet,  nous  n'avons  tiré  du 
premier  homme  que  le  péché  originel,  et  non 
pas  les  péchés  actuels  ;  au  lieu  que  nous  som- 
mes délivrés  de  tous  par  la  grâce  de  Jésus- 
Christ.  Le  péché  originel  nous  fait  seul  mé- 
riter la  damnation  ;  mais  ceux  qui  en  auront 
ajouté  par  leur  propre  volonté,  seront  plus 
sévèrement  punis.  Si  le  péché  originel  ne 
nous  séparait  pas  du  royaume  de  Dieu  et  de 
la  vie  éternelle,  l'Apôtre  n'aurait  pas  dû  dire 
que  la  mort  régnait  à  cause  du  péché  d'un 
seul  homme,  mais  à  cause  des  péchés  que 
chacun  aurait  commis.  Et  si  nous  ne  mou- 
rions que  pour  avoir  imité  le  péché  d'Adam , 
l'Apôtre  aurait  encore  dû  dire  qu'Adam  lui- 
même  n'était  mort  qu'à  cause  du  péché  du 
démon,  qui  non-seulement  a  péché  avant  le 
premier  homme,  et  qui  à  cet  égard  lui  a  servi 
de  modèle,  mais  qui  lui  a  persuadé  de  déso- 
béir à  Dieu.  Saint  Augustin  ajoute  que  si  la 
seule  imitation  rend  les  hommes  pécheurs 
par  Adam,  il  faut  donc  dire  aussi  que  la 
seule  imitation  rend  les  hommes  justes  par 
Jésus-Christ  ;  qu'ainsi  par  les  deux  hommes, 
dont  parle  saint  Paul,  il  ne  faut  pas  entendre 
Adam  et  Jésus-Christ,  mais  Adam  et  Abel; 
car  ce  dernier,  étant  le  premier  juste ,  il  est 
conséquemment  le  modèle  de  tous  les  justes 
qui  l'ont  suivi.  Si  l'on  veut  rapporter  les  pa- 
roles de  saint  Paul  au  Nouveau  Testament,  il 
ne  faudra  plus  les  entendre  d'Adam,  mais 
de  Jésus-Christ  et  de  Judas  le  traître.  Ce 
qui  est  absolument  contraire  au  sens  de  l'A- 
pôtre. 

4.  Après  avoir  établi  comme  une  chose 
constante  que  l'on  ne  contracte  que  le  péché 
originel  par  la  génération,  et  que  par  le 
baptême  on  obtient  la  rémission  non-seule- 
ment de  ce  péché,  mais  encore  des  actuels, 
il  enseigne  que  les  enfants  morts  sans  bap- 
tême seront  punis  d'une  peine  beaucoup 
plus  légère,  quoique  damnés.  Il  marque  les 
autres  suites  du  péché  originel,  qui  sont  la 


Cap.  XVII, 


Cap.  XIX. 


révolte  du  corps  contre  l'esprit,  les  mouve- 
ments déréglés  d'une  chair  rebelle,  les  dé- 
faillances de  la  nature  avec  l'obligation  de 
vieiUir  et  de  mourir.  Il  y  avait  des  pélagiens 
qui  soutenaient  que  l'on  baptisait  les  enfants 
afin  d'eftacer  les  péchés  qu'ils  auraient  com- 
mis dans  cette  vie  ;  tuais  saint  Augustin  ne 
croit  pas  devoir  s'arrêter  à  réfuter  de  sem- 
blables rêveries.  D'autres  soutenaient  cpi'on 
ne  leur  donnait  le  baptême  qu'afin  de  les  cap.  iviu 
rendre  capables  d'entrer  dans  le  royaume 
des  cieux,  et  non  pour  la  rémission  de  leurs 
péchés.  Sur  quoi  saint  Augustin  dit  :  «  Si 
les  enfants  sont  sans  péchés,  ils  peuvent 
donc  être  sauvés  sans  le  baptême  ;  s'ils  ne 
sont  point  coupables,  Jésus-Christ  n'est  pas 
mort  pour  eux,  puisque,  selon  saint  Paul,  il  Rom.  v.c. 
n'est  mort  que  pour  les  impies.  S'ils  ne  sont 
point  malades,  Jésus-Christ  n'est  pas  leur 
médecin.  Pourquoi  donc,  lorsque  leurs  pa- 
rents les  apportent  à  l'Église,  ne  leur  dit-on 
point  :  Olez  d'ici  ces  innocents,  car  ceux  qui 
sont  sains  n'ont  pas  besoin  de  médecin? 
Jésus-Christ  n'est  point  venu  pour  appeler 
les  justes,  mais  les  pécheurs.  Si  les  enfants 
n'étaient  pas  pécheurs,  Jésus-Christ  ne  les 
appellerait  point,  et  ce  sei'ait  une  téméi'ité 
de  les  présenter  au  baptême  auquel  ils  ne 
sont  point  appelés.  »  Les  pélagiens  disaient  : 
Jésus-Christ  appelle  les  pécheurs  pour  faire 
pénitence  :  or,  les  enfants  en  sont  incapa- 
bles. Saint  Augustin  répond  qu'on  donne 
aussi  aux  enfants  le  nom  de  fidèles,  quoi- 
cpi'ils  ne  puissent  faire  aucun  acte  de  foi  ;  et 
qu'on  peut  les  appeler  pénitents  par  la  mê- 
me raison  qu'on  les  nomme  fidèles.  Il  ajoute 
que  comme  leur  foi  se  manifeste  par  les 
paroles  des  parrains,  la  renonciation  qu'ils 
font  à  satan  et  au  monde  par  la  bouche  de 
ceux  qui  les  présentent,  peut  être  appelée 
pénitence.  Mais  quoique  les  pélagiens  sou- 
tinssent l'innocence  des  enfants,  et  leur  ac- 
cordassent le  salut  et  la  vie  éternelle,  ils 
n'osaient  lem-  promettre  le  royaume  des 
cieux  qu'ils  avouaient  être  un  effet  du  bap- 
tême. Saint  Augustin,  pour  renverser  cette 
distinction  chimérique  les  presse  par  ces  pa- 
roles de  Jésus-Christ  :  -S*  vous  ne  mangez  ma 
chair  et  ne  buvez  mon  sang,  vous  n'aurez  point 
la  vie  en  vous ,  soutenant  qu'elles  regardent 
les  enfants,  comme  les  adultes  ;  et  que  si  les 
enfants  pouvaient  sans  cela  obtenir  la  vie, 
les  adultes  le  pourraient  aussi.  La  plupart 
des  anciens,  comme  le  pape  Innocent,  dans 
sa  lettre  aux  Pères  du  concile  de  Milève,  et 


Cap.  ) 
Jonn. 


11,3. 


420 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


le  pape  Gélase  ont  employé  ces  mêmes  pa- 
roles contre  les  pélagiens,  et  ils  ont  cru  que 
qxiiconque  devenait  membre  de  Jésus-Christ 
par  le  baptême,  mangeait  dès  lors  la  chair 
iMum"  ''°°°  ^®  Jésus-Christ,  et  buvait  son  sang,  quoi- 
qu'il sortit  du  monde  sans  l'avoir  bu  et 
mangé  réellement.  Jésus-Christ  dit  encore, 

joan.  m,35.  q^^e  celui  qui  croit  au  Fils  a  la  vie  éternelle, 
et  que  celui  qui  est  incrédule,  ne  l'aura  pas. 
u  En  quelle  classe  metlre  les  enfants,  dit 
saint  Augustin  ?  »  Les  pélagiens  répondaient, 
qu'on  ne  pouvait  mettre  les  enfants  dans  au- 
cune de  ces  classes,  parce  que  ne  pouvant 
croire,  on  ne  pouvait  non  plus  les  regar- 
der comme  incrédules.  «Mais,  répond  saint 
Augustin,  ce  n'est  pas  ce  qu'enseigne  la  rè- 
gle de  l'Église  qui  met  les  enfants  baptisés 
au  nombre  des  fidèles.  R,este  donc  à  dire 
que  ceux  qui  n'ont  pas  reçu  le  sacrement  de 
baptême  sont  infidèles,  et  du  nombre  des 
incrédules  ;  et  que  par  conséquent  n'ayant 
point  la  vie,  la  colère  de  Dieu  demeure  sur 
eux.  I) 

Cap.  XXI.  5.  Car  l'apôtre  saint  Jean  ne  dit  pas  que 

la  colère  viendra  sur  l'incrédule,  mais  qu'elle 
demeure  sur  lui  ;  ce  qui  s'entend  de  tous  ceux 
qui  sont  nés  sous  le  péché,  el  dont  l'Apôtre 

Epies,  il,  3.  (Jit  aux  Éphésiens  :  Nous  étions  tous  par  la 
nature  enfants  de  colère,  qualité  dont  rien  ne 
peut  nous  délivrer  que  la  grâce  de  Dieu  par 
Notre-Seigneur  Jésus-Christ.  Mais  pourquoi, 
demande  saint  Augustin,  cette  grâce  est-eUe 
donnée  à  l'un,  et  non  pas  à  l'autre?  11  ré- 
pond que  la  cause  nous  en  peut  bien  être 
cachée,  mais  qu'eUe  ne  peut  jamais  être  in- 
juste; qu'on  n'a  pas  tant  de  peine  à  compren- 
dre pourquoi  la  grâce  est  donnée  à  quel- 
ques-uns qui  en  sont  indignes,  que  de  com- 
prendre pourquoi  elle  n'est  pas  aussi  donnée 
à  d'autres,  qui  n'en  sont  pas  plus  indignes. 
Les  pélagiens  s'offensaient  du  chois  que  Dieu 
faisait  de  quelques  enfants  prcférablement  à 
d'autres,  a  Expliquez-moi,  lem*  répond  saint 
Augustin,  pourquoi  certains  enfants  entrent 
de  votre  aveu  dans  le  rojfaume  des  cieux 
par  le  baptême,  taudis  que  d'autres  n'y  en- 
trent pas,  faute  de  pouvoir  recevoir  ce  sa- 
crement? »  Comme  ils  n'avaient  aucune 
réplique  à  lui  faire,  il  s'écrie  sur  ce  choix 
nciî:.  .tr,3;i.  avec  l'Apôtre  :  0  profondeur  des  richesses  de 
la  sagesse  et  de  la  science  de  Dieu  !  Quelques- 
cap.  \.tii.  uns,  pour  résoudre  cette  dithculté,  recou- 
raient à  l'opinion  de  ceux  qui  veulent  que 
les  âmes,  ayant  péché  dans  le  ciel ,  aient 
été  envoyées  dans  des  corps  diûerents  eu 


qualité,  selon  leurs  mérites  précédents.  Mais 
saint  Augustin  fait  voir  qu'on  trouve  des 
hommes  d'un  bon  naturel  et  avec  de  loua- 
bles inclinations,  qui  naissent  dans  des  lieux 
où  l'Évangile  n'est  point  encore  annoncé  ; 
qu'au  contraire  des  gens  très-vicieux  pren-  '; 

nent  naissance  dans  des  pays  où  l'Évaugile 
est  reçu  et  où  ils  sont  admis  au  baptême.  Si 
la  vie  précédente  influait  sur  l'élection,  les 
choses  devraient  aller  tuut  différemment.  Il 
rapporte  sui"  ce  sujet  l'histoire  d'un  homme  cap.  xx» 
qu'il  avait  connu  du  genre  de  ces  innocents 
dont  les  autres  se  divertissent.  Cet  homme 
était  chrétien,  et  son  peu  d'esprit  le  rendait 
entièrement  insensible  à  toutes  les  injures 
qu'on  pouvait  lui  dire,  pourvu  qu'on  n'y 
mêlât  rien  contre  le  nom  de  Jésus-Christ,  ou 
contre  la  religion  catholique  dans  laquelle  il 
avait  été  élevé  :  car  il  y  en  avait  qui  pre- 
naient plaisir  à  lui  en  parler,  même  afin  de 
le  mettre  en  colère  ;  et  il  s'y  mettait  jusqu'à 
poursuivre  à  coup  de  pierres  ceux  qui  le  fai- 
saient, et  il  n'épargnait  même  pas  ses  propres 
maîtres.  «  Je  crois,  ajoute  le  saint  Doctem-, 
que  Dieu  crée  et  prédestine  de  ces  sortes  de 
personnes,  pour  faire  connaître  à  ceux  qui 
en  sont  capables,  que  le  Saint-Esprit  qui 
soufle  où  il  lui  plait,  n'exclut  aucun  carac- 
tère d'esprit  du  nombre  des  enfants  de  mi- 
séricorde, et  qu'il  laisse.de  même  toute  sorte 
d'esprits  au  rang  des  enfants  de  perdition; 
tout  cela  afin  que  celui  qui  se  glorifie,  ne 
se  glorifie  que  dans  le  Seigneur.  » 

6.  Ces  paroles  de  David  :  Ma  mère  m'a  cap.  xx 
conçu  dans  le  péché,  devant  s'entendre  de  tous  '• 
les  hommes ,  fournissent  encore  mie  preuve 
du  péché  originel.  On  ne  pouvait  en  effet  les 
entendre  de  la  personne  même  de  David, 
puisque  ce  prince  était  né  d'un  légitime  ma- 
riage. Une  autre  preuve,  c'est  que  Jésus-  cap. m 
Christ  est  venu  afin  que  ceux  qui  croient  en 
lui  ne  demeurent  pas  dans  les  ténèbres.  Ces 
ténèbres,  selon  saint  Augustin,  sont  le  pé- 
ché :  les  enfants  ne  croient  en  Jésus-Christ 
qu'au  baptême  ;  ils  restent  donc  dans  le 
péché  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  reçu  ce  sacre- 
ment. Mais,  disaient  quelques  pélagiens,  le 
Verbe  de  Dieu  éclaire  tout  homme  qui  vient 
en  ce  monde.  «Pourquoi  donc,  leur  répond 
ce  Père,  ces  gens  que  vous  supposez  éclairés 
n'entrent-ils  pas  dans  le  royaume  des  cieux, 
s'ils  ne  reçoivent  le  baptême  ?  S'ils  sont 
éclairés ,  pourquoi  ne  connaissent-ils  pas 
mieux  ce  qui  leur  est  utile?  Et  pourquoi 
voyons-nous  les  enfants  marquer  par  Icurg 


[jyf  EX  v"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


/t21 


cris  une  certaine  re'pugnance  à  recevoir  le 
sacrement  de  régi^nération  ?  Ce  qae  signi- 
fient donc  ces  paroles  de  saint  Jean,  le  Verbe 
éclaire  toiis  les  hommes,  c'est  que  personne 
ne  Yoit  la  lumière,  s'il  n'est  éclairé  par  ce 
soleil  qui  luit  même  dans  les  ténèbres.  » 

Saint  Augustin  rapporte  ensuite  un  grand 
nombre  de   passages  qui  font  voir    claire- 
ment que  tous  les  hommes  sont  sujets  au 
péché  originel  ;  d'où  il  infère  qu'il  n'y  en  a 
aucun  à  qui  la  mort  de  Jésus-Christn  e  soit 
nécessaire  pour  obtenir  le  salut ,  pas  même 
les  enfants  qui,  faute  de  baptême,  ne  peuvent 
éviter  la  damnation.  Les  pélagiens  avaient 
imaginé   certain   milieu,    qui   n'était  ni  le 
roj'aume  des  cieux,  ni  l'enfer,  pour  y  met- 
tre  ces   enfants  ;  mais  saint  Augustin  s'en 
tenant   aux  paroles   de   l'Écriture  dit,  qu'il 
n'y  a  aucun  heu  mitoyen,  et  qu'il  faut  que 
celui-là  soit  avec  le  démon,   qui  n'est  pas 
avec  Jésus-Christ.  Celui,  dit  Jésus-Christ,  qui 
n'est  point  avec  moi  est  contre  moi.  Si  cet 
enfant  était  avec  Jésus-Christ ,  pourquoi  le 
baptiser  ?  S'il  n'est  pas  avec  lui  :  il  est  donc 
contre   lui.    Comment   est-il    contre   Jésus- 
Christ  ,  sinon  par  son  péché  ?  Ce  ne  peut 
être  à  cause  de  son  corps  ou  de  son  âme 
qui  sont  des  créatures  de  Dieu.  Or,  à  cet 
âge  de  quel  péché  est-il  coupable ,  sinon  du 
péché  originel?  Cette  doctrine  est  celle  de 
l'ÉgUse  universelle  qui  enseigne  que  tous 
les  enfants  de  cette  femme  qui  crut  au  ser- 
pent, ne  peuvent  être  délivrés  de  ce  corps 
de  mort,  que  par  le  fils  de  cette  vierge ,  qui 
croyant  à  l'ange  a  conçu  sans  concupiscence. 
7.  Mais  en  quoi  donc  consiste  la  nature 
du  péché  originel  ?  Ce  saint  Docteur  semble 
le  mettre  dans  l'amour  désordonné  des  plai- 
sirs de  la  chair.  Il  distingue  un  bon  et  un 
mauvais  usage,  tant  de  la  continence  que 
de  la  concupiscence.  Consacrer  sa  virginité 
à  Dieu,  c'est  faire  un  l^on  usage  d'une  bon- 
ne chose  :  la  consacrer  à  une  idole,   c'est 
mal  user  du  bien.  Faire  servir  la  conciipis- 
cence   pour   commettre   un  adultère,    c'est 
faire   un   mauvais    usage    d'une   mauvaise 
chose  ;  mais  la  faire  servir  à  produire  des 
enfants   dans    un    légitiine    mariage,    c'est 
bien  user  d'un  mal.  Il  prouve  encore  l'exis- 
tence du  péché  originel  par  les  exorcismes 
dont  on  se  servait  au  baptême.  «  Lorsqu'un 
pélagien,  dit-il,  m'apporte  un  enfant  pour 
.  le  baptiser,  que  fait  mou  exorcisme  sm'  cet 
enfant,  s'il  n'est  pas  sous  l'esclavage  du  dé- 
mon ?  Et  pourquoi  ce  pélagien  répond-il  au 


nom  de  cet  enfant,  qu'il  renonce  au  diable, 
s'il  n'a  rien  de  commun  avec  ce  malin  esprit? 
Comment,  dit-il  encore,  répond-il  au  nom 
de  cet  enfant ,  qu'il  croit  la  rémission  des 
péchés ,  si  cet  enfant  ne  la  reçoit  pas  ?  Cette 
cérémonie  est   donc   fausse   et  trompeuse , 
ce  que  quelques  pélagiens  mêmes  ont  recon- 
nu être  insoutenable.  »  Car  il  y  en  avait  de 
deux  sortes  :  les  uas  voulaient  cpjeles  enfants 
fussent  exempts  du  péché  en  naissant  ;  les 
autres  disaient  qu'ils  en  commettaient  d'ac- 
tuels aussitôt  après  leur  naissance ,  ce  qu'ils 
avaient  imaginé  pour  répondre  aux  preuves 
que  les  catholiques  alléguaient   pour  mon- 
trer qu'il  était  besoin  d'effacer  le  péché  que 
les  enfants  contractaient  par  leur  naissance. 
Outre  les  preuves  que  nous  avons  appor- 
tées, saint  Augustin  en  tire  une  de  ces  pa- 
roles de  Jésus-Christ  à  Nicodème  :  Personne 
ne  peut  avoir  de  part  au  royaume  de  Dieu, 
s'il  ne  naît  de  nouveau  :  Pourquoi,  en  effet, 
donner  une  nouvelle  naissance  à  un  enfant, 
s'il  n'avait  vieilli  ?  El  quelle  est  cette  vieil- 
lesse, sinon  ceUe  dont  parle  l'Apôtre,  lors- 
qu'il dit  que  notre  vieil  homme  a  été  crucifié 
avec  Jésus-Christ,  afin  que  le  corps  du  péché 
soit  détruit  ?  Il  tire  encoi'e  une  preuve  de  ce 
qui  est  dit  que  le  serpent  d'airain  élevé  dans 
le  désert  pour  guérir  les  Isi-aélites  mordus 
des  serpents  ,  était  la  figure  de  Jésus-Christ 
mourant  sur  la  croix.  Car,  à  quoi  bon  rendre 
les  enfants  conformes  à  la  mort  de  Jésus- 
Christ,  par  le  baptême,  s'ils  ne  sont  point 
empoisonnés  par  la  morsure  du  serpent?  L'i- 
gnorance prodigieuse  dans  laquelle  naissent 
les  enfants,  est  aussi  une  preuve  du  péché 
originel,  puisqu'on   ne  voit  point  d'où  leur 
viendrait  un  si  grand  mal.  Si  les  infirmités 
de  l'enfance,  répondaient  les  pélagiens,  sont 
une  suite  du  péché,  pourquoi  Jésus-Christ 
les  a-t-il  souffertes?  «  Adam,  répond  saint 
Augustin,  ne  les  a  point  éprouvées,  parce 
qu'il  n'est  pas  né  d'un  père  pécheur,  et  qu'il 
n'a  pas  été  créé  dans  une  chair  de  péché  ; 
mais  nous  les  éprouvons  à  cause  que  nous 
sommes  nés  de  lui  et   dans  une  chair  de 
péché.  Et  si  Jésus-Christ  y  a  été  assujetti, 
parce  qu'il  est  né  dans  la  ressemblance  de 
la  chair  du  péché,  c'a  été  pour  condamner 
*Ie  péché  par  le  péché  même,  quoiqu'il  en 
fût  exempt.  «  Ce  Père  fait  voir  ensuite  com- 
bien d'avantages  les  plus  petits  animaux  ont 
dès  leur  naissance  au-dessus  des  enfants  : 
puis  il  explique  les  effets  du  baptême,  qui 
sont  d'eflacertous  les  péchés,  et  d'empêcher 


Rom,  VI;  6. 


Cap.  xïx 


Ciii.  Xïx 


422 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


que  la  concupiscence  ne  domine  et  ne  nous 
cip,  xxxix.  entraîne  ;  car  elle  reste  dans  les  baptisés, 
pour  leur  donner  lieu  de  vaincre  en  com- 
iDatlant,  et  on  ne  peut  eu  être  entièrement 
délivré  en  ce  monde  sans  uu  miracle  inef- 
fable. 
Anaiise  du       8.  Dans  Ic   sccond   livre ,  saint  Augustin 

pecond    livre,  .  .  ,  r    ^t     ,  r>     ■  -t  '  ' 

pag.  30.  examme  si,  excepte  JNotre-beigneur  Jesus- 
Christ ,  médiateur  de  Dieu  et  des  bommes 
il  y  a  jamais  eu  un  homme,  s'il  y  en  a,  ou 

c=P'''  s'il  en  existera  sans  pécbé.  Ce  qui  l'enga- 
gea à  l'examen  de  cette  question,  fut  que 
les  pélagiens  soutenaient  que  le  libre  ar- 
bitre suffisait  seul  pour  ne  pas  pécher.  «  S'il 

C'p."-  en  est  ainsi,  leur  dit  le  saint  Docteur,  nous 
ne  devons  point  prier  Dieu  de  ne  nous 
pas  laisser  succomber  à  la  tentation.  »  Ils 
se  fondaient  sur  ce  qu'il  est  vrai  de  dire, 
que  nous  ne  péchons  pas,  si  nous  ne  vou- 
lons point,  et  que  Dieu  ne  nous  commande 
rien  d'impossible.  «Mais,  dit-il,  ils  ne  font  pas 
réflexion  qu'il  y  a  des  occasions  où  l'hom- 
me ne  fait  point  tout  ce  qu'il  pourrait,    et 

rsai.  cxL.T.   que  celui-là  l'a  prévu  qui  a  dit  par  son  pro- 

cip.  m.  phcte  :  Aucun  homme  vivant  ne  sera  justifié 
en  ma  présence.  Prévoyant  donc  la  faiblesse 
de  l'homme,  il  lui  a  prescrit  des  remèdes 
salutaires  contre  les  péchés,  ceux  -  mêmes 
que  l'on  commet  après  le  baptême.  Ces  re- 
mèdes sont  les  œuvres  de  miséricorde  mar- 

Lic.  T.,  37.  quées  dans  l'Évangile  en  ces  termes  :  Par- 
donnez, et  il  vous  sera  pardonné  ;  donnez,  et  on 
vous  donnera. n  Saint  Augustin  dit  ensuite  que 
la  concupiscence,  qui  est  comme  la  loi  du 
péché,  naît  avec  les  enfants  ;  que  ce  qu'il  y 
a  de  criminel  en  elle  est  effacé  par  le  bap- 
tême, mais  qu'elle  ne  laisse  pas  de  demeu- 
rer dans  les  membres  de  ce  corps  de  mort 
pour  nous  exercer  dans  la  vertu;  mais  qu'il 
n'y  a  que  le  consentement  qiie  nous  lui 
donnons,  qui  puisse  nous  nuire  après  avoir 

Cap.  IV.  reçu  ce  sacrement.  C'est  pour  nous  aider  à 
vaincre  les  mouvements  de  cette  concupis- 
cence, que,  suivant  le  précepte  de  Jésus- 
Christ,  nous  disons  à  Dieu  dans  l'Oraison 
dominicale  :  Remettez-nous  nos  dettes,  comme 
nous  les  remettons  à  nos  débiteurs  :  ne  nous 
induisez  point  à  la  tentation,  mais  délivrez- 
nous  du  mal.  Car,  l'on  peut  renfermer  tout  ce 
qui  nous  est  nécessaire  à  cet  égard,  en  ces* 
trois  demandes  :  Seigneur,  pardonnez-nous 
toutes  les  fautes  dans  lesquelles  la  concu- 
piscence nous  a  entraînés  ;  aidez-nous  à 
empêcher  que  la  concupiscence  ne  nous  en- 
traîne ;  délivrez-nous  entièrement  de  la  con- 


cupiscence. Pour  pécher ,  le  secours  de 
Dieu  ne  nous  est  point  nécessaire ,  mais 
pour  remplir  dans  toutes  ses  parties  le  pré- 
cepte de  la  justice,  nous  ne  le  pouvons,  si 
Dieu  ne  nous  aide.  C'est  pom-quoi,  lorsqu'il 
nous  ordonne  par  son  prophète,  de  nous 
convertir  à  lui,  nous  lui  répondons  :  Con- 
vertissez-nous, Dieu  des  vertus  ;  c'est  comme 
si  nous  lui  disions  :  Donnez-nous  ce  que 
vous  commandez.  Dieu  nous  aide,  ainsi  que 
le  dit  le  Psahniste,  mais  il  faut  que  celui  qui 
est  aidé  s'efforce  de  faire  quelque  chose  de 
lui-même,  et  qu'il  ne  se  contente  pas  de  vou- 
loir :  car,  le  secours  qui  nous  est  accordé, 
n'opère  pas  en  nous  comme  sur  des  pierres 
inanimées.  Si  on  demande  pourquoi  Dieu 
aide  celui-ci,  et  n'aide  pas  celui-là  ;  pour- 
quoi il  aide  plus  celui-ci,  et  qu'il  aide  moins 
celui-là  ;  pourquoi  il  aide  celui-ci  de  cette 
manière,  et  celui-là  d'un  autre  manière  ; 
c'est  en  Dieu  qu'est  renfermée  la  raison 
d'une  justice  si  cachée,  et  d'une  puissance 
si  souveraine.  » 

9.  Saint  Augustin,  poiu-  éclaircir  la  ques- 
tion qu'il  s'était  d'abord  proposée,  commence 
par  demander,  s'il  est  possible  que  l'homme 
vive  en  ce  monde  sans  aucun  péché.  Il  ré- 
pond que  cela  est  possible,  non-seulement 
parce  qu'en  soutenant  le  contraire  il  faudrait 
nier  la  grâce  et  le  libre  arbitre ,  mais  encore 
parce  que  Dieu  n'a  rien  commandé  d'impos- 
sible à  l'homme.  D'où  il  suit  qu'aidé  de 
Dieu,  il  peut  être  sans  péché  s'il  le  veut.  A 
la  seconde  question,  s'il  y  a  quelqu'un  qui 
vive  eu  ce  monde  sans  péché,  il  répond  qu'il 
ne  le  croit  pas,  et  se  fonde  sur  ces  paroles 
de  saint  Jean  :  Si  nous  disons  que  nous  sommes 
sans  péché,  la  vérité  n'est  point  en  nous.  Les 
pélagiens  objectaient  que  le  même  Apôtre 
dit  aussi  :  Celui  qui  est  né  de  Dieu  ne  pèche 
"point.  Saint  Augustin  répond,  que  quoique 
le  nouveau  baptisé  soit  fils  de  Dieu  par  la 
régénération  spiritueUe,  il  ne  laisse  pas  de 
porter  un  corps  qui  se  corrompt  et  qui  ap- 
pesantit l'âme  ;  qu'ainsi  s'il  est  fils  de  Dieu 
par  son  baptême  et  par  ses  bonnes  œuvres, 
il  peut  être  fils  du  siècle  en  faisant  le  mal. 
Noé,  Daniel  et  Job,  dont  l'Écriture  relève 
extrêmement  les  vertus,  n'ont  pas  été 
exempts  de  péchés ,  il  en  est  de  même  de 
Zacharie  et  de  son  épouse  Elisabeth,  que  les 
pélagiens  apportaient  pour  exemples.  En 
elïet,  Zacharie ,  étant  du  nombie  des  prê- 
tres, devait,  selon  que  nous  l'apprend  saint 
Paul,  prier  pour  ses  péchés,  et  pour  ceux  du 


Pi 

LXXXIV,   S 

Psal.    LHI 


Psal.  X7I. 


Cap. 


Cap.  VI. 


Cap.  \. 


Cap.  xiil. 


[îv»  ET  v=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HEPPONE. 


423 


peuple  :  il  n'en  était  pas  par  conséquent 
exempt.  Mais  Dieu  commande  d'être  par- 
fait ,  comme  il  est  lui-même  parfait ,  di- 
saient ces  hérétiques;  la  chose  est  donc 
possible.  Saint  Augustin  répond  qu'il  sulËt, 
pour  être  appelé  parfait  qu'on  ait  fait  beau- 
coup de  progrès  dans  la  vertu,  sans  qu'il 
soit  besoin  pour  cela  d'atteindre  le  dernier 
degré  de  perfection.  Ils  ajoutaient  :  Pour- 
quoi Dieu  ordonnc-t-il  à  l'homme  d'être  si 
parfait,  qu'il  ne  commette  aucun  péché, 
puisqu'il  sait  qu'aucun  homme  n'accomplira 
ce  précepte  ?  «  Dites-moi,  lem'  répond  saint 
Augustin,  pourquoi  Dieu  avait-il  défendu  à 
Adam  de  manger  du  fruit  de  l'arbre  de 
la  science,  quoiqu'il  sût  qu'il  transgresserait 
son  commandement  ?  Si  Dieu  donne  des  pré- 
ceptes aux  hommes,  c'est  pour  récompenser 
ceux  qui  les  accompliront,  et  punir  tous 
ceux  qui  les  mépriseront.  Mais,  à  l'égard  de 
ceux  qui,  vivant  dans  l'observation  de  ses 
préceptes,  ne  les  accomplissent  pas  néan- 
moins tous.  Dieu  leur  pardonne,  s'ils  par- 
donnent eux-mêmes  aux  autres,  comme  ils 
souhaitent  qu'il  leur  soit  pardonné.  »  Les 
pélagiens  objectaient  :  L'Apôtre  ne  dit-il 
pas  :  J'ai  combattu,  j'ai  achevé  ma  course,  j'ai 
gardé  la  foi  :  il  ne  me  reste  qu'à  attendre  la 
couronne  de  justice  qui  m'est  réservée.  Parle- 
rait-il ainsi  s'il  avait  été  coupable  de  quelque 
péché?  Saint  Augustin  répond  qu'ils  ne  fe- 
raient pas  eux-mêmes  une  pareille  objec- 
tion, s'ils  faisaient  attention  à  ce  que  le 
même  Apôtre  dit  dans  un  autre  endroit, 
qu'il  avait  prié  trois  fois  le  Seigneur  afin  que 
l'ange  de  satan  se  retirât  de  lui,  et  que 
Dieu  lui  avait  répondu  :  Ma  grâce  vous  suffit  ; 
car  la  vertu  se  perfectionne  dans  la  faiblesse. 
Osera-t-on  dire  qu'un  homme  à  qui  les  ten- 
tations du  démon  étaient  nécessaires  pour 
le  perfectionner,  ait  été  entièrement  pm'  de 
péché? 

10.  Saint  Augustin  vient  ensuite  à  la  troi- 
sième question,  qui  était  de  savoir  pom'quoi 
personne  n'est  sans  péché  en  cette  vie? 
«Pourquoi,  dit-il,  n'arrive-t-il  point  que 
l'homme  soit  sans  péché,  puisque  la  volonté, 
aidée  de  la  grâce,  peut  l'éviter  ?  Il  serait  aisé 
de  répondre  que  cela  n'arrive  point,  parce 
que  les  hommes  ne  le  veulent  point.  Or,  les 
hommes  ne  veulent  pas  faire  ce  qui  est  juste, 
ou  paixe  qu'ils  ne  connaissent  pas  ce  qui  est 
juste,  ou  que  ce  qui  est  juste  ne  leur  plaît  pas. 
Comme  donc  il  dépend  de  la  grâce  divine 
qui  aide  leurs  volontés,  que  ce  qui  lem'  était 


Psal. 

LXXXIV,     13. 


caché  leur  soit  découvert,  et  que  ce  qui  ne 
leur  plaisait  pas ,  vienne  à  leur  plaire ,  s'ils 
ne  sont  pas,  aidés  par  la  grâce,  la  cause  en 
est  dans  eux  et  non  pas  en  Dieu.  Il  suit  de 
là,  qu'il  y  a  deux  causes  du  péché  :  l'igno- 
rance et  l'infirmité.  N'imputons  donc  jamais 
à  Dieu  la  cause  des  péchés  de  l'homme  ; 
c'est  l'orgueil  qui  est  l'uniqpe  cause  de  tous 
les  vices,  et  c'est  pour  ôter  cette  cause  que 
Dieu  s'est  humilié.  Il  n'y  a  personne  de  nous 
qui  ne  se  trouve  quelquefois  dans  la  disposi- 
tion ou  de  commencer,  ou  de  continuer,  ou 
d'accomplir  une  bonne  œuvre,  et  quelquefois 
on  ne  s'y  trouve  pas  ;  il  n'y  a  de  même  per- 
sonne à  qui  il  n'arrive,  que  tantôt  le  bien 
lui  plaît,  et  tantôt  il  ne  lui  plaît  pas  ;  Dieu  a 
voulu  par  là  nous  apprendre  que  ce  n'est  pas 
par  notre  puissance,  mais  par  la  grâce  de 
Dieu,  que  nous  connaissons  le  bien,  ou  que  le 
bien  nous  plaît,  et  qu'ainsi  pour  nous  guérir 
de  la  vaine  gloire,  sachant  ce  qui  est  dit, 
non  de  cette  terre  où  nous  vivons,  mais  de 
notre  âme  :  Le  Seigneur  donnera  la  douceur 
de  ses  7'osées,  et  notre  terre  produira  son  fruit. 
Or,  le  bien  nous  plaît  d'autant  plus,  que 
nous  aimons  davantage  Dieu,  qui  est  le  bien 
souverain  et  immuable,  et  l'unique  auteur 
de  tous  les  biens.  Mais,  pour  l'aimer,  son 
amour  est  répandu  dans  nos  cœurs,  non  par  cap.  .wm 
nous-mêmes,  mais  par  le  Saint-Esprit  qui  nom.T,  s, 
nous  a  été  donné.  » 

Le  saint  Docteur  convient  que  les  hom- 
mes sont  embarrassés  pour  distinguer  ce 
qu'il  y  a  dans  notre  volonté  de  bien,  qui 
soit  de  nous  et  non  de  Dieu,  et  qu'ils  ne  le 
sont  pas  moins  dans  l'accord  du  libre  arbi- 
tre avec  la  grâce  ;  parce  qu'en  défendant  la 
grâce,  il  semble  qu'on  détruit  le  libre  arbi- 
tre, et  qu'on  anéantit  la  grâce  lorsqu'on  éta- 
blit la  liberté.  Les  pélagiens  disaient  que 
Dieu  est  auteur  de  la  bonne  volonté,  parce 
qu'il  a  créé  l'homme,  qui  n'aurait  point  de 
volonté,  si  Dieu  ne  l'avait  fait  tel  qu'il  est; 
d'où  ils  inféraient  que,  tenant  son  être  de 
Dieu,  on  doit  attribuer  tout  ce  qui  est  en  lui 
au  Créateur.'  o  Par  la  même  raison,  répond 
saint  Augustin,  on  pourrait  dire  que  Dieu 
est  auteur  de  le  mauvaise  volonté,  parce 
qu'elle  ne  peut  être  dans  l'homme,  s'il  n'y  a 
point  d'homme  où  elle  puisse  être.  »  Il  sou- 
tient donc  qu'on  doit  reconnaître  que,  non- 
seulement  le  libre  arbitre  qui  peut  s'inchner 
çà  et  là  est  un  bien  naturel,  mais  encore 
que  la  bonne  volonté,  dont  on  ne  peut 
faire  aucun  mauvais  usage,  vient  de  Dieu. 


424 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


«Autrement,  comment  entendra -t- on  ces 
icor.  1/,  7.  paroles  de  l'Apôtre  :  Qu'avez-vous  que  vovs 
n'ayez  point  reçu  ?  Car,  si  nous  rendions  de 
nous-mêmes  notre  volonté  bonne,  ce  qui 
viendrait  de  nous  serait  meilleur  que  ce  que 
nous  aurions  reçu  de  Dieu  ;  ce  qui  étant  ab- 
surde ,  il  faut  avouer  que  c'est  par  la  grâce 
de  Dieu  que  nous  acquérons  une  bonne  vo- 
lonté. Au  reste,  ce  serait  une  chose  bien 
étrange  que  la  volonté  ne  fût  ni  bonne,  ni 
mauvaise,  puisqu'il  est  incontestable,  ou 
qu'elle  aime  la  justice,  et,  en  'ce  cas,  elle 
est  bonne  ;  et  plus  elle  aime,  plus  elle  est 
bonne  ;  comme  au  contraire  moins  elle 
l'aime,  moins  elle  est  bonne;  ou  qu'elle  ne 
l'aime  point  du  tout,  et  alors  elle  n'est  pas 
bonne.  Or,  qui  peut  faire  difficulté  d'appe- 
ler non- seulement  mauvaise,  mais  très- 
mauvaise,  une  volonté  qui  n'aime  la  justice 
en  aucune  sorte  ?  » 

Saint  Augustin  prouve,  par  divers  passa- 
ges de  rÉcriture,  que  c'est  Dieu  qui  donne 
prnv.  V,,,,  cette  bonne  volonté,  et  il  ajoute   :  «  Quand 

3:1.    l'salm.  -,  .''  ,  . 

xxsi-i .  2:).  nous  nous  détournons  de  Dieu,  cela  ne  vient 
rail.  M,  M.  que  de  nous,  et  alors  notre  volonté  est  mau- 
vaise; mais  pour  nous  convertir  à  Dieu,  nous 
ne  le  pouvons  que  par  son  inspiration  et  son 
assistance;  et  quand  cela  est,  notre  volonté 
est  bonne.  »  Il  prouve  aussi  que  la  grâce  est 
donnée  aux  uns  par  miséricorde,  et  refusée 
aux  autres  par  justice,  et  qu'en  cela  la  con- 
duite de  Dieu  n'est  point  répréhensible;  que 
quelquefois  même  il  ne  donne  pas  sa  grâce  à 
ses  saints,  soit  en  ne  leur  donnant  pas  la  con- 
naissance de  la  justice  d'une  bonne  œuvre, 
soit  en  ne  leur  inspirant  pas  un  plaisir  vic- 
torieux pour  l'accomplir;  afin  de  leur  faire 
connaître  que  c'est  de  lui  seul  et  non  pas 
d'eux-mêmes  que  leur  vient  cette  lumière 
qui  éclaire  leurs  ténèbres,  et  cette  douce  ro-' 
c»p.  VIS.  sée  qui  fait  fructifier  leur  terre  spirituelle. 
«  Quand  donc  nous  demandons  h  Dieu  le  se- 
cours de  sa  grâce,  que  lui  demandons-nous 
autre  chose,  sinon  qu'il  nous  découvre  ce 
qui  nous  était  caché ,  et  qu'il  nous  fasse 
trouver  doux  et  agréable,  ce  qui  ne  nous 
plaisait  pas?  C'est  aussi  cette  même  grâce 
qui  nous  a  appris  à  lui  demander  ce  qui  au- 
paravant nous  était  taché,  et  qui  nous  a  fait 
aimer  ce  qui  auparavant  ne  nous  plaisait 
i  Cor.  i,  ,11.  pas  ,  afin  que  celui  qui  se  glorifie,  ne  se  glori- 
fie que  dans  le  Seigneur.))  Selon  le  saint  Doc- 
tem-;  c'est  une  des  justes  peines  du  péelic 
que  d'avoir  maintenant  de  la  peine  h  obéir 
à  la  justice  ;  si  ce  vice  n'est  surmonté  par  le 


secours  de  la  grâce,  nul  ne  se  convertit  à 
cette  même  justice  ;  s'il  n'est  guéri  en  nous 
par  la  grâce,  nul  ne  jouit  de  la  paix  de  la 
justice  ;  et  ce  vice  n'est  vaincu  que  par  la 
grâce  de  celui  à  qui  nous  disons  dans  les  j 

Psaumes  :  Convertissez-nous,  Dieu  de  nos  san-  ^tx^iv,^' 
tés,  et  détournez  votre  colère  de  dessus  nous; 
si  Dieu  le  fait ,  il  le  fait  par  miséricorde ,  et 
ceux  à  qui  il  n'accorde  pas  cette  grâce,  il  le 
fait  par  justice  ;  il  diffère  même  quelquefois  do 
guérir  certains  défauts  dans  quelques-uns  do 
ses  saints,  et  de  ses  fidèles,  en  sorte  que  le 
bien  ne  leur  plaît  pas  autant  qu'il  faudrait 
pour  le  parfait  accomplissement  de  la  jus- 
tice, soit  que  ce  bien  leur  soit  caché,  soit  qu'il 
leur  soit  découvert ,  afin  que,  suivant  l'ora- 
cle invariable  de  sa  vérité,  nul  homme  vivant    Psai.  oim 

.     2, 
ne  se  puisse  justifier  en  sa  présence.  Toutefois 

Dieu,  en  ne  nous  guérissant  pas  si  prompte- 
ment,  ne  veut  pas  pour  cela  que  nous  nous 
rendions  dignes  d'être  condamnés,  mais  que 
nous  en  devenions  plus  humbles ,  et  il  nous 
fait  ainsi  mieux  sentir  le  prix  de  sa  grâce, 
de  crainte  que  si  nous  trouvions  une  si  gi-ande 
facilité  en  toutes  choses,  nous  n'attribuas- 
sions à  nous-mêmes,  ce  qui  ne  vient  que  de 
lui  :  ce  qui  est  une  erreur  très-contraire  et 
très-pernicieuse  à  la  piété  et  à  la  religion. 

11.  A  l'occasion  de  la  quatrième  question,  cap.  "■ 
qui  est  de  savoir  si  quelqu'un,  excepté  Jésus- 
Christ,  a  été  ou  a  pu  être  sans  péché,  saint 
Augustin  décrit  l'état  de  l'homme  avant  le  pé- 
ché, remarquant  cpi'alors  l'homme  n'éprou- 
vait aucune  désobéissance,  ni  révolte  en  son 
corps,  et  l'état  de  l'homme  après  le  péché, 
où  il  est  dans  une  guerre  continuelle,  l'âme, 
par  sa  désobéissance,  étant  devenue  comme 
ennemie  de  la  loi  de  son  Seigneur,  et  le 
corps  se  révoltant  continuellement  contre 
l'esprit.  Il  rapporte  aussi  de  quelle  manière  ^ap.  sx. 
la  nature  humaine,  corrompue  par  le  péché,  '■^"'  '"''^'' 
a  été  renouvelée  par  Jésus-Christ,  et  com- 
bien de  grâces  le  Verbe  de  Dieu  nous  a  pro- 
curées par  son  incarnation.  Les  pélagiens 
objectaient  que,  puisque  Lévi  avait  été  dé-  cap.  sx,-. 
cime,  lorsqu'il  était  encore  dans  les  reins 
d'Abraham,  rien  n'a  empêché  qu'on  ne  crût 
un  enfant  baptisé  au  moment  que  son  père 
avait  reçu  le  baptême.  Saint  Augustin  ré- 
pond, qu'un  même  homme  devant  plusieurs 
fois  payer  la  dîme ,  tous  les  Israélites  la 
payant  chaque  année  de  tous  leurs  fruits,  on 
ne  pouvait  en  tirer  une  conséquence  pour  le 
baptême  qui  ne  se  donne  qu'une  fois,  com- 
me la  circoncision  ne  se  réitérait  pas.  Ces 


[]Y«  ET  V^  SIÈCLES.] 

■  ""•  hérétiques  ajoutaient  :  l'Apôtre  ne  dit-il  pas 
qne  les  enfants  (Jes  fidèles  sont  saints,  pour- 
quoi donc  les  baptiser?  «  Mais,  si  les  enfants 
des  fidèles  sont  saints,  leur  répond  saint  Au- 
gustin, pourquoi  ont-ils,  selon  vous,  besoin 

p.  xx»i.     du  baptême  pour  entrer  dans  le  royaume 

des  deux?  »    Il   distingue   plusieurs   sortes 

■  de  sanctification.  Les  eatécliumènes  étaient 

sanctifiés  par  l'imposition  des  mains  et  par 

la  prière.  Le  mari  infidèle,  ainsi  que  le  dit 

Cor.  Tii,   saint  Paul,   est  sanctifié  par  une  femme  fi- 

imtth.iv,  (Jèle.  Les  aliments  mêmes  que  nous  prenons 
pour  les  besoins  de  la  vie,  sont  sanctifiés 
par  la  parole  de  Dieu  et  par  l'oraison.  Mais 
ces  diverses  espèces  de  sanctification  ne 
donnent  point  la  rémission  des  péchés,  et  il 
en  est  de  même  de  celles  dont  parle  l'Apô- 
tre, lorsqu'il  dit  que  les  enfants  des  fidèles 
sont  saints,  quelle  que  soit  cette  sanctifica- 

p.  xK7n.  tion.  Mais,  insistaient  les  pélagiens,  les  péchés 
d'un  père  ne  lui  nuisent  point  après  sa  con- 
version, comment  donc  pourraient-ils  nuire 
à  son  enfant?  Saint  Augustin  répond  que  les 
péchés  du  père  sont  eftacés  dans  le  baptême, 
parce  qu'il  y  reçoit  une  nouvelle  vie  selon 

p.  i.wiii.  l'esprit;  mais  qu'il  engendre  par  son  corps 
dans  lequel  le  vieil  homme  n'est  point 
éteint.  C'est-à-dire  que  la  concupiscence  que 

m.vi,!2.  l'Apôtre  nomme  péché,  subsiste  dans  les 
baptisés,  quoique  la  coulpe  en  soit  effacée, 
et  c'est  de  cette  source  infectée  que  nous  ti- 

p.sxix.  rons  notre  origine.  Saint  Augustin  prouve 
que  tous  les  prédestinés  sont  sauvés  par  un 
seul  médiateur  qui  est  Jésus-Christ  et  par 
une  seule  et  même  foi,  comme  c'est  aussi 
par  Jésus-Christ  que  sont  sauvés  les  en- 
fants. 

p  ixx.  Si  Adam  nous  a  donné  la  mort,  disaient 

les  pélagiens,  Jésus-Christ  doit  faire  que 
ceux  qui  croient  en  lui  ne  meurent  pas  ;  au- 
trement le  péché  de  notre  premier  père 
nous  aurait  plus  nui  que  la  rédemption  de 
Jésus-Christ  ne  nous  aurait  fait  de  bien,  h  II 
est  écrit,  répond  saint  Augustin,  que  comme 
tous  meurent  en  Adam,  tous  seront  vivifiés 
en  Jésus-Christ,  ce  qui  doit  s'entendre  de  la 
résurrection  du  corps.  Adam  nous  a  causé 
la  mort  temporelle  et  Jésus-Christ  nous  pro- 
met la  résurrection  corporelle  de  tous  à  la 
vie  éternelle  :  c'est  là  le  sens  des  paroles  de 
saint  Paul.  D'où  il  est  visible  que  la  ré- 
demption de  Jésus-Christ  nous  a  fait  plus 
de  bien  que  le   péché  d'Adam  ne  nous  a 

<p.  xxxiii.  nui.  »  Ils  insistaient  :  Si  le  péché  est  la  cause 
de  la  mort  corporelle ,  après  la  remission 


SAINT  AUGUSTIN,  ÏÏVEQUE  D'HIPPONE. 


423 


des  péchés  on  ne  devrait  plus  mourir.  La 
femme,  leur  dit  saint  Augustin,  a  été  con- 
damnée à  enfanter  avec  douleur  à  cause  de 
son  péché,  toutefois,  les  autres  femmes, 
après  avoir  obtenu  la  rémission  de  leurs  pé- 
chés, ne  laissent  pas  d'enfanter  avec  peine  et 
avec  douleur.  Avant  la  rémission  du  péché,  la 
mort  est  une  peine  du  péché;  mais  depuis 
que  le  péché  est  remis  ,  elle  sert  d'épreuve 
aux  justes,  comme  on  le  voit  par  les  martyrs. 
C'est  une  suite  de  l'ordre  de  Dieu  qui  veut 
que  nous  nous  efforcions  d'acquérir  par  nos 
travaux  et  nos  peines,  la  justice  que  nous 
-avons  perdue  par  le  péché.  «  Et  c'est  en- 
core pour  cela,  dit  saint  Augustin,  qu'Adam, 
ayant  été  chassé  du  paradis  après  son  pé- 
ché, habita  à  l'opposite  à'Eden,  c'est-à-dire 
à  l'opposite  du  siège  des  délices,  pour  nous  si- 
gnifier, par  l'interprétation  de  ce  mot,  que 
la  chair  du  péché  devait  être  réformée  par 
les  travaux,  qui  sont  contraires  à  ces  délices, 
parce  qu'elle  n'avait  pas  gardé  l'obéissance 
dans  les  déhces  avant  d'être  devenue  la  chair 
du  péché.  »  Il  montre  encore,  par  l'exemple 
de  David,  que  la  coulpe  du  péché  peut  être 
effacée,  quoique  la  peine  subsiste;  car  on 
voit,  dit-il,  par  le  second  livre  des  Rois,  qu'a- 
près que  l'homicide  et  l'adultère  de  David 
lui  eurent  été  pardonnes ,  Dieu  lui  fit  subir 
les  peines  dont  il  avait  menacé  de  le  punir.» 

Sur  la  fin  de  ce  second  livre,  ce  Père  se 
propose  la  question  de  l'origine  de  l'âme,  et 
de  la  manière  dont  elle  se  trouve  coupable 
du  péché  originel  ;  mais  il  en  renvoie  la  dé- 
cision à  un  autre  traité,  remarquant  que, 
dans  les  choses  obscures,  il  ne  fallait  point 
précipiter  son  jugement,  quand  on  ne  peut 
les  éclaircir  par  des  témoignages  certains  et 
évidents  des  divines  Écritures. 

12.  n  n'y  avait  que  peu  de  jours  que  ces 
deux  livres  étaient  achevés,  lorsque  saint 
Augustin,  ayant  trouvé  les  notes  de  Pelage 
sur  les  Épîtres  de  saint  Paul,  y  remarqua  de 
nouveaux  arguments  que  Pelage  proposait 
comme  le  sentiment  d'un  autre  contre  le  pé- 
ché originel.  Ces  arguments,  que  ce  Père 
n'avait  point  prévus,  lui  donnèrent  occasion 
d'ajouter  à  ces  deux  livi-es  une  lettre  à  Mar- 
cellin,  ou  plutôt  un  troisième  livre  ,  dont  le 
dessein  est  de  montrer  comment  les  enfants 
sont  comptés  pour  fidèles ,  et  profitent  de  la 
foi  de  ceux  qui  les  présentent  au  baptême. 
Il  continue,  dans  ce  troisième  livre,  comme  il 
aîaif  fait  dans  les  deux  précédents ,  à  taire 
les  noms  de  ces  nouveaux  hérétiques,  espé- 


Cap.  \x.ïi\'. 


Analyse  du 
Iroisièmo  li- 
vre, pajj.  71. 
Cap.  I. 


Lib.  II  Ko 
tract.,  cap 
xxxni. 


426 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


rant  par  là  de  les  corriger  plus  facilement.  Il 
donne  même  dans  le  troisième  quelques 
louanges  à  Pelage,  parce  que  plusieurs  van- 

cip-  "•  talent  sa  bonne  vie.  Il  disait  donc  que  si  le 
péché  d'Adam  nuit  à  ceux  qui  ne  pèchent 
point ,  la  justice  de  Jésus-Christ  sert  aussi  à 
ceux  qui  ne  croient  point  :  car  sa  rédemption 
est  plus  efficace  que  la  prévarication  de  notre 
premier  père.  Saint  Augustin,  profitant  de 
l'aveu  des  pélagiens,  leur  dit  :  «Vous  n'ose- 
riez nier,  si  vous  êtes  chrétiens,  que  la  jus- 
tice de  Jésus-Christ  ne  soit  utile  aux  enfants 

cnp.  iM.  baptisés.  Or,  elle  ne  leur  servirait  de  rien, 
selon  vous,  s'ils  ne  croyaient  pas  :  vous  ne 
sauriez  donc  vous  dispenser  de  mettre  les  en- 
fants baptisés  au  nombre  des  croyants,  et  de 
vous  rendi-e  à  l'autorité  de  la  sainte  Église, 
qui  ne  les  croit  pas  indignes  du  nom  de  fidè- 
les. Au  contraire,  s'ils  ne  sont  pas  baptisés, 
ils  seront  parmi  ceux  qui  ne  croient  pas,  et 
dès  lors  ils  n'auront  point  la  vie,  mais  la  co- 
lère de  Dieu  demeurera  sur  eux,  parce  que, 

joan.  111,36.  commc  dit  l'apôtre  saint  Jean ,  celui  qui  ne 
croit  pas  au  Fils  n'aura  point  la  vie,  mais  la 
colère  de  Dieu  demeure  sur  lui.  n  Pelage  di- 
sait que  les  enfants  qui  naissent  de  deux 
baptisés  ,  n'ont  aucun  péché  ,  puisque  jleurs 
parents  n'en  ayant  point ,  ils  n'ont  pu  en 
transmettre.  Il  ajoutait  :  «  Si  les  parents  sont 
seulement  la  cause  de  la  formation  du  corps, 
il  serait  injuste  que  l'âme  qui  ne  vient  point 
d'Adam ,  fût  souillée  de  son  péché.  »  Et  en- 
core :  «  Quelle  apparence  que  Dieu,  qui  par- 
donne les  propres  péchés,  veuille  imputer 
ceux  d'autrui  !  »  Saint  Augustin  ayant  déjà 
réfuté  ces  raisonnements  dans  les  deux  livres 
précédents,  se  contente  de  répéter  ici  ce 
qu'il  y  avait  dit,  ajoutant  que ,  quand  même 
îl  ne  pourrait  les  réfuter,  il  faudrait  s'en  te- 
nir à  ce  que  l'Écriture  sainte  enseigne  clai- 
rement sur  cette  matière.  Il  en  rapporte  di- 
vers passages  par  lesquels  on  voit  clairement 
que  les  enfants  sont  comme  tout  le  reste  des 
hommes,  coupables  de  péché,  et  qu'ils  ne 
peuvent  entrer  dans  le  royaume  du  ciel  sans 
renaître  de  l'eau  et  de  l'esprit.  Il  ajoute  à 
cette  autorité  celle  de  l'Église  universelle 
qui  a  toujours  cru  que  les  enfants  obtenaient, 
par  le  baptême,  la  rémission  du  péché  origi- 
nel; le  témoignage  de  saint  Cyprien  qui, 
consulté  s'il  fallait  baptiser  les  enfants  avant 
le  huitième  jour,  n'aurait  pas  été  d'avis  qu'on 
les  baptisât  aussitôt  après  leur  naissance , 
s'il  n'avait  cru  qu'ils  avaient  besoin  du  sa- 
crement de  baptême  pour  effacer  le  péché 


S.Hypron 
Jon,,  cap. 


Cap. IV. 


Rom.  V,  12 
Joan.  m,  < 
Maltb.  I,2J 


Cap.  V. 


dans  lequel  ils  étaient  nés.  En  effet,  il  le  dit 
assez  clairement  dans  un  long  passage  de  la 
lettre  à  Fidus ,  que  saint  Augustin  rapporte 
tout  entier.  Il  en  cite  un  autre  tiré  dii  com- 
mentaire de  saint  Jérôme  sur  Jonas,  où,  ren- 
dant raison  de  l'ordre  que  le  roi  de  Ninive 
donna  pour  l'observation  d'un  jeûne  par  les 
personnes  de  tout  âge ,  il  dit  avec  Job  que 
personne  n'est  exempt  de  péché ,  pas  même 
un  enfant  d'un  jour.  Il  ajoute  :  «  La  doctrine 
du  péché  originel  a  été  enseignée  non-seule- 
ment par  tous  ceux  qui ,  dès  le  commence- 
ment de  l'Église ,  soit  grecs ,  soit  latins,  ont 
expliqué  les  divines  Écritures;  je  ne  me  sou- 
viens pas  même  d'avoir  lu  aucun  écrit ,  soit 
des  schismatiques ,  soit  des  hérétiques,  du 
nombre  de  ceux  qui  reçoivent  l'Ancien  et  le 
Nouveau  Testament ,  qui  n'ait  aussi  suivi  ce 
sentiment.  Ce  n'est  que  depuis  peu  et  vers 
le  temps  de  la  conférence  de  Garthage,  c'est- 
à-dire  vers  l'an  411  que  l'on  a  commencé  à 
enseigner  une  doctrine  contraire  ;  Jovinien 
qui  aurait  pu,  en  la  soutenant,  donner  beau- 
coup plus  de  cours  à  ses  erreurs  touchant  le 
mai'iage ,  ne  pensa  jamais  à  enseigner  que 
les  enfants  naissaient  sans  le  péché  originel. 
Saint  Augustin  ne  descend  pas  dans  ce  dé- 
tail de  témoignages  comme  s'ils  étaient  de 
la  même  autorité  que  ceux  que  l'on  tire  des 
saintes  Écritures;  mais  uniquement  pour 
faire  voir  que,  jusqu'à  Pelage,  on  n'avait  ja- 
mais varié  sur  la  doctrine  du  péché  originel, 
si  clairement  marquée  dans  ces  parole  de 
l'Apôtre  :  Le  péché  est  entré  dans  le  inonde  par  Rom.  v,  i 
un  seul  homme,  et  la  mort  par  le  péché  ;  ainsi 
la  mort  est  passée  dans  tous  les  hommes,  tous 
ayant  péché  dans  un  seul. 

13.  «  Comment,  disaient  les  pélagiens,  se  cap.vu. 
peut-il  faire  que  Dieu,  qui  remet  les  propres 
péchés,  en  impute  d'étrangers?  »  Saint  Au- 
gustin répond  que  le  péché  originel  n'est 
étranger  à  im  enfant  que  lorsqu'il  n'est  pas 
encore  né,  mais  qu'il  est  propre  et  particulier 
à  tous  ceux  qui,  étant  nés,  n'en  ont  pas  ob- 
tenu la  rémission  par  la  régénération  spiri- 
tuelle. ((  Comment,  disaient-ils  encore,  deux 
personnes  baptisées,  peuvent-elles  transmet- 
tre le  péché  originel  qu'elles  n'ont  pas?  »  Le 
saint  Docteur  répond  par  l'exemple  d'un  cir- 
concis qui  engendre  un  enfant  incirconcis. 
Mais  comme  il  avait  affaire  aux  pélagiens  qui  i.cap.  ix. 
avouaient  que  le  baptême  devait  se  donner 
aux  enfants  mêmes  des  baptisés,  il  leur  de- 
mande pourquoi  un  chrétien  baptisé  ne  pro- 
duit pas  un  enfant  chrétien  et  baptisé?  Il 


[rv"  ET  V*  SIÈCLES.] 

passe  légèrement  sur  la  difficulté  qu'il  y  a 
d'expliquer  comment  l'âme  est  souillée  du 
péché  originel,  en  remettant  à  l'éclaircir 
dans  un  autre  ouvrage.  Il  dit  seulement  ici 
que  toutes  les  peines  auxquelles  notre  âme 
est  sujette,  par  son  union  avec  le  corps,  sont 
une  'preuve  qu'elle  n'est  pas  innocente.  Il 
soutient,  ainsi  qu'il  avait  déjà  fait,  que  ces 
paroles  de  saint  Paul  :  Comme  tous  meurent 
en  Adam,  tous  revivront  aussi  en  Jésus-Christ, 
doivent  s'entendre  de  la  résurrection  des 
corps.  H  finit  en  témoignant  que  si ,  selon  le 
précepte  de  Dieu,  l'on  doit  prêter  secours 
aux  pupilles  et  aux  orphelins,  à  plus  forte 
raison  doit-on  procurer  aux  enfants  la  grâce 
du  baptême,  qu'ils  ne  peuvent  demander  par 
eux-mêmes. 

§11. 

Bti  livre  de  l'Esprit  et  de  la  lettre. 

1.  Marcellin  en  lisant  le  second  livre  des 
Mérites  et  de  la  rémission  des  péchés ,  fut 
surpris  d'y  trouver  cjue  ,  quoique  l'homme 
pût  être  sans  péché  par  la  toute  puissance 
de  Dieu,  on  ne  pouvait  dire  néanmoins  qu'à 
la  réserve  du  seul  Médiateur,  qui,  n'ayant' 
que  la  ressemblance  de  la  chair  de  péché ,  a 
souffert  toutes  les  misères  attachées  à  la 
condition  de  l'homme  ,  quoiqu'il  fût  absolu- 
ment sans  péché ,  aucun  autre  en  cette  vie 
ait  jamais  été,  ou  doive  être  jamais  sans  pé- 
ché. Il  récrivit  donc  à  saint  Augustin  qu'il 
lui  paraissait  étrange  de  croire  possible  une 
chose ,  lorsqu'il  ne  s'en  trouve  aucun  exem- 
ple. C'est  ce  qui  donna  occasion  à  ce  saint 
Docteur  de  lui  adresser  quelque  temps  après 
un  nouvel  ouvrage  qu'il  intitula  :  De  l'Esprit 
et  de  la  lettre,  parce  qu'il  y  traite  ce  passage 
de  l'Apôtre  dans  sa  seconde  Épître  aux  Co- 
rinthiens :  La  ,  lettre  tue ,  et  c'est  l'esprit  gui 
donne  la  vie.  Il  met  cet  écrit  un  peu  après  les 
livres  des  Mérites  et  de  la  rémission  des  pé- 
chés, c'est-à-dire  vers  l'an  412  :  on  ne  peut 
du  moins  douter  qu'ils  n'aient  été  achevés 
avant  le  mois  de  septembre  de  l'an  413,  au- 
quel MarceUin  fut  mis  à  mort.  11  est  cité  dans 
le  livre  de  la  Foi  et  des  œuvres ,  et  dans  le 
troisième  de  la  Doctrine  chrétienne. 

2.  Pour  montrer  qu'il  n'est  pas  absm'de  de 
dire  qu'une  chose  soit  possible,  quoiqu'il  n'y 
en  ait  point  eu  d'exemple,  saint  Augustin  se 
sert  de  diverses  façons  de  parler  de  l'Évan- 
gile, tout  à  fait  semblables  à  celles  que  Mar- 
cellin reprenait.  Il  n'y  a  point  d'exemple 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


427 


qu'un  chameau  ait  passé  par  le  trou  d'une 
aiguille  ;  toutefois  Jésus-Clirist  dit  que  cela 
est  possible  à  Dieu.  Le  même  Sauveur  dit 
que,  pour  se  délivrer  du  supplice  de  la  mort, 
il  pouvait  faire  combattre  douze  mille  légions 
d'anges;  cependant  cela  n'est  point  arrivé. 
D'où  saint  Augustin  infère  que,  quoiqu'on  ne 
puisse  faire  voir  qu'il  soit  eflectivement  arri- 
vé à  un  homme,  autre  qu'à  celui  qui  est  Dieu 
et  homme  par  sa  nature ,  il  ne  soit  possible 
qu'il  y  en  ait  quelqu'un  qui  soit  sans  péché. 
Il  avoue  que ,  si  l'on  voulait  soutenir  qu'il 
s'est  trouvé  des  personnes  qui  ont  vécu  sans 
péché ,  ce  ne  serait  pas  une  erreur  des  plus 
pernicieuses,  mais  que  c'en  est  une  bien  plus 
considérable  de  prétendre  que  la  volonté 
humaine  est  assez  forte  pour  atteindre  d'elle- 
même  et  sans  le  secours  de  Dieu  à  la  per- 
fection de  la  justice,  ou  du  moins  pour  avan- 
cer dans  la  voie  qui  y  conduit. 

Les  pélagiens,  voyant  qu'il  y  avait  une  cap.  n. 
grande  impiété  à  soutenir  que  ces  choses 
fussent  possibles  sans  la  grâce  de  Dieu ,  di- 
saient que  son  secomrs  était  effectivement 
nécessaire  ;  mais  par  ce  secours  ils  n'enten- 
daient autre  chose  que  le  libre  arbitre  que 
Dieu  avait  donné  à  l'homme  en  le  créant, 
et  la  connaissance  de  la  loi ,  dont  les  pré- 
ceptes lui  montraient  comment  il  devait  vi- 
vre. En  sorte  que  le  secours  de  Dieu  consis- 
tait, selon  eux,  en  ce  que  par  ses  enseigne- 
ments Dieu  tire  l'homme  de  son  ignorance , 
et  lui  fait  voir  ce  qu'il  doit  éviter  et  recher- 
cher dans  toutes  ses  actions,  afin  que,  par 
les  forces  naturelles  de  son  libre  arbitre ,  * 
il  marche  dans  la  voie  que  Dieu  lui  montre,  cap.  m. 
Saint  Augustin  prétend  au  contraire  qu'outre 
le  libre  arbitre  et  les  instructions  de  la  loi ,  il 
est  encore  nécessaire  que  nous  recevions  le 
Saint-Esprit ,  qui  seul  produit  dans  notre 
cœur  l'amom-  du  bien  souverain  et  immua- 
ble ,  qui  n'est  autre  que  Dieu  même;  qui 
seul  nous  le  fait  trouver  doux  et  agréable , 
pendant  même  que  nous  marchons  encore 
ici-bas  dans  l'obscurité  de  la  foi,  et  non  dans 
le  grand  jour  de  la  claire  vision  ;  et  qui  nous 
étant  donné  comme  un  gage  d'un  don  gra- 
tuit, fait  que  nous  ne  respirons  que  de  nous 
unir  à  notre  Créateur.  Car,  le  libre  arbitre 
n'a  de  force  que  pour  pécher,  non-seulement 
pendant  que  la  voie  de  la  vérité  lui  est  ca- 
chée, mais  après  même  qu'il  a  commencé  de 
la  connaître  ;  et  quand  même  il  la  connaî  - 
trait,  si  elle  ne  lui  plaît,  s'il  ne  l'aime,  n'agit 
point,  il  ne  l'embrasse  point ,  il  ne  mène  pas 


428 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


nom.T,  G.  une  bonne  vie.  Or,  ce  qui  fait  qu'on  aime  la 
vérité  ,  c'est,  selon  saint  Paul,  la  charité  de 
D.ieu  répandue  dans  nos  cœurs,  non  par  no- 
tre libre  arbitre  que  nous  tirons  de  nous , 
Cap.  iT.  mais  par  le  Saint-Esprit  qui  nous  est  donné. 
Ainsi,  la  connaissance  de  la  loi,  sans  l'esprit 
qui  seul  vivifie,  n'est  qu'une  lettre  qui  tue; 
ce  n'est  pas  que  la  loi,  qui  défend  de  pécher, 
ne  soit  quelque  chose  de  bon  et  de  louable  ; 
mais  tant  que  le  Saint-Esprit  ne  prête  point 
son  secours,  qu'il  n'inspire  point  de  bons  et 
de  saints  désirs  au  lieu  des  mauvais  désirs 
de  la  cupidité  ,  c'est-à-dire  tant  qu'il  ne  ré- 
pand point  la  charité  dans  nos  cœurs,  cette 
loi,  toute  bonne  qia'elle  est,  ne  fait  par  sa 
défense  qu'irriter  le  désir  du  mal,  comme 
l'opposition  d'une  digue  ne  fait  qu'augmenter 
le  poids  et  la  force  de  l'eau,  quand  elle  coule 
toujours  du  même  côté,  en  sorte  que,  venant 
à  passer  par  dessus,  elle  se  précipite  en  bas 
avec  bien  plus  de  violence.  «  Je  ne  sais ,  dit 
saint  Augustin ,  comment  il  arrive  que  ce 
que  la  cupidité  désire  lui  devient  plus  doux 
par  la  défense  :  et  c'est  apparemment  ce  que 
veut  dire  l'Apôtre ,  quand  il  dit  que  le  péché 
nous  séduit.  » 
Ce  Père  donne  ensuite  le  sens  de  ces  pa- 

d..  T.  rôles  :  La  lettre  tue,  l'esprit  donne  la  vie, 
soutenant  que  saint  Paul  entend  par  la  let- 
tre, non  les  cérémonies  de  la  loi  qui  ont  été 
abolies  par  la  venue  de  Jésus-Christ,  mais 
les  préceptes  les  plus  saints  et  les  plus  invio- 
lables, comme  sont  ceux  du  Décalogue,  lors- 
qu'on n'en  a  que  la  connaissance  qui  nous 
en  est  donnée  dans  la  loi,  et  non  la  force  et 
l'amour  pour  les  accomplir,  qui  vient  de  l'ef- 
fusion de  l'esprit  de  Dieu  et  de  la  grâce. 

Cip.  m.  (I  Sans  cet  esprit  de  grâce,  dit-il,  tous  ces 
enseignements  ne  sont  qu'une  lettre  qui  tue, 
et  une  occasion  pour  nous  de  devenir  préva- 
ricateurs ,  bien  loin  de  cesser  d'être  pé- 
cheurs; comme  la  connaissance  de  Dieu  n'a 
servi  de  rien  aux  sages  du  paganisme,  parce 
qu'ils  n'ont  point  rendu  à  ce  Dieu  qu'ils  con- 
naissaient la  gloire  et  les  grâces  qui  lui  sont 
dues.  »  11  distingue  A  cet  effet  la  loi  des  œu- 

c.ip.  x.ii.  vres,  et  la  loi  de  la  foi.  Celle-là  prescrit  ce 
qu'il  faut  faire,  mais  ne  préserve  pas  l'hom- 
me de  l'orgueil;  celle-ci  l'en  préserve.  La 
loi  des  œuvres  est  proprement  dans  le  ju- 
daïsme, et  celle  de  la  foi  dans  le  christia- 
nisme. La  loi  des  œuvres  commande  avec 
menaces,  la  loi  de  la  foi  obtient  en  faisant 

_F,.ind.  XX,  croire.  L'une  dit  :  Vorm  n'aurez  point  de  mau- 
vais ffe'siVs;  et  l'autre  dit  :  Comme  je  savais 


* 


que  nul  ne  peut  réprimer  les  mauvais  désirs,  ^î 

si  Dieu  ne  lui  en  fait  la  grâce  ,   et  que  sa-  • 

voir  même  d'où  vient  ce  don  là  ,  c'est  un  effet 
de  la  sagesse  qui  vient  d'en  haut ,  je  me  suis  sap-rm,?- 
adressé  au  Seigneur,  et  je  le  lui  ai  demandé. 
Ainsi ,  par  la  loi  des  œuvres ,  Dieu  dit  à 
l'homme  :  Fais  ce  que  je  te  commande;  et 
par  la  loi  de  la  foi,  l'homme  dit  à  Dieu  :  Don- 
nez-moi ce  que  vous  me  commandez.  La  loi 
ne  commande  qu'afni  que  la  foi  sache  ce 
qu'eUe  a  à  faire,  c'est-à-dire  aiin  que  si 
nous  ne  pouvons  le  faire  ,  nous  sachions  ce 
que  nous  avons  à  demander;  ou  que  si  nous 
en  avons  déjà  le  pouvoir,  et  que  nous  le 
mettions  en  pratique  par  une  obéissance  fi- 
dèle, nous  sachions  qui  nous  a  donné  ce 
pouvoir-là.  Voilà  en  quoi  consiste  la  diffé- 
rence de  la  loi  des  œuvres,  de  celle  de  la 
foi;  car  elles  ont  cela  de  commun,  qu'elles 
donnent  l'une  et  l'autre  la  connaissance  du 
péché ,  puisqu'elles  disent  également,  vous 
n'aurez  point  de  mauvais  désirs.  Saint  Au- 
gustin conclut  de  tout  cela  que  les  préceptes 
qui  enseignent  à  bien  vivre  ne  sont  point  ce 
qui  justifie  l'homme,  mais  cjue  c'est  la  foi  en 
Jésus-Christ;  en  sorte  que  la  justification  se 
fait,  non  par  la  loi  des  œuvres ,  mais  par  la 
loi  de  la  foi  ;  non  par  la  lettre,  mais  par  l'es- 
prit; non  par  le  mérite  des  œuvres,  mais 
par  une  grâce  gratuite.  Il  parcourt  tous  les 
commandements  du  Décalogue ,  qui ,  hors 
l'observation  du  sabbat,  regardent  également 
les  chrétiens  comme  les  juifs,  et  fait  voir  par 
divers  endroits  des  Épitres  de  saint  Paul , 
que  ces  préceptes,  si  utiles  et  si  salutaires, 
qu'on  ne  saurait  avoir  la  vie  sans  les  obser- 
ver, ne  sont  toutefois  qu'une  lettre  qui  tue. 
La  raison  en  est  que  tout  ce  qu'ils  renfer- 
ment de  bien ,  est  dans  la  lettre  qui  ne  fait 
que  montrer  ce  qu'il  faut  que  l'on  fasse,  et  qui 
ne  donne  point  le  secours  de  l'esprit,  par 
lequel  seul  on  peut  le  faire;  et  que  quand 
on  observerait  les  préceptes  par  la  crainte 
de  la  peine,  au  lieu  de  les  observer  par  l'a- 
mour de  la  justice ,  ce  ne  serait  les  observer 
que  servilement,  et  non  pas  librement,  ce 
qui  est  ne  les  point  observer;  car  il  n'j'  a  de 
bon  fruit  que  celui  qui  a  la  charité  pour  ra- 
cine. Mais  quand  on  a  la  fois  qui  opère  par 
l'amour,  c'est  alors  qu'on  commence  à  se 
plaire  dans  la  loi  de  Dieu  selon  l'homme 
intérieur;  plaisir  qui  n'est  pas  un  ellet  de  la 
lettre,  c'est  un  don  de  l'Esprit  qui  com- 
mence d'agir  en  nous ,  c'est  l'eflet  de  la 
grâce  de  Dieu  qui  nous  délivre  de  ce  corps 


Cap.  X!\'. 


[IT'  ET  V'  SIÈCLES.] 

de    mort  par  Jésus-Christ   Notre-Seigneur. 
■'■  3.  Cette  grâce  qui  était  autrefois  caciiée 

et  comme  voilée  clans  l'Ancien  Testament,  a 
été  dévoilée  et  découverte  dans  l'Evangile 
de  Jésus-Christ.  De  même,  tandis  que  la  loi 
qui  fat  donnée  à  Moïse  n'était  gravée  que 
sur  des  tables  de  pierre ,  celle  que  le  Saint- 
hP'  ^"  "■  Esprit,  qui  est  nommé  le  doigt  de  Dieu,  a 
donnée  aux  chrétiens,  est  gTavée  dans  les 
cœurs.  La  première  n'était  écrite  qu'au  de- 
hors pour  donner  de  la  terreur;  la  seconde 
est  répandue  dans  nos  cœurs  par  le  Saint- 
Esprit  qui  nous  est  donné.  Car  cette  loi  n'est 
autre  que  la  charité  qui  nous  fait  faire  le 
bien.  Saint  Augustin  appuie  la  différence  de 
ces  deux  lois  sur  divers  endroits  des  Épitres 
de  saint  Paul,  en  particuher  sur  le  troisième 
chapitre  de  la  seconde  aux  Corinthiens,  où 
v"i.     il  leur  dit  :  Vous  êtes  la  lettre  de  Jésus-Christ, 
dont  nous  n'amns  été  que  les  secrétaires,  et  qui 
a  été  écrite  non  avec  de  l'encre,  mais  avec  l'es- 
prit du  Dieu  vivant;  non  sur  des  tables  de 
pierre,  mais  sur  des  tables  de  chair  qui  sont  vos 
cœurs.  Il   prouve,  par  les  paroles  du  même 
Apôti'e  que  la  loi  ancienne,  n'étant  autre  que 
la  lettre  extérieure  qui  n'est  point  écrite  au- 
dedans  de  l'homme,  est  appelée  un  minis- 
tère de  condamnation  et  de  mort,  au  lieu 
qu'on  appelle  la  loi  de  la  nouvelle  alliance , 
le  ministère  de  l'esprit  et  de  la  justification, 
parce  qu'elle  nous  fait  faire  par  le  don  de 
l'esprit  des  œuvres  de  sainteté  et  de  justice, 
et  qu'elle  nous  délivre  de  la  condamnation 
que  le  violement  de  la  loi  fait  encourir.  Il 
X.      rapporte  le  passage  de   Jérémie   où  Dieu 
-^-"''■'!  promet  de  faire  une  nouvelle  alliance  avec 
la  maison  d'Israël  et  la  maison   de  Juda  ; 
mais  bien  différente  de  celle  qn'il  avait  faite 
autrefois  avec  leurs  pères  au  jour  qu'il  les 
prit  par  la  main  pour  les  tirer  d'Egypte  ;  re- 
marquant qu'à  peine  trouvera-t-on  dans  tout 
l'Ancien  Testament  un  autre  passage  aussi 
précis  sur  la  nouvelle  alliance.  Elle  est  tou- 
tefois marquée  et  prédite,  dit-il,  en  une  infi- 
nité d'autres  endroits  ;  mais  il  n'y  a  propre- 
ment que  celui-ci  où  elle  soit  nommée  par 
son  nom.  Il  ajoute,  en  parlant  toujours  de 
la  différence  des  deux  lois  :  la  loi  de  Moïse 
a  été  donnée  pour  nous  faire  recourir  à  la 
grâce ,  et  la  grâce  pom'  nous  faire  accomplir 
la  loi.  De  ce  qu'on  ne  l'accomplissait  pas,  ce 
n'est  pas  à  elle  qu'il  faut  s'en  prendre,  mais 
à  la  prudence  de  la  chair  que  la  loi  nous  a 
fait  remarquer  en  nous ,  et  dont  la  grâce  est 
..       le  remède,  Mais  comment  de  ces  deux  al- 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPOiNE. 


429 

fiances,  l'une  est-elle  ancienne  et  l'autre 
nouveUe,  puisque  l'ancienne  loi  qui  dit  :  Vous 
n'aurez  point  de  mauvais  désirs;  est  celle-là 
même  qui  s'accomplit  dans  la  nouveUe?  C'est, 
répond  saint  Augustin ,  que  la  première  n'é- 
tait pas  un  remède  sulïïsant  pour  la  corrup- 
tion de  l'homme,  qu'efie  ne  faisait  que  me- 
nacer et  instruire;  au  fieu  que  la  seconde 
renouveUe  l'homme  et  le  guérit  de  son  an- 
cienne corruption.  Il  autorise  cette  réponse 
du  passage  de  Jérémie  que  nous  venons  de 
citer,  et  d'un  endroit  de  la  seconde  Épître 
aux  Corinthiens ,  où  l'on  voit  clairement 
qu'en  même  temps  que  Dieu  promet  une 
nouvefie  alliance,  il  promet  aussi  qu'il  écrira 
sa  loi  dans  les  cœurs.  Mais  qu'efie  est  la  loi 
de  Dieu  écrite  par  lui-même  dans  les  cœm-s, 
sinon  la  présence  du  Saint-Esprit,  qui,  lors- 
qu'il habite  dans  nos  cœurs,  y  répand  la 
charité  qui  est  l'accompfissement  de  la  loi  et 
la  fin  du  précepte.  Tous  les  biens  que  pro- 
mettait l'ancienne  afiiance,  étaient  terrestres 
et  temporels,  mais  ceux  de  la  nouveUe,  sont 
les  biens  du  cœur,  les  biens  de  l'esprit ,  et 
qui  sont  tels  que  ceux  à  qui  Dieu  les  don- 
nera ,  ne  seront  plus  dans  la  crainte  qu'im- 
prime la  loi  extérieure  ;  mais  que ,  revêtus 
intérieurement  de  la  justice  de  la  loi,  fis  se- 
ront remphs  de  l'amour  de  cette  même  jus- 
tice. 

4.  Saint  Augustin  parle  ensuite  de  la  ré- 
compense éternefie  promise  à  ceux  de  cette 
nouvelle  afiiance,  et  prédite  expressément 
par  le  prophète  Jérémie.  Efie  consiste  dans 
la  vue  de  Dieu  qui  doit  faire  notre  félicité 
dans  le  ciel.  Tous  connaîtront  le  Seigneur, 
depuis  le  plus  petit  jusqu'au  plus  grand  ; 
c'est-à-dire  tous  ceux  qui  composent,  selon 
l'esprit,  la  maison  spirituelle  d'Israël  et  de 
Juda,  et  qui  sont  les  descendants  d'Isaac  et 
la  postérité  d'Abraham.  Car  ce  sont  là  les 
enfants  de  la  promesse,  et  qui  le  sont  non 
par  leurs  i^ropres  œuvres,  mais  par  la  grâce 
de  Dieu.  Autrement  la  grâce  ne  serait  plus 
grâce;  comme  dit  celui  qui  a  si  fortement 
étabfi  la  grâce,  je  veux  dire  celui  qui  se 
nomme  le  moindre  des  apôtres,  quoiqu'fi 
ait  plus  travaiUé  qu'eux  tous;  non  lui,  mais 
la  grâce  de  Dieu  qui  était  avec  lui.  Cette 
nouvelle  afiiance  a  encore  besoin  de  pro- 
phéties, du  secours  des  langues,  de  la  mul- 
tiplicité des  signes,  qui  font  entendre  une 
chose  par  une  autre;  mais  lorsque  nous 
serons  dans  l'état  parfait,  et  que  tout  ce  qu'il 
y  a  d'imparfait  sei-a  aboli,  alors  celui  qui 


Jerem.xxxi, 
31.  II  Coi. 
.xxxin. 


tCip.'xxi. 


■  Cap. 


xsu, 
XXIII  et  xxiv. 


430 


HISTOraE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCUÉSIASTIQUES. 


s'étant  revêtu  de  chair  s'est  rendu  visible 
aux  yeux  de  la  chair,  se  montrera  en  sa 
propre  essence  à  ceux  qui  l'auront  aimé  ; 
alors  nous  posséderons  la  vie  éternelle  par 
la  connaissance  du  seul  véritable  Dieu,  alors 
nous  lui  serons  semblables,  parce  que  nous  le 
connaîtrons  comme  nous  sommes  connus  de 
lui.  Par  ces  paroles  être  grand  ou  petit  dans 
le  royaume  du  ciel,  saint  Augustin  entend  la 
différence  qu'il  y  a  même  dans  le  ciel  entre 
la  sainteté  d'un  saint,  et  celle  d'un  autre 
saint,  comme  de  la  clarté  d'une  étoile,  à 
celle  d'une  autre  étoile.  Mais  il  enseigne 
que  tous  les  bienheureux  recevront  en  mê- 
me temps  le  bienfait  promis   de   la  claire 

Cap.  ïxv.  vision  de  Dieu.  Il  donne  encore  pour  diffé- 
rence de  l'Ancien' et  du  Nouveau  Testament, 
que  ce  qui  épouvantait  au  dehors  dans  le 
premier,  plaît  intérieurement  dans  l'autre, 
et  qu'en  celui-là  l'on  devient  prévaricateur 
de  la  loi,  n'ayant  que  la  lettre  qui  donne  la 
mort  ;  au  lieu  qu'en  celui-ci  on  devient  ama- 
teur de  cette  loi ,  étant  rempli  de  l'esprit 
qui  donne  la  vie.  Mais,  si  la  différence  des 
deux  alliances  vient  de  ce  que  dans  l'an- 
cienne Dieu  n'avait  écrit  sa  loi  que  sur  des 
pierres,  et  que  dans  la  nouvelle  il  l'écrit  au- 

Cap.jHvi.  dedans  des  cœurs,  qui  est-ce  qui  fera  la 
différence  des  fidèles  du  Nouveau  Testa- 
ment d'avec  ces  nations,  qui,  portant  écrit 
dans  le  cœur  ce  que  la  loi  prescrit,  le  font 
naturellement,  ainsi  que  le  dit  l'Apôtre  dans 

Rom.  II,  14.  son  Épître  aux  Romains  ?  Ce  Père  répond 
que  par  ces  nations  on  ne  peut  entendre 
que  les  gentils  convertis  à  la  foi  ;  et  il  le 
prouve  par  ce  que  l'Apôtre  avait  dit  précé- 
demment. En  effet,  comment  se  pourrait-il 
faire  qu'il  y  eût  des  nations,  qui,  sans  avoir 
part  à  la  grâce  de  l'Évangile,  fissent  le  bien, 
et  à  qui  l'Apôtre  pût  promettre  la  gloire, 
l'honneur  et  la  paix,  comme  il  le  fait  dans 
cette  Épître  ?  N'y  dit-il  pas  encore  que  tous 
les  hommes  ayant  péché,  ont  tous  besoin 
que  Dieu  fasse  éclater  sa  gloire  sur  eux,  en 
les  justifiant  gratuitement  par  sa  grâce? 
Comment  donc  aurait-il  pu  prétendre  au 
même  endroit  qu'il  y  eût  des  gentils  obser- 
vateurs de  la  loi  et  justifiés  sans  là  grâce  du 
Sauveur  ?  Il  ne  parle  pas  contre  lui-même  ; 
et  quand  il  dit  que  ceux  qui  obsei'vent  la  loi 
sont  justifiés,  il  ne  veut  pas  dire  qu'on  est 
justifié  par  les  œuvres  sans  la  grâce;  il 
définit  au  conti'aire  d'une  manière  très-ex- 
presse, que  l'on  est  justifié  gratuitement  par 
la  grâce  sans  les  œuvres  de  la  loi.  Et  quand 


il  dit  que  cela  se  fait  gratuitement,  son 
unique  but  est  de  faire  entendre  que  la  jus- 
tification n'est  nullement  l'effet  des  œuvres 
qui  la  précèdent,  autrement  la  grâce  ne  se- 
rait plus  grâce,  si  ce  que  l'on  nomme  grâce 
venait  des  hommes.   Quant    à  ce    que    dit    c^t-^xv», 

.  Ko""'  "lit. 

1  Apôtre,  que  les  nations  qui  n'ont  point  la  t 

loi  font  naturellement  les  choses  que  la  loi  § 

commande,  cela  ne    signifie   autre  chose, 
selon  saint  Augustin,  sinon   qu'ils  accom- 
plissaient la  loi  conformément  à  la  nature 
de  l'homme  réparée  par  la  grâce.  Car  tout 
l'effet  de  l'esprit  de  grâce  n'est  que  de  re- 
tracer en  nous  l'image  de  Dieu,  à  laquefie 
nous  avons  naturellement  et  originairement 
été  formés.  La  dépravation  de  l'homme  par 
le  péché  est  proprement  une  maladie  contre 
nature,  et  qui  ne  se  guérit  que  par  la  grâce  ; 
c'est  pourquoi  David  disait  à  Dieu  :  Ayez  ■^^'^-  "->'• 
pitié  de    moi,  Seigneur,  guérissez  mon  âme, 
j'ai  péché  contre  vous.  Mais ,  lorsque    Dieu 
guérit  cette  dépravation,  alors  nous  faisons 
ce  que  la  loi  prescrit,  et  nous  le  faisons  na- 
turellement, c'est-à-dire  conformément   à 
notre  nature,  dont  le  nom  n'est  pas  là  em- 
ployé par  opposition  à  la  grâce,  comme  si 
l'Apôtre  avait  eu  dessein  de  la  nier,  mais 
plutôt   pour   faire   entendre   que    c'est  par 
elle  que  la  nature  est  rétablie  et  réparée.  Il 
ajoute  que  si  l'on  veut  entendre  cela  des 
gentils,  qui  n'ont  ni  la  connaissance  ni  le 
culte  du  vrai  Dieu,  cela  ne  serait  encore 
rien  contre  ce  qu'il  avait  dit  du  besoin  que 
tous  les  hommes  ont  de  la  grâce  de  Jésus- 
Christ;  puisqu'à  examiner   quelle    a  été  la 
fin  des  actions  de  ces  gentils,  que  les  règles 
de  la  justice  ne  permettent  pas  de  condam- 
ner, mais  qu'elles  nous  obligent  même  d'ap- 
prouver, à  peine  s'en  trouve-t-il  qui  méri- 
tent   d'être    soutenues ,    et    d'être    louées 
comme  justes.  Ce  que  l'Apôtre  aurait  donc 
voulu  dire,  supposé  qu'il  eût  parlé  des  gen- 
tils non  convertis,  c'est  que  l'image  de  Dieu 
n'est  pas  tellement  effacée  dans  le  cœur  de 
l'homme  par  le  péché,  qu'il  n'en  reste  en- 
core quelques  vestiges,  capables   de   faire 
pratiquer  quelques   œuvres  de  la  loi  aux 
nations  mêmes  qui  n'ont  point   cette   loi. 
«  Mais,  continue  ce  Père,  comme   certains 
péchés,  c'est-à-dire  les  véniels,  dont  la  vie 
du  juste  ne  peut  être  exempte,  ne  l'empê- 
chent pas   d'arriver  à  la  vie  éternelle,  de 
même  quelques  bonnes  œuvres  dont  il  est 
difficile  que  la  vie  des  plus  méchants  hom- 
mes  soit  tout  à  fait  destituée,   sont  inuti- 


[IV°  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAMÏ  AUGUSÏLN,  EVEQUE  D'HIPPOiNE. 


431 


les  pour  cette  même  vie  éternelle.  Tout  le 
fruit  qu'ils  en  recevront,  c'est  qu'ils  seront 
moins  punis  ;  parce  qu'ils  auront  moins  pé- 
ché que  d'autres.  Que  personne  donc,  dit 
saint  Augustin,  ne  se  glorifie  de  ce  qu'il 
croit  avoir;  et  si  l'on  a  quelque  chose,  qu'on 
ne  s'imagine  pas  que  cela  vient  de  ce  que  la 
lettre  de  la  loi  a  extérieurement  frappé,  ou 
les  yeux  par  la  lecture ,  ou  les  oreilles  par 
la  voix  des  prédicateurs.  Si  la  justice  s'ob- 
tenait par  la  loi,  en  vain  Jésus-Christ  serait 
mort.  Si  au  contraire  il  n'est  pas  mort  en 
vain,  confessons  que  c'est  lui  qui  montant 
au  ciel  a  mené  en  triomphe  notre  captivité 
captive,  et  qui  distribue  aux  hommes  les 
dons  qu'il  lui  plaît.  » 

Il  s'étend  sur  les  effets  de  la  foi,  et  dit  que 
c'est  par  eUe  que  nous  obtenons  le  salut, 
c'est-à-dire  et  tous  les  dons  qui  en  produi- 
sent les  commencements  en  nous  dès  cette 
vie,  et  tous  ceux  par  où  nous  en  espérons 
la  perfection  dans  l'autre.  Il  ajoute  que 
comme  la  loi  opère  en  nous  la  crainte,  la 
foi  au  contraire  nous  fait  espérer  en  Dieu  ; 
et  que  c'est  aussi  la  grâce  qui  fait  que  la 
loi  nous  plaît  plus  que  le  péché.  ITveut  donc 
que  les  âmes  qui  sont  travaillées  par  la 
crainte  de  la  peine,  aient  recours  par  la  foi 
à  la  miséricorde  de  Djeu  ;  afin  qu'il  leur 
donne  ce  qu'il  leur  commande  ;  et  que  leur 
inspirant  par  le  Saint-Esprit,  la  suavité  de 
sa  grâce,  il  fasse  en  sorte  que  ses  comman- 
dements leur  plaisent  davantage ,  que  ne 
leur  plaît  ce  qui  les  empêche  de  les  accom- 
plir. 

5.  Mais,  dira- 1- on,  le  libre  arbitre  est 
donc  détruit  par  la  grâce?  «  A  Dieu  ne 
plaise  !  répond  le  saint  Docteur,  c'est  au 
contraire  la  grâce  même  qui  l'établit  de  la 
même  manière  que  la  foi  établit  la  loi,  bien 
loin  de  la  détruire.  Car  la  loi  ne  s'accomplit 
que  par  le  libre  arbitre  de  l'homme  ;  mais 
c'est  par  la  loi  que  nous  vient  la  connais- 
sance du  péché,  et  c'est  au  contraire  par  la 
foi  que  nous  obtenons  la  grâce  contre  le 
péché  ;  c'est  par  la  grâce  que  nous  acqué- 
rons la  santé  de  l'âme  dans  la  destruction 
du  péché  ;  c'est  par  la  santé  de  l'âme  que 
nous  jouissons  du  libre  arbitre  de  la  vo- 
lonté ;  c'est  par  la  liberté  de  la  volonté  que 
nous  sommes  touchés  de  l'amour  de  la  jus- 
tice ;  et  c'est  par  l'amour  de  la  justice  que 
nous  accomplissons  la  loi  dans  nos  actions.  , 
D'où  il  est  clair  que  comme  la  foi  bien  loin  . 
de  détruire  la  loi,  l'établit,  puisqu'elle  fait  s, 


obtenir  la  grâce  par  laquelle  on  accomplit 
la  loi  ;  de  même  la  grâce  bien  loin  de  dé- 
truire le  libre  arbitre,  l'établit,  puisqu'elle 
guérit  la  volonté  pour  lui  faire  aimer  la  jus- 
tice. » 

Ce  Père  demande  ensuite  si  cette  foi,  qui 
est  le  principe  et  le  fondement  de  tout  ce 
qui  concourt  à  notre  salut,  dépend  de  nous? 
Avant  de  décider,  il  examine  ce  que  c'est 
que  vouloir  et  pouvoir.  «  Quoique  l'on 
veuille,  il  ne  s'ensuit  pas  que  l'on  puisse  ; 
et  quoique  l'on  puisse,  il  ne  s'ensuit  pas  que 
l'on  veuille.  Comme  il  y  a  des  rencontres  où 
nous  ne  pouvons  ce  que  nous  voudrions,  il 
y  en  a  aussi  où  nous  ne  voulons  pas  ce  que 
nous  pourrions.  Il  paraît  donc,  dit-il,  par 
la  seule  exphcation  des  termes ,  que  les 
mots  de  volonté  et  de  puissance  ont  été 
formés  de  ceux  de  vouloir  et  de  pouvoir. 
Avoir  la  volonté  d'une  chose,  c'est  la  vou- 
loir :  et  en  avoir  la  puissance,  c'est  la  pou- 
voir. »  Cela  supposé,  il  répond  que  la  foi 
qui  nous  fait  crou'e  en  Dieu,  et  qui  nous 
donne  à  l'égard  de  Dieu  la  quahté  de  fidè- 
les, vient  de  Dieu,  et  qu'on  peut  dire  d'elle  : 
Qu'avez-vous  qui  ne  vous  ait  été  donné  ?  Il 
prouve  par  le  même  endroit  qu'il  n'y  a 
point  de  pouvoir  qui  ne  vienne  de  Dieu  ; 
mais  que  Dieu,  en  donnant  ce  pouvoir,  n'im- 
pose point  de  nécessité.  C'est  encore  de  Dieu 
que  vient  la  volonté  de  croire;  ce  que  ce  Père 
montre  par  plusieurs  passages  des  Épîtres 
de  l'apôtre  saint  Paul.  Mais,  si  c'est  un  don 
de  Dieu,  pourquoi,  dira-t-on,  tous  les  hom- 
mes ne  l'ont-ils  pas,  puisque  Dieu  veut  que 
tous  les  hommes  soient  sauvés ,  et  qu'ils 
viennent  à  la  connaissance  de  la  vérité  ? 
Saint  Augustin  répond  que  le  libre  arbitre 
étant  comme  placé  dans  un  certain  milieu, 
entre  la  foi  et  l'infidélité,  il  peut  s'élever 
vers  l'une ,  ou  se  précipiter  dans  l'autre  ; 
que  la  volonté  même  ,  par  laquelle  l'homme 
croit  en  Dieu,  sort  du  fonds  de  ce  libre  arbi- 
tre que  l'homme  à  reçu  de  Dieu  au  moment 
de  sa  création,  en  sorte  que  l'un  et  l'autre, 
c'est-à-dire  le  libre  arbitre  et  la  volonté 
par  laquelle  l'homme  croit  en  Dieu,  lui 
sont  donnés  deuDieu.  Or,  Dieu  veut  que 
tous  les  hommes  soient  sauvés  et  vien- 
nent à  la  connaissance  de  la  vérité,  mais 
sans  leur  ôter  le  libre  arbitre  dont  le  bon 
ou  le  mauvais  usage  fait  qu'ils  sont  jugés 
très-justement.  Encore  donc  que  les  infi- 
dèles aillent  contre  la  volonté  de  Dieu  lors- 
qu'ils ne  croient  pas  à  son  Évangile  ,  ils  ne 


Cap.  xxKT . 


I  Cor.  IV,  7, 


Cap.    X.XS1I 
et  xxxuî. 


432 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Cap,  Nsxiv 


remportent  pas  pour  cela  la  victoire  sur  elle, 
et  ils  ne  fout  rien  que  contre  eux-mêmes,  en 
se  privant  du  premier  et  du  plus  grand  de 
tous  les  biens,  et  se  plongeant  dans  des  sup- 
plices qui  leur  feront  éprouver  la  puissance 
de  celui  dont  ils  ont  méprisé  la  miséricorde 
dans  l'effusion  de  ses  dons.  De  cette  sorte,  la 
volonté  de  Dieu  demeure  toujours  invinci- 
ble, au  lieu  qu'elle  serait  vaincue  si  elle  ne 
pouvait  venir  à  bout  de  ceux  qui  la  mépri- 
sent, et  qu  'ils  pussent  se  soustraire  à  ce  qu'elle 
a  ordonné  d'eux.  C'est  ce  que  saint  Augus- 
tin rend  sensible  par  cet  exemple  :  «  Si  un 
homme  qui  aurait  de  esclaves  disait  :  Je 
veux  que  tous  mes  esclaves  aillent  travailler 
à  ma  vigne,  et  je  consens  qu'ensuite  ils  se 
reposent  et  fassent  bonne  chère ,  mais  à 
condition  que  si  quelqu'un  d'eux;  manque 
d'y  aller,  il  soit  réduit  à  tourner  la  meule 
tout  le  reste  de  sa  vie.  En  ce  cas-là,  si  quel- 
qu'un de  ces  esclaves  négligeait  d'aller  à 
cette  vigne,  il  irait  contre  la  volonté  de  son 
maître,  mais  sans  avoir  pour  cela  d'avantage 
sur  lui,  à  moins  de  trouver  aussi  le  moyen 
de  s'exempter  de  cette  meule,  c'est-à-dire 
de  châtiment.  C'est  ce  qu'on  ne  saurait  ja- 
mais éviter  quand  ou  a  affaire  à  un  Dieu 
tout-puissant.  » 

Ce  Père  repasse  toutes  les  grâces  que  nous 
recevons  de  la  miséricorde  de  Dieu.  «  Dans 
le  sacrement  de  baptême,  dit-il ,  Dieu  remet 
toutes  nos  offenses.  11  guérit  toutes  nos 
langueurs  dans  le  cours  de  notre  vie,  au  mi- 
lieu des  combats  d'une  chair  qui  forme  des 
désirs  contraires  à  ceux  de  l'esprit,  et  d'un 
esprit  qui  en  forme  de  contraires  à  ceux  de 
la  chair.  C'est  Dieu  encore  qui  guérit  les 
langueurs  de  notre  ancienne  corruption , 
lorsque,  par  une  foi  animée  de  la  charité, 
nous  nous  renouvelons  intérieurement ,  et 
travaillons  avec  persévérance  à  notre  per- 
fection. A  la  résurrection  dernière  il  rachè- 
tera noti-e  vie  de  la  corruption  ;  et  au  jour 
du  jugement  il  nous  couronnera  d'une  abon- 
dance de  miséricorde.  » 

6.  Selon  le  saint  Docteur,  en  disant  que 
la  volonté  de  croire  vient  de  Dieu  ,  on 
doit  prendre  garde  que  ce  'n'est  pas  seule- 
ment à  cause  qu'elle  vient  du  libre  arbitre, 
que  nous  avons  reçu  du  Créateur  avec  la  na- 
ture ;  mais  aussi  parce  que  Dieu  en  nous 
éclairant  et  nous  persuadant,  agit  en  effet 
pour  nous  faire  vouloir  et  nous  faire  croire. 
Il  agit  au  dehors  par  les  instructions  et  les 
exhortations  évangéliques,  et  les  préceptes 


Rom. 
et  IX ,  1 


mêmes  de  la  loi  ne  sont  pas  inutiles,  puisque 
donnant  à  l'homme  la  connaissance  de  sa 
faiblesse,  ils  le  portent  à  recourir  à  la  foi 
qui  justifie.  Il  agit  au-dedans  de  nous  par 
des  mouvements  secrets,  qui  ne  sont  pas  en 
notre  pouvoir,  et  qu'il  ne  dépend  pas  de 
nous  de  ressentir  ;  mais  qu'il  appartient  à  la 
volonté  de  suivre,  ou  de  rejeter.  Lors  donc 
que  Dieu  agit  en  ces  manières  avec  l'àme 
raisonnable  pour  l'attirer  à  la  foi  (  car  nul 
libre  arbitre  ne  pourrait  embrasser  la  foi, 
s'il  n'était  ainsi  attiré  et  appelé),  il  est  hors 
de  doute  qu'il  opère  dans  l'iiomme  la  volon- 
té de  croire,  et  que  sa  miséricorde  nous  pré- 
vient en  tout.  Mais  il  appartient  à  la  volonté, 
comme  je  l'ai  dit,  de  consentir  à  la  vocation 
de  Dieu  ou  de  n'y  pas  consentir.  Que  si  l'on 
demande,  continue  ce  Père,  pourquoi  l'un 
est  persuadé  des  vérités  qu'on  lui  prêche,  et 
qu'une  autre  n'en  est  pas  ainsi  persuadé  ,  il 
ne  me  vient  dans  l'esprit  que  ces  deux  cho- 
ses à  lui  répondre  avec  l'Apôtre  :  0  profon- 
deur des  richesses,  etc.,  et,  y  a-t-ilen  Dieu  de 
Vinjustice  ?  Si  cette  réponse  ne  lui  plaît  pas, 
qu'il  cherche  des  hommes  qui  soient  plus 
doctes,  mais  qu'il  prenne  garde  d'en  trouver 
qui  soient  plus  présomptueux. 

Ensuite  il  revient  à  la  question  que  Mar- 
cellin  lui  avait  proposée.  Quoique  la  par- 
faite justice  ,  dit- il  ,  n'existe  point  parmi 
les  hommes,  néanmoins  elle  n'est  pas  ab- 
solument impossiljle  ;  elle  s'accomplirait, 
si  la  volonté  agissait  aussi  parfaitement  qu'il 
est  nécessaire  pour  une  chose  si  grande  ; 
la  volonté  agirait  avec  cette  force,  si  tout 
ce  qui  regarde  la  justice  nous  était  con- 
nu, et  s'il  agréait  tellement  à  notre  esprit, 
que  ce  plaisir  surpassât  en  nous  tous  les 
empêchements  que  la  volupté  ou  la  dou- 
leur y  peuvent  opposer  ;  que  si  cela  n'ar- 
rive jamais,  ce  n'est  pas  par  une  pure  im- 
possibilité ,  mais  parce  que  Dieu  en  or- 
donne autrement  par  son  jugement.  Nous  cap 
devons  croii'O  qu'autant  qu'il  manque  main- 
tenant à  notre  amour,  autant  manque-t- 
il  aussi  à  la  perfection  de  notre  justice  ; 
c'est  être  beaucoup  avancé  dans  le  che- 
min de  l'accomplissement  de  cette  justice, 
d'avoir  connu  en  s'y  avançant  combien 
l'on  en  est  encore  éloigné  ;  et  quoique 
l'homme  ne  puisse,  sur  la  terre,  avoir  un 
aussi  grand  amour  pour  Dieu  que  le  de- 
mande la  connaissance  claire  et  parfaite 
que  l'on  en  aura  un  jour,  ce  défaut  ne  nous 
est   pas  imputé  à  péché;  et   quoique  jious 


Cap 


[IV"  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIiN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


433 


soj'ons  fort  éloignés  d'aimer  Dieu  autant 
qu'on  sera  capable  de  l'aimer  lorsqu'on  le 
verra  à  découvert,  nous  ne  devons  pas  nous 
décourager,  mais  seulement  prendre  soin  de 
ne  nous  porter  à  rien  d'illicite  durant  cette 
vie.  Il  témoigne  qu'il- n'avait  jamais  lu  ni 
ouï  dire  que  personne  eût  transporté  une 
montagne  dans  la  mer  par  la  force  de  sa  foi: 
ce  qui  fait  voir  qu'il  n'avait  pas  encore  vu 
l'histoire  d'Eusèbe  de  Césarée,  traduite  par 
Ruffin,  où  on  lit  que  saint  Grégoire  de 
Néocésarée  fit  changer  de  place  à  une 
montagne.  Il  est  aussi  parlé  de  ce  miracle 
dans  les  Commentaires  de  Bède  sur  saint 
Marc. 

Saint  Augustin  représente  dans  cet  écrit, 
l'apôtre  saint  Paul  comme  un  zélé  défenseur 
de  la  grâce.  «  Aussi,  n'a-t-elle  jamais  paru, 
dit-il,  d'une  manière  plus  éclatante  que  dans 
lui.  Dans  le  temps  qu'il  n'était  digne  que 
d'un  supphce  proportionné  à  la  fureur  qui  le 
portait  à  persécuter  l'Église,  il  trouva  misé- 
ricorde au  lieu  d'être  condamné  ;  et  au  lieu 
d'être  châtié  comme  il  le  méritait,  il  fut  com- 
blé de  grâces.  C'est  donc  avec  grande  raison 
qu'il  fut  le  principal  défenseur  de  la  grâce, 
et  qu'il  en  soutint  la  cause  avec  tant  de 
force,  sans  se  mettre  en  peine  des  mauvais 
sens ,  et  des  interprétations  malignes  que 
donneraient  à  ses  paroles  ceux  qui  ne  péné- 
treraient pas  ce  qu'il  dirait  sur  un  sujet  si 
profond  et  si  caché.  Il  ne  cessa  jamais  de 
prêcher  la  grandeur  de  ce  don  si  précieux 
de  la  miséricorde  divine,  par  cpii  seule  s'o- 
père le  salut  des  enfants  de  la  promesse,  qui 
sont  les  enfants  chéris  de  Dieu,  les  enfants 
de  sa  grâce  et  de  sa  miséricorde,  les  enfants 
de  la  nouvelle  alliance.  Il  commence  toutes 
ses  Ëpîtres  par  souhaiter  à  ceux  à  cpii  il  les 
adi-esse,  que  Dieu  le  Père  et  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ  leur  donnent  la  grâce  et  la  paix. 
Dans  celle  qu'il  écrit  aux  Romains,  il  ne 
traite  presque  que  le  seul  point  de  la  grâce. 
Il  combat  si  fortement  pour  elle,  et  l'appuie 
de  tant  de  raisons  différentes,  qu'il  va  jus- 
qu'à lasser  le  lecteur,  mais  d'une  lassitude 
utile  et  salutaire,  et  qui  est  plutôt  un  exercice 
propre  à  fortifier  la  vigueur  de  l'homme  in- 
térieur, qu'un  travail  capable  de  l'abattre.  » 
C'est  de  ces  Épîtres  que  saint  Augustin  tire 
les  principaux  arguments   dont   il   se    sert 


pour  défendre  la  nécessité  de  la  grâce  inté-  c.p.xxxvni, 
rieure  contre  les  pélagiens,  qui  ne  recon- 
naissaient Dieu  comme  auteur  de  notre  jus- 
tification, que  parce  qu'il  nous  a  donné  la 
loi ,  qu'il  nous  sufSt,  disaient-ils,  de  consul- 
ter, pour  savoir  comment  nous  devons  vivre.       , 

§  ni- 

Du  livre  de  la  Nature  et  de  la  Grâce,  contre 
Pelage. 

1.  Saint   Augustin  parlant  dans  une 'de   ^i-wre  de  u 

,       V  /  Naluie  et  de 

ses  lettres  écrite  sur  la  fin  de  l'an  415,  des  ''  ^^^-e-i-'"" 
ouvrages  qu'il  avait  composés  cette  année- 
là,  met  un  livre  assez  long  contre  l'hérésie 
de  Pelage,  et  dit  qu'il  l'avait  écrit  aux  ins- 
tances de  C[uelques  frères  cpie  cet  hérésiar- 
que avait  infectés  de  ses  erreurs.  Cela  se 
rapporte  visiblement  au  livre  de  la  Nature 
et  de  la  Gixice ,  qu'il  fit  en  effet  à  la  prière 
de  Timase  et  de  Jacques  qui  avaient  tous 
deux  été  disciples  de  Pelage.  Il  avait  déjà 
commencé  cet  ouvrage,  mais  il  n'était  point 
encore  achevé  lorsqu'Orose  ^  passa  d'Afri- 
que en  Palestine,  c'est-à-dire  au  printemps 
de  l'an  41  o  :  puisque,  peu  de  temps  après 
qu'il  y  fut  arrivé,  il  assura  dans  une  assem- 
blée où  Pelage  était  présent,  que  saint  Au- 
gustin répondait  amplement  à  un  écrit  de 
cet  hérétique.  Saint  Jérôme  ^  dit  aussi  dans 
un  écrit  qu'il  composait  dans  le  même 
temps,  que  saint  Augustin  travaillait  à  réfu- 
ter nommément  Pelage.  Il  est  néanmoins 
vrai  que  ce  Père  en  réfutant  Pelage  ne  le 
nomma  pas  *,  de  peur  qu'ojffensé  de  se  voir 
attaqué  publiquement,  il  ne  s'endurcît  dans 
son  erreur  :  Et  iP  croj-ait  qu'en  gardant 
encore  avec  lui  quelques  mesures  et  les 
bienséances  de  l'amitié,  il  viendrait  plus  ai- 
sément à  bout  de  le  faire  rentrer  en  lui- 
même.  Sachant  que  Jean  de  Jérusalem  avait 
eu  quelques  liaisons  avec  Pelage,  il  lui  en- 
voya son  hvre  de  la  Nature  et  de  la  Grâce 
avec  l'ouvrage  de  Pelage  même,  afin  qu'il 
connût  les  véritables  sentiments  de  cet 
homme,  et  il  le  pria  de  les  envoyer  aussi  à 
cet  hérésiarque.  Il  eu  fit  encore  part  la  mê- 
me année,  c'est-à-dire  en  416,  au  pape  In- 
nocent, avec  une  lettre  qui  lui  était  adressée 
par  cinq  évoques  d'Afrique.  Il  parle  lui-mê- 
me de  cet  ouvrage  "  dans  ses  Rétractations, 


1  Epist.,   169,    ad  Evod. 

2  Oros.   Apolog.,  pag.  801. 
'  Uialog.  3  cont.  Pelag. 

IX. 


*  August.,  Epist.  186  ad  Paulin. 

^  August.,   lib.    De    Gest.    Pelag.,  cap.  sxni. 

«  Qiiest.  m  et  179  et  lib.  II  Retract.,  cap.  xlu. 

28 


434 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


où  il  convient  qu'il  s'est  ti'ompé  en  citant 
sous  le  nom  du    pape  Sixte,   les   Sentences 
qui  sont  de  Sixte  le  philosophe. 
Quelle   Tut       2.  Timase  et  Jacques  qui  l'engasèrent  à 

l'occasion    de  ±  a  »-j    u 

ceiiTre.  l'entreprendre,  étaient  deux  jeunes  hommes 
de  très-bonne  famille',  et  bien  instruits  des 
lettres  humaines.  Ils  avaient,  par  les  exhor- 
tations de  Pelage,  abandonné  toutes  les  es- 
pérances du  siècle  pour  se  consacrer  à  Dieu, 
apparemment  dans  la  vie  monastique.  Mais 
ils  avaient  aussi  embrassé  avec  ardeur  la 
mauvaise  doctrine  de  leur  maître,  en  sorte 
qu'ils  dogmatisaient  même  en  public  contre 
la  grâce  qui  nous  fait  chrétiens.  Dieu  les  tira 
de  ce  précipice  par  les  instructions  de  saint 
Augustin  :  ils  abandonnèrent  l'erreur  et  se 
soumirent  à  la  vérité^,  avant  même  qu'ils 
fussent  assez  instruits  pour  l'enseigner  aux 
autres.  Lorsqu'ils  eurent  commencé  à  se  dé- 
sabuser, ils  mirent  ^  entre  les  mains  de  ce 
saint  évéque  un  livre  qu'ils  lui  dirent  être  de 
Pelage,  oii  il  défendait,  de  tout  l'effort  de 
son  raisonnement,  la  nature  contre  la  grâce; 
le  priant  avec  beaucoup  d'instances  de  le 
réfuter.  Il  était,  comme  on  le  voit  par  divers 
endroits  qu'en  rapporte  saint  Augustin,  com- 
posé en  forme  de  dialogue.  Ce  Père  inter- 
rompit toutes  ses  occupations  pom-  lire  ce 
livre  tout  de  suite  et  avec  grande  attention. 
Comme  cet  hérésiarque  y  détestait  '  avec 
horreur  ceux  qui  parlaient  de  la  justification 
sans  y  joindre  la  grâce,  saint  Augustin  fut 
extrêmement  réjoui  de  voir  qu'il  en  recon- 
naissait le  besoin  d'une  manière  si.positive. 
Mais  il  ne  fut  pas  longtemps  sans  s'aperce- 
voir qu'il  y  avait  de  l'équivoque  sous  le  ter- 
me de  grâce  ;  et  il  reconnut  '  par  la  suite  que, 
parla  grâce,  Pelage,  n'entendait  autre  chose 
que  la  nature  créée  de  Dieu  avec  le  libre  ar- 
bitre, y  joignant  quelquefois,  mais  d'une  fa- 
çon assez  embarrassée,  le  secours  de  l'ins- 
truction de  la  loi  et  la  rémission  des  péchés. 
11  prétendait'^  s'appuyer  dans  ses  erreurs, 
de  l'autorité  de  quelques  auteurs  ecclésias- 
tiques, et  même  de  saint  Augustin.  Ce  Père 
ne  pouvant  plus  douter,  après  l'a  lecture  de 
ce  livre,  des  mauvais  sentiments  de  son  au- 
teur, composa,  pour  le  réfuter,  l'ouvrage 
dont  nous  parlons,  qu'il  intitula  de  la  Nature 
et  de  la  Grâce,  parce  qu'il  y  défendait  la 
grâce  de  Jésus-Chi'ist,  sans  bliimer  la  nature 

I  Angust.,  Epist.  179  et  18G.  —  "^  De  Gest.  Pelag., 
cap.  XXIV.  —  ^  Ejrist.  158  et  lili.  Il  Retrnct.,  cap. 
XXIV.  —  '■  Lil).  De  Nat.  et  &r,,  ("uj.  xi. 


en  elle-même  ;  mais  en  montrant,  qu'étant 
corrompue  et  affaiblie  par  le  péché,  elle  a 
besoin  d'être  délivrée  par  la  grâce.  Timase 
et  Jacques  ayant  reçu  cet  ouvrage,  en  re- 
mercièrent saint  Augustin  par  une  lettre 
qu'il  nous  a  consei'vée'  toute  entière,  où  ils 
témoignent  avoir  regret  de  n'avoir  pas  reçu 
plutôt  cet  excellent  présent  de  la  grâce  de 
Dieu,  comme  ils  l'appellent.     ■ 

3.  Saint  Augustin  y  dit  d'abord  que  celui-  Anaiys» 
là  comprend  la  raison  pour  laquelle  il  est  12»,  wpl 
clu'étien  qui  comprend  bien  que  la  justice 
de  Dieu  ne  consiste  pas  dans  les  préceptes 
de  la  loi,  qui  nous  inspirent  la  crainte;  mais 
dans  le  secours  de  la  grâce  de  Jésus-Christ, 
à  laquelle  seule  nous  conduit  utilement  cette 
crainte  de  la  loi,  qui  est  comme  le  maître 
qui  nous  instruit.  Il  pose  ensuite  pour  prin-  cap.n. 
cipe  que  si  l'homme  peut  vivre  avec  jus- 
tice sans  la  foi  en  Jésus-Christ,  cette  foi 
n'est  point  nécessaire  au  salut.  Mais  comme 
il  s'ensuivrait  aussi  que  Jésus-Christ  serait 
mort  en  vain,  ce  qui  ne  se  peut  dire  ;  c'est 
une  conséquence  nécessaire  que  n'étant  pas 
mort  en  vain,  la  nature  humaine  n'a  pu  être 
justifiée  ni  délivrée  de  la  peine  qu'elle  méri- 
tait, sinon  par  la  foi  et  le  sacrement  du  sang 
de  Jésus-Christ.  «  Il  est  vrai,  dit-il,  que  la  cap.  m. 
nature  de  l'homme  a  été  créée  innocente  el; 
sans  aucuii  péché;  mais  il  n'est  pas  moins 
vrai  que  cette  nature,  selon  laquelle  tout 
homme  naît  d'Adam,  a  maintenant  besoin 
de  médecin,  parce  qu'elle  n'est  pas  saine, 
étant  viciée  parle  péché  originel.  D'où  vient 
que  l'Apôtre  dit  qu'avant  d'être  renouvelés  ej.  2, 
en  Jésus-Christ,  nous  étions  enfants  de  co- 
lère, aussi  bien  que  les  autres;  mais  que 
Dieu,  qui  est  riche  en  miséricorde,  poussé 
par  l'amour  extrême  dont  il  nous  a  aimés, 
lorsque  nous  étions  moils  pour  nos  péchés, 
nous  a  rendu  la  vie  en  Jésus-Christ,  par  la 
grâce  duquel  nous  sommes  sauvés.  Or,  cette 
grâce  de  Jésus-Christ,  sans  laquelle  ni  les  cap.  iv. 
enfants,  ni  les  adultes  ne  peuvent  être  sau- 
vés, ne  se  donne  point  au  mérite,  mais  gra- 
tuitement ;  et  c'est  pour  cela  qu'ellejest  nom- 
mée grâce.  D'où  vient  que  ceux  qui  ne  sont 
point  délivrés  par  elle  sont  damnés  avec  jus- 
tice ,  parce  qu'ils  ne  sont  pas  sans  péché, 
soit  originel  ou  actuel;  car  tous  ont  péché, 
et  tous  ont  besoin  de  la  gloire  de  Dieu,    Rom. m 

'^  De  Gest.  Pelag.,  cap.  xxiri.  —  ^  De  Nat.  et  Gr., 
cap.  Lxi  et  Lsvir. 
''  De  Gest.  Pelag.,  cap.  xxiv. 


[IV"  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


5:35 


comme  dit  l'Apôtre.  Toute  la  masse  du 
genre  humain  mérite  la  peine,  et  si  Dieu  la 
condamnait  toute  entière  au  supplice,  il  ne 
ferait  injustice  à  personne.  De  sorte  que 
tous  ceux  qui  en  sont  délivrés  par  la  grâce, 
ne  sont  pas  appelés  par  l'Apôtre  des  vases 
de  mérite,  mais  des  vases  de  miséricorde. 
Qui  serait  donc  assez  insensé  pour  ne  pas 
rendre  d'infinies  actions  de  grâces  à  la  mi- 
séricorde divine,  qui  délivre  ceux  qu'il  lui 
plait  de  délivrer;  puisque  nul  ne  pourrait 
avec  raison  trouver  à  redire  à  sa  justice  , 
quand  il  damnerait  tous  les  hommes.  » 

Ce  principe  établi ,  saint  Augustin  com- 
mence la  réfutation  du  livre  de  Pelage  ,  qui 
semblait  d'abord  ne  prétendre  autre  chose  , 
sinon  que  l'homme  pouvait  être  sans  péché. 
Mais  ensuite  il  allait  beaucoup  plus  loin , 
et  soutenait  qu'on  n'était  point  coupable , 
à  moins  qu'il  ne  fût  en  notre  pouvoir  d'être 
exempts  de  péché.  Saint  Augustin  détruit  la 
fausseté  de  cette  maxime,  tant  par  l'exemple 
d'un  enfant  qui  est  justement  puni  de  Dieu 
pour  n'avoir  pas  reçu  le  baptême  ,  quoiqu'il 
soit  mort  dans  un  lieu  où  il  ne  pouvait  le 
recevoir  ,  que  par  celui  d'un  adulte  mort 
dans  un  pays  où  Jésus-Christ  n'a  pu  lui  être 
annoncé.  Cet  hérésiarque  semblait  admet- 
tre que  l'homme  ne  pouvait  être  sans  pé- 
ché, qu'avec  le  secours  de  la  grâce  ;  mais 
par  la  suite  de  son  discours  il  déclarait  assez 
nettement  que  sous  le  nom  de  grâce  il  n'en- 
tendait pas  ceUe  par  laqueUe  seule  l'homme 
peut  être  justifié,  mais  les  dons  naturels.  Il 
disait ,  en  parlant  des  péchés  légers  que 
quelques-uns  soutenaient  être  entièrement 
inévitables ,  que  dans  cette  supposition  il  ne 
fallait  pas  faire  la  moindre  réprimande  à 
ceux  qui  en  étaient  coupables  ;  au  lieu  de 
lire  dans  l'Épître  de  saint  Jacques  comme 
nous  y  lisons,  que  nul  homme  ne  peut  domp- 
ter la  langue,  il  lisait,  par  manière  d'interro- 
gation :  Est-ce  donc  que  nul  homme  ne  peut 
dompter  la  langue,  puisqu'on  dompte  bien  toute 
sorte  d'animaux  ?  voulant  faire  entendre  par 
cette  façon  de  lire,  qu'il  est  bien  plus  aisé  de 
dompter  la  langue  que  d'adoucir  des  bêtes 
féroces  ;  ce  qiii  n'est  pas  le  sens  de  l'apôtre 
saint  Jacques,  qui  ne  dit  pas  toutefois  qu'on 
ne  puisse  la  dompter  ,  mais  que  nul  homme 
ne  la  dompte  ;  en  sorte  que,  lorsqu'il  arrive 
que  quelqu'un  en  vient  à  bout ,  il  le  fait  par 
la  miséricorde,  le  secours  et  la  grâce  de 
Dieu,  n  traitait  aussi  dans  son  livre,  des  pé- 
chés d'ignorance  ,  et  n'excusait  point  celui 


qui,  faute  de  diligence  et  de  soin,  n'est  point 
instruit  de  ce  qu'il  doit  ;  mais  il  n'y  ensei- 
gnait point  qu'il  fallût  recourir  à  Dieu  pour 
connaître  sa  volonté  avec  le  secours  de  ses  cap..xTOi. 
lumières.  Cependant  il  ne  laissait  pas  d'a- 
vouer qu'on  doit  prier  Dieu  pour  en  obte- 
nir le  pardon  des  péchés  commis  ;  mais  il 
ne  disait  nulle  part  qu'on  dût  avoir  recours 
à  la  prière  pour  ne  plus  pécher  à  l'avenir. 
Sur  quoi  saint  Augustin  lui  fait  voir  que  l'O- 
raison dominicale  nous  enseigne  non-seule- 
ment à  demander  pardon  des  péchés  passés, 
mais  encore  de  ne  point  succomber  à  la  ten- 
tation, c'est-à-dire  d'éviter  de  pécher  dans 
la  suite.  De  là  cette  conclusion  qu'il  ne  dé- 
pend donc  pas  de  nous  d'éviter  le  péché  ;  car 
qu'y  a-t-il  de  plus  insensé  que  de  prier  pour 
ime  chose  que  nous  avons  en  notre  puis- 
sance ? 

4.  Pelage  niait  que  la  nature  humaine  ait  cap,  xix. 
été  dépravée  ou  corrompue  par  le  péché. 
En  quoi ,  comme  le  remarque  saint  Augus- 
tin ,  il  était  non-seulement  opposé  au  Psal- 
miste,  qui  dit  à  Dieu  :  Seigneur,  ayez  pitié  de  Psai.  xl,  c. 
moi,  guérissez  mon  âme  ,  parce  que  j'ai  péché 
contre  vous  ;  mais  encore  à  Jésus-Christ ,  qui 
dit  dans  l'Évangile  qu'il  est  venu  appeler  non 
les  justes,  mais  les  pécheurs ,  désignant  ceux- 
ci  sous  le  nom  de  malades  qui  ont  besoin  de 
médecin.  Le  saint  Docteur  réfute  encore  Pe- 
lage par  ces  paroles  de  l'ange  à  saint  Jo- 
seph :  Elle  enfantera  un  fils  que  vous  appel-  Ma"iM,2i. 
lerez  Jésus,  parce  que  ce  sera  lui  qui  sauvera 
son  peuple,  en  le  délivrant  de  ses  péchés.  Com- 
ment en  effet  guérir  et  sauver  ceux  qui  ne 
sont  point  malades  ?  Le  péché,  disait  Pelage,  '"Cap.  sx. 
n'est  ni  une  substance  ,  ni  un  corps  ,  mais 
l'acte  d'une  chose  mal  faite  ;  il  n'a  donc  pu 
ni  blesser,  ni  changer  la  nature  humaine. 
Saint  Augustin  lui  répond  :  (c  Ne  prendre  au- 
cune nourriture  ,  n'est  pas  non  plus  une 
substance,  toutefois  celui  qui  s'en  abstient 
ruine  insensiblement  ses  forces  et  sa  santé. 
De  même  le^éché  n'est  point  une  substance, 
mais  Dieu  en  est  une,  et  une  substance  su- 
prême, seule  et  vraie  nourriture  de  la  créa- 
ture raisonnable,  et  quiconque  s'en  abstient, 
en  s'en  éloignant  par  la  désobéissance , 
tombe  dans  l'aridité  et  la  sécheresse  dont  le 
Prophète  se  plaignait ,  parce  que,  disait-il, 
j'ai  oublié  de  manger  mon  pain .  » 

Pelage  ne  voulait  pas  que  Dieu  punît 
certains  péchés,  en  permettant  que  le  pé- 
cheur tombât  dans  d'autres  péchés  ;  en 
quoi,  dit  saint  Augustin ,  il  ne  faisait  pas 


Psal.  CI,  B. 
Cap.  XXII. 


436 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


attention  avec  combien  de  justice  la  loi  de 
la  vérité  abandonne  le  prévaricateur  de  la 
loi,  qui  par  cet  abandon  devient  aveugle  et 
tombe  ,  afin  que  dans  sa  chute  il  écoute  la 
voix  de  la  loi  qui  l'avertit  d'implorer  la  grâce 
du  Sauveur.  Le  saint  Docteur  demande  à 
Pelage,  si  les  ténèbres,  dont  le  cœur  insensé 
des  pbilosoplies  païens  fut  rempli ,  au  rap- 

Rom.  r,  21.  popt  fie  saint  Paul ,  n'étaient  pas  une  puni- 
tion de  ce  qu'ayant  connu  Dieu  par  ses  ou- 
vrages, ils  ne  lui  avaient  pas  rendu  grâces  , 
mais  s'étaient  égarés  dans  leurs  vains  raison- 
nements. Il  prouve  par  ce  que  saint  Paul  dit 
sur  ce  sujet,  que  ceux  dont  le  cœur  se  trouve 
dans  l'aveuglement  par  la  soustraction  de  la 
vraie  lumière,  tombent  plus  souvent  et  tom- 
bent dans  de  plus  grands  péchés  qu'aupara- 

cap.  sxiii.  yant  ;  et  que  tous  ceux  qui,  par  l'abandon  de 
la  lumière  de  la  justice,  sont  dans  les  ténè- 
bres, ne  peuvent  enfanter  que  des  œuvres 
de  ténèbres,  parce  que  pour  pécher  nous 
nous  suffisons  à  nous-mêmes  ;  mais  que 
pour  retourner  à  la  justice,  étant  malades, 
nous  avons  besoin  du  secours  du  médecin. 
Il  déclare  que  la  faim  et  la  soif ,  de  même 
que  les  autres  infirmités  de  notre  nature,  ne 
nous  imposent  aucune  nécessité  de  pécher, 
qu'au  contraire  elles  servent  à  faire  éclater 
la  patience  des  justes,  lorsqu'elle  les  sur- 
monte, aidée  de  la  grâce  de  Dieu,  de  son 
esprit  et  de  sa  miséricorde. 

cnp.sxiï.  S.  Puisque  Notre-Seigneur  est  mort,  di- 
sait Pelage,  la  mort  n'est  donc  point  une 
suite  du  péché.  Saint  Augustin  répond,  que 
Jésus-Christ  n'est  pas  mort,  comme  nous,  par 
nécessité,  mais  j^arce  qu'il  l'a  bien  voulu. 
L'hérésiarque,  ne  pouvant  résister  aux  preu- 
ves que  l'on  apportait  pour  la  nécessité 
de  la  grâce,  s'échappait,   en  avouant  qu'il 

c.ip.x.xvi.  était  nécessaire  que  Dieu  usât  de  miséricorde 
pour  les  péchés  commis  ;  mais  il  niait  que 
sa  grâce  nous  fût  nécessaire  pour  éviter  le 
péché.  Sur  quoi  il  apportait  l'exemple  d'un 
médecin,  qui  doit  toujours  être  prêt  à  gué- 
rir celui  qui  est  blessé  ,  mais  ne  peut  pas  lui 
souhaiter  une  nouvelle  blessure  après  sa 
guérison. Saint  Augustin  répond  :  Quand  Dieu 
guérit  spirituellement  un  malade  par  Jésus- 
Christ,  ou  quand  il  ressuscite  un  mort,  c'est- 
à-dire  qu'il  justifie  un  impie,  et  le  conduit  à 
une  parfaite  santé,  c'est-à-dire  à  une  vie  et  à 
une  justice  parfaite  ;  s'il  n'est  point  aban- 
donné de  ce  juste,  il  ne  l'abandonne  point, 
afin  que  ce  juste  vive  toujours  dans  la  piété  et 
dans  la  justice.  «  Dieu  donc ,  ajoute  ce  Père  , 


nous  guérit,  non-seulement  pour  effacer  les 
péchés  que  nous  avons  commis,  mais  en- 
core pour  nous  aider  à  n'en  plus  commet- 
tre. »  Pelage  pensait  que  c'était  une  chose 
très-absurde  que  le  péché  ait  été ,  afin  qu'il 
ne  fût  pas,  disant  que  l'orgueil  même  est  un 
péché.  Comn:è  si  un  ulcèi"e,  répond  saint 
Augustin,  n'était  point  douloureux  ,  et  si  on 
ne  nous  causait  point  de  douleur  en  le  per- 
çant ,  pour  ôter  une  douleur  par  une  dou- 
leur. Mais  Dieu  ,  ajoutait  Pelage ,  peut  gué- 
rir toutes  choses.  <(  Il  agit  aussi  pour  guérir 
toutes  choses,  réphque  saint  Augustin  ;  mais  il 
agit  par  son  jugement,  et  il  n'apprend  point 
du  malade  la  méthode  dont  il  faut  le  guérir  : 
cai'  il  est  certain  qu'il  voulait  rendre  l'Apô- 
tre très-puissant,  et  néanmoins  il  lui  dit  :  La 
vertu  s'accomplit  dans  rinfirmité.  Et  quoique 
cet  Apôtre  l'en  eût  tant  de  fois  prié,  il  ne  lui 
ôte  pas,  je  ne  sais  quel  aiguillon  charnel  que 
le  même  Apôtre  dit  lui  avoir  été  donné,  afin 
que  la  grandeur  de  ses  révélations  ne  rele- 
vât point:  car  les  autres  vices  ont  lieu  seule- 
ment dans  les  actions  mauvaises ,  mais  il 
faut  craindre  l'orgueil  mcine  dans  les  bonnes. 
C'est  pourquoi  l'on  avertit  de  ne  pas  attri- 
buer à  leur  pouvoir  les  dous  de  Dieu  ,  et 
de  ne  pas  se  nuire  davantage  en  s'élevant , 
que  s'ils  ne  faisaient  rien  de  bien,  ceux  aux- 
quels il  est  dit  :  Opérez  votre  salut  avec  crainte 
et  tremblement,  paire  que  c'est  Dieu  qui  fait 
en  vous  et  le  vouloir  et  le  parfaire,  selon  son 
bon  plaisir.  Pourquoi  avec  crainte  et  trem- 
blement ,  et  non  avec  assurance ,  si  c'est 
Dieu  qui  opère?  sinon  parce  qu'il  peut  arri- 
ver par  notre  volonté,  sans  laquelle  nous  ne 
pouvons  bien  faire,  que  nous  croyions  que 
le  bien  que  nous  faisons  vient  de  nous  ,  et 
que  nous  disions  dans  notre  abondance  :  On 
ne  nous  ébranlera  jainais.  C'est  pour  cela  que 
Dieu  qui  avait  donné  cette  force  ati  Roi  pro- 
phète ,  détourna  sa  face  pour  mi  peu  de 
temps,  afin  que  celui  qui  avait  dit  :  On  ne 
m'ébranlera  point,  devînt  troublé,  parce  qu'il 
faut  que  cette  enflure  soit  guérie  par  les 
douleui's  mêmes.  On  ne  dit  pas  à  l'homme  : 
Il  faut  que  tu  pèches  pour  ne  pas  pécher  ; 
mais  on  lui  dit  ;  Dieu  t'abandonne  pour  un 
temps,  parce  que  tu  es  superbe,  afin  que  tu 
saches  que  ce  bien  vient  de  lui  et  non  de 
toi,  et  que  tu  apprennes  à  n'être  point  su- 
perbe. 1) 

Le  saint  Docteur  ajoute,  quand  l'homme 
conçoit  dans  une  bonne  œuvre  la  Vaine  joie 
d'avoir  mémo  surmonté  l'orgueil,  l'orgueil 


Philip. 


Cap.  ï  f 


[IV=  ET  -V"  SIÈCLES.] 


SALNT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


437 


prend  occasion  de  cette  complaisance  et  de 
cette  joie  de  lever  la  tète  ,  comme  s'il  disait 
à  l'homme  :  Pourquoi  triomphez-vous  déjà  ; 
car  je  vis  encore?  et  c'est  parce  que  vous 
triomphez,  que  je  vis.  «  Pour  éviter  le  re- 
proche que  les  hérétiques  auraient  pu  lui 
faire,  de  ce  qu'il  attribuait  à  Diea  nos  bonnes 
œuvres,  il  enseigne  clairement  que  nous  opé- 
rons l'œuvre  de  notre  justification  ;  mais  en 
coopérant  avec  Dieu,  parce  que  sa  miséricor- 
de nous  prévient.  »  Elle  nous  prévient  afin  de 
nous  guérir;  et  ensuite  elle  opère,  afin  qu'é- 
tant guéris  nous  fassions  des  progrès,  parce 
que  sans  lui  nous  ne  pouvons  rien  faire.  L'un 

■  et  l'autre  est  écrit  :  Sa  miséricorde  me  prévien- 
dra, et  sa  miséricorde  me  suivra  pendant  tous 
les  jours  de  ma  vie.  Il  nous  donnera  ce  qu'il 
lui  plait,  si  ce  qui  lui  déplaît  en  nous  nous 
déplaît  aussi.  Il  tient  cette  conduite  à  l'é- 
gard de  ceux-là  mêmes  à  qui  l'Apôtre  dit  : 
Opérez  votre  salut  avec  crainte  et  tremblement  : 
car  c'est  Dieu  qui  opère  en  vous  le  vou- 
loir et  le  parfaire,  selon  son  bon  plaisir  ; 
ce  sont  ceux  à  qui  le  Psalmiste  dit  pour  la 
même  raison  :  Servez  le  Seigneur  en  crainte, 
et  7'éjouissez-vous  en  lui  avec  tremblement.  Re- 

*cevez  la  discipline,  de  peur  que  le  Seigneur  ne 
s'irrite,  et  que  vous  ne  soyez  exterminés  de  la 
voie  juste,  sa  colère  étant  embrasée  sur  vous  en 
un  moment.  D'où  vient  que  le  Seigneur  parle 
ainsi,  sinon  parce  qu'on  doit  bien  se  don- 
ner de  garde  de  l'orgueil,  même  dans  la  vie 
juste  que  l'on  mène  ;  de  crainte  que  si  nous 
nous  attribuons  le  bien  qui  ne  nous  vient 
que  de  Dieu  ,  nous  ne  perdions  ce  qui  nous 
est  venu  de  lui,  et  ne  retombions  dans  ce 
qui  n'est  qu'à  nous-mêmes?  En  parlant  ainsi, 
nous  ne  détruisons  pas  le  libre  arbitre  de  la 
volonté  ,  mais  nous  prêchons  la  grâce  de 
Dieu  ;  car  à  qui  ces  choses  pi'ofitent-elles, 
sinon  à  celui  qui  veut ,  mais  qui  veut  hum- 
blement, et  qui  ne  se  glorifie  point  des  forces 
de  sa  volonté ,  comme  si  elles  suffisaient 
seules  pour  la  perfection  de  la  justice.  » 

6.  Pour  montrer  qu'on  pouvait  être  sans 
péché,  Pelage  raisonnait  ainsi  :  «  Les  saints 
sont  morts  sans  péché,  il  est  donc  possible 
d 'être  sans  péché.  »  Saint  Augustin  lui  répond 
que  l'encens  spirituel  de  la  prière  du  Sei- 
gneur, que  nous  brûlons  tous  les  jours  en 
sa  présence  sur  l'autel  de  notre  cœur,  en  le 
tenant  élevé  vers  lui,  selon  l'avertissement 
qui  nous  est  donné,  nous  procure  l'avantage 
de  sortir  de  cette  vie  sans  péché,  quoique 
nous  n'y  ayons  pas  vécu  sans  péché,  parce 


I  Joau.  I,  8. 


Cap.  sxxvn, 


que  ces  petites  fautes  que  l'ignorance  ou 
l'infirmité  nous  fait  si  souvent  commettre, 
nous  sont  en  même  temps  pardonnées  de 
Dieu.  Après  une  longue  énumération  des 
justes  dont  l'Église  fait  mention ,  depuis 
Abel  jusqu'à  la  mère  de  notre  Sauveur,  Pe- 
lage en  inférait  qu'ils  avaient  été  sans  pé- 
ché. Saint  Augustin  excepte  la  sainte  Vierge,  cap.  xixvi. 
qu'il  ne  prétend  nullement  comprendre  dans 
les  questions  où  il  s'agit  du  péché,  aucun  de 
nous  ne  sachant  la  mesure  de  la  grâce  don- 
née pour  surmonter  en  toute  manière  le  pé- 
ché, à  celle  qui  a^mérité  de  concevoir  et  d'en- 
fanter Celui  qui  certainement  n'a  jamais  eu 
de  péché  ;  mais  il  soutient  que  tous  les  au- 
tres saints  et  saintes  nous  répondraient,  si  on 
les  interrogeait,  par  ces  paroles  de  l'Apôtre 
saint  Jean  :  Si  nous  disons  que  nous  n'avons 
point  de  péché,  nous  nous  séduisons,  et  la  vérité 
n'est  point  en  nous.  Mais,  disait  Pelage,  l'É- 
criture qui  rapporte  les  péchés  d'Adam , 
d'Eve  et  de  Gain,  aurait-elle  passé  sous  si- 
lence ceux  d'Abel,  s'il  en  avait  commis  ? 
((  L'Écriture  sainte,  réplique  saint  Augustin,  - 
ne  rapporte  pas  tout  ce  qui  est  arrivé.  Il 
donne  des  exemples  de  quelques  fautes  lé- 
gères dans  les  justes,  et  qui  ont  pu  être 
communes  à  Abel,  comme  à  tout  autre  juste. 
Ces  fautes  sont,  ou  d'avoir  quelquefois  ri 
modérément,  ou  de  s'être  diverti  à  quelque 
jeu  pour  le  soulagement  de  son  esprit,  ou 
d'avoir  regardé  quelque  chose  par  un  mou- 
vement du  cupidité,  ou  cueifii  des  fruits 
avec  trop  peu  de  modération,  ou  pris  sa 
nourriture  avec  quelqu'intempérance,  ou  d'a- 
voir été  distrait  pendant  la  prière.  «  Toutes  <  "n.^" 
les  fois,  dit  ce  Père,  que  ces  choses,  ou  plu- 
sieurs autres  semblables  arrivent,  ne  sont- 
ce  pas  des  péchés  ?  Mais  comme  ils  sont 
communs,  principalement  quand  on  n'est 
point  assez  soigneux  d'y  prendre  garde,  il 
est  vi-ai  de  dire  et  que  l'on  est  juste,  et 
(fu'on  n'est  point  sans  péché  en  cette  vie.  » 
11  ajoute  que  la  charité  des  plus  justes  n'est 
point  entièrement  parfaite  durant  cette  vie, 
n'y  en  ayant  point  en  qui  cette  vertu  ne  soit 
moindre  qu'elle  ne  doit  être,  jusqu'à  ce 
qu'on  parvienne  à  cette  charité,  forte,  par- 
faite, dans  laquelle  toute  la  faiblesse  de 
l'homme  sera  détruite. 

7.  Il  semble  que  Pelage  ne  ci'oyait  point    cap.  xi. 
que  le  nom  de  Jésus-Christ  nous  soit  néces- 
saire, sinon  afin  de  connaître,  par  son  Évan- 
gile, la  manière  dont  nous   devons    vivre, 
sans  qu'il  soit  besoin  du  secours  de  sa  grâce 


438 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


pour  bien  vivre.  «  S'il  en  est  ainsi,  répond 
saint  Augustin,  et  si  le  libre  arbitre  et  la 
loi  naturelle  nous  suffisent  pour  la  vertu, 
c'est  inutilement  que  Jésus-Christ  est  mort.» 

Kim.  v,ia,  Il  prouve  que  ce  qui   est  dit  dans  l'Épître 
aux  Romains,  que  tous  ont  péché  en  Adam, 

cai  .-Nii.  (jQÏt  s'entendre  de  manière  que  tous  les  hom- 
mes sont  tous  véritablement  morts  en  Adam, 
ceux  qui  sont,  ceux  qui  ont  été,  ceux  qui 
viendront  après  nous  ;  et  que  lorsqu'il  est 
dit,  que  c'est  par  la  justice  d'un  seul  que 
tous  les  hommes  reçoivent  la  justification  et 
la  vie,  cela  ne  veut  pas  dire  que  tous  croi- 
ront en  Jésus-Christ,  et  recevront  son  bap- 
tême ,  mais  que  personne  ne  sera  justifié 
si  on  ne  croit  en  lui,  et  si  on  n'est  lavé  dans 
son  baptême.  C'est  comme  lorsque  l'on  dit 
d'un  maître  établi  dans  une  ville  pour  y  en- 
seigner, qu'il  y  enseigne  à  tous  les  lettres;  ce 
qui  ne  signifie  pas  que  tous  les  bourgeois  de 
la  ville  les  apprennent  auprès  de  lui,  mais 
seulement  que  personne  ne  les  appi'end  que 
sous  sa  discipline.  De  même  personne  n'est 
justifié,  si  ce  n'est  par  Jésus-Christ, 
cip.  .XLL[,       8.  Pelage  reconnaissait  que  la  possibilité 

ULitl  et  XLIV.  °  ^  ^ 

de  ne  pas  pécher  ne  pouvait  être  attribuée 
qu'à  Dieu  seul.  «  Nous  en  convenons  aussi, 
répond  saint  Augustin,  donnons  -  nous  la 
main  ;  car  je  ne  m'embarrasse  point  de  sa- 
voir s'il  y  en  a  eu,  ou  s'il  y  en  a,  ou  s'il  peut 
y  en  avoir  qui  ait  une  charité  parfaite  en 
ce  monde,  puisque  je  confesse  que  cela  peut 
arriver,  la  volonté  de  l'homme  étant  aidée 
de  la  grâce  de  Dieu.  Mais  je  ne  dois  point 
disputer  avec  chaleur  sur  le  temps,  le  lieu  et 
la  personne  en  qui  cela  peut  se  faire.  Je  ne 
dispute  pas  de  la  possibilité  même,  puisque 
lorsque  la  volonté  est  guérie  et  secourue 
par  la  grâce,  la  possibilité  se  rencontre  en 
même  temps  avec  l'effet  dans  les  saints , 
quand  la  charité  de  Dieu  est  répandue  dans 
nos  cœurs  par  le  Saint-Esprit  qui  nous  est 
donné.  Qui  ne  sait  que  l'homme  a  été  fait 
saint  et  innocent,  et  qu'il  a  été  doué  du  libre 
arbitre,  et  établi  dans  une  libre  puissance 
pour  vivre  justement?  Mais  il  s'agit  mainte- 
nant de  l'homme  que  des  brigands  ont  laissé 
demi-mort  sur  le  chemin,  qui,  couvert  de 
blessures,  ne  peut  monter  au  sommet  de  la 
justice  comme  il  en  est  descendu  ;  et  à  qui 
on  panse  encore  les  plaies  ,  quoiqu'il  soit 
déjà  dans  l'hôtellerie.  Dieu  ne  commande 
pas  des  choses  impossibles  ;  mais,  en  com- 
mandant, il  nous  avertit  et  de  faire  ce  que 
nous  pouvons,  et  de  lui  demander  ce  que 


nous  ne  pouvons  pas.  Il  est  question  de  sa- 
voir d'où  l'homme  peut  et  d'oîi  il  ne  peut 
pas   être  sans  péché?  »    Le  saint  Docteur 
soutient   que    cela   ne  se  peut   que   par  la 
grâce  de  Jésus-Christ,  les  justes  de  l'Ancien 
Testament  comme  ceux  du  Nouveau,  n'ayant  ■ 
été  justifiés  que  par  la  foi  et  le  Médiateur. 
Tout  ce  qui  est  hé  par  une  nécessité  natu- 
relle, disait  Pelage,  est  privé  du  libre  arbi- 
tre de  la  volonté,  et  du  pouvoir  de  délibé- 
rer. Saint  Augustin  ne  condamne  pas  abso- 
lument cette    proposition ,  insinuant  seule- 
ment qu'elle  était  trop  générale,  et  il  ajoute 
que  l'amour  de  la  béatitude  dans  nous  et 
l'amour  de  la  justice  dans  Dieu  sont  libres, 
quoique  nécessaires.  Car,  quelque  parti  que 
nous  prenions,  nous  ne  pouvons  nous  déter- 
miner à  rien  qui  ne  s'accorde  avec  le  désir 
que  nous  avons  d'être  heureux ,  de  même 
que  Dieu  ne  peut  rien  vouloir  ni  faire  qui  ne 
soit  conforme  à  l'amour  de  la  justice.  Ce 
Père  fait  voir  de  même,  que  quoique  Dieu 
ne  puisse  ni  pécher,  ni  mourir,  ni  se  tuer  ^  c=p.  « 
lui-même,  il  n'en  est  pas  moins  tout-puis- 
sant. Pelage,   en  attribuant  à  la  grâce  de 
Dieu  la  possibihté  de  ne  pas  pécher,  disait    ca 
que  c'était  parce  que  Dieu  est  autem-  de  cette 
nature  qui  a  inséparablement  la  possibihté 
de  ne  pas  pécher.  Ce  que  saint  Augustin  ré- 
fute  en  montrant  le  besoin  que  la  nature 
corrompue   a   d'être   réparée   et   guérie.  Il 
dit  toutefois  que  si  cet  hérésiarque  parlait    ca 
de  la  nature    humaine   dans  l'état  d'inno- 
cence, sa  proposition  serait  en  quelque  ma- 
nière soutenable.  Mais  il  s'agissait  entre  lui 
et  Pelage,  non  de  la  grâce  de  l'homme  in- 
nocent, mais  de  celle  par  laquelle  l'homme 
est  sauvé  par  Notre-Seigneur  Jésus-Christ. 
Lorsque  les  fidèles  prient  Dieu  de  ne  pas    cap.  un. 
les  induire  en  tentation,  mais  de  les  délivrer 
du  mal;  si  cela  est  en  leur  pouvoir,  pour- 
quoi le  demandent-ils  à  Dieu?  et  de  quel 
mal  demandent-ils  d'être  délivrés,  sinon  du 
corps  de  cette  mort  dont  ils  ne  peuvent  être 
délivrés  que  par  la  grâce  de  Dieu,  par  Notre- 
Seigneur  Jésus -Christ?  Ce  Père  remarque 
que  nous  ne  demandons  pas  d'être  délivrés 
de  la  substance  du  corps,  qui  est  bonne  en 
elle-même  ;  mais  des  vices  de  la  chair,  dont 
l'homme  n'est  point  délivré  sans  la  grâce  du 
Sauveur.  C'est  par  cette  distinction  que  saint    cap.  uv. 
Augustin  répond  à  Pelage,  qui   demandait 
comment  il  se   peut  faire  que  le   corps  et 
l'esprit,  qui  sont  bons  tous  deux,  soient  con- 
traires ?  «  C'est,  dit  ce  Père,  à  raison  de  leurs 


[rV"  ET  V  SIÈCLES.' 


SAJNT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


439 


qutdités  que  se  trouve  cette  contradiction, 
et  non  à  raison  de  leur  substance.»  On  les 
dit  contraires,  comme  nous  disons  que  l'eau 
et  le  feu  sont  contraires.  Que  l'on  guérisse 
ces  mauvaises  qualités  par  la  grâce  médici- 
nale du  Sauveur,  et  la  dispute  sera  finie. 
C'est  ce  qu'il  prouve  par  ces  paroles  de  l'A- 
pôtre :  Malheureux  que  je  suis!  qui  me  dé- 
livrera de  ce  corps  de  mort  ?  Ce  sera  la  grâce 
de  Dieu  par  Jésus-Christ.  Il  enseigne  que  ce- 
lui-là est  encore  sous  la  loi,  qui  sent  bien 
que  ce  n'est  que  par  la  crainte  de  la  peine, 
et  non  par  l'amour  de  la  justice  qu'il  s'abs- 
tient' des  actions  du  péché,  n'étant  pas  en- 
core libre,  et  éloigné  de  la  volonté  de  le 
commettre.  Car,  de  cette  sorte,  il  est  coupa- 
ble, dans  cette  même  volonté,  par  laquelle 
il  souhaiterait,  s'il  était  possible,  qu'il  n'eût 
rien  à  craindre,  afin  de  pouvoir  faire  libre- 
ment ce  qu'il  désire  en  secret. 

9.  Pelage,  aux  preuves  tirées  de  la  raison, 
en  avait  ajouté  des  écrits  de  quelquesanciens, 
qu'il  prétendait  avoir  été  dans  ses  senti- 
ments. Il  objectait  d'abord  deux  endroits  de 
Lactance,  où  cet  auteur  enseignait  que  Jé- 
sus-Christ avait  vaincu  le  péché  et  surmonté 
les  désirs  de  la  chair,  afin  de  montrer  aux 
hommes  qu'ils  pouvaient  en  faire  de  même. 
Saint  Augustin  répond  que  Jésus-Christ  n'a 
point  eu  en  lui  de  péché  à  vaincre,  et  que 
les  désirs  de  la  chair,  dont  parle  Lactance, 
doivent  s'entendre  de  la  faim,  de  la  soif,  de  la 
lassitude,  et  des  autres  infirmités  de  la  nature 
humaine.  Pelage  objectait  ensuite  quelques 
passages  de  saint  Hilaire  qui  semblaient 
dire  qu'il  pouvait  y  avoir  des  gens  d'un 
cœur  pur,  et  que  Job  s'était  abstenu  de  tout 
péché.  Saint  Augustin  convient  que  cela  est 
possible  par  la  gi'âce  de  Dieu,  et  non  par 
les  seules  forces  du  libre  arbitre  ;  il  dit 
que  Job  confesse  lui-même  ses  péchés.  Il 
ajoute  que  saint  Hilaire  était  si  peu  pei'- 
suadé  qu'il  y  ait  eu  des  hommes  sans  pé- 
chés, qu'il  avait  dit,  en  expliquant  le  Psau- 
me cxviii  :  Si  Dieu  méprisait  tous  les'péchews, 
il  mépriserait  tous  les  hommes,  parce  que  per- 
sonne n'est  sans  péché.  Saint  Augustin  montre 
aussi  que  saint  Ambroise  et  saint  Chrysos- 
tôme,  dont  Pelage  avait  allégué  les  témoi- 
gnages ,  enseignaient  nettement  que  pour 
vivre  dans  la  justice,  Dieu  devrait  prépa- 
rer la  volonté  de  l'homme,  ce  qui  ne  se 
peut  faire  que  par  la  grâce  de  Jésus-Christ , 
ou  que  s'ils  ont  dit  que  l'homme  pouvait  par 
son  libre  arbitre  éviter  le  péché,  cela  ne 


Llb.  III  ie 
Lib.  arb.,  cag. 
xvui. 


Lib.  I   Re- 
tract,, cap.  IX. 


s'entend  que  de  l'homme  dans  l'état  d'in- 
nocence ;  car  le  pouvoir  de  ne  pas  pécher, 
et  de  devenir  enfant  de  Dieu,  dans  l'état  où 
nous  sommes,  est  un  pouvoir  qui  vient  de 
la  force  de  la  charité,  laquelle  n'est  en  nous 
que  parle  Saint-Esprit  qui  nous  est  donné.  Il 
convient,  avec  saint  Jérôme,  que  Pelage  ob- 
jectait aussi  qu'avec  le  secours  de  la  grâce 
nous  pouvons  parvenir  à  cette  perfection, 
dans  laquelle  ont  peut  voir  Dieu  d'un  cœur 
pur;  et  que  lorsque  nous  faisons  le  bien,  ce 
n'est  nullement  par  nécessité ,  mais  avec 
cette  liberté  qui  est  l'effet  de  la  charité. 

10.  Pelage  se  servait  aussi,  pour  appuyer  cap.  txvn, 
ses  erreurs,  de  ce  raisonnement  de  saint  Au- 
gustin, tiré  du  troisième  livre  du  Libre  arbi- 
tre :  Qui  est-ce  qui  pèche  dans  ce  qu'on  ne 
peut  nullement  éviter?  Or,  il  est  certain 
qu'on  pèche  :  donc  on  peut  l'éviter.  Ce  Père 
reconnaît  que  ce  sont-là  ses  paroles  ;  mais 
il  prie  Pelage  de  recourir  à  ce  qu'il  avait  dit 
plus  haut,  et  qu'il  A'erra  qu'il  ne  s'agit  point 
en  cet  endroit  de  l'impossibilité  de  la  justice, 
mais  de  la  grâce  de  Dieu,  qui  est  le  remède 
par  lequel  le  Médiateur  nous  secourt  dans 
notre  infirmité.  «On  peut  donc,  continue  ce 
Père,  résister  aux  causes  du  péché,  quelles 
qu'elles  soient.  Car  c'est  pour  cela  que  nous 
demandons  que  Dieu  nous  secoure,  en  lui 
disant  :  Ne  nous  abandonnez  pas  à  la  tentation, 
ce  que  nous  ne  demanderions  pas,  si  nous 
croyions  qu'on  ne  puisse  y  résister.  On  peut 
éviter  le  péché,  mais  avec  le  secours  de  Ce- 
lui qui  ne  peut  être  trompé.  »  Il  rapporte 
ensuite  en  ces  termes  la  réponse  qu'il  avait 
faite  dans  le  livre  d'où  est  tirée  cette  objec- 
tion, à  ceux  qai  se  plaignaient  de  ce  que 
l'homme,  entrant  dans  le  monde,  se  trouvait 
abandonné  aux  erreurs  et  à  l'ignorance  de 
ses  devoirs  ,  par  suite  du  péché  de  nos  pre- 
miers pères.  «  Peut-être,  ajoute-t-il,  auraient- 
ils  raison  de  se  plaindre,  s'il  n'y  avait  aucun 
homme  qui  triomphât  de  l'erreur  et  de  la 
convoitise;  mais  comme  Dieu,  par  l'entre- 
mise de  ses  créatures,  rappelle  à  lui,  en  mille 
manières  différentes,  ceux  qui  se  sont  éloi- 
gnés de  lui;  qu'il  enseigne  celui  (jui  croit; 
qu'il  console  celui  qui  espère  ;  qu'il  anime 
celui  qu'il  aime  ;  qu'il  aide  celui  qui  fait  ef- 
fort; qu'il  exauce  celui  qui  prie,  on  ne  vous 
impute  pas  comme  une  faute,  ni  d'être  dans 
l'ignorance  malgré  vous,  mais  de  négliger 
de  connaître  ce  que  vous  ignorez:  ni  de  ne 
pouvoir  faire  agir  des  membres  infirmes  et 
malades,  mais   de  mépriser  celui  qui   veut 


440 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Cap.  Lxix, 


Cap.  i.>.t. 


été  écrit  \e 
U  fin   de    \'i 


A  quelle  oc- 
c-isioQ  celivie 
fui  écrit. 


VOUS  'guérir.  »  Paroles  qui  ne  détruisent 
point  la  nécessité  de  la  grâce,  sans  laquelle, 
comme  le  dit  ensuite  ce  Père,  la  nature  hu- 
maine, viciée  et  enveloppée  de  ténèbres,  ne 
peut  ni  être  éclairée,  ni  guérie.  Il  ajoute 
que  Dieu  ne  nous  commande  rien  d'impossi- 
ble, parce  que  tout  est  facile  à  la  charité,  à 
laquelle  seule  le  fardeau  de  Jésus-Christ  de- 
vient léger,  ou  plutôt,  c'est  elle-même  qui 
est  ce  fardeau  léger.  La  charitë  commencée 
est  une  justice  commencée;  la  charité  avan- 
cée est  une  justice  avancée  ;  la  charité  grande 
est  une  grande  justice;  la  charité  parfaite 
est  une  justice  parfaite.  Saint  Augustin  croit 
qu'on  peut  dire  que  la  charité  est  parfaite 
dans  cette  vie,  quand  pour  l'amour  d'elle, 
on  méprise  même  la  vie.  «Mais  il  y  aurait, 
dit-il,  sujet  de  s'étonner,  si  elle  n'était  pas 
en  état  de  s'accroître  encore,  quand  elle  sera 
sortie  de  cette  vie  mortelle.  » 

§IV. 

Bu  livre  de  la  Perfection  de  la  justice  de 
l'homme. 

1.  Saint  Augustin  ne  dit  rien  du  Hvre  de 
la  Perfection  de  la  justice  dans  ses  Rétracta- 
tions, sans  doute  parce  qu'il  le  regardait  plu- 
tôt comme  une  lettre,  que  comme  un  écrit, 
et,  en  efl'et,  le  titre  est  en  forme  d'une  let- 
tre ordinaire.  Mais  on  ne  doute  nullement 
qu'il  n'en  soit  auteur.  Possidius  '  le  met 
dans  le  Catalogue  des  ouvrages  de  ce  Père, 
el  il  est  cité  sous  son  nom  par  saint  Fulgence 
et  par  saint  Pi-osper.  Comme  saint  Augustin 
ne  rejette  point  encore  absolument  dans  ce 
livre  ceux  qui  étaient  de  ce  sentiment,  qu'il 
y  a  eu  des  personnes  qui,  avec  la  grâce  de 
Dieu,  ont  vécu  en  ce  monde  sans  aucun  pé- 
ché depuis  leur  baptême,  ce  qu'il  n'aurait 
pas  fait  après  les  anathèmes  du  concile  de 
Carthage  sur  ce  sujet  en  418,  c'est  une  rai- 
son de  le  placer  avant  ce  temps.  Aussi  Pos- 
sidius le  met  après  celui  de  la  Nature  et  de  la 
Grâce  et  avant  le  livre  des  Actes  de  Pelage, 
c'est-à-dire  sur  la  fin  de  l'an  415. 

2.  Il  est  adressé  aux  évêques  Eulrope  et 
Paul,  qui  avaient  mis  en  main  à  saint  Au- 
gustin un  papier  sous  ce  titre  :  Dé/initions 
qu'on  dit  être  de  Célcstius.  Ce  papier  avait  été 
apporté  de  Sicile  où  Célestius  l'avait  laissé 
après  y  avoir  séduit  beaucoup  de  personnes, 
qui  depuis  en  séduisirent  d'autres.  U  renfer- 


mait plusieurs  raisonnements  fort  courts  et 
fort  serrés,  dont  le  but  était  de  prouver  la 
force  de  la  nature,  avec  un  grand  nombre 
de  passages  de  l'Écriture  qui  tendaient  à 
montrer  que  les  hommes  pouvaient  arriver 
à  la  perfection  dès  cette  vie.  On  y  trouvait 
aussi  les  passages  allégués,  tant  par  les  ca- 
tholiques, que  par  les  pélagiens,  comme 
contraires  les  uns  aux  autres;  mais  comme 
l'auteur  de  cet  écrit  ne  se  mettait  point  en 
peine  d'accorder  ces  passages,  il  augmentait 
la  difficulté  au  lieu  de  l'éclaircir.  Saint  Au- 
gustin dit  au  commencement  de  son  hvre 
de  la  Perfection  de  la  justice,  qu'il  avait  vu  un 
écrit  dont  Célestius  était  certainement  au- 
teur, qui  lui  faisait  juger  qu'il  l'était  aussi 
des  définitions  qui  passaient  sous  son  nom, 
que  l'on  y  voyait  le  même  génie  et  la  même 
manière  de  raisonner.  On  croit  que  cet  écrit 
est  celui  dans  lequel  saint  Jérôme  dit  que 
Célestius  se  promenait  sur  les  épines,  non 
des  syllogismes,  comme  le  disaient  ses  dis- 
ciples, mais  des  solécismes,  où  il  s'efifor- 
çait  de  montrer  qu'en  établissant  la  néces- 
sité de  la  grâce,  on  détruisait  entièrement  le 
libre  arbitre. 

3.  Avant  toutes  choses,  Célestius  deman- 
dait si  l'homme  pouvait  éviter  le  péché,  ou 
non?  «  11  le  peut,  répond  saint  Augustin,  si 
la  nature  viciée  par  le  péché,  est  guérie 
par  la  grâce  de  Dieu,  par  Notre-Seigneur  '■s-^v-  " 
Jésus-Christ.  »  Comme  sa  seconde  demande 
revenait  à  la  première,  ce  Père  y  répond 
de  même,  ajoutant  que  pour  être  guéris, 
nous  invoquons  celui  à  qui  l'on  dit  dans  un 
psaume  :  Tirez-moi  de  mes  nécessités.  11  de-  j/""'' 
mandait,  en  troisième  lieu,  si  le  péché  nous 
était  naturel  ou  seulement  accidentel?  Saint 
Augustin  répond  que  le  péché  n'est  point 
naturel,  mais  de  la  nature  corrompue,  d'où 
nous  avons  été  faits  enfants  de  colère.  Le 
péché,  ajoutait  Célestius,  est-il  une  chose 
ou  un  acte?  «  Il  est  un  acte,  répond  saint  Au- 
gustin, comme  de  boiter  dans  un  corps,  est 
un  acte,  défaut  toutefois  que  l'homme  ne 
peut  corriger  qu'en  lui  guérissant  le  pied.  Il 
en  est  de  même  par  rapport  au  péché  qui 
peut  intérieurement  être  guéri  par  la  grâce 
de  Dieu.  )>  Ce  Père  ajoute  qu'on  peut  donc, 
avec  beaucoup  de  sagesse  ,  commander  à  un 
homme  de  marcher  droit,  afin  que,  s'aper- 
cevant  qu'il  ne  le  peut  faire,  il  cherche  ,'un 
remède   à  son    infirmité ,    qui    n'est   autre 


Analyse  i 
ce  livre,  pa 
168. 


'  Possid. ,    iû   Catal.    cap.    iv.  Fulgent.,   lib.   1      ad  Moni.,    cap.    m.    Prosp.    adv.    Coll.,   cap.   iv. 


[IV°  ET  Y"  SIECLES.] 

que  la  grâce  de  Dieu  par  Jésus- Christ. 
N'est-il  pas  commandé  à  l'homme  d'être 
sans  péché?  La  chose  est  donc  possible. 
«  Oui,  dit  saint  Augustin,  autrement  Dieu 
n'aurait  pas  envoyé  son  Fils  pour  guérir  les 
hommes,  et  les  délivrer  de  leurs  péchés. 
Toutefois  nous  n'aurons  une  santé  pleine  et 
entière,  que  quand  nous  aurons  une  charité 
pleine  et  entière,  et  notre  charité  ne  sera 
parfaite  que  quand  nous  verrons  Dieu  tel 
qu'il  est.  n 

4.  Comment,  disait  Célestius,  est-il  arrivé 
que  l'homme  soit  devenu  pécheur?  Est-ce 
par  la  nécessité  de  la  nature,  ou  par  son  li- 
bre arbitre?  Si  c'est  par  la  nécessité  de  la 
nature,  l'homme  n'est  pas  coupable  ;  si  c'est 
par  son  libre  arbitre,  il  est  donc  plus  poi'té 
au  mal  qu'au  bien.  Comment  prouvera-t-on 
donc  qu'il  est  bon  ?  «  Il  est  arrivé,  répond 
saint  Augustin,  par  le  libre  arbitre  que 
l'homme  est  tombé  dans  le  péché.  Mais  une 
corruption,  qui  est  la  juste  peine  de  son  pé- 
ché, fait  qu'au  lieu  de  la  liberté  dont  il 
jouissait,  il  se  trouve  dans  une  nécessité  qui 
lui  fait  crier  vers  Dieu  :  Tirez-moi  de  mes  né- 
cessités. Assujettis  à  ces  nécessités,  ou  nous 
sommes  dans  l'impuissance  de  connaître  ce 
que  nous  voudrions,  ou  si  nous  le  connais- 
sons, nous  sommes  dans  l'impuissance  de  le 
faire.  C'est  pourquoi  le  Libérateur  promet 
même  la  liberté  à  ceux  qui  croient  en  lui  : 
Vous  serez  vraiment  libres,  dit-il,  lorsque  le 
Fils  vous  aura  rendu  la  liberté.  Car  la  nature 
ayant  été  vaincue  par  le  péché  qu'elle  a 
commis  par  sa  pure  volonté,  elle  a  mérité 
de  perdre  la  liberté  dont  elle  jouissait.  De  là 
vient  qu'il  est  dit  dans  un  autre  endroit  de 
l'Écriture  ,  que  celui  qui  s'est  laissé  vaincre 
demeure  esclave  de  celui  qui  l'a  vaincu. 
Comme  donc  il  n'est  pas  besoin  de  médecin 
à  ceux  qui  sont  en  santé,  mais  à  ceux  qui 
se  portent  mal  ;  de  même  ceux  qui  sont  hbres 
n'ont  pas  besoin  de  hbérateur  ;  ce  besoin 
n'est  que  pour  les  esclaves.  »  Dieu  n'a  pas 
seulement  fait  l'homme  bon,  disait  Célestius, 
il  lui  a  encore  commandé  de  faire  le  bien. 
«  Parce  que  l'homme,  répond  saint  Augus- 
tin, ne  s'est  pas  fait  lui-même  bon,  ce  n'est 
pas  lui  non  plus,  mais  Dieu  qui  le  rétablit 
afin  qu'il  soit  bon;  ce  qui  arrive  lorsque 
notre  homme  intérieur  se  renouvelle  de 
jour  en  jour  par  la  grâce  de  Dieu  [par  Jé- 
sus-Christ Notre-Seigneur.  » 

5.  On  ne  peut  pécher  qu'en  deux  maniè- 
res, disait  Célestius,  ou  en  faisant  ce  qui  est 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


4iï 


défendu,  ou  en  ne  faisant  pas  ce  qui  est 
commandé.  Or,  on  peut  faire  ce  qui  est 
commandé  et  s'abstenir  de  ce  qui  est  dé- 
fendu; autrement  ce  serait  en  vain  que  l'on 
commanderait  ce  qui  ne  peut  s'observer,  et 
que  l'on  défendrait  ce  dont  l'on  ne  peut 
s'abstenir.  Saint  Augustin  répond  :  tous 
les  préceptes  de  la  loi  se  réduisent  à  deux  ; 
l'un  porte  :  Vous  ne  convoiterez  pas;  l'autre 
vous  aimerez  ;  le  dessein  de  Dieu  ,  lors- 
qu'il a  donné  ces  préceptes  à  l'homme  , 
a  été  pour  le  convaincre  de  son  impuis- 
sance, et  l'empêcher  de  s'élever  d'orgueil, 
afin  que,  voyant  qu'il  ne  pouvait  seul  les 
accomplir,  il  eût  recours  à  la  grâce.  Céles- 
tius ajoutait  :  Si  l'homme  ne  peut  être  sans 
péché,  ou  cela  vient  de  la  nature,  et  en  ce  cap.  vi. 
cas  il  n'est  point  blâmable,  ou  cela  vient  de 
sa  volonté  ;  et  quoi  de  plus  aisé  que  de 
changer  cette  volonté  par  une  contraire  ? 
Saint  Augustin  répond  que  ce  changement 
est  possible  avec  la  grâce  de  Dieu,  et  que 
sans  cette  grâce  l'homme  qui  s'est  vicié  par 
sa  propre  volonté  ne  peut  êlre  guéri.  Si 
riiomme,  continuait  Célestius,  ne  peut  êlre 
sans  péché,  c'est,  ou  de  sa  faute,  onde  celle 
d'un  autre?  «C'est  de  sa  faute,  répond  saint 
Augustin,  parce  que  c'est  par  sa  seule  vo- 
lonté que  l'homme  est  arrivé  au  point  de 
ne  pouvoir  par  sa  seule  volonté  être  sans 
péché.  »  Mais  comment  donc  la  nature  de 
l'homme  est-elle  bonne,  s'il  ne  lui  est  pas 
posssible  d'être  sans  mal?  «  EUe  est  bonne, 
dit  ce  Père,  et  elle  peut  être  sans  mal,  c'est- 
à-dire  sans  péché  ;  et  cela  se  fait  lorsque  la 
grâce  agit  par  la  foi.  » 

6.  S'il  y  a  des  péchés  que  l'on  ne  puisse 
éviter,  continuait  Célestius ,  comment  Dieu 
est-il  juste,  s'il  l'impute  à  ce  que  l'on  ne  peut 
éviter?  Saint  Augustin  répond ,  que  l'on  pè- 
che ,  ou  lorsqu'on  n'a  pas  la  charité  qu'on 
doit  avoir,  ou  qu'on  en  a  moins  qu'on  en  de- 
vrait en  avoir,  soit  que  cela  soit  au  pouvoir 
de  la  volonté  ,  ou  qu'il  n'y  soit  pas.  Car,  si 
c'est  au  pouvoir  de  la  volonté,  c'est  la  volonté 
actuellement  présente  qui  commet  le  péché; 
et  si  ce  n'est  pas  eu  son  pouvoir,  c'est  la  vo- 
lonté précédente  qui  est  la  cause  du  péché. 
Cependant  on  peut  éviter  le  péché,  non  si  la 
volonté  orgueilleuse  est  flattée,  mais  si,  de- 
venue humble ,  elle  est  aidée. 

7.  Célestius  n'assurait  pas  qu'il  y  eût  quel-    cop.  vu. 
que  personne  sans  péché,  il  se  contentait  de 

dire  que  cela  était  possible.  Sur  quoi  saint 
Augustin  lui  dit,  qu'il  ne  veut  point  contester 


X- 


442 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


là-dessiis,  pourvu  que  l'on  confesse  que  cela 
n'est  possible  qu'avec  la  grâce  du  Sauveur, 
et  non  par  les  seules  forces  du  libre  arbitre. 
Céleslius  avait  ramassé  phvsieurs  passages 
pour  montrer  qu'il  est  commandé  à  l'homme 
d'être  sans  péclié.  Saint  Augustin  ne  con- 

c;p.™i.  teste  pas  sur  le  précepte,  mais  sur  la  ma- 
nière de  l'accomplir,  et  soutient  que  cela  ne 
se  peut  faire  sans  le  secoiu's  de  la  grâce.  Il 
dit  à  cette  occasion ,  qu'autre  chose  est  de 
sortir  de  ce  corps,  ce  que  font  tous  les  hom- 
mes en  mourant  ;  et  autre  chose  d'être  déli- 
vré de  ce  corps  de  mort,  ce  qui  ne  se  fait 
que  par  la  seule  grâce  de  Dieu,  par  Jésus- 
Christ,  donnée  aux  saints  et"  aux  fidèles.  Il 
ajoute  :  «  Après  cette  vie  la  récompense  est 
donnée ,  mais  seulement  à  ceux  qui  l'ont 
méritée,  et  au  sortir  de  cette  vie  nul  ne  sera 
pleinement  rempli  et  rassasié  de  la  justice, 
s'il  n'a  couru  après  elle  durant  cette  vie  par 
l'ardeur  d'une  faim  et  d'une  soif  spirituelle.» 
Notre-Seigneur,  en  parlant  des  œuvi'es  de 
justice ,  les  a  réduites  à  trois ,  au  jeûne ,  à 
l'aumône  et  à  la  prière;  dans  le  jeûne,  il  y  a 
compris  tout  ce  qui  châtie  et  mortifie  noire 
chair  ;  dans  les  aumônes ,  toute  la  bienveil- 
lance qu'on  peut  témoigner  envers  le  pro- 
chain, en  lui  donnant,  ou  en  lui  pardonnant  ; 
et  dans  l'oraison,  toutes  les  l'ègles  des  saints 
désirs  ;  tant  qu'il  y  a  en  nous  quelque  reste 
de  cupidité  à  réprimer  par  la  continence, 
nous  n'aimons  pas  encore  Dieu  entièrement 
et  de  toute  notre  âme. 

8.  Il  répond  aux  passages  allégués  par 
Célestius,  qu'ils  ne  signifient  autre  chose, 
sinon  que  l'on  peut  courir  dans  le  chemin 
de  la  perfection ,  selon  le  langage  de  l'Ecri- 
ture ,  non  lorsqu'on  est  déjà  parfait,  mais 
lorsqu'on  s'avance  vers  la  perfection  par 
une  vie  irréprochable;  ce  qui  peut  se  dire 
de  celui  qui  est  exempt  des  péchés  mortels, 
et  qui  ne  néglige  point  de  racheter  les  vé- 
niels par  ses  aumônes;  la  prière  qui  est 
pure  purifie  aussi  l'entrée  du  chemin  par 
lequel  nous  marchons  continuellement  vers 
cette  pei'fection. 

&11...V.  9.  Quant  aux  passages  cités  par  Célestius, 

pour  montrer  que  les  préceptes  divins  ne 
sont  point  pesants,  saint  Augustin  répond  : 
«  Lorsque  l'Écriture  nous  déclare  que  ses 
préceptes  ne  sont  point  pesants  ni  difficiles, 
c'est  afin  d'avertir  l'âme  qui  les  sent  pesants, 
qu'elle  n'a  pas  encore  reçu  assez  de  for- 
ces pour  les  trouver  tels  que  l'Écriture  mar- 
que qu'ils  doivent  être ,  c'est-à-dire  doux  et 


I    Cor.    Vil, 
30  ,       PLilip. 


légers;  et  ainsi  elle  doit  prier  par  le  gémis- 
sement de  la  volonté ,  afin  d'obtenir  le  don 
de  les  pouvoir  accomplir  parfaitement.  Car 
il  ne  faut  pas  qu'elle  croie  les  bien  accom- 
plir, lorsqu'elle  le  fait  de  telle  sorte  qu'elle 
les  sent  toujours  pesants,  n 

10.  Le  saint  Docteur  rapporte  ensuite  les    cap.  si?, 
autres  passages   que   Célestiris   s'objectait, 
comme  de  la  part   des  catholiques ,  et  ceux 
qu'il  opposait  pour  montrer  que   l'homme 
est  bon,  et  qu'il  peut  de  lui-même  éviter  le  . 

péché.  Le  passage  qui  l'embarrassaitle  plus, 
était  tiré  de  l'Épître  aux  Romains ,  où  nous 
lisons  :  Cela  ne  dépend  ni  de  celui  qui  veut,  ni    n»™'  '^< 
de  celui  qui  court,  mais  de  Dieu  qui  fait  mi- 
séricorde; et  il  ne  s'en  tire  qu'en  opposant 
d'autres  passages,  où  il  est  dit  que  l'homme  x^l'^^'^j'Û 
peut  choisir  le  bien  ou  le  mal  ;  ce  qui  ne  ré-  ^°°'-  ">^ 
solvait  point  la  difficulté.  «  En  effet,  pour- 
quoi demandons-nous  à  Dieu  que  sa  volonté 
soit  faite  dans  le  ciel  et  sur  la  terre  ;  ou  qu'il 
ne  nous  laisse  pas  succomber  à  la  tentation,  « 

si  cela  dépend  de  notre  volonté,  et  non  de  * 

Dieu  qui  nous  fait  miséricorde?  Ce  n'est  pas 
que  cela  se  fasse  sans  que  notre  volonté 
agisse ,  mais  c'est  qu'elle  n'accomplit  pas  ce 
qu'elle  fait,  si  elle  n'est  aidée  de  Dieu.  C'est  cap. xix. 
pourquoi ,  ajoute  saint  Augustin ,  celui  qui  a 
la  volonté  d'accomplir  les  commandements, 
en  doit  remercier  Dieu,  parce  qu'il  ne  pour- 
rait avoir  cette  volonté ,  si  la  lumière  de  la 
vérité  se  retirait  entièrement  de  lui.  »  Il  dit 
encore,  que  si  l'on  se  porte  au  bien,  ce  n'est 
qu'à  proportion  de  la  mesure  de  la  foi  que 
l'on  a  reçue.  Mais  il  le  répète,  personne 
n'est  aidé  que  celui  qui  fait  aussi  quelque 
chose;  et  il  est  aidé,  s'il  prie,  s'il  croit,  s'il  Rom.  \m 
est  appelé  selon  le  déci'et  de  Dieu.  Il  établit 
pour  maxime  que  la  concupiscence  n'est 
point  un  péché  dans  les  baptisés,  mais  seu- 
lement le  consentement  qu'ils  donnent  à  ses 
mouvements,  et  dit  anathème  à  quiconque 
enseigne  que  la  grâce  n'est  point  nécessaire 
à  l'homme  pour  éviter  le  péché ,  et  que  la 
volonté  humaine  suffit  pour  cela  avec  la  con- 
naissance de  la  loi. 

§  V. 

Du  livre  des  Actes  de  Pelage. 

i.  Pélac'e,  accusé  d'hérésie,  fut  cité  en       uvio  d«: 

-,  ,  1  1  .       1     T  '  Ados  do  Pfr 

415  devant  les  eveques  assembles  à  Jerusa-  laee.iorsui 
lem,  pour  y  rendre  compte  de  sa  doctrine. 
La  dispute  fut  longue ,  et  il  y  fut  arrêté,  à  la 
la  demande  d'Orose ,  que  l'on  enverrait  des 


[lV=  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE   D'HIPPONE. 


1  Ges- 


députés  et  des  lettres  à  Rome  au  pape  Inno- 
cent, et  que  tous  suivraient  ce  qu'il  aurait 
décidé.  Mais,  au  mois  de  décembi'e  de  la 
même  année ,  il  se  tint  une  autre  assemblée 
en  Palestine,  dans  une  ville  nommé  Diospolis 
ou  Lydda,  où  il  fut  une  seconde  fois  ques- 
tion des  erreurs  que  l'on  attribuait  à  Pelage. 
Cette  assemblée  était  composée  de  quatorze 
évéques ,  du  nombre  desquels  était  Jean  de 
Jérusalem.  On  y  examina  un  libelle  présenté 
par  deux  évèques  gaulois,  chassés  de  leur 
siège.  Héros  d'Arles,  et  Lazare  d'Aix.  Ils  y 
avaient  réduit  en  abrégé  les  erreurs  qu'ils 
avaient  recueillies  des  lin-es  de  Pelage  et 
de  ceux  de  Célestius,  et  y  avaient  ajouté  les 
articles  sur  lesquels  ce  dernier  avait  été  con- 
damné au  concile  de  Cartbage,  et  qui  avaient 
été  envoyés  de  Sicile  à  saint  Augustin.  Hé- 
ros et  Lazare  ne  purent  se  rendre  à  cette 
assemblée  au  jour  marqué ,  parce  que  l'un 
d'eux  était  malade.  Mais  Pelage  s'y  trouva 
pour  se  justifier,  ce  qui  lui  fut  assez  facile, 
n'ayant  point  d'accusateur  présent.  On  ré- 
digea par  écrit  tout  ce  qui  fut  dit  en  sa  fa- 
veur et  contre  lui  ;  et  Pelage  ayant  anathé- 
matisé  les  erreurs  dont  on  l'accusait ,  fut 
renvoyé  absous;  mais  sa  doctrine  y  fut  con- 
damnée, et  il  fut  obligé  de  la  condamner 
lui-même.  Saint  Augustin  n'avait  pas  encore 
vu  les  actes  de  ce  concile ,  lorsqu'il  écrivit 
au  pape  Innocent  en  416,  mais  il  les  avait 
demandés  à  Jean  de  Jérusalem.  On  voit  par 
sa  lettre  à  saint  Paulin,  écrite  vers  le  milieu 
de  l'an  417,  qu'il  les  avait  reçus,  soit  que 
Jean  les  lui  eût  envoyés,  soit  qu'ils  lui  fus- 
sent venus  de  la  part  du  pape  Innocent  à  qui 
les  évêques  du  concile  de  Diospolis  les 
avaient  communiqués.  Saint  Augustin  y 
I  Re-  ayant  ti-ouvé  que  Pelage  n'avait  été  absous 
par  ces  évêques,  que  parce  qu'il  les  avait 
trompés  par  une  profession  extérieure  de  la 
foi  catholique,  se  résolut  d'écrire  pour  mon- 
trer que  ses  dogmes  n'avaient  point  été  ap- 
prouvés par  ceux  qui  l'avaient  absous.  Ainsi, 
l'on  ne  peut  douter  que  l'écrit  qu'il  composa, 
sur  ce  sujet,  ne  soit  à  peu  près  du  temps 
même  qu'il  eut  communication  de  ces  actes, 
c'est-à-dire  ou  de  la  fin  de  l'an  416,  ou  du 
commencement  de  l'an  417.  Il  avait  pour  ' 
titre  :  De  ce  qui  s'est  fait  en  Palestine;  mais  il 
est  intitulé  communément  des  Actes  de  Pe- 
lage, ou  selon  Possidius  ^,  contre  les  Actes  de 


443 

Pelage.  Saint  Augustin  l'adressa  à  Aurèle  de 
Cartilage,  afin  que,  s'il  en  était  content,  il 
le  pût  rendre  public,  appuyé  de  l'autorité 
d'un  évêque  '  si  respectable ,  et  qu'ainsi  la 
vérité  étouffât  plus  aisément  les  disputes  qui 
s'élevaient  sur  la  manière  dont  Pelage  avait 
été  renvoyé  absous  dans  le  concile  de  Dios- 
poHs. 

2.  On  commença  dans  ce  concile  par  lire 
le  libelle  des  évêques  Héros  et  Lazare;  et 
comme  les  évêques  présents  n'entendaient 
pas  le  latin,  ils  le  faisaient  expfiquer  par  un 
interprète  *;  mais  Pelage  répondait  °  lui- 
même  en  grec  aux  objections  qu'on  lui  fai- 
sait. La  première  qu'on  lui  fit,  fut  qu'il  avait 
écrit,  dans  un  de  ses  livres,  qu'on  ne  peut 
être  sans  péché ,  à  moins  que  l'on  n'ait  la 
science  de  la  loi.  Avez-vous  puWié  cela ,  lui 
demanda  le  concile?  Je  l'ai  dit,  répondit  Pe- 
lage ,  mais  non  pas  comme  ils  l'entendent. 
Je  n'ai  pas  dit  que  celui  qui  a  la  science  de 
la  loi  ne  puisse  pécher,  mais  qu'il  est  aidé 
par  la  science  de  la  loi  à  ne  point  pécher, 
comme  il  est  écrit ,  il  leur  a  donné  le  secours 
de  la  loi.  Le  concile  dit  :  Ce  qu'a  dit  Pelage 
n'est  point  éloigné  de  la  doctrine  de  l'Église. 
Saint  Augustin  remarque  que  la  réponse  de 
Pelage  n'était  pas  en  effet  contraire  à  la 
doctrine  de  l'Éghse  ;  mais  que  cette  réponse 
avait  aussi  un  sens  bien  différent  de  la  pro- 
position qui  avait  été  extraite  de  son  livre  ; 
ce  que  des  évêques,  qui  ne  savaient  point 
le  latin,  ne  se  mirent  pas  en  peine  d'exami- 
ner, s'en  rapportant  aux  interprètes  dont  ils 
se  sentaient,  et  se  contentant  de  juger  de 
Pelage  par  ses  l'éponses  verbales,  et  non  par 
ses  écrits.  Il  fait  voir  qu'il  y  a  beaucoup  de 
différence  entre  dire  qu'un  homme  est  aidé 
à  ne  pas  pécher  par  la  science  de  la  loi,  et 
dire  qu'on  ne  peut  être  sans  péché,  sans 
avoir  la  science  de  la  loi.  «  Nous  voyons,  par 
exemple,  dit-il,  que  l'on  bat  les  blés  sans 
traînes ,  encore  qu'elles  aident  si  on  les  a  ; 
et  que  les  enfants  vont  à  l'école  sans  péda- 
gogues, encore  que  leur  secours  ne  soit  pas 
inutile  pour  les  y  conduire;  et  que  plusieurs 
sont  guéris  de  leurs  maladies  sans  médecins, 
encore  qu'il  soit  visible  qpie  l'assistance  des 
médecins  est  très-utile,  et  que  les  hommes 
peuvent  vivre  d'une  autre  nourriture  que  de 
celle  du  pain,  encore  qu'on  ne  nie  pas  que 
le  pain  ne  serve  beaucoup;   exemples  qui 


Aïtalyse  do 
ce  livre  ,  paj. 
192. 


Cap.  I. 


1  Prosp.  cent.  Coll.,  cap.  xxx.iu.  —  ^  Possid.,  in 
Calalog.,  cap.  iv. 


3  De  Gest.  Pelag.,  cap.  sxxtv. 
lag.,  cap.  i.  —  »  Ibid. 


i  De  Gest.  Pe- 


\M 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Cnp,  II, 


Cd[i.  m, 


nous  font  certainement  connaître  qu'il  y  a 
deux  sortes  de  secours:  les  uns,  sans  les- 
quels on  ne  peut  faire  ce  qu'ils  nous  aident 
à  faire,  comme  personne  ne  va  sur  mer  sans 
vaisseau,  personne  ne  parle  sans  voix,  per- 
sonne ne  marche  sans  pieds,  personne  ne 
voit  sans  lumière,  et  plusieurs  autres  choses 
semblables,  entre  lesquelles  est,  que  per- 
sonne ne  vit  bien  sans  la  grâce  de  Dieu.  Il  y 
a  d'autres  secours  qui  nous  aident  de  telle 
sorte,  que,  quoique  l'on  ne  les  ait  pas,  on 
peut  faire  par  une  auti-e  voie  la  chose  pour 
laquelle  nous  les  recherchons  ;  comme  sont 
les  secours  dont  je  viens  de  parler  :  les  traî- 
nes pour  battre  les  blés,  les  pédagogues 
pour  conduire  l'enfant ,  le  remède  composé 
par  l'art  de  la  médecine  pour  recouvrer  sa 
santé,  et  autres  choses  de  cette  nature.  De 
quelle  espèce  de  secours  est  la  science  de  la 
loi,  c'est-à-dire  comment  aide-t-elle  à  ne  point 
pécher  ?  » 

Le  saint  Docteur  dit  qu'elle  est  de  la  na- 
ture de  ces  secours  qui  nous  aident  de  telle 
sorte  qu'encore  qu'on  ne  les  ait  pas,  on  ne 
laisse  pas  de  faire  la  chose  par  une  autre 
voie  ;  et  il  le  prouve,  parce  qu'il  y  en  a 
très-peu  qui  soient  instruits  de  la  loi,  et  qu'il 
y  a  au  contraire  un  très-grand  nombre  de 
membres  de  Jésus  -  Christ  répandus  sur 
toute  la  terre,  qui  ne  sont  point  recomman- 
dables  par  une  connaissance  de  la  loi  ;  mais 
qui,  par  la  simplicité  de  leur  foi,  par  leur 
piété,  par  leur  ferme  espérance  en  Dieu , 
par  leur  charité  sincère,  sont  pleins  de  con- 
fiance de  pouvoir  être  pui'ifiés  de  leurs  pé- 
chés par  la  grâce  de  Dieu.  Il  prouve  la 
même  chose  par  les  enfants  qui,  quoique 
sans  connnaissance  de  la  loi,  sont  néan- 
moins sans  péché,  aussitôt  qu'ils  ont  reçu 
le  baptême. 

3.  Le  concile  ajouta  :  «  Qu'on  lise  un 
autre  article.  »  On  lut  ce  que  Pelage  avait 
mis  dans  le  même  livre,  que  tous  sont 
conduits  par  leur  propre  volonté.  Pelage 
répondit  :  «  Je  l'ai  dit  aussi  à  cause  du  libre 
arbitre  :  Dieu  aide  à  choisir  le  bien  ;  et 
l'homme  qui  pèche  est  en  faute,  parce  qu'il 
a  le  libre  arbitre.  »  Les  évêques  dirent  : 
«  Cela  n'est  pas  non  plus  éloigné  de  la  doc- 
trine de  l'Église.  »  Saint  Augustin  en  con- 
vient ,  mais  il  soutient  en  même  temps , 
((  qu'être  mù  est  quelque  chose  de  plus 
qu'être  conduit  ;  car  celui  qui  est  conduit 
fait  quelque  chose,  et  il  est  conduit  par  Dieu 
afin  qu'il  fasse  bien  ;   au  lieu  que  l'on  con- 


çoit à  peine  que  celui  qui  est  mû  fasse  quel- 
que chose.  Cependant,  ajoute-t-il,  la  grâce 
du  Sauveur  agit  de  telle  manière  sur  nos 
volontés,  que  l'Apôtre  ne  feint  point  de  dire 
que  ceux-là  sont  enfants  de  Dieu,  qui  sont 
mus  par  l'esprit  de  Dieu.  Et  notre  libre  vo- 
lonté ne  peut  rien  faire  de  mieux  que  de 
demander  d'être  mue  par  celui  qui  ne  peut 
agir  mal.  »  H  dit  que  la  réponse  de  Pelage 
aux  évêques  avait  aussi  un  autre  sens  dans 
son  livre,  mais  qu'ils  ne  s'en  inquiétèrent 
point,  croyant  qu'il  confessait  tellement  le 
libre  arbitre,  que  Dieu  nous  aidait  à  choisir 
le  bien. 

4.  On  lut  ensuite  que  Pelage  avait  mis, 
dans  son  hvre,  qu'au  jour  du  jugement  on 
ne  pardonnerait  point  aux  injustes  et  aux 
pécheurs  ;  mais  qu'ils  seraient  brûlés  par  le 
feu  éternel.  Ses  accusateurs  avaient  relevé 
cette  parole,  parce  qu'il  ne  distinguait  point 
les  pécheurs  qui  seront  sauvés  par  les  méri- 
tes de  Jésus-Christ,  de  ceux  qui  seront  con- 
damnés. Mais  comme  ceux  qui  avaient  pré- 
senté le  libelle  à  Euloge  qui  présidait  au 
concile,  étaient  absents,  et  qu'il  n'y  avait 
personne  pour  faire  expliquer  Pelage  ;  il 
répondit  simplement,  qu'il  l'avait  dit  selon 
l'Evangile  où  nous  lisons  :  Que  les  péchews  waiii.  .«.«, 
iront  au  supplice  éternel^  et  les  justes  à  la  vie 
éternelle.  Il  ajouta  :  «  Si  quelqu'un  croit  au- 
trement, il  est  origéniste.  »  Le  concile  dit  : 
((  Cela  n'est  point  éloigné  de  la  doctrine  de 
l'Église.  »  Saint  Augustin  convient  que  la 
proposition  de  Pelage,  étant  indéfinie,  et 
qu'ayant  déclaré  lui-même,  qu'il  ne  l'avait 
avancée  que  dans  le  sens  de  l'Évangile, 
tout  ce  qu'on  pouvait  en  conclure,  c'est  qu'il 
ne  pai-aissait  pas  bien  quel  était  son  senti- 
ment sur  le  supphce  des  pécheurs,  c'est-à- 
dire  s'il  ne  fallait  pas  distinguer  ceux  qui 
seront  sauvés  par  les  mérites  de  Jésus-Christ, 
de  ceux  qui  seront  condamnés. 

5.  On  lui  objecta  encore  d'avoir  écrit, 
que  le  mal  ne  venait  pas  même  en  pensée 
aux  justes.  Il  répondit  :  «  Je  ne  l'ai  pas  mis 
ainsi;  mais  j'ai  dit  que  le  chrétien  doit 
s'apphquer  à  ne  point  penser  de  mal.  n  Les 
évêques  approuvèrent  cette  réponse.  On  lut 
aussi  ce  qu'il  avait  écrit,  que  le  royaume 
des  cieux  était  promis,  même  dans  l'Ancien 
Testament.  Il  répondit  :  «  Cela  se  peut  aussi 
prouver  par  les  Écritures.  Mais  les  héréti- 
ques, c'est-à-dire  les  manichéens,  le  nient 
au  mépris  de  l'Ancien  Testament.  Pour 
moi,  j'ai  dit  cela  suivant  l'autorité  de  l'Écri- 


40. 


[TV'  ET  V'=  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


445 


Cap.  VT, 


'  ture,  parce  Cfu'il  est  écrit  dans  Daniel.  Et  les 
saints  recevront  le  royaume  du  Très-Haut.  » 
Le  concile  dit  «:  Cela  n'est  point  éloigné  non 
plus  de  la  foi  de  l'Église.»  Saint  Augustin  ne 
laisse  pas  de  condamner  cette  pi'oposition, 
en  ce  qu'elle  rendAgar  égale  à  Sara,  c'est- 
à-dire  la  servante  à  la  maîtresse,  et  l'Ancien 
Testament  au  Nouveau.  Il  veut  que  l'on  dis- 
tingue deux  notions  de  l'Ancien  Testament  ; 
la  première,  qui  marque  la  loi  donnée  à 
Moïse  siu'  le  mont  Sinaï  ;  la  seconde,  qui  si- 
gnifie tout  le  corps  des  Écritui'es  saintes,  où 
sont  contenus  les  livres  de  la  Loi  et  des 
Prophètes.  Selon  la  première  de  ces  no- 
tions, l'Ancien  Testament  est  une  loi  de  ser- 
vitude, auquel  par  conséquent  le  royaume 
des  cieux,  qui  est  proprement  de  la  liberté , 
ne  saurait  appartenir.  Selon  la  seconde,  le 
royaume  des  cieux  a  pu  être  promis  dans 
l'Ancien  Testament,  de  la  même  manière 
qu'on  y  trouve  les  promesses  du  Nouveau, 
à  qui  ce  royaume  appartient.  Il  déclare  tou- 
tefois que  ceux  qui  Aivaient  sous  l'Ancien 
Testament,  éLaient  aussi  compris  dans  les 
promesses  du  Nouveau ,  par  rapport  aux 
avantages  anticipés  dont  ils  pouvaient  jouir, 
et  des  secours  de  grâces  qui  les  aidaient  à 
devenir  les  héritiers  du  Nouveau  Testament. 
6.  Ensuite  on  objecta,  (jue  Pelage  avait 
écrit  dans  le  même  livre,  que  l'homme  pou- 
vait, s'il  voulait,  être  sans  péché  ;  et  qu'é- 
crivant à  une  veuve,  il  lui  avait  dit  :  «  La 
piété  doit  trouver  chez  vous  la  place  qu'elle 
ne  trouve  nulle  part.  »  Et  dans  un  autre  livre, 
adressé  à  la  même,  montrant  comment  les 
saints  doivent  prier,  il  disait  :  «  Celui-là  prie 
en  bonne  conscience,  qui  peut  dire  :  Vous 
savez.  Seigneur,  combien  sont  pures  les 
mains  que  j'étends  vers  vous,  et  les  lèvres 
avec  lesquelles  je  vous  demande  miséri- 
corde. 1)  A  quoi  Pelage  répondit  :  «  J'ai  dit 
que  l'homme  peut  être  sans  péché,  et  garder 
les  commandements  de  Dieu,  s'il  le  veut  : 
car  Dieu  lui  a  donné  ce  pouvoir.  Mais  je  n'ai 
pas  dit,  qu'il  se  trouve  quelqu'un  qui  n'ait 
jamais  péché  depuis  l'enfance  jusqu'à  la 
vieillesse  ;  j'ai  dit  seulement,  qu'étant  con- 
verti de  ses  péchés,  il  peut  être  sans  péché 
par  son  propre  travail,  et  par  la  grâce  de 
Dieu,  sans  qu'il  soit  pour  cela  immuable  à 
l'avenir;  le  reste  qu'ils  ont  ajouté  n'est  point 
dans  mes  livres,  et  je  n'ai  jamais  rien  dit  de 
semblable.  »  Le  concile  dit  :  «  Puisque  vous 
niez  l'avoir  écrit,  anathématisez-vous  ceux 
qui  le  tiennent  ?  »  Pelage  répondit  :  «  Je  les 


anathématise  comme  des  impertinents,  et 
non  comme  des  hérétiques,  puisque  ce  n'est 
pas  un  dogme.  »  Les  évêques  prononcèrent 
en  disant  :  ((Puisque  Pelage  a  anathématise 
de  sa  propre  bouche  ce  discours  incertain  et 
impertinent  ;  répondant,  comme  il  faut,  que 
l'homme,  avec  le  secours  de  Dieu  et  la  grâ- 
ce, peut  être  sans  péché;  qu'il  réponde  pp-» 
aussi  aux  autres  articles.  » 

Saint  Augustin  trouve  mauvais  que  ces 
évêques  s'en  soient  rapportés  aux  paroles 
de  Pelage,  sur  des  faits  incertains,  et  qui 
ne  leur  étaient  point  connus,  vu  cpi'il  n'y 
avait  là  personne  qui  pût  le  convaincre  d'a- 
voir écrit  ce  qu'on  lui  objectait  de  sa  lettre 
à  une  veuve.  Des  frères  d'une  sainte  vie, 
ajoute-t-il,  qui  avaient  eu  en  main  les  écrits 
de  cet  hérésiarque  à  cette  veuve,  ayant 
averti  d'y  chercher  les  endroits  qu'on  lui 
avait  objectés,  on  les  y  trouva  en  effet. 
Pelage  trompa  ces  évêques,  en  se  servant 
du  nom  de  grâce  dans  un  autre  sens  qu'ils 
ne  l'entendaient,  et  lorsqu'il  avait  dit  que 
l'homme  converti  peut  être  sans  péché 
par  son  propre  travail  et  par  la'  grâce  de 
Dieu,  il  confessait  la  grâce  qui  est  connue 
dans  l'Église,  c'est-à-dire  la  g-râce  de  Jésus- 
Christ,  et  non  pas,  comme  l'entendait  Pe- 
lage, les  dons  naturels  que  nous  avons  reçu 
de  Dieu  dans  la  création. 

.  7.  Après  cela  on  lui  objecta  quelques  pro-  c»p. 
positions  tirées  de  la  doctrine  de  Célestius  son 
disciple,  savoir  qu'Adam  a  été  faitmortel,  en- 
sorte  qu'il  devait  mourir,  soit  qu'il  péchât, 
soit  qu'il  ne  péchât  point;  que  le  péché  d'A- 
dam n'a  nui  qu'à  lui  seul,  et  non  au  genre 
humain  ;  que  la  loi  envoie  au  royaume  des 
cieux  comme  l'Evangile  ;  qu'avant  l'avène- 
ment de  Jésus-Christ  il  y  a  eu  des  hommes 
sans  péché  ;  que  les  enfants  nouveaux  nés 
sont  au  même  état  où  Adam  était  avant  son 
péché  ,  que  tout  le  genre  humain  ne  meurt 
point  par  la  mort  d'Adam,  ou  par  son  pé- 
ché !  et  ne  ressuscite  point  par  la  résurrec- 
tion de  Jésus-Christ.  En  lui  rapportant  ces 
propositions,  on  lui  dit  qu'elles  avaient  été 
ouïes  et  condamnées  au  concile  de  Carthage. 
On  lui  en  objecta  encore  d'autres  envoyées 
de  Sicile  à  saint  Augustin ,  savoir  que  l'hom- 
me peut  être  sans  péché,  s'il  le  veut  ;  que  les 
enfants,  sans  être  baptisés,  ont  la  vie  éter- 
nelle ;  que  si  les  riches  baptisés  ne  renon- 
cent à  tout,  le  bien  qu'ils  semblent  faire  ne 
leur  sert  de  rien,  et  qu'ils  ne  peuvent  avoir 
le  royaume  de  Dieu.  Pelage  répondit  à  ces 


U6 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


objections  en  ces  termes  :  «  Que  l'homme 
puisse  être  sans  péché,  il  en  a  déjà  été 
parlé  ;  quant  à  ceux  qui  ont  été  sans  péché 
avant  l'avènement  du  Seigneur,  je  dis  aussi 
qu'avant  sa  venue  quelques-uns  ont  vécu 
saintement  et  justement,  selon  que  les  sain- 
tes Écritures  l'enseignent.  Pour  le  reste, 
mes  adversaires  témoignent  eux-mêmes  que 
je  ne  l'ai  pas  dit,  et  je  n'en  dois  pas  répon- 
dre :  toutefois  pour  la  satisfaction  du  saint 
Concile,  j 'anathématise  tous  ceux  qui  le 
tiennent,  ou  qui  l'ont  jamais  tenu.  »  Après 
cette  réponse  le  concile  dit  :  «  Pelage  ici 
présent  a  répondu  bien  et  suffisamment  à 
ces  articles,  anathématisant  ce  qui  n'était 
point  de  lui.  »  Saint  Augustin  infère  de  cette 
réponse  que  plusieurs  erreurs  de  la  secte 
pélagienne  furent  condamnées,  non-seule- 
ment par  les  évéques  du  concile,  mais  par 
Pelage  même. 

Le  saint  Docteur  examine  ensuite  pourquoi 
Pelage  ne  voulut  pas  analhématiser  cette  pro- 
position, qu'il  reconnaissait  pour  être  de  lui, 
qae  l'homme  peut  être  sans  péché,  remar- 
quant que  les  évêques  ne  l'avaient  approu- 
vée que  parce  que  Pelage  avait  ajouté,  que 
cela  se  pouvait  avec  la  grâce  de  Dieu.  Il 
remarque  aussi  qu'il  n'osa  pas  dire  avec 
Célestius,  qu'il  y  a  eu  des  hommes  avant 
l'avènement  de  Jésus-Christ  qui  ont  été  sans 
péchés,  et  qu'il  se  contenta  de  dire,  que 
quelques-uns  avant  l'avènement  de  Jésus- 
Christ  avaient  vécu  saintement.  «  Qui  est-ce 
qui  le  nie,  dit  saint  Augustin  ?  Mais  ces  justes 
ne  laissaient  pas  de  dire  véritablement  :  ^e 
nous  disons  que  nous  n'avons  point  de  péché , 
nous  nous  séduisons  nous-mêmes,  et  la  vérité 
n'est  point  en  nous.  R  y  a  encore  aujourd'hui 
plusieurs  personnes  qui  vivent  saintement, 
et  qui  toutefois  ne  mentent  pas,  lorsqu'elles 
disent  dans  l'Oraison  dominicale  :  Pardon- 
nez -  nous  nos  offenses ,  ainsi  que  nous  les 
pardonnons  à  ceux  qui  nous  ont  offensés.  Ce 
fut  donc,  dans  le  sens  que  Pelage  donna 
à  cette  proposition,  qu'elle  fut  approuvée 
des  évoques  du  concile,  et  non  dans  le  sens 
qu'on  attribuait  à  Célestius.  » 

8.  Ensuite  on  lui  reprocha  d'avoir  dit  que 
l'Église  est  ici  sans  tache  et  sans  ride.  Il  ré- 
pondit :  «  Je  l'ai  dit,  parce  que  l'Éghse  est 
pm-ifiée  par  le  baptême  ,  et  que  le  Seigneur 
veut  qu'elle  demeure  ainsi.  »  Le  concile  dit  : 
«Nous  l'approuvons  aussi.  »  Saint  Augustin 
dit  qu'entre  le  baptême  où  sont  effacées  tou- 
tes les  taches  et  foutes  les  rides  anciennes, 


et  le  royaume  où  l'Église  sera  pour  toujours 
sans  tache  et  sans  ride ,  il  y  a  un  temps  mi- 
toyen qui  est  celui  de  la  prière,  où  il  est  be- 
soin que  l'Église  dise  :  Remettez-nous  nos 
dettes.  Il  ajoute  qu'il  ne  fut  pas  question  de 
ce  temps  mitoyen  entre  les  évêques  du  con- 
cile et  Pelage,  mais  qu'il  y  a  apparence  que 
ces  évêques,  en  approuvant  sa  proposition, 
ne  l'entendirent  que  du  baptême  où  l'Église 
est  lavée  de  ses  péchés ,  et  du  royaume  où 
elle  sera  pour  toujours  sans  tache. 

9.  On  objecta  encore  à  Pelage  quelques    cap.  xm, 
propositions  du  livre  de  Célestius,  prenant 
plutôt  le  sens  de  chaque  article  que  les  pa- 
roles. La  première  était  que  nous  faisons  plus 

qu'il  n'est  ordonné  par  la  loi  et  par  l'Évan- 
gile. A  quoi  Pelage  répondit  :  «  Ils  l'ont  mis 
comme  étant  de  nous ,  mais  nous  l'avons 
dit,  suivant  ce  que  dit  saint  Paul  de  la  virgi- 
nité ,  je  n'ai  point  de  précepte  du  Seigneur.  » 
Le  concile  dit  :  «  L'Église  reçoit  encore 
cela.  »  —  «  J'ai  lu,  dit  saint  Augustin,  en 
quel  sens  Célestius  a  avancé  cette  proposition 
dans  son  livre  ;  son  intention  a  été  de  per- 
suader que  nous  avons  par  notre  libre  arbi- 
tre une  si  grande  possibilité  de  ne  pas  pé- 
cher, que  nous  faisons  même  plus  qu'il  ne 
nous  est  commandé,  puisqu'ilyenaplusiem's 
qui  gardent  la  virginité  perpétuelle,  quoi- 
qu'elle ne  soit  pas  de  précepte.  »  Il  ajoute 
que  dans  l'approbation  que  les  évêques  don- 
nèrent à  la  réponse  de  Pelage ,  ils  ne  pré- 
tendirent pas  que  celui-là  accomphssait  fous 
les  préceptes  de  la  loi  et  de  l'Évangile ,  qui  . 
gardait  la  virginité  qui  n'est  pas  comman- 
dée, mais  seulement  qu'elle  est  supérieure  à 
la  continence  conjugale  qui  est  commandée, 
et  qu'il  est  plus  grand  de  garder  l'une  que 
l'autre ,  quoique  ni  la  virginité  ni  la  conti- 
nence conjugale  ne  puissent  se  garder  sans 
la  grâce  de  Dieu. 

10.  Les  autres  articles  de  Célestius,  que    cap. xn-, 
l'on  objecta  à  Pelage  ,  étaient  que  la  grâce 

de  Dieu  n'est  pas  donnée  pour  chaque  ac- 
tion particulière  ,  mais  qu'elle  consiste  dans 
le  libre  arbitre,  ou  dans  la  loi  et  la  doctrine; 
qu'elle  est  donnée  selon  nos  mérites  ,  parce 
que  s'il  la  donne  aux  pécheurs,  il  semble 
être  injuste  :  d'où  il  inférait  que  la  grâce 
même  dépend  de  notre  volonté ,  pour  en 
être  dignes  ou  indignes  ;  car  si  nous  faisons 
tout  par  la  grâce  ,  ajoutait  Célestius  ,  quand 
nous  sommes  vaincus  par  le  péché,  ce  n'est 
pas  nous  qui  sommes  vaincus,  mais  la  grâce 
de  Dieu  qui  a  voulu  absolument  nous  aider, 


[IV^  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


447 


et  ne  l'a  pu.  Il  disait  encore  :  «  Si  c'est  la  grâce 
de  Dieu  qui  nous  fait  vaincre  le  péché,  c'est 
donc  sa  faute  quand  nous  sommes  vaincus , 
parce  qu'absolument  elle  n'a  pii,  ou  n'a  pas 
voulu  nous  garder.  »  A  cela  Pelage  répond  : 
«  Si  ce  sont  là  les  sentiments  de  Célestius, 
c'est  à  ceux  qui  le  disent  à  l'examiner  ;  pour 
moi  je  n'ai  jamais  tenu  cette  doctrine  ,  mais 
j'anathématise  celui  qui  la  tient.  »  Le  Con- 
cile dit  :  «  On  vous  reçoit,  puisque  vous  con- 
damnez ces  paroles  réprouvées.  »  —  «  Que 
Pelage  ail  tenu  cette  doctrine  ou  non,  il  est 
clair,  dit  saint  Augustin,  que  ces  évêques  la 
condamnèrent ,  et  qu'ils  auraient  aussi  con- 
damné Pelage ,  s'il  ne  l'avait  pas  anathéma- 
tisée.  »  Ce  Père  ne  doute  pas  que  Pelage, 
en  disant  à  cette  occasion  que  la  grâce  nous 
est  donnée  pour  chaque  aclion  particulière, 
n'ait  entendu ,  par  cette  grâce ,  la  grâce  de 
Jésus-Christ,  qui  est  prêchée  dansl'Éghse,  et 
qui  est  donnée  par  le  Saint-Esprit ,  afin  que 
nous  soyons  aidés  dans  toutes  nos  actions. 
Mais  il  doute  si  Pelage  fut  sincère  dans  sa 
confession  ;   et   il   en   donne    cette  raison  : 
u  Quand  on  objecta  à  Pelage  cette  proposi- 
tion de  Célestius  ,  que  chaque  homme  peut 
avoir  toutes  les  vertus  et  les  grâces^  par  où , 
disait-on,  ils  étaient  la  diversité  des  grâces 
qu'enseigne  l'Apôtre;  Pelage  répondit  :  Nous 
l'avons  dit,  mais  ils  le  reprennent  malicieuse- 
ment et  avec  ignorance,  car  nous  n'ôtons 
pas  la  diversité  ,  mais  nous  disons  qiie  Dieu 
donne  toutes  les  grâces  à  celui  qui  est  digne 
de  les  recevoir ,  comme  il  les  a  données  à 
l'apôtre  saint  Paul.  En  effet,    ajoute  saint 
Augustin  ,  c'est  ôter  le  nom  de  grâce  ,  et  ce 
qui  est  signifié   par   ce  nom ,  si  elle  n'est 
point    donnée   gratuitement ,    et  si  celui-là 
qui  en  est  digne    la  reçoit.  »    Il  confirme 
son  doute  sur  la  sincérité  de   la  confession 
de  Pelage,  par  ce  qui  se  passa  dans  le  con- 
cile de  Jérusalem,  où  Pelage  ayant  dit ,  que 
celui  qui  veut  travailler  pour  ne  point  pé- 
cher ,  a  ce  pouvoir  de  Dieu  ;  quelques-uns 
en  murmurèrent ,  et  dirent  que  Pelage  en- 
seignait par  là  que  l'on  pouvait  être  parfait 
sans  la  grâce  de  Dieu.  L'évéque  Jean  les  re- 
prit ,  et   dit  :    «  L'Apôtre   même   témoigne 
qu'il  travaille  beaucoup,  non  selon  sa  force, 
mais  selon  la  grâce  de  Dieu,  n  Comme  les 
assistants  murmuraient  encore  ,  Pelage  dit  : 
«  Je  le  crois  aussi  :  anathême  à  qui  dit  que 
sans  le  secours  de  Dieu  ,  l'homme  peut  s'a- 
vancer dans   toutes  les  vertus.  »   Réponse 
équivoque  et  qui  ne  marquait  pas  que  la 


grâce    de    Dieu    travaillât   tellement    avec    Hom.  ix.is. 
l'homine,   que  l'on   pût  dire   de    ce  qu'un 
homme  ne  pèche  pas  :  //  ne  dépend  point  ni 
de  celui  qui  veut,  ni  de  celui  qui  court,  mais 
de  Dieu  qui  fait  miséricorde.  Il  le  confirme 
encore  par  les  commentaires  sur  les  Épîtres 
de  saint  Paul  où  l'auteur  qu'on  disait  être 
Pelage,  n'expliquait  point  ce  passage  dans    "^'P'^^"- 
un  sens  catholique.  Il  excuse  toutefois  les 
évêques  du   concile  sur  ce  qu'ils  croyaient 
connaître  la  doctrine  de  Pelage ,  qu'en  eiïet    cap.'xvur. 
ils  ne  connaissaient  point. 

H.  On  lui  objecta  encore  ces  articles  du 
livre  de  Célestius,  que  l'on  peut  appeler  en- 
fants de  Dieu ,  sinon  ceux  qui  sont  absolu- 
ment sans  péché  :  d'où  il  suivait  que  saint  22™'"^'  '"  ' 
Paul  même  ne  l'était  pas,  puisqu'il  dit  qu'?7 
n'est  pas  encore  parfait  ;  que  l'oubli  et  l'igno- 
rance ne  sont  point  susceptibles  de  péché , 
parce  qu'ils  ne  sont  pas  volontaires,  mais 
nécessaires  ;  qu'il  n'y  a  point  de  libre  arbi- 
tre, s'il  est  besoin  du  secours  de  Dieu,  parce 
qu'il  dépend  de  la   volonté   de  chacun   de 
faire  ou  de  ne  pas  faire  ;  que  notre  victoire 
ne  vient  pas  du  secours  de  Dieu ,  mais  du 
libre  arbitre  ,    ce   que   Célestius   exprimait 
ainsi  :  ((  C'est  notre  victoire,  parce  qiie  nous 
avons  pi'is  les  armes  par  notre  propre  vo- 
lonté ;  comme  au  contraire  c'est  par  notre 
faute  que  nous  sommes  vaincus,  quand  nous 
avons  méprisé  volontairement  de  nous  ar- 
mer. ))    Il   apportait  ces   paroles   de   saint 
Pierre  :  Nous  participons  à  la  nature  divine;    "Petr.  1,4. 
d'où  il  concluait,  que  si  l'âme  ne  peut  être 
sans  péché ,  Dieu  est  aussi  sujet  au  péché, 
puisque  l'âme  qui  en  est  une  partie  y  est 
sujette.  Célestius  disait  encore  ,  que  le  par- 
don n'est  pas  accordé  aux  pénitents,  suivant 
la  grâce  et  la  miséricorde  de  Dieu,  mais  se- 
lon les  mérites  et  le  travail  de  ceux  qui  par 
la  pénitence  se  rendent  dignes  de  miséri-    Ca.-.-K. 
corde.  Tout  cela  ayant  été  lu,  le  concile  dit  : 
<(  Que  dit  à  ces  articles  le  moine  Pelage,  ici 
présent?  Car  le  saint  concile   et  la  sainte 
Église  catholique  rejettent  cette  doctrine.  » 
Pelage  répondit  :  «  Je  le  dis  encore,  ces  pro- 
positions, selon  le  propre  témoignage  de  mes 
adversaires ,  ne  sont  pas  de  moi,  et  je  n'en 
dois  pas  répondre.  Ce  que  j'ai  avoué  être  de 
moi,  je  soutiens  qu'il  est  bon  ;  ce  que  j'ai 
dit  n'être  pas  de  moi ,  je  le  rejette  ,  suivant 
le  jugement  de  la  sainte  Église  catholique  ; 
car  je  crois  en  la  Trinité  d'une  seule  subs-    cap.  >:>-. 
tance ,  et  tout  le  reste ,  selon  la  doctrine  de 
l'Église.    Si    quelqu'un   croit  antre   chose , 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Cap.  XXI. 


Coi-i.  xxii, 


Cap.  xxTii. 
Cnp.  XXIV. 


Cap,  XXV. 


Cap.  XXVI., 
x.\vii,xxvni, 

XXIX. 


Cap.  XXX. 


Cap.  xN.\i. 


448 

qu'il  soit  anatlième.  »  Le  concile  dit  :  «  Puis- 
que nous  sommes  satisfaits  des  déclarations 
du  moine  Pelage,  ici  présent,  qui  convient 
de  la  sainte  doctrine,  et  condamne  ce  qui 
est  contraire  à  la  foi  de  l'Église,  nous  dé- 
clarons qu'il  est  dans  la  communion  ecclé- 
siastique et  catholique.  » 

12.  Les  amis  de  Pelage  ayant  appris  qu'il 
avait  été  absous,  s'en  réjouirent  ;  mais  saint 
Augustin,  se  doutant  bien  qu'il  n'avait  con- 
damné ses  erreurs  que  de  bouche  ,  et  qu'il 
avait  trompé  les  évéques ,  en  affectant  au 
dehors  des  sentiments  qu'il  n'avait  pas  dans 
le  cœur  ,  ne  crut  point  du  tout  qu'il  eût  été 
absous.  Il  raconte  comment  il  avait  com- 
mencé à  connaître  Pelage  ,  et  pourquoi  il 
lui  avait  donné  des  éloges  dans  les  premiers 
ouvi'ages  qu'il  écrivit  contre  ses  erreurs  ; 
quelle  fut  l'occasion  de  son  livre  de  la  Na- 
ture et  de  la  Grâce  ;  l'utilité  qu'en  tiraient 
Timase  et  Jacques,  pour  qui  il  l'avait  écrit  ;  et 
il  rapporte  la  lettre  qu'ils  lui  écrivirent  pour 
l'en  i-emercier,  dans  laquelle  ils  témoignaient 
être  fâchés  de  n'avoir  pu  communiquer  cet 
écrit  à  Pelage,  parce  qu'il  n'était  plus  avec  eux. 
Il  témoigne  que  si  cet  hérésiarque  voulait  de 
bonne  foi  anathématiser  ses  erreurs  ,  il  n'y 
aurait  personne  qui  ne  l'en  congratulerait  ; 
mais,  ne  sachant  s'il  les  anathématisait  sin- 
cèrement, il  ne  craint  pas  de  l'attaquer  nom- 
mément. Comme  il  se  vantait  d'être  lié  d'a- 
mitié avec  plusieurs  saints  évêques,  et  comme 
il  avait  produit  plusieurs  lettres  dans  le  con- 
cile, dont  quelques-unes  y  furent  lues,  entre 
autres  une  de  saint  Augustin  qui  lui  témoi- 
gnait en  effet  beaucoup  d'amitié,  ce  Père 
dit  qu'il  n'en  peut  rien  tirer  à  son  avantage, 
parce  qu'il  ne  la  lui  avait  écrite  que  dans 
l'espérance  de  le  ramener  de  sa  mauvaise 
doctrine  dont  il  était  déjà  informé.  Le  saint 
Docteur  rapporte  cette  lettre  en  entier,  et 
un  fragment  de  ceUe  que  Pelage  avait  écrite 
à  un  de  ses  amis ,  dans  laquelle  il  se  vantait 
que  ses  sentiments  avaient  été  approuvés 
par  les  quatorze  évêques  du  concile  de  Dios- 
polis.  Mais  en  rapportant  ses  sentiments 
dans  cette  lettre  ,  il  les  proposait  dans  les 
mêmes  termes  qu'ils  se  trouvaient  dans  son 
livre  intitulé  des  Chapitres,  et  non  pas  en  la 
manière  dont  il  les  avait  déguisés  en  pré- 
sence de  ces  quatorze  évêques.  Saint  Au- 
gustin ne  veut  point  assurer  que  cette  lettre 
fût  de  Pelage  ;  mais  il  dit  qu'il  n'y  avait 


nulle  apparence,  s'il  était  de  lui  qa'il  eût 
confessé  sincèrement  que  la  grâce  de  Dieu 
est  nécessaire  pour  chaque  action  en  parti- 
culier. Il  le  convainc  de  faux  par  un  écrit 
qu'il  lui  avait  envoyé  pour  sa  défense  par 
un  nommé  Charus  d'Hippone  ,  où  il  rappor- 
tait divers  endroits  des  actes  du  concile  de 
Diospohs ,  d'une  manière  toute  différente 
des  originaux  ;  et  conclut  de  tout  ce  qu'il 
avait  dit  jusqu'à  présent,  que  si  Pelage  avait 
été  absous  dans  ce  concile,  ses  erreurs  y 
avaient  du  moins  été  condamnées;  de  même 
que  celles  de  Célestius.  11  remarque  que  ces 
évêques  approuvèrent  néanmoins  quatre 
propositions  de  Célestius ,  non  dans  le  sens 
de  cet  hérétique  ,  mais  dans  celui  que  leur 
donna  Pelage  ;  il  finit  cet  ouvrage  par  le  ré- 
cit des  violences  qui  avaient  été  commises 
par  les  pélagiens  à  Jérusalem  contre  les  ser- 
viteurs et  les  servantes  de  Dieu  qui  étaient 
sous  la  conduite  de  saint  Jérôme. 

Des  livres  de  la  Grâce  de  Jésus-Christ  et  du 
Péché  originel. 

1 .  Après  que  l'hérésie  pélagienne  eût  été 
condamnée  à  Rome  avec  tous  ses  auteurs, 
par  les  papes  Innocent  *  et  Zosime,  saint 
Augustin  écrivif,  encore  contre  cette  hérésie 
deux  ouvrages,  l'un  intitulé  de  la  Grâce  de 
Jésm-Christ  et  l'autre  du  Péché  originel.  Il 
faut  donc  les  rapporter  à  l'an  418  ;  car  ce  fut 
en  cette  année  que  Zosime  la  condamna,  et 
qu'elle  fut  aussi  condamnée  par  les  évêques 
d'Afrique  assemblés  à  Carthage  le  1"  mai. 
Saint  Augustin,  qui  y  avait  assisté,  demeura 
en  cette  viUe  jusqu'au  mois  de  septembre, 
époque  à  laquelle  il  alla  à  Alger  ou  Césarée, 
en  MauMtanie,  conférer  avec  Émérite,  évê- 
que  du  parti  des  donatistes.  Ce  fut  pendant 
ce  séjour  qu'il  écrivit  ces  deux  livres  au  sujet 
d'un  entretien  que  Pinien,  Albine  sa  belle- 
mère  et  Mélanie  sa  femme  avaient  eu  avecPé- 
lage  sur  la  fin  de  l'an  417,  avant  que  cet  héré- 
tique eût  été  chassé  de  la  Palestine.  Dans  cet 
entretien,  Pinien  avait  tâché  d'engager  Pe- 
lage à  condamner  par  écrit  les  erreurs  dont  il 
était  accusé.  Sur  quoi  Pelage  lui  répondit  ' 
que  quiconque  pense  ou  dit  que  la  grâce 
de  Dieu,  par  laquelle  Jésus-Christ  est  venu 
dans  le  monde  sauver  les  pécheurs,  n'est 
pas  nécessaire,  non-seulement  pour  chaque 


Cap,  JUUQi, 


Li^ro  de  t 
Grâce  de   Ji 

su?-Christ 
du  péché  or 
^ÎDel.EDU! 


1  Lib.  II  Retract.,  cap.  l. 


Lib.  De  Grai.  Christ. ^  cap.  ii. 


[IV'  ET  V''  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


449 


heure  et  pour  chaque  moment,  mais  encore 
pour  chacune  de  nos  actions,  je  l'anathé- 
matise,  et  qiie  les  peines  éternelles  soient 
le  partage  de  ceux  cpii  s'efforcent  de  dé- 
truire cette  grâce.»  Il  reconnut'  aussi  qu'il 
n'y  a  qu'un  baptême  qui  doit  être  conféré 
avec  les  mêmes  paroles  aux  enfants  qu'aux 
adultes  ;  et  il  avoua  même,  en  étant  pressé, 
qae  les  enfants  reçoivent  le  baptême  pour 
la  rémission  des  pécl'.és.  Pinien  et  ceux  qui 
étaient  présents,  trompés  par  les  équivo- 
ques de  cet  homme  artificieux,  se  réjouirent 
de  l'entendre  parler  selon  leurs  désirs  ;  mais, 
n'osant  s'assurer  sur  leurs  propres  lumières, 
ils  consultèrent  sur  cela  saint  Augustin.  La 
lettre  qu'ils  lui  écrivirent  est  au  nom  de  tous 
trois  :  de  Pinieu,  d'Albine  et  de  Mélanie. 
Quoique  chargé  de  beaucoup  d'affaires,  le 
saint  Docteur  leur  répondit  sur  le  champ. 
Il  met  ^  toujours  le  livre  de  la  Grâce  de  Jé- 
sus-Christ avant  celui  du  Péché  originel,  et 
tous  les  deux  avant  la  conférence  avec  Émé- 
rite,  arrivée,  comme  nous  l'avons  dit ,  le 
20  septembre  418. 

2.  Après  avoir  rappoi-té  dans  le  livre  de  la 
Grâce  de  Jésus-Christ  la  réponse  de  Pelage  à 
Pinien,  saint  Augustin  dit  qu'on  ne  pourra 
s'empêcher  de  la  tenir  pour  fort  suspecte,  si 
l'on  fait  attention  à  ce  qu'il  dit  plus  clairement 
dans  ses  ouvrages.  En  effet,  quoique  Pelage 
dise,  comme  il  faisait  ordinairement,  que  le 
secours,  que  Jésus-Christ  nous  a  donné  pour 
ne  point  pécher,  consiste  en  ce  qu'il  a  laissé 
son  exemple  et  des  lois  pleines  d'équité;  il 
pouvait  accommoder  à  sa  doctrine,  les  dis- 
cours qu'il  tenait  quelquefois  pom*  faire  dis- 
paraître ce  qu'elle  avait  d'odieux,  en  disant 
que  la  grâce,  ainsi  qu'il  l'entendait,  est  né- 
cessaire pour  chaque  moment  et  pour  cha- 
que action  :  parce  que  dans  toute  notre  con- 
duite, nous  devons  avoir  devant  les  yeux 
la  vie  de  Notre-Seigneur.  Il  prouve  que  Pe- 
lage était  capable  de  cette  duplicité,  puis- 
que, interrogé  parles  évêques  du  concile  de 
Palestine,  il  condamna  avec  eux,  sans  mar- 
quer la  moindre  répugnance ,  ceux  qui  di- 
sent que  la  grâce  de  Dieu  et  son  secours 
ne  sont  point  donnés  pour  chaque  action  ; 
mais  que  la  grâce  consiste  dans  le  libre  ar- 
bitre ou  dans  la  loi  et  la  doctrine  ;  pendant 
qu'il  est  certain,  dit  saint  Augustin,  qu'il  tient 
précisément  le  contraire ,  comme  on  peut 
s'en  convaincre  par  ses  livi'es  du  libre  arbi- 


tre, car  y  il  fait  consister  la  grâce,  par  la- 
quelle nous  sommes  aidés  pour  ne  point  pé- 
cher, ou  dans  la  nature  et  le  libre  arbitre, 
ou  dans  la  loi  et  la  doctrine  ;  en  sorte  que 
quand  Dieu  aide  l'homme,  afin  qu'il  s'éloi- 
gne du  mal  et  fasse  le  bien,  ce  secours  con- 
siste simplement  à  découvrir  et  à  montrer 
ce  qui  doit  être  pratiqué,  et  non  à  coopérer 
et  à  inspirer  le  saint  amour,  pour  faire  ac- 
complir à  l'homme  le  bien  dont  il  a  connais- 
sance. Pelage  établit  et  distingue  dans  les 
mêmes  livres,  trois  choses,  par  lesquelles  il 
dit  que  s'accomplissent  les  commandements 
de  Dieu,  savoir  :  la  possibilité,  la  volonté  et 
l'action.  Par  la  possibilité,  l'homme  peut 
être  juste.  Parla  volonté,  l'homme  veut  être 
juste.  Par  l'action,  l'homme  devient  effective- 
ment juste.  Pelage  avoue  que  la  possibilité 
est  donnée  à  la  nature  par  la  création,  de 
sorte  que  nous  l'avons,  qiaand  même  nous 
ne  voudrions  pas  l'avoir.  A  l'égard  de  la  vo- 
lonté et  de  l'aclion,  il  soutient  qu'elles  sont 
à  nous  et  viennent  proprement  de  nous, 
qu'elles  ne  dépendent  point  du  secours  de 
Dieu,  et  n'en  ont  aucun  besoin.  Pour  mon-  cap.  m. 
trer  que  ce  sont  là  ses  sentiments,  saint  Au- 
gustin rapporte  un  long  extrait  du  troisième 
livre,  que  cet  hérésiarque  a  fait  pour  la  dé- 
fense du  libre  arbitre.  Il  lui  oppose  ensuite 
un  langage  tout  différent,  c'est-à-dire  celui 
de  saint  Paul  qui,  dans  sa  lettre  aux  Philip- 
piens,  les  exhorte  à  opérer  leur  salut  avec 
crainte  et  tremblement,  non  en  leur  disant  ^ap.  iv. 
que  c'est  Dieu  qui  opère  en  nous  le  pou- 
voir, comme  s'ils  avaient  par  eux-mêmes  le 
vouloir  et  l'action  ,  mais  en  disant  que  c'est 
Dieu  qui  opère  en  eux  le  vouloir  et  le  parfaire,  cap.  v. 
ou,  comme  on  lit  dans  d'autres  exemplaires, 
et  surtout  dans  les  grecs,  le  vouloir  et  l'opé-  pmiîp.  n,  is 
rer.  Ensuite  il  fait  voir  que  Pelage  n'admet 
d'autre  grâce  que  celle  de  la  loi  et  de  la 
doctrine,  par  laquelle  est  aidée  la  possibi- 
lité, ou  la  puissance  naturelle  de  vouloir  et 
d'agir  ;  et  que  s'il  reconnaît  une  grâce,  par 
laquelle  Dieu  montre  et  révèle  ce  que  nous  cap.  vu. 
devons  faire,  il  n'admet  point  celle  par  la- 
quelle Dieu  nous  donne  la  force  d'agir,  et 
nous  aide  afin  que  nous  agissions.  Mais  il 
prouve  en  même  temps  que  ces  deux  cho- 
ses, la  loi  et  la  grâce,  par  lesquelles  nous 
sommes  aidés  pour  opérer  la  justice,  sont 
différentes  l'une  de  l'autre,  que  la  grâce 
nous  est  montrée  par  la  loi,  afin  que  la  loi    cap.  vm. 


'  Lil>.  de  Grat.  Christ.,  cap.  xxxir. 
IX. 


'  Lib.  II  Retract.,  cap.  t. 


29 


430 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


s'accomplisse  par  la  grâce.  Il  met  au  jour 
tous  les  divers  fours  d'expressions  que  Pe- 
lage mettait  en  œuvre  pour  couvrir  ses  er- 
reurs, et  après  avoir  montré  qu'il  ne  fait 
consister  la  grâce  que  dans  la  loi  et  dans 

(;j[,.  i,  l'instruction  :  «  Nous  lui  demandons,  dit-il,  de 
n'en  pas  demeurer  là,  mais  de  reconnaître 
enfin  cette  grâce,  par  laquelle  la  grandeur 
de  la  gloire  future  nous  est  non-seulement 
promise,  mais  encore  par  laquelle  on  croit, 
et  l'on  espère  cette  gloire  ;  par  laquelle  la 
sagesse  est  non- seulement  révélée,  mais 
encore  aimée  ;  par  laquelle  non-seulement 
on  nous  conseille,  par  manière  d'exhorta- 
tion, tout  ce  qui  est  bon,  mais  encore  on  nous 
le  persuade.  Voilà  la  grâce  que  Pelage  est 
obligé  de  reconnaître  et  de  confesser,  s'il 
veut  véritablement  être  chrétien.  » 

Cap.  il.  3.  Pelage  se  flattait  de  pouvoir  atteindre 

par  ses  forces  naturelles  au  comble  de  la 
justice,  sans  avoir  besoin  que  de  la  révéla- 
tion de  la  divine  sagesse,  qu'il  se  procurait 
par  la  lecture  et  la  méditation  de  la  loi. 
Mais  saint  Augustin  le  réfute  par  l'exemple 

II  Cor.  XII.  de  saint  Paul,  qui,  malgré  ses  révélations 
célestes,  était  encore  sujet  à  beaucoup  d'm- 
firmités,  loin  d'être  arrivé  à  la  perfection  de 
la  justice.  «  Si,  dit  ce  Père,  la  charité  sou- 
veraine et  à  laquelle  il  n'y  a  plus  rien  à  ajou- 
ter, eût  été  alors  dans  cet  apôtre ,  charité 
qui  n'aurait  été  susceptible  d'aucune  enflure  ; 
sans  doute  l'ange  de  satan  n'aurait  point  été 
nécessaire  pour  l'empêcher,  par  ses  soufflets, 
de  s'élever  à  cause  de  la  grandeur  de  ses 
révélations.  Mais  la  charité  prenait  de  jour 
en  jour  de  l'accroissement  dans  cet  apôtre, 
tandis  que  son  homme  intérieur  se  renou- 
velait de  jour  en  jour ,  pour  recevoir  sa 
dernière  perfection  dans  le  ciel,  où  il  cesse- 
rait d'être  enfin  sujet  à  l'enflure.  «Il  dit  que 

Cap.  ïii.  la  grâce  dont  parle  cet  apôtre,  et  par  la- 
quelle la  vertu  se  perfectionne  dans  l'infii- 
mité,  ne  se  borne  pas  à  nous  donner  la 
connaissance  de  nos  devoirs  ;  mais  qu'elle 
s'étend  jusqu'à  nous  faire  pratiquer  ce  que 
nous  en  connaissons.  Cette  grâce  ne  nous 
communique  pas  seulement  la  foi  des  biens 

Cap.  iiii.  que  nous  devons  aimer  ;  mais  elle  nous  ins- 
pii'e  encore  l'amour  des  biens  que  nous 
croyons.  Saint  Augustin  ne  disconvient  pas 
qu'on  ne  puisse  donner  le  nom  de  doctrine 
à  la  vraie  grâce  de  Jésus -Christ;  mais  il 
veut  qu'on  croie  que  Dieu  la  répand  d'une 
manière  plus  sublime  et  plus  intime ,  et 
avec  une  ineflable  suavité  ;  non-seulement 


par  ceux  qui  plantent  et  qui  arrosent , 
mais  par  lui-même  ;  parce  qu'il  n'appar- 
tient qu'à  lui  seul  de  donner  en  secret  l'ac- 
croissement; en  sorte  qu'il  ne  se  contente 
pas  de  donner  la  connaissance  de  la  vérité, 
mais  qu'il  inspire  tout  ensemble  la  charité, 
c'est-à-dire  qu'il  donne  tout  à  la  fois  à  ceux 
qui  sont  appelés  selon  le  propos,  et  la  con- 
naissance de  ce  qu'ils  sont  obhgés  de  faire, 
et  l'accomplissement  fidèle  de  leur  devoir. 
On  peut  connnaître  par  là  la  différence  en- 
tre la  justice  de  Dieu  et  la  justice  de  la  loi. 
Celui  qui  connaît  ce  qu'il  doit  faire  et  ne  le 
pratique  point,  n'a  pas  encore  appris  selon 
la  grâce,  mais  selon  la  loi,  et  quand  même 
il  pratiquerait  ce  que  la  loi  commande,  s'il 
ne  le  faisait  que  par  la  crainte  des  châti- 
ments dont  menace  la  loi,  il  n'aurait  que  la 
justice  de  la  loi.  Mais  la  justice  qui  vient  de 
Dieu,  est  celle  qui  est  donnée  par  le  bienfait 
de  la  grâce,  afin  que  le  commandement  ne 
soit  pas- terrible,  mais  doux.  Celui  qui  est 
instruit  par  la  gi'âce,  vient  à  Jésus-Christ  ; 
et  celui  qui  n'y  vient  point,  n'a  pas  été 
instruit  par  la  grâce.  C'est  toutefois  par  le 
libre  arbitre  de  la  volonté,  que  l'on  vient 
ou  que  l'on  ne  vient  pas.  Mais  ce  libre 
arbitre  peut  être  seul,  s'il  ne  vient  point; 
SM  lieu  que  s'il  vient,  il  ne  peut  pas  n'être 
point  aidé,  en  telle  sorte,  que  non-seule- 
ment il  sache  ce  qu'il  faut  faire  ,  mais  qu'il 
fasse  même  ce  qu'il  sait.  Lors  donc  que 
Dieu  enseigne  intérieurement  par  sa  grâce, 
il  enseigne  de  façon,  que  ce  que  chacun  a 
appris,  non-seulement  il  le  croifrpar  la  con- 
naissance qu'il  en  a,  mais  il  le  désire  même 
par  sa  volonté,  et  l'exécute  par  son  action. 
Par  cette  manière  d'enseigner,  la  possibilité 
naturelle  n'est  pas  aidée  seule  ,  mais  la  vo- 
lonté et  l'opération  le  sont  aussi.  Saint  Au- 
gustin réfute  ce  que  disait  Pelage,  qu'il  n'y 
avait  que  la  possibilité  qui  fût  aidée  par  la 
grâce,  il  le  réfute,  dis-je,  par  cet  oracle  du 
Seigneur  :  Tous  ceux  qui  ont  appris  du  Père, 
non-seulement  peuvent  venir,  mais  viennent 
effectivement,  ce  qui  comprend  et  renfer- 
me, et  l'avancement  de  la  possibilité ,  et 
l'atfection  de  la  volonté,  et  i'eflet  de  l'ac- 
tion. 

4.  Pelage  disait  :  La  puissance  de  voir  ne 
vient  point  de  nous,  mais  voir  bien  ou  mal, 
c'est  là  notre  ouvrage  propre.  Saint  Augus- 
tin lui  répond  par  ces  paroles  du  psaume 
où  l'on  dit  à  Dieu  :  Détournez  mes  yeux,  de 
peur  qu'ils  ne  s'attachent  à  la  vanité.  «  Pour- 


Cap.  xir. 


Cap.  Vf. 


Psal, 
37. 


[IV«  ET  y'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


4SI 


quoi,  dit-il,  lui  demanderait-on,  si  cela  dépen- 
dait de  nous,  et  s'il  n'aidait  pas  la  volonté?» 
Pelage  se  servait  d'un  autre  exemple  :  «  De 
ce  que  nous  pouvons  parler,  ajoutait-il,  c'est 
l'ouvrage  de  Dieu  ;  mais  de  ce  que  nous 
parlons  bien  ou  mal,  c'est  le  nôtre  »  Ce 
n'est  pas  là,  lui  répond  saint  Augustin,  ce 
qu'enseigne  celui  qui  parle  toujours  bien  : 
car  ce  n'est  pas  vous,  dit- il  à  ses  apôtres,  qui 
parlez,  mais  l'esprit  du  Père  qui  parle  en 
mus. 

3.  Pelage  attribuait  le  bien  et  le  mal  à 
la  possibilité  que  Dieu  nous  a  donnée  en 
nous  créant,  comme  à  une  seule  racine  qui 
produit  l'un  et  l'autre.  Mais  il  ne  s'aperce- 
vait pas  qu'il  parlait  contre  la  vérité  de  l'É- 
vangile, où  le  Sauveur  dit,  qu'un  bon  arbre 
ne  peut  produire  do  mauvais  fruits,  comme 
un  mauvais  arbre  n'en  peut  produire  de 
bons.  Et  l'Apôtre,  en  disant  que  la  cupidité 
est  la  racine  de  tous  les  maux,  a  voulu  sans 
doute  nous  faire  comprendre  que  la  charité 
est  la  racine  de  tous  les  biens.  La  possibilité 
naturelle  est  susceptible  du  bien  et  du  mal  ; 
mais  elle  n'est  la  racine  ni  de  l'un  ni  de 
l'autre.  La  cupidité  est  seule  la  racine  des 
mauvaises  œuvres,  comme  la  charité  est  la 
racine  des  bonnes.  Or,  cette  charité  nous 
vient  de  Dieu ,  comme  la  cupidité  a  pour 
auteur  l'homme,  ou  le  séducteur  de  l'hom- 
me, et  non  pas  son  créateur.  Car  la  cupi- 
dité n'est  autre  chose  que  la  concupiscence 
de  la  chair,  la  concupiscence  des  yeux,  et 
l'orgueil  de  la  vie  ;  ce  qui  ne  vient  pas  du 
Père,  mais  du  monde.  Au  contraire,  la  cha- 
rité qui  est  une  vertu,  nous  vient  de  Dieu 
qui  est  charité  et  amour ,  et  non  pas  de 
nous-mêmes. 

6.  C'était  encore  une  erreur  de  Pelage, 
que  nous  méritons  la  grâce,  en  faisant  la 
volonté  de  Dieu,  et  que  ce  mérite  vient  du 
fonds  du  libre  arbitre.  C'est  ce  qu'il  disait 
assez  nettement  dans  son  livre  à  la  vierge 
Démétriade.  D'où  saint  Augustin  infère  que 
ce  ne  fut  point  par  l'amour  de  la  vérité, 
que  dans  le  jugement  ecclésiastique  de  Pa- 
lestine, il  condamna  ceux  qui  disent,  que 
la  grâce  de  Dieu  est  donnée  selon  nos  mérites. 
Ce  Père  réfute  cette  erreur,  en  lui  deman- 
dant si  de  tels  mérites  avaient  obtenu  de 
Dieu  la  clémence  qu'il  mit  dans  le  cœur 
d'Assuérus,  roi  d'Assyrie,  l&rsqu'Esther  pa- 
rut devant  ce  prionce  pour  le  prier  de  sauver 
la  vie  à  sa  nation?  «  Ce  serait,  dit-il,  être 
insensé,  que  d'avoir  de  telles  pensées  de  ce 


Cap.  xvvi. 


1    Joan. 
m  SI  IS. 


roi  dans  l'état  où  il  était,  c'est-à-dire  comme 
un  bon  dans  ses  rugissements.  Cependant 
Dieu  changea  son  cœur,  et  le  fit  passer  de 
l'indignation  à  la  clémence.  Que  Pelage  re- 
connaisse donc  que  ce  n'est  point  par  la  loi 
et  par  la  doctrine  qui  se  fait  entendre  au 
dehors  ,  mais  par  une  puissance  intérieure, 
secrète,  merveilleuse  et  inelTable,  que  Dieu 
opère  dans  les  cœurs  des  hommes,  non- 
seulement  les  vraies  révélations,  mais  aussi 
les  bonnes  volontés.  Ce  qui  rend  la  grâce  c«p.  ïxr 
de  Dieu  si  recommaudable,  ce  n'est  pas 
simplement  parce  qu'elle  aide  la  possibilité 
naturelle,  mais  parce  qu'elle  opère  en  nous 
le  vouloir  et  le  faire.  La  grâce  proprement 
dite,  est  le  don  de  la  charité,  ou  du  saint 
amour  ;  aucuns  mérites  ne  précèdent  cette 
grâce,  ayant  été  nécessaire  que  Dieu  nous 
aimât,  avant  de  l'aimer.  C'est  ce  que  nous 
apprend  l'apôtre  saint  Jean  de  la  manière 
la  plus  précise,  quand  il  dit  :  Ce  n'est  pas  que 
nous  ayons  aimé  Dieu,  mais  c'est  lui  qui  nous 
a  aimés.  Et  encore  :  Aimons  Dieu,  parce  qu'il 
nous  a  aimés  le  premier.  Où  pi'endrions- 
nous,  en  effet,  de  quoi  l'aimer,  s'il  ne  nous 
aimait  lui-même  le  premier,  et  ne  nous 
donnait  de  quoi  l'aimer  ?  Mais  quel  bien  fe- 
rions-nous si  nous  n'aimions  pas?  Ou  si 
nous  aimons,  comment  serait -il  possible 
que  nous  ne  tissions  pas  le  bien  ?  Car  quoi- 
qu'il semble  que  le  commandement  de  Dieu 
soit  quelquefois  accompli  par  ceux  qui  crai- 
gnent, et  qui  n'aiment  pas,  toutefois  où  il 
n'y  a  point  d'amour,  nulle  bonne  œuvre 
n'est  imputée,  et  ne  doit  pas  même  porter 
le  nom  de  bonne  œuvre,  à  parler  exacte- 
ment ;  parce  que  tout  ce  qui  ne  vient  pas  de 
la  foi  est  péché,  et  que  la  foi  opère  par  l'a- 
mour ;  par  conséquent,  que  celui,  qui  veal; 
reconnaître  selon  l'exacte  vérité  la  grâce 
par  laquelle  l'amour  de  Dieu  est  répandu 
dans  nos  cœurs  par  le  Saint-Esprit  qui  nous 
a  été  donné,  la  reconnaisse  en  telle  sorte, 
qu'il  ne  doute  pas  qu'on  puisse  en  aucune 
façon  faire  sans  elle  quelque  chose  de  Men 
qui  appartienne  à  la  piété  et  à  la  véritable 
justice  ;  non  pas,  comme  le  veut  Pelage, 
qui  fait  assez  entendre  ce  qu'il  en  pense, 
lorsqu'il  dit  que  la  grâce  nous  est  donnée, 
afin  que  nous  exécutions  p/ws  facilement  ce 
qui  est  ordonné  de  Dieu.  Pourquoi  ce  terme 
plus  facilement!  Qui  ne  voit  le  mal  que  fait 
cette  addition  ?  Il  n'a  pensé  ainsi  que  parce 
qu'il  voulait  qu'on  crût,  que  les  forces  de  la 
nature  sont  assez  grandes  pour  résister  à 


Rim..vil-,2.1. 


452 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


l'esprit  de  malice,  du  moins  en  quelque 
manière,  sans  le  secours  de  la  grâce.  Senti- 
ment qui  est  visiblement  condamné  par  ce- 
lui qui  dit  dans  l'Évangile  :  Sans  moi  vous 
ne  pouvez  rien  faire,  n 

Cap.  xi.\.  7.  Saint  Augustin  montre  après  cela  que 

ni  Pelage  ni  Célesfius  ne  reconnaissaient,  en 
aucun  endroit  de  leurs  écrits,  la  grâce  par 

Rom. v,5.  laquelle  nous  sommes  justifiés,  c'est-à-dire 
par  laquelle  la  charité  est  répandue  dans 
nos  cœurs  par  le  Saint-Esprit  qui  nous  a  été 

Cap.  x.vti.  donné.  Il  rapporte  à  cet  effet  la  lettre  et  la 
profession  de  foi  de  Pelage  adressée  au 
pape  Innocent  I",  montrant  qu'il  n'y  dit 
^çjp.  .NxxTv  rien  de  la  grâce ,  qui  ne  se  puisse  dire  éga- 
lement de  la  loi  et  de  la  doctrine.  Il  fait  voir 
la  même  chose  par  la  lettre  de  Pelage  à  saint 
Paulin ,  et  par  celle  qu'il  écrivit  au  saint 
évéque  Constantius;  et  à  la  viei-ge  Démé- 
triade.  Dans  celle-ci  Pelage  renfermait  le 
secours  de  la  grâce  dans  la  rémission  des 
péchés ,  et  dans  l'exemple  de  Jésus-Christ  ; 
mais  dans  ses  quatre  livres  pour  la  défense 
du  libre  arbitre,  il  mettait  encore  ce  secours 
de  la  grâce  dans  la  loi  et  dans  la  doctrine. 
Ce  qu'il  poussait  si  loin,  qu'il  osait  soutenir 
que  la  prière  même  ne  doit  être  employée 
pour  d'autre  fin,  que  celle  d'obtenir  par  la 
révélation  de  Dieu ,  les  lumières  de  la  doc- 
trine qui  nous  instruit  de  nos  devoirs. 

Cap.  sLi.  ei       8.  Pelage  croyant  avoir  trouvé  ,  dans  les 
'"''■  ouvrages  de  saint  Ambroise,  un  endroit  pro- 

pre à  prouver  que  l'homme  jxut  être  sans  pé- 
ché,  donnait  de  grands  éloges  à  ce  saint 
évéque ,  disant  qu'il  avait  paru  comme  une 
fleur  parfaitement  belle  parmi  les  écrivains 
latins.  Saint  Augustin ,  avant  de  justifier  ce 
Père  sur  ce  point,  parce  qu'il  n'en  était  pas 
alors  question ,  rapporte  plusieurs  passages 
où  saint  Ambroise  reconnaît  clairement  la 
nécessité  de  la  grâce  de  Jésus -Christ.  Le 
premier  est  tiré  de  son  Exposition  sur  saint 
Lue,  où  il  dit  que  partout  la  vertu  du  Sei- 
gneur coopère  dans  les  actions  des  hom- 

Ambros.  in  mss ,  qas  persoune  ue  pBut  édifier  sans  le  Sei- 

Liic.  m,2.'.  gYigur;  ne  peut  rien  garder  sans  le  Seigneur; 
ne  peut  commencer  rien  sans  le  Seigneur.  Le 
second ,  tiré  du  même  , ouvrage  où  il  ex- 

in  Luc.  VII,  plique  la  parabole  des  deux  débiteurs ,  ne 

"■  mérite  pas  moins  d'attention.  «  Celid,  dit-il, 

qui  devait  le  plus,  avait  peut-être  plus  of- 
fensé son  créancier,  que  l'autre  qui  devait 
le  moins.  Mais  la  cause  du  premier  est  chan- 
gée ,  par  la  miséricorde  de  Dieu ,  de  telle 
manière  que  celui  qui  a  dû  le  plus,  aime 


aussi  davantage,  ce  qui  ne  se  fait  cependant  ^^^^J'^^''- 
que  par  la  grâce  qui  lui  est  accordée.  Le  troi-  ^^■ 
sième  est  encore  de  l'Exposition  sur  saint 
Luc.  «  Les  bonnes  larmes,  dit  ce  Père,  sont 
celles  cpii  lavent  le  péché,  et  qu'on  emploie 
pour  en  effacer  jusqu'au  moindre  vestige. 
On  pleure  cpiand  on  est  regardé  favorable- 
ment de  Jésus-Christ.  Pierre  renia  son  maître 
une  première  fois ,  et  il  ne  pleura  point , 
pai'ce  que  le  Seigneur  ne  l'avait  pas  regardé. 
Pierre  renia  son  maître  une  seconde  fois,  et 
il  ne  pleura  point  encore ,  parce  que  le  Sei- 
gneur ne  l'avait  point  regardé.  Pierre  renia 
son  maître  une  troisième  fois,  mais  Jésus  le 
regarda ,  et  il  pleura  amèrement.  Le  Sei- 
gneur Jésus  étant  en  haut  dans  la  salle  inté- 
rieure du  conseil,  on  ne  peut  pas  dire  qu'il 
ait  averti  visiblement  Pierre  cpii  était  en 
bas,  en  le  regardant  des  yeux  du  corps; 
ainsi,  ce  regard  du  Sauveur  signifie  ce  qu'il 
fit  intérieurement  dans  cet  apôtre ,  ce  qu'il 
fit  dans  son  esprit,  ce  qu'il  fit  dans  sa  vo- 
lonté. Le  Seigneur,  par  un  effet  de  sa  misé- 
ricorde, le  secourut  in  visiblement;  il  le  visita 
par  sa  grâce  intérieure;  il  le  pénétra  inti- 
mement de  cet  amour  tendre  et  fidèle  qui 
lui  fit  verser  tant  de  larmes.  Voilà  comment 
Dieu  est  présent  par  son  secours  à  nos  vo- 
lontés et  à  nos  actions.  Voilà  comment  il 
opère  en  nous  le  vouloir  et  le  faire.  » 

Le  saint  Docteur  rapporte  encore  d'autres  cip.a»! 
passages  de  saint  Ambroise  (jui  marquent 
combien  le  secours  de  Dieu  nous  est  néces- 
saire dans  toutes  nos  actions.  Il  convient 
que  dans  la  question  où  l'on  dispute  du  libre 
arbitre,  de  la  volonté  et  de  la  grâce  de  Dieu, 
il  est  si  difficile  de  bien  démêler  toutes  cho- 
ses, que  quand  on  défend  le  libre  arbitre, 
il  semble  que  l'on  nie  la  grâce  de  Dieu;  et, 
qu'au  contraire,  quand  on  veut  établir  la 
grâce  de  Dieu,  il  peut  paraître  qu'on  détruit 
le  libi'e  arbitre;  et  que  c'est  pour  cela  que 
l'on  doit  être  extrêmement  sur  ses  gardes, 
quand  on  traite  avec  des  esprits  subtils  et 
artificieux.  Puis ,  répondant  aux  passages  '^■'f'  "J'™ 
de  saint  Ambroise ,  qui  avaient  mérité  à  ce 
Père  les  éloges  de  Pelage,  saint  Augustin 
les  entend  dans  le  sens  de  la  justice  de  la 
loi  :  «  Ce  Père,  dit-il,  en  écrivant  que  l'homme 
peut  être  sans  péché ,  a  pu  n'envisager 
qu'une  vie  digne  d'approbation  et  de  louange  1 

parmi  les  hommes,  comme  saint  Paul  a  dit  I 

de  lui-même  que,  selon  la  justice  de  la  loi,  il    piiiiip.m.i; 
a  mené  une  vie  iti'éprochable .  »  Mais,  pour  ôter 
tout  doute  sur  ce  point ,  saint  Augustin  rap- 


Cap.  Mil. 


[i\'  ET  r  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTM, 

porte  divers  endroits  de  saint  Ambroise,  où 
il  dit  en  termes  exprès  qae  pe7'sonne  en  ce 
monde  ne  peut  être  sans  péché,  et  qu'il  est  im- 
possible à  la  nature  humaine  d'être  dès  le 
coromencement  pure  et  sans  tache. 

9.  Pelage  et  Célestius,  dans  la  crainte 
d'oifenser  trop  les  oreiUes  chi-étiennes ,  n'o- 
saient refuser  aux.  enfants  le  bain  sacré  de 
la  régénération  et  de  la  rémission  des  pé- 
chés. Mais  ils  soulenaient  que  la  génération 
charnelle  ne  les  assujettissait  point  au  péché 
du  premier  homme,  c'est-à-dire  au  péché 
originel.  Saint  Augustin  le  prouve  en  pre- 
mier lieu  de  Célestius  qui ,  étant  à  Carthage 
devant  les  évéques  assemblés,  ne  voulut  ja- 
mais condamner  ceux  qui  disaient  que  le  pé- 
ché d'Adam  n'a  blessé  que  lui  seul,  et  non 
pas  le  genre  humain  ;  et  que  les  enfants  qui 
naissent  sont  dans  le  même  état  qu'était 
Adam  avant  sa  prévarication.  11  s'expliqua 
encore  plus  nettement  dans  la  profession  de 
foi  qu'il  présenta  au  pape  Zosime  :  car  il  y 
dit  qu'aucun  des  enfants  n'est  coupable  du 
péché  originel.  Saint  Augustin  rapporte 
l'extrait  du  concile  de  Carthage  contre  Cé- 
lestius, et  la  profession  de  foi  qu'il  présenta 
à  Zosime.  Ce  pape  usa  d'abord  de  ménage- 
ment envers  ce  furieux ,  qu'il  voyait  près  de 
se  jeter  dans  le  précipice,  et  il  aima  mieux, 
en  attendant  qu'il  revînt  à  résipiscence ,  s'il 
se  pouvait,  le  prendre  peu  à  peu ,  et  le  ser- 
rer de  ^rès  par  les  demandes  qu'il  lui  ferait 
et  par  les  réponses  qu'il  en  tii-erait,  que  de 
le  frapper  d'anathème  sur  le  champ.  Comme 
il  avait  mis  dans  sa  profession  de  foi  que , 
si  par  un  accident  trop  ordinaire  parmi  les 
hommes,  il  lui  était  échappé  quelque  erreur 
par  un  effet  de  l'ignorance  humaine,  il  con- 
sentait qu'elle  fût  corrigée  par  le  jugement 
du  pape.  Zosime,  qui  avait  observé  cet  en- 
droit, voulut  en  tirer  avantage  pour  l'enga- 
ger à  condamner  ce  qui  lui  avait  été  objecté 
par  le  diacre  Paulin ,  et  à  se  soumettre  à  la 
décision  émanée  de  son  prédécesseur.  Cé- 
lestius refusa  de  condamner  les  objections 
du  diacre  Paulin,  mais  il  n'osa  rejeter  les 
lettres  du  saint  pape  Innocent.  11  promit 
même  de  condamner  toutes  les  choses  que 
ce  siège  condamnerait.  On  usa  de  douceur 
em'ers  lui  pendant  deux  mois,  parce  que  l'on 
attendait  les  réponses  d'Afrique  ;  mais  aussi- 
tôt que  les  rescrits  du  concile  que  l'on  y  avait 
tenu  furent  arrivés,  Zosime  prononça  la 
sentence  contre  Célestius. 

10.  Pelage  se  flattait  de  n'être  pas  compris 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


433 


dans  cette  sentence ,  mais  il  ne  put  tromper 
l'Église  romaine  comme  il  avait  trompé  le 
concile  de  Palestine.  Zosime  qui  se  ressou- 
venait de  ce  qu'avait  pensé  des  actes  de  Pa- 
lestine, Innocent  son  prédécesseur,  dont  la 
conduite  était  digne  d'être  imitée  ;  qui  savait 
aussi  ce  que  les  Romains,  dont  la  foi  est  si 
pure,  pensaient  de  Pelage ,  dont  les  dogmes 
ne  pouvaient  leur  être  cachés ,  ayant  vécu 
longtemps  parmi  eux,  résolut  de  réduire  cet 
homme  et  Célestius  son  disciple  au  rang  des 
pénitents,  ou  à  être  liés  d'un  anathème  ab- 
solu ,  s'ils  refusaient  de  profiter  de  l'indul- 
gence qu'on  leur  accordait  au  cas  qu'ils  se 
rétractassent.  Saint  Augustin  rappoiie  une  ca,.  sxn. 
partie  de  la  lettre  du  pape  Innocent,  où  l'on  c=p.  is. 
voyait  le  jugement  qu'il  avait  porté  des  actes 
du  concile  de  Palestine.  Ce  pape  disait  : 
«  Nous  ne  pouvons  ni  approuver  ni  blâmer 
ce  concile ,  ne  sachant  point  si  les  actes  en 
sont  vrais  ;  mais  au  cas  qu'ils  le  soient ,  Pe- 
lage s'est  plutôt  dérobé  à  la  condamnation 
par  subterfuge ,  qu'il  n'a  obtenu  une  abso- 
lution réelle  en  embrassant  la  vérité.  »  Il  cap.  i. 
produit  aussi  diverses  raisons  pour  montrer 
que  Pelage  avait  trompé  les  pères  de  ce  con- 
cile ,  et  que  son  sentiment  sur  le  péché  ori- 
ginel était  le  même  que  celui  de  Célestius , 
même  après  qu'il  eût  été  absous  à  Diospolis.  cap.  ïin.: 
En  effet,  dans  un  ouvrage  composé  après  ce 
concile.  Pelage  dit  en  termes  exprès  :  <cTout 
le  bien  et  tout  le  mal,  par  lequel  nous  som- 
mes dignes  de  louange  ou  de  blâme,  ne  naît 
point  avec  nous,  mais  se  fait  par  nous.  Car 
nous  naissons  capables  de  l'un  et  de  l'autre, 
sans  que  l'un  ou  l'autre  accompagne  notre 
naissance  ;  et  comme  nous  venons  au  monde 
sans  vertu ,  nous  y  venons  de  même  sans 
vice;  et  avant  l'action  de  la  propre  vo- 
lonté, il  n'y  a  dans  l'homme  que  ce  que  Dieu 
a  créé.  »  C'était  dire,  sans  équivoque,  com- 
me faisait  aussi  Célestius,  que  les  enfants 
naissent  sans  être  souillés  d'aucun  vice  par 
la  contagion  du  péché  d'Adam,  et  par  consé- 
quent, qu'ils  sont  exempts  du  péché  ori- 
ginel. «  Quel  a  donc  été  le  dessein  de  Pe- 
lage, continue  saint  Augustin,  en  disant 
anathème  à  ceux  qui  tiennent  qne  les  en- 
fants qui  viennent  de  naître  sont  dans  le 
même  état  qu'était  Adam  avant  sa  prévari- 
cation? Sinon  de  tromper  le  concile  catholi- 
que, et  d'empêcher  qu'il  ne  le  condamnât 
comme  un  nouvel  hérétique.  » 

Le  saint  Docteur  dévoile  encore  tous  les    ci. xn. 
artifices  et  les  déguisements  dont  Pelage  se 


434 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Cac.  ;ï\"ih. 


Caii.  MJ. 


servit  dans  ce  concile  pour  éviter  sa  con- 
damnation. D'où  il  conclut  que  c'est  à  tort 
qu'il  prétend  y  avoir  été  absous,  et  que 
c'est  au  contraire  avec  raison  qu'on  l'a  con- 
cuii.sv.xri,  clamné  à  Rome   avec  Célestius.  Il  détaille 

t  V 1 1 . 

aussi  les  vains  efforts  de  Pelage  pour  trom- 
per le  Siège  apostolique  de  Rome,  montrant 
qu'il  n'avait  eu  d'autre  dessein  dans  ses  ré- 
ponses que  de  changer  l'état  de  la  question. 
Car,  dans  sa  lettre  au  pape  Innocent,  il  se 
plaignait  qu'on  l'accusait  de  refuser  aux 
enfants  le  sacrement  de  baptême  ;  de  pro- 
mettre à  quelques-uns  le  roj'aume  des 
cieux  sans  qu'ils  participassent  à  la  rédemp- 
tion de  Jésus-Christ.  «Mais  cet  exposé  ,  dit 
saint  Augustin,  n'est  pas  fidèle.  Ce  qu'on 
lui  objecte,  c'est  de  ne  vouloir  pas  recon- 
naître que  les  enfants  qu'on  baptise  ont 
part  à  la  condamnation  du  premier  homme; 
que  le  péché  originel  passe  en  eux,  et  qu'ils 
en  doivent  être  purifiés  par  la  régénération. 
Voilà  l'objection  qu'on  lui  fait  sur  le  bap- 
tême des  enfants  ,  et  non  pas  celles  qu'il 
pi'opose  à  sa  fantaisie,  comme  venant  de  ses 
adversaires  ,  afin  d'y  pouvoir  répondre  con- 
formément à  sa  doctrine.  Que  les  enfants  ne 
puissent  entrer,  sans  le  baptême,  dans  le 
royaume  des  cieux,  c'est  une  proposition 
que  ni  Pelage,  ni  Célestius  n'ont  jamais  niée. 
Mais  ce  n'est  pas  là  de  quoi  il  est  question. 
Il  s'agit  précisément  de  savoir  si  le  péché 
originel  est  etlacé  dans  les  enfants.  Voilà  le 
point  sur  lequel  doit  se  purger  celui  qui  ne 
veut  pas  avouer  que  le  bain  sacré  de  la  ré- 
génération trouve  dans  les  enfants  des  ta- 
ches à  effacer.  » 

Saint  Augustin  examine  tous  les  endroits 
que  Pelage  alléguait  pour  sa  défense ,  et 
tous  les  laisonnements  dont  il  s'appuyait,  et 
montre  qu'en  tout  il  n'a  cherché  qu'à  dégui- 
ser ses  vrais  sentiments.  Il  disait  des  en- 
fants qui  meurent  sans  le  baptême  :  «  Je  sais 
bien  où  ils  ne  vont  pas ,  mais  j'ignore  où  ils 
vont.  »  Paroles  qui  ne  sont  pas  moins  ambi- 
guës que  celles  de  la  profession  de  foi  qu'il 
envoya  au  pape  Innocent.  Il  y  disait  : 
«  Nous  tenons  un  seul  baptême  que  nous 
disons  devoir  être  célébré  dans  les  enfants, 
avec  les  mêmes  paroles  du  sacrement,  qu'on 
le  célèbre  dans  les  adultes.  «  Pourquoi,  dit 
saint  Augustin,  s'est-il  avisé  de  dire,  avec 
les  mêmes  paroles  du  sacrement,  et  non  pas 
avec  le  même  sacrement  :  comme  s'il  n'é- 
tait parlé  dans  le  baptême  des  enfants  de  la 
rémission  des  péchés,  que  par  manière  de 


Caji.  XX. 


Caj'.  XM, 


discours,  et  non  pour  marquer  l'effet  que 
produit  en  eux  le  sacrement?»  Pelage  faisait 
ce  raisonnement  dans  son  exposition  sur 
l'Épître  aux  Romains  :  «  Si  le  péché  d'Adam 
a  été  nuisible  à  ceux  qui  ne  pèchent  point , 
la  justice  de  Jésus-Christ  sei't  donc  à  ceux 
qui  ne  croient  point  en  lui.  »  Saint  Augus- 
tin se  moque  d'un  pareil  raisonnement,  et 
comme  il  s'en  trouvait  beaucoup  d'autres 
semblables  dans  le  même  ouvrage  de  Pe- 
lage, il  en  renvoie  la  solution  dans  les  livres 
qu'il  avait  écrits  sur  le  baptême  des  enfants. 

11.  Pelage  et  Célestius,  pour  détourner  de  cnp.  x.vnr. 
dessus  eux  la  note  odieuse  d'hérésie,  pi'é- 
tendaient  que  la  question  du  péché  originel 
n'appartenait  point  à  la  foi.  Saint  Augustin 
examine  quelles  sont  les  questions  qui  n'ap- 
partiennent point  à  la  foi,  et  en  donne  di- 
vers exemples  ;  comme  de  savoir  quel  est  à 
présent  l'état  du  paradis  terrestre  où  Dieu 

plaça  le  premier  homme,  en  quel  heu  il  est 
situé  ;  où  ont  été  transportés  Élie  et  Enoch  ; 
si  saint  Paul  a  été  élevé  au  troisième  ciel, 
dans  son  corps  ou  hors  de  son  corps  ;  combien 
on  doit  compter  de  cieux  ;  combien  il  y  a 
d'éléments  dans  ce  monde  visible  ;  ce  qui 
cause  les  éclipses  du  soleil  et  de  la  lune  ; 
pourquoi  les  hommes  du  premier  temps  du 
monde  ont  eu  une  si  longue  vie  ;  où  a  pu 
vivre  Mathusalem,  qui  n'a  point  été  sauvé 
dans  l'arche  de  Noé,  lui  qu'on  trouve  avoir 
survécu  aux  déluge,  suivant  le  calqul  des 
années  rapportées  dans  plusieurs  exemplai-  ■ 
res,  tant  grecs  que  latins  ;  ou  s'il  faut  s'en 
tenir  plutôt  à  un  petit  nombre  d'exemplaii-es 
où  les  années  se  comptent  de  façon  qu'il 
était  mort  avant  le  déluge  :  »  Ce  sont-là, 
dit-il,  des  questions  qu'on  peut  examiner 
jusqu'à  un  cei'tain  point ,  ou  qu'on  peut 
ignorer,  sans  que  la  foi  chrétienne  en  souf- 
fre, et  dans  lesquelles  on  peut  se  tromper 
sans  que  de  telles  erreurs  puissent  êti'e  im- 
putées à  crimes,  et  qualifiées  de  dogmes  hé- 
rétiques. » 

12.  En  quoi  consiste    donc   la   foi  chré-     caf.  xxiv. 
tienne  ?  car  ce  n'est  qu'à  la  faveur  de  cette 
lumière  qu'on  peut  bien  discerner,  si  une 
question  est  ou  n'est  pas  du  ressort  de  la 

foi.  Elle  consiste  dans  la  cause  de  deux 
hommes,  qui  sont  Adam  et  Jésus-Christ.  Par 
l'un,  nous  avons  été  comme  vendus  pour 
être  assujettis  au  péché  :  par  l'autre,  nous 
sommes  rachetés  du  péché.  Par  l'un,  nous 
avons  été  précipités  dans  la  mort  :  par  l'au- 
tre, nous  sommes  délivrés  pour  avoir  la  vie 


[IV"  ET  Y'  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

L'un  nous  a  perdus  en  lui-même,  en  faisant 
sa  volonté  propre,  et  non  pas  celle  de  celui 
dont  il  a  reçu  l'être  ;  l'autre  nous  a  sauvés 
en  soi-même,  et  en  ne  faisant  pas  sa  propre 
volonté,  mais  celle  de  celui  qui  l'a  envoyé. 
Timoih.  Car  il  n'y  a  qu'un  Dieu,  et  un  médiateur  en- 
tre Dieu  et  les  hommes,  Jésus-Christ  hom- 
me. Sans  cette  foi,  c'est-à-dire  sans  la  foi 
d'un  seul  médiateur  qui  est  Jésus -Christ, 
personne  n'a  jamais  pu  être  justifié ,  ni 
sauvé,  pas  même  les  anciens  justes  ;  cette 
foi  ayant  été  nécessaire  à  tous  soit  avant  le 
déluge ,  soit  depuis  ;  soit  sous  la  loi  de 
Moïse,  soit  parmi  les  enfants  d'Israël,  soit 

i.xxT.  hors  de  ce  peuple.  C'est  ce  que  saint  Augus- 
tin prouve  par  un  grand  nombre  de  passa- 
ges de  l'un  et  de  l'autre  Testament.  Pelage 
et  Célestius  niaient  que  les  justes  qui  ont 
précédé  la  venue  de  Jésus-Christ  aient  été 
sauvés  par  sa  grâce.  C'est  pourquoi  ils  dis- 
tinguaient des  justes  par  la  nature,  des  jus- 
tes sous  la  loi,  et  des  justes  sous  la  grâce. 
Es  plaçaient  les  premiers  dans  cette  longue 
suite  de  siècles  qui  ont  précédé  la  loi  de 
Moïse.  «  Alors  disaient-Us,  par  les  lumières 
de  la  raison,  on  connaissait  le  Créateur,  et 
l'on  portait  écrit  dans  le  cœur  tout  ce 
qu'il  fallait  savoir  pour  régler  la  vie  qu'on 
devait  mener.  Mais  les  mœurs  s'étant  cor- 
rompues ,  et  la  nature  n'étant  plus  suffi- 
sante, on  y  a  joint  la  loi  pour  lui  rendre  son 

).  sxTi.  ancien  lustre.  Depuis  que  l'habitude  ex- 
cessive de  pécher  a  prévalu,  et  que  la  loi 
s'est  trouvée  peu  capable  de  guérir  un  mal 
si  opiniâtre,  Jésus-Christ  est  venu  comme 
un  médecin  dans  une  maladie  des  plus  dé- 
sespérées ;  lui-même  a  travaillé  en  personne, 
ne  voulant  pas,  dans  un  tel  péril,  se  reposer 
sur  le  soin  de  ses  disciples.  Si  ces  anciens 
justes  n'avaient  pas  eu  besoin,  dit  saint  Au- 
gustin, de  la  grâce  du  Médiateur,  l'Apôtre 

)r..xv,:i,  ne  dirait  pas  comme  il  fait  :  Comme  tous  les 
hommes  meurent  en  Adam ,  tous  revivront 
aussi  en  Jésus-Christ.  Or,  la  raison  pourquoi 
ils  seront  vivifiés  en  Jésus-Cbrist,  c'est  qu'ils 
appartiennent  au  corps  de  Jésus-Christ,  et 
ce  qui  fait  qu'ils  appartiennent  au  corps  de 
Jésus-Christ,  c'est  que  Jésus-Christ  est  leur 
chef  ;  et  Jésus-Christ  est  leur  chef,  parce  qu'il 
n'y  a  qu'un  seul  médiatem"  entre  Dieu  et  les 
hommes ,  qui  est  Jésus  -  Christ  homme.  » 
Il  fait  voir  que,  quoique  son  incarnation  n'ait 
pas  encore  été  accomplie  du  temps  des  pa- 

j.  xxv.i.    triarches,  elle  lem'  a  néanmoins  été  utile, 

«n.  viii,  et  qu'ils   l'ont  crue.  Ce   qu'il  montre  par 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  453 

l'exemple  d'Abraham  dont  Jésus -Christ  a 
dit  :  Il  a  désiré  avec  ardeur  de  voir  mon  jour, 
il  l'a  vu,  et  il  en  a  été  comblé  de  joie. 

13.  «  De  savoir  au  surplus,  ajoute  saint  Au-  cap.  x%\. 
gustin,  si  avant  Abraham  les  justes  ou  leurs 
enfants  étaient  marqués  de  quelque  sacre- 
ment corporel  et  visible  ,  c'est  un  point  sur 
lequel  l'Écriture  ne  s'exphque  pas.  Mais  les 
peines  rigoureuses  sous  lesquelles  Dieu  a 
commandé  la  circoncision  des  petits  enfants, 

font  bien  voir  que  la  nature  n'était  ni  si 
saine,  ni  si  pure  que  le  disaient  Pelage  et  Cé- 
lestius. Quel  mal  a  commis  un  enfant  par  sa 
propre  volonté,  pour  être  condamné  à  périr 
du  milieu  du  peuple  de  Dieu,  si  ce  n  est  parce 
qu'il  appartient  à  la  masse  de  perdition?  On  cap. mxi. 
comprend  l'équité  de  sa  condamnation,  dès 
qu'on  envisage  qu'étant  né  d'Adam,  il  doit 
par  l'origine  qu'il  tire  de  lui,  avoir  part  à  la 
peine  de  son  péché,  à  moins  qu'il  n'en  soit 
délivré  par  la  grâce,  d'une  manière  toute 
gratuite,  et  sans  avoir  aucun  droit  à  une  fa- 
veiu-  d'un  si  grand  prix;  car  l'origine  que 
nous  tirons  d'une  souche  condamnée,  nous 
assujettit  à  la  condamnation,  personne  n'é-  cap.  xssn. 
tant  exempt  de  la  dette  contractée  par  la 
contagion  de  la  régénération  charnelle,  non 
pas  même  l'enfant  d'un  seul  jour  sur  la  joi..  xtv,  s. 
terre.  » 

14.  De  là,  Pelage  et  Célestius  prenaient 
occasion  de  raisonner  ainsi,  et  de  dire  : 
Donc  le  mariage  est  un  mal,  et  l'homme  qui 
y  est  engendré,  n'est  point  l'ouvrage  de 
Dieu.  Mais  saiut  Augustin  leur  prouve  que 
la  transfusion  du  péché  originel,  ne  fait 
point  que  le  mariage  soit  mauvais  ;  parce 
que  ce  n'est  pas  la  concupiscence  qui  fait  le 
bien  du  mariage.  Les  biens  propres  au  ma- 
riage, sont  la  manière  légitime  d'avoir  des 
enfants,  la  fidélité  que  la  chasteté  fait  garder 
aux  personnes  mariées,  et  le  sacrement  de 
l'union  conjugale.  Je  veux  que  les  jeunes  se  i  TimuUi.  t, 
marient,  qu'elles  aient  des  enfants,  qu'elles 
gouvernent  leur  ménage  :  voilà   ce   qui  est 

écrit  par  rapport  à  l'ordre  d'engendrer,  que 
l'on  compte  le  premier  parmi  les  biens  du 
mariage.  Le  corps  de  la  femme  n'est  point  en  i  c»,-.  m, 
sa  puissance,  mais  en  celle  du  mari.  De  même 
le  corps  du  mari  n'est  point  en  sa  puissance, 
mais  en  celle  de  la  femme  :  voilà  ce  qui  re- 
garde la  fidélité  que  la  chasteté  fait  garder 
dans  le  mariage,  qui  en  est  le  second  bien. 
Que  l'homme  ne  sépare  point  ce  que  Dieu  a 
joint  :  voilà  ce  qui  concerne  le  sacrement 
de  l'miion   conjugale,  qui  est  le  troisième 


436 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


bien  du  mariage,  réglé  par  Jésus -Christ 
même.  C'est  la  raison  qui  produit  ces  biens; 
et  non  pas  le  plaisir  charnel  qui  est  inca- 
pable de  bien  user  de  lui-même.  Mais  en 
quoi  consiste-t-il  ?  dans  cette  loi  des  mem- 
bres désobéissants  qui  combat  la  loi  de 
l'esprit.  La  raison,  au  contraire,  qui  fait 
faire  un  bon  usage  du  plaisir  charnel,  n'est 
autre  chose  que  la  loi  même  du  mariage. 

ca,..  XXXV.  Saint  Augustin  ne  doute  pas  que  le  mariage 
n'eût  été  dans  l'état  d'innocence,  et  il  croit 
que  par  ces  paroles  :  Croissez  et  multipliez- 
vous,  Dieu  mit  dans  les  premiers  hommes  le 
germe  d'une  nombreuse  postérité  ;  que  ce 
qui  arrive  présentement  dans  le  mariage, 
ne  serait  point  arrivé  dans  cet  état  d'inno- 
cence, où  les  enfants  auraient  été  conçus 
par  un  amour  réglé  et  parfaitement  tran- 

cap.  xxsrii.  quifto.  Il  eu  infère  que  le  désordre  de  la 
concupiscence,  qui  est  le  principe  de  la 
transmission  du  fléché  originel,  ne  doit  pas 
être  imputé  au  mariage. 

Car."--  13.  Ensuite  il  prouve  par  les  sacrements 

de  la  sainte  Église  qui  se  célébraient  sous 
l'autorité  d'une  autorité  si  ancienne  que 
Pelage  et  Célestius  n'osaient  les  rejeter  ou- 
vertement, que  les  enfants  qui  ne  font  que 
de  naître,  sont  délivrés  dans  le  baptême  de 
la  servitude  du  démon,  par  la  grâce  de  Jé- 
sus-Christ, et  qu'ils  y  reçoivent  la  rémission 
des  péchés.  La  puissance  ennemie  est  d'a- 
bord exorcisée  dans  ce  sacrement,  et  mise 
en  faite  par  le  souflQe  des  ministres  de  l'É- 
glise ;  et  ces  enfants  mêmes  répondent,  par 
la  bouche  de  ceux  qui  les  présentent  au 
baptême,  qu'ils  renoncent  à  cette  puissance. 
Pourquoi,  disaient  ces  hérétiques,  la  bonté 
de  Dieu  crée-t-elle  des  choses,  que  puisse 
posséder  la  malignité  du  diable  ?  «  En  cela, 
répond  saint  Augustin,  Dieu  ne  fait  que  dé- 
velopper le  germe  de  fécondité  qu'il  a  mis 
dans  les  semences  de  sa  créature.  Ainsi  la 
faute  qui  méritait  d'être  condamnée,  n'a 
point  ôté  sa  bénédiction  à  la  nature,  qui  ne 
peut  être  que  louable  en  elle-même.  Et 
quoiqu'en  conséquence  de  la  justice  de  Dieu 
qui  punit  le  péché,  cette  faute  ait  pu  être 
cause  que  les  hommes  naîtraient  avec  le 
vice  du  péché  originel;  elle  n'a  cependant 
pas  empêché  que  les  hommes  prissent  nais- 
sauce  ;  comme  dans  les  personnes  âgées, 
nuls  péchés  ne  détruisent  la  nature  de 
l'homme  ;  l'ouvrage  de  Dieu  demeurant 
bon,  au  milieu  des  plus  grands  désordi-es 
que  commettent  les  impies.  Dieu  condamne 


donc  l'homme  à  cause  du  vice  qui  déshonore 
la  nature  ;  et  non  pas  à  cause  de  la  nature, 
que  le  vice  ne  détruit  point.  Ainsi,  il  n'est 
ni  sm-prenant  ni  injuste  que  l'homme  soit 
soumis  à  l'esprit  immonde  ;  non  à  cause 
de  sa  nature,  mais  à  cause  de  son  impureté, 
qui  ne  vient  point  de  l'ouwage  de  Dieu, 
mais  de  la  volonté  de  l'homme,  et  qu'il  a 
conli-actée  par  la  tache  de  son  origine.  » 

16.  Le  saint  Docteur  fait  voir,  par  divers 
passages  de  saint  Ambroise,  qu'il  regardait 
le  péché  originel  comme  un  point  de  doc- 
trine, qui  appartient  à  la  foi  catholique.  «Je 
suis  tombé,  dit-il,  dans  le  livre  de  la  Foi  de 
la  Résurrection,  je  suis  tombé  en  Adam  ;  j'ai 
été  chassé  du  paradis  en  Adam  ;  je  suis 
mort  à  Adam.  Quand  il  plaira  à  Dieu  de 
me  rappeler,  il  me  trouvera  en  Adam  ;  ou 
criminel  et  livré  à  la  mort  dans  le  premier  ; 
ou  justifié  en  Jésus-Christ  qui  est  le  second 
Adam.  »  Il  n'est  ni  moins  clair  ni  moins 
précis  dans  le  second  chapitre  du  premier 
livre  de  la  Pénitence.  Voici  ses  paroles  : 
«  Nous  naissons  tous  sous  le  péché,  le  vice 
se  trouve  jusque  dans  notre  origine.  C'est 
ce  qui  faisait  dire  à  David  :  J'ai  été  conçu 
dans  l'iniquité,  et  ma  mère  m'a  mis  au  monde 
dans  le  péché.  C'est  pour  cette  raison  que 
la  chair  de  saint  Paul  était  un  corps  de 
mort,  comme  il  l'appelle  lui-même  ;  mais  la 
chair  de  Jésus-Christ  a  condamné  le  péché  ; 
elle  n'en  a  point  reçu  d'atteinte  en  naissant, 
elle  l'a  crucifié  en  mourant  sur  la  croix  : 
afin  que  la  justification  fût  par  la  grâce  dans 
notre  chair,  qui  n'était  auparavant,  par  le 
péchi! ,  qu'un  cloaque  destiné  à  recevoir 
toute  sorte  d'ordures.  »  Saint  Ambroise  ex- 
pliquant le  prophète  Isaïe  :  «  Dans  l'état 
présent  du  monde,  nul  ne  reçoit  le  jour 
exempt  de  péché,  dès  là  qu'il  prend  nais- 
sance d'un  homme  et  d'une  femme  par  la 
voie  ordinaire  ;  et  il  faut  que  celui  qui  naît 
sans  péché  ,  n'ait  point  pris  naissance 
par  cette  espèce  de  conception.  »  Enfin , 
dans  le  second  Yiwe  sur  saint  Luc,  saint 
Ambroise  dit  :  <i  Ce  n'est  point  l'action  de 
l'homme  qui  a  ouvert  le  sein  de  la  sainte 
Vierge,  c'est  le  Saint-Esprit  qui  a  répandu 
dans  ce  sein  inviolable  une  semence  parfai- 
tement pure.  Car  parmi  ceux  qui  sont  nés 
d'une  femme,  le  Seigneur  Jésus,  la  sainteté 
même,  est  le  seul  qui  par  la  nouveauté  d'un 
enfantement  exempt  de  toute  tache  ne  se 
soit  en  rien  ressenti  de  ce  qu'il  y  a  de  con- 
tagieux   dans   la    corruption  teri'eslie  ;    et 


Cap.  xi.l. 


r.Oiii.  vi',2' 


riV'  ET  V  PÎÈCT.ES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


i51 


c'est  un  miracle  de  la  céleste  majesté.  » 
Après  avoir  rapporté  ces  témoignages, 
saint  Augustin  argumente  ainsi  contre  Pe- 
lage qui  donnait  de  si  grands  éloges  à  saint 
Ambroise  :  «  Où  en  est-il  donc  réduit  ?  Si- 
non à  cette  alternative,  ou  de  condamner 
l'erreur  qu'il  ose  soutenir,  en  disant  que 
comme  nous  naissons  sans  vertu,  nous  nais- 
sons aussi  sans  vice  ;  ou  de  se  repentir  d'a- 
voir loué  saint  Ambroise.  Mais  parce  que  ce 
saint,  comme  évéque  catholique,  a  parlé  très- 
conformément  |à  la  foi  catholique ,  dans  ses 
divins  textes,  il  s'ensuit  clairement  que  Pe- 
lage s'étant  écarté  des  i-omes  de  la  foi,  c'est 
avec  justice  qu'il  a  été  condamné  par  l'auto- 
rité de  l'Église  catholique  ;  et  qu'il  doit  de- 
meurer sous  l'anathème  avec  lui,  à  moins 
qu'il  ne  se  repente;  non  pas  d'avoir  loué 
saint  Ambroise,  mais  de  s'être  engagé  dans 
des  sentiments  contraires  aux  siens.  » 

§vn. 

Des  Livres  du  Mariage  et  de  la  Concupiscence. 

\.  Saint  Augustin,  en  parlant  *  de  ses 
deux  livres  adressés  au  comte  Valère,  les 
met  immédiatement  après  sa  réponse  aux 
sermons  des  ariens,  faite  à  la  suite  de  la  con- 
férence avec  Émérite  le  20  septembre  418. 
Ainsi  on  ne  peut  douter  que  le  premier  de 
ces  livres  n'ait  été  écrit  sm-  la  fin  de  la  même 
année,  ou  au  -commencement  de  la  suivante 
419.  Le  saint  Docteur  dit  ^  en  termes  exprès, 
que  ce  fut  après  la  condamnation  de  Pelage 
et  de  Gélestius.  11  en  prit  occasion  d'un  écrit 
des  pélagiens,  où  ils  prétendaient  qu'en  éta- 
blissant '  le  dogme  du  péché  originel,  il 
condamnait  le  mariage.  Le  comte  Valère,  à 
qui  cet  écrit  était  adressé,  rejeta,  comme 
une  calomnie,  ce  que  ces  hérétiques  y  di- 
saient contre  saint  Augustin,  et  s'en  moqua 
avec  une  lumière  digne  de  la  fermeté  de  sa 
foi.  Mais  ce  Père  se  crut  obligé  de  défendre 
ce  qu'il  avait  avancé,  et  composa,  à  cet  effet, 
le  premier  des  deux  livres  dont  nous  par- 
lons ,  où  il  défend  la  bonté  du  mariage,  il 
enseigne  *  que  la  concupiscence  de  la  chair, 
cette  loi  des  membres  qui  combat  contre 
la  loi  de  l'esprit,  n'est  pas  un  A'ice  de  cette 
alhance  de  l'homme  et  de  la  femme  ;  mais, 
qu'au   contraire,    cette    volupté    sensuelle 


est  un  mal  dont  la  pudicité  conjugale  use 
bien,  en  la  rapportant  à  la  génération  des 
enfants.  Il  dédia  ce  livre  au  comte  Valère, 
parce  que  c'était  lui  ^  qui  avait  reçu  l'é- 
crit des  pélagiens  ,  parce  qu'il  avait  résis- 
té généreusement  à  leurs  nouveautés  pro- 
fanes ,  et  aussi  parce  qu'il  avait  reçu  de 
Jésus-Christ  le  don  de  vivre  dans  une  ob- 
servance très-exacte  de  la  chasteté  conju- 
gale. Il  le  lui  adressa  par  une  lettre  sépa- 
rée, que  l'on  a  imprimée  à  la  tête  de  ce 
livre ,  et  où  il  se  répand  en  éloges  sur 
la  charité,  la  foi  et  les  autres  vertus  de  ce 
comte.  Les  pélagiens  trouvèrent  mauvais 
qu'il  l'eût  adressé  à  un  homme  *  d'épée,  di- 
sant qu'il  ne  l'avait  fait  qu'afin  de  se  servir 
de  la  puissance  de  ce  comte  contre  eux.  «Ce 
n'est  pas  contre  vous,  leur  répondit  '  saint 
Augustin,  mais  plutôt  en  votre  faveur  que 
nous  avons  recours  à  des  chrétiens  qui  ont 
en  main  la  puissance.  Ce  n'est  point  pour 
vous  opprimer,  mais  pour  vous  retirer  de 
votre  témérité  sacrilège.  »  Ce  livre  fut  très- 
bien  reçu  '  des  catholiques.  Saint  Augustin  ' 
le  dicta  au  milieu  des  affaires  ecclésias- 
tiques dont  il  était  chargé  ;  et  avec  d'autant 
plus  de  peine,  qu'outre  sa  longueur,  il  y 
avait  à  traiter  une  question  très-difficile. 
Voici  comme  il  commence  : 

2.  «  L'apôtre  saint  Paul  nous  apprend  que 
la  pudicité  conjugale  est  un  don  de  Dieu, 
aussi  bien  que  la  continence.  En  quoi  il 
nous  enseigne  et  qu'il  doit  y  avoir  en  nous 
une  volonté  propre  pour  recevoir  ces  dons, 
et  que  nous  devons  les  demander  si  nous  ne 
les  avons  point.  Quand  il  arrive  donc  que 
des  gens,  privés  de  la  lumière  de  la  foi,  pra- 
tiquent ce  qui  semble  appartenir  à  ces  ver- 
tus, ou  pour  honorer  les  démons,  ou  parce 
qu'ils  désirent  de  plaire  aux  hommes,  soit  à 
eux-mêmes,  soit  à  d'autres,  ou  pour  se  ga- 
rantir de  ce  qui  leur  paraît  fâcheux  dans 
le  mariage  ;  on  ne  peut  pas  dire  qu'ils  sur- 
montent le  péché,  mais  que  certains  péchés 
sont  vaincus  par  d'autres  péchés.  Qu'on  ne 
dise  donc  point  que  celui-là  est  véritable- 
ment chaste,  qui  ne  garde  pas,  pour  l'amour 
du  vrai  Dieu,  la  fidélité  du  lit  nuptial  à  sa 
femme.  Le  commerce  que  l'homme  et  la 
femme  ont  ensemble,  pour  avoir  des  enfants, 
est  un  bien  attaché  à  la  nature  du  mariage, 


AdoIvs 
premier  I 


)    du 
ivro, 


Cap.  ilî, 
II  Cor. 


1  Lib.  II  Retract.,  cap.  xxxiii.  —  ^August.,  lib.  I 
Ad  Bonif.,  cap.  v. 
3  Lib.  II  Retract.  —  *  Ibid.,  cap.  lui. 


^  Lib.  I  De  Nupt.,  cap.  ii.  —  «  Lib.  1  Op.  Imper f., 
cap.  XIV.  —  7  Ibid.  —  »  Lib.  I  Àd  Bonif.,  cap.  v. 


'  Lib.  I  De  Nup.,  cap.  xsxv. 


458 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


et  c'est  en  en  usant  bien  que  les  fidèles  con- 
vertissent en  un  usage  juste  et  légitime  cette 
concupiscence  de  la  chair,  qui  fait  que  la 

Gairi.  V,  iT.  chaii'  a  des  désirs  contraires  à  ceux  de  l'esprit; 
parce  que  leur  intention  est  d'engendrer  des 
enfants  qui  puissent  être  régénérés,  en 
sorte  que  ceux  qui  sont  enfants  du  siècle 
par  la  naissance  charnelle  qu'ils  tirent 
d'eux,  deviennent,  par  leur  renaissance,  les 
enfants  de  Dieu.  Mais  les  personnes  qui 
n'ont  point  ce  désir,  cette  volonté,  cette  fin 
dans  la  génération  des  enfants,  c'est-à-dire 
celle  de  les  faire  passer  du  corps  du  premier 
homme  dans  celui  de  Jésus-Christ,  pour  être 
ses  membres,  ne  peuvent  passer  pour  avoir 
une  vraie  pudicité  conjugale.  Ne  disons 
donc  jamcfis  que  la  chasteté  ni  des  person- 
nes mariées,  ni  des  veuves,  ni  des  vierges 
soit  une  véritable  chasteté,  à  moins  qu'elle 
ne  soit  accompagnée  de  la  véritable  foi.  Car, 
si  l'on  préfère,  avec  raison,  l'état  des  vierges 
sacrées  à  celui  du  mariage,  que  sera  le  chré- 
tien qui  ne  préfère  d  es  femmes  chrétiennes 
et  catholiques,  quand  même  elles  auraient 
été  mariées  plus  d'une  fois,  non-seulement 
à  des  vierges  païennes,  mais  encore  à  des 
vierges  hérétiques,  étant  impossible,  selon 
saint  Paul,  de  plaire  à  Dieu  sans  la  foi?  » 

caj,.  V,  3.  «  Ceux-là  se  trompent  certainement  qui 

s'imaginent  que  quand  nous  blâmons  la  con- 
cupiscence chai-neUe,  nous  condamnons  par 
conséquent  le  mariage ,  comme  si  cette 
maladie  venait  du  mariage  et  non  pas  du 

Cap.  vT.  péché.  Ce  fut  cette  concupiscence  qui  fît 
apercevoir  à  nos  premiers  pères  leur  nudité, 
aussitôt  après  qu'ils  eurent  péché.  Le  ma- 
riage trouve  sa  gloire  en  ce  qu'il  fait  de  ce 
mal  même,  c'est-à-dire  de  la  concupiscence, 
quelque  chose  de  bon,  savoir  la  génération 
des  enfants  ;  mais  ce  qui  le  couvre  en  même 

ca,..  vt..  temps  de  confusion  et  de  honte,  c'est  qu'il 
ne  peut  faire  ce  bien  sans  ce  mal.  Ainsi 
nous  ne  devons  pas  blâmer  le  mariage  à 
cause  du  mal  de  la  concupiscence,  ni  louer 
aussi  cette  concupiscence  à  cause  du  bien 
du  mariage.  C'est  là  cette  maladie  dont  l'A- 
pôtre parle  à  ceux  d'entre  les  fidèles  qui 

Cap.  ïcii.  sont  mariés  :  La  volonté  de  Dieu  est  que  vous 
soyez  saints  et  purs,  et  que  vous  vous  absteniez 

iThes-sai.iv,  de  foi'nication,  et  que  chacun  de  vous  sache  pos- 
'''  séder  ce  qui  lui  appartient  saintement  et  hon- 

nêtement, et  non  en  se  laissant  vaincre  à  la  ma- 
ladie de  la  concupiscence,  comme  les  païens  qui 
ne  connaissent  point  Dieu.  Ces  pai'oles  signi- 
fient qu'un  homme  fidèle,  qui  est  marié,  ne 


doit  pas  se  contenter  de  ne  point  user  de  ce 
qui  appartient  à  autrui,  mais  encore  ne  pas 
s'arrêter  volontairement  au  plaisir  sensuel 
qui  est  maintenant  inséparable  du  mariage, 
mais  le  soufirir  comme  une  chose  néces- 
saire. » 

Le  saint  Docteur  veut  encore  que  le  désir 
d'avoir  des  enfants  ne  se  termine  point  dans 
le  mariage  des  fidèles,  à  la  seule  fin  de  faire 
naître,  pour  le  siècle  présent,  des  enfants  qui 
mourrontunjour;  mais  aies  faire  renaître  en 
Jésus-Christ,  afin  qu'ils  vivent  éternellement 
avec  lui.  Il  ne  croit  pas  qu'on  puisse  douter 
que  les  saints  patriarches,  soit  avant,  soit 
depuis  Abraham,  n'aient  usé  comme  ils  de- 
vaient du  mal  de  cette  concupiscence  au  lieu 
de  s'en  laisser  vaincre.  «  Car,  dit-il,  s'ils  ont 
eu  même  plusieurs  femmes  à  la  fois,  c'était 
uniquement,  afin  qu'ils  pussent  avoir  un 
plus  grand  nombre  d'enfants,  et  non  pour  di- 
versifier leurs  plaisirs  par  un  changement.  » 
Il  ne  doute  pas,  non  plus,  qu'il  ne  soit  plus  cap.  u. 
du  bien  du  mariage  qn'un  homme  soit  joint 
à  une  seule  femme  qu'à  plusieurs.  «  Et  cela, 
ajoute-t-il,nous  est  assez  marqué  dans  cette 
première  alliance  que  Dieu  fit  lui-même  du 
premier  homme  avec  la  première  femme , 
afin  que  tous  les  mariages  tirent  leur  ori- 
gine de  celui  qu'ils  doivent  regarder  comme 
l'exemplaire  Je  ,plus  honnête  qu'ils  puissent 
imiter.  » 

4.  (!  Ce  qui  doit  rendre  le  mariage  recom-    cap.  x. 
mandable  aux  fidèles  engagés  dans  cet  état, 
n'est  pas   seulement  la  fécondité  dont  les 
enfants  sont  le  fruit,  ni  la  pudicité  conjugale 
à  laquelle  la  foi  mutuelle  sert  de  lien  ;  mais 
c'est  que,  selon  l'Apôtre,  ce  sacrement  fait    Ephes.T.s 
que  l'homme  et  la  femme,  une  fois  joints  en- 
semble légitimement,  demeurent  insépara- 
blement unis  tant  qu'ils  vivent,  sans  qu'il 
leur  soit  permis  de  se  quitter  l'un  l'auti'e, 
si  ce  n'est  en  cas  d'adultère  ;  ce  qui  est  une    jij„i,.  v,3 
image  de  ce  qui  se  passe  dans  le  mariage 
de  Jésus-Christ  avec  son  Église,  qui  ne  se- 
l'ont  jamais  séparés  par  aucun  divorce.  » 

Saint  Augustin  dit  le  lien  du  mariage  si 
indissoluble,  qu'il  ne  peut  pas  être  dissous, 
même  pour  cause  de  stérilité.  Et  il  continue  c  ^. 
ainsi  :  «  A  l'égard  de  ceux  qui  ont  bien 
voulu,  par  un  consentement  mutuel,  s'abste- 
nir toujours  de  l'usage  du  mariage,  loin  que 
le  hen  conjugal  qui  les  unit  ensemble  soit 
rompu,  au  contraire  il  demeurera  d'autant 
plus  ferme  et  plus  serré,  que  cetaccoi'd  qu'ils 
ont  fait  ensemble,  les  doit  rendre  plus  étroi- 


[IV"=  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


459 


tement  et  plus  parfaitement  unis,  non  de 
corps,  mais  d'esprit  et  d'affection.  D'où  vient 
que  celle  qui  devait  toujours  demeurer 
vierge  comme  elle  l'était,  ne  laissa  pas  d'ê- 
tre appelée  par  l'Ange,  la  femme  de  Joseph, 
en  vertu  de  la  seule  foi  du  mariage  qu'ils 
s'étaient  donnée;  et  que  l'entière  pureté 
dans  laquelle  ils  devaient  toujours  vivre  en- 
semble, ne  leur  fit  pas  perdre  pour  cela  à 
l'égard  l'un  de  l'autre  le  nom  de  mari  et  de 
femme,  y  ayant  toujours  eu  entre  eux  un 
véritable  mariage.  C'est  aussi  à  cause  de 
ce  mariage  si  chaste  qu'ils  ont  tous  deux 
mérité  d'être  appelés  les  père  et  mère  de 
Jésus-Christ,  et  que,  non-seulement  la  sainte 
Vierge  a  été  sa  mère,  mais  que  saint  Joseph 
a  été  aussi  son  père,  comme  il  était  époux 
de  la  mère,  l'étant  l'un  et  l'autre  selon  l'es- 
prit, et  non  pas  selon  la  chair.  D'où  vient 
que,  dans  la  généalogie  de  Jésus-Christi  où 
ses  aïeux  devaient  être  marqués  selon  qu'ils 
se  sont  succédés  les  uns  aux  autres,  les 
Evangélistes  en  ont  conduit  la  ligne  jusqu'à 
Joseph.  Il  n'y  a  eu  en  effet  que  le  acul  com- 
merce que  les  personnes  mariées  ont  en- 
semble, qui  ne  se  soit  pas  rencontré  dans 
ce  mariage;  parce  qu'il  ne  se  pouvait 
faire  dans  une  chair  de  péché,  sans  cette 
honteuse  concupiscence  de  la  chair  qui  est 
venue  du  péché;  et  celui  qui  devait  être 
exempt  de  péché,  a  voulu  être  conçu  sans 
elle,  afin  de  n'avoir  point  une  chair  de  pé- 
ché, mais  une  chair  qui  eût  la  ressemblance 
de  la  chair  du  péché.  C'était  aussi  pour  nous 
appi'endre  par  là  que  quiconque  naît  du 
commerce  d'un  homme  avec  une  femme, 
porte  une  chair  de  péché ,  puisque  celui  qui 
n'a  point  voulu  venir  au  monde,  par  cette 
voie  ordinaire  de  la  génération,  est  le  seul 
qui  n'ait  point  eu  une  chair  de  péché.  » 

3.  «  Il  ne  suit  pas  de  là  toutefois  que  le 
commerce  que  les  persones  mariées  ont  en- 
semble, dans  la  vue  d'avoir  des  enfants,  soit 
un  péché  :  parce  que  pour  lors  c'est  la  vo- 
lonté de  l'esprit,  qui  étant  ainsi  réglée  se 
fait  suivre  de  la  volupté  du  corps  ;  et  non  la 
volupté  du  corps  qui  emporte  après  elle  la 
volonté  de  l'esprit  ;  et  le  libre  arbitre  n'est 
point  entraîné  comme  un  captif  sous  le  joag 
du  péché,  quand  cette  plaie  du  péché  est 
réduite  à  ne  servir  qu'à  l'usage  juste  et  légi- 
time de  la  génération  des  enfants.  » 

Saint  Augustin  fait  voir  que  la  pluralité 
des  femmes  permise  aux  patriarches,  pour 
conserver  et  multiplier  le  peuple  de  Dieu, 


où  il  fallait  que  tout  ce  qui  devait  arriver  à 
Jésus-Christ  fût  prédit  et  prophétisé,  ne  l'est 
plus  maintenant,  à  cause  qu'il  nous  vient 
de  toutes  les  nations  du  monde  une  multi- 
tude d'enfants  qu'il  faut  engendrer  spirituel- 
lement, de  quelque  part  qu'ils  tirent  leur 
naissance  charnelle.  Il  enseigne  que  l'usage 
du  mariage  dans  d'autres  vues  que  pom' 
engendrer  des  enfants,  n'est  point  exempt 
de  péché  véniel.  La  raison  qu'il  en  donne,  cap.  xiv. 
est  que  l'Apôtre  ne  le  souffre  en  ce  cas  dans 
les  personnes  mariées,  que  comme  une 
chose  qu'il  leur  pardonne.  «  Or,  on  ne  peut,  icor.  vu  s 
ajoute-t-il,  nier  avec  la  moindre  apparence 
de  raison  qu'il  n'y  ait  quelque  péché  où  il 
doit  y  avoir  du  pardon.  Ce  n'est  pas  toute- 
fois le  mariage  qui  fait  que  la  recherche  de 
ce  plaisir  sensuel  soit  un  péché  ,  mais  c'est 
lui  qui  fait  que  ce  péché  n'est  que  véniel  ; 
et  c'est  pour  cela  que  le  mariage  est  encore 
digne  d'honneur  et  de  louange,  en  ce  qu'il 
fait  que  l'on  pardonne,  à  cause  de  lui,  ce  qui 
même  ne  lui  appartient  en  aucune  sorte.  » 
Il  parle  de  divers  excès  qui  se  commettent  ^^ap.  iv  e 
entre  les  personnes  mariées,  et  dit  qu'ils  ne 
doivent  pas  empêcher  d'aimer  dans  le  ma- 
riage les  biens  qui  lui  sont  propres,  savoir 
les  enfants,  la  foi  et  le  sacrement.  Pour  cap.  su.. 
ce  qui  regarde  les  enfants,  on  ne  doit  pas 
seulement  désirer  leur  naissance,  mais  aussi 
leur  régénération  par  le  baptême.  Quant  à 
la  foi,  elle  ne  doit  pas  êti-e  comme  celle  des 
infidèles  mêmes  qui  se  gardent  la  foi  l'un  à 
l'autre,  en  ne  considérant  que  le  corps  dont 
ils  sont  jaloux.  C'est  à  la  vérité  un  bien  na- 
turel dans  le  mariage,  mais  qui  n'est  que 
charnel  ;  au  lieu  qu'une  personne  fidèle 
doit  n'attendre  que  de  Jésus-Christ  la  ré- 
compense de  sa  fidélité  dans  le  mariage.  Et 
pour  ce  qui  est  du  sacrement ,  comme  il  ne 
se  saurait  perdre,  pas  même  pour  cause 
d'adultère,  il  doit  subsister  entre  ceux-mê- 
mes  qui  ont  perdu  toute  espérance  d'avoir 
des  enfants.  » 

6.  Saint  Augustin  parle  ensuite  de  la  con-  cap.  xT;n. 
cupiscence  de  la  chair.  «  On  ne  doit  point, 
dit-il,  l'attribuer  au  mariage,  mais  l'y  tolé- 
rer. C'est  à  cause  de  cette  concupiscence 
que  ceux  mêmes  qui  sont  enfants  de  Dieu, 
ne  peuvent  engendrer,  quoique  d'un  juste 
et  légitime  mariage,  des  enfants  qui  soient 
enfants  de  Dieu,  mais  des  enfants  de  ce  siè- 
cle. La  raison  en  est,  qu'ils  engendrent  non 
selon  ce  qui  les  rend  enfants  de  Dieu,  mais 
selon  ce  qui  les  rend  enfants  du  siècle.  Il 


460 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Cap.  XIX.  est  vrai  que  le  penché  qui  avait  été  pardonné 
au  père  et  à  la  mère,  passe  dans  leurs  en- 
fants d'une  manière  inconcevable  ;  cependant 
il  y  passe.  La  Providence  semble  avoir  voulu 
nous  rendre  ce  fait  croyable  par  divers 
exemples  qui  sont  visibles.  Ne  voyons - 
nous  pas  qu'un  olivier  sauvage  vient  du 
noyau  d'un  olivier  franc,  et  que  les  noj'aux 
mêmes  d'mi  olivier  fi'anc  ne  sauraient  pro- 
duire que  des  sauvageons,  quoiqu'il  y  ait 
tant  de  différence  entre  un  olivier  sauvage 
et  un  olivier  franc.  C'est  ainsi  que  celui  qui 
est  engendré  de  la  chair  d'un  pécheur,  et 
celui  qui  est  engendré  de  la  chair  d'un 
juste,  sont  tous  deux  également  pécheurs, 
quoiqu'il  y  ait  tant  de  différence  entre  un 
pécheur  et  un  juste.  Comment  cela  se  fait-il? 
Il  n'est  pas  aisé  de  le  découvrir,  ni  de  l'ex- 
pliquer par  des  paroles,  quand  même  on 
l'aurait  découvert.  Est-il  facile  de  trouver  la 
raison  pourquoi  du  noyau  de  l'olivier  franc 
il  en  sort  un  olivier  sauvage,  comme  de  l'o- 
livier sauvage  il  en  sort  un  rejeton  de  même 
nature?  Cependant  quiconque  en  voudra 
faire  l'expérience,  pourra  s'en  convaincre 
par  ses  propres  yeux  ;  et  cela  doit  nous  en- 
gager à  nous  faire  croire  cette  autre  chose 
qui  ne  se  peut  voir.  » 

7.  Il  prouve  l'existence  du  péché  originel 
dans  les  enfants,  en  montrant  par  les  exor- 
cismes  qu'on  leur  fait  au  baptême  qu'ils  sont 
véritablement,  et  non  en  apparence  ni  par 
feinte,  sous  la  puissance  du  démon.  «  Que 
pourrait-il  y  avoir  en  eux  qui  les  tînt  captifs 
sous  la  puissance  dç  cet  ennemi,  jusqu'à  ce 
qu'ils  en  soient  arrachés  par  le  sacrement 
du  baptême  de  Jésus-Christ,  sinon  le  péché? 
Car  le  démon  ne  trouve  rien  autre  chose 
dont  il  puisse  prendre  di'oit  d'asservir  à  sa 
tyrannie  une  nature  que  son  auteur,  étant 
bon  comme  il  est,  n'a  pu  faire  que  bonne. 
Or,  les  petits  enfants  n'ont  commis  dans  leur 
vie  aucun  péché  propre  ou  actuel.  11  faut 
donc  que  ce  soit  le  péché  originel  qui  les 
tienne  captifs  sous  la  puissance  du  diable 
s'ils  n'en  sont  rachetés  par  le  bain  de  la  ré- 
génération et  par  le  sang  de  Jésus-Christ.  » 

Cap.  .1X111.  8.  «  C'est  la  concupiscence  dont  la  souil- 
lui'e  ne  peut  être  effacée  que  par  le  baptê- 
me, qui  fait  passer  par  la  génération  ce  lien 
du  péché  dans  les  enfants,  jusqu'à  ce  qu'ils 
en  soient  eux-mêmes  délivrés  par  cette  di- 
vine renaissance.  Mais  quoique  cette  concu- 
piscence demem-e  dans  ceux  qxii  sont  régé- 
nérés, elle    n'est   plus   un    péché,   pourvu 


Cap.  XX. 


^qu'ils  ne  consentent  point  à  ses  mouve- 
i«  ments,  quand  elle  porte  à  des  actions  mau- 
f;  vaises  et  défendues.  On  ne  laisse  pas  de 
l'appeler  péché,  soit  parce  qu'elle  est  un 
etfet  du  péché,  soit  parce  qu'elle  est  elle- 
même  cause  du  péché,  quand  elle  est  vic- 
torieuse. C'est  en  cette  manière  que  l'Ecri- 
ture est  appelée  main,  parce  que  c'est  la 
main  qui  la  forme  ;  et  que  le  froid  est  ap- 
pelé paresseux,  parce  qu'il  rend  les  hommes 
paresseux.  La  raison  donc  pour  laquelle  le 
diable  tient  sous  lui  les  petits  enfants  comme 
coupables,  c'est  qu'ils  sout  nés,  non  par  le 
moyen  du  bien  qui  fait  que  le  mariage  est 
une  bonne  chose,  mais  par  le  moyen  du 
mal  de  la  concupiscence,  dont  le  mariage  a 
honte  dans  le  temps  même  qu'elle  eu  use 
bien.  En  sorte  que,  naissant  d'elle,  ils  sont 
coupables  du  péché  originel,  s'ils  ne  sont 
régénérés  en  celui  qu'une  Vierge  a  conçu 
sans  cette  concupiscence,  et  qui  est  le  seul 
qui  soit  né  sans  péché.  » 

Mais  comment  cette  concupiscence  peut- 
elle  demeurer  dans  celui  qui  est  régénéré  ? 
Saint  Augustin  répond  :  a  Elle  est  pardon- 
née  dans  le  baptême,  non  en  ce  sens  qu'elle 
est  tout  à  fait  éteinte,  mais  en  ce  sens  qu'elle 
n'est  point  imputée  à  pécher.  Elle  ne  de- 
meure point  d'une  manière  substantielle 
comme  si  elle  était  un  corps  ou  un  esprit  ; 
mais  c'est  une  certaine  mauvaise  disposition 
semblable  à  une  langueur.  EUe  diminue  tous 
les  jours  dans  ceux  qui  avancent  dans  la 
piété,  et  qui  gardent  la  continence,  et  sur- 
tout lorsqu'ils  commencent  à  vieillir.  Mais 
pour  ceux  qui  s'abandonnent  honteusement 
à  la  satisfaire ,  elle  s'irrite  et  se  fortifie 
en  eux  à  mesure  qu'ils  avancent  en  ûge. 
Qu'elle  est  l'action  de  cette  concupiscence, 
sinon  des  désirs  mauvais  et  déshonnêtes  ? 
Car  s'ils  étaient  bons  et  honnêtes,  l'Apôtre 
ne  nous  défendrait  pas  de  leur  obéir.  Il  ne 
dit  pas  que  nous  n'ayons  point  ces  désirs 
déréglés ,  mais  que  nous  n'y  obéissions 
pas;  c'est-à-dire  :  comme  ces  mouvements 
impurs  sont  plus  violents  dans  les  uns,  et 
plus  faibles  dans  les  autres,  selon  le  progrès 
que  chacun  a  pu  faire  dans  la  vie  nouvelle 
de  l'homme  intérieur,  nous  devons  nous  con- 
duire au  moins  de  telle  sorte  dans  ce  combat 
pour  la  justice  et  pour  la  chasteté,  que  nous 
ne  les  suivions  jamais.  Nous  pouvons  souhai- 
ter de  n'en  être  point  inquiétés,  quoiqu'il  ne 
soit  pas  possible  de  l'obtenir  tant  que  nous 
demeurerons  dans  ce  corps  de  mort.  L'Apô- 


[lY'  ET  V'  SIÈCLES.' 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


461 


.  XI,  27. 
.  xxvlll. 


Ire  aurait  bien  voulu  en  être  exempt,  mais 
il  ne  laissait  pas  de  ressentir  les  effets  de 
cette  concupiscence,  quoiqu'il  n'y  obéit 
point,  puisqu'il  refusait  son  consentement  à 
ses  désirs.  C'est  pourquoi  il  disait  :  Mainte- 
nant donc,  ce  n'est  plus  moi  qui  fais  ces  choses, 
c'est  le  péché  qui  habite  en  moi.  » 

9.  «  Mais  celui-là  se  trompe  qui,  dans  le 
temps  même  qu'il  consent  aux  désirs  de  la 
concupiscence  charnelle ,  et  qu'il  se  déter- 
mine de  les  accomplir,  s'imagine  qu'il  peut 
dire  avec  cet  apôtre  :  Ce  n'est  pas  moi  qui  fais 
ces  choses:  car  toutes  ces  deux  choses  se  ren- 
contrent en  lui.  Il  condamne  lui-même  ces 
désirs,  parce  qu'il  sait  qu'ils  sont  mauvais  ; 
et  il  les  accomplit  aussi  lui-même,  parce 
qu'Use  résout  à  les  accomplir.  Au  contraire, 
quand  on  n'obéit  point  à  ces  mauvais  désirs, 
qaoiqu'on  les  ait,  le  mal  n'est  pas  accompli 
parce  qu'on  leur  résiste ,  ni  le  bien  aussi 
parce  qu'on  les  a  ;  mais  on  fait  quelque  par- 
tie du  bien  en  ne  consentant  point  aux  mou- 
\ements  de  la  concupiscence;  et  il  reste 
aussi  quelque  partie  du  mal,  parce  qu'on 
ressent  encore  ces  mauvais  désirs.  C'est 
donc  faire  beaucoup  de  bien  que  d'obéir  à 
l'Écriture  qui  nous  dit  :  Ne  vous  laissez  point 
aller  à  vos  mauvais  désirs  ;  mais  ce  n'est  point 
l'accomplir,  parce  qu'on  n'accomplit  point  ce 
qu'elle  dit  ailleurs  :  Vous  n'aurez  point  de 
mauvais  désirs.  La  raison  de  cette  dernière 
défense  est  pour  nous  faire  reconnaître  que 
nous  sommes  tous  plongés  dans  cette  mala- 
die ,  nous  faire  chercher  la  médecine  de  la 
grâce,  et  pour  nous  apprendre,  par  ce  pré- 
cepte, quels  efforts  nous  devons  faire  du- 
rant cette  vie  mortelle ,  pour  avancer  de 
plus  en  plus  dans  la  vertu  ;  et  quel  est  l'état 
où  nous  pouvons  arriver  dans  la  bienheu- 
reuse immortalité.  Car,  si  nous  ne  devions 
pas  un  jour  parfaitement  accomplir  ce  qui 
nous  est  ordonné  par  ce  commandement,  il 
ne  nous  aurait  jamais  été  fait.  » 

Saint  Augustin  appuie  tout  ce  qu'il  dit  sur 
ce  sujet,  des  paroles  de  l'Épitre  aux  Ro- 
mains, et,  faisant  réflexion  sur  ce  que  saint 
Paul  y  dit,  qu'il  se  plaisait  dans  la  loi  de 
Dieu  selon  l'homme  intérieur.  Ce  plaisir  que 
nous  prenons,  dit-il,  dans  la  loi  de  Dieu  se- 
lon l'homme  intérieur,  est  l'effet  d'une  grande 
grâce  de  Dieu  sur  nous,  puisque  c'est  en 
persévérant  à  le  goûter  de  plus  en  plus,  que 
notre  homme  intérieur  se  renouvelle  de 
jour  en  jour.  Car  ce  plaisir  ne  naît  point  de 
la  crainte  qui  gêne  le  cceiu-,  mais  de  l'a- 


mour qui  le  fait  agir  volontairement.  Et 
quand  ce  n'est  point  malgré  nous  que  nous 
nous  plaisons  à  quelque  chose,  nous  sommes 
en  cela  véritablement  libres.  «Le  saint  Doc- 
demande  comment  il  est  vrai  que  la  loi  de 
l'esprit  de  vie  qui  est  en  Jésus-Christ  nous  déli- 
vre de  la  loi  du  péché  et  de  la  mort?  Il  répond 
que  c'est  parce  qu'en  nous  pardonnant  tous 
nos  péchés,  elle  a  effacé  en  même  temps  la 
souillure  de  cette  loi  de  péché  qui  nous  ren- 
dait coupables;  de  sorte  que,  bien  qu'elle 
demeure  encore  dans  les  membres  de  notre 
corps,  elle  ne  nous  est  pourtant  point  impu- 
tée à  péché.  Mais  le  contraire  arrive  à  tous 
ceux  qui  n'ont  point  de  part  à  cette  rémis- 
sion des  péchés  ;  et  cette  loi  réside  tellement 
en  eux,  qu'elle  les  rend  coupables  devant 
Dieu,  et  débiteurs  des  peines  éternelles. 
«  Qu'heureux  est  donc,  s'écrie  ce  Père,  cet 
olivier  franc,  dont  les  iniquités  ont  été  par- 
données,  et  à  qui  le  Seigneur  n'a  point  im- 
puté de  péché  !  »  Il  enseigne  que  par  la  vertu 
du  bain  sacré  de  la  régénération,  et  par  la 
parole  sanctifiante ,  tous  les  maux  des  hom- 
mes sans  exception  sont  purifiés  et  guéris, 
soit  ceux  qui  nous  accompagnent  dès  notre 
naissance,  c'est-à-dire  le  péché  originel;  soit 
ceux  qui  se  commettent  par  cette  ignorance 
ou  cette  faiblesse  qui  sont  inséparables  de  la 
condition  des  hommes  ;  que  l'Oraison  domi- 
nicale, où  nous  demandons  à  Dieu  le  pardon 
de  nos  péchés,  est  comme  notre  pénitence 
de  tous  les  jours  pour  nous  purifier  des  fau- 
tes que  nous  commettons,  que  les  pécheurs 
l'obtiennent  aussi  par  les  aumônes  :  «  Mais, 
dit -il,  le  baptême  doit  précéder,  et  en  cette 
vie  l'Église  n'est  pas  dans  un  état  de  pureté 
et  de  perfection  qui  soit  exempt  de  taches  et 
de  rides.  » 

Il  finit  ce  livre  par  un  passage  de  saint  Am- 
broise  qui,  en  expliquant  le  prophète  Isaïe  , 
s'exprime  ainsi  sur  la  concupiscence  de  la 
chair  :  C'est  pour  cela  que  Jésus- Christ  en 
tant  qu'homme  a  voulu  être  tenté  en  toute  ma- 
nière, et  qu'étant  semblable  aux  hommes,  il  a 
souffert  toute  sorte  de  peines.  Mais  parce  qu'il  a 
été  conçu  du  Saint-Esprit,  il  a  été  exempt  de 
tout  péché  :  car  tout  homme  est  menteur,  et  nul 
n'est  sans  péché,  sinon  Dieu  seul.  Il  s'ensuit 
donc  que  nul  de  ceux  qui  naissent  du  commerce 
charnel  d'un  homme  et  d'une  femme  ne  doit  pa- 
raître pur  de  tout  péché.  Aussi  celui  qui  est 
pur  de  tout  péché  n'a  point  été  conçu  en  cette 
manière. 

10.  Dès  que  ce  premier  hvre  du  Mariage 


Cap.  XXXI. 
Rom.  VIII,  t. 


Cap. 


Cap.    xwill 
cl  X.'iXlV. 


Cap. 


Cap.  -S XXV. 


462 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


t. 


vre  des  Noces 
cl  de  la  Cou- 
ciipiscciiPPjen 
'.20. 


AEatjsr  de 
ce  li^re,  pae. 
302. 


Cap.  11. 


et  de  la  Concupiscence  eût  été  rendu  public, 
Julien  *  le  pélagien  écrivit  quatre  livres  ,  où 
il  prétendait  le  réfuter.  Comme  son  ouvrage 
était  long,  quoiqu'il  ne  touchât  pas  seule- 
ment la  quatrième  partie  de  celui  de  saint 
Augustin,  quelqu'autre  de  cette  secte  fit  des 
extraits  du  premier  de  ces  livi'es  de  Julien , 
et  les  envoya  à  Valère,  afin  de  lui  fournir 
une  réponse  plus  prompte  et  plus  courte 
au  livre  du  Mariage  et  de  la  Concupiscence. 
Ce  comte  ayant  vu  à  Ravenne  saint  Alypius 
qui  allait  à  Rome,  lui  donna  une  lettre,  ^  où 
il  remerciait  saint  Augustin  de  lui  avoir  en- 
voyé son  livre  du  Mariage ,  et  lui  mandait 
en  même  temps  que  les  hérétiques  en  com- 
battaient divers  endroits.  Il  lui  donna  aussi 
quelques  cahiers  pour  porter  à  saint  Augus- 
tin, c'était  les  extraits  du  premier  livre  de 
Juhen;  et  il  le  priait  d'y  répondre  le  plus 
promptement  qu'il  lui  serait  possible.  Saint 
Augustin  les  ayant  vus,  après  le  retour  de 
saint  Alypius  en  Afrique  ,  ne  douta  point 
qu'ils  ne  fussent  tirés  des  livres  de  Julien  , 
et  il  eût  été  bien  aise  de  les  avoir  en  entier 
pour  y  répondre.  Mais,  pour  satisfaire  Va- 
lère ,  il  n'en  réfuta  que  les  extraits  ,  et  com- 
posa pour  ce  sujet  un  deuxième  livre  adressé 
à  ce  comte  sous  le  même  titre  que  le  pre- 
mier, du  Mariage  et  de  la  Concupiscence.  On  ne 
peut  le  mettre  plus  tard  qu'en  420,  un  an 
après  le  premier  ,  puisque  saint  Augustin  le 
composa  aussitôt  qu'il  eût  reçu  la  lettre  de 
remercîment  de  Valère  pour  ce  premier  : 
étant  sans  apparence  qu'il  eût  attendu  plus 
longtemps  à  le  remercier. 

il.  Saint  Augustin  emploie  tout  ce  livre  à 
défendre  ce  qu'il  avait  dit  dans  le  premier 
touchant  la  doctrine  du  péché  originel.  Il  se 
plaint  de  l'infidélité  de  son  adversaire,  qui, 
en  rapportant  un  endi-oit  de  son  livre  du 
Mariage  et  de  la  Concupiscence  ,  avait  sup- 
primé ce  passage  de  l'Apôtre  ,  voyant  bien 
qu'il  ne  pouvait  y  répondre  :  Le  péché  est 
entré  dans  le  monde  par  un  seul  homme,  et  la 
mort  par  le  péché  ;  ainsi  la  mort  est  passée  dans 
tous  les  hommes,  tous  ayant  péché  dans  un  seul. 
Saint  Augustin  en  avait  inféré  que  les  hom- 
mes apportaient  [en  naissant  le  péché  ori- 
ginel :  et  ce  pélagien  savait  bien  que  c'était- 
là  le  sens  que  tous  les  catholiques  donnaient 
à  ces  paroles  de  l'Apôtre.' Il  fait  voir  que  cet 
hérétique  avait  commis  beaucoup  d'autres 
semblables   infidélités   en   supprimant,  des 


en  droits  du  livre  de  saint  Augustin,  qu'il 
savait  bien  être  conformes  à  la  doctrine  de 
l'Église  catholique  ,  sur  le  besoin  qu'ont  les 
enfants  d'être  régénérés  par  le  baptême,  afin 
d'effacer  le  péché  originel  qu'ils  apportent 
en  naissant. 

12.  Julien  se  plaignait  de  ce  que  saint  Au-  c«p.  m. 
gustin  taxait  d'hérésie  célestienne  et  péla- 
gienne  ceux  qui  disaient  que  l'homme  avait 
le  libre  arbitre.  «  Vous  vous  trompez  ex- 
trêmement ,  lui  répond  ce  Père ,  nous  ne 
nions  point  le  libre  arbitre  ;  mais  nous  di- 
sons que  si  le  Fils  vous  met  en  liberté ,  vous  Ji'.n.  < 
serez  alors  véritablement  libres.  Ainsi,  quicon- 
que dit  que  l'homme  a  le  libre  arbitre,  n'est 
point  appelé  pour  cela  célestien  ou  péla- 
gien ,  puisque  la  foi  catholique  le  dit  aussi. 
Mais  celui-là  est  appelé  pélagien  et  célestien 
qui  dit  que,  pour  servir  Dieu  comme  il  faut, 
le  libre  arbitre  sans  le  secours  de  Dieu  suf- 
fit. Nous  disons  les  uns  et  les  autres  que  les 
hommes  ont  le  libre  arbitre  ,  ce  n'est  point 
en  cela  que  vous  êtes  célestiens  et  péla- 
giens.  Mais  vous  enseignez  que  chacun  est 
hbre  de  faire  le  bien  sans  le  secours  de 
Dieu,  et  que  les  enfants,  sans  être  délivrés 
de  la  puissance  des  ténèbres,  sont  transférés 
dans  le  royaume  de  Dieu.  C'est  en  cela  que 
vous  êtes  célestiens  et  pélagiens.  Pourquoi 
donc  voulez-vous,  à  l'ombre  d'un  dogme  qui 
nous  est  commun ,  cacher  votre  propre 
crime?  » 

Il  fait  voir  à  Julien  que  les  catholiques,  en 
croyant  le  péché  originel ,  n'avaient  rien  de 
commun  avec  les  manichéens.  Ceux-ci  di- 
saient en  efl'et  que  la  nature  humaine  n'avait 
point  été  créée  bonne  de  Dieu  ,  et  ils  en  at- 
tribuaient l'origine  au  prince  des  ténèbres  , 
admettant  dans  le  même  homme  un  mélange 
monstrueux  de  deux  natures,  l'une  bonne 
et  l'autre  mauvaise.  Les  catholiques  au  con- 
traire croyaient  que  la  nature  humaine  avait 
été  ci'éée  bonne  par  un  créateur  bon ,  mais 
que,  s'étant  viciée  par  le  péché,  elle  avait 
besoin  pour  être  guérie  du  secours  de  Jé- 
sus-Christ son  médecin.  Quant  aux  pélagiens 
et  aux  célestiens ,  ils  avouaient  que  la  na- 
ture humaine  avait  été  créée  bonne  d'un 
Dieu  bon ,  mais  qu'elle  était  tellement  saine 
dans  les  enfants  ,  qu'à  cet  âge  ils  n'avaient 
pas  besoin  de  la  grâce  de  Jésus-Christ. 

Le  saint  Docteur  combat  les  manichéens 
et  les  pélagiens,  en  leur  opposant  les  paroles 


August.,  Vrœf.  in  Op.  imper f. 


^  l,ih.  Il  De  A'»j)L,  r;ip.  i  el  il. 


[W  ET  V'  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


463 


f  fi"fi'.  ^"''  ^^  l'Évangile  :  Vous  n'avez  point  lu,  dit-il  aux 
premiers  ,  que  celui  qui  a  créé  l'homme ,  créa, 
au  commencement,  un  homme  et  une  femme  ;  et 
qu'il  est  dit  pour  cette  raison  :  L'homme  aban- 
donnera son  père  et  sa  mère,  et  il  demeurera 
attaché  à  sa  femme  ;  et  ils  ne  feront  tous  deux 
qu'une  seule  chair.  Que  l'homme  donc  ne  sépare 
pas  ce  que  Dieu  a  Joint.  Il  dit  aux  derniers  : 
.uc.xix,  10.  £g  jiig  (jg  l'homme  est  venu  pour  chercher  et 
Maiih.  is ,  pg^^j.  sauver  ce  qui  était  perdu  ;  car  ce  ne  sont 
pas  les  sains,  mais  les  malades  qui  ont  besoin 
de  médecin. 

:ap.  IV.  j3    Saint  Augustin  montre   ensuite  que 

Julien,  ou  celui  qui  avait  tiré  des  extraits  de 
ses  livres ,  en  intitulant  son  écrit  :  Contre 
ceux  qui  condamnent  le  mariage  et  qui  en  at- 
tribuent le  fruit  au  diable,  n'attaquait  pointées 
catholiques  dont  aucun  ne  dit  que  le  mariage 
soit  mauvais.  «  Tous  au  contraire,  dit-il,  re- 
connaissent qu'il  est  bon,  et  que  les  hommes 
qui  en  naissent  sont  des  créatures  de  Dieu. 
Ils  enseignent  seulement  que  comme  pé- 
cheurs, ils  sont  sous  la  puissance  du  démon, 
auteur  du  péché  et  non  de  la  nature.  Il  con- 
vient, avec  Julien,  que  la  fécondité  est  un 
don  de  Dieu  ;  mais  il  soutient  contre  lui  que 
l'homme  en  naissant  se  trouve  par  son  pé- 
ché sous  la  puissance  du  démon.  Qu'y  a-t-il 

'•'•P'  '■■  dans  les  enfants  ,  objectait  cet  hérétique  , 
que  le  démon  puisse  s'attribuer  ?  Serait-ce  à 
cause  de  la  diversité  des  sexes  ?  mais  elle  se 
trouve  dans  les  corps ,  tels  que  Dieu  les  a 
formés.  Serait-ce  à  cause  de  la  jonction  des 
sexes  ?  mais  Dieu  l'a  commandée  ,  en  disant 
croissez  et  multipliez,  n  Saint  Augustin  ré- 
pond que  la  concupiscence  est  la  source  de 
tout  le  mal  ;  et  que  c'est  elle  qui  fit  rougir 
nos  premiers  parents,  en  qui  elle  causa,  de- 
puis leur  péché ,  une  révolte  qu'ils  n'avaient 
pas  connue  pendant  leur  innocence.  Mais, 
disait  Julien,  il  ne  peut  y  avoir  de  péché 
sans  la  volonté,  qui  n'exerce  encore  aucun 
acte  dans  les  enfants.  Ce  Père  lui  répond 
par  le  passage  de  l'Épître  aux  Romains  ,  où 
il  est  dit,  que  tous  les  hommes  ont  péché  dans 
un  seul  :  d'oîi  il  suit,  dit-il,  que  tous  les  hom- 
mes ont  péché  dans  Adam  par  la  même  vo- 
lonté qu'il  a  péché  lui-même,  n'ayant  tous  été 
qu'un  en  lui.  11  appuie  cette  réponse  d'un 
passage  de  saint  Ambroise  que  Pelage  re- 
connaissait avoir  été  très-instruit  dans  les 
divines  Écritures,  et  dont  il  avait  loué  la 
foi. 

Cap.  VI.  14,  Si  l'union  des  deux  sexes  produit  quel- 

que chose  de  vicieux,  c'est,  objectait  Julien, 


faire  le  diable  auteur  des  corps.  «  Nous  ne 
lui  attribuons,  réplique  saint  Augustin,  que  le 
péché  seul  par  qui  la  concupiscence  infecte 
les  corps  qui  sont  l'œuvre  de  Dieu.  »  II  fait  '-'''• 
sentir  le  ridicule  de  ce  pélagien  qui,  n'osant 
nommer  le  mot  de  concupiscence  ,  la  com- 
blait toutefois  d'éloges  sous  le  nom  emprunté 
d'appétit  naturel.  Il  lui  reproche  d'altérer  vi-  ^"'•^ 
siblement  les  textes  sacrés,  et  de  les  détour- 
ner en  un  sens  obscène,  lorsqu'ils  en  ont  un 
tout  naturel.  Pour  expliquer  la  cause  du  pé- 
ché originel ,  il  dit  qu'Adam,  ayant  été  vicié 
dans  tout  son  corps  par  son  péché  ,  et  prin- 
cipalement dans  cette  partie  du  sang  qui 
sert  d'origine  et  de  principe  à  tous  les  hom- 
mes ,  ce  sang  corrompu  est  passé  dans  eux , 
et  a  entraîné  avec  lui  cette  corruption. 

15.  Vous  soutenez,  disait  Julien,  que  la  l-^. 
concupiscence  est  mauvaise  :  sans  elle  néan- 
moins point  de  fécondité.  Comment  donc 
Dieu  a-t-il  excité  cette  concupiscence  dans 
Abraham  et  dans  Sara  pour  la  rendre  fé- 
conde dans  sa  vieillesse  ?  Osez-vous  attri- 
buer au  démon  un  don  que  Dieu  accorde 
pour  récompense?  Saint  Augustin  répond 
que  ces  deux  personnes  âgées  avaient  d'elles- 
mêmes  la  concupiscence,  et  que  la  seule  fé- 
condité leiu-  vint  de  Dieu  dans  le  temps  qu'il 
voulut  bien  la  leur  accorder.  Il  demande  à  c«p. 
Julien  pourquoi  l'âme  d'un  enfant,  qui  n'a- 
vait pas  été  circoncis  le  huitième  jour,  de- 
vait être  séparé  du  peuple  de  Dieu ,  si  cet 
enfant  n'était  pas  coupable  du  péché  origi- 
nel. Et  comment  il  était  vrai  de  dire  qu'à 

cet  âge  il  avait  déjà  méprisé  le  Testament 
de  Dieu,  si  ce  mépris  ne  s'entendait  de  celui 
qu'Adam  avait  fait  paraître  en  mangeant  du 
fruit  défendu. 

16.  Julien  objectait  ce  qui  est  dit  des  fem-    cap. 
mes  de  la  maison  d'Abimélech ,  auxquelles    ^en. 
Dieu ,  à  la  prière  d'Abraham ,  rendit  la  fé- 
condité ;  d'où  il  inférait  que  Dieu  est  l'au- 
teur de  la  conception  d'une  femme.  Ce  Père    .("»r- 
répond  qu'il  ne  faut  point  confondre  la  fé- 
condité avec  la  concupiscence  ;  qu'il  est  vrai 
que  Dieu  rendit  l'une  aux  femmes  de  la  mai- 
son du  roi  d'Egypte  ,  mais  que  l'autre  était 

en  elles  par  le  péché  qui  leur  avait  été 
transmis. 

17.  Mais  si  Dieu  crée  les  hommes  qui  cap. 
naissent  pécheurs  ,  ne  semble-t-il  pas,  insis- 
tait Julien ,  employer  sa  puissance  à  former 
des  esclaves  au  démon  ?  «  Dieu,  répond  saint 
Augustin,  avait  créé  le  premier  homme  sans 
péché  ;  et  il  crée  les  autres  sous  le  péché  en 


XIII. 

XXII  et 


464 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Cap.  XVI 


Cap.  xl.x. 


exécution  de  ses  impénétrables  jugements. 
Comme  Dieu  sait  user  en  bien  de  la  ma- 
lice du  démon  même  ,  et  que  tout  en  pré- 
voyant qu'il  serait  mauvais,  il  n'a  pas  laissé 
de  le  créer  :  de  même  encore  qu'aucun 
homme  ne  naisse  sans  la  souillure  du  péché, 
Dieu  en  tire  un  bien ,  faisant  des  uns  des , 
vases  de  miséricorde,  en  les  distinguant  par 
sa  grâce  de  ceux  qui  sont  des  vases  de  co- 
lère :  et  des  autres  des  vases  de  colère,  afin 
de  faire  paraître  les  richesses  de  sa  gloire 
sur  les  vases  de  miséricorde.  »  Il  dit  à  Julien 
avec  l'Apôtre  :  0  homme  qui  êtes-vous  pour 
contester  avec  Dieu?  Un  vase  d'argile  dit-il  à 
celui  qui  l'a  fait  :  Pourquoi  m'ave-z-vous  fait 
ainsi  ?  Le  potier  n'a-t-il  pas  le  pouvoir  de  faire 
de  la  même  masse  d'argile  un  vase  destiné  à  des 
usages  honorables,  et  un  autre  destiné  à  des 
usages  vils  et  honteux  ?  «  Peut-on  dire,  ajoute 
le  saint  Docteur" ,  que  Dieu  nourrit  pour  le 
diable  les  enfants  de  perdition,  parce  qu'il 
fait  lever  son  soleil  sm"  les  bons  et  sur  les 
méchants,  et  qu'il  fait  pleuvoir  sur  les  justes 
et  sur  les  injustes?  Il  crée  donc  les  méchants 
comme  il  les  nourrit,  parce  que,  ce  qu'il 
leur  donne  en  les  créant,  appartient  à  la 
bonté  de  leur  nature,  comme  l'accroisse- 
ment qu'il  leur  procure  en  les  nourrissant , 
n'a  rien  de  commun  avec  leur  maMce  ,  mais 
seulement  avec  la  bonté  de  la  nature  qu'un 
IHeu  bon  a  créée.  »  Il  montre  que  Julien,  en 
niant  le  péché  originel  ,  s'éloignait  non- 
seulement  de  la  foi  apostolique  et  catho- 
lique ,  mais  qu'il  accusait  encore  l'Église  ré- 
pandue dans  toute  la  terre,  où  l'usage  est  gé- 
néral lorsque  l'on  apporte  des  enfants  pour 
être  baptisés,  de  souffler  sui-  eux,  afiu  d'en 
chasser  dehors  le  prince  du  monde  dont 
sont  possédés  nécessairement  tous  les  vases 
de  colère,  lorsqu'ils  naissent  d'Adam,  et  dont 
ils  ne  peuvent  être  délivrés  s'ils  ne  renaissent 
en  Jésus-Christ. 

18.  Julien  s'autorisait  de  ce  que  l'apôtre 
saint  Paul  dit,  dans  sonÉpitre  aux  Romains, 
des  passions  honteuses  auxquelles  Dieu 
avait  abandonné  les  philosophes  pour  les 
punir  de  leur  impiété  ,  comme  si  cet  apôtre 
n'avait  blâmé  que  les  péchés  contre  nature, 
et  qu'il  eût  loué  tout  ce  qui  est  dans  l'ordre 
naturel.  Sur  quoi  saint  Augustin  lui  dit  :  «Un 
adultère  suit  l'usage  naturel ,  et  toutefois  il 
est  blâmable  ;  mais  soit  que  les  enfant  nais- 
sent d'un  véritable  mariage  ,  soit  d'un  adul- 
tère ,  ils  ne  sont  bons  qu'en  tant  qu'ils  sont 
l'ouvrage  de  Dieu ,  mais  tous  contractent  le 


péché  originel ,  étant  nés  de  la  damnation 
du  premier  Adam.  »  Il  convient  avec  Julien 
que  le  mariage  est  bon  en  lui-même ,  et  que 
son  fruit  en  est  bon,  puisqu'il  en  naît  un 
homme  ;  mais  il  soutient  que  le  péché  avec 
lequel  tout  homme  naît  est  mauvais  ,  et  que 
ce  péché  est  efttré  dans  le  monde  par  un 
seuf  homme  en  qui  tous  ont  péché  ,  comme 
le  dit  l'Apôtre.  Selon  cela,  l'épondait  Julien, 
on  pouvait  dire  que  le  mariage  est  bon  et 
mauvais;  et  qu'ainsi  l'on  pouvait  être  catho- 
lique et  manichéen  en  même  temps.  «  Rien 
de  tout  cela ,  dit  saint  Augustin.  Nous  di- 
sons absolument  que  le  mariage  est  bon , 
mais  nous  ajoutons  qu'il  est  survenu  un  mal 
aux  deux  premières  personnes  qui  ont  été 
engagées  dans  les  liens  du  mariage  ,  et  que 
ce  mal  est  passé  à  tous  leurs  descendants.  » 
Il  montre  que  les  pélagiens  en  afi'ectant  de 
louer  les  œuvres  de  Dieu,  n'avaient  pour 
but  que  de  renverser  la  nécessité  d'un  sau- 
veur et  de  sa  grâce  ,  en  ruinant  la  doctrine 
du  péché  originel  ;  que  par  la  parabole  des 
deux  arbres  ,  dont  ils  se  servaient  aussi ,  il 
ne  fallait  point  entendre  les  mariages  légi- 
times et  illégitimes  ,  mais  la  bonne  et  mau- 
vaise volonté  ,  qui  font  des  œuvres  sembla- 
bles au  principe  duquel  elles  naissent  ;  que 
le  mariage  en  lui-même  n'est  point  la  cause 
du  péché  originel ,  cette  cause  venant  de  la 
prévarication  de  notre  premier  père. 

19.  Comment  prouverez-vous,  disait  Ju- 
lien ,  qu'un  enfant  soit  péchem'  ?  Est-ce  par 
sa  volonté  ?  mais  il  n'en  a  aucune  à  cet  âge. 
Le  mariage  est-il  la  cause  de  son  péché  ? 
non  ,  car  selon  vous  le  mariage  est  bon.  Le 
père  et  la  mère  sont-ils  la  cause  de  ce  mal  ? 
il  faut  le  penser  selon  vos  principes  ,  puis- 
qu'ils font  une  action  qui  tend  à  augmenter 
le  domaine  du  démon  sur  les  hommes.  A 
tous  ces  vains  raisonnements  ,  saint  Augus- 
tin n'oppose  que  l'autorité  de  l'Apôtre  qui 
ne  condamne  ni  la  volonté  de  l'enfant,  ni 
les  noces  en  elles-mêmes ,  ni  les  pères  et 
mères,  en  tant  qu'ils  usent  légitimement  du 
mariage  ;  mais  qui  dit  que  le  péché  est  en- 
tré dans  le  monde  par  un  seul  homme,  et  la 
mort  par  le  péché;  et  qu'ainsi  la  7nort  est  pas- 
sée dans  tous  les  hommes,  tous  ayant  péché  dans 
tin  seul.  ((  Si  les  pélagiens,  dit -il,  compre- 
naient le  sens  de  ces  paroles  en  la  manière  que 
le  conçoivent  les  catholiques,  ils  ne  se  révol- 
teraient point  contre  la  foi  et  la  grâce  de  Jé- 
sus-Christ, et  ne  les  détom^neraient  point  en 
un  sens  liérétique  ,  en  assurant,  comme  ils 


Cap. 


Cap.  *xvt 


[iV"  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAENT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


font ,  que  l'Apôtre  n'a  parlé  ainsi  que  pour 
nous  enseigner  que  ce  n'est  que  par  imita- 
tion que  nous  sommes  pécheurs  en  Adam  , 
et  non  par  naissance.  Si  cet  apôtre  eût  pensé 
ainsi ,  n'aurait-il  pas  dit  plutôt  que  c'est  par 
le  diable  que  le  péché  est  entré  dans  le 
monde,  et  qu'il  s'est  communiqué  à  tous  les 
hommes  ?  Car  il  est  écrit  du  diable,  que  ceiix 
qui  l'imitent,  sont  ses  enfants.  Mais  il  a  dit 
exprès  que  le  péché  est  entré  par  un  seul 
homme,  et  par  celui  en  qui  a  commencé  la 
génération  des  hommes  ,  afin  de  nous  mon- 
trer que  c'est  par  cette  génération  que  le 
péché  originel  se  communique.  » 

Pour  montrer  ensuite  comment  il  est  vrai 
de  dire  avec  le  même  apôtre  que  tous  seront 
justifiés  par  Jésus-Christ  ;  saint  Augustin  se 
sert  de  cette  comparaison ,  qu'il  avait  déjà 
apportée  ailleurs  :  «Gomme  nous  disons  d'un 
maître  d'école  qui  est  seul  dans  une  ville  , 
qu'il  enseigne  tous  les  enfants,  quoique  tous 
n'apprennent  pas  à  lire  ,  mais  parce  que 
tous  ceux  qui  sont  enseignés,  ne  le  sont  que 
par  lui  ;  de  même  celte  expression  :  Tous 
seront  vivifiés  en  Jésus-Christ,  signifle  seide- 
ment ,  que  tous  ceux  qui  recevront  la  vie  ne 
l'auront  que  par  Jésus-Christ.»  Le  saint  Doc- 
teur remarque  encore  que  saint  Paul  se  sert 
tantôt  du  mot  de  plusieurs ,  tantôt  du  terme 
tous,  pour  signifier  la  même  chose. 

20.  Julien  insistait  :  Par  quelles  fentes  le 
péché  se  communique-t-il  donc  aux  enfants  ? 
(i  A  quoi  bon ,  répond  saint  Augustin  ,  cher- 
chez-vous une  fente  cachée,  tandis  cpie  vous 
avez  une  porte  très-ouverte?  Le  péché ,  à\i 
l'Apôtre,  est  entré  dans  le  monde  par  un  seul 
homme,  par  la  désobéissance  d'un  seul  homme. 
Que  voulez-vous  davantage  ?  Que  cherchez- 
vous  de  plus  évident  ?  »  Et  comme  ce  péla- 
gien  demandait  encore  si  c'était  de  la  vo- 
lonté que  ce  péché  tirait  son  origine  ,  saint 
Augustin  lui  répond  que  le  péché  originel  a 
été  comme  semé  dans  la  volonté  du  pre- 
mier homme,  afm  qu'il  fût  en  lui,  et  qu'il 
passât  de  lui  à  tous  ses  descendants.  «  11  est, 
dit-il,  bien  vrai  que  la  nature  de  l'homme  ve- 
nant de  Dieu,  ne  peut  être  que  bonne;  mais 
comme  il  se  peut  trouver  clans  l'homme  une 
intention  mauvaise ,  on  peut  blâmer  cette 
intention  et  louer  la  nature  :  de  même  dans 
un  enfant ,  outre  la  nature  dans  laquelle  il  a 


été  créé  de  Dieu,  il  y  a  un  vice,  qui,  se- 
lon l'Apôtre,  est  passé  par  un  seul  homme  à 
tous  les  autres.  Ainsi  de  ces  deux  qui  se 
trouvent  dans  un  enfant ,  l'un  qui  est  la  na- 
ture ,  est  attribué  à  Dieu ,  l'autre  C[ui  est  le 
péché ,  est  attribué  au  démon.  La  nature  de 
l'homme  a  été  créée  droite  et  saine  ;  mais 
étant  tirée  du  néant ,  elle  est  susceptible  du 
mal,  qui  peut  naître  dans  un  sujet  très-bon.  n 
Il  combat  la  doctrine  des  pélagiens  sur  le 
péché  originel ,  par  l'usage  où  on  était  dans 
l'Église  longtemps  avant  la  naissance  de 
cette  hérésie  et  de  celle  des  manichéens , 
d'exorciser  les  enfants  qu'on  présentait  au 
baptême  ,  et  de  souffler  sur  eux ,  afin  que 
ces  mystères  mêmes  fussent  une  preuve 
qu'ils  ne  pouvaient  entrer  dans  le  royaume 
de  Jésus-Christ,  s'ils  n'étaient  auparavant  ti- 
rés de  dessous  la  puissance  des  ténèbres.  Il 
la  combat  encore  par  un  grand  nombre  de 
passages  '  de  l'Écriture  qui  marquent  claire- 
ment le  péché  originel,  et  par  l'autorité  des 
plus  illustres  écrivains  catholiques,  nommé- 
ment de  saint  Cyprien ,  et  de  saint  Am- 
broise. 

21.  Saint  Augustin  avait  dit  souvent  que 
si  l'homme  n'eût  point  péché,  le  mariage  se 
fût  trouvé  sans  concupiscence ,  c'est-à-dire 
sans  trouble.  D'où  Julien  prend  occasion  de 
lui  en  imposer  comme  s'il  eût  dit  que  les 
hommes  mariés  se  seraient  trouvés  sans  au- 
cun désir.  Le  Saint  s'explique  donc  ainsi  : 
«  C'est  le  péché  qui  nous  a  rempli  d'une 
honteuse  concupiscence,  et  a  rendu  notre 
corps  désobéissant.  Dans  l'état  d'innocence 
au  contraire  il  serait  demeuré  soumis  à  sa 
volonté.  Otez  donc  cette  révolte,  et  il  n'y  a 
plus  de  maladie  ;  que  l'on  ne  rougisse  plus 
de  sa  nudité  ,  et  il  n'y  a  plus  de  maladie.  » 
Julien,  peu  attentif  aux^Drincipes  de  sa  secte, 
convenait  que  Jésus -Christ  est  mort  pour  Matih,  xsvi, 
les  enfants.  Saint  Augustin  tire  de  cet  aveu 
tout  l'avantage  qu'il  en  pouvait  tirer ,  et 
montre  que  le  Sauveur,  ayant  dit  que  son  cap.  xxxin, 
sang  serait  répandu  pour  la  rémission  des 
péchés  ,  il  était  clair  qu'il  n'était  mort  pour 
les  enfants  qu'autant  cpie  leurs  péchés 
étaient  rachetés  par  ce  sang  précieux  ;  et 
conséquemment  qu'ils  étaient  pécheurs. 
«  C'est,  ajoute-t-il,  ce  que  l'Apôtre  nous  dit  à 
haute  voix  :  Dieu,  le  Père,  n'a  pas  épai'gné   g^/""'   ''"'  = 


Cap. 

XXXI, 


XXX  ^ 
xxxii' 


'  Exod.,  XX,  5.  Psal.  l,  7;  cxLiii,  4;  xxxviii,  6. 
Rom.  VIII,  20.  Eccli.  i,  2:  XL,  1.  Cor.  xv,  22. 
Job.  XIV,  1.  Secundum  SeptxLagiiUa.  Zaeh.  m,   4. 

IX. 


Ambros.  in  Isai.,  lib.  !,  cap.  xxxv.  Cyprifin.  Epist. 
04,  ad  Fidum. 


30 


HISTOffiE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Cap.  XX.M- 


Lîvres  de 
'âme.  Kd  419 
ou  4L0. 


466 

son  propre  Fils,  mais  il  l'a  livré  à  la  mort 
pour  nous  tous.  Pourquoi  dit- il,  pour  nousfous, 
si  ce  n'est  pour  ne  point  séparer  de  nous  les 
enfants  dans  la  cause  de  la  rédemption  ?  Les 
enfants  ont  donc  un  péché  originel  pour  le- 
quel Jésus-Christ  a  été  livré  et  mis  à  mort.  » 
22.  Il  montre  que  le  démon  n'a  eu  d'autre 
part  dans  le  péché  de  l'homme  que  la  per- 
suasion ;  que  c'est  en  lui  persuadant  de  pé- 
cher qu'il  a  corrompu  sa  nature  ;   et  qu'il 
n'a  point  créé  dans  l'homme  une  nature  dif- 
férente de  celle  que  l'homme  avait  reçue  de 
Dieu.  «Celui,  dit-il,    cpii  blesse  un  membre 
ne  le  crée  point,  il  ne  fait  que  le  déi-anger  , 
l'affaiblir ,  lui  ôter  la  liberté  de  se  mouvoir. 
Mais  la  blessure,    que  le  démon  a  faite  à 
l'homme,  a  été  si  profonde  que,  par  son  pé- 
ché, la  nature  humaine  a  été  corrompue  en 
sa  personne,  en  sorte  qu'elle  est  devenue 
non-seulement  pécheresse  ,  mais  qu'elle  n'a 
plus   engendré    que   des   pécheurs ,   cpiand 
même  ceux  qui  engendrent  auraient  été  ré- 
générés dans  les  eaux  du  baptême  :  parce 
que  la  concupiscence  demeure  toujours  en 
eux,  quoiqu'elle  s'y  trouve  remise  quant  à  la 
coulpe.  »  Poiu?  rendre  cette  transmission  du 
péché  sensible ,  dans  ceux-mêmes  qui  sont 
baptisés  ,  saint  Augustin  apporte  l'exemple 
de  l'olivier  franc  ,  dont  le  noyau  produit  un 
sauvageon.  Il  compare   aussi  la   concupis- 
cence à  une  langueur ,  et  dit  qu'elle  peut 
être  transmise  ,  comme  l'on  voit  qu'un  père 
attaqué  d'une  certaine  maladie  la  transmet 
très-souvent  à  ceux  qui  naissent  de  lui.  Il 
emploie  le  dernier  chapitre  de   ce  livre  à 
montrer    que  cette    concupiscence  n'aurait 
pas  eu  lieu  dans  le  paradis  terrestre  ,  et  à 
exhorter  Julien ,  qui  reconnaissait  que  tout 
a  été  fait  par  Jusus- Christ,  à   reconnaître 
aussi ,  s'il  voulait  étse  chi'étien  catholique  , 
que  Jésus  est  aussi  le  Sauveur  des  enfants, 
puisque,  selon  l'Évangile,  il  doit  être  le  Sau- 
veur de  son  peuple  ,  dans  lequel  se  trouvent 
les  enfants. 

Des  quatre  livides  de  l'Ame  et  de  son  origine. 

■1.  Ce  fut  un  jeune  homme  de  la  Maurila- 
nie  Césarienne,  nommé  Victor,  qui  occa- 
sionna les  quatre  livres  de  saint  Augustiu , 


intitulés  :  De  l'Ame  et  de  son  origine.  Il  était 
simple  laïque  '  et  d'assez  bonnes   mœurs. 
Mais,  faute  de  maturité  ^,   il   aimait  mieux 
quelquefois  embrasser  des  sentiments  dan- 
gereux, que  d'avouer  son  ignorance,  lorsqu'il 
se    présentait    des    diiïïcultés,    dont   il  ne 
voyait  point  la  solution.  Quoiqu'il  eut  quitté^ 
le  parti  des  rogatistes  pour  embrasser  la 
communion  catholique  ,   il   conservait   une 
haute  idée  de  Vincent,  chef  de  ce  parti  après 
Rogat  qui  l'avait  formé ,   en  sorte  cpi'il  en 
prenait  même  le  nom ,  et  c'était  de  là  qu'il 
s'appellait  Vincent  Victor.  Comme  il  était  un 
jour  chez  un  prêtre  espagnol  nommé  Pierre, 
il  y  trouva  ''  un  des  ouvrages  de   saint  Au- 
gustin, où  ce  Père  avouait  qu'il  ignorait  si 
les  âmes  venaient  par  propagation  de  celle 
d'Adam,  ou  si  Dieu  en  formait  une  nouvelle 
pour  chaque  personne  ;  mais  en  même  temps 
0  ajoutait  qu'il  savait  que  l'âme  était  un  es- 
prit et  non  pas  un  corps.  L'une  et  l'autre  de 
ces  opinions  déplurent  à  Victor,  qui  ne  pou- 
vait   concevoir    qu'un   homme    d'un   aussi 
grand  mérite  que  saint  Augustin  regardât  la 
propagation  des  âmes  comme  une  chose  pro- 
bable, et  crût  que  l'âme  ne  fût  pas  un  corps. 
Il  écrivit  donc  contre  lui  deux  livres,  qu'il 
adressa  à  ce  prêtre  espagnol,  où  il  fit  entrer 
plusieurs  sentiments  des  pélagiens,  et  d'au- 
tres °  encore   plus  mauvais.  Il  prétendait  ^ 
que  c'était  par  l'ordre  de  Pierre  qu'il  avait 
entrepris  cet  ouvrage;  mais  on  savait  d'ail- 
leurs qu'il  s'était  vanté  "  que  Vincent  le  ro- 
gatiste,  mort  dans   son   schisme,   lui   était 
apparu  en  songe  et  lui  avait  fourni  la  ma- 
tière et  les  raisonnements  employés  dans  ses 
deux  livres.  Le  moine  René,  qui  se  trouvait 
alors  à  Césarée,  voyant  que  saint  Augustin 
était  traité  par  Victor  autrement  qu'il  ne  mé- 
ritait, fit  copier  ces  deux  livres  et  les  en- 
voya '  à  ce  saint  Docteur,  avec  rme  '  lettre 
où  il  s'excusait  de  la  liberté  qu'il  prenait , 
comme  s'il  eût  appréhendé  que  le  saint  ne 
le  trouvât  mauvais.  C'était  dm-ant  l'été.  Tou- 
tefois saiut  Augustin  ne  les  reçut  que  sur  la 
fin  de  l'automne,  ne  s'étant  point  trouvé  à 
Hippone    lorsqu'ils   y   arrivèrent.    Aussitôt 
qu'il   les  eut  lus,  il  écrivit  le  premier  des 
quatre  dout  nous  parlons,  et  il  l'ackessa  au 
moine  René.  Il  composa  le  second  en  forme 
de  lettre  adressée  au  prêtre  Pierre,  et  quel- 


1  Lib.  m  De  Anima,  cap.  xiv. 

3  Lib.  111,  cap.  n. 

4  Lib.  1!    Retract.,  cap.  lviit. 


2 Lib.  1,  cap.  xi.x. 


s  Lib.  Il,  cap.  xni  et  sv.  —  ^  Lib.  III,  cap.  m. 
'  Ibiil.,  cap.  u.  —  8  Lib.  I,  cap.  I. 
3  Ibid.,  cap.  H. 


[lys  ET  V''  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÈQUE  D'HIPPONE. 


467 


que  temps  après  '  il  écrivit  les  deux  autres  à 
Victor  lui-même.  Ce  Père  place  cet  ouvrage 
dans  ses  Rétractations  immédiatement  après 
divers  opuscules  faits  en  419.  Ce  qui  fait 
conjecturer  qu'il  le  fit,  ou  sur  la  fin  de 
cette  année,  ou  dans  le  courant  de  la  sui- 
vante 420. 

2.  Dans  le  premier  livre,  saint  Augustin 
rend  grâces  à  René  de  ce  qu'il  lui  avait  en- 
voyé les  livres  de  Victor,  et  l'assure  qu'il 
n'avait  fait,  en  cette  occasion,  que  ce  qu'un 
ami  sincère  et  affectionné,  comme  lui,  était 
obligé  de  faire.  «  Je  suis  fâché,  ajoute-t-il, 
cjue  vous  ne  me  connaissiez  pas  encore. 
Loin  de  me  plaindre  de  vous,  je  ne  me  plains 
pas  même  de  Victor  :  puisqu'il  a  pensé  au- 
trement que  moi,  a-t-il  dû  le  cacher?  Il  de- 
vait plutôt  me  l'écrire  à  moi-même;  mais 
ne  m'étant  pas  connu,  il  n'a  osé,  et  n'a  pas 
cru  me  devoir  consulter,  croyant  soutenir 
ime  vérité  certaine.  Il  a  obéi  à  son  ami  qui, 
ùce  qu'il  dit,  l'a  forcé  d'écrire;  et  si  dans  la 
chaleur  de  la  dispute,  il  lui  est  échappé 
quelques  paroles  injurieuses  contre  moi,  je 
veux  croire  qu'il  l'a  fait  plutôt  par  la  néces- 
sité de  soutenir  sou  opinion,  qu'à  dessein  de 
m'ofïenser.  Car,  quand  je  ne  connais  pas  la 
disposition  d'un  homme,  je  crois  qu'il  vaut 
mieux  en  avoir  bonne  opinion,  que  de  le 
blâmer  témérairement.  Peut-être  l'a-t-il  fait 
par  affection,  croyant  me  désabuser.  Ainsi 
je  dois  lui  savoir  gré  de  sa  bonne  volonté, 
quoique  je  sois  oljligé  de  désapprouver  ses 
sentiments;  et  je  crois  qu'il  faut  le  corriger 
avec  douceur,  plutôt  que  le  rejeter  avec  du- 
reté, vu  principalement  qu'il  est  nouveau 
catholique,  u 

3.  Après  avoir  excusé  ainsi  avec  bonté 
ce  jeune  homme,  et  dit  quelque  chose  de 
ses  talents  naturels,  le  saint  Docteur  com- 
bat une  de  ses  principales  erreurs,  touchant 
la  natm'e  de  l'âme,  qu'il  prétendait  n'avoir 
pas  été  créée  du  néant,  ni  formée  d'aucune 
autre  chose  créée.  Cela  voi^lait  dire,  comme 
le  remarque  saint  Augustin,  que  l'àme  était 
formée  de  la  substance  de  Dieu  même  :  er- 
reur qu'il  renverse  par  ce  raisonnement  : 
(I  Tout  ce  qui  est  tiré  de  Dieu  est  de  même 
nature  que  lui  et  par  conséquent  immuable. 
L'âme  est  sujette  au  changement;  elle  n'est 
donc  point  mie  partie  de  la  substance  de 
Dieu,  mais  Dieu  l'a  tirée  du  néant.»  Victor 
ajoutait  que  l'âme   était  corporelle;   senti- 

'  Lib.  Il,  cap.  IV. 


ment  absurde,  puisqu'il  s'ensuivait  que 
l'homme  n'était  point  composé  d'âme  et  de 
corps,  mais  de  deux  corps,  ou  même  de 
trois,  puisque  Victor  convenait  que  nous 
étions  composés  d'esprit,  d'âme  et  de  corps, 
et  qu'il  disait  que  toutes  ces  choses  étaient 
des  coi'ps.  Eu  voulant  expliquer  comment 
se  faisait  la  propagation  du  péché  originel, 
il  disait  que  l'âme  avait  mérité  d'être  souil- 
lée par  son  union  avec  la  chair.  Sur  quoi 
saint  Augustin  lui  demande  comment  cette 
âme  avait  mérité  avant  son  péché  d'être 
souillée  par  la  chair;  si  ce  mérite  lui  venait 
d'elle-même  ou  de  Dieu  ;  car  elle  ne  pouvait 
l'avoir  eu  de  la  chair,  avant  de  lui  être  unie? 
«Si  c'est  d'elle-même, dit-il,  qu'elle  a  mérité 
d'être  souillée,  comment  cela  peut-il  être 
arrivé,  puisque,  avant  son  union  avec  la 
chair,  elle  n'avait  fait  aucun  mal  ?  Dira-t-on 
que  c'est  de  Dieu  que  lui  est  venu  ce  mérite? 
Personne  n'oserait  prononcer  une  pareille 
impiété.  «  Pour  se  tirer  d'embarras,  Victor 
avait  recours  à  la  prescience  de  Dieu,  mais 
inutilement  :  car  la  prescience  de  Dieu  pré- 
voit à  la  vérité  quels  sont  les  pécheurs  qui 
doivent  être  guéris,  mais  elle  n'est  pas  la 
cause  des  péchés.  Saint  Augustin  le  presse 
encore  en  cette  manière  :  «  Ou  le  mérite  de 
l'àme,  avant  son  union  avec  la  chair,  était 
bon,  ou  il  était  mauvais?  S'il  était  bon, 
comment  s'est-il  pu  faire,  qu'en  conséquence 
de  ce  mérite,  l'âme  soit  tombée  dans  le 
mal?  S'il  était  mauvais,  c'est  à  Victor  à  ex- 
pliquer comment  il  peut  y  avoir  eu  un  mau- 
vais mérite  avant  le  péché.  Et  encore,  si  ce 
mérite  était  bon,  ce  n'est  donc  point  gratui- 
tement que  cette  âme  est  délivrée,  mais  se- 
lon la  justice,  ainsi  la  grâce  ne  sera  plus 
grâce.  Si  ce  mérite  était  mauvais,  il  faut 
montrer  eu  quoi  il  consiste.  Si  c'est  parce  que 
cette  âme  est  venue  dans  la  chair,  où  elle 
ne  serait  point  venue,  si  elle  n'y  avait  été 
envoyée  par  celui  chez  qui  il  n'y  a  point 
d'iniquité.  » 

4.  Une  autre  erreur  de  Victor  était,  que 
les  enfants  morts  sans  baptême  pouvaient 
parvenir  au  royaume  des  cieux,  et  que  l'on 
devait  offrir  pour  eux  le  sacrifice  du  corps 
et  du  sang  de  Jésus-Christ.  «  Mais,  dit  saint 
Augustin,  qui  oûrira  le  corps  de  Jésus- 
Christ-,  sinon  pour  ceux  qui  sont  les  mem- 
bres de  Jésus-Cluist?  Or,  depuis  qu'il  a  été 
dit  :  Quiconque  ne  renaît  pas  de  l'eau  et  de 
l'esprit,  ve  peut  entrer  .dans  le  royaume  de 
Dieu;    et    :   Celui  qui  perd  son    âme   pour 


Cap.  Vin. 


Caf.  u. 


Jo:.n.     [M, 

eL   luauli.    .\ 
39. 


468 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Cap.  XI. 


Cap.  XII. 


Dieu,  la  trouvera,  personne  n'est  fait  mem- 
bre de  Jésus-Christ,  si  non  en  recevant  son 
baptême^  ou  en  mourant  pour  lui  :  car  le 
mai'tyre  tient  la  place  du  baptême.  »  Saint 
Augustin  dit  ici,  que  l'on  peut  mettre,  avec 
saint  Cyprien,  le  bdn  larron  au  nombre  des 
martyrs;  la  confession  qu'il  fit  de  la  puis- 
sance de  Jésus-Christ,  lui  ayant  servi  au- 
tant que  s'il  avait  été  crucifié  pour  son 
nom.  Il  ajoute,  que  l'on  ne  sait  point, 
s'il  n'avait  pas  été  baptisé  avant  sa  con- 
damnation; qu'au  reste,  on  ne  peut  s'ap- 
puyer sur  de  pareils  exemples  pour  contes- 
ter la  nécessité  du  baptême ,  et  pour  pro- 
mettre au.Ni  enfants  morts  sans  ce  sacrement, 
ni  le  royaume  des  cieux,  ni  certains  lieux 
mitoyens  de  repos  et  de  féhcité.  Il  s'objecte 
l'histoire  de  Dinocrate,  frère  de  sainte  Per- 
pétue, délivré  des  peiaes  et  transféré  dans 
un  lieu  de  repos  par  les  prières  de  cette 
sainte.  Il  répond  que  les  actes  du  martyre 
de 'cette  sainte  ne  sont  point  du  nombre  des 
Écritures  canoniques  ;  qu'elle,  ou  celui  qui 
les  a  écrits,  n'ont  pas  dit  que  Dinocrate,  qui 
n'était  mort  qu'à  l'âge  de  sept  ans,  n'eût  pas 
reçu  le  baptême  ;  et  qu'à  cet  âge  il  pouvait 
avoir  été  condamné  à  quelques  peines  dans 
l'autre  vie,  ou  pour  avoir  dit  des  mensonges, 
ou  fait  quelque  chose  contre  la  loi  de  Dieu 
à  la  sollicitation  de  son  père  qui  était  païen. 
«  Si,  ajoute-t-il,  l'on  accordait,  ce  qui  toute- 
fois ne  se  peut  sans  aller  contre  la  foi  ca- 
tholique et  la  disciphne  de  l'Église,  que  les 
parents  fissent  ofl'rir  pour  les  enfants  et  au- 
tres personnes  de  tout  âge  morts  sans  bap- 
tême, afin  que  par  ce  secours  ils  arrivassent 
au  royaume  des  cieux,  qu'aurait  à  répondre 
Victor  de  tant  de  milliers  d'enfants  qui,  nés 
ou  des  impies  ou  des  païens,  meurent  sans 
avoir  été  régénérés  par  le  baptême  ?  Qu'il 
dise,  s'il  le  peut,  pourquoi  les  âmes  de  ces 
enfants  ont  mérité  de  devenir  tellement  pé- 
cheresses, qu'elles  n'ont  pas  dû  même  être 
dans  la  suite  délivrées  de  leurs^péchés?»  Le 
saint  Doctem'  fait  voir,  qu'on  ne  peut  dire 
qu'elles  ont  péché  avant  leur  xmion  avec  la 
chair,  puisque-,  selon  l'Apôtre,  personne  n'a 
fait  du  bien,  ni  du  mal  avant  d'être  laé  dans 
la  chair.  Il  prouve  encore,  qu'on  ne  peut  dire 
que  Dieu  ait  relégué  dans  une  chair  péche- 
resse les  âmes  des  enfants  qui  devaient  mou- 
rir sans  baptême,  parce  qu'il  a  prévu  que 
s'ils  parvenaient  à  un  âge  plus  avancé,  ils 
useraient  en  mal  de  leur  libi-e  arbitre  :  car 
Dieu  ne  juge  personne  sur  les  actions  qu'il 


Cap. 


aurait  faites,  s'il  eût  vécu  plus  longtemps, 
mais  uniquement  sur  ce  qu'un  chacun  a  fait. 
Comme  il  y  a  donc  tant  de  difficultés  dans 
l'opinion,  qui  ne  veut  pas  que  les  âmes  vien- 
nent par  propagation,  il  exhorte  Victor  à  dou- 
ter lui-même  de  l'origine  de  l'âme,  puisqu'on 
ne  peut  la  découvrir,  ni  par  la  raison  humai- 
ne, ni  par  l'autorité  des  divines  Ecritures. 

5.  Ce  jeune  homme  avait  toutefois  pro-  cap.  xn 
duit  dans  ses  livres  plusieurs  passages  où  il 
croyait  trouver  que  l'âme  ne  vient  point  par 
propagation,  mais  que  Dieu  la  donne  à  cha- 
cun en  pai'ticulier.  Il  produisait  entre  autres 
ces  paroles  d'Isaïe  :  Le  Seigneur  donne  le  ^••''Xi. 
souffle  à  son  peuple,  et  l'esprit  à  ceux  qui  mar- 
chent sur  la  terre.  «  Qu'il  dise  donc  aussi, 
répond  saint  Augustin,  que  Dieu  ne  nous  a 
pas  donné  la  chair,  parce  cpi'elle  tire  son 
origine  de  nos  parents.  Qu'il  dise  encore 
que  le  froment  ne  naît  pas  du  froment, 
puisque  l'Apôtre  dit  que  Dieu  donne  le  i  Co.-.  i 
corps  au  grain  de  froment.  Que  s'il  n'ose  pas 
le  nier,  d'où  sait-il  pourquoi  il  est  dit  que 
Dieu  donne  le  souffle  à  son  peuple,  si  c'est 
en  le  tirant  des  parents,  ou  en  le  soufflant 
de  nouveau?  »  Saint  Augustin  paraît  donc 
croire  que  le  souffle  dont  parle  Isaïe ,  doit 
s'entendre  du  Saint-Esprit  donné  aux  fidèles, 
n  appuie  cette  interprétation  d'un  passage 
des  Actes  des  apôtres,  où  il  est  dit  que  lors  An.  n, 
de  la  descente  du  Saint-Esprit,  on  entendit 
tout  d'un  coup  un  grand  In-uit,  comme  à'un 
vent  violent  et  impétueux  qui  venait  du  ciel. 
Il  est  écrit  dans  Zacharie,  disait  Victor,  que 
c'est  le  Seigneur  qui  forme  l'esprit  de  l'homme  zaeii.  x 
dans  l'homme.  «  Personne  ne  le  nie,  répond 
saint  Augustin,  et  qui  est-ce  qui  forme  l'œil 
corporel  de  l'homme,  si  ce  n'est  Dieu?  La 
question  est  de  savoir  de  queUe  manière  il 
forme  cet  esprit  dans  l'homme,  si  c'est  par  le 
moyen  de  la  propagation,  ou  par  un  nou- 
veau soufQe  ?  »  Il  fait  une  semblable  réponse 
aux  passages  des  Macchabées  cités  par  Vic- 
tor, où  la  mère  dit  à  ses  enfants  :  Ce  n'est  pas  n  m 
moi  qui  vous  ai  donné  l'esprit  et  l'âme,  mais 
Dieu  qui  a  fait  toutes  choses.  Les  autres  pas- 
sages que  Victor  avait  cités,  pouvant  se  ré- 
soudre de  même,  saint  Augustin  en  demande 
de  plus  précis,  et  en  attendant  il  avoue  de 
bonne  foi  son  ignorance  sur  l'origine  de 
l'âme.  Il  exhorte  ce  jeune  homme  présomp- 
tueux à  imiter  la  mère  des  Macchabées,  qui 
reconnaissait  qu'elle  ne  savait  comment 
Dieu  avait  animé  les  enfants  qu'elle  avait 
portés  dans  son  sein. 


;l..xvll,23. 


[iv"  ET  v"  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

6.  Il  lui  reproche  de  n'avoir  point  remar- 
qué que,  suivant  les  Écritures,  Dieu  est  l'au- 
teur de  rbomme  tout  entier,  et  non  pas  seu- 
lement selon  l'âme  et  l'esprit,  puisque  saint 
Paul  dit  dans  les  Actes  :  Nous  sommes^ de  lui  : 
car  si  cela  ne  s'entendait  que  de  l'âme  et 
de  l'esprit,  et  non  aussi  du  corps,  on  ne 
pourrait  vérifier  ce  que  dit  le  même  apôtre  : 
Tout  vient  de  Dieu.  A'^ictor  disait  :  Il  est  écrit 
que  Dieu  a  fait  ton  t  le  genre  humain  du  sang 
d'un  seul  homme;  donc,  nous  ne  venons  de 
nos  ancêtres  que  selon  le  corps  :  car  l'âme 
ne  peut  naître  du  sang.  Saint  Augustin  lui 
fait  voir  'qu'il  faut  ici  reconnaître  cette  fi- 
gure où  la  partie  se  prend  pour  le  tout ,  et 
que  par  le  sang  on  doit  entendre  l'homme 
entier. 

7.  Victor  insistait  :  D'où  vient  qu'Adam 
voyant  Eve,  s'écria  :  Voilà  l'os  de  mes  os,  et 
la  chair  de  ma  chair,  et  n'ajouta  pas  :  L'esprit 
de  mon  esprit?  11  croyait  donc  que  sa  fem- 
me ne  tenait  de  lui  que  le  corps.  Mais  saint 
Aiigustin  lui  fait  remarquer  qu'il  n'est  point 
écrit  que  Dieu  ait  soufflé  l'esprit  dans  la 
fermiie,  qu'ainsi  on  doit  en  conclure  qu'elle 
l'avait  reçu  de  son  mari.  Après  cela,  ajoute 
ce  Père,  l'exemple  d'Eve  est  d'une  nature 
différente  de  ce  qu'on  doit  penser  touchant 
les  enfants.  Du  reste,  ce  saint  Docteur  ne 
s'oppose  point  à  ceux  qui  voudraient  soute- 
nir que  Dieu  crée  les  âmes  immédiatement, 
ni  à  ceux  qui  A^eulent  qu'elles  se  communi- 
quent par  transfusion  de  la  part  des  parents, 
pourvu  qu'on  ne  touche  point  aux  vérités 
révélées  ;  et  pense  qu'il  vaut  mieux  avouer 
qu'on  ignore  ce  qu'on  ne  sait  pas  effecti- 
vement, que  de  tomber  dans  une  héré- 
sie, ou  même  d'en  former  une  nouvelle,  en 
défendant  avec  témérité  ce  qu'on  ne  sait 
pas. 

8.  Son  second  livre,  qui  est  en  forme  de 
lettre,  est  adressé  au  prêtre  Pierre,  qui  s'é- 
tait laissé  surprendre  par  l'éloquence  de 
Victor.  Il  lui  remontre,  avec  beaucoup  de 
douceur,  qu'étant  prêtre  et  avancé  en  âge,  il 
ne  lui  convient  point  d'approuver  l'ouvrage 
d'un  jeune  laïque,  rempli  de  tant  d'erreurs. 
Il  avoue  que  ce  jeune  homme  s'exprimait 
avec  politesse  et  avec  agrément,  quoique 
trop  abondant  en  paroles  :  a  Défaut,  dit-il, 
qu'on  pourrait  lui  pardonner,  s'il  s'appli- 
quait à  ne  rien  dire  que  devrai.  »  On  avait 
rapporté  à  saint  Augustin,  que  lorsque  Pierre 
entendait  lire  à  Victor  ce  qu'il  avait  écrit 
sur  l'origine  de  l'âme,  il  en  témoignait  des 


EVEQUE  D'HIPPONE. 


469 


ravissements  de  joie,  et  qu'il  s'était  même 
laissé  transporter  jusqu'à  baiser  la  tête  de  ce 
jeune  homme,  en  le  remerciant  de  lui  avoir 
appris  ce  qu'il  avait  ignoré  jusqu'alors.  «Ce 
qui  aurait  pu  être  une  humilité  louable,  dit 
saint  Augustin,  si  Victor  lui  eût  appris  quel- 
ques vérités,  puisqu'il  faut  honorer  la  vérité, 
quel  que  ce  soit  celui  qui  nous  la  fasse  con- 
naître. »  Ce  Père,  détaillant  ensuite  toutes 
les  erreurs  de  Victor,  qu'il  avait  déjà  réfu- 
tées dans  le  premier  livre,  montre  par  l'au-  cip.  n. 
torité  de  l'Ecriture  que,  quoique  l'on  y  puisse 
distinguer  l'âme  de  l'esprit,  c'est  néanmoins 
ime  même  substance;  que  l'âme  n'est  point 
une  partie  de  la  substance  de  Dieu,  n'étant  cap. n.. 
dite  de  Dieu,  que  parce  qu'elle  en  est  créée 
de  rien,  comme  toutes  les  aatres  créatures  ; 
qu'elle  n'est  point  un  corps,  ainsi  que  l'a  cru  cap.  v. 
TertuUien;  que  Victor,  en  soutenant  que 
l'âme  était  une  portion  de  la  substance  de  cap.  vi. 
Dieu,  et  en  même  temps  qu'elle  était  corpo- 
relle, avançait  une  chose  absurde,  puisque 
Dieu  ne  peut  rien  produire  de  lui,  qui  ne  lui 
soit  parfaitement  semblable  et  égal.  D'où 
vient  que  le  Verbe  de  Dieu,  qui  est  né  delà 
substance  du  Père,  est  à  la  vérité  une  per- 
sonne distincte  du  Père,  mais  non  une  na- 
ture différente. 

9.  Victor,  pour  rendre ,  probable  sa  doc-  cap.  vn. 
trine  sur  le  péché  originel,  raisonnait  ainsi  : 
L'âme  étant  souillée  par  le  corps ,  doit 
être  aussi  guérie  par  le  même  corps  dans 
les  eaux  du  baptême.  Mais  il  ajoutait,  que 
par  cette  guérison  elle  recouvrait  sa  pre-  cap.vm. 
mière  santé;  ce  qui  donnait  à  entendre 
qu'elle  avait  existé  dans  un  état  de  justice 
avant  d'être  unie  au  corps.  Saint  Augustin 
montre  qu'on  ne  pouvait  rien  dire  de  rai- 
sonnable pour  prouver  cette  préexistence 
de  l'âme,  et  moins  encore  rendre  raison  des 
fautes  qu'elle  avait  commises  pour  devenir 
pécheresse  par  son  union  avec  la  chair.  Vic- 
tor avait  recours  à  la  prescience,  et  disait 
que  Dieu,  ayant  prévu  que  l'âme  serait  ra-  cap.  i.x. 
clietée,  avait  pu  pei-mettre  qu'elle  fût  souillée 
par  le  corps.  Mais  cette  réponse,  comme  le 
fait  voir  saint  Augustin,  ■  ne  pouvait  avoir 
lieu  à  l'égard  des  enfants  qui  meurent  sans 
baptême.  11  montre  de  même  que  Victor  ne 
pouvait  s'autoriser  de  l'endroit  du  livre  de  la 
Sagesse,  où  nous  lisons  ;  //  a  été  enlevé  afin  sap.  iv,  n, 
que  la  malice  ne  changeât  pas  son  esprit,  puis- 
qu'il suivrait  de  là  que  les  enfants  qui  meu- 
rent sans  baptême  ont  été  enlevés  de  ce 
monde,  afin  que  leur  esprit  ne  fût  pas  cor- 


470 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


.(oin. 
l  XIV, 


II 

XII,  13 


Cap.  X.  rompu  pai"  ce  sacrement.  L'admirable  doc- 
trine !  s'écrie  saint  Angiistin.  Victor  allait 
plus  loin,  et  poussait  sa  témérité  jusqu'à  dire 
que  les  enfants  morts  sans  baptême  obte- 
naient le  pardon  des  fautes  originelles,  sans 
toutefois  entrer  dans  le  roj^aume  des  cieux. 
L.i.  xvni,  Il  s'appuyait  de  l'exemple  du  bon  larron,  qui 
n'obtint,  disait-il,  que  le  paradis,  parce  qu'il 
n'avait  point  reçu  le  baptême  ;  de  celui  de 
Diuocrate,  transmis  dans  un  lieu  de  repos, 
parce  qu'il  était  mort  aussi  sans  ce  sacre- 
ment; et  de  ce  qu'il  est  écrit  dans  l'Évangile  : 
//  y  a  plusieurs  demeures  dans  la  maison  du 
Père  céleste.  Saint  Augustin  fait  voir  que, 
bien  qu'il  y  ait  plusieurs  demeures  dans  le 
ciel,  on  ne  peut  avoir  place  dans  aucune 
sans  être  baptisé,  et  renvoie  pour  ce  qui  re- 
garde le  bon  larron  et  Dinocrate,  à  ce  qu'il 
Cap.  x:.  en  avait  dit  dans  son  premier  livre.  Il  mon- 
tre que  c'esi  une  chose  nouvelle  et  contraire 
à  la  discipline  de  l'Église,  et  à  la  règle  de  la 
vérité,  de  prétendre,  comme  faisait  Victor, 
qu'on  dût  offrir  le  sacrifice  du  corps  de  Jé- 
sus-Christ pour  les  enfants  morts  sans  bap- 
tême; et  comme  ce  jeune  homme  s'autori- 
sait des  sacrifices  que  les  Macchabées  tirent 
offrir  pour  ceux  qui  avaient  été  tués  dans  le 
combat,  ce  Père  répond ,  que  ceux  pour  qui 
ils  furent  offerts,  avaient  reçu  la  circoncision 
qui,  chez  les  Juifs,  était  un  sacrement  figu- 
ratif du  Ijaptême. 
oip.  XH.  10.  Victor  enseignait  que  les  enfants  morts 

sans  baptême,  demeureraient  pendant  un 
certain  temps  dans  un  paradis  qu'il  imagi- 
nait, mais  qu'après  la  résm-rection  ils  joui- 
raient du  royaume  des  cieux.  Saint  Augus- 
tin 'réfute  cette  eri'eur  par  les  paroles  du 
Sauveur  qui  excluent,  sans  aucune  excep- 
tion, du  royaume  du  ciel  quiconque  n'aura 
pas  été  baptisé.  Il  ajoute  que  les  pélagiens, 
pour  avoir  osé  promettre  un  lieu  de  repos 
et  de  salut  hors  du  royaume  des  cieux,  aux 
enfants  morts  sans  baptême,  venaient  d'être 
condamnés  très-justement  par  les  Conciles 
catholiques,  et  par  l'autorité  du  Siège  apos- 
tolique. Victor  disait,  que  son  sentiment 
était  plus  miséricordieux  que  celui  de  saint 
1  Kcf.  XV,  Augustin;  mais  le  saint  Docteur  le  compare 
à  celui  de  Saiil,  qui  épargna  ce  roi,  que  le 
Seigneur  lui  avait  ordonné  de  faire  mourir. 
Il  n'excepte  doue  de  la  condamnation  géné- 
rale que  ceux  qui  ont  ou  recule  baptême,  ou 
c»p.  XIV.  sont  morts  pour  le  nom  de  Jésus-Christ. 
Venant  ensuite  aux  passages  que  Victor  al- 
léeuait  pour  son  sentiment,  il  montre  qu'il 


r.np.  X7Ï  ( 
xvii. 


Analysa 
Iroisièirie    ) 
Arc,  pais'.  37 


ne  s'exprime  point  positivement  sur  l'ori- 
gine de  notre  âme,  et  que  ceux  qui  croient 
qu'elle  vient  des  parents,  ne  s'appuyant  pas 
moins  sur  de  semblables  autorités,  le  plus 
sage  est  de  ne  rien  décider  sur  cette  ques- 
tion. Il  finit,  en  disant  au  prêtre  Pierre  que, 
puisque  Victor  s'était  soumis  à  son  juge- 
ment, dès  le  commencement  de  son  premier 
livre ,  il  devait  lui  montrer  toutes  ses  fautes, 
et  l'obliger  à  s'en  corriger. 

11.  Saint  Augustin  lui  écrivit  lui-même, 
pour  lui  marquer  ce  qui  était  à  corriger 
dans  ses  livres  et  dans  sa  foi.  D'abord  il  lui 
reproche,  qu'étant  devenu  catholique,  il  af- 
fectât de  porter  le  nom  d'un  certain  Vin-  can.  ■  ci 
cent,  chef  des  rogatistes,  et  d'avoir  pour 

cet  homme  quelque  vém'ration,  comme  si 
c'eût  été  un  homme  juste  et  saint.  Il  lui  dit 
de  condamner  les  erreurs  que  ce  rogatiste 
lui  avait  enseignées,  et  celles  dans  lesquelles 
il  était  tombé  de  lui-même.  «  Si,  lui  dit-il,  vous 
les  condamnez  avec  une  pieuse  humilité  ,  et 
dans  l'unité  de  la  foi  catholique,  on  jugera 
que  ce  sont  des  erreurs  d'un  jeime  homme 
qui  a  exposé  ses  pensées,  plutôt  afin  qu'on 
en  corrigeât  les  défauts,  que  dans  le  dessein 
de  les  soutenir.  Mais  si,  ce  qu'à  Dieu  ne 
plaise,  le  diable  vous  porte  à  les  vouloir  dé- 
fendi'e  avec  opiniâtreté,  les  pasteurs  de  l'É- 
glise seront  contraints  de  condamner  ces 
sentiments  hérétiques  avec  leur  auteur, 
avant  que  ce  poison  mortel  ait  infecté  le 
peuple-  fidèle  qui  ne  serait  pas  en  état  de 
s'en  préserver.  Car  c'est  à  quoi  ils  sont  obli- 
gés, comme  pasteurs  et  médecins  des  âmes, 
et  une  conduite  plus  molle  ne  serait  pas  une 
charité,  mais  une  négligence  qui  prendrait 
faussement  le  nom  de  cette  vertu.  » 

12.  Pour    savoir   quelles  étaient    les    er-    cap.  m 
reurs,  dont  il  souhaitait  qu'il  se  corrigeât, 

saint  Augustin  le  renvoie  aux  deux  livres 
précédents,  ne  doutant  pas  que  René  et 
Pierre  ne  les  lui  donnassent  à  lire.  Il  lui  en 
fait  toutefois  un  détail,  qu'il  réduit  à  onze 
Articles  entièrement  inexcusables,  et  visi- 
blement contraires  à  la  foi.  Le  premier  re- 
garde la  nature  de  l'âme  :  Victor  préten- 
dait que  Dieu  en  la  créant,  ne  l'avait  pas 
.  faite  de  rien ,  mais  de  lui-môme  :  d'où  il 
suivait  qu'elle  avait  une  même  nature  que 
Dieu.  Victor  niait  à  la  vérité  cette  consé- 
quence, et  disait  ;  Comme,  lorsque  nous  souf- 
flons dans  une  outre,  le  vent  que  nous  y 
faisons  entrer  n'est  pas  de  même  nature  que 
nous  :  de  même  le  souffle  de  Dieu  produit 


[lye    grp    yO    SIECLES.] 

les  âmes,  sans  leur  communiquer  sa  nature. 
Mais  saint  Augustin  fait  voir  que  "Victor  ad- 
mettant Dieu  incorporel,  sa  comparaison  ne 
valait  rien.  «  Car,  dit-il,  le  soufïle  que  nous 
poussons  dans  cette  outre,  quoique  plus  sub- 
til que  nos  corps,  est  néanmoins  corporel,  au 
lieu  que  dans  la  supposition  de  Victor,  un 
Dieu  incorporel  produisait  de  soi-même,  par 
son  souffle,  une  âme  corporelle.  »  Il  appor- 
tait encore,  pour  fortifier  son  sentiment, 
l'exemple  d'Elisée  qui,  en  soufflant  sur  le 
fils  de  la  Simamite,  lui  rendit  la  vie.  Saint 
Augustin  répond,  qu'on  ne  peut  rien  inférer 
de  .là  pour  la  manière  dont  Dieu  anima  le 
premier  homme  ;  et  que  l'action  du  Pro- 
phète ne  fiit  qu'une  cause  occasionnelle  qui, 
jointe  à  ses  prières,  détermina  Dieu  à  re- 
mettre, dans  le  corps  de  cet  enfant,  l'âme 
qu'il  en  avait  ôtée.  Pourrait-on,  en  effet, 
s'imaginer  que  le  soufïle  d'Elisée  eût  servi 
d'âme  au  corps  de  l'enfant  ? 

iS.Une  seconde  erreur  de  Victor,  consistait 
en  ce  que  Dieu  créerait  des  âmes  pendant 
toute  l'éternité  :  ce  qui  était  aisé  à  réfuter, 
puisqu 'après  la  fin  du  monde,  n'y  ayant  plus 
de  génération,  il  ne  se  trouvera  point  de  nou- 
veaux corps  qui  aient  besoin  d'âme.  La  troi- 
sième consistait  à  dire,  que  les  âmes  avaient 
mérité  avant  leur  union  avec  la  chair.  L'Apô- 
tre, s'écrie  saint  Augustin,  dit  le  contraire,  eu 
parlant  de  Jacob  et  d'Esati,  assurant  qu'avant 
leur  naissance  ils  n'avaient  fait  ni  bien  ni  mal. 
Cette  erreur  a  aussi  été  condamnée  dans  les 
priscillianistes  par  l'Éghse  catholique.  La 
quatrième  revenait  à  celle-ci,  savoir  que 
l'âme  est  purifiée  par  la  même  chair,  par 
lacpielle  efie  avait  mérité  d'être  souillée  : 
cela  supposait,  en  efl'et,  un  mérite  ou  démé- 
rite dans  l'âme  avant  qu'elle  fût  unie  au 
corps  :  ce  qui  n'est  point  catholique.  La  cin- 
quième était  que  l'âme  avait  mérité  d'être 
pécheresse  avant  tout  péché,  ce  qui  n'était 
pas  moins  contraire  à  la  foi.  puisque  l'âme 
avant  son  union  avec  le  corps,  n'a  pu  avoir 
aucun  mérite,  ni  bon  ni  mauvais.  Par  la 
sixième  Victor  enseignait  que  les  enfants 
morts  sans  baptême  pouvaient  parvenir  au 
pardon  de. leurs  péchés  :  sm'  quoi  il  citait  les 
exemples  du  bon  larron  et  de  Dinocrate. 
Saint  Augustin  réfute  cette  erreur  à  peu 
pi'ès  comme  il  l'avait  fait  dans  les  livres  pré- 
cédents. Seulement  il  ajoute  que,  quoiqu'on 
ne  lise  pas  que  le  bon  lai-ron  ait  été  baptisé, 
on  ne  doit  pas  en  conclure  qu'il  soit  mort 
sans  baptême  ;  qu'excepté  saint  Paiû,  on  ne 


•SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


471 


lit  pas  que  les  autres  apôtres  aient  été  bap- 
tisés, surtout  saint  Barnabe ,  saint  Timo- 
thée,  Tite,  Silas,  Philémon,  saint  Marc  et 
saint  Luc,  et,  que  pourtant,  on  ne  peut  dou- 
ter de  lem-  baptême  ;  que  Dinocrate  même 
pouvait  avoir  été  baptisé,  ou  que  du  moins 
on  ne  lit  pas  qu'il  n'ait  été  ni  chrétien  ni 
catéchumène. 

14.  La  septième  erreur  de  Victor,  c'est 
qu'il  disait  qu'il  se  pouvait  faire  qu'un  en- 
fant prédestiné  de  Dieu  au  baptême,  en 
fût  néanmoins  privé.  «Mais  quelle  est,  lui 
répond  saint  Augustin,  cette  puissance  assez 
forte  pour  empêcher  que  n'arrive  ce  que 
Dieu  a  résolu  de  faire?»  La  huitième  était 
d'appliquer  aux  enfants  morts  sans  baptê- 
me, ces  paroles  de  la  Sagesse  :  Il  a  été  en- 
levé ,  de  peur  que  la  malice  ne  corrom- 
pit son  intelligence.  Mais  saint  Augustin 
prouve  qu'eUes  doivent  s'entendre  plutôt  de 
ceux  qui,  vivant  avec  piété  depuis  leur  bap- 
tême, sont  enlevés  de  ce  monde  par  la  per- 
mission de  Dieu  ,  afin  qu'ils  ne  s'y  corrom- 
pent point  par  le  commerce  des  méchants. 
Victor  par  les  différentes  demeures  que  Jé- 
sus-Christ dit  être  dans  la  maison  de  son 
Père,  entendait  des  endroits  de  repos  diffé- 
rents du  royaume  des  cieux,  et  destinés  aux 
enfants  morts  sans  baptême.  C'était  là  sa 
neuvième  erreur  que  saint  Augustin  réfute, 
en  montrant  qu'il  y  a  de  la  témérité  à  sépa- 
rer quelques  parties  de  la  maison  de  Dieu, 
du  royaume  de  Dieu  ;  et  à  ne  vouloir  pas 
que  le  Roi,  qui  a  fait  le  ciel  et  la  terre,  règne 
dans  toute  sa  maison,  tandis  qu'il  y  a  des 
rois  de  la  terre  qui  régnent ,  non-seulement 
dans  leur  maison  et  dans  lem'  patrie,  mais 
encore  dans  beaucoup  d'autres  endroits,  et 
même  au  delà  des  mers,  il  fait  voir  que  le 
royaume  de  Dieu,  dont  nous  demandons 
l'avènement  dans  l'Oraison  dominicale,  est 
celui  où  sa  fidèle  famille  régnera  avec  lui 
heureusement  et  toujours.  La  dixième  er- 
reur, qu'il  reproche  à  Victor,  est  d'avoir 
enseigné  que  l'on  devait  offrir  le  sacrifice 
du  corps  de  Jésus-Christ  poiu-  les  enfants 
morts  sans  baptême.  Il  la  rejette  comme 
une  opinion  nouvelle  et  contraire  à  l'autorité 
de  toute  l'Église.  Et  parce  que  ce  jeune 
homme  avait  allégué  les  sacrifices,  dont  il 
est  parlé  dans  le  second  livre  des  Maccha- 
bées, ce  Père  répond  qu'on  ne  les  avait 
point  offerts  pour  ceux  qui  étaient  morts 
incirconcis.  La  onzième  erreur  de  Victor 
consistait  à  promettre  le  paradis  aux  enfants 


Cap.  ï. 


Cap.  XI. 


Cap.  XIII. 


472 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Cap.  XIV. 


Cap.  xr. 


Analyse  (Ii 
qiialrièmd  li 
vie,  yog,  ySii 


Ciip.  I  el  II. 


Cap.  m  et  iv. 


morts  sans  baptême ,  aussitôt  qu'ils  sortent 
de  ce  monde,  et  le  royaume  des  cieux  après 
la  résurrection  générale.  «En  quoi,  dit  saint 
Augustin,  il  était  plus  hardi  que  les  péla- 
giens  qui  n'osaient  promettre  ce  royaume  à 
ces  enfants,  quoiqu'ils  ne  les  crussent  pas 
coupables  du  péché  origineL»  11  combat  cette 
erreur  par  ces  paroles  de  Jésus-Christ  :  Si 
quelqu'un  ne  renaît  point  de  l'eau  et  de 
l'esprit,  il  ne  peut  entrer  dans  le  royaume 
de  Dieu. 

13.  Il  exhorte  Victor  à  corriger  toutes  ces 
erreurs,  et  d'autres  encore  qui  pouvaient  se 
rencontrer  dans  ses  écrits  ;  mais  en  même 
temps  il  le  console  avec  bonté,  en  lui  disant 
que  l'obstination  seule  fait  les  hérétiques, 
et  non  l'erreur.  Il  ajoute,  pour  l'encou- 
rager, qu'il  ne  doit  point  se  mépriser  lui- 
même  ,  ni  regarder  l'esprit  et  la  facihté 
d'écrire,  que  Dieu  lui  a  donné,  comme  si  c'é- 
tait très-peu  de  chose.  Mais  aussi  il  ne  veut 
point,  ni  qu'il  s'élève  par  une  vaine  pré- 
somption de  ses  talents,  ni  qu'il  se  né- 
glige par  une  lâche  timidité,  et  une  trop 
grande  défiance  de  pouvoir  réussir.  «  Plût  à 
Dieu,  lui  dit-il  encore,  que  je  pusse  lire  avec 
vous  vos  écrits,  et  vous  montrer,  plutôt  en 
conférant  ensemble  qu'en  vous  écrivant,  ce 
qu'il  y  a  à  corriger.  Les  opinions  que  je  vous 
ai  reprochées,  peuvent  faire  autant  d'héré- 
sies, si  vous  les  défendez  avec  opiniâtreté; 
mais  si,  profitant  des  avertissements  que 
que  l'on  vous  donne,  vous  condamnez  ces 
erreurs  avec  sincérité  de  bouche  et  par 
écrit,  il  vous  sera  plus  glorieux  de  vous  être 
ainsi  corrigé  vous-même  de  vos  fautes,  C[ue 
si  vous  aviez  fait  voir  ceUes  d'un  autre,  et 
l'on  vous  estimera  plus  d'avoir  abandonné 
vos  erreurs  que  si  vous  n'eii  aviez  jamais 
commises.  Je  prie  Dieu  de  répandre  par 
son  Esprit  dans  le  vôtre  une  humilité  assez 
grande,  une  charité  assez  abondante,  une 
piété  assez  tranquille  pour  aimer  mieux 
vous  surmonter  vous-même,  en  vous  rendant 
à  la  vérité,  que  de  vaincre  quelque  adver- 
saire que  ce  soit,  en  appuj^ant  le  mensonge 
et  la  fausseté.  » 

16.  Le  quatrième  livre  est  encore  adressé 
à  Victor.  Saint  Augustin  l'écrivit  pour  le 
convainci'e,  qu'il  avait  eu  raison  de  douter 
de  l'origine  de  l'àrae,  et  de  soutenir  toute- 
fois qu'elle  est  un  esprit  et  non  un  corps. 
Victor  prétendait  au  contraire  que  l'àme  est 
corporelle,  et  que  l'homme  en  connaît  par- 
faitement la  nature.  Sans  s'arrêter  aux  ter- 


I 


mes  durs  et  offensants,  dont  ce  jeune  hom- 
me s'était  servi  en  l'attaquant,  ce  Père  con- 
tinue à  soutenir  que  la  question  de  l'origine 
de  l'àme  pourrait  bien  être  une  de  ces  cho- 
ses si  élevées  au-dessus  de  nous,  qu'il  ne 
nous  est  pas  permis  de  les  approfondir,  et 
dont  Dieu  seul  peut  nous  instruire.  «  M'ap- 
prendrez-vous,  lui  dit-il,  comment  les  hom- 
mes sont  animés  dès  leur  naissance^  vous 
qui  ne  savez  peut-être  pas  encore  comment 
il  se  fait  que  les  aliments  contribuent  de 
telle  sorte  à  nous  faire  vivre,  que  nous  mou- 
rons lorsque  l'on  nous  en  prive  peu  à  peu?» 
Il  fait  un  détail  de  plusieurs  autres  questions  cap.v  oi  v. 
qui  regardent  le  corps,  et  que  nous  ne  pou- 
vons résoudi'e,  quoique  les  sens  nous  aident 
à  les  connaître.  D'où  il  infère  qu'il  n'est  pas 
extraordinaire  que  l'esprit  ne  connaisse  pas 
beaucoup  de  propriétés  qui  sont  du  fond  de 
sa  nature. 

n.  «Maintenant  que  nous  sommes,  que  cap.  vu. 
nous  vivons,  que  nous  savons  que  nous  vi- 
vons, que  nous  nous  souvenons,  que  nous 
concevons,  et  que  nous  voulons,  nous  igno- 
rons néanmoins  ce  que  peut  notre  mémoire, 
notre  intelligence,  et  notre  volonté.  J'avais 
eu  parmi  mes  amis  dans  ma  jeunesse  un 
nommé  Simplicius  dont  la  mémoire  était 
tout  à  fait  extraordinaire,  sans  qu'il  en  con- 
nût lui-même  l'étendue,  jusqu'à  une  expé- 
rience que  je  lui  en  fis  faire.  Sur  quel- 
ques endroits  des  livres  de  Virgile  qu'on 
l'inteiTogeât,  il  récitait  en  remontant  sur  le 
champ,  et  avec  beaucoup  de  vitesse,  autant 
de  vers  que  l'on  souhaitait  ;  et  il  faisait  la 
même  chose  de  toutes  les  Oraisons  de  Cicé- 
ron.  Tout  le  monde  en  était  dans  l'admira- 
tio  :  mais  Simplicius  prenait  Dieu  à  témoin, 
qu'avant  cette  expérience  il  ne  savait  pas 
s'il  aui-ait  pu  en  venir  à  bout.  C'était  sans 
doute  le  même  homme  avant  cette  épreuve, 
pourquoi  donc  ne  s'en  croyait-il  pas  capa- 
ble ?  )) 

Le  saint  Docteur  montre  encore  que  nous 
ne  connaissons  pas  toutes  les  forces  de 
notre  entendement  ;  et  qu'il  y  a  des  occa- 
sions où  nous  pouvons  facilement  résoudre 
certaines  questions  ,  et  d'autres  où  nous  ne 
le  pouvons  pas.  Il  en  est  de  même  de  la  vo- 
lonté. «  Saint  Pierre,  dit-il,  voulait  sincère- 
ment mourir  pour  son  Maître,  mais  il  ne  con- 
naissait pas  assez  quelles  étaient  ses  forces. 
Ainsi  un  si  grand  homme  ,  qui  avait  connu 
que  Jésus-Christ  était  fils  de  Dieu,  ne  se  con- 
naissait pas  lui-même.  Saint  Paul ,  qui  avait    can  vm. 


[lV<i  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


473 


été  ravi  jusqu'au  troisième  ciel,  ne  savait  pas 
néanmoins  si  c'avait  été  ou  dans  le  corps, 
ou  hors  du  corps.  Le  même  apôtre  ne  dit- 
il  pas  que  nous  ne  savons  ce  que  nous  de- 
vons demander  dans  la  prière  ;  mais  que 
l'esprit  interpelle  pour  nous  par  des  gémis- 
sements ineffables ,  c'est-à-dire  qu'il,  fait 
prier  les  saints.»  De  tous  ces  exemples,  saint 
Augustin  conclut  qu'il  est  plus  avantageux 
de  connaître  que  la  chair  ressuscitera  et 
qu'elle  vivra  sans  fin ,  que  d'apprendre  ce 
que  les  médecins  savent  de  cette  chair  après 
beaucoup  de  recherches. 

18.  U  dit  à  Victor  que  les  passages  qu'il 
avait  allégués  pour  résoudre  la  question,  ne 
disaient  rien  de  précis  sur  l'origine  de  l'âme  ; 
qu'ils  prouvaient ,  à  la  vérité  ,  que  Dieu  en 
est  l'auteur ,  mais  non  de  quelle  manière 
l'âme  nous  est  donnée  ;  si  elle  nous  vient  de 
nos  parents  par  propagation  ,  ou  si  Dieu  en 
forme  de  nouvelles  pour  chaque  personne. 
Il  mai'que  ,  en  passant ,  qu'il  croit  avec  sim- 
plicité ce  que  l'Apôtre  enseigne  avec  une 
très-grande  clarté,  savoir,  que  tous  les  hom- 
mes qui  naissent  d'Adam  tirent  leur  con- 
damnation d'un  seul  homme,  à  moins  qu'ils 
ne  renaissent  en  Jésus-Christ ,  comme  il  a 
voulu  que  renaissent  ceux  que  par  une  grâce 
très-miséricordieuse  il  a  prédestinés  à  la  vie 
éternelle  ;  lui  qui,  à  l'égard  de  ceux  qu'il  a 
prédestinés  à  la  mort  éternelle  ,  les  punit 
des  supplices  les  plus  justes,  non-seulement 
à  cause  des  péchés  qu'ils  ajoutent  par  leur 
propre  volonté  ,  mais  même  à  cause  du  pé- 
ché originel,  si  les  enfants  n'y  ajoutent  pas 
de  péchés  actuels.  Puis  venant  à  la  question 
qui  était  entre  lui  et  Victor ,  savoir  si  l'âme 
est  incorporelle,  comme  il  le  soutenait,  ou  si 
elle  est  corporelle,  comme  le  disait  ce  jeune 
homme,  il  définit  en  cette  manière  ce  que 
c'est  qu'un  corps  :  «  Le  corps,  dit-il,  est  ce 
qui  occupe  plus  d'espace  d'un  lieu  par  ses 
plus  grandes  parties,  et  qui  en  occupe  moins 
par  les  plus  petites.  »  Victor  qui  avouait 
que  Dieu  n'est  pas  im  corps ,  soutenait 
en  même  temps  que  si  l'âme  n'en  est  pas 
im ,  il  fallut  qu'elle  soit  d'air  ou  de  rien. 
Saint  Augustin  lui  montre  l'inconséquen- 
ce de  cette  alternative,  puisqu'avouant  que 
Dieu  n'est  pas  un  corps,  il  n'aurait  osé  dire 
qu'il  fiit  d'air ,  ou  de  rien  ,  ou  un  néant. 
D'ailleurs,  Victor,  en  admettant  une  âme 
d'air,  ne  pouvait  se  dispenser  d'avouer  en 
même  temps  qu'elle  était  un  corps,  puisque 
l'air  en  est  un. 


Pour  bien  entendre  cette  dispute  ,  il  est 
bon  d'avoir  une  idée  du  système  de  Victor. 
Selon  lui  l'homme  est  composé  de  trois  subs- 
tances ;  de  l'extérieur.,  qui  est  le  corps;  du  ^c^p- xu. e 
soufïle  de  Dieu,  qui  forme  l'homme  intériein-, 
c'est-à-dire  l'àme;  et  de  quelque  chose  de 
plus  intime  ,  qui  est  l'esprit.  Il  s'était  fait  ce  .,\^  ^'"''-  ^' 
système  sur  un  endroit  del'Épître  auxThes- 
saloniciens  ,  où  l'Apôtre  distingue  dans 
l'homme  l'esprit ,  l'âme  et  le  coi'ps.  Saint 
Augustin  le  combat  par  les  paroles  mêmes 
de  saint  Paul,  qui  nous  promet,  dit-il,  en  cet 
endroit,  que  notre  homme  intérieur  sera  re- 
nouvelé à  l'image  de  Dieu.  «  Sera-ce  ,  de- 
mande ce  Père,  l'âme  ou  l'esprit?  On  ne 
peut  dire  que  ce  sera  l'âme ,  puisqu'étant 
corporelle ,  selon"  Victor,  elle  ne  peut  être 
l'image  de  Dieu ,  qui  est  incorporel.  Donc  si 
l'homme  intérieur  qui  doit  être  renouvelé  à 
l'image  de  Dieu,  comprend  l'âme  et  l'esprit, 
il  n'y  en  aura  qjie  la  moitié  de  renouvelé, 
c'est-à-dire  l'esprit.  D'ailleurs,  ajoute-t-il, 
quoique  saint  Paul  semble  distinguer  trois 
choses  dans  l'homme  ,  il  les  réduit  néaiï- 
moins  à  l'homme  intérieur  et  extérieur,  sans 
reconnaître  un  être  plus  intime,  comme  fai-  cap.  xv  ci 
sait  Victor.  » 

19.  Ce  jeune  homme  disait  :  Si  l'âme 
n'est  point  un  corps  ,  que  voyait  donc  le 
mauvais  riche  dans  les  enfers?  Ne  voyait-il 
pas  Lazare  et  Abraham  ?  L'Écriture  ne  mar- 
que-t-elle  pas  les  parties  de  cet  âme  ,  en  lui 
donnant  des  yeux,  des  doigts  et  une  langue, 
et  même  un  sein  ?  Saint  Augustin  répond  , 
que  l'on  ne  doit  point  prendre  à  la  lettre 
tout  ce  qui  est  dit  dans  la  parabole  du  mau- 
vais riche  ;  qu'autrement  il  s'ensuivrait  que 
Dieu  même  serait  corporel ,  puisque  l'Écri- 
ture lui  attribue  aussi  divers  membres  qui 
ne  conviennent  qu'à  l'homme  ;  qu'il  serait 
même  ridicule  d'entendre  littéralement  ce 
qui  est  dit  du  sein  d'Abraham  ,  n'étant  pas 
possible  que  ce  sein  pris  littéralement  pût 
renfermer  tant  d'âmes  ,  qui ,  selon  l'opinion 
de  Victor ,  étaient  autant  de  corps.  Ce  Père 
dit  donc  que  par  le  sein  d'Abraham  on  doit 
entendre  un  lieu  de  repos ,  attribué  à  ce  pa- 
triarche ,  comme  père  des  nations  qui  de- 
vaient imiter  sa  foi. 

20.  Il  prouve  l'immatériahté  de  l'âme  par  cap.  xvu. 
sa  capacité  de  contenir  les  images  des  cieux, 
de  la  terre,  et  d'une  infinité  d'objets  :  ce  qui 
passerait  sa  portée  ,  si  elle  était  un  corps 
borné  à  l'étendue  de  cinq  ou  six  pieds.  On 
ht  dans  les  Actes  de  sainte  Perpétue,  que 


-ili  HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 

dans  un  songe  elle  se  vit  inétamorpliosée 
en  homme  pour   combattre  un   égyptien. 


LX. 


Ciiji.  xvn 


tracl, 

LVI 


D'où  Victor  inférait  que  si  l'àme  n'était  point 
corporelle,  elle  n'aurait  pu  attaquer  son  ad- 
versaire. Les  mêmes  Actes  rapportent,  que 
dans  une  vision  cette  même  martj-re  recon- 
nut une  blessure  que  Dinocrate,  mort  depuis 
quelque  temps,  avait  au  visage.  D'où  Yictor 
prétendait  encore  tirer  une  preuve  de  la 
matérialité  de  l'âme.  Saint  Augustin  répond, 
qu'il  faut  entendre  toutes  ces  visions ,  des 
apparences  et  de  la  réalité.  Il  forme  ceite 
difficulté  à  son  adversaire  :  «  Si  l'âme  de  Di- 
nocrate était  véritablement  blessée  au  vi- 
sage ;  pourquoi,  lorsqu'on  tue  le  corps,  ne 
tue-t-on  pas  aussi  l'âme  ?  Expression  qui  ne 
peut  s'employer  selon  l'Évangile,  qui  dit, 
en  termes  exprès  ,  que  ceux  qui  tuent  le 
corps,  n'ont  pas  le  pouvoir  de  tuer  l'âme.  » 
Après  avoir  encore  fait  voir  par  d'autres 
raisonnements  le  ridicule  du  sentiment  de 
ce  jeune  homme,  il  vient  à  l'endroit  où  il 
avait  dit  que  l'âme  n'avait  besoin  ni  d'ha- 
bits, ni  d'aliments,  et  lui  demande  pourquoi 
donc  le  mauvais  riche  avait  désiré  dans  les 
enfers  une  goutte  d'eau  ;  et  pourquoi  Sa- 
muel avait  apparu  à  Saiil,  revêtu  de  son  ha- 
bit ordinaire  ?  Il  lui  fait  sentir  par  ce  qui  se 
passe  en  nous  durant  le  sommeil,  que  ce 
qui  nous  parait  un  corps  ,  n'en  étant  pas  un 
effectivement,  mais  seulement  l'apparence 
sans  réalité  ,  on  peut  dire  de  même  que  ce 
qui  paraissait  corporel  aux  saints ,  ne  l'é- 
tait point  effectivement ,  quoique  l'objet  que 
les  prophètes  apercevaient  dans  ces  sortes 
d'occasions  fût  une  marque  assurée  d'un 
événement  futur.  Le  saint  Docteur  ne  veut 
pas  néanmoins  définir ,  en  cet  endroit ,  si 
c'est  avec  un  vrai  corps  ,  ou  non  ,  que  les 
anges  bons  et  mauvais  ont  apparu  aux 
hommes. 

21.  Ensuite  il  rapporte  divers  endroits  de 
l'Écriture  qui  prouvent  la  spiritualité  de 
l'âme  de  l'homme  ,  et  ne  reconnaît  ni  intel- 
ligence, ni  raison  dans  les  bêtes.  Puis,  après 
avoir  fait  une  récapitulation  des  erreurs  de 
Victor,  il  l'exhorte  à  les  révoquer.  Ce  jeune 
homme  le  fit,  et,  touché  de  la  manière  pleine 
de  charité,  dont  saint  Augustin  l'avait  traité, 
Lib.  iiue-   il  lui  cciivit  pour  lui  témoigner  qu'il  s'était 

ICI.  ,      fan.  ^  Kj  A 


Cap,    XIX  et 

XX. 


Luc.  XV!,2'l. 


lECi 
xxviil  j  24. 


Cap.  SKI. 


Cap.  XXII. 


Cap.xxni. 


corrieé  de  ses  erreurs, 


Des  quatre  Livres  à  Boniface,  contre  les  péla- 
giens. 

1.  Pendant  que  Boniface  successeur  de 
Zosime  ,  gouvernait  l'Église  de  Rome  ,  les 
fidèles  de  cette  ville  ^  firent  par  leur  vigi- 
lance et  par  leurs  soins ,  tomber  entre  ses 
mains  deux  lettres  des  pélagiens  ,  que  ceux 
de  cette  secte  répandaient  en  Italie.  Julien  , 
qui  avait  écrit  une  de  ces  lettres ,  l'avait  - 
envoyée  à  Rome  pour  y  fortifier,  ou  y  aug- 
menter le  nombre  de  ses  disciples.  L'autre 
lettre  était  de  dix-huit  évéques  pélagiens,  et 
adressée  à  Rufus,  évêque  de  Thessalonique. 
On  croit  qu'elles  avaient  été  écrites  toutes 
deux  vers  le  même  temps  ,  c'est-à-dire  vers 
l'an  420.  Saint  Alypius  qui  était  alors  â 
Rome  fut  chargé  par  le  pape  Boniface  de 
rapporter  ces  deux  lettres  à  saint  Augustin  ; 
et  saint  Prosper  ^  assure  que  le  Pape  enga- 
gea en  même  temps  ce  Père  à  y  répondre. 
Mais  saint  Augustin  ne  le  dit  pas.  Il  y  ré- 
pondit par  quatre  livres  adressés  à  Boniface, 
se  croyant  obligé  '*  de  s'opposer  aux  eflorts 
que  les  ennemis  de  la  grâce  ne  cessaient  de 
faire  pour  tenter  l'effet,  et  d'empêcher  aussi 
les  cathohques  de  se  laisser  surprendre  ,  et 
de  s'endurcir  eux-mêmes  dans  leurs  pé- 
chés. 

2.  11  commence  le  premier  livre  par  des 
sentiments  de  reconnaissance ,  sur  les  té- 
moignages d'amitié,  que  le  Pape  lui  avait 
donnés  par  saint  Alypius.  «  Votre  humilité  , 
dit-il,  fait  qu'encore  que  vous  soyez  dans  un 
siège  plus  élevé ,  vous  ne  dédaignez  pas  l'a- 
mitié des  petits,  et  vous  y  répondez  par  une 
afleclion  réciproque  ;  car  l'amitié  n'est  au- 
tre chose,  et  elle  n'est  jamais  fidèle  que  lors- 
qu'on s'aime  en  Jésus-Christ,  dans  lequel 
seul  elle  peut  être  éternelle  et  heureuse,  « 
Il  reconnaît  que  le  Siège  épiscopal  de  Rome 
avait  la  prééminence  sur  tous  les  autres  ,  et 
dit  à  Boniface  ,  que  s'il  lui  adresse  la  réfuta- 
tion des  deux  lettres  des  pélagiens ,  ce  n'est 
nullement  pour  lui  apprendre  quelque 
chose  ,  mais  afin  qu'il  examinât ,  et  qu'il  en 
corrigeât  les  endroits,  qui  pourraient  lui  dé- 
plaire. 

3.  11  vient  après  cela  aux  calomnies  des 
pélagiens,  qui   appelaient  les   catholiques 


Cap. 


Cap.  Il 


1  Lib.  ad  Bon.,  cap.  i. 

2  Lib.  1,  cap.  V. 


Prosp.  cont.  Collât.,  cap.  xli. 
Lib.  I,  cap.  I. 


[iV  ET  v"  SIÈCLES,]  SAINT  AUGUSTIN, 

manichéens,  et  les  accusaient  de  détruire  le 
liljre  arbitre,  ou  ce  qui  rcA'ient  au  même, 
d'enseigner  que  le  libre  arbitre  était  mort 
parle  péché  d'Adam,  en  sorte  c[ue  personne 
n'avait  plus  le  pouvoir  de  bien  vivre,  et  que 
tous  étaient  nécessités  au  péché.  «  Qui  de 
nous,  lui  répond  saint  Augustin,  enseigne 
une  pareille  doctrine  ?  Il  est  vrai  que  la  li- 
berté est  morte  par  le  péché,  mais  celle-là 
seulement  qui  était  dans  le  paradis ,  et  qui 
consistait  à  avoir  une  pleine  justice  avec 
l'immortalité.  C'est  pour  cela  que  la  nature 
humaine  a  besoin  de  la  grâce  divine  ,  selon 
ces  paroles  du  Seigneur  :  Si  le  Fils  vous  met 
en  liberté ,  vous  serez  alors  véritablement  li- 
ires,  c'est-à-dire  libres  pour  vivre  dans  la 
piété  et  dans  la  justice.  Mais  le  libre  arbitre 
est  si  peu  détruit  dans  l'homme  pécheur,  que 
c'est  par  lui  que  pèchent  tous  ceux  surtout 
qui  pèchent  avec  délectation  et  par  amour 
pour  le  péché,  puisqu'ils  font  ce  qui  leur 
plaît.  »  Il  fait  voir,  par  le  témoignage  de 
l'Apôtre  ,  que  l'on  ne  passe  de  la  servitude 
du  péché  à  la  Hberté  de  la  justice  que  par 
le  libre  arbitre  de  la  volonté ,  et  que  l'on 
n'est  aussi  délivré  de  la  servitude  du  péché 
que  par  la  grâce  du  Sauveur,  ainsi  que  le 
dit  l'Evangile  :  Le  Fils  de  Dieu  a  donné  le 
pouvoir  d'être  faits  enfants  de  Dieu  à  tous  ceux 
qui  l'ont  reçu.  Les  pélagiens,  pour  éluder  la 
force  de  ces  paroles ,  convenaient  que  la 
grâce  nous  aidait  à  devenir  enfants  de  Dieu  ; 
mais  ils  soutenaient  qu'on  méritait  cette 
grâce  par  le  seul  libre  arbitre.  Le  saint  Doc- 
teur répond  :  «  Enseigner  que  la  grâce 
est  donnée  selon  nos  mérites,  n'est  autre 
chose  que  détruire  celte  même  grâce  ;  com- 
me la  foi  est  un  don  de  Dieu  ,  le  pouvoir  de 
devenir  enfants  de  Dieu  est  donné  à  ceux 
qui  croient  eu  Jésus-Christ,  lorsqu'il  leur 
est  donné  d'y  croire  ;  mais  il  n'y  a  dans  le 
libre  arbitre  aucun  pouvoir  pour  le  bien,  s'il 
ne  lui  est  donné  de  Dieu  ,  et  l'homme  ne 
peut  être  libre  pour  le  bien  ,  à  moins  que  le 
Libérateur  ne  l'ait  délivré  ;  au  lieu  qu'il  a  le 
libre  arbitre  pour  le  mal  dans  lequel  il  prend 
plaisir,  ou  de  lui-même,  ou  à  la  persuasion 
dn  séducteur.  Nous  ne  disons  donc  point , 
continue-t-il ,  que  tous  les  hommes  soient 
comme  contraints  de  pécher  par  la  nécessité 
de  la  chair ,  mais  que  ceux  qui  sont  en  âge 
d'user  de  leur  propre  arbitre  ,  demeurent , 
s'ils  veulent,  dans  le  péché,  ou  en  en  commet- 
tent de  nouveaux ,  parce  qu'ils  veulent  bien 
les  commettre.  Mais  cette  volonté  qui  est 


EVEQUE  D'HIPPONE. 


473 


Cap.  T. 
Gan.    11,24. 


Piov.    XIX , 

M^tlh.    XIX, 
3  et  6. 


libre  pour  le  mal,  parce  que  le  mal  lui  plaît, 
n'est  pas  libre  pour  le  bien,  parce  qu'elle 
n'est  point  délivrée,  et  que  l'homme  ne  peut 
vouloir  quelque  chose  de  bien,  s'il  n'est  aidé 
de  celui  qui  ne  pe\it  vouloir  le  mal ,  c'est-à-  cap.  i.-. 
dire  de  la  grâce  de  Dieu  par  Jésus-Christ 
Kotre-Seigneur.  C'est  ce  que  les  pélagiens 
orgueilleux  et  superbes  n'admettent  point  ; 
mais,  en  voulant  défendre  le  libre  arbitre, 
ils  le  précipitent ,  et  ils  ne  nous  sont  oppo- 
sés dans  la  doctrine  que  nous  défendons, 
que  parce  qu'ils  ne  veulent  point  se  glori- 
fier dans  le  Seigneur,  n 

4.  Ils  accusaient  encore  les  catholiques 
de  dire  que  Dieu  n'a  pas  institué  le  mariage, 
et  que  l'union  des  sexes  est  une  invention 
du  démon.  Saint  Augustin  leur  répond  en 
deux  mots,  que  le  mariage  est  institué  de 
Dieu,  ce  qu'il  prouve  par  plusieurs  passages 
de  l'Écriture  ;  et  que  l'union  des  deux  sexes 
n'est  point  une  invention  du  démon,  parti- 
culièrement dans  les  Fidèles  ,  qui  n'usent  du  ejIics.y,55 
mariage  que  clans  la  vue  d'avoir  des  enfants, 
qui  doivent  ensuite  être  régénérés  dans  les 
eaux  du  baptême.  Il  ajoute,  qu'aucun  homme  cap.  vi. 
n'est  l'ouvrage  du  démon ,  mais  que  tous 
sont  de  Dieu  ,  en  tant  qu'hommes  ,  quoique 
tous  naissent  coupables  du  péché  originel , 
loi's  même  qu'ils  naissent  de  parents  fidèles, 
comme  un  olivier  sauvage  naît  du  noyau 
d'un  olivier  franc. 

5.  Une  autre  calomnie  des  pélagiens  ca,-. vu. 
était,  que  l'on  ne  croyait  point  parmi  les  ca- 
tholiques que  les  saints  de  l'Ancien  Testa- 
ment eussent  été  délivrés  du  péché.  Ils  les 
accusaient  encore,  de  dire  que  saint  Paul  et 
les  autres  apôtres  avaient  été  souillés  d'im- 
pureté ,  sous  prétexte  qu'ils  se  reconnais- 
saient sujets  à  la  concupiscence.  «  Nous  di-  cap.  vm. 
sons,  au  contraire  ,  réplique  saint  Augustin, 
que  les  saints  qui  ont  vécu,  soit  avant  la  loi, 
soit  sous  la  loi,  ont  été  délivrés  de  leurs  pé- 
chés ,  non  par  leur  propre  vertu  ,  parce  que 
maudit  est  celui  qui  met  son  espérance  dans  jorem.  xn 
l'homm-e  ;  ni  par  l'Ancien  Testament  qui  n'en- 
gendrait que  des  esclaves  ;  ni  par  la  loi  qui, 
quoique  bonne,  ne  pouvait  donner  la  vie; 
mais  par  le  sang  même  du  Piédempteur,  qui 
est  l'unique  médiateur  de  Dieu  et  des  hom- 
mes ,  Jésus-Christ  homme.  »  H  rejette  avec 
indignation  la  calomnie  qu'ils  faisaient  re- 
tomber sur  saint  Paul  et  les  autres  apô- 
tres, et  fait  voir  que  cet  apôtre  en  disant  : 
Lorsque  nous  étions  assujettis  à  la  chair,  les  nom.  vu,  i 
passions  criminelles  étant  excitées  par  la  loi. 


476 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Cap,  X 
Ro:n.  VI 


l,li, 


agissaient  dans  les  membres  de  notre  corps, 
et  leur  faisaient  produire  des  fruits  pour  la 
mort,  parlait  au  nom  de  ceux  qui  étaient 
encore  sous  la  loi ,  et  que  la  grâce  n'a- 
vait point  délivrés.  Il  est  vrai  qu'il  dit  en 
un  endroit ,  qu'il  avait  mené  une  vie  ir- 
l'hiiip.  iir,  réprochable  étant  lui  -  même  sous  la  loi  ; 
mais  cette  justice  qu'il  s'attribue  ,  ne  l'egar-, 
dait  apparemment  que  les  œuvres  exté- 
rieures de  la  loi,  qu'il  pouvait  accomplir,  ou 
par  la  crainte  des  hommes,  ou  par  la  ci'ainte 
de  Dieu  ,  ou  de  la  peine  ,  et  non  par  amour 
de  la  justice  ;  ce  qui  n'empêchait  pas  qu'il 
n'eût  intérieurement  des  affections  mau- 
vaises, et  qu'à  cet  égard  il  ne  fût  prévarica- 

ca..  i.-i.  teiir  de  la  loi.  Car  celui-là 'est  pécheur  au 
dedans  de  sa  volonté  qui  ne  s'abstient  pas 
de  pécher  par  le  mouvement  de  sa  volonté  , 
mais  par  un  sentiment  de  crainte  ,  en  sorte 
qu'il  ferait  le  mal,  s'il  pouvait  le  faire  im- 
punément. Or,  tel  était  l'Apôtre  avant  d'a- 
voir été  déhvré  par  la  grâce  de  Dieu,  S'il  a 
dit  depuis  ,  qu'il  était  un  homme  charnel  ; 
cela  ne  doit  s'entendre  que  de  son  corps, 
qui  n'était  point  encore  devenu  incorrup- 
tible. De  même,  quand  il  dit  qu'il  ne  fait  pas 

Rom. VII, 13.  le  bien  qu'il  veut,  cela  signifie  seulement 
qu'il  n'est  point  affi'anchi  des  mouvements 
de  la  concupiscence,  qu'il  nomme  péché, 
quoiqu'il  n'y  consente  pas. 

Saint  Augustin  avait  cru  autrefois  que  le 
septième  chapitre  de  l'Épitre  aux  Romains  , 
où  saint  Paul  rapporte  tous  les  combats  que 
la  concupiscence  ou  la  loi  de  la  chair  livre 
à  celle  de  l'esprit ,  devait  s'entendre  d'un 
homme  qui  vivait  encore  sous  la  loi  ;  mais  il 
fut  détrompé  par  ces  paroles  qu'on  lit  dans 
le  même  chapitre  :  Je  me  plais  drms  la  loi  de 
Dieu  selon  l'homme  intérieur  :  cette  délecta- 
tion dans  le  bien  venant  non  de  la  crainte 
de  la  peine,  mais  de  l'amour  de  la  jutice, 
qu'on  ne  peut  attribuer  qu'à  la  grâce.  D'où 
il  infère  que  l'Apôtre  n'y  parle  pas  seule- 
ment en  sa  propre  personne  ,  mais  au  nom 
de  tous  ceux  qui  vivent  sous  la  grâce  dans 
un  corps  mortel ,  mais  qui  n'y  jouissent  pas 
encore  de  cette  tranquillité  parfaite ,  dont 
ils  jouiront  lorsqu'ils  auront  remporté  la  vic- 
toire sur  la  mort. 

caii.  .vn  61  6.  Les  pélagiens  reprochaient  aux  catho- 
liques de  soumettre  Jésus-Christ  même  au 
péché  ,  et  de  dire  que  le  baptême  ne  remet 
pas  tous  les  péchés.  Comme  la  première 
de  ces  calomnies  ne  méritait  point  de  ré- 
ponse, saint  Augustin  passe  à  la  seconde  : 


«  Le  baptême,  dit-il,  accorde  le  pardon  de 
tous  les  péchés,  et  il  efface  les  crimes,  mais 
cela  n'empêclie  point  que  la  concupis- 
cence ne  demeure  dans  ceux  qui  sont  bap- 
tisés, quoiqu'elle  leur  soit  remise  quant  à  la 
coulpe  ;  toutefois  elle  ne  nous  est  point  im- 
putée à  péché  ,  à  moins  qu'on  ne  suive  ,  et 
que  l'on  ne  consente  aux  mauvais  désirs 
qu'elle  nous  suggère.  Aussi,  quand  nous  de- 
mandons à  Dieu  après  le  baptême  ,  de  nous 
remettre  nos  offenses,  nous  n'entendons  par- 
là  que  les  péchés  que  nous  commettons,  soit 
par  ignorance  ,  soit  en  consentant  aux  mau- 
vaises suggestions  de  cette  concupiscence  , 
et  non  la  concupiscence  même.  Mais  nous 
en  parlons  quand  nous  ajoutons  dans  la- 
même  prière  :  Ne  noits  induise:  pas  à  la  ten- 
tation. Car  chacun  est  tenté  par  sa  propre 
concupiscence  qui  l'emporte  et  qui  l'attire 
dans  la  mal ,  ainsi  que  le  dit  l'apôtre  saint 
Jacques  ;  et  quand  cette  concupiscence  a 
conçu,  elle  enfante  le  péché.  Tous  ces  effets, 
et  toutes  ces  productions  les  plus  crimi- 
nelles, sont  pardonnées  dans  le  baptême  ; 
mais  les  pécliés  moins  considérables  nous 
sont  remis  par  l'Oraison  dominicale  ,  c'est-à- 
dire  en  remettant  aux  autres  les  offenses 
qu'ils  nous  ont  faites ,  et  par  la  sincéi'ité  des 
aumônes.  Car  il  n'y  a  personne  assez  in- 
sensé poiu-  dire  que  ce  précepte  :  Pardon- 
nez, et  il  vous  sera  pardonné,  ne  regarde  point 
les  baptisés.  Aucun  ne  pourrait  être  ordonné 
ministre  de  l'Éghse ,  si  l'Apôtre  avait  dit 
qu'il  fallût ,  pour  cet  effet ,  être  sans  péché  ; 
mais  il  a  dit ,  sans  crime.  Plusieurs  d'entre 
les  fidèles  sont  exempts  de  crime  ,  mais  nul 
ne  l'es!;  de  péché  durant  cette  vie.  » 

7.  Ensuite  saint  Augustin  rapporte  la  pro- 
fession de  foi  que  Juhen  opposait  aux  catho- 
hques,  et  il  en  développe  les  mauvais  sens  qui 
y  étaient  cachés.  Sur  l'article  de  la  grâce,  Ju- 
lien enseignait  qii'elle  n'opérait  pas  pour  exci- 
ter la  volonté  au  bien,  mais  que  la  volonté  re- 
cevait ce  secours  de  Dieu  selon  ses  mérites  ; 
ensorte  que  Dieu ,  en  accordant  sa  grâce  à 
l'homme ,  ne  lui  donnait  que  ce  qu'il  lui  de- 
vait. Saint  Augustin  demande  à  Julien  ce  que 
Paul  avait  fait  de  bien  ,  lorsqu'il  s'appelait 
encore  Saul  ;  et  par  quels  mérites  de  sa 
bonne  volonté  il  avait  été  converti  d'une 
manière  si  subite  et  si  admirable  ?  Cet  apô- 
tre ne  dit-il  pas  lui-même  :  Dieu  nous  a  sau- 
vés, non  à  cause  des  œuvres  de  justice  que  nous 
eussions  faites;  mais  à  cause  de  sa  miséricorde? 
Le  Seigneur  ne  dit-il  pas  :  Personne  ne  peut 


Cap.  XV. 


[iV  ET  V' SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


477 


Phiiip. 


venir  à  moi  ,  s'il  ne  lui  est  donné  pai'  mon 
.  Père?  Et  pourquoi  nous  ordonue-t-il  de  prier 
pour  ceux  qui   nous  persécutent  ?  lui  de- 
mandons-nous que  sa  grâce  leur  soit  donnée 
à  cause  de  leur  bonne  volonté?  Ou  plutôt  ne 
lui  demandons-nous  pas  que  leiir  mauvaise 
volonté  soit  changée  en  bonne,  comme  nous 
croyons  que  les  saints  que  Saul  persécutait, 
demandèrent  efficacement  pour  lui,  qu'il  fût 
converti  à  la  foi  qu'il  entreprenait  de  dé- 
truire ?  Il  fait  observer  à  Julien  que  Jésus- 
Christ  ne  dit  point  :  Personne  ne  peut  venir  à 
moi,  si  mon  Père  qui  m'a  envoyé  ne  le  conduit, 
comme  s'il  voulait  nous  faire  entendre  ,  que 
la   volonté  précède  ;  mais  qu'il  dit  :  Si  mon 
Père  ne  le  f«Ve  à  lui.  Qui  est  tiré,  qui  voulait 
auparavant? Et  toutefois  nul  ne  va  à  Dieu,  s'il 
ne  veut  y  aller.  Il  est  donc  tiré  d'une  manière 
admirable  afin  cju'il  veuille,  par  celui  qui  sait 
agir  intérieurement  dans  les  cœurs  des  hom- 
mes, non  pas  afin  qu'ils  croient  sans  qu'ils 
le  veuillent,  ce  qui  est  irapossible  ;  mais  afin 
de  leur  faire  vouloir  ce  qu'ils  ne  voulaient 
pas  auparavant.  C'est  ce  que  saint  Augustin 
rend  sensible  par  divers  exemples  de  l'Écri- 
ture; mais   il  insiste    particulièrement   sur 
l'histoire  d'Esther.  «  Cette  reine  dit  à  Dieu, 
et  le  prie  en  celte  manière  :  «  Mettez,  Sei- 
gneur ,  dans  ma  bouche  des  paroles  conve- 
.  nables  et  puissantes,  en  la  présence  du  bon, 
et  tomnez  son  cœur  de  manière  que  notre 
ennemi  lui  devienne  odieux.»  Pourquoi  prier 
ainsi ,  dit  ce  Père ,  si  Dieu  n'opère  pas  lui- 
même  la  volonté  dans  le  cœur  des  hommes? 
On  dira  peut-être   que  la   prière  de  celle 
femme  était  insensée  ;  il  en  faut  juger  par 
le  succès.  Elle  entre  dans  la  chambre  du 
roi  ;  et  Dieu  change  le  cœur  de  ce  monarque 
par  une  puissance   très-cachée  ,  mais  très- 
efficace  ,  et  le  fait  passer  de  l'indignation  à 
la   douceur ,   c'est-à-dire  de  la   volonté   de 
nuire  à  la  volonté  de  se  rendre  favorable , 
selon  cette  parole  de  l'Apôtre  :  Dieu  opère 
en  nous  le  vouloir  et  le  faire.  Est-ce  que  ces 
hommes  de  Dieu,  qui  ont  écrit  cet  événe- 
ment d'Assuérus,  ou  plutôt,  est-ce  que  l'Es- 
prit  de  Dieu ,    par  l'inspiration  de  qui   ils 
l'ont  écrit ,    a  combattu  le  libre  arbitre  de 
l'homme?  Non;  mais  l'Esprit   saint  nous  a 
fait  admirer  dans  le  Tout-Puissant ,   et  son 
jugement  plein  de  justice,  et' son  secours 
plein  de  miséricorde.  » 

8.  Quelques  louanges  que  Julien  donnât 
aux  anciens  justes,  ajoute  le  saint  Doctem', 
il  faUail  convenir  qu'ils  n'ont  été  sauvés  que 


par  la  foi  au  Médiateur,  qui  a  donné  son 
sang  pour  la  rémission  des  péchés.  Ce  pé- 
lagien,  en  confessant  la  grâce  de  Jésus-Christ  '^"f-  ""■ 
nécessaire  aux  grands  et  aux  petits,  l'en- 
tendait de  manière  que  le  baptême  n'était 
point  nécessaire  aux  enfants  pour  la  rémis- 
sion des  péchés,  mais  seulement  pour  qu'ils 
pussent  entrer  dans  le  royaume  des  cieux. 
Comme  il  disait  avec  ceux  de  sa  secte  que  la 
grâce,  qui  nous  a  été  donnée  par  Jésus-  cap.  x.ïiu. 
Christ,  ne  nous  est  pas  donnée  gratuitement, 
mais  selon  nos  mérites,  les  catholiques  leur 
disaient  anathème,  parce  que  nul  ne  peut  c.p.  r.xir. 
bien  user  du  libre  arbitre  que  par  la  grâce, 
qui  ne  nous  est  pas  rendue,  comme  une 
chose  que  Dieu  nous  doive,  mais  qui  nous 
est  donnée  gratuitement  par  sa  divine  mi- 
séricorde. 

9.  Saint  Augustin  répond  dans  le  second  se^nd^uvre" 
bvre,   à  la  lettre  que  les  dix-huit  évêques    t^s-''^'- 
pélagiens  avaient  écrite  à  Rufus,  évêqne  de 
Thessalonique,  et  lem*  fait  voir  qu'ils  n'a-    c.p.i. 
valent  pas  lieu  de  se  glorifier  de  n'être  pas 
manichéens,  puisque  leur  erreur,  pour  être 
d'une   autre    naturCj  n'en   était  pas  moins 
condamnable.  Il  fait  un  paraUèle  des  mani-    '*"■''■  "• 
chéens  avec  les  pélagiens,  et  montre  que  les 
catholiques    les  condamnaient    également , 
comme  étant  les  uns  et  les  autres  opposés  à 
la  doctrine  de  l'Église  sur  la  grâce  et  sur  le 
baptême.  Ensuite  il  justifie  le  clergé  de  Ro-    cap.  m. 
me  de  la  prévarication  dont  les  pélagiens 
le  chargeaient,  et  il  prouve  que  jamais  leur 
doctrine    n'avait  été    approuvée    à    Rome , 
quoique  Zosime  ait,  pendant  quelques  temps, 
usé  d'indulgence  envers  Célestius.  «  Ce  pa- 
pe, ajoute-t-il,  n'en  usa  ainsi,  que  parce  que 
cet  hérétique  promettait,  dans  sa  profession 
de  foi,  de  se  soumettre  à  sa  décision  ;   en 
sorte  que  ce  pape  n'approuva  dans  Célestius 
que  la  volonté  qu'il  témoignait  de  s'instruire 
et  de  se  corriger,  et  non  la  fausseté  de  ses 
dogmes.  Cela  parut  clairement  depuis  l'ar- 
rivée des  lettres  du  concile  d'Afrique  à  Zo- 
sime, où  les  fraudes    de  Cérestius   étaient 
mises  dans  un  plein  jour  :  car  alors,  ayant 
été  cité  devant  le  Siège  apostolique,  pour 
y  répondre  sur  sa  doctrine,  il  en  craignit  la 
discussion,  et  se  déroba  à  cet  examen  par  la 
fuite.   Mais  quand,  ce  qu'à  Dieu  ne  plaise  , 
on    aurait  approuvé  dans  l'Eglise  romaine 
la  doctrine  de  Célestius  ou  de  Pelage,  qu'elle 
avait   auparavant  condamnée  dans  ces  hé- 
rétiques, avec  le  pape  Innocent,  cette  pré- 
\arication  ne   pourrait   tomber  que  sm*  le 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


478 

clergé  de  Rome.  Mais  Zosime  s'étant  confor- 
mé au  sentiment  d'Innocent,  son  prédéces- 
seur, qui  avait  condamné,  en  termes  exprès, 
l'hérésie  pélagiennc  dans  ses  lettres  aux 
évêques  d'Afrique  ;  c'était  une  calomnie 
d'accuser  ce  clergé  de  prévarication,  d'au- 
tant que  ce  saint  pape  avait  depuis  rendu 
une  seconde  sentence  contre  Pelage  et  Cé- 
lestius.  » 
cop.  lï.  Saint  Augustin  donne  un  précis  de  ce  qui 

se  passa  dans  cette  affaire  :  puis  venant  aux 
objections  tiue  ces  dix-huit  évoques  faisaient 
contre  les  catholiques,  il  les  propose  en  peu 
Cap.  V  ot  de  mots,  et  y  joint  ses  réponses.  «  Nous  ne 
disons  pas,  leur  dit-il,  que  par  le  péché 
d'Adam  le  libre  arbitre  ait  péri  dans  le 
monde  ;  mais  nous  disons,  qu'il  n'a  de  force 
que  pour  pécher  dans  ceux  qui  sont  assu- 
jettis au  démon  ;  et  que  pour  faire  le  bien 
et  vivre  dans  la  piété,  il  n'a  aucune  force,  à 
moins  que  sa  volonté  ne  soit  délivrée  par 
la  grâce,  et  aidée  de  la  même  grâce,  pour 
tout  le  bien  qui  se  fait  par  peusées,  par  pa- 
roles, et  par  actions.  »  Ces  évêques  préten- 
daient que  c'était  introduire  le  destin,  olls 
introduisent,  disaient-ils,  en  parlant  des  ca- 
tholiques, sous  le  nom  de  grâce,  une  espèce 
de  destin,  disant  que  si  Dieu  n'inspire  à 
l'hoûime  qui  lui  résiste,  et  qui  s'oppose  à 
lui,  l'amoiu'  du  bien,  il  ne  pourra,  ni  éviter 
le  mal,  ni  faire  le  bien.  » 

D'après  saint  Augustin  Dieu  inspire  l'a- 
mour du  bien  à  l'homme  qui  résiste;  mais 
il  remarque  que  c'est  en  faisant  en  même 
temps  que  l'homme  de  résistant  et  de  non 
voulant  devienne  voulant  et  consentant,  ce 
qui  ne  renferme  aucun  destin.  «  Si  toutefois 
quoiqu'un  veut,  ajoute-t-il,  eutendrc  sous 
ce  nom,  la  volonté  toute  puissante  de  Dieu, 
nous  sommes  tellement  disposés  que  nous 
évitons  la  nouveauté  des  termes,  et  que 
nous  n'aimons  pas  à  disputer,  n  Ces  mêmes 
évêques  accusaient  les  catholiques  d'attri- 
buer à  Dieu  Tacception  de  personnes.  Saint 
c  ap.  vil.       Augustin  répond  :  «  Si,  lorsque  de  deux  débi- 


teurs également  redevables,  l'on  abandonne 
â  l'un  ce  que  l'on  exige  de  l'autre,  la  jus- 
tice n'est  nullement  blessée  :  ainsi  tous  les 
hommes  étant  coupables,  Dieu  peut  pardon- 
ner à  qui  bon  lui  semble,  sans  cesser  d'être 
juste.  »  Ce  qu'il  confirme  par  la  parabole  des 
ouvriers  évangéliques,  qui  reçurent  tous  le 
même  salaire,  quoiqu'ils  eussent  travaiUé 
inégalement  par  rapport  au  temps.  «  Suppo- 
sons, ajoute-t-il  encore,  que  de  deux  ju- 


meaux  d'une  prostituée,  l'un   est  baptisé, 
et  l'autre  meurt  sans  sacrement.  A  quoi  at- 
tribuer   cette    difl'érence    d'événement?  Au 
destin?  mais  la  même  constellation   et  le 
même  aspect  présidaient.  Aux  mérites  ou 
des   parents,    ou   des    enfants?  mais  il  ne 
s'en  trouve,  ni  dans  les  uns,  ni  dans  les  au- 
tres. C'est  donc  par  miséricorde    que  l'un 
reçoit  le  baptême,  et  par  justice  que  l'autre 
en  est  privé  :  laquelle  justice  suppose  le  pé- 
ché originel.  »  Il  fait  voir  que  saint  Paul, 
s'étant  proposé  un  exemple  à  peu  près  sem- 
blable dans  Jacob  et  dans  Esaû,  résout  la 
difficulté  qu'il  y  avait  sur  la  prédestination 
de  l'im,  et  la  réprobation  de  l'autre,  eu  di- 
sant que  c'est  justice  d'une  part,  et  miséri- 
corde de  l'autre.  «  Mais,  dit-il,  pourquoi  Dieu 
ne  fait-il  pas  grâce  à  tous  les  hommes  ?  C'est 
pour  montrer  ce  que  vaut  sa  miséricorde 
envers  les  vases  d'élection  :  car  les  bienfait? 
qu'il  répand  gratuitement  sur  quelques-uns 
des  hommes,  ne  seraient  pas  si  signalés,  s'ii 
ne  faisait    connaître  par  la   condamnation 
des  autres,  qui  sortant  d'une  même  masse, 
sont  également  coupables,  ce  qui  était  dû 
à  tous.  Car  qui  est-ce  qui  nous  discerne  ?  de- 
mande l'Apôtre  ?  Et  comme  si  quelqu'un  lui 
eût  répondu,  c'est  ma  foi  qui  me  discerne, 
c'est  ma  résolution,  c'est  mon  mérite,  l'A- 
pôtre  ajoute   :   Qu'avez-vous  que  vous  n'ayez 
reçu  ?  et  si  vous  l'avez  reçu,  pourquoi  vous  en 
glorifiez-vous,  comme  si  vous  ne  ■  l'aviez  pas 
reçu  ?  c'est-à-dire  comme  si  ce  qui  vous  dis- 
cerne des  autres  hommes  venait  de  vous- 
mêmes.  C'est  donc  celui  qui  vous  donne  ce 
dont  vous  êtes  discerné  des  autres,  qui  pro- 
prement vous  discerne,  en  éloignant  de  vous 
la  peine  qui  vous  est  due,  et  en  vous  com- 
muniquant sa  grâce  qui  ne  vous  était  pas 
due.  » 

iO.  Les  évêques  pélagiens  ne  voulaient 
pas  reconnaître,  que  le  premier  désir  du 
bien  vienne  de  Dieu  ;  mais  le  saint  Docteur 
leur  fait  voir  que  si  ce  désir,  quelque  faible 
qu'il  soit,  se  formait  en  nous  sans  la  grâce, 
alors  la  gi-âce  qui  suivrait  ce  désir,  ne  serait 
plus  gratuite,  parce  que  ce  désir  étant  un 
mérite,  la  grâce  qui  serait  donnée  en  consé- 
quence, serait  due,  et  non  pas  gratuite  : 
doctinne  que  Jésus-Christ  prévoyant  devoir 
être  enseignée  par  Pelage  a  condamné  en 
disant  :  Sans  moi  vous  ne  pouvez  rien  faire. 
Car  le  Sauveur  ne  dit  point  :  Vous  pouvez  dif- 
ficilement faire  quelque  chose  sans  moi  ;  mais  : 
Vous  ne  pouvez  rien  faire  sans  moi  :  paroles 


[lV°  ET  V'^  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÈQUE  D'HIPPONE. 


479 


qui  renferment  le  commencement  et  la  fin 
de  la  bonne  action.  Saint  Paul  s'explique 
encore  plus  nettement,  comme  s'il  avait 
voulu  donner  du  jour  à  la  pensée  du  Sei- 
•.  gneur  :  Celui,  dit-il,  qui  a  commencé  en  vous 
le  saint  ouvrage  de  voire  salut,  Vachévera  et  le 
perfectionnera  jusqu'au  jour  de  Jésus-Christ. 
1  II  va  plus  loin,  et  dit,  que  nous  ne  sommes  pas 
capables  de  former  de  nous-mêmes  aucune  bonne 
pensée  comme  de  nous-mêmes,  mais  que  c'est 
Dieu  qui  nous  en  rend  capables.  Penser  quel- 
que chose  est  un  bien,  mais  la  pensée  est 
moindre  que  le  désir  :  car  nous  pensons  à 
tout  ce  que  nous  désirons;  mais  nous  ne  dé- 
sirons pas  tout  ce  que  nous  pensons.  Si  donc 
la  bonne  pensée  n'est  pas  de  nous-mêmes, 
comment  le  bon  désir  en  serait-il  ? 

11.  N'est-il  pas    écrit,  disaient  les  pélfi- 
giens,    que  c'est]  à  l'homme  à  préparer  son 
cœur  ?  C'est  donc  encore  à  lui  à  commencer 
le  bien,  même  sans  le  secours  de  la  grâce 
de  Dieu.  Saint  Augustin  leur  répond  :  «  S'il 
en  était  ainsi,  Jésus -Christ  n'aurait  pas  dit  : 
Sans  moi  vous  ne  pouvez  rien  faire.  Et  l'Apô- 
tre :  Nous  ne  sommes  pas  capables  de  former  de 
nous-mêmes  aucune  bonne  pensée.  Car  qui  peut, 
sans  une  bonne  pensée,  préparer  son  cœur 
pour  faire  le  bien?  S'il  est  écrit,  que  c'est  à 
l'homme  à  préparer  son  cœur,  il  est  dit  au 
même  endroit,  que  la  réponse  de  la  langue 
vient  du  Seigneur.  L'homme  prépare  donc 
son  cœur,  mais  non  sans  le  secours  de  Dieu, 
qui  touche  tellement  ce  cœur,  que  l'homme 
le  prépare.   Dieu  fait  dans  l'homme  beau- 
coup de  bien,  que  ne  fait  pas  l'homme  ;  mais 
l'homme  n'en  fait  aucun,  que  Dieu  ne  lui 
fasse  faire.  Ainsi  le  désir  du  bien  ne  serait 
pas  dans  l'homme  de  la  part  du  Seigneur, 
si  ce  désir  n'était  pas  un  bien  ;  mais  dès  lors 
que  c'est  un  bien,  il  n'est  dans  nous  que  par 
celui  qui  est  souverainement  et  immuable- 
ment bon.  Qu'est-ce,  en  effet,  que  le  désir 
du  bien,  sinon  la  charité,  C[ui,  selon  saint 
Jean,  est  de  Dieu.  Et  qu'on  ne  dise  pas  que 
le  commencement  de  cette  charité  est  de 
nous,  et  que  sa  perfection  vient  de  Dieu  ;  si 
la  charité  vient  de  Dieu,  comme  le  dit  cet 
apôtre,  il  faut  qu'elle  en  vienne  toute  en- 
tière. Dieu  nous  garde  donc  de  donner  ja- 
mais dans  cette  fohe,  continue  saint  Augus- 
tin, que  nous  nous  imaginions  occuper  la 
pi'emière  place  dans  les  dons  de  Dieu,  et  lui 
laisser  la  dernière  ;  pendant  qu'il  est  écrit  : 
C'est  sa  miséricorde  cj^ui  me  préviendra.    Et 
encore  :  Vous  l'avez  prévenu  d'une  bénédiction 


Cap.  X. 


de  douceur.  Que  peut-on  entendre  de  mieux 
par  ces  paroles,  sinon  le  désir  du  bien? 
Nous  commençons  à  le  désirer,  quand  il  com- 
mence à  nous  être  doux  et  à  nous  plaire  ;  de 
sorte  que  la  grâce  est  une  bénédiction  de 
douceur  dont  Dieu  se  sert  pour  faire  que  ses 
commandements  nous  plaisent,  et  que  nous 
désirions  de  les  observer,  c'est-cà-dire  que 
nous  les  aimions.  Mais  s'il  ne  nous  prévient 
par  sa  grâce,  non-seulement  nous  n'accom- 
plissons point  le  bien,  mais  même  nous  ne 
le  commençons  pas.  » 

Le  saint  Docteur  ajoute  que  Dieu  ne  nous 
commande  rien  dans  les  divines  Écritures 
qui  tende  à  faire  voir  notre  libre  arbitre,  qui 
ne  s'y  trouve  aussi  nous  être  donné  de  sa 
bonté,  ou  qu'il  ne  nous  soit  commandé  de 
demander  à  Dieu,  afin  de  montrer  le  secours 
de  sa  grâce.  Il  dit  aussi  que  l'homme  ne 
commence  en  aucime  manière  de  devenir 
bon,  par  le  commencement  de  la  foi,  de 
mauvais  qu'il  était,  si  la  gratuite  miscri- 
ricorde  de  Dieu  n'opère  en  lui  ce  change- 
ment; et  qu'ainsi  il  faut  concevoir  l'eti'et  de 
la  grâce  dans  l'homme  d'une  telle  sorte, 
que  depuis  le  premier  commencement  d'une 
bonne  conversion,  jusqu'à  la  fin  d'une  vertu 
consommée,  nul  ne  se  glorifie  que  dans  le  Sei- 
gneur, parce  que,  comme  personne  ne  peut, 
achever  le  bien  sans  le  Seigneur,  de  même 
personne  ne  peut  le  commencer  sans  le  Sei- 
gneur. 

12.  Saint  Augustin  continue  dans  le  troi- 
sième livre  à  Boniface  de  réfuter  les  calom-  ^'°è!\^s° id 
nies  des  dix-huit  évêques  pélagiens.  Ils  lui 
reprochaient  d'avoir  dit  que  la  loi  de  l'An- 
cien Testament  n'avait  point  été  donnée, 
afin  qu'elle  contribuât  à  la  justification  de 
ceux  qui  l'accompliraient;  mais  afin  qu'elle 
devînt  la  cause  d'un  péché  plus  grave  et  plus 
considérable.  Ce  Père  nie  le  fait,  et  avoue 
que  la  loi  a  été  donnée,  afin  qu'elle  servît  à 
la  justification  de  ceux  qui  l'observeraient, 
pourvu  toutefois  que  l'on  convienne  que 
l'obéissance  à  la  loi  est  un  efl'eî  de  la  grâce. 
Il  accuse  ces  évêques  de  n'avoir  pas  compris 
ce  qu'il  avait  écrit  sur  ce  sujet.  La  loi,  en 
défendant  le  péché,  en  augmentait  le  désir. 
C'est  pour  cela  qu'il  est,  dit -il,  écrit  que 
la  lettre  tue,  à  moins  que  la  grâce  ne  nous 
donne  la  vie  par  son  secours. 

13.  Les  catholiques,  ajoutaient  ces  évêques 
pélagiens,' disen!  que  le  baptême  ne  rend 
pas  les  hommes  véritablement  nouveaux; 
c'est-à-dire  qu'il  ne  leur  donne  pas  la  pleine 


Analyso  du 
troisième     li- 


Cap.  t. 


480 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


rémission  de  leurs  péchés;  en  sorte  que  ce- 
lui qui  est  baptisé  est  en  partie  enfant  de 
Dieu,  et  en  partie  enfant  du  siècle  ou  du 
diable.  «Nous  ne  disons  pas  cela,  répond 
saint  Augustin,  tous  les  hommes  qui  sont 
enfants  du  diable,  sont  aussi  enfants  du  siè- 
cle ;  mais  tous  les  enfants  du  siècle,  ne  sont 
pas  enfants  du  diable.  »  Il  appuie  cette  dis- 

Luc.  xx,34.  tinction  sur  rÉvangile  de  saint  Luc,  où  le 
Seigneur  appelle  enfants  du  siècle,  ceux 
qui  se  marient,  ou  qui  font  marier  les  au- 
tres. Et  dès-lors  on  pouvait  compter  parmi 
les  enfants  du  siècle,  Abraham,  Isaac  et  Ja- 
cob, et  ceux-mêmes  d'entre  les  fidèles  qui 
sont  engagés  dans  le  mariage.  Mais  ceux-là 
sont  proprement  les  enfants  du  diable,  qui 
n'ont  pas  la  foi ,  et  que  saint  Paul  appelle 

Etbcs.i],».  enfants  incréduiles  et  rebelles,  et  dans  les- 
quels il  dit  que  le  prince  des  puissances  de 
l'air  agit.  A  l'égard  du  baptême,  il  enseigne 
qu'il  remet  tous  les  péchés,  soit  de  paroles, 
soit  d'actions,  soit  de  pensées,  soit  originel, 
soit  actuels,  soit  de  propos  délibérés,  soit 
d'ignorance  ;  mais  qu'il  n'ôte  pas  l'infirmité, 
c'est-à-dire  la  concupiscence  à  laquelle  celui 
qui  est  régénéré  doit  résister;  il  ajoute  que 
c'est  non-seulement  par  le  bain  de  cette  ré- 
génération, mais  encore  par  la  foi  qui  opère 
.par  l'amour,  que  Dieu  distingue  ses  enfants 

Rom.i,  n.  de  ceux  du  diable;  parce  que  le  juste  vit  de 
la  foi. 

Cap.  IV.  14.  Cela  étant  ainsi,  qui  d'entre  les  catho- 

liques peut  être  accusé  de  dire  ce  que  les 
pélagiens  publient  que  nous  disons,  savoir  : 
que  le  Saint-Esprit  n'a  point  prêté  son  se- 
cours à  ceux  qui  dans  l'Ancien  Testament 
pratiquaient  la  vertu?  Pour  mettre  dans  un 
plus  grand  jour  la  vérité  de  la  doctrine  ca- 
tholique sur  ce  point,  saint  Augustin  distin- 
gue dans  l'Ancien  Testament  deux  sortes  de 
personnes  :  les  unes  figurées  par  l'esclave, 
et  les  autres  par  la  femme  libre.  «  Celles-là, 
dit -il,  appartiennent  à  l'ancienne  alliance; 
celles-ci  à  la  nouvelle.  Dans  les  premières  ce 
n'est  point  la  foi  qui  opère  par  l'amour,  mais 
une  crainte  charnelle  et  une  cupidité  char- 
nelle. Or,  quiconque  accomplit  les  préceptes 
par  ces  motifs,  ne  les  accomplit  que  malgré 
lui;  et,  par  conséquent,  ne  les  accomplit 
point  dans  le  cœur,  puisqu'il  aimerait  mieux 
ne  les  point  accomplir  du  tout,  s'il  le  pou- 
vait impunément,  et  sans  préjudice  de  ses 
désirs  et  de  ses  ci'aintes  ;  et  dès-là  même  il 
est  coupable  dans  la  propre  volonté.  Celles- 
là  sont  les  enfants  de  la  Jérusalem  terres- 


tre, dont  il  est  écrit  dans  saint  Paul,  qu'elle 
est  esclave  avec  ses  enfants,  qui  appartient 
à  l'Ancien  Testament  établi  sur  le  mont  Sinaï, 
qui  n'engendre  que  des  esclaves,  et  qui 
est  figurée  par  Agar.  »  Saint  Augustin  met 
de  ce  nombre  et  les  Juifs  d'autrefois  qui  ont 
crucifié  Jésus  -  Christ ,  et  qui  ont  persévéré 
dans  leur  infidéhté,  et  les  Juifs  d'aujourd'hui 
■  qui  ne  croient  pas  au  Sauveur,  et  que  Dieu 
conserve,  afin  que  le  christianisme  trouve 
dans  leurs  livres  un  témoignage  non-suspect 
de  la  vérité.  «  Les  seconds,  poursuit-il,  sont 
ceux  qui,  étant  sous  la  grâce,  sont  vivifiés  par 
le  Saint-Esprit,  et  accomplissent  les  préceptes 
par  cette  foi  évangélique  qui  opère  l'amour, 
dans  l'espérance  des  biens  non  charnels, 
mais  spirituels;  non  terrestres,  mais  célestes; 
non  temporels,  mais  éternels,  s'appuyalit 
principalement  sur  leur  divin  Médiateur, 
parce  qu'ils  ne  doutent  point  que  l'Esprit 
de  la  grâce  ne  puisse  leur  être  donné  pour 
accomplir  comme  il  faut  les  préceptes,  et 
que  leurs  péchés  ne  puissent  leur  être  par- 
donnés.  Ceux-là  appartiennent  au  Nouveau 
Testament,  et  sont  enfants  de  la  promesse, 
étant  régénérés  par  un  père  qui  est  Dieu,  et 
par  une  mère  qui  est  libre.  C'est  du  nombre 
de  ceux-là  qu'étaient  tous  les  anciens  justes, 
et  même  Moïse,  le  ministre  de  l'Ancien  Tes- 
tament ,  et  l'héritier  du  Nouveau  ;  parce 
qu'ils  ont  vécu  de  la  même  foi  que  nous  vi- 
vons, étant  chrétiens  comme  nous,  quoi- 
qu'ils n'en  portassent  pas  le  nom.  La  seule 
différence,  c'est  qu'ils  croyaient  comme  fu- 
turs les  mystères  de  Jésus-Christ,  que  nous 
savons  être  accomplis.  » 

15.  Les  pélagiens  reprochaient  encore  aux  caii. 
catholiques  de  ne  reconnaître,  ni  dans  les 
apôtres,  ni  dans  les  prophètes  une  pleine 
justice,  et  de  se  contenter  de  dire  qu'ils 
avaient  été  moins  mauvais  en  comparaison 
de  plus  méchants  qu'eux.  Saint  Augustin 
rejette  cette  calomnie  avec  indignation,  et 
dit  que  ces  saints  étaient  vraiment  justes, 
parce  qu'ils  avaient  la  foi  qui  est  la  vie  du 
juste  ;  quoiqu'on  doive  dire  que  leur  justice 
n'ait  point  été  exempte  de  ses  fautes  légè- 
res, dont  aucun  n'est  exempt  en  cette  vie. 
Il  ajoute  qu'il  y  a  même  une  certaine  mesure 
de  perfection  qui  convient  à  l'état  de  cette 
vie,  et  qu'elle  consiste  principalement  à  re- 
connaître que  l'on  n'y  est  pas  encore  parfait. 
Il  justifie  encore  les  cathohques  du  repro-  cop. 
che  que  ces  hérétiques  leur  faisaient  de  dire 
que  Jésus-Christ  avait  menti  par  la  néces- 


[iV'  ET  V°  siècles/ 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


site  de  la  chair,  et  explique  à  cette  occasion  ce 
que  l'on  appelle  péché  en  Jésus-Christ  quand 
on  dit  qu  'il  est  venu  dans  la  ressenijalance  de 
la  chair  du  péché,  qu'il  a  condamné  le  péclié 
par  le  péché,  et  qu'il  a  été  fait  péché;  sou- 
tenant que  toutes  ces  expressions  ne  signi- 
fient autre  chose,  sinon  que  Jésus-Christ  a 
été  un  sacrifice  d'expiation  pour  nos  péchés, 
étant  d'usage  de  donner  souvent  le  nom  des 
choses  mêmes,  à  celles  qui  n'en  sont  que  la 
figure  et  la  ressemblance.  Il  explique  en- 
core, pour  réfuter  une  autre  de  leurs  ca- 
lomnies, comment  nous  espérons  accomplir 
parfaitement  les  commandements  de  Dieu 
dans  l'autre  vie,  où  la  charité  aura  toute  son 
étendue,  et  la  justice  toute  sa  perfection; 
au  lieu  que  l'une  et  l'autre  peuvent  toujours 
être  augmentées  dans  cette  vie.  C'est  ce 
qu'il  prouve  par  l'exemple  de  saint  Paul, 
qui  avoue  avoir  été  sujet  en  cette  vie  à  di- 
verses infirmités,  et  dont  il  avait  même  be- 
soin pour  se  perfectionner  dans  la  vertu. 
«  Si  donc,  ajoute  ce  Père,  l'on  dit  que  quel- 
qu'un est  parfait  en  cette  vie,  on  doit  conve- 
nir qu'une  partie  de  sa  perfection  consiste  h. 
avouer  ses  fautes  et  ses  infirmités.  » 

Saint  Augustin  explique  ici  trois  choses 
remarquables;  la  justice  de  la  loi  qui  com- 
mande ce  qui  plaît  à  Dieu,  et  qui  défend  ce 
qui  pent  l'offenser;  la  justice  dans  la  loi, 
qui  fait  ce  que  la  lettre  ordonne,  sans  implo- 
rer le  secours  de  Dieu  ;  et  la  justice  de  Dieu, 
qui  se  trouve  lorscjue  la  foi  opère  par  la 
charité.  Pour  montrer  qu'il  n'y  a  point  de 
justice  parfaite  en  cette  vie,  il  raisonne 
ainsi  :  <(  On  ne  peut,  sans  folie  dire  qu'on 
aime  autant  Dieu  avant  de  le  voir  face  à 
face,  qu'on  l'aimera,  lorsqu'on  le  verra  en 
cette  manière.  Or,  s'il  est  vrai,  comme  on 
n'en  peut  douter,  que  plus  nous  aimons  Dieu 
en  cette  vie,  plus  aussi  nous  sommes  justes; 
on  ne  peut  douter  non  plus  que  notre  justice 
ne  doive  être  perfectionnée  lorsque  notre 
amour  pour  Dieu  sera  parfait.  »  Il  fait  voir 
encore  que  selon  la  doctrine  de  l'Apôtre,  on 
ne  pouvait  être  j.istifié  par  les  œuvres  de  la 
loi;  qu'elle  pouvait  commander  et  non  pas 
aider;  et  qu'il  n'y  a  que  la  gi'âce  de  Dieu 
par  Jésus-Christ  qui  secoure  notre  infirmité, 
parce  qu'autrement  Jésus-Christ  serait  mort 
en  vain  ;  qu'ainsi  tout  homme  qui  vit  selon 
la  justice  de  la  loi,  n'en  a  aucune  véritable, 
s'il  vit  sans  la  foi  de  Jésus-  Christ  ;  qu'au  reste 
quoique  notre  justice  soit  imparfaite  en  ce 
monde,  elle  ne  laisse  pas  de  nous  faire  mé- 
IX. 


481 

riter  la  récompense  d'une  justice  très-par" 
faite  dans  l'autre  vie. 

IG.  Saint  Augustin  fait  consister  l'hérésie 
de  Pelage  en  trois  chefs  principaux,  à  nier 
le  péché  originel,  à  soutenir  que  la  grâce  se 
donne  selon  les  mérites,  et  que  Ton  peut 
devenir  parfaitement  juste  en  cette  vie. 
Pour  tromper  les  simples,  ceux  de  cette 
secte  s'étendaient  sur  les  louanges  du  ma- 
riage, de  la  loi,  de  la  créature,  des  saints  et 
du  libre  arbitre,  comme  si,  dit  ce  Père,  quel- 
qu'un de  nous  méprisait  ces  choses,  et  n'en 
disait  point  de  bien  en  l'honneur  du  Créa- 
teur et  du  Sauveur.  «  Mais,  ajoute-t-il,  la 
créature  ne  veut  pas  tellement  être  louée, 
qu'elle  ne  veuille  aussi  être  guérie.  »  Il  re- 
lève ce  qu'il  y  a  de  bon  dans  le  mariage  et 
dans  la  loi,  et  dit  en  parlant  du  libre  arbitre, 
qu'il  est  captif  dans  les  hommes  qui  sont 
sous  la  puissance  du  démon  par  le  péché 
originel,  et  qu'il  n'a  de  force  en  eux  que 
pour  pécher;  mais  que  pour  vivre  dans  la 
justice,  il  est  sans  force,  si  par  la  grâce  de 
Dieu  il  n'est  délivré  et  secouru.  D'où  il  in- 
fère que  tous  les  saints,  soit  de  l'Ancien  Tes- 
tament, soit  du  Nouveau,  doivent  être  loués 
dans  le  Seigneur,  et  non  pas  dans  eux- 
mêmes.  Car  c'est  d'eux  que  l'Apôtre  dit  : 
Que  celui  qui  se  glorifie,  se  glorifie  dans  le 
Seigneur.  Il  oppose  la  doctrine  catholique 
sur  tous  les  articles  dont  nous  venons  de 
parler,  à  celle  des  manichéens  et  des  péla- 
giens.  Et,  après  avoir  montré  qu'elle  com- 
bat également  les  uns  et  les  autres,  il  en 
conclut  que  c'était  à  toi't  que  ces  derniers 
les  accusaient  de  manichéisme. 

17.  Dans  le  quatrième  livre  saint  Augus- 
tin continue  de  découvrir  la  fraude  enfermée 
sous  les  louanges  que  les  pélagiens  don- 
naient à  la  créature,  au  mariage,  à  la  loi, 
au  libre  arbitre  et  aux  saints.  Ils  louaient  la 
créature  et  le  mariage  pour  ôter  la  croyance 
du  péché  originel  ;  la  loi  et  le  libre  arbitre 
pour  établir  que  la  grâce  se  donnait  selon 
le  mérite  ;  les  saints  pour  montrer  qu'il  y 
avait  eu  en  cette  vie  des  hommes  exempts 
du  péché.  Il  fait  voir  que  l'Église  catholique 
tenant  le  milieu  entre  les  manichéens  et  les 
pélagiens,  enseign  que  la  nature  est  bon- 
ne, comme  étant  l'ouvrage  de  Dieu,  qui  est 
bon  ;  mais  qu'elle  a  besoin  de  la  grâce  du 
Sauveur,  à  cause  du  péché  originel  que 
nous  tirons  du  premier  homme,  avec  la  né- 
cessité de  mourir  ;  que  le  mariage  est  bon 
et  institué  de  Dieu  ,   mais  que  la  concupis- 

31 


Cap.  VIII. 


1  Cor.  r,  31. 
Cap.  IX  et  s. 


Analyse  du 
quatrième  li- 
•vre,  pag.  467. 


Cap.  i. 

Cap.  II. 


Gap,  m. 


Cap. IV. 


Cap.  V. 


482 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


eence,  qiii  y  est  survenue  par  le  péché,  est 
mauvaise  ;   que  la  loi  de  Dieu   est  bonne, 

Qii.  iiifii.  mais  qu'elle  ne  fait  que  montrer  le  péché, 
sans  l'ôter,  personne  n'étant  justifié  devant 

cnp.  VI.  Dieu  par  la  loi  ;  que  le  libre  arbitre  est  na- 
turel à  l'homme,  mais  qu'il  est  .tellement 
captif  maintenant,  qu'il  ne  peut  opérer  la 
justice,  qu'après  être  délivré  par  la  grâce. 

Cap.  m.  Il  xie  peut  sans  ce  secours  pas  même  pousser 
un  soupir,  ni  former   le  premier  désir  de 

Cap.  T.  cette  liberté  salutaire.  Saint  Augustin  définit 
cette  grâce  une  inspiration  du  saint  amour 
qui  nous  fait  accomplir  en  aimant,  le  bien 
que  nous  connaissons.  Il  convient  que  ce 
que  la  loi  dit  est  très-vrai,  savoir  que  celui 
qui  accomplit  les  commandements  y  trou- 
vera la  vie  ;  mais  il  ajoute  que  pour  les  ac- 
complir et  y  trouver  la  vie,  il  est  besoin  non 
de  la  loi  qui  commande,  mais  de  la  foi  qui 
obtient  la  grâce  de  les  accomplir. 
18.  Les  pëlagiens  alléguaient  en  faveur 

laai.  1, 19  61  du  libre  arbitre  ces  paroles  d'Isaïe  :  Si  vous 
voulez  m'écoute}',  vous  mangerez  les  biens  de  la 
terre  ;  sinon  vous  périrez  par  le  glaive.  Saint 
Augustin  répond  qu'il  n'y  a  en  cela  rien  qui 
puisse    nuire    aux    catholiques,  qui    savent 

l'Tm.  y:ii.     qu'jj  ggt  ^,,pjt  q^-,g  Q'gg^  £)^g^^  g^^^  prépare  la 

volonté.  Il  y  ajoute  un  endroit  des  Psaumes 
qui  pouvait  seul  renverser  le  système  de 
Pelage.  C'est  celui  où  il  est  dit  qu'en  tout  ce 

Psai.  LTiii,  que  nous  faisons  selon  Dieu,  sa  miséricorde 
nous  prévient.  Car  un  des  articles  principaux 
de  cette  hérésie  était  de  dire  que  la  grâce  se 
donnait  aux  mérites,  en  sorte  que  c'était  la 
volonté  de  l'homme  qui  prévenait,  et  non  la 
miséricorde  de  Dieu.  Saint  Augustin  rap- 
porte plusieurs  passages  qui  prouvent  que  la 
grâce  nous  est  nécessaire,  qu'elle  nous  pré- 
vient,  et  qu'elle  nous  est  donnée  gratuite- 

icor. iT,7.  ment;   entr'autres  ceux-ci  :  Qu'avez-vous  nue 

Joan.  XV,    6.  .        ^  2 

Hom.  XII,  3.   ')}ous  n  ayez  reçu  !  bans  moi  vous  ne  vouvez  rien 


Joan 

Kom.  XII,  3.  yous  Kai/cz  rcçu  :  inans  moi  vous  ne  pouvez  rien 
««''àsV"''  Z"^^''^-  L'esprit  de  Dieu  souffle  où  il  veut.  Per- 
sonne ne  peut  venir  à  moi,  s'il  ne  lui  est  donné 
par  mon  Père.  Je  vous  donnerai  un  cœur  de 
chair  et  un  esprit  nouveau,  et  je  ferai  que  vous 
marchiez  dans  la  justice,  et  que  vous  observiez 
mes  commandements.  Il  montre  encore  par  le 
Psaume  xcxiv,  que  c'est  Dieu  qui  fait  de 
nous  ses  brebis,  et  qu'en  ce  sens  même  nous 
sommes  l'ouvrage  de  ses  mains.  Puis  il 
ajoute  en  s'adressant  aux  pélagiens  :  «  C'est 
en  vain  que  vous  m'alléguez  le  libre  arbitre, 
puisqu'il  ne  sera  libre  pour  faire  le  bien, 
que  lorsque  vous  serez  devenu  une  des  bre- 
bis de  Jésus-Christ.  Celui  donc  qui  fait  des 


hommes  ses  brebis,  est  le  même  qui  délivre 
les  volontés  des  hommes  pour  lem'  faire 
pratiquer  une  obéissance  religieuse  à  ses 
commandements.  Or,  pourquoi  fait-il  ceux- 
ci  ses  brebis,  non  pas  ceux-là,  lui  qui  ne  fait 
point  acception  de  personnes?»  C'est  la  ques- 
tion même  sur  laquelle  l'Apôtre  dit  à  ceux 
qui  la  proposaient  avec  plus  de  curiosité  que 
d'intelligence  :  0  homme  !  qui  étes-vous  pour 
disputer  avec  Dieu  ?  » 

19.  A  l'égard  des  éloges  que  les  pélagiens 
donnaient  aux  saints,  ce  Père  répond  que 
la  justice  des  saints,  soit  de  l'Ancien,  soit 
du  Nouveau  Testament,  a  été  véritable,  mais 
non  parfaite.  C'est  ce  qu'il  prouve  par  l'O- 
raison dominicale  où  tous  les  saints  recon- 
naissent dans  toute  la  terre  qu'ils  sont  cou- 
pables de  quelques  péchés,  puisqu'ils  de- 
mandent dans  cette  prière,  que  Dieu  les  leur 
pardonne.  Il  le  prouve  encore  par  ces  paro- 
les de  saint  Jean  :  Si  nous  disons  que  nous 
sommes  saiis  péchés,  noies  nous  séduisons  nous- 
mêmes,  et  la  vérité  n'est  point  en  nous  ;  et  enfin 
par  l'état  présent  de  l'Église  qui  n'est  pas 
sans  tache  ni  ride,  puisque  ceux  qui  en  sont 
les  membres,  se  reconnaissent  pécheurs.  Il 
avoue  que  l'Esprit  Saint  a  non  -  seulement 
aidé  les  bonnes  âmes  des  saints  de  l'Ancien 
Testament,  ce  qu'avouaient  aussi  les  péla- 
giens ;  mais  il  soutient  encore  que  ce  même 
Esprit  les  a  fait  bonnes  ;  ce  que  ces  héréti- 
ques niaient. 

20.  Ensuite  il  rapporte 
de  passages  de  saint  Cyprien  plus  ancien 
que  les  manichéens,  et  de  saint  Ambroise 
qui  avait  vécu  avant  la  naissance  de  l'héré- 
sie pélagienne,  et  montre  que  ces  deux 
grands  évoques  ont  enseigné  clairement  une 
doctrine  toute  contraire  à  celle  de  ces  deux 
sectes  ;  et  qu'ils  ont  reconnu  que  tous  les 
hommes  naissent  infectés  du  péché  originel; 
que  tant  ce  péché  que  les  actuels  sont  remis 
dans  le  baptême  ;  que  personne  même  de- 
puis le  baptême  n'a  vécu  en  ce  monde  dans 
une  justice  parfaite  ;  que  ce  n'est  point  en 
nous-mêmes,  mais  en  Dieu  que  nous  devons 
nous  glorifier  lorsque  nous  faisons  quelques 
bonnes  actions  ;  que  la  grâce  nous  prévient 
de  telle  sorte,  que  nous  ne  pouvons  com- 
mencer d'être  bons  sans  elle  ;  et  que  c'est 
pour  cela  que  nous  demandons  à  Dieu  pour 
ceux  qui  résistent  encore  à  la  vérité,  que 
Dieu  les  change  dételle  sorte  qu'ils  veuillent 
ce  qu'ils  ne  voulaient  point  auparavant.  Il 
ajoute  que  la  doctrine  que  ces  Pères  et  plu- 


un  grand  nombre 


Cap.  Vî 


[iV"  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


sieurs  autres  ont  enseignée  avec  eux  sur 
ces  points,  est  conforme  à  celle  des  divines 
Écritures,  la  même  que  l'Eglise  chrétienne 
et  catliolique  a  reçue  par  tradition,  et  con- 
servée jusqu'à  nos  jours  ;  qu'ils  ont  recon- 
nu que  la  créature  est  l'ouvrage  de  Dieu, 
que  le  mariage  est  institué  de  lui,  que  c'est 
Dieu  qui  a  donné  la  loi  par  Moïse,  que 
le  libre  arbitre  est  naturel  à  l'homme ,  et 
enfin  que  les  saints  patriarches  et  les  pro- 
phètes étaient  dignes  de  louanges  ;  mais 
qu'ils  ont  enseigné  en  même  temps  que  nous 
naissons  avec  le  péché  originel,  que  la  grâce 
est  au-dessus  du  libre  arbitre,  qu'elle  pré- 
cède toiit  mérite,  qu'elle  est  un  secours 
vraiment  gratuit,  et  que  les  saints  ont  vécu 
dans  la  chair  dans  un  degré  de  justice  qui 
leur  rendait  la  prière  nécessaire  ,pour  ob- 
tenir par  ce  moyen  la  rémission  des  péchés 
journaliers,  et  que  la  justice  parfaite  qu'ils 
auront  dans  l'autre  vie  sera  une  récompense 
de  celle  qu'ils  ont  euk  en  celle-ci. 

21.  Gomme  les  pélagiens  se  plaignaient 
que  pour  condamner  leur  doctrine,  on  avait 
extorqué  des  signatures  aux  évêques  dis- 
persés dans  leurs  sièges,  sans  les  avoir  as- 
semblés en  concile ,  saint  Augustin  leur  ré- 
pond :  «En  a-t-on  extorqué  de  saint  Cyprien 
et  de  saint  Anibroise,  qui  ont  combattu  et 
renversé  ces  dogmes  impies  avant  la  nais- 
sance de  ceux  qui  les  ont  défendus?  n  Qii'é- 
tait-il  besoin  de  concile  pour  condamner  des 
erreurs  si  manifestes?  N'y  a-t-il  donc  eu  ja- 
mais d'hérésies  qui  n'aient  été  condamnées 
que  dans  des  conciles  ?  ou  plutôt  n'a-t-il  pas 
été  rare  d'en  assembler  pour  condamner  les 
hérésies  qui  se  sont  élevées  ?  Et  la  plupart 
n'ont-elles  pas  été  condamnées  d'abord  dans 
les  lieux  où  elles  ont  pris  naissance,  et  en- 
suite détestées  partout  où  elles  ont  été  con- 
nues ?  »  Mais  les  pélagiens  cpii  vantaient 
tant  lem-  libre  arbitre,  et  qui  aimaient  mieux 
s'y  glorifier  qu'en  Dieu,  avaient  encore  la 
vanité  de  vouloir  mettre  en  mouvement  tous 
les  évêques,  et  les  assembler  en  concile  de 
toutes  les  parties  de  l'orient  et  de  l'occident. 
Saint  Augustin  rejette  avec  mépris  de  pa- 
reilles prétentions,  et  dit  que  puisque  leurs 
erreurs  ont  été  condamnées  après  avoir  été 
suffisamment  et  dûment  examinées,  il  faut 
écraser  comme  des  loups  ceux  qui  les  sou- 


483 

tiendront  à  l'avenir,  soit  pour  les  guérir, 
soit  pour  préserver  les  autres  de  cette  con- 
tagion. 

§X. 
Des  SIX  Livres  contre  Julien. 

1.  Julien,  que  saint  Augustin  combat 
dans  ces  six  hvres,  était  de  la  Fouille,  fils 
de  Mémor  %  évêque  d'une  grande  piété,  et 
de  Julienne,  dame  de  quafité  et  de  vertu.  Il 
fut  baptisé  n'étant  qu'enfant  - ,  ensuite  mis 
au  rang  des  clercs,  et  fait  lecteur.  Etant 
dans  un  âge  plus  avancé,  son  père  le  maria 
avec  une  fiUe  de  condition  nommée  Ja  ;  et 
saint  Paulin,  évêque  de  Noie,  qui  était  très- 
uni  d'amitié  avec  Mémor  ^,  fit  leur  épitha- 
lame,  que  nous  avons  encore.  Soit  que  la 
femme  de  Julien  fut  morte,  soit  qu'il  vécut 
en  continence  avec  elle,  comme  saint  Paulin 
les  y  avait  exhortés,  Julien  fut  fait  diacre 
étant  encore  jeune,  comme  on  le  voit  par 
une  lettre  de  saint  Augustin  à  Mémor  *, 
pleine  d'amitié  pour  lui  et  pour  Julien.  Ce 
Père  disait  encore  °  depuis  la  mort  de  Mé- 
mor, qu'il  ne  pouvait  oublier  l'étroite  amitié 
qui  s'était  formée  entr'eux  par  un  com- 
merce de  lettres,  et  qui  avait  fait  naître  en 
lui  des  sentiments  d'une  tendresse  particu- 
lière pour  Julien.  Le  pape  Innocent  I"  l'or- 
donna évêque  d'Éclane,  ville  dans  la  Cam- 
panie  à  quelques  lieues  de  Bénévent.  Ce  fut 
sans  doute  pendant  son  séjour  à  Rome  qu'il 
fut  instruit  dans  l'hérésie  par  Pelage  même. 
Mais  il  n'osa  s'en  déclarer  ouvertement  le 
partisan  tant  que  ce  saint  pape  vécut.  Il  fut 
toutefois  du  nombre  de  ceux  qui  refusèrent 
de  souscrire  à  la  sentence  que  le  pape  Zo- 
sime  rendit  en  418,  contre  les  pélagiens.  Ce 
fut  pour  ce  sujet  qu'il  le  déposa  de  l'épisco- 
pat  ",  et  qu'on  le  chassa  d'Itahe.  Gennade  ' 
raconte  de  lui  que  dans  un  temps  de  famine 
et  de  misère,  il  avait  distribué  ses  biens  aux 
pauvres,  et  attiré,  par  cette  apparence  de 
charité,  beaucoup  de  personnes  à  son  hé- 
résie ,  particulièrement  des  personnes  de 
condition ,  et  qui  faisaient  profession  de 
vertu.  Mais  depuis  la  mort  de  son  père  et  de 
sa  mère,  ses  mœurs  ne  se  corrompirent  pas 
moins  que  sa  foi,  et  des  auteurs  du  temps  ' 
lui  reprochent  des  fautes  considérables  tou- 


1  August.,  lib.  I  in  Jul.,  cap.  iv.  — 
imperf.,  cap.  ii.  —  ^  Paulin,  can.  14. 
*  August.,  Ep,ist.  loi. 


Lib.  II  Op.  °  Lib.  I   Cont.  Jul,  cap.   vu.  —  «   Lib.   I    Op. 

imp.,  cap.  xvni.  —  ''  Gen.,  I  De  Scrip.  eccl.,  cap. 
XLV.  —  8  Mercator,  lib.  Sub  not.,  cap.  iv. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


484 

chant  la  pureté.  Après  avoir  quitté  l'Italie, 
il  courut  les  mers  et  les  terres  avec  les  par- 
tisans de  son  erreur,  et  se  retira  enfin  dans 
la  Cilicie  chez  Théodore  de  Mopsueste,  où  il 
continua  à  écrire  contre  saint  Augustin.  On 
ne  voit  point  ce  qu'il  devint  depuis,  jus- 
qu'en 428,  qu'il  fut  chassé  de  Gonstantinople 
par  Théodose.  Il  est  marqué  le  premier 
après  Pelage  et  Célestius,  entre  les  pélagiens 
dont  la  condamnation  fut  lue  et  confirmée 
en  431,  par  le  concile  d'Éphèse  '.  Il  tâcha  '^ 
sous  le  pontificat  de  Sixte  en  439,  de  rentrer 
clans  la  communion  de  l'Église,  enseignant 
de  s'être  corrigé  ;  mais  ce  pape,  ayant  dé- 
couvei't  ses  ruses,  ferma  toutes  les  ouvertu- 
res à  ses  desseins  criminels.  Ne  pouvant 
donc  recouvrer  la  dignité  épiscopale  par  ses 
artifices,  il  quitta  une  seconde  fois  l'Itahe, 
et  vint  à  Lerins  où  il  vécut  durant  quelques 
mois  avec  Fauste,  depuis  évêque  de  Ries. 
Le  pape  Sixte  étant  mort,  Julien  revint  en- 
core en  Italie,  d'où  il  fut  contraint  de  sortir 
une  troisième  fois  par  les  ordres  de  saint 
Léon  successeur  de  Sixte.  C'est  au  moins 
ce  qu'insinue  assez  clairement  l'auteur  du 
livre  des  Promesses  ^,  lorsqu'il  dit  que  ce 
saint  pape  brisa  les  pélagiens,  et  particuliè- 
rement Julien.  Sa  dernière  retraite  fut  dans 
un  village  de  Sicile,  où  il  s'occupa  à  ensei- 
gner les  lettres  à  ceux  de  sa  secte  :  emploi 
que  saint  Augustin  lui  *  avait  destiné  depuis 
longtemps ,  comme  le  plus  convenable  à 
l'attache  qu'il  avait  aux  sciences  humaines, 
et  à  la  vanité  qu'il  en  tirait.  II  avait  au  juge- 
ment de  Gennade  ^  un  esprit  vif  et  ardent, 
une  grande  connaissance  des  Écritures,  et 
beaucoup  d'érudition  dans  les  lettres  grec- 
ques et  latines,  dont  il  se  glorifiait  extrê- 
mement. Comme  il  prétendait  avoir  appris 
toutes  les  subtihtés  renfei'mées  dans  les  Ca- 
tégories d'Aristote,  il  affectait  ^  d'eu  faire 
usage  partout  pour  confondre  ses  adversai- 
res dans  la  dispute  ;  mais  ses  arguments 
n'avaient  ni  solidité  ni  force,  et  son  élo- 
quence était  aussi  aveugle  que  vaine  '',  di- 
sant cfuelquefois  pour  la  faire  paraître,  des 
choses  qui  étaient  contre  lui-même.  Mais  au 
défaut  de  raison,  il  se  répandait  en  injures 
et  en  calomnies  ',  n'épargnant   personne  ', 


pas  même  les  plus  saints  docteurs  de  l'Égli- 
se. On  connaît  de  lui  deux  lettres  '"  au  pape  1 
Zosime  sur  les  matières  de  la  grâce  ;  quatre 
livres  pour  réfuter  le  premier  de  saint  Au- 
gustin qui  a  pour  titre  du  Mariage  et  de  la 
concupiscence  ;  huit  livres  pour  répondre  au 
second  de  ce  Père  sm*  la  même  matière  ;  et 
un  dialogue  "  où  lui  et  saint  Augustin  dis- 
putaient l'un  contre  l'autre  ;  quelques-uns 
le  fout  aussi  auteur  d'un  commentaire  sur 
les  Cantiques  *',  précédé  d'un  livre  intitulé 
de  l'Amour,  parce  qu'il  y  montrait  la  diffé- 
rence de  l'amour  sacré  et  du  profane  ;  et 
un  livre  qui  avait  pour  titre  dic  Bien  de  la 
constance. 

2.  Saint  Augustin  met  les  six  hvres  qu'il  „.,';"„"',', 
composa  contre  Julien  '',  après  les  quatre  à   i'Ii".'""''' 
Boniface.  Ainsi  on  ne  peut  les  placer  qu'a- 
près l'an  420,  et  ce  qui  confirme  cette  épo- 
que, c'est  qu'il  est  parlé  dans  le  premier  '*, 

de  la  mort  de  saint  Jérôme  arrivée  le  30  de 
septembre  de  la  même  année.  Ils  sont  adres- 
sés à  un  évêque  nommé  Claude,  qui  lui 
avait  envoyé  les  quatre  livres  de  Julien,  sans 
même  qu'il  les  lui  eût  demandés. 

3.  Julien  prétendait  qu'il  fallait   absolu-     adsIs-o 

.  .   , ,  -,  premier  li> 

ment  condamner  le  mariage,  si  Ion  admet-  p=s. vjv. 
tait  un  péché  originel  ;  et  traitait  saint  Au- 
gustin et  les  catholiques  de  manichéens, 
parce  qu'ils  enseignaient  que  tous  les  hom- 
mes qui  viennent  au  monde  par  la  voie  du 
mariage,  naissent  coupables  du  péché  de  cap.  i  et 
nos  premiers  pères.  En  accusant  ainsi  faus- 
sement les  catholiques  d'être  dans  l'erreur 
des  manichéens,  il  ne  faisait  qu'imiter  Jovi- 
nieu  qui  les  avait  chargés  de  la  même  ca- 
lomnie. C'est  pourquoi  saint  Augustin  lui 
dit  :  «  Comme  les  catholiques  avaient  alors 
méprisé  les  injures  de  Jovinien,  et  avaient 
toujours  cru  que  Marie  ét.iit  demeurée  toute 
pure  et  toute  vierge  après  l'enfantement,  et 
que  notre 'Seigneur  avait  pris  d'elle  eu  nais- 
sant, non  un  corps  fantastique,  mais  vérita- 
ble ;  de  même  aujourd'hui  ils  mépriseront 
les  discours  vains  de  Julien,  par  lesquels  il 
leur  impute  de  faux  crimes  ;  et  sans  admet- 
tre, avec  les  manichéens,  un  principe  naturel 
du  mal,  ils  continueront  de  croire  selon  l'an- 
cienne doctrine  de  l'Église,  que  Jésus-Christ 


1  Tom.  III  Conc,  pag.  6G5.  —  ^  Prosp.  in  Chron.  *  Prosp.  in  Collât.,  cap.  sli.   —  ^  .Mercator,  Sub 

ad  an.  439.  —  3  Pi-osp.,  lib.  IV  De  Promis.,  cap.  v[.  71.  prol.  §  12.  —  '"•  August.,   lib.  I   Op.   imperf., 

'  Lib.  II  Op.  imper f ,  cap.  li.  —  ^  Genuad.,  De  cap.  xvni.   —  "  Geu.,  cap.  xlv.  —   "  Beda,    tom. 

Scrip.,   cap.  .xlv.  —  ^  Aiigust.,   lib.  I  Conl.  Jul,,  IV,  pag.  714  et  718. 

cap.  IV.  ''     Lib.    11    Relrac,   cap.    lu. 

'  Lib.  VI  Cont.  lui,  cap.  xiv.  '^    Lib.    1,  num.  3i. 


[IV''  ET  V*  SIÈCLES.' 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


est  devenu  le  Sauveur  des  enfants,  en  ef- 
ip.m,  façant  la  cédule,  et  en  acquittant  ce  que  nos 
premiers  pères  devaient  à  ia'justice  de  Dieu.  » 
Il  fait  voir  à  Julien  que  l'accusation  de  ma- 
nichéisme tombait  sur  les  plus  illustres  dé- 
fenseurs de  la  foi  catholique ,  comme  sur 
saint  Irénée  évèque  de  Lyon,  presque  con- 
temporain des  apôtres  ;  sur  le  bienheureux 
évêque  et  martyr  Cyprien  ;  sur  Réticius, 
évèque  d'Autun,  homme  d'une  grande  au- 
torité, et  un  des  premiers  du  concile  tenu 
à  Rome,  où  Miltiade,  évèque  du  Siège  apos- 
tolique, présidait ,  et  où  Donat ,  premier 
auteur  du  schisme  des  donatistes,  fut  con- 
damné, et  Cécilien,  évêque  de  Carthage,  dé- 
claré absous;  sur  Olympius,  évèque  d'Espa- 
gne, qui  s'était  acquis  tant  de  gloire  devant 
Jésus-Christ  et  devant  l'Église  ;  sur  saint 
Hilaire,  cet  évèque  des  Gaules  si  respecta- 
ble, ce  défenseur  si  zélé  de  l'Église  catholi- 
que contre  les  hérétiques,  et  si  illustre  par- 
mi les  évèques  ;    sur    saint  Ambroise  ,   cet 

iT-  excellent  dispensateur  du  trésor  de  Dieu,  et 
si  célèbre  dans  l'Église  par  les  services  qu'il 
a  rendus  à  la  religion,  par  sa  fermeté,  par 
ses  travaux,  par  les  périls  où  il  s'est  exposé 
pour  la  foi  catholique,  en  un  mot,  par  ses 
oeuvres  et  par  ses  paroles  :  sur  le  bienheu- 
reux Innocent,  et  sur  les  évèques  des  con- 
ciles de  Carlbage  et  de  Milève,  qui  tous  ont 
cru,  comme  tous  les  chrétiens  sont  obligés 
de  le  croire,  que  les  enfants  naissent  mal- 
heureux, et  qu'ils  ont  besoin  d'être  déli- 
vrés, par  la  grâce  de  Jésus-Christ,  du  péché 
originel,  qu'ils  ont  contracté  par  la  naissance 
charnelle  qu'ils  tirent  d'Adam.  Saint  Augus- 
tin rapporte  plusieurs  passages  de  tous  ces 
écrivains  ecclésiastiques,  très-clairs  et  très- 
précis  sur  cette  matière.  Parce  que  Julien 
se  serait  peut-être  cru  en  droit  de  les  mé- 
priser, parce  qu'ils  étaient  tous  de  rÉghse 
d'occident,  il  en  rapporte  des  Pères  grecs, 
pour  montrer  qu'ils  ont  été  dans  une  par- 
faite unanimité  avec  les  Pères  latins  sur  le 
dogme  du  péché  originel  ;  savoir  de  saint 
Grégoire  de  Nazianze,  de  saint  Basile,  des 
quatorze  évèques  du  concile  de  Diospolis  en 
Palestine,  et  de  saint  Chrysostôme. 

'I.  4.  Ce  dernier  avait  dit  dans  une  de  ses 

homélies,  suivant  la  traduction  de  Juhen, 
que  nous  baptisons  les  enfants  qui  ne  sont  pas 
souillés  par  le  péché,  afin  qu'ils  reçoivent  la 
sainteté,  la  justice,  l'adoption  des  enfants,  le 
droit  à  l'héritage,  la  qualité  de  frère  de  Jésus- 
Christ,  et  qu'ils  en  deviennent  les  membres. 


D'où  Julien  inférait  que  saint  Chrysostôme 
ne  reconnaissait  point  dans  les  enfants  un 
péché  oi'iginel.  «  Mais,  lui  répond  saint  Au- 
gustin, vous  changez  ces  paroles  pour  lui 
faire  autoriser  vos  erreurs.  11  a  dit,  non  que 
les  petits  enfants  n'ont  point  absolument  de 
péchés,  mais  qu'ils  n'ont  pas  de  péché  qui 
leur  soit  propre.  Saint  Cyprien  aurait  pu 
dire  la  même  chose  que  l'évêque  Jean,  en 
parlant  des  enfants.  Car  il  dit  '  qu'un  en- 
fant qui  vient  de  naître  n'a  commis  aucun 
péché,  et  qu'il  reçoit  la  rémission,  non  de 
ses  propres  péchés,  mais  des  péchés  étran- 
gers. L'évêque  Jean  comparant  donc  les 
enfants  à  ceux  qui  sont  plus  âgés,  et  qui 
reçoivent  dans  le  baptême  la  rémission  de 
leurs  propres  péchés,  a  dit,  qu'ils  n'ont  pas 
de  péché,  et  non  comme  vous  lui  faites  dire, 
qu'ils  ne  sont  souillés  d'aucun  péché  ;  par  où 
vous  voudriez  faire  entendre  qu'ils  ne  sont 
pas  souillés  par  le  péché  du  premier  homme. 
Voici  les  propres  paroles  de  cet  évêque  : 
C'est  pour  cela  que  nous  baptisons  aussi  les 
enfants,  quoique  n'ayant  pas  de  péché.  Mais 
pourquoi,  me  direz-vous,  n'a-t-il  pas  ajouté 
ce  mot  propre?  Je  ne  crois  pas  qu'il  en  faille 
chercher  d'autre  raison,  sinon  que  parlant 
dans  l'Église  cathoUque,  il  ne  croyait  pas 
qu'on  prit  l'entendre  autremeirt ,  en  un 
temps  où  personne  n'avait  encore  formé 
sur  cela  les  moindres  doutes.  Voulez-vous 
entendre  ce  qu'il  dit  dans  un  autre  discours 
où  il  s'explique  clairement  sur  ce  sujet? 
C'est  dans  sa  lettre  à  Olympia,  où  il  dit  : 
Après  qu'Adam  eut  commis  ce  grand  péché, 
qui  a  entraîné  la  condamnation  et  la  perte  de 
tout  le  genre  humain,  il  en  fut  puni  par  les 
afflictions  qu'il  eut  à  souffrir.  Et  dans  le  ser- 
mon sur  la  résurrection  de  Lazare  :  Jésus- 
Christ  pleurait,  dit-il,  parce  qu'il  considérait 
que  l'homme  était  tellement  déchu  de  son  état, 
qu'après  avoir  perdu  l'espérance  d'être  immor- 
tel, il  était  réduit  à  aimer  son  tombeau.  Jésus- 
Christ  pleurait,  parce  que  le  diable  avait  rendu 
mortels  ceux  qui  pouvaient  s'assurer  l'immor- 
talité. Que  peut-on  dire  de  plus  exprès? 
Si  Adam  par  l'énorme  péché  qu'il  a  com- 
mis, a  entraîné  la  condamnation  de  tout  le 
genre  humain,  comment  pouvez- vous  dire, 
que  les  enfants,  en  naissant,  ne  sont  pas 
sujets  à  la  condamnation?  Si  Lazare  nous 
représente  tous  les  hommes  devenus  mor- 
tels, et  qui,  après  être  déchus  de  l'espérance 

'  Cypriamis,  Epist.  64  ad  Tridum. 


486 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


d'être  immortels,  en  sont  venus  jusqu'à  ai- 
mer leurs  tomlieaux ,  quel  est  l'homme 
mortel  qui  ne  doive  se  ressentir  du  péché, 
et  de  la  chute  par  laquelle  le  premier  homme 
a  perdu  l'immortalité  qu'il  avait  reçue,  et 
qu'il  aurait  conservée,  s'il  n'eut  pas  péché  ? 
Si  le  diable  a  rendu  mortels  tous  ceux  qui 
pouvaient  être  immortels,  d'où  vient  que  les 
enfants  meurent,  s'ils  ne  sont  pas  devenus 
coupables  par  le  péché  du  premier  homme  ?  » 
Saint  Augustin  renvoie  Julien  au  sermon 
même  d'où  il  avait  tiré  son  objection,  et  où 
en  effet  saint  Chrysostôme  s'explique  sans 
équivoque  sur  la  transmission  du  péché  ori- 
ginel. Jésus-Christ,  dit-il,  est  venu  au  monde, 
et  il  nous  a  trouvés  liés,  aussi  bien  que  nos  pères, 
par  une  cédule  écrite  de  la  propre  main  d'A- 
dam. C'est  par  sa  faute  que  nous  sommes  entrés 
dans  un  malheureux  engagement  ;  mais  par  nos 
propres  péchés  nous  avons  contracté  de  nouvelles 
dettes.  <(  Entendez-vous,  ô  Julien,  cet  hom- 
me si  savant  et  si  capable  d'instruire  les 
autres  des  vérités  de  la  foi  catholique,  qui 
distingue  la  dette  contractée  par  notre  pre- 
mier père,  et  qui  a  passé  comme  un  héritage 
à  tous  ses  enfants,  d'avec  celles  que  nous 
avons  contractées  nous-mêmes,  et  dont  nous 
nous  sommes  chargés  par  nos  propres  pé- 
chés. »  Le  saint  évêque  rapporte  plusieurs 
autres  passages  des  discours  de  saint  Jean 
Chrysostôme,  tous  conformes  à  la  doctrine 

Cap.  TH.  de  l'Église  catholique  sur  le  péché  originel, 
faisant  remarquer  à  Julien  qu'au  lieu  de  tirer 
avantage  des  paroles  de  ce  Père,  il  n'avait, 
en  les  rapportant,  que  fait  voir  son  igno- 
rance ou  sa  mauvaise  foi. 

Cap.  Tin.  5.  Il  lui  fait  encore  remarquer  que  tous 

les  grands  hommes  dont  il  venait  de  rap- 
porter les  témoignages ,  n'étaient  pas  ,  com- 
me l'avait  écrit  Julien ,  d'un  style  mordant 
et  satyrique,  une  conspiration  de  gens  perdus  ; 
et  que  ce  n'était  pas  seulement  le  cri  du  peu- 
ple que  les  catholiques  opposaient  aux  péla- 
giens ,  mais  les  Pères  de  l'Église  même  ,  et 

psai.  xL,n.  ceux  dont  il  est  écrit  :  Vous  les  établirez  prin- 
ces sur  toute  la  terre.  11  montre  que  l'union 
de  tous  ces  saints  évêques  forme  comme  un 
concile,  et  qu'ils  sont  tous  parfaitement  d'ac- 
cord dans  la  doctrine  du  péché  originel. 
Pour  rendre  la  chose  plus  sensible,  il  donne 
un  précis  des  passages  qu'il  en  avait  cités 
auparavant.  «  Saint  Irénée  dit  que  l'ancienne 
blessure  que  nous  a  faite  le  serpent ,  est 
guérie  par  la  foi  en  Jésus-Christ  et  par  sa 
croix;  et  que,  par  le  péché  du  premier  hom- 


me ,  nous  sommes  tous  devenus  esclaves. 
Saint  Cyprien  dit  qu'un  petit  enfant  ne  peut 
manquer  de  périr,  s'il  n'est  baptisé,  quoi- 
que les  péchés  dont  il  faut  qu'il  reçoive  la 
rémission  ,  soient  des  péchés  étrangers  ,  et 
non  des  péchés  qui  lui  soient  propres.  Saint 
Réticius  dit  que  les  péchés  du  vieil  homme , 
dont  nous  nous  dépouillons  dans  la  nouvelle 
naissance  que  nous  recevons  par  l'eau  du 
baptême,  ne  sont  pas  seulement  d'anciens 
péchés,  mais  encore  des  péchés  pour  ainsi 
dire  naissants  avec  nous.  Saint  Olympius  dit 
que  le  péché  du  premier  homme  s'est  commu- 
niqué à  ses  descendants  de  telle  sorte  ,  que 
l'homme  naît  avec  le  péché.  Saint  Hilaire 
dit  qu'il  n'y  a  point  de  chair  qui  n'ait  été 
souillée  par  le  péché  ,  si  ce  n'est  la  chair  de 
Celui  qui  s'est  revêtu  d'une  chair  semblable 
à  la  chair  du  péché  ,  sans  prendre  part  à  la 
contagion  du  péché.  Saint  Ambroise  dit  que 
la  grâce  du  baptême  forme  de  nouveau , 
dans  les  petits  enfants ,  l'image  de  Dieu , 
que  la  nature  humaine  aA'ait  reçue  en  sa  créa- 
tion ,  et  qui  avait  été  défigurée  par  la  cor- 
ruption du  péché.  Saint  Grégoire  de  Na- 
zianze  dit  que  la  régénération  qui  se  fait  par 
l'eau  et  par  le  Saint-Esprit ,  nous  purifie  des 
taches  de  notre  première  naissance  par  les- 
quelles nous  sommes  conçus  dans  l'iniquité. 
Saint  Basile  dit  qu'Eve,  pour  n'avoir  pas 
voulu  s'abstenir  du  fruit  défendu ,  nous  a 
attiré  la  maladie  du  péché.  Les  évêques  du 
concile  de  Diospolis  disent  tous  d'une  même 
bouche  :  Nous  n'avons  déclaré  Pelage  ab- 
sous ,  que  parce  qu'il  a  condamné  ceux  qui 
enseignent  que  les  enfants  entrent  dans  la 
vie  éternelle,  quoiqu'ils  ne  soient  point  bap- 
tisés. Le  saint  évêque  Jean  dit ,  qu'avant  le 
péché  de  l'homme  ,  les  animaux  lui  étaient 
soumis  en  toute  manière  ;  mais  qu'après  le 
péché  nous  avons  commencé  à  les  craindre  ; 
tant  il  est  vrai  qu'il  a  voulu  qu'on  crût  que 
le  péché  du  premier  homme  est  devenu 
commun  à  tous  les  hommes.  Par  où  il  est 
aisé  de  voir  qu'aucun  des  animaux  ne  bles- 
serait les  enfants,  si,  par  la  naissance  char- 
nelle, ils  ne  se  trouvaient  engagés  dans  les 
liens  du  péché.  » 

6.  ((  A  la  YxiG.  de  tant  de  saints  et  savants  cap.  m. 
personnages  que  vous  avez  devant  les  yeux, 
dit  saint  Augustin  à  Julien,  croirez-vous  en- 
core que  notre  cause  est  si  désespérée,  que 
parmi  tant  de  gens  qui  paraissent  pour  nous, 
on  ne  sawait  trouver  un  seul  homme  capable 
de  la  défendre?  ou  bien   direz -vous  qu'un 


[Vf'  ET  V  SIÈCLES.]  SAESfT  AUGUSTIN, 

accord  si  parfait  des  évêques  catholiques, 
n'est  qa'iine  compii'ation  de  gens  perdus? 
Quoique  saint  Jérôme  n'ait  été  que  prêtre  , 
ne  vous  imaginez  pas  qu'il  vous  soit  permis 
de  mépriser  son  témoignage.  Car  il  a  passé 
de  l'Église  d'occident  à  celle  d'orient,  et  il  a 
vécu  jusqu'à  un  âge  décrépit  dans  les  lieux 
saints,  toujours  occupé  de  l'étude  des  livres 
sacrés.  Il'  avait  lu  presque  tous  les  auteurs  , 
qui,  parmi  les  occidentaux  ou  les  orientaux, 
avaient  écrit  quelque  chose  avant  lui  sur  les 
matières  ecclésiastiques.  Aussi,  n'a-t-il  ja- 
mais rien  écrit  ou  dit  sur  ce  qui  fait  le  su- 
jet de  notre  différend  ,  qui  ne  soit  très-con- 
forme au  sentiment  de  tous  les  grands  hom- 
mes que  j'ai  cités.  Dans  son  Commentaire 
sur  le  prophète  Jonas  ,  il  dit  très-clairement 
que  les  enfants  mêmes  ne  sont  pas  exempts 
de  la  contagion  du  péché  d'Adam.  » 

Le  saint  évêque  presse  ensuite  Julien  par 
les  témoignages  d'une  sincère  et  ardente 
charité  ,  d'abandonner  des  erreurs  oii  une 
jeunesse  moins  intruite  l'avait  engagé.  Il  le 
fait  souvenir  de  ce  qui  s'était  passé  à  son 
baptême  ,  pour  lui  rappeler  les  grâces  qu'il 
y  avait  reçues,  et  qui  étaient  en  même  temps 
des  preuves  de  la  doctrine  de  l'Église  sur  le 
péché  originel.  «  A  quelqu'âge  que  vous  ayez 
été  baptisé  ,  lui  dit-il ,  ou  le  péché  originel 
que  vous  niez ,  vous  a  été  remis  par  le  bap- 
tême ,  lorsqu'il  n'y  avait  encore  en  vous  au- 
cun autre  péché  ;  ou  il  vous  a  été  remis  avec 
les  autres  péchés  dans  ce  sacrement.  C'est 
pour  ce  sujet  qu'on  vous  a  exorcisé,  et  qu'on 
a  soufflé  sur  vous,  afin  que,  arraché  de  la 
puissance  des  ténèbres ,  vous  fussiez  trans- 
féré dans  le  royaume  de  Jésus -Christ.  » 

7.  Après  avoir  ainsi  établi  la  croyance  du 
péché  originel ,  saint  Augustin  fait  voir  que 
Julien  donnait,  en  le  niant,  un  très-grand 
avantage  aux;  manichéens.  Ces  hérétiques 
étabhssaient  deux  natures ,  une  bonne  et 
l'autre  mauvaise ,  qui  venaient  de  deux 
principes  différents ,  tous  deux  éternels  et 
opposés  l'un  à  l'autre.  «  La  foi  catholique 
au  contraire,  dit  le  saint  Docteur,  ne  recon- 
naît rien  d'éternel  que  la  nature  de  Dieu , 
qui  est  la  même  chose  que  la  Trinité  ineffa- 
ble et  le  bien  souverain  et  immuable ,  qui 
a  formé  toutes  les  créatures,  qui  sont  toutes 
bonnes  ,  quoique  fort  inégales  en  bonté  au 
Créateur;  parce  qu'elles  ont  été  tirées  du 
néant,  et  que  par  conséquent  elles  sont 
muables  et  sujettes  au  changement,  de  sorte 
qu'il  n'y  a  absolument  aucune  nature  qui  ne 


ÉVÊQUE  D'HEPPONE.  487 

soit  ou  Dieu ,  ou  créature  de  Dieu  ;  et  qu'il 
n'y  a  aucune  nature,  quelle  qu'elle  soit,  qui 
ne  soit  bonne.  Aussi  quand  les  manichéens 
nous  demandent  d'où  vient  le  mal ,  nous 
leur  répondons  que  c'est  d'une  nature  qui 
est  bonne  ,  mais  non  de  celle  qui  est  souve- 
rainement et  immuablement  bonne.  Le  mal 
vient  donc  de  quelqu'une  de  ces  natures, 
qui  étant  bonnes ,  sont  néanmoins  muables , 
et  dans  un  ordre  inférieur  au  souverain 
bien.  Et  quoique  nous  disions  que  le  mal 
n'est  pas  une  nature,  mais  un  simple  défaut 
de  quelque  nature ,  nous  ne  laissons  pas  de 
reconnaître  en  même  temps ,  qu'il  n'y  a 
point  de  mal  dont  cpielque  nature  ne  soit  la 
cause,  et  que  le  mal  n'est  autre  chose  qu'un 
défaut  par  lequel  on  s'éloigne  de  la  bonté. 
Mais  de  qui  peut-être  ce  défaut,  sinon  de 
quelque  nature ,  puisque  la  mauvaise  vo- 
lonté nîême  ne  peut  être  que  la  volonté  de 
quelque  nature,  telles  que  sont  la  nature  de 
l'ange  et  celle  de  l'homme  :  car  il  ne  se 
peut  pas  faire  qu'une  volonté  ne  soit  la  vo- 
lonté de  quelqu'une  de  ces  natures.  C'est 
aussi  la  volonté  qui  leur  donne  à  chacune 
le  caractère  de  bonté  ou  de  malice.  En  effet 
si  on  demande  quel  jugement  il  faut  porter 
d'un  ange  ou  d'un  homme  dont  la  volonté 
est  mauvaise  ;  on  répond  sans  difficulté  , 
qu'U  faut  dire  qu'il  est  mauvais  ,  parce  que 
sa  volonté  est  mauvaise,  quelque  bonne  que 
soit  sa  nature.  » 

C'est  ainsi  que  saint  Augustin  combat  les 
manichéens  qui ,  en  établissant  que  le  bien 
et  le  mal  sont  deux  substances  opposées 
entr'elles,  soutenaient  aussi  que  le  mal  même 
avait  pom-  principe  une  mauvaise  nature, 
comme  le  bien  en  avait  une  bonne.  Il  fait 
voir  que  Julien,  en  disant  que  le  mal  ne 
pouvait  venir  de  ce  qui  est  bon,  et  qu'en 
enseignant  qu'un  mauvais  fruit,  tel  qu'est 
le  péché  originel,  ne  pouvait  venir  du  ma- 
riage qui  est  bon  en  lui-même ,  favorisait 
ouvertement  les  principes  des  manichéens. 
Il  le  combat  aussi  par  ce  raisonnement  : 
«  Vous  ne  vous  apercevez  pas  qu'en  di- 
sant que  le  mariage  est  un  bon  arbre,  vous 
vous  trouvez  Sans  la  nécessité  de  dire  aussi 
que  l'adultère  est  un  mauvais  arbre  ;  et  que 
comme  celui  qui  naît  d'un  légitime  mariage, 
doit,  selon  vous,  naître  sans  péché,  puis- 
qu'on ne  peut  pas  dire  qu'un  mauvais  fruit 
naisse  d'un  bon  arbre,  vous  ne  sauriez  aussi 
vous  empêcher  de  recomiaitre,  que  celui 
qui  naît  d'un  adultère  ne  saurait  naître  sans 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTJÎURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


488 

péché  ;  puisqu'il  n'est  pas  permis  de  dire 
qu'un  bon  fruit  naisse  d'un  mauvais  arbre. 
C'est  ainsi  que  vous  fomnissez  à  Manichée 
un  argument  contre  vous-même  ;  et  il  tire 
de  vos  propres  paroles,  tant  d'avantages 
pour  autoriser  ses  erreurs,  qu'il  ne  désire 
rien  plus  que  de  vous  entendi'e  dire  que  le 
mal  soit  produit  par  ce  qui  est  bon.  Car,  cette 
proposition  une  fois  avouée,  il  tire  ses  con- 
séquences, et  vous  dit  :  Si  le  mal  ne  peut 
venir  de  ce  qui  est  bon,  d'où  viendra-t-il, 
sinon  d'une  nature  mauvaise,  ou  d'un  mau- 
vais principe?  Au  contraire,  les  paroles  de 
Jésus-Christ,  bien  entendues,  c'est-à-dire  de 
la  volonté  bonne  ou  mauvaise,  dont  les 
fruits  sont  les  œuvres,  condamnent  en  mê- 
me temps,  et  l'erreur  des  manichéens  et  la 
vôtre  :  ceUe  des  manichéens,  parce  qu'un 
seul  homme,  qui  est  une  seule  nature,  peut 
produire  et  le  bon  et  le  mauvais  arbre  ;  la 
vôtre,  parce  qu'une  nature  qui  est  bonne, 
peut  produire  un  mauvais  arbre.  » 

Julien  avait  dit  encore  que  le  péché  ue 
peut  se  communiquer  par  la  natui'e,  parce 
qu'il  ne  se  peut  faire,  que  l'ouvrage  du  dia- 
ble passe  parce  qui  est  l'ouvrage  de  Dieu. 
C'était  encore  favoriser  l'hérésie  des  mani- 
chéens qui  ne  voulaient  pas  que  le  mal  pût 
venir  de  l'ouvrage  de  Dieu  qui  est  bon  :  car 
s'il  ne  se  peut  faire  que  le  mal  passe  par 
l'ouvrage  de  Dieu,  il  est  encore  moins  pos- 
sible qu'il  y  prenne   naissance.  Mais  saint 
Augustin  fait  voir  par  un  exemple  la  possi- 
bilité de  l'un  et  de  l'autre.   «  Vous  n'avez 
qu'à  vous  ressouvenir  du  diable,  dit-il  à  Ju- 
lien, il  est  incontestablement  l'ouvrage  de 
Dieu,  et  sa  nature  est  la  même  que  ceUe 
des  anges  ;  toutefois  il  n'est  pas  moins  cer- 
tain qu'il  a  donné  naissance  à  l'envie,  et  que 
l'envie  qui    est   son  ouvrage   demeure    en 
lui.  »  Julien  en  objectait  qu'on  ne  pouvait 
mettre  la  racine  du  mal  dans  ce  qui  est  ap- 
pelle don  de  Diou,  et  par  ce  principe  il  pré- 
tendait faire  disparaître  le  péché  originel. 
Sur  quoi  saint  Augustin  lui  fait  cette  ques- 
tion :  «  L'esprit  de  l'homme  n'est-il  pas  un 
don  de  Dieu?  N'est-ce  pas  néanmoins  dans 
cet  esprit  où  l'ennemi  qui  sente  des  maux, 
a  placé  la  racine  du  mal,  lorsque  se  cachant 
sous  la  figure  d'un  serpent,  il  persuada  à 
l'homme  de  violer  la  loi  de  Dieu  ?  L'avarice 
n'esl-elle  pas  la  racine  de  tous  les  maux? 
Et  où  réside-t-elle  cette  avarice,  sinon  dans 
le   cœur  de  l'homme  qui   est  un  don   de 
Dieu?  »  C'était  encore  parler  le  langage  des 


manichéens,  de  dire,  comme  faisait  Juhen, 
que  la  raison  ne  nous  permet  pas  de  penser 
que  le  mal  prenne  sa  naissance  dans  ce  qui 
est  bon.  Saint  Augustin  réfute  cette  erreur 
par  les  paroles  de  saint  Ambroise,  qui,  dans 
le  livre  qu'il  a  écrit  sur  Isaac  et  sur  l'Ame, 
dit  :  «  Qu'est-ce  que  le  mal,  sinon  la  priva- 
tion du  bien  ?  Et  dans  un  autre  endroit  :  Le 
mal  est  donc  venu  de  ce  qui  était  bon  ?  Car 
les  créatures  ne  sont  mauvaises,  qu'autant 
qu'elles  sont  dans  la  privation  du  bien.  Les 
choses  mauvaises  ont  néanmoins  servi  à 
faire  paraître  avec  plus  d'éclat  celles  qui 
sont  bonnes.  La  racine  du  mal  n'est  donc 
autre  chose  que  la  privation  du  bien.  » 

8.  Tous  les  raisonnements  de  Julien  se 
réduisaient  à  établir  cinq  articles  qui  ser- 
vaient de  base  à  l'hérésie  des  pélagiens.  Il 
disait  :  Si  Dieu  est  le  créateur  des  hommes, 
il  n'est  pas  possible  qu'ils  viennent  au  monde 
avec  quelque  chose  de  mauvais;  si  le  ma- 
riage est  bon,  il  ne  peut  rien  produire  de 
mauvais;  si  tous  les  péchés  sont  remis  dans 
le  baptême,  ceux  qui  naissent  de  parents 
régénérés  ne  peuvent  pas  tirer  d'eux  le  pé- 
ché originel  ;  si  Dieu  est  juste,  il  ne  peut  pas 
punir  les  péchés  des  pères  dans  les  enfants, 
puisqu'il  pardonne  même  aux  enfants  leurs 
propres  péchés  ;  si  la  nature  humaine  est  ca- 
pable d'acquérir  une  parfaite  justice  ,  on  ne 
peut  donc  pas  dire  qu'elle  ait  des  vices  na- 
turels. «  A  ces  raisonnements  nous  répon- 
dons,  dit   saint  Augustin,   que  Dieu  est  le 
Créateur  des  hommes,  c'est-à-dire  de  l'âme 
et  du  corps  ;  que  le  mariage  est  bon  ;  cpie  tous 
les. péchés  nous  sont  remis  par  le  baptême 
de  Jésus-Christ;  que  Dieu  est  juste;  que  la 
nature  humaine  est  capable  d'acquérir  une 
parfaite  justice;   et  que    quoique   tout  cela 
soit  vrai,  il  ne  l'est  pas  moins  que  les  hom- 
mes apportent  en  naissant  le  péché  originel 
qui  vient  du  premier  homme,  et  que,  par 
conséquent,  ils  sont  damnés  s'ils  ne  renais- 
sent en  Jésus-Christ  par  le  baptême;   que 
quelque  souillée  que  soit  la  nature,  le  ma- 
riage n'est  pas  pour  cela  impur,  parce  que  le 
bien  qui  est  propre  au  mariage,  est  très-dis- 
tingué de   tout  ce  qu'il  y  a  de  défectueux 
dans  la  nature;  que,  quoiqu'il  ne  reste  au- 
cun péché  dans  celui  qui  est  régénéré,  il  y  a 
néanmoins  toujours  en  lui  une  faiblesse  con- 
tre laquelle  il  faut  qu'il  combatte,  s'il  veut 
faire  quelque  progrès  ;  que  Dieu  n'est  point 
injuste  quand  il  punit  le  péché  originel,  et 
les  pécliés  propres  selon  qu'ils  le  méritent; 


Analyse  du 
second  llTre, 
pag.  523. 


[lV«  ET  V  SIÈCLES.] 


SATNT  AUGUSTINf»  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


489 


enfin  que  rhomme  peut  se  perfectionner 
dans  la  vertu,  puisque  cela  est  très-possible 
par  la  grâce  de  celui  qui  peut  réformer  et 
guérir  la  nature  corrompue  par  le  péché  ori- 
ginel. » 

9.  C'est  ce  que  le  saint  Docteur  prouve  par 
l'autorité  de  divers  écrivains  catholiques,  de 
grande  réputation  dans  l'Église,  et  qui  avaient 
écrit  avant  la  naissance  de  l'hérésie  de  Pe- 
lage. Il  commence  par  saint  Ambroise 'dont 
il  rapporte  un  grand  nombre  de  passages 
où  l'on  voit  que  ce  saint  docteur  dit  en  ter- 
mes très-clairs  qu'il  n'y  a  qu'un  seul  homme 
qui  est  le  médiateur  entre  Dieu  et  les  hom- 
mes, qui  ne  se  soit  point  trouvé  engagé  dans 
les  liens  de  la  nature  corrompue,  parce  qu'il 
est  né  d'une  vierge,  et  que  la  concupiscence 
n'a  point  eu  de  part  à  sa  naissance;  que  les 
autres  hommes,  au  contraire,  naissent  -  sous 
l'esclavage  du  péché,  et  que  leur  naissance 
n'est  point  sans  péché,  parce  que  la  concu- 
piscence, ayant  part  à  leur  conception  ',  ils 
contractent  la  souillure  du  péché,  avant  de 
commencer  à  respirer  ;  cfue  la  concupiscence 
qui  est  comme  la  loi  du  péché  dans  ce  corps 
de  mort,  combat  sans  cesse  contre  la  loi  de 
l'esprit,  Jusques-là  que,  non-seulement  tous 
les  gens  de  bien  parmi  les  simples  fidèles, 
mais  encore  tous  les  hommes  d'une  vertu 
éminente  et  apostolique,  ont  été  dans  la  né- 
cessité de  la  combattre,  *  afin  que  la  chair 
étant  soumise  à  l'âme  par  la  grâce  de  Jésus- 
Christ,  l'homme  retrouve  enfin  la  concorde 
qui  était  au  commencement  entre  l'âme  et 
le  corps;  que  le  mariage  est  bon,  qu'il  a  été 
institué  de  Dieu  pour  la  propagation  du  genre  ' 
humain,  et  que  l'union  des  personnes  ma- 
riées est  sainte  par  la  chasteté  conjugale; 
que  nous  naissons  tous  sous  le  péché,  et  que 
nul  homme  n'en  est  délivré,  ^  si  tous  ses  pé- 
chés ne  lui  ont  été  remis  par  le  baptême; 
que  Jésus-Christ  a  condamné  le  péché  dans 
sa  chair,  afin  que  nous  reçussions  par  sa 
grâce  la  justice  dans  une  chair  qui  était 
auparavant  infectée  par  le  péché  ;  enfin 
que  la  justice  de  la  vie  présente  consiste 
dans  une  espèce  de  guerre,  et  de  combat 
qu'il  faut  soutenir  non-seulement  contre 
les  puissances  spirituelles  répandues  dans 
l'air,  mais  encore  contre  nos  propres  cupi- 
dités. 


10.  Saint  Augustin  allègue  ensuite  le  té- 
moignage de  saint  Cyprien  qui ,  expliquant 
aux  fidèles  l'Oraison  dominicale,  leur  fait 
entendre  que  pour  procurer  la  conservation 
et  le  salut  de  l'homme,  il  n'est  pas  nécessaire 
de  séparer  la  chair  de  l'esprit,  comme  si  c'é- 
tait deux  substances  naturellement  ennemies 
l'une  de  l'autre;  mais  qu'il  faut  au  contraire 
les  mettre  d'accord,  en  priant  Dieu  de  faire 
cesser  la  cause  de  cette  désunion  ;  et,  qu'au 
lieu  de  présumer  de  nos  propres  forces, 
c'est  à  Dieu  à  qui  il  faut  demander  que  la 
contradiction,  qui  est  en  nous  entre  la  chair 
et  l'esprit,  finisse,  non  par  des  eflbrts  hu- 
mains, mais  par  un  effet  de  sa  gi'âce.  Il  cite 
encore  un  témoignage  de  saint  Grégoire  de 
Nazianze,  où  ce  Père  enseigne  que  l'esprit 
ne  forme  des  désirs  contraires  à  ceux  de  la 
chair,  qu'afin  que  l'un  et  l'autre  se  réunis- 
sent à  leur  commun  Créateur,  après  un  long 
et  rude  combat,  qui  fait  gémir  tous  les  saints 
durant  cette  vie.  D'où  saint  Augustin  con- 
clut avec  saint  Hilaire,  qu'à  l'exception  de 
Jésus-Christ,  conçu  d'une  vierge,  sans  que 
la  loi  de  la  chair  y  ait  eu  aucune  part,  toute 
chair  vient  du  péché.  «  La  volonté  des  en- 
fants, dit-il,  qui  n'ont  pas  encore  l'usage  de 
la  raison  ,  n'a  aucune  part  ni  au  bien  ni  au 
mal  qui  est  en  eux,  mais  à  mesure  que  les 
années  viennent,  et  que  la  raison  se  réveille, 
le  commandement  de  la  loi  survient,  et  le 
péché,  qui  était  comme  mort,  ressuscite; 
et  la  concupiscence  n'a  pas  plutôt  com- 
mencé à  agir  dans  les  membres  de  ce  corps, 
qui  prend  son  accroissement,  qu'on  découvre 
aussitôt  ce  que  l'état  de  l'enfance  avait  tenu 
caché.  Alors,  poursuit-il,  ou  la  concupiscence 
est  victorieuse,  et  rend  l'homme  digne  de 
mort;  ou  elle  est  vaincue,  et  l'homme  est 
guéri  de  la  plaie  du  péché.  Il  ne  faut  pas 
croire  pour  cela  que  ce  mal  n'eût  produit 
aucun  mauvais  eflet,  si  l'enfant  était  mort 
avant  que  le  mal  caché  en  lui  se  fût  mani- 
festé ;  parce  que,  comme  c'est  par  la  géné- 
ration qu'on  contracte  l'habitude  de  ce  même 
mal,  qui  rend  criminel  l'homme  en  qui  elle 
est,  ce  n'est  aussi  que  par  la  génération 
qu'on  peut  sortir  de  cet  état,  et  être  délivré 
de  ce  mal.  C'est  pour  cela  qu'on  baptise  les 
enfants,  pour  leiu?  procurer  non-seulement 
la  jouissance  du  royaume  de  Jésus-Christ, 


Cnp,  tT, 


'  Ambros.,   lib.  De  Àrch.  A'oé. 
Pœnit.,  cap.  m. 
3  Lib.  De  Sac.  regen. 


2  Lib.   I  De  ''  Ambros.    De   Isaac  et    anima  , 

lib.  De  Parad.,  cap.  n. 
"■  Lib.  I  De  Pœnit.,  cap.  ni. 


cap.    vin   et 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


490 

mais  encore  pour  les  arracher  à  l'empire  de 
la  mort.  » 

cip.  V.  1 1 .  Si  les  hommes  baptisés  ont  à  combat- 

tre, disait  Julien,  c'est  contre  les  mauvaises 
habitudes  qu'ils  ont  contractées  par  le  dé- 
règlement de  leur  vie  passée ,  et  non  contre 
quelque  vice  avec  lequel  il  soient  nés.  Saint 
Augustin  lui  fait  voir,  par  l'autorité  de  saint 
Ambroise,  qu'il  cite  volontiers  dans  cette 
dispute,  parce  que  Pelage  lui  avait  donné  de 
grands  éloges,  que  la  division  qu'il  y  a  entre 
la  chair  et  l'esprit  depuis  le  péché  du  pre- 
mier homme,  a  comme  passé  en  nature,  et 
que  ces  inimitiés  causent  en  nous  une  infinité 
de  misères,  dont  nous  ne  pouvons  être  déli- 
vrés que  par  la  miséricorde  de  Dieu.  Entre 
plusieiu-s  passages  de  ce  Père  qu'il  rapporte, 
il  y  en  a  un  d'un  livre  que  nous  n'avons 
plus,  qui  était  intitulé  :  Du  Saa^ement  de  la 
régénémtion,  ou  de  la  Philosophie,  où  il  di- 
sait que  c'est  une  mort  heureuse  que  celle 
qui  nous  affranchit  du  péché,  pour  ne  nous 

Cap. -1.  faire  vivre  à  l'avenir  que  pour  Dieu.  Par 
cette  mort,  il  entendait  le  baptême  où  tous 
nos  péchés  nous  sont  remis.  Aux  témoigna- 
ges de  saint  Ambroise,  saint  Augustin  ajoute 
ceux  de  saint  Cyprien  et  de  saint  Chrysostô- 
me.  «  Celui-ci,  dit-il,  a  expliqué  en  deux  mots 
aussi  clairement  que  l'honnêteté  le  peut 
permettre,    ce  qui  fit  rougir  nos   premiers 

cap.vn.  pères  après  leur  péché,  quand  il  a  dit  :  Ils 
s'étaient  couverts  de  feuiUes  de  figuier,  pour 
couvrir  ce  qui  était  une  marque  de  leur  pé- 
ché. »  Puis,  revenant  encore  à  saint  Am- 
broise, il  transcrit  plusieurs  endroits  de  ses 
écrits,  pour  montrer  combien  sa  doctrine 
est  opposée  aux  cinq  articles  de  Julien ,  in- 
sistant particulièrement  sur  les  passages  où 
ce  Père  enseigne  que  l'homme  durant  cette 
vie  peut,  avec  la  grâce  de  Dieu,  se  perfec- 
tionner dans  la  vertu,  en  combattant  sans 

Cap.  Tiii.  cesse  contre  les  mauvais  désirs.  Il  cite  sur  le 
même  sujet  saint  Cyprien  et  saint  Hilaire,  et 
réprime  en  passant  la  vanité  de  Julien,  qui 
se  faisait  une  espèce  d'honneur  d'être  dans 

Cap.  IX.  des  sentiments  opposés  aux  siens.  Ensuite, 
reprenant  sommairement  ce  qu'ils  ont  dit  ou 
écrit  pour  la  foi  catholique  attaquée  parles 
pélagiens,  il  fait  voir  que  Pelage  n'évita  sa 
condamnation  dans  le  concile  de  Diospolis, 
en  Palestine,  qu'en  condamnant  lui-même 
par  un  désaveu  public  les  erreurs  dont  Ju- 
lien prenait  la  défense.  Il  l'appeUe  au  tri- 
bunal de  sa  conscience  pour  comparaître  de- 
vant les  juges  qu'il  venait  de  luinommer,  et 


qui  ne  devaient  point  lui  être  suspects,  étant 
de  saints  évéques,  célèbres  dans  l'Église,  et 
tous  fort  -habiles,  non  dans  la  science  de 
Platon,  d'Aristote  et  des  autres  philosophes, 
mais  dans  la  science  des  livi'es  sacrés.  «  Ce 
qui  donne  plus  de  poids  à  leur  jugement, 
ajoute-t-il,  c'est  qu'il  a  été  porté  dans  un 
temps  où  personne  ne  saurait  dire,  qu'ils 
aient  pu  vouloir  mal-à-propos  ou  favoriser 
quelqu'un  de  nous,  ou  lui  être  contraires. 
Car  vous  ne  nous  aviez  pas  encore  donné 
lieu  de  vous  attaquer  sur  ce  point  de  doc- 
trine. Vous  n'étiez  point  encore  au  monde 
pour  dire,  comme  vous  faites  dans  vos  li- 
vres, que  nous  vous  avons  faussement  accu- 
sés devant  le  peuple;  que  nous  nous  servons 
du  nom  de  célestien  et  de  pélagien  ;  que  nous 
vous  donnons,  pour  faire  peur  aux  simples, 
et  que  ce  n'est  que  par  la  terreur  que  nous 
les  faisons  entrer  dans  nos  sentiments.  Vous 
avez  dit  vous-même  que,  pour  juger  selon 
l'équité,  un  juge  ne  doit  avoir  ni  haine  ni 
amitié,  ni  inimitié,  ni  colère.  On  trouve  peu  de 
gens  qui  soient  dans  cette  situation;  maison 
ne  peut  douter  que  saint  Ambroise  et  ses  au- 
tres collègues,  que  je  lui  ai  joints,  n'y  aient 
été  du  moins  par  rapport  à  notre  dispute.  Us 
n'étaient  liés  d'amitié  ni  avec  vous,  ni  avec 
nous;  ils  n'étaient  ni  vos  ennemis,  ni  les  nô- 
tres ;  ils  n'étaient  en  colère  ni  contre  vous, 
ni  contre  nous;  et  la  compassion  ne  pouvait 
les  porter  à  favoriser  les  uns  plutôt  que  les 
autres.  Ils  ont  gardé  le  dépôt  sacré  de  la 
doctrine  qu'ils  ont  trouvée  dans  l'Église;  ils 
ont  enseigné  ce  qu'ils  avaient  appris;  ils 
ont  laissé  àleurs  successeurs  ce  qu'ils  avaient 
reçu  de  leurs  pèi'es.  Nous  n'avions  point  en- 
core porté  nos  différends  à  leur  tribunal,  et 
ils  avaient  déjà  prononcé  un  jugement  dé- 
finitif sur  notre  afiaire.  Nous  n'étions  point 
connus  d'eux  non  plus  que  vous,  et  ils  ont 
jugé,  comme  nous  le  faisons  voir,  en  notre 
faveur.  Il  n'y  avait  point  encore  de  dispute 
entre  vous  et  nous,  et  sur  leur  avis  nous 
avions  déjà  gain  de  cause.  Nous  avons  ap- 
pelé du  jugement  des  pélagiens  à  celui  de 
ces  grands  évêques.  Mais  vous,  à  qui  appel- 
lerez-vous  de  leur  jugement?  Vous  dites, 
qu'il  ne  faut  pas  tant  compter  les  avis 
que  les  peser,  et  que,  quand  il  s'agit  de 
prouver  quelque  chose,  la  multitude  des 
aveugles  ne  sert  de  rien.  J'en  conviens 
avec  vous.  Mais  aurez-vous  la  hardiesse  de 
dire,  que  tous  ces  grands  hommes  sont 
des  aveugles,  et  que  Pelage,  Célestius  et 


[IV'  ET  V°  SIÈCLES.] 

Julien  sont  des  hommes  clairvoyants  ?  » 
Saint  Augustin  montre  ensuite  cpie  dans 
la  multitude  même  des  catlioliques,  il  s'en 
trouvait  partout  plusieurs  qui  réfutaient  les 
arguments  des  pélagiens  ;  et  il  se  moque 
agréablement  de  Julien  qui  prétendait  sou- 
tenir seul  le  parti  de  la  vérité  abandonnée, 
se  préférant  en  cela  à  Pelage  et  à  Célestius. 
Comme  Julien  ne  voulait  pas  qu'on  eût  égard 
à  la  multitude  dans  les  jugements,  mais  que 
l'on  pesât  le  mérite  du  petit  nombre,  le  saint 
Docteur  lui  dit  :  «  Je  ne  vous  ai  opposé  que 
dix  évéques  et  un  prêtre,  qui,  lorsqu'ils 
•étaient  encore  en  vie,  ont  dit  leur  aAns,  et 
ont  prononcé  un  jugement  sur  le  point  de 
doctrine  que  vous  attaquez.  Ces  dix  évêques 
joints  aux  Pères  du  concile  de  Palestine  qui 
ont  condamné  votre  hérésie,  font  un  assez 
grand  nombre,  si  on  considère  le  peu  d'évê- 
ques  que  vous  avez  dans  votre  parti.  Mais 
aussi,  si  l'on  fait  attention  à  la  multitude 
des  évoques  catholiques,  on  peut  dire  que  je 
ne  vous  en  ai  opposé  qu'un  très-petit  nom- 
bre. »  Pelage  avait  lui-même  fait  l'éloge 
du  bienheureux  pape  Innocent ,  et  n'avait 
rien  dit  de  saint  Jérôme,  sinon  qu'il  lui  por- 
tait envie,  comme  son  rival.  Toutefois  l'un  et 
l'autre  avaient  condamné  ouvertement  son 
hérésie.  Julien  n'avait  aucun  prétexte  de 
récuser  les  témoignages  de  saint  Irénée,  de 
saint  Cyprien,  de  saint  Hilaire,  de  saint  Ba- 
sile, de  saint  Ambroise,  de  saint  Chrysostô- 
me,  de  Réticius  et  d'Olympius.  «  C'étaient, 
dit  saint  Augustin,  des  hommes  savants,  dis- 
tingués par  la  gravité  de  leur  conduite  ,  et 
par  leur  sainteté  ;  qui  ont  défendu  la  vérité 
avec  une  force  invincible  contre  les  vains 
discours  des  hommes,  qui  ont  eu  toute  la 
raison,  la  science,  et  la  liberté  nécessaires  à 
un  bon  juge.  Si  on  assemblai^  aujourd'hui  un 
concile  qui  dût  être  composé  des  évêques 
de  tout  le  monde ,  je  doute  qu'il  s'y  en  pût 
aisément  trouver  un  aussi  grand  nombre 
qui  eussent  leur  mérite.  Car  ils  n'ont  pas 
tous  vécu  dans  le  même  temps,  parce  que 
Dieu  ;  qui  ne  veut  pas  donner  tout  à  la  fois 
au  monde  le  petit  nombre  des  plus  fidèles 
et  des  plus  excellents  dispensateurs  de  sa 
doctrine,  les  fait  paraître  en  des  temps  et  en 
des  lieux  fort  éloignés  les  uns  des  autres, 
selon  que  cela  lui  plaît  et  que  sa  sagesse 
l'ordonne.  C'est  par  leurs  soins  que  l'Église, 
depuis  le  temps  des  apôtres,  a  pris  de  nou- 
veaux accroissements.  Ils  y  ont  planté,  ils 
y  ont  arrosé,  ils  ont  travaillé  à  son  édifice. 


SAINT  AUGUSTIN,"  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


491 


ils  en  ont  été  les  pasteurs,  et  ils  l'ont  nourrie 
du  pain  de  la  parole .  » 

Après  avoir  mis  ainsi  sous  les  yeux  de 
Julien  le  sentiment  des  saints,  qui  ont  eu 
une  si  grande  autorité  dans  l'Église  :  «  Je 
ne  puis,  lui  dit  saint  Augustin,  attendre  que 
de  deux  choses  l'une,  ou  vous  serez  guéri 
de  la  plaie  que  l'erreur  a  faite  en  votre  âme, 
par  un  effet  de  la  miséricorde  de  Dieu  ;  et 
Dieu  sait  avec  quelle  ardeur  je  souhaite 
qu'il  vous  fasse  cette  grâce  ;  ou  si,  ce  qu'à 
Dieu  ne  plaise,  vous  persistez  à  soutenir  un 
sentiment  qui  est  très-insensé,  vous  ne  cher- 
cherez pas  des  juges  devant  qui  vous  puis- 
siez vous  justifier,  mais  plutôt  accuser  tous 
ces  excellents  défenseurs  des  vérités  catho- 
liques. Alors  il  me  paraît  que  je  devrais  dé- 
fendre contre  vous  la  foi  de  ces  docteurs, 
comme  on  défend  l'Évangile  même  contre 
les  impies  et  les  ennemis  déclarés  de  Jésus- 
Christ.  » 

12.  Pour  achever  de  le  convaincre,  saint 
Augustin  se  propose  dans  le  troisième  livre 
de  ne  laisser  passer  aucun  de  ses  arguments 
sans  y  répondre.  Sa  première  plainte  était 
au  sujet  des  juges  qui  avaient  condamné 
l'hérésie  pélagienne.  II  disait  qu'ils  avaient 
été  prévenus  de  haine  avant  de  prendre 
connaissance  de  la  cause.  Mais  le  saint  Doc- 
teur lui  fait  voir  que  ni  saint  Ambi-oise,  ni 
les  autres  Pères  de  l'Église,  dont  il  avait 
rapporté  les  témoignages,  ne  pouvaient  lui 
être  suspects  à  cet  égard,  et  qu'ils  ont  eu 
par  rapport  aux  pélagiens  qui  n'étaient  pas 
encore  nés,  l'esprit  dégagé  de  haine  et  de 
tous  autres  soupçons.  Julien  se  vantait,  en 
second  lieu,  d'avoir  un  rescrit  de  l'Empe- 
reur en  sa  faveur.  «  D'où  vient  donc ,  lui 
répond  le  saint  Évêque,  que  vous  ne  venez 
pas  l'apporter  aux  magistrats,  pour  montrer 
que  votre  foi  est  approuvée  par  un  prince 
chrétien  ?  »  Julien  se  félicitait  d'avoir  été  le 
seul  qui  se  fût  présenté  au  combat,  se  re- 
gardant comme  le  David  des  pélagiens,  et 
comparant  saint  Augustin  à  un  Goliath  qu'il 
fallait  terrasser.  «  Je  n'examine  point  ici, 
dit  ce  Père,  si  les  pélagiens  sont  convenus 
avec  vous,  de  se  tenir  tous  pom-  vaincus, 
si  vous  venez  à  l'être.  C'est  là  votre  affaire. 
Pour  moi,  à  Dieu  ne  plaise,  que  je  vous  fasse 
un  défi,  pour  tei'miner  nos  différends  par 
un  combat  singulier.  Je  sais  qu'en  quelque 
lieu  que  vous  paraissiez,  vous  trouverez 
partout  l'armée  de  Jésus-Chi-ist,  répandue 
dans  tout  le  monde  :  elle  y  remportera  la 


Aoalyse  du 
troisième  li- 
Tre,  pag,  551. 


492 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Cap.  ir. 


victoire  sur  vous,  comme  elle  l'a  remportée 
sur  Célestius  à  Cartliag^e  ,  lorsque  je  n'y 
étais  pas  ;  et  ensuite  à  Constantinople,  quel- 
qu'éloignement  qu'il  y  ait  de  cette  viile-là  à 
ces  régions  d'Afrique.  Elle  sera  victorieuse 
de  vous,  comme  elle  l'a  été  de  Pelage  dans 
la  Palestine,  où  la  crainte  de  se  voir  con- 
damné ,  lui  fit  condamner  la  doctrine  que 
vous  soutenez,  et  ceux  qui  disent  que  les 
enfants  auront  la  vie  éternelle,  quoiqu'ils 
meurent  avant  d'avoir  reçu  le  baptême.  » 

Julien  se  plaignait  qa'on  avait  interposé 
contre  ceux  de  son  parti  l'autorité  des  lois 
des  empereurs,  ce  qui  était,  disait-il,  une 
preuve  que  leurs  adversaires  manquaient 
de  bonnes  raisons.  Cette  plainte,  comme  le 
remarque  saint  Augustin ,  était  commune 
à  tous  les  hérétiques,  et  les  donatistes  l'a- 
vaient faite  depuis  peu.  Mais  leur  fureur 
s'étant  fait  sentir  dans  toute  l'Afrique,  on 
fut  comme  forcé  de  réprimer  leur  insolence, 
et  de  repousser  au  moins  leur  efl'ronterie 
par  la  publication  des  actes  de  la  Conférence 
de  Carthage.  «  Votre  situation,  continue  ce 
Père,  est  bien  différente  de  celle  où  nous 
nous  trouvions  alors.  Votre  cause  a  été  jugée 
définitivement  dans  une  assemblée,  où  il  y 
avait  des  évêques  de  l'un  et  de  l'autre  parti, 
et  il  ne  reste  plus  rien  à  faire  avec  vous, 
quant  à  l'examen.  Nous  n'avons  qu'à  vous 
conjurer  d'acquiescer  avec  un  esprit  de  paix 
au  jugement  qui  est  intervenu  :  ou  si  vous 
refusez  de  le  faire,  il  faut  nécessairement 
qu'on  se  serve  de  l'autorité  publique,  pour 
vous  empêcher  de  causer  de  nouveaux  trou- 
bles dans  l'Église,  et  de  tendre  des  pièges 
aux  personnes  simples.  » 

13.  Julien  accusait  saint  Augustin  d'avoir 
dit  que  l'homme  en  naissant,  est  à  moitié  à 
Dieu  et  à  moitié  au  diable.  Ce  Père  ne  le 
nie  pas  absolument  ;  mais  il  fait  remai^quer 
cà  ce  pélagien,  qu'on  pouvait  lui  faire  la  mê- 
me objection,  et  il  ajoute  que  les  hommes, 
qui  n'ont  point  encore  été  rachetés  par  Jé- 
sus-Christ, sont  tellement  sous  la  puissance 
du  diable,  que  ni  eux,  ni  le  diable  même  ne 
sauraient  néanmoins  se  soustraire  ay  pou- 
voir de  Dieu.  Il  lui  fait  voir  qu'en  reconnais- 
sant, comme  il  ne  pouvait  s'en  dispenser, 
que  c'est  une  peine  aux  enfants  non  bap- 
tisés d'être  exclus  du  royaume  de  Dieu,  il 
était  aussi  obligé  de  reconnaître  en  eux  le 
péché  originel.  La  raison  qu'il  en  donne, 
c'est  que  sous  un  Dieu  juste  et  tout-puissant, 
on  ne  souffre  aucun  mal,  si  on  ne  l'a  mérité 


par  quelque  péché.  Il  entre  dans  le  détail    cap.  it 
des  peines  et  des  maux  que  souffrent  les 
enfants,  et  en  infère  qu'il  y  a  un  péché  qui 
passe  des  pères  dans  les  enfants.  «  Car,  dit-    '^"v-  ^■ 
il,  s'il  n'y  avait  point  de  péché  de  cette  sorte, 
il  est  constant  que  sous  l'empire  d'un  Dieu 
juste,  les  petits  enfants  n'ayant  aucun  péché 
propre,  n'auraient  à  souffrir  aucun  mal  ni 
en  leurs  corps,  ni  en  leur  âme.   Ce  péché 
même  que  les  enfants,  contractent  sans  au- 
cun acte  de  leur  volonté,  tire  son  origine  de 
la  mauvaise  volonté  de  nos  premiers  pères  ; 
ainsi  il  est  vrai  de  dire,  qu'il  n'y  a  aucun  pé- 
ché qui  ne  vienne  de  la  mauvaise  volonté.  » 
Les  pélagiens  n'osaient  dire  qu'il  n'était  pas 
nécessaire  de  baptiser  les  enfants  ;  mais  les 
cathohques    disaient    ouvertement    que    la 
contagion  du  péché  originel  mettait  les  en- 
fants sous  la  puissance  du  diable,  jusqu'à  ce 
qu'ils  eussent  été  régénérés  en  Jésus-Christ. 
Saint  Augustin  appuie  cette  doctrine  par  un 
endroit  de  l'Évangile  de  saint  Matthieu,  de 
saint  Marc   et  de  saint  Luc,  où  il  est  dit 
qu'un  homme  présenta  à  Jésus-Christ   son 
fils  qui  était  tourmenté  dès  l'enfance  par  un 
démon  si  furieux,  que  les  disciples  du  Sau- 
veur ne  l'avaient  pu  chasser.  Ensuite  pour 
répondre  à  une  autre  objection  de  Julien, 
qui  demandait  ce  qu'il  y  a  de  criminel  dans 
les  enfants,  si  c'est  l'action  ou  la  nature  ,  ce 
Père  distingnie  en  eux  la  nature  dont  Dieu 
est  l'auteur,  et  le  mal  qu'ils  tirent  de  leur 
origine.  Il  lui  reproche  de  lui  faire  dire  ce 
qu'il  ne  dit  pas  en  effet,  et  d'appliquer  mal 
les  règles  de  sa  dialectique  ;  et  lui  prouve 
que,  comme  on  peut  faire  un  mauvais  usage 
des  bonnes  choses,  on  peut  aussi  faire  un 
bon  usage  des  mauvaises,  ainsi  que  fit  l'A- 
pôtre, en  livrant  à  satan  un  homme  pour 
mortifier  sa  chair,  afin  que  son  âme  fût  sau- 
vée au  jour  du  Seigneur.  Il  fait  l'application 
de  ce  principe  au  mariage,  montrant  que  le 
mal  qui  en  naît,  ne  peut  être  le  fruit  ni  des 
corps ,  ni  des  différents  sexes,  ni  de  leur 
union,  mais    de   l'ancien  péché    d'origine. 
Mais,  disait  Julien,  il  faut  bien  que  la  concu- 
piscence ne   soit  point   mauvaise,  puisque 
Dieu  la  rendit  à  Abraham  et  à  Sara  ?  Saint 
Augustin  répond,  que  le  miracle  que  Dieu 
fit  pour  la  conception  d'isaac,  ne  fut  pas 
pour  rendre  à  ses  parents  le  sentiment  de  la 
volupté,  mais  pour  leur  donner  la  fécondité; 
que  Dieu  accorde  maintenant  aux  hommes 
le  don  de  la  fécondité,  sans  rien  changer  au 
malheureux  état  où  nous  sommes  avec  ce 


bien   en   son   j 
qu'on  y  garde 


[IV'  ET  V"  SIÈCLES.] 

corps  de  mort,  et  non  en  le  remettant  dans 
cet  heureux  état,  où  il  n'y  avait  rien  dans 
la  chair  qui  formât  des  désirs  contraires  à 
ceux  de  l'esprit,  et  qui  dût  être  réprimé  par 
les  désirs  de  l'esprit  contraires  à  ceux  de  la 
chair.  «  Si  la  concupiscence,  ajoate-t-il,  n'é- 
tait, comme  le  disait  Julien,  qu'une  chaleur 
natiu'eUe  dans  l'homme,  elle  n'y  serait  pas 
une  source  de  guerres,  mais  au  contraire, 
elle  se  conformerait  au  gré  de  notre  âme 
qui  est  la  véritable  vie  de  notre  corps  ;  mais 
comme  il  est  nécessaire  de  la  combattre 
continuellement,  même  dans  l'état  du  ma- 
riage, c'est  une  preuve  que  cette  concupis- 
cence est  un  mal,  et  que  ce  mal  est  dans  la 
chair  qui  a  des  désirs  contraires  à  ceux  de 
l'esprit,  quoiqu'il  ne  soit  pas  dans  l'esprit 
qui  n'y  consent  pas,  et  qui  forme  des  désirs 
contraires  à  ceux  de  la  chair.  »  Il  fallait  bien 
que  Julien  en  convint  malgré  lui,  puisqu'il 
convenait  que  la  concupiscence  avait  besoin 
d'un  remède,  puisque  quand  il  n'y  a  point 
de  mal,  on  n'a  point  besoin  de  remède.  Cela 
n'empêche  point  que  le  mariage  ne  soit  un 
sure  ;  c'est  un  bien,  parce 
la  foi  du  lit  nuptial,  parce 
que  le  commerce  de  l'homme  et  de  la  femme 
a  pour  fin  la  génération  des  enfants,  et  qu'on 
doit  y  avoir  horreur  de  la  séparation  qui 
désunit  ceux  que  Dieu  a  joints. 

14.  Saint  Augustin  fait  voir  ensuite  que 
ce  qu'il  avait  dit  jusque  là  sur  le  mariage  et 
la  concupiscence ,  sur  le  péché  originel  et 
les  suites  qui  en  résultent ,  n'était  pas  une 
doctrine  nouvelle  de  l'Afrique,  comme  Ju- 
lien le  publiait  ;  elle  y  avait  été  enseignée 
par  saint  Cyprien  ,  et  elle  était  entièrement 
conforme  à  la  doctrine  de  l'orient  et  de  l'oc- 
cident. Isaac  ayant  été  formé  par  la  volupté 
de  la  concupiscence ,  comme  tous  les  autres 
hommes  qui  naissent  par  la  voie  ordinaire 
du  mariage  ,  est  né  aussi  comme  les  autres 
dans  le  péché  :  ce  qui  se  prouve  par  la  me- 
nace d'être  exterminé  du  milieu  de  son  peu- 
ple ,  s'il  n'avait  été  circoncis  le  huitième 
jour,  et  marqué  du  signe  qui  figurait  le  bap- 
tême de  Jésus-Christ.  Car,  pour  quel  autre 
péché  que  pour  l'originel,  cet  enfant  aurait-il 
été  condamné  à  souffrir  une  aussi  grande 
peine,  s'il  n'en  eût  pas  été  délivré  par  ce  sa- 
crement? Julien  soutenait  que  la  volonté 
des  parents  ne  pouvait  faire  aucun  toi't  aux 
enfants,  et  il  s'autorisait  de  l'exemple  d'Abi- 
mélech ,  que  Dieu  excusa  d'avoir  voulu  at- 
tenter à  la  pureté  de  Sara,  parcequ'il  ne 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


493 

savait  pas  qu'elle  eût  un  mari.  Cet  exemple,  cup.  xik. 
au  lieu  de  servir  à  Julien ,  allait  contre  lui- 
même  ,  comme  le  montre  saint  Augustin  ;  et 
on  pouvait  en  conclure  que  Dieu  punit  quel- 
quefois à  cause  des  péchés  d'un  autre,  puis- 
qu'on effet ,  Dieu  punit  dans  le  péché  d'Abi-  oeu.  ss,  n 
mélech  ,  dont  ce  prince  était  seul  coupable , 
toutes  les  femmes  qu'il  avait  dans  sa  mai- 
son ,  en  les  frappant  toutes  d'une  plaie  qui  cap.  .x<. 
les  rendait  stériles.  Il  n'en  était  pas  de  la 
concupiscence  comme  du  pain  et  du  vin , 
ainsi  que  ce  pélagien  l'avait  avancé ,  puis- 
qu'on ne  saurait  dire  de  la  substance  du 
pain  et  du  vin,  comme  de  la  concupiscence, 
qu'elle  a  des  désirs  contraires  à  ceux  de  l'es- 
prit; s'il  y  a  quelques  désirs  déréglés  par 
rapport  aux  aliments,  il  est,  non  dans  les 
aliments  qui  sont  quelque  chose  d'étranger 
à  l'homme  ,  mais  dans  ceux  qui  en  veulent 
faire  un  mauvais  usage;  et  s'il  est  nécessaire 
d'être  sobre  et  tempérant  dans  le  boire  et 
dans  le  manger,  c'est  pour  empêcher  que  la 
concupiscence,  qui  est  un  mal  et  un  ennemi 
qui  réside  au  milieu  de  nous,  ne  prenne  oc- 
casion de  la  pesanteur  que  cause  à  notre 
âme  un  corps  corruptible,  chargé  d'une  trop 
grande  abondance  de  viandes,  pour  s'élever 
contre  nous  avec  plus  de  force,  et  pour  nous 
vaincre  plus  sûrement. 

Quelque  louange  que  Juhen  donnât  à  la  cap.  xxi, 
concupiscence,  il  avouait  de  temps  en  temps 
que  le  mariage  lui  servait  de  remède,  et  tou- 
tefois il  niait  que  ce  fût  une  maladie.  Sur 
quoi  saint  Augustin  lui  dit  une  seconde  fois  : 
«  Si  vous  reconnaissez  la  nécessité  du  re- 
mède ,  reconnaissez  aussi  qu'il  y  a  une  ma- 
ladie ,  et  si  vous  niez  la  maladie,  niez  aussi 
la  nécessite  du  remède.  Tout  le  monde  ne 
tombe-t-il  pas  d'accord  que  personne  ne 
cherche  de  remèdes  pour  la  santé?  Les  sain- 
tes vierges  s'exercent ,  dites-vous ,  dans  des 
combats  qui  leur  sont  glorieux;  mais  en  quoi 
consistent  ces  combats ,  sinon  en  ce  qu'elles 
ne  se  laissent  pas  vaincre  par  le  mal,  et 
qu'elles  travaillent  à  vaincre  le  mal  par  le 
bien  ?  »  Le  saint  évéque  ne  se  contente  pas 
d'appeler  les  combats  des  vierges  «  des  com- 
bats glorieux,  mais  des  combats  plus  gla- 
ireux, parce  que  la  chasteté  conjugale,  quoi- 
que d'un  mérite  inférieur  à  celui  de  la  vir- 
ginité, ne  laisse  pas  d'avoir  son  mérite  et  sa 
récompense  propre,  pour  avoir  vaincu  et  ré- 
primé ce  mal  de  la  concupiscence.  Car  elle 
combat  pour  la  retenir  dans  les  bornes  légi- 
times du  lit  uuplial  ;  elle  combat  pour  em- 


AU 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Cap.  ïXil. 


Cap.  xxiîlt 


Cap.  X-MV. 


pêcher  qu'elle  ne  trouble  les  personnes  ma- 
riées, clans  les  temps  destinés  d'un  consen- 
tement mutuel  à  la  prière.  Et  comme  cette 
cliasteté  conjugale  est  un  don  de  Dieu ,  qui 
donne  la  force  d'accomplir  tout  ce  qui  est 
prescrit  par  les  lois  du  mariage ,  c'est  dans 
le  lit  nuptial  même  qu'elle  a  à  soutenir  de 
plus  rudes  combats ,  pour  en  bannir  tout  ce 
qui  n'est  pas  absolument  nécessaire  pour  la 
génération  des  enfants.  » 

15.  Comment,  disait  Julien,  l'homme, 
que  Dieu  a  créé,  se  trouTC-t-il  sous  la  puis- 
sance du  diable?  Qu'y  a-t-il  en  l'homme  qui 
lui  appartienne,  s'ij» n'est  ni  le  créateur  de 
l'homme,  ni  de  la  matière  dont  il  a  été  fait.  » 
<i  Je  vous  demande ,  lui  réplique  saint  Au- 
gustin, comment  l'homme  est  sujet  à  la  mort 
que  Dieu  n'a  pas  créée  ?  L'homme  et  la  subs- 
tance dont  il  a  été  fait  sont  deux  choses 
bonnes,  et  il  n'y  en  a  aucune  des  deux  que 
le  diable  ait  faite,"  mais  c'est  lui  qui  est  l'au- 
teur de  la  corruption  de  cette  substance. 
Vous  dites,  continue  saint  Augustin,  que 
j'ai  assuré  expressément  que  l'homme  qui 
naît  d'une  fornication  n'est  pas  coupable, 
mais  que  celui  qui  naît  d'un  mariage  légi- 
time n'est  pas  innocent  :  la  calomnie  est  vi- 
sible. J'ai  au  contraire  déclaré  positivement 
que,  suivant  la  foi  catholique  que  nos  pères 
ont  défendue  hautement  contre  vous ,  avant 
que  vous  fussiez  au  monde ,  les  enfants , 
quelle  qu'ait  été  leur  naissance ,  sont  tous 
innocents  quant  aux  péchés  propres,  et 
qu'ils  ne  sont  coupables  que  par  le  péché 
originel.  J'ai  déclaré  aussi  nettement,  que  la 
substance  de  la  nature ,  dont  Dieu  est  l'au- 
teur, est  bonne ,  même  dans  les  plus  grands 
pécheurs ,  cpii  se  sont  rendus  mauvais  par 
les  péchés  propres  qu'Us  ont  ajoutés  à  celui 
avec  lequel  ils  sont  nés.  Si  le  mal  originel, 
dites-vous ,  vient  du  mariage ,  le  contrat  de 
mariage  est  donc  la  cause  de  ce  mal?  Mais 
que  répondi'iez-vous  si  quelqu'autre  vous  di- 
sait :  Si  la  mauvaise  volonté  vient  de  la  na- 
ture, ce  qui  forme  la  nature  est  donc  la  cause 
du  mal?  N'est-ce  pas  là  un  raisonnement 
très-faux  ?  Il  en  faut  donc  dire  de  même  du 
vôtre.  Mais  je  dis  de  plus  que  le  péché  ori- 
ginel ne  vient  pas  du  mariage  ,  mais  de  la 
concupiscence  charnelle,  qui  est  un  mal 
contre  lecpiel  vous  combattez  vous-mêmes , 
et  dont  toutefois  les  personnes  mariées  usent 
bien,  quand  elles  ne  se  portent  à  l'action  du 
mariage  que  dans  la  seule  -s-ue  d'avoir  des 
enfants.  Ainsi  l'on  n'a  aucun  droit  de  con- 


damner les  pères  et  mères ,  autrement  l'on 
pom-rait  aussi  condamner  Dieu  même,  je  ne 
dis  pas  parce  qu'il  crée  des  hommes  qui 
contractent  le  péché  originel ,  mais  parce 
qu'il  donne  la  nourriture  et  le  vêtement  à 
une  infinité  d'impies,  qu'il  sait  devoir  per- 
sévérer dans  leur  impiété.  Comme  donc  on 
n'impute  point  à  Dieu  le  péché  des  natures 
raisonnables,  et  qu'on  ne  lui  attribue  que  le 
bien  de  la  nature  dont  il  est  l'auteur,  de 
même  on  ne  doit  point  non  plus  imputer  aux 
parents  qui  usent  bien  du  mal  de  la  concu- 
piscence pour  avoir  des  enfants,  si  leurs  en- 
fants naissent  avec  ce  mal,  puisqu'ils  ne  sont 
pas  les  auteurs  du  mal,  et  qu'ils  n'ont  eu  en 
vue  que  la  naissance  des  enfants,  qui  sont 
un  bien.  Le  mariage  est  même  encore  au- 
jourd'hui tel  (ju'il  aurait  été  avant  le  péché, 
avec  cette  différence  qu'il  n'y  aurait  point 
eu  alors  de  mal  dont  il  dût  user,  au  lieu  qu'à 
présent  il  faut  qu'il  use  bien  du  mal  de  la 
concupiscence.  Mais  ce  mal  ne  lui  a  pas  fait 
perdre  tous  ses  avantages,  qui  consistent 
dans  la  foi  conjugale,  dans  l'alliance  de  cette 
union,  dans  la  propagation  des  enfants.  Vous 
m'accusez  de  soutenir  que  tous  les  enfants 
po\u"  qui  Jésus-Christ  est  mort  sont  l'ou- 
vrage du  diable ,  qu'une  maladie  leur  a 
donné  la  naissance ,  et  qu'ils  sont  criminels 
dès  le  moment  de  leur  conception.  Il  n'est 
pas  vi-ai  que  les  enfants  soient  l'ouvrage  du 
diable  quant  à  leur  substance,  mais  c'est 
par  l'ouvrage  du  diable  qu'ils  sont  criminels 
dès  le  moment  de  leur  conception.  Et  c'est 
pour  cela  que  Jésus-Christ  est  mort  aussi 
pom"  les  petits  enfants  :  car  ils  peuvent ,  de 
même  que  les  autres ,  recevoir  le  fruit  du 
sang  qui  a  été  répandu  poiu?  la  rémission  des 
péchés.  » 

Il  prouve  que  la  concupiscence  est  une 
plaie  que  la  natm-e  a  reçue  par  le  péché ,  et 
que  par  ce  péché  ,  qui  est  celui  de  nos  pre- 
miers pères,  notre  nature  a  été  changée  en 
pis;  que  lorsque  saint  Paul  a  dit  :  Je  sens 
dans  les  membres  de  mon  corps  une  autre  loi 
qui  combat  contre  la  loi  de  mon  esprit ,  il  a  eu 
dessein  de  nous  faire  un  portrait  delà  natm-e 
humaine,  non  telle  qu'elle  était  lorsqu'elle 
est  sortie  des  mains  de  Dieu  ,  mais  telle 
qu'elle  est  dans  cette  chair  corruptible,  de- 
puis qu'elle  a  été  blessée  parle  péché  qu'ont 
commis  nos  premiers  pères,  en  usant  mal  de 
leur  libre  arbitre  :  «  Car,  dit-il,  à  qui  peu- 
vent convenir  ces  paroles  de  l'Apôtre?  Mal- 
heureux hutjvmequc  je  suis!  qui  me  déiii'7'era  de  ce 


C?p.  ïsv. 


[IV"  ET  y"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


495 


corps  de  mort?  Ce  sera  la  grâce  de  Dieu  par 
Jésus-Christ,  notre  Seigneur .  Peut-on  dire  que 
c'est  là  le  langage  d'un  juif,  comme  Julien 
le  prétend?  nullement.  Et  il  est  évidentqu'il 
né  peut  convenir  qu'à  un  chrétien.  »  Saint 
Augustin  fait  d'après  saint  Paul  une  descrip- 
tion de  l'état  où  nous  sommes  dans  ce  corps 
de  mort.  Vient  ensuite  cette  remarque  : 
«  Comme  les  désirs  de  la  chair  pour  le 
mal  ne  s'accomphssent  pas,  lorsque  notre 
volonté  ne  leur  donne  pas  son  consente- 
ment ;  notre  volonté  ne  s'accomplit  pas  non 
plus  pour  le  bien,  tandis  qu'il  y  a  encore 
en  nous  de  ces  mouvements  indélibérés  et 
involontaires.  » 

16.  Ce  Père  avait  dit  dans  le  premier  livre 
du  Mariage  et  de  la  concupiscence ,  que  selon 
l'Apôtre ,  la  chasteté  conjugale  est  un  don 
de  Dieu;  d'où  Julien  inférait  qu'il  avait  loué 
le  mal  de  la  concupiscence.  Saint  Augustin 
fait  voir  le  ridicule  de  cette  conséquence , 
et  continuant  à  assurer  que  la  chasteté  con- 
jugale est  un  don  de  Dieu  considérable , 
puisqu'il  empêche  qu'elle  ne  pousse  à  des 
actions  illicites ,  il  continue  aussi  à  soutenir 
que  la  concupiscence  est  un  mal.  Ce  qu'il 
prouve  par  un  endroit  de  la  première  Épître 
aux  Corinthiens,  où  saint  Paul  propose  le 
mariage  comme  un  remède  contre  la  mala- 
die de  la  concupiscence,  a  Qui  peut  douter, 
ajoute-t-il,  que  le  désir  d'un  mal  ne  soit  un 
mal,  lors  même  qu'il  n'est  pas  consenti  ?  Or, 
la  concupiscence  formera  toujours  de  ces 
sortes  de  désirs,  jusqu'à  ce  que  nous  soyons 
arrivés  au  terme  où  il  n'y  aura  plus  de  mal 
à  combattre.  Elle  est  un  mal  dans  ceux  mê- 
mes qui  ont  fait  vœu  de  garder  la  conti- 
nence ,  comme  dans  ceux  qui  sont  engagés 
dans  le  mariage,  puisque  le  désir  de  pécher 
est  un  mal.  Or,  ce  désir  est  produit  par  la 
concupiscence  dans  la  chair  des  saints ,  qui 
vivent  en  continence,  et  ce  désir  est  toujours 
un  mal.  Quel  bien,  en  effet ,  cette  concupis- 
cence ferait-elle  dans  un  état  où  il  n'est  pas 
permis  de  se  servir  d'elle  pour  aucune  sorte 
de  bien?  Quel  bien  fait-elle  dans  ceux  qu'elle 
met  dans  la  nécessité  de  veiller  sans  cesse 
et  de  combattre  contre  elle,  et  qui  se  voyant 
quelquefois  surpris  durant  le  sommeil ,  ne 
sont  pas  plutôt  éveillés ,  qu'ils  s'écrient  en 
gémissant  :  Comment  est-ce  qiM  mon  âme  a  été 
remplie  d'illusion?  Car  durant  le  sommeil, 
lorsque  tous  les  sens  sont  assoupis  et  que 
les  songes  se  jouent  pour  ainsi  dire  de  notre 
imagination,  il  arrive,  je  ne  sais  comment. 


que  des  personnes  très-chastes  donnent  à 
des  actions  honteuses  une  sorte  de  consen- 
tement ,  qui  rendrait  impurs  la  plupart  des 
hommes  si  Dieu  nous  imputait  ces  effets  de 
la  concupiscence.  Mais  d'où  vient  que  ce 
mal  n'est  pas  entièrement  déraciné  de  la 
chair  des  saints  qui  vivent  en  continence? 
Comme  dans  cette  malheureuse  vie  nous  n'a- 
vons pas  de  plus  dangereux  ennemi  que 
l'orgueil,  il  nous  est  avantageux  que  cette 
concupiscence  ne  soit  point  entièrement 
éteinte  dans  ceux  qui  vivent  en  continence  , 
afin  qu'en  combattant  contre  elle ,  ils  soient 
sans  cesse  avertis  du  péril  où  ils  sont,  et  que 
la  vue  du  péril  les  empêche  de  s'élever  en 
eux-mêmes.  Parce  tnoyen,  ils  arrivent  avec 
moins  de  danger  à  cet  heureux  état ,  où 
l'homme,  tout  fragile  qu'il  est  maintenant, 
jouira  d'une  santé  si  pai'faite,  qu'il  n'aura 
plus  à  craindre  l'enflure  de  l'orgueil ,  non 
plus  que  la  pourriture  des  sales  voluptés. 
C'est  ainsi  que  la  vertu  se  perfectionne  dans 
la  faiblesse ,  parce  que  c'est  la  faiblesse  qui 
nous  oblige  à  combattre  pour  nous  soute- 
nir, car  on  combat  d'autant  moins  qu'on  a 
plus  de  facilité  à  vaincre.  » 

17.  Julien  n'approuvait  pas  que  dans  le 
même  livre  des  Noces  et  de  la  concupiscence , 
saint  Augustin  eût  avancé  que  personne  ne 
saurait  bien  vivre  sans  la  foi  par  la  grâce  de 
Jésus-Christ.  «  J'ai  dit,  répond  ce  Père,  que 
celui-là  n'est  pas  véritablement  chaste ,  qui 
garde  la  fidélité  du  lit  nuptial ,  quand  il  ne 
le  fait  pas  pour  l'amour  du  vrai  Dieu;  et 
pour  le  prouver,  j'ai  ajouté  un  peu  après  ces 
paroles,  qui  renferment  une  maxime  très- 
importante  :  Comme  cette  pudicité  est  une 
vertu,  qui  a  pour  contraire  le  vice  de  l'impu- 
dicité,  et  que  toutes  les  vertus,  celles  mêmes 
dont  l'exercice  dépend  du  corps,  résident 
dans  l'esprit,  comment  peut-on  raisonnable- 
ment soutenir  que  le  corps  d'une  personne 
soit  chaste,  quand  son  esprit  est  dans  la  for- 
nication à  l'égard  du  vrai  Dieu?  Et  pour  em- 
pêcher que  quelqu'un  d'entre  vous  ne  me 
dît  que  l'esprit  des  infidèles  n'est  pas  dans 
la  fornication,  j'ai  ajouté  aussitôt  que  cette 
fornication  spirituelle  est  condamnée  par 
l'Écriture  dans  ces  paroles  :  Seigneur,  ceux 
qui  s'éloignent  de  vous  périront  ;  vous  perdrez 
toutes  ces  âmes  cidultères,  qui  se  séparent  de 
vous.  D'où  il  suit,  ou  qu'il  peut  y  avoir  une 
véritable  chasteté  dans  les  âmes  adultères, 
ce  qui  est  absurde,  ou  qu'il  ne  peut  y  avoir  de 
chasteté  véritable  dans  l'esprit  d'un  infidèle.  » 


Cap. in. 


Pîal. 

n. 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Pro  . 
U. 


Boni.  I,  1" 


E.f. 


Julien  opposait  l'exemple  des  païens  qui 
pratiquaient  beaucoup  de  vertus  sans  au 
cuu  secours  de  la  grâce,  et  avec  les  seules 
forces  du  libre  arbitre.  Saint  Augustin  le  prie 
de  faire  attention  à  ces  paroles  de  l'Écriture  : 
Celui  qui  dit  à  l'impie  qu'il  est  juste  sera  mau- 
dit des  peuples  ,  et  détesté  des  nations.  «  Vous 
auriez  parlé  d'une  manière  plus  raisonnable, 
ajoute-t-il,  si  au  lieu  d'attribuer  à  la  serde 
volonté  les  vertus  que  vous  prétendez  voir 
dans  les  impies,  vous  aviez  dit  qu'elles  sont 
des  dons  de  la  pure  libéralité  de  Dieu.  Mais 
à  Dieu  ne  plaise  que  nous  disions  qu  'il  y  ait 
quelque  véritable  vertu  en  ceux  qui  ne  sont 
pas  justes,  et  que  nous  regardions  comme 
véritablement  justes  ceux  qui  ne  vivent  pas 
de  la  foi ,  puisque  ,  selon  l'Écriture ,  le  juste 
vit  de  la  foi.  Je  n'excepte  aucun  de  ces  infi- 
dèles ,  fùt-il  un  Fabricius ,  fût-il  un  Fabius , 
fùt-il  un  Rég'ulus ,  fùt-il  un  Platon  ou  quel- 
qu'un de  l'école  de  Pylbagore ,  la  plu- 
part même  des  philosophes  ayant  enseigné 
qu'il  n'y  a  de  véritables  vertus  que  celles 
qui  sont,  pour  ainsi  dire,  imprimées  dans 
notre  esprit  par  une  opération  secrète  de 
cette  substance  éternelle  et  immuable,  qui 
est  Dieu  même.  Comment  pourraient  être 
véritablement  justes  ceux  qui  n'ont  que  du 
mépris  pom-  l'humilité  du  vrai  juste?  car, 
plus  ils  se  sont  approchés  de  Dieu  par  les 
connaissances  qu'ils  ont  acquises,  plus  ils 
s'en  sont  éloignés  par  l'orgueil  et  la  vanité. 
Comment  la  véritable  justice  serait-elle  en 
ceux  en  qui  n'est  pas  la  véritable  sagesse? 
Si  nous  vouhons  la  leur  attribuer,  il  n'y  au- 
rait plus  de  raison  qui  nous  empêchât  de 
dire  qu'ils  peuvent  parvenir  à  ce  royaume 
dont  il  est  écrit  :  Le  désir  de  la  sagesse  con- 
duit au  7'oyaume  éternel.  Si  la  justice  s'ac- 
quiert par  la  nature  et  par  la  volonté  ou  par 
les  enseignements  des  hommes,  c'est  donc 
en  vain  que  Jésus-Christ  est  mort  :  car  ce 
qui  nous  conduit  à  la  véritable  justice  doit 
aussi  nous  faire  entrer  dans  le  royaume  de 
Dieu.  Or,  si  les  impies  n'ont  point  de  justice 
véritable,  ils  n'ont  donc  point  aussi  les  autres 
vertus  qui  sont  les  compagnes  de  la  justice  ; 
du  moins  s'ils  en  ont  quelques-unes,  elles  ne 
peuvent  être  de  véritables  vertus ,  car,  lors- 
que les  dons  de  Dieu  ne  sont  pas  rapportés 
à  leur  auteur,  les  impies  deviennent  injustes 
par  l'abus  qu'ils  font  des  dons  de  Dieu.  D'où 
il  suit  que  la  continence  ou  la  chasteté  ne 
sont  pas  de  véritables  vertus  dans  les  im- 
pies. » 


18.  Julien  prenant  à  contre-sens  ces  pa- 
roles de  l'Apôtre  :  Tous  les  athlètes  se  con- 
tiennent dans  la  privation  entière  de  tous  les 
plaisirs,  en  concluait  qu'il  n'y  avait  pas  jus- 
qu'aux joueurs  de  ilùte,  et  autres  personnes 
de  cette  espèce,  que  leur  profession  rend  in- 
fâmes ,  en  qui  on  ne  put  trouver  la  conti- 
nence, cette  grande  vertu  dont  il  est  dit  dans 
l'Ecriture  que  personne  ne  peut  l'avoir  si  Dieu 
ne  la  donne.  Mais  saint  Augustin  lui  fait  voir 
que  ceux  qui  se  préparent  au  combat  s'abs- 
tiennent à  la  vérité  de  tous  les  plaisirs,  pour 
gagner  une  couronne  corruptible,  mais  qu'ils 
ne  s'abstiennent  pas  de  la  cupidité  d'une 
gloire  si  vaine.  «  C'est,  continue-t-il ,  cette 
passion  qui ,  ne  pouvant  être  que  déréglée , 
parce  qu'elle  a  sa  source  dans  la  vanité,  sur- 
monte en  eux  et  contient  toutes  les  autres 
passions  déréglées,  ce  qui  fait  dire  qu'ils 
sont  continents.  Comme  cet  Apôtre  exhortait 
tous  les  hommes  à  la  pratique  de  la  vertu,  il 
leur  a  proposé  pour  exemple  ce  qu'une  pas- 
sion déréglée  donne  le  courage  de  faire  à 
des  hommes  vicieux ,  de  la  même  manière 
que  l'Écriture  exhorte  aillem-s  les  hommes  à 
l'amour  de  la  sagesse,  en  leur  disant  qu'il 
faut  la  rechercher  comme  on  cherche  l'argent, 
c'est-à-dire  avoir  une  avidité  insatiable  de 
nous  faire  un  trésor  des  richesses  de  cette 
sagesse.  Si  c'est  de  cette  sorte  que  nous  nous 
conduisons,  nous  avons  de  véritables  vertus, 
la  fin  pour  laquelle  nous  agissons  étant  juste 
et  raisonnable,  c'est-à-dire  convenable  à  no- 
tre nature ,  pour  lui  procurer  le  salut  et  la 
félicité.  Car  tous  les  hommes  n'auraient  pas 
cet  instinct  naturel,  qui  nous  fait  désirer  l'im- 
mortalité et  la  béatitude,  s'il  ne  nous  était 
pas  possible  d'y  parvenir.  Mais  les  hommes 
ne  peuvent  acquérir  ce  souverain  bonheur 
que  par  Jésus-Christ  crucifié.  C'est  pour  cela 
que  le  juste  vit  de  la  foi  en  Jésus-Christ,  et 
c'est  par  cette  foi  qu'il  vit  selon  les  règles  de 
la  droiture  et  de  la  véritable  sagesse.  On  ne 
peut  donc  en  aucune  manière  regarder  com- 
me de  véritables  vertus  celles  qui  ne  servent 
de  rien  à  l'homme  pour  acquérir  la  véritable 
béatitude.  Dira-t-on,  en  ellet,  qu'il  y  a  dans 
les  avares  de  véiitables  vertus ,  lorsqu'ils 
trouvent  avec  prudence  les  moyens  de  s'en- 
richir; lorsque,  pour  amasser  de  l'argent, 
ils  suppoi'tent  avec  force  et  avec  courage  les 
choses  les  plus  fâcheuses  et  les  plus  dures  ; 
lorsque,  par  une  sobriété  et  une  tempérance 
exacte,  ils  se  privent  des  plaisirs  qu'on  goûte 
dans  une  vie  somptueuse?  Ce  cjui  trompait 


Co]..  Il 
1  Ctr.  «,! 


Pri/V.  II, 


[IV"  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


497 


Julien,  c'est  qu'il  ne  faisait  attention  qu'à  la 
fausse  apparence  de  certains  vices ,  qui  ap- 
prochent fort  des  vertus,  et  qui  en  sont 
néanmoins  aussi  éloignés  que  la  vertu  l'est 
toujours  du  vice.  Telle  est  la  finesse  ou  la 
ruse,  qui  est  un  vice,  quoique  les  noms  dont 
on  se  sert  pour  le  marquer  se  prennent  quel- 
quefois en  bonne  part  dans  les  Ecritures, 
comme  lorsqu'il  est  dit  :  Soyez  rusés  comme 
les  serpents.  Aussi  prend-on  de  même  en 
mauvaise  part  ce  qui  est  dit  du  serpent  dans 
le  paradis,  qu'il  était  le  plus  prudent  de  tous 
les  animaux.  On  a  souvent  de  la  peine  à 
trouver  des  noms  propres  à  exprimer  ces 
sortes  de  vices  qui  ont  quelque  ressemblance 
avec  les  vertus;  mais  quoiqu'ils  n'aient  point 
de  nom  qui  leur  soit  propre,  on  doit  toute- 
fois les  éviter.  Ce  n'est  donc  point  le  devoir 
extériem",  mais  la  fin  qui  distingue  la  vertu 
du  vice.  Le  devoir  est  ce  que  chacun  doit 
faire;  la  fin  est  ce  qu'on  se  propose  pour 
motif  du  devoir  qu'on  veut  accomplir.  Ainsi, 
quand  un  homme  fait  quelque  action  où  il 
ne  paraît  pas  qu'il  pèche,  s'il  ne  la  fait  pas 
pour  la  raison  qui  la  lui  doit  faire  faire,  dès 
lors  il  est  convaincu  qu'il  a  péché.  A  ne  con- 
sidérer que  le  devoir,  on  pourrait  regarder 
comme  une  action  de  justice  celle  de  s'abs- 
tenir de  prendre  le  bien  d'autrui.  Mais  si  l'on 
demande  pom-quoi ,  et  qu'on  réponde  que 
c'est  pom-  éviter  des  procès  où  l'on  craint 
de  perdre  du  sien,  avec  quelle  apparence 
pourra-t-on  dire  que  c'est  là  une  action  de 
justice,  et  d'une  justice  véritable,  puisqu'elle 
n'est  que  pour  servir  à  l'avarice?  Les  vérita- 
bles vertus  doivent  servir  Dieu  dans  les 
hommes.  Ainsi  toutes  les  bonnes  actions  que 
fait  un  homme,  s'il  ne  les  fait  pas  pour  la  fin 
que  la  véritable  sagesse  veut  qu'on  s'y  pro- 
pose ,  sont  à  la  vérité  bonnes ,  quant  au  de- 
voir extérieur;  mais  comme  elles  ne  sont 
pas  faites  pour  une  bonne  fin,  elles  ne  peu- 
vent être  que  des  péchés.  On  peut  donc  faire 
certaines  actions  qui  sont  bonnes  en  soi, 
sans  qu'on  puisse  dire  pour  cela  que  ceux 
qui  les  font  les  fassent  bien.  C'est  un  bien, 
par  exemple,  de  secourir  un  homme  qui  est 
en  danger;  mais  si  celui  qui  le  fait  cherche 
en  cela  plutôt  la  gloire  des  hommes  que 
celle  de  Dieu,  il  ne  fait  pas  bien  une  bonne 
action.  » 

Saint  Augustin,   pour  montrer    que    les 

païens  n'ont  pas  de  véritables  vertus ,  avait 

allégué  ces  paroles  de  l'Apôtre  :  Tout  ce  qui 

ne  se  fait  pas  selon  la  foi  est  péché.  Mais  il  con- 

IX. 


vient  qu'elles  ont  été  dites  à  l'occasion  du 
discernement  des  viandes,  dont  saint  Paul 
venait  de  parler  un  peu  auparavant.  «  Mais , 
ajoute-t-il,  en  supposant  qu'elles  se  rappor- 
tent uniquement  aux  viandes  dont  on  use 
contre  sa  conscience  ,  qu'avez-vous ,  dit-il  à 
Julien,  à  répondi-e  à  l'autre  passage  que  j'ai 
cité  de  l'Épître  aux  Hébreux ,  où  il  est  dit  : 
//  est  injpossible  de  plaire  à  Dieu  sans  la 
foi  ?  Ainsi,  ou  ces  hommes  qui  accomplissent 
les  préceptes  de  la  loi  naturelle,  et  que  vous 
appelez  justes ,  plaisent  à  Dieu,  et  c'est  par 
la  foi  qu'ils  lui  plaisent,  parce  qu'il  est  im- 
possible de  lui  plaire  sans  la  foi  ;  ou  si  ce 
sont  des  gentils  qui'n'ont  pas  la  foi  en  Jésus- 
Christ,  il  faut  dire  qu'ils  ne  sont  pas  justes 
et  qu'ils  ne  plaisent  pas  à  Dieu ,  parce  qu'il 
est  impossible  de  lui  plaire  sans  la  foi.  Quant 
à  ce  qui  est  écrit  de  ces  gentils ,  que  leurs 
pensées  les  défendront  au  jour  du  jugement, 
cela  nous  marque  qu'ils  seront  punis  avec 
moins  de  rigueur,  parce  qu'ils  auront,  en 
quelque  façon,  accompli  naturellement  ce 
que  la  loi  commande;  mais  on  ne  peut  pas 
dire  qu'en  cela  ils  fussent  exempts  de  péché, 
jmisque  n'ayant  pas  la  foi,  ils  n'ont  pas  rap- 
porté ces  actions  à  la  fin  pour  laquelle  ils  les 
aui-aient,  dû  faire.  Ainsi  Fabricius  sera  puni 
avec  moins  de  rigueur  que  Catilina,  non 
parce  qu'il  était  bon ,  mais  parce  que  Cati- 
lina était  plus  méchant  que  lui,  et  qu'il  était 
moins  impie  que  Catilina  :  ce  n'est  pas  qu'il 
eût  de  véritables  vertus ,  mais  c'est  qu'il  ne 
s'en  éloignait  pas  autant  que  la  plupart  des 
autres.  »  Le  saint  Docteur  demande  à  Julien 
s'il  ne  destinerait  pas  à  Fabricius,  àRégulus, 
aux  Scipions ,  aux  Camilles  ,  et  autres  sem- 
blables, comme  aux  enfants  morts  sans  bap- 
tême ,  un  lieu  difierent  et  de  l'enfer  et  du 
royaume  du  ciel ,  où ,  éloignés  de  toute  mi- 
sère, ils  puissent  jouir  d'un  bonheur  éternel? 
«  Je  ne  puis  croire,  lui  dit-il,  que  vous  ayez 
teUement  perdu  toute  honte,  que  vous  ne 
craigniez  pas  de  mettre  dans  la  béatitude 
éternelle  des  hommes  qui  n'ont  jamais  plu  à 
Dieu,  à  qui  il  est  impossible  de  plaire  sans  la 
foi,  et  qui  n'ont  jamais  eu  ni  les  œuvres  de 
la  foi,  ni  la  foi  dans  le  cœur.  » 

19.  Si  l'on  peut  dire,  objectait  Julien,  que 
la  chasteté  des  infidèles  n  'est  pas  une  véri- 
table chasteté,  on  pourra  soutenir  avec  le 
même  front,  que  le  corps  des  païens  n'est 
pas  un  véritable  corps.  Saint  Augustin  se 
moque  d'un  pareil  raisonnement,  et  conti- 
nue de  dire,  qu'il  n'y  a  point  de  véritable 

32 


Hib.  .\i,  C, 


Cap,  III. 


498 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


chasteté  dans  une  âme  adultère,  telle  qu'est 
celle  des  païens.  Comme  Julien,  profitant  de 
l'aveu  que  ce  Père  avait  fait,  qu'il  y  a  de 
certains  péchés,  dont  on  se  rend  victorieux 
par  d'autres  péchés,  en  concluait,  qu'à  plus 
forte  raison  l'on  pouvait  s'en  rendre  victo- 
rieux par  le  moyen  des  vertus.  Saint  Augus- 
tin lui  répond  :   «  Nous  n'avons   garde  de 
nier  que  le  secours  de  Dieu  ne  puisse  être 
assez  fort,  s'il  le  voulait,  pour  nous  empêcher 
de  sentir  en  nous  aucun  mauvais  désir,  et 
qu'il  ne  puisse  même  dès  à  présent  nous  ren- 
dre parfaitement  victorieux  de  tous  les  mou- 
vements de  la  concupiscence.  Mais  les  cho- 
ses ne  sont  pas  ainsi.  Comme  nous  sommes 
encore  ici-bas  dans  un  lieu  où  notre  faiblesse 
est  exposée  sans  cesse  à  la  tentation.  Dieu  a 
voulu  que  nous  nous  vissions  tous  les  jours 
dans  la  nécessité  de  demander  le  pardon  de 
nos  offenses,  pour  nous  mettre  par  là  à  cou- 
vert de  la  tentation  de  l'orgueil.  »  Julien  ob- 
jectait encore  :  Si  un  païen  revêt  un  homme 
nu,  cette  action   est-elle  un  péché,   parce 
qu'elle  n'est  pas  faite  selon  la  foi?  «Oui,  ré- 
pond saint  Augustin,  il  est  sans  doute  qu'en 
tant  que  cette  action  n'est  pas  faite  selon  la 
foi,  elle  est  un  péché;  non  que  l'action  de 
revêtir  un  homme  nu,  soit  par  elle-même  un 
péché  ;  mais  il  n'y  a  qu'un  impie  qui  puisse 
nier  que  ce  ne  soit  pas  un  péché  de  ne  point 
rapporter  au  Seigneur  la  gloire  d'une  telle 
action.  Je  vous  demande  à  vous-même,  si 
ces  bonnes  œuvres  :  revêtir  un  homme  nu, 
panser  un  homme  malade,  et  autres  sembla- 
■bles,  sont  bien  ou  mal  faites  dans  un  païen? 
Car,  quelques  bonnes  qu'elles  soient,  si  elles 
sont  mal  faites,  vous  ne  sauriez  nier  que  cet 
homme  ne  pèche ,  puisque  toute  action  mal 
faite  est  un  péché.  Comme  vous  ne  préten- 
dez pas  qu'il  pèche,  en  faisant  ces  actions, 
vous  ne  manquerez  pas  de  dire  :  Cet  homme 
fait  de  bonnes  actions,  et  il  les  fait  bien.  Par 
conséquent,  il  faut  que  vous  disiez,  qu'un 
méchant  arbre  produit  de  bons  fi-uits,  ce  qui 
est  contraire  à  ce  que  dit  la  vérité.  Direz- 
vous  qu'un  infidèle  est  un   bon   arbre?  Il 
plaît  donc  à  Dieu  :  car,  il  n'est  pas  possible 
que  ce  qui  est  bon  ne  plaise  pas  à  celui  qui 
est  essentiellement  bon.  Si  cela  est,  comment 
pourra-t-on  soutenir  ce   que   dit   l'Apôtre  : 
Sans  la  foi  il  est  impossible  de  piaille  à  Dieu  ? 
Direz-vous  que  l'infidèle  est  un  bon  arbre, 
non  en  tant  qu'il  est  infidèle,  mais  en  tant 
qu'il  est  homme?  De  qui  veut  donc  parler 
Jésus-Christ,  quand  il  dit  :  d/n  mauvais  arbre 


ne  peut  produire  de  bons  fruits  ?  Tous  ceux  sur 
qui  ces  paroles  du  Sauveur  peuvent  tomber, 
sont  nécessairement  des  hommes  ou  des  an- 
ges. Or,  si  tout  homme,  en  tant  qu'homme, 
est  un  bon  arbre,  il  faut  dire  aussi  que  tous 
les  anges,  en  tant  qu'anges,  sont  de  bons  ar- 
bres, puisqu'ils  sont  tous  l'ouvrage  de  Dieu. 
D'où  il  suit  qu'il  ne  peut  y  avoir  aucun  mau- 
vais arbre  à  qui  convienne  ce  qui  a  été  dit  :  Un 
mauvais  arbre  ne  peut  prcdui7'e  de  bons  fruits. 
Qui  est  assez  infidèle  pour  penser  ainsi?  Il 
faut  donc  dire  que  les  hommes  sont  de  mau- 
vais arbres,  non  en  tant  qu'hommes,  mais  en 
tant  qu'ils  ont  une  mauvaise  volonté,  et  que 
c'est  par  là  qu'ils  ne  peuvent  produire  de 
bons  fruits.  C'est  à  vous  à  voir  si  vous  aurez 
la  hardiesse  de  dire  qu'une  volonté  infidèle 
est  une  bonne  volonté.  » 

Saint  Augustin  fait  voir  ensuite  par  l'exem- 
ple de  Saiil  qui,  contre  l'ordre  de  Dieu,  épar- 
gna par  une  compassion  toute  humaine  un 
roi  qu'il  venait  de  faire  captif,  que  la  miséri- 
corde n'est  pas  toujours  bonne.  Il  convient 
que,  lorsqu'on  l'exerce  par  une  compassion 
naturelle,  elle  est  par  elle-même  une  bonne 
œuvre  ;  mais  il  dit  qu'on  use  mal  de  ce  bien, 
quand  on  en  use  d'une  manière  infidèle,  et 
qu'on  fait  mal  ce  bien,  quand  on  le  fait  avec 
infidéhté.  «  Or,  ajoute-t-il,  il  est  indubitable, 
que  toute  action  mal  faite  est  un  péché.  D'où 
cette  conclusion ,  que  les  bonnes  œuvres 
mêmes  que  font  les  infidèles,  ne  leur  appar- 
tiennent pas,  mais  à  celai  qui  fait  toujours 
un  bon  usage  du  mal;  et  que  c'est  à  eux 
qu'il  faut  uniquement  attribuer  le  péché,  par 
lequel  ils  font  mal  les  bonnes  œuvres,  parce 
qu'ils  ne  les  font  pas  avec  une  volonté  fidèle, 
mais  avec  une  volonté  infidèle,  qui  n'est  ja- 
mais conforme  à  la  véritable  sagesse,  et  qui 
ne  peut  que  leur  être  préjudiciable.  Or,  tout 
chrétien  sait  qu'une  telle  volonté  est  un 
mauvais  arbre,  qui  ne  peut  produire  que  de 
mauvais  fruits,  c'est-à-dire  des  péchés.  »  Le 
saint  Docteur  prie  Julien  de  faire  attention  à 
ces  paroles  du  Sauveur  .■  Si  votre  œil  est  mau- 
vais, tout  votre  corps  sera  ténébreux,  et  de  se 
souvenir  que  cet  œil  n'étant  autre  chose  que 
l'intention  avec  laquelle  chacun  fait  ce  qu'il 
fait,  il  s'ensuit  que  quand  on  ne  fait  pas  ses 
bonnes  œuvres  avec  l'intention  d'une  foi 
bonne,  c'est-à-dire  de  la  foi  qui  opère  par 
l'amour,  tout  le  corps  des  actions  est  téné- 
breux, c'est-ii-dire  souillé  par  la  noirceur  du 
péché.  Ensuite  il  établit  pour  maxime,  que 
pour  bien  user  des  créatures,  il  faut  aimer 


I    Ilog-. 

n,  21. 


Mat>b. 
et  23. 


[IV«  ET  V°  SIÈCLES.] 

le  Créatear  par  un  amour  qui  nous  conduit 
à  lui,  et  qui  ne  peut  venir  que  de  Dieu  le 
Père,  par  Jésus-Clirist  son  Fils  avec  le  Saint- 
Esprit;  qu'avec  cet  amour  du  Créateur  on 
use  toujours  bien  des  créatures,  et  qu'il  n'y 
a  aucune  créature  dont  on  n'use  mal  sans 
cet  amour  du  Créateur  ;  que  sans  cet  amour 
il  n'y  a  point  de  bien  véritable  et  capable  de 
nous  rendre  heureux,  ni  même  de  vraie  pu- 
dicité  conjugale. 
IV.  20.  Saint  Augustin  fait  voir  après  cela,  que 

c'était  à  tort  que  Julien  lui  reprochait  d'a- 
voir dit  que  les  enfants  en  venant  au  monde, 
sont  sous  la  puissance  du  diable,  parce  qu'ils 
naissent  du  mélange  des  deus  sexes;  puis- 
qu'il avait  enseigné  au  contraire  que  ce  qui 
est  cause  que  les  enfants  qui  naissent  de  ce 
commerce,  sont  sous  la  puissance  du  démon, 
jusqu'à  ce  qu'ils  aient  été  régénérés  par  le 
Saint-Esprit,  c'est  qu'ils  sont  engendrés  par 
le  moyen  de   cette  concupiscence   qui   fait 
que  la  chair  a  des  désirs  contraires  à  ceux 
de  l'esprit,  et  qui  met  l'esprit  dans  la  néces- 
sité de  la  combattre,  et  de  former  des  désirs 
contraires  à  ceux  de  la  chair.  Ce  combat  du 
bien  et  du  mal,  de  l'espiit  et  de  la  chair,  ne 
serait  point,  ajoute-t-il,  si  l'homme  n'avait 
pas  péché.  Mais,  comme  il  n'y  en  avait  point 
avant  la  prévarication  de  l'homme,  aussi  n'y 
en  aura-t-il  point,  quand  il  ne  restera  plus  de 
'v.        faiblesse  en  l'homme.  Il  montre  que  la  con- 
cupiscence ne  peut  être  regardée  comme  un 
mal  dans  les  bêtes,  parce  qu'elle  n'a  aucune 
>  Ti.        opposition  à  la  i-aison,  que  les  bêtes  n'ont 
point.  Julien  l'accusait   d'être   tombé  dans 
une  contradiction  ridicule  ,  en  disant  qu'il  y 
a  des  hommes  qui  deviennent  criminels  par 
Lib.  I  De  une  bonne  œuvre,  et  que  d'autres  deviennent 
■','o'p.  IV.  saints  par  une  mauvaise  action.  Il  se  fondait 
sur  ce  que  safnt  AugTistin  avait  dit  que  les 
infidèles  convertissent  en  mal  et  en  péché, 
le  bien  du  mariage,  parce  qu'ils  en  usent 
d'une  manière  infidèle  ;  et  que  c'est  aussi  de 
la  même  sorte  que  le  mariage  des  fidèles 
tourne  à  un  usage  juste  et  légitime  le  mal  de 
la  concupiscence.  «Je  n'ai  pas  dit  pour  cela, 
répond  ce  Père,  qu'il  y  a  des  hommes  qui 
deviennent  criminels  par  une  bonne  œuvre, 
mais  par  le  péché  qu'ils  font,  en  usant  mal 
d'une  bonne  chose.  Je  n'ai  pas  dit  non  plus 
qu'il  y  en  a  d'autres  qui  deviennent  saints 
par  une  mauvaise  action,  mais  par  la  bonne 
œ.uvre  qu'ils  font  en  faisant  un  bon  usage  du 
ap.vii.       mal.  »  En  répondant  à  diverses  autres  accu- 
sations de  Julien,  il  fait  voir  que  Dieu  n'a 


SAINT  AUGUSTLN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


499 


pas  créé  le  mal  en  créant  l'homme ,  mais  que 
la  nature,  qui  est  un  bien  créé  de  Dieu ,  a 
contracté  le  mal  par  le  péché,  et  que  Dieu 
par  sa  bonté  guérit  ce  mal  ;  que  c'est  le  dia- 
ble qui  a  fait  à  l'homme  la  plaie  du  péché 
qui  cause  cette  discorde   que  nous  voyons 
entre  la  chair  et  l'esprit;  que  le  diable  ne 
peut  toutefois  faire  à  l'égard  de  l'homme, 
que  ce  que  Dieu  lui  permet,  et  que  quand  il 
lui  a  permis  d'exciter  des  persécutions  dans 
l'Église,  ça  été  pour  procurer  des  couronnes 
aux  martyrs,  et  pour  faire  tourner  tous  les 
maux  que  cet  esprit  malin  tâche  de  faire  aux 
hommes,  à  l'avantage  des  élus;  qu'au  reste 
si,  comme  le  voulait  Julien,  le  diable  pou- 
vait faire  tout  ce  qu'il  voudrait,  il  ne  man- 
querait jamais  de  faire  mourir  les  hommes 
impies  tandis  qu'ils  sont  encore  sous  sa  puis- 
sance, dès  qu'il  s'apercevrait  qu'ils  pensent  à 
se  convertir  et  à  se  faire  chrétiens.  Il  prouve    cap.  vm. 
contre  cet  hérétique,  par  l'exemple  des  en- 
fants, que  la  grâce  n'est  pas  donnée  selon 
les  mérites.  «  En   effet,  ils   ne   demandent 
point,  ils  ne  cherchent  point,  ils  ne  frappent 
point  à  la  porte;  et  qui  plus  est,  quand  ou 
veut  leur  administrer  le  baptême ,  ils  s'y  op- 
posent en  criant,  ils  le  rejettent,  et  résistent 
autant  qu'il  est  en  eux.  Toutefois,  cela  n'em- 
pêche pas  qu'ils  ne  reçoivent,  qu'ils  ne  trou- 
vent, qu'on  ne  leur  ouvre,  et  qu'ils  n'entrent 
dans  le  royaume  de  Dieu,  où  ils  trouvent  le 
salut  éternel  et  la  connaissance  de  la  vérité, 
pendant  que  cette  grâce  est  refusée  à  une 
infinité  d'autres  enfants,  par  celui  qui  veut 
que  tous  les  hommes  soient  sauvés,  et  qu'ils 
viennent  à  la  connaissance  de  la  vérité.  » 

Il  explique  la  volonté  que  Dieu  a  de  sau- 
ver tous  les  hommes,  dans  le  même  sens 
que  ces  paroles  de  saint  Paul  :  C'est  par  la  i"""- v, 
justice  d'un  seul,  que  tous  les  hommes  reçoivent 
la  justification  de  la  vie  :  car  Dieu  veut  sauver 
et  faire  venir  à  la  connaissance  de  la  vérité 
tous  ceux  qui  reçoivent  la  grâce  de  cette 
justification.  «  Que  pourrions-nous,  dit-il, 
répondre  à  ceux  qui  nous  diraient  :  Si  Dieu 
veut  que  tous  les  hommes  soient  sauvés,  et 
qu'ils  viennent  à  la  connaissance  de  la  vé- 
rité, et  si  la  raison  pour  laquelle  ils  n'y 
viennent  pas  tous,  c'est  qu'eux-mêmes  ne  le 
veulent  pas  ;  d'où  vient  donc  qu'un  million 
d'enfants  meurent  sans  baptême,  et  ne  vien- 
nent pas  au  royatmie  de  Dieu,  où  l'on  a 
une  connaissance  certaine  de  la  vérité  ?  Di- 
ra-t-on  qu'ils  ne  sont  pas  des  hommes  ,  et 
cpi'ainsi  ils  ne  sont  pas  du  nombre  de  ceux 


500 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


dont  l'Apôtre  a  voulu  parler,  quand  il  a  dit 
i  Timoih.ii,  tous  les  hommes  ?  ou  bien  ne  pourrait-on  pas 
dire  :  Dieu  veut  sauver  ces  enfants ,  mais 
ces  enfants  ne  le  veulent  pas  ?  Mais  qui  ne 
sait,  que  ces  enfants  n'ont  pas  encore  assez 
de  connaissance  pour  vouloir,  ou  ne  pas 
vouloir  ce  qui  regarde  le  salut  ?  Et  n'est-il 
pas  évident  que  les  enfants  qui  meurent 
après  avoir  reçu  le  baptême,  et  qui  par  ce 
moyen  viennent  à  la  connaissance  de  la  vé- 
rité, qu'on  a  certainement  dans  le  royaume 
de  Dieu,  n'y  viennent  cas,  parce  qu'ils  ont 
voulu  être  régénérés  par  le  baptême  de  Jé- 
sus-Christ? Puisqu'on  ne  peut  donc  pas  dire 
que  les  uns  n'ont  pas  été  baptisés,  parce 
qu'ils  ne  l'ont  pas  voulu,  et  que  les  autres 
le  sont,  parce  qu'ils  l'ont  voulu ,  pourquoi 
Dieu,  qui  veut  que  tous  les  hommes  soient 
sauvés,  soutfre-t-il  que  tant  d'enfants  inca- 
pables de  lui  résister  par  aucun  acte  de  leur 
volonté,  ne  viennent  point  à  son  royaume?» 
Saint  Augustin,  après  avoir  montré  l'ab- 
surdité des  réponses  de  Julien  à  cet  argu- 
ment, dit  d'après  saint  Paul  :  a  Le  Seigneicr 
connaît  ceux  qui  sont  à  lui.  La  volonté  qu'il 
a  de  les  sauver,  et  de  les  faire  entrer  dans 
son  royaume,  est  un  décret  immuable.  Il 
faut  donc,  continue-t-i),  entendre  ces  paroles 
de  l'Apôtre  :  Dieu  veut  que  tous  les  hommes 
soient  sauvés,  de  la  même  manière  que  nous 
entendons  ces  autres  paroles  du  même  Apô- 
tre :  C'est  par  la  justice  d'un  seul  que  tous 
les  hommes  reçoivent  la  justification  de  la  vie. 
Si  vous  dites,  que  dans  ce  dernier  témoi- 
gnage de  l'Apôtre ,  le  mot  tous  doit  être 
pris  pour  plusieurs,  parce  que  si  plusieurs 
reçoivent  la  justification  et  la  vie  en  Jésus- 
Clu'ist,  il  y  en  a  aussi  plusieurs  qui  ne  la 
reçoivent  pas  ;  on  voug  répondra,  qu'il  faut 
entendre  de  la  même  manière  l'endroit  où 
il  dit  :  Dieu  veut  que  tous  les  hommes  soient 
sauvés,  où  le  mot  tous  a  été  mis  pour  mar- 
quer tous  ceux  à  qui  il  veut  faire  cette  grâce. 
Il  est  aisé  de  comprendre  que  cette  manière 
de  parler  se  rapporte  parfaitement  à  ce  qui 
est  dit  ailleurs,  que  personne  ne  vient,  sinon 
celui  que  Dieu  lui-même  veut  faire  venir  : 
Personne  ne  peut  venir  à  moi,  dit  le  Fils  de 
Dieu,  si  mon  Père  qui  m'a  envoyé  ne  le  tire  à 
lui.  Un  peu  après  :  Personne  ne  peut  venir  à 
moi,  s'il  ne  lui  est  donné  par  mon  Père.  Ainsi 
tous  ceux  qui  sont  sauvés,  et  qui  viennent 
à  la  connaissance  de  la  vérité,  y  viennent, 
et  sont  sauvés,  parce  que  Dieu  le  veut.  Car 
les  uns,  tels  que  sont  les  enfants,  ne  font 


n  TimoUi.n. 


ï  TiinoUi.  11, 


Jonn.  Vi,  U 
elGG. 


encore  aucun  usage  de  leur  volonté  ;  et  ils 
ne  sont  régénérés  que  parce  que  Dieu  le 
veut,  comme  ils  n'ont  été  engendrés  que 
parce  qu'il  les  a  créés  ;  les  autres  qui  font 
usage  de  leur  volonté,  ne  peuvent  vouloir 
le  bien,  si  Dieu  ne  le  veut,  et  si  par  sa  grâce 
il  ne  prépare  leur  volonté.  Sur  quoi,  si  vous 
me  demandez  d'où  vient  qu'il  ne  change 
pas  les  volontés  de  tous  ceux  qui  ne  veulent 
pas  ce  qu'ils  devraient  vouloir ,  je  vous  ré- 
pondrai :  Et  d'où  vient  qu'il  n'adopte  pas 
par  le  sacrement  de  la  régénération  tous  les 
enfants  qui  sont  sur  le  point  de  mourir,  eux 
qui  ne  faisant  encore  aucun  usage  de  leur 
volonté,  ne  sauraient  en  avoir  de  contraire 
à  la  sienne  ?  Si  vous  reconnaissez  qu'il  y  a 
dans  cette  conduite  de  Dieu  une  profondeur, 
dont  il  vous  est  impossible  de  rendre  raison , 
souffrez  que  j'en  dise  autant  pour  répondre 
à  votre  question.  Confessons  donc  l'un  et 
l'autre,  que  dans  ces  deux  questions  qui  re- 
gardent les  adultes  et  les  enfants,  il  y  a 
deux  profondeurs  également  impénétrables; 
gt  qu'il  est  impossible  de  dire,  pourquoi 
Dieu  veut  donner  la  grâce  aux  uns,  et  ne 
veut  pas  la  donner  aux  autres.  Mais  en 
même  temps  attachons-nous  immuablement 
à  ces  vérités  très-certaines,  qu'il  ne  peut  y 
avoir  en  Dieu  de  l'injustice,  parce  qu'il  ne 
peut  condamner  personne,  s'il  ne  le  mérite 
par  son  péché,  et  qu'il  y  a  en  Dieu  une 
bonté  qui  le  porte  à  en  sauver  plusieurs, 
sans  qu'ils  aient  rien  fait  de  bon  pour  le 
mériter.  Car  c'est  ainsi  qu'il  veut  montrer 
dans  ceux  qu'il  condamne,  ce  que  tous  les 
autres  ont  mérité  ,  afin  que  ceux  qu'il  sauve 
apprennent  par  la,  quelle  est  la  peine  qui 
leur  était  due,  et  dont  ils  sont  délivrés;  et 
quelle  est  la  grâce  qu'il  leur  a  faite,  sans 
qu'ils  aient  rien  fait  pour  la  mériter.  » 

Selon  Julien,  c'était  tout  attribuer  au  des- 
tin, que  de  ne  point  supposer  de  mérites 
dans  ceux  que  Dieu  veut  sauver.  «  S'il  faut 
supposer  des  mérites  précédents  pour  s'em- 
pêcher d'admettre  le  destin,  lui  répond 
le  saint  Évêque,  c'est  donc  par  mi  eflet  du 
destin,  que  des  enfants  qui  n'ont  fait  au- 
cune bonne  œuvre,  sont  baptisés,  et  qu'ils 
entrent  dans  le  royaume  de  Dieu  ;  et  c'est 
aussi  par  un  effet  du  destin,  que  les  autres 
enfants,  qui  n'ont  fait  aucun  mal,  ne  reçoi- 
vent point  le  baptême,  et  n'entrent  point  dans 
le  royaume  de  Dieu .  )) 

21.    Julien  assurait    que  saint    Augustin 
avait  dit  dans  un  de  ses  livres,  qu'on  nie  le 


Cnp.  ' 


[lV°  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


301 


libre  arbitre,  quand  on  défend  la  grâce  ;  et 
qu'on  nie  la  grâce,  quand  on  défend  le  libre 
arbitre.  «  Rendez-moi,  lui  dit  ce  Père,  mes 
propres  paroles,  et  votre  calomnie  s'en  ira 
en  fumée.  Remettez  ces  deux  mots,  il  semble, 
et  011  ct^oirait,  dans  l'endroit  où  ils  doivent 
être ,  et  tout  le  monde  verra  avec  quelle 
mauvaise  foi  vous  disputez.  Je  n'ai  pas  dit, 
qu'on  nie  la  grâce,  mais  qu'il  semble  qu'on 
nie  la  grâce.  Je  n'ai  pas  dit,  qu'on  nie  le  li- 
bre arbitre,  ou  qu'on  le  détruit,  mais  j'ai  dit, 
qu'on  croirait  qu'on  détruit  le  libre  arbitre.  » 
,  Gomme  Julien  avait  avancé ,  en  par- 
lant de  la  chasteté  conjugale,  que  les  im- 
pies mêmes  pouvaient  l'avoir.  »  Sachez,  lui 
dit  saint  Augustin,  que  ce  que  la  grâce  nous 
donne,  c'est  la  véritable  vertu,  et  non  ce 
qui  en  porte  le  nom,  sans  en  avoir  la  réa- 
lité. Pourquoi  confondez  -  vous  la  chasteté 
avec  la  virginité  ?  La  chasteté  appartient  à 
l'âme,  et  la  virginité  au  corps.  Et  comme  la 
virginité  du  corps  peut  être  enlevée  par 
violence,  lors  même  que  la  chasteté  de  l'â- 
me demeure  en  son  entier,  aussi  perd-t-on 
la  chasteté  de  l'âme  par  une  volonté  impu- 
dique, lors  même  que  rien  ne  donne  at- 
teinte à  la  virginité  du  corps.  C'est  pour 
cela  que  je  n'ai  pas  dit,  que  sans  la  foi  il  n'y 
a  point  de  véritable  mariage,  de  véritable 
viduité,  de  véritable  virginité  :  mais  j'ai  dit, 
qu'il  n'y  a  point  de  véritable  chasteté,  soit 
dans  le  mariage,  soit  dans  la  viduité,  soit 
dans  la  profession  de  virginité,  si  elle  n'est 
fondée  sur  la  véritable  foi.  Car  il  peut  y 
avoir  dans  l'état  du  mariage,  de  la  viduité, 
et  de  la  virginité,  des  personnes  qui,  sans 
manquer  à  aucun  des  devoirs  extérieurs  de 
leur  état,  ne  sont  pas  pour  cela  chastes,  si 
leur  volonté  est  souillée,  et  s'ils  ont  des 
désirs  impudiques.  Mais  qui  d'entre  nous, 
continue  ce  Père-  en  répondant  aux  calom- 
nies de  Julien,  a  jamais  dit,  qu'il  faut  regar- 
der, comme  un  véritable  mal,  le  mélange 
des  deux  sexes,  par  le  moyen  duquel  le  ma- 
riage use  bien  du  mal  de  la  concupiscence 
pour  la  génération  des  enfants?  La  concu- 
piscence même  ne  serait  pas  un  mal,  si 
tous  ses  mouvements  se  rapportaient  à  l'u- 
sage licite  du  mariage  pour  la  génération 
des  enfants.  Mais  comme  il  n'en  est  pas 
ainsi,  la  chasteté  conjugale  qui  réprime  ses 
mouvements,  et  qui  lui  donne  des  bornes, 
doit  être  regardée  pour  cela  même  comme 
un  véritable  bien.  » 

Il  enseigne    que  la  pudicité  ^conjugale 


Cap.  rx. 


Cap. 


Cap. 


consiste  à  faire  un  usage  légitime  du  mal 
de  la  concupiscence,  et  cpie  c'est  ce  qui  fait 
que  ce  mal  même  ne  peut  pas  être  nommé 
impudicité  ;  il  ajoute  que  l'on  ne  doit  pas 
croire  que  la  pudicité  virginale  se  trouve 
pai'mi  les  impies,  quoiqu'on  trouve  parmi 
eux  la  virginité  du  corps,  parce  que  la  véri- 
table pudicité  ne  saurait  être  dans  une  âme 
adultère.  11  prouve  contre  Julien  que  la 
concupiscence  n'est  pas  naturelle  à  l'hom- 
me, et  qu'on  ne  peut  pas  dire  que  ce  mal 
tire  son  origine  de  l'institution  de  la  nature, 
mais  de  la  mauvaise  volonté  du  premier 
homme  ;  qu'aussi  ce  mal  ne  subsistera  plus 
un  jour,  puisqu'il  sera  puni  dans  les  uns,  et 
guéri  dans  les  autres  ;  que  cette  concupis- 
cence est  une  peine  du  péché,  dont  la  na- 
ture humaine  ne  sera  exempte  que  lors- 
qu'elle sera  entièrement  guérie  ;  et  qu'elle 
n'a  pu  être  dans  le  paradis  terrestre,  telle 
qu'elle  est  aujourd'hui.  Julien  avait  rapporté 
plusieurs  endroits  des  écrits  de  Cicéron,  où  cip.  .\n. 
cet  orateur  fait  la  description  du  corps. 
Saint  Augustin  lui  en  oppose  d'autres,  où 
l'on  voit  que  cet  auteur  ne  parle  pas  des  mi- 
sères des  hommes,  comme  d'une  suite  de 
leurs  dérèglements,  mais  de  la  nature  mê- 
me, a  Cicéron,  dit  ce  Père,  voyait  le  mal, 
mais  il  n'en  connaissait  pas  la  cause.  Il  ne  ecci.îi.i. 
savait  pas  d'où  venait  ce  joug  si  pesant  qui 
accable  les  enfants  d'Adam,  depuis  le  jour 
qu'ils  sortent  du  ventre  de  leur  mère,  jus- 
qu'au jour  de  leur  sépulture,  où  ils  rentrent 
dans  la  mère  commune  de  tous ,  parce  que 
n'ayant  aucune  connaissance  des  livres  sa- 
crés, il  ne  pouvait  remonter  jusqu'au  péché 
originel,  qui  est  la  cause  de  tous  ces  maux.  « 
Il  allègue  encore  un  autre  témoignage  de  ce 
même  orateur,  où  il  reconnaissait  que  les 
affections  de  l'âme,  que  Julien  défendait 
comme  bonnes,  sont  des  affections  vicieuses,  cap.  xir. 
Il  fait  voir  que  Julien  lui-même  parlait  quel- 
quefois de  la  concupiscence  comme  d'un 
mal,  et  prouve  par  ces  paroles  de  saint  Jean  : 
N'aimez  pas  la  concupiscence  de  la  chair,  qu'il 
n'est  pas  permis  de  la  louer,  comme  faisait 
ordinairement  ce  pélagien. 

22.  Mais,  disait  Julien,  si  la  concupiscence  Cap.  nv. 
vient  du  démon,  il  faudra  dire  aussi  la  même 
chose  des  sens  de  la  vue,  de  l'ouïe,  de  l'odo- 
rat, du  goût  et  du  toucher.  «  Vous  ignorez 
donc,  lui  répond  saint  Augustin,  ou  vous 
faites  semblant  d'ignorer,  qu'il  y  a  bien  de 
la  différence  entre  la  vivacité  du  sentiment, 
l'utihté  et  la  nécessité  de  sentir  ce  qu'on  sent 


302 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


par  tous  les  sei:s  du  corps,  et  le  désir  déré- 
glé qui  fait  chercher  la  Yohipté  dans  le  sen- 
timcut?  La  vivacité  du  sentiment,  est  ce  qui 
fait  que  les  uns  perçoivent,  plus  parfaitement 
que  les  autres,  les  qualités  des  choses  cor- 
porelles, selon  leur  nature,  on  leur  manière 
d'êti-e;  et  que  l'un  distingue  mieux  que  l'au- 
tre, le  vrai  du  faux.  L'utilité  du  sentiment 
consiste  en  ce  que  par  là  nous  nous  procu- 
rons ce  qui  convient  à  la  conservation  de 
notre  corps  et  de  notre  vie,  et  que  nous 
voyons  ce  qui  est  bon,  et  ce  qui  est  mau- 
vais ;  ce  qu'il  faut  prendre,  et  ce  qu'il  faut 
rejeter;  ce.  qu'il  faut  chercher  et  ce  qu'il 
faut  éviter.  Il  y  a  nécessité  de  sentir,  lors- 
qu'on met  sous  nos  sens  ce  que  nous  vou- 
drions éloigner  de  nous.  Mais  le  désir  déré- 
glé de  sentir,  dont  il  est  question  entre  vous 
et  nous,  est  une  certaine  inclination,  qui, 
pour  se  procurer  un  plaisir  sensible,  nous 
pousse  à  chercher  certains  sentiments;  et  ce 
désir  déréglé,  qui  se  fait  sentir,  soit  que 
l'esprit  y  consente,  soit  qu'il  y  résiste,  est 
opposé  à  l'amour  de  la  vraie  sagesse,  et  l'en- 
nemi de  toutes  les  vertus.  C'est  un  mal  dont 
le  mariage  use  bien  quand  on  n'a  pour  fin 
que  la  génération  des  enfants,  et  non  la  vo- 
lupté. Il  faut  donc  distinguer  cette  volupté 
de  la  A'ivacité  du  sentiment,  de  l'utilité  et  de 
la  nécessité  de  sentir.  Jésus-Christ  a  distin- 
gué d'ime  manière  très-claire  le  sens  de  la 
vue  du  désir  déréglé  d'un  plaisir  qui  vient 
par  les  sens,  lorsqu'il  dit  dans  l'Évangile  : 
Quiconque  regardera  une  femme  avec  un  mau- 
vais désir  pour  elle,  a  déjà  commis  l'adultère 
dans  son  cœur.  Une  dit  pas  simplement  :  Qui- 
conque regardera  une  femme  ; 'û  aionie ,  avec 
un  mauvais  désir  povr  elle.  L'un  est  l'ouvrage 
de  Dieu,  qui  a  donné  un  corps  à  l'homme  ; 
l'autre  est  l'ouvrage  du  diable,  qui,  par  ses 
conseils,  a  fait  tomber  l'homme  dans  le  pé- 
ché. » 

Saint  Augustin  apporte  d'autres  exemples 
où  l'on  distingue  le  senliraent  d'avec  le  désir 
déréglé;  l'homme  de  bien  admire  l'éclat  de 
l'or,  mais  d'une  manière  bien  différente  de 
l'avare;  son  admiration  est  toute  religieuse, 
parce  qu'il  la  rapporte  au  Créateur,  tandis 
que  l'avare  est  tout  occupé  du  désir  de  jouir 
de  la  créature.  «L'esprit  est  assurément  tou- 
ché d'un  sentiment  de  piété,  quand  on  en- 
tend les  divins  canliques,  mais  si,  par  un  dé- 
sir déréglé,  on  cherche  à  contenter  par  le 
son  le  sens  de  l'ouïe,  au  lieu  de  s'appliquer 
au  sens  des  paroles  qu'on  chante,  il  est  cer- 


tain cju'on  pèche  et  que  le  péché  est,  sans 
comparaison  plus  grand,  si  on  prend  plai- 
sir à  des  chansons  impertinentes ,  ou  même 
impm'es.  Les  trois  autres  sens  sont  moins 
agissants,  et  en  quelque  sorte  plus  grossiers, 
puisqu'ils  n'agissent  que  sur  les  objets  qui 
sont  près  de  nous,  et  que  leur  action  ne  va 
pas  jusqu'à  ceux  qui  en  sont  éloignés.  L'odo- 
rat discerne  les  odeurs,  le  goût,  la  saveur,  et 
en  touchant,  on  distingue  phisieiu-s  choses 
qui  ne  se  connaissent  que  par  le  toucher.  Or, 
quand  on  ne  cherche  qu'à  éviter  les  incom- 
modités que  causent  la  puanteur,  l'amer- 
tume, le  chaud,  le  froid,  l'âpreté,  la  dureté 
et  la  pesanteur  de  certains  corps,  on  ne  doit 
pas  regarder  cela  comme  un  appétit  désor- 
donné de  la  volupté,  mnis  comme  une  pré- 
caution raisonnable  contre  ce  qui  nous  ferait 
de  la  peine.  »  Saint  Augustin  décide  que  le 
désir  des  plaisirs  qui  ne  sont  en  aucune  ma- 
nière nécessaires,  est  un  mal  ;  et  il  fait  re- 
marquer que  la  faim  et  le  plaisir  de  manger, 
sont  deux  choses  bien  différentes.  «  Quand , 
dit-il,  la  nature  demande  en  quelque  sorte  le 
soulagement  dont  elle  a  besoin,  on  n'appelle 
pas  cela  volupté,  mais  faim  ou  soif;  mais 
lorsqu'on  a  pris  ce  que  la  nécessité  oblige  de 
rechercher  et  que  le  plaisir  nous  porte  à  con- 
tinuer de  manger,  c'est  alors  la  volupté  qui 
nous  entraîne,  et  c'est  un  mal  auquel  il  faut 
résister.  Car  ce  n'est  point  en  mangeant, 
mais  en  gardant  une  exacte  tempérance, 
qu'il  faut  apaiser  l'ardeur  qu'on  a  pour  le 
plaisir  démanger.  »  Saint  Augustin  dit  quel- 
que chose  en  passant  des  bornes  que  l'on  se 
serait  prescrites  dans  l'état  d'innocence  poiu" 
le  boire  et  le  manger,  et  de  l'usage  que 
l'homme  innocent  aurait  fait  de  l'arbre  de 
de  vie;  puis,  revenant  à  l'état  où  nous  som- 
mes, il  dit  que  les  saints  mêmes  y  sont  tou- 
jours exposés  à  la  tentation,  et  aux  surprises 
de  la  concupiscence,  lors  môme  que  les  yeux 
ne  voient  rien,  et  que  les  oreilles  n'entendent 
rien  qui  soit  capable  de  les  tenter.  «  Quels 
etlbrts,  diî-il,  ne  fait-elle  pas  pour  rappeler 
dans  notre  esprit  des  choses  oubliées  depuis 
longtemps,  pour  exciter  en  nous  nu  plaisir 
honteux  par  le  souvenir  importun  des  cho- 
ses passées,  et  pour  troubler  les  âmes  chas- 
tes dans  leurs  pieux  desseins  par  le  bruit  et 
le  soulèvement  de  la  cupidité  charnelle? 
Elle  nous  cache  la  juste  mesure  des  besoins 
du  corps,  et  nous  entraine  au  delà  des  boi'- 
nes  du  nécessaire,  vei-s  tout  ce  qui  peut  flat- 
ter la   sensualité.  De  là  vient  cette  guerre 


[iV"  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIiN,  ÉVÈQUE  D'HIPPONE. 


303 


continuelle  que  les  saints  se  font  par  rapport 
au  boire  et  au  manger.  » 

Le  saint  Docteur  remarque  toutefois  que 
nous  pouvons  bien  user  de  ce  mal  qui  est  en 
nous,  lorsque  le  plaisir  ne  nous  fait  faire 
que  ce  qui  est  convenable  à  notre  santé; 
et  que  ce  plaisir  même  ne  peut  être  con- 
damné ,  parce  qu'il  n'est  pas  tel  qu'on  ne 
puisse  en  mangeant  occuper  son  esprit  de 
bonnes  choses.  Il  cite  un  passage  de  Gicéron, 
qui  regardait  la  volupté  du  corps,  comme 
contraire  à  la  liberté  de  l'esprit;  et  un  de 
Platon  qui  dit  que  les  voluptés  du  corps  sont 
des  amorces  et  des  appas  qui  engagent  les 
hommes  dans  toutes  sortes  de  crimes. 

23.  Julien,  pour  justifier  ce  qu'il  avait  dit 
de  la  concupiscence,  avait  appelé  à  son  se- 
cours une  foule  de  philosophes,  comme  si 
les   erreurs  de  quelques  savants  pouvaient 
être  un  titre  en  faveur  de  ceUes  dont  il  avait 
pris  la  défense.  Mais  saint  Augustin  lui  re- 
proche de  n'avoir  cité  pour  son  sentiment 
que  ceux  qui  ont  traité  des  choses  naturelles, 
et  non  cette  partie  de  la  philosophie  qui  re- 
garde les  mœurs,  que  nous  appelons  morale. 
«  C'est,   dit-il,   que  vous  avez  appréhendé 
que  ces  philosophes,  prenant  mieux  que  vous 
le  parti  de  l'honnêteté,  ne  vous  accablent  par 
le  poids  de  leur  autorité  ,  eux  qui  ont  tou- 
jours donné  la  préférence  à  ce  qu'il  y  a  de 
plus  honnête,  et  qui  ne  se  sont  pas  même  si 
fort  écartés  de  la  foi  chrétienne  que  les  pé- 
lagiens,  du  moins  à  l'égard  du  péché  origi- 
nel, puisqu'ils  ont  dit,  que  si  la  vie  des  hom- 
mes est  sujette  à  tant  de  vicissitudes  et  de 
misères,  c'est  par  un  juste  jugement  de  ce- 
lui quia  créé  le  monde  et  qui  le  gouverne.» 
Il  fait  voir  à  Julien  que  ces  paroles  de  l'A- 
pôtre :  Les  membres  du  corps  qui  paraissent 
les  plus  faibles,  sont  les  plus  nécessaires;  nous 
honorons  même  davantage  par  nos  vêtements  les 
parties  du  corps  qui  paraissent  les  moins  honora- 
bles, etc.,  que  ce  pélagien  citait  pour  lui,  fai- 
saient directement  contre  lui,  selon  la  ver- 
sion latine,  et  plus  encore  selon  le  grec  ; 
puisqu'en  cet  endroit  l'Apôtre  parle  des  par- 
ties flu  corps  qu'on  couvre  avec  plus  de  soin 
et  d'honnêteté;  que  c'est  dans  le  soin  qu'on 
a  de  les  couvrir  avec  honnêteté,  que  consiste 
l'honneur  qu'on  leur  rend,  et  qu'on  les  cou- 
vre avec  d'autant  plus  de  soin,  qu'elles  sont 
moins  honnêtes.  Il  soutient  que  ce  fut  uni- 
quement la  honte  qui  obligea  nos  premiers 
pères  de  se  couvrir  avec  des  feuilles  de  fi- 
guier, pour  cacher  ce  qui  les  faisait  rougir, 


et  que  cette  honte  était  l'effet  de  la  concu- 
piscence qui  les  couvrait  de  confusion.  Il 
marque  en  peu  de  mots  les  différentes  ten- 
tations qui  sont  les  suites  du  péché  originel. 
«  Voyez,  dit-il,  combien  de  maux  les  hom- 
mes ont  à  souffrir,  et  combien  tout  le  temps 
de  l'enfance  est  rempli  de  vanités,  de  peines, 
d'erreurs  et  de  terreurs;  quand  ils  sont  en- 
suite dans  un  âge  plus  avancé,  à  combien 
de  périls  se  trouvent-ils  exposés  ?  Je  parle 
de  ceux-mêmes  qui  se  sont  consacrés  au  ser- 
vice de  Dieu.  Ils  doivent  être  en  garde  con- 
tre les  tentations  de  l'erreur,  qui  empêche 
de  voir  le  bien  qu'il  faut  faire,  et  le  mal  qu'il 
faut  éviter;  contre  celles  du  travail  et  de  la 
douleur,  qui  portent  à  l'abattement  et  à 
l'impatience  ;  contre  celles  de  la  passion,  qui 
allume  l'amour  des  plaisirs  charnels  ;  contre 
celles  de  la  tristesse,  qui  conduit  à  l'ennui 
et  au  dégoût;  contre  celles  de  la  vaine 
gloire,  qui  porte  toujours  à  s'élever  au-des- 
sus des  autres;  et  contre  beaucoup  d'autres 
tentations  qu'il  n'est  pas  possible  de  mar- 
quer, qui  rendent  si  pesant  le  joug  qui  acca- 
ble les  enfants  d'Adam.  » 

24.  Après  avoir  répondu  aux  deux  pre- 
miers livres  de  Julien,  dans  les  précédents, 
saint  Augustin  vient  à  ce  qui  était  contenu 
dans  le  cinquième.  Ce  pélagien  l'accusait  de 
soutenir  une  doctrine,  d'où  il  suivait  que 
Dieu  est  injuste.  «EUe  n'est  point,  lui  répond 
ce  Père,  telle  que  vous  dites,  puisque  ce  qui 
vous  parait  si  étrange  se  réduit  à  dire  que 
celui  dont  la  beauté  surpasse  celle  de  tous 
les  enfants  des  hommes,  est  le  Sauveur  de 
tous  les  hommes,  et  par  conséquent  des  en- 
fants; que  l'homme,  parle  péché  d'Adam, 
est  devenu  semblable  au  néant,  et  que  ses 
jours  passent  comme  l'ombre  ;  que  c'est  très- 
justement  que  les  entants  mêmes  sont  punis 
par  tous  ces  diÛ'érents  maux  que  nous  voyons 
tous  les  jours;  que  ce  n'est  pas  au  diable 
qu'il  faut  attribuer  la  création  des  hommes, 
mais  la  dépravation  du  gem-e  humain  dans 
son  origine  ;  que  le  péché  n'est  point  une 
substance,  mais  une  action;   que  la  conta- 
gion du  péché  des  premiers  hommes  a  passé 
à  leur  postérité  ;   enfin  que  la  connaissance 
n'a  pas  manqué  à  celui  en  qui  tous  ont  pé- 
ché, et  de  qui  le  péché  a  passé  à  tous  les  au- 
tres hommes.  »  11  dit  à  Julien  que  la  raison 
pour  laquelle  l'hérésie  pélagienne  était  re- 
jetée avec  horreur  par  le  commun  des  fidè- 
les, c'est  que  ces  fidèles  ne  doutent  pas  que 
Dieu  ne  soit  le  créateur  de  tous  les  hommes. 


Analysa 
cinquième 
vre,  pag.  6 


Cap.  I. 


Psal.  cxLii 
4. 


504 


HISTOmE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


et  qu'il  ne  soit  très-juste;   que  c'est  pour 
cela  qu'ils  ne  sauraient  se  persuader,  que 
sous  un  Dieu,  créateur  très-bon  et  très-juste, 
il  pût  arriver  que  leurs  enfants,  qui  sont  les 
images  de  Dieu,  soufl'rissent  dans  un  âge  si 
tendre,  tous  les  maux  qu'ils  leur  voient  souf- 
frir, s'il  n'y  avait  pas  un  péché  oj'iginel.  Il 
Cap,  II.       prouve  contre  lui,  que  le  mot  grec  de  Péri- 
zomata,  que  l'usage  a  fait  passer  dans  la  ver- 
sion  latine,    ne   doit  s'entendre   que  d'une 
ceinture  que  nos  premiers  pères  mirent  au- 
tour de  leurs  reins,  et  non  d'un  vêtement  en- 
tier, comme  le  voulait  ce  pélagien,  en  quoi 
il  s'appuie,  non  de  l'autorité  des  peintres, 
comme  Julien   le   lui  reprochait;    mais   de 
cnp. m.       celle  des  divines   Écritures.  Julien  louait  la 
concupiscence,    comme   la  vengeresse   du 
crime,  et  l'exécutrice   des   ordres  de    Dieu 
contre  le  péché,  a  Louez  donc  aussi  Satan, 
lui  répond  saint  Augustin,  parce  qu'il  a  été 
aussi  le  vengeur  du  péché,  lorsque  l'Apôtre 
lui  livra  un  homme  pour  mortifier  sa  chair. 
icor.  V,  8.    Louez  Saiil,  quoiqu'il  ait  été  un  méchant  roi, 
parce  qu'il  a  été  destiné  pour  punir  les  pé- 
chés d'un  peuple,  selon  cette  parole  du  Sei- 
,,o=°-  ^"''  gneur  :  Je  vous  ai  donné  un  roi  dans  ma  fu- 
reur. »   Saint  Augustin  fait  voir  que  la  même 
chose  peut  être  péché,  peine   du  péché  et 
cause  du  péché  ;  et  il  en  fait  l'application  à  la 
concupiscence,  en  ces  termes  :  «  Comme  l'a- 
veuglement du  cœur  dont  Dieu  seul  peut  le 
délivrer  en  l'éclairant,  est,  et  un  péché  par 
lequel  on  ne  croit  point  en  Dieu,  et  la  peine 
d'un  péché,   puisque  c'est  une  juste  puni- 
tion du  cœur  orgueilleux,  et  la  cause  du  pé- 
ché, toutes  les  fois  que  suivant  l'égarement 
d'un  cœur  aveuglé,  on  se  porte  à  commettre 
quelque  péché  :  de  même  la  concupiscence 
de  la  chair,  à  laquelle  le  bon  esprit  oppose 
toujours  des  désirs  contraires,  est  un  péché, 
parce  qu'elle  est  une  révolte  contre  l'empire 
de  l'esprit  ;  elle  est  la  peine  du  péché,  parce 
qu'elle  est  la  peine  que  l'homme  a  méritée 
en  désobéissant  à  Dieu;  elle  est  la  cause  du 
péché,    ou  par  le   défaut  de   celui  qui   lui 
donne  son  consentement,  ou  par  la  contagion 
qui  passe  dans  les  enfants.  » 

Le  saint  Docteur  explique  ensuite  la  dif- 
férence qu'il  y  a  entre  sentir  de  mauvais 
désirs  et  suivre  ses  mauvais  désirs.  «  Autre 
chose  ,  dit-il ,  est  d'avoir  dans  son  cœur  de 
mauvais  désirs,  autre  chose  est  de  s'en  ren- 
dre esclave  par  le  consentement  qu'on  leur 
donne.  Si  cela  n'était  pas  ainsi,  ce  serait  en 
Ecci.xvi,3o.  vain  qu'il  aurait  été  écrit  :  Ne  vous  laissez 


point  aller  à  vos  mauvais  désirs,  si  un  homme 
était  coupable  dès  lors  qu'il  sent  ces  désirs 
qui  l'agitent,  et  qui  s'efforcent  de  l'entrahier 
au  mal.  On  ne  peut  pas  dire,  en  eftet,  qu'un 
homme  suive  ses  mauvais  désirs  quand  il  les 
combat,  qu'il  leur  résiste,  qu'il  leur  refuse 
son  consentement.»  Puis  il  apporte  plusieurs 
exemples  de  l'Écriture,  où  l'on  voit  qu'il  y  a 
des  péchés  qui  sont  la  peine  d'autres  péchés. 
«N'ya-t-ilpas,  dit-il,  un  péché  qui  est  la  peine 
du  péché  dans  l'endroit  où  le  prophète  Isaïe 
dit ,  au  nom  de  son  peuple  :  Pourquoi,  Sei- 
gneur, nous  avez-vous  fait  sortir  de  vos  voies  ? 
Pourquoi  avez-vous  endurci  notre  cœur  jusqu'à 
perdre  votre  crainte?  N'y  a-t-il  pas  un  péché 
qui  est  la  peine  du  péché  dans  l'endroit  où 
le  même  prophète  dit  à  Dieu  :  Vous  vous  êtes 
mis  en  colère  contre  nous ,  parce  que  nous  vous 
avons  offensé;  c'est  pourquoi  nous  nous  sommes 
égarés,  et  nous  sommes  tous  devenus  comme  un 
homme  impur.  S'il  y  a  donc  des  hommes  que 
Dieu  appelle  à  la  pénitence  par  une  miséri- 
corde toute  gratuite ,  il  y  en  a  qu'il  laisse 
dans  l'impénitence  par  un  jugement  très- 
juste,  et  qu'il  livre  cà  des  passions  honteuses, 
afin  qu'ils  fassent  des  actions  qui  marquent 
un  renversement  de  raison;  et  par  là,  les 
mêmes  péchés  sont  la  peine  des  péchés  pas- 
sés et  la  cause  des  peines  à  venir,  comme 
cela  est  ai'rivé  à  l'égard  d'Achab,  que  Dieu 
livra  au  mensonge  des  faux  prophètes,  et  de 
Roboam  ,  que  Dieu  livra  au  mauvais  conseil 
des  jeunes  gens.  Dieu  ne  rend  pas  pour  cela 
les  volontés  mauvaises,  mais  il  s'en  sert  pour 
l'accomplissement  de  ses  desseins.  Il  y  a  des 
temps  où  il  exauce,  parce  qu'il  aime,  et  qu'il 
veut  faire  miséricorde  ;  mais  il  y  en  a  où  il 
n'exauce  pas,  parce  qu'il  est  en  colère;  il  y 
en  a  encore  d'autres  où  il  n'exauce  pas,  parce 
qu'il  veut  faire  miséricorde,  et  où  il  exauce, 
parce  qu'il  est  en  colère  ;  mais  dans  toutes 
ces  rencontres ,  il  ne  cesse  point  d'être  tou- 
jours également  bon,  également  juste.  » 

23.  Saint  Augustin  convient  que  dans  le 
paradis  terrestre,  le  premier  péché  a  com- 
mencé par  l'esprit  qui  s'est  élevé  en  lui- 
même,  et  qui  a  donné  son  consentement  à  la 
transgression  du  précepte,  à  cause  de  ces  pa- 
roles du  serpent  :  Vous  serez  comme  des  dieux'; 
«  mais  c'est  l'homme  tout  entier ,  ajoute- 
t-il,  qui  a  commis  ce  péché.  Pour  lors,  notre 
chair  est  devenue  une  chair  de  péché  ,  et  sa 
•corruption  ne  peut  être  guérie  que  par  une 
chair  semblable  à  la  chair  du  péché.  Mais 
comment  est-ce  que  les  âmes  se  trouvent 


Cap.  iv. 


Cap.  IV. 


[IV°  ET  Y°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


SOS 


enveloppées  dans  la  même  condamnation 
que  la  chair,  si  tout  ce  qui  naît  n'est  purifié 
par  l'eau  de  la  renaissance?  On  ne  peut 
guère  dire  autre  chose ,  sinon  que  les  âmes 
se  trouvent  infectées  aussi  bien  que  les 
corps,  parce  qu'elles  viennent  d'Adam  aussi 
bien  que  la  chair  ;  ou  que  les  âmes  étant  mi- 
ses dans  un  corps  qui  est  comme  un  vaisseau 
infecté ,  elles  se  trouvent  infectées  par  l'u- 
nion avec  ce  corps ,  où  elles  sont  enfermées 
par  un  secret  jugement  de  la  justice  divine.  » 
Saint  Augustin  propose  ces  deux  opinions , 
sans  décider  ce  qu'il  faut  penser  sur  l'origine 
de  l'âme  ,  avouant  qu'il  l'ignore.  «  Mais  je 
sais  certainement,  ajoute-t-il,  qu'il  faut  tenir 
comme  vrai  ce  que  la  foi  véritable,  ancienne 
et  catholique ,  dont  la  croyance  du  péché 
originel  fait  partie ,  me  fera  voir  n'être  pas 
faux.  »  Julien  comparait  la  concupiscence  à 
la  faim  et  à  d'autres  incommodités  sembla- 
bles. «  Cette  comparaison,  réplique  saint  Au- 
gustin, n'est  pas  juste ,  car,  de  ce  que  per- 
sonne n'est  pas  le  maître  d'avoir  faim,  d'avoir 
soif  et  de  digérer  ce  qu'il  a  mangé,  quand  il 
veut ,  il  suit  que  ce  sont  des  nécessités  aux- 
quelles il  faut  satisfaire,  en  procurant  au 
corps  les  rafraîchissements  et  les  soulage- 
ments nécessaires  ,  pour  l'empêcher  d'en 
être  incommodé  ou  de  mourir.  Mais  le  corps 
est  -  il  incommodé  ou  meurt  -  il ,  si  on  ne 
donne  pas  son  consentement  à  la  concupis- 
cence? Il  ne  faut  donc  pas  confondre  les 
maux  que  nous  souffrons  par  la  patience, 
avec  ceux  que  nous  réprimons  par  la  conti- 
nence. »  Le  saint  Évêque  fait  voir  que  l'É- 
glise ne  fait  aucune  injustice  aux  docteurs 
de  l'hérésie  pélagienne ,  en  les  mettant  hoi-s 
de  son  sein.  Comme  elle  est  sainte  ,  une  et 
catholique,  figurée  par  le  nom  même  du  pa- 
radis terrestre,  ceux  qui  en  sont  les  pasteurs 
doivent  exhorter  les  fidèles  à  éviter  ces  nou- 
veaux  hérétiques,  pour  ne  pas  périr  avec 
eux.  Parlant  des  vierges  chrétiennes,  il  dit 
que  ce  n'est  pas  seulement  par  l'habit  qu'el- 
les se  distinguent;  mais  qu'elles  soutiennent 
encore  la  sainteté  de  leur  profession  par  la 
pureté  de  leur  âme  et  de  leur  corps,  en  résis- 
tant à  la  concupiscence  de  la  chair;  que  c'est 
tout  ce  qu'on  peut  faire  dans  cette  vie,  où  il 
nous  est  impossible  de  l'anéantir;  mais  qu'on 
peut  la  vaincre,  en  lui  résistant  et  en  la  com- 
battant. Julien  prétendait  qu'elle  était  natu- 
relle à  l'homme,  et  qu'elle  aurait  été  dans  le 
paradis  telle  qu'elle  est  maintenant.  Saint 
Augustin    convient    qu'elle   est    naturelle , 


Cap.  IX. 


puisque  l'homme  naît  avec  elle  ;  mais  il  sou. 
tient  que  l'on  ne  peut  introduire  dans  le 
paradis  avant  le  péché  une  loi  de  péché  telle 
qu'est  la  concupiscence.  Comme  ce  pélagien 
l'avait  accusé  d'approcher  des  erreurs  des 
paterniens ,  qui ,  difl'érant  peu  des  mani- 
chéens ,  disaient  que  le  corps  de  l'homme  , 
depuis  les  reins  jusqu'aux  pieds,  a  été  fait 
par  le  diable,  il  leur  dit  anathème.  Il  justifie  tap.  vm 
ensuite  ce  qu'il  avait  dit  dans  son  premier 
livre  du  Mariage  et  de  la  Concupiscence, 
pour  distinguer  le  bien  du  mariage  d'avec  le 
mal  de  cette  concupiscence  ;  et  fait  voir  qu'on 
n'est  victorieux  de  ses  efforts  que  par  la 
charité ,  qui  est  répandue  dans  nos  cœurs 
par  le  Saint-Esprit.  Il  entreprend  aussi  la 
défense  de  ce  qu'il  avait  avancé  après  saint 
Paul,  que  la  même  chose  peut  être  péché  et 
peine  du  péché  ;  et  montre  qu'un  même  mal 
qui  sert  à  punir  les  pécheurs  peut  venir  et 
de  la  malice  du  diable  et  de  la  justice  de 
Dieu,  puisque  le  diable  se  porte  par  sa  pro- 
pre malice  à  faire  du  mal  aux  hommes,  et 
que  Dieu ,  par  un  jugement  très-juste ,  lui 
permet  de  faire  du  mal  aux  pécheurs.  11 
explique  en  quel  sens  le  diable  est  cause  de 
la  mort,  et  en  quel  sens  Dieu  en  est  l'auteur. 
Le  diable  est  la  cause  de  la  mort,  parce  que 
c'est  lui  qui  par  ses  artifices  a  trompé  l'hom- 
me :  Dieu  n'en  est  pas  la  cause  comme  pre- 
mier auteur,  mais  comme  vengeur  du  péché. 
Par  ce  moyen ,  il  ôte  la  contradiction  appa- 
rente qui  se  trouve  entre  ces  deux  passages 
de  l'Ecriture  :  Dieu  n'a  point  fait  la  mort ,  et 
la  vie  et  la  mort  viennent  de  Dieu.  Il  renvoie 
Julien  à  l'exemple  de  Caton ,  pour  se  con- 
vaincre que  l'on  peut  posséder  le  vase  de 
son  corps  sans  se  laisser  vaincre  à  la  mala- 
die de  la  concupiscence  charnelle,  car  le 
poète  Lucain  a  dit  de  lui  : 

Jamais  des  passions  l'amorce  dangereuse, 
De  son  âme  ne  put  troubler  l'égalité, 
Et  jamais  il  ne  fit  rien  pour  la  volupté. 

Il  lui  prouve  encore  que  les  auteurs  païens    cap.  x. 
ont  reconnu  que  la  volupté  est  ennemie  de 
la  philosophie,  parce  qu'elle  ne  saurait  s'ac- 
corder avec  une  apphcation  sérieuse  de  l'es- 
prit. 

26.  Julien  appliquait  aux  enfants,  en  sup-    cap.  si. 
posant  qu'ils  naissaient  avec  le  péché  origi- 
nel, ces  paroles  de  l'Évangile  :  //  vaudrait  __Mami.  .nxvi, 
mieux  pour  lui  qu'il  ne  fût  jamais  venu  au  mon- 
de. Saint  Augustin  soutient  qu'elles  ne  regar- 
dent pas  tous  les  pécheiu-s,  mais  seulement 


Fap. 
Etcl, 
I  lliei 


xr, 11. 
sal.iv. 


506 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


les  plus  scélérats  et  les  plus  impies.  Il  ne 
doute  pas  que  les  enfants  qui  meurent  sans 
baptême  ne  doivent  être  traités  avec  moins 
de  rigueur  que  tous  les  autres  damnés,  puis- 
qu'ils n'ont  que  le. péché  originel,  et  qu'ils 
ne  sont  chargés  d'aucun  péché  qui  leur  soit 

Cap, XII,  propre.  Néanmoins,  il  avoue  qu'il  ne  peut 
déterminer  précisément  qaelle  sera  la  gran- 
dear  des  peines  qu'ils  auront  à  souffrir,  ni 
s'il  vaudrait  mieux  pour  eux  qu'ils  ne  fussent 
pas ,  que  d'être  dans  un  état  de  damnation. 
Julien  s'efforçait  de  montrer  qu'il  n'y 
avait  point  eu  de  véritable  mariage  entre 
la  sainte  Vierge  et  saint  Joseph,  parce 
qu'ils  avaient  vécu  en  continence  ;  sur  quoi 
saint  Augustin  dit  qu'il  suivrait  de  là  qu'il 
n'y  aurait  plus  de  mariage  entre  un  mari 
et  sa  femme ,  dès  lors  qu'il  n'y  a  plus 
entr'eux  de  commerce  charnel,  II  montre 
que  des  trois  biens  qui  appartiennent  au 
mariage,  la  fidéhté,  les  enfants  et  le  sacre- 
ment, [il  n'y  en  a  point  qui  ne  se  trouve 
dans  le  mariage  de  saint  Joseph  et  de  la 
Vierge  ;  la  fidélité,  en  ce  qu'il  n'y  a  point  eu 
d'adultère;  les  enfants,  en  la  personne  de 
Jésus-Christ;  le  sacrement,  en  ce  qu'il  n'y  a 
point  eu  de  divorce;  que  l'Écriture  appelle 
la  vierge  Marie  la  femme  de  Joseph,  et  qu'elle 
conduit  jusqu'à  lui  la  généalogie  de  Jésus- 
Christ,  pour  lui  conserver  sans  doute  le  rang 
que  lui  donnait  dans  ce  mariage  la  qualité 
de  mari  et  d'époux  de  Marie  ;  que   quand 

Luc,  m,  i3.  saint  Luc  a  dit  de  Notre-Seigneur  qu'on  le 
croyait  fils  de  Joseph,  c'est  parce  que  les 
hommes  le  croyaient  fils  de  Joseph  selon  la 
chair,  et  que  c'est  cette  fausse  opinion  qu'il 
a  voulu  détruire  ;  mais  qu'il  n'a  pas  pour 
cela  voulu  nier  contre  le  témoignage  de 
l'ange,  que  Marie  ne  fût  l'épouse  de  Joseph. 
Julien  avouait  que  Marie  avait  été  appelée  la 
femme  de  Joseph  en  vertu  de  la  foi  mutuelle 
qu'ils  s'étaient  donnée  en  se  mariant.  ((  Or, 
ajoute  saint  Augustin ,  cette  foi  est  toujours 
demeurée  inviolable  :  car,  quand  Joseph  eut 
appris  que  cette  sainte  Vierge  était  devenue 
féconde  d'une  manière  toute  divine,  il  ne 
songea  pas  à  épouser  une  autre  femme,  et  il 
ne  crut  pas  que  le  lien  de  la  foi  conjugale, 
qui  les  imissait  ensemble ,  dût  être  rompu 
par  l'engagement  où  il  se  trouvait  de  s'abs- 
tenir pour  toujours  de  l'usage  du  mariage.» 
Ce  qui  est  dans  un  sujet,  disait  Julien,  ne 
peut  subsister  sans  son  sujet;  d'oîi  il  suit 
que  le  mal  qui  est  dans  le  père  comme  dans 
son  sujet,  ne  pouvant  s'étendre  jusqu'au  fils, 


il  ne  peut  y  faire  passer  la  souillure  qui  rend 
le  père  criminel.  «  Vous  auriez  raison  de  cop,  > 
parler  ainsi,  lui  répond  saint  Augustin,  si 
le  mal  de  la  concupiscence  ne  passait  point 
du  père  au  fils  ;  mais  comme  personne  n'est 
engendré  sans  ce  mal,  et  qu'ainsi  il  n'y  a  per- 
sonne qui  naisse  san  s  ce  "mal,  comment  pouvez- 
A'ous  dire  que  ce  malne  peut  parveuirjusqu'au 
fils,  puisque  certainement  il  y  passe  ?  Car,  ce 
n'est  pas  Aristote,  mais  l'Apôtre,  qui  dit  : 
Le  péché  est  entré  dans  le  monde  par  un  seul  iiom.' 
homme,  et  il  est  passé  ainsi  dans  tous  les  hom- 
mes. Vous  n'avez  toutefois  rien  dit  que  de 
vrai,  lorsque  vous  avez  dit  que  les  choses 
qui  sont  dans  un  sujet,  comme  les  quahtés, 
ne  peuvent  subsister  sans  le  sujet  dans  le- 
quel-eUes  sont,  comme  la  couleur  et  la  forme 
subsistent  dans  le  corps  qui  est  leur  sujet; 
mais  elles  passent  à  d'autres  corps  en  se 
communiquant,  non  en  changeant  de  lieu. 
C'est  ainsi  que  les  Éthiopiens,  qui  sont  noii-s , 
engendrent  des  enfants  qui  le  sont  aussi.  On 
ne  peut  pas  dire  néanmoins  que  les  pères 
fassent  passer  leur  coulem'  à  leurs  enfants, 
comme  un  habit  dont  ils  se  dépouilleraient; 
ils  communiquent  seulement  une  qualité  qui 
est  propre  à  leur  corps  ,  aux  corps  qui  vien- 
nent d'eux  par  la  propagation.  C'est  ainsi 
que  les  vices,  quoiqu'ils  soient  attachés  à  un 
sujet ,  ne  laissent  pas  de  passer  des  parents 
aux  enfants ,  non  en  quittant  un  sujet  pour 
passer  dans  un  autre,  ce  qui  est  impossible, 
mais  en  se  communiquant  et  en  infectant  un 
autre  sujet,  n 

27.  On  voit  par  là  comment,  à  l'excep-  cap.  x 
tion  de  la  chair  de  Jésus-Christ,  la  chair  de 
tous  les  autres  hommes  est  une  chair  de 
péché,  parce  que  la  concupiscence,  par  la- 
quelle Jésus-Christ  n'a  pas  voulu  être  conçu, 
a  fait  une  propagation  du  mal  dans  tout  le 
genre  humain.  Car,  quoique  le  corps  de 
Marie  ait  été  conçu  par  la  concupiscence  de 
ses  parents,  elle  n'a  pas  cependant  fait  pas- 
ser ce  mal  dans  le  corps  qu'elle  a  conçu, 
parce  que  la  concupiscence  n'a  point  eu  de 
part  à  cette  conception.  Cela  n'empêche  pas 
que  Jésus-Christ  n'ait  pris  notre  mortalité, 
puisqu'il  a  pris  sa  chair  du  corps  de  sa  mère, 
qui  était  mortel;  et  s'il  n'avait  pas  pris  la 
mortalité,  mais  seulement  la  substance  de 
sa  chair  du  corps  de  sa  mère ,  non-seule- 
ment sa  chair  ne  serait  pas  une  chair  de 
péché,  mais  elle  n'aurait  pas  même  pu  avoir 
la  ressemblance  de  la  chair  du  péché;  ce 
qui  est   contraire   à  l'Apôtre,    qui   dit  que 


[iv=  ET  V  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

'  Jésus-Christ  a  été  envoyé  revêtu  d'une  chair 
semblable  à  la  chair  du  péché.  La  nature  hu- 
maine de  Jésus-Christ  n'est  donc  différente 
de  la  nôtre,  qu'en  ce  (ju'elle  n'a  pas  les  dé- 
fauts de  la  nôtre  :  car  il  est  né  sans  défauts, 
ce  qui  n'est  arrivé  à  aucun  des  hommes. 

Cap  ïvi,  Julien  avait  avancé  que  le  péché  ne  peut 
naître  de  ce  qui  est  exempt  de  péché,  en 
quoi  il  tenait  le  langage  des  manichéens. 
Saint  Augustin  le  réfute  par  l'exemple  de 
l'ange  et  de  l'homme  qui  ont  péché  l'un  et 
l'autre,  quoiqu'ils  eussent  tous  les  deux  été 
créés  exempts  de  péché.  D.  lui  fait  voir  aussi 
que  ce  n'est  pas  un  péché  d'user  bien  d'une 
chose  mauvaise,  comme  de  la  concupis- 
cence ;  sur  quoi  il  allègue  cet  endroit  des 

Prov.  X,  sec.  Ppoverbes  :  L'homme  bien  instruit  se?'a  sage, 
il  se  senira  du  serviteur  imprudent.  Julien 
disait  encore  que  l'homme  se  suffit  à  lui- 
même  pour  donner  des  lois  à  tous  ses  mou- 
vements naturels.  Mais,  comme  le  remarque 
saint  Augustin,  la  doctrine  de  l'Église  ne  le 
disait  pas  ;  elle  dit  avec  l'Apôtre,  en  parlant 

icor.v;i,7.  sur  cette  matière  :  Chairun  a  son  don  particu- 
lier, selon  qu'il  le  reçoit  de  Dieu. 

Analyse  dn       28.  Le  sixième  livre  est  une  réponse  au 

sixième  liTre,  ^ 

igE-  66^  ^^      quatrième  de  Julien.  Samt  Augustin  s'y  ap- 

'"•  plique  particulièrement  à  montrer  que  tous 

les  maux  avec  lesquels  les  hommes  nais- 
sent, sont  une  preuve  certaine  que  leur  ori- 
gine est  infectée.  Il  insiste  surtout  sur  le 
baptême  que  l'on  donne  aux  enfants  ;  et 
comme  Julien  soutenait  qu'ils  n'étaient  point 
purifiés  du  péché  originel  par  le  sacrement 
de  la  régénération  :  «  Ce  n'est  pas  là,  lui  dit- 
il,  ce  que  nous  apprenons  de  celui  qui  a  dit  : 

Rom  m.  Nous  tous  çui  ttvous  été  baptisés  en  Jésus - 
Christ,  nous  avons  été  baptisés  en  sa  mort. 
Car,  en  disant  nous  tous\,  il  n'a  point  ex- 
cepté les  enfants.  Or,  qu'est-ce  qu'être  bap- 
tisé en  la  mort  de  Jésus-Christ,  sinon  mou- 
rir an  péché  ?  Si  donc  les .  enfants  sont  bap- 
tisés en  Jésus-Christ,  ils  sont  baptisés  dans 
sa  mort  ;  et  s'ils  sont  baptisés  dans  sa  mort, 
ils  ont  été  entés  en  lui  par  la  ressemblance 
de  sa  mort,  et  par  conséquent,  ils  meurent 

Cap.  V.  au  péché.  »  Le  saint  Docteur  appuie  cette 
preuve  par  une  assez  longue  explication 
qu'il  donne  des  chapitres  cinq  et  six  de  l'Épî- 
tre  aux  Romains,  et  du  cinquième  de  la  se- 
conde aux  Corinthiens  ;  après  quoi,  il  dit  : 
«  Quand  même  on  ne  pourrait  découvrir  en 
aucune  manière,  comment  le  péché  originel, 
pardonné  au  père  et  à  la  mère,  passe  dans 
les  enfants,  ni  l'expliquer  par  des  paroles,  il 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


307 


faudrait  néanmoins  tenir  comme  certain  et 
indubitable,  ce  qui  a  été  prêché  et  cru  de 
tout  temps  dans  toute  l'Église,  comme  ap- 
partenant à  la  foi  catholique.  L'Église  en 
effet ,  n'exorciserait  pas  les  petits  enfants 
des  fidèles,  et  elle  n'ordonnerait  pas  à  ses 
ministres  de  souffler  sur  eux,  si  elle  n'avait 
dessein  de  les  arracher  à  la  puissance  des 
ténèbres,  et  au  prince  de  la  mort.  D'ailleurs, 
on  pourrait  dire  que  le  joug  pesant  qui  acca-  ecci.  xi,  ?. 
ble  les  enfants  d'Adam  depuis  le  jour  qu'ils 
sortent  du  ventre  de  leur  mère,  serait  injuste, 
s'il  n'y  a  dans  les  enfants  aucun  péché  dont 
ce  joug  si  pesant  soit  la  juste  punition.  Au 
nom  de  qui  parle  encore  l'Apôtre,  lorsqu'il 
dit  que  notre  vieil  homme  a  été  crucifié  avec  nom.  ti,  e. 
Jésus-Christ"?  sinon  au  nom  de  tous  ceux 
qui  ont  été  baptisés  en  Jésus-Christ.  Il  faut 
donc  reconnaître  qu'il  met  les  enfants  au 
nombre  de  ceux  dont  le  vieil  homme  a  été 
crucifié,  puisque  nous  n'oserions  nier  qu'ils 
n'aient  été  baptisés  en  Jésus-Christ.  Je  ne 
quitte  point  ces  armes  célestes ,  qui  ont 
vaincu  Célestius,  continue  saint  Augustin  : 
c'est  sur  quoi  je  règle  ma  foi  et  mes  dis- 
cours. Vos  arguments  n'ont  rien  que  d'hu- 
main ,  au  lieu  que  les  armes  que  nous  four- 
nit l'Apôtre,  ont  une  force  toute  divine.  Qui  ^Psai.  sviu, 
peut  connaître  toutes  ses  fautes  ?  di  t  le  Prophète  : 
suit-il  de  là  que  toutes  ces  fautes  ne  subsis- 
tent pas  ?  On  peut  dire  de  même  :  Qui  peut 
comprendre  le  péché  originel  qui  est  remis 
au  père  régénéré,  qui  passe  néanmoins  dans 
le  fils,  et  qui  y  demeure,  s'il  n'est  aussi  lui- 
même  régénéré  ?  Mais  il  ne  suit  pas  de  là  ^' 
qu'il  n'y  ait  point  de  péché  originel.  Un  seul 
est  mort  pour  tous  ;  donc  tous  sont  morts. 
Comment  pouvez-vous  penser  que  les  petits 
enfants  ne  sont  pas  morts,  puisque  vous  ne 
niez  pas  que  Jésus-Christ  ne  soit  mort  pour 
eux?  Si  Jésus-Christ  n'est  pas  mort  pour 
eux ,  pom-quoi  les  baptise-t-on  ?  Car  nous 
tous  qui  avons  été  baptisés  en  Jésus-Christ , 
nous  avons  été  baptisés  en  sa  mort.  Si  celui 
qui  est  mort,  lui  seul  pour  tous,  est  mort 
pour  eux  aussi  bien  que  pour  les  autres , 
donc  ceux-ci  sont  morts  aussi  bien  que  tous 
les  autres  ;  et  comme  ils  sont  morts  pEtr  le 
péché,  il  faut  qu'ils  meurent  au  péché,  afin 
de  vivre  pour  Dieu,  lorsque  sa  grâce  les  fait 
renaître,  n 

Saint  Augustin  s'était  servi  de  la  compa- 
raison d'un  olivier  franc,  dont  les  noyaux 
ne  peuvent  produire  que  des  oliviers  sauva- 
ges, pour  rendre  croyable  la  trausmission 


508 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Cop.  VI. 


du  péclié  originel  par  des  parents,  même 
baptisés  ;    il  soutient  encore  ici    que   cette 
comparaison  est  bonne.  Comme  Julien  avait 
avancé  que  ce  qui  est  accidentel,  ne  peut 
causer  aucun  changement  à  la  nature,    le 
saint  Docteur  lui  répond  :  «  Si  nous  trou- 
vons un  seul  homme  qui  ait  fait  passer  à 
son  fils  quelques  défauts  qui  ne  lui  étaient 
pas  naturels,  et  que  ce  qui  était  accidentel 
au  père,  soit  devenu  naturel  au  fils,  on  ne 
doit  plus  regarder  votre  maxime  que  comme 
fausse,  de  même  que  celle  où  vous  soutenez 
que  les  parents  ne  peuvent  faire  passer  dans 
dans  leurs  enfants  ce  qu'ils  n'ont  pas.  »  A 
ce  propos  il  rapporte  que  Fundanius  rhéteur 
de  Carthage,  ayant  perdu  un  œil  par  quel- 
qu'accident,  avait  engendré  un  fils  qui  n'a- 
vait   qu'un    œil  comme    lui  ;    exemple   qui 
ruine  entièrement  la  première  maxime  de 
Julien,  puisque  ce  qui  était  arrivé  par  acci- 
dent au  père,  devint  naturel  au  fils.  Sa  se- 
conde maxime,  qui  consistait   à  dire,  que 
les  parents  ne  peuvent  faire  passer  à  leurs 
enfants  ce  qu'ils  n'ont  pas,  se  trouve  aussi 
renversée  par  l'exemple  d'un  autre  fils  de 
Fundanius  qui  naquit  avec  deux  yeux,  com- 
me il  arrive  d'ordinaire  aux  enfants  d'un  père 
qui  n'a  qu'un  œil.  Il  ajoute  :  «  Que  reste-t-il 
à  un  homme  circoncis,  de  ce  qui  est  la  mar- 
que des  incirconcis  ?  Cependant  ceux   qui 
naissent  sont  toujours  incirconcis,  et  ce  qui 
n'est  pas  dans  un  homme,  passe  par  la  gé- 
nération dans  ses  enfants.  Qu'on  ne  nous 
dise  pas  :  Il  n'en  est  pas  du  péché  originel, 
comme  de  ce  qu'on  retranche  du  corps  par 
la  circoncision,  et  qui  en  est  une  petite  par- 
tie. Par  ce  retranchement,  on  ne  diminue 
en  rien  la  vertu  d'engendrer,  qui  demeure 
encore  entière  dans  le  corps,  au  lieu  que  le 
péché  originel  qui  est  un  vice,  et  ne  fait 
point  partie  du  corps,  étant  une  fois  par- 
donné, il  ne  peut  rien  rester  dans  le  corps 
par  le  moyeu  de  quoi  ce  vice  se  communi- 
que. Voilà  ce  que  l'homme  le  plus  subtil  ne 
saurait    soutenir   avec    quelqu'apparence , 
contre  l'autorité  de  Dieu  même,  qui  a  or- 
donné qu'on  retranchât  cette  partie  du  corps, 
afin  qu'on  fut  délivré  de  ce  vice.  Il  ne  pas- 
serait point  aux  enfants  qui  ont  besoin  de  la 
circoncision  pour  en  être  délivrés,  s'il  ne  se 
communiquait  à  eux  par  la  génération  ;  et 
s'il  ne  passait  point  à  eux,  ce  serait  fort  inu- 
tilement qu'on  chercherait  à  les  en  délivrer 
par  cette  cii'concision  corporelle.  Car,  com- 
me les  enfants  n'ont  aucune  sorte  de  péché 


qui  leur  soit  propre,  il  ne  peut  y  avoir  que 
le  péché  originel  qui  ait  besoin  d'être  effacé 
par  ce  remède  établi  de  Dieu,  sans  lequel 
l'âme  de  l'enfant  ne  peut  manquer  d'être 
exterminée  du  milieu  de  son  peuple  ;  ce  qui 
n'arriverait  jamais  sous  un  Dieu  juste,  s'il 
n'y  avait  un  péché  qui  en  fût  la  cause.  Or, 
comme  il  n'y  en  a  point  de  propre  dans  les 
enfants,  il  faut  nécessairement  que  ce  soit 
le  péché  qui  vient  de  notre  origine  corrom- 
pue. Ecoutons  donc  le  témoignage  d'un  de 
ces  enfants,  qui  malgré  son  silence  nous 
dit  ;  Mon  âme  sera  exterminée  du  milieu  de 
mon  peuple,  si  je  ne  suis  circoncis  le  huitiè- 
me jour.  Vous  qui  niez  le  péché  originel,  et 
qui  faites  profession  de  croire  que  Dieu  est 
juste ,  faites-moi  voir,  je  vous  en  prie,  en 
quoi  je  suis  coupable.  » 

29.  Julien  accusait  saint  Augustin  de  sou-  cap.  vm. 
lever  contre  lui  les  artisans  de  la  lie  du  peu- 
ple :  «  Mais  cela  même  ,  lui  réplique  ce 
Père,  ne  vous  avertit-il  pas  que  les  vérités 
de  la  foi  catholique  que  vous  combattez , 
sont  si  bien  étabhes  et  si  connues  de  tout  le 
monde,  qu'il  n'y  a  pas  jusqu'au  menu  peu- 
ple qui  n'en  soit  instruit  ?  En  effet,  ne  faut-il 
pas  que  tous  les  chrétiens  sachent  ce  qui 
regarde  les  sacrements  de  l'Église,  et  ce 
que  la  foi  nous  apprend  qu'il  faut  faire  pom' 
procurer  le  salut  aux  petits  enfants  ?  D'ail- 
leurs, avant  que  je  fusse  né  pour  le  siècle 
présent,  et  avant  que  j'eusse  eu  le  bonheur 
de  renaître  pour  Dieu,  il  y  avait  déjà  dans 
l'Église  catholique  de  grandes  lumières,  qui 
condamnaient  par  avance  vos  erreurs,  com- 
me je  l'ai  montré  dans  les  deux  premiers 
livres  de  cet  ouvrage.  Au  reste,  ne  vous 
avisez  plus  de  traiter  avec  tant  de  mépris 
les  membres  de  Jésus-Christ,  en  les  appe- 
lant des  artisans  de  la  lie  du  peuple.  Souve-  i  cor.  i,  : 
nez-vous  que  Dieii  a  choisi  les  faibles  selon 
le  monde  pour  confondre  les  puissants. 
Quant  à  ceux  qui  nous  connaissent  vous  et 
moi,  et  qui  savent  ce  qu'enseigne  la  foi  ca- 
tholique, loin  de  voiûoir  apprendre  quelque 
chose  de  vous,  ils  sont  sur  leurs  gardes,  de 
peur  que  vous  ne  leur  enleviez  les  connais- 
sauces  qu'ils  ont  déjà.  Car  il  y  en  a  plusieurs 
parmi  eux,  qui  non-seulement  n'ont  pas  ap- 
pris de  moi,  mais  qui  ont  même  appris 
avant  moi  les  vérités  que  votre  nouvelle 
hérésie  combat.  Comme  ce  n'est  donc  pas 
moi  qui  les  ai  fait  entrer  dans  la  société  des 
fidèles,  et  que  je  les  ai  trouvés  déjà  instruits 
des  vérités  que  vous  niez,  comment  peut-on 


[iV  ET  V'  SIÈCLES.] 

dire  que  c'est  moi  qui  les  ai  engagés  dans 
ce  que  vous  regardez  comme  une  erreur  ?  » 
Comment  se  peut -il  faire,  disait  Julien, 
qu'une  chose  qui  dépend  de  la  volonté  se 
communique  par  la  voie  de  la  génération  ? 
«  Si  cela  ne  pouvait  se  faire,  répond  saint 
Augustin,  nous  n'aurions  aucune  raison  de 
dire,  que  les  enfants  encore  vivants,  sont 
morts.  Mais  comme  Jésus-Christ  est  mort 
pour  eux,  il  est  certain  qu'ils  sont  morts  : 
car  si  un  seul  est  mort  pour  tous,  dit  l'Apôtre, 
donc  tous  sont  morts.  Pourquoi  me  deman- 
dez-vous comment  cela  a  pu  se  faire,  puis- 
que vous  voyez  que  de  quelque  manière 
que  cela  se  fasse,  vous  ne  pouvez  douter 
que  cela  ne  se  soit  fait,  si  vous  voulez  croire 
ce  que  dit  un  apôtre,  qui  n'a  pu  mentir  en 
aucune  manière,  en  parlant  de  Jésus-Christ, 
et  de  ceux  pour  qui  Jésus-Christ  est  mort?  » 
Ce  saint  Évêque  distingue,  à  cette  occa- 
sion, les  péchés  propres,  dont  on  se  rend 
coupable  en  les  commettant,  et  les  péchés 
étrangers  qui  se  commiuiiquent  à  nous  par 
la  contagion  des  péchés  des  autres.  Il  se 
moque  du  partage  ridicule  entre  Dieu  et  le 
diable,  que  JuJien  supposait  être  admis  par 
les  catholiques ,  comme  s'il  était  convenu 
que  Dieu  prendrait  pour  lui  tout  ce  qui  est 
arrosé,  c'est-à-dire  baptisé,  et  que  le  diable 
aurait  pour  lui  tout  ce  qui  ne  l'est  pas.  Il 
montre  que,  de  son  aveu,  être  baptisé  vaut 
beaucoup  mieux  que  de  ne  l'être  pas,  puis- 
qu'il convenait  que  l'entré  du  royaume  de 
Dieu  est  fermée  à  tous  ceux  qui  sont  nés,  à 
moins  qu'ils  n'aient  été  baptisés.  Il  lui  de- 
mande encore  la  raison  pour  laquelle  il  n'est 
pas  injuste  que  ceux  qui  sont  exclus  du 
royaume  de  Dieu,  soient  sous  la  puissance 
de  celui  qui  s'en  est  exclu  par  sa  chute.  S'il 
y  en  a  d'autre  que  le  péché  originel. 

30.  Pour  le  saint  Évêque  il  n'y  a  point  de 
difficulté  de  dire,  avec  Julien,  qu'il  ne  peut 
y  avoir  aucun  péché  dans  l'homme,  sans 
quelque  opération  du  libi'e  arbitre  :  «  Car, 
dit-il,  il  n'y  aurait  point  de  péché  originel 
sans  cette  opération  libre  de  la  volonté,  qui 
a  fait  pécher  le  premier  homme,  par  qui  le 
péché  est  entré  dans  le  monde.  »  Quant  à 
ce  que  ce  pélagien  ajoutait,  qu'un  homme 
ne  peut  pas  être  puni  pour  des  péchés  qui 
lui  sont  étrangers,  saint  Augustin  montre 
que  cela  n'est  point  vrai  en  tout  sens,  puis- 
qu'un seul  péché  de  David  fut  puni  par  la 
mort  de  plusieurs  milhons  d'hommes  :  que 
d'ailleurs,  le  péché  originel   ne    nous   est 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


S09 


étranger  qu'en  un  certain  sens,  et  que  dans 
un  autre,  ce  péché  se  trouve  en  nous.  Il 
nous  est  étranger  quant  à  l'action  ,  il  est  en 
nous  quant  à  la  souillure  et  la  contagion,  et 
si  cela  n'était  point  ainsi,  le  joug  pesant  qui 
accable  les  enfants  d' Adam,  depuis  le  jour  qu'ils 
sortent  du  ventre  de  leur  mère,  nous  paraîtrait 
une  chose  injuste.  Insistant  ensuite  sur  ces 
paroles  de  l'Apôtre  :  Nous  devons  tous  compa- 
raître devant  le  tribunal  de  Jésus-Christ,  afin 
que  chacun  reçoive  ce  qui  est  dû  aux  bonnes 
ou  mauvaises  actions  qu'il  aura  faites  pen- 
dant qu'il  était  revêtu  de  son  corps.  Il  demande 
à  Julien  :  «  Les  enfants  comparaîtront-ils, 
ou  non,  devant  le  tribunal  de  Jésus-Christ  ? 
S'ils  n'y  doivent  pas  comparaître,  de  quoi 
vous  sert  donc  ce  passage  que  vous  citez 
vous-même  ;  si  au  contraire  ,  ils  y  doivent 
comparaître,  comment  chacun  d'eux  pour- 
ra-t-il  recevoir  ce  qu'il  a  mérité  par  ses  ac- 
tions, s'il  n'a  fait  aucune  action,  à  moins 
qu'on  ne  dise,  qu'il  ne  faut  pas  regarder 
comme  une  action  absolument  étrangère 
pour  eux,  d'avoir  cru  ou  de  n'avoir  pas  cru 
par  le  cœur  et  la  langue  de  ceux  qui  les 
ont  portés  ?  Car  l'Apôtre  dit  que  chacun  re- 
cevra ce  qui  est  dû  aux  actions  qu'il  aura 
faites  pendant  cette  vie.  Or,  comment  un 
enfant  pourra-t-il  recevoir  la  récompense  de 
ses  bonnes  actions ,  sinon  parce  qu'on 
compte  parmi  ses  actions  la  foi  dont  il  a  fait 
profession  par  une  bouche  étrangère  ?  C'est 
pourquoi,  comme  l'action  de  croire  lui  est 
imputée,  afin  qu'il  puisse  recevoir  la  récom- 
pense due  aux  bonnes  actions,  le  défaut  de 
la  foi  lui  est  de  même  imputé,  et  lui  attire 
un  jugement  de  condamnation,  selon  cette 
sentence  évangélique  :  Celui  qui  ne  croira 
point  sera  condamné.  »  Julien  voulait  qu'en 
disant  que  Dieu  est  créateur  des  enfants,  on 
dise  en  même  temps  qu'il  les  crée  innocents. 
«  Mais  ne  ferait-on  pas  paraître  encore  plus 
de  piété  ,  réplique  saint  Augustin,  si  l'on 
ajoutait  à  ce  que  vous  dites,  qu'il  est  conve- 
nable qu'il  ne  sorte  aucun  ouvrage  des 
mains  de  Dieu  qui  n'ait  sa  beauté  et  sa  per- 
fection? Cependant  parmi  les  enfants  qui 
naissent,  il  y  en  a  plusieurs  qui  ont  des  dif- 
formités, et  qui  sont  sujets  à  diverses  mala- 
dies. Vous  me  pressez  de  vous  expliquer, 
comment  le  diable  ose  s'approprier  des  en- 
fants qui  ont  été  créés  en  Jésus-Christ,  c'est- 
à-dire  par  sa  puissance  ;  mais,  expliquez-moi 
vous-même  comment  le  diable  se  met  en 
possession  du  corps  des  enfants  qu'on  voit 


Ecci.SL,  1. 


n    Cor. 
10. 


510 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


tourmentés  par  les  esprits  impurs?  Si  vous 
dites  qu'ils  lui  ont  été  livrés,  nous  voyons 
l'un  et  l'autre  la  peine  ;  mais  il  faut  que  vous 
me  marquiez  ce  qui  l'a  méritée.  Nous  voyons 
l'un  et  l'autre  la  peine,  et  nous  convenons 
que  Dieu  est  juste  ;  mais  comme  vous  ne 
voulez  reconnaître  aucun  péché  qui  passe 
des  pères  dans  les  enfants,  vous  devez  me 
faire  voir,  si  vous  le  pouvez,  dans  ces  en- 
fants, quelque  faute  qui  ait  mérité  une  telle 
punition.  » 

Selon  saint  Augustin,  le  baptême  où  les 
enfants  reçoivent  le  sceau  de  l'adoption  di- 
vine, n'est  encore  pour  eux  qu'une  ébauche 
de  ce  qu'ils  seront  dans  la  vie  futm-e,  et 
c'est  pour  cela  qu'étant  brisés  aussi  bien 
que  les  autres,  sous  le  joug-  accablant  des 
enfants  d'Adam,  ils  sont  quelquefois  tour- 
mentés des  démons,  même  après  avoir  reçu 
le  baptême.  Ces  paroles  de  l'Apôtre,  enfants 
de  colère  par  la  nature,  ne  signifiaient  pas, 
comme  le  voulait  Julien,  tout  à  fait  dignes  de 
colère  :  cette  interprétation  n'était- fondée 
ni  sur  les  manuscrits  latins,  ni  sur  les  an- 
ciens interprètes,  qui  n'auraient  jamais  lu. 

Cap.  XI.  enfants  de  colère  par  la  nature,  si  cela  n'avait 
été  conforme  à  l'ancienne  foi  de  l'Église.  Ce 
Père  se  défend  du  reproche  que  Julien  lui 
faisait,  de  vouloir  établir  juge  de  leur  con- 
troverse, le  menu  peuple,  reconnaissant  qu'il 
est  incapable  de  juger  de  pareilles  choses.  Il 
justifie  aussi  Zosime  de  la  prévarication  dont 
Julien  l'accusait,  et  soutient  que  ce  pape  ne 
s'est  écarté  en  rien  de  la  doctrine   d'Inno- 

c»r.  XI".  cent  son  prédécesseur.  Il  montre  que  ce  que 
ce  pélagien  disait  du  schisme  de  l'Église  de 
Rome,  prouvait  contre  lui  qu'une  même 
chose  peut  être  péché,  et  la  peine  du  péché. 
Et  comme  Julien  l'accusait  d'inconstance 
dans  sa  doctrine,  il  lui  répond  :  «  Dès  le 
commencement  de  ma  conversion,  j'ai  tou- 
jours cru  sans  hésiter,  comme  je  le  crois 
aujourd'hui,  que  le  péché  est  entré  dans  le 

nom.  V,  12.  monde  par  un  seul  homme,  et  la  mort  par 
le  péché  ;  et  cpi'ainsi  la  mort  est  passée  dans 
tous  les  hommes  par  un  seul  homme  en  qui 
tous  ont  péché.  Je  n'ai  jamais  rien  pensé  ni 
rien  dit  sur  ce  point,  qui  ne  soit  très-confor- 
me à  ce  qu'on  a  appris  et  enseigné  de  tout 
temps  dans  toute  l'Église  ;  savoir,  que  le 
péché  originel  a  fait  tomber  tout  le  genre 
humain  dans  cet  affreux  état  de  misère  où 
nous  le  voyons.  » 

Cap.  XIII.  31.  «  Vous  assurez,  continue  ce  Père  en 
s'adressaut  à  Julien,  que  j'ai  dit  que  la  grâce 


ne  renouvelle  pas  parfaitement  l'homme  ; 
mais  ce  n'est  point  là  ce  que  je  dis.  Voici 
mon  sentiment  :  La  grâce  renouvelle  parfai- 
tement l'homme,  puisqu'elle  le  conduit  jus- 
qu'à l'immortalité  du  corps,  et  à  une  parfaite 
félicité.  Elle  renouvelle  même  l'homme  par-  ■ 

faitement  pour  le  temps  présent ,  quant  à 
tous  les  péchés  dont  elle  le  délivre  entière- 
ment, quoiqu'elle  ne  le  délivre  pas  de  tous 
les  maux,  et  de  tout  ce  qu'il  y  a  de  corrup- 
tible et  de  mortel  dans  le  corps,  qni  appe- 
santit présentement  l'âme.  C'est  ce  qui  cause 
ces  soupirs  et  ces  gémissements  que  l'Apô- 
tre nous  apprend  qu'il  sentait  en  lui-même, 
quand  il  disait  :  Nous  soupirons  et  nous  gé-  Rom.  vi 
missons  en  nous-mêmes.  Que  personne  donc 
ne  soit  assez  insensé  pour  croire  (jue  tous  cap.  xiv. 
ceux  qui  sont  baptisés,  sont  déjà  parvenus 
au  point  de  leur  perfection,  parce  que  l'Apô- 
tre nous  dit  :  Le  temple  de  Dieu  est  saint,  et  i  cor.  i 
c'est  vous  qui  êtes  ce  temple.  Car,  quoique  la 
maison  ne  soit  pas  dans  sa  dernière  perfec- 
tion, nous  sommes  néanmoins  déjà  appelés 
le  temple  de  Dieu  ;  et  pendant  qu'on  le  bâtit 
nous  faisons  mourir  ici  les  membres  de 
l'homme  terrestre  qui  est  en  nous.  Quoique, 
déjà  morts  au  péché,  nous  ayons  commencé 
de  vivre  pour  Dieu,  il  y  a  cependant  en  nous 
un  homme  terrestre  qu'il  faut  faire  mourir, 
afin  que  le  péché  ne  règne  point  dans  notre 
corps  mortel,  en  sorte  que  nous  obéissions 
à  ses  désirs  déréglés.  Nous  sommes  affran- 
chis de  cet  esclavage  du  péché  qui  régnait 
en  nous,  par  la  rémission  pleine  et  entière 
de  tous  nos  péchés  ;  mais  il  reste  toujours 
en  nous  des  ennemis  que  les  personnes 
chastes  sont  obligées  de  combattre.  » 

Julien  voulait  qu'on  regardât  comme  une 
chose  incroyable,  que  dans  le  sein  d'une 
femme  baptisée,  dont  le  corps  est  le  temple 
de  Dieu,  il  se  formât  un  homme  qui  dût  être 
sous  la  puissance  du  démon,  à  moins  qu'il 
ne  fût  régénéré  par  le  baptême.  Mais  saint 
Augustin  lui  fait  voir  qu'il  y  a  plus  de  sujet 
de  s'étonner  de  ce  que  Dieu  agit  dans  le 
corps  d'un  pécheur  où  il  n'haljite  pas  ;  et 
qu'il  est  encore  pluss  urprenant  qu'il  adopte, 
pour  être  son  fils,  celui  qu'il  forme  dans  le 
sein  d'une  femme  très-impure,  et  qu'il  ne 
veuille  pas  toujours  adopter  celui  qu'il  forme 
dans  le  sein  d'une  femme,  qui  est  elle-même 
au  nombre  de  ses  enfants.  «  Car  il  permet, 
dit-il ,'  que  celui-ci  soit  enlevé  par  une  mort 
précipitée  avant  de  recevoir  le  baptême, 
au  lieu  que  par  ime  providence  particulière, 


[IV*  ET  V"  SIÈCLES. 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


5H 


dont  nous  ne  savons  pas  la  raison,  l'autre 
vit  assez,  pour  recevoir  la  grâce  de  ce  sa- 
crement. Et  c'est  ainsi  que  Dieu  qui  a  un 
pouvoir  souverain  sur  toutes  les  créatures, 
fait  entrer  dans  le  corps  de  Jésus-Christ, 
celui  qu'il  a  formé  dans  l'habitation  du  dia- 
ble ;  et  qu'il  ne  veut  pas  faire  entrer  dans 
son  royaume,  celui  qu'il  a  formé  dans  son 
temple.  Comme  ce  discernement  ne  peut 
être  attribué,  ni  à  l'ordre  immuable  du  des- 
tin, ni  à  la  témérité  de  la  fortune,  ni  à  la 
dignité  de  la  personne  ,  que  nous  reste-t-il  à 
faire,  sinon  d'adorer  la  profondeur  de  la 
miséricorde  et  de  la  justice  de  Dieu.  Mais 
en  quoi  consiste  la  sanctification  du  corps 
par  le  baptême?  Elle  consiste  à  affranchir 
le  corps  par  la  rémission  des  péchés,  non- 
seulement  de  la  peine  due  aux  péchés  pas- 
sés, mais  encore  de  la  domination  de  la 
concupiscence  de  la  chair,  dont  tout  hom- 
me est  esclave  en  naissant,  et  dont  il  est 
aussi  esclave  en  mourant,  s'il  n'a  été  déli- 
vré de  cet  esclavage  par  la  grâce  de  la 
régénération.  » 

Saint  Augustin  montre  par  les  mortifica- 
tions que  pratiquent  les  justes  et  les  péni- 
tents ,  qu'il  ne  doute  point  que  l'ennemi 
qu'ils  ont  à  vaincre ,  n'habite  au  dedans 
d'eux-mêmes  ;  et  il  le  prouve  encore  par  ces 
paroles  de  l'apôtre  saint  Jacques  :  Chacun 
est  tenté  par  sa  propre  concupiscence;  d'où  il 
conclut  qu'on  ne  peut  nier  qu'elle  ne  soit  un 
mal ,  puisque,  selon  le  même  Apôtre,  lors- 
qu'elle a  conçu,  elle  enfante  le  péché. 
«  Bien  que  l'homme ,  ajoute  le  saint  évé- 
que,  soit  délivré  de  tout  péché  par  le  bap- 
tême, il  ne  l'est  pas  de  tout  mal,  puisque 
son  corps  n'est  pas  pour  cela  exempt  de  cor- 
ruption ;  il  ne  l'est  pas  non  plus  lui-même 
du  mal  de  l'ignorance  qui  lui  fait  commettre 
une  infinité  de  péchés  ;  ce  qui  prouve  que  la 
concupiscence  est  un  vice  qui  souille  en 
même  temps  le  corps  et  l'esprit.  »  Saint  Au- 
gustin la  compare  à  une  maladie ,  et  dit 
qu'elle  est  d'autant  plus  diflîcile  à  vaincre , 
qu'elle  est  plus  fortifiée  par  l'habitude  ;  et 
que  de  là  vient  qu'une  femme  de  mauvaise 
vie  ,  quand  elle  veut  devenir  chaste ,  a  bien 
plus  de  peine  dans  cette  sorte  de  combat 
qu'une  femme  chaste.  Il  ne  veut  pas  qu'on 
la  regarde  comme  une  substance,  mais  uni- 
quement comme  une  plaie  que  le  diable  a 
faite  à  l'homme,  dont  il  n'y  a  qu'une  miséri- 
corde toute  gratuite  de  Dieu  qui  puisse  l'en 
délivrer,    non   en    l'effaçant    entièrement, 


quoiqu'elle  s'affaiblisse  chaque  jour  par  l'as- 
siduité à  la  combattre,  mais  en  nous  donnant 
la  force  de  résister  aux  mauvais  désirs  qu'elle 
excite  en  nous.  «Mais,  poursuit  saint  Augus-  , 

tin,  où  demeure  l'iniquité  d'un  péché  qui  n'est 
pas  remis?  C'est  dans  les  livres  secrets  de  la  ', 

loi  de  Dieu,  qui  sont  en  quelque  manière 
dans  l'entendement  des  anges,  et  qui  nous 
apprennent  qu'il  n'y  a  aucun  péché  qui  ne 
doive  être  puni ,  s'il  n'est  expié  par  le  sang 
du  Médiateur  :  car,  c'est  par  le  signe  de  sa 
croix  que  l'eau  du  baptême  est  sanctifiée, 
afin  que  la  souillure  qui  nous  rend  coupa- 
bles, et  qui  est  pour  ainsi  dire  écrite  dans 
une  cédule ,  soit  effacée  à  la  vue  des  puis- 
sances spirituelles  qui  sont  destinées  à  punir 
les  péchés.  » 

32.  Selon  saint  Augustin,  Julien,  qui  pré-  cnp.  ï... 
tendait  combattre  les  manichéens ,  était 
néanmoins  lié  de  sentiment  avec  eux,  en 
enseignant  que  le  mal  ne  peut  naître  de  ce 
qui  est  bon.  Au  contraire ,  les  cathohques 
faisaient  tomber  tous  les  raisonnements  des 
manichéens  pour  établir  leur  mélange  des 
deux  natures  ,  en  leur  répondant  qu'il  y  a 
un  péché  originel ,  en  punition  duquel  tout 
le  genre  humain  est  devenu  le  jouet  des  dé- 
mons ,  et  toute  la  postérité  d'Adam  a  été 
condamnée  à  une  infinité  de  misères  et  de 
travaux.  Il  fait  voir  encore  ce  qu'il  avait  déjà  cap.  xxiir. 
montré  dans  les  livres  précédents,  que  dans 
le  septième  chapitre  de  î'Épître  aux  Romains, 
où  l'Apôtre  parle  de  la  loi  de  la  chair  contraire 
à  celle  de  l'esprit ,  il  parle  en  son  nom  et  au 
nom  des  justes  qui  combattent  contre  les  dé- 
sirs de  la  chair  ;  convenant  en  même  temps 
qu'autrefois  il  entendait  autrement  ce  chapi- 
tre, ou  pour  mieux  dire,  qu'il  ne  l'entendait 
pas.  Julien  disait  que  ces  paroles  de  la  même  cap.sxiT. 
Epîtrè  :  En  qui  tous  ont  péché ,  signifiaient  la 
même  chose  que  celles-ci  :  A  cause  de  quoi 
tous  ont  péché;  en  sorte  qu'il  ne  fallait  pas 
croire  que  tous  les  hommes  eussent  péché 
dans  un  seul  homme ,  comme  dans  leur 
source ,  et  que  toute  la  masse  du  genre  hu- 
main eût  été  généralement  infectée  par  le 
péché  d'un  seul;  mais  qu'à  cause  que  ce 
premier  homme  a  péché,  les  autres  sont  de- 
venus pécheurs  en  l'imitant ,  non  en  tirant 
de  lui  leur  naissance.  Il  s'autorisait  d'une 
expression  du  psaume  cxviii,  où  nous  lisons: 
En  quoi  l'homme  dans  sa  jeunesse  redressera-t-il 
sa  voie?  où  en  quoi  est  mis  au  lieu  d'à  cause 
de  quoi.  «  Mais,  répond  ce  Père,  y  a-t-il  ' 
quelqu'un  dans  le  monde  qui  soit  assez  dé- 


S12 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Cap.  x.\v. 


F.zeeli.xvin 
2   H  3. 


pourvu  du  sens  commun,  pour  dire  :  Cet  hom- 
me a  commis  un  homicide  ,  parce  que  dans 
le  paradis  Adam  a  mangé  du  fruit  défendii  ? 
On  ne  peut  pas  même  dire  cpe  Caïn ,  qui 
avait  vu  et  connu  Adam ,  ait  péché  ,  parce 
qu'Adam  avait  péché  avant  lui.  Tout  le 
monde  sait  que  Caïn  tua  son  frère,  non  pour 
imiter  son  père,  mais  parce  qu'il  portait  en- 
vie à  son  frère.  On  en  peut  dire  autant  de 
toutes  les  autres  espèces  de  péchés,  et  mar- 
quer les  causes  pour  lesquelles  ils  out  été 
commis,  sans  que  ceux  qui  s'en  sont  rendus 
coupables  aient  pensé  au  péché  du  premier 
homme,  et  se  soient  proposé  de  l'imiter. 
L'exemple  allégué  par  vous  ne  sert  de  rien 
pour  autoriser  le  sens  que  vous  donnez  aux 
paroles  de  l'Apôtre,  étant  vrai  de  dire  que 
l'observation  de  la  parole  de  Dieu,  comme  le 
dit  le  Psalmiste  au  même  endi-oit,  est  ce  qui 
règle  la  vie  de  l'homme  dans  sa  jeunesse. 
S'il  était  vrai  que  l'Apôtre  eût  voulu  dire 
que  c'est  par  l'imitation  que  tous  les  hom- 
mes sont  devenus  pécheurs ,  rien  n'aurait 
été  plus  naturel  que  de  dire  :  Ce  qui  a  fait 
passer  le  péché  dans  tous  les  hommes,  c'est 
que  le  premier  homme  leur  en  a  donné 
l'exemple;  et  il  aurait  ajouté  :  Et  ce  péché 
a  passé  dans  tous ,  parce  qu'ils  ont  tous  pé- 
ché en  suivant  l'exemple  de  ce  seul  homme.  » 
Saint  Augustin  montre  que  c'est  là  le  véri- 
table sens  des  paroles  de  l'Apôtre,  par  ce 
qui  précède  immédiatement ,  où  l'on  voit 
qu'un  seul  homme  a  attiré  la  colère  de  Dieu 
sur  tout  le  genre  humain,  et  qu'im  seul 
homme  a  réconcilié  avec  Dieu  tous  ceux  qui 
sont  délivrés  par  une  grâce  toute  gratuite 
de  la  condamnation  qui  enveloi^pait  tout  le 
genre  humain. 

33.  Le  dernier  argument  de  Julien,  et 
qu'il  regardait  comme  le  plus  fort  pour  la 
défense  de  sa  cause ,  était  tiré  de  l'endroit 
du  prophète  Ézéchiel  où  U  est  dit  qu'on  ne 
fera  jyhts  passer  en  jjroverbe  ce  qu'on  disait 
alors  que  les  pères  avaient  mangé  des  raisins 
verts,  et  que  les  dents  des  enfants  en  avaient  été 
agacées,  et  qu'ainsi  le  fils  ne  mourra  point  à 
cause  du  péché  de  son  jière ,  non  plus  que  le  père, 
àcause  dupjéché  deson  fils,  mais  l'âme  qui  apjéché 
mourra  elle-même.  «Ne  voyez-vous  pas,  lui  dit 
saint  Augustui ,  que  c'est  là  .une  promesse 
qui  regarde  la  nouvelle  alliance  ,  où  par  un 
effet  de  la  grâce  du  Rédempteur,  la  loi  de 
mort  portée  contre  nos  pères  est  abolie,  et 
où  chacun  n'est  plus  obligé  de  rendre  compte 
que  de  ses  propres  actions?  N'y  a-t-il  pas,  en 


effet,  une  infinité  d'endroits  dans  l'Ancien 
Testament,  où  il  parait  que  les  enfants  doi- 
vent porter  la  peine  des  péchés  de  leiu'S  pè- 
res ?  La  punition  du  péché  de  Cham  n'est- elle  cen.  «,! 
pas  tombée  sur  Chanaan  son  fils  ?  Et  la  peine 
due  au  péché  d'Achab,  roi  d'Israël,  n'est-  ^^^'^^  »•( 
elle  pas  tombée  sur  sa  postérité?  Comme  la 
naissance  charnelle  des  enfants  du  peuple 
de  Dieu  appartient  à  l'ancienne  alliance,  qui 
n'engendi'e  que  des  esclaves,  cette  nais- 
sance même  tient  les  enfants  dans  les  liens 
à  cause   des  péchés  de  leurs  pères;   mais  5 

comme  par  la  renaissance  spirituelle  on  est 
appelé  à  un  autre  héritage ,  il  en  est  tout 
autrement  de  ces  châtiments  et  de  ces  ré-  A 

compenses,  de  ces  menaces  et  de  ces  pro-  * 

messes.  C'est  ce  que  Jérémie  marque  clai- 
rement :  En  ce  temps-là,  dit-il,  on  ne  dira    lerem.xrt 

^  '  '  29  cl  30. 

pjlus  :  Les  pères  ont  mangé  des  raisins  verts,  et 
les  dents  des  enfants  en  ont  été  agacées  ;  mais 
chacun  mourra  dans  son  péché  :  et  si  quelqu'un 
mange  des  raisins  verts,  il  en  aura  lui  seul  les 
dents  agacées.  11  est  évident  que  c'est  ici  une 
prophétie  qui  regarde  la  nouvelle  alliance 
cachée  dans  l'ancienne,  et  manifestée  par 
Jésus-Christ.  »  Mais  comme  on  pouvait  être 
frappé  par  divers  endroits  de  l'Écriture ,  où 
il  paraît  que  les  péchés  des  pères  doivent 
être  imputés  aux  enfants,  et  regarder  en 
conséquence  ces  témoignages  comme  con- 
traires à  cette  prophétie  de  Jérémie,  il  rompt 
le  nœud  de  la  dilhculté  en  ajoiitant  aussitôt 
après  :  «  Le  temps  vient,  dit  le  Seigneur,  iciem.xx 
dans  lequel  je  ferai  une  nouvelle  alliance  avec 
la  maison  d'Israël  et  la  maison  de  Juda ,  non 
selon  l'alliance  que  je  fis  avec  leurs  pères.  C'est 
donc  dans  cette  nouvelle  alliance  que  la  loi 
de  mort  écrite  contre  nos  pères,  ayant  été 
eflacée  par  le  sang  du  Médiateur  de  cette 
alliance,  l'homme  en  renaissant  se  trouve 
délivré  de  l'obligation  où  l'avait  mis  sa  nais- 
sance, de  porter  la  peine  due  au  péché  dont 
il  a  hérité.  » 

§XL 

Du  livre  de  la  Grâce  et  du  libre  arbitre. 

1.  Ou  ne  peut  mettre  plus  tôt  qu'en  426  le  ce  ih™ 
livre  de  la  Grâce  et  du  libre  arbitre,  parce  qu'il  lan'  426  .■ 
est  un  des  derniers  dont  saint  Augustin  parle 
dans  ses  Rétractations  ;  et  on  ne  peut  non 
plus  le  mettre  plus  tard  qu'en  427,  puisque 
ce  fut  en  celte  année  qu'il  le  finit.  Ce  li^Te 
est  adressé  à  Yalentin  et  aux  autres  qui  ser- 
vaient Dieu  ensemble  dans  la  cougrégation 


[IV'  ET  V'  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

du  monastère  d'Adrumet,  ville  célèbre  alors 
de  la  province  Byzacène,  aujourd'hui  Maho- 
mette ,  dans  le  royaume  de  Tunis,  sur  la 
côte  de  la  Méditerranée.  Deux  jeunes  reli- 
gieux de  ce  monastère ,  dont  l'un  s'appelait 
Florus,  et  l'autre  Félix,  étant  venus  à  Uza- 
les,  le  premier  y  lut  pendant  son  séjour  quel- 
ques ouvrages  de  saint  Augustin,  c'est-à-dire 
l'Épître  cent  quatre-vingt-quatorzième  au 
prêtre  Sixte ,  et  avec  la  permission  des  moi- 
nes d'Uzales,  il  la  transcrivit  avec  l'aide  de 
Félix  qui  la  lui  dictait.  Florus  passa  d'U- 
zales à  Cartilage,  et  Félix  s'en  retourna  à 
Adrumet  avec  cette  lettre  de  saint  Augustin, 
qu'il  communiqua  à  ses  confrères,  à  l'insu  de 
l'abbé  Valentin.  Quelques-mis  d'entr'eux , 
prenant  mal  le  sens  de  cette  lettre ,  préten- 
daient que  celui  qui  l'avait  écrite  soutenait 
tellement  la  grâce ,  qu'il  détruisait  le  libre 
arbitre ,  et  enseignait  que  Dieu  ne  nous  ju- 
gerait point  au  dernier  jour  selon  nos  œu- 
vres. Gomme  d'autres  religieux  du  même 
monastère,  qui  entendaient  mieux  la  doc- 
trine contenue  dans  cette  lettre,  soutenaient 
que  ce  qui  était  dit  de  la  grâce  ne  tendait 
point  à  détruire  le  libre  arbitre,  il  s'excita 
un  grand  bruit  dans  ce  monastère  :  et  Flo- 
rus y  étant  revenu ,  le  trouble  recommença 
de  nouveau,  parce  qu'on  l'accusait  d'en  être 
l'auteur.  Jusque-là  l'abbé  Valentin  n'avait  eu 
aucune  connaissance  de  cette  dispute ,  mais 
Florus  se  crut  obligé  de  l'en  avertir.  Valen- 
tin lut  donc  la  lettre  à  Sixte ,  et  comme  il 
connaissait  le  style  de  saint  Augustin ,  il 
n'eut  point  de  peine  de  le  reconnaître  dans 
cette  lettre.  En  même  temps,  il  travailla  à 
étouffer  le  trouble  que  l'ignorance  de  quel- 
ques-uns de  ses  religieux  avaient  fait  naître, 
et  consentit  qu'ils  allassent  eux-mêmes  trou- 
ver saint  Augustin.  Ils  allèrent  donc  à  Hip- 
pone,  portant  avec  eux  la  lettre  à  Sixte,  dont 
ils  se  scandalisaient.  Leur  départ  procura  la 
paix  au  monastère  d'Adrumet ,  et  ils  furent 
eux-mêmes  satisfaits  des  instructions  que 
saint  Augustin  leur  donna,  et  de  la  manière 
dont  il  leur  expliqua  sa  lettre  à  Sixte.  Le 
saint  Évêque,  non  content  de  les  avoir  ins- 
truits de  vive  voix ,  écrivit  encore  par  eux 
une  lettre  à  l'abbé  Valentin  et  aux  frères  de 
son  monastère ,  où  il  leur  déclare  que  ce 
qu'il  avait  enseigné  dans  la  lettre  au  prêtre 
Sixte  est  entièrement  conforme  à  la  foi  ca- 
tholique ,  qui  ne  nie  point  le  libre  arbitre , 
mais  qui  nous  apprend  qu'il  ne  peut  rien 
pour  le  bien  sans  le  secours  de  la  grâce.  Son 
IX. 


ÉVÊQUE  D'HTPPONE. 


513 


dessein  était  d'envoyer  encore  par  Cresco- 
nius  et  Félix ,  les  deux  seuls  qui  étaient  ve- 
nus à  Hippone ,  diverses  pièces  touchant 
l'histoire  du  pélagianisme  ;  mais  ils  ne  lui 
voulaient  pas  donner  le  temps  de  les  faire 
copier,  se  hâtant  de  retourner  à  Adrumet 
avant  la  fête  de  Pâques.  Il  les  retint  toutefois 
jusqu'après  cette  fête,  pour  avoir  lieu  de  les 
instruire  davantage  sur  la  matière  de  la 
grâce.  Après  quoi  il  les  renvoya  chargés 
d'une  seconde  lettre  qui  est  comme  la  pré- 
cédente toute  entière  sur  cette  matière,  et 
du  livre  intitulé,  de  la  Grâce  et  du  libre  arbi- 
tre, qu'il  avait  fait  exprès  pour  l'instruction 
de  ceux  du  monastère  d'Adrumet.  Il  avait 
supposé  dans  sa  première  lettre  à  Valentin 
qu'il  y  avait  effectivement  dans  ce  monas- 
tère quelques  religieux  qui  condamnaient  le 
libre  arbitre  ;  détrompé  depuis ,  il  avait  dit 
que  quelques-uns  d'eux  s'imaginaient  qu'on 
niait  le  libre  arbitre ,  lorsqu'on  défendait  la 
grâce  ;  mais  lorsqu'il  fit  ses  Rétractations  ', 
après  avoir  reçu  la  lettre  de  l'abbé  Valentin 
et  avoir  vu  Florus,  il  dit  qu'il  avait  écrit  ce 
livre  à  cause  de  ceux  qui ,  croyant  qu'on  nie 
le  libre  arbitre  lorsqu'on  défend  la  grâce, 
nient  eux-mêmes  la  grâce  en  défendant  le 
libre  arbitre  ,  et  veulent  qu'elle  soit  donnée 
selon  les  mérites. 

2.  Dès  le  commencement  de  ce  livre,  il 
leur  recommande  de  ne  pas  se  troubler  par 
l'obscurité  de  cette  question,  et  de  garder 
entre  eux  la  paix  et  la  charité,  en  rendant 
grâces  à  Dieu  des  choses  qu'ils  concevaient, 
et  •en  lui  demandant  qu'il  lui  plaise  de  leur 
en  découvrir  davantage.  Ensuite  il  prouve 
par  divers  témoignages  de  l'Écriture,  que 
l'homme  est  doué  du  libre  arbitre,  et  il  in- 
siste particulièrement  sur  les  endroits  qui 
marquent  clairement  qu'il  dépend  de  la  vo- 
lonté de  l'homme  d'accomplir  les  comman- 
dements de  la  loi.  D'où  il  infère  que  si 
l'homme  pèche,  il  doit  se  l'imputer,  et  ne 
pas  en  accuser  Dieu;  de  même  qu'il  ne  doit 
pas  regarder  le  bien  qu'il  fait,  comme  n'ap- 
partenant en  rien  à  sa  propre  volonté.  Il  en 
infère  encore  que  ceux  qui  connaissent  les 
commandements  de  Dieu  ne  pourront  s'ex- 
cuser sur  leur  ignorance,  saint  Paul  ayant 
dit  que  :  Tous  ceux. qui  ont  péché  sans  la  loi, 
périront  aussi  sans  être  jugés  par  la  loi.  Il  croit 
toutefois  que  celui  qui  connaît  le  précepte, 
pèche  plus  grièvement  en  le  transgressant, 


Analyse  de 
ce  livre,  pag. 
717. 


Cap.  T. 


Cap,  n. 


Cap*  III. 


1  Lib,  U  Retract.,  cap.  lxvi. 


33 


514 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Cuf.  V. 


1  Zo-.  I'. 
el  10. 


que  celui  à  qui  il  n'était  pas  connu;  et 
qu'ainsi  l'ignorance  dans  celui  qui  n'a  point 
eu  connaissance  de  l'Évangile,  pourra  peut- 
être  lui  servir  à  n'être  pas  si  violemment 
tourmenté  dans  les  flammes,  que  s'il  l'avait 
ouï  prêcher. 

Cap.  IV.  3,  Il  montre  ensuite  contre  les  pélagiens 

dont  il  appelle  la  secte  une  nouvelle  hérésie, 
que  la  grâce  nous  est  nécessaire  avec  le  libre 
arbitre  pour  bien  vivre  ;  et  que  la  continence 
est  un  don  de  Dieu,  en  même  temps  qu'elle 
est  l'eftet  du  libre  arbitre.  L'exhortation 
que  saint  Paul  faisait  à  Timothée,  quand  il 

I  Tii.  oiii.  V,  lui  disait  :  Conservez-vous  dans  la  pureté,  re- 
gardait sans  doute  le  libre  arbitre.  Néan- 
moins, tous  n'ont  pas  cette  résolution,  mais, 
ceux  à  qui  il  a  été  donné  de  l'avoir.  Pour  ce 
qui  est  de  ceux  à  qui  cela  n'a  pas  été  donné, 
ou  ils  ne  veulent  point,  ou  ils  n'accomplis- 
sent pas  ce  qu'ils  veulent;  mais  ceux  à  qui 
il  a  été  donné,  veulent  de  telle  sorte  que  ce 
qu'ils  veulent  ils  l'accomplissent.  Lors  donc 
que  cette  résolution  que  tous  ne  prennent 
pas,  est  prise  par  quelques-uns,  c'est  l'ou- 
vrage de  la  gi'âce  que  Dieu  donne,  et  du  libre 
arbitre  qui  agit.  Le  même  Apôtre,  pour 
montrer  le  Ubre  arbitre,  dit  :  Sa  gimce  n'a 
point  été  stérile  en  moi,  mais  j'ai  travaillé  plus 
que  tous  les  autres.  Ces  paroles  montrent  le 
libre   arbitre    de  l'homme,    de   même   que 

H  Cor.  ït,  celles-ci  :  Nous  vous  exhortons  de  ne  pas  rece- 
voir envain  la  grâce  de  Dieu.  Car,  pourquoi 
les  exhorte-t-il ,  s'ils  ont  reçu  la  grâce,  en 
sorte  qu'ils  aient  perdu  leur  volonté  propre? 
Cependant,  afin  qu'on  ne  crût  pas  que  la  vo- 
lonté pût  quelque  chose  sans  la  grâce,  après 

Cap.  IV.  avoir  dit  :  Sa  grâce  n'a  point  été  stérile  en  moi, 
mais  j'ai  plus  travaillé  que  tous  les  autres,  il 
ajoute  aussitôt  :  Non  pas  moi  toutefois,  mais  la 
grâce  de  Dieu  avec  moi ,  c'est-à-dire  non  pas 
moi  seul,  mais  la  grâce  de  Dieu  avec  moi  ; 
de  manière  que  ce  n'est  ni  la  grâce  seule,  ni 
lui  seul,  mais  la  grâce  de  Dieu  avec  lui.  Si 
donc  quelqu'un  dit  :  Je  veux  garder  les  com- 
mandements, mais  je  suis  vaincu  par  ma 
concupiscence,    l'Écriture  sainte   répond   à 

Ror..iii,Ji.  son  libre  arbitre  :  Gardez-vous  de  vous  laisser 
vaincre  par  le  mal,  mais  tâchez  de  vaincre  le 
mal  par  le  bien.  Ce  qui  pourtant  ne  peut  se 
faire  sans  le  secours  de  la  grâce,  laquelle 
n'aidant  point,  la  loi  ne  sera  plus  que  la  force 
du  péché.  Car  la  concupiscence  s'augmente, 
et  prend  de  plus  grandes  forces  quand  la  loi 
défend,  si  l'esprit  de  la  grâce  n'aide.  Et 
quelle  plus  grande  preuve  du  besoin  de  la 


P.=al.Lxxx| 

t  Ol  Ô.  J 


grâce  de  Dieu,  que  la  prière  par  laquelle 
nous  l'obtenons?  L'homme  est  donc  aidé  de 
la  grâce,  afin  que  le  commandement  ne  soit 
pas  fait  envain  à  la  volonté. 

Les  pélagiens,  poiu-prouver  que  cette  grâce 
nous  était  donnée  selon  nos  mérites,  abu- 
saient de  ce  passage  de  Zacharie  :  Convertis- 
sez-vous à  moi,  et  je  me  convertirai  à  vous. 
Sur  quoi  saint  Augustin  dit  que  ceux  qui  ont 
ce  sentiment,  ne  font  pas  réflexion,  que  si 
notre  conversion  même  à  Dieu  n'était  aussi 
im  don  de  Dieu,  on  ne  lui  dirait  pas  :  Dieu 
des  vertus,  convertissez-nous.  Vous  vous  tourne- 
rez vers  nous,  et  vous  nous  donnerez  la  vie. 
Convertissez-nous ,  à  Dieu,  notre  Sauveur,  et 
d'autres  semblables  dont  le  dénombrement 
serait  trop  long.  Car,  qu'est-ce  autre  chose 
de  venir  à  Jésus-Christ,  sinon  se  tourner 
vers  lui  par  la  foi  ;  et  cependant  il  dit  :  Per-  Joan  <i, 
sonne  ne  peut  venir  à  moi,  s'il  ne  lui  a  été  donné 
par  mon  Père.  Il  rapporte  plusieurs  passages  cap.  v.. 
tirés  des  Épitres  de  saint  Paid,  et  dit  qu'ils 
prouvent,  de  même  que  quantité  d'autres 
qu'il  aurait  pu  alléguer,  que  la  grâce  n'est 
point  donnée  selon  nos  mérites  ,  puisque 
nous  voyons  tous  les  jours  qu'elle  est  donnée 
non-seulement  avant  aucune  bonne  œuvre, 
mais  même  après  beaucoup  de  mauvaises. 
Au  contraire,  après  qu'elle  a  été  donnée, 
nos  actions  commencent  à  être  bonnes,  mais 
toutefois  par  elle  :  car  aussitôt  qu'elle  se  re- 
tire, l'homme  tombe,  son  libre  arbitre  le 
précipitant  au  lieu  de  le  soutenir.  Ainsi 
lorsque  l'homme  commence  à  faire  des  bon- 
nes œuvres,  il  ne  doit  pas  se  les  attribuer, 
mais  à  Dieu,  à  qui  le  Psalmiste  dit  :  Vous  êtes 
mon  soutien,  ne  m'abandonnez  pas.  En  disant 
ne  m'abandonnez  pas,  il  montre  qu'étant  aban- 
donné, il  ne  peut  rien  par  lui-même.  C'est 
pourquoi  il  ajoute  ailleurs  :  J'ai  dit  dans 
mon  abondance,  je  ne  serai  jamais  ébranlé.  Ce 
.  prophète  avait  cru  que  cette  abondance  qui 
faisait  qu'il  n'était  point  ébraulé,  venait  de 
lui-même.  Mais  pour  lui  montrer  qui  était 
l'auteur  de  ce  bien,  dont  il  commençait  à 
se   glorifier  comme    s'il   l'eût  reçu  de  lui-  i 

même,  la  grâce  l'abandonna  pour  un  peu  de  t 

temps,  et  après  cet  avertissement  salutaire  i 

il  dit  à  Dieu  :  Seigneur,  vous  avez  ajouté  la    ibid.,Teii 
force  à  ma  beauté  par  votre  bonne  volonté,  vous 
avez  détourné  votre  visage  de  moi,  et  je  suis  | 

tombé  dans  le  trouble.  C'est  pourquoi  il  est  né-  I 

cessaire,  non-seulement  que  l'homme  étant  p 

impie  soit  justifié  parla  grâce  de  Dieu.,  c'est- 
à-dire  que  d'impie  qu'il  était,  il  devienne 


Psal.  \: 
9. 


[tv=  et  V  siècles.]  saint  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


313 


juste,  lorsque  Dieu  lui  rend  le  bien  pour  le 
mal  ;  mais  il  faut  encore  qu'après  avoir  été 
justitié  par  la  foi,  la  grâce  l'accompagne  tou- 
jours, et  qu'il  s'appuie  sur  elle,  de  peur  c[u'il 
ne  tombe.  C'est  pour  cette  raison  qu'il  est  écrit 
de  l'Église  même  dans  le  Cantique  des  canti- 

Mi.  vm,  ques  :  Qîd  est  celle-là  qui  monte  ai/mit  été  blan- 
chie, s'appuyant  sur  son pai'ent?  Elle  a  été  blan- 
chie, parce  qu'elle  ne  pouvait  être  blanche 
d'elle-même.  Et  qui  est-ce  qui  l'a  rendue  blan- 

:à.  1, 18.  che,  sinon  celui  dont  parle  le  Prophète  :  Quand 
vos  péchés  seraient  comme  l'écarlate,  ils  devien- 
dront blancs  comme  la  neige  et  comme  la  laine  la 
plus  blanche.  Lors  donc  qu'elle  a  été  rendue 
blanche,  elle  ne  méritait  aucun  bien;  mais 
main  tenant  étant  en  cet  état,  elle  marche 
si  bien,  toutefois  elle  s'appuie  sans  cesse  sur 
celui  qui  lui  a  donné  cette  beauté  et  cette 
blancheur;  c'est  pourquoi  Jésus-Christ,  sur 
lequel  s'appuie  celle  qui  a  été  blanchie,  dit 

ojn.xf,  5.  à  ses  disciples  :  Sans  moi,  vous  ne  pouvez  rien 
faire. 

Saint  Augustin  confirme  cette  doctrine  par 
un  endroit  de  la  seconde  Epître  àTimothée, 

«  limoih.  où  l'Apôtre  dit  :  //  ne  me  reste  qu'à  attendre 
la  couronne  de  justice,  que  le  Seigneur,  comme 
un  juste  juge,  me  rendra  en  ce  grand  jour.  Car 
à  qui  le  juste  Juge  rendrait-il  la  couronne 
de  justice,  s'il  ne  lui  avait  donné  sa  grâce  en 
père  miséricordieux?  Et  comment  serait-ce 
une  couronne  de  justice,  si  la  grâce,  qui  jus- 
tifie l'impie,  n'avait  précédé?  Comment  en- 
core la  rendrait-on  comme  étant  due,  si  elle 
n'avait  été  accordée  gratuitement  aupara- 
vant? 

.ap.  VII.  4.  Les  pélagiens  ne  reconnaissaient  d'au- 

tres grâces  purement  gratuites,  que  celle 
qui  remet  à  l'homme  ses  péchés,  mais  ils 
soutenaient  que  celle  qui  sera  donnée  à  la 
fin,  c'est-à-dire  la  vie  éternelle,  était  donnée 
aux  mérites  précédents.  Sur  quoi  saint  Au- 
gustin dit,  que  s'ils  avouaient  que  nos  mé- 
rites sont  aussi  des  dons  de  Dieu,  leur  senti- 
ment ne  serait  point  à  rejeter.  Mais  parce 
qu'ils  enseignaient  que  l'homme  avait  ses 
mérites  de  lui-même,  il  les  combat  par  ces 

:  Cor.  17,7.  paroles  de  l'Apôtre  :  Qui  est-ce  qui  met  de  la 
différence  entre  vous?  Qu'avez-vous  que  vous 
n'ayez  point  reçu?  Que  si  vous  l'avez  reçu, 
pourquoi  vous  en  glorifiez-vous,  comme  si  vous 
ne  l'aviez  point  reçu.  Paroles  qui  prouvent 
bien  que  Dieu  couronne  en  nous  ses  propres 
dons,  et  non  pas  nos  mérites,  car  si  nos  mé- 
rites sont  des  dons  de  Dieu,  comme  l'enseigne 

iiMb.  I,  n.  l'Écriture,  Dieu  ne  coui'onue  pas  nos  méri- 


tes, comme  venant  de  nous,  mais  comme 
étant  ses  dons.  Pour  le  prouver,  le  saint  Évo- 
que montre  que  l'Apôtre  n'aurait  eu  aucun 
mérite,  s'il  n'avait  eu  des  pensées  salutaires. 
Or,  il  avoue  que  nous  ne  sommes  pas  capables 
de  fariner  de  nous-mêmes  aucune  bonne  pensée 
comme  de  nous-mêmes,  mais  que  c'est  Dieu  qui 
nous  en  rend  capables.  Il  avoue  encore  que 
dans  les  combats  qu'il  a  eu  à  soutenir,  c'est 
Dieu  qui  lui  a  donné  la  victoire  par  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ  ;  et  que  s'il  a  été  fidèle 
ministre  du  Seigneur,  ça  été  par  la  miséri- 
corde que  Dieu  lui  en  a  faite. 

5.  Pour  expliquer  ensuite  comment  la  vie 
éternelle  est  tout  ensemble  une  récompense 
et  une  grâce,  il  dit  que  tout  le  bien  que  l'É- 
criture attribue  à  l'homme,  elle  l'attribue  à 
la  grâce.  Si  en  effet  notre  bonne  vie  n'est  au- 
tre chose  que  la  grâce  de  Dieu,  peut-on  dou- 
ter que  la  vie  éternelle,  qui  est  rendue  à  la 
bonne  vie,  ne  soit  aussi  une  vraie  grâce? 
Car  il  est  vrai  de  dire  qu'elle  est  donnée  gra- 
tuitement, puisque  la  bonne  vie  à  laquelle 
elle  est  rendue  a  été  donnée  gratuitement. 
Mais  comme  on  aurait  pu  lui  demander  si 
ces  termes  grâce  pour  grâce,  se  trouvent  dans 
les  livres  saints,  il  prévient  cette  question, 
et  la  résout  en  rapportant  plusieurs  passages 
où  ces  expressions  se  trouvent,  entre  au- 
tres celui  de  saint  Jean  :  Nous  avons  tous  reçu 
de  sa  plénitude,  et  grâce  pour  grâce.  Il  donne 
pour  une  chose  indubitable  que  la  loi  pro- 
duit la  colère,  si  la  grâce  de  Dieu  n'aide  pas 
pour  l'accomplir  ;  et  fait  voir  que  les  péla- 
giens, en  disant  que  par  la  grâce  qui  nous 
aide  à  ne  point  pécher,  il  faut  entendre  la 
loi,  ou  même  les  dons  naturels,  ils  ensei- 
gnaient une  doctrine  entièrement  contraire 
à  celle  de  l'Apôtre.  «Tous  ceux  donc,  conti- 
nue-t-il,  qui  n'ayant  que  le  secours  de  la  loi, 
et  n'ayant  point  celui  de  la  grâce,  s'appuient 
sur  leurs  propres  forces,  et  se  conduisent  par 
leur  propre  esprit,  ceux-là  ne  sont  point  en- 
fants de  Dieu.  Tels  sont  ceux,  selon  saint  Paul, 
qui  ne  connaissant  point  la  justice  qui  vient  de 
Dieu,  et  qui,  voulant  établir  leur  propre  jus- 
tice, ne  sont  point  soumis  à  la  justice  de  Dieu. 
L'Apôtre  avait  ici  en  vue  ces  juifs  qui,  par  la 
présomption  qu'ils  avaient  de  leurs  propres 
forces,  rejetaient  la  grâce.  »  E  prouve  que 
ni  la  loi  ni  la  nature  ne  peuvent  être  regar- 
dées comme  la  grâce  qui  nous  fait  chrétiens, 
parce  qu'autrement  l'Apôtre  ne  se  serait 
pas  écrié  dans  son  Épître  aux  Galates  ;  Vous 
qui  voulez  être  justifiés  par  la  loi,  vous  n'avez 


n    Cor.  m, 
b. 


[    Cor.    XY, 
I  Cor.    vu, 


Cap.  vill. 


Cap.  IX. 


Joan.  I,  16. 
Cap.  xï. 


Cap,  XII. 


Cap,  SJH, 


Galat.    T  , 


516 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


I  Cor.  VII, 
iL:  .  Ilom.  XII, 
3.  Tîplios.  11  , 
8.  Bom.x,!*. 


plus  de  part  à  Jésus,  vous  êtes  déchus  de  la  grâce. 
Aussi  la  nature  nous  est-elle  commune  avec 
les  impies  et  les  infidèles;  au  lieu  que  la 
grâce  n'est  donnée  qu'à  ceux  à  qui  la  foi 
est  donnée;  et  la  foi  n'est  pas  donnée  à 
tous. 

Les  pélagiens  disaient  encore  que  la  grâce 
qui  n'est  ni  la  loi  ni  la  nature,  pouvait  valoir 
pour  effacer  les  péchés  passés,  mais  non 
pour  empêcher  qu'on  n'en  commette  à  l'a- 
venir. «  S'il  en  était  ainsi,  répond  saint  Au- 
gustin, après  avoir  dit  dans  l'Oraison  domi- 
nicale :  Remettez-nous  nos  dettes  comme  nous  les- 
remettons  à  nos  débiteurs,  nous  n'ajouterions 
pas  :  Et  ne  nous  induisez  pas  à  la  tentation. 
Car  nous  faisons  la  première  partie  de  cette 
prière,  afin  d'ohtenir  le  pardon  de  nos  pé- 
chés passés;  et  la  seconde  pour  en  éviter  à 
l'avenir.  »  Il  exhorte  l'abbé  Valentin  et  ses 
religieux  à  lire  le  livre  de  saint  Cypj'ien  sur 
l'Oraison  dominicale,  disant  qu'ils  y  verront 
la  nécessité  qu'il  y  a  de  recourir  à  la  prière 
pour  obtenir  les  secours  dont  nous  avons 
besoin  pour  accomplir  les  préceptes  de  la 
loi. 

Les  pélagiens  disaient  qu'encore  que  la 
grâce  ne  nous  soit  point  donnée  selon  les 
mérites  de  nos  bonnes  œuvres,  parce  que 
c'est  par  elle  que  nous  les  faisons  ;  néanmoins 
elle  nous  était  donnée  selon  les  mérites  de 
notre  volonté ,  parce  que,  disaient-ils,  la 
bonne  volonté  précède  en  celui  qui  a  prié. 
A  quoi  saint  Augustin  répond,  d'après  saint 
Paul,  qu'on  ne  peut  prier  celui  en  qui  l'on  ne 
croit  pas;  mais  que  l'esprit  de  grâce  nous 
fait  avoir  la  foi,  afin  que  par  cette  foi  nous 
puissions  obtenir  en  priant,  la  grâce  de  pou- 
voir faire  ce  qui  nous  est  commandé  ;  et  que 
c'est  pour  cela  que  l'Apôtre  préfère  partout 
la  foi  à  la  loi,  parce  que  ce  n'est  que  par  la 
foi  qu'on  obtient  la  grâce  d'accomplir  la  loi. 
«  Car  si  la  foi,  dit-il,  dépend  entièrement  du 
libre  arbitre,  et  n'est  pas  donnée  de  Dieu, 
Ezocii.  XI,  pourquoi  le  prions-nouspour  ceux  qui  ne  veu- 
lent pas  croire,  afin  qu'ils  croient?  Ce  que  nous 
•  ferions  en  vain,  si  nous  ne  croyions  avec  jus- 
tice que  le  Dieu  tout-puissant  peut  convertir 
à  la  foi  les  volontés  perverses  et  contraires  à 
la  foi.  N'est-ce  pas  en  eflet  ce  que  Dieu  nous 
dit  par  le  prophète  Ézéchiel  :  Je  leur  donne- 
rai un  cœur  de  chair ,  je  leur  imprimerai  un 
esprit  nouveau,  je  ferai  que  vous  marcherez  dans 
la  voie  de  mes  commandements.  Or,  afin  qu'on 
ne  croie  pas  qu'en  tout  cela  les  hommes 
ne  sont  rien  par  leur  libre  arbitre,  il  est  dit 


Cap.  X7. 


dans  le  psaume  xciv  :  Si  vous  entendez  aujour- 
d'hui sa  voix,  n'endurcissez  pas  vos  cœurs  ;  et 
dans  Ézéchiel  :  Faites-vous  un  cœur  nouveau 
et  un  esprit  nouveau,  et  accomplissez  mes  com- 
mandements, retournez  à  moi  et  vivez.  Mais 
souvenons-nous  qfue  celui  qui  dit  :  Retournez 
à  moi  et  vivez,  est  le  même  à  qui  l'on  dit  : 
Convertissez-nous,  Seigneur.  Souvenons-nous 
que  celui  qui  dit  :  Faites-vous  un  cœur  nou- 
veau, est  le  même  qui  dit  aussi  :  Je  vous  don- 
nerai un  cœur  nouveau  et  un  esprit  nouveau. 
Comment  donc  celui  qui  dit  :  Faites- vous, 
dit-il  aussi  :  Je  vous  donnerai?  Pourquoi,  com- 
mande-t-il,  si  c'est  lui  qui  doit  donner  ?  Pour- 
quoi le  donne-t-il,  si  l'homme  doit  le  faire, 
sinon  parce  qu'il  donne  ce  qu'il  commande, 
quand  il  donne  son  secours  à  l'homme  afin 
qu'il  fasse  ce  qui  lui  est  commandé  ?  Il  y  a 
toujours  en  nous  une  volonté  libre,  mais  elle 
n'est  pas  toujours  bonne.  Car,  ou  elle  est  li- 
bre à  l'égard  de  la  justice  quand  elle  est  es- 
clave du  péché,  et  alors  elle  est  mauvaise; 
ou  elle  est  affranchie  du  péché  quand  elle  est 
soumise  à  la  justice,  et  alors  elle  est  bonne. 
Mais  la  grâce  de  Dieu  est  toujours  bonne,  et 
par  elle  il  arrive  que  la  mauvaise  volonté  de 
l'hoinme  est  rendue  bonne,  de  mauvaise 
qu'elle  était  auparavant.  Par  elle  aussi  la 
même  volonté  qui  a  commencé  d'être  bonne, 
devient  meilleure,  et  devient  si  puissante 
qu'elle  peut  accomplir  tel  commandement 
qu'il  lui  plaira,  quand  elle  le  voudra  forte- 
ment et  pleinement.  C'est  pour  cela  qu'il  est 
écrit  :  Si  vous  voulez,  vous  observerez  lesprécep- 
tes,  afin  que  l'homme  qui  le  voudra  et  qui  ne 
le  pourra  pas,  connaisse  qu'il  ne  le  veut  pas 
encore  pleinement;  et  que  pour  en  avoir  une 
aussi  pleine  volonté  qu'il  est  nécessaire  pour 
accomplir  les  préceptes,  il  prie  instamment. 
Et  de  cette  sorte  il  recevra  le  secours  dont  il 
a  besoin  pour  faire  ce  qui  lui  est  commandé. 
Car  c'est  ainsi  qu'il  est  aidé,  afin  qu'il  fasse 
ce  qui  lui  est  commandé.  » 

6.  «Les  pélagiens  croient,  dit  saint  Augus- 
tin, savoir  quelque  chose  de  grand,  quand 
ils  disent  que  Dieu  ne  commanderait  point  à 
l'homme  ce  qu'il  'saurait  n'être  pas  au  pou- 
voir de  l'homme  d'accomphr.  Qui  est-ce  qui 
ignore  cela  ?  Mais  Dieu  nous  commande  des 
choses  que  nous  ne  pouvons  pas  actuelle- 
ment, afin  que  nous  sachions  ce  que  nous  de- 
vons lui  demander.  Car  c'est  la  foi,  qui  par 
la  prière  obtient  ce  que  la  loi  commande. 
Comprenez  donc  bien,  leur  dit-il,  de  quelle 
manière  il  est  dit  :  Si  vous  voulez,  vous  obser- 


E. 
sxxvi,  2; 


EmH. 


[IV«  KT  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


317 


Kii.  jiii,  verez  les  préceptes.  Car  il  est  certain  que  nous 
observons  les  préceptes  si  nous  voulons. 
Mais  comme  c'est  le  Seigneur  qui  prépare  la 
volonté,  il  faut  lui  demander  que  nous  vou- 
lions autant  qu'il  faut  pour  faire  ce  que  nous 
voulons.  Il  est  certain  que  nous  voulons  quand 
nous  voulons ,  mais  celui  qui  fait  que  nous 
voulons  le  bien,  est  le  même  de  qui  il  est 

Tiii.     dit  :  Le  Seigneur  prépare  la  volonté;  de  qui  il 

"ïvi,  est  dit  encore  :  Le  Seigneur  dirigera  les  pas  de 
l'homme,  et  il  voudra  entrer  dans  sa  voie;  de 

iP'  '■•  qui  il  est  encore  dit  :  C'est  le  Seigneur  qui 
opère  en  nous  le  vouloir.  Il  est  certain  que 
nous  agissons,  quand  nous  agissons,  mais 
celui-là  fait  que  nous  agissons,  de  qui  il  est 

EMch.  (jit  ;  /g  ferai  que  vous  marcherez  dans  la  voie  de 
mes  préceptes  ;  que  vous  garderez  mes  ordonnan- 
ces, et  que  vous  les  pratiquerez  ;  et  il  le  fait  en 
donnant  des  forces  très-efScaces  à  notre  vo- 

""■  lonté.  Celui  donc  qui  veut  accomplir  le  com- 
mandement de  Dieu,  et  qui  ne  le  peut  a 
déjà,  je  l'avoue,  une  bonne  volonté,  mais  en- 
core faible  et  impuissante.  Mais  quand  elle 
sera  devenue  plus  grande  et  plus  forte,  il  le 
pourra.  Lorsque  les  martyrs  ont  accompli 
de  si  grands  préceptes,  ils  l'ont  fait  avec  une 
grande  volonté,  c'est-à-dire  avec  une  grande 

l'.is.  charité,  dont  le  Seigneur  a  dit  :  Personne  ne 
peut  avoir  un  plus  grand  amour  que  de  donner 
sa  vie  pour  ses  amis.  L'Apôtre  saint  Pierre 
n'avait  point  encore  cette  grande  charité, 
quand  la  crainte  lui  fit  renier  trois  fois  le 
Seigneur.  Cependant  il  avait  la  charité,  mais 
faible  et  imparfaite,  quand  il  disait  au  Sei- 

■  ^'"i  gneur  :  Je  donnerai  ma  vie  pour  vous.  Car  il 
croyait  pouvoir  ce  qu'il  sentait  bien  qu'il 
voulait.  Et  qui  avait  commencé  de  lui  don- 
ner cette  charité  faible,  sinon  celui  qui  pré- 
pare la  volonté ,  et  qui  par  sa  coopération 
achève  ce  qu'il  a  commencé  par  son  opéra- 
tion? Il  opère  donc  sans  nous,  afin  que  nous 
voulions;  et  lorsque  nous  voulons,  et  que 
.  nous  voulons  de  telle  sorte  que  nous  faisons, 
il  coopère  avec  nous.  En  sorte  néanmoins 
que  nous  ne  pouvons  rien  pour  les  bonnes 
œuvres  sans  celui  qui  opère  afin  que  nous 
voulions,  ou  qui  coopère  lorsque  nous  vou- 
lons. Le  Seigneur  dit  que  son  joug  est  léger 
à  ceux  qui  sont  tels  qu'était  saint  Pierre 
quand  il  souffrit  le  martyre  pour  Jésus- 
Christ,  et  non  tels  qu'il  était  quand  il  le 
renia.  » 

Saint  Augustin  établit  le  double  précepte 
de  la  charité  par  un  grand  nombre  de  pas- 
sages des  Épitres  de  saint  Paul  et  des  Evan- 


giles, puis  il  montre  que  la  charité  qui  nous 
le  fait  accomplir,  vient  de  Dieu  et  non  de 
nous-mêmes.  «D'où  vient  aux  hommes,  dit-il,  cap.  xvnr. 
l'amour  de  Dieu  et  du  prochain,  sinon  de 
Dieu  même?  Car  s'il  ne  vient  pas  de  Dieu, 
mais  des  hommes,  les  pélagiens  ont  rem- 
porté la  victoire.  Mais  s'il  vient  de  Dieu, 
nous  avons  vaincu  les  pélagiens.  Que  l'apô- 
tre saint  Jean  soit  juge  de  cette  difficulté  qui 
est  entre  nous.  Lorsqu'il  nous  dit  :  Mes  très-  i  Join.n,-. 
chers,  aimons-nous  les  uns  les  autres,  les  péla- 
giens s'en  élèvent,  et  disent  :  Pourquoi  nous 
fait-on  ce  précepte,  si  nous  n'avons  de  nous- 
mêmes  de  nous  aimer  mutuellement?  Mais 
ils  sont  confondus  par  ces  paroles  du  même 
Apôtre,  qui  suivent  immédiatement  les  pré- 
cédentes :  Car  l'amour  est  la  charité  de  Dieu.  um. 
Pourquoi  donc  est-il  dit  :  Aimons-nous  les  uns 
les  autres,  parce  que  la  dilection  est  de  Dieu  ? 
Sinon  parce  que  par  le  précepte  le  libre  ar- 
bitre est  averti  de  chercher  le  don  de  Dieu, 
de  quoi,  sans  doute,  on  l'avertirait  inutile- 
ment, s'il  ne  recevait  auparavant  quelque 
degré  de  dilection,  par  lequel  il  recherchât 
ce  qui  lui  est  nécessaire  pour  exécuter  ce 
qui  lui  est  commandé,  quand  il  est  dit  :  A  imez- 
vous  les  uns  les  autres.  Quand  il  est  dit  :  Ai- 
mons-nous les  uns  les  auti'cs,  c'est  la  loi;  quand 
il  est  dit  :  Parce  que  la  dilection  est  de  Dieu, 
c'est  la  grâce.  Que  personne  donc  ne  vous 
trompe,  dit 'ce  Père  aux  moines  d'Adrumet. 
Nous  n'aimerions  pas  Dieu,  s'il  ne  nous  avait 
aimé  le  premier.  La  grâce  nous  fait  amateurs 
de  la  loi ,  mais  la  loi  sans  la  grâce  n'en  fait 
que  des  prévaricateurs.  Ce  que  le  Seigneur 
dit  à  ses  disciples  :  ^ous  ne  m'avez  point 
choisi;  mais  c'est  moi  qui  vous  ai  choisis,  ne 
signifie  autre  chose.  Car  si  nous  l'avons  au- 
paravant aimé,  afin  que  par  ce  mérite  il  nous 
aimât  après  que  nous  l'aurions  aimé,  nous 
l'avons  choisi  premièrement,  afin  de  mériter 
d'être  choisis  de  lui.  Mais  celui  qui  est  la 
vérité ,  dit  toute  autre  chose  ,  et  contredit 
très-ouvertement  cette  vanité  des  hommes  : 
Vous  ne  m'avez  pas  choisi,  dit-il  :  si  donc  vous 
ne  m'avez  pas  choisi ,  sans  doute  vous  ne 
m'avez  pas  aimé.  En  effet,  comment  choisi- 
raient-ils celui  qu'ils  n'aimeraient  pas?  Mais 
je  vous  ai  choisis,  dit-il.  Dira-t-on  qu'ils  le 
choisirent  ensuite,  et  qu'ils  le  préférèrent  à 
tous  les  biens  de  ce  siècle?  Non,  ils  l'ont 
choisi,  parce  qu'ils  avaient  été  choisis  ;  et  ils 
n'ont  pas  été  choisis,  parce  qu'ils  l'avaient 
choisi.  Le  mérite  des  hommes  qui  choisis- 
sent serait  nul,  si  la  grâce  de  Dieu  qui  les 


518 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


I  Tbeïs.  i!i 
12. 


I  Cor. 11,  i; 


Cap.  XX, 


Exod.  vil, 
cl  Kl. 
I     Oos.    VI 

il  Reç.  X' 
111. 
C-i]».  xxi. 


ciloisit,  ne  les  prévenait.  D'où  vient  que  l'A- 
pôtre, bénissant  les  Thessaloniciens,  dit  : 
Qiœ  le  Seigneur  vous  multiplie,  et  qu'il  vous 
fasse  abonder  en  charité  les  uns  envers  les  autres 
et  envers  tous.  Celui-là  nous  a  donné  la  béné- 
diction de  nous  aimer  les  uns  les  autres,  qui 
nous  avait  donné  la  loi  de  nous  aimer  les 
uns  les  autres.  » 

Saint  Augustin  prouve  ensuite ,  tant  par 
l'Ancien  que  par  le  Nouveau  Testament,  que 
nous  avons  reçu  l'esprit  même  de  crainte  de 
Dieu,  et  que  c'est  un  très-grand  don  de 
Dieu.  Sur  quoi  il  dit  :  «  La  crainte  qui  porta 
saint  Pierre  à  renoncer  son  maître  ,  n'est 
pas  celle  que  nous  avons  renie  ;  mais  nous 
avons  rciju  celle  dont  parle  Jesus-Clirist  liii- 
nième  ,  lorsqu'il  dit  :  Craignez  i-chii  qui  a  te 
jto/irnir  de  précipiter  le  corps  et  l'âme  dans 
l'enfer.  »  ]l  conclut  de  tout  cela  que  les  péla- 
giens  n'ont  pas  une  charité  véritable  ,  c'est- 
à-dire  clirétienne  ,  parce  que  s'ils  l'avaient , 
ils  sauraient  d'où  elle  vient ,  comme  le  sa- 
vait l'Apôtre  qui  disait  :  Nous  n'avons  point 
reçu  l'esprit  du  monde,  mais  l'esprit  qui  est  de 
Dieu,  afin  que  nous  connaissions  les  dons  que 
Dieu  nous  a  faits. 

7.  «  Je  crois  ,  ajoute  ce  Père ,  avoir  assez 
disputé  contre  ceux  qui  attaquent  si  vive- 
ment la  grâce  divine,  par  laquelle  la  volonté 
humaine  n'est  pas  détruite ,  mais  de  mau- 
vaise qu'elle  était ,  est  rendue  bonne  ,  et  ai- 
dée après  qu'elle  l'est  devenue.  J'ai  même 
raisonné  là-dessus  de  telle  sorte  que  ce  n'est 
pas  tant  moi ,  que  la  sainte  Écriture  elle- 
même  ,  qui ,  par  les  témoignages  éclatants 
de  la  vérité  vous  a  parlé.  Car  si  cette  Ecri- 
ture divine  est  attentivement  examinée,  elle 
fait  voir  que  non-seulement  c'est  Dieu  qui 
rend  bonnes  les  volontés  des  hommes  de 
mauvaises  qu'elles  étaient ,  et  qui  après  les 
avoir  rendues  bonnes ,  les  conduit  par  de 
bonnes  actions  à  la  vie  éternelle  ;  mais  aussi 
celles  qui  persévèrent  dans  leur  malice  et 
dans  la  corruption  de  la  nature ,  sont  telle- 
ment en  la  puissance  de  Dieu ,  qu'il  les  fait 
pencher  où  il  veut ,  et  quand  il  veut ,  soit 
pour  faire  du  bien  aux  uns ,  soit  pour  impo- 
ser des  peines  aux  autres ,  selon  qu'il  le 
juge  à  propos  par  xm  jugement  à  la  vérité 
'  très-secret ,  mais  certainement  très-juste.  » 
'  11  prouve  par  divers  exemples,  ce  qu'il  avait 
'■  déjà  dit  ailleurs,  qu'il  y  a  des  péchés  qui 
sont  la  peine  d'autres  péchés.  «  Qui  ne  fj'é- 
mira  donc,  dit-il ,  à  la  vue  des  jugements  de 
Dieu  selon  lesquels  il  fait  ce  qu'il  veut  dans 


le  cœur  des  hommes  ,  soit  en  les  portant  au 
bien  par  pure  miséricorde,  soit  en  faisant 
servir  à  ses  desseins  le  mal  auquel  ils  se 
portent  par  leur  libre  arbitre  !  Dieu  est  assez 
puissant ,  soit  par  ses  anges  ,  ou  bons  ou 
mauvais  ;  soit  par  quelqu'autre  voie  ,  quelle 
qu'elle  soit,  pour  opérer  dans  les  cœurs 
mêmes  des  méchants ,  selon  les  mérites  de 
ceux  dont  il  n'a  point  fait  la  malice,  mais 
qui  l'ont  ou  tirée  originellement  d'Adam,  ou 
augmentée  par  leur  propre  volonté.  Il  ne 
faut  pas  s'étonner  si  par  le  Saint-Esprit  il 
opère  le  bien  dans  les  cœurs  de  ses  élus, 
lui  qui  a  pu  faire  qae  les  cœurs  mêmes  de 
mauvais  devinssent  bons.  «  Il  domie  encore 
une  preuve  de  la  grâce  dans  les  ent'auls ,  à 
(]iii  un  ne  peut  attribuer  aucun  mérite  poiu' 
se  l'attirer  ,  ni  auciui  démérite  pour  en  être 
privés  ,  sinon  le  péché  originel ,  ni  aucune 
raison  de  préférence  que  le  jugement  secret 
et  impénétrable  de  Dieu.  Il  finit ,  en  exhor- 
tant les  moines  d'Adrumet  à  rehre  conti- 
nuellement ce  livre,  «  et  si  vous  l'enten- 
dez, leur  dit-il,  rendez  grâces  à  Dieu,  et 
priez-le  de  vous  faire  entendre  ce  que  vous 
n'entendez  :  car  il  vous  en  donnera  l'intelli- 


Cip.  K.Î-1 
XXlll. 


xu. 


Du  livre  de  la  Correction  et  de  la  grcice. 

l.  Saint  Augustin  en  envoyant  à  l'abbé 
Yal  enfin  et  à  ses  frères  le  livre  de  la  Grâce 
et  du  libre  arbitre  ,  les  pria  par  toute  la  con- 
sidération qu'ils  pouvaient  avoir  pour  lui 
de  lui  envoyer  Florus,  le  même  qui  avait 
transcrit  la  lettre  au  prêtre  Sixte.  Yaleutin 
s'en  fit  un  plaisir ,  et  chargea  Florus  d'une 
lettre  adressée  à  ce  saint  évêque ,  où  il  lui 
faisait  le  récit  de  ce  qui  s'était  passé  dans 
son  monastère,  avec  une  profession  de  sa 
foi,  qu'il  assurait  être  aussi  celle  de  Florus. 
Saint  Augustin  fut  ravi  de  trouver  Florus 
dans  la  foi  catholique  sur  la  grâce  et  sur  le 
libre  arbitre,  et  d'apprendre  par  la  lettre 
de  Yalentiu  que  la  paix  était  rétajjlie  dans 
le  monastère  d'Adrumet.  Mais  il  apprit  en 
même  temps  qu'un  moine  du  même  monas- 
tère, à  l'occasion  sans  doute  des  principes 
établis  dans  le  livre  de  la  Grâce  et  du  libre 
arbitre  qu'il  n'avait  pas  bien  compris  ,  fai- 
sait cette  objection  :  Si  c'est  Dieu  qui  opère 
en  nous  le  vouloir  et  le  parfaire,  nos  supé- 
rieurs doivent  se  contenter  de  nous  instruire 
de  nos  devoirs,  el  de  prier  Dieu  pour  nous 


Lit 18  r 
Corrcclio 
de  la  grâi 
que  le 
sion  il  a 
écrit. 


Lib,  Il 
tract. 
ulU 


[iV'  ET  V'^  SIÈCLES.] 

afin  que  nous  les  fassions  ,  sans  nous  corri- 
ger quand  nous  ne  les  faisons  pas  ;  puisque 
ce  n'est  pas  notre  faute  si  nous  n'avons  pas 
ce  puissant  secours,  que  Dieu  ne  nous  a  pas 
donné  ,  et  que  nous  ne  pouvons  recevoir 
que  de  lui.  Cette  fausse  conséquence  qui 
rendait  odieuse  la  doctrine  de  la  grâce,  obli- 
gea saint  Augustin  de  faire  un  nouvel  écrit, 
qu'il  adressa,  comme  le  précédent,  à  l'abbé 
Yalentin  et  à  ses  moines,  sans  néanmoins 
les  accuser  d'être  dans  l'erreur  de  ceux  qui 
soutenaient  le  libre  arbitre  contre  la  grâce. 
Il  est  intitule,  de  la.  Correction  et  de  la  grâce, 
et  suivit  de  près  celui  de  la  Grâce  et  du  li- 
bre arbitre.  H'esl  le  dernier  des  onviciges 
dont  saint  Augustin  piirle  dans  ses  livres 
des  Jtétra,ctnti(im  ériites  en  -4:27.  Ainsi  on  ne 
peut  le  mettre  plus  tard,  ni  aussi  |)ln.s  tût 
qu'en  -i2(j,  après  la  fête  de  Pâques.  Il  es! 
cité  par  saint  Fulgonce  '  Louchant  la  dis- 
tinction des  deux  grâces,  de  celle  d'Adam 
avant  son  pécbé  ,  et  de  celle  par  laquelle 
nous  sommes  rachetés  de  la  masse  du 
péché.  On  l'a  -  regardé  comme  la  clef  de 
toute  la  doctrine  de  saint  Augustin  sur  la 
grâce. 

2.  Saint  Augustin  ne  se  croyant  pas 
obhgé  d'y  retoucher  tous  les  points  qu'il 
avait  suffisamment  expliqués  dans  le  livre 
de  la  Grâce  et  du  libre  (arbitre  qu'il  avait 
cnvoy-é  à  ces  religieux,  leur. dit  de  lire  de 
nouveau  ce  livre,  étant  impossible  qu'ils 
l'eussent  compris  parfaitement  dans  une 
seule  lecture,  a  Vous  y  reconnaîtrez,  leur  dit- 
il,  eu  le  relisant,  de  qu'elle  sorte  on  y  résout 
les  questions ,  et  on  détruit  les  erreurs  tou- 
chant la  grâce,  non  par  la  raison  humaine  , 
mais  par  l'autorité  divine,  de  laquelle  on  ne 
doit  point  s'éloigner ,  si  l'on  veut  parvenir  à 
la  connaissance  de  la  vérité.  »  Il  ne  laisse 
pas  d'établir  dans  le  livre  de  la  Correction  et 
de  la  grâce  plusieurs  principes,  comme  né- 
cessaires avant  d'en  venir  à  la  solution  de 
l'objection  qu'on  lui  avait  faite.  Ces  prin- 
cipes sont  que  Dieu  ne  nous  montre  pas 
seulement  quel  mal  nous  devons  éviter ,  et 
quel  bien  nous  devons  pratiquer,  qui  est 
précisément  ce  que  peut  la  lettre  nue  ,  et 
l'écriture  morte  de  la  loi  ;  mais  qu'il  nous 
aide  encore  pour  fuir  le  mal,  et  faire  le  bien  ; 
ce  que  personne  ne  saurait  faire  sans  l'es- 
prit de  la  grâce  ,  sans  laquelle  la  loi  ne  sert 
qu'à  faire  des  coupables  ;  qu'ainsi  celui  qui 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


519 


use  légitimement  de  la  loi,  apprend  d'elle  le 
bien  et  le  mal  ;  mais  que  ne  se  confiant  point 
en  sa  force  et  en  sa  vertu ,  il  a  recom's  à  la 
grâce,  par  l'opération  de  laquelle  il  s'éloigne 
du  mal,  et  fait  le  bien.  Il  ajoute  que  comme 
nul  n'a  recours  à  la  grâce  que  lorsque  le 
Seigneur  dirige  ses  pas,  et  fait  qu'il  veut  en- 
trer dans  la  voie  du  Seigneur,  il  s'ensuit  que 
le  désir  du  secours  de  la  grâce  est  le  com- 
mencement de  la  grâce  ,  dont  le  Prophète 
parle  ,  lorsqu'il  écrit  :  J'ai  dit  en  moi-même, 
j'ai  commencé  maintenant.  C'est  là  le  change- 
ment c^ue  la  mnin  du  Très-Haut  a  fait  en  moi. 
(i  Nous  devons  donc  confesser ,  continue  ce 
Père  ,  que  nous  avons  le  libre  arbitre  pour 
faire  le  bien  et  le  mal.  Mais  pour  faire  le 
mal,  chacun  est  fibre  de  la  justice  et  esclave 
du  péché;  au  lieu  que,  pour  faire  le  bien, 
personne  ne  peut  être  libre  que  celui  qui 
aura  été  délivré  pai'  le  Sauveur  du  monde  , 
qui  dit:  Si  le  Fils  vous  délivre,  vous  serez 
alors  vraiment  libres.  Mais  il  ne  nous  délivre 
pas  de  telle  sorte  que  nous  n'ayons  plus 
besoin  de  son  secours  ;  mais  que  lui  enten- 
dant dire  :  loiis  ne  pouvez  rien  faire  sans  moi, 
nous  lui  répondions  en  même  temps  ;  Vous 
êtes  mon  aide  et  mon  secours,  ne  me  laissez  pas 
sans  votre  assistance  :  Voilà  la  foi  et  la 
croyance ,  qui  est  véritable  et  indubitable  , 
voilà  la  foi  des  prophètes,  la  foi  des  apôtres, 
la  foi  de  l'Église  cathohque.  » 

3.  «  Pour  entendre  la  grâce  que  Dieu 
nous  donne  par  Jésus-Christ,  il  faut  savoir 
que  c'est  par  elle  seule  que  les  hommes  sont 
délivrés  du  mal,  et  que  sans  ehe  ils  ne  font 
aucun  bien,  ni  par  la  pensée,  ni  par  la  vo- 
lonté, ni  par  l'amour,  ni  par  l'action  ;  et  que 
non-seulement  elle  leur  fait  connaître  ce 
qu'ils  doivent  faire,  mais  qu'eUe  leur  fait 
faire  avec  amour  ce  qu'ils  connaissent.  C'est 
cette  inspiration  d'une  bonne  volonté,  et 
d'une  bonne  œuvre  que  saint  Paid  deman- 
dait â  Dieu  pour  ceux  à  qui  il  disait  :  Nous 
prions  Dieu  afin  que  vous  ne  fassiez  point  de 
mal,  non  afin  que  nous  paraissions  être  gens 
de  bien,  mais  que  vous  fassiez  ce  qui  est  bon. 
L'Apôtre  ne  dit  pas  :  Nous  avertissons,  nous 
enseignons,  nous  exhortons,  nous  repre- 
nons, mais  :  Nous  prions,  etc. ,  ce  qui  n'empê- 
chait pas  qu'il  n'avertit  ceux  à  qui  il  parlait 
ainsi,  qu'il  ne  les  enseignât,  qu'il  ne  les 
exhortât,  qu'il  ne  les  reprit.  Mais  il  savait 
que  toutes  ces  choses  qu'il  faisait  en  public, 


Jcr.n. 
P--j|. 


1  Fulgent.  ad  Ferrand,  cap.  n. 


-  Noris.,  lib.  I,  cap.  xxui. 


520 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


en  plantant  et  en  arrosant,  n'avaient  point 
de  force,  si  celui  qui  donne  l'accroissement 
en   secret,   n'exauçait    la   prière    qu'il    lui 
adressait  pour  eux  :  sachant  que  celui  qui 
plante,  et  celui  qui  arrose,  n'est  rien,  mais 
que  tout  dépend  de  Dieu,  qui  donne  l'ac- 
croissement. » 
Objection.         4.  Ces   principes  posés ,    saint   Augustin 
vient  à  l'objection  du  moine  d'Adrumet,  et 
la  propose   sous   différentes    faces.    Pour- 
quoi, disait  ce  religieux,  nous  prêche-t-on, 
et  nous  ordonne-t-on  de  nous  éloigner  du 
mal,  et  de  faire  le  bien,  si  ce  n'est  pas  nous 
qui  le  faisons,  mais  si  c'est  Dieu  qui  fait  en 
nous    que  nous  le  voulons    et  le  faisons? 
Saint  Augustin  répond  :  «  Il  faut  plutôt  recon- 
naître que  c'est  l'esprit  de  Dieu  qui  nous 
pousse,  afin  que  nous  fassions  ce  que  nous 
devons  faire,  et  qu'après  l'avoir  fait,  nous 
rendions  grâces  à  celui  qui  nous  pousse.  Car 
nous  sommes  poussés ,  afin  que  nous  fas- 
sions, et  non  afin  que  nous  ne  fassions  l'ien. 
Que  si  donc  nous  ne  faisons  pas  le  bien,  ou 
en  ne  le  faisant  point  du  tout,  ou  en  ne  le 
faisant  pas   avec   amour,  et  par  un   mou- 
vement de   charité,    prions   afin   que  nous 
recevions  le  don  que  nous  n'avons  pas  en- 
core. » 
Objection.  5.  Que  nos   supérieurs  donc'',  ajoutait  ce 

Cap.  m.  moine  ,  nous  ordonnent  seulement  ce  cpie 
nous  devons  faire,  et  prient  pour  nous  afin 
que  nous  le  fassions,  mais  qu'ils  ne  nous 
corrigent  point,  si  nous  ne  le  faisons  pas.  «  Je 
dis  au  contraire,  répond  saint  Augustin, 
qu'il  faut  faire  tout  cela,  parce  que  les  apô- 
tres qui  étaient  les  docteurs  de  l'Éghse  le 
faisaient.  Ils  ordonnaient  ce  qu'on  devait 
faire,  ils  reprenaient  si  on  ne  le  faisait  pas, 
et  ils  priaient  afin  qu'on  le  fit.  »  Sur  quoi  ce 
Père  rapporte  divers  passages  de  saint  Paul, 
I  Cor.  XVI,  où  l'on  voit  que  cet  apôtre  ordonne,  afin 
.'iThossa!  qu'on  ait  de  l'amour  et  de  la  charité  ;  qu'il 
reprend ,  parce  qu'on  n'en  avait  point,  et 
qu'il  prie  afin  que  l'on  en  devienne  rempli. 
6.  Mais  comment  est-ce  par  ma  faute  que 
je  n'ai  point  ce  que  je  n'ai  pas  reçu  de  Dieu, 
et  ce  que  je  ne  pouvais  recevoir  que  de  lui , 
n'y  ayant  que  lui  seul,  qui  soit  le  distribu- 
teur d'un  don  si  grand  et  si  précieux?  On  me 
prendrait  avec  raison,  si  c'était  par  ma  faute 
que  je  ne  l'eusse  pas,  c'est-à-dire  si  je  pou- 
vais me  le  donner,  ou  le  prendre  moi-mê- 
me, et  que  je  ne  le  fisse  pas,  ou  si  Dieu  me 
le  donnant,  je  ne  le  voulais  pas  recevoir. 
Puis  donc  que  la  volonté  même  doit  être 


III,  u. 


Objection. 
Cap.  IV. 


II  Timolli  I 
11, »i. 


préparée  par  le  Seigneur,  pourquoi  me  re- 
prenez-vous, parce  que  vous  voyez  que  je 
ne  veux  pas  garder  ses  préceptes  ;  et  que  ne 
le  priez-vous  plutôt  afin  qu'il  m'en  donne  la 
volonté?   «C'est  votre  faute,  répond  saint    cap. v. 
Augustin  ,  de  ce  que  vous  êtes  méchant,  et 
c'est  encore  une  plus  grande  faute  de  ce 
que  vous  ne  voulez  pas  qu'on  vous  reprenne 
de  votre  malice  ;  comme  s'il  fallait  louer  les 
fautes,  ou  les  tenir  pour  indifférentes,  en  ne 
les  louant  ni  les  blâmant  ;  ou  comme  si  la 
honte,  la  crainte,  le  regret  d'être  repris  ne 
pouvaient  servir  de  rien,  et  ne  pas  exciter  à 
prier  et  à  se  convertir.  »  Jl  fait  voir  l'utilité 
des  remontrances ,  lorsqu'on  les  fait  plus 
fortes  ou  plus  douces ,  selon  les  cpialités  des 
péchés,  et  lorsque  le  suprême  Médecin  jette 
ses  regards  divins  sur  celui   que  l'on  re- 
prend ;  et  il  cite  à  cette  occasion  ce  cpie  dit 
saint  Paul  à  Timothée,  qu'il  faut  reprendi'e 
avec  modestie  ceux  qui  sont  d'un  autre  sen- 
timent, parce  qu'il  se  peut  faire  que  Dieu 
les  touchera  de  repentance  pour  connaître 
la  vérité,  et  se  tirer  des  pièges  du  diable. 
Il  ne  nie  pas  que  Dieu  ne  puisse  convertir 
celui  qu'il  veut,  quoique  personne  ne  l'aver- 
tisse de  le  faire,  et  qu'il  ne  le  puisse  con- 
duire à  la  douleur  salutaire  de  la  pénitence  ; 
par  la  puissance  secrète  et  toute  puissante 
de  sa  médecine  ;  mais  il  soutient  que  com- 
me nous  ne  devons  point   cesser  de  prier 
pour   ceux   dont  nous  désirons  la  conver- 
sion ,  de  même  on  ne  doit  pas  négliger  les 
avertissements  et  les   remontrances ,    en- 
core que  Dieu  rende  convertis   ceux   qu'il 
veut,  sans  qu'ils  aient.été  avertis  de  ce  qu'ils 
devaient    faire   pour    se   convertir.  Ensuite    cap. 
il  montre  qu'on  ne  doit  point  laisser   de 
reprendre   ceux    qui   n'ont   pas    la    grâce 
de  bien    faire  ;  .premièrement ,  les   infidè- 
les ,  et  généralement  tous  ceux  qui  n'ont 
point  été  baptisés,  du  mal  qu'ils  font,  parce 
que  Dieu  a  fait  l'homme  juste  en  le  créant. 
D'où  il  suit,  que  la  première  injustice,  par 
laqueUe  on   n'obéit    pas  à  Dieu,  vient  de 
l'homme,  parce  qu'il  est  devenu  méchant, 
en  perdant  par  sa  mauvaise  volonté  cette 
justice  première   et  cette  bonté   originelle, 
que  Dieu  lui  avait  donnée  lors  de  sa  créa- 
tion. On  ne  peut  objecter  que  cette  malice 
ne  doit  pas  être  reprise  dans  l'homme,  parce 
qu'elle  n'est  pas  propre  et  particulière  h  ce- 
lui que  l'on  reprend,  mais  commune  à  tous 
les   hommes  :  car  on  doit  reprendre   d'un 
chacun  ce  qui  est  commun  à  tous,  puisqu'il 


[IV"  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


521 


ne  laisse  pas  d'être  particulier  à  chaque  per- 
sonne. On  doit  en  second  lieu ,  reprendre 
ceux  d'entre  les  baptisés  qui  ne  persévèrent 
pas  dans  le  bien,  parce  qu'ils  ne  peuvent  dire 
qu'ils  n'ont  pas  reçu,  ayant  perdu  par  leur 
volonté  qui  est  libre  pour  le  mal,  la  grâce  de 
Dieu  qu'ils  avaient  reçue.  Si,  étant  vivement 
touchés  des  avertissements  qu'on  leur  donne, 
ils  poussent  des  gémissements  salutaires  du 
fond  de  leur  cœur,  et  pratiquent  de  nouveau 
les  bonnes  œuvres,  leur  changement  justifie 
l'utilité  des  avertissements  et  des  remon- 
trances. Enfin  il  peut  arriver  que  Dieu  leur 
donnera  des  mouvements  de  pénitence  pour 
les  faire  revenir  à  lui,  ainsi  que  le  dit 
saint  Paul. 

7.  n  est  vrai,  disait  celui  qui  ne  voulait 
pas  être  repris,  que  j'ai  reçu  la  foi,  qui  agit 
par  amour  ;  mais  je  n'ai  pas  reçu  la  persé- 
vérance jusqu'à  la  fin  dans  cette  foi  agis- 
sante par  amour.  Saint  Augustin  confirmepar 
un  grand  nombre  de  passages  de  l'Écriture 
ce  qui  est  dit  dans  cette  objection  ,  que  la 
persévérance  dans  le  bien  jusqu'à  la  fin  est 
un  grand  don  de  Dieu,  et  qu'il  ne  procède 
que  de  celui  dont  il  est  écrit  :  Tout  don  ex- 
cellent, et  tout  don  parfait  vient  d'en  haut,  et 
procède  du  Père  des  lumières.  Il  le  prouve  en- 
core, en  ce  que  l'on  prie  pour  la  demander. 
Il  enseigne  néanmoins  que  c'est  avec  jus- 
tice que  l'on  reprend  ceux  qui  ne  persévè- 
rent point,  parce  que  c'est  par  leur  propre 
volonté  qu'ils  ont  été  changés,  et  qu'ils  ont 
passé  d'une  bonne  vie  à  une  mauvaise. 
S'ils  ne  profitent  donc  point  de  la  correc- 
tion ,  ils  méritent  la  damnation  éternelle. 
Ceux-mêmes  à  qui  l'Évangile  n'aura  pas  été 
prêché  ne  se  délivreront  pas  de  cette  con- 
damnation, quoiqu'il  semble  que  c'est  une 
excuse  plus  légitime  de  dire  :  nous  n'avons 
pas  reçu  la  grâce  d'ouïr  l'Évangile  ,  que  de 
dire  nous  n'avons  pas  reçu  la  persévérance. 
Car  on  peut  dire  :  Mon  ami ,  vous  auriez  ' 
persévéré  si  vous  aviez  voulu,  en  ce  que 
vous  aviez  ouï  et  retenu;  mais  on  ne  peut 
dire ,  en  aucune  manière  :  Vous  auriez 
cru  si  vous  aviez  voulu,  ce  que  vous  n'avez 
pas  ouï.  D'ailleurs,  Dieu  ne  doit  à  personne 
la  grâce  de  la  persévérance,  et  s'il  la  donne 
à  ses  élus  qu'il  a  séparés  de  la  masse  de 
perdition  par  une  singulière  miséricorde,  il 
la  refuse  avec  justice  en  punition  du  péché 
ou  actuel  ou  originel  à  ceux  qu'il  a  laissés 
dans  cette  damnation  générale,  où  le  péché 
d'un  seul  a  engagé  tous  les  hommes.  Saint 


Augustin  dit  de  ceux-ci  cpii,  après  avoir  été 

justifiés  par  le   baptême  ,   ne    persévèrent 

point  jusqu'à  la  fin,  qu'ils  n'ont  pas  été  tirés 

et  séparés  par  la  prescience  de  Dieu  et  par 

sa  prédestination,  de  cette  masse  perdue  et 

condamnée  ;  et  que  c'est  pour  cela  cpi'ils  ne 

sont  ni  appelés  selon  le  décret  de  Dieu,  ni 

par  conséquent  choisis  et  élus,  mais  appelés 

seulement  entre  ceux  dont  il  est  dit  :  Il  y  a  ^^M="Uh.  ix, 

beaucoup  d'appelés;  et   non  pas  entre  ceux 

dont  il  est  dit  :  Mais  il  y  a  peu  d'élus. 

8.  «  Si  on  demande  pourquoi  Dieu  n'a  cap.  vm. 
pas  donné  la  persévérance  à  ceux  à  qui  il  a 
donné  l'amour  et  la  charité  par  laquelle  ils 
vivaient  chrétiennement ,  je  réponds  ,  dit 
saint  Augustin ,  que  je  n'en  sais  point  la 
cause,  écoutant,  avec  un  sentiment  humble 
de  ma  faiblesse ,  l'Apôtre  lorsqu'il  dit  :  0  !><""■  "^>^°' 
homme,  qui  es-tu  pour  demander  à  Dieu  qu'il 
te  rende  compte  de  ce  qu'il  fait  ?  Il  faut  donc 
que  nous  lui  rendions  grâces  autant  qu'il  lui 
plaît  de  nous  découvrir  de  ses  conseils,  et  de 
ne  pas  murmurer  contre  sa  providence,  au- 
tant qu'il  lui  plaît  de  nous  les  cacher,  mais 
croire  au  contraire  qu'il  nous  est  très-utile 
qu'ils  nous  demeurent  toujours  inconnus. Mais 
vous  qui  êtes  ennemis  de  cette  grâce, et  qui  me 
demandez  la  raison  de  ce  secret,  je  crois  que 
vous  ignorez  de  même  que  moi,  pourquoi 
l'un  reçoit  ce  don,  etllautre  ne  le  reçoit  pas. 
Ou  si  vous  avez  recom's  au  libre  arbitre  de 
l'homme ,  qu'opposerez-vous  à  ces  paroles 
de  Jésus-Christ  :  J'ai  prié  pour  vous,  Pierre, 
afin  que  votre  foi  ne  manque  point?  Oserez- 
vous  dire  que  nonobstant  la  prière  de  Jésus- 
Christ,  la  foi  de  Pierre  eût  défailli,  si  Pierre 
eût  voulu?  Comme  c'est  le  Seigneur  qui  pré-  p™'- ■"'■'• 
2Mre  la  volonté,  la  prière  que  Jcsus-Christ  of- 
frit à  Dieu  son  Père  pour  cet  apôtre,  ne 
pouvait  être  vaine  et  défectueuse  ;  ainsi 
lorscpi'il  a  prié,  afin  que  sa  foi  ne  défaillît 
point,  il  n'a  demandé  autre  chose  pour  lui, 
sinon  qu'il  eût  une  volonté  très-hbre,  très- 
forte,  très-invincible,  et  très-persévérante 
dans  la  foi.  Voilà  de  quelle  sorte  on  défend 
la  liberté  de  la  volonté  selon  la  grâce  de 
Dieu,  et  non  pas  contre  elle.  La  volonté  hu- 
maine n'obtient  donc  pas  la  grâce  par  la 
liherté  ,  mais  elle  obtient  la  liberté  par  la 
grâce  ,  et  elle  reçoit  pour  persévérer ,  un 
plaisir  perpétuel  et  une  force  insui-monta- 
ble.  Il  est  vrai  qu'il  y  a  lieu  de  s'étonner 
que  Dieu  ne  donne  pas  la  persévérance  à 
quelques-uns  de  ses  enfants,  qu'il  a  fait  re- 
naître en  Jésus-Christ,  et  à  qui  il  a  donné  la 


522 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEU   S  ECCLÉSIASTIQUES. 


i>f 


.!o"Il,   XI,  i.l 
Jean.  )',  '.'•'■ 


foi,  l'espérance  et  l'amour,  tandis  qu'il  l'ac- 
corde aux  enfants  de  ses  ennemis  ;  ou  qu'il 
ne  retire  pas  des  périls  de  cette  vie  les  fidè- 
les dont  il  prévoit  la  chute.  Dira-t-on  pour 
cela  qu'il  n'a  pas  eu  ces  événements  en  sa 
puissance,  ou  qu'il  n'a  pas  su  les  maux  que 
ces  fidèles  commettraient  à  l'avenir  ?  L'un 
ou  l'autre  ne  se  peut  dire  sans  absurdité. 
Pom-quoi  donc  Dieu  ne  l'a-t-il  pas  fait  ?  Que 
ceux  qui  se  moquent  de  nous,  lorsque  nous 
recourons  en  ces  rencontres  aux  jugements 
incompréhensibles,  et  aux  voies  impénétra- 
bles du  Seigneur,  nous  répondent.  Car  Dieu 
donne  cela  à  ceux  qu'il  lui  plaît,  et  l'Écri- 
ti;rc  ne  ment  pas  ,  lorsque  parlant  de  la 
mort  d'un  homme  juste,  comme  si  elle  avait 
été  précipitée,  dit  :  7/  a  été  tiré  de  cette  rie. 
lie  peur  que  la  iiwliee  ne  cliiiuijeùl  ■nui  esprit, 
nu  que  l'hypocrisie  ne  triDiifiùt  mjk  ùiiir.  Et  tic 
sîoyons  pas  touchés  di'  ce  que  Dieu  ne  donne 
pas  cette  persévérance  à  quelques-uns  de 
ses  enfants.  Car  cela  n'arriverait  jamais, 
s'ils»  étaient  du  nombre  des  prédestinés,  et 
de  ceux  qui  sont  appelés  selon  le  décret  de 
Dieu,  et  qui  sont  véritablement  les  enfants 
de  la  promesse.  Ils  sont  appelés  enfants  de 
Dieu,  lorsqu'ils  vivent  pieusement  :  mais 
parce  qu'ils  vivront  un  jour  comme  des  im- 
pies, et  qu'ils  mouiTont  dans  cette  impiété, 
la  prescience  de  Dieu  ne  les  appelle  pas  en- 
fants de  Dieu.  » 

De  là  saint  Augustin  prend  occasion  de 
dire,  et  de  prouver  par  l'autorité  de  l'Ecri- 
tui'C,  qu'il  y  a  des  enfants  de  Dieu  qui  ne 
le  sont  pas  encore  à  notre  égard,  et  qui  le 
sont  déjà  à  l'égard  de  Dieu,  étant  écrits  sur 
le  registi'e  de  leur  père  par  im  décret  ferme 
et  inébranlable,  avant  même  qu'on  leur  ail 
annoncé  l'Évangile  ;  et  qu'au  contraire  il  y 
en  a  que  nous  appelons  enfants  de  Dieu,  à 
cause  de  la  grâce  qu'ils  ont  reçue  pour  un 
temps,  et  qui  ne  le  sont  pas  à  l'égard  de 
Dieu,  parce  qu'ils  ne  sont  que  du  grand  nom- 
bre des  appelés,  et  non  pas  du  petit  nombre 
des  élus.  »  C'est  pour  cela,  continue-t-il,  qu'a- 
près que  l'Apôtre  a  dit  :  Nous  savons  que  tout 
se  tourne  en  bien  pour  ceux  qui  aiment  Dieu, 
sachant  qu'il  y  en  a  qui  aiment  Dieu,  et  qui 
toutefois  ne  persévèrent  pas  dans  le  bien 
jusqu'à  la  fin,  il  ajoute  :  Pour  ceux  qui  ont 
été  appelés  selon  le  décret  de  Dieu.  Car  ceux-là 
demeurent  jusqu'à  la  fin  dans  l'amour  qu'ils 
ont  pour  Dieu,  et  s'ils  s'en  retirent  pour  un 
temps,  ils  y  retournent,  afin  qu'ils  conti- 
nuent jusqu'à  la   fin  dans  le   bien  où  ils 


avaient  commencé  d'être.  L'Apôtre  explique 
ce  que  c'est  que  d'être  appelé  selon  le  dé- 
cret de  Dieu,  lorsqu'il  ajoute  :  Il  a  prédestiné 
pour  être  conformes  à  l'imaye  de  son  Fils  ceux 
qu'il  a  connus  de  toute  éternité  dans  sa  pres- 
cience ,  voulant  que  son  Fils  ait  plusieurs 
frères,  et  qu'il  soit  l'aîné  entr'eux.  Et  il  a  ap- 
pelé ainsi,  savoir  selon  son  décret,  ceux  qu'il 
a  prédestinés,  et  il  a  justifié  ceux  qu'il  a  ap- 
jxlés,  et  il  a  glorifié  ceux  qu'il  a  justifiés.  Par 
la  gloire  marquée  dans  ces  dernières  paro- 
les :  Il  les  a  glorifiés,  il  faut  entendre  celle  de 
la  vie  future.  Que  si  quelques-uns  des  élus 
se  dérèglent,  Dieu  fait  que  leur  dérègle- 
ment même  leur  Innriic  en  bien ,  paj'ce 
qu'ils  en  deviennejrl  ]jliis  humbles,  appre- 
nant à  se  réjouir  avec  lre)ulilement  dans  la 
voie  de  la  juslice,  ne  s'assnrant  point  d'y 
(loiiiMiicr  |jiir  leurs  pi'Ojjj'es  forces,  mais  par 
la  voluJité  cl  la  grâce  du  Seigneur.  » 

Saint  Augustin  rapporte  sur  ce  sujet 
comment  l'apôtre  saint  Pierre  tomba  dans 
l'infidélité  et  le  trouble  pour  s'être  trop  at- 
tribué à  lui-même  ;  et  comment  il  profita  de 
cette  faute  par  l'opération  de  celui  qui  fait 
tourner  toutes  choses  eu  bien  pour  ceux  qui 
l'aiment,  parce  qu'il  avait  été  appelé  selon 
le  décret  de  Dieu,  en  sorte  que  personne  ne 
le  put  ravir  de  la  main  de  Jésus-Christ  à 
qui  son  Père  l'avait  donné.  D'où  il  conclut 
cju'il  faut  toujoiu'S  reprendre  celui  qui  pè- 
che, parce  que  ne  pouvant  distinguer  les 
élus  des  réprouvés,  nous  ne  savons  qui  sont 
ceux  à  qui  notre  correction  profitera,  ni 
ceux  à  qui  Dieu  donnera  la  persévérance. 

l).  Adam  était  sans  doute  séparé  de  la 
masse  de  perdition,  puisqu'elle  n'était  pas 
encore  ;  pourquoi  donc  n'a-t-il  pas  reçu  le 
don  de  persévérance  ?  Et  ne  l'a,yant  pas  re- 
çu, comment  est-il  coupable  ?  Pour  résoudre 
cette  dilhculté,  saint  Augustin  répond,  que 
la  grâce  donnée  aux  anges  et  à  l'homme 
dans  la  première  création,  était  bien  diffé- 
rente de  celle  que  Jésus-Christ  donne  aux 
hommes  depuis  la  chute  d'Adam  ;  qu'à  l'é- 
gard des  anges  et  du  premier  homme.  Dieu 
a  voulu ,  premièrement ,  montrer  ce  que 
pouvait  en  eux  le  libre  ai-bitre,  et  ensuite  ce 
que  pouvait  le  don  de  sa  grâce,  et  le  juge- 
ment de  sa  justice  ;  que  quelques-uns  des 
anges  se  sont  éloignés  du  Seigneur  par  le 
libre  arbitre,  tandis  que  les  autres  sont  de- 
meurés dans  la  vérité  par  ce  même  libi'e 
arbitre  ;  qu'Adam  eût  aussi  pu,  s'il  eût  vou- 
lu, demeurer  par  le  libre  arbitre  dans  l'état 


f.  ^. 


[IV''  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


523 


de  justice  où  il  avait  été  créé  ;  mais  qu'ayant 
quitté  Dieu  par  son  libre  arbitre,  il  a  été 
condamné  avec  toute  sa  race,  qui  étant  en 
lui  lorsqu'il  pécha,  avait  péché  avec  lui.  Ce 
qui  fait  que  si  nul  n'était  déhvré,  personne 
ne  pourrait  reprendre  avec  justice  le  juste 

cip.  Il,  jugement  de  Dieu.  Mais,  dira-t-on,  Adam  n'a- 
t-il  point  eu  de  grâces  de  Dieu  ?  «  Il  en  a  eu 
une  grande,  dit  ce  Père,  mais  différente  de 
celle  que  Jésus-Christ  nous  a  méritée.  Il  n'a 
pas  eu  cette  grâce  par  laquelle  il  ne  voulût 
jamais  être  méchant;  mais  il  en  avait  une, 
en  laquelle,  s'il  eût  persévéré,  il  n'eût  jamais 
été  méchant,  et  sans  laquelle  il  n'aurait  pu 
être  bon,  même  avec  le  libre  arbitre,  et 
qu'il  pouvait  néanmoins  quitter  par  le  lilirc 
arbitre.  Car  ce  secours  élait  tel  (|u'Ailiim 
pouvait  ne  s'en  point  servir,  loi'scpi'il  le  vou- 
lait, et  s'en  servir  s'il  le  voulait  ;  mais  il 
n'était  pas  tel  que  ce  îùi  ce  secours  qui  le 
fit  vouloir.  Voilà  la  première  grâce  qui  a 
été  domiée  à  Adam  ;  et  il  faut  dire  la  même 
chose  de  celle  que  Dieu  accorda  aux  anges. 
Mais  celle  que  les  hommes  ont  eue  par  le 
Médiateur  qui  les  a  rachetés  de  son  sang, 
est  plus  puissante,  puisqu'au  lieu  que  par 
la  première  grâce  l'homme  gardait  la  jus- 
tice, s'il  le  voulait,  la  seconde  le  fait  vouloir, 
et  vouloir  si  fortement,  qu'il  surmonte  par 
la  volonté  de  l'esprit  la  volonté  de  la  chair, 
qui  a  des  passions  contraires.  Si  ce  secours 
eût  manqué  ou  à  l'ange  ou  à  l'homme,  lors- 
([u'ils  fm'ent  créés  d'abord,  leur  nature  n'é- 
tant pas  telle  que,  sans  l'aide  de  Dieu,  elle 
put  demeiu-er  dans  le  bien,  si  elle  voulait, 
ils  ne  fussent  pas  tombés  par  leur  faute, 
parce  qu'ils  eussent'  manqué  du  secours 
sans  lequel  ils  ne  pouvaient  demeurer  dans 
leur  innocence.  Mais  maintenant  ceux  qui 
sont  privés  de  ce  secours,  en  sont  privés 
par  la  peine  du  péché.  » 

Saint  Augustin  marque  la  différence  de 
la  grâce  d'Adam  et  de  celle  de  Jésus-Christ, 
en  disant  que  la  grâce  première  était  un 
secours  sans  lequel  une  chose  ne  se  faisait 
point,  et  l'autre  un  secours  par  lequel  quel- 
que chose  se  fait. 

c.p.  m:.  10.  Il  donne  deux  raisons  de    cette  dis- 

tinction ;  la  première,  que  la  volonté  d'A- 
dam était  saine  et  forte,  et  qu'ainsi  il  lui 
était  facile  de  vouloir  le  bien,  sans  que  la 
grâce  l'y  déterminât,  tandis  que  la  volonté 
des  hommes  depuis  la  chute  d'Adam,  est  si 
malade  et  si  faible,  que  si  Dieu  l'abandon- 
nait à  elle-même,  en  ne  lui  donnant  qu'un 


secours  semblable  à  celui  d'Adam  et  des 
anges,  qui  n'opérât  point  en  eux  qu'ils  vou- 
lussent persévérer  dans  le  bien,  ils  ne  le 
pom'raient  pas  à  cause  des  grandes  tenta- 
tions dont  il  sont  attaqués,  et  qui  n'étaient 
pas  dans  le  paradis  terrestre.  La  seconde 
raison  est,  que  Dieu  pour  étouffer  l'orgueil 
de  l'homme,  qui  a  été  la  cause  de  sa  ruine, 
n'a  pas  voulu  que  ses  saints  mêmes  se  glo- 
rifiassent en  leurs  propres  forces,  mais  en 
lui,  de  leur  persévérance  ;  puisque  non-seu- 
lement il  leur  donne  mi  secours,  tel  qu'il  l'a 
donné  au  premier  homme,  sans  lequel  ils  ne 
pourraient  persévérer,  quoiqu'ils  le  voulus- 
sent ,  aiais  un  secours  qui  produit  même  le 
vouloir  en  eux.  Car  ils  ne  persévéreraient  pas, 
s'ils  ne  le  pouvaient,  et  ne  le  voulaient  ;  et  à 
cause  de  cela  le  pouvoir  et  la  volonté  même 
lie  persévérer  leur  sout  donnés  par  la  libé- 
ralité de  la  grâce  divine.  C'est  ainsi  que 
Dieu  a  remédié  à  la  faiblesse  de  la  volonté 
humaine,  lorsqu'il  a  fait  qu'elle  fût  poussée 
iudéclinablement  et  invinciblement  par  la 
grâce  divine  ,  eu  sorte  que,  quoique  faible 
eUe  ne  défaillit  point ,  et  ne  fût  vaincue  par 
aucune  adversité. 

11.  Il  dit  que  c'est  de  ceux  qui  sont  pré- 
destinés pour  le  i-oyaume  de  Dieu,  qu'il  faut 
entendre  ce  que  dit  Jésus-Christ  :  J'ai  prié 
pour  vous,  afin  que  votre  foi  ne  défaille  point  ; 
que  le  nombre  en  est  si  certain  et  si  arrêté, 
qu'il  ne  croît  jamais,  ni  ne  diminue  ;  que 
personne  d'eux  ne  sait  toutefois  s'il  en  est, 
pendant  qu'il  est  en  ce  monde,  et  que  cette 
ignorance  leur  est  utile  en  cette  vie  pour 
les  garder  de  la  vaine  gloire.  Quant  aux  ré- 
prouvés, il  en  distingue  de  différentes  sor- 
tes :  les  uns  meurent  avec  le  péché  originel 
qu'ils  ont  contracté  par  leur  naissance,  sans 
que  cette  dette  héréditaire  leur  ait  été  re- 
mise dans  le  baptême  :  d'autres  par  leur 
libre  arbitre,  qui  n'est  pas  déhvré  par  la 
grâce,  ont  ajouté  d'autres  péchés  à  leur  pé- 
ché originel  ;  d'autres  ont  reçu  la  grâce,  et 
n'y  ont  pas  persévéré  ;  ils  ont  quitté  Dieu, 
et  Dieu  les  a  quittés  ;  abandonnés  à  leur  fibre 
arbitre,  fis  n'ont  point  reçu  le  don  de  persévé- 
rance par  un  jugement  de  Dieu,  qui  est  aussi 
juste  comme  il  est  caché.  «  Que  les  hommes  cip.  nv. 
donc ,  ajoute  ce  saint  Docteur ,  soulfrent 
qu'on  les  corrige,  lorsqu'ils  pèchent,  sans 
argumenter  de  la  correction  contre  la  grâce, 
ni  de  la  grâce  contre  la  correction;  parce 
qu'il  est  vrai,  et  que,  selon  la  justice,  la 
peine  est  due  au  péché,  et  que  les  justes 


Luc. 
32, 


524 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


remontrances  dont  on  se  sert  comme  d'une 
médecine,  font  partie  de  cette  peine.  De 
sorte  que  si  celui,  à  qui  on  donne  quelques 
avertissements,  est  du  nombre  des  prédesti- 
nés, ces  avis  lui  sont  des  remèdes  salutai- 
res ;  que  s'il  n'en  est  pas,  ils  lui  sont  un 
supplice  rigoureux.  Il  est  bien  au  pouvoir 
de  l'homme  de  vouloir  ou  de  ne  pas  vouloir; 
mais  il  n'empêche  point  la  volonté,  ni  ne 
surmonte  la  puissance  de  Dieu,  qui  fait  ce 
qu'il  veut  de  ceux  qui  font  ce  qu'il  ne  veut 
pas.  » 
1  Timoih.  Ce  Père,  par  ces  paroles  :  Dieu  veut  que 
tous  les  hommes  soient  sauvés,  entend  ici  tous 
les  prédestinés.  «  Parce  que,  dit-il,  ils  com- 
prennent tous  les  divers  gemmes  des  hom- 
mes, »  mais  il  avertit  qu'elles  peuvent  aussi 
s'entendre  en  plusieurs  autres  manières , 
dont  il  a  rapporté  quelques-unes  dans  ses 
I  Pc;.  I,   ouvrages.  Ensuite  il  rapporte  divers  exem- 

2r„    I    l>ar.il.  ?       ,„S       -,  •  j  i.    1 

XI,  :■,  12, 28  pies  de  lEcriture,  qui  montrent  le  pouvoir 
absolu  que  Dieu  a  sur  les  volontés  des  hom- 

Cap.  XV.  mes.  Il  parle  de  l'excommunication  qui , 
dans  l'usage  de  l'Église,  était  appelée  con- 
damnation, et  ordonnée  par  le  jugement  de 
l'évêque,  comme  de  la  plus  grande  de  toutes 
les  peines  de  l'Église  ;  et  dit  que  pouvant, 
si  Dieu  le  vent,  devenir  une  correction  très- 
salutaire,  nous  devons  corriger  selon  la  dif- 
férence des  fautes,  et  procurer  sans  distinc- 
tion le  salut  de  tous  les  hommes,  parce  que 
nous  ne  connaissons  pas  ceux  que  Dieu  veut 
effectivement  sauver ,  et  que  le  soin  que 
nous  en  prenons  nous  sera  du  moins  utile. 

csp.  xT!.  Mais  pourquoi,  disait-on,  se  mettre  en  peine 
de  corriger  ceux  qui  pèchent,  puisque  nul 
ne  périt  que  celui  qui  est  enfant  de  perdi- 
tion ?  «Cela  est  vrai,  répond  le  saint  Docteur, 

Eïcch.  [t.,  mais  il  l'est  aussi  que  Dieu  vengera  le  sang 
du  pécheur,  su7'  celui  qui  le  devait  avertir. 
Ne  pouvant  donc  discerner  ceux  qui  sont 
prédestinés  d'avec  ceux  qui  ne  le  sont  pas, 
nous  devons  faire  des  remontrances  sévères 
à  tous,  de  peur  qu'ils  ne  périssent,  ou  qu'ils 
n'en  perdent  d'autres,  et  nous  les  devons 
faire  dans  l'intention  de  les  guérir,  quoique  ce 
soit  à  Dieu  à  les  rendre  utiles  à  ceux  qu'il  a 
connus  dans  sa  prescience,  et  qu'il  a  prédes- 
tinés pour  être  conformes  à  l'image  de  son 
Fils.  Nous  n'avons  pas  de  plus  grandes  en- 
trailles d'affection   que    l'Apôtre,  qui  dit   : 

!  Tbossai.v,   Reprenez  les  inquiets,  consolez  les  timides,  sou- 

'"  lagez  les  faibles,  soyez  patients  envers  tous,  et 

prenez  garde  que  personne  ne  rende  à  un  autre 

iiiauiii.  V,   le  mal  pour  le  mal.  Et  encore  :  Reprenez  de- 


vant tout  le  monde  ceux  que  pèchent,  afin  que 

les  autres  craignent.  Ce  qu'il  faut  entendre 

des  péchés    qui  ne  sont   point   cachés,  de 

peur  qu'on  ne   s'imagine  qu'il  parle  contre 

l'ordonnance  de  Notre-Seigneur,  qui  dit   : 

Si  votre  frère  vous  a  offensé,  reprenez-le  entre    ..«'aini.svm, 

lui  et  vous.  » 

§  XIII. 

Des  livres  de  la  Prédestination  des  saints,  et  du 
Don  de  la  persévérance. 


l 


1.  Parmi  les  fidèles  de  la  ville  de  Mar- 
seille ,  il  y  en  avait  plusieurs  qui ,  après  la 
lecture  des  ouvrages  de  saint  Augustin  con- 
tre les  pélagiens,  s'imaginaient  que  ce  qu'il 
y  enseignait  de  la  vocation  des  élus,  fondée 
sur  le  décret  de  la  volonté  de  Dieu,  était 
contraire  à  la  doctrine  des  Pères,  et  au  sen- 
timent commun   des  fidèles.   Ils  aimèrent 
mieux  néanmoins ,  pendant  quelque  temps, 
s'en  prendre  à  leur  peu  de  lumières,  que  de 
condamner   absolument  ce   qu'ils   ne   pou- 
vaient s'assurer  de  bien  comprendre.  Quel- 
ques-uns même  d'entr'eux  avaient  dessein 
de  consulter  sur  cela  ce  saint  Docteur,  et  de 
lui  demander  une  explication  plus  claire  et 
plus  nette  ,  lorsque  par  une  providence  par- 
ticulière l'on  apporta  à  Marseille  le  livre  de 
la  Correction  et  de  la  grâce,  qu'il  avait  com- 
posé pour  résoudre  les  mêmes  difficultés  que 
faisaient  ceux  de  cette  ville.  Mais  comme  la 
lecture  de  ce  livre  rendit  plus  éclairés  et 
plus  savants  ceux  qui  faisaient  déjà  profes- 
sion de  suivre  l'autorité  toute  sainte  et  toute 
apostolique  de  saint    Augustin;   elle  ne  fit 
aussi  qu'en  éloigner  de  plus  en  plus  ceux  à 
qui   leurs  préventions   avaient   bouché  les 
yeux.  Ils  étaient  la  plupart  gens  démérite  et 
de  vertu,  et  il  y  avait  pour  cette  raisonbeau- 
coup  de  danger  qu'un  grand  nombre  d'au- 
tres personnes  ne  se  laissassent  entraîner  à 
leurs  sentiments  sans  les  examiner.  Ce  fut 
ce  qui  obligea  saint  Prosper  de  lui  deman- 
der un  nouvel  éclaircissement  pour  tâcher 
de  ramener  ces  nouveaux  ennemis  de  la 
grâce  ,  dont  il  lui  représente  les  erreurs  en 
ces  termes  :  «  Ils  reconnaissent  bien   que 
tous  les  hommes  ont  péché  en  Adam,  et  que 
ce  ne  sont  point  nos  œuvres  qui  nous  sau- 
vent ,  mais  la  grâce  par  la  régénération  spi- 
rituelle,   mais  ils  veulent  que  la  propitiation 
qui  est  dans  le  mystère  du  sang  de  Jésus- 
Christ,  soit  oflerte  ;\  tous  les  hommes  sans 
exception  ;  en  sorte  que  tous  ceux  qui  veulent 


Lettre  de 
saint  Prosncr 
à  saint  Au- 
gustin. 

Tom.  X, 
Oper.  Augu^l, 
pag.  779. 


SentimflDls 
do  ceux  do 
Mar50illo. 


Liv=  ET  v=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


o2S 


recevoir  la  foi  et  recoui-ir  au  baptême  puis- 
sent être  sauvés  ;  que  Dieu ,  dès  avant  la 
création  du  monde,  avait  connu  par  sa  pres- 
cience qui  seraient  ceux  qui  croiraient  et 
qui,  avec  le  secours  de  la  grâce  qui  les  aide- 
rait à  conserver  cette  foi,  quand  ils  l'auraient 
embrassée,  s'y  maintiendraient  jusqu'à  la 
fin  ;  qu'il  les  avait  prédestinés  à  son  royaume 
éternel,  en  vue  de  ce  qu'après  qu'il  les  au- 
rait gratuitement  appelés,  ils  se  rendraient 
dignes  de  leur  élection ,  et  finiraient  sainte- 
ment leur  vie  ;  qu'ainsi  les  instructions  de  la 
parole  divine  sollicitent  et  invitent  tous  les 
hommes  à  la  foi  et  aux  bonnes  œuvres ,  afin 
que  personne  ne  désespère  d'acquérir  le  sa- 
lut éternel ,  qui  est  la  récompense  préparée 
à  quiconque  voudra  faire  le  bien,  » 

2.  n  Quant  au  décret  de  la  volonté  de 
Dieu  touchant  la  vocation  des  hommes ,  par 
Jequel  on  dit  que  la  séparation  des  élus  et 
des  réprouvés  a  été  faite  avant  tous  les  siè- 
cles, ou  dans  le  temps  que  la  nature  hu- 
maine a  été  créée  :  en  sorte  que,  selon  qu'il 
a  plu  au  Créateur  d'en  ordonner,  les  uns 
naissent  des  vases  d'honneur,  et  les  autres 
des  vases  d'ignominie;  ils  soutiennent  que 
tout  ce  qu'on  en  dit  n'est  propre  qu'à  ôter  à 
ceux  qui  sont  tombés  le  courage  et  le  soin 
de  se  relever,  et  à  inspirer  même  la  paresse 
et  la  tiédeur  aux  saints;  puisque  ce  serait  en 
vain  que  les  uns  et  les  autres  travailleraient, 
n'y  ayant  point  de  soin  qui  puisse  faire  ad- 
mettre celui  qui  a  été  rejeté  ,  ni  de  négli- 
gence qui  puisse  faire  périr  celui  qui  est 
choisi,  s'il  ne  peut  rien  arriver  ni  à  l'un  ni  à 
l'autre,  quoiqu'ils  fassent,  que  ce  que  Dieu 
a  déterminé  ;  qu'ainsi  l'espérance  étant  tou- 
jours flottante  et  incertaine,  la  course  ne 
saurait  être  que  lâche  et  chancelante  ,  puis- 
qu'on voit  que  tous  les  efî'orts  qu'on  peut 
faire  pour  le  salut  sont  inutiles,  si  Dieu  en  a 
ordonné  autrement  dans  sa  prédestination. 
Ils  ajoutent  que  par  là  toutes  les  vertus  sont 
anéanties,  aussi  bien  que  tout  ce  qu'on  pour- 
rait avoir  de  soin  et  d'application  à  les  ac- 
quérir ;  que  cette  doctrine  établit ,  sous  le 
nom  de  prédestination  ,  une  nécessité  fatale 
et  inévitable ,  où  l'on  fait  Dieu  créateur  de 
diverses  natures ,  si  personne  ne  peut  être 
autre  chose  que  ce  qu'il  a  été  fait.  Enfin , 
leur  hardiesse  va  jusqu'à  soutenir  que  notre 
doctrine  est  un  obstacle  à  l'édification  de 
ceux  qui  en  entendent  parler,  et  qu'encore 
qu'elle  soit  vraie  ,  on  ne  doit  pas  la  publier, 
puisqu'il  est  dangereux  en  matière  de  foi  de 


proposer  des  choses  qui  ne  sauraient  être 
bien  reçues,  et  qu'il  n'y  a  aucun  inconvé- 
nient de  taire  ce  qu'on  ne  saurait  faire  en- 
tendre. D'autres  plus  pélagiens  font  consister 
la  véritable  grâce  de  Jésus-Christ  dans  les 
facultés  natureUes  du  libre  arbitre  et  de  l'u- 
sage de  la  raison ,  et  disent  que  si  l'on  en 
use  bien ,  on  mérite  d'arriver  à  la  participa- 
tion de  cette  grâce  qui  nous  fait  chrétiens  et 
enfants  de  Dieu.  Ainsi  tous  ceux  qui  le  veu- 
lent deviennent  enfants  de  Dieu,  et  ceux  qui 
refusent  de  recevoir  la  foi  sont  inexcusables. 
Ce  qui  fait  que  la  justice  de  Dieu  paraît  en 
ce  que  ceux  qui  n'auront  pas  cru  périront , 
et  sa  bonté,  en  ce  qu'il  n'exclut  personne  de 
la  vie  j  mais  veut  que  tous  indifféremment 
soient  sauvés.  En  un  mot,  ils  enseignent  que 
l'on  a  autant  de  disposition  au  bien  qu'au 
mal,  et  que  l'esprit  peut  également  se  tour- 
ner au  vice  ou  à  la  vertu.  » 

3.  «  Quand  on  leur  objecte  ce  grand  nom- 
bre d'enfants  qui  meurent  avant  l'âge  de 
discrétion,  n'étant  coupables  que  du  seul  pé- 
ché originel,  ils  répondent  que  Dieu  les 
sauve  ou  les  damne ,  selon  ce  qu'il  prévoit 
qu'ils  auraient  été  ,  s'ils  étaient  parvenus  à 
un  âge  d'agir  et  de  mériter.  Es  en  disent  au- 
tant des  nations  entières,  assurant  que  l'É- 
vangile y  a  été  prêché  ou  non,  selon  que 
Dieu  connaissait  dans  sa  prescience  qu'elles 
devaient  croire  ou  ne  pas  croire.  Ils  soutien- 
nent encore  que  Notre-Seignem-  Jésus-Christ 
est  mort  généralement  pour  tous  les  hom- 
mes ,  sans  qu'il  y  en  ait  aucun  qui  ait  été 
excepté  de  la  rédemption  qu'il  a  acquise  par 
son  sang ,  non  pas  même  ceux  qui  passent 
toute  leur  vie  dans  un  entier  éloignement  de 
sa  doctrine  et  de  son  esprit.  En  sorte  que 
Dieu  de  sa  part  oûre  et  prépare  la  vie  éter- 
nelle à  tous  les  hommes  ;  mais  que  par  les 
divers  mouvements  du  libre  arbitre  de  cha- 
cun, il  arrive  qu'elle  n'est  que  pour  ceux  qui 
se  déterminent  à  croire  en  lui ,  et  qui  par  le 
mérite  de  cette  foi  se  rendent  dignes  de  re- 
cevoir le  secours  de  sa  grâce.  Ils  ne  veulent 
pas  que  les  mérites  des  saints  soient  des  ef- 
fets de  l'opération  invisible  et  surnatm-elle 
du  Tout-Puissant,  ni  que  le  nombre  des  pré- 
destinés soit  tellement  certain,  qu'il  ne  puisse 
être  augmenté  ni  diminué.  Car,  si  cela  était, 
disent-ils,  il  ne  servirait  plus  de  rien  d'exhor- 
ter les  infidèles  à  embrasser  la  foi ,  ni  de 
solliciter  les  tièdes  à  s'avancer  dans  la  vertu, 
puisque  les  efforts  de  quiconque  n'est  pas 
du  noml^re  des  élus  ne  sauraient  être  qu'i- 


326 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


mitiles.  Ainsi ,  des  deux  choses  qui  concou- 
rent au  salut  des  adultes,  la  grâce  de  Dieu 
et  l'obéissance  de  l'homme ,  ils  enseignent 
que  celle-ci  marche  la  première,  et  que  le 
commencement  du  salut  vient  de  celui  qui 
est  sauvé,  et  non  pas  de  celui  qui  est  auteur 
du  salut.  1) 

4.  Après  avoir  ainsi  exposé  la  doctrine 
des  demi-pélagiens ,  saint  Prosper  demande 
à  saint  Augustin  son  secours ,  ne  se  croyant 
pas  assez  fort  pour  balancer  le  poids  et  l'au- 
torité de  ceux  qui  étaient  dans  ces  senti- 
ments. «  Car  ils  ont,  dit-il,  beaucoup  d'a- 
vantage sur  nous  par  la  sainteté  de  leur  vie, 
et  quelques-uns  même  par  le  caractère  sacré 
de  l'épiscopat.  De  sorte  que  dans  le  rang  et 
dans  l'estime  où  on  les  voit ,  il  n'y  a  per- 
sonne, à  la  réserve  d'un  petit  nombre  d'a- 
mateurs intrépides  de  la  véritable  grâce,  qui 
ait  osé  combattre  leurs  discours.  Comme 
vous  voyez  donc,  très-saint  Père,  que  tant 
que  l'on  mettra  dans  l'homme  le  principe  de 
son  salut ,  que  par  une  impiété  sacrilège  on 
élèvera  la  volonté  de  l'homme  au-dessus  de 
celle  de  Dieu ,  en  disant  que  si  l'homme  est 
aidé  par  la  grâce,  c'est  parce  que  sa  volonté 
se  porte  vers  le  bien ,  au  lieu  qu'elle  ne  s'y 
porte  que  parce  qu'elle  est  aidée  parla  grâce; 
que  l'on  soutiendra  que  le  bien  commence 
de  trouver  entrée  dans  l'homme  par  l'homme 
même,  et  non  par  Celui  qui  est  le  souverain 
bien ,  et  que  l'on  prétendra  que  nous  pou- 
vons plaire  à  Dieu  par  quelqu 'autre  chose 
que  ce  qu'il  lui  aura  plu  de  nous  donner,  il 
se  conservera  toujours  beaucoup  de  venin 
dans  ces  restes  de  l'hérésie  pélagienne.  Nous 
vous  conjurons  de  mettre  dans  le  plus  grand 
jour  qu'il  est  possible  ce  qu'il  y  a  de  plus 
obscur  et  de  plus  difficile  sur  cette  matière. 
Et  parce  que  la  plupart  ne  croient  pas  que  la 
foi  soit  blessée  dans  cette  dispute ,  nous 
vous  supplions,  avant  toutes  choses,  de  mon- 
trer combien  cette  prétention  est  dange- 
reuse ;  ensuite  de  quelle  manière  le  libre 
arbitre  s'accorde  avec  cette  grâce  qui  le  pré- 
vient et  coopère  avec  lui  ;  de  nous  dire  en- 
core si  dans  la  prédestination  il  faut  distin- 
guer un  décret  absolu  pour  les  enfants  qui 
sont  sauvés  sans  rien  faire,  et  une  prévision 
du  bien  que  les  autres  doivent  faire  ;  ou 
ci'oire  sans  distinction  qu'il  n'y  a  en  nous  av- 
cun  bien  dont  Dieu  ne  soit  l'auteur,  et  qui  ne 
découle  de  lui  comme  de  sa  source.  Appre- 
nez-nous aussi  ce  qu'il  faut  répondre  à  ceux 
qui  nous  objectent  que ,  lorsqu'on  examine 


laire    h    s^aiot 


quel  a  été  le  sentiment  des  anciens  sur  ce 
sujet ,  on  trouve  qu'ils  ont  prescpe  tous  cru 
que  la  prescience  de  Dieu  est  le  fondement 
et  la  cause  de  la  prédestination  et  du  décret 
de  sa  volonté  ;  et  que  s'il  a  fait  les  uns  des 
vases  d'honneur  et  les  autres  des  vases  d'i- 
gnominie ,  c'est  en  vue  de  la  différente  ma- 
nière dont  il  a  prévu  que  les  hommes  doi- 
vent finir,  et  comment  chacun  usera  par  sa 
volonté  du  secours  de  la  grâce.» 

S.  Un  nommé  Hilaire,  différent  du  saint 
évêque  d'Arles,  et  qui  n'étaitencore  que  laï-  '"'^^-l^'"  ' 
que,  écrivit  deux  lettres  à  saint  Augustin  sur 
le  même  sujet.  Nous  n'avons  pas  la  pre- 
mière, mais  il  dit  dans  la  seconde  :  «  A  Mar- 
seille et  dans  quelques  autres  endroits  des 
Gaules,  on  soutient  que  c'est  une  doctrine 
nouvelle,  et  qui  ruine  le  fruit  de  la  prédica- 
tion, de  dire  que  quelques-uns  sont  choisis 
par  un  décret  de  la  volonté  éternelle  de 
Dieu,  en  sorte  que  la  volonté  même  de  croire 
leur  est  donnée;  ils  conviennent  que  par  le 
péché  d'Adam  tous  les  hommes  sont  tombés 
dans  la  condamnation ,  qu'aucun  ne  peut 
être  délivré  par  les  forces  de  son  libre  arbi- 
tre, et  n'est  capable  de  lui-même  d'accom- 
plir, ni  même  de  commencer  aucune  action 
de  piété;  mais  ils  ne  mettent  pas  dans  ce 
rang-là,  et  ne  comptent  pas  parmi  les  choses 
qui  peuvent  opérer  notre  guérison,  cette 
frayeur  et  ce  désir  de  la  santé  que  la  vue  et 
le  sentiment  du  mal  inspirent  à  tous  les  ma- 
lades, et  qui  leur  fait  demander  du  secoures. 
Et  quand  il  est  dit  :  Croyez,  et  vous  serez 
sauvés,  ils  prétendent  que  Dieu  exige  l'un,  et 
qu'il  offre  l'autre  pour  récompense  ;  en  sorte 
que,  si  l'homme  accomplit  de  sa  part  ce  que 
Dieu  exige,  les  offres  s'effectuent  en  suite 
de  la  part  de  Dieu;  d'où  il  suit,  selon  eux, 
qu'il  faut  que  l'homme  fasse,  pour  ainsi  dire, 
les  avances  de  la  foi,  selon  le  pouvoir  qu'il  a 
plu  au  Créateur  de  lui  en  donner,  et  que  sa 
nature  n'est  jamais  si  corrompue  qu'il  ne 
puisse  former  le  premier  désir  de  sa  guéri- 
son,  et  par  conséquent  qu'il  ne  doive  être 
délivré  de  sa  maladie,  s'il  veut  être  guéri, 
ou  laissé  dans  sa  misère,  et  même  puni  très- 
justement,  s'il  ne  veut  pas  en  être  délivré; 
que  ce  n'est  pas  anéantir  la  grâce,  de  dire 
qu'elle  est  précédée  par  cette  sorte  de  vo- 
lonté, qui  ne  fait  que  chercher  le  médecin, 
mais  qui  n'a  encore  aucun  commencement 
de  guérison.  Ainsi,  admettant  dans  tous  les 
hommes  une  volonté,  par  laquelle  ils  peu- 
vent rejeter  ou  accepter  la  grâce,  ils  croient 


[iV'  ET  V°  SIÈCLES.' 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


327 


Sip.  IV 


pouvoir  rendre  raison  de  l'élection  et  de  la 
réprobation,  dont  on  trouve,  disent-ils,  le 
fondement  dans  ce  que  chacun  mérite  par 
l'usage  qu'il  fiiit  de  sa  volonté.  » 

6.  «  Quand  on  leur  demande  d'où  vient 
que  la  doctrine  du  salut  est  prêchée  en  un 
lieu,  ou  en  un  temps  plutôt  qu'en  l'autre  ;  ils 
répondent  qu'il  en  faut  chercher  la  raison 
dans  la  prescience  de  Dieu,  et  que  l'on  prê- 
che dans  les  temps  et  dans  les  lieux  où  il  a 
prévu  que  sa  vérité  serait  reçue.  Ils  appuient 
leur  réponse  par  le  témoignage  de  divers 
auteurs  catholiques,  citant  même  le  livre  que 
vous  avez  fait  contre  Porphyre,  dans  lequel 
vous  dites  que  Jésus-Christ  n'a  voulu  paraî- 
tre parmi  les  hommes,  et  leur  faire  prêcher 
sa  doctrine,  que  dans  le  temps  et  dans  les 
lieux  où  il  savait  que  se  trouveraient  ceux 
qui  devaient  croire  en  lui.  Quant  à  ce  c[ue 
vous  enseignez,  que  personne  ne  persévère, 
à  moins  que  Dieu  ne  lui  en  donne  la  force, 
ils  en  demeurent  d'accord,  pourvu  que  l'on 
ajoute,  que  ceux  à  qui  elle  est  donnée,  l'ob- 
tiennent en  la  désirant  par  leur  libre  ai'bitre, 
qui,  à  la  vérité,  n'est  pas  capable  d'agir  de 
lui-même,  mais  dont  le  mouvement  ne  laisse 
pas  de  précéder  la  grâce,  étant  en  son  pou- 
voir de  recevoir  ou  de  rejeter  le  remède  que 
Dieu  lui  présente.  Mais  ils  ne  veulent  pas  que 
l'on  dise  que  cette  persévérance  ne  puisse 
être  méritée  par  nos  prières,  ou  perdue  par 
la  résistance  de  notre  volonté,  ni  qu'on  les 
renvoie  à  l'incertitude  de  la  volonté  de  Dieu, 
tandis  qu'ils  croient  voir  dans  l'homme  un 
commencement  de  volonté,  pour  l'obtenir  ou 
la  perdre.  Pour  ce  qui  est  du  passage  que 
11.  vous  employez  :  Il  a  été  enlevé  de  peur  que  la 
malice  ne  changeât  son  esprit,  ils  n'y  ont  aucun 
égard,  comme  étant  d'un  livre  qui  n'est  pas 
canonique.  Ils  ajoutent  qu'il  est  inutile  d'user 
de  remontrances  et  d'exhortations,  s'il  n'est 
rien  demeuré  en  l'homme  qu'on  puisse  exci- 
ter et  réveiller  par  ce  moyen,  s'il  ne  peut 
craindre  les  maux  dont  on  le  menace,  que 
par  une  volonté  qui  lui  est  donnée.  Ce  n'est 
pas  lui,  disent-ils,  qu'il  faut  blâmer  de  ce 
qu'il  ne  veut  pas  maintenant,  mais  celui  qui 
a  attiré  à  sa  postérité  cette  condamnation. 
Ils  ne  peuvent  pas  souffrir  non  plus  la  diffé- 
rence que  vous  mettez  entre  la  grâce  du 
premier  homme,  et  celle  qui  est  maintenant 
donnée  à  tous  ;  ils  ne  craignent  point  de  dire 
qu'elle  jette  les  hommes  dans  le  désespoir. 
Car  c'était  Adam  qu'il  fallait  exhorter  et  me- 
nacer,  lui  qui  avait  la  liberté   de  persister 


dans  la  justice,  ou  de  l'abandonner,  et  non 
pas,  nous  qui  sommes  engagés  par  une  né- 
cessité inévitable  à  ne  point  vouloir  la  jus- 
tice, excepté  ceux  que  la  grâce  délivre  de  la 
masse  commune  de  damnation.  Ainsi  ils  ne 
reconnaissent  point  d'autre  différence  entre 
l'état  de  la  nature  avant  le  péché,  et  celui 
où  elle  est  maintenant,  sinon  qu'au  lieu  que 
le  premier  homme  se  portant  au  bien  par  les 
forces  de  sa  volonté  qui  étaient  encore  en 
leur  entier,  était  aidé  par  la  grâce,  sans  la- 
quelle il  n'aurait  pu  persévérer;  tandis  que 
cette  grâce  nous  trouvant  présentement  sans 
aucune  force  pour  nous  porter  au  bien,  mais 
dans  un  commencement  de  foi,  nous  relève 
et  nous  aide  ensuite  à  marcher.  Ils  soutien- 
nent, que  quelque  secours  que  Dieu  donne 
aux  prédestinés,  ils  sont  toujours  en  état  de 
le  perdre  ou  de  le  garder,  selon  qu'il  leur 
plaît.  De  là  vient  qu'ils  ne  veulent  pas  que 
le  nombre  des  élus  et  des  réprouvés  soit 
fixé  ;  et  qu'ils  ne  reçoivent  pas  la  manière 
dont  vous  expliquez  ce  passage  de  saint 
Paul  :  Dieu  veut  que  tous  les  hommes  soient  i  Timoib.  n. 
sauvés,  qui  comprend,  selon  eux,  non-seule- 
ment les  prédestinés,  mais  généralement 
tous  les  hommes,  sans  en  excepter  un  seul. 
Ils  trouvent  encore  mauvais  que  vous  preniez 
ce  qui  se  passe  à  l'égard  des  enfants,  pour 
règle  de  ce  qui  regarde  les  personnes  qui 
sont  en  âge  de  raison  ;  et  ils  soutiennent  que 
votre  explication  sur  ce  sujet  fait  assez  voir 
qu'on  ne  saurait  rien  dire  de  certain  des  pei- 
nes de  ces  enfants,  et  qu'elle  favorise  ceux 
qui  en  voudraient  douter  plutôt  que  les  au- 
tres. Qu'était-il  besoin,  ajoutent-ils  de  trou- 
bler tant  de  personnes  moins  éclairées  par 
l'obscurité  de  cette  dispute?  Quoiqu'on  n'eût 
encore  rien  décidé  sur  cela  jusqu'à  présent, 
la  foi  catholique  n'avait  pas  été  moins  bien 
défendue  contre  les  pélagiens,  de  même  que 
contre  les  autres  hérétiques.  » 

Hilaire  prie  saint  Augustin  de  n'être  point 
surpris  s'il  trouvait  quelque  chose  de  changé 
ou  d'ajouté  à  ce  qu'il  lui  avait  écrit  aupara- 
vant. «  Car  leur  doctrine  est,  dit-il,  présen- 
tement telle  que  je  viens  de  vous  l'exposer; 
sans  compter  ce  qui  aurapum'échapper  par 
le  défaut  de  mémoire,  ou  par  la  précipitation 
avec  laquelle  je  vous  ai  écrit,  » 

7.  Ce  fut  pour  répondre  à  ces  deux  lettres,         An.ij.o 
que  saint  Augustin  composa  deux  livres  inti-  faVrédésiin?. 
tulés  :  De  la  Prédestination  des  saints,  et  du   p°g.  t'Io."'"" 
Don  de  la  persévérance,  adressés  à  Prosper  et 
à  Hilaire.  Il  remarque  dans  le  premier,  qu'il 


528 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Cap.  I.  y  avait  une  cliflférence  entre  les  pélagiens  et 
ceux  de  Marseille  infectés  du  semi-pclagia- 
nisme  ;  que  ceux-ci  croyaient  avec  toute  l'É- 
glise de  Jësus-Cln-ist,  que  tous  les  hommes 
naissent  dans  le  péché  originel,  et  qu'il  n'y 
a  que  la  justice  qui  vient  du  second  Adam 
qui  les  en  puisse  délivrer;  qii'il  faut  que  la 
grâce  de  Dieu  prévienne  la  volonté  de 
l'homme,  et  que  de  soi-même  nul  n'est  ca- 
pable d'accomplir,  ni  même  de  commencer 

'^"P'"'  aucune  bonne  œuvre.  Mais  comme  ils  ensei- 
gnaient que  la  foi  vient  de  nous,  et  que  Dieu, 
lorsque  nous  avons  de  nous-mêmes  com- 
mencé à  croire,  nous  donne  l'accroissement, 
ce  saint  Docteur  fait  voir,  que  non -seule- 
ment l'accroissement  de  la  foi,  mais  son 

Boni.  XI,  35  commencement  est  un  don  de  Dieu.  «  Qui 
est  celui,  s'écrie  l'Apôtre,  qui  a  le  premier 
donné  quelque  chose  à  Dieu,  pour  en  prétendre 
récompense?  Tout  vient  de  lui,  tout  est  par  lui, 
et  tout  est  en  lui.  Si  tout  vient  de  lui, 
le  commencement  de  notre  foi  en  vient 
sans  doute  :  car  il  n'est  pas  dit  qu'à  la  ré- 
serve de  ce  commencement  de  notre  foi,  tout 
le  reste  vient  de  Dieu  ;  il  est  dit  simplement  : 
que  tout  vient  de  lui,  tout  est  par  lui,  tout  est  en 
lui.  Peut-on  nier  que  celui  qui  a  commencé 
à  croire ,  ne  mérite  quelque  chose  de  celui 
en  qui  il  croit?  Or,  c'est  ce  mérite  que  l'on 
suppose  dans  celui  qui  commence  à  croire 
de  lui-même,  et  dont  on  veut  que  ce  que 
Dieu  donne  ensuite  ne  soit  que  la  récom- 
pense; d'où  il  suit  que  la  grâce  de  Dieu 
nous  est  donnée  en  considération  de  nos 
mérites,  qui  est  ce  que  Pelage  ayant  été  ac- 
cusé de  soutenir,  il  le  condamna,  de  peur 
d'être  condamné  lui-même.  Que  celui-là 
donc  qui  veut  se  garantir  entièrement  du 
venin  d'une  si  détestable  doctrine,  com- 
prenne bien  la  vérité  de  cet  oracle  de  l'Apû- 

piiiiip.  1,13.  tre  :  C'est  Dieu  qui  nous  a  donné pjar  les  méri- 
tes de  Jésus-Christ,  non-seulement  de  croire  en 
lui,  mais  ^encore  de  souffrir  pour  lui.  Ilnelaisse 
aucun  lieu  de  douter  que  l'un  et  l'autre  ne 
soient  un  don  de  Dieu,  puisqii'il  dit  que  Dieu 
nous  a  donné  l'un  et  l'autre  ;  et  il  ne  dit  pas 
qu'il  nous  a  été  donné  de  croire  en  lui  d'une 
manière  plus  parfaite,  mais  simplement  qu'il 
nous  a  été  donné  de  croire  en  lui  ;  comme  il 
ne  dit  pas  non  plus,  en  parlant  de  lui-même, 

ncor.  vil    qu'il  a  reçu  miséricorde  pour  être  plus  fidèle, 

'"  mais  pour  être  fidèle;  parce  qu'il  savait  bien 

qu'il  n'avait  pas  donné  le  premier  à  Dieu  les 
commencements  de  sa  foi,  en  sorte  qu'il  en 
eût  reçu  l'accroissement  comme  une  récom- 


pense; mais  qu'il  avait  été  fait  fidèle  par  ce- 
lui-là même  qui  l'avait  fait  apôtre.  L'his- 
toire seule  de  son  entrée  dans  la  foi  est  une 
preuve,  que,  non-seulement  sa  volonté,  de 
rebelle  qu'elle  étaità  lafoi,  y  devint  soumise  ; 
mais  qu'on  vit  le  persécuteur  de  la  foi  souf- 
frir pour  la  foi  ;  Jésus-Christ  lui  ayant  donné 
par  sa  grâce  non-seulement  de  croire  en  lui,  pinup.i 
mais  encore  de  sou  ffrir  pour  /wf.  C'est  pour  cela 
que,  relevant  le  prix  et  l'excellence  de  cette 
grâce,  qui  ne  nous  est  pas  donnée  en  consi- 
dération d'aucun  mérite,  mais  de  laquelle 
tous  nos  mérites  sont  produits,  il  nous  aver- 
tit que  nous  ne  sommes  pas  capables  de  former  n  cor, 
de  nous-mêmes  aucune  bonne  pensée  comme  de 
nous-mêmes,  mais  que  c'est  Dieu  qui  nous  en  rend 
capables.  Si  donc,  dans  tout  ce  qui  regarde 
la  religion  et  la  piété,  nous  ne  sommes  pas 
capables  d'avoir  de  nous-mêmes  aucune 
bonne  pensée  comme  de  nous-mêmes,  et  si 
c'est  Dieu  qui  nous  en  rend  capables,  il  est 
certain  que  nous  ne  sommes  pas  capables 
non  plus  de  croire  de  nous-mêmes,  puis- 
qu'il est  impossible  de  croire  sans  penser  ; 
ainsi  il  est  clair  que  même  pom'  commencer 
à  croire,  tout  ce  que  nous  pouvons  vient  de 
Dieu.  D'ailleurs,  si  l'homme  a  pu  de  lui- 
même  acquérir  ce  qu'il  n'avait  pas,  pourquoi 
ne  pourra-t-il  pas  augmenter  ce  qu'il  a  ac- 
quis. » 

8.   «  Ce  n'étaient  pas  là  les  sentiments  du    c«p.  n 
saint  et  humble  docteur  Cyprien,  puisqu'il 
nous  enseigne,  que  nous  ne  devons  nous  donner     lil.  ni 
la  gloire  d'aucune  chose,  parce  qu'il  n'y  en  a  iv. 
aucune  qui  vienne  de  nous;  ce  qu'il  prouve 
par  ces  paroles    de  l'Apôtre  :   Qu'avez-vous    cap.  n 
que  vous  n'ayez  reçu  ?  »   Saint  Augustin  con- 
vient qu'il  avait  été  autrefois  d'un  autre  sen- 
timent, comme  dans  l'exposition  de  l'Épître 
aux  Romains  écrite  avant  son  épiscopat,  que 
les  semi- pélagiens  lui  objectaient;  mais  il  .cop. iv. 
avoue  en  même  temps  qu'il  s'était  trompé, 
et  dit  avoir  été  désabusé  principalement  par 
ce  passage   :    Qu'avez  -  vous  que  vous  n'ayez    cap.  t. 
reçu?  qu'il  montre  devoir  s'entendre  même 
du  commencement  de  la  foi,  comme  on  le 
voit  par  les  paroles  qui  précèdent  :  Qui  est-ce 
qui  met  de  la  différence  entre  vous  ?  a  Car  si 
vous  osez,  dit-il,  répondre  que  vous  avez  la 
foi  de  vous-mêmes,  et  qu'ainsi  vous  ne  l'a- 
vez pas  reçue,  vous  contredites  ouvertement 
cette  vérité.  Non  que  ce  ne  soit  une  action 
du  libre  arbitre,  et  de  la  volonté  de  l'hom- 
me de  croire  ou  de  refuser  de  ci'oire  ;  mais 
c'est  que  c'est  Dieu  qui  prépare  la  volonté 


[ir  ET  v'=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

de  ses  élus.  Ainsi  cette  foi  même  qui  réside 
dans  la  volonté,  est  comprise  aussi  bien  que 
tout  le  reste  dans  ces  paroles  de  l'Apôtre  : 
Qui  est-ce  qui  met  de  la  différence  entre  vous  ? 
Et  qu'avez-vous  que  vous  n'ayez  reçu  ?  Car  le 
but  de  saint  Paul,  en  parlant  ainsi  aux  Co- 
rinthiens, était  de  les  empêcher  de  se  glori- 
fier en  eux-mêmes,  en  disant  :  Ma  foi  ou  ma 
justice  me  distingue  des  autres  ;  ce  qu'ils 
auraient  pu  faire  néanmoins,  s'ils  avaient 
eu  d'eux-mêmes  le  commencement  de  la  foi, 
et  non  de  la  grâce  de  Dieu,  qui  seule  dis- 
cerne les  bons  des  méchants.  » 

9.  «  Mais,  diront-ils,  l'Apôtre  distingue  la 
foi  des  œuvres,  en  disant  que  l'homme  est 
justifié  par  la  foi  et  non  par  les  œuvres. 
«  Cela  est  vrai,  répond  saint  Augustin,  mais 
Jésus-Christ  nous  apprend  que  la  foi  même 
est  une  œuvre  de  Dieu  :  car  les  Juifs  lui  ayant 
demandé  :  Que  faut-il  faire  pour  accomplir  les 
œuvres  de  Dieu,  il  leur  répondit  :  L'œuvre  de 
Dieu  est  que  vous  croyez  en  celui  qu'il  a  en- 
voyé. Si  donc  saint  Paul  distingue  la  foi  des 
bonnes  œuvres,  c'est  de  la  même  manière 
que  parmi  les  Hébreux  on  distinguait  le 
royaume  de  Juda,  de  celui  d'Israël.  La  rai- 
son pour  laquelle  il  dit  que  l'homme  est  jus- 
tifié par  la  foi,  et  non  par  les  bonnes  œu- 
vres, c'est  que  la  foi  nous  ^st  donnée  la 
première,  et  que  c'est  par  son  moyen  que 
nous  obtenons  les  autres  choses  en  quoi 
consistent  les  bonnes  œuvres.  Quand  on  lit 
donc  que  les  aumônes  de  Corneille  le  cente- 
nier,  furent  reçues,  et  ses  prières  exaucées 
avant  qu'il  crût  en  Jésus-Christ,  c'est  une 
manière  de  parler,  étant  certain  qu'il  avait 
déjà  un  commencement  de  foi  quand  il 
priait,  et  qu'il  faisait  des  aumônes  :  car,  com- 
ment aurait-il  invoqué  celui  en  gui  il  n'au- 
rait pas  cru  ?  S'il  eût  pu  être  sauvé  sans  la  foi 
du  Médiateur,  saint  Pierre  lui  aurait-il  été 
envoyé  pour  l'édifier  en  Jésus-Christ?  Ce  qui 
prouve  qu'il  faut  donner  à  Dieu  tout  ce  que 
Corneille  a  fait  de  bien  avant  d'avoir  cru  en 
■  Jésus-Christ ,  aussi  bien  qu'après,  afin  que 
nul  ne  se  glorifie,  n 

Saint  Augustin  fait  voir  par  divers  en- 
droits de  l'Évangile  selon  saint  Jean,  que  de 
tous  ceux  qui  entendent  la  voix  du  Père,  et 
,  qui  sont  enseignés  par  lui,  il  n'y  en  a  pas 
un  qui  ne  vienne  à  lui  ;  et  que  quiconque 
n'y  vient  pas,  n'a  ni  entendu  la  voix  du  Pè- 
re, ni  été  enseigné  par  lui.  Il  tait  remarquer 
en  passant  que  cette  instruction  du  Père  ne 
se  fait  point  sans  le  Fils,  ni  sans  le  Saint- 
IX. 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  529 

Esprit,  parce  que  les  trois  personnes  divines 
sont  inséparables  dans  leurs  opérations,  et 
que  si  cela  s'attribue  particulièrement  au 
Père,  c'est  parce  qu'il  engendre  son  Fils 
unique,  et  que  c'est  de  lui  que  procède  le 
Saint-Esprit.  «  D'où  vient  donc,  ajoute-t-il, 
qu'il  n'enseigne  pas  tous  les  hommes  pour  les 
faire  venir  à  son  Fils?  C'est  que  par  un  effet 
de  sa  miséricorde  il  enseigne  les  uns,  et  que 
par  un  effet  de  sa  justice  il  n'enseigne  pas 
les  autres  :  car  il  fait  miséricorde  à  qui  il  lui 
plaît,  et  il  endurcit  qui  il  lui  plaît.  Ce  qui 
n'empêche  pas  qu'il  ne  soit  vrai  de  dire,  se- 
lon une  certaine  manière  de  parler,  que  le 
Père  apprend  à  tous  à  venir  à  son  Fils,  puis- 
que ce  n'est  pas  en  vain  qu'ils  est  écrit  dans 
les  Prophètes  :  lisseront  tous  enseignés  de  Dieu. 
Mais  il  faut  remarquer  que  Jésus-Christ, 
après  avoir  cité  ces  paroles,  ajoute  inconti- 
nent :  Tous  ceux  qui  ont  entendu  la  voix  de  mon 
Père,  viennent  à  moi.  Comme  donc,  lorsqu'il 
n'y  a  dans  une  ville  qu'un  seul  maître  qui 
enseigne  les  lettres  humaines,  nous  ne  lais- 
sons pas  de  dire  que  tout  le  monde  apprend 
de  lui,  quoique  tout  le  monde  n'apprenne 
pas  en  eflet,  mais  parce  que  personne  n'ap- 
prend, qu'il  n'apprenne  de  lui  :  ainsi,  c'est 
bien  parler  que  de  dire,  que  tous  sont  'en- 
seignés de  Dieu  pour  venir  à  son  ;Fils  ;  non 
que  tous  y  viennent  en  effet,  mais  parce 
que  nul  n'y  vient  à  moins  d'avoir  été  ensei- 
gné de  cette  sorte.  » 

Mais,  objectent-ils,  pourquoi  Dieu  n'ensei- 
gne-t-il  pas  généralement  tous  les  hommes  ? 
Saint  Augustin  répond  :  «  Être  attiré  par 
le  Père  à  Jésus-Christ,  entendre  la  voix  du 
Père,  et  être  enseigné  par  lui,  n'est  autre 
chose  que  de  recevoir  du  Père  le  don  de 
croire  en  Jésus-Christ  ;  et  si  ce  don  est  ac- 
cordé aux  uns,  tandis  qu'il  n'est  pas  donné 
aux  autres,  ce  n'est  pas  à  nous  à  contester 
avec  Dieu,  ni  à  vouloir  pénétrer  ce  qu'il  a 
voulu  tenir  caché,  lui  dont  la  volonté  ne 
saurait  être  que  juste.  » 

10.  (I  Quant  à  ce  que  j'ai  dit  dans  un  petit 
ouvrage  contre  Porphyre,  intitulé  du  Temps 
de  la  religion  chrétienne,  que  Jésus-Christ 
n'a  voulu  se  montrer  aux  hommes,  et  leur 
faire  prêcher  sa  doctrine,  que  dans  les  lieux 
et  dans  les  temps  où  il  a  su  que  devaient 
être  ceux  qui  croiraient  en  lui,  c'est,  ajoute 
ce  Père,  comme  si  je  disais  qu'il  n'a  voulu 
se  montrer  aux  hommes  et  leur  faire  prê- 
cher sa  doctrine,  que  dans  les  lieux  et  dans 
les  temps  où  il  a  su  que  devaient  être  ceux 

34, 


Isai. 

a. 


530 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


iphcj.  I, i.    qui  ont  été  élus  en  lui  avant  la  création  du 

1  ap.  X.  monde.  De  même  si  l'on  veut  approfondir  ce 
que  j'y  ai  dit  encore,  que  la  religion  chré- 
tienne n'a  jamais  manqué  d'être  annoncée 
à  ceux  qui  en  ont  été  dignes,  et  que  si  elle 
a  manqué  à  q[uelques-uns,  c'est  qu'ils  n'en 
étaient  pas  dignes  ;  je  dirai  que  ce  qui  rend 
les  hommes  dignes  d'avoir  part  à  ce  bien  là, 
c'est  la  grâce,  ou,  si  vous  voulez,  la  prédesti- 
nation :  car  entre  grâce  et  prédestination  il 
n'y  a  d'autre  différence,  sinon  que  l'une  est 
la  préparation  que  Dieu  a  faite  de  sa  grâce 
dans  ses  conseils  éternels;  et  l'autre,  le  don 
actuel  qu'il  nous  en  fait.  Nous  sommes  son 
ouvrage,  dit  l'Apôtre,  ayant  été  créés  en  Jé- 
sus-Christ dans  les  bomies  œuvres  ;  voilà  pro- 
prement la  grâce,  que  Dieu,  ajaute-t-il,  a  pré- 
parée avant  tous  les  siècles,  afin  que  nous  y 
marchassions  ;  voilà  la  prédestination  qui  ne 
saurait  être  à  la  véi'ité  sans  la  pi-escience, 
quoique  la  prescience  puisse  être  sans  la 
prédestination.  Dieu  par  la  prescience  con- 
naît même  ce  qu'il  ne  fera  point,  comme  les 
péchés  ;  par  la  prédestination,  il  prévoit  ce 
qu'il  veut  faire,  comme  quand  il  promit  à 
Abraham,  que  les  nations  croiraient  par  ce- 
lui qui  naîtrait  de  sa  race,  c'est-à-dire  par 

Cap. XI.  Jésus-Christ.  Mais,  direz-vous  ,  je  ne  suis 
point  assuré  de  la  volonté  de  Dieu  sur  moi  ? 
L'êtes-vous  de  la  vôtre  même  ?  Puisqu'il  y  a 
donc  incertitude  de  toute  part,  pourquoi  u'ai- 
mez-vous  pas  mieux  que  votre  foi,  votre  es- 
pérance et  votre  charité  dépendent  de  ce 
qui  n'est  point  sujet  à  changer,  que  de  ce 
qui  peut  changer  à  toute  heure  ?  Lorsque 

Hom.  IX,  10.  Dieu  dit  :  Si  vous  croyez^  vous  serez  sauvés,  il 
ne  s'ensuit  pas  qu'il  n'y  ait  que  le  salut  qui 
dépende  de  lui,  et  non  pas  la  foi.  En  effet, 
nous  le  prions  de  nous  donner  ce  qu'il  nous 
commande,  d'augmenter  notre  foi,  et  même 
de  la  donner  à  ceux  qui  ne  croient  pas  en- 
core :  ce  qui  fait  bien  voir  que  notre  foi 
dans  son  commencement,  comme  dans  son 
accroissement,  est  un  don  de  Dieu  ;  et  que 
c'est  lui  qui  nous  fait  croire,  comme  il  le  dit 
eoh.  clairement  par  le  prophète  Ezéchiel  :  Je  fe- 
rai que  vous  accomplirez  mes  commandements. 
Nous  les  accomplissons,  mais  c'est  lui  qui 
nous  les  fait  accomplir.  » 

Quand  on  vient  à  considérer  ce  qui  se 
passe  à  l'égard  des  enfants,  toute  cette  pré- 
tention des  mérites  qui  préviennent  la  grâce 
de  Dieu  s'évanouit  ;  puisqu'il  est  clair  que 
ce  n'est  pas  par  leurs  mérites  que  quelques- 
uns  d'eux  ont  été  séparés  d'entre  les  autres 


Ezi 
XXXVI,  26. 


Ca[t.  XII. 


pour  être  une  portion  de  l'héritage  de  Jé- 
sus-Christ. C'est,  disaient  los  semi-pélagiens, 
que  Dieu,  prévoyant  qu'ils  auraient  fait  du 
bien  ou  du  mal,  s'ils  eussent  vécu,  fait  que 
les  uns  reçoivent  le  baptême,  et  que  les  au- 
tres meurent  sans  l'avoir  reçu.  Mais  saint 
Augustin  fait  voir  que  Dieu  ne  punit,  ni  ne 
récompense  des  actions  qui  ne  seront  point, 
et  que  nous  serons  jugés  devant  le  tribu- 
nal de  Jésus-Christ ,  suivant  ce  que  nous 
aurons  fait  de  bien  ou  de  mal  dans  notre  iicor.v, 
corps,  c'est-à-dire  pendant  le  temps  de  cette 
vie  :  ce  qui  compred  même  le  péché  origi- 
nel. Et  comme  ces  nouveaux  hérétiques  re-    tap.  .m  . 

A  XIV. 

jetaient  le  livre  de  la  Sagesse,  où  il  est  dit  : 
//  a  été  enlevé,  de  peur  que  la  malice  ne  chan-  sap.  iv,  i 
geât  son  esprit,  saint  Augustin  en  prend  la 
défense,  montrant  que  saint  Cyprien  avait 
cité  ce  même  passage  ;  que  le  livre  d'où  il  est 
tiré ,  était  lu  publiquement  de  tout  temps 
dans  toute  l'Église,  et  que  taut  les  évêques, 
que  lesdei-niers  d'entre  les  laïques,  pénitents 
et  cathécumènes,  l'écoiitaient  avec  le  res- 
pect qui  est  dû  à  la  parole  de  Dieu.  Puis  il 
prouve  ainsi  la  vérité  de  ce  passage  :  «  Si  Dieu 
avait  égard  à  ce  que  chacun  pourrait  faire 
en  vivant  plus  longtemps,  une  mort  avancée 
ne  servirait  de  rien  à  celui  qui  est  enlevé  de 
peur  que  la  malice  ne  changeât  son  cœur  ;  et 
quand  ceux  qui  meurent  après  être  tombés 
dans  le  péché  auraient  été  enlevés  avant 
leur  chute  ,  cela  ne  leur  aurait  non  plus 
servi  de  rien.  Or,  il  n'y  a  point  de  chrétien 
qui  ose  soutenir  ni  l'un  ni  l'autre.  Mais  le  Cap.  xv. 
plus  illustre  exemple  de  prédestination  et 
de  grâce  est  Jésus-Christ  même,  homme  et 
médiateur  entre  Dieu  et  les  hommes.  Qu'a- 
vait fait  cet  homme,  qui  n'était  pas  encore, 
pour  être  uni  au  Verbe  divin  en  unité  de 
personne  ?  Par  quelle  foi,  par  quelles  œu- 
vres avait-il  mérité  cet  honneur  suprême  ? 
Ouvrons  donc  les  yeux  pour  voir  le  mystère 
de  la  grâce  dans  notre  Chef,  comme  dans  la 
source,  d'où  cette  grâce  se  répand  en  cha- 
cun de  ses  membres,  selon  la  mesure  qui 
lui  est  destinée.  Cette  même  grâce  qui  l'a 
fait  le  christ  du  Seigneur,  dès  qu'il  a  com- 
mencé d'être,  est  celle-là  même  qui  nous  a 
fait  chrétiens  au  moment  où  nous  avons 
commencé  d'avoir  la  foi.  Or,  Dieu  a  su  très- 
certainement  de  toute  éternité  qu'il  devait 
faire  toutes  ces  merveilles.  Voilà  donc  ce 
que  c'est  que  la  prédestination  des  saints, 
qui  éclate  particulièrement  dans  le  Saint 
des  saints,  l'auteur  et  le  consommateur  de  la    '*''"■•  •^"' 


[IV'=  ET  V'  SIECLES.] 

foi,  ainsi  que  l'appelle  saint  Paul,  qui  dit 

Rom.  1,1.  aussi  de  lui,  qu'il  a  été  prédestiné  pour  être  le 
Fils  de  Dieu ,  dans  une  souveraine  puissance, 
selon  l'esprit  de  sainteté.  » 

Cap.  jTi.  n.  Saint  Augustin  distingue  deux  sortes 

de  vocations  :  une  commune,  dont  furent 
appelés  ceux  qui,  invités  aux  noces  par  le 
père  de  famille,  refusèrent  d'y  venir,  et  une 

Rom.    7111,  particulière  aux  prédestinés,  qui  sont  appelés 

selon  le  décret  de  la  volonté  de  Dieu  pour  être 

■    conformes  à  l'image  de  son  Fils.  «  Elles  sont 

clairement  marquées,  dit-il,  dans  un  même 

passage  de  l'Épitre  aux  Romains  où  nous 

Rom.  XI,  7.  lisons  :  Israël,  qui  cherchait  la  justice ,  ne 
l'a  point  trouvée,  mais  ceux  qui  ont  été  choi- 
sis de  Dieu  l'ont  trouvée.  Les  uns  et  les  au- 
tres sont  Israël,  mais  les  premiers  sont  du 
nombre  de  ceux  dont  il  est -dit  qu'il  y  en  a 

Maiih.  XXII,  beaucoup  d'appelés  ;  les  seconds  du  nombre 

Rom.  XI,  14.  de  ceux  dont  il  est  écrit  :  Dieu  a  sauvé, 
selon  l'élection  de  sa  grâce,  un  petit  nombre 
qu'il  s'est  réservé.  De  ceux-ci,  pas  un  ne  pé- 

joan.  VI,  30.  rit,  parce  que  Jésus-Clirist  ne  laissera  perdre 
aucun  de  ceux  que  son  Père  lui  a  donnés.  Il  est 

;joaD.ii,  12.  dit  au  contraire  de  ceux-là  :  Ils  sont  sortis 
d'avec  nous,  mais  ils  n'étaient  pas  avec  nous  ; 
car  s'ils  en  eussent  été,  ils  seraient  demeurés 
avec  nous.  Comprenons  donc  bien  qu'elle  est 
la  vocation  qui  fait  les  élus  ;  ils  ne  sont  pas 
élus  pour  avoir  cru,  mais  ils  sont  éJus  afin 

Cap.  ivii.      qu'ils  croient.  C'est  ce  que  Jésus-Christ  nous 

joan.xv,ic.  enseigne  quand  il  dit  :  Ce  n'est' pas  vous  qui 
m'avez  choisi,  mais  c'est  moi  qui  vous  ai  choi- 
sis. Car  s'ils  avaient  été  choisis  pour  avoir 
cru,  sans  doute  que  ce  serait  eux  qui  l'au- 
raient choisi  les  premiers,  et  qui  par  cette 
foi  auraient  mérité  d'être  choisis  ;  mais  cette 
prétention  est  ruinée  par  les  paroles  de  Jé- 
sus-Christ que  nous  venons  de  rapporter. 
Les  élus  ont  été  choisis  en  Jésus -Christ 
avant  la  création  du  moude,  par  cette  pré- 
destination éternelle  de  Dieu,  dans  laquelle 
il  a  vu  ce  qu'il  devait  faire  ;  et  ils  ont  été 
choisis  d'entre  les  hommes,  par  cette  voca- 
tion, par  laquelle  Dieu  a  exécuté  ce  qu'il 
avait  prédestiné   de  faire.  C'est  ce  choix  et 

jac,  11,  c.  cette  élection  qui  fait  les  hommes  riches  dans 
la  foi,  aussi  bien  qu'héritiers  du  royaume  ; 
et  c'est  bien  parler  que  de  dire  que  Dieu 
choisit  cela  en  eux,  puisqu'il  les  choisit  pour 
faire  cela  en  eux.  » 

Cap.  xTiii.  Saint  Augustin  confirme  cette  doctrine 
par  divers  endroits  de  l'Épitre  aux  Éphé- 
siens;  et  comme  les  semi-pélagiens,  de  mê- 
me que  les  pélagiens,  pouvaient  se  retran- 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


531 


cher  à  dire  que  Dieu  nous  a  prédestinés 
pour  être  saints,  parce  qu'il  a  prévu  que 
nous  commencerions  à  croire  par  notre  libre 
arbitre,  ce  saint  Docteur  fait  voir  que  cette 
vocation  comprend  tout,  même  le  commen- 
cement de  la  foi.  «  Car,  poursuit-il,  saint  Paul 
rend  grâces  à  Dieu  pour  ceux  qui  ont  cru  à 
l'Evangile  :  Nous  rendons,  dit-il,  à  Dieu  de 
continuelles  actions  de  grâce,  de  ce  qu'ayant 
entendu  la  parole  de  Dieu,  que  nous  vous 
prêchons,  vous  l'avez  reçue.  A  quel  propos  cet 
Apôtre  rendrait-il  grâces  à  Dieu  pour  cela? 
Et  ne  serait-ce  pas  une  illusion  de  remercier 
Dieu  de  ce  qu'il  n'aurait  point  donné  ?  C'est 
donc  Dieu  qui,  agissant  dans  les  cœurs  des 
hommes  par  cette  vocation,  qui  est  selon  son 
décret,  fait  qu'on  n'entend  pas  en  vain  la 
prédication  de  l'Évangile,  et  produit  la  con- 
version du  cœur  et  la  foi.  Et  quand  le  même 
apôtre  reconnaît  que  c'est  Dieu  qui  lui  ou- 
vre une  entrée  pour  prêcher  sa  parole,  ne  mar- 
que-t-il  pas  que  le  commencement  de  notre 
foi  est  un  don  de  Dieu  ?  Et  s'il  ne  croyait 
pas  que  ce  commencement  de  foi  vînt  de 
lui,  engagerait-il  les  Colossiens  à  prier  pour 
le  lui  demander?  Priez,  leur  A\i-\\,  aussi  pour 
nous,  afin  que  Dieu  nous  ouvre  une  entrée  fa- 
vorable pour  prêcher  sa  parole.  » 

Il  prouve  la  même  chose  par  l'exemple  de 
cette  marchande  de  pourpre,  dont  il  est  dit 
dans  les  Actes  des  apôtres,  que  Dieu  lui' 
avait  ouvert  le  cœur  pour  entendre  ce  que  di- 
sait saint  Paul.  Les  semi-pélagiens  préten- 
daient que  les  preuves  tirées  des  livres  des 
Rois  et  des  Paralipomènes,  où  il  paraissait 
que  Dieu  sait  porter  la  volonté  des  hommes 
où  il  lui  plaît,  pour  l'exécution  de  ses  des- 
seins, ne  faisaient  rien  à  la  question,  s'agis- 
sant  en  ces  endroits  de  l'établissement  d'un 
royaume  temporel  et  non  du  royaume  du 
ciel.  «  Mais,  poursuit  ce  Père,  quelle  absur- 
dité n'y  aurait- il  pas  à  dire  que  Dieu  dis- 
pose des  volontés  des  hommes,  en  ce  qui 
regarde  les  royaumes  temporels,  mais  que 
les  hommes  en  disposent  eux-mêmes  dans 
ce  qu'ils  font  pour  acquérir  le  royaume  du 
ciel?  Il  faut  donc  dire  que  c'est  Dieu  qui 
prépare  et  qui  pHe  les  volontés  des  hommes 
dans  ce  qui  regarde  le  royaume  du  ciel, 
comme  ceux  de  la  terre,  ainsi  que  l'Écri- 
ture l'enseigne  en  une  infinité  d'endroits. 
Il  est  dit  dans  les  Psaumes  :  Le  Seigneur 
dressera  les  pas  de  l'homme  et  l'homme  désirera 
les  voies  du  Seigneur  ;  et  dans  les  Proverbes  : 
C'est  le  Seigneur  qui  préjMre   la  volonté;  et 


Gap,  XIX. 


I  Tliessal.ii, 
13. 


Cap.  ïx. 


Colos.    IV, 

2,3  ot4. 


Act.  XVI,  14. 


Psal.  XXXVI, 
13. 


Prov.  Yili,2 


532 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Prov.xii.s.   encore  :   C'est  au   Seigneur   à   conduire    les 
cœurs.  » 

Les  semi-pélagiens  auraient  voulu  que  le 
saint  Docteur  eût  produit  des  preuves  de 
cette  doctrine,  tirées  des  ouvrages  des  in- 
terprètes de  l'Écriture  qui  l'avaient  pré- 
cédé ;  à  quoi  il  répond,  qu'ayant  écrit  avant 
la  naissance  de  l'hérésie  pélagienne,  ils  ne 
s'étaient  pas  trouvés  dans  la  nécessité  de 
traiter  cette  matière  si  diiiicile;  mais  que 
voyant  que  les  prières  de  l'Église  faisaient 
assez  connaître  la  force  et  la  nécessité  de  la 
grâce,  ils  se  sont  contentés  de  marquer  en 
peu  de  mots,  et  comme  en  passant,  leurs 
sentiments  sur  ce  sujet,  ne  s'occupant  qu'à 
combattre  les  hérésies  de  leurs  temps,  et  à 
porter  les  hommes  à  la  vertu. 

AnaïKo  du       12.  Le  second  livre,  adi-essé  à  Prosper  et 

livre   du    Don 

dBiaperséw-  àHilairc,   était   intitule  comme  le  premier 

rauce,  pag.  ^ 

'^''  de  la  Prédestination' des  saints,   et  il  y  a  en- 

core des  manuscrits  où  il   porte    ce   titre; 
mais  on  l'a  nommé  depuis  du  Don  de  la  per- 
sévérance, parce  que  cette  matière  y  est  trai- 
i;b'^''d?°3mo  tée  plus  à  fond  que  dans  le  précédent,  avec 
perssT.,  ,,ag.  lequel  toutefois  il  a  une  liaison  essentielle. 
Ils  furent  écrits  l'un  et  l'autre  après  les  li- 
vres des  Rétractations,  c'est-à-dire  vers  l'an 
428  ou  429  :  ce  qui  est  cause  qu'il  n'y  en  est 
Cap.  1.        rien  dit.  Saint  Augustin  commence  ce  se- 
cond livre,  en  disant  que  par  la  persévé- 
rance, il  entend  celle  par  laquelle  nous  de- 
meurons unis  à  Jésus-Christ  jusqu'à  la  fin, 
c'est-à-dire  jusqu'à  ce   que  cette   vie   soit 
finie,  après  laquelle  nous  ne  sommes  plus 
en  danger  de  tomber.  Il  montre  que  cette 
persévérance  est  un  don  de  Dieu,  par  le  té- 
moignage de  saint  Paul  qui,  écrivant  aux 
piiiiip.i,  2 .   Philippiens,  leur  dit  :  //  vous  a  été  donné  pour 
la  gloire  de  Jésus- Christ,  non-seulement  de 
croire  en  lui,  mais  'encore  pour  lui.    «  L'un 
regarde  le  commencement  et  l'auti'e  la  fin, 
dit-il,  car  un  chi'étien  n'a  commencé  à  être 
chrétien,  que  lorsqu'il  a  commencé  à  croire 
en  Jésus-Christ,  et  il  ne  saurait  finir  plus  heu- 
reusement ,    qu'en    soutirant    pour    Jésus- 
Christ.  Mais  l'un  et  l'autre  est  un  don  de 
Dieu,  puisqu'il  est  dit  que  l'un    et  l'autre 
I  Peir.  i,n.  fiQiig  a  été  donné.  L'apôtre  saint  Pierre  recon- 
naît aussi  que  de  souffrir  pour  Dieu  est  un 
don  de  Dieu.  Mais  rien  ne  fait  mieux  voir 
que  la  persévérance  nous  vient  de  sa  libé- 
ralité, que  les  prières  que  nous  lui  faisons 
Cap.  de  nous  l'accorder  :  car  il  serait  également 

contre  la  raison  et  contre  la  sincérité  de  la 
iui  demander,  s'il  ne  la  donnait  pas.    Or, 


nous  ne  demandons  presqu'autre  chose  par 
l'Oraison  dominicale  ,  suivant   l'explication 
qu'en  a  donnée  saint  Cyprien,  qui  par  là  a 
confondu  les  pélagiens,  avant  (ju'ils  fussent 
nés.  Selon  lui,  lorsqu'après  avoir  été  sanc- 
tifiés par  le  baptême,  nous  disons  à  Dieu  : 
Que  votre  noyn  soit  sanctifié,  c'est  la  persévé- 
rance dans  la  sainteté  que  nous  lui  deman- 
dons, c'est-à-dire  que  nous  le  prions  de  faire 
que  nous  continuions  d'être  saints.  Que  de- 
mandons-nous encore  à  Dieu,  quand  nous 
lui  disons  dans  la  même  prière  :  Que  votre 
royaume  arrive,  sinon  que  ce  que  nous  sa- 
vons qui  doit   arriver  pour  tous  les  saints, 
arrive  aussi  pour  nous?  La   troisième  de- 
mande de  cette  Oraison  est  :  Que  votre  volonté 
soit  faite  au  ciel  et  sur  la  terre,  c'est-à-dire 
que  nous  fassions  la  volonté  de  Dieu  sur  la 
terre,  comme  les  anges  la  font  dans  le  ciel. 
On  peut  encore  dire  que  par  ces  paroles, 
les  fidèles  désignés  par  le  mot  de  del,  prient 
pour  les  infidèles  qui ,  vivants   comme   ils 
sont  nés,  dans  la  corruption  de  l'homme  ter- 
restre, ne  sont  encore  que  terre.  Explication    Cap.  m. 
qui  prouve  clairement  que   le   commence- 
ment même  de  notre  foi  est  un  don  de  Dieu, 
puisqu'on  lui  demande  qu'il  la  mette  dans 
le  cœur  de  ceux  qui,  au  lieu  d'en  avoir  un 
commencement,  en  ont  même  de  l'aversion. 
C'est  encore  la  persévérance  cfue  nous  de- 
mandons par  ces  paroles  :  Donnez-nous  au-    '■^f'  ''• 
jourd'hui  notice  pain  de  chaque  jour  :  car  par 
là  nous  demandons  à  Dieu  de  n'être  pas  sé- 
parés du  corps  de  Jésus-Christ,  et  de  conser- 
ver toujours  cette  sainteté  cpii  nous  exempte 
des   péchés  pour  lesquels  nous  mériterions 
d'en  être  séparés.  La  cinquième  demande  où 
nous  disons  :  Pardonnez-nous  nos  offenses,  etc., 
est  la  seule  par  laquelle  on  ne  demande  pas 
la  persévérance,  cette  prière  regardant  nos 
péchés  passés,  et  la  persévérance  l'avenir. 
Qu'est-ce  que  demandent  les  saints,  quand    "^"p-'- 
ils  disent  à  Dieu  :  Ne  nous  livrez  point  à  la 
tentation,  sinon  de  persévérer  dans  l'état  de 
sainteté  ?  Car  s'ils  obtiennent  l'efiet  de  cette 
prière,  il  est  hors  de  doute  qu'ils  obtiennent 
la  persévérance,  puisqu'on  ne  cesse  point 
de  persévérer  dans  une  vie  véritablement 
chrétienne,  qu'on  ne  soit  livré  à  la  tenta-     - 
tion.  » 

13.  Les  semi-pélagiens  ne  voulaient  pas    cap.  vi. 
qu'on  leur  parlât  de  ce  don  de  la  persévé- 
rance, comme  d'une  chose  qui  ne  soit  pas 
en  nous,  ou  d'obtenir  par  nos  prières,  ou  de 
perdi-e  par  la  résistance  de  notre  volonté. 


[ir  ET  V  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


333 


«  En  quoi,  ajoute  saint  Augustin,  ils  ne  pre- 
naient pas  garde  à  ce  qu'ils  disaient  :  car 
nous  pouvons  bien  obtenir  ce  don  par  nos 
prières,  mais  nous  ne  pouvons  plus  le  per- 
dre par  la  résistance  de  notre  volonté , 
quand  nous  l'avons  une  fois.  Puisque  dès 
là  qu'on  a  persévéré  jusqu'à  la  fin,  on  ne 
saurait  plus  perdre  un  don  qui  met  en 
sûreté  tout  ce  qui  était  sujet  à  se  perdre. 
Mais  quoi,  dira  quelqu'un,  n'abandonnons- 
nous  pas  Dieu,  quand  nous  le  voulons?  Qui 
en  doute  ?  IVIais  c'est  afin  qu'il  ne  nous  ar- 
rive pas  de  le  vouloir  abandonner,  que  nous 
lui  disons  :  Seigneur,  ne  nous  livrez  point  à  la 
Cap.  TH.  tentation.  Quand  nous  n'aurions  donc  point 
d'autres  preuves  pour  défendre  la  cause 
de  la  grâce  de  Jésus-Christ,  l'Oraison  domi- 
nicale nous  suffirait  toute  seule,  puisqu'elle 
ne  nous  laisse  pas  la  moindre  chose  dont 
nous  puissions  nous  glorifier  comme  venant 
de  nous.  Aussi  en  nous  apprenant  qu'il  faut 
demander  à  Dieu  de  ne  le  point  abandonner, 
elle  nous  apprend  en  même  temps  qne  c'est 
à  lui  uniquement  de  faire  tout  cela  eu  nous  : 
car  ce  n'est  point  une  chose  qui  soit  au  pou- 
voir de  notre  libre  arbiti'e  tel  qu'il  est  présen- 
tement. Elle  y  était  à  la  vérité  avant  la  chute 
du  premier  homme,  et  il  est  aisé  de  voir  ce 
que  pouvait  la  libei'té  de  notre  volonté  dans 
cet  heureux  état ,  par  l'exemple  des  bons 
anges,  qui,  en  même  temps  que  les  mau- 
vais tombèrent,  se  tinrent  fermes  dans  la  vé- 
rité, et  méritèrent  par  là  ce  bonheur  dont 
nous  savons  qu'ils  jouissent  présentement 
d'être  assurés  pour  jamais  de  ne  point  tom- 
ber. Mais  depuis  la  chute  de  l'homme,  il  a 
plu  à  Dieu  de  régler  les  choses  de  telle  sorte 
que  si  nous  retournons  vers  lui,  et  si  nous 
ne  l'abandonnons  point  après  notre  retour, 
c'est  uniquement  l'effet  de  sa  grâce.  C'est 
donc  la  puissance  de  Dieu  et  non  pas  la  nô- 
tre, qui  fait  que  nous  ne  l'abandonnons 
om.ï.-:ïii,  point.  D'où  vient  qu'il  dit  :  Je  mettrai  ma 
crainte  dans  leur  cœur,  de  telle  sorte  qu'ils  ne 
m'abandonneront  point.  Et  c'est  pour  cela 
qu'il  a  voulu  que  nous  le  priassions  de  ne 
point  nous  laisser  succomber  à  la  tentation, 
parce  qu'il  est  'visible  que  si  nous  n'y  suc- 
combons point  nous  ne  l'abandonnons  point. 
Il  pouvait  nous  faire  ce  bien  là  sans  que 
nous  le  lui  demandassions  dans  nos  priè- 
res; mais  il  a  voulu  que  nos  prières  mê- 
mes nous  apprissent  de  qui  nous  le  tenons  : 
car,  qui  peut  douter  que  nous  ne  le  tenions 
de  celui  à  qui  il  nous  est  ordonné  de  le  de- 


mander? Au  reste,  les  fidèles  n'ont  pas  be- 
soin de  très-longs  discours  pour  être  ins- 
truits sur  cette  matière.  Ils  n'ont  qu'à 
faire  attention  aux  prières  qu'ils  font  tous 
les  jours  à  Dieu.  Ils  le  prient  de  faire  que 
les  infidèles  croient;  c'est  donc  lui  qui  les 
convertit  à  la  foi.  Ils  le  prient  de  faire  que 
ceux  qui  croient  persévèrent  ;  c'est  donc  lui 
qui  leur  donne  la  persévérance  jusqu'à  la 
fin.  Or,  Dieu  a  su  de  toute  éternité  qu'il  de- 
vait faire  toutes  ces  choses.  Voilà,  en  deux 
mots,  tout  le  mj^stère  de  la  prédestination 
des  saints  que  Dieu  a  choisis  en  Jésus-Christ 
avant  la  création  du  monde,  pour  les  ren- 
dre ses  enfants  adoptifs  par  ce  divin  Sau- 
veur. » 

14.  Mais,  disaient  les  semi  -  pélagiens ,  c=p.v-ni 
pourquoi  la  grâce  de  Dieu  ne  nous  est-elle 
pas  donnée  selon  nos  mérites?  «Je  réponds, 
dit  saint  Augustin,  que  c'est  parce  que  Dieu 
est  miséricordieux.  Pourquoi  n'est-elle  pas 
donnée  à  tous  les  hommes  ?  Je  réponds  que 
c'est  parce  que  Dieu  est  un  juste  juge.  Que 
celui-là  donc  qui  est  délivré  de  la  damna- 
tion, où  Dieu  aurait  pu  sans  injustice  laisser 
tous  les  hommes,  soit  pénétré  de  reconnais- 
sance pour  la  grâce  qu'il  en  retire  ;  et  que 
celui  qui  ne  l'est  pas  confesse  qu'il  est  traité 
selon  ce  qu'il  mérite.  De  deux  enfants,  et 
même  jumeaux,  dont  la  cause  est  entière- 
ment semblable,  étant  également  sujets  au 
péché  originel,  Dieu  prend  l'un  et  laisse 
l'autre.  De  deux  adultes  infidèles,  il  appelle 
l'un  de  telle  sorte  qu'il  suit  la  voix  de  celui 
qui  l'appelle  ;  et  l'autre,  ou  n'est  point  ap- 
pelé du  tout,  ou  ne  l'est  pas  de  cette  ma- 
nière :  ce  sont  ses  jugements  impénétrables,  cap.  ix. 
Et  c'est  encore  un  secret  plus  incompréhen- 
sible des  mêmes  jugements,  pourquoi,  de 
deux  personnes  qui  vivent  dans  la  piété,  il 
donne  à  l'une  la  persévérance  jusqu'à  la  fin, 
et  ne  la  donne  pas  à  l'autre.  Mais  un  fidèle 
doit  tenir  pour  certain  que  celle-là  est  du 
nombre  des  prédestinés,  et  que  celle-ci  n'en 
est  pas  ;  Ils  sont  sortis  d'entre  nous,  dit  saint  i  som. 
Jean,  parce  qu'ils  n'étaient  pas  d'avec  nous. 
Ils  en  étaient  en  un  sens,  étant  appelés  et 
justifiés  :  ils  n'en  étaient  pas  dans  un  autre 
sens,  n'étant  pas  appelés  selon  le  décret  de  .''""'•  ' 
Dieu.  Jésus-Christ  fait  bien  voir  que  ce  mys- 
tère de  la  prédestination  est  impénétrable, 
lorsqu'il  dit  :  Si  à  Tyr  et  Sidon  avaient  été  ^  Maiih. 
faits  les  miracles  qui  ont  été  faits  chez  vous, 
ils  auraient  fait  pénitence  dans  la  cendre  et  t/.:  s, 
dans  le  cilice  :  car  on  ne  peut  dire  après  cela. 


534 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Cap.  x:. 


Hom.   V, 
clic. 


Eplios,  I, 
'  Uoni.  IX, 


que  Dieu  refuse  la  prédication  de  l'Évangile 
à  ceux  qu'il  prévoit  qu'ils  n'en  profiteront 
pas.  Cependant  ils  ne  laisseront  pas  d'être 
punis  au  jour  du  jugement,  quoique  d'un 
moindre  supplice  que  les  autres  peuples  , 
qui  après  avoir  été  témoins  de  tant  de  mi- 
racles sont  demeurés  dans  l'incrédulité. 
D'où  il  suit  que  l'on  ne  peut  dire,  comme 
faisaient  les  semi-pélagiens,  que  les  morts 
seront  jugés  selon  ce  qu'ils  eussent  faits,  si 
l'Évangile  leur  eût  été  prêché  pendant  leur 
vie  ;  et  que  moins  encore  on  peut  aliirmer 
des  enfants  qui  périssent  faute  d'avoir  reçu 
le  baptême,  qu'ils  ont  mérité  d'en  être  pri- 
vés, parce  que  Dieu  prévoyait  que  quand 
même  ils  auraient  vécu  et  entendu  la  prédi- 
cation de  l'Évangile,  ils  seraient  demeurés 
dans  l'incrédulité.  Le  péché  originel  dont  ils 
sont  coupables  est  donc  la  seule  cause  de 
leur  perte,  comme  c'est  par  une  grâce  toute 
gratuite  que  sont  délivrés  ceux  qui  reçoi- 
vent le  baptême  ;  et  nul  n'est  jugé  selon  le 
bien  ou  le  mal  qu'il  aurait  fait,  s'il  avait  eu 
plus  de  vie  ;  parce  qu'autrement  les  habi- 
tants de  Tyr  et  de  Sidon  au  lieu  d'être  punis 
pour  le  mal  qu'ils  ont  fait,  eussent  été  sau- 
vés, en  considération  de  la  foi  qu'ils  auraient 
embrassée,  et  de  la  pénitence  qu'ils  auraient 
faite,  si  les  miracles  de  Jésus-Christ  avaient 
été  faits  devant  leurs  yeux.  » 

15.    «  Tout  dépend,  comme  dit  l'Apôtre, 

16.  non  de  celui  qui  veut,  ni  de  celui  qui  court, 
mais  de  Dieu  qui  fait  miséricorde.  Et  comme 
il  donne  son  secours  à  qui  il  lui  plaît  d'entre 
les  enfants,  pour  les  faire  participants  de  sa 
grâce,  sans  qu'il  y  ait  eu  en  eux  ni  foi  ni 
bonnes  œuvres  :  de  même  il  le  refuse  à  qui 
il  lui  plaît  d'entre  ceux  qui  sont  en  âge  de 
raison,  parce  qu'il  en  a  ordonné  ainsi  dans 
sa  prédestination  éternelle,  par  un  jugement 
qui  passe  nos  connaissances,  mais  qui  ne 
laisse  pas  d'être  juste.  Les  semi-pélagiens 
ne  voulaient  pas  qu'on  prît  ce  qui  se  passe 
à  l'égard  des  enfants,  pour  règle  de  ce  qui 
se  passe  à  l'égard  des  adultes  :  de  quoi  ils 
ne  pouvaient  rendre  aucune  raison,  puis- 
qu'ils reconnaissaient  avec  les  catholiques 

12  la  vérité  du  péché  originel,  qui  est  entré 
dans  le  monde  par  un  seul  homme,  par  lequel 
cous  sont  tombés  dans  la  condamnation.  Ce 
n'est  donc  point  en  considération  d'aucun 
mérite  que  Dieu  donne  sa  grâce  aux  hom- 

6-  mes,  mais  selon  son  bon  plaisir,  parce  qu'il 
est  miséricordieux,  et  s'il  la  refuse  à  qui  il 

-■'■   lui  plaît,  c'est  pour  faire  éclater  les  richesses . 


de  sa  gloire  sur  les  vases  de  sa  miséricorde. 
Car.  en  donnant  à  quelques-uns  ce  qu'ils  ne 
méritaient  pas,  il  fait  voir  que  sa  grâce  est 
parfaitement  gratuite  ;  et  en  ne  la  donnant 
pas  à  tous,  il  nous  montre  ce  que  tous 
avaient  justement  mérité.  Il  fait  voir  sa  bon- 
té en  faisant  du  bien  à  un  certain  nombre, 
et  sa  justice  en  punissant  tout  le  reste.  » 

Saint  Augustin  montre  que  c'était  en  vain 
qu'on  lui  objectait  ce  qu'il  avait  écrit  sur 
cette  matière  dans  ses  livres  du  Libre  arbi- 
tre, n'étant  encore  que  laïque,  ou  prêtre 
depuis  peu  de  temps.  «  Car,  dit-il,  quand 
j'aurais  été  alors  dans  quelques  doutes,  tou- 
chant la  délivrance  des  enfants  qui  renais- 
sent par  le  baptême ,  et  la  damnation  de 
ceux  qui  ne  sont  pas  régénérés  par  ce  sa- 
crement, qui  est-ce  qui  serait  assez  injuste 
pour  prétendre  que  je  dois  encore  demeurer 
dans  les  mêmes  doutes,  et  pour  vouloir 
m'empêcher  d'apprendre  et  de  profiter.  »  Il 
prouve  qu'on  ne  peut ,  ni  dire  qae  c'est 
la  force  du  destin  qui  fait  que  Dieu  procure 
aux  uns  le  baptême  et  non  pas  aux  autres , 
puisqu'ils  sont  tous  en  mêmes  termes  ;  ni 
soutenir  que  la  Providence  les  abandonne 
au  hasard,  puisqu'il  ne  tombe  pas  même  un 
passereau  sur  la  terre  aans  la  volonté  de  notre 
Père  ;  ni  rejeter  sur  la  négligence  des  pa- 
rents, de  ce  que  leurs  enfants  meurent  sans 
baptême,  puisqu'il  arrive  quelquefois  qu'un 
enfant  expire  avant  qu'on  puisse  le  lui  ad- 
ministrer, et  que  nous  voyons  très-souvent 
que  les  mmistres  étant  tout  prêts,  et  les  pa- 
rents faisant  toute  la  diligence  possible 
pour  le  faiie  donner  à  un  enfant,  néanmoins 
il  ne  le  reçoit  pas,  parce  que  Dieu  ne  le 
voulant  pas,  lui  refuse  un  moment  de  vie 
qui  lui  était  nécessaire  pour  le  recevoir.  «  II 
y  a  plus,  on  trouve  (juelquefois  moyen  de 
garantir  de  la  damnation  les  enfants  des 
infidèles,  par  le  secours  du  baptême,  tandis 
qu'il  yen  a  qui  sont  nés  de  parents  chrétiens, 
à  qui  l'on  ne  peut  donner  le  môme  secours. 
Ce  qui  fait  bien  voir  que  Dieu  n'a  acception 
de  personne;  autrement  il  sauverait  plutôt 
les  enfants  de  ceux  qui  .le  connaissent  et 
qui  le  servent,  que  ceux  de  ses  ennemis.  » 

16.  «  Non  -  seulement  entre  les  enfants 
qui  meurent  avant  l'usage  de  raison,  les 
uns  sont  enlevés  sans  avoir  reçu  le  baptê- 
me, et  précipités  dans  la  mort  éternelle, 
lorsque  les  autres,  n'étant  retirés  de  ce  mon- 
de qu'après  avoir  passé  ces  eaux  salutaires, 
entrent  en  possession  de  la  béatitude;  mais 


[lye  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQTJE  D'HIPPONE. 


33S 


on  voit  encore  que  parmi  ceux  qui  sont  ré- 
générés, il  y  en  a  qui  finissent  leur  vie  dans 
la  persévéï'ance  ;  et  d'autres  que  Dieu  tient 
en  ce  monde,  jusqu'à  ce  qu'ils  tombent,  et 
qui  n'auraient  point  péri  s'ils  en  étaient 
sortis  avant  de  tomber  ;  et  d'autres  enfin  à 
qui  Dieu  conserve  la  vie  après  leur  chute 
jusqu'à  ce  qu'ils  reviennent,  et  qui  auraient 
péri,  s'ils  avaient  été  enlevés  avant  leur 
retour.  Il  ne  faut  que  cela  seul  pour  faire 
voir  clairement  que  Dieu  ne  nous  donne  en 
considération  de  nos  mérites,  ni  la  grâce  de 
commencer,  ni  celle  de  persévérer  jusqu'à 
la  fin  ;  mais  selon  sa  volonté,  qui  n'est  pas 
moins  impénétrable  qu'elle  est  juste,  sage 
n.  vrii,  et  bienfaisante  ;  parce  que  ceux  qu'il  a  pré- 
destinés, il  les  a  avssi  ajypelés,  de  cette  sorte 
de  vocation  dont  il  est  écrit,  que  les  dons  et 
la  vocation  de  Dieu  sont  immuables,  et  qu'il 
ne  s'en  repent  point.  Mais  on  ne  peut  dire 
avec  certitude  qu'un  homme  ait  été  appelé  de 
cette  manière,  qu'il  ne  soit  sorti  de  cette  vie  ; 
et  il  en  est  ordonné  ainsi  par  la  Providence 
pour  nous  tenir  dans  l'humilité,  et  nous  faire 
travailler  à  notre  salut  avec  crainte  et  trem- 
blement. »  Saint  Augustin  appuie  ensuite  de 
l'autorité  de  saint  Ambroise,  et  des  prières 
qiii  se  récitent  dans  la  célébration  des  saints 
mystères,  une  vérité  qu'il  avait  déjà  prou- 
vée ailleurs  par  ces  paroles  de  saint  Paul  : 

11  Cor.  m,  Nous  ne  sommes  pas  capables  de  former  une 
seule  bonne  pensée  de  nous-mêmes  comme  de 
nous-mêmes,  mais  c'est  Dieu  qui  nous  en  rend 
capables;  d'où  il  conclut  qu'étant  nécessaire 
de  penser  pour  croire,  la  foi  est  un  don  de 
Dieu. 

Cap. HT.  17.  Il  est  dangereux,  disaient  les  semi- 

pélagiens,  de  publier  la  doctrine  de  la  pré- 
destination ;  elle  nuit  à  la  prédication,  aux 
exhortations  et  aux  corrections.  «  Quoi  donc  ! 
répond  saint  Augustin,  a-t-elle  rendu  inutile 
la  prédication  de  saint  Paul?  Et  ce  docteur 
des  nations  qui  prend  à  tâche  en  tant  d'en- 
droits de  persuader  la  vérité  de  ce  mystère, 
a-t-il  cessé  pour  cela  de  prêcher  la  parole 
de  Dieu  ?  A-t-il  moins  exhorté  les  hommes 
à  vouloir  et  à  faire  ce  qui  est  agréable  aux 

pbiiip.  n,  yeux  de  Dieu,  pour  avoir  dit  :  C'est  Dieu  qui 
opère  en  nous  le  vouloir  et  le  faire,  selon  son 
bon  plaisir?  Les  a-t-il  moins  sollicités  de 
commencer  et  de  persévérer  jusqu'à  la  fin, 

iind.,1,6.  quoiqu'il  eût  dit,  que  c'est  celui  qui  a  com- 
mencé en  nous  l'ouvrage  de  notre  salut,  qui 
l'achèvera  et  le  perfectionnera  de  plus  en  plus 
jusqu'au  jour  de  Jésus  -  Christ  ?   Puis    donc 


que  nous  voyons  d'un  côté  la  prédestination 
si  clairement  marquée  clans  l'Écriture,  et 
que  d'ailleurs  cette  même  Écriture  est  pleine 
d'exhortations,  d'avertissements,  de  remon- 
trances, de  corrections,  pourquoi  veut-on 
que  la  publication  de  ce  mystère  rende  ces 
choses  inutiles  ?  Y  a-t-il  quelqu'un  qui  ose 
dire  que  Dieu  n'a  pas  connu,  en  sa  pres- 
cience, qui  étaient  ceux  à  qui  il  serait  donné 
de  croire  par  sa  miséricorde,  ou  qu'il  devait 
donnera  son  fils,  en  sorte  qu'il  n'en  périrait  joon.  vr,35. 
aucun  ?  S'il  les  a  connus  de  toute  éternité, 
sans  doute  qu'il  a  aussi  connu  les  grâces 
par  lesquelles  il  plaît  à  sa  miséricorde  d'o- 
pérer notre  délivrance  et  notre  salut.  Or, 
la  prédestination  des  saints  n'est  autre 
chose  que  cette  connaissance  éternelle,  et 
cette  préparation  des  grâces  de  Dieu,  qui 
opèrent  très-certainement  le  salut  de  tous, 
ceux  qui  sont  sauvés.  Pour  les  autres,  qu'en 
pouvons-nous  dire  ?  Sinon  qu'ils  sont  laissés 
dans  la  masse  de  perdition,  par  un  juste  ju- 
gement de  Dieu,  comme  les  habitants  de  ïyr 
et  de  Sidon,  qui  auraient  même  pu  croire,  s'ils 
eussent  vu  les  miracles  de  Jésus-Christ.  Mais 
parce  qu'il  ne  leur  était  pas  donné  jje  croi- 
re, ce  qui  aurait  pu  les  faire  croire,  leur  a 
été  refusé.  Ce  qui  montre  qu'il  y  en  a  quel- 
ques-uns dont  l'esprit,  par  une  faveur  par- 
ticulière de  Dieu,  est  naturellement  élevé 
jusqu'à  un  degré  d'intefiigence  qui  les  por- 
terait à  croire,  s'ils  recevaient  des  instruc- 
tions, ou  s'ils  voyaient  des  miracles  qui 
fussent  tels  que  cette  disposition  d'esprit  le 
demanderait.  Mais  si,  par  un  ordre  caché 
dans  la  profondeur  impénétrable  des  juge- 
ments de  Dieu,  ils  ne  sont  pas  du  nombre 
de  ceux  qu'il  a  séparés  de  la  masse  de  per- 
dition par  sa  prédestination  toute  gratuite, 
ils  n'auront  ni  les  instructions,  ni  les  mira- 
cles cpii  auraient  été  capables  de  les  faire 
croire.  » 

Saint  Augustin  ajoute  que  quoique  saint 
Cyprien  ait  aussi  très-clairement  établi  le 
mystère  de  la  prédestination  ,  cela  ne  l'a 
point  empêché  de  porter  les  hommes  à  la 
foi,  et  de  les  exhorter  à  vivre  saintement, 
et  à  persévérer  même  jusqu'à  la  fin.  «Peut- 
on  douter,  dit-il  encore,  cfue  la  continence 
ne  soit  un  don  de  Dieu  ?  Cependant  nous  ex-  cip. .«. 
hortons  les  hommes  à  la  pratique  de  cette  ver- 
tu. ))  Il  fait  voir  que  les  objections  faites  par 
les  semi-pélagiens  faisaient  contre  la  prédes- 
tination, pouvaient  également  se  faire  contre 
la  prescience,  que  ces  nouveaux  hérétiques 


536 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


admettaient  :  sur  quoi  il  rapporte  qu'il  y 
avait  un  religieux  dans  son  monastèi-e  qui 
avait  coutume  de  répondre,  lorsqu'on  le  re- 
prenait de  ses  fautes  :  Quel  que  je  sois  pré- 
sentement, je  serai  dans  la  suite  tel  que  Dieu  a 
prévu  que  je  serais.  Il  n'y  a  pas  de  doute  qu'en 
cela  il  ne  disait  rien  que  de  vrai  ;  mais  ce 
•  sentiment,  tout  vrai  qu'il  est,  au  lieu  de  le 
porter  au  bien,  le  portait  au  mal  ;  en  sorte 
que  comme  un  chien  qui  retourne  à  son  vo- 
'  .  missement,  il  abandonna  la  vie  sainte  qu'il 

avait  professée  dans  le  monastère.  «  Dira-t- 
on pour  ces  sortes  de  fautes  qu'on  ne  doit 
ni  reconnaître  ni  publier  ce  que  la  vérité 
nous  apprend  touchant  la  prescience  de 
Dieu  ?  Il  y  en  a  qui,  sachant  qu'il  est  dit 
Maiih.  VI,  8.  dans  l'Évangile  que  Dieu  sait  ce  qu'il  nous 
faut,  avant  que  nous  le  lui  demandions,  né- 
gligent de  prier,  ou  ne  le  font  qu'avec  beau- 
coup de  tiédeur.  Faut-il  donc  à  cause  de  ces 
gens-là  anéantir  la  prière?  Au  contraire, 
puisque  nous  savons  que  comme  il  y  a  des 
grâces  que  Dieu  donne,  sans  qu'on  les  lui 
demande,  comme  le  commencement  de  la 
foi,  il  y  en  a  d'autres  qu'il  n'accorde  qu'aux 
prières  que  l'on  fait  pour  les  obtenir,  com- 
me la  persévérance  jusqu'à  la  fin  :  nous  de- 
vons donc  la  demander.  » 
Cap.  XVI.  Le  saint  Docteur  convient  qu'on  peut  taire 

quelque  vérité  à  cause  de  ceux  qui  n'en 
sont  pas  capables,  et  qu'il  est  même  quel- 
quefois utile  d'en  user  ainsi,  à  l'exemple  de 
ij,^"""'  '^■"'  Jésus-Christ  qui  disait  à  ses  apôtres  :  J'au- 
rais encore  bien  des  choses  à  vous  dire,  mais 
vous  ne  les  sauriez  porter  présentement.  Mais 
il  soutient  que  quand  la  vérité  dont  il  s'agit 
est  telle  que,  si  nous  la  disons,  ceux  qui 
n'en  sont  pas  capables  en  deviendront  pi- 
res ,  et  que  si  nous  ne  la  disons  pas,  ce  mê- 
me malheur  arrivera  à  ceux  qui  en  sont 
capables,  il  faut  alors  la  publier.  Il  fait  l'ap- 
plication de  cette  maxime  à  la  doctrine  de 
la  prédestination,  et  dit  qu'à  cause  des  en- 
nemis de  la  grâce  qui  s'efforcent  de  persua- 
der aux  fidèles  qu'elle  nous  est  donnée  en 
considération  de  nos  méi'ites,  il  faut  publier 
hautement  la  vérité  de  ces  paroles  de  l'Écri- 
RoMi.  .\i,29.  ture  touchant  les  prédestinés  :  Les  dons  et 
la  vocation  de  Dieu  sont  immuables. 

Saint  Augustin  combat  ensuite  les  semi- 
pclagiens  avec  leurs  propres  armes  :  car, 
comme  d'un  côté  ils  reconnaissaient  que  tou- 
les  les  vertus  qui  concourent  à  notre  sancti- 
fication, excepté  le  commencement  de  la  foi 
et  la  persévérance  finale,  étaient  des  dons  de 


Cip   XVII. 


Dieu,  et  que  toutefois  ils  ne  laissaient  pas 
d'exhorter  les  fidèles  à  la  chasteté,  à  la  cha- 
rité, à  la  piété  et  aux  autres  vertus  ;  et  que, 
d'un  autre  côté,  ils  ne  pouvaient  nier  que  la 
dispensation  de  ces  dons  n'ait  été  réglée  de 
Dieu  dans  sa  prédestination  ,  il  suivait  de  là 
que  selon  eux-mêmes  cette  prédestination 
n'est  point  opposée  à  la  prédication  ni  aux 
exhortations.  Si  nous  dirions,  objectaient-ils, 
que  le  commencement  de  la  foi  et  la  persé- 
vérance sont  des  dons  de  Dieu  ,  il  y  aurait 
lieu  de  craindre  que  cette  doctrine  ne  jetât 
dans  le  désespoir ,  par  l'incertitude  où  se 
trouve   chacun  de  ceux   qui  en  entendent 
parler,  s'il  est,  ou  non,  du  nombre  de  ceux 
à  qui   Dieu   doit  faire   part   de   ces   dons. 
«  Pourquoi  est-ce  donc  ,  reprend  ce  Père, 
qu'ils  publient  hautement  eux-mêmes,  aussi 
bien  que  nous,  que  la  sagesse  et  la  conti- 
nence sont  des  dons  de  Dieu?  Si  l'on  peut 
les  reconnaître  publiquement  pour  tels,  sans 
que  cela  empêche  le  fruit  des  exhortations , 
quelle   raison  peut-on  avoir  de  s'imaginer 
qu'on  ne  pourra  plus  exhorter  utilement  à 
entrer  et  à  persévérer  dans  la  foi  jusqu'à  la 
fin,  si  l'on  dit  que  ces  deux  choses  sont  des 
dons  de  Dieu,  comme  on  le  prouve  manifes- 
tement par  le  témoignage  des  saintes  Écri- 
tures? Ne  reprend-t-on  pas  les  impudiques,    Jacob,  i, 
sans  appréhender  de  les  jeter  dans  le  déses- 
poir ?  Et  ne  peut-on  pas  reprendre  de  même 
les  infidèles  de  leur  manque  de  foi  ?  »  Mais, 
disaient  les  semi-pélagiens ,  celui  qui  aban- 
donne la  foi,  ne  l'abandonne-t-il  pas  par  sa 
propre  faute,  en  cédant  et  consentant  à  la 
tentation  qui  le  solhcite  de  l'abandonner? 
«  Oui,  sans  doute,  répond  le  saint  Docteur  : 
mais  on  ne  peut  pas  dire  pour  cela  que  la  per- 
sévérance dans  la  foi  ne  soit  pas  un  don 
de  Dieu,  puisqu'en  lui  disant  tous  les  jours  : 
Ne  nous  laissez  point  succomber  à  la  tentation,      Maiii-, 
nous  lui  demandons  tous  les  jours  la  persé- 
vérance ;  ce  qui  prouve  que  c'est  de  lui  et 
non  pas  de  nous-mêmes  que  nous  l'atten- 
dons. »  n  fait  voir  que  de  prêcher  la  prédes- 
tination, ce  n'est  autre  chose  que  d'appren- 
dre aux  hommes  qu'ils  doivent  mettre  leur 
espérance  en  Dieu,  et  non  pas  en  eux-mê- 
mes,  en  quoi  il  n'y  a  rien  qui  puisse  les 
faire  désespérer,  puisque  le  Prophèje  s'é- 
crie :  Maudit  est  celui  qui  met  son  espérance    jrrom. 
dans  l'homme,  a  Enfin,  ajoute-t-il,  si  la  pré- 
destination que  nous  soutenons  n'est   pas 
véritable,  il  n'est  pas  vrai  non  plus   que  ces 
dons  de  Dieu,  c'est-à-dire  le  commencement 


[ïr  ET  r  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN ,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


S37 


Isai.  Lxv,  2. 


Cap.  XX. 


de  la  foi,  el  la  persévérance  finale  lui  aient 
été  connus  dans  sa  prescience  éternelle  :  or, 
c'est  de  quoi  l'on  ne  saurait  douter  ;  on  ne  • 
saurait  donc  douter  non  plus  de  la  prédes- 
tination que  nous  soutenons  :  car  le  mot  de 
prescience  signifie  quelquefois  prédestination, 
comme  on  le  voit  par  plusieurs  endroits  de 
l'Écriture.  Il  est  encore  à  présumer  que  les 
auteurs  catholiques  (jui,  en  parlant  de  la  pré- 
destination, se  sont  servis  du  terme  de  pi'es- 
cience,  ne  l'ont  choisi,  que  parce  qu'il  est  plus 
proportionné  à  l'intelligence  commune  des 
hommes  ;  et  que  bien  loin  d'être  contraire 
fi  la  vérité  de  la  prédestination  de  la  grâce, 
il  y  est  même  très-conforme.  Ce  que  je  sais, 
c'est  que  personne  n'a  Jamais  pu  sans  er- 
t-eur  avancer  rien  de  contraire  à  cette  pré- 
destination que  nous  soutenons,  conformé- 
ment aux  saintes  Écritures.  » 

Il  allègue  le  témoignage  de  saint  Cyprien 
et  de  saint  Ambroise  qui  ont  enseigné  net- 
tement l'un  et  l'autre  de  ces  deux  points;  1" 
que  la  grâce  de  Dieu  est  parfaitement  gratuite 
en  tout  et  partout,  et  qu'il  le  faut  croire  et 
prêcher  ainsi  ;  2'  que  la  déclaration  publique 
de  cette  vérité  n'est  point  nuisible  aux  exhorta- 
tions et  aux  remontrances  que  nous  faisons  pour 
encourager  les  tièdes ,  ou  reprendre  les  7né- 
chants.  Il  confirme  la  même  chose  par  le  té- 
moignage de  saint  Grégoire  de  Nazianze. 

18.  Les  semi  -  pélagiens  disaient  qu'on 
pouvait  bien  se  passer  de  traiter  cette  ma- 
tière, qui  Jette  le  trouble  dans  les  esprits  ; 
qu'on  avait  bien  défendu  sans  cela  la  foi 
contre  les  pélagiens  ;  et  que  saint  Augustin 
lui-même  ne  s'était  point  servi  du  mystère 
de  la  prédestination  pour  combattre  ces  hé- 
rétiques. Il  répond  que  cette  question  étant 
liée  avec  la  gratuité  des  dons  de  Dieu,  on 
ne  devait  pas  l'en  séparer  ;  et  qu'il  avait  en- 
seigné la  grâce  de  Dieu,  et  la  miséricorde 
toute  gratuite,  avant  même  qu'il  pût  prévoir 
la  naissance  de  leur  hérésie.  Sur  quoi  il  cite 
son  Traité  à  Simplicien  de  Milan,  où  il  éta- 
blit, que  le  commencement  même  de  notre  foi 
est  un  don  de  Dieu  ;  et  l'endroit  de  ses  Confes- 
sions, où  il  dit  :  Commandez-nous,  Seigneur,  ce 
que  vous  voudrez,  mais  donnez-nous  ce  que  vous 
nous  commandez.  Il  fait  remarquer  que  cha- 
que hérésie  amenant  de  nouvelles  disputes 
dans  l'Église,  donne  lieu  d'éclaircir  et  de 
défendre  plus  au  long  et  plus  en  détail  que 
l'on  ne  ferait,  sans  cela,  les  vérités  de  l'Écri- 
ture qu'elle  attaque  ;  et  que  c'est  ainsi  que 
l'impiété  des  pélagiens,  qui  nient  la  grâce 


de  Dieu,  l'a  contraint  d'expliquer  plus  parti- 
culièrement, et  de  défendre  plus  fortement 
dans  cet  ouvrage  les  autorités  de  la  même 
Écriture  qui  étabhssent  la  prédestination. 

Comme  les  Marseillais  protestaient  qu'ils  cap.  x.ki. 
voulaient  suivre  ce  que  saint  Augustin  avait 
enseigné  sur  cette  matière  dans  ses  premiers 
ouvrages,  ccPère  les  renvoie  à  la  fin  du  pre- 
mier des  deux  livres  à  Simplicien,  à  sa  let- 
tre à  saint  Pauhn,  évêcjue  de  Noie,  et  à  celle 
qu'il  écrivit  au  prêtre  Sixte,  disant  qu'ils  y 
trouveront  qu'il  y  a  enseigné  clairement 
que  la  grâce  de  Dieu  ne  nous  est  point 
donnée  selon  nos  mérites.  «  Ce  n'est  pas, 
ajoute-t-il,  que  Je  veuille  qu'on  suive  mes 
sentiments  en  toutes  choses,  mais  seule- 
ment lorsqu'on  verra  'que  Je  ne  mej  trompe 
pas.  1)  Il  veut  toutefois  que  l'on  prêche  la 
prédestination  au  peuple  avec  beaucoup  de 
discrétion,  surtout  aux  saints,  de  peur  de  la 
rendre  odieuse.  «Ainsi,  poursuit-il,  quoiqu'il 
soit  vrai  que  le  décret  de  la  volonté  de  Dieu, 
qu'il  a  arrêté  dans  sa  prédestination  éter- 
nelle, est  tel  que  ce  qui  fait  que  quelques- 
uns  embrassent  la  foi,  ou  y  persévèrent, 
c'est  que  Dieu  leur  en  a  donné  la  volonté  ; 
il  est  plus  à  propos  de  dire  :  Le  décret  de  la  cap.  x.^n. 
volonté  de  Dieu,  qu'il  a  arrêté  dans  sa  pré- 
destination, est  tel,  que  ce  qui  fait  que  vous 
êtes  passés  de  l'infidélité  à  la  foi,  c'est  que 
vous  avez  reçu  la  volonté  de  vous  y  soumet- 
tre ;  et  ce  qui  vous  y  fait  demeurer,  c'est 
qu'il  vous  donne  la  persévérance.  Il  faut 
bien  se  garder  encore  d'ajouter  :  Pour  vous 
tant  que  vous  êtes  qui  demeurez  attachés 
au  plaisir  que  vous  trouvez  dans  le  péché  ; 
ce  qui  fait  que  vous  n'êtes  pas  encore  sortis 
de  ce  misérable  état,  c'est  que  le  secours 
de  la  grâce  ne  vous  en  a  pas  encore  tirés. 
Mais  il  vaut  mieux  dire  :  S'il  y  en  a  parmi 
vous  qui  soient  encore  esclaves  des  voluptés 
criminelles,  qu'ils  passent  de  cette  misérable 
servitude,  sous  le  Joug  salutaire  de  la  loi  de 
Dieu  ;  mais  qu'ils  se  donnent  bien  de  garde 
après  cela  de  s'en  glorifier,  comme  si  c'était 
leur  ouvrage,  et  que  cela  ne  leur  eût  pas 
été  donné.  Car  c'est  Dieu  qui  opère  en  nous 
le  vouloir  et  le  faire  selon  qu'il  lui  plaît.  Et 
si  quelques-uns  ne  sont  pas  encore  appelés, 
prions  Dieu  qu'il  leur  fasse  cette  miséri- 
corde ;  puisqu'il  est  peut-être  dans  l'ordre 
de  leur  prédestination  que  ce  soit  par  nos 
prières  qu'ils  reçoivent  cette  grâce.  Quant 
aux  réprouvés,  il  ne  faut  Jamais  en  parler 
qu'en    troisième    personne,  en    disant    par 


S38 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


exemple  :  Si  parmi  ceux  qui  obéissent  pré- 
sentement, il  y  en  a  quelques-uns  qui  ne 
sont  point  prédestinés,  ils  ne  demeureront 

Cap,  XXIII,  pas  dans  l'obéissance  jusqu'à  la  fin.  A  l'é- 
gard des  personnes  moins  intelligentes  on 
doit  les  exhorter  à  faire  attention  aux  prières 
de  l'Église.  N'a-t-elle  pas  en  effet  prié  de 
tout  temps  pour  les  inûdèles  et  pour  ses 
persécuteurs,  afin  que  Dieu  les  amenât  à  la 
foi  ?  Qui  a  jamais  manqué  de  lui  demander 
.pour  soi-même  de  demeurer  uni  à  Jésus- 
Christ?  Et  lorsqu'il  est  arrivé  que  le  prêtre, 
en  l'invoquant  sur  les  fidèles,  lui  a  adressé 
ces  paroles  :  Faites,  Seigneur,  qu'ils  persévè- 
rent en  vous  jusqu'à  la  fin,  tous  n'y  ont-ils 
pas  souscrit  en  répondant  :  Amen,  la  bouche 
rendant  par  là  témoignage  à  la  foi  qui  est 
dans  le  cœm"?  Comme  donc  l'Église -est  née, 
et  qu'elle  a  toujours  été  élevée  dans  l'usage 
de  ces  prières  ;  elle  est  née  pareillement,  et 
a  été  élevée  dans  la  foi  de  cette  vérité,  que  ce 
n'est  en  considération  d'aucun  mérite  que 
Dieu  donne  sa  grâce  à  ceux  à  qui  il  la  donne.)) 
Saint  Augustin  dit  que  la  pj'édestination 
n'est  mieux  marquée  dans  personne  que 
dans  Jésus-Christ  notre  médiateur.  Dieu 
ayant  fait  naître  ce  fils  de  David  dans  une 
justice  parfaite  et  inaltérable,  sans  qu'aucun 
mouvement  de  volonté  ait  précédé  de  sa 
part  pour  le  mériter;  qu'il  fait  passer  de 
même  d'autres  hommes  de  l'iniquité  à  la 
justice  et  à  la  sainteté  pour  les  faire  mem- 
bres de  ce  divin  Chef,  sans  qu'aucun  mouve- 
ment de  leur  volonté  ait  précédé  pour  s'en 
rendre  digne.  Ce  Père  avait  déjà  rapporté 
cet  exemple  dans  le  livre  de  la  Prédestination 
des  saints  :  il  finit  celui  du  Don  de  la  persé- 
vérance par  ces  mots  :  «  Que  ceux  qui  lisent 
ceci  rendent  grâces  à  Dieu,  s'ils  l'entendent; 
s'ils  ne  l'entendent  pas,  qu'ils  le  prient  de 

Prov.  3,  les  instruire,  lui  qui  est  la  source  de  la  science 
et  de  l'intelligence.  Ceux  qui  croient  que  je 
me  trompe,  doivent  penser  avec  soin  à  ce 
que  j'aie  dit,  et  prendre  garde  qu'ils  ne  se 
trompent  eux-mêmes.  Pour  moi,  lorsque 
ceux  qui  lisent  mes  ouvrages  m'instruisent 
et  me  corrigent,  j'en  rends  grâces  à  Dieu  ;  et 
c'est  ce  que  j'attends  principalement  des 
docteurs  de  l'Église,  si  ce  que  j'écris  tombe 
entre  leurs  mains ,  et  qu'ils  daignent  le 
lire.  )) 

1  Op.   imperf.,  pag.   10S9.  —  '-  Ibid.,  pag.  877, 
967,  iioe. 
3  Pro?p.,  De  Promiss,  et  Prœd.  part..  IV,  cap.  vi. 
*  Op.  iwp'rf.,  pas?,  looa  m  iin/f. 


§XIV. 

De  l'Ouvragé  imparfait  contre  Julien. 

l .  Julien  n'eut  pas  plutôt  vu  le  second  H-  eq  qnei 
vre  du  Mariage  et  de  la  concupiscence,  que  \à°\ie  mc 
saint  Alypius  avait  porté  au  comte  Valère  yra.?e  a  t 
dans  un  second  voyage  qu'il  fit  en  Italie,  à 
la  fin  de  l'an  420  ou  au  commencement  de 
421,  qu'il  entreprit  de  le  réfuter.  11  composa 
à  cet  effet  huit  livres,  dont  il  nous  en  reste 
six  dans  la  réfutation  qu'en  fit  saint  Augus- 
tin. Juhen  s'y  répandait  sans  jugement  et 
sans  raison  en  une  multitude  de  paroles  qui, 
au  lieu  de  '  le  faire  estimer  comme  un 
homme  abondant,  le  faisait  fuir  comme  un 
homme  ennuyeux  par  les  personnes  sensées, 
qui,  ne  s'attachant  qu'au  fonds  des  choses, 
n'avaient  que  du  mépris  pom'  les  paroles 
inutiles.  E.  y  appelait  saint  Augustin  '  le  prê- 
cheur d'Afrique,  et  le  plus  insensé  de  tous 
les  hommes;  et  saint  Alypius,  le  petit  valet 
d'Augustin  et  le  ministre  de  ses  fautes.  Son 
ouvrage  était  adressé  à  Florus,  célèbre  en- 
tre les  évêques  pélagiens,  et  qui.  pour  une 
fourberie  insigne  ^  fut  chassé  d'Italie  sous  le 
pontificat  de  saint  Léon.  Quelque  étendu  qu'il 
fût,  Julien  n'y  "^  combattait  pas  même  tout 
ce  que  saint  Augustin  avait  dit  dans  son  se- 
cond livre  du  Mariage  et  de  la  concupiscence. 
Ce  Père  fut  très-longtemps  sans  avoir  con- 
naissance de  ces  huit  livres  de  Juhen,  et, 
quoiqu'ils  eussent  été  écrits  dès  l'an  421,  ou 
peu  après,  ce  saint  Docteur  ne  les  avait  pas 
encore  vus  en  423,  lorsqu'il  écrivait  le  livre 
de  la  Correction  °  et  de  la  grâce;  ni  lorsqu'il 
achevait  son  second  livre  des  Rétractations  ^, 
où  il  dit  qu'il  ne  savait  pas  s'il  ferait  encore 
quelque  autre  ouvrage.  Mais  saint  Alypius 
ayant  fait  vers  ce  temps-là  un  troisième 
voyage  à  Rome,  fit  ''  copier  les  huit  livres  de 
Julien,  dont  il  envoya  d'abord  les  cinq  pre- 
miers en  Afrique,  en  ayant  trouvé  une  occa- 
sion favorable.  11  promit  en  même  temps  à 
saint  Augustin  de  lui  envoyer  les  trois  auti'es 
dès  qu'ils  seraient  transcrits,  et  le  priait  ce- 
pendant de  ne  point  difl'érer  à  réfuter  les 
premiers.  Le  saint  Évêque  eut  peine  à  s'y 
résoudre  à  cause  des  grandes  extravagan- 
ces' dont  l'ouvrage  de  Julien  était  rempli. 
Toutefois,  dans  la  crainte  que  les  personnes 

^  Comparez  le  cliapitre  xi  de  ce   livre  avec  le 
nombre  84  du  livre  IV  de  l'Ouvrage  imparfait. 
•5  Lib.  II,  cap.  LSVH.  —  '  Op.  imperf.,  pag.  870. 
»  Ibid.,  p.a«-.  913,  9U,  915, 


[iy«  ET  V»  SIÈCLES.] 


moins  intelligentes  ne  pussent  voir  la  fai- 
blesse de  ces  livres,  il  en  entreprit  la  réfuta- 
tion, et  la  continua  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie, 
même  perdant  que  les  Vandales  l'assié- 
geaient *  dans  Hippone  ;  la  mort  ^  seule 
l'ayant  obligé  de  la  laisser  imparfaite.  Mais, 
étant  occupé  lorsqu'il  la  commença  à  la  re- 
■  vue  de  ses  lettres  et  de  ses  sermons,  pour  en 
faire  un  troisième  livre  des  Rétractations,  et 
ne  voulant  pas  quitter  ce  travail,  il  parta- 
gea son  temps,  de  façon  qu'il  donnait  le  jour 
à  l'un  de  ces  ouvrages ,  et  la  nuit  à  l'autre , 
lorsqu'il  n'avait  point  d'occupations  '  ex- 
traordinaires. Dans  cette  réfutation,  saint 
Augustin  met  d'abord  le  texte  de  Julien, 
puis  ce  qu'il  juge  à  propos  pour  le  combat- 
tre :  ce  qui  l'oblige  à  répéter  souvent  les 
mêmes  réponses,  parce  qne  ce  pélagien  re- 
battait toujours  ou  les  mêmes  raisons,  ou  les 
mêmes  erreurs.  Mais  ce  Père  aima  mieux  ' 
que  les  personnes  éclairées  et  fermes  dans 
la  foi  eussent  à  lui  pardonner  sa  trop  grande 
exactitude,  que  de  donner  lieu  aux  faibles 
de  se  plaindre  qu'il  négligeait  de  les  affermir 
et  de  soulager  leur  faiblesse.  On  voit  par 
quelques  manuscrits  que  saint  Augustin  avait 
commencé  un  septième  livre  contre  Julien, 
mais  qu'il  ne  l'avait  point  achevé.  Nous  n'en 
avons  que  six,  dont  les  deux  premiers  ont 
été'  donnés  d'abord  par  Claude  Menart  en 
1617,  et  les  quatre  suivants  par  le  père  Vi- 
gier,  sur  un  manuscrit  de  l'abbaye  de  Clair- 
vaux.  Le  pape  Agaton  cite  divers  endroits  du 
cinquième  livre  dans  sa  Lettre  aux  empe- 
reurs, et  tous  les  passages  qu'il  en  allègue, 
furent  ^  vérifiés  dans  le  sixième  concile  sur 
une  copie  latine  que  l'on  en  gardait  dans  la 
bibliothèque  de  l'Église  de  Constantinople. 
Le  même  ouvrage  fut  cité  par  un  Maxime 
d'Aquilée,  dans  le  concile  deLatran  en  6-49. 
On  en  trouve  des  extraits  dans  les  écrits  de 
Florus,  de  Loup  de  Perrière  et  de  Loup  Ser- 
vat,  sous  le  nom  de  saint  Augustin,  dont  on 
ne  doute  plus  aujourd'hui  qu'il  ne  so^t. 

2.  C'est  l'ordinaire  de  Julien  de  traiter 
dans  ses  huit  livres  les  catholiques  de  tradu- 
céens  et  de  manichéens.  Mais  saint  Augus- 
tin lui  répond  que  ces  reproches  et  autres 
semblables  tombaient  également  sur  les  plus 
fameux  docteurs  de  l'Église,  comme  saint 
Hilaire,  saint  Grégoire  de  Nazianze,  saint 
Ambroise  et  saint  Gyprien,  qui  ont  constam- 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÈQUE  D'HIPPONE.  339 

ment  enseigné,  avec  l'Église  catholique,  la 


Cap.    xxvit 


transfusion  du  péché  originel  ;  qu'au  reste , 
il  n'est  point  surprenant  que  les  pélagiens 
donnent  un  nom  nouveau  aux  catholiques, 
d'où  ils  sont  sortis,  puisque  d'autres  héré- 
tiques en  ont  usé  de  même,  lorsqu'ils  ont 
abandonné  l'Église.  Il  fait  voir  que  les  puis- 
sances de  la  terre  n'avaient  pas  moins  de 
droit  de  réprimer  l'audace  des  pélagiens, 
qu'elles  en  avaient  eu  pour  contenir  les  vio- 
lences des  donatistes,  et  que  dans  l'un  et 
l'autre  cas  leur  conduite  n'était  que  louable. 
Il  dit  qu'il  y  avait  cette  différence  entre  les 
pélagiens  et  les  autres  sectaires,  que  ceux-ci 
tâchaient  d'appuyer  leurs  erreurs  de  quel- 
ques endroits  obscurs  de  l'Écriture,  au  heu 
que  ceux-là  s'efforçaient  d'en  obscurcir  les 
plus  clairs.  Julien  se  donnait  beaucoup  de 
peine  pour  montrer  que  Dieu,  étant  juste, 
ne  pouvait  punir  les  innocents.  Saint  Augus- 
tin ne  disconvient  pas  du  principe.  Mais 
comme  ce  pélagien  voulait  en  conclure  que 
les  enfants  n'étant  coupables  d'aucun  péché, 
ne  devaient  être  soumis  à  aucune  peine; 
le  saint  Docteur  renverse  tout  ce  raisonne- 
ment, en  lui  demandant  pourquoi  les  enfants 
éprouvent  tant  de  misères  s'ils  sont  sans  pé- 
chés? «  Car,  ajoute-t-il,  sous  un  Dieu  juste, 
personne  ne  peut  être  malheureux  à  moins 
qu'il  ne  le  mérite.  » 

3.  Pour  détruire  la  doctrine  du  règne  de 
la  concupiscence  sur  le  libre  arbitre  dans 
ceux  que  la  grâce  du  Sauveur  n'a  pas  en- 
core délivrés,  Julien  apportait  la  définition 
que  saint  Augustin  avait  donnée  du  péché 
dans  le  livre  intitulé  des  deux  Ames  :  Le  pé- 
ché est  une  volonté  d'acquéiHr  ou  de  retenir  ce 
que  la  justice  nous  défend,  et  dont  il  nous  est 
libre  de  nous  abstenir.  Sur  quoi  ce  Père  s'ex- 
plique en  ces  termes  :  «  J'ai  défini  le  péché 
qui  est  seulement  péché,  et  non  celui  qui 
est  aussi  la  peine  du  péché,  puisque  c'est 
celui  dont  j'étais  alors  obligé  de  traiter, 
ayant  pour  objet  de  rechercher  l'origine  du 
mal  et  du  grand  mal  qui  a  été  commis  par 
le  premier  homme  devant  la  naissance  de 
tous  les  hommes.  Mais  c'est  ici  un  mystère 
x[ue  vous  ne  pouvez  entendre,  ou  si  vous  le 
pouvez,  vous  ne  le  voulez  pas.  Cette  défini-  cap.  .ilvh. 
tion,  ajoute-il,  regarde  le  premier  homme, 
qui,  lorsqu'il  a  péché,  n'avait  en  lui-même 
aucun  vice  qui  le  sollicitât  au  mal,  et  qui  le 


Cap.    XXXIX. 


Cap.  XL  r. 


'  Prosp.,  in  Chron.  ad  an.  430.  —  2  Possid. 
Catalotj-,  cap.  iv. 


'  Epist^ S.2't ad QuodvuU.  —  ''  Op.imp. ,p!ig.l32L 
s  Noris,  .4ppend.,  ad  Hist.  pelag.,  pag.  174. 


540 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


lui  fit  faire  malgré  lui,  en  sorte  qu'il  fût  con- 

Rom.vii,2a.  traint  de  dire  comme  l'Apôtre  :  Je  ne  fais 
pas  le  bien  que  je  veux,  mais  je  fais  le  mal  que 
je  ne  veux  pas.  Distinguez  donc  ces  trois  cho- 
ses avec  soin,  et  sachez  qu'autre  chose  est  le 
péché,  autre  chose  la  peine  du  péché,  et  au- 
Ire  chose  ce  qui  est  l'un  et  l'autre,  c'est-à- 
dire  ce  qui  est  tout  ensemble,  péché  et  peine 
du  péché.  Alors  vous  comprendrez  laquelle 
de  ces  trois  choses  appartient  à  cette  défini- 
tion, où  l'on  dit  que  le  péché  est  une  vo- 
lonté que  l'on  a  de  faire  ce  que  la  justice 
condamne,  et  dont  il  nous  est  libre  de  nous 
abstenir.  Car  c'est  ainsi  que  l'on  définit  le 
péché,  et  non  pas  la  peine  du  péché,  ni  ce 
qui  est  péché  tout  à  la  fois  et  peine  du  pé- 
ché. Chacun  de  ces  trois  genres  a  sous  lui 
les  espèces  qui  le  divisent,  qu'il  serait  trop 
long  de  déduire.  Mais  si  l'on  en  veut  des 
exemples,  nous  en  avons  du  premier  genre 
dans  Adam.  Car  il  y  a  plusieurs  maux  que 
les  hommes  commettent  dont  il  leur  est  libre 
de  s'abstenir;  mais  il  n'y  en  a  point  à  qui 
cela  ait  été  si  libre  qu'à  celui  qui  avait  été 
exempt  de  toute  tache  devant  les  j'-eux  de 
son  Auteur,  qui  l'avait  créé  juste  et  inno- 
cent. Pour  le  second  genre  du  péché,  on  en 
trouve  des  exemples  dans  ceux  à  qui  l'on 
fait  souffrir  quelque  supplice  pour  un  crime 
qu'ils  ont  commis.  Quant  au  troisième  genre, 
où  le  péché  est  tout  ensemble  péché  et 
peine  du  péché,  on  peut  le  reconnaître  en 

Rom.  vil, 28.  celui  qui  dit  :  Je  fais  le  mal  que  je  ne  veux 
pas.  Le  péché  originel  n'appartient  pas  à  ce 
genre  de  péché  que  nous  avons  mis  au  pre- 
mier rang,  quand  nous  avons  dit  que  c'était 
la  volonté  de  commettre  un  péché  dont  il 
nous  est  libre  de  nous  abstenir.  Autrement 
il  n'y  aurait  point  de  péché  dans  les  enfants 
qui  n'ont  pas  encore  l'usage  du  libre  arbi- 
tre de  leur  volonté.  Il  ne  se  réduit  pas  non 
plus  au  second  genre,  puisqu'il  s'agit  ici  du 
péché  et  non  pas  d'une  peine  qui  ne  soit 
point  péché,  quoiqu'on  ait  mérité  par  le  pé- 
ché de  la  souffrir.  Il  faut  donc  rapporter  le 
péché  originel  au  troisième  genre,  où  le  pé- 
ché est  tout  à  la  fois  péché  et  peine  du  pé- 

Lih.vu.io.  ché.  Si  Lévi  a  payé  la  dîme  étant  encore 
dans  Abraham,  son  aïeul,  lorsque  Melchisé- 
dech  vint  au-devant  de  ce  patriarche,  il  s'est 
pu  faire  aussi  que  nous  ayons  contracté  une 
dette  originelle  avant  notre  naissance.  Adam 
a  été,  nous  avons  tous  été  dans  lui;  Adam  a 

Cap.  SI.V1.1,  péri,  et  tous  sont  péris  dans  lui.  Si  vous  me 
dites  qu'ils  n'ont  pas  dû  périr  par  un  péché 


étranger;  je  vous  réponds  qu'il  était  étran- 
ger, mais  paternel,  et  qu'il  est  devenu  le  nô- 
tre par  droit  de  propagation.  » 

C'est  ce  que  saint  Augustin  confirme  par  <"jp.  u 
les  témoignages  de  saint  Cyprien,  de  saint 
Hilaire,  de  saint  Ambroise,  de  saint  Basile, 
de  saint  Grégoire  de  Nazianze  et  de  saint 
Chrysostôme.  Il  y  ajoute  celui  de  saint  Re-  cap.  it. 
tice  d'Autun,  pour  montrer  que  les  enfants 
obtiennent  dans  le  baptême  la  rémission  de 
raqcien  crime,  et  qu'ils  y  sont  renouvelés 
en  se  dépouillant  du  vieil  homme  avec  les 
péchés  de  leur  naissance. 

4.  Julien  demandait  comment  Dieu  ,  qui  c-t-  '■' 
pardonne  des  péchés  commis  par  la  volonté, 
impute  aux  enfants  un  péché  étranger.  Saint 
Augustin  répond  que  Dieu  peut,  sans  injusti- 
ce, punir  sur  les  enfants  les  fautes  de  leurs 
pères,  comme  on  le  voit  dans  l'Écriture  ;  que 
si  l'on  appelle  étranger  le  péché  d'origine ,  ce 
n'est  que  parce  que  notre  libre  arbitre  n'y  a 
eu  aucune  part  ;  mais  que  si  l'on  fait  atten- 
tion à  la  souillure  qu'il  imprime,  on  peut 
dire  qu'il  est  propre  à  chacun  ;  qu'il  ne  doit 
pas  paraître  plus  surprenant  que  l'injustice 
du  premier  homme  soit  imputée  à  ses  descen- 
dants, que  devoir  la  justice  du  second  Adam 
leur  être  imputée' par  le  baptême,  puisque 
de  part  ni  d'autre  leur  volonté  n'y  contribue 
en  rien.  Il  emploie,  pour  prouver  le  dogme  '-=''■  "-^'^ 
du  péché  originel,  ce  raisonnement  :  «Si  les 
enfants  ne  sont  pas  délivrés  de  la  puissance 
des  ténèbres,  ils  ne  sont  pas  morts  :  s'ils  ne 
sont  pas  morts,  Jésus-Christ  n'est  pas  mort 
pour  eux.  Or,  selon  l'Apôtre,  un  seul  est  mort  ,.|'  C"- 
pour  tous,  donc  tous  sont  morts.  La  conséquence 
est  invincible.  D'où  il  suit  que  Jésus-Christ 
étant  mort  pour  les  enfants,  les  enfants  sont 
donc  morts.  D'ailleurs,  Jésus-Clirist  n'étant 
mort  (jue  pour  vaincre  celui  qui  avait  l'em- 
pire de  la  mort,  c'est-à-dire  le  diable,  il  s'en- 
suit encore  que  les  enfants  étant  arrachés 
à  la  puissance  de  cet  ennemi,  lui  étaient 
soumis  auparavant.  Julien  se  sentant  pressé  '^'f-  ■•" 
par  cet  endroit  de  l'Épître  aux  Romains,  où 
l'Apôtre  dit:  Malheureux  que  je  suis  l  Qui  me  k»"'-'") 
délivrera  de  ce  corps  de  mort?  croyait  s'en  dé- 
barrasser, en  disant  qu'elles  s'entendaient  de 
l'habitude  du  péché,  sous  le  poids  de  laquelle 
saint  Paul  gémissait,  et  qu'en  cet  .endroit  il 
parlait  non  en  sa  personne,  mais  en  celle  des 
Juifs.  Saint  Augustin  répond  que,  si  l'Apôtre 
eût  parlé  en  la  personne  des  Juifs,  il  n'eût 
pas  ajouté  que  ce  serait  la  grâce  de  Dieu  par  Rom.  u. 
Jésus-Christ  qui  le  délivrerait  ;  et   que,  par- 


[iV  ET  v=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

lant  toujours  au  présent  :  Je  fais  le  mal  que  je 
ne  veux  pas,  il  montre  assez  qu'il  n'est  point 
,ap.  Liix.  question  du  passé,  mais  du  présent  :  car  il 
ne  dit  pas  :  J'ai  fait,  mais  :  Je  fais.  U  montre 
que  les  saints  mêmes  ne  sont  point  exempts 
du  combat  intérieur  qu'il  y  a  entre  le  corps 
et  l'esprit  depuis  le  péché,  mais  que  ce  com- 
bat n'aurait  pas  eu  lieu  dans  le  paradis  des 
saintes  délices,  si  personne  n'eût  péché. 
ijp.LMï.  5.  Julien  avançait  que,  du  temps  de  saint 
Atbanase,  presque  tout  le  monde  entier  avait 
abandonné  la  foi  des  apôtres  ;  et  que  de  six 
cent  cinquante  évêques,  à  peine  en  trouva- 
t-on  sept  qui  persévérassent  dans  la  foi  de 
la  Trinité  avec  ce  patriarche  d'Alexandrie. 
Saint  Augustin  ne  s'explique  point  sur  cet 
article  ;  mais  il  remarque  que  les  seuls  péla- 
giens  donnaient  le  nom  de  traducéens  aux 
catholiques,  au  lieu  que  les  pélagiens  étaient 
appelés  de  ce  nom  non-seulement  par  les  ca- 
tholiques, mais  encore  par  tous  les  héréti- 
ques :  d'où  il  semble  tirer  la  différence  de  la 
vraie  Église  d'avec  celle  où  Julien  était  enga- 

jjp.  Lxxs.  gé.  Cepélagien  ne  connaissait  point  d'autre 
liberté  que  celle  qui  laisse  dans  la  volonté  au- 
tant de  liberté  pour  devenir  bon,  que  pour 
être  méchant.  C'est  pourquoi  il  définissait  le 
libre  arbitre,  le  pouvoir  de  faire  le  mal  ou  de 
l'éviter,  ajoutant  que  ce  pouvoir  est  exempt 
de  toute  nécessité  capable  de  le  contraindre, 

Cap.  Lix.\ir.  (Je  sorte  cpi'il  est  parfaitement  libre  de  choisir 
celui  des  deux  partis  qui  lui  agrée  davantage, 
c'est-à-dire  ou  de  s'élever  vers  ce  qu'il  y  a  de 
plus  sublime  et  déplus  difficile  dans  la  vertu, 
ou  de  se  plonger  dans  la  fange  de  toutes  les 
voluptés.  «Donc,  répond  saint  Augustin,  Dieu 

11  Tiir.oih.  n'est  point  libre,  puisqu'il  est  dit  de  lui  :  Il 
ne  peut  pas  se  contredire  soi-même.  Quant  aux 
hommes,  aucun  ne  peut  être  libre  du  péché 
que  loi'sque  le  Fils  de  Dieu  l'aura  délivré.  » 

Cap.Lxxx  I .  Julien  autorisait  sa  définition  par  l'exemple 
des  païens  dont  plusieurs  n'avaient  pu  être 
entraînés  par  le  péché  qu'autant  qu'ils  l'a- 
vaient voulu.  Mais  ce  Père  fait  voir  que  les 
pélagiens  ne  reconnaissaient  cette  force  dans 
les  païens  qu'afin  que  l'on  ne  crût  pas  que 
les  actions  de  vertu  dans  les  cbrétiens  fus- 
sent l'effet  d'une  grâce  qui  leur  est  particu- 
lière, et  avec  laquelle  les  païens  n'ont  rien 

Cap  I..S.TOV.  de  commun.  Puis  il  ajoute  que  la  force  que 
les  païens  ont  fait  paraître,  vient  de  la  cupi- 
dité, au  lieu  que  celle  des  chrétiens  vient  de 

joao  viii,  la,  charité,  k  l'égard  de  ce  qui  est  dit  :  Si  le 
Fils  vous  délivre,  vous  serez  vraiment  libres. 
Julien  l'expliquait  de  la  rémission  des  pé- 


ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


541 


chés.  «  Mais  autre  chose  est,  dit  saint  Au- 
gustin, la  rémission  des  péchés,  et  autre  la 
charité  qui  rend  libre  pour  faire  le  bien.  Jé- 
sus-Christ nous  délivre  en  ces  deux  maniè- 
res, en  ôtant  notre  iniquité  par  le  pardon  et 
en  nous  donnant  la  charité.  »  Ce  pélagien 
ne  pouvait  comprendre  que  la  volonté  fût 
captive  et  libre  en  même  temps,  et  il  taxait 
de  folie  et  d'impiété  de  soutenir  la  compati- 
bilité de  ces  deux  états.  «  Nous  disons,  lui 
répond  le  saint  Docteur,  que  ceux-là  sont 
libres  pour  faire  des  œuvres  de  piété,  des- 
quels l'Apôtre  dit  :  Étant  à  présent  affran- 
chis du  péché  et  devenus  esclaves  de  Dieu,  le  fruit 
que  vous  en  tirez  est  votive  sanctification,  et  la 
fin  sera  la  vie  éternelle.  »  Il  ajoute  qu'il  est 
donc  convenable  que  ceux  qui  font  le  péché 
parce  qu'ils  en  sont  esclaves  reçoivent  la  li- 
berté, afin  qu'ils  cessent  de  pécher. 

Comme  Julien  alléguait  un  grand  nombre 
de  passages  pour  montrer  que  personne  ne 
peut  être  détourné  de  ce  qu'il  veut,  ce  Père 
rapporte  la  conversion  de  saint  Paul,  qui 
est  une  preuve  du  pouvoir  que  Dieu  a  de 
détourner  la  volonté  du  mal  dans  l'instant 
qu'elle  s'y  porte  avec  plus  d'impétuosité. 
Il  soutient  à  Julien  qu'aucun  catholique 
n'a  jamais  dit  que  le  libre  arbitre  ait  péri 
par  le  péché  du  premier  homme  ;  qu'il  est 
vrai  que  n'ayant  plus  depuis  le  péché  la 
liberté  qui  était  dans  le  paradis ,  d'avoir 
une  pleine  justice  avec  l'immortalié,  la  na- 
ture humaine  avait  besoin  de  la  grâce  di- 
vine, selon  que  le  dit  le  Seigneur  dans  son 
Evangile  :  Si  le  Fils  vous  délivre,  alors  vous 
serez  véritablement  libres.  Ensuite  après  avoir 
rapporté  ces  paroles  de  l'Apôtre  aux  Ro- 
mains :  Lorsque  vous  étiez  esclaves  du  péché, 
vous  étiez  libres  de  la  justice,  il  fait  cette  re- 
marque :  «  Saint  Paul  dit  des  Romains,  avant 
leur  conversion,  qu'ils  étaient  alors  libres  de 
la  justice,  et  non  pas  délivrés;  mais  en  par- 
lant de  l'état  de  la  justice  où  ils  étaient  en- 
trés en  embrassant  le  christianisme,  il  ne  dit 
pas  qu'ils  étaient  devenus  libres  du  péché, 
de  peur  qu'ils  ne  s'attribuassent  ce  change- 
ment, mais  parlant  avec  beaucoup  de  circons- 
pection, il  aime  mieux  dire  qu'ils  avaient  été 
délivrés  ayant  égard  à  la  sentence  du  Sei- 
gneur :  Si  le  Fils  vous  délivre,  vous  serez  vrai- 
ment libres.  Puis  donc  que  les  enfants  des  hom- 
mes ne  vivent  pas  bien,  s'ils  ne  sont  faits  en- 
fants de  Dieu,  pourquoi  ce  pélagien  veut-il  at- 
tribuer au  libre  arbitre  le  pouvoir  de  bien  vi- 
vre ?  Car  cette  puissance  n'est  donnée  que  par 


Cap.  LXXxVi 
LSXXVl. 


Cap.LXXXVlI 
el  xciii. 


Cap.  xciv. 


Eom.  VI,  20. 


542 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


la  grâce  de  Dieu,  par  Jésus-Christ  Notre-Sei- 
jom. .,12.  gneur,  selon  la  paiole  de  l'Évangile  :  A  l'é- 
gard de  tous  ceux  qui  l'ont  reçu,  il  leur  a 
donné  le  pouvoir  de  devenir  enfants  de  Dieu. 
Or,  si  ce  pouvoir  n'est  donné  que  de  Dieu,  il 
ne  peut  venir  du  libre  arbitre,  parce  que  le 
libre  arbitre  que  le  Libérateur  n'aura' pas 
délivi'é  ne  sera  pas  libre  pour  le  bien.  Mais 
ce  lui  à  qui  le  séducteur,  soit  ouvertement, 
soit  en  secret,  a  insinué  la  délectation  du  mal, 
ou  qui  se  l'est  persuadé  à  lui-même,  a  le 
libre  arbitre,  libre  dans  le  mal.  Il  n'est 
doncpasvrai,  comme  quelques-uns  nous  im- 
putent de  le  dire,  et  comme  celui-ci  ose 
nous  en  accuser  par  écrit,  que  tous  soient 
contraints,  par  la  nécessité  de  la  chair,  de 
tomber  malgré  eux  dans  le  péché;  mais  s'ils 
sont  déjà  dans  un  âge  où  ils  usent  de  leur 
libre  arbitre,  c'est  par  leur  volonté  qu'ils 
sont  retenus  dans  le  péché,  et  c'est  par  leur 
volonté  qu'ils  se  précipitent  de  péché  en  pé- 
ché. Mais  cette  volonté,  qui  est  hbre  dans  le 
mal  parce  qu'elle  trouve  son  plaisir  dans  le 
mal,  n'est  pas  libre  dans  le  bien ,  parce 
qu'elle  n'est  pas  délivrée;  et  l'homme  ne 
peut  rien  vouloir  de  bien  s'il  n'est  aidé  par 
celui  qui  ne  peut  vouloir  le  mal.  Opélagien! 
la  charité  veut  le  bien,  et  la  charité  vient  de 
Dieu,  non  pas  par  la  lettre  de  la  loi,  mais 
par  l'esprit  de  la  grâce.  La  lettre  est  un  se- 
cours aux  prédestinés,  en  ce  qu'elle  avertit 
les  faibles  de  recourir  à  l'esprit  de  grâce, 
leur  commandant  de  le  faire,  mais  ne  les 
aidant  point  pour  cela.  C'est  ainsi  qu'usent 
légitimement  de  la  loi  ceux  à  qui  elle  est 
bonne,  c'est-à-dire  utile,  autrement  la  lettre 
par  elle-même  tue,  parce  qu'en  comman- 
dant le  bien  et  ne  donnant  pas  la  charité, 
qui  seule  veut  le  bien,  elle  rend  les  hommes 
coupables  de  prévarication.  » 
Cap.  ïov.  6.  Nous  ne  nions  pas  ,  disait  Julien  ,  que 

Dieu  n'aide  la  volonté,  qui  est  bonne ,  par 
une  infinité  de  secours  ;  mais  nous  préten- 
dons que  l'opération  de  tous  ces  secours 
ne  va  pas  à  fabriquer  de  nouveau  une  li- 
berté qui  serait  détruite ,  et  qu'il  ne  peut 
pas  arriver  que  presonne  perde  la  liberté, 
de  manière  à  être  nécessité  à  faire  le  bien 
ou  le  mal.  Nous  voulons,  au  contraire, 
que  toute  la  grâce  coopère  avec  le  libre  ar- 
bitre. «  Si  elle  ne  prévient  point  la  volonté 
afin  qu'elle  la  fasse  agir,  répond  saint  Au- 
>  gustin,  et  qu'elle  ne  coopère  que  lorsque 

cette  volonté  existera,  comment  est-il  vrai 
Philip.  11, 13.   de  dire  que  Dieu  opère  en  vous  le  vouloir 


même  ?  Comment  la  volonté  est-elle  prépa-  ^P">^-  ^' 
rée  par  le  Seigneur  ?  Comment  la  charité  est-  ,|  ^°"'-  ' 
elle  de  Dieu ,  elle  qui  veut  seule  le  bien  qui 
nous  rend  heureux?  n  Julien  soutenait  que  le 
péché  d'Adam  n'ayait  rien  changé  dans  l'état 
de  la  nature.  Saint  Augustin  répond  qu'il  cap.  xcv,. 
faut  bien  que  l'état  de  notre  nature  soit 
changé  par  le  péché  ,  puisque  depuis  nous 
sommes  nécessairement  sujets  à  la  mort  ; 
nécessité  que  le  premier  homme  ne  connais- 
sait pas  avant  son  péché.  Aussi  lorsque  l'on 
objecta  à  Pelage,  dans  le  concile  de  Palestine, 
d'enseigner  que  les  enfants  naissaient  dans 
le  même  état  dans  lequel  Adam  avait  été 
avant  son  péché,  il  nia  qu'il  l'eût  dit,  et  con- 
damna cette  proposition.  Il  prouve  ensuite  cap.  xcti 
contre  Julien  que  l'homme  ne  peut  vouloir 
le  bien  sans  le  secours  de  Dieu ,  et  emploie 
à  cet  effet  ces  passages  de  l'Écriture  :  Vous  ne 
pouvez  rien  faire  sans  moi.  C'est  le  Seigneur 
qui  prépare  la  volonté.  C'est  Dieu  qui  opère 
dans  vous  le  vouloir.  Le  Seigneur  dresse  les  pas 
de  l'homme.  Julien  prétendait  que  le  pouvoir  cap.  -ct; 
de  faire  le  bien  se  trouvait  même  dans 
l'homme  avant  la  foi,  ou  avant  qu'il  ait  reçu 
le  baptême ,  sans  que  sa  volonté  fût  con- 
trainte par  aucune  nature  de  pécher  ;  en 
sorte  que,  dans  le  temps  même  qu'elle  pèche, 
elle  a  le  pouvoir  de  s'éloigner  du  mal  et  de 
faire  le  bien  :  Et  c'est ,  ajoutait-il ,  ce  que 
nous  disons  pour  soutenir  la  liberté.  Il  accu- 
sait saint  Augustin  de  penser  comme  Jovi- 
nien  qui  enseignait  qu  'un  homme  baptisé  ne 
pouvait  pécher,  et  soutenir  de  plus  qu'a- 
vant le  baptême  c'est  une  nécessité  à  l'hom- 
me de  faire  le  mal.  Ce  Père ,  après  avoir  re- 
jeté l'erreur  de  Jovinien ,  s'explique  nette- 
ment sur  la  liberté  de  l'homme  ,  et  dit  que 
dès  l'instant  qu'il  commence  à  se  servir  de 
son  libre  arbitre  ,  il  peut  pécher  ou  ne  pas 
pécher  ;  mais  qu'il  ne  fait  pas  l'une  de  ces 
choses,  s'il  n'est  aidé  de  celui  qui  dit  :  Vous  jom.  xv 
ne  pouvez  rien  faire  saiis  moi.  A  l'égard  de 
l'autre  ,  il  la  fait  par  sa  propre  volonté  ,  soit 
qu'il  y  soit  porté  de  lui-même,  soit  qu'il  soit 
séduit  par  un  autre,  ou  qu'il  soit  assujetti  au 
péché  comme  un  esclave.  »  Nous  connais- 
sons des  hommes,  ajoute-t-il,  qui  ont  été 
aidés  de  l'esprit  de  Dieu,  même  avant  le  bap- 
tême, afin  qu'ils  voulussent  les  choses  qui 
sont  de  Dieu;  comme  Corneille,  le  cente- 
nier,  et  d'autres  qui,  même  après  le  baptême, 
n'en  ont  point  été  aidés,  comme  Simon,  le 
magicien.  » 

Vous  dites,  insistait  Julien,  qu'il  s'est  for-     cap.  .icix 


[ir  ET  V^  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


■ap.  c,  c 
net  cjii. 


'  mé  dans  la   nature  du  corps  de  l'homme 
mie  nécessité  de  pécher  *,  et  vous  allez  jus- 
qu'à ce  point  d'extravagance,  d'avancer  que 
celui-là  est  hbre  qui  ne  peut  vouloir  qu'une 
chose  ?  Vous  qui  protestez  que  vous  ne  niez 
pas  le  libre    arbitre  ,  ne  le  détruisez-vous 
pas ,  en  l'assujettissant  premièrement  à  la 
nécessité  de  vouloir  le  mal ,  puis  à  la  néces- 
sité de  vouloir  le  bien  ?  Saint  Augustin  ré- 
pond par  l'exemple  des  saints  anges  et  par 
l'exemple  de  Dieu  même ,  qui  veulent  le 
bien  nécessairement ,    quoique    librement. 
«  Dieu  n'a  donc  point,  dit-il,  de  libre  ar- 
bitre ,  puisqu'il  ne  peut  pas  faire  le  mal , 
comme  il  ne  peut  se  désavouer  lui-même, 
lui  qui  doit  nous  accorder  pour  souveraine 
récompense  de  vivre  dans  un  état  où  nous 
ne  pourrons  plus  pécher,  étant  égaux  non 
pas  à  Dieu  même,  mais  à  ses  anges,  aux- 
quels nous  devons  croire,  qutiprès  la  chute 
du  diable  ,  Dieu  a  donné  pour  le  salaire  de 
la  bonne  volonté  qui  les  a   fait   demeurer 
fermes  dans  le  bien  ,  qu'aucun  d'eux  ne  pût 
ensuite  par  son  libre  arbitre  devenir  un  nou- 
veau démon  ?  Vous  nous  direz  apparemment 
un  jour  que  Dieu  est  opprimé  par  une  cer- 
taine nécessité,  puisqu'il  ne  peut  pécher,  lui 
qui  ne  peut  ni  vouloir  pécher,  ni  vouloir 
même  le  pouvoir.  S'il  faut  donc  appeler  du 
nom  de  nécessité  celle  par  laquelle  on  dit 
qu'il  est  nécessaire   qu'une   chose    soit  ou 
qu'elle   se  fasse;   c'est  une  nécessité  sans 
doute  très-heureuse,  lorsqu'il  est  nécessaire 
de  vivre  heureusement,  et  que  dans  la  même 
vie  il  est  nécessaire  de  ne  point  mourir,  et 
nécessaire  aussi  de  ne  point  changer  en  pis. 
Cette  nécessité  ,  s'il  est  juste  de  la  nommer 
ainsi ,  n'est  pas  un  poids   qui   accable  les 
saints  anges,  mais  plutôt  un  bien  dont  ils 
jouissent  ;  et  si  nous  ne  la  possédons  pas  en- 
core dans  la  vie  présente ,  nous  espérons  au 
moins  la  posséder  dans  la  vie  future.  Il  est 


S43 

vrai,  continue  ce  Père,  qu'en  punition  du 
péché  l'homme  a  perdu  la  liberté  qu'il  avait 
de  ne  pas  pécher  ^  et  celui-là  seul  le  dé- 
livre d'un  si  grand  mal  à  qui  nous  disons 
non-seulement  :    liemettez-nous    nos    dettes; 
mais  aussi  :  Et  ne  nous  livrez  point  à  la  tenta- 
tion. Mais  vous  vous  trompez  lourdement,     '^'f- 
soit  que  vous   croyez  qu'il  n'y  ait  aucune 
nécessité  de  pécher ,  soit  que  vous  ne  com- 
preniez pas  que  cette  nécessité  est  la  peine 
de  cet  autre  péché  qui  a  été  commis  sans 
aucune  nécessité.  Car  pour  ne  rien  dire  de 
la  violence  de  ce  mal  qui  se  contracte  par  la 
naissance,  et  que  vous  traitez  d'imaginaire  , 
dites-moi,  je  vous  prie,  ce  que  c'était  que 
souffrait  celui  qui,  selon  votre  exphcation , 
était  tellement  accablé  du  poids  de  ses  mau- 
vaises habitudes,  qu'il  disait  :  Je  ne  fais  pas  le    R™' 
bien  que  je  veux  ,  et  je  fais  le  mal  que  je  ne 
veux  pas.  De  plus  ,  je  crois  que  vous  n'igno- 
rez pas  avec  combien  de  peine  et  de  travail 
on  apprend  ce  qu'il  faut  chercher  et  ce  qu'il 
faut  éviter  ;  et  ceux  qui  ne  le  savent  pas,  par 
cela  même   qu'ils   ignorent    ce   qu'ils   doi- 
vent aimer,  et  ce  qu'ils  doivent  fuir,  souf- 
frent cette  nécessité  de  pécher  ;  car  il  est 
nécessaire  que  celui-là  pèche,  qui,  ignorant 
ce  qu'il  doit  faire  ,  fait  ce  qu'il  ne  doit  pas 
faire.  C'est  de  ces  péchés  que  David  deman- 
dait pardon  à  Dieu,  quand  il  disait  :  Ne  vous  ,''=='• 
souvenez  point  des  pèches  de  ma  jeunesse,  ni  de 
mes  ignorances.  Or ,  si  Dieu  n'imputait  pas 
ces  sortes  de  péchés  ,  ce  fidèle  serviteur  ne 
l'aurait  pas  prié  de  les  lui  remettre.  Il  est    ^^'P'  = 
nécessaire ,  ajoute-t-il  encore  ,  que  celui-là 
pèche  qui  ne  connaît  point  la  justice.  Mais, 
de  ce   qu'il  ne  la  connaît   pas  ,  s'ensuit-il 
qu'on  ne  doive  pas  lui  pardonner  les  péchés 
qu'il  a  commis  par  la  nécessité  de  l'igno- 
rance où  il  était  ?  Pourquoi  ne  croyez-vous 
pas  que  le  péché  du  premier  homme,  ce  pé- 
ché ineffable  dans  sa  grandeur,  ait  eut  pour 


'  Cette  expression,  nécessité  de  pécher,  a  besoin 
d'explication  ;  les  Pères  qui  l'emploient  n'entendent 
que  ce  qae  nous  appelons  aujourd'hui  volontaire 
indirect.  Ainsi,  cette  nécessité  de  pécher  n'enlève 
pas  le  libre  arbitre,  mais  le  diminue  seulement; 
elle  procède  souvent  de  l'ignorance  et  de  l'infir- 
mité de  l'homme  par  suite  de  la  concupiscence  ; 
quelquefois  elle  doit  son  accroissement  à  la  mau- 
vaise habitude.  Quand  les  Pères  disent  que  cette 
nécessité  de  pécher  est  insurmontable,  ils  l'enten- 
dent de  la  nécessité  de  naître  avec  le  péché  origi- 
nel, avec  la  concupiscence,  avec  la  mort.  Ils  l'ap- 
pliquent aussi  à  la  nécessité  d'aimer,  de  désirer, 
de  rechercher  la  félicité;  mais  ils  ne  veulent  point 


parler  des  actes  libres  que  fait  l'homme  (L'éditeur). 
2  Pour  saint  Augustin  la  liberté  n'est  pas  le  libre 
arbitre.  Le  libre  arbitre  est  la  faculté  de  vouloir  le 
bien  ou  le  mal  ;  la  volonté  est  l'acte  par  lequel  on 
veut  ;  la  liberté  est  la  condition  de  l'âme  donnée 
par  Dieu,  par  laquelle  sans  aucun  empêchement 
extérieur  ou  intérieur  l'homme  veut  toujours  le 
vrai  et  le  souverain  bien  et  même  s'y  délecte. 
Dans  le  paradis  Adam  avait  cette  liberté  avec  la 
parfaite  justice  et  l'immortalité.  Mais  par  son  pé- 
ché il  l'a  perdue;  et,  il  est  depuis  dans  la  néces- 
sité morale  de  pécher  comme  nous  l'avons  expli- 
quée ci -dessus.  Vid.  Fesseler.  Institut.  Pair. 
tom.  II,  pag.  375.  (L'éditeur.) 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


le  moins  autant  de  force  pour  corrompre  la 
nature  dans  tous  les  hommes,  que  en  a  l'ha- 
bitude ,  qui  est  comme  une  seconde  nature , 

cap.ovii.  par  rapport  à  un  seul  homme  «  C'est  Dieu  , 
dit-il  ensuite,  qui  nous  délivre  de  la  néces- 
sité de  pécher,  non  par  le  seul  secours  de  la 
loi  qui  nous  fait  connaître  ses  commande- 
ments, mais  par  celui  de  la  charité  que  le 
Saint-Esprit  répand  dans  nos  cœurs,  dont  la 
délectation,  devenant  plus  puissante  que 
celle  qui  nous  attache  au  péché,  nous  dé- 
livre de  cette  nécessité  malheureuse  qui 
nous  eût  été  sans  cela  insurmontable,  et  dont 
nous  aurions  toujours  été  les  esclaves,  selon 

11  Poir.  n,  cette  parole  de  saint  Pierre  :  Quiconque  est 
"'  vaincu ,  est  esclave  de  celui  qui  l'a  vaincu.  » 

Cap.  cviT.  Il  fait  voir  à  Julien  que  la  grâce  nous  délivre 
du  péché  en  deux  manières  ;  l'une  en  nous 
accordant  le  pardon  de  nos  péchés  passés, 
et  l'autre  en  nous  empêchant  d'en  commet- 
tre de  nouveaux.  D'où  vient  que  nous  de- 
mandons à  Dieu  qu'il  ne  nous  livre  point  à 
la  tentation,  et  que  nous  le  prions  de  nous 
Maiiii.  VI,  empêcher  de  faire  le  mal.  Il  reiette  sur  le 

13  Cl  n  Cor.  ,  \    ,    ,  j  -,      ..  j  1  >  A      - 1 

xm,  7.  pèche  la  réprobation  de  ceux  que  1  Apôtre 

appelle  des  vases  d'ignominie ,  et  même  les 
défauts  naturels  qui  se  trouvent  souvent  dans 

Cap.  cxivei  les  corps  des  hommes  à  lem'  naissance.  Et 
parce  que  Julien  voulait  qu'on  expliquât,  se- 
lon la  diversité  des  volontés  humaines  ,  ce 
que  saint  Paul  dit  d'un  potier  qui  de  la  même 
argile  fait  un  vase  destiné  à  des  usages  hono- 
rables, et  un  autre  destiné  à  des  usages  hon- 
teux: «  Écoulez  ,  lui  dit  saint  Augustin  ,  les 

Lib.iDePœ-   pai'oles  de  saint  Ambroise  :  Nous  naissons 

Tiit.,  cap.  n.  T  '    T  f  •    •  ^ 

tous  dans  l  état  de  pèche,  notre  origine  même 
étant  vicieuse.  C'est  comme  ce  saint  évêque, 
avec  ses  condisciples  dans  l'école  de  Jésus- 
Christ,  a  entendu  ce  que  dit  saint  Paul ,  que 

Rom.  T,  12.  le  péché  est  entré  dans  le  monde  par  un  seul 
homme,  et  par  le  péché  la  mort.  Apprenez  que 
c'est  à  la  suite  de  cela  que  la  nature  humaine 
est  cette  masse  d'où  sont  faits  les  uns  et  les 
autres  vases.  Car  si  la  solution  de  cette  ques- 
tion si  difEcile  à  résoudre ,  était  ce  que  vous 
dites ,  qu'il  ne  faut  point  chercher  d'autre 
cause  de  ce  que  les  uns  sont  vases  d'hon- 
neur, et  les  autres  de  déshonneur,  que  leurs 
différents  mérites  ,  cela  serait  si  aisé  à  com- 
prendre que  l'Apôtre  n'y  aurait  point  vu  de 

Rom.  ix,:o.  difficulté  qui  l'eût  obligé  de  dire  :  0  homme 
qui  êtes-vous  pour  disputer  avec  Dieu  ?  Mais  ce 
qui  doit  vous  confondre  ,  est  que  ce  que  dit 
saint  Paul  de  la  même  masse ,  et  des  diffé- 
rents vases,  et  de  la  puissance  du  potier  , 


n'a  été  qu'après  avoir  parlé  de  ces  deux  ju- 
meaux dont  Dieu  avait  aimé  l'un  et  haï  l'au- 
tre, no7i  par  la  considération  de  leurs  œuvres, 
mais  selon  la  résolution  qu'il  avait  prise  pour 
sa  seule  élection,  n 

Mais  comment,  objectait  Julien  ,  vous  qui  cap.  cxxv 
avez  dit  plus  haut  que  la  condamnation  est 
tombée  sur  tous  les  hommes  ,  âvez-vous  le 
front  d'alléguer  ce  passage,  où  il  est  dit  que 
les  uns  sont  vases  d'honneur ,  et  les  autres 
de  déshonneur?  «  C'est,  répond  saint  Au- 
gustin ,  que  la  grâce  délivre  de  cette  con- 
damnation commune  à  toute  la  masse  ,  tous 
ceux  qui  en  sont  délivrés  ;  et  vous  êtes  hé- 
rétiques ,  parce  que  vous  niez  cette  vérité. 
Ainsi,  par  rapport  à  ce  que  mérite  le  péché 
d'origine,  tous  par  le  péché  d'un  seul  sont  tom- 
bés dans  la  condamnation;  mais  par  rapport  à 
la  grâce  qui  n'est  pas  donnée  selonleurs  mé- 
rites, tous  ceux  qu'elle  délivi'e  de  cette  con- 
damnation sont  appelés  vases  de  miséricorde. 
Et  quant  à  ceux  qui  n'en  sont  point  délivrés, 
la  colère  de  Dieu  demeure  sur  eux,  par  un 
juste  jugement  qu'on  ne  doit  pas  blâmer, 
parce  qu'on  ne  le  peut  approfondir.  » 

7.  Vous  ne  croyez  point  au  Dieu  qu'a  pré-  cap.csn 
ché  le  Maître  des  nations,  disait  Julien  :  car 
votre  Dieu  est  un  potier  qui  forme  tous  les 
hommes  pour  la  condamnation  ,  et  celui  de 
saint  Paul  en  forme  plusieurs  pour  la  gloire. 
((  Quand  on  dit,  réplique  saint  Augustin,  que 
tous  par  un  seul  sont  tombés  dans  la  condam- 
nation ,  cela  s'entend  de  la  masse ,  de  la- 
quelle le  potier  forme  tant  les  vases  d'hon- 
neur â  qui  il  fait  grâce ,  que  les  vases  de 
déshonneur  qu'il  laisse  dans  la  peine  qui  leur 
est  due  ,  afin  que  les  enfants  de  la  grâce  re- 
connaissent que  Dieu  leur  remet  ce  qu'il 
aurait  pu  exiger  d'eux,  sans  être  injuste  ,  et 
qu'ils  soient  obligés  par  là  à  ne  se  glorifier 
qu'en  Notre-Seigneur  et  non  en  eux-mêmes. 
Si  votre  Dieu ,  ajoute-t-il ,  en  s'adressant  à  cap.  cx.^ 
Julien,  ne  forme  point  de  vases  de  déshonneur, 
il  n'est  pas  le  Dieu  que  l'apôtre  saint  Paul  a 
prêché  ;  car  cet  Apôtre  nous  dit,  en  parlant 
du  vrai  Dieu  :  0  homme ,  qui  êtes-vous  pour  Rom.  a 
disputer  avec  Dieu  ?  Est-ce  au  vase  de  terre  à 
dire  à  celui  qui  l'a  fait  :  Pourquoi  m'avez  fait 
ainsi  ?  Le  potier  ne  peut-il  pas  d'une  même  ar- 
gile faire  un  vase  d'honneur  et  un  vase  de  déshon- 
rîeîw?  Mais  vous,  merveilleux  ouvrier,  vous 
vous  êtes  fabriqué  dans  la  boutique  de  Pelage 
un  nouveau  dieu  beaucoup  meilleur  que  ce- 
lui-là qui  ne  forme  point  de  vases  de  déshon- 
neur. »  Les  vases  dont  paiie  saint  Paul,  disait 


[rye  ET  Y  sitcLES.]  SAJNT  AUGUSTIN, 

ce  pélagien,  sont  préparés  par  leurs  propres 
œuvres  ou  à  la  colère  ou  à  la  gloire.  Ainsi 
ce  passage  ne  peut  vous  servir  de  rien.  Et, 
pour  le  prouver,  il  alléguait  ces  paroles  du 
même  Apôtre  :  Si  quelqu'un  se  purifie  lui- 
même  de  ces  choses,  il  sera  un  vase  d'honneur 
sanctifié.  Saint  Augustin  répond  en  cette  ma- 
nière :  «  Vous  ne  comprenez  pas  qu'il  est 
dit  :  Si  quelqu'un  se  purifie,  pour  faire  voir  que 
c'est  par  la  volonté  que  l'homme  se'purifie. 
Mais,  ô  ingrat,  c'est  le  Seigneur  qui  prépare 
la  volonté.  Ainsi  il  est  vrai ,  et  que  c'est 
Dieu  qui  prépare  les  vases  pour  la  gloire, 
et  que  les  vases  se  préparent  eux-mêmes. 
Car  Dieu  le  fait  afin  que  l'homme  le  fasse, 
comme  il  aime  le  premier,  afin  que  l'homme 
l'aime.  Lisez  le  prophète  Ézéchiel,  vous  y 
verrez  ces  paroles,  que  Dieu  fait  que  ceux 
qui  ont  part  à  la  miséricorde ,  accomplis- 
sent ses  commandements.  »  Ensuite  il  op- 
pose à  Julien  ce  que  dit  saint  Ambroise  : 
Dieu  appelle  ceux  qu'il  daigne  appeler ,  et  il 
rend  pieux  et  dévots  ceux  qu'il  lui  plaît. 
C'est  ce  que  ce  saint  avait  reconnu  dans  la 
vérité  des  Écritures.  Mais  c'est  un  jugement 
caché  de  ce  que  Dieu  fait  cette  grâce  aux 
uns  et  non  pas  aux  autres.  De  là  vient  que 
ce  n'est  pas  un  homme ,  mais  l'Esprit  de 
Dieu  qui  dit  à  l'homme  :  0  homme,  qui  êtes- 
vous  pour  disputer  avec  Dieu  ?  Est-ce  au  vase 
de  terre  de  dire  à  celui  qui  l'a  fait,  pourquoi 
m'avez-vous  fait  ainsi  ?  etc.  Laissez-là  les 
nuages  dont  vous  croyiez  pouvoir  offusquer 
la  lumière  de  ces  paroles.  Elles  nous  ap- 
prennent que  les  jugements  de  Dieu  sont 
couverts  à  notre  égard  d'une  obscurité  im- 
pénétrable; mais  elles  sont  si  claires  en 
elles-mêmes  ,  que  la  noirceur  de  vos  fausses 
explications  ne  les  saurait  obscurcir. 

Pour  rendre  inutiles  tous  les  efforts  que 
Julien  avait  faits,  afin  d'en  détourner  le  vrai 
sens,  saint  Augustin  marque  toute  la  suite 
du  discours  de  saint  Paul.  «  Le  dessein  de 
cet  Apôtre  était  de  montrer,  que  Dieu  peut 
faire  tout  ce  qu'il  promet.  Ce  qui  est  le 
grand  fondement  de  la  grâce  dont  les  péla- 
giens  étaient  ennemis.  Saint  Paul  ayant 
donc  ce  dessein,  voici  ce  qu'il  dit  :  Ce  n'est 
pas  néanmoins  que  la  parole  de  Dieu  soit  de- 
meurée vaine  et  sans  effet  ;  car  tous  ceux  qui 
descendent  d'Israël  ne  sont  pas  vrais  Israélites, 
ni  tous  ceux  qui  sont  nés  d'Abraham  ne  sont 
pas  pour  cela  ses  vrais  enfants.  Mais  Dieu  lui 
dit  :  Ce  sera  Isaac  qui  sera  appelé  votre  fils  ; 
c'est-à-dire  que  ceux  qui  sont  enfants  d'Abra- 
IX. 


EVEQUE  D'HIPPONE. 


S4S 


ham  selon  la  chair,  ne  sont  pas  pour  cela  en- 
fants de  Dieu  ;  mais  que  ce  sont  les  enfants  de 
la  promesse  qui  sont  réputés  être  les  enfants 
d'Abraham.  Car  voici  les  termes    de  la  pro- 
messe que  Dieu  fit  à  Abraham  :  Je  viendrai 
dans  un  an  en  ce  même  temps,  et  Sai^a  aura 
un  fils.  Remai'quez  Lien  ces  termes,  enfants 
de  la  promesse,  et  concluez-en  que  c'est  Dieu 
qui  les  fait  tels  par  sa  grâce  :  parce  qu'il 
peut  faire  ce  qu'il  a  promis.  Et  cela,  conti- 
nue saint  Paul,  ne  se  voit  pas  seulement  dans 
Sara,  mais  aussi  dans  Rébecca  qui  conçut   en 
même  temps  deux  enfants  d'Isaac  notice  père. 
Car  avant  qu'ils  fussent  nés,  et  avant  qu'ils 
eussent  fait  aucun  bien  ni  aucun  mal,  afin  que 
le  décret  de  Dieu  demeurât  ferme  selon   son 
élection,  non  à  cause  de  leurs  œuvres,  mais  à 
cause  de  celui  qui  appelle,  il  lui  fut  dit  :  L'aî- 
né sera   assujetti  au  plus  jeune.  Remarquez 
encore  cette  élection  qui  n'est  point  par  la 
considération  des  œuvres,  laquelle  a  été  de- 
puis marquée  par  un  prophète  dont  saint 
Paul  allègue  le  témoignage- en  disant  :  Selon    Mauch,  1,2, 
qu'il  est  écrit:  J'ai  aimé  Jacob  et  j'ai  haï  E  sait. 
Mais  comme  il  naît  de  là  une  difficulté  qui 
pouvait  troubler  ceux  qui  ne  sont  pas  ins- 
truits du  mystère  de  la  grâce  :  l'Apôtre  se  la 
propose  à  lui-même  en   ces  termes  :   Que    Rom.  «,  n. 
dirons-nous  ?  Est-ce  qu'il  y  a  en  Dieu  de  l'in- 
justice! Dieu  nous  garde  de  cette  pensée.  Et 
pour  nous  apprendre  de  quelle  sorte  nous 
devons   nous    garder   de  cette    pensée,    il 
ajoute  :  Car  il  a  dit  à  Moïse,  j'e  ferai  miséri- 
corde à  qui  il  me  plaira  de  faire  miséricorde, 
et  j'aurai  pitié  de  qui  il  me  plaira  d'avoir 
pitié.    Cela  ne  dépend  donc  ni  de  celui  qui 
veut,  ni  de  celui  qui  court,  mais  de  celui  qui 
fait  miséricorde.  Ce  n'est  donc  point  parce 
que  Jacob  a  voulu  et  a  couru  que  Dieu  lui  a 
fait  miséricorde.  Mais  c'est ,  parce  que  Dieu 
lui  a  fait  miséricorde,  qu'il  a  voulu  et  qu'il 
a  couru.  C'est  pourquoi  il  est  dit  dans  un 
endroit,  que  le  Seigneur  prépare  la  volonté  ; 
et  en  un  autre,  que   le  Seigneur  dresse  les 
pas  de  l'homme,  et    que  l'homme  veut  bien 
marcher  dans  sa  voie.  Mais  parce  que  c'avait 
été  dans  la  vue  de  Jacob  que  l'Apôtre  avait 
dit,  que  cela  ne  dépendait  ni  de  celui  qui  veut, 
ni  de  celui  .qui  court,  mais  de   Dieu  qui  fait 
miséricorde  ;  il  ajoute  l'exemple  de  Pharaon, 
qui  répond  à  ce  qu'il  avait  dit  d'Ésaii  que 
Dieu  l'avait  haï  :    C'est   pourquoi   il  dit  à   Kom.w,  n, 
Pharaon  dans  l'Ecriture  :  C'est  pour  cela  ([ue 
je  vous  ai  établi  pour  faire  éclater  en  vous 
ma  toute-puissance,  et  pour  rendre  mon  nom 

33 


li.id.    le  et 

10. 


Piûv.  vriT. 
Psal.  VI,  23. 


346 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


célèbre  par  toute  la  terre.  D'où  il  tire  cette 
nom  .X,  is.  conclusion  qui  revient  à  l'autre  :  //  est  donc 
vrai  qu'il  fait  miséricorde  à  qui  il  lui  plaît, 
et  qu'il  endurcit  qui  il  lui  plait.  Mais  il  fait 
miséricorde  par  grâce,  en  donnant  gratuite- 
ment ce  qu'on  ne  mérite  point  ;  et  il  endur- 
cit par  un  jugement  qui  est  tel  que  ceux 
envers  qui  Dieu  l'exerce,  ne  sont  traités  que 
comme  ils  le  méritent.  Car  c'est  une  pure 
grâce  de  faire  d'une  masse  condamnée  un 
vase  de  miséricorde,  et  c'est  un  juste  juge- 
ment d'eu  faire  un  vase  de  déshonneur.  » 

Le  saint  Docteur  représente  ensuite  ce 
que  peuvent  dire  ceux  à  qui  cette  conduite 

ibid.  f9.  déplaît,  ce  qu'il  fait  en  ces  termes  :  «  Après 
cela  pourquoi  se  plaint-il  des  méchants  ?  Car 
qui  est-ce  qui  résiste  à  sa  volonté?  Et  voici  ce 

ib;ci.  2).  qu'il  dit  pour  réprimer  leur  audace  :  3Iais,  ô 
homme,  qui  êtes-vous  pour  contester  avec  Dieu? 
Jugez  vous-mêmes  si  cela  n'est  pas  confor- 
me à  ce  qu'il  avait  dit  auparavant ,  et  si  cela 
ne  ruine  pas  entièrement  ce  que  vous  vous 
imaginez ,  vous  qui  prétendez  qu'il  n'y  a 
point  d'autre  cause  de  la  différente  condi- 
tion de  ces  vases  que  les  différents  mérites 
des  volontés  humaines;  ce  qui  est  directe- 
ment contraire  à  ce  qu'il  avait  dit  aupara- 

ibid.  11.  ravant  :  Avant  qu'ils  fussent  nés,  et  avant  qu'ils 
n'eussent  fait  aucun  bien  ni  aucun  mal,  afin 
que  le  décret  de  Dieu  demeurât  ferme  selon  son 
élection,  non  à  cause  des  œuvres,  mais  à  cause 
de  celui  qui  appelle  ;  il  avait  été  dit  à  la  mère 
que  l'aîné  serait  assujetti  au  p)lus  jeune;  comme 

ibid.  10.  aussi  à  ce  qu'il  avait  ajouté  :  Cela  donc  ne 
dépend  ni  de  celui  qui  veut,  ni  de  celui  qui 
court,  mais  de  celui  qui  fait  miséricorde.  Mais 
si  ce  que  vous  dites,  conformément  à  votre 
hérésie  touchant  le  potier,  est  si  opposé  à 
ce  que  saint  Paul  avait  dit  auparavant,  il  ne 
l'est  pas  moins  à  ce  qui  suit.  Car,  ce  qu'il  dit 
des  vases  de  colère  qui  sont  préparés  pour  la 
perdition,  serait  injuste,  s'ils  n'étaient  faits 
lud. 22  0123.  d'une  masse  condamnée,  ^o?«  par  un  seul 
étant  tombés  dans  la  condamnation.  Et  ceux 
qu'il  a  préparés  à  la  gloire  sont  appelés  des 
vases  de  miséricorde,  par  ce  que  c'est  l'effet 
d'une  miséricorde  toute  gratuite,  et  qui  n'est 
due  en  aucune  sorte ,  de  préparer  à  la 
gloire  des  vases  formés  d'une  masse  con- 
damnée. » 

Saint  Augustin  montre  ensuite  que  ce  que 
dit  saint  Paul,  touchant  la  prédestination  et 
la  réprohation,  doit  s'entendre  également 
des  gentils  comme  des  Juifs  :  ce  qui  paraît 
en  ce  que  cet  apôtre  allègue  des  témoigna- 


ges tirés  des  Prophètes  qui  parlent  des  uns 
et  des  autres. 
8.  Il  se  propose  dans  le  second  livre  de     Ana'jfe 

A        ^  ,  secoua    11 

montrer  que  ces  paroles  de  la  même  Epître  i^s-  sii'- 
aux  Romains  :  Le  péché  est  entré  dans  le 
monde  pjar  un  seul  homme,  et  la  mort  pjar  le 
péché  ;  ainsi  la  mort  est  passée  dans  tous  les 
hommes,  tous  ayant  péché  dans  un  seul,  doi- 
vent s'entendre  du  péché  d'Adam,  qui  passe 
par  la  génération  dans  tous  ses  descendants. 
C'est  dans  le  même  sens  qu'il  les  avait  ex- 
pliquées dans  le  chapitre  vingt-septième  de 
son  second  livre  des  Noces  et  de  la  concupis- 
cence. Mais  Julien  prétendait  qu'elles  ne  si- 
gnifiaient pas  autre  chose,  sinon  que  tous 
les  hommes  avaient  péché  à  l'imitation  du 
premier.  Pour  appuyer  son  sentiment ,  il  cap.  i. 
disait  que  s'il  fallait  les  entendre  d'un  pé- 
ché transmis  par  la  génération,  l'Apôtre  au- 
rait dû  dire  par  deux  Imnmes,  parce  que  la 
génération  ne  peut  avoir  lieu  sans  l'union 
des  deux  sexes.  Saint  Augustin  rétorque 
contre  lui  cet  argument,  en  disant  que  si 
saint  Paul  avait  parlé  d'un  péché  par  imita- 
tion, il  aurait  dû  dire  qu'il  est  entré  dans  le 
monde  par  deux  hommes,  puisqu'Ève  a  pé- 
ché comme  Adam  et  qu'elle  s'est  laissée  sé- 
duire la  première.  Ensuite  il  fait  voir  que 
l'Apôtre  a  eu  raison  de  s'exprimer  comme 
il  l'a  fait,  parce  que  c'est  de  l'homme  et  non 
pas  de  la  femme  que  la  génération  prend 
son  commencement.  ((  La  mort,  ajoute-t-il,  cap.  lx 
est  une  peine;  comment  donc  tous  les  hom- 
mes y  seraient-ils  assujettis,  s'ils  n'étaient  pas 
tous  coupables?  Serait-il  juste  que  le  supplice 
d'Adam  passât  à  tous  ses  descendants,  s'ils 
ne  participaient  point  à  son  crime  ?  Il  est  dit 
que  c'est  dans  lui  que  tous  ont  péché  :  ce 
qui  dissipe  toutes  les  ténèbres  dont  on  s'ef- 
force de  couvrir  le  texte  de  l'Apôtre.  » 

Julien  entendait  par  ce  mot  tous,  la  mul-  cip.  i.s 
titude  et  non  pas  l'universalité  des  hommes, 
disant  que  l'Écriture  avait  coutume  de  par- 
ler ainsi.  C'est  ce  que  saint  Augustin  réfute 
en  cette  manière  :  «  Tous  ont  péché  en  celui 
dans -lequel  tous  meurent.  Or,  si  les  enfants 
ne  meurent  pas  dans  Adam,  ils  ne  seront 
certainement  pas  vivifiés  en  Jésus-Christ  ; 
mais  parce  que  de  même  que  tous  meurent  en  i  cor. 
Adam,  tous  revivront  aussi  en  Jésus-Christ  ; 
il  suit  de  là  qtie  la  vérité  des  paroles  de 
l'Apôtre  subsiste  et  qu'elles  renversent  l'hé- 
résie pélagienne.  » 

Selon  Julien,  cette  autre  parole  de  l'A-    coi).  u 
'pôti'e,  le  péché  a  été  dans  le  monde  Jusqu'à  la 


[lY«  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


547 


Cap.  L\A|V, 


Gen, 


loi,  signifiait  que  la  loi  avait  détruit  le  pé- 
ché. (!  S'il  en  est  ainsi,  répond  saint  Augus- 
tin, et  si  l'on  avait  la  Justice  par  la  loi,  c'est 
donc  en  vain  que  Jésus-Christ  est  mort.  Et 

Rom.  V,  20.  celui-là  a  menti  qui  a  dit  :  La  loi  est  surve- 
nue pour  donner  lieu  à  l'abondance  du  péché.  » 

Cap.  L.txiii.  Ce  Père  avait  avancé,  comme  un  principe, 
que  la  loi  donnait  seulement  la  connaissance 
du  péché.  Sm*  quoi  Julien  lui  dit  :  Mon- 
trez-moi que  cette  même  loi  ait  fait  connaî- 
tre le  péché  originel?  «  Cela  est  aisé, répond 
le  saint  Docteur,  si  voulez  ouvrir  les  yeux. 
La  circoncision  de  la  chair  était  commandée 
par  la  loi  comme  une  figure  de  la  rémission 
du  péché  originel  par  Jésus-Christ,  auteur 
de  la  régénération.  Car  tout  homme  naît 
avec  le  prépuce,  comme  avec  le  péché  ori- 
ginel ;  et  de  même  qu'un  homme  circoncis 
engendi'e  un  enfant  qui  ne  l'est  pas,  un  bap- 
tisé engendi'e  un  enfant  coupable  du  péché 
originel,  quoique  lui-même  en  ait  été  absous. 

pssi.L,  7.  Enfin  on  lit  dans  les  Psaumes  :  J'ai  été  conçu 
dans  les  iniquités,  et  ma  mère,  loi'sque  j'étais 
dans  son  sein,  m'a  nourri  dans  le  péché.  Or,  la 
circoncision  avait  été  donnée  pour  le  péché 
originel,  comme  on  le  voit  par  la  menace  de 
Dieu  défaire  périr  de  son  peuple  l'ùme  de  l'en- 
fant qui  n'aurait  pas  été  circoncis  au  huitième 
jour.  Car  pourquoi  cet  enfant  subirait-il  cette 
peine,  s'il  n'était  coupable  d'aucun  péché 
d'origine,  n'en  ayant  point  de  propre?  Il  ne 
serait  pas  non  plus  de  l'équité  de  Dieu  d'im- 
poser aux  enfants  dès  leur  naissance  le 
joug  pesant  auquel  ils  sont  sujets,  s'ils  n'é- 
taient coupables  d'aucun  ci'ime.  On  en  voit 
quelques-uns  obsédés  du  démon.  Puis  donc 
que  Dieu  ne  permet  pas  que  personne  souf- 
fre aucun  mal  sans  l'avoir  mérité;  quelle 
cause  peut-on  trouver  de  la  punition  de  cet 
enfant,  autre  que  le  péché  originel?  » 

9.  Si  Adam,  disait  Julien,  outre  le  péché 
qu'il  a  commis  par  sa  volonté,  a  renversé 
l'état  de  notre  nature  ;  rien  n'était  plus  né- 
cessaire que  Jésus-Christ  réparât  ces  débris 
causés  par  le  premier  homme,  et  qu'il  fit 
celte  réparation  de  la  même  manière  qu'A- 
dam a  causé  la  ruine ,  c'est-à-dire  que  les 
baptisés  ne  fussent  plus  sujets  aux  mouve- 
ments de  la  concupiscence,  et  que  le  libre 
arbitre  leur  fût  rendu,  en  sorte  qu'il  leur  fût 
aussi  possible  de  briller  par  l'éclat  des  ver- 
tus, que  de  se  souiller  par  l'ordure  des  vi- 
ces. Saint  Augustin  répond  que  Jésus-Christ 
a  réparé  notre  nature,  mais  non  pas  en  la 
manière  que  le  voulait  Julien;  que  les  fem- 


Caf.  c. 


mes  quoique  baptisées  ne  laissent  ,pas  d'être 
assujetties  aux  douleurs  de  l'enfantement , 
qu'on  ne  peut  nier  être  une  peine  du  pé- 
ché de  la  première  femme  ;  que  si  les  bap- 
tisés ne  sont  pas  aussitôt  délivrés  de  tous  les 
maux  de  cette  vie,  quoiqu'ils  aient  obtenu 
la  rémission  de  leurs  péchés,  c'est  que  cela 
est  nécessaire  pour  nourrir  leur  foi  et  exer- 
cer leur  vertu  ;  que  si  Dieu  permet  qu'ils 
soient  assujettis  aux  mouvements  de  la  con- 
cupiscence. Dieu  leur  donne  sa  grâce  pour 
les  combattre;  que  si  quelquefois  l'homme 
fidèle  est  vaincu  véniellement  dans  ce  com- 
bat, sa  faute  lui  est  remise  dans  la  prière  ; 
mais  que  s'il  tombe  mortellement ,  Dieu  lui 
en  accorde  le  pardon  s'il  s'en  humilie  dans  la 
pénitence.  Julien  objectait  :  Le  péché  d'A- 
dam nous  a  assujettis  à  deux  morts,  l'une 
temporelle  et  l'autre  éternelle  ;  la  grâce  de 
Jésus-Christ  ne  nous  délivre  que  de  la  der- 
nière. EUe  n'est  donc  pas  aussi  puissante 
en  bien  que  la  faute  d'Adam  l'a  été  en  mal. 
Saint  Augustin  répond  que  par  la  seule  ré- 
surrection des  bienheureux,  ces  deux  morts 
sont  détruites.  D'où  il  suit  que  ceux  qui  sont 
régénérés  en  Jésus-Christ,  et  qui  sortent  de 
ce  monde  étant  du  nombre  des  élus,  en  re- 
çoivent plus  de  grâces  que  le  péché  ne  leur 
a  nui.  Il  prouve  que  si  le  mérite  et  le  démé-  (-"r-  ='■ 
rite  de  chacun  venait  de  la  propre  volonté, 
on  ne  pourrait  dii'e  pom'  quelle  raison  Jésus- 
Clu'ist  accorde  le  royaume  de  Dieu  aux  en- 
fants qui  n'ont  ni  mérité,  ni  démérité  par 
leur  propre  volonté.  Et  pour  couper  court  à 
une  question  que  ce  pélagien  avait  déjà  faite 
plusiem-s  fois  sur  la  manière  dont  les  en- 
fants se  trouvent  coupables  du  péché  origi- 
nel, si  c'est  par  leur  volonté,  ou  par  leurs 
parents,  ou  par  la  génération  qui  leur  est 
transmise,  il  lui  répète  ce  passage  de  l'A- 
pôtre :  C'est  par  le  péché  d'un  seul  que  tous 
les  hommes  sont  tombés  dans  la  damnation,  (dl 
n'est  pas  bon,  ajoute-t-il ,  de  s'élever  contre 
le  sentiment  de  l'Apôtre  pour  en  soutenir 
un  hérétique.  Pourquoi  demandez-vous  un 
nouvel  examen  de  vos  dogmes ,  puisqu'il  a 
déjà  été  fait  devant  la  Chaire  apostolique,  et 
dans  le  concile  de  Palestine,  où  Pelage,  au- 
teur de  votre  erreur,  aurait  sans  doute  été 
condamné,  s'il  n'avait  condamné  lui-même 
les  dogmes  que  vous  défendez?  Cette  héré- 
sie condamnée  par  les  évêques  ne  demande 
donc  plus  un  nouvel  examen,  mais  elle  doit 
être  réprimée  par  les  puissances  chrétien- 
nes, n 


C:tp.  t 
Iloin.  ' 


548 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


r.ap.ov.  Le  saint  Docteur  établit  ensuite  la  vérité 

iu:n.  V,  r.  (Je  ces  paroles  de  l'Apôtre  :  Il  n'en  est  pas 
du  don  de  la  grâce  comme  du  péché  :car,  par  le 
jugement  de  Dieu,  nous  avons  été  condamnés 
pour  un  seul  péché,  au  lieu  que  nous  sommes 
justifiés  par  la  grâce  après  plusieurs  péchés  ; 
montrant  que  la  grâce  efface  non-seule- 
ment le  péché  avec  lequel  nous  naissons, 
mais  tons  ceux  encore  que  nous  avons  ajou- 
tés à  ce  péché  d'origine  par  notre  pro- 
L-ur.cvi.  pre  volonté.  Il  prouve  contre  Julien  que  la 
liberté  aussi  a  été  blessée  par  le  péché  , 
puisque  ceux,  à  qui  cette  liberté  n'a  pas 
été  rendue  par  la  grâce,  pèchent  plus  sou- 
ci., c-.ii.  vent.  Il  lui  fait  sentir  qu'il  y  aurait  de 
la  folie  à  soutenir  que  le  péché  d'Adam 
ne  nous  a  blessés,  que  parce  que  nous  l'a- 
vons imité ,  puisqu'un  grand  nombre  de  pé- 
cheurs n'ont  pas  eu  la  même  comiaissance 
de  ce  péché.  D'où  vient  que  Pelage  aurait 
été  condamné,  s'il  n'avait  dit  anathème  à 
ceux  qui  enseignent  que  le  péché  d'Adam 
n'a  blessé  que  lui  seul. 
Cil, csh:.  10.  Les  pélagiens  avaient  imaginé  deux 
félicités  éternelles,  l'une  au  dedans  du  royau- 
me de  Dieu,  l'autre  au  dehors.  C'était  dans 
celle-ci  qu'ils  mettaient  les  enfants  morts 
sans  baptême  ;  en  quoi  ils  ne  se  soutenaient 
pas.  Car  puisqu'ils  ne  les  croyaient  pas  cou- 
pables du  péché  originel,  il  y  avait  une  in- 
justice manifeste  à  priver  du  royaume  de 
Dieu  des  images  de  Dieu  qui  n'avaient  mé- 
rité par  aucun  péché  d'en  être  privées.  Il  n'y 
avait  pas  moyen  non  plus  de  leur  donner 
place  dans  le  royaume  de  Dieu,  à  cause  que 
l'Écriture  en  exclut  tous  ceux  qui  ne  sont 
joan.  m,  u.  point  régénérés  de  l'eau  et  de  l'esprit.  Il  est 
Cip.  c.<v.  écrit,  disait  Julien,  que  nous  sommes  justifiés 
Rom.T,  iG.  par  la  grâce  après  plusieurs  p)échés.  Cette  justi- 
fication ne  regarde  donc  pas  les  enfants  qui 
sont  présentés  au  baptême,  puisqu'ils  n'ont 
tout  au  plus  que  le  péché  originel.  Ce  raison- 
nement, comme  le  fait  voir  saint  Augustin, 
tendait  à  exclm'e  de  la  grâce  de  Jésus-Christ, 
non-seulement  les  enfants,  mais  ceux-là  en- 
core d'entre  les  adultes  qui  n'ont  commis 
que  peu  de  péchés;  ce  qui  suffisait  pour  en 
faire  sentir  tout  le  ridicule.  «Le  sens  de  l'A- 
pôtre est  donc,  dit  saint  Augustin,  que  tous 
ceux  qui  sont  justifiés  ,  le  sont  par  la  grâce 
de  Jésus-Christ,  soit  qu'ils  obtienuent  par  lui 
la  rémission  de  plusieurs  péchés ,  soit  qu'ils 
n'en  obtiennent  que  de  peu,  ou  même  d'un 
cnp. cxv.i.  seul;  c'est-à-dire  du  péché  originel.  Toute 
rÉgfise  de  Jésus-Christ  s'accorde  à  enseiguer 


que  les  enfants  morts  sans  baptême  sont 
damnés.  Ce  qui  ne  pou"rait  être,  s'ils  n'é- 
taient coupables  de  péché,  étant  contre  la 
justice  de  Dieu  (jue  quelqu'un  soit  puni  de 
lui  sans  l'avoir  mérité.  Il  ne  serait  pas  juste 
non  plus ,  s'ils  étaient  innocents ,  de  n'être 
pas  admis  dans  le  royaume  de  Dieu,  ni  entre 
les  vases  d'honneur,  pour  n'avoir  pas  reçu  le 
baptême,  en  ayant  été  privés,  sans  qu'il  y  eût 
de  leur  faute ,  et  quelquefois  même  de  celle 
de  leurs  parents.  » 

Saint  Augustin  s'étend  beaucoup  à  mon-  car.,  cxvi 
trer  par  le  joug  pesant  dont  les  enfants  sont 
accablés  dès  leur  naissance,  et  par  les  exor- 
cismes  usités  dans  le  baptême,  qu'ils  nais- 
sent avec  le  péché.  Si  toutes  choses  demeu-  c., 
rent  dans  le  même  ordre  dans  lequel  elles 
ont  été  créées  (c'est  une  objection  de  Julien), 
notre  volonté  par  le  moyen  des  exhorta- 
tions, des  miracles,  des  exemples,  de  la  pro- 
messe des  récompenses,  de  la  menace  des 
peines,  est  attirée  et  conviée  à  croire  sans 
qu'on  lui  impose  aucune  nécessité;  et  si 
Dieu  la  guérit  par  ses  ordonnances,  par  ses 
mystères,  par  ses  dons,  non  pas  en  l'oppri- 
mant, mais  en  l'attendant,  en  la  sollicitant, 
en  lui  taisant  l'usage  de  sa  liberté,  il  est  évi- 
dent que  ce  n'est  pas  notre  naissance,  mais 
notre  volonté  qui  a  été  souillée  par  une  imi- 
tation malheureuse  du  péché.  «  Vous  avez 
beau  faire,  lui  répond  saint  Augustin,  vous 
n'exempterez  jamais  les  enfants  du  péché 
originel,  à  moins  de  nier  qu'ils  sont  morts  ; 
que,  si  vous  le  faites,  il  faudra  nier  aussi  que 
Jésus-Christ  soit  mort  pour  eux.  Si  au  con- 
traire vous  avouez  qu'ils  sont  morts,  vous 
ne  pourrez  nier  que  ce  ne  soit  en  Adam.  Ou 
si  ce  n'est  pas  en  Adam,  dites-nous  en  qui?» 

Le  saint  Évêque  prouve  par  la  promesse 
faite  à  Abraham,  et  par  la  manière  dont  elle 
fut  exécutée,  que  la  grâce  est  l'eflet  d'une 
volonté  de  Dieu  toute  puissante ,  et  non  du 
libre  arbitre  comme  le  prétendait  Julien. 
<(  Dites-nous,  ô  hommes  vains,  qui  ne  dé-  cap.  cur. 
fendez  pas  le  libre  arbitre,  mais  qui  l'enflez 
de  vanité,  dites-nous  s'il  se  pouvait  faire, 
que  la  promesse  que  Dieu  avait  faite  à  Abra- 
ham fût  vaine  et  infructueuse,  les  nations 
dont  il  lui  avait  promis  la  foi,  ne  voulant  pas 
croire,  ni  vivre  selon  les  règles  de  la  justice 
de  Dieu?  Vous  me  répondi'ez  que  non.  Re- 
connaissez donc,  qu'afin  qu'Abraham  reçût 
pour  récompense  de  sa  foi  une  nombreuse 
postérité,  le  Seigneur  a  préparé  la  volonté 
des   nations,    afin    qu'elles    voulussent   ce 


[IV"  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


qu'elles  pouvaient  ne  pas  vouloir;  et  que 
cela  a  été  fait  par  celui  qui  a  le  pouvoir  de 

cLvin.  faire  ce  qu'il  a  promis.  »  Il  montre  aussi 
que  si  l'homme,  comme  le  disait  Julien,  pou- 
vait faire  ses  mœurs  bonnes.  Dieu  par  sa 
prescience  aurait  dû  prédire  ce  changement, 
et  non  pas  le  promettre,  et  qu'ainsi  l'Apôtre 
Boni. Ti-, 21.  au  lieu  de  dire  :  //  est  tout-puissant  pour  faire 
ce  qu'il  a  promis,  aurait  dû  dire  :  Il  est 
tout-puissant  pour  annoncer  et  prédire  ce 
qu'il  a  prévu.  Mais  lorsque  les  hommes  di- 
sent :  Nous  faisons  ce  que  Dieu  a  promis ,  ils 
se  font,  par  leur  vanité,  plus  puissants  que 
Dieu,  et  ils  font  par  leur  arrogance  Dieu 
menteur.  Il  prie  Julien  de  faire  attention  à 
quelle  grâce  il  s'opposait,  en  niant  que  Dieu 
opérât  dans  l'âme  des  hommes  la  volonté  ; 
non  afin  qu'ils  croient  en  ne  voulant  pas,  ce 
qui  serait  absurde;  mais  afin  qu'ils  veuil- 
lent, de  non-voulants  qu'ils  étaient.  Car 
Dieu  n'agit  pas  comme  un  maître  qui  ensei- 
gne, qui  exhorte,  qui  menace  et  promet  au 
nom  de  Dieu.  Toutes  ces  choses  seraient 
vaines,  si  Dieu  n'opérait  intérieurement  le 
vouloir  même,  d'une  manière  qui  ne  nous 

oLvii.  est  pas  connue.  Car  lorsque  le  maître  par 
ses  paroles  plante  et  arrose,  il  est  douteux 
si  l'auditeur  croira  ;  mais  lorsque  Dieu  donne 
l'accroissement,  il  croit  indubitablement  et 
profite.  Voilà  la  différence  qu'il  y  a  entre  la 
loi  et  la  promesse,  entre  la  lettre  et  l'esprit. 

cLvii.,  Il  soutient  qu'il  est  de  la  foi  de  croire  que 

■".3.  Dieu  opère  en  nous  le  vouloir  même,  et 
donne  pour  exemple  ce  que  nous  lisons  de 
la  conversion  d'une  marchande  de  pourpre 
dans  les  Actes  des  apôtres,  où  il  est  dit,  que 

■i-i.u.  le  Seigneur  lui  ouvrit  le  cœur  pour  lui  faire 
entendre  ce  que  Paul  disait. 

:i-xT.  11.  Les  pélagiens  faisaient  consister  la 
justification  dans  le  pardon  seul  des  péchés. 
Mais  saint  Augustin  soutient  que  Dieu  justi- 
fie l'impie,  non-seulement  en  lui  remettant 
ses  péchés,  mais  encore  en  lui  donnant  la 
charité,  afin  qu'il  s'éloigne  du  mal,  et  qu'il 
fasse  le  bien  parle  Saint-Esprit,  dont  l'Apô- 
tre souhaitait  le  secours  continuel  à  ceux  pour 

r.xMi,  lesquels  il  disait  :  Ce  que  nous  demandons  à 
Dieu,  est  que  vous  ne  commettiez  aucun  mal. 

LX'vi,  En  sorte,  qu'il  est  vrai  de  dire  que  de  ne 
point  pécher  est  un  don  de  Dieu,  et  non  pas 
une  récompense  de  nos  mérites  précédents. 
Il  ne  nous  est  pas  même  permis,  suivant  la 
philosophie  chrétienne,  de  tirer  vanité  de 
nos  soutfi-ances  et  de  nos  tribulations,  parce 
que  c'est  un  don  de  Dieu.  Julien,  pour  ex- 


Rom,  v,  12. 


dure  les  enfants  du  nombre  de  ceux  en  qui 
l'Apôtre  dit  que  la  mort  est  passée,  fait  remar- 
quer qu'il  ajoute  aussitôt  :  Dans  lequel  tous 
ont  péché,  comme  s'il  voulait  marquer  qu'il 
n'y  a  que  ceux  qui  ont  péché  par  leur  pro- 
pre volonté,  en  qui  la  mort  soit  passée.  Sur    cap.cuxiv. 
quoi  saint  Augustin  lui  dit  que  les  enfants  ne 
seraient  pas  vivifiés  en  Jésus-Christ  s'ils  n'é- 
taient morts  en  Adam.  Le  terme  tous,  disait 
ce  pélagien,  se  prend  en  divers  endroits  de   . 
l'Écriture  -çowv plusieurs.  Saint  Augustin  en 
convient.  «  Mais,  lui  dit-il,  défaites-vous,  si 
vous  pouvez ,  de  celui  où  il  est  écrit  qu'an 
seul  est  mort  pour  tous,  et  voyez  si  vous  ose- 
rez dire  que  tous  ceux-là  ne  sont  pas  morts 
pour  lesquels  Jésus-Christ .  est  mort,  puis- 
qu'aussitôt  l'Apôtre  vous  coupe  la  parole  et 
impose  silence  à  votre  audace  et  à  votre  té- 
mérité, en  montrant  parla  conséquence  qu'il 
en  tire  en  ces  termes  :  Donc  tous  sont  morts ,    '■'"•  '^■'■^^''• 
que  tous  ceux-là  sont  morts  pour  lesquels 
Jésus-Christ  est  mort.  Les  petits  enfants  sont 
de  ce   nombre,  parce   que  Jésus-Christ  est 
mort  pour  eux,  lequel  n'est  mort  pour  tous, 
que  parce  que  tous  sont  morts.  Quelques  ar- 
guments que  vous  opposiez,  quelques  efforts 
que  vous  fassiez  pour  détruire  la  vérité  de 
ces  paroles  de  l'Apôtre  :  En  qui  tous  ont  péché, 
vous  ne  sauiiez  montrer  que  les  enfants  ne 
soient  morts  de  la  mort  du  péché ,  puisque 
vous  n'osez  pas  nier  que  Jésus-Christ  ne  soit 
mort  pour  eux.  »  Il  donne  pour  exemple  de    cip.cLsxvn. 
la  transmission  du  péché  originel,  celle  qui 
se  fait  souvent  d'une  maladie,  comme  de  la 
goutte,  du  père  aux  enfants.  Mais  parce  que 
Julien  prétendait  que  le  dogme  du   péché 
originel  ne  se   pouvait   soutenir,    à  moins 
qu'on  n'accordât    que    l'âme   se   transmet 
comme  le  corps,  saint  Augustin,  sans  se  dé- 
clarer sur  l'origine  de  l'âme  dont  il  doutait 
encore,  fait  voir  que  cela  n'est  pas  néces- 
saire, et  qu'en  quelque   manière    que    les 
hommes  naissent  d'Adam  ,  ils  ont  tous  été 
un  en  lui  lorsqu'il  a  péché.  Il  prouve  cou-  cap.ci,MiTi. 
tre  ce  pélagien,  qui  ne  voulait  pas  reconnaî- 
tre que  la  mort  corporelle  fût  une  peine  du 
péché,   que  si  elle  était  une  suite  de  la  na- 
ture, la  nature  ne  la  craindrait  pas,  et  qu'elle 
s'y  laisserait   aller  comme  au  sommeil,  ce 
qui  est  contre  l'expérience  ordinaire. 

12.  C'était  encore  un  subterfuge  des  pela-    cap.cMtvMi. 
giens,    de  dire  que  Jésus-Christ  était  mort 
seulement  pour   mériter    aux    hommes  la 
grâce  à'a.ccom^\ïr  plus  facilement  la  loi.  Saint 
Augustin,  après  les  avoir  réfutés  par  ces  ter- 


530 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Goi,  II,  21.     j-Qes  de  l'Apôtre  :  Si  la  justice  s'acquiert  par 
la  loi,  Jésus-Christ  donc  sera  mort  en  vain,  s'é- 
lève contre  eux  avec  force,  en  leur  disant  : 
«  C'est  la  parole  de  l'Apôtre  et  non  pas  la 
mienne.  Maintenant,  ennemis  de  la  croix  de 
Jésus-Christ,  décoixvrez-vous.  Pourquoi  crai- 
gnez-vous le  peuple  infini  qui  adore  Jésus- 
Cbrist,  et  ne  craignez-vous  pas  plutôt  le  ter- 
rible jugement  de  Jésus-Christ  ?  Dites  ouver- 
tement :  Oui,  nous  pouvons  être  justes  parla 
nature,  nous  pouvons  l'être  par  la  loi;  Jésus- 
Christ  est  mort  en  vain.  Mais  vous  craignez 
le  peuple  chrétien,  et  vous  placez  ici  un  mot 
pélagien,  car  lorsqu'on  vous  demande  pour- 
quoi Jésus-Christ  est-il  mort,  si  c'est  la  nature 
ou  la  loi  qui  nous  fait  justes,  vous  répondez 
qu'il  est  mort  afin  que  nous  puissions  devenir 
justes  jjïus  facilement,  comme  si  l'on  pouvait 
le  devenir,  mais  plus  difficilement,  soit  par 
la  nature,  soit  par  la  loi.  Mais,  ô  Christ,  ré- 
pondez, triomphez  et'convainquez  ces  impies  ! 
joan.  XV,  b.  Criez  à  haute  voix  :  Vous  ne  pouvez  rien  faire 
sans  moi,  afin  que  ceux  qui  crient  :  Nous  pou- 
vons agir  sans  vous,  mais  plus  difficilement, 
soient  réduits  à  se  taire,  ou  s'ils  ne  peuvent 
se  taire,  qu'ils  soient  contraints  de  s'aller  ca- 
cher dans  des  antres  retirés  où  ils  ne  puis- 
sent séduire  personne.  » 
cap.ccxviii.       Il  reproche  à  Julien  son  impudence  qui 
était  telle  qu'il  ne  feignait  pas  de  soutenir 
que  la  concupiscence,  cette  passion  rebelle, 
avait  eu  lieu  au  milieu  de  la  paix  et  des  dé- 
Cnp.  ccvx.     lices  du  paradis  terrestre.  Et  pour  l'instruire 
des  desseins  que  Dieu  avait  eus  eu  donnant 
la  loi  aux  hommes  :  «  Considérez,  lui  dit-il. 
Gai.  111,1.     ce  que  dit  l'Apôtre  :  Si  la  loi  qui  a  été  don- 
née, avait  pu  donner  la  vie,  on  pourrait  dire 
alors  avec  vérité  que  la  justice  viendrait  de  la 
loi.  Mais  le  même  apôtre  remarque,  que  la 
loi  écrite  a  comme  renfermé  tous  les  hommes 
sous  le  péché,  afin  que  ce  que  Dieu  avait  promis 
fût  donné  par  la  foi  en  Jésus-Christ  à   tous 
ceux  qui  croiraient  en  lui.  Voilà  que  la  été  le 
dessein  de  Dieu  en  donnant  la  loi.  Or,  qui 
ignore  que  ce  n'est  point  par  le  défaut  de 
la  loi,  mais  par  celui  des  hommes,    que  la 
icor.xv,6c.  loi  étant  survenue,  le  péché  a  abondé?  Mais 
cette  corruption  qui  fait  trouver  du  plaisir  à 
ce  qui  est  défendu,  par  où  il  arrive  que  la 
loi  est  la  force  du  péché,  est  guérie,  non  par 
la  lettre,  mais  par  l'esprit  qui  vivifie;  la  loi 
néanmoins  a  été  utile  en  ce  point,  que  don- 
nant la  mort  par  la  prévarication,  parce  que 
la  défense  qu'elle  faisait  de  pécher  n'en  irri- 
tait que  davantage  la  concupiscence,  elle  a 


donné  lieu  de  recourir  à  l'esprit  qui  donne 
la  vie,  et  a  obligé  l'homme,  qui  se  confiait 
mortellement  dans  sa  propre  force,  d'implo- 
rer le  secours  de  Dieu.  Car,  quoique  la  loi 
fût  sainte,  juste  et  bonne,  cela  n'empêchait 
pas  que  l'homme  ne  succombât  sous  le 
poids  de  la  concupiscence  ,  et  il  n'en  était 
pas  moins  dans  l'impuissance  de  faire  par 
lui-même  ce  que  la  loi  commmandait  de 
saint,  de  juste  et  de  bon.  » 

Saint  Augustin  semble  clouter  que  les  ce-  cap.ccxwT 
rémonies  usitées  dans  le  baptême,  et  en 
particulier  le  renoncement  que  les  parrains 
faisaient  au  péché  au  nom  de  l'enfant,  fus- 
sent pratiquées  chez  les  pélagiens,  à  qui  il 
reproche,  comme  il  avait  déjà  fait  souvent 
ailleurs  que,  combattant  les  catholiques  sous 
prétexte  de  détester  l'hérésie  des  mani- 
chéens, ils  donnaient  à  cette  hérésie  de  nou- 
velles armes  par  leurs  nouvelles  maximes. 
11  les  conjure  de  s'abstenir  à  l'avenir  de  cap.ccxxx- 
louer,  comme  ils  le  faisaient,  les  enfants, 
donnant  à  entendre  qu'ils  n'étaient  coupa- 
bles d'aucun  péché  ;  et  de  les  laisser  venir  à 
Jésus-Christ  leur  libérateur,  afin  que  le  se- 
cond Adam  guérisse  la  misérable  nature  que 
le  premier  a  viciée. 

13.  Ce  saint  Docteur  montre,  dans  le  troi-     Analyse  c 

*\  T  T     T  1  T  (roiSiùiiie    1 

sième  livre,  que  Julien,  pour  combattre  la  "c.pag.ios 
doctrine  du  péché  originel,  alléguait  en  vain 
les  endroits  de  l'Écriture,  où  il  est  dit  que       pi^xie™ 
les  enfants  ne  porteront  point  la  peine  due    ivHej.xi 
aux  péchés  de  leurs  pères;  puisque  ces  en- 
droits doivent  s'entendre  des  enfants  déjà    Ezoch.xin 
nés,  et  non  de  ceux  qui  ont  été  condamnés 
dans  le  premier  homme  en  qui  tous  ont  pé- 
ché. En  effet,  le  précepte  porté  au  vingt-  qua-    cnp.  xn. 
trième  chapitre  du  Deutéronome,  s'adresse 
aux  juges  de  la  terre,  et  leur  défend  de  faire 
mom'ir  le  fils  pour  le  père,  lorsque  le  père 
se  trouve  seul  coupable.  Mais  Dieu,  qui  a 
fait  cette  loi  aux  hommes,  n'y  est  point  su- 
jet lui-même  dans  ses  jugements.  Les  en- 
fants qui  périrent  dans  le  déluge  ne  furent- 
ils  pas  enveloppés  dans  cette  peine  à  cause 
du  péché  de  leurs  pères?  Il  en  faut  dire  au-    cnp.  tih. 
tant  des  enfants  qui  furent  consumés  dans 
les  flammes  à  Sodome  et  à  Gomorrhe  ;  et 
des  enfants   des  Chanaéens  que  Josué  fit  ^Jsae.  , 
mettre  à  mort.  N'est-il  pas  dit  dans  le  Léviti- 
que  :  Ceux  qui  resteront  d'entre  vous  périront  à     'c^i'-  ■'=»' 
cause  de  leurs  péchés  et  à  cause  des  péchés  de 
de  leurs  pères?  Et  encore  :  Je  punirai  les  péchés    i^"""-  ''^ 
despères  sur  leurs  enfinls. 

Saint  Augustin  dit  à  Julien,  qui  voidait    c.p.x'. 


[IV"  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


Sol 


que  le  péché  ne  se  contractât  que  par  imita- 
tion, qu'il  se  peut  faire  qu'un  père  imite  les 
mauvaises  actions  de  son  fils;  qu'on  ne  lit 
pas  néanmoins  que  Dieu  doit  punir  les  pé- 
chés des  enfants  sur  leurs  pères,  comme  on 
lit  qu'il  punira  les  péchés  des  pères  sur  les 
enfants  ;  qu'ainsi  ce  n'est  pas  dans  l'imita- 
tion, mais  dans  la  génération  qu'il  faut  cher- 
"■'•  cher  la  raison  de  cette  différence.  Il  prouve 
que  Dieu  est  juste,  lors  même  qu'il  fait  des 
choses  qui  rendraient  un  homme  injuste  ; 
parce  qiie  autant  sa  justice  surpasse  celle 
des  hommes,  autant  elle  est  impénétrable, 
i;"'.  Il  tire  vengeance  des  injures  qu'on  lui  fait, 
tandis  qu'il  défend  aux  hommes  de  se  ven- 
ger de  celles  qu'ils  reçoivent. 
3:xv]ii.  |4_  N'est-il  pas  dit  dans  Ezéchiel,  objectait 
Ezech.  Juhen,  que  l'âme  qui  aura  péché  périra? 
«  Cela,  répond  saint  Augustin,  ne  doit  s'en- 
lendi'e  que  des  adultes.  Et  quant  à  ce  que  le 
même  prophète  ajoute  qu'on  ne  dira  plus 
sxxix.  cette  parabole  dans  Israël  :  Les  pères  ont 
mangé  des  grappes  de  raisins  verts,  et  les  dents 
de  leurs  enfants  en  ont  été  agacées ,  cela  se 
trouve  accompli  à  l'égard  des  vrais  enfants 
d'Israël  qui,  étant  régénérés  dans  le  bap- 
tême, ne  portent  plus  l'iniquité  de  leurs  pè- 

cap.Lsxxir.  pes.  Aussi  l'Écriture  ne  dit  pas  que  les  enfants 
n'ont  pas  eu  les  dents  agacées,  mais  qu'ils 
ne  les  auront  plus  agacées.  C'est  une  prophé- 
tie qui  ne  détruit  pas  ce  qui  s'est  passé,  mais 
qui  promet  un  changement  pour  l'avenir.  » 

Cap  LU.  Mais,  disait  Julien,  Dieu  peut-il,  sans  injus- 
tice, imputer  aux  enfants  les  péchés  de  leurs 
pères,  lorsqu'il  ne  leur  en  impute  point  les 
vertus?  ((L'un  et  l'autre  se  fait,  répond  saint 
Augustin.  N'est-ce  pas  par  la  foi  des  parents 
que  les  enfants  sont  offerts  à  l'Église  et  à  ses 

Gcn.xxvi,».  ministres  pour  recevoir  le  baptême?  Dieu 
n'a-t-il  pas  fait  du  bien  à  Isaac  à  cause  d'A- 
braham son  père?  N'est-ce  pas  aussi  à  cause 
des  vertus  "de  David  (jue  Dieu  n'a  pas  per- 
mis la  destruction  entière  du  royaume  de 

,"'  ''^°'  ^''  Juda,  que  Salomon  avait  méritée  par  ses 

Cap.  Lïix.  crimes  ?  »  Il  fait  voir  que  le  sentiment  des  ca- 
tholiques, touchant  le  péché  originel,  ne  dé- 
truisait point  le  libre  arbitre,  mais  que  les 
pélagiens  l'opprimaient  en  niant  que  la  grâce 

Cap.  Lsxi.  fût  nécessaire,  ou  pour  l'aider ,  ou  pour  le 
rétablir;  que  cette  grâce  diminuait  et  ôtait 
même  nos  obstacles  à  la  vertu  ;  qu'il  n'y 
avait  point  de  tyrannie  dans  les  préceptes 
de  Dieu,  mais  que  nous  devions  lui  deman- 

lap.  Lxxvi.  (Jer  la  grâce  de  les  accomplir;  que  Dieu  ne 
fait  de  la  masse  de  corruption  que  des  vases 


ou  d'honneur  ou  d'ignominie,  et  aucun  d'une 
troisième  espèce  ;  que  les  pélagiens  et  les 
catholiques  reconnaissaient  un  libre  arbitre 
dans  l'homme,  mais  qu'il  y  avait  entre  eux 
cette  différence  que  ceux-là,  c'est-à-dire  les 
pélagiens,  ne  reconnaissaient  pas  qu'il  n'y  a 
personne  qui  soit  libre  pour  faire  le  bien 
sans  le  secours  de  Dieu,  et  que  c'était  par  là 
(ju'ils  étaient  célestiens  et  pélagiens. 

lo.  Julien  faisait  consister  le  libre  arbi- 
tre en  ce  que  l'homme  puisse  ou  s'aban- 
donner au  crime,  ou  s'empêcher  de  le  com- 
mettre ;  de  vouloir  faire  un  sacrilège  ,  un 
adultère ,  un  parricide ,  ou  de  s'en  abste- 
nir ;  et  qu'il  puisse  également  ou  rendre  té-  ' 
moignage  à  la  vérité,  ou  parler  contre  elle  ; 
ou  obéir  à  Dieu  qui  lui  fait  des  commande- 
ments, ou  au  démon  qui  le  tente.  ((  Vous 
auriez  raison,  lui  répond  saint  Augustin, 
"c'est  en  elle  que  consiste  le  libre  arbitre,  et 
Adam  l'a  reçu  tel  des  mains  de  Dieu ,  mais 
ce  libre  arbitre  que  Dieu  a  donné  à  l'homme, 
la  tentation  l'a  corrompu,  et  il  est  main- 
tenant nécessaire  que  le  libérateur  le  gué- 
risse. Vous  refusez  de  reconnaître  cette  vérité 
avec  l'Église  cathohque  ,  et  en  cela  vous 
êtes  héréticpie.  »  Comme  Juhen  avouait  que 
ces  paroles  :  Je  ne  fais  pas  ce  que  je  veux,  s'en- 
tendaient de  ceux  qui,  n'étant  point  sous  la 
grâce  de  Jésus-Christ,  sont  dominés  par  de 
mauvaises  habitudes,  et  se  trouvent  portés 
à  ne  faire  que  le  mal,  le  saint  Docteur,  pour 
le  convaincre  que  l'infirmité  du  libre  arbi- 
tre ne  peut  être  guérie  que  par  la  grâce, 
continue  ainsi  :  ((  C'est  à  vous,  à  nous  dire 
comment  celui  qui,  asservi  par  la  loi  du  pé- 
ché, s'écrie  :  Je  ne  fais  pas  le  bien  qu£je  veux, 
mais  je  fais  le  mal  que  je  ne  veux  pas,  n'est 
point  entraîné  au  mal  par  sa  volonté  cap- 
tive :  car,  pour  emprunter  vos  paroles,  si 
sous  le  poids  de  sa  mauvaise  habitude  il  gé- 
mit, n'étant  pas  encore,  selon  vous,  sous  la 
grâce  de  Jésus-Christ,  dites-moi  si  cet  hom- 
me a  la  libre  disposition  du  libre  arbitre  de 
sa  volonté  ou  s'il  ne  l'a  pas;  s'il  l'a,  pour- 
quoi ne  fait-il  pas  le  bien  qu'il  veut,  et  qu'il 
fait  le  mal  qu'il  hait  ?  S'il  ne  l'a  pas,  par  cette 
raison  qu'il  n'est  point  encore  sous  la  grâce 
de  Jésus-Clirist ,  voilà  ce  que  je  vous  ai  dit, 
ce  que  je  vous  répète  et  ce  que  je  vois  bien 
qu'il  faut  dire  souvent,  personne  ne  peut  que 
par  la  grâce  de  Jésus-Christ  avoir  la  Hbre  dis- 
position du  libre  arbitre  de  sa  volonté,  soit 
pour  faire  le  bien  qu'il  veut,  soit  pour  ne  pas 
faire  le  mal  qu'il  ne  veut  pas.  Ce  n'est  pas 


Cap.  xcs'l-, 


Cap.  CI. 


Cap.  ex. 


552 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


que  la  volonté  captive  soit  entraînée  au  bien, 
comme  elle  est  entraînée  au  mal;  mais  c'est 
que,  délivrée  de  sa  captivité,  elle  est  agréa- 
blement attirée  par  son  libérateur,  par  la 
douceur  charmante  de  l'amour,  et  non  pas 
forcée  par  l'amertume  servile  de  la  crainte.  » 

Cap.  c.\n-,  16.  Julien  ne  laissait  pas  d'admettre  des 
secours  toujours  présents  à  la  volonté  pour 
l'aider  dans  le  besoin  ;  mais  quand  on  lui 
demandait  quels  étaient  les  secours  de  la 
grâce,  il  répondait  que  Dieu  aidait  en  com- 
mandant, en  bénissant,  en  sanctifiant,  en 
contraignant,  en  excitant,  en  éclairant,  ce 
que  les  hommes  peuvent  faire  aussi  selon 
les  Écritures;  et  ne  comptait  jamais  parmi 
ces  secours  le  don  de  la  charité,  de  peur  d'ac- 
corder que,  lorsque  nous  obéissons  à  Dieu, 
c'est  un  effet  de  sa  grâce.  «  En  effet ,  la 
grâce  qui  fait  obéir  aux  commandements, 
c'est  la  charité  qui  n'ôte  point  le  libre  ai'bi- 
tre  de  la  volonté  comme  le  croyait  ce  péla- 
gien,  puisque  personne  ne  peut  obéir  aux 
commandements  s'il  ne  le  veut.  Mais  c'est 
le  Seigneur  qui  prépare  la  volonté,  non  par 
des  paroles  qui  retentissent  au  dehors  ;  mais 
par  une  opération  pareille  à  celle  par  laquelle 
Dieu  convertit  le  cœur  d'un  roi,  et  le  fit  pas- 
ser de  la  colère  à  la  douceur,  exauçant  la 
prière  d'ime  reine.  Car,  comme  ce  fut  par 
une  divine  et  secrète  opération  que  Dieu 
agit  alors  sur  le  cœur  d'un  homme,  c'est  de 
la  même  manière  qu'il  opère  en  nous  le  vou- 

cap.  C1V.  JqJp  Qt  ig  fjjjj.g  selon  sa  bonne  volonté.  Je  dis, 
ajoute  saint  Augustin,  qu'il  est  possible  à  la 
volonté  de  l'homme  d'éviter  le  mal  et  de 
faire  le  bien,  mais  je  l'entends  d'une  volonté 
que  Dieu  assiste  gratuitement.  »  Julien  re- 
prochait à  ce  Père  de  s'emporter  avec  fureur 
contre  la  loi  en  voulant  qu'elle  commandât 
aux  hommes  des  choses  qu'ils  n'avaient  pas 
le  pouvoir  défaire.  Saint  Augustinlui  répond 
que  ce  qu'il  disait  n'était  pas  vrai  ;  que  Dieu 
no  commande  que  ce  qu'ils  peuvent  faire  ; 
«mais  c'est  lui-même  ,  dit-il,  qui  donne  ce 
pouvoir  à,  ceux  qui  le  peuvent  faire  et  qui 
le  font  ;  et  ceux  qui  ne  le  peuvent  pas  en  leur 
commandant,  il  les  avertit  de  lui  demander 
le  pouvoir  qui  leur  manque.  »  Il  tourne  en 
ridicule  l'équilibre  de  Julien,  et  le  convainc 
par  lui-même  que  ce  n'est  qu'une  imagina- 
tion, puisqu'il  était  forcé  de  reconnaître  di- 
verses sortes   de    secours  dont   la  volonté 

cip.ciwvi.  avait  besoin  pour  le  bien.  «  Pourquoi,  lui 
dit-il,  donnez-vous  des  appuis  à  la  volonté 
afin  qu'elle  soit  bonne,  puisqu'elle  n'en  a 


point  pour  devenir  ou  pour  continuer  d'être 
mauvaise?  Est-ce  donc  que  votre  balance, 
que  vous  vous  efforcez  de  tenir  suspendue 
entre  deux  poids  égaux,  en  sorte  que  la  vo- 
lonté soit  aussi  libre  poiu'  le  bien  qu'elle  est 
libre  pour  le  mal,  se  trouvant  penchée  ici 
plus  d'un  côté  que  de  l'autre,  montrei'ait  le 
délire  de  votre  esprit?  Pourquoi  le  Seigneur  cap.  cxvi: 
dit-il  que  vous  ne  pouvez  rien  faire  sans  lui, 
si  ce  n'est  parce  que  nul  n'est  libre  pour 
bien  agir,  quand  Dieu  ne  le  délivre  pas? 
Vous  défendriez  solidement  le  libre  arbitre 
et  vous  ne  l'enfleriez  pas  vainement  comme 
vous  faites,  si  vous  mettiez  au  nombre  des 
grâces  de  Dieu  la  charité,  sans  laqiielle  per- 
sonne ne  vit  dans  la  piété,  et  avec  laquelle  il 
n'y  a  personne  qui  ne  vive  dans  la  piété,  sans 
laquelle  personne  n'a  une  bonne  volonté,  et 
avec  laquelle  il  n'y  a  personne  qui  n'ait  une 
bonne  volonté.  Si  vous  appelez  nécessité 
celle  par  laquelle  quelqu'un  est  opprimé 
malgré  lui,  la  justice  n'en  connaît  point  de 
semblable,  parce  que  nul  n'est  juste  contre 
sa  volonté  ;  mais  la  grâce  de  Dieu  fait  vou- 
loir celui  qui  ne  voulait  pas.  » 

Les  pélagiens  avouaient  que  les  enfants  cap.  cn.v. 
avaient  besoin  du  secours  de  Jésus -Christ 
pour  remédier  à  leurs  maladies  corporelles  ; 
mais  non  pour  les  délivrer  de  la  puissance 
du  démon.  «  Apprenez-nous  donc ,  lui  dit 
saint  Augustin,  pourquoi  l'Église  de  Jésus- 
Christ  souffle  sur  les  enfants  que  l'on  pré- 
sente au  baptême,  ou  soutenez  que  cette  cé- 
rémonie n'est  point  nécessaire  ?  »  Quelques- 
uns  répondaient  que  la  grâce  médicinale  du 
Sauveur  rendait  les  enfants  meilleurs  de  bons 
qu'ils  étaient.  Mais  ce  Père  les  réfute  par 
cette  parole  de  Jésus-Christ  :  Ce  ne  sont  pas 
les  sains,  mais  les  malades  qui  ont  besoin  de 
médecin.  Il  prouve  l'existence  du  péché  ori- 
ginel par  l'exemple  de  ceux  qui  sont  fous 
dès  leur  naissance,  étant  visible  que  ce  dé- 
faut est  la  peine  d'un  péché  précédent ,  et 
qu'il  n'y  en  aurait  point  eu  de  semblable 
dans  la  félicité  du  paradis  terrestre.  Ensuite  cnp.  en., 
il  rapporte  une  histoire  mémorable  d'un  c»p.  a.-s.n, 
certain  Acace ,  qui  était  de  bonne  famille  , 
mais  né  les  yeux  fermés  ,  et  les  paupières 
unies  l'une  à  l'autre  sans  s'ouvrir;  de  sorte 
qu'encore  que  ses  yeux  fussent  sains,  il  ne 
voyait  rien.  Un  chirurgien  voulut  les  ouvrir 
avec  le  rasoir  ;  mais  la  mère  de  l'enfant  qui 
était  une  personne  de  piété,  ne  le  voulut 
pas,  et  elle  lui  appliqua  l'Eucharistie  en 
forme  de  cataplasme  ,  qui  lui  fit  le  même 


Cap.  eu. 


flTarc.  îl,  n. 


[iV  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


333 


effet,  n  était  alors  âgé  de  cinq  ans  au  plus  , 
c'est  poTU'quoi  il  s'en  souvenait  fort  bien  ;  et 
c'est  de  lui  qu'on  l'avait  su.  Comme  il  de- 
meurait à  Hippone  ,  il  y  a  lieu  de  croire  que 
saint  Augustin  avait  appris  de  sa  bouche  cette 
histoire  singulière.  A  l'occasion  de  ce  que 
Julien  disait  que  par  le  secours  des  prières 
de  Florus  ,  on  avait  trouvé  à  Constantinople 
une  lettre  de  Manès  :  a  Comment,  dit  ce  Père 
à  Julien,  cette  lettre  a-t-elle  été  trouvée  à  la 
prière  de  quelqu'un ,  si  Dieu  n'opère  pas  les 
volontés  dans  les  cœurs  des  hommes  ?  Car 
celui  qui  a  trouvé  cette  lettre  l'a  cherchée 
volontairement.  Pourquoi  donc  ne  confes- 
sez-vous pas  que  Dieu ,  sans  le  commande- 
ment extérieur  qui  se  fait  entendre,  prépare 
et  excite  les  volontés  des  hommes  par  un 
instinct  secret  pour  accomplir  ce  qu'il  veut 
très-efficacement  être  fait  ?  » 

17.  Dans  le  quatrième  livre  saint  Augus- 
tin continue  à  montrer  ,  comme  il  avait  déjà 
fait  sur  la  fin  du  troisième,  que  la  concupis- 
cence de  la  chair  est  mauvaise  et  qu'elle  n'a 
point  été  donnée  à  l'homme  par  le  Créateur, 
comme  on  le  voit  dans  la  première  Épître 
de  saint  Jean ,  où  nous  lisons  que  cette  con- 
cupiscence ne  vient  point  du  Père,  mais  du 
monde.  On  appelle  concupiscence  les  désirs 
de  la  chair  qui  combattent  ceux  de  l'esprit , 
dans  quelque  sens  de  notre  corps  que  ce 
soit  ;  elle  fait  voir  qu'elle  est  mauvaise , 
puisqu'elle  nous  entraîne  dans  le  mal ,  tou- 
tes les  fois  que  l'esprit  ne  lui  résiste  point 
par  des  désirs  contraires.  Cette  concupis- 
cence est  bien  différente  de  l'ardeur  que  res- 
sentent les  animaux  en  certains  temps. 
Celle-ci  se  fait  sentir  sans  combat,  au  Heu 
que  celle-là  est  combattue  par  les  désirs  de 
l'espi'it ,  ce  qui  montre  qu'elle  est  un  mal  et 
un  châtiment.  Saint  Augustin  avait  dit  dans 
son  second  livre  des  Noces  et  de  la  concu- 
piscence qu'elle  n'avait  point  eu  lieu  dans 
Jésus-Christ  né  de  Marie,  contre  le  cours  or- 
dinaire de  la  nature  ;  d'où  Juhen  concluait 
que  le  saint  Evêque  était  dans  l'erreur  des 
appoUinaristes.  Mais  ce  Père  lui  montre  la 
ditïérence  qu'il  y  a  entre  les  impressions 
causées  par  le  ministère  des  sens  ,  et  entre 
la  révolle  de  la  chair  contre  l'esprit,  en  quoi 
consiste  la  concupiscence  ;  que  Jésus-Christ 
a  été  frappé  par  ses  sons  de  tout  ce  qui  en 
est  l'objet  ordinaire  ,  soit  de  la  vue  ,  soit  du 
goût,  ainsi  des  autres  sens  ;  mais  que  jamais 
sa  chair  n'a  eu  des  désirs  contraires  à  ceux 
de  l'esprit.  Saint  Augustin  ne  répond  qu'a. 


Cop.LXSXIV, 


Cap. LXXXIK. 


vec  peine  à  toutes  les  indécences  que  Julien 
avait  avancées  sur  cette  matière  ;  et  parce 
qu'il  osait  égaler  la  chair  de  Jésus-Christ 
à  celle  des  autres  hommes  :  «  Vous  blas- 
phémez horriblement ,  lui  dit-il ,  ne  vous 
apercevant  pas  que  Jésus-Christ  n'est  pas 
venu  dans  une  chair  de  péché,  mais  dans  la 
ressemblance  de  la  chair  de  péché  ;  ce  qui 
ne  serait  pas  vrai ,  si  la  chair  des  autres 
hommes,  à  l'exclusion  de  Jésus-Christ,  n'était 
une  chair  de  péché.  »  Il  prouve  ensuite  que 
l'hérésie  pélagienne  conduisait  à  croire  que 
Jésus-Christ  avait  mérité  par  des  actes  de 
vertu  son  union  avec  le  Verbe  ;  d'où  il  sui- 
vait que  plusieurs  autres  auraient  pu  aussi , 
s'ils  l'avaient  voulu,  parvenir  à  cette  union. 

Saint  Augustin  avait  allégué  le  témoignage 
de  saint  Jérôme  avec  ceux  de  plusieurs  an- 
ciens, pour  autoriser  la  doctrine  du  péché 
originel.  Pour  infirmer  donc  ce  témoignage, 
Juhen  reprochait  à  saint  Jérôme  d'avoir  ad- 
mis des  péchés  volontaires  en  Jésus-Christ. 
Il  se  fondait  sur  un  endroit  du  troisième  dia- 
logue de  ce  Père  contre  les  pélagiens  ,  où  il 
dit  que,  selon  l'Évangile  des  Hébreux ,  la 
mère  et  les  frères  du  Seigneur  l'ayant  voulu 
engager  à  recevoir  le  baptême  de  saint  Jean, 
il  leur  répondit  :  Quel  péché  ai-je  commis, 
pour  être  baptisé  de  lui?  si  ce  n'est  peut-être  que 
ce  que  je  viens  de  dire  est  un  péché  d'ignorance. 
Comme  Julien  n'avait  point  rapporté  ces  pa- 
roles ,  saint  Augustin  lui  dit  :  «  Si  vous  les  c-p.  cvi. 
aviez  rapportées ,  peut-être  vous  montre- 
rais-je  comment  on  doit  les  entendre  ;  et  si 
je  ne  le  pouvais  pas,  je  n'abandonnerais  pas 
pour  cela  la  foi  qui  lui  a  été  commune  avec 
les  plus  célèbres  docteurs  de  l'Église.  »  Ce 
pélagien  pressé  par  les  témoignages  des  an- 
ciens Pères  de  l'Église,  répondait  que  les 
écrits  de  quelques-uns  ne  pouvaient  préju- 
dicier  à  la  loi  de  Dieu.  Sur  quoi  saint  Au-  cap.cm. 
gustin  lui  dit,  que  le  consentement  et  l'una- 
nimité des  Pères  ,  doit  nous  obliger  à  inter- 
préter comme  eux  l'Écriture  ,  et  à  ne  pas 
croire  que  la  foi  cathohque  soit  autre  que 
celle  qu'ils  ont  tenue. 

18.  Il  paraît  que  Julien  était  incertain  sur 
l'auteur  du  livre  de  la  Sagesse,  et  qu'il  l'at- 
tribuait ou  à  Sirach  ou  à  Philon  ;  cela  n'em- 
pêchait pas  qu'il  n'en  respectât  l'autorité  ; 
et  Pelage  en  avait  tiré  quelques  passages, 
qu'il  croyait  favoriser  son  erreur  ;  ce  qui 
suffit  à  saint  Augustin  pour  s'en  servir  con- 
tre eux,  d'autant  qu'on  le  lisait  communément 
dans  l'Église.  Il  en  apporte  un  du  livre  des 


Cap.  cxxiil. 


Cap.  CLx;r 


S54 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Proverbes,  pour  appuyer  ce  qu'enseignaient 
les  catholiques,  contre  les  pélagiens,  que  la 
pénitence  même  est  un  don  de  Dieu  :  car, 
quoique  chacun  fasse  pénitence  par  sa  vo- 
Proï.  viii.     lonté,  c'est  le  Seigneur  qui  prépare  la  volonté; 
et   c'est   de   ce  changement  produit  par  la 
droite  du  Très-Haut  qu'il  est  parlé  dans  le 
psaume.   Le  Seigneur  regarda  Pierre,  afin 
psai.  LSMi,   qu'il  pleurât;  et  saint  Paul  dit  de  quelques- 
Luc.  Il,  Gi.    uns,  que  Dieu  leur  donnera  peut-être  la  pé- 
iiTimoUi.ii    nitence.  Ce  Père  montre  ensuite  que  le  pas- 
jip.xiii.not  sage  du  livre  de  la  Sagesse  cité  par  Julien, 
ne  prouvait  nullement  que  la  race  de  Cha- 
naan   ait  été  maudite,  parce  qu'ils  avaient 
imité  leur  père  Cham,  maudit  à  cause  de  son 
Cap.  CX.1IX.  péché  par  Noé  ;  mais  parce  qu'ils  avaient  été 
comme  liés  dans  la  malédiction  que  le  fils 
de  Cham    avait  encourue  par  le  péché   de 
Chamsonpcre.  «D'où  vient,  ajoute-t-il,  que 
les  enfants  de  ceux  qui  étaient  descendus  de 
Chanaan  furent  aussi  mis  à  mort  par  l'ordre 
de  Dieu,   comme  coupables   du  péché  de 
leurs   pères,  non  pour  l'avoir  imité ,   mais 
pour  être  nés  de  lui.  Mais  ces  péchés  mômes 
que  l'on  contracte  par  la  génération,  peu- 
vent être  vaincus  par  la  grâce.  C'est  pour- 
quoi elle  est  donnée  aux  hommes  enfants  de 
colère  par  leur  nature,    en   même  temps 
qu'on  leur  impose  des  commandements,  afin 
qu'ils   puissent  accomplir,  par  son  secoui's, 
ce  qu'ils  ne  pourraient  accomplir  par  eux- 
mêmes.   Pour   ceux  à    qni  n'est    pas  don- 
I  Cor.  IV,  7    née  cette  grâce  dont  il  est  dit  :  Qui  est-ce  qui 
met  de  la  difféi'ence  entre  vous  ?  Qu'avez-vous 
que    vous  n'ayez  reçu  ?   ceux-là    deviennent 
prévaricateurs  par  la  loi,  au  lieu  de  deve- 
nir justes.  Mais  ceux-là  mêmes  qui  sont  en- 
fants de  colère  vivent  pourl'utilité  des  enfants 
de  miséricorde,  afin  que  ceux-ci  les  voyant, 
et  comprenant  que  ce  qui  leur  est  donné, 
n'étant  pas  donné  à  cause  de  leurs  mérites, 
mais  gratuitement,  il  ne  s'en  élèvent  point, 
et  que  celui  qui  se  glorifie,  se  glorifie  dans 
le  Seigneur.   Dieu  accorde  encore  aux  en- 
fants de  colère  le  temps  et -le  lieu  de  la  pé- 
nitence, quoiqu'ils  ne  doivent  point  en  pro- 
Cap.  cxiixi.    fiter,  ou  parce  qu'ils  vivent  parmi  les  enfants 
de  miséricorde,  ou  parce  qu'il  doit  en  naître 
d'eux.  » 
Anniyso  .lu        19.  Lc  but  du  saiut  Docteur,  dans  le  cin- 

cinqiiièmo  M-  ., 

•.ro.pa;.  1221.   quicmc  livrc,  est  de  montrer  que   ce   qu  il 

avait  dit  dans  le  second  livre  du  Mariage  et 

de  la  concupiscence,  touchant  la  révolte  de 

la  chair  contre  l'esprit,  n'aurait  pas  eu  lieu 

pap.  .t.wni.   si  Adam  n'eût  pas  péché  ;  et  que  c'est  celte 


révolte  qui  naît  avec  nous,  à  cause  que  no- 
tre nature  a  été  corrompue  par  le  péché,  qui 
nous  oblige  de  renaître  dans  les  eaux  du 
baptême.  Dieu,  disait  Julien,  impute-t-il  ce 
qu'il  sait  qu'on  ne  peut  éviter  ?  Non,  la  jus- 
tice n'impute  àpéché  que  ce  qu'on  est  libre  de 
ne  point  commettre.  Or,  il  n'y  a  de  libre  que 
ce  qui  dépend  d'une  volonté  émancipée. 
Saint  Augustin  répond,  que  l'homme  a  péché 
d'une  manière,  lorscju'il  lui  était  libre  de  ne 
point  pécher,  et  que  maintenant  il  pèche 
d'une  autre  manière,  depuis  qu'il  a  perdu  sa 
liberté,  et  qu'il  a  besoin  du  secours  d'un  li- 
bérateur. L'un  est  seulement  péché,  et  l'au- 
tre est  la  peine  du  péché.  C'est  ce  qu'il  con-  cip  ^ 
firme  par  l'exemple  du  démon  qui  n'a  plus 
le  pouvoir  de  ne  point  pécher,  dont  il  jouis- 
sait avant  sa  chute,  et  qui  ne  laisse  pas  d'ê- 
tre inexcusable  dans  tous  ces  crimes,  parce 
que  c'est  la  juste  peine  du  grand  crime  qu'il 
a  commis,  qu'il  ne  trouve  de  plaisir  que  dans 
le  mal,  et  qu'il  n'en  trouve  point  dans  la 
justice.  Qae  le  démon  ait  perdu  le  pouvoir 
de  ne  point  pécher,  saint  Augustin  le  prouve, 
parce  qu'autrement  il  pourrait  faire  péni- 
tence et  obtenir  miséricorde,  ce  qui  est  l'er- 
reur même  que  quelques-uns  attribuaient 
à  Origène,'dont  d'autres  toutefois  soutiennent 
qu'il  a  été  innocent. 

Julien  soutenait  que  personne  ne  faisait    cap.  l 
le  mal  par  nécessité  ;   sur  quoi  ce   Père   lui 
dit  :  «  Prenez  garde  à  celui  qui  dit  :  Je  fais  le    Rom.v 
mal  que  je  ne  veux  pas;  et  dites-moi  si  celui    '•'''•  ' 
qui  est  réduit  à  cet  état  n'éprouve  pas  une 
nécessité  de  faire  le  mal  ;  n  il  répète  plusieurs 
fois   cette   réponse.  Mais  comme  Julien  lui 
objectait  que  s'il  y  avait  avant  le  baptême 
une  nécessité  de  faire  le  mal,  cette  nécessité 
rendrait  excusable  la  volonté  qui  le  commet- 
trait, U  ne  lui  répond  autre  chose,  sinon 
qu'il  se  trompait  étrangement,  de  s'imaginer 
qu'il  n'y  a  point  de  nécessité  de  pécher  dans 
l'état  présent.  Pour  l'en  convaincre  par  lui- 
même,  il  ajoute  :  a  S'il  n'y  a  point  de  telle 
nécessité,   que   souûVe    donc   celui   qui    se 
trouve  si  accablé  sous  le  poids  de  ses  mau- 
vaises habitudes,   comme  l'expliquaient  les 
pélagiens  eux-mêmes,  qu'il  est  réduit-^  dire  : 
Je  ne  fais  pas  le  bien  que  je  veux,  mais  je  fais    r.on.ï 
le  mal  que  je  ne  veux  pas.  »  Le  saint  Évèque    i.ii>.  i 
dit  encore   qu'on  ne   doit  pas  se  promettre 
l'impunité  parce  que  l'on  se   trouve  réduit 
à  cette  nécessité   de   pécher.  11  montre  que 
Julien  se  trompait  en  voulant  que  toute  né-  . 
cessité  fût  incompatible  avec  la  volonté,  puis- 


[IV»  EX  V''  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉYÊQUE  D'HIPPONE. 


S5S 


I.  us. 


qu'il  est  quelquefois  nécessaire  que  nous  vou- 
lions certaines  choses,  par  exemple,  la  béa- 
titude. Il  croit,  avec  plusieurs  écrivains  ca- 
tholiques, que  saint  Paul,  en  disant  :  Je  ne 
fais  pas  le  bien  que  je  veux,  parlait  de  lui- 
même;  et  il  ajoute  que  ces  auteurs  recon- 
naissent cette  nécessité,  et  ne  doutent  pas 
qu'elle  ne  vienne  de  la  loi  des  membres,  avec 
laquelle  naissent  tous  les  hommes,  qui  com- 
bat la  loi  de  l'esprit;  que  c'est  pour  cette  rai- 
son que  les  saints  disent  :  Je  ne  fais  pas  le  bien 
que  je  veux,  mais  je  fais  le  mal  que  je  ne  veux 
pas,  parce  qu'ils  voient  quel  grand  bien  ce 
serait  de  ne  pas  éprouver  dans  la  chair  des 
mouvements  dont  l'esprit  est  éloigné;  que 
c'est  un  mal  de  les  ressentir,  quoiqu'on  n'y 
consente  pas  ;  et  que  ces  sortes  de  convoitises 
ne  nous  rendent  pas  condamnables,  parce 
qu'on  y  résiste  intérieurement.  Ensuite  saint 
Augustin  dit  que  la  bonne  volonté,  avec  la- 
quelle Adam  avait  été  créé,  étant  perdue, 
il  n'y  a  que  celui  qui  l'a  formée  qui  la  puisse 
rendre,  et  qu'il  ne  faut  pas  croire  que  la  né- 
cessité de  pécher  puisse  être  autrement  gué- 
rie, que  par  la  miséricorde  de  celui  qui,  par 
un  profond  et  juste  jugement,  a  voulu  que 
cette  nécessité  fût  une  peine,  qui  se  répandit 
sur  les  enfants  de  celui  qui  a  péché  sans  né- 
cessité. 

20.  Julien  soutenait  qu'il  y  avait  de  l'im- 
piété à  dire  que  les  enfants  fussent  pécheurs, 
que  c'était  les  forcer  en  quelque  façon  au 
péché,  puisqu'ils  n'ont  point  de  volonté. 
Saint  Augustin  lui  demande  comment  ils 
sont  sujets  à  tant  de  maux,  s'ils  sont  inno- 
cents ;  puis,  le  renvoyant  aux  prodiges  de  la 
grâce  de  Jésus-Christ  qui  éclatent  clans  le 
baptême  :  «  Ne  voyez-vous  pas,  lui  dit-il, 
comment  ces  enfants,  qui  ne  peuvent  encore 
vouloir  ni  ne  pas  vouloir  le  bien  ou  le  mal, 
sont  contraints  d'être  justes  et  saints  dans 
ce  sacrement,  quoiqu'ils  se  défendent  autant 
qu'il  est  en  eux  de  le  recevoir  :  car  il  est 
hors  de  doute  que  s'ils  meurent  avant  l'u- 
sage de  raison,  ils  ont  place  clans  le  royau- 
me de  Dieu,  ayant  -été  sanctifiés  par  rme 
grâce  qu'ils  ont  été  contraints  de  recevoir, 
et  à  laquelle  leur  pouvoir  n'a  eu  aucune 
part.  » 

21.  Saint  Augustin  fait  voir,  dans  le  sixiè- 
me livre,  que,  par  le  péché  du  premier 
homme ,  la  nature  humaine  est  tellement 
viciée,  que  non-seulement  elle  est  devenue 
pécheresse  ,  mais  qu'elle  engendre  encore 
des  pécheurs,  et  que  d'immortelle  qu'elle 


pouvait  être,  eUe  est  devenue  nécessaire- 
ment sujette  à  la  mort.  Comme  Julien  ne 
cessait  de  l'accuser  de  manichéisme ,  ce 
Père,  poui'  le  confondre  et  l'en  convaincre 
lui-même,  lai  montre  qu'en  niant  le  péché 
originel,  il  fournissait  des  armes  à  l'hérésie 
des  manichéens,  a  Si  Manès  demandait  d'où  cap.  Tmei 
viennent  les  maux  corporels  qui  nous  affli- 
gent, vous  seriez  obligé,  dit  ce  saint  Doc- 
teur à  Juhen,  de  répondre  qu'ils  sont  natu- 
rels. Mais  il  vous  pressera,  en  accusant  le 
Créateur  d'avoir  fait  sa  créature  malheureuse 
sans  qu'elle  l'eiit  mérité.  Direz -vous  que 
ces  maux  sont  des  châtiments  de  la  dépra- 
vation de  la  volonté  ?  Mais  il  vous  répli- 
quera que  les  enfants  sont  incapables  de 
vouloir  le  bien  ou  le  mal  ;  et  de  là  il  con- 
cluera  que  les  misères  qu'ils  ressentent,  no 
pouvant  être  attribuées  ni  à  Dieu  ni  à  leur 
volonté,  il  en  faut  nécessairement  chercher 
la  cause  dans  le  mauvais  principe.  »  Il  n'est 
pas  douteux,  objectait  ce  pélagien,  que  la 
nature  d'Adam  n'ait  été  créée  très  -  mau- 
vaise, si  elle  l'a  été  à  condition  qu'elle  se- 
rait nécessitée  au  mal  et  non  au  bien.  Saint 
Augustin  répond  que  la  nature  a  été  créée  Cap.x. 
bonne,  et  qu'elle  n'a  été  poussée  au  mal 
par  aucune  nécessité,  étant  tombée  de  sa 
propre  volonté.  «Mais,  ajoute-t-il,  il  n'y  a  cap.  xi. 
que  la  grâce  de  Dieu  seul  qui  puisse  rétablir 
l'homme  dans  le  bien  qu'il  a  abandonné  ;  et 
il  ne  peut  attendre  cela  de  sa  propre  li- 
berté, qu'il  a  justement  perdue  par  son  pé-  * 
ché.  »  Il  lui  demande  si  celui-là  avait  été 
rétabli  dans  son  ancien  état  et  dans  sa  li- 
berté entière,  qui  disait  :  Je  ne  fais  pas  ce  r>om.vii,io. 
que  je  veux,  mais  je  fais  ce  que  je  hais.  «  Non, 
dit-il,  je  ne  vous  crois  pas  assez  insensé 
pour  vous  imaginer  que  la  liberté  du  pre- 
mier état  fût  l'établie  dans  un  homme  qui 
tient  ce  langage.  »  Il  paraît  qu'on  croyait, 
du  temps  de  saint  Augustin ,  qu'Adam  , 
lors  de  la  descente  de  Jésus-Christ  dans  les  cap.  xm. 
enfers,  avait  été  délivré  des  liens  qui  l'y  re- 
tenaient, afin  qu'il  ne  périt  pas  par  un  sup- 
plice éternel. 

22.  Dieu,  disait  Juhen,  n'imposerait  pas 
à  l'homme  une  loi  de  piété,  s'il  le  connais- 
sait dans  la  nécessité  de  pécher.  «  Le  mé-  cap.  x^. 
chant,  répond  ce  Père,  a  reçu  une  loi,  qui 
ne  peut  le  corriger ,  mais  qui  lui  apprend 
qu'il  est  méchant,  et  qu'il  ne  peut  par  lui- 
même  se  corriger,  quoiqu'il  ait  reçu  la  loi  ; 
et  cela  est  ainsi,  afiu  que  la  loi  n'arrêtant 
point  le  cours  des   péchés  qui  deviennent 


536 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


même  plus  graves  par  la  prévarication,  il 
ait  recours  avec  un  cœur  Jnimilié  à  la  grâce, 
et  que  la  lettre  lui  ayant  donné  la  mort,  il 
reçoive  la  vie  par  l'esprit.  La  loi  de  Moïse 
n'est  donc  point  un  témoignage  de  la  liberté 
de  notre  volonté.  S'il  en  était  ainsi,  celui-là 

nom. ni, 13.  n'appartiendrait  pas  à  cette  loi,  qui  dit  :  Je 
ne  fais  pas  le  bien  que  je  veux,  mais  je  fais  le 
mal  que  je  hais.  Il  y  appartenait  néanmoins, 
ainsi  que  les  pélagiens  eux-mêmes  en  con- 
venaient. La  loi  nouvelle  n'est  pas  non  plus 
un  témoignage  que  la  volonté  soit  libre, 
mais  seulement  qu'elle  doit  être  délivrée  ; 

joan.T.i,.?G.  car  il  y  est  écrit  :  Si  le  Fils  vous  délivre, 
vous  serez  alors  vraiment  libres.  Ce  qui  est 
dit  non-seulement  à  cause  des  péclrés  passés 
dont  nous  sommes  délivrés  par  le  pardon  ; 
mais  encore  du  secours  de  la  grâce,  par  la- 
quelle nous  devenons  tellement  libres,  que 
.  Dieu  dirigeant  notre  voyage,  l'iniquité  ne 
domine  point  sur  nous.  C'est  ce  qui  paraît 
par  l'Oraison  dominicale,  où  nous  deman- 
dons, et  le  pardon  des  péchés  passés,  et  le 
secours  de  Dieu,  pour  n'en  point  commettre 
à  l'avenir.  Secours  que  nous  ne  demande- 
rions pas,  s'il  était  en  notre  pouvoir  de  ne 
pas  faire  le  mal,  comme  cela  était  avant 
que  notre  nature  fût  viciée  par  le  péché.  Si 
donc  Dieu  n'aide  l'homme,  nul  n'est  capa- 
ble de  combattre  contre  ses  vices.  C'est 
pour  cela  qu'il  veut  que  dans  nos  combats 
nous  nous  reposions  plus  sur  nos  prières  que 
.  sur  nos  propres  forces,  parce  que  c'est  celui 
même  que  nous  prions  qui  nous  donne  les 
forces  qui  nous  conviennent  pour  combattre. 
S'il  est  donc  vrai  que  ceux,  dont  l'esprit 
combat  contre  les  désirs  de  la  chair,  ont 
besoin  de  la  grâce  de  Dieu  à  chaque  action, 
afin  qu'ils  ne  soient  pas  vaincus,  quelle  li- 
berté de  volonté  peuvent  avoir  ceux  qui  ne 
sont  point  encore  délivrés  de  la  puissance 
des  ténèbres,  qui,  dominés  par  l'iniquité, 
n'ont  pas  encore  commencé  de  combattre, 
ou  qui,  ayant  déjà  commencé,  sont  vaincus 
par  la  servitude  de  leur  volonté  qui  n'est 
pas  encore  délivrée?  » 

Cip.  svi.  23.  Saint  Augustin  dit  à  Julien,  que  n'é- 

tant point  question  entre  eux  de  montrer 
qu'Adam  avait  été  créé  bon,  c'était  à  tort 
qu'il  lui  en  demandait  des  preuves  ;  cfu'il  n'é- 
tait pas  mieux  fondé  à  rejeter  le  péché  ori- 
ginel,  sous  prétexte  que  la  définition  qu'il 
donnait  du  péché  en  ces  termes  :  Pécher 
c'est  désirer  ce  que  la  justice  défend,  et  dont 
on  est  libre  de  s'abstenir,  ne  lui  convenait  pas, 


parce  que  cette  définition,  comme  le  remar- 
que ce  Père,  est  la  définition  du  péché  seul,  cop.  : 
et  non  pas  du  péché  qui  est  en  même  temps 
la  peine  du  péché.  Il  fait  voir  que  comme  il 
y  a  des  bieus  du  corps  qui  périssent  par  la 
propre  volonté  de  l'homme ,  il  en  est  de 
même  des  biens  de  l'âme,  et  que  Dieu  peut  cni .  j 
rétablir  les  uns  et  les  autres  :  «  Si  quel- 
qu'un, dit-il,  se  coupe  lui-même  un  de  ses 
membres  par  un  effet  de  sa  propre  volonté, 
ne  perd-il  pas  un  avantage  naturel  de  l'inté- 
grité de  son  corps,  et  par  cette  mutilation 
ne  se  charge-t-il  pas  d'un  mal  dont  il  ne 
peut  plus  se  guérir?  De  même  cet  homme 
qui  crie  :  Je  ne  fais  pas  le  bien  que  je  veux, 
mais  je  fais  le  mal  que  je  ne  veux  pas,  vous 
montre  qu'il  y  a  de  certains  biens  de  l'âme 
qui  périssent  par  la  volonté  mauvaise ,  et 
cela  de  manière  qu'ils  ne  peuvent  être  re- 
couvrés par  une  bonne  volonté,  si  Dieu  ne 
fait  ce  que  l'homme  ne  peut  faire.  Car  il 
peut  rendre  à  l'homme  les  yeux  qu'il  se  se- 
rait voloulaircment  crevés,  et  les  membres 
qu'il  se  serait  volontairement  coupés.  Pour- 
quoi ne  croyez-vous  donc  pas  que  la  liberté 
de  bien  agir  ait  pu  périr  par  la  volonté  hu- 
maine, et  qu'elle  ne  peut  être  rendue  que  ap.  > 
par  la  volonté  de  Dieu,  puisque  vous  enten- 
dez l'Apôtre  qui  crie,  après  avoir  dit  qu'il 
ne  fait  pas  le  bien  qu'il  veut,  mais  le  mal 
qu'il  ne  veut  pas  :  Qui  me  délivrera?  et 
qui  ajoute  aussitôt,  que  ce  sera  la  grâce  de  R»""- 
Dieu  par  Notice-Seigneur  Jésus-Christ?  C'est 
faussement,  ajoutez  -  vous  ,  qu'on  dirait 
l'homme  libre,  s'il  ne  pouvait  varier  ses  pro- 
pres mouvements  ;  mais  vous  ne  voyez  pas 
que  vous  ôtez  à  Dieu  même  la  liberté,  à 
Dieu,  et  à  nous,  quand  nous  vivrons  avec 
lui,  immortels  dans  son  royaume  :  car  alors 
il  ne  nous  sera  pas  possible  de  tourner  notre 
volonté,  tantôt  au  bien  et  tantôt  au  mal  ; 
toutefois,  nous  serons  d'autant  plus  heureu- 
sement libres,  que  nous  ne  pourrons  plus 
être  assujettis  au  péché,  non  plus  que  Dieu 
même  ;  mais  avec  cette  différence  que  nous 
ne  serons  ainsi  libres  que  par  sa  grâce,  au 
lieu  qu'il  l'est  par  sa  nature.  » 

Si  le  péché  d'Adam  passe  à  ses  enfants,  cap.  -x 
et  corrompt  leur  nature,  pourquoi,  disait 
Julien,  n'en  est-il  pas  ainsi  de  tous  les  autres 
péchés,  qu'on  sait  néanmoins  ne  pas  passer 
du  père  au  fils?  Saint  Augustin  répond  que 
la  grandeur  du  péché  d'Adam,  et  l'état  de 
félicité  et  de  liberté  dans  lequel  il  l'a  com- 
mis, cause  celte  dillerence.  Quoique  le  pé-    i^p.j 


[iV  ET  v'^  siÈaES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


S57 


ché  originel  ne  dépende  point  de  notre  vo- 
lonté, nous  ne  laissons  pas  d'encourir  la 
même  condamnation  que  celui  dont  nous 
devions  naître  par  la  concupiscence  de  la 
chair,  par  la  même  raison  que  ceux  qui 
étaient  renfermés  dans  les  reins  d'Abraham, 
furent  dimés  comme  ce  patriarche  :  car 
encore  que  les  petits  enfants  soient  incapa- 
bles de  faire  le  bien  ou  le  mal  par  leur 
volonté  ,  néanmoins,  parce  qu'ils  sont  com- 
me revêtus  du  premier  homme  qui  a  péché 
au  commencement  par  sa  volonté,  ils  tirent 
de  lui  la  coulpe  du  péché  et  la  condamna- 
tion à  la  mort,  de  même  que  lorsqu'ils  sont 
revêtus  de  Jésus-Chi-ist,  encore  qu'ils  n'aient 
point  agi  par  leur  volonté  propre,  ils  tirent 
de  lui  la  participation  de  la  justice,  et  la  ré- 
compense de  la  vie  éternelle. 

24.  Vous  prétendez,  disait  Julien  à  saint 
Augustin,  que  les  douleurs  de  l'enfantement 
sont  une  suite  du  péché  ;  pourquoi  donc  les 
femmes  baptisées  n'en  sont-elles  pas  exemp- 
tes ?  «  Nous  disons,  répond  ce  Père,  que  ces 
douleurs  sont  une  peine  du  péché,  parce 
que  nous  savons  que  Dieu  l'a  dit  sans  au- 
cune ambiguïté.  Quant  à  la  rémission  du 
péché  dans  le  baptême,  elle  n'emporte  pas 
la  délivrance  de  certaines  peines  qui  sont 
leg  suites  du  péché,  et  qui,  dans  l'ordre  de 
Dieu,  demeurent  pour  servir  d'exercice  à  la 
foi.  La  mort  n'est-elle  pas  une  peine  du  pé- 
ché ?  Toutefois,  l'homme  y  est  encore  sujet, 
quoique  son  péché  lui  ait  été  remis.  »  Il  dit 
à  Julien  que  le  cri  que  les  animaux  forment 
en  produisant  leur  espèce,  n'est  point  une 
preuve  qu'ils  ressentent  de  la  douleur  ;  les 
poules  chantent  dans  ce  moment,  ce  qu'on 
doit  plutôt  prendre  pour  un  signe  de  joie 
que  de  tristesse.  D'où  il  infère  que  le  paral- 
lèle qne  faisait  ce  pélagien  entre  l'enfante- 
ment des  femmes  et  celui  des  animaux, 
pom'  détruire  la  doctrine  du  péché  originel, 
n'était  point  fondé  ;  celui  des  femmes  étant 
accompagné  de  douleurs  ;  l'autre  ne  l'étant 
point.  Julien  prétendait  que  le  terme  multi- 
pliei%  dont  Dieu  se  servit  pour  annoncer  à  la 
femme  les  douleurs  qui  accompagneraient 
l'enfantement,  ne  pouvait  s'appliquer  qu'à 
une  chose  qui  existait  déjà.  Saint  Augustin 
soutient  au  contraire*  qu'il  s'entendait  de 
l'avenir,  dans  le  même  sens  que  Dieu  dit  à 
Abraham  :  Je  multiplierai  votre  race  comme 
les  étoiles  du  ciel  ;  et  montre  qu'en  suivant 
l'interprétation  de  Julien ,  il  faudrait  dire 
qu'Eve  dans  l'état  d'innocence  aurait  souf- 


fert des  douleurs  dans  ses  enfantements, 
que  Dieu  n'avait  fait  que  multiplier  dans 
l'état  du  péché  ;  ce  qui  était  absurde.  Mais 
les  pélagiens  étaient  contraints  d'admettre 
dans  le  paradis  terrestre  toutes  les  misères 
que  nous  éprouvons  depuis  Je  péché,  parce 
qu'ils  ne  voulaient  pas  reconnaître  qu'elles 
sont  une  suite  du  péché  originel.  Selon  le 
saint  Docteur ,  le  libre  arbitre,  par  lequel 
nous  voulons  toujours  être  heureux  et  jamais 
malheureux ,  est  tellement  inséparable  de 
notre  natui'e,  que  rien  ne  l'en  peut  ôter; 
en  sorte  que  ceux  qui  sont  malheureux  en 
vivant  mal,  ne  veulent  pas  néanmoins  être  cap.  .«nn. 
malheureux.  La  malédiction  que  Dieu  pro- 
nonça sur  le  serpent  s'entend  mieux  du 
diable  que  de  tout  autre,  quoiqu'elle  puisse 
aussi  recevoir  d'autres  interprétations. 

25.  Il  y  a  ,  objectait  Julien,    des  femmes    ciii.xjcjx. 
parmi  les  barbares  et  les  gens  de  la  campa- 
gne, qui  ne  souffrent  aucune  douleur  dans 
l'enfantement,  et  des  riches  qui  ne  soulfrent 
aucune  peine  du  travail ,  que  même  ils  ne 
connaissent  pas.  Le  travail  corporel  ni  les 
douleurs  de  l'enfantement  ne  sont  donc  pas 
des  suites  du    péché    originel.    Saint    Au- 
gustin répond  qu'il  n'y  a  aucune  femme  qui 
n'ait  de  la  douleur  en  mettant  son  fruit  au 
monde  ;  les  unes  plus,  les  autres  moins  ;  que 
si  les  riches  ne  sont  pas  soumis  au  travail 
corporel,  ils  le  sont  aux  chagrins ,  aux  soins 
et  aux  autres  peines  de  l'esprit,  qui  sont 
souvent  plus  grandes  que  celles  du  corps 
auxquelles  les  ouvriers  sont  sujets.  Il  con-    up.  xxs. 
vient  avec  Julien  qu'Enoch  et  Éhe  sont  en- 
core vivants,  mais  il  ajoute  que  l'on  croit 
qu'après  avoir  paru  un  peu  de  temps,  ils  su- 
biront la  mort,  pour  payer  la  dette  qu'ils 
ont    contractée    comme    enfants    d'Adam  ; 
qu'on   croit  aussi   avec  raison   que   Jésus- 
Christ  ,  en  descendant  aux  enfers ,  a  délivré 
le  premier  homme,  conformément  à  ce  qui 
est  dit  dans  le  hvre  de  la  Sagesse,  que  Julien 
citait  aussi.  Celui-ci,  pour  éluder  la  preuve 
que  saint  Augustin  tirait  de  ces  paroles  de 
l'Apôtre  :  Tous  meurent  en  Adam,  disait  qu'A-    i  cor.  xvn, 
dam  en  hébreu  signifie  urt  homme  ;  qu'ainsi,   "'" 
c'est  comme  si  l'Apôtre  avait  dit  :  Tous  meu- 
rent dans  l'homme,  ou  selon  la  condition  de 
la  nature  humaine.  «  Mais  n'est-il  pas  dit, 
réplique   saint    Augustin ,  que  le  péché  est    ro^,.  v,  12. 
entré  dans  le  monde  par  un  seul  homme ,  et  la 
mort  par  le  péché  ?  A  cet  homme  est  opposé 
le  second  Adam,  dont  il  est  écrit,  que  la  ré-    11  cor.  sv, 
surrection  des  morts  doit  venir  aussi  par  un 


Sop.  X, 
Cip.  IX 


So8 


HISTOffiE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


seul  homme.  H  faut  donc  entendre  ce  qui  est 
dit  :Tous  meurent  en  ^fZa??i,^relativement  à  ce 
qu'on  lit  précédemment,  que  la  mort  est  ve- 
nue par  un  seul  homme:  car  tous  ne  meurent 
en  Adam  que  parce  que  la  mort  est  entrée 
par  un  seul  homme ,  comme  tous  revivront  en 
Jésus-Christ,  parce  que  la  résurrection  des 
morts  doit  aussi  venir  par  un  seul  homme. 
Voilà  donc  deux  hommes  pris  individuelle- 
ment ;  l'un  le  premier,  c'est-à-dire  Adam  ; 
l'autre  le  second,  qui  est  Jésus-Christ.  » 

C3r-xisi>--  26.  Saint  Augustin  croit  que  l'arbre  de 
vie,  que  Dieu  avait  planté  dans  le  paradis, 
défendait  le  corps  de  la  mort ,  jusqu'à  ce 
que  l'homme,  persévérant  dans  l'obéissance 
à  son  Dieu,  méritât  de  passer  dans  la  gloire 
spirituelle  destinée  aux  justes  après  la  ré- 
surrection, sans  souffrir  la  mort  ;  qn'Élie  et 
Enoch  vivent  dans  le  paradis  même  d'où 
Adam  a  été  chassé,  remarquant  que  quel- 
ques commentateurs  cathoUques  entendent 
ce  paradis  dans  un  sens  spirituel,  sans  tou- 
tefois nier  le  sens  historique,  selon  lequel 
on  ne  peut  douter  que  ce  lieu  ne  doive  se 
prendre  à  la  lettre  et  matériellement.  Eu 
expliquant  comment  la  loi  est  la  force  du 
péché  ,  il  dit  qu'à  l'égard  de  ceux  qui  ne 
sont  pas  aidés  de  la  grâce  de  Dieu  par  l'A- 
gneau de  Dieu,  la  loi  est  plutôt» la  force  du 

Cap.  sLi.  péché  que  la  correction  du  pécheur.  D'où 
vient  que  nous  n'accomplissons  ce  que  la  loi 
de  Dieu  nous  commande  que  lorsqu'il  nous 
assiste ,  qu'il  nous  inspire ,  et  qu'il  nous 
donne  la  force  de  l'accomplir.  Il  prouve  que 
la  concupiscence  est  im  péché,  par  ces  pa- 

non.  yi:,  7.  poles  dc  l'Apôtrc  :  Je  n'ai  connu  le  péché  (jue 
par  la  loi,  par  oùil  entend  la  concupiscence, 
comme  on  le  voit  par  ce  qu'il  ajoute  :  Car  je 
n'aurais  point  connu  la  concupiscence ,  si  la  loi 
n'avait  dit  :  Vous  n'aurez  point  de  mauvais 
désirs.  Elle  n'était  point  avant  le  grand  pé- 
ché du  premier  homme  ,  mais  eUe  a  com- 
mencé dès  ce  moment  et  donné  naissance 
au  péché  originel,  en  corrompant  la  nature 
humaine  dans  celui  qui  l'a  transmis  à  ses 
descendants.  Tous  les  hommes  naissent  avec 
cette  concupiscence,  et  le  crime  n'en  est  re- 
mis qu'à  ceux  qui  renaissent  par  le  bap- 
tême. Mais  après  ce  pardon  ceux-là  seule- 
ment se  souillent  de  nouveau,  qui  se  laissent 
aller  à  ses  mauvais  désirs  pour  faire  le  mal; 
ce  qui  peut  arriver  en  deux  cas  diûerents  : 
le  premier,  lorsque  l'esprit  ne  forme  pas  des 
désirs  plus  forts  que  ceux  de  la  chair  ;  et  le 
second,  lorsqu'il  n'en  forme  point  du  tout. 


Le  saint  Docteur  finit  son  ouvrage  contre 
Julien,  en  remarquant  que  c'était  l'usage, 
dans  la  sainte  Église  répandue  dans  toute 
la  terre,  de  demauder  à  Dieu  pour  les  fidè- 
les, le  progrès  et  la  persévérance  dans  la 
vertu,  et  pour  les  infidèles  le  commencement 
de  la  foi  ;  mais  que  ceux-là,  c'est-à-dire  les 
pélagiens,  anéantissaient  un  si  saint  usage, 
en  élevant  au-dessus  des  bornes  les  forces 
du  hbre  arbitre  contre  la  grâce  de  Dieu. 

§XV. 

Des  écrits  faussement  attribués  à  saint  Augus- 
tin, et  de  quekjues  ouvrages  qui  regardent 
l'histoire  des  pélagiens, 

1.  L'ouvrage  intitulé  ordinairement  Hy- 
pomnesticon  ,  et  quelquefois  Hyponosticon, 
est  distribué  dans  les  éditions  précédentes 
comme  dans  la  nouvelle,  en  six  livres,  dont 
les  cinq  premiers  sont  contre  les  dogmes 
des  pélagiens.  C^est  une  espèce  de  mémo- 
rial, ou  d'abrégé  des  raisons  propres  à  com- 
battre cette  hérésie,  composé  par  un  auteur 
inconnu,  pour  soulager  sa  mémoire.  Il  ne 
ne  porte  point  le  nom  de  saint  Augustin 
dans  les  plus  anciens  manuscrits;  mais  il  lui 
est  attribué  par  divers  auteurs  du  ix'^  siècle, 
entr'autres  par  Hincmar  dans  sa  lettre  à 
Amolon  et  à  l'Église  de  Lyon  au  sujet  de  Got- 
tescalc.  Rémi,  archevêque  de  Lyon,  ayant 
vu  qu'Hincmar  citait  cet  écrit  sous  le  nom 
de  saint  Augustin,  l'accusa  de  l'avoir  avancé 
sans  preuve,  et  sans  être  autorisé  d'aucun 
ancien,  soutenant  que,  s'il  était  de  ce  Pèi-e, 
il  en  serait  fait  mention  dans  ses  livres  |des 
Rétractations,  qu'il  avait  composés  étant  fort 
âgé  et  proche  de  la  mort.  H  ajoutait  que 
Possidius  son  disciple  n'aurait  pas  mancpré 
non  plus  d'en  parler  dans  le  Catalogue  des 
ouvrages  de  ce  saint  Docteur;  que  cet  écrit, 
particulièrement  le  sixième  livre ,  n'avait 
point  de  préface,  et  que  si  les  cinq  premiers 
en  avaient  une,  on  n'y  voyait  point  la  mé- 
thode de  saint  Augustin;  que  tout  l'ouvrage 
n'était  ni  de  son  génie  ni  de  son  style  ;  cjue 
l'on  y  trouvait  plusieurs  passages  tirés  de  la 
version  que  saijit  Jérôme  avait  faite  sm'  l'hé- 
breu, au  heu  que  saint  Augustin  cite  ordi- 
nairement dans  ses  li^'res  contre  les  héréti- 
ques l'ancienne  version  faite  sur  les  Sep- 
tante ;  et  que  ce  qui  y  est  dit  de  la  prédesti- 
nation ne  s'accorde  nullement  avec  sa  doc- 
trine sur  ce  sujet.  D'autres  ont  attribué  ces 
sixhvres  au  prêtre  Sixte,  successeur  de  Céles- 


Hjpor 
licoQ,  p 
Appcna 


[IV'  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


559 


le  la  Pié- 
ilinalion  et 
la  gr&ce, 
:.  5(1. 


tin  sur  le  Siège  apostolicpie  ;  mais  on  trouve 
qu'il  est  plutôt  de  Mercator,  dont  nous  avons 
plusieurs  écrits  du  même  goût  contre  les 
pélagiens. 

2.  Les  théologiens  de  Louvain  avaient  déjà 
placé  entre  les  ouvrages  supposés,  celui  qui 
a  pour  titre  :  De  la  Prédestination  et  de  la 
grâce,  et  qui,  en  efTet,  n'a  ni  la  méthode  ni 
le  style  de  saint  Augustin.  Il  paraît  être  plu- 
tôt de  quelque  semi-pélagien  :  car  on  y  en- 
seigne assez  clairement  que  le  commence- 
ment de  la  bonne  volonté  vient  de  l'homme, 
et  que  Dieu  ne  fait  que  la  perfectionner.  On 
le  trouve  quelquefois  sous  le  nom  de  saint 
Fulgence,  dont  on  ne  peut  en  rendre  d'au- 
tre raison,  sinon  que  ce  saint  évêque  a  écrit 
sur  la  même  matière.  Caria  doctrine  de  cet 
ouvrage  ne  s'accorde  pas  mieux  avec  celle 
de  ce  Père,  qu'on  sait  avoir  été  un  disciple 
fidèle  de  saint  Augustin. 

3.  Il  ne  faut  que  lire  le  petit  livre  de  la 
Prédestination  de  Dieu,  pour  se  convaincre 
qu'il  n'est  point  de  saint  Augustin  ;  les  pen- 
sées en  sont  basses  et  les  raisonnements 
peu  soutenus. 

4.  C'est  par  une  erreur  visible  que  l'on  a 
mis  le  nom  de  saint  Augustin  à  la  tête  des 
seize  réponses  à  xm  pareil  nombre  d'objec- 
tions ;  puisqu'il  est  constant  qu'elles  sont  de 
saint  Prosper,  comme  on  le  verra  dans  la 
suite. 

5.  Après  ces  ouvrages  supposés,  on  a  mis 
dans  l'Appendice  du  dixième  tome,  un  grand 
nombre  de  pièces  qui  répandent  beaucoup 
de  jour  sur  l'histoire  des  pélagiens.  Les  plus 
considérables  sont  deux  mémoires  de  Mer- 
cator contre  les  pélagiens  ;  la  lettre  de  saint 
Jérôme  à  Ctésiphon  ;  l'endroit  de  l'Apologé- 
tique de  Paul  Orose,  où  il  est  parlé  de  l'as- 
semblée de  Jérusalem  au  sujet  de  Pelage  ; 
plusieurs  fragments  des  trois  dialogues  de 
saint  Jérôme  contre  les  pélagiens  ,  où  ce 
Père  fait  connaître  sous  le  nom  de  Chréto- 
bule  les  erreurs  de  Pelage  ;  les  décrets  des 
conciles  de  Carthage,  de  Milève,  et  de  quel- 
ques évêques  contre  cette  hérésie  ;  la  pro- 
fession de  foi  et  les  lettres  de  cet  hérésiar- 
que, adressées  au  pape  Innocent,  et  qui  ne 
furent  rendues  qu'à  Zozime;  les  lettres  que 
Zozime  écrivit  sur  ce  sujet  aux  évêques  d'A- 
frique ;  la  requête  qui  lui  fut  présentée  con- 
tre Célestius  par  le  diacre  Paulin  ;  la  Lettre 


de  ce  pape  aux  évêques  d'Afrique  dans  la 
cause  de  Célestius  ;  le  Rescrit  des  empereurs 
Honorius  et  Théodose  contre  Pelage  et  Cé- 
lestius ;  les  décrets  du  concile  général  d'A- 
frique en  418,  contre  l'hérésie  de  Pelage  et 
de  Célestius  ;  l'appel  au  concile  général  par 
les  évêques  qui  avaient  refusé  de  souscrire 
à  la  condamnation  de  ces  deux  hérétiques; 
divers  monuments  qui  regardent  Julien,  évê- 
que d'Eclane,  défenseur  de  l'hérésie  arien- 
ne ;  d'autres  qui  font  connaître  quel  était 
Annien,  faux  diacre  de  l'Église  de  Célède, 
aussi  défenseur  de  cette  hérésie  ;  la  lettre 
du  pape  Célestin  en  faveur  de  Prosper  et 
d'Hilaire,  défenseurs  de  la  grâce  de  Dieu; 
une  des  évêques  d'Afrique  relégués  en  Sar- 
daigne  ;  les  décrets  du  second  concile  d'O- 
range, touchant  la  grâce  et  le  libre  arbitre  ; 
et  divers  ouvrages  de  saint  Prosper  sur  cette 
matière,  dont  on  parlera  en  son  lieu. 

6.  On  trouve  ensuite  une  lettre  de  conso- 
lation à  Probus,  dont  le  style  seul  prouve 
qu'elle  n'est  pas  de  saint  Augustin ,  et  le 
fragment  d'an  discours  assez  semblable  à 
ceux  que  ce  Père  prononça  à  la  déposition 
de  quelques  évêques.  Il  est  parlé  de  ces  dis- 
cours dans  Possidius  ,  mais  nous  ne  les 
avons  plus  ;  celui-ci  a  été  mis  qaelque  temps 
parmi  ceux  qu'on  a  supposés  à  saint  Ful- 
gence. Ce  dixième  tome  finit  par  la  vie  de 
saint  Augustin,  de  la  composition  de  Possi- 
dius, qui  avait  vécu  avec  lui  familièrement 
environ  quarante  ans,  et  qui  s'était  appli- 
qué à  remarquer  non-seulement  ses  actions, 
mais  à  recueillir  aussi  ses  écrits  dont  il 
nous  a  laissé  le  catalogue.  Saint  Isidore 
paxie  de  cette  vie  et  de  la  table  ou  catalogue 
que  Possidius  y  avait  joint,  et  que  nous 
avons  encore. 

ARTICLE  XV. 

DES  OUVRAGES  PERDUS  DE  SAINT  AUGUSTIN  '. 
DE  CEUX  DE  POSSIDIUS. 

1 .  Il  est  fait  mention  dans  les  Rétractations 
de  saint  Augustin,  de  plusieurs  de  ses  ouvra- 
ges dont  il  ne  nous  reste  plus  que  les  titres, 
savoir  :  la  réfutation  de  ce  *  qu'a  apporté 
Centurius  ;  un  livre  '-  contre  le  parti  de  Do- 
uât; deux  livres  '  sur  le  même  sujet;  un 
contre  *  un  laïque  catholique  nommé  Hila- 
rius,  qui  avait  été  tribun  ;  un  livre  des  preu- 


Autres  piè- 
ces, pag,  253. 


Isidor.  do 
Scri[it.  ,  caji, 
VJll. 


1  August.,  lib.  Retract, i  cap.  xix. 

2  Ibid.,  caiD.  XXI. 


3  Lib.  IIj  cap.  V. 
*  Ibid,,  cap.  VI. 


560 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


ves'  et  des  témoignages  contre  les  donatis- 
tes  ;  un  autre  contre  je  ne  sais  queP  dona- 
tiste  ;  un  avertissement  aux  donatistes  '  tou- 
chaiît  les  maximianistcs  ;  l'explication  *  de 
l'Épître  catholique  de  saint  Jacques  aux 
douze  tribus  ;  un  livre  des  maximianistes  '^ 
contre  les  donatistes  ;  un  livre  à  Émérite  ^, 
évêque  donatiste. 

2.  Possidius'  parle  de  cinq  sermons  de 
saint  Augustin  sur  les  sept  jours  de  la  créa- 
tion ;  ils  sont  cités  par  Cassiodore ,  qui  en 
marque  sept  au  lieu  de  cinq  ;  un  sur  Absa- 
lon,  et  trois  questions  sur  les  Rois.  Facun- 
dus  *  cite  deux  sermons  sur  l'Epiphanie  , 
qu'il  nomme  les  cent  quatre-vingt-dix-neu- 
vième et  deux  centième.  Dans  la  nouvelle 
édition  des  ouvrages  de  saint  Augustin,  il  y 
a  un'  discours  pour  le  jour  de  Pâques, 
adressé  aux  enfants ,  qui  a  beaucoup  de 
conformité  avec  celui  qui  est  rapporté  par 
saint  Fulgence ,  dans  sa  lettre  à  Ferrand, 
lequel  n'est  autre  que  le  sermon  deux  cent- 
soixante-douzième  de  saint  Augustin  ,  qui 
se  trouve  dans  le  tome  V  de  la  nouvelle 
édition,  page  1104.  Cette  conformité  toule- 
fois  est  plus  dans  les  pensées  que  dans  les 
paroles.  La  présence  réelle  y  est  bien  mar- 
quée ;  et  saint  Augustin,  après  l'avoir  expli- 
quée nettement,  en  prend  occasion  d'ins- 
truire les  nouveaux  baptisés  sur  un  point  de 
morale,  en  leur  apprenant  qu'ils  sont  eux- 
mêmes  le  pain  et  le  vin  de  Jésus-Christ,  par 
l'union  que  ses  membres  liés  et  animés  par 
la  charité  ont  tous  ensemble.  Sulpice  Sévère 
rapporte  un  fragment  assez  long  d'un  dis- 
cours de  saint  Augustin  sur  le  malade  de 
trente-huit  ans,  que  nous  ne  trouvons  pas 
dans  les  imprimés.  Ce  Père  avait  fait  deux 
discours  sur  le  jugement  célèbre  de  Salo- 
mon  entre  deux  femmes.  Ils  sont  tous  deux 
cités  par"  Possidius  ;  mais  Cassiodore  "  n'en 
avait  vu  qu'un,  qu'on  croit  être  celui  qui  fait 
le  dixième  dans  la  nouvelle  édition.  Le  même 
écrivain'^  parle  de  quelques  homélies  de 
saint  Augustin  sur  le  livre  de  la  Sagesse.  Il 
ne  nous  en  reste  aucune.  Saint  "  Augustin 
cite  lui-même  trois  vers  d'un  poème  qu'il 


avait  fait  en  l'honneur  du  cierge ,  c'était 
peut-être  le  cierge  pascal.  L'endroit  cité 
sous  le  nom  de  saint  Augustin  dans  le  con- 
cile "'de  Chalcédoine  contre  Entichés,  est  tiré 
de  la  Rétractation  de  Léporius  ,  dont  on  ne 
doute  presque  pas  que  saint  Augustin  ne 
soit  auteur. 

3.  Voici  d'autres  écrits  cités  par  Possi- 
dius. Une  lettre  aux  frères  '^  de  Carthage  ; 
une  exhortation"  à  la  foi;  un  traité  des  fu- 
nérailles ou  des  festins  qui  se  faisaient  aux 
funérailles;  un  de  l'éclipsé  du  soleil;  un 
des  témoignages  contre  les  donatistes  et  les 
idoles  ;  une  question  des  Juifs ,  ou  plutôt 
des  idées,  car  il  y  en  a  une  sous  ce  titre 
dans  le  livre  des  Quatre-vingt-trois  questions, 
et  c'est  la  seule  que  Possidius  ait  omise  ;  un 
traité  contre  les  Juifs  ;  un  traité  des  sacri- 
fices spirituels  "  contre  les  manichéens;  un 
autre  intitulé  du  jour  du  Seigneur  selon  le 
prophète  Sophonias,  contre  les  mêmes  héré- 
tiques ;  un  livre  contre  les  donatistes  ;  trois  des 
maximianistes"  contre  les  donatistes.  Saint 
Augustin  n'en  met  qu'un  dans  "  ses  Rétracta- 
tions. Possidius  énumère  encore  une  lettre  à 
Janvier,  primat  des  donastistes,  c'est  peut- 
être  la  même  qui  est  adressée  à  Janvier  de  la 
part  des  ecclésiastiques  d'Hippone,  et  qui  est 
la  quatre-vingt-huitième;  un  avertissement  à 
Primien  ;  quatre  lettres  à  Proculien,  il  n'y 
en  a  qu'une  d'imprimée  ;  deux  à  Émérite;  il 
n'en  reste  non  plus  qu'une,  et  nous  en  avons 
aussi  perdu  deux  des  quatre  à  Crispin^"  ; 
il  y  en  a  deux  aux  habitants  de  Thiane  ; 
une  à  ceux  de  Coustantine;  une  à  Cresco- 
nius  le  grammairien  ;  une  à  Gaudence,  évê- 
que donatiste  ;  trois  traités  touchant  les  tra- 
diteurs  pendant  les  persécutions ,  et  du  faux 
baptême  ;  un  contre  ceux  des  donatistes 
qui  se  plaignaient  de  ce  qu'on  les  obhgeait 
de  revenir  à  l'unité;  un  traité  du  bien  de 
l'unité. 

4.  On  trouve  encore  dans  Possidius,  un 
sermon  prêché  le  jour  de  la  fête  de  saint 
Salvius  martyr  ;  un  traité  contre  les  dona- 
tistes, pour  montrer  que  ce  ne  sont  pas  les 
hommes,  mais  Jésus-Christ  qui  baptise  ;  un 


'  August.,  lib.  Retract. y  cap.  xxvn. 

«  Ibid.,  cap.  xxvni.  —  '  Ibid.,  cap.  xxix. 

'  Ibid.,  cap.  xxxii.  —  ^  Ibid.,  cap.  xxxv. 

'  Ibid.,  cap.  XLVi. 

T  Possid.,  iu  Ind.,  cap.  vm.  Cassiod.,  Inst.,  cap. 
I  et  n. 

8  Facund.,  lib.  I,  cap.  iv.—  «  Serin.  227,  toni.  V, 
pag,  982.  —  1"  lu  Ind.,  cap.  ni  et  vni. 


u  Cassiod.,  Inst.,  cap.  ii.  —  '-  Inst.,  cap.  v. 

15  August.,  lib.  XV,  Decis.,  cap.,  xxi. 

"  Tom.  lY  Concil.,  pag.  365.  —  "  Possid.,  iii 
Ind.,  cap.  I.  —  18  Idem.,  ibid. 

'■ï  Possid.,  ibid.,  cap.  n. 

"  Possid.,  cap.  ni. 

'^  Lib.  Il,  cap.  xxxv.  —  ^^  Possid.,  in  Ind. 
cap,  m. 


[iV*  ET  Y'  SIÈCLES.] 

petit  livre  du  baptême  contre  les  donatistes; 
un  livre'  contre  les  questions  des  pélagiens: 
c'est  apparemment  la  lettre  cent  cinquante- 
septième,  à  Hilaire;  un  livre  à  Pascentius- 
contre  les  ariens,  avec  une  lettre  au  même 
comte  ,  où  l'on  répondait  à  diverses  ques- 
tions sur  la  même  hérésie  ;  on  croit  que  ce 
livre  n'est  autre  chose  que  la  lettre  deux 
cent  trente-huitième,  à  Pascentius  ;  mais  on 
ne  connaît  pas  bien  ce  que  c'est  que  cette  ré- 
ponse à  diverses  questions  :  car  la  seconde 
lettre  à  Pascentius  n'en  traite  aucune,  et  la 
troisième  qu'une  seule,  encore  assez  légè- 
rement, n  parait  donc  que,  Pascentius  ayant 
proposé  diverses  difficultés  à  saint  Augus- 
tin, ce  Père  y  satisfit  parla  lettre  dont  parle 
ici  Possidius.  Une  lettre  à  Thérentianus  ;  un 
sermon  sur  ces  paroles  de  saint  Jean  :  Le 
père  aime  son  fils  et  lui  montre  toutes  cho- 
ses ;  cinq  livres  de  la  dialectique  ',  de  la 
rhétorique,  de  la  géométrie,  de  l'arithmé- 
tique et  de  la  philosophie  ;  un  livre  de  la 
grammaire;  un  contre  Hilaire  sur  les  can- 
tiques qu'on  chante  à  l'autel  ;  une  ré- 
ponse aux  objections  d'Hilaire ,  que  quel- 
ques-uns croient  être  la  lettre  cent  cin- 
quante-septième. Possidius  parle  d'un  ca- 
hier que  saint  Augustin  avait  commencé  de 
sa  propre  main  :  mais  il  ne  dit  point  quelle 
matière  le  Saint  y  traitait;  il  marque'  un 
grand  nombre  de  lettres  perdues,  adressées 
à  divers  particuliers ,  savoir ,  à  Firmin,  à 
Thalasius  et  à  Valentin,  à  Eumatius,  à  Cra- 
ton  et  autres  carthaginois  ,  à  l'évêque  Maxi- 
me, à  Victor,  prêtre  dans  la  plaine  de  Bulle, 
cl  Jovin,  à  Jovinien  et  aux  autres ,  à  Flac- 
cien  ;  quatre  lettres  à  Nectaire,  dont  deux 
seulement  sont  imprimées  ;  deux  lettres  à 
l'évêque  PauJ  ;  lettres  à  Déodat,  à  Catulin, 
à  Fauste  et  à  Pélagie,  à  l'évêque  Placentin, 
à  Sévère,  à  JîmiHus,  à  Théodore  et  à  Féli- 
cissime,  à  Apronien  et  à  Avite,  à  Mariniane, 
aux  empereurs ,  à  Stihcon,  aux  préfets  d'I- 
talie, à  l'évêque  Crescent,  àDomnion,  au  prê- 
tre Viventius,  à  Delphin,  àAgrippin,  au  peu- 
ple de  Cataqua,  à  Gérontius,  à  Burnius,  à  ses 
prêtres,  à  Théodose,  à  Concordius,  à  l'évê- 
que Mémorius,  à  Craton,  à  Novat,  au  diacre 
Mercurius,  à  Romain,  au  prêtre  ^milius  ; 
deux  lettres  à  Théodore  et  à  Félicissime; 
une  à  Orator  ;  deux  à  Aurèle  ;  une  à  Fir- 
mus;  autres  lettres  à  Firmus,    à  Munus,   à 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


S61 


Répentinus ,  à  Lauritius ,  à  Pélagasius  et 
à  Vagulus;  à  l'évêque  Anpédius,  à  Répen- 
tinus, à  Maxime,  à  Samsucius,  à  Proto- 
gène et  à  Thalasius  ;  trois  autres  lettres  à 
Protogène  ;  une  à  Thalasius  ;  une  à  l'évê- 
que Aurèle  ,  aux  clercs  de  Carthage ,  au 
moine  Sébastien,  à  Anisius,  à  Géminianus,  à 
Firmus,  à  Acatius,  aux  frères  de  Carthage, 
à  Rédemptus  ;  une  seconde  aux  frères  de 
Carthage  ;  une  à  son  peuple;  une  à  Pierre  et 
à  Abraham. 

S.  Possidius  met  dans  son  catalogue  un 
sermon  sur  la  charjté  ^  et  sur  la  crainte 
chaste  ;  un  sur  l'espérance  ;  un  sur  ces  paro- 
les de  saint  Matthieu  :  Mon  joug  est  doux,  et 
mon  fardeau  est  léger;  des  traités  sur  le 
psaume  xxxiv ,  sur  les  trois  verges  de  Ja- 
cob, et  sur  le  psaume  xxi,  sur  le  cantique 
d'Isaïe  ;  sur  le  psaume  xvii ,  et  sur  l'Épî- 
tre  de  saint  Jean  ;  sur  le  psaume  xxi ,  et  sm" 
l'Épître  de  saint  Pierre  ;  sur  ces  paroles  du 
psaume  cvii  :  Donnez-nous ,  Seigneur ,  votre 
secours,  "pour  nous  tirer  de  l'affliction  ;  un  dis- 
cours où  le  saint  Évêque  se  proposait  plu- 
sieurs questions  et  n'en  éclaircissait  qu'une; 
un  autre  sermon  sur  le  psaume  xiiv  ;  un  fait 
le  jour  de  la  mort  de  saint  Cyr,  évêque  de 
Carthage;  un  sur  le  psaume  lxxi  ;  un  sur  ces 
paroles  du  dixième  chapitre  de  l'Épître  aux 
Romains  :  Jésus-Christ  est  la  fin  de  la  loi,  et 
sur  un  verset  du  psaume  xc  ;  un  sur  ces  paro- 
les du  chapitre  viii  de  l'Évangile  saint  Jean  : 
Si  le  Fils  vous  met  en  liberté,  vous  serez  vérita- 
blement libres;  un  sur  les  chassem-s  de  Dieu 
et  du  siècle,  un  sur  le  psaume  cm,  un  sur  ces 
pai'oles  de  l'Ecclésiastique  :  Tout  animal 
aime  son  semblable  ;  un  sur  celle  de  l'Apôtre 
aux  Romains ,  chapitres  iv  et  vu  :  Lorsqu'un 
homme  croit  en  celui  qui  justifie  l'impie  :  Et  la 
loi  est  spirituelle,  mais  jiour  moi  je  suis  char- 
nel ;  un  sur  le  psaume  lxvii,  prêché  le  jour 
de  la  fête  des  Martyrs;  un  sur  ce  verset  du 
psaume  xxiv  :  Montrez-moi,  Seigneur,  vos 
voies  ;  un  sur  cet  autre  du  psaume  xii  :  Com- 
me le  cerf  soupii^e  apî'ès  les  eaux,  etc.;  un  sur 
ces  paroles  du  psaume  cix  :  Vous  posséderez 
la  pinncipauté  et  l'empire  au  jour  de  votre 
piuissance  et  sur  Melchisédech  ;  un  sur  cet  en- 
droit du  chapitre  vii  de  l'Epître  aux  Ro- 
mains :  Malheureux  homme  que  je  suis  !  qui 
me  délivrera  de  ce  corps  de  mort  ?  un  sur  la 
femme  afiQigée  d'une  perte  de  sang  depuis 


1  Possid.,  cap. 
cap.  V. 

IX. 


Possid.,  in  Indiculo, 


*  Possid.,  cap.  vi.  —  *  PossM.,  cap.  vir. 
sid.,  cap.  vni. 

36 


Pos- 


362 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


douze  ans,  et  sur  ce  passage  de  Jérémie  :  // 
prit  une  ceinture  de  lin  et  la  cacha  dans  le 
trou  d'une  pierre  ;  un  sur  ce  qui  est  dit  au 
chapitre  m  de  la  lettre  aux  Colossiens  : 
Vous  êtes  morts ,  et  votre  vie  est  cachée  avec 
Jésits-Chjnst;  un  surla  mort  de  Restitut,  évè- 
que  de  Cartilage  ;  un  sur  l'obéissance  ;  un 
Exod.  vn.  sur  la  verge  d'Aaron  changée  en  serpent  ; 
^Mîiib.111,2,  Qu  g-jj.  ggg  paroles  de  saint  Matthieu  :  Faites 
pénitence;  un*  sur  ce  qui  est  dit  dans  le  livre 
n  nés.  11.  des  Rois,  que  David  dormit  avec  Betsabée,  et 
qu'il  fit  mourir  son  mari  ;  un  sur  ce  verset 
du  psaume  xxxiii  :  Venez,  enfants,  écoutez- 
moi ,  je  vous  enseignerai  la  crainte  du  Sei- 
gneur,  et  sur  la  femme  surprise  en  adul- 
tère ;  un  qui  fut  prêché  lorsque  les  païens 
entraient  ;  un  sur  cet  endroit  de  l'Apôtre 
BoŒ,  XI,  33.  aux  Romains  :  0  profondeur  des  trésors  de  la 
sagesse  et  de  la  science  de  Dieu!  et  sur  le  ver- 
set premier  du  psaume  lix  :  0  Dieu ,  vous 
nous  avez  rejetés,  et  sur  cet  autre  du  psau- 
me cxviii  :  Il  m'est  bon  que  vous  m'ayez  humi- 
lié; d'autres  sur  les  psaumes  cxxxi,  cm,  li 
et  Lvi;  un  sur  les  œuvres  de  miséricorde  ;  un 
sur  les  paraboles  d'un  trésor  caché  dans  un 
champ,  d'une  perle  qu'un  homme  a  trou- 
vée, et  d'un  filet  jeté  dans  la  mer  ;  un  sur 
ce  qui  est  écrit  dans  l'Évangile  d'un  homme 
qui  était  vêtu  de  pourpre  et  de  lin. 

6.  Saint  Augustin  avait  aussi  expliqué 
dans  les  discours  particuliers  divers  autres 
endroits  de  l'Écriture,  savoir  :  les  premières 
paroles  de  la  Genèse  ;  le  troisième  verset  du 
psaume  cxl;  le  second  du  psaume  cxv',  le 
trente-sixième  du  psaume  xvii,  le  premier 
du  psaume  xix,  le  vingt -deuxième  du 
psaume  xiiii,  le  onzième  du  psaume  vii,  le 
vingt-deuxième  du  psaume  lxxiii,  le  pre- 
mier du  psaume  c,  le  neuvième  du  psaume 
cxiiii,  le  quatrième  du'psaume  lsx,  le  pre- 
mier du  psaume  lxxiv,  le  premier  du  psau- 
me cxvii,  le  seizième  du  psaume  cxxxviii,  le 
seizième  du  psaume  cxv.  Ce  discours  est 
aussi  sur  la  fête  de  saint  Victor,  Le  neu- 
vième du  psaume  cxxxi.  On  avait  encore  un 
autre  discours  sur  un  verset  du  psaume  xxv, 
où  ce  Père  expliquait  aussi  comment,  selon 
l'Apôtre,  il  faut  se  dépouiller  du  vieil  hom- 
me pour  se  revêtir  du  nouveau.  Il  avait 
aussi  expliqué  dans  des  discours  particuliers 
le  vei'set  vingt-deuxième  du  chapitre  x\i  do 
saint  Jean  ;  le  troisième  du  chapitre  xix  de 


1  Possid.,  inindiculo,  cap.  is.  — ^  xdem,  cap.x. 
3  Pùssid.,  iu  Prolog,  iu  Vil.  Aug.  —  '•  Itiid. 


saint  Matthieu;  le  trente-cinquième  du  cha- 
pitre VIII  de  l'Épître  aux  Romains  ;  le  vingt- 
sixième  du  chapitre  xxv  de  saint  Luc,  et  le 
onzième  du  chapitre  xiii  du  même  Evan- 
gile ;  le  quinzième  du  chapitre  i  de  saint 
Marc;  le  quarante-unième  du  chapitre  m  de 
saint  Jean,  le  cinquième  du  chapitre  viii  de 
saint  Matthieu.  Possidius  fait  encore  men- 
tion d'un  sermon  sur  le  jour  de  la  Pente- 
côte ;  d'un  sur  l'endroit  de  l'Épître  aux  Ga- 
lates,  où  il  est  dit  que  saint  Paul  reprit  saint 
Pierre;  d'un  sur  l'avarice  ;  d'un  sur  l'amour 
de  Dieu  et  du  prochain  ;  d'un  sur  la  fête  de 
saint  Catulain  ;  d'un  sur  le  jour  de  la  mort  de 
l'évêque  Florentins  ;  d'un  sur  le  choix  d'un 
évêque  qui  lui  fut  donné  pour  successeur  ; 
d'un  sur  la  lecture  de  l'Évangile;  d'un  sur 
l'Évangile  de  saint  Luc  et  les  Actes  des  apô- 
tres; d'un  sur  la  débauche  des  jeunes  gens; 
de  deux  traités  sur  la  charité  ;  d'un  sm'  l'u- 
nion au  vieillard  Maxime  ;  de  deux  sur  la 
passion,  dont  il  n'en  reste  qu'un;  de  trente- 
trois  traités  sm-  la  veille  de  Pâques,  dont 
nous  n'en  avons  que  cinq  ;  d'un  traité  sur 
l'Eucharistie,  qui  peut  être  le  petit  discours 
rapporté  par  saint  Fulgcnce,  dans  sa  lettre 
sur  le  baptême  d'un  Éthiopien  ;  d'un  traité 
sur  la  fête  des  Apôtres  ;  d'un  sur  la  fête  de 
saint  Salvius  ^  ;  d'un  sur  les  aumônes  des 
choses  spirituelles  ;  d'un  autre  sur  le  minis- 
tère des  choses  charnelles  ;  d'un  sur  les  au- 
mônes générales.  Nous  n'avons  plus  le  traité 
de  la  beauté  et  de  la  bienséance  que  saint 
Augustin  cite  lui-même  dans  le  chapitre  xiv 
du  quatrième  livre  de  ses  Confessions. 

7.  Possidius,  de  qui  nous  tenons  la  con-  Qm  n 
naissance  de  la  plus  grande  partie  des  li-  '"''5- 
vres  dont  nous  venons  de  parler,  avait  ^  fait 
profession,  par  la  grâce  du  Sauveur,  de  ser- 
vir par  la  foi  de  la  Trinité  divine,  première- 
ment en  qualité  de  laïque,  et  ensuite  dans 
les  fonctions  de  l'épiscopat.  Nourri  '  par 
saint  Augustin  du  pain  et  de  la  science  de 
Dieu,  il  lui  fut  uni  par  les  liens  de  la  charité 
pendant  un  grand  nombre  d'années  ;  et  par 
une  ^  grâce  particulière  de  Dieu,  il  vécut 
avec  lui  dans  une  agréable  familiarité  qui 
ne  fut  troublée  par  aucune  dissension  fâ- 
cheuse durant  près  de  quarante  ans.  Il  fut  * 
d'abord  dans  le  monastère  de  ce  saint  Évê- 
que à  Ilippone,  et  puis  dans  son  clergé.  Mé- 
gale,  doyen  de  la  Numidie  et  évêque  de  Ca- 


Possid.,  in  Vit.  Aug.,  cap.  xxxl. 

1  liid        («Il  M     V  1  r 


'  Ibid.j  ca[).  xil 


[IV°  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


lame,  étant  mort  en  397,  Possidius  fut  choi- 
si pour  lai  succéder,  mais  après  que  ce  siège 
eût  vaqué  longtemps  ;  si  l'on  n'aime  mieux 
dire  qu'il  y  eut  un  autre  évêque  entre  Mé- 
gale  et  Possidius.  On  ne  doute  pas  qu'il  n'é- 
tablit dans  son  Église  la  vie  monastique, 
dans  laquelle  il  avait  lui-même  été  formé  :  et 
c'est  de  là  apparemment  qu'il  est  parlé  des 
serviteurs  '■  de  Dieu,  et  des  pauvres  très-re- 
ligieux de  Calame.  On  ne  peut  mettre  qu'a- 
près l'an  401 ,  la  lettre  ^  qu'il  écrivit  à  saint  Au- 
gustin, pour  le  consulter  sur  les  ornements 
des  femmes  mariées,  et  sur  l'ordination  d'un 
jeune  homme  baptisé  par  les  donatistes.  Sur 
le  premier  chef,  le  saint  Docteur  hii  répondit 
qu'il  ne  fallait  pas  défendre  si  absolument 
les  ornements  aux  personnes  mariées,  ex- 
cepté le  fard  ou  les  choses  qui  peuvent  sen- 
tir la  magie.  Il  lui  dit,  sur  le  second,  que 
comme  l'on  n'avait  '  permis  d'ordonner  un 
homme  baptisé  par  les  donatistes,  que  parce 
qu'alors  on  manquait  de  clercs,  il  ne  peut 
lui  conseiller  d'en  user  de  même  ;  mais  que 
s'il  y  est  contraint,  il  ne  l'en  empêchera  pas. 
En  403,  Possidius  se  trouva  *  au  concile  de 
Carthage,  et  l'année  suivante,  se  voyant  at- 
taqué par  les  donatistes  qui  étaient  puissants 
à  Carthage,  il  fit  ^  sommer  Crispin,  l'un  des 
plus  anciens  et  des  plus  célèbres  de  leur 
secte,  pour  entrer  avec  lui  en  conférence 
publique.  Crispin  ayant  répondu  qu'il  ver- 
rait dans  le  concile  que  ceux  de  son  parti 
devaient  assembler,  quelle  réponse  il  aurait 
à  faii'e,  Possidius  le  somma  une  seconde  fois  : 
Crispin  ne  répondit  que  par  une  bravade. 
Mais  ceux  de  cette  secte,  sachant  que  Pos- 
sidius devait  sortir  ^  un  certain  jour  de  Ca- 
lame pour  visiter  un  endroit  de  son  dio- 
cèse nommé  Fugiline,  allèrent  l'attendre  en 
armes  sur  le  chemin  comme  des  voleurs. 
Possidius  ayant  eu  avis  de  leur  embuscade, 
l'évita  en  se  réfugiant  en  un  lieu  appelé  Li- 
vet.  Les  donatistes  le  surent,  vinrent  inves- 
tir avec  des  gens  armés  la  maison  où  Possi- 
dius s'était  retii'é,  l'attaquèrent  à  coups  de 
pierres  et  y  mirent  le  feu.  Les  habitants  du 
lieu,  voyant  le  danger  auquel  ils  s'exposaient 
eux-mêmes,  en  laissant  commettre  un  si 
grand  outrage,  firent  tous  leurs  efforts  pour 


563 

arrêter  la  fureur  des  donatistes,  et  éteigni' 
rent  le  feu  jusques  à  trois  fois.  Ceux-ci,  de- 
meurant inexorables,  continuèrent  leurs  vio- 
lences, enfoncèrent  la  porte,  tuèrent  toutes 
les  bêtes  de  monture  qu'ils  trouvèrent  dans 
l'écurie,  et,  s'étant  saisis  de  Possidius,  lui 
firent  toutes  sortes  d'outrages  et  de  mauvais 
traitements.  Il  eut  toutefois  une  conférence 
publique  avec  Crispin  sur  la  différence  des 
deux  communions.  Elle  se  fit  à"  trois  repri- 
ses, et  celui-ci  y  fut  convaincu  d'héi'ésie,  et 
ensuite  condamné  à  payer  à  Possidius  dix 
livres  d'or.  Mais  Possidius  intercéda  pour  lui 
auprès  du  proconsul,  et  obtint  qu'il  ne  paie- 
rait point  cette  somme.  Il  assista  en  407  '  au 
concile  de  Carthage,  où  il  fut  commis  avec 
saint  Augustin  et  quelques  autres  évêques 
pour  juger  l'affaire  de  Maurence,  que  l'on 
croit  avoir  été  évêque  de  Tubursique  dans 
la  Numidie.  L'année  suivante  '  408,  les  païens 
de  Calame  en  brûlèrent  l'église  et  cherchè- 
rent même  le  saint  évêque  pour  le  tuer,  eu 
vengeance  de  ce  qu'il  avait  publié  la  loi  du 
24  novembre  407,  qui  défendait  les  solenni- 
tés sacrilèges  du  paganisme.  Cela  l'obligea 
de  faire  un  voyage  en  Italie  pour  demander 
justice  à  l'Empereur.  Il  fut  député  vers  ce 
prince,  en  410  ",  parle  concile  de  Carthage, 
et  on  croit  que  ce  fut  sur  cette  députation 
qu'Honorius  renouvela  les  lois  faites  contre 
les  hérétiques  et  les  païens,  et  qu'il  accorda 
la  conférence  qui  se  tint  dans  cette  vifie  en 
411.  Possidius  fut  l'un  des  sept  évêques 
choisis  pour  soutenir  la  cause  de  l'Église 
contre  les  donatistes.  En  416,  il  écrivit  au 
pape  Innocent  contre  '°  les  pélagiens,  avec 
les  autres  évêques  du  concile  de  Milève.  En 
418,  il  fit  un  voyage  à  Alger  avec  saint  Au- 
gustin. L'année  suivante,  il  assista"  au  con- 
cile de  Carthage,  et  fut  du  nombre  de  ceux 
que  l'on  députa  pour  juger  les  affaires  qui 
restaient  après  ce  concile.  Il  est  marqué,  dans 
le  vingt-deuxième  livre  '^  de  la  Cité  de  Dieu, 
que  Possidius  procura  à  son  Église  des  reli- 
ques de  saint  Etienne ,  qui  opérèrent  un 
grand  nombre  de  miracles.  La  ville  de  Ca- 
lame ayant  été  prise  dès  l'an  430  par  les 
Vandales,  Possidius  fut  obligé  de  se  "  ré- 
fugier à  Hippone,   où  il  demeura  jusques 


*  August.,  Epist.  104.  —  2  Idem,,  Epist.  â4S. 
'  Tom.  II  Concil.,  pag.  1084.   —  *  Tom.  II  Con- 
çu., pag.  1103. 
'  August.,  lib.  m  in  Crescon.,  cap.  slvi. 
^  Possid.,  in  Vit.  Aug.,  cap.  su. 


''  Tom.  Il  Concil.,  pag.  1117. —  ^  August.,  Epist. 
254,  —  9  Tom.  II  Concil,  pag.  1121.  —  ">  August., 
Epist.  177.-11  Tom.  II  Concil.,  pag.  1132. 

12  Lib.  XXII  De  Civit.  Dei,  en  p.  viir. 

"  Possid.,  in  Vit.  Aug.,  cap.  xxviii. 


564  HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES 

-vers  la  fin  de  l'année  suivante  ;  cela  lui  don- 
na lieu  d'être  présent  à  la  mort  de  saint 
Augustin,  arrivée  le  28  août  430.  Il  en  écri- 
vit la  vie  quelque  temps  après'  et  comme  il 
le  marque  lui-même,  avant  queCirthe  et  Car- 
tilage fussent  prises  par  les  Vandales,  c'est- 
à-dire  avant  l'an  439.  Il  l'écrivit  sur  ce  qu'il 
avait  ^  appris  de  la  bouche  de  saint  Augus- 
tin, ou  sur  ce  qu'il  en  avait  vu  lui-même,  et 
il  proteste  qu'il  y  emploie  une  foi  non  feinte, 
et  toute  la  sincérité  nécessaire  pour  servir 
et  pour  plaire  tant  à  Dieu  qu'aux  bommes 
ses  serviteurs,  tâchant  de  satisfaire  d'une 
part  à  la  charité  des  fidèles  enfants  de  l'E- 
glise, et  de  ne  point  blesser  de  l'autre  la  vé- 
rité du  Père  des  lumières,  et  n'ayant  pour 
but  que  d'employer  à  l'édification  de  l'Église 
les  talents  que  Dieu  lui  avait  donnés  '.  Il  est 
compté  dans  la  Chronique  de  saint  Pi'osper  ^ 
entre  les  plus  iUustres  évêques  que  Genséric 
chassa  en  437  de  leurs  églises  et  de  leurs  vil- 
les, pour  leur  confiance  à  défendre  la  foi  ca- 
tholique que  ce  prince  voulait  ruiner  dans 
ses  États.  On  ne  sait  point  l'année  de  sa 
mort,  mais  sa  fête  ^  est  marquée  au  dix-sep- 
tième de  mai. 

ARTICLE  XVI. 

DOCTRINE   DE   SAINT   AUGUSTIN. 

Voici   ce  qu'on  remarque  sur  l'Ecriture 
Sainte. 
Sur  l'Écri-       1.  «Nous lisons^ que  Dieu  écrivit  autrefois 


AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 

la  loi  de  son  propre  doigt,  et  qu'il  la  donna 
à  son  peuple  par  Moïse  son  serviteur.  Plu- 
sieurs, par  ce  doigt  de  Dieu,  entendent  le 
Saint-Esprit.  Si  donc  par  les  doigts  de  Dieu 
nous  pouvons  entendre  ces  mêmes  serviteurs 
de  Dieu  et  ses  ministres  pleins  du  Saint-Es- 
prit, parce  qu'il  agit  en  eux  et  par  eux  ; 
comme  c'est  par  ces  personnes  que  tonte 
l'Écriture  nous  a  été  donnée ,  rien  ne 
nous  empêche,  dit  saint  Augustin,  de  pren- 
dre le  nom  de  deux  qu'on  lit  dans  le 
verset  quatrième  du  psaume  viii  :  Je  verrai 
vos  cieux  qui  sont  l'ouvrage  de  vos  doigts,  pour 
les  livres  dé  l'un  et  de  l'autre  Testament. 
Ils  sont  l'ouvrage  des  doigts  de  Dieu,  puis- 
qu'ils ont  été  écrits  par  le  Saint-Esprit  qui 
animait  les  saints  et  agissait  par  eux.  » 

Ce  Père  dit  ailleurs'  qu'il  nous  est  venu 
des  lettres  de  la  sainte  cité  d'où  nous  som- 
mes exilés;  que  ces  lettres  sont  les  Écritures 
saintes  qui  nous  exhortent  à  bien  vivre  ;  que 
Jésus-Christ  ^  après  avoir  premièrement  parlé 
par  les  prophètes,  ensuite  par  lui-même, 
puis  par  les  apôtres,  a  composé  l'Écriture 
qu'on  nomme  canonique,  qui  est  d'une  très- 
grande  autorité,  et  sur  l'autorité  de  laquelle 
nous  croyons  les  choses  qu'il  ne  nous  est 
pas  permis  d'ignorer,  et  que  nous  ne  pou- 
vons connaître  par  nous-mêmes. 

2.  Sur  l'infaillibifité  de  l'Écriture-Sainte,  il 
s'exprime  ainsi  :  «  J'avoue,  dit-il  °  à  saint 
Jérôme,  que  les  livres  canoniques  sont  les 
seuls  que  j'ai  appris  à  révérer  jusqu'au  point 


Soailf. 
biUI6. 


1  Le  cardinal  Maï  a  publié,  tome  I  Biblioth. 
Nov.  Pat.,  pag.  160-161,  des  fragments  nouveaux 
de  cette  vie  qui  doivent  être  placés  au  chapi- 
tre XXXI  après  ces  mots  :  «  Sana  fide  in  Ecclesia 
prœdicavit ;  »  ou  mieux  :  «  Sana  mente,  simoque 
consilio  in  Ecclesia  prœdicavit.  »  On  y  voit  la 
mort  de  saint  Augustin  arrivée  le  troisième  mois 
du  siège  d'Hip^jone,  les  éloges  donnés  au  saint 
évêque  qui  surpasse  en  érudition  et  en  travaux 
Varron,  Origène.  Une  addition  faite  longtemps 
après  parle  de  la  translation  de  son  corps  en  Sar- 
daigne  et  de  là  à   Pavie  {L'éditeur). 

s  Possid.,  Prœfat.  in  Yit.  Aug. 

'  Prosp.  in  Chronic.  ad  an.  437. 

*  Cette  vie  se  trouve  au  tome  X,  Append.,  dans 
l'édition  donnée  par  Gaume  ;  tom.  XI,  dans  l'édi- 
tion Migne;  tome  1,  XXXlt  de  la  Patrologie  li- 
tine.  On  l'a  réimprimé  à  part,  à  Rome,  en  1731  et 
à  Augsbourg,  en  176S,  in-S"   (L'éditeiir). 

5  BoUand.,  ad  diem  il  ilaii.,  pag.  23. 

6  Quoniam  videbo  ccelos  tuos,  opéra  digitorum 
tuorum.  (Psal.  vni,  vers.  4.)  legimus  digito  Dei 
scriptam  legem,  et  datam  per  Moysem  sanctum 
servum  ejus  :  qiiem  digit-um  Dei  multi  inteUi- 
gu7U  Spiritnm  sanction;  quapropter   si   digitos 


Dei,  eosdem  ipsos  ministros  Spiritu  sancto  replè- 
tes, jiropter  ipsum  spiritum  qui  in  eis  operatur, 
recte  accipimus;  quoniam  per  eosdem  nobis  om- 
nis  divina  Scriptura  confecta  est,  convenienter 
hoc  loco  cœlos  dictas  libros  utriusque  Testamen- 

ti isti  quippe  cœli,  id  est  isti  libri,  opéra  sunt 

digitorum  Dei.  Sancto  etenim  Spiritu  in  sanctis 
opérante  confectisunt.  August.,  in  Psai.  vni,  num. 
7  et  8,  pag.  41  et  42,  tom.  l\. 

'  De  illa  civitate,  unde  peregrinamur,  litterœ 
nobis  venerunt  :  ipsœ  sunt  Scripturœ,  quœ  nos 
hortantur  ut  bene  vivamus.  August.,  in  Psal.  se, 
Serm.  2,  num.  1. 

'  Hic  [Christus]  prius  per  Prophetas,  deinde 
per  seipsum,  poslea  per  Apostolos  quantum  esse 
judicavit.  locutus,  etiam  Srripturam  condidit, 
quœ  canonica  nominatur,  eminentissimce  aucto- 
ritatis,  cui  fidem  habemus  de  liis  rébus  qua  s 
ignorare  non  expedit,  nec  per  nosmetipsos  nosse 
idonei  sujnus.  August.,  lib.  11  De  Civit.  Dei, 
cap.  nr,  pag.  273,  tom.  VII. 

'  Ego  fateor  charitati  tuœ,  solis  eis  Scriptura- 
rum  libris,  qui  j  a  m.  canonici  appellantur,  didici 
hune  tiniorem.  honoremque  déferre,  ut  nullum 
eorum  auctorem  scribendo  aliquid  errasse  firmis- 


[lye  j.^  yo  SIÈCLES.] 

de  croire  très-fermement  qu'aucun  de  leurs 
auteurs  n'est  tombé  en  aucune  erreur.  Si 
j'y  trouve  quelque  chose  qui  semble  con- 
traire à  la  vérité,  je  crois  que  l'exemplaire 
est  fautif,  que  le  traducteur  n'a  pas  bien 
pris  le  sens,  ou  que  je  ne  l'ai  pas  entendu. 
Pour  les  autres  écrivains,  quelque  sainteté 
et  quelque  doctrine  qui  les  distingue,  je  ne 
me  fais  pas  une  loi  en  les  lisant  de  croire 
vrai  ce  qu'ils  disent:  mais  parce  qu'ils  m'ont 
persuadé,  parles  auteurs  canoniques  ou  par 
quelque  bonne  raison,  que  ce  qu'ils  disent 
est  conforme  à  la  vérité,  je  suis  persuadé 
que  vous  n'êtes  pas  d'un  autre  avis  ;  et  vous 
ne  prétendez  pas  sans  doute  qu'on  lise  vos 
livres  avec  la  même  déférence  qu'on  lit  ceux 
des  prophètes  et  des  apôtres,  que  l'on  ne 
ne  saurait  soupçonner  de  la  moindre  erreur. 
En  effet,  il  n'y  a  rien  de  plus  '  pernicieux 
que  de  croire  qu'il  y  ait  du  mensonge  dans 
les  livres  sacrés  ;  c'est-à-dire  que  ceux  par 
lesquels  l'Écriture-Sainte  nous  a  été  donnée, 
et  qui  est  de  leurs  mains,  aient  menti  dans 
quelqu'endroit  de  lem's  livres.  Car  quand  on 
pourrait  mettre  en  question  si  un  homme  de 
bien  peut  user  de  mensonge  en  quelque  ren- 
contre, il  ne  s'ensuivrait  pas  que  les  auteurs 
de  ces  livres  tout  divins  eussent  dû  en  user. 
C'est  une  question  toute  différente,  ou  plu- 
tôt il  n'y  a  pas  de  question  sur  ce  sujet, 
puisqtie  dès  que  l'on  admettra  le  moindre 
mensonge,  même  officieux,  dans  ce  qui  nous 
doit  être  d'une  si  grande  autorité,  il  n'y  aura 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


S63 


rien  dans  ces  livres  de  difficile  à  croire,  ou 
de  gênant  pour  les  mœurs,  qu'on  n'élude 
par  ce  pernicieux  principe,  et  qu'on  ne  mette 
au  rang  de  ces  mensonges  officieux,  dont  les 
écrivains  canoniques  auront  cru  devoir  user 
en  certaines  occasions.  Comment  ^  nous  dé- 
fendrons-nous par  exemple  contre  ces  mé- 
chants qui  s'élèveront  un  jour  suivant  la  pré- 
diction de  l'apôtre  saint  Paul,  et  qui  condam- 
neront le  mariage?  Que  leur  répondrons-nous 
quand  ils  nous  diront  que  tout  ce  que  cet 
apôtre  a  dit  pour  en  établir  la  sainteté,  n'a 
été  qu'un  mensonge  officieux,  par  où  il  a 
cru  devoir  empêcher  le  bruit  qu'auraient  pu 
faire  ceux  qui  avaient  de  l'attache  à  leurs 
femmes;  et  qu'en  cela  il  a  dit  non  ce  qu'il  a 
cru  vrai,  mais  ce  qu'il  a  trouvé  nécessaire 
pour  apaiser  ces  sortes  de  bruits?  Sans  cher- 
cher d'autres  exemples  ne  pourra-t-on  pas 
dire  que,  même  dans  les  endroits  de  l'Écri- 
ture qui  vont  à  relever  la  gloire  et  la  gran- 
deur de  Dieu,  il  y  a  du  mensonge  officieux 
pour  réveiller  l'assoupissement  des  hommes, 
et  les  exciter  à  l'aimer?  Ainsi  il  n'y  aura 
plus  rien  que  de  chancelant  dans  l'autorité 
toute  sainte  de  ces  livres  divins.  » 

3.  Les  manichéens  prétendaient  '  que  le 
Dieu  qui  a  donné  la  loi  à  Moïse  et  qui  a  parlé 
parles  prophètes,  n'était  point  le  véritable 
Dieu,  mais  un  des  princes  des  ténèbres; 
c'est  pourquoi  ils  rejetaient  l'Ancien  Testa- 
ment. Quant  au  Nouveau,  ils  n'en  rece- 
vaient *  que  ce  qui  leur  plaisait,  soutenant 


Sa  vérité  ot 
son  auIorilG. 


sime  credam.  Ac  si  aliquid  in  eis  offendero  litte- 
ris  quod  videatur  contrarium  veritati ,  nihil 
aliud,  quam  vel  mendosum  esse  codicem,  vel  in- 
terpreteni  non  assequutwm  esse  quod  dictum  est, 
vel  me  minime  intellexisse,  non  ambigam.  Alios 
autem  ita  lego,  ut  quantalibet  sa^nctitate  doctri- 
naqiie  polleant ,  non  ideo  vernm  puiem ,  quia 
ipsi  ita  senserunt;  sed  quia  mihi  vel  per  illos 
auctores  canonicos,  vel  probabili  ratione.  quod 
a  vero  non  abhorreat,  persuadere  potuerunt. 
Nec  te,  mi  frater,  sentir e  aliud  existimo  :  pror- 
sus,  inquam,  7ion  te  arbitror  sic  legi  tuos  libros 
velle,  tanqioam  Prophetarum,  vel  Apostolorum: 
de  quorum  scriptis,  quod  omni  errore  careant, 
dubitare  nefarium  est.  August.,  Epist.  82,  num.  3, 
pag.  190,  torn.  II. 

'  Mihi  enim  videtur  exitiosissime  credi,  aliquod 
in  libris  sanctis  haberi  mendacium,  id  est  eos 
homines,  per  quos  nobis  illa  Scriptura  ministrata 
est  atque  conscripta,  aliquid  in  libris  suis  fuisse 
mentitos.  Alia  quippe  quœstio  est,  sit  ne  ali- 
quando  mentiri  viri  boni  :  et  alia  qucestio  est, 
utrum  scriptoremsanctarum  Scripturarum  men- 
tiri oportuerit  :  imo  vero  non  alia,  sed  nulla 
quœstio  est.  Admisse  enim  semel  in  tantum  auo- 


toritatis  fastigium  ofjicioso  aliquo  mendacio , 
nulla  illorum  librorumpartvula  remanebit,  quœ 
non  ut  cuique  videbitur  vel  ad  mores  difficilis, 
vel  ad  fldem.  incredibilis,  eadem  perniciosissima 
régula  ad  mentientis  auctoris  consilium,  offi- 
ciumque  referatur.  August.,  Epist.  28,  num.  3 
pag.  46  et  47. 

2  Qiiid  respondebimus,  cum  exsurrexerint  per- 
versi  homines,  prohibentes  nuptias,  quos  futuros 
ipse  {Apostohis)  prœnuntiavit,  et  dixerinl  totum 
illud,  quod  idem  Apostoliis  de  matrimoniorum 
jure  firmando  locutus  est,  propter  homines  qui 
dilectione  conjugiim  tumultuari  poterant,  fuisse 
mentitum  :  scilicet  non  quod  hoc  senserit,  sed  ut 
illorum  placaretur  adversitas?  Non  opus  est 
muUa  commemorare  :  possunt  enim  videri  etiani 
de  laudibus  Dei  esse  offlciosa  mendacia,  ut  apud 
homines  pigriores  dilectio  ejus  ardescat  ;  atque 
ita  nusquam  certa  erit  in  libris  sdnctis  caslw 
veritatis  auctoriias.  August.,  Epist.  28,  num.  4, 
pag.  47.  Yide  Epist.  40,  num.  3,  pag.  84. 

3  August.,  lib.  De  Hœresibus.  Heer.  xlvi,  pag. 
16,tom.  VIII. 

'  Manichœi  non  solum  omnes  Veteris  Instrc- 
menti  scripturas  in  ulla  auctoritate  non  habent, 


566 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Multll.    XXTI, 
W. 


avec  une  impudence  '  détestable  qu'il  avait 
été  corrompu,  et  ^  falsifié.  Saint  Augustin 
combat  cette  erreur,  en  montrant  que  c'est 
une  folie  '  de  disputer  de  la  vérité  des  livres 
saints  qui  sont  autorisés  de  l'approbation  des 
Églises  dispersées  dans  toutes  les  provinces 
de  l'univers.  «  Venez  donc,  leur  dit-il ,  du 
moins  ceux  d'entre  vous  qui  pourront  quel- 
que jour  sortir  de  cette  erreur,  venez  en  es- 
prit de  paix  et  sans  opiniâtreté.  Y  a-t-il  quel- 
qu'un qui  ne  tombe  d'accord  que  s'il  est  bon 
d'aimer  Dieu  et  le  prochain,  tout  ce  qui  est 
enfermé  dans  ces  deux  préceptes  ne  saurait 
être  blâmé  raisonnablement  ?  II  est  ridicule 
de  me  demander  ce  qu'ils  contiennent,  puis- 
que vous  le  pouvez  apprendre  de  Jésus- 
Christ.  Écoutez  ces  paroles  :  En  ces  deux  pré- 
ceptes consistent  toute  la  loi  et  tous  les  prophè- 
tes. Que  peut  dire  ici  l'opiniâtreté  la  plus  té- 


méraire? Que  Jésus-Chriît  n'a  pas  dit  cela? 
Ces  paroles  sont  écrites  dans  l'Évangile.  Que 
ce  qui  y  est  écrit  a  été  falsifié?  Qu'y  a-t-il 
de  plus  impie  que  ce  sacrilège ,  de  plus  im- 
pudent que  ce  mensonge ,  de  plus  criminel 
que  cette  hardiesse  ?  Ceux  qui  adorent  des 
idoles  et  qui  haïssent  jusqu'au  nom  même 
de  Jésus-Christ,  n'ont  jamais  osé  dire  rien 
de  semblable  contre  ces  mêmes  Écritures; 
parce  que  ce  serait  ruiner  tous  les  ouvrages 
des  lettres  et  des  sciences,  et  abolir  tous  les 
livres  qui  ont  eu  cours  dans  le  monde,  et  qui 
se  sont  conservés  d'âge  en  âge,  de  vouloir 
encore  douter  de  ce  qui  est  établi  par  une 
révérence  si  religieuse  des  peuples,  de  ce 
qui  est  confirmé  par  un  consentement  si 
universel  des  hommes,  et  par  une  si  longue 
suite  de  siècles;  et  de  les  révoquer  en  doute 
jusqu'au  point  de  ne  vouloir  pas  que  l'Évan- 


verum  etiam  eas  quœ  ad  Noviim  Testamentum 
pertinent  sic  accipiunt,  ut  sua  quodam privilegio, 
immo  sacrilegio,  quod  volunt  sumant,  quod  no- 
lunt  rejiciant.  August.,  lib.  De  Dono  perseveran- 
tiœ,  nmn.  26,  pag.  834,  tom.  X. 

1  ilanichœi  non  accipiunt  Scripturas  sanctas 
Yeteris  Instrumenti,  in  quibus  originale  pecca- 
tum  narratur,  et  qiiidquid  inde  in  liiteris  apos- 
tolicis  legitur  detestabili  impudentia  immissum 
fuisse  contendunt  a  corruptoribus  Scripturarum, 
tanquam  non  fuerit  ab  apostolis  dictum.  August., 
lib.  I  Retract.,  cap.  ix,  pag.  15,  tom.  I. 

2  August.,  lib.  V  Confes.,  cap.  xi,  pag.  117, 
tom.  1. 

3  Quamobrem  adestote  animis,  manichœi,  si  qui 
forte  illa  superstitione  ita  tenemini,  ut  evadere 
aliquando  possitis.  Adestote,  inquam.  sine  perti- 
nacia,  sine  studio  resistendi  :  nam  aliter  vobis 
perniciosissimum  est  judicare.  Certe  enim  nemini 
dubium  est,  nec  aversi  vos  ita  estis  a  vero,  ut 
non  intelligatis,  si  dUigere  Deum  et  proximum 
bonum  est,  quod  negare  nemo  potest,  quidciidd 
in  his  duobus  prœceptis  pendet,  vituperari  jure 
no7i  passe.  Quid  ergo  in  iis  pendeat,  ridicuium 
est  si  a  me  quœrendum  esse  putas.  Ipsum  Chris- 
tum  audi,  audi,  inquam  Christum-,  audi  Dei  sa- 
pientiam  :  In  bis,  inquit,  duobus  prajceptis  tota 
lex  pendet,  et  omnes  propbetfe.  Quid  hoc  loco 
potest  dicere  impiidentissima  pertinacia?  ?lon 
hoc  Christum  dixisse?Àt  in  Evangelio  verba  ejus 
ista  conscripta  sunt.  Falsum  esse  scriptum  ?■ 
Quid  hoc  sacrilegio  viagis  impium  reperiri  po- 
test? Quid  ista  voce  impudentius?  Quid  auda- 
cius?  Quid  sceleratius ?  Simulacrorum  cuUores, 
qui  Christi  etiam  nomen  oderunt,  nunquam  hoc 
adversus  Sc7iptiiras  illas  ausi  sunt  dicere.  Con- 
sequetitr  nanique  omnium  litterarum  summa 
perversio,  et  omnium  qui  7nemoriœ  mandali  sunt 
libroruni  abolitio ,  si  quod  tanta  populorum 
religione  reboratum  est;  tantahominum  et  lem- 
porum  consensione  firmatum  in  hanc  dubita- 
tionem  adduciticr,  ut  ne  historiœ  quidem  vulga- 


ris  fldem  possit  gravitatemque  obtinere.  Postre- 
mo  quid  de  Scripturis  ullis  prof  erre  poteris,  ubi 
mihi,utihac  voce  non  liceat,si  contra  meam  ra- 
tiocinationem  intentionemque  proferatur  ?  Illud 
vero  quis  ferre  possit,  quod  7ios  7iotissimis  ac 
jam  in  manibus  omnium  libris  constitutis  cre- 
dere  vêtant,  et  iis  quœ ipsi  prof erunt  imperant  ui 
credamus?  Si  de  Scriptura  dubitandum  est,  de 
qua  magis  quam  quœ  diffamari  non  meruit . 
quœve  potuit  sub  nomine  alio  tota  mentiri?  Si 
istam  obdis  invita  et  auctoritatis  exagerationc 
cogis  in  fidem;  ego  ne  de  illa,  quam.  constanter 
latissime  divulgatam  video,  et  Ecclesiarum  per 
totum  orbem  dispersarum  contestatione  muni- 
tam,  dubitabo  miser,  et  quod  est  miserius,  te 
auctore  dubitabo?  Cum  si  exemplaria  proferres 
altéra,  tenere  non  deberem,  nisi  ea  quœ  pluiium 
consensione  commendarentur,  nunc  nihil  te  pro- 
ferente  conféras ,  prœter  inanissimam  vocem 
temeritatisque  plenissimam,  putabis  usque  adeo 
genus  humanum  esse  perrersum,  et  divinœ  Pro- 
vedetitiœ  ope  desertum,  ut  i'Ais  Scripturis,  non  a 
te  prolatas  alias  qiiibus  redarguuntur,  sed  tua 
tantum  verba  prœponat?  Profcrendus  est  nam- 
que  tibi  alius  codex  eadem  continens.  sed  tamen 
incorruptus  et  verior,  ubi  sola  desint  ea  quœ 
hic  immissa  esse  criminaris.  Ut  si,  verbi  causa, 
Pauli  Epistolam,  quœ  ad  Romanos  scripta  est, 
corrwptam  esse  contendis,  aliam  proferas  incor- 
ruptam,  vel  alium  codicem  potius,  in  quo  ejus- 
dem  apostoli  eadem  Epistola  sincera  et  incor- 
rupta  conscripta  sit.  Kon  faciam,  inquis,  ne  ipse 
corrupisse  credar,  hoc  enim  soletis  dicere;  et  ve- 
7-um  dicitis  :  nihil  prorsus  aliud  suspicabuntur, 
vel  mediocriter  cordati  homines,  si  hoc  feceris. 
Vide  ergo  lu  ipse  quid  de  auctoritate  tua  judica- 
veris  :  et  intellige  utrum  tuis  verbis  contra  illas 
Scripturas  credere  debeant,  si  codici  ob  hoc  so- 
ium  quod  abs  te  profertur,  magnœ  temeritalit. 
est  credere.  August.,  lib.  1  De  Morib.  Ecoles.,  cap. 
XXIX,  pag.  707  et  708,  tom.  I. 


[iV«  ET  V°  SIÈCLES.] 

gile  soit  d'une  autorité  égale  à  celle  des  his- 
toires ordinaires  ;  que  si  cette  extravagance 
avait  lieu,  quel  texte  pourriez-vous  alléguer 
de  quelque  livre  que  ce  soit  que  je  ne  puisse 
réfuter  de  cette  sorte,  si  vous  vous  en  serviez 
contre  moi?  Mais  est-il  supportable  que  les 
manichéens  nous  défendent  de  croire  à  des 
Hvres  connus  de  toute  la  terre,  et  qui  sont 
entre  les  maius  de  toutes  les  nations,  pen- 
dant qu'ils  nous  obligent  de  croire  à  ceux 
qu'ils  produisent,  sous  le  nom  emprunté  des 
apôtres  ?  S'il  faut  douter  de  quelque  Ecriture, 
n'est-ce  pas  de  celle  qui  ne  s'est  acquise  au- 
cune réputation  parmi  les  peuples,  et  qui,  ne 
paraissant  que  sous  un  nom  supposé,  peut 
être  fausse  en  toutes  ses  parties?  Que  si 
vous  vouhez  engager  celui  qui  n'y  croit  pas, 
à  y  ajouter  foi  par  la  force  de  l'autorité; 
comment  ne  croirai-je  pas  à  celle  qui  est  ré- 
pandue en  tant  de  lieux,  et  qui  a  l'approba- 
tion des  Églises  dispersées  dans  toutes  les 
.provinces  de  l'univers?  Ce  qui  est  encore 
plus  ridicule,  douterai-je  de  la  vérité  de  ces 
livres  saints  sur  votre  parole,  puisque  même, 
si  vous  en  produisez  quelques  exemplaires, 
je  ne  devrais  suivre  que  ceux  qui  seraient 
suivis  et  approuvés  de  plus  de  personnes? 
Maintenant  donc  que  vous  n'apportez  que 
des  paroles  vaines  et  téméraires,  vous  ima- 
ginez-vous que  nous  soyons  si  dépourvus  de 
sens,  et  si  abandonnés  de  la  Providence  di- 
vine que  nous  préférions  vos  seules  paroles 
à  ces  divines  Écritures?  Car  il  faut  que  vous 
produisiez  un  autre  exemplaire  qui  contienne 
les  mêmes  choses,  et  qui,  néanmoins,  ne  soit 
point  falsifié ,  mais  plus  véritable  que  les 
autres,  dans  lequel  ce  que  vous  dites  avoir 
été  ajouté  ne  se  trouve  point,  quoique  tout 
le  reste  y  soit.  Par  exemple,  si  vous  soutenez 
que  l'Epître  de  saint  Paul  aux  Romains  est 
corrompue,   il  faut  que  vous  en  apportiez 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


367 


une  qui  ne  le  soit  pas,  ou  plutôt  un  autre 
exemplaire  dans  lequel  elle  soit  toute  en- 
tière et  sans  aucune  altération.  Je  ne  le 
ferai  pas,  dites-vous,  de  peur  qu'on  ne  croie 
que  je  l'ai  moi-même  corrompue.  C'est  ce  que 
vous  dites  d'ordinaire,  et  vous  dites  vrai.  Si 
vous  en  produisiez  une,  tous  les  hommes  qui 
ont  un  peu  de  jugement  ne  soupçonneraient 
autre  chose.  Considérez  donc  quelle  estime 
vous  avez  vous-mêmes  de  votre  autorité  sur 
les  esprits  :  et  jugez  si  on  doit  croire  à  vos  pa- 
roles contre  ces  saintes  Écritures,  puisque 
ce  serait  une  grande  témérité  d'ajouter  foi 
à  un  exemplaire  à  cause  seulement  que  c'est 
vous  qui  le  produiriez.  » 

Saint  Augustin  soutient  '  aussi  contre 
Fauste  le  manichéen  les  livres  de  l'Ancien 
et  du  Nouveau  Testament,  qu'il  distingue 
des  autx^es  livres,  en  ce  que  leur  autorité 
s'est  conservée  depuis  les  apôtres  par  la 
succession  des  évêques,  et  par  les  établisse- 
ments des  Églises  en  divers  lieux.  «  La  pa- 
role de  Dieu,  dit-il,  y  est  mise  comme  dans 
un  trône,  afin  que  tous  les  fidèles  lui  obéis- 
sent; si  l'on  y  rencontre  quelque  chose  qui 
paraisse  absurde,  il  n'est  pas  permis  d'en  re- 
jeter la  faute  sur  l'écrivain  sacré  ;  mais  il 
faut  dire,  ou  que  l'exemplaire  est  fautif,  ou 
que  l'interprète  s'est  trompé,  ou  que  nous  ne 
l'entendons  pas  ;  n'étant  aucunement  permis 
de  douter  de  la  vérité  de  tout  ce  qui  y  est  ; 
parce  qu'autrement  nous  n'aurions  plus  de 
livres  pour  diriger  la  faiblesse  de  notre  igno- 
rance, si  l'autorité  salutaire  de  ceux  qui 
sont  canoniques  était  abolie  entièrement 
par  le  mépris,  ou  si  l'on  y  donnait  atteinte 
par  quelque  doute.  » 

4.  Il  s'exprime  ainsi  sur  les  règles  que 
l'on  doit  suivre  pour  distinguer  les  livres 
canoniques  :  a  Celui  qui  veut  ^  pénétrer  bien 
avant  dans  l'intelligence  des  Écritures,  doit 


BèglcF  prur 
dîf!  ingup.i  les 
livres  canoni- 
ques. 


'  Distincta  est  a  posteriorum  libris  excellentia 
canoniccB  auctoritatis  Veteris  et  Novi  Testamenti, 
qwœ  Àpostolorum  confirmata  temporibns  per 
successiones  e-piscoporum  et  propagationes  ec- 
clesiarum,  tanquam  in  sede  quadam  sublimiter 
constituta  est,  oui  serviat  omiiis  fidelis  et  pius 
intellectus.  Ibi  si  quid  veliit  absurdum  moverit, 
non  licet  dicere  :  Auctor  hujus  libri  non  tenuit 
veritatem  ;  sed,  aut  codex  mendosus  est,  aut  in~ 
terpres  erravit,  aut  tu  nonintelligis...  In  illa 
canonica  eminentia  sacrarum  litterarum,  etiam 
si  unus  propheta,  seu  apuslolus,  aut  evangelista 
aliqtiid  in  suis  litteris  posuisse  ipsa  canonis  con- 
firmatione  declaratur,  non  licet  dubitare  quod 
verum  sit  :  alioqimi  nulla  erit  pagina  qua  hu- 


manœ  imperitiœ  regatur  infirmitas,  si  librorum 
canonicorum  saluberrima  auctoritas,  aut  con- 
tenta penitus  abolelur,  aut  interminata  confun- 
ditur.  August.,  lib.  XI  Contra  Faust.,  cap.  v, 
pag.  221-222,  tom.  VIII. 

^  Erit  igitur  divinarum  Scripturarum  solertis- 
simus  indagator,  qui  primo  totas  legerit,  notas- 
que  habuerit,  si  nondum  intellectu,  jam  tamen 
lectione  duntaxat  eas  quœ  appellantur  canonicœ. 
Nam  cœleras  securius  leget  fide  verilatis  ins- 
tructus,  ne  prœoccupent  inlbecillem  anim^im,  et 
periculosis  mendaciis,  atque  phanlasmatis  elu- 
dentes  prœjudicent  aliquid  contra  sanam  intelli- 
gentiam.  In  canonicis  autem  Scripturis  ecclesia-  ' 
rum,  catholicarum,  quam  pluritim  auctoritatem 


S68 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


commencer  "par  les  lire  toutes,  afin  de  les 
connaître  du  moins  par  cette  lecture,  jus- 
qu'à ce  qu'il  puisse  les  comprendre.  Cela  ne 
s'entend  que  de  celles  qui  sont  appelées  ca- 
noniques. Car  pour  les  autres  il  est  bon, 
avant  de  les  lire,  d'être  instruit  des  vérités 
de  la  foi,  afin  que  l'esprit  encore  faible  ne 
souffre  point  des  erreurs  ou  des  chimères 
qui  peuvent  s'y  rencontrer.  Pour  connaître 
les  livres  canoniques  il  faut  s'en  rapporter  à 
l'autorité  des  Églises  catholiques  qui  sont  en 
plus  grand  nombre,  et  surtout  à  celles  qui 
ont  mérité  d'être  le  siège  des  apôtres,  et 
d'en  recevoir  des  lettres.  On  doit  préférer 
ceux  qui  sont  reçus  de  toutes  les  Églises  ca- 
tholiques, à  ceux  qui  ne  sont  reçus  que  de 
quelques-unes  ;  et  à  l'égard  de  ceux  qui  ne 
sont  point  reçus  de  toutes  les  Églises,  il  faut 
préférer  ceux  qui  sont  reçus  des  Églises 
plus  considérables  et  en  plus  grand  nombre 
à  ceux  qui  ne  le  sont  que  dans  un  petit  nom- 
bre d'Églises  ,  et  dont  l'autorité  se  trouve 
moindre.  Que  si  l'on  remarque  que  les  uns 
soient  reçus  par  un  plus  grand  nombre,  et 
les  autres  par  des  Églises  plus  considéra- 
bles ,  quoiqu'il  soit  assez  difficile  que  cela 


arrive,  alors  on  doit  leur  attribuer  une  égale 
autorité.  » 

3.  Sur  le  canon  des  Écritures  saint  Augus-  .. 
tin  dit  :  «  C'est  par  une  vigilance  salutaire 
que  l'on  a  établi  '  le  Canon   ecclésiastique 
qui  contient  les  livres  des  prophètes  et  des 
apôtres,  dont  nous  n'osons  juger,  et  selon 
lesquels  nous  jugeons  de  tous  les  autres 
écrits  des  fidèles  et  des  infidèles.  Ce  canon 
renferme  les  livres  suivants.  Les  cinq  livres 
de  Moïse  ^  qui  sont  la  Genèse ,  l'Exode,   le 
Lévitique,  les  Nombres  et  le  Deutéronome; 
le  livre  de  Josué,  le  livre  des  Juges;  un  pe- 
tit livre    qu'on  appelle  de  Rutli,  qui  paraît 
être  plutôt  le  commencement  de  l'histoire  des 
Rois,  les  quatre  livres  des  Rois,  et  les  deux 
des  Paralipomènes,  qui  n'en  sont  pas  pro- 
prement une  suite,  mais  comme  un  supplé- 
ment :  ce  qui  doit  les  faire  marcher  ensem- 
ble. Tous  ces  livres  renferment  le  cours  des 
années  et  l'ordre  de  divers  événements.  Il  y 
en  a  d'autres  qui  paraissent  disposés  dans  ■ 
un  ordre  contraire,  étant  placés  sans  aucune 
suite,  ni  liaison  des  uns  avec  les  autres. 
Tels  sont  les  livres  de  Job,  de  Tobie,  d'Es- 
ther  et  de  Judith.  Les  deux  livres    des  Ma- 


^laia    (g 

;ritirai. 


sequatur,  inter  quos  sane  illœ  sint,  quœ  aposto- 
licas  sedes  habere  et  epistolas  accipere  merue- 
runt.  Tenebit  igitur  hune  mndum  in  Scripturis 
canonicis,  ut  eas  quœ  ab  omnibus  accipiuntur 
ecclesiis  catholicis,  prœponat  eis  quas  quœdam 
non  accipiunt  :  in  eis  vero  quœ  non  accipiuntur  , 
ab  omnibus ,  prœponat  eas  quas  plures  gravio- 
resque  accipiunt,  eis  quas  pauciores  minorisque 
aucloritalis  ecclesiœ  tenent.  Si  autem  alias  in- 
venerit  a  pluribus,  alias  a  gravioribus  haberi, 
quanquam  hoc  facile  inveiiire  non  possit,  œqua- 
ïis  tamen  aucloritalis  eas  habendas  pulo.  Au- 
gust.,  lib.  II  De  Docl.  christ.,  cap.  vin,  num.  12, 
pag.  23,  tom.  III. 

1  Neque  enim  siiie  causa  tam  salubri  vigilan- 
tia  Canon  ecclesiasticus  constitutus  est ,  ad 
quem  certi  Frophetarum  et  Apostolorum  libri 
pertineant ;  quosommino  judicare non audeamus, 
et  secundum  quos  de  cœteris  litteris  vel  fxdelium, 
vel  infideli^im  libère  judicemus.  August.,  lib.  11 
Contra  Cresc,  cap.  xxxi,  tom,  IX,  pag.  430. 

2  Totus  aulem  canon  Scripturarum...  his  li- 
bris  conlinetur  :  quinque  Moyseos,  id  est  Genesi, 
Exodo,  Levitico,  Numéris,  Deuteronomio  ;  et  uno 
libro  Jesu  Nave,  uno  Judicum,  uno  libella  qui 
appellatur  Ruth,  qui  inagis  ad  Hegnorum  prin- 
cipiinn  pertinere  videlur;  deinde  quatuor  Régna- 
rwm,  et  duobus  Parulipomenon,  non  conseq-uen- 
tibus,  sed  quasi  a  latere  adjunctis.  Hœc  est  his- 
toria  quœ  sibimet  annexa  tempora  continet, 
alque  ordinem  rerum  :  sunt  aliœ  tanquam  ex 
diverso  ordine,  quœ  neque  huic  ordini,  neque  in- 
ter se  connecliintur,  sicut  est  Job,  et  Tohias,  et 
Eslher,  et  Judith,  et  Machabœorum  libri  duo  et 


Esdrœ  duo,  qui  magis  subsequi  videantur  ordi- 
natam  illam  historiam  usque  ad  Regnorum  vel 
Paralipomenon  terminatam  :  deinde  Prophetœ, 
in  quibus  David  unus  liber  Psalmorum.  et  Salo- 
moiiis  très,  Proverbiorum,  Cantica  Canticorum , 
et  Ecclesiastes.  Nam  illi  duo  libri,  unus  qui  Sa  ■ 
pientia,  et  alius  qui  Ecclesiasticus  inscribitur,  de 
quadam  aimilitudine  Salomonis  esse  dicunlur  : 
nam  Jésus  Sirach  eos  conscripsisse  constantis- 
sime  perhibetur,  qui  tamen  quoniam  in  auctori- 
tatem  recipi  meruerunt,  inter  Propheticos  »«- 
merandi  sunt.  Reliqui  sunt  eorum  libri,  qui  pro- 
prie Prophetce  appellantur.  Duodecim  Propheta- 
rum  libri  singuli,  qui  connexi  sibimet,  quoniam 
nunquam  sejuncti  sunt,  pro  uno  habentur,  quo- 
rum proplietarum  nomina  sunt  hœc:  Osée,  Joël, 
Amos,  Abdias,  Jonas,  Michœas,  Nahum,  Habacuc, 
Sophonias,  Aggœ^is,  Zacharias,  Malachias  ;  dein- 
de quatuor  Prophetœ  sunt  majorum  voliimi- 
num,  Isaias,  Jeremias,  Daniel,  Ezechiel.  His  qua- 
draginta  quatuor  libris,  Testamenti  Yeteris  ter- 
minatur  auctoritas  :  Novi  autem,  quatuor  li- 
bris Evangelii,  secundum  ilatthœum,  secun- 
dum Marcum  ,  sec^indum  Lucam ,  secundum 
Joannem  :  quatuordecim  Epistolis  Pauli  opo.s- 
toli  ad  Romanos,  ad  Corinthios  :  duabus  ad  Ga- 
latas,  ad  Ephesios,  ad  Philippenses,  ad  Thessalo- 
nicenes;  duabus  ad  Colossenses,  ad  Timolheum  ; 
duabiis  ad  Titum,  ad  Philemonem,  ad  Hebrœos  ; 
Pétri  duabus;  tribus  Jounnis  ;  una  Judœ  ,  el 
«)!£»  Jacobi;  Actibus  aposloloruin  libro  uno,  cl 
Apocalypsi  Joannis  libro  uno.  August.,  lib.  Il 
De  Doctrina  chrisiianu,  cap.  viii,  num.  13,  pag.  23 
et  24. 


rlV'  ET  7"  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

chabées  et  les  deux  d'Esdras-  semblent  être 
une  suite  de  ceux  des  Rois  et  des  Paralipo- 
mènes.  Ensuite,  nous  avons  les  prophètes, 
du  nombre  desquels  David  a  composé  un  li- 
vre de  Psaumes.  Viennent  après  les  trois  li- 
vres de  Salomon,  les  Proverbes,  le  Cantique 
des  cantiques  et  l'Ecclésiaste.  Les  deux  au- 
tres livres  dont  l'un  est  appelé  la  Sagesse,  et 
l'autre  l'Ecclésiastique,  ne  sont  mis  au  nom- 
bre des  livres  de  Salomon ,  qu'à  cause  de 
quelque  ressemblance  qu'ils  ont  avec  les 
siens;  et  ebacun  sait  que  Jésus,  fils  de  Si- 
rach,  en  est  l'auteur.  Mais  comme  ils  sont 
d'une  grande  autorité,  ils  doivent  être  mis 
au  nombre  des  livres  prophétiques.  Les  au- 
tres sont  de  ceux  qu'on  appelle  proprement 
prophètes.  Chacun  des  douze  prophètes  en 
a  écrit  un  ;  mais  comme  ils  sont  liés  ensem- 
ble et  qu'ils  n'ont  jamais  été  séparés,  les 
douze  ne  passent  que  pour  un  livre  ;  leurs 
noms  sont  Osée,  Johël,  Amos,  Abdias,  Jo- 
uas, Michée,  Nahum,  Habacuc,  Sophonie, 
Aggée,  Zacharie  et  Malachie.  Il  y  a  quatre 
livres  de  ceux  qu'on  nomme  grands  prophè- 
tes ,  savoir  Isaïe ,  Jérémie,  Daniel  et  Ézé- 
chiel.  C'est  dans  ces  quarante-quatre  livres 
qu'est  renfermée  l'autorité  de  l'Ancien  Tes- 
tament. Quant  au  Nouveau  ,  il  est  compris 
dans  les  quatre  livres  de  l'Évangile,  selon 
saint  Matthieu,  saint  Marc,  saint  Luc  et  saint 
Jean  ;  dans  les  quatorze  Épîtres  de  saint 
Paul,  dans  les  deux  de  saint  Pierre,  dans  les 
trois  de  saint  Jean,  dans  celle  de  saint  Jude, 
dans  ceUe  de  saint  Jacques,  dans  le  livre  des 
Actes  des  apôtres  et  dans  l'Apocalypse  de 
saint  Jean.  » 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  569 

6.  Saint  Augustin  '  reconnaît  en  beaucoup     Lhrcs  con- 
d'endroits  Moïse  pour  auteur  des  cinq  livres   catiio;iqc6s,ou 

.  ,  .    .,  rejetés  par  les 

qui  portent  son  nom.  Il  cite  le  troisième  hérénquos. 
d'Esdras  ^  :  en  quoi  il  n'a  fait  que  suivre 
l'usage  de  plusieurs  Pères  grecs  qui,  comme 
on  l'a  dit  '  ailleurs,  le  mettent  au  rang  des 
divines  Écritures  ;  ce  qui  n'est  point  surpre- 
nant ,  les  Grecs  s'étant  presque  toujours 
servi  de  la  version  des  Septante  comme  ils 
s'en  servent  encore  aujourd'hui.  Or,  dans  les 
exemplaires  de  cette  version,  le  troisième 
livre  d'Esdras  est  placé  parmi  les  livres  ca- 
noniques, comme  le  premier  de  cet  auteur. 
C'est  aussi  la  raison  pour  laquelle  saint  Cy- 
prien  et  saint  Augustin,  qui  ne  lisaient  ordi- 
nairement l'Écriture  que  suivant  la  version 
des  Septante,  ont  quelquefois  employé  le 
témoignage  de  ce  livre,  comme  s'il  eût  été 
d'Esdras. 

Le  saint  Docteur  croit  l'histoire  de  To- 
bie'  très-véritable,  et  regarde  comme  cano- 
nique le  livre  où  elle  est  rapportée.  Car 
après  avoir  dit  dans  la  préface  ^  d'un  de  ses 
traités  intitulé  le  Miroir,  qu'il  n'y  rappor- 
tera que  des  passages  tirés  des  livres  cano- 
niques, il  en  cite  un  grand  nombre  de  To- 
bie",  de  même  que  de  la  Sagesse  et  de  l'Ec- 
clésiastique. Il  remarque  '  néanmoins  que  ces 
trois  livres  ne  sont  point  dans  le  canon  des 
Juifs  :  «  Mais,  ajoute-t-il,  l'Église  de  Jésus- 
Clirist  les  reçoit.  »  Il  ne  forme  aucun  doute 
sur  la  vérité  de  l'histoire  '  de  Judith  et  d'Es- 
ther  :  il  en  fixe 'même  les  époques.  Il  cite  les 
cpiatorzième  '"  et  quinzième  chapitres  "  du 
livre  d'Esther,  qu'il  appelle  Écriture  '^  divi- 
ne. Il  s'est  rétracté  "'  sur  le  livre  de  la  Sa- 


1  Quinque  librosscripsitMoyses.A.vig\ist.,Serm. 
124,  cap.  m,  num.  3,  tom.  V,  pag.  604. 

'  Forte  Esdras  in  eo  Christum  prophetasse  in- 
telligendiis  est,  quod  inter  juvenes  orta  quœs- 
tione  (lib.  III  Esdr.,  cap.  in.)  quid  amplius  vale- 
ret  in  rébus  ;  cum  reges  unus  dixisset,  aller 
vinum,  tertins  irmlieres ,  quœ  plurumque  regi- 
bus imper  arent:  idem  lamen  tertius  veritatem 
super  omnia  demonstravit  esse  victricem.Augast, 
lib.  XVIIl  De  Civil.  Dei,  cap.  xsxvi,  tom.  VII, 
pag.  519. 

3  Tom.  1,  chapitre  sur  Moïse. 

*  0  lux  quam  videbat  Tobias,  cum  clausis 
oculis  islis  (ilium  docebat  vitce  viam,  etc.  Au- 
gust.,lib.  X  Conf.,  cap.  xxxiv,  pag.  tSS. 

'  August.,  in  Prœfat.  Speculi,  tom.  III,  pag.  681. 

6  August.,  in  Spécula,  pag.  733. 

'  Sed  non  sunl  omittendi  et  hi  [Sapientia,  Ec- 
clesiasticus.  Tobias),  quos  quidem  ante  Salvato- 
ris  adventum  constat  esse  conscriptos  ;  sed  eos 
non  receptos  a  Judœis  ;  recipit  tamen  ejusdem 
Saivatoris  Ecclesia.  August.,  in  Spec,  pag.  733. 


8  August.,  lib.  XVIU  De  Civil.  Dei,  cap.  xxvi , 
pag.  508. 

s  Idem  lib.  XVIIl  De  Civil.  Dei,  cap.  sxxvi,  pag. 
519. 

1"  Esther  illa  regina  Deum  timens...  in  ipsa 
oratione  sua  dixit  :  ita  sibi  esse  ornatum  re- 
gium  sicut  pannum  menstrualem  ;  et  ita  oran- 
lem  confeslim  exaudivit,  qui  cordis  inspector 
eam  verum  dicere  scivit.  [Eslher.  xiv,  16.)  Au- 
gust, Epist.  262,  num.  10,  tom.  Il,  pag.  892. 

11  In  libro  Esther  scriptum  est,  quod  cum  ha- 
beret  necessilalem  interveniendi  pro  populo 
SMO...  oravit  ad  Dominum...  et  convertit  Deus, 
et  transtulit  indignalionem  régis  in  lenilalein. 
(Esther.  xv,  11),  August.,  lib.  De  Gralia  et  libero 
arbilrio,  cap.  xxi,  tom.  X,  pag.  741-742. 

1^  Jam  sequenlia  commemorare  quid  opus  est 
ubi  Deum  complevisse  qund  illa  [Esther]  roga- 
verat,  divina  Scriplura  testalur,  etc.  August., 
lib.  I  Contra  duas  Epist.  pelagianorum,  cap.  xx, 
num.  38,  tom.  X,  pag.  428. 

'3  In  secundo  sane  libro  {de  Doctrina  chris- 


570 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


.sfesse  qu'il  avait  attribué  autrefois*  à  Jésus 
fils  de  Sirach;  déclarant  depuis^  qu'il  n'en 
connaissait  point  l'auteur,  mais  qu'il  ne  le 
croyait  pas  de  Salomon.  «  Ce  prince,  dit- 
il ',  a  prophétisé  dans  ses  trois  livres  que 
l'Église  reçoit  au  nombre  des  canoniques,  qui 
sont  les  Proverbes,  l'Ecclésiaste  et  le  Canti- 
que des  cantiques.  Pour  les  deux  autres  in- 
titulés la  Sagesse  et  l'Ecclésiastique ,  on  a 
coutume  de  les  lui  attribuer,  à  cause  de  quel- 
que ressemblance  de  style  ;  mais  les  doctes 
tombent  d'accord  qu'ils  ne  sont  pas  de  lui. 
Toutefois,  il  y  a  longtemps  qu'ils  ont  autorité 
dans  l'Église,  et  surtout  dans  celle  d'Occi- 
dent. » 

Les  semi-pélagiens  prétendaient  que  ce 
passage  du  livre  de  la  Sagesse  :  //  a  été  en- 
levé de  peur  que  son  esprit  ne  fût  corrompu 
par  la  malice,  dont  saint  Augustin  s'était 
servi  *,  n'était  d'aucune  autorité,  comme 
étant  tiré  d'un  livre  qui  n'était  point  canoni- 
que. Ce  Père  fait  voir  que  saint  Cyprien  ^ 
s'en  est  servi  avant  lui  ;  que  les  semi-péla- 
giens n'avaient  pas  raison    de   rejeter  un 


livre  que  l'Église  de  Jésus-Christ  a  jugé 
digne  d'être  lu  publiquement  par  ses  lecteurs 
dans  les  assemblées  publiques  ;  que  tous 
depuis  les  évêques,  jusqu'au  dernier  des 
laïques,  pénitents  et  catéchumènes,  l'écou- 
tent  avec  le  respect  qui  est  dû  à  la  parole 
de  Dieu  ;  et  que  les  anciens  auteurs  ecclé- 
siastiques qui  ont  vécu  dans  les  siècles  les 
plus  proches  de  celui  des  apôtres,  ayant 
employé  divers  témoignages  de  ce  livre,  on 
ne  peut  se  dispenser  de  le  recevoir  au  nom- 
bre des  divines  Écritures.  «  Il  faut  raisonner 
de  même  du  livre  de  l'Ecclésiastique,  ajou- 
te le  saint  Docteur,  quoiqu'il  ne  soit  ^  point 
dans  le  canon  des  Hébreux,  il  y  a  longtemps'' 
néanmoins  qu'il  est  autorisé  dans  l'Église, 
surtout  dans  celle  d'Occident.  »  Saint  Au- 
gustin '  le  cite  comme  Écriture  sainte,  re- 
marquant que  tous  ceux  qui  l'ont  lu  entiè- 
rement ' ,  conviennent  que  Jésus,  fils  de 
Sirach ,  en  est  l'auteur  ;  mais  qu'on  ne  lais- 
sait pas  de  l'attribuer  à  Salomon  '"  à  cause  de 
la  ressemblance  du  style.  Il  cite  Baruch  sous 
le  nom  de  Jérémie  ";  l'histoire  de  Suzanne  '^, 


tiaiia)  de  auctore  libri,  quem  plures  vacant  Sa- 
pientiam  Salomonis,  guod  etiam  ipsum  sicut  Ec- 
clesiasticum  Jésus  Sirach  scripserit,  non  ita 
constare,  sicut  a  me  dictum  est  postea  didici,  et 
omnino  probabilius  comperi  non  esse  hune  ejus 
libri  auctorem.  August.,lib.  II  Retract,  cap.  iv, 
num.  2,  tom.  I,  pag.  43. 

•  Lib.  II  De  Doctrina  christiana,  cap.  vin, 
pag.  23. 

2  A'ec  tamen  ejus  qui  Sapientia  dicitur,  qwis- 
nam  sit  auctor  non  apparet.  August.,  in  Spécula, 
pag.  733. 

2  Prophetasse  etiam  ipse  {Salomon)  reperilur 
in  suis  libris,  qui  très  recepti  sunt  in  auclorita- 
tem  canonicam,  Proverbia,  Ecclesiastes  et  Can- 
ticum  canlicorum.  Àlii  vero  duo  quorum  imus 
Sapientia,  aller  Ecclesias liens  dicitur,  propter 
'bloqua nonnullam  similitudinem,  ut  Salomonis 
dicuntur,  obtinuit  consuetudo  :  non  autem  esse 
ipsius,  non  dubitant  doctiores  :  Eos  tamen  in 
auctoritatem,  maxime  occidentalis,  anliquitus 
recepit  EccUsia.  August.,  lib.  XVII  De  Civitate 
Dei,  cap.  sx,  pag.  483. 

'•  Illud  etiam  testimonium  gwod poswisM. -Raptus 
est  ne  malitia  mutaret  intellectum  ejus,  (Sap.  iv, 
vers,  il)  tanqiiamnoncanonicum  deflniunt  amit- 
tendum.  Hiiarius,  Epist.  ad  Augustinwn,  cap.  ni, 
num.  4,  tom.  II,  pag.  827. 

"  Scripsit  librum  de  mortalitaic  Cyprianus... 
ubi  et  illud  lestimonium  ponit  de  libro  Sapien- 
ticc  :  Raptus  est  ne  malitia  mutaret  intellectum 
ejus....  non  debuit  repudiari  sententia  libri  Sa- 
pienliœ,  qui  meruit  in  Ecclesia  Christi  de  gradu 
lectorum  Ecclesiœ  Christi  tani  longa  annositate 
recitari,  et  ab  omnibus  christianis,  ab  episcopis 
usque  ad  exiremos  laïcos  fidèles,  pœnitenies,  ca- 


thecumenos,  cum  veneratione  divtnœ  auctorita- 
tis  audiri...  sed  qui  sententiis  tractatorum  ins- 
trui  volunt  oporlet  ut  istum  librum  Sapientiœ, 
ubi  legitur:Ra.ptwi  est  ne  malitia  mutaret  intellec- 
tum ejus,  omnibus  tractatoribus  anteponant; 
quoniam  sibi  eum  anteposuerunt  etiam  tempori- 
bus  proximi  apostolorum  egregiitractatores,  qui 
eum  testem  adhibentes,  nihil  se  adhibere  nisi  di- 
vinum  testimonium  crediderunt.  August.,  lib.  De 
Prœdestinalione  sanctorum,  cap.  xrv,  num.  26, 
27  et  28,  tom.  X,  pag.  807-808. 

«  August.,  lib.  XVII  De  Oclo  quœstionibus  Dul- 
citii,  quaest.  6,  num.  5,  tom.  VI,  pag.  136. 

'  August.,  lib.  XVII  De  Civitate  Dei,  cap.  xx, 
pag.  483. 

8  Recte  itaque  scriptum  est  in  sanctis  libris  : 
Initium  superbiée  hominis  apostatare  a  Deo.  [Ec- 
cl,  cap.  X,  vers.  14)  August.,  lib.  VI  De  Musica, 
num.  40,  tom.  I,  pag.  532. 

!•  lllum  vero  alterum  (librum)  quem  vocamus 
Ecclesiasticum,  quod  Jésus  quidam  scripserit, 
qui  cognominatur  Sirach,  constat  inter  eos  qui 
eumdem  librum  totum  legerunt.  August.,  la  Spé- 
cula, pag.  733. 

1»  August.,  lib.  XVII  De  Civitate  Dei,  cap.  xx, 
pag.  483. 

"  Prophetans  ergo  de  Christa  Jeremias  :  Spiri- 
tus,  inquit,  oris  nostri  Dominus  Christus,  ,etc. 
Item  alla  loco  :  Hic  Deus  meus,  inquit,  et  non 
sestimabitur  alter  ad  eum,  etc.  (Baruch.,  cap.  m, 
vers.  36.)  Hoc  testimonium  quidam  non  Jeremiœ 
sed  scribœ  ejus  attribuunt,  qui  vocabatur  Ba- 
ruch ;  sed  Jeremiœ  celebrius  habetur.  Au- 
gust., lib.  XVIII  De  Civitate  Dei,  cap.  xxxiii,  pag. 
515. 

12  August.,   Serm  343  De  Susanna ,    tom.    V, 


[ir  ET  V  siÉcxES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


I 


et  l'hymne  '  des  trois  jeunes  hébreux  jetés 
dans  la  fournaise,  comme  faisant  partie  du 
livre  de  Daniel.  Il  allègue  aussi  le  livre  des 
Macchabées  dans  plusieurs  de  ses  écrits , 
comme  dans  celui  qui  a  pour  titre  ^,  du 
Soin  qu'on  doit  avoir  pou?'  les  moi'fs  ;  dans  son 
premier  livre  contre  Gaudence,  et  dans  le 
dix-huitième  de  la  Cité  de  Dieu,  où  il  as- 
sure '  que  l'Église  de  Jésus-Christ  reconnaît 
ces  livres  pour  canoniques,  quoiqu'ils  ne 
soient  pas  reçus  par  les  Juifs. 

Il  cite  aussi  le  dernier  chapitre  de  saint 
Marc  *  et  l'histoire  ^  qui  est  rapportée  au 
vingt-deuxième  de  saint  Luc,  d'un  ange  qui 
apparut  à  Notre-Seigneur  dans  le  jardin  des 
Oliviers,  de  l'agonie,  et  de  la  sueur  de  sang  ^ 
qu'il  souffrit  en  ce  moment.  «  Jésus-Christ, 
dit-il,  a  voulu  qu'une  sueur  de  sang  coulât 
de  tout  son  corps,  pour  nous  marquer  que 
dans  son  corps  qui  est  l'Église,  le  sang  des 
martyrs  coulerait  de  toute  part  ;  et  que  " 
comme  il  n'y  avait  point  alors  de  membres 
dans  le  corps  du  Sauveur  qui  ne  répandit 
du  sang,  il  n'y  aurait  de  même  aucune  par- 


571 

tie  de  l'Église  dont  le  sang  ne  découlât  dans 
la  suite,  n  L'histoire  de  la  femme  adultère, 
rapportée  dans  le  huitième  chapitre  de  saint 
Jean,  ne  se  trouvait  point  anciennement 
dans  plusieurs  exemplaires  grecs  et  latins. 
Saint  Augustin  '  croit  que  quelques  person- 
nes de  peu  de  foi,  ou  plutôt  ennemis  de  la 
foi,  l'en  avaient  retranchée,  dans  la  crainte 
qu'elle  n'autoinsât  les  femmes  à  pécher  par 
l'espérance  de  l'impunité.  11  la  reçoit  '  com- 
me véritable,  et  l'explique  '  dans  son  Com- 
mentaire sur  cet  Évangile.  Il  remarque  ""  que 
saint  Luc  a  mis  dans  le  livre  des  Actes  des 
apôtres,  adressé  à  Théophile,  ce  qu'il  a  cru 
suffisant  pour  édifier  la  foi  des  lecteurs  ; 
qu'il  l'a  écrit  avec  tant  de  sincérité  qu'entre 
un  grand  nombre  de  livres  qu'on  a  faits  sur 
l'histoii'e  des  apôtres,  le  sien  seul  a  été  reçu 
comme  digne  de  foi,  et  qu'on  a  rejeté  tous 
les  autres  ;  que  les  manichéens  n'en  rece- 
vaient "aucune  pai-tie,  incommodés  de  ce 
qu'on  y  voyait  que  le  Saint-Esprit  promis 
dans  l'Évangile  par  Jésus-Christ  fut  envoyé 
à  ses  disciples  après  son  ascension.  Car  'l 


pag,  1323  et  1324;  et  in  Psal.  237,  num.  2,  tom.  IV, 
pag.  1526. 

'  Unde  et  in  hymno  trium  puerorum,  etiani 
lux  et  tenebrce  lauclant  Deum.  August.,  lib.  De 
Natura  boni,  cap.  xvi,  tom.  VIII,  pag.  505  et  lib. 
XI  De  Civit.  Dei,  cap.  xi,  pag.  278  et  in  Psal.  144, 
num.  13,  tom.  IV,  pag.  1618  et  1619. 

2  In  Machabœorum  libris  legiinus  oblatimipro 
mortuis  sacrifisium.  August.,  lib.  De  Cura  ge- 
renda  pro  mortuis,  num.  3,  tom.  VI,  pag.  516. 
Et  hanc  quidem  Scripturain  quœ  appellatur 
Machabœorum,  non  habeiit  Judœi  sicut  legem  et 
Prophetas  et  Psalmos...  sed  recepta  est  ab  Ec- 
clesia  non  inutiliter,  si  sobrie  legatur  vel  audia- 
tur  maxime  propter  illos  Machabœos,  qui  pro 
Dei  lege  sicut  veri  martyres  a  persecutoribus 
tain  indigna  atque  horrenda  perpessi  sunt,  Au- 
gust, lib.  I  Contra  Gaudentium,  num.  38,  tom.  IX, 
pag.  655. 

'  Simt  et  Machabœorum  libri,  quos  non  Judœi, 
sed  Ecclesia  pro  canonicis  habet,  propter  quo- 
rumdam  martyrum  passiones  véhémentes,  etc. 
August.,  lib.  XVIIi  De  Civitate  Dei,  cap.  xxxvi, 
pag.  519. 

4  August.,  lib.  m  De  Consensu  evangelistarum, 
pag.  139,  141,  142  et  seq. 

^  August.,  lib.  m  De  Conse%su  evangelistarum, 
num.  12.  pag.  106. 

^  Ideo  et  toto  corpore  sanguinem  sudavit 
(Christus)  quia  in  corpore  suo,  id  est,  in  Eccle- 
sia sua  martyrum  sanguinem  ostendit.  Toto  cor- 
pore sanguis  exibat  :  ita  Ecclesia  ejus  habet 
martyres,  per  totum  corpus  ejus  fusus  est  san- 
guis. August.  in  Psal.  93,  num.  19,  pag.  1013. 

'  Postea  quam  Christus  ait  adulterœ  :  Nec  ego 
te  damnabo,   vade,   deinceps  noli  peccare,  {Joan. 


vni ,  11)  quis  non  intelligat  debere  ignoscere 
maritum,  quod  videt  ignovisse  Dominum  ambo- 
rum...  sed  hoc  videlicet  infidelium  sensus  exhor- 
ret,  ita  ut  nonnulli  modicœ  fidei,  vel  potius  ini- 
mici  ver  ce  fidei,  credo  metuentes  peccandi  im- 
punitatem  dari  mulieribus  s^lis,  illud  quod  de 
adulterœ  indulgentia  Dominas  fecit,  auferrent 
de  codicibus  suis:  quasi  permissionem  peccandi 
tribuerit  qui  dixit  :  Jam  deinceps  noli  peccare. 
August.,'  lib.  II  De  Conjugiis  adulterinis,  cap.  vr 
et  VII,  tom.  VI,  pag.  407. 

8  August.,  Epist  153,  cap.  iv,  num.  9,  pag.  527. 
Lib.  IV  De  Consensu  evangelistarum,  num.  17, 
tom.  III,  part.  2,  pag.  158,  in  Psal.  102,  num.  11, 
pag.  1120  et  Serm.  302,  cap.  xv,  pag.  1230. 

3  Tract.  XXXIII  in  Joan.,  num.  4,  tom.  111,  part. 
2,  pag.  531. 

1»  Quœ  per  apostolos  gesta  sunt,  quœ  sufficere 
credidit  [Lucas)  ad  œdificandam  fidem  legentium 
vel  audientium,  ita  scripsit,  ut  soins  ejus  liber 
flde  dignus  haberetur  in  Ecclesia  de  apostolo- 
rum  Actibus  narrantis,  reprobatis  omnibus,  qui 
non  ea  fide  qua  oportuit,  facta  dictaque  aposto- 
lorum  ausisunt  scribere.  August.  lib.  IV  De  Con- 
sensii  evangelistarum,  cap.  viii,  pag.  155. 

"  August.,  lib.  De  Utilitate  credendi,  num.  7, 
tom.  VIII,  pag.  49  et  lib.  XIX  Contra  F austum, 
cap.  xxxi,  tom.  Vlll,  pag.  332. 

1^  Quidam  manichœi  j:anonicunilibrum,  cujus 
titulus  est ,  Actus  apostolorum ,  repudicmt.  li- 
ment enim  evidentissimam  veritateni,  ubi  oppa- 
ret  Sanctus  Spiritus  missus  qui  est  a  Domino 
Jesu  Christo  in  evangelica  veritate  promiss^is  ; 
sub  ejus  quippe  Spiritus  nomine,  a  quo  penitus 
alieni  sunt;  indocta  hominum  corda  decipiunt, 
mira  cœcitate  afférentes  eamdem  Domini  pro~ 


572 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


l'aveuglement  de  ces  liérétiques  cillait  jus- 
qu'à soutenir  que  cette  promesse  du  Sau- 
veur n'a  été  accomplie  que  dans  leur  pa- 
triarche Manichée,  qu'ils  faisaient  passer 
pour  le  Saint-Esprit  même ,  abusant  d'un 
nom  si  saint  pour  séduire  les  simples  et  les 
ignorants  ;  abus  qui  seul  était  capable  de  les 
priver  de  ce  don  céleste.  Ils  avaient  même 
ce  livre  tellement  en  horreur  qu'ils  n'o- 
saient '  le  nommer.  Il  était  aussi  rejeté  des 
sévèriens,  ainsi  que  nous  l'apprenons  d'Eu- 
sèbe  ^  et  de  Théodoret. 

Les  quatorze  Épîtres  de  saint  Paul  portent 
toutes  le  nom  de  cet  apôtre,  à  l'exception 
de  celle  qui  est  adressée  aux  Hébreux,  et 
ont  toujours  été  plus  célèbres  dans  l'Église  ' 
que  celles  des  autres  apôtres.  Plusieurs 
d'entre  eux  n'ont  rien  laissé  par  écrit,  s'é- 
tant  contentés  de  prêcher  l'Évangile  de  vive 
voix.  On  n'a  pas  laissé  de  leur  attribuer 
quelques  ouvrages  ;  mais  ils  ont  été  rejetés 
de  l'Église  comme  n'étant  pas  d'eux.  Aucun 
de  ceux  qui  ont  écrit  ne  l'a  fait ,  ni  avec 
autant  d'étendue,  ni  avec  autant  d'abon- 
dance, ni  même  avec  autant  de  grâce  pour 
la  manière  d'écrire,  que  saint  Paul.  D'où 
vient  que  ses  plus  grands  ennemis  *,  les 
plus  jaloux  de  sa  gloire,  et  qui  méprisaient 


ses  discours  quand  il  était  présent,  ont  été 
obligés  d'avouer  qae  ses  lettres  étaient  rem- 
plies de  force  et  de  vigueur.  Quand  on  cite 
l'Apôtre  ^,  c'est  toujours  saint  Paul  que  l'on 
entend,  parce  qu'il  a  plus  écrit  et  plus  tra- 
vaillé que  les  autres.  Il  y  en  avait  du  temps 
de  saint  Augustin  qui  niaient  ^  absolument 
que  l'Épître  aux  Hébreux  fat  de  cet  apôtre  ; 
et  ils  craignaient  de  l'admettre  dans  le  ca- 
non des  Écritures,  parce  ''  qu'elle  ne  portait 
point  en  tête  le  nom  de  saint  Paul.  Mais  elle 
était  reçue  comme  canonique  des  Églises 
d'Orient  ^,  et  reconnue  pour  être  de  cet 
apôtre  par  le  plus  grand  nombre  '  des  écri- 
vains ecclésiastiques.  C'est  pourquoi  saint 
Augustin  ne  fait  point  difficulté  de  la  lui  at- 
tribuer ",  ni  de  la  recevoir  au  rang  des 
Épîtres  canoniques.  Il  la  cite  "  quelquefois 
sous  le  nom  de  saint  Paul  ;  mais  plus  sou- 
vent sous  le  simple  titre '^  de  Lettre  aux  Hé- 
breux. On  disait  alors  que  la  raison  pour 
laquelle  saint  Paul  n'y  avait  point  mis  son 
nom,  c'est  qu'étant  odieux  aux  Juifs*',  il  avait 
cru  qu'il  était  de  la  prudence  de  le  suppri- 
mer, de  peur  que  l'aversion  qu'ils  avaient 
pour  sa  personne  ne  les  empêchât  de  rece- 
voir sa  doctrine. 

Quant  aux  sept  Épîtres  catholiques,  saint 


missionem  in  suo  hœresiarcha  Manichœo  esse 
completam.  August.,  Epist.  237,  num.  2,  pag.  850. 
•  1  Paraclitum  sicut  promissiim  legimus  in  iis 
libris,  quorum  non  omnia  vultis  accipere,  ita  et 
missum  legimus  in  eo  libro  quem  nominare 
eliam  formidatis. Angust.,  lib.SXXlI  Contra  Faus- 
tum,  cap.  XV,  pag.  458. 

^  Euseb.,  lib.  IV  Bist.,  cap.  xxis,  pag.  150.  Théo- 
doret., Bœret.  Fabiil-, cup.  xxi,  pag.  208. 

»  In  Ecclesia  J'auli  apostoli  epistolœ  vigent, 
magis  quam  coapostolorum  ejus.  Alii  enim  non 
scripserunt,  sed  tantum  locuti  sunt  in  Eccle- 
sia. Nam  quœ  proferuntur  ab  errantibus  sub  no- 
mine  ipsortim,  quia  non  sunt  ipsorum,  impro- 
iantur,  nec  acceptantur  ab  Ecclesia.  Alii  autem 
qui  scripserunt,  nec  tantum,  nec  tanta  gratia 
scripserunt.   August.,   in  Psal.    130,   pag.  1465. 

'■  Certe  si  quid  ejus  {Apostoli)  proferimus  ad 
exemplum  eloquentiœ,  ex  illis  Epistolis  utique 
proferimus,  quas  eliam  ipsi  obtrectatores  ejus, 
qui  sermonem  prœsentis  contemptibilem  putari 
volebant,  graves  et  fortes  esse  coiifessi  sunt. 
August..  lib.  IV  De  Doclrina  christiana,  num.  15, 
pag.  701. 

^  Sicut  Apostolus  cum  dicitur,  si  non  expri- 
matur  quis  apostolus,  non  intelligitur  nisi  Pan- 
lus  :  quia  pluribus  est  epistolis  notior,  et  plus 
omnibus  illis  laboravit.  August.,  lib.  III  Contra 
Duas  epistolas  pelagianorum,   num.  4,  pag.  449. 

'  De  quo  in  Epistola,  quw  inscribitur  ad  He- 
brœos ,  quam  plures  apostoli  Pauli  esse  dicunt, 


quidam  vero  negant,  multa  et  magna  conscripta 
sunt.  August.,  lib.  XVI  De  Civit.  Dei,  cap.  xxii, 
pag.  435. 

■'  August.,  in  Epist.  ad  Rom.  exposit.  inchoata, 
num.  11,  tom.  III,  parte  2,  pag.  934. 

'  Ad  Hebrœos  Epistola,  quanquam  nonnullis 
incerta  sit,  tamen...  magis  me  movet  auctoritas 
ecclesiarum  orientalium  quœ  hanc  etiam  in  ca- 
nonicis  habent.  August.,  lib.  1  De  Peccat.  merit. 
et  remiss.,  num.  50,  tom.  X,  pag.  27. 

8  August.,  lib.  XVI  De  Civit.  Dei,  cap.  sxii 
pag.  435. 

1°  August.,  lib.  II  Se  Doctrina  christiana,  cap. 
VIII,  num.  13,  pag.  24.. 

"  August., Serm.  159  de  verbis  Apostoli,  nnm.  l, 
tom.  V,  pag.  766;  et  in  Psal.  9,  num.  12,  pag.  43. 

'^  August.,  lib.  De  Fide  et  operibus,  num.  17, 
pag.  174.  Lib.  X  De  Civit.  Dei.  cap.  v,  pag.  242. 
Lib.  Contra  Sermonem'  arianorum,  cap.  v,  tom. 
VIII,  pag.  628  et  lib.  II  Contra  Maximinum  aria- 
num,  pag.  738. 

"  Quoniam  excepta  Epistola  quam  ad  Hebrœos 
scripsit,  ubi  principium  salutatorium  de  indus- 
tria  dicitur  omisisse,  ne  Judœi  quiadversus  eum 
pugnaciter  oblatrabant,  nomine  ejus  offensi  vel 
inimico  animo  legerent,  vel  omnino  légère  non 
curarent,  quod  ad  eorum  sabUem  Scripserat  : 
unde  nommlli  eam  in  canonemScriplurartim  re- 
cipere  timuerunt.  August.,  in  Epist.  ad  Rom.  ex- 
posit. inchoata,  pag,  931. 


[iV  ET  v=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

Augustin  les  met  toutes  '  au  rang  des  Écri- 
tures divines.  Il  en  rapporte  un  grand  nom- 
bre de  passages  dans  le  livre  intitulé  le 
Miroir  *,  et  en  explique  quelques-uns  '  des 
plus  difSciles,  entr'autres  celui  de  l'Épitre 
de  l'apôtre  saint  Jacques,  où  il  est  dit,  que 
quiconque  ayant  gardé  toute  la  loi,  la  viole  en 
un  seul  point,  est  coupable  comme  l'ayant  toute 
violée.  Il  la  cite  '  sous  le  titre  général  d'Épî- 
tre  canonique,  et  la  première  de  saint  Jean 
sous  le  nom''  d'Épître  auxParthes.il  donnait 
aux  sept  Epîtres  catholiques  un  rang  diffé- 
rent de  celui  qu'elles  tiennent  dans  nos  Bi- 
bles :  mettant  ^  d'abord  les  deux  de  saint 
Pierre,  puis  les  trois  de  saint  Jean,  celle  de 
saint  Jacques,  et  enfin  celle  de  saint  Jude. 
Quelquefois  '  même  il  met  celle  de  saint 
Jacques  la  dernière  de  toutes.  Il  dit  que  le 
but  des  apôtres  qui  ont  écrit  ces  lettres , 
était  *  de  réfuter  l'erreur  de  ceux  (c'est-à- 
dire  comme  l'on  croit,  des  simoniens  et  des 
nicolaïtes),  qui,  abusant  de  quelques  expres- 
sions de  saint  Paul  dans  son  Éplti'e  aux  Ro- 
mains, enseignaient  que  la  foi  sans  les  œu- 
vres suffisait  pour  être  sauvé  ;  quoique  le 
sentiment  de  cet  apôtre  fut  le  même  que 
celui  des  autres  touchant  la  nécessité  de  la 
bonne  vie  pour  le  salut.  C'est  de  ces  endroits 


EVEQUE  D'HIPPONE. 


573 


de  saint  Paul  dont  on  abusait,  qu'il  entend 
ce  que  dit  saint  Pierre,  qu'il  se  trouvait  dans 
les  Épîtres  de  saint  Paul  quelques  passages 
difficiles  à  entendre,  que  les  ignorants  dé- 
tournaient en  un  mauvais  sens,  comme  les 
autres  Écritures,  à  leur  propre  ruine.  Pour 
ce  qui  est  de  l'Apocalypse  que  les  héréti- 
ques nommés  Alogcs  '  rejetaient,  saint  Au- 
gustin l'attribue  à  l'apôtre  saint  Jean.  Il  en 
a  expliqué  le  vingtième  chapitre  "  pour  em- 
pêcher l'abus  que  beaucoup  de  personnes 
en  faisaient,  se  figurant  un  règne  terrestre 
de  Jésus-Christ  et  des  saints  sur  la  terre 
pendant  mille  ans.  Il  reconnaît  "  qu'il  y  a 
dans  ce  hvre  beaucoup  de  choses  obscures 
pour  exercer  l'esprit  du  lecteur,  mais  quel- 
ques endroits  plus  clairs  qui  donnent  jour 
au  reste.  La  raison  de  cette  obscurité  con- 
siste principalement  en  ce  que  l'auteur  y 
dit  les  mêmes  choses  en  tant  de  façons , 
qu'il  semble  que  c'en  soient  d'autres,  quoi- 
que ce  ne  soit  que  la  même  chose,  mais  ex- 
primée diversement. 

7.  On  ne  peut  douter  que  l'on  n'ait  perdu 
un  grand  nombre  des  livres  qui  sont  cités 
dans  l'Ancien  Testament.  Il  est  parlé  dans 
le  chapitre  xxi  des  Nombres,  du  livre  des 
Guerres  du  Seigneur.  Mais  saint  Augustin  ^^ 


Livres  per- 
dus cil6s  daas 
l'Ecriture-,  et 
de  ceux  qui 
soat  supposés. 


'  August.,  lib.  II  De  Doctrina  christiana,  cap. 
vm,  num.  13,  pag.  24. 

'  August,  in  Spécula,  pag.  807  et  seq. 

'  August.,  Epist.  167,  pag.  594  et  seq. 

*  August.,  lib.  XV  De  Civit.  Dei ,  cap.  xxni, 
pag.  408. 

^  Lib.  II  Qxiœst.  evangel.  qusest.  39,  tom.  III, 
part.  2,  pag.  266.  Vide  paginam  826,  ejusdem  tom. 
et  indiculum  Possidii,  cap.  ix. 

'  Lib.  De  Vide  et  operibus,  cap.  xiv,  pag.  177. 

'  Lib.  II  De  Doctrina  christiana ,  cap.  viir, 
pag.  24. 

8  Quoniam  ergo  hœc  opinio  tune  fuerat  exorta 
a  loco  Epistolœ  Àpostolicce,  Pelri,  Joannis,  Ja- 
cobi,  Judœ,  contra  eam  maxime  dirigunt  inten- 
lionem,  ut  vehementer  adstruant  fidem  sine  ope- 
ribus non  prodesse,  sicut  etiam  ipse  Paulus  non 
qualemlibet  fidem,  qua  in  Deum  credilur  sed  eam 
salubrem  planeque  evangelicam  definivit,  cujus 
opéra  ex  dilectione  procedunt,  et  fides,  inquit, 
qua3  per  diiectionem  operatur...  unde  evidenter  in 
secunda  Epistola  sua  Petrus...  sciens  de  apostoli 
Pauli  quibusdam  subobscuris  sententiis  nonnul- 
los  iniques  accepisse  occasionem,  ut  tanqimm 
securi  de  salute  quce  in  fide  est,  bene  vivere  non 
curarent,  commemoravit  quœdam  ad  intelUgen- 
dum  difflcilia  esse  in  Epistolis  ejus  quce  homines 
perverterent,  sicut  et  alias  Scripturas,  ad  pro- 
prium  suum  interitum  :  cum  tamen  et  ille  apos- 
tolus  de  salute  œterna,  quce  nisi  bene  viventibus 
non  datur,  eadem  sentiret  quœ  cceteri  apostoli. 


August.,  lib.  De  Fide  et  operibus,  cap.  siv,  num. 
21  et  22,  pag.  177. 

9  August.,  lib.  De  Hœresibus,  hisv.  30,  pag.  10, 
tom.  VIII. 

*"  August.,  lib.  XX  De  Civitate  Dei,  cap.  vu,  pag. 
580  et  seq. 

'1  In  hoc  quidem  libro,  cujus  nomen  est  Àpo- 
calypsis,  obscure  niulta  dicuntur,  ut  mentem 
legentis  exerceant;  et  pauca  in  eo  sunt,  ex  quo- 
rum manifestatione  indagentur  ccetera  cum  la- 
bore  :  maxime  quia  sic  eadem  multis  modis  re- 
petit, ut  alia  atque  alia  dicere  videatur  ;  cum 
aliter  atque  aliter  hœc  ipsa  dicere  vestige- 
tur.  August.,  lib.  XX,  De  Civitate  Dei,  cap.  xvn, 
pag.  595. 

*2  Propterea  dicitur  in  libro  bellorum  Bomini, 
etc.  (Numer.  xxi,  14)  in  quo  libro  hoc  scriptum 
sit,  non  commemoravit  [Moyses)  neque  ulhcs  est 
in  his,  quos  divince  Scriplwrce  canonicos  appella- 
mus,  de  talibus  occasiones  reperiunt,  qui  libros 
apocryphos  in  cantorum  auribus  conantur  inse  - 
rere  ad  persuadendas  fabulosas  impietates.  Sed 
hic  dictum  est  scriptum  in  libro,  non  dictum  est 
in  cujus  Prophetœ,  vel  Patriarchœ  sancto  libro. 
Neque  negandum  est,  jam  libros  Chaldœorum, 
unde  egressus  est  Abraham,  sive  Mgyptiorum, 
ubi  didicerat  Moyses  omnem  illorum  sapientiam, 
sive  cujusque  gentis  alterius,  in  quorum  libro- 
rum  aliquo  potuit  hoc  esse  scriptum  :  qui  tamen 
non  ideo  sit  assumendus  in  eas  Scripturas  , 
quibus  divina  commendatur   auctoritas;   sicut 


574 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


croit  que  le  livre  dont  il  est  fait  mention  en 
cet  endroit,  n'était  ni  d'un  patriarche,  ni 
d'un  prophète,  mais  de  quelque  Égyptien 
ou  Chaldéen,  et  que  Moïse  en  a  tiré  un  té- 
moignage pour  prouver  ce  qu'il  avançait, 
comme  saint  Paul  a  cité  quelquefois  les  poè- 
tes païens  ;  sans  que  ni  ce  législateur  ni  cet 
apôtre  aient  prétendu  donner  aucune  auto- 
rité aux  autres  choses  contenues  dans  les 
livres  d'où  ils  tiraient  des  témoignages.  En 
parlant  des  ouvrages  apocrj'phes  de  l'Ancien 
Testament,  il  dit  :  «  Laissons-lù  \  les  fables 
de  ces  écritures  qu'on  nomme  aproci'yphes, 
parce  que  l'origine  en  a  été  inconnue  à  nos 
pères,  qui  nous  ont  transmis  les  véritables 
par  une  succession  très-connue  et  très-assu- 
rée. Car  encore  qu'il  se  trouve  quelque  vé- 
rité dans  ces  livres  apocryphes,  ils  ne  sont 
d'aucime  autorité  à  cause  des  diverses 
faussetés  qu'ils  contiennent.  Nous  ne  pou- 
vons nier  qu'Enoch,  qui  est  le  septième  de- 
puis Adam,  n'ait  écrit  quelque  chose,  puis- 
que l'apôtre  saint  Jade  nous  en  assure  dans 


son  Épître  canonique.  Mais  ce  n'est  pas  sans 
raison  que  ces  écrits  ne  se  trouvent  point 
dans  le  catalogue  des  Écritures,  conservé 
dans  le  temple  des  Juifs  par  le  soin  des 
prêtres  qui  se  succédaient  les  uns  aux  autres 
dans  cette  fonction  :  parce  que  ces  livres 
ont  été  jugés  suspects  pour  leur  trop  grande 
antiquité,  et  à  cause  qu'on  ne  pouvait  justi- 
fier que  ce  fussent  les  mêmes  qu'Enoch  avait 
écrits,  n'étant  point  produits  par  ceux  à  qui 
la  garde  de  ces  sortes  de  livres  était  confiée. 
De  là  vient  que  ce  que  l'on  cite  sous  le  nom 
de  ce  patriarche,  que  les  géants  n'ont  pus  eu 
des  hommes  pour  pères,  est  justement  rejeté 
comme  fabuleux  ;  ainsi  que  beaucoup  d'au- 
tres faits  que  les  hérétiques  rapportent  sous 
le  nom  emprunté  des  prophètes  ou  des  apô- 
tres. » 

Le  saint  Docteur  répète  encore  ailleurs  que 
les  livres  attribués  à  Éuoch"^  et  aux  autres 
anciens  patriarches  n'ont  aucune  autorité  ni 
parmi  les  juifs  ni  parmi  les  chrétiens ,  à  cause 
de  leur  trop  grande  antiquité,  non  que  l'on 


nec  propheta  ille  Crelensis,  cujus  mentionem 
facit  Apostolus;  nec  Grœconim  scriptores  vel 
philosophi  vel  poetœ,  guos  idem  ipse  Apostolus 
magnum  sane  aliquid  et  veraciter  promptum  ad 
Àthenienses  loqiiens  dixisse  confirmai  :  In  illo 
enim  vivimus,  et  moTemur,  et  sumus.  Licet  enim 
divinœ  aîoctoritati  unde  voluerit,  quod  verum 
invenerit,  testimonium  sumere;  sed  non  ideo 
omnia  quœ  ibi  scripta  sutit,  accipienda  confir- 
mât. August.,  Quœst.  42,  in  Numéros,  pag.  546  et 
547. 

*  Omittamus  igitur  earum  Scriplurarvni  fabu- 
las, quœ  apocryphœ  nuncupantur,  eo  quod  ea- 
rxLm  occulta  origo  non  claruit  Patribus,  a  qui- 
busque  adnos  auctoritas  veracium  Scripturarum 
certissima  et  notissima  successione  pervenit.  In 
his  autem  apocryphis  etsi  i7iveniatur  aligna  Ve- 
ritas, tamen  propler  multa  falsa  nulla  est  cano- 
nica  auctoritas.  Scripsisse  quidem  nonnula  divi- 
na  Enoch  septimum  ab  Adam,  negare  non  pos- 
sunius,  cum  hoc  in  Epistola  canonica  Judas 
apostolus  dicat.  Sed  non  frustra  non  sunt  in  eo 
canone  Scripturarum.  qui  servabatur  in  templo 
hebrœi  populi  succedentium  diligentia  sacerdo- 
tiim,  nisi  quia  ob  antiquitatem  suspectœ  fideiju- 
dicata  sunt,  nec  utrum  hœc  essent  quœ  ille 
scripsisset,  poterat  inveniri,  non  talibus  profe- 
rentibus,  qui  ea  per  seriem  successionis  repe- 
rientur  rite  servasse.  Unde  illa  quœ  suo  ejus  no- 
mine  profenintur,  et  continent  istas  de  giganti- 
bus  fabulas,  quod  non  habuerint  homines  patres, 
recte  a  prudentibus  judicantur  non  ipsius  esse 
credenda  ;  sicut  multa  sub  nominibus  et  uliorum 
prophetarum,  et  recentiora  sub  nominibus  apos- 
tolorxim  ab  hœreticis  proferuntur,  quœ  omnia 
nomine  apocryphorum  ab  auctorilale  canonica 
diligenti  exaniinalione  remota  sunt.  August.,  lib. 


XV  De  Civit.  Dei,  cap.  xxiu,  num.  4,  pag.  408. 
'  Quid  Enoch  septimiis  ab  Adam  nonne  etiam 
in  canonica  Epistola  Judœ  prophetasse  prœ- 
dicatur  ?  Quorum  scripta  ut  apud  Judceos  et 
apud  nos  in  auctoritate  non  essent,  nimia  fecit 
antiquitas,  propler  quam  videbantur  habenda 
esse  suspecta,  ne  proferrentur  falsa  pro  veris. 
A'o))!'  et  proferuntur  quœdam  quœ  ipsoriim  esse 
dicantur  ab  eis  qui  pro  sensu  passim,  quod  vo- 
lunt,  credunt.  Sed  ea  castitas  canonis  non  rece- 
pit,  non  quod  eorum  homimun,  qui  Deo  placue- 
runt,  reprobetur  auctoritas,  sed  quod  ista  esse 
non  credantur  ipsortim.  Nec  mirum  débet  videri 
quod  suspecta  habeantur,  quœ  sub  tantœ  anti- 
quitatis  nomine  proferuntur  ;  quando  quidem  in 
ipsa  historia  liegum  Juda  et  Begum.  Israël,  quœ 
res  gestas  continet,  de  quibus  eidem.  Scripturœ 
canonicœ  credimus ,  commemorantur  pluri- 
ma,  quœ  ibi  non  explicantur,  et  in  libris  aliis 
inveniri  dicuntur,  quos  Prophetœ  scripserunt, 
et  alicubi  eorum  quoque  Prophetarum  nomina 
non  tacentur,  nec  tamen  inveniuntur  in  canone, 
guem  recepit  populus  Dei.  Ctijus  rei,  faleor, 
causa  me  latet,  nisi  quod  exislimo,  etiam  ipsos, 
quibus  ea  quœ  in  auctoritate  religionis  esse  de- 
berent,  Sanctus  utique  Spiritus  revelabat;  alia 
sicut  homines  historica  diligentia,  alia  sicut  Pro- 
phetas  inspiratione  divina  scribere  potuisse  ;  at- 
que  hœc  ita  fuisse  distincta,  ut  illa  tanquam 
ipsis,  ista  vero  tanquam  Deo  per  ipsos  loquenti, 
judicarentur  esse  tribuenda;  ac  sic  illa  per tine- 
rent  ad  nbertatem  cognitionis,  hœc  ad  religionis 
auclorilatem  :  in  qua  auctoritate  custoditur  ca- 
non; prœter  quem  si  qua  jam  etiam^  sub  nomine 
veterum  Prophetarum  scripta  proferuntur,  nec 
ad  ipsam  copiam  scienliœ  valent,  quoniamutrum 
eorum  sint,  quorum  esse  dicuntur,  incertum  est; 


[IV=  ET  V'  SIECLES.] 

rejette  l'autorité  des  hommes  qui  ont  été 
agréables  à  Dieu,  mais  parce  que  l'on  ne 
croit  pas  que  ces  écrits  soient  d'eux.  Il  ajoute 
que  l'on  ne  doit  pas  s'étonner  que  l'on  tienne 
pour  suspects  des  ouvrages  que  l'on  fait 
passer  sous  le  nom  de  personnes  si  ancien- 
nes ;  puisque  l'on  n'a  pas  mis  dans  le  canon 
plusieurs  livres  cités  dans  l'Histoire  des  Rois 
de  Juda  et  d'Israël  qui  est  canonique.  Il  avoue 
qu'il  n'en  sait  point  la  raison  ;  mais  il  croit 
qu'il  s'est  pu  faire  que  ceux  mêmes  à  qui  le 
Saint-Esprit  révélait  des  choses  qui  devaient 
servir  de  fondement  à  la  religion,  aient  écrit 
quelquefois  d'eux-mêmes  comme  des  histo- 
riens fidèles ,  et  quelquefois  par  inspiration 
de  Dieu  ;  en  sorte  que  l'on  fait  une  grande 
distinction  entre  ces  deux  sortes  d'ouvrages, 
en  leur  attribuant  les  uns  comme  les  leurs 
propres,  et  les  autres  à  Dieu  qui  parlait  par 
eux  ;  que  les  uns  pouvaient  servir  à  donner 
de  plus  grandes  connaissances  des  faits,  et 
les  autres  pour  établir  la  religion  ;  qu'à 
l'égard  de  l'autorité,  il  faut  s'en  tenir  au 
canon,  et  que  si  l'on  produit  sous  le  nom 
des  anciens  prophètes  des  livres  qui  n'y 
soient  pas  compris,  on  ne  doit  point  y  ajouter 
de  foi ,  parce  qu'on  n'est  pas  assuré  qu'ils 
soient  de  ceux  que  l'on  dit  en  être  auteurs , 
d'autant  plus  qu'on  y  trouve  des  choses  con- 
traires à  ce  qui  est  rapporté  dans  les  livres 
canoniques,  ce  qui  est  une  preuve  qu'ils  ne 
sont  pas  de  ceux  à  qui  on  les  attribue. 

Voici  ce  qu'on  disait  du  temps  de  saint 
Augustin  :  Pendant  que  Jésus-Christ  Notre- 
Seigneur  était  dans  la  Judée ,  Abgar ,  roi 
d'Édesse,  hors  d'état,  à  cause  de  maladie, 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


575 


de  l'aller  trouver,  lui  écrivit  pour  le  prier  de 
venir  le  visiter;  comme  il  sentait  qu'une 
telle  prière  ne  s'accordait  pas  trop  avec  le 
respect  dû  au  Sauveur,  ce  prince  exagéra 
dans  sa  lettre  la  beauté  de  la  ville  d'Édesse, 
afin  que  Jésus-Christ,  flatté  d'y  être  reçu 
par  un  roi,  lui  accordât  plus  volontiers  sa 
demande.  Le  Sauveur  ayant  reçu  cette  lettre, 
y  fit  une  réponse  qui  porta  à  Abgar  la  santé 
et  l'assurance  que  sa  ville  serait  imprenable 
aux  ennemis  '.  Ce  fut  le  comte  Darius  qui  fit 
part  à  saint  Augustin  de  ce  qu'on  disait  de 
ces  deux  lettres.  La  manière  dont  il  en  parle 
fait  bien  voir  qu'il  ne  les  croyait  pas  vérita- 
bles ;  et  le  saint  Docteur,  dans  la  réponse  à 
ce  comte,  nejlui  dit  rien  de  ces  deux  lettres^. 
L'événement'  fut  une  preuve  de  leur  faus- 
seté ,  du  moins  de  la  prédiction  qui  y  était 
faite  touchant  la  ville  d'Édesse  ;  car  dès  l'an 
116  ou  117,  elle  fut  prise  de  force  et  brûlée 
par  Lusius  Quietus,  général  de  Trajan. 

Les  manichéens  se  vantaient  d'avoir  une 
autre  lettre  de  Jésus-Christ,  dont  saint  Au- 
gustin* prouve  la  fausseté  par  cette  raison  , 
que  si  le  Sauveur  l'avait  écrite,  elle  aurait 
été  lue  et  reçue  dans  l'Église;  qu'elle  aurait 
tenu  le  premier  rang  dans  les  livres  sacrés  ; 
que  les  apôtres  et  leurs  successeurs  dans  le 
ministère  ecclésiastique  en  auraient  eu  con- 
naissance ;  qu'ils  en  auraient  parlé  dans 
leurs  écrits  ;  en  un  mot,  qu'elle  serait  venue 
à  nous  de  main  en  main  depuis  Les  apôtres'; 
ce  qui  n'étant  point,  c'est  une  marque  as- 
surée que  Jésus-Christ  n'en  était  point  l'au- 
teur. 

Ce  saint  Docteur  rapporte  une  hymne  fort 


et  ob  hoc  eis  non  habetur  fides  maxime  his  in 
quibus  etiam  contra  fidem  librorum  canonico- 
ruin  quœdam  leguntur,  propter  quod  ea  prorsus 
non  esse  apparet  illorum.  August.,  lib.  XVIII  De 
Civit.  Dei,  cap.  xxxviii,  pag.  520  et  321. 

'  Fertur  satrapce,  seu  régis  potius  cujusdam, 
epistola,  Beum  Dominum  Christnm  deprecantis, 
cum  intra  Judeœ  regiones  adhuc  versaretur  et 
necdum  in  cœluni  suum  remeaverat,  quoniam  is 
ad  eum  ire  ac  pergere  per  œgritudinem  prœpe- 
diretur,  et  sanari  aliter  se  posse  non  crederet,  ad 
se  si  dignaretur  mundi  salus  ac  medicina  dccur- 
reret,  et  ne  tantœ  majestati,  quam  ignarus  rex 
provida,  sed  non  perfecta  mente,  conceperat,  in- 
jiiria  fieri  videretur,  laudasse  insuper  suain  di~ 
citur  civitatem,  ut  pulchritudine  urbis,  et  régis 
hospitio  Dttis  illectus,  preces  supplicis  non  dedi- 
gnaretur.  Àffuit  Deus  régi,  sanatus  est,  et  am- 
pli/lcato  petitionis  munere,  per  epistolam  non 
modo  salutem  ut  supplici,  sed  etiam  securita- 
tem  ut  régi  transmisit.  Jussit  insuper  ejus  ur- 
bem  ab  hostibus  in  perpetuum  de  semper  immu- 


nem.  Quid  his  addi  beneficiis  potest?  Darius, 
Epist.  ad  Augustinum,  num.  5,  pag.  838. 

2  Tillemont,  tom.  1  de  son  Histoire  Ecclésiasti- 
que, pag.  617  et  tODi.  II  de  l'Histoire  des  Empe- 
reurs, pag.  203. 

'  Si  enim  prolatœ  fuerint  aliquœ  litterœ , 
quœ  nullo  alio  narrante  ipsius  proprie  Christi 
esse  dicantur  ;  unde  fieri  poterat ,  ut  si  vere 
ipsius  essent ,  non  legerentur,  non  acciperen- 
tur,  non  prœcipuo  culmine  auctoritatis  emi- 
nerent  in  ejus  Ecclesia,  quœ  ab  ipso  per  apos- 
tolos  succedentibus  sibimet    episcopis,  usque  ad 

hcec  temporapropagatadilatatur? quia  et  illœ 

litterœ  si  proferrentur,  utique  considerandum 
erat  a  quibus  proferrentur.  Si  ab  ipso,  illis  pri- 
mitiis  sine  dubio  proferri  potuerimt,  qui  tune  ei- 
dem  cohœrebant,  et  per  illos  etiam  ad  nos  perve- 
nire.  Quod  si  factum  esset,  per  illas  quas  comme- 
moravi  prœpositorum  et  populorum  siiccessiones 
confirmalissima  auctoritate  clarescerent.  August.. 
lib.  XVIII  Contra  Faustum,  cap.  iv.  pag.  441. 

'  Voyez  le  tom.  I,  chapitre  de  Jésus-Christ. 


576 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


^ 


obscure  à  l'usage  des  priscillianistes ,  qu'ils 
disaient  avoir  été  récitée  par  Jésus-Christ 
après  la  dernière  cène'.  Voici  de  suite  ce 
qu'on  en  trouve  dans  ses  écrits  :  «  Hymne 
du  Seigneur,  qu'il  apprit  dans  le  secret  à 
ses  disciples  :  Je  veux  délier,  et  je  veux  être 
délié  ;  je  veux  sauver,  et  je  veux  être  sauvé  ; 
je  veux  être  engendré  et  je  veux  engendrer; 
je  veux  chanter,  dansez  tous  ;  je  veux  pleu- 
rer, frappez-vous  tous  de  douleur  ;  je  veux 
orner,  et  être  orné  ;  je  suis  la  lampe  pour 
vous  qui  me  voyez;  je  suis  la  porte  pour 
vous  qui  frappez  ;  vous  qui  voyez  ce  que  je 
fais,  ne  dites  point  ce  que  je  fais;  j'ai  joué 
tout  cela  dans  ce  discours,  et  n'ai  point 
du  tout  été  joué.  »  Ces  hérétiques  disaient 
que  cette  hymne  n'est  point  mise  dans  le 
canon  des  Ecritures,  à  cause  de  ceux  qui  sont 
attachés  à  leurs  propres  sentiments,  et  qui 
ne  pensent  pas  selon  l'esprit  et  la  vérité 
de  Dieu.  Car  il  est  écrit,  disaient-ils  ;  il  est 
bon  de  cacher  le  secret  du  roi  ;  mais  il  est 
honorable  de  découvrir  les  actions  de  Dieu. 
Saint  Augustin,  après  avoir  rapporté  de 
cette  hymne  ce  qu'il  en  savait ,  fait  voir  qu'il 
ne  s'y  trouve  rien  qu'on  ne  lise  dans  les 
livres  canoniques ,  mais  dans  un  sens  diffé- 
rent. Il  allègue  ^  un  passage  d'un  livre  apo- 
criphe  à  l'usage  des  manichéens,  où  il  était 
dit  que  les  apôtres  ayant  demandé  à  Jésus- 
Christ  ce  qu'ils  devaient  penser  des  prophè- 


tes ,  il  leur  répondit  avec  émotion  :  «  Vous 
abandonnez  celui  qui  est  vivant  et  qui  est 
devant  vous,  et  vous  vous  informez  des 
morts.  «  Les  païens  mêmes  supposèrent  des 
écrits  de  magie  à  Jésus-Christ',  qu'ils  fai- 
saient adresser  à  saint  Pierre  et  à  saint  Paul 
comme  à  ses  plus  intimes  amis.  Le  ridicule 
de  cette  supposition  était  évident ,  puisque  ', 
pendant  tout  le  temps  que  Jésus-Christ  a 
vécu  sur  terre  avec  ses  disciples,  saint  Paul 
n'était  point  de  ce  nombre  ,  n'ayant  été  ap- 
pelé à  l'apostolat  qu'après  l'ascension  du 
Sauveur  et  le  martyre  de  saint  Etienne.  On 
a  aussi  faussement  attribué  ^  à  saint  Paul 
une  apocalypse  pleine  de  fables ,  où  l'on  pré- 
tendait rapporter  les  merveilles,  que  cet 
apôtre  dit  être  ineffables.  La  présomption 
de  ceux  qui  ont  fabriqué  ce  livre  serait  plus 
supportable,  si  saint  Paul  eût  dit  qu'il  avait 
entendu  des  paroles  qu'il  n'est  pas  encore 
permis  de  dire  ;  mais  comme  il  a  dit  absolu- 
ment et  sans  aucune  restriction ,  qu'il  n'est 
pas  permis  à  un  homme  de  les  rapporter, 
c'est  une  impudence  extrême  d'avoir  osé 
l'entreprendre.  Cette  apocalypse  pourrait 
bien  être  la  même  dont  Sozomène  ^  dit  que 
beaucoup  de  moines  faisaient  grand  cas. 
Quelques-uns  assuraient  qu'elle  avait  été 
trouvée,  par  une  révélation  divine  sous  le 
règne  de  Théodose,  enfermée  dans  une 
boite  de  marbre  qui  était  sous  terre  dans  la 


1  Hyrrwms  Domini,  quem  dixit  secrète  sanctis 
apostolis  discipulis  suis  quia  scriptum  est  in  Evmi- 
gelio,  hymno  dicto  ascenditininontem ;  etgutinca- 
none  nonest  positus,  proptereos  qui  secundum  se 
sentlunt,  et  non  secundum  spiritum  et  veritatem 
Dei,  eo  quod  scriptum  est  :  Sacramentum  régis  bo- 
numestahscondere,  opéra  autemDeirevelare hono- 
rificum  est.  Solvere  vola,  et  soivi  volo.  Salvare  volo, 
et  salvari  volo.  Generari  volo,  et  genirare  volo. 
Cantare  volo;  saltate  cuncti. Plangere  volo,  tundite 
vos  omnes.  Ornare  volo,  et  ornari  volo.  Lucerna 
sum  tibi,  ille  qui  me  vides.  Janua  sum  tibi,  qui- 
cumque  me  puisas.  Qui  vides  quod  ago,  lace  opé- 
ra mea.  Verbo  illusi  cuncta,  et  non  s%im  illusus 
in  totum.  August.,  Epist.  237,  pag.  8S0  et  seq. 

"  Sed  apostolis,  inquit,  Dominus  nosler,  inter- 
roganlibus  de  Judœorum  Prophetis  quid  sentiri 
deberet,  qui  de  adventu  ejus  aliquid  cecinisse  in 
prœteritumputabantur,  commotus  talia eos  etiam 
nunc    sentire    respondit  :  Dimisistis    vivum    qui 

ante  vos  est,  et  de  mortuis  fabulamini hoc  tes- 

timonium  de  scripturis  nescio  quibus  apocrypiùs 
protulit  fadversarius  legis  et  prophetarum.J  Au- 
gust., lib.  II  Contra  Advers.  legis  etproph.,  cap.  iv, 
uum.  14,  tom.  Vlll,  pag.  589. 

3  August.,  lib.  1  De  Consensu  evang.,  cap.  ix, 
num.  14,  13  et  16. 

*  Tanto  temporc,  quo  Christusin  carne  mortali 


cum  suis  discipulis  vixit  (Christus)  nondum  erat 
Paulus  discipulus  ejus,  quem  post  passionem 
suam,  post   resurrectionem ,   post    ascensionem 

suam post  lapitlationem  Slephani  diaconi  et 

martyris,  cum  adhuc  Saulus  appellarelur,  et  eos 
qui  in  Christum  crediderant  graviter  persequere- 
tur,  de  cœlo  vocavit,  et  swum  discipulum  alque 
apostolum  fecil.  Quomodo  igitur  potuit  libros 
quos  anlequam  moreretur  eum  scripsisse  putari 
volunt,  ad  discipulos,  tanquam  familiarissimos , 
Petrum,  et  Paulum  scribere,  cum  Paulus  nondum 
fuerit  discipulus  e/iis?  August.,  lib.  I  De  Consensu 
Evang.,  cap.  x,  num.  16,  pag.  8. 

^  Qua  occasione vani  quidam. Âpocalypsim Pauli, 
quam  sana  non  recipit  Ecclesici,  nescio  quibus  fa- 
bulis  plenam  stultissima  prœsumptione  jinxerunt, 
dicentes  hanc  esse,  unde  dixeral  rapliim  se  fuisse 
in  tertium  cœlum,  et  illic  audisse  ineffabilia  ver- 
ba,  quœ  non  licet  homini  loqui.  Utcumque  illo- 
rum  tolerabilis  esset  audacia,  si  se  audisse  dixis- 
sct ,  quœ  adhuc  non  licct  homini  loqui  :  cum 
vero  dixerit,  quœ  uou  licet  homini  loqui;  isti  qui 
sunt  qui  hœc  audeant  impudenter  et  infeliciter  lo- 
qui. August.,  Tract,  xcvni,  in  Joan.,  num.  S, 
pag.  743. 

^  Sozomen.,  lib.  VU  Hist.,  cap.  xix,  pag.  735- 
736. 


l'anti- 
les  pro- 


e       des 

prophè» 


[iv'=  ET  v'=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 

maison  de  saint  Paul  à  Tarse  en  Cilicie.  Cet 
historien  s'étant  informé  de  la  vérité  du  fait, 
un  prêtre  de  cette  église,  fort  avancé  en 
âge ,  l'assura  que  cela  était  faux ,  qu'il  n'avait 
Jamais  ouï  parler  qu'on  eût  trouvé  ce  livre  à 
Tarse,  et  que,  selon  toutes  les  apparences, 
c'était  une  invention  des  hérétiques. 

Nous  lisons  dans  saint  Epiphane  '  qu'à  l'oc- 
casion du  ravissement  de  saint  Paul ,  les  hé- 
rétiques, nommés  caïnistes,  composèrent  un 
livre  infâme ,  qu'ils  attribuaient  à  saint  Paul, 
et  dont  les  gnostiques  se  servaient  aussi  ;  ils 
lui  avaient  donné  pour  titre  :  ^'Élévation  de 
saint  Paul  ;  mais  il  y  a  apparence  que  ce 
livre,  qui  était  plein  d'infamies,  n'était  pas  le 
même  que  celui  dont  parlent  saint  Augustin 
et  Sozomène ,  qui  ne  remarquent  point  qu'il 
y  en  eût ,  et  qui  insinuent  au  contraire  qu'il 
ne  renfermait  rien  de  choquant ,  en  disant 
que  des  moines  le  produisaient  comme  un 
bon  livre. 

On  a  vu  '^  ailleurs  ce  que  l'on  doit  penser 
des  lettres  de  saint  Paul  à  Sénèque  et  de 
Sénèque  à  saint  Paul.  Saint  Augustin  ^  parait 
les  avoir  crues  véritables.  Il  ne  pense  pas  de 
même  de  certains  livres  qui  portaient  le  nom 
de  saint  André  et  de  saint  Jean  ;  car  l'Ad- 
versaire* de  la  loi  et  des  prophètes  les  lui 
ayant  objectés ,  il  ne  répondit  autre  chose , 
sinon  que  ces  livres  ne  sont  point  de  ces  deux 
apôtres,  et  que  l'Église  ne  les  a  jamais  reçus. 
C'est  par  la  même  raison  qu'il  rejette  les 
Actes  des  apôtres  %  écrits  par  un  certain 
Leusius.  n  est  vrai  qu.'il  les  cite;  mais  c'est 
pour  réfuter  et  convaincre  les  manichéens 
par  leurs  propres  livres.  Les  prisciUianistes 
en  avaient  un  à  leur  usage,  intitulé  :  La  Mé- 
moire des  apôtres.  Orose  °  en  rapporte  un  en- 
droit également  impie  et  ridicule. 

8.  «  Du  temps  des  prophètes'',  dont  les 
écrits  sont  maintenant  connus  de  tout  le 
monde ,  il  n'y  avait  point  encore  de  philoso- 
phes parmi  les  gentils,   qui  portassent  ce 


577 

nom.  Pythagore  l'a  porté  le  premier,  et  il  n'a 
commencé  à  fleurir  que  sur  la  fin  de  la  cap- 
tivité de  Babylone.  Socrate ,  le  maître  de 
tous  ceux  qui  se  sont  appliqués  à  la  morale, 
ne  se  trouve  qu'après  Esdras  dans  l'ordre 
des  temps.  Peu  après  vint  Platon ,  le  plus 
fameux  des  disciples  de  Socrate.  Les  sept 
sages  de  la  Grèce,  et  .ceux  qui.  à  l'exemple 
de  Thaïes  ,  s'adonnèrent  à  l'étude  des  choses 
naturelles ,  comme  Anaximandre ,  Anaxi- 
mènes,  Anaxagore,  quoique  plus  anciens  que 
Pythagore,  n'ont  pas  vécu  avant  nos  pro- 
phètes, puisque  'Thaïes  ne  parut  que  sous  le 
règne  de  Romulus,  dans  le  temps  que  le 
torrent  des  prophéties,  qui  devait  inonder 
toute  la  terre ,  sortait  des  som'ces  d'Israël.  Il 
n'y  a  que  les  poètes  théologiens,  Orphée , 
Linus  et  Musée ,  qui  soient  plus  anciens  que 
les  prophètes ,  encore  n'ont-ils  point  devancé 
Moïse,  ce  grand  théologien  qui  a  annoncé 
le  Dieu  unique  et  véritable,  et  dont  les  écrits 
tiennent  le  premier  rang  parmi  les  livres 
canoniques.  Les  Grecs  n'ont  donc  point  sujet 
de  se  glorifier  de  leur  sagesse  ,  comme  plus 
ancienne  que  notre  religion,  où  seule  se 
trouve  la  sagesse  véritable.  Il  est  vrai  que 
parmi  les  barbares ,  comme  en  Egypte ,  il  y 
avait  déjà  quelques  semences  de  doctrine 
avant  Moïse  ;  autrement  l'Écriture  sainte  ne 
dirait  pas  qu'il  avait  été  instruit  de  toutes 
les  sciences  des  Égyptiens  à  la  cour  de  Pha- 
raon ;  mais  la  science  même  des  Egyptiens 
n'a  pas  précédé  celle  de  nos  prophètes, 
puisque  Abraham  a  eu  aussi  cette  qualité. 
Quelle  science,  en  efl'et,  pouvait-il  y  avoir 
en  Egypte  avant  qu'Isis,  qu'ils  adorèrent 
après  sa  moi't  comme  une  grande  déesse, 
leur  eût  donné  l'invention  des  lettres  et  des 
caractères?  Or,  Isis  était  fille  d'Inaque,  qui 
régna  le  premier  sur  les  Argiens  au  temps 
des  descendants  d'Abraham.  On  distingue  * 
les  vrais  prophètes  d'avec  ceux  qui  ne  le 
sont  pas ,  en  ce  que  ceux-là  ne  font  que  rap- 


'  Epiph.,  Bcer.  38,  cap.  ll,  pag.  277. 

2  Toin.  I,  pag.  419. 

'  Merito  ait  Seneca  {qui  temporibus  apostolo- 
rum  fuit,  cujus  etiam  quœdam  ad  Paiilum  legun- 
tur  epistolœj  :  Omnes  odit  qui  malos  odit.  August., 
Epist.  153,  num.  14,  pag.  529. 

*•  Sane  de  apocryphis  iste  posuit  testimoiiia  quœ 
sub  nominibus  apostolorum  Andrew  Joannisque 
conscripta  sunt.  Quœ  si  illorum  essent,  recepta 
■  essent  abEcclesia,  quœ  ab  illorum  temporibus 2>er 
episcoporum  successiones  certissimas  usque  ad 
nostra  et  deinceps  tempora  persévérât.  August., 
IX. 


lit).  I  Contra  Adversarium  legis  et  proph.  cap.  sx, 
num.  39,  pag.  370. 

»  Lib.  11  De  Actis  cumFelice  manichœo,  cap.  vn, 
pag.  489. 

^  Orosius  in  Commonitorio  ad  Augustinii/m, 
pag.  608,  tom.  viii. 

'  August.,  lib.  XVIII  De  Civit.  Dei,  cap.  xxxvii, 
pag.  519-520. 

'  Hio  insinuatur  nobis  ea  loqui  Prophelas  Dei, 
quœ.  audiunt  ab  eo  ;  nihilque  aliud  esse  prophe- 
tam  Dei,  quam  enuntiatorem  verborum  Dei  ho- 
minibus,  qui  Deum  vel  non  possunt  vel  non  ine- 

37 


578 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


porter  ce  que  Dieu  leur  a  fait  entendi-e. 
Ainsi,  uu  prophète'  de  Dieu  est  proprement 
un  homme  qui  est  devenu  l'organe  des  pa- 
roles et  des  volontés  de  Dieu,  et  qui  les 
fait  entendre  à  ceux  qui  seraient  ou  très- 
peu  éclairés  pom?  les  comprendre ,  ou  trop 
éloignés  de  Dieu  pour  mériter  qu'il  leur 
})arlât  lui-même  sans  l'entremise  d'un  hom- 
me. Les  Israélites,  à  qui  la  parole  de  Dieu 
a  été  confiée,  ne  les  ont  jamais  confon- 
dus, et  ils  ne  reconaissaient  pour  auteurs 
des  livres  divins  que  ceux  qui  étaient  parfai- 
tement d'accord  en  tout  :  c'étaient  là  leurs 
philosophes,  leurs  sages,  leurs  théologiens, 
leurs  prophètes  ,  leurs  docteurs.  Quiconque 
a  vécu  selon  leurs  maximes ,  n'a  pas  vécu 
selon  l'homme ,  mais  selon  Dieu  qui  parlait 
en  eux.  S'ils  ont  défendu  l'impiété ,  c'est 
Dieu  qui  l'a  défendue  ;  s'ils  ont  commandé 
d'honorer  son  père  et  sa  mère ,  c'est  Dieu 
gui  l'a  commandé  ;  s'ils  ont  dit  :  Vous  ne 


serez  point  adultère  ,  homicide ,  voleur , 
ce  sont  autant  d'oracles  divins  qu'ils  ont 
prononcés.  Jésus -Christ  se  prédisait  lui- 
même  -  dans  les  prophéties ,  parce  qu'il  est 
le  Verhe  de  Dieu ,  et  les  prophètes  ne  di- 
saient rien  qu'étant  remplis  de  ce  Verbe; 
c'est  dans  cet  état  qu'ils  annonçaient  Jésus- 
Christ  ,  qu'ils  marchaient  devant  celui  qui 
les  devait  suivre ,  et  qui  n'abandonnait  pas 
ceux  qui  précédaient  sa  venue.  Tout  ce  qui 
est  contenu  dans  leurs  livres  '  a  été  dit  ou 
de  Jésus  -  Christ  ou  pour  lui.  Comment 
osez-vous  dii'e ,  demande*  saint  Augustin  aux 
manichéens,  que  Jésus-Christ  n'a  pas  été 
annoncé  par  les  prophètes  des  Juifs,  lui  qui 
est  prédit  à  toutes  les  pages  des  Écritures  : 
car,  quelque  endroit  des  livres  saints  que  je 
parcoure ,  même  à  la  hâte ,  Jésus-Christ  s'y 
présente  partout  à  moi ,  soit  découvert ,  soit 
voilé  ,  et  me  fortifie.  » 
9.  Les  prophètes  ont  néanmoins  parlé  ^ 


rentur  audire.  August.,  quœst.  17,  in  Exodum, 
pag.  426,  tom.  III. 

1  Atvero  gens  Ma,  ille  populus...  illi  Israelitœ, 
quibus  crédita  sunt  eloquia  Dei,  nullo  modo  psen- 
doprophetas  cum  veris  pari  licentia  confuderunt  : 
sed  concordes  inter  se  atqne  in  nullo  dissentientes 
sacrarum  litterarum  veraces  ab  eis  agnoscebantur 
et  tenebantitr  auctores.  Ipsi  eis  erant  philosophi, 
hoc  est  amatores  sapientiœ,  ipsi  sapientes,  ipsi 
theologi ,  ipsi  prophetœ,  ipsi  doctores  probitatis 
atque  pietatis.  Quicumque  secundimi  illos  sapuit 
et  vixit,  non  secundum  homines,  sed  secundum 
Deum,,  quiper  eos  locutus  est,  sapuit  et  vixit.  Ibi 
si  prohibitum  est  sacrUegium,  Deus  prohibuit.  Si 
dicfum  esi  .".Honora  patrem  tuuni  et  matrem  tuam, 
Deus  jussit.  Si  dictum  est  :  Non  maschaberis,  non 
homieidium  faciès ,  non  furaberis,  et  cœtera,  hu- 
jusmodi;  non  hœc  ora  humana,  sed  oracula  di- 
vina  fuderunt.  August.,'  lib.  XVllI  De  Civit.  Dei, 
cap.  XLi,  num.  3,  pag.  513. 

^  Ipse  enim  (Christusj  se  in  Propheiis  prœdica- 
bat,  quoniam  ipse  est  Verbum  Dei,  nec  illi  taie 
aliquid  dicebant  pleni  Verbo  Dei.  Anmmtiabant 
ergo  Christuiti,  pleni  Christo  :  et  illi  eum  venlu- 
rum  prœcedebant,  quos  prœcedenies  non  dese- 
rebat.  August.  in  Psal.  142,  num.  2,  pag.  1389. 

3  Quis  autem  potest  omnia  commcmorare  prœ-. 
conia  Prophetarum  hebrœoruni  de  Domino  et 
Salvatore  nostro  Jesu  Christo  ?  Quandoquidem 
omnia  qiice  illis  continentur  libris,  vel  de  ipso 
dicta  sunt,  vel  propter  ipsum.  August.,  lib.  XII 
Contra  Faust.,  cap.  vu,  pag.  229-230. 

■>  Christum  dicitis  ab  israelitis  propheiis  non 
esse  prœdictum,  cui  prœdicendo  omnes  illœ  pa- 
gincB  vigilant,  si  eas  perscrutari  pietate,  quam 

exagitare  leoitale  mallelis Christus  milii  ubi- 

que  illorum  Ubrorum,  ubique  illarum  Scriptura- 
runi  peragranti  et  anhelanti  in  sudore  illo  dam- 
nationis  humanœ,  sive  ex  aperlo,  sive  ex  occullo, 
occurit  et  reficit.  August.,  lib.  XII   Contra  Faus- 


tum,  cap.  XXV,  pag.  239,  et  cap.  xxvii,  pag.  240. 
s  Obscurius  dixerunt  Prophetœ  de  Christo,  quam 
de  Ecclesia  :  puto  propterea  quia  videbant  in  Spi- 
ritu,  contra  Ecclesiam  homines  facturas  esse  par- 
ticulas,  et  de  Christo  non  tantam,  litem-  habiluros, 
de  Ecclesia  magnas  contentiones  excitaturos.  Ideo 
illVtd  unde  majores  lites  futurœ  erant,  planius 
prœdictum  et  apertius  prophetatum  est,  ut  adju- 
dicium  illis  valecit  qui  viderunt,  et  foras  fnge- 
runt.  Exempli  gratia  unum  commemorabo  :  Abra- 
ham pater  nosler  fuit,  non  propter  propaginem 
carnis,  sed  propter  imitationem  fidei  justus  et 
placens  Deo  :  per  fidem  suscepit  filium  sibipro- 
missum  de  Sara  sterili  uxore  sua  in  senectute 
sua  :  j'ussus  est  immolare  Deo  eumdem  filium', 
nec  dubitavit,  nec  disceptavit,  nec  de  jnssu  Dei 
disputavit,  nec  malum  putavit  quod  jubere  opti- 
mus  poluit;  duxit  filium  suuni  ad  immolandum, 
imposuit  ei  ligna  sacrificii,  pervenit  ad  locum, 
erexit  dexteram  ut  percuteret;  eo  prohibente  de- 
posuit,  quojubente  levaverat;  quiobtemperaverat 
ut  feriret,  oblemperavit  ut  parceret,  ubique  obe- 
diens,  nusquam  tiniidus  :  ut  tamen  impleretur 
sacrificium,  et  sine  sanguine  non  discederetur, 
inventiis  est  aries  hœrens  in  vepre  cornibus,  ipse 
imntolatus  est,  perfectum  est  sacrificium.  Quœre 
quid  sit  ?  figura  est  Christiinvoluta  sacramentis. 
Denique  ut  videatur  discutitur,  ut  videatur  per- 
tractatur,  ut  quod  involutum  est  evolvatur.  Isaac 
tanquam  fiiius  unicus  dilectus  figuram  habens 
Filii  Dei,  portans  ligna  sibi,  quomodo  Christus 
crucem  portavit.  Ille  postremo  aries  Christum 
significavit.  Quid  est  enim  hœrere  cornibus,' 7iisi 
q uodam  modo  crucifigi  ?  Figura  est  ista  de  Christo. 
Conlinuo  prœdicanda  erat  Ecclesia,  prœnuntiato 
capile  prœnunliandumerat  et  corpus  :  cœpit  Spi- 
rilus  Dei,  cœpit  Deus  ab  Abraham prœdicare  relie 
Ecclesiam,  et  lulit  figuram.  Christum  figuratepr œ- 
dicabat.  Ecclesiam  aperteprœdicavit  :  ait  enim  ad 
Abraham  :  Quoniam  obaudisti  vooem  meam,  et  non 


[iV'  ET  Y"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


379 


r™  plus  obscurément  de  Jésus-Clirist  que  de 
l'Église,  prévoyant  sans  doute  par  l'esprit 
de  Dieu,  que  les  hommes  formeraient  des 
partialités  et  des  sectes  contre  l'Église,  et 
qu'ils  exciteraient  contre  elle  des  disputes 
encore  plus  grandes  que  contre  Jésus-Chi'ist 
même;  c'est  pour  cela  que  ce  qui  devait  être 
le  plus  contesté  à  l'avenir  est  ce  qui  a  été 
prédit  le  plus  clairement,  afin  que  l'évidence 
de  ces  prophéties  fût  un  témoignage  contre 
ceux  qui  les  verraient,  et  qui  toutefois  se 
retireraient  de  l'Église.  En  voici  un  exem- 
ple :  Abraham  a  été  notre  père,  non  que 
nous  soyons  sortis  de  sa  chair,  mais  parce 
que  nous  imitons  sa  foi,  étant  juste  et  agréa- 
ble à  Dieu;  il  eut  par  la  foi  dans  sa  vieillesse, 
son  fils  Isaac,  que  Dieu  lui  avait  promis  de 
Sara,  qui  était  stérile  .  Dieu  lui  commanda 
ensuite  de  lui  immoler  ce  fils  :  Abraham  le 
fit  sans  hésiter;  il  ne  délibéra  point,  il  ne 
raisonna  point  sur  le  commandement  que 
Dieu  lui  faisait,  et  il  ne  crut  point  que  ce 
qu'un  Dieu  tout  bon  lui  ordonnait  de  faire, 
pût  être  un  mal.  Il  conduisit  son  fils  au  lieu 
du  sacrifice  ;  il  mit  sur  ses  épaules  le  bois 
qui  devait  le  consumer.  Arrivé  au  lieu  mar- 
qué, il  lève  le  bras  pour  frapper  Isaac,  et 
Dieu  l'arrêtant  tout  à  coup,  ce  patriarche 
baisse  sa  main  par  son  ordre,  comme  c'était 
par  son  ordre  qu'il  l'avait  levée.  Après  avoir 
témoigné  son  obéissance  en  se  préparant  à 
frapper  son  fils ,  il  la  témoigne  aussi  en  l'é- 
pargnant, étant  partout  obéissant,  et  jamais 
timide  ;  afin  néanmoins  que  ce  sacrifice  fût 
achevé,  et  qu'il  y  eût  du  sang  répandu,  il  se 
trouva  un  bélier  embarrassé  de  ses  cornes 
dans  un  buisson.  Ce  bélier  fut  immolé  au 
lieu  d'Isaac,  et  ainsi  fut  consommé  ce  sacri- 
fice. «  Cette  histoire,  dit  saint  Augustin,  est 


une  figure  de  Jésus-Christ  enveloppée  de 
voiles  sombres  et  mystérieux;  mais  enfin, 
on  perce  ces  voiles  pour  pénétrer  ce  qu'ils 
cachent;  on  sonde  et  on  examine  ces  obscu- 
rités pour  découvrir  ce  qui  y  était  obscur. 
Isaac,  fils  unique  d'Abraham,  figurait  le  fils 
unique  de  Dieu.  Il  porta  lui-même  le  bois 
de  son  sacrifice,  comme  Jésus-Christ  a  porté 
sa  croix.  Le  bélier  marquait  '  encore  Jésus- 
Christ.  Qu'était-ce  en  effet  autre  chose  être 
attaché  par  les  cornes  au  bois  d'un  buisson, 
sinon  être  en  quelque  sorte  attaché  au  bois 
de  la  croix?  Mais,  après  cette  figure,  il  fallait 
qu'aussitôt  l'Eglise  nous  fût  marquée,  et 
qu'après  la  prophétie  qui  regarde  le  chef,  il 
y  en  eût  une  qui  regardât  aussi  le  corps; 
c'est  pourquoi,  Dieu  voulant  prédire  l'Éghse 
à  Abraham  ne  se  servit  plus  de  figures,  et 
n'ayant  marqué  Jésus-Christ  que  sous  des 
énigmes  et  des  ombres,  il  parla  clairement 
de  son  Eglise  en  ces  termes  :  Parce  nue  vous  ce».  "". 
avez  écoute  ma  voix,  et  qua  cause  de  moi  vous 
n'avez  pas  épargné  votre  Fils  tmique,  je  vous 
comblerai  de  bénédictions,  je  multiplierai  votre 
race  comme  les  étoiles  du  ciel,  et  comme  le  sa- 
ble de  la  mer,  et  toutes  les  nations  de  la  terre 
seront  bénies  en  celui  qui  sortira  de  votre  race. 
On  peut  voir  en  beaucoup  d'antres  endroits 
que  Jésus-Christ  a  été  prédit  d'une  manière 
plus  obscure  que  l'Église,  afin  que  ceux 
même  qui  devaient  s'élever  contre  elle  fus- 
sent forcés  de  la  reconnaître,  et  qu'ils  ac- 
complissent ainsi  en  leurs  personnes  ce 
dont  elle  se  plaint  dans  les  Psaumes  :  Ceux  Psai.  xxx, 
qui  me  voyaient  sortaient  dehors,  et  fuyaient  de 
moi;  et  ailleurs  : //s  son^  sortis  d'avec  nous,  Joan.ir,2o. 
mais  ils  n'étaient  pas  d'avec  nous,  n 

10.  «  C'est  par  les  prophéties  -  qui  regar-      Prophéties. 
dent  Jésus-Christ ,  que  nous  convainquons  i-eiigion  ciré- 


peperoisti  filio  tuo  dileoto  propter  me,  benedicens 
benedicam  te,  et  impleudo  implebo  semen  tuum 
sicut  tellas  cœli,  et  sicut  arenam  maris,  et  bene- 
dicentur  in  semine  tuo  omnes  gentes  terrœ.  Et 
pêne  iibique  Christus  aliquo  involucro  sacramenti 
prœdicatus  est  a  prophelis,  Ecclesia  aperte  :  ut 
vidèrent  illam  et  qui  futuri  erant  contra  illam, 
et  implerelur  in  eis  isla  nequitia  quam  prœdixit 
Psalmus  :  Qui  videbant  me,  foras  fugerimt  a  me. 
Ex  nobis  exierunt,  sed  non  erant  ex  nobis  ;  hoc 
Aposlolus  Joannes  de  illis  dixit.  August.  m 
Psal.  30,  Serm.  3,  pag.  158-139. 

'  Quis  ergo  illo  (ariete  qui  cornibus  in  frutice 
tmebatur)  figitrabatur,  nisi  Jésus,  antequam  im- 
niolaretur,  spinis  judaicis  coronatus  ?  August.,  lib. 
XVI  De  Civil.  Dei,  cap.  xxxii,  num.  1,  pag.  444. 

2  De  propheiia  convincimus  contradicentes  pa- 
ganos  :  Quis  esl  Christus,  dicit  paganus?  Cuires- 


pondemus  :  Quem  prœnuntiaverunt  Prophetœ.  Et 
ille  :  Qui  Prophetœ  ?Recitamus  Isaiam,  Banielem, 
Jeremiam,  alios  sanctos  Prophetas,  dicimus  quam 
longe  ante  illumvenerint.quanto  tempore  adventum 
ejus  prœcesserint.Hoc  ergo  respondemus  :  Prœve- 
nerunt  eum  Prophetœ,  prœdixerunt  eum  esse  ven- 
turum.RespondetaliquiseorumiQuiProphelœlnos 
recitamus,quinobis  quotidierecitanlur.Etille:  Qui 
sunt  hi  Prophetœ  ?  Nos  respondemus  :  Qui  et  prœ- 
dixerunt ea  quœ  fieri  videmus.  Et  ille  :  Vos,  in- 
quit,  vobis  isla  finxislis,  vidistis  ea  fieri,  et,  quasi 
Ventura  prœdictaessent,  in  libris  quibus  voluistis 
conscripsistis.  Hic  contra  inimicospaganos  occur- 
rit  nobis  aliorum  testimonium  inimicorum.  Pro- 
ferimus  codices  a  Judœis,  et  respondemus,  nempe 
et  vos  el  illi,  fldei  noslrœ  estis  inimici. Ideo  sparsi 
sunt  per  gentes,  ut  alios  ex  aliis  convincamus 
inimicis.  Codex  Isaiœ  proferalar  a  Judœis,  video- 


580 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


les  païens,  qni  n'ont  pas  voulu  le  reconnaî- 
tre. Qu'est-ce  que  Jésus-Clirist,  dit  un  païen? 
c'est,  répondons-nous,  celui  dont  les  pro- 
phètes ont  prédit  la  venue.  Mais,  dira-t-il, 
quels  sont  ces  prophètes?  Isaïe,  lui  dirons- 
nous, -Daniel,  Jérémie  et  tous  les  autres  que 
nous  lui  apprenons  avoir  vécu  plusieurs  siè- 
cles avant  Jésus-Glirist ,  et  être  venus  au 
monde  longtemps  avant  qu'il  y  vînt.  Nous 
lui  disons  donc  qii'ayant  vécu  longtemps 
avant  Jésus-Christ,  ils  n'ont  pas  laissé  d'en 
prédire  la  venue.  Nous  lui  rapportons  même 
les  endroits  de  leurs  prophéties  où  il  en  est 
parlé,  et  qui  se  lisent  tous  les  jours  parmi 
nous.  S'il  continue  à  nous  questionner,  et  à 
nous  demander  quelle  sorte  de  gens  étaient 
ces  prophètes.  C'étaient,  lui  disons-nous,  des 
hommes  qui  prédisaient,  il  y  a  plusieurs 
siècles,  des  choses  que  nous  voyons  arriver 
tous  les  jours.  Le  païen  me  répondra  peu'.- 
être,  que  ce  sont  des  fictions;  cpie  nous 
avons  nous-mêmes  écrit  les  livres  qui  por- 
tent le  nom  des  prophètes,  et  que  nous  les 
avons  remplis  des  choses  arrivées  sous  nos 
yeux,  en  les  faisant  passer  pour  des  prédic- 
tions. Quand  les  païens  en  viennent  là,  nous 
avons,  pour  les  convaincre,  recours  aux  té- 
moignages des  Juifs,  qui  sont  nos  ennemis 
comme  eux,  et,  leur  produisant  des  livres  qui 
sont  et  ont  toujours  été  entre  les  mains  des 
Juifs,  nous  leur  disons  avec  raison  :  Vous 
n'avez  rien  à  objecter  contre  ce  témoignage, 
puisqu'il  vient  d'un  peuple  ennemi  de  notre 
foi,  aussi  bien  que  vous;  et  ce  peuple  n'a 
été  dispersé  parmi  les  nations,  qu'afin  qu'il 
pût  nous  fournir  de  quoi  convaincre  nos  en- 
nemis par  nos  ennemis  mêmes.  Que  les  Juifs 
donc  nous  produisent  le  livre  d'Isaïe  qu'ils 
ont  entre  leurs  mains;  et  nous  verrons  s'il 
n'y  est  pas  dit  de  Jésus-Christ  :  Il  a  été  mené 
à  la  mort  comme  une  brebis  qu'on  va  égorger. 


Il  n  demeuré  dans  le  silence,  et  sans  ouvrir  la 
bouche,  comme  un  agneau  devant  celui  qui  le 
tond.  Son  Jugement  a  été  luvé  dans  l'humilité. 
Nous  avons  été  guéris  par  ses  meurtrissures; 
nous  nous  étions  tous  égarés  comme  des  brebis 
errantes,  et  il  a  été  livré  à  la  mort  pour  nos  pé- 
chés. Voilà  déjà  une  des  langues  qui  ont 
rendu  témoignage  de  ce  qui  devait  ari-iver  à 
Jésus-Christ.  Que  les  Juifs  en  produisent  en- 
core un  autre;  qu'ils  nous  mettent  entre  les 
mains  le  livre  des  Psaumes,  nous  y  trouve- 
rons la  passion'  de  Jésus-Christ  prédite  du 
moins  aussi  clairement.  Ils  ont  percé  mes  ''"'•' 
mains  et  mes  pieds,  dit  le  Psalmiste  en  la  per- 
sonne de  Jésus-Christ;  ils  ont  compté  tousjnes 
os,  ils  m'ont  considéré  et  regardé,  ils  ont  par- 
tagé mes  vêtements,  et  ils  ont  jeté  ma  robe  au 
sort.  Vous  serez  le  sujet  de  mes  louanges,  et  je 
confesserai  votre  nom  au  milieu  d'une  gronde 
assemblée.  Toutes  les  extrémités  de  la  terre  se 
ressouviendront  du  Seigneur,  et  se  convertiront 
à  lui,  et  toutes  les  nations  du  monde  lui  rendront 
leurs  adorations.  Car  c'est  cm  Seigneur  qu'il 
appartient  de  régner,  et  il  dominera  les  na- 
tions. Que  les  païens  après  cela  rougissent 
de  honte  de  voir  que  les  Juifs,  qui  ne  sont 
pas  moins  nos  ennemis  qu'eux  nous  fournis- 
sent contre  eux  des  témoignages  si  forts  et 
si  clairs.  Mais  après  que  les  Juifs  nous  ont 
donné  de  quoi  convaincre  les  païens,  il  ne 
faut  pas  les  laisser  là.  Nous  pouvons  aussi 
obliger  les  Juifs  à  nous  fournir  de  quoi  les 
convaincre  eux-mêmes.  Nous  n'avons  qu'à 
leur  dire  de  nous  apporter  le  livre  du  pro- 
phète Malachie,  et  nous  verrons  que  Dieu 
y  dit  aux  Juifs  :  Èlon  affection  n'est  point  en 
vous,  je  ne  recevrai  plus  les  sacrifices  cjue  vous 
aviez  coutume  de  m'offrir,  parce  que  l'on  offre 
en  mon  nom  un  sacrifice  pur  depuis  le  levant 
jusqu'au  couchant.  Si  vous  ne  voulez  donc 
point,  ô  Juif,  prendre  pari  à  ce  sacrifice  pur, 


Mol 
cl  11 


mus  si  non  ibi  lego  :  Sicut  ovis  ad  immolandum 
diictus  est,  et  sicut  aguus  coram  tond  ente  fuit  sine 
voce,  sic  non  apevuit  os  sunni  :  in  humilitate  ju- 
dicium  ejus  sulilatnm  est  :  livore  ejus  sanati  su- 
mus  :  omnes  ut  oves  erravimiis,  et  ipse  traditus 
est  pro  pecçatis  nostris.  Ecce  lucerna  m)i«,  alia 
proferalur,  Psalinus  apcrialur,  eliain  incle  prœ- 
dicta  Passio  Chrisli  recilelur.  Foderunt  niauus 
meas  et  pedes  nieos,  dinumeravenmt  omnia  ossa 
mea  :  ipsi  vero  eousidevaverunt  et  cousposei'unt 
me,  diviseruul  sibi  vestimenta  mea,  et  super  vesti- 
mentum  meum  miseruut  sortem.  Apud  te  laus  mea, 
in  Rcclesia  magna  eonfitebor  tibi.  Commemora- 
buntur  et  couvertentur  ad  Dominum  nniversi  fi- 
nes terras  ;   et  adovabunt  in  conspectu  ejus  uni- 


vers» patrife  gentium  ;  quia  Domini  est  regnum 
et  ipse  dominabituv  gentiuni.  Erubescat  unus  ini- 
mints,  quia  oodicem  mihi  minisirat  alius  inimi- 
ciis.  Sed  ecce  de  codicibus  prolatis  ab  tino  inimico 
(ilternm  rici  :  et  ipse,  qui  mihi  codiccin  prolulil, 
non  relinquaiur  :  ab  ilto  proferalur,  itnde  et  ipse 
vincatur.  Lego  nlium  Prophctam,  el  inrenio  Do- 
miniim  loquentem  ad  Judwos  :  Non  est  mihi  vo- 
luutas  in  vobis,  dicit  Domiiius,  uec  aecipiam  sa- 
crificium  de  nianibus  vestris,  quoniam  ab  ortu 
solis  usque  ad  occasum  sacrifioinm  niundum-ôf- 
fertur  noniini  meo.  Non  venis,  Judœe,  ad  sacrifi- 
cium  mnnduin  :  convinco  le  immundum.  August., 
Tract.  3o,  in  Joannem,  num.  7,  pag.  Bit  et  542. 


[IV°  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTLN,-  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


381 


je   suis  en  droit  de  vous  regarder  couime 
n'étant  pas  pur.  » 

Saint  Augustin  dit  nettement  que  les  Juifs 
ne  subsistent  encore  aujourd'liui,  que  pour 
être  des  témoins  irréprochables  de  la  vérité 
de  nos  saintes  Écritures.  C'est  en  expliquant 
ces  paroles  du  psaume  lviii  :  Ne  les  extermi- 
nez point,  et  ne  permettez  j;as  qic'ils  oublient 
votre  loi.  a  Je  crois,  dit-il,  qu'elles  se  doi- 
vent entendre  des  Juifs,  et  qu'il  a  été  prédit 
par  là  que  ce  peuple,  quoique  détruit  et 
subjugué  '  par  les  Romains,  ne  se  laisserait 
point  aller  à  leurs  superstitions,  et  qu'il  de- 
meurerait toujours  attaché  à  sa  première 
loi,  afin  qu'il  fût  un  témoin  irréprochable  de 
la  vérité  des  Écritures  dans  toutes  les  par- 
ties du  monde,  d'où  Dieu  devait  recueillir  ce 
qui  compose  son  Église.  Car  les  Juife  sont  la 
plus  belle  preuve  qu'on  puisse  donner  aux 
nations  de  cette  vérité  salutaire  et  capitale  ; 
que  ce  n'est  point  sur  le  fondement  de  quel- 
que invention  humaine,  née  dans  la  tête  de 
quelque  imposteur,  et  produite  tout  d'un 
coup  dans  le  monde,  que  le  nom  de  Jésus- 
Christ  s'est  acquis  une  si  grande  autorité,  et 
qu'on  le  regarde  comme  l'espérance  du  salut 
éternel ,  mais  sur  celui  des  prophéties  écri- 
tes et  publiées  tant  de  siècles  auparavant. 
En  effet,  ne  croirait-on  pas  que  ces  prophé- 
ties ont  été  forgées  à  [plaisir  par  les  chré- 


tiens, si  nous  ne  les  tirions  des  livres  mêmes 
de  nos  eimemis?  C'est  pour  cela  que  le  Pro- 
phète dit  à  Dieu  :  JVe  les  exterminez  pas,  c'est- 
à-dire  ne  permettez  pas  que  cette  nation  s'é- 
teigne et  s'anéantisse  absolument,  comme  il 
serait  arrivé,  s'ils  avaient  été  forcés  d'em- 
brasser la  religion  des  Gentils,  et  qu'il  ne  se 
fût  toujours  conservé  parmi  eux  quelque 
forme  de  la  leur.  Or,  après  que  le  Psalmiste 
a  dit  ;  i\^e  les  exterminez  pas,  et  ne  permettez 
pas  qu'ils  oublient  votre  loi,  il  ajoute  :  Disper- 
sez-les par  votre  puissance,  comme  pour  mar- 
quer l'usage  que  Dieu  devait  faire  de  ce  peu- 
ple en  faveur  de  la  vérité  :  car  c'est  pour  lui 
rendre  témoignage  que  Dieu  n'a  pas  voulu 
que  les  Juifs  fussent  exterminés,  et  qu'ils 
ouMiassent  sa  loi  ;  s'ils  n'étaient  que  dans  un 
seul  endroit  de  la  terre,  l'Évangile,  qui  se 
prêche  et  qui  fructifie  par  toiit  le  monde,  ne 
pourrait  pas  tirer  avantage  du  témoignage 
qu'ils  rendent  à  la  vérité  des  livres  sacrés. 
11  fallait  donc  que  Dieu  par  sa  puissance  les 
dispersât  par  toute  la  terre,  afin  qu'ils  dé- 
posassent partout  en  faveur  de  celui  qu'ils 
ont  rejeté,  persécuté  et  mis  à  mort;  et  c'est 
ce  qu'ils  font  par  cette  loi  qui  prédit  si  clai- 
rement celui  qu'ils  ne  veulent  point  suivre.  » 
«  Admirez,  dit  encore  ce  Père  %  jusqu'à 
quel  point  Dieu  les  a  couverts  d'opprobres; 
ils  ont  été  dispersés  dans  tous  les  peuples  de 


1  Qiiod  vero  in  Psalmo  quinquagesimo  octavo 
de  Jiidœis  intelligitur ,  dicente  :  Ne  occideris  cos, 
nequando  obliviscautur  legis  tuas ,  convenienter 
mihividetur  inleUigi  ita  esse  jvœminticUmn,' eam- 
dem  gentem  etiam  debellalam  alque  subversam, 
in  popiili  vicions  siiperstitiones  non  fuisse  cessu- 
rain,  sedinveteri  lege  mansuram,  ut  apud  eam es- 
set  teslimonium  Scripturarunilotofirbe  lerrarum, 
unde  Ecclesia  fuerat  evocanda.  Nullo  enini  evi- 
denùiore  documento  ostenditur  gentibus,  quod  sa- 
luberrime  adoertilur,  non  inopinatum  et  repen- 
linum  aliquid  inslitutwn  spiritu  prœsnmpCioms 
hwmanœ,  ut  Christinomen  in  spe  salutis  œlernœ 
lanla  auctoritale  prœpolleat,  sed  oliin  fuisse  pro- 
phetatum  atque  conscripium.  Nam  ipsa  prophe- 
Lia,  quid  aliud  nisi  a  nostris  putaretur  esse  con- 
ficta,  si  non.de  inimicorum  codicibus  probaretur? 
Ideo  :  Ne  occideris  eos  [neipsius  geiilis  nomen  ex- 
iinxeris)  nequando  obliviscautur  Jegis  tuœ.  Quod 
utique  fieret,  si  ritus  et  sacra  gentiliuni  colère 
conqntlsi  penilus  qiialecumque  nomen  religionis 
suai  minime  retinerent..  Denique  cum  dixisset  : 
Ne  occideris  eos,  nequando  obliviscantur  legis  tuœ, 
velul  quœreretur  quid  de  illis  essei  faciendum,  nt 
in  aliquos  'usus  testimonii  veritatis  non  occidan- 
tnr,  id  est  non  consumanlur,  neque  obliviscanlur 
Ipgis  Bel,  continuo  subjimxit  :  Disperge  illos  in 
vii-tute  tua  ;  si  enim  in  uno  loeo  essenl  lerrarum, 


non  adjuvarent  testimonio  predicalionem  Evange- 
lii,  quœ  fructifical  tolo  orbe  terrarum.  Ideo  dis- 
perge illos  in  virtute  tua,  ut  ejus  ipsius,  cujus  fue- 
runt  negalores,persecutores,  interfectores,  ubique 
sint  testes per  ipsam  legem,  quam  nonobliviscnn- 
tur,  in  qua  est  ille prophekdus,  quem  nonsequnn- 
tur.  August.,  Ejrist.lid,  num.  9,  pag.  S06-S07. 

^  Quemadmodum  dati  sunt  (Judœi)  in  oppro- 
brium,  videte,  dispersi  sunt  per  omnes  génies, 
nusq^Mm  habentes  stabilitatem ,  nusquam  cerlam 
seclem.  Propierea  autem  adhuc  Judœi  sunt,  ut  li- 
bros  noslros  portent  ad  confuslonem  suam. 
Quando  enim  volumus  ostendere  Christum  Pro- 
phetarum,  proferimus  paganis  islas  litteras.  Et 
ne-  forle  dicant  durl  ad  fidem  quia  nos  illas  chris- 
tiani  coniposuimus,  ut  cum  Erangelio  quod  prœ- 
dicamus  fmxerimus  Prophelas,  per  quos  prcedic- 
tum  videretur  quod  prcedlcamus,  hlnc  eos  con- 
vincimus,  quia  omnes  ipsce  litterce,  quibus  Chris- 
tus  prophetatus  est,  apud  Judœos  sunt,  omnes 
ipsas  litteras  liaient  Judcei.  Proferimus  codices 
ab  inimicis,  ut  confund'imus  allas  inimicos.  In 
qnali  ergo  opprobrio  sunt  Judœi?  Codicem  portât 
judceus,  unde  crcdat  chrlstlanus.  Librarli  nostrl 
factisunt,  quomodo  soient  servlpost  dominos  co- 
dices ferre,  ut  illi  porlando  deficlant,  ilHlegendo 
proficlanl.  August.  in  Psal.  Lvr,  uum.  9,  pag.  ûiii 


582 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


la  terre,  sans  avoir  nulle  part  aucun  lieu 
stable  ni  aucune  demeure  fixe.  Il  ne  reste 
encore  quelques  juifs  au  monde  que  pour 
porter  nos  livres  à  leur  propre  confusion  : 
car,  quand  nous  voulons  faire  voir  aux  païens 
que  Jésus-Christ  a  été  prédit  par  les  pro- 
phètes, nous  leur  ouvrons  les  livres  des 
Juifs  ;  et  de  peur  que  ceux  d'entre  ces 
infidèles  qui  sont  les  plus  endurcis,  ne  di- 
sent que  c'est  nous-mêmes  qui  avons  com- 
posé ces  écritures  comme  il  nous  a  plu,  afin 
d'ajuster  les  prophètes  et  de  les  faire  ca- 
drer avec  l'Évangile  que  nous  prêchons , 
nous  réfutons  cette  fausse  accusation,  eu  ce 
que  tous  ces  livres  que  nous  leur  montrons, 
et  où  Jésus-Christ  est  prédit,  sont  entre  les 
mains  des  Juifs,  et  qu'ils  ont  toutes  ces  écri- 
tures. Nous  prenons  donc  de  nos  ennemis 
mêmes  des  livres  pour  confondre  d'au- 
tres ennemis.  Jugez  de  là  dans  quel  oppro- 
bre le  peuple  juif  est  tombé.  Un  juif  aujour- 
d'hui porte  eu  main  un  livre,  afin  qu'un 
chrétien,  par  ce  livre  que  le  juif  porte,  s'af- 
fermisse dans  la  foi  en  Jésus  Christ,  que  les 
Juifs  ont  crucifié.  Ils  sont  les  poi'teurs  de 
nos  saints  livres,  et  font  ce  que  d'ordinaire 
font  les  serviteurs  '  qui  portent  un  livre  der- 
rière leurs  maîtres.  Le  serviteur  se  lasse  et 
se  fatigue  en  portant  ce  livre,  et  le  maître  se 
nourrit  de  la  lecture  qu'il  en  fait.  » 

Saint  Augustin  remarque  que  les  prophè- 


tes ^  parlent  plus  souvent  des  choses  qu'ils 
annoncent ,  comme  si  elles  étaient  déjà 
arrivées  ;  il  en  donne  un  exemple  dans  Da- 
vid qui,  prédisant  la  passion  du  Sauveur,  la 
marque  en  ces  termes:  «  Ils  ont  percé  vies 
pieds  et  mes  mains;  ils  ont  compté  tous  mes  os; 
ils  ont  partagé  mes  vêtements.  H  ne  dit  pas  : 
Us  perceront  mes  pieds  et  mes  mains,  ils 
compteront  tous  mes  os,  ils  partageront  mes 
vêtements.  Le  prophète  représente  toutes 
ces  choses  comme  déjà  passées,  quoiqu'elles 
soient  futures  ;  parce  qu'à  l'égard  de  Dieu, 
ce  qui  doit  arriver  est  aussi  certain  que  s'il 
était  déjà  passé;  au  lieu  que,  pour  nous,  il 
n'y  a  de  sûr  que  ce  qui  est  déjà  arrivé.  L'a- 
venir nous  est  toujours  incertain;  nous  sa- 
vons qu'une  chose  est  faite  lorsqu'elle  l'est, 
parce  qu'il  ne  se  peut  faire  que  ce  qui  est 
fait  ne  le  soit  pas.  Mais  un  prophète  est 
aussi  assuré  de  l'avenir  que  nous  le  sommes 
du  passé  ;  et  il  est  aussi  sûr  que  ce  qu'il 
prédit  devoir  arriver  arrivera  en  effet,  que 
nous  sommes  sûrs  que  ce  que  nous  nous 
souvenons  avoir  été  fait,  ne  peut  pas  n'être 
pas  fait.  C'est  pour  ce  sujet  qu'ils  se  servent 
sans  rien  craindre  d'un  temps  passé,  pour 
marquer  des  choses  qui  arriveront.  » 

II.  «  Les  Psaumes  '  que  nous  chantons, 
dit  le  saint  Docteur,  ont  été  chantés  auti-e- 
fois  et  écrits  par  l'esprit  de  Dieu.  David,  qui 
en  est  l'auteur,  était  savant  *  dans  la  musi- 


'  Nobis  serviunt  Judœi,  tanquam  eapsarii  nos- 
tri  sunt,  studentibus  nobis,  codices  portant.  Au- 
gust.  in  Psal.  xl,  nuai.  14,  pag.  353. 

2  Intendite  quare  plercique  Prophetœ  ita  dicunl, 
tanquam  prceterita  sint,  cum,  prœnuntientur  fu- 
tura,  non  facta.  Nam  et  de  ipso  Domino  futura 
jjassio  prœnunliabatur,  et  tamen:  Foderunt,  i)i- 
quit,  manus  meas  et  pedes  meos,  diuumerave- 
runt  omnia  ossa  mea;  non  dixit,  fodient,  et  dinu- 
merabunt.  Ipsi  vero  consideraverunt  et  conspexe- 
runt  me  ;  non  dixit,  considerabunt  et  conspicient. 
Diviserunt  sibi  vestimenta  mca;  non  dixil,  divi- 
dent.  Omnia  ista  lanqvam  prœterita  dicuntur , 
cum  futura  sint  ;  quia  Deo  et  futura  tam  certa 
suni,  tanquam  prœterita  sint.  Nobis  enim  ea  quœ- 
prœlerierunt ,  certa  sunt;quce  futura,  incerta 
sunt.  Kovimus  enim  atiquid  accidisse,  et  non  po- 
test  fieriiit  non  acciderit,  quod  accidit.  Da  pro- 
phetam  cui  tam  certum  sit  futurum  quam  tibi 
prœteritum,  et  quam  tibi  quod  meministi  factum, 
non  potest  fieriut  non  sit  factum;  lam  illi  quod 
novit  futurum,  non  potest  fieri  ut  non  fiat.  Idco 
de  sccuritate  dicuntur  tanquam  pra-leriia  quœ. 
adhuc  futura  sunt.  August.  in  Psal.  sliii,  num.  S, 
pag.  373-374. 

^  Psalmi  isti,  quos  cantamus,  antcquam  Domi- 
nus  noster  Jésus  Christus  natus  esset  ex  Virgine 


Maria,  Spiritu  Dei  dictante,  dicti  et  conscripti 
sunt.  August.  in  Psal.  Lxn,  num.  1,  pag.  606. 

*  Erat  autem  David  vir  in  canticis  eruditus , 
qtii  liarmoniam  musicam  non  rulgari  voluptate, 
sed  pdeli  voliintate  dilexerit,  eaque  Deo  suo,  qui 
verus  Deus,  mystica  rei  magnœ  figuratione  ser- 
vieril...  Denique  omnis  fere prophetia  ejus  in  psal- 
mis  est,  quos  cenlum,  quinquaginta  liber  continet, 
quem  Psalmorum  rocamus.  In  quibus  nonnulli 
volunt,  eos  solos  factos  esse  a  David  qui  ejus  no- 
mine  inscripti  sunt.  Sunt  item  qui  pulant  non  ab 
eo  factos,  nisiqui prœnolantur  :  Ipsius  David  ;  qui 
■vero  liabenl  in  titulis  :  Ipsi  David,  ab  aliis  factos. 
personœ  ipsiîis  fuisse  coaptatos.  Quœ  opinio  voce 
evan^elica  Sulvatoris  ipsius  refutatur,  ubi  ail, 
quodipse  David  in  Spiritu  Christum  dixerit  esse 
Dominum  suum  ,  quoniam  psalmus  centesimus 
nonus  sic  inripit  :  Dixit  Dominus  Domino  mco, 
sede  adextris  meis,  etc..  El  certe  idem  psalmus 
non  habcl  in  lilulo  ipsius  David,  sed  ipsi  David, 
sicut  plurimi.  Slihi  autem  credibilius  videntur 
existimare,  qui  onuies  illos  centum  et  quinqua- 
ginta psalmos  ejus  operi  tribuunt,  cumque  ali- 
quos prœnotasse  etiam  nowinibus  aliorum,  ali- 
quid  quod  ad  rem.  pertineat  figurantibus ,  cœlc- 
ro^  autem  nullius  hominis  nomen  in  litulis  Ita- 
bere  voluisse  ;  sicut  ei  varietatis  hujus  dispositio- 


[iV"  ET  V''  SIÈCLES.] 

que,  et  il  aimait  l'harmonie,  non  pour  le  plai- 
sir de  l'oreille,  mais  par  des  vues  plus  éle- 
vées, pour  consacrer  à  Dieu  ses  cantiques 
remplis  des  plus  grands  mystères.  Car  toutes 
ses  prophéties  sont  renfermées  dans  les  cent 
cinquante  psaumes  dont  le  recueil  porte  le 
nom  de  Psautier.  Quelques-uns  veulent  qu'il 
soit  seulement  l'auteur  des  psaumes  qui  sont 
intitulés  de  son  nom  ;  d'autres  ne  lui  attri- 
buent que  ceux  où  on  lit  dans  le  titre,  de 
David,  voulant  que  ceux  qui  portent,  c  David, 
lui  aient  seulement  été  appropriés.  Mais  ce 
'sentiment  est  réfuté  par  le  Sauveur  même, 
qui  attribue  à  ce  saint  roi  le  psaume  cix, 
qui  toutefois  n'est  point  intitulé  de  David, 
mais  à  David.  Il  semble  donc  que  l'opinion 
de  ceux-là  est  plus  vraisemblable  qui  font 
David  auteur  de  tous  les  psaumes  et  qui  di- 
sent qu'il  en  a  inscrit  quelques-uns  à  d'au- 
tres personnes  qui  avaient  quelque  rapport 
au  sujet  qui  y  est  traité,  et  qu'il  en  a  laissé 
d'autres  sans  y  mettre  de  nom,  et  cela  par 
une  inspiration  divine  dont  la  raison,  pour 
n'être  pas  connue,  n'est  pas  toutefois  sans 
mystère.  Il  ne  faut  point  s'arrêter  à  ce  que 
l'on  voit  quelques  psaumes  qui  portent  en 
tête  les  noms  de  quelques  prophètes  qui  ne 
sont  venus  que  longtemps  depuis  David,  et  qui 
semblent  néanmoins  y  parler  :  car  l'esprit  pro- 
phétique qui  inspirait  ce  prince  a  pu  égale- 
ment lui  révéler  les  noms  de  ces  prophètes 
et  lui  faire  chanter  des  choses  qui  leur  con- 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


583 


venaient,  comme  nous  voyons  qu'im  certain 
prophète  a  parlé  de  Josias  et  de  ses  actions 
plus  de  trois  cents  ans  avant  la  naissance  de 
ce  prince.  Si  donc  on  trouve  à  la  tête  du 
psaume  lxxxix  :  Oraison  de  Moïse  l'homme  de 
Dieu,  il  ne  s'ensuit  point  qu'il  soit  '  de  ce  lé- 
gislateur ,  puisque  nous  ne  le  trouvons  point 
dans  les  livres  qui  sont  de  lui,  où  néanmoins 
il  y  a  des  cantiques.  C'est  donc  pour  mar- 
quer quelque  grand  mystère  que  l'on  a  mis 
ici  le  nom  de  Moïse,  afin  qu'en  lisant  ou  en 
entendant  ce  psaume  on  élevât  tout  d'un 
coup  son  esprit  à  Dieu.  » 

Saint  Augustin  croit  que  ^  les  titres  des 
Psaumes  sont  canoniques.  D'où  vient  qu'en 
parlant  du  psaume  l  qui  a  pour  titre  :  Psaume 
à  David  lorsque  le  prophète  Nathan  le  vint  trou- 
ver après  qu'il  eût  péché  avec  Betsabée,  il  dit 
qu'il  n'est  pas  fait  mention  de  ce  péché  dans 
ce  psaume  ;  mais  qu'il  est  marqué  dans  le 
titre,  et  que  l'action  de  ce  prince  avec  Betsa- 
bée se  trouve  décrite  plus  au  long  dans  le 
second  livre  des  Rois,  et  que,  l'un  et  l'autre 
étant  Écriture  canonique,  les  chrétiens  sont 
obligés  d'y  ajouter  foi.  Il  rejette  '  la  distribu- 
tion des  Psaumes  en  cinq  livres,  comme 
contraire  aux  Actes  des  apôtres,  où  il  est 
parlé  du  Psautier  comme  ne  faisant  qu'un 
seul  livre.  On  ne  voit  pas  qu'il  se  soit  expli- 
qué dans  ses  livres  de  la  Musique  sur  la  na- 
ture des  psaumes;  mais,  dans  sa  lettre  àl'é- 
vèque  Mémorius  '',  il  marque   assez    claire- 


nem ,  quamvis  latebrosam ,  non  tamen  inanem 
Dominus  inspiravit.  Nec  movere  débet  ad  hoc  non 
credendum,  quod  nomiulloruni  nomina  Prophe- 
tarum,  qui  longe  post  David  régis  tempera  fue- 
runt,  quibitsdam  psalmis  in  eo  libro  leguntiir  ins- 
cripta  ;  et  quœ  ibi  éiciinlur,  velut  ab  eis  dici  vi- 
denlur.  Neque  enim  non  potuit  propheticus  Spi- 
ritus  prophetanti  régi  David  hœc  etiam  fiituro- 
rum  Propheiarum  nomina  recelare,  ut  aliquid, 
quod  eorimi  personœ  conveniret,  prophetice  can- 
taretur;  sicut  rex  Josias  exorturus  et  regiiaturus 
post  annos  amplius  quam  trecentos  cuidoAn  pro- 
phètes, qui  etiam  facta  ejus  fulura  prœdixil,  cum 
suo  nomine  revelatus  est.  August.,  lib.  XVII  De  Ci- 
vît.  Dei,  cap.  xiv,  pag.  477. 

1  Non  enim  credendum  est  ab  ipso  omnino  Moyse 
istum, psalmum  fuisse  conscriptwm,  quiullis  ejus 
litteris  inditus  non  est,  in  quibiis  ejus  cantica 
scripta  sunt;  sed  alicujus  significationis  gratia 
lam  magni  meriti  servi Deinomen  adhibitum  est, 
ex  quo  dirigeretur  legentis  vd  audienlis  intentio. 
Factus  es  ergo  nobis,  inquit,  Domine,  refugium 
In  generatione  et  generatione.  August.  in  Psal. 
LXXXIX,  num.  2,  pag.  954. 

^  Inscribitur  titulus  ejus  :  Psalmus  ipsi  David, 
cum  venit  ad  eum  Nathan  propheta  quando  intra- 


vit  ad  Betsabée.  Beisabee  erai  mulier  uxor  alié- 
na  hujus mulieris  uxoris alienœ  pulchritudine 

captus  rex  et  propheta  David adidteravit  eam. 

Hoc  in  isCo  psulmo  non  legitur,  sed  in  titulo  ejus 
apparet;  in  libro  autem  Reguorum  plenius  legi- 
tur. U traque  scriptura  canonica  est,  ulriquesine 
dubilatione  a  chrisiianis  fides  adhibenda  est. 
August.  in  Psal.  L,  num.  2,  pag.  462. 

3  Quidam  omnium  psahnorum  quinque  libros 
esse  crediderunt....  nos  autem,  Scripturœ  canonicœ 
auctorjlatem^  sequentes,  ubi  legitw,  scriptum  esse 
enim  in  libro  psahnorum,  unum  psalmorum  li- 
br'um  esse  novimus.  August.  in  Psal.  cxl,  num.  2, 
pag.  1694. 

*  Quibus  numeris  consistant  versus  Davidici 
non  scripsi,  quia  nescio.  Neque  enim  ex  hebrœa 
lingua,  quam^  ignoro,  poluit  etiam  numéros  in- 
terpres  exprimere,  ne  metri  necessitate  ab  inter- 
pretandi  verita.te  amplius,  quam  ratio  sententia- 
rum  sinebat,  digredi  cogeretur;  certis  lamen  eos 
consiare  numeris,  credo  illis  qui  eam  linguam 
probe  callenl.  Amuvit  enim  vir  ille  sanctus  musi- 
cam  piwm  et  in  ea  sLudia  non  magis  ipse  quam 
ullus  alius  auclor  accendil.  August.,  Epist.  201, 
num.  4,  pag.  272, 


584 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ment  qu'il  les  croyait  écrits  en  vers,  et  rap- 
porte sur  le  témoignage  de  ceux  qui  avaient 
connaissance  de  la  langue  hébraïque,  que 
ces  vers  ont  une  mesure  certaine.  «  Ce  saint 
prophète,  ajoute-t-il,  aimait  à  faire  servir  la 
musique  à  sa  piété,  et  c'est  lui  plus  qu'aucun 
autre  qui  m'a  donné  de  l'amour  pour  cette 
sorte  d'étude.  Ses  divins  cantiques  ont  dans 
tous  les  temps  fait  les  délices  des  âmes  pieu- 
ses, et  la  consolation  des  cœurs  pénitents. 
Quels  ci'is  poussai-je  vers  vous,  ô  mon  Dieu  \ 
lorsque  n'étant  encore  que  novice  dans  votre 
véritable  et  pur  amour,  et  seulement  cathé- 
cumène,  je  lisais  les  Psaumes  du  Roi  pro- 
phète, ces  cantiques  animés  d'une  foi  vive,  et 
ces  chansons  toutes  saintes,  qui  bannissent 
des  ûmes  l'esprit  d'orgueil  et  de  vanité  ?  Com- 
bien ces  psaumes  m'embrasaient-ils  de  votre 
amour?  Combien  me  sentais-je  brûler  d'un 
ardent  désir  de  les  chanter  par  toute  la 
terre  ?  De  quel  mouvement  d'indignation  et 
de  colère  n'étais-je  point  touché  contre  les 
manichéens  qui  les  avaient  en  horreur?  Et 
d'autre  part ,  quelle  compassion  n'avais-je 
point  d'eux,  voyant  qu'ils  ignoraient  les  mys- 
tères renfermés  dans  vos  Ecritures  saintes  ? 
J'eusse  désiré  qu'ils  se  fussent  trouvés  en 
c[uelque  lieu  au  près  de  moi,  sans  que  je  le 
susse,  et  qu'ils  eussent  vu  mon  visage  et  en- 


tendu mes  paroles  lorsque  je  lisais  le  qua- 
trième psaume  de  David,  dans   la  retraite 
où  j'étais,  afin  qu'ils  fussent   témoins  des 
mouvements  qu'il  excita  en  mon  âme.  J'étais 
en  même  temps  glacé  de  crainte,  enflammé 
d'espérance,  et  tout  transporté  de  joie  dans 
la  vue  de  votre    miséricorde,  et  tous    ces 
mouvements  intérieurs  sortaient  au  dehors 
par  mes  pleurs  et  par  mes  soupirs,  lorsque 
le  Saint-Esprit  nous  dit  ces  paroles  :  Enfants 
des  hommes,  jusqu'à  quand  aurez  vous  le  cœur 
endurci  ?  Pourquoi  aimez  vous  la  vanité  et  cher- 
chez-vous le  mensonge  ^  ?  Je  ne  pouvais,  sans 
trembler,  entendre  que  ces  pai'oles  s'adres- 
sent à  ceux  qui  sont  tels  que  je  me  souvenais 
d'avoir  été  si  longtemps  ;  et  dans  la  douleur 
de   mon  souvenir,  je  dis  plusieurs   choses 
avec  tant  de  force  et  de  véhémence,  que  je 
souhaiterais  qu'elles  eussent  été  entendues  de 
ceux  qui  aiment  encore  la  vanité,  et  qui  cher- 
chent le  mensonge.  Car  peut-être  auraient- 
ils  vomi  le  poison  qui  les  étoufle.  Je  disais 
dans  la  suite  :  Mettez-vous  en  colère  et  ne  pé- 
chez point  ?  Et  de  quelle  sorte,  mon  Dieu, 
étais-je  touché  par  ces  paroles,  ayant  déjà 
appris  à  me  mettre  en  colère  contre  moi- 
même  ,   à   cause  de  mes  fautes    passées  , 
pour  n'en  plus  commettre  à  l'avenir  ?  Déjà 
les  biens  '  que  j'aimais  n'étaient  plus  exté- 


•  Quas  tibi,  Deusmeiis,  voces  dedi  cum  legerem 
Psalmos  Dct.vid,caiUica  fidelia  et  sonos  pietatis 
excludenles  turgidum,  spiritum,rudis  ingermano 

amore  tua,  catliecumeims  ! ipias  tibi  voces  da- 

bain  in  psalniis  illis,  et  quomodo  in  te  inflamma- 
bar  ex  eis,  et  accendebar  eos  recitare,  si  possem, 
toto  orbe  terrarum!....  quam  vehemenli  et  acri 
dolore  indignabar  manichceis,  et  miserabar  eos 
rursus,  quod  illa  sacramenta,  illa  medicamenta 
nescirent,  el  insani  essent  adversus  anUdotum 
quo  sani  esse  potuissent  !  Yelliin  ut  alicubi  juxta 
essent  tune,  et,  me  nesciente  quod  ibi  essent,  in- 
iuerentur  faciem  meam,  et  audirent  voces  meas, 
quando  Icgi  quarlum  psalmum,  in  illo  innc  otio, 
quid  de  me  fecerit  Me  psatmus  :  Cum  iuvocarem 
exaudivit  me  Deus  justitinî  mcaî,  in  tribulationo 

(lilatasti  mibi,etc Inhorrui liinendo,  ibidemque 

inferbui  sperando,  et  exultcmdo  in  tua  misericor- 
dia,  Pater.  El  liœc  omnia  exibant  per  oculos  mecs, 
et  vocem  meam,  cum  conversus  ad  nos  Spiritus 
tims  bonus  ait  ad  nos  :  Filii  hominuui,  quousque 
graves  corde?  ut  quid  diligitis  vauitatem  et  quœ- 

rilis  mcndaoium? Àudici  et  contremui,  quo- 

niam  talibus  dicitur,  qiialem  me  fuisse  reminis~ 
cebar;  et  insonui  mulla  graviter  et  forliter  in 
dolore  recordalionis  meœ.  Quœ  utinam  audissenl 
qui  adhiic  diligunl  vaniUilem  et  quœrunt  men- 
daciuni;  forle  conturbarenlur  el  evumuissent  il- 

lud legebain  ;  Iriiseimiui  et  iiolite  peocare.  Et 

quomodo  mui-ebar,  Deus  meus,  quijam  didicerain 


irasci  mihi  de  prœteritis,  ut  de  cœtero  non  pec- 
carem.  August.,  lit).  IX  Conf.,  cap.  iv,  num.  8, 
pag.  160-i61. 

-  Redi  ad  verba  Psalmorum  quos  execramini. 
Auguft.  in  Psal.  cxl,  pag.  1369. 

8  ISec  jam  bona  mea  foris  erant,  necoculis  car- 

nis  in  islo  sole  quœrebantur o!  si  vidèrent  in- 

ternum  œternum,  quod   ego,   qida  gustaveram., 

frendebam  quoniam  noneispoteram  ostendere 

ibi  enim,  ubi  mihi  iratus  eram  intus  in  cubili, 
ubi  compimctus  eram,  ubi  sacrificaveram  mac- 
tans  voluptatem  meam,  el  inchoata  medilalione 
renovationis  meœ  sperans  in  le,  ibi  mihi  dulces- 
cere  cœjieras,  [et  dederas  lœtitiam  in  corde  meo. 
Et  exclamabam  legens  hœc  foris,  et  agnoscens in- 
tus, nec  rolebam  )nultiplicari  lerrenis  bonis,  de- 
vorans  tempora,  et  devoratus  lemporibus;  cum 
haberem  in  œlerna  simplicilale  aliud  frumentum 
el  vinum  et  oleum.  El  clamabam  in  consequenti 
versu  clanwre  alto  cordis  mei  :  0  iu  pace  !  0  iu 
idipsum!  0  gin'  dixil  !  Obdormiain  et  somniim 
capiam!  Quoniam  quis  resistel  nobis,  cum  fiet 
sermo  qui  scriptus  est  :  absorpla  est  mors  iu  vie- 
torin?  Et  lu  es  id  ipsum  valde  qui  non  mutaris; 
et  iu  le'requies  ohliviscens  laborum  omnium,  quo- 
niam nullus  alius  lecum,  îiec  ad  alia  mulla  adi- 
piscenda  quœ  non  funl  quud  lu.  Sed  tu,  Domine, 
singulnritcr  iu  spe  coustituisli  me.  Legebam,  el 
ardebam;  nec  inrenicbam  quid  focerem  surdis 
murlttis,  ex  qi'ibus  fuerum  pcslis  latralor  .ama 


[IV' ET  v=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

rieurs,  et  les  yeux  de  mon  corps  ne  les  cher- 
chaient plus  dans  ce  soleil  matériel  et  sensi- 
ble. Oh  !  si  les  manichéens  pouvaient  voir 
cette  lumière  éternelle,  dont  je  commençais 
à  goûter  la  connaissance ,  et  que  j 'avais  un  dé- 
plaisir sensible  de  ne  leur  pouvoir  montrer  ; 
dans  le  secret  de  mon  âme,  où  je  m'étais 
mis  en  colère  conti'e  moi-même,  où  j'avais 
été  touché  jusgues  dans  le  fond  du  cœur, 
et  où  je  vous  avais  offert  un  sacrifice,  en  dé- 
truisant d'une  part  mon  ancienne  corruption, 
et  vous  offrant  de  l'autre,  avec  une  sainte 
confiance  en  votre  miséricorde,  le  commen- 
cement du  renouvellement  de  mon  âme, 
vous  aviez  commencé.  Seigneur,  à  me  faire 
goûter  vos  douceurs  et  vos  délices,  et  à  me 
combler  de  joie.  Ainsi,  je  poussais  des  cris 
au  dehors,  en  lisant  ces  saintes  paroles,  dont 
je  ressentais  l'effet  au  dedans,  et  je  ne  dési- 
rais plus  m'enrichir  de  l'abondance,  en  dé- 
vorant par  un  désir  insatiable  les  choses  su- 
jettes au  temps,  parce  que  je  trouvais  dans 
votre  éternité  très-simple  un  autre  froment, 
un  autre  vin  et  une  autre  huile  que  ceux  d'ici- 
bas.  Lorsque  je  lisais  le  verset  suivant,  je 
jetais  un  grand  soupir  du  plus  profond  de 
mon  cœur,  et  m'écriais  :  Je  serai  en  paix,  je 
serai  en  paix,  lorsque  je  serai  en  Dieu.  Ce  sera 
dans  lui-même  que  je  prendrai  mon  sommeil  et 
mon  repos.  0  bienheureuses  paroles  !  A  quoi 
j'ajoutais  :  Qui  sera  capable  de  nous  résister, 
lorsque  cette  autre  parole  sera  accomplie  :  La: 
mort  a  été  engloutie  par  la  victoire!  Vous  êtes. 
Seigneur,  cet  être  admirable  qui  ne  change 
point.  En  vous  seul  je  trouve  le  repos 
qui  fait  oubher  toutes  les  peines,  parce  que 
nul  autre  n'est  égal  à  vous,  et  qu'il  serait 
inutile  d'acquérir  tout  ce  qui  n'est  pas  ce  que 
vous  êtes.  Voilà,  Seigneur,  le  fondement  de 
la  sohde  espérance  dans  laquelle  il  vous  a 
plu  de  m'affermir;  je  lisais  ainsi  ce  psaume 
avec  ardeur,  et  j'eusse  bien  voulu  pouvoir 
faire  quelque  chose  pour  toucher  les  oreilles 
sourdes  de  ces  morts  dont  j'avais  été  l'un  des 


que  l'auteur  des  Psaumes    suriesimpré- 

*  calions  coule- 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  585 

pires,  lorsque  je  m'élevais  avec  une  opiniâ- 
treté, et  un  aveuglement  étranges,  contre  vos 
saintes  Écritures,  si  pleines  de  la  douceur 
d'un  miel  céleste,  et  si  éclatantes  de  votre 
lumière,  et  je  séchais  de  douleur  en  pensant 
aux  manichéens  qui  persistent  encore  dans 
la  haine  qu'ils  ont  pour  vos  divins  livres.  » 

12.  «  n  semble  * 
fasse  des  imprécations  contre  ses  ennemis 
et  qu'il  leur  souhaite  toutes  sortes  de]  maux. 
Cependant  celui  qui  parle  est  un  juste.  Com- 
ment donc  peut-il  souhaiter  tant  de  maux  à 
ses  ennemis  ?  Mais  ce  qu'il  nous  parait  sou- 
haiter, il  ne  fait  que  le  prévoir  ;  c'est  une 
prophétie  et  non  pas  une  imprécation  :  car 
les  saints  prophètes  voyaient,  par  la  lumière 
dont  leur  esprit  était  éclairé,  à  qui  il  devait 
arriver  du  bien  et  du  mal,  et  ils  s'énonçaient 
comme  s'ils  eussent  souhaité  ce  qu'ils  ne 
faisaient  que  prédire.  »  C'est  ainsi  que  saint 
Augustin  interprète  ces  paroles  du  psaume 
XXXIV  :  Seigneur,  jugez  ceux  qui  vie  nuisent,  dé- 
truisez ceux  qui  m'attaquent,  percez  de  votre 
épée  ceux  qui  me  piersécutent,  que  ceux  qui 
cherchent  mon  âme  tombent  dans  la  honte  et 
dans  la  confusion,  qu'ils  deviennent  semblables 
à  la  poussière  que  le  vent  emporte,  et  que  l'ange 
du  Seigneur  les  poursuive,  que  leurs  voies  de- 
viennent ténébreuses  et  glissantes,  et  que  l'ange 
du  Seigneur  les  tienne  à  l'étroit.  <■<.  Ce  sont  les 
maux,  dit  ce  Père  %  que  le  Prophète  pré- 
voit devoir  arriver  aux  pécheurs,  et  non 
qu'il  leur  souhaite.  On  peut  dire  encore  que 
le  Prophète  parle  de  ces  choses  de  la  même 
manière  que  Dieu  les  fait,  c'est-à-dire,  avec 
un  esprit  sur  de  l'avenir,  tranquille,  juste  et 
saint,  sans  être  troublé  de  colère,  sans  être 
animé  d'un  zèle  amer,  sans  être  possédé 
d'un  esprit  d'inimitié  et  de  vengeance  ;  mais 
par  le  seul  amour  de  la  justice,  et  de  rendre 
au  péché  la  punition  qu'il  mérite.  C'est  tou- 
jours néanmoins  une  prophétie.  » 

13.  (I  Entre  tous  les  livres  divins,  dit  saint 
Augustin,  celui  des  Évangiles  tient  le  pre- 


Sur  les  Evan  ■ 
gilos. 


rus  et  cœcus  adversus  liUeras  de  melle  cœli  mel- 
leas,  et  de  lumine  tiio  luminosas,  eu  super  inimi- 
cis  Scripturœ  liiijus  tabescebam.  August.,  lib.  IX 
Conf.  cap.  IV,  num.  10  et  M,  pag.  160-161. 

'  In  Psalmis  sanctis  legistis,  veluti  multa  im- 
precari  mala inimicis  suis,  eum  qui  loquitur  in 
Psalmis.  Et  tUique,  ait  aliquis,  qui  loquitur  in 
Psalmis,  justus  est  :  quare  tam  multa  mala  op- 
tai inimicis  suisl  non  optai,  sed  prœvidet  :  pro- 
phelia  est  prœnuntiantis,  non  votum  maledicen- 
lis.  In  spiritu  enim  illi  noverant  quibus  habebat 
evenire  maie,  quibus  bene  :  el  pcr  proplieliam  di- 


cebant,  tanquam  optarent[quod  prœvidebanl.  Au- 
gust.,  Serin.  56,  De  Oratione  Dom.,  num.  3, 
pag.  323. 

-  Hœc  eis  futura  prœdixit,  non  quasi  ut  eveni- 
rent  optavil.  Quanquani  et  prophelia  in  Spiritu, 
Dei  sic  ea  dicat,  quomodo  illa  Deus  facit,  certo 
judicio,  hono,  justo,  sancto,  tranquille,  non  per- 
turbatus  ira,  non  amaro  zelo,  non  animo  ini- 
micitiarum  exercendarum,  sed  justilia  vitiorum 
puniendorum  :  verumtamen  prophelia  est.  Au- 
gust,, Ser»!.  1  in  Psal.  xxxiv,  uum.  9,  pag.  234. 


586 


HISTOIRE  GÉNÉB.ALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


mier  rang  ',  puisqu'on  y  trouve  l'accomplis- 
sement et  la  vérité  des  choses  que  la  loi  et 
les  prophètes  n'avaient  fait  qu'annoncer. 
Ceux  qui  en  ont  été  les  premiers  prédica- 
teurs, avaient  vu  Jésus-Christ  môme  dans  sa 
chair  mortelle,  et  non-seulement  ils  conser- 
vaient la  mémoire  de  ce  qu'ils  avaient  en- 
tendu dire  de  sa  propre  bouche,  ou  de  ce 
qu'ils  lui  avaient  wx  faire  de  leurs  propres 
yeux  ;  mais  ils  avaient  encore  -été  chargés 
du  ministère  de  l'Évangile,  et  ont  pris  soin 
de  faire  connaître  au  monde  ce  qu'ils  avaient 
pu  apprendre  des  actions  divines  du  Sau- 
veur, de  sa  naissance,  de  son  enfance  ou  de 
sa  jeunesse,  soit  par  Jésus-Christ  même, 
soit  par  ses  parents,  soit  enfin  par  des  preu- 
ves certaines  et  des  témoignages  fidèles , 
avant  qu'il-s  se  fussent  attachés  à  lui  en 
qualité  de  disciples.  Deux  d'entre  eux,  sa- 
voir, saint  Matthieu  et  saint  Jean,  ont  écrit 
chacun  à  part  les  choses  dont  ils  ont  jugé  à 
propos  de  nous  instruire  touchant  Jésus- 
Christ.  Mais  afin  qu'on  ne  crût  point  que 
pour  connaître  l'Évangile  il  fût  nécessaire 
que  ceux-là  seuls  l'annonçassent  qui  avaient 
suivi  Jésus-Christ  pendant  sa  vie  mortelle , 
la  divine  Providence  a  procuré,  par  le  Saint- 


Esprit  -,  que  quelques-ims  de  ceux  mêmes 
qui  n'avaient  été  que  les  disciples  des  apô-; 
très,  eussent  l'autorité  non-seulement  de 
prêcher  l'Évangile,  mais  encore  de  l'écrire. 
Les  évangélistes  de  ce  dernier  genre  sont 
saint  Marc  et  saint  Luc.  Le  Saint-Esprit  a 
voulu  qu'ils  écrivissent  quoiqu'ils  ne  fussent 
pas  apôtres,  afin  qu'on  ne  crût  pas  que  la 
grâce  d'annoncer  l'Évangile  était  renfermée 
dans  les  apôtres.  Quant  aux  autres  qui  se 
sont  mêlés  d'écrire  quelques-unes  des  ac- 
tions de  Jésus  -  Christ  ou  des  apôtres ,  ils 
n'ont  pas  été  tels,  que  l'Église  ait  cru  devoir 
leur  ajouter  foi,  ni  mettre  leurs  écrits  dans 
le  canon  des  livres  saints.  Elle  en  a  usé 
ainsi,  non-seulement  parce  que  ces  écrivains 
ne  lui  paraissaient  mériter  par  eux-mêmes 
aucune  croyance  ;  mais  aussi  parce  qu'il  se 
se  trouvait  dans  leurs  écrits  des  choses  con- 
traires à  la  saine  doctrine  et  à  ce  que  pres- 
crit la  foi  catholique  et  apostolique,  n 

14.  !c  S'il  y  a  quatre  évangélistes,  c'est 
peut-être  à  cause  des  quatre  parties  '  du 
monde  dans  lesquelles  l'Église  de  Jésus- 
Christ  se  devait  répandre  généralement. 
Quelques-uns  ''  ont  cru  trouver  une  figure 
de  ce  nombre  dans  le  commencement  de  la 


'  Inieromnes  divinas  audoritates,  quœ  sanctis 
litleris  continentur,  Evangelium  merito  excellit. 
Quod  eniin  lex  et  Prophetœ  fulurum  prœnuntia- 
verunt,  hoc  redditum  atque  completwm  in  Evan- 
geiio  demonstratur.  Cujiis  quidem  primi  prœdica- 
tores  apostoli  fuerunt,  qui  Dominum  ipsum  et 
Salcatorem  nostrum  Jesum  Christum  etiam  prœ- 
sentem  in  carne  videruni,  qui  non  solum  ea  quœ 
ex  ore  ejus  audita  vcl  abillo  sub  oculis  suis  ope- 
rala,  dicta  et  factn  meniinercpit,  vcrum  etiam 
quœ  prius  quam  illi  per  discipulatum  adhœse- 
rant,  in  ejus  nativitate,  vel  infanUa,  vel  pueritia 
dieinitus  gesta  et  digna  inemoria,  sive  ab  ipso, 
sive  a  parenlibus  ejus,  sive  a  quibuslibet  aliis, 
certissimis  indiciis  et  fidelissimis  testimondis  re- 
quirere  et  cognoscere  potnerunt,  imposito  sibi 
evangelizandi  mwnere ,  generi  humano  annun- 
tiare  curarunt.  Quorum  quidam,  hoc  est  Mat- 
Ihœus  et  Joannes,  etiam  scripta  deillo,  quœ  scri- 
benda  l'isa  suni,  libris  singulis  edideriint.  Ac  ne 
putaretur  quod  attinet  adpercipiendum  et  prœdi- 
candiim  Evangelium,  interesse  aliquid  utruni  illi 
annuntient,  qui  enmdem  Dominum  hic  in  carne 
apparentein,'discipulatu  famulante,  seeuti  sunt, 
an  ii  qui  ex  illis  fideliter  comperla  crediderunt, 
diviiia  providentia  procuratum  est  per  Spiritum 
Sanctum,  ut  quibusdam  etiam  ex  illis  qui  primos 
apostolns  sequebanlur,  non  solum  annuntiandi, 
tier^Mn  etiam  scribendi  Evangelium  tribuerelur 
auclorilas  :  hi  sunt  Marcus  et  Lucas.  Cœteri  au- 
tem  homines,  qui  de  Domini  vel  apostolorum 
nctibus  aliqua  scribere  conati  vel  ausi  sunt,  non 


taies  suis  temporibus  extiterv/nt,  ut  eis  fidem  ha- 
beret  Ecclesia,  atque  in  auctoritatem  canonicam 
sanctorum-  librorum  eorum  scripta  reciperet  :nec 
solum  quia  illinon  taies  erant,  quibus  narrantibus 
credi  oporteret ;  sed  etiam  quia  scriptis  suis  quœ- 
dam  fallaciter  indiderunt,  quœ  catholica  atque 
apostolica  régula  fidei  et  sana  doctrina  condem- 
nal.  August.,  lib.  I  De  Cens,  evang.,  cap.  i,  nuui.  1 
et  2,  pag.  l,  et  seq.,  tom.  111,  part.  2. 

-  Ideo  namque  voluit  Spiritus  Sanctus  etiam 
ex  his  qui  inter  duodecim  non  fuerunt,  eligere  ad 
Evangelium  conscribendum  duos,  ne  putaretur 
gralia  evangelizandi  usque  ad  apostolos  perve- 
nisse,  et  in  illis  fontem  gratiœ  defecisse.  August., 
S  rm.  239,  uum.  !,  pag.  998. 

3  Isti  igitur  quatuor  evangelistœ  universo  ler- 
rarum  orbe  notissimi,  et  ob  hoc  fortosse  qua- 
tuor, quoniam  quatuor  sunt  partes  orbis  lerrœ, 
per  cujus  universitatem  C hristi Ecclesiam  dilatari 
sui  numeri  sacramento,  qîiodam  modo  declara- 
runt.  August.,  lib.  I  De  Consensu  ecangclist., 
cap.  2,  num.  3,  pag.  3.  Has  quatuor  jmrtes  sœpe 
Scriplura  commémorât,  orienlem  et  occidentem, 
aquilonem  et  meridicm.  Ideo  quia  totus  orbis  per 
Evangelium  vocabatur,  quatuor  Evangelia  con- 
scripta  sunt.  August.  tu  Psal.  103,  serm  3,  num.  2, 
pag.  1150. 

'  Apud  E::echielem  prophetam  et  in  Àpocabjpsi 
ipsius  Joannis.  c^ijus  est  hoc  Evangelium,  cont- 
memoralur  animal  quadruplex,  habciis  quatuor 
personas,  hominis,  vituli,  leonis,  aquilw.  Quiante 
nos  Scripturarum  sanctarum  mijsteria  traclnve- 


[IV"  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTLN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


prophétie  d'Ézécliiel,  et  dans  le  chapitre  iv 
de  l'Apocalj^se,  où  il  est  parlé  de  quatre 
animaux,  dont  le  premier  était  semblable  a 
un  lion  ;  le  second  à  un  veau  ;  le  troisième 
avait  le  visage  comme  celui  d'un  homme,  et 
le  cpiatrième  était  semblable  à  un  aigle  qui 
vole.  »  C'est  sous  ces  symboles  que  l'on  re- 
présente ordinairement  les  quatre  évangé- 
listes  ;  mais  les  anciens  auteurs  ne  s'accor- 
dent pas  dans  l'application  qu'ils  en  ont 
faite  ;  Saint  Augustin  préfère  '  ceux  qui  ont 
donné  le  lion  à  saint  Matthieu,  l'homme  a 
saint  Marc,  le  veau  à  saint  Luc,  et  l'aigle  à 
saint  Jean,  à  ceux  qui  donnent  l'homme  à 
saint  Matthieu,  et  le  lion  à  saint  Jean,  parce 
qu'il  ne  faut  pas  s'arrêter  au  commencement 
de  leurs  Évangiles  ;  mais  à  ce  qu'ils  con- 
tiennent, et  que  saint  Matthieu  s'attache  plus 
à  ce  qui  regarde  la  royauté  de  Jésus-Christ; 
saint  Luc  à  son  sacerdoce  ;  saint  Marc  à  son 
humanité  et  saint  Jean  à  sa  divinité. 

13.  ((  Suivant  l'ordre  qu'ils  ont  écrit,  on 
met  ^  saint  Matthieu  le  premier,  ensuite  saint 
Marc,  puis  saint  Luc  et  saint  Jean.  Mais  cet 
ordre  est  différent  de  celui  qu'ils  ont  gai'dé 
dans  la  prédication  de  l'Évangile,  étant  cer- 
tain que  ceux-là  ont  été  les  premiers  à  con- 
naître le  Seigneur  et  à  l'annoncer,  qui  ont 
marché  à  sa  suite,  qui  l'ont  écouté,  qui  l'ont 
vu  opérer  des  merveilles,  et  qui  ont  reçu  de 
sa  bouche  l'ordre  d'aller  prêcher  l'Évan- 
gile, n  paraît  que  c'est  par  une  providence 
particulière  que  parmi  ceux  que  Jésus-Christ 


a  mis  au  nombre  de  ses  apôtres  avant  sa 
passion ,  deux  se  sont  trouvés  ,  le  premier  ei 
le  dernier ,   dans  l'ordre  des  évangéhstes  : 
savoir,  saint  Matthieu  et  saint  Jean,  afin  que 
les  deux  autres  qui   n'étaient  point   de  ce 
nombre,  placés  entre  ces  deux  apôtres,  fus- 
sent regardés  comme  leurs  enfants  ,  et  trou- 
vassent pour  ainsi  dire,  entre  ces  deux  rem- 
parts, toute  l'autorité  dont  ils  avaient  be- 
soin. Saint  Matthieu  est  le  seul  des  quatre 
qui  ait  écrit  en  hébreu,  les  autres  '  ont  écrit 
en  grec.    Quoiqu'ils   paraissent    tous   avoh 
gardé  un  ordre    particuher   dans    les    faits 
qu'ils  rapportent ,  chacun  d'eux  néanmoins 
n'a  pas  voulu  écrire  comme  s'il  eût  ignoré 
ce  qu'avait  dit  un  autre  avant  lui,  ou  omet- 
tre ce  qu'il  ignorait,  mais  qui  se  trouvait 
écrit  par  un  autre  évangéhste.  Tous,  conduits 
par  l'inspiration  divine,  ont  ajouté  heureu- 
sement leur  travail  à  celui  des  autres.  En  ef- 
fet saint  Matthieu  s'est  arrêté  principalement 
à  décrire  l'incarnation  de  Jésus-Christ ,  sa 
race  royale,  et  plusieurs  paroles  et  actions 
de  sa  vie  mortelle.  En  cela  saint  Marc  l'a 
suivi  de  près,  et  semble  n'avoir  été  que  son 
abréviateur,  ayant  dit  peu  de  chose  de  lui- 
même,  et  n'ayant  rien  emxjrunté  de  saint 
Jean  ni  de  saint  Luc.  Celui-ci  paraît  plus  oc- 
cupé à  représenter  la  race  sacerdotale  de 
Jésus-Christ,  ne  comptant  dans  sa  généalo- 
gie aucun  de  ceux  qui  ont  régné,  et  remon- 
tant non  à  David,  mais  à  Nathan  son  fils, 
qui  ne  régna  Jamais  ;  en  quoi  saint  Luc  est 


runt,  plerique  in  hoc  animali,  vel  potins  in  his 
animalibus,  quatuor  Evangelistas  intellexerunt. 
August.,  Tract.  36,  in  Joan-,  num.  S,  pag.  546. 

1  August.  ,  lib.  I  De  Cons.  Evang.,  cap.  vi, 
num.  9,  pag.  5-6. 

^  Hoc  ordine  scripsisse  perhibentur  {Evangelis- 
tœ).  Primiim  Uatlhœus,  deinde  Marcus,  tertio 
Lucas,  ultimo  Joannes.  Unde  alius  eis  fuit  ordo 
cognoscendi  atque  prcedicandi,  alius  autem  scri- 
bendi.  Ad  cognoscendnm  quippe  atque  prœdican- 
dum,  primi  ulique  fuerunt  qtii,  secuti  Doininum 
in  carne  jrrœsentem,  dicentem  audierunt  facien- 
temque  viderunt,  atque  ex  ejus  ore  ad  evangeli- 
zandum  missi  sunt.  Sed  in  conscribendo  Evange- 
lio,  quod  dioiiiitus  ordinatum  esse  credenduin 
est,  ex  numéro  eoruin  quos  ante  Passionein  Do- 
minus  eleglt,  prinmm  atque  ultimum  locum  duo 
tenuerunt,  priinum  Matlhœus,  ultimum  Joan- 
nes :  ut  reliqui  duo  qui  ex  illo  numéro  non  erant, 
sed  tamen  Cliristum  in  illis  loquentem  secuti 
ernit,  Uinquam  filii  amplectendi,  ac  per  hoc  in 
loco  medio  constituti,  ulroque  ab  eis  lalere  mu- 
?!()'(!;iiitr.  August.,  lib.  1  De  Co)is.  Eoang.,  cap.  ii, 
ULim.  3,  pag.  3. 

5  Uorum  sape  quatuor  aoi«.s  Matlhœus  hebrœo 


scripsisse  perhibetur  eloquio,  cœleri  grœco  :  et, 
quamvis  singuli  suum  queindam  narrandi  ordi- 
nem  tenuisse  videantur,  non  tamen  unusquisque 
eorum,velutalteriusprcecedenlisignarus,voluisse 
scribere  reperilur ,  vel  ignorala  prœlermisissc 
quœ  scripsisse  alius  invenitur,  sed  sicut  unicui- 
que  ,inspiralum  est,  non  superfluam  cooperalio- 
nemsui  laboris  adjunxit.  Nam  Matlhœus  susce- 
pisse  intelligitur  incarnationem  Dominisecundum 
slirpem  regiam,  et  pleraque-  secundum  hominum 
prœsencemvitam  fada  et  dicta  ejus.  Marcus  eum 
subsecutus  tanquam  pedissequus  et  breciator  ejus 
videtur.  Cum  solo  quippe  Joanne,  nihil  dixit;  so- 
ins ipse,  perpauca ;  cum  solo  Luca,  paicciora, 
cum  Matlhœo  vero  plurima  ;  et  mulla  pêne  toi 
idem  atque  ipsis  verbis,  sive  cum  cceteris  conso- 
nanle.  Lucas  autem  circa  sacerdotalem  Domini 
slirpem  atque  personam  nia.gis  occupatus  appa- 
ret.  Nam  et  ad  ipsum  David  non  regium  stcmma 
secutus  ascendil,  sed  per  eos  qui  reges  non  fue- 
runt exiit  ad  Nathan  fiUum  Vaoid,  qui  nec  ipse 
rex  fuit.  Non  sicut  Matlhœus,  qui  per  Salomo- 
nem  regem  descendens,  cœteros  etlam  reges  ex 
ordine  persécutas  est.  August.,  lib.  1  De  Cons. 
Evangelist.,  uum.  3,  pag.  3-4. 


588 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Dc&soin  des 
évangciislcs. , 


JoaD.  I,  1  ei 
seq. 


Jûan.  ?:,  30. 


différent  de  saint  Matthieu,  qui,  conduisant 
la  généalogie  de  Jésus-Christ  depuis  le  roi 
Salomon,  a  marqué  par  ordre  tous  les  autres 
rois  ses  descendants.  » 

16.  «  Les  trois  premiers  évangélisles  se 
sont  '  attachés  à  ce  que  Jésus-Christ  a  fait 
dans  le  cours  de  sa  vie  mortelle  ;  mais  saint 
Jean  a  eu  principalement  en  wie  sa  divinité 
par  laquelle  il  est  égal  à  son  Père,  et  il  a  eu 
soin  de  nous  le  représenter  autant  qu'il  a 
cru  que  des  hommes  mortels  en  étaient  ca- 
pables :  c'est  ce  qui  le  rend  supérieur  aux 
trois  autres;  car,  pendant  que  ceux-ci  parais- 
sent en  quelque  sorte  marcher  sur  la  terre 
avec  Jésus-Christ,  on  voit  saint  Jean  percer 
ce  nuage  épais  dont  toute  la  terre  est  cou- 
verte, pour  s'élever  jusques  dans  le  sein  même 
de  la  divinité;  et  là,  sans  que  ses  yeux  soient 
éblouis  par  l'éclat  de  cette  gloire,  hre  ces 
paroles  :  Au  conimencement  était  en  Dieu  le 
Verbe  de  Dieu,  jMr  lequel  toutes  choses  ont  été 
créées  :  Et  celle-ci  :  Le  Verbe  a  été  fait  chair 
et  il  a  habité  parmi  nous.  Il  y  a  aussi  connu 
que  le  Yerbe  avait  pris  une  chair,  mais  non 
qu'il  eût  été  changé  en  [chair  :  car,  si  en  se 
revêtant  d'une  chair  mortelle,  le  Vei'be  eût 
cessé  d'être  Dieu,  il  ne  dirait  pas  dans  l'Écri- 
ture :  3Ion  Père  et  moi  nous  sommes  une  même 


chose.  En  effet,  le  Père  et  la  chair  ne  sont  pas 
une  même  chose.  Saint  Jean  est  le  seul  qui 
ait  rapporté  ce  témoignage  que  Jésus-Christ 
se  rend  à  lui-même  :  Celui  qui  me  voit,  voit 
aussi  mon  Père.  Et  celui-ci  :  Je  suis  dans  mon 
Père,  et  mon  Père  est  en  moi.  Et  cet  autre  : 
Afin  qu'ils  soient  tin  comme  nous  sommes  un.  Et 
encore  :  Car  tout  ce  que  le  Père  fait,  le  Fils 
aussi  le  fait  comme  lui.  S'il  y  a  quelques  autres 
endroits  qui  prouvent  à  des  cœurs  remplis 
d'intelligence  la  divinité  de  Jésus-Christ,  par 
laquelle  il  est  égal  à  son  Père,  saint  Jean  est 
presque -le  seul  qui  les  ait  rapportés,  comme 
s'il  avait  puisé  dans  le  sein  même  du  Seigneur, 
sur  lequel  il  avait  coutume  de  se  reposer,  le 
mystère  de  la  divinité  avec  plus  d'abon- 
dance et  de  familiarité  qu'un  autre.  Ce  n'est 
donc  pas  sans  raison  que  cet  Apôtre  est 
comparé  '  à  l'aigle  à  cause  de  l'élévation  de 
sou  esprit,  ayant  monté  plus  haut  que  les 
trois  autres,  et  traitant  les  choses  d'une  ma- 
nière bien  plus  élevée;  en  sorte  qu'il  semble 
qu'il  ait  voidu  par  là  nous  exciter  à  élever 
aussi  nos  esprits,  afin  que  nous  puissions  le 
suivre.  Les  trois  autres  Évangélisles  n'ont 
dit  que  peu  de  chose  de  la  divinité  de  Jé- 
sus-Christ ,  et  ils  paraissent  avoir  marché 
avec  lui  sur  la  terre,  et  suivi  seulement  pied 


Joon. 
01  iO. 


siv,  05] 

XVII, 


I 


•an.  V,  13^/ 


•  Très  tamen  isti  Evangelistœ  in  his  rébus 
maxime  diversati  sunt,  quas  Christus  per  huma- 
iiani  carneiii  leinporaliler  gessit  ;  porro  aulem 
Joannes  ipsam  maxime  divinUalem  Domini ,  qua 
Palri.  est  œqualis,  inlendit,  eamque  prœcipue  suo 
Evangelio,  quanimn  inier  humines  snfficere  cre- 
didit,  commendare  curavit.  Ilaque  longe  a  tribus 
islis  stiperius  ferlur'  ita  ni  hos  videas  qwodam 
modo  in  terra  cum  Christo  homine  conversari, 
illum  autem  transcendisse  nebulam,  qua  Legttur 
uinnis  terra,  et  pervenisse  ad  Uquidum  cwlum, 
'unde  acte  mentis  acuiissima  atque  finnissima  ri- 
derel,  inprincipio  Verbum  Deuui  apud  Deum  per 
quem  facta  stml  oinnia ,  et  ipsum  agnoscerel 
carnem  fitctum  ut  habitaret  in  nobis  :  quod  accc- 
perit  carnem.,  non  quod  fueril  muiatus  in  car- 
nem. Nisi  enim  carnis  ass^imptio  servata  incom- 
mulabili  diiinitale  fada  essct,  non  dicerelur  :  Ego 
el  l'ater  unum  suiiius.  Neque  enim  Pater  et  caro 
nnum  sunt.  El  hoc  de  seipso  Domini  lesllmonium- 
solus  idem  Joannes  comniemoravil  ;  el:  Qui  me  vi- 
dit,  vidit  ot  Palrem  :  et  :  Ego  in  Patrc  et  Paler  in  ino 
est:  el:  Ut  siut  unum,  sicut  et  nos  unum  sumus  : 
et  :  Qu;ecumquc  Pater  facit,  htec  eadem  et  Filius  l'a- 
cit  similiter  ;  et,  si  qua  alia  sunt,  quce  Chrif:li  tli- 
vinitatem,  in  qua  œqualis  est  Palri,  recle  inlelll- 
genlibus  intiment  pêne  solus  Joannes  in  Eean- 
gelio  siioposuit  :  lanquam.  qui  de  peclore  ipsius 
Domini,  sujicr  quod  discumbcre  in  ejus  convivio 
folilus  eral,  sccrelum  diriniktii::  ejiis  vberiu^  et 
quodam  modo  familiarius  bibciil.  August. ,  lib.  1 


De  Cons.  evang.,  cap.  iv,  uum.  7,  pag.  4  et  5. 
-  In  quatuor  Evangeliis,  vel  potius  quatuor  li- 
bris  unius  Evangelii  sancius  Joannes  aposlolus, 
non  immerilo  secundum  intelligenliam  spirita- 
lem  aquike  comparatus ,  allius  mulloque  swftii- 
mius  aliis  tribus  erexil  jirœdicalionem  suam;  el 
in  ejus  erectione  eliam  corda  noslra  erigi  voluit. 
Nam  cœteri  1res  Evangelistœ ,  lanquam  cum  ho- 
mme Domino,  in  terra  ambulabanl,  de  divinilatc 
ejuspauca  dixerunt  ;  istîim  aulem  quasi  pigueril 
in  terra  ambulare,  sicul  ipso  exordio  sui  ser mo- 
nts inlonuil,  erexil  se,  non  solmn  super  lerram  el 
super  omnem  ambilum  aeris  el  cœli,  sed  super 
omnem  eliam  exercitum  angelorum ,  omncmque 
conslilulionem  invisibilium  polcstalum,  elperve- 
nil  ad  eum  per  quem  fada  sunt  omnia  dicendo  : 
Inprincipio  erat  Vcrljum ,  et  Verbum  crat  apud 
Deum,  etc.  Huic  lanlœ  sublimilali  jrrincipii  eliam 
cœlera  congrua  prœdicavil,  el  de  Domini  divini- 
lale  quomodo  nullus  alius  est  locutus.  Hoc  ructa- 
bul  quod  bibcbal.  Kon  enim  sine  causa  de  Mo  in 
islo  ipso  Evangelio  narratur,  quia  el  in  convivio 
super  peclus  Domini  discumbcbal.  De  illo  crgo 
peclore  insccrelo  bibebal  ;  sed  quod  in  secrelo  bi- 
bit,  in  manifeslo  éructa  vit,  ut  pervenial  ad  om- 
nes  génies  non  solum  incarnalio  Filii  Dei,  elpas- 
sio  el  resurrectio,  sed  eliam  quod  eral  unie  incar- 
nalionem  nnicus  Patri  et  Verbum  Patris,  coœler- 
nus  gcneranti,  œqualis  ei  a  quo  missus  esl,  sed  in 
ipsa  mlssiotic  nrinor  faclvs,  quo  major  essel  Pn- 
ic;-.  August.,  Tract. '.iii,  in  Joan,  uum.  1,  pag.  ^43. 


[IV°  ET  V  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


S89 


Jojn,  I,  1 


Lc5  Évangi- 
les sont  une 
inj.Tge  de  la 
vie  active  et 
contemplati  — 


à  pied  tout  ce  qu'il  y  a  fait  comme  homme. 
Saint  Jean  au  contraire,  comme  s'il  eût  ap- 
préhendé de  faire  un  seul  pas  avec  Jésus- 
Christ  sur  la  terre,  commence  dès  l'entrée 
de  son  discours  à  s'élever  non-seulement 
au-dessus  de  la  terre  et  de  la  région  de  l'air 
qui  l'environne  ,  mais  au-dessus  des  anges, 
et  de  tous  les  oi'dres  des  puissances  invisi- 
bles ,  allant  d'abord  jusqu'à  celui  par  qui 
toutes  choses  ont  été  faites.  Au  commence- 
ment, dit-il,  était  le  Verbe  et  le  Verbe  était 
avec  Dieu,  etc.  Tout  le  reste  de  son  Évangile 
répond.à  la  magnificence  et  à  la  sublimité  de 
cette  entrée.  Il  dit  de  lui-même  que,  le  jour 
de  la  Cène,  il  était  couché  sur  le  sein  de  Jé- 
sus-Christ. C'est  là  qu'il  s'était  rempli  de  ces 
vérités  si  sublimes.  Il  les  y  avait  puisées 
dans  le  silence  et  dans  le  secret,  et  il  les  a 
publiées  dans  son  Évangile,  afin  que  toutes 
les  nations  fussent  instruites,  non-seulement 
de  l'incarnation  du  Fils  de  Dieu,  de  ses  souf- 
frances et  de  sa  résurrection  ;  mais  aussi  de 
ce  qu'il  était  avant  qu'il  se  fit  homme  ,  Fils 
imique  du  Père  éternel ,  éternel  comme  ce- 
lui qui  l'a  engendré  ,  égal  en  tout  à  celui 
qui  l'a  envoyé,  et  qui  s'est  abaissé  au- 
dessous  du  Père  par  la  nature  dans  lacjuelle 
il  a  été  envoyé  aux  hommes ,  afin  que  le 
Père,  à  cet  égard,  fût  plus  grand  que  lui. 
Un  philosophe  platonicien  '  disait,  au  rap- 
port de  saint  Simplicien,  évêque  de  Milan, 
qu'il  fallait  écrire  en  lettres  d'or,  dans  les 
lieux  les  plus  éminents  des  églises,  ces  pre- 
mières paroles  de  l'Évangile  selon  saint  Jean  : 
Au  commencement  était  le  Verbe,  etc.  » 

17.  «  Comme  il  y  a  deux  vertus  proposées 
à  l'âme,  l'une  active  et  l'autre  contempla- 
tive ;  l'une  -  par  laquelle  on  marche  vers  le 


bien  ;  l'autre  par  laquelle  on  y  arrive  ;  l'une 
par  laquelle  nous  travaillons  à  purifier  notre 
cœur  pour  voir  Dieu ,  et  l'autre  qui  nous 
procure  le  repos  et  la  vue  de  Dieu  ;  c'est 
pourquoi  celle-là  agit,  parce  qu'elle  est  oc- 
cupée à  se  purifier  de  ses  péchés ,  et  que 
celle-ci  au  contraire  se  tient  dans  le  calme 
et  dans  le  repos,  parce  qu'après  s'être  puri- 
fiée, elle  jouit  de  la  lumière.  Ainsi,  pendant 
le  cours  de  cette  vie  mortelle,  l'une  travaille 
à  se  conduire  avec  sagesse;  mais  l'autre 
consiste  davantage  dans  l'usage  de  la  foi,  et 
est  pour  un  petit  nombre  de  personnes  qui 
ne  voient  que  comme  en  un  miroir,  et  en 
des  énigmes ,  et  aperçoivent  seulement 
quelques  rayons  de  cette  vérité  immuable. 
Ces  deux  vertus  sont  figurées  par  les  deux 
femmes  de  Jacob,  dont  Lia  signifie  dans  la 
langue  originale,  laborieuse;  et  Rachel,  prin- 
cipe de  la  vue.  Par  là  on  peut  apprendre ,  en 
examinant  la  chose  avec  attention,  que  les 
trois  premiers  Évangélistes,  ayant  représenté 
particulièrement  et  fort  au  long  les  actions 
et  les  paroles  de  Jésus-Christ  vivant  sur  la 
terre,  comme  plus  propres  à  nous  servir  de 
modèle  pour  le  règlement  de  nos  mœiu-s,  se 
sont  appliqués  à  cette  vertu  activp  ;  que 
saint  Jean  au  contraire  ayant  dit  fort  peu  de 
choses  des  actions  de  Jésus-Christ,  il  a  rap- 
porté avec  plus  d'exactitude  et  d'étendue  ses 
paroles,  et  particulièrement  celles  qui  mar- 
quent le  mystère  de  la  Trinité,  l'égalité  des 
personnes  divines,  et  la  gloire  de  la  vie  fu- 
ture; qu'ainsi,  cet  évangéliste  a  renfermé 
ses  vues  et  sa  prédication  dans  la  vertu  con- 
templative. )) 

18.  «  D'où  vient,  dit-on,  que  Jésus-Christ' 
n'a  rien  écrit  lui-même  de  ses  actions  ?  Et 


1  Initium  sancU  Evangelii,  cui  nomen  est  se- 
cimdum  Joannem,  quidam  pkUonicus  ,  sicut  a 
sancto  sene  Simpliciano,  qui  posleii  Mediolanensi 
Ecclesiœ  prœsedit  episcopus,  solebamiis  audire, 
aiireis  liiteris  conscribendum ,  et  per  oinnes  ec- 
clesias  in  locis  eminenlissimis  proponendum  esse 
dicebat.  August.,  lib.  X  De  Civil.  Dei,  cap.  xxix, 
pag.  265. 

^  Cum  duce  virtutes  propositœ  sinl  animœ  Im- 
manœ,  una  activa,  altéra  contemplativa;  illa  qua 
ilur,  ista  qua  pervenit^tr  ;  illa  qua  laboratur,  ut 
cor  mundetur  ad  videndum  Deum,  ista  qua  va- 
catur  et  videtur  Deus  ;  illa  est  in  prœceptis  exer- 
cendce  vitœ  hujus  temporalis  ,  ista  in  doctrina 
vitœ  illius  sempiternœ.  Àc  per  hoc  illa  operatur, 
istarequiescit  :  quia  illa  est  in  purcjalione  pecca- 
torum,  ista  in  lumine  purgatorum.  Ac  per  hoc, 
in  hac  vita  morlali,  illa  est  in  opère  bonce  conver- 
sationis ,  ista  vero  magis  in  fuie,  et  apud  per- 


paucos  per  spéculum  in  cenigmate,  et  ex  parte  in 
aliqua  visione  incommutabilis  veritatis.  Hce  duce 
virtutes  in  duabus  uxoribus  Jacob  figuratœ  in~ 
telliguntur...  Lia  quippe  interprelatur  laborans  ; 
Rachel  autem,  visus  principium.  Ex  quo  intelligi 
datur,  si  diligenter  advertas,  très  Evangelistas 
temporalia  facta  Domini  et  dicta  quce  ad  infor- 
mcindos  mores  vitce  prœsentis  maxime  valerent 
cojnosius  persécutas ,  circa  illam  activam  virtu- 
teM'  puisse  versatos  ;  Joannem  vero  facta  Domini 
pauciora  nnrrantem,  dicta  vero  ejus,  ea  prceser- 
tim  cjuce  Trinitatis  unitatem-,  et  vitce  œterncc  feli- 
citntem  insinuarent,  diligentms  et  uberius  cons- 
cribentem,  in  virtute  contemplativa  commen- 
danda\  suam  intentionem  prœdicationemque  te- 
7iuisse.  Aiigust.,  lib.  l  De  Cons.  Evaiigelist.,t:3.p. 
V,  mmi.  8,  pag.  5. 

^  Sed  illud  prius  discutiendum  est,  cjuod  solet 
nonnullos  niovere,  cur  ipse  Dominus  nihil  scrip- 


390 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


pourquoi  faut-il  ajouter  foi  à  ce  que  d'autres 
en  ont  écrit?  C'est  l'objection  que  font  sur- 
tout les  païens  qui,  n'osant  condamner  ni 
blaspliéruer  Jésus-Christ ,  lui  donnent,  à  la 
vérité,  une  très-grande  sagesse  ,  mais  telle 
cependant  qu'il  convenait  à  un  homme  mor- 
tel ,  et  qui  se  plaignent  que  ses  disciples  ont 
fait  leur  Maître  plus  grand  qu'il  n'était  en 
effet,  jusqu'à  dire  qu'il  était  le  Fils  de  Dieu, 
le  Verbe  de  Dieu  par  qui  toutes  choses  ont 
été  créées  ;  que  lui  et  Dieu  son  Père  n'é- 
taient qu'une  même  chose;  et  plusieui-s  au- 
tres traits  semblables  répandus  dans  les 
écrits  des  apôtres,  par  lesquels  nous  avons 
appris  à  l'adorer  comme  faisant  un  seul  Dieu 
avec  son  Père.  Ils  conviennent  bien  qu'il 
faut  l'honorer  comme  un  homme  rempli 
d'une  très-grande  sagesse  ;  mais  ils  nient 
qu'on  doive  l'adorer  comme  un  Dieu.  Lors 
donc  qu'ils  nous  demandent  pourquoi  il  n'a 
rien  écrit  de  ses  actions,  il  paraît  qu'ils  eus- 
sent été  disposés  à  croire  ce  qu'il  eût  écrit 
lui-même,  et  non  ce  que  d'autres  en  eussent 
débité  selon  leurs  idées.  Mais  je  demande  à 
ces  personnes ,  d'où  vient  qu'à  l'égard  de 
quelques-uns  de  leurs  principaux  philoso- 
phes, ik  n'ont  fait  aucune  difficulté  de  croire 
ce  que  leurs  disciples  en  ont  laissé  à  la  pos- 
térité, quoique  ces  philosophes  n'aient  eux- 
mêmes  rien  écrit  de  ce  qui  les  regardait  : 
car  quant  à  Pythagore,  cet  homme  le  plus 
éclatant  dans  la  vertu  contemplative,  qui  ait 
été  parmi  les  Grecs,  non-seulement  il  n'a 
rien  écrit  de  ses  actions,  mais  il  n'a  rien 


môme  écrit  sur  aucune  autre  matière.  Pour 
Socrate,  qu'ils  ont  préféré  à  tous  les  autres 
dans  la  vertu  active  par  laquelle  on  forme 
les  mœurs,  en  sorte  qu'ils  n'ont  point  dis- 
simulé qu'il  avait  été  déclaré  le  plus  sage  de 
tous  les  hommes  par  un  oracle  de  leur  dieu 
Apollon  ;  il  a  mis  les  fables  d'Ésope  en  peu 
de  vers,  n'ayant  fait  qu'ajouter  à  l'ouvrage 
d'un  autre  des  mots  et  des  cadences,  et  il  a 
tellement  évité  de  rien  écrire ,  qu'il  a  dit 
même  que  le  peu  qu'il  avait  écrit,  c'avait  été 
par  l'ordre  exprès  de  son  démon,  ainsi  que 
l'assure  Platon  le  plus  illustre  de  ses  disci- 
ples.   Cependant ,  dans  cet  ouvrage ,   il  a 
mieux  aimé  faire  valoir  les  pensées  d'un  au- 
tre que  les  siennes  propres.  Pourquoi  donc 
croiront-ils  ce  que  les  disciples  de  ces  philo- 
sophes ont  écrit  de  leurs  maîtres,  et  refuse- 
ront-ils de  croire  ce  que  les  disciples  de  Jé- 
sus-Christ nous  ont  laissé   de  ses  actions , 
étant  surtout  contraints  d'avouer  qu'il  a  sur- 
passé en  sagesse  tous  les  autres  hommes, 
quoiqu'ils  refusent  de  le  reconnaître  pour  un 
Dieu?  Est-ce   donc  que  leurs  philosophes, 
qu'ils  mettent    sans  hésiter  fort  au-dessous 
de  Jésus-Christ,  ont  pu  donner  un  caractère 
d'infaillibilité  à   ce  que  leurs  disciples  ont 
écrit  de  leurs  actions,  et  que  Jésus-Christ 
n'a  pu  faire  la  même  chose  à  l'égard  des 
siens  ?   Si  rien   n'est   plus    absurde ,    qu'ils 
croient  donc  de  Jésus-Christ,  à  qui  ils  don- 
nent la  quahté  de  Sage,  non  ce  qu'ils  jugent 
à  propos  d'en  croire,  mais  ce  qu'ils  lisent 
dans  les  écrits  de  ceux  qui  ont  appris  de  la 


serit,  ut  aliis  de  illo  scribentibus  necesse  sit  cre- 
dere;  hoc  enimdicunt  iUi  vel  maxime  pagani,  qui 
Dominum  ipsum  Jesum  Christum  culpare  aut 
blasphemare  nonaudent,  eique  tribuuni  excellen- 
tissimam  sapienUam ,  sed  tamen  tanquam  ho- 
mini  :  discipulos  vero  ejus  dicunt  Magistro  suo 
amplius  tribuisse  quam  erat,  ut  eum  Filium  Dei 
dicerent,  et  Yerbum  Dei,  per  quod  facta  sunt  oin- 
nia,  et  ipsum  ac  Deum  PcUrem  unuin  esse;  ac 
si  qua  similia  sunt  in  apostolicis  litteris,  quibus 
eum  cum  Pâtre  unum.  Deum  colendum  dicimus. 
Honorandum  enim  tanquam  sapientissimum.  vi- 
rum  putant ,  colendum  autem  tanquam  Deum 
negant.  Cum  ergoquœrunt,  quareipse  nonscrip- 
serit,  videntur  parati  fuisse  hoc  de  illo  credere; 
quod  de  se  ipse  scripsisset,  non  quod  alii  de  illo 
pro  sîto  arbitrio  pra'dicassent.  A  quibus  quœro, 
cur  de  quibusdam  nobilissimis  pldlosoplns  suis 
hoc  crediderint ,  quod  de  illis  eorum  discipiili 
scriptum-  memoriœ  reiiqucrunt,  cum-  de  se  ipsi 
nihil  scripsissent?  Nam  Pythagoras,  qioo  in  illa 
conlemplativa  virtule  nihil  tune  hnbuit  Grœcia 
clarius,  non  tamen,  sed  nec  de  ulla  re  aliquid 
scripsisse  perhibet'ur.  Socrates  autem  qitem  rur- 


sus  in  activa,  qua  mores  informantur,  omnibus 
prœlulerunt,  ita  u,t  testimonio  quoque  Dei  sui 
Âpollinis  omiiium  sapientissimum  prommliatum 
esse  non  taceant,  .Esopi  fabulas  pauculis  versi- 
biis  persecutus  est,  verba  et  numéros  suos  adhi- 
bens  rébus  alterius,  usque  adeo  nihil  scriberevo- 
luit,  ut  hoc  se  coactum  imperio  sui  dœmonis  fe- 
cisse  dixerit ,  sicut  7iobilissimus  discipulorum 
ejus  Plato  commémorât  :  in  quo  tamen  opère 
maiuit  aliénas  quam  suas  exornare  sententias. 
Quid  igitur  causœ  est,  cur  de  istis  hoc  credant, 
quod  de  illis  discipuli  eorum  litteris  comm-enda- 
runt,  et  de  Christo  nolint  credere  quod  ejus  de 
illo  discipuli  conscripserimt  ?  prœsertim  cum  ab 
eo  cœteros  homines  sapientia  superatos  falean- 
tur,  quamvis  eum  fateri  Deum  nolint?  An  vero 
illi,  quos  isto  multo  inferiores  fuisse  non  dubi- 
tant,  veraces  de  se  disciptilos  facere  potuerunt, 
et  isle  non  potuit?  Quod  si  absurdissime  dicitur, 
credant  de  illo,  quem  sapienlem  fatentur,  non 
quod  ipsi  volunt,  sed  quod  apud  eos  leguiit, 
qui  ea  quœ  scripserunt  ab  illo  sapiente  didice- 
runt.  August.  ,  lib.  1  De  Cons.  evang.,  cap.  vu, 
mim,  11-12,  pag.  6-7. 


[IV"  ET  V'  SIÈCLES.] 


SALNT  AUGUSTLN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


S91 


■us^ClirisI, 
Dt  conduit 
main     des 


l'EvaQ- 
ifîEiïeldes 
'iDtrariélés 
^.arentes  de 
Taagile. 


bouclie  même  de  ce  sage,  ce  qu'ils  en  ont 
laissé  par  écrit.  » 

19.  «Jésus-Christ,  en  se  revêtant'  de  l'hu- 
manité, est  à  l'éffard  de  tous  ses  disciples 

llgL-li^te5    ,  ° 

peui  dire  commB  la  tête  est  le  chef  à  l'ésard  des  mem- 

!  c'est  lui-  ° 

'"'  .3?'  ^  bres  d'un  même  corps.  Ainsi,  comme  ils  ont 
écrit  les  choses  que  lui-même  leur  a  dictées 
et  montrées,  il  faut  bien  se  garder  dé  dire 
que  ce  n'est  pas  lui-même  qui  a  écrit  l'Evan- 
'  gUe,  puisque  ce  sont  en  quelque  façon  ses 
propres  mains  qui  écrivaient  ce  qui  lem'  était 
dicté  et  inspiré  par  le  chef.  Car  il  s'est  servi 
d'eux  comme  de  sa  propre  main,  pour  écrire 
tout  ce  qu'il  voulait  que  nous  sussions  de  ses 
actions  et  de  ses  paroles.  Celui  qui  compren- 
dra cette  correspondance  mutuelle  de  tous 
les  membres  unis  ensemble  sous  un  même 
chef  dans  leurs  diverses  fonctions,  regardera 
ce  que  les  apôtres  ont  écrit  de  Jésus-Christ 
dans  l'Évangile,  comme  si  c'était  la  main 
même  qu'il  avait  dans  sa  chair  mortelle  qui 
l'eût  écrit.  C'est  le  même  Dieu  qui  gouverne  ^ 
la  mer,  comme  il  lui  plaît,  qui  a  conduit, 
comme  par  la  main,  la  mémoire  de  chaque 
évangéliste.  Caria  mémoire  de  l'homme  est 
pour  ainsi  dire  dans  une  agitation  conti- 
nuelle par  les  diverses  pensées  qui  s'y  exci- 
tent, et  il  n'est  au  pouvoir  de  personne  de 
penser  ce  qu'il  veut  ni  quand  il  veut.  Puis 
donc  que  ces  hommes  pleins  de  sainteté  et 
de  vérité,  en  écrivant  l'Évangile,  abandon- 
naient, pour  ce  qtLi  est  de  l'ordi-e  de  la  narra- 


tion, ce  que  leur  mémoire  leur  présentait,  à 
la  secrète  puissance  de  Dieu  devant  qui  rien 
ne  se  fait  au  hasard,  nous  devons  croire  qu'il 
a  tellement  dirigé  la  mémoii-e  et  l'esprit  des 
Évangélistes,  elles  a  élevés  eux-mêmes  à  un 
tel  degré  d'autorité  pour  le  bien  et  l'utilité 
de  l'Église,  que,  par  les  contrariétés  mêmes 
qui  paraissent  entre  eux,  il  a  permis  que 
plusieurs  tombassent  dans  l'aveuglement 
après  avoir  été  livrés  avec  justice  à  la  cor- 
ruption de  leur  cœur  et  à  leur  sens  ré- 
prouvé ;  et  que  d'autres  au  contraire  par  un 
secret  jugement  de  sa  toute- puissance  y 
trouvassent  de  quoi  augmenter  leurs  lumiè- 
res et  fortifier  leur  foi.  » 

20.  «  On  ne   doit  pas   au  reste  regarder  si„„^fj,™,c" 
comme  une  contrariété  qu'un  évangéliste  di-  p[hé^?°'°p!,; 
se^  ce  que  l'autre  n'a  point  dit;  et  il  faut  une  3it''ce°quvs 
fois  pom-  toutes  apprendre  de  là  à  ne  point  ''°™'°'  '''"' 
être  sm'pris  ni  ébranlé,  si  un  évangéfiste  a 
tellement  lié  sa  narration  qu'il  paraisse  que 
rien  n'y  a  été  omis.  Car,  laissant  là  les  cho- 
ses dont  il  ne  veut  point  parler,  il  joint  de 
telle  manière  celles  qu'il  veut  dire  à  ce  qu'il 
a  déjà  dit  qu'elles  paraissent  être  une  suite 
l'une  de  l'autre.  Mais  comme  l'un  rapporte 
des  choses  qu'un  autre  a  passées  sous  si- 
lence, si  l'on  considère  avec  attention  le  seul 
ordre  des  faits,    on  n'aura  pas  de  peine  à 
apercevoir  le  lieu  où  l'évangéliste,  quia^omis 
de  rapporter  certaines  choses,  a  pu  les  omet- 
tre, afin  que  ce  qu'il  avait  intention  de  dire 


*  Omnibus  autem  discipulis  s^Us  per  hominem 
quem  assumpsit  tanqxiam  membris  sxii  corpo)-is, 
caput  est.  Itaque  cum  illi  scripserunt,  quœ  ille 
ostendit  et  dixit,  nequaquam  dicendum  est  qiiod 
ipse  non  scripserit  ;  quandoquidem  membra  ejus 
id  operata  sunt,  quod  dictante  capite  cognove- 
runt.  Quidquid  enim  ille  de  suis  factis  et  dictis 
nos  légère  voluit,  hoc  scribendiim  illis  tanquam 
Sîws  manibus  imperavit.  Hoc  unitatis  consortium 
et  in  diversis  officiis  concordiuminembrorumsub 
uno  capite  quisquis  intellexerit,  non  aliter  acci- 
piet  quod  narrantibus  disciimlis  Christi  in  Evan- 
gdio  legerit ,  quam  si  ipsam  manum  Domini, 
quam  in  proprio  corpore  gestabat,  scribentem 
conspexerit.  August.,  lib.  1  De  Cons.  evangelist., 
cap.  XXXV,  num.  54,  pag.  26. 

^  Recordationes  eorum  (Evangelistarum)  ejus 
manu gubernatœ  sunt,  qui  gubernat  aquam,  sicut 
scriptum  est,  qualiter  illi placuerit.  Fluitat  enim 
humana  memoria  per  varias  cogitationes,  necin 
cujusquam  poteslate  estquid  et  quando  eioeniat 
in  mentem.  Cum  ergo  illi  sancti  et  veraces  viri 
quasi  fortuita  recordationum  suarum  propter 
narrationis  ordinem  occultœ  Dei  poteslatie,  cui 
nihil  fortuitum  est,  commisissent...  sic  gtiberna- 
vit  corda  reminiscentium   Evangelistarum,  et  in 


Ecclesiœ  fastigio  tantœ  auctoritatis  culmine  su- 
blimavit,  ut  per  hœcipsa  quœ  ineis  contraria  vi- 
deri  possunt,  midti  excœcentur ,  digne  traditi  in 
cûncupiscentias  cordis  sui,  et  in  reprobum  sen- 
sum;  et  multi  exercerentur ad  eliminandum  piuni 
intellectum  secundum  occultam  Ornnipotentis 
justitiam.  August.,  lib.  III  De  Cons.  evangelist., 
num.  48,  pag.  126. 

^  Kec  ideo  contrarium  videri  potest,  quod  vel 
hic  dicit  quœ  ille  prcetermittit,  vel  ille  commé- 
morât quce  iste  non  dicit hic  proinde  cognos- 

cendum  est  quod  deinceps  ad  cœtera  talia  valeat, 
ne  similiter  moveant  animumque  conturbent,  sic 
unumquemque  evangelistam  contexere  narratio- 
nem  suam,  ut  tanquam  nihil  prœtermittentis 
séries  digesta  videatur;  tacitis  enim  quœ  non 
vult  dicere,  sic  ea  quœ  vult  dicere,  illis  quce  di- 
cebat  adjungit  utipsa  continua  sequi  videantur  : 
sed,  cum  aller  ea  dicit  quœ  aller  tacuit,diligenter 
ordo  consideratus  indicat  locum  ubi  ea  potuerit, 
a  quo  prœtermissa  sunt,  transilire,  ut  ea  quœ 
dicere  intenderat  ita  superioribus  copularet,  tan- 
quam ipsa  nullis  interposilis  sequerentur.  Au- 
gust., Ilb.  II  De  Consensu  evangelist.,  num.  16, 
pag.  34. 


592 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


II  n'y  a 
I,oinl  de  con- 
trariété entre 
les  é^aDEclis- 
tes. 


fût  lié  avec  ce  qui  précède,  et  que  les  faits 
parussent  naître  les  uns  des  autres.  Or,  qui 
ne  voit  que  c'est  en  vain  qu'on  cherche  * 
dans  quel  oi'dre  Jésus-Christ  a  dit  ces  cho- 
ses ?  puisque  sur  la  seule  autorité  incontes- 
table des  évaugélistes,  nous  devons  être  per- 
suadés qu'on  ne  peut  les  taxer  de  mensonge, 
si  quelqu'un  d'entre  eux  dans  sa  narration 
n'a  point  eu  égard  à  l'ordre  naturel  des  faits, 
puisqu'il  importe  peu  pour  la  vérité,  que  cet 
ordre  soit  observé  si  scrupuleusement.  » 

21.  «  Il  ne  s'en  suit  nullement  qu'ils  soient 
contraires  -  entre  eux,  parce  qu'ils  se  ser- 
vent de  tei'mes  différents  pour  exprimer  une 
même  chose,  et  que  l'un  dit  ce  que  l'autre 
omet.  Il  est  au  contraire  évident  qu'ils  se 
sont  expliqués  en  plus  ou  moins  de  paroles, 
selon  que  les  choses  se  présentaient  à  leur 
mémoire,  ou  qu'ils  avaient  envie  de  les  dire. 
En  cela  l'on  voit  assez  que  nous  ne  devons 
point  taxer  de  mensonge  aucun  des  Évaugé- 
listes, si,  en  rapportant  les  mêmes  choses,  ils 
ne  les  rapportent,  ni  de  la  même  manière 
qu'elles  ont  été  dites,  ni  dans  les  mêmes  ter- 
mes, soit  que  l'ordre  des  termes  s^it  changé, 
soit  qu'ils  en  mettent  quelques-uns  pour  d'au- 
tres, qui  cependant  expi'iment  les  mêmes 
choses.  Il  peut  encore  se  faire  qu'ils  ne  disent 


qu'en  partie  certaines  choses  qui  ne  se  présen- 
tent pas  tout  à  fait  à  la  mémoire,  et  qu'on  peut 
aisément  suppléer  par  d'autres  qu'ils  ont 
déjà  dites.  Peut-être,  dans  la  vue  de  se  ren- 
fermer dans  certaines  bornes,  ils  passent  lé- 
gèrement sur  certains  faits,  pour  s'étendre 
davantage  sur  d'autres  qui  sont  plus  au  su- 
jet; peut-être  pour  mettre  une  pensée  dans 
son  jour,  et  la  rendi'e  plus  sensible,  celui 
qui  a  reçu  l'autorité  d'écrire,  sans  rien  ajou- 
ter pour  le  fonds  des  choses,  y  ajoute  ce- 
pendant quant  aux  termes.  Enfin  il  a  pu  ar- 
river qu'étant  bien  instruits  des  faits,  ils  ne 
pourraient  néanmoins,  quelques  efforts  qu'ils 
fissent,  les  rapporter  absolument  dans  les 
mêmes  termes,  et  de  la  même  manière  qu'ils 
les  avaient  entendu  dire.  Or,  si  quelqu'un  se 
persuadait  que  le  Saint-Esprit  devait  telle- 
ment conduire  la  plume  des  Évaugélistes, 
qu'il  n'y  eût  entre  eux  aucune  diversité,  soit 
dans  la  nature,  soit  dans  l'ordre,  soit  dans 
le  nombre  des  paroles,  il  ne  comprendrait 
pas  que,  plus  l'autorité  des  évaugélistes  est 
grande,  plus  il  était  nécessaire  qu'ils  ser- 
vissent par  leur  exemple  à  établir  le  crédit 
des  autres  hommes,  cpii  dans  leurs  écrits 
n'ont  en  vue  que  la  vérité  ;  en  sorte  que  plu- 
sieurs personnes  racontant  par  hasard  une 


1  Quis  autem  non  videat  superfluo  quœri,  quo 
illa  ordine  Dominus  dixerit ;  cum  et  hoc  dicere 
debeamus  per  Evangelistarum  excelientissimain 
aucloritatein,  non  esse  mendacium,  si  quisquam 
non  hoc  ordine  cujusquam  sermonem  digesserit, 
quo  ille  a  quo  processit,  cum  ipsiiis  ordinis  nihil 
intersit  ad  rem,  sive  ita,  sive  ita  sit.  August., 
lit),  tl  De  Consensu  Evangelist. ,  cap.  xxxix, 
num.  86,  pag.  68. 

-  Quod  enim  alius  aliuni  verborum  ordinem'  te- 
net,  non  est  utique  contrarium.  Neque  illud  con- 
trarium  est,  si  alius  dicit  quod  alius  prœtermit- 
tit.  Ut  enim  guisque  meminerat,  et  ut  cuique 
cordi  erat  vel  brcvius,  vel  prolixius,  eamdem  ta- 
men  explicare  sententiam,  ila  eos  explicasse  ma- 
nifestum  est.  Et  in  hoc  salis  apparet  quod  ad  rem- 
maxime  perlinet non   nos  debere    arbitrari 

mentiri  quemquam,  si,pluribus  remquam  audie- 
runt  vel  riderunt  reminiscentibus,  non  eodem 
modo  atque  eisdem  verbis,  eadem  tamen  res  fue- 
rit  indicata;  aut  sive  miiietur  ordo  verborum, 
sive  alia  pro  aliis,  quœ  tamenidem  raleantverba 
proferantur  ;  sive  aliquid  vel  quod  recordanlinon 
occurrit,  vel  quod  est  aliis  quœ  dicuntur  possil 
intelligi,  minus  dicalur;  sive  aliorum  quœ  ma- 
gis  dicere  statuit  narrandorum  gratia,  ut  con- 
grutis  temporis  modus  sufficiat,  aliquid  sibi  non 
totum  explicandum,  sed  ex  parte  tangendum 
quisque  suscipiat;  sire  ad  iUunnnandam  decla- 
randamque  sententiam,  nihil  quidem  rerum,  ver- 
borum ta^nen  aliquod  addat,  cui  auctoritas  nar- 


randi  concessa  est;  sive  rem-  bene  tenens  non  as- 
sequatur,  quamvis  id  conetur,  memoriter  etiam 
verba  quœ  audivit  ad  integrûm  enuntiare.  Quis- 
quis  autem  dicit  Eiangelistis  certe  per  Spiritus 
Sancti  potentiam  id  debuisse  concedi,  ttt  nec  in 
génère  verboriim,  nec  in  ordine,  nec  in  numéro 
discreparent ,  non  intelligit,  quanto  ampHus 
Evangelistarum  excellit  auctoritas,  tanto  magis 
per  eos  fuisse  lirmandam  cœterorum  hominum 
vera  loquentium  securitatem  :  ut  pluribus  eam- 
dem rem  forte  narrantibus,  nullo  modo  quisquam 
eorum  de  mendacio  recte  arguatur,  si  ab  altero 
ita  discrepaverit,  utpossit  etiam  Evangelistarum 
exemplo  prœcedente  defendi.  Cum  fas  non  sit 
Evangelistarum  aliquem  meniitum  fuisse,  vel 
existimare,  vel  dicere ,  sic  apparebit  nec  eum 
fuisse  mentit'um,  cuirecordanti  taie  aliquid  acci- 
derit,  quale  illis  accidisse  monstratur.  Et  quanto 
magis  ad  mores  optimos  perlinet  cavere  menda- 
cium, tanto  magis  tam  eminente  auctoritate  régi 
debebamus,  ne piUaremus  esse  mendacia,  cum  sic 
inter  se  variari  aliquorum  narrationes  invenire- 
mus,  ut  inter  Evangelistas  variata  sunt.  Simul 
eliam  quod  ad  doctrinam  fidelem  maxime  perlinet, 
intelligeremus,  non  tam  verborum-  quam  rerum 
quœrendam  vel  amplectendam  esse  veritatem, 
quando  eos  qui  non  eadem  locutione  utuntur, 
cum  rebu-s  senlen-tiisquenondiscrepant,  in  eadem 
veritate  constitisse  approbamus.  August.,  Mb.  II 
De  Cons.  Evangelist.,  uum.  27  et  28,  pag.  44. 


[iv"  ET  v"  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


893 


Quoique 
|.^s  éTangélis- 

diirùiTiit 
dao:)  l'ordre 
lo  rapporter 
e;  Faits ,  ils 
p'accotdent 
jour  le  fond 
dt'S  clioses. 


même  chose,  on  ne  puisse  sans  injustice  en 
taxer  aucun  de  mensonge,  s'il  ne  diffère  d'a- 
vec un  autre  que  de  la  même  manière  que 
les  évangélistes  diffèrent  entre  eux.  Car  puis- 
qu'il n'est  permis  ni  de  croire  ni  de  dire  que 
quelqu'un  des  évangélistes  ait  parlé  contre 
la  vérité;  il  est  clair  qu'on  ne  doit  point  ac- 
cuser de  mensonge  celui  qui  en  écrivant  sera 
tombé  dans  le  même  cas  que  les  évangélis- 
tes, et  que  plus  il  est  de  l'essence  d'un  hon- 
nête homme  de  ne  point  mentir,  plus  aussi 
devons-nous  sur  une  si  grande  autorité  évi- 
ter de  traiter  de  mensonge  ces  variétés  qui 
se  trouvent  dans  les  écrits  de  quelques-uns, 
comme  elles  se  trouvent  dans  les  évangélis- 
tes. Nous  devons  encore  comprendre,  qu'il 
faut  moins  chercher  la  vérité  dans  les  termes 
que  dans  les  choses  mêmes,  puisque  de  no- 
tre aveu  des  personnes  seraient  également 
véridiques,  si,  étant  différentes  dans  la  ma- 
nière de  s'énoncer,  elles  s'accordaient  néan- 
moins dans  les  pensées  et  dans  le  fond  des 
choses,  n 

22.  (I  Or,  qu'importe  '  qu'un  évangéliste 
dise  les  choses  dans  un  tel  lieu  ou  dans  un 
tel  ordre,  qu'il  reprenne  ce  qu'il  avait  omis, 
ou  même  qu'il  prévienne  certains  faits  ; 
pourvu  qu'en  ces  mêmes  choses  ou  en  d'au- 
tres, il  ne  soit  contraire  ni  à  lui-même,  ni  à 
un  autre  évangéliste?  Car,  puisqu'il  n'est 
au  pouvoir  d'aucun  homme,  quelque  fidèle 
que  soit  sa  mémoire  sur  l'ordre  dans  lequel 
des  faits  déjà  connus  sont  arrivés,  de  se  res- 
souvenir d'une  telle  chose  avant  ou  après 
une  autre;  il  est  assez  probable  que  chaque 


évangéliste  a  cru  devoir  rapporter  les  cho- 
ses dans  le  même  ordre  que  Dieu  a  voulu 
suggérer  à  sa  mémoire  ce  qu'il  écrivait; 
mais  dans  les  choses  seulement,  où  il  impor- 
tait peu  à  l'autorité  et  k  la  vérité  de  l'Évan- 
gile, de  garder  tel  ou  tel  ordre.  Ainsi  où  nous 
ne  trouvons  point  qu'ils  aient  gardé  l'ordre 
des  temps,  nous  devons  peu  nous  embaras- 
ser  quel  ordre  chaque  évangéliste  a  donné  à 
sa  narration;  mais  partout  où  cet  ordre  se 
fera  sentir,  si  un  évangéliste  paraît  en  quel- 
que chose  être  contraire  à  lui-même  ou  à  un 
autre,  nous  devons  alors  l'examiner  de  plus 
près,  et  concilier  ces  contrariétés  apparen- 
tes. On  peut  faire  cette  remarque  -  dans  le 
miracle  des  sept  pains  rapporté  par  saint 
Matthieu  et  saint  Marc.  Si  l'un  des  deux, 
l'eût  rapporté ,  et  qu'il  n'eût  point  parlé  de 
celui  des  cinq  pains,  on  l'aurait  regardé 
comme  contraire  aux  autres  évangélistes, 
et  personne  n'aurait  douté  que  ce  ne  fût  un 
seul  et  même  miracle,  qui  n'avait  point  été 
rapporté  fidèlement,  ni  dans  son  entier  par 
cet  évangéliste,  ou  même  par  tous,  et  l'on 
se  serait  persuadé  que  cet  évangéliste,  par 
erreur,  aurait  mis  sept  pains  au  lieu  de 
cinq  ;  ou  que  ceux-ci,  ou  les  uns  ou  les  au- 
tres, soit  par  mauvaise  foi,  soit  par  défaut 
de  mémoire,  en  auraient  mis  cinq  au  lieu  de 
sept.  C'est  ce  qu'on  penserait  encore  des 
douze  corbeilles  ou  des  sept  paniers ,  aussi 
bien  que  des  cinq  mille  hommes,  ou  des  qua- 
tre mille  qui  furent  rassasiés.  Mais  comme 
ceux  qui  ont  rapporté  le  miracle  des  sept 
pains ,  ont  aussi  fait  mention  des  cinq,  per- 


1  Qiiid  autem  interest  quis  quo  loco  ponat, 
sive  quod  ex  ordine  inserit,  sive  quod  omissum 
recolit,  sive  quod  postea  factum  ante  prœoccu- 
pat  :  dum  tamen  non  adversetur  eadem  vel  alia 
narranti,  nec  sibi  nec  alteri?  Quia  enim  nullius 
in  potestate  est,  quamvis  optime  (ideliterque  res 
cognitas,  quo  quisque  ordine  recordetur...  satis 
probabile  est  quod  imusquisque  evangelistarum 
eo  se  ordine  credidit  debuisse  narrare,  quo  vo- 
luisset  Deus  ea  ipsa  quœ  narrabat  ejus  recorda- 
tioni  suggerere,  in  eis  duntaxat  rébus,  quarum 
ordo,  sive  ille,  sive  ille  sit,  nihil  minuit  aucto- 
ritati  veritatique  evangelicœ...  i/uapropter  uhi 
ordo  temporum  non  apparet,  nihil  nostra  inte- 
resse débet,  quem  narrandi  ordinem  quilibet  eo- 
rum  tenuerit  :  ubi  autem  apparet,  si  quid  move- 
rit  quod  sibi  Mit  alteri  repugnare  videat^ir,  uli- 
que  considerandum  et  enodandum  est.  August. 
lib.  II  De  Consensu  evangelist.  uum.  54  et  32, 
pag.  34. 

2  Hoc  sane  non  abs  re  fuerit  admonere  in  hoc 
miraculo  de  scplem  panibus ,  quod  duo  evange- 

IX. 


listœ  Uatthœus  Marcusque  posucrunt,  quia  si 
aliquis  eorum  id  dixisset,  qui  de  iliis  quinque 
panibus  non  dixisset,  contrarius  cœteris  putare- 
tur.  Quis  enim  non  existimaret  unum  idemque 
factum  esse,  non  autem  intègre  et  veraciter,  sive 
ab  illo  sive  ab  aliis,  sive  ab  omnibus  fuisse  nar- 
ratum,  sed  aut  illum  pro  quinque  panibus  sep- 
tem  dum  falleretur  commémorasse,  aut  illos  pro 
septem  quinque,  aut  utrosque  mentitos  vel  obli- 
rione  deceptos  ?  Hoc  et  de  duodecim  cophinis  et 
de  septem  sportis  oi)inaretu,r  quasi  contrarium. 
Hoc  de  quinque  millibus,  et  de  quatuor  millibus 
qui  pascerentur.  Sed  quia  illi  qui  miraculum  de 
septem  panibus  narraoerunl,  nec  illud  de  quin- 
que tacuerunt,  neminem  movet,  et  utrumque  fac- 
tum omnes  intelligunt.  Hoc  ideo  diximus,  ut  sic 
ubi  simile  invenitur  factum  a  Domino,  quod  in 
aliquo  alteri  ecangelistœ  ita  repugnare  videatur, 
ut  omnino  solci  non  possit,  nihil  aliud  intelliga- 
tur  quam  utrumc^ue  factum  esse,  et  »liud  ab  alio 
commemoratum.  August.,  lib.  II  De  Consensu 
evangelist.,  num  105,  pag.  77  et  78. 

38 


594 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


sonne  n'hésite  ù  le  croire',  et  tout  le  monde 
convient  que  ce  sont  deux  miracles  diffé- 
rents. Cette  remarque   est  nécessaire,  afin 
que  s'il  se  trouvait  quelques-autres  miracles 
semblables   de  Jésus-Cbrist,  rapportés  par 
les   évang'élistes    avec   tant  de   contrariété 
qu'on  ne  pût   absolument  les  concilier,  on 
n'en  cherchât  point  d'autre  raison,  sinon  que 
l'un  et  l'autre  est  véritablement  arrivé;  et 
que  celui-ci  a  été  rapporté  par  un  évangé- 
liste,  et  celui-là  par  un  autre.  On  pourrait 
encore  s'étonner  '  en  lisant  dans  saint  Luc 
qu'on  fit  asseoir  les  troupes  par  bandes  de 
cinquante,  et  dans  saint  Marc  par  bandes  de 
cent  et  de  cinquante.  Néanmoins,  il  n'y  a  rien 
en  cela  qui  doive  causer  de  la  surpi'ise,  parce 
que  l'un  dit  tout,  et  l'autre  n'en  dit  qu'une 
partie  ;  et  que  celui  qui  a  parlé  des  bandes  de 
cent,  a  rapporté  ce  qu'un  autre  avait  omis. 
Ainsi,  il  n'y  a  en  cela  aucune  contrariété. 
Mais   si   un  évangéhste   eût  seulement  fait 
mention  des  bandes  de  cinquante,  et  un  au- 
tre seulement  de  celles  de  cent,  il  paraîtrait 
en  cela  beaucoup  de  contrariété,   et  on  ne 
distinguerait  pas  aisément  que  l'un  et  l'autre 
seraient  également  vrais,  et  que  l'une  de  ces 
choses  avait  été  rapportée  par  un  évangé- 
liste,  et  l'autre  par  un  autre.  » 

Saint  Augustin  remarque^  que  saint  Jeail 


se  rencontre  pour  la  première  fois  avec  les 
autres  évangélistes  dans  le  témoignage  que 
Jean-Haptiste  rendit  à  Jésus-Christ  sur  le 
bord  du  Jourdain  ;  une  autre  fois  dans  ce  qui 
y  est  dit  du  repas  que  Jésus-Christ  fit  aux 
troupes  avec  cinq  pains  au  delà  de  la  mer  de 
Tibériade  ;  une  troisième  fois  en  rapportant 
comme  eux,  cjue  Jésus-Christ  marcha  sur  les 
eaux,  et  enfin  dans  ce  que  nous  lisons  que 
le  Sauveur  étant  à  Béthanie  ,  une  femme 
fidèle  vint  répandre  sur  sa  tète  un  parfum 
de  grand  prix.  Ce  sont  là  les  seules  rencon- 
tres où  l'on  trouve  cet  apôtre  avec  les  autres 
évangélistes  jusqu'au  temps  de  la  passion 
où  il  se  joignit  à  eux  ,  parce  qu'il  devait 
l'écrire  avec  eux. 

23.  «Quelqu'un  demandera  '  peut-être  si 
nos  autours,  dont  les  écrits  divinement  ins- 
pirés composent  le  canon,  ne  doivent  pas 
seulement  être  estimés  sages  ,  mais  aussi 
éloquents?  Cette  question  me  paraît  facile  à 
résoudre,  répond  saint  Augustin,  et  le  paraî- 
tra à  ceux  qui  seront  de  mon  avis.  Car  lors- 
que je  les  entends  ,  je  ne  trouve  rien  qui  ne 
me  paraisse  non-seulement  plus  sage ,  mais 
aussi  plus  éloquent  ;  et  j'ose  dire  que  tous 
ceux  qui  entendent  bien  ce  que  ces  auteurs 
disent ,  comprennent  aussi  qu'ils  n'ont  pas 
dû    parler   autrement.  Comme  il  y   a  une 


Sur   l'i 

qiionc 


1  Sane  prœtermittere  non  oportet  hoc  loco 
intentum  et  ad  ccetera,  quœ  talia  forte  occurre- 
rint,  facere  lectorem,  quia  Lucas  dixit  quinqua- 
genos  jussos  esse  disciunbere,  Marcus  vero  quin- 
quagenos  et  centenos.  Quod  hic  Uleo  non  movet, 
quia  unus  partem  dixit,  alter  totuin:  qui  eniin 
etiam  de  centenis  retulit,  hoc  retulit  quod  ille 
prœtermisit  ;  nihil  itaqiie  conlrarium  est.  Verum- 
tamen  si  alius  de  quinquagenis  tantuin  comme- 
moraret,  alius  tantum  de  centenis,  valde  videretur 
conlrarium  ;  nec  facile  dignosceretur  ntrumque 
dictuin  esse,  unum.  autem  ah  altero,  allerinn  ab 
altero  esse  commemoratum.  August.,  lib.  Se  Con- 
sensu  evang.,  mmi.  98,  pag.  7'i. 

2  Augiist. ,  lib.  IV  De  Consensu  evangelist., 
uum.  19,  pag.  120. 

3  Hic  aliquis  forsitan  gucerit  utrum  auctores 
nostri,  quorum  scripta  divinitus  inspirala  cano- 
nem  nobis  saluberrima  auctoritale  fecerimt,  sa- 
pientes  tantummodo,  an  éloquentes  etiam  nun- 
cupandi  sint.  Quœ  quidcm  quœstio  apud  meipsum, 
et  apud  eos  qui  mecuiii  quod  dico  sentiunt,  facil- 
lime  solvitur.  iYam,  ubi  eos  inteliigo,  non  solam 
nihil  eis  sapienlivs,  verum  etiam'  nihil  eloquen- 
tius  niihi  videri  potest.  Et  audeo  dicere,  omnes 
qui  recte  inlcUigunt  quod  illi  loquuntur,  siinul 
intelligere  non  eos  aliter  loqui  dcbaisse.  Sicut 
est  enim  (fiiœdam  eloquentia  quœ  magis  œtatciu 
juvenilem  decel,  est  quœ  senilein  :  nec  jain  di- 
cenda  est  eloquentia,  si  pcrsonœ  non  cougruat 


eloquentis  :  ita  est  quœdam,  quœ  viros  summa 
auctoritate  dignissimos  planeque  divines  decet. 
Hac  illi  locuti  stmt,  nec  ipsos  decet  alla,  nec 
alios  ipsa.  Ipsis  enim  congruit,  alios  autem, 
qvanto  videtur  humilior,  tanto  altius  nonvento- 
sitate,  sed  soliditate  transcendit...  possem  qui- 
dem,  sivacaret,  omnes  virtutes  et  ornamenta  elo- 
quentiœ,  de  quibus  inflantur  isti  qui  Unguam 
suam  nosirorum  auctorum  linguœnon  magnitu- 
dine  sed  tumore  prœponunt,  ostendere  in  isto- 
rum  litteris  sacris,  quos  7iobis  erudiendis,  et  ab 
hoc  sœculo  pravo  in  beatum  sœculum  transfe- 
rcndis,  Providentia  divina  providit.  Sed  non  ipsa 
me  plusquam  dici  potest  in  illa  eloquentia  délec- 
tant quœ  sunt  his  viris  cum  oratoribus  gentiliurn 
poelisve  communia:  illud  magis  admiror  et  stu- 
peo  quod  ista  nostra  eloquentia  ita  usi  sunt  per 
alteram  quamdam  eloquentiam  suam,  ut  nec  de- 
esset  eis,  nec  emineret  in  eis:  quia  eam  nec  im- 
probari  ab  illis  nec  ostentari  oportebat...  et  in 
quib'usdam  forte  locis  agnoscitur  a  doctis,  taies 
res  dicuntu,r,  ut  verba  qidbus  dicuntur,  non  a 
dicente  adhibila,  sed  ipsis  rehus  velut  sponte  sub- 
juncla'videantur :  quasi  sapientiam  de  domo  sua, 
id  est  pectore  sapientis  procedcre  intelligas,  et 
lanquam  inseparabitcm  famulam'  etiam  non  vo- 
calam  sequi  eloquentiam.  Aiigust.,  lib.  i.  De  Doct. 
christ.,  uap.  vi,  uuni  9,  tom.  III,  parte  1,  pag  C7 
cl  G8. 


[IV^.ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


59o 


éloquence  qui  convient  aux  jeunes  gens, 
et  une  autre  qui  convient  aux  personnes 
avancées  en  âge,  et  qu'on  ne  doit  point 
appeler  éloquence  celle  qui  ne  convient 
pas  à  la  personne  qui  parle  ;  il  y  a  de  même 
une  certaine  éloquence  qui  sied  à  ces  hommes 
tout  divins.  Ils  ont  parlé  avec  cette  éloquence  ; 
et  une  autre  ne  leur  aurait  pas  été  bien- 
séante, comme  la  leur  ne  conviendi-ait  pas  à 
d'autres.  Elle  leur  convient,  et  plus  elle  pa- 
rait vile  aux  antres,  plus  elle  surpasse  l'élo- 
quence profane  ,  non  par  une  vaine  enflure, 
mais  par  une  solide  grandeur.  Je  pourrais 
même  montrer  que  toutes  les  beautés  et  les 
ornements  de  l'éloquence  dont  sont  enflés 
ceux  qui  préfèrent  la  langue  de  leurs  auteurs 
à  celle  des  nôtres ,  se  trouvent  aussi  dans 
l'Éciilure  sainte.  Mais  ce  qui  me  plait  dans 
l'éloquence  des  auteurs  sacrés  ,  n'est  pas  ce 
qu'ils  ont  de  commun  avec  les  poètes  et  les 
orateurs  des  gentils.  J'admire  bien  plus  avec 
étonnement  qu'ils  se  soient  servis  de  notre 
éloquence  par  une  autre  qui  leur  est  propre , 
de  manière  qu'elle  ne  leur  manque  pas,  et 
que  ce  n'est  pas  toutefois  ce  qu'il  y  a  de  plus 
grand  en  eux  :  parce  qu'il  n'était  pas  à  propos 
qu'Us  la  condamnassent ,  ni  qu'ils  en  fissent 
parade.  Dans  les  lieux  mômes  où  les  savants 
la  découvrant ,  les  choses  y  sont  dites  d'une 
manière ,  qu'il  semble  que  les  paroles  dont 
on  se  sert  pour  les  exprimer ,  n'ont  pas  été 
choisies  par  celui  qui  les  dit  ;  mais  qu'elles 
sont  nées  naturellement  des  choses  mêmes. 
C'est  une  sagesse  qui  sort  du  cœur  du  sage, 
comme  de  sa  maison  ,  et  l'éloquence  qui  est 
sa  domestique  insépai-able,  la  suit  sans  être 
appeUée.  » 

Le  saint  Docteur  donne  plusieurs  exemples 
de  l'éloquence  de  saint  Paul  ;  mais  de  peur 


qu'on  ne  l'accusât  d'avoir  choisi  '  cet  apôtre, 
comme  le  seul  modèle  de  l'éloquence  que 
nous  ayons,  il  en  rapporte  des  Prophètes,  et 
particulièrement  d'Amos  qui  n'avait  point 
eu  d'autre  emploi  que  celui  de  garder  les 
troupeaux,  lorsqu'il  fut  envoyé  de  Dieu  pour 
prophétiser  à  son  peuple.  «  Voici  donc,  dit 
saint  Augustin,  comment  s'écrie  cet  homme 
champêtre  devenu  prophète  ,  quand  il  re- 
prend les  impies,  les  superbes,  les  prodigues 
et  par  conséquent  les  hommes  peu  animés 
de  charité  pour  leurs  frères  :  Malheur  à  vous 
qui  vivez  en  Sion  dans  l'abondance  de  toutes 
choses,  et  qui  mettez  votre  confiance  dans  la 
montagne  de  Samarie.  Grands  qui  êtes  les  chefs 
du  peuple,  qui  entrez  avec  une  pompe  fastueuse 
dans  les  assemblées  d'Israël ,  jxissez  à  Chalane, 
et  la  considérez,  etc.  Je  voudrais  bien  savoir 
si  ces  éloquents  docteurs  qui  regardent  avec 
mépi'is  nos  prophètes  comme  des  gens  des- 
titués de  science  ,  et  à  qui  la  politesse  et  la 
beauté  du  langage  est  entièrement  inconnue, 
auraient  soidiaité  de  s'exprimer  autrement, 
s'ils  avaient  eu  la  même  matière  à  traiter, 
et  devant  les  mêmes  personnes,  si  néan- 
moins ils  avaient  voulu  parler  avec  sagesse? 
Qu'y  a-t-il  en  effet,  que  des  oreilles  pures  et 
délicates  puissent  désirer  de  plus  que  ce 
discours  ?  » 

H  fait  remarquer  tous  les  traits  et  tous  les 
ornements  qui  se  trouvent  dans  le  sixième 
chapitre  du  même  prophète  ,  et  en  conclut 
que  les  auteurs  canoniques  ont  eu  non- 
seulement  la  sagesse,  mais  aussi  l'éloquence 
qui  convenait  à  des  personnes  de  leur  carac- 
tère. Il  est  'vrai  que  saint  Augustin  n'avait 
pas  toujours  pensé  de  même  des  livres 
sacrés,  ^  et  que  dans  sa  jeunesse,  lorsqu'il 
avait  encore  le  cœur  et  le  goût  corrompu  par 


*  Sed  forte  quis  putat  tanquam  eloqiientem 
nostrum  elegisse  me  aposiolum  Paulum...  dicen- 
dwm  ergo  mihi  aliquid  esse  video  et  de  eloquentia 
Prophetarum...  ex  illius  prophetœ  libre  potissi- 
mum  hocfaciam,  qui  se  paslorem  vel  armenta- 
rium  fuisse  dicit,  atque  inde  divinitas  ablalum 
atque  missum,  ut  Dei  populo  prophetaret...  Cum 
igitur  argucret  impios,  superbos  ,  luxuriosos,  et 
fraternœ  ideo  negligentissimos  charitatis ,  rusli- 
cus ,  vel  ex  rusiico  isie  prophela,  exclainavit  di- 
cens  :  Vse  qui  opulenti  estis  in  Siou,  et  confiditis 
in  monte  SaDiarioe ,  oplimates  capita  populoruni, 
ingredieutes  pompatice  domum  Israël,  transite  in 
Chalane,  et  videte,  etc..  Num  quidnam istï ,  qui 
Prophetas  noslros  tanquam  inerudilos  et  elocu- 
lionis  ignares  veluti  docti  diserlique  contennmnt, 
si  aliquid  eis  taie  vel  in  laies  dicendum  fuisset, 
aliter  se  voluisseni  dicere  ,  qui  turiun  eorum  in- 


sanire  noluissent?  Quid  enim  est  quod  isto  elo- 
qino  aures  sobriœ  plus  desiderent?...  Quapropter 
et  éloquentes  quidem,  non  solum sapientes,  cano- 
nicos  nostros  auc tores  doctoresque  fateamur, 
tali  eloquentia ,  qualis  personis  ejusmodi  con- 
gruebat.  August. ,  lib.  IV  De  Doct.  christiana, 
luim.  13,  et  seq.,  pag.  70,  71,  72. 

^  Itaque  institui  animum  intendere  in  Scriptu- 
ras  sanctas,  ut  vider  em  quales  essent.  Et  eccevideo 
rem  non  compertam  superbis,  neque  nec  datam 
pueris  ;  sed  incessu  immilem,  successu  excelsam 
et  velatam  mysteriis  :  et  non  eram  ego  talis  ut 
intrare  in  eam  possem,  aut  inclinare  cervicem 
ad  ejus  gressus.  Non  eniin,  sicut  modo  loquor, 
ita  sensi  cum  attendi  ad  illam  Scripiuram  :  sed 
visa  est  mihi  indigna  quwm  Tullianœ  dignitati 
compararein.  Tumor  enim  meus  refugiebat  mo- 
dum  ejus;  et  ac'.es  mea  non  penetrubat  inleriora 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


396 

l'amour  des  faux  brillants  de  ce  monde  ,  il 
ne  trouvait  rien  dans  l'Écriture  qui  fût  com- 
parable à  l'éloquence  de  Cicéron ,  parce 
qu'alors  son  orgueil  d'une  part  ne  pouvait 
s'accommoder  de  la  simplicité  du  style  de 
nos  livres  saints ,  et  que  de  l'autre  ,  son 
esprit  n'avait  pas  assez  de  pénétration  pour 
y  découvrir  les  mystères  cachés  ;  mais  pré- 
venu dans  la  suite  par  la  grâce  de  Jésus- 
Christ  ,  il  commença  à  y  trouver  du  goût,  et 
pendant  le  reste  de  ses  jours  '  il  en  fit  ses 
chastes  délices, 
surrobscii-        24.    Ces   livres    saints    renferment  "^  de 

rité  de  I  Ecn- 

Tcî'u'ôndou  profonds  mystères  que  Dieu  tient  cachés 
lui  porter.  j^gjj  ^g  jjQ^g  jgg  peudro  plus  rospectables.  Il 
veut  que  nous  les  y  cherchions  pour  nous 
exercer  ;  et  il  nous  les  fait  enfin  trouver,  afin 
que  nous  en  tirions  notre  nourriture  spiri- 
tueUe.  La  surface  de  ^  ces  livres  se  présente 
agréablement  à  nous  comme  pour  nous  at- 
tirer à  les  lire.  Mais  leur  profondeur  est 
tout-à-fait  merveilleuse.  Saint  Augustin  ne 
pouvait  la  considérer  qu'avec  effroi ,  mais 
un  effroi  de  respect,  et  un  tremblement 
d'amour.  Il  convenait  qu'il  y  avait  toujours  ' 
à  profiter  dans  la  lecture  qu'il  en  faisait, 
quand  même  il  s'y  serait  appliqué  depuis 
son  enfance  jusqu'à  une  extrême  vieillesse, 
et  qu'il  y  aurait  donné  toute  son  étude  et  son 
apphcation.  Ce  n'est  pas  qu'il  soit  diificile 
d'y  trouver  les  choses  nécessaires  au  salut; 


mais  c'est  qu'après  y  avoir  puisé  la  foi  sans 
laqueUe  on  ne  peut  pas  vivre  avec  piété,  il 
reste  encore  une  infinité  de  choses  cachées 
sous  des  voiles  mystérieux  pour  ceux  qui 
veulent  faire  du  progrès  dans  la  connais- 
sance des  saintes  Écritures.  Elles  ont  une 
hauteur  si  pleine  de  sagesse,  non-seulement 
dans  les  paroles,  mais  aussi  dans  les  choses 
qu'il  faut  comprendre,  que  les  personnes  les 
plus  âgées,  les  plus  subtiles  ,  et  cpii  ont  le 
plus  envie  d'apprendre,  trouvent  qu'il  leur  ar- 
rive ce  qui  est  dit  dans  un  endroit  de  l'Ecclé- 
siastique :  Quand  l'homme  croit  avoir  achevé,  ^'"■'-  ^ 
il  ne  fait  que  commencer.  Le  Saint-Esprit  les 
a  néanmoins  formées  ^  avec  un  tempéram- 
ment  si  admirable  et  si  salutaire ,  qu'elles 
satisfont  dans  les  lieux  clairs  l'avidité  de 
ceux  qui  y  cherchent  leur  nourritm-e  ,  et 
qu'elles  remédient  par  les  lieux  obscurs  aux 
dégoûts  qui  en  pourraient  naître  si  tout  y 
était  clair.  D'aiUeurs,  ce  qui  est  difficile  dans 
ces  lieux  obscurs  ,  se  trouve  clairement  ex- 
primé aiUeurs.  Il  ne  faut  donc  ni  se  troubler  ^ 
de  ce  que  l'on  ne  peut  comprendre  dans 
l'Éci'iture,  ni  s'enorgueiUir  de  ce  qu'on  y  a 
compris.  On  doit  respecter  ce  qu'on  n'entend 
pas,  et  attendre  avec  soumission  qu'il  plaise 
à  Dieu  de  nous  le  développer;  embrasser 
avec  une  charité  vive  et  fidèle  ce  qu'il  lui 
aura  plu  de  nous  faire  entencbe.  Les  héré- 
sies '  et  les  dogmes  pernicieux  qui  servent 


ejus.  Verumtamen  illa  erat  quœ  cresceret  cum 
parvulis  :  sed  ego  dedignabar  esse  parvulus,  et 
turgidus  fastu  mihi  grandis  videbar.  August. , 
lit).  III   Conf.,  cap.  v,  pag.  91. 

1  Sint  castœ  deliciœ  meœ  Scripturœ  tuœ  ;  nec 
fallar  in  eis,  nec  fallam  ex  eis.  Avigust. ,  lib.  II 
Conf.,  cap.  II.  pag.  195. 

2  Sunt  in  Scripturis  sanctis  profunda  mysteria, 
quœ  ad  hoc  absconduntur  ne  vilescant  ;  ad  hoc 
quœrnntur ,  uJ  exerceant  ;  ad  hoc  aperiuntur, 
ut  pascant.  August.  in  Psal.  cxl,  num.  1,  pag. 
1S62. 

^  Mira  profunditas  eloquiorum  tuorum,  quo- 
rum ecce  ante  nos  superficies  blandiens  parvu- 
lis  :  sed  mira  profunditas,  Deusmeus,  mira  pro- 
funditas. Eorror  est  intendere  in  eam,  horror 
honoris,  et  tremor  amoris.  August.,  lib.  XII 
Conf,  cap.  xiv^  num.  17,  pag.  214. 

*  Tanta  est  enim  christianarum  profunditas 
lilterarmn,  ut  in  eis  quolidie  proficerem,  si  eus 
solas  ab  ineunle  puerilia  usque  ad  decrepitam 
senectulem  maximu  otio,  summo  studio,  meliore 
ingénia  conarer  uddiscere  ;  non  quod  ad  ea  quœ 
necessaria  sunt  satiUi,  tanta  in  eis  perveniatur 
difficultate,  sed  ciun  quisque  ibi  fidem  lenuerit, 
sine  qua  pie  recleque  non  vivitur ,  tam  multa, 
tamque  muUiplicihus  mijsleriorum  umbraculis 
opacata  intelligenda proficientibns  restant  :  tan- 


taque  non  soluni  in  verbis ,  quibus  ista  dicta 
sunt ,  verum  etiam  in  rébus  quœ  intelligendœ 
sunt,  latel  altitudo  sapientiœ,  ut  annosissimis, 
acutissimis,  flagrantissimis  cupiditate  discendi 
hoc  contingat,  quod  eadem  Scriptura  quodam 
loco  habet  :  Cum  consummaveril  homo,  tune  in- 
cipit.  (Eccli.,  cap.  xviii,  vers.  6).  August.,  Epist. 
137,  num.  3,  pag.  402, 

^  Magnifiée  igitur  et  salubriter  Spiritus  Sanc- 
t'us  ita  Scripturas  modificarit,  ut  locis  apertiori- 
bus  l'ami  occurreret,  obscurioribus  autem  fasti  ■ 
dia  delergeret.  Nihil  enim  fere  de  illis  obscurita- 
tibus  eruitur.  quod  non  planissime  diclum  alibi 
reperiatur.  August.,  lib.  II  De  Doct.  christ,  cap. 
VI,  num.  8,  pag.  22.  In  omni  quippe  copia  Scriptu- 
.rarum  sanctarum  pascimur  apertis,  exercemur 
obscuris  :  illic  famés  pellitur ,  hic  fastidium. 
August.  Serm.  71  De  Verbis  evangelii,  cap.  vu, 
nu«n.  II.  pag.  389. 

"  lUud  ante  omnia  retinete ,  ut  Scripturis 
sanctis  nondum  intellectis  non  perturbemini,  in- 
telligentes autem  noninflemini  ;  sed  et  quod  non 
inlelligitis,  cum  honore  differalis.  et  quod  non 
inleUigitis  cum  charitate  teneatis.  August.,  Serm. 
51  de  concordia  MalUi.  et  Luc.  cap.  xxiv,  pag.  302. 

'  Neque  enim  natœ  sunt  hœreses,  et  quœdam 
dogmata  perversitalis  illaqnentia  animas  et  in 
profundum  prœcipitantia ,  nisi  dum   Scripturœ 


[IV°  ET  V''  SIÈCLES.] 

de  piège  aux  âmes  et  les  précipitent  dans 
l'abimè,  ne  sont  nés  que  de  ce  que  les  Écri- 
tures ont  été  interprétées  en  mauvais  sens, 
et  que  de  ce  qu'ensuite  ceux  qui  les  avaient 
mal  expliquées  ,  ont  soutenu  avec  témérité 
et  hardiesse  leurs  mauvaises  inlei'prétations. 
Il  faut  donc  écouter  avec  beaucoup  de  pré- 
caution les  choses  qui  sont  au-dessus  de 
notre  capacité,  en  observant  de  nous  nourrir 
avec  joie  des  vérités  que  nous  pouvons  en- 
tendre et  que  nous  trouvons  conformes 
à  la  foi  dont  nous  avons  été  instruits. 
Quant  à  celles  qui  surpassent  notre  intelli- 
gence, si  nous  ne  les  pouvons  accorder  avec 
la  règle  invariable  de  la  foi,  différons  à  un 
autre  temps  de  les  entendre;  mais  ne  diffé- 
rons pas  un  moment  de  les  croire  sans  le 
moindre  doute  ,  persuadés  qu  'il  n'y  a  rien 
dans  ces  saints  livres  qui  ne  soit  bon  et  véri- 
table. )) 

23.  Saint  Augustin  distingue  '  quatre 
sens  de  l'Écriture  :  l'historique  qui  nous  re- 
présente les  faits  comme  ils  se  sont  passés  ; 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


597 


l'allégorique ,  qui  explique  ce  qui  est  dit  en 
figure  ;  l'analogique,  où  l'on  compare  en- 
semble l'Ancien  et  le  Nouveau  Testament 
pour  en  montrer  l'accord  ;  et  l'étiologique  , 
par  lequel  on  rend  raison  des  faits  et  des 
discours  rapportés  dans  l'Écriture.  Il  avoue 
qu'il  n'en  a  pas  toujours  bien  compris  le 
sens  littéral.  «  Peu  après  ma  conversion, 
dit-il,  ^j'écrivis  deux  livres  contre  les  mani- 
chéens ,  dont  l'erreur  ne  consiste  point  à  ne 
pas  entendre  comme  il  faut  l'Ancien  Testa- 
ment ,  mais  à  le  rejeter  en  blasphémant  le 
Dieu  des  Juifs.  Je  voulais  me  hâter  ou  de 
réfuter  leurs  visions,  ou  de  les  disposer  à 
chercher  dans  les  anciennes  Écritures  qui 
font  l'objet  de  leur  haine,  la  foi  chrétienne 
et  évangélique.  Mais  comme  il  ne  se  pré- 
sentait à  mon  esprit  aucune  voie  de  tout 
exphquer  à  la  lettre,  que  je  croyais  même 
plutôt  la  chose  impossible,  ou  du  moins  très- 
difficile  ,  dans  la  crainte  de  perdre  trop  de 
temps ,  je  me  jetais  dans  les  sens  figurés 
partout  où  je  n'entendais  rien  à  la  lettre  ,  et 


bonw  intelliguntitr  non  bene ,  et  quod  in  eis  non 
beneintelligitur,  etiam  lemere  et  andaciter  asseri- 
tur.  Itaque...  valde  catde  hœc  audire  dehemus , 
ad  quœ  capienda  parvuli  stMiius  ;  et  corde  pio  et 
cwm  tremore,  sicut  soriptum  est,  hanc  tenentes 
regulam  sanilatis,  ut  quod  secundum  fidem 
qua  imbuti  siurms,  inielligere  voluerimus ,  lan- 
quani  de  cibo  gaudeamus  :  quod  autem  secun- 
dum sanam  fidei  regulam  intelligere  nondum 
potuerimus,  dubitationem  auferamus,  intelligen- 
tiam  difl'eramus  ;  hoc  est  ut,  etiam  si  quid  sit 
nescimus,  bonum  tamen  et  verum  esse  minime 
'  dubitemus.  August.,  Tract.  18,  in  Joan,  num.  l, 
pag.  430. 

1  Quatuor  modi  a  quibusdam  Scriplurarum 
tractatoribus  tradunlur  legis  exponendœ,  quo- 
rum vocubala  enuntiari  grcece  possunt ,  latine 
autem  definiri  et  explicari;  secundum  historiam, 
secundum  allegoriam-,  secundum  analogiam,  se- 
cundum œtiologiam.  Historia  est,  cum  sive  divi- 
nitus  sive  humanitus  res  gesta  commemoratur. 
Allegoria,  cum  figurate  dicta  intelliguntur.  Àna- 
logia,  cum  Veteris  et  Novi  Testamentorum  con- 
gruentia  demonstratur.  /Etiologia,  cum-  dictorum 
factorumque  causce  redduntur.  August.,  lili.  Tm- 
perf.  de  Genesi  ad  litteram ,  num.  5,  tnm.  III, 
parte  1,  pag.  94.  Vide  librum  de  UtiUt.  credendi, 
cap.  m,  num.  5,  tom.  VIII,  pag.  48. 

2  Ego  contra  manichœos,  qui  has  lilteras  Vete- 
ris Testamenti  non  aliter  quam.  oportet  acci- 
piendo  errant,  sed  omnino  non  accipiendo  et 
detestando  blasphémant ,  duos  conscripsi  libros 
recenti  tempore  conversionis  ineœ ,  cito  volens 
eorum  vel  confutare  deliramenta,  vel  erigere  in 
tentionem  ad  quœrendam  in  lilteris,  quas  ode- 
runt,  chrislianam  et  evangelicam  fidem.  Et  quia 
non  mihi  tune  occurrebant  omnia,   quema,dmo- 


dum  proprie  passent  accipi,  magisque  non  posse 
accipi  videbantur,  a,ut  vix  posse  aut  difficile,  ne 
retardarer,  quid  figurate  significarent  ea,  quœ 
ad  litteram  non potui  invenire,  quanta  voluibre- 
vitate  et  perspicuitate  explicavi,  ne,  vel  milita 
lectione  vel  disputationis  obscuritate  deterriti , 
in  manus  ea  sumere  non  curarent.  Memor  tamen 
quid  maxime  voluerim  nec  potuerim ,  ut  non 
figurate  sed  proprie  primitus  cuncta  intelUge- 
rentur,  nec  omnino  desper ans  etiam-  sic  posse  in- 
telligi,  idipsum  in  prima  parte  secundi  libri  ita 
posui.  Sane,  inquam,  quisquis  voluerit  omnia 
quœ  dicta  sunt  secundum  litteram  accipere,  id  est 
non  aliter  intelligere  quam  littera  sonat,  et  po- 
iest  evitare  blasphem.ias,  et  omnia  congruentia 
fidei  catholicœ  prœdicare,  non  solum  ei  non  est 
invidendum,  sedprœcipuus  multumque  laudabilis 
intellector  habendus  est.  Si  autem  nullus  exitus 
datur,  ut  pie  et  digne  Deo  quœ  scripta  sunt  intel- 
ligantur,  7iisi  figurate  atque  in  œnigmatis  propo- 
sita  ista  credamus,  habentes  auctoritatem  aposto- 
licam;  a  quibus  tam  multa  de  libris  Veteris  Testa- 
menti solvuntur  œnigmata,  modum  quem-  inten- 
dimiis  teneamus  adjuvante  illo  qui  nos  pelere, 
quœrere  et  pulsare  adhortatur,  ut  omnes  istas 
figuras  rerum-  secundum  catholicam  fidem,  sive 
quœ-  ad  historiam,  sive  quœ  ad  prophetiam perti- 
nent, explicemus,  non  prœjudicanies  meliori  di- 
ligentiorique  tractatui,  sive  per  nos,  sive  per 
altos,  quibus  Dominus  revelare  dignalur.  llœc 
iunc  dixi;nunc  autem  quia voluit  Dominus  ut  ea 
diligentius  intuens  atque  considerans,  non  frus- 
tra quantum  opinor ,  existimarem  etiam  per  me 
posse  secundum  propriam,  non  secundum  allcgo- 
ricam  locutionem,  hœc  scripta  esse  monstrari. 
August.,  lib.  VIU  De  Genesi  ad  litteram,  cap.  ii, 
num.  5,  pag.  227, 


598 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


je  les  exposai  avec  le  plus  de  clarté  et  de 
brièveté  qu'il  me  fut  possible,  de  peur  que 
les  rûaniclicens,  rebutés  ou  par  la  longueur 
de  l'ouvrage,  ou  par  la  diliiculté  des  ma- 
tières, ne  refusassent  de  le  lire.  Je  fis  pour- 
tant assez  connaître  qae  mon  dessein  était 
d'entendre  d'abord  tout  à  la  lettre  ,  et  non 
pas  allégoriquement.  Mais  je  n'étais  pas  en- 
core capable  de  l'exécuter,  quoique  je  ne 
désespérasse  pas  de  pouvoir  y  réussir.  »  Il 
veut  donc  que  l'on  comble  d'éloges  celai 
qui  entend  h  la  lettre  les  saintes  Écritures  , 
pourvu  que  son  explication  s'accorde  avec 
la  foi  catholique.  «  Que  s'il  n'y  a  pas  moyen, 
ajoute-t-il,  de  trouver  dans  certains  endroits 
un  sens  digne  de  Dieu  et  conforme  à  la  piété, 
sans  recourir  aux  figures  et  aux  allégories  ; 
alors,  munis  de  l'autorité  des  apôtres  qui 
ont  dévoilé  tant  d'énigmes  de  l'Ancien  Tes- 
tament, nous  pouvons  nous  en  tenir  à  notre 
méthode,  en  implorant  le  secours  de  celui 
qui  nous  exhorte  à  demander,  à  chercher  et 
à  frapper,  afin  d'expbquer  toutes  ces  figures, 
soit  historiques  ,  soit  prophétiques  ,  selon  la 
règle  de  la  foi,  sans  prétendre  nous  opposer 
à  des  interprétations  meilleures  et  plus 
exactes,  que  Dieu  peut  découvrir  ou  à  noas 
ou  à  d'autres.  » 

Voilà  ce  que  disait  saint  Augustin  quelque 
temps  après  s'être  converti.  Mais  depuis 
qu'il  eût  médité  les  choses  avec  plus  d'at- 
tentien,  il  se  trouva  bien  fondé  à  croire  qu'il 
était  possible  de  montrer  que  les  histoires 


rapportées  dans  la  Genèse,  avaient  été 
écrites  pour  être  entendues  h  la  lettre  et 
non  dans  le  sens  allégorique.  C'est  pourquoi 
dans  les  douze  livres  qu'il  composa  depuis 
sur  la  Genèse,  il  explicjue  l'Éci-iture  à  la  let- 
tre; ce  qu'il  fait  aussi  ordinairement  dans  tous 
ses  ouvrages  dogmatiques.  Mais  comme  il 
croit  que  ceux-là  se  trompent  '  qui  excluent 
toute  allégorie  des  livres  historiques,  il  croit 
aussi  qu'il  y  a  une  espèce  de  témérité  à  en 
vouloir  trouver  partout.  La  règle  qu'il  donne 
pour  les  allégories,  c'est  °  de  bien  examiner 
par  la  suite  du  discours,  ce  qui  y  est  dit 
d'une  manière  figurée.  Il  dit  encore  '  «  qu'il 
y  a  de  l'imprudence  à  interpréter  à  son 
avantage  un  endroit  pris  dans  un  sens  allé- 
gorique ,  à  moins  qu'on  n'en  ait  d'autres 
clairs  et  décisifs  sur  la  même  matière,  et 
qui  par  là  répandent  du  jour  sur  ceux  qui 
sont  obscurs;  que  les  passages  de  l'Écriture 
qui  sont  obscurs ,  ne  peuvent  non  plus  que 
les  explications  allégoriques,  servir  de  preuve 
dans  les  choses  contestées  ;  »  et  il  applique 
celte  règle  à  la  question  qui  était  entre  les 
catholiques  et  les  donatistes  touchant  la  vraie 
Église  ;  prétendant  que  pour  la  décider,  ils 
ne  devaient  les  uns  et  les  autres  employer 
que  des  témoignages  clairs  ,  et  'pris  dans  le 
sens  littéral.  «  Il  arrive  souvent,  ajoute-t-il', 
que  des  esprits  mal  intentionnés  apphquent 
à  leur  gré  les  autorités  de  l'Écriture  à  des 
personnes  ou  à  des  choses  dont  elles  n'ont 
jamais  été  dites.  Et  il  se  peut  faire  que  l'in- 


1  Mihi  autem  sicut  multum  videntur  errare, 
qui  nullas  res  gestas  in  eo  génère  litterarum ali- 
quid  aliiul  prœter  id  quod  eo  modo  gestœ  sunt 
significare  arbitrantur  ;  ita  multum  audere,  qui 
prorsus  ibi  omnia  ngnificationibus  allegoricis 
iiwoluta  esse  conlendunt.  August.,  lib.  XVII  De 
civil.  Dei,  cap.  m,  pag.  438. 

-  Et  hcec  régula  inomni  allegoriaretinenda  est, 
vt  pro  sententia  prœsenlis  loci  consideretur  qvod 
per  similitudinem  dicitur  :  hœc  est  enim  domi- 
nica  et  apostolica  disciplina.  August.  inPsal.  vni, 
pag.  45. 

"  Quis  aulem  non  impudentissime  nitatur  ait- 
quid  in  allegoriapositum  pro  seinterpretari,  nisi 
habeat  et  manifesta  testimonia,  quorum  lumine 
illustrentur  obscura?  August.,  Epist.  93,  uum.  24, 
pag.  241. 

*  Sedquoniammwltainalios  vel  ob  aliud  dicta, 
in  qiios  voiunl  et  ad  quos  volunt  maledici  ple- 
rumque  convertunl,  mullaetiamproplcr  exercen- 
das  rationales  mentes  figurate  atque  obscura  po- 
sita  per  œnigmatis  imagines  vel  ambiguitalis  an- 
cipitem  sensum,  fallaci  aliquando  interprelationi 
consonare  et  convenire  creduntur;  hoc  etiam 
prœdico  atque  propono  ut  quœcumque  aperta  et 


manifesta  diligamus ,  quœ,  si  insanctis  Scriptwris 
non  invenirentur,  nullo  modo  esset  unde  aperi- 

rentur  clausa  et  illustrarentur  obscura Sic  et 

illa  intérim  seponcnda  sunt,  quœ  obscure  posita 
et  figurarum  vela}iiinibus  involuta,  et  secundum 
nos  et  secundum  illos possunl  interpreiari.Est  qui- 
dem  auctorum  hominwn  dijudicare  atque  discer- 
nere  quis  eaprobabiliusinterpretetur, sednolumus 
in  lias  ingeniorum  contentiones,  in  eacatisa,  quai 
populos  tenet  nostram  disputationem  committere. 
Nulli  nostrum  dubium  est,  per  arcam  is'oe,  salva 
rcrum  gcslarum  fide,  ut  deletis  peccatoribus  do- 
mus  jusli  a  dilurio  liberaretur.  eliam  Ecclesiam 
fuisse  pguratam.  Quœ  forte  humani  ingenii  con- 
jectura viderelur,  nisi  hoc  Pctriis  apostolus  in 
Epistola  sua  diceret.  Scd  quod  ille  ibi  non  dixit, 
si  quis  nostrum  dicat  propterea  cuncta  anima- 
lium  gênera  ibi  fuisse,  quia  in  omnibus  gentibus 
fulura  prœnuntiabatur  Ecclesia,  fartasse  dona- 
tistis  aliud  videatur  et  aliter  hoc  interpretari  ve- 
lint.  Similiter  et  ipsi  aliqtUd  obscure  et  ambiguë 
positum  si  pro  sua  sententia  interpretentur,  si 
nobis  pateat  aliud  inde  dicere  quod  pro  nobis  so- 
nat,  quis erit  finis?  Aagusi.,  lib.  De  Unitate  Eccle- 
siœ,  cap.  v,  num.  S  et  9,  tom.  IX,  pag.  342-343. 


[IV'  ET  V"  SIÈCLES.] 

terprétation    qu'on    leur    donne ,    quoique 
fausse  ,  paraisse   plausible  ,  à  cause  de  ce 
voile  qui  les  couvre,  ou  des  différents  sens 
dont  elles  sont  susceptibles.  C'est  pourquoi 
je  demande  hautement  que  nous  ne  choisis- 
sions que  des  témoignages  clairs  et  mani- 
festes. S'il  ne  s'en  trouvait  point  de  ce  genre 
dans  l'Écriture,  il  n'y  aurait  aucun  moyen 
d'ouvrir  ce  qui  est  fermé,  et  de  répandre  de 
la  clarté  sur  ce  qui  est  obscur.  Il  faudrait  en 
attendant  mettre  à  part  tous  ces  passages 
enveloppés  de  figures ,  en  laissant  à  chacun 
des  deux  partis  de  les  interpréter  à  son  avan- 
tage, sans  en  faire  dépendre  le  succès  d'une 
cause  où  les  peuples    sont  intéressés.  Qui 
d'entre  nous ,  par  exemple  ,  en  laissant  tou- 
jours subsiter  la  vérité  du  sens  historique , 
niera  que  l'arche  où  la  famille  de  Noé  fut 
sauvée  du  déluge  ,  tandis  que  les  pécheurs 
furent  submergés  dans  les  eaux,   n'ait  été 
la  figure  de  l'Église?  Peut-être  même  que  ce 
sentiment  serait  regardé  comme  une  simple 
conjecture  de  l'esprit  humain,  si  saint  Pierre 
ne  nous  l'avait  appris  dans  sa  première  Épî- 
tre.  Maintenant,  si  quelqu'un  de  nous  disait 
ce  que  cet  apôtre  n'a  point  dit ,  que  toutes 
les  différentes  espèces  d'animaux  furent  en- 
fermées dans  l'arche,  pour  figurer  que  l'É- 
glise serait  formée  de  toutes  les  nations,  sans 
doute  que  les  donatistes  n'en  voudi'aient  pas 
convenir,  et  qu'ils  auraient  recours  à  une 
autre  explication.  De  même  s'ils  s'appuyaient 
sur  quelque  passage  obscur  et  ambigu  ;  et 


SAINT  AUGUSTLN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


S99 


qu'en  lui  donnant  un  autre  sens  ,  nous  nous 
le  rendions  favorable  ,  quelle  serait  la  fin  et 
le  terme  de  nos  disputes  ?  Tenons-nous-en 
donc  à  des  passages  clairs  ,  et  si  clairs  qu'il 
ne  faille  point  d'interprète  pour  les  éclaircir 
par  de  longues  discussions.  » 

26.  «  La  première  chose  '  que  doit  obser- 
ver celui  qui  s'applique  à  l'étude  de  l'Écri- 
ture sainte,  c'est  d'avoir  une  connaissance 
des  livres  dont  elle  est  composée.  11  doit  en- 
suite les  lire  pour  en  remplir  sa  mémoire, 
quoiqu'il  n'en  ait  pas  encore  l'intelligence  ; 
puis  approfondir  avec  autant  de  soin  et  d'ap- 
plication qu'il  poiu'ra ,  les  vérités  qui  sont 
clairement  expliquées  ,  et  qui  regardent  ou 
les  mœurs  ou  la  foi.  Plus  on  a  de  pénétra- 
tion, plus  on  y  découvre  de  vérités  ;  et  on  y 
trouve  en  termes  clairs  ce  qui  appartient  à 
la  foi  et  aux  mœurs ,  c'est-à-dire  ce  qui  con- 
cerne l'espérance  et  la  charité.  Des  endroits 
plus  aisés  il  faut  passer  à  la  discussion  des 
choses  obscures  ,  en  tirant  des  expressions 
aisées  à  entendre  de  quoi  découvrir  ce  qui 
est  caché  sous  des  expressions  plus  embar- 
rassées. On  doit  aussi  faire  servir  des  témoi- 
gnages certains  à  lever  les  doutes  qu'on 
pouri-ait  avoir  sur  quelques  articles  qui  le 
paraissent  moins.  La  mémoire  aide  beau- 
coup pour  réussir  dans  cette  étude  ,  et  si 
l'on  en  manque,  toutes  les  règles  qu'on  peut 
donner  ne  serviront  de  rien  pour  en  acqué- 
rir. » 

27.   «  L'Écriture  sainte  ^  peut  n'être  point 


Comircnt 
il  f.-.«l  s'appli- 
quer à  l'étudo 
do  i'Ëcrilure 
EaiDte. 


RSiTlos  f  ciir 


1  In his  omnibus  librîs  timentes  Deum  etpietate 
mansueti,  qiiœrimt  voluntatem  Dei.  Cujus  operis 
et  laboris prima  observatio  est,  ut  diximus,  nosse 
istos  libros,  et  si  nondum  ad  intellectum  legendo 
tamen  vel  mandare  memoriœ,  vel  omnino  inco- 
gnitos non  habere.  Deinde  illa  quœ  in  eis  aperte 
posita  sunt,  vel  prœcepta  vivendi,  vel  regulœ  cre- 
dendi,  solertius  diligentiusque  investiganda  sunt  : 
quœ  tanto  quisque  plura  i7ivenit,  quanto  est  in- 
telligentiœ  capacior.  In  iis  enim  quœ  aperte  in 
Scripturis  posita  sunt,  inveniuntur  illa  omnia 
quœ  continent  fidem,  moresque  vivendi,  spemsci- 
licet  atque  charitatem  de  quibus  libro  superiore 
trastavimus.  Tum  vero  facta  quadam  familiari- 
tatecumipsa  lingua  divinarum  Scripturarum,  in 
ea  quœ  obscura  sunt  aperienda  et  discutienda 
pergendum  est,  ut  ad  ohscuriores  locutionesillus- 
trandas  de  manifestioribus  sumantur  exempta,  et 
quœdam  certarum  sententiarum  testimonia  dubi- 
tationem  incertis  auferant,  in  qua  re  memoria 
valet  plurimum  :  quœ,  si  defuerit,  non  potest  Itis 
prœceptis  dari.  August.,  lib  II  De  Doctrina  chris- 
tiana,  cap.  k,  num.  d4,  pag.  24. 

^  Diiabus  autem  causis  non  intelliguntur  quœ 
scripta  su,nt,  si  aut  ignotis  aut  ambiguis  signis 


obteguntur.  Sunt  autem  signa  vel  propria  vel 
tr  nslata.  Fropria  dicuntur,  cum  his  rebits  signi- 
ficandis  adhibentur,  propter  quas  sunt  instituta, 
sicut  dicimus  bovem,  cum  intelligimus  pecus, 
quod  omnes  nobiscum  latinœ  linguœ  homines  hoc 
nomine  vocant.  Translata  sunt,  cum  et  ipsœ  res 
quas  propriis  verbis  signi/lcamus,  ad  aliud  ali- 
qiiid  significandum  usurpantur ,  sicut  dicimUiS 
bovem,  et  per  has  duas  syllabas  intelligimus  pe- 
cus, quod  isto  nomine  appellari  solet  :  sed  rti/r- 
sus  per  illud  pecus  intelligimus  evangelistam , 
quem  significavit  Scriptura,  inlerpretante  Apos- 
tolo,  dicens  :  Bovem  triturantem  non  infrenahis. 
Contra  ignota  signa  propria  magnum  remedium 
est  linguarum  cognitio.  Et  latinœ  quidem  linguœ 
homines,  quos  nunc  inslruendos  suscepimus , 
duabiis  aliis  ad  Scripturarum  divinarum  cogni- 
tionem  opus  habent,  hebrœa  scilicet  et  grœca  : 
ut  ad  exeinplaria  prœcedentia  recurratur,  si 
quam  dubitationem  attulerit latinorum  inlerpre- 
tiim  infinitavarietas.  Quanquam  et  hebrœa  verba 
non  interpretata  sœpe  inveniamus  in  lib  ris,  sicut. 
Amen  et  Alléluia  et  Raca  et  Hosanoa,  et  si  qua 
sunt  alla,  quorum  partim  propter  sanctiorem 
auctoritatem,   quamvis   interpretari  poHiissent, 


600 


HISTOIRE  GÉNiîRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


i'iiiiciiiçiir.ce   entendue  ponr  deux  raisons.  Car  la  vérité 

do  1  Ecnluro.  ^ 

peut  être  cachée  ou  sous  des  signes  nicon- 
nus ,  ou  sous  des  signes  obscurs  et  équi- 
voques. Parmi  ces  signes  il  y  en  a  dont  les 
uns  sont  propres  et  les  autres  figurés.  Les 
propres  sont  ceux  dont  on  se  sert  pour  si- 
gnifier les  choses  pour  lesquelles  ils  ont  été 
proprement  institués  ;  comme  lorsque  nous 
disons  un  bœuf,  nous  entendons  parler  d'un 
animal  connu  sons  ce  nom.  Les  signes  sont 
métapboricpies  etfigm'és,  quand  les  choses 
que  nous  marquons  par  leurs  noms  propres, 
ont  encore  luie  autre  signification.  Ainsi  le 
nom  de  bœuf  signifie  non-seulement  un  ani- 
mal ,  mais  il  est  pris  aussi  quelquefois  pour 
un  ministre  de  l'Évangile,  comme  on  le  voit 
dans  ce  passage  de  l'Écriture  cité  par  saint 
Paul  en  parlant  des  prédicateurs  évangé- 
1  Cor.  IV,  10.  liques  :  Vous  ne  tiendrez  pas  la  bouche  liée  au 
bœuf  qui  foule  le  grain.  Le  grand  moyen 
pour  connaître  les  signes  propres  ,  c'est  de 
savoir  les  langues  latine,  grecque  et  hé- 
braïque ,  afin  de  pouvoir  recourir  aux  textes 
originaux,  au  cas  où  la  diversité  infinie  des 
interprètes  latins  jetterait  dans  quelque 
doute  et  dans  quelque  incertitude.  Aussi 
bien  trouve-t-on  dans  les  livres  saints  des 
paroles  hébraïques  qui  n'ont  point  été  tra- 


duites, comme  Amen,  Alléluia,  Raca,  Ho- 
sanna,  et  d'autres  encore  ,  soit  pour  en  con- 
server l'antiquité  et  en  rendre  l'autorité 
plus  respectable  ,  soit  parce  qu'on  n'a  pu  , 
à  ce  qu'on  dit ,  les  rendre  en  une  autre  lan- 
gue.  Car  il  y  a  des  termes  tellement  propres 
à  certaines  langues  que  la  véritable  signi- 
fication n'en  peut  être  expliquée  dans  une 
autre.  Cela  .arrive  principalement  dans  ce 
qu'on  appelle  des  interjections ,  qui  sont 
plutôt  des  mouvements  de  l'àme  que  des 
pensées  particulières.  Tels  sont,  dit-on ,  ces 
deux  termes  :  Maca  et  Hosanna,  le  premier 
n'étant  qu'un  signe  d'indignation,  et  l'autre 
de  joie.  Mais  ce  n'est  point  à  cause  de  ces 
mots  qui  sont  eu  petit  nombre,  et  dont  il  est 
aisé  de  s'éclaircir,  mais  à  cause  de  la  diver- 
sité des  interprètes.  On  peut  savoir  combien 
il  y  en  a  qui  ont  traduit  l'Écriture  de  l'hébreu 
en  grec  ;  mais  pour  les  interprètes  latins  ,  le 
nombre  en  est  infini  :  car  dans  les  premiers 
temps,  si  tôt  qu'un  exemplaire  grec  tombait 
entre  les  mains  de  quelqu'un  qui  croyait 
avoir  une  légère  connaissance  de  l'une  et  de 
l'autre  langue ,  il  se  hasardait  à  le  tra- 
duire. I) 

28.  «  Cela  n'empêche  '  pas  que  ces  diffé-      vma 
rentes  traductions  ne  contribuent  à  l'intelli-  "■"'""" 


servata  est  antiquitas,  sicut  est  Amen  et  Allé- 
luia; partim  vero  in  aliam  linguam  transferri 
non  poluisse  dicuntur,  sicut  alia  duo  quœ  posià- 
mus.  Sunt  enim  quœdam  verba  certanim,  lingua- 
rum,  quœ  in  usum  allcrius  liuf/uœ  per  interpre- 
tationem  tramire  non  possuni.  Et  hoc  maxime 
interjectionibus  accidit,quœ  i^erba  motum  animi 
signiftcant  po.tius  quara  sentenliœ  conceptœ.  nllani 
particulam  :  nam  et  hcrc  duo  talia  esse  perhi- 
bentur  :  dicunt  enim  TXnca  indig nantis  esse  vocem, 
Ilosauaa  lœtantis.  Sed  non  propter  hœc  pauca 
quœ  notare  atque  interrogare  facillim'uni  est,  sed 
propter  diversitates,  ut  dictum  est,  inlerprctum, 
iltarum  lingtiarum  est  cognitio  necessaria.  Qui 
enim  Scripturus  ex  hebrœa  lingua  in  grœcam 
verlerunt,ntimeraripossunt;  lalini  autein  inter- 
prètes nullo  modo;  ut  enim  cuique  primis  fulci 
temporibus  in  manus  venit  codex  grœcus  et  ali- 
quantulum  fuculiatis  sibi  utriusque  linguœ  ha- 
bere  videbatur,  ausus  est  inte.rpretari.  August., 
lib.  11  De  Doct.  christiana,  cap.  x  et  xi,  pag.  24 
et  25. 

'  Quœ  quidem  res  plus  adjuvit  intelligentiam, 
quam  impedivit,  si  modo  legentes  non  sint  négli- 
gentes. Nam  nonnullas  obsmriores  senteniias 
pluri'um  codic-um  sœpe  manifestavit  inspectio,  si- 
cut istud  Isaiœ  prophelw  unus  interpres  ait  :  Et 
(lomesticos  seminis  lui  ne  dosjiexeris  ;  aliiis  au- 
tem  ait  :  Et  caniem  tuam  ne  despexeris.  Uterque 
sibiniet  invicein  adtestatus  est  :  namque  aller  ex 
altero  exponitur,  quia  et  caro  posset  accipi  pro- 


prie, ut  corpus  suum  quisque  ne  despiceret  ;  se 
putaret  admonitum  ;  et  domcstici  seminis  trans- 
late, christiani  possent  inlelligi,  ex  eo  verbi  se- 
mine  nobiscum  spiritaliter  nati  ;  nunc  autem, 
collato  interpretum  sensu,  probabilior  occurrit 
senlentia proprie  de  consanguineis  non  despicien- 
dis  esse  prœceplum,  quoniam,  domesticos  seminis 
cum  ad  carnem  reluleris,  consanguinei  potissi- 
mum  occurrunt  :  unde  esse  arbitrer  illud  Àpos- 
toli  quod  ait  :  Si  quo  modo  ad  œmulationem  addu- 
cere  potuero  carnem  raeam  ut  salvos  faciam  ali- 
qnos  ex  illis,  id  est  ut  œmulando  eos  qui  credi- 
derant,  et  ipsi  credercnt;  carnem  enim  suam 
dixit  Judœos  ,  propter  consanguinitatem.  Item 
illud  ejusdem  Isaiœ  prophelœ  :  Nisi  credideritis, 
non  intolligetis;  alius  interpretatus  esf;Nisi  cre- 
dideritis, non  permanebitis  :  quis  horum  verba 
secntiis  sit,  nisi  exemplaria  linguœ  prœcedentis 
legantur,  incertum  est.  Sed  tamen  ex  utroque 
magnum  aliquid  insinuattir  scienter  legentibus. 
Difficile  est  enim  ita  diversos  a  se  interprètes  fieri, 
ut  non  se  aliqua  vicinitate  contingant.  Ergo 
quoniam  intellectus  in  specie  sempiterna  est,  p.- 
des  vero  in  rerum  temporalium.  quibusdam  cu- 
nabuiis  quasi  lacté  ali  parvulos,  nunc  autem  per 
/idem,  ambulamus  ;  non  per  speciem  nisi  autem  per 
fidem  ambulaverinuis.  ad  speciem  pervenire  non 
poterimus  quœ  non  transit  sed  permanet  per  in- 
telleciumpurgatum  nobis  cohœrentibus  veritati; 
propterea  ille  ait  :  Nisi  credideritis,  non  permane- 
bitis ;  ille   vero  .'.Nisi  credideritis,   non    iutelli- 


[iV"  ET  V''  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EYEQUE  D'HIPPONE. 


601 


gence  des  Écritures.  Car  en  les  consultant, 
on  trouve  souvent  l'explication  de  certains 
passages  obscurs.  Par  exemple ,  dans  cet 
endroit  d'Isaïe,  où  un  traducteur  lisait  :  Ne 
méprisez  pas  les  domestiques  de  votre  race,  un 
autre  a  traduit  :  Ne  méprisez  pas  votre  chair. 
Tous  deux  s'expliquent  mutuellement ,  et 
l'un  sert  à  faire  entendre  l'autre.  En  effet, 
par  le  mot  de  chair  pris  dans  un  sens  natu- 
rel, chacun  est  averti  de  ne  pas  mépriser 
son  corps  :  et  en  le  prenant  dans  un  sens  fi- 
guré pour  les  domestiques  de  la  même  race, 
on  peut  l'expliquer  de  tous  les  chrétiens  qui 
sont  nés  spirituellement  avec  nous  de  la 
même  parole  divine.  Si  l'on  confère  ensuite 
le  sens  de  ces  deux  traductions,  on  y  décou- 
vrira l'explication  la  plus  vraisemblable,  sa- 
voir :  qu'il  est  ordonné  en  cet  endroit  de  ne 
point  mépriser  ceux  avec  qui  l'on  a  quelque 
affinité  ou  quelque  alliance.  Car,  rapportant 
à  la  chair,  les  domestiques  de  la  race,  d'a- 
bord les  parents  et  les  alliés  se  présentent 
à  l'esprit  ;  et  c'est  sans  doute  pour  cela  que 
l'Apôtre  a  dit  :  Je  tâche  de  donner  de  la  jalou- 
sie à  ceux  qui  me  sont  unis  par  la  chair,  afin 
que  je  puisse  en  sauver  quelques-uns,  c'est-à- 
dire  afin  que,  devenant  jaloux  de  ceux  qui 
ont  déjà  embrassé  la  foi,  ils  l'embrassent 
eux-mêmes.  Or  il  appelle  les  Juifs  sa  chair 
à  cause  de  sa  naissance.  Il  en  est  de  même 
de  cet  autre  passage  d'Isaïe  :  Si  vous  ne  croyez, 
vous  ne  comp?'endrez  point  ;  un  autre  a  traduit  : 
Vous  ne  demeurerez  point .  Il  est  difficile  de  voir 
lequel  des  deux  a  pris  le  vrai  sens,  même  en 
recourant  à  l'original.  Cependant  ces  deux 
explications  peuvent  en  fournir  une  excel- 
lente, n'étant  pas  probable  que  les  interprè- 
tes se  soient  tellement  écartés  l'un  de  l'au- 
tre, qu'ils  ne  se  rapprochent  par  quelqu'en- 
droit.  A''oici  donc  comment  ils  doivent  se 
concilier.  L'intelligence  (fixe  et  permanente 
des  bienheureux)  voit  son  objet  d'une  vue 


claire  et  stable  ;  mais  les  hommes  agites  et 
flottants  ici-bas  par  la  vicissitude  des  choses 
temporelles,  sont  comme  dans  un  berceau 
où  la  foi  les  nourrit  de  lait,  et  les  éclaire 
d'une  manière  proportionnée  à  leur  enfance. 
Nous  marchons  maintenant  à  la  faveur  de 
la  lumière  de  la  foi,  et  nous  ne  jouissons  pas 
encore  d'une  vue  claire  et  parfaite.  Or,  comme  ' 

il  faut  que  la  foi  nous  conduise,  si  nous 
voulons  parvenir  à  la  jouissance  de  cette 
vue  claire  et  distincte  qui  demeurera  tou- 
jours la  même,  par  le  moyen  de  l'inteUigence 
bien  épurée  qui  nous  tiendra  unis  à  la  véri- 
té, l'un  des  traducteurs  a  lu:  Si  vous  ne  croyez, 
vous  ne  demeurerez  point  Et  l'autre  a  dit  :  Si 
vous  ne  croyez,  voies  ne  comprendrez  point.  Sou- 
vent l'interprète  se  trompe  '  par  l'ambiguïté 
des  termes  de  la  langue  originale,  quand 
il  ne  conçoit  pas  bien  la  pensée  de  l'auteur; 
et  il  donne  alors  ime  signification  absolu- 
ment étrangère  au  véritable  sens.  Cela  se  voit 
dans  un  passage  du  psaume  xiii  que  quel- 
ques-uns ont  traduit  ainsi:  Leurs  pieds  sont  Psai. xm.s. 
aigus  pour  répandre  le  sang.  Car  ô?ùi-  chez  les 
Grecs  signifie  aigu  et  léger.  Mais  celui-là  a 
véritablement  découvert  la  pensée  du  Psal- 
miste  qui  a  traduit  :  Leurs  pieds  sont  prompts 
et  légers  pour  répandre  le  sang  ;  axi  WevL  que 
les  autres,  trompés  par  l'ambiguïté  du  terme 
et  du  signe,  se  sont  jetés  dans  une  fausse 
explication.  Il  y  a  encore  de  semblables  en- 
droits dont  l'interprétation  n'est  pas  seule- 
ment obscure,  mais  entièrement  fausse.  En 
voici  un  exemple  :  n-i'^xo^  en  grec  signifie  un 
veau  ;  et  de  là  quelques  interprètes  ont  cru 
que  /*05z;ù,ii«T«  signifiait  un  troupeau  de  veaux, 
et  n'oïit  pas  compris  qu'il  signifiait  des  plan- 
tes. Cette  erreur  s'est  ghssée  dans  un  si 
grand  nombre  d'exemplaires,  qu'à  peine  le 
trouve-t-on  autrement  traduit.  Il  est  néan- 
moins certain  que  ce  mot  signifie  des  plantes, 
comme  il  est  aisé  d'en  juger  par  la  suite  : 


getis.  August.,  lib.    II  De    Doctrina    christiana, 
cap.  XII,  pag.  25. 

'  Et  ex  ambiguo  lingnce  prœcedentis  plerum- 
que  interpres  fallitur,  oui  non  bene  nota  senten- 
tia  est,  et  eam  signifîcationem  transferre,  quœ 
a  sensu  scriptoris  penitus  aliéna  est;  sicut  qui- 
dam codices  habent  :  Acuti  pedes  eorum  ad  effuu- 
dendum  sanguhiem  :  ôÇù;  enim  et  acutiim  apud 
Grcecos  et  velocem  signijicat.  Jlle  ergo  vidit  sen- 
tentiam  qui  transtulit  :  Veloces  pedes  eorum  ad 
effundendum  sanguinem  ;  ille  aulem  alius  ancipiti 
signa  in  aliam  partem  raptus  erravil.  Et  talia 
quidem  non  obscura,  sed  falsa  sunt,  quorum  alia 
conditio  est;  non  enim  intelligendos,  sed  emen- 


dandos  taies  codices potius prœcipiendum  est.Hinc 
est  etiamillud,  quoniain y-éaxo;  grœce  vitulus  dici- 
iur ,  /j.o'^x^i/i.crv.  aquidam  non  intellexerunt  esse 
plantationes,  et  vitulamiua  interpretati  sunt  :  qui 
error  tam  multos  codices prœoccupavitut  vixinve- 
niatur  aliter  scriptum,et  tamensententia  manifes- 
tissima  est,  quia  clarescit  consequentibus  verbis  : 
namque  adulterina?.  plantationes  non  dabunt  radi- 
ées altas,  convenientius  dicitur  quam  vitulamina 
quœ  pedibus  in  terra  gradiuntur,  et  non  hcerent 
radicibus.  Hanc  translationem  in  eo  loco  etiani 
cœtera  contexta  custodiunt.  August.,  lib.  II  De 
Doct.  christ-,  cap.  xii,  uum.  18,  pag.  26. 


602 


HISTOITIE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Saf.  tv,  3. 


Comment 
il  faut  cnrri- 
per  un  dérjut 
do  traduction. 


car  dire  les  rejetons  bâtards  ne  jettent  point 
de  profondes  racines,  cela  convient  Ijien  mieux 
que  de  dire  les  troupes  de  veaux,  qui  sont  des 
animaux  qui  marchent  et  qui  ne  sont  point 
arrêtés  par  des  racines.  D'ailleurs,  par  l'or- 
dre et  la  suite  du  discours,  on  voit  qu'il  faut 
entendre  ainsi  cette  métaphore  en  cet  en- 
droit. » 

29.  «  Mais  comme  le  véritable  sens  d'une 
pensée  '  ne  paraît  pas  aisément  quand  plu- 
sieurs interprètes  ont  travaillé  k  l'expliquer 
chacun  selon  la  mesure  d  e  leur  pénétration,  si 
l'on  ne  consulte  la  langue  qu'ils  ont  traduite 
et  dont  quelquefois  ils  se  sont  écartés  faute 
de  capacité,  on  doit,  pour  en  avoir  une  con- 
naissance certaine,  recourir  à  la  langue  d'où 
l'Ecriture  a  été  traduite  en  latin;  ou  bien 
consulter  les  traductions  de  ceux  qui  se  sont 
assujettis  exactement  aux  termes.  Ce  n'est 
pas  que  leur  explication  suffise,  mais  c'est 
afin  de  pouvoir  s'en  servir  pour  découvrir 
l'erreur  ou  la  vérité  dans  ceux  qui  se  sont 
plus  attachés  à  rendre  les  pensées,  de  l'ori- 
ginal que  les  termes  par  la  difficulté  de  tra- 
duire à  la  lettre.  Ces  sortes  de  changements 
dans  les  traductions  n'ôteut  rien  d'ordinaire 


à  l'intelligence  des  choses;  mais  il  y  en  a  qui 
aiment  mieux  les  traductions  littérales,  sur- 
tout quand  la  pensée  peut  se  conserver  dans 
les  mêmes  mots  et  les  mêmes  signes  qui 
l'expriment  dans  la  langue  originale.  Car  ce 
qu'on  appelle  un  solécisme  n'est  autre  chose 
qu'un  terme  qui  n'est  pas  dans  le  même 
ordre  que  lui  ont  donné  avant  nous  les  maî- 
tres du  langage  :  ainsi  ,  savoir  s'il  faut  dire 
en  latin  inter  homines,  ou  inter  hominibus, 
cela  ne  fait  rien  à  celui  qui  ne  cherche  que 
la  vérité  des  choses.  De  même  un  barba- 
risme n'est  rien  qu'un  mot  qui  n'est  pas  mis 
avec  les  mêmes  lettres,  ni  prononcé  avec  le 
même  son,  que  par  ceux  qui  ont  éciit  en  la- 
tin avant  nous.  Ainsi,  savoir  s'il  faut  faire 
longue  ou  brève  la  troisième  syllabe  du 
verbe  ignoscere,  c'est  de  quoi  ne  s'embar- 
rasse pas  beaucoup  celui  qui  demande  à 
Dieu  le  pardon  de  ses  péchés.  En  quoi  donc 
consiste  la  fidélité  d'une  façon  de  parler,  si- 
non en  ce  qu'elle  est  conforme  à  la  manière 
commune  de  s'exprimer,  et  qu'elle  est  auto- 
risée par  les  écrivains  célèbres  qui  l'ont  em- 
ployée avant  nous  ?  Il  arrive  cependant^  que 
plus  les  hommes  sont  faibles,  et  plus  aisé- 


•  Sed  quoniam  et  quœ  sit  ipsa  sententia,  quam 
plures  interprètes  pro  sua  quisque  facultate  at- 
que  judicio  conantur  eloqui,  non  apparet,  nisi 
in  ea  lingua  inspiciatur  quam  interpretantur,  et 
pUrumque  a  sensu  aucloris  devius  aberrat  inter- 
pres,  si  non  sit  doctissimus;  aut  linguarum  illa- 
rum,  ex  quibus  in  latinam  Scriptiora  pervenit, 
petenda  cognitio  est,  aut  habendœ,  interpretatio- 
ncs  eorum,  qui  se  verbis  nimis  obstrinxerunt  ; 
lion  quia  sufficiunt,  sed  ut  ex  eis  veritas  vel  er- 
ror  detegatur  alioi'um  qui  non  magisverba  quam 
sententias  interpretando  sequi  nialueriùnt.  Nain 
non  solum  verba  singuliv,  sed  etiam  locutiones 
sape  transferuntur,  quœ  omnino  in  latinœ  lin- 
gum  usum,  si  quis  consuetudincm  veterum,  qui 
latine  locuti  sunt,  tenere  voluerit,  iransire  non 
possunt.  Quœ  aliquando  intellectui  nihil  adimunt 
sed  offendunt  tamen  eos  qui  plus  dcleclantur  ré- 
bus, cum  etiam  in  earmn  signis  sua  quœdam 
servatur  integritas.  Nam  solœcismus  qui  dicitur, 
niliil  aliud  est  quam  cum  verba  non  ea  lege  sibi 
coaptantur,  qua  coaptaverunt  qui  priores  nobis 
non  sine  nucloritate  aliqua  locuti  sunt.  Vtruni 
enim  inter  homines,  an  iuter  hominilius  dicatur 
ad  rerum  non  pertinel  cognitionem.  Item  barba- 
'fismus  quid  alius  est,  nisi  verbum  non  eis  litte- 
ris  vel  sono  enuntiatum,  ,quo  ab  eis  qui  latine 
ante  nos  locuti  sunt,  cnunliari  soleil  Ulnim  enim 
ignoscere  producta,  an  correpta  tertia  syllaba, 
dic.atur,  non  multum  curât  qui  peccatis  suis 
Deum  ut  ignoscat  petit,  quolibet  modo  illud  ver- 
bum sonare  potucrit.  Quid  est  crgo  integritas  lo- 
cutionis,  nisi  alienœ  consueludinis  conscrvatio 
loquentium  veterum  auctoritate  firmatœ?  August., 


lib.  II  De  Doctrina  cliristiana.,  cap.  xm,  num,  19, 
pag. 26. 

2  Sed  tamen  eo  magis  inde  o/fenduntur  homines, 
quo  inftrmiores  sunt,  et  eo  sunt  infirmiores,  quo 
doctiores  videri  volunt,  non  rerum  scientia  qua 
œdificamur,  sedsignorumqua  non  infl'ari  omnino 
difficile  est,  cum  et  ipsa  rerum  scientia  sœpe  cer- 
vicem  erigat,  nisi  dominico  reprimatur  jugo; 
quid  enim  obest  intelltctori,  quod  ita  scriptum 
est'-  Quée  est  terra,  ia  qua  isti  iusidunt super  eam, 
si  bona  est  an  nequam  ;  et  quœ  sunt  civitates  in 
quibus  ipsi  inhabitaut  in  ipsis?  Quam  locutionem 
magis  alienœ  linguœ  esse  arbitror,  quam  sensum 
aliquem  aitiorem.  Illud  etiam  qiiod  jam  auferre 
non  possumus  de  ore  cantantium  populorum  : 
Super  ipsum  autem  floriet  sanetificatio  mea,  nihil 
profeclo  sententiœ  detrahit.  Audilor  tamen  peri- 
tior  mallet  hoc  corrigi,  ut  non  floriet,  sed  flore- 
bit  diceretur  :  «ec  quidquam  impedit  correctio- 
nem  nisi  consuetudo  cantantium.  Istaergo  facile 
etiam  conlcmni  possunt,  si  quis  ea  cavere  nolue- 
rit,  qua^  sano  inlclleclui  nihil  detrahunt.  Al  vero 
illud  quod  ait  Apostolus  :  Quod  stultum  est  Dei, 
sapientius  est  hominibus;  et  quod  iufinuum  est 
Dei,  fortius  est  hominibus;  si  quis  in  eo  grœcam 
locutionem  servare  voluisset,  ut  dicerel;  Quod 
stuUum  est  Dei  sapientius  est  hominum,  et  quod 
infirmum  est  Dei,  fortius  est  hominum,  iret  qui- 
dem  rigilantis  lectoris  inlentio  in  sententiœ  veri- 
tatem,  sed  tan\en  aliquis  tardior  aut  non  intelli- 
geret,  aut  etiam  perverse  inlelligeret.  Non  enim 
tantum  vitiosa  loculio  est  in  latina  lingua  talis, 
verumet  in  ambiguilalem  cadit,  ut  quasi  homi- 
num siultuni,  vel  hominum  infirmum  sapientius^ 


[lV'=  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


603 


P.-nl.  cxs-tl, 
19. 


I  Cor.  I,  2b, 


ment  ils  se  clioquent.  Or,  ils  sont  d'autant 
plus  faibles  qu'ils  ont  envie  de  paraître  ha- 
biles, non  dans  la  connaissance  de  la  vérité 
qui  ne  peut  qu'édifier,  mais  dans  la  science 
du  langage,  dont  il  n'est  que  trop  aisé  de 
tirer  vanité,  puisqu'on  peut  bien  en  tirer  de 
la  science  de  la  vérité  même,  si  l'esprit  ne 
s'abaisse  continuellement  sous  le  joug  du  Sei- 
gneur. Quel  mal  peut  causer  à  l'intelligence 
cette  façon  de  lire  dans  le  livre  des  Nombres? 
Quœ  est  terra  in  qiia  isti  insidunt  super  eam, 
si  bona  est  an  nequam  ;  et  quœ  sunt  civitates  in 
quibus  ipsi  inhabitabant  in  ipsis?  Considérez 
quel  est  ce  pays  et  les  peuples  qui  l'habitent,  s'il 
est  bon  ou  mauvais,  et  quelles  sont  les  villes  où 
se  retirent  les  habitants  ?  Je  crois  que  cette  ma- 
nière de  parler  doit  s'attribuer  à  une  langue 
étrangère  et  qu'on  doit  éviter  d'y  chercher 
quelqu'explication  sublime.  Il  en  est  de  même 
de  celle-ci  qu'il  n'est  pas  en  notre  pouvoir, 
dit  saint  Augustin,  d'ôter/le  la  bouche  des 
peuples  quand  ils  chantent  les  Psaumes  :  Su- 
per ipsum  floriet  sanctificatio  mea.  Mais  que 
fait  cela  à  l'intégrité  de  la  pensée?  Néan- 
moins, quand  cette  parole  frappe  les  oreil- 
les d'un  homme  versé  dans  la  langue,  il  ai- 
merait mieux  qu'on  dise  florebit  que  floriet  ; 
et  il  serait  facile  de  le  corriger,  si  ceux  qui 
le  chantent  n'avaient  pas  pris  l'habitude 
de  dire  de  la  sorte.  On  peut  aisément  mé- 
priser toutes  ces  choses  lorsqu'elles  n'altè- 
rent point  le  vrai  sens.  Mais  dans  l'endroit 
où  l'Apôtre  dit  :  Ce  qui  paraît  en  Dieu  une 
folie  est  plus  sage  que  la  sagesse  des  hommes  ;  et 
ce  qui  paraît  en  Dieu  une  faiblesse  est  plus  fort 
que  la  force  des  hommes,  si  l'on  avait  voulu 


garder  la  locution  grecque,  et  dire  sapientius 
est  hominum  et  fortius  est  hominum,  le  lec- 
teur attentif  aurait  bien  pu  découvrir  la  vé- 
rité du  sens;  mais  celui  qui  le  serait  moins 
n'y  comprendrait  rien,  ou  l'entendrait  môme 
de  travers.  Car  en  latin  cette  façon  de  par- 
ler n'est  pas  seulement  défectueuse  ,  elle 
jette  encore  dans  l'embarras  et  dans  l'incer- 
titude ;  et  il  semble  que  cela  veuille  dire  que 
la  folie  et  la  faiblesse  des  hommes  ont  plus 
de  sagesse  et  de  force  que  la  foi'ce  et  la  sa- 
gesse de  Dieu.  Sapientius  est  hominibus,  n'est 
pas  non  plus  sans  ambiguïté,  quoiqu'il  n'y 
ait  pas  de  solécisme  ;  ainsi  on  eût  encore 
mieux  traduit  en  disant  :  Sapientius  est  quam 
homines,  fortius  est  quam  komines.  » 

30.  11  y  a  deux*  sortes  de  signes  incon- 
nus à  l'égard  des  mots  ;  un  lecteur  peut  être 
arrêté  par  une  parole  ou  par  une  locution 
inconnue.  Si  cela  vient  des  langues  étran- 
gères ,  il  faut  en  demander  l'explication  à 
ceux  qui  les  savent  ;  ou  si  l'on  a  assez  de 
loisir  et  d'ouverture  d'esprit ,  il  faut  les  ap- 
prendre, ou  bien  comparer  ensemble  les 
différents  interprètes.  Si  dans  notre  propre 
laiigue  il  y  a  des  termes  ou  des  façons  de 
parler  dont  nous  ne  sachions  pas  la  vraie 
signification,  elles  nous  deviendront  intelli- 
gibles par  l'habitude  de  les  lire  ou  de  les 
écouter.  11  faut  les  graver  profondément  dans 
noire  mémoire,  afin  d'en  demander  l'intelli- 
gence à  celui  qui  pourra  nous  la  donner,  et, 
pour  qu'en  lisant  des  endi'oits  qui  pourraient 
nous  faire  connaître  la  signification  de  ce 
que  nous  ne  savons  pas  ,  notre  mémoire 
vienne  au  secours,  en  nous  représentant  les 


D'où  l'on 
doit  Urcr  la 
coDnaissanco 
dos  locutions 
inconnues. 


vel  fortius  videatur  esse  quam  Dei.  Quanquain  et 
illud  :  Sapientius  esthominibus,  non  caret  ambiguo 
elium  si  solœcismo  caret.  Utrum  enim  lus  homi- 
nibus ab  eo  quod  est  huic  homini,  an  his  homini- 
bus ab  eo  quod  est  ab  hoc  homine  dictum  sit  non 
apparet  nisi  illuminatione  sententiœ.  Melius  ita- 
que  dicitur  sapientius  est  quam  homines  et  for- 
tius est  quam  homines.  August.,  lib.  11  De  Doct. 
Christ.,  cap,  xill,  num.  20,  pag.  2G-27. 

1  De  ambiguis  autem  signispost  loquemur,  nunc 
deincognitis  agimus,  quorum  duce  for  m  ce  sunt, 
quantum  ad  verba  perlinet.Namque  autignotum 
verbum  facit  hœrere  lectorem  autignota  locutio. 
Quœ  si  ex  alienis  Unguis  veniunt,  aut  quœrenda 
sunt  ab  earum  linguarum  hominibus,  aut  ecedem 
linguce,  si  et  otimn  est etingeniiim  ediscendœ,  aut 
plurium  interpretum  consulenda  collatio  est.  Si 
autem  ipsius  linguce  nostrce  aliqua  verba  locu- 
tionesque  ignoranlus,  legendi  consuetudine  au- 
diendique  innotescunt.  Nulla  sone  sunt  magis 
mandanda  memoriœ  quam  illa  verborum  locu- 


tionumque  gênera,  quœ  ignoramus,  ut  cum  vel 
perUior  occurrerit,  de.  quo  ciuœri  possint,  vel  lalis 
lectio  quce  vel  ex  prœcedenlibus  vel  conscquenli- 
bus  vel  utriusque  osteudat,  quam  vim  habeat 
quidce  signijlcet  quod  ignoramus,  facile  adjuvante 
memoria,  possimus  advertere  et  discere.  Quan- 
quam.  lanta  est  vis  consuetudinis  cliam  ad  discen- 
dum,  ut  qui  in  Scripturis  sanciis  quodam  modo 
nutriti  educatique  sunt,  magis  alias  locutiones 
mirentur  easque  minus  latinas putent,  quamillus 
quas  in  Scripturis  didicerunt,  neque  in  ,latince 
linguœ  auctoribus  reperiuntur.  Plurimum  Iiic 
quoque  juvat  interpretum  numerositas  collalis 
codicibus  inspecta  atque  discussa;  tantum  absit 
falsitas,  nam  codicibus  emendandis  primitus  dé- 
bet invigilare  solertia  eorum,  qui  Scripturas  di- 
vinas  nosse  desiderant,  ut  emendatis  non  cmen- 
dati  cedanPs-'ex  uno  duntaxat  interpretationis 
génère  venientes.  Aug\i&t.,Ub.  Il  De  Doctr.  clirist., 
cap.  XIV,  uum.  21,  pag.  27- 


604 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Quelles 
Ic5  nieille 
vc  riions. 


sont 
utes 


termes  dont  nous  souhaitons  connaître  la 
force.  Pour  éviter  l'erreur,  il  est  bon  de 
consulter  les  interprètes  et  de  les  comparer 
les  uns  aux  autres  ;  de  corriger  les  exem- 
plaires dont  on  se  sert  sur  les  plus  corrects, 
et  de  préférer  ceux  qui  sont  les  plus  corrects 
à  ceux  qui  le  sont  moins.  » 

31.  «  De  toutes 'les  versions  latines,  la 
meilleure  est  celle  qu'on  nomme  italique, 
parce  qu'elle  s'attache  plus  aux  termes,  et 
qu'elle  met  la  vérité  dans  un  plus  grand 
jour.  Mais  lorsqu'il  se  trouve  quelque  défaut 
dans  CCS  versions  ,  il  faut  recourir  aux  grec- 
ques, particulièrement  à  celle  des  Septante, 
qui  est  la  plus  autorisée  en  ce  qui  regarde 
l'Ancien  Testament.  C'est  là  la  tradition  des 
plus  célèbres  Églises  ;  ces  interprètes  ont  été 
tellement  assistés  du  secours  du  Saint-Es- 
prit que ,  quoique  en  grand  nombre  et  de 
différents  caractères ,  ils  n'ont  tous  eu  qu'un 
même  sentiment  et  une  même  bouche.  Ils 
travaillèrent  à  leur  version  séparés  chacun 
dans  une  cellule ,  ainsi  que  le  rapportent 
plusieurs  personnes  graves  et  dignes  de  foi  ; 
néanmoins,  il  ne  se  trouva  rien  dans  leurs 
cahiers  qui  ne  fût  semblable  ,  soit  pour  les 
termes,  soit  pour  l'arrangement.  Qui  pour- 
rait donc  préférer  quelque  autre  version  à  la 
leur  ?  Et  quand  ils  n'am-aient  fait  ce  travail 
qu'en  commun  ;  n'est-ce  pas  assez  qu'ils  se 
soient  tous  rencontrés  dans  une  même  pen- 
sée ,  pour  qu'il  ne  soit  permis  à  personne  de 
corriger  le  sentiment  unanime  de  tant  de 
vénérables  savants?  C'est  pourquoi,  s'il  se 


trouve  quelque  chose  dans  le  texte  hébreu, 
qui  soit  différent  de  ce  qu'ils  ont  mis ,  je 
pense  qu'il  faut  s'en  tenir  à  ce  que  la  divine 
Providence  a  fait  par  eux ,  peut-être  afin  que 
les  livres  que  la  nation  juive  n'aurait  pas 
voulu,  soit  par  religion,  soit  par  envie, 
communiquer  dans  la  suite  aux  autres  peu- 
ples, fussent,  par  le  pouvoir  du  roi  Ptolé- 
mée ,  remis  auparavant  entre  les  mains  des 
gentils  qui  devaient  croire  en  Jésus-Christ. 
C'est  donc  sur  l'autorité  de  cette  version 
sui-tout  que  l'on  doit  corriger  les  livres  latins 
de  l'Ancien  Testament.  A  l'égard  de  ceux  du 
Nouveau,  s'il  se  trouve  quelque  chose  de 
douteux  et  de  moins  assuré  dans  tant  de 
différentes  versions  latines  ,  il  faut  s'en  rap- 
porter aux  auteurs  grecs,  particulièrement 
à  ceux  qui  passent  dans  toutes  les  Églises 
TDOur  avoir  été  les  plus  célèbres  par  leur 
science  et  par  leur  exactitude.  »  Il  paraît  que 
la  version  italique  dont  saint  Augustin  faisait 
tant  d'estime  était  celle  qu'on  lisait  dans  les 
assemblées  publiques,  et  de  laquelle  on  se 
sei'vait  dans  les  écrits  publics  pour  la  défense 
des  dogmes  de  la  foi,  et  pour  combattre  les 
erreurs  des  hérétiques.  Saint  Jérôme  ap- 
pelle- cette  version  l'édition  Vulgate  ou 
vulgaire  ,  et  il  la  cite  '  quelquefois  sous  le 
nom  général  de  l'interprète  latin.  Mais  de- 
puis les  corrections  et  la  version  de  ce  Père, 
elle  a  reçu  le  nom  de  vieille  et  d'ancienne. 
Saint  Grégoire  le  Grand  ,  à  la  fin  de  la  pré- 
face de  ses  Commentaires  sur  Job,  avertit 
Léandre^,  à  qui  ils  sont  adressés,  qu'il  se 


'  In  ipsis  autem  interpretationihus  Itala  céle- 
ris prœferaiur  :  nam  est  verhorum  tenacior  cum 
perspiciiitate  sentenliœ.  Et  latinis  quibuslibet 
emendanclis  grœci  adhibeantur ,  in  quibus  Sep- 
tuaginta  inlerprelum,  quod  ad  Vêtus  Testamen- 
tmn  attinet ,  excellil  aiictoritas  ;  qui  jam  per 
omnes  peritiores  Ecclesias  tanla  prœsentia  Sancti 
Spiritus  inlerprelati  esse  dicuntur,  ul  os  unum 
tôt  hominitm  fuerit.  Quod  si  ut  fertur,  iiinltique 
non  indigni  fide  prœdicant,  singuli  cellis  etiaiii 
sincjulis  separati  cum  interpretati  essent,  nihil 
in  alic^ljlls  eorum  codice  ineentum  est,  quod  non 
iisdemverbis  eodemque  verborum  ordine  inveni- 
relur  incœteris,  quis  huic  autoritati  couferre  ali- 
quid,  nedum  prœferre  audeut?  Si  autem  contu- 
lerunt  ni  una  omnium  communi  tractatu  judi- 
cioque  vox  furet  necsic  quidem  quemqnam  unum 
hominem  qualibet  perilia  ad  emeridanduw  lot  se- 
niorum  doclorumque  consensum  adspirare  opor- 
tet  ul  decet.  Quamnbrem  etiam  si  aliquid  aliter 
in  hebrœis  exemplaribus  invenilur  qvam  isti  po- 
suerunt,  cedendum  esse  arbitror  divinœ  dispensa- 
lioni  quœ  per  eos  facla  est,  ut  libri  quos  gens 
Judœa  cœteris  populis,  vel  religione  vel  invidia 


prodere  nolebal,  crediluris  per  Dominum  genti- 
bus  minislra  régis  Plolemœi potestale  tanto  ante 
proderenlnr.  Itaque  fieri  potest  ul  sic  illi  inter- 
pretati sunt  quemadmodum  congruere  gentibus 
ille  qui  eos  agebal  et  qui  rinum  os  omnibus  fece- 
rat,  Spiritus  Sanctus  judicavil.  Sed  tamen,  ut  su- 
perius  dixi,  horum  quoque  interpretum  qui  ver- 
bis  tenacius  inhœserunl  collatio  non  est  inutilis 
ad  explanandam  sœpe  senlentiam.  Latini  ergo, 
ut  dicere  cœperam,  codices  Veteris  Teslamenti,  si 
necesse  fuerit,  grœcorum  aucloritate  emendandi 
sunt,  et  eorum- potissimum  qui,  cum  septuaginta 
essent,  oreuno  inlerprelati  esse  perhibentur.  Li- 
bres autem  Novi  Teslamenti,  si  quid  in  tafmis  va- 
rietalibus  titubai ,  grœcis  cedere  oporlere  non 
dubium  est,  et  maxime  qui  apud  Ecclesias  doc- 
tiores  et  diligentiores  reperiuniur.  August. , 
lib.  Il,  De  Soctr.  christ.,  cap.  xv,  num.  xxii, 
pag.  27. 

2  Hieron,  lib.  V    in  Isai.  cap.  xiv  ,  tom.    HT, 
pag.  116,  et  lib.   XIII  in  Isai.  cap.  xlix,  pag.  3S2. 

3  Hieron  ,    Epist.    ad  Suniam    it    Frelellam , 
tom.  II,  pag.  627. 

''  OregoT.,  Epist.  ad  Leandrum,  pag.  6,  tom.  I, 


[IY=  ET  V''  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPOxNE. 


603 


servira  tantôt  de  l'ancienne  et  tantôt  de  la 
nouvelle    version,    comme    étant    l'une    et 
l'autre  en  usage  dans  l'Église  romaine.  Mais 
il  semble  '  préférer  la  nouvelle  à  l'ancienne. 
Il  paraît  que  longtemps  après  la  mort  de  ce 
saint  pape  on  se  servait  encore  également 
dans  l'Église  de  ces  deux  versions  ,  du  moins 
en  Espagne^.  L'auteur  de  celle  qu'on  appe- 
lait italique  ne  nous  est  connu  par  aucun 
endroit ,  et  ou  ne  sait  pas  même  bien  en  quel 
temps  elle  a  commencé  d'avoir  cours.  » 
utilité  do       32.  «La  connaissance' des  langues  ne  peut 
co  des  lap-   être  que  très-utile  pour  Imtelligence  d  un 
tuiiigonco  de   eraud  nombre  de  termes  usités  dans  l'Ecri- 

l'Kcrituro.  °  1  r  1 

ture,  particulièrement  des  termes  métapho- 
riques; car  on  ne  peut  douter,  par  exemple, 
que  la  piscine  de  Siloé,  oùl'aveugie-né  alla  se 
laver  par  ordre  de  Jésus-Christ ,  ne  renferme 
une  figure  mystérieuse.  Cependant,  comme 
ce  terme  appartient  à  une  langue  inconnue, 
si  l'évangéliste  ne  l'eut  expliqué  ,  nous  en 
aurions  ignoré  la  signification.  Il  en  est  de 
même  de  plusieurs  autres  noms  hébreux  que 
ceux  qui  les  ont  employés  n'ont  pas  expli- 


qués ;  et  il  ne  faut  pas  douter  que  si  quel- 
qu'un les  pouvait  traduire,  ils  ne  fussent 
d'un  grand  secours  pour  développer  quan- 
tité de  difHcultés  et  d'obscurités  qui  sont 
dans  les  Écritures  saintes.  C'est  donc  un 
grand  service  que  quelques  personnes  ha- 
biles dans  la  langue  hébraïque  ont  rendu  à 
kl  postérité  en  interprétant  tous  les  termes 
d'Adam,  d'Eve,  d'Abraham,  de  Moïse,  de 
Jérusalem,  de  Sion,  de  Jéricho,  de  Sina,  de 
Liban,  de  Jourdain  et  de  tant  d'autres  noms 
hébreux  dont  la  signification  n'est  point 
connue  à  ceux  qui  ignorent  cette  langue. 
Car  avec  ces  explications  on  comprend  sans 
peine  diverses  expressions  figiarées  répan- 
dues dans  les  livres  saints.  » 

33.  «  Il  est  encore'  très-utile,  pour  dis- 
siper l'obscurité  des  expressions  métaphori- 
ques ,  de  connaître  la  nature  des  animaux, 
les  propriétés  des  pierres,  la  vertu  des  plan- 
tes, et  de  plusieurs  autres  choses  que  l'Écri- 
ture emploie  dans  ses  plus  belles  comparai- 
sons. Ce  que  l'on  sait  du  serpent ,  qui ,  pour 
conserver  sa  tête ,  présente  tout  le  corps  à 


1  Gregor. ,  lib.  XX  Moral,  in  Job,  num.  62, 
pag.  665. 

2  Concil.  Tolet.,  Vllf,  cap.  ii,  tom.  VI,  Concil., 
pag.  400. 

^  In  translatis  vero  signis,  si  qua  forte  ignota 
cogunt  hœrere  lectorem, partim  linguarum  noH- 
tia,  partim  rerum,  investiganda  sunt  :  aliquid 
enim  ad  similitudinem  valet,  et  procnl  dubio  se- 
cretum  quiddam  insinuât  Siloa  piscina,  ubi  fa- 
ciem  lavare  jussus  est,  cui  ocnlos  Dominus  lato 
de  sputo  facto  inunxerat  :  quod  tamen  nomen 
linguœ  incognitœ,  nisi  Evangelista  interprelatus 
esset,  tom  magnus  intellectxis  lateret.  Sic  etiam 
mailla  quœ  ab  auctoribus  eorumdein  libroruin 
interpretata  non  simt,  nomina  hebrœJ,  non  est 
dubitandum  habere  non  parvam  vim  atque  adju- 
torium  ad  solvenda  œnigmata  Scripturarum,  si 
quis  ea  possit  interpretari  :  quod  nonnulli  ejns- 
dem  linguœ  peritiviri  non  sane  parvum  benefi- 
cium  posteris  cont%ilerunt  qui  separata  de  Scrip- 
turis  eadem  omnia  verba  interpretali  sunt,  et 
quid  sit  Adam,  quid  Eca,  quid  Abraham,  quid 
Moyses,  sive  etiam  locorum  nomina,  quid  sit  Jé- 
rusalem, vel  Sion,  vel  Jéricho,  vel  Sina,  vel  Liba- 
nus,  vel  Jordanis ,  vel  quœcumque  alia  in  illa 
lingua  nobis  sunt  incognita  nomina  quibus  aper- 
lis  et  interpretatis  miiltœ  in  ScripUiris  figuratœ 
locutiones  manifestantur.  Augiist.,  lib.  Il  De  Docir. 
christ.,  cap.  xvi,  num.  23,  pag.  28. 

'  Rerum  autem  ignorantia  facit  obscuras  figu- 
ratas  locutiones,  cum  ignoramus ,  vel  animan- 
lium,  vel  lapidum,  vel  herbarum  naturas,  alia- 
rumve  rerum  quœ  plerumque  in  Scripturis  simi- 
litudinis  alicujus  gratia  ponuntur.  Nam  et  de 
serpente  quod  notum^  est,  iotum  corpus  eum  pro 
capite  objicere  ferienlibus,  quantum  illustrât  sen- 


sum  illum  quo  Dominus  jubet  astutos  non  esse 
sicut  serpentes,  ut  scilicet  pro  capite  nostro,  quod 
est  Christus,  corpus  potins  persequenlibus  offera- 
mus,  ne  /ides  christiana  tanquam  necetur  in  no- 
bis, si  parcentes  corpori  negemus  Deum;  vel  il- 
lud  quod  per  cavernœ  anguslias  coarctatus ,  de- 
posita  veteri  tunica  vires  novas  accipere  dicitur, 
quantum  concinil  ad  imitandum  ipsam  serpentis 
astutiam,  exuendumqueipsum  veterem  hominem, 
sicut  Àpostolus  dicit  ,  ut  induamur  novo  ;  et 
exuendumperangustias,  dicente  Domino  :  Intrate 
pei'  aagustam  portam  :  Ut  ergo  notitia  naturœ 
serpentis  illustrât  mullas  similitudines  quas  de 
hoc  animante  dare  Scriptura  consuevit,  sic  igno- 
rantia nonnullorum  animalium  quœ  non  minus 
per  similitndines  commémorai ,  impedit  pluri- 
mum  intellectorem.  Sic  lapidum,  sic  herbarum 
vel  quœcumque  tenentur  radicibus  ;  nam  et  car- 
bunculi  notitia,  quod  lucet  in  tenebris,  multa  il- 
luminât etiam  obscura  librorum,  ubicumque 
propter  similitudinem  ponitur,  et  ignorantia  be- 
rili  vel  adamantis  claudit  plerumque  intelligen- 
tiœ  fores.  Nec  aliam  ob  causam>  facile  est  intelli- 
gere  pacem  perpetuam  significari  oleœ  ramus- 
culo,  quem  rediens  ad  arcam  columba  pertulit, 
nisi  quia  novimus  et  olei  lenem  contactum  non 
facile  alieno  humore  corrumpi,  et  arborem  ip- 
sam frondere  perenniter.  Multi  autem  propter 
ignoraniiam  hyssopi,  dum  nesciunt  quam  vvm 
habeat  vel  ad  purgandum  pulmonem ,  vel  ut  di- 
citur ad  saxa  radicibus  penetranda ,  cum  sit 
herba  brevis  atque  humilis,  omnino  invenirenon 
possunt,  quare  sit  dictum:  Asperges  me  hyssopo, 
et  miindator.  August. ,  lib.  Il  De  Doctr.  christ., 
cap,  xvi,  num.  24,  pag.  28-29. 


606 


HISTOIRE  GÉNi'^RALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


ceux  qui  l'attaquent,  donne  sans  doiite  beau- 
coup de  lumière  à  cet  endroit  de  l'Evangile, 

Miiiii.  x,ir,.  où  Jésus-Christ  nous  ordonne  d'imiter  la 
prudence  de  cet  animal,  en  abandonnant 
notre  corps  aux  persccuteuis,  pour  conser- 
ver Jésus-Clirist  qui  est  notre  cbef  ;  en  eflt'et, 
ils  feraient  mourir  en  nous  la  foi  chrétienne, 
et  nous  la  perdrions  infailliblement  si ,  pour 
épargner  notre  corps,  nous  venions  à  ne  plus 
confesser  le  nom  de  Jésus-Christ.  Ce  que  fait 
encore  le  serpent,  quand,  en  se  pressant 
dans  les  trous  d'une  caverne  ,  après  y  avoir 
dépouillé  son  ancienne  pieau ,  il  y  prend  de 
nouvelles  forces  ;  cela  ne  nous  excite-t-il  pas 

^F.iLc-.  iv,  à  nous  dépouiller  du  vieil  homme,  comme 
parle  l'Apôlre,  pour  nous  revêtir  du  nou- 
veau ,  et  à  faire  ce  dépouillement  en  passant' 
par  la  voie  étroite,  suivant  ce  que  dit  le  Sei- 
Maïui.  IV,  gneur  :  Entrez  par  la  mie  étroite^  Comme 
donc  la  connaissance  de  la  nature  du  ser- 
pent donne  du  jour  à  beaucoup  de  compa- 
raisons, que  l'Écriture  a  coutume  de  tirer  des 
propriétés  de  cet  animal,  de  même  l'ignorance 
de  la  nature  de  quelques  antres  animaux , 
dont  elle  n'emploie  pas  moins  souvent  la  com- 
paraison, est  un  obstacle  à  l'intelligence  de 
ces  endroits  de  l'Ecriture.  Il  en  faut  dire  au- 
tant à  l'égard  des  piei'reset  desplantcs,  et  de 
tout  ce  qui  tient  à  la  terre  par  des  racines. 
La  connaissance  de  l'escarboucle ,  qui  brille 
pendant  la  nuit ,  répand  beaucoup'  de  lu- 
mière sur  quantité  d'endroits  de  l'Ecriture , 


où  elle  est  mise  en  comparaison.  Il  en  serait 
de  même  du  béril,  autre  pierre  précieuse 
qu'on  croit  être  le  diamant  des  anciens,  si 
l'on  en  connaissait  bien  la  nature  et  les  pro- 
priétés. D'où  vient  que  la  branche  d'olivier 
que  la  colombe  apporta  dans  l'arche  nous 
parait  si  aisément  signifier  une  paix  dura- 
ble, sinon  parce  que  nous  savons  que  la 
douce  onction  de  l'huile  ne  se  perd  pas  faci- 
lement par  l'application  d'une  autre  liqueur, 
et  que  l'olivier  est  un  arbre  toiijours  couvert 
de  feuilles?  Plusieurs  encore,  parce  qu'ils 
ignorent  la  vertu  de  l'bysope  ,  soit  pour  pu- 
rifier le  poumon ,  soit ,  comme  on  le  dit,  pour 
pénétrer  les  pierres  par  ses  racines,  toute 
petite  et  toute  faible  plante  qu'elle  est,  ne 
peuvent  comprendre  pourquoi  il  est  écrit  : 
Vous  m'arroserez  d'hysope  et  je  seî-ai  purifié.  » 

Saint  Augustin  enseigne  aussi  que  l'igno- 
rance des  '  nombres  et  de  la  musique  est 
un  obstacle  à  l'intelligence  de  plusieurs  en- 
droits de  l'Écriture,  qui  sont  exprimés  d'une 
manière  mystérieuse  et  métaphorique.  Il  cite 
un  livre  intitulé  :  De  la  Dijjérenee  du  psaltérion 
et  de  la  harpie,  où  l'autem"  qu'il  ne  nomme  pas, 
avait  assez  bien  expliqué  les  figures  de  cer- 
taines choses  dont  il  est  fait  mention  dans 
l'Ecriture. 

34.  ((  La  connaissance  de  l'histoire  -  est 
aussi  d'un  grand  secours  dans  l'étude  des 
saintes  lettres,  quand  même  on  ne  l'aurait 
apprise  que  comme  des  instructions  de  l'en- 


VA\Hi  de 
la  connoissan- 
co  de  rbistoï. 


1  Nimerorum  etimn  imperitia  multa  facit  non 
iiiielligi  translate  ac  mystice  posila  in  Scriptu- 
ris....  Non  paitca  eliam  clandil  atque  obtegit  non- 
nullarum  ?\  mm  musicarum  ignoranila.  Nain  et 
de  psaUerii  et  citharœ  differcnlia ,  quidam  non 
inconcinne  aliquas  renim  figuras  aperuit.  Aù- 
gust. ,  lib.  II  De  Doct.  christ,  cap.  xvi,  num.  2a  et 
26,  pag.  29  et  30. 

2  Quidquid  igitur  de  ordine  temporum  iransac- 
torum  indical  ea  quœ  appellatur  historia,  pluri- 
ni.um  nos  adjuvat  ad  xanctos  libros  inlelligendos, 
etiamsi  prœler  Ecclesiam  jmerili  erudilione  disca- 
lur.  Nam  et  per  olympiadas  et  per  consulwm  no- 
mina  mulla  swpe  quœruntnr  a  nobis,  et  ignorantia 
consulaius,  quo  nalus  est  Dominus,  et  quo  pas- 
sifs est ,  nonnullos  coegit  errare ,  «i  putarent 
qiiaéraginta  sex  annoruin  œlate  passum  esse  Do- 
winnm,  quia  per  toi  annos  œdificatum  tcmplum 
esse  dictum  est  a  Judœis.  qiiod  imagiiiem  Domi- 
nici  corporis  liabcbat,  et  annovum  quidem  fcre 
Irigenta  baplinalum  esse  retinem.us  auetoritatc 
evungelica  :  scd  postea  quoi  annos  in  hac  vila 
egerit,  quanquam  lexlu  ipso  aclionnm  ejus  ani- 
inadvcrti  possit,  tamen  ne  aliunde  ealigo  diibila- 
tionis  orittlnr,  de  historia  gentium  eollata  ciim 
evangcliis,  liquidins  certiusque  colUgilur...    De 


utililate  aulem  historiœ  ut  omittam  Grœcos , 
quanttti^^  noster  Ànibrosius  quœstionem  solvit  ca- 
lumniuntibus  Platonis  lectoribfls,  et  dilectoribns 
qui  dicere  ausi  sunt,  omnes  Domini  nostri  Jesu 
Chrisii  sententias,  quas  mirari  et  prœdicare  co- 
guntur,  de  Platonis  libris  eum  didicisse,  quoniam 
longeante  humununi  adoenlum Domini  l'iatonem 
fuisse  negari  non  potest.  Nonne  memoratus  ipis- 
copus...  probabilius  esse  oslendit,  quod  Plato  po- 
tins nostris  lilteris...  fuerit  imbutus  ut  illaposset 
docere  vel  scribere  quœ  jure  laudanlur?  Anlc 
litteras  enim  gentis'JIebrœorum  in  qua  unius  Dei 
cullus  emicuit,  ex  qua  secnndum  carnem  venit 
Dominas  noster,  nec  ipse  quidem  Pijlhagoras  fuit, 
a  cujus  posteris  Plalonem  theologiam  didicisse 
isli  afferunt.  lia,  consideraiis  temporibus,  sit 
multo  credibilius,  islos  potius  de  lillcris  nostris 
habuisse  quœcumque  bona  et  vera  dixerunt,  quam 
de  Platonis  Dominuin  Jesum  Chrislum,  quod  de- 
mentissimum  esl  credere.  Aiigust.,  lib.  \\  De  Doct. 
christ.,  cap.  sxvnr,  uum.  43.  pag.  30. 

[Saiut  Augustiu  avait  cru  eu  cet  endroit  que 
saint  Anibroise  faisait  Platon  contemporain  àJéré- 
mio;  mais  il  s'est  rétracté  depuis,  comme  nous  l'a- 
vons remarqué  ailleurs.) 


IV«  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


607 


fance,  et  sans  avoir  en  vue  la  religion.  Com- 
bien de  difficultés  à  l'occasion  des  olympia- 
des et  des  noms  des  consuls  ?  Poiu'  n'avoir 
pas  su  sous  quel  consulat  Jésus-Christ  est 
né,  ni  sous  lequel  il  est  mort,  quelques-uns 
ont  cru  faussement  qu'il  n'était  mort  qu'à 
l'âge  de  quai-ante-six  ans,  parce  que  les  Juifs 
lui  dirent  un  jour  que  le  Temple  qui  était 
la  figure  de  son  corps,  n'avait  été  bâti  que 
pendant  l'espace  d'un  pareil  nombre  d'an- 
nées. Nous  savons  aussi  par  l'Évangile  cpi'il 
avait  près  de  trente  ans  quand  il  fut  baptisé; 
mais  pour  savoir  au  juste  combien  il  a  vécu 
depuis,  il  est  besoin  de  conférer  l'histoire 
profane  avec  l'histoire  sacrée.  On  voit  dans 
les  Pères  grecs  quel  usage  ils  ont  fait  de  l'his- 
toire pour  le  bien  de  la  religion,  et  comment 
avec  ce  secours  saint  Ambroise,  parmi  les 
Latins,  a  détruit  l'opinion  de  ceux  qui,  ai- 
mant inconsidérément  les  écrits  de  Platon, 
osaient  avancer  que  c'était  de  là  que  Jésus- 
Christ  avait  tiré  toutes  les  grandes  maximes 
enseignées  dans  l'Evangile,  qu'ils  étaient 
contraints  eux-mêmes  d'admirer  et  de  pu- 
blier. Saint  Augustin  prouve  qu'il  est  bien 
plus  vraisemblable  que  Platon  avait  eu  con- 
naissance de  nos  livres  saints,  où  il  avait 
puisé  les  choses  cju'on  loue  en  lui  avec  tant 
déraison;  a  car,  dit-il,  avant  les  livres  des  hé- 
breux, qui  établissent  si  clairement  le  culte  du 
vrai  Dieu,  il  n'y  avait  point  encore  de  Pytha- 
gore,  dont  les  disciples,  suivant  le  rappoi't  des 
écrivains  païens ,  ont  enseigné  la  théologie 
à  Platon.  En  examinant  donc  l'ordre  des 
temps,  il  est  beaucoup  plus  juste  de  croire 
qu'ils  ont  pris  de  nos  saintes  Ecritures  ce 
qu'ils  ont  dit  de  bon  et  de  vrai,  que  de  pen- 
ser follement  que  Notre -Seigneur    Jésus - 


Christ  ait  puisé  sa  doctrine  dans  Platon.  » 
Saint  Augustin  ci'oit  *  encore  qu'il  n'est 
point  inutile  à  l'étude  del'Ecriture  sainte,  d'a- 
voir quelque  teinture  des  arts  mécaniques  à 
cause  de  diverses  expressions  qui  y  ont  du 
rapport,  et  même  de  la  dialectique,  ou  de  la 
science  de  raisonner,  qui  peut  servir  beau- 
coup pour- approfondir  et  résoudre  quantité 
de  questions  qui  s'y  rencontrent. 

33.  «  Lorsque  ^  les  mots  propres  ont  un 
sens  obscur  dans  l'Ecriture,  il  faut  d'abord 
examiner  si  cela  ne  vient  point  de  ce  qu'on  les 
a  ou  mal  pénétrés  ou  mal  prononcés.  Après 
cet  examen,  si  l'on  demeure  toujours  dans 
l'incertitude  de  la  manière  dont  ils  doivent 
être  prononcés  et  de  leur  signification,  il 
faut  consulter  les  règles  de  la  foi  fondées  sur 
des  endroits  de  l'Écriture  plus  clairs  et  plus 
aisés  à  entendre.  Si  ces  endroits  mêmes  ren- 
ferment quelque  obscurité,  on  doit  examiner 
ce  qui  précède  et  ce  qui  suit  pour  en  tirer 
des  lumières,  et  afin  de  découvrir  par  les 
rapports  que  ces  endroits  ont  ensemble,  avec 
lequel  de  tous  les  sens  qui  se  présentent 
à  l'esprit,  ces  termes  paraissent  avoir  plus 
de  liaison.  En  voici  des  exemples  :  les  héré- 
tiques lisaient  ainsi  dans  l'Évangile  selon 
saint  Jean  :  Au  commencement  était  le  Verbe, 
et  le  verbe  était  avec  Dieu,  et  Dieu  était.  De  ma- 
nière que  ce  qui  suit  faisait  un  autre'sens  :  Ce 
Verbe  était  en  Dieu  dès  le  commencement .  Ils  fai- 
saient assez  voir  par  ces  ponctuations  qu'ilsne 
voulaient  point  confesser  la  divinité  du  Verbe. 
Mais  leur  erreur  doit  se  réfuter  par  la  règle 
de  la  foi  qui  nous  marque  l'égalité  des  trois 
personnes  de  la  sainte  Trinité  ;  et  nous  de- 
vons lire  :  Et  le  Verbe  était  Dieu,  ajoutant 
ensuite  :  Il  était  au  commencement  avec  Dieu. 


Commoiit 
ûlGr  l'aiiibi- 
guité  clOâ 


Joa:i.  1,  f. 


'  Harum  autem  {artium)  cognitio  tenuiter  in 
ipsa  humana  vita  cursimque  usurpaiida  est,  non 
ad  operandum,  nisi  forte  officiiim  aliquod  cogat 
de  qiio  mine  non  agimus,  sed  ad  judicandum,  ne 
omnino  nescia'mus  quid  Scriptura  velil  insinuare, 
cum  de  his  ariibus  aliquas  figuratas  locutiones 
mserit...  sed  disputationis  disciplina  ad  omnia 
gênera  quœslionum  quœ  in  litteris  sanctis  sunt 
penelranda  et  dissolvenda,  plurimum  valet.  Au- 
gust.,  ihid.  cap.  xxx,  num  47,  et  cai3.  xxxi,  nuni  iS, 
pag.  37  et  38. 

^  Sed  cum  verba  propria  faciunt  ambiguam 
Scripturam,  primo  videndum  est,  ne  maie  dis- 
tinxerimus,  aiitpronuntiaverimus.  Cumergo  ad- 
hibita  intentio  incerlum  esse  perviderit  quomodo 
distinguendum  aut  quomodo  pronuntiandum  sit, 
consulat  régulant,  fidei  quam  de  Scripturarum 
planxoribus  locis  et  Ecclesiœ  auctoritate  percepit, 


de  qua  satis  agimus,  cum  de  rébus  in  primo  libro 
loqueremur.  Qiiod  si  ambœ  vel  eiiam  omnes,  si 
plures  f^ierint  partes,  ambiguitatem  secundum 
fidem  sonuerint,  lextus  ipse  sermonis  a  prœce- 
dentibus  et  consequenlibus  partibus,  quœ  ainbi- 
guitatemillam  in  medio posuerunt,  restât  consu- 
lendus  ut  videamus  cuinam  sententice  de  pluribus 
quœ  se  ostendunt  ferat  stiffraginm,  eanique  sili 
contexi  patiatur.  Jam  nunc  exempta  considéra, 
nia  hœretica  distinctio  :  In  principio  erat  Verhum, 
et  Verbum  erat  apud  Deum,  et  Deus  orat,  ut  alius 
senS'US  sii  ;  Verbum  hoc  erat  in  principio  apiiil 
Deum,  non  vult  Verbum  Deum  confiteri.  Sed  hoo 
régula  fidei  refellendum  est,  qua  nobis  de  Trini- 
ialis  œqualitate  prœscribitur,  ut  dicamus  :  f:t 
Deus  erat  Verbum,  deinde  snbjnngamus:  Hoc  erat 
in  principio  apud  Deum.  August.,  lib  tlJ  De  Doct. 
christ.,  cap.  n,  num.  2  et  3,  pag.  Oj. 


608 


HISTOIRE  GÉNÉilALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Voici  lin  autre  exemple  '  d'une  ambiguïté, 
cfui  n'est  en  rien  contraire  à  la  foi,  et  dont 
il  faut  découvrir  le  véritable  sens  par  la  suite 
du  discours.  Il  est  tiré  de  l'Épltre  aux  Phi- 
l'iiiiif..  î,23.  lippiens,  où  l'Apôtre  dit  :  Je  ne  sais  lequel  je 
dois  choisir  ;  car  je  suis  jjressé  des  deux  côtés: 
d'une  part  je  désire  d'être  dégayé  des  liens  du 
corps,  et  d'être  avec  Jésus-C lirit ;  ce  qui  est 
assurément  le  meilleur  pour  moi  ;  et  de  l'autre 
il  est  plus  utile  pour  votre  bien  que  je  demeure 
en  cette  vie.  Car  il  est  incertain  si  ces  paroles, 
des  deux  côtés,  se  doivent  rapporter  à  celles- 
ci, /e  suis  pressé,  ou  aux  suivantes,  je  désire. 
Mais  parce  qu'il  dit  ensuite,  ce  qui  est  le  meil- 
leur pour  moi,  il  parait  qu'il  portait  sondé- 
sir  vers  ce  qui  était  le  meilleur;  de  manière 
qu'il  était  pressé  des  deux  côtés,  dont  l'un 
était  le  désir  et  l'autre  la  nécessité  ;  c'est-à- 
dire,  le  désir  d'être  avec  Jésus-Christ  et  la 
nécessité  de  demeurer  encore  dans  la  chair. 
Ainsi,  pour  ôter  toute  ambiguïté,  il  faut  lire 
ainsi  :  J'ignoi^e  lequel  je  dois  choisir  ,  je  suis 
pressé  des  deux  côtés,  et  ajouter  ensuite  :  d'une 
part,  je  désire  d'être  dégagé  des  liens  du  corps 
et  d'être  uni  à  Jésus-Christ.  Comme  si  on  lui 
demandait  pourquoi  il  désire  plutôt  une 
telle  chose,  il  ajoute  :  Car  c'est  le  meilleur 
pour  moi  ;  et  pour  rendre  raison  pourquoi 
il  est  pressé  des  deux  côtés,  il  allègue  la  né- 
cessité qu'il  y  a  de  demeurer  encore  et  dit  : 
Mais  il  est  nécesaire  pour  votre  bien  que  je 
demeure  encore  en  cette  vie.  » 


Lorsque  l'ambiguïté  ^  ne  peut  s'éclaircir 
par  les  règles  de  la  foi,  ni  par  la  suite  du  dis- 
cour?,  on  peut  embrasser  l'une  ou  l'autre  des 
opinions  qui  paraissent  bonnes,  comme  dans 
ces  endroits  de  l'Épitre  aux  Corinthiens  : 
Ayant  donc  reçu  de  Dieu  de  telles  promesses,  u  <-'"■ 
mes  chers  frères,  purifions-nous  de  tout  ce  qui 
souille  le  corps  et  l'esprit,  achevant  l'œuvre  de 
notre  sanctification  dans  la  crainte  de  Dieu. 
Donnez  nous  place  dans  votre  cœur.  Nous  n'a- 
vons fait  tort  à  personne  :  Car  il  est  douteux 
s'il  y  a  :  Purifions-nous  de  tout  ce  qui  souille 
le  corps  et  l'esprit;  ou  s'il  y  a  :  Purifions-nous 
de  tout  ce  qui  souille  le  corjjs,  faisant  de  la 
suite  un  autre  sens,  en  disant  :  Et  pjour  notre 
esprit,  achevons  de  le  sanctifier  par  la  crainte 
de  Dieu,  n 

Saint  Jérôme  veut  aussi  que  l'on  observe 
exactement  la  ponctuation  et  la  distinction 
des  termes  pour  trouver  le  vrai  sens  de 
l'Écriture.  C'est  en  expliquant  le  chapitre  de 
saint  Mathieu,  où  il  est  parlé  de  la  guérison 
d'un  lépreux. 

«  Plusieurs  Latins  ^  dit  saint  Augustin, 
lisaient  sans  distinction  ces  paroles  de  Jésus- 
Christ  :  Volo  mundare,  quoiqu'il  faille  néces- 
sairement les  lire  séparément,  pour  y  trouver 
le  sens  de  la  réponse  que  le  Sauveur  fit  au 
lépreux.  Celui-ci  avait  dit  :  Seigneur,  si  vous 
voulez,  vous  pouvez  me  guérir.  Le  Seigneiu" 
répond  :  Je  le  veux,  soyez  guéri.  Il  ne  faut  donc 
point  lire  de  suite  :  Je  veux  vous  guérir  ;  mais 


'  Illa  vero  distinctionis  ambiguitas  neutra 
parte  resistit  fulei,  et  ideo  textu  ipso  sermo- 
nis  dijudicanda  est,  ubi  ait  Âi)OStolus  :  Et  ,qmd 
eligam  ignoro;  compellor  autem  ex  duobus;  con- 
cupisoentiam  habens  dissolvi  et  esse  cum  Cliristo, 
multo  enim  magis  optimum;  manere  in  carne  ne- 
cesearium  propter  vos.  Incertain  enim  est,  utruin 
ex  duobus  coneupiscenliam  habeus,  an  compellor 
autem  ex  duobus,  ut  iliud  adjungatur  :  Conçu - 
lîiscentiam  habens  dissolvi,  et  esse  cum  Christo. 
Sed  quoniam  ita  sequilur  :  Multo  enim  magis  op- 
timum, apparel  eum  ejus  optimi  dicere  se  habere 
concupiscentiam ,  ut  cum  ex  duobus  compel- 
latur,  alterius  tamen  habeat  concupiscentiam, 
alterius  necessilatem  ;  concvpiscentiam  scilicet 
esse  cum  Christo,  necessilatem  manere  in  car- 
ne. Quœ  ambiguitas  une  consequenti  verbo  diju- 
dicatur,  quod  positum  est,  enim  :  quam  par- 
ticulam  qui  abslulerunt  interprètes ,  illa  potius 
sententia  ducti  sunt,  ut  non  solum  compelli  ex 
duobus,  scd  eliam  duorum  habere  concupiscen- 
tiam videretur.  Sic  ergo  distinguendum  est  :  Et 
quid  eligam  ignoro  :  compellor  autem  ex  duobus, 
quam  distinctionem  sequitur,  concupiscentiam  ha- 
bens dissolvi,  et  esse  cum  Christo;  et  lanquam 
quœreretur,  qiiare  hujus  rei  potius  habeal  con- 
cupiscentiam :  Mn\io  enim  magis  optimum,  i»7i((7. 


Cur  ergo  a  duobus  compellitur?  Quia  est  manendi 
nécessitas,  quam  ita  subjecit  :  Manere  in  carne 
necessarium  propter  vos.  August.,  lib  III  De  Doct. 
christ.,  cap.  n,  num.  4,  pag.  4.5. 

'^  Ubi  autem neque prœscripto  fideineque  ipsius 
sermonis  textu  ambiguitas  explicaripotest,  nihil 
obest  secundum  quamlibet  earum,  quœ  ostendun- 
tur,  sententiam  distinguere.  Veluti  est  illa  adCo- 
rin  (/lios;  lias  ergo  promissiones  habentes,  cliarissi- 
mi,  mundemus  nosab  omui  coinquinatione  carnis  et 
spiritus,  perficieutes  sanctificationem  in  timoré  Dei. 
Capite  nos  nemini  nocuimus.  Dubium  est  quippe 
Mi/'îo»  mundemus  nosab  omui  coinquinatione  caruis 
etspirituSjSec H)i((i(»i  illam sententiam  :  Utsitsancta 
et  corpore  et  spiritu  ;  an  mundemus  nos  ab  onini 
coinquinatione  carnis,  ut  alius  sensus  sit  :  Et  spi- 
ritus perficieutes  sanctificationem  in  timoré  Dei 
capite  nos.  Taies  igitur  dislinctionum  ambigui- 
tates  in  potestate  legcntis  sunt.  August.,  ibid. 
num.  S,  pag.  4a-46. 

3  Et  extendens  Jésus  manum,  tetigit  eum,  di- 
ceus  :  Volo,  mundare...  non  ut  plerique  latino- 
rum  putant,  jungendum  est,  et  legendum,  volo 
mundare  :  sed  separatim  utprimum  dicat  :  Volo, 
deinde  imperans  dicat  :  Mundare.  Hieron.  lib.  I 
caji.  vni,  Matth.,  pag.  26,  tom.  IV,  part.  i. 


[rv=  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGDSTEM,  ÉVÊQUE  D'HIPPONÉ. 


é09 


séparer  les  mots,  et  lire  premièrement  : /e  le 
veux,  et  mettre  ensuite  le  commandement  : 
Soyez  guéri.  Quant  aux  ambiguïtés  qui  nais- 
sent des  termes  métaphoriques  ',  elles  de- 
mandent beaucoup  de  soin  et  de  précaution. 
Il  faut  bien  se  garder  de  prendre  à  la  lettre 
une  façon  de  parler  figurée ,  et  c'est  là  où  il 
faut  appliquer  ce  passage  de  saint  Paul  :  La 
lettre  tue,  et  l'esprit  donne  la  vie.  En  prenant 
à  la  lettre  des  expressions  figurées  ,  on  ne 
les  comprend  que  selon  la  chair  ,  et  rien  ne 
cause  la  mort  de  l'âme  comme  de  l'asservir 
à  la  chair ,  en  s'attachant  trop  à  la  lettre. 
Celui  qui  la  suit  trop  scrupuleusement  prend 
tous  les  termes  métaphoriques  pour  autant 
de  significations  propres.  S'il  entend  parler 
du  sabbat,  Une  comprend  par  ce  terme  qu'un 
certain  jour  de  la  semaine  qui  revient  après 
une  révolution  de  sept  jours;  et,  s'il  entend 
parler  du  sacrifice,  il  ne  lui  vient  rien  dans 
l'esprit  que  ce  qui  se  fait  ordinairement 
quand  on  offre  des  animaux  ou  des  fruits  de 
la  terre  en  sacrifice.  Rien  de  plas  misérable 
que  cet  asservissement  d'une  âme  qui  prend 
les  signes  pour  autant  de  choses  réelles,  et 
qui  ne  peut  élever  les  yeux  de  sa  raison  au- 
dessus  des  objets  sensibles,  pour  se  nourrir 
de  la  lumière  éternelle.  » 
36.  <(  On  ne  doit  point  ^  regarder  comme 


figurée  l'expression  qui  renferme  un  pré- 
cepte touchant  quelque  chose  d'utile,  qui 
défend  par  exemple  l'intempérance,  ou  qui 
commande  la  hbéralité.  Cependant,  s'il  pa- 
rait qu'elle  ordonne  le  crime,  ou  qu'elle  dé- 
fende le  bien,  alors  il  y  a  figure.  Si  vous  ne 
mangez,  dit  le  Seigneur,  la  chair  du  Fils  de 
l'homme ,  et  si  vous  ne  buvez  son  sang ,  vous 
n'aurez  point  la  vie  en  vous.  Il  semble  que 
Jésus-Christ  commande  un  crime.  C'est  donc 
une  expression  figurée,  qui  toutefois  ne  dé- 
truit point  la  présence  réelle,  comme  on  le 
verra  en  parlant  de  l'Eucharistie;  et  par 
cette  expression,  il  nous  est  ordonné  de  par- 
ticiper à  la  passion  du  Sauveur,  et  de  con- 
server dans  notre  mémoire  le  souvenir  si 
doux  et  si  salutaire  de  la  Croix  où  son  corps, 
couvert  de  plaies  a  été  attaché  pour  nous. 
L'Écriture  dit  ailleurs  :  Si  votre  ennemi  a 
faim,  donnez-lui  à  manger  ;  s'il  a  soif,  donnez- 
lui  à  boire.  Personne  ne  doute  qiie  l'Apôtre 
ne  commande  là  un  bienfait  ;  mais,  lorsqu'il 
ajoute  :  En  faisant  ainsi,  vous  amassez  des 
charbons  ardents  sur  sa  tête,  nous  ne  devons 
pas  croire  qu'il  commande  une  action  de 
haine  et  de  vengeance  ,  ni  douter  qu'il  n'y 
ait  une  figure,  et  que  par  ces  charbons  ar- 
dents il  ne  faille  entendre  les  gémissements 
et  les  regrets  enflammés  de  la  pénitence,  qui 


faut  entendre 
les  exprès  - 
sions  qui  rec- 
ferment  un 
i,i'tcepto. 


Ilom.xn,2 


1  Sed  verborum  translatorum  ambiguitaies ,  de 
quibus  deinceps  loquendum  est,  non  mediocrem 
curain  industrianique  desiderant.  Nam  in  prin- 
cipio  cavendum  est,  ne  figuraiam  iocutioneni  ad 
litteram  accipias.  Et  ad  hoc  enim  periinet  quod 
ait  Àpostolus  :Liliev&  occidit,  spiritus  autem  vivi- 
ficat.  Cum  enim  jlguraie  dictum  sic  accipitur 
tanquam  proprie  dictum  sit,  carnaliter  sapitur. 
Neque  ulla  mors  animœ  congruentius  appeliatur, 
quam  cum  id  etiam  quod  in  ea  bestiis  dntecedit, 
hoc  est  intelligentia,  carni  swbjicitur  sequendo 
litteram.  Qui  enim  sequitur  litteram,  translata 
verba  sicut  propria  ienel,  neque  illud  quod  pro- 
prio  verbo  significatur,  refert  ad  aliam  significa- 
tionem ,  sed  si  sabbatwn  awdierit ,  verbi  gratia, 
non.  intelligit  nisi  unum  diem  de  septem,  qui  con- 
tinuo  volumine  repetuntur  ;  et  cum  audierit  sa- 
crificium,  non  excedit  cogitatione  illud,  quod  fieri 
de  victimis  pecorum  terrenisque  fructibus  solet. 
Ea  demum  est  miserabilis  animœ  sereitus,  signa 
pro  rébus  accipere,  et  supra  creaturam  corpo- 
ream  oculum  mentis  ad  hauriendum  œternum  lu- 
men levare  non  passe.  Atigust.,  lib.  IH  De  Doctr. 
christ.,  cap.  v,  num.  9,  pag.  47. 

2  Si  prœceptiva  locutio  est  aut  flagitium  aut 
facinus  velans,  aut  utilitatem  aut  beneficentiam 
jubens,non  est  figurata.  Si  aiitem  flagitium  aut 
facinus  videtur  jubere,  aut  utilitatem  aut  benefi- 
centiam  velare,  figurata  est.  Nisi  manducaveri- 
tis,  inquit,  carnem  Filii    Homiûis    et  sanguinem 

IX. 


biberitis,  non  habebitis  vitam  in  vobis.  Facinus 
vel  flagitium  videtur  jubere  :  figura  est  ergo 
prœcipiens  passioni  Dominicœ  communicandum, 
et  suaviter  atque  utiliter  recondendum  in  memo- 
ria,  quod  pro  nobis  caro  ejus  crucifixa  et  vulne- 
rata  sit.  Ait  scriptura:  Si  esurierit  iuimicus  tuus, 
ciba  illum  ;  si  sitit,  potum  da  illi  ;  hic  nullo  dubi- 
tante  beneficentiam  prcecipit  :  sed  quod  sequitur  : 
Hoc  enim  faciens  carbones  ignis  congères  super 
caput  ejus  ,  malevolentiœ  facinus  putes  juberi  : 
ne  igitur  dubita  veris  figurate  dictum  et  cum 
possit  dupliciter  interpretari,  uno  modo  ad  no- 
cendum ,  altero  ad  prœstandum  ;  ad  beneficen- 
tiam te  polius  charitas  revocet,  ut  intelligas  car- 
bon  s  ignis  esse  urentes  pœnitentiœ  gemitus  qui- 
bus supcrbia  sanatur  ejus,  qui  dolet  se  inimicum 
fuisse  liominis,  a  quo  ejus  miseriœ  subvenitur. 
Item  cum  ait  Domin.us  :  Qui  amat  animam  suam, 
perdat,  eani,  non  utilitatem  velare  putandus  est 
qua  débet  quisque  conservare  animam  suam,  sed 
figurate  dictum  ."  Perdat  eam,  id  est  périmât  atque 
amittat  ustim  ejus,  quem  nunc  habet,  perversum 
scilicet  atque  prceposterum,  quo  inclinatur  tem- 
poralibus,  ut  ceterna  non  quœrat.  Scriptum  est: 
Da  misericordi ,  et  ne  suscipias  peccatorem.  Pos- 
terior  pars  hujus  sententice  videtur  vetare  bene- 
ficentiam; ait  enim  .'Ne  suscipias  peccatorem.  7n- 
telligas  ergo  figurate  positum.  pro  peccato  pecca- 
torem, ut  peccatum  ejus  non  suscipiat.  August., 
lib.  lU  Ve  Doct.  christ.,  cap.  xvi,  num.  14,  pag.  52. 

39 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Joan.^::t,2!;. 


GIO 

punflent  et  guérissent  l'orgueil  de  celui  qui 
s'afflige  d'avoir  été  l'eunemi  d'un  homme 
qui  a  bien  voulu  le  soulager  dans  ses  besoins 
et  dans  ses  misères.  Quand  le  Seigneur  dit 
encore  :  Celui  qui  aime  sa  vie  la  perdra ,  on 
ne  doit  pas  s'imaginer  qu'il  nous  défende  de 
conserver  notre  vie.  C'est  une  locution  figu- 
rée qui  ne  signifie  autre  chose  sinon  que 
nous  devons  renoncer  aux  mauvais  usages 
que  nous  faisons  des  biens  de  la  terre  ,  qui 
nous  empêchent  d'aspirer  à  ceux  de  l'étei- 
nité.  U  est  écrit  :  Faites  miséricorde,  et  ne 
recevez  point  le  pécheur.  Ces  dernières  paroles 
semblent  défendi'e  le  bien;  mais  le  mot  de 
pécheur  est  mis  en  cet  endroit  pour  le  péché, 
le  Sage  s'étant  servi  d'une  expression  figu- 
rée pour  nous  enseigner  à  ne  point  prendre 
part  au  péché  du  pécheur.  » 

Saint  Augustin  veut  '  «  que,  pour  bien 
entendre  les  Écritures,  l'on  remarque  encore 
qu'il  y  a  des  choses  commandées  à  tous,  et 
d'autres  qui  le  sont  aux  personnes  de  chaque 
condition,  afin  que  la  loi  de  Dieu,  qui  est  un 
véritable  remède,  ne  soit  pas  seulement 
donnée  à  tout  le  corps  du  genre  humain, 
mais  à  chacun  des  membres,  selon  la  nature 
de  son  infirmité  particulière.  »  Il  dit  aussi  ^ 
que  «  si  l'on  vient  à  lire  les  endroits  où  sont 
rapportées  les  fautes  de  quelques  grands 
hommes,  le  meilleur  usage  qu'on  puisse  en 
faire  ,  c'est  de  ne  point  regarder  les  autres 
comme  des  pécheurs  ,  en  vue  de  sa  pi-opre 


justice,  mais  de  craindre  de  pareils  naufra- 
ges, ces  péchés  n'étant  rapportés  (ju'afin  que 
cette  parole  de  l'Apôtre  fisse  trembler  tout 
le  monde  :   Que  celui  qui  semble  être  debout 
prenne  garde  de  ne  pas  tomber.  H  arrive  '  sou- 
vent qu'une  même  parole  est  prise  en  deux 
sens  différents  en  divers  endroits.  Défiez-vous 
du  levain  des  Pharisiens,  dit  Jésus-Christ  ;  le 
terme  de  levain,  comme  l'on  voit ,  est  pris 
ici  en  mauvaise  part.  Au  contraire,  il  est 
pris  en  bonne  part  lorsque  le  même  Sauveur 
dit  ailleurs  :  Le  royaume  des  deux  est  sem- 
blable à  une  femme  qui  cache  du  levain  dans 
trois  mesures  de  farine,  jusqu'à  ce  que  la  pâte 
soit  toute  levée.  Il  en  est  de  même  du  terme 
de  lion,  qui  est  une  figure  de  Jésus-Christ 
dans  ces  paroles  :  Le  lion  de  la  tribu  de  Juda 
u  vaincu,  et  qui  au  contrriire  signifie  le  dé- 
mon dans  ce  passage  de  la  première  Épître 
de  saint  Pierre  :  Votre  adversaire  tourne  autour 
de  vous  pour  vous  dévorer  comme  un  lion  rugis- 
sant. Il  est  encore  ordinaire  à  l'Écriture  de 
se  servir  de  différentes  expressions  que  les 
grammairiens   appellent   tropes  * ,  comme 
aussi  de  certains  termes  destinés  à  marquer 
des  sens  figurés,  comme  l'y llégorie,  l'énigme, 
la  parabole.  Ceux  donc  qui  veulent  s 'instruire 
des  divers  sens  renfermés  dans  nos  livres 
saints,  doivent  aussi  avoir  une  connaissance 
de  tous  ces  termes.  » 

37.  Ptolémée  ^,  ayant  succédé  au  fils  de 
Lagus  dans  le  royaume  d'Egypte  ,  renvoya 


MaHli.  itr, 

11. 


Lie.   Jllf, 


!l. 


Apocal.  T,s. 


I  Pelri.T.J. 


LUsMn 
ai  [a  Teniu 
des  SepUDl*. 
Son  autorili. 


1  Erit  igitur  etiam  hoc  in  ohservationibus  in- 
telligendarum  Scriptururum,  uL  scianms  alla  om- 
r.ibus  commintiter  prœcipi.  alla  singulis  quibus- 
cumque  generibus  jjersonarum,  tU  non  soium  ad 
universum  stalum  valetudinis ,  »ed  etiam  ad 
siiam  cujusque  membri  propriam  infirmitalem 
viedicina  pertineat.  In  suc  quippe  génère  curan- 
dum  est ,  qiiod  ad  melius  genus  non  potest  erigi, 
August.,  lib.  m  Dj  Doct.  christ.,  cap.  xvn,  num,  25, 
pag.  52. 

2  Si  qua  vero  peccata  magnorum  rirorum  le- 
gerit,  tametsi  uliquam  in  eis  /igurani  rerum  fii- 
turarum  animadverterc  alque  indagare  polnerit, 
vei  lanien  gestœ  proprietatem  ad  hnnc  Mswm.  as- 
sumât,ut  se  nequaquain  recte  fnciis  suis  jactare 
audeat,  et  prœ,  sua  justitia,  cœteros  tanquam 
peccatores  contemnat ,  cum  videat  lantorum  iH- 
rorum  et  cavendus  lempeslales  et  flenda  naufra- 
gia.  Àd  hoc  enim  etiam  peccata  illorum  homi- 
miini  scripta  sunt,  «t  apostoliea  illa  sententia 
nbique  tremenda  sit,  qua  ail:  Qiinpropter  qui  vi- 
detiir  stare,  videat  ue  cadat.  August. ,  lib.  III  De 
Doct.  christ.,  cap.  xxui,  num.  33,  pag.  53. 

3  Sed  quoniani  wultis  modis  res  similes  rébus 
apparent,  non  putemus  esse  prœscriptam,  ut  quod 
in  aliquo  loco  rcs  aliqua  pcr  similitudinem  si- 


gnificaverit,  hoc  eam  semper  sighificare  creda- 
ni-us.  Nani  et  in  viluperatione  fermentum  posuil 
Dominus  cum  diceret  :  Cavete  a  fermento  Pbari- 
sasorum;  et  in  laude  cum  diceret:  Simile  est  re- 
gnum  cœlorum  uiulieri,  quœ  abscondit  fermentum 
in  tribus  mensuris  farinœ,  donec  fermentaretnr  to- 
tum....  Taie  est  etiam  leo  qui  significat  Christum 
ubi  dicitur :  Yicit  leo  de  tribu  Juda;  significat  et 
diabolum.  ubi  scriptum  est:  Adversarius  vester 
diabolus  tanquam  leo  rugieus  circuit  quœrens 
quem  devoret.  August.,  lib.  III  De  Doct.  christ., 
cap.  XXV,  num.  33  et  3C,  pag.  55. 

'  Sciant  aulem  litterati  modis,  ommibus  locu- 
tionis ,  quos  grammatici  grœco  nomine  tropos 
vacant,  auctores  nostros  usas  fuisse,  et  multipli- 
cius  atque  copiosius,  quam  possunt  exisliniare 
vel  credere  qui  nesciunt  eos,  et  in  aliis  ista  di- 
dicerunt.  Quos  tamen  tropos  qui  noverunt,  agnos- 
cunt  in  litteris  sanclis,  eorumque  scientia  ad  eas 

intelligendas  aliquanlum  adjuvantur istorum 

aulem  iroporum  non  solum  exempta,  sicut  om- 
nium,, sed  quorumdam  etiam  nomina  in  divinis 
libris  leguntur,  sicut  allegoria,  wnigma,  para- 
bola.  August.,  lib.  111  De  Doct.  christ.,  cap.  sxix, 
num.  in,  pag.  36  et  37. 

'August.,  lib.XVlUDeCmf.  Cet,  cap.sLu.pag.  324. 


[IV°  ET  V^  SliCLES.] 

tous  les  Juifs  qu'il  y  trouva  captifs  ,  et  les 
chargea  de  présents  pour  le  temple  de  Jéru- 
salem. 11  pria  en  même  temps  le  grand  prêtre 
Éléazar  de  lui  donner  nos  saintes  Écritures 
pour  les  placer  dans  sa  bibliothèque  ,  et  de 
lui  envoyer  des  interprètes  pour  en  faire  une 
traduction  grecque.  Éléazar  lui  en  envoya 
septante-deux  ,  sis  de  chaque  tribu  ,  parfai- 
tement instruits  de  l'une  et  l'autre  langue, 
c'est-à-dire,  de  la  grecque  et  de  l'hébraïque. 
Mais  l'usage  a  voulu  qu'au  lieu  de  nommer 
cette  version  des  Septante-deux,  on  la  nom- 
mât des  Septante.  Ils  s'accordèrent,  à  ce  que 
l'on  dit,   dans  cette  traduction  de  manière 
que  l'ayant  faite  chacun  à  part,  selon  l'ordre 
du  roi  Ptolémée,  qui  voulait  par  là  éprouver 
leur  fidélité  ,  ils  se  rencontrèrent  parfaite- 
ment, tant  pour  les  choses  et  pour  le  sens 
que    pour  l'arrangement   des   paroles  ;  en 
sorte  qu'il  semblait  que  ce  fût  l'ouvrage  d'une 
seule  personne,  a  Et  il  ne  faut  pas,  dit  saint 
Augustin,  le  trouver  étrange,  puisqu'on  effet 
ils  étaient   tous   inspirés  du  même  Esprit, 
Dieu  ayant  voulu  par  une  si  grande  mer- 
veille rendre  vénérable  aux   gentils  l'auto- 
rité des  Écritures.    Quoique  d'autres  *  les 
aient  traduites    en   grec ,  comme   Aquila , 
Symmaque  ,  Théodotion,  et  quelques  autres 
dont  les  noms  ne  sont  pas  connus,  l'Église 
s'est  attachée  à  la  version  des  Septaate,  com- 
me s'il  n'y  en  avait  point  eu  d'autre.  C'est 
sur  elle  que  fut  faite  la  traduction  latine  qui 
était  en  usage  dans  les  premiers  siècles,  et 
on  préférait  cette  traduction  latine  du  temps 
de  saint  Augustin  à  celle  que  saint  Jérôme 
venait  de  faire  snr  l'hébreu.  Il  est  vrai  que 
les  Juifs  ont  accusé  les  Septante  de  s'être 
trompés  en  beaucoup  de  choses  ;  mais  l'É- 
glise n'a  pas  laissé  de  préférer  leur  traduc- 
tion à  toute  autre,  parce  qu'encore  qu'il  n'y 
ait  eu  rien  de  miraculeux  dans  la  manière 
dont  elle  a  été  faite  ,  l'accord  de  tant  de  sa- 
vants hommes  dans  cette  traduction  fait  une 
preuve    beaucoup  au-dessus   de   l'autorité 
d'un  particulier.  Quelqu'autre  version  que 
l'on  fasse  donc  sur  l'hébreu ,   elle  doit  être 
conforme  à  celle  des  Septante,  et,  si  ces  in- 
terprètes ne  se  rencontrent  pas  avec  l'hé- 
breu, il  faut  croire  qu'en  ces  endroits  il  y 
a  quelque  grand  mystère    caché  :   car  le 
même  esprit  qui  était  dans  les  Prophètes, 
lorsqu'ils  composaient  l'Écriture,  animait  les 
Septante,  quand  ils  l'interprétaient.  Il  a  donc 

'  Augusî.,  ibid.,  cap.  slui,  pag.  325. 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPOxNE. 


6H 

bien  pu  les  faire  parler  différemment,  quoi- 
que ceux  qni  entendent  leur  version  comme 
il  faut  n'y  trouvent    point    de    différence. 
L'esprit  de  Biau  a  pu  même  passer  ou  ajou- 
ter quelque  chose  ,  pour  montrer  que  tout 
s'était  fait  par  autorité  divine,   et  que  ces 
interprètes  avaient  plutôt  suivi  l'esprit  qui 
les  guidait ,  qu'ils  ne  s'étaient  assujettis  à  la 
lettre  de  l'original.  11  y  en  a  qui  ont  cru  qu'il 
fallait  corriger  cette  version  sur  les  exem- 
plaires hébreux  ;  toutefois ,  ils  n'ont  osé  re- 
trancher ce  que  les  Septante  avaient  de  plus 
que  l'hébreu.  Seulement  ils  ont  ajouté  ce  qui 
était  de  moins  dans  les  Septante ,  et  l'ont 
marqué  avec  des  étoiles  au  commencement 
des  versets.  Ils  ont  marqué  de  même  avec 
des  petites  broches  ce  qui  n'est  point  dans 
l'hébreu,  et  qui  se  trouve  dans  les  Septante. 
L'on  voit  encore  aujourd'hui  beaucoup  de 
ces  exemplaires,  tant  grecs  que  latins,  mar- 
qués de  la  sorte.  A  l'égard  des  choses  qui 
ne  sont  ni  omises  ni  ajoutées  dans  la  version 
des  Septante,  et  qui  sont  seulement  dites 
d'une  autre  manière,  soit  qu'elles  fassent  un 
même  sens,  ou  un  sens  différent  en  appa- 
rence, mais  qui  se  concilie  fort  bien  en  eU'et, 
il  est  besoin  pour  les  trouver  de  conférer  le 
grec  avec  l'hébreu.  En  ne  considérant  donc 
les  Septante  que  comme  les  organes  de  l'es- 
prit de  Dieu,  nous  dirons  pour  les  choses  qui 
sont  dans  l'hébreu,  et  non  dans  les  Septante, 
que  le  Saint-Esprit  n'a  pas  voulûtes  dire  par 
ces  interprètes,  mais  par  ceux  qui  ont  écrit 
en  hébreu;  et  qu'à  l'égard  de  celles  qui  sont 
dans  les  Septante,  et  non  dans  l'hébreu,  le 
même  Esprit  a  mieux  aimé  les  dire  par  les 
interprètes  que  par  les  auteurs  originaux. 
Mais  nous  les  regardons  tous  comme   des 
prophètes.  C'est  de  cette  sorte  que  Dieu  a 
dit  une  chose  par  Isaïe,  et  une  autre  par 
Jérémie  ,  ou  la  même  chose  différemment 
par  l'un  et  par  l'autre.   Quant   aux  choses 
qui   se  trouvent   également  dans   l'hébreu 
et  dans  les  Septante,  c'est  que  le  Saint-Es- 
prit s'est  voulu  servir  des  uns  et  des  autres 
pour  les  dire,  et,  comme  il  a  assisté  les  pre- 
miers, il  a  conduit  la  plume  des  seconds, 
pour  les  rendre  parfaitement  conformes.  » 

Saint  Augustin  reconnaît  toutefois  qu'il  y 
a  beaucoup  de  différence  entre  la  version 
des  Septante  et  le  texte  hébreu,  en  ce  qui 
regarde  les  années  des  patriarches  qui  ont 
précédé  Abraham  ;  mais  il  prétend  qu'elle 
vient  de  la  faute  du  premier  copiste  des  Sep- 
tante, et  que  pour  corriger  ce  qu'il  y  a  de 


612 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Sur  te  texie 
du  Nojveaii 
Testament. 


défectueux  à  cet  égard  dans  les  exemplaires 
grecs,  on  doit  recourir  à  l'original  hébreu, 
que  l'on  ne  doit  pas  croire  avoir  été  cor- 
rompu malicieusement  par  les  Juifs.  «A  Dieu 
ne  plaise,  dit-il,  '  qu'un  homme  sage  s'ima- 
gine que  les  Juifs,  quekfue  méchants  et  arti- 
ficieux qu'on  les  suppose ,  aient  pu  intro- 
duire cette  fausseté  dans  tant  d'exemplaires 
dispersés  en  un  si  grand  nombre  d'endroits, 
ou  que  les  septante  interprètes,  qui  ont  ac- 
quis une  si  haute  estime,  se  soient  accordés 
entr'eux  pour  cacher  la  vérité  aux  gentils. 
Il  est  donc  plus  croyable  de  dire  que,  quand 
on  commença  à  transcrire  ces  livres  de  la 
bibhothèque  de  Ptolémée,  ces  erreurs  se 
ghssèrent  d'abord  dans  un  exemplaire  par 
la  faute  du  copiste,  et  qu'elles  passèrent  de 
celui-là  dans  les  autres.  Je  ne  fais  donc 
aucun  doute  que,  lorsque  les  exemplaires 
grecs  et  hébreux  ne  s'accordent  pas  ,  il  ne 
faiUe  plutôt  suivre  l'hébreu,  comme  origi- 
nal ,  que  les  Septante  qui  ne  sont  qu'une 
version.  » 

38.  Quant  aux  changements  que  les  an- 
ciens hérétiques  ont  faits  dans  les  exemplai- 
res du  Nouveau  Testament,  qu'ils  avaient  en 
mains,  ils  n'ont  porté  aucun  préjudice  aux 
originaux.  C'est  au  contraire  de  ces  origi- 
naux conservés  parmi  les  orthodoxes,  et  ré- 
pandus par  toute  la  terre ,  dont  on  s'est  servi 
pour  convaincre  de  faux  les  exemplaires  des 
hérétiques.  Aussiles  manichéens,  employant 


ce  qui  est  dit  du  Paraclet  que  Jésus-Christ  de- 
vait envoyer,  comme  si  cet  endroit  regardait 
Manichée,  Saint  Augustin  leur  adresse  cette 
demande  :  «  Que  répondriez-vous  à  celui 
qui  accuserait  les  premiers  auteurs  de  votre 
secte,  d'avoir  falsifié  cet  endroit  de  l'Évan- 
gile, et  d'y  avoir  ajouté  cette  promesse  du 
Paraclet?  Que  pourriez-vous  faire  ^  sinon  de 
vous  écrier  qu'il  vous  aurait  été  impossible 
de  falsifier  des  livres  qui  étaient  entre  les 
mains  de  tous  les  chrétiens  ?  parce  cpi'aussi- 
tôt  que  vous  auriez  tenté  de  le  faire,  on  vous 
aurait  convaincus  de  fausseté  pao-  le  témoi- 
gnage des  exemplaires  plus  anciens.  Or, 
cette  même  raison  qui  fait  croire  que  vous 
n'auriez  pas  corrompu  ces  livres,  prouve 
aussi  que  nul  n'a  pu  les  corrompre,  parce 
que  quiconque  l'aurait  osé  faire,  se  serait 
vu  aussitôt  refuté  par  l'autorité  d'un  grand 
nombre  d'exemplaires  plus  anciens  ;  ce  qui 
aurait  été  d'autant  plus  facile,  que  ces  mê- 
mes livres  se  trouvent  écrits  en  plusieurs  lan- 
gues différentes.  C'est  ce  qui  arrive  tous  les 
jours  lorsqu'on  en  corrige  quelque  faute,  en 
les  conférant  ou  avec  de  plus  anciens  exem- 
plaires, ou  avec  la  langue  originale  sur  la- 
quelle ils  ont  été  traduits.  » 

39.  Saint  Augustin,  après  avoir  rapporté 
que  ce  fut  par  la  lecture  des  livres  saints,  que 
l'orateur  Yictorin  fut  convaincu  de  la  vérité 
de  la  religion  chrétienne,  s'écrie  '  :  «  Grand 
Dieu  !  qui  avez  abaissé  les  cieux  et  en  êtes 


à 


Sur  11  I» 
tare  de  lE* 
crilure  saioMi 


1  Sed  absit  ut  prudens  quispiam,  vel  Judœos 
cwjusUbet  pcroersitalis  atque  malitiœ  taiitum 
potuisse  credat  in  codicibus  tam  multis  et  tam 
longe  laieque  dispersis,  vel  septuaginta  illos  me- 
morabiles  viros  hoc  de  invidenda  gentibus  veritate 
unum  communicasse  consilium.  Credibilius  ergo 
qiiis  dixerit,  cam  priminn  de  bibiiotlieca  Ptole- 
mœi  describiista  cœperunt,  tune  aliqiiid  taie  fieri 
poluissein  codice  «no,  scilicet  primitus  inde  des- 
cripto,  unde  jain  latins  emanaret  ubi  potiiit  qui- 
(lein  accidere  etiain  scriptofis  error...  .  sed  quo- 
modolibet  istud  aceipiatiir,  sive  credatur  itaesse 
factuin,  sive  non  credatur,  sive  postremo  ita,  sive 
lion  ita  sii,  recte  [ieri  niillo  modo  dubitaoerim, 
ut,  cum  dioersum  aliquid  in  utrisque  codicibus 
invenitur,  quandoquidem  ad  fidem  reram  gesta- 
ruin  ulrumque  esse  non  potest  verum,  ci  linguœ 
polius  cred'atur  unde  est  inaliam  per  interprètes 
facta  translatio.  August.,  Ub.  XV  De  Cicit.  Dei, 
cap.  xui,  pag.  392  et  seq. 

'^  Si  omnia  quce  de  promissione  Paracleti  in 
Eoangelio  hguntwr  talia  esse  demonslraretis  ut 
non  omnino  nisi  de  Manichœo  vestro  passent  iii- 
lelligi,  sicut  ostenduntur  in  Prophelis  ea  esse 
dicta  deChrislo  quœ  in  aliumcadcre  omnino  non 
possinl;  tanicn  cum  ea  de  Us  codicibus  proferre- 


tis  quos  dicilis  infalsatos,  hoc  ipsum  illic  falsum 
et  a  corruptoribws  majoribus  vestris  immissum 
esse  diceremus,  quod  illic  de  Manichœo  sic  scrip- 
tum  legeritis,  ut  de  alio  intelligere  nonpossemus: 
quid  faceretis,  dicite  mihi,  nisi  clamaretis,  nulle 
modo  vos  potuisse  falsare  codices  qui  jam  in  ma- 
nib'us  essent  omnium  christianormn?  Quia  mox 
ut  facere  cœpissetis,  vetustinrum  exemplarium 
veritate  convinceremini.  Qua  igitur  causa  a  vobis 
corrumpi  non  possent,  hac  causa  a  nemine  po- 
luerunl.  Quisquis  enim  hoc  primitus  ausus  esset 
multorum  codicum  velusliorum  collatione  confu- 
taretur ,  maxime  quia  non  una  lingua  sed  multis 
eadem  Scriplura  contineretur.  Kam  etiam  nunc 
nonnuUœ  codicum  mendositates  vel  de  antiquiori- 
bus,  vel  de  lingua prœcedente  emendantur.  Angast, 
lib.  XXXII  Contra  Faust.,  cap.  xvi,  pag.  459. 
3  0  Domine,  o  Domine,  qui  inclinasti  cœlos,  et 
descendisti,  tetigisti  montes  et  fumigaverunt  : 
quibus  modis  te  insinuasti  illi  pectori?  Legebat, 
siout  ait  Simplicianus,  sanclam  Scripturam,  om- 
nesque  christianas  litteras  investigabat  studio- 
sissime  et  perscrutabatur  ;  et  dicebat  Simpliciano, 
non  palam  sed  secretius  et  famiUarius:  noveris 
me  jam  esse  christianum.  August.,lib.  WUConf., 
cap.  2,  num.  4,  pag.  14G. 


[lye  ET  v°  siÈaES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

descendu ,  qui  avez  frappé  les  montagnes  et 
les  avez  embrasées  !  par  quelles  douceurs  et 
par  quels  attraits  étes-vous  entré  dans  cette 
âme,  etvousen  êtes-vous  rendu  le  maître?  » 
Victorin  lisait  avec  attention  tous  les  livres 
des  chrétiens  qu'il  pouvait  trouver,  et  ne 
négligeait  rien  pour  en  pénétrer  le  sens.  Puis 
il  disait  à  Simplicien  ,  non  pas  devant  tout 
le  monde,  mais  en  secret  comme  à  son  ami  : 
«  Sachez  que  maintenant  je  suis  chrétien,  n 
C'est  aussi  à  lalecture  de  l'Écriture  sainte  que 
saint  Augustin  attribue  '■  le  commencement 
de  sa  conversion.  Les  livres  des  philoso- 
phes en  le  rendant  plus  savant,  l'avaient 
aussi  rendu  plus  vain.  Au  contraire,  nos  livres 
saints  humilièrent  et  adoucirent  son  esprit, 
et  il  remarqua  la  diJerence  qu'il  y  a  entre  la 
vaine  confiance  en  ses  propres  forces,  et 
l'humble  reconnaissance  de  sa  faiblesse,  en- 
tre ceux  qui  savent  où  il  faut  aller,  mais  qui 
n'en  savent  pas  le  chemin,  et  ceux  qui  con- 
naissent le  chemin  de  notre  bienheureuse 
patrie,  lequel  nous  y  conduit,  non  pour  nous 
en  procurer  la  vue  seulement,  mais  la  pos- 
session et  la  jouissance.  «  Je  commençai 
alors,  dit-il,  ^  à  hre  ces  livres  divins  avec 
ime  ardeur  extraordinaire,  et  à  révérer  ces 
paroles  que  l'Esprit  saint  a  dictées  lui-même. 
Mais  rien  ne  me  touchait  davantage  que  les 
Épîtres  de  saint  Paul,  et  je  vis  s'évanouir  en 
un  moment  toutes  les  difficultés  qui  me  fai- 
saient croire  qu'en  quelques  endroits  il  se 
contredisait  lui-même,  et  que  ses  paroles  ne 
s'accordaient  pas  avec  celles  de  l'ancienne 
loi  et  des  prophètes.  Je  reconnus  que  des 
Ecritures  si  pures  et  si  simples  ne  sont  ani- 
mées que  d'un  même  esprit,  et  ne  contien- 


EVEQUE  D'HIPPONE. 


613 


nent  que  les  mêmes  sens,  et  j'appris  aies 
considérer  avec  une  joie  mêlée  de  crainte  et 
de  respect.  »  Aussi  depuis  sa  conversion  il 
en  fît  ses  délices,  en  exhortant  les  fidèles  à 
oublier  '  et  à  rejeter  toutes  les  folies  ridicu- 
les des  théâtres  et  des  poètes,  à  donner  leur 
temps  à  l'étude  et  à  la  méditation  de  l'Écri- 
tui'e  divine,  et  à  nourrir  de  cette  viande  et 
de  ce  breuvage  célestes  leur  esprit  lassé  par 
la  faim  et  tourmenté  par  la  soif  d'une  curio- 
sité vaine  et  inutile,  dans  laquelle  ils  avaient 
tâché  inutilement  de  se  contenter  et  de  se 
rassasier  par  des  fantômes  trompeurs  comme 
par  des  viandes  peintes.  Il  s'instruisit  dans 
cette  école  salutaire,  digne  véritablement  des 
âmes  libres,  nobles  et  généreuses.  «  Car, 
dit-il,-  tout  ce  qui  est  dans  l'Écriture  sainte  '' 
est  grand  et  divin  ;  la  vérité  y  est  tout  entière 
et  l'on  y  trouve  une  doctrine  extrêmement 
propre  à  nourrir  l'âme  et  à  réparer  ses  for- 
ces ,  mais  qui  est  tellement  accommodée  à 
la  capacité  de  chacun,  qu'il  n'y  a  personne 
qui  n'en  puisse  retirer  une  suffisante  instruc- 
tion, s'il  y  a  recours  avec  la  foi  et  la  piété 
que  la  vraie  religion  demande.  Dieu  l'a  abais- 
sée °  jusqu'à  la  capacité  des  enfants  qui  sont 
encore  à  la  m  a  méfie,  selon  ce  qui  est  dit  dans 
un  psaume  :  qu'il  a  abaissé  les  deux  et  qu'il  en 
est  descendu,  n 

«  Les  manières  "  de  parler  de  l'Écriture 
sainte  sont  si  admirables,  qu'en  même  temps 
qu'eUe  est  accessible  à  tout  le  monde,  il 
n'y  a  presque  personne  qui  la  puisse  péné- 
trer. Dans  les  choses  claires,  elle  est  comme 
un  ami  fidèle  qui  parle  sans  fard  et  sans  ar- 
tifice au  cœur  des  savants  et  des  ignorants  ; 
et,  quand  eUe  cache  quelque  vérité  sous  des 


1  August.,lib.  VIIConf.,oap.xx,  num.  26,  pag.  143. 

2  Itaque  avidissiine  arripui  venerabilem  sty  - 
lum  Spiritus  lui  et  prœ  cœteris  aposlnlum  Pau- 
lum  :  et  perienint  illœ  questiones  in  quibus  mihi 
aliquando  visus  est  adversari  sibi,  et  non  con- 
gruere  testimoniis  legis  et  prophetarum  textus 
sermonis  ejus.  Et  apparuit  mihi  una  faciès  elo- 
quiorum  castorum,  et  exultare  cum  tremore  di- 
diei.  August.,  lib.  VII  Conf.,  cap.  xxi,  num  27, 
pag.  143  et  144. 

3  Omissis  igitur  et  repudiatis  nugis  theatricis 
et  poeticis,  divinarum  Scripttirarum  considéra- 
tione  et  tractatione  pascamus  animum  atque  po- 
temiis  vanœ  curiositatis  famé  ac  siti  fessum  et 
œstuantem,  et  inanibus  phantasmatis,  tanquam 
pictis  epulis,  frustra  refici  satiarique  cupienlem: 
hoc  vere  liberali,  et  ingenuo  ludo  salubriter  eru- 
diamur.  August.,  lib.  De  Yera  religione,  cap.  li, 
num  100,  tom.  I,  pag.  783. 

*  Quidqwid  est,  mihi  crede,  in  Scripturis  illis. 


altum  et'divimun  est:  inest  omnino  veritas,  et 
re/iciendis  instaurandisque  animis  accomodissima 
discipliiia,  et  plane  ila  modificata,  ut  nemo  inde 
haurire  non  possit  quod  sibi  satis  est,  si  modo 
ad  haurienduni  dévote  ac  pie,  ut  vera  religio 
poscit,  accédât.  August.,  lib.  De  Utilit.  credendi, 
cap.  VI,  num  13,  pag.  54. 

^  Inclinavit  ergo  Scrvpturas  Deus  usque  ad  in- 
fantium  et  lactenlium  capacitatem,  sicut  m  alio 
psalmo  canitur  :  Et  iuclinavit  cœlum  et  descendit. 
August.,  in  Psal.  viii,  num.  8,  pag.  42. 

^  Modus  autem  ipse  dicendi,  quo  sancta  Scrip- 
tura  contexitur ,  qiiam  omnibus  accessibilis , 
qiiamvis  paucis  penelrabilis .  Ea  quce  aperta  con- 
tinet,  quasi  amicus  familiaris,  sine  fuco  ad  cor 
loquitur  indoctorum  atque  doctorum.  Ea  vero 
quce  in  mysteriis  occultât,  nec  ipsa  eloquio  su- 
perbo  erigit ,  quo  non  audeat  accedere  înens  tar- 
diuscula  et  inerudita,  quasi  pauper  ad  divitem. 
August.,  Epist.  137,  num.  18,  pag.  409. 


614 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


expressions  mystérieuses ,  elle  ne  le  fait  pas 
avec  un  langage  superbe  et  enflé,  capable 
de  rebuter  les  esprits  tardifs,  et  de  leur  ôter 
la  hardiesse  d'en  approcher,  comme  les  pau- 
vres craignent  d'approcher  des  riches;  mais 
elle  se  moque  des  superbes  '  par  son  éléva- 
tion, elle  cifraie  par  sa  profondeur  ceux  qui 
répudient,  elle  repaît  les  forts  par  sa  vérité, 
et  nourrit  les  faibles  par  sa  familiarité  et 
par  sa  douceur  ;  de  sorte  qu'elle  est  propor- 
tionnée à  la  capacité  de  tous  les  hommes  ^. 
On  n'y  trouve  rien  que  de  solide  et  devrai  '. 
Ce  n'est  point  par  des  discours  fardés  et  des 
façons  de  pai-ler  étudiées  qu'elle  s'insinue 
dans  l'esprit,  et  ses  paroles  ne  sont  point  de 
celles  qui  ne  font  que  du  bruit  et  sont  vides 
de  sens  ;  elles  touchent  beaucoup  ceux  qui 
cherchent  des  choses,  et  non  pas  des  mots  ; 
elle  les  frappe  et  les  étonne;  mais  c'est  pour 
les  mettre  ensuite  dans  une  parfaite  sécurité. 
On  peut  s'appliquer  particulièrement  à  la 
lecture  des  écrits  des  apôtres  ;  ils  inspireront 
le  désir  de  voir  aussi  ceux  des  prophètes, 
que  les  apôtres  citent  souvent.  » 

Saint  Augustin  témoigne  *  qu'on  lisait 
l'Ecriture  sainte  dans  toute  la  terre,  et  que 
l'ontrouvait  partout  des  exemplaires  à  ache- 
ter; il  ne  croit  pas  néanmoins  que  la  lecture 
en  soit  absolument  nécessaire  pour  le  salut. 
((  Car,  dit-il,  l'homme  '"  qui  s'appuie  sur  la 
foi,  l'espérance  et  la  charité,  et  qui  est  bien 
affermi  dans  ces  trois  vertus,  n'a  pas  besoin 
des  Écritures,  si  ce  n'est  pour  instruire  les 
autres.  Aussi  plusieurs  qui  manquent  de  ce 


secours  vivent  avec  ces  trois  vertus  dans  la 
solitude.» 

40.  «La  foi  chrétienne  ne  doute  point 'que 
le  Paradis  terrestre  ne  subsiste  encore,  mais 
dans  un  lieu  caché  et  '  éloigné  de  la  con- 
naissance des  hommes.  De  là  vient  que  l'on  a 
mis  entre  les  hérésies  ^  l'opinion  de  ceux  qui 
soutenaient  que  ce  qui  est  dit  du  Paradis 
terrestre,  n'est  qu'une  allégorie.  En  elïet,  ce 
sentiment  (saint  Augustin  le  réfute  '  sans  en 
nommer  les  auteurs)  a  des  conséquences 
très-fâcheuses  :  car  il  tend  à  détruire  la  vé- 
l'ité  de  l'Histoire  sainte,  et  à  renverser  les 
fondements  les  plus  inébranlables  de  la  foi 
et  de  la  religion .  Philon  '"  est  le  premier  qui 
ait  donné  dans  cette  erreur,  et  qui,  en  expli- 
quant l'Écriture  avec  la  perfidie  d'un  juif, 
et  la  présomption  d'un  philosophe,  ait  donné 
un  sens  allégoi-ique  à  ce  que  Moïse  raconte 
de  ce  jardin  de  délices.  Il  y  a  aussi  beaucoup 
de  raisons  de  croire  "  que  nos  deux  premiers 
pai-ents,  Adam  et  Eve,  ayant  mené  après  leur 
péché  une  vie  sainte  parmi  les  travaux  et  les 
misères  dont  ils  ont  été  accablés,  sont  déli- 
vrés des  supplices  éternels  par  la  vertu  du 
sang  de  Jésus-Christ.  C'est  le  consentement" 
presque  unanime  de  l'Église,  que,  lorsque  le 
Sauveur  descendit  aux  enfers,  il  en  tira  le 
premier  homme.  Plusieurs  ne  doutent  point 
que  Jésus-Christ  n'ait  accordé  la  même  grâce 
aux  autres  saints  patriarches  et  prophètes 
de  l'Ancien  Testament,  comme  Abel,  Selh, 
Noé,  Abraham,  Isaac,  Jacob  et  beaucoup 
d'auti-es.  Ou  ne  connaît  point  d'hérétique 


Sur  dlTOn 
points  dWs. 
toire  do  l'An- 
cien XmH- 
menl, 


*  Scriptura...  sic  alloquitur,  ut  altitiidine  su- 
perbos  irrideat ,  profunclitate  allenlos  terreat , 
verilate  magiios  pascat,  alfabilitute  parvulos  nu- 
triat.  August.  lib  V  De  Genesi  ad  liUeram,  cap.  ni, 
imm.  C   pag.  184. 

2  Sed  si  non  utalur  Scriptura  lalibus  verbis, 
non  se  quodam  modo  familiarius  insinuabit  omni 
generi  hominuin,  quibus  viiU  esse  consuUrim,  ut 
et  perlerreat  siiperbientes,  et  excitet  négligentes, 
et  exerceat  quœrentes.  et  alat  intelligentes;  quod 
non  faccret,  si  non  prius  se  inclinaret,  et  quo- 
dam  modo  descenderet  adjacentes.  August.,  lib.  XV 
De  Civit.  Dei,  cap.  xxv,  pag.  410. 

3  Ilortor,  ut  valeo,  ut  litterarumvere  cerieque 
sanctarum  stndio  te  curam  non  pigeât  impendere. 
Sincera  enim  et  solida  res  esl,nec  fucatis  eloquiis 
ambit  ad  animum,nec  nlln  lingnœ  tectorio  inane 
aliquid  crépitât.  Multutn  movcl,  non  verborum, 
sed  rerum  avidum;  et  inullum  terret  factura  se- 
cwrum.  Prœcipue  apostolorum  linguas  exhortor 
ut  legas;  ex  his  enim  ad  cognosccndos  propltetas 
excitaberis,  guortim  teslinioniis  utu)itur  aposloli. 
August.;  Epist.  132,  ad  Valus.,  pag.  393. 

''  Arguât  quisque,  murmuret,  si  non  per  totum 


orbem  hcec  Scriptura  recitatur  atque  cantaiur; 
si  cessât  etiamvenalis  ferri per publicum.  August., 
Serw.  1  in  Psal.  xxxvj,  uum.  2,  pag.  239. 

^  Homo  itaque,  spe  et  charitate  snbnixus,  eaque 
inconcusse  retinens,  non  indiget  Scriptiiris  nisi 
ad  alios  instruendos.  Itaque  multi  per  hœc  tria 
etiam  in  solitudine  sine  codicibus  vivunt.  August., 
lib.  Il  De  Doctrina  christ.,  cap.  xxxix  ,  num,  43, 
pag. 18. 

^  August.,  lib.  De  Peccalo.  originali,  cap.  sxin, 
uum.  27,  pag.  264. 

'  Lib.  VIII  De  Genesi  ad  litteram,  cap.  vn,  num. 
14,  pag.  231. 

^  August.,  lib.  De  Hœresibus,  bceresi  43,  pag. 
12. 

"  August.,  lib.  Vin  De  Genesi  ad  litteram,  num. 
4,  tom.  m,  pag.  220,  et  lib.  XIII  De  Civit.  Dei, 
cap.  xxr,  pag.  341. 

">  Philo,  lib.  De  Plantalione  Noe,  pag.  21,  28  et 
seq. 

"  Lib.  Il  De  Peccat.  merit.etrem.,  cap.  xxxiv, 
num.  55,  tom.  X,  pag.  09. 

»-  August.,  Epist.  264,  cap.  ni,  num.  6,  png.  575. 


[rv«  ET  v"  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

avant  Tatien  '  qui  .lit  combattu  la  foi  de  l'É- 
glise sur  le  salut  d'Adam.  C'est  encore  une 
vérité  reconnue  des  fidèles  ^  que  le  prophèLe 
Élie  paraîtra  dans  le  monde  avant  le  juge- 
ment, qu'il  convertira  les  Juifs  à  la  foi  de 
Jésus-Christ,  qu'il  leur  expliquera  la  loi,  et 
qu'il  précédera  l'avènement  du  Juste  Juge. 
On  ne  peut  donc  douter  qu'il  ne  vive  encore, 
de  même  qu'Enoch,  et  que  pendant  la  suite 
de  tant  de  siècles,  ils  n'aient  point  été  acca- 
blés par  la  vieillesse.  »  Saint  Augustin  ne 
croit  pas  néanmoins  qu'ils  ^  soient  doués  de 
ces  qualités  spirituelles,  qui  ne  nous  sont 
promises  qu'après  la  résurrection,  et  qui  ont 
paru  premièrement  en  Jésus-Christ  ;  mais  il 
ne  croit  pas  non  plus  qu'ils  aient  besoin  de 
ces  sortes  d'aliments  dont  nous  ne  pou- 
vons nous  passer  sur  la  terre.  C'est  son 
sentiment  que,  dès  qu'ils  ont  été  enlevés 
de  ce  monde,  ils  sont  sustentés  comme 
le  fut  Elie  après  qu'il  eût  goûté  de  cette 
eau  et  de  ce  pain  mystérieux  qui  le  sou- 
tinrent pendant  quarante  jours;  ou  que,  s'il 
leur  faut  quelque  nourriture,  il  est  possi- 
ble qu'elle  soit  la  même  dont  Adam  se  re- 
paissait dans  le  Paradis  terrestre  avant  son 
péché,  c'est-à-dire  des  fruits  de  ce  lieu  déli- 
cieux. Mais,  parce  quils  sont  mortels  comme 
les  autres  hommes,  on  est  persuadé  qu'a- 
près avoir  vécu  pendant  1ant  de  siècles,  ils  * 
subiront,  après  être  i-etom^nés  en  cette  vie, 
la  loi  de  mort  dont  personne  n'est  exempt. 
Car  ils  ont  encore  ^  les  mêmes  corps  avec 
lesquels  ils  sont  nés.  Saint  Augustin  avoue 
qu'il  n'y  a  rien  de  décidé  sur  le  lieu  de 
leur  demeure,  si  c'est  dans  le  paradis  ter- 
restre ou  ailleurs;  mais  il  dit  qu'en  quelque 
lieu  qu'ils  soient,  ils  y  sont  préservés  ^  du 
péché  par  la  grâce  de  Dieu. 

«  Quoiqu'on  ne  puisse  douter  que  ce  que 
Moïse  raconte  de  l'arche  de  Noé  et  du  déluge 
ne  soit  arrivé  en  la  manière  que  l'historien 
sacré  le  rapporte,  il  ne  faut  pas  s'imaginer' 
qu'on  n'y  doive  chercher  précisément  que  la 
vérité  de  l'histoire,  sans  aucune  allégorie, 
ni  que  ce  qui  en  est  dit  ne  contienne  aucune 
prophétie  ni  figure  de  l'Église.  Aurait-il  été 


EVEQUE   D'HIPPONE. 


613 


besoin  défaire  entrer  dans  l'arche  deux  ani- 
maux immondes  de  chaque  espèce,  et  sept 
des  autres,  puisqu'on  pouvait  y  en  faire  en- 
trer des  uns  et  des  autres  en  nombre  égal  ? 
Et  Dieu  qui  commandait  de  les  garder  ainsi 
pour  en  réparer  l'espèce,  n'était-il  pas  assez 
puissant  pour  les  refaii-e  delà  même  façon 
qu'il  les  avait  faits  ?  »  Saint  Augustin  combat 
l'opinion  de  ceux  qui  ne  voulaient  pas  que 
les  choses  fussent  arrivées  à  la  lettre,  comme 
le  marque  Moïse,  et  qui  soutenaient  que  ce 
n'étaient  que  des  figures  et  des  allégories.  Il 
fait  voir  que  l'arche  était  assez  grande  pour 
contenir  tous  les  animaux  que  Noé  fut  chargé 
d'y  faire  entrer,  remarquant  que  Moïse,  très- 
versé  dans  toutes  les  sciences  des  Égyptiens 
qui  étaient. fort  appliqués  aux  mathémati- 
ques, a  pu  prendre  les  coudées  dont  il  parle 
en  marquant  les  dimeusions  de  l'arche  pour 
des  coudées  de  géomètre  qui  en  valent  six  des 
nôtres.  Il  résout  les  difficultés  de  ses  adversai- 
res sur  les  différentes  espèces  d'animaux  qui 
auraient  pu  entrer  dans  l'arche,  par  exemple 
des  poissons,  des  mouches,  et  autres  espèces, 
soit  qu'ils  naissent  par  l'accouplement  ou  de 
corruption.  Puis  revenant  à  son  but,  il  sou- 
tient qu'on  ne  peut  nier  sans  opiniâtreté  que 
ce  qui  est  dit  des  animaux  purs  et  impurs 
renfermés  dans  une  même  arche,  n'ait  été 
une  figure  de  l'Église,  dont  envoyait  de  son 
temps  l'accomplissement.  «  En  effet,  dit-il, 
les  nations,  tant  pures  qu'immondes,  ont  déjà 
tellement  rempli  l'Église ,  et  sont  si  bien 
iinies  par  les  liens  inviolables  de  son  unité, 
jusqu'à  ce  que  le  nombre  en  soit  accompli, 
que  cette  union  seule  suffit  pour  nous  con- 
vaincre de  l'événement  futur  de  tout  ce  qui 
a  été  prédit  de  cette  Église.»  Il  pense ^  qu'on 
peut  croire  que  les  loups  qui  se  trouvent  dans 
les  îles,  y  ont  passé  à  la  nage,  si  elles  sont 
moins  éloignées  du  continent,  et  que  pour 
celles  qui  le  sont  beaucoup  plus,  les  hommes 
ont  pu  les  y  transporter  sur  leurs  vaisseaux; 
à  quoi  l'on  peut  ajouter  que  Dieu  ayant  dit, 
lors  de  la  création  du  monde  ;  Que  la  terre 
produise  une  âme  vivante,  il  n'aura  pas  été 
nécessaire  de  mettre  dans  l'arche  des  ani- 


1  IrenEeus,  lib.  III  Contra  Hcereses,  pag.  S22,  et 
August.,  lib.  De  Hœresibiis,  hœr.  23,  pag.  10. 

2  August.,  lib.  XX  De  Civil.  Dei,  cap.  sxis,  pag. 
613. 

'  August.  lib.  I  De  Peccaî.  merit.  et  remis., 
cap.  ni,  pag.  3. 

*  August.,  lib.  IX  De  Genesi  ad  litter.,  cap.  vi, 
num.  11,  pag.  247. 


s  August.,  lib.  De  Peccato  originali,  cap.  xxiii, 
num.  27,  pag.  26 i. 

8  August.,  lib.  VI  Oper.  imperf.,  num.  30,  pag. 
1361. 

'  August.,  lib.  XV  De  Civil.  Dei,  cap.  xxvii, 
pag.  411  et  seq. 

3  Lib.  XVI  De  Civil.  Dei,  cap.  vu,  pag.  421 . 


616 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


maux  de  toute  sorte  pour  en  réparer  l'es- 
pèce; qu'ainsi  ceux  que  l'on  y  a  mis  de- 
vaient être  une  figure  de  l'Église  composée 
de  toutes  sortes  de  nations.  Il  croit  '  que  le 
géant  Nemrod  fut  le  premier  qui  conçut  le 
dessein  de  la  tour  de  Babel  ;  mais  il  ne  dé- 
cide point  si  cette  tour  était  unique,  ou  s'il  y 
en  avait  plusieurs,  l'Écriture  se  sei-vant  quel- 
quefois du  sing-ulier  pour  le  nombre  pluriel. 
«Avant  la  construction^  de  la  tour  de  Babel, 
dit- il,  il  n'y  avait  qu'une  langue  commune 
à  tous  les  hommes.  Elle  demeura  depuis 
dans  la  famille  d'Héber  \  tandis  que  les  au- 
tres nations  en  avaient  chacune  une  particu- 
lière. Cette  langue  fut  appelée  hébraïque, 
du  nom  ,de  celui  qui  l'avait  conservée  ;  elle 
se  transmit  par  tradition  avec  ses  caractè- 
res'; d'où  vient  que  les  personnes  établies 
de  Moïse  poiu"  enseigner  les  letires,  avant  la 
publication  de  la  loi,  sont  appelées  dans 
l'Écriture  introducteurs  aux  lettres;  ce  qui 
suppose  qu'il  y  en  avait  déjà.  » 

Saint  Augustin  trouve  beaucoup  de  con- 
formité entre  la  langue  punique  ^  et  l'hébraï- 
que. Selon  ce  Père  ^  quelques-uns  ont  douté 
si  Melchisédecli  était  un  homme  ou  un 
ange  ;  d'autres  ont  cru  que  Moïse  n'était  pas 
mort  ',  fondés  sur  ce  qu'il  est  écrit  que  son 
sépulcre  ne  se  trouve  point,  et  qu'il  fut  pré- 
sent à  la  Transfiguration  de  Jésus-Christ,  avec 
le  prophète  Élie,  qu'on  sait  n'être  pas  mort, 
mais  avoir  été  enlevé  tout  vivant  au-dessus 
des  nues;  «comme  si  le  corps  de  ce  législa- 
teur, dit-il,  n'avait  pu  être  mis  en  un  endroit 
caché  aux  hommes,  d'où  Jésus-Christ  l'aurait 
tiré  pour  un  temps,  comme  il  tira  pour  un 
moment  du  tombeau  les  corps  qui  apparu- 
rent à  beaucoup  de  personnes  dans  la  ville  de 
Jérusalem.  »  Il  croit  que  Job  '  n'était  ni  juif, 


ni  prosélyte,  mais  de  la  race  d'Ésaii,  étant 
né  et  mort  dans  l'Idumée.  Comme  l'histoire 
ne  marque  point  en  quel  temps  il  vivait,  saint 
Augustin  conjecture  par  le  livre  qui  porte 
son  nom,  et  qui  pour  son  excellence  est  mis 
entre  les  canoniques,  qu'il  est  né  environ 
trois  générations  après  Jacob.  Il  pense  '  que 
Jephté  immola  véritablement  sa  fille,  et  qu'il 
fit  en  cette  occasion  un^-  chose  défendue  par 
la  loi,  et  dout  il  n'avait  reçu  aucun  ordre  de 
Dieu;  qu'au  contraire,  ce  fut  par  un  mouve- 
ment de  l'esprit  de  Dieu  que  "  Samson  se 
tua  lui-même  en  faisant  périr  ses  ennemis, 
prévoyant  qu'il  lui  était  impossible  d'éviter 
la  mort  qu'ils  devaient  lui  faire  souflrir  ;  que 
le  démon,  qui  se  transfigure  quelquefois  en 
ange  de  lumière,  a  bien  pu  se  présenter  à 
Saiil"  sous  la  figure  de  Samuel;  que  toute- 
fois ce  prophète  apparut  après  sa  mort  à 
Saiil,  et  lui  prédit'^  la  fin  de  sa  vie.  Il  parle  " 
de  Salomon  comme  d'un  prince  réprouvé, 
ne  trouvant  rien  dans  l'Ecriture  qui  marque 
sa  pénitence  '*  ni  que  Dieu  lui  ait  fait  miséri- 
corde. 

41.  C'était  l'opinion  commune  de  son 
temps  que  '°  Jésus-Christ  avait  été  conçu  le 
23  de  mars  ;  qu'il  avait  souflerl  à  pareil  jour, 
et  qu'il  était  né  le  23  décembre  pendant  la 
nuit,  parce  que  ce  fut  dans  ce  temps  que 
l'Ange  annonça  sa  naissance  aux  pasteurs  : 
En  quoi,  dit  ce  saint  évêque",  fut  accompli 
ce  que  dit  David  :  Je  vous  ai  engendré  avant 
l'aurore. )i  Selon  le  saint  Docteur,  les  mages" 
qiù  vinrent  l'adorer  étaient  de  vrais  magiciens; 
l'étoile  qu'il  appelle  '*  Ja  magnifique  langue  du 
ciel,  leur  apparut  le  jour  '^même  de  sa  nais- 
saivce  ;  elle  ne  les  conduisit  point  jusqu'à 
Jérusalem^",  ayant  disparu  pour  leur  don- 
ner lieu  de  demander  aux  Juifs  en  quel  lieu 


Sur  divp 
points 
toirc  du  No 
Teau  Te; 
moul. 


1  Idem,  ibid.,  Ccap.  iv,  pag.  419. 

2  August.,lib.  IX  De  Genesi  ad  litteram,  cap.  xn, 
num.  20,  pag.  230. 

3  August.,  lib.  XVI  De  Civit.  Dei,  cap.  xi,  pag. 
426. 

•>  August.,  lib.  XVIII  De  Civit.  Dei,  cap.  xxxix, 
pag.  521. 

^  August.,  Tract.  15  in  Joan.,  num.  27,  pag. 
417;  Serm.  113,  num.  2,  tom.  V,  pag.  568,  et  lib.  H 
Contra  lUleras  Petiliani,  pum.  2;i9,  pag.  292. 

6  August.,  lib.  Quœstionum  in  Genesim.,  quœst. 
72,  lom.  111,  pag.  396. 

1  August.,  Tract.  124,  m/oa?l.,  num  2,  pag.  819. 

«  Lib.  XVl;i  -le  Civil.  Dei,  cap  xlvu,  pag.  530. 

3  Lib.I  03  Cioit.  Dei,  cap.  xxr,  pag.  21. 

1»  August.,  Quœst.  49,  in  Judices,  uum.  4,  pag. 
fin. 


"  Lib.  Il  Ad  Simplicianum ,  quœst.  4,  uum.  2, 
tom.  VI,  pag.  116. 

•2  August. ,  lib.  De  Cura  gerenda  pro  morttm, 
cap.  sv,  uum  18,  pag.  527. 

13  Lib.  XVII  De  Civit.  Dei,  cap.  xx,  num.  1,  pag. 
483. 

!'•  August. ,  lib.  XXII  Contra  Fauslum ,  cap. 
Lxxxvni,  pag.  415. 

16  August.,  lib.  IV  De  Trinilate,  cap,  v,  num.  9, 
pag.  816. 

is  August.,  in  Psal.  cix,  num.  16,  tom.  IV,  pag. 
1240. 

"  August.,  Serm.  200,  uum.  4, pag.  912.     . 

"  Serm.  201,  num.  l.pag.  913. 

"  Serm.  200,  num.  4,  pag.  912,  et  Serm.  202, 
num.  1,  pag.  915. 

■■»>  Serm.  200,  num.  3,  pag.  911. 


[IV^  ET  V  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSXm,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


617 


le  Messie  deTait  naîti'e.  Leur  arrivée  '■  h  Be- 
thléem eut  lieu  avantla  Purification,  et  douze 
jours-  après  la  naissance  du  Sauveur.  Le 
vieillard  Siméon  '  le  reconnut  pour  le  Fils 
de  Dieu.  Anne  la  pi'ophétesse  le  reconnut  * 
aussi  pour  Dieu  dans  le  temple.  Sachant  par 
l'Esprit  de  Dieu  que  Jésus-Christ  devait  bien- 
tôt naître  d'une  vierge  ,  elle  n'avait  point 
votdu  se  remarier,  parce  qu'il  n'était  plus 
temps  de  contribuer  au  mystère  de  l'Incar- 
nation par  cette  voie.  Zacharie^  père  de 
saint  Jean-Baptiste  était  grand  pontife  ;  il 
n'y  avait  que  le  grand  pontife  qui  avait  droit 
d'entrer  dans  le  lieu  saint  pour  y  offrir  des 
parfums.  Il  y  avait  des  hérétiques  ^  qui  en- 
seignaient que  l'âme  d'Élie  était  passée  dans 
le  corps  de  saint  Jean-Baptiste  ;  que  la  femme 
pécheresse'  est  la  même  que  la  sœur  de 
Lazare,  sentiment  donné  *  ailleurs  pour  dou- 
teux par  saint  Augustin. 

Le  saint  Docteur  parait^  croire  que  tout 
ce  qui  est  dit  dans  le  psaume  cviii,  s'est  ac- 
compli à  la  lettre  dans  Judas,  en  sorte  que 
le  bien  qu'il  avait  laissé  à  sa  femme  et  à  ses 
enfants  fut  pillé  après  sa  mort,  par  ses 
créanciers  ,  que  ses  enfants  furent  chassés 
de  chez  eux,  réduits  à  la  mendicité,  et  que, 
contraints  d'errer  de  côté  et  d'autre  sans 
trouver  d'assistance,  ils  finirent  malheureu- 
sement leur  vie ,  sans  laisser  de  postérité.  Il 
ne  croit  pas  '"  que  le  bon  larron  ait  blas- 
phémé contre  Jésus-Christ.  Si  l'Éci'iture  dit 
en  nombre  pluriel  que  les  larrons  crucifiés 
avec  lui,  lui  disaient  des  injures,  elle  a  mis 
ce  nombre  pour  le  singulier ,  comme  fait 
l'auteur  de  l'Épitre  aux  Hébreux,  lorsqu'en 
parlant  des  Prophètes  il  dit  :  Ils  ont  fenné 


la  gueu  le  des  lions  :  ils  ont  été  sciés  par  le  milieu  ; 
ce  qui  ne  peut  s'entendre  que  de  quelques-uns 
d'eux.  Il  remarque  qu'on  "  croyait  que  le 
sang  et  l'eau  qui  sortirent  du  côté  de  Jésus- 
Christ  avaient  pu  rejaillir  jusques  sur  le  bon 
larron,  et  lui  servir  de  baptême.  Saint  Hi- 
laire  croit  '-  qu'il  fut  crucifié  à  la  droite  du 
Sauveur.  Saint  Augustin  "  met  la  mort  de  Jé- 
sus-Christ au  huitième  des  calendes  d'avril, 
c'est-à-dire  le  23  mars,  sous  le  consulat  des 
deux  Géminus.  Selon  le  saint  Docteur '',  son 
âme  descendit  aux  enfers,  c'est-à-dire  comme 
il  l'explique,  dans  les  fieux  où  les  pécheurs 
sont  tourmentés,  pour  en  délivrer  ceux  que 
sa  justice  impénétrable  aux  hommes  jugeait 
en  devoir  être  délivrés  ;  le  Sauveur  est  '^ 
monté  au  ciel  à  midi  ;  l'on  allait  en  Judée  '' 
adorer  ses  vestiges  sacrés  imprimés  au  lieu 
d'où  il  était  monté  au  ciel.  Saint  Pierre  "  a 
occupé  le  siège  de  Rome  ;  il  y  fit  mourir  Si- 
mon le  magicien  '"  par  la  vertu  de  Dieu  tout- 
puissant.  Suivant  l'opinion  de  plusieurs  ",  la 
coutume  en  cette  ville  de  jeûner  le  samedi 
venait  de  ce  que  cet  apôtre  ayant  à  com- 
battre Simon  le  dimanche,  il  avait  jeûné  le 
jour  précèdent  avec  toute  l'Eglise  de  Home  ; 
d'autres  néanmoins  donnaient  à  ce  jeûne  une 
origine  différente.  C'était  un  bruit  commun  ^" 
que  ce  magicien  avait  eu  véritablement  le 
dessein  de  monter  dans  le  ciel  par  la  force 
de  son  art,  et  de  passer  de  la  nature  hu- 
maine à  celle  de  Dieu. 

On  voit  encore  par  saint  Augustin  que^' 
les  païens  accusaient  saint  Pierre  de  magie 
et  de  maléfice,  et  qu'ils  prétendaient  avoir 
appris  d'un  de  leurs  oracles  plusieurs  faits 
de   saint  Pierre  sur  cette  matière,  qui  ne 


1  Lib.  II  De   Cons.  evangelist.,  cap.  xi,  pag.  42. 

2  Serin.  203-,  num  3,  pag.  917. 

3  Serm.  277,  num.  17,  pag.  H22. 

*  August.,  lib.  De  Bono  viduitatis,  cap.  vn,  num. 
10,  pag.  374,  tom.  VI. 

s  August.,  Tract.  49  in  Jean-,  num.  27,  pag. 
629. 

6  August.,  Quœst.  18  in  Numéros,  pag.  53S, 
tom.  m. 

'  Lib.  II  De  Consensu  evangelist.,  cap.  lxxis, 
pag.  97. 

8  Tract.  49  in  loan.,   num.  3,  pag.  620. 

^  August.,  in  Psal.  cvni,  pag.  1219,  et  seq. 

">  Lib.  III  De  Consensu  evangelist.,  cap.  xvi, 
pag.  128. 

1'  August.,  lib.  1  De  Anima  et  ejus  origine,  cap. 
IX,  num.  11,  tom.  X,  pag.  343. 

12  Hilarius  in  Mattli.,  cap.  xxxin,  num.  o,  pag. 
749. 

»3  August.,  lib.  IV  De  Trinit.,  num.  9,  tom.  VIII, 


pag.  816,  et  lib.  XVIIl  De  Civit.  Dei,  cap.  liv,  pag. 
538. 

1*  Et  Christi  quidem  animam  venisse  usque  ad 
ea  locn,  in  quitus  peccatores  cruciantur,  ut  eos 
solveret  a  tormentis,  quos  esse  solvendos  occulta 
nabis  sua  justitia  judicabat,  non  immerito  credi- 
tur.  August.,  lib.  XII  De  Genesi  adlitleram,  num. 
63,  pag.  320  et  321.  Vid'.  Epist.  164,  cap.  v,  num.  14, 
pag.  378. 

1^  In  Psal.  LIV,  num.  18,  pag.  511. 

1^  Tract.  47  in  Joan. ,  num.  4,  pag.  609. 

'■'  Caltiedra  tibi  quid  fecit  Ecclesiœ  romance,  in 
qua  Pétrus  sedit  ?  August.,  lib  II  Contra  litteras 
Petiliani,  cap.  li,  tom.  IX,  pag.  254. 

18  Lib.  De  Hœres.,  haer.  l,pag.  6. 

"  Epist.  36,  num.  21 ,  pag.  76. 

2"  August.,  in  Psal.  ix,  num.  24,  pag.  55. 

21  Lib.  XVIIl  De  Civit.  Dei,  cap.  Lin,  num.  2,  pag. 
536. 


618 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


sont  pas  moins  impies  que  ridicules.  On  en 
lisait*  de  semblables  dans  les  écrits  apocry- 
phes à  l'usage  des  manichéens. 

D'après  saint  Augustin^  l'ombre  de  saint 
Pierre  avait  ressuscité  un  mort  :  miracle  qui 
n'est  point  spécifié  dans  les  actes  des  apô- 
tres. En  parlant  du  genre  de  son  martj're,  il 
dit'  qu'il  fut  attaché  à  la  croix  avec  des 
clous ,  et  que  *  son  corps  est  demeuré  à 
Rome.  Il  nous  apprend  que  saint  PauP  n'a- 
vait point  été  élevé  à  vivre  du  travail  de  ses 
mains,  et  qu'il  ne  s'y  était  appliqué  que  de- 
puis sa  conversion,  afin  de  n'être  pas  à 
charge  à  ceux  à  qui  il  prêchait  ;  qu'il  faisait 
profession  d'une  continence  ^  parfaite  ;  et 
qu'il  prit  '  le  nom  de  Paul  après  avoir 
dompté  par  les  armes  de  la  foi  l'orgueil  du 
proconsul  de  ce  nom,  en  signe  de  cette  vic- 
toire. Il  met  le  martyre  des  apôtres  saint 
Pierre  et  saint  Paul  sous  "  le  règne  de  Né- 
ron ;  en  sorte  néanmoins  que  saint  Pierre 
souffrit  le  premier.  Il  dit  en  un  endroit  que  ' 
saint  Thomas  toucha  véritablement  les  plaies 
du  Sauveur;  mais  ailleurs"  il  semble  en 
douter,  sur  ce  que  l'Évangile  n'assnre  pas 
ce  fait,  et  qu'il  s'est  pu  faire  que,  Jésus-Christ 
ayant  offert  à  cet  apôtre  de  les  toucher,  il 
n'en  eut  pas  la  hardiesse.  A  l'égard  de  saint 
Jean,  il  s'exprime  ainsi.  «  Il  y  en  a  "  qui 
croient  qu'il  n'est  pas  mort,  en  quoi  ils  se 
fondent  sur  ces  paroles  de  Jésus-Christ  :  Si 
je  veux  qu'il  demeure  jusqu'à  ce  que  je  vienne, 
et  sur  des  écritures  apocryphes  ;  »  mais  le 
saint  Docteur  rejette  cette  opinion  et  la  com- 
bat, étant  certain,  dit-il ,  que  '-  son  sépulcre 
était  à  Éphèse.  Il  s'appuie  encore  sur  le  té- 


moignage même  de  cet  évangéliste,  qui  nous 
fait  remarquer  que  le  Seigneur  n'avait  pas 
dit  de  lui,  qu'il  ne  mourrait  pas.  Le  pape  Cé- 
lestin,  contemporain  de  ce  Père,  exhorte" 
les  évêques  du  concile  d'Éphèse  à  suivre 
les  instructions  de  saint  Jean ,  dont  ils 
avaient,  dit-il,  le  bonheur  d'honorer  les  re- 
liques et  de  les  avoir  auprès  d'eux.  Ces  évê- 
ques relèvent  "*  aussi  la  ville  d'Éphèse  à 
cause  qu'elle  possédait  ce  divin  théologien  ; 
et  ceux  qui  y  étaient  venus  de  Syrie  se 
plaignirent"  de  ce  qu'on  les  avait  empêchés 
d'aller  baiser  les  tombeaux  des  martyrs,  et 
particulièrement  celui  de  saint  Jean. 

42.  «C'est  avec  grande  raison  que  "l'on  j,, 
croit  que  ce  que  toute  l'Église  tient,  et  que 
l'on  ne  voit  point  avoir  été  étabh  par  aucun 
concile,  mais  qui  a  toujours  été  observé,  ne 
peut  venir  que  de  la  tradition  apostolique. 
Quant  à  ce  que  "  nous  observons  par  tradi- 
tion, si  on  l'observe  par  toute  la  terre,  nous 
devons  croire  qu'il  a  été  ordonné  par  les 
apôtres  ou  par  les  conciles  généraux,  com- 
me la  célébration  annuelle  de  la  passion,  de 
la  résurrection ,  de  l'ascension  de  Jésus- 
Christ,  et  de  la  descente  du  Saint-Esprit. 
Quoique  nous  n'ayons  par  écrit  aucun  pré- 
cepte des  apôtres  touchant  la  vahdité  du 
baptême  donné  par  les  hérétiques,  on  doit 
croire  néanmoins  que  ''  la  coutume  qu'on 
opposait  à  saint  Cyprien,  avait  tiré  son  ori- 
gine de  la  tradition,  et  qu'il  en  est  de  même 
de  plusieurs  autres  choses  observées  dans 
l'Éghse,  que  l'on  a  raison  de  croire  avoir  été 
ordonnées  par  les  apôtres  :  ainsi,  il  ne  faut 
ni  mépriser  "  ni  estimer  superflue  la  cou- 


Snr 

liOD. 


Lib.  contra  Àdimantum,  num.  5,  pag.  139. 

2  August.,  in  Psal.  cxss,  num.  6,  pag.  J464. 

3  Serin.  253,  cap.  iv,  num.  5,  pag.  1046. 
'  Se7-m.  296,  num.  6,  pag.  1199  et  1202. 

'^  Tract.  122  in  Joan.,  num.  4,  pag.  811. 

8  Lib.  De  Opère  monachorum,  cap.  xxxii,  pag. 
501. 

'  Lib.  Vltl  Conf.,  cap.  iv,  pag.  148. 

8  Serm.  296,  num  7,  pag.  1201. 

s  Tract,  i  in  Epist.  Joan.,  num.  3,  tom.  ni, 
pag.  828. 

1°  Tract.  121  in  Joan.  num.  4,  pag.  809. 

"  Tract.  124  in  Joan.  pag.  820. 

>-  August.,  ibid.  pag.  819. 

13  Tom.  Ht  Concil.  pag.  615. 

»'-  Ibid.,  pag.  574.  — '■^  Ibid.,  pag.  603  et  606. 

"î  Quod  universa  tenet  Ecclesia,  nec  conciliis  ins- 
titutum,  sed  semper  retentum  est,  nonnisi  auc- 
toritate  aposloUca  traditum  reclissimc  creditur. 
August.,  lib.  IV  De  Bapt.,  cap.  xxiv,  num  31,  pag. 
140,  tom.  L\, 


i'  Illa  autem  quœ  non  scripta,  sed  tradita  cus- 
todimus,  quœ  quidem  toto  tfrrarnm  orbe  servan- 
tiir,  datur  intelligi  vel  ab  apostolis  vel  plenariis 
conciliis  commendata  atque  statula  retineri,  si- 
cuti  quod  Domini  passio  et  resurrectio  et  ascen- 
sio  in  cœlum,  et  adoentus  de  cœlo  Spirilus  Sancti, 
anniversaria  solemnilate  celebrantur,  et,  si  quid 
alnid  laie  occnrrit  quod  servatur,  ab  unioersa 
quacumque  se  diffundit  Ecclesia.  August.,  Epist. 
54,  num.  1,  pag.  124. 

'8  ApostoU  autem  nihil  quidem  exinde  prœcepe- 
runt;  sed  consueludo  illa  quœ  opponebatur  Cy- 
priano,  ab  corum  traditione  exordium  sumpsisse 
credenda  est,  sicut  sunt  multa  quœ  universa  te- 
net Ecclesia,  et  ob  hoc  ab  apostolis  prœcepta  bene 
creduntur,  quanquam  scripta  non  reperiantwr. 
August.,  lib.  V  De  Baptismo,  cap.  xxni,  num.  31 
pag.  156  :  vide  lib.  II  De  Bapt.,rmm.  12,  pag.  102. 

1^  Consnetudo  tamen  matris  Ecclesiœ  in  bapti- 
sandis  parvulis  nequaquam  spernenda  est,  neque 
«i/o  modo  super/lua  deputanda,  nec  omnino  cre- 


[iV  ET  V*  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

tume  qu'a  l'Église  de  baptiser  les  enfants  ; 
mais  aussi  ne  serait-elle  point  recevable  si 
cet  usage  n'était  fondé  sur  la  tradition  des 
apôtres.  C'est  sur  cette  tradition  que  '  l'É- 
glise n'admet  aucun  homme  à  l'autel  qui 
n'ait  reçu  le  baptême,  et  que  ^  lorsque  quel- 
qu'un est  mort  dans  la  communion  du  corps 
et  du  sang  de  Jésus-Cbrist,  on  prie  pour  lui 
dans  l'endroit  du  sacrifice  où  l'on  recom- 
mande les  morts.  L'usage  où  est  l'Église  de 
chanter  Alléluia  pendant  le  temps  pascal 
vient'  encore  d'une  ancienne  tradition.» 

43.  L'on  peut  considérer  les  Pères  de 
l'Église  comme  des  hommes  d'une  vie  sainte 
à  la  véiité  ,  mais  néanmoins  sujets  à  se  trom- 
per dans  les  choses  qu'ils  enseignent  selon 
leur  propre  espi-it  et  leurs  connaissances 
particulières.  C'est  dans  ce  sens  que  saint 
Augustin  dit  '  que  «  nous  ne  devons  pas  con- 
sidérer les  traités  des  écrivains  ecclésiasti- 
ques, quoique  très-catholiques  et  dignes 
d'estime,  comme  les  livres  canoniques  ;  en 
sorte  qu'il  ne  nous  soit  pas  permis,  sauf 
le  respect  qui  lem'  est  dû,  d'improuver  ou 
de  rejeter  quelque  chose  dans  leurs  écrits, 
si  nous  les  trouvons  contraires  à  la  vérité 
que  nous  avons  découverte  ou  qui  l'a  été  par 
d'autres.  C'est,  ajoute-t-il,  la  disposition  dans 
laquelle  je  suis  à  l'égard  des  écrits  des  autres. 


EYEQUE  D'HIPPONE, 


619 


et  où  je  veux  que  les  autres  soient  à  l'égard 
des  miens.  »  Il  disait  ^  dans  le  même  sens  à 
Vincent  le  rogatiste  :  «  Cessez,  mon  frère, 
de  prétendre  éluder  tant  d'autorités  de  l'É- 
crilure,  si  claires  et  si  incontestables,  par  ce 
que  vous  pourriez  ramasser  dans  les  écrits, 
soit  des  évêques,  qui,  comme  Hilaire,  ont 
vécu  dans  notre  communion,  depuis  que 
vous  en  avez  fait  mie  à  part,  ou  de  ceux  qui 
vivaient  au  temps  où  l'unité  n'était  pas  en- 
core divisée  parle  schisme  de  Douât,  comme 
Cyprien  et  Agrippin.  Car  il  y  a  une  grande 
différence  entre  l'autorité  des  livres  canoni- 
ques et  celle  de  ces  auteurs  ;  et  il  ne  faut  pas 
croire  que  ce  qu'on  en  lit  ou  qu'on  en  cite, 
nous  doive  tenir  lieu  de  loi,  et  qu'il  ne  soit 
pas  permis  d'être  d'un  sentiment  contraire 
sur  des  choses  où  ils  pourraient  en  avoir  eu 
de  contraires  à  la  vérité.  »  Mais  saint  Au- 
gustin parle  tout  autrement  de  l'autorité  des 
Pères,  lorsqu'il  les  regarde  comme  témoins 
de  la  tradition  apostolique.  C'est  ce  que  l'on 
voit  dans  son  second  livre  contre  Julien,  où 
il  s'exprime  ainsi  ^  :  «  Je  me  suis  proposé  de 
faire  tomber  tous  vos  arguments  par  le 
poids  de  l'autorité  des  saints  évêques  qui 
ont  vécu  avant  nous,  et  qui  ont  vigoureuse- 
ment défendu  la  foi  catholique  de  vive  voix, 
et  par  les  écrits  qu'ils  ont  laissés  à  la  posté- 


denda,  nisi  aposlolica  esset  traditio.  August., 
lib.  X  De  Genesi  ad  litter.,  cap.  sxni,  num.  39, 
pag.  272.    - 

'  Ipsa  denique  Ecclesia,  sic  traditum  tenet,  ut 
hominem  sine  baptismo  ad  altare  prorsus  non 
possit  admittere.  August.,  lib.  II  De  Bapt.,  cap.  siv, 
num.  19,  pag.  107. 

2  Hoc  enim  a  Patribus  traditum  universa  ob- 
servât Ecclesia,  ut  pro  eis  quiin  corporis  et  san- 
guinis  Cliristi  communione  defuncti  sunt,  cum 
ad  ipsum  sacriftcium  loco  suo  commemorantur, 
oretur,  ac  pro  illis  quoque  id  offeri  commemo- 
reiur.  August.,  Serm.  172  de  verbis  Apost.,  cap.  n, 
pag.  8|7. 

'  No\  enim  sine  causa  consuetudinem  antiquœ 
traditioMs  tenet  Ecclesia,  ut  per  istos  quinqua- 
ginta  dies:  Alléluia  dicatur.  August.,  Serm.  232, 
cap.  rs,  mim.  9,  pag.  1042. 

'  Neque  enliin  quonmlibet  disputationes  quam- 
vis  catholicorèvi  etlaudatorum  hominum,  vehit 
Scripturas  canonicas  habere  debemus,  ut  nobis 
non  liceat  salva  honorificentia,  qiiœ  illis  debetur 
hominibus,  aliquid  in  eorum  scriptis  improbare 
alque  respuere,  si  forte  invenerimus  quod  aliter 
senserint  quam  veritas  habet,  divino  adjutorio 
velab  aliis  intellecta,  vel  a  nobis.  Talis  ego  sum 
in  scriptis  aliorum,  taies  volo  esse  intellectores 
meorum.  August.,  Epist.  148,  cap.  iv,  num.  15, 
pag.  502. 

^  Noli  ergo,  frater,  contra  divina,  tam  multa. 


tam  Clara,  tam  indubitata  testimonia,  colligere 
velle  calumnias  ex  episcoporum  scriptis ,  sive 
nostrorum,  sicut  Hilarii  ;  sive,  antequam  pars 
Donatisepararetur,  ipsius  unitatis,  sicut  Cypriani 
et  Agrippini  :  primo,  quia  hoc  genus  litterarum 
ab  auctoritate  canonis  distinguendum  est.  Non 
enim  sic  leguntur,  tanquamitaexeis  teslimoniuni 
proferatur,  ut  contra  sentire  non  liceat,  sicubi 
forte  aliter  sapuerimt  quam  veritas  postulat. 
August.,  Epist.  93,  cap.  x,  num.   35,  pag.  245. 

«  Sed  jam  quid  egerimus,  per  totum  istum  li- 
brum,  in  summam  sicui  possumus  breviter  colli- 
gamus.  Proposuimus  hic  mole  sanctorum,  qui 
episcopi  ante  nos,  non  solum  sermone,  cum  hic 
viverent,  verum  etiam  scriptis  quœ  posteritati 
relinquerent,  fidem  catholicam  strenue  defende- 

runt,  vestra  argumenta  confringere hoc  au- 

tem  probavimus  catholicorum  auctoritate  sanc- 
torum,  qui  et  hoc  asserunt,  quod  de  originali 
peccato  dicimus,  et  illa  quinque  esse  vera  omnia 
confitentur,  ac  per  hoc  non  est  consequens  ut  hoc 
falsum  sit,  quia  vera  sunt  illa.  Taies  quippe  ac 
tanti  viri  secundum  catholicam  fidem  quœ  anti- 
quitus toto  orbe  diffunditur,  et  hoc  et  illa  vera 
esse  confirmant  ;  ut  vestra  fragilis  et  quasi  argu- 
tata  novitas  sola  auctoritate  conteratur  illorum 
prœlerquam  quod  ea  dicunt,  ut  si  per  eos  loqui 
veritas  ipsti  testetur.  August.,  lib.  II  Contra  Jun 
lian.,  cap.  ix,  num.  31,  pag.  545-SiO. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


620 

rite.  Nous  avons  prouvé  par  leurs  témoigna- 
ges, qu'ils  enseignent  la  même  chose  que 
nous  touchant  le  péché  originel,  et  qu'ils  re- 
connaissent aussi  avec  nous  que  ces  cinq 
choses  dont  vous  convenez  sont  véritables. 
On  ne  peut  donc  pas  conclure  de  ce  que  ces 
choses  sont  vraies,  que  ce  que  nous  lisons  du 
péché  originel  soit  faux  :  car  tous  ces  grands 
hommes,  suivant  la  foi  catholique  répandue 
dans  les  premiers  temps  dans  tout  l'univers, 
établissent  le  dogme  du  péché  originel,  aussi 
bien  que  les  autres  vérités  dont  vous  conve- 
nez avec  nous;  de  sorte  que  leur  autorité 
toute  seule  est  capable  de  renverser  toutes 
vos  nouveautés  et  de  briser  vos  faibles  argu- 
ments. A  quoi  il  faut  ajouter,  qu'en  disant 
ces  choses,  il  ont  eu  dessein  de  faire  parler 
la  vérité  par  leur  bouche.  En  quelque  en- 
droit que  vous  soyez  *  ;  en  quelque  endroit 
que  vorjg  puissiez  hre  ce  que  j'écris,  je  vous 
appelle  au  tribunal  de  votre  conscience,  de- 
vant ces  juges.  Vous  ne  pouvez  dire  que  je 
les  ai  choisis  pour  les  arbitres  de  noti'e  dis- 
pute, parce  qu'ils  sont  mes  amis  et  vos  en- 
nemis ;  qu'ils  sont  portés  h  me  favoriser,  à 
cause  de  quelque  service  que  je  leur  aie  ren- 
du ,  ou  qu'ils  sont  indisposés  contre  vous  à 
cause  de  quelque  peine  que  vous  leur  ayez 
faite.  Je  n'ai  pas  choisi  des  juges  imaginai- 
res qui  n'ont  jamais  été  et  qui  n'existent  pas, 
ou  qui  ne  se  soient  pas  expliqués  clairement 
sur  ce  qui  fait  le  sujet  de  notre  dispute. 
Mais  j'ai  nommé  par  leurs  noms,  comme  il  le 
fallait,  de  saints  évoques,  célèbres  dans  l'E- 
glise, et  tous  fort  habiles  dans  la  science  des 


livres  sacrés.  J'ai  rapporté  avec  ordre,  autant 
que  cela  a  été  nécessaire,  leurs  passages  qui 
sont  clairs,  afin  de  vous  faire  craindre,  non 
pas  tant  leur  jugement,  que  celui  de  Dieu 
qui  les  a  formés  pour  lui  servir  d'instruments, 
et  qui  en  a  fait  des  temples  consacrés  à  son 
honneur.  Mais  ce  qui  donne  le  plus  de  poids 
à  leur  jugement  sur  ce  qui  fait  le  sujet  de 
notre  controverse,  c'est  qu'il  a  été  porté 
dans  un  temps  où  personne  ne  saurait  dire 
qu'ils  aient  pu  vouloir  mal  à  propos,  ou  fa- 
voriser quelqu'un  de  nous,  ou  lui  être  con- 
traires. Car  vous  ne  nous  aviez  pas  encore 
donné  lieu  de  vous  attaquer  sur  ce  point  de 
doctrine  ;  vous  n'étiez  pas  encore  au  monde. 
Vous  avez  dit  vous-même,  que  pour  juge?'  se- 
lon l'équité,  un  juge  ne  doit  avoir  ni  haine,  ni 
amitié,  ni  inimitié,  ni  colère.  On  trouve  peu 
de  personnes  qui  soient  dans  cette  situation  ; 
mais  on  ne  peut  douter  que  saint  Ambroise, 
et  ses  autres  collègues  que  je  lui  ait  joints, 
n'y  aient  été.  Quand  même  ils  n'auraient  pas 
été  dans  une  telle  situation  par  rapport  aux 
questions  qui  ont  été  agitées  de  leur  temps, 
et  sur  lesquelles  ils  ont  prononcé  après  avoir 
entendu  les  parties,  on  ne  peut  nier  qu'ils 
n'aient  été  tels  par  rapport  à  notre  dispute, 
lorsqu'ils  ont  dit  leurs  sentiments  sur  ce  qui 
en  fait  le  sujet.  Ils  n'étaient  liés  d'amitié  ni 
avec  vous  ni  avec  nous;  ils  n'étaient  ni  vos 
ennemis  ni  les  nôtres;  ils  n'étaient  en  colère 
ni  contre  vous,  ni  contre  nous,  et  la  compas- 
sion ne  pouvait  les  porter  à  favoriser  les 
uns  plutôt  que  les  autres.  Ils  ont  gardé  le 
dépôt  sacré  de  la  doctrine  qu'ils  ont  trouvée 


'  At  ego,  ubicii/mque  sis,  ubicumque  légère  ista 
potueris,  te  ante  istos  judices.  intiis  in  luo  corde 
consUluto,  quos  non  amicos  meos  et  inimicos 
iuos,  aliqua  in  meam  partem  gratta  propenden- 
tes,  aliquo  abs  te  inerito  tuœ  offensionis  aver- 
sos,  et  ob  hoc  tibi  adversos,  in  hac  nostra  dis- 
ceptatione  constitin  cognitores.  Nec  eos  qui 
nunquam  fiierunl  aut  non  sunt,  aut  qtiorum 
sententiœ  de  hoc  quod  inter  nos  disputatur  in- 
certœ  simt,  inani  cogitalione  confinxi;  sed,  sanc- 
los  et  in  sancla  Ecclesia  illustres  antistiles  Dei, 
non  platonicis  et  aristotelicis  et  zenonicis  aliis- 
que  hujusce  modi,  vel  Grœcis  vel  Latinis,  quam- 
quam  et  islis  aliqnos  eorum,  veruin  omnes  sacris 
litteris  eruditos,  nominatim  sicut  oporlebat  ex- 
pressi;  eorumque  sententias,  quantum  sufficere 
videbatur,  sine  ulla  éditas  ambiguilate  digessi, 
ut  in  eis  timeas,  non  ipsos,  sed  illum  quisibi  eos 
utilia  vasa  formavit,  et  sancta  templa  construxit  ; 
qui  tune  de  isla  causa  judicaoerunt  quando  eos 
nemo  potest  dicere  perperam  cuiquam  vel  adver- 
sari  vel  favere  potuisse.  Nondum  enim  exstite- 
ratis,  contra  quos  susciperemus  de  hac  quœstione 


conflicttmi certe  ipse  dixisti,  quod  omnes  judi- 
ces ab  odio,  amicitia,  inimicitia,  ira  vacuos  esse 
deceat.  Pauci  taies  potuerunt  inveniri;  sed  Am- 
brosium  aliosque  collegas  ejus,  quos  cum  illo 
commemoravi,  taies  fuisse  credendum  est.  Ve- 
j'WHi  et  si  taies  non  fuerunt  in  his  cattsis,  quas  ad 
se  delatas  et  iflter  pirtes  cognitas,  cum  hic  vive- 
rent  suo  judicio  finienmt;  adhanc  tamen  causam 
taies  erant,  quando  de  illa sententias protulerunt ; 
nullas  nobiscum  vel  vobiscum  amicitias  attende- 
runt  vel  inimicitias  exercuerunt ;  neque  nobis  ne- 
que  vobis  irati sunt,  neque  nos  neque  vos  miserati 
sunt.  Quod  invenerunt  in  Ecclesia,  lenueruni; 
quod  didicerunt,  docuerunt;  quod  a  Patribus  ae- 
cepenmt,  hoc  fîliis  tradidertmt.  Nondum  vobiscum 
apud  istos  judices  aliquid  agebamus,  el  apud  eos 
acla  est  causa  nostra.  Nec  nos  nec  vos  eis  noti 
fueramus,  et  eorum  pro  nobis  latas  contra  vos 
sententias  recitamus.  Nondum  vobiscum  certaba- 
mii,s,  et,  eis  pronunlianlibus,  vicimus.  August., 
Contra  Julianum  pelag.,  lib.  Il ,  mim.  xxxiv, 
pag.  549. 


[rv°  ET  Y"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


621 


clans  l'Église  ;  ils  ont  enseigné  ce  qu'ils  ont 
appris  ;  ils  ont  laissé  à  leurs  successeurs  ce 
qu'ils  avaient  reçu  de  leurs  pères.  Nous  n'a- 
vions point  encore  porté  nos  différents  à 
leur  tribunal,  et  ils  avaient  déjà  prononcé 
un  jugement  définitif  sur  notre  affaire.  Nous 
n'étions  point  connus  d'eux  non  plus  que 
vous  ;  et  ils  out  jugé  en  notre  faveur  comme 
nous  le  faisons  voir.  Il  n'y  avait  point  encore 
de  dispute  entre  vous  et  nous  ;  et  sur  leurs 
avis,  nous  avions  déjà  gain  de  cause.  » 

Aâ  «  L'autorité  des  conciles  généraux  ou 
pléniers  '  est  très-grande  et  très-salutaire 
dans  l'Église  ;  mais  ceux  qui  ne  sont  assem- 
blés que  des  nations  ^  ou  des  provinces,  cè- 
dent sans  difh'culté  à  ceux  qui  sont  convoqués 
de  tout  le  monde  chrétien.  Il  arrive  même 
quelquefois  que  les  conciles  pléniers  sont 
corrigés  par  d'autres,  lorsque  quelque  nou- 
velle expérience  des  choses  fait  découvrir  ce 
qui  était  caché,  et  connaître  ce  qu'on  igno- 
rait, et  qu'on  y  procède  sans  aucun  élément 
d'un  orgueil  sacrilège,  sans  aucune  enflure 
d'une  arrogance  présomptueuse,  sans  aucune 
piqué  d'une  jalousie  envenimée  ;  mais  avec 
une  humilité  sainte,  avec  une  paix  catholi- 
que, avec  une  charité  chrétienne.  Cela  toute- 
fois doit  s'entendre  des  choses  de  discipline, 
et  de  fait  ou  personnel  ou  historique,  et  non 
des  choses  qui  regardent  la  foi  :  car  la  règle 
de  la  foi  est  unique,  seule,  immobile  et  irré- 
vocable. Mais  cette  loi  demeurant  ferme  ', 
le  reste  qui  regarde  la  discipline  et  le  règle- 
ment des  mœurs,  peut  recevoir  quelque  nou- 
veau changement  et  quelque  nouvelle  cor- 
rection. » 

Saint  Augustin  ne  peut  avoir  entendu  au- 
tre chose  lorsqu'il  a  dit  que  les  premiers 
conciles  pléniers  étaient  souvent  corrigés  par 
ceux  qui  les  suivent,  puisque  jusqu'à  son 


temps,  il  n'y  a  point  eu  de  concile  général, 
légitime  et  approuvé  de  l'Église,  qu'on  puisse 
dire  avoir  corrigé  les  déterminations  de  la  foi 
faites  dans  un  concile  précédent.  Le  concile 
général  de  Constàntinople,  qui  est  le  dernier 
des  œcuméniques  assemblés'avant  saint  Au- 
gustin, condamna  une  nouvelle  hérésie  contre 
la  divinité  du  Saint-Esprit,  qui  était  celle  de 
Macédonius  ;  mais  il  n'ajouta  rien,  et  ne  corri- 
gea rien  à  ce  qui  avait  été  déterminé  dans  le 
concile  général  de  Nicée,  ni  dans  celui  de  Sar- 
dique,  touchant  la  divinité  de  Jésus-Christ.  II 
n'y  eut  que  le  coucile  de  Rimipi ,  dont  on 
pourrait  dire  qu'il  auraittenté  de  faire  quelque 
changement  au  concile  de  Nicée,  parla  sup- 
pression du  terme  consubstantiel ,  mais  il  n'a 
pas  eu  toutes  les  conditions  requises  à  un 
concile  légitime,  et  il  a  été  rejeté  de  toute 
l'Église.  On  pourrait  objecter  un  endroit  da 
second  livre  contre  Maximin ,  où  saint  Augus- 
tin parait  faire  peu  de  cas  du  concile  de  Ni- 
cée :  Je  ne  dois  point,  lui  dit-il*,  citei''  ce  con- 
cile, ni  vous  celui  de  Rimini.  Je  ne  suis  point 
touché  de  l'autointé  de  celui-ci ,  ni  vous  de  l'au- 
torité de  celui-là.  Mais  il  faut  remarquer  que 
ce  saint  évèque  parlait  ainsi  par  ime  espèce 
de  condescendance,  et  pour  ne  pas  prolonger 
aveccet  arien  la  dispute  sur  la  validité  du  con- 
cile de  Nicée,  et  l'invalidité  de  celui  de  Rimini, 
dont  Maximin  se  serait  prévalu.  Il  s'abstient 
donc  des  preuves  tirées  des  conciles,  pour 
venir  à  celles  de  l'Écriture,  qui  lui  semblaient 
invincibles  et  qui  ne  pouvaient  être  rejetées 
de  son  adversaire.  «  Que  l'affaire,  lui  dit-il, 
combatte  ^  contre  l'affaire,  la  cause  contre 
la  cause,  la  raison  contre  la  raison,  par  les 
autorités  des  saintes  Écritures,  qui  ne  sont 
point  des  témoins  particuliers  à  aucun  de 
nous  ,  mais  qui  nous  sont  communes  à  tous.  » 
Ce  saint  Docteur  ne  laisse  pas  de  dire  ^  qu'il 


1  Conciliorum  plenariorv.m  estinEcclesia  salu- 
berrima  auctoritas.  August.,  Epist.  S4,  num.  1, 
pag.  124. 

2  Quis  autem  nesciat ipsa  concilia  quœ  per 

singulas  regiones  vel  provincias  jixmt,  plenario- 
rum  conciliorum,  auctoritati  quœ  fiunt  ex  uni- 
verso  orbe  christiano,  sine  ullis  ambagibus  cé- 
dera, ipsaque  plenaria,  sœpe  priora  posterioribus 
emendari;  cum  aliquo  expérimenta  reruni  aperi- 
tur  quod  clausum  erat,  et  cognoscitur  quod  late- 
bat,  sine ullo  typho  sacrilegœ  superbiœ,  sineulla 
inflata  cervice  arrogantiœ,  sine  ulla  contentione 
lividœ  invidiœ,  cum  sancta  humilitate,  cum  pace 
calholica ,  cum  charitate  christiana.  August., 
lib.  II  De  Bapt.,  cap.  nr,  num.  '',  pag.  98. 

^  Hac  lege  fidei  manente,  cœtera  jam  discipli- 


na; et  conversaiionis,  admittunî  novitatem  cor- 
rectionis.  Tertull.  lib.  De  Virgin,  velandis,  cap.  i, 
pag.  192,  edit.  Rigalt. 

''  Sed  nunc  nec  ego  Nicœnum,  nec  tu  debes  Ari- 
minense  tanquam  prœjudicaturus  proferre  con- 
cilium.  Nec  ego  hujus  auctoritate,  nec  tu  illius 
detineris  :  Scripturarum  auctorilaiibus,  non  quo- 
rumque  propriis,  sed  utrisque  comniunibus  testi- 
bus,  res  cum  re,  causa  cum  causa,  ratio  cum  ra- 
tione  concertet.  August. ,  lib.  Il  Contra  Maximi- 
num  arianum,  cap.  xiv,  num.  3,  tom.  VIII,  pag. 
704. 

i"  August.,  ibid. 

'^  Eud  vero  congregatione  synodi  opus  erat,  ut 
aperta  pernicies  damnaretur  ;  quasi  nulla  hœre- 

s   aliquando  7iisi  synodi  congregatione  dam- 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


622 

n'était  iiallement  besoin  d'assembler  un  con- 
cile universel  pour  condamner  une  hérésie 
aussi  manifeste  que  celle  des  pélagiens.  La 
raison  qu'il  en  donne,  c'est  qu'il  y  avait  très 
peu  d'hérésies  pour  la  condamnation  des- 
quelles il  avait  été  jugé  nécessaire  d'as- 
sembler un  concile,  et  qu'il  yen  avait  in- 
comparablement davantage  qui  avaient  été 
condamnées  dans  les  lieux  de  leur  origine, 
et  dont  la  condamnation  s'était  répandue  de 
là  par  toute  la  tei're.  «  Cependant  ajoute-t- 
il,  la  vanité  des  pélagiens  A'eut  avoir  la  satis- 
faction de  donner  la  peine  aux  évêques  d'O- 
rient et  d'Occident  de  s'assembler  pour  l'a- 
mour d'eux;  et  pai'ce  que,  le  Seigneur  s'op- 
posant  à  leurs  desseins,  il  ne  peuvent  pas 
pervertir  le  monde  catholique,  ils  tâchent 
au  moins  de  le  troubler.  Mais  la  vigilance  et 
la  diligence  des  pastem-s  doivent  terrasser  ces 
loups  partout  où  ils  paraîtront  après  ce  ju- 
gement compétent  et  sulfisantqui  a  été  poi'té 
contre  eux,  afin  que  par  ce  moyen  ils  se  cor- 
rigent et  se  changent,  ou  qu'ils  ne  soient 
plus  en  état  de  corrompre  les  autres.  Voire 
cause,  leur  dit-il  encore  \  vient  d'être  finie 
devant  des  évêques  qui  en  sont  les  juges 
compétents;  il  n'y  a  plus  rien  à  examiner 
avec  vous,  mais  seulement  à  vous  faire  exé- 
cuter en  paix  la  sentence  qui  a  été  pronon- 
cée contre  vous.  Que  si  vous  ne  voulez  point 


y  acquiescer,  il  faut  réprimer  votre  inquié- 
tude turbulente  et  artificieuse.  L'on  a  déjà 
envoyé  -  sur  votre  affaire  le  résultat  de  deux 
conciles  au  siège  apostolique;  les  rescrits  en 
sont  venus,  la  cause  est  finie  ;  plaise  à  Dieu 
que  l'erreur  finisse  un  jour  ?  Pourquoi  de- 
mandez-vous encore  ^  un  examen  de  votre 
cause,  puisqu'il  a  déjà  été  fait  par  le  Siège 
Apostolique,  et  par  le  jugement  des  évêques 
de  Palestine,  où  Pelage,  l'auteur  de  votre 
hérésie,  aurait  été  condamné,  s'il  n'avait  pas 
condamné  lui-même  les  dogmes  que  vous 
défendez  maintenant?  Il  n'est  donc  pas  né- 
cessaire que  les  évêques  examinent  encore 
votre  hérésie  ;  c'est  aux  puissances  chrétien- 
nes à  la  réprimer.  » 

Saint  Augustin  convient  néanmoins  que  ' 
la  dispute  sur  le  baptême  des  hérétiques 
entre  saint  Etienne  et  saint  Cyprien  ne  put 
être  terminée  que  par  un  concile  plénier, 
et  après  avoir  été  discutée  et  examinée 
longtemps  dans  des  assemblées  d'évôques  : 
«Car,  comment^,  dit-il,  cette  question,  si 
enveloppée  de  tant  d'obscurités,  aurait-elle 
pu  parvenir  à  être  éclaircie  et  confirmée 
dans  un  concile  plénier,  si  elle  n'avait  été 
agitée  en  des  temps  et  des  endroits  difle- 
reuts  par  les  évêques?  Cela  n'avait  point  en- 
core été  fait  du  temps  de  saint  Cyprien  ",  et 
toute  la  terre  eu  demeurait  à  la  coutume  que 


nala  sit  ;  cumpotius  rarissimœ  inveniantur,  pr op- 
ter qvas  dainnandas  nécessitas  talis  exsliterit, 
multoque  sint  atque  incomparabiliter  plures, 
quœ,  ubi  exsliterunt,  illic  improhari  atque  dam- 
nari  meruerunt,  atque  inde  per  cœteras  terras 
devittindœ  innotescere  potuerunt.  Verum  istorum 

superbia hanc  etiam  cjloriam  captare  iiileili- 

gilur,  ut  propter  illos  Orientis  et  Occidentis  sy- 
nodus  congregelur.  Orbem  quippe  catholicum, 
guoiiiam  Domino  eis  resistente  pervertere  ne- 
queunt,  salteia  commouere  conantur;  cum  po- 
tins vigilantia  et  diligentia  pastorali  post  facliun 
de  mis  competens  sufficiensque  judicium  ,  iibi- 
cumque  isli  Inpi  apparuerint ,  conterendi  sint, 
siveut  sanentur  atque  mutentur,  sioe  nt  ab  alio- 
rnm  sainte  atque  integritate  vitenlur.  Aiigiist., 
lib.  IV  Contra  Duas  Epist.  pelagian.,  cap.  xir, 
num.  34,  tom.  X,  p.  492  et  493. 

'  Vestravero  apud  competens  judicium  comnm- 
nium  episcoporum  modo  causa  finila  est  :  nec 
amplius  vobiscum  agendum  est  quantum  ad  jus 
examinis  pertinet,  nisi  nt  prolatam  de  hac  re 
sententiam  campace  scquamini ;  quod  si  nolue- 
ritis,  a  turbulentavel  insidiosa  inquietudine  cohi- 
beamini.  Augnst.,  lib.  Ht  Contra  Julian.,  cap.  i, 
nuin.  5,  pag.  55o. 

2  Jam  enim  de  hac  causa  duo  concilia  missa 
sunt  ad  Sedem  Àpostolicam,  inde  eliam  rescripta 
venerunt.   Causa  finila  est;  ntinam  aliquando 


finiatur  errer!  August.,  Serm.  131,  cap.  x,  num.  lO, 
tom.  V,  pag.  645. 

3  Quid  adhucquceris  examen,  quod  jam  factura 
est  apud  Àpostolicam  Sedem  ?  Quod  denique  jam 
faclum  est  in  episcopali  judicio  Palestino,  ubi 
Pelagius,  vestri  auctor  erroris,  procul  dnbio  dam- 
natus  esset,  nisi  ista,  quce  tu  défendis,  dogmata 
'vestra  damnasset.  Damnataergo  fiœresis  ab  epis- 
copis  non  adliuc  examinanda  ,  scd  coercenda  est 
a  potestatibus  cliristianis.  August.,  lib.  Il  Oper. 
imperf.  cap.  cm,  pag.  993. 

*  Quoviam  qiiœstionis  liiijus  obscuritas  prio- 
ribus  Ecclesiœ  temporibus  ante  schisma  Donati 
magnos  viras  et  magna  charitate  prœdilos  Pa- 
tres episcopios  iia  inter  se  compulit  salva  pace 
disceptare  atque  flucluare,  ut  diu  coitciliorum'  in 
suis  quibusque  regionibus  diversa  statuta  nuta- 
verint;  donec  plenario  lotius  orbis  concilio.  quod 
saluberrime  sentiebatur  etiam  remotis  dubita- 
tionibus ,  firmaretur.  August. ,  lib.  I  De  liapt., 
cap.  VII,  num.  9,  pag.  84. 

^  Quomodo  enim  potûit  ista  res  tantis  alierca- 
tionum^  nebulis  involuta,  ad  plenarii  concilii  lu- 
culenlam  illustrationem.  confirmationemque  per- 
du ci,  nisi  primo  diutius  per  orbis  terrarum  re- 
giones,  multis  hinc  atque  hinc  disputationibus  et 
collationibus  episcoporum  pertracta  constaret. 
August,  lib.  11  De  Bapl.,  cap.  iv,  lumi.  5,  pag.  98. 

^  Nondum  autem  factwin  erat,  quia  consuetudi- 


[1Y°  ET  V  SIÈCLES.] 

l'on  opposait  toute  seule  à  ceux  qui  voulaient 
introduire  quelque  nouveauté,  parce  qu'on 
ne  pouvait  pas  alors  découvrir  la  véi'ité  ; 
mais  enfin ,  la  chose  ayant  été  traitée  et 
agitée  par  plusieurs  personnes,  non-seule- 
ment ou  a  trouvé  la  vérité ,  mais  ou  l'a  con- 
firmée par  l'autorité  et  la  force  d'un  concile 
plénier.  »  Comme  on  l'a  dit'  ailleurs  (il  s'agit 
du  concile  assemblé  à  Arles)  le  même  Père 
dit  '•'  aux  donatistes  qu'après  le  jugement 
rendu  contre  eux  par  le  pape  Melcliiade  et  le 
concile  de  Rome,  il  leur  restait  encore  le 
concile  plénier  de  l'Église  universelle,  où 
l'affaire  pouvait  être  traitée  avec  les  juges 
mêmes  qui  avaient  rendu  cette  sentence, 
afin  que,  s'ils  étaient  convaincus  d'avoir  mal 
jugé ,  elle  fût  cassée. 

4.^.  Le  saint  Docteur  s'exprime  ainsi  sur 
l'Église  et  sa  catholicité  :  «  Nous  devons 
nous  tenir'  attachés  à  la  religion  chrétienne 
et  à  la  communion  de  cette  Église ,  qui  est 
catholique ,  et  connue  sous  ce  nom ,  non- 
seulement  par  les  siens  ,  mais  même  par  ses 
ennemis  ;  car  les  hérétiques  et  les  schisma- 
tiques  sont  contraints,  malgré  eux,  de  l'ap- 
peler catholique  ,  lorsqu'ils  en  parlent  avec 
les  étrangers ,  et  non  avec  ceux  de  leur  secte, 
ne  pouvant  se  faire  entendre  en  parlant  de 
cette  Église ,  s'ils  ne  la  distinguent  des  au- 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


623 


très  par  le  nom  qui  lui  est  donné  dans  toute 
la  terre,  n  Les  motifs*  qui  retenaient  saint 
Augustin  dans  cette  Église  étaient  le  consen- 
tement des  peuples ,  l'autorité  commencée 
par  la  foi  des  miracles,  nouri'ie  par  l'espé- 
rance, augmentée  par  la  charité,  affermie 
par  l'antiquité  ;  la  succession  des  évoques 
dans  le  Siège  de  saint  Pierre ,  et  le  nom  de 
catholique,  qui  est  demeuré  tellement  propre 
à  cette  Église  enti'e  tant  de  sectes,  que,  quoi- 
que les  hérétiques  désirassent  extrêmement 
d'être  nommés  catholiques,  toutefois  quand 
un  étranger  demande  où  est  l'Église  catholi- 
que, aucun  d'eux  n'ose  montrer  ni  sa  basi- 
lique ,  ni  sa  maison.  Il  appuie  souvent  sur 
cette  marque  de  la  vraie  Égiise ,  faisant  ob- 
server cjue  toutes  les  sectes  d'hérétiques  lui 
imposaient  différents  noms  '',  tandis  que  cha- 
cune d'elles  en  avait  un  propre ,  qu'elle  ne 
pouvait  désavouer  ;  «  ec  qui  fait  connaître, 
dit-il,  au  jugement  des  personnes  équitables, 
à  qui  appartient  le  nom  de  catholique, 
qu'elles  voudraient  toutes  s'attribuer.  »  Ré- 
pondant aux  pélagiens  ,  qui  trouvaient  mau- 
vais qu'on  donnât  à  ceux  de  leur  commii- 
nion  le  nom  de  secte,  et  qui  s'en  consolaient 
sur  ce  que  les  ariens  avaient  appelé  les  ca- 
tholiques athanasiens ,  il  dit°  que  les  ca- 
tholiques n'ont  été  ainsi  appelés  que  par  les 


nis  robore  tenebatur  orbis  terrarum,  et  hcec  sola 
opponebatur  inducere  volentibus  novitatem,  quia 
non  poterant  apprehendere  veritatem.  Postea  ta- 
men  duminter  multos  ex  utraque  parle  tractaiur 
et  quœritur,non  soluni  inventa  est,  sed  etiam  ad 
plenarii  concilii  auctoritatem  roburque  perdxicta 
est,  post  Cypriani  quidem  passionem,  sed  ante- 
quam  nos  nati  essemus,  etc.  August. ,  lib.  II  De 
Bapt.,  cap.  IX,  num.  14,  pag.  104. 

»  Tom.  III,  pag.  709  et  seq. 

'  Ecce  putemus  illos  episcopos,  qui  Romœ  ju- 
dicanmt.  non  bonos  judices  fuisse  :  restabat 
adhuc  plenarimn  Ecclesiœ  universœ  concilium , 
ubi  etiam  cum  ipsis  judicibus  causa  posset  agi- 
tari,  ut  si  maie  judicasse  convincti  essent,  eorum 
sententiœ  solverentur.  August.,  Epist,  43,  cap.  vn, 
num.  19,  pag.  97. 

3  Tenenda  est  nobis  chrisiiana  religio ,  et  ejus 
Ecclesiœ  communicalio  quœ  catholica  est,  et  ca- 
tholica  nominatur ,  non  solum  a  suis  ,  verum 
etiam  ab  omnibus  inimicis.  Velint,  nolint  enim 
ipsi  quoque  hœretici ,  et  schismatum  alumni , 
quando  non  cum  suis  sed  cum  extraneis  loquun- 
tur ,  catholicam  nihil  aliud  quam  catholicam 
vocant.  Non  enim  possunt  intelligi,  nisi  hoc  eam 
nomine  discernant,  quo  ab  universo  orbe  mm- 
cupatiir.  August.,  lib.  De  fera  relig.,  cap.  vu, 
num.  12,  tom.  I,  pag.  732. 

*  Ut  ergo  hanc  omittam  sapientiam,  quam  in 
Ecclesia  esse  catholica  non  credilis ,  multa  sunt 
alia  quœ  in  ejus  gremio  me  justissime  teneant. 


Tenet  consensio  populornm  atque  gentium;  te- 
net  aucloritas  miraculis  inchoata,  spe  nutrita, 
charitate  aucla,  vetustate  firmata;  tenet  ab  ipsa 
Sede  Pelri  apostoli,  cui  pascendas  oves  suas  post 
resurrectionem  Dominus  commendavit ,  risque  ad 
prœsentem  episcopatum. ,  successio  sacerdotum: 
tenet  postremo  ipsum  calholicœ  nomen ,  quod 
non  sine  causa  inter  tam  muUas  hœreses  sic  ista 
Ecclesia  sola  obtinuit ,  ut  cum  omnes  hœretici  se 
catholicos  dici  velint,  quœrenti  tamen  peregrino 
alicui,  ubi  ad  catholicam  conveniatur,  nullus 
hœreticorum  vel  basilicam  suam  vel  domum 
audeat  ostendere.  August.,  lib.  Contra  Epist.  fun- 
dan.,  cap.  iv,  num.  5,  pag.  133,  tom.  VIU. 

^  Una  est  catholica,  cui  hœreses  alia  diversa 
nomina  imponunt,  cum  ipsœ  singulœ  propriis 
vocabulis,  quœ  negare  non  audeant,  appellentur. 
Ex  quo  intelligi  datur,  judicantibus  arbitris 
qiws  nulla  impedit  gratta,  cui  sit  catholicum 
nomen,  ad  quod  omnes  ambiunt,  tribuendum. 
August.,  lib.  De  Utilit.  credendi ,  cap.  vu,  num.  19, 
tom.  VIII,  pag.  57. 

s  Athanasianos  vel  Homousianos  ariani  catho- 
licos vocant,  non  et  alii  hœretici.  Vos  autem  non 
solum  a  catholicis  sed  etiam  ab  hœreticis,  vohis 
similibus  et  a  vobis  dissentientibus,  pelagiani 
vocamini;  quemadmodum  non  tantum  a  catho- 
licis, sed  ab  hœresibus  etiam  vocantur  ariani. 
August.,  lib.  I  Oper.  imperf.,  num.  75,  pag.  919, 
tom.  X. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


624 

ariens,  a  Mais  pour  vous,  ajoule-t-il,  Ce  ne 
sont  pas  seulement  les  catholiques,  mais  les 
autres  hérétiques  d'un  sentiment  différent 
du  vôtre,  qui  vous  appellent  pélagiens , 
comme  les  ariens  sont  appelés  de  ce  nom 
par  tous  les  hérétiques  aussi  Lien  que  par 
les  catholiques.»  Il  est  bon  de  remarquer  que 
le  terme  de  catholique  est  moins  un  nom  de 
doctrine  et  de  croyance  qu'un  nom  de  com- 
munion. Ainsi,  ceux  qui  ont  la  même  foi  que 
l'Église,  mais  qui  s'en  sont  séparés  par  le 
schisme,  n'ont  point  de  part  à  ce  nom.  «  D'où 
vient,  dit-il,  que  si  vous  demandez  à  un  hom- 
me's'il  est  païen  ou  chrétien,  il  répond  qu'il 
est  chrétien?  Si  vous  lui  demandez  s'il  n'est 
peut-être  pas  catéchumène,  dans  la  crainte 
qu'il  ne  s'approche  des  sacrements  ,  il  répond 
qu'il  est  fidèle.  Si  vous  lui  demandez  de 
quelle  communion,  il  répond  qu'il  est  ca- 
tholique. »  On  voit  par  là  que  ce  qui  fait  la 
différence  des  catholiques  d'avec  les  autres, 
c'est  la  communion  avec  l'Église  répandue 
dans  tout  le  monde,  où  les  hérétiques  et  les 
schismatiques  sont  séparés.  C'est  pourquoi 
dans  la  Conférence  de  Carthage  ^  les  dona- 
tistes ,  voulant  s'attribuer  faussement  le  nom 
de  catholiques,  et  ne  le  pouvant  faire  dans 
la  vraie  signification  de  ce  terme,  crurent 
que,  pour  se  distinguer  des  autres  évêques, 
qui  se  donnaient ,  avec  justice ,  le  titre  de 
catholiques,  parce  qu'ils  étaient  dans  la  com- 
munion de  l'Église  catholique  ,  ils  devaient 
s'appeler  dans  leurs  signatures  les  évêques  de 
la  vérité  catholique,  tandis  que  les  autres  si- 
gnaient simplement  :  Evêques  de  l'Eglise  ca- 
tholique. 


Une  preuve  de  l'antiquité  et  de  la  vérité 
de  l'Église  catholique  est  la  succession  con- 
tinuelle et  non  interrompue  des  évêques ,  en 
remontant  jusqu'aux  apôtres.  Saint  Augustin 
marque*  celle  des  évêques  de  Rome  depuis 
saint  Pierre,  auquel,  parce  qu'il  représentait 
toute  l'Église ,  le  Seigneur  a  dit  :  Sur  cette 
pierre  j'édifierai  mon  Eglise,  etc.  «  A  saint 
Pierre  succéda  Lin  ;  à  Lin  succéda  Clément  ; 
à  Clément ,  Anaclet  ;  à  Anaclet ,  Évariste  ;  à 
Évariste,  Alexandre  ;  à  Alexandre,  Sixte;  à 
Sixte,  Télesphore  ;  à  Télesphore,  Hygin;  à 
Hygiu,  Anicet;  à  Anicet,  Pie;  à  Pie,  Soter; 
à  Soter,  Éleuthère  ;  à  Éleuthère  ,  Victor;  à 
Victor,  ZéphirJn;  à  Zéphirin,  Callixte;  à 
Callixte  ,  Urbain;  à  Urbain ,  Ponthien  ;  à  Pon- 
thien ,  Anthère  ;  à  Anthère ,  Fabien  ;  à  Fa- 
bien ,  Corneille  ;  à  Corneille  ,  Luce;  à  Luce , 
Etienne  ;  à  Etienne,  Xyste  ;  à  Xyste,  Denis  ; 
à  Denis ,  Félix  ;  à  Félix,  Eutichien  ;  à  Euti- 
chien,  Gaïus  ;  à  Gaïus,  Marcellin  ;  à  Mar- 
cellin,  Marcel;  à  Marcel,  Eusèbe;  à  Eusèbe, 
Melchiade  ;  à  Melchiade ,  Sylvestre  ;  à  Syl- 
vestre, Marc  ;  à  Marc,  Jules  ;  à  Jules,  Libère  ; 
à  Libèi-e,  Damase;  àDamase,  Sirice;  à  Si- 
rice,  Anastase.  Dans  cet  ordre  de  succes- 
sion, il  ne  se  trouve  aucun  évéque  dona- 
tiste  ;  mais  ils  en  ont  envoyé  un  d'Afrique, 
ordonné  dans  cette  province,  lequel  ayant 
présidé  à  Rome  à  quelques  africains,  leur  a 
fait  donner  le  nom  de  montagnards  ou  d'eut- 
zupiies.  » 

Saint  Augustin  tire  encore  ailleurs  un  ar- 
gument de  cette  succession  des  évêques  de 
Rome,  contre  les  donatistes,  pour  montrer 
que  ce  siège  est  cette  pierre  *  contre  laquelle 


'  Quœris,  paganus  es,  an  christianus?  respon- 
det,  christianus  :  ovis  est  enim  Dei.  Quœris,  ne 
forte  cathecunienus  sit  et  irrimt  sacramentis  ? 
respondet,  fuleiis.  Quœris,  cujus  communionis  sit? 
respondet,  caUiolims.  August.,  Serm.  46,  de  pasl. 
in  Ezech.  34,  pag.  241. 

2  Gesta  collât.  Cîvrthaginensis  diei  tertiœ.,  num. 
258.  Operum.  Optati,  colum.  ],  pag.  485,  novje  edi- 
tionis. 

'  Si  enim  ordo  cpiscoporvm  sibi  succedentium 
considerandus  (st,  qiianio  certivs  et  vere  salubri- 
ter  ab  ipsoPctro  numeramus,  «ti  lolius  Ecclesiœ 
figiiram  gercnti  Doininus  ait  :  Super  hnno  Pctram 
œdifinabo  Ecclesiam  meam,  et  portce  inferorum  non 
•Vincent  eam.  Petro  enim  successit  Linus  :  Lino, 
Clemtns;  démenti,  Ànaclelus;  Anaclclo,  Ei'aris- 
tus;  Evaristo,  Alexander ;  Alcxandro,  Sixtus; 
Sixte,  Thelespliorus;  Thelesphoro,  Iginns;  Igino, 
Anicetus;  Aniceto,  Pins;  Pio,  Saler  ;  Soteri,  Eteu- 
therius;  Eleiitherio,  Victor  ;  Victori,  Zephirinus; 
Zephirino,  Calixlîis;  Calixto,  Urbanus;  Urbano, 


Pontianus;  Pontiano,  Antherus;  Anthère,  Fabia' 
■mis;  Fabiane,  Cornélius';  Cornelie,  Lucius ;  Lu- 
cio ,  Stephanus ;  Stéphane,  Xysttis  ;  Xyste,  Dio- 
nysius;  Dienysie,  Félix;  Felici,  Eutychianus; 
Eulychiano,  Gaius;  Gaie, Marcellinus;  Marccllino, 
Marcellus;  Marcello. Eusebius;  Eusebie,  Miltiadcs; 
iUlli'idi,  Sylvester;  Syloestro,  Marcus  ;  Marco, 
Julius;  Julio,  Liberius;  Libcrie,  Damasus;  Da- 
maso,  Siricius ;  Siricio,  Anastasius.In  hoc  erdine 
successionis  nulius  donalista  episcopus  inveni- 
nilur.  Sed  ex  Iransverso,  ex  Africa  ordinatum 
miserunt,  qui,  pauci.t  prœsidens  Afris  in  urbe 
Rema,  nwntensium  vel  eutzupilarum  vocabulum. 
prepagavil.  August.,  Episl.  53,  cap.  i,  num.  2, 
pag.  120-121,  tom.  U. 

*  Numérale  sacerdotes  vrl  ab  ipsa  Pétri  Sede, 
et  in  erdine  illo  Patrum;  guis  cui  successit,  vi- 
dete,  ipsa  est  Pctra  guam  non  vincunt  superbœ 
inferorum  perlœ.  August.,  in  PsaL,  contrapartem 
Donat.,  pag.  7.  tom.  IX. 


[iT°  ET  v=  siicLEs.]  SAINT  AUGUSTIN, 

les  portes  de  l'enfer  ne  prévaudront  jamais. 
Une  autre  marque  de  l'Eglise,  qui  la  distin- 
gue des  sociétés  hérétiques,  est  son  étendue 
dans  toutes  les  parties  de  la  terre.  «  Si  les 
saintes  Ecritures  ',  dit  ce  Père,  ne  mettent 
l'Eglise  qu'en  Afrique  ou  dans  un  petit  nom- 
bre de  montagnards  réfugiés  à  Rome,  ou 
dans  la  maison  d'une  femme  espagnole  nom- 
mée Lucile,  ce  sont  les  donatistes  qui  com- 
posent l'Église.  Si  elle  est  réduite  à  un  petit 
nombre  de  Maures,  ce  sont  les  rogatistes.  Si 
c'est  à  quelques  tripolitains  et  bizacéniens, 
ce  sont  lesmaximiauistes.  Si  elle  est  compo- 
sée des  seuls  orientaux,  il  la  faut  chercher 
parmi  les  ariens,  les  macédoniens,  les  euno- 
miens.  Et  qui  pourrait  compter  toutes  les 
hérésies  répandues  dans  chaque  nation? 
Mais  si,  par  des  témoignages  tirés  des  Écri- 
tures canoniques,  nous  voyons  qu'elle  doit 
être  répandue  dans  toutes  les  nations  ;  que 
ceux  qui  disent  :  Jésus-Christ  est  ici,  Jésus- 
Christ  est  là,  allèguent  tout  ce  qu'ils  vou- 
dront; écoutons  plutôt,  si  nous  sommes  les 
brebis  de  Jésus-Christ,  la  voix  de  notre  Pas- 
teur, qui  nous  dit  de  ne  pas  les  croire.  Car 
chacune  de  ces  hérésies  ne  se  trouve  point 
en  beaucoup  de  lieux  où  est  l'Église  ;  mais 
l'Église,  qui  est  partout,  se  trouve  dans  les 
lieux  où  ces  hérésies  sont  répandues.  Cher- 
chons-la donc,  cette  Église,  dans  les  saintes 
Écritures.  Les  hérétiques  étant  ^  les  uns  en 
un  lieu  et  les  autres  en  un  autre,  combat- 


ÉYÊQUE  D'HIPPONE. 


62B 


tent  contre  l'unité  catholique  qui  est  répan- 
due partout.  L'Église  d'où  ces  hérétiques 
sont  sortis  est  partout;  mais  eux  ne  peuvent 
être  partout,  puisqu'il  est  prédit  qu'ils  di- 
ront :  Jésus-Christ  est  ici;  il  est  là.  L'Eglise 
est  partout  '  où  sont  les  hérésies  des  nova- 
tiens,  ariens  et  autres  novateurs,  comme 
elle  est  dans  l'Afrique  où  sont  les  donatistes; 
mais  les  donatistes  ni  aucun  des  autres  héré- 
tiques ne  sont  pas  partout  où  elle  est  ;  et  c'est 
de  là  qu'il  parait  quel  est  cet  arbre  quelles 
étend  ses  branches  par  toute  la  terre,  et  qui 
sont  ces  branches  rompues ,  n'ayant  point 
la  vie  de  la  racine,  et  qui  tombent  chacune 
en  son  lieu.  Toutefois,  parce  que  les  brebis 
errantes  sont  sur  toute  la  face  de  la  terre,  il 
ne  laisse  pas  d'être  vrai  que  les  hérétiques 
sont  répandus  partout  ',  mais  les  uns  ici,  les 
autres  la  ;  en  sorte  qu'il  n'y  a  pas  une  secte 
hérétique  en  particulier  qui  soit  répandue 
sur  toute  la  face  de  la  terre  ;  ils  ne  se  con- 
naissent pas  eux-mêmes.  Il  y  a  une  secte  en 
Afrique,  une  autre  en  Orient,  une  en  Egypte, 
une  autre  en  Mésopotamie.  Le  parti  de  Do- 
nat  est  en  Afrique,  mais  les  eunomiens  n'y 
sont  point,  au  lieu  que  l'Église  catholique  y 
est  avec  le  parti  de  Donat.  Les  eunomiens 
sont  en  Orient,  les  donatistes  n'y  sont  point, 
mais  l'Église  catholique  y  est  ;  elle  est 
comme  une  vigne  qui  se  répand  partout. 
Pour  eux,  ils  ressemblent  à  des  sarments 
inutiles,    coupés   par  la  main  du  vigneron 


1  Si  enim  sanctœ  Scriptii/rœ  in  Àfrica  sola  desi- 
gnaverunt Ecclesiain,  el  in  paiicis  Romœ  eutzupi- 
tanis  vel  montensibus,  el  in  domo  vel  palriiiwnio 
uviiis  Hispanœ  viulieris,  quidquid  caslris  aliis 
aliud  proferatur,  non  tentnl  Ecclesiain  nisi  do- 
natistœ.  Si  in  paucis  Mauris  provinciœ  Cœsarien- 
sis  eam  sancta  Scriptura  déterminai,  ad  rogalis- 
tas  transeundum  est.  Si  in  paucis  tripolilanis  et 
bizacenis  et  provincialibus,  maximianistœ  ad  eam 
pervenerunt.  Si  in  solis  orieiitalibus ,  inter  aria- 
nos  et  ewnomianos  et  macedonianos ,  et  si  quis  il- 
lie  sunt,  requirenda  est;  quis  autem  possit  sin- 
gulas  quasque  hœreses  enumerare  geiitiuin  singu- 
laruin?  Si  autem  Ctirisii  Ecclesia  canonicarum 
Scriptxwarum  divinis  et  certissimis  testimoniis  in 
omnibus  gentibus  designata  est,  quidquid  aitule- 
rint,  et  undecumque  recilaverint  qui  dicunt:  Euce 
hic  est  Christus,  ecce  illic.  Audiamus  polius,  si 
oves  ejus  sumus,  vocem  Pastoris  noslri  dicentis  : 
Nolite  credere,  illœ  quippe  singulœ  inmultis  gen- 
tibus, uhi  ista  est,  non  inveniunlur  :  hcec  autem 
quœ  ubique  est;  etiam  ubi  illœ  sunt  inveiitur. 
Ergo  in  Scripturis  sanctis  canonicis  eam  requira- 
mus.  August.,  lib.  De  Unit.  Ecclesiœ ,  cap.  ni, 
num.  6,  p.  341,  tom.  IX. 

'  Àlii  quippe  hic,  alii  vero  alibi  atque  alibi  hœre- 

IX. 


ticicum  diffusa  ubique  catholicaunitate  confligwnt. 
Ubique  est  enim  illa  de  qua  exierunt,  qui  tsse 
ubique  minime  potuerunt,  dicentes  secundum  id 
quod  de  illis  prœdictum  est:  Ecce  hic  est  Christus, 
ecce  illic.  August.,  lib.  111  Contra  Crescon.,  cap. 
Lxvii,  num.  77,  pag.  474. 

'  I\on  ergo  nobis  communicant,  sicut  dicis,  no- 
vatiaui,  ariani,  patripassiaai ,  valentiniani,  patri- 
ciaiii,  appellitcE,  marcionitae,  ophitce,  ciEteraque,  ut 
verbis  tuis  utar,  nefariarum  pestium ,  non  secta- 
rum,  sacrilega  nomina.  Verumtamen,  ubicumque 
suntisti,  illic  catholica,  sicut  in  Africa  ubi  et 
vos  :  non  autem  ubicumque  ca'.holica  est,  aut 
vos  estis,  ut  hœresis  quœlib  t  illarum.  Unde  ap- 
paret  quœ  sit  arbor  ramos  suos  per  universam 
terram copia  uberlatis  extendens,  et  qui  sint  ranii 
fracti  non  habenlcs  vitain  radicis,  atque  in  suis 
quippe  jacenles  et  arescentes  locis.  August.,  Con- 
tra Crescon.,  num.  7o,  pag.  .521. 

'•  Quia  errantes  oves  sunt  per  totam  faciem  ter- 
rœ.  Non  onines  hœretici  per  totam  faciem  terrœ. 
Alii  hic,  alii  ibi,  nusquam  tamen  desunt  :  ipsi  se 
non  norunt.  Alia  secla  in  Africa,  alia  hœresis  in 
Oriente,  alia  in  Mgyplo,  alia  in  Mesopotamia. 
August.,  Serm.  4a,  de  pastor.,  num.  18,  pag.  234, 
tom.  V. 

40 


626 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


visibilité  de 

l'Eglise. 


qui  taille  sa  vigne  et  ne  la  détruit  point.  » 
46.  Sur  la  visibilité  de  l'Ésiise,  il  s'e.xpiime 
ainsi  :«  L'Eglise,  exposée  à  la  vue  de  tout 
le  monde  \  est  cette  ville  placée  sur  la 
montagne,  qui  ne  saurait  être  cachée.  C'est 
par  elle  que  Jésus-Cbi'ist  étend  son  empire 
depuis  une  merjusqu's  l'autre,  et  depuis 
le  fleuve  jusqu'aux  extrémités  de  la  terre. 
Semblable  à  la  race  d'Abrabam,  elle  s'est 
multipliée  comme  les  étoiles  du  ciel  et  les 
grains  de  sable  de  la  mer.  C'est  dans  elle  que 
toutes  les  nations  sont  bénites.  Le  bienheu- 
reux martyr  Cyprien  fait  son  éloge  en  disant 
qu'elle  est  éclatante  de  lumière  et  qu'elle 
répand  avec  abondance  ses  rayons  par  toute 
la  terre.  Elle  n'est  inconnue  ^  ù.  personne  ni 
cachée  ^  parce  qu'elle  i:'est  pas  sous  le 
boisseau,  mais  sur  le  chandelier,  afin  qu'elle 
éclaire  tous  ceux  qui  sont  dans  la  maison. 
Elle  est  toutefois  comme  cachée  aux  dona- 
tistes,  puisqu'entendant  des  témoignages  si 
clairs  et  si  manifestes  qui  la  fout  connaître 
partout  le  monde,  ils  aiment  mieux  aller,  les 
yeuxfermés,  heurter  con're  celte  montagne 
sur  laquelle  elle  est  placée,  que  d'y  monter. 
Par  quel  signe  clair  et  manifeste,  dit  saint 
Augustin',  moi  qui  suis  encore  petit,  et  qui 
ne  suis  pas  capable  de  discerner  la  vérité 
parmi  tant  d'erreurs,  par  quel  indice,  dis-je, 


pourrai-je  reconnaître  l'Église  de  Jésus- 
Christ  auquel  je  suis  forcé  de  croire  par  la 
clarté  de  tant  de  merveilles  qui  ont  été  pré- 
dites de  lui?  Le  prophète  satisfaisant  par  or- 
dre à  l'agitation  de  l'esprit  de  celui  qui  serait 
dans  cette  peine,  lui  enseigne  que  l'Église  de 
Jésus-Christ  est  celle  qui  est  visible  et  qui  pa- 
raît à  tout  le  monde.  Car  elle  est  ce  trône  de 
gloire  dont  l'Apôtre  dit  :  Le  temple  de  Dieu 
est  saint,  et  vous  êtes  vous-même  ce  temple.  C'est 
ce  temple  dont  Jércmie  dit  :  Le  trône  de  gloire 
a  été  exalté.  C'est  pour  lever  ces  doutes  qui 
pourraient  nuire  aux  petits  et  leur  être 
une  occasion  de  séduction,  que  le  Seigneur, 
dans  la  vue  de  la  clarté  de  sou  Église,  dit  : 
L.a  ville,  qui  est  située  sur  la  montagne,  ne 
peut  être  cachée.  Il  ne  faut  donc  point  écou- 
ter ceux  qui  veulent  attirer  les  peuples  à  des 
partis  et  à  des  sociétés  particulières,  en  di- 
sant :  Jt'.sus-Christ  est  là  ;  le  voici.  Car  ils  font 
voir  par  ces  termes  qu'ils  veulent  nous  atta- 
cher k  des  pai'ties  et  non  au  tout,  au  lieu 
que  la  vraie  Église  est  la  cité  édifiée  sur  la 
montagne,  c'est-à-dire  sur  cette  montagne 
qui,  selon  la  prophétie  de  Daniel,  n'était, 
dans  son  origine,  qu'une  petite  pierre;  mais 
qui  s'est  tellement  accrue  qu'elle  est  deve- 
nue une  grande  montagne  qui  a  rempli  toute 
la  terre.  Cette  Église  est  sainte  ^,  une,  véri- 


1  Exstai  Ecclesia  cunctis  clara  atque  conspicua; 
quippe  civitas  qicœ  abscoiidi  non  potest  super 
monteiii  consiiiula,  perqiiairi  domiralur  Christus 
a  mari  uscjue  ad  mare,  et  a  flumine  usque  ad  ter- 
minas orbis  lerrœ,  tanquani  semen  Abraliœ  mtil- 
tipLcatiim  sicut  slellm  cœli,  el  sicut  arena  maris, 
in  que  benedictintiir  omnes  génies.  Hanc  etiam 
beaius  Cyprianus  iia  commendat,  ut  eum  dicat 
Dominilace perfasam,  radios snos per orbem  ter ra- 
rum  porrigere,ramos  suos  per  unioersain  Lerram 
copia  uhertatis  extendere.  August.,  lih.  il  Contra 
Crescon.,  cap.  xxxvt,  nimi.  45,  pag.  433. 

2  Bine  lit  ut  Ecclesia  vera  neminem  lateat, 
unde  est  illiid  qaod  in  Eoangelio  ipse  dicit  :  non 
potest  cii'itas  abscondi  super  montein  consiiiula. 
August.,  lib.  II  Contra  Petilianum,  cap.  xxxii , 
nun).  74,  pag.  240. 

s  Aon  est  autem  ista  operta,  quia  non  est  sub 
modio  sed  super  candelabrum,  ut  luceat  omni- 
bus qui  in  domo  sunl,  et  de  illa  diclum  est  :  Non 
potest  civitas  abscondi  super  luontem  coustituta: 
sed  donatislis  vetut  operta  est,  qui  audiunt  lam 
lucidaet  manifesta  teslimonia.  quœ  illam  loto  orbe 
demomlrant ,  et  malunt  clausis  oculis  o/[end''re 
in  monlem  quam  i>i  eum  ascendere.  August.,  De 
Unit.  Eccles.  cap.  xvi,  num.  40,  pag.  366, 
tom.  IX. 

(?!io  ego  signo  manifesto  adhuc  parvutus  et 
nondumvalens  liquidum  discernere  a  tôt  erroribus 
veritatem;  quo  manifesta  inilcio  lenebo  Ecclesiam 


Christi .  in  quem  jam  credere  tanta  rerum  anfea 
prœdictarum  manifeslatione  compellor?  Sequitur 
idem  Prophela  et  lanquam  motus  animi  ejus  or- 
dinatissime  excipiens,  doceleum  Ecclesiam  Christi 
ipsam  esse  prœdiclam ,  quœ  omnibus  eminet  et 
apparet.  Ipsa  enimest  sedesgloriœ,  d.  qua  dicit 
Apostolus  :  Templum  enim  Dei  sanctum  est  quod 
estis  vos  ;  w/îde  iste  dicit,  sedes  autem  glorim 
exaltata  est  sanclificatio  nostra  ;  propter  nos 
enim  et  motus parvulorum,  quipossant  seduci  ab 
hominibus ,  manifestationem  claritatis  Ecclesiœ 
Dominus  quoqtte  prœoidens,  ait  :  Non  potest  civi- 
tas abs 'oni-li  supra  montem  constituta,  quia  uti- 
que  sedes  gloriœ  cxallalaest  saiictificatio  nostra, 
ut  non  audianlur  illi,  qui  ad  re'Àgionum  scissu- 
ras  traducunt  dicentes:  Ecce  hic  est  Christus,  ecce 
illic.  Cum  illa  civitas  super  montem  sit  :  quem 
montem?  nisi  eum  qui  secundum prophetiam.  Da-  . 
nielis  ex  parvo  lapide  creavit,  et  factus  est  mons 
magnus  ita  wt  impleret  universam  lerram.  Au- 
gust., lib.  XUI  Contra  Faust.,  cap.  xiii,  pag.  2H9, 
tom.  VllI. 

s  Ipsa  est  Ecclesia  sancta,  Ecclesia  una.  Eccle- 
sia vera,t:cclesia  calholica,  contra  omnes  hœre- 
ses  pugnans;  pugnare  potest,  expugnari  tamen 
non  potest.  Hœrt-ses  omnes  de  illa  e.vierunt,  lan- 
qtiam  sarmenla  inutilia  de  rite  prœcisa  ;  ipsa  au- 
tem manct  invite  sua,  in  charitatc  sua;portœ  inr 
ferorum  non  rincent  cam.  August.,  Serm.  de 
Symbole ,  cap.  vj ,  uum.  13,  tom.  YI,  p.  554. 


[iV''  KT  Y"  SIFCLES.] 

table  et  catholique.  C'est  elle  qui  combat 
contre  toutes  les  bércsies,  elle  peut  être  at- 
taquée, mais  jamais  foi'cée  ni  vaincue.  Tou- 
tes les  hérésies  sont  sorties  d'elle  comme 
des  sarments  inutiles  coupés  de  la  vigne, 
mais  elle  demeure  attachée  à  sa  racine,  à 
son  tronc  dans  sa  charité,  et  les  ])ortcs  de 
l'enfer  ne  la  surmonteront  point,  elle  ne  se- 
ra jamais  vaincue  '  ni  déracinée,  elle  ne  cé- 
dera point  aux  tentations,  mais  elle  subsis- 
tera jusqu'à  la  fin  du  monde,  et  il  n'y  aura 
aucun  temps  jusqu'au  jour  du  jugement,  où 
la  teire  soit  sans  Eglise.  C'est  une  vérité 
dont  aucun  fidèle  ne  peut  douter  ^,  que  cette 
Église  est  fondée  pour  toujours,  puisque  Jé- 
sus-Christ a  promis  qu'il  serait  avec  les  siens 
jusqu'à  la  consommation  des  siècles.  » 

47.  Les  donatistes  convenaient  que  les 
prophéties  et  les  promesses  de  Dieu  mar- 
quaient que  l'Église  devait  être  répandue  par 
toute  la  terre,  mais  ils  soutenaient  en  même 
temps  qu'elles  avaient  eu  leur  accomplisse- 
ment par  la  prédication  de  l'Évangile  dans 
tout  le  monde.  Ils  ajoutaient  que,  l'etïet  mar- 
qué par  ces  prophéties  n'étant  que  passa- 
ger, cela  n'empêchait  pas  que  l'Eglise  n'eût 
péri  par  la  contagion  ^  des  méchants  Afri- 
cains, c'est-à  dire  de  Cécilien  et  de  ses  or- 
dinateurs, et  qu'elle  ne  fut  restée  dans  le 


SArSx  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HTPPOXË. 


62^ 


parti  de  Donat,  et  réduite  à  la  seule  pro- 
vince d'Afiiijue.  Mais  saint  Augustin  répond 
qu'on  ne  doit  point  croire  *  que  Dieu  aurait 
fait  rendre  tant  de  témoignages  à  une  Église 
qui  devait  bientôt  périr,  en  même  temps 
qu'il  aurait  laissé  comme  incomiue  celle  des 
donatistes  qui,  à  les-entendre,  devaient  seuls 
subsister  et  servir  même  à  réparer  l'autre. 
'(  Que  ^  ces  schisraatiques,  dit-il,  fassent  une 
recherche  soigneuse  des  Écritures,  et  que, 
contre  tous  les  témoignages  qui  font  voir  l'É- 
glise répandue  par  toute  la  teire,  ils  en  pro- 
duisent un  seul  aussi  clair  que  ceux-là,  par 
lequel  ils  montrent  que  l'Église  a  péri 
dans  toutes  les  nations,  et  qu'elle  n'est  de- 
meurée qu'en  Afrique.  Comment  osent-ils 
dire  "  que  ce  que  Jésus-Chjist  dit,  qu'il  faut 
que  la  pénitence  soit  prèchée  à  tous  les  peu- 
ples, à  commencer  par  Jérusalem,  est  déjà 
accompli  ;  mais  qu'ensuite,  tous  étant  tombés 
dans  l'apostasie,  la  seule  Afrique  soit  demeu- 
rée à  Jésus-Christ;  puisque  cette  prophétie 
est  encore  à  accomplir,  et  que,  lorsqu'elle 
sera  accomplie,  la  fin  .  du  monde  viendra?  » 
Le  saint  Docteur  dit  anathème  '  à  ceux 
qui,  comme  les  donatistes,  enseignent  que 
l'Église  a  péri  :  «  0  paroles  impudentes*! 
Quoi  !  l'Église  n'est  plus,  parce  que  vous  n'ê- 
tes plus  dans  son  sein  !  Prenez  garde  de  n'ê- 


'  Hic  erit  Ecclesia  usque  in  finem  sœculi.  .  non 
vincetur  Ecclesia,  non  eradicabitur  ,  nec  cedet 
quibuslibet  tentationibus,  donec  veniat  hujus  sœ- 
culi finis.  August.,  in  Psai.  lx,  num.  6,  pag.  587. 

^  Quis  vero  fidelium  dubilet  Ecclesiam,  eliamsi 
aliii  abeuntibus,  aliis  venientibus,  ex  liac  vila 
morlaliter  transit,  iamen  in  œternum  ess  fun- 
datamt  August.,  in  Psal.  Lxxvn,  num.  42, 
pag.  837. 

3  Vos  contagione  malorum  Afroriim  Ecclesiam 
periisse  dicilis  de  orbe  terrarum,  in  parte  Honali 
ejus  reliquias  remansisse  tanquam  in  frumeniis 
a  zizaniis  et  palea  separatis...  vos  itaque  s  cun- 
dum  vestrum  errorem,  vel  potius  furorem  accu- 
sare  coginiini.  non  solum  Cœcilianuin  et  ordina- 
tores  eJus,  etc.  August.,  lib.  Il  contra  Crescun., 
cap.  xxxvH,  uum.  46,  pag.  433  et  434. 

'^  Ne  que  toi  testimoniis  comm  ndaretur  quod 
erat  cito  periturum,  et  sic  taceretur,  ani  quod 
soliim  esset  relinquenduin,  aul  ex  quo  solo  to- 
tum  esset  reparandum  etimplendum.  August.,  lib. 
Be  unitnle  Ecclesiœ.  cap.  xix,  num.  51,  pag.  374. 

i"  Perscrutenlnr  [donatistce)  Scripturas  et  con- 
tra lam  wulta  leslinwnia,  quibus  ostendilur  Ec- 
clesia Christi  loLo  terrarum  orbe  diffundi .  vel 
■  u-ni'ïii  proférant  tain  certum  et  tam  manifestum, 
ijuaiii  il  a  sunl,  quo  demo>:slrent  Ecclesiam  Christi 
partisse  de  cœîeris  geiilibus  et  in  sola  Àfrica  rt- 
mansisse.  tanquam  ab  aiio  initio.  non  ab  Jérusa- 
lem, sed  a  Carthagine,  ubi  primo  episcopuiu  con- 


tra episcopum  levaverunt.  August. ,  ibid. ,  cap. 
xvr,  num.  42,  pag.  367. 

^  Quomodo  ergo  istidicunt  jam  esse  completum 
quod  Dominus  ad,  piœdicari  in  uomine  ejus  pse- 
nitentiam  et  remissioiiem  peccatorum  in  omnes 
geutes,  incipieutibus  v.hi&TmaXein  ■.  sed  postea,  cé- 
leris deficienlihus.  solam  Christo  Africain  reman- 
sisse ;  cum  adhuc  illud  implendum  sil,  nonduin 
implelum  sit  ?  Cum  autem  impletuin  fuerit,  veniet 
finis.  Sic  eiiim  Dominus  ait:  et  prœdicabitur  hoc 
Evaugelium  regni  in  univeisa  orbe,  in  testimo- 
niuui  omnibus  geutibus,  et  tanc  veniet  finis.  Au- 
gust., ibid.,  cap.  xvii,  pag.  368. 

'  Aliud  autem  evangelizat,  qui  periisse  dicit  de 
cetero  mundo  Ecclesiam,  et  in  parte  Donaii  in 
sola  Africa  remansisse  dicit.  Ergo  anathema  sit. 
Aul  légat  mihi  hoc  in  Scripturis  sanctis,  et  non 
sit  anathema.  August.,  ibid.,  cap.  xiii,  pag. 
360. 

8  Sed  illa  Ecclesia  quœ  fuit  omnium  gentium, 
jainnon est, periit.  Hoc dicunt  qui  initia  non  sunl, 
0  impudeni em  vocem  !  Illa  non  est,  quia  tu  inilla 
non  es?  Vide  ne  tu  ideo  non  sis  :  nain  illa  erit, 
etsi  tu  non  sis  Hanc  vocem  abominahilein,  de- 
teslabileni,  prœsumptioins  et  falsit  lis  pi  nam, 
nulla  veritale  sufftUlam,  nulla  sapieniia  illumi- 
natam.nullo  sale  conditain,vanam,  temerartam, 
prcecipitem,  perniciosain,  prœoidit  Spiritits  Sanc- 
tus.  August.,  Ser;/(  2  in  Psalm.  ci,  iium.  8,  pag. 
1103. 


628 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Objection 
contre  l'iadâ- 
fectiliililé  de 
l'EjIise. 


tre  plus  vous-mêmes.  L'Église  ne  laissera 
pas  de  subsister,  quoique  vous  ne  subsistiez 
plus.  Le  Saint-Esprih  avait  prévu  qu'il  y  au- 
rait des  gens  qui  prononceraient  ces  paroles 
abominables,  détestables,  pleines  de  pré- 
somption et  de  fausseté,  qui  ne  sont  ap- 
puyées sur  aucune  vérité,  ni  éclairées  d'au- 
cune sagesse,  ni  assaisonnées  d'aucun  sel, 
vaines,  téméraires,  précipitées  et  pernicieu- 
ses :  L'Eglise  n'est  plus.  » 

48.  Saint  Augustin  reconnaît  toutefois 
qu'il  peut  y  avoir  des  temps  dans  lesquels 
l'Église  soit  obscurcie  et  comme  couverte 
de  nuages  par  la  multitude  des  scanda- 
les ^  Mais  c'est  alors,  ainsi  qu'il  le  fait  re- 
marquer, qu'elle  éclate  davantage  dans  ses 
plus  généreux  membres.  Il  y  a  des  temps 
qu'elle  est  libre  et  tranquille ,  et  d'autres 
dans  lesquels  elle  est  agitée  par  les  tempê- 
tes des  tribulations  et  des  tentations.  «  Tel 
était,  ajoute-t-il,  ce  temps  dont  parle  saint  Hi- 
laire  :  le  témoignage  de  cet  évéque  servait  à 
Vincent,  rogatiste,  pour  montrer  que  l'Église 
avait  péri.  Le  saint  évêque  de  Poitiers  avait 
dit  ^  qu'excepté  Éleusius  et  un  petit  nom- 
bre d'évêques  avec  lui,  la  plus  grande  partie 
des  dix  provinces  d'Asie,  où  il  était  alors,  ne 
connaissaient  point  Dieu  ou  ne  le  connais- 
saient que  pour  le  blasphémer  ;  que  tout 
était  plein  de  scandales,  de  schismes  et 
d'infidélités.  Qui  ne  sait,  dit  saint  Augustin' 
en  expliquant  cet  endroit  de  saint  Hilaire, 


qu'en  ce  temps-là  plusieurs,  faute  d'intelli- 
gence, ont  été  trompés  par  des  paroles  am- 
biguës qui  leur  ont  fait  croire  que  les  ariens 
étaient  de  leur  sentiment  ?  Que  d'autres,  ne 
marchant  pas  droit  selon  la  vérité  de  l'Évan- 
gile, ont  cédé  par  crainte  et  feint  de  consen- 
tir? Qu'il  y  en  a  eu  d'assez  fermes  pour  souf- 
frir l'exil,  et  d'assez  éclairés  pour  décou- 
vrir les  pièges  des  hérétiques?  Qu'ils  étaieut 
à  la  vérité  en  petit  nombre,  mais  qu'ils 
étaient  cachés  dans  toute  la  terre?  C'est  par 
eux  que  l'Eglise,  qui  croît  partout,  a  été  con- 
servée dans  le  pur  fi'oment,'et  sera  mainte- 
nue jusqu'à  ce  qu'elle  ait  été  établie  par 
toutes  les  nations,  même  les  plus  barbares. 
Car  elle  n'est  autre  chose  que  ce  bon  grain 
que  le  Fils  de  l'Homme  a  semé  dans  le  champ 
du  monde,  et  qui  doit,  scion  qu'il  nous  l'a 
prédit,  croître  parmi  l'ivraie  jusqu'à  la  mois- 
son, c'est-à-dire  jusqu'à  la  fin  des  siècles. 
C'est  donc  à  l'ivraie  de  ces  dix  provinces 
d'Asie  que  s'adresse  la  correction  d'Hilaire, 
ou  peut-être  même  au  bon  grain  qui  était  en 
danger  de  se  corrompre,  et  que  ce  saint 
homme  ne  pouvait  voir  dans  ce  danger  sans 
le  reprendre  d'une  manière  d'autant  plus 
salutaire  qu'elle  était  plus  forte.  C'est  ainsi 
qu'en  usent  les  auteurs  même  canoniques  : 
quand  il  s'agit  de  reprendre,  nous  voyons 
qu'ils  parlent,  comme  si  leurs  discours  s'a- 
dressaient à  tout  le  monde,  quoiqu'ils  ne  re- 
gardent que  quelques  particuliers.  » 


1  Ipsa  est  (Ecclesia)  quœ  aliquando  obscura^ 
tur,  et  tanguam  obnubilatur  m^l,llU^^dine  scan- 
dalorum....  sed  etiam  tune  in  suis  firmissimis 
eminet,  et  si  aliqua  in  his  verbis  divinis  distribu- 
tio  facienda  est,  fortasce  non  frustra  dictum  sit 
de  semine  Abrahœ  :  Sicut  stellœ  cœli ,  et  sicut 
arena,  quee  est  ad  oram  maris.  [Gènes,  xxii, 
17.)  Ut  in  slellis  cœli  pauciores,  firmiores,  cla- 
rioresque  intelligantur  ;  in  arena  autem  mari- 
timi  littoris  magna  muUitudo  infirmorum  alque 
carnalium  ,  quœ  aliquando  tranquillitale  tem- 
poris  quieta  et  libéra  apparet,  aliquando  autem 
tribulationum  et  tentalionum  fiiictibus  operilur 
atque  tiirbatur.  Taie  tune  erat  tempus  de  quo 
scripsit  Hilarius,  unde  putasti  insidiandum  con- 
tra leslimonia  tôt  divina,  tanquim  perierit  Ec- 
clesia de  orbe  terraruni.  August.,  Episl.  93,  num.  , 
30  et  31. 

*  Àbsq'ue  Eleusio  et  paucis  cum  eo,  ex  majori 
parte  Asianai  decem  provincice,  intra  quas  con- 
sisto,  vere  Deum  nesciunt.  Àtqu,e  utinam  penitus 
nescirent  ;  cum  procliviore  enim  venia  ignora- 
rent,  quami  obtrectarent....  ubique  autem  scan- 
dala,  ubique  schismata,  ubique  perfidiœ  suut. 
Hilarius,  lib.  De  Sun.,  iiiim.  63,  png.  M86  et  1187. 

'  Quis  enim  nescil  illo  tempore  obscuris  verbis 


multos  parvi  sensus  fuisse  delusos,  ut  putarent 
hoc  credi  ab  arianis,  quod  etiam  ipsi  credebànt; 
alios  «Miem  timoré  cessisse  et  simulate  consen- 
sisse,  non  recte  ingredienies  ad  veritatem  Evan- 
gelii,  quibus  tu  postea  correctis,  sic  quemadmo- 

dum  ignotum  est,  nolles  ignosci quanquam  et 

ilii,  qui  tune  fi.rntissinn  fuerunt.  et  verba  hœre- 
ticorum.  insidiosa  intelligere  potuerunt ,  pauci 
quidem  in  comparatione  cœterorwm,  sed  tamen 
etiam  ipsi  quidam  pro  fuie  fortiter  exsulabant, 
quidam  loin  orbe  latitabant.  Ac  sic  Ecclesia,  quœ 
per  omnes  gentes  crescit.  in  frumentis  dominicis 
conservata  est,  et  usque  in  finem ,  donec  omnino 
gentes  omnes,  etiam  barbaras  teneat.  aonserva- 
bilur.  Ipsa  enim  est  Ecclesia  in  bono  semine, 
quod  seniinavit  Eilius  hominis,  et  usque  ad  mes- 
sem  crescere  inter  zizania  prœnuntiavit.  Ager 
autem  mtindus  est,  messis  finis  est  sœculi.  Hila- 
rius ergo  decem  provinciarum  Asianarum  aut 
zizania  non  triticum  arguebat,  aut  ipsum  etiam 
trilicum,  qtiod  defectu  quodam  pericUlabatur, 
quanlo  veliementius  tanto  utilius  arguendum 
putabat.  Habent  enim  etiam  Scripturœ  cano- 
nicœ .  hune  arguendi  murem,  ut  tanquam  om- 
nibus dicatur,  et  ad  quosdam  verbum  perve- 
niat.  August.  ,  Epist,  93  ,  uum.  31  et  32,  pag.  244. 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HEPPONE. 


[IV=  ET  V°  SIÈCLES.] 

49.  «  Nous  croyons  ',  dit  saint  Augustin, 
que  l'Église  est  sainte,  et  cette  Église  est  la 
catholique.  Les  hérétiques  et  les  schismati- 
ques  donnent  aussi  le  nom  d'église  à  leurs 
assemblées  ;  mais  les  premiers  violent  la  foi 
par  les  sentiments  faux  qu'ils  ont  de  la  divi- 
nité ,  et  les  seconds  se  séparent  de  la  charité 
fraternelle  parleurs  divisions  injustes,  quoi- 
qu'ils croient  les  mêmes  choses  que  nous 
croyons.  De  là  vient  que  ni  les  hérétiques 
n'appartiennent  à  l'Eglise  ,  parce  qu'elle 
aime  Dieu,  ni  les  schismatiques,  parce 
qu'elle  aime  son  prochain.  Tous  ceux-  qui 
croient  de  Jésus-Christ  ce  que  la  foi  nous 
en  enseigne,  mais  qui  sont  en  ditférend  tou- 
chant son  corps  qui  est  l'Église,  en  sorte 
qu'ils  ne  soient  pas  unis  de  communion  avec 
tout  le  corps,  mais  seulement  avec  quelques 
parties  séparées  ;  ceux-là  ne  sont  point  dans 
l'Église  catholique,  mais  dehors,  quoiqu'ils 
aient  une  même  foi.  L'Église  des  saints  est 
l'Église  catholique  ' ,  et  l'Église  des  saints 
n'est  point  l'église  des  hérétiques.  » 

Le  saint  Doctem-  suppose  visiblement  que 
les  hérétiques  ne  sont  point  dans  l'Église, 
lorsqu'il  dit  '  qu'il  faut  fortifier  la  faiblesse 
de  l'homme  contre  les  tentations  elles  scan- 
dales qui  peuvent  arriver,  soit  au  dehors , 
soit  au  dedans  de  l'Église  :  au  dehors,  contre 
les  gentils,  les  juifs  et  les  hérétiques;  au 
dedans,  contre  la  paille  du  Seigneur.  Néan- 
moins dans  ses  livres  du  Baptême  contre  les 


629 

donatistes,  il  met^  les  hérétiques  entre  les 
vases  d'ignominie  qui  sont  dans  cette  grande 
maison  dont  parle  saint  Paul  dans  son  Épî- 
tre  à  Timothée.  Mais  il  reconnaît  que  c'est 
une  manière  de  parler  si  impropre,  qu'il  l'a 
corrigée  an  même  endroit,  en  disant  :  que  ces 
hérétiques  sont  plutôt  hors  de  la  maison  que 
dedans,  et  qu'ils  en  sont  même  séparés  ex- 
térieurement. «  L'apôtre  saint  Paul  déclare, 
ajoute-t-il,  que  dans  une  grande  maison  il  n'y 
a  pas  seulement  des  vases  d'or  et  d'argent, 
mais  aussi  des  vases  de  bois  et  de  terre  ;  qu'il  y 
a  des  vases  d'honneur  et  d'ignominie.  De  ce 
nombre  qui  est  innombrable,  sont  non-seu- 
lement les  méchants  qui  pressent  les  saints, 
dont  le  nombre  est  toujours  bien  plus  petit 
en  comparaison  de  cette  grande  multitude 
dfl  méchants ,  mais  encore  les  hérétiques  et 
les  schismatiques  qui  ont  rompu  les  rets,  et 
qui  sont  plutôt  hors  de  la  maison  que  dans 
la  maison.  Car  étant  extériem?ement  désunis 
d'avec  l'Église,  ils  en  sont  plus  séparés  que 
ceux  qui,  vivant  au  dedans  d'une  manière 
charnelle  et  animale,  n'en  sont  séparés  que 
spirituellement.  Il  se  peut  faire  néanmoins 
qu'il  y  ait  beaucoup  d'hérétiques  et  de  schis- 
matiques dans  l'Église  ;  mais  ce  n'est  que 
dans  le  cas  que  leurs  erreurs  et  leurs  schis- 
mes demeurant  cachés,  l'Église  ne  les  au- 
rait pas  mis  hors  de  son  sein.  »  C'est  ce  que 
dit  assez  clairement^  saint  Augustin  dans 
l'explication  de  la  parabole  de  l'ivraie  semée 


Il  Tliiraolh. 
ir.  20. 


'  Credimus  et  sanctam  ecclesiam  utique  ca- 
tholicam.  Nam  hœretici  et  schismatici  confjrega- 
tiones  suas  ecclesias  vacant.  Sed  hœretici  de  Deo 
falsa  sentiendo  ipsain  fidem  violant;  schismatici 
autem  discissionibus  iniquis  a  fraterna  charitate 
dissiliunt,  quamvis  ea  credant  quœ  credimus. 
Qua}  ropler  nec  hœretici  pertinent  ad  Ecclesiam 
catholicam,  quœ  diligit  Deum  ,  nec  schismatici, 
quoniam  diligit  proximum.  August.,  lib.  De  fide 
et  symbolo,  nuni.  21,  pag.  161. 

2  Quicumque  credunt  quidam  quod  Christus 
Jésus,  ita  ut  dictum  est,  in  carne  venerit,  et  in 
eadem  carne,  in  qua  natus  et  passus  est,  resur- 
rexerit,  et  ipse  sit  Filius  Dei,  Detis  apud  Ver- 
bum,  et  cum  Pâtre  unum,  et  incommutabile  Yer- 
bum  Patris,  per  quod  facta  sunt  omnia  ;  sed  ta- 
men  ab  ejus  corpore,  quod  est  Ecclesia,  ita  dis- 
sentiunt,  ut  eorum  communia  non  sit  cum  toto 
quacumque  diffunditur,  sed  in  aliqua  parte  se- 
parata  inveniatur ;  manifestum  est  eos  non  esse 
in  calholica  Ecclesia.  August.,  lib.jDe  Unitate  Ec- 
clesia', cap.  IV,  num.  7,  pag.  342. 

3  Erga  Ecclesia  sanctarum,  Ecclesia  cathalica 
est.  Ecclesia  sanclorum,  non  est  ecclesia  hœre- 
ticorum.  August.  in  Psat.  149,  num.  3,  pag.  1685. 

*  Tum  vero  instruenda  et  animanda  est  infir- 


mitas  hominis  adversus  tentationes  et  scandala, 
sive  faris,  sive  in  ipsa  intus  Ecclesia  :  foris  ad- 
versus gintiles  vel  judœos  vel  hareticos ,  intus 
autem  adversus  areœ  Dominicœ  paleam.  Angmt., 
lib.  De  Calhech.  rudib.,  cap.  vu,  nom.  2,  tom.  VI, 
pag.  270. 

*  Nam  et  istos  esse  in  dama  negare  non  possur- 
mus,  dicente  Àpostolo,  Il  Thimoth.  i',  20  :  In  magna 
non  autem  domo  solum  aurea  vasa  simt  vel  argen- 
tea.sed  et  lignea  et  lictilia,  et  alla  quidem  sunt  in 
honorem,  alia  vero  in  contumeliam.  Ex  hoc  numéro 
innumerabili ,  non  solum  turba  intus  premens 
cor  paucarum  in  tantœ  muUitudinis  campara- 
tione  sanctarum,  sed  etiam-  disruptis  retibus  hœ- 
reses  et  schismata  exsistunt  in  eis,  qui  jam  magis 
ex  domo  quam  in  domo  esse  dicendi  sunt,  de 
quibus  dicilur:Ex  nobis  exierunt,  sed  non  erant 
ex  nobis.  Separatiores  enim  sunt  jam  etiam  cor- 
poraliter  segregati,  quam  illi  qui  interius  carna- 
liter  et  animaliter  vivunt,  et  spiritaliter  sepa- 
rali  sunt.  August.,  lib.  VII  De  Bapt.,  cap.  li, 
num.  99,  png.  201. 

6  Nec  tamen  consequens  est  ut  omnis  hœreticus 
vel  schismaticus  corparuliler  ab  Ecclesia separe- 
tur.  Si  enim  falsa  de  Dea  crédit  vel  de  aliqua 
parte  jioctrince  quœ  ad  fidei  pertinet  œdificatio- 


630 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


au  milieu  du  bon  grain  liiins  lo  champ  du 
père  de  famille.  Il  y  remarque  que  les  liéré- 
tiquos  et  les  scliismatiques  ne  sont  pas  tous 
séparés  de  l'Eglise.  «Car  il  se  peut  faiie, 
dit-il,  qu'ils  aient  de  fau.x;  senliments,  ou  de 
Dieu  même,  ou  sur  d'autres  points  qui  ap- 
partiennent à  la  foi;  et  des  lors  ils  sont  hé- 
rétiques. Mais,  quoiqu'ils  ne  tiennent  plus  à 
l'Eglise parl'esprit,  ils  3^  appartiennent  encore 
extérieurement.  L'Eglise  en  porte  beaucoup 
de  semblables  dans  son  sein,  parce  qu'ils  ne 
soutiennent  pas  leurs  fausses  opinions  d'une 
manière  à  exciter  l'attention  de  la  multi- 
tude ;  ce  qui  fait  qu'on  ne  songe  point  à  les 
retrancher  de  la  communion;  car  s'ils  fai- 
saient quelqu'éclat,  on  les  en  retrancherait. 
Il  en  est  de  même  des  scliismatiques  qui, 
quoique  séparés  dans  le  cœur  de  l'unité  de 
l'Église,  lui  demem-ent  pourtant  extérieure- 
ment unis;  soit  parce  que  n'ayant  pas  en- 
core trouvé  d'occasion,  ils  ne  se  sont  point 
séparés  ;  soit  parce  que  leur  crime  étant  ca- 
ché, ils  n'ont  point  élé  retranchés.  » 

Ce  saint  Docleur  enseigne  aussi  en  beau- 
coup d'endroits  '  que  les  bons  et  les  mé- 
chants ,  comme  le  bon  grain  et  la  paille, 
se  trouvent  ensemble  dans  le  sein  de  l'É- 
glise. »  Que  personne  donc,  dit-il,  ne  sorte 
de  l'aire  avant  le  temps  ;  que  le  bon  grain 
tolère  la  paille.  11  ne  sera  réduit  a  la  tolérer 


que  dans  l'aire,  et  il  n'aura  plus  rien  à  tolé- 
rer dans  le  grenier.  Le  père  de  famille  vien- 
dra le  van  à  la  main  et  fera  la  séparation 
des  bons  et  des  méchants.  Car  ils  seront 
toujours  séparés  de  corps,  comme  ils  ie  sont 
présentement  de  cœur  et  de  volonté.  Soyez 
toujours  séparés  de  cœur  des  méchants  , 
mais  demeurez  unis  de  corps  avec  eux. 
Pour  ce  qui  regarde  les  chrétiens  qui  sont 
charnels  %  dont  la  vie  et  les  sentiments  ne 
respirent  que  la  chair,  l'Égiise  catholique^ 
les  soutire  pour  un  temps,  comme  la  paille 
qui  sert  à  conserver  le  froment  dans  l'aire, 
mais  qui  ensuite  doit  en  être  ôtée  ;  et 
parce  que  dans  cette  aire  chacun  est  ou 
paille  ou  froment,  selon  le  mouvement  de 
sa  volonté,  on  y  soutire  le  péché  et  l'erreur 
des  hommes,  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  trouvé 
des  accusateurs,  ou  qu'ils  défendent  leurs 
faux  sentiments  avec  une  animosité  opiniâ- 
tre. »  Il  dit  encore':  «Quand  nous  soute- 
nons que  l'Église  est  répandue  par  toute  la 
terre,  nous  ne  disons  pas  qu'il  n'y  ait  que 
les  gens  de  bien  qui  participent  à  ses  sacre- 
ments, et  que  les  pécheurs  n'y  participent 
point,  et  même  en  plus  grand  nombie.  Nous 
avons  une  infinité  de  passages  de  l'Écriture 
qui  nous  marquent  le  mélange  des  bons  et 
des  méchants  dans  la  même  comni;inion  des 
sacrements.  Il  e:l  écrit  dans  le  Cantique  des 


nem,  ita  ut  non  qumrentis  cunctatione  tempera- 
tus  sit,  sed  inconcusse  credenlis  nec  oinnino 
scientis  opinione  atque  errore  di.cordans,  kœre- 
ticus  est,  et  foris  est  animo,  quamols  corpora- 
liter  intus  vid  atur.  MuUos  enim  taies  portât  Ec- 
clesi:,  quia  non  ita  defendunt  falsitatein  senten- 
tiœ  suœ,  ut  intentain  multitudinein  faciant;  quod 
si  fecerint,  tune  pelluntur.  Item  quieunique  in- 
vident bonis,  ita  ut  qiiœrant  occaslones  exclu- 
dendi  eos,  aiit  degradandi,  vel  criinina  sua  sic 
défend  re  parati  suiit,  si  objecta  vel  prodiia  fue- 
rinl,  ut  ei.iam  conrenticulor am  segregationes  tel 
Ecclesiœ  perturbationes  cogitent  excilare.  jnm 
schismatici  sunt,  et  ab  unltate  corde  discissi, 
etiamsi,  non  inventis  occasionibus  aiot  occnl'ulis 
factis  suis,  sacramenln  Ecclfsiœ  eorporali  con- 
versnlione  socieninr.  Augusl.,  lih.  Qaœst.  xvii  in 
Matth.  qLiœst.  M,  nuni.  2,  pag.  279,  tum.  III. 

'  Cognooiinus esse  intus  m  Ecclesia  bonos 

et  matos,  quod  sœpe  dicimus  frunu'ntuin  et  pa- 
leam.  Kemo  ante  tempus  deserat  aream,  toleret 
paleam  in  tritura,  tolrrctinarea.  Quod  enim  to- 
leret in  hurreo  non  habebit  Veniet  rentil.ator, 
qui  dividet  malus  a  bonis.  Erit  etiam  corporalis 
separatio,  quam  modo  spiritalis  prœcedit.  A  ma- 
lts corde  semper  difjungimini,  ad  tempus  cavte 
corpure  copulamini.  Aiigiist.,  Serm.  88,  cap.  svni, 
ijum.  19,  tom.  V,  pag.  478. 


2  Carnales  autemsuos,  id  est  viventes  a'tt  sen- 
ticntes,  carnaliter  tanquam  paleas  tolérât  [Eccle- 
sia catholica),  quibtis  in  area  frumenta  tutiora 
sunt,  donec  talibus  tegminibus  exuanlur.  Sed 
quia  in  hac  area  pro  voluntate  quisque  cet  palea, 
vel  frumentum  est,  tandiu  sustinentur  peccatum 
aut  error  ctijnslibet,  donec  aut  accusatorem  in- 
veniat,  aut  pravam  opinionem  pertinaci  animo- 
sitate  defendat.  August.,  Ub.De  Vera  relig.,  cap.  vt, 
uum.  10,  pag.  73). 

3  I\eque  enim  nos  ita  dicimus  per  tolum  orbem 
diffundi  Ecclesiam,  ut  in  sacramentis  ejus  solos 
bonos  esse  dicamus,  ac  non  etiam  malos,  et  eos 
etiam  multo  plures,  ut  in  ei.rum  comparalione 
pauci  sint,  c}im  per  seipsos  in  gentem  numeruni 
facianl.  Jlabemus  innuniera  testimonin,  et  de 
commixtione  nialorum  cum  bonis  in  eadem  com- 
nntnione  saerami-nti.  ...  ex  qnibus  ne  longum  fa- 
ciani.  pauca  commoiorn.  Est  in  Canticis  canti- 
corum,  quod  de  sancla  Erclesi  diclum.  omnis 
Christianus  agnoscit  :  Siciit  lilium  in  meilio  fpi- 
iiaruui  ,  ila  proxima  m.'a  iu  nipdio  fil. arum. 
Unde  appeltal  spinas,  nisi  propter  ma'.ignila- 
tem  ntorum?  Et  easdein  unde  filias,  msi  prop- 
ter conununionem  sacramenlorum  ?  August.  , 
lib.  De  Vn.t.  Ecclesiœ,  uum.  34  et  35,  pag. 
362. 


[lV°  ET  V^  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


631 


cantiques,  et  tout  cîirétien reconnaît  qu'ils'agit 
'"'■  "'  ^'  de  la  sainte  Église  :  Comme  le  lis  est  au  mi- 
lieu des  épines,  de  même  celle  que  j'aime  est  au 
milieu  des  filles.  D'où  vient  qu'il  les  appelle 
épines,  sinon  à  cause  de  la  corruption  de 
leurs  mœurs  ?  Et  d'où  vient  qu'il  leur  donne 
le  nom  de  filles,  sinon  à  cause  de  la  commu- 
nion des  sacrements?  » 
j.efi-on,       30.  On  ne  laisse  pas  de  trouver  plusieurs 
ingpdesions  eudrolts  dans  les  écrits  de  saint  Aupustin, 

t  des   me-  ~  ' 

Sla  ''""^  ^^  ''^  paraît  enseigner  que  les  méchants  ne 
sont  point  de  l'Église.  «  Ceux,  dit-il,  '  qui 
semblent  être  dans  l'Église ,  mais  qui  ne 
vivent  pas  selon  les  lois  de  Jésus-Christ  et 
qui  violent  ses  commandements  ,  n'appor- 
tiennent  en  aucune  manière  à  cette  Église 
qu'il  a  purifiée  de  telle  sorte  par  le  baptême 
d'eau  et  par  sa  parole  ,  qu'il  l'a  rendue  une 
Église  pleine  de  gloire  ,  n'ayant  ni  taches  ni 
rides,  ni  rien  de  semblable.  Mais  si  on  ne 
peut  dire  que  ces  personnes  soient  de  TE- 
giise  dont  ils  ne  sont  point  les  membres  ,  on 
ne  peut  point  dire  avec  plus  de  véi'ité  qu'ils 
soient  dans  celte  Eglise,  dont  il  est  dit  dans 
l'Écriture  :  Une  seule  est  ma  colombe  et  ma 
parfaite  amie.  Car  cette  colombe  est  aussi 
sans  taches  et  sans  l'ides.  Qui  donc  osera 
maintenant  assurer  que  tous  ceux  qui  renon- 
cent au  monde  de  bouche  seulement,  et  non 
de  cœur  ni  d'action  ,  sont  des  membres  de 
cette  colombe  ?  Ceux  ^  dont  la  conscience 
est  souillée  ,  dit  encore  ce  Père ,  ne  sont 


point  dans  le  corps  de  Jésus-Christ  qui  est 
l'Église  :  car  Jésus-Christ  ne  peut  avoir  des 
membres  damnés.  A  Dieu  ne  plaise  que  l'on 
mette  ces  monstres  au  nombre  des  mem- 
bres de  cette  colombe  unique,  ni  qu'ils  puis- 
sent entrer  dans  ce  jardin  fermé,  dont  celui 
qui  ne  peut  se  tromper  est  le  gardien.  Puis- 
qu'il '  n'y  a  que  les  bons  qui,  étant  régéné- 
rés spirituellement ,  entrent  dans  la  compo- 
sition du  corps  de  Jt sus-Christ  en  devenant 
ses  membres ,  snns  doute  que  c'est  en  la 
personne  de  ces  bons  que  consiste  l'Église, 
dont  il  est  dit  dans  l'Écriture  ,  qu'elle  est 
entre  les  files  comme  le  lis  entre  les  épines. 
Elle  est  composée  aussi,  cette  Église ,  de 
ceux  qui  bâtissent  sur  la  pierre ,  c'est-à-dire 
de  ceux  qui ,  après  avoir  écoulé  avec  respect 
les  paroles  de  Jésus-Christ,  les  mettent  en 
pratique ,  et  non  de  ceux  qui  bâtissent  sur 
le  sable ,  c'est-à-dire  qui  écoutent  la  parole 
de  Dieu  et  ne  la  suivent  point  pour  règle  de 
leur  vie.  » 

Comme  tous  ces  passages  sont  tirés  des 
écrits  de  ce  Père  contre  les  donatistes,  on 
doit  les  expliquer,  comme  il  a  fait  lui-même 
dans  ses  Rétractations,  où  il  dit'  que,  lors- 
qu'il a  parlé  de  l'Église  comme  n'ayant  au- 
cune tache  ni  aucune  ride ,  ce  n'est  pas  de 
l'Église  telle  qu'elle  est  à  présent  qu'il  a 
voulu  parler,  mais  de  l'Église  telle  qu'elle 
doit  être  dans  le  séjour  de  la  gloire.  Ce  Père 
dit  encore    ailleurs^  :   «  Il  faut  distinguer 


'  Quia  nec  isti  Ecclesiœ  devoti  sunt,  qui  viden- 
tur  esse  intus,  et  contra  Christum  vivutit,  id  est, 
contra  Christi  mandata  faciunt,  nec  omnino  ad 
illani  Ecclesiam  pertinere  judicandi  sunt,  qiiam 
sic  ipse  mandat  lavacro  aquœ  in  verho,  ut  exhi- 
beal  sibi  gloriosam  Ecclesiam,  non  habentem  ma- 
citlam  aut  nujam,  aut  aliqnid  kujiismodi.  Quod 
si  in  isla  Eccksia  non  sunt,  ad  cujus  membra 
non  pertinent,  non  sunt  in  Ecclesia  de  qua  dici- 
tur  :  Una  est  coluuiba  mea,  una  est  matris  sufe  ; 
ipsa  est  enim  sine  macula  et  ruga.  Ànt  asserat 
qui  polest,  hujus  columbœ  membra  esse  qui  sœ- 
culo  verbis,  non  factis  renuntiant.  August.,  lib.  IV 
De  B  .pt.,  num.  4,  pag.  123. 

2  Tinguere  erç,o  possunt  et  boni  et  mali,  abluere 
autem  conscienliam  nonnisi  ille  qui  semjjer  est 
bonus.  Ac  per  hoc  etiam  nesciente  Ecclesia  prop- 
ter  malam  pollulamque  conscientiam  dumnati  a 
Clirislo  jam  in  cor-pore  Christi  non  sunt  quod 
est  Ecclesia,  quoniam  non  potest  Christus  habere 
membra  damnata.  Proinde  et  ipsi  extra  Ecclesiam 
baptizant.  Omnia  quippe  isla  monslra  absit  om- 
nino ut  in  membris  illius  columbœ  unicœ  com- 
putentur.  Absit  ut  intrare  possint  limites  horli 
conclusi,  crijus  ille  cuslos  est  qui  non  potest  falli. 
August.,  lib.  II  Contra  Cresconium,  cap.  xxi, 
uum.  26,  pag.  423, 


'  Cum  igiiur  boni  et  mali  dent  et  accipiant  bap- 
tismi  sacramentum,  nec  regenerati  spiritaliter  in 
corpus  et  membra  Christi  coœdificentur  nisi  boni, 
profecto  in  bonis  est  illa  Ecclesia,  cui  dicitur:  Si- 
cut  lilium  iu  medio  spiaaruin,  ita  proxima  mea  in 
medio  filiarum.  In  his  est  enim  qui  œdificant  su- 
per petram,  id  est  qui  audiunt  verbuni  Christi 
et  faciunt...  non  est  ergo  in  eis  qui  œdificant  siir- 
per  arenam,  id  est  qui  audiunt  verba  Christi  et 
lion  faciunt.  August.,  lib.  De  Unitate  Ecclesiœ, 
cap.  XXI,  Qum.  60,  pag.  378  et  379. 

'  Ubicumque  autem  in  his  libris  De  Baptismo 
commemoravi  ecclesiam  non  habentem  maculam 
aut  rugam,  non  sic  accipiendiim  est,  quasi  jam  sit, 
sed  quœ  prœparatur  ut  sit  quando  apparebit 
etiam  gloriosa.  August.,  lib.  \l  Retract.,  cap.  xviii, 
tom.  I,  pag.  48. 

s  Calkolici  ostenderunt  divina  testimonia  con- 
sonare,  ut  et  illaquibus  commendaretur  Ecclesia 
cum  malorum.  conimixtione,  hoc  lempns  ejus  si- 
gni/icareul,  qualis  est  in  prœsenti  sœculo;  et 
illa  testimonia  quibus  comm  ndatur  non  habere 
commixlos  malos,  illudejus  tempus  significarent, 
qualis  venturo  sœculo  in  œternum  futura  est  si- 
cut  mmc  morlalis  e-^t,  id  est,  ex  mortalibus  ho- 
minibus  constat:  tune  autem  immortalis  erit , 
quando  in  ea  nemo  morietur:  sicut  Christus  isto 


632 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


deux  états  de  l'Église  :  celui  de  la  vie  pré- 
sente, où  elle  est  mêlée  de  bons  et  de  mau- 
vais ,  et  celui  de  la  vie  future,  où  elle  sera 
sans  aucun  mélange  de  mal,  et  où  ses  en- 
fants ne  seront  plus  sujets  au  péclié  ni  à  la 
mort.  Cette  diûerence  est,  ajoule-t-il,  bien 
marquée  dans  les  deux  pêches  des  apôtres  : 
l'une  faite  avant  la  résurrection  de  Jésus- 
Christ,  dans  laquelle  Noti-e-Seigneur,  sans 
faire  mention  de  la  droite  ni  de  la  gauche, 
fait  jeter  les  filets  dans  la  mer ,  pour  mar- 
quer que  dans  cette  vie  les  bous  et  les  mé- 
chants seraient  renfermes  dans  les  mêmes 
filets  des  sacrements;  et  l'autre  après  sa  ré- 
surrection, dans  laquelle  Jésus-Christ  fait 
jeter  les  filets  à  la  droite ,  pour  nous  faire 
connaître  qu'il  n'y  aura  que  les  bons  dans 
l'Église  triomphante.  Comme  dans  la  confé- 
rence de  Carthage  les  donatistes  repro- 
chaient aux  catholiques  qiae  par  cette  dis- 
tinction ils  admettaient  deux  p]glises  ,  ceux-ci 
réfutèrent  cette  '■  calomnie  ,  en  montrant  que 
c'est  la  même  Église  qui  est  en  cette  vie,  mê- 
lée de  méchants,  et  qui  ne  sera  composée  que 
de  saints  seulement  après  la  résurrection  : 
de  sorte  que  c'est  la  même  Église  considérée 
dans  deux  états  ditlërents,  mais  qu'on  ne 
devait  pas  dire  pour  cela  qu'il  y  eût  deux 
Églises ,  comme  on  ne  dit  pas  qu'il  y  a  deux 


Christs,  parce  que  le  même  Christ  a  été  mor- 
tel et  qu'il  est  immortel ,  ni  qu'il  y  a  deux 
hommes,  parce  qu'on  distingue  l'homme  ex- 
térieur et  l'homme  intérieur.  » 

Nous  remarquerons  aussi  avec  un  savant 
théologien  que^,  selon  ce  saint  Docteur, 
1  Église  est  un  corps  vivant  composé  de  corps 
et  d'âme.  «  L'âme  de  l'Église  consiste  dans 
les  dons  intérieurs  du  Saint-Esprit,  la  foi, 
l'espérance  et  la  charité;  le  corps  de  F  Église 
dans  la  profession  extérieure  de  la  foi  et  de 
la  communion  des  sacrements.  Il  arrive  de 
là  que  quelques-uns  sont  de  l'âme  et  du 
corps  de  l'Église,  et  par  conséquent  unis  à 
Jésus-Christ,  leur  chef,  intérieurement  et  ex- 
térieurement. Ceux-là  sont  parfaitement  de 
l'Église ,  parce  qu'ils  y  sont,  comme  les  mem- 
bres vivants  sont  dans  le  corps.  Mais  entre 
ceux-là  mêmes  il  y  a  de  l'inégalité  dans  la 
participation  de  cette  vie ,  quelques-uns  n'en 
ayant  qu'un  petit  commencement,  comme 
des  membres  qui  n'ont  que  le  sentiment  et 
point  de  mouvement  ;  ce  sont  ceux  qui  ont 
la  foi  sans  la  charité.  D'auti'es  participent  à 
l'âme  de  l'Éghse,  mais  ne  sont  point  encore 
de  son  corps,  comme  les  cathécumènes  et 
les  excommuniés,  s'ils  ont  la  foi  et  la  charité. 
Enfin ,  quelques-uns  sont  du  corps  de  l'Église 
et  non  pas  de  l'âme;  et  ce   sont  ceux  qui 


tempore  fuit  pro  illa  mortalis,  post  resiirrectio- 
nem  aui^m  jam  non  moritur,  et  mors  illi  ultra 
non  dominabitnr,  quod  etiam  Ecclesiw  suce  in 
fine  sœculi  prœstiturus  est.  Hœc  duo  lempora 
Ecclesiœ,  quœ  nunc  est,  et  quatis  tnnc  erit,  signi- 
ficata  esse  etiam  duabus  piscationibus  :  tma  anle 
resurreclionem  Chrisli,  quando  mitti  jussit  relia 
nec  sinistram,  nec  dexteram  nominans  partem, 
ut  nec  solos  malos,  nec  solos  bonos,  sed  comniix- 
tos  bonis  malos  intra  relia  suorum  sacramenlo- 
rnm  fuluros  doceret  ;  post  restirrectionem  au- 
tem  jussit  relia  mitti  id  dexteram  partem,  ut 
post  resurreclionem'  noslram,  bonos  solos  in  Ec- 
clesia  fuluros  inteltigeremus,  ubi  ullerius  hœ- 
reses  et  schismala  non  erunt,  quibus  modo  retia 
disrumpimtur.  Augtist.,  ïaBrev.  collât,  cum  do- 
natistis,  nuin.  16,  tom.  IX,  pag.  S62  el5  3. 

1  De  duabus  etiam  ecclesiis  calumniam  eorum 
catholici  rcfularunt ,  identidem  exprissius  oslen- 
dentes  quid  dixerint,  id  est,  non  eam  Ecclesiam 
quœ  nunc  habet  permixlos  malos  alicnam  se 
dixisse  a  regno  Dei,  ubi  non  erunt  mali  com- 
mixti:  sed  eamdem  ipsani  unam  etsanctam  Eccle- 
siamnimc  esse  aliter,  tune  aulem  aliter  futiiram; 
nunc  liabere  malos  mixlos,  tune  non  habituram  ; 
sicut  nunc  morlalem  quod  ex  mortalibus  cons- 
taret  hominibus ,  lune  autem  immorlalem  quod 
in  ea  nullus  esset  t'ci  corpore  nwrilurus;  sicut 
non  ideo  duo  Chrisli  quia  prius  n}orUnis  postea 
non  moriturus.  Diclum  est  etiam  de  homine  ex- 


teriore  et  interiore,  quœ  cum  sint  diversa,  non 
tamen  dici  duos  homines  :  quanto  miniis  dici 
duas  ecclesias,  cum  iidem  ipsi  qui  nunc  boni  et 
resurrecturi  moriuntur,  tune  nec  mixtos  malos 
habiluri  sint,  nec  omnino  morituri.  August.,  in 
Brev.  collât.,  nuui.  20,  pag.  564-565. 

^  Notandum  autem  est  ex  Augustino  in  Brevi- 
culo  collât,  coll.  3,  Ecclesiam  esse  corpus  vivum, 
in  quo  est  anima  et  corpus,  et  quidem  anima  sunt 
interna  dona  Spirilus  Sancti,  fides,  spes,  chari- 
tas,  et:.,  corpus  sunt  externa  professio  fidei,  et 
communicalio  sacramenlorum.  Ex  quo  fit,  ut 
quidam  sint  de  anima  et  de  corpore  Ecclesiœ,  et 
proinde  uniti  Chrislo  capiti  interius  et  ixteriiis, 
et  taies  smit  perfectissime  de  Ecclesia:  sunt  enim 
quasi  membra  riva  in  corpore.  quamvis  etiam 
inler  istos  aliqui  magis ,  aliqui  minus  l'itam  par- 
ticipent, et  aliqui  solum  initium  vilœ  habeant,  et 
quasi  sensum,  sed  non  motum,  ut  qui  habent  so- 
lam  fidem  sine  cliaritate;  rursum  aliqui  sint  de 
anima,  et  non  de  corpore,  ut  catechumeni,  vel 
excommunicati,  si  fidem  et  charitatem  habeant, 
quod  fieri  potest;  denique  aliqui  sint  de  corpore, 
et  non  de  anima,  ul  qui  nullam  habent  inlernam 
virlutem,  et  tamen  spe,  aut  timoré  aliquo  tem- 
porali  profUenlur  fidem,  et  in  sacramentis  com- 
municant sub  regimine  pastorum:  et  laies  sunt 
sicut  capilli.  aut  ungues,  aut  mali  humores  in 
corpore  liumano.  Bellaraiiu.,  lib.  111  De  Ecclesia 
mililante,  cap.  n,  pag.  44,  coluin.  2. 


[IV°  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


633 


Qu'il  n'y  a 

Dt  de  ^.ilut 

de    l'E- 


n'ont  aucune  vei'tu  intérieure,  qui,  par 
quelque  espérance  ou  quelque  crainte  tem- 
porelle ,  font  profession  de  la  foi  et  partici- 
pent aux  sacrements  sous  le  gouvernement 
des  pasteurs.  Les  personnes  de  cette  sorte 
sont  dans  TÉglise  de  même  que  les  cheveux, 
les  ongles  et  les  maavaises  humeurs  sont 
dans  le  corps  humain.  » 

SI .  «  L'homme  ne  peut  avoir  le  salut  '  que 
dans  l'Eglise  catholique  ;  hors  de  cette  Église 
il  peut  avoir  tout,  excepté  le  salut:  car  il 
peut  conserver  hors  d'elle  les  honneurs  et  le 
sacrement.  Quiconque  donc  sera  séparé  de 
l'Église  catholique',  quoiqu'il  croie  mener 
une  bonne  vie,  dès  lors  qu'il  s'est  séparé  de 
l'Église  et  de  l'unité  de  Jésus-Christ,  il  n'aura 
point ,  à  cause  de  ce  seul  crime ,  part  à  la 
vie,  et  la  colère  de  Dieu  demeurera  sur  lui. 
En  effet,  personne  ne  peut  venir'  au  salut 
et  à  la  vie  éternelle  s'il  n'a  Jésus-Christ  pour 
chef,  et  personne  en  même  temps  ne  peut 
avoir  Jésus-Christ  pour  chef  s'il  n'est  dans 
son  corps  qui  est  l'Éghse  ;  elle  est  seule  ce 
corps  *  de  Jésus-Christ  qui  en  est  le  chef  et 
le  sauveur.  Hors  de  ce  corps,  le  Saint-Esprit 
ne  vivifie  personne  ;  car  celui-là  n'est  pas 


participant  de  la  charité  divine  qui  est  en- 
nemi de  l'unité.  »  De  là  saint  Augustin  con- 
clut que  ceux  qui  sont  hors  de  l'Église  n'ont 
point  le  Saint-Esprit.  Eu  écrivant  à  une 
vierge  qui  était  scandalisée  de  la  mauvaise 
vie  des  pasteurs,  il  dit^  qu'il  y  aura  toujours 
dans  l'Église  catholique  jusqu'à  la  fin  des 
siècles  deux  sortes  de  pasteurs,  les  bons  et 
les  mauvais  ;  mais  que  ceux  qui  sont  séparés 
de  l'Église  ne  sauraient  être  bons,  parce 
qu'encore  qu'une  vie  qui  parait  louable  sem- 
ble donner  lieu  de  croire  que  quelques-uns 
d'entre  eux  sont  bons,  leur  division  d'avec 
l'Église  suffit  pour  les  rendre  mauvais  : 
Jésus-Christ  ayant  dit  cpie  quiconque  n'est 
pas  avec  lui  est  contre  lui ,  et  que  celui  qui 
ne  recueille  pas  avec  lui  dissipe.  Il  enseigne 
ailleurs^  que  dans  l'enceinte  de  l'Église  il 
peut  y  avoir  des  bons  et  des  méchants,  mais 
que  hors  de  cette  enceinte  il  ne  peut  y  en 
avoir  de  bons. 

S2.  «  La  primauté  des  apôtres  s'est  fait 
remarquer  dans  saint  Pierre  '  avec  une 
grâce  éminente.  11  est  le  premier  *  et  le 
principal  dans  l'ordre  des  apôtres,  et  le  seul 
entre  tous  les  autres  qui  a  mérité  '  de  re- 


Sur  la  prî- 
mautéde  saiu( 
Pierre. 


'  Salutem  non  potest  habere  homo  nisi  in  Ec- 
clesia  catholica.  Extra  Ecclesiam  catholicamto- 
tum  potest  prœter  sahUem,  potest  habere  hono- 

rem,  potest  habere  sacramentum,  etc sed  nus- 

quam,  nisi  in  Ecclesia  catholica,  salutem  poterit 
invenire.  Aiigust.,  Serm.  ad  Cœsarecensis  Ecclesiœ 
plebem,  mim.  6,  tom.  IX,  pag.  622. 

*  Quisquis  ergo  ab  hac  catholica  Ecclesia  fuerit 
separatus,  quantumlibet  laudabiliter  se  vivere 
existimet.  hoc  solo  scelere  quod  aChristi  unitate 
disjunctus  est,  non  habebit  vitam  ;  sed  ira  Dei  ma- 
net  super  eum.  August.,  Epist.  141,  num.  5,  pag. 
438. 

'  Ad  ipsam  vero  salutem  ac  vitam  œternam 
nemo  pervenit,  nisi  qui  habet  caput  Christum. 
Eabere  autem  caput  Christum  nemo  poterit,  nisi 
qui  in  ejus  corpore  fuerit,  quod  est  Ecclesia. 
August.,  lib.  Be  Unit.  Ecclesiœ,  cap.  19,  num.  49, 
pag.  372. 

*  Ecclesia  catholica  sola  corpus  est  Christi,  cu- 
jusille  caput  est  Salvator  coiyoris  sui.  Extra  hoc 
corpus  nemi)iem  vivijicat  Spiritus  Sanctus....  non 
est  autem.  particeps  divinœ  charitatis,  qui  hostis 
est  unitatis.  Non  habent  ilaque  Spiritum  Sanctum 
qui  sunt  extra  Ecclesiam.  August.,  Epist.  185, 
num.  SO,  pag.  663. 

5  Aliisunl  ergo  qui  propterea  tenent  pastorales 
cathedras,  ut  Christi  gregibus  consulant  ;  alii 
vero  qui  proplerea  in  eis  sedent,  ut  suis  honori- 
bus  temporalibus  et  commodis  sœcularibus  gau- 
deant,  ista  duo  gênera  pastoram,  aliis  morienti- 
bus,  aliis  nascentibus,  in  ipsa  catholica  necesse 
est  nsque  ad  finem  sœculi  et  usqne  ad  Domini 
judicium  persévèrent ab   ea  vero  (catholica 


Ecclesia)  separati,  quamdiu  contra  illam  sen- 
tiunt ,  boni  esse  non  possunt,  quia,  etsi  aliquos 
eorum  bonos  videtur  ostendere  quasi  laudabilis 
conversatio,  malos  eos  facit  ipsa  dioisio,  dicente 
Domino  :  Qui  mecum  non  est,  adversum  me  est,  et 
qui  mecum  non  colligit,  spargjt.  August.,  Epist. 
208,  ad  Feliciam,  num.  2  et  6,  pag.  773-776. 

^  Intra  islam  aream  boni  et  mali  esse  pos- 
sunt, extra  eam  boni  esse  non  possunt.  August., 
\ih..De  Vnico  baptismo,  cap.  xvi,  uum.  30,  pag. 
543. 

'  In  Scripturis  sanctis  didicimus  apostolum 
Petrum,  in  quo  primatus  apostolorum  tam  ex- 
cellenli  gratta  prœeminel,  aliter  quam  veritas 
postulabat  de  circumcisione  agere  solilum,  etc. 
August.,  lib.  H  De  Bapt.,  num.  2,  pag.  96. 

8  Ipse  enim.  Petrus  in  apostolorum  ordine  pri- 

inus respondet  pro   omiibus in  illo  ergo 

uno  apostolo,  id  est.  Petro.  in  ordine  apostolo- 
rum primo  et  prœcipuo,  in  quo  figurabatur  Ec- 
clesia, utrumque  genus  significandum  fuit,  id  est 
firmi  et  infirmi.  quia  sine  ulroque  non  est  Eccle- 
sia. August.,  Serm.  76,  uum.  )  et  4,  pag.  417-416. 

^  Inter  hos  fapostolos) pêne  ubique  snlus  Petrus 
totius  Ecclesiœ  nierait  gestare  personam.  Prop- 
ter  ipsam  personam,  quam  totius  Ecclesiœ  solus 
gestabat,  audire  nieruit  :  Tibi  dibo  olaves  regni 
cœlorum.  Has  enim  claves  non  homo  unus,  sed 
unitas  accepit  Ecclesiœ.  Hinc  ergo  Pétri  excel- 
lentia  prœdicatur,  quia  ipsius  universitatis  et 
unitatis  Ecclesiœ  figuram  gessil,  quando  ei  dic- 
tum  est,  tibi  trado,  qiwd  omnibus  Iraditum  est, 
etc.  August,,  Serm.  293,  num.  2,  pag.  1194, 


634 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


présenter  toute  l'Église,  et  d'entendre,  parce 
qu'il  en  portait  ou  représentait  la  personne, 
ces  paroles  :  Je  vous  donnerai  les  clefs  du 
royaume  des  cieux.  Car  ce  n'est  pas  un  seul 
qui  les  a  reçues ,  mais  l'unité  de  l'Église. 
L'excellence  de  cet  apôtre  consiste  donc  en 
ce  qu'il  a  été  la  figure  de  l'universalité  et 
de  l'unité  de  l'Église  ,  lorsque  Jésus-Christ 
lui  a  dit  ;  Je  vous  donne,  ce  quia  été  eflecti- 
vement  donné  à  tous.  Peut-on  dire  en  effet 
que  saint  Pierre  '  ait  reçu  les  clefs ,  et  que 
saint  Paul  ne  les  ait  pas  reçues ,  que  saint 
Pierre  les  ait  reçues,  et  que  saint  Jacques  et 
les  autres  apôtres  ne  les  aient  point  reçues? 
Ou  bien  dira-t-on  que  ces  clefs  ne  sont  point 
dans  l'Église,  où  les  péchés  néanmoins  sont 
effacés  tous  les  jours?  Non  sans  doute.  Mais 
parce  que  dans  cette  occasion  saint  Pierre 
représentait  toute  l'Eglise ,  ce  qui  a  été 
donné  à  un  seul  a  été  donné  à  l'Église , 
qu'il  représentait  par  conséquent.  » 

Saint  Augustin  parlant  de  ce  même  apôtre 
dans  un  ouvrage  que  nous'  n'avons  plus, 
avait  dit  ^  que  l'Église  était  fondée  sur  lui 
comme  sur  la  pierre  ;  et  que  c'était  là  le  sens 
de  ces  vers  de  saint  Ambroise  qui  font  partie 
del'officedudimanche:  Hoc,  ipsaPetra  Eccle- 
siœ  canente,  culpam  diluit.  Mais  il  avoue  dans 
ses  Rétractations  que  depuis  il  avait  expliqué 
cette  promesse  :  Vous  êtes  Pierre  et  sur  cette 
pierre  je  bâtirai  mon  Eglise,  non  de  la  per- 


sonne de  saint  Pierre  ,  mais  de  Jésus-Christ 
même,  que  cet  apôtre  venait  de  reconnaître 
pour  Dieu,  en  lui  disant  :  Vrms  êtes  le  Christ 
Fils  du  Dieu  vivant.  Il  laisse  toutefois  la 
liberté  au  lecteur  de  choisir  celle  de  ces  deux 
explications  qu'il  jugera  la  plus  probable. 
Il  excuse  l'erreur  de  saint  Cyprien  touchant 
la  rebaptisation,  par  la  faute  que  fit  saint 
Pierre  en  obligeant  en  quelque  manière  les 
gentils  de  judaïser.  «  Si  cet  apôtre,  dit-il  ', 
a  pu,  contre  la  règle  de  la  vérité  que  l'Église 
a  depuis  embrassée  ,  contraindre  les  gentils 
à  judaïser,  pourquoi  saint  Cyprien  n'aura- 
t-il  pas  pu,  contre  la  règle  de  la  vérité  que 
toute  l'Église  a  depuis  tenue,  obliger  de 
rebaptiser  les  hérétiques  et  les  schismati- 
ques?  Je  crois  pouvoir  comparer  saint  Cy- 
prien à  saint  Pierre,  sans  lui  faire  injure 
quant  à  la  couronne  du  martyre  ;  mais  je 
dois  craindre  de  rabaisser  saint  Pierre  en 
comparant  son  autorité  à  celle  de  saint  Cy- 
prien comme  évêque.  Car  qui  ne  sait  que  la 
principauté  de  l'apostolat  est  préférable  à  la 
dignité  de  tout  autre  évêque  ?  Cependant,  si 
quelqu'un  voulait  contraindre  une  personne 
à  recevoir  la  circoncision  en  la  manière  des 
Juifs,  on  en  aurait  plus  d'horreur  que  de 
l'obliger  à  être  rebaptisé;  saiiit  Pierre  l'a  fait 
le  premier .  et  c'est  pour  cela  qu'il  a  été 
repris  par  saint  Paul  qpii  était  venu  après 
lui;  à  combien  plus  forte  raison  doit-on  pré- 


*  Numquid  istas  claves  Petrils  accepi'- ,  etPau- 
lus  non  accepit?  Petrus  accepit,  et  Joannes  et 
Jacobus non  accepit,  et  cœteri  apostoli?  Aut  non 
sunt  istœ  in  Ecclesia  claves,  ubi  quotidie  peccata 
dimiltunlur  ?  Sed  qiwniam  in  significatione  per- 
sonani  Petrus  gesiabal  Ecclesiœ,  quod  illi  uni 
datum  est,  Ecclesiœ  datuni  est  Ergo  Petrus  fi- 
gurant gesiabal  Ecclesiœ.  August.,  Serin.  149, 
cap.  VI,  num.  7,  pag.  706. 

'  In  libro  coDtra  Epistolam  Doiiati  dixi  in 
quodam  loco  de  apostolo  Petro,  quod  in  itlotan- 
quam  in  petra  fundata  sit  Ecclesia,  qui  sensus 
etiam  cantatur  ore  mullorum  in  versibus  bealis- 
simi  Ambrosii  ubi  de  gallo  gallinaceo  ait:  Hoc 
ipsa  Petra  Ei^olesife  caaeule,  culpam  diluit.  Sed 
scio  me  postea  sœpissime  sic  exp'  suisse  quod  a 
Domino  diclum  iSf;Tu  es  Petrus  et  super  liane 
petr.uu  oedificaljo  Ecclesiam  uaeam ;  ul  super  hune 
inlelUgeielur  quein  confessus  est  Petrus  dicens  : 
Tu  esChristus  Filius  Dei  vivi.ic  sic  Petrus  ab  hac 
petra  appellatus  personam  Ecclesiœ  flguraret, 
quœ  super  hnnc  petram  wdificatur,  et  accepit 
clav-S  regni  ccelorum.  ISon  enim  dictuni  est  illi  : 
Tu  es  Petra,  sed  :  Tu  es  Petrus.  Pelra  auteiii  erat 
Christus,  quem  confessus  Simon,  sicul  eum  loto, 
Ecclesia  confilelnr.  dictus  est  Petrus.  Harum 
autemf  duarum  senlenliarum  quœ  sil  probabilior 


eligat  lector.  August.,  lib.   I  Retract.,  cap.    xxi, 
num.  1,  tom.  I,  pag.  32. 

3  Si  potuit,  inquam,  Petrus  contra  veritatis 
regulam  quam  postea,  Ecclesia  tenuit,  cogère 
gentes  jiidaïzare,  cur  non  potuit  Cyprianus  con- 
tra regulam  rerilatis,  quam  postea  tota  Ecclesia 
tenuit  cogère  hœreticos  vel  schismaticos  denuo 
baptizari?  Puto  quod  sine  ulla  siii  contunielia 
Cyprianus  episcopus  Petro  apostolo  comparatur, 
.quantum  attinet  ad  martyrii  coronam.  Cœterum 
magis  vereri  debeo,  ne  in  Petrum  contumeliosus 
existam  :  quis  enim  nescitillum  apnslolatus  prin- 
cipalum  cuilibel  episcopatui  prœferendum  ?  Sed 
si   distat  cathedraruni   gralia,    una   est    tamen 

martyrum    gloria verumlamen,si  quisquam 

nuHC  cogat  circumcidi  aliquem  more  judaïco  et  sic 
baptizari,  multo  amplius  detestatur  hoc  genus 
humanum,  quam  .si  aliquis  cogatur  rebaptizari. 
Quapropter.  cum  Petrus  illud  faciens  a  Pàulo 
posteriore  corrigilur,  et  pacis  atque  imitatis  vin- 
culo  custoditus  ad  marlyriuni pruvehitur,  quanto 
facilins  et  forlius  quod  per  unirerso'  Ecclesiœ 
statuta  firmatum  est,  vel  unius  episcopi  auctori- 
tati,  vel  unius  provinciœ  concilio  prœferendum 
est?  -august.,  lib.  Il  De  Baplismo,  num.  2.,  pag. 
96-97. 


riv=  ET  V''  SIÈCLES.] 


Sur    I  Erii- 

rOT.aîne. 

;ftC6t    [jour 

cliaire    dô 

ÏDt  1  lorre. 


féier  ce  qui  est  réglé  par  le  décret  de  l'E- 
glise universelle  à  l'autorité  d'un  seul  évê- 
que,  ou  d'un  concile  de  province?  » 

53.  L'iiigiise  romaine  a  joui  en  tout  temps 
de  la  primauté  de  la  Chaire  apostolique  ;  et 
c'est  de  l<i  que  saint  Augustin  tii'e  un  argu- 
ment en  faveur  des  ëvêques  qui  sont  unis  de 
communion  avec  cette  Eglise .  «  Cécilien , 
dit-il  ',  aurait  pu  mépriser  la  multitude  de 
ses  ennemis  qui  conspiraient  contre  lui , 
c'est-à-dire  des  donatistes,  se  voyant  uni  par 
des  lettres  de  communion  à  l'Eglise  romaine 
dans  laquelle  a  touours  été  la  primauté  de 
la  Chaire  apostolique,  etavecles  autres  pays 
d'où  l'Afrique  même  a  reçu  l'Évangile.  »  Le 
saint  Docteur  dit  à  Pétilien  qui  appelait  ^ 
une  chaii'e  de  pestilence  celle  que  les  évéques 
catholiques  se  vantaient  de  posséder,  que, 
quand  tous  les  évéques  du  monde  seraient 
tels  qu'il  les  accusait  calomnieusemcnt  d'être, 
il  devrait  du  moins  respecter  la  Chaire  apos- 
tolique de  Rome  et  celle  de  Jérusalem,  et  ne 
pas  blasphémer  contre.  «Que  vous  a  fait,  lui 
dit-il,  la  Chaire  de  lÉgiise  romaine  sur  la- 
quelle Pierre  s'est  assis,  et  qui  est  aujour- 
d'imi  remplie  par  Anastase?  Que  vous  a  fait 
celle  de  Jérusalem  sur  laquelle  Jacques  s'est 
assis,  et  qui  est  aujourd'hui  remplie  par  Jean, 
avec  lesquels  nous  sommes  unis  dans  l'unité 
catholique,  et  dont  vous  vous  êles  séparés  par 
une  fureur  criminelle?  Pourquoi  appelez- 
vous  chaire  de  pestilence  la  Chaire  aposto- 
lique ?  Si  vous  en  usez  ainsi,  parce  que  vous 
croyez  que  ceux  qui  y  sont  assis  prêchent  la 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPû-XE.  633 

loi  et  ne  la  pratiquent  pas,    est-ce  ainsi  que 


Jésus-Christ  en  a  usé  ?  A-t-il  appelé  de  ce 
nom  la  chaire  de  Moïse,  parce  que  les  pha- 
risiens qui  y  étaient  assis  ne  faisaient  pas  le 
bien  qu'ils  enseignaient  aux  autres?  N'a-t-il 
pas  au  contraire  conservé  l'honneur  de  cette 
chaire,  lorsqu'en  reprenant  les  pharisiens, 
il  a  dit  pour  appuyer  leur  doctrine  :  Faites 
ce  qu'ils  vous  disent?  Si  vous  pensiez  à  cela, 
vous  ne  blasphémeriez  pas,  à  cause  des 
hommes  que  vous  diit'amez,  contre  la  Chaire 
apostolique  avec  laquelle  vous  ne  communi- 
quez pas.  » 

C'est  par  le  même  raisonnement  que  ce 
Père  pressait  Julien  le  pélagien  :  «  Je  crois, 
lui  dit-il  ',  que  cette  pa:tie  du  monde  où  le 
Seigneur  a  voulu  couronner  d'un  glorieux 
martyre  le  premier  de  ses  apôtres,  vous  doit 
suffire.  Et  il  y  aurait  longtemps  que  vous  se- 
riez débarrassé  des  pièges  des  pélagiens  où 
vous  vous  étiez  téméi-airement  engagé  dans 
votre  jeunesse,  si  vous  eussiez  voulu  écouter 
le  bienheureux  Innocent,  qui  occupait  le 
premier  siège  de  l'Église  d'Occident.  Car 
que  pouvait  répondre  ce  saint  évêque  aux 
conciles  d'AtVique,  c'est-à-dire  de  Carthage 
et  de  Milève,  qui  lui  avaient  écrit  touchant 
Pelage  et  ses  sectateurs ,  sinon  ce  que  le 
Sié,2;e  apostolique  et  l'É^-lise  romaine  ont 
toujours  cru  constamment  avec  toutes  les 
autres  Eglises?  Cette  unanimité  ne  vous  a 
pas  empêché  d'accuser  de  prévarication 
Zosime,  son  successeur,  parce  qu'il  ne  voulut 
pas  se  déclarer  contre  cette  doctrine  apos- 


'  CcBcilianus  poterat  noti  curare  conspiranlem 
muUitudinem  inimicnruni,  cum  se  videret  et  Ro- 
mance Eccli'siœ,  in  qua  semper  apos:oltcce  catlie- 
drœ  viguit  princijiatus,  et  cœleris  t  rris,  unde 
Evangelium  ad  ipsaiu  Africain  venit.  perconimu- 
nicatoriaslitteras  esse  conjunclum.  Augiist.,  Epist. 
43,  nuui.  7,  pag.  91. 

2  Petiliaiius  dixit  :  Si  cathedram  vobis  uiiseri 
vindinalis,  ut  superiiis  dixiraus,  hahetis  illam 
profucto  quara  David  propheta  psalmographus 
pestilentiœ  oathedram  pronuutlavit;  vobis  enim 
juste  relicta  e.-t  ,  qiila  eam  saucti  sedpre  non  pos- 

suQt.   Àiigiisiintis   respondil verumtamen   si 

OMiies  per  lotum  orbeni  taies  essent  quali-s  va- 
■nissime  calumniaris,  cathedra  iibi  qnid  fecit  Ec- 
cksice  ronanœ ,  in  qua  Peirus  seJit,  et  in  qua 
hodie  Ànas.asius  sedet,  vel  EccUsiœ  Jerusoiynii- 
tanœ,  in  qua  Jacnbns  sedit,  et  in  qua  hodie 
Joannes  sedet,  quibus  nos  in  ca  hulica  unitate 
connecliniur,  et  a  quibun  vos  nefario  furore  se- 
parastis?  Quare  aiipellus  cathedram  pesUlentiœ, 
cathedram  apostolicani?  Si  propter  homines 
qnos  putas  legem  loqui  et  non  facere,  nuniquid 
Dominus  Jésus  Christus  prupttr  pharisœos,  de 


quibus  ait  :  Dicunt  et  non  faciunt,  cathedrœ  in 
qua  sedebant  uUani  fecit  injuriam?  ^'onne  Ht  ■m 
cathedram  M  ysi  commendaoit,  et  illos  servato 
cathedrœ  honore,  redarguit?  Ait  enim  :  CaiheâTiLm 
Moysi  seileiit  ;  qu£B  dicunt  facite  ,  quœ  autem  fa- 
ciuiit  facere  uolite;  dicunt  enim  et  noa  fac^unt. 
Hœc  si  cogitares,  non  propter  homines  quos  in- 
famatis,  blasphemnretis  cathedram  apostolicam, 
cui  non.  cnmmunicatis.  August.,  lib.  11  Contra, 
litteras  Petiliani,  cap.  li,  uum.  117  et  US,  pag. 
254-255. 

'  Puto  tibi  eam  partis  orbem  sufficere  debere, 
in  qua  primum  apostolirum  suorum  voluit  Dû- 
minus  gloriosissimo  martyrio  coronare.  Cui  Ec- 
clesiœ prœsidentem  beatum Innocenliuin .si iiudire 
voilasses  jjm  iunc periculosamjuijentiUem tuvin 
pctagiaiiiS  la.jueiK  e cuisses.  Quia  enim  potuit  ille 
vir  sunelus  Aj'ricanis  respondere  coiiciliis,  nisi 
qnod  antiquitus  apnslolicn  seiles  et  Roinaiia  cum 
cœteris  Icvct  persevtranter  Ecclesia?  Et  tainen 
ejus  suecessorem  (ZosimumJ  crimine  p-  œvarica- 
tionis  accusas,  quia  doctrinœ  aposlolicœ  et  sui 
decessoris  sententiœ  noluit  refragari.  August.. 
lib.  I  Contra  JiUian.  num.  13,  pag.  513-314. 


636 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Snr  l'exis- 
tence el1acon< 
naissance  de 
Dieu  Sospcr- 
fectioas. 
satura. 


tolique,  et  contre  le  sentiment  de  son  pré- 
décesseur. i\îais  si  l'Église  romaine  eût,  ce 
qu'a  Dieu  ne  plaise  ',  jugé  en  faveur  de  Cé- 
leslius  et  de  Pelage,  et  qu'elle  eût  prononcé 
que  leurs  dogmes,  que  le  pape  Innocent  avait 
condamnés  avec  leurs  personnes,  devaient 
être  approuvés  et  tenus,  on  aurait  du  alors 
accuser  le  clergé  de  Rome  de  prévarica- 
tion. )) 

S4f.  «  C'est  le  caractère  de  la  vraie  Divi- 
nité ^  d'avoir  tant  de  force  et  de  pouvoir  sur 
^'  la  créature  raisonnable,  qu'elle  ne  peut  lui 
demeurer  entièrement  inconnue,  dès  qu'elle 
est  parvenue  à  l'usage  de  la  raison;  en 
sorte  qu'à  la  réserve  d'un  petit  nombre 
d'hommes  eu  qui  la  nature  est  comme 
éteinte  par  une  grande  dépi'avation  ,  tout  ce 
qu'il  y  en  a  dans  le  monde  reconnaissent 
Dieu  pour  leur  auteur.  Mais,  quoique  per- 
sonne ^  ne  puisse  l'ignorer,  aucun  néan- 
moins ne  peut  le  connaître  tel  qu'il  est.  Les 
plus  sacrilèges  *  et  les  plus  détestables  d'en- 
tre les  philosophes  qui  ont  pensé  faussement 
de  la  Divinité,  n'ont  jamais  osé  dire  de  bou- 
che :  il  n'y  a  point  de  Dieu,  quand  bien,  mê- 
me ils  l'auraient  pensé.  Il  est  même  rare  au- 
jourd'hui de  trouver  ^  des  hommes  qui  di- 
sent dans  leur  cœur,  il  n'y  a  point  de  Dieu. 
Le  fou  le  dit  dans  son  cœur  ;  mais  cette  fo- 


lie ^  est  d'un  petit  nombre  de  personnes. 
Dieu  étant  ineffable',  il  nous  est  plus  aisé 
de  dire  ce  qu'il  n'est  pas,  que  de  marquer 
ce  qu'il  est.  Vous  pensez  à. la  terre;  Dieu 
n'est  point  cela.  Vous  pensez  à  la  mer  ;  Dieu 
n'est  point  cela.  Vous  considérez  tous  les 
hommes  et  tous  les  animaux  qui  sont  sur  la 
terre  ;  Dieu  n'est  point  cela.  Qu'est-ce  donc  que 
Dieu?  Je  n'ai  pu  dire  que  ce  qu'il  n'était  pas. 
Voulez-vous  savoir  ce  que  c'est  ?  C'est  ce  que 
l'œil  n'a  point  vu ,  ce  que  l'oreille  n'a  point 
entendu,  et  ce  qui  n'est  point  entré  dans  le 
cœur  de  l'homme.  L'Écriture  sainte  définit 
Dieu  :  Celui  qui  est.  Dieu  lui-même  dit  ',  com-  Exod. 
me  s'il  n'y  avait  que  lui  qui  fût  proprement  : 
Je  suis  :  Celui  qui  est.  Vous  direz  aux  enfants 
d'Israël  :  Celui  qui  est  m'a  envoyé  à  vous.  R  ne 
dit  point,  c'est  le  Seigneur  tout-puissant, 
tout  miséricordieux,  tout  juste  :  et  quand  il 
le  dirait,  il  ne  dirait  que  la  vérité.  Il  retran- 
che tous  ces  noms  par  lesquels  on  marque- 
rait quel  est  Dieu.  Il  dit  seulement  qu'il  est. 
Et  comme  si  c'était  là  son  nom  :  Voici  ce  que 
vous  leur  direz,  dit-il  à  Moïse  :  Celui  qui  est 
m'a  envoyé:  Car  il  est  de  telle  sorte,  que  le 
reste  des  créatures,  en  le  comparant  à  lui, 
ne  sont  point.  Dieu  est  un  ^  pur  esprit  ;  et, 
quoiqu'incorporel  '",  il  est  répandu  partout  ", 
remplissant,  comme  il  le  dit  lui-même,  le  ciel 


'  Sed  si,  quod  absit,  ila  tune  fuisset  de  Cœlestio 
vel  Pélagie  in  Roinana  Ecclesia  judicalum,  ut 
Ma  eorum  dogmata,  quœ  in  ipsis  et  cum  ipsis 
papa  Innocentius  damnaveraf,  approbanda  et 
tenendapronuntiarentur,  ex  hocpotius  essetprœ- 
varicationis  nota  Romanis  clericis  inurenda. 
August.,  lib.  II  Contra  Duas  epistulas  pelagiano- 
rum,  cap.  ui,  uum.  5,  pag.  434. 

'  Hœc  est  eniin  vis  verœ  Dioinitalis,  ut  crealu- 
rœ  rationnli,  jam  ratione  utetiti,  non  omnino  ac 
penitus  abscondi.  Exceptis  e.ninpaucis  in  qiiibus 
natura  nimium  depravata  est,  universum  genus 
humannm  Deum  mundi  hujus  fatetur  auclorem. 
August.    Tract.  106,  in  Joan.,  num.  i,  pag.  765. 

'  Deus  ubique  secretus  est,  ubique  publicus, 
quem  nuliilicet  ut  est  cognoscere,  et  quem  nemo 
permittitur  ignorare.  August.  in  Psal.  74,  num. 
9,  pag.  788. 

*  Dixit  impruflens  in  corde  suo  :  Non  est  Deus. 
Nec  ipsisacritcgi  tldelestandi  quidam  philosophi, 
qui  perversa  et  f'isa  de  Deo  sentiitiit,  ausi  sunt 
dicere  :  Non  est  Deus.  Ideo  evgo  dixit  in  corde  suo  : 
qiiia  hocnenni  aiidet  dicere,  eliamsi  ausus  fnerit 
cogitare.  Aagiist  ,  in  Psal.  13,  uum.  2,  pag.  67. 

*  Rarum  hominum  genus  est  qui  dicant  in 
corde  suo  :  non  est  Deus.  August.  in  Psal.  S2. 
num.  2,  pag.  487. 

*  Dixit  stultus  in  corde  suo  :  Non  est  Deus.  J"- 
sania  ista  paucorum  est.  Augusl. ,  Serm.  09,  nuui. 
3,  pag.  381. 


'  Deus  ineffabilis  est.Facilius  dicimus  quid  non 
sit,  quam  quid  sit.  Terram  cogitas,  non  est  hoc 
Deus  :  mare  cogitas,  non  est  hoc  Deus  :  omnia  quœ 
sunt  in  terra,  homines  et  animalia ,  non  est  hoc 

Deus Quid  est?  Hoc  solum  potui  dicere  quid 

non  sit.  Quœris  quid  sit?  Quod  oculus  non  vidit, 
neo  auris  audivit ,  nec  in  cor  hominis  ascen- 
dit.    August.  in  Psal.    85,  num.   d2,  pag.  909. 

8  Tanquam  solus  sit,  dixit  :  Ego  sum  qui  sum. 
(Exod.,  ni  14.)  Et  dices  flliis  Israël  :  Qui  est, 
misit  me  ad  vos.  Non  dixit  :  Dominus  Deus  ille 
omnipotens,  misej-icnrs.  justus ;  quœ  si  diceret, 
utiqae  vera  diceret.  Sublatis  de  medio  omnibus, 
quibus  appellariposset  et  diciDeus,  ipsumesse  se 
vocari rcspondit  :  et  tanquam  hoc  esset  ei  nomen, 
hoc  dices  eis,  inquit  :  Qui  est,  misit  me.  Ita  enim 
ille  est,  ut  in  ejus  comparatione,  ea  quœ  facta 
sunt,  non  sint.  August.,  134,  num.  4,  pag.  1494  et 
1495. 

9  Dens  sentit  mente,  non  corpore.  quia  spiritus 

est  Deus August.,  lib.  XV  De  Trinitate,  num.  7, 

pag.  971. 

'"  Cogitatio  quippe  turpiter  vana  est,  quœ  opi- 
natur  Deum  membrorum  corporalium  lineamen- 
tis  circumscribi  atque  fidri.  August.,  lib.  .\!1  De 
Trinit.,  num.  12,  pag.  918. 

"  Est  ergo  Dell-': per  cuncta  diffusus.Ipse  quippe 
ait  per  PropJwta m  :  CœUim  et  terram  ego  impleo... 
Ita  per  totum  iotus,  sed  in  solo  ccolo  totus  et  in 


[iv=  ET  V'  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN 

et  la  terre.  Mais  il  est  tout  entier  dans  le 
ciel,  tout  entier  dans  la  terre,  sans  qu'aucun 
lieu  le  contienne  ,  n'étant  que  dans  lui-mê- 
me, quoiqu'il  soit  partout.  Cependant,  quand 
on  dit  que  Dieu  est  partout,  et  qu'il  remplit» 
le  monde,  ce  n'est  pas'  comme  l'eau,  l'air 
ou   la   lumière   pourraient  le    remplir ,  en 
sorte  qu'une  plus  petite  partie  de  la  subs- 
tance de  Dieu  remplisse  une  petite  partie  du 
monde,  et  une  plus  grande,  une  plus  grande. 
Dieu  sait  éti-e  partout  entier,  et  n'être  ren- 
fermé dans  aucun  lieu.  Il  vient  sans  sortir 
du  lieu  où  il  était ,  il  s'en  va   sans  sortir 
du  lieu  où  il  vient.  Immuable  en  son  être,  il 
n'est  sujet  à  aucun  changement^  étant  hors 
d'atteinte  à  toute  corruption,  et  ne  pouvant 
ni  augmenter,  parce  qu'il  est  parfait  ;  ni  dé- 
périr ,  parce  qu'il  est  éternel.  Il  sait  agir  ^ 
sans  cesser  d'être  en  repos,  et  faire  de  nou- 
veaux ouvrages  par  un  conseil  éternel,  parce 
que  c'est  la  iiiême  volonté  '  éternelle  et  im- 
muable de  Dieu,  qui  a  fait  que  les  choses 
créées  n'ont  point  été  pendant  une  éternité, 
et  qu'elles  ont  commencé  dans  un  certain 
temps.  Il  a  créé  l'homme  dans  le  temps  ^  non 
par  une  nouvelle  résolution ,  mais  par  un 


EVEQUE  D'HIPPONE. 


637 


dessein  éternel  et  immuable.  L'Apôtre  ,  en 
disant  de  Dieu  qu'il  possède  seul  l'immorta- 
talité,  nous  apprend  par  là^  qu'il  n'y  a  que 
Dieu  qui  soit  exempt  de  toute  mort,  parce 
qu'il  est  seul  immuable  ;  et  il  est  seul 
immuable  parce  qu'il  n'y  a  que  lui  qui 
possède  la  véritable  éternité.  Les  années 
de  Dieu  ne  sont  autre  chose  que  Dieu  mô- 
me'; les  années  de  Dieu  sont  Téternité  de 
Dieu.  L'éternité  de  Dieu  est  la  substance 
de  Dieu  même  ,  qui  n'a  rien  de  sujet  au 
changement,  où  il  n'y  a  rien  de  passé,  com- 
me s'il  n'était  plus;  où  il  n'y  a  rien  de  futur, 
comme  s'il  n'était  pas  encore.  Qu'êtes-vous 
donc,  ô  mon  Dieu  M  Qu'êtes-vous,  sinon  le 
Dieu  et  le  maître  de  toutes  choses?  Car,  y 
a-t-il  quelqu 'autre  dieu,  ou  quelqu 'autre 
seigneur  que  vous?  Vous  êtes  infiniment 
grand,  infiniment  bon,  infiniment  miséricor- 
dieux, infiniment  juste.  Nulle  beauté  n'est 
comparable  à  la  vôtre  ;  rien  ne  résiste  à  vo- 
tre force;  rien  ne  borne  votre  puissance. 
Yous  êtes  présent  partout ,  sans  paraître 
nulle  part;  vous  êtes,  toujours  le  même,  et 
vous  présentez  toujours,  pour  ainsi  dire,  la 
même  forme  à  ceux  qui  vous  considèrent, 


sola  terra  totus,  et  in  cœlo  et  in  terra  totus,  et 
niillo  content-us  loco,  sed  in  seipso  ubique  totus. 
August.,  Epist.   187,  num.   14,  png.  682. 

1  Non  sic  Deus  diciiur  implere  mundxim,  velut 
aqua,  velut  aer,  velut  ipsa  lux,  ut  minore  sui 
parle  minor  m  mundi  impleat  partem,  et  majore 
majorem.  Novil  ubique  totus  esse,  et  nullo  con- 
tineri  loco  :  novit  venire  non  recedendo  ubi 
erat  :  novit  abire  non  deserendo  quo  venerat. 
August.,  Epist.  lôT.  num.  4,  pag.  403. 

2  Mulari  nescit,  nvlla  ex  parte  comimpitur  : 
nec  proficit  quia  perfectum  est;  nec  déficit  quia 
œternum  est.  August.,  Tract,  i  in  Epist.  Joan., 
num.  5,  pag.  852. 

^  Novil  quiescens  ngere,  et  agens  quiescere.  Po- 
test  ad  opus  novtim.  non  novum,  sed  sempiter- 
num  adhibere  consilium.  August. ,  lib.  XII  De  Ci- 
vitate  Dei,  cap.  xvn,  num.  2,  pag.  316. 

*  In  illo  a-utem  non  alteram  prœcedcntem  al- 
téra subsequens  mutaiit  aut  abslulit  volunta- 
tem,  sed  una  eademque  sempiterna  et  immuta- 
bili  voluntate  res  quas  condidit,  et  ut  prius  non 
essent,  egit,  quaindiu  non  fuerunl .  et  %it  pos- 
terius  essent,  quando  esse  cœperunt.  August. 
ibid-,  pag.  3i7. 

^  Cum  ipse  (Deus)  sit  œternus  et  sine  initio, 
ab  aliquo  tamen  initio  exorsus  est  tempora,  et 
hominem  quem  nunquam  ante  fecerat,  fecit  in 
tempore  ,  non  tamen  novo  et  repentino,  sed  im- 
mutabili  œlernoque  consilio.  August. ,  lib.  XII 
De  Civil.  Dei,  cap.  xiv,  pag.  312. 

s  Quid  est  ergo  quod  ail  Àpostolus  de  Deo  : 
Qui  solus  habet  immortalitatcm,  nisi  quia  hoc 
aperle  dixit:  solus  habet  incommutabilitatem , 


quia  solus  habet  veram  ceternitatem?  August, 
Tract.  23  in  Joan  ,  num.  9,  pag.  477.  Vide  lib."  II 
Contra  Maxim.,   cap.  xir,  uuai.  1,  png.  701. 

'  Non  enim  aliud  anni  Dei,  et  aliud  ipse:  sed 
anni  Dei,  œternitas  Dei  est:  œternitas.  ipsa  Dei 
substantia  est,  quœ  nihil  habet  mutabile ;  ibi 
nihil  est  prœteriLum,,  quasi  jam  non  sit.  nihil 
est  futurum,  quasi  nonduni  sit.  August.,  Serm.  2, 
in  Psal.  101,  num.  10,  pag.  1107. 

8  Quid  es  ergo,  Deus  weus?  IJuid,  rogo,  nisi 
Dominus  Deus?  Quis  enim  Dominus  prœler  Do- 
minum  ?  Aut  quis  Deus  prceter  Deum  nostrum  ? 
Summe.  optime,  pottntissime ,  omnipotentissime, 
misericordissime ,  et  justissime,  secretissime  et 
prœsentissime,  pulch  rrime  et  fortissime,  slabilis 
et  incomprehehsibilis,  immutabilis  nnitans  om- 
nia,  nunquam  novus,  nunquam  velus,  innovant 
omnia,  et  in  vetustatem  perducens  superbos  et 
nesciunt,  semper  agens,  semper  quietus,  colli- 
gens  et  non  egens,  portans  et  implens  et  prote- 
gens,  creans  et  nulriens  et  per/iciens,  quœrens 
cum  nihil  desit  tibi,  amas,  nec  œ  tuas;  zelns , 
et  securus  es  ;  pœnitet  t?,  et  non  doles  ;  irasceris 
et  tranquillus  es  ;  opéra  mutas,  et  non  consilium; 
recipis  quod  inve)iis  ,  et  nunquam  amisisti;  nun- 
quam itiops,  et  gaudes  lucris;  nunquam  avarus, 
et  usuras  exigis;  supererogatur  tibi  ut  deb  as,  et 
quis  hahel  quidquam  non  tuum?  reddis  débita 
nulli  debens;  donas  débita  nihil  perdens.  Et  quid 
diximus,  Detis  meus,  vita  ??!««.  dulced  >  mea 
sancta?  .iut  quid  dicit  aliquis  cum  de  le  dicit? 
et  vœ  tacentibus  de  te;  quoniam  loquaces  muti 
sunt.  August.,  lib.  I  Conf.,  cap.  iv,  pag.  70  et  71. 


638 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AL'lhURS  ECCLÉSÎASTIQUF'^. 


sans  qn'on  yniPse  jamais  airiver  à  vous  coin- 
pifiidie.  \oas  ne  changez  jamais,  et  vous 
faites  tons  tes  cliangemenls  qui  ariivpnt 
dar.s  le  monrie.  Anssi  incapable  de  leiiou- 
vellrmcnt,  qu'exempt  de  consomption  et  de 
dcfaillauce,  vous  renouvelez  toutes  choses, 
et  vous  consumez  les  orgueilleux  par  une 
défaillance  insensible.  Toujours  en  action, 
toujours  en  repos,  recueillant  et  amassant 
sans  cesse,  sans  avoir  besoin  de  rien;  soute- 
nant, remplissant  et  conservant  toutes  cho- 
ses, donnant  à  chacun  non-seulement  son 
être,  mais  son  accroissement  et  sa  perfec- 
tion ;  demandant  continuellement,  quoique 
rien  ne  vous  manque.  Vous  aimez,  mais  sans 
passion;  vous  êtes  jaloux,  mais  sans  trouble. 
Vous  vous  repentez,  mais  votre  repentir  est 
sans  douleur  et  sans  tristesse.  Vous  entrez 
en  colère,  mais  vous  n'en  êtes  pas  plus  ému. 
Vous  changez  vos  opérations,  mais  jamais  vos 
desseins.  Vous  retrouvez  sans  avoir  jamais 
rien  perdu.  Vous  aimez  à  gagner,  sans  avoir 
aucune  indigence.  Vous  exigez  du  profil  de 
vos  dons,  sans  être  avare.  Quoique  personne 
n'ait  rien  qui  ne  soit  à  vous,  on  vous  cons'iîue 
débiteur  quand  on  vous  donne  ;  cependant 
c'est  sans  rien  devoir  à  personne  que  vous 
rendez  à  chacun  ce  qui  lui  est  du.  Enfin, 
quoique  vous  remettiez  ce  qu'on  vous  doit, 
vous  n'y  perdez  rien  et  vous  n'en  èles  pas 
plus  pauvre.  Mas  qu'est-ce  que  tout  ce 
que  je  dis  ici  ?  Et  qu'est-ce  que  l'on  peut  dire 
en  parlant  de  vous?  Néanmoins,  malheur  à 
ceux  qui  se  taisent  sur  votre  sujet;  car,  de 
quoi  que  ce  soit  que  l'on  parle,  on  ne  dit 
rien,  si  l'on  ne  parle  de  vous.  » 

53.    «  Selon  la  foi  catholique  S  il  n'y  a  ni 
deux  ni  trois  dieux,  et  la  Trinité  est  un  seul 


r!ieu,non  qu'elle  puisse  être]/ -ise  quelquefois 
pour  le  Père  seul,  quelquefois  pour  le  Fils 
seul,  et  ruelquefoir  pour  le  Saint-Esprit  seul, 
comme  l'a  cru  Sabellius.  Dieu  le  Père  n'est 
que  le  Père;  Dieu  le  Fils  n'est  ijue  le  Fils,  et 
Dieu  le  Saint-Esprit  n'est  qucleSaint-Eïprit  : 
et  cette  Trinité  de  personnes  n'est  qu'un  seul 
Dieu.  Aussi  lorsque  l'Apôtie  a  dit  :  Tout 
est  de  lui,  tout  est  par  lui,  et  tout  est  en  lui, 
par  où  l'on  croit  qu'il  a  voulu  marquer  la 
Trinité,  il  n'ajouta  pas  ensuite  :  A  eiix  soit 
la  gloire,  mais  :  A  lui  soit  la  gloire  et  l'hon- 
neur. Tenons-nous  donc  fermes  k  ci'oii-e  ^ 
avec  piété  en  un  seul  Dieu  Père,  Fils  et  Saint- 
Esprit,  sans  croire  que  le  Père  soit  le  Fils, 
ni  que  le  Fils  soit  le  Père,  ni  que  l'Esprit 
commun  du  Père  et  du  Fils,  soit  ni  le  Père 
ni  le  Fils.  Croyons  fermement  que  ce  qui 
compose  cette  ineffable  Trinité,  n'est  séparé 
ni  de  temps  ni  de  lieu,  mais  que  ces  trois 
choses  sont  égales  et  coéternelles,  et  ne 
sont  qu'une  seule  et  unique  nature;  que  les 
choses  créées  ne  l'ont  pas  été,  une  partie  par 
le  Père,  une  autre  par  le  Fils,  et  une  autre 
parle  Saint-Esprit;  mais  que  toute  la  Tri- 
nité a  créé  et  conserve  en  être  tout  ce  qui 
existe  ;  que  nul  n'est  sauvé  par  le  Père  sans 
le  Fils  et  le  Saint  Esprit,  ou  par  le  Fils,  sans 
le  Père  et  le  Saint-Esprit ,  ou  par  le  Saint- 
Esprit,  sans  le  Père  et  le  Fils  ;  mais  que  le 
Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit,  qui  ne  sont 
qu'un  seul  Dieu  véritable,  et  véritablement 
immortel ,  c'est-à-dire  incapable  d'aucun 
changement,  sont  indivisiblement  auteurs  du 
snlut.  Le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit,  la 
Tiinité  sainte,  voilà  l'objet  dont  nous  devons 
jouir  '.  C'est  là  cette  chose  principale  et 
commune  à  tous  ceux  qui  en  jouissent.  Si 


1  JVo?i  enim  duos  aut  très  deos  fides  c  tholica 
prœdicat  sed  ipsam  Trinilalem  imum  Deum: 
non  ut  ead  m  Trinitas  siviulpossit  allquando 
Paler,  aliqunndo  Filins,  aliquando  Spiritus  Sanc- 
tus  dici,  sicut  SabeUius  credidit ,  scd  ut  l'ater 
non  imi  Pater,  et  Filius  ;  on  nisi  Filrus ,  et  Spi- 
ritus  Sanctus  non  nisi  Spiritus  Sanctus ,  el  hœc 
Trinitas  nnnnisi  unus  D  us;  qum  et  cuin  dixis- 
set  Apostotus  :  Ex  quo  omnia  ,  per  quera  omnia  , 
in  quo  omnia.  Trinit'  tua  ipsaiii  in  muasse  cre- 
ditur,nec  tame-i  suhjecit  :  Ipsis  gloria,  sed:  Ipsi 
gloria.  Aupust.  in  Psal   5,  luim.  3,  pag    n. 

2  Proindein  ununi  Deuiu  Pntrem  et  Filium  et 
SptrUvm  Sanctum  firma  pietate  credamas  ;  ita. 
ut  nec  Filius  creduliir  (Sf^e  qnipater  est,  nec  Pa- 
ter qui  filius  est ,  nec  Pater  lier  Filius  qui 
iitriusque  siirittis  est.  Mhil  2'ytel.iir  in  Imc  Tri 
nitatc  knipOTtlus  Icasve  dislare:  sed  hier  Iria 
œqualia  esse  el  coœterna,  el  oinnino  esseunana- 


tura ;  non  a  Pâtre  aliam,  et  a  Filio  aliam,  et  a 
Spiritu  Sancto  aliam  condit  m  esse  creaturam  : 
sed  nmnia  et  siyigula  quœ  creata  sunt  vel  cre  :n- 
tur  Trinitale  créante,  snbsistere ;  nec  qiiemquam 
liberari  a  Pâtre  sine  Filio  et  Spiritu  Sanrio,  aul 
a  Filio  sine  Paire  et  Spiritu  Sancto,  aut  a  Spi- 
ritu Sancio  sine  l'atre  et  Filio:  sed  a  Patrc  et 
Filio  et  Spiritu  Sancto,  uno,  vero,  vereqne  im- 
mortali,  id  est  omni  modo  incommutahili,  solo 
Deo.  Aiigust.,  Epist.  109.  cap.  n,  uuin.  5,  jiag.  604. 
'  Res  igitur  quihus  fruendum  est.  Pater  el  Fi- 
lius el  Spiritus  Sanctus,  ea  emque  Trinitas.  una 
quœdain  summa  res ,  communisque  omnibus 
frueiitibus  ea  ;  si  tamen  res  et  no<i  rerum  om- 
nium causa  sit,  si  lamen  el  causa.  Non  enim  fa- 
cile nomen  quod  tantce  exccllentiœ  conceiiiat  po- 
test  invrniri.  njsi  quod  melius  ita  dicilur  Trini- 
tas liœc  :  IJuus  Deus  ex  quo  omiiin.  pm-  quera  om- 
nia, ia  quo  omuia.  lia  Paler  el  Filius  el  Spiri- 


[iv'  ET  r  siècLEs.]  SAINT  AUGUSTIN , 

cependant  on  peut  donner  ce  nom  à  ce  qui 
est  la  cause  de  toutes  choses,  et  si  même 
c'est  assez  dire  que  de  l'eu  appeler  la  cause  : 
car  il  n'est  pas  aisé  de  trouver  un  nom  qui 
puisse   définir  un   être  si   sublime;  si  l'on 
n'aime  encore  mieux  dire  que  cette  seule  di- 
vinité en  trois  personnes,  est  le  principe,  le 
soutien  et  la  fin  de  toutes  choses.  Ainsi,  le 
Père,  le  Fils  et  le  Saint-Esprit  sont  tous  trois 
ensemble  un  seul  Dieu,  quoique  chacune  de 
<  es  trois  personnes  soit  aussi  Dieu.  Chacune 
des  trois  est  une  substance  entière  et  par- 
faite, et  toutes  trois  ensemble  ne  sont  qu'une 
seule  substance.  Le  Père  n'est  ni  le  Fils  ni 
le  Saint-Esprit.  Le  Fils  n'est  ni  le  Père  ni  le 
Saint-Esprit.  Le  Saint-Esprit  n'est  ni  le  Père  ni 
le  Fils.  Le  Père  est  seulement  le  Père;  le  Fils 
seulement  le  Fils  ;  le  Saint-Esprit  seulement  le 
Saint-Esprit;  à  tous  trois  appartient  la  même 
éternité,  la  même  immuabilité,  la    même 
majesté,  la  même  puissance.  Dans  le  Père 
est  l'unité,  dans  le  Fils  est  l'égalité,  dans  le 
Saint-Esprit  est  le  lien  de  l'unité  et  de  l'éga- 
lité.Ces  trois  choses  sont  toutes  trois  une  dans 
le  Père,  toutes  trois  égales  dans  le  Fils,  toutes 
trois  unies  dans  le  Saint-Esprit.  Dans  cette 
Trinité  invisible  et  incorruptible  '  que  l'Église 
catholique   fait  profession    de  croire  et  de 
prêcher,  Dieu  le  Père  n'est  pas  le  père  du 
Saint-Esprit,  mais  du  Fils  ;  Dieu  le  Fils  n'est 
pas  fils  du  Saint-Esprit,  mais  du  Père  ;  Dieu 
le  Saint-Esprit  n'est  pas  l'esprit  du  seul  Père, 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


639 


ni  du  seul  Fils,  mais  du  Père  et  du  Fils  con- 
jointement. Et  quoique  chaque  personne  ait 
sa   propriété   et   sa   substance  particulière, 
néanmoins  ,    cette  Trinité   n'est  qu'un  seul 
Dieu  et  non  pas  trois  dieux  par  l'indivisibilité 
et  l'inséparabilité  de  son  essence  ou  de  sa 
nature,  qui  comprend -indivisiblement  l'éter- 
nité, la  vérité  et  la  bonté.  Autant  donc  nous 
sommes  capables  dans  l'état  présent  de  com- 
prendre ce  mystère  et  de  l'entrevoir  comme 
en  énigmes,  et  comme  on  voit  les  choses  à 
travers  un  verre  obscur,  nous  révérons  dans 
le  Père  la  puissance,  dans  le  Fils  la  naissance, 
et  dans  le  Saint-Esprit    la  communion    du 
Père  et  du  Fils,  et  dans  les  trois  une  parfaite 
égalité.  Cette  Trinité  ^  n'est  qu'une  même 
nature  et  une  même  substance,  qui  n'est  pas 
moindre  en  chacune  des  personnes  que  dans 
toutes,  ni  plus  grande    dans   toutes  qu'en 
chacune.  Il  y  a  tout  autant  dans  le  Père  seul, 
ou  dans  le  seul  Fils,  que  dans  tous  les  deux, 
et  tout  autant  dans  le  Saint-Esprit  seul,  que 
dans  le  Père,  le  Fils  et  le   Saint-Esprit  pris 
ensemble.  Le  Père  engendre  sou  Fils  de  sa 
substance,  mais  sans  aucune  diminution  de 
cette  même  substance.  Il  en  est  de  même  du 
Saint-Esprit  qui  laisse  en  son  entier  le  prin- 
cipe d'où  il  procède,  et  qui,    pris  avec  son 
piincipe,  n'a  rien  de  plus   que   pris  séparé- 
ment, et  tel  qu'il  en  sort  ;  ainsi,  s'il  en  procède, 
c'est  sans  en  rien  diminuer,  comme  il  y  est 
sans  y  rien  ajouter.  Ces  trois  sont  donc  un 


tus  Sanctus,  et  singulus  quisque  horum  plena 
siibstaniia,  et  simul  omnes  una  suhstantia.  Pa- 
ter nec  Filius  est  nec  Spiritus  Sanctus,  Filius  nec 
Pater  est  nec  Spiritus  Sanclus  ,  Spiritus  Sanctus 
nec  Pater  est  nec  Filius,  secl  Pater  ta.ituin  Pa- 
ter, et  Filius  tantum  Filius,  et  Spiritus  Sanctus 
tantum  Spiritus  Sanctiis:  eadem  tribus  œterni- 
tas,  eadem  incommutabilitas ,  eadem  majestas, 
eadem  poteslas.  In  Pâtre  unitas,  in  Filio  œqua- 
litas ,  in  Spiritu  Sancto  unitatis  œqualitatisque 
concordia;  et  tria  hœc  unum  oinnia  propter  l'a- 
trem ,  œqualia  omnia  propter  Filiam  ,  connexa 
omnia  propter  Spiritum  Sanctvm.  Aiigust. ,  lib.  I 
De  Boct.  christ-,  cap.  v,  pag.  6  et  7. 

1  In  illa  innisibiU  et  incorruptibili  Trinitate, 
quam  fides  nostra  et  catholica  Ecclcsia  tenet  et 
prœdicat,  Deum  Patrem  non  Spiritus  Sancti  Pa- 
trem  ease,  sed  Filii,  et  Deum  Filium  non  Spiri- 
tus Sancti  Filium  es  e,  sed  Patris:  Deum  autem 
Spiritum  Sanctuiu  non  solius  Patris  aut  solius 
esse  Filii  Spiritum,  sed  Patris  et  Filii;  et  hanc 
Trinitatem,  qttamois  servata  singularum  pro- 
prietate  et  substanlia  personarum  ,  tamen  prop- 
ter ipsam  indididuam  et  inseparabilem  œlerni- 
tatis,  verilatis,  bonilatis  essentiam  vel  naturam, 
non  esse  très  Deos,  sed  unum  Deum,  Ac  per  hoc, 


pro  captu  nosiro ,  quantum  ista  per  spéculum  et 
in  œnigmdte,  prœsertim  talibus,  quales  adhuc 
sumus,  videre  conceditur  ,  insinuatur  nobis  in 
Paire  auctoritas,  in  Filio  nalioitas.  in  Spiritu 
Sancto  Patris  Filiique  coinmunilas.  in  tribus 
œqualitas.  August. ,  Serm.  Il,  cap.  xn,  num.  18, 
tom.  V,  pag.  392. 

^  Hcec  Trinitus  unius  est  ejusdemque   naturœ 
atque  substantiœ,  non  minor  in  singulis  quam  in, 
omnibus,  nec  major  in  omnibus,  quam  in  singu- 
lis, sed  tanta  in  solo  Pâtre,  vel  in  solo  Filio, 
quanta  in  Pâtre  simul  et  Filio,  et  tanta  in  solo 
Spiritu  Sancto,  quanta  simul  in  Pâtre  et  Filio  et 
Spiritu  Sancto.  Neque  enim  Pater,  ut  haberet  F,s 
Hum  de  seipso,  minuit  seipsum;  sed  ita  geuuit  de 
se  aller um  se,  ut  tolus  maneret  in  se   et  esael  in 
Filio  tanlus,  quantus  et  soins.  Similiter  et  Spiri- 
tus Sanctus  integer  de  integro.  non  prœcedil  unde 
procéda,  sed  tantus  cum  illo  quantus  ex  illo,  nec 
minuit  eum  procedendo,  nec  auget  hœrendo  ;  et 
hœc  omnia  nec  confuse  unum  simt,  nec  disjiuicte 
tria  sunt  :  sed  cum  sint  unum  tria  sunt,  et  cum 
sint  tria  unum  sunt.  August.,  Epist.  170.  num.  5, 
pag.  GU9.  VideWh.  Vlll  De  Trinitate,  num.  2,  pag. 
863  et  866. 


640 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Sur  les  mis- 
sions divines 
H  j.rocession 
du  StiDt-Es- 
jril. 


sans  confusion  et  trois  sans  division.  Et, 
comme  leur  unité  n'empêche  pas  que  ce  ne 
soient  trois  choses  distinctes,  leur  distinction 
n'empêche  pas  non  plus  qu'il  n'y  ait  entre 
eux  une  parfaite  unité.  » 

56.  <i  Le  Père  seul  '  n'a  pas  été  envoyé, 
comme  on  le  remarque  par  l'ixriture,  parce 
que  le  Père  n'a  pas  été  engendré,  et  ne  pro- 
cède de  personne.  Que ,  s'il  n'a  pas  été 
envoyé,  ce  n'est  pas  qu'il  soit  d'une  nature 
différente  des  autres  personnes;  mais  parce 
qu'il  en  estl'origine  :  car  le  feu  ne  vient  pas 
de  la  lumière  ou  de  la  chaleur,  mais  la  lu- 
mière et  la  chaleur  viennent  du  feu.  On  ne 
peut  pas  dire  que  le  Saint-Esprit  ne  procède 
point  du  Fils  ^,  piiisqu'il  est  nommé  l'esprit 
du  Père  et  du  Fils;  mais  il  procède  de  l'un 
et  de  l'autre  ',  non  comme  de  deux  princi- 
pes, mais  comme  d'un  seul  :  car,  de  même 
que  le  Père  et  le  Fils  sont  un  seul  Dieu,  et 
relativement  à.  la  créature  un  seul  Créateur 
et  un  seul  Seigneur ,  de  même  aussi  ils  ne 
sont  qu'un  seul  principe  par  rapport  au  Saint- 
Esprit  qui  procède  de  l'un  et  de  l'autre.  Mais 
dans  cette  Trinité  coéternelle  ',  égale,  in- 
corporelle, immuable,  et  inséparable,  il  est 


dillicile  de  distinguer  la  génération  de  la 
procession,  et  d'expliquer  ''  quelle  différence 
il  y  a  entre  procéder  et  naîti'e  dans  la  Tri- 
nité. ))  Saint  Augustin  avoue  son  impuissance 
à'  cet  égard,  et  ne  croit  pas  qu'il  y  ait  un 
homme  assez  hardi  pour  expliquer  cette  dif- 
férence. Il  dit  du  Saint-Esprit  ^  qu'il  n'est 
pas  créature,  mais  vrai  Dieu,  égal  au  Père 
et  au  Fils,  coéternel  et  consubtantiel  dans 
l'unité  de  la  Trinité. 

37.  Comme  il  y  a  dans  l'Écriture  plu- 
sieurs façons  de  parler  qui  regardent  la 
Trinité,  et  qu'il  n'est  pas  aisé  d'entendre, 
le  saint  Docteur  doune  quelques  règles  qui 
en  peuvent  faciliter  l'intelligence.  1°  Par  le 
nom  de  Dieu  il  faut  entendre  ordinairement 
toute  la  Trinité.  Ainsi  '  quand  il  est  dit  que 
Dieu  possède  seul  V immortalité,  que  c'est  lui 
qui  fait  seul  de  grands  prodiges  ,  cela  s'en- 
tend des  ti'ois  personnes.  2°  Les  ^œuvres  de 
la  Trinité  au  dehors  étant  inséparables,  ce 
qui  est  affirmé  d'une  personne  doit  être  en- 
tendu des  autres.  C'est  ce  que  ce  Père  pi'ouve 
par  l'exemple  de  plusieurs  actions  qui,  attri- 
buées en  un  endroit  de  l'Écriture,  à  une  per- 
sonne de  la  Trinité,  sont  ailleurs  appliquées 


l'expli 
de  c 
dirilcu.  I 

Cli&Dt 

Dite. 


1  Solus  Pater  non  legitur  inissiis,  quoniam  so- 
ins non  habet  auctorem  a  quo  genitus  sit,  vel  a 
quo  procédai.  Et  ideo  non  propter  naturœ  diver- 
sitatem  quœ  in  Trinitale  nulla  est,  sed  propter 
ipsam  aMctoritatem  soins  Pater  non  dicitur  mis- 
sns.  A'o»  enim  splendor  aut  ferror  ignem;  sed 
ignis  mittit,  sive  splendorem,  sive  fervorem.  Au- 
gnst.,  lit).  Contra  serin,  arian.,  cap.  iv,  tom.  VllI, 
pag.  627. 

2  Nec  possumus  dicere  quod  Spiritns  Sanctus 
et  a  Filio  non  procédât  ;  neque  enim  frustra  idem 
Spiritvs  et  Palris  et  Filii  spiritus  dicitur.  August., 
lib.  IV  De  Trinit.,  cap.  xx,  nuin.  29.  Credimus,  et 
tenemns  et  fideliter  prœdicamiis.  quod...  Spiritns 
Sanctus  simul  et  l'atrls  et  Filii  sit  spiritus,  et 
ipse  consiibslantialis  et  coœlermis  ambobns  Au- 
gust.,  lib.  XI  De  Civlt.  Dei,  cap.  xsiv,  pag.  290. 

3  Fatendnm  esse  Patrem  et  Filium  principium 
esse  Spiritus  Sancli,  non  duo  principia  ;  sed  sicnt 
Pater  et  Filins  nans  Dens,  et  ad  creaturam.  rela- 
tive nnns  creutor  et  nnus  Dominus;  sic  relative 
ad  Spirilnm  Sanctum  'unum  principium.  August., 
lib.  V  De  Trinit.,  cap.  xiv,  unm.  15,  pag.  841. 

'  In  illa  coœterna  et  œquali  et  incorporali  et 
ineffabiliter  ini mutabili  alque  inseparabili  Trini- 
tale difliciltimum  est  generalionem  a  processione 
distinguere.  iVugust.,  lib.  XV  De  Trinit.,  num  48, 
pag.  1000. 

5  Quid  auteni  inler  uasci  et  procedere  intersit, 
de  itla  excellentis.'<ima  natnra  loqucns,  cxplicare 
quis  potesl  ?...  Distinguere  autem  inter  illam  ge- 
neralionem,et  hanc  processioncm  nescio,  i.on  va- 
leo,  non  suffwio.  August.,  lib  U  Contra  Maxim., 
cap.  XIV,  pag.  703. 


^  Quia  et  ipse  (Spiritus  Sanctus)  Deus,  non 
creatura.  Quod  sinoncreatnra,  non  tanlum  Dens 
fnam  et  homines  dicli  sunt  diij  :  sed  etiam  vèrus 
Dens.  Ergo  Patri  et  Filio  prorsus  œqnalis,  et  in, 
Trinitatis  nnitate  consubslanlialis  et  coceternns. 
August.,  lib.  1  De  Trinit.,  num.  |3,  pag.  756. 

'  Intelligitur  non  tantum  modo  de  Pâtre  dixisse 
apostolum  Paulum:  Qui  solus  habet  iuimortalita- 
tem,  sed  de  uno  et  solo  Deo  quod  est  ipsa  Trini- 

tas recte  ergo  ipse  Deus  Trinitas  intlligilur 

beatus  et  solus  polens sic  enim  dictum  est: 

SoUis  babet  iramortalitatem;  qnomodo  dicttini  est: 
Qui  facit  mirabilia  solus.  Qxiod  velim  scire  d'  quo 
diclvm  accipiant  :  si  de  Paire  tantum,  quomodo 
ergo  verum  est,  quod  ipse  Filins  diiit  :  Qucecum- 
que  euim  Pater  facit,  hsec  eadem  et  Filius  facit  si- 
ruiliter?  An  quidquam  est  inter  mirabilia  mirabi- 
lius  quam ressuscilare  et  vivificare  morluos?  Di- 
cil  autem  idem  Filins  :  Sicut  Pater  suscitât  mor- 
tuos  et  viviâcat,  sic  et  Filius  quos  vult  viviBcat. 
Quomodo  ergo  solus  Pater  facit  mirabilia,  cnm 
hœc  verba  nec  Patrem  tantum,  nec  Filinm  tan- 
tum permutant  intelligi,  yed  utique  Deum  mium 
verum  sotum,  id  est  Patrem  et  Filium  et  Spiri- 
tum  Sanctum.  August.,  lib.  I  De  Trinit.,  uum.  10 
et  H,  pag.  735. 

8  Hec  a  solo  Filio  missus  est  (Spiritus  Sanctus), 
sicut  scriptum  est  :  Cum  ego  abiero  mittam  illum 
ad  vos  ;  sed  a  Pâtre  quoque,  sicut  scriptum  est: 
Quem  mittet  Pater  in  uomiue  meo.  Ubi  ostendi' 
tur  quod  nec  Pater  sine  Filio,  nec  Filius  sine  Pa- 
ire misit  Spirilum  Sanctnm.  Inscparabilia  quippe 
sunt  opéra  Trinilalis.  August.,  lib.  Contra  serm. 
arianorum,  cap.  4,  pag.  627. 


[[V»  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


641 


à  d'autres  personnes.  «Jésus-Christ  dit  dans 
saint  Jean  :  Le  consolateur  qui  est  le  Saint- 
Esprit,  que  mon  Père  enven^a  en  mon  nom, 
vous  enseignera  toutes  choses  ,  et  vous  fera  l'es- 
souvenir  de  tout  ce  que  je  vous  ai  dit.  Qu'est- 
■  ce  que  cela  signifie  ?  Est-ce  '  que  le  Fils  nous 
parle  seulement,  et  le  Saint-Esprit  nous  ins- 
truit; de  sorte  que  nous  entendions  seule- 
ment parler  le  Fils ,  et  qu'il  faille  que  le 
Saint-Esprit  nous  donne  l'intelliaence  de  ce 
que  le  Fils  dit;  comme  si  le  Fils  pouvait 
parler  sans  le  Saint-Esprit,  et  le  Saint-Esprit 
instruire  sans  le  Fils  ?  Le  Fils  et  le  Saint-Esprit 
ne  sont-ils  pas  tous  deux  l'un  et  l'autre? 
Et  lorsque  Dieu  nous  parle  et  nous  instruit , 
n'est-ce  pas  la  Sainte-Trinité  qui  nous  ins- 
truit et  qui  nous  parle  ?  Mais  parce  que  dans 
cette  Trinité  il  y  a  trois  personnes  différentes, 
il  fallait  parler  distinctement  de  chacune, 
quoique  nous  les  croyons  insépai'ables  dans 
leurs  opérations.  C'est  pour  cela  que  l'Écri- 
ture fait  quelquefois  parler  le  Père,  comme 
lorsqu'il  est  dit  :  Le  Seigneur  m'a  dit  :  Vous 
êtes  mon  fils.  Quelquefois  elle  dit  qu'il  ins- 
truit, comme  lorsque  Jésus  dit  :  Celui  qui 
écoute  mon  Père  et  qui  en  est  instruit,  vient  à 
moi.  Quelquefois  elle  fait  parler  le  Fils, 
comme  nous  voyons  que  le  Fils  vient  de  dire 
en  parlant  du  Saint-Esprit  :  //  vous  fera  res- 
souvenir de  ce  que  je  vous  ai  dit.  Quelquefois 
elle  le  représente  instruisant,  comme  quand 
il  est  dit  :  Vous  n'avez  qu'un  maître ,  qui  est 


Jésus-Christ.  Quelquefois  elle  fait  instruire  le 
Saint-Esprit,  comme  nous  venons  de  voir  par 
ces  paroles  :  Le  Saint-Esprit  que  mon  Père  Joan.!,n-,3G. 
enverra  en  mon  nom,  vous  enseignera  toutes 
choses.  Et  quelquefois  elle  le  fait  parler, 
comme  lorsqu'il  est  dit  dans  les  Actes  des 
apôtres,  que  le  Saint-Esprit  dit  à  saint  Pierre  *':'■  ==.  -"■ 
d'aller  avec  les  gens  qiie  Corneille  avait  en- 
voyés. C'est  donc  toute  la  Trinité  qui  parle 
et  qui  instruit.  Mais ,  si  l'Écriture  n'avait 
parlé  séparément  de  chaque  personne,  l'es- 
prit de  l'homme  est  si  faible,  que  nous  n'au- 
rions jamais  pu  nous  former  aucune  idée  de 
la  Trinité  :  car,  comme  elle  est  inséparable 
en  tout,  si  l'Écriture  ne  nous  en  eût  Jamais 
parlé  que  de  la  sorte,  et  sans  parler  séparé- 
ment de  ce  que  faisaient  les  personnes  dont 
elle  est  composée,  nous  n'aurions  jamais  pu 
la  reconnaître  pour  Trinité.  » 

Une  troisième  règle  est  que  ^  ce  qui  se  dit 
subtantiellement  euDieuetnonrelativement, 
s'entend  de  toute  la  Trinité,  en  sorte,  que  si 
on  l'apphque  à  une  personne,  on  peut  aussi 
l'entendre  des  autres.  Ainsi  c'est  de  toute 
la  Trinité  qu'il  est  dit  dans  les  Psaumes  : 
Vous  êtes  le  seul  grand  Dieu;  et  ce  que  Jésus- 
Christ  dit  lui-même  ,  qu'il  n'y  a  que  Dieu 
seul  qui  soit  bon  ,  au  lieu  que  ce  qui  se  dit 
relativement,  comme  Père  et  Fils  ,  ne  peut 
s'appliquer  qu'à  une  seule  personne.  La 
quatrième  '  règle  est  celle-ci  :  De  ce  qu'une 
personne  de  la  Tiùnité  en  glorifie  une  autre 


1  Paracletus  autem,  inquit,  Spiritus  Sanctus, 
quem  mittet  Pater  in  nomine  meo,  ille  vos  docebit 
omuia,  et  commemorabit  tos  omuia  qusecumque 
(lixero  vobis.  Num  quidnam  dicit  Filins  et  docet 
Spiritîis  Sanctus,  ut  dicente  Filio  verba  capia- 
mits,  docente  autem  Spiritit  Sancto  eadem  verba 
intelligamus?  Quasi  dicat  Filius  sine  Spiritu 
Sancto,  aut  Spiritus  Sanctus  doeeat  sine  Filio  : 
aut  vero  non  et  Filius  doeeat  et  Spiritus  Sanctus 
dicat,  et  ciim  Deus  aliquid  dicit  et  docet,  Trinitas 
ipsa  dicat  et  doeeat?  Sed  quoniam  Trinitas  est, 
oportebat  ejus  singulas  insinuare  personas,  eani- 
que  nos  distincte  audire,  inseparabiliter  intelli- 
gere.  Audi  Patrem  dicentem  ubi  legis  :  Doiuinus 
dixit  ad  me  :  Filius  meus  es  tu.  Audi  et  docen- 
iem  ubi  legis  :  Omuis  qui  audivit  a  Pâtre  et  didi- 
cit,  venit  ad  me.  Filium  vero  dicentem  modo  au- 
disti,  de  se  quippe  ait  :  Quceoumque  dixero  vobis  : 
quem  si  et  docentemvis  nosce,  magistrum  recole  : 
Unus  est,  mg«i(,  magister  Tester  Christus.  Sptri- 
tum  porro  Sanctum.,  quem  modo  audisti  docentem 
ubi  dictum  est  :  ]pse  vos  docebit  omnia  ;  audi 
etiam  dicentem,  ubi  legis  in  Actibiis  apostolorum, 
beato  Petro  dixisse  Spiritum  Sanctum  :  Vade  cum 
illis  quia  ego  misi  eos.  Omnis  igilur  et  dicit  et 
docet  Trinitas  :  sed  nisi  etiam  singillatim  com- 


mendaretur,  eoni  nullo  modo  humana  capere  uti- 
que  posset  infirniitas.  Cum  ergo  omnino  sit  inse- 
parabilis,  nunquam  Trinitas  esse  sciretur  si  sem- 
per  inseparabiliter  diceretur.  August.,  Tract.  77 
in  Joan.,  num.  2,  pag.  696-697. 

2  Illud  prcBcipue  teneanvus,  quidquid  ad  se  dici- 
tur  prœstantissima  illa  et  divina  sublimitas,  sub- 
stantialiter  dici;  quod  autem  ad  aliquid,  non 
substantialiter,  sed  relative;  tantamque  vim  esse 
ejusdem  substantice  in  Pâtre  et  Filio  et  Spiritu 
Sancto,  ut  quidquid  de  singulis  ad  seipsos  dicitur, 
non  pluraliier  in  summa,  sed  singulariter  acci- 

pialur non  enim  de  Pâtre  solo,  sed  de  Pâtre 

et  Filio  et  Spiritu  Sancto  scriptum  est  :  Tu  es  Deus 

soins  magnus nec  très  boni,  sed  unus  est  bonus 

de  quo  dictum  est  :  Nemo  bonus  nisi  solus  Deus. 
August.,  lib.  VIII  De  Trinit.,  cap.  viii,  num.  9, 
pag.  837. 

3  Potens  est  Spiritus  Sanctus  glorificare  Fi- 
lium, quem  glorificat  Pater.  Quod  si  ille  qui  glo- 
rificat,  eo  quem  glorificat  major  est,  sinant  ut 
œquales  sint  qtii  se  invicem  glorificant.  Scrip- 
tum est  autem  q^iod  et  Filius  glorificat  Patrem: 
Ego  te,  inquit,  glorificavi  super  terram.  Sane  ca- 
veant  ne putetur  Spiritus  Sanctus  major  ambobus, 
quia  glorificat  Filium  quemglorifi.cai  Pater,  ipsum 

41 


Giû 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ce  n'est  point  une  marque  qu'elle  soit  infé- 
rieure ,  car  toutes  les  trois  personnes  se  glo- 
rifient mutnellement. 
surrincar.       38.  «  Dicu  clioisit  '■  de  la  nation  des  Cbal- 
le  do   Difu   deens,  dit  samL  Augustra,-  un  homme  f.l  une 

tîaiis  ce    m\s-         .,,.,  •     n    ,       i  T         ^  —  1-.: 

tire.  piéte  snicero  ,  qui  fut  Abraham  ,  pour  lui 

révéler  et  lui  confier  ses  promesses,  qui  ne 
devaient  être  accomplies  qu'après  plusieurs 
siècles,  dans  les  derniers  temps  dn  monde  ; 
et  lui  prédit  que  toutes  les  nations  seraient 
bénies  dans  sa  race.  Cet  homme  qui  ne  con- 
naissait et  n'adorait  point  d'autre  dieu  que 
le  véritable  Dieu  ,  créateur  de  l'univers,  en- 
gendre un  fils  dans  sa  vieillesse,  d'une  femme 
à  qui  l'âge  aussi  bien  que  la  stérilité  avaient 
ôté  toute  espérance  d'avoir  des  enfants.  De 
ce  fils  sort  un  grand  peuple  qui  s'accroît 
prodigieusement  en  Egypte,  oii  les  disposi- 
tions de  la  Providence,  qui  se  marquaient  de 
jour  en  jour  par  de  nouvelles  promesses,  et 
par  les   effets   dont  elles   étaient  suivies , 
avaient  fait  passer  cette  race  des  contrées 
d'Orient.  Ce  peuple  déjà  puissant  fut  tiré  de 
la  servitude  d'Egypte  par  des  prodiges  et 
des  miracles  inouïs,  et  ayant  été  conduit  et 
établi  dans  la  terre  de  Chanaan,  qui  lui  avait 
été  promise,  il  s'y  accrut  jusqu'à  former  un 
royaume  considérable.  Mais,  s'étant  laissé 
aller  an  péché,  et  ayant  souvent  offensé,  par 
des  actions  sacrilèges  Dieu ,  dont  il   avait 
reçu  tant  de  bienfaits ,  il  fut  puni  par  plu- 
sieurs calamités,  entremêlées  néanmoins  de 
diverses  prospérités  et  de  douceurs,  à  mesure 
qu'il  venait  à  reconnaître  son  Dieu,  qui  le 
conduisit  ainsi  jusqu'au  terme  de  l'Incarna- 
tion et  de  la  manifestation  de  Jésus-Christ. 
Toutes  les  promesses,  toutes  les  prophéties 
faites  à  ce  peuple,  son  sacerdoce ,  ses  sacri- 
fices, son  temple,  et  tous  les  sacrements  de 
sa  religion  étaient  destinés  à  marquer  que 
ce  Christ,  Verbe  de  Dieu,  et  Dieu  lui-même, 
viendrait  au  monde,  revêtu  de  chair,  qu'il  y 
souffrirait  la  mort,  qu'il  ressusciterait ,  qu'il 
monterait  au  ciel,  et  que  dans  toutes  les 
nations  il  y  aurait  des  hommes  consacrés  à 
son  nom  ,  par  la  vertu  duquel  la  rémission 
des  péchés  et  le  salut  éternel  seraient  donnés 
à  ceux  qui  croiraient  en  lui.  Jésus-Christ 
vient  donc  an  monde ,  et  par  sa  naissance, 
sa  vie,  ses  paroles,  ses  acLions,  ses  souffran- 
ces, sa  mort,  sa  résurrection,  son  ascension, 
il  accomplit  tout  ce  que  les  prophèfes  avaient 


prédit.  Incontinent  après,  il  envoie  son  Saint- 
Esprit  aux  fidèles  assemblés  dans  une  même 
maison,  où  ils  vivaient  dans  la  prière,  en 
attendant  avec  des  désirs  continuels  ce  don 
du  ciel,  et  l'accomplissement  de  la  promesse 
qui  leur  avait  été  faite.  Ces  disciples  remplis 
du  Saint-Esprit  parlent  tout  d'un  coup  les 
langues  de  toutes  les  nations;  ils  attaquent 
courageusement  les  erreurs  ;  ils  prêchent  les 
vérités  qui  nous  sauvent;  ils  exhortent  les 
hommes  à  faire  pénitence  de  leurs  péchés,  et 
leur  promettent  qu'ils  en  obtiendront  le  par- 
don. iMon-seulement  ils  prêchent  la  véritable 
religion  et  la  vraie  piété,  mais,  afin  qu'on 
ne  puisse  douter  de  ce  qu'ils  prêchent,  ils 
le  confirment  par  des  miracles  les  plus  capa- 
bles d'en  établir  la  véiité.  Cependant  la  rage 
des  infidèles  s'allume  conir'eux;  mais  comme 
ils  ne  souffrent  rien  qui  ne  leur  ait  été  pré- 
dit, leurs  souffrances  mêmes  les  fortifient 
dans  l'espérance  de  ce  qui  leur  a  été  promis, 
et  les  rendent  encore  plus  fidèles  à  ensei- 
gner aux  hommes  les  vérités  dont  ils  sont 
chargés.  Quoiqu'en  petit  nombre ,  ils  par- 
courent toute  la  terre,  ils  convertissent  toutes 
les  nations  avec  une  facilité  admirable,  ils 
croissent  au  milieu   de  leurs  ennemis,  et 
tous  les  maux  qu'on  leur  fait  souffrir  ne  ser- 
vent qu'à  les  répandre  jusqu'aux  extrémités 
du  monde.  D'une   poignée  de   gens   qu'ils 
étaient,  grossiers,  ignorants  et  méprisés,  ils 
se  trouvent  tout  d'un  coup  éclairés  et  célé- 
brés partout  le  monde,  et  se  multiplient  avec 
une  vitesse  incroyable ,  faisant  plier  sous  le 
joug  de  Jésus-Clu'ist  les  plus  grands  esprits, 
les  plus  éloquents ,  les  plus  sublimes  et  les 
plus  savants  hommes  du  monde,  dont  ils 
font  non-seulement  des  sectateurs,  mais  des 
prédicateurs  de  la  doctrine  du  salut,  et  de 
la  véritable  piété.  Dans  les  divers  retours 
des  adversités  et  des  prospérités  qui  leur 
arrivent,  ils  ne  songent  qu'à  soutenir  coui-a- 
geusement  les  unes,  et  à  user  sobrement  des 
autres,  et,  lorsqu'ils  voient  que  le   monde 
tend  à  la  fin,  et  que  les  débris  de  toutes  les 
choses  l'annoncent ,  leiu'  espérance  se  ra- 
nime ;  et  se   souvenant  que  ces  marques 
même  du  déclin  dn  monde  ont  été  prédites, 
ils  attendent    avec  plus    de   confiance  que 
jamais  la  félicité  de  la  céleste  pafi'ie.  Pen- 
dant que  l'Église  de  Jésus-Christ  combat  de 
celte  sorte,  les  nations  impies  et  infidèles 


mUem  nec  a  Paire  nec  a  Vilio  scriptnm  est  glorifi-         '  Augii?t., 
cari.  A\iKnst.,  lib.  H  De  Tvinit.,  cnp.  iv,  [wg.  Tio.       «S. 


Ephl.   i37.  miiu.  13,    et  scq.,.   jiag. 


[lye  J.J  ^c  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

frémissent  contre  plie,  et  en  font  l'objet  de 
leur  rage  et  de  leur  fureur.  Âîais  elle  de- 
meure victorieuse  par  sa  patience,  et  par  un 
ai tachement  inviolable  à  la  foi.  Malgré  les 
cruautés  de  ses  persécuteurs ,  dès  que  la 
vérité,  si  longtemps  cachée  sous  les  figures 
mystérieuses  qui  en  exprimaient  la  promesse, 
vient  à  paraître  ,  et  que  le  sacrifice  qui  lui 
convient  commence  à  s'établir,  ceux  de  l'an- 
cienne loi  qui  n'étaient  que  des  figures  de 
celui-ci  s'abolissent,  et  le  temple  même,  qui 
était  le  seul  lieu  où  on  pût  l'offrir,  est  dé- 
truit. » 

«  Le  peuple  juif,  poursuit  saint  Augustin, 
réprouvé  pour  son  incrédulité,  est  chassé  de 
son  propre  paj's,  et  dispersé  par  le  monde, 
afin  qu'il  porte  de  toutes  parts  les  livres 
saints,  et  qu'on  ne  puisse  pas  dire  que  les 
prophéties  qui  prédisent  Jésus-Christ  et  son 
Eglise,  sont  des  pièces  fabriquées  après  coup 
parles  chrétiens,  puisqu'elles  sont  produi- 
tes par  nos  adversaires  dont  l'incrédulité  est 
prédite  dans  ces  mêmes  livres.  Les  idoles  et 
les  temples  des  démons  se  détruisent  peu  à 
peu,  et  tout  le  cidte  sacrilège  qu'on  leur 
rendait  s'abolit  comme  il  avait  été  prédit. 
Enfin  il  s'élève  des  hérésies  contre  le  nom 
de  Jésus-Christ,  qui  se  couvrent  néanmoins 
du  nom  même  de  Jésus-Christ,  et  cela  ar- 
rive, comme  il  a  été  prédit,  pour  donner 
lieu  à  l'Église  de  manifester  de  plus  en  plus 
les  trésors  de  la  sainte  doctrine,  dont  elle 
est  la  dépositaire.  Tout  cela  est  arrivé  de 
point  en  point,  comme  il  avait  été  prédit 
dans  les  livres  saints,  et  l'accomplissement 
si  juste  de  tant  de  prophéties  nous  fait  at- 
tendre avec  confiance  ce  qui  reste  à  accom- 
plir des  promesses  de  Dieu.  Où  est  l'âme 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


643 


touchée  du  désir  de  l'éternité,  et  que  le  peu 
de  durée  de  la  vie  présente  ait  fait  rentrer 
en  elle-même,  qui  puisse  ne  pas  se  rendre 
à  des  preuves  si  lumineuses,  et  qui  portent 
si  visiljlemcnt  le  caractère  de  Dieu?  Jésus- 
Christ  est  venu  en  ce  monde  sauver  les  pé- 
cheurs, il  n'y  a  point  d'autre  raison  qui  l'ait 
fait  venir  '  ;  ce  ne  sont  pas  nos  mérites,  mais 
nos  péchés  qui  l'ont  attiré  du  ciel  sur  la 
terre.  Il  n'est  venu  que  pour  nous  guérir  de 
nos  maladies.  Olez  les  maladies  -,  ôtez  lès 
blessures,  et  l'on  n'aura  plus  besoin  de 
médecine.  Puisqu'il  est  venu  un  si  grand 
médecin  du  ciel,  il  fallait  bien  qu'il  y  eût  un 
grand  nombre  de  malades  sur  la  terre,  c'est- 
à-dire  tout  le  genre  humain.  Si  l'homme  ' 
n'avait  point  abandonné  Dieu,  Dieu  ne  se 
serait  pas  fait  homme.  » 

Mais  ne  pouvait-il  pas  racheter  les  hom- 
mes et  les  tirer  de  l'état  où  le  péché  les  avait 
réduits,  par  un  autre  moyen  que  celui  de 
l'incarnation  ?  Saint  Augustin  répond  *  : 
«  Comme  toutes  choses  sont  soumises  à  la 
puissance  de  Dieu,  il  n'a  pas  manqué  d'au- 
tre moyen  ;  mais  comme  il  n'y  en  avait  point 
de  plus  convenable,  il  ne  devait  pas  y  en 
avoir  d'autre  que  celui  qu'il  a  pris  pour  nous 
sauver.  Car  rien  n'était  plus  nécessaire  pour 
relever  notre  espérance  et  pour  empêcher 
que  les  esprits  des  hommes,  rabaissés  par  l'é- 
tat de  leur  condition  mortelle,  ne  désespéras- 
sent de  pouvoir  parvenir  àTimmortaMté,  que 
de  nous  faire  voir  de  quel  prix  nous  étions 
auprès  de  Dieu  ,  et  quel  amour  il  avait  pour 
nous.  Or,  quelle  marque  plus  évidente  Dieu 
en  pouvait-il  donner,  que  l'incarnation  de 
son  Fils?  » 

Quelqu'un  demandera  peut-être  pourquoi 


'  Qiiare  fChristus)  venit  in  mundum?  PeccatO' 
res  salvos  facere.  Àlia  causa  non  fuit,  quare  ve- 
niret  in  mundum.  Non  euin  de  cœlo  ad  terram 
mérita  nostra,  sed  peccala  duxerunt.  August., 
Serm.  174,  cap.  vu,  num.  8,  pag.  8-3'i-. 

2  Toile  morbos,  toile  vulnera,  et  nuila  causa 
est  medicince.  Si  venit  de  cœlo  magnus  medicus, 
magnus  per  totum  orbem  terrœ  jacebat  œgrotus. 
Ipse  œgrotus  genus  humamim est.  Augiist.,  Serm. 
173,  nmn.  1,  pag.  833. 

'  Si  tu,  0  homo,  non  diinitteres  Beum,  non  fie- 
ret  pro  te  Deus  homo.  August.,  serm.  2  in  Psal. 
XXXVI,  num.  13,  pag.  272. 

*  Eos  itaquc  qui  dicunt:  Itane  defuitDeo  modus 
alius,  quo  liberaret  homines  amiseria  mortalita- 
tis  hujus,  uL  unigenitum  Filium  Deum  sibi  coœ- 
lernum,  hominem  fieriveUet,  induendo  humanam 
animam  et  carnem,  mortalemqne  factum  mortem 
perpeli?  Parum  est  sic  refellere,  ut  istum  modum 


quo  nos  per  mediatorem  Dei  et  homimim  homi- 
nem Christum  Jesum  Deus  liberare  dignatur,  as- 
seramus  bonum  et  divinœ  congruum  dignitati  : 
verum  etiam  ut  ostendamus  non  alium  modum 
possibilem  Deo  defuisse,  cujus  potestati  cuncta 
œqualiter  subjacent,  sed  sanandœ  nostrœ  mise- 
riœ  convenientiorem  modum  alium  non  fuisse, 
nec  esse  potuisse.  Quid  enim  tamnecessarium  fuit 
ad  erigendam  speni  nostram,  mcntesque  morta- 
lium  conditione  ipsius  mortalilatis  abjectas,  ab 
immortaW.atis  desperatione  libcrandas,  quam  ut 
demonslraretur  nobis  quanti  nos  penderet  Deus, 
quantumque  diligeret?  Quid  vero  hujus  rei  tanlo 
isto  indicio  manifestius  aique  prœclarius,  quam 
ut  Dei  Filius  immutabiliter  bonus,  in  se  manens 
quod  erat,  et  a  nobis  pro  nobis  accipiens  quod 
non  erat,  prœter  suce  naturœ  detrimentum,  nos- 
trœ dignatus  inire  consortium  ?  August.,  lib.  XllI 
De  Trinit.,  cap.  x,  num.  13,  pag.  936. 


644 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Sur  la  divi- 
lilé  el  rim- 
manilé  de  Jé- 
sus-Christ, 


le  Fils  de  Dieu  a  voulu  naître  d'une  femme? 
Le  saint  Docteur  répond  '  :  «  Notre-Sei- 
gneur  Jésus-Christ  étant  venu  pour  sauver 
le  gem'e  humain,  composé  d'hommes  et  de 
femmes,  n'a  pas  méprisé  le  sexe  des  hommes, 
puisqu'il  s'en  est  revêtu,  ni  celui  des  femmes, 
puisqu'il  est  né  d'une  d'entre  elles  ;  d'ail- 
leurs Dieu  a  voulu  que  notre  mort  étant  ar- 
rivée par  une  femme,  ce  fût  d'elle  que  notre 
vie  tirât  son  origine,  et  que  le  diable,  qui 
avait  fait  tomber  l'un  et  l'autre  sexe ,  fût 
vaincu  et  subjugué  par  tous  les  deux.  »  Saint 
Augustin  dit  encore  ^  que,  si  Jésus-Clmst,  se 
faisant  homme,  ne  fût  pas  né  d'une  femme, 
celles  de  ce  sexe  auraient  en  quelque  sorte 
désespéré  de  leur  salut,  dans  la  pensée  que 
Jésus-Christ  les  am'ait  rejetées  comme  ayant 
été  la  cause  du  péché  de  l'homme. 

39.  Yoici  comment  s'exprime  saint  Augus- 
tin sur  la  divinité  et  l'humanité  de  Jésus- 
Christ  :  «  Jésus-Christ,  fils  de  Dieu  ^  est 
Dieu  et  homme  tout  ensemble;  Dieu  avant 
tous  les  temps,  et  homme  dans  le  temps. 
Dieu  parce  qu'il  est  le  Verbe  de  Dieu  ;  car 
le  Verbe  était  Dieu,  et  homme  parce  que 
le  corps  et  l'âme  se  sont  joints  au  Verbe 
dans  l'unité  d'une  seule  personne.  C'est 
pourquoi,  en  tant  qu'il  est  Dieu,  son  Père  et 
lui  ne  sont  qu'un  ;  mais  en  tant  qu'il  est 


homme,  le  Père  est  plus  grand  que  lui  :  car 
étant  Fils  unique  de  Dieu,  non  par  grâce, 
mais  par  natui-e,  il  a  été  fait  fils  de  l'homme, 
afin  qu'il  fût  aussi  plein  de  grâce,  et,  étant 
le  même,  il  est  l'un  et  l'autre  ;  et  de  l'un  et 
de  l'autre  il  ne  s'est  fait  qu'un  seul  Christ. 
Ayant,  en  effet,  la  forme  de  Dieu,  il  n'a  point 
cru  faire  un  larcin  de  s'attribuer  ce  qu'il  était 
par  sa  nature ,  savoir  d'être  égal  à  Dieu  ; 
mais  il  s'est  anéanti  lui-même,  engrenant  la 
forme  d'un  serviteur,  sans  perdre  ni  diminuer 
la  forme  de  Dieu.  Par  là  il  est  devenu  moin- 
dre et  est  demeuré  égal,  étant  l'un  et  l'autre 
et  n'étant  qu'un  ;  mais  l'an  comme  Verbe  et 
l'autre  comme  homme.  Comme  Verbe,  il  est 
égal  au  Père,  et  comme  homme,  il  est  moin- 
dre que  lui.  Le  même  et  unique  fils  de  Dieu 
est  aussi  fils  de  l'homme ,  et  le  même  fils 
de  l'homme  est  aussi  fils  de  Dieu.  Ce  ne 
sont  pas  deux  fils  de  Dieu,  un  Dieu  et  un 
homme  ;  mais  un  seul  fils  de  Dieu  ;  Dieu, 
n'aj-ant  point  de  commencement,  homme, 
ayant  un  commencement  certain  ;  l'un  et 
l'autre  est  Notre-Seigneur  Jésus-Christ.  En 
tant  qu"homme,  il  n'est  point  fils  adoptif  *, 
mais  fils  naturel  et  unique  de  Dieu.  Nous 
ne  sommes  pas  enfants  de  Dieu  ^  par  nature 
comme  lui,  mais  seulement  par  la  grâce  de 
l'adoption.  Notre  foi  consiste  °  principale- 


1  Domimis  autem  Jésus  Christus,  quiveneratad 
homines  liberandos,  in  quibus  et  mares  et  feminœ 
pertinent  ad  salutem,  nec  mares  [aslidivit,  quia 
marem  suscepit,  nec  feminas,  quia  de  femina  na- 
tus  est.  Eue  accedit  magnum  sacramentum,  ut 
quoniam  per  feminam  nabis  mors  acciderat,  vita 
nobis  per  feminam  nascerelur;  ut  de  utraque  na- 
tura,  id  est  feminina  et  masculina,  victus  diabo- 
lus  cruciaretur,  quoniam  de  ambarum  subver- 
sione  lœtabatur,  qui  parum  fuerat  ad  pœnam  si 
ambœ  naturœ in  nobis  liberarentur,  nisi  etiam per 
ambas  liberaremur.  August.,  lib.  De  Agone  chris- 
tiano,  cap.  xxn,  num.  24,  pag.  236. 

2  Si  ergo  vir  exsistens,  quod  utique  esse  deberet 
non  nascerelur  ex  femina,  desperarent  de  se  fe- 
minœ, memores  primi  peccati  sui,  quia  per  femi- 
nam deceptus  est  primus  liomo;  et  omnino  nul- 
lam  se  spem  hubere  in  Chrislo  arbilrarentur. 
August.,  Serm.  51,  cap.  n,  num.  3,  pag.  2S4. 

3  Proinde  Christus  Jésus  DeiFUius.  est  et  Deus 
et  homo.  Deus  ante  omnia  sœcula,  homo  in  nos- 
tro  sœculo.  Detis,  quia  Dei  Vcrbum,  Deus  eniiii 
erat  Verbum  ;  homo  autem,  quia  in  unitalem 
personœ  accessit  Verbo  anima  ralionalis  el  caro. 
Quocirca  in  quantum  Deus  est,  ipse  et  Pater 
unum  sunt;  in  quantum  nutem  homo  est.  Pater 
major  est  illo.  Cum  enim  esset  unicus  Dei  Filius, 
non  gratia,  sed  nalura,  ut  esset  etiam  plemis 
gralia  ,  factus  est  et  hominis  filius  ;  idemque 
ipse  u',rumque  ex  ulroquc  unus  Christus:  quia 


cum  in  forma  Dei  esset,  non  rapinam  arbitratus 
est,  quod  natura  erat,  id  est ,  esse  œqualis  Deo. 
Exinanivit  autem  se,  accijàens  formam  servi,  non 
amillens  vel  minuens  formam  Dei.  Ac  per  hoc  et 
minor  est  factus,  et  mansit  œqualis,  utrumque 
MîMts,  sicut  dictum  est.  Sed  aliudpropler  Verbum, 
aliud  propler  hominem  ;  propter  Verbum  œqua- 
lis Patri,propter  hominem  minor.  Unus  Dei  fi- 
lius, idemque  hominis  filius;  unus  hominis  fi- 
lius, idemque  Dei  filius  :  non  duo  filii  Dei  Deus 
et  homo,  sed  unus  Dei  filius  :  Deus  sine  initia, 
homo  a  certo  initio,  Dominus  noster  Jésus  Chris- 
tus. August.,  in  Enchirid-,  cap.  xxxv,  tom.  VI, 
pag.  210. 

*  Opporlebat  ergo  ut  ille  {Christus)  baptizaret 
qui  est  Filius  Dei  unicus,  non  adoptatus.  Adop- 
tati  filii,  ministri  sunt  unici;  unicus  habetpo- 
lestalem,  adoptati  ministerium.  August.,  Tract.  7 
in  Joan.,  num.  4,  pag.  343. 

5  Non  enim  nali  sumus  de  Deo,  quomodo  ille 
unigenitus,  sed  adoptati  per  graliam  ipsius.  Au- 
gust.   Tract  2  in  Joan.,  uum.  13,  pag.  302. 

^  In  hoc  maxime  fuies  nostra  consislit,  ut  cre- 
damus  unicum  Filium  Dei,  non  adopiirum,  sed 
proprium;  non  phaniasticum ,  sed  i^erum ;  non 
temporarium,  sed  cclcrnum,  pro  nobis  omnia  se- 
cundum  carnem  fuit^se  perpessum.  Leporius  in 
libello  Emrndutionis  cui  sanctus  Augustiuus  cum 
aliis  Afi'ii'iB  opiscopis  subscripsit.  Pag.  1681,  toni.  II, 
Concil.  Labb, 


[IV  ET  v«  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,'  ÉVÊQUE  D'HIPPONE, 

ment  à  croire  à  un  Fils  unique  de  Dieu  non 
adopfif,  mais  proprement  dit;  non  imagi- 
naire mais  véritable;  non  pour  un  temps 
mais  éternel,  qui  a  soufTert  pour  nous  selon 
la  chair.  » 

60.  Le  saint  Docteur  parle  ainsi  sui'les  deux 
natures  en  Jésus-CIirist  en  une  même  per- 
sonne :  «  Reconnaissons  donc  '  en  Jésus- 
Christ  une  double  substance,  dont  l'une  est  la 
nature  divine  qui  l'égale  à  son  Père,  et  l'au- 
tre la  nature  humaine,  par  où  il  est  moins 
grand  que  lui.  Mais  reconnaissons  en  même 
temps  que  ces  deux  natures  ne  sont  qu'un 
Jésus-Clu'ist,  de  peur  d'introduire  dans  la 
nature  divine  une  quaternité  au  lieu  d'une 
Trinité  :  car,  comme  le  corps  et  l'âme  raison- 
nable joints  ensemble  ne  sont  qu'un  Jésus- 
Christ,  ainsi  Jésus-Christ  est  tout  ensemble 
Dieu,  une  âme  raisonnable  et  un  corps.  Nous 
rec.onnaissons  Jésus-Christ  dans  ce  tout  di- 
vin, et  dans  chacune  des  parties  dont  il  est 
composé.  Quand  donc  on  nous  demande  par 
qui  a  été  fait  le  monde,  nous  répondons  : 
Par  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  quoiqu'il- 
n'ait  été  fait  que  par  Jésus-Clirist  comme 
Dieu.  Et  si  on  nous  demande  qui  a  été  cru- 
cifié sous  Ponce  Pilate,  nous  répondons  :  Jé- 
sus-Christ, quoiqu'il  n'ait  été  crucifié  que 
dans  sa  forme  et  dans  sa  nature  de  serviteur. 
Il  en  est  de  même  des  deux  parties  dont  est 
composée  son  humanité  sainte.  Par  exem- 
ple, si  l'on  nous  demande  qui  est-ce  qui  n'a 
pas  été  laissé  dans  les  enfers,  nous  répon- 


dons  :  Jésus-Christ,  quoiqu'il  ne  s'agisse  que 
de  son  âme.  Si  l'on  nous  demande  qui  a  été 
trois  jours  dans  le  sépulcre  et  est  après  cela 
ressuscité,  nous  disons  :  Jésus-Christ,  quoi- 
qu'il ne  s'agisse  que  de  son  corps.  Le  nom 
de  Jésus-Christ  est  donné  dans  l'Écriture  à 
chacune  des  parties  qui  entrent  dans  ce  divin 
composé,  sans  que  pour  cela  il  y  ait  ni  deux 
ni  trois,  mais  un  seul  Jésus-Christ.  Le  Sei- 
gneur a  donc  dit  :  Si  vous  m'aimez,  vous  vous 
réjouirez  de  ce  que  je  vous  ai  dit  :  Je  vais  à  mon 
Père  :  parce  qu'en  effet  c'est  un  grand  avan- 
tage à  la  nature  humaine,  et  qui  mérite  bien 
qu'on  s'en  réjouisse  avec  elle,  d'avoir  été 
ainsi  unie  au  Verbe,  au  Fils  unique  de  Dieu 
qui,  l'ayant  élevée  dans  le  ciel  avec  lui,  l'a 
rendue  immortelle  et  a  tellement  élevé  cette 
substance,  qui  n'était  que  terre  et  que  pous- 
sière dans  son  origine,  qu'elle  est  devenue 
incorruptible  et  a  pris  séance  avec  lui  à  la 
droite  du  Père.  Comme  l'âme  raisonnable  et 
le  corps  ne  font  qu'une  personne  ^,  de  même 
Jésus-Christ,  Verbe  et  homme,  n'est  qu'une 
personne  composée  de  deux  substances  % 
parce  qu'il  est  Dieu  et  homme.  On  ne  peut 
pas  dire  toutefois  que  Dieu  soit  une  partie 
de  cette  personne,  autrement  il  faudrait  dire 
que  Dieu  le  Fils  de  Dieu,  n'était  pas  parfait 
avant  qu'il  eût  pris  la  forme  d'esclave,  et 
qu'il  aurait  reçu  quelque  accroissement  en 
s'unissant  à  l'humanité.  » 

((  Dieu  donc  a  pris  *  notre  nature,  c'est-à-dire 
l'âme  raisonnable,  et  la  chair  de  l'Homme- 


'  Agnoscamus  geminam  substantiam  Christi, 
divinam  scilicet  qwa  œqualis  est  Patri,  huma- 
nam  qua  major  est  Pater.  Utrumque  autem  si- 
mul  non  duo,  sed  unus  est  Christus,  ne  sit  qua- 
ternitas,  non  Trinitas  Deus.  Sicut  enim  est  ho- 
mo  anima  rationalis  et  caro,  sic  unus  est  Chris- 
tus Deus  et  homo  ;  ac  per  hoc  Christus,  est  Deus 
anima  rationalis  et  caro.  Christum  in  his  omni- 
bus, Christum  in  singulis  confitemur.  Quis  est 
ergo  per  quem  factus  est  mundus  ?  Christus  Jésus, 
sed  in  forma  Dei.  Quis  est  sub  Pontio  Pilato  cru- 
cifixus  ?  Christus  Jésus,  sed  in  forma  servi.  Item 
de  singulis  quibus  homo  constat.  Quis  non  est 
derelictus  in  inferno  ?  Christus  Jésus,  sed  in  ani- 
ma sola.  Dicitur  ergo  et  in  his  singulis  Christus, 
Vertim  hœc  omnia  non  duo,  vel  très,  sed  unus 
est  Christus.  Ideo  ergo  dixit  :  Si  diligeretis  me, 
gauderetis  utique,  quia  -vado  ad  Pafrem  :  quia  na- 
turce  humanœ  gratulandum  est,  eo  quod  sic  as- 
sumpta  est  a  Yerbo  unigenito  ,  ut  im,mortalis 
conslitueretur  in  cœlo,  atque  ita  fieret,  terra 
subliniis  ,  ut  incorruptibilis  pulvis  sederet  ad 
dexteram  Patris.  August. ,  Tract.  78  in  Joan., 
num.  3,  pag.  699  et  700. 

2  Nempc   ex  quo  homo  esse  cœpit,  non  aliud 


ccepit  esse  qv.am  Dei  Filius  :  et  hoc  unicus,  et 
propter  Deum  Yerbum,  quod  illo  suscepto  caro 
factum  est,  utique  Deus,  ut  quemadmodum  est 
una  persona  quilibet  homo,  anima  scilicet  ratio- 
nalis et  caro,  ita  sit  Christus  una  persona.  Ver- 
bum  et  homo.  August.,  Enchirid.,  oap.  xxxvi, 
pag.  210. 

'  Porro  autem  Christus  una  persona  estgeminœ 
substantiœ,  quia  et  Deus  et  homo  est.  Nec  tamen 
DeMS  pars  hujus  personœ  dici  potest;  alioquin 
Filius  Dei  antequam  susciperet  formam  servi  non 
erat  totns,  et  crevit  cum  homo  divinitati  ejus 
accessit.  August. ,  lib.  11  Contra  Maxim. ,  cap.  x 
num.  2,  pag.  698. 

*•  Deus  ergo  naturam  nostram,  id  est,  animam 
rationalem  carnemque  hominis  Christi  suscepit, 
susceptione  singulariter  mirabili  vel  mirahiliter 
singulari,  ut  nullis  justitice  suœ  prœcedentibus 
meritis  Filius  Dei  sic  esset  ab  initio  quo  esse  ho- 
mo cœpisset,  ut  ipse  et  Verbuni  quod  sine  initio 
est,  una  persona  esset.  Neque  enim  quisquam 
tanta  rei  hujus  et  fidei  cœcus  est  ignorant'a,  «t 
audeat  dicere,  quamvis  de  Spiritu  Sancto  et  Vir- 
gine  Maria  filium  hominis  natum ,  per  liberum 
tamen  arbitrium  bene   vivendo,  et   sine  peccato 


646 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Christ  ;  ce  qui  s'est  fait  d'une  manière  sin- 
gulièrement admirable ,  ou  admirablement 
singulière;  eu  sorte  que,  sans  aucun  mérite 
précédent  il  a  été  tellement  Fils  de  Dieu  , 
dès  qu'il  eut  commencé  à  être  homme,  que 
lui  et  le  Verbe,  qui  n'a  point  de  commence- 
ment, n'ont  été  qu'une  même  personne  :  car 
nul  catholique  n'oserait  dire  que  le  Fils  de 
l'homme,  quoique  né  du  Saint-Esprit  et  de 
la  Yierge  Marie,  ait  mérité  par  son  libre  ar- 
bitre, en  vivant  bien  et  en  faisant  de  bonnes 
œuvres,  sans  aucun  péché,  d'être  Fils  de 
Dieu,  l'Évangile  assurant  le  contraire,  lors- 
qu'il dit  :  Le  Verbe  a  été  fait  chair.  Car,  où 
cette  incarnation  s'est-elle  faite  ?  sinon  dans 
les  entrailles  de  la  Vierge,  où  Jésus-Christ 
homme  a  pris  commencement?  Et  lorsque 
la  sainte  Vierge  demanda,  comment  se  ferait 
ce  que  l'ange  lui  annonçait ,  lange  lui  ré- 
pondit :  Le  Saint-Esprit  descendra  en  voies, 
et  vous  serez  remplie  de  la  force  du  lYès-Haut, 
et  c'est  pour  cela  que  le  Saint  qui  naîtra  de 
vous,  sera  appelé  Fils  de  Dieu.  C'est  pour 
cela,  dit-il ,  non  à  cause  des  œuvres  qu'il  ne 
pouvait  avoir  faites ,  n'étant  pas  encore  né  ; 
mais  parce  que  le  Saint-Esprit  viendra  en 
vous,  et  que  vous  serez  remplie  de  la  foi'ce 
du  Très-Haut.  Cette  naissance,  certainement 
gratuite,  a  joint ,  dans  l'unité  d'une  même 
personne  ,  l'homme  à  Dieu  et  la  chair  au 
Verbe.  » 

«  Les  bonnes  œuvres  ont  suivi  cette  nais- 
sance, et  ne  l'ont  pas  mérité.  Je  quitte  ma 


vie  ',  dit  Jésus-Christ.  Qui  est-ce  qui  quitte 
sa  vie  ?  Et  quelle  est  la  vie  qu'il  quitte  ?  Ce- 
lui qui  quitte  sa  vie,  c'est  Jésus-Christ.  Et 
qui  est  Jésus-Christ?  C'est  le  Verbe  fait  hom- 
me ;  et  qui,  en  se  faisant  homme,  n'a  pas 
pris  un  corps  seulement,  mais  un  corps  et 
une  âme  ,  qui  sont  les  deux  parties  dont 
l'homme  est  composé  ;  car  il  n'y  a  pas  d'ap- 
parence qu'il  eût  pris  le  corps,  qui  est  la 
moindre  partie  de  l'homme,  et  qu'il  n'eût 
pas  pris  l'âme,  qui  est  la  principale.  » 

Jésus-Christ  étant  donc  un  composé  du 
Verbe  et  de  l'homme  tout  entier,  contient  le 
Verbe,  une  âme  et  im  corps.  «C'est  de  quoi 
il  faut  se  souvenir,  dit  saint  Augustin,  car  il 
y  a  des  hérétiques  qui,  quoique  condam- 
nés et  chassés  de  l'Église,  ne  laissent  pas  de 
tâcher  sans  cesse  d'entrer  dans  la  bergerie 
à  la  manière  des  voleurs.  Ces  hérétiques 
sont  les  apollinaristes  qui  ont  avancé ,  comme 
un  dogme  certain,  que  le  Verbe  tenait  lieu 
d'âme  à  Jésus-Christ,  et  que  ce  même  Verbe 
en  s'incarnant,  n'a  pris  qu'un  corps  et  non 
pas  une  âme  comme  la  nôtre,  ou  du  moins, 
une  âme  raisonnable.  Quelques-uns  même 
d'entre  eux  soutiennent  que  Jésus-Christ  en 
avait  une  semblable  à  celle  des  bêtes,  en 
quoi  ils  perdent  eux-mêmes  la  raison.  »  Le 
saint  Docteur  dit  donc  que,  suivant  la  doc- 
trine de  l'Église,  nous  devons  reconnaître 
en  Jésus-Christ  une  ûme  telle  que  celle  des 
autres  hommes  ;  c'est-à-dire  une  âme  raisou- 
nable,  une  âme  qui  a  de  l'entendement,  une 


hona  opéra  faciendo  meruisse,  ut  esset  Dei  Filius, 
resisiinte  Eoangelio  alque  dicente  :  Verlnun  cai-o 
factum  est.  JVam  ubi  hoc  factuiii  est,  nisiinulero 
virginali,  undefuit  initium  hominis  Chrisli? ILcin- 
que  Virgine  requirenle,  quomodo  fiercl  qiiod  H 
per  angelum  nuntiabalur,  aiigtlus  respoadit  : 
Spiritus  Sauotus  superveuiet  in  te,  el  virtiis  Altis- 
simi  obiimlirabit  tihi  ;  propterea,  quorl  nascetiu' 
ex  te  saiicluin,  voi:abitui' Filius  Dei.  Propterea, 
inquit,  nonpropler  opéra,  quœ,  nondinn  nali  uti- 
que  iiulla  siint;  sed  propterea  qxiia  Spiritus  Sanc- 
tus  superveniet  in  te,  el  virtus  Àltissimi  obuin- 
brabit  tibi,  quod  nascetur  ex  te  sanctum  vocabi- 
tur  Filius  Dei.  Isla  nalivitas  profecto  gratinla 
conjunxit  in  unitate  personœ  hominein  Deo,  car- 
nem  Verbo.  Islam  naUvitalem  bona  opéra  secula 
sunt,  non  bona  opéra  meruerunl.  August.,  lib.  De 
Correp.  el  grat.,  cap.  ii,   num.  30,  pag.  7fiG-7C7. 

1  Pono ,  inquit,  animain  nipam.  Quii  ponit? 
Quam  ponit?  Quid  est  Cliristus?  Verbuin  el  homo. 
Nec  sic  homo  ut  sola  caro;  Sid  quia  homo  cous- 
lat  ex  came  et  anima;  lotus  aulem  homo  in 
Christo.  lion  enim  partem  deleriorem  suscepissct, 
el  parlem,  meliorem  deseruisset;  pars  quippe  ho- 
minis meliir  est  anima  quam'  corpus.  Quia  ergo 


totus  homo  in  Chrislo,  quid  est  Christus?  Verbum, 
inquam,  et  homo.  Quid  est  Yerbum  et  homo? 
Verbum  anima,  et  caro.  Tenete  hoc,  quia  nonde- 
fuerunt  hœretici  el  i7iista  scnlenlia  pulsi  quidem 
jam  olim  a  verilate  catholica  :  sed  lamen  ut  fu- 
res  el  lalrones  non  intrantes  per  ostitim,  insidiari 
ovili  non  desinunt.  ÀpoLlinaristas  hœretici  dicti 
sunt,  qui  ausi  sunl  dogmalizare  quod  Christus 
non  sit  nisi  Verbum'  et  caro;  animam  humanam 
non  eum  assumpsisse  contendunt.  Kamet  aliqui  eo- 
rtim,  fuisse  in  Christo  animam  negare  non  po- 
luerunl.  Vidcte  absurditalem  et  insaniam  non  fe- 
rendam,  animam  irrationalem  eum  habere  vo- 
luerunl,  ralionalem  negaverunt  :  dederunt  eiani- 
mam  pecoris,  sublraxerunt  hominis.  Sed  iUi 
abstulerunt  Chrislo  ralionem,  non  lenendo  ratio- 
nem.  Àhsit  hoc  a  nobis,  in  jide  catholica  nulritis 

atque  fandalis ex  hac  occasione  de  aninjains- 

Iruamus  vos  et  contra  apollinarislas,  qui  dicunt 
Dominumnostrum  Jesum  Chrislvm  non  habuisse 
animam  humanam,  id  est  animam  ralionalem, 
animani  inleltigenlcm,  aiiman,  inquam,  in  qua 
distamus  a  pécore,  quod  homines  sumus.  August., 
Tracl.  47  in  Joan.,  nuiu.  9,  pag,  6)0  81611. 


[iV  £T  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN, 


âme  par  où  l'homme  est  homme,  el  distingué 
delà  bêce.  C'est  encore  suivant  la  doctrine  de 
l'Église,  qu'il  admet  deux  volontés  '  en  Jé- 
sus-Christ, l'une  divine  et  l'autre  humaine. 
Mais  en  parlant  de  l'union  très-intime  de  la 
Divinité  avec  l'humanité,  il  se  sert  du  terme 
de  mélange,  disant  que^la  personne  de  l'hom- 
me est  le  mélange  de  l'âme  et  du  corps  ;  et  la 
personne  de  Jésus-Christ,  le  mélange  de 
Dieu  et  de  l'homme.  Il  ne  trouve  pas  qu'on 
se. serve  d'une  expression  correcte  en  appe- 
lant-Jésus -Christ  l'homme  du  Seigneur, 
quoiqu'elle  ait  été  emploj'ée  par  quelques 
auteurs;  il  témoigne  du  regret  de  s'en  être 
servi  lui-même,  avouant,  toutefois ,  qu'on 
peut  lui  donner  un  bon  sens.  Il  enseigne^, 
qu'on  ne  peut  appeler  la  sainte  Yierge  mère 
de  la  divinité. 

61.  «  La  foi*  en  un  Dieu  fait  homme,  dit 
saint  Augustin,  est  si  nécessaire  à  tous  dans 
cette  vie,  que  personne  %  ni  avant  ni  après 
l'incarnation,  n'a  été  réconcilié  avec  Dieu  sans 
le  secours  de  cette  foi.  D'où  vient  que  saint 
Paul  nous  enseigne  qu'il  n'y  a  qu'un  seul 
Dieu,  et  un  seul  médiateur  entre  Dieu  et  les 
hommes,  Jésus- Christ  homme.  Aussi  la  vérité 
chrétienne  ^  ne  permet  pas  de  douter  que  les 


EYEQUE  D'HIPPONE.  6-17 

anciens  justes  aient  dû  être  purifiés  de  leurs 
péchés,  et  justifiés  sans  la  foi  de  l'incarna- 
tion, de  la  mort  et  de  la  résurrection  de  Jc- 
sus-Christ.  Il  ne  faut  sur  cela  admettre  au- 
cune difi'érence  entre  ces  justes;  car  cetic 
foi  a  été  nécessaire  à  tous,  tant  à  ceux  dont 
parle  l'Écriture,  qu'à  ceux  dont  elle  ne  dit 
rien  ;  mais  qui  ont  été  ou  avant  ou  après  le 
déluge  jusqu'à  la  loi  de  Moïse,  ou  même  du 
temps  de  cette  loi,  non-seulement  parmi  les 
enfants  d'Israël,  comme  ont  été  les  prophè- 
tes, mais  encore  hors  de  ce  peuple  ,  comme 
a  été  le  saint  homme  Job.  Les  cœurs  de  tous 
ces  justes  étaient  rendus  purs  par  la  même 
foi  du  Médiateur,  et  la  charité  était  répandue 
en  eux  par  le  Saint-Esprit,  qui  souffle  où  il 
veut,  sans  être  précédée  d'aucun  mérite, 
mais  produisant  tout  mérite  ;  puisque  la 
grâce  de  Dieu  ne  serait  grâce  en  aucune 
manière,  si  elle  n'était  entièrement  gratuite. 
Tous  les  '  anciens  justes  n'ont  donc  été  dé- 
livrés et  justifiés  que  par  la  même  foi  qui 
nous  sauve,  c'est-à-dire  par  la  foi  de  l'incar- 
nation de  Jésus-Christ  qui  leur  était  prédite 
en  ce  temps-là,  comme  elle  nous  est  annon- 
cée présentement.  Ils  ont  ^  connu  et  prophé- 
tisé Jésus-Christ  qui  devait  venir,  ayant  été 


'  In  hoc  quod  ait:  Nou  quod  ego  volo,  aliudse 
ostendit  (CItristus)  voluisse  quam  Pater  :  quod 
nisi  humano  corde  non  X'oLuisset,  cum  infirmita- 
tein  noslram  in  suum,  non  divinum sed  humamim 
transjiguraret  affectum.  Eomine  quidem  non  as- 
suinpto,  mtllo  modo  Palri  dicsret  unicum  Ver- 
bum:  Non  quod  ego  volo.  Nunquam  enim  jjosset 
immutabilis  Ma  nalura  quidquam  aliud  velle 
quam  Pater.  August.,  lib.  II  Contra  Maximinum- 
arianum,  cap.  xx,  num.  2,  pag.  720. 

2  1(1  illa  ergo  mixtura  est  animœ  et  corpoiis; 
in  hac  persona  mixtura  est  Dei  et  hominis.  Au- 
gust.,  Epist.  137,  num.  H,  pag.  403. 

3  Divinitatem  meamnon  tu genuisti quia  non 

eraL  illa  mater  divinitatis.    August.   Tract.  8   in 
Joan.,  num.  9,  pag.  337  et  338. 

*  Dominus  autem  manens  cum.  discipulis  per 
quadraginla  dies  ,  significare  dignatus  est  quia 
per  istud  tempus  necessaria  est  omnibus  fuies 
incarnalionis  Chrisli,  quœ  ini'irmis  est  necessa- 
ria. August.,  serm.  26i  in  die  Àscen.,  num.  5  , 
pag.  1077. 

^  Non  enim  quisquam  prœter  istam  fidem,  quœ 
est  m  Chrisio  Jesu,  sive  ante  ejus  incarnationem, 
t:ice  postva,  reconciliatus  est  Deo,  cum  sit  ab 
Apostolo  veracissime  dtfuiilum,  unus  enim  Deus 
et  unus mediator  Dei  et  hominum,  homo  Chrislus 
Jésus.  August.,  î)i  Psal.  civ,  num.  10,  pag.  1183. 

^  Sine  fide  ergo  incarnationis  et  mortis  et  re- 
surrectionis  Ckristi  nec  antiquos  justos  ut  justi 
essent,  a  peccatis  potuisse  mimdari  et  Dei  gratia 
justificari,  Veritas  christiana  non  dubitat ;  sive  in 
eis  justis  quos  sancta  Scriptura  commémorât; 


sive  in  eis  justis  quos  quidem  illa  non  commé- 
morât, sed  tamen  fuisse  credendi  sunt,  vel  ante 
diUivium  vel  inde  usque  ad  legem  datam;  vcl  ip- 
sius  legis  tempora,  non  solwm  in  filiis  Israël  si- 
cut  fuerunt  prophetœ,  sed  etiam  extra  eumdem 
populum,  sicut  fuit  Job.  Et  ipsoruni  enim  corda 
eadein  mundabantur  mcdiatoris  fide,  et  diffunde- 
batur  in  eis  charitas  per  Spiritum  Sanctum  qui 
ubi  vult  spiral  non  mérita  sequens,  sed  etiam 
ipsa  mérita  faciens;  non  enim  Dei  gratia  erit  ullo 
modo  nisi  gratuita  fuerit  omni  modo.  August., 
De  Peccat.  orig.  contra  Pet.,  num.  28,  pag. 
263. 

'  Vide  quemadmodum.  ccrmmendat  \wnva  et  uuum 
id  est,  Adam  et  Christum  :  illum  ad  condemna- 
tionem,  hune  ad  justi ficationem,  cum  tanto  posi 
Adam  venerit  Chrislus  in-  carne;  ut  sciamus 
etiam  antiquos  justos,  quicumque  esse  poluevunt 
nonnisi  per  eamdent  fidem  liberatos,  per  quam 
liberamur  et  nos ,  fidem  scilicet  incarnationis 
Christi,  quœ  illis  prœnuntiabatur ,  sictit  nobis 
fada  annuntiatur.  Ideo  idem  Christum  hominem 
dicit,  cum  sit  et  Deus,  ne  quis  existimet  antiquos 
justos  per  Deum  tantummodo  Christum,  id  est 
per  Verbum  quod  erat  in  principio,  non  etiam 
per  fidem  incarnationis  ejus,  qua  et  homo  Chris- 
tus  dicitur,  potuisse  liberari.  August.,  ad  Hilar., 
num.  14,  pag.  548. 

8  Ipsum  antiqui  sanciiventurum  in  révélations 
Spiritus  cognoverunt  et  prophctaverunt ;  et  sio 
salvi  facti  sunt  credendo  quia  veniet,  sicut  nos 
salvi  efficimur  cndendo  quia  venit.  August.,  De 
Catech.  rud.,  num.  28,  p.ig.  282,  toui.  VI. 


648 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


instruits  de  ce  mystère  par  la  révélation  du 
Saint-Esprit;  et  ils  n'ont  été  sauvés  que  parce 
qu'ils  ont  cru  qu'il  viendrait,  comme  nous 
sommes  sauvés  par  la  foi  que  nous  avons  de 
sa  venue.  Ils  n'ont  été  '  justifies  comme 
nous,  que  par  la  foi  en  ce  Sauveur,  et  par 
cette  véritable  justice  que  ce  même  Sauveur 
est  à  tous  les  justes ,  ayant  cru  les  choses 
avant  leur  accomplissement,  comme  nous  les 
croyons  présentement  qu'elles  sont  accom- 
plies. Ce  salut  ne  leur  est  point  venu  par 
eux-mêmes,  mais  par  le  moyen  de  la  foi  et 
par  un  don  de  Dieu  qui  ne  venait  point  de 
leurs  bonnes  œuvres,  afin  qu'ils  n'eussent 
pas  sujet  de  se  glorifier,  comme  si  leurs  bon- 
nes œuvres  avaient  prévenu  la  miséricorde 
de  Dieu,  au  lieu  qu'eUes  en  étaient  des  sui- 
tes et  des  efiets  aussi  bien  que  les  nôtres. 
Non-seulement  ils  avaient  appris ,  mais  ils 
nous  ont  encore  laissé  par  écrit  longtemps 
avant  la  venue  de  Jésus-Cbi'ist,  que  Die,u  au- 
rait pitié  de  qui  il  lui  plairait  d'avoir  pitié  ; 
et  qu'il  ferait  miséricorde  àcpii  il  lui  plairait 
de  la  faire.  D'où  saint  Paul  a  conclu  long- 
temps après  que  tout  dépend,  non  de  celui 
qui  veut,  ni  de  celui  qui  court,  mais  de 
Dieu  qui  fait  miséricorde.  Ce  sont  eux  encore 
qui  ont  dit  longtemps  avant  la  venue  de  Jé- 
sus-Chi'ist  :  Mon  Dieu  votre  miséricorde  me 
■préviendra.  Comment  n'auraient-ils  pas  été 
participants  de  la  foi  de  Jésus-Cbrisl,  ceux 
qui  nous  ont  prophétisé  Jésus-Clirist,  sans  la 
foi  duquel  personne  n'a  été,  n'est,  ni  sera  ja- 
mais juste  ?  >) 


(1  Nous  connaissons  votre  hérésie,  disait 
saint  Augustin  à  Julien-.  Pelage  a  assuré 
que  les  anciens  justes  n'ont  pas  reçu  la  vie 
par  la  foi  à  l'incarnation  de  Jésus-Christ,  par- 
ce que  Jésus-Christ  n'était  pas  encore  venu 
dans  sa  chair.  Mais  comment  les  prophètes 
eussent-ils  annoncé  cette  vérité  future  s'ils 
ne  l'eussent  crue  ?  Vous  êtes  tombés  dans 
cette  absurdité  en  soutenant  qu'on  pouvait 
avoir  la  justice  par  la  nature  et  par  la  loi. 
Si  l'un  des  deux  était  vrai,  Jésus-Chi'ist  se- 
rait mort  inutilement.»  Ce  Père  soutient  que 
tous  '  ceux  qui  ont  cru  au  Fils  de  Dieu  depuis 
le  commencement  du  monde  ,  qui  en  ont  eu 
quelque  connaissance,  qui  ont  vécu  dans  la 
piété  en  gardant  ses  préceptes,  ont  été  in- 
failliblement sauvés  par  lui ,  en  quelque 
temps  et  en  quelque  partie  du  monde  qu'ils 
aient  vécu.  Car,  comme  nous  croyons  en  lui 
subsistant  dans  son  Père  ,  mais  revêtu  d'un 
corps  depuis  qu'il  a  paru  dans  le  monde  ; 
les  anciens  croj^aient  aussi  en  lui  comme 
subsistant  dans  son  Père  ,  et  devant  prendre 
un  corps  pour  se  montrer  aux  hommes.  Et 
quoique  la  diversité  des  temps  fasse  qu'on 
annonce  présentement  l'accomplissement  de 
ce  qui  n'était  alors  que  prédit,  on  ne  peut 
pas  dire  pour  cela  que  la  foi  ait  varié  ,  ni 
que  le  salut  soit  autre  chose  que  ce  qu'il 
était.  Encore  donc  que  la  religion  de  Jésus- 
Christ  ait  paru  autrefois  sous  un  autre  nom, 
et  sous  une  autre  forme,  qu'elle  ait  été  au- 
trefois plus  cachée  qu'à  présent,  et  qu'elle 
soit  présentement  plus  développée,  et  con- 


'  Unde  et  antiqui  jusli  ante  Incarnationem 
Yerbi,  i7i  hac  p-de  Chrisli ,  et  in  vera  juslilia 
quod  est  iiobis  Christus ,  justiftcati  suiit  hoc 
credentes  fulariim  quod  nos  credimus  factuin  ;  et 
ipsi  gralia  salvi  facti  per  fidem,  non  ex  seipsis, 
sed  Dei  dono ,  non  ex  operibus,  ne  forte  extolle- 
rentur.  Bona  quippe  opéra  eorum  non  prœveite- 
riinl  miscricordiam  Dei,  sed  subseeuta  sunt.  Ipsi 
quippe  audierunt,  ipsi  scripserunt  longe  ante- 
quam  Christus  venissel  in  carne  :  Miserebor  oui 
uiisertus  ero,  et  misericonliam  prrestabo  cui  mise- 
ricors  fuero.  Et  quibus  Dei  verbis ,  lanto  post 
upostolus  Paulus  diceret:  Igitur  nou  voleutis  ne- 
que  curreutis  sed  misercutis  est  Dei.  Ipsorum 
etiam  vox  est  lunge  anlequam  Christus  venisset 
in  carne:  Deus  meus  misericordia  ejus  prœveuiet 
me.  Quomodo  autem  jmssenl  alieni  esse  a  fide 
Christi,  quorum  charitate  etiam  nobis pronuntia- 
tus  est  Cliristus,  sine  cujus  jide  quisquam  morta- 
liuni  nec  fuit,  nec  est,  nec  esse  aliquando  poterit 
justus.  Auguêt.,  De  Pat.,  num.  18,  pag.  342. 

-  Agnoscimus  ha:vesi}n  vestrani:  defmivil  enim 
Pelagius  quod  non  ex  fide  incnrnationis  Chrisli 
antiqui  vixcrint  justi;  quia  videlicet  nundum  in- 


carne venerat  Christus.  Cum  profecto  id  futio- 
run  non  pronunliassent,  nisi  priores  utique  cre- 
didissent.  Sed  in  hanc  absurditatem  cecidistis 
dum  defendilis  esse  potuisse  per  naturatn,  legem- 
que  juslitiam  :  utrumlibel  autem  si  verum  est, 
ergo  Christus  gratis  moriuus  est.  August.,  iib.  11 
Oper.imp.  contra  Jul.,  cap.  cLSxsviir,  pag.  1029. 

3  Itaque  ab  exordio  generis  humani,  quicum- 
que  in  eum  crediderunt,  eumque  lUcumque  intel- 
lexerunt,  et  secundum  ejus  prœcepta  pie  et  juste 
vixerunt,  quandolibet  et  ubilibel  fuerint  per  eum 
procul  dubio  salei  facti  sunt.  Sicut  enim  nos  in 
eum  credimus  et  apud  Palrem-  manentem,  et  qui 
in  carne  jam  venerit ,  sic  credebanl  in  eum  anli- 
qui  et  apud  Patrem  manentem,  et  in  carne  ven- 
turum.  Nec  quia  pro  temporum  varietate  mmc 
factum  annuntiatur,  quod  tune  fulurum  prœ~ 
nuntiabulur ,ideo  fides  ipsa  variala  velsahis  ipsa. 
diuersa  est...  proinde  atiis  tune  nonunibus  et  si- 
gnis,  aliis  aulent  nunc  et  prius  occultius,  postea 
manifestius,  et  prius  a  pauciorihu'<,  postea  a  pln- 
ribus,  una  tamen  eademqne  religio  vera  signifi- 
catur,  et  obsertatur.  August.,  lib.  ad  Deogr., 
uum.  12,  pag.  277. 


[lV°  ET  V°  SIÈCLES.] 

nue  d'un  bien  plus  grand  nombre  d'hom- 
mes qu'elle  ne  l'était  dans  les  premiers  siè- 
cles, c'est  toujours  la  même  religion.  » 

Le  saint  Docteur  enseigne  qu'outre  le  peu- 
ple d  Israël  il  y  a  eu  quelques  païens  qui  ont 
appartenu  à  la  Jérusalem  céleste  ;  mais  que 
ce  n'a  pu  être  que  ceux  à  qui  Dieu ,  par  une 
miséricorde  particulière ,  avait  découvert 
l'incarnation  de  son  Fils.  Il  ajoute  que  l'on 
peut  croire  avec  raison  '  (ju'ils  ont  même  été 
poussés  à  prédire  ce  mystère  longtemps 
avant  son  accomplissement ,  soit  qu'ils  aient 
été  participants  de  la  grâce  qu'ils  annon- 
çaient, soit  qu'ils  n'y  eussent  aucune  part , 
ou  qu'ils  eussent  reçu  cette  instruction  des 
mauvais  anges  que  nous  savons  avoir  con- 
fessé Jésus-Christ  vivant  sur  la  terre,  lorsque 
les  Juifs  le  méconnaissaient.  «  Aussi  ne  crois- 
je  pas,  dit-il,  que  les  Juifs  mêmes  osent  sou- 
tenir que  depuis  l'élection  Je  la  famille  de  Ja- 
cob et  la  réprobation  de  son  frère  aîné,  Dieu 
n'ait  eu  aucun  autre  serviteur  que  les  en- 
fants de  ce  patriarche.  Il  est  bien  vrai  qu'il 
n'y  a  eu  aucun  peuple ,  à  l'exception  des 
Juifs  ,  qui  ait  été  proprement  appelé  le  peu- 
ple de  Dieu  ;  mais  ils  ne  peuvent  nier  que 
dans  les  autres  pays  il  n'y  ait  eu  quelques 
hommes  unis  aux  véritables  israiîtites  par 
une  société  non  de  la  terre,  mais  du  ciel, 
et  qui  étaient  citoyens  comme  eux  de  l'éter- 
nelle patrie.  Parce  que  s'ils  le  niaient,  il  se- 
rait aisé  de  les  convaincre  par  l'exemple  de 
Job ,  cet  homme  si  saint  et  si  admirable  ,  qui 
n'était  ni  juif  ni  prosélyte  ,  mais  de  la  race 
d'Ésaii ,  étant  né  et  mort  dans  l'Idumée.  En 
effet,  il  est  loué  de  telle  sorte  dans  i'Écri- 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


649 


ture ,  qu'elle  nous  assure  que  nul  homme  de 
son  temps  ne  lui  a  été  comparable  en  justice 
et  en  piété.  Pour  moi ,  je  ne  doute  pas  que 
Dieu  n'ait  destiné  cet  homme  par  une  provi- 
dence particuhère  pour  nous  faire  voir,  par 
ce  seul  exemple,  qu'il  a  pu  aussi  y  en  avoir 
dans  les  autres  pays ,  qui,  ayant  vécu  selon 
Dieu,  lui  ont  été  agréables ,  et  qui  ont  appar- 
tenu à  la  spirituelle  Jérusalem.  Mais  nous 
devons  croire  que  cette  grâce  n'a  été  faite  à 
d'autres  qu'à  ceux  à  qui  Dieu  a  révélé  l'uni- 
que médiateur  entre  Dieu  et  les  hommes, 
Jésus-Christ  homme ,  qui  a  été  annoncé  à 
ces  anciens  saints  comme  devant  venir  un 
jour ,  ainsi  qu'il  nous  est  annoncé  mainte- 
nant comme  étant  venu  ;  afin  qu'une  seule 
et  unique  foi  conduisit  à  Dieu  par  Jésus- 
Christ  tous  ceux  qui  ont  été  prédestinés  pour 
être  citoyens  de  sa  ville ,  les  enfants  de  sa 
maison  et  les  pierres  de  son  temple.  » 

Saint  Augustin  dit  qu'il  semble  ^  qu'on  peut 
mettre  la  sibylle  Érithrée  au  nombre  de  ceux 
qui  appartiennent  à  la  cité  de  Dieu,  sans 
doute  parce  qu'il  paraissait  persuadé  que 
cette  sibylle  avait'  prédit  les  mystères  de 
Jésus-Christ  en  termes  clairs  et  manifestes.  Ce 
Père  ne  fonde  donc  l'espérance  qu'il  témoi- 
gne avoir  du  salut  de  cette  femme ,  dont  il 
parle  néanmoins  en  termes  douteux ,  que 
sur  la  supposition  qu'elle  avait  reçu  de  Dieu 
la  foi  en  Jésus-Christ,  sans  laqu  elle  il  a  cons- 
tamment enseigné  qu'il  nous  est  impossible 
d'être  du  nombre  des  élus.  On  doit  beau- 
coup moins  faire  de  fonds  sur  les  louanges 
qu'il  a  données  quelquefois'*  à Pythagore  et  à 
Platon  °,  puisqu'il  les  a  désapprouvées  dans 


'  Nonincon()rue  credilur  fuisse  et  in  aliis  gen- 
libus  homines,  quibus  hoc  mysterium  revelatum 
est,  et  qui  hoc  etiam  prœdicere  imp'Ulsi  sunt,  sive 
participes  ejusdem  gratiœ  fuerint,  sive  expertes, 
sed  per  malos  angelos  docti  simt,  quos  etiam 
prœsentem  Christum,  quem  Judœi  non  agnosce- 
bant,  scimus  fuisse  confessas.  Nec  ipsos  Judœos 
existimo  audere  contendere,  neminem  pertinuisse 
ad  Deum,  prœter  IsraelUas,  ex  quo  propago  Is- 
raël esse  cœpit,  reprobato  ejus  fralre  majore. 
Populus  enim  rêvera,  qui  proprie  Dei  popuhis 
diceretur ,  nullus  alius  fuit  :  homines  aulem 
quosdam  non  terrena,  sed  cœlesti  societate  ad 
veros  Israelitas  supernce  cives  patriœ  pertinen- 
tes etiam  in  aliis  gentibus  fuisse,  negarenonpos- 
sunt  :  quia  si  neganl,  facillime  convincuniur  de 
sanclo  et  mirabili  viro  Job,  qui  nsc  indigena, 
nec  prosdytus,  id  est,  aduena  populi  Israël  fuit; 
sed  ex  génie  Idumma  genus  ducens,  ibi  ortus, 
ibidem  mortuus  est;  qui  divino  sic  laudatur  elo- 
quio ,  ut  quod  ad  justiliam  pietatemque  attinet. 
nullus  ei  homo  siwrum  tewporum  coœquetur 


Divinitus  autem  provisum  fuisse  non  dubito,  ut 
ex  hoc  Miio  sciremus  etiam  per  alias  gentes  esse 
poluisse,  qui  secundum  Deum  vixerunt,  eique 
placuerunt,  pertinentes  ad  spiritalem  Jérusalem. 
Quod  nemini  concessum  fuisse  credendum  est, 
nisi  eut  divinitus  revelatus  est  unus  mediator 
Dei  et  hominum  homo  Christus  Jésus,  qui  ven- 
tunis  est  in  carne  :  sic  anliquis  sanctis  prcenun- 
tiabatur,  quemadmodum  nobis  venisse  nuntiatus 
est,  ul  una  eademque  per  ipsum  fides  oimies  in 
Dei  civilatem,  Dei  domum,  Dei  templum  prœdes- 
tinatos  perducat  ad  Deum.  Aagust.,  lib.  XVIII  De 
Civit.  Dei,  cap.  xlvii,  pag.  530. 

2  In  eorum  numéro,  deputanda  videatur,  qui 
pertinent  ad  cioitatem  Dei.  August.,  lib.  XVIII  De 
Civil.  Dei,  cap.  xxni,  pag.  506. 

3  Erylhrœa  sibylla  quœdani  de  Chrislo  mani- 
festa conscripsit.  Id.  ibid.,  pag.  504. 

•'*  August.,  lib.  II  Contra  Àcademicos,  cap.  vir, 
pag.  291,  tom.  I. 
^  August.,  ibid. 


630 


Sur  !a  vo- 
lonté eu  Dieu 
de  sauve-  Ii-U5 
les  bomiïies. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


le  premier  livre  de  ses  *  Rétractations.  «  La 
louange,  dit-il,  que  j'ai  donnée  à  Platon  ^ 
et  aux  platoniciens ,  plus  grande  que  ne  mé- 
ritent des  hommes  impies,  m'a  déplu  avec 
raison  ,  yvl  principalement  que  nous  sommes 
obligés  de  défendre  la  doctrine  chrétienne 
contre  leurs  grandes  erreurs.  Ils  n'étaient 
pas  destinés'  de  Dieu  pour  convertir  les 
peuples  et  les  faire  passer  de  la  superstition 
des  idoles  et  de  cette  folie  universelle  du 
monde  au  culte  du  vrai  Dieu ,  puisque  So- 
crate  lui-même  adorait  les  idoles  avec  le 
peuple.  » 

62.  La  volonté  en  Dieu  de  sauver  tous 
les  hommes  est  enseignée  par  saint  Au- 
gustin :  «  Dieu  veut  \  dit-il ,  que  tous  les 
hommes  soient  sauvés,  mais  sans  leur  ôter 
le  libre  arbitre ,  dont  le  bon  ou  le  mauvais 
usage  fait  qu'ils  sont  jugés  très-justement.  Il 
est  vrai  que  les  infidèles  agissent  contre  la 
volonté  de  Dieu  lorsqu'ils  ne  croient  pas  à 
l'Évangile  ;  ils  ne  la  surmontent  pas  néan- 
moins, mais  ils  se  privent  eux-mêmes  d'un 


grand  et  souverain  bien ,  et  se  précipitent 
dans  les  maux  qui  leur  sont  destinés  pour 
châtiment,  devant  éprouver  dans  les  suppli- 
ces la  puissance  de  celui  dont  ils  ont  mé- 
prisé la  miséricorde  dans  ses  dons.  Dieu 
voulant  donc  délivrer'  les  hommes  de  la 
mort,  c'est-à-dire  des  peines  éternelles, 
pourrai  qu'ils  ne  fassent  pas  ennemis  d'eux- 
mêmes  ,  et  qu'ils  ne  résistassent  pas  à  la 
miséricorde  de  leur  créateur ,  a  envoyé  son 
Fils  unique  dans  le  monde ,  non  pour  juger 
le^  monde,  mais  afin  que  le  monde  soit 
sauvé  par  lui.  Le  médecin ,  autant  qu'il  est 
en  lui ,  vient  pour  guérir  le  malade  ;  et  si  ce 
malade  ne  veut  pas  observer  ses  ordonnan- 
ces ,  il  est  lui-même  la  cause  de  sa  mort.  Le 
Sauveur  est  venu  dans  le  monde.  Et  pour- 
quoi s'appelle-t-il  le  Sauveur  du  monde,  si 
ce  n'est  parce  qu'il  est  venu  pour  sauver  le 
monde  et  non  pas  pour  le  juger  ?  Si  vous  ne 
voulez  pas  être  sauvés  par  lui,  vous  serez 
condamnés  par  vous-mêmes.  » 
63.  On  trouve''  dans  saint  Augustin  plu- 


CiEérei 


*  Nec  illud  mihi  placet  quod  Pythagorœ  philo- 
sopha tantuin  laudis  dedi.  August.,  lib.  I  Retract., 
cap.  ni,  uiun.  3,  pag.  6. 

2  f.nus  quoque  ipsa  qua  Plalonem  vel  platoni- 
cos  lantum  exluU,  quantum  impios  hoinines  non 
opporluit,  non  iinmerito  mihi  displicuil:  prescr- 
tim  quorum  contra  errores  magnos  defendenda 
est  christiana  doctrina.  August.,  lib.  I  Retract., 
uum.  4,  pag.  .'i. 

^  A'oji  enim  sic  isli  nati  erant,  ut  populorum 
suorum  opinionem  adv^rum  cultvm  vcri  Dei,  a 
siinulacrorum  siipei'siilione  alque  ab  hujiismodi 
vanitate  converlerent.  Atque  ipse  Socrales  cum 
populo  simulacra  venerabutur.  August.,  lib.  De 
Yera  relig.,  cap.  ii,  num.  2,  pag.  748. 

'  Vult  autem  Deus  omnes  homines  salros  fieri, 
et  in  agnitiovem  veritatis  venire;  non  sic  tamen. 
ut  cis  adiwat  lihenim  arbitrium  quo  vel  bene  vel 
maie  utentes  justis.nme  judicentur.  Quod  cum  sit, 
infidèles  quiden  conlra  rolunialem  Dei  faciunt 
cumejus  Ecangelio  non  credvnt  :  nec  ideo  tamen 
eam  vincrml,  verum  se  ipsos  fraudant  magno  et 
summo  bono,  inalisque pœnalibus  iniplicant,  ex- 
periuri  in  suppliciis  polestatem  ejus,  cujus  in 
donis  misericordiam  conlempserunt.  August.,  lib. 
De  Spirilu  et  llltera,  num.  58,  pag.  118. 

ï'  A  quo  interitu  hoc  est  pœnissempiternis  Deus 
misericors  volens  homines  liberare  si  sibi  non 
sint  inimici  et  non  résistant  misericordiœ  crca- 
toris  sui,  misit  unigenitum  Filium  suxtm,  etc.  Au- 
gust., lit).  De  Catech.  rud.,  uum.  32.  pag  29i. 

"  Non  enim  misit  Deus  Filixim  suum  ut  judicet 
mundum,  sed  ut  salvetur  -mundus  per  ipsum; 
ergo  quantum  in  medico  est,  sanare  venit  œgro- 
tum.Ipse  se  interimit  qui prœceptamedici  obser- 
vare  non  vult:  venit  Salcator  in  mundum;  quare 
Salvator  dictus  est  inundi,  nisi  ul  salvet  -mun- 


dum, 7ion  ut  judicet  mundum?  Salvari  non  vis 
ab  illo,  ex  te  jiidicaberis.  August.,  Tract.  12  in 
Joan.,  num.  12,  pag.  389,  toai.  111,  part.  2. 

'  Cum  audimus  et  in  sacris  litteris  legimus. 
quod  velil  omnes  homines  salvos  fieri,  quamris 
certum  sit  nobis  non  omnes  homines  sahos  fieri, 
non  tamen  ideo  debemus  omnipotentissimce  Dei 
voluntati  aliquid  derogarc,  sed  ila  inlelligere 
quod  scriptum  est  :  Qui  omnes  homines  vult  salvos 
fieri,  tanqiiam  dicerctur,  nulluni  hominem  fieri 
salvum,  nisi  quem  fieri  ipse  voluerit  ;  non  quod 
nullus  siL hominum .  nisi  quem  salcum  fieri  relit, 
sed  quod  nultus  fiât  nisi  quem  velit;  et  ideo  sit 
rogandus  ut  velit,  quia  necesse  est  fieri  si  volue- 
rit. De  orando  quippe  Deo  agebat  Àpostolus,  ut 
hoc  diceret,  sic  enim  intelllgimus  etquodinEvan- 
gelio  scriptum  est  :  Qui  illumiuat  omnem  homi- 
nem, non  quia  nullus  est  hominum  qtii  non  illu- 
minetur;  sed  quia  :iisi  ab  ipso  liullus  illumina- 
lur.  Aut  certe  sic  dictum  est:  Qui  omnes  vult  salvos 

Ceri ut  omnes  homines  omne  genvs  humanum 

intelligamus  per  quascicmquediff'erantias  distri- 
butum,  reges,privatos,  nobiles,  ignobiles,  subli- 
mes, humiles,  doctos,  indocios,  integri  corporis, 
débiles,  ingeniosos,  tardicordes,  faluos,  divites, 
paupcres,  médiocres,  mares,  fennnas,  infantes, 
pueros.  adolescentes,  juvenes,  seniorcs,senes;  in 
linguis  omnibus,  ui  moribus  omnibus,  in  artibus 
omnibus,  in  professionibus  omnibus,  involunta- 
tum  et  conscicnliarum  varietate  innumerabili 
conslitutos,  et  si  quid  aliud  differenliarum  est  in 
hondnibus.  Qui  est  enim  eorum  unde  non  Deus  per 
%inigenitum  suum  Dominum^  nostrum  per  omnes 
gentes  salvos  fieri  liomines  velit,  et  ideo  faciat 
çiuia  omnipotensvclle  inaniter  non  potest  quod- 
cumque  voluerit?  Prccceperat  enim  Àpostolus  ut 
orareiur  pro  omnibus  huuiinibus,   et  specialitcr 


[iv'  ET  v"  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

sieurs  explications  différentes  de  ces  paroles 
de  saint  Paul  :  Dieu  veut  que  tous  les  hommes 
soient  sauvés.  «  Lorsque  nous  entendons , 
dit-il,  ou  que  nous  lisons  dans  l'Écriture 
sainte  que  Dieu  veut  que  tous  les  hommes 
soient  sauvés ,  quoique  nous  soyons  assurés 
que  tous  les  hommes  ne  sont  pas  sauvés, 
nous  ne  devons  rien  ôter  toutefois  à  la  vo- 
lonté toute-puissante  de  Dieu  ;  mais  enten- 
dre ces  termes  :  Dieu  veut  que  tous  les  hommes 
soient  sauvés ,  couime  s'il  y  avait  que  nul 
homme  n'est  sauvé  si  ce  n'est  ceux  qu'il 
veut  sauver.  Le  sens  n'étant  pas  qu'il  n'y  a 
personne  dont  il  ne  veuille  le  salut,  mais  que 
nul  n'est  sauvé  que  celui  qu'il  veut  sauver. 
Et  c'est  pour  cela  qu'il  faut  le  prier  de  le 
vouloir,  étant  infaillible  qu'il  arrivera  s'il  le 
veut  :  car  l'Apôtre  en  cet  endroit  parlait  de 
la  prière.  Et  c'est  ainsi  que  nous  entendons 
ce  qui  est  écrit  dans  l'Évangile  :  //  éclaire 
tous  les  hommes;  ce  qui  ne  veut  pas  dire  qu'il 
n'y  a  personne  qu'il  n'éclaire  ,  mais  que  nul 
n'est  éclairé  que  par  lui.  » 

Le  saint  Docteur  dit  qu'on  peut  encore 
entendre  ces  paroles  de  l'Apôtre  :  Dieu  veut 
que  tous  les  hommes  soient  sauvés,  dans  le  sens 
suivant  :  «  De  toute  la  race  des  hommes,  il 
en  veut  sauver  de  toute  condition  :  rois, 
particuliers ,  nobles  ou  non  nobles ,  grands 
ou  petits ,  savants  ou  ignorants ,  sains  ou 
malades,  ingénieux  ou  stupides,  riches, 
pauvres  ou  médiocres,  hommes,  enfants, 
jeunes,  figés  ou  vieux,  de  toute  langue,  de 
toutes  mœurs,  de  tous  arts,  de  toute  pro- 
fession, quelque  diversité  qu'il  y  ait  entre 
eux  de  volonté,  de  conscience  et  de  quelque 
autre  chose  que  ce  paisse  être.  Car  y  a-t-il 
quelque  état  et  quelque  qualité  dont  Dieu 
ne  veuille  sauver  les  hommes  dans  toutes 
les  nations  par  son  Fils  unique  Notre-Sei- 
gnem',  et  qu'il  ne  le  fasse  ,  parce  qu'en  quoi 
que  ce  soit  la  volonté  du  Tout-Puissant  ne 


EVEQUE  D'HIPPONE. 


6S1 


peut  jamais  être  vaine  ?  L'Apôtre  avait  or- 
donné que  l'on  priât  pour  toute  sorte  de 
personnes,  et  il  avait  ajouté  particulière- 
ment pour  les  rois  et  pour  ceux  qui  sont 
constitués  en  dignité ,  et  que  l'on  pouvait 
croire  être  trop  environnés  du  faste  et  de  la 
gloire  du  monde  pour  pouvoir  embrasser 
l'humilité  de  la  religion  chrétienne.  C'est 
pourquoi  ayant  dit  que  c'est  une  chose 
agréable  à  Notre-Seigneur  de  prier  pour  ces 
personnes  ,  il  ajoute,  pour  ôter  toute  occa- 
sion de  désespoir  :  //  veut  que  tous  les  hom- 
mes soient  sauvés,  et  qu'ils  viennent  à  la  con- 
naissance de  la  vérité.  Dieu  ayant  voulu  sau- 
ver les  grands  par  les  prières  des  petits,  ce 
que  nous  voyous  déjà  accompli,  Notre-Sei- 
gneur Jésus-Christ  s'est  servi  dans  l'Évangile 
d'une  même  façon  de  parler,  lorsqu'il  dit 
aux  Pharisiens  :  Vous  donnez  la  dîme  de  la 
rue  et  de  toutes  les  herbes ,  quoique  les  Pha- 
risiens ne  donnassent  pas  les  dimes  des  her- 
bes qui  n'étaient  pas  à  eux,  et  qu'ils  n'eus- 
sent pas  toutes  les  herbes  qui  naissent  sur 
la  terre  et  dans  toute  sorte  de  pays.  Comme 
donc  toutes  les  herbes  signifient  en  cet  endroit 
toute  sorte  d'herbes ,  ainsi ,  en  cet  autre , 
tous  les  hommes  signifient  toute  sorte  d'hom- 
mes. Et  cela  peut  être  encore  entendu  de 
quelque  autre'  façon  que  ce  soit,  pourvu 
que  nous  ne  soyons  pas  obligés  de  croire 
que  le  Dieu  tout-puissant  ait  voulu  quelque 
chose  qui  n'ait  point  été  fait  :  puisque  s'il  est 
clair,  comme  la  Vérité  le  proclame,  qu'il  a 
fait  tout  ce  qu'il  a  voulu  dans  le  ciel  et  dans  la 
terre,  il  s'ensuit  indubitablement  qu'il  n'a 
point  voulu  faire  ce  qu'il  n'a  point  fait.  Nous 
disons  avec  raison  que  Dieu  ^  enseigne  à  tous 
les  hommes  de  venir  à  Jésus-Christ,  non 
que  tous  viennent  à  Jésus-Christ,  mais  parce 
c]ue  nul  ne  vient  à  lui  qu'il  n'ait  été  enseigné 
par  lui  :  comme  on  dit  d'une  ^  maison  où  il 
n'y  a  qu'une  porte,  que  tous  entrent  par 


addiderat  pro  regibus  et  ils,  qui  in  sublimitate 
sunt,  çMî  pulari  poterant  fasiu  et  superbia  sœ- 
culari  a  fidei  christianœ  humilitale  abhorrere. 
Proinde  dicens  :  Hoc  euim  bonum  est  coram  Sal- 
vatore  nostro  Deo,  id  est,  ut  etiam  pro  lalibus 
oretur;  statimut  desperationem  iolleret,  addldit: 
Qui  omuesboniines  vult  salvos  fleri.  et  in  agnitio- 
nem  verilaiis  venii'e.  Hoc  qiiippe  Beus  bonum  ju- 
dicavit,  ut  oralionibiis  humiUum  dignarelur  sa- 
Intem  prœstare  sublimium  ;  qitod  uliqiie  jam 
videmus  iinpleium.  Isto  lociUioiiis  modo  et  Do- 
minus  est  usus  in  Evangelio,  iibi  ait  Phari- 
sœis:  Decimatis  mentam  et  rutam  et  omne  olus. 
Neque   enim  Pharisœi  et  quœmimque  aliéna  et 


omnium  per  omnes  terras  alienigenarum  omnia 
olera  decimabant.  Sicut  ergo  hic  :  Omne  olus 
omne  olerum  genus  ;  ita  et  illic:  Omnes  homines 
omne  hominum  genus  intelligere  possumus.  Au- 
gust.,  Enchirid.,  cap.  cni,  nuni.  27,  tom.  Vi, 
pag,  235. 

'  Et  quocumque  alio  modo  inielligi  pntest,  dum 
tamen  credere  non  cogamus aliquid omnipotenlem 
Deum  voltiisse  fieri  factumqrie  non  essc.  Idem  ibid. 

^  Ita  recte  dicinnis,  omnes  Dezts  docet  ventre 
ad  Christum;  non  quia  omnes  veniunl,  sed  quia 
nemo  aliter  venit.  August.,  De  Prœdest.  sanct., 
cap.  vni,  num.  U,  pag.  iiOO. 

'  Sicut  possumus  dicere,  in  aliqvam  domum  per 


652 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Antre  ex 
plicalion. 


cette  porte  dans  cette  maison,  non  que  tous 
entrent  dans  cette  maison,  mais  parce  que 
personne  n'y  entre  que  par  cette  porte.  » 

64.  Saint  Augustin  enseigne  ailleurs  que 
par  ces  paroles  :  Dieu  veut  que  tous  les  hommes 
soient  sauvés,  l'Apôtre  entend  tous  les  '  prédes- 
tinés, parce  qu'ils  comprennent  tous  les  divers 
genres  d'hommes.  «  C'est,  ajoute-t-il ,  selon 
icor.  x,33.  cette  façon  de  parler,  que  saint  Paul  dit  :  Je 
tâche  moi-même  de  plaire  à  tous  en  toutes  choses: 
car  il  ne  plaisait  pas  aloi-s  à  tant  de  persécu- 
teurs qui  le  haïssaient,  mais  à  toutes  les  sor- 
tes de  personnes  que  l'Église  de  Jésus-Christ 
tenait  assemblées,  soit  qu'elles  fassent  déjà 
dans  son  sein,  soit  qu'elles  dussent  y  enti'er. 
On  peut  dire  aussi  que  Dieu  veut  que  tous  les 
hommes  soient  sauvés,  parce  que  Dieu  le  fait 
vouloir  aux  justes,  en  leur  inspii-ant  le  désir 
du  salut  de  tous  les  hommes,  et  en  les  faisant 
prier  pour  tous  sans  exception.  «  Nous  au- 
tres ,  dit  saint  Augustin,  -  qui  ne  savons  pas 
qui  est  l'enfant  de  la  paix,  ou  qui  ne  l'est  pas, 
nous  ne  devons  excepter  personne,  ni  discer- 
ner personne,  mais  vouloir  que  tous  les  hom- 
mes à  qui  nous  prêchons  cette  paix  soient 
sauvés.  Car  nous  ne  devons  pas  craindre  de 
la  perdre,  si  celui  à  qui  nous  la  prêchons 
n'est  pas  enfant  de  la  paix,  puisqu'elle  re- 
tournera vers  nous;  c'est-à-dire  qu'elle  nous 
servira,  et  non  pas  à  lui;  si  au  contraij'e  eUe 


demeure  sur  lui,  elle  nous  servira  à  tous 
deux.  Parce  donc  que  Dieu  veut  que  nous, 
qui  ignorons  lesquels  d'enti-e  les  hommes  se- 
ront sauvés,  voulions  que  tous  ceux  à  qui 
nous  prêchons  cette  paix  soient  sauvés, 
il  fait  cela  en  nous,  répandant  cet  amour  dans  r.»: 
nos  cœurs  par  le  Saint-Esprit  qui  nous  est 
donné.  C'est  pourcfuoi  on  peut  dire  que  Dieu 
veut  que  tous  les  hommes  soient  sauvés, 
parce  qu'il  nous  le  fait  vouloir.  Comme  il 
envoie  l'Esprit  de  son  Fils  qui  crie,  c'est-à- 
dire  qui  nous  fait  crier,  c'est  nous  qui  crions  : 
mais  parce  que  c'est  lui  qui  fait  que  nous 
crions,  l'Écriture  dit  que  c'est  lui  qui  crie.  Si 
donc  elle  a  raison  de  dire  que  l'Esprit  crie, 
parce  que  c'est  lui  qui  fait  que  nous  crions, 
elle  peut  dire  aussi  que  Dieu  veut  que  tous 
les  hommes  soient  sauvés,  paixe  que  c'est 
lui  qui  fait  que  nous  le  voulons.  » 

Ceux  de  Marseille  '  ne  recevaient  pas  cette 
explication  des  paroles  de  l'Apôtre,  et  leur 
sentiment  était  que  Dieu  veut  universellement 
le  salut  de  tous  les  hommes;  non  seulement 
des  prédestinés,  mais  de  tous  les  hommes 
indifféremment  et  généralement,  sans  en 
excepter  aucun.  Saint  Augustin  les  réfute 
par  l'exemple  des  enfants  qui  meurent  sans 
baptême.  «  Il  arrive  quelquefois,  dit-il,  que 
les  parents,  usant  de  toute  la  diligence  '  pos- 
sible, les  ministres  étant  tout  prêts,  et  ayant 


■umini  januam  intrare  omnes,  non  quia  oinnes  ho- 
mmes intrant  in  eamdem  domiim,  sed  quia  nemo 
inlrat  nisi  per  illam.  August. ,  lib.  VI  Contra 
Jul.,  cap.  XXIV,  num.  80,  pag.  708. 

1  lia  dicium  est:  Omnes  homines  vult  salvos 
fieri,   ut  inteUiganliir  omnes  prœdestinati;  quia 

omne  genus  hoininum  in  eis  est secundum  is- 

tum  locutionis  nwdum,  dicium  est  :  Sieut  et  ego 
omnibus  per  omnia  placeo.  Numquid  enim  qui  hoc 
dixit,  placebat  eliam  tam  muUis  persecutoribus 
suis?  Sed  placebat  omni  generi  hominum,  quod 
Christi  congregabat  Ecclesia,  sive  jam  intus  po- 
sitis,  sive  inlroducendis  in  eam.  August.,  De  Cor- 
rept.  et  grat.,  cap.  xiv,  num.  44,  pag.  774. 

2  Ad  nos  ergo,  qui  nescimus  quisnami  sit  filius 
pacis  aut  non  sil,  perlinet  nullum  exceptum  fa- 
cere  nullumque  discernere,  sed  velle  omnes  sal- 
vos fieri,  quibus  prœdicamus  hanc  paceni  :  ne- 
que  enim  meluendnm  est  ne  perdamus  eam,  si 
ille  cui  prœdicamus ,  non  est  filius  pacis,  igno- 
rantibus  nobis  ;  ad  nos  enim  revertelur,  id  est 
nobis  proderil  isla  prœdicatio,  non  et  illi.  Si  au- 
lem  super  eumpax  prœdicala  requieuerit,  cl  no- 
bis et  illi.  Quia  ergo  nos,  qui  suivi  fuluri  sinl  nes- 
cienles,  omnes  quibus  prcedicam^is  hanc  pacem 
salvos  fieri  velle  Deus  jubet,  et  ipse  in  nobis  hoc 
operalur,  diffundendo  istaui  charitaleni  in  cor- 
dibus  nostris  per  Spiritiim  Sanctum  cjui  tlalus  est 
nobis.     Potest  eliam  sic   intclligi,    quod   omnes 


homines  Deus  vult  salvos  fieri,  quoniam  nos  fieri 
velle  :  sicut,  misit  Spiritum  Filii  sui  claraantem  : 
Abba,  Pater,  id  est  nos  clamarc  facieniem.  De 
ipso  quippe  Spiritu,  alio  loco  dicit  :  Accipimus 
Spiritum  adoptiouis  filiorum  ,  in  quo  clamamus  : 
Abba,  Pater.  Nos  ergo  clamamus,  sed  ille  clamare 
dictiis  est  qui  efficit  ut  clamemus ;  siergoclaman- 
tem  Spiritum  recle  dixit  Scriptura,  a  quo  cfficilur 
ut  clamennis ,  recte  etiam  volentem  Deuni  a  quo 
efficitur  ut  velimus.  August.,  ibid.  cap.  xv,  num. 
46-47,  pag.  776. 

8  Inde  esl  quod illius  sententiœ exposilionem 

non  eam  quœ  a  te  estdepromptasuscipiant.idest, 
ut  non  nisi  omnes  salvos  fieri  velit,  et  non  eos 
tantum  qui  ad  sanclorum  numerumperlinebunt, 
sed  omnes  omnino,  ut  nullus  babealur  exceptus. 
Hilar.,  Epist.  ad  August.,  num.  7,  pag.  828. 

'•  Quomodo  dicilur  omnes  homines  eam  (graliamj 
fuisse  accepturos,  si  non  illi,  quibus  nondonalur 
eam  sua  volunlate  respuerent,  quoniamTicns  vult 
omnes  homines  salvos  ûeri  ;  cum  multis  nondelur 
parvulis,  et  sine  illa  plcrique  moviantur  qui  non 
hahent  contrariam  volunlatem,  et  aliquaudo  cu- 
pientibus  festinanUbusque  parentibus,  ministris 
quoque  volenlibus  ac  paralis,  Dco  nolente  non 
detur,  cum  repente  antequam  delur  expirât,  pro 
quo  ut  accipcret  currebatur?  Unde  manifestum 
est  eos  qui  huic  resistunt  lumperspicvœ  veritali, 
nonintclUgerc  omnino  qna  locutione  sit  dictum, 


[IV°  ET  V°  SIÈCLES.] 

aussi  bien  que  les  parents  la  meilleure  vo- 
lonté du  monde,  l'enfant  à  qui  on  tâche  de 
procurer  la  grâce  ne  la  reçoit  pas,  parce  que 
Dieu  ne  le  voulant  pas,  l'enfant  expire  avant 
qu'on  puisse  lui  conférer  le  sacrement.  Et 
par-là  il  est  visible  que  ceux  qui  résistent 
à  une  vérité  si  claire  ne  comprennent  nulle- 
ment le  sens  de  cette  façon  de  parler  de  l'É- 
criture :  Dieu  veut  que  tous  les  hommes  soit  sau- 
vés, puisqu'il  y  en  a  tant  qui  manquent  de  l'c- 
tre,  non  parce  qu'ils  ne  veulent  pas,  mais 
parce  que  Dieu  ne  le  veut  pas  :  ce  qui  se 
voit  si  clairement  dans  les  enfants  ,  qu'il 
ne  reste  pas  la  moindre  ombre  de  difficulté. 
Ainsi ,  quand  saint  Paul  a  dit  que  Dieu  veut 
que  tous  les  hommes  soient  sauvés ,  quoiqu'il  y 
en  ait  un  grand  nombre  dont  Dieu  ne  veut  pas 
le  salut,  c'est  pour  marquer  que  ceux  qui  sont 
sauvés  ne  le  sont  que  par  un  effet  de  la  volon- 
té de  Dieu  ;  de  la  même  manière  qu'encore 
qu'il  y  en  ait  un  si  grand  nombre  qui  ne  res- 
susciteront au  dernier  jour  que  pour  la  mort 
éternelle,  le  même  saint  Paul  n'a  pas  laissé 
de  dire  :  Tous  seront  vivifiés  en  Jésus-Christ, 
c'est-à-dire  que  tous  ceux  qui  ressusciteront 
pour  la  vie  éternelle  n'y  seront  admis  qu'en 
Jésus-Christ  et  par  Jésus-Christ.  »  Après  ces 
dernières  explications  des  paroles  de  saint 
Paul ,  qu'il  entend  dans  le  sens  de  la  volonté 
absolue  de  Dieu  ,  saint  Augustin  déclare 
qu'il  ne  s'oppose  point  à  d'autres  qu'on  pour- 
rait leur  donner,  pourvu  qu'il  ne  s'y  trouve 
rien  de  contraire  à  ce  que  la  vérité  nous  fait 
voir  si  clairement,  qu'il  y  en  a  plusieurs  qui 
ne  sont  pas  sauvés ,  quoique  les  hommes  le 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


633 


veuillent,  et   qui   manquent   de  l'être,  que 
parce  que  Dieu  ne  le  veut  pas. 

63.  «  Les  hommes  '  autrefois  esclaves  des 
démons  et  leurs  sujets  ont  été  rachetés  de 
cette  captivité.  Ils  avaient  bien  pu  se  vendre 
eux-mêmes,  mais  ils  ne  pouvaient  se  rache- 
ter. Le  Rédempteur  est  venu,  il  a  payé  leur 
rançon  en  répandant  son  sang  pour  acheter 
toute  la  terre?  Voulez-vous  savoir  ce  qu'il  a 
acheté  :  voyez  ce  qu'il  a  donné,  et  compre- 
nez ensuite  ce  qu'il  a  acheté.  Le  sang  de  Jé- 
sus-Christ est  le  prix  qu'il  a  donné.  Combien 
vaut  ce  sang,  sinon  tout  l'univers  ?  Combien 
vaut-il,  sinon  toutes  les  nations  ?  Il  jugera  " 
tout  l'univers,  et  non  pas  seulement  une  par- 
tie, parce  qu'il  a  donné  son  sang  pour  tout 
le  monde.  11  était  venu  pour  souffrir,  néan- 
moins il  a  puni  celui  par  qui  il  a  soufiert  :  car 
le  traître  Judas  '  a  étépimi,  et  Jésus-Christ  a 
été  crucifié.  Mais  il  nous  a  rachetés  par  son 
sang,  et  a  puni  Judas  pour  le  prix  qu'il  avait 
reçu.  Ce  traître  jeta  l'argent  pour  lequel  il 
avait  vendu  son  maître,  etnereconnut  pas  le 
prix  par  lequel  son  maître  l'avait  racheté. 
Le  sang,  de  celui  qui  est  votre  Seigneur  a 
été  donné  '  pour  vous,  si  vous  le  voulez  ;  et 
si  vous  ne  le  voulez  pas,  il  n'a  pas  été  donné 
pour  vous.  Vous  direz  peut-être  :  Mon  Dieu 
a  eu  du  sang  par  lequel  il  pouvait  me  rache- 
ter, mais  l'ayant  tout  répandu  lorsqu'il  a 
souffert,  lui  est-il  resté  qu'il  puisse  don- 
ner aussi  pour  moi  ?  C'est  là  la  grande  mer- 
veille, qu'il  ait  donné  son  sang  une  seule  fois, 
et  qu'il  l'ait  donné  pour  tous.  Le  sang  de 
Jésus-Christ  est  le  salut  de  celui  qui  le  veut, 


Sur  la 
nijrt  de.'é.us* 

lojr  le    tom- 


quod  omnes  liomines  vult  Deas  salvos  fieri,  cum, 
tam  multi  saici  non  fiant,  non  quia  ipsi,  sed  quia 
Leus  non  vult,  quod  sineulla  caligine  manifesta- 
tur  inparvuUs.  Sed  sicut  illud  quod  dictum  est  : 
Omnes  in  Christo  vivifîcabiuitur,  cum  tam  multi 
œterna  morte  puniantur,  ideo  diclum  est,  quia 
omnes  quiciimque  vitam  œternam  percipiunt,non 
percipiunt  nisi  in  Christo  ita  quod  dictum  est  : 
Omues  liomines  vult  Deus  salvos  fieri,  cum  tam 
multos  nolit  salvos  fieri,  ideo  dictum  est,  quid 
omnes  qui  salvi  fiunt,  nisi  ipso  volerite  7ion  fiunt, 
et  si  quo  alio  modo  illa  verba  apostolica  inielligi 
possunt,  ut  tamen  huic  apertissiwœ  verilati,  in 
qua  videmus  tam  multos  voleittibus  hominibus, 
sed  Deo  nolenle  salvos  non  fieri,  contraria  esse  non 
possint.  August.,  Epist.  217,  num.  19,pag.  803-SûG. 
'  Tenebantur  enim  liomines  captivi  sub  diabolo, 
et  dœmonibus  serviebant  ;  sed  redempli  sunt  a 
captivitate  :  vendere  se  potuerunt,  sed  redimere 
nonpotuerunt.  VenitRedemptor,  et  dédit  pretium; 
fudit  sanguinem  suum,  émit  orbem  terrarum. 
Quœrilis  quid  emerit?  Videte  quid  dederit,  et  inve- 


nite  quid  emerit.  Sanguis  Christi  pretium  est. 
Tanti  quid  valet?  Quid  nisi  totus  orbis?  Quid, 
nisi  omnes  gentes?  August.,  in  Psal.  xcv,  num.  5, 
pag.  1035. 

2  Judicabit  orbem  terrarum  in  aequitate  :  non 
partent,  quia  non  partem  émit;  totum  judicare 
habel,  quia  pro  toto  pretium  dédit.  August. ,  in 
Psal.  xcvi,  num.  IS,  pag.  1039. 

3  A'am  Judas  Iraditor  punitus  est  et  Christ^is 
crucifixus  est;  sed  nos  redemit  sanguine  suo  et 
punivit  illum  de  pretio  suo.  Projecit  enim  pre- 
tium argenti,  quo  ab  illo  Dominus  venditus  erat, 
nec  agnovit  pretium  quo  ipse  a  Domino  redemp- 
tus  erat.  Angnst,  in  Psal.  Lxviu,n\im.  11,  pag.  707. 

'  Sangitis  Bomini  tui,  si  vis,  datus  est  pro  te; 
si  noiueris,  non  est  datus  pro  te;  forte  enim  dicis  : 
Babuit  sanguinem  Deus  meus  quo  me  redimere t , 
sedjam  cumpassus  est  totum  dédit,  quid  illi  re- 
mansit  quod  det  se  pro  me?  Hoc  est  magnum, 
quia  semel  dédit  et  pro  omnibus  dédit.  Sanguis 
Christi  volenti  est  salus,  noLnti  supplicium.  Au- 
gust., Serm.  344,  num.  4,  pag.  1332. 


654 


HISTOIRE  Gî'^NliRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Sur  le   pft- 
iliù  orîïini;!. 


cl  le  supplice  de  celui  qui  ne  veut  pas  en 
profiler.  Tout  ceux 'qui  ont  ctdraclietés  parle 
sanjT  do  Jésup-Christ  sont  du  nombre  des 
liommes,  et  loulefois  tous  ceux  qui  sont  du 
nombre  des  hommes  n'ont  pas  été  rachetés 
parle  sang  de  Jésus-Christ  :  car  il  n'est -point 
mort  pour  celui  qui,  connaissant  sa  divinité, 
nie  son  humanité.  Pourquoi  déclaiait-il'aux 
Juifs  qu'ils  n'étaient  pas  du  nombre  de  ses 
brebis  ?  C'est  qu'il  voyait  qu'ils  étaient  pré- 
destinés t\  la  mort  éternelle,  et  non  pas  du 
nombre  de  ceux  qu'il  devait  racheter  et  ac- 
quérir pour  la  vie  éternelle  par  le  prix  de 
son  sang  ?  Le  loup  *  ne  peut  ravir,  ni  le  lar- 
ron dérober,  ni  le  voleur  tuer  aucune  des 
brebis  de  Jésus-Christ;  et  il  est  assuré  que 
leur  nombre  demeurera  tout  entier,  parce 
qu'il  sait  ce  qu'il  a  donné  pour  elles, 
c'est-à-  dire  son  sang  et  sa  vie  ;  et  qu'au- 
cun de  ceux  qui  ont  été  ainsi  rachetés  ^  ne 
périra.  » 

66.  «  La  foi  "  catholique  ne  doute  pas  du 
péché  originel  ;  et  ce  que  cette  foi  en  ensei- 
gne, non-seulement  les  gens  de  la  lie  du 
peuple,  mais  les  personnes  graves  et  savan- 
tes, et  les  docteurs  de  l'Église  l'ont  défendu 
jusqu'au  jour  de  leur  mort.  Lorsque  '  David 


reconnaît  qu'il  a  été  ronru  dans  l'iniquité, 
il  se  revêt  en  quelque  sorte  de  la  pei'sonne 
do  tous  les  hommes  ;  il  considèie  les  fers 
qui  les  tiennent  tous  enchaînés;  il  jette  les 
j'cnx  sur  cette  source  de  mort  qui  coule  de 
père  en  fils  dans  chacun  deux  ;  et,  rentrant 
dans  cette  iniquité  originelle,  il  dit  :  J'ai  été 
conçu  dans  riniquité.  Avait-il  été  conçu  d'un 
adultè)e,  lui  qui  était  né  de  Jessé  homme 
juste  ,  et  d'une  femme  légitime  ?  Pourquoi 
donc  dit-il  qu'il  a  été  conçu  dans  l'iniquité, 
sinon  parce  que  nous  tirons  tous  l'iniquité 
d'Adam  notre  père  ?  Cet  assujettissement 
même  qui  nous  tient  liés  à  la  mort  s'est  for- 
mé avec  l'iniquité.  Personne  de  nous  ne  naît 
qu'il  n'entraîne  avec  lui  sa  peine  et  le  mérite 
de  sa  peine.  Le  Prophète  dit  à  Dieu  en  un 
autre  endroit  :  Il  n'y  a  personne  qui  soit  pur 
devant  vos  yeux,  pas  même  l'enfant  qui  n'a  en- 
core vécu  qu'un  jour  sur  la  terre.  Et  encore  : 
L'homme  *  nait  de  la  femme  pour  ne  vivre  que 
bien  peu  de  jours  :  il  en  naît  chargé  de  colère. 
D'oîi  vient  cette  colère  de  Dieu  sur  un  en- 
fant qui  n'a  fait  aucun  mal,  sinon  de  la 
malheureuse  tache  qui  est  inséparable  de 
son  origine  ?  n 
Saint  Augustin  prouve  '  aussi  le  péché 


'  Sicut  enim  omnis  qui  Christi  sanguine  re- 
demptus  est,  homo  est,  non  tamcn  omnis  qui 
home  est,  eliam  sanguine  Christi  redemptus  est. 
August. ,  lib.  I  De  Conjug.  adult. ,  cap.  xv,  num  \6, 
pag.  396. 

^  Ergo  qui  ita  confitetur  Chrislum  Deum,  ut 
hominem  neget ,  non  pro  illo  mortuus  est  Chris- 
tus.  August.,  Tractalus  68  in  Joannem,  uum.  2, 
pag.  676. 

'  Ouomodo  ergo  isiis  dixit:  Non  estis  ex  ovibus 
meis  :  quia  videbdt  eos  ad  sempiternum  interi- 
tum  prœdestinalos ,  non  ad  vilam  œternam  sui 
sanguinis  pretio  comparatos.  August.,  Tract.  48 
in  Joan  ,  num.  4,  pag.  615. 

*  De  ovibus  istis  nec  lupus  rapit,  nec  fur  toi' 
lit,  nec  latro  interficit.  Securus  est  de  numéro 
earuni ,  qui  pro  eis  novit  quod  dédit.  August., 
ibid.,  num.  6,  pag.  616, 

'^  Quando  pirit  qui  sanguine  Christi  redemptus 
est?  August.,  Serm.  274,  pag.  M09.  Non  périt  unus 
ex  mis  pro  quibus  mortuiis  est  (Christus.J  Idem, 
Epist.  160,  num.  4,  pag.  604. 

^  Catholica  polius  fides  peccatumesse  originale 
non  dubitat  :  quam  jidcm  non  pueruli  sed  graves 
atque  constantes  viri,  docli  in  Ecclesia  ,  et  do- 
cenies  Ecclesiam,  usqiie  ad  die  m-  sui  obitus  defen- 
derunl.  August.,  Oper.  impcrf.  contra  Jul.,  cap. 
csxxvi,  pag.  12:9. 

'  Ecce  in  iniqnitaliljus  couceptiis  sum...  svsccpit 
personam  generis  humani  David,  et  attendit  om- 
wwni  ^Hncula ,  jiropagincni  mortis  consideravit , 
originem  iniquitatis  advertit  et  oit:  Ecce  enim  in 


iniquitatibus  conceptus  sum  :  Numquid  David  de 
adulterio  natus  erat,  de  Jesse  viro  justo  et  co?i- 
juge  ipsius?  Qiiid  est  quod  se  clicit  in  iniquitate 
conceptum ,  nisiquia  trahittir  iniquitas  ex  Adam? 
Eliam  ipsuni  mnculum  mortis  cum  ipsa  iniqui- 
tate concrclum  est.  Kemo  7iascitur  nisi  trahens 
pcenam ,  trahens  meriiiun  pœnœ.  Dicit  et  in  alio 
loco  Prophtia:  Nemo  mumlus  in  conspectii  tuo , 
nec  infaus  cujus  est  unius  diei  vita  super  terram. 
August.,  in  Psal.  L,  num.  10,  pag.  467. 

8  Homo  natus  ex  muliere ,  brevis  vite  et  plenus 
jracundiœ.  Unde  igitur  ira  Dei  super  innocentiam 
parvuli,  nisi  originalis  sorte  ac  sorde  peccati? 
August.,  Epist.  193,  num.  3,  pag.  717.  Vide  lib.  Il 
De  Peccat.  mer.  et  rem.,  num  15,  pag.  48. 

5  Qui  autem  iucredulus  est  Filio  et  qui  non  cré- 
dit in  Filium',  non  habet  vitam  ,  sed  ira  Dei  ina- 
net  super  eum,  non  dixit:  Veniet  super  euin;  sed: 
Manet  super  eiun.  Respexit  originem,  cum  ail: 
Ira  Dei  manct  super  eum.  Quam  respiciens  et 
Aposlolus  dixit:  Fuimus  et  nos  aliquando  natura 
filii  ir»...  Cum  (pelagiani)  cœperint  urgeri  ver- 
bis  Apostoli  dicentis  :  Per  unum  Iiomiuem  peeca- 
tum  intravit  in  mundnm  et  per  peccafum  mors; 
et  ita  in  omnes  liomines  pertransiit,  in  quo  omnes 
peccaverunt.  Quœ  vrrba  nescio  quis  non  intelli- 
gat ,  in  quibus  verbis  nescio  xtlrum  quisquam 
expositorem  requirat  :  conanlur  respondcre  et 
dicere:  Ideo  dieium  hoc  ab  Apostolo  quia  primus 
peccavit  Adam  ,  et  qui  poslca  peccaverunt,  illum 
imitando  peccaverunt:  hoc  quid  est  aliud,  quam 
conari  tenebras  aperto  lumini  offundere?  Pecca- 


[IV"  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


735 


'  originel  par  ces  paroles  de  saint  Jean  :  Celiti 
qui  ne  croit  pas  au  Fils  n'a  pas  la  vie,  mais  la 
colère  de  Dieu  demeure  sur  lui.  Et  par  cel- 
les de  saint  Paul  qui  dit  :  Nous  étions  aussi 
nous-mêmes  par  la  nature  enfants  de  colère. 
Le  péché  est  entré  dans  le  monde  par  un  seul 
homme  en  qui  tous  ont  péché.  Les  pélagicns 
répondaient  qii  'Adam  ayant  péché  le  premier, 
son  péché  avait  passé  à  tous  les  autres  par 
imitation  de  son  mauvais  exemple.  «  Mais, 
en  ce  sens  ,  dit  le  saint  Docteur,  le  péché 
viendrait  plutôt  du  démon  qui  a  péché  avant 
l'homme,  et  qui  est  nommé  le  père  des  mé- 
chants ;  et  les  justes  appartiendraient  plutôt 
cl  Abel  qui  leur  a  donné  le  premier  exemple 
de  vertu,  qu'à  Jésus-Christ  qui  n'est  venu 
que  longtemps  après.  » 

67.  Outre  ces  preuves  du  péché  originel 
tirées  de  l'Écriture,  saint  Augustin  en  trouve 
une  dans  l'établissement  de  la  circoncision. 
«  Abraham  reçut ,  dit-il,  la  '  marque  de  la 
circoncision  comme  le  sceau  de  la  justice  de 
la  foi.  Il  lui  fut  même  ordonné  en  la  rece- 
vant de  circoncire  tous  les  enfants  de  sa 
maison  le  huitième  jour  de  leur  naissance  ; 
en  sorte  que  ces  enfants,  qui  ne  pouvaient 
croire  de  cœur  pour  être  justifiés  ,  ne  lais- 
saient pas  de  recevoir  le  sceau  de  la  justice 
de  la  foi.  Dieu  joignit  à  ce  conunandement 
la  menace  terrible  que  ceux  dont  la  chair 
n'aurait  pas  été  circoncise  le  huitième  jour, 


seraient  exterminés  de  son  peuple.  Quel 
mal,  je  vous  prie,  a  commis  un  enfant  par 
sa  propre  volonté,  poui'  être  condamné  avec 
tant  de  rigueur,  qu'il  périsse  du  milieu  du 
peuple  de  Dieu?  et  cela  uniquement  parce 
qu'il  n'aura  pas  été  circoncis,  ce  qui  n'est 
l'etiet  que  de  la  négligence  d'un  autre  qui 
devait  en  prendre'soin  :  car  iln'est  pas  ques- 
tion dans  cette  menace  de  la  terreur  d'une 
mort  temporelle.  Ce  n'était  point  ainsi  qu'on 
parlait  d'un  juste  quand  il  mourait  ;  on  disait 
qu'il  avait  été  réuni  à  son  peuple  ,  ou  réuni 
à  ses  pères.  Que  signifie  donc  un  châtiment 
si  terrible  où  il  n'y  a  point  dépêché  commis 
par  la  propre  volonté  ?  Et  d'où  vient  qu'un 
enfant  est  ainsi  châtié  et  avec  justice  ,  si  ce 
n'est  qu'il  appartient  à  la  masse  de  perdi- 
tion ?  On  comprend  l'équité  de  sa  condam- 
nation dès  qu'on  envisage  qu'étant  né  d'A- 
dam, il  doit ,  par  l'origine  qu'il  tire  de  lui, 
avoir  part  à  la  peine  de  son  péché  ,  à  moins 
qu'il  n'en  soit  délivré  par  la  grâce  toute  gra- 
tuite. Et  par  quelle  gjâce,  sinon  la  grâce  de 
Dieu  par  Jésus-Christ  Notre-Seigneur.  » 

Le  saint  évéque  tire  une  autre  preuve  de 
la  croyance  du  péché  originel,  du  baptême  des 
enfants  ,  des  exorcismes  et  du  souille  que 
l'Eglise  a  coutume  d'employer  pour  chasser 
le  démon.  «Les  sacrements  de  la  sainte  Église, 
dit-il,  ^  montrent  assez  que  les  enfants  qui 
ne  font  que  de  naître,  sont  délivrés  de  la 


tum  per  Tinum  hominsm  intravit,  et  per  peccatum 
mors  :  et  ita  in  omnes  homines  pertransiit,  in  quo 
omnes  peccaverunt.  Propter  imitationem  dicis 
quia  primus  peccavit  Adam.  Respondeo  prorsus  : 
Non  primus  peccavit  Adam.  Si  primum  peccato- 
rem  requiris  diabolum  vide...  nam  quia  ad  dia- 
bolum,  hoc  est  principem  peccati  et  vere  pri- 
mum peccatorem,  non  pertinet  origo,  sed  imila- 
tio;  cum  de  illo  Scriptura  loqueretur  :  Invidia , 
inquit,  diaboli  mors  intravit  in  orbem  terrarnm  ; 
imitantur  autem  eum  ,  qui  sunt  ex  parte  ipsius  , 
imitando  eum  fiunt  ex  parte  ipsius...  nam  si 
propterea  primus  constitutus  est  Adam,  quia 
primus  peccavit,  tanquam  in  exemplo  sit,  non 
in  origine,  ut  quid  tam  in  longinquo  ,  post  tam 
prolixa  tempora  :  contra  Adam  quœrilur  Chris- 
tus?  Si  omnes  peccaiores  ad  Adam  propterea  per- 
tinent quia  primus  peccator ,  omnes  justi  debue- 
runt  ad  Abel  pertinere,  quia  primus  justus.  Au- 
gust.,  Serin.  295,  num.  ]i  et  i5,  pag.  1190  et  1191. 
1  Ipse  tamen  Abraham  signum  accepit  circum- 
cisionis  signaculum  justitiœ  fidei,  et  sic  accepit 
ut  deinceps  etiam  omnes  parvulos  domus  suœ 
circumcidere  juberetur  recentissimos  a  viscerebus 
inatrum,  octavo  die  nativitatis  eorum,  ut  etiam 
hi  qui  corde  ad  juslitiam  credere  nondum 
passent,  justitiœ  iamem  fidei  signaculum  su- 
merent.  Quod  sub  terrore  tanlo  est  imperatum. 


ut  diceret  Deus  animam  illam-  de  suo  populo  pe- 
rituram  cujus  octavo   die  prœputii  circumcisio 

facta  nonfuissct Quid  enini  wali,  quœro,  par' 

vulus  propria  voluntate  commisit,  ut  alio  négli- 
gente et  eum  non  circumcidente,  ipse  damnetur 
damnatione  tam  severa  ut  pereat  anima  illa  de 
populo  suo? Neque  enim  temporalis mortis  terror 
incussus  est  cum  de  justis  quando  morieban- 
tur,  tune  potius  diceretur  :  Et  appositus  est  ad 
populum  suum ,  vel  :  Appositus  est  ad  pâtre,'! 
suos,  quoniam  deinceps  homini  nulla  tentatio 
formidatur,  quœ  illum  separet  a  populo  suo,  si 
populus  _ejus  ipse  est  populus  Dei.  Quid  sibi  ergo 
vult,  pro  nulio  propriœ  voluntatis  admisse,  tanta 
damnatio  ?....  Unde  ergo  recte  infans  illa  perdis 
tione  punilur  nisi  quia  pertinet  ad  massam  per- 
ditionis,  et  juste  intelligitur  ex  Adam  natus  an- 
tiqui  debiti  obligatione  damnatus,  nisi  inde  fuerit 
non  secundum  debitum  sed  secundum  gratiam 
liberatus?  Quam  gratiam,  nisi  gratiam  Dei  per 
Jesum  Christum  Dominum  nostrum?  August.  De 
Peccat.  orig.,  cap.  xxx,  num.  35  et  36,  pag.  26S  et 
269. 

2  Denigue  ipsa  Ecclesiœ  sacramenla  quœ  tant 
priscœ  traditionis  auctoritate  concélébrât,  ut  ea 
isti,  quamvis  in  parvulis  existiinent  simulatorie 
potius  quam  veraciter  fieri,  non  tamen  audeant 
aperta  improbatione  respuere  :    ipsa,   inquam. 


6o6 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


servitude  du  diable  par  la^  grâce  de  Jésus- 
Christ.  »  Il  remarque  que  l'Église  les  célébrait 
sous  l'autorité  d'une  tradition  si  ancienne, 
que  les  pélagiens  n'osaient  les  rejeter  ouver- 
tement, quoique  à  l'égard  des  enfants,  ils 
crussent  y  trouver  des  choses  pratiquées 
plutôt  par  feinte  que  suivant  l'exacte  vérité. 
Puis  il  ajoute  :  «  Outre  que  les  enfants  sont 
baptisés  pour  la  rémission  des  péchés  dans 
ce  mystère  conforme  en  tout  à  la  foi  la  plus 
pure ,  la  puissance  ennemie  y  est  aussi 
d'abord  exorcisée  et  mise  en  fuite  par  le 
souffle  des  ministres  de  l'Église.  Ces  enfants 
mêmes  répondent,  par  la  bouche  de  ceux  qui 
les  représentent  au  baptême ,  qu'ils  renon- 
cent à  cette  puissance  ;  et  tous  ces  signes 
sacrés  et  évidents  font  voir  qu'ils  passent  des 
mains  du  plus  cruel  tjTan  en  celles  du  Ré- 
dempteur. Mais  quand  bien  même,  dit  encore 
ce  Père,  on  ne  pourrait  expliquer  '  en  aucune 
manière  comment  le  péché  pardonné  au 
père  et  à  la  mère  dans  le  baptême  passe  dans 
leurs  enfants,  il  faudrait  néanmoins  tenir 
comme  certain  et  indubitable  ce  qui  a  été 
prêché  et  cru  de  tout  temps  dans  toute 
l'Église  comme  appartenant  à  la  foi  catho- 
lique. L'Église  n'exorciserait  pas  sans  doute 
les  petits  enfants  des  fidèles ,  et  elle  n'or- 
donnerait pas  à  ses  ministres  de  souffler  sur 
eux,  si  elle  n'avait  dessein  de  les  arracher 
à  la  puissance  des  ténèbres  et  au  prince  de 
la  mort.  C'est,  dit-il  à  Julien,  ce  que  j'ai  mis 
dans  le  livre  que  vous  prétendez  réfuter  ; 
mais  vous  n'avez  osé  attaquer  cet  endroit, 
comme  si  vous  eussiez  craint  d'être  sifflé 


dans  tout  l'univers,  en  entreprenant  de  con- 
tredire la  pratique  de  l'Église  qui  ordonne 
qu'on  souffle  sur  les  enfants  mêmes  quand 
on  les  baptise  pour  en  chasser  le  pi'ince  du 
monde.  » 

L'empressement  que  les  pères  et  mères 
témoignent  pour  faire  baptiser  leurs  enfants 
quand  ils  sont  malades,  fournit  à  saint  Au- 
gustin une  nouvelle  preuve  de  l'existence  du 
péché  originel.  ((Nous  savons,  dit-il,  que  le 
baptême  ^  de  Jésus -Christ  efface  les  pé- 
chés; et  (ju'il  a  été  institué  pour  nous  les 
remettre.  Si  les  enfants  sont  innocents  en 
venant  au  monde ,  pourquoi  lors(jue  leurs 
mères  les  voient  malades  se  hâtent -elles 
de  les  apporter  tous  mourants  à  l'Église? 
Quel  péché  le  baptême  lave-t-il?  Quel  pé- 
ché cette  rémission  remet-elle  ?  Je  vois  que 
cet  innocent  pleure  plus  qu'il  ne  se  met 
en  colère.  Que  lave  donc  en  lui  l'eau  du 
baptême?  Quel  péché  délie  en  lui  la  grâce  de 
ce  sacrement?  Elle  le  délivre  de  la  transfu- 
sion du  péché.  Car  si  cet  enfant  pouvait  vous 
parler,  et  s'il  avait  la  même  intelligence  que 
David,  il  vous  répondrait  :  Pourquoi  vous  ar- 
rêtez-vous à  considérer  mon  enfance?  Il  est 
vrai  que  vous  ne  voyez  pas  en  moi  de  crime  ; 
mais  j'ai  été  conçu  dam  l'iniquité,  et  ma  mère 
dans  son  sein  m'a  nourri  dans  l'iniquité.  D'où 
il  suit  que  notre  '  nature  ayant  été  entière- 
ment déréglée  et  corrompue  par  le  grand 
péché  du  premier  homme,  est  devenue  non- 
seulement  pécheresse ,  mais  n'engendre  plus 
que  des  pécheurs.  On  le  voit  par  le  nombre 
infini  de  *  misères  qui  accablent  les  enfants 


sanctœ  Ecctesiœ  sacramenta  satis  indicant,  pdr- 
vulos  a  par  tu  etiam  recentissimos  per  gratiam 
Christi  de  diaboli  servitio  liberari.  Excepta 
enim  quod  in  peccatorum  remissionem,  non  fal- 
laci,  sed  fideli  mysterio  baptizantur,  etiam  prius 
exorcizatur  in  eis  et  exsufflatur  potestas  contra- 
ria,, cui  etiam  verbis  eorum  a  quibus  portantur, 
se  renuntiare  respondent.  Quibus  omnibus  rerum 
occultarum  sacratis  ac  evidentibus  signis ,  a 
captivatore  pessimo  ad  optimum  Redemptorem 
transire  monstrantur.  August.,  De  Peccat  oriy. 
cont.  pelag.,  uum.  45,  pnp.  273. 

1  Sed  etsi  nulla  ralione  indagetur,  nullo  ser- 
mone  explicetur,  verum  tamen  est  quod  antiqui- 
tus veraci  fide  catholica  prœdicatur  et  creditur 
per  Ecclesium  totam,  qiiœ  filios  fidelium  nec 
exorciiaret  nec  exsujjlaret,  si  non  eos  de  potes- 
tate  tenebrarum-  et  a  principe  mortis  erueret, 
quod  in  libro  meo,  cui  velut  respondes,  a  mepo- 
situm  est,  sed  id  tu  comment orare  timuisli,  tan- 
quam  ipse  ab  orbe  toto  exsufllandus  esses,  si  huic 
exsufjlationi  qua  princeps  ninndi  et  a  parvulis 


êjicitur  foras,   contradicerc  voluisses.  August., 
lib.  VI  Contra  JuL,  cap.  v,  num.  ri,  pag.  669. 

-  Novimus  enim  et  baptismo  Christi  solvi  pec- 
cata,  et  baptismum  Christi  valere  ad  remissio- 
nem peccatoriim.  Si  infantes  omnimodo  innocen- 
tes sunt,  cur  maires  ad  Eiclesiam  cum  languen- 
tibus  currunt?  Quid  illo  baptismo,  quid  illa  re- 
missione  dimiltitur?  Innocenlem  m  agis  video 
flentem,  quam  irascentem.  Quid  eiuit  baplismus? 
Quid  solvitilla  gratia? Soloitur  propago  peccati, 
quia  si  loqui  tibi  posset  ille  infans,  diceret,  et 
si  jam  intellectum  haberet,  qtiem  habebat  David, 
responderet  tibi:  Quid  me  attendis  in fanlem  ?  No>l 
quidem  vides  facinora  mea  :  sed  ego  m  iuiquitate 
conceptus  sum,  ot  in  peccatis  matev  mea  me  iu 
utero  aluit.   August.,  in  Psal.  l,  num.  10,  pag.  467. 

3  Unde  illo  magno  primi  hominis  peccato  na- 
iura  ibi  noslra  in  deterius  commutata  non  solum 
facta  est  peccalrix,  verum  etiam  générât peccato- 
res.  August.,  lib.  II  De  Nup.  et  concup.,  num.  57 
pag.  332. 

*  Parvulos  inluere  quot  et  quanta  mala  pa- 


[iV"  ET  V"  SIÈCLES.] 

d'Adam.  Jetez  les  yeux  sur  les  enfants,  et 
considérez  de  combien  de  maux  ils  sont  op- 
primés, et  parmi  combien  de  vanités,  de  pei- 
nes, d'erreurs,  de  terreurs  se  passe  tout  le 
temps  de  leur  enfance.  Lorsqu'ils  en  sont 
sortis,  et  qu'ils  ont  même  le  désir  de  servir 
Dieu,  ils  ne  laissent  pas  de  se  trouver  en 
danger  d'être  trompés  par  l'erreur,  abattus 
par  les  douleurs  et  par  le  travail,  embrasés 
par  la  concupiscence,  accablés  par  la  tris- 
tesse, enflés  et  élevés  parl'orgueil.  Qui  pour- 
rait exprimer  en  peu  de  paroles  tout  ce  qui 
contribue  à  appesantir  le  joug  des  enfants 
d'Adam?  L'évidence  de  cette  misère  a  forcé 
les  philosophes  païens,  qui  n'avaient  jamais 
ouï  parler  du  péché  originel,  ou  qui  n'en 
croyaient  rien,  d'enseigner  que  nous  n'étions 
dans  ce  monde  que  pour  y  être  punis  des 
péchés  commis  dans  une  vie  qui  aurait  pré- 
cédé celle-ci  ;  et  que  nos  esprits  étaient  unis 
à  des  corps   corruptibles  par  un  supplice 
semblable  à  celui  que  les  pirates  d'Étrurie 
faisaient   autrefois   souffrir   à  leurs  captifs, 
en   les   liant   à  des   corps  morts.  Mais  l'A- 
pôtre   combat    absolument    ces    opinions  , 
et  il  faut   attribuer  la   cause  de  ces  maux 
à  l'impuissance  ou  à  l'injustice  de  Dieu, 
ou  dire  qu'ils  sont  la  suite  et  la  peine  du 
premier  et  ancien  péché.  Mais  comme  Dieu 
n'est  ni  impuissant  ni    injuste ,   il  faut  re- 
connaître que  ce  joug  si  pesant  n'aurait  point 
eu  lieu  sans  le  péché  originel.  Car,  certai- 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


6S7 

nement,  sous  un  Dieu  juste  '  et  tout-puis- 
sant tous  ces  maux  ne  se  feraient  point  sen- 
tir aux  enfants  qui  sont  l'image  de  Dieu,  s'il 
n'y  avait  aucun  péché  de  leurs  pères  qui 
eût  passé  jusqu'à  eux;  d'autant  plus  que 
l'enfance  ne  leur  permet  pas  de  se  faire  de 
ces  maux  un  exercice  de  vertu.  C'est  donc 
par  un  effet  de  la  colère  de  Dieu  ^  que  nous 
sommes  sujets  à  la  mort  ;  c'est  par  le  juste 
arrêt  de  sa  fureur  qu'étant  ici  dans  la  pau- 
vreté et  dans  la  misère  iious  mangeons  no- 
tre pain  à  la  sueur  de  notre  visage,  suivant 
la  sentence  que  Dieu  prononça  contre  Adam 
après  son  péché.  La  condamnation  qu'il  en- 
tendit alors  est  tombée  sur  toute  sa  race  ; 
elle  nous  a  suivis,  et  quoique  nous  ne  fussions 
pas  alors,  nous  étions  tous  néanmoins  dans 
lui.  Tout  ce  qui  lui  est  arrivé  nous  est  ar- 
rivé de  même;  nous  mourons  comme  il  est 
mort.  )) 

On  a  remarqué  souvent  ailleurs  que  saint 
Augustin  prouve^  encore  la  doctrine  du  pé- 
ché originel  par  l'autorité  des  anciens  écri- 
vains ecclésiastiques  dont  il  rapporte  les  pas- 
sages, savoir  de  saint  Irénée,  de  saint  Cy- 
prien,  de  Réticius  d'Autun,  d'Olyœpius,  de 
saint  Hilaire,  de  saint  Grégoire  deNazianze, 
de  saint  Ambroise,  de  saint  Basile,  de  saint 
Jean  Chrysostôme,  du  pape  Innocent,  et  de 
saint  Jérôme. 

68.  Mais  quand  il  enseigne  que  *  tous  les 
hommes  sont  conçus  dans  l'iniquité  et  nour- 


J6£us.Chri?t 
n'est  iiûiiil  né 
avec  le  péclié 
origiGol. 


tiantur,  in  quibus  vanitalihus,  cruciatibus,  erro- 
ribus,  terroribus  crescant.  Deinde  jain  grandes, 
etiam  Deo  servientes  tentât  error,  ut  decipiat; 
tentât  labor  aut  dolor,  ut  frangat;  tentât  libido, 
utaccendat;  tentât  m.œror,ut  sternat;  tentât  ty- 
phus, ut  extoUat  :  et  quis  explicet  omnia  festinan- 
ter,  quibus  gravatur  jugum  super  filifs  Adam? 
Hujus  evidentia  miseriœ  gentium  philosophas  ni- 
hil  de  peccato  primi  hominis  sive  scientes,  sive 
credentes,  compulit  dicere,  ob  aliqua  scelera  sus- 
cepta  in  vitasuperiore pœnarum  luendarum  causa 
nos  esse  natos,  et  animos  nostros  corruptibili- 
bus  corporibus,  eo  supplicio  quo  Etrusci  prœdo- 
nes  captas  affligere  consueverant,  tanquam  vivos 
cum  morluis  esse  conjunctas.  Apostolus  aulem 
amputât  opinionem  qua  creduntur  singuhe  ani- 
mœ  pro  meritis  anteactœ  vitœ  diversis  corpori- 
bus inseri.  Quid  igitur  restât,  nisi  ut  causa  isto- 
rum  malorum  sit,  aut  iniquitas  vel  impolentia 
Dei,  aut  pœna  primi  veterisque  peccati?  Sed  quia 
nec  injustus  nec  impotens  est  Deus,  restât  quod 
non  vis  sed  cogeris  confiteri,  quod  grave  jugum. 
super  filios  Adam  a  die  exitus  de  ventre  matris 
eorumusque in  diem sépultures  inmatrem omnium 
non  fuisset  nisi,  delicti  originalis  meritiim preces- 
sisset.  August.,  lib.  V  Cont.Jul.,  num.  83,  pag.  626. 

IX. 


'  Quœ  utique  mala  sub  justo  et  omnipotente 
Deo  non  irrogarentur  ejus  imagini  quibus  malis 
in  virtule  exerceri  infantilis  œlas  non  po- 
test  dici,  si  nulla  ex  parentibus  mala  mérita 
traherentur.  August.,  lib.  111  Cont.  Jul,  num.  9, 
pag.  557. 

2  De  ira  Dei  enim  mortales  sumus,  et  de  ira 
Dei  in  ista  terra  in  egestate  et  labore  vultus  nos- 
tri  manducamus  panim.  Hoc  enim  audivit  Adam, 
quando peccavit ;  et  Adam  ille  omnes  nos  eramus  ■' 
quia  in  Adam  omnes  moriuntur,  quod  ille  audi- 
vit secutum  est  et  nos.  Non  enim  eramus  jam  nos, 
sed  eramus  in  Adam.  Ideo  quidquid  evenit  ipsi 
Adam  secutum  est  et  nos,  ut  moreremur  :  omnes 
quippe  in  illo  fwimus.  August.,  in  Psal.  lxxxiv, 
num.  7,  pag.  893. 

3  August.,  lib.  1  et  II  Cont.  Jul. 

''  Et  in  peccatis  mater  mea  me  in  utero  aluit. 
Prœter  hoc  vinculum  concupiscenliœ  carnalis 
natus  est  Chiislus  sine  masculo,  ex  virgine  con- 
cipiente  de  Spiritu  Sanclo,  non  potest  isle  dici  in 
iniquitate  conceplus,  non  potest  dici:  In  peccatis 
mater  ejus  in  utero  eum  aluit,  cui  dictum  est  : 
Spiritus  Sanctus  superveniet  in  to,  et  viitus  altis- 
simi  obumbrabit  tibi.  August.,  in  Psal.  h,  num.  16, 
pag.  467. 

42 


658 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ris  dans  le  péché,  il  en  exclut  Jésiis-Christ. 
«  Le  lieu  de  la  concupiscence  de  la  chair, 
dit-il,  ne  s'est  point  trouvé  dans  la  naissance 
de  celui  qui  est  né,  sans  l'opération  de  l'hom- 
me, d'une  Vierge  qui  avait  conçu  du  Saint- 
Esprit.  On  ne  peut  dire  qu'il  a  été  conçu 
dans  l'iniquité,  et  que  sa  mère  l'a  enfanté  et 
nourri  dans  le  péché,  puisque  l'ange  avait  dit 
Luc.  1, 35.  à  cette  sainte  mère  :  L'Esprit  saint  surviendra 
en  vous,  et  la  vertu  du  Très-Haut  vous  servii^a 
d'ombre.  A  l'exception  *  de  la  chair  du  Sau- 
veur celle  de  tous  les  autres  hommes  est 
une  chair  de  péché  :  et  il  paraît  par  là  que 
la  concupiscence,  par  laquelle  Jésus-Christ 
n'a  pas  voulu  être  conçu ,  a  fait  une  propa- 
gation du  mal  dans  tout  le  genre  humain. 
Car,  quoique  le  corps  de  Marie  ait  été  conçu 
par  la  concupiscence  de  ses  parents,  elle  n'a 
pas  toutefois  fait  passer  ce  mal  dans  le  corps 
qu'elle  a  conçu,  parce  que  la  concupiscence 
n'a  point  eu  de  part  à  cette  conception.  » 
do^"  ï«'s  ^^-  "  ^^  régénéré  ^,  dit  saint  Augustin, 
i"°rr' migi-  "6  communique  pas  la  régénération  aux  en- 
"'°'-  fants  qu'il  a  selon  la  chair.  Il  les  engendre 

simplement ,  et  par  conséquent  il  ne.  leur 
transmet  point  l'effet  de  sa  régénération, 
mais  le  vice  de  sa  propre  naissance.  Soit 
donc  qu'il  s'agisse  d'un  infidèle  criminel,  ou 
d'un  infidèle  absous,  les  enfants  qui  naissent 
de  l'un  et  de  l'autre ,  naissent  criminels  et 
non  absous  ;  de  même   que  les  semences 


'  Sine  dubio  caro  Christi  non  est  caro  peccati, 
sed  similis  carni  peccati,  quid  restât  ut  intelliga- 
mus,  nisi  ea  excepta  omneni  reliquam  tiumanam 
carnem  esse  peccati?  Et  liinc  apparet  illam  con- 
cupiscentiam,  per  quant  Christus  concipi  noluit, 
fecisse  in  génère  humano  propaginem  mali:  quia 
Mariœ  corpus  quamvis  inde  venerit,  tamen  eam 
non  trajecit  in  corpus  quod  non  inde  concepit. 
August.,  lib.  V  Cont.  Jul.„  num.  32,  pag.  634. 

^  Regeneratus  quippe  non  régénérât  filios  car^ 
nis  sed  générât;  ac  per  hoc  in  eos  non  quod  re- 
generatus, sed  quod  generatus  est,  trajicit.  Sic 
igitiir,  sive  reus  infidelis,  siue  absolutus  fidelis, 
non  générât  ahsolulos  ulerque,  sedreos;  quomodo 
non  soluni  oleastri,  sed  etiam  oleœ  semina  non 
oleas  générant,  sed  oleastros.  Aiigust.  De  Peccat. 
orig.  cont.  Pelag.  et  Cœlest.,  num.  43,  pag.  273. 

^  Qiiando  dicunt ,  et  parvulos  turbant,  si  de 
peccatore  peccalores  nati  sunt,  quare  non  de 
haptizito  jain  fldeli,  cwi  remissa  sunt  universa 
peccata,  justi  nascuntur  ?  Cito  respondete  :  Ideo 
de  baplizalo  non  justus  nascitur,  quia  non  eum 
gênerai  unde  regeneralus  est,  sed  unde  generatus 
est...  deinde  curn  sit  in  propugine  nalorum  gene- 
ratio  carnalis,  in  propagine  renaiorum  generalio 
spiritalis,  vis  ut  de  baplizalo  baplizatus  nasca- 
tur,  cum  videas  de  circumciso  non  nasci  circum- 


non-seulement  de  l'olivier  sauvage ,  mais 
aussi  de  l'olivier  franc  ne  produisent  que 
des  oliviers  sauvages.  »  Mais,  disaient  ^  les 
pélagiens,  si  ceux  qui  sont  nés  d'un  pécheur 
sont  pécheurs,  pourquoi  ceux  qui  naissent 
d'un  fidèle  baptisé  ne  sont-ils  pas  justes 
comme  lui  ?  "  Parce  que  le  fidèle,  répond  le 
saint  Docteur,  n'engendre  pas  en  tant  que 
régénéré  selon  l'esprit ,  mais  en  tant  qu'en- 
gendré selon  la  chair,  et  que  personne  ne 
peut  renaître  avant  que  de  naître.  Ainsi  le 
fils  du  circoncis  ne  naît  pas  circoncis.  » 

70.  n  est  dit,  dans  l'Écriture,  qu'Adam  et       cammei- 

Èle  pfclié  nr:^ 
ve  ayant  reconnu  qu  us  étaient  nus  entre-  loi  s»  i"" 

met  de?  [i^i 

lassèrent  des  feuilles  de  figuier,  dont  ils  se  »"!,  eofaDis. 
firent  une  espèce  de  ceinture  pour  cacher  ce 
qui  leur  faisait  honte.  «  Voilà*,  dit  saint  Au- 
gustin, d'où  le  péché  originel  tire  sa  source. 
Ces  feuilles  de  figuier  "  sont  le  symbole  des 
mouvements  impurs  et  déréglés  qui  s'excitè- 
rent en  Adam  par  son  péché.  Or ,  c'est  de  là 
que  nous  sortons;  c'est  par  là  que  nous  nais- 
sons dans  une  chair  de  péché,  qui  ne  peut 
être  guérie  ni  purifiée  que  par  celui  dont  la 
chair  n'a  eu  que  la  ressemblance  de  la  chair  du 
péché.  Il  est  né  de  cette  chair,  mais  il  n'en  est 
pas  né  tel  que  nous  en  naissons  :  caria  sainte 
Vierge  l'a  conçue  par  la  foi,  sans  que  la 
concupiscence  y  ait  eu  aucune  part.  Ce  qui 
est  ^  cause  que  les  eçfants  qui  naissent  du 
commerce  des  deux  sexes  sont  sous  la  puis- 


cisum?  Carnalis  est  certe  ista  generalio,  et  car- 
nalis est  circumcisio,  et  tamen  de  circumciso  non 
nascitur  :  sic  ergo  de  baplizalo  non  potes l  nasci 
baplizatus  ;  quia  nemo  renatus  antequam  natus. 
Augiist.,  serm.  295,  inNat.  apost.,  cap.  16,  num.  16, 
pag.  1191. 

*  Consuerunt,  inquit,  folia  fîculnea,  et  fecerunt 
sibi  suecinctoria.  Quod  lexerunt ,  ibi  senserimt. 
Ecce  unde  trahitur  originale  peccatum,  ecce  unde 
nemo  nascitur  sine  peccato.  August.,  Serai.  152, 
num.  5,  pag.  720. 

^  Quando  primo  peccavit  (Adam)  defoliis  ficul- 
neis  suecinctoria  sibi  fecil,  significans  in  ilUs  fo- 
liis  pruritum  libidinis,  quo  pcccando  pervenit. 
Inde  nascimur,  sic  nascimur,  in  carne  peccati 
nascimur,  quam  sola  sanat  similitiido  carnis  pec- 
cati. Ideo  misil  Deus  Filiuni  suum  in  similulidi- 
nem  carnis  peccati.  Inde  venil  sed,  sic  non  venit: 
von  enim  eum  Virgo  libidine  sed  fide  concepit. 
August.,  Serm.  69,  num.  4,  pag.  382. 

^  Sed  ideo  sub  diabolo  sunt  qui  de  corporum 
comniixtione  nascuntur  antequam  per  Spiritum 
renascantur  ;  quia  per  illam  nascuntur  concupis- 
centiam,  qua  caro  concupiscit  ndversus  spiritum, 
et  adversum  se  cogit  concupiscere  spiritum.  Quœ 
pugna  boni  et  mali  nulla  esscl  si  nemo  peccasset. 
Sicul  autem  an  le  homvtis  iniquitatem  nulla  erai, 


[iv=  ET  v°  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


659 


sance  da  diable,  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  été 
régénérés  par  le  Saint-Esprit ,  c'est  qu'ils 
sont  engendrés  par  le  moyen  de  cette  con- 
cupiscence, qui  fait  que  la  chair  a  des  dé- 
sirs contraires  à  ceux  de  l'esprit,  et  qui  met 
l'esprit  dans  la  nécessité  de  la  combattre,  et 
de  former  des  désirs  contraires  à  la  chair. 
Ce  combat  du  bien  et  du  mal,  de  l'esprit  et 
de  la  chair,  ne  serait  point,  si  l'homme  n'a- 
vait pas  péché.  Et  comme  il  n'y  en  avait 
point  avant  sa  prévarication,  il  n'y  en  aura 
point  quand  il  ne  restera  plus  de  faiblesses 
en  lui.  La  concupiscence  charnelle  est  donc 
le  principe  de  la  transmission  du  péché  ori- 
ginel. De  là  vient  ^  que  les  enfants  mêmes 
qui  ne  peuvent  pécher  ne  naissent  pas 
toutefois  exempts  de  la  contagion  du  pé- 
ché, non  à  cause  de  ce  qui  est  permis,  mais 
à  cause  de  ce  qui  est  indécent ,  c'est-à-dire 
à  cause  de  la  concupiscence  :  car  la  nature 
procède  de  ce  qui  est  permis,  c'est-à-dire  du 
mai'iage,  et  le  vice  de  la  nature  vient  de  ce 
qui  est  indécent.  Dieu,  qui  a  créé  l'homme 
et  qui  a  uni  l'homme  à  la  femme  par  la  loi 
du  mariage,  est  auteur  de  la  nature,  qui  re- 
çoit la  naissance.  Le  vice  de  la  nature  vient 
au  contraire  de  l'adresse  trompeuse  du  dia- 
ble et  de  la  volonté  de  l'homme,  qui  s'y  est 
laissé  surprendre,  et  y  a  consenti.  En  cela 
Dieu  n'a  rien  fait  si  ce  n'est  d'avoir  con- 
damné, par  un  jugement  équitable,  l'homme 


devenu  pécheur  avec  sa  postérité.  C'est  donc 
avec  raison  que  tout  ce  qui  n'était  pas  en- 
core né  se  trouve  compris  dans  la  condam- 
nation de  la  racine  criminelle.  Mais,  qui  est- 
ce  qui  fait  passer  dans  les  descendants  d'A- 
dam la  contagion  de  son  péché  ?  C'est  la  gé- 
nération charnelle,  et  il  n'y  a  que  la  régé- 
nération spirituelle  qui  puisse  délivrer 
l'homme  de  ce  malheureux  état,  dans  le- 
quel il  vient  au  monde.  »  Saint  Augustin 
donne  ^  pour  exemple  de  la  transfusion  du 
péché  originel,  celui  d'un  homme  qui  par 
son  intempéi-ance  contracte  la  goutte,  qui 
passe  ensuite  dans  ses  enfants. 

71.  Quand  on  demandait^  à  Pelage  ce 
qu'il  pensait  des  enfants  qui  meurent  sans 
baptême,  on  dit  qu'il  répondait  :  Je  sais  bien 
oh  ils  ne  vont  pas,  mais  j'ignore  où  ils  vont. 
«  Que  signifie  cette  réponse,  dit  saint  Augus- 
tin ?  Il  peut  l'avoir  prise  en  ce  sens  :  Je  sais 
bien  qu'ils  ne  vont  pas  dans  le  royaume  des 
cieux  ;  et  avoir  dit,  et  dire  encore,  qu'il  ne 
sait  où  ils  vont,  n'osant  dire  qu'ils  vont  à  la 
mort  éternelle  ;  eux  qui  n'ont  commis  aucun 
mal,  et  qui,  selon  lui,  ne  naissent  coupables 
d'aucun  péché  en  conséquence  de  l'origine 
qu'ils  tirent  d'Adam.  »  Les  pélagiens'  con- 
venaient qu'il  fallait  baptiser  les  enfants , 
afin  qu'ils  pussent  entrer  dans  le  royaume 
des  cieux  ;  mais  ils  soutenaient  que,  sans  le 
baptême  ils  ne  laissaient  pas  d'avoir  la  vie 


Su 
dos 
qui 
Euns 


lïhl 

iDl'.MllS 

mei:  relit 
Lui  tùino. 


ita  post  infirmitatem  nulla  erit.  August.,  lib.  IV 
Contra  Jul.  pelag.,  num.  34,  pag.  603. 

•  Hinoest  quod  infantes  etiam  quipeccare  non 
possimt,  non  tamen  sine  peccati  coniagione  nas- 
cuntur;  non  ex  hoc  quod  ticet,  sed  ex  eo  quod 
dedecel.  Nam  ex  hoc  quod  licet,natura  nascilur: 
ex  illo  quoddedecet  vitium:  nalurœ  nascentis  est 
aU'Clor  Deus  qui  hominem  condidit,  et  qui  virum 
ac  feminam  nuptiali  jure  conjunxit-  :  vitii  vero 
auctor  est  diaboli  decipientis  calliditas,  et  homi- 
nis  consentientis  volunlas.  Ubi  nihil  Deus  fecit 
nisi  quod  hominem  voluntale  peccantem,  justo 
judicio  cumstirpe  damnavit;  et  ideo  ibi  quidquid 
etiam  nondum  eratnatum,  merito  est  inprœva- 
ricatrice  radice  damnatum ;  in  qua  stirpe  dam- 
natatenet  hominem  generalio  carnalis,  undesola 
libérât  regeneratio  spiritalis.  August.,  De  Peccat. 
orig.,  num.  42  et  43,  pag.  272. 

2  Si  quis  intemperantia  sibi  podagram  faciat, 
eamque  transmitlat  in  filios,  quod  sœpe  contigit; 
nonne  recte  dicitur,  in  eos  illud  vitium  deparente 
transiisse;  ipsos  quoque  hoc  in  parente  fecisse, 
quoniam  quando  ipse  fecit,  in  illo  fuerunt,  acsic 
ipsi  atque  ille  adhuc  unus  fuerunt?  fuerunt  ergo, 
non  actione  hominum  sed  ratione  jam  seminum. 
Quod  ergo  aliquoties  invenitur  in  corporis  mor- 
bis,  hoc  in  illo  mjums  primi  genitoris  anliquo 
magnoque  peccuto  quo  natura  humana  universa 


vitiata  est  factum  esse  noverat,  qui  lucidissima 
locutione  quam  vos  conamini  tenebrare,  dicebat  : 
Per  unum  hominem  peccatum  intravit  in  mundum, 
et  per  peccatum  mors,  et  ita  in  omnes  homines 
pertransiit  in  quo  omnes  peccaverunt.  August., 
lib.  II  Op.  imperf.  contra.  Jul.,  cap.  clxxvii  , 
pag.  1024. 

2  De  ista  quœstione  ita  perhibetur  (Pelagius) 
solittis  respondere  quœrentibus,  ut  diceret:  Sine 
baptismo  parvuli  morientes,  quo  non  eant.,  soio; 
quo  eant  nescio ,  id  est  non  ire  in  regnum  cœlo- 
rum  scio;  quo  vero  eant,  ideo  se  nescire  dicebat, 
aut  dicit,  quia  dicere  non  audebat  in  moriem  il- 
los  ire  perpetuam.,  quos  et  hic  nihil  mali  commi- 
sisse  sentiebat,  et  originale  traxisse  peccatum 
no7iconsentiebat.  X\igusL',De  Peccat.  orig.  contra 
Pelag.,  cap.  xxi,  num.  23,  pag.  262. 

*  Concédant  parvulos  baptisari  oportere illi 

autem  dicunt  non  propter  salutem,  non  propter 

vitam  œternam  sed  propter  regnum  cœlorum 

parouhis,  inquiunt,  et  si  non  baptizetur  merito  in- 
nocenliœ,  eo  quod  nullum  habeat  omnino  nec 
proprium,  nec  originale  peccatum,  nec  ex  se,  nec 
de  Adam  traclum,  necesse  est,  aiunt,  ut  habeat 
salutem  et  vilam  œternam,  etiamsi  non  baptize- 
tur, sed  propterea  baptizandus  est  ut  intreteliam 
in  regnum  Dei  hoc  est  in  regnum  cœlorum.  Au- 
gust., Serm.  294,  cap.  i,  num.  2,  pag.  1183. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


660 

éternelle,  n'ayant  point ,  disaient-ils,  de  pé- 
ché ni  propre  ni  originel.  Saint  Augustin 
veut  qu'on  éloigne  '  cette  erreur  des  oreilles 
des  fidèles,  et  qu'on  la  déracine  des  esprits 
dont  elle  se  serait  emparé ,  comme  une 
chose  nouvelle  dans  l'Église,  où  l'on  n'avait 
point  ouï  parler  jnsques-là  qu'il  y  ait  une 
vie  éterneUe  différente  du  royaume  des 
cieux,  ni  un  salut  étei'uel  hors  du  royaume  de 
Dieu.  Selon  le  saint  Docteur,  le  Seigneur,  en 
venant  pour  juger  les  vivants  et  les  morts, 
ne  fera  que  deux  classes  dans  son  juge- 
ment :  l'une  de  ceux  qui  seront  à  la  droite, 
auxquels  il  dira  :  Venez,  les  bénis  de  mon  Père, 
■possédez  le  royaume  ^ui  vous  a  été  préparé  dès 
l'établissement  du  monde;  l'autre,  de  ceux  qui 
seront  à  la  gauche,  auxquels  il  dira  :  Allez, 
maudits,  au  feu  éternel.  L'Évangile  ne  marque 
point  de  milieu  entre  la  droite  et  la  gauche, 
entre  le  royaume  de  Dieu  et  le  feu  éternel. 
Quiconque  est  exclus  du  royaume  est  con- 
damné au  feu.  Ainsi,  les  enfants  qui  meurent 
avec  le  péché  originel,  ne  pouvant  être  à  la 
droite ,  seront  nécessairement  à  la  gauche, 
et  conséquemment  auront  part  au  supplice 
du  feu  avec  ^  le  diable  '.  Les  mêmes  héré- 


tiques accordaient  '  aux  enfants  morts  sans 
baptême  un  lieu  mitoyen  de  repos  et  de 
félicité  ,  entre  la  damnation  et  la  vie  éter- 
nelle ;  et  ils  disaient  ^  que  la  raison  pour 
laquelle  11  est  écrit  qu'il  y  a  plusieurs  de- 
meures dans  la  maison  du  Père  céleste,  c'est 
qu'il  y  aura  hors  du  royaume  des  cieux,  un 
certain  lieu  où  doivent  vivre  heureux  les 
enfants  qui  sortent  de  cette  vie  sans  avoir  été 
baptisés,  ne  pouvant,  sans  le  baptême,  en- 
trer dans  le  royaume  des  cieux.  Mais  cette 
croyance  n'est  pas  celle  que  doit  avoir  un 
fidèle,  parce  qu'elle  n'est  pas  la  foi  véritable 
et  catholique.  On  voit  en  effet  que  cette 
erreur  fut  condamnée  dans  un  concile  plé- 
nier  assemblé  à  Carthage ,  et  composé  de 
plus  de  deux  cents  évêques,  du  nombre  des- 
quels était  ce  saint  D.octeur.  Voici  le  canon 
de  ce  concile  :  «  Si  quelqu'un  dit  ^  que  quand 
le  Seigneur  a  dit  :  Il  y  a  plusieurs  demeures 
dans  la  maison  de  mon  Père,  a  voulu  faire 
entendre  que  dans  le  royaume  des  cieux  ,  il 
y  a  un  lieu  mitoyen  ou  quelqu 'autre  lieu,  où 
vivent  heureux  les  enfants  qui  sortent  de 
cette  vie  sans  le  baptême ,  sans  lequel  ils  ne 
peuvent  entrer  dans  le  royaume  des  cieux 


1  Primus  hic  error  averlendus  ab  auribus,  ex- 
tirpandus  a  mentibus.  Hoc  novmn  in  Ecclesia, 
prius  inauditum  est,  esse  vilam  ceternam  prœter 
regmim  ccelorum,  esse  salutem  œternam  prœter 
regnwn  Bei.  Primo  vide ,  frater ,  ne  forte  hino- 
consentire  nobis  debeas,  qinsquis  ad  regnwn  Dei 
non  pertinet,  eum  ad  damnationem  sine  dubio 
pertinere.  Yenturus  Dominus,  et  judicaturus  de 
vi'vis  et  mortuis  sicut  Evangeliwm  loquitur,  duas 
parles  facturus  est,  dextram  et  sinistram  :  sinis- 
tris  dicturus  :  Ite  in  ignem  seteruum  qui  paratus 
est  diabolo  et  angelis  ejus;  dextris  dicturus:  Venite 
benedieti  Patris  Diei,  peroipite  regnum  quod  vobis 
paratum  est  ab  origine  mundi.  Hanc  regmim  nomi- 
nat,illam  cum  diabolo  damnationem'.  Niillus relictus 
est  médius  locus  ubi  ponere  queas  infantes.  De  vi- 
vis  et  mortuis  judicabitur;  alii  erunt  ad  dextram, 
alii  ad  sinistram:  non  nooi  aliud.  Qui  inducis  me- 
dium,  recède  de  medio  ;  non  te  offendat  qui  dex- 
tram qucerit  :  et  te  ipsum  admoneo;  recède  de  me- 
dio, sed  noli  in  sinistram..  Si  ergo  dexlra  erit  et 
sinistra  et  nullum  médium  locum  in  Evangelio  no- 
vimus,  ecce  indextra  regnimi  cœlorum  est:  Perci- 
Tpile,  inquit,  regnum.  Qui  ibi  non  est,  in  sinistra 
est.  Quid  erit  in  sinistra  ?  Ite  in  ignem  ccternum. 
In  dexlra  ad  regnum,  utique  œternum;  in  sinistra 
in  ignem.  œternum.  Qui  non  in  dextra,  pocul  dubio, 
in  sinistra;  ergo  qui  non  in  regno,  procul  dubio, 
inigne  œterno.  August.,  lib.  111  Conlra lui.,  m\m.  2, 
pag.  M84. 

2  Si  autem  non  eruitur  a  potestate  tenelraru/m 
et  illic  remaneat  parvulus,  quid  miraris  in  igné 
œterno  cum  diabolo  futurum,  qui  vi  Dei  regnwn 


întrare  non  sinitur?  August.,  lib.  Ill  Contra  Jul., 
cap.  199,  pag.  H30. 

8  II  est  de  foi  que  les  enfants  qui  meurent  sans 
le  baptême  ne  voient  pas  Dieu  et  sont  damnés  ; 
mais  l'Église  laisse  libre  l'opinion  qui  admet  qu'ils 
ne  souffrent  point  les  suppliées  du  feu.  {L'éditeu,r.) 

*  Non  baptisalis  parvulis  nemo  promittat  inter 
damnationem  regnumque  cœlorum,  quietis  vel  fe- 
licitatis  cujuslibet  atque  ubilibet  quasi  médium  lo- 
cum :  hoc  e7iim  eis  etiam  hœresis  pelagiana  pro- 
misil.  August.,  ibid. 

»  Proinde  respuendi  sunt  a  corde  christiano  qui 
putant  ideo  dictuni  multas  esse  mansiones  quia  ex- 
tra regnum  cœlorum  erit  aliquid  ubi  maneant 
beati  innocentes,  qui  sine  baptismo  ex  hac  vita 
emigrarunt,  quia  sine  illo  in  regnum  cœlorum  in- 
trare  non  poterunt.  Hcec  fides  non  est  fides ,  quo- 
niani  non  est  vera  et  catholica  fides.  August., 
tract.  G7  in  Joan.,  num.  3,  pag.  678. 

8  Item  placitit  ut  si  quis  dixerit,  ideo  di.xisse  Do- 
minum  :  In  domo  Patris  mei  mansiones  multis 
sunt,  etc.,  ut  intelligatiir  quia  in  regno  cœlorum 
erit  aliquts  médius,  aut  ullus  alicubi  locus,  «it 
beati  vioant  parvuli,  qui  sine  baptismo  ex  hac  vita 
migrarunt,  sine  quo  in  regnum  cœlorum.  quod  est 
vita  œterna  intrare  non  possunt  :  Anathema  sit. 
Nam.  cum.  Dominus  dicat:  Nisi  quis  renatus  fuerit 
ex  aqua  et  Spiritu  Sancto,  non  intrabit  in  regnum 
cœlorum,  quis  catholicus  dubitet  participem  dia- 
bolifore  eum,  qui  cohœres  non mcruit  esse  Christi? 
Qui  enim.  dextera  caret,  sinistram  procul  dubio  in- 
currel.  Cod.  can.  Eccl.  rom.,  can.  3,  pag, /lO,  cul.  2, 
tom.  H  Oper.  S.  Leonis. 


[IV"  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


661 


qui  est  la  vie  éternelle,  qu'il  soit  anathème  : 
car,  puisque  le  Seigneur  a  dit  :  Quiconque  ne 
renaîtra  pas  de  Veau  et  du  Saint-Esprit,  ne 
peut  entrer  dans  le  royaume  des  cieux ,  quel 
catholique  peut  douter  que  celui  qui  ne  mé- 
ritera point  d'être  cohéritier  de  Jésus-Christ, 
n'ait  sa  part  avec  le  diable  ?  Celui  qui  n'est 
pas  à  la  droite  ,  sera  sans  doute  à  la  gau- 
che. »  Photius  cite  ce  concile  '  ,  et  rapporte 
l'anathème  prononcé  contre  l'erreur  des 
pélagiens,  touchant  les  enfants  morts  sans 
baptême,  qu'ils  disaient  être  dans  un  lieu 
mitoyen  entre  le  paradis  et  l'enfer.  Il  semble 
aussi  que  saint  Augustin  ^  le  marque,  quand 
il  dit  que  l'autorité  des  conciles  catholiques  et 
du  Siége-Apostolique  a  condamné  très-juste- 
ment les  nouveaux  hérétiques  pélagiens, 
parce  qu'ils  ont  osé  attribuer  aux  enfants 
non  baptisés  un  lieu  de  salut  et  de  repos 
hors  le  royaume  des  cieux. 

72.  Les  semi-pélagiens  qui  ne  pouvaient 
souffrir  que  l'on  prit  ce  qui  se  passe  à  l'égard 
des  enfants  pour  règle  de  ce  qui  regarde  les 
personnes  qui  sont  en  âge  de  raison',  soute- 
tenaient  que  la  manière  dont  saint  Augustin 
s'était  expliqué  sur  ce  sujet  dans  son  troi- 
sième livre  du  Libre  arbitre,  faisait  assez  voir 
qu'on  ne  pouvait  rien  dire  de  certain  touchant 
les  peines  de  ces  enfants,  et  qu'il  favorisait 
dans  cet  ouvrage  ceux  qui  doutaient  qu'ils 
fussent  effectivement  condamnés  à  quelque 


supplice.  Ce  Père,  averti  par  Hilaire  de  l'ob- 
jection que  faisaient  ces  hérétiques,  répon- 
dit :  n  C'est  en  vain'  qu'on  veut  me  faire  une 
loi  de  ce  que  j'ai  enseigné  il  y  a  si  longtemps, 
pour  m'empêcher  de  défendre,  comme  je  le 
dois,  la  docti'ine  qu'il  faut  tenir  touchant  les 
enfants  qui  meurent  avant  l'usage  de  raison, 
et  de  tirer  de  ce  qui  se  passe  en  eux  une 
preuve  plus  claire  que  le  jour,  de  cette  vérité 
catholique,  que  la  grâce  de  Dieu  n'est  point 
donnée  aux  hommes  en  considération  d'au- 
cun mérite.  Car,  quand  il  serait  vrai  que,  dans 
le  temps  où  je  composais  les  livres  du  Libre  ar- 
bitre, que  je  commençai  étant  encore  laïque, 
et  que  j'achevai  après  avoir  été  fait  prêtre, 
j'aurais  été  dans  quelque  doute  touchant  la 
délivrance  des  enfants  qui  renaissent  par  le 
baptême,  et  delà  damnation  de  ceux  qui  ne 
sont  pas  régénérés  par  ce  sacrement,  qui 
est-ce  qui  serait  assez  injuste  et  assez  en- 
vieux pour  prétendre  que  je  dois  demeurer 
dans  les  mêmes  doutes  ,  et  pour  vouloir 
m'empêcher  d'apprendre  et  de  profiter? 
N'est-il  pas  plus  raisonnable  de  présumer, 
qu'encore  que  j'aie  choisi  une  manière  de 
réfuter  les  manichéens  ,  qui  confond  égale- 
ment leurs  rêveries  du  mélange  d'une  bonne 
et  d'une  mauvaise  nature ,  soit  que  l'on 
admette  le  péché  originel  dans  les  enfants, 
selon  la  véritable  doctrine,  soit  qu'on  ne  l'y 
admette  pas,  selon  l'erreur  de  quelques-uns; 


1  Synodus  adversus  Pelagiwn  et  Cœlestium  Car- 
thagine  in  sitmtna  œde  habita,  etc..  damnât  hœe 
synodus  anathemate  cas,  qui  affirmarent  medio 
quodam  loco  paradisum  inler  et  inferos  non  bapti- 
zatos  infantes  béate  vivere.  Pliot.,  Cod.  52,  pag.  42 
et  43. 

2  Novellos  hœreticos  pelagianos  justissime  con- 
ciliorwm  catholicorum  et  Sedis  Apostolicœ  dam- 
navit  auctoritas,  eo  quod  ausi  fuerinl  non  baptizatis 
parvulis  dare  quietis  et  salutis  locum  etiam  prœ- 
ter  regnum  cœlorum.  August.,  lib.  II  Be  Anim: 
et  ejus  orig.,  Dum.  17,  pag.  367. 

3  Parvulorum  autem  causam  ad  exeiirpluin  ma- 
jorum  non  patiimtur  adferri.  Quam  et  tuamsanc- 
titatem  dicunt  ratenus  attigisse,  ul  incertum  esse 
volueris  ac  potins  de  eorum  pœnis  malueris  dubi- 
tari.  Quod,  in  libro  III  T)e  Libero  arbitrio,  itaposi- 
tum  7neministi ,  ut  hanc  eis  occasionnem  potueris 
exhibere.  Hilar.,  Epist.  ad.  August.  num.  8,  pag. 
828. 

'*  Frustra  itaque  mihi  de  ilHus  libri  met  vêtus- 
tate  prœscribilur ,  ne  agam  causam  sicut  debeo 
agere  parvulorum ,  et  ind^  gratiam  Dei  non  secun- 
dum  mérita  hominum  dari,  perspicuœ  veritatis 
luce  convincam.  Si  enim  quando  libros  De  LU)ero 
arbitrio  laicus  capi,  presbyter  explicavi,  adhuc 
de  damna  tione  infantium  no7i  renascentium  et  de 


renascentium  liberatione  dubitarem  ;  nemo ,  ut 
opinor,  esset  tam  injustus  atque  invidus  qui  me 
proficere  prohiberet ,  atque  in  hac  dubitatione  re- 
manendum  mihi  esse  judicaret ,  cum  vero  rectis 
possit  intelligi,  non  me  propterea  de  hac  re  débi- 
tasse credi  oportere  qui  contra  quos  mea  dirige- 
batur  intentio ,  sic  mihi  visi  sunt  refellendi,  ut 
sive  pœna  esset  peccati  originalis  in  parvulis , 
quod  Veritas  habet ,  sive  non  esset ,  quod  nonnulli 
errantes  opinantur;  nullo  modo  tamen  quam  ma- 
nicheorum  error  indmit ,  duarum  naturarum , 
boni  scilicet  et  mali,  permixtio  crederetur.  Absit 
ut  caiisam.  parvulorum  sic  relinquamiis ,  ut  esse 
nabis  dicamus  incertum,  utrum  in  Christo  rege- 
nerati,  si  moriantur  parvuli ,  transeant  in  œter- 
nam  salutem;  non  regenerati  autem  transeant  in 
mortem  secundam;  quoniam  quod  scriptum  est: 
Et  per  unum  hominem  peccatum  intravit  in  mun- 
dum ,  et  per  peccatum  mors  :  et  ita  in  omnes  ho- 
mines  pertransiit,  aliter  recte  intelligi  nonpotest; 
nec  a  morte  perpétua  quce  justissime  est  retributa 
peccato ,  libérât  quemquam  pusillorum  atque  ma- 
gnorum ,  nisi  ille  qui  propter  remittenda  et  origi- 
nalia  et  propria  nostra  peccata  mortuus  est  sine 
ullo  suo  origiiiali  propriore  peccato.  August.,  De 
Dono  pers.,  uum.  30,  pag.  836  et  837. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


662 

je  n'ai  pas  pour  cela  été  en  doute  sur  ce 
point?  A  Dieu  ne  plaise  donc  que  nous  le 
traitions  comme  une  chose  douteuse  ;  et  que 
nous  mettions  en  question  si  les  enfants  qui 
meurent  avant  l'usage  de  raison,  après  avoir 
été  régénérés  en  Jésus-Christ ,  entrent  dans 
le  repos  éternel  ;  et  si  ceux  qui  ne  l'ont  pas 
été  passent  de  la  mort  temporelle  à  une 
seconde  mort,  puisqu'on  ne  peut  pas  enten- 
dre autrement  ce  qui  est  écrit  :  Le  péché  est 
entré  dans  le  monde  par  xin  seul  homme,  et  la 
mort  par  le  péché  ;  et  c'est  ainsi  qu'elle  a  passé 
dans  tous  les  hommes  ;  et  que  nul  des  enfants, 
non  plus  que  les  autres,  ne  saurait  être  dé- 
livré de  la  mort  éternelle,  qui  est  la  juste 
peine  du  péché ,  que  par  celui  qui ,  étant 
aussi  exempt  du  péché  qui  se  contracte  par 
la  naissance,  que  de  celui  qui  se  commet  par 
la  volonté,  a  voulu  mourir  pour  effacer  ceux 
dont  nous  étions  coupables  de  l'une  et  de 
l'autre  manière.  Mais  il  est  certain  '  que 
ceux  qui  n'auront  point  ajouté  de  péchés  ac- 
tuels au  péché  originel  qu'ils  ont  contracté 
par  leur  naissance,  souffriront  la  plus  douce 
peine  de  toutes  ;  et  que  pour  ceux  qui  en  au- 
ront ajouté,  chacun  éprouvera  une  damna- 
tion d'autant  plus  douce  qu'il  aura  commis 
moins  de  péchés  pendant  qu'il  aura  vécu  dans 
le  monde.  Pour  moi,  je  '  ne  dis  pas  que  les 
petits  enfants  qui  meurent  sans  avoir  reçu 
le  baptême  doivent  être  punis  avec  une  si 
grande  rigueur,  qu'il  vaudrait  mieux  qu' ils  ne 
fussent  2MS  venus  au  monde.  Ces  paroles  de  Jé- 
sus-Christ ne  regardent  pas  tous  les  pécheurs, 


mais  seulement  les  plus  scélérats  et  les  plus 
impies  :  car  il  est  certain  qu'au  jour  du  ju- 
gement, les  uns  seront  punis  moins  rigou- 
reusement que  les  autres.  Or,  qui  doute  que 
les  enfants  qui  n'ont  pas  été  baptisés  ne  doi- 
vent être  traités  avec  moins  de  riguem'  que 
les  autres  damnés,  puisqu'ils  n'ont  que  le 
péché  originel  et  ne  sont  chargés  d'aucun 
péché  qui  leur  soit  propre  ?  Quoique  je  ne 
puisse  pas  déterminer  précisément  la  gran- 
deur des  peines  qu'ils  am-ont  à  souffrir,  je 
n'oserais  dire  néanmoins  qu  'il  vaudrait  mieux 
pour  eux  qu'ils  ne  fussent  pas  que  d'être  dans 
cet  état  de  damnation.  Mais  vous-même  (ces 
paroles  s'adressent  à  Julien),  vous-même  qui 
soutenez  qu'ils  sont  exempts  de  toute  sorte 
de  peines,  vous  ne  voulez  pas  voir  à  queUe 
peine  vous  les  condamnez,  en  éloignant  tant 
d'images  de  Dieu,  de  sa  ville  et  de  son 
royaume,  et ,  de  plus ,  en  les  séparant  de 
leurs  parents,  gens  de  bien  que  vous  exhor- 
tez avec  tant  d'éloquence  à  mettre  des  en- 
fants au  monde.  Or,  c'est  injustement  qu'ils 
soutirent  ces  peines,  s'ils  ne  sont  coupables 
d'aucune  sorte  de  péché,  oji  si  c'est  juste- 
ment qu'ils  les  soutirent,  il  faut  donc  dire 
qu'ils  ont  le  péché  originel.  » 

73.  D'après  saint  Augustin,  la  prédesti-  ^J^:^ 
nation'  n'est  autre  chose  que  la  prescience 
et  la  préparation  des  bienfaits  de  Dieu,  par 
lesquels  sont  délivrés  très-certainement  tous 
ceux  qui  sont  délivi'és.  La  seule  différence 
qu'il  y  a  entre  la  *  grâce  et  la  prédestination, 
c'est  que  la  prédestination  est  la  préparation 


1  MUissima  sane  omnium  pœna  eril  eorum  qui 
prœter  peccatum ,  quod  originale  traxerunt ,  nul- 
lum  insuper  addiderunt  :  et  in  cœleris  qui  addide- 
runt,  tanto  quisque  tolerabiliorem  ibi  habebit 
damnationem ,  quanta  hic  minorem  habuit  iniqui- 
tatem.  August.,  Enchirid.,  cap.  xcni,  num.  23 , 
pag.  231. 

2  Ego  autem  non  dico  parvulos  siiie  Christi 
baptismate  morientes  tanta  pœna  esse  plectendos, 
ut  eis  non  nasci  poliiis  expediret,  cum  liœc  Domi- 
mis  non  de  quibuslibet  peccatoribus  sed  de  sceles- 
tissimis  et  impiissimis  dixerit.  Si  enim  quod  de 
Sodomis  ait,  et  utique  non  de  solis  intelligi  voluit, 
alius  alio  tolerabilius  in  die  judicii  punietur;  quis 
dubitareril  parvulos  non  baptizalos,  qui  solum 
Iiabent  originale  peccatum,  nec  ullis  propriis  ag- 
gravantur,  in  damnalione  omnium  levissima  futu- 
ros?Quœ  qualis  et  quanta  erit  quamvis  definire 
non  possim,  non  tamen  audeo  dicere,  quod  eis  ut 
milli  eurent  quam  ut  ibi  essent,  potius  expediret. 
Verum  vos  quoque,  qui  eos  libéras  ab  omni  dam- 
na tione  esse  con,eriditis,  cogitare  non  vuUis  qua 
illus  damnalione  punialis,  alienando  a  vita  Dei  et 


a  regno  Dei  tôt  imagines  Dei,  postremo  separando 
a  parentibus  piis,  quos  ad  eos  procreandos  tam  di- 
sertus  hortaris.  Hœc  autem  injuste  patiuntur,  si 
nullum  habent  omnino  peccatum  ;  aut  si  juste, 
ergo  habent  originale  peccatum.  August.,  ïib.  V 
Contra  Jul.,  num.  44,  pag.  630  et  631. 

'  Hœc  est  prœdestinalio  sanctorum,  nihil  aliud 
prœscientia  scilicet  et  prœparatio  beneficiorum  Dei 
quibus  certissime  liberantur,  quicumque  liberan- 
tur.  August.,  De  Dono  pers.,  cap.  xiv,  num.  35, 
pag.  839. 

*  Inter  gratiam  porro  et  prœdestinationem  hoc 
tantum  interest  quod  prœdestinatio  est  gratiœ 
prœparatio,  gratia  rero  jam  ipsa  donatio.  Quod 
itaque  ait  Àpostolus  :  Non  ex  operibus,  ne  forte 
quis  extollutur,  ipsius  enim  sunius  Cgmentum, 
creati  iu  Christo  Jesn  in  operibus  bonis ,  gratia 
est.  Quod  autem  sequitur  :  Quas  praîparavit  Deus 
ut  in  illis  ambulemus,  prœdestinatio  est,  quœ  sine 
prœscientia  non  potest  esse;  potest  autem  esse 
sine  prœdestinatiune  prœscientia,  prœdestinatione 
quippe  Deus  eaprœscivit,  quœ  fuerat  ipse  facturas; 
unde  dictum  est:  Facit  qufe  futurn  sunt:  prœscire 


[IV«  ET  V°  SIÈCLES.] 

de  la  grâce,  et  que  la  grâce  est  le  don  ac- 
tuel. Cette  différence  est  marquée  dans  ce 

I  ''"■  ".  =  passage  de  saint  Paul  :  Cela  ne  vient  pas  de 
nos  œuvres ,  de  peur  que  peut-être  quelqu'un  ne 
s'en  gloî'ifie  ;  car  nous  sommes  son  ouvrage, 
étant  créés  en  Jésus-Christ  dans  les  bonnes  œu- 
vres. Voilà  la  grâce.  Ce  que  l'Apôtre  ajoute, 
que  Dieu  a  préparée,  afin  que  nous  y  marchas- 
sions, marque  la  prédestination,  qui  ne  peut 
être  sans  la  prescience,  quoique  la  prescience 
puisse  êti'e  sans  la  prédestination  ;  car  Dieu, 
par  la  prédestination',  a  connu  les  choses 
que  lui-même  devait  faire  :  c'est  pour  cela 

ai.  M.7.  qy'j]  gg^.  jj|-  ^j^jjg  l'Écriture  :  //  a  déjà  fait 
ce  qui  est  encore  à  venir.  Mais  pour  les  choses 
qu'il  ne  fait  pas ,  il  les  prévoit  simplement 
par  sa  prescience  ;  et  c'est  de  cette  sorte  qu'il 
prévoit  les  péchés.  En  effet,  quoiqu'il  y  en 
ait  qui  sont  tout  ensemble,  et  péchés  et  peine 
des  péchés ,  comme  saint  Paul  nous  le  fait 

rim.  1  28.  connaître  dans  ce  qu'il  dit  de  ceux  que  Dieu 
a  livrés  à  leur  sens  réprouvé,  en  sorte  qu'ils 
ont  fait  des  actions  indignes  de  l'homme,  il  n'y 
a  rien  là  de  Dieu  que  son  juste  jugement  ; 
tout  ce  qui  est  péché  n'est  point  de  lui.  La 
prédestination  pour  le  bien  n'est  donc  autre 
chose  que  la  préparation  de  la  grâce ,  comme 
la  grâce  est  l'effet  de  cette  prédestination.  » 
74.  «  Jésus-Christ',  dit  saint  Augustin,  est 
le  modèle  le  plus  illustre  de  la  prédestina- 
tion ,  et  il  n'y  en  a  point  de  plus  éclatant 
que  le  Médiateur  même.  Que  tout  fidèle  qui 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


663 

veut  bien  l'entendre  jette  donc  les  yeux  sur 
Jésus-Christ,  et  qu'il  se  trouve  ou  se  recon- 
naisse lui-même  en  Jésus-Chrisl.  Dieu  qui , 
sans  égard  à  aucun  mérite  précédent,  a  fait 
de  la  race  de  David  cet  homme  juste  qui 
n'a  jamais  été  injuste ,  et  ce  Dieu  même  qui, 
d'injustes,  que  nous  sommes,  nous  rend 
justes  sans  aucuns  mérites  précédents ,  afm 
que  cet  homme  juste  soit  le  chef  et  que  nous 
soyons  ses  membres  :  celui  qui,  indépen- 
damment d'aucuns  mérites,  l'a  fait  tel  qu'il 
ne  se  trouvât  en  lui  aucun  péché,  ni  origi- 
nel ni  actuel,  qui  lui  dût  être  remis;  c'est 
lui  qui ,  indépendamment  de  tous  mérites , 
nous  a  fait  croire  en  lui  pour  nous  accorder 
la  rémission  de  nos  péchés.  Celui  qui  l'a  fait 
tel  qu'il  n'eût  point  et  ne  dût  jamais  avoir 
de  mauvaise  volonté,  c'est  lui-même  qui 
opère  dans  ses  membres  pour  rendre  bonne 
leur  volonté  de  mauvaise  qu'elle  était.  Où 
est  ^  la  foi  ?  où  sont  les  œuvres  qui  aient  pré- 
cédé de  la  part  de  sa  nature  humaine  pour 
mériter  l'admirable  qualité  de  médiateur 
entre  Dieu  et  les  hommes  ?  Qu'on  nous  dise 
quel  est  le  bien  que  cet  homme  a  fait  par 
avance  pour  se  rendre  digne  d'être  le  Fils 
unique  de  Dieu,  par  le  moyen  de  cette 
union  ineffable ,  qui  fait  qu'il  est  une  même 
personne  avec  le  Verbe?  Peut- on  dire 
qu'avant  d'être  élevé  à  cette  incomparable 
dignité ,  il  ait  ou  cru,  ou  prié,  ou  fait  quoique 
ce  soit  pour  l'acquérir  ?  Considérons  '  donc 


autem  potens  est  etia/m  qwce  ipse  non  facit  ;  sicut 
qucBCumque  peccata  ,  quia  etsi  simt  quœdam,  quce 
ita  peccata  sunt  ut  pœnœ  sint  etiam  peccalorum  ; 
unie  dictuni  est  :  Tradidit  iUos  Deus  in  reprobam 
mentem,  ut  faciimt  quae  non  conveniunt;  non  ibi 
peccatum  Dei  est  sed  judicium.  Quocirca  prcedesti- 
natio  Dei  quœ  in  bono  est,  gratiœ  est,  ut  dixi, 
prœparatio;  gratia  vero  est  ipsius  prœdestinatio- 
nis  effectus.  August.,  De  Prœd.  sanct.,  cap.  x, 
uum.  19,  pag.  803. 

'  Nullum  autem  est  illustrius  prœdestinationis 
exemplum  quam  ipse  Jésus...  nullum  est,  inquam, 
illustrius  prœdestinationis  exemplum,  quam  ipse 
Mediator.  Quisquis  fidelis  vult  eam  hene  inlelligere 
attendatipsum,  atquein  illo  inoeniat  etseipsum... 
Qui  ergo  hune  fecit  et  semine  David  hominem  jus- 
tum,  qui  nunquam  esset  injustus,  sine  ullo  merito 
prœcedentis  voluntatis  ejus;  ipse  ex  injustis  facit 
justes,  sine  ullo  merito  prœcedentis  voluntatis  ip- 
sorum,  ut  ille  caput,  hi  membra  sint  ejus.  Qui 
ergo  fecit  illum  hominem  sine  ullis  ejus  prœceden- 
tibus  meritis,  nullum  quod  eidimitteretur,  vel  ori- 
gine trahere,  vel  vohmtate  perpetrare  peccatum; 
ipse  nullis  eoriim  prœcedentibus  meritis  facit  cre- 
dentes  in  eum,  quibus  dimittat  omne  peccatum  ; 
qui  fecit  illum  talem,  ut  nunquam  habuerit  habi- 


turusque  sit  volunfatem  malam  ;  ipse  facit  in  mem- 
bris  ejus  ex  mala  voluntate  bonam  :  et  illum  ergo 
et  nos  prœdestinavit ,  quia  in  illo  ut  esset  caput 
nostrwn  et  in  nobis  ut  ejus  corpus  essemus,  non 
prcccessura  mérita  nostra,  sed  opéra  sua  futura 
prœscivit.  August.,  lib.  De  Dono  pers.,  cap.  xxiv, 
num.  67,  pag.  837  et  858. 

2  Est  etiam  prœclarissimum  lumen  prœdesti- 
nationis et  gratiœ,  ipse  salvator ,  ipse  mediator 
Dei  et  homimim  homo  Christus  Jésus:  qui  ut 
hoc  esset,  quibus  tandem  suis  vel  operum  vel 
fide  prœcedentibus  meritis  natura  humana  quœ 
in  illo  est  comparavit?  Respondeatur,  quœso  ; 
ille  homo,  ut  a  Verbo  Palri  coœterno  in  unilatem 
personœ  assumptus  Filius  Dei  unigenitus  esset, 
unde  hoc  meruit  ?  Quod  ejus  bonum  qualecum- 
que  prœcessit  ?  Quid  egit  ante,  quid  credidit,  quid 
petivit ,  ut  ad  hanc  ineffabilem  excellcntiam 
pervenirei?  August.,  De  Prœd.  sanct.,  cap.  xv, 
num.  30,  pag.  809. 

'  Appareat  ilaque  nobis innostro  capile ipse  fons 
gratiœ,  unde  secundum  uniuscujusque  mensuram 
se  per  cuncta  ejus  membra  diffundit.  Ea  gratia 
fil  ab  initie  fulei  suce  homo  quicumque  christia- 
nus,  qua  gratia  homo  ille  ab  initio  sua  faclus  est 
Christus  ;  de  ipso  Spiritu  et  hic  rcnatus  de  quo 


664 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


la  source  même  de  la  grâce  dans  notre  chef, 
d'où  elle  se  répand  dans  tous  ses  membres, 
chacun  selon  sa  mesure.  Tout  homme,  à  le 
prendre  depuis  le  commencement  de  la  foi, 
est  fait  chrétien  par  la  même  grâce,  par  la- 
quelle cet  homme  a  été  fait  le  Christ  dès  le 
moment  qu'il  a  commencé  d'être  homme. 
L'homme  est  régénéré  par  le  même  Esprit 
par  qui  Jésus-Christ  est  né.  La  rémission 
des  péchés  se  fait  en  nous  par  le  même  Es- 
prit par  qui  il  s'est  fait  que  Jésus-Christ  n'ait 
eu  aucun  péché.  Il  est  certain  que  Dieu  a 
connu,  par  sa  prescience,  qu'il  devait  lui- 
même  accomplir  tout  cela.  Rien  donc  ne  fait 
mieux  comprendre  la  prédestination  des 
saints  que  celle  du  Saint  des  saints.  De  mê- 
me '  que  celui-là  seul  entre  plusieurs  a  été 
prédestiné  pour  être  notre  chef,  de  même 
plusieurs  ont  été  prédestinés  pour  être  ses 
membres.  Que  tous  les  mérites  humains  se 
taisent,  ils  sont  morts  en  Adam.  Mais  que  la 
grâce  de  Dieu  triomphe,  comme  elle  fait 
par  Jésus-Christ  Noire-Seigneur.  Si  quel- 
qu'un peut  trouver  dans  le  chef  quelques 
mérites  qui  aient  précédé  cette  génération 
admirable  qui  lui  est  particulière,  qu'il  en 
cherche  à  la  bonne  hernie  dans  les  mem- 
bres, qui  aient  pu  précéder  la  génération  qui 
leur  est  commune;  car,  de  même  que  c'est 
par  une  faveur  toute  particulière  qu'il  a  été 
donné  à  Jésus-Christ  de  naître  d'une  vierge 
par  l'opération  du  Saint-Esprit,  sans  soutfi'ir 
aucune  atteinte  de  péché;  de  même,  c'est 


par  une  libéralité  toute  pure,  et  non  pas  en 
récompense  de  quelque  mérite  qu'il  nous  a 
été  donné  de  renaître  en  lui  par  l'eau  et 
par  le  Saint-Esprit,  et  quoique  ce  soit  la  foi 
qui  nous  ait  conduits  au  baptême,  ne  nous 
imaginons  pas  pour  cela  que  nous  ayons 
donné  les  premiers  ,  et  qu'ainsi  cette  sainte 
génération  soit  le  paiement  d'une  dette.  Ce- 
lui qui  nous  a  donné  le  Messie  pour  être 
l'objet  de  notre  foi,  celui-là  même  nous 
donne  la  foi  par  laquelle  nous  croyons  en 
ce  Messie,  et  opère  dans  les  hommes  le  com- 
mencement aussi  bien  que  la  consommation 
de  la  foi  en  Jésus-Christ,  comme  il  a  fait  cet 
Homme-Dieu  ,  l'autem'  et  le  consommateur 
de  la  foi.  » 

7S.  «  Dites-nous,  dit  saint  Augustin  -  aux 
pélagiens,  par  quels  mérites  précédents  les 
enfants  qui  meurent  aussitôt  après  lem-  bap- 
tême, ont  mérité  ce  don  si  sublime,  qui  lem- 
est  accordé  en  vertu  de  ce  sacrement?  Si 
vous  dites  que  c'est  en  considération  de  la 
piété  de  leurs  parents  qu'ils  ont  mérité  cette 
grâce,  je  vous  demanderai  :  Pom-quoi  donc 
il  arrive  quelquefois  qu'elle  est  refusée  à  des 
enfants  qui  ont  pour  pères  des  gens  de  bien, 
pendant  qu'elle  est  accordée  à  d'autres  qui 
sont  nés  de  pères  impies  ?  En  effet,  on  voit 
quelquefois  qu'un  enfant  né  de  parents  reli- 
gieux et  fidèles  est  enlevé  par  une  mort  pré- 
cipitée dans  un  âge  tendre,  et  même  dans 
le  moment  qu'il  vient  de  naître,  avant  qu'il 
ait  pu  recevoir  le  baptême,  pendant  qu'un 


Préde.=llna- 
tioD  praluilo 
dans  les  ca- 
fauU. 


est  ille  nalws,  eodem  Spiritu  fil  innobis  remissio 
peccalorum,  quo  Spiritu  factum  est,  ut  nullum 
huberet  ille  peccatum.  Hœc  «■•  Deus  esse  factu- 
riim  profecto  prœscivil.  Ipsa  est  igitur  prœdesti- 
natio  sanctorum,  quœ  in  Sanclo  sanctorum  maxi- 
me claruit  ;  quam  negare  quis  potesl  renie  intel- 
ligenlium  eloquiaverilutis?  Xngnsl. ^ibid.,  num.31, 
IMg.  810. 

1  Sicut  ergo  prœdestinatus  est  ille  unus,  ut  ca- 
put  nostrum  esset,  ita  multi  prœdeslinati  sumus 
Vit  membra  ejus  essemus.  Humana  hic  mérita 
conticescant,  quœ  perierunt  per  Adam;  et  regnet 
quœ  régnât  Dei  gralia  per  Jesum  Christum  Domi- 
nii  m  nostrum  unicum  Dei  Filium,  unum  Dominum. 
Qaisquis  in  capite  nostro  prœcedentia  m  erita  singu- 
luris  illius  generalionis  invenerit,  ipse  in  nobis 
membris  ejus  prœcedentia  mérita  multiplicatœ 
regenerationis  inquirat.  Neque  enim  retribiita 
est  Chrislo  illa  generatio,  sed  tributa,  ut  alienus 
ab  omni  obligaliotie peccati,  de-Spiritu  et  Virgine 
nasccretur.  Sic  et  nobis  ut  ex  aqua  et  Spiritu  re- 
nasceremur,  non  retribulum  est  pro  aiiquo  me- 
rilo,  sed  gi'atis  retributum,  etsinos  ad  l:vacrum 
regenerationis  fides  duxil,  non  ideo  putare  debe- 
mus,  priores  nos  dédisse  aliquid,   ul   rétribue - 


retur  nobis  regeneratio  salutaris;  ille  quippe 
nos  fecit  credere  in  Christum,  qui  nobis  fecit 
in  quem  credinms  Christum  :  ille  facit  in  homi- 
nibus  princiinum  fidei.  et  perfectionem  in  Je- 
sum qui  fecit  hominem  principem  fidei  et  perfec- 
torem  Jésus.  August.,  ibid.,  num.  33,  pag.  810  et 
81). 

-  Dicite  ergo  nobis  :  quicumquebaptixatiinChris- 
to  parvuli  de  corpore  exierunt,  hoc  tam  sublime 
donum  giiibus  prœcedentibus  mcritis  acceperunt? 
Si  dixeritis,  hoc  eos  parentum  jnetate  meruisse , 
respondebitur  robis,  cur  aliquando  piorum  filiis 
negatur  hoc  bonum-  et  filiis  tribuitur  impiorum? 
Nonnunquam  enim  de  retigiosis  orta  proies  in  tc- 
nera  œtate  atque  ab  utero  reccntissima  prœreni- 
tur  morte  antequam  lavacro  regenerationis  ablua- 
tur ;  el  infans  nalus  ex  inimicis  Christi  miseri- 
cordia  christianorum  baplizatvr  in  Christo;  plan- 
git  baptizata  mater  non  bapti:atum  proprium, 
et  ab  impudica  expositum,  baptizandum  casla 
fœtum  colligit  alienum.  Hic  cerle  mérita  paren- 
tum  vacant,  racant  robis  fatentibus  ipsorum  ctiani 
piarvulorum.  Augiist.,  lib.  Il  Cuntra  Epist  Pelag., 
cap.  VI,  uum.  2,  pag.  438. 


[lV°  ET  V°  SIÈCLES.] 

autre  enfant,  qui  aura  tiré  sa  naissance  de 
parents  ennemis  de  Jésus-Christ,  est  baptisé 
par    des    pei'sonnes    clirétiennes;    souvent 
même  une  mère  qui  est  baptisée  pleure  son 
enfant  que  la  mort  lui  a  enlevé  avant  qu'on 
ait  pu  lui  donner  le  baptême,  et   il   arrive 
au    conti'aire    quelquefois     qu'âne    femme 
chaste  prenant  l'enfant  qu'une  mère  impu- 
dique a  exposé  après  l'avoir  abandonné,  lui 
fait  recevoir  le  baptême.  Comme  on  ne  peut 
alléguer  ici  les  mérites  des  parents,  on  ne 
peut  non  plus  alléguer  des  mérites  qui  soient 
propres  à  ces  enfants.  Quelle  raison  \  dit  en- 
core saint  Augustin,  ces  hérétiques  peuvent- 
ils  rendre  de  ce  que  Dieu  dispose  les  choses 
de  telle  sorte  que  de  deux  enfants,  l'un  ne 
meure  pas  avant  d'être  baptisé,  et  que  l'autre 
étant  mis  entre  les  mains  ou  des  infidèles,  ou 
même  des  fidèles,  meure  avant  de  recevoir 
le  baptême?  Attribueront-ils  cela  au  destin 
ou  au  hasard?  Je  ne  saurais  croire  qu'ils  en 
viennent  à  cet  excès  de  folie,  pour  peu  qu'ils 
veuillent  encore  passer  pour  chrétiens.  Or, 
comme  ^  ce  discernement  ne  peut  être  attri- 
bué ni  à  l'ordre  immuable  du  destin,  ni  à  la 
témérité  de  la  fortune,  ni  à  la  dignité  de  la 
personne,  que  nous  reste-t-il  à  faire,  sinon 
d'adorer  la  profondeur  de  la  miséricorde  et 
de  là  justice  de  Dieu  ?  Il  a  voulu  que,  par  le 
moyen  d'une  chose  aussi  incompréhensible 
que  celle-là,  nous  comprissions  que,  comme 
tous  les  hommes  font,  pour  ainsi  dire,  partie 
de  deux  hommes,  dont  l'un  est  celui  par  qni 
le  péché  est  entré  dans  le  monde,  et  l'autre 
celui  qui  ôte  le  péché  du  monde ,  tous  les 
enfants  que  la  concupiscence  fait  naître  se- 
lon la  chair,  de  quelque  père  et  de  quelque 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


665 

mère  qu'ils  aient  pris  naissance,  sont  juste- 
ment condamnés  à  porter  le  joug  pesant  des 
enfants  d'Adam;  et  qu'au  contraire  tous  les 
enfants  que  la  grâce  fait  naître  selon  l'esprit 
en  les  séparant  de  ceux-là,  de  quelque  père 
et  de  quelque  mère  qu'ils  soient  nés ,  arri- 
vent, sans  aucuns  mérites  de  leur  part,  à 
cet  heureux  état  où  l'on  porte  l'aimable 
joug  des  enfants  de  Dieu.  » 

76.  Le  saint  évêque  enseigne  que  la  con- 
duite de  Dieu  à  l'égard  des  enfants,  a  lieu 
aussi  à  l'égard  des  adultes.  «  C'est,  dit-il,  un 
jugementMeDieu  impénétrable,  pourquoi  de 
deux  enfants,  également  coupables  du  péché 
originel,  l'un  est  choisi  et  l'autre  est  laissé; 
et  pourquoi  de  deux  personnes  âgées  qui 
vivent  toutes  deux  dans  l'impiété,  l'une  est 
appelée  de  telle  sorte  qu'elle  suit  celui  qui 
l'appelle,  et  l'autre  n'est  point  appelée  du 
tout  ou  n'est  pas  appelée  de  la  même  ma- 
nière. Mais  c'est  encore  un  jugement  beau- 
coup plus  impénétrable,  pourquoi  de  deux 
personnes  qui  s'exercent  dans  la  piété,  il  est 
donné  à  l'une  de  persévérer  jusqu'à  la  fin, 
tandis  qu'il  ne  l'est  pas  donné  à  l'autre.  Mais 
ce  que  les  fidèles  doivent  tenir  pour  cer- 
tain, c'est  que  l'un  est  prédestiné  et  l'autre 
ne  l'est  pas.  »  Il  appuie  cette  doctrine  sur  di- 
vers passages  des  Épîtres  de  saint  Paul  où 
nous  lisons  :  Dieu  nous  a  élus  en  Jésus-Christ, 
avmit  la  création  du  monde,  afin  que  nous  fus- 
sions saints  et  sans  tache  devant  ses  yeux,  dans 
la  charité.  De  ces  paroles,  le  saint  Docteur 
infère  *  que  Dieu  nous  a  choisis  en  Jésus- 
Clirist,  non  parce  que  nous  devions  être 
saints  ,  mais  afin  que  nous  le  fussions  ;  «  et 
il  l'a  fait,  dit-il,  selon  le  bon  plaisir  de  sa  vo- 


rrédcFliTtn- 
dans  lus  adul- 


Ephes.  j,  ', 


'  Quam,  quœso,  allaturi  sunt  cawsam'quod  alius 
sic  gubernatw  ut  baptizatus  hinc  exeat,  alius  infi- 
delmm  manibustraditus,  vel  etiam  lidelium,prîus- 
'quo.m  ab  eis  baptisandus  offeratur,  expirât;  an  hoc 
fato  vel  fortunes  daturi  sunt  ?  Non  opinor  ebs  in 
tantam  dementiam  prorupturos ,  quantulumcum- 
que  nomein  christianum  tenereciipientes.  Aiigust., 
Epist.  194,  nnm.  31,  pag.  725. 

-  Certe  hic  ubi  fait  nulla  est  immobilitas,  nulla 
fortunœ  temeritas,  nulla  personœ  dignitas,  quid 
restât  nisi  misericordiœ  verilatisque  profimdilas? 
Ut  sciamus  et  ex  hoc  incowprehensibili  compre- 
hendamus  juxta  duos  homines  unum  per  quem 
peccatum  intravit  in  mundum,  alterum  qui  toUit 
peccatiim  miiufli,  omnes  filios  concupiscentiœ  car- 
nalis  undecumque  nascantur,  ad  jugum  grave  fi- 
liorum  Adam  mérita  pertinere  et  ex  his  omne^  fi- 
lios gratiœ  spiritalis  undecumque  nascantur,  ad 
jugum  suave  filiorum  Dei  sine  merito  pervcnire. 
August.,  lib.  VI  Contra  Jul.,  num.  43,  pag.  683. 


'  Ex  duobus  itaque  parvulis  originali  peccato 
pariter  obstrictis,  cur  iste  assumatur,  ille  relin- 
quatur;  et  ex  duobus  œtatejam  grandibus  iinpiis, 
cur  iste  ita  vocetur,  ut  vocantem  sequatur,  ille  au- 
tem  aut  non  vocetur,  aut  non  ita  vocetur  ?  inscru- 
cabilia  sunt  judicia  Dei.  Ex  duobus  autem  piis, 
cur  huic  donetur  perseverantia  usque  in  finem,  illi 
non  donetur?  insci-utabiliora  sunt  judicia  Dei.  II- 
lud  tamen  fidelibus  débet  esse  certissimum  hune  esse 
exprœdestinatis,  illum  non  esse.  August.,  DeDono 
per  s.,  cap.  ix,  num.  21,  pag.  831. 

*  Elpgit  ergo  nos  Deus  in  Christo  ante  imindi 
constitutionem,  prœdestinans  nos  in  adoptionem 
filiorum  :  non  quia  per  nos  sancti  et  immaculati 
futuri  eramws,sed  elegit])rœdestinavitque  utcssc-  ■ 
mus.  Fecit  autem  hoc  seoundum  placitum  volun- 
tatis  sute,  ut  nemo  de  sua  sed  de  illius  erga  se 
voluntate  glorietar.  August.,  De  Prœdest.,  num.  37, 
pag.  815. 


Rr.iii.  :ï,  II. 


666  HISTOmE  Gi^NÉRALE  DES 

lonté,  afin  que  personne  ne  se  glorifie  dans 
la  sienne  propre,  mais  en  celle  de  Dieu  sur 
soi.  »  Le  même  Apôtre,  parlant  de  Jacob  et 
d'Ésau,  dit  :  Avant  qu'ils  fussent  nés,  et  avant 
qu'ils  eussent  fait  aucun  bien  ni  aucun  mal, 
afin  que  le  décret  de  Dieu  demeurât  ferme  se- 
lon son  élection,  non  à  cause  de  leurs  œuvres , 
mais  à  cause  de  la  vocation  de  Dieu,  il  fut  dit 
à  Rébecca  :  L'aîné  sera  assujetti  au  plus  jeune, 
selon  qu'il  est  écrit  :  J'ai  aimé  Jacob  et  j'ai  haï 
Esaii.  Sur  quoi  saint  Augustin  raisonne 
ainsi  '  :  «  Quels  mérites  pouvaient  avoir  ces 
deux  enfants  qui  n'étaient  pas  encore  nés,  et 
qui  n'avaient  encore  fait  ni  bien  ni  mal? 
Que  Jacob  donc  ne  s'élève  point,  qu'il  ne  se 
glorifie  point,  qu'il  n'attribue  point  ce  cboix 
de  Dieu  à  ses  mérites;  c'est  avant  aucuns 
mérites  qu'il  avait  été  connu,  qu'il  avait  été 
prédestiné,  qu'il  avait  été  cboisi.  C'est  par  la 
grâce  de  Dieu  qu'il  a  été  trouvé  et  qu'il  a 
été  vivifié.  Que  ^  les  hommes  ne  soient  pas 
si  téméraires  de  juger  des  impénétrables  ju- 
gements de  Dieu:  Pourquoi,  dans  une  même 
cause,  la  miséricorde  de  Dieu  s'exerce  sur 
l'un  des  frères,  et  sa  colère  demeure  sur 
l'autre?  Qu'aimait-il  dans  Jacob  avant  qu'il 
fût  né  et  qu'il  eût  fait  aucun  bien,  sinon  le 
don  gratuit  de  sa  miséricorde  ?  Et  que  baïs- 
sait-il  dans  Esau,  avant  qu'il  eut  fait  aucun 
mal,  sinon  le  pccbé  originel?  Ce  serait  une^ 
folie  de  croire  avec  les  pélagiens  que  ce  dis- 
cernement était  fondé  sur  les  actions  difie- 
j'entes  que  Dieu  prévoyait  que  ces  deux  en- 
fants devaient  faire,  puisqu'il  eût  été  aisé  à 


AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 

l'Apôtre  de  dire  que  Dieu  les  avait  prédesti- 
nés, non  à  cause  de  leurs  actions  présentes, 
mais  à  cause  de  celles  qu'ils  devaient  faire, 
et  de  répondre  ainsi  très-aisément  à  cette 
objection,  qu'il  se  propose  ensuite  :  Que  di- 
rons-nous *  donc  ?  Est-ce  qu'il  y  a  en  Dieu  de 
l'injustice  ?  Dieu  nous  garde  de  cette  pensée. 
Mais  pourquoi,  demande  saint  Augustin, 
l'Apôtre  dit-il  :  Dieu  nous  gardede  cette  pensée  ? 
Est-ce  à  cause  des  œuvres  que  Dieu  pré- 
voyait que  ces  deux  frères  devaient  faire  ? 
Dieu  nous  garde  de  le  penser  ainsi  ;  mais 
c'est  poui'  vérifier  la  parole  qui  a  été  dite  à 
Moïse  :  Je  ferai  miséricorde  à  qui  il  me  plaira 
de  faire  miséricorde,  et  j'aurai  pitié  de  qui  il 
me  plaira  d'avoir  pitié.  » 

77.  Selon  saint  Augustin,  Dieu  a  voulu  ^ 
que  nous  ne  sussions  pas  qui  sont  ceux  qui 
appartiennent  à  l'héritage  du  démon,  et  qui 
sont  ceux  qui  n'y  appartiennent  point.  «  Cela, 
dit-il,  nous  est  tout  à  fait  caché  en  ce  monde, 
parce  qu'il  est  incertain  si  celui  qui  semble 
être  deljout  ne  tombera  pas,  et  si  celui  qui 
semble  être  tombé  ne  se  relèvera  point.  Les 
justes  ^  mêmes,  quoiqu'assurés  du  prix  de 
leur  persévérance,  ne  le  sont  pas  de  leur 
persévérance  même  :  car,  quel  est  celui  qui 
sache  certainement  qu'il  persévérera  jusqu'à 
la  fin  dans  la  pratique  de  la  vertu  chré- 
tienne, s'il  n'en  est  assuré  par  la  révélation 
de  celui  qui,  par  un  jugement  caché;  n'ins- 
truit pas  tout  le  monde  de  ce  secret  ;  mais 
qui  ne  trompe  personne  de  ceux  qu'il  dai- 
gne instruire?  Y  a-t-il  quelqu'un'  parmi  le 


jour  105 


'  Quod  meritum  habere  nondum  nati  potuerunt, 
anlequam  quisquam  eorum  egisset  aliquid  boni 
aut  mali?  Non  ergo  se  extollat  Jacob,  non  glorie- 
tur,  non  suis  meritis  iribual.  Ante  est  prœcogni- 
tus,  anle  prœdestinatiis,  ante  electus  :  non  suis 
meritis  electus,  sed  gratia  Dei  inventus  et  viviji- 
catus.  August.,  m  Psal.  cxxxiv,  num.  8,  pag.  1497. 

2  Nec  de  inscrutabilibus  judiciis  ejus  audeant 
judicare,  cur  in  una  eademque  causa  super  aliuni 
veniat  misericordia  ejus,  super  alium  maneat  ira 
ejus...  Quid  enim  diligebat  in  J acob  anlequam  na- 
tus  fuisset  aliquid  boni,  nisi  gratuitum  miseri- 
cordiœ  suœ  donum?  Et  quid  nderat  in  Esau  anle- 
quam nalus  fuisset  aliquid  mali  nisi  originale 
peccatum.  August.,  Epist.  194,  num.  33  et  34, 
pag.  725  et  726. 

3  Propler  quod  profecto  desipitis  fpelagianij  qui 
diccnle  Veritate:  Nou  ex  nperibus,  sed  ex  vocaute 
dictum  est;  vos  dieilis  ex  futuris  operibus  quœ 
Deus  illum  facturum  esse  prœsciebatJacob  fuistse 
dileclum;  atque  ita  conlradicilis  Àpostolo  diccn- 
U.'Nou  ex  operibus,  quasi  noiipossetdicere:  I\on 
ex  prœsentibus  sed  futuris  operibu.f.  August., 
lib.  Il  Contra  duas  Epist.  Pelag., num.  lo,pag.  441. 


*  Quid  ergo  dieemus,  inquil,  numquid  iniquilas 
est  apud  Deum?  Absit.  Sed  quare,  absit,  oh  prop- 
ler opéra  quœ  fulura  prœsciebat  amborum?  Imo 
et  hoc  absit.  Moisi  enim  dicit  :  .Miserebor  cui  mi- 
sertus  ero ,  et  miseriuordiam  praestabo  cui  miseri- 
cors  fuero.  August.,  Epist.  194,  num.  39,  pag.  727. 

5  Signavit  autem  quod  addidit, significasse  mihi 
videtur  quia  occultum  esse  voiuit,  qui  perlineant 
adpartem  diaboli  et  qui  non  perlineant.  Hoc  quippe 
in  sœculo  islo  prorsus  lalet ,  quia  et  qui  videtur 
jacere  utrum  sit  surrecLurus  inccrlum  est  August., 
lib.  XX  De  Civil.  Dei,  num.  3,  pag.  582. 

'  Qui  fjusli)  licet  de  suœ perseverantiœ  prœmio 
cerli  sinl,  de  ipsa  tamen  perseveranlia  sua  repe- 
riunlur  incerti.  Quiseniin  hoininum  se  in  actione 
profecluque  juslitiœ  perseveraiurum  usque  in/i- 
nem  sciât,  nisialiqua  revelatione  ab  illo  fiât  cer- 
tus  qui  de  hac  re  juslo  lalcntique  judicio  non 
omnes  instruit,  sed  neminem  fallit.  August.,  lib.  Xt 
De  Civil.  Dei,  cap.  xii,  pag.  282. 

'  Quis  enim  ex  mullitudine  fidelium,  quandiu  in 
hac  morlalilale  vivilur ,  in  numéro  prœdeslinalo- 
rum  se  esse  prccsumat?  Quia  id  occuUuri  opus  est 
in  hoc  locu  ubi  sic  cavenda  est  elaliu  m(  eliam  per 


[IV'  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


grand  nombre  des  fidèles  qui,  pendant  qu'il 
est  dans  le  monde,  se  croit  sûrement  être 
du  nombre  des  prédestinés  ?  Aussi  est-il  utile 
que  ce  décret  de  Dieu  demeure  caché  pen- 
dant que  nous  sommes  en  cette  vie,  oîi  nous 
devons  tellement  nous  garder  de  la  vaine 
gloire,  qu'un  apôtre  aussi  grand  que  saint 
Paul  était  tourmenté  par  un  ange  de  satan, 
de  peur  qu'il  ne  se  laissât  aller  à  la  vanité. 
C'est  pour  cela  que  Jésus-Christ  dit  à  ses 
apôtres  :  Si  vous  demeurez  en  moi,  quoiqu'il 
sût  infailliblement  qu'ils  demeureraient,  et 
par  le  Prophète  :  Si  vous  voulez  croire  ce  que 
je  vous  dis,  quoiqu'il  sût  dans  lesquels  d'en- 
tre eux  il  formerait  cette  volonté.  L'Écriture 
parle  ainsi  en  plusieurs  endroits,  à  cause  de 
l'utilité  que  l'on  tire  de  ce  secret,  de  peur 
que  l'on  ne  s'élève,  et  afin  que  tous  ceux  qui 
courent  bien  dans  la  voie ,  demeurent  en 
crainte ,  parce  qu'on  ne  sait  pas  qui  sont 
ceux  qui  arriveront  jusqu'au  bout  de  la 
course.  Le  secret  est  encore  utile  même  pour 
les  enfants  de  perdition,  dont  quelques-uns, 
qui  n'ayant  pas  reçu  le  don  de  persévérer 
jusqu'à  la  fin  dans  la  foi  qui  agit  par  amour, 
commencent  de  bien  vivre,  vivent  pendant 
quelque  temps  avec  fidélité  et  avec  justice  , 
puis  tombent  et  ne  sortent  point  du  moude 
avant  que  cette  chute  leur  soit  arrivée.  Si 
nul  ne  tombait  de  cette  sorte,  les  hommes 
ne  conserveraient  cette  crainte,  qui  est  si 
utile  pour  réprimer  le  vice  de  l'orgueil,  que 
jusqu'à  ce  qu'ils  fussent  parvenus  à  la  grâce 


667 

de  Jésus-Christ,  par  laquelle  on  vit  avec 
piété  ;  et  après  cela  ils  se  tiendraient  assu- 
rés de  ne  plus  retomber  dans  le  désordre. 
Or,  cette  présomption  nous  est  dangereuse 
en  ce  lieu  de  tentation,  où  la  faiblesse  est  si 
grande,  que  l'assurance  peut  nous  être  une 
occasion  d'orgueil.  Les  hommes  l'auront 
cette  certitude  ;  mais  ce  ne  sera  que  comme 
les  anges  l'ont  déjà,  lorsqu'ils  ne  pourront 
plus  être  sujets  à  la  vanité.  Pourquoi  les  fi- 
dèles' prient-ils  pour  eux-mêmes  afiu  d'ob- 
tenir le  don  de  persévérer  dans  la  foi,  si  ce 
n'est  parce  qu'il  est  utile  à  tous  ou  presque 
à  tous,  pour  conserver  l'humilité  si  néces- 
saire au  salut,  qu'ils  ne  puissent  connaître 
ce  qu'ils  seront  à  l'avenir?  C'est  pour  cette 
raison  encore  qu'il  est  dit  :  Que  celui  qui 
ci'oit  être  debout  prenne  garde  de  ne  pas 
tomber.  Dieu,  dans  le  même  dessein,  per- 
met que  quelques-uns  de  ceux  qui  ne  per- 
sévéreront pas,  soient  mêlés  avec  ceux  qui 
persévéreront,  afin  que  ceux-là  venant  à 
tomber,  la  frayeur  que  nous  eu  aurons  nous 
soit  une  raison  de  marcher  dans  la  voie  de 
la  justice  avec  crainte  et  tremblement,  jus- 
qu'à ce  que  de  cette  vie,  qui  n'est  que  ten- 
tation, nous  soyons  passés  à  une  autre,  où 
nous  n'ayons  plus  besoin  de  réprimer  l'or- 
gueil, ni  de  combattre  contre  les  mouve- 
ments qu'il  excite  en  nous.  Comme  les  pré- 
destinés sont  inconnus  dans  ce  monde,  on 
doit  prier  pour  tous  les  hommes  :  car  si^ 
l'Église  connaissait  dès  à  cette  heure  ceux 


satanœ  angelum ,  ne  extolleretur ,  tantus  colaphi- 
zaretur  Apostolus.  Hino  apostolis  dicebatur  :  Si 
manserilis  in  me  ,  dicente  illo  qui  eos  utique 
sciebat  esse  inansiiros ;  et  per  Prophetam:  Si  vo- 
lueritis  et  audieritis  me,  cuin  sciret  ipsein  quibus 
operaretur  et  velle  :  et  similia  multa  dicimtur. 
Nain  propter  hujus  utilitatem  secreli,  ne  forte 
quis  exlollatur ,  sed  omnes  etiam  qui  bene  cur- 
runt  timeant,  dum  occulium  est  qui  perveniant; 
propter  hujus  ergo  utilitatem  secreti  credendum 
est  quosdam  de  filiis  perditionis  non  accepta  dono 
perseoerandi  usque  in  finem ,  in  fide  quœ  per 
dilectionem  operatur  incipere  vivere,  et  aliquan- 
diu  fidiliter  ac  juste  vivere,  acpostea  cadere ,  ne- 
que  de  hac  cita  prius  quam  hoc  eis  contingat  au- 
ferri.  Quorum  si  nernini  contigisset,  tamdiu  habe- 
rent  homines  istum  saluberrimum  timorem  quo 
vit'mm  elationis  opprimitur,  donec  ad  Chrisli  gra- 
tiam  qua  pie  vivitur  pervenirent,  deince.ps  juin 
securi  nunquam  se  ab  illo  esse  casuros.  Quœprœ- 
sumptio  in  isto  tentatiomim  loco  non  expedil , 
ubi  tanta  est  infirinitas  ut  superbiam  possit  gene- 
rare  securitas.  Denique  etiam  hoc  erit;  sed  tune 
quod  jam  est  in  angelis,  etiam  in  homiitibns 
erit,quando  ulla  siiperbia  esse  non  poterit.  Au- 


gust.,  lib.  De  Corrept.  et  grat.,  num.  40,  pag.  772. 

1  Jam  vero,  ut  persévèrent  in  eo  quod  esse  cœ- 
perunt,  etiam  pro  seipsis  orant  fidèles;  utile  est 
quippe  omnibus,  vel  pêne  omnibus,  propter  humi- 
litatem  saluberrimam,  ut  quales  futuri  sint,  scire 
non  possint.  Ad  hoc  dicitur  :  Qui  videtur  stare  vi- 
deat  ne  cadat.  Propter  hujus  timoris  utilitatem 
ne  regenerati  et  pie  vivere  incipientes  tanquam 
securi  alla  sapiamus ;  quidam  non  perseveraturi 
perseveraturis  Dei  permissione  vel  provisione  ac 
dispositione  miscentur;  quibus  cadentibus  territi 
cum  timoré  et  tremore  gradiamur  viam  justam 
donec  ex  hac  vita,  quœ  tentatio  est  super  terram, 
transeamus  ad  aliam ,  ubi  jam  non  sit  elatio  com- 
primenda ,  nec  contra  ejus  suggestiones  tenlatio- 
nesque  luctandum.  August.,  Epist.  217,  num.  14, 
pag.  804. 

2  Denique  si  de  aliquibus  ita  certa  esset  ut 
qui  sint  illi,  etiam  nosceret ,  qui  licet  adliuc  in  hac 
vita  sint  constituti,  tamen  prœdesiinati  sunt  in 
ceternum  ignem  ire  cum  diabolo,  tampro  eis  non 
oraret,  quam  nec  pro  ipso.  Sed  quia  de  nullo  certa 
est,  orat  pro  omnibus  duntaxat  hominibus  ini~ 
micis  suis  in  hoc  corpore  constitutis;  nec  tamen 
pro  omnibus  exauditur ,  pro  his  enim  solis  exau- 


668 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES.  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


qui  sont  prédestinés  à  aller  avec  le  diable 
dans  le  feu  éternel,  elle  prierait  aussi  peu 
pour  eus  que  pour  lui  :  mais  parce  qu'elle 
n'est  assurée  d'aucun  homme,  elle  prie  gé- 
néralement pour  tous  ses  ennemis  qui  vivent 
ici-bas,  quoiqu'elle  ne  soit  pas  exaucée  pour 
tous,  n'étant  exaucée  que  pour  ceux  qui , 
bien  que  ses  ennemis,  sont  prédestinés  à 
devenir  ses  enfants,  par  le  moyen  de  ses 
prières.  » 
ccriiiude       78.   «  On  doit  néanmoins,  dit  saint  Ausas- 

du    saint   dos  '  o 

predestiués.  -fin^  tenir  '  dans  le  cœur  pour  une  vérité  cons- 
tante et  indubitable  que  la  sainte  Jérusalem, 
qui  est  maintenant  captive  dans  la  Babylone 
de  ce  siècle ,  eu  sera  parfaitement  délivrée 
dans  la  fin  des  temps ,  et  que  nul  de  ses 
citoyens  ne  périra,  puisqu'il  est  certain  que 
quiconque  périra,  n'aura  pas  été  de  ce  nom- 
it  Tiniou,.  ]jj,g_  Qj^j,  comme  parle  l'Apôtre  :  Le  solide 
fondement  de  Dieu  demeure  ferme,  ayant  pour 
sceau  cette  parole  :  Dieu  connaît  ceux  qui 
sont  à  lui.  Nul  donc  des  prédestinés  ne  pé- 
rira avec  le  diable,  et  nul  d'eux  ne  demeu- 
rera sous  sa  puissance  jusqu'à  la  mort.  Car, 
si  ^  quelqu'un  d'eux  périt.  Dieu  est  trompé; 
mais  nul  d'eux  ne  périt ,  parce  que  Dieu 
n'est  point  trompé.  Si  quelqu'un  d'eux  pé- 
rit. Dieu  est  vaincu  par  le  vice  des  hommes. 
Mais  nul  d'eux  ne  périt,  parce  que  Dieu 
n'est  vaincu  par  aucune  chose.  Or,  ils  ont 
été  choisis  pour  régner  avec  Jésus-Christ, 
non  pas  comme  Judas  qui  a  été  choisi  pour 
l'œuvre  à  laquelle  il  devait  ser-^àr.  Judas  a 
été  choisi  par  celui  qui  sait  bien  user  des 


11,  l'j 


méchants  mêmes,  afin  que  par  l'œuvre  dam- 
nable  de  cet  apostat,  l'œuvre  vénérable  pour 
laquelle  Jésus-Christ  était  venu,  s'accomplit. 
Lors  donc  que  nous  entendons  le  Sauveur 
dire  à  ses  apôtres  :  Ne  vous  ai-je  pas  choisis  au  Jun-  t. 
nombre  de  douze,  et  néanmoins  un  de  vous  autres 
est  un  diable  ?  nous  devons  entendre  que  les 
apôtres  ont  été  choisis  par  miséricorde,  et 
Judas  par  justice  ;  ceux-làafîn  qu'ils  parvins- 
sent à  son  royaume,  et  celui-ci  afin  qu'il  ré- 
pandît son  sang.  Ne  croyons  donc  pas  que 
Dieu  '  écrive  le  nom  de  quelqu'un  dans  le 
hvre  de  vie  et  qu'il  l'en  elface  ensuite.  Si 
Pilate  a  pu  dire  d'un  titre  qu'il  avait  mis  sur 
la  crois  de  Jésus-Christ  :  Ce  qui  est  écrit  est 
écrit.  Dieu  efïacerait-il  ce  qu'il  a  écrit  lui- 
même?  Il  prévoit  tout  ;  il  a  vu  dans  sa  pres- 
cience, il  a  prédestiné  avant  la  création  du 
monde  tous  ceux  qui  devaient  régner  un 
jour  avec  son  Fils  dans  la  A'ie  éternelle.  Ce 
sont  là  les  personnes  dont  les  noms  sont 
écrits  au  livre  de  vie.  »  Les  semi-pélagiens  ne 
voulaient  point  convenir  que  le  nombre  des* 
prédestinés  fut  tellement  certain  qu'il  ne  pût 
être  augmenté  ni  diminué,  prétendant  que, 
si  cela  était  il  ne  servirait  plus  de  rien 
d'exhorter  les  infidèles  à  la  foi,  ni  de  sollici- 
ter les  tièdes  à  s'avancer  dans  la  vertu;  puis- 
que les  eflbrts  de  quiconque  n'est  pas  du 
nombre  des  élus  ne  sauraient  être  qu'inu- 
tiles. 

Saint  Augustin  soutient  au  contraire  que 
le  nombre  ^  des  prédestinés  est  si  certain  et 
si  arrêté  qu'il  ne  croît  jamais  ni  ne  diminue  ; 


ditur,  qui  etsi  adversantur,  Ecclesiœ ,  ita  tamen 
sunl  prœdeslinali ,  ut  pro  eis  exaudiatur  Eccle- 
sia  et  filii  efjîciantur  Ecclesiœ.  August.,  lib.  XXI 
De  Civil.  Dei,  cap.  xxiv,  pag.  642. 

1  Satis  enim  fixum  aique  immobile  débet  corde 
retiiieri  Jérusalem  capticam  ab  hujus  swculi  Baby- 
lonici  decursis  lemporibus  liberari,  nidlumque  ex 
illa  esse  periturum  ;  quia  qui  perierit ,  non  ex 
illa  erit.  Firinum  enim  fundameutum  Dei  stat , 
habens  signaculum  hoc  :  cognovil  Domiuus  qui 
suut  ejus,  et  diseedat  ab  iniquitate  omnis  qui  uo- 
raiûat  nouieu  Domiui.  August.,  De  Catech.  rud., 
num.  16,  pag.  275. 

2  Horum  si  quisquam  péril,  fallitur  Deus  ;  sed 
nemo  eorum  péril  quia  non  fallitur  Deus.  Horum 
si  quisquam  périt ,  vilio  liumano  oincitur  Deus  : 
sed  nemo  eorum  périt  quia  nulla  re  vincitur 
Deus.  Electi  aiUem  sunl  ad  regnandum  eu  m.  Chris- 
lo;  non  quomodo  electus  est  Judas  ad  opus  cui 
congruebal.  Ab  illo  quippe  eleclus  est,  qui  novit 
bene  uti  etiam  malis ,  ut  et  per  ejus  opus  damna- 
bile,  illud  propler  quodipse  venerat,  opus  venera- 
bile  compleretur.  Cum  ilaque  audimus  :  Noune 
ego  vos  duodeciûi  elegi,  et  uuus  es  vobis  diabo- 


lus  est?  illos  debemus  intelligere  electos  per  mi- 
sericordiam,  illum  per  judicium;  illos  ad  obli- 
nendum  regnum  suum,  illum  ad  fundendum  san- 
guinem  suum.  August.,  lib.  De  Correp.  et  grat., 
num.  14,  pag.  737  et  7o8. 

3  Non  sic  accipere  debemus,  quoniam  quemquam 
Deus  scribat  inlibrovilœ  et  deleat  illum.  Si  home 
clixit  :  Quod  scripsi,  scripsi,  de  litulo  iibi  scriptum 
erat:  Rex  Judceorum,  Deus  quemquam  scribit  et 
delet?  Prœscius  est,  prœdestinavit  omnes  anle 
constitutionem  mundi  regnaluros  cum  Filiosuo  in 
vita  œterna.  aos  comcripsit,  ipsos  eonlinet  liber 
vitce.  August.,  m  Psal.  lxvhi,  uuui.  13,  pag.  708. 

*  Nec  acquiescunt  prœdestinatum  electorum 
numerum  nec  augeri  posse,  nec  minui,  ne  locum 
apud  infidèles  ac  négligentes  cohortanlium  inci- 
tamenta  non  habeant,  ac  super/Jua.  Sit  induslriœ 
ac  laboris  indictio,  cujus  studium  cessante  elec- 
tione  frustrandum  sit.  Prosp.,  Episl.  ad  August., 
uum.  6,  pag.  823. 

^  Hœc  de  his  loquor  qui  prœdeslinali  sunl  in 
regnum  Dei  quorum  ita  certus  est  numerus  ut 
nec  addatur  eis  quisquam,  nec  niinualur  ex  eis  : 
non  de  his,  qui,  cum  annunUasset  et  loctUus  es- 


[iV  ET  V  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


mais  par  les  prédestinés  il  ne  vent  pas  que 
l'on  entende  ceux  à  qui  Jésus-Christ  a  an- 
noncé la  yérité  et  parlé,  et  dont  il  est  dit  : 
Ils  se  sont  multipliés  pardessus  le  nombre. 
«  Ceux-là,  dit-il,  se  peuvent  dire  avoir  été 
appelés,  mais  non  pas  élus,  parce  qu'ils  ne 
sont  pas  appelés  selon  le  décret  de  Dieu. 
Or,  quoique  saint  Jean-Baptiste  marque  assez 
que  le  nombre  des  élus  est  certain  et  arrêté, 
et  qu'il  ne  croîtra  ni  ne  diminuera  jamais, 
lorsqu'il  dit  :  Faites  des  fruits  dignes  de  péni- 
tence, et  ne  dites  pas  en  vous-mêmes  :  A  braham 
est  notre  père,  car  Dieu  peut  de  ces  pierres  sus- 
citer des  enfants  à  Abraham,  montrant  par  là 
qu'ils  doivent  tellement  être  retranchés  s'ils 
ne  sont  pas  ces  fruits,  que  le  nombre  des 
élus  qui  a  été  promis  à  Abraham  ne  man- 
quera pas  de  se  i^emplir,  toutefois  le  Saint- 
Esprit  le  dit  encore  plus  clairement  dans 
l'Apocalypse  en  ces  termes  :  Gardez  ce  que 
vous  avez,  de  peur  qu'un  autre  ne  reçoive  votre 
couronne  ;  car  si  un  autre  ne  la  doit  recevoir 
qu'au  cas  que  celui-ci  la  perde,  le  nombre 
est  certain  et  arrêté.  »  Ce  Père  semble  croire 
que  le  nombre  des  '  prédestinés  sera  aussi 
grand  ou  même  plus  grand  que  celui  des  an- 
ges tombés,  lorsqu'il  dit  que  Dieu  rassemble- 
ra par  sa  grâce  un  si  grand  peuple  de  cette 


609 

race  mortelle  justement  condamnée ,  qu'il 
en  pourra  remplir  les  places  des  anges  pré- 
varicateurs, en  sorte  que  cette  cité  suprême 
et  bien-aimée,  non-seulement  ne  sera  pas 
privée  du  nombre  de  ses  citoyens,  mais  en 
aura  peut-être  même  davantage. 

79.  On  ne  peut  douter  que  tous  ceux  '  qui 
sont  séparés  de  la  damnation  originelle  par 
la  libéralité  de  la  grâce  de  Dieu,  ne  reçoi- 
vent le  bien  d'entendre  prêcher  l'Évangile , 
qu'ils  ne  croient  lorsqu'ils  l'entendent,  et 
qu'ils  ne  persévèrent  jusqu'à  la  fin  dans  la 
foi  qui  opère  par  amour;  et  que  s'il  arrive 
qu'ils  se  dérèglent,  ils  ne  se  corrigent  sur 
les  avertissements  qu'on  leur  donne;  que 
quelques-uns  d'entre  eux  ne  retournent  dans 
la  voie  qu'ils  ont  quittée ,  encore  que  per- 
sonne ne  les  reprenne,  et  ne  les  avertisse 
d'y  retourner;  et  que  d'autres,  ayant  reçu 
la  grâce,  ne  soient  délivrés  par  une  mort 
prompte  et  précipitée  des  périls  de  cette  vie 
en  quelque  âge  que  ce  soit.  Car  c'est  celui 
qui  les  a  fait  des  vases  de  miséricorde ,  qui 
les  a  choisis  en  son  Fils  avant  la  création 
du  monde  par  l'élection  de  sa  grâce.  Que  si 
c'est  par  grâce,  ce  n'est  donc  point  par  les  œu- 
vres, autrement  la  grâce  ne  serait  plus  grâce. 
Parmi  ces  élus  ^  et  ces  prédestinés  il  y  en  a 


l\royrns  for 
lopquulb  DiL-ii 
accomplît  Se 
décret  do 
la  prédestJQu- 
lion. 


se{;  Multiplicati  sunt  super  numerum.  Ipsi  enim 
vocali  dici  posswnt,  non  autem  electi,  quia  non 
secundum  propositum  vocati.  Ccrtum  vero  esse 
numerum  electorum,  neque  augendum  neque  mi- 
nuendum,  quamvis  et  Joannes  BapUsta  significet 
iihi  dicit  :  Facile  ergo  fmctumdignumpœnilenLiîB; 
etuolite  dicere  apud  vosmetipsos  :  Patrem  habemus 
Abraliam;  potens  est  enim  Deus  de  lapidibus  istis 
suscitare  filios  Abrahte ;  ut  ostendat  sic  istos  esse 
amputandos  si  non  fecerini  frucLum,  ut  non  de- 
sit  numerus  qui  promissus  est  Abrahœ  :  tamen 
apertius  in  Âpocalypsi  dicitur  :  Tene  quod  habes 
ne  alius  accipiat  coronam  tuam,  si  enim  alius  non 
est  accepturus  nisi  iste  perdiderit,  certus  est  nu- 
merus. August.,  De  Correptione  et  grat.,  num.  39, 
pag.  772. 

1  De  mortali  progenie  merito  jusleque  damnata 
tantumpopulum  gratia  sua  colligit  ut  inde  sup- 
pléât et  instauret  partem  quœ  lapsa  est  angelo- 
rum\  ac  si  illa  dilecta  et  superna  civitas  non 
fraudetur  suorum  numéro  cioium,  quin  eliam 
fortassis  et  uberiore  lœtetur.  August.,  lib.  XXII 
De  Civit.  Dei,  cap.  i,  pag.  656. 

"^  Quicumque  ergo  ah  illa  originali  damnalione 
ista  dioinœ  gratiœ  largitale  discreli  sunt,  non  est 
dubium  quod  et  procuratur  eis  audiendum  Evan- 
gelium;  et  cwm  audiunt,  credunt  et  in  sede  quœ 
per  dilectionem  operatur  usque  in  fmem  persévé- 
rant. Et  si  quando  exorbitant,  correpti  emendan- 
tur,  et  quidam  eorum  etsi ab  hondnibus  non  cor- 
ripianlur,  in  viam  quam  reliquerant  redeunt;  et 


nonnulli  accepta  gratia  in  qualibet  œtate  pericu- 
lis  hujus  vitce  mortis  celeritate  suhlrahunlur. 
Hœc  enim  oninia  operatur  in  eis,  qui  vasa  mise- 
ricordiœ  operatus  est  eos,  qui  et  elegit  eos  in  Filio 
suo  ante  conslitutionem  wundi  per  eleclionem 
gratiœ  :  Si  autem  gratia,  jam  non  es  operibus, 
alioquin  gratia  jam  non  est  gratia.  August.,  De 
Corrept.  et  grat.,  num.  13,  pag.  7S7. 

3  Ex  isto  numéro  electorum  et  prœdeslinatorum 
eliam  qui  pessimam  duxerunt  vitam  per  Dei  be- 
nignitatem  adducuntur  adpœiiitentiam  per  cujus 
patientiam  non  sunt  huic  vitœ  in  ipsa  scelerum 
perpetratione  subtracti,  ut  ostendalur  et  ipsis  et 
aliis  cohœredibus  eorum,  de  quam  profundo  malo 
possit  gratia  Dei  liberare.  Ex  his  nemo  périt,  qua- 
cumque  œtale  moriatur.  Absit  enim  ut  prœdes- 
tinatus  ad  vitam  sine  sacramento  Medialoris  fi- 
nire  permittalur  hanc  vitam.  Propter  hos  Domi- 
nas ail  :  Hœo  est  autem  voluntas  ejus  cjui  misit  me 
Patri-s,  ut  omne  quod  dédit  mihi  non  perdani  ex 
eo.  Cœteri  autem  mortales,  qui  ex  isto  numéro 
non  sunt  et  ex  eadem  quidem  massa  ex  qua  et 
isti,  sed  vasa  irœ  facti  sunt,  ad  utilitatem  nas- 
cuntur  istorum.  Non  enim  quemquam  eorum 
Deus  timoré  ac  fnrtuilo  créât  aut  qui  de  illis  boni 
operelur  ignorât,  cum  et  hoc  ipso  bonumopere- 
tur,  quod  in  eis  humanam  créât  naluram,  et  ex 
eis  ordinem  sœculi  prœsenlis  exornat.  Istorum 
nemincm  adducit  ad  pœnitentiam  salubrem  et 
spiritalem  qua  homo  in  Christo  reconcilialnr 
Deo,  sive  illis  ampliorem  patienliam.,  sive  non 


670 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


que  la  bonté  de  Dieu  a  appelés  à  la  péni- 
tence, et  que  sa  patience  a  sonlfeits  et  n'a 
pas  tires  de  ce  monde  au  milieu  de  leurs 
crimes,  parce  qu'il  voulait  faire  voir  et  à  eux 
et  à  leurs  cohéritiers,  de  quel  abîme  de  pé- 
ché la  grâce  de  Dieu  peut  les  délivrer.  De  ce 
nombre  il  n'y  en  a  aucun  qui  périsse  à  quel- 
que âge  qu'il  meure.  Car  il  ne  peut  arriver 
qu'un  prédestiné  meure  sans  avoir  reçu  le 
sacrement  du   Médiateur.  C'est  d'eux  dont 
jMn.  VI,  39,   Jésus-Christ  dit  :  La  volonté  de  mon  Père  est 
que  je  ne  perde  aucun  de  tous  ceux  qu'il  m'a 
donnés. 
xit"  'tf™i       ^^-  "  Quant  aux  autres  hommes,  dit  saint 
S!-rp'"dfcu   Augustin,  qui  ne  sont  pas  de  ce  nombre, 
'''^-  mais  destinés    comme  étant  de  la  même 

masse  du  genre  humain,  à  être  des  vases  de 
colère,  ils  ne  viennent  imiquement  au  monde 
que  pour  l'utilité  des  élus.  Car  il  ne  faut  pas 
s'imaginer  cpi'il  y  en  ait  quelqu'un  que  Dieu 
crée  sans  dessein  et  au  hasard,  sans  savoir 
le  bien  qu'il  en  tirera;  puisque  c'est  même 
un  bien  qu'il  opère,  dès  lors  qu'il  ci'ée  en 
eirs  la  nature  humaine,  afin  de  les  faire  en- 
trer dans  l'ordre  admirable  de  ses  desseins 
pour  le  siècle  présent.  Aucun  de  ceux-là 
n'est  amené  à  une  pénitence  salutaire  et 
spirituelle  par  laquelle  l'homme  est  parfai- 
tement reconcilié  avec  Dieu  en  Jésus-Christ, 
soit  que  Dieu  fasse  paraître  à  leur  égard  des 
marques  d'une  plus  grande  ou  d'une  moin- 
dre patience.  Ainsi,  quoique  tous  les  hom- 
mes, formés  d'une  même  masse  infectée  du 


péché  et  condamnée  à  la  mort,  s'amassent 
autant  qu'il  est  en  eux  par  la  dureté  et  l'im- 
pénitence  de  leur  cœur,  un  trésor  de  colère 
pour  le  jour  de  la  colère,  auquel  Dieu  rendra 
à  un  chacun  selon  ses  œuvres  ;  Dieu  néan- 
moins en  tire  quelques-uns  de  l'abîme  par 
sa  bonté  et  sa  miséricorde  pour  les  amener 
à  la  pénitence,  pendant  que,  par  un  jugement 
qui  est  très-juste,  il  laisse  les  autres  dans 
l'impénitence.  Car  il  a  la  puissance  d'amener 
et  d'attirer  ceux  qu'il  veut,  selon  cette  parole 
de  la  vérité  :  Personne  ne  peut  venir  à  moi, 
si  mon  Père  qui  m'a  envoyé  ne  le  tire  à  lui.  » 

81.  Saint  Augustin,  parlant  des  réprouvés,  sur  it 
dit  qu'ils  sont  prédestinés  à  la  '  perdition,  à 
la  damnation  ^  et  à  la  mort  éternelle  '  en 
conséquence  du  péché  originel  et  des  pé- 
chés actuels  et  s'exprime  ainsi  :  «  Qu'aimait 
Dieu ,  en  Jacob  avant  qu'il  eût  fait  rien  de 
bon',  sinon  le  don  gratuit  de  sa  misércorde? 
Et  que  haïssait -il  en  Esaû  avant  qu'il  eût 
rien  fait  de  mauvais,  sinon  le  péché  ori- 
ginel? Il  ne  haïssait  pas  Esaii  en  '  tant 
qu'homme,  mais  en  tant  que  pécheur.  Ces 
deux  enfants  jumeaux  *  naissaient  enfants 
de  colère,  non  par  des  actions  qu'ils  eussent 
commises  et  qui  leur  fussent  propres,  mais 
par  le  hen  de  la  condamnation  dans  lequel 
l'origine  qu'ils  avaient  tirée  d'Adam  les  te- 
nait enveloppés.  Mais  celui  qui  a  dit  :  J'aurai 
pitié  de  celui  de  qui  je  voudrai  avoir  pitié,  a 
aimé  Jacob  par  une  miséricorde  gratuite,  et 
haï  Esaii  par  un  juste  jugement  qu'il  a  mé- 


imparem  prœbeat,  quamvis  ergoomnesex  eadam 
massa  perclilionis  et  damnalionis  secundum  dii- 
ritiam  cordis  sui  et  cor  impœnitens,  quantum  ad 
ipsos  prrlinet  ihezaurisent  sibi  iram  indieirœ, 
quo  redditur  unicuique  secundum  opéra  sua; 
Deus  tamen  alios  inde  per  misericordem  bonita- 
tem.  adducit  ad  pœnUentiam,  alios  secundum 
justum  judichim  non  adducit.  Habet  enim  potes- 
tatem  adduccndi  et  tr.ahendi,  ipso  Domino  di- 
cente  :  Nemo  venit  ad  me  uisi  Pater  qui  misit  me 
traxerit  eum.  Angust,  hh.  \  Conh'aJul.,  num.  t4, 
pag.  635  et  636. 

1  Filius  perdilionis  dirlus  est  traditor  Chrisii, 
perdilioni  prœdestinatus.  August. ,  Tract.  108  in 
Joan.,  num.  7,  pag.  770. 

2  Mundus  quippe  ille  damnalioni  prœdestina- 
tus mei'ito  non  cognovit,  mundus  vero  quem  per 
Chrislum  rcconciliavit  sibi  (Pater)  non  mérita 
sed  gratia  cognovit.  August.,  Tract.  3  in  Joan., 
num.  5,  pag.  782. 

5  Prœdeslinavit  ad  œternam  vitam-  misericor- 

dissimus    graiiœ    largitor prœdestinavit  ad 

(elernam  mortcm  juslissimus  supplicii  retribulor 
non  solum  propter  Ma  quœ  volentes  adjiciunt, 
veriim  etiam  si  infantes  nihil  adjiciant  propter 


originale  peccatum..  August.,  lib.  IV  De  Anima  et 
ejus  orig.,  num.  16,  pag.  395.  Non  estis  ex  ovibus 
meis,  quia  videbat  eos  ad  sempiternum  interi- 
tum  prœdestinatos ,  non  ad  vitam  œternam  sui 
sanguinis  pretio  comparatos.  August.,  Tract.  99 
in  Joan.,  num.  4,  pag.  615.  Hoc  ergo  bonum, 
quod  est  requirere  Deum,  non  erat  qui  faceret, 
non  erat  usque  ad  unum,  sed  in  eo  génère  homi- 
num  quod  prœdestinalum  est  ad  interittim.  Au- 
gust., De  Pers.  just.,  num.  31,  pag.  181. 

*  Quid  enim  diligebat  in  Jacob  antequam  na- 
tus  fecisset  aliquid  boni,  nisi  gratuitum  miseri- 
cordiœ  suœ  donum?  El  quid  oderat  in  Esau  an- 
tequam nalus  fecisset  aliquid  mali  nisi  originale 
peccatum  ?  August.,  Epist.  194,  num.  34,  pag.  72G. 

^  Non  igitur  odit  Deus  Esau  hominem,  sed  odit 
Deus  Esau  peccatorem.  August.,  lib.  I,  ad  Simpl., 
qurest.  2,  pag.  99. 

^  Âmbo  itaque  gcmini  natura  filii  irœ  nasce- 
bantur,  nullis  qxiidem  operibus  propriis  sed  ori- 
ginalit~r  ex  Adam  vinculo  damnationis  obstricli. 
Sed  qui  dixit  :  Miserobor  cujus  uiisertus  ei'o,  Ja- 
cob dilexit  per  misericordiam  gratuitam  ;  Esau 
autem  odio  habuitper  judicium  debitum.  August., 
Enchirid..  cap.  xcvui,  pag.  233. 


[iv^  ET  v"  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

rite.  Car  Dieu*  est  bon,  Dieu  est  juste  ;  il  peut 
délivrer  quelques-uns  sans  qn'ils  l'aient  mé- 
rité, parce  qu'il  est  bon;  mais  il  ne  peut 
condamner  aucun  homme  s'il  ne  l'a  mé- 
rité. Si  la  masse  des  hommes  ^  était  comme 
dans  un  certain  milieu  entre  le  bien  et  le  mal, 
en  sorte  qu'elle  ne  méritât  ni  récompense  ni 
châtiment,  il  pourrait  sembler  injuste  qu'on 
en  formât  des  vases  d'ignominie.  Mais  comme 
elle  est  tombée  tout  entière  dans  la  condam- 
nation parle  libre  arbitre  du  premier  homme  ; 
quand  Dieu  en  forme  des  hommes,  c'est  sans 
doute  un  pur  effet  de  sa  miséricorde,  et  non 
pas  de  la  justice  de  l'homme  ,  puisqu'avant 
la  grâce  il  n'y  a  aucune  justice  dans  l'homme  ; 
et  quand  il  en  forme  des  vases  d'ignominie, 
c'est  un  effet  de  ses  justes  jugements,  et  non 
d'aucune  injustice  qui  soit  en  lui.  Car,  com- 
ment il  y  aurait-il  de  l'injustice  en  lui?  Qui- 
conque tient  cette  doctrine,  qui  est  celle  de 
l'Église  catholique,  bien  loin  de  disputer 
contre  la  grâce  pour  les  mérites  des  hommes, 
chantera  la  miséricorde  et  la  justice  du  Sei- 
gneur. La  miséricorde,  afin  qu'on  ne  soit  pas 


ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


671 


ingrat  quand  elle  sauve;  et  la  justice,  afin 
qu'on  ne  s'en  puisse  plaindre  quand  elle 
damne.  Mais  il  '  ne  faut  point  prendre  la 
hardiesse  de  juger  les  œuvres  du  Seigneur, 
quand  de  la  même  masse  il  damne  l'un,  et 
justifie  l'autre.  Que  tout  chrétien  donc'  qui 
vit  ici-bas  de  la  foi,  et  qui,  par  conséquent, 
ne  voit  pas  les  mystères  à  découvert,  et  ne 
les  connaît  encore  qu'imparfaitement,  se 
contente  de  savoir  ou  de  croire  que  Dieu  ne 
déhvre  personne  de  cette  damnation  générale 
que  par  une  pure  miséricorde  dont  Jésus- 
Christ  Notre-Seigneur  est  la  source;  comme 
il  n'y  laisse  personne  que  par  un  très-juste 
jugement  fondé  sur  la  vérité  même,  c'est-à- 
dire  sur  le  même  Jésus-Christ.  Si  quelqu'un 
veut  savoir  pourquoi  l'un  est  délivré  plutôt 
que  l'autre,  qu'il  pénètre  s'il  peut  l'abîme 
des  jugements  de  Dieu,  mais  qu'il  se  donne 
garde  du  précipice.  Car  il  n'y  a  point  d'in- 
justice en  Dieu,  ce  serait  un  blasphème  de  le 
penser;  mais  ses  jugements  sont  impénétra- 
bles et  ses  voies  incompréhensibles.  Mais  ^ 
pourquoi  Dieu  crée-t-il  ceus-mêmes    qu'il 


1  Bonus  est  Deus,  justus  est  Deus  :  potest  ali- 
quos  sine  bonis  meritis  liberare,  quia  bonus  est, 
non  potest  quemquam  sine  malis  meritis  damnare 
quia  justus  est.  August.,  lih.  III  Contra  Jul, 
cap.  xvnr,  pag.  570. 

2  Hœc  massa  si  esset  ita  inedia,  ut  quemadmo- 
dum  nihil  boni  ita  nec  mali  aliquid  mereretiir, 
non  frustra  viderettir  iniquitas,  ut  ex  ea  fièrent 
vasa  in  contumeliam.  Cum  vero  per  liberum  ar- 
bitrium  primi  hominis  in  condemnationem  uni- 
versa  defluxerit,  procul  dubio  qiiod  ex  ea  fmnt 
vasa  in  honorem  nonipsius  justitiœ,  quœ  gratiam 
nuli-i  prœcessit,  sed  Dei  inisericordiœ  ;  quod  vero 
in  contumeliam  non  iniquitati  Dei,  quœ  absit  ut 
sit  apud  Deum,  sedjudicio  deputandum  est.  Hoc 
quisquis  cum  Ecclesia  catholica  sapit,  non  con- 
tra gratiam  pro  meritis  disputât,  sed  misericor - 
diam  et  judicium  Domino  cantat,  ut  nec  miseri- 
cordiam  recuset  ingratus,  nec  judicium  accuset 
injuslus.  August.,  Epist.  186,  num.  18,  pag.  669 
et  670. 

5  Quis  enim  discutiet  opéra  Domini  ex  eadem 
conspersione  unum  damnanlis  alterum  justifican- 
tis  ?  August.,  lib.  I,  ad  Simpl.  quœst.  2,  num.  21, 
pag.  102. 

'  Satis  sit  intérim  christiano  ex  fide  adhuc  vi- 
venti  et  nondum  cernenti  quod  perfectum  est,  sed 
ex  parte  scienti;  nosse  vel  credere  quod  neminem 
Deus  libcret  nisi  graluita  misericordia  per  Domi- 
num  nostrum  Jesum  Christum,  et  neminem  dam- 
net  nisi  œquissima  veritate  per  eumdem  Domi- 
num  nostrum  Jesum  Christum.  Cur  autem  il- 
lum  potius  quam  illum  liberet  aut  non  liberet , 
scruletitr,  qv  potest,  judiciorum  ejus  lam  ma- 
gnum  profundum ,  verumtamen  caveat  prœci- 
piiium.  Numquid  enim  est  iniquitas  apud  Deum? 


Absit;  sed  inscrutabilia  sunt  judicia  ejus  et  in- 
vestigabiles  vice  ejus.  August.,  Epist.  194,  num. 
23,  pag.  722. 

5  Cur  autem  creentur  etiam  illi,  quos  Creator 
prescivit  ad  damnationem  non  ad  gratiam  perti- 
nere,  beatus  Àpostolus  tanto  succinctiore  brevi- 
tate  quanto  majore  auctoritate  commémorât  : 
Deum  enim  dicit,  vnlentem  osteudere  iram,  et 
demoustrare  potentiam  suam  attulisse  in  malta 
patientia  vasa  irée,  quee  perfeeta  sunt  in  perditionem 
et  ut  notas  faoeret  divitias  glorioe  suœ  in  vasa  mi- 
sericordice,  quem-  superius  dixerat  tanquam  figu- 
lum  luii  ex  eadem  massa  facere,  aliud  quidem  vas 
iu  honorem,  aliud  vero  in  contumeliam.  Merito 
autem  videtur  injustum,  quod  fiunt  vasa  irce  ad 
perditionem,  si  non  esset  ip^a  universa  ex  Adam 
massa  damnata.  Quod  ergo  fiunt  itide  nascendo 
vasa  irîB  pertinet  ad  debitam  pœnam.  Quod  au- 
tem fiunt  renascendo  vasa  misericordiae  pertinet 
ad  indebitam  gratiam.  Ostendit  ergo  Deus  iram 
suam  non  utique  animi  perturbationem,  sicut  est 
quœ  ira  hominis  nuncupatur,  sed  justam  fixam 
que  vindictam ,  quia  de  slirpe  inobedientiœ  duci- 
tur  propago  peccati  atque  supplicii.  Et  homo 
natus  ex  muliere,  sicut  in  libro  Job  scriptum  est, 
brevis  est  vitaa  et  plenus  iracundioe.  Ejus  enim  rei 
vas  est  qua  plénum  est  ;  unde  irœ  vasa  dicuntur. 
Ostendit  et  potentiam  siiam  qua  bene  etiam  uti- 
iur  malis,  multa  illis  naturalia  et  temporaUa 
bona  largiens,  eorumque  malitiam  ad  exercendos 
et  comparatione  adinonendos  bonos  accommodans 
ut  in  eis  discant  agere  grattas  Deo,  quod  ab  eis, 
non  suis  meritis  quœ  in  eadem  massa  paria  fue- 
runt,  sedillius  miseratione  discreti  sunt.  August., 
Epist.  190,  num.  9  et  10,  pag.  702. 


672 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


!.■  m.    IX,  22 


Jub.    XIV)    I. 


sait  ne  point  appartenir  à  la  grâce,  et  qui 
n'auront  que  la  damnation  pour  partage? 
L'Apôtre  répond  à  cette  question  avec  d'au- 
tant plus  de  poids  qa'il  le  fait  en  moins  de 
paroles  :  Dieu,  dit-il,  voulant  montrer  sa  juste 
colère,  supporte  avec  beaucoup  de  patience  les 
vases  de  colère  formés  pour  la  perdition,  afin  de 
faire  paraître  les  richesses  de  sa  gloire  sur  les 
vases  de  miséricorde.  Il  avait  dit  immédiate- 
ment auparavant,  que  "Dieu  était  comme  un 
potier  qui,  d'une  même  masse  d'argile  fait 
des  vases  pour  des  usages  honorables,  et 
d'autres  pour  des  usages  vils  et  honteux.  Si 
toute  la  masse  n'était  pas  tombée  dans  la 
damnation  par  Adam,  on  aurait  raison  de 
trouver  injuste  que  Dieu  en  fît  des  vases  de 
colère  pour  la  perdition;  mais  comme  elle  est 
condamnée  tout  entière  et  très-justement, 
c'est  par  une  grâce  toute  gratuite  que  de  ce 
qui  sort  de  cette  masse,  il  fait  les  uns  des 
vases  de  miséricorde  ;  et  que  par  une  juste 
punition  il  fait  les  autres  des  vases  de  colère. 
Or,  on  est  vase  de  colère  par  la  seule  nais- 
sance ,  mais  on  n'est  vase  de  miséricorde  que 
par  la  génération.  Dieu  fait  donc  en  cela 
éclater  sa  colère;  mais  cette  colère  de  Dieu 
n'est  pas  un  trouble  et  une  émotion  pareille 
â  ce  qu'on  appelle  colère  dans  les  hommes. 
Ce  n'est  qu'une  ferme  résolution  de  punir 
ces  vases  de  colère  destinés  à  la  damnation, 
parce  que  ce  sont  des  rejetons  d'une  racine 
de  péché  et  de  désobéissance.  De  là  vient 
qu'il  est  écrit  que  l'homme  né  de  la  femme  n'a 
qu'une  vie  fort  courte  et  qu'il  est  plein  de  co- 
lère, car  être  plein  de  colère,  c'est  être  vase 
de  colère.  Dieu  fait  en  cela  éclater  sa  puis- 
sance en  ce  qu'il  fait  faire  un  bon  usage  des 
méchants  mêmes,  non-seulement  en  leur 
donnant  abondamment  de  ces  sortes  de  biens 
qu'on  appelle  biens  naturels  et  biens  de  for- 
tune, mais  en  faisant  servir  leur  malice  à 


exercer  les  bons,  et  à  leur  faire  comprendi-e 
par  la  comparaison  de  ce  qu'ils  trouvent 
en  eus,  et  de  ce  qu'ils  voient  dans  les  mé- 
chants, combien  ils  ont  de  grâces  à  i-endre  à 
Dieu  de  ce  qu'il  les  a  choisis  et  discernés 
d'entre  les  autres,  non  en  considération  d'au- 
cun mérite,  puisqu'étant  de  la  même  masse 
ils  n'en  avaient  pas  plus  que  les  autres,  mais 
par  un  effet  de  sa  miséricorde.  » 

Saint  Fulgence  croit  '  que  dans  tout  ce 
que  saint  Augustin  dit  de  la  réprobation,  il 
ne  veut  dire  autre  chose,  sinon  que  Dieu  ne 
prédestine  pas  les  méchants  au  mal  ni  au 
péché  ,  puisqu'il  ne  prédestine  qu'à  ce  qu'il 
doit  faire ,  mais  qu'il  les  prédestine  à  la 
peine  ou  aux  supplices  qu'ils  ont  mérités 
par  leurs  péchés. 

82.  Les  semi-pélagiens  ne  sachant  plus 
comment  échapper  à  la  force  invincible  de 
la  vérité  qui  les  pressait ,  prétendaient  ^ 
qu'ils  étaient  bien  fondés  à  dire,  qu'encore 
qu'il  n'y  eût  rien  que  de  véritable  dans  ce 
que  nous  disons  de  la  prédestination  des 
dons  de  Dieu,  il  ne  faudrait  pas  néanmoins 
le  prêcher  au  peuple.  «  Qu'on  le  prêche 
au  contraire  sans  hésiter,  dit  saint  Augus- 
tin, afin  que  celui  qui  a  des  oreilles  pour 
le  comprendre,  le  comprenne.  Or,  qui  est-ce 
qui  les  a,  s'il  ne  les  a  reçues  de  Dieu  qui  dit  : 
Je  leur  donnerai  un  cœur  pour  me  connaître,  et 
des  oreilles  pour  entendre?  D.  se  pom^a  faire 
que  celui  qui  n'aura  point  reçu  ce  cœur  ni 
ces  oreilles  rejettera  la  vérité;  mais  au 
moins  celui  qui  la  comprendra  pourra  la 
recevoir  et  la  goûter,  et  en  la  goûtant  y 
trouver  sa  vie.  Car,  de  la  même  manière 
qu'il  faut  prêcher  la  piété,  afin  que  celui  qui 
a  des  oreilles  pour  entendre  apprenne  â 
rendre  à  Dieu  le  vrai  culte  qu'il  demande  de 
nous  ,  de  même  il  faut  prêcher  la  prédesti- 
nation des  dons  de  Dieu,  afin  que  celui  qui 


Sur  11 
nièri  de 
elier  la 
dcàtinutti 


1  Nihil  aliud  accij>iend^nn  existîino  in  illo 
sancti  Aiiguslini  sermone,  que  ad  interitum 
quosdam  prœdestinatos  firmat,  nisi  ad  interitum 
sxipplicii,  non  delicti,  neque  ad  malum  quod  in- 
juste admittunt,  sed  ad  cruciatnm,  quem  justis- 
sime  patientur.  Nec  ad  peccatum,  quo  primœ  re- 
surrectionis  beneficium  aut  non  accipiunt  aut 
amittunt,  sed  ad  lormentum  quod  illis  propria 
iniquitas  maie  parit ,  et  œqiiitas  diuina  bene  re- 
tribuit.  Fulg.,  lib.  \,ad  Monimum,  cap.  v,  pag  17, 
tom.  IX.  Bibl.  Pair. 

2  Qtiid  est  quodivvicta  conclusi  violerdia  veri- 
tatis  recte  se  isti  noslri  dicere  existimanl?  Et  si 
verum  est  quod  dioitur  de  praîdestiualioue  beiiefi- 
ciorum  Dei,  non  est  tnmen  populis  prœdicaiidum. 


Pradicandum  est  prorsus ,  ut  qui  habet  aures 
audiendi,  audiat.  Quis  autem  habet  si  non  acce- 
pit  ab  illo  qui  ait  :  Dabo  eis  cor  cognoseendi  me 
et  aures  audieutes?  Certe  qui  non  accipit,  reji- 
cial ,  dum  tamen  qui  capit,  sumat  et  bibat  et  vi- 
vat. Sicut  enim  prœdicanda  est  pietas ,  v,t  ab  eo 
qui  habet  aures  audiendi  Deus  recte  colatur  ; 
prœdicanda  estpudicitia,  ut  ab  eo  qui  habet  aures 
audiendi  nihil  genitalibus  membris  illicitum  per- 
pctretur;  pra'dicanda  est  charitas,  ut  ab  eo  qui 
habet  aures  audiendi  Deus  et  proximus  diligan- 
tur;  ita  prœdicanda  est  et  ista  prœdestinatio  be~ 
nefidormn  Dei,  ut  qui  habet  aures  audiendi,  non 
in  seipso  sed  in  Domino  glorielur.  August.,  lib. 
De  Dono  pers.,  cap.  xx,  num.  52,  pag.  830. 


[IV«  ET  V°  SIÈCLES. 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


673 


a  des  oreilles  pour  entendre,  ne  se  glorifie 
pas  dans  lui-même  ,  mais  dans  le  Seigneur. 
En  la  prêchant  '  on  n'empêche  pas  l'homme 
d'agir,  mais  on  l'aide,  afin  que  lorsqu'il  se 
glorifie,  il  ne  se  glorifie  que  dans  le  Seigneur. 
Il  faut  encore  la  prêcher^  afin  qu'on  puisse 
soutenir  par  des  raisons  invincibles  la  véri- 
table grâce  de  Dieu,  c'est-à-dire  celle  qui 
n'est  pas  donnée  selon  nos  mérites.  Mais  il 
ne  faut  pas  la  prêcher  de  teUe  sorte  que  l'on 
s'adresse  à  ses  auditeurs  pour  les  effrayer, 
eii  leur  disant  '  :  C'est  un  effet  du  décret 
éternel  de  la  prédestination  divine ,  si  quel- 
ques-uns de  vous  sortant  de  l'infidélité  sont 
venus  à  la  foi,  après  avoir  reçu  de  Dieu 
en  même  temps  la  volonté  d'obéir  à  ses 
préceptes  et  de  vivre  selon  sa  loi.  On  ne 
doit  pas  leur  parler  en  ces  termes ,  mais  , 
sans  marqpier  que  quelques-uns  d'eux  ne 
sont  pas  en  cet  état,  leur  dire  en  général , 
que  c'est  un  effet  de  cette  prédestination 
s'ils  sont  venus  à  la  foi,  s'ils  ont  reçu  la  vo- 
lonté de  bien  vivre ,  et  si,  ayant  obtenu 
de  lui  la  grâce  de  persévérance,  ils  demeu- 
rent dans  la  bonne  vie.  Ce  serait  encore  une 


manière  trop  dure  de  leur  dire  :  Ce  qui  fait 
que  les  autres  d'entre  vous  qui  sont  engagés 
dans  les  plaisirs  des  vices  n'en  sont  pas  en- 
core sortis,  c'est  parce  que  Dieu  ne  vous 
en  a  pas  tirés  jusqu'à  présent  par  le  seco\irs 
de  sa  grâce  et  de  sa  miséricorde.  Mais  on 
peut  et  on  leur  doit  dire  par  une  expression 
très-juste  et  favorable,  que  si  quelques-uns 
d'entre  vous  demeurent  encore  dans  le  plai- 
sir des  vices  qui  damnent  les  hommes ,  vous 
devez  travailler  à  vous  convertir,  et  à  vivre 
selon  la  loi  chrétienne.  Toutefois,  quelques 
bonnes  actions  que  vous  fassiez,  n'en  tirez 
pas  vanité  comme  si  elles  étaient  de  vous, 
et  ne  vous  en  élevez  pas  comme  si  vous  ne 
les  aviez  pas  reçues,  puisque,  selon  l'Apô- 
tre, c'est  Dieu  qui  produit  en  nous  le  vou- 
loir et  le  faire  selon  qu'il  lui  plaît,  et  que 
c'est  le  Seigneur  qui  conduit  vos  pas,  et  vous 
donne  la  volonté  de  marcher  dans  sa  voie. 
Le  cours  de  vos  bonnes  et  de  vos  justes 
actions  vous  fera  reconnaître  que  vous  êtes 
du  nombre  de  ceux  que  Dieu  a  prédestinés 
par  sa  grâce.  Il  ne  faut  pas  leur  dire  avec 
les  prêtres  de  Marseille  :  Si  quelques-uns  * 


*  Non  solum  ergo  prœdicatione  prœdestinatio- 
nis  ab  hoc  opère  non  ùnpediiur,  verum  et  ad 
hoc  adjuvatur ,  ut  cum  gloriatur,  in  Domino 
glorietur.  August.,  ibid.,  cap.  xvii,  num.  41,  pag. 
844. 

^  Prœdestinatio  prœdicanda  est  ut  possit  vera 
Dei  gratia ,  hoc  est ,  quœ  non  secundum  mérita 
nostra  dalur ,  insuperabili  munitione  defendi. 
August.,  ibid.,  cap.  xxt,  num.  54,  pag.  852. 

s  Quamvis  ergo  ita  se  habeat  de  prœdestina- 
tione  defmita  sentencia  voliintatis  Dei  ut  alii  ex 
injldelitate ,  accepta  voluntate  obediendi,  conver- 
tantur  ad  fideni ,  vel  persévèrent  in  fide  ;  cœteri 
vero  quiin  peccatorum  damnabilium  delectatione 
remorantur,  si  et  ipsi  prœdestinati  sunt,  ideo 
nondum  surrexerunt  quia  nondum  eos  adjuto- 
rium  gratiœ  iniserantis  erexit  :  si  qui  enim  non- 
dum sunt  vocati,  quos  gratia  sua  prœdestinavit 
eligendos,  accipient  eamdem,  graliam ,  qva  electi 
esse  velint  et  sint  :  si  qui  autem  obediunt,  sed 
in  regnumejus  et  gloriam  prœdestinati  non  sunt, 
temporales  sunt,  nec  usque  in  finem  in  eadem 
obedientia  permwnebunt  :  quamvis  ergo  hœc  vera 
sint,  non  tamen  isto  modo  dicenda  sunt  audien- 
tibus  multis ,  ut  sermo  ad  ipsos  etiam  converta- 
tur ,  eisque  dicantur  illa  istorum  verba,  quœ 
vestris  litteris  indidistis  et  quœ  superius  interpo- 
sui  ;  Ita  se  habet  de  prcedestiuatione  definita  sen- 
tentia  voluntatis  Dei ,  ut  alii  ex  vobis  de  intideli- 
tate,  accepta  obediendi  voluntate,  veneritis  ad  fl- 
dem.  Quid  opus  est  dici  ;  Alii  ex  vobis,  si  enim 
Ecclesiœ  Dei  loquimur ,  si  credentibus  loqv.vmur  ? 
CM»'  alios  eorum  ad  fidem  venisse  aicentes  cœteri 
facere  videamur  injuriam,  cum  possimus  con- 
gruentius  dicere:  Ita  se  habet  de  prœdestinatione 

IX. 


definita  sententia  voluntatis  Dei  ut  ex  infidelitate 
veneritis  ad  ftdem,  accepta  voluntate  obediendi, 
et,  accepta  perseverantia,  permaneatis  in  fide?  Nec 
illud  quod  sequitur,  est  omnino  dicendum,  id  est  : 
Cfeteri  vero  qui  in  peccatorum  delectatione  remora- 
mini,  ideo  nondum  surrexistis ,  quia  necdum  vos 
adjutorium  gratiœ  miserantis  ei-exit.  Cum  bene  et 
convenienter  dici  possit  et  debeat  :  Si  qui  autem 
adhuc  in  peccatorum  damnabilium  delectatione 
remoramini ,  apprehendite  sabiberrimam  disci- 
plinam;  quod  tamen  cum  feceritis  ,  nolite  exlolli 
quasi  de  operibus  vestris,  aut  gloriari  quasi  hoc 
non  acceperilis  :  Deus  est  enim  qui  operatur  in  vobis 
velle  et  operari  pro  bona  voluntate,  et  a  Domino 
gressus  vestri  diriguntur ,  ut  ejus  via-m  velitis; 
de  ipso  autem  cursu  vestro  bono  rectoque  condis- 
cite  vos  ad  prœdestinationem  divinœ  gratiœ  per- 
tinere.  August.,  De  Dono  pers.,  num.  57,  pag.  853 
et  854. 

*■  Item  quod  sequitur  et  dicitur  :  Verumtamen  si 
qui  estis  nondum  vocati,  quos  gratia  sua  prsedesti- 
naverit  eligendos,  accipiatis  eamdem  gratiam,  qua 
velitis  et  sitis  electi;  durius  dicitur  quam  dici  po- 
test,  si  nos  non  quibuslibet  hominibus  loqui,  sed 
Christi  Ecclesiœ  cogitemus.  Cur  enim  non  potius 
ita  dicitur  :  Et  si  qui  sunt  nondum  vocati,  pro 
eis  ut  vocentur  oremus?  Fortassis  enim  sic  prœ- 
destinati  sunt  ut  nostris  orationibus  concedan- 
tur,  et  accipiant  eamdem  gratiam  qua  velint  at- 
que  effîciantur  electi.  Deus  enim  qui  omnia  quœ 
prœdestinavit  implevit,  ideo  et  pro  inimicis  fidei 
orare  nos  voluit,ut  hinc  intelligeremus  quodipse 
etiam  infidelibus  donet  ut  credant ,  ac  volentes 
ex  nolentibus  facial.  August.,  ibid.,  num.  CO, 
pag.  854. 

43 


674 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


de  vous  ne  sont  pas  encore  appelés  de  Dieu, 
ils  recevront  cette  même  grâce  par  laquelle 
ils  voudront  bien  vivre,  et  seront  élus,  au 
cas  qu'ils  soient  du  nombre  de  ceux  qu'il  a 
prédestinés  pour  être  élus  par  sa  grâce. 
Cette  expression  est  trop  dure  ;  et  nous  le 
reconnaîtrons  aisément ,  si  nous  considé- 
rons que  nous  ne  parlons  pas  au  commun 
des  hommes,  mais  aux  fidèles  et  à  l'Église 
de  Jésus-Christ.  Pourquoi  ne  dirons-nous 
pas  plutôt  :  S'il  y  en  a  quelques-uns  que 
Dieu  n'a  pas  encore  appelés,  prions-le  pom' 
eux  afin  qu'il  daigne  les  appeler  ?  Peut-être 
que  dans  l'ordre  de  leur  prédestination, 
Dieu  a  voulu  qu'ils  soient  convertis  par  nos 
prières,  et  qu'ils  reçoivent  la  même  grâce 
que  noas  avons  reçue,  par  laquelle  ils  veu- 
lent être,  et  seront  élus.  Dieu,  qui  a  accompli 
toutes  les  choses  C[u'il  a  prédestiné  de 
faire,  a  voulu  nous  faire  prier  pour  les  en- 
nemis de  la  foi ,  afin  de  nous  faire  entendre 
par  là  que  c'est  lui  qui  donne  aussi  aux  infi- 
dèles la  grâce  par  laquelle  ils  croient ,  et 
qu'il  change  la  volonté  des  hommes  en  leur 
faisant  vouloir  ce  qu'ils  ne  voulaient  pas  au- 
paravant. » 

Quant  à  ce  que  les  semi-pélagiens  leur  di- 
saient :  Parmi  '■  ceux  d'entre  vous  qui  obéis- 
sent à  la  loi  de  Dieu,  s'il  y  en  a  qui  soient 
prédestinés  à  être  du  nombre  des  réprou- 
vés, il  retirera  d'eux  l'assistance  et  le  secours 
par  lequel  ils  lui  obéissent,  afin  qu'ils  cessent 
de  lui  obéir.  «  Je  suis  fort  trompé,  dit-il,  s'il 
y  a  un  seul  homme  un  peu  faible  parmi  le 
peuple  chrétien  qui  puisse  écouter  cette  pa- 
role avec  patience.  Leur  parler  ainsi,  qu'est- 
ce  faire  autre  chose,  sinon  prononcer  une 
espèce   de   malédiction  contre  eux,  ou  leur 


prophétiser  en   quelque  sorte  des  maux  à 
venir  ?  Mais  si  l'on  veut  parler  de  ceux  qui 
ne  persévèrent  pas,  ou  s'il  est  nécessaire  de 
le  faire,  on  le  doit,  en  n'adressant  pas  sa  pa- 
role à  ceux  du  peuple  qui   sont  présents , 
mais  en  leur  parlant  des  autres,  c'est-à-dire 
en  ne  disant  pas,  si  vous  obéissez  à  la  loi  de 
Dieu,  si  vous  êtes  prédestinés  pour  être  du 
nombre  des  réprouvés,  mais,  s'il  y  en  a  qui  ne 
lui  obéissent  pas ,  et  le  reste ,  en  l'exprimant 
par  la  troisième  personne,  et  non  parla  se- 
conde. Autrement  on  dit  une  chose  qui  n'est 
pas  favorable,  mais  odieuse,  et  dont  on  doit 
avoir  horreur  comme  du  plus  grand  des  maux. 
Ce  serait  presque  comme  celui  qui  leur  jet- 
terait des  pierres  contre  le  visage,   que  de 
les  frapper  de  cette  parole  si  dm'e  :  Si  quel- 
ques-uns d'entre  vous  oliéissent  aux  pré- 
ceptes de  l'Évangile,  Dieu  retirera  d'eux  sa 
grâce  par  laqaelle  ils  obéissent,  afin  qu'ils 
cessent  d'obéir,  s'ils  sont  prédestinés  pour 
être  du  nombre  des  réprouvés.  Ne  peut-on 
pas  dire,  sans  rien  pei'dre  du  même  sens, 
que  si  quelques-uns  obéissent  aux  préceptes 
de  l'Évangile,  lesquels  ne  sont  pas  prédesti- 
nés pour  le  royaume  et  pom'  la  gloire,  leur 
obéissance  n'est  que  temporelle  et  passa- 
gère, et  ils  n'y  persévèrent  point  jusqu'à  la 
fin  ?  N'en  dit-on  pas  autant  en  parlant  ainsi  ? 
Et  cette  manière  d'exprimer  la  chose  n'est- 
eUe  pas  plus  douce  et  même  plus  coiîforme 
à  la  vérité?  Mais  ceux  qui  croient  qu'on  est 
réduit  à  parler  avec  cette  dureté,  si  l'on  prê- 
che la  prédestination,  ne  voient-ils  pas  que 
la  même  chose  se  peut  dire  presque  mot 
pour  mot,  à  prendre  les  choses  du  côté  de  la 
prescience  de  Dieu,  qu'il  ne  leur  est  pour- 
tant pas  possible  de  nier  ?  Car  on  peut  dire 


1  Jam  vero  quod  illis  verbis  conneclitur,  miror 
si  ullo  modo  potest  in  populo  christiano  quisquam 
infinnus  patienter  audire ,  cum  dicittir  eis  :  Et  si 
qui  obeditis  ,  si  prscdesl.inati  estis  rejicieudi,  sub- 
tralieutur  obedieudi  vires  ut  obedire  oessetis.  Hoc 
enim  dicere,  quid  videtur  aiiud  esse  quam  male- 
dicere,  aut  mala  quodammodo  prophetare;  sed 
si  et  de  iis  qui  non  persévérant ,  aliquid  placet 
dicere,  vel  necesse  est,  cur  non  polius  ita  snlteni 
dicitur,  ut  paulo  ante  a  me  dictumest  :  priinum 
ut  non  de  ipsis  qui  inpopulo  audiunt  hoc  dicatur, 
sed  de  aliis  ad  ipsos  ,  id  est,  ut  non  dicatur: 
Si  qui  obeditis,  si  prœdestinati  estis  rejiciendi; 
sed,  si  qui  obediunt,  et  cœtera  per  verbi  perso - 
nani  tertiam,  non  per  secundam?  Res  enim  non 
optabilis  sed  abominabilis  dicitur  et  durissime  at- 
que  odiosissime  quasi  in  audientium  frontem.com- 
pellando  coUiditur,  qua/ndo  qui  eis  loquitur,  dicit; 


Et  si  qui  estis  qui  obeditis,  si  prsedestinati  estis 
rejicieudi,  subtrabentur  obedieudi  vires  ut  obe- 
dire cessetis.  Quid  enim  sententice  dépérit,  si  ita 
dicatur  :  Si  qui  autem  obediunt,  sed  in  regnum 
ejus  et  gloriam  prœdestinati  non  sunl,  tempora- 
les sunt  nec  usque  in  finem  in  eadem  obedientia 
permanebunt?  Nonne  et  verius  eadem  res  et  con- 
gruentius  dicitur...  illo  autem  modo  quo  id  di- 
cendum  putant  eadem  sententia  eisdem  pêne  ver- 
bis  etiam  de  prœscienlia  Dei  quam  certe  n'égare 
oion  possunt ,  pronuntiari  potest,  ut  dicatur:  Et 
si  qui  obeditis,  si  prœsciti  estis  rejiciendi,  obe- 
dire cessabitis.  Kempe  hoc  verissimum  est  :  ita 
sane,  sed  improbissimum,  imporiunissUnum ,  in- 
congrucntissimum ,  non  falso  eloquio,  sed  non 
salubriter  valetudini  hiunance  infirmitatis  appo- 
silo.  August.,  ibid.,  num.  61,  pag,  S54  et  835. 


[iv=  ET  v^  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIiN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


675 


comme  eux  :  Quoique  a'Ous  obéissiez  à  la  loi 
de  Jésus-Chiist,  si  toutefois  vous  êtes  du 
nombre  de  ceux  que  Dieu  a  prévus  dans  sa 
prescience  devoir  être  réprouvés,  vous  ces- 
serez de  lui  obéir.  Ce  n'est  pas  que  cela  ne 
soit  très-véritable,  mais  cela  est  très-odieux, 
très-dur  et  très-disproportionné  à  la  faiblesse 
des  hommes.  Et  encore  que  ce  discours  ne 
soit  pas  mauvais  en  lui-même  ,  puisqu'il 
n'est  pas  faux,  l'expression  toutefois  n'en 
vaut  rien ,  et  il  faut  appliquer  ce  remède 
plus  sagement  pour  le  rendre  salutaire  à 
l'infirmité  humaine.  Mais  je  ne  '  crois  pas 
même  qu'on  se  doive  contenter  de  ce  seul 
moyen  que  nous  avons  prescrit  pour  prêcher 
la  prédestination  au  peuple  ;  et  on  doit  leur 
dire  de  plus  :  Tous  tant  que  vous  êtes  qui 
obéissez  à  Dieu ,  vous  devez  espérer  de  re- 
cevoir du  Père  des  lumières,  de  qui  tous  les 
excellents  dons  procèdent ,  la  grtice  de  per- 
sévérer dans  votre  obéissance  et  votre  fidé- 
lité. Vous  la  devez  demander  tous  les  jours 
dans  vos  prières,  et,  en  faisant  cela,  croire 
avec  confiance  que  vous  êtes  du  nombre  des 
prédestinés  ;  parce  que  lui-même  vous  don- 
ne la  grâce  de  faire  ces  prières  et  ces  exer- 
cices. Au  reste  ne  soyez  pas  si  malheureux 
que  de  désespérer  de  votre  salut,  à  cause 
qu'on  vous  ordonne  de  mettre  voire  espé- 
rance en  Dieu  ,  et  non  pas  en  vous-mêmes  , 
puisque- l'Ecriture  nous  dit,  que  maudit  est 
l'homme  qui  met  son  espérance  en  l'homme,  et 
qu'il  vaut  mieux  se  confier  au  Seigneur  que  se 
confier  en  l'homme  ;  parce  que  ceux  qui  met- 


tent leur  confiance  en  Dieu  sont  heureux. 
Demeurez  fermes  dans  cette  espérance ,  et  ser- 
vez  le  Seigneur  avec  crainte ,  comme  dit  en- 
core l'Écriture,  et  réjouissez-vous  en  lui  avec 
tremblement.  Car  personne  ne  peut  être  as- 
suré de  la  vie  éternelle,  que  Dieu,  toujours 
véritable,  n'a  promise  de  toute  éternité  aux 
enfants  de  la  promesse  qu'après  la  fin  de 
celte  vie,  qui  est  une  tentation  sur  la  terre. 
Mais  celui  à  qui  nous  disons  tous  les  jours 
Ne  nous  laissez  pas  tomber  dans  la  tentation 
nous  fera  persévérer  dans  son  service  jus- 
qu'à la  fin  de  notre  vie.  Pourquoi,  si  nous 
parlons  en  ces  termes,  soit  à  peu  de  chré- 
tiens, soit  à  une  grande  multitude  de  fidèles, 
craindrions-nous  de  prêcher  la  prédestina- 
tion des  élus  et  la  vraie  grâce  de  Dieu,  c'est- 
à-dire  celle  qui  n'est  pas  donnée  selon  nos 
mérites  ,  telle  que  l'Écriture  la  prêche  si 
hautement?  Y  a-t-il  sujet  d'appréhender  que 
l'homme  désespère  de  son  salut ,  lorsqu'on 
lui  montre  qu'il  doit  mettre  son  espérance  en 
Dieu ,  et  de  croire  qu'il  n'en  désespérerait 
pas,  s'il  était  si  superbe  et  si  malheureux  que 
de  mettre  son  espérance  en  lui-même  ?  » 

83.    «  Dieu  a  fait  l'homme  ^  droit,  et  par     suriagisco 

,  ^  et  le  libre  ar- 

consequent  avec  une  bonne  volonté ,  autre-  w<™  iJ"  v">- 

^  '  raier  liomme. 

ment  il  n'aurait  pas  été  droit.  La  bonne  vo- 
lonté est  donc  l'ouvrage  de  Dieu,  puisque 
l'homme  a  été  fait  avec  elle.  Il  a  été  ^  créé 
sain,  innocent  et  doué  du  libre  arbitre ,  avec 
une  libre  faculté  de  vivre  dans  la  justice.  Il 
fallait  *  en  efiet  que  l'homme  fût  tel  d'a- 
bord, qu'il  pût  voir  le  bien  et  le  mal,  et  qu'il 


'  Illum  etiam  modum,  quo  utendum  esse  in 
prœdestinationis  prœdicatione  nos  diximiis,  lo- 
qiienti  apud  populum  non  existimo  debere  suffh- 
cere,  nisi  hoc  vel  Imjiismodi  aliquid  a.ddat,  ut 
dicat  :  Vos  itaque  etiam  ipsam  obediendi  perseve- 
rantiam  a  Pâtre  lumiuum  a  quo  descendit  omne 
datum  optimum  et  omne  donum  perfectum,  spe- 
rare  debetis,  et  quotidianis  orationibus  poscere, 
atque  hoc  faciendo  confidere  non  vos  esse  a  prce- 
destinatione  populi  ejus  aliénas  :  quia  etiam  hoc 
ut  faciatis  ipse  largitui:  Àbsit  autem  avobis  ideo 
desperare  de  vobis,  quoniam  spem.  vestram  in  ipso 
habere  jubemini,  non  in  vobis.  Maledictus  enim 
omnis  qui  spem  habet  in  homine  :  et  bonum  est 
confidere  in  Domino  quam  confidere  in  liomine  ; 
quia  beati  omnes  qui  confidunt  in  euni.  Hanc 
spem  tenentes,  servite  Domino  in  timoré  et  exul- 
tate  ei  cum  tremore  :  quoniam  de  vila  œterna 
quam  Filins  promissionis  promisit  non  men- 
dax  Deus  ante  tempora  œterna.  Nemo  potest  esse 
securus  nisi  consummata  fuerit  ista  vila  quœ 
tentalio  est  super  lerram  :  sed  faciet  nos  perse- 
verare  in  se  usqne  in  ejus  viiœ  finem,  cui  quoti- 
die  dicimus  :  Ne  nos  inferas  in  tentationem.  Emc 


atque  hujusmodi  cum"dicuntur,  sive  paucis  chris- 
tianis,  sive  multitudini  Ecclesiœ,  cur  metuimus 
sanctorum  prœdestinationem  et  veram  Dei  gra- 
tiam,  id  est,  quœ  non  secundum  mérita  nostra 
datur,  sicut  eam  Sancta  Scriptura  prœdicat,  prœ- 
dicare?  An  vero  timendum  est,  ne  tune  de  se  homo 
desperet,  quando  spes  ejus  ponenda  demonstratur 
in  Deo,  non  'autem  desperaret,  si  eam  in  se  ipso 
siqierbissimios  et  infelicissimus  poneret.  August., 
lib.  De  Dono  pers.,  cap.  xii,  num.  62,  pag.  855, 
tom.  X. 

2  Fecit  itaque  Béas,  sicut  scriptumest,  Iiominem 
rectnm,  ac  per  hoc,  votuntatis  bonœ.  :  non  enim 
reclus  esset  bonam  non  habens  voluntatem.  Au- 
gust., lib.  XIV  De  Civit.  Dei,  cap.  xi,  num.  1, 
pag.  362. 

'  Quis  enim  eum  nescit  sanum  et  inculpabilem 
factum,  et  libero  arbitrio  atque  ad  juste  vivendum 
potestale  libéra  constitutum?  August.,  De  Nat.  et 
grat.  contra  Pelag.,  cap.  xliii,  num.  50.  pag.  148. 

'■  Sic  enim  oportebal  prius  hominem  fieri  ut  et 
bene  velle  posset,  et  maie  ,  nec  gratis  si  bene  ,  née 
impune  si  maie:  postea  vero  sic  erit,  utmale  velle 
non  possit;  nec  ideo  libero  carebit  arbitrio.  Multo 


676 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


fût  rocompensé  s'il  faisait  le  bien,  et  puni 
s'il  faisait  le  mal.  Mais  après  il  se  trouvera  en 
tel  état  qu'il  ne  pourra  plus  vouloir  le  mal, 
et  toutefois  il  ne  perdra  pas  la  liberté  de  sa 
volonté,  qui  sera  au  contraire  d'autant  plus 
libre,  qu'elle  ne  pourra  plus  être  esclave  du 
péché.  Car  on  ne  doit  ni  blâmer  la  volonté, 
ni  dire  qu'il  n'y  en  a  point,  ou  qu'elle  n'est 
pas  libre,  lorsque  nous  voulons  d'une  telle 
sorte  être  heureux ,  que  nous  ne  voulons 
point  être  misérables,  mais  même  que  nous 
ne  pouvons  le  vouloir  en  aucune  manière. 
Comme  donc  notre  âme  a  maintenant  cette 
impression  de  ne  vouloir  pas  être  malheu- 
reuse ,  de  même  alors  elle  aura  toujours 
celle  de  ne  vouloir  point  pécher.  Mais  il  a  été 
à  propos  de  garder  l'ordre  par  lequel  Dieu  a 
voulu  montrer  combien  la  créature  raisonna- 
ble est  bonne,  lors  même  qu'elle  est  en  cet 
état  qu'elle  ne  peut  point  pécher,  quoiqu'elle 
soit  meilleure,  lorsqu'elle  est  en  tel  état  qu'elle 
ne  peut  point  péclier  :  L'état  auquel  on  pou- 
vait ne  point  mourir,  ne  laissait  pas  d'être 
un  état  d'immortalité,  mais  le  dernier  est 
le  moins  excellent;  le  premier  est  le  plus 
noble  étant  celui  auquel  on  ne  pourra  plus 
mourir.  La  nature  humaine  a  pei'du  cette 
première  immortalité  par  la  liberté  de  sa  vo- 
lonté, et  elle  recevra  cette  seconde  par  la 
grâce;  au  lieu  que,  si  elle  n'eût  point  péché, 
elle  l'eût  reçue  par  son  mérite,  quoiqu'il  ne 
ne  prit  même  alors  y  avoir  de  mérite  sans  la 
grâce;  parce  qu'encore  que  le  péché  dépen- 
dît de  la  seule  liberté  de  la  volonté,  néan- 


moins la  seule  liberté  de  la  volonté  ne  suffi- 
sait pas  pour  conserver  la  justice,  si  elle 
n'était  aidée  de  l'assistance  de  Dieu  par  la 
participation  du  bien  immuable.  Car,  comme 
il  est  en  la  puissance  de  l'homme  de  mourir 
quand  il  le  veut,  n'y  ayant  personne  qui  ne 
se  puisse  tuer,  du  .moins  en  ne  mangeant 
pas ,  et  qu'il  ne  lui  suffit  pas  de  TOuloir  con- 
server sa  vie  pour  la  conserver  effectivement, 
mais  qu'il  a  besoin  de  nourriture  et  des  au- 
tres choses  nécessaires  à  la  vie  ;  de  même 
dans  le  paradis  terrestre  l'homme  était  ca- 
pable  de  se  tuer  par  sa  volonté  en  abandon- 
nant la  justice  ;  mais  pour  conserver  sa  jus- 
tice et  son  innocence ,  ce  lui  était  peu  de 
le  vouloir,  si  celui  qui  l'avait  créé  ne  l'assis- 
tait par  sa  grâce.  Mais  depuis  cette  chute  et 
cette  ruine ,  la  miséricorde  de  Dieu  est 
plus  grande  ;  parce  que  la  liberté  de  la  vo- 
lonté a  besoin  d'être  délivrée  de  la  servitude, 
étant  dominée  par  le  péché  et  par  la  mort; 
et  elle  n'est  point  du  tout  délivrée  par  elle- 
même,  mais  par  la  seule  grâce  de  Dieu  qui 
•consiste  en  la  foi  de  Jésus-Christ,  le  Seigneur 
préparant  la  volonté,  et  cette  volonté  rece- 
vant les  autres  dons  de  Dieu  par  lesquels  on 
parvient  au  don  éternel.  » 

84.  Saint  Augustin  se  propose  xine  diffi- 
culté considérable  sur  la  persévérance  du 
premier  homme,  savoir  si  Dieu  la  lui  avait 
donnée ,  ou  non.  «  On  nous  demande,  dit-il, 
touchant  '  ce  don  de  Dieu,  qui  est  de  persé- 
vérer jusqu'à  la  fm,  ce  que  nous  pensons  du 
premier  homme,  qui  certainement  a  été  créé 


quippe  liberius  erit  arbitrium  quod  omnino  non 
poterit  servire  peccato.  Neque  enim  culpanda  est 
volxmtas,  aut  voluntasnon  est,  aut  libéra  dicenda 
non  est,  qiia  beali  esse  sic  volumus,  %U  esse  mi- 
seri  non  solum  nolimus  sed  neqiiaquam  prorsus 
velle  possimus.  Sicut  ergo  anima  nostra  etiam 
nunc  nolle  infelioitatem,  ita  nolle  iniquitatem 
semper  habituraest.  Sed  ordoprœtermittendus  non 
fuit,  in  quo  Deus  voluit  ostendere,  quam  bonum 
sit  animal  rationale  quod  etiam  non  peccare  pos- 
ait: sicut  minor  fuit  immortalitas,  sed  lamen  fuit 
in  qua  posset  etiam  non  mori,  quamvis  major  fu- 
turasit  in  qua  nonpossil  mort.  Illamnatura  hu- 
mana  perdidit  per  libermn  arbitrium,  hanc  ac- 
ceptura  per  gratiam,  quam  fuerat,  si  non  peccas- 
set,  acceptura  per  meritum:  quamvis  sine  gratia 
nec  tune  ullum  meritum  esse  potuisset.  Quia  etsi 
peccatum  in  solo  libero  arbitrio  erat  constitutum, 
non  tamen  justiliœ  retinendœ  sufflciebat  liberum 
arbitrium,  nisi  participalione  immutabilis  boni 
divinum  adjutorium  prœberetur.  Sicut  enim  mori 
est  in  hominis potestale,  cum  velil.  nemo  est  enim 
qui  non  seipsum,  wt  nihil  aliud  dicam,  vel  non 
vescendo  possit  occidere;  ad  vitam  vero  tenendam 


voluntas  non  satis  est,  si  adjutorio  sive  alimen- 
torum  sive  quorumcumque  tutaminum  desint  :  sic 
homo  in  paradiso  ad  se  occidendum  relinquendo 
justiliam  idoneus  erat  per  voluntaiem,  ut  autem 
ab  eo  teneretur  vita  justitiœ,  parimi  erat  velle, 
nisi  ille  qui  eum  fecerat  adjuvaret,  sed  post  illam 
ruinam:  major  est  misericordia  Dei  quando  et  ip- 
sum  arbitrium  liberandum  est  a  servitute,  cwi 
dominatur  cum  morte  peccatum.  Nec  omnino  per 
se  ipsum,  sed  per  solam  Dei  gratiam  quœ  in  fide 
Chrisli  posila  est,  liberatur,  ut  voluntas  ipsa, 
sicut  scriptitm  est,  a  Domino  prœpareiur  qua 
cœtera  Dei  munera  capiantur,  per  quœ  veniatu,r 
ad  munus  œternum.  August.,  Enchirid.  de  fide, 
spe  et  charitate,  cap.  civ,  uum.  28,  pag.  236  et  237. 
1  Quœritur  enim  a  nobis,  quantum  attinet  ad 
hoc  donum  Dei,  quod  est  in  bono  perseverare  us- 
que  in  finem,  quid  de  ipso  primo  homine  sentia- 
mus,  qui  certe  sine  ullo  vitio  factus  est  reclus? 
Necdico:  Siperseveranliam  non  habuit,  quomodo 
sine  vitio  fuit,  cui  iam  necessarium  Dei  donum 
defuit?  Huio  namque  interrogationi  facile  res- 
pondetur,  eum  perseverantiam  non  habuisse,  quia 
in  eo  bono,  quod  sine  vitio  fuit,  nonperseveravit: 


[iv°  ET  V'  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

juste  et  sans  aucun  défaut.  Sur  quoi  je  ne  dis 
pas  :  S'il  n'a  point  eu  la  persévérance  ,  com- 
ment a-t-il  été  sans  défaut,  puisqu'un  don  si 
nécessaire  lui  a  manqué?  Car  il  est  bien  aisé 
de  répondre  à  cette  demande ,  en  disant 
qu'il  n'a  pas  eu  la  persévéï'ance,  parce  qu'il 
n'a  pas  persévéré  dans  le  bien  qu'ilpossédait, 
savoir  d'être  sans  défaut;  et  qu'il  a  com- 
mencé à  avoir  un  défaut  dès  l'heure  même 
qu'il  est  tombé.  S'il  a  commencé  d'en  avoir 
alors,  il  s'ensuit  indubitablement  qu'il  a  été 
sans  défaut  auparavant.  Car,  c'est  autre 
chose  de  n'avoir  point  de  défaut  et  de  ne 
pas  demeurer  dans  la  bonté  en  laquelle  il 
n'y  a  point  de  défaut;  et  ce  qu'on  ne  dit  pas 
qu'il  n'a  jamais  été  sans  défaut,  mais  seule- 
ment qu'il  n'est  pas  demeuré  sans  défaut, 
montre  clairement  qu'il  a  été  sans  défaut, 
puisqu'on  le  blâme  de  n'être  point  demeuré 
dans  ce  bien.  Mais  il  est  plus  difficile  de  ré- 
pondre à  ceux,  qui  disent  :  S'il  a  eu  la  persé- 
vérance dans  la  justice  dans  laquelle  il  a  été  créé 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  677 

sans  défaut,  il  est  nécessaire  qu'il  ait  persévéré 
dans  cette  justice.  Que  s'il  a  persévéré  il  n'a 
point  péché,  et  il  n'a  quitté  ni  sa  justice,  ni 
Dieu.  Or  la  vérité  nous  crie  qu'il  a  péché  et 
qu'il  a  abandonné  le  bien.  Il  n'a  donc  pas  eu  la 
persévérance  dans  ce  bien.  S'il  ne  l'a  pas  eue, 
il  s'ensuit  qu'il  ne  l'a' pas  reçue.  Comment  en 
effet  n'aurait-il  pas  persévéré  s'il  avait  reçu 
la  persévérance  ?  Que,  s'il  ne  l'a  pas  eue,  parce 
qu'il  ne  l'a  pas  reçue,  comment  a-t-il  péché  en 
ne  persévérant  point,  puisquil  n'a  point  reçu  la 
persévérance?  On  ne  peut  pas  dire  qu'il  ne  l'a 
pas  reçue,  parce  qu'il  7i'a  pas  été  tiré  de  la 
masse  de  perdition  par  le  don  de  la  grâce,  n'y 
ayant  point  eu  de  masse  de  perdition  dans  le 
genre  humain  avant  qu'il  eût  péché,  et  son  of- 
fense ayant  été  la  source  et  l'origine  de  la  cor- 
ruption des  hommes.  C'est  pourquoi  nous  con- 
fessons '  par  une  confession  très-salutaire  ce 
que  nous  croyons  par  une  foi  très-pure,  que 
Dieu  est  le  Seigneur  de  toutes  choses ,  qui 
n'a  rien  créé  que  de  bon  et  d'excellent,  et 


cœpit  enim  habere  vitium  ex  quo  cecidit,  et  si 
cœpit,  antequain  cœpisset,  utique  sine  vitio  fuit. 
Aliud  est  enim  non  habere  vitium,  et  aliud  est  in 
ea  bonilate,  in  qua  nuUum  vitium  est,  non  ma- 
nere.  Eo  quippe  ipso  quod  non  dicitur  nunquain 
sine  vitio  fuisse,  sed  dicitur  sine  vitio  non  per- 
mansisse,  procul  dubio  demonstratur  sine  vitio 
fuisse,  in  quo  bono non permansisse  culpatur.  Sed 
illud  magis  quœrendum  operosiusque  tractandwm 
est,  quomodo  respondeamus  eis,  qui  dicunt,  si  in 
illa  rectitudine  in  qua  sine  vitio  factus  est,  habnit 
perseverantiain,  procul  dubio  perseveravit  in  ea  : 
et  si  perseveraverit,  lUiqtie  non  peccavit,  nec  il- 
lam  suam  rectitudinem  Deumque  deseruit.  Eum 
autem  peccasse,  et  desertorem  boni  fuisse,  veritas 
clamât.  Non  ergo  liabuit  in  illo  bono  perseveran- 
tiain; et  si  non  habuit,  non  utique  accepit.  Quo- 
modo enim  et  accepisset  perseverantiam,  et  non 
perseverasset?  Porro  si  propterea  non  habuit, 
7ion  accepit;  quid  ipse  non perseverando  peccavit, 
qui  perseverantiam  non  accepit?  neque  enim  dici 
potest,  ideo  non  accepisse,  quia  non  est  discretus 
a  massa  perditionis  gratiœ  largitate.  Nondum 
quippe  erat  illa  in  génère  humano  perditionis 
massa  antequam  peccasset,  ex  q%io  tracta  est 
origo  vitiata.  August.,  lib.  De  Corrept.  et  grat., 
cap.  X,  num.  26,  pag.  764. 

1  Quapropter  saluberrime  confiiemur,  quod  rec- 
tissime  credimus,  Deum  Dominumque  rerum  om,- 
nium,  qui  creavit  omnia  bona  valde  et  mala  ex 
bonis  exoritura  esse  prœscivit,  et  scivit  magis  ad 
suam  omnipotentissimam  bonitatem  pertinere , 
etiam  de  nialis  bene  facere,  quam  mala  esse  non 
sinere,  sic  ordinasse  angelorum^  et  hominum  vi- 
tam,ut  in  ea  prius  ostenderel,  quid  posset  eorum 
liberum  arbitrium;  deinde  quid  posset  suœ  gra- 
tiœ beneficium,  justiliœque  judicium.  Denique 
angeli  quidam,  quorum  princeps  est  qui  dicitur 
diabolus,  per  liberum  arbitrium  a  Domino  Deo 


refugce  facti  sunt.  Refugiehtes  tamen  ejus  bonita- 
tem, qua  beati  fuerunt,  non  potuerimt  ejus  effu- 
gere  judicium,  per  quod  miserrimi  effecti  sunt. 
Cœteri  autem  per  ipsum  liberum  arbitrium  in  ve- 
ritate  steterunt,  eamque  de  suo  casu  nunquam 
futuro  certissimam  scire  meruerunt.  Si  enim  nos 
de  Scripturis  sanctis  nosse  potuimus  sanctos  an- 
gelos,  jam  nullos  esse  casuros;  quanto  magis  hoc 
ipsi  revelata  sibi  sublimius  verilate  noverunt? 
Nobis  quippe  beata  sine  fine  vita  promissa  est,  et 
œqualitas  angelorum  :  ex  qua  promissione  certi 
sumus,  cum  ad  illam  vitam  post  judicium  vene- 
rimus,  non  indenos  esse  lapsuros:  quod  si  de  se- 
ipsis  angeli  nesciunt,  non  œquales,  sed  beatiores 
erimus.  Veritas  autem  nobis  eorum promisit  ccqua- 
litateni.  Certum  est  igitur  hoc  eos  nosse  per  spe- 
ciem,  quod  nos  per  fidein,  nullam  scilicet  ruinam 
cujusquam  sancti  angeli  jam  futuram.  Diabolus 
vero  et  angeli  ejus  etsi  beati  erant,  antequam  ca- 
derent,  et  se  in  miseriam  casuros  esse  nesciebant, 
erat  tamen  adhuc,quodeorumaddereturbealitudi- 
ni,  siper  liberum  arbitrium  in  veritate  stetissent, 
donecistam  summœ  bentitudinisplenituéinem,  tan- 
quam  prœmium  ipsius  permansionis  acciperent, 
id  est,  ut  magna  per  Spiritum  Sanctum  data  abun- 
dantia  charitatis  Dei,  cadere  ulterius  omnino  non 
possent,  et  hoc  de  se  certissime  nossent.  Hanc 
plenitudinem  beatitudinis  non  habebant,  sed  quia 
nesciebant  suam  futuram  miseriam,  minore  qui- 
dem,  sed  tamen  beatitudine  sine  ullo  vitio  frue- 
bantur.  Nam  si  suum  casum  futurum  nossent, 
œternmnquesupplicium,  beati  utique  esse  non  pos- 
sent, quos hujus  tanti  malimetus  jam  tuncmiseros 
esse  compelleret.  Sic  et  hominem  fecit  cum  libéra 
arbitrio,  et  quamvis  sui  futuri  casus  ignarum, 
tamenideo  beatum,  quia  et  non  mori  et  miseruni 
non  fieri  in  sua  potestate  esse  sentiebal.  August, 
lib.  De  Corrept.  et  grat.,  cap.  x,  num.  27  et  28, 
pag.  764  et  765. 


678 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


qui  a  prévu  les  maux  qui  devaient  sortir  des 
biens,  et  qui  a  su  qu'il  était  plus  digne  de  sa 
bonté  toute  puissante  de  tirer  du  bien  des 
maux,  que  de  ne  point  souffrir  de  maux,  qui 
a  réglé  de  telle  sorte  la  vie  des  anges  et  des 
hommes,  qu'il  a  voulu  premièrement  mon- 
trer en  elle  ce  que  pouvait  le  libre  arbitre, 
et  ensuite  ce  que  pouvaient  le  bienfait  de  sa 
grâce  et  le  jugement  de  sa  justice.  Quel- 
ques-uns des  anges,  qui  ont  celui  qu'on  ap- 
pelle le  diable  pour  prince,  se  sont  éloignés 
de  Dieu  leur  Seigneur  par  leur  libre  arbitre 
comme  des  rebelles  et  des  fugitifs.  Mais  en 
fuyant  sa  bonté  qui  les  rendait  heureux,  ils 
n'ont  pu  éviter  sa  justice  qui  les  a  rendus 
très-misérables.  Les  autres  anges  sont  de- 
meurés dans  la  vérité  par  ce  même  libre  ar- 
bitre, et  ont  obtenu  pour  récompense  d'être 
assurés  par  une  science  certaine  qu'ils  ne 
tomberaient  jamais.  Car  si  nous,  qui  ne  som- 
mes que  des  hommes ,  avons  pu  connaître 
par  l'Écriture  que  nul  des  saints  anges  ne 
serait  plus  sujet  à  tomber,  combien  eux-mê- 
mes l'ont-ils  connu  davantage  par  une  vérité 
qui  leur  a  été  révélée  d'une  plus  haute  et  plus 
sublime  manière  ?  Dieu  nous  ayant  promis  de 
nous  donner  la  vie  éternelle  et  d'être  égaux  aux 
anges,  cette  promesse  nous  rend  assurés  que, 
lorsque  nous  serons  venus  à  cette  vie  après 
le  jugement,  nous  ne  pouvons  plus  tomber 
de  cet  état  bienheureux  ;  et  par  conséquent  si 
les  anges  ne  savaient  pas  d'eux-mêmes  ce  que 
nous  savons  de  nous,  non-seulement  nous 
les  égalerions,  mais  nous  les  surpasserions  en 
féhcité.  Or,  la  Vérité  nous  a  promis  l'égalité 
avec  eux,  il  est  donc  certain  qu'ils  connais- 
sent par  une  vue  claire  ce  que  nous  connais- 
sons par  la  foi,  qu'il  n'arrivera  plus  aucune 
chute  d'aucun  des  saints  anges.  » 

«  Quant  au  diable  et  à  ses  anges,  encore 
qu'ils  fussent  heureux  avant  qu'ils  tom- 
bassent, et  qu'ils  ignorassent  qu'ils  tombe- 
raient dans  la  misère ,  il  y  avait  encore  une 
chose  qui  pouvait  être  ajoutée  à  leur  bon- 

1  In  qtto  statu  recto  acsine  vitio,  si  per  libennn 
arbUrium  manere  voluisset ,  profecto  sine  ullo 
morlis  et  infelicitatis  experimento ,  acciperet  il- 
loin,  merilo  Imjiis  po'Jîiansiooi's,  beatitudinis 
plenitudinem ,  qua  et  sancii  angeli  sunt  beati,  id 
est,  ut  cadere  non^  posset  nlterius  el  hoc  ccrtis- 
sime  sciret.  Nam  neque  ipse  posset  etiam  in  pa- 
radiso  beatus  esse:  iino  ibi  non  esset,  ubi  esse 
miserum  non  deceret,  si  eum  sui  casus  pra'scicn- 
tia  timoré  tanti  mali  miserum  faceret.  Quia  vero 
per  liberum  arbitrium  Deum  deseruit,justum  ju- 
dicium  Dei  cxpertus  est,  ut  cum  tota  sua  stirpe. 


heur,  s'ils  fussent  demeurés  dans  la  vérité 
par  leur  libre  arbitre,  qui  était  de  recevoir 
cette  plénitude  d'une  souveraine  félicité , 
comme  la  récompense  de  leur  fermeté  dans 
le  bien,  c'est-à-dire  cette  suprême  faveur 
d'être  remplis  d'une  si  grande  abondance  de 
l'amour  de  Dieu  par  le  Saint-Esprit,  qu'ils  ne 
pussent  plus  tomber  jamais,  et  qu'ils  en  fus- 
sent assurés  par  une  certitude  infaillible.  Es 
n'avaient  pas  cette  plénitude  de  bonheur, 
mais  parce  qu'ils  ne  savaient  pas  leur  misère 
future,  ils  jouissaient  d'une  béatitude  qui 
était  moindre,  mais  qui  néanmoins  était  sans 
défaut.  De  même  Dieu  a  créé  l'homme  avec 
le  libre  arbitre,  et  quoiqu'il  ignorât  sa  chute 
future,  il  était  néanmoins  heureux,  parce 
qu'il  sentait  qu'il  était  en  sa  puissance  de  ne 
point  mourir  et  de  n'être  point  misérable. 
S'il  eût  voulu  demeurer  ^  par  le  libre  arbitre 
dans  cet  état  de  justice  et  sans  défaut ,  il 
n'eût  point  éprouvé  ce  que  c'était  que  la  mort 
et  le  malheur,  et  il  eût  reçu ,  par  le  mérite 
de  cette  constance  et  de  cette  fermeté,  la  plé- 
nitude du  bonheur  qui  rend  les  saints  anges 
bienheureux,  c'est-à-dire  qu'il  n'eût  pu  plus 
tomber  dès  lors,  et  qu'il  l'eût  su  très-certai- 
nement. Car  l'homme  n'aurait  pu  être  heu- 
reux, même  dans  le  paradis,  et  il  n'y  aurait 
même  pas  été,  parce  que  c'aurait  été  contre 
l'ordre  et  la  bienséance  qu'un  misérable  fût 
en  ce  lieu  de  bonheur,  si  la  connaissance 
de  sa  chute  à  venirl'avait  rendu  malheureux 
par  la  crainte  d'une  si  grande  infortune. 
Mais,  parce  qu'il  a  quitté  Dieu  par  son  libre 
arbitre,  il  a  éprouvé  le  juste  jugement  de 
Dieu  ayant  été  condamné  avec  toute  sa  race 
qui,  étant  en  lui  lorsqu'il  pécha,  avait  toute 
péché  avec  lui.  Car  autant  qu'il  y  a  de  per- 
sonnes de  cette  race  que  la  grâce  de  Dieu 
délivre ,  autant  il  y  en  a  qui  sont  délivrées 
de  la  damnation  qu'elles  avaient  encourue.  Ce 
qui  fait  que  si  nul  n'était  délivré,  personne  ne 
poui-rait  reprendre  avec  justice  le  juste  juge- 
ment de  Dieu.  Donc  ceux  qui  sont  délivrés, 

qiicB  in  illo  adhucpositatota  cum  illo  peccaverat, 
damnaretur.  Quotquot  envn  ex  hac  stirpe  gratia 
Dei  liberantur,  a  damnatione  utique  liberantiir, 
quajam.  tenentur  obslricti.  Unde  etiam  si  miHus 
liberaretur,  jtistum  Dei  judicium  nemo  juste  re- 
prehenderet.  Quod  ergo  pauci in  comparationeper- 
evntium,  in  suo  vero  numéro  multi  liberantur , 
gratia  fit,  gratis  fit,  gratiœ  sunt  agendœ,  quia 
fit,  ne  quis  velut  de  suis  meritis  extollatur,  sed 
omne  os  obstruatur,  et  qui  gloriatur,  in  Domino 
glorietur.  August.,  lib.  De  Corrept.  et  grat.,  cap. 
X,  num.  27  et  28,  pag.  7Gi,  "05  et  766. 


[iv°  ET  v°  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

lesquels  sont  peu  en  comparaison  de  ceux 
qui  périssent,  encore  qu'ils  soient  beaucoup 
en  leur  nombre,  ne  sont  délivrés  que  par  la 
grâce,  et  gratuitement.  D'oii  il  suit  qu'on 
doit  rendi'e  grâces  à  Dieu  de  leur  délivrance, 
de  peur  que  quelqu'un  ne  s'élève  comme 
s'il  avait  été  délivré  par  ses  mérites,  et  afin 
que  toute  bouche  soit  fermée,  et  que  celui  qui  se 
glorifie  ne  se  glorifie  que  dans  le  Seigneur.  » 

«  On  dira  peut-être,  dit-il  :  Quoi  donc, 
Adam  n'a-t-il  point  eu  de  grâces  de  Dieu  ?  Il 
en  a  eu  une  grande  ^  mais  différente  de  celle- 
ci.  Adam  était  dans  les  biens  qu'il  avait  reçus 
par  la  bonté  de  son  Créateur,  n'ayant  pas  act- 
qais  ces  biens  par  ses  mérites,  et  ne  s'étant 
pas  procuré  à  lui-même  cette  exemption  de 
toute  souffrance  et  de  tous  maux.  Mais  les 
saints  auxquels  appartient  cette  grâce  de 
délivrance  sont  dans  les  maux  pendant 
qu'ils  sont  dans  cette  vie,  et  c'est  dans  ces 
maux  qu'ils  crient  à  Dieu  :  Délivrez-nous  du 
mal.  Adam  étant  dans  ces  biens  n'avait  pas 
besoin  de  la  mort  de  Jésus-Christ.  Mais  ces 
saints  anges  ont  été  absous  du  péché  originel 
et  dé  leurs  péchés  actuels  par  le  sang  de  cet 
Agneau.  Adam  n'avait  pas  besoin  de  cette 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


679 


assistance  que  les  saints  implorent  quand  ils 
disent  :  Je  vois  vne  autre  loi  dans  mes  membres 
gui  combat  la  loi  de  mon  esprit,  et  qui  me  rend 
captif  sous  la  loi  du  péché  qui  est  dans  mes  mem- 
bres. Malheureux  homme  que  je  suis!  qui  me 
délivrera  du  corps  de  cette  mort?  La  grâce  de 
Dieu  p)ar  Jésus-Christ  Notre-Seigneur .  Ils  sen- 
tent dans  eux  que  la  chair  a  des  désirs  contrai- 
res à  ceux  de  l'esprit,  et  que  l'esprit  en  a  de 
contraires  à  ceux  de  la  chair  ;  et  se  voyant 
exposés  aux  travaux  et  aux  périls  de  ce  com- 
bat, ils  demandent  à  Dieu  la  foi-ce  de  com- 
battre et  de  vaincre  par  la  grâce  de  Jésus- 
Christ.  Mais  Adam  n'était  pas  tenté  ni  trou- 
blé par  un  tel  combat  en  soi-même  contre 
soi-même,  et  étant  dans  ce  séjour  de  féli- 
cité, il  jouissait  d'une  entière  paix  dans  son 
esprit  et  dans  son  corps.  C'est  ce  qui  fait  que 
les  saints  ont  besoin  d'une  grâce,  sinon  plus 
heureuse,  au  moins  pins  puissante  que  celle 
d'Adam.  Et  pouvait-il  y  eu  avoir  une  plus 
grande  que  le  Fils  unique  de  Dieu,  égal  à  son 
Père  et  éternel  comme  lui,  qui  s'est  fait  hom- 
me pour  eux?  Le  premier  homme  n'a  pas  eu 
cette  grâce  ^  par  laquelle  il  ne  voulût  jamais 
être  méchant;  mais  il  en  a  eu  une  autre  en 


'  Quid  ergo  7  Adam  non  habuit  Dei  gratiam  ? 
Imo  vero  habuit  magnam,  sed  disparem.  Ille 
in  bonis  eral,  quœ  de  bonitate  sui  Condiloris  ac- 
ceperat  :  neque  enim  ea,  bona  et  ille  suis  ineritis 
comparaverat,  in  quibus  prorsus  nullum  patie- 
balur  malum.  Sancti  vero  in  hac  vila,  ad  quos 
pertinet  liberationis  hœc  gratta,  in  malis  simt,  ex 
quibus  clamant  ad  Deuni:  Libéra  nos  a  malo.  Ille 
in  illis  bonis  Christi  morte  non  eguit  ;  istos  a 
reatu  et  hereditario  et  proprio  illius  cigni  san- 
guis  absolvit.  Ille  non  opus  habebat  eo  adjutorio, 
quod  implorant  isti  cum  dicunt:  Video  aliam  le- 
gem  in  membris  mais  repugnantem  legi  mentis 
mefe,  et  captivantem  me  in  lege  peccati,  quas  est 
in  membris  meis.  Jufelix  ego  homo,  quis  me  libe- 
rabit  de  corpore  mortis  hujus?  Gratia  Dei  per  Je- 
sum  Christum  Domiuum  nostrum.  Quoniam  in  eis 
caro  concupiscit  adversus  spiritum,  et  spirilus  ad- 
versus  carnem,  atque  in  tait  certamine  laboran- 
tes  ac  périclitantes  dari  sibi  pugnandi  vincendi- 
que  virtutem  per  Christi  gratiam  poscunt.  Ille 
vero,  nulla  tali  rixa  de  seipso  adversus  se  ipsum 
tentatus  atque  turbattis,  in  illo  beatitudinis  loco 
sua  secumpace  fruebatur.  Proinde,  etsi  non  inté- 
rim lœtiore  nunc,  verumtamen  poientiore  gratia 
indigent  isti:  et  quœ  potentior  quam  Dei  unige- 
nitus  Filins,  œqualis  Patri  et  coœternus,  pro  eis 
homo  factus.  Aiigust.,  ibid.,  mim.  29  et  30,  pag.  766. 

2  Istam  gratiam  non  habuit  homo  primus,  qua 
nunquam  vellet  esse  malus  :  sed  hanc  habuit,  in 
qua  si  permanere  vellet,  nunquam  malus  esset, 
et  sine  qua  etiam  cum  libero  arbitrio  bonus  esse 
non  posset,  sed  eam  tamen  per  liberum  arbitrium 


deserere  posset.  Nec  ipsum  ergo  Deus  esse  voluit 
sine  sua  gratia,  quant  reliquit  inejus  libero  arbi- 
trio. Quoniam  liberum  arbitrium  ad  malum  suf- 
flcit,  ad  bonum  autem  parum  est,  nisi  adjuvetur 
ab  omnipotenti  bono.  Quod  adjutorium  si  homo 
ille  per  liberum  non  deseruisset  arbitrium,  sem- 
per  esset  bonus  ;  sed  deseruit  et  desertus  est.  Taie 
quippe  erat  adjutorium,  quod  desereret  cum  vel- 
let, et  in  quo  permaneret  si  vellet;  non  quo  fieret 
ut  vellet.  Hœc  prima  est  gratia  quœ  data  est 
primo  Adam:  sed  hœc  potentior  est  in  secundo 
Adam.  Prima  est  enim  qua  fit  ut  habeat  homo 
justitiam  si  velit.  Secunda  ergo  plus  potest,  qua 
etiam  fit  ut  velit,  et  tantum  velit,  tantoque  ardore 
diligat,  ut  carnis  volimtatem  contraria  concu- 
piscentem  voluntate  spiritus  vincat.  Nec  illa  qui- 
dem  parva  erat,  qua  demonstrata  est  etiam  po- 
tentia  liberi  arbitra,  quoniam  sic  adjuvabatur, 
ut  sine  hoc  adjutorio  in  bono  non  maneret,  sed 
hoc  adjutoritim  si  vellet  desereret.  Hœc  autem 
tanto  major  est,  ut  parum  sit  homini  per  illam 
reparave  perditam  libertatem,  parum  sit  denique 
non  passe  sine  illa  vel  apprehendere  bonum,  vel 
permanere  in  bono  si  velit,  nisi  etiam  efficiatur 
ut  velit.  Tune  ergo  dederat  homini  Deus  bonam 
voluntatem,  in  illa  quippe  cum  fecerat  qui  fece- 
rat  rectum:  dederat  adjutorium,  sine  quo  in  ea 
non  posset  permanere  si  vellet;  ut  autem  vellet, 
in  ejus  libero  reliquit  arbitrio.  Posset  ergo  per- 
manere, si  vellet:  quia  non  deerat  adjutorium 
per  quod  posset,  et  sine  çiuo  non  posset  perseve- 
ranter  bonum  lenere  quod  vellet.  Sed  quia  noluit 
permanere,  profecto  ejus  culpa  est,  cujus  meri- 


680 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


laquelle,  s'il  eût  voulu  persévérer,  il  n'eûtja- 
mais  été  méchant,  et  sans  laquelle  il  n'eût 
pu  être  bon,  même  avec  le  libre  arbitre,  et 
qu'il  pouvait  néanmoins  quitter  par  le  li- 
bre arbitre.  Dieu  n'a  donc  pas  voulu  qu'il  fût 
sans  la  grâce ,  qu'il  avait  laissée  à  son  libre 
arbitre,  parce  que  le  libre  arbitre  suffit  pour 
le  mal,  et  qu'il  est  peu  de  chose  pour  le  bien 
s'il  n'est  aidé  par  le  bien  tout  puissant.  Si 
l'homme  n'eût  point  abandonné  ce  secours 
par  son  libre  arbitre,  il  eût  toujours  été  bon. 
Mais  il  l'a  abandonné  et  a  été  abandonné. 
Car  ce  secours  était  tel  qu'il  pouvait  l'aban- 
donner lorsqu'il  voulait,  et  dans  lequel  il 
pouvait  demeurer  s'il  voulait;  mais  il  n'était 
pas  tel  qu'il  le  fit  vouloir.  » 

«  Voilà  la  première  grâce  qui  a  été  donnée 
au  premier  Adam  ;  mais  celle  que  nous  avons 
dans  le  second  Adam  est  plus  puissante  :  la 
première  grâce  est  celle  qui  fait  que  l'homme 
ait  la  justice  s'il  veut;  la  seconde  est  donc 
plus  puissante,  puisqu'elle  fait  que  l'homme 
veuille  et  qu'il  veuille  si  fortement  et  aime 
avec  tant  d'ardeur  que  par  la  volonté  de 
l'esprit  il  surmonte  la  volonté  de  la  chair  qui 
forme  en  lui  des  désirs  contraires.  Cette  pre- 
mière grâce  n'était  pas  petite,  et  c'est  elle 
qui  a  montré  la  puissance  du  libre  arbitre  : 
parce  que  le  libre  arbitre  en  était  tellement 
aidé,  qu'il  ne  pouvait  demeurer  dans  le  bien 
sans  ce  secours,  mais  il  pouvait  l'abandonner 


s'il  voulait.  Mais  la  seconde  grâce  est  d'au- 
tant plus  grande  que  la  première,  que  ce  se- 
rait peu  à  l'homme  de  recouvrer  par  elle  sa 
liberté  perdue,  et  peu  de  ne  pouvoir  sans 
elle  ni  embrasser  le  bien,  ni  demeurer  dans 
le  bien  s'il  voulait,  si  cette  grâce  ne  passait 
plus  avant  et  ne  le  faisait  vouloir.  Dieu  avait 
donné  au  premier  homme  une  bonne  volonté, 
et  dans  cette  bonne  volonté,  dans  laquelle  il 
l'avait  créé,  il  l'avait  fait  droit,  il  lui  avait 
donné  un  secours,  sans  lequel  il  ne  pouvait 
demeurer  dans  cette  bonne  volonté  quand  il 
l'eût  voulu  ;  mais  il  avait  laissé  à  son  libre 
arbitre  le  vouloir.  Il  pouvait  donc  persévérer 
s'il  voulait,  puisqu'il  ne  manquait  pas  d'un 
secours  par  lequel  il  le  pouvait,  et  sans 
lequel  il  ne  pouvait  persévérer  dans  le 
bien  qu'il  voulait.  Mais  ça  été  sa  faute  s'il 
n'a  pas  voulu  y  demeurer,  et  c'eût  été  son 
mérite,  s'il  eût  voulu  y  demeurer,  comme 
ont  fait  les  saints  anges  qui  sont  demem'és 
fermes  par  lem"  libre  arbitre,  lorsque  les 
autres  sont  tombés  par  leur  même  libre  ar- 
bitre ,  et  ont  mérité  de  recevoir  pour  récom- 
pense due  à  leur  fetmeté,  cette  plénitude 
de  félicité  qui  consiste  en  l'assurance  de  de- 
meurer toujours  dans  cette  félicité.  Si  ce 
secours  eût  manqué  ou  à  l'ange  ou  à  l'hom- 
me '  lorsqu'ils  furent  créés  d'abord,  leur  na- 
ture n'étant  pas  telle  que  sans  l'aide  de  Dieu 
elle  pût  demeurer  dans  le  bien  si  elle  vou- 


\ 


ium  fuisset,  sipermanere  vohdsset:  sicut  fuerunt 
angeli  sancti,  qui,  cadenlibus  aliis  per  liberum 
arbitrium,  per  idem  liberum  arbitrium  sleterunt 
ipsi,  et  hujus  permansionis  debilam  mercedem 
recipere  meruerunt,  tantam  scilicet  beatitudinis 
plenitudinem,  qua  eis  certissimum  sit  semper  se 
in  illa  esse  mansuros.  Aiigust.,  lib.  De  Corrept.  et 
grat.,  cap.  xi,  num.  31-32,  iMg.  767  et  768. 

1  Si  autem  hoc  adjutoriuin  vel  angelo  vel  ho- 
mini,  cnm  primum  factisunt,  defuisset  :  quoniam 
non  talis  natii,ra  facta  erat,  ut  sine  divino  adju- 
torio  posset  nianere  si  vellet,  non  utique  sua 
culpa  cecidissent  :  adjutorium  qiiippe  defuisset, 
sine  quo  manere  non  passent.  Nunc  autem  quibus 
de.est  taie  adjutorium,jam  pœna  peccati  est  :  qui- 
hus autem, dalur,  secundum gratiam  datur,  non  se- 
cundum  debitum;  et  tanlo  a-mplius  datur  per  Je- 
sum  Christum  Dominuinnastrum,  quibiis  id  dare 
Deo  placuit,  ut  non  solum  adsit  sine  quo  perma- 
nere  non  possnmus,  etiam  si  velimus,  verum  etiam 
tantumac  taie  sit,  ut  velimus.  Fil  quippe  in  nobis 
per  hanc  Dei  gratiam'  in  bono  rccipiundo  et  per- 
sevcranter  tenendo,  non  solmn  posse  quod  volu- 
mes, verum  etiam:  velle  quod  possumus.  Quod 
non  fuit  in  homine  primo  :  unum  enim  horum  in 
iUo  fuit,  alterum  non  fuit.  Namque  ut  reciperet 
bonum,  gratia  non  egebat,  quia  nondum perdide- 
rat  :  ut  autem  ineo  permaneret,  egebat  adjutorio 


gratiœ,  sine' quo  id  omnino  nonposset;  et  accepe- 
rat  posse  si  vellet,  sed  non  habuit  velle  quod  pos- 
set; nam  si  habuisset  perseverasset.  Posset  enim 
perseverare,  si  vellet  :  quod  ut  nollet,  de  libero 
descendit  arbiirio ;  quod  tune  ita  liberum  erat,  ut 
bene  velle  posset  et  maie.  Quid  autem  erit  liberius 
libero  arbitrio,  quando  non poteril  servirepeccato, 
quoi  futura  erat  et  liomini,  sicut  facta  est  ang élis 
sanclis,  merces  meriti?  Nunc  autem  per  peccatum 
perdito  bono  merilo,  in  his  qui  liberantur,  factum 
est  donum  gratiœ,  quœ  merces  meriti  futura 
erat.  Quapropter  bina  ista  quidinter  se  différant, 
diligenter  et  vigilanter  intuendum  est,  posse  non 
peccare  et  non  posse  peccare,  posse  non  mort 
et  non  posse  mori,  bonum  posse  non  deserere 
et  bonum  non  posse  deserere.  Numquid  dictu- 
ri  sumus ,  non  potuit  peccare,  qui  taie  liabebat 
liberum  arbitrium?  Aiit  non  potuit  mori  cui  die- 
tum,  est  :  Si  peccavei-is,  morte  morieris?  Aut  non 
potuit  bonum  deserere,  cum  hoc  peccando  dese- 
ruerit,  et  ideo  mortuus  sit.  Primo  ergo  libei-las 
voluntatis  erat,  posse  non  peccare;  novissimaeril 
nvulto  major,  non  posse  peccare;  prima  immor- 
talitas,  posse  non  mori;  novissima  erit  multo 
major,  non  posse  mori  :  prima  erat  perseveran- 
tiœpotestas,  bomitn  posse  non  deserere;  novissima 
erit  félicitas  perseverantiœ.  boniiin  nonpossedese- 
rere.  Numquid,  quia  crunt  bona  novissima  potiora 


[IV»  ET  V°  SIÈCLES.] 

lait,  ils  ne  fussent  pas  tombés  par  leur  faute, 
parce    qu'ils  eussent    manqué   du    secours 
sans  lequel  ils  ne  pouvaient  demeurer  (dans 
leur  innocence).  Mais  maintenant  ceux  qui 
sont  privés  de  ce  secours,  en  sont  privés  par 
la  peine  du  péché  ;  et  il  est  donné  par  grâce 
et  non  pas  par  récompense  à  ceux  h  qui  il 
est  donné,  et  il  est  d'autant  plus  abondam- 
ment donné  par  Jésus-Christ  Notre-Seigneur, 
à  ceux  à  qui  il  plaît  à  Dieu  de  le  donner,  que 
nous  n'avons  pas  seulement  un  secours  sans 
lequel  nous  ne  pouvons  demeurer  dans  le 
bien,  encore  que   nous  le    voulions  ;  mais 
qu'il  est  tel  et  si  grand,   qu'il  nous  le  fait 
vouloir.  Car  pour  recevoir  le  bien  et  le  gar- 
der avec  persévérance,  cette  grâce  ne  nous 
donne  pas  seulement  de  pouvoir  ce  que  nous 
voulons,  mais  encore  de  vouloir  ce  que  nous 
pouvons,  ce  qui  n'a  pas  été  dans  le  premier 
homme.  Il  avait  bien  l'une  de  ces  deux  cho- 
ses, mais  il  n'avait  pas  l'autre,  parce  qu'il 
n'avait  pas  besoin  de  la  grâce  pour  recevoir 
le  bien,  ne  l'ayant  pas  encore  perdu.  Mais 
pour  demem-er  dans  le  bien,  il  avait  besoin 
du  secours  de  la  grâce,  sans  lequel  il  ne  l'eût 
pu  en  aucune  manière.  Il  avait  reçu  la  grâce 
de  pouvoir  s'il  voulait,  mais  il  n'a  pas  eu 
celle  de  vouloir  ce  qu'il  pouvait.  Car  s'il  l'eût 
eue,  il  eut  persévéré.  Il  pouvait  persévérer 
s'il  eut  voulu;  et  s'il  ne  le  voulut  pas,  ce  fut 
par  son  libre  arbitre,  qui  était  alors  tellement 
libre  qu'il  pouvait  vouloir  le  bien  et  le  mal. 
Mais  qui  sera  plus  libre  que  le  libre  arbitre, 
lorsqu'il  ne  pourra  servir  au  péché?   C'eût 
été  la  récompense  du  mérite  à  l'homme  (s'il 
eût  gardé   son  innocence)   comme    elle  l'a 
été  des  saints  anges.   Mais  maintenant  le 
bon   mérite  ayant  été  perdu  par  le  péché, 
ce  qui  devait  être  la  récompense   du   mé- 
rite,  est  devenu  un  don  de  grâce    dans 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


681 

ceux  qui  sont  délivrés.  C'est  pourquoi  il  faut 
considérer  avec  soin  et  avec  attention  la  dif- 
férence qu'il  y  a  entre  ces  deux  choses  de 
pouvoir  ne  point  pécher,  et  de  ne  pouvoir 
pécher  ;  de  pouvoir  ne  point  mourir,  et  de 
ne  pouvoir  mourir;   de  pouvoir  ne  point 
abandonner  le  bien,  et  de  ne  pouvoir  aban- 
donner le  bien:  car  le  premier  homme  a  pu 
ne  point  pécher,  il -a  pu  ne  point  mourir,  il  a 
pu  ne  point  abandonner  le  bien.  Mais  dirons- 
nous  que  celui  qui  avait  un  tel  libre  arbitre 
n'a  pu  pécher?  Peut-on  dire  qu'il  ne  pouvait 
mourir,  lui  à  qui  on  a  dit  :  Si  vous  péchez,  vous 
mourrez  assurément? 'N'a-t-ilçn  abandonner  le 
,  bien,  puisqu'il  l'a  abandonné  en  péchant,  et 
que  cet  abandon  a  été  la  cause  de  sa  mort?  Il 
s'ensuit  donc  que  la  pi'emière  liberté  de  la  vo- 
lonté était  de  pouvoir  ne  point  pécher  ;  et  que 
la  dernière,  beaucoup  plus  gi-ande  que  l'au- 
tre, sera  de  ne  pouvoir  pécher'.  La  première 
immortalité  était  de  pouvoir  ne  point  mourir, 
et  la  dernière,  qui  est  beaucoup  plus  grande, 
sera  de  ne  pouvoir  mourir.  La  première  puis- 
sance de  la  persévérance  était  de  pouvoir  ne 
point  abandonner  le  bien,  et  la  dernière  féli- 
cité de  la  persévérance  sera  de  ne  pouvoir 
abandonner  le  bien.  S'ensuit-il  que  ces  pre- 
miers biens,  ou  ont  été  nuls,  ou  ont  été  pe- 
tits, parce  que  ces  derniers  seront  plus  grands 
et  plus  précieux?  » 

85.  D'après  saint  Augustin ,  «  il  faut  aussi 
distinguer  '  deux  sortes  de  secours  :  l'un  sans 
lequel  une  chose  ne  se  fait  point,  et  l'autre 
par  lequel  quelque  chose  se  fait.  Sans  la 
nourriture  nous  ne  pouvons  vivre ,  néan- 
moins le  secours  de  la  nourriture  ne  fait  pas 
vivre  celui  qui  veut  mourir  :  d'où  il  suit  que 
le  secours  de  la  nourriture  est  un  secours 
sans  lequel  on  ne  peut  vivre,  et  non  par 
lequel  nous  vivons.  Mais  lorsque  la  béati- 


Stir  lagràce 
des  deux  états. 


atgue  meliora,  ideo  fuerunt  illa  prima  vel  nulla 
vel  parva  ?  August.,  iib.  De  Corrept.  et  grat., 
cap.   ti,  num.  32,  pag.  768. 

'  Itemque  ipsa  adjuioria  disiinguenda  sunt. 
Aliud  est  adjutormm  sine  quo  aliquid  non  fit,  et 
aliud  est  adjutorium  quo  aliquid  fit.  Nam  sine 
alimentis  non  possii7nus  vivere,  nec  tamen  cum 
adfuerint  alimenta,  eis  fit  ut  vivat  qui  mori  vo- 
luerit.  Ergo  adjutorium  alimentonim  est  sine  quo 
non  fit,  non  quo  fit  ut  vivamus.  Àt  vero  beatitudo 
quam  non  habet  homo,  cum  data  fuerit,  continuo 
fit  heatus.  Adjutorium  est  enim  non  solum  sine 
quo  non  fit,  verum  etiam  quo  fit  propter  quod 
datur.  Quapropter  hoc  adjutorium  et  quo  fit  est, 
et  sine  quo  non  fit  :  quia  et  si  data  fuerit  homini 
beatitudo,  continuo  fit  beatus;  et  si  data  nun- 


quam  fuerit,  nunquam  erit.  Alimenta  vero  non 
consequenler  faciunt  ut  homo  vivat;  sed  tamen 
sine  illis  non  potest  vivere.  Primo  itaque  homini, 
qui  in  eo  bono  quo  factus  fuerat  rectus  acceperat 
posse  non  peccare,  posse  non  mori,  posse  ipsum 
bonum  non  deserere,  datum  est  adjutorium  per- 
severantiœ,  non  quo  fieret  ut  perseveraret,  sed 
sine  quo  per  liberum  arbitrium  perseverare  non 
posset.  Nunc  vero  sanctis  in  regnum  Dei  per  gra- 
tiam  Dei  prœdestinatis  non  taie  adjutorium  per- 
severantice  datur,  sed  taie  ut  perseverantia  ipsa 
donetur;  non  solum  ut  sine  isto  dono  perseve-- 
rantes  esse  non  possint,  verum  etiam  ut  per  hoc 
donum  non  nisi  persévérantes  sint.  August.,  Iib. 
Be  Corrept.  et  grat.,  cap.  xu,  num.  34,  pag.  769. 


682 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


tilde  est  donnée  à  l'homme  qui  ne  l'avait 
pas,  il  devient  aussitôt  heureux,  parce  que 
ce  n'est  pas  seulement  un  secours  sans  le- 
quel la  chose  ne  se  fait  pas ,  mais  aussi  par 
lequel  elle  se  fait.  C'est  pourquoi  ce  secours 
est  tel  que  par  lui  l'efiet  pour  lequel  il  est 
donné  se  produit,  et  que  sans  lui  il  ne  se 
produit  point  ;  étant  certain  qu'aussitôt  que 
la  béatitude  est  donnée  à  l'homme,  il  devient 
heureux,  et  que,  si  elle  ne  lui  est  jamais  don- 
née, il  ne  sera  jamais  heureux.  Mais  la  uoui- 
riture  ne  fait  pas  que  l'homme  vive ,  quoique 
sans  elle  il  ne  puisse  vivre.  Ainsi,  le  pre- 
mier homme,  qui  dans  le  bien  de  sa  créa- 
tion ,  où  il  était  juste  et  droit ,  avait  la  grâce 
de  pouvoir  ne  point  pécher ,  de  pouvoir  ne 
point  mourir,  et  ne  point  abandonner  ce 
bien,  avait  reçu  le  secours  de  la  persévé- 
rance, non  par  lequel  il  persévérât,  mais 
sans  lequel  il  ne  pouvait  persévérer  par  son 
libre  arbitre.  Mais  aujourd'hui  Dieu  ne  donne 
pas  seulement  ce  premier  secours  de  persé- 
vérance aux  saints  qui  sont  prédestinés  par 
la  grâce  pour  le  royaume  de  Dieu  ;  le  se- 
cours que  Dieu  leur  donne  est  tel  qu'il  leur 
donne  la  persévérance  même  ;  en  sorte  que 
non-seulement  ils  ne  puissent  persévérer 
sans  ce  don ,  mais  que  par  ce  don  ils  persé- 
vèi'ent  infailliblement  :  car  le  Fils  de  Dieu 
jran.  XV,  1  n'a  pas  dit  seulement'  :  Sans  moi,  vous  ne 
pouvez  rien  faire  ;  mais  il  a  dit  aussi  :  Ce  n'est 
pas  vous  qui  m'avez  choisi,  mais  c'est  moi  qui 
vous  ai  choisis  et  qui  vous  ai  établis,  afin  que 
vous  alliez  et  que  vous  apportiez  du  fruit,  et 
que  le  fruit  que  vous  apporteriez  sicbsiste  et  de- 
meure. Il  montre  par  ces  paroles  qu'il  ne  leur 
a  pas  donné  seulement  la  justice,  mais  la 


persévérance  dans  la  justice.  En  effet,  com- 
me Jésus-Christ  les  établit  pour  aller  et 
pour  apporter  du  fruit,  et  du  fruit  qui  sub- 
siste et  qui  demeure ,  qui  oserait  dire  que 
peut-être  ce  fruit  ne  demeurera  pas ,  puis-  R»™' »'. 
que  Dieu  ne  se  repent  point  de  ses  dons  et  de  sa 
vocation?  mais  Ja  vocation  est  de  ceux  qui 
sont  appelés  suivant  le  décret.  » 

«  Jésus-Christ  donc  priant  pour  eux,  afin 
que  leur  foi  ne  défaille  point ,  il  est  certain 
que  leur  foi  ne  défaillera  pas  jusqu'à  la  fin  ; 
qu'ainsi  elle  persévérera  jusqu'à  la  fin,  et 
que  la  fin  de  cette  vie  la  trouvera  toujours 
ferme  et  subsistante.  Et  certes,  il  était  be- 
soin nécessairement  d'une  plus  grande  li- 
berté contre  tant  et  de  si  grandes  tentations 
qui  n'ont  point  été  dans  le  paradis,  et  il  fal- 
lait qu'elle  fût  soutenue  et  fortifiée  par  le 
don  de  persévérance ,  afin  de  vaincre  ce 
monde  avec  tous  ses  attraits ,  ses  menaces 
et  ses  tromperies.  Les  martyres  que  les  saints 
ont  soufferts  prouvent  cette  vérité.  Adam, 
sans  avoir  personne  qui  le  menaçât,  usant 
au  contraire  de  son  libre  arbitre  contre  le 
commandement  de  Dieu  qui  le  menaçait,  n'a 
point  persévéré  dans  ce  grand  bonheur  avec 
une  si  grande  facilité  de  ne  point  pécher  : 
tandis  que  les  martyrs  sont  demem-és  fermes 
dans  la  foi,  dans  le  temps  que  le  monde 
non-seulement  les  menaçait,  mais  qu'il  les 
tourmentait,  afin  d'ébranler  leur  fermeté  ;  ce 
qui  est  d'autant  plus  étrange  qu'Adam  voyait 
les  biens  présents  qu'il  perdait,  et  que  ceux-ci 
ne  voyaient  point  les  biens  à  venir  qu'ils  re- 
cevraient. D'où  est  venue  cette  constance, 
sinon  du  don  de  celui  duquel  ils  ont  obtenu 
la  miséricorde  d'être  fidèles ,  de  qui  ils  ont 


1  JVoîi  solwin  enim  dixit  :  Sine  me  nihil  potestis 
faoere,  veruni  etiam  dixit  :  Non  vos  me  elegistis, 
sed  ego  elegi  vos,  et  posui  vos,  ut  eatis  et  fructum 
afîeratis,  et  fructus  vester  maneat.  Q^nb^l■s  verbis 
eis  non  solum  justitiam,  verum  etiam  in  illa  per- 
severantiam  se  dédisse  monslravit.  Chrislo  enim 
sic  eos  ponente  ut  eant,  et  fructum  altérant,  et 
fructus  eorum  maneat,  quis  audeat  dicere  :  Kon 
manebit?  Quis  audeat  dicere  :  Forsitan  non  ma- 
nebit?  Sine  pœniteutia  suut  enim  dona  et  voca- 
tio  Dei.  Sed  vocatio  eorum  qui  secundum  propo- 
situm  vocali  sunt,  pro  his  igitur  interpellante 
Christo  ne  deficiat  fides  eorum,  sine  dubio  non  de- 
ficiet  usque  in  fmem  :  ac  per  hocpersevcrahit  us- 
que  in  finem,  nec  eam  nisi  manentem  vitœ  hujus 
inceniet  finis.  Major  qaippe  libertas  est  necessaria 
advers^ls  tôt  et  tantas  tentationes,quœinparadiso 
non  fuerunt,  dono  perseverantiai  munita  atque 
firmata,  ut  cum  omnibus  amoribus,  terroribus, 
erroribus  suis  vincatur  hicmundus:  hoc  sancto- 


rum  martyria  docuerunt.  Denique  ille  et  terrenle 
nullo  et  insuper  contra  Dei  terrentis  imperium 
libero  usus  arbitrio,  non  stetit  inlanla  felicitate, 
in  tanta  non  peccandi  faciUtate  :  isli  autem.,  non 
dico  lerrente  mundo,  sed  sœviente  ne  starent,  ste- 
terunt  in  fuie:  cum  videret  ille  bona  prœsentia 
quœ  fuerat  relicturus,  isti  fuerant  quœ  accepturi 
fuerant  non  vidèrent.  Unde  hoc  nisi  donante  illo, 
a  quo  miser icordiam  consecuU  sunt  ul  fidèles  es- 
sent,  a  quo  acceperunt  spirit^im,nontimoris,  quo 
persequentibus  cédèrent,  sed  virtutis  et  charitalis 
et  continentiœ,  quo  cuncta  minantia,  cuncta  in- 
vitanlia,  cuncta  cruciantia  superarenl  ?  Illi  ergo 
sine  peccato  ullo  data  est,  cum  qua  condilit'S  est, 
voluntas  libéra  et  eam  fecit  servire  peccato  : 
horum  vero  cum  fuisset  voluntas  serva  pecca- 
ti,  iibcrata  est  per  illum  qui  dixit  :  Si  vos  Fi- 
lius  liberaverit,  tuno  vere  liberi  eritis.  August, 
lib.  De  Corrept.  et  grat.,  cap.  xn,  num.  3i,  pag. 
G69. 


[iv»  ET  v=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


683 


reçu  l'esprit  non  de  crainte  par  lequel  ils  cé- 
deraient aux  persécuteurs,  mais  de  force, 
d'amour  et  de  pureté ,  par  lequel  ils  triom- 
phent de  toutes  les  menaces,  de  toutes  les 
caresses  et  de  tous  les  tourments  ?  Dieu  a 
donné  à  Adam ,  qui  n'avait  aucun  péché ,  la 
volonté  libre  avec  laquelle  il  a  été  créé ,  et 
Adam  l'a  fait  servir  au  péché  ;  au  lieu  que 
la  volonté  des  autres  ayant  été  esclave  du 
péché ,  elle  a  été  délivrée  par  celui  qui  a 
dit  :  Vous  serez  vraiment  libres  lorsque  le  Fils 
vous  délivrera,  n 

«  Ils  reçoivent  une  si  grande  liberté  par  cette 
grâce ,  qu'encore  qu'ils  combattent  '  contre 
les  passions  des  péchés  ,  tandis  qu'ils  vivent 
en  ce  monde,  et  qu'il  g'en  glisse  toujom-s 
quelques-uns  dans  le  ar  cœur  qui  les  obligent 
de  dire  tous  les  jours  :  Pardonnez-nous  nos 
offenses;  néanmoins  ils  ne  servent  plus  au 
péché  qiii  donne  la  mort,  dont  l'apôtre  saint 
Jean  dit  :  Il  y  a  un  péché  qui  donne  la  mort, 
pour  lequel  je  ne  dis  pas  que  l'on  prie.  Ils  ne 
sont  plus  esclaves  de  ce  péché,  non  qu'ils 
aient  été  libres  par  leur  première  condition, 
comme  Adam ,  mais  parce  qu'ils  ont  été  dé- 
livrés par  la  grâce  de  Dieu  et  par  le  second 
Adam ,  et  que  par  cette  délivrance  ils  ont  le 
libre  arbitre  qui  les  rend  serviteurs  de  Dieu 
et  non  captifs  du  démon.  Car  ayant  été  déli- 
vrés du  péché ,  ils  sont  devenus  esclaves  de  la 
justice,  dans  laquelle  ils  persévéreront  jus- 
qu'à la  fin  par  le  don  de  persévérance  qu'ils 
reçoivent  de  celui  qui  les  a  connus ,  qui  les  a 
appelés  selon  son  décret ,  les  a  justifiés  et 


Rom,  IT,  19 
et  20. 


glorifiés  :  parce  que  les  choses  qpi'il  leur 
avait  promises  étaient  déjà,  cpioique  à  venir, 
faites  par  celui  aux  promesses  duquel  Abra-  Hom,  iv, 
ham  crut,  et  à  qui  cette  croyance  fut  impu- 
tée à  justice  ;  car  ayant  une  foi  entière  ,  il 
rendit  gloire  à  Dieu  en  reconnaissant ,  selon 
l'Éci'iture,  que  Dieu  pouvait  faire  ce  qu'il 
avait  promis.  C'est  donc  lui  qui  les  rend 
bons ,  afin  qu'ils  fassent  de  bonnes  œuvres. 
n  n'a  pas  promis  ces  enfants  à  Abraham, 
parce  qu'il  a  prévu  qu'ils  seraient  bons  par 
eux-mêmes,  puisque,  s'il  était  ainsi,  il  n'au- 
rait pas  promis  ce  qui  dépendrait  de  lui, 
mais  ce  qui  dépendrait  d'eux.  Or,  Abraham 
n'a  pas  cru  de  la  sorte  ;  mais  il  n'a  point  été 
affaibli  dans  la  foi,  rendant  gloire  à  Dieu ,  et 
croyant  fermement  que  Dieu  pouvait  faire  les 
choses  qu'il  avait  promises.  L'Ecriture  ne  dit 
pas  que  Dieu  peut  promettre  ce  qu'il  a  prévu, 
ou  qu'il  peut  vérifier  ce  qu'il  a  prédit ,  ou 
qu'il  peut  prévoir  ce  qu'il  a  promis ,  mais 
elle  dit  :  Il  peut  faire  ce  qu'il  a  promis.  C'est 
donc  celui  qui  les  rend  bons  qui  les  fait  per- 
sévérer dans  le  bien  ;  mais  ceux  qui  tombent 
et  qui  périssent  n'ont  pas  été  du  nombre  des 
prédestinés.  Encore  donc  que  l'Apôtre  par- 
lât de  tous  les  baptisés  et  de  tous  ceux  qui 
vivent  avec  piété,  en  disant  :  Qui  êtes-vous,  nom. iit,«. 
qui  jugez  le  serviteur  d' autrui?  C'est  pour  son 
maître  qu'il  demeure  ferme  ou  qu'il  tombe.  Il 
parle  aussitôt  après  en  particulier  des  pré- 
destinés, et  dit  :  Mais  il  demeure  ferme;  et 
de  peur  qu'il  ne  s'attribue  cette  force,  il 
ajoute  :  Car  Dieupeut  l'affermir.  Celui-là  donc 


1  Et  accipiunt  tantam  per  istam  gratiam  li- 
bertatem,  ut  qiiamvis,  quamdiu  hic  vivuni,  pug- 
nent  contra  concupiscentias  peccatorum,  eisque 
nonmilla  siibrepant ,propter  quœ  dicant  quoiidie: 
Dimitte  nobis  débita  nostra  non  tamen  %Mra  ser- 
viant  peccato  quod  est  ad  mortem,  de  quo  dicit 
Joannes  apostolus:  Est  peccatum  ad  mortem,  non 
pro  illo  dico  ut  roget.  De  quo  peccato  fquoniam 
non  expressum  est)  possimt  multa  et  diversa  sen- 
tiri:  ego  autem  dico  id  esse  peccatum,  fide  m,  quœ 
per  dilectionem  operatur,  deserere  usque  ad  mor- 
tem. Huic  peccato  ultra  non  serviunt,  non  prima 
condilione,  sicut  ille,  liberi,  sed  per  secundum 
Adam  Dei  gratia  liberati ,  et  ista  liberatione  ha- 
bentes  liberum  arbitrium  quo  serviant  Deo,  non 
quo  captiventur  a  diabolo.  Liberati  enim  a  pec- 
cato servi  facti  sunt  justitiœ,  m  qua  stabunt  usque 
in  linem  douante  sibi  illo  perseverantiam,  qui 
eos prœscivit,  et  prœdestinavit,  et  secundum  pro- 
positum  vocavil,  et  justificavit  et  gloriftcavit ; 
quoniam  illa  quœ  de  his  promisit,  etiam  futura 
jam  fecit;  cui  promittenti  credidit  Abraham,  et 
deputatum  est  illi  ad  justitiam.  Dédit  enim  gloriam 
Deo, plenissime  oredens,  sicM(  scriptum  est:  Quia, 


quœ  promisit,  potens  est  et  facere.  Ipse  ergo  illos 
bonos  facit,  ut  bona  faciant.  Neque  enim  prop- 
terea  eos  promisit  Abrahœ,  quia  prœscivit  a  se 
ipsis  bonos  fuluros.  Nam  si  ita  est,  non  suum, 
sed  eorum  est  quod  promisit.  Non  autem  sic  cre~ 
didit  Abraham ,  sed  non  est  infirmatus  in  tide , 
dans  gloriam  Deo  et  plenissime  credens,  quia,  quae 
promisit,  potens  est  et  facere.  Non  ait:  Quœ  prœs- 
civit, potens  est  promittere,  aut,  quœ  prœdixit, 
potens  est  ostendere,  aut,  quœ  promisit,  potens  est 
prœscire  ;  sed  :  Quœ  promisit ,  potens  est  et  facere. 
Ipse  igitur  eos  facit  perseverare  in  bono,  qui  fa- 
cit bonos.  Qui  autem  cadunt  et  pereunt,  in  pros- 
destinatorum  numéro  non  fuerunt.  Quamvis  ergo 
de  omnibus  regeneratis  et  pie  viventibus  loquere- 
tur  Apostolus,  dicens  :  Tu  quis  es  qui.judices  alie- 
num  servum?  Suo  Domino  stat  aut  cadit.  Continua 
tamen  respexit  ad  prœdestinatos,  et  ait:  Stabit 
autem  ;  et  ne  hoc  sibi  arrogarent ,  potens  est  enim 
Dans,  inquit,  statuera  eum.  Ipse  itaque  dat  perse- 
verantiam,  qui  staluere  potens  est  eos  qui  stant, 
ut  perseverantissime  stent,  vel  restituere  qui  ce- 
ciderunt,  Dominus  enim  erigit  elisos.  August.,  lib. 
De  Corrept.  et  grat.,  num.  35  et  36,  pag.  770. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


684 

donne  la  persévérance  qui  peut  affermir 
ceux  qui  sont  debout ,  afin  qu'ils  continuent 
à  demeurer  toujours  debout,  ou  qui  peut 
rétablir  ceux  qui  sont  tombés.  » 

«Le premier  bomme  '  n'avait  pas  reçu  ce 
don  de  Dieu ,  c'est-à-dire  la  persévérance 
dans  le  bien,  mais  il  était  laissé  à  son  libre 
arbitre  de  persévérer  ou  de  ne  pas  persévé- 
rer. La  l'aison  en  est  que  sa  volonté  avait  été 
créée  sans  péché  ;  qu'il  n'avait  de  lui-raéme 
aucun  mouvement  de  concupiscence  qui  lui 
résistât;  et  que  sa  volonté  avait  de  telles 
forces  qu'il  était  juste  de  commettre  à  une  si 
grande  bonté,  et  à  une  si  grande  facilité  de 
bien  vivre,  la  liberté  de  persévérer.  Dieu 
prévoyant  cependant  ce  que  l'homme  devait 
faire  injustement,  mais  le  prévoyant  sans  l'y 
contraindre,  et  sachant  en  même  temps  ce 
qu'il  ferait  de  lui  selon  les  règles  de  sa  jus- 
tice. Mais  maintenant  que  cette  grande  li- 
berté, qui  était  en  Adam,  est  perdue  en  pu- 
nition de  son  péché,  il  est  demeuré  dans 
l'homme  une  si  grande  faiblesse  qu'il  a  été 
nécessaire  qu'ehe  fût  secourue  par  des  dons 
encore  plus  grands;  il  a  plu  à  Dieu  d'agir 
ainsi,  afin  d'étoufier  puissamment  l'orgueil 
de  la  présomption  humaine ,  et  empêcher 
icor.  1, 29.  que  nulle  chair,  c'est-à-dire,  nul  homme  ne 
pût  se  glorifier  devant  lui.  De  quoi,  en  effet, 
l'homme  pourrait-il  se  glorifier  devant  lui , 
sinon    de   ses  mérites?  Il  a  pu  les  avoir, 


mais  il  les  a  perdus  par  le  même  libre  ar" 
bitre  par  lequel  il  a  pu  les  avoir  :  ce  qui 
fait  qu'il  ne  reste  que  la  grâce  du  Libéra- 
teur à  ceux  qui  ont  besoin  d'être  délivrés. 
C'est  ainsi  que  nul  homme  ne  se  glorifie 
devant  Dieu  :  car  les  pécheurs  ne  se  glo- 
rifient pas,  n'ayant  rien  de  quoi  ils  puissent 
se  glorifier.  Les  justes  ne  se  glorifient  pas 
non  plus,  parce  que  c'est  de  Dieu  qu'ils  ont 
sujet  de  se  glorifier ,  et  qu'ils  n'ont  point 
d'autre  gloire  que  celui  à  qui  ils  disent  :  Vous 
êtes  ma  gloire,  et  c'est  vous  qui  élevez  ma  tête. 
Ainsi  l'Écriture  a  marqué  tous  les  hommes 
lorsqu'elle  a  dit  :  Afin  que  nul  homme  ne  se 
glorifie  devant  lui.  Mais  eUe  n'a  marqué  que 
les  justes,  lorsqu'eUe  a  dit  :  Que  celui  qui  se 
glorifie,  se  glorifie  dans  le  Seigneur  :ce  qui  mon- 
tre que  Dieu  n'a  pas  voulu  que  ses  saints  se 
glorifiassent  en  lem's  propres  forces,  mais  en 
lui,  de  la  persévérance  même  ;  puisque  non- 
seulement  il  leur  donne  un  secours  tel  qu'il 
a  donné  au  premier  homme,  sans  lequel  ils 
ne  pouvaient  persévérer,  quand  ils  le  vou- 
draient ,  mais  qui  produit  même  le  vouloir 
en  eux  :  car  ils  ne  persévéreront  pas , 
s'ils  ne  le  peuvent  et  ne  le  veulent,  et  à 
cause  de  cela,  la  possibilité  et  la  volonté 
même  de  persévérer  leui-  sont  données 
par  la  libéralité  de  la  grâce  divine;  et 
le  Saint-Esprit  ^  embrasse  tellement  leur 
volonté ,  que  ce  qui  est  cause  qu'ils  peuvent 


I  Cor.  I,  89 


II  Co-.  J,  n, 


1  Ut  ergo  non  acciperet  hoc  donum  Dei,  id  est, 
in  bono  perseverantiam,  priinus  hoino.sedperse- 
verare  vel  non  perseverare  in  ejus  relinqiieretur 
arbitrio,  taies  vtres  liabebat  ejus  vokmtas,  quœ 
sine  ullo  fueral  institula  pcccato ,  et  ni/iil  illi  ex 
seipso  concapiscentialiter  resistebat,  ut  digne 
tantœ  bonitali  et  tantœ  bene  Vivendi  facitilati 
perseverandi  cfimmitleretur  arbitrium  ;  Deo  qui- 
dem  prœsciente  quid  esset  facturus  injuste ,  prœs- 
ciente  tamen,  non  ad  hoc  cogente  ;  sed  simul 
sciente  quid  de  iUo  ipse  faceret  juste.  Nunc  vero 
poslea  quam  est  illa  magna peccati  merito  amissa 
libertas,  etiam  majoribus  donis  adjuvanda  re- 
mansil  infirmitas.  Flacuil  enim  Deo,quo  maxime 
humanœ  superbiam  prœsumplionis  exslingueret , 
ut  non  glorieturomnis  oaro  coram  ipso,  id  est,  om- 
nis  homo.  Unde  auleni  non  glorielur  caro  coram 
ipsonisi  de  meritis  suis?  quœ  quidem  potidt  ha~ 
bere,  sed  perdidit,  et  per  quod  habere  potuit,  per 
hoc  perdidit,  hoc  est,  per  liberum  arbitriunv  : 
pr opter  quod  non  restât  liberandis  nisi  gratta  li- 
beranlis.  Ita  ergo  non  gloriatur  omnis  caro  co- 
ram ipso.  Non  enim  gloriantur  injusti,  qui  non 
habentunde;  nec  justi,  quia  ex  ipso  habent  unde, 
nec  habent  gloriamsuam,  nisi  ipsum  oui  dicwnt  : 
Gloria  mea  et  exaltans  caput  meum.  Ac  per  hoc  ad 
omnem  hominem  pertinet  quod  scriptum  est  :  Ut 


non  glorietur  omnis  caro  coram' ipso;  ad  justos 
autem  illud  :  Qui  gloriatur,  in  Domino  glorietur. 
Hoc  enim  Àposlolus  apertissime  oslendit,  qui,  cum 
dixisset  :  Ut  non  glorietur  omnis  caro  coram  ipso, 
ne  putarent  sancti  sine  gloria  se  remansisse,  mox 
addidit  :  Ex  ipso  autem  vos  estis  in  Jesu  Cbristo, 
qui  factus  est  nobis  sapientia  a  Deo,  et  justitia,  et 
sanctificatio,  et  redemptio,  iit ,  quemadmodum 
scriptum  est  :  Qui  gloriatur,  in  Domino  glorietur. 
Hinc  est  quod  in  hoc  loco  miseriarum,  ubi  tenta- 
tio  est  vila  humana  super  terram  :  Virtus  in  iu- 
firmitate  perficitur;  quœ  virtus  nisi,  ut  qui  glo- 
riatur, in  Domino  glorietur?  Àc  per  hoc  nec  de  ip- 
sa  perseuerantia  boni  voluit  Deus  sanctos  suos 
in  viribus  suis,  sed  de  ipso  gloriari  :  qui  eis  non 
solum  dat  adjutorium  quale  primo  homini  dédit, 
sine  quo  nonpossint  perseverare  si  velint;  sedin 
eis  etiam  operatur  et  velle,  ut  quoniam  non  per- 
severabunt,  nisi  etpossint  et  velint,  perseverandi 
eis  et  possibilitas  et  volunlas  divinœ  gratiœ  lar- 
gitate  donetur.  August. ,  lib.  De  Corrept.  et  grat., 
cap.  XII,  num.  37  et  38,  pag.  770  et  771. 

2  Tanquam  quippe  Spiritu  Sancto  accenditur 
volunlas  eorum,  ut  ideo  possint,  quia  sic  lolunt,. 
ideo  sic  velint,  quia  Deus  operatur  ut  velint.  Nam 
si  in  tantainfirmilate  vitce  hujus  (in  qua  lamen 
infirmitale  propter  elationem  reprimendam  per- 


[IV'  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


agir,  c'est  qu'ils  le  veulent  ainsi,  et  que  ce 
qui  est  cause  qu'ils  le  veulent  ainsi,  c'est  que 
Dieu  opère  en  eux  qu'ils  le  veulent.  Étant 
certain  que,  si  dans  la  faiblesse  de  cette  vie, 
nécessaire  toutefois  pour  réprimer  l'orgueil 
et  perfectionner  la  vertu,  on  leur  laissait  leur 
volonté,  en  sorte  qu'ils  demeurassent,  s'ils 
voulaient,  dans  le  secours  de  Dieu,  sans  le- 
quel ils  ne  pourraient  persévérer,  et  que 
Dieu  n'opérât  point  dans  eux  le  vouloir,  la 
volonté  succomberait  parmi  tant  et  de  si 
grandes  tentations;  et  ils  ne  pourraient  persé- 
vérer ,  parce  que,  défaillants  par  leur  fai- 
blesse ,  ils  ne  voudraient  pas,  ou  du  moins 
ils  ne  voudraient  pas  assez  fortement  pour  le 
pouvoir.  Il  a  donc  été  pourvu  à  l'infirmité 
de  la  volonté  humaine, afm  que  parla  grâce 
de  Dieu  elle  fût  poussée  indéclinablement  et 
insurmontablement,  et  qu'ainsi,  quelque  fai- 
ble qu'elle  fût,  elle  ne  défaillît  point,  et  ne 
fût  point  vaincu  par  quelque  adversité.  Il  est 
vrai  que  Dieu  a  laissé  le  premier  homme 
dans  sa  liberté,  lorsqu'il  était  très-fort,  et 
lui  a  permis  de  faire  ce  qu'il  voulait  ;  mais 
pour  les  hommes  qui  sont  faibles  depuis  le 
péché  d'Adam,  il  leur  a  réservé  le  don  de 
sa  grâce,  par  lequel  ils  veulent  le  bien  très- 


685 

invinciblement,  et  ne  veulent  pas  très-invin- 
ciblement l'abandonner.  » 

La  différence  de  la  grâce  des  deux  états 
était  insupportable  aux  semi-pélagiens.  «  Ils 
ne  peuvent  souffrir,  dit  Hilaire  '  à  saint  Au- 
gustin, qu'on  fasse  consister  la  différence  de 
la  grâce  d'Adam,  d'avec  celle  de  tous  ses 
descendants,  en  ce  que,  comme  dit  votre 
sainteté,  le  premier  homme  avait  reçu  le  se- 
cours de  la  persévérance ,  non  par  lequel  il  per- 
sévérât ,  mais  sans  lequel  il  ne  pouvait  persévé- 
rer ;  au  lieu  que  ,  maintenant,  Dieu  ne  donne 
pas  seulement  un  tel  secours  de  persévérance 
aux  saints  qui  sont  prédestinés  par  la  grâce  de 
Dieu  pour  son  royaume,  mais  le  secours  que 
Dieu  leur  donne  est  tel  qu'il  leur  donne  la 
persévérance  même,  en  sorte  que  non-seule- 
ment ils  ne  puissent  persévérer  sans  ce  don, 
mais  que  par  ce  don  ils  persévèrent  in- 
failliblement. Ils  sont  tellement  choqués  de 
ces  paroles  de  votre  sainteté  qu'ils  ne  crai- 
gnent point  de  dire  qu'elles  jettent  les  hom- 
mes dans  une  espèce  de  désespoir  :  car,  di- 
sent-ils, s'il  est  vrai  que  la  grâce  [d'Adam 
était  de  telle  nature,  qu'il  pouvait  demeurer 
ou  ne  pas  demeurer  dans  la  justice,  celle  de 
l'état  présent  applique  au  contraire  les  saints 


fici  virtutem  oportebat,)  ipsis  relinqueretur  vo- 
luntas  sua,  ut  in  adjutorio  Bei,  sine  quo  perseve- 
rare  non  passent,  manerent  si  vellent,  nec  Deus 
in  eis  operaretiir  ut  vellent,  inter  tôt  et  tantas 
tentationes  infirmitate  sua  voluntas  ipsa  suc- 
cumberet,  et  ideo  perseverare  non  passent,  quia 
déficientes  infirmitate  nec  vellent,  aut  non  ita 
vellent  infirmitate  valunlatis  ut  passent.  Subven- 
tum  est  igitur  infirmilati  voluntatis  humanœ,  ut 
divina  gratia  indeclinabiliter  et  insuperabiliter 
ageretur,  et  ideo ,  quamvis  infirma,  non  tamen 
deficeret  neque  adversitate  aliqua  vinceretur.  Ita 
factwn  est  ut  voluntas  hominis  invalida  et  imbe- 
cillis  in  bono  adhuc  parvo  perseveraret,  per  vir- 
tutem Dei.  Cum  voluntas  primi  hominis  fortis  et 
sanain  bono  ampliore  nonperseveraverit,habens 
virtutem  liberi  arbitrii;  quamvis  non  de  futuro 
adjutorio  Dei,  sine  qua  non  posset  perseverare  si 
vellet,  non  tamen  tali  qua  in  illa  Deus  operatur 
utvellet.  Fortissimo  quippe  dimisit  atque  permi- 
sit  facere  quod  vellet;  infirmis  servavit,  ut  ipso 
danante  invictissime  quod  banum  est  vellent  et 
hoc  deserere  invictissime  nallent.  August.,  lib.  De 
Correp.  et  grat.,  cap.  xir,  num.  38,  pag.  771  et 
772. 

'  Deinde  moleste  ferunt,  ita  dividigratiain,  quœ 
vel  tune  prima  homini  data  est,  vel  nunc  omni- 
bus datur,  ut  ille  acoeperit  perseverautiam,  uon 
qua  fîeret  ut  perseveraret,  sed  sine  qua  per  liberum 
arbitrium  perseverare  non  posset  ;  nunc  vero  sauo- 
tis  in  regnum  per  gratiam  prcedestinatis  non  taie 
adjutorium  perseverantiae   detur,   sed    taie  ut  eis 


perseverantia  ipsa  donetur,  non  solum  ut  sine  ista 
dono  persévérantes  esse  non  possint,  verum  etiam 
ut  per  hoc  donum  nonnisi  persévérantes  sint.  Ris 
verbis  sanctitatis  tuœ  ita  m.oventur,  ut  dicant 
quamdam  desperationem>  hominibus  exhiberi.  Si 
enim,  aiunt  :  Ita  Adam  adjutus  est  ut  et  slai-e 
posset  in  justitia,  et  a  justitia  declinare,  et  nunc 
ita  sancti  juvantur,  ut  declinare  non  possint,  si 
quidem  eam  acceperunt  volendi  perseverantiam, 
ut  aliud  velle  non  passint:  vel  sic  quidam  dese- 
runtur,  ul  aut  nec  accédant,  aut,  si  accesserint,  et 
recédant;  ad  illam  voluntatem  perlinuisse  dicunt 
exhortationis  vel  comminationis  utilitatem,  quœ 
et  persistendi  et  desistendi  obtinebat  liberam  pa- 
testatem;  non  ad  hanc,  cui  nalle  justitiam  inevi- 
tabili  necessitate  conjunctum  est,  prœter  illos, 
qui  sic  concreati  siint  his ,  qui  cum  universa 
massa  damnatisunt,  ut  exciperentiir  per  gratiam 
liberandi.  Unde  in  hoc  solo  volunt  a  primo  ho- 
mine  omnium  distare  naturam,  ut  illum  integris 
viribus  voluntatis  juvaret  gratia  volentem,  sine 
qua  perseverare  non  paterat  ;  hos  autem  aniissis 
et  perditis  viribus  credentes  tantum,  non  solum 
erigat  prostratos ,  verum  etiam  suffulciat  am- 
bulantes. Cceterum  quidquidlibet  donatum  sit 
prœdeslinatis,  id  passe  et  amitti  et  retineri  pro- 
pria voluntate  contendimt.  Quod  tune  falsum  es- 
set,  si  verum  putarent  eam  quosdam  perseveran- 
tiam percepisse,  wt  nisi  persévérantes  esse  non 
possi7it.  Hilar.,  Eplst.  ad  sanct.  August.,  num.  6, 
tom.  II,  pag.  827  et  828. 


686 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


au  bien  d'une  manière  qui  ne  leur  permet 
pas  de  s'en  séparer,  et  leur  en  inspire  une 
volonté  si  ferme  et  si  persévérante,  qu'ils  ne 
sauraientvouloir  autre  chose,  et  que  pendant 
que  cette  grâce  est  donnée  aux  uns,  les  au- 
tres sont  tellement  abandonnés,  qu'ils  n'en- 
trent point  du  tout  dans  la  voie  du  salut,  ou 
qu'ils  n'y  entrent  que  pour  un  temps ,  à 
quoi  bon  toutes  ces  exhortations  et  ces  me- 
naces qu'on  nous  fait?  On  aurait  pu  les  em- 
ployer utilement  pendant  que  la  volonté  de 
l'homme  avait  une  entière  liberté  de  de- 
meurer dans  le  bien  ou  de  l'abandonner. 
Mais  quel  fruit  en  peut-on  attendre  présen- 
tement qu'elle  se  trouve  engagée  dans  le 
mal  par  une  nécessité  inévitable  à  tous  les 
hommes,  à  la  réserve  de  ceux  que  le  bien- 
fait de  la  grâce  sépare  et  délivre  de  la  dam- 
nation qui  enveloppe  tout  le  reste  de  la 
masse  de  péché,  à  laquelle  ceux  qui  sont 
choisis  appartiennent  par  leur  naissance 
aussi  bien  que  les  autres  ?  Aussi  ils  ne  recon- 
naissent point  d'autre  différence  entre  l'état 
de  la  nature  avant  le  péché,  et  celui  où.  elle 
est  présentement,  sinon  qu'au  lieu  que  le  pre- 
mier homme  se  portant  au  bien  par  les  forces 
de  sa  volonté,  qui  étaient  encore  en  leur 
entier,  était  aidé  par  la  grâce,  sans  laquelle 
il  n'aurait  pu  persévérer  ;  tandis  que  cette 
grâce  nous  trouvant  présentement  sans  aucu- 
ne force  à  la  vérité  pournous  porter  au  bien, 
mais  dans  an  commencement  de  foi,  nous  re- 
lève et  nous  aide  à  marcher.  Mais  ils  soutien- 
nent que,  quelque  secours  que  Dieu  donne 
aux  prédestinés,  il  dépend  toujours  d'eux  de 
s'en  servir  ou  de  le  rejeter,  selon  qu'il  leur 
plaît;  ce  qui  ne  se  pourrait  plus  dire,  s'il 
était  vrai  que  la  grâce  de  la  persévérance, 
qui  est  donnée  à  quelques-uns,  fut  telle  que 


No;  boDDH 
pensées  Tiea. 

Dent      Qu. 


Luc.  xv-,n 


ceux  qui  l'auraient   reçue  ne  pussent  man- 
quer de  persévérer  ?  » 

86.  Voici  comment  le  saint  Docteur  montre 
que  nos  pensées  viennent  de  Dieu  :  «  Nous 
lisons,  dit-il,  dans  l'Évangile,  que  l'enfant 
prodigue  accablé  de  la  misère  d'une  dure 
servitude  et  rentrant  en  lui-même,  com- 
mença à  dire  :  Il  faut  que  je  me  lève  et  que 
j'aille  trouver  mon  père  \  Mais  il  n'aurait  pas 
eu  cette  bonne  pensée,  si  le  Père  céleste,  - 

qui  est  très-miséricordieux,  ne  la  lui  avait  \ 

inspirée  dans  le  secret.  Nous  ^  croyons,  nous 
parlons  et  nous  faisons  tout  en  formant  des 
pensées  dans  notre  esprit  ;  mais  pour  ce  qui 
regarde  la  voie  de  la  piété  et  le  vrai  culte  de 
Dieu,  nous  ne  sommes  2Ms  capables  de  former  icor.  111,5 
une  seule  pensée  de  nous-mêmes  comme  de  nous- 
mêmes;  c'est  Dieu  qui  nous  en  rend  capables. 
Car,  comme  dit  saint  Ambroise,  notre  cœur 
et  nos  pensées  ne  sont  point  en  notre  pou- 
voir ;  et  qui  est  assez  heureux  pour  tenir  son 
cœur  toujours  élevé  àDieu?  Comment  pour- 
rions-nous le  faire  sans  l'assistance  divine  ? 
Nous  ne  le  pourrions,  sans  doute,  en  aucune 
sorte.  C'est  pourquoi,  ajoute  le  même  Père, 
l'Écriture  dit  :  Heureux  est  l'homme  qui,  met- 
tant tout  son  appui  en  vous.  Seigneur,  tient 
toujours  son  cœur  élevé,  est  rempli  du  désir 
d'aller  à  vous.  Saint  Ambroise  parlait  de  la 
sorte,  non-seulement  parce  qu'il  avait  vu 
cette  vérité  dans  l'Écriture ,  mais  encore 
parce  qu'il  l'éprouvait  dans  lui-même,  com- 
me nous  devons  le  penser  d'un  homme  d'une 
si  haute  vertu.  Ainsi ,  ce  que  l'on  nous  dit 
dans  la  célébration  des  mystères ,  d'avoir 
nos  cœurs  élevés  vers  le  Seigneur,  est  un  don 
du  même  Seigneur.  C'est  pourquoi,  le  prê- 
tre avertissant  ensuite  les  fidèles  de  rendre 
grâces  à  Dieu  de  ce  don,  ils  lui  répondent 


Lxxxni,  6. 


*  Miseria  durœ  servitutis  attritus ,  reversusque 
in  semetipsum  dixit  :  Surgam  et  ibo  ad  patrem 
ineum.  Quam  cogitationem  bonam  quando  habe- 
ret,  nisi  et  ipsam  illi  in  ociilto  Pater  misericor- 
dissimus  inspirasset.  August.,  Epist.  186  ad  Pau- 
linwn,  nuin.  S,  pag.  665. 

^  CogUantes  credimus,  cogitantes  loqinmur, 
cogitantes  aginius  quidquid  agimus  :  quod  autein 
attlnel  ad  pietatis  viam  et  verum Dei  cultum,  non 
sunms  idunei  cogitare  aliquid  tanquam  ex  nobis 
vietipsis,  sed  sufflcientia  nostrO'  ex  Deo  est.  Noa 
eniin  est  iu  poteslate  nostra  cor  uostrum  et  nostrfe 
cogitationes;  unde  idem  qui  hoc  ait,  item  dicit 
Ambrosius  :  Quis  autem  tam  beatus  qui  iu  corde 
Buo  semper  asceiidal  ?  Sed  lioosiDe  divino  auxilio 
qui  fleri  potest?  nulle  profecto  modo.  Denique,  in- 
quit,  supra eadem  Scriptura  dicit:  Beatus vir  cujus 
est  auxilium  ejusabs  te,  Domine,  ascensusin  corde 


ejus.  Hoc  iitique  ut  diceret,  non  solum  in  litteris 
sacris  legebat,  sed  sicut  de  illo  viro  sine  dwbita- 
tione  credendum  est,  etiam  in  corde  sua  sentiebat 
Ambrosius.  Quodergo  in sacramentis  fideUum  di- 
citur,  ut  sursum  cor  habeamus  ad  Dominum,  nm- 
mis  est  Domini:  de  quo  munere  ipsi  Domino  Deo 
nostro  gratias  agere,  a  sacerdote,  posl  hanc  vo- 
cem,  qnibus  hoc  dicitur  admonentvr,  et  dignum 
ac  justum  esse  respondent.  Cum  enim  non  sit  in 
nostra  potestate  cor  nostrum,  sed  diuino  suble- 
vetur  auxilio,  ut  ascendat,  et  quce  sursum  sunl 
sapiat,  ubi  Christus  est  in  dexteraDei  sedens,  non 
quœ  super  terram,  eux  de  hac  tanta  re  agendœ 
suntgratiœ,  nisi  hoc  facienti  Domino  Deo  nostro, 
qui  nos  per  taie  beneficium  libéra ndo  de  profundo 
hujus  mundi  elegit,  et  prœdestinacit  ante  consti- 
tutionem  mundi?  August,,  lib.  De  Donc  pers., 
num.  33,  pag.  S39. 


[IV"  ET  y=  SIÈCLES.] 

que  cela  est  très-juste  et  très-raisonnable  ;  car 
notre  cœur  n'étant  pas  en  notre  pouvoir, 
mais  étant  soutenu  par  l'assistance  divine, 
afin  qu'il  s'élève  vers  le  ciel,  et  qu'il  goûte 
les- choses  d'en  haut,  où  Jésus-Christ  est  as- 
sis à  la  droite  de  Dieu  son  Père,  et  non  pas 
les  choses  basses  et  terrestres ,  à  qui  doit- 
on  rendre  grâces  d'un  si  grand  bien,  sinon 
à  Notre-Seigneur  et  à  notre  Dieu,  qui  le  fait 
dans  nous,  et  qui,  nous  délivrant  par  une 
faveur  si  rare  des  abîmes  profonds  de  ce 
siècle,  nous  a  choisis  et  nous  a  prédestinés 
avant  la  création  du  monde  ?  » 

87.  Les  pélagiens  accusaient  les  catholi- 
ques d'enseigner  que 'Dieu inspire  à  l'hom- 
me malgré  lui  le  désir  du  bien  même  impar- 
fait. Saint  Augustin  réfute  ainsi  cette  accu- 
sation :  «  Ces  hérétiques,  voulant  peut-être 
laisser  quelque  lieu  à  la  grâce,  croient  que 
sans  elle  l'homme  peut  avoir  le  désir  du 
bien,  mais  d'un  bien  seulement  imparfait,  et 
pour  ce  qui  est  du  bien  parfait,  non-seule- 
ment il  ne  le  désire  plus  aisément  avec  elle, 
mais  il  ne  peut  en  aucune  sorte  le  désirer 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


687 


sans  elle.  S'ils  sont  dans  ce  sentiment,  ils  ne 
laissent  pas  encore  de  soutenir  que  la  grâce 
est  donnée  selon  nos  mérites.  Ce  que  Pe- 
lage condamna  dans  l'Orient,  craignant  lui- 
même  d'être  condamné,  comme  il  paraît 
par  les  actes  de  ce  concile.  Car  si  nous  com- 
mençons nous-mêmes  à  désirer  le  bien  sans 
la  grâce  de  Dieu,  ce  commencement  même 
sera  un  mérite  auquel  le  secours  de  la  grâce 
de  Dieu  sera  joint  ensuite  comme  lui  étant 
dû  légitimement  ;  ainsi  la  grâce  de  Dieu  ne 
nous  sera  point  donnée  gratuitement,  mais 
parce  que  nous  l'aurons  méritée.  Jésus-Christ 
ne  dit  pas  :  Vous  pouvez  difficilement  faire 
quelque  chose  sans  moi,  mais  vous  ne  pouvez 
rien  faire  sans  moi.  Jésus-Christ  ne  dit  pas 
non  plus  :  Vous  ne  pouvez  rien  achever  sans 
moi,  mais  vous  ne  pouvez  rien  faire,  n 

88.  Il  est  écrit  dans  les  Proverbes,  disaient 
les  peiagiens  :  L  est  a  l  homme  a  préparer  son  ^g^^^^^"^!' 
cœur  et  la  réponse  de  la  langue  vient  du  Sei- 
gneur. «  Mais  ils  se  trompent,  dit  saint  Au- 
gustin ^  et  ils  ne  prennent  pas  bien  le  sens 
de  ce  passage,  en  ce  qu'ils  pensent  que  de 


1  Hoc  enim  nabis  objiciendum  putanmt,  quod 
invito  et  reluctanti  homiai  Deum  dicamus  inspi- 
rare,  non  qtianliciimque  honi,  sedet  ipsiusimper- 
feeti  cupiditatem.  Fortassis  ergo  ipsi  eo  modo 
saltem  servant  locum  gratiœ,  ut  sine  illa  putent 
hominem  passe  habere  boni,  sed  imperfecti  cupi- 
ditatem; perfecti  autem  non  facilius  per  illam 
posse,  sed  nisi  per  illam  omnino  non  posse.  Ve- 
rum  et  sic  gratiam  Dei  dicunt  secundum  mérita 
nostra  dari  :  quod  in  Oriente  ecclesiasticis  gesiis 
damnari  timendo  damnavit.  Si  enimsineDei  gra- 
tia  per  nos  incipit  cupiditas  boni;  ipsum  cœptuni 
erit  meritum,  cui  tanquam  ex  debito  gratiœ  ve- 
niat  adjutorium;  ac  sic  gratia  Dei  non  gratis  do- 
nabitur,  sed  secundum  meritum  nostrum  dabitur. 
Dominus  autem,  ut  responderet  futuro  Pelagio, 
non  ait:  Sine  me  difficile  potestis  aliquid  facere: 
sed  ait:  Sine  me  nihil  potestis  facere.  Et  ut  res- 
ponderet futitris  etiam  istis,  in  eadem'  ipsa  evan- 
gelica  sententia  non  ait  :  Sine  me  nihil  potestis 
perficere  ;  sed:  facere.  August.,  lib.  II  Contra  duas 
Epistolas  Pelag.,naai.  IS,  pag.  443. 

2  Sed  nimirum  quod  scriptum  est  :  Ilomiuis  est 
prseparare  cor,  et  a  Domino  responsio  linguœ,  non 
bene  intelligendo  faUuntur,  ut  existiment  corprœ- 
parare,  lioc  est,  bonum  inchoare,  sine  adjutorio 
gratiœ  Dei  ad  hominem  pertinere.  Àbsitut  sic  in- 
telligant  filiipromissionis,  tanquam  cum  audie- 
rint  Dominum  dicentem  :  Sine  me  nihil  potestis  fa- 
cere, quasi  convincant  eum  dicentes .'  Ecce  sine  te 
possumus  cor  prœparare  :  aut  cum  audierent  a 
Paulo  apostolo  :  Non  quia  idonei  sumus  cogitare 
aliquid  quasi  ex  nobis  metipsis,  sed  sufflcientia 
nostra  ex  Deo  est;  tanquam  et  ipsum  convincant 
dicentes  :  Ecce  idonei  sumus  ex  nobis  metipsis  prœ- 
parare cor,  ac  per  hoc  et  boni  aliquid  cogitare. 


Quis  enim  potest  sine  bona  cogiiatione  ad  bonum 
cor  prœparare?  absil  ut  sic  intelUgant,  nisi  su- 
perbi  siii  arbitra  defensores  et  fldei  cathoiicœ  de- 
sertores.  Ideo  quippe  scriptum  est:  Hominis  est 
prseparare  cor,  et  a  Domino  responsio  linguse  ;  quia 
homo  prœparat  cor,  non  tamen  sine  adjutorio  Dei, 
qui  sic  langit  cor,  ut  homo  prœpararet  cor.  In 
responsione  autem  linguœ,  id  est,  ineo  quodprœ- 
2)arato  cordi  lingua  divina  respondet,  nihil  operis 
habet  homo,  sed  totuni  est  a  Domino  Deo.  Nam 
slcut  dictum  est  :  Hominis  est  prœparare  cor,  et  a 
Domino  responsio  linguœ,  ita  etiam  dictum  est  : 
Aperi  os,  et  adimplebo  illud.  Quamvis  enim,  nisi 
adjuvante  illo ,  sine  quo  nihil  possumus  facere, 
os  non  possumus  aperire,  tamen  nos  aperimus 
illius  adjumento  et  opère  nostro  :  implel  autem 
illud  Dominus  sine  opère  nostro.  Nam  quid  est 
prœparare  cor,  et  os  aperire,  nisi  voluntatem  pa- 
rare?  Et  tamen  in  eisdem  litteris  legitur:  Prœpa- 
ratur  voluntas  a  Domino  :  et  labia  mea  aperies,  et 
os  meum  annuntiabit  laudem  tuam.  Ecce  Deus  ad- 
monet,  ut  prœ.paremus  voluntatem  in  eo  quod 
legimus  :  Hominis  est  prœparare  cor.  Et  tamen  ut 
hoc  faciat  homo,  adjuvat  Deus ,  quia  preparatur 
voluntas  a  Domino.  Et  aperi  os,  ita  dicit  jubendo, 
ut  nemo  possit  nisi  ipse  id  faciat  adjuvando,  cui 
dicitur:  Labia  mea  aperies.  Numquid  istorumali- 
qui  ita  desipiunt,  ut  aliud  os,  aliud  labia  esse 
contendant,  et  mirabili  vanitale  hominem  dicant 
os  aperire ,  labia  hominis  Deum  ?  Qxianquam 
Deus  illos  et  ab  hac  absurditate  compescit,  ubi  ad 
Moisem  famulum  suum  dicit  :  Ego  aperiam  os 
tuum,  et  inslruam  te  quœ  debeas  loqui.  In  sen- 
tentia ergo  illu  ubi  dicitur  :  Aperi  os,  et  adimplebo 
illud,  quasi  %mum  eorum  videiur  ad  hominem 
pertinere,  alterum  ad  Deum  :  in  hac  autem  ubi 


688 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


préparer  le  cœur,  c'est-à-dire  de  commen- 
cer le  bien  '  sans  le  secours  de  la  grâce  de 
Dieu,  cela  appartient  à  l'homme.  A  Dieu  ne 
plaise  que  les  enfants  de  la  promesse  l'en- 
tendent ainsi,  comme  l'ayant  ouï  dire  anSei- 

jonD.  XV,  6.  gneur  :  Sans  moi  vous  ne  pouvez  rien  faire.n  Ils 
prétendaient  le  convaincre  en  disant  :  Nous 
pouvons  préparer  notre  cœur  sans  vous;  ou 
si  ayant  ouï  dire  ces  paroles  de  l'Apôtre  : 

II  coi.  m,  Nous  ne  sommes  pas  capables  de  penser  quelque 
chose  de  nous-mêmes,  mais  c'est  Dieu  qui  nous  en 
rend  capables,  ils  pouvaient  aussi  le  convaincre 
du  contraire  en  disant  :  Nous  sommes  capa- 
bles de  nous-mêmes  de  préparer  notre  cœur, 
et  par  conséquent  d'avoir  quelques  bonnes 
pensées.  Qui  peut  en  effet  préparer  son  cœur 
pour  le  bien  sans  une  bonne  pensée?  «  ADieu 
ne  plaise,  répond  saint  Augustin,  qu'il  y  en 
ait  qui  l'entendent  ainsi ,  sinon  les  superbes 
défenseurs  de  leur  libre  arbitre  et  les  déser- 
teurs de  la  foi  catholique?  Car  il  est  écrit  que 
c'est  à  l'homme  de  préparer  son  cœur,  et  que  la 
réponse  de  la  langue  vient  de  Dieu  ;  parce  que 
l'homme  prépare  son  cœur,  mais  non  pas 
sans  le  secours  de  Dieu  qui  touche  le  cœm'  de 
telle  sorte  que  l'homme  le  prépare.  Mais  dans 
la  réponse  de  la  langue  ,  c'est-à-dire  en  ce 
quelalangTie  divine  répond  au  cœur  qui  est 
préparé,  il  n'y  a  rien  de  l'homme,  tout  pro- 
vient de  Dieu.  Car  ainsi  qu'il  est  dit  :  C'est 
*Psai.  I.S5S,  à  l'homme  de  préparer  son  cœur,  et  la  ré- 
ponse de  la  langue  vient  du  Seigneur  :  de  même 
il  est  dit  :  Ouvrez  votre  bouche,  et  je  la  rem- 
plirai. En  effet,  quoique  nous  ne  puissions 
ouvrir  la  bouche  sans  le  secours  de  celui 
sans  lequel  nous  ne  pouvons  rien  faire , 
toutefois  nous  l'ouvrons  par  son  secours  et 
par  notre  opération;  mais  Je  Seigneur  la 
remplit  sans  notre  opération  :  car  qu'est-ce 
que  préparer  son  cœur  et  ouvrir  sa  bouche, 
sinon  préparer  sa  volonté  ?  Cependant  nous 
lisons  dans  les  mêmes  Écritures  :  La  volonté 
est  préparée  par  le  Seigneur  ;  et  encore  :  Vous 


Pro?.  viir. 
Psal.  1.,  n. 


ouvrirez  mes  lèvres,  et  ma  bouche  annoncera 
votre  louange.  Ainsi,  le  Seigneur  nous  aver- 
tit de  préparer  notre  volonté  en  ce  que 
nous  lisons  :  c'est  à  l'homme  de  prépa- 
rer son  cœm';  mais  afin  que  nous  le  pré- 
parions, Dieu  nous  aide,  parce  que  la  vo- 
lonté est  préparée  par  le  Seigneur  ;  et  il 
nous  commande  de  telle  sorte  d'ouwir  notre 
bouche,  que  personne  ne  peut  le  faire,  si 
celui-là  ne  le  fait  en  nous  aidant,  à  qui  l'on 
dit  :  Vous  ottvrirez  mes  lèvres.  Y  aurait- il 
quelqu'un  assez  insensé  parmi  les  pélagiens 
pour  prétendre  qu'il  y  a  de  la  différence  en- 
tre les  lèvres  et  la  bouche,  et  pour  dire  par 
une  vanité  surprenante  que  l'homme  ouvre 
la  bouche  et  Dieu  les  lèvres?  Dieu  réprime 
cette  absurdité  en  disant  à  Moïse  :  J'ouvrirai 
votre  bouche,  et  je  vous  apprendrai  ce  que  vous 
aurez  à  dire.  Quand  donc  il  est  dit  :  Ouvrez 
votre  bouche  et  je  la  remplirai,  il  semble 
que  l'une  de  ces  deux  choses  appartienne 
à  l'homme  et  l'autre  à  Dieu.  Mais  lorsque 
nous  lisons  :  J'ouvrirai  votre  bouche  et  je  vous 
apprendrai,  l'une  et  l'autre  de  ces  choses 
appartiennent  à  Dieu.  Pourquoi  cela?  sinon 
parce  qu'en  l'une  de  ces  choses,  il  coopère 
avec  l'homme  qui  agit  aussi,  et  qu'il  fait 
l'autre  seul.  » 

89.  Selon  saint  Augustin ,  celui  qui 
veut  ^  reconnaître,  selon  la  vérité,  la  grâce 
de  Dieu,  par  laquelle  la  charité  est  répan- 
due dans  nos  cœurs  par  le  Saint-Esprit, 
doit  le  faire  en  telle  sorte  qu'il  ne  lui  reste 
pas  le  moindre  doute,  que  sans  elle  il  ne 
se  fait  absolument  rien  de  bon  qui  appar- 
tienne à  la  piété  et  à  la  vraie  justice.  Si  ce 
secours  de  Dieu'  vous  manque,  vous  ne 
sauriez  rien  faire  de  bon.  Ce  n'est  pas  que 
vous  n'agissiez  par  votre  libre  volonté,  lors 
même  que  Dieu  ne  vous  aide  point  ;  mais 
vous  agissez  mal.  C'est  à  quoi  est  propre 
votre  volonté  qu'on  appelle  libre,  et  qui,  en 
agissant  mal,  est  une   esclave  qui  mérite 


dicitur  :  Ego  aperiam  os  tuum,  et  instruam  te  ; 
litrumqtie  ad  Deum.  Quare  hoc,  nisi  quia  in  uno 
istorum  cooperatur  homini  facienti,  alterum  so- 
ins facii?  August.,  lib.  Il  Contra  duas  Epist.  Pelag., 
num.  19  et  20,  pag.  442  et  444. 

'  Ici  et  dans  toute  la  suite,  11  s'agit  du  bien  mé- 
l'itoire  pour  le  salut,  et  uon  du  bien  moralement 
bon.  Après  le  péché  d'Adam,  l'homme  peut  encore, 
sans  le  secours  de  la  grâce,  faire  quelques  actions 
moralement  bonnes.  fL'édileur.) 

2  ,4c  per  hoc  gratiam  Dei,  qua  charilas  Dei  dif- 
fundilur  in  cordibus  nostris  per  Spirilum  Sanc- 
tum  qui  datus  est  nobis,  sic  confUeaiur,  qui  vult 


veraciter  confileri  ut  omnino  nihil  boni  sine  illa 
quod  ad  pietatem  pertinel  veramque  jusliliam 
fieri  passe  non  dubitet.  August.,  De  Gratia  Christi, 
contra  Pelag.,  cap,  xxvi,  num.  27,  pag.  243. 

5  Non  sic  est  adjutorium  Dei,  non  sic  est  adju- 
torium  Christi,  non  sic  est  adjutorium  Spiritus 
Sancti.  Prorsussi  defuerit,  nihil  boni  agere  pote- 
ris.  Agis  quidem  illo  non  adjuvante  libéra  volun- 
tate,  sed  maie,  ad  hoc  idonea  est  voluntas  tua, 
quœ  vocatur  libéra,  et  maie  agendo  fit  damnabilis 
ancilla.  August.,  serm.  157,  cap.  si,  num.  12, 
pag.  755. 


[iV  ET  r  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

d'être  condamnée.  Personne  '  ne  fait  bien 
quoique  ce  soit,  si  ce  n'est  par  la  grâce  de 
Dieu.  Ce  que  l'homme  fait  mal,  cela  vient 
de  l'homme;  ce  qu'il  fait  bien,  c'est  du  bien- 
fait de  Dieu  qu'il  le  fait.  Lorsqu'il  commence 
de  bien  faire,  qu'il  ne  se  l'attribue  pas,  mais 
qu'il  rende  grâces  à  celui  de  qui  il  l'a  reçu. 
Dieu  ^  fait  dans  l'homme  beaucoup  de  bien 
que  ne  fait  pas  l'homme  ;  mais  l'homme 
n'en  fait  aucun  que  Dieu  ne  lui  fasse  faire. 
C'est  par  la  ^  grâce  seule  de  Jésus-Christ 
que  les  hommes  sont  délivrés  du  mal  ;  sans 
elle  ils  ne  font  aucun  bien  ni  par  la  pensée , 
ni  par  la  volonté,  ni  par  l'amour,  ni  par  l'ac- 
tion. C'est  elle  qui  leur  montre  et  qui  leur 
fait  connaître  ce  qu'ils  doivent  faire  ,  et  qui 
leur  fait  faire  avec  amour  ce  qu'ils  connais-  , 
sent.  C'est  cette  inspiration  d'une  bonne  vo- 
lonté et  d'une  bonne  œuvre  que  saint  Paul 
demandait  à  Dieu  pour  ceux  à  qui  il  disait  : 
Nous  prions  Dieu  afin  que  vous  ne  fassiez  point 
de  mal;  non  afin  que  nous  paraissions  être  gens 
de  bien,  mais  que  vous  fassiez  ce  qui  est  bon. 
Qui  peut  entendre  ces  paroles  sans  se  ré- 
veiller et  confesser  que  c'est  de  Dieu  que 
nous  recevons  la  grâce  et  la  force  de  nous 
éloigner  du  mal  et  de  pratiquer  le  bien  ?  Car 
l'Apôtre  ne  dit  pas  :  Nous  avertissons  ,  nous 
enseignons  ,  nous  exhortons ,  nous  repre- 
nons; mais  :  Nous  prions  Dieu  afin  que  vous 
ne  fassiez  point  de  mal  et  que  vous  fassiez 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  689 

le  bien.  Toutefois  il  les  avertissait,  il  les 
exhortait,  il  les  reprenait;  mais  il  savait  que 
toutes  les  choses  qu'il  faisait  en  public  ,  en 
plantant  et  en  arrosant ,  n'avaient  point  de 
force  ,  si  celui  qui  donne  l'accroissement  en 
secret  n'exauçait  la  prière  qu'il  lui  adressait 
pour  eux  ;  parce  que  celui  qui  plante  n'est 
rien,  ni  celui  qui  arrose,  mais  que  tout  vient 
de  Dieu  qui  donne  l'accroissement.  » 

Saint  Augustin,  parlant  des  conciles  d'A- 
frique, qui  avaient  condamné  l'hérésie  péla- 
gienne  dès  sa  naissance,  dit  qu'ils  ont  forte- 
ment établi  cette  vérité  qui  *  appartient  à  la 
vraie  foi,  et  que  l'Église  a  toujours  cru  que 
c'est  la  grâce  de  Dieu  par  Jésus-Christ  Notre- 
Seigneur  qui  fait  passer  les  enfants  nouvel- 
lement nés,  aussi  bien  que  les  adultes,  de  la 
mort  que  nous  avons  encourue  par  le  premier 
Adam,  à  la  vie  que  le  second  Adam  commu- 
nique ;- et  qae  cela  ne  se  fait  pas  seulement 
par  la  rémission  des  péchés,  mais  par  un  se- 
coui's  qui  fait  éviter  le  mal  et  faire  le  bien; 
en  sorte  que,  sans  ce  secours,  nous  ne  sau- 
rions ni  accomplir,  ni  vouloir  la  moindre 
chose  de  tout  ce  qui  regarde  la  piété  et  la 
justice,  puisque  c'est  Dieu  qui  opère  en  nous 
le  vouloir  et  le  faire  selon  qu'il  lui  plaît. 

90.  <c  Sans  ce  secours  ^  dit  saint  Augustin, 
nous  ne  pouvons  par  le  seul  libre  arbitre 
surmonter  les  tentations  de  cette  vie,  toute 
notre  occupation  ^  et  notre  travail  sont  de 


I  Cor.  III,  7. 


Nécessité 
da  la  ^râcG 
contre  lesten- 
tatioDS, 


'  Nemo  facit  aliquid  bene,  nisi  gratia  ipsiiis. 
Quod  facit  homo  maie,  ipsius  est  hominis  :  quod 
facit  bene,  de  bénéficia  Dei  facit.  Cum  cœperit  fa- 
cere  bene,  non  sibi  iribuat  :  cum  non  sibi  tribuerit, 
gratias  agat  ei  a  qrio  acceperit.  August.,  in 
Psal.  xciii,  num.  15,  pag.  1010. 

2  Quapropter  multa  Deus  facit  in  homine  bona, 
quœ  non  facit  homo,  nulla  vero  facit  homo,  quœ 
non  facit  Deus  ut  faciat  homo.  August.,  lib.  11 
Contra  duas  Epist.  Pelag.,  num.  21,  pag.  444. 

3  Intelligenda  est  enim  gratia  Dei  per  Jesv/m 
Christiim  Domimim  nostrum,  qua  sola  homines 
liberantur  a  malo,  et  sine  qua  nullum  prorsus  sive 
cogitando,  sive  volendo  et  amando,  sive  agendo, 
faciunt  bonum  :  non  solum  ut  monstrante  ipsa 
quid  faciendum  sit  sciant,  verum  etiam  ut  prœs- 
tante  ipsa  faciant  cum  dilectione  quod  sciunt. 
Banc  quippe  inspirationem  bonce  voluntatis  atque 
operis  poscebat  Àpostolus  eis,  quibus  dicebat: 
Oramus  autem  ad  Deum,  ne  quidfaciatis  mali,  non 
ut  nosprobati  appareamus,  sed  utvosquod  bonum 
est  faciatls.  Qids  hoc  audiat  et  non  evigilet  atque 
fateatur  a  Domino  Deo  nobis  esse,  ut  declinemus 
a  malo  et  faciamus  bonum,  quando  quidem  non 
ait  Apostolus  :  Monemus,  docemus,  hortamur,  in- 
crepamus  :  sed  ait  :  Oramus  ad  Deum,  ne  quid  fa- 
ciatls mali,  sed  quod  bonum  est  faoiatis?  Et  tamen 

IX. 


etiam  loqtiebatur  eis,  et  sciebat  illa  omnia  quœ 
commemoravi,monebat,  docebat,  hortabatur,  in- 
crepabal;  sed  faciebat  hœc  omnia  non  valere  quœ 
plantando  etrigando  faciebat  inaperto,  nisi  eum 
pro  illis  exaudiret  orantem  qui  dat  incrementum 
in  occulta;  quoniam  sicut  idem,  Doctor  gentium 
dicit  :  Neque  qui  plantât  est  aliquid,  neque  qui  ri- 
gat,  sed  qui  incrementum  dat  Deus.  August.,  lib. 
De  Corrept.  et  grat.,  cap.  n,  num.  3,  pag.  7S1. 

'  Gratia  Dei  per  Jesum  Christum  Dominum 
nostrum  (quod  fides  vera  et  catholica  tenet  sem- 
per  Ecclesia)  pusillos  cum.  magnis  a  morte  primi 
hominis  ad  vitam.  secundi  hominis  transfert  ;  non 
solum  peccata  delendo,  verum  etiam  ad  non  pec- 
candum  recteque  vivendum,  eos  qui  jam  uti  pos- 
sunt  voluntatis  arbitrio,  sic  adjuvando,  ut,  nisi 
adjuvet,  nihilpietatis  atque justitiœ,  sivein opère, 
sive  etiam  in  ipsa  valuntate  habere  possimus, 
Deus  quippe  operatur  in  nobis  et  velle  et  operari 
pro  bona  voluntate.  August.,  Epist.  186,  num.  3, 
pag.  664  et  665. 

^  Sine  cujus  (Dominij  adjutorio  per  arbitrium 
voluntatis  tentationes  hujus  vitœ  superare  non 
passumus.  August.,  in  Psal.  lxxsix,  num.  4, 
pag.  956. 

^  Hoc  est  opus  nostrum  in  hao  vita  actiones  Gar- 
nis spiritu  marlificare,    quotidie    affligere,  mi- 


690 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


mortifier  tous  les  jours  les  actions  de  la  chair 
par  l'esprit,  de  les  combattre,  de  les  affaiblir, 
de  les  réprimer  et  de  les  faire  mourir  ;  nous 
avons  Dieu  pour  spectateur  dans  nos  combats, 
et  nous  le  prions  de  nous  aider,  parce  que, 
s'il  ne  nous  assistait  pas,  nous  serions  inca- 
pables, je  ne  dis  pas  de  vaincre,  mais  même 
de  combattre.  Nous  le  prions  '  de  nous  accor- 
der de  pouvoir  vaincre  les  tentations  du  pé- 
ché, et  nous  lui  demandons  que  l'Esprit  dont 
nous  avons  recule  gage,  vienne  au  secours 
de  notre  faiblesse.  On  ne  doit  point  écouter  ^ 
mais  au  contraire  anathématiser  celui  qui 
nie  la  nécessité  de  prier  pour  ne  point  entrer 
en  tentation.  Or,  celui-là  nie  qui  soutient  que 
le  secours  de  la  grâce  de  Dieu  n'est  point  né- 
cessaire à  l'homme  pour  éviter  le  péché,  et 
que  la  volonté  humaine  suffit  seule  pour  cela 
avec  la  loi.  »  Erreur  que  Pelage  fut  obligé 
d'anathématiser  dans  le  concile  de  Palestine. 
En  effet  ^  si,  comme  le  disent  ceux  de  cette 
secte,  nous  n'avions  pas  besoin  du  secours 
de  Dieu  pour  ne  pas  pécher,  il  s'ensuivrait 
que  nous  ne  devrions  point  demander  à  Dieu 


de  ne  point  entrer  en  tentation,  c'est-à-dire 
de  n'être  point  vaincus  par  la  tentation,  ce 
qui  ne  pourrait  être  que  très-nuisible  à  no- 
tre salut.  Us  osaient  attribuer  *  tant  de  pou- 
voir à  l'infirmité  humaine,  que  selon  eux  la 
grâce  de  Dieu  ne  consistait  qu'en  ce  qu'il  nous 
a  créés  avec  le  libre  arbitre,  et  le  pouvoir  de 
ne  point  pécher,  en  ce  qu'il  nous  a  donné  sa 
loi,  que  nous  pouvons,  disaient-ils,  accom- 
plir de  nous-mêmes,  sans  avoir  besoin  pour 
cela  d'autre  secours.  Ils  demeuraient  d'ac- 
cord que  pour  le  passé  nous  avions  besoin  de 
rémission,  ce  qui  étant  fait  ne  pouvant  pas 
n'être  pas  fait;  mais  que  pour  l'avenir  les 
forces  naturelles  de  la  volonté  suffisaient  sans 
aucun  secours  de  Dieu  pour  nous  préserver 
de  tous  péchés,  et  nous  rendre  victorieux  de 
toute  tentation.  Tout  homme  qui  met  son  es- 
pérance en  Jésus-Christ  doit  s'opposer  de 
toutes  ses  forces  à  cette  doctrine  pernicieuse 
et  impie,  la  condamner,  et  lui  dire  anathème, 
puisqu'elle  ne  va  pas  moins  qu'à  combattre 
la  prière  que  Jésus-Clirist  même  nous  met 
dans  la  bouch  e .  Car  nous  ne  lui  demandons  pas 


nuere,  frenare,  exter minore...  in  hoc  agone  cum 
coiifligimus,  Dewm  habemus  spectatorem,  in  hoc 
agone  cum  laboramus,  Deum  poscimus,  adjuto- 
rem.  Si  enim  nos  ipse  non  adjuvat,  non  dico  vin- 
cere  sed  nepugnare  quidem  poterimus.  August., 
Serm.  156,  cap.  ix,  num.  9,  pag.  734. 

*  Oramus  ut  peccatorum  tentationem  superare 
possimus,  ut  Spirilus  Dei,  unde  pignus  accepimus, 
adjuvet  infirmitatem  nostram.  August. ,  Epist. 
177,  num.  4,  pag.  623. 

2  Sedplane  quisquis  negat  nos  orare  debere,  ne 
intremus  in  tentationem  (negat  autem  hoc  qui 
contendit  ad  non  peccandum  gratiœ  Dei  adjuto- 
rium  non  esse  homini  necessarium,  sed,  sola 
lege  accepta,  humanam  suffîcere  voluntatemj  ab 
auribus  omnium removendum  et  ore  omnium  ana- 
thematizandum  esse  non  dubito.  August.,  lib.  De 
Perf.  just.  hom.,  cap.  xxi,  num.  44,  pag.  190. 

3  Sunt  enim  quidam  tantum  prœsumentes  de 
libero  humance  voluntatis  arbitrio,  ut  ad  non 
peccandum  nec  adjuvandos  nos  divinitus  opinen- 
tur,  semel  ipsi  naturœ  nostrœ  concesso  liberœ 
voluntatis  aj-bilrio.  Unde  fit  consequens ,  ut  nec 
orare  debeamus  ne  intremus  in  tentationem,  hoc 
est,  ne  tentatione  vincamur,  vel  cum  fallit  et  prœ- 
occupat  nescientes,  vel  cum  premit  atque  urget 
infirmos.  Quam  sit  autem  noxium,  et  saluli  nos- 
trœ, quœ  in  Christo  est,  perniciosum  atque  contra- 
riwm,  ipsique  religioni  qua  imbuti  sumus,  et  pie- 
tati  qua  Deum  colimus,  quam  vehementer  adver- 
sum,  ^U  pro  tali  accipiendo  beneficio  Dominum 
7wn  rogamus  atque  in  ipsa  Oraiione  dominica  : 
Ne  nos  inferas  in  tentationem,  frustra  positum 
existimemus,  verbis  explicarenon possiimus.  Au- 
gust., lib.  Il  De  peccat.  merit.  et  remis.,  cap.  ii, 
num.  2,  pag.  40  et  4]. 


*  Nova  quœdam  hœresis  inimiea  gratiœ  Christi 
conatur  insurgere...  hominum  scilicet  qui  tantum 
audent  infirmitali  humance  tribuere  potestalis,  ut 
hoc  solum  ad  Dei  gratiam  perlinere  contendant, 
quod  cum  libero  arbitrio,  et  non  peccandi  possi- 
bilitate  creati  sunnis,  et  Dei  mandata  quœ  a  no- 
bis  implerentur  accepimus:  cœlerum  ad  eadem 
mandata  servanda  et  implenda  nullo  divino  ad- 
jutorio  nos  egere.  Necessariam  vero  nobis  esse 
remissionem  peccatorum,  quia  ea  quœ  a  nobis  in 
prœteritum  maie  facta  sunt,  infecta  facere  non 
valemus,  cavendis  autem  futuris  vincendisque 
peccatis,  omnibusque  tentationibus  virtute  stipe- 
randis  sine  ullo  deinceps  adjutorio  gratiœ  Dei, 
naturali  possibilitate  humanam sufficere  volunta- 
tem...Omnes  enim,  qui  spem  habemus  in  Christo, 
huic  pestiferœ  impielati  resistere,  eamque  con~ 
corditer  damnareet  anathematizare  debemus,  quœ 
contradicit  etiam  orationibiis  nostris,  concedens 
quidem  ut  dicamus:  Dimitte  nobis  débita  nostra, 
sicut  et  nos  dimittimus  debitoribus  nostris  ;  et  hoc 
ita  concedens,  ut  afferat  hominem,  in  hoc  corrup- 
tibili  corpore  quod  aggravât  animam,  posse  suis 
viribus  ad  tantam  justitiam  pervenire,  ut  neque 
hoc  illi  sit  dicere  necessariiim:  Dimitte  nobis  dé- 
bita nostra. /Wurf  vero  quod  segm'tw.'Ne  nos  infe- 
ras in  tentationem,  non  sic  accipiunt  tanquam 
Deus  orandus  sit,  quo  nos  ad  superandas  tenta- 
tiones  adjuvet  peccatorum,  sed  ne  quisquam  ir~ 
ruens  corporaliter  nos  humanus  casus  affligat  : 
quoniam peccatores  tentationcs  vincere  ita  sit  jam 
in  nostra  positum  poteslate,possibilitate  naturœ, 
ut  hoc  inaniter  impetrandum  orationibus  arbitre- 
mur.  August.  Epist.  178,  num.  1  et  3,  pag.  629 
et  630. 


[iv«  ET  v°  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


691 


seulement  de  nous  pardonner  nos  offenses, 
comme  nous  pardonnons  à  ceux  qui  nous 
ont  offensés,  nous  ajoutons  :  Ne  nous  lais- 
sez pas  succomber  à  la  tentation.  Il  est  ^Tai 
que  ces  hérétiques  prétendaient  que  nous  ne 
demandions  par  là  que  d'être  garantis  des 
accidents  extérieurs  auxquels  la  vie  de 
l'homme  est  exposée,  et  non  pas  d'être  as- 
sistés d'un  secours  qui  nous  fasse  surmonter 
les  tentations  et  le  péché.  C'est  la  réponse 
que  fît  un  jour  un  pélagien  à  un  '  nommé 
Urbain,  évêque  de  Sicque,  qui  lui  faisaitvoir 
par  l'Oraison  dominicale  que  c'est  sans  su- 
jet que  nous  y  demandons  à  Dieu  de  ne  nous 
point  exposer  à  la  tentation,  si  en  effet  nous 
avons  le  pouvoir  de  la  surmonter  par  les  seu- 
les forces  de  notre  volonté.  «  Ce  n'est  pas,  lui 
répondit  ce  pélagien,  de  ces  sortes  de  tenta- 
tions que  nous  prions  Dieu  de.  nous  déli- 
vrer, mais  des  maux  qu'il  n'est  pas  en  notre 
pouvoir  d'éviter,  par  exemple  d'être  tués  par 
des  voleurs.  » 

Saint  Augustin,  qui  rapporte  cette  réponse, 
avoue  qu'il  en  avait  eu  horreur  de  même 
que  tout  le  peuple  qui  l'écoutait.  «  Elle  ren- 
versait en  effet,  dit  le  saint  Docteur,  le  sens 
des  paroles  du  Sauveur.  Car  quand  il  disait 
à  ses  apôtres  :  Veillez  et  priez  afin  que  vous 
ne  tombiez  pas  dans  la  tentation,  leux  disait-il  : 


Veillez  et  priez  afin  que  vous  ne  vous  rom- 
piez point  le  pied,  ou  que  vous  n'ayez  point 
mal  à  la  tête  ,  ou  que  vous  n'encouriez  pas 
quelque  dommage  ?  Ce  n'est  pas  ce  qu'il 
leur  disait.  Qu'était-ce  donc?  Ce  qu'il  avait 
dit  à  Pierre  :  J'ai  prié  pour  vous  afin  que  votre 
foi  ne  défaille  point.  J'ai  prié  pour  vous,  dit 
Dieu  à  l'homme  ,  le  seigneur  au  serviteur , 
le  maître  au  disciple,  le  médecin  au  malade  : 
J'ai  prié  pour  voies.  Pourquoi  ?  Afin  que  votre 
main,  votre  pied,  votre  œil,  votre  langue  ne 
défaillent  point  par  quelque  paralysie  ?  Non  ; 
mais  afin  que  votre  foi  ne  défaille  point.  » 

91.  «  Nous  soutenons  ^  contre  vous,  disait 
saint  Augustin  à  Julien ,  que  Dieu  donne 
la  pénitence  même.  Car  quoique  chacun 
fasse  pénitence  par  sa  volonté  ,  c'est  le  Sei- 
gneur qui  prépare  la  volonté.  C'est  de  ce 
changement  produit  par  la  droite  du  Très- 
Haut  qu'il  est  parlé  dans  le  Psaume  Lxxvi,  11. 
Le  Seigneur  regarda  Pierre  afin  qu'il  pleu- 
rât; et  saint  Paul  dit  de  quelques-uns  que 
Dieu  leur  donnera  peut-être  la  pénitence. 
Que  pourriez-vous  pour  votre  conversion  ^,  si 
vous  n'étiez  appelés  ?  N'est-ce  pas  celui  qui 
vous  a  appelés  lorsque  vous  étiez  détournés 
de  lui,  qui  vous  a  donné  de  vous  tourner 
vers  lui  î  Ne  vous  attribuez  donc  pas  de  vous 
être  tournés  vers  Dieu,  parce  que,  s'il  ne 


Luc.  xxrl, 


NécessîtS 
ds  la  grâce 
pour  la  péDÎ- 
tenco  et  pour 
la  conversion 
du  pécheur. 


'  nia  duo:  Dimitte  nobis  débita  nostra...  et:  Ne 
nos  inferas  in  tentationem,  quando  pelagianis  oh- 
jiciuntur,  quid  eos  putatis  respondere  ?  Eorrui, 
fratres  met,  quando  audivi.  Ego  quidem  non  au- 
divi  auribus  meis,  sed  sanctus  fraler  et  coepisco- 
pus  meus  Urbanus  noster,  qui  hic  prœsby  ter  fuit, 
et  modo  est  Siccensis  episcopus,  cum  remeasset 
ab  urbe  Roma  et  ibi  quod  quodam  talia  sentiente 
confligeret,  vel  se  conflixisse  referret,  cum  urge- 
retur  pondère  Orationis  dominicœ;  urgebat  enim 
eum  et  dicebat  :  Si  in  nostra  potestale  est  omnes 
peccatorum  tentationes  solis  voluntatis  nostrœ 
viribus  superare ,  quare  Deo  dicimus  :  Ne  nos  in- 
feras in  tentationem  ?  Quid  eumpwiatis  respondisse  ? 
Rogamus,  inquit,  Deum  ne  nos  inférât  in  tenta- 
tionem, ne  aliquid  mali  patiamur,  quod  non  ha- 
bemms  in  potestale:  ne  ruam  de  equo,  et  ne  fran- 
gam  pedem,  ne  latro  me  interficiat,  et  quid  hu- 
jusmodi.  Hœc  enim,  inquit,  non  habeo  in  potes- 
tate ;  nam  vincere  tentationes  peccatorum  meo  - 
rum,  si  volo,  et  possum,  nec  Dei  adjutorio  possum. 
Videtis,  fratres,  quam  maligna  hœresis,  videtis 
quemadmodum  omnes  horrelis...  inde  ergo  dice- 
bat Bominus  :  Vigilate  et  orate  ne  intretis  in 
tentationem.  Hoc  dicebat  :  Vigilate  et  orate  ne 
pedem  frungatis,  aut  ne  caput  doleatis,  aut  ne  in 
daninum  incurratis?  Non  hoc  dicebat:  sed  quid 
dicebat?  QuodPetro  dixit:  Rogavi  pro  te  ne  defl- 
oiat  iides  tua.  Roga-vi,  inquit,  pro  te,  dicit  Deus 
honiini,  dominus  servo,  magister  discipulo,  me- 


dicus  cegro.  Rogavi'  pro  te.  Quid  ?  Ne  deficias  î 
Quid?  Manus  tua,  pes  tuus,  oculus  tuus,  lin- 
gua  tua  aliqua  paralysi,  id  est  dissolutione 
membrorum  ;  non  ;  sed  ne  deBciat  fides  iua.  Au- 
gust.,  in  Frag.  serm.  contra  Pelag.,  num.  l  et  2, 
pag.  1309,  tom.  V. 

^  Contra  vos  dicimus,  et  ipsam  pœnitentiam 
Deum  dare,  quia,  licet  voluntate  quisque  agat  pœ- 
nitentiam, prœparatur  etiam  voluntas  a  Domino, 
et  hœc  est  immutatio  dexterœ  Excelsi,  quam  sa- 
cer  insonat  psalmus  :  quia  ut  fleret  Petrus  eum 
respexit  Dominus,  unde  ait  de  quibusdam  coapos- 
lolus  ejus  :  Ne  forte  det  illis  Deus  pœnitentiam. 
August.,  lib.  IV  Oper.  iniperf.,  cap.  cxxvi,  pag. 
1212. 

'  Quid  autem  ut  convertereris,  posses,  nisi  vo- 
careris?  Nonne  ille  qui  te  vocavit  aversum  ipse 
prœstitit  ut  converleris?  Noli  tibi  ergo  arrogare 
nec  ipsam  conversionem  :  quia,  nisi  te  ille  vocaret 
fugientem,  non  posses  converti.  Propterea  et  ip- 
sius  conversionis  beneficium  Deo  tribuens  pro- 
pheta  hoc  oral  et  dicit  :  Deus,  tu  convertens  vivi- 
ficabis  nos.  Et  non  quasi  nos  ipsi  nostra  sponte 
sine  misericordia  tua  converiimur  ad  te,  et  tu 
vivificabis  nos,  sed  :  Tu  converteus  vivificabis  nos  : 
ut  non  solum  vivificatio  nostra  a  tesit,  sed  etiam 
ipsa  conversio  ut  vivificemur  :  Deus,  tu  conver- 
tens vivificabis  nos.  August. ,  in  Psal.  lxsxiv,' 
num.  8,  pag.  893. 


692 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


vous  appelait ,  lorscpie  vous  fuyez  de  lui , 
vous  ne  pourriez  retourner  vers  lui.  C'est 
poui-quoi  le  prophète ,  attribuant  à  Dieu  le 
bienfait  de  sa  conversion,  lui  dit  :  0  Dieu, 
vous  nous  convertirez ,  et  vous  nous  vivifierez. 
n  ne  donne  pas  à  entendre  que,  sans  avoir 
reçu  la  miséricorde  de  Dieu,  nous  nous  con- 
vertissons à  lui  de  nous-mêmes,  et  qu'en- 
suite Dieu  nous  vivifie  ;  mais  il  dit  :  Vous  nous 
convertirez  et  vous  nous  vivifierez,  en  sorte 
que  cène  soit  pas  seulement  la  vie  que  nous 
recevons ,  qui  soit  votre  ouvrage ,  mais  en- 
core notre  retour  vers  vous,  afin  de  rece- 
voir la  vie.  La  misère  où  nous  sommes  ',  et 
qui  nous  est  due  ,  est  guérie  par  la  miséri- 
corde de  Dieu  qui  ne  nous  est  pas  due.  Car 
celui  qui  parle  dans  le  Psaume  et  qui  dit  : 
Je  vous  ai  cherché  de  tout  mon  cœur ,  d'où 
pourrait-il  le  faire  ,  si  celui  à  qui  l'on  dit  : 
Seigneur ,  vous  nous  convertirez  et  vous  nous 
vivifierez,  ne  le  tournait  vers  lui ,  lorsqu'il 
en  est  détourné  ?  C'est  de  là  que  vient  de  ce 
qu'il  redresse  sa  voie  en  gardant  les  paroles 
de  Dieu,  Dieu  le  conduisant.  Dieu  opérant. 
Car  il  ne  le  pourrait  par  lui-même ,  selon 
que  le  prophète  Jérémie  le  confesse,  lors- 
qu'il dit  :  Je  le  sais,  Seigneur,  que  l'homme 
n'est  pas  le  maître  de  ses  voies,  l'homme  ne 
réussira  point  à  redresser  ses  pas.  Enfin ,  si 
noti'e  conversion  ^  n'était  pas  un  don  de 
Dieu,  on  ne  lui  dirait  pas  :  Seigneur  des  ver- 
tus, convertissez-nous.  » 

Saint  Ambroise,  cité  par  saint  Augustin, 
dit  que  la  pénitence  même  '  que  fait  la  vo- 
lonté ne  laisse  pas  de  se  faire  par  la  miséri- 


corde de  Dieu  et  par  son  secours.  «  JLes  bon- 
nes larmes,  dit-il,  sont  celles  qui  lavent  les 
taches  de  nos  fautes.  On  pleure  quand  on  est  re- 
gardé favorablement  de  Jésus-Christ.  Pierre 
renia  son  maître  une  première  fois,  et  il  ne 
pleura  'point,  parce  que  le  Seigneur  ne  l'avait 
point  regardé,  Pierre  renia  son  maître  une  se- 
conde fois,  et  il  ne  pleura  point  encore.  Pierre 
renia  son  maître  une  troisième  fois,  mais  Jésus- 
Christ  le  regarda ,  et  il  pleura  amèrement. 
Que  les  pélagiens  hsent  l'Évangile,  reprend 
saint  Augustin ,  et  qu'ils  voient  que  le  Sei- 
gneur était  en  haut,  dans  la  salle  intérieure 
du  conseil ,  pour  y  être  ouï  du  prince  des 
prêtres  ;  au  lieu  que  Pierre  était  en  bas  dans 
un  autre  endroit  avec  les  serviteurs,  tantôt 
assis  auprès  du  feu ,  tantôt  debout ,  comme 
il  paraît  par  le  récit  très-véritable  et  très- 
uniforme  des  évangélisles.  On  ne  peut  donc 
pas  dire  que  le  Seigneur  l'ait  regardé  des 
yeux  du  corps  pour  l'avertir  de  sa  faute.  Ce 
regard  marque  ce  que  le  Sauveur  fit  inté- 
rieurement dans  cet  apôtre,  ce  qu'il  fit  dans 
son  esprit ,  ce  qu'il  fit  dans  sa  volonté.  Le 
Seigneur  par  un  efi'et  de  sa  miséricorde  le 
secourut  invisiblement  ;  il  lui  toucha  le 
cœur  ;  il  le  fit  ressouvenir  de  la  parole  qu'il 
lui  avait  dite  ;  il  le  visita  par  sa  grâce  inté- 
rieure ;  il  émut  les  sentiments  de  son  hom- 
me intérieur ,  en  les  faisant  sortir  au  dehors 
par  ses  larmes.  Voilà  comment  Dieu  est  pré- 
sent par  son  secours  à  nos  volontés  et  à  nos 
actions.  Voilà  comment  il  opère  en  nous  le 
vouloir  et  le  faire.  » 

92.  «  Par  l'énormité  du  péché  de  notre 


Nioes5lU> 


1  Sed  indebita  Dei  misericordia  sanatur  débita 
nostra  miseria.  Nam  iste  qui  loquitur  et  dicit  : 
In  toto  corde  meo  exqiiisivi  te  :  et  hoc  wnde  pas- 
set  nisi  eum  aversum  ad  se  ipse  converteret,  oui 
dicilur  :  Deus,  tu  convertens  vivificabis  nos  ;  et 
ille  perditum  quœreret  et  errantem  ille  revocaret, 
qui  dicit  :  Quod  perierat  requiram,  et  quod  erra- 
verat  revocabo.  Inde  est  quod  etcorrigit  viam  sxiam 
in  custodiendo  verba  Dei,  illo  régente,  illo  fa- 
ciente  :  neque  enim  per  se  ipse  posset,  cum  Jere- 
mias  propheta  fateatur  et  dicat  :  Scio,  Domine, 
quoniam  non  est  hominis  via  ejus,  neque  vir  ibit  et 
corriget  viam  suam.  August.,  in  Psal.cxyiu,  num. 
3  et  4,  pag.  1288. 

2  Nisi  donum  Dei  esset  etiam  ipsa  ad  Deum 
nostra  conversio,  non  ei  dicerelur  :  Deus  virtutum, 
converte  nos.  August.,  lib.  De  Grat.,  et  lib.  arb., 
cap.  V,  num.  10,  pag.  723. 

s  Beatus  Ambrosius  ita  loquens  :  Bonae  laerymîe, 
quae  culpam  lavant,  denique  quos  Jésus  respicit, 
plorant  :  negavit  primo  Petrua  et  non  flevit,  quia 
non  respexerat  Dominus  :   negavit  secundo,  non 


flevit ,  quia  adhuc  non  respexerat  Dominus  ;  nega- 
vit et  tertio,  respexit  Jésus  et  ille  amarissime  fle- 
vit. Legant  isti  Evangelium  et  videant  Dominum 
Jesum  tune  intus  fuisse  cum  a  sacerdotum  prin- 
cipibus  audiretur  :  apostoium  rero  Petrum  forts 
et  deorsum  in  atrio  cum  servis  ad  focum,  nunc 
sedentem,  nunc  stantem,  sicut  veracissima  et  con- 
cordissima  Evangelistarum  narraiione  monstra- 
tur.  Unde  non  potest  dici  quod  corporalibiis  ocu- 
lis  eum  Dominus  visibiliter  admonendo  respe- 
xerit.  El  ideo  quod  ibi  scriptum  est  :  Respe- 
xit eum  Dominus,  intus  actiim  est,  in  mente 
actum  est,  in  voluntate  actuin  est.  Misericordia 
Dominus  latenler  subvenit,  cor  tetigit,  memo- 
riam  revocavil,  interiore  gratta  suavisitavit 
Petrum,  iiiterioris  hominis  usque  ad  èxteriores 
lacrymas  movit  et  produxit  affectum.  Ecce  que- 
madmodum  Deus  adjuvando  adest  voiuntatibus 
et  actionibus  nostris.  Ecce  quemadmodum  et 
velle  et  operari  operatur  in  nobis.  August.,  De 
Grat.  christ,  contra  Pelag.  et  Ccelest,,  cap,  xlv, 
num.  49,  pag.  249  et  250. 


[iv=  ET  V  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


aimer 


premier  père,  dit  encore  le  saint  évêque, 
nous  avons  perdu  '  le  libre  arbitre  pour 
aimer  Dieu,  et  c'est  absolument  un  don  ^  de 
sa  part,  que  de  l'aimer;  c'est  lui  qui  nous  a 
aimés  avant  que  nous  l'aimassions.  Ensuite 
il  nous  a  donné  de  quoi  l'aimer  ;  il  a  com- 
mencé à  nous  aimer,  lorsque  nous  n'avions 
encore  rien  en  nous  qui  pût  lui  plaire,  et  il 
a  mis  par  là  en  nous  de  quoi  lui  plaire  :  car 
nous  n'aimerions  pas  le  Fils,  si  nous  n'ai- 
mions aussi  le  Père.  Et,  quoique  le  Père 
nous  aime  ,  parce  que  nous  aimons  le  Fils  , 
il  est  vrai  néanmoins  que  nous  n'aimerions 
ni  le  Père  ni  le  Fils,  si  le  Père  et  le  Fils  ne 
nous  avaient  donné  ce  qu'il  faut  pour  les  ai- 
mer. C'est  en  effet,  l'Esprit  du  Père  et  du 
Fils  qui  répand  dans  nos  cœurs  la  charité 
qui  nous  fait  aimer  le  Père  et  le  Fils  ,  et  qui 
fait  aussi  que  nous  l'aimons  lui-même.  Ainsi 
Dieu  crée  en  nous  le  bon  amour  qui  nous  rend 
ses  véritables  adorateurs  ;  et  voyant  en  nous 
ce  bon  amour,  ce  lui  est  une  raison  de  nous 
aimer,  parce  qu'il  aime  ce  qu'il  fait.  Mais  il 
n'aurait  jamais  mis  dans  nous  ce  qu'il  y 
aime,  et  qui  lui  a  été  une  raison  de  nous  ai- 
mer, s'il  ne  nous  avait  aimés  avant  de  l'y 
mettre.  La  charité  vient  de  Dieu,  dit  l'apôtre 
saint  Jean.  Mais  qu'on  ne  s'imagine  '  pas 
que  le  commencement  de  cette  charité  soit 
de  nous ,  et  que  sa  perfection  vienne  de 
Dieu.  Si  la  charité  vient  de  Dieu ,  comme  le 
dit  cet  apôtre  ,  il  faut  qu'elle  en  vienne  toute 
entière.  Or,  Dieu  nous  garde  de  donner  ja- 
mais dans  cette  folie,  que  nous  nous  imagi- 


693 

nions  occuper  la  première  place  dans  les 
dons  de  Dieu,  et  lui  laisser  la  dernière,  pen- 
dant qu'il  est  écrit  :  C'est  la  miséricorde  qui 
nous  préviendra.  » 

«  D'où  vient  *,  dans  les  hommes,  l'amour  de 
Dieu  et  du  prochain  ,  si  ce  n'est  de  Dieu  ?  Si 
cet  amour  ne  vient  pas  de  Dieu ,  mais  des 
hommes,  les  pélagiens  sont  victorieux;  mais 
s'il  vient  de  Dieu,  nous  avons  vaincu  les  pé- 
lagiens. Que  l'apôtre  saint  Jean  prenne 
donc  au  milieu  de  nous  la  place  de  juge  ,  et 
qu'il  nous  parle.  Mes  très-chers  frères,  nous 
dira-t-il,  aimons-nous  les  icns  les  autres.  Les  pé- 
lagiens ne  manqueront  pas  de  prendre  oc- 
casion de  ces  paroles,  de  s'enfler,  et  de  dire  : 
Pourquoi  nous  donner  un  tel  précepte,  si  ce 
n'est  parce  que  nous  tenons  de  nous-mêmes 
l'amour  par  lequel  nous  nous  aimons  les 
uns  les  autres  ?  Mais  saint  Jean  ajoute  aussi- 
tôt ,  pour  les  confondre  :  L'amour  vient  de 
Dieu.  Pourquoi  dit-il  :  Aimons-nous  les  uns  les 
autres,  parce  que  l'amour  vient  de  Dieu,  si  ce 
n'est  afin  que  le  libre  arbitre  soit  averti  par 
ce  précepte  de  chercher  le  don  de  Dieu  ? 
Or,  le  libre  arbitre  recevrait  cet  avertisse- 
ment sans  en  tirer  absolument  aucun  fruit , 
s'il  ne  recevait  premièrement  quelque  chose 
de  cet  amour  qui  lui  en  fasse  rechercher 
l'augmentation ,  afin  d'accomplir  ce  qu'on 
lui  commande.  Que  personne  ne  vous  trompe 
donc  ,  ajoute  ce  Père  ;  nous  n'aimerions  ja- 
mais Dieu,  s'il  ne  nous  aimait  le  premier. 
La  grâce  fait  de  nous  des  amateurs  de  la  loi  ; 
mais  la  loi  sans  la  grâce  ne  fait  que  des  pré- 


'  Liberum  arbitrium  ad  diligendum  Deum  pri- 
mipeccati  granditate  perdidimus.  August.,  Epist. 
217,  num.  12,  pag.  803. 

2  Prorsus  donum  Dei  est  diligere  Deii/m.  Ipse 
ut  diligeretur  dédit,  qui  non  dileclus  dilexit;  dis- 
plicentes  ainati  stimus,  ut  esset  in  nobis  unde  pla- 
ceremxis.  Non  enim  amaremus  Filium  nisi  ama- 
remus  etPatrem.  Amat  nos  Pater  quia  nos  ama~ 
mus  Filium,  cum  a  Pâtre  et  Filio  acceperimus, 
ut  et  Patrem  amemus  et  Filium;  diffundit  enim 
charitatem  in  cordibus  nostris  amborum  Spiritus, 
per  quem  Spiritum  cum  Pâtre  amamus  et  Filio  ; 
amorem  iiaque  nostrum  pium,  quo  colimus  Deum, 
fecit  Deus,  et  vidit  quia  bonum  est  :  ideo  quippe 
amavit  ipse  quod  fecit.  Sed  in  nobis  non  faceret 
quod  amaret,  nisi,  antequam  id  faceret,  nos  ama- 
ret.  August.,  Tract.  104  in  Joan.,  num.  5,  pag. 
755. 

'  Joannes  apostolus  sine  ambiguitate  loquitur, 
dicens  :  Charitas  ex  Deo  est.  JVec  initium  ejus  ex 
nobis,  etperfectio  ejus  ex  Deo;  sed  si  charitas  ex 
Deo,  tota  nobis  ex  Deo  est.  Avertat  enim  Deus 
hanc  ameniiam  ui  in  donis  ejus  nos  priores  fa- 
ciamus,  posteriorem  ipsum  :  Quoniam  misericor- 


dia  ejus  praeveniet  me.  August.,  lib.  II  Contra  duas 
Epist.  Pelag.,  num.  21,  pag.  445. 

*  Unde  est  in  hominibus,  charitas  Dei  et  proximi, 
nisi  ex  ipso  Deo  ?  Nam  si  non  ex  Deo,  sed  ex  ho- 
minibus, vicerunt  pelagiani  :  si  autem  ex  Deo, 
vicimus  pelagianos.  Sedeat  ergo  inter  nos  judex 
apostolus  Joannes,  et  dicat  nobis  :  Charissimi,  dili- 
gamus  invicem.  Jn  his  verbis  Joannis  cum  se  illi 
extollere  cœperint  et  dicere  :  Ut  quid  nobis  hoc 
prcecipitur,  nisi  quia  ex  nobis  habemus  ut  invi- 
cem diligamus?  Sequitur  continua  idem  Joannes, 
confundens  eos  et  dicens  :  Quia  dileotio  ex  Deo  est, 
non  itaque  ex  nobis  sed  ex  Deo  est.  Cur  ergo  dic- 
tum  est  ;  Diligamus  invicem,  quia  dilectio  ex  Deo 
est,  nisi  quia  prœcepto  admonitum  est  liberum 
arbitrium  ut  quœreret  Dei  donum  ?  Quod  quidem 
sine  suo  fructu  prorsus  admoneretur,  nisi  prius 
acciperet  aliquid  dilectionis,  ut  addi  sibi  quœre- 
ret unde  quod  jubeatur  impleret...  nemo  ergo  vos 
fallat,  fratres  mei,  quia  nos  non  diligeremus 
Deum,  nisi  nos  prior  ipse  diligeret...  gratia  nos 
facit  legis  dilectores,  lex  veroipsasine  gratia  non 
nisi  prcevaricatores  facit.  August.,  lib.  De  Grat, 
et  lib.  arb.,  cap.  xvin,  num.  37  et  38,  pag.  737. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Sur  la  possi- 
bilité descom- 

maadomonls 
do  Ditiu. 


694 

varicateurs.  L'amour  de  Dieu,  dit-il  encore  % 
par  lequel  on  parvient  h  lui ,  ne  peut  venir 
que  de  Dieu  le  Père  en  Jésus-Christ  avec  le 
Saint-Esprit.  Par  cet  amour  du  Créateur , 
chacun  use  bien  des  créatures  ;  sans  cet 
amour  du  Créateur,  personne  n'use  bien  des 
créatures.  » 

93.  Selon  saint  Augustin,  Dieu  ne  ^  com- 
mande pas  des  choses  impossibles;  mais,  en 
commandant,  il  nous  avertit  de  faire  ce  que 
nous  pouvons  et  de  demander  ce  que  nous 
ne  pouvons  pas.  Or,  dès  que  nous  croyons 
fermement  '  que  Dieu,  bon  et  juste  comme  il 
est,  ne  peut  commander  des  choses  impos- 
sibles, nous  sommes  par  là  avertis  et  de  ce 
que  nous  devons  faire  dans  les  choses  faci- 
les, et  de  ce  que  nous  devons  demander  dans 
celles  qui  sont  difficiles.  Lespélagiens  s'ima- 
ginaient avoir  découvert  un  grand  mystère, 
quand  ils  disaient  ''  que  Dieu  ne  commande- 
rait pas  ce  qu'il  saurait  nous  être  impossible. 
Qui  en  doute  ?  Mais  c'est  pour  cela  même  que 
Dieu  commande  certaines  choses  que  nous  ne 
pouvons  pas  faire,  afln  que  nous  connaissions 
ce  que  nous  devons  lui  demander.  «  Si  donc, 
dit  saint  Augustin,  la  considération  Me  votre 
infirmité  vous  fait  ressentir  de  la  difficulté 
dans  l'accomplissement  du  précepte  de  la 
charité,  fortifiez-vous  par  l'exemple  du  Fils 
de  Dieu;  et,  si  cet  exemple  vous  étonne, 


comme  étant  trop  relevé  pour  vous,  celui 
qui  vous  l'a  donné  est  prêt  aussi  à  vous  don- 
ner son  secours  pour  l'imiter.  » 

94.  Les  pélagiens  enseignaient  que  le  li- 
bre ^  arbitre  suffit  à  l'homme  pour  accomplir 
les  commandements  de  Dieu,  quoiqu'il  ne 
soit  ni  aidé  de  la  grâce  de  Dieu  ni  du  don  du 
Saint-Esprit.  Saint  Augustin  regarde  une  pa- 
reille doctrine  comme  digne  d'anathème  et 
d'exécration.  «  En  effet,  dit-il,  David  prie  ' 
Dieu  de  l'aider  afin  de  garder  ses  paroles  ; 
et  il  lui  demande  avec  humilité,  de  n'être 
point  rejeté  de  ses  commandements.  Or, 
qu'est-ce  qu'être  rejeté  de  Dieu,  sinon  de 
n'en  être  pas  aidé  ?  Car  ses  commandements, 
étant  si  purs  et  si  relevés,  ne  sauraient  être 
proportionnés  à  la  faiblesse  de  l'homme,  si 
la  charité  de  Dieu  ne  le  prévient  et  ne  l'aide 
pour  les  lui  faire  accomplir.  Agissez-donc 
ainsi.  Seigneur  plein  de  miséricorde  ^  (saint 
Augustin  s'adresse  à  Dieu),  commandez  ce 
qui  ne  puisse  s'accomplir,  ou  plutôt  ce  qiii 
ne  puisse  s'accomplir  que  par  votre  grâce, 
afin  que  lorsque  les  hommes  n'aïu'ont  pu  l'ac- 
complir par  leurs  propres  forces,  ils  demeu- 
rent muets,  et  ne  s'imaginent  point  être 
quelque  chose  de  grand  :  car  qui  accomplit 
vos  commandements,  comme  ils  doivent  être 
accomplis,  c'est-à-dire  par  la  foi  qui  opère 
par  amour,  si  cet  amour  même  ne  se  répand 


NécosîllJ 
de  la  gràca 
[lour  accom- 
plir les  com. 
luandemeoli 
àQ  Dieu.  i 


1  Amor  autem  Dei  quo  penenitur  ad  Dewn  non 
est  nisi  a  Deo  Pâtre  per  Jesum  ChtHstum  cum 
Spirilv,  Sancto.  Per  hune  amorem  Creatoris  bene 
quisque  utitur  etiam  creaturis;  sine  hoc  amore 
Creatoris,  nullis  quisquam  bene  utitur  creaturis. 
August.,  lib.  IV  Contra  Jul.  pelag.,  num.  33 , 
pag.  C02. 

2  iVori  igifur  Beiis  impossibilia ,  sed  jubendo 
admonet  et  facere  quod  possis  et  petere  quod  non 
possis.  August.,  Se  Nat.  et  grat.,  cap.  xlui, 
num.  SO,  pag.  148.  [Le  concile  de  Trente,  qui  rap- 
porte cet  endroit  de  saint  Augustin,  y  a  ajouté 
ces  mots  :  Et  Dieu  vous  aide,  afin  que  vous  puis- 
siez. Concil.  Trid.,  Sess.  6,  cap.  xi,  pag.  761. 
Conoil..  tom.  XIV.] 

2  Eoquippeipso  quo  firinissime  creditur,  Deum 
justum  et  bonum  impossibilia  nou  potuisse  prœci- 
pere,  hinc  admonemur  et  in  facilibus  quid  aga- 
mus,  et  in  difflcitibus  quid  petamus.  August.,  De 
Nat,  et  grat.,  cap.  lxix,  uum.  83,  pag.  163  et  164. 

"i-  Magnum  aliquid  pelagiani  se  scire  putant, 
qiiando  dicunt  :  Non  jubere  Deus  quod  scirct  non 
posse  ab  homine  Ceri.  Quis  hoc  nesciat?  Si  ideo 
jubet  aligna  quœ  non  possumus,  ita  noverimus 
quid  ab  illo  petere  debeamus.  August.,  lib.  De 
Grat.  et  lib.  arb.,  cap.  xvi,  num.  32,  pag.  734. 

■^  Sed  considerans  infirmitalem  tuam  de/icis  s^tb 
prœccptn  ?  Confortatc  in  excmpln.  Sed  cliam  cxrm- 


plum  ad  te  multuni  est  î^adest  ille  qui  prœbuit 
exemplum,  ut  prœbeat  et  auxiUum.  August.,  m 
Psal.  Lvi,  num.  1,  pag.  530. 

s  lUud  vero  quod  dicunt  sufjicere  homini  libe- 
rum  arbitrium  ad  dominica  prœcepta  implenda, 
etiamsi  Dei  gratia  et  Spiritus  Sancti  dono  ad 
opéra  bona  non  adjuvetur,  omnino  anathemati- 
zandum,  et  omnibus  execrationibus  detestandum. 
August.,  Epist.  157,  cap.  ii,  num.  4,  pag.  543. 

'  In  loto,  inquit,  corde  meo  exquisivi  te,  ne  re- 
pellas  me  a  maudatis  tuis.  Ecce  orat  ut  adjuvetur 
ad  custodienda  verba  Dei,  in  quo  dixerat  viam 
siiam  corrigere  juniorem,  num  utique  hoc  est,  ne 
repellas  me  a  mandatis  tuis.  Quid  est  enim  a  Deo 
repelli,  nisi  non  adjuvari?  Mandatis  quippe  ejus 
rectis  atque  arduis  humana  non  contemperatur 
infirmitas,  nisi  prœveniens  ejus  adjuvet  charitas. 
August.,  in  Psal.  cxvui,  num.  3,  pag.  1288. 

8  Ita,  Domine,  ita  fac,  misericors  Domine,  im- 
pera  quod  non  possit  impleri,  imo  impera  quod 
non  nisi  per  tuam  gratiam  possit  impleri,  ut  cum 
homines  per  suas  vires  adimplere  nequiverint 
omne  os  obstruatur,  et  nemo  sibi  magnus  videa- 
tur...  quis  enim  facit  mandata  tua  sicut  facienda 
sunt,  id  est,  ex  fide  quœ  per  dilectioneni  operatur, 
nisi  ejus  in  corde  per  Spirilum  Sanctuni  ipsa  di- 
lectio  diff'undalur.  August.,/»  Psal.  cxviir,  num.  3, 
pag.  i3.';n. 


[IT' ET  V  siÈaES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


693 


dans  son  cœur  par  le  Saint-Esprit?  Dieu 
commande  '  ce  qui  se  peut  faire  ;  mais  c'est  lui 
gui  donne  de  le  faire  à  ceux  qui  le  peuvent 
et  qui  le  font.  Quant  à  ceux  qui  ne  le  peu- 
vent pas,  Dieu,  en  leur  commandant,  les 
avertit  de  lui  en  demander  le  pouvoir.  » 

Saint  Augustin  avait  dit  dans  le  premier 
livre  contre  les  manichéens  ^,  que  tous  les 
hommes  pouvaient  accomplir  les  commande- 
ments de  Dieu,  s'ils  voulaient.  Mais  parce 
que  les  pélagiens  pouvaient  abuser  de  cette 
expression  etl'entendre  de  manière  qu'on  pût 
les  accomplir  sans  le  secoui's  de  la  grâce ,  il 
crut  devoir  l'expliquer  ainsi  en  faisant  la  révi- 
sion de  ses  ouvrages  :  «  De  ce  que  j'ai  dit  en 
parlant  de  la  lumière  invisible,  qu'elle  ne  re- 
paît pas  les  yeux  des  oiseaux  irraisonnables, 
mais  les  cœurs  pm-s  de  ceux  qui  croient  en 
Dieu,  et  qui,  se  détachant  de  l'amour  des 
choses  visibles  et  temporelles,  se  portent  à 
accomplir  ses  commandements  (  ce  que  tous 
les  hommes  peuvent,  s'ils  le  veulent),  les 
nouveaux  hérétiques  pélagiens  ne  doivent 
pas  s'imaginer  que  cela  soit  conforme  à  leur 
hérésie.  Car  il  est  très-vrai  que  tous  les  hom- 
mes peuvent  accomplir  les  commandements 
de  Dieu,  s'ils  veulent;  mais  la  volonté  est 
préparée  par  le  Seigneur,  et  eUe  s'augmente 
de  telle  sorte  par  le  don  de  la  charité  qu'ils 
les  peuvent  accomplir;  ce  que  nous  n'avons 
pas  dit  alors,  parce  que  cela  n'était  pas  né- 


cessaire à  la  question  que  nous  traitions.  » 
Voici  ce  que  ce  Père  dit  encore  sur  l'ac- 
complissement des  commandements  de  Dieu. 
«  Il  est  certain  '  que  nous  les  observons,  si 
nous  voulons.  Mais  comme  la  volonté  est 
préparée  par  le  Seigneur,  il  faut  lui  deman- 
der que  nous  voulions  autant  qu'il  faut  pour 
faire  ce  que  nous  voulons.  D.  est  certain  que 
nous  voulons  quand  nous  voulons  ;  mais  celui 
qui  fait  que  nous  voulons  le  bien,  est  le  même 
de  qui  il  est  dit  :  La  volonté  est  préparée  par  le 
Seigneur,  de  qui  il  est  dit  encore  :  Les  pas  de 
l'homme  seront  conduits  par  le  Seigneur,  et  sa 
voie  sera  approuvée  de  lui.  Et  ailleurs  :  C'est  le 
Seigneur  qui  opère  en  nous  le  vouloir.  Il  est 
certain  que  nous  faisons,  quand  nous  faisons  ; 
mais  c'est  lui  qui  fait  que  nous  faisons  en  don- 
nant des  forces  très-efl3caces  à  la  volonté, 
ainsi  qu'il  l'a  dit  lui  même  :  Je  ferai  que  vous 
marcherez  dans  la  voie  de  mes  préceptes,  que 
vous  garderez  mes  ordonnances,  et  que  vous  les 
pratiquerez.  Celui  qui  veut  *  accomplir  les 
commandements  de  Dieu  et  qui  ne  le  peut,  a 
déjà,  à  la  vérité,  une  bonne  volonté,  mais  pe- 
tite et  faible.  Il  le  pourra  néanmoins  lorsqu'il 
l'aura  grande  et  forte.  Quand  les  martyrs  ont 
accompli  de  si  grands  commandements,  ils 
l'ont  fait  avec  une  grande  volonté,  c'est-à- 
dire  avec  une  grande  charité.  L'apôtre  saint 
Pierre  ne  l'avait  pas  encore ,  cette  grande 
cbarité,  quand  la  crainte  lui  fit  renier  trois 


Psal.  xsxTi, 
S3. 


Philip. 


'Ezoch. 
1,27. 


MaUh,  SX7I, 
03. 


1  Imperat  Deus  quœ  fieri  possunt,  sed  ipse  dédit 
utfaciant  eis  qui  facere  possunt  et  faciunt,  et  eos 
qui  non  possunt,  imperando  admonet  a  se  poscere 
ut  passent.  August.,  lib.  III  Oper.  imperf.,  num. 
116,  pag.  1097. 

2  Quod  vero  dixi:  lUud  auteui  lumen  non  irra- 
tionabilium  avium  oculos  pascit,  sed  pura  corda 
eorum  qui  Deo  credunt  et  ab  amore  visibilium  re- 
rum  et  temporalium  se  ad  ejus  praecepta  implenda 
convertunt  ;  quod  omnes  hommes  possunt,  si  velint, 
non  existiment  novi  hœretici  pelagiani  secundum 
eos  esse  dictum.  Verum  est  enim  omnino  omnes 
homines  hoc  posse,  si  velint,  sed  prœparatur  vo- 
luntas  a  Domino,  et  tantum  augetur  munere  cha- 
ritatis  ut  possint,  quod  hic  ideo  dictum  non  est 
quoniam  prœsenti  necessarium  non  erat  quœs- 
tioni.  Augast.,  lib.  I  Retract.,  cap.  x,  num.  2, 
pag.  15  et  16. 

'  Certum  est  enim  nos  mandata  servare,  si  vo- 
lumus  :  sed  quia  prïeparatur  voluntas  a  Domino, 
ab  illo petendum  est  ut  tantum  velimus,  quantum 
sufficil  ut  volendo  faciamus,  certum  est  nos  velle, 
cumvolumus;  sed  ille  facit  ut  velimus  bonum  de 
quo  dictum  est  quod  paulo  ante  posui:  Prœpara- 
tur voluntas  a  Domino,  de  quo  dictum  est  :  A  Do- 
mino gressus  hominis  dirigentur  et  viam  ejus  vo- 
let, de  quo  dictum  est  :  Deus  est  qui  operatur  in 


vobis  et  velle.  Certum  est  nos  facere  cum  facimus, 
sed  ille  facit  ut  faciamus,  prœbendo  vires  efjica- 
cissimas  voluntati,  qui  dixit:  Faciam  ut  injustifi- 
cationibus  meis  ambuletis,  et  judicia  mea  observe- 
tis  et  faciatis.  August.,  De  Grat.  et  lib.  arb.,  cap.  xvi, 
num.  32,  pag.  374  et  375. 

*  Qui  ergo  vult  facere  Dei  mandatumet  non  po' 
test,  jam  quidem  habet  voluntatem  bonam,  sed 
adhuc  paroam  et  invalidam,  poterit  autem,  cum 
magnam  habuerit  etrobitstam.  Quando  enimmar- 
tyres  magna  illa  mandata  fecerunt,  magna  utique 
voluntate,  hoc  est,  magna  charitate  fecerunt.  .  . 
ipsam  charitatem  apostolus  Petrus  nondum  ha- 
buit,  quando  timoré  Dominum  ter  negavit,  timor 
enim  non  est  in  charitate,  sicut  ait  Joannes  evan- 
gelista  in  Epistola  sua,  sed  perfeota  charitas  foras 
mittit  timorem.  Et  tamen,  quamvis  parva  et  iyi- 
perfecta,  non  deerat  quando  dicebat  Domino  :  Ani- 
mam  meam  pro  te  ponam  :  putabat  enim  te  posse 
quod  se  velle  sentiebat.  Et  quis  islam,  etsiparvam, 
dare  cœperat  charitatem,  nisi  ille  quipiœparat  vo- 
luntatem, et  cooperando  perfieit  quod  operando 
incipit?...  talibus  enim  Dominus  dixit  suam  sarci- 
nam  levem,  qualis  Petrus  fuit  quando  passus  est 
pro  Christo,  non  qualis  fuit  quando  negavit 
Christum.  August.,  lib.  De  Grat.  et  libéra  arb., 
cap.  XVII,  num.  33,  pag.  733. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Demandor 
â  Dieu  ce  qu'il 

nouscommaa* 


Psal.  cxviiiï 


696 

fois  le  Seigneur  ;  cependant  il  avait  une  cha- 
rité petite  et  imparfaite  quand  il  disait  au 
Seigneur  :  Je  donmrai  ma  vie  pour  vous  :  car 
il  croyait  pouvoir  ce  qu'il  sentait  bien  qu'il 
voulait.  Mais  qni  avait  commencé  de  lui 
donner  cette  charité  faible,  siaon  celui  qui 
prépare  la  volonté,  et  qui  par  la  coopération 
achève  ce  qu'il  a  commencé  par  son  opéra- 
tion ?  Le  Seigneur  dit  que  son  joug  est  léger  à 
ceux  qui  sont  tels  qu'était  saint  Pierre,  quand 
il  souffrit  le  martyre  pour  Jésus-Christ,  et 
non  tel  qu'il  était  quand  il  le  renia.  » 

93.  Saint  Augustin,  voulant  enseigner  que 
nous  devons  demander  à  Dieu  ce  qu'il  nous 
commande,  s'exprime  ainsi  :  «  Plut  à  Dieu, 
disait  David,  que  mes  voies  soient  réglées  de 
telle  sorte  que  je  garde  la  justice  de  vos  ordon- 
nances !  Vous  avez  commandé,  ô  mon  Dieu  ! 
qu'onles  gardât,  il  est  vrai:  mais  je  souhaite 
que  ce  que  vous  m'avez  commandé  me  soit  fait. 
Lors  donc  que  vous  entendez  cette  expres- 
sion :  Je  souhaite,  reconnaissez  '  la  voix  d'un 
homme  qui  désire,  et  en  écoutant  cette  voix 
apprenez,  à  son  exemple,  à  rejeter  l'orgueil 
d'un  présomptueux.  Car  qui  serait  celui  qui 
pourrait  dire  qu'il  désirerait  une  chose,  dont 
son  libre  arbitre  le  rendrait  tellement  le 
maître,  qu'il  la  pourrait  faire  sans  avoir  be- 
soin d'aucun  secours  î  Donc  si  l'homme  dé- 
sire ce  que  Dieu  commande,  il  doit  deman- 


der à  Dieu  qu'il  donne  lui-même  ce  qu'i 
commande.  Vers  qui,  en  effet,  doit  être  di- 
rigé un  semblable  désir,  si  ce  n'est  vers 
celui  qui  est  le  Père  des  lumières  et  de  qui 
vient  tout  don  parfait  ?  » 

Le  saint  Docteur^  dit  souvent  à  Dieu  dans  Jaoob.  i,-n, 
ses  Confessions  :  «  Seigneur,  donnez-nous  ce 
que  vous  commandez ,  et  commandez  ce  que 
vous  voudrez.  »  Il  nous  apprend  que  Pelage', 
lorsqu'il  était  à  Rome ,  ayant  entendu  un 
évêque  rapporter  ces  paroles,  ne  put  les 
soufirir ,  et  que  peu  s'en  fallut  qu'il  ne  fit  un 
procès  à  cet  évêque.  «  Mais,  reprend  saint 
Augustin,  qu'y  a-t-il  que  Dieu  nous  com- 
mande plus  fortement  et  avant  toutes  choses, 
sinon  que  nous  croyions  en  lui  ?  C'est  donc  i 

lui-même  qui  nous  donne  de  croire  en  lui ,  î 

si  on  lui  a  bien  fait  cette  prière  :  Donnez-  \ 

nous  ce  que  vous  commandez .  Quand  il  nous  *  ; 

fait  cet  autre  commandement  :  Retournez  à  zaoh.i,  s.  , 
moi,  et  je  retournerai  à  vous,  et  que  nous  lui 
disons  :  Convertissez-nous ,  â  Dieu  de  notre 
salut!  et  :  0  Dieu  tout-puissant!  conve?'tissez- 
nous,  que  disons-nous  autre  chose ,  sinon  : 
Donnez  ce  que  vous  commandez  ?  Lorsqu'il 
nous  dit  :  Ayez  de  l'intelligence,  vous  autres  Psai.  iicm, 
de  mon  peuple,  qui  n'en  avez  point,  et  que 
nous  lui  disons  :  Donnez-moi  de  l'intelligence, 
afin  que  j'apprenne  vos  commandements,  que 
disons-nous  autre  chose ,  sinon  :  Donnez  ce 


LIXXIV 
lAXIX 


Psili 
,  6  et 


1  Utinam,  inquit,  dirigantur  vise  mece  ad  custo- 
diendasjustificationes  tuas.  Prœcepisti  quidem  tu, 
sed  utinam  quod  prœcepisLi  fiât  milii.  Ubi  audis 
utinam,  vocem  oplanAs  agnosce;  et,  agnila  voce 
oplanlis,  depoae  superbiam  pi'cesumentis.   Quis 
enim  se  dicat  optare,  quod  sic  habet  in  arbitra 
potestate,  ut  nullo  indigens  adjuviento  id  possit 
efficere?  Ergo  si  optât  homo  quod  prœcipit  Deus, 
ut   det  ipse  quod  prœcipit,  rogandus  est  Deus. 
A  quo  enim  optandum  est,  nisi  ab  illo  a  que  Pâ- 
tre luminum  omue  datuin  optimum  et  omne  donum 
perfectum,  sancla  Scriplura  teste,  descendit?  Au- 
gust.,  in  l'sal.  cxviu,  serm.  4,  num.  2,  pag.  1285. 
\.._  ^  Et  tota  spes  inea  nonnisi  in  magna  valde  ini- 
sericordia  tua.  Da  quod  jubés  et  jubé  quod  vis... 
continentiam  jubés,  da  quod  ju,bes  et  jubé  quod 
vis.  August.,   lib.    X.    Conf.,  cap.  xxix,  num.   40, 
pag.  184.  Omnia  possum,  inquit  Apostolus,  in  eo 
qui  me  confortât.  Conforta  me  tit possim.  Ba  quod 
jubés  et  jubé  quod  vis.  Iste  se  accepisse  confite- 
tur,  et  quod  gloriatur,  in  Domino  gloriatur.  ÀVr 
divi  alium  rogantem  ut  accipiat  :  Aufer  a  me,  in- 
quil,  concupiscentias  veutris,  unde  apparet,Sancte 
Deus  meus,  le  dare,   ciun-  fit  quod  imperas  fieri. 
August,  ibid.,  cap.  xsxi,  num.  45,  pag.  186. 

3  Sœpe  dixi:  Da  quod  jubés,  et  jubé  quod  vis; 
quœ  mea  verba  Pelagius  Romœ,  cum  a  quodam 
fratre  et  coepiscopo  meo    fuissent    eo  prœsente 


commemorata,  ferre  non  potuit,  et  contradicens 
aliquanto  commotiiiiS.  pêne  cum  eo  qui  illa  com- 
memoraoerat  litigavit.  Quid  vero  primitus  et 
maxime  Deus  jubet,  nisi  ut  credamus  in  eum ? 
El  hoc  ergo  ipsedat,  sibene  illud  dictum  est:  Da 
quod  jubés.  August.,  De  Dono  pers.,  cap.  xi, 
num.  53,  pag.  851. 

'  Cum  ergo  nobis  jubet  dicens  :  Convertimini  ad 
me  et  convertar  ad  vos,  nosque  illi  dicimus  :  Con- 
verte  nos,  Deus  sanitatum  nostrarum,  et,  Deus  vir- 
tutum,  couverte  nos  :  quid  aliud  dicimus  quam:  Da 
quod  jubés?  Cum  jubet  dicendo  :  Intelligite  ergo 
qui  insipientes  estis  in  populo,  et  nos  illi  dicimus  : 
Da  mihi  intellectum,  ut  diseam  mandata  tua,  quid 
aliud  dicimus  quam:  Da  quod  jubés?  Cum^  jubet 
dicendo:  Post  concupiscentias  tuas  non  3as,  nosque 
dicimus  :  Scimus  quia  nemo  potest  esse  continens 
nisi  Deus  det;  quid  aliud  dicimus  quam:  Daquod 
jubés?  Cum iiiiei dicendo; Facile justitiam,  nosque 
dicimus:  Doce  me  justificationes  tuas,  quid  aliud 
dicimus  quam  :  Da  quod  jubés?  Item  cum  dicit  : 
Beati  qui  esuriunt  et  sitiunt  justitiam,  quoniam 
ipsi  salurabuntur,  a  quo  debemus  petere  cibum 
potumque  juslitiœ,  nisi  ab  illo  qui  esurientibus 
eam  et  sitientibus  promittit  ejus  saluritalem? 
August,  lib.  II  De Peccat.  meril.  et  remis.,  cap.  v, 
num.  5,  pag.  42. 


[iv=  ET  r  siiCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


697 


que  vous  commandez?  Quand  il  nous  fait 
cette  instruction  :  Ne  vous  laissez  point  en- 
traîner à  vos  mauvais  désirs,  et  que  nous  lui 
disons  :  Nous  savons  que  personne  ne  peut  être 
tempérant,  si  Dieu  ne  lui  donne  de  l'être ,  que 
lui  disons-nous  autre  chose,  sinon  :  Donnez 
ce  quevous  commandez?  Quand  il  nous  com- 
mande de  pratiquer  la  justice,  et  que  nous  lui 
disons  :  Apprenez-moi  vos  justices,  que  lui  di- 
sons-nous autre  chose,  sinon  :  Donnez-nous 
ce  que  vous  commandez?  Enfin,  quand  il 
dit  :  Heureux  ceux  qui  ont  faim  et  soif  de  la 
justice,  parce  qu'ils  seront  rassasiés,  à  qui  de- 
vons-nous demander  le  pain  et  l'eau  de  la 
justice ,  sinon  à  celui  qui  promet  d'en  rassa- 
sier ceux  qui  en  ont  faim  et  soif?  » 

96.  Selon  saint  Augustin,  pour  montrer 
que  la  foi  est  un  don  de  Dieu ,  l'Église  n'a  ' 
que  faire  d'avoir  recours  à  des  discours  labo- 
rieux et  étudiés  ;  il  lui  suffit  de  faire  attention 
aux  prières  qu'elle  fait  tous  les  jours  à  Dieu. 
EUe  le  prie  de  faire  que  les  fidèles  croient. 
C'est  doncDieu  qui  les  convertit  à  lafoi.«Que^ 
les  pélagiens  nous  répondent,  dit-il,  et  qu'ils 
nous  montrent  quel  bien  il  pourrait  y  avoir 
dans  les  ennemis  du  nom  chi-étien,  par  lequel 
ils  pussent  mériter  la  foi.  Cependant  nous 
prions  pour  eux ,  lorsqu'ils  ne  sont  encore 
que  terre ,  selon  la  parole  de  saint  Cyprien. 
Nous  prions  non-seulement  pour  ceux  qui  ne 
se  veulent  pas  rendre  à  la  vérité ,  mais  aussi 
qui  l'improuvent  et  qui  la  combattent.  Et 
quel  est  le  but  de  nos  prières ,  sinon  qu'ils 
veulent  ce  qu'ils  ne  voulaient  pas,  qu'ils  ap- 
prouvent ce  qu'ils  improuvaient,  et  qu'ils 


aiment  ce  qu'ils  combattaient?  A  qui  de- 
mandons-nous toutes  ces  choses,  si  ce  n'est 
à  celui  dont  il  est  écrit  :  C'est  le  Seigneur  qui 
prépare  la  volonté?  Y  a-t-il  eu  un  temps  ^  où 
l'Éghse  n'ait  point  prié  pour  les  infidèles  et 
pour  les  ennemis  de  sa  foi  et  de  sa  doctrine, 
afin  qu'ils  crussent  et  qu'ils  l'embrassassent? 
Quand  est-ce  que  les  vrais  fidèles  ont  eu 
leurs  amis,  ou  leurs  parents,  ou  leurs  fem- 
mes infidèles,  et  qu'ils  n'ont  point  demandé 
à  Dieu  qu'il  leur  donnât  un  esprit  soumis  et 
obéissant  à  la  foi  chrétienne  ?  L'Église  donc 
est  née,  croît  et  a  cru  jusqu'à  cette  heure 
dans  cette  foi  :  comme  eUe  est  née ,  comme 
elle  croit  et  comme  eUe  a  cru  jusqu'à 
cette  heure  dans  l'usage  de  ses  prières  ;  car 
elle  ne  prierait  pas  Dieu  de  donner  la  foi  aux 
infidèles ,  si  elle  ne  croyait  que  c'est  Dieu 
qui  convertit  à  soi  les  volontés  des  hommes, 
lorsqu'elles  sont  les  plus  rebelles  et  les  plus 
opposées  à  sa  vérité.  » 

Saint  Augustin,  écrivant  à  un  nommé 
Vital,  de  Carthage,  qui  soutenait  que  le 
commencement  de  la  foi  n'était  pas  un  don 
de  Dieu,  insiste  principalement  sur  les  priè- 
res de  l'Église.  «  Dites-donc  nettement ,  lui 
dit-il*,  que  nous  ne  devons  point  prier  pour 
ceux  à  qui  nous  prêchons  l'Évangile,  mais 
seulement  le  leur  prêcher.  Disputez  contre 
les  prières  de  l'Église  ;  et  loi'sque  vous  en- 
tendez le  prêtre  du  Seigneur  àl'autel,  exhor- 
tant le  peuple  de  Dieu  à  prier  pour  les  infi- 
dèles, afin  que  Dieu  les  convertisse  à  la  foi  ; 
pom'  les  catéchumènes,  afin  qu'il  leur  ins- 
pire le  désir  de  la  régénération  divine  ;  et 


1  Prorsus  m  hac  re  non  operosas  disputationes 
exspectel  Ecclesia,  sed  dttendat  quotidianas  ora- 
tiones  suas,  orat  ut  increduU  credant,  Deus  ergo 
convertit  ad  /idem.  August.,  lib.  De  Dono  pers., 
cap.  VII,  num.  JS,  pag.  828  et  829. 

2  Respondeanl  certe  hœretici  nom  quid  bono- 
rwni  ineritorum  prœcedat  in  hominibus  inimicis 
nomini  christiano ,  non  solum  enim  non  habent 
bonuni,  sed  habent  etiam  pessimum  meritum.  Et 
tamen  etiam  sic  Cyprianus  inteUigit  quod  in  ora- 
tione  dicinius  :  Fiat  voluntas  tua  iii  cœlo  et  in  ter- 
ra ,  ut  et  pro  ipsis  qui  propter  hoc,  terra  intelli- 

guntur,  oremus.  Oramus  ergo  non  solum  pro 
nolentibits,  verum  etiam  pro  repugnantibus,  et 
oppugnantibus ;  quid  ergopetimus,  nisi  ut  fiant  ex 
nolentibus  volentes,  ex  repugnantibus  consentien- 
tes,  ex  oppugnantibus  amantes?  A  que  nisi  ab 
illo  de  quo  scriptum  est  :  Prœparatur  voluntas  a 
Domino?  August., lib. IV Coîiif a  duas Epist.pelag., 
num.  26,  pag.  485. 

s  Qwando  enim  non  oratum  est  in  Ecclesia  pro 
infidelibus  atque  inimicis  ejus  lit  crederent;  quan- 


do  fidelis  quisdam  amicum,  proximum,  conjugem 

habuit  infidelem,  et  noneipetivit  a  Domino  men- 
tem  obedientem  in  chrislianam  fidem?...  Sicut 
ergo  in  his  orationibus  ila  et  in  hac  fide  nata  est 
et  crescit  et  crevit  Ecclesia,  quafide  creditur  gra- 
tiam  Dei  non  secundum  mérita  accipientium  dari, 
quando  quidem  non  oraret  Ecclesia  ut  daretur 
infidelibus  fides,  nisi  Deuni  crederet  et  adversas 
hominum  ad  se  converteret  voluntates.  August., 
De  Dono  pers.,  cap.  xxiii,  num.  63,  pag.  855  et836. 
*  Exsere  contra  orationes  Ecclesiœ  disputatio- 
nes tuas;  et  quando  audis  sacerdotem  Dei  ad  ai- 
tare  exhortantem  populum  Dei  orare  pro  incre- 
dulis  ut  eos  Deus  convertat  ad  fidem,  et  pro  ca- 
thecumenis  ut  eis  desiderium  regenerationis  ins- 
piret,  et  pro  fidelibus  ut  in  eo  quod  esse  ccepenmt, 
ejus  munere  persévèrent ,  subsanna  pias  voces  et 
die  te  non  facere  quod  hortatur,  id  est  Deum  pro 
infidelibus  ut  eos  fidèles  faciat,  non  rogare,  eo 
quod  non  sint  ista  divinœ  miserationis  bénéficia, 
sed  humanœ  officia  voluntatis.  August.,  EpisU  217, 
num.  2,  pag.  799. 


698 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


pour  les  fidèles,  afin  que,  par  le  don  de  sa 
grâce ,  ils  persévèrent  dans  l'état  où  il  les  a 
mis,  moquez-vous  de  ces  pieuses  paroles, 
et  dites  que  vous  ne  ferez  point  ce  qu'on 
vous  exhorte  de  faire ,  c'est-à-dire  que  vous 
ne  prierez  point  Dieu  pour  les  infidèles,  afin 
qu'il  les  rende  fidèles,  parce  que  ce  n'est 
point  un  bienfait  de  sa  miséricorde ,  mais  un 
effet  de  leur  volonté.  Si  vous  niez  qu'on 
doive  prier  Dieu  pour  ceux  qui  ne  veulent 
pas  croire ,  afin  qu'ils  veuillent  croire  ;  si 
vous  ^  niez  qu'on  doive  rendre  grâces  à  Dieu 
de  ce  que  ceux  qui  ne  voulaient  pas  croire 
ont  voulu  croire,  il  faudra  agir  d'une  autre 
sorte  avec  nous ,  afin  que  vous  ne  soyez  pas 
dans  une  si  grande  erreur  ;  ou  que,  si  vous 
vous  opiniâtrez  à  y  demeurer,  vous  n'y  je- 
tiez pas  les  autres.  Mais,  si  vous  demeurez 
d'accord,  comme  j'aime  mieux  le  croire  de 
vous ,  que  nous  devons  et  que  nous  avons 
coutume  de  prier  pour  ceux  qui  ne  veu- 
lent pas  croire  afin  qu'ils  veuillent  croire  , 
pour  ceux  qui  rejettent  et  qui  combattent  sa 
loi  et  sa  doctrine ,  afin  qu'ils  la  reçoivent  et 
qu'ils  s'y  soumettent;  si  vous  demeurez 
d'accord  que  nous  devons  rendre  grâces  à 
Dieu  pour  ces  personnes,  de  ce  que  les 
ayant  converties  à  la  foi  il  les  a  fait  vouloir 
ce  qu'elles  ne  voulaient  pas  auparavant ,  il 


faut  que  vous  reconnaissiez  comme  une  vé- 
rité indubitable  que  la  grâce  de  Dieu  pré- 
vient les  volontés  des  hommes,  et  que  c'est 
Dieu  qui  fait  que  les  hommes  veulent  le  bien 
qu'ils  ne  voulaient  pas ,  puisque  c'est  lui  que 
nous  prions  afin  qu'il  leur  fasse  vouloir  ,  et 
que  c'est  lui  à  qui  nous  croyons  que  c'est 
une  chose  juste  et  raisonnable  de  rendre 
grâces  lorsqu'il  les  a  fait  vouloir.  » 

Ailleurs ,  saint  Augustin  s'exprime  ainsi: 
«  L'Apôtre,  dit-il,  rend  grâces  à  Dieu  *  pour 
ceux  qui  avaient  cru,  non  parce  que  l'Évan- 
gile leur  avait  été  annoncé,  mais  parce  qu'ils 
avaient  cru  :  car  il  dit  auxÉphésiens  qu'ayant 
ouï  parler  de  leur  foi  en  Jésus-Christ,  il  ne 
cesse  point  d'en  rendre  grâces  à  Dieu  pour 
eux.  Leur  foi  était  toute  nouvelle ,  et  l'Apô- 
tre en  rend  grâces  à  Dieu  pour  eux.  Si  c'était 
à  un  homme  qu'il  rendit  grâces  pour  une 
chose  qu'il  ne  croirait  pas,  ou  qu'il  saurait 
même  certainement  que  cet  homme  n'aurait 
pas  faite ,  ce  serait  plutôt  une  flatterie  ou  une 
moquerie  qu'une  véritable  action  de  grâces. 
Mais  ne  vous  y  trompez  pas,  on  ne  se  moque 
point  de  Dieu  ;  ainsi ,  il  faut  reconnaître 
que  la  foi  même  naissante  et  dans  ses  pre- 
miers commencements  est  vn  don  de  Dieu , 
si  on  ne  veut  accuser  l'Apôtre  de  lui  avoir 
rendu  une  action  de  [grâces  fausse  et  trom- 


1  Quamobrem  ut  hune  ad  te  sermonem  aliquan- 
do  concludam,  si  negas  orandum  esse  ut  qui  no- 
lunt  credere  velint  credere,  si  negas  agendas  esse 
Deo  gratias  quoniam  credere  voluerunt  qui  nole- 
bant  credere,  aliter  tecum  agendum  est  ne  non 
sic  erres,  aut,  si  errare  persistis,  ne  initias  alios 
in  errorein.  Si  autem,  quod  de  te  magis  credo, 
sentis  atque  consentis  orare  nos  Deum  debere  ac 
solere  pro  nolentibus  credere,  ut  velint  credere, 
et  pro  eis  qui  adversanliir  et  conlradicunt  legi 
ejus  atque  doctrinœ,  ut  ei  credant  eamque  sec- 
tentur,  si  sentis  atque  consentis  debere  nos  eliani 
Deo  agere  gratias  ac  solere  pro  talibits,  cum  ad 
fidem  ejus  doctrinamque  conversi  volentes  ex  no- 
lentibus fiunt,  oportet  sine  dubitatione  fatearis 
voluntates  hominum  Dei  gratia  prœveniri,  et  ut 
bonum  velint  homines  quod  nolebant,  Deum  fa- 
cere  qui  rogattor  ut  faciat,  et  qui  nos  novimus 
agere  gratias  dignum  et  justum  esse  cum  fecerit. 
August.,  Epist.  217,  num.  30,  pag.  809. 

2  Deo  gratias  agit  Àpostolus  pro  his  qui  credi- 
derunt,  non  utique  quoniam  eis  annuntialum  est 
Evangeli'um,  sed  quoniam  crediderunt.  Ait  enim: 
In  quo  et  vos  audientes  verbum  veritatis  Evange- 
lium  salutis  vestrae,  in  quo  credentes  siguati  estis 
Spiritu  promissionis  Sancto  qui  est  pignus  hceredi- 
tatis  nostrcB  in  redemptionem  acquisitionis  in  lau- 
dem  glorias  ipsius,  propter  lioe  et  ego,  audita  fide 
vestra  in  Christo  Jesu   et  in  omnes  sanctos ,  non 


cesse  gratias  agere  pro  vobis.  Nova  erat  et  recens 
eorum  fides  pradicato  sibi  Evangelio,  qua  fide 
audita,  gratias  Deo  pro  eis  agit  Àpostolus.  Si  ho- 
mini  gratias  agerel  pro  eo,  quod  illum  vel  puta- 
ret  non  prœstilisse  vel  nosse  ;  adulatio  vel  irri- 
sio  verius  quam  gratiarum  actio  diceretur.  No- 
lite  errare,  Deus  non  irridetur.  Donum  enim  ejtis 
est  etiam  incipiens  fides,  ne  Apostoli  falsa  vel  fal- 
lax  gratiarum  actio  merito  judicetur.  Quid  illud, 
nonne  inilium  fidei  apparet  Thessalonicensium 
de  quo  tamen  idem  àpostolus  Deo  gratias  agit, 
dicens  :  Propterea  et  nos  gratias  agimus  Deo  sine 
intermissione  quoniam,  cum  percepissetis  a  nobis 
verbum  aiiditus  Dei,  excepistis  non  ut  verbum  bo- 
miuum,  sed,  sieut  est,  vere  verbum  Dei,  quod  ope- 
ratur  in  vobis,  cui  credidistis?  Qiiid  est  quod  liinc 
Deo  gratias  agit?  Kempe  vaïium  est  atque  inane, 
si  qui  gratias  agit,  hoc  ipse  non  fecit;  sed  quia 
vanum  et  inane  non  est,  profecto  Deus  cui  de  hoc 
opère  gratias  agit,  ipse  fecit,  ut,  cumpercepissent 
ab  Apostolo  verbum  auditus  Dei,  exciperent  illud 
non  ut  verbum  hominum,  Deus  igitur  operatur 
in  cordibus  hominum  vocatione  illa  secundum 
propositum  suum,  de  qua  multum  locuti  sum^is, 
ut  non  înaniter  audiant  Evangelium  ,  sed  eo  au- 
dito  convertantur  et  credant,  excipientes  non  ut 
verbum  bominum,  sed,  sicut  est,  vere  verbum  Dei. 
August.,  De  Prœdesl.  sanct.,  cap.  xix,  num.  39, 
pag.  816. 


[lye  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAmT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


699 


peuse.  N'est-ce  pas  du  commencement  de  la 
foi  des  Tliessaloniciens  que  le  même  Apôtre 
rend  grâces  à  Dieu  lorsqu'il  dit  dans  la  pre- 
mière Épître  qu'il  leur  adresse  :  C'est  pour- 
quoi noies  rendons  à  Dieu  de  continuelles  actions 
de  grâces,  de  ce  qu'ayant  entendu  la  parole  de 
Dieu  que  nous  vous  prêchions ,  vous  l'avez  reçue, 
non  comme  la  parole  des  hommes,  mais  comme 
étant ,  ainsi  qu'elle  l'est  véritablement ,  la  pa- 
role de  Dieu  qui  opère  en  vous,  qui  êtes  fidèles  ? 
Pourquoi  en  rend-il  grâces  à  Dieu?  C'est  sans 
sujet  et  sans  raison ,  si  celui  à  qui  il  rend 
grâces  n'a  pas  fait  la  chose  pour  laquelle  il 
lui  rend  grâces.  Mais  parce  qu'on  ne  peut 
accuser  l'Apôtre  d'avoir  agi  sans  raison ,  il 
faut  reconnaître  que  ce  commencement  de 
la  foi  dans  les  Thessaloniciens ,  dont  il  rend 
grâces  à  Dieu ,  était  véritablement  l'ouvrage 
de  Dieu,  et  que  c'était  Dieu  qui  avait  fait  que, 
l'Apôtre  leur  prêchant  sa  parole ,  ils  l'avaient 
reçue  non  comme  la  parole  des  hommes , 
mais  comme  la  parole  de  Dieu ,  ainsi  qu'elle 
est  véritablement.  C'est  donc  Dieu  qui,  opé- 
rant dans  le  cœur  des  hommes  par  cette  vo- 
cation, selon  son  décret  éternel,  fait  que  ce 
n'est  pas  sans  fruit  qu'ils  écoutent  l'Évan- 
gile ;  mais  que ,  l'ayant  écouté ,  ils  se  con- 
vertissent et  croient,  le  recevant  non  comme 
la  parole  des  hommes,  mais  comme  la  pa- 
role de  Dieu,  ainsi  qu'il  l'est  véritable- 
ment. » 

Saint  Augustin  avait  été  lui-même  dans 
l'erreur  à  l'égard  du  commencement  de  la 
foi,  qu'il  croyait  être  de  nous-mêmes;  mais  il 
l'abandonna,  ayant  lu  dans  saint  Paul  que 
nous  n'avons  rien  que  nous  n'ayons  reçu. 
«  C'est  ce  passage,  dit-il  '  ,  qui  a  le  plus  con- 
tribué â  me  ramener  de  l'erreur  où  j'étais, 
que  ce  n'était  pas  un  don  de  Dieu  de  com- 


mencer à  croire  en  lui  ;  que  nous  avions  cela 
de  nous-mêmes,  et  que  par  là  nous  attirions 
sur  nous  les  grâces  qui  nous  sont  nécessai- 
res pour  vivre  dans  ce  siècle  avec  piété, 
justice  et  tempérance  :  car  je  ne  croyais 
point  que  pour  avoir  la  foi  nous  eussions  be- 
soin d'être  prévenus  par  la  grâce,  en  sorte 
que  ce  fût  par  elle  qu'il  nous  soit  donné  de 
prier  utilement,  mais  que  nous  l'étions  seu- 
lement par  la  prédication  de  la  vérité,  sans 
quoi  il  ne  nous  était  pas  possible  de  croire  ; 
et  qu'après  que  l'Évangile  nous  avait  été 
prêché,  c'était  à  nous  de  le  recevoir,  et  que 
nous  avions  cela  de  nous-mêmes.  On  peut 
voir  que  j'ai  été  dans  cette  erreur  par  quel- 
ques-uns des  ouvrages  que  j'ai  composés 
avant  d'être  évêque,  et  entr'autres  par  celui 
où  j'ai  expliqué  quelques  passages  de  l'Épltre 
aux  Romains,  et  où  j'ai  dit  que  de  faire  le 
bien  c'est  une  chose  que  nous  tenons  de 
celui  qui  donne  son  Saint-Esprit  â  ceux  qui 
croient  ;  mais  que  c'est  de  nous-mêmes  que 
nous  croyons.  Je  me  serais  bien  gardé  de 
parler  de  la  sorte  ,  si  j'avais  su  que  la  foi 
même  était  un  des  dons  que  Dieu  nous  com- 
munique par  ce  même  Esprit.  L'un  et  l'autre 
est  â  nous  à  la  vérité,  à  cause  de  notre  libre 
arbitre  ;  mais  l'un  et  l'autre  nous  est  donné 
par  l'Esprit  qui  produit  en  nous  la  foi  et  la 
charité,  car  ce  n'est  pas  la  charité  toute 
seule  qui  vient  de  Dieu  ;  il  est  écrit  :  Que 
Dieu  le  Père  et  Jésus-Christ  nous  donnent 
la  charité  avec  la  foi.  Ce  que  j'ai  dit  un  peu 
plus  bas,  qu'il  est  en  nous  de  ciboire  et  de  vou- 
loir, et  que  c'est  à  celui  qui  répand  la  charité 
dans  nos  cœurs,  de  donner  par  son  Saint-Es- 
prit à  ceux  qui  croient  et  qui  veulent  la  fa- 
culté défaire  le  bien,  est  vrai;  mais  selon  la 
même  règle ,  car  l'un  et  l'autre  est  à  nous , 


i.  1  Quid  autem  habes  quod  non  aooepisti  1  Si 
autem  et  aocepisti,  quid  gloriaris  quasi  non  acce- 
peris?  Quo  prœcipue  testimonio  etiam  ipse  con- 
victus  suin,  cum  simililer  errarem  putans  fulem 
qua  in  Beum  crediinus  non  esse  donxim  Dei,  sed  a 
nobis  esse  in  nohis,  etper  illam  nos  impelrare  Dei 
doua  quibus  temperanter  et  juste  et  pie  vivanms 
in  hoc  sœculo.  Neque  enim  fidem  putabam  Dei  gra- 
tta prœveniri,  ut  per  illam  nobis  daretur  quod 
posceremus  utiliter,  nisi  quia  credere  non  posse- 
mus,  si  non  preccderet  prœconium  veritatis:  ut 
autem  prœdicato  nobis  Evangelio  consentir  émus 
noslrum  esse  proprium  et  nobis  ex  nobis  esse  ar- 
bitrabar.  Quem  mewm  errorem  nonnulla  opuscula 
mea  satis  indicant  ante  episcopatum  meum 
scripla,.  in  quibus  est  illud  quod  commemorastis 
in  litteris  vestris  ubi  est  expositio  quarumdam 
propositionum  ex  Epistola  quœ  est  adRomanos... 


Quod  ergo  credimus  nosirum  est,  quod  autem  bo~ 
num  operamur  illius  est  qui  credenlibus  dat  Spi- 
ritum  Sanct'um  ;  profecto  non  dicerem,  si  jam 
scirem  etiamipsam  fidem  inter  Dei  munera  reperiri 
quœ  dantur  in  eodem  Spiritu.  Utrumque  ergo  nos- 
trum  est  propter  arbitriumvoluntatis,  et  utrum- 
que  tamen  dalum  est  per  Spiritwn  fidei  et  cha- 
ritatis  ;  neque  enim  solo,  charltas,  sed,  sicut  scrip- 
tum  est:  Charitas  cum  fide  a  Dec  Patre  et  Domino 
Jesu  Christo;  et  quodpaulo  post  dixi:  Nostrum  est 
enim  credere  et  velle,  illius  autem  dare  credenti- 
bus  et  volentibus  facultatem  bene  operandi  per 
Spiritum  Sanctum  per  quem  charitas  diffunditur  in 
cordibus  nostris,  vevum  estquidem  sed  eadem  ré- 
gula et  utmmque  ipsius  est,  quia  ipse  prœparat 
voluntatem,  et  utrumque  nostrum  quia  non  fit 
nisi  volentibus  nobis.  August.,  De  Prœd.  sanct,, 
cap.  ni,  num.  7,  pag.  793  et  794. 


700 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


La  fol  n'oEt 
pDs  accordée  i 
toasi 


parce  que  cela  ne  se  fait  point  sans  que 
nous  le  voulions  ;  mais  l'un  et  l'autre  vient 
aussi  de  Dieu,  puisque  c'est  lui  qui  prépare 
cette  volonté.  » 

97.  «  Lorsque  l'on  prêche  *  l'Évangile,  dit 
saint  Augustin,  il  y  en  a  quelques-uns  qui 
croient  et  d'autres  qui  ne  croient  pas  ;  mais 
ceux  qui  croient  écoutent  et  apprennent  du 
Père  au  dedans,  lorsque  le  prédicateur  leur 
parle  au  dehors;  et  ceux  qui  ne  croient  pas 
écoutent  au  dehors,  mais  ils  n'écoutent  point 
et  n'apprennent  point  au  dedans,  c'est-à-dire 
qu'il  est  donné  aux  uns  de  croire,  et  nonpas 
aux  autres,  parce  que  nul,  dit  Jésus-Christ, 
ne  peut  venir  à  moi  si  mon  Père  qui  m'a  envoyé 
ne  le  tire  ;  ce  qu'il  exprime  ensuite  plus  clai- 
rement, en  disant  :  Nul  ne  peut  venir  à  moi, 
s'il  ne  lui  a  été  donné  de  mon  Père.  Ainsi,  la 
foi  dans  son  commencement  et  dans  sa  per- 
fection est  un  don  de  Dieu  ^;  et  nul  ne  peut 
douter  que  ce  don  ne  soit  accordé  aux  uns 
et  refusé  aux  autres  à  moins  qu'il  ne  veuille 
combattre  ouvertement  les  paroles  claires  de 
l'Écritm'e  sainte.  Or,  un  chi'étien  ne  doit 
point  trouver  étrange  que  Dieu  ne  donne  pas 
cette  grâce  à  tous  les  hommes,  puisqu'il  sait 
que,  par  le  péché  d'un  seul  homme,  tous  les 
hommes  ont  été  précipités  dans  une  con- 
damnation qui  est  indubitablement  très-juste 
et  très-équitable;  en  sorte  que  nul  ne  pour- 
rait se  plaindre  justement  de  Dieu ,  quand 
même  il  ne  délivrerait  aucun  homme  de 
cette  ruine  générale  de  la  nature.  C'est  donc 
par  une   grâce  qui    est  sans    doute    bien 


grande  que  Dieu  en  délivre  plusieurs  qui 
reconnaissent  la  peine  qui  leur  était  due, 
par  l'état  misérable  qui  était  de  ceux  qui  n'en 
sont  point  déhvrés,  afin  que  celui  qui  se  glo- 
rifie ne  se  glorifie  point  dans  ses  mérites , 
qui  lui  sont  égaux  avec  tous  ceux  qui  se  per- 
dent, mais  dans  le  Seigneur.  Que  si  l'on  de- 
mande pourquoi  Dieu  en  délivre  l'un  et  n'en 
délivre  pas  l'autre,  nous  répondrons  avec 
saint  Paul,  que  c'est  en  cela  proprement  que 
ses  jugements  sont  impénétrables  et  ses 
voies  imcompréhensibles  :  car  il  nous  est 
sans  doute  plus  avantageux  d'écouter  en 
cette  rencontre  ces  paroles  de  l'Apôtre  :  0 
homme,  qui  es-tu  pour  disputer  contre  Dieu  ? 
que  non  pas  d'avoir  assez  de  hardiesse  pour 
dire  que  nous  connaissons  ce  que  celui  qui 
ne  peut  vouloir  rien  d'injuste  a  voulu  être 
caché  et  inconnu  à  tous  les  hommes.  » 

98.  Selon  saint  Augustin,  la  prière  elle- 
même  est  un  témoignage  '  très-clair  de  la 
grâce.  D'où  vient  qu'elle  est  mise  *  dans  l'É- 
criture au  nombre  des  dons  delà  grâce.  Nous 
nesavons  pas  même,  dit  le  Docteur  des  nations, 
ce  que  nous  devons  demander  à  Dieu,  ni  com- 
ment il  faut  demander.  Mais  le  Saint-Esprit 
lui-même  prie  pour  nous  par  des  gémissements 
ineffables.  Quand  il  dit  que  l'Esprit  prie,  il  ne 
veut  dire  autre  chose,  sinon  que  c'est  l'Es- 
prit qui  nous  fait  prier.  En  effet,  la  plus 
grande  marque  d'indigence,  c'est  de  prier, 
et  de  prier  avec  gémissement.  Or,  on  ne  dira 
pas,  sans  doute,  que  le  Saint-Esprit  soit  dans 
l'indigence.  Si  donc  il  est  dit  ici  qu'il  prie, 


nom. 


1  Cwm  igitur  Evangelium  prœdicatur,  quidam 
credunt,  quidam  non  credunt ,  sed  qui  credunt, 
prœdicatore  forinsecus  insonanLe ,  inlus  a  Pâtre 
audiunt  atque  discunt  ;  qxUautemnon  credunt,  fo- 
rts audiunt, inlus  non  audiunt  neque  discunt:  hoc 
est,  Mis  datur  ut  credant.  Mis  non  dalur...  Nemo 
venit  ad  me  nisi  fuerit  ei  datuin  a  Pâtre  meo.  Au- 
gust.,  lib.  De  Prœdest.  sanct.,  cap.  viii,  num.  15, 
pag.  80t. 

2  Fides  igitur  et  inchoata  et  perfecta  donum  Dei 
est;  et  hoc  donum  quibusdam  dari,  quibusdam 
non  dari,  omnino  non  dubitet  qui  non  vult  mani- 
festissimis  sacris  litteris  repugnare.  Cur  autem 
non  omnibus  detur,  fidelem  movere  non  de.bet  qui 
crédit  ex  uno  omnes  esse  in  condemnationem,  sine 
dubitatione  justissimam  :  ita  ut  nulla  Dei  esset 
justa  reprehensio ,  etiamsi  nullus  inde  liberare- 
tur.  Unde  constat  magnam  esse  gratiam  quod  plii- 
riini  liberantur,  et  quod  sibi  deberetur,  in  eis  qui 
non  liberantur  agnoscunt,  ut  qui  gloriatur  non  in 
suis  meritis,  quœ  paria  videt  esse  damnatis,  sed 
in  Domino  glorietur.  Cur  autem  illumpotius  quain 
illwm  liberet,  inscrutabilia  sunt  judicia  ejus  et 
investigabiles  viœ  ejus  ;  melius  enim  et  hic  audi- 


mus  aut  dicimus:  0  homo,  tu  quis  es  qui  respon- 
deasDeo?  quam  dicere  audemus,  quasi  noverimus 
quod  occultum  esse  voluit  qui  tamen  aliquid  in- 
justum  velle  non  potuit.  August.,lib.  De  Prœdest. 
sanct.,  cap.  ix,  num.  16,  pag.  801. 

^  Ipsa  igitur  oratio,  clarissima  est  gratiœ  tes- 
tificatio.  August.,  Epist.  m,  num.  4,  pag.  623. 

'•  Etiam  ipsa  oratio  inter  gratiœ  munera  repe- 
ritur.  Quid  enim  oremus,  ait  Doctor  gentium,  si- 
cut  oportet,  nescimus,  sed  ipse  Spiritus  interpellât 
pro  nobis  gemitibus  inenarrabilibus.  Quid  est  au- 
tem, interpellât,  nisi  interpellare  nos  facit  ?  Indi- 
gentis  enim  certissimum  indicium  est  interpellare 
gemitibus.  Nullius  autem  rei  esse  indigentem  fas 
est  credere  Spiritum  Sanctum.  Sed  ita  dictum-  est, 
interpellât,  quia  interpellare  nos  facit,  nobisqtie 
interpellandi  et  gemendi  inspirât  affectum:  sicut 
illud  in  Evangelio  :  Non  enim  vos  estis  qui  loqui- 
mini,  sed  Spiritus  Patris  vestri,  qui  loquitur  in 
Tobis.  Neque  enim  et  hoc  ita  fit  de  nobis  tanquam 
nihil  facientibus  nobis,  adjutorium  igitur  Spiritus 
Sancti  sic  expressum  est,  ut  ipse  facere  diceretur, 
quod  ut  faciamus  facit.  August.,  Epist.  194  ad 
Sixtum,  num.  16,  pag.  720. 


[iv=  ET  V»  SIÈCLES.]  SMNT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


IV,  6. 


c'est  parce  que  c'est  lui  qui  nous  fait  prier, 
et  qui  nous  inspire  le  désir  et  raffection  ou 
le  mouvement  de  prier  et  de  gémir.  C'est 
ainsi  qu'il  est  dit  dans  l'Évangile  :  Ce  n'est 
pas  vous  qui  parlez,  mais  c'est  l'Esprit  de  votre 
Père  gui  parle  en  vous.  Ce  n'est  pas  que  cela 
se  fasse  en  nous,  comme  si  nous  étions  sans 
action;  mais  l'Ecriture,  pour  mieux  mar- 
quer ce  secours  du  Saint-Esprit,  dit  que  c'est 
lui  qui  fait  ce  qu'il  nous  fait  faire.  Quand 
l'Apôtre  dit  encore  '  :  Que  Dieu  a  envoyé  dans 
nos  cœurs  l'Esprit  de  son  Fils,  qui  crie  :  Mon 
Père,  mon  Père,  cela  veut  dire  qu'il  nous  fait 
crier;  ce  qui  nous  fait  voir  ^  que  cela  même 
est  un  don  de  Dieu,  que  nous  crions  à  Dieu 
spirituellement  et  d'un  cœm"  fidèle.  Que  ceux- 
là  donc  prennent  garde  combien  ils  se  trom- 
pent, qui  pensent  que  nous  avons  de  nous- 
mêmes,  et  qu'il  ne  nous  est  pas  donné  de 
demander,  de  chercher,  de  frapper  à  la 
porte ,  et  qui  disent  qu'en  cela  la  grâce  est 
précédée  par  notre  mérite,  qu'elle  le  suit 
lorsqu'en  demandant  nous  le  recevons,  qu'en 
cherchant  nous  trouvons,  et  qu'on  nous  ou- 
vre quand  nous  frappons  ;  et  qui  ne  veulent 
pas  entendre  que  de  prier,  de  demander,  de 
chercher,  de  frapper  à  la  porte,  c'est  un  don 
de  la  libéralité  de  Dieu.  Car  nous  avons  reçu 
l'esprit  d'adoption  des  enfants  de  Dieu,  par  le- 
quel nous  crions  :  mon  Père,  mon  Père.  Ce  que 
le  bienheureux  Ambroise  a  bien  vu  quand  il 
a  dit  que  de  prier  Dieu ,  c'est  une  grâce  spiri- 
tuelle ,  selon  ce  qui  est  écrit ,  que  nul  ne  peut 
confesser  que  Jésus-Christ  est  le  Seigneur,  sinon 


701 

par  le  Saint-Esprit.  Il  arrive  ^  quelquefois  que 
notre  prière  est  si  tiède  ou  plutôt  si  froide, 
et  même  si  absolument  éteinte,  que  nous  ne 
nous  en  apei'cevons  pas,  et  que  nous  n'en 
avons  pas  la  moindre  douleur,  puisque  ce 
serait  prier  que  d'en  avoir  de  la  douleur.  Or, 
qu'est-ce  que  cela  nous  montre,  sinon  que 
celui-là  donne  de  demander,  de  chercher  et 
de  frapper,  qui  nous  commande  de  faire  ces 
choses?» 

99.  Les  semi-pélagiens  soutenaient  *  que 
le  commencement  de  la  foi  n'était  pas  un 
don  de  Dieu,  et  ils  ajoutaient  à  cette  erreur, 
que,  comme  nous  avions  de  nous-mêmes  le 
commencement  de  la  foi ,  sans  que  Dieu 
nous  le  donnât ,  il  était  également  en  nous 
de  persévérer  dans  la  foi  jusqu'à  la  fin.  «  En 
cela,  dit  saint  Augustin,  ils  contredisaient  ou- 
vertement cet  endroit  de  l'Apôtre  :  Qu'avez- 
vous  que  vous  n'ayez  reçu  ?  et  le  bienheureux 
saint  Cyprien,  qui  dit  que  nous  ne  devons 
nous  glorifier  de  rien,  puisqu'il  n'y  a  rien 
qui  vienne  de  nous.  Si  la  persévérance  ^ 
n'est  pas  un  don  de  Dieu  ,  comment  sauye- 
rons-nous  la  vérité  de  ce  que  dit  l'Apôtre  : 
//  vous  a  été  donné  pour  la  gloire  de  Jésus- 
Christ ,  no7i-seulement  de  croire  en  lui ,  mais 
encore  de  souffrir  pour  lui.  L'un  regarde  le 
commencement,  l'autre  la  fin  :  car  un  chré- 
tien n'a  corumencé  à  être  chrétien,  que  lors- 
qu'il a  commencé  à  croire  en  Jésus-Christ; 
et  il  ne  saurait  finir  plus  heureusement  qu'en 
souffrant  pour  Jésus -Christ.  Mais  l'un  et 
l'autre  est  un  don  de  Dieu,  puisqu'il  est  dit, 


Sur  la 
iranco: 
êlie     est     un 


1  Ipse  est  enim  de  quo  alio  loco  dicit  :  Misit 
Deus  Spiritum  Filii  sui  in  corda  nostra,  claman- 
tem:Abba,  Pater.  Et  hic  quid  est,  clamantem,  nisi 
clamare  facientem?  August.,  lib.  De  Dono  pers., 
num.  64,  pag.  856. 

2  Ubi  intelligimus,  et  hoc  ipsum  esse  Dei,utve- 
raci  corde  et  spiritaliter  clamemus  ad  Deum.  At- 
tendant ergo  quomodo  falluntur,  qxii  putant 
esse  a  nobis,  non  dari  nobis,  ut  petamus,  quœra- 
mus,  pulsemus;  et.  hoc  esse  dicunt,  quod  gratia 
prcecedetur  merito  nostro,  ut  seqiMtwr  illa,  cum 
accipimus  petentes,  et  invenimus  quœrentes,  ape- 
ritnrque  pulsantibus;  nec  volmit  intelligere  etiam 
hoc  divini  muneris  esse,  ut  oremus,  hoc  est,  peta- 
mus, quceramus,  atque  pulsemus.  Accepimus  enim 
Spiritum  adoptionis  filiorum ,  in  quo  tlamamus  : 
Abba,  Pater.  Quod  vidit  et  beatus  Ambrosius,  ait 
enim  :  Orare  Deum,  gratiae  spiritalis  est  ;  sicut  scrip- 
tum  est  ;  Nemo  dicit  :  Dominus  Jésus,  nisi  in  Spi- 
ritu  Sancto.  August.,  lib.  De  Dono  pers.,  num.  64, 
pag.  856. 

3  Nonne  aliquando  ipsa  oratio  nostra  sic  tepida 
est,  vel  potius  frigida  et  pêne  nulla,  imo  omnino 
interdum  ita  nulla,  ut  neque  hoc  in  nobis  cum  do- 


lore  adverlamus?  Quia  si  vel  hoc  dolemus,  jam 
oramus.  Quid  ergo  aliud  ostenditur  nobis,  nisi 
quia  et  petere  et  quœrere  et  pulsare  ille  concedit, 
qui  ut  hœc  faciamus  jubet?  August.,  lib.  I  ad 
Simpl.dediversisquœst.,  num.  21,  pag.  102,  tom.VI. 

*  Quam  ficlem  et  incipere  habere,  et  in  ea  usque 
in  jinem  permanere,  tanquam  id  non  a  Domino 
accipiamus  nostrum  esse  contendunt.  Hic  procul 
dubio  contradicitur  Apostolo  dicenti  :  Quid  enim 
babes,  quod  non  accepisti?  Contradicitur  et  mar- 
tyri  Cypriano  dicenti  :  InnuUogloriandum,  quando 
nostrum  nihil  sit.  August.,  De  Dono  pers.,  cap.  xvii, 
num.  43,  pag.  845. 

5  Quo  constituto,  videamus  utrum  hœc  perseve- 
rantia,  de  qua  dictum  est  :  Qui  perseveraverit  us- 
que in  finem,  hic  salvus  erit ,  donum  Dei  sit.  Quod 
si  non  sit,  quomodo  verum  est  quod  Apostolus 
ait  :  Vobis  donatum  est  pro  Christo  non  solum  ut 
credatisin  eum,  verum  etiam  ut  patiamini  proeo? 
Eorum  quippe  unum  pertinet  ad  initium,  alterum 
ad  finem,  uirumque  tamen  est  Dei  donum,  quia 
utrumque dictum  est  essedonatum,  sicut  et  superius 
jam  diximus.  August.,  De  Dono  pers.,  cap.  ii, 
num,  2,  pag.  822. 


702 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


comme  nous  l'avons  déjà  remarqué ,  que 
l'un  et  l'autre  nous  a  été  donné.  La  preuve 
que  cette  '  persévérance  est  un  don  de  Dieu 
se  trouve  dans  l'Oraison  dominicale  que 
chaque  fidèle  récite  tous  les  jours.  Lors- 
qu'après  avoir  été  sanctifiés  par  le  baptême, 
nous  disons  à  Dieu  :  Que  votre  nom  soit  sanc- 
tifié, c'est  la  persévérance  dans  la  sainteté 
que  nous  lui  demandons  ;  c'est-à-dire  que 
nous  le  prions  de  faire  que  nous  continuions 
d'être  saints  :  car  le  prier  sans  cesse  de  nous 
donner  ce  que  nous  avons ,  n'est-ce  pas  le 
prier  de  faire  que  nous  ne  cessions  jamais 
de  l'avoir?  Ainsi,  comme  les  saints,  en  de- 
mandant à  Dieu  la  grâce  d'être  saints;  ne 
lui  demandent  autre  chose  que  de  continuer 
de  l'être  ,  de  même  lorsque  ceux  qui  ont  la 
chasteté,  la  continence,  la  justice,  la  piété 
ou  quelques  autres  de  ces  vertus,  qui  sont 
des  dons  de  la  libéralité  de  Dieu,  lui  de- 
mandent ces  mêmes  dons  qu'ils  ont  déjà  ,  il 
est  clair  qu'ils  ne  lui  demandent  autre  chose 
que  de  continuer  d'avoir  ces  biens  qu'ils  re- 
connaissent avoir  reçus  ;  et  s'ils  obtiennent 
ce  qu'ils  demandent,  ils  obtiennent  la  per- 
sévérance qui  est  ce  don  précieux,  par  le- 
quel on  conserve  tous  les  autres.  Mais  quoi- 
qu'on ne  puisse  nier  ^  que  la  persévérance 
dans  le  bien  jusqu'à  la  fin  ne  soit  un  grand 
don  de  Dieu,  et  qu'elle  ne  procède  de  celui 
jMoi..  1, 17.  dont  il  est  écrit  :  Tout  don  excellent  et  tout 


don  parfait  vient  d'en  haut  et  du  Père  des  lu- 
mières,  on  ne  doit  pas  en  conclure  qu'il 
faille  négliger  de  donner  des  avertissements 
à  celui  qui  n'a  pas  persévéré,  puisqu'il  peut 
arriver  que  Dieu  lui  donnera  des  mouve- 
ments de  pénitence,  et  le  tirera  des  pièges 
du  diable.  Ces  paroles  de  Jésus-Christ  à  saint 
Pierre  :  J'ai  prié  pour  vous,  afin  que  voire  foi 
ne  défaille  point,  fournissent  encore  une 
preuve  que  l'homme  ne  tient  pas  de  lui- 
même  la  persévérance  dans  le  bien.  Car  le 
Sauveur  demanda-t-il  autre  chose  pour  saint 
Pieri-e,  sinon  qu'il  persévérât  jusqu'à  la  fin? 
Et  n'est-il  pas  certain  qu'on  ne  la  devrait 
point  demander  à  Dieu,  si  l'homme  la  tenait 
de  l'homme,  c'est-à-dire  de  lui-même?  On  en 
trouve  une  autre  preuve  dans  ce  que  dit  l'A- 
pôtre aux  Corinthiens  :  Nous  prions  Dieu  afin 
que  vous  ne  fassiez  point  de  mal.  Il  est  sans 
doute  qu'il  demandait  à  Dieu  pour  eux  la 
persévérance  ,  puisque  celui  qui  quitte  le 
bien  et  qui  se  porte  au  mal  fait  indubitable- 
ment le  mal.  Et  dans  cet  autre  endroit  où  il 
dit  :  J'ai  cette  confiance,  que  celui  gui  a  com- 
mencé en  vous  une  si  bonne  œuvre ,  l'achèvera 
jusqu'au  jour  de  Jésus-Christ.  Que  leur  pro- 
met-il en  effet  autre  chose  de  la  miséricorde 
et  de  la  grâce  de  Dieu ,  sinon  la  persévé- 
rance dans  le  bien  jusqu'à  la  fin?  Mais  pour- 
quoi Dieu  ne  donne-t-il  pas  la  persévérance  ' 
à  ceux  à  qui  il  avait  donné  l'amour  et  la  cha- 


Luc.  i^, 


1  Dioimus,  inquit  sanctiis  Cyprianws  :  Sanctifîce- 
tur  nomen  tuum,  non  quod  optemus  Deo  ut  sancti- 
ficetur  orationihus  nostris,  sed  quod  jjetamus  ab  eo 
ut  nomen  ejus  sanctifîcetur  in  uobis.  Cœterum  a 
que  Deus  sanotifïcatur,  qui  ipse  sanctificat,  sed  quia 
ipse  dixit  :  Sancti  estote,  quoniam  et  ego  sanctus 
sum,  id  petimus  et  rogamus,  ut  qui  in  baptismo 
sanctificati  sumus,  in  eo  quod  esse  cœpimus  perse- 
veremus...7n  sancUficalioneigiturperseverantiam, 
hoc  est  ut  in  sanctificatione  perseveremus,  nos  ab 
eo  petere  istc  doclor  intelligit,  cum  sancUficati  cli- 
Cvmus  :  Sancliflcetui-  nomen  tuum.  Quid  est  enim 
aliudpetere  quod  accepimms,  nisi  ut  id  qiwque  nobis 
prœsletur  ne  habere desinaimis? Sicnt ergo sanctus, 
cum  Deum  rogat  ut  sanctus  sit,  id  ulique  rogat 
ut  sanctus  permaneat,  ila  utique  et  castus,  cum 
rogat  ut  castus  sit;  continens,  ut  continens  sit;  j'us- 
tiis,  ut  justus;  pius,  ut  puis,  et  cœtera,  quœ  contra 
pelagianos  dona  Dei  esse  defendinius  ;  hoc  sine  du- 
bio  petunt,  ut  in  eis  persévèrent  bonis,  quœ  se  acce- 
jrisse  noverunt.  Quod  si  accipiunt,  profecto  et  ip- 
sampersererantiam  magnum  Dei  donum,  quo  cœte- 
ra dona  ejus  conservantur,  accipiunt.  August.,  ibid., 
num.  4,  pag.  824. 

^  Adhœcnosnegare  quidemnon possumus etiam 
pcrseverantiam  in  bono  proficientem  usque  in  fi- 
neni,  magnum  esse  Dei  munus:  nec  esse  nisi  ab 
illo  de  quo  scriptumest:  Omue  datum  optimum  et 


omne  donum  perfectum  desursum  est,  descendens 
a  Pâtre  luminum.  Sed  non  ideo  est  ejus,  gui  non 
perseveraverit,  negligenda  correptio,  ne  forte  det 
illi  Deus  pœnitentiam  et  resipiscat  de  diaboli  lo- 
quets...  nam  si  dixerinms  istam  pcrseverantiam 
tam  laudabilem  tamque  felicem  sic  esse  hominis, 
ut  et  non  sit  ex  Deo;  illud  primitus  evacuamus, 
quod  ait  Dominus  Petro  :  Ego  rogavi  pro  te,  ne 
defîeiat  fides  tua.  Quid  enim  ei  rogavit  nisi  perse- 
verantiam  usque  in  finem?  Quœ  profecto  si  ab  ho- 
mine  homini  esset,  a  Deo  poscenda  non  esset. 
Deinde  cum  dicit  Àpostolus  :  Oramus  autem  ad 
Deum,  ne  quid  faciatis  mali,  procul  dtibio  pcrse- 
verantiam eis  orat  ad  Deitm.  Neque  enim  nihil 
mali  facit,  qui  bonum  deserit  et  a  quo  decUnare 
débet,  inclinalur  in  malum  non  persévérons  in 
bono.  Illo  etiam  loco  ubi  dicit;  Gratias  ago  Deo 
meo  iu  omui  memoria  vestri,  semper  iu  omni  prece 
mea  pro  omnibus  vobis  cum  gaudio  deprecatiouem 
facieus,  super  communioue  vestra  in  Evangelio  a 
prima  die  usque  nunc,  confidens  boc  ipsum,  quo- 
niam qui  cœpit  in  vobis  opus  bouum,  perficiet  us- 
que in  diem  Christi  Jesu:  quid  aliud  eis  quam 
pcrseverantiam  in  bono  usqtie  in  finent,  de  Dei 
oniseratione  promitlit  ?  Angust.,  De  Corrept.  et 
grat.,  cap.  vr,  qiuu.  10,  pag.  733. 

'  Hic  si  a  me  qnœratur,  cur  eis  Deus  pcrseve- 
rantiam non  dederit  quibw  eam,  qua  christiane 


[ly"  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


703 


rite  par  laquelle  ils  vivaient  chrétiennement? 
La  cause  en  est  inconnue ,  et  on  ne  doit  pas 
écouter  l'Apôtre  avec  présomption ,  mais 
avec  un  sentiment  humble  de  sa  propre  fai- 
blesse, lorsqu'il  dit  :  0  homme  !  qui  es-tu  pour 
demander  à  Dieu  qu'il  te  rende  compte  de  ce 
qu'il  fait?  Et  encore  :  0  abîme  des  richesses  de 
la  sagesse  et  de  la  science  de  Dieu  !  Que  ses  se- 
crets jugements  sont  incompréhensibles,  et  que 
les  raisons  de  sa  conduite  sont  impénétrables  ! 
Rendons-lui  des  actions  de  grâces  autant 
qu'il  lui  plaît  de  nous  découvrir  ses  conseils; 
et  ne  murmurons  pas  contre  sa  providence, 
autant  qu'il  lui  plaît  de  nous  les  cacher  ;  mais 
croyons  au  contraire  qu'il  nous  est  très-utile 
qu'ils  nous  demeurent  toujours  inconnus.  Et 
vous  qui  êtes  ennemi  de  cette  grâce ,  et  qui 
me  demandez  la  raison  de  ce  secret ,  ré- 
pondez-moi vous-même ,  si  vous  le  savez. 
Vous  vous  confessez  chrétien ,  et  vous  vous 
vantez  d'être  catholique.  Si  donc  vous  con- 
fessez que  la  persévérance  dans  le  bien  est  un 
don  de  Dieu,  je  crois  que  vous  ignorez,  aussi 
bien  que  moi ,  pourquoi  l'un  reçoit  ce  don  , 
et  pourquoi  l'autre  ne  le  reçoit  pas  ;  et  que 
nous  ne  pouvons  tous  deux  pénétrer  ici  les 
jugements  impénétrables  de  Dieu.  Ou  si  vous 
répondez  '  que  c'est  un  effet  du  libre  arbitre 
de  l'homme  que  vous  ne  défendez  pas  selon 
la  grâce  de  Dieu ,  mais  contre  elle ,  de  ce 
que  l'un  persévère  dans  le  bien ,  et  de  ce 
que  l'autre  n'y  persévérera  pas;  et  que  ce 
n'est  pas  Dieu  qui  lui  donne  la  persévé- 


rance, mais  la  volonté  humaine  qui  le  fait, 
qu'opposerez-vous  à  ces  paroles  de  Jésus- 
Christ  qni  dit  :  Pierre,  j'ai  prié  pour  vous  afin 
que  votre  foi  ne  défaille  point  ?  Oserez-vous 
dire  encore  que  Jésus -Christ  priât  afin 
que  la  foi  de  Pierre  ne  défaillit  point?  Elle 
eut  néanmoins  défailli  si  Pierre  eût  voulu 
qu'elle  eût  défailli,  c'est-à-dire  s'il  n'eût  pas 
voulu  qu'elle  persévérât  en  lui  jusqu'à  la 
fin,  comme  si  Pierre  eût  été  capable  d'avoir 
une  autre  volonté  que  celle  que  Jésus-Christ 
demandait  pour  lui  à  son  Père,  et  qu'il  priait 
son  Père  de  lui  donner?  Car  qui  peut  igno- 
rer que  la  foi  de  Pierre  eût  péri,  si  la  vo- 
lonté par  laquelle  il  était  fidèle  se  fût  per- 
due et  eût  défailli  ;  et  qu'elle  se  fût  au  con- 
traire conservée ,  s'il  eût  gardé  cette  même 
volonté?  Mais  parce  que  c'est  le  Seigneur 
qui  p)répare  la  volonté,  la  prière  que  Jésus- 
Christ  ofirit  à  Dieu  son  Pèi'e  pour  lui  ne 
pouvait  être  vaine  et  défectueuse.  Quand 
donc  il  a  prié  afin  que  sa  foi  ne  défaillît 
point,  qu'a-t-il  demandé  autre  chose  pour 
lui,  sinon  qu'il  eût  une  volonté  très-hbre, 
très-forte,  très-invincible  et  très-persévérante 
dans  la  foi?  Voilà  de  quelle  sorte  on  défend 
la  hberté  de  la  volonté  selon  la  grâce  de 
Dieu,  et  non  pas  contre  elle.  Car  la  volonté 
humaine  n'obtient  pas  la  grâce  par  la  liberté, 
mais  plutôt  la  liberté  par  la  grâce,  et  obtient, 
afin  de  persévérer,  une  délectable  perpétuité 
et  une  force  insurmontable.  « 

100.  «  La  nature  est  commune  à  tous  ',  dit 


viverent,  dilectionem  dédit,  me  ignorare  resporir- 
deo.  Non  enim  arroganter,  sed  agnoscens  modii- 
lum,  meum  audio  dicentem  Apostolum:  0  homo, 
tu  qui  es  qui  respondeas  Deo?  et:  0  altitude  divi- 
tiarum  sapientice  et  scientiœ  Dei,  quam  inscrutabi- 
lia  sunt  judicia  ejus  et  iuvestigabiles  vice  ejus  1 
Quantum  itaqiie  nobis  judicia  sua  manifestare  di- 
gnatur,  grattas  agamus  ;  quantum  vero  abscon- 
dere,  non  adversus  ejus  consilixtm  miirmuremus, 
sed  hoc quoque  nobis  sahtberrimum  esse  credamus. 
Tu  autem  quisquis  inimicus  ejus  gratiœ  sic  inter- 
rogas,  ipse  quiddicis?  Bene  quod  te  non  negas  esse 
christianum  et  catholicum  jactas.  Si  ergo  confite- 
ris,  donum  Dei  esse  perseverare  in  bono  usque  in 
finem,  cur  hoc  donum  ille  accipiat,  ille  non  acci- 
piat?  Puto  quodmecum  panier  nescis,  et  ambo  hic 
inscrutabilia  judicia  Dei  penetrare  non  possumus. 
August.,  ibid.,  cap.  vm,  num.  17,  pag.  738  et  759. 

'  Aut  si  ad  liberum  arbitrium  honinis,  quod 
non  secundum  Dei  gratiam,  sed  contra  eam 
défendis,  periinere  dicis  ut  perseveret  in  hono 
quisque,  vel  non  perseveret,  non  Deo  donanle 
si  perseveret,  sed  humana  voluntate  faciente; 
quid  molilurus  es  contra  verba  dicenlis  :  Rogavi 
pro  te,  Petre,  ne  defîciat  fides  tua  ?  An  audebis 


dicere,  etiam  rogante  Christo  ne  deficeret  fides 
Pétri ,  defecturam  fuisse ,  si  Petrus  eam.  defi- 
cere  voluisset,  Iwc  est,  si  eam  usque  in  finem 
perseverare  noluisset;  quasi  aliud  Petrus  ullo 
modo  vellet,  quam  pro  illo  Christus  rogasset  ut 
vellet  ?  Nam  quis  ignorât,  tune  fuisse  perituram 
fidem  Pétri,  si  ea  qua  fidelis  erat ,  voluntas  ipsa 
deficeret,  etpermansuram,  si  eadem  voluntas  ma- 
neret  ?  Sed  quia  piteparatur  voluntas  a  Domino, 
ideo  pro  illo  Christi  non  posset  esse  inanis  oratio. 
Quando  rogavit  ergo  ne  fides  ejus  deficeret,  quid 
aliud  rogavit,  nisi  ut  haberet  in  fide  liberrimam, 
fortissimam,  invictissimam,  perseverantissimam 
volunlatem?  Ecce  quemadmodum  secundum  gra- 
tiam Dei,  non  contra  eam,  libertas  defendilur 
voluntatis.  Voluntas  quippe  humana  non  liberta- 
te  consequitur  gratiam,  sed  gratia  potius  liberta- 
tem,  et,  ut  perseveret,  delectabilem  perpetuitateni 
et insuperabilem  fortitudinem.  August.,  lib.  De  Cor- 
rept.  et  grat.,  num.  17,  pag.  759. 

2  Communis  est  omnibus  natura,  non  gratia. 
Natura  non  putelur  gratia  :  sed  etsi  putetur  gra- 
tia, ideo  putetur  gratia,  quia  et  ipsa  gratis  con- 
cessa  est.  August.,  Serm.  26.  m  Psal.  xciv,  num.  4, 
tom.  V,  pag.  137. 


704 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


est  commDne   saint  Aue'ustin,  et  non  pas  la  axâce.  Que  l'on 

ÏL  tous  les  Lom-  o  '  ^ 

"ico"  °°''  '"  ^^  prenne  donc  point  la  nature  pour  la  grâce; 
ou,  si  l'on  donne  le  nom  de  grâce  à  la  nature, 
que  ce  soit  seulement  parce  qu'elle  est  aussi 
donnée  gratuitement.  Outre  cette  grâce  '■ 
par  laquelle  la  nature  humaine  a  été  créée, 
et  qui  est  commune  aux  chrétiens  et  aux 
païens,  il  y  en  a  une  bien  plus  grande,  par  la- 
quelle nous  avons  été  faits  fidèles ,  par  le 
Verhe  fait  chair.  Les  dons  de  la  nature  ^  étant 
communs  à  tous  les  hommes,  ne  mettent 
point  entre  eux  de  diâ'érence  ;  mais  la  grâce 
de  Dieu  n'étant  point  commune  aux  bons  et 
aux  méchants,  elle  distingue  les  bons  des 
méchants;  elle  est  tellement  '  propre  aux 
chrétiens  qu'elle  ne  leur  est  point  commune 
avec  les  infidèles.  Cependant  les  pélagiens 
osaient  dire  ^  que  la  natm-e,  selon  laquelle 
nous  avons  été  créés  avec  une  âme  raison- 
nable, capable  d'intelligence  et  faite  à  l'i- 
mage de  Dieu,  est  la  grâce  :  mais  ce  n'est 
pas  là  cette  grâce  que  l'Apôtre  recommande, 
et  qui  est  par  la  foi  en  Jésus-Christ.  Il  est 
certain  que  cette  nature  nous  est  commune 
avec  les  impies  et  les  infidèles  ;  mais  la 
grâce,  qui  est  par  la  foi  en  Jésus-Christ,  est 
particulière  à  ceux  qui  ont  la  foi.  Or,  la  foi 
n'est  pas  commune  à  tous.  Voyez,  dit  saint 
Augustin  ^  à  son  peuple,  de  quelle  sorte  ces 


hérétiques  publient  et  relèvent  la  grâce  gé-  . 

nérale,  par  laquelle  l'homme  a  été  créé,  et  1 

par  laquelle  nous  sommes  tous  hommes.  Par  I 

cette  grâce  générale,  nous  sommes  hommes  ' 

avec  les  impies  ;  mais  ces  impies  ne  sont  pas 
chrétiens  avec  nous.  Or,  la  grâce  que  nous 
voulons  que  les  pélagiens  publient,  la  grâce 
que  nous  voulons  qu'ils  reconnaissent,  c'est 
celle  par  laquelle  nous  sommes  chrétiens, 
et  dont  l'Apôtre  dit  :  Je  ne  rends  point  inutile  gm.v,i 
la  grâce  de  Dieu:  car  si  la  justice  s'acquiert  par 
la  loi,  Jésus-Christ  sera  mort  en  vain.  » 

Ce  saint  évêque  excuse  ceux  du  concile  de 
Palestine  d'avoir  absous  Pelage,  et  de  l'avoir 
déclaré  cathohque  surce  qu'il  avait  reconnu' 
le  besoin  de  la  grâce  dans  l'homme  pour  vi- 
vre justement  (quoique  par  le  nom  de  grâce 
il  entendit  fi'auduleusement  la  nature).  En 
eflet  des  évêques  catholiques  ne  pouvaient 
croire  que  cet  hérésiarque  parlât  d'aucune 
autre  grâce  de  Dieu,  sinon  de  la  grâce  qu'ils 
avaient  accoutumé  de  lire  dans  les  livres 
de  Dieu  et  de  prêcher  au  peuple  de 
Dieu ,  savoir ,  de  cette  grâce  dont  l'Apôtre 
dit  :  Je  ne  rends  point  inutile  la  grâce  de  !•*"• 
Dieu,  etc.;  de  cette  grâce  par  laquelle  nous 
sommes  guéris  de  notre  infirmité,  et  non  pas 
de  celle  par  laquelle  nous  sommes  créés 
avec  notre  propre  volonté  :  car  s'ils  eussent 


'  Excepta  ergo  illa  gratia,  qua  condita  est  hii- 
mana  natura  (hœc  enim  christianis  paganisque 
communis  est)  :  hœc  est  major  gratia,  non  quod 
per  Yerbum  homines  creati  sumus,  sed  quod  per 
Yerbum  carnem  factum  fidèles  facti  sv/mus.  Au- 
gust.,  ibid.,  num.  7,  pag.  138. 

2  fiumquid  enim  per  hœc  dona  (naturalia) 
quœ  omnibus  communia  sunt  hominibus  discer- 
nuntur  homines  ab  hominibus?...  Sed  gratia  quœ 
bonos  discernit  a  malis,  non  quœ  communis  est 
bonis  et  malis.  August.,  lib.  De  Prœdest.  sanct., 
num.  10,  pag.  797. 

3  Gratia  christianis  est  propria,  non  christia- 
nis gentilibusque  communis.  August.,  lib.  I  Oper. 
imperf.,  cap.  lxxxiu,  pag.  922. 

*  Nam  et  hoc  pelagiani  nusi  sunt  dicere,  gra- 
tiam  esse  naturam,  in  qua  sic  creati  sumus,  ut 
habeamus  mentem  rationabilem  qua  intelligere 
valeamus,  facti  ad  imaginem  Dei...  sed  non  hœc 
est  gratia,  quam  commendat  Apostolus  per  fidem 
Jesu  Christi  :  hanc  enim  naturam  eliam  cum  im- 
piis  et  infidelibus  certum  est  nobis  esse  commu- 
nem  :  gratia  vero  per  fidem  Jesu  Christi  eorum 
tantummodo  est  ,  quorum  est  ipsa  fides.  Non 
enim  omnium  est  fides.  August.,  lib.  De  Gl'at.  et 
libero  arb.,  cap.  xiii,  uum.  25,  pag.  731. 

''  Yidete  tamen,  fratres  mei,  quomodo  illam  ge- 
neralem  gratiam  prœdicent,  qua  creatus  est  homo, 
qua  homines  sumus  :  et  utique  et  cum  impiis  ho- 
inines  sumus,  sed  non  cum  impiis  christiani   su- 


mus. Hanc  ergo  gratiam-,  qua  christiani  sumus, 
ipsam  volumus  prœdicent,  ipsam  volumus  agnos- 
cant,ipsam  volumus  de  qua  dicit  Apostolus:  Non 
irritam  facio  gratiam  Dei.  Nam  si  per  legem  jus- 
titia  ,  ergo  Christus  gratis  mortuus  est.  August., 
Serm.  26  de  Yerbis  psal.  xciv,  cap.  vnr,  num.  9, 
tom.  V,  pag.  139. 

8  Gesta  ecclesiastica  facta  esse  jactantur,  quibus 
putatur  esse  purgatus  fPelagiusj  ;  ubi  quidem  si 
episcopi  eum  catholicum  pronuntiarunt ,  non  ad 
ali'ud  faclum.  e?se  credendum  est,  nisi  quia  se  di- 
xit  Dei  gratiam  confileri,  et  ita  passe  hominem 
suo  labore  acvoluntate  juste  vivere,  ut  ad  hoc  ad- 
juvari  Dei  gratia  non  negaret.  Bis  enim  auditis 
verbis ,  catholici  antistites  nullam  aliam  Dei  gra' 
tiam  intelligi  potuerunt,  nisi  quam  libris  Dei  lé- 
gère et  populis  Dei  prœdicare  consueverunt ,  eam 
utique  de  qua  dicit  Apostolus  :  Non  irritam  facio 
gratiam  Dei.  Nam  si  per  legem  jnstitia ,  ergo  Chris- 
tus gratis  mortuus  est  ;  sine  dubio  gratiam  qua 
•justificamur  ab  iniquilate  et  qva  salvamur  ab 
infirmilate,  non  qua  creati  sumus  cum  propria 
voluntate.  l\'am  si  intelkxissent  illi  episcopi  eam 
illum  dicere  gratiam,  quam-  etiamcum  impiis  ha- 
bemus,  cum  quibus  homines  sumus,  negare  vero 
eam,  qua  christiani  et  filii  Dei  sumus,  quis  eum 
patienter  catholicorum  sacerdotwn,  non  dicimus 
audiret',  sed  ante  oculos  suos  ferret?  August., 
Epist.  177  ad  Innocentium,  num.  2,  pag.  G23. 


[IV"  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPOxNE. 


705 


cru  que,  sous  le  nom  de  grâce ,  Pelage  en- 
tendait celle  qui  nous  est  commune  avec  les 
impies,  qui  sont  hommes  aussi  bien  que 
nous,  et  qu'il  ne  reconnaissait  pas  celle  par 
laquelle  nous  sommes  chrétiens  et  enfants 
de  Dieu,  quel  est  celui  des  évêques  catholi- 
ques qui  non-seulement  l'aurait  pu  écouter 
avec  patience,  mais  aurait  pu  même  le  souf- 
frirdevant  ses  yeux?  «  II  faut  donc  ,  ajoute 
saint  Augustin  en  s'adressant  au  pape  Inno- 
cent ',  ou  que  A'otre  Sainteté  fasse  venir  Pe- 
lage à  Rome,  et  qu'elle  l'interroge  avec  soin 
pour  savoir  quelle  est  cette  grâce  par  laquelle 
il  avoue  que  les  hommes  sont  aidés ,  pour 
éviter  le  péché  et  pour  bien  vivre  ;  ou  il  faut 
l'obliger  par  lettres  à  déclarer  la  même 
chose.  Et  lorsqu'on  aura  reconnu  que  la 
grâce  qu'il  confesse,  est  celle  que  la  vérité 
ecclésiastique  et  apostolique  enseigne,  on 
pourra  l'absoudre,  sans  que  l'Église  en  ait 
du  scrupule,  et  sans  qu'il  se  puisse  lui-même 
cacher  à  l'avenir  sous  l'ambiguïté  d'un  équi- 
voque. On  pourra  alors  se  réjouir  de  le  voir 
purgé  de  ce  dont  on  l'accuse.  Car,  soit  que 
par  la  grâce  il  entende  le  libre  arbitre,  ou  la 
rémission  des  péchés,  ou  les  préceptes  de  la 
loi,  il  n'y  a  rien  en  tout  cela  qui  nous  aide  à 
arrêter  les  mouvements  de  notre  concupis- 
cence, et  à  vaincre  les  tentations  par  l'infu- 
sion du  Saint-Esprit.  II  est  nécessaire  qu'il 
reconnaisse  ouvertement  cette  grâce  que  la 
doctrine  chrétienne  enseigne  être  propre  et 
particulière  aux  chrétiens  :  elle  n'est  pas  la 
nature,  mais  c'ett  par  elle  que  la  nature  est 
sauvée.  » 


101.  Saint  Augustin  montre  ainsi  que  la 
grâce  est  donnée  gratuitement.  «Comme 
nous  sommes  chrétiens  ^  et  catholiques,  par 
la  miséricorde  de  Dieu,  nous  savons  que 
cette  grâce  n'est  pas  donnée  à  tous  les  hom- 
mes, et  que  ceux  à  qui  elle  est  donnée,  ce 
n'est  ni  pour  les  mérites  de  leurs  bonnes 
œuvres,  ni  même  pour  les  mérites  de  leur 
volonté  :  ce  qui  se  voit  particulièrement  dans 
les  enfants.  Elle  est  donnée  par  la  miséri- 
corde gratuite  de  Dieu  à  ceux  à  qui  elle  est 
donnée  ;  et  c'est  par  un  juste  jugement  de 
Dieu  qu'elle  n'est  pas  donnée  à  ceux  à  qui 
elle  n'est  pas  donnée.  En  effet,  le  nom  de 
grâce  ^  est  une  preuve  qu'elle  est  donnée 
gratuitement,  et  si  elle  est  donnée  gratuite- 
ment, il  n'y  avait  donc  aucun  mérite  précé- 
dent qui  obligeât  Dieu  de  la  donner.  S'il  y 
en  avait,  ce  ne  serait  plus  une  grâce,  mais 
une  récompense  qui  serait  due.  Si  vous  dites 
donc  que  vos  mérites  avaient  précédé  la 
grâce,  vous  voulez  qu'on  vous  loue  et  non 
pas  Dieu  ;  et  dès-lors  vous  ne  reconnaissez 
pas  Jésus-Christ  qui  est  venu  avec  la  grâce 
de  Dieu.  Voyez  donc  sérieusement  quels 
étaient  vos  mérites.  Comprenez  que  vous  ne 
méritez  que  des  supplices,  et  que  l'on  vous 
devait,  non  des  récompenses,  mais  des  peines. 
Quand  vous  reconnaîtrez  ce  qu'on  vous  de- 
vait pour  vos  mérites,  vous  reconnaîtrez  en 
même  temps  ce  qui  vous  a  été  donné  par  la 
grâce,  et  vous  honorerez  Dieu  par  le  sacri- 
fice de  louange.  La  vraie  grâce  qui  nous  est 
représentée  dans  plusieurs  passages  de  l'É- 
criture *  n'est  point  donnée  en  conséquence 


La  grâce 
r^t  Juiiuve 
gratuilenuiil. 


1  Aiit  ergo  a  tua  Veneratione  acciendios  est  Ro- 
mam  et  diligenter  interrogandus,  quam  dical  gra- 
tiain,  qiM  fateatur,  si  tamen  jam  fateatur,  ad  non 
peocandum  justeque  vivendum  hommes  adjtwari; 
aut  hoc  ipsum  cum  eo  per  litteras  agendum.  Et 
cum  inventus  fuerit  hanc  dicere,  quam  docet  eccle- 
siastica  et  apostolica  veritas,  tune  sine  uUo  scru- 
pulo  Ecclesiœ,  sine  latibulo  ambiguitatis  ullius 
ahsolvendns  est,  tune  est  reoera  de  ejus purgatione 
gaudendum  ;  sive  enim  gratiam  dixerit  esse  libe- 
rum  arbilrium,  sive  gratiam  esse  remissionem 
peccatorum,  sive  gratiam  esse  legis  prœceptum, 
nihil  eorum  dicit  quœ  per  subministralionem  Spi- 
ritus  Sancti  pertinent  ad  concupiscentias,  tenla- 
tionesque  vincendas...  illam  confiteatur  apertis- 
sime  gratiam,  quam  doctrina  christiana  demons- 
trat  et  prœdical  esse  propriam  christianoriim, 
quœ  non  est  natura,  sed  qua  salvalur  natura. 
August.,  Epist,  177,  num.  3  et  4,  pag.  623,  et  nu  m.  7, 
pag.  624. 

*  Qtioniam  ergo  propitio  Christo  christiani  ca- 
tholici  sjimus...  scimiis  gratiam,  non  omnibus  ho- 

IX. 


■minibus  dari,  et  qwibus  datur,  non  solum  secun- 
dum  mérita  operum  non  dari;  sed  nec  secundum 
mérita  voluntatis  eorum  quibus  datur  quod  ma- 
xime apparet  in  parvulis.  Scimus  eis  quibus  datur 
misericordia  Dei  gratuita  dari.  Scimus  eis  quibus 
non  datur,  justo  judicio  Dei  non  dari.  August., 
Epist.  217,  nam.  16,  pag.  804. 

3  Si  gratta  vocatur,  gratis  datur,  si  gratis  datur, 
nulla  meritatua pirœcesseruntut  detur.Nam siprœ- 
cesserunt  mérita  tua,  merces  non  imputatur  secun- 
dum gratiam  sed  secundum  debitum.  Si  ergo  dicis 
prœcessisse  mérita  tua,  te  vis  laudari,  non  Deum. 
Ideo  non  agnoscis  Christum,  qui  venit  cum  gratia 
\T)ei.  Couverte  ergo  te  ad  mérita  tua,  vide  Ma  mala 
fuisse, ut  non tibi deberetur  nisi supplicium, nonprœ- 
mium.  Et  cum  videris  quid  tibi  per  mentwn  debea- 
tur,  agnoscis  quid  per  gratiam  donetur,  et  sacri- 
ficio  taudis  g lorificas  Deum.  XagusL,  in  Psal.  xlix, 
num.  31,  pag.  462. 

'  Scriptum  est  :  A  Domino  gressus  hominis  diri- 
guntur  et  viam  ejus  volet,  et:  Prasparatur  voluntas 
a  Domino,  et:  Deus  est  enim   qui  operatnr  in  vo- 

43 


noQ 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉ.SIASTIQUES. 


de  nos  mérites  ;  c'est  elle-même  qui  produit 
le  mérite  en  nous,  lorsqu'elle  nous  est  don- 
née. Cette  grâce  précède  ou  prévient  la 
bonne  volonté  de  l'homme  ;  elle  ne  la  trouve 
dans  le  cœur  d.'aucun,  elle  l'y  produit.  «Mais 
pourquoi,  dit-on,  la  grâce  de  Dieu  n'est-elle 
pas  donnée  selon  le  mérite  des  hommes? 
Saint  Augustin  répond  que  c'est  parce  que 
Dieu  est  miséricordieux.  Pourquoi  donc 
n'est-elle  pas  donnée  à  tous?  Il  répond  '  que 
c'est  parce  Dieu  est  un  juge;  que  d'une  part, 
il  donne  sa  grâce,et  gratuitement, à  tous  ceux 
h  qui  il  la  donne  ,  et  que  de  l'autre,  il  fait 
voir,  par  l'exemple  de  ceux  à  qui  il  ne  la 
donne  pas  par  un  juste  jugemsnt ,  com- 
bien ceux  à  qui  il  la  donne,  lui  sont  rede- 
vables. Ne  soyons  donc  pas  ingrats  envers 
Dieu,  de  ce  que  par  ua  efïet  de  sa  bonne  vo- 
lonté, et  aflu  que  la  louange  et  la  gloire  en 
soient  données  à  sa  grâce,  il  retire  un  si 
grand  nombre  d'hommes  d'une  damnation 
si  juste;  il  aurait  pu,  sans  injustice ,  les  y 
laisser  tous,  puisque  tous  sont  tombés  par 
un  seul  dans  une  condamnation  dont  nous 
ne  saurions  nous  empêcher  de  reconnaître 
la  justice.  Qae  celui  qui  en  est  délivré  soit 
pénétréj  de  reconnaissance  de  la  grâce  qui 
l'en  retire  ;  et  que  celui  qui  ne  l'est  pas 
confesse  qu'il  est  traité  selon  qu'il  mérite.  Si 
nous  concevons  bien  que  c'est  une  libéralité 
de  remettre  la  dette,  et  une  justice  d'en  exi- 


ger le  paiement,  nous  n'avons  pas  de  peine 
à  comprendre  qu'il  n'y  a  point  d'injustice  en 
Dieu.  » 

i02.  a  Quel  mérite,  dit  saint  Augustin, 
l'homme  a-t-il  -  avant  la  grâce  pour  lequel  il 
doive  la  recevoir,  puisque  touslesbons  méri- 
tes qui  sont  en  nous  sont  l'effet  delà  grâce,  et 
que,  lorque  Dieu  couronne  nos  mérites, il  ne 
couronne  que  ses  dons?  Car  de  la  même  ma- 
nière que  notre  entrée  dans  la  vie  de  la  foi  a 
été  l'etfet  de  la  miséricorde  de  Dieu,  et  que , 
s'il  l'a  exercée  envers  nous,  ce  n'est  pas  cpie 
nous  fussions  déjà  fidèles  ,  mais  afin  que  nous 
le  fussions;  de  même  à  la  fin  de  notre  course, 
c'est-à-dire  dans  la  vie  éternelle,  ce  sera  par 
une  abondance  de  miséricorde  que  Dieu 
nous  couronnera,  ainsi  que  le  dit  l'Écriture. 
Ce  n'est  donc  pas  en  vain  que  l'on  chante  au 
Seigneur  :  Sa  miséricorde  me [jréviendra,  et  :  Sa 
miséricorde  me  suivra.  De  là  vient  que  la  vie 
éternelle,  que  nousposséderons  sans  fin  après 
les  siècles,,  et  qui  par  conséquent  sera  la  ré- 
compence  denos  mérites  précédents,  nelaisse 
pas  d'être  appelée  du  nom  de  grâce,  comme 
étant  gratuitement  donnée;  non  qu'elle  ne 
soit  donnée  à  nos  mérites,  mais  parce  que 
ces  mérites  mêmes  nous  sont  donnés,  et 
qu'ils  sont  l'ouvrage  de  la  grâce,  et  non  pas 
celui  de  nos  propres  forces.  Je  publierai  vo- 
tre propre  force  '  et  votre  justice  ,  dit  le  Psal- 
miste  :  Je  publierai  ce  qu'a  fait  aux  hommes 


Nos  n  érites 
sout  doà  doQS 
do  Dieu. 


bis  et  velle.  Êi  inulta  hiijusmodi  quibus  commen- 
datiir  vera  Dei  gratin-,  hoc  est  quce  non  secundum 
mérita  nostra  datur,  sed  dat  mérita  ipsa  cum  da- 
tur,  quia  prœvenit  hominis  volimtatem  bonam,  nec 
eam  cujusqiiam  invenit  in  corde,  sedfacit-  August., 
Epist.  217,  uum.  5,  pay.  800  et  801. 

'  Sed  car,  inquit,  gratia  Dei  non  secundum  mé- 
rita lioininum  datui-'!  Respoiideo  qiioniain  Deus 
misericors  est.  Car  ergo,  inquit,  non  omnibus?  Et 
hic  respondeo  quoniain  Deus  judex  est;  ac  per  hoc 
et  gratis  ab  eo  datur  gratta;  etjusto  ejus  in  aliis 
judicio  deinonstratur,  quid  in  eis  quibus  datwr 
conférât  gratin.  Non  itaque  simus  ingrati  quod  se- 
cundum placitum  voluntatis  suce,  in  laudem-  glo- 
riœ  graliœ  suce  tam  multos  libérât  misericors 
Deus  de  tam  débita  percUtione,  ut,  si  inde  neminem 
liberaret,  non  esset  injustus.  Ex  nno  quippe  om- 
bles in  aonclemnationem  non  injustam  jucUcati  sunt 
ire  sed  justam.  Qui  ergo  liberatur,  gratiam  clili- 
gat;  qui  non  liberatur,  debitum  agnoscat.  Si  in 
remittendo  débita  bonitas,  in  exigendo  cequitas  in- 
telligitur ,  nusquam  esse  apud  Deum  iniquitas  in- 
'Oeuitur.  August.,  De  Donopers..  cap.  vnt,  num.  16, 
pag.  829. 

2  Quod  est  ergo  meritum  hominis  anle  gratiam., 
quo  mérita  percipicU  gralium,  cum  omne  bonum 
meritum  noslrum,  non  in  nobis  faciatnisiqrcilia; 


et  cum  Deus  coronat mérita  nostra  nihilaliudco- 
ronet  quam  munerasua?  Sicutenim  ab  initia  fidei 
misericardiam  consecuti  sumics,  non  quia  fidèles 
eramus,  sed  ut  essemus,  sic  in  fine  quo  eril  vita 
ceterna.,  coronabit  nos,  sicut  scriptum  est  :  In 
miseratione  et  misericordia.  Non  itaque  frustra 
Deo  cantatur  :  Et  misericordia  ejus  prœveniet 
me;  et  :  Misericordia  ejus  subsequetur  me.  Unde 
et  ipsa  vita  ceterna,  quo;  iitique  in  fine  sine  fine 
habebitur  et  ideo  meritis  prœcedentibus  reddi- 
tur;  tamen  quia  eadem  mérita  quibus  reJditur, 
non  a  nobis  paratasunt  per  nastram  sujficientiam, 
sed  in  nobis  factaper  gratiam,  etiam  ipsa  gratia 
nuncupatur.  Non  ob  aliud  nisi  quia  gratis  datur; 
nec  ideo  quia  non  meritis  datur,  sed  quia  data 
sunt  et  ipsa  mérita  quibus  datur.  August.,  Epist. 
191,  num.  m,  pag.  720  et  721. 

3  Poteutiam  tuam  et  justitiam  tuam,  hoc  est  an- 
nuntiabo  generationiamni  su-perventuro'  brachium 
tuum.  Et  quidprcestHit  l>rachium.  tuum?  Libéra- 
lianem  nastram  graluitam.  Hoc  ergo  annuntiem , 
ipsam  gratiam  omni  generationi  superventurie  ; 
dicani  omni  homini  nascituro  :  Nihil  es  per  te. 
Deum  invoca  :  tua  peccata  sunt;  mérita  Dei  sunt  : 
supplicium  tibi  debetur,  et  cum  prœmium  venerit 
sua  dana  coronabit,  non  mérita  tua.  Dicam  omni 
generationi  supen'onturcv  :  De  captiritate  venisli. 


[IV"  ET  v=  SIÈCLES.]  SALNT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPOiNE 

la  force  de  votre  bras.   Et  qu'a-t-il  fait  ce 


707 


bras?  il  nous  a  délivrés  par  une  bonté  toute 
gratuite.  Voilti  ce  que  je  publierai.  J'annon- 
cerai cette  grâce  à  toutes  les  races  futures. 
Je  dirai  à  tous  les  liorames  qui  naîtront  : 
Vous  n'êtes  rien  par  vous-mêmes;  invoquez 
Dieu.  Vous  n'avez  rien  à  vous  que  le  péché; 
tous  vos  mérites  viennent  de  Dieu.  Dieu  ne 
vous  devait  que  des  châtiments;  lorsqu'il 
vous  récompensera,  ce  sera  ses  dons  qu'il 
couronnera  dans  vous,  et  non  vos  mérites.  Je 
dirai  à  tous  les  peuples  à  venir  :  Je  n"ai  de 
moi  aucune  force;  je  n'ai  de  moi  aucune 
justice.  Je  ne  relèverai  que  la  force  et  la  jus- 
tice de  Dieu.  Je  le  dirai,  ô  bienheureux  Paul  M 
grand  prédicateur  de  la  grâce,  et  je  le  dirai 
sans  crainte.  C'est,  à  la  vérité,  vos  mérites 
que  l'on  couronne ,  mais  "vos  mérites  sont 
des  dons  de  Dieu.  Vous  l'avez  dit  ainsi,  afin 
que  nous  le  disions.  Vous  l'avez  enseigné  afin 
que  nous  l'enseignassions.  Combien  donc  mé- 
rite d'être  loué  "■^  celui  qui  couronnera  dans 
nous,  non  nos  mérites,  mais  ses  propres  dons? 
Ne  vantez  jamais  vos  mérites ,  parce  que  vos 
mérites  '  sont  ses  dons.  » 

103.(1  LesPélagiens  s'imaginent,  dit  saint 
Augustin,  qu'il  y  a  en  Dieu  *  acception  de 
personnes,  si  sans  aucuns  mérites  précé- 
dents, il  fait  miséricorde  à  qui  il  veut  ;  s'il 
appelle  ceux  qu'il  daigne  appeler,  et  rend 
saint  et  religieux  celui  qui  lui  plait.  Mais  ils 
ne  considèrent  pas  que  celui  qui  est  con- 
damné reçoit  la  peine  qui  lui  est  due,  et 
C[ue   celui  qui   est  délivré    reçoit  la   grâce 


qui  ne  lui  est  pas  due;  en  sorte  que  l'un 
n'a  point  sujet  de  se  plaindre,  ni  l'autre 
de  se  glorifier.  C'est  plutôt  le  cas  où  il  n'y  a 
point  d'acception  de  personnes,  quand  tous 
sont  enveloppés  dans  la  même  masse  de  con- 
damnation ,  afin  que  celui  que  Dieu  délivre , 
apprenne  de  celui  qu'il  ne  délivre  pas,  de 
quels  supplices  il  aurait  été  digne  aussi  bien 
que  ce  dernier,  s'il  n'avait  i-eçu  l'assistance  de 
la  grâce.  Que  si  c'est  une  grâce,  ce  n'est  donc 
pas  une  récompense  des  mérites,  mais  l'effet 
d'une  bonté  toute  gratuite.  Ces  mêmes  héré- 
tiques ^  ne  connaissant  pas  lajustice  de  Dieu, 
et  voulant  établir  la  leur  propre ,  ne  veulent 
pas  qu'il  ait  la  gloire  de  justifier  les  im- 
pies par  sa  grâce  toute  gratuite  ;  ou  bien,  se 
voyant  pressés  par  les  reproches  des  person- 
nes saintes  et  pieuses,  ils  avouent  tellement 
qu'ils  sont  assistés  de  Dieu  pour  pratiquer  la 
justice  ou  pour  l'avoir ,  qu'ils  soutiennent 
que  c'est  en  considération  de  quelques  méri- 
tes de  leur  part,  comme  voulant  donner  les 
premiers  à  Dieu,  afin  qu'il  leur  rende  ce  qui 
leur  est  dû,  quoique  l'Apôtre  ait  dit  au  con- 
traire :  Qui  lui  a  donné  quelque  chose  le  pre- 
mier, pour  en  prétendre  récompense?  Ils  croient 
qu'ils  préviennent  parleurs  mérites  le  secours 
de  celui  dont  ils  eutendent,  ou  plutôt  dont  ils 
ne  veulent  pas  entendre  cette  parole  que  dit 
le  même  apôtre  :  Que  tout  est  de  lui,  en  lui  et 
par  lui.  Ainsi  cette  grâce  n'est  précédée  par 
aucun  mérite,  parce  que  l'injuste  et  l'impie, 
avant  de  la  recevoir,  ne  méritent  pas  la 
grâce,  mais  le  supplice.  Et  elle  ne  serait  pas 


ad  Adam  pertinebas.  Dicam  hoc  omni  generationi 
superventurœ ,  nullas  vires  meas,  nullain  justi- 
tiain  meain,  sed  potentiam  tuam  et  justitiam  tuam. 
August.,  in  Psal.  lxx,  num.  S,  pag.  737. 

1  Quocirca,  o  béate  Paule,  magne  graliceprce- 
dicalor,  dicam  nec  timeam  :  quis  enim  mihi  mi- 
nus succensebit  ista  dicenti,  gaam  tu  qui  ea  di- 
cenda  dixistiet  docenda  docuisti?  Dicam,  inquam., 
nec  timeam:  Reddetur  quidem  meritistuis  corona 
sua,  sed  Dei  dona  sunt  mérita  tua.  August.,  De 
Gest.  Pelag.,  num.  33,  pag.  211. 

2  Qui  in  nobis  coronaturus  est  non  mérita  nos- 
tra  sed  dona  sua,  quantum  débet  exaUari?  Exal- 
tate  Dominum  Deum  nostrum.  August.,  in  Psal. 
xcvni,  num.  8,  pag.  1064. 

^  Mérita  tua  nusquam,  jactes,  quia  et  ipsa  tua 
mérita  illius  dona  sunt.  August.,  in  Psal.  cxliv, 
num.  11,  pag.  1617. 

*  Quod  autem  personarum  acceptorem  Deum  se 
credere  existimant,  si  credant  quod  sine  ullis  prœ- 
cedentibus  meritis,  cujus  vult  miseretur  ;  et  quos 
dignatur  vocat  et  quem  vult  religiosum  facit  ;  pa- 
rum  attendunt  quod  débita  reddatur  pœna  dam- 
nato,  indebita  gratia  liberato  ;  ut  nec  ille  se  in- 


dignum  queratur,  nec  dignum  se  iste  glorietur, 
atqueibipotius  aoceptionem  nullam  fieri persona- 
rum ubi  una  eadem  massa  damnationis  et  ojfen- 
sionis  inooluit,  ut  liberatus  de  non  liberato  dis- 
cat,  quod  etiam  sibi  supplicium  conveniret,  nisi 
gralia  subveniret,  si  autein  gratia  utique  nullis 
meritis  reddita,  sed  gratuita  bonitate  donata.  Au- 
gust., Epist.  194,  uum.  4,  pag.  710. 

5  Nolunt  autem  ut  sit  ipsi  (Deo)  gloria  in  jus- 
tificandis  impiis  gratuita  gratia,  qui  ejus  igno- 
rantes justitiam  suamvoliint  constituere  ;  veljam 
conclamantium  religiosorum  et  piorum  vocibus 
pressi,  ita  fatenlur  ad  habendam  seu  faciendam 
justitiam  divinitus  adjuvari,  ut  sui  prœcedat  ali- 
quid  meriti,  quasi  prior es  volentes  dure,  ut  retri- 
buatur  eis  ah  illo,  de  quo  dictum  est:  Quis  prior 
dédit  illi  et  retribueturei'!  Et  suo  pulanteiprœire 
merito  illum  de  quo  audiunt  aut  potius  audire 
nolunt:  Quoniam  ex  ipso  et  in  ipso,  et  per  ipsum 
sunt  omnia,  etc.  Et  ideo  percipiendœ  hujus  gratiœ 
mérita  nulla  pneceduiit  quoniam  meritis  impii, 
non  gratia,  sed  pœna  debetur,  nec  isla  esset  gra- 
tia si  non  daretur  gratuita,  sel  débita  redderetur. 
Idem,  ibid.,  num.  6  et  7,  pag.  117. 


708 


HISTOffiE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Cor.  IV, 7. 


La  grâce  ne 
suit  pas,  inaîà 
lirécède  la  co- 
lonie. 


véritablement  grâce,  si  elle  n'était  pas  don- 
née comme  un  pm^clon,  mais  rendue  comme 
une  récompense  et  une   dette.   Nous  cher- 
chons le  mérite  '  qui  a  rendu  l'homme  digne 
de  cette  miséricorde,  et  nous  n'en   trouvons 
point,  parce  qu'il   n'y   en  a  point,  de  peur 
que  la  grâce  ne  soit  anéantie,  si    elle  n'est 
point   donnée  gratuitement ,  mais  rendue  à 
nos  mérites.  Si  nous  disons  que  la  foi  a  pré- 
cédé, et  qu'elle  a  mérité  que  l'homme  reçût 
la  grâce ,  quel  mérite   avait  l'homme  avant 
qu'il  eût  reçu  la  foi  même  ?  Car  a-t-il  quelque 
chose  qu'il  n'ait  pas  reçu  ?  Si  nous  disons  que 
la  prière  a  précédé  et  qu'elle  a  mérité  que 
l'homme  reçût  le  don  de  la  grâce ,  il  est  cer- 
tain que  la  prière  montre  clairement  que  ce 
qu'elle  obtient  est  un  don  de  Dieu,  alin  que 
l'homme  ne  s'imagine  pas  qu'il  ait  de  lui- 
même  ce  que  nous  ne   demanderions  pas 
si  nous  l'avions  en  notre   puissance.  Néan- 
moins, de  peur  qu'on  ne  croie  qu'au  moins  le 
mérite  de  laprièreprécède  la  grâce, et  qu'ainsi 
la  grâce  ne  soit  plus  gratuite  ni  même  grâce, 
puisqu'elle  serait  rendue  comme  une  dette, 
nous   voyons  dans  l'Écriture,  que  la  prière 
même  est  mise  entre  les  dons  de  la  grâce.  » 
104.  «La  question^  qui  est  entre  nous,  di- 
sait saint  Augustin  à  Vital,  consiste  à  savoir 
si  la  grâce  précède  ou  si  elle  suit  la  volonté 
de  l'homme ,  c'est-à-dire,  pour  parler  plus 
clairement,   si  elle  nous  est  donnée  parce 
que  nous  voulons,  ou  si  Dieu  fait  même  par 


elle  que  nous  vouhons.  Mais  comment  Dieu' 
attendrait-il  les  volontés  des  hommes,  afin 
queles  ayant  pré  venues  il  leur  donnât  sa  grâce, 
puisque  ce  n'est  pas  en  vain  que  nous  lui 
rendons  grâces  pour  ceux  qu'il  a  prévenus 
par  sa  miséricorde,  lorsque  non-seulement 
ils  ne  croyaient  pas  en  lui,  mais  qu'ils  per- 
sécutaient sa  doctrine  par  une  volonté  im- 
pie, et  qu'il  les  a  convertis  à  lui  avec  une  faci- 
lité toute  puissante,  en  les  faisant  vouloir, 
au  lieu  qu'ils  ne  voulaient  pas  auparavant? 
Pourquoi   lui  rendons -nous   grâces  de   ce 
changement  si  ce  n'est  pas  lui  qui  le  fait?  Et 
pourquoi    lui    donnons-nous    des   louanges 
d'autant  plus  grandes  que  ceux,  que  nous 
nous  réjouissons  s'être  convertis  à  la  foi,  en 
avaient  plus  d'éloignement  et  d'aversion,  si 
ce  n'est  pas  la  grâce  qui  change  en  mieux 
les  volontés  des  hommes  ?  Les  Éfjlises  de  Ju- 
dée qui  croyaient  en  Jésus-Christ,  ne  me  con- 
naissaient pas  de  visage,  dit  saint  Paul,  elles 
avaient  seulement  ouï  dire  :  Celui  qui  autre- 
fois nous  persécutait  annonce   maintenant  la 
foi  qu'il  s'efforçait  aloj's  de  détruire,  et  elles 
célébT'aient  la  grandeur  de  la  bonté  de  Dieu  sur 
moi.  Pourquoi  les  fidèles  célébraient-ils,  en 
cette  occasion,  la  grandeur  de  la  bonté  de 
Dieu,  si  ce  n'était  pas  un  effet  de  sa  bonté 
et  de  sa  grâce  d'avoir  converti  à  lui  le  cœur 
de  Paul,   selon  que   cet  apôtre  le  déclare 
lui-même,  lorsqu'il  nous  assure,  qu'il  a  reçu 
miséricorde  pour  devenir  fidèle,  c'est-à-dire 


1  Quœrimiis  autem  meritum  misericordiœ,  nea 
inveniinus,  quia  nullum  est,  ne  gratia  evacuetur 
si  non  gratis  donatur,  sed  meritis  redditur.  Si 
enim  dixerimus  fidem prcecessisse,  in  qua  esset  me- 
ritum gratiœ,  qiiid  meritis  habebat  homo  ante  fi- 
dem, ut  reciperet:  Quid  euim  liabet  quod  non  ac- 
cepit  ?  etc.  Si  dixerimus  meritum  prœcedere  ora- 
tionis,  ut  donum  gratiœ  consequatur  impetrando 
quidem  oratio  quidquid  impetrat,  evideiiter  donum 
Dei  esse  ostendit,  ne  homo  existimel  a  seipso  sibi 
esse;  quod  si  in  potestate  haberetur,  non  utique 
posceretur.  Verumtamen  ne  sallem  orationis  pu- 
iarentur  prœcedere  mérita,  quibus  non  gratuita 
daretur  gratia,  sed  jam  nec  gratia  esset,  quia  dé- 
bita redderetur,  etiam  ipsa  oratio  inter  gratiœ 
munera  rcperitur.  August.,  iftid.,  nuui.  14,  la  et  16, 
pag.  719  et  720. 

2  Quœstio  quœ  inter  nos  agitur  est  utrum  hœc 
gratia  prœcedat  an  subsequatur  hominis  volunta- 
tem,  hoc  est,  ut  planius  id  eloquar,  utrum  ideo 
nobis  datur  ,  quia  voliunus  ,  an  per  ipsam  Deus 
etiam  hoc  efjiciat  ut  velimus.  August.,  Epist.  217, 
nuiD.  17,  pag.  805. 

3  Quomodo  Deus  exspeetat  voluntates  hominum, 
ut  prœveniant  eum  quibus  det  gratiam:  cumgrn- 
tias  ei  non  immerito  ugamus  de  iis  quibus  non  ci 


credentihus  et  ejus  doctrinam  voluntate  impia  per- 
sequentibus  misericordiam  prœrogavit;  eosque  ad 
seipsum  potentissima  facilitate  convertit  ac  volen- 
tes  ex  nolentibus  fecit  ?  Ut  quid  inde  ei  grattas 
agimus  si  hoc  ipse  non  fecit?  Ut  quid  tanto  magis 
eum  magnificamus,  quanto  magis  nolebant  cre- 
dere  qiios  credidisse  gaudemus  si  gratia  divina 
voluntas  in  metius  non  mutatur  humana.  Âpos- 
tolus  Paiilus  :  Eram,  inquit,  igiiotus  facie  Eeclesiis 
Judœœ,  quœ  simt  in  Cliristo  ;  tantuœ  autem  audie- 
baut,  quia  qui  aliquaudo  nos  persequebatur,  nunc 
evaugelizat  fidem,  quam  aliqiiando  vastabat,  et  il} 
me  maguificabant  Dsum  ;  ut  quid  magnificabant 
Deu,m,  si  non  Deus  ad  seipsum  cor  illius  viri  suœ 
gratiœ  bonitate  converterat,  quando  ut  ipse  confi- 
tetur  :  Misericordiam  consecutus  est,  ut  lîdelis  es- 
set ea  fide  quam  aliquaudo  vastabat'?  Ipsum  etiam 
verbum  quod  posuit,  quem  nisi  Deum  hoc  tam 
magnum  bonum  fccisse  déclarât?  Quid  est  enim  : 
lu  me  maguificabant  Deum,  nisi  in  me  Deùm  ma- 
gnificum  prœdicabant?  Quomodo  autem  eum  ma- 
gniftcum  prœdicabant,  si  magnum,  illud  factum 
de  Pauli  conversione  ipse  non  fecerat?  Et  quo 
pacto  ipse  fecerat,  si  volenleni  credere  ex  nolente 
ipse  non  /ecerai?  August.,  Epist.  217,  nuiï.  24, 
pag.  S07. 


[IV'  ET  V°  SIECLES.] 

pour  embiasser  cette  même  foi  qu'il  s'effor- 
çait auparavant  de  détruire?  L'expression 
même  dont  il  se  sert  ne  marqiie-t-elle  pas 
que  c'est  Dieu  qui  est  l'auteur  d'un  si  grand 
bien  ?  Car  que  veulent  dire  ces  paroles  :  Ils 
célébraient  la  grandeur  de  la  bonté  de  Dieu 
sur  moi,  sinon  :  Ils  reconnaissaient  et  pu- 
bliaient la  libéralité  et  la  bonté  que  Dieu 
avait  exercées  envers  moi?  Or,  à  quel  pro- 
pos publier  la  grandeur  de  la  bonté  de  Dieu 
sur  ce  sujet,  si  ce  n'était  pas  Dieu  même  qui 
avait  fait  ce  grand  ouvrage  de  la  conversion 
de  Paul?  Et  comment  Dieu  l'aurait-il  fait,  si 
ce  n'est  en  faisant  que  Paul  voulût  croire  mal- 
gré l'obstination  où  il  était  de  ne  croire  pas?  » 
105.  Pelage  faisait  consister  la  grâce^  par 
laquelle  nous  sommes  aidés  pour  ne  point 
pécher,  ou  dans  la  nature  et  le  libre  arbitre, 
ou  dans  la  loi  et  la  doctrine  ;  en  sorte  que, 
quand  Dieu  aide  l'homme  afin  qu'il  s'éloigne 
du  mal  et  fasse  le  bien,  ce  secours  consiste 
simplement  à  découvrir  et  à  montrer  ce  qui 
doit  être  pratiqué,  et  non  à  coopérer  et  à 
inspirer  la  dilection  pour  faire  accomplir  à 
l'homme  le  bien  dont  il  a  la  connaissance. 
«  J'ai  lu  sa  lettre,  dit  saint  Augustin  ^  et  il 
n'y  paraît  pas  qu'il  croie  que  la  grâce  soit 
un  secours  ajouté  à  la  doctrine  par  l'inspi- 
ration d'une  charité  très-ardente  et  très-lu- 
mineuse. Mais  nous  voulons'  qu'il  la  recoa- 
naisse,  cette  grâce,  par  laquelle  la  gran- 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


709 


deur  de  la  gloire  future  nous  est  non-seule- 
ment promise,  mais  par  laquelle  on  croit  et 
l'on  espère  ;  cette  grâce  ,  par  laquelle  la 
sagesse  soit  non-seulement  révélée,  mais 
encore  aimée ,  par  laquelle  on  nous  con- 
seille tout  ce  qui  est  bon,  et  qui  le  persuade. 
Voilà  la  grâce  que  Pelage  doit  confesser,  s'il 
veut  non-seulement  être  appelé  chrétien, 
mais  l'être  en  effet.  Si  vous  mettiez*,  dit  en- 
core saint  Augustin  à  Julien,  au  nombre  des 
différentes  espèces  de  grâces  de  Dieu,  la  di- 
lection qui  ne  vient  point  de  nous,  mais  de 
Dieu,  et  que  Dieu  donne  à  ses  enfants, 
comme  on  le  lit  clairement  dans  l'Écriture, 
sans  laquelle  dilection  personne  ne  vit  dans 
la  piété,  et  avec  laquelle  il  n'y  a  personne 
qui  ne  vive  dans  la  piété,  sans  laquelle  per- 
sonne n'a  une  bonne  volonté,  et  avec  la- 
quelle il  Tx'j  a  personne  qui  n'ait  une  bonne 
volonté ,  vous  défendriez  véritablement  et 
vous  n'enfleriez  pas  le  libre  arbitre.  »  Et  parce 
que  cet  hérétique  se  vantait  de  reconnaître  ^ 
des  grâces  d'une  infinité  d'espèces,  avec  les- 
quelles l'homme  pouvait  garder  les  com- 
mandements de  Dieu,  s'il  le  voulait,  saint 
Augustin*  lui  répond  :  «  Vous  dites  :  Dieu 
nous  aide  en  mille  manières,  en  comman- 
dant, en  bénissant,  en  sanctifiant ,  en  repre- 
nant et  en  éclairant  ;  mais  vous  ne  ditespoint 
qu'il  nous  aide  en  nous  donnant  la  charité. 
Quand  on  vous    demande  "  quels  sont    les 


1  Nain  gratiam  Dei  et  adjutorium  que  adjuva- 
mur  ad  non  peccandum. ,  aut  in  natura  et  libero 
ponit  arbitrio,  aut  in  lege  alque  doctrina  :  nt  vi- 
delicet,  cum,  adjuvat  Veus  hominem,  ut  declinet  a 
malo  et  faciat  bomim,  revelando  et  ostendendo 
quid  fieri  debeat,  adjuvare  credatur  ;  non  etiam 
cooperando  et  dilectionem  inspirando,  ut  id  quod 
faciendum  esse  cognoverit  faciat.  August.,  De  Grat. 
christ,  contra  Pelag.,  cap.  m,  num.  3,  pag.  231. 

2  Hcinc  ergo  epistolam  Pelagii  legi,  et...  an  cre- 
dat  aliquod  adjutorium  bene  agendi  adjunclum 
naturœ  atque  doctrinœ  per  inspirationem  flagran- 
tissimœ  et  luminosissimœ  charitatis,  non  apparet 
omnino.  August.,  cap.  xxxv,  num.  38,  pag.  246. 

3  Sed  nos  eam  gratiam  volunius  iste  aliquando 
fatetur,  qua  futurce  gloriœ  magnitudo  non  solum 
promittitur ,  veriim  etiam  creditur  et  speratur  ; 
nec  solum  revelatur  sapientia,  verum  et  amatur  ; 
nec  solum  suadetur  omne  quod  bonuin  est,  verum 
et  persuadetur.  August.,  De  Grat.  Christ,  contra 
Pelag.,  cap.  x,  nam.  H,  pag.  235. 

'»  Inter  divinœ  gratiœ  species  si  poneretis  dilec- 
tionem, quam  non  ex  nobis ;  sed  ex  Deo  esse  eam- 
que  Deum  dare  filiis  suis  apertissime  legitis,  sine 
qua  nemopie  vivit  et  cum  qua  nemo  nisipie  vivit, 
sine  qua  nullius  est  bona  voluntas,  et  cum  qua 
nullius  est  nisi  bona  voluntas ,  vere  liberum  de- 


fenderetis ,  non  inflaretis  arbitriiim.  August. , 
lib.  III  Oper.  imperf.,  cap.  cxxii,  pag.  1099  et 
1100. 

^  Sed  affirmamus  a  Deo  fieri  hominem  liberi  ar- 
bitra, eumque  in  numeris  divinœ  gratiœ  spe- 
ciebus  juvari,  cui  possibile  sit  vel  servare  Dei 
mandata  vel  transgredi.  August.,  ibid.,  cap.  cvi, 
pag.  1092. 

6  Tarn  m-ulta  dicis  quib-us  nos  adjuvat  Detts,  id 
est,  prEecipiendo,  benedicendo,  sanetificando,  coer- 
cendo,  provocando,  illuminando;  et  non  dicis  cha- 
ritatem  dando.  Ibid.,  pag.  1093. 

7  Sed  cum  quœritur  a  vobis,  quœ  sint  ista  ad- 
jutoria  gratiœ  Dei,  edicitis  quœ  supra  commemo- 
rasti:  Deum  adjuvare  praecipiendo,  benedicendo, 
sanetificando,  coercendo,  provocando,  illuminando  ; 
quœ  omnia  etiam  per  homines  fiant,  secundum 
Scripturas,  nam  et  prœcipiunt  homines  et  benedi- 
cunt  et  per  divina  sacramenta  sanctificant,  et  cor- 
ripiendo  coercent  et  exhortando  provocant,  et  do- 
cendo  illuminant;  non  tamen  qui  plantât  est  ali- 
quid  neque  qui  rigat,  sed  qui  incremenlum  dat 
Deus.  Hoc  est  autem  incrementum  lit  tinusquis- 
que  obediat  prœceptis  Dei  ;  quod  non  fit,  quando 
vere  fit  nisi  charitate...  hanc  vos  inter  adjutoria 
gratiœ  quœ  commemoratis,  nominare  non  vultis, 
ne  hoc  ipsum  quod  obedimus  Deo,  ejus  esse  gra- 


710 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Couimi  nt 
oIIq  Qgit> 
Joan.  Vi,  /m, 


secours  de  la  grâce  que  tous  admettez, 
vous  n'en  rapportez  point  d'autres  que  ceux 
dont  vous  venez  de  parler.  Mais  les  hom- 
mes font  tout  cela,  selon  les  Écritures;  car 
ils  commandent,  ils  bénissent,  ils  sanctifient 
par  les  divins  sacrements ,  ils  châtient  en 
reprenant,  ils  animent  en  exhortant,  ils  éclai- 
rent en  enseignant  :  cependant  et  celui  qui 
plante  et  celui  qui  arrose  ne  sont  rien ,  mais 
c'est  Dieu  qui  donne  l'accroissement.  Or, 
cet  accroissement  consiste  à  obéir  aux  com- 
mandements de  Dieu  ;  ce  qui  ne  se  fait  vérita- 
blement que  par  la  charité.  Vous  ne  voulez 
pas  la  nommer  parmi  les  secours  que  vous 
admettez ,  de  peur  de  reconnaître  que  l'acte 
même  de  la  volonté  qui  fait  que  nous  obéis- 
sons à  Dieu,  vient  de  la  grâce.  Vous  croi- 
riez, en  admettant  im  secours  qui  agit  de 
cette  sorte  sur  la  volonté,  détruire  le  libre 
arbitre.  » 

106.  Personne  '  ne  peut  venir  à  moi,  dit  Jé- 
sus-Christ, si  mon  Père  qui  m'a  envoyé  ne  l'at- 
tire. «  Il  y  a  dans  ces  paroles,  dit  saint  Au- 
gustin, un  grand  éloge  de  la  grâce.  Person- 
ne ne  vient  s'il  n'est  attiré.  N'entreprenez 
point  de  juger  qui  est  celui  que  le  Père  at- 
tire ,  ou  celui  qu'il  n'attire  pas  ,  ni  pourquoi 
il  attire  l'an  et  n'attire  pas  l'autre,  si  vous 
voulez  ne  point  tomber  dans  l'erreur.  Rece- 
vez seulement  cette  vérité ,  et  ayez-en  l'in- 
telligence. Si  vous  n'êtes  point  attiré ,  priez 
afin  que  vous  le  soyez.  Mais,  que  dis-je,  si 
nous  sommes  attirés  à  Jésus-Christ,  c'est 
donc  malgré  nous  que  nous  croyons.  On 
nous  fait  donc  violence  plutôt  que  d'exciter 


notre  volonté  ?  Gardez-vous  bien  de  penser 
que  vous   soyez  attirés  malgré   vous.  C'est 
votre  esprit  qui  est  attiré  par  l'amour.  Ainsi, 
nous  ne  devons  nullement  appréhender  la 
correction  que  nous  pourraient  l'aire,  au  sujet 
de  ces  paroles  du  Sauveur ,  certaines  per- 
sonnes qui,  ne  faisant  attention  qu'aux  ter- 
mes, sont  bien  éloignées  de  comprendre  les 
mystères  divins  qu'ils  renferment  ;  et  nous  ne 
devons  point  craindre  qu'elles  nous  disent  : 
Comment  pouvons-nous  croire  par  notre  vo- 
lonté ,  si  nous  sommes  attirées?  Car  je  ré- 
ponds h  ces  personnes  ;  Ce  n'est  point  assez  de 
dire  que  vous  êtes  attirées  par  votre  volonté  ; 
vous  l'êtes  encore  par  le  plaisir.  Qu'est-ce  qu'ê- 
tre attiré  par  le  plaisir  ?  Mettez  votre  plaisir 
dans  le  Seigneur,  dit  David,  et  il  vous  accordera 
ce  que  votive  cœur  demande.  Or,  s'il  a  été  per- 
mis au  Poète  de  dire  que  chacun  est  attiré 
par  son  plaisir,  non  par  nécessité ,  mais  par 
volupté  ,  non  par  contrainte,  mais  par  dé- 
lectation :   à  combien  plus  forte  raison  de- 
vons-nous dire  que  l'homme  est  attiré  à  Jé- 
sus-Christ lorsqu'il  fait  son  plaisir  de  la  vé- 
rité, de  la  béatitude,  de  la  justice,  de  la  vie 
éternelle;   ce    qui  n'est  autre   chose    que 
Jésus-Christ  ?  Est-ce  que  les  sens  du  corps 
auront  leurs  plaisirs,  et  que  l'esprit  n'aura 
pas  les  siens?  Si  cela  était  ainsi ,  que  vou- 
draient dire  ces  paroles  du  Prophète  :  Les 
enfants  des  hommes  espéreront  étant  à  couvert 
sous   vos  ailes;   ils  seront  enivrés    dans    l'a- 
bondance qui  est  dans  votre  maison,  et  vous  les 
ferez  boire  dans  le  torrent  de  vos  délices,  parce 
que  la  source  de  la  vie  est  dans  vous,  et  nous 


ïlog-  1'. 


tiœ  concedatis.  Putatis  quippe  isto  modo  auferri 
voluntatis  arbilriiim.  August.,  lib.  III  Oper.  im- 
perf.,  cap.  cxiv,  pag.  1097. 

1  Nemo  potest  venire  ad  nie,  nisi  Pater  qui  misit 
me  traxerit  eum;  magna  gratiœ  commendatio. 
Nemo  veniL  nisi  tractus.  Quem  Irahatet  quemnon 
trahat,  quare  illum  Irahat  et  ilium  non  tra,hal, 
noli  velle  judicare,  si  non  vis  errare.  Semel  ac- 
cipe  et  intellige  :nondum  traheris? Ora  ut  traha- 
ris.  Quid  hic  diciinus,  fratres?  Si  trahimur  ad 
Christum,  crgo  inviti  credimus  ,  ergo  violentia 
adhibctur,  non  voluntas  excitatur...  Nolite  cogi- 
tare  invilum  trahi  :  trahitur  anvimis  et  amore. 
iVec  timere  debemus,  ne  ab  hominibiis  qui  verba 
perpendunt  et  a  rébus  maxime  divinis  intelligen- 
dis  longe  renioti  sunt,  in  hoc  Scripturarwm  sanc- 
larum  evangelico  verbo  forsitan  reprehendaniiir 
et  dicatior  nobis  :  Quomodo  voluntate  credo,  si 
Irahor?  Ego  dico  :  Parum  est  voluntate,  etiam 
voluptate  traheris.  Quid  est  trahi  voluptale? 
Delectare  in  Domino  et  dabit  tibi  petitiones 
oordis  lui.   Est    quœdain   voluptas   cordis,   c»j 


panis  dulcis  est  ille  cœlestis.  Porro  si  Poetœ  dicere 
licuii  :  Trahit  sua  quemque  voluptas,  non  nécessi- 
tas, sed  voluptas,  non  obligatio  ,  sed  delectatio  : 
quanto  fortius  nos  dicere  debemus,  trahi  hominem 
ad  Christum,  qui  delectatur  veritate,  delectatur 
beatitndine,  delectatur  justitvt ,  delectatur  sempi- 
terna  vita,  quod  totmn  Christus  est?  Ànvero  ha- 
bent  corporis  sensus  voluptates  suas  et  animus 
deseritur  a  voluptatibus  suis ,  si  animus  nonliabct 
voluptates  suas?  Unde  dicitur  :  Filii  autem  liomi- 
uum  sub  tegmine  alarum  tuarum  .«perabunt,  ine- 
brialiunturab  ubertate  domus  tua;,  et  torrente  vo- 
luptatis  tua?  potabis  eos,  quoniam  apud  ,te  est 
fons  vitiB  et  in  lumine  tuo  videbimus  lumen.  Da 
amantem,  et  sentit  quod  dico.  Da  desiderantem, 
da  esurientem,  da  in  ista  solitudine  peregrinan- 
tem  atque  sitientcm  et  fontem  œternœ  patriœsus- 
pirantem  :  da  talem  et  scit  quid  dicam.  Si  autem 
frigido  loquor,  nescitquid  loquor.  Taies  erantisti 
qui  invicem  murmurabant  :  Pater,  inquit,  quem 
traxerit  veuit  ad  me.  August.,  Tract.  26  in  Joan., 
nura.  2,  pag.  494,  et  num,  4.  pas.  'rPS. 


[ir  ET  v=  siÉcxES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HEPPONE 

verrons  dans  votre  lumière  niCTne?  Donnez-moi 
lin  homme  qui  aime,  et  il  sentira  ce  que  je 
dis.  Donnez-moi  un  homme  qui  désire  les 
biens  éternels,  qui  en  soit  altéré,  qui  se  re- 


7M 


garde  comme  étranger  dans  le  désert  de 
cette  vie,  et  qui  soupire  avec  une  soif  ar- 
dente vers  la  fontaine  de  sa  patrie.  Donnez- 
moi  un  homme  tel  que  celui-là,  et  il  con- 
naîtra la  vérité  de  mes  paroles.  Mais  si  je 
parle  à  un  homme  froid  et  insensible,  il  ne 
saura  point  ce  que  je  veux  dire.  Tels  étaient 
ceux  qai  murmuraient  entr'eux  de  ce  dis- 
cours de  Notre-Seigneur,  qu'ils  ne  pouvaient 
comprendre  :  Celui  que  mon  Père  attire  vient 
à  moi.  Vous  montrez  '  à  une  brebis  une  bran- 
che verte  ,  et  vous  l'attirez  à  vous.  Vous 
montrez  des  noix  à  un  enfant,  et  vous  l'atti- 
rez. Il  est  attiré  où  il  court,  et  il  est  attiré 
par  amour.  Il  est  attiré  sans  qu'on  fasse  au- 
cune violence  à  son  corps  :  c'est  par  les 
liens  du  cœur  qu'il  est  attiré.  Si  donc  ces 
sortes  d'objets  montrés  parmi  les  délices  et 
les  plaisirs  de  la  terre  à  ceux  qui  les  aiment, 
les  attirent ,  qui  pourrait  n'être  pas  attiré  à 
Jésus-Christ  quand  le  Père  le  lui  fait  connaî- 
tre ?  Et  qu'est-ce  que  l'àme  désire  plus  ar- 
demment que  la  vérité  ?  Considérez  com- 
ment^ le  Père  céleste  nous  attire;  il  nous 
délecte  en  nous  enseignant,  sans  nous  im- 
poser de  nécessité.  Voilà  la  manière  dont  il 
nous  attire.  » 

Saint  Augustin  expliquant  encore  ailleurs 
ces  paroles  de  Jésus-Christ  :  Personne^  ne 
vient  à  moi,  si  mon  Père  qui  m'a  envoyé  ne 
l'attire,  remarque  que  Jésus-Christ  n'a  pas 
dit  :  Si  mon  Père  ne  le  conduit ,  mais  ne  l'at- 
tire. (1  Cette  violence,  dit-il,  s'exerce  sur  le 
cœur,  non  sur  la  chair.  Pourquoi  donc  êtes- 


vous  étonnés?  Croyez,  et  vous  venez.  Ai- 
mez, et  vous  êtes  attirés.  Ne  croyez  pas  que 
cette  violence  soit  dure  et  fâcheuse  ;  elle  est 
douce  et  agréable.  La  douceur  même  vous 
attire.  Une  brebis  n'est-elle  pas  attirée  lors- 
qu'elle a  faim,  et  qu'on  lui  montre  de  l'her- 
be ?  Cependant  elle  n'est  pas  poussée  avec 
la  main,  mais  par  les  liens  de  son  désir.  » 

Saint  Augustin  nous  fait  ordinairement 
envisager  la  grâce  comme  une  inspiration 
de  dilection,  comme  une  bénédiction  de  dou- 
ceur, comme  une  suavité,  et  comme  une  dé- 
lectation céleste  et  victorieuse.  «  L'inspira- 
tion de  dilection  *,  dit-il,  par  laquelle  nous 
faisons  par  un  saint  amour  ce  que  nous 
connaissons,  c'est  là  proprement  la  grâce  ; 
elle  est  cette  bénédiction  de  douceur  dont  il 
est  parlé  dans  le  Psaume  xx ,  qui  fait  que 
nous  trouvons  notre  plaisir,  et  que  nous  dé- 
sirons ,  c'est-à-dire  que  nous  aimons  ce  que 
Dieu  nous  commande.  S'il  ne  nous  prévient 
par  cette  grâce,  non-seulement  nous  n'ache- 
vons rien,  mais  nous  ne  commençons  rien 
de  nous-mêmes.  Car,  puisque  sans  Dieu 
nous  ne  pouvons  rien  faire,  nous  ne  pou- 
vons aussi  rien  commencer  ni  achever  sans 
lui ,  parce  qu'afîn  que  nous  commencions,  il 
est  dit  :  Sa  miséricorde  me  préviendi^a,  et  afin 
que  nous  achevions,  il  est  dit  :  Sa  miséri- 
corde vie  suivra.  Quand  l'âme  qui  vit  sous  la 
crainte  ^  n'a  pas  encore  vaincu  la  mauvaise 
concupiscence,  qu'elle  ait  recours  par  la  foi 
à  la  miséricorde  de  Dieu,  afin  qu'il,  lui  donne 
ce  qu'il  commande,. et  que  lui  inspirant  par 
le  Saint-Esprit  la  suavité  de  la  grâce,  il  fasse 
que  le  commandement  lui  plaise  plus  que 
ne  lui  plaît  ce  qui  l'empêche  de  l'accomphr: 
car"  celai-là  nous  délivre  de  la  nécessité  de 


ir. 
Psal.xxlt,6. 


*  Ramum  viridem  ostendis  ovi  et  trahis  illam, 
nitces  puero  demonstrantur  et  trahitur,  et  quo 
currit  trahitur,  amande  trahilur,  sine  lœsione 
corporis  trahitur,  cordis  vinculo  trahitur.  Si  ergo 
ista  quœ  inler  delicias  et  voluptales  terrenas  re- 
velantur  amantibus ,  trahunt  quoniam  verum 
est  :  Traliit  sua  qaemque  voluptas.  Non  trahit 
revelatus  Christus  a  Pâtre.  Quid  enim  fortins  de- 
siderat  anima  quam  veritatem?  August.,  Tract.  26 
in  Joan.,  num.  5,  pag.  496. 

2  Videte  quomodo  trahit  Pater,  docendo  délec- 
tât, non  necessitatem  imponendo.  Ecce  qnomodo 
trahit.  August.,  ihid.,  num.  7,  pag.  496. 

s  Nemo  venit  ad  me,  riisi  Pater  qui  misit  me 
traxerit  eum.  Non  dixit:  Duxerit,  sed  :  Traxerit  ;  ista 
violentia  cordi  fit,  non  carni.  Quid  ergo  miraris? 
Crede  et  venis  ;  ama  et  traheris;  ne  arbitreris  is- 
lam asperam  molestamque  violentiam,  dulds  est, 


suavis  est,  ipsa  suaA>itas  te  trahit:  nonne  ovis 
trahitur,  cum  esurienti  herba  inonstratur  ?  Et  puto 
quia  non  corpore  impellitur  sed  desiderio  colliga- 
tur.  August.,  Serm.  131,  cap.  ii,  num.  2,  pag.  641. 

''  Legem...  rolunt  fpelagianij  intelligi  gratiam. 
non  inspirationem  dilectionis,  ut,  cognita,  sancto 
aw.ore,  faciamus  quœ,  proprie  gratia  est.  August., 
lib.  IV  Contra  duas  Epistolas  Pelag.,  num.  H, 
pag.  474. 

^  Siib  quo  timoré  anima  laborans,  quando  con- 
cupiscentiam  malam  non  vicerit,  nec  timor  ille 
quasi  custos  severus  abscesserit,  per  fidem  confu- 
giat  ad  misericordiam  Dei  ut  det  quod  jubet,  at- 
qiie  inspirata  gratiœ  suavitale  per  Spiritum  Sanc- 
tibm  faciat  plus  delectare  quod  prœcipit  quam 
delectat  quod  impedit.  August.,  lib.  De  Spiritu  et 
litt.,  cap.  X.XIX,  num.  51,  pag.  114. 

^  Ab  hac  ergo  necessitate  servitutis  ille  libérât 


li~2 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


cette  servitude  du  péché ,  qui  nous  donne 
non  -  seulement  des  préceptes  par  la  loi , 
mais  qui  nous  donne  encore  la  charité 
par  le  Saint-Esprit,  afin  que  par  la  délecta- 
tion de  la  charité ,  nous  vainquions  la  délec- 
tation du  péché,  laquelle  sans  cela  demeu- 
rerait invincible  et  nous  tiendrait  dans  l'es- 
clavage. C'est  la  grâce  '  du  Saint-Esprit  qui 
nous  délivre  par  Notre-Seigneur  Jésus-Christ 
de  ce  qui  nous  rendait  coupables.  Cette 
grâce,  en  répandant  la  charité  dans  nos 
cœurs,  nous  donne  la  délectation  de  la  jus- 
tice, par  laquelle  on  réprime  les  dérègle- 
ments de  la  concupiscence.  » 

«  Nous  péchons  en  deux  manières  ^  :  l'une, 
en  ne  voyant  pas  encore  ce  que  nous  de- 
vons faire  ;  l'autre ,  en  ne  faisant  pas  ce  que 
nous  voyons  que  noas  devons  faire.  De  ces 
deux  défauts,  l'un  est  l'ignorance,  et  l'au- 
tre la  faiblesse.  Il  convient  que  nous  les 
combattions  l'un  et  l'autre  ;  mais  nous  som- 
mes certains  d'être  vaincus  si  nous  ne  som- 
mes aidés  de  Dieu,  non-seulement  afln  que 
nous  voyons  ce  qu'il  faut  faire;  mais  aussi 
afin  que  ,  la  santé  nous  étant  rendue ,  la 
délectation  de  la  justice  surmonte  en  nous 
les  délectations  des  choses,  qui,  par  le  désir 
que  nous  avons  de  les  posséder,  ou  par  la 
crainte  de  les  perdre,  nous  font  faire  le  mal 


que  nous  voyons  et  que  nous  connaissons. 
La  volonté  humaine  est  aidée  '  de  Dieu  pour 
accomplir  la  justice,  non-seulement  en  ce 
que  riiomme  a  été  créé  de  Dieu  avec  le  li- 
bre ai'bilre  ,  et  en  ce  qu'il  a  reçu  la  loi , 
qui  lui  apprend  comment  il  doit  vivre  ;  mais 
encore,  en  ce  qu'il  reçoit  le  Saint-Esprit, 
qui  opère  dans  son  âme  la  délectation  et  la 
dilection  de  ce  bien  souverain  et  immuable  , 
qui  est  Dieu  même.  Car  le  libre  arbitre  ne 
sert  de  rien  que  pour  pécher.  Quand  même 
on  connaîtrait  le  bien  qu'il  faut  faire,  et  où  il 
faut  tendre,  on  ne  le  ferait  point,  on  ne  l'en- 
trepreudrait  point,  si  l'on  n'y  trouvait  du  plai- 
sir et  si  on  ne  l'aimait.  Mais  afln  qu'on  l'aime , 
la  charité  est  répandue  dans  nos  cœurs,  non 
par  le  libre  arbitre  ,  mais  par  le  Saint-Esprit 
qui  nous  a  été  donné.  Comment  Dieu  *  nous 
délivre-t-il  de  nous-mêmes  ?  C'est  en  nous 
donnant  les  forces  de  combattre  nos  mau- 
vais désirs  ;  c'est  en  inspirant  la  vertu  ,  c'est 
en  répandant  dans  notre  cœur  une  délecta- 
tion céleste  ,  qui  nous  fait  surmonter  toutes 
les  délectations  terrestres.  » 

«  Chacun  de  nous  ^  quand  il  s'agit  de  com- 
mencer, de  continuer  ou  d'accomplir  quel- 
que bien,  tantôt  il  le  connaît  et  tantôt  il  ne 
le  connaît  pas  ;  tantôt  il  y  trouve  du  plaisir 
et  tantôt  il  n'y  en  trouve  point,   afin  qu'il 


qui  non  solum  dat  prœcepta  per  legem,  verum 
eiiani  donat  per  Spirilum  charitatem,  cujiis  de- 
lectatione  vinoatur  delectatio  peccati  ;  alioquin 
persévérât  invicta  et  servum  suum  tenet  :  a  quo 
enim  quis  devictus  est,  huic  et  serviis  addictus  est? 
August.,  lib.  1  Oper.  imperf.,  cap.  cvn,  pag.  937. 

>  Àb  hoc  reatu  grciviore  libérât  gratia  Spiritiis 
Sancti  per  Jesum  Christum  Dominum  nostrum, 
quce  diffusa  charitate  in  cordibus  nostris  donat 
justiliœ  deleclationem  qua  immoderatio  ooncttpis- 
ceiUiœ  superatur.  August.,  lib.  De  Fide  et  oper., 
uum.  43,  pag.  288. 

2  Duabus  et  causis  peccamus,  aiU  nondum  vi- 
dendo  quid  facere  debeanms ,  aut  non  faciendo 
quod  debere  fieri  jam  videmus;  quorum  duorwm 
illxid  ignorantiœ  malum  est ,  hoc  infirmitatis. 
Contra  quce  qiddem  jmgnare  nos  convenit  ;  sed 
profecto  vincimur,  nisi  divinitus  adjuvemur,  ut 
non  sohmi  videamus  quid  faciendum  sit,  sed  etiain, 
accedente  sanitate,  delectatio  justitiœ  vincat  in 
nobis  earum  rerum  delectationes  quas  vel  habere 
cupiendo,  vel  amittere  metuendo,  scientes  viden- 
lesque  peccamus.  Eiichirid.,  cap.  lxxxi,  num.  22, 
pag.  227. 

3  Nos  aiitem  dicimus  humanam  voluntatem  sic 
divinitus  aàjurari ad  faciendam  jnstitiam ut,  prœ- 
ter  quod  creatus  est  homo  cum  libero  arbilriovo- 
luntatis  prœtcrque  doctrinam  quœ  el  prœcipitur 
quemadmodum  rivcre  debeat,  accipiat  Spiritum 
Sctnctum  quo    fmt  in  animo  ejus  delectatio  dilec- 


tioque  summi  illius  atque  incommutabilis  boni 
quod  Deus  est...  Nam  neque  liberum  arbitrium 
quidquam  nisi  ad peccandum  valet,  si  lateat  veri- 
tatis  via  ;  et  cum  id  quod  agendum  et  quo  niten- 
dum  est  cœperit  non  latere  nisi  etiam  delectet  et 
amelur,  non  agitur,  nonsuscipilur,  non  bene  vi- 
vitur;  ut  autem  diligatur,  charitas  Dei  diffunditur 
in  cordibus  nostris  non  per  arbitrium  liberum 
quod  surgit  ex  nobis,  sed  per  Spiritum  Sanctiini 
qui  datus  est  nobis.  Angnst.,  Uh.  De  Spiritu  et  litt., 
cap.  irr,  num.  5,  pag.  87. 

'  Quomodo  te  a  te  libérât?...  Dando  tibi  vires  pu- 
gna/ndi  adDersus  concupiscenticis  tuas,  inspirando 
virtutem,  dando  menti  tuœ  cœlestem  deleclationem, 
qua  omnis  terrena  delectatio  superetur.  August., 
serm.  42  de  verbis  Isaiœ,  cap.  i,  num.  2,  pag. 
210. 

»  Ideo  quisque  nostrum  bonum  opus  suscipere, 
agere,  implere,  nunc  scit,  nuno  nescit,  nunc  delec- 
tat'ur,  nunc  non  delectatur,  ut  noverit  non  suce 
facultatis  sed  divini  muneris  esse  vel  quod  scit, 
vel  quod  delectatur,  ac  sic  ab  elationis  vanitate 
sanetur,  et  sciât  quam  vere  non  de  terra  ista  sed 
spirituatiter  dictum  sit  :  Domiuus  dabit  suavita- 
tem,  et  terra  nostra  dabit  fructum  suum.  Tanto 
autem  ma  gis  détectât  opus  bonum,  quanto  magis 
diligitur  Deus  summiom  atque  incommutabile  bo- 
num, et  auctor  qualiumcumque  bonorum  omnium. 
Aiigust.,  lib.  De  Peccat.  merit.  et  remis.,  num.  27, 
pag.  53. 


[iV"  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


713 


connaisse  que  ce  n'est  pas  par  ses  propres 
forces,  mais  par  la  grâce  de  Dieu  qu'il  con- 
naît le  bien,  ou  qu'il  y  trouve  du  plaisir,  et 
que  par  là  il  soit  guéri  de  toutes  enflures,  et 
qu'il  sache  que  ce  n'est  pas  de  cette  terre 
que  nous  voyons  ,  mais  de  la  terre  de  notre 
cœur  qu'il  a  été  dit  :  Le  Seigneur  répandra  sa 
douceur,  et  notre  terre  portera  son  fruit.  Or,  le 
bien  nous  plaît  d'autant  plus  que  nous  aimons 
davantage  Dieu,  qui  est  le  bien  souverain 
et  immuable,  et  l'unique  auteur  de  tous  les 
biens.  Comprenons,  si  nous  pouvons  ',  que 
Dieu,  qui  est  bon,  n'accorde  pas  quelquefois 
même  à  ses  saints  la  connaissance  certaine 
de  quelques  œuvres  de  justice ,  ou  la  dé- 
lectation victorieuse,  afin  qu'ils  sachent  que 
ce  n'est  pas  d'eux-mêmes,  mais  de  lui  que 
leur  vient  et  la  lumière  qui  éclaire  leurs  té- 
nèbres, et  la  douceur  qui  fait  porter  du  fruit 
à  la  terre  de  leur  cœur.  Quand  nous  deman- 
dons à  Dieu  le  secours  de  sa  grâce  pour 
faire  et  accomplir  la  justice,  que  lui  deman- 
dons-nous autre  chose,  sinon  qu'il  nous  dé- 
couvre ce  qui  nous  était  caché,  et  qu'il  nous 
fasse  trouver  doux  et  agréable  ce  qui  ne 
nous  déplaisait  pas,  parce  que  c'est  aussi 
cette  même  grâce  qui  nous  a  appris  à  lui 
demander  ce  qui  auparavant  nous  était  ca- 
ché, et  qui  nous  a  fait  aimer  ce  qui  aupara- 
vant ne  nous  plaisait  pas,  afin  que  celui  qui 
se  glorifie  ne  se  glorifie  que  dans  le  Sei- 
gneur. Quand  l'Apôtre  dit  que  les  fruits  ^  de 


l'esprit  sont  la  charité,  la  joie,  la  paix,  la  ^Gaïai. 
longanimité,  l'humanité,  la  bonté,  la  foi,  la 
douceur,  la  continence,  et  qu'il  ajoute  qu'il 
n'y  a  point  de  lois  contre  ceux  qui  vivent  de 
la  sorte,  il  nous  fait  entendre  que  ceux-là 
sont  sous  la  loi  en  qui  ces  fruits  de  l'esprit 
ne  régnent  point  ;  mais  ceux  en  qui  ils  ré- 
gnent usent  légitimement  de  la  loi,  parce 
qu'elle  ne  leur  est  pas  donnée  pour  les  rete- 
nir, leur  plus  grande  et  plus  forte  délecta- 
tion étant  la  justice.  Ils  régnent  donc,  ces 
fruits  spirituels,  dans  un  homme  en  qui  les 
péchés  ne  régnent  point.  Ils  régnent,  ces 
biens,  s'ils  lui  plaisent,  à  un  tel  point  qu'ils 
l'empêchent  de  consentir  aux  tentations  qui 
le  portent  au  péché.  Car  il  est  nécessaire 
que  nous  agissions  selon  ce  qui  nous  plaît 
le  plus.  Par  exemple,  une  femme  d'une  rare 
beauté  se  présente  à  nous  et  nous  excite 
à  la  délectation  de  l'impureté.  Mais  si  la 
beauté  intérieure  et  sincère  de  la  chasteté 
nous  délecte  davantage  par  la  grâce  qui  est 
dans  la  foi  en  Jésus-Christ ,  alors  nous  vi- 
vons et  nous  opérons  selon  cette  délectation 
intérieure,  de  sorte  que,  le  péché  ne  régnant 
plus  en  nous  pour  nous  faire  obéir  à  ses 
mauvais  désirs,  mais  la  justice  y  régnant 
par  la  charité,  nous  faisons  avec  une  grande 
délectation,  tout  ce  que  nous  connaissons 
par  elle  être  agréable  à  Dieu.  » 

Ce  que  dit  ici  saint  Augustin  qu'il  est'  né- 
cessaire  que   nous   agissions   selon   ce   qui 


'  Nos  quantum  concessnm  est  sapiamus  et  in- 
tettigamvs,  si  possumus,  Dominum  Deum  bonxim 
ideo,  etiam  sanclis  suis  aiicujns  operis  justi  ali- 
quando  non  tribuere  vel  certam  scientiam  vel  vic- 
tricem  delectationem,  ut  cognoscant  non  a  se  ip- 
sis,  sed  ab  illo  sibi  esse  lucem,  qua  illuminentur 
tenebrœ  eorum,  et  suavitatem  qua  det  fructum 
Simm  terra  eorum.  Cum  aiitem  ab  illoillius  adju- 
torium  deprecamur  ad  faciendam  perliciendam- 
que  justitiam,  quid  aliwd  deprecamur  quam  ut 
aperiat  quod  latebat,  et  suave  faciat  quod  non 
delectabat?  Quia  et  hoc  ab  illo  esse  deprecandum 
ejus  gratia  didicimus ,  dum  antea  laleret  ejus 
gralia  dilexim,us,  dum  antea  non  delectaret:  Ut 
qui  gloriatur  non  in  se,  sed  in  Domino  glorietur. 
August. ,  lib.  Il  De  Peccat.  merit.  et  remis., 
cap.  XIX,  num.  32  et  33,  pag.  57. 

2  Fruotus  aiitem  spiritus  est,  inquit,  charitas,  gau- 
dium,  pax,  longanimitas,  benignitas,  bonitas,  fides, 
mansuetudo,  contiuentia,  el  addidit:  Adversus  hu- 
jusmodi  non  est  lex ,  wi  intelligamus  illos  sub 
lege  positos,  in  quibus  ista  non  régnant.  Nam  in 
quibus  hœc  régnant,  ipsi  lege  légitime  utuntur, 
quia  non  est  illis  lex  ad  coercendum posita  :  major 
enim  et  prœpollentior  delectatio  eorum  justitia 
est...  régnant  ergo  spiritales  isti  fructus  in  ho- 


mine,  in  quo  peccata  non  régnant.  Régnant  aute-m 
ista  bona  si  tanlum  délectant  utipsa  teneant  ani- 
mum  in  tentationibus,  ne  in  pecc%li  consentionem 
ruât.  Quod  enim  amplius  nos  détectât,  secundum 
id  operemur  necesse  est  :  ut,  verbi  gralia,  occur- 
rit  forma  speciosœ  femince,  et  movet  ad  delecta- 
tionem fornicalionis ,  sed  si  plus  détectât  pulchri- 
tudo  illa  intima  et  sincera  species  castitatis,  per 
graliam  quœ  est  in  fidc.  Christi,  secundum  hanc 
vivUnus,  et  secundMm  hanc  operamur,  ut  non  ré- 
gnante in  nobis  peccato  ad  obediendum  desideriis 
ejus,  sed  régnante  justitia  per  charitatem  cumma- 
gna  delectatione  faciamus  quidquid  in  ea  Deo  pla- 
cere  cognoscimus.  August.,  Exposit.  in  Epist.  ad 
Galat.,  num.  49,  pag.  972,  tom.  III,  part.  2. 

3  Si  enim  nécessitas  nostra  illa  dicenda  est  quœ 
non  est  in  nostra  potestale,  sed  etiamsi  nolimus, 
effîcit  quod  potest,  sicut  est  nécessitas  mortis , 
manifestum  est  volwitates  nostras,  quibus  recte 
vel  perperam  vivitur,  sub  tali potestate  non  esse... 
Si  autem  definitur  esse  nécessitas,  secundum 
quam  dicimns,  necesse  esse,  ut  ita  sit  aliquid,  vel 
ita  fiât,  nescio  cur  eam  timeamus  ne  nobis  liber- 
tatem  auferat  voluntatis...  Sic  etiam  cum  dicimus, 
necesse  esse,  ut,  cum  volumus,  libero  velimus  ar- 
bitrio  ;  verum  procul  dubio  dicimus,  et  non  ideo 


714 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Force  de  la 
grâce. 


nous  plaît  le  plus,  ne  marque  point  une  né- 
cessité qui  détruise  la  liberté.  Il  distingue 
lui-même  diverses  sortes  de  nécessité.  «  Si 
l'on  entend,  dit-il,  par  nécessité  ce  qui  n'est 
pas  en  notre  pouvoir  et  qui  arrive  malgré 
nous,  comme  est  la  nécessité  de  la  mort ,  il 
est  évident  que  nos  volontés  ne  sont  point 
soumises  à  une  nécessité  de  cette  espèce. 
Mais  si  l'on  entend  cette  nécessité  selon  la- 
quelle nous  disons  qu'il  est  nécessaire  que 
cela  soit  ainsi,  ou  que  cela  se  fasse  ainsi , 
je  ne  vois  pas  pourquoi  nous  craignons 
qu'elle  nous  ôte  la  liberté  de  la  volonté. 
Ainsi  quand  nous  disons  qu'il  est  nécessaire 
que,  lorsque  nous  voulons,  nous  voulions  par 
notre  libre  arbitre,  nous  disons  certaine- 
ment vrai  ;  mais  nous  n'assujettissons  pas 
pour  cela  notre  libre  arbitre  à  une  nécessité 
qui  ôte  la  liberté.  » 

107.  Le  saint  Docteur  s'exprime  ainsi  sur 
la  force  de  la  grâce  :  «  Il  est  certain  '  que 
nous  voulons  quand  nous  voulons  ;  mais  ce- 
lui-là fait  que  nous  voulions  le  bien  dont  il 
a  été  dit  :  La  volonté  est  préparée  par  le  Sel- 
cjnenr.  Il  est  certain  que  nous  faisons  quand 
nous  faisons  ;  mais  celui  qui  fait  que  nous 
faisons  en  donnant  des  forces  très-efficaces 
à  la  volonté,  c'est  celui  qui  a  dit  :  Je  ferai 
que  vous  marcherez  dans  la  voie  de  mes  com- 
mandements, que  vous  les  observerez  et  que  vous 
ferez.  Quand  il  dit  :  Je  ferai  que  vous  ferez, 


que  dit-il  autre  cbose  sinon  :  Je  vous  ôterai  ce 
cœur  de  pierre,  d'où  venait  que  vous  ne  fai- 
siez pas,  et  je  vous  en  donnerai  un  de  chair, 
qui  fera  que  vous  ferez.  Dieu',  sans  aucune 
jussion  qui  retentisse  au-dehors ,  mais  par 
une  inspiration  secrète,  prépare  et  excite  les 
volontés  des  hommes  pour  accomplir  très- 
efficacement  ce  qu'il  veut.  Avant  que  la 
reine  ^  Estber  eût  parlé  au  roi  Assuérus, 
Dieu  changea  le  cœur  de  ce  prince  par  une 
puissance  très-secrète  et  très-efficace,  et  le 
fit  passer  de  l'indignation  à  la  douceur,  c'est- 
à-dire  de  la  volonté  de  nuire  à  la  volonté  de 
le  rendre  favorable ,  selon  cette  parole  de 
l'Apôtre  :  Dieu  opère  en  nous  le  vouloir  et  le 
faire.  Afin  que  Saul  '•  fut  appelé  du  ciel,  et 
qu'il  fût  converti  par  une  vocation  si  grande 
et  si  efficace,  la  grâce  de  Dieu  était  seule  ; 
parce  qu'il  avait  de  grands  mérites ,  mais 
mauvais.  Par  quels '^  mérites,  en  effet.  Dieu 
l'a-t-il  converti  du  mal  au  bien  par  une  vo- 
cation si  admirable  et  si  subite?  Que  dis-je 
par  quels  mérites?  puisque  cet  apôtre  a  dit 
depuis  sa  conversion  :  Dieu  nous  a  sauvés,  non 
à  cause  des  œuvres  de  justice  que  nous  eussions 
faites,  mais  à  cause  de  sa  miséricorde.  Dieu 
peut  corriger^  celui  qu'il  veut,  encore  que 
personne  ne  le  reprenne,  et  le  conduire  à  la 
douleur  salutaire  de  la  pénitence  par  la 
puissance  très-secrète  et  très-puissante  de 
sa  médecine.  Cette  grâce''  que  Dieu  par  sa 


ipsum  liberum  arbilrium  necessitati  subjicimus 
quœ  adimit  libertalem.  August.,  lib.  V  De  Civit. 
Dei,  cap.  s,  num.  i,  pag.  124  et  125. 

1  Certum  est  nos  velle,  cwn  volumus ;  sed  ille 
facit  ut  velimus  bonum,  de  quo  dictum  est  quod 
paulo  ante  posui:  Praeparatur  voluntas  a  Domino, 
de  quo  dictum  est  :  A  Domino  gressus  liominis  di- 
rigentur,  et  viam  ejus  volet,  de  quo  dictum  est  : 
Deus  est  qui  operatur  in  nobis  et  velle.  Certum 
est  nos  facere  cumfacimus,  sed  ille  facit  ut  facia- 
muis,  prœbendo  vires  efficacissimas  voluntali,  qui 
dixit  :  Faciam  ut  in  justificationibus  meis  ambu- 
letis  el  judicia  mea  observetis  et  faciatis.  Cuin  di- 
cit  :  Faciam  ut  faciatis,  quid  atiud  dicit,  nisi  :  Au- 
ferani  a  vobis  cor  lapideum  ,  unde  non  faciebalis, 
et  dabo  vobis  cor  carueum,  unde  faciatis  ?  August, 
lib.  De  Grat.  et  libero  arb.,  cap.  svr,  num.  32,  pag. 
734  et  735. 

2  Cur  ergonoticonfiteris  (Juliane)  sine  uUaforin- 
secus  sonanle  jussione  Deum  occulta  instinctu  ad 
quod  voiuerit  efficacissiine  implendum  prœparare 
atque excilare hominumvolimiates ? Angust.ylih.  III 
Oper.  imperf.,  cap.  clxvi,  pag.  1115. 

3  Àntequam  mulieris  sermoneni'  poscentis  au- 
disset,  occuUissima  el  efflcacissima  potestale  con- 
vertit, et  translulit  ab  indignatione  ad  lenitaiem, 
hoc  est,  a  voluntate  lœdendi  ad  volunlatein  fuvcn- 


di  secundum  illud  Apostoli  :  Deus  operatur  iu  vo- 
bis et  velle  et  operari  pro  bona  voluntate.  August., 
lib.  I  Contra  duas  Epist.  Pelag.,  cap.  xs,  num.  38, 
pag.  428. 

*  Ut  aiUeni  de  cœlo  vocaretur  et  tam  magna 
et  efflcacissima  vocatione  converteretur,  gratia  Dei 
eratsola;  quia mérita  ejus  erant  magna,  sed  mala. 
August.,  lib.  De  Grat.  et  lib.  arb.,  num.  12,  pag.  724. 

s  Quibus  meritis  bonœ  voluntatis  Deus  illum  ab 
his  malis  ad  bona,  mirabili  repentina  vocatione 
convertit?  Quid  ergo  dicam,  quib^is  meritis,  cum 
ipse  clamet  :  Non  ex  operibus  justitiœ  quœ  nos  fe- 
cimus,  sed  secundum  suam  misericordiam  salvos 
nos  fecit,  August.,  lib.  1  ConLra  duas  Epist.  Pelag., 
cap.  XIX,  num.  37,  pag.  427. 

6  Quanivis  non  negetur  Deus  passe,  quem  vclit, 
etiam  nullo  homine  corripiente,  corrigere,  el  ad 
dolorem salubrem  pœnilentiœ  occuUissima  elpo- 
tentissima  medicinœ  suœ  potestate  pcrducere.  Au- 
gust., lib.  De  Corrept.  et  grat.,  cap.  v,  num.  S, 
pag.  753. 

'  Hœc  itaque  gratia  quœ  occulte  humanis 
cordibus  divina  largitate  Iribuitur  a  nullo  duro 
corde  respuitur.  Ideo  quippe  tribuitur,  ut  cordis 
duritia  primilus  auferatur.  August.,  lib.  De  Prœd. 
sanct.,  cap.  viii,  num.  13,  pag.  799. 


[lV°  ET  V°  SIÈCLES.] 

libéralité  répand  secrètement  dans  les  cœurs 
des  hommes,  n'est  rejetée  d'aucun  cœur, 
quelque  dur  qu'il  soit,  puisqu'elle  n'est  don- 
née que  pour  ôter  premièrement  la  dureté 
du  cœ-ur.  Il  a  été  '  pourvu  à  l'infirmilé  de  la 
volonté  humaine,  afin  que  par  la  grâce  di- 
vine elle  fût  poussée  indéclinablement  et 
insurmontablement,  et  qu'ainsi,  quelque  fai- 
ble qu'elle  fût,  elle  ne  défaillît  point,  et  ne 
fût  point  vaincue  par  quelque  adversité.  Il 
est  vrai  que  Dieu  a  laissé  le  premier  homme 
dans  la  liberté,  lorsqu'il  était  très-fort,  et  lui 
a  permis  de  faire  ce  qu'il  voulait.  Mais  pour 
les  hommes  qui  sont  faibles  (depuis  le  péché 
d'Adam),  il  leur  a  réservé  le  don  (de  sa 
grâce)  par  lequel  ils  veulent  le  bien  très-in- 
vinciblement, et  ne  veulent  pas  très-invinci- 
blement l'abandonner.  » 

Saint  Paul  dit  dans  l'Épître  aux  Romains 
que  tous  ceux  qui  sont  poussés  par  l'esprit  de 
Dieu  sont  enfants  de  Dieu,  Rom.  viii,  14.  Saint 
Augustin  remarque  sur  ce  passage  que  ^  l'on 
ne  peut  douter  que  ce  ne  soit  quelque  chose 
de  plus  d'être  poussé,  que  d'être  conduit: 
«  Car,  dit-il ,  celui  qui  est  conduit  fait  quel- 
que chose,   et  il  est  conduit  de  Diea,  afin 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


7IS 


qu'il  fasse  bien.  Mais  celui  qui  est  poussé,  à 
peine  peut-on  concevoir  qu'il  fasse  quelque 
chose.  Cependant  la  grâce  du  Sauveur  a  tant 
de  pouvoir  sur  nos  volontés,  que  l'Apôtre  ne 
craint  point  de  dire  que  tous  ceux  qui  sont 
poussés  par  l'esprit  de  Dieu,  sont  enfants  de 
Dieu.  Et  notre  volonté  qui  demeure  toujours 
libre,  ne  peut  rien  faire  de  mieux  en  nous 
que  de  s'abondonner,  pour  être  poussée,  à  ce- 
lui qui  ne  peut  rien  faire  de  mal.  Quand  elle 
aura  fait  cela,  c'est-à-dire  qu'elle  se  sera 
abandonnée  à  Dieu  pour  être  poussée  , 
qu'elle  ne  doute  point  qu'en  cela  même, 
elle  n'ait  été  aidée  par  celui  à  qui  le  Psal- 
miste  dit  :  Votre  misériœrde,  mon  Dieu,  me  ps«i,  lviu. 
préviendra.  » 

108.  «  Lorsque  Dieu  veut  sauver  un 
homme  ',  dit  le  saint  Docteur,  nul  libre  arbi- 
tre de  l'homme  ne  résiste  :  car  il  est  telle- 
ment en  la  puissance  de  l'homme  qui  veut 
ou  qui  ne  veut  pas,  de  vouloir  ou  de  ne  pas 
vouloir  qu'il  n'empêche  point  la  volonté  de 
Dieu,  ni  ne  surmonte  sa  puissance  ,  parce 
qu'il  fait  ce  qu'il  veut  de  ceux  qui  font  ce 
qu'il  ne  veut  pas.  Il  est  donc  indubitable  '*, 
que  les  volontés  humaines  ne  peuvent  résis- 


Pouvoir  de 
DIou  sur  la 
volonté  des 
horQmeSt 


'  Stbbventum  est  igiiur  inlirmitati  voluniatis 
humance,  ut  divina  gratia  indeclinabiliter  et  in- 
superabiliter  ageretur,  et  ideo,  quamvis  infirma, 
non  tamen  deficeret,  neque  adversitate  aliqua  vin- 
ceretiir..  Fortissimo  quippe  dimisit  atque  pei'mi- 
sit  facere  quod  vellet  :  infirmis  servavit,  ut  ipso 
hoc  donante  inviciissime  quod  bonum  est  vellerit, 
et  hoc  deserere  invictissime  nollent.  August.,  lib.  I 
De  Corrept.  et  grat.,  iium.  38,  pag.  771. 

'  Nom  procul  dubio  plus  est  agi,  quam  ré- 
gi :  qui  enim  regitur,  aliquid  agit  ;  et  a  Deo  re- 
gitur,  ut  recte  agat;  qui  autem  agitur,  agere 
aliquid  ipse  vix  intelligitur  :  et  tamen  tantum 
prœstat  voluntatibus  nostris  gratia  Salvatoris, 
ut  non  dubitet  Àpostolus  dicere:  Quotquot  Spiritu 
Dei  aguntur,  lii  fiUi  sunt  Dei.  Nec  aliquid  in  no- 
bis  libéra  volunlas  melius  potest  agere,  quam  ut 
illi  se  agendam  commendel,  qui  maie  agere  non 
potest;  et  hoc  cum  fecerit,  ab  illo  se  ut  faceret, 
adjutam  esse  non  dubitet,  oui  dicitur  in  Psalmo  : 
Deus  meus,  misericordia  ejus  praîveniet  me.  Au- 
gust., lib.  De  Gestis  Pelag.,  num.  5,  jjag.  174. 

■^  Cui  volenti  salvum  facere  nullum  hominum 
resistit  arbitrium:  sic  enim  velle  seunolle  in  vo- 
lentis  aut  nolentis  est  potestate,  ut  divinam  vo- 
luntatem  non  impediat,  nec  superet  potestatem. 
Etiam  de  his  enim  qui  faciunt  quœ  non  vult,  fa- 
cit  ipse  quœ  vult.  August.,  lib.  De  Corrept.  et 
grat.,  cap.  xiv,  num.  43,  pag.  774. 

*  Non  est  itaque  dubitandum  voluntati  Dei,  qui 
in  cœlo  et  in  terra  omnia  quéecumque  voluit  fecit, 
et  qui  etiam  illa,  quaî  futura  sunt  fecit,  humanas 
vohontates  non  posse  resistere  quominus  facial 


ipse  quod  vult:  quando  qtndem  etiam  de  ipsis  ho- 
minum  voluntatibus,  quod  vu  II,  cum  vult,  facit. 
Nisi  forte  fut  ex  multis  aliqua  commemorem) 
quando  Deus  voluit  Sauli  regnum  dare,  sic  erul 
in  potestate  Israelitarum  subdere  se  memorato 
viro,  sive  non  subdere,  quod  utique  in  eorum  erat 
positum  voluntate,  ut  etiam  Deo  valerent  resis- 
tere. 

Qui  tamen  hoc  non  fecit,  nisi  per  istorum  ho- 
minum voluntates,  sine  dubio  habens  humano- 
rum  cordium  quo  placeret  inclinandorum  omni- 
potentissimam  potestatem.  Sic  enim  scriptum  est: 
Et  dimisit  Samuel  populum  et  abiit  unusquisque 
in  locum  suum  :  et  Saul  abiit  in  domum  suam  in 
Gabaa;  et  abierunt  potentes,  quorum  tetigit  Domi- 
nus  corda,  cum  Saule,  et  filii  pestilentes  diserunt: 
Quis  salvabit  nos?  Hic?  et  inlionoraverunt  eum 
et  non  attulerunt  ei  munera.  Nimquid  aliquid  dic- 
turus  est  non  iturum  fuisse  cum  Saule  quemquam 
eorum,  quorum  tetigit  corda  Dominus,  ut  irent 
cum  illo;  aut  isse  aliquem pestilentium,  quorum, 
ut  hoc  facerent,  corda  non  tetigit?  Item  de  David, 
quem  Dominus  in  regnum  successu  prosperiore 
constituit,  ita  legitur  :  Et  ambulabat  David  profi- 
ciens  et  magnificabatur  et  Dominus  erat  cum  illo. 
HOC  câim  prœmissum  fuisset,  païUo  post  dictum 
est  :  Et  Spiritus  induit  Amasai  principem  triginta , 
et  dixit;  Tui  sumus,  o  David,  et  tecum  futnri,  flli 
Jesse,  pax,  pax  tibi,  et  pax  adjutoribus  tuis  quia 
auxiliatus  est  tibi  Deus.  Nunquid  iste  posset  ad- 
versari  voluntati  Dei,  et  non  potius  ejus  facere 
voluntatem,  qui  in  ejus  corde  operatus  est  per  spi- 
ritum  suum  quo  indutus  est  ut  hoc  vellet,  dicerel 


716 


HISTOmE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Psal.csxxiv, 
6,  et  Is.ii,  XLV, 


ILid.  iir,ld 


ter  à  la  volonté  de  Dieu,  qui  a  fait  tout  ce 
qu'il  a  voulu  dans  le  ciel  et  dans  la  terre,  et  qui 
a  déjà  fait  même  les  choses  qui  sont  à  venir  ; 
les  volontés  des  hommes  ne  pouvant  l'em- 
pêcher  de  faire  ce  qu'il  veut ,  puisqu'il  fait 
d'elles-mêmes  ce  qu'il  veut  et  quand  il  veut  ; 
si  ce  n'est  peut-être  que  lorsque  Dieu  voulut 
donner  le  royaume  à  Saiil,  il  était  tellement 
en  la  puissance  des  Israélites  de  se  soumet- 
Ire  à  ce  roi ,  ou  de  ne  s'y  pas  soumettre, 
qu'ils  pussent  même  résister  à  Dieu.  C'est  là 
an  exemple  entre  autres  de  la  résistance 
que  les  hommes  peuvent  apporter  à  la  vo- 
lonté de  Dieu.  Cependant  Dieu  n'étabht  Saiil 
dans  le  royaume  que  par  les  volontés  de  ces 
mêmes  hommes,  ayant  indubitablement  une 
puissance  toute  puissante  de  remuer  les 
cœurs  et  de  les  porter  où  il  lui  plaît,  car  il 
est  écrit  :  Samuel  laissa  le  peuple  ,  et  chacun 
s'en  alla  chez  soi;  et  Saïd  se  retira  en  sa  mai- 
son à  Gabaa  ;  et  les  grands,  dont  Dieu  avait 
touché  les  cœurs,  s'en  allèrent  avec  Saûl  :  mais 
les  méchants  dirent:  Celui-ci  nous  sauvera-t-il? 
et  ils  le  méprisèrent,  et  ne  lui  offrirent  point 
de  présents.  Dira-t-on  que  quelqu'un  de  ceux 
dont  Dieu  avait  touché  les  cœurs  pour  les 
faire  aller  avec  Saûl,  n'alla  point  avec  lui , 
ou  que  quelqu'un  de  ces  méchants  dont  Dieu 
n'avait  point  touché  les  cœurs  pour  lui  faire 
opérer  cette  action,  y  soit  allé?  Nous  lisons 
aussi  de  David  que  Dieu  l'établit  dans  le 
royaume  avec  un  si  heureux  succès,  qu'il 
allait  tous  les  jours  en  augmentant^  qu'il  s'é- 
levait déplus  en  plus  en  réputation  et  en  gloire 
et  que  le  Seigneur  était  avec  lui,  et  ensuite  : 
L'Esprit  de  Dieu  remplit  Amasaï  qui  était  un 
des  trente  princes,  et  il  dit  :  Nous  sommes  à 
vous,  David,  et  nous  serons  avec  vous,  fils  de 
Jessé.  La  paix  soit  avec  vous  et  avec  ceux  qui 
vous  assistent,  parce  que  le  Seigneur  vous  a  se- 
couru. .  Celui-là  pourrait-il  résister"  à  la  vo- 


lonté de  Dieu,  et  faire  autre  chose  que  la 
volonté  de  celui  qui  avait  fait,  dans  son  cœur 
par  l'esprit  dont  il  l'avait  rempli,  qu'il  vou- 
lait, disait  et  faisait  ces  choses?  L'Écriture  dit 
au  même  endroit  :  Tous  ces  hommes  de  guerre 
vinrent  en  Hébron  avec  un  esprit  d'amour  et 
de  paix ,  afin  d'établir  David  roi  sur  tout 
Israël.  Sans  doute  ce  fut  volontairement 
qu'ils  établirent  David  pour  régner  sur  eux. 
Qui  ne  le  voit?  Qui  le  peut  nier?  Car  ils  fai- 
saient cela  de  cœur  et  d'affection,  et  par 
une  bonne  volonté  ,  avec  un  esprit  d'amoui' 
et  de  paix.  Néanmoins  ce  fut  celui  cfui  fait 
ce  qu'il  veut  dans  les  cœurs  des  hommes  , 
qui  forma  ce  respect  en  eux.  D'où  vient  que 
l'Écriture  dit  auparavant  que  David  allait 
toujours  croissant,  qu'î7  s'élevait  de  plus  en  plus 
en  réputation  et  en  estime  ,  et  que  le  Seigneur 
tout-puissant  était  avec  lui?  Et  c'est  ainsi  que 
le  Seigneur  tout-puissant  qui  était  avec  lui, 
avait  amené  ces  gens  pour  l'établir  roi.  Com- 
ment les  lui  amena-t-il  ?  Les  lia-t-il  avec  des 
chaînes  sensibles  et  matérielles?  Il  agit  au- 
dedans  de  leur  esprit,  il  prit  leurs  cœurs,  il 
leur  remua  leurs  cœurs ,  il  les  attira  par  leur 
propre  volonté,  qu'il  avait  produite  en  eux.  Si 
donc  Dieu  veut  établir  les  rois  sur  la  terre,  il  a 
plus  en  sa  puissance  les  volontés  des  hommes, 
qu'eux-  mêmes  n'ont  leurs  propres  volontés 
en  leur  pouvoir  ;  quel  autre  que  Dieu  fait  que 
les  avertissements  sont  utiles  à  celui  à  qui  on 
les  donne  ,  et  qu'il  se  convertit  dans  le  cœur  , 
afin  d'être  établi  dans  le  royaume  céleste?» 
109.  Cependant  les  prêtres  de  Marseille', 
soutenaient  que  les  passages  de  l'Écriture 
tirés  de  l'histoire  de  Saiil  et  de  David,  ne 
prouvaient  rien,  et  qu'on  n'en  pouvait  rien 
conclure  touchant  les  exhortations  et  les  cor- 
rections. «  Mais  c'est  mal  à  propos,  répond 
saint  Augustin,  qu'ils  -  prétendent  éluder  ce 
que  j'ai  fait  voir  par  des  preuves  prises  du  li- 


ée faceret?  Item  paulo  post  ait  eadem  Scriptura: 
Omnes  hi  viri  bellatores,  dirigentes  aciem  eonle 
pacifîeo  venerunt  in  Hebron,  ut  constituèrent  David 
super  omnem  Israël.  Sua  volunlate  utique  isti 
constituerunt  regem  David.  Quis  non  videat  ?  quis 
hoc  neget  ?  non  enim  hoc  non  ex  anima,  ant  non 
ex  bona  volunlate  fecerunt,  quod  fecerunt  corde 
P'icifico  :  et  lam.en  hoc  ineis  egit,  qui  in  cordibus 
homimun  quod  voluerit  operatur.  Propter  quod 
prœmisit  Scriplura  :  Et  ambulabat  David  profl- 
ciens,  et  magnifioabatur,  et  Dominus  omnipoteus 
erat  cum  illo.  Àc  per  hoc  Dominus  omnipotem  qui 
erat  cum  illo,  adduxit  istos  ut  eum.  regem  cons- 
liluerent.  Et  quomodo  adduxit  ?  nunquid  corpo- 
ralibus  ullis  rinculis  alligavit?  intus  egit.  corda 


tenuit,  corda  movit,  eosque  voluntatibus  eorum, 
quasipse  inillis  operatus  est,  traxit.  Si  ergocum 
voluerit  reges  in  terra  Deus  conslituere,  magis 
habet  in  potestate  voluntates  hominum  quam  ipsi 
suas,  quis  alitis  facit  ut  salubris  sit  correplio, 
et  fiat  in  correpti  corde  correctio  ut  cœlesti  con- 
stiluatur  in  regno  ?  Angnsl.,  lib.  De  Corrept.  et 
grat.,  cap.  xiv,  mim.  45,  pag.  774  et  775. 

'  Tcstimonia  etiam  Scripturœ  quœ  de  Saule  vel 
David  posuisti  non  pertinere  putant  ad  quœstio- 
nem  quœ  de  exhorta tione  versatur.  Hilar.,  Epist. 
227,  num.  7,  pag.  828,  tom.  I[. 

-  Frustra  itaque  eliam  illud  quod  Regnorum 
et  Pnralipomenon  Scriptura  teste  probavimus 
cum  Deus  vult  fieri  quod  non  nisi  volentihus  ho- 


[iV"  ET  V"  SIÈCLES.] 

vre  des  Rois  et  des  Paralipomènes,  que  quand 
]a  volonté  des*hommes  est  nécessaire  pour 
l'accomplissement  de  ce  que  Dieu  a  résolu,  il 
fait  qu'elle  se  porte  où  il  lai  plaît,  que  c'est  lui 
qui  opère  en  nous  le  vouloir  d'une  manière 
admirable  et  inetïable.  Car  de  répondre  en 
l'air  que  ces  exemples  ne  font  rien  au  sujet 
que  nous  traitons ,  n'est-ce  pas  proprement 
ce  qu'on  appelle  contredii-e  sans  avoir  rien  à 
dire  et  sans  payer  de  raison?  Si  ce  n'est  peut- 
être  qu'ils  veulent  dire  qu'ils  ne  s'agissait  que 
d'élever  Saille  t  David  à  la  royauté,  lorsque 
Dieu,  comme  j'ai  fait  voir,  agissant  dans  les 
cœurs,  tourna  la  volonté  de  ceux  qu'il  lui 
plut,  selon  qu'il  était  nécessaire  pour  cette 
fin  ,  mais  que  ces  exemples  ne  font  rien  à  la 
question,  parce  qu'il  s'agit  duroyaume  du  ciel 
et  non  pas  de  l'établissement  d'un  royaume 
temporel.  Ainsi  leur  pensée  serait  que  ce 
n'est  qu'en  ce  qui  regarde  les  royaumes  de 
la  terre,  mais  non  pas  quand  il  s'agit  de  faire 
acquérir  aux  hommes  celui  du  ciel,  que  Dieu 
dispose  des  volontés  de  qui  il  lui  plaît.  Je  crois 
néanmoins  qu'il  est  question  du  royaume 
du  ciel  et  non  pas  d'un  royaume  temporel, 
lorsqu'il  est  dit  :  Seigneur,  faites  pencher  mon 
cœur  vers  les  témoignages  de  votre  loi  ;  lors- 
qu'il est  dit  :  C'est  le  Seigneur  qui  prépare  la 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


717 


volonté;  lorsqu'il  est  dit  :  Que  le  Seigneur 
soit  avec  nous  comme  il  a  été  avec  nos  pères , 
qu'il  ne  nous  abandonne  point ,  et  qu'il  ne  nous 
éloigne  point  de  lui  ;  mais  qu'il  incline  nos 
cœurs  vers  lui,  afin  que  nous  marchions  dans 
toutes  ses  voies.  Qu'ils  reconnaissent  par  ces 
passages  et  par  une  infinité  d'autres  que  je 
pourrais  rapporter ,  que  c'est  Dieu  qui  pré- 
pare et  qui  convertit  les  volontés  des  hom- 
mes dans  ce  qui  regarde  le  royaume  du  ciel 
et  la  vie  éternefie  ,  de  même  que  quand  il 
s'agit  d'établir  les  royaumes  de  la  terre. 
Quelle  absurdité  serait-ce  de  dire  que  c'est 
Dieu  qui  dispose  alors  les  vo.lontés  des  hom- 
mes ,  mais  que  les  hommes  disposent  d'eux- 
mêmes  dans  ce  qu'ils  font  pour  acquérir  le 
royaume  du  ciel.  » 

110.  Julien  le  pélagien,  pour  montrer  que 
la  volonté  de  Dieu  est  empêchée  par  la  vo- 
lonté humaine,  citait 'les paroles  de  Jésus- 
Christ  :  Jérusalem,  Jérusalem,  combien  de  fois 
ai-je  voulu  rassembler  tes  enfants  comme  une 
poule  rassemble  ses  petits  sous  ses  ailes,  et  tu 
ne  l'as  pas  voulu  ?  a  II  faut  vous  le  ^  pardon- 
ner, lui  répond  saint  Augustin,  si  étant 
homme  vous  vous  trompez  dans  une  chose 
aussi  cachée.  A  Dieu  ne  plaise  que  l'inten- 
tion  du  Tout-Puissant,   cjui   connaît   toutes 


m   Kcf. 


Suito  des 
oljcctinnstou- 
cLanl  le  pou- 
voir de  Dipu 
sur  la  voloQté 
des  liommos. 

M;itlh.  XXIII, 


minibus  oportet  fieri,  inclinari  eorum  corda  ut 
hoc  vellent,  eo  scilicet  inclinante  qià  in  nobis  mi- 
rabili  modo  et  ineffabili  operatur  et  velle,  ad 
causam  de  qua  disservmus,  non  pertinere  dixe- 
runt,  quid  est  aliud,  nihil  dicere  et  tamen  con- 
tradicere...  An  forte  quia  oslendimus  hoc  Dexim 
egisse  in  cordibus  hominum  et  ad  hoc  perduxisse 
quorum  ei  placuit  volunlates,  ut  rex  constituere- 
tur  Saul  sive  David,  ideo  hœc  exempta  causœ 
huic  convenire  non  putant,  quoniam  non  hoc  est 
temporaliter  regnare  in  hoc  sœculo,  quod  est  in 
œternum  regnare  cum  Deo  :  ac  per  hoc  existi- 
mant  ad  régna  terrena  facienda  Deum  inclinare, 
ad  regnum  vero  cœleste  obiinendum  Deum  non 
inclinare  quorum  volueril  volunlates?  Sed  puto 
propler  regnum  cœlorum  non  propter  regnum 
terrenum  esse  dictum:  Inclina  cor  meum  in  tes- 
timonia  tua;  vel:  A  Domino  gressus  hominis  diri- 
gentur,  et  viam  ejus  volet;  vel;  Paratur  voluutas 
a  Domino  ;  vel:  Fiat  Dominus  noster  nobiscum,  si- 
cut  erat  cum  patribus  nostris  :  non  derelinquat  nos, 
nec  avertat  nos  a  se;  inclinât  corda  nostva  ad  se, 
ut  eamus  in  omnibus  viis  ejus  ;  vel  :  Dabo  eis  cor 
aliud,  et  spiritum  novum  dabo  eis.  Àudiant  etiam 
illud  :  Spiritum  meum  dabo  in  vobis,  et  faciam  ut 
in  justificationibus  meis  ambuletis  ,  et  Judicia  mea 
observetis  et  faciatis.  Audiant  :  A  Domino  diriguntur 
gressus  viri,  mortalis  autem  quomodo  intelligit  vias 
suas?  Audiant:  Omnis  vir  videtur  sibimetipsi  jus- 
tus,  dirigit  autem  corda  Dominus.  Audiant  :  Cre- 
didei'unt  quotquot  eraut  ordinati   in  vitam  œter- 


uam.  Audiant  hœc,  et  alia  quœcumque  non  dixi, 
quibus  ostenditiir  Deus  ad  regnum  etiam  cœlo- 
rum et  ad  vitam  œlernam  parare  et  convertere 
hominum  volunlates.  Cogitate  autem  quale  sit, 
ut  credamus  ad  constituenda  régna  terrena  ho- 
minum volunlates  operari  Deum,  et  ad  capessen- 
dum  regnum  cœlorum  homines  operari  volunla- 
tes suas.  August.,  De  Prœd.  sanct. ,  cap.  xx, 
num.  42,  pag.  817  et  818. 

'  Alque  omnibus  vehementius  quod  dixit  (Chris- 
tus)  intentionem  suam  humana  voluntate  impe- 
ditam  fuisse  :  Jérusalem ,  inquit ,  quoties  volui 
congregare  filios  tuos,  sicut  gallina  pullos  suos  sub 
alas  suas  et  noluisti?  post  quod  non  sequit^ir  :  Sed 
te  nolente  colligi,  verum:  Relinquetur  vobis  domus 
vestra  déserta  ;  ut  illos  ostendat  pro  malo  quidem 
opère  jure  puniri,  sed  ab  intentione  propria  non 
debuisse  ulla  necessitate  revocari.  Julian.,  apud 
August.  Oper.  imper f.,  cap.  xcm,  pag.  926. 

^  Ignoscendum  est,  quia  in  re  multum  abdita 
ut  homo  falleris  :  absit,  ut  impediatur  ab  honiine 
Omnipotentis  et  cuncta  prœscientis  intentio.  Pa- 
rum  de  re  tanta  cogitant  vel  ei  excogitandœ  non 
sufjlciunt,  qui  putant  Deum  omnipotentem  aliqind 
velle,  et  homine  infirma  impediente,  non  posse.  Si- 
cut cerLumest  Jérusalem  filios  suos  ab  illo  colligi 
noluisse,  ita  certum  est  eum  etiam  ipsa  nolente 
quoscumque  eorum  voluit,  collegisse.  Deus  enim, 
sicut  homo  ejus  dixit  Ambrosius,  quos  dignatur 
vocal,  et  quem  vult  religiosum  facit.  August.,  lib. 
(  Oper.  imperf.  contra  Julian.,  cb.^.  xcni,  pag.  926. 


718 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


choses,  soit  empêchée  par  l'homme.  Ceux- 
là  ne  font  pas  assez  de  réflexion  sur  une  "S'é- 
rité  si  importante,  ou  ne  sont  pas  capables 
de  la  connaître,  qui  croient  que  Dieu  tout- 
puissant  veut  quelque  chose,  et  qu'il  ne  le 
peut  pas,  parce  que  l'homme  faible  l'empê- 
che. Car,  comme  il  est  certain  que  Jérusa- 
lem n'a  pas  voulu  qu'il  rassemblât  ses  en- 
fants, de  même  il  est  certain  qu'il  n'a  pas 
laissé  de  l'assembler,  malgré  elle,  ceux  d'en- 
tre eux  qu'il  a  voulu  rassembler  :  parce  que, 
comme  dit  Ambroise  cet  homme  de  Dieu,  il 
appelle  ceux  qu'il  veut  appeler  et  rend  ver- 
tueux ceux  qu'il  lui  plaît.  Dieu  n'est  ap- 
pelé '  véritablement  tout-puissant  que  parce 
qu'il  peut  tout  ce  qu'il  veut,  et  que  l'effet  de 
la  volonté  du  Tout-Puissant  n'est  point  em- 
pêché par  la  volonté  d'aucune  créature. 
Qui  peut  donc  ^  être  si  extravagant  et  si  im- 
pie, que  de  dire  que  Dieu  ne  puisse  pas 
changer  les  mauvaises  volontés  des  hommes  , 
celles  qu'il  veut,  quand  il  veut  et  où  il  veut? 
Mais  lorsqu'il  le  fait,  il  le  fait  par  miséri- 
corde, et  lorsqu'il  ne  le  fait  pas,  c'est  par 
Rom.  IX,  18.  justice  qu'il  ne  le  fait  pas,  parce  qu'zY /«îY 
Eaihor.  XV,  miséricorde  à  qui  il  lui  pieu  t,  et  qu'il  endur- 
cit qui  il  lui  plaît.  11  est  dit  dans  l'Écriture 
que  Dieu  changea  le  cœur  d'Assuérus  et  le 
lit  passer  de  l'indignation  à  la  clémence. 
Qui  ne  voit  qu'il  est  plus  grand  de  faire  ' 
passer  un  cœur  de  l'indignation  à  la  clé- 
mence, que  de  tourner  vers  un  certain  objet 
un  cœur  qui  n'est  point  préoccupé  de  pas- 
sion pour  d'autres,  et  qui  est  comme  indif- 


férent à  l'égard  de  ceux  qui  l'environnent? 
Que  les  pélagiens  lisent  donc  et  qu'ils  com- 
prennent ,  qu'ils  ouvrent  les  yeux  et  qu'ils 
connaissent  que  ce  n'est  point  par  la  loi,  ni 
par  la  doctrine  qui  se  fait  sentir  au  dehors, 
mais  par  une  puissance  intérieure,  secrète, 
merveilleuse  et  ineffable,  que  Dieu  opère 
dans  les  cœurs  des  hommes  non-seulement 
les  vraies  révélations,  mais  aussi  les  bonnes 
volontés.  Nous  lisons  aussi  dans  l'Écriture 
que  la'reine  '  Esther  fit  à  Dieu  cette  prière  : 
Mettez,  Seigneur,  dans  ma  bouche  des  paroles  Esiher,  i 
sages  et  convenables  en  la  présence  du  lion,  et 
transférez  son  cœur  de  l'affection  à  la  haine 
de  notre  ennemi.  Pourquoi  cette  reine  prie- 
t-elle  ainsi,  si  Dieu  n'opère  pas  lui-même  la 
volonté  dans  le  cœur  des  hommes  ?  En  effet. 
Dieu  changea  le  cœur  du  roi  par  une  puis- 
sance très-cachée  et  très-efficace ,  et  le  fit 
passer  de  l'indignation  à  la  douceur,  c'est- 
à-dire  de  la  volonté  de  nuire  à  la  volonté  de 
se  rendre  favorable,  selon  cette  parole  de 
l'Apôtre  :  Dieu  opère  en  nous  le  vouloir.  En  Phiiip.n 
vain  objecterait-on  que  cette  doctrine  blesse 
le  libre  arbitre.  Est-ce  que  ces  hommes  de 
Dieu,  qui  ont  écrit  ce  c[ui  est  dit  en  cet  en- 
droit du  changement  d'Assuérus,  ou  plutôt, 
est-ce  que  l'esprit  de  Dieu,  par  l'inspiration 
de  qui  ils  l'ont  écrit,  a  combattu  le  libre  ar- 
bitre ?  A  Dieu  ne  plaise  ;  mais  il  a  voulu 
seulement  établir  à  l'égard  de  tous  les  hom- 
mes, et  le  jugement  très-juste  du  Tout-Puis- 
sant, et  son  secours  plein  de  miséricorde. 
On  voit  même  "  dans  plusieurs  endroits  de 


1  Neque  enim  oh  aliud  veraciter  vocatur  Omni- 
potens,  nisi  quoniam  quidquid  vult  potest,  nec 
voluntate  cujuspiam  creaturœ  voiunlatis  Omni- 
potentis  impediiur  effectus.  Aiigust.,  Enchirid.  de 
/ide,  spe  et  charitate,  cap.  xcvi,  num.  24,  pag.  231 
et  232. 

^  Quis  porro  tam  impie  desipiat,  ut  dicat  Deum 
malas  hominum  voluntcUes  quas  voluerit,  quan- 
do  voluerit,  ubi  voluerit,  in  bonuin  non  posse 
convertere?  Sed  cum  facit,  per  misericordiaiii  fa- 
cit  :  cum  autem  non  facit,  per  judicium  non  facit, 
qiiioniam  cujus  vult  miseretur,  et  quem  vult  obdu- 
rat.  August.,  Enchirid.  de  fide,  spe  et  cliar.,  cap. 
cxvin,  num.  23,  pag.  232. 

3  Convertit  Deus  et  Iranstulit  indignationem 
e.jus  (ÀssueriJ  in  lenitatem.  Quis  autem  non  vi- 
deat  mulio  majus  esse,  indignationem  a  contra- 
rio in  lenitatem  convertere  atque  transferre,  quani 
cor  neutra  afi'eclione  prœoccupatum,  sed  inler 
•utramque  médium  in  aliquid  declinare  ?  Legant 
ergo  et  inlelligant,  intueantur  atque  fateantur 
■non  lege  atque  doctrina  insonante  forinsccus,  sed 
interna  et  occulla,  mirabili  ac  ine/fabili  pokstale 


operari  Deiim.  in  cordibus  hominum  non  solum 
veras  revelationes,  sed  bonas  etiani  voluntates.  . 
August.,  De  Grat.  Ctirist.  contra  Pelag.  et  Cœlest., 
cap.  X.XIV,  num.  25,  pag.  241. 

*  Quid  est  autem  quod  Estlier  illa  regina  oral 
et  dicit:  Da  sermonem  couoinuum  in  os  meum,  et 
verba  mea  clariflca  in  couspectu  leoais,  et  couverte 
cor  ojus  in  odium  impugnantis  nos?  Ut  quid  ista 
in  oratione  dicit  Deo,  si  non  operatur  Deus  in 
cordibus  homiuuir  voluntatem?...  Anlequam  mu- 
lieris  sermonem  poscentis  audisset,  occultissima 
et  eUicacissima  potestate  convertit,  et  transtulit 
ab  indignatione  ad  lenitatem,  tioc  est  a  voluntate 
Icedendi  ad  voluntatem  favendi ,  secundum  illud 
Aposloli  :  Deus  operatur  in  vobis  et  velle.  JVitft- 
quid  homines  Dei  qui  hœc  scripserant,  imo  ipse 
Spirilus  Dei,  quo  auctore  per  eos  ista  conscripta 
sunt,  oppugnavil  liberum  hominis  arbilrium? 
Àbsit  :  sed  Omnipotenlis  in  omnibus  et  judicium 
juslissimum  et  auxiUum  misericordissimum  com- 
mendavil.  August.,  lib.  I  Contra  duas  Epist.  Pe- 
lag., cap.  xx,  num,  38,  pag.  428. 

^  Scriptnra   divina,   si  diiigenter    inspicialur. 


[IV=  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'IIIPPONE. 


719 


rÉcriture  que  non-seulement  .les  bonnes  vo- 
lontés des  hommes,  mais  encore  celles  qui 
sont  mauvaises  sont  tellement  en  la  puis- 
sance de  Dieu,  qu'il  les  fait  incliner  où  il 
veut  et  quand  il  veut.  Qui  ne  '  tremblera  à 
la  vue  de  ces  redoutables  jugements  par 
lesquels  Dieu,  fait  dans  les  cœurs  mêmes  des 
méchants,  tout  ce  qu'il  lui  plaît,  en  leur  ren- 
dant néanmoins  ce  qu'ils  méritent  pour 
leurs  péchés?  Roboam,  fils  de  Salomon,  re- 
jeta l'avis  salutaire  des  vieillards  qui  lui 
conseillaient  de  ne  point  traiter  le  peuple 
avec  dureté,  et  suivit  plutôt  le  sentiment  des 
jeunes  gens  comme  lui ,  en  répondant  avec 
menaces  à  ceux  à  qui  il  devait  parler  douce- 
ment. D'où  venait  cela,  sinon  de  sa  propre 
volonté  ?  C'est  cependant  ce  qui  fut  cause 
que  dix  tribus  d'Israël  se  séparèrent  de  Ro- 
Ijoam,  et  établirent  Jéroboam  pour  leur  roi, 
afin  que  la  volonté  de  Dieu  irrité  fût  accom- 
plie, ainsi  qu'il  l'avait  prédit  par  le  pro- 
phète Allias  ou  Acliias.  Ceci  est  arrivé  par 
la  volonté  d'un  homme  ;  mais  ce  change- 
ment venait  du  Seigneur.  Il  est  écrit  dans 
le  second  livre  des  Paralipomènes,  que  le 
Seigneur  suscita  contre  Joram  l'esprit  des  Phi- 
listins et  des  Arabes  voisins  des  Ethiopiens; 
qu'îYs  entrèrent  dans  la  fei're  de  Juda,  la  rava- 


gèrent et  emportèrent  tout  ce  qu'ils  trouvèrent 
dans  le  palais  du  roi.  L'on  voit  par  ce  passage 
que  Dieu  suscita  des  ennemis  pour  ravager 
des  terres  qu'il  jugea  dignes  d'une  telle 
peine.  Dira-t-on  que  les  Philistins  et  les  Ara- 
bes vinrent  involontairement  pour  dissiper  la 
terre  de  Juda?  ou  qu'ils  y  vinrent  par  leur 
volonté ,  en  sorte  qu'il  soit  faussement  écrit 
que  le  Seigneur  suscita  leur  esprit  pour  faire 
cette  action?  Certes  l'un  et  l'autre  est  vrai,  car 
ils  vinrent  par  leur  volonté  ,  et  néanmoins 
Dieu  suscita  leur  esprit.  Car  le  Tout-Puissant 
opère  dans  le  cœur  des  hommes  le  mouve- 
ment de  leurs  volontés,  afin  que  celui  qui 
ne  peut  rien  vouloir  injustement,  fasse  par 
eux  tout  ce  qu'il  veut  faire.  Il  est  donc  ma- 
nifeste que  Dieu  opère  dans  le  cœur  des 
hommes  comme  il  lui  plaît,  soit  pour  incli- 
ner leurs  volontés  au  bien  selon  sa  miséri- 
corde, soit  pour  les  incliner  au  mal  selon 
leurs  mérites  par  un  jugement  qu'il  exerce 
sur  eux,  qui  est  quelquefois  pubbc  et  quel- 
quefois secret ,  mais  qui  ne  peut  jamais 
qu'être  juste.  Si  Dieu,  par  le  ministère  des 
bons  ou  des  mauvais  anges,  ou  en  quelque 
autre  mtmière  que  ce  soit,  peut  agir  dans  le 
cœur  même  des  méchants  selon  leurs  méri- 
tes,  lui  qui  n'a  point  formé  leur  malice,  mais 


ostendit  non  solum  bonus  hominum  voluntates 
qiias  ipse  facit  ex  malis,  et  a  se  fadas  bonus  in 
actus  bonos  el  in  œternam  dirigit  vitam,  verum 
eliam  illas  quce  conservant  sœculi  creatiiram  ita 
esse  in  Dei  iJOlestate  ut  eas  quo  voluerit,  quando 
voluerit,  facial  inclinari.  August.,  lib.  De  Grat.  et 
lib.  arb.,  cap.  xx,  niim.  41,  pag.  739. 

•  Quis  non  ista  jiulicia,  dicina  contremiscat  qui- 
bus  agit  Deus  in  cordibus  etiam  malorum  homi- 
num quidquid  vult,  reddens  eis  tamen  secundum 
mérita  eonim?  Roboam,  filius  Salomonis,  respuit 
consilium  salubre  seniorum  quod  ei  dederunt  ne 
cum  populo  dure  ageret,  etverbis  coœvorum  suo- 
rum  potius  acquievit  respondendo  minaciter  qui- 
bus  leniler  debuit.  Unde  hoc,  nisi  propria^volun- 
tale?  sed  hinc  ab  eo  recesserunt  decem  tribus 
Israël,  et  alium  regem  sibi  constituer imt  Jéro- 
boam, ut  irali  Dei  voluntas  fieret,  quod  etiam  fu- 
turum  esse  prœdixevat.  Quid  enim  Scriptura  di- 
cit  :  Et  non  audivit  rex  plebem  quoniam  erat 
conversio  a  Domino,  ut  statueret  verbum  suiim 
quod  locutus  est  in  manu  AehiiB  Selouitce  de  Jéro- 
boam filio  }iahaVa?  Neinpe  sic  factum  est  illud  per 
liominis  voluntatem  ut  tamen  conversio  esset  a 
Domino.  Legite  libros  Paralipomenon,  etinvenie- 
tis  in  secundo  libro  sçriptum:  Et  suscitavit  Domi- 
nus  supev  Joram  spiritum  Philistiim  et  Arabum  qui 
flnitimi  erant  ^Ethiopibus  et  asceiiderunt  in  ter- 
ram  Juda,  et  dissipaverunt  eam  et  ceperunt  om- 
nem  substantiam.  quœ  in  domo  régis  inventa  est. 
llic  ostenditur,  Deum  suscitare  hostes  eis  terris 


vastandis  quas  tali  pœna  judicat  dignas  :  num- 
quid  tamen  Philistiim  et  Arabes  in  terrain  j-u- 
dœam  dissipandam  sine  sua  voluntate  vmerunt 
aut  sic  venerunt  sua  voluntate  ut  mendaciter 
scriplum  sit,  quod  Dominus  ad  hoc  faciendum 
eorum spiritum  suscitavit  ?  Imo  utrumqxie  verum 
est,  quia  et  sua  voluntate  venerunt,  et  tamen  spi- 
ritum eorum  Dominus  suscitavit.  Quod  etiam  sic 
dici  potest  :  Et  eorum  spiritum  Dominus  suscita- 
vit, et  tamen  sua  voluntate  venerunt.  Agit  enim 
Oiiinipotens  in  cordibus  hominum  etiam  motum 
voluntatis  eorum,  ut  per  eos  agat  quod  per  eos 
agere  ipse  voluerit  qui  omnino  injusti  aliquid  velle 
non  novit...  Mis  et  talibus  testimoniis  divinorum 
eloquiorum.  quœ  omnia  commemorare  nimis  lon- 
gum  est,  satis,  quantum  exislimo,  manifestatur, 
operari  Deum  in  cordibus  hominum  ad  inclinan- 
das  eorum  voluntates  quocumque  voluerit,  sive 
ad  bona  pro  sua  misericordia,  sive  ad  mala  pro 
■meritis  eorum,  judicio  utique  suo  aliquando 
aperto,  aliquando  occulto.  semper  tamen  justo. 
Si  autem  po'tens,  sive  per  angelos,  vel  bonos  vel 
malos,  sive  quocumque  alio  modo  operari  etiam 
in  cordibus  malorum,  pro  meritis  eorum  quorum 
malitiam  non  ipse  fecit,sed  ut  originaliter  tracta 
est  ab  Adam,  aut  crevil  per  propriam  voluntatem: 
ciuid  mirmn  est,  si  per  Spiritum  Sanctum  operatur 
in  cordibus  electorum  suorum  bona,  qui  operatus 
est  ut  ipsa  corda  essent  ex  malts  bona?  August., 
lib.  De  Grat.  el  libero  arb.,  cap.  xsi,  num.  42  et  43, 
pag.  740,  741  et  742. 


720 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Diou   i.iêpare 

lOL    VOlOQté 

,'homi 
l'LoEm 


qu'ils  ont  tirée  originairement  d'Adam,  ou 
qu'ils  ont   augmentée  par  leur  propre  vo- 
lonté;   qui  s'étonnera  qu'il    opère   le  bien 
par  le  Saint-Esprit  dans  le  cœur  de  ses  élus, 
lui  qui  a  fait  que  leurs  cœurs  mêmes  de- 
vinssent bons,  de  mauvais  qu'ils  étaient  ?  » 
Comment       111.  Julleu  prétendait  que  les  hommes  se 
"dl  préparent  d'eux-mêmes  pour  la  gloire,  et  pour 
îneni  '^  le  prouvor  i]  alléguait  ces  paroles  de  l'Écri- 
pré;  are.         [uro  '.  Si  ouelçiu'un  se  qarde  pur  de  ces  choses,  il 
".  21-  sera  unvase  a  honneur,  sanctifie  et  propre  au  ser- 

vice du  Seigneur, préparépour  toute  sorte  de  ôow- 
nes œuvtr s ^ uYous  ne  comprenez  pas,  lui  ré- 
pond saint  Augustin,  qu'il  est  dit  :  Si  quelqu'un 
se  garde  pur,  pour  faire  voir  que  c'est  par  la 
volonté  que  l'homme  se  purifie.  Mais,  ô  in- 
grat !  c'est  le  Seigneur  qui  prépcwe  la  volonté. 
Ainsi  l'un  et  l'autre  est  vrai,  et  que  c'est  Dieu 
qui  prépare  les  vases  pour  la  gloire,  et  que 
les  vases  se  préparent  eux-mêmes.  Car  Dieu 
le  fait,  afin  que  l'homme  le  fasse  ;  comme  il 
aime  le  premier,  afin  que  l'homme  l'aime. 
Lisez  le  prophète  Ezéchiel,  vous  y  trouverez 
ces  paroles,  que  Dieu  fait  que  les  hommes, 
qui  ont  part  à  sa  miséi'icorde,  accomplissent 
ses  commandements.  » 
Comment       H2.  Sclou  Saint  Augustiu  Dieu  qui  opère^ 

Dieu      opère  „  ,. 

coopère   en  commençant,  afin  que  nous  voulions,  coo- 
père en  achevant,  lorsque  nous  voulons.  C'est 
Philip.  I,  c,   pourquoi  l'Apôtre  dit  :  Je  suis  certain  que  celui 
qui  opère  en  vous  la  bonne  ceuvre,  l'achèvera 


ii\ec  no'is. 


jusqu'au  jour  du  Seigneur.  Afin  donc  que  nous 
voulions,  il  opère  sans  nous  ;  mais  lorsque 
nous  voulons,  et  que  nous  voulons  de  telle 
sorte  que  nous  agissons,  il  coopère  avec  nous. 
Néanmoins,  sans  lui,  soit  qu'il  opère  afin  que 
nous  voulions,  soit  qu'il  coopère  quand  nous 
voulons,  nous  ne  pouvons  rien  pour  les  œu- 
vres de  piété.  Il  est  dit  en  parlant  de  son  opé- 
ration pour  nous  faire  vouloir  :  C'est  Dieu  qui  i-hiiip. 
opère  en  nous  le  vouloir  ;  et  de  la  coopération 
quand  nous  voulons  déjà,  et  que  nous  faisons 
en  voulant  :  Nous  savo7is  que  tout  coopère  au  bien  ^J*»"- 
de  ceux  qui  aiment  Dieu.  Lorsque  l'esprit  de 
l'homme  coopère  '  avec  l'Esprit  de  Dieu  qui 
opère  en  lui,  les  commandements  de  Dieu 
s'accomplissent  véritablement  :  ce  qui  ne  se 
fait  qu'en  croyant  en  celui  qui  justifie  l'impie. 
Cette  race  des  Juifs,  dontl'Ecritm-e  dit,  qu'elle 
était  corrompue,  ■  et  qu'elle  aigrissait  sans 
cesse  Dieu  contre  elle,  n'a  point  eu  cette  foi. 
C'est  pourquoi  il  est  dit  dans  le  Psaume  :  Ils 
n'ont  point  mis  leur  esprit  en  Dieu  par  une 
véritable  foi  et  par  une  vraie  confiance  ;  et  le 
Saint-Esprit  a  usé  de  cette  expression  si  par- 
ticulière, pour  marquer  clairement  la  grâce 
de  Dieu,  qui  non-seulement  opère  la  rémis- 
sion des  péchés,  mais  qui  fait  même  que 
l'esprit  de  l'homme  coopère  avec  elle  dans 
l'exercice  des  bonnes  œuvres.  » 

113.  Julien  accusait  saint  Augustin  d'avoir        sr 

-,.   •  .  cord  du 

dit*  qu  on  me  le  libre  arbitre  quand  on  de-  "^'"■"' 

^  ■*  la  gràcf 


1  Si  ergo  mundaverit  quis  semetipsum  ab  liis, 
erit  vas  in  honorem  sanctificatum,  utile  Domino,  ad 
omne  opus  bonum  paratum.  Ergo  ipsa  vasa  ita  se 
prœparant,  wi  frusira  de  Deo  dictum  sit  :  Qiice 
prœparavit  in  gloriam?  hoc  enim  apertissime  di- 
cis ;  nec  intelligis  ita  dictum  esse  :  Si  quis  mun- 
daverit semetipsum,  ut  ostenderetur  et  opus  ho- 
minis  per  voluntatem ;  sed,  ingrate  homo,  prœpa- 
ratur  voluntas  a  Domino  ;  ideoutrumque  verum 
est.  et  quia  Deus  prœparat  vasa  in  gloriam,  et 
quia  ipsa  se  prœparant.  Ut  enim  faciat  homo 
Deusfacit;  quia,  ut  diligat  homo,  Deus  prier  dili- 
git.  Lege  Esechielemprophetam...  Ista  etiamverba 
reperies,  id  est,  Deum  facere  ut  prœcepta  ejiis 
homines  faciant,  quorum  miserelur ,  etc.  August., 
lib.  1  Oper.  imperf.,  cap.  cxxxiv,  pag.  949. 

2  Quoniam  ipse  ut  vetimus  operatur  incipiens, 
qui  volentibus  cooperatur  per/iciens, propter  quod 
ait  Apostolus  :  Certus  sum,  quoniam  qui  operatur 
in  vobis  opus  bonum,  perficiet  usque  in  diem 
Cbristi  Jesu.  Ut  ergo  vetimus,  sinenobis  operatur; 
cum  autem  volumus,  et  sic  volumus ut  faciamus, 
nobiscum  cooperatur  :  tamensineillo  vel  opérante 
ut  vetimus,  vel  coopérante  cum  volumus,  ad  bona 
pietatis  opéra  nihil  vale)nus.  De  opérante  illo  «f 
velimus,  dictum  est  :  Deus  est  euim  qui  operatur 
iii  \ohis  ei  \ei\c.  De  coopérante  autem  cum  jam 


volumus  et  volendo  facimus  :  Soimus,  inquit,  que- 
niam  diligentibus  Deum  omnia  cooperantur  in  bo- 
num. August.,  lib.  De  Grat.  et  libéra  arb.,  cap. 
XVII,  nuni.  33,  pag.  735. 

3  Quando  enim  cuî»  spiritu  Dei  opérante  spiri- 
tus  hominis  cooperatur,  tune  quod  Deus  jussit 
impletur  :  et  hoc  non  fit,  nisi  credendo  in  eum 
qui  justi/icat  impium.  Qitam  fidem  non  habuitge- 
neratio  prava  et  amaricans  ;  et  ideo  de  illa 
dictum  est  :  Non  est  creditus  cum  Deo  spiritus. 
Multo  enim  hoc  expressius  dictu,m  est.  ad  signi/i- 
candam  gratiam  Dei.,  quce  non  solum  operatur 
remissionem-  peccatorum,  sed  etiam  cooperantem 
sibi  facit  hominis  spiritum  in  opère  bonoriim,  fac- 
torum.  August,  in  Psal.  lxxvu,  nutn.  S,  pag,  821. 

*  Asseris  me  in  alio  libro  meo  dùvisse,  negari 
liberum  arbilrium  ,  si  gratia  commendetur,  et  ite- 
rum  negari  gratiam,  si  liberum  commendetur  arbi- 
trium  :  calumniaris.  Non  hoc  a  me  dictum  est. 
sed  propter  ipsius  quœstionis  difficultatem.  videri 
hoc  posse  diclmnest  et  putari,  non  est  multumut 
ipsa  verba  mea  ponam  unde  videant  qui  hœc  k- 
gunt  quemadmodum  scriptis  meis  insidieris  et  qua 
conscientia  vel  tordis  vel  ignaris  cordibus  abute- 
ris,  ut  ideo  te  existiment  respondere  quia  non  vis 
tacere.  In  novissimis  enim  partibus  primi  libri 
met  ad  sanctum  Pinianuni,  cujus  est  titulus  :  De 


[lV°  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


721 


fend  la  grâce,  et  qu'on  nie  la  grâce  quand 
on  défend  le  libre  arbitre.  «  Mais  c'est  Là,  lui 
répond  ce  Père,  une  pure  calomnie.  Je  n'ai 
dit  en  aucune  façon  ce  que  vous  me  faites 
dii'e.  J'ai  dit  seulement  que  les  questions,  que 
l'on  fait  touchant  la  grâce  et  le  libre  arbitre, 
sont  si  délicates  qu'on  paraît  nier  l'un  quand 
on  établit  l'autre.  Il  n'en  coûtera  pas  beau- 
coup pour  mettre  ici  mes  propres  paroles. 
Par  ce  moyen  ceux  qui  liront  ceci  verront 
aisément  de  quels  artifices  vous  vous  servez 
pour  décrier  et  rendre  odieuse  la  doctrine  de 
mes  écrits  ;  et  avec  quelle  mauvaise  foi,  ne 
pouvant  vous  réduire  au  silence,  vous  tâchez 
d'en  imposer  aux  personnes  simples  et  aux 
ignorants,  pour  leur  faire  croire  que  vous 
avez  répondu  à  tout  ce  qu'on  a  dit  contre 
vous.  Voici  donc  comme  je  m'explique  vers  la 
fin  du  premier  li^Te  que  j'ai  adressé  à  Pinien, 
et  qui  a  pour  titre  :  Traité  de  la  grâce  contre 
Pelage  :  Cette  question  où  Von  parle  du  libre 
arbitre  et  de  la  grâce  de  Dieu,  est  si  difficile  à 
traiter  avec  la  précision  qu'il  faut  que ,  quand 
on  défend  le  libre  arbitre,  il  semble  qu'on  nie 
la  grâce  de  Dieu  ;  et  que,  quand  on  établit  le 
dogme  de-  la  grâce  de  Dieu,  on  croirait  qu'on 
détruit  le  libre  arbitre.  Mais  vous,  comme  un 
homme  de  probité  et  toujours  véridique,  au 
lieu  de  rapporter  mes  paroles  telles  qu'elles 
sont,  vous  m'avez  fait  dire  ce  qu'il  vous  a  plu. 
J'ai  dit  qu'il  était  difficile  de  traiter  cette  question 
avec  la  précision  çi<'?7 /aw^;  mais  je  n'ai  pas 
dit  que  cela  fut  impossible.  Je  dirais  encore 
moins  ce  que  vous  me  faite  dires,  qu'on  nie  le 


libre  arbitre  quand  on  défend  la  grâce,  et  qu'on 
nie  la  grâce  quand  on  défend  le  libre  arbitre. 
Rendez  mes  propres  paroles,  et  votre  calom- 
nie s'en  ira  en  fumée.  Remettez  ces  deux 
mots  il  semble  et  on  croirait,  dans  l'endroit 
où  il  doivent  être,  et  tout  le  monde  verra 
avec  quelle  mauvaise  foi  vous  disputez.  Je 
n'ai  pas  dit  qu'on  nie  la  grâce,  mais  qu'il  sem- 
ble qu'on  nie  la  grâce.  Je  n'ai  pas  dit  qu'on 
nie  le  libre  arbitre  ou  qu'on  le  détruit;  mais 
j'ai  dit  qu'oK  croirait  qu'on  détruit  le  libre  arbi- 
tre. A  Dieu  ne  plaise  ^  que  nous  voulions 
détruire  le  libre  arbitre  par  la  grâce.  Au 
contraire  nous  l'établissons.  Car  de  même 
que  la  loi  n'est  point  détruite  par  la  foi,  de 
même  le  libre  arbitre  n'est  point  anéanti 
par  la  grâce  ;  au  contraire  la  grâce  l'établit. 
Car  la  loi  ne  s'accomplit  que  par  le  libre  ar- 
bitre ;  mais  la  loi  ne  nous  donne  que  la  con- 
naissance du  péché,  et  la  foi  nous  obtient 
la  grâce  contre  le  péché,  et  cette  grâce  guérit 
notre  âme  du  péché.  Ainsi  guérie,  elle  devient 
libre  ;  étantlibre,  elle  aime  la  justice  :  et  c'est 
par  cet  amour  de  la  justice  qu'elle  accomplit 
ensuite  la  loi.  De  même  aussi  le  libre  arbitre 
n'est  point  anéanti  par  la  grâce  ;  au  contraire 
la  grâce  l'établit,  parce  qu'elle  guérit  la  vo- 
lonté qui,  étant  guérie  par  la  grâce,  aime  la 
justice  librement.  » 

Le  saint  évêque,  expliquant  ces  paroles  de 
l'Apôtre  :  Tous  ceux  qui  sont  poussés  par  l'Es- 
prit de  Dieu,  sont  enfants  de  Dieu,  se  fait  cette 
objection  de  la  part  des  pélagiens,  qu'il  com- 
bat. «Nous  sommes  poussés  ^,  me  diraquel- 


Bom.  viir, 


gratia  contra  Pelagium,  iista,  inquam,  quœstio 
ubi  de  arbitrio  voluntatis  et  Dei  gratia  disputatur, 
ita  est  ad  discernendum  difficilis,  ut  quando  de- 
fenditur  liberum  arbitrium,  negari  Dei  gratia  videa- 
tur  ;  quando  autem  asseritur  Dei  gratia,  liberum  ar- 
bitrium putetur  auferri,  etc.  Tu,  autem,  vir  hones- 
tus  el  verax,  abstulisti  verba  quœ  dixi,  et  dixisisti 
quoi  ipse  fmxisti.  Ego  enim  dixi  :  Istam  ad  dis- 
cernendum esse  difficilem;  non  autem  dixi  non 
passe  discerni.  Multo  minus  ergo  dicerem,  quod 
me  dixisse  mentiris  :  Negari  liberum  arbitrium  si 
gratia  commendetur,  et  negari  gratiam  si  liberum 
commendetur  arbitrium.  Redde  verba  mea  et  va- 
nescet  calumnia  tua,  repone  suis  locis,  ubi  dixi, 
videatur,  ubi  dixi,  putetur,  ut  appareat  de  re 
lanta  quibus  a  te  fraudibus  disputetur.  Non 
dixi,  negari  gratiam,  sed,  ut  negari  gratia  videa- 
tur. Non  dixij  negari  liberum  auferri  arbitrium  vel 
auferri;  sed disi, ut  putetur.  August.,  lib.  IV  Con- 
tra Jiil.,  cap.  VIII,  num.  XLVii,  pag.  608. 

'  Liberum  ergo  arbitrium  evacuamus  per  gra- 
tiam? absit,  sed  magis  liberum  arbitrium  statui- 
mus.  Sicut  enim  lex  per  fidem,  sic  liberum  arbi- 
trium per  gratiam  non  evacuaiur,  sed  statuitur. 

IX. 


Neque  enim  lex  impletur  nisi  libero  arbitrio  ;  sed 
per  legem  coynitio  peccati,  per  fidem  impetratio 
gratiœ  contra  peccatum;  per  gratiam  sanatio 
animœ  a  vitio  peccati,  per  anvmœ  sanitatem  li- 
bertas  arbitrii;  per  liberum  arbitrium  jusiiliœ  di- 
lectio,  per  justitice  dilectionem  legis  operatio. 
Ac  per  hoc,  sicut  lex  non  evacuaiur  sed  statuitur 
per  fidem,  quia  fides  impetrat  gratiam  qua  lex 
impleatur,  ita  liberum  arbitrium  non  evacuatur 
sed  statuitur,  qui  gratia  sanat  voluniatem  qua 
justitia  libère  diligatur.  August.,  lib.  De  Spiritu, 
et  litt.,  cap.  XXX,  num.  52,  pag.  114. 

2  Quotquot  Spiritu  Dei  aguntur  bi  filii  sunt  Dei. 
Dicit  mihi  aliquis  :  Ergo  agimur,  non  agimus. 
Respondeo  :  Imo  et  agis  et  ageris,  et  tune  bene 
agis  si  a  bono  agaris.  Spiritus  enim  Dei  qui  te 
agit  agenti  adjutor  est  tibi.  Ipsum  nomen  ad- 
jutoris  prœscribit  tibi,  quia  et  tu  ipse  aliquid 
agis...  Jam  nunc  cum  auditis  :  Quotquot  Spiritu 
Dei  aguntur,  hi  filii-  sunt  Dei,  noKie  vos  dimittere. 
Neque  enim  templum  suimi  sic  de  vobis  œdificat 
Deus  quasi  de  lapidibus  qui  non  habent  motum 
suum,  levantur,  a  structore  ponmilur,  non  sic 
sunt  lapides  vivi  :  Et  vos   tanquam   lapides  vivi 

46 


722 


HISTOmE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


qu'un,  mais  nous  n'agissons  pas.  Je  réponds  : 
vous  agissez ,  et  vous  êtes  poussés.  Vous 
agissez  bien  lorsque  vous  êtes  poussés  par 
celui  qui  est  bon.  Car  l'Esprit  de  Dieu  qui 
vous  pousse  vous  aide  lorsque  vous  agissez; 
et  le  nom  d'aide  qu'il  prend  vous  démontre 
que  vous  faites  quelque  chose.  Lors  donc 
que  vous  entendez  ,  que  cmx-  là  sont  enfants 
de  Dieu  qui  sont  poussés  par  l'Esprit  de  Dieu, 
ne  perdez  pas  courage.  Dieu  ne  se  sert  pas 
de  vous  pour  bâtir  son  temple  ,  comme  si 
vous  étiez  des  pierres  sans  mouvement  qui 
sont  élevées  et  placées  par  l'architecte.  Vous 
êtes  des  pierres  vivantes,  vous  êtes  conduits; 
mais  vous  devez  suivre  et  courir.  Et  lorsque 
vous  aurez  suivi ,  il  sera  encore  vrai  de  dire 
que  sans  lui  vous  ne  pouvez  rien  faii'e,  parce 
Bom.  is,i6.  que,  selon  l'Apôtre,  cela  ne  dépend  ni  de  celui 
qui  veut ,  ni  de  celui  qui  court ,  mais  de  Dieu 
qui  fait  7nisérico)'de.  Que  ceux  qui  disent  '  : 
Pourquoi  nous  prêche-t-on  et  nous  ordonne-t-on 
de  nous  éloigner  du  mal,  et  de  faire  le  bien,  si 
ce  n'est  pas  nous  qui  le  faisons,  et  si  c'est  Dieu 
qui  fait  en  nous  que  nous  le  voulons  et  le  fai- 
sons, ne  se  trompent  point,  mais  qu'ils  com- 
prennent plutôt,  s'ils  sont  enfants  de  Dieu, 
que  c'est  l'Esprit  de  Dieu  qui  les  pousse , 
afin  qu'ils  fassent  ce  qu'ils  doivent  faire  ,  et 
alin  qu'après  l'avoir  fait ,  ils  rendent  grâces 
à  celui  qui  les  pousse.  Car  ils  sont  poussés 
afin  qu'ils  fassent ,  et  non  afin  qu'ils  ne  fas- 
sent rien.  On  leur  montre  ce  qu'ils  doivent 
faire,  afin  que,  lorsqu'ils  le  font  en  la  manière 
qu'ils  le  doivent  faire,  c'est-à-dire  avec  amour 


et  avec  plaisir  de  la  justice,  ils  se  réjouissent 
d'avoir  reçu  cette  agréable  douceur  que  le 
Seigneur  leur  a  donnée  afin  que  leur  terre 
produisît  son  fruit.  » 

En  exphquant  cet  endroit  d'Ezéchiel  :  Je  ^^^^.^  eimi, 
ferai  que  vous  marcherez  dans  la  voie  de  mes 
commandements ,  que  vous  les  observerez  et  que 
vous  les  ferez,  saint  Augustin  dit  aux  péla- 
giens  ^  :  «  Est-il  possible  que  vous  ne  vous  ré- 
veilliez pas  encore,  et  que  vous  n'entendiez 
pas  la  vois  de  Dieu  qui  vous  dit  :  Je  ferai  que 
vous  marcherez,  je  ferai  que  vous  observerez,  et 
enfin  je  ferai  que  vous  ferez  ?  Pourquoi  vous 
élevez-vous  ?  Il  est  vrai  que  nous  marchons, 
que  nous  observons  ;  mais  c'est  lui  qui  fait 
que  nous  marchons,  que  nous  observons, 
que  nous  faisons  :  c'est  la  grâce  de  Dieu  qui 
nous  fait  bons,  c'est  sa  miséricorde  qui  nous 
prévient.  L'exhortation  '  que  saint  Paul  fai- 
sait à  Timothée  en  lui  disant  :  Conservez-vous 
dans  la  pureté,  regardait  sans  doute  le  libre 
arbitre.  Cependant  tous  n'ont  pas  cette  ré- 
solution, mais  ceux  à  qui  il  a  été  donné  de  l'a- 
voir. Pour  ce  qui  est  de  ceux  à  qui  cela  n'a 
pas  été  donné  ,  ou  ils  ne  veulent  point ,  ou 
ils  n'accomplissent  pas  ce  qu'ils  veulent. 
Mais  ceux  à  qui  il  a  été  donné  ,  veulent  de 
telle  sorte,  qu'ils  accomphssent  ce  qu'ils  veu- 
lent. Lors  donc  que  cette  résolution,  que  tous 
ne  prennent  pas,  est  prise  par  quelques-uns, 
c'est  l'ouvrage  de  la  grâce  que  Dieu  donne 
et  du  libre  arbitre  qui  agit.  » 

Pour  montrer  ce  libre  arbitre,  saint  Paul 
dit  :  Sa  grâce  *  n'a  point  été  stérile  en  moi,  mais 


coaediflcainmi  intemplumDei;  ducimini,  sedseqid- 
mini  :  quia,  cum  secuti  fueritis,  verum  erit  illud 
quia  sine  illo  nihil  facere  potcstis.  Non  enirn  vo- 
lentis,  neque  currenlis,  sed  misereutis  est  Dei.  Au- 
gust,  Serm.  157,  cap.  xi  et  xii,  num.  11  et  13, 
pag.  751,  755  et  756. 

1  JYore  se  itaque  [allant,  qui  dicunt  :  Ut  quid  no- 
bis  préedicatur  atque  prœcipitur  ut  declinemus  a 
malo  et  faciamus  bonum ,  si  boc  nos  non  agimus, 
sed  id  velle  et  operari  Deus  operatur  in  nobis.  Sed 
potius  intelligant,  si  jilii  Dei  sunt,  Spiritu  Dei  se 
agi,  ut  quod  agendum  est  agant,  ac,  cum  egerint, 
illi  a  quo  agunlur  gratias  agant.  Aguntur  enim 
ut  aganl,  non  ut  ipsi  nihil  agant  ;  et  ad  hoc  eis 
ostenditur  quid  agere  debeantut,  quando  id  agunt 
sieut  agendum  est,  id  est,  cum  dilectione  et  delec- 
tatione  justitiœ,  suavitatem  quam  dédit  Dominas, 
ut  terra  eorum  daret  fruclum  suum,  accepisse  se 
gaudeant.  August. ,  De  Corrept.  et  grat.,  num.  4, 
pag.  752. 

■^  Spiritum  meum  dabo  iu  vobis,  et  faciam  ut  in 
justilicationibus  meis  ambuletis,  etjudicia  mea  ob- 
servetis  et  facialis  1  liane  nondum  evigilatis  ? 
Nondwn  audilis,  faciam  ut  ambuletis,  faciam  ut 


obseTvetis;  postremo,  faciam  ut  faciatis?  Quid 
adliuc  vos  inflatis?  Nos  quidem  ambulamus,  ve- 
rum est,  nos  observamus,  nos  facimus  :  sed  ille 
facit  ut  ambulenms,  utobservemus,  ut  faciamus. 
Hœc  est  gratia  Dei  bonos  faciens  nos,  hœc  est 
misericordia ejus  prœveniens  nos.  August.,  lib.  IV 
Contra  duas  Epist.  Pelag.,  num.  15,  pag.  477. 

3  Numquid  non  liberum  arbitrium  Timothei  est 
exhortatus  Àpostolus  dlcens:  Contins  te  ipsum  ;  et 
in  hac  re  potestatem  voluntatls  oslendit,  qui  ait  : 
Nonhabens  necessitatem,  potestatem  autem  habeus 
sucB  Toluntatis,  ut  servet  virgiuem  suam,  et  tamen 
non  omnes  capiuntverbum  hoc,  sed  quibus  datum 
est.  Quibus  enim  non  est  datum,  aut  nolunt,  aut 
non  implent  quod  volunt  ;  quibus  a.ulem  dattim 
est,  sic  volunt,  ut  impleant  quod  volunt.  Itaque 
ut  hoc  verbwn,  quod  non  ab  omnibus  capitur,  ab 
aliquibus  capiatur,  et  Dei  donum  est  et  liberum 
arbitrium.  August.,  De  Grat.  et  lib.  arb.,  cap.  iv, 
num.  7,  pag.  722. 

''  Alque  ut  ostenderet  et  liberum  arbitrium,  7nox 
addidit:  Et  gratia  ejus  in  me  vaeua  non  fuit,  sed 
plus  omnibus  illis  laboravi.  Hoc  enim  liberiMn  ar- 
bitrium hominis  exhortatur  et  in  aliis,  quibus 


[iv°  ET  y  siiïCLES.]  SAINT  AUGUSTIN , 

fai  travaillé  plus  que  tous  les  autres ,  et  lors- 
qu'il dit  :  Nous  vous  eshortous  de  ne  pas  re- 
cevoir en  vain  la  grâce  de  Dieu,  les  prierait- 
il  en  cette  manière  s'ils  avaient  reçu  la  grâce 
de  telle  sorte  qu'ils  eussent  perdu  leur  pro- 
pre volonté  ?  Mais  afin  qu'on  ne  crût  pas  que 
la  volonté  pût  quelque  chose  sans  la  grâce , 
après  avoir  dit  :  Sa  grâce  n'a  point  été  stérile 
en  moi ,  j'ai  travaillé  plus  que  tous  les  autres , 
il  ajoute  aussitôt  :  Ce  n'est  pas  moi ,  mais  la 
grâce  de  Dieu  avec  moi ,  c'est-à-dire  ce  n'est 
pas  moi  seul ,  mais  la  grâce  de  Dieu  avec 
moi  ;  et  par  là  il  nous  fait  connaître  que  ce 
n'est  ni  la  grâce  de  Dieu  seule ,  ni  lui  seul 
qui  agissait,  mais  la  grâce  de  Dieu  avec  lui. 
Afin  donc  que  l'on  ne  croie  pas  '  que  les 
hommes  ne  soient  rien  par  leur  hbre  arbitre, 
il  est  dit  dans  le  Psaume  :  Si  vous  entendez 
aujourd'hui  sa  voix,  n'endurcissez  pas  vos  cœurs; 
et  dans  Ézechiel  :  Faites^  vous  un  cceur  nou- 
veau et  un  esprit  nouveau,  accomplissez  mes 
commandements,  retournez  à  moi  et  vivez.  Mais 
souvenons-nous  que  celui  qui  dit  :  Retournez 
à  moi  et  vivez,  est  le  même  à  qui  on  dit  : 
Convertissez -nous,  Seigneur.  Souvenons-nous 
que  celui  qui  dit  :  Faites-vous  un  cœur  nou- 
veau, est  le  même  qui  dit  aussi  :  Je  vous  don- 
nerai un  cœur  nouveau  et  un  esprit  nouveau. 
Comment  donc  celui  qui  dit  :  Faites-vous , 
dit-il  aussi  :  Je  vous  donnerai?  Pourquoi  com- 


EYEQUE  DHIPPONE. 


723 


mande-t-il  ce  qu'il  doit  donner?  Pom-quoi  le 
donne-t-il,  si  l'homme  doit  le  faire  ;  sinon 
parce  qu'il  donne  ce  qu'il  commande,  quand 
il  donne  son  secours  à  l'homme  afin  qu'il 
fasse  ce  qui  lui  est  commandé  ?  11  y  a  tou- 
jours en  nous  une  volonté  libre ,  mais  elle 
n'est  pas  toujours  bonne  :  car  ou  elle  est  li- 
bre à  l'égard  de  la  justice  quand  elle  est  es- 
clave du  péché,  et  alors  elle  est  mauvaise  ; 
ou  elle  est  affranchie  du  péché  quand  elle 
est  soumise  à  la  justice,  et  alors  elle  est  bon- 
ne. Mais  la  grâce  de  Dieu  est  toujours  bon- 
ne de  sa  nature  ,  et  par  elle  il  arrive  que  la 
mauvaise  volonté  de  l'homme  est  rendue 
bonne  de  mauvaise  qu'elle  était  auparavant. 
Par  elle  aussi  la  même  volonté  qui  a  com- 
mencé d'être  bonne  ,  devient  meilleure  et  si 
puissante ,  qu'elle  peut  accomplir  tel  com- 
mandement qu'il  lui  plaira,  quand  elle  le 
voudra  fortement  et  pleinement  :  car  c'est 
pour  cela  qu'il  est  écrit  :  Si  vous  voulez,  vous  emi.sv, 
observerez  les  préceptes,  afin  que  l'homme  qui 
l'aura  voulu  et  ne  l'aura  pu  ,  connaisse  qu'il 
ne  l'a  pas  encore  voulu  pleinement ,  et  qu'il 
prie  afin  qu'il  ait  une  volonté  telle  qu'elle 
suffira  pour  accomplir  les  commandements. 
C'est  ainsi  en  effet  qu'il  est  aidé  ,  afin  qu'il 
fasse  ce  qui  est  commandé.  » 

Hà.  «  Nous  ne  "^  détruisons  point  le  libre 
arbitre  de  la  volonté  humaine,  dit  ce  Père, 


La  grâce  no 
dÉlruit  pas  la 
libre  aiuitre , 


ilicit:  Rogamus  ne  iu  vacuum  gratiam  Dei  susci- 
piatis  :  ut  qtiid  eniin.  eos  rogat  si  graiiam  sic  sus- 
ceperunt  wê  propriamperderent  vohintatem?  Ta- 
raen  ne  ipsa  volunias  sine  gratia  Bei  putetur  boni 
aliquid  passe,  coniiniw  cum  dixissei  :  Gralia  ejus 
in  me  vacua  uon  iuit,  sed  plus  omnibus  illis  laijo- 
Ta.'vi,  sub  jimxitatque  ait:  Nonegoautem,  sed  gra- 
tia Uei  mecum,  id  est  non  solus,  sed  gralia  Dei 
mecum,  ac  per  hoc  nec  gratia  Dei  sola,  nec  ipse 
solus,  sed  gratia  Dei  cum  illo.  August.,  lib.  De 
Grat.  et  libero  arb.,  cap.  v,  num.  12,  pag.  724. 

1  JYe  aulem  pulelur,  nihil  ibi  facere  ipsos  homi- 
nes  per  liberum  arbitrium,  ideo  in  Psalmo  dici- 
tur  :  Nolite  obdurare  corda  vestra,  et  per  ipsum 
Ezechielem  :  Projicite  a  vobis  omnes  impietates 
vestras,  quas  impie  egistis  in  me  :  et  facite  vobis 
cor  Dovum  et  spiritum  novum,  et  facite  omnia 
mandata  mea.  TJt  quid  moriemini,  domus  Israël, 
dicit  Dominus?  Quia  nolo  mortem  morientis,  dicit 
Adonaï  Dominus,  et  convertimini  et  vivetis.  Cui 
dicitur  :  Converte  nos  Deus,  meminerimus  eum 
dicere  :  Projicite  a  vobis  omnes  impietates  vestras  : 
Cum  ipse  juslificel  impium,  meminerimus  ipsum 
dicere:  Facite  vobis  cor  novum  et  spiritum  novum, 
qui  dicit  :  Dabo  vobis  cor  novum  et  spiritum  no- 
"um  dabo  in  vobis.  Quomodo  ergo  qui  dicit  :  Facite 
vobis,  hoc  dicil;  Dabo  vobis?  Quare  jubet,  si  ipse 
daturus  est  ?  Qnare  dot,  si homo  faclurus  est,  nisi 


quia  dal  quod  jiibet,  cum  adjuvat  ut  facial  cui 
jubel?  Semper  est  aulem  innobis  volunias  libéra, 
sed  non  semper  est  bona.  Aut  enim  a  juslitia  li- 
béra est,  quando  servit  peccato,  et  tune  estmala; 
aut  a peccalo  libéra  est,  quando  serviljustilice,  et 
tune  est  bona.  Gratia  vero  Dei  semper  est  bona 
et  per  hanc  fit  ut  sit  homo  bonœ  voluntatis  qui 
prius  fuit  voluntatis  mate.  Per  hanc  eliam  fit, 
ut  ipsa  bona  voluntas,  quœ  jam  esse  cœpit,  au- 
geatur,  et  tam  magna  fiai,  ut  possit  implere  di- 
vina  mandata  qum  voluerit,  cum  valde  perfecte- 
que  voluerit.  Ad  hoc  enim  valet  quod  scriptiom 
est  :  Si  volueris,  conservabis  mandata,  ut  homo 
qui  voluerit  et  non  poluerit,  nondum  se  plene 
velle  cognoscat,  et  oret  ut  habeat  tantam  volwn- 
talem,  quanta  sufflcit  ad  implenda  mandata,  sic 
quippe  adjuvatur  ut  facial  quod  jubelur.  Au- 
gust., lib.  De  Grat.  et  libero  arb.,  cap.  xv,  num.  31, 
pag.  733  et  734. 

"-  Proinde  arbitrium  voluntatis  humanœ  ne- 
quaquam  destruimus ,  quando  Dei  gratiam,  qua 
ipsum  adjuvatur  arbitrium,  non  superbia  nega- 
mus  ingrata,  sed  grata  potius  pietale  prœdica^ 
mus.  Noslrum  enim  est  velle;  sed  voluntas  ipsa 
et  admonetur  ut  surgat,  et  sanat^ir  ut  valeat,  et 
dilatatur  ut  capiat,  et  impletior  ut  habeat.  Au- 
gust., lib.  De  Bono  viduit.,  num.  21,  pag.  380. 


724 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Ambros,  lib. 
io  Luc*,  capi 
lir,  num.  8Ï, 
pig.  1309. 


et  n'introduit  cTuand  au  lieu  de  nier,  avec  un  orgueil  plein 

paslo   destin.      ^  ,         ,  .  n       t^-  i  ii 

d'uigratitude,  la  grâce  de  Dieu  par  laquelle 
le  libre  arbitre  même  est  aidé,  nous  la  pu- 
blions au  contraire  avec  une  piété  pleine  de 
reconnaissance.  C'est  à  nous,  il  est  vrai,  de 
•  vouloir,  mais  c'est  notre  volonté  qui  est  ex- 
citée à  se  lever,  qui  est  guérie  pour  pouvoir, 
qui  est  élargie  pour  recevoir  les  dons  de 
Dieu,  et  qui  est  remplie  pour  les  posséder.  » 
Co  saint  Docteur  cite  un  passage  de  saint 
Ambroise  ',  où  ce  Père  enseigne  que  par- 
tout la  vertu  du  Seigneur  coopère  dans  les 
aflfections  humaines,  que  personne  ne  peut 
rien  édifier  sans  le  Seigneur,  ne  peut  rien 
garder  sans  le  Seigneur,  ne  peut  rien  com- 
mencer sans  le  Seigneur.  «  Dira-t-on,  dit  il, 
que  ce  grand  homme  détruit  le  libre  arbitre, 
parce  qu'il  relève  la  grâce  de  Dieu  avec  une 
piété  reconnaissante  ,  comme  il  est  digne 
d'un  enfant  de  la  promesse  ?  Nous  ^  n'éta- 
blissons point  le  destin  sous  le  nom  de  la 
grâce,  en  disant  qu'il  n'y  a  aucun  mérite  qui 
la  précède  dans  les  hommes  :  et  saint  Cy- 
prien'  ne  l'établissait  point  non  plus  quand 
il  disait  que  nous  ne  devons  nous  glorifier 
en  rien ,  parce  que  nous  n'avons  rien  de 
nous-mêmes. 

lis.  «  Il  est  certain'',  dit  saint  Augustin, 
que  si  l'homme  est  en  âge  d'user  de  sa  rai- 


Explicatian 
de  ces  paroles: 
Cela  ne  dé- 
pend   pas   de  .,  ,  .  .  ,  .        . 

c.iNi  qui  veut  son,  il  ne  peut  ni  croire,  ni  espérer,  ni  ai- 

ni    qui    court, 

nuis  de  Dieu  mcr,  s'il  uB  lo  vout  :  ni  acquérir  la  palme  à 

qm  Tait  misé-  '  j  j.  a 

TÎcorJo. 
Kom,  IX,  IG. 


laquelle  Dieu  l'appelle  par  sa  vocation  su- 
prême, s'il  ne  court  par  sa  volonté.  D'où 


vient  donc  que  cela  ne  dépend  pas  de  celui 
qui  veut,  ni  de  celui  qui  court,  mais  de  Dieu 
qui  fait  miséricorde,  sinon  parce  que  c'est 
Dieu  qui  prépare  la  volonté  ?  Car  si  l'on  dit 
que  cela  ne  dépend  pas  de  l'homme  qui 
court,  mais  de  Dieu  qui  fait  miséricorde, 
parce  que  cela  ne  se  fait  que  par  I'qu  et 
l'autre,  c'est-à-dire  par  la  volonté  de  l'hom- 
me et  par  la  miséricorde  Dieu,  comme  s'il 
était  dit  :  La  seule  volonté  de  l'homme  ne 
suffit  pas,  il  faut  que  la  miséricorde  de  Dieu 
s'y  rencontre  aussi  ;  il  s'ensuit  que  la  misé- 
ricorde de  Dieu  ne  suffit  pas  toute  seule, 
mais  que  la  volonté  de  l'homme  doit  aussi 
l'accompagner.  Et  par  conséquent  s'il  est 
juste  de  dire  que  cela  ne  dépend  pas  de 
l'homme  qui  veut  et  qui  court,  mais  de  Dieu 
qui  fait  miséricorde,  parce  que  la  volonté 
de  l'homme  n'accomplit  pas  cela  toute  seule, 
pourquoi  ne  pourrait-on  pas  dii'e  au  con- 
traire que  cela  ne  dépend  pas  de  Dieu  qui 
fait  miséricorde ,  mais  de  l'homme  qui  veut, 
parce  que  la  miséricorde  de  Dieu  n'accom- 
plit pas  cela  toute  seule  ?  Si  aucun  chrétien 
n'oserait  dire  que  ce  n'est  pas  Dieu  qui  fait 
miséricorde,  de  peur  de  contredire  manifes- 
tement l'Apôtre,  il  faut  conclure  qu'il  a  été  dit 
justement  que  cela  ne  dépend  pas  de  l'hom- 
me qui  veut  et  qui  court,  mais  de  Dieu  qui 
fait  miséricorde,  afin  que  l'on  donne  tout  à 
Dieu  qui  prépare  la  bonne  volonté  avant  que 
de  l'aider,  et  qui  l'aide  après  qu'il  l'a  prépa- 
rée. Ainsi  il  n'est  pas  ''  vrai  de  dire  que  cela 


1  Ambrosius  exponens  Evangelium  secundum 
Lucam  :  Vides  utique,  inquit,  quia  ubique  Domini 
virtus  studiis  cooperatur  humanis,  ut  nemo  possit 
Eedjficare  sine  Domino,  nemo  custodire  sine  Do- 
mino, nemo  quidquam  incipere  sine  Domino.  Num- 
quid,  qiiioniam  hœc  dicit  vir  tantus  Ambrosius,  et 
gratiani  Dei,  sicut  fiiio  promissionis  congruit,  gra- 
ta  pietate  commendat,  ideo  dcstruit  liberxim  ar- 
bitrium?  August.,  lib. IV  Contra  duas  Epist.  Pelag., 
num.  30,  pag.  489. 

2  Necsub  nomine  gratice  fatum  asserimus,  quia  " 
nullis  hominum  meritis  Dei  gratiam  dicimus  ante- 
cedi.  August.,  lib.  IV  Contra  duas   Epist.  Pelag., 
num.  30,  pag.  489. 

3  Numquid  sub  nomine  gratiœ  fatum  asserit 
(sanctus  Cyprianus),  quamvis  dicat  in  nullo  glo- 
riandum,  quando  nostrum  nihil  sit?  August.,  lib. 
IV  Contra  duas  Epist.  Pelag.,  num.  26,  pag.  484. 

*  Igitur  non  volentis,  neque  curreutis,  sed  mise- 
rentis  est  Dei.  Cumprocul  dubio,  si  homo  ejus  œta- 
tis  est  ut  ratione  jam  utatxir,  non  possit  credere, 
sperare,  diligere,  nisi  velit,  nec  pervenire  ad  pal- 
mam  supernœ  vocationis  Dei,  nisi  voluntate  con- 
current; quomodo  ergo  non  voleutis  neque  cur- 
rentis,  sed  misereulis  est  Dei,  nisi  quia  etijrsa  vo- 


luntas,  sicut  scriptum  est,  a  Domino  praeparatur? 
Alioquin,  si  propterea  dictum  est  :  Non  volentis 
neque  curreutis,  sed  miserentis  est  Dei,  quia  ex 
utroque  fit,  id  est,  et  voluntate  hominis,  et  mise- 
ricordia  Dei,  ut  sic  dictum  accipiamus  :  Non  vo- 
lentis neque  curreutis,  sed  miserentis  est  Dei,  taii- 
quam  diceretur  :  Non  sufficit  sola  voluntas  ho- 
minis ,  si  non  sit  etiam  misericordia  Dei  :  non 
ergo  sufficit,  et  sola  misericordia  Dei,  si  non 
sit  etiam  voluntas  hominis  ;  ac  per  hoc  si  recte 
dictum  est:  Non  volentis  hominis,  sed  miseren- 
tis est  Dei,  quia  id  voluntas  hominis  sola  non 
implet,  cur  non  et  e  contra  recte  dicitur  :  Non  mi- 
serenlis  est  Dei,  sed  volentis  est  hominis,  quia  id 
misericordia  Dei,  sola  non  implet  ?  Porro  si  nul- 
lus  dicere  christianus  audebit  :  Non  miserentis 
est  Dei,  sed  volentis  est  hominis,  neque  Apostolo 
apertissime  contradicat,  restât  ut  propterea  recte 
dictum  intelligatur  :  Noa  volentis  neque  currentis, 
sed  miserentis  est  Dei,  ut  totum  Deo  delur,  qui 
hominis  voluntatem  bonam  et  prœparat  adjuvan- 
dam,  et  adjuvat  prœparatam.  August.,  Enchirid., 
cap.  xxxii,  pag.  208. 

^  Falsumestaatem.  si  quis  dicit:  Igitur  non  mi- 
serentis Dei,  sedvolentis  atque  currentis  est  homi- 


[l\''  ET  V''  SIÈCLES.] 


SAUST  AUGUSTIN, 


ne  dépend  pas  de  Dieu  qui  fait  miséricorde, 
mais  de  l'homme  qui  veut  et  qui  court, 
parce  que  Dieu  ne  fait  miséricorde  en  vain 
à  personne  ;  mais  il  appelle  celui  à  qui  il  fait 
miséricorde  de  la  manière  qu'il  sait  lui  être 
convenable,  afin  qu'il  ne  rejette  pas  celui 
qui  l'appelle.  « 

116.  «  Ceux  '  qui,  ajoute  saint  Augustin, 
avaient  été  invités  à  ce  banquet,  dont  il  est 
parlé  dans  l'Évangile  ,  ne  voulurent  pas 
tous  y  venir  ;  et  ceux  qui  y  sont  venus, 
n'auraient  pas  pu  y  venir,  s'ils  n'y  avaient 
été  appelés.  C'est  pourquoi,  ni  ceux  qui  sont 
venus,  ne  doivent  pas  s'attribuer  à  eux- 
mêmes  d'être  venus,  parce  qu'ils  n'y  seraient 
pas  venus,  s'ils  n'avaient  point  été  appelés  ; 
ni  ceux  qui  n'ont  pas  voulu  venir,  ne  doivent 
pas  en  rejeter  la  faute  sur  autrui ,  mais  s'en 
prendre  à  eux-mêmes,  parce  qu'ils  ont  été 
invités  à  venir,  et  qu'il  leur  a  été  libre  de 
venir  étant  appelés.  La  vocation  donc  avant 
le  mérite  opère  la  volonté.  C'est  pom'quoi, 
si  quelqu'un  s'attribue  à  lui-même  d'être 
venu  étant  appelé,  il  ne  peut  pas  s'attri- 
buer son  appel.  Mais  pour  celui  qui  , 
ayant  été  appelé ,  n'est  pas  venu ,  il  n'a 
pas  non  plus  mérité  d'être  appelé  ;  mais 
comme  il  n'y  a  rien  eu  du  tout  en  lui  qui 
l'ait 'rendu  digne  d'être  appelé,  de  même  il 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  725 

commence  à  se  rendre  digne  du  supplice, 
pour  avoir  négligé  de  venir,  étant  appelé. 
Personne  ne  ^  croit,  s'il  n'est  appelé  ;  mais 
tous  ceux  qui  sont  appelés  ne  croient  pas 
pour  cela  :  car  il  y  en  a  beaucoup  d'appelés,  et 
peu  d'élus.  Les  élus  sont  ceux  qui  n'ont  pas 
méprisé  celui  qui  les  a  appelés,  mais  qui 
l'ont  suivi  en  croyant.  Ésau  n'a  point  voulu 
et  n'a  point  couru.  Mais  s'il  avait  voulu  et 
s'il  avait  couru,  il  serait  parvenu  au  bout 
de  la  course  par  le  secours  de  Dieu  qui  en 
l'appelant,  lui  aurait  donné  la  grâce  de  vou- 
loir et  de  courir,  si,  parle  mépris  qu'il  a  fait 
de  la  vocation,  il  n'était  devenu  réprouvé. 
La  volonté  de  croire  doit  être  regardée 
comme  un  don  de  Dieu,  non-seulement  à 
cause  du  libre  arbitre  que  nous  avons  reçu 
du  Créateur  avec  la  nature  %  mais  aussi 
parce  que  Dieu,  en  nous  éclairant  et  nous 
persuadant,  agit  en  eflet  pour  nous  faire 
vouloir  et  nous  faire  croire.  Il  agit  au  de- 
hors par  les  exhortations  évangéliques,  en  et 
au  dedans  de  nous  par  des  mouvements  se- 
crets qui  ne  sont  pas  en  notre  pouvoir  ;  mais 
il  appartient  proprement  à  la  volonté  d'y 
consentir  ou  de  n'y  pas  consentir.  Dieu  agit 
de  cette  sorte  avec  l'âme  raisonnable  pour 
faire  qu'elle  croie  :  car  elle  ne  peut  rien 
croire  par  son  libre  arbitre,  s'il  n'y  a  point 


Mattb.     XX, 
16. 


nis  ,  quia  nullius  D eus  frustra  miseretur  ;  cujus 
autem  miseretur,  sic  eum  vocat  quomodo  sit  ei 
congruere  ut  vocantem  non  respuat.  August., 
lib.  I  De  Div.  quœst.,  mim.  13,  pag.  95,  tom.  VI. 

1  Ad  illam  enim  cœnam,quam  Dominus  dicilin 
Evangelio  prœparatam,  nec  omnes  qui  vocati  sunt 
venire  voluerunt,  neque  illi  qui  venerunl,  venire 
passent  nisivocarentur;  itaque  nec  illidebent  sibi 
tribuere  qui  venerunt,  quia  vocati  venerunt  ;  nec 
illi  qui  noluerunt  venire,  debent  alteri  tribuere, 
sed  tantum  sibi;  quoniam  ut  venirent,  vocati  erant 
in  libéra  voluntate  -,  vocatio  ergo  ante  meritum 
voluntatem  operatur  :  proplerea  et  si  quisquam 
sibi  tribuit  quod  venit  vocatus,  non  sibi  polest 
tribuere  quod  vocatus  est.  Qui  autem  vocatus  ve- 
nit, non  habuit  meritum  prœmii  ut  vocaretur, 
sic  inchoat  meritum  supplicii  cum  vocatus  venire 
neglexerit.  August.,  lib.  De  Divers,  quœst.  oc- 
tog.  trib.  quœst.  68,  num.  5,  pag.  54,  tom.  VI. 

2  Nemo  itaque  crédit  no7i  vocatus:  sed  non  om- 
nis  crédit  vocatus.  Multi  enim  sunt  vocati,  pauei 
vero  electi.  Utique  ii  qui  vocantem  non  contemp- 
serunl,  sed  credendo  secuti  sunt  ;  volentes  autem 
sine  dubio  crediderunt...  noluit  ergo  Esau  et  non 
cucurrit:  sed  et  si  voluisset  et  cucurrisset,  Dei 
adjutorio  pervenisset  qui  ei  etiam  velleet  currere 
vocando  prœstaret,  nisi  vocatione  comtempta  re- 
probus  fieret.  August.,  lib.  I  De  Divers,  quœst. 
quœst.  2,  num.  10,  pag.  93  et  94,  tom.  VI. 

'  Attendat  et  videat,  non  ideo  tantum  istam  vo- 


luntatem (qua  credimusj  divino  muneri  tribuen- 
dam-,  quia  ex  libero  arbitrio  est,  quod  nobis  na- 
turaïiter  concreatum  est  :  verum  etiam  quod  vi- 
sorum^  suasionibus  agit  Deus  ut  velimus  et  ut 
credamus,  sive  extrinsecus,  per  evangelicas  ex- 
hortationes,  sive  intrinsecus,  ubi  nemo  habct  in 
potestate  quid  ei  veniat  inmentem,  sed  consentire 
vel  dissentire  propriœ  voluntatis  est.  Bis  ergo 
modis  quando  Deus  agit  cum  anima  rationali,  ut 
ei  credat,  neque  enim  credere  potest  quodlibet  li- 
bero arbitrio,  si  nulla  sit  suasio  vel  vocatio  cui 
credat;  profecto  et  ipsum  vrlle  credere  Deus  ope- 
ratur in  homine  et  in  omnibus  misericordia  ejus 
prœvenit  nos:  consentire  autem  vocationi  Dei, 
vel  ab  ea  dissentire,  propriœ  voluntatis  est.  Quœ 
resnon  solum  non  infirmât  quod  dictum  est:  Quid 
enim  habes  quod  non  accepisti  ?  verum  etiam  con- 
firmât. Accipere  quippe  et  habere  anima  non  po- 
test doua,  de  quibus  hoc  audit,  nisi  consentiendo , 
ac  per  hoc  quid  habeat  et  quid  accipiat,  Dei  est  ; 
accipere  autem  et  habere  utique  accipientis  et  ha- 
bentis  est.  Jam  si  ad  illam  profunditatem  scru- 
tandam^  quisquam  nos  coarctet,  cur  illi  ita  siia- 
deatur  ut  persuadeatur,  illi  autem  non  ita?  Duo 
sola  occurrunt  intérim  quœ  respondere  mihi 
placeat  :  0  altitude  divitiarum  !  et  :  Numquid  ini- 
quitas  apud  Deum?  Cui  responsio  ista  displicet, 
quœrat  doctiores,  sed  caveat  ne  inveniat  prœ- 
sumptores.  August.,  lib.  De  Spiritu  et  litt.,  cap, 
xxxiv,  num.  60,  pag.  130  et  121,  tom.  X. 


726 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


cle  suasion  ou  de  vocation  :  et  c'est  Dieu  qui 
opère  dans  l'homme  la  volonté  de  croire,  sa 
miséricorde  nous  prévenant  en  tout.  Il  est 
vrai  que  de  consentir  ou  de  résister  à  la  vo- 
cation de  Dieu,  cela  est  proprement  de  la 
volonté.  Ce  qui  toutefois  n'est  point  con- 
icor.  .T,7.  traire  à  ce  que  dit  l'Apôtre  :  Qu'avcz-vous  que 
vous  n'ayez  reçu? 'En  effet,  l'âme  ne  peut  rece- 
voir, ni  avoir  les  dons  rapportés  par  saint 
Paul,  qu'en  y  consentant.  Ainsi  ce  qu'elle  a 
eu  et  ce  qu'elle  reçoit,  vient  de  Dieu.  Mais  le 
recevoir  et  l'avoir  est  de  la  volonté  qui  re- 
çoit et  qui  a.  Que  si  quelqu'un  ,  dit  saint' 
Augustin,  me  presse  de  sonder  cette  profon- 
deur impénétrable  ,  pourquoi  une  telle  sua- 
sion persuade  celui  à  qui  elle  est  donnée, 
pendant  qu'un  autre  à  qui  elle  est  également 
donnée,  n'en  est  point  persuadé,  il  ne  me 
vient  dans  l'esprit  que  ces  deux  choses  à  lui 
répondre  avec  l'Apôtre  :  0  profondeur  des 
richesses!  etc.,  et:  Y  a-t-il  en  Dieu  de  l'in- 
justice ?  Que  si  cette  réponse  ne  lui  plaît  pas  , 
qu'il  cherche  des  hommes  qui  soient  plus 
doctes,  mais  qu'il  prenne  garde  d'en  trouver 
qui  soient  plus  présomptueux.  Quiconque 
ose  dire  ':  J'ai  la  foi  de  moi-même,  je  ne  l'ai 
donc  pas  reçue,  contredit  cette  vérité  très- 
évidente  de  l'Apôtre  :  Qui  est-ce  qui  vous  dis- 
cerne, qu'avez-vous  que  vous  n'ayez  point  reçu? 
Non  qu'il  ne  soit  au  pouvoir  du  libre  arbitre 
de  la  volonté  de  croire  ou  de  ne  pas  croire  ; 
mais  cette  volonté  est  préparée  par  le  Sei- 
gneur dans  les  élus.  » 


117.  «Les  Tyriens  et  les  Sidoniens,  dit  saint   ,     Pouno 
Auffustin,  ont  été  laisses  dans  la  masse  de   i«'  sidon,., 

~  '  n  ont  pas  u 

perdition^  par  un  jugement  de  Dieu.  Ils  au-  ^îri„^""= 
raient  pu  croire  néanmoins  ,  s'ils  avaient  vu 
les  grands  miracles  de  Jésus- Christ.  Mais 
parce  qu'il  ne  leur  avait  pas  été  donné  de 
croire,  le  moyen  par  lequel  ils  auraient  cru 
leur  a  été  refusé.  D'où  il  paraît  qu'il  y  en  a 
qui  ont  naturellement  dans  leur  esprit  un 
don  divin  d'intelligence  qui  les  porterait  iY 
croire  à  l'Évangile,  s'ils  entendaient  des  pa- 
roles, ou  s'ils  voyaient  des  miracles  confor- 
mes aux  dispositions  de  leur  esprit.  Toute- 
fois, si  par  un  jugement  de  Dieu  plus  pro- 
fond ils  ne  sont  point  séparés  de  la  masse 
de  perdition  par  la  prédestination  de  la  grâ- 
ce, ils  n'entendent  point  ces  paroles,  et  ne 
voient  pas  ces  miracles  par  lesquels  ils 
pourraient  croire,  s'ils  les  entendaient  ou  les 
voyaient.  C'est  dans  cette  même  masse  de 
perdition  qu'ont  aussi  été  laissés  les  Juifs 
qui  n'ont  pu  croire,  après  même  avoir  va 
devant  leui's  yeux  des  miracles  si  éclatants 
et  si  exti'aordinaires.  Et  pourquoi  ne  l'ont- 
ils  pu  ?  L'Évangile  ne  nous  le  cache  point, 
quand  il  dit  :  Quoique  Jésus-Christ  ait  fait  JoaD.su, 
tant  de  miracles  devant  eux,  ils  ne  croyaient 
pas  en  lui,  afin  que  cette  parole  du  prophète 
Isaïe  fut  accomplie  :  Seigneur,  dit-il ,  qui  a 
cru  à  la  parole  qu'il  a  entendue  de  vous ,  et 
à  qui  le  bras  du  Seigneur  a-t-il  été  révélé? 
C'est  pour  cela  qu'ils  ne  pouvaient  croire, 
parce  que  Isaïe  a  dit  encore  :  Il  a  aveuglé  leurs 


Quisenim  te  discernitî  Quid  autein  habes  quod 
nonaocepisti'?  Quisquis  audet  dicere  :  Habeo  ex  me 
ipso  fidem,  non  ergo  accepi,  profecto  contradi- 
cil  huic  aperiissimœ  verUaM.  Non  quia  credere 
vel  non  credere  non  est  in  arbitrio  voluntaiis  hu- 
manœ,  sed  in  electis  prœparatur  voluntas  a  Do- 
■jiimo.  August.jlib.  DePrœd.sanct.,  cap.  v,num.lO, 
pag.  797  et  798. 

2  Cœleri  autem  ubi,  nisi  in  massa  perditionis, 
juslo  divinojudicio  relinquuntur  ?  Ubi  Tyrii  relicti 
sunt  et  Sidonii,  qui  eliam  credere  potuerunt,  si 
mira  illa  Christi  signa  indissent?  Sed  qiioniam  ut 
crederent  non  erat  eis  datum,  eliam  undc  crede- 
rent  est  negatum.  Ex  quo  apparet  habere  quos- 
dam  in  ipso  ingenio  divinum  naturaliler  munus 
inleUigentiœ,  quo  moveanlur  ad  fidem,  si  congrua 
suis  menlibus,  vel  audiant  verba,  vel  signa  cons- 
piciant,  et  tamen  si  Dei  alliore  judicio  a  perditio- 
nis massa  non  sunt  gratiœ  prœdeslinalionc  dis- 
creti,  nec  ipsa  eis  adhibmlur  vel  dicta  divina 
vel  facia,  fier  quœ  passent  credere,  si  audircnl 
iiliqne  lalia  vel  vidèrent.  In  eadem  perdiiionis 
massa  relicti  sunt  eliam  Judivi  qui  non  pnlne- 
riml  credere  faclis  in  cunspectu  suo  lain  niagnis 
darisque  virlutibus.  Cui  enim  non  poleranl  cre- 


dere, non  tacuit  Evangelium,  dicens  :  Cum  autciD 
tauta  signa  fecisset  coram  eis,  non  crediderunt  iu 
eum.  Ut  sermo  Isaiœ  proplietce  impleretur,  quem 
dixit:  Domine,  quis  credidit  auditui  nostro,  etbra- 
cliium  Domini  cui  revelatum  est?  Et  ideo  non  po- 
terant  credere,  quia  iterum  dixit  Isaias:Excœcavit 
oculos  eorum  et  induravit  cor  illorum  ut  non  vi- 
deant  oculis,  nec  intelligant  corde,  et  convertantur 
et  sauem  illos.  J\'o?i  erant  ergo  sic  excœeali  ociUi 
nec  sic  induralum  cor  Tyriorum  et  Sidoniorum 
quoniam  credidissent,  si,  qualia  viderunt  isti,  si- 
gna vidissent.  Sed  ntc  illis  profuit  quod  poterant 
credere  quia  prœdeslinatinon erant  ub  eo,  cujus 
inscnUabilia  sunt  judicia  et  investigabilcs  vice; 
nec  istis  obfuisset  quod  non  polerant  credere,  si 
ita  prœdestinati  essent  ut  eos  cœcos  Deus  illumi- 
narel,  et  induratis  cor  lapideum  vellct  au  ferre. 
Verum  quod  dixit  Dominus  de  Tyriis  et  Sidoniis 
aliquo  alio  modo  polesl  fnrtassis  intclligi;  nemi- 
nem  lamcn  venire  ad  Clirislumnisi  cui  fuerit  da- 
tum, et  eis  dari  qui  in  illn  elccti  sunt  anle  cons- 
tilutionem  mnndi,  procul  duhio  confiletur,  a  quo 
non  surdis  auribus  cordis  cloquium  dirinumau- 
ribus  carnis  audilur.  Aiigust.,  De  Dono  pers., 
cap.  XIV,  uum.  3.'),  iiag.  8o9  et  SiO. 


[iv"  ET  V"  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


yeux,  et  il  a  endurci  leur  cœur,  de  peur  qu'ils 
ne  voient  des  yeux,  et  ne  comprennent  du 
cœur,  et  que  venant  à  se  convertir,  je  ne  les 
guérisse.  Les  Tyriens  et  les  Sidoniens  n'a- 
vaient donc  pas  ainsi  les  yeux  aveuglés ,  ni 
le  cœur  endurci,  puisqu'ils  eussent  cru, 
s'ils  eussent  vu  des  miracles  comme  ceux 
que  les  Juifs  avaient  vus.  Il  n'a  cependant 
servi  de  rien  à  ceux-là  d'avoir  pu  croire, 
parce  qu'ils  n'étaient  pas  prédestinés  par  ce- 
lui dont  les  jugements  sont  impénétrables  et 
les  voies  incompréhensibles.  Et  l'impuis- 
sance de  croire,  où  les  autres  étaient,  ne  les 
aurait  pas  fait  périr,  s'ils  eussent  été  prédes- 
tinés, et  si  Dieu  eût  voulu  dissiper  leurs  té- 
nèbres, et  leur  ôter  ce  cœur  de  pierre  qui 
faisait  leur  endurcissement.  Mais  qu'on 
puisse  peut-être  donner  quelqu.'autre  sens 
à  ce  que  Jésus-Christ  dit  des  Tyriens  et  des 
Sidoniens,  il  demeure  toujours  pour  cons- 
tant que  nul  ne  vient  à  lui ,  que  ceux  à  qui 
il  a  été  donné  ;  et  que  cela  n'est  donné  qu'à 
ceux  qui  ont  été  élus  en  lui  avant  la  créa- 
tion du  monde.  C'est  ce  que  confesseront 
sans  doute  tous  ceux  dont  le  cœur  reçoit  et 
goûte  les  oracles  de  la  vérité,  à  mesure  que 
les  oreilles  les  entendent.  » 

118.  Selon  saint  Augustin,  Dieu  '  nous  a 
révélé  dans  ses  saintes  Écritures  que  le  libre 
arbitre  est  dans  l'homme.  Dès  le  comrnence- 
ment  Dieu  l'a  établi  et  l'a  laissé  dans  la  main 
de  son  conseil.  Il  a  mis  devant  lui  le  feu  et 
l'eau,  afin  qu'il  portât  la  main  du  côté  qu'il 
voudrait,  La  vie  et  la  mort  sont  devant  l' hom- 
me :  ce  qu'il  aura  choisi  lui  sera  donné.  Voi- 
là des  paroles  qui  marquent  bien  évidem- 


727 

ment  le  libre  arbitre.  Nous  lisons  encore 
dans  la  première  Epitre  de  saint  Jean,  que 
tout  homme  qui  a  cette  espérance  en  Dieu  ,  se 
rend  chaste  lui-même.  Ce  saint  Docteur  ajoute 
à  ce  propos  ^  :  «  Voyez  comment  cet  apô- 
tre ,  bien  loin  d'ôter  le  libre  arbitre  ,  assure 
au  contraire  que  l'homme  se  rend  chaste  lui- 
même.  Qui  est-ce  qui  nous  rend  chastes,  si- 
non Dieu  ?  Mais  Dieu  ne  vous  rend  pas  chastes 
si  vous  ne  le  voulez.  C'est  donc  parce  que 
vous  joignez  votre  volonté  à  Dieu  ,  que  vous 
vous  rendez  chastes  vous-mêmes.  Vous  vous 
rendez  chastes  non  par  vous-mêmes ,  mais 
par  le  secours  de  celui  qui  vient  pour  habi- 
ter en  vous.  Toutefois,  parce  que  vous  faites 
aussi  quelque  chose  par  votre  volonté  ,  c'est 
pour  cela  qu'on  vous  a  attribué  quelque 
chose  ;  mais  on  vous  l'a  attribué ,  afin  que 
vous  disiez  avec  le  Psalmiste  :  Soyez  mon 
aide,  ne  m'abandonnez  pas.  Vous  donc  *  qui 
avez  reçu  de  Dieu  le  libre  arbitre ,  vous 
croyez  peut-être  marcher  de  vous-mêmes 
dans  la  voie  du  Seigneur,  mais  ne  présumez 
rien  de  vos  propres  forces.  Si  Dieu  vous  aban- 
donne ,  vous  perdrez  com'age  au  milieu  de 
la  voie,  vous  tomberez,  vous  vous  égarerez, 
vous  vous  y  arrêterez.  Dites-lui  donc  :  Il  est 
vrai,  mon  Dieu,  que  vous  m'avez  donné  une 
volonté  libre,  mais  sans  vous  mes  efforts  ne 
sont  rien.  Aidez-moi ,  ne  m'abandonnez  point 
et  ne  me  méprisez  point ,  ô  mon  Dieu ,  qui 
êtes  mon  Sauveur  :  car  c'est  vous  qui  m'ai- 
dez, vous  qui  m'avez  fait  ;  c'est  vous  qui  ne 
m'abandonnez  pas ,  vous  qui  m'avez  créé. 
Croyons  donc  sur  l'autorité  des  saintes  Écri- 
tures ,  et  que  nous  avons  le  libre  arbitre  ', 


1  JoaD>  m, 


1  Revelavit  autem  nabis  per  Scripturas  suas 
sanctas  esse  in  Iiomine  liberwm  voluntatis  arbi- 
trium...  Ipse  ab  initio  fecit  hominem  et  reliquit 
eum  in  manu  consilii  sui.  Si  volueris,  conservat)ia 
mandata  et  fidem  bonam  plaoiti.  Apponit  tibi  ignem 
et  aquam,  ad  quodcumque  volueris  extende  ma- 
num  tuam.  In  conspectu  bominis  vita  et  mors  et 
quodcumque  placuerit  dabiturei.  Ecce  apertissime 
videmus  expressum  liberwm  humanœ  voluntatis 
arbitrium.  August.,  lib.  De  Grat.  et  libero  arb., 
num.  2,  pag.  718,  et  num.  3,  pag.  719. 

^  Et  omnis  qui  babet  spem  banc  in  ipso,  casti- 
licat  semetipsum,  sicut  et  ipse  castus  est.  Videte 
quemadinodum  non  abslulit  liberum  arbitrium, 
ul  diceret  :  Castificat  semet  ipsum.  Qwis  nos  castifl,- 
cat  nisiDeus?  Sed Deus  te  nolentem  non  castificat. 
Ergo  quod  adjwngis  vohmtatem  tuam  Dec,  casti- 
ficas  te  ipsum.  Castiflcas  te,  non  de  te,  sed  de  illo 
qui  venit  ul  inhabiiet  in  te.  Tamen  quia  agis  ibi 
aliquid  volunlate,  ideo  et  tibi  aliquid  tributum  est. 
Ideo  autem  tibi  tributum  est,  ut  dicas  sicut  in 


Psalmo  :  Adjutor  meus  esto,  ne  derelinquas  me.  Si 
dicis  :  Adjutor  meus  esto,  aliquid  agis  :  nam  si 
nihil  agis,  quomodo  ille  adjuvat  ?  August. ,  m 
Epist.  Jean.,  cap.  m,  num.  7,  pag.  854,  tom.  III, 
part.  2. 

3  Jam  tuaccepto  libero  arbitrio,  prœsumis  unde 
ambules,  noli  de  te  prœsumere  si  te  dereliqweril, 
in  ipsa  via  deficies,  cades,  aberrabis,  remanebis ; 
die  ergo  illi  :  Yoluntatem  quidem  liberam  mihi  de- 
disti,  sed  sine  te  nihil  est  mihi  conatus  métis.  Ad- 
jutor meus  esto,  ne  derelinquas  me  ;  neque  despi- 
cias  me,  Deus  salutaris  meus.  Tu  enim  adjuvas 
qui  condidisti,  tu  non  deseris  qui  créas  H.  August., 
in  Psal.  sxvi,  enarr.  2,  num.  17,  pag.  126. 

*  Intérim  crédite  divinis  eloquiis,  quia  liberwm 
est  hominis  arbitrium,  et  gratia  Dei ,  sine  cujus 
adjutorio  libertim  arbitrium  née  converti  potest 
ad  Deum,  nec  proficere  in  Deo;  et  quod  pie  cre- 
ditis,  wt  etiam  sapienter  intelligatis  orale:  et  ad 
hoc  ipsum  enim,  id  est,  wt  sapienter  inleltiganms, 
est  utique  liberum  arbitrium.  Nisi  enim  libero  ar- 


728 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Psnl.  csvni, 
73. 


Luc. 
«8, 


Jacobt  ijB, 


et  qu'il  y  a  une  grâce  de  Dieu  sans  le  secours 
de  laquelle  nous  ne  saurions  ni  nous  con- 
vertir à  Dieu ,  ni  nous  avancer  vers  lui  par 
aucun  progrès  dans  la  piété  ;  nous  devons 
prier  Dieu  qu'il  nous  fasse  la  grâce  de  goû- 
ter et  de  comprendre  cette  vérité ,  que  le  li- 
bre arbitre  est  de  la  partie.  Car  s'il  n'en  était 
pas,  l'Écriture  ne  nous  aurait  pas  dit  comme 
elle  fait  :  Voies  qui,  parmi  le  peuple,  êtes  des  in- 
sensés, entrez  dans  l'intelligence  de  la  vérité. 
Vous  qui  êtes  fous,  commencez  à  devenir  sages. 
Dès-là  donc  qu'il  nous  est  ordonné  de  com- 
prendre les  vérités  et  de  les  goûter ,  ce  qui 
est  le  propre  de  la  sagesse,  il  faut  qu'il  y  ait 
en  cela  de  l'obéissance  de  notre  part  ;  ce  qui 
ne  saurait  être  ,  si  nous  n'avions  point  de 
libre  arbitre.  Mais  aussi,  si  sans  le  secours 
de  la  grâce  et  par  les  seules  forces  de  notre 
libre  arbitre  nous  pouvions  avoir  cette  in- 
telligence et  cette  sagesse  savoureuse  que 
l'Écriture  veut  que  nous  ayons,  le  Prophète 
n'aui'ait  pas  dit  à  Dieu  :  Donnez-moi  l'intelli- 
gence afin  que  j'apprenne  vos  commandements, 
et  l'Évangile  n'aurait  pas  dit  qne  Jésus-Christ 
ouvrit  l'esprit  à  ses  disciples  afin  qu'ils  enten- 
dissent les  Ecritures  ;  et  encore  :  Si  quelqu'un 
de  vous  manque  de  sagesse,  qu'il  la  demande  à 
Dieu,  qui  donne  à  tous  libéralement  sans  re- 
procher ses  dons,  et  la  sagesse  lui  sera  donnée. 
Ce  commandement  de  la  part  de  Dieu  est 
une  preuve  incontestable  du  libre  arbitre  de 
la  part  de  l'homme.  Et  Dieu  ne  commande- 


rait point,  ou  le  commandement  ne  servirait 
de  rien  '  à  l'homme,  si  l'homme  n'avait  dans 
le  libre  arbitre  le  pouvoir  de  l'accomplir. 
Dieu  ne  commanderait  point  à  l'homme 
d'être  chaste,  s'il  n'avait  dans  sa  propre  vo- 
lonté le  pouvoir  d'obéir.  Cependant  la  chas- 
teté est  un  don  de  Dieu  sans  lequel  on  ne 
peut  garder  le  commandement  que  Dieu  fait 
d'être  chaste.  Comment  la  justice  divine^, 
qui  paraît  dans  la  punition  des  péchés  et 
dans  la  récompense  des  bonnes  œuA'res  sub- 
sisterait-elle ,  si  l'homme  n'avait  la  liberté 
de  sa  volonté  ?  Car  l'action  qui  ne  serait 
pas  au  pouvoir  de  la  volonté  ne  pourrait 
être  ni  bonne  ni  criminelle,  et  par  consé- 
quent il  y  aurait  de  l'injustice  à  punir  ou  à 
récompenser,  si  l'homme  n'avait  une  volon- 
té libre.  Dieu'  qui  gouverne  l'univers  avec 
justice  ne  permet  point  qu'on  punisse  ou 
qu'on  récompense  personne  s'il  ne  l'a  méri- 
té. Or,  c'est  le  péché  qui  mérite  le  châtiment, 
et  ce  sont  les  bonnes  œuvres  qui  méritent 
la  récompense  ;  et  on  ne  saurait  imputer  ni 
péché  ni  bonnes  œuvres  à  celui  qui  n'a  rien 
fait  par  sa  propre  volonté.  Nous  ne  mettons 
point  la  naissance  *  des  hommes  sous  le  des- 
tin des  étoiles,  afin  de  délivrer  de  toute  né- 
cessité le  libre  arbitre  par  lequel  on  vit  bien 
ou  mal ,  et  cela  à  cause  du  juste  jugement 
de  Dieu.  » 

Pelage  objectait  l'endroit  oii  saint  Jérôme 
dit  que  Dieu  nous  a  créés  libres ,  et   que 


bitrio  intelligeremuslatquesaperemus,  non  nobis 
prœciperetur  dicente  Scriptura:  Intelligite  ergo 
qui  insipientes  estis  in  populo,  et  stulti  aliquauJo 
sapite.  Eo  ipso  quippe  quo  prœceptum  et  impera- 
tv/in  est  ut  intelUgainus  atque  sapiamus ,  obedieii- 
tia  nostra  requiritur,  quœ  nulla  potest  esse  svne 
libéra  arbitrio.  Sed  si  posset  hoc  ipsuin  sine  ad- 
jutorio  Dei  gratice  fieriper  liberum  arbitrium,  ut 
intelligeremus  atque  saperemus,  non  dicereiur 
Deo:  Da  mihi  intelleotum  et  discam  mandata  tua  ; 
neque  in  Evangelio  scriptum  esset  ;  Tune  aperuit 
jllis  sensum  ut  intelligerent  Scripturas  ;  nec  Jacob^is 
apostolus  diceret  :  Si  quis  antem  vestrum  iudiget 
sapientia,  postulet  a  Deo,  qui  dat  omnibus  affluen- 
ter  et  non  improperat,  et  daijitur  ei.  August.,  Epist, 
214,  num.  7,  pag.  792  et  793. 

1  Ipsa  divina  prcecepta  homini  non  prodessent, 
nisi  haberet  liberum  voluntalis  arbitrium,  quo 
ea  faciens  ad  promissa  prœinia  perveniret.  Au- 
gust., lib.  De  Grat.  et  libero  arb.,  cap.  n,  pag. 
718.  Numquid  tam  multa  quœ  prœcipiuntvr  in 
lege  Dei  ne  fornicationes  et  adulteria  commit- 
tantur  indicant  aliud  quam  liberum  arbitrium? 
Neque  enim  prœciperentur,  nisi  homn  haberel 
propriam  voluntatem,  qua  divinis  prœceplis  obe- 
direl.  Et  tamen  Dei  donum  est,  sine  quo  servari 


castitatis  prœcepta  non  possunt.  August.,  lib.  De 
Grat.  et  libero  arb.,  num.  8,  pag.  722. 

-  Deinde  illud  boiium,  quo  commendatur  ipsa 
justitia  in  damnandis  peccatis  recteq-ue  factis  ho- 
norandis,  quomodo  esset,  si  liomo  careret  libero 
voluntalis  arbitrio?  Non  enim  aut  peccatum  es- 
set, aut  recte  factum,  quod  non  fieret  voluntale, 
ac  per  hoc  et  pœna  injusta  essel  et  prœmium,  si 
homo  voluntatem  non  haberet  liberam.  August., 
lib.  Il  De  Libero  arb.,  cap.  i,  num.  3,  pag.  583, 
tom.  I. 

'  Justus  autem  regens  et  gubernans  universa, 
nullam  pœnam  cuiquam.  sinit  immerito  infligi, 
nulium  prœmium  immerito  dari.  Meritum  aulem 
pœnœ,  peccatum, ;  et  meritum  prœinii,  recte  fac- 
tum est.  Nec  peccatum  autem,  nec  recte  factum 
imputari  cuiquam  juste  potest,  qui  nihil  fecerit 
propria  voluntate.  August.,  lib.  De  Divers,  qucest. 
octoginta  t7'iMis,  quœst.  24,  pag.  6. 

'>  Et  nos  quidem  sub  fato  stellarum  nullius  ho- 
minis  genesim.  ponimus  ut  liberum  arbitrium  vo- 
luntalis, quo  vel  bene,  vel  maie  vivitur  propter 
justum  judicium  Dei,  ab  omninecessitalia  vinculo 
vindicemus.  kvignsi.,  Xih.WContra  Faust.,  eap.  v, 
pag.  188j 


[lY»  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


■st  llbrs 

iiiric  de 


nous  ne  sommes  point  entraînés  ni  au  vice 
ni  à  la  vertu  par  nécessité,  parce  que  là  où  il 
y  a  nécessité,  il  n'y  a  point  de  récompense. 
«  Qui  est-ce,  lui  répond  saint  Augustin,  qui 
ne  reconnaît  pas  cette  vérité  ?  Qui  est-ce  qxù 
ne  l'embrasse  pas  de  tout  son  cœur?  Qui 
est-ce  qui  doute  que  Dieu  n'ait  ainsi  créé 
l'homme  ?  '  » 

119.  «  Si  Satan  ^  parlait  et  que  Dieu  se 
tût,  vous  auriez  une  excuse  légitime,  dit  saint 
Augustin.  Maintenant  que  vos  oreilles  sont 
placées  entre  Dieu  qui  vous  avertit,  et  le 
serpent  qui  vous  suggère  le  mal,  pourquoi 
les  prêtez-vous  à  celui-'ci  et  les  détournez- 
vous  de  celui-là  ?  Satan  ne  cesse  point  de 
vous  conseiller  de  commettre  le  mal ,  mais 
Dieu  ne  cesse  point  de  vous  avertir  de  faire 
le  bien.  Satan  ne  vous  contraint  point  mal- 
gré vous ,  il  est  en  votre  pouvoir  de  consen- 
tir à  ses  sollicitations  ou  de  n'y  pas  consen- 
tir. Il  n'y  a  rien  de. plus  '  mal  fondé  que  les 
blasphèmes  des  impies  qui,  voulant  excuser 
leurs  crimes,  ne  veulent  pas  s'en  avouer 
coupables  comme  s'ils  n'y  avaient  point  de 
part  ;  ils  ont  recours  ou  à  la  fortune  ,  ou  au 
destin  sur  lequel  ils  rejettent  le  mal  qu'ils 
font,  ou  au  démon  ;  quoique  Dieu  qui  nous  a 
créés,  ait  voulu  qu'il  fût  en  notre  pouvoir  de 
ne  point  consentir  aux  suggestions  du  dé- 
mon. » 

Saint  Augustin  avait  dit  dans  le  livre  con- 
tre Adimante  ',  manichéen,  que  personne  ne 


729 

peut  faire  le  bien  s'il  ne  change  sa  volonté  , 
et  que  cela  est  en  notre  pouvoir,  comme  No- 
tre-Seigneur  nous  l'enseigne  lorsqu'il  dit  : 
Ou  fuites  l'arbre  bon  et  son  fruit  bon,  ou  faites 
l'arbre  mauvais  et  son  fruit  mauvais.  Et  il 
soutient  dans  son  livre  des  Rétractations, 
que  cette  manière  de  parler  n'est  point  con- 
traire à  la  grâce  qu  'il  prêchait  dans  ses  au- 
tres écrits.  «  Car  il  est,  dit-il,  au  pouvoir  de 
l'homme  de  changer  sa  volonté  en  mieux , 
mais  on  n'a  point  ce  pouvoir  qu'il  ne  nous 
soit  donné  de  Dieu  ,  dont  l'Écriture  dit  :  Il 
leur  a  donné  le  pouvoir  de  devenir  enfants  de 
Dieu.  Car,  puisqu'une  chose  dépend  de  nous 
dès  que  nous  la  faisons  quand  nous  voulons, 
rien  ne  dépend  plus  de  nous  que  notre  vo- 
lonté même  ;  mais  c'est  Dieu  qui  la  prépare 
et  qui  lui  donne  en  cette  manière  le  pouvoir 
qu'elle  n'avait  pas.  » 

Cette  explication,  que  ce  Père  donne  à  ses 
propres  paroles,  peut  encore  servir  à  faire 
entendre  ce  qu'il  avait  dit  ensuite  :  «  Il  est  en 
notre  pouvoir  de  mériter  ou  d'être  incor- 
porés à  Jésus-Christ  par  la  bonté  de  Dieu, 
ou  d'en  être  séparés  par  la  sévérité  de  ses 
jugements,  parce  qu'il  n'y  a  rien  en  notre 
pouvoir  que  ce  qui  est  une  suite  de  la  déter- 
mination de  notre  volonté.  Quand  le  Seigneur 
la  prépare  en  la  rendant  forte  et  puissante, 
elle  fait  aisément  l'œuvre  de  piété  qui  lui 
était  auparavant  difficile  et  impossible.il  n'y 
a,  dit  encore  ce  saint  Docteur  "*,  que  ce  qui 


M.illh. 

U3. 


1  Item  quod  ait  fPelagmsJ  a  memorato  fHiero- 
nymoj  dictum  esse  presbylero:  Liberi  arbitrii  nos 
condidit  Deus  nec  advirtutem,  nec  ad  vitia  neces- 
sitate  trahiinur:  alioquin  ubi  nécessitas,  nec  co- 
rona  est.  Quis  non  agnoscat?  Quis  non  toto  corde 
suscipiat?  Quis  aliter  conditam  humanam  neget 
esse  naluram?  August.,  De  Nat.  et  grat.  contra 
Pelag.,  cap.  lxv,  num.  78,  pag.  161. 

2  Si  Satanas  loquerelur,  et  taceret  Deus,  habe- 
res  unde  te  excusares  :  modo  aures  tiiœ  positœ 
sunt  inter  monentem  Deum  et  suggerentem  ser- 
pentem.  Quare  ut  flectuntur,  hinc  avertuntur? 
Non  cessât  Satanas  suadere  malum  :  sed  nec  Deus 
cessât  admonere  bonum.  Satanas  autem  non  co- 
git  invitum:  in  tua  potestate  est  consentire  aut 
non  consentire.  August.,  in  Psal.  xci,  num.  3, 
pag.  982. 

^  Isla  confessio  ita  Dominum  laudat,  ut  nihil 
possint  impiorum  valere  blasphemiœ,  qui,  volen- 
tes  excusare  facinora  sua,  nolunt  suce  culpœ  tri- 
buere  quod  peccant,  hoc  est  nolunt  suœ  culpœ  tri- 
buere  culpam  suam.  Itaque  aut  fortunam  aut  fa- 
tum inveniunt  quod  accusent,  aut  diabolum,  cui 
non  consentire  in  potestate  nostra  esse  voluit 
qui  nos  fecit.  August.,  in  Psal.  vu,  num.  19, 
pag.  38. 

4  Nisi  quisque,  inquom,  voluBtatem  mutavçrit, 


bonum  operari  non  potest,  quod  in  nostra  potestate 
esse  positum  alio  loeo  docet,  ubi  ait;  Aut  facite  ar- 
borem  bonam  et  fructum  ejus  bonum  ;  aut  facite 
arborem  malam  et  fructum  ejus  malum  :  qiiod  non 
est  contra  gratiam  Dei  quamprœdicamus.  In  po- 
testate quippe  hominis  est  mutare  in  melius  vo- 
luntatem,  sed  ea  potestas  nulla  est  nisi  a  Deo  de- 
tur,  de  quo  dictum  est  :  Dédit  sis  potestatem  filios 
Dei  fieri.  Cuni  enim  hoc  sit  in  potestate  quod 
cum  volumus  faciamus ,  nihil  tam  in  potestate 
quam  ipsa  voluntas  est,  sed  prœparatur  volun- 
tas  a  Domino.  Eo  modo  ergo  dat  potestatem.  Sic 
inlelligendum  est  et  quod  dixi  postea  :  In  nostra 
potestate  esse  ut  vel  inseri  bonitate  Dei,  vel  excidi 
ejus  severitate  mereamur;  quia  in  potestate  nostra 
non  est  nisi  quod  noslram  sequitur  voluntatem, 
quœ  cum  fortis  et  potens  prœparatur  a  Domino, 
facile  fit  opus  pietatis,  etiam  quod  difficile  atque 
impossibile  fuit.  AxjguBt.,  lib.  I  Retract.,  cap.  xxii, 
num.  i,  pag.  33. 

^  Non  dicimus  esse  in  potestate  nostra,  nisi  quod 
cum  volumus  fit,  ubi  prius  et  maxime  est  ipsum 
velle.  Sine  ullo  quippe  intervallo  temporis  prœsto 
est  voluntas  ipsa,  cum  volumus;  sed  hane  quo- 
que  ad  bene  vivendum  desuper  accipimus  potesta- 
tem, cum  prœparatur  voluntas  a  Domino.  Au- 
gust., lib.  II  Retract.,  cap.  i,  num.  2,  pag.  42. 


730 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Scn'tmptits 
dos  l'élapicns 
siT  le  libro- 
arbilre. 


se  fait  lorsqu'on  le  veut,  que  l'on  puisse  dire 
être  en  notre  pouvoir  :  ce  qui  renferme  prin- 
cipalement le  vouloir.  Car  aussitôt  que  nous 
voulons,  nous  avons  clans  le  moment  même 
le  vouloir  :  mais  nous  recevons  d'en  haut  le 
pouvoir  de  bien  vivre  lorsque  le  Seigneur 
prépare  la  volonté.  » 

120.  «  Selon  Julien  le  pélagien,  le  libre  ar- 
bitre ',  dit  saint  Augustin,  était  demeuré  aussi 
plein  et  entier  depuis  le  péché,  qu'il  l'était 
auparavant  ;  en  sorte  que  plusieurs  par  ses 
efforts  renonçaient  aux  actions  honteuses,  se 
retiraient  de  la  fange  des  vices  et  séparaient 
de  l'éclat  et  de  la  splendeur  des  vertus.  Par 
une  conséquence  qu'il  tirait  de  ce  principe  , 
il  soutenait  "  que  nous  ne  naissons  point  avec 
le  péché  originel,  et  que  notre  nature  est  aussi 
sainte  et  entière  qu'elle  était  avant  le  péché 
d'Adam.  Il  définissait  la  liberté  ',  un  pouvoir 
de  commettre  ou  d'éviter  le  péché  ,  exempt 
de  nécessité ,  de  contrainte ,  par  lequel  cha- 
cun peut  suivre  ce  qu'il  lui  plaît,  le  parti  de 
la  vertu  ou  du  vice  ;  de  manière  que  l'hom- 
me soit  également  hbre  d'obéir  à  Dieu  quand 
il  commande,  qu'au  démon  lorsqu'il*  per- 
suade. »  Saint  Augustin  convient^  que  c'est 
là  le  libre  arbitre  qu'Adam  a  reçu  du  Créa- 


teur ;  mais  il  soutient  que  le  libre  arbitre, 
corrompu  ensuite  par  le  tentateur,  doit  être 
guéri  par  le  Sauveur.  «  C'est  là,  dit-il  à  Ju- 
lien, ce  que  vous  ne  voulez  pas  avouer,  vous 
autres,  avec  l'Église  ;  et  c'est  à  cause  de  cela 
que  vous  êtes  hérétiques.  Vous  ne  pensez 
pas  à  l'état  présent  où  vous  vous  trouvez  vous- 
mêmes.  Quand  le  libre  arbitre  était  tel  que 
vous  le  présentez,  l'homme  n'était  pas  en- 
core sujet  à  la  vanité.  On  ne  disait  pas  alors  : 
J'ai  été  conçu  dans  l'iniquité.  On  ne  disait 
point  :  //  n'y  a  personne  exempt  de  souillure, 
non  pas  même  l'enfant  d'un  jour  ;  ni  enfin  :  Je 
ne  fais  pas  le  bien  que  je  veux,  mais  le  mal 
que  je  ne  veux  pas.  »  , 

Juhen  admettait  une  infinité  d'espèces  de 
grâces,  qu'il  supposait  être  toujours  prêtes 
à  secourir  la  volonté  dans  les  actions  de 
vertu.  Il  prétendait  même  que  ces  secours, 
loin  de  déplacer  le  libre  arbitre,  lui  tenaient 
uniquement  lieu  d'aides  et  d'appuis  "  au  cas 
qu'il  voulût  s'en  servir.  «  Comment  se  pour- 
rait-il faire,  lui  demande  saint  Augustin',  que 
ces  secours  déplaçassent  le  libre  arbitre, 
puisqu'ils  le  tiennent  déplacé  et  asservi  au 
mal  ?  Ils  le  délivrent  et  le  remettent  dans  la 
place  qu'il  a  perdue.  Pourquoi  '  donner  donc 


•  Liberum  autem  arbitrium  et post  peccata  tam 
plénum,  quamfuit  ante  peccata;  siqmdem  ipsius 
opéra  fiât  ut  abdieent  occulta  dedecoris,  et  flagi- 
tiorum  abjectis  sordibus,  vii-tuium  comanlur  in- 
signibus.  Julian.  apud  August.,  lib.  I  Oper.  im- 
perf.,  cap.  xcr,  pag.  925. 

2  Ex  quibus  necessario  conficitur,  et  nos  rec- 
tissime  defendere,  neminem  cum  peccata  nasci  : 
ac  per  hoc  tam  integrum  esse  liberum  arbitrium 
quam  ante  volimlatis  proprim  usum  innoxiam 
in  uno  quogue  naturam.  Jnlian.  apud  August., 
lib.  11  Oper.  imperf.,  cap.  sx,  pag.  963. 
-  '  Libertas  igitur  arbitrii,  possibilitas  est  vel 
admittendi  vel  vitandi  peccati,  expers  cogeniis 
necessitatis,  quœ  in  suo  ulpote  jure  habei,  utrum 
surgentium  partem  sequatur,  id  est,  vel  ardua 
asperaque  virtutum,  vel  demersa  et  palustria  vo- 
luplatum.  Julian.  apud  August.,  lib.  1  Oper.  im- 
perf., cap.  LXXXd,  pag.  921. 

'  In  quibus  igitur  consistit  liberum  arbitrium... 
sine  dubio  in  eo  ut  possibile  sit  homini  volunla- 
tem,  sine  aliquo  inevilabili  naturalium  coactu, 
vel  immittere  in  crimen,  vel  a  crimine  cohibere. 
Julian.  apud  August.,  lib.  111  Oper.  imperf.,  cap. 
f.ix,  pag.  1094.  Et  ut  res  absobita  paucis  illumi- 
netur  exemplis  ;  ut  tam  liberum  sit  homini  sacri- 
legium  facere  velle,  quam  nolle  ;  iam  liberum  sit 
parricidium  velle  perpctrare,  quam  nolle;  Iam 
liberum  sit  aduUerium  commiUere  relie,  quam 
nolle;  tam  possibile  sit  verum  teslimonium  per- 
hibere,  quamfalsum;  tam  liberum  Deo  obcdire  iin- 
peranli.  quam  diabolo  persuadenli.  Julian.  apiul 


August.,  lib.  m  Oper.  imperf,  cap.  ex,  pag.  1095. 

>>  Verum  dicis,  hoc  est  liberum  arbitrium,  taie 
omnino  accepit  Adam,  sed  quod  dutum  est  a 
Conditore ,  et  a  deceptore  vitiatum ,  utique  a 
Salvatore  sanandum  est.  Roc  vos  non  vuUis 
cum  Ecclesia  con/iteri  :  hinc  estis  hceretici.  Ho- 
mo, qui  non  cogitas  ubi  sis,  et  in  diebus  malis 
tanquam  in  bonis  cœcus  extolleris ,  quando 
erat  taie,  quale  describis,  liberum  arbitrium, 
nondum  homo  vanitati  similis  factus  erai  ut  dies 
ejus  sicut  umbra  prœterirent.  Non  enim  vanitas 
Deus,  ad  cujus  similitudinem  factus  erat  quœper 
ejus  gratiam.  renovatur  de  die  in  diem.  Nondum 
dicebalur  :  Ego  in  iniquitatibus  conceptus  suin. 
Nondum  dicebatur  :  Ouis  enim  mundus  est  a  sor- 
de?  Nec  infans  cujus  est  diei  unins  vita  super  ter- 
rain. Prostremo  non  dicebatur  :  Non  quod  volo 
sed  quod  odi,  illad  faoio.  August.,  lib.  111  Oper. 
imperf,  cap.  ex,  pag.  1093. 

^  Adsunt  tamen  adjutoria  gratiœ  Dei,  quœ  in 
parte  virtutis  nunquam  destituunt  volunlatem. 
Cujus  (reij  licet  inmimerœ  species,  tali  semper 
moderatione  adhibenlur,  ut  nunquam  liberum 
arbitrium  loco  pellanl,  sedprœbcant  adminicula, 
qtiando  eis  volueril  inniti.  Julian.  apud  August, 
lib.  m  Oper.  imperf,  cap.  exiv,  pag.  1097. 

''  Unde  fieri  potcst,  ut  adjutoria  gratiœ  Dei  li- 
berum arbitrium  loco  pellant,  quod  potius  vitiis 
pulsum  et  ncquitiœ  su-lijtigatum,  ut  in  locum  suum 
rcdeat,  libérant.  August.,  ibid.,  png.  1097. 

*  Cur  enim  lu  adminicula  gratiœ  suppoiiis  bu- 
?!œ  voluntati,  cum  volnnla^  mata  nulln  innitahir 


[IV°  KT  V=  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉYÊQUE  D'HIPPONE. 


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VI, 

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des  appuis  à  la  volonté  afin  cpi'elle  soit  bonne, 
puisqu'elle  n'en  a  point  pour  devenir  ou  pour 
continuer  d'être  mauvaise  ?  Est-ce  qu'ici 
votre  balance,  que  vous  vous  efforcez  de  te- 
nir suspendue  entre  deux  poids  égaux,  en 
sorte  que  la  volonté  soit  aussi  libre  pour  le 
bien  qu'elle  l'est  pour  le  mal,  se  trouvant 
penchée  plus  d'un  côté  que  de  l'autre,  ne 
fait  pas  voir  que  vous  parlez  comme  un  hom- 
me en  délire  ?  » 

Pelage  s'était  servi  avant  Julien  de  la  com- 
paraison d'une  balance  qui  ne  penche  pas 
plus  d'un  côté  que  de  l'autre,  pour  expliquer 
l'équilibre  dans  lequel  il  plaçait  la  volonté. 
_  «  Il  balance,  dit  saint  Augustin  '  ,  avec  ime 
telle  égalité,  le  pouvoir  de  la  volonté,  qu'il 
assure  qu'elle  a  autant  de  pouvoir  pour  ne 
pas  pécher  que  poiu- pécher.  Mais  si  cela  est 
ainsi,  ajoute  ce  Père,  il  n'y  a  plus  lieu  de 
recourir  au  secours  de  la  grâce  de  Dieu, 
sans  laquelle  nous  disons  que  le  libre  arbitre 
n'a  aucune  force  pour  s'empêcher  de  pé- 
cher. » 

121.  «En  punition  du  péché,  dit- il,  l'homme 
a  perdu  ^  la  liberté  qu'il  avait  de  ne  pas  pé- 
cher ;  et  celui-là  seul  le  délivre  d'un  si  grand 
mal,  à  qui  nous  disons  non-seulement  :  Re- 
mettez-nous nos  dettes,  mais  aussi  :  Ne  nous 
livrez  point  à  la  tentation,  et  délivrez-nous  du 
mal.  L'homme,  en  usant  mal  de  son  libre 
arbitre,  l'a  perdu,  et  s'est  perdu  lai-même^. 
Car  de  même  que  celui  qui  se  tue  vit  lorsqu'il 


731 

se  tue,  mais  cesse  de  vivre  en  se  tuant,  et  ne 
peut  se  ressusciter  :  de  même  aussi,  l'homme 
ayant  péché  par  son  libre  arbitre,  le  péché, 
qui  a  été  victorieux,  lui  a  fait  perdre  son  li- 
bre arbitre.  Le  Libérateur  promet  *  la  li- 
berté à  ceux  qui  croient  :  Vous  se7'ez,  leur  dit- 
il,  vraiment  libres  ,  si  le  Fils  vous  délivre  :ca.T 
la  nature  ayant  été  vaincue  parle  péché,  où 
elle  est  tombée  volontairement,  se  trouve 
privée  de  la  liberté  dont  elle  jouissait,  selon 
qu'il  est  écrit  :  Quiconque  est  vaincu,  est  esclave 
de  celui  qui  l'a  vaincu.  Le  libre  arbitre  "  est 
donc  vraiment  libre,  tandis  qu'il  n'est  point 
esclave  des  vices  ni  des  péchés.  Dieu  l'avait 
donné  libre  à  l'homme,  et  maintenant  qu'il 
l'a  perdu  par  sa  faute,  il  n'y  a  que  celui  qui 
le  lui  avait  donné,  qui  puisse  le  lui  rendre, 
selon  qu'il  est  écrit  :  Si  le  Fils  vous  délivre, 
vous  serez  vraiment  libres,  n 

Les  pélagiens,  outrés  de  ces  façons  de  parler 
de  saint  Augustin,  lui  objectaient  sans  cesse 
qu'il  niait  le  libre  arbitre,  qu'il  en  était  le 
destructeur  ^  ,  et  l'accusaient  en  cela  de  fo- 
lie, d'impudence  '  et  d'impiété.  Ils  se  plai- 
gnaient au  contraire  qu'enseignant,  comme 
ils  faisaient,  que  les  hommes  ont  le  libre  arbi- 
tre * ,  on  les  appelait  célestiens  et  pélagiens. 
«  n  n'en  est  pas  ainsi ,  leur  répond  le  saint 
Docteur  ^.  Voils  vous  trompez  ou  vous  tâchez- 
de  tromper  les  autres.  Nous  ne  nions  pas  le 
libre  arbitre,  mais  nous  disons  avec  la  Vé- 
rité même  :  Vous  serez  vraiment  libres,  si  li 


adminiculo  ut  mala  sit,  vel  mala  esse  persistât  ? 
An  hic  libra  tua,  quam  canaris  ex  utraque  parte 
per  œqualia  momenta  suspendere,  ut  vohmtas 
quanluiyi  est  ad  malum,  tantum  etiamsit  ad  bo- 
mim  libéra,  vergendo  in  unam  partem,  te  indicat 
delirantem  ?  Augnat,  lib.  III  Oper.  imperf.,  cap. 
cxvni,  pag.  1098.  Vide  lib.  V  Oper.  imperf. ,  cap. 
XLvni,  pag.  1268. 

1  Aliq^l.ando  enim  ita  paribus  momenlis  potesta- 
tem  volunlaUs  œqua  lance  perpendit  fPelagiiisJ, 
ut  quantum  ad  peccandum,  tantum  etiam  ad  non 
peccandum  valere  definiat.  Quod  si  ita  est,  nullus 
locus  adjulorio  gratiœ  reservatur,  sine  qua  nos 
dicimus  ad  non  peccandum  nihil  volimtatis  ar- 
bitrium  valere.  August.,  Epist.  186,  num.  34, 
pag.   615. 

'^  Pœna  peccati...  periit  libertas  non  peccandi  : 
a  quo  mala  non  libérât,  nisi  ille,  cui  non  tantum, 
dicimus:  Dimitte nobis  débita  uostra,  verumeliam : 
Ne  nos  inferas  in  tentationem,  sed  libéra  nos  a 
malo.  August.,  lib.  1  Oper.  imperf.,  cap.  civ, 
pag.  934. 

3  Nam  libero  arbiirio  maie  uteiis  homo,  et  se 
perdidit  et  ipsum.  Sicut  enim  qui  se  occidit,  uli- 
q\ie  vivendo  se  occidit ,  sed  se  occidendo  non  vivit, 
ncc  se  ipsum  potèril  ressosnitare  cum  occiderit  : 


ita  cum  libero  peccaretur  arbitrio,  victore  peccaùo, 
amissum  est  liberum.  arbitrium  :  a  quo  enim  quis 
devictus  est,  huio  et  servus  addictus  est.  August., 
Enchirid.,  cap.  xxx,  num.  9,  pag.  207. 

'  Nam.  et  ipsa  libertas  credentibus  a  Liberatore 
promittitur.  Si  vos,  inquit,  Filius  liberaverit,  tune 
vers  liberi  eritis.  Yicta  enim  vitio  in  quod  cecidit 
voluntate,  caruit  liberiate  natura.  Hinc  alia 
Scriptura  dicit:  A  quo  enim  quis  devictus  est,  buic 
et  servus  addictus  est.  August.,  De  Perfect.  just., 
cap.  IV,  num.  9,  pag.  170. 

^  Arbitrium  igitur  vohmtatis  tune  est  vere  li- 
berum, .  cum  vitiis  peccatisque  non  servit  :  taie 
datum  est  a  Deo  :  quod  amissum  proprio  vitio, 
7iisi  a  quo  dari  potuit,  reddi  non  potest.  Unde  Ve- 
ritas dicit:  Si  vos  filius  hominis  liberaverit,  tuno 
vere  liberi  eritis.  August.,  lib.  XIV  De  civit.  Dei, 
cap.  XI,  num.  1,  pag.  363. 

s  Julian.  apud  August.,  lib.  I  Oper.  imperf., 
cap.  cix,  pag.  938. 

'  Julian.  apud  August.,  ibid.,  cap!  lxxxvi, 
pag.  923. 

*  Julian.  apud  August.,  lib.  II  De  Nupt.  et  con 
cup.,  cap.  ur,  num.  7,  pag.  304. 

^  August.,  ibid  ,  num.  8,  pag.  304. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


732 

Fils  vous  délivre.  Que  les  hommes  aient  le 
libre  arbitre,  c'est  de  quoi  nous  demeurons 
d'accord  '  les  uns  et  les  autres  ;  et  ce  n'est 
pas  pour  cela  que  vous  êtes  célestiens  et 
pélagiens  ;  mais  qu'il  y  ait  quelqu'un  qui 
soit  libre  pour  faire  le  bien  sans  le  secours 
de  Dieu,  c'est  ce  que  vous  dites,  et  c'est  par 
là  que  vous  êtes  célestiens  et  pélagiens.  » 

Ils  reprochaient  encore  à  ce  Père  et  à  tous 
les  catholiques,  qu'ils  appellaient  *  mani- 
chéens, que,  selon  leur  doctrine,  le  libre  ar- 
bitre avait  péri  par  le  péché  du  premier 
homme,  et  que  personne  n'avait  présente- 
ment le  pouvoir  de  bien  vivre.  «  Qui  de  nous, 
leur  répond  ^  saint  Augustin,  dit  que  le  libre 
arbitre  a  péri  dans  le  genre  humain  par  le 
péché  du  premier  homme?  Il  est  vrai  que  la 
liberté  a  péri  par  le  péché,  c'est-à-dire  celle 
qui  était  dans  le  paradis  terrestre,  et  qui 
consistait  à  avoir  l'immortalité  avec  une 
pleine  justice.  C'est  ce  qui  fait  que  la  nature 
humaine  a  besoin  présentement  de  la  grâce 
de  Dieu,  le  Seigneur  disant  :  Si  le  Fils  vous 
délivre,  vous  serez  véritablement  libres,  c'est- 
à-dire  libres  pour  faire  le  bien,  et  pour  vivre 
dans  la  justice.  Car  le  libre  arbitre  a  si  peu 
péri  dans  les  pécheurs,  que  c'est  par  lui  que 
pèchent  tous  ceux  qui  pèchent  et  qui  par  l'a- 
mour qu'ils  ont  pour  le  péché,  trouvent  leur 
plaisir  dans  ce  qu'ils  ont  envie  de  faire  ;  ce 


qui  montre  qu'ils  n'ont  pu  s'asservir  au  pé- 
ché que  par  une  autre  sorte  de  liberté.  Us 
ne  sont  donc  libres  de  la  justice  que  par  leur 
libre  arbitre,  mais  ils  ne  deviennent  hbres 
du  péché  que  par  la  grâce  du  Sauveur.  Nous 
ne  disons  point*  que  le  libre  arbitre  soit  péri 
dans  la  nature  humaine  par  le  péché  d'Adam, 
mais  nous  disons  qu'il  n'a  de  force  que  pour 
pécher  dans  les  hommes  assujettis  au  diable  ; 
et  que  pour  faire  le  bien  et  vivre  dans  la  piété, 
il  manque  de  force,  à  moins  que  la  volonté 
de  l'homme  ne  soit  délivrée  par  la  grâce  de 
Dieu,  et  aidée  pour  tout  le  bien  qui  se  fait 
par  pensée,  par  parole  et  par  action.  Cette 
volonté  captive  "  ne  peut  pas  même  soupi- 
rer après  cette  hberté  salutaire  sans  la  grâce 
de  Dieu  :  et  la  liberté  sans  la  grâce  ^,  est 
une  révolte  contre  Dieu  plutôt  qu'une  véri- 
table liberté.  Nous  devons  confesser  '  que 
nous  avons  le  libre  arbitre  pour  faire  le  bien 
et  le  mal  ;  mais  pour  faire  le  mal;  chacun  est 
libre  de  la  justice  et  esclave  du  péché  ;  au 
lieu  que  personne  ne  peut  être  libre  pour  le 
bien,  s'il  n'est  délivré  par  celui  qui  a  dit  : 
Si  le  Fils  vous  délivre,  vous  serez  vraiment  li- 
bres.... C'est  là  la  foi  véritable,  prophéticjue, 
apostolique  et  catholique  qui  reconnaît  le 
libre  arbitre  dans  l'homme  soit  pour  le  bien, 
soit  pour  le  mal  ;  mais  qui  est  bien  éloignée 
de  lui   donner  plus   qu'il  ne  faut  ,  et  de 


'  Liberum  itaque  m  hominibus  esse  arbitrium, 
etDeum  esse  nascentium  conditorem  utrique  di- 
cimus,  non  hinc  estis  cœlestiani  et  pelagiani  :  li- 
berum autemesse  quemquam  ad  agendutnbonum 
sine  adjutorio  Dei  et  non  erui  parvulos  a  poLes- 
tate  tenebrarwin  et  sic  transferri  in  regnum  Dei 
hoc  vos  dicilis,  hinc  estis  cœlestiani  et  pelagiani. 
August.,  lib.Il  De  Nupt.  et  concup,  eap.  ni,  num.  8, 
pag.  305. 

'  Jam  ilaqiie  Juliani  respondeamus  Epistolfe. 
Dicunt,  inqint,  illi  manichsei  quibus  modo  non 
communicamus...  quia  primi  liominis  peccato,  id 
est  Adœ,  liberum  arbitrium  perierit,  et  nemo  jam 
potestatem  habeat  bene  viveudi,  sed  omnes  iu  pec- 
catum  Garnis  suœ  neeessitate  cogantur.  August., 
lib.  I  Contra  duas  Episl.  Pelag.,  cap.  ii,  num.  4, 
pag.  413. 

'  Quis  autem  nostrum  dicat,  quod primi  homi- 
nis  peccato  perierit  liberum  arbitrium  de  humano 
génère?  Libcrtas  quidem  periit  per  peccatum,  sed 
nia  quœ  in  paradiso  luit,  habendi  plenam  cum 
immorlalitate  juslitiam  :  propter  qxiod  nalura 
humana  divina  indiget  gratia,  dicente  Domino  : 
Si  vos  Filius  liberaverit,  tune  vere  liberi  eritis, 
utique  liberi  ad  benejusteqxte  vivendum.  Nain  li- 
berum arbitrium  iisque  adeo  in  peccatore  non  pe- 
riit, ut  per  illud  peccanl,  maxime  omnes  qui  cum 
delectalione  peccant  et  amorepecrati,  lioc  eis  plncet 
quod  eos    libet.  Vnde  et  Apostolus  :  Cum  esselis, 


inquit,  servi  pecoati,  liberi  fuistis  justitiœ.  Ecce 
ostenduntur  etiam  peccato  minime  potuisse  nisi 
alla  libertate,  servire.  Liberi  ergo  a  justitia  non 
sunt  nisi  arbitrio  voluntatis  :  liberi  ergo  a  pec- 
cato non  fiunt  nisi  gratia  Salvatoris.  August., 
ibid.,  num.  5,  jiag.  413,  tom.  X. 

*  Peccato  Adœ  arbitrium  liberum  de  hominum 
natura  periisse  non  dicimus  ;  sed  ad  peccandum 
valere  inhominihus  subdilis  diabolo;  ad  bene  au- 
tem pieque  vivendum  non  valere,  nisi  ipsa  volun- 
tas  hominis  Dei  gratia  fuerit  liberata,  et  ad  omne 
bonum  actionis,  sermonis,  cogitationis  adjuta. 
August.,  lib.  11  Contra  duas  Epist.  Pelag.,  cap.  v, 
num.  9,  pag.  436.  Liberum  arbitrium  captivatum 
non  nisi  ad  peccandum  valet;  ad  juslitiam  vero, 
nisi  divinitus  liberatum  adjutumque  non  valet. 
August.,  lib.  111  Contra  duas  Epist.  Pelag.,  cap.  vin, 
num.  24,  pag.  464. 

^  Sic  asseril  (calholicus)  liberum  arbitrium  ut 
non  ex  natura  nescio  qua  semper  mala,  quœ  nulla 
est,  sed  ex  ipso  arbitrio  cœpisse  dicat  et  angeli  et 
hominis  malum  quod  everlit  hœresitn  mani- 
chœam;  nec  ideo  tamen  posse  captivam  volunta- 
tem,  nisi  Dei  gratia  respirare  in  salubrem  liberta- 
tem,  quod  everlit  hœresim  pelagianam.  August., 
lib.  IV  Contra  duas  Epist.  Pelag., cap.  ui,  pag.  4B9. 

'  Libertas  sine  gratia  non  est  liberlas,  sed  con- 
tumacia.  August.,  Epist.  loi,  num.  16,  pag.  S'îO. 

'  Liberumilaqioe arbitrium  etad  malum  et  ad  bo- 


[iv°  ET  v°  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


733 


croii'e  que  sans  la  grâce  de  Dieu  il  soit  capa- 
Lle  de  se  tourner  du  mal  au  bien,  ni  de  per- 
sévérer et  d'avancer  dans  le  bien,  ni  d'arri- 
ver aux  biens  éternels,  et  à  cet  heureux  état 
où  il  ne  sera  plus  en  danger  de  décheoir  et 
d'abandonner  le  bien  '.  » 

122.  «  La  nature  humaine  a  été  créée 
bonne  ^,  ajoute  saint  Augustin ,  et  c'est  par 
sa  propre  volonté  qu'elle  est  tombée  dans 
le  mal  qu'elle  a  fait  sans  avoir  été  forcée 
par  aucune  nécessité.  Mais  elle  ne  peut 
être  rétablie  dans  le  bien  qu'elle  a  aban- 
donné, que  par  la  grâce  de  Dieu  seul,  et 
non  par  la  volonté  de  la  liberté  qu'elle  a 
perdue  par  son  péché.  De  là,  il  n'y  a  que 
celui  qui  l'a  formée,  qui  puisse  la  rendre 
bonne  ',  et  il  ne  faut  pas  croire  que  la  néces- 
sité de  pécher  puisse  autrement  être  guérie 
que  par  la  miséricorde  de  celui,  par  le  pro- 
fond et  juste  jugement  duquel  cette  néces- 
sité a  suivi  les  enfants  de  celui  qui  a  péché 
sansnécessité.  Pourquoi  donc  ne  croyez-vous 
pas',  dit  saint  Augustin  à  Julien,  que  la 
liberté  de  faire  le  bien  a  pu  périr  par  la 
volonté  de  l'homme,  et  qu'eUe  ne  peut 
être  rétablie  que  par  la  volonté  de  Dieu, 
vous  qui  entendez  un  homme,  c'est-à-dire 
l'Apôtre,  faire  cette  plainte  :  Je  ne  fais 
pas  le  bien  que  je  veux,  mais  je  fais  le  mal 
que  je  ne  veux  pas  ;  et  après  cet  aveu,   s'é- 


crier :  Qui  me  délivrera?  et  ensuite  :  Ce  sera 
la  grâce  de  Dieu  par  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ  ?  Quand  donc  ^  celui  qui  voit  dans  les 
membres  de  son  corps  une  loi  qui  combat 
contre  la  loi  de  son  esprit,  et  qui  le  rend 
captif  sous  la  loi  du  péché,  s'écrie  :  Je  ne  fais 
pas  le  bien  que  je  veux,  mais  je  fais  le  mal  que 
je  ne  veux  pas,  vous  devez  nous  dire  comment 
il  n'est  point  entraîné  au  mal  par  la  volonté 
captive.  Car,  pour  emprunter  vos  paroles, si 
sous  le  poids  de  la  mauvaise  habitude  il  gé- 
mit n'étant  pas  encore,  selon  vous,  sous  la 
grâce  de  Jésus-Christ,  dites-moi  si  cet  homme 
a  le  libre  arbitre  de  sa  volonté,  ou  s'il  ne  l'a 
pas.  S'il  l'a,  pourquoi  ne  fait-il  pas  le  bien 
qu'il  veut,  et  fait-il  le  mal  qu'il  hait?  Que 
s'il  ne  l'a  pas,  par  la  raison  qu'il  n'est  point 
encore  sous  la  grâce  de  Jésus-Christ,  voilà 
ce  que  je  vous  ai  dit,  ce  que  je  vous  répète 
et  ce  que  je  vois  bien  qu'il  faut  vous  dire 
souvent.  Personne  ne  peut,  que  par  la  grâce 
de  Jésus-Christ,  avoir  le  libre  arbitre  de  sa 
volonté,  soit  pour  faire  le  bien  qu'il  veut,  soit 
pour  ne  pas  faire  le  mal  qu  'il  hait.  Ce  n'est  pas 
que  la  volonté  captive  soit  entraînée  au  bien 
comme  elle  est  entraînée  au  mal;  mais  c'est 
que,  délivrée  de  sa  captivité,  elle  est  agréa- 
blement attirée  à  son  hbérateur  par  la  dou- 
ceur charmante  de  l'amour,  et  non  par  l'a- 
merlume  servile  de  la  crainte.  Pourquoi  le 


num  faciendum  confitendum  nos  habere;  sedin  ma- 
lo  faciendo  liber  est  quisquejustitiœ  serviisque  pec- 
cati;in  bono  autem  liber  essenulluspotest,nisifuerit 
liberalus  ab  eo  qui  dixit  :  Si  vos  Filius  liberaverit, 
lune  vereliberi  eritis...  Hanc  fidem,  quce  sinedubio 
vera  et  prophetica  et  apostolica  et  catholica  fides, 
etiam  est  infratre  nostro  Floro  invenisse  megaudeo. 
August,  lib.  De  Corrept.  et  grat.,  cap.  1,  num.  2, 
pag.  751. 

'  Fides  sana  catholica  neque  liberum  arbi- 
trium  negal,  sive  in  vitam  malam  sive  in  bonam; 
neque  tantwni  ei  tribuit,  ut  sine  gratia  Dei  valeat 
aliquid,  sive  ut  ex  malo  convertatur  in  bonum, 
sive  ut  in  bono  perseveranter  proficiat,  sive  ut  ad 
bonum  sempiternum  perveniat,  ubi  jam  non  ti- 
meat  ne  deficiat.  August.,  Epist.  215,  num.  4, 
pag.  794. 

'  Confitere  bonam  conditam  esse  naturam  quœ 
inmalum  quod  fecit,  nulla  necessitate  compulsa, 
sed  sua  voluntate  collapsa  est.  In  bonurri'  autem 
quod  reliquit  solius  Dei  gratia  revocaripotestnon 
voluntate  libertatis  quam  merito  iniquitatis  ami- 
sit.  August.,  \ih.  y  Oper.  imperf-,  cap.  x,  pag.  1301. 

2  Propter  quod  voluntas  bonanon  redditurper- 
dita,  nisi  ab  illo  a  quo  est  condita,  nec  aliunde 
putandum  est  sanari  posse  peccati  necessitatem, 
nisi  miserante  illo,  cujus  alto  justoque  judicio 
subsecuta  est  posteras  ejus  qui  sine  ulla  necessi- 


tate peccavit.  August.,  lib.  V  Oper.  imperf.,  cap. 
Lxr,  p.  1280. 

*  Cur  ergo  non  credis  libertatem  bene  agendi 
voluntate  humanaperire  potuisse,  nec  redire  posse 
nisi  divina  voluntate  ,  cum  audias  hominem  di- 
centem  :  Nou  quod  volo  facio  bonum,  sed  quod 
nolo  malum  lioc  ago;  et  post  verba  talia  claman- 
tem  :  Quis  me  liberabit  ?  ac  subjicientem:  Gratia 
Dei  1  per  Jesum-Christum  Dominum  nostrum.  Au- 
gust., lib.  XVI   Oper.  imperf.  cap.  xix,  pag.  1326. 

5  Qui  per  legem  quam  videt  in  membris  suis  re- 
pugnantem  legi  mentis  suce  et  captivantem  se  sub 
lege  peccati,  clamât:  Non  quod  volo  facio  bonum, 
sed  quod  odi  malum  hoc  ago;  debes  utique  di- 
cere  :  Quomodo  non  rapiatur  ad  malum  voluntate 
captiva,  ut  enim  secundum  vos  intérim  loquar, 
si  sub  mala  iste  consuetudine  gémit,  nondum,  si- 
cut  dicitis,  sub  Chrisii  gratia  constitutus,  habet 
iste,  an  non  habet  liberum  voluntatis  arbitrium? 
Si  habet,  quare  non  facit  bonum  quod  vtilt,  sed 
malum  quod  odit  agit  ?  Si  autem  propterea  non 
habet,  quia  sub  gratia  Chrisii  nondum  est  ;  ecce 
quod  jam  dixi,  iterum  dico,  et  vobis  video  sœpe 
dicendum  :  Nemo  nisi  per  gratiam  Christi  ad  bo- 
num quod  vult  agendum  et  ad  malum  quod  odit 
non  agendum,  potest  habere  liberum  voluntatis 
arbitrium  ,  non  ut  voluntas  ejus  ad  bonum  sicut 
ad  malum  captiva  rapiatur,  sed  ut  a  captivitate 


734 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Je:  n.  iv,5. 


Sur  li 
1(5  des  li 


a  liber* 
eobeu* 


Seigneur  '  en  parlant  des  fruits  de  la  vigne, 
c'est-à-dire  des  bonnes  œuvres,  dit-il  :  Sans 
moi  vous  ne  pouvez  rien  faire,  sinon  parce  que 
personne  n'est  libre  pour  bien  faire,  si  le 
Seigneur  ne  le  met  en  liberté  ?  Cessez  donc 
de  vous  aveugler,  ^  ouvrez  les  yeux  et  voyez 
que  si  les  apôtres  avaient  pu  sans  la  grâce 
de  Jésus-Christ  être  libres  pour  faire  le  bien, 
il  n'aurait  pu  leur  dire  avec  vérité  :  Sans 
moi  vous  ne  pouvez  rien  faire.  » 

123.  «  II  ne  faut  pas  s'imaginer',  selon 
saint  Augustin,  que  les  bienheureux  n'auront 
point  de  libre  arbitre,  parce  qu'ils  ne  pourront 
prendre  plaisir  au  péché.  Ils  seront  au  con- 
traire d'autant  plus  libres,  qu'ils  seront  déli- 
vrés du  plaisir  de  pécher,  pour  prendre  inva- 
riablement plaisir  à  ne  plus  pécher.  Le  pre- 
mier libre  arbitre  donné  à  l'homme  dans  la 
création  consistait  à  pouvoir  ne  pas  pécher,  et 
aussi  à  pouvoir  pécher.  Mais  ce  dernier  qu'il 
recevra  à  la  fin  sera  d'autant  plus  puissant, 
qu'il  ne  pourra  point  pécher.  Il  recevra  cette 
perfection  par  le  bienfait  de  Dieu,  et  non 
par  la  puissance  de  sa  nature.  Car  autre 
chose  est  d'être  Dieu ,  et  autre  chose  d'être 
participant  de  Dieu.  Dieu,  par  nature,  ne 
peut  pécher;  mais  celui  qui  est  participant 
de  Dieu,  reçoit  de  lui  la  grâce  de  ne  pouvoir 
pécher.  Or  il  fallait  garder  cet  ordre  dans 


le  bienfait  de  Dieu,  de  donner  premièrement 
à  l'homme  un  libre  arbitre  par  lequel  il  pût 
ne  point  pécher  ;  puis  lui  en  donner  un  par 
lequel  il  ne  pourra  plus  pécher  :  celui-là 
pour  acquérir  le  mérite,  et  celui-ci  pour  re- 
ccA'oir  la  récompense.  Mais  comme  il  a  pé- 
ché lorsqu'il  a  pu ,  il  est  délivré  par  une 
grâce  plus  abondante,  afin  d'arriver  à  cette 
liberté  où  il  ne  pourra  plus  pécher.  Car  com- 
me la  première  immortalité,  qu'Adam  perdit 
en  péchant,  consistait  à  pouvoir  ne  pas  mou- 
rir, et  que  la  dernière  consistera  à  ne  pou- 
voir mourir;  de  même  la  première  liberté  de 
la  volonté  consistait  à  pouvoir  ne  pas  pécher, 
et  la  dernière  consistera  à  ne  pouvoir  pé- 
cher. De  cette  sorte  l'homme  ne  pourra  pas 
plus  perdre  sa  vertu  que  sa  félicité.  II  n'en 
sera  pourtant  pas  moins  libre.  En  effet,  dira- 
t-on  que  Dieu  n'a  point  de  libre  arbitre , 
parce  qu'il  ne  saurait  pécher  ?  Tous  les  ci- 
toyens de  cette  divine  cité  auront  donc  une 
volonté  libre,  délivrée  de  tout  mal  et  com- 
blée de  tout  bien,  jouissant  sans  relâche  du 
bonheur  des  joies  éternelles,  sans  se  souve- 
nir de  leurs  fautes  et  de  leurs  peines  passées; 
mais  sans  oublier  leur  déhvrance,  pour  n'ê- 
tre point  ingrats  envers  leur  libérateur.  » 

124.   (I  II  n'est  pas  fait  mention*  expresse     sur  ic 
des  anges  dans  le  livre  de  la  Genèse,  dit  saint 


liberata,  ad  Uberatorem  suum  liberali  suavitate 
amoris,  non  servili  amaritudine  timoris  adtraha- 
tur.  August. ,  lib.  111  Oper.  imperf. ,  cap.  cxu, 
pag.  1096. 

'  Àut  quid  est  quod  ait  Do  minus,  mm  de  fruc- 
tibus  paimitum,  hoc  est,  de  bonis  actibus  loque- 
retur  :  Sine  me  nihil  potestisfacere,  nisi  quia  nemo 
ad  bene  agendum  quem  non  ipse  libérât,  liber  est. 
August.,  Oper.  imperf.,  cap.  cxvni,  pag.  109S. 

2  Nolo  ut  definias,  sed  ut  finias  cœcilatem  ;  et 
videas  recte  dici  a  Christo  non  potuisse  :  Sine  me 
nihil  potestis  facere,  si  ad  bene  agendum  sine 
gratia  Christi  liberi  esse  potuissent.  Ibid.,  cap. 
cxix,  pag.  1098  et  1099. 

s  Née  ideo  liberumarbitriu7nnon  habebunt  quia 
peccata  eos  delectare  non  poterunt  ;  magis  quippe 
erit  liberum,  a  delectatione  peccandi  usque  ad 
delectationem  non  peccandi  indeclinabilem  libe- 
ratum.  Nam  primum  liberum  arbitrium  quod  ho- 
mini  datumest,  quando  primum  creatus  est  rec- 
lus, potuit  nonpeccare,  sed  potuit  et  peccare,  hoc 
autem  novissimum  eo  potentius  erit  quo  peccare 
non  polerit.  Verum  hoc  quoque  Dei  munere,  non 
suce possibililale  naturœ, aliud  est  enim  esse  Deum, 
aliud  participem  Dei.  Deus  natura  peccare  non 
potest;  particeps  vero  Dei  ab  illo  accipit  ut  pec- 
care non  possit.  Servandi  autem  gradus  erai  di- 
vini  muneris,  ut  primum  daretur  liberum  arbi- 
triumquo  nonpeccare  posset  homo  ;  novissimum, 
quo  peccare  non  potest,  atque  illud  ad   compa- 


randum  meritum,  hoc  ad  recipiendum  prœmium 
pertineret,  sed  quia  peccavit  ista  natura  cum  pec- 
care potuit,  largiore  gratia  liberatur,  ut  ad  eam 
perducatur  liberlatem  in  qua  peccare  non  possit. 
Sicut  enim  prima  immortalitas  fuit,  quam  pec- 
cando  Adam  perdidit,  passe  non  mori  ;  ita  pri- 
mum liberum  arbitrium  posse  non  peccare,  no- 
vissimum no7i  passe  peccare  ;  sic  enim  erit  ina- 
missibilis  voluntas pietatis  et  œquitatis  quamodo 
est  felicitatis.  Nani  utique  peccando  nec  pieta- 
tem,  nec  felicitalem  tenuimus,  voluntatem  vero 
felicitatis  nec  perdita  felicitate  perdidimus.  Certe 
Deus  ipse  numquid  quoniam  peccare  non  potest, 
ideo  liberum  arbitrium  habere  negandus  est? Erit 
erga  illius  civitatis  et  una  in  omnibus,  et  insepa- 
rabilis  in  singulis  voluntas  libéra  ab  omni  mata 
liberata  et  impleta  omni  bono,  fruens  indeftcienter 
œternorum  jucunditale  gaudiorum,  oblita  culpa- 
rum,  ablita  pœnarum,  nec  tamen  ideo  suœ  libera- 
tionis  oblita,  ut  liberalori  suo  nonsit  grata.  Au- 
gust., lib.  XXII  De  Civit.  Dei,  cap.  xxx,  num.  3, 
pag.  700"et  701. 

*  Opus  autem  Dei  esse  angelos,  hic  (in  GenesiJ 
quidem  ctsi  non  prœmisswn,  non  tamen  evidenter 
expressîun  est;  sed  alibi  hoc  sancta  Scriptura 
clarissima  voce  testatur.  Nam  et  in  hymna  trium 
in  ciimino  vivorum  cum  prœdiclum  esset:  Beue- 
dicite  omnia  opéra  Domiui  Domino  ,  in  executione 
eorumdem  operum,  etiam  angeli  naminati  sunt. 
August.,  lib.  XI  De  Civit.  Dei,  cap.  ix,  pag.  278. 


[iv=  ET  y  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTES,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


Augustin ,  mais  dans  le  cantique  qui  se 
trouve  au  troisième  chapitre  du  prophète 
Daniel,  ils  sont  mis  entre  les  ouvi'ages  de 
Dieu.  Ils  sont  invisibles  à 'nos  yeux,  et  com- 
me citoyens  de  cette  admirable  république 
dont  Dieu  est  empereur.  La  foi  ne  nous 
permet  pas  de  douter  de  leur  existence.  Us 
se  sont  même  fait  voir  à  plusieurs.  Ce  n'est 
pas  proprement  de  leur  nature  qu'ils  sont 
anges  ;  ce  n'est  que  lorsqu'ils  sont  envoyés 
de  Dieu.  Car  le  nom  d'ange  est  un  nom  d'of- 
fice et  non  de  nature.  Le  nom  propre  de  leur 
nature  est  celui  d'esprit,  et  le  nom  propre 
de  leur  office  est  ange.  En  tant  qu'êtres  sub- 
sistants, on  les  appelle  esprits;  en  tant  qu'en- 
voyés de  Dieu,  on  les  appelle  anges.  Rassa- 
siés^ de  la  vérité,  de  la  lumière  et  de  la  sagesse 
qui  est  immortelle,  ils  ne  sont  point,  comme 
nous,  pressés  de  la  faim  et  de  la  soif;  d'où 
vient  qu'ils  sont  parfaitement  heureux  dans 
cette  Jérusalem  céleste,  d'où  ils  nous  consi- 
dèrent' et  plaignent  notre  exil.  Touchés  de 
compassion  pour  nous,  ils  nous  secourent 
suivant  les  ordres  qu'ils  reçoivent  de  Dieu, 
afin  que  nous  retournions  un  jour  à  notre 
commune  patrie,  et  que  nous  soyons  ras- 
sasiés avec  eux  de  la  source  de  la  vérité 
et  de  l'éternité.  Quand  ils  annoncent  '  quel- 
que chose  aux  hommes,  ils  leur  apprennent 
ce  qu'ils  ne  savaient  pas  auparavant,  mais 
lorsqu'ils  rapportent  quelque  chose  à  Dieu,  ils 


735 

ne  lui  annoncent  que  ce  qu'il  savait  déjà , 
comme  lorsqu'ils  lui  offrent  nos  prières.  Ces 
ministres  de  Dieu*,  les  plus  excellents  de 
tous,  ne  désirent  autre  chose  sinon  que  nous 
adorions  avec  eux  le  même  Dieu  dont  la  con- 
templation les  rend  heureux,  et  doit  aussi 
faire  notre  bonheur.  Car  il  ne  dépend  point 
de  la  vue  des  anges,  mais  de  la  vue  de  la 
vérité  souveraine  qui  nous  fait  aussi  aimer 
les  anges  et  prendre  part  à  leur  bonheur  et 
à  leur  joie,  sans  leur  porter  envie  de  ce  que 
leur  félicité  n'est  interrompue  ni  de  peines 
ni  d'inquiétude.  Au  contraire  nous  les  en  ai- 
mons davantage  dans  l'espérance  de  jouir 
d'un  semblable  bonheur.  C'est  donc  par  un 
mouvement  de  charité  que  nous  les  hono- 
rons ,  et  non  par  une  suite  de  servitude. 
Nous  ne  leur  bâtissons  point  des  temples, 
parce  qu'ils  ne  demandent  point  de  sembla- 
bles honneurs,  sachant  que  la  vertu  nous 
rend  nous-mêmes  les  temples  de  Dieu.  C'est 
pour  cela  qu'un  ange  dans  l'Apocalypse  em- 
pêche un  homme  de  l'adorer,  en  lui  disant 
d'adorer  le  Dieu  unique  et  souverain  dont  ils 
sont  serviteurs  l'un  et  l'autre.  Bâtir  à  quel- 
que ange  un  temple  de  bois  ou  de  pierres, 
ce  serait  se  livrer'^  à  l'anathême,  et  se  sépa- 
rer de  la  vérité  de  Jésus-Christ  et  de  l'É- 
glise de  Dieu,  pai'ce  que  ce  serait  rendre  à 
la  créature  une  servitude  qui  n'est  due  qu'à 
Dieu.  Ceux  donc  qui  nous  portent  à  les  ser- 


1  Qui  faeit  acgelos  suos  spiritus  et  ministros 
suos  ignem  flagrantem  ;  et  hoc,  quamvis  non  vi- 
deamus  appariiionem  angelorum  :  abscondita  est 
enim  ab  oculis  nostris,  et  est  in  quadam  repu- 
blica  magna  imperatoris  Dei,  tamen  esse  angelos 
novimus  ex  fide,  et  muUis  appariasse  scriptum 
legimus  et  tenemus  ;  nec  inde  dubitare  fas  nobis 
est.  Spiritus  autem  angeli  sunt;  et  cum  spiritus 
sunt,  non  sunt  angeli;  cum  mitiuntur,  fiunt  an- 
geli. Angélus  enim  officii  nomen  est,  non  natu- 
rœ.  Quceris  nomen  hujus  naturœ,  spiritus  est; 
quœris  officium,  angélus  :  ex  eo  quod  est,  spi- 
ritus est;  ex  eo  quod  agit,  angélus  est.  August.,  in 
Psal.  an,  num.  15,  pag.  U40. 

2  Modo  angeli  non  siliunt  quomodo  nos,  non 
esuriuni  quomodo  nos;  sed  habent  saginam  veri- 
tatis,  lucis,  immortalis  sapientiœ.  Ideo  beati  sunt 
et  de  tanta  beatitudine,  quia  in  illa  sunt  civitate 
Jérusalem  cœlesti,  unde  nos  modo  peregrinamur, 
attendunt  nos  peregrinos,  et  miserantur  nos,  et 
jussu  Domini  auxilianiur  nobis,  ut  ad  illam  pa- 
triam  communem  aliquando  redeamus,  et  ibi  cum 
mis  fonte  dominico  veritatis  et  œternitatis  ali- 
quando satwremur.  August,  in  Psal.  lxii,  num.  6, 
pag.  609. 

'  Nom  et  angeli  quœ  hominibus  nuntiant,  nes- 
cientibus  nuntiant;  quœ  autem  Deo  nuntiant, 
scienti  nuntiant,  quando  illi  offerxmt  orationes 


nostras,  et  ineffabili  modo  de  actibus  suis  œter- 
nam  Veritatem,  tanquam  legem  incommutabilem 
consulunt.  August.,  in  Psal.  Lxxvm,  num.  1, 
pag.  839. 

*  Hoc  etiam  ipsos  optimos  angelos  et  excellen- 
tissima  Dei  ministeria  velle  credamus,  ut  unum 
cum  ipsis  colamus  Deum,  cujus  contemplatione 
beati  srmt.  Neque  enim  et  nos  videndo  angelum 
beati  sumus;  sed  videndo  veritatem,  qua  etiam 
ipsos  diligimus  angelos ,  et  his  congratulamur. 
Nec  invidemus  quod  ea  paratiores,  vel  nullis  mo- 
lesliis  inlerpedientibus  perfruuntur  ;  sed  magis 
eos  diligimus,  quoniam  et  nos  taie  aliquid  spe- 
rare  a  communi  Domino  jussi  sumus.  Quare  ho- 
noramus  eos  charitate,  non  servitute,  nec  eis  iem- 
pla  construimus.  Nolunt  enim  se  sic  honorari  a 
nobis  :  quia  nos  ipsos  cum  boni  sumus,  templa 
summi  Dei  esse  noverunt  ;  recte  itaque  scribitur, 
hominem  ab  angelo  prohibitum  ne  se  adoraret, 
sed  unum  Dominum  sub  quo  ei  esset  et  ille  con- 
servus.  August.,  lib.  De  Yera  relig.,  cap.  lv,  num. 
HO,  pag.  786  et  787. 

s  Nonne  si  templum  alicui  sancto  angelo  excel- 
lentissimo  de  lignis  et  lapidibus  faceremus,  ana- 
themaremur  a  veritate  Christi  et  ab  Ecclesia  Dei, 
quoniam  creaturœ  exhiberemus  eam  seruitutem, 
quœ  uni  tantum  debetur  Deo?  August.,  Collât,  cum 
Maximi.  arian.  episc,  pag.  660,  tom.  VIU. 


736 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


\ir  et  à  les  adorer  comme  des  dieux,  doi- 
vent être  regardés  comme  semblables  aux 
hommes  superbes  qui  youdraient  se  faire 
adorer  de  la  même  sorte,  si  cela  était  en 
leur  pouvoir.  » 

Il  paraît  que  saint  Augustin  veut  noter 
en  cet  endroit  certains  hérétiques  nommés 
angéhques,  parce  qu'ils  '  penchaient  beau- 
coup pour  le  culte  des  anges.  Il  suppose  ^  que 
les  païens  rendaient  des  honneurs  solennels 
aux  démons,  en  leur  élevant  des  temples, 
en  leur  dressant  des  autels,  en  leur  consa- 
crant des  prêtres,  en  leur  offrant  des  sacri- 
fices. Il  n'avait  rien  de  bien  décidé  sur  la  na- 
ture des  anges  ;  s'ils  sont  de  purs  esprits,  ou 
s'ils  ont  des  corps  propres  aux  fonctions  de 
leur  ministère.  «  Si  nous  disons ,  dit-il , 
qu'ils  ont  des  corps,  comment  nous  tirerons- 
nous  de  ce  passage  de  l'Écriture  :  Ce  sont  des 
esprits  dont  Dieu  fait  ses  ambassadeurs  ?  Mais 
aussi,  si  nous  disons  qu'il  n'en  ont  point,  nous 
aurons  encore  plus  de  peine  à  nous  tirer  de 
ces  autres  passages,  où  il  est  dit  que  les  anges 
ont  paru  visiblement  à  quelques-uns,  qui 
non-seulement  les  ont  reçus  dans  leur  mai- 
son, mais  qui  leur  ont  lavé  les  pieds,  et  leur 
ont  servi  à  boire  et  à  manger.  '  Car  comment 
tout  cela  s"est-il  pu  faire,  si  les  anges  n'ont 
point  de  corps  ?  U  semble  donc  qu'il  faut  dire 


que,  si  les  anges  sont  appelés  esprits  dans 
l'Écriture,  c'est  de  la  même  manière  que  les 
hommes,  qui  ont  très-certainement  des  corps, 
et  qui  ne  laissent  pas  d'être  appelés  des  âmes, 
comme  dans  cet  endroit  de  la  Genèse  où  il 
est  dit  que  Jacob  passa  en  Egypte  avec 
soixante  et  quinze  âmes  ;  et  cela  me  paraît 
plus  naturel  que  de  croire  que  tout  ce  que 
nous  lisons  des  âmes',  ait  pu  se  faire  sans 
qu'Usaient  des  corps.  » 

Dans  le  septième  concile  général  un  évo- 
que de  Thessalonique  *  parla  du  sentiment 
qui  donne  des  corps  aux  anges,  comme  du 
sentiment  de  l'Église,  sans  que  personne  lui 
en  fit  de  reproche.  Les  théologiens  d'aujour- 
d'hui ne  pensent  pas  de  même.  Dans  le  qua- 
trième concile  de  Latran  on  se  contente  de 
dire  que  Dieu  a  également  tiré  du  néant  la 
créature  spirituelle  et  corporelle.  ^Mais  par 
ces  corps  que  saint  Augustin  semble  vouloir 
donner  aux  anges,  il  entend  des  corps  cé- 
lestes, comme  on  le  voit  en  ce  qu'il  dit  des 
démons,  *  qu'avant  leur  chute  ils  avaient 
des  corps  célestes,  et  que,  depuis  leur  révolte, 
ils  sont  révêtus  de  corps  aériens  dans  lesquels 
ils  peuvent  souffrir  quelque  chose  par  l'ac- 
tion du  feu  qui  est  d'une  nature  plus  subtile 
que  l'air.  Toutefois  dans  ses  hvres  de  la  Cité 
de  Dieu  ',  où  il  suppose  que  le  feu  de  l'enfer 


1  Angelici,  m  angelorum  cultmn  inclinati ,  quos 
Epiphanius  jam  omnino  defecisse  tesiatur.  August., 
lib.  DeHœresib.  hceres.  29,  pag.  11,  tom.  VIII. 

2  Et  tamen  génies  omnes  sub  dœmonibus  erant: 
dœmonibus  templa  fabricata  sunt,  dœmonibus  arœ 
constructœ,  dœmonibus  sacerdotes  institua,  dœ- 
monibus oblata  sacrificia,  dœmonibus  arreptitii 
tanquam  vates  inducli.  August.,  in  Psal.  xciv, 
num.  6,  pag.  1025. 

3  Einc  oritur  de  angelis  quœstio  utrwm  habeant 
corpora  suis  offlciis  et  concursationibus  congrua, 
an  tantum  modo  spiritus  sint?  Si  enim  habere 
dixerimus,  occurrit  nobis  :  Qui  facit  angelos  suos 
spiritus.  Si  auteni  non  habere  dixerimus,  plus 
habet  scrupuli,  quomodo  scriplum  sit,  eos  corpo- 
rels hominum  sensibus  sine  corpore  prœsenlatos, 
hospitio  susceptos,pedes  eis  lotos,  edentibus  et  bi- 
bentibus  minislratum.  Facilius  enim  videri  po- 
test,  sic  esse  spiritus  angelos  dictas,  ut  homines 

animas  sicut  scriptuni  est  cum  Jacob  in Mgyplum 
lot  animas  descendisse  (neque  enim  corpora  non 
habebantj  quam  ut  illa  omnia  sine  corporibus 
-gesta  credantur.  Deinde  certa  quœdam  in  Apoca- 
lypsi  angeli  statura  defiintur  in  ea  mensura,  quœ 
nisi  corporum  esse  non  possit;  ut  quod  homini- 
bus  apparuerit  non  ad  falsitatem,  sed  ad  illam 
poteslatem,  facilitatem  spiritalium  corporum  re- 
feratur.  Sed  sivc  habeant  angeli  corpora,  sive 
quisqitam  possit  ostendere,  quemadmodum  corpo- 
ra non  habentes  gerere  illa  omnia  potuerint,  in 


illa  tamen  civitate  sanctorum ,  ubi  etiam  per 
Christum  redempti  a  generatione  hac  in  œlernum 
conjungenlur  millibus  angelorum,  voces  corpo- 
r aies  non  latentes  animos  indicabunt;  quia  in  illa 
societate  divina  nihil  cogitationis  proximo  pole- 
ril  occultari;sed  erit  consonans  in  Dei  laude  con- 
cordia,  non  solum  spiritu,  verum  etiam  spiritali 
corpore  expressa,  hoc  mihi  videtur.  Intérim,  si 
quid  congruentius  veritati  vel  jam  tenes,  vel  a 
doctioribus  audire  potueris,  per  te  nosse  studio- 
sissime  expecto.  August.,  Epist.  95,  uum.  8  et  9, 
pag.  260. 

*  Joannes  episcopus  Thessalon.,  relatus  in  Sy- 
nodo  Nicœna  secunda.  Act.  5,  pag.  797,  tom.  Vil  Con- 
ciliorum. 

5  Deus  ab  initio  temporis  utramque  de  nihilo 
condidit  creaturam,  spiritalem  et  corporalem , 
angelicam  videlicet  et  mundanam.  Coucil.  Later- 
ranense  quartum,  cap.  i  de  fide  catholica,  pag. 
142,  tom.  XI,  Concil. 

s  Si  autem  transgressores  illi  antequam  trans- 
grederentur  cœleslia  corpora  gerebant,neque  hoc 
mirum  est,  si  coyiversa  sunt  ex  pœna  in  aeriam 
qualitatem,  ut  jam  possint  ab  igné,  id  est  ab  ele  - 
mento  naturœ  superioris  aliquid  pati.  August., 
lib.  m  De  Genesiad  litt.,  cap.  x,  uum.  15,  pag.  151, 
tom.  m,  part.  1. 

'  Hic  occurrit  quœrere,  si  non  erit  ignis  incor- 
poralis,  sicut  est  animi  dolor  sed  corporalis,  tactu 
noxius,  ut  ea  possint  corpora  cruciari,  quomodo 


[lY"  ET  V°  SIÈCLES. 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


73? 


est  matériel,  il  paraît  avoir  de  la  peine  à  com- 
prendre comroent  les  démons  en  peuvent 
être  bi'ùlés.  «  Le  même  feu,  dit-il,  leur  ser- 
vira de  tourment  aussi  bien  qu'aux  hommes, 
puisque  Jésus-Christ  dit  :  Retirez-vous  de  moi, 
maudits,  et  allez  au  feu  éternel  qui  a  été  pré- 
paré pour  le  diable  et  pour  ses  anges.  Il  faut 
donc  que  les  démons  aient  aussi  leurs  corps, 
comme  quelques  hommes  doctes  l'ont  cru, 
composé  de  cet  air  grossier  et  humide  qae 
l'on  sent,  lorsque  le  vent  l'agite.  Mais  si  l'on 
soutient,  ajoute-t-il,  que  les  démons  n'ont 
point  de  corps,  il  n'est  pas  besoin  de  se  met- 
tre beaucoup  en  peine  de  prouver  le  con- 
traire. Car  pourquoi  ne  dirions-nous  pas  que 
les  esprits  même  incorporels  peuvent  être 
tourmentés  par  un  feu  corporel  d'une  ma- 
nière très-réelle,  mais  admirable,  puisque 
les  esprits  des  hommes  qui  sont  incorporels, 
peuvent  être  maintenant  enfermés  dans  des 
corps,  et  qu'ils  y  seront  unis  alors  par  des 
liens  indissolubles.  Si  donc  les  démons  n'ont 
point  de  corps,  ils  seront  attachés  à  des  feux 
corporels  pour  en  être  tourmentés.  Ayant 
abandonné  Diea  par  orgueil  ils  ont  été  pré- 
cipités '  du  haut  des  cieux  dans  la  plus  basse 
et  la  plus  grossière  région  de  l'air,  et  leur 
péché  a  été  jugé  ^  d'autant  plus  grand,  qu'é- 


tant d'une  nature  plus  excellente  que  la  nôtre 
et  plus  parfaite,  ils  auraient  dû  se  porter 
moins  au  péché,  vu  que  Dieu  les  avait  com- 
blés de  grâces  et  de  bienfaits.  Non-seule- 
ment ils  l'ont  abandonné,  mais  ils  font  encore 
chaque  jour  tous  leurs  '  efforts  pour  nous 
engager  dans  la  prévarication.  Mais  tandis 
qu&Dieu  nous  est  favorable,  ils  ne  peuvent 
nous  nuire  ;  ils  le  peuvent  seulement  quand 
il  est  en  colère  contre  nous,  n 

12o.  Selon  saint  Augustin,  Jésus-Christ 
est  *  né  d'une  Vierge  qui  n'a  rien  perdu  de 
sa  pureté,  ni  en  le  concevant,  ni  en  le  met- 
tant au  monde.  Elle  est  demeurée  vierge 
jusqu'au  tombeau.  Lorsqu'on^  parle  des  pé- 
chés, le  saint  Docteur  ne  veut  pas  qu'on  la 
comprenne  dans  ces  sortes  de  questions, 
pour  l'honneur  qui  est  dû  à  Notre-Seigneur. 
Comment  en  effet  pouvons-nous  savoir  la  me- 
sure de  la  grâce  qui  lui  a  été  donnée  pour 
surmonter  en  toute  manière  le  péché,  elle 
qui  a  mérité  de  concevoir  et  d'enfanter  ce- 
lui qui  certainement  n'a  jamais  eu  aucun  pé- 
ché ?  Mais  ce  Père  ne  fait  point  de  difficulté 
de  dire  que  Marie  a  été  plus  heureuse  en  re- 
cevant la  foi  de  Jésus-Christ  dans  son  cœur, 
qu'en  concevant  sa  chair  dans  son  corps  ^, 
puisque  sa  maternité  qui  la  hait  d'un  degré 


Sur  la 

J  ^■ie^g(3 


in  eo  erit  etiam  pœna  spirituu/m  malignorum  ? 
Idem  qtiippe  ignis  erit  siipplirio  scilicet  hominum 
atlributus  et  dœmomim,  dicente  Chrislo:  Disce- 
dite  a  me,  maledioti,  iu  ignem  seternum,  qui  pa- 
ratus  est  diabolo  et  angelis  ejus.  JVisi  quia  sunt 
quœdam  sua  etiam  dœmonibus  corpora,  siciit 
doclis  hominihus  visum  est  ex  isto  aère  crasse 
atque  humido,  cujus  impulsus  vento  fiante  senli- 

tur Si  autem  quisqttam  nulla  Iiabere  corpora 

dœmones  asseverat,  non  est  de  hac  re  aut  labo- 
randum  operosa  inquisitione ,  aut  contentiosa 
disputatione  certandum.  Cur  enim  non  dicamus, 
qiiamvis  iniris,  tamen  veris  modis  etiam  spiritus 
incorporées  posse  pœna  corporalis  ignis  affligi,  si 
spiriiîts  hominum,  etiam  ipsi  profecto  incorporel 
et  nunc  potuerunt  includi  corporalibus  membris, 
et  tnnc  poterunt  corporum  suorum  vincxUis  in- 
solubiliter  alligari?  Adhœrebnntergo,  sieis  nulla 
sunt  corpora  spiritus  dœmonum ,  imo  spiritus 
dœmones,  licet  incorporel,  corporels  ignibus  cru- 
ciandi.  August.,  lib.  XXI  De  Civit.  Dei,  cap.  x, 
num.  1,  pag.  631. 

1  Angelis  igitur  aliquibus  impia  superbia  dese- 
rentibus  Deum  et  in  hujus  aeris  imum  caliginem 
de  superna  cœlesti  habitatione  dejectis,  residuus 
numerus  angelorum  in  œterna  cum  Deo  beatitu- 
dine  et  sanctifMe  permansit.  Avigust.,  Enchirid., 
cap.  xxvni,  pag.  206  et  207.  Vide  Psal.  csLvin, 
num.  9,  pag.  1C77. 

*  Cum  vero  noverimu^  bonornm  omnium  crea- 
torem  reparandis  angelis  malis  nihil  graliœ  con- 

IX. 


tulisse,  cur  non  potius  intelligimus  quod  tanto 
damnabilinr  eorumjudicata  sit  culpa  quanto  erat 
natura  sublimior?  Tanto  enim.  minus  quam  non 
peccare  debuerunt,  quanto  meliores  nobis  fuerunt. 
Nunc  autem  in  offendendo  creatorem  tanto  exse- 
crabilius  benejicio  ejus  ingrati  exstiterunt,  quanto 
beneflcentius  sunt  creati;  nec  eis  satisfecit  deser- 
tores  esse  illius,  nisi  et  nostri  fièrent  deceptores. 
August. ,  Tract,  lia  in  Joan.,  num.  7,  pag.  779. 

3  Isti  semper  habent  volunlatem  nocendi,  nec 
si  placentur,  nec  si  rogantur  desimmt  nocere 
velle.  Hoc  enim  malevolentiœ  illoritm  propriwn 
est.  Ergo  quid  faciès  eos  colendo,  nisi  ut  illum  of- 
fendas ,  quo  offenso  in  istorum  polestatem  labe- 
ris,  ut  qui  tibi  nihil  possent  facere  illo  placato, 
faciant  quidquid  volunt  illo  irato?  August.,  in 
Psal.  xxvr,  num.  19,  pag.  127. 

*  Natus  fChristus)  de  maire,  quce  quanivis  a  viro 
intacta  conceperit,  semperque  intacta  permanse- 
rit,  virgo  concipiens,  virgo  pariens,  virgo  moriens, 
tamen  fabro  desponsata  erat.  August. ,  lib.  De 
Catech.  rud.,  num.  40,  pag.  288,  tom.  VI. 

»  Excepta  ilaque  sancta  Virgine  Maria,  de  qua 
propter  honorem  Domini  nullam  prorsus  cum  de 
peccatis  agitur,  haberi  volo  quœslionem.  Unde 
enim  scimus  quid  eiplus  gratiœ  collatum  fuerit 
ad  vitandum  omni  ex  parte  peccatum,  quœ  conci- 
pere  et  parère  meruit,  quem  constat  nullum  ha- 
buisse  peccatum?  Aagast.,  lib.  De  Nalura.  etgrat., 
cap.  XXXVI,  num.  42,  pag.  144  et  143. 

^  Beatior  ergo  Maria percipiendo  fidem  Chrisii, 

47 


738 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Sar  las  sa- 
cremects. 


DiiïéreDce 
entre  les  sa- 
crements da 
la  loi  ancien- 
ne  et  de  la 
nouvelle. 


de  parenté  si  proche  avec  Jésus-Christ,  lui 
eût  été  inutile,  si  en  le  portant  dans  son  sein, 
eUe  n'eût  eu  aussi  le  bonheur  de  le  porter 
dans  son  cœur.  Il  remarque  que  Marie,  ayant 
voué  à  Dieu  sa  virginité  avant  que  de  con- 
cevoir Jésus-Christ,  elle  s'était  rendue  digne 
par  là  qu'il  la  choisît  pour  sa  mèi'e  ,  et  qu'il 
voulût  bien  naître  d'eUe. 

126.  «  Les  hommes  ne  peuvent'  s'unir  en 
un  corps  de  religion  ou  fausse  ou  véritable 
que  par  le  moyen  de  quelques  signes  ou  sa- 
crements visibles  :  et  il  ne  faut  pas  croire  ^ 
qu'avant  l'institution  même  de  la  circonci- 
sion. Dieu  n'eût  donné  à  ses  serviteuis  qui 
avaient  la  foi  au  Médiateur  futur,  quelques 
sacrements  capables  de  procurer  le  salut  à 
leurs  enfants  ;  quoique  l'Écriture  pour  quel- 
que cause  importante,  mais  inconnue,  ne 
nous  les  ait  pas  fait  connaître.  Il  y  avait  dès 
lors  des  sacrifices  qui  étaient  des  figures  du 
sang  que  devait  répandre  un  jour  Celui  qui 
seul  peut  ôter  tous  les  péchés  du  monde. 
On  en  offrait  même  dans  le  temps  de  la  loi 
à  la  naissance  des  enfants  pour  l'expiation 
des  péchés.  » 

127.  «Les  sacrements',  dit  saint  Augustin, 
et  les  promesses  de  l'Ancien  Testament  ne 
sont  pas  les  mêmes  que  dans  le  Nouveau  ; 
mais  dans  l'un  et  dans  l'autre  les  préceptes, 
les  ordonnances  ne  diffèrent  presque  en  rien. 


Car  on  nous  dit  de  même  qu'aux  Juifs  :  Vous 
ne  tuerez  point,  vous  ne  commettrez  point  d'a- 
dultère ni  de  fornication ,  vous  ne  déroberez 
point.  Nous  sommes  coupables  comme  eux  si 
nous  ne  les  observons  pas,  et  indignes  de 
monter  un  jour  sur  la  sainte  montagne  de 
Dieu,  selon  ce  qui  est  dit  :  Seigneur,  qui  ha- 
bitera dans  votre  tabernacle,  ou  qui  se  reposera 
sur  votre  montagne  sainte  ?  Ce  sera  celui  qui  a 
les  mains  innocentes  et  le  cœvr  pur.  Pourquoi 
les  sacrements  des  deux  lois  étant  différents, 
avons-nous  les  mêmes  préceptes  ?  C'est  parce 
que  ces  préceptes  doivent  servir  aux  règle- 
ments de  nos  mœurs,  et  qu'il  y  a  de  la  dif- 
férence entre  les  sacrements  qui  donnent  le 
salut  et  ceux  qui  le  promettaient  :  ceux  de 
l'Ancien  Testament  le  promettaient,  ceux  du 
Nouveau  le  donnent.  Il  y  a  donc  eu  un  chan- 
gement dans  les  sacrements.  Ils  sont  deve- 
nus plus  aisés,  en  plus  petit  nombre  et  plus 
salutaires  dans  la  loi  nouvelle,  où  Jésus- 
Christ  nous  a  soumis  à  un  joug  '  très-doux 
et  très-léger.  C'est  ce  qui  se  voit  dans  le  bap- 
tême par  lequel  nous  sommes  consacrés  au 
nom  de  la  Trinité,  et  dans  la  communion  de 
son  corps  et  de  son  sang.  C'est  ^  de  la  plaie 
que  le  Sauveur  reçut  dans  son  côté,  étant  at- 
taché à  la  croix,  qu'ont  coulés  les  sacre- 
ments de  l'Église.  » 
128.  n  Le  sacrement  de  la  circoncision,  dit 


Exod. 
13,ela. 


quam  concipiendo  carnem  Christi...  Materna  pro- 
jnnquitas  ,nihil  Mariœ  profuisset,  nisi  felicius 
Christum  corde  quam  carne  gestasset  ;  ipsa  quo- 
que  virginitas  ejus  ideo  gratior  et  acceplior,  quia 
non  eam  conceptus  Chrislus  viro  violaturo  quam 
conservaret  ipse  prœripuit;  sed  prius  quam  con- 
ciperetur  jam  Deo  dicatam  de  qua  nasceretur 
elegit.  August.,  lib.  De  Virgin,  cap.  ni  et  iv,  pag. 
342,  tom.  VI. 

1  In  nullumautem  nomenreligionis,  seu  verum, 
seu  falsum,  coagulari  homines  possunt,  nisi  ali- 
quo  signacidorum  vel  sacramentorum  visibilium 
consortio  colligentur.  August.,  lib.  XIX  Contra 
Faust.,  cap.  xi,  pag.  319. 

2  Nec  ideo  tamen  credendum  est,  et  ante  datam 
circumcisionem  famulos  Dei,  quandoquidem  eis 
inerat  Mediatoris  fides  in  carne  venturi,  nullo  sa- 
cramenlo  ejus  opilulatos  fuisse  parvulis  suis, 
quamvis  quid  illud  esset  aliqua  necessaria  causa 
Scriptura  latere  voluerit.  Nam  et  sacrificia  eorum 
legimus  quibus  utique  sanguis  ille  figurabatur  qui 
solus  toUit  peccatum  mundi:  apertius  eliam  legis 
jam  tempore  nascentibus  parvulis  ojferebanlur  sa- 
crificia pro  peccatis.  August.,  lib.  V  Contra  Julian. 
cap.  XI,  num.  45,  pag.  631. 

'  Si  enim  duo  Testamenta,  vêtus  et  novum  non 
sunt  eadem  sacramenta,nec  eadeni  promissa,  ea- 
dem  tamen pleraque prœcepta.  Nrim:  Non  uccidos, 
non  mœchaberis,  nou  furaberis...  et  nobis  prœcep- 


tum  est,  et  quîsquis  ea  non  observaverit,  deviat, 
nec  oninino  dignus  est  qui  accipere  mereatur 
montem  sanctum  Dei,  de  que  diclum.est:  Quis 
babitabit  in  tabernaculo  tuo,  aut  quis  requiescet  in 
monte  sancto  tuo?  Innocens  manibus,  et  mundo 
corde.  Discussa  ergo  prœcepta  aut  omnia  eadem 
inveniuntur  aut  vix  aliqua  in  Evangelio  quœ  non 
dicta  sint  a  Prophetis.  Prœcepta  eadem,  sacra- 
mentanon  eadem,  promissanon  eadem.  Yideamus 
quare  prœcepta  eadem.,  quia  secundum  hœc  Deo 
seroire  debemus.  Sacramenla  non  eadem,  quia  alia 
sunt  sacramenla  dantia  salutem,  aliapromittenlia 
Salvatorem.  Sacramenla  Novi  Teslamentidant  sa- 
lutem, sacramenla  Veteris  Testamenti  promiserunt 
Salvatorem...  Uulala  sunt  sacramenla,  fada  sunt 
faciliora,  pauciora,  salubriora.  August.,  in  Psal. 
LXXiii,  num.  2,  pag.  769. 

'  Itaque  tenere  te  vola...  Dominumnostrum  Je- 
stim  Christum,  sicut  ipse  in  Evangelio  loquilur, 
levi  jugo  suo  nos  subdidisse  et  sarcinœ  levi,  unde 
sacranientis  numéro  paticissimis,  observatione  fa- 
cillimis,  significutione  prœstanlissimis,  societatem 
novi  populi  colligavit,  siculi  est  baptismus  Trini- 
tatis  nomiiie  consecratus,  communicatio  corporis 
et  sangiiinis  ipsius.  August.,  Epist.  54,  nuin.  1, 
pag.  124. 

"  De  latere  in  cruce  pendenlis  lancea  percusso 
sacramenla  Eccksiœ  proflu.verunt.  August.,  Tract. 
15  in  Joan.,  num.  S,  pag.  409. 


[IY=  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


739 


saint  Augustin ,  était  dans  l'Ancien  Testa- 
ment la  figure  du  baptême  '.  Saint  Paul,  dans 
son  Épître  aux  Colossiens,  s'en  explique  très- 
clairement,  lorsque  parlant  de  Jésus-Christ, 
il  leur  dit  ;  C'est  lui  qui  est  le  chef  de  toutes 
les  principautés,  et  de  toutes  les  puissances; 
comme  c'est  en  lui  que  vous  avez  été  circoncis 
d'une  circoncision  qui  n'est  pas  faite  par  la 
main  des  hommes  ;  mais  qui  consiste  dans  le 
dépouillement  du  corps  des  péchés  que  produit 
la  concupiscence  charnelle,  c'est-à-dire  de  la  cir- 
concision de  Jésus-Christ.  C'est  avec  lui  que 
vous  avez  été  ensevelis  par  le  baptême,  et  c'est 
en  lui  que  vous  avez  été  ressuscites  par  la  foi 
que  vous  avez  eue  que  Dieu  l'a  ressuscité  d'en- 
tre les  tnorts  par  l'efficace  de  sa  puissance.  Car 
lorsque  vous  étiez  dans  la  mort  de  vos  péchés  et 
dans  V incirconcision  de  votre  chair,  Jésus- 
Christ  vous  a  fait  revivreavec  lui  vous  pardon- 
nant tous  vous  vos  péchés.  Par  là  on  voit  évi- 
demment que  la  circoncision  faite  par  la 
main  des  hommes,  et  donnée  à  Abraham,  a 
précédé  comme  figure  cette  circoncision  qui 
n'est  pas  faite  par  la  main  des  hommes,  mais 
qui  se  fait  en  Jésus-Christ.  La  circoncision 
tenait  ^,  pour  l'aucipn  peuple  de  Dieu,  lieu  de 
baptême.  Elle'  effaçait  le  péché  originel 
dans  les  enfants.  Car  n'aj^int  aucune  sorte 
de  péché  *  qui  leur  fût  propre,  il  ne  pouvait  y 
avoir  que  le  péché  originel  qui  eût  besoin 
d'être  effacé  par  ce  remède  établi  de  Dieu, 
et  sans  lequel  l'àme  de  l'enfant  ne  pouvait 
manquer  d'être  exterminée  du  milieu  de  son 


peuple.  Ce  qui  sans  doute  n'arriverait  ja- 
mais sous  un  Dieu  juste,  s'il  n'y  avait  un  pé- 
ché qui  en  fût  la  cause.  Comme  donc  il  n'y 
en  a  point  de  propre  dans  les  enfants,  il  faut 
nécessairement  que  ce  soit  le  péché  qui 
vient  de  notre  origine  corrompue,  n 

129.  Selon  saint  Augustin,  saint  Jean  %      sur  is  bap- 

^  leme  de  saint 

après  avoir  déclaré  qu'il  était  envoyé  pour  Jj»»;  _  ^^ 
baptiser  dans  l'eau  ,  rend  raison  de  sa  mis- 
sion ,  en  disant  cpi'il  l'avait  reçue  pour  faire 
connaître  à  tout  Israël  celui  qui  venait  après 
lui.  De  quelle  utilité  était  donc  son  baptême? 
était-il  nécessaire  de  le  recevoir?  Si  cela  eût 
été  ,  on  le  donnerait  encore  ,  et  on  prépare- 
rait par  11  les  hommes  à  recevoir  le  baptême 
de  Jésus-Christ.  «Mais,  dit-il,  d'où  vient  qu'il 
est  dit  que  le  Précurseur  baptisait  pour  le 
faire  connaître  à  tout  Israël ,  sinon  pour 
nous  apprendi-e  que  le  but  de  son  baptême 
était  uniquement  de  faire  connaître  Jésus- 
Christ  à  ce  peuple  ?  Comme  donc  le  Précur- 
seur n'avait  reçu  le  ministère  de  donner  avec 
l'eau  le  baptême  de  pénitence ,  que  pour 
préparer  la  voie  au  Seigneur  avant  qu'il  fût 
venu  ,  lorsqu'il  fut  venu  et  qu'il  se  fit  con- 
naître par  lui-même ,  il  eût  été  inutile  de 
continuer  à  lui  préparer  la  voie  ;  puisque  le 
Seigneur  est  lui-même  la  voie  par  lacpielle 
il  conduit  à  lui  ceux  qui  le  connaissent  ;  et 
c'est  pour  cela  que  le  baptême  de  saint  Jean 
a  cessé  dès  lors  d'être  nécessaire.  Ce  bap- 
tême propre  à  saint  Jean  n'était  pas  le  mê- 
me ^  que  celui  de  Jésus-Christ,  que  donnent 


I  Quod  sacramentum  circumcisionis  in  figura 
prœcessisse  baptismatis,  quis  vel  mecliocriter  sa- 
cris  litteris  eruditus  ignoret,  cum  aperlissime  de 
Christo  dicat  Apostolus:  Qui  est  caput  oinnis  prin- 
cipatus  et  potestatis,  in  quo  etiam  circutncisi  estis 
circumcisione  non  manu  facta,  in  expoliatione 
corporis  Garnis  in  circumcisione  Christi,  consepulti 
ei  in  baptismo,  in  quo  et  consurrexistis  per  fldeni 
operationis  Dei,  qui  suscitavit  illum  a  morluis.  Et 
vos,  cum  essetis  mortui  in  delictis  et  prœputio  Gar- 
nis vestrae,  vivificavit  cum  illo,  donans  noliis  omnia 
delicta.  Hujus  ergo  circumcisionis  non  manufaclœ 
quœ  nunc  fit  in  Christo,  similitudo  promissa  est 
illa  circumcisio  manu  facta,  quœ  data  est  Abra- 
hœ.  August.,  lib.  VI  Cent.  Jul.,  num.  IS,  pag.  673. 

-  Certe  antiquus  popiUus  Dei  circwncisionem 
pro  baptismo  habebat.  August.,  lil).  II  Contra 
LUI.  Petil.,  cap.  Lxxii,  num.  162,  pag.  263. 

'■*  Ex  quo  enim  instituta  est  circumcisio  in  po- 
pulo Dei,  quod  erat  tune  signaculum  juslitiœ 
fidei,  ita  ad  significationem  purgationis  valebat  et 
in  parvulis  originalis  veterisque  peccati,  sicut  et 
baptismus  ex  illo  valere  cœpit  ad  innovationem 
hominis,  ex  quo  est  inslitutus.  August.,  lib.  II 
De  tiup.   et  concup. ,  cap  xi,  num.    24,  pag.  313. 


4  Cwn  autem  parvulus  proprium  nuUtmi  ha- 
beat  omnino  peccatum,  restât  ut  nullum  eidem 
aliud  auferatur  nisi  originale  illo  remedio  sine 
quo  périt  anima  ejus  de  populo  sua,  quod  sub  juste 
Deo  non  fierel  nisi  esset  culpa  qua  fieret.  Quœ 
ciuoniam  propria  nulla  est,  restât  ut  sola  originis 
■vitiatœ  sit  culpa.  August.,  lib.  VI  Contra  Julian., 
cap.  vu,  num.  19,  pag.  673. 

^  Missus  est  enim  ut  baptisaret  aqua.  Quœsitum, 
est  quare?  Ut  manifeslaretur  Israeli,  dixit.  Quid 
profuit  baptismus  Joannis?  Fratres  mei,  si  pro- 
fuit aliquid,  et  modo  maneret  ac  baptisarentur 
homines  baptismo  Joannis  et  sic  venirent  ad 
baptismum  Christi.  Sed  qui  ait:  Ut  manifeslaretur 
Israeli,  id  est  ipsi  Israël,  populo  Israël  ut  mani- 
feslaretur Christus,  venit  baplizare  in  aqua.  Ao- 
cepit  ministerium  baptismatis  Joannes,  in  aqua 
pœnitentiœ,  parare  viam  Domino  non  exsistens 
Dominus  :  at  ubi  cognitus  est  Dominus,  superfluo 
ei  via  parabatur,  quia  cognoscentibus  se  ipse  foe- 
tus est  via:  itaque  non  duravit  diu  baptismus 
Joannis.  August.,  Tract.  4  in  Joan.,  num.  12,  pag. 
317. 

^  Baptizatos  enim,  a  Paulo  eos  qui  jam  baptismo 
Joannis  baptizati  fuissent  legimns  in  Actibus  apos- 


740  HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


maintenant  les  ministres  de  l'Église.  De  là 
■vient  que  saint  Paul  étant  à  Éphèse  baptisa 
au  nom  de  Jésus-Christ  douze  disciples  qd 
avaient  déjà  reça  le  baptême  de  saint  Jean. 
En  effet,  ceux  qui  recevaient  ce  baptême  ne 
renaissaient  pas  '  ;  mais  par  le  ministère  du 
Précurseur  qui  criait  :  Préparez  la  voie  au 
Seigneur,  ils  étaient  préparés  et  disposés  à 
recevoir  celui  dans  lequel  seul  ils  pouri'aient 
renaître.  Le  baptême  de  Jésus-Christ  n'est 
pas  seulement  d'eau,  mais  aussi  du  Saint- 
Esprit  ,  afin  que  tous  ceux  qui  croient  en 
Jésus -Christ  puissent  renaître  par  cet  Es- 
prit, par  lequel  Jésus-Christ  étant  né,  n'a 
pas  eu  besoin  de  renaître.  Néanmoins  Jésus 
a  voulu  être  baptisé  d'eau  par  saint  Jean , 
pour  faire  éclater  la  grandeur  de  son  humi- 
lité, et  non  pour  effacer  quelque  péché  qu'il 
eût  commis;  le  baptême  n'ayant  rien  trouvé 
en  lui  à  effacer ,  non  plas  que  la  mort  à  pu- 
nir. Cela  est  arrivé  ainsi ,  afin  que  le  diable 
fût  vaincu  et  terrassé  ,  non  par  la  violence 
de  la  force,  mais  par  la  vérité  de  la  justice  ; 
et  afin  que  l'ayant  fait  mourir  injustement 
sans  qu'il  l'eût  mérité  par  aucun  crime,  il 
perdit  justement  l'empire  qu'il  avait  acquis 
sur  les  hommes  par  le  mérite  de  leurs  cri- 
mes. Ainsi  ce  n'est  point  par  aucune  né- 
cessité que  Jésus-Christ  a  reçu  le  baptême 
et  la  mort  selon  les  ordres  de  Dieu,  mais 
par  une  volonté  pleine  de  miséricorde  ,  afin 


qu'un  homme  ôtât  le  péché  du  monde,  com- 
me un  seul  l'avait  introduit  dans  le  monde  , 
c'est-à-dire  dans  toute  la  race  de  hommes.  » 
130.   ((  La  foi  chrétienne  ^,  dit  saint  Au- 
gustin ,  consiste   principalement  à  croire , 
suivant  les  divines  Écritures,  que  comme  la 
mort  est  venue  par  un  homme,  la  résiwrection 
des  morts  vient  aussi  par  un  autre  homme  ;  et 
que  comme  c'est  par  Adam  que  tous  sont  morts, 
c'est  par  Jésus-Christ  que  tous  seront  vivifiés; 
que  le  péché  est  entré  dans  le  monde  par  un  seul 
homme,  et  la  mort  par  le  péché  ;  et  qu'ainsi  la 
mo?'t  a  passé  dans  tous  les  hommes  par  celui  en 
qui  tous  ont  péché.  Ces  passages  de  l'Écriture 
et  plusieurs  autres  semblables  nous  montrent 
donc  que  comme  de  tous  les  descendants  d'A- 
dam, il  n'y  en  a  aucun  qui  ne  naisse  engagé 
dans  le  péché  et  la  condamnation ,  nul  n'en 
est  délivré  qu'en  renaissant  par  Jésus-Christ  ; 
et  c'est  à  quoi  nous  devons  nous  tenir  in- 
violablement,  puisque  nous  savons  que  qui- 
conque combat  cette  doctrine,  n'a  nulle  part 
à  la  foi  de  Jésus-Christ ,  ni  à  la  grâce  qui  se 
donne  par  le  même  Sauveur,  et  à  laquelle 
les  enfants  qui  ne  font  que  de  naître  parti- 
cipent par  le    baptême  aussi  bien  que  les 
adultes.  Quiconque  enseigne  ^  que  les  enfants 
qui  meurent  sans  ce  sacrement,  seront  vivi- 
fiés en  lui,  s'élève  contre  la  prédication  de 
l'Apôtre,  et  condamne  toute  l'Éghse,  où  l'on 
se  presse  et  où  l'on  court  pour  baptiser  les 


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tolorum;  non  ob  almd  nisi  quia  Joannis  baptis- 
vius  non  fuit  Christi  baptismus,  sed  Joanni  a 
Christo  concessus  qui  Joannis  proprie  diceretur. 
August.,  lib.  V  De  Bapt.,  cap.  ix,  num.  10,  pag. 
146. 

1  JVoJi  enim  renascebantur  qui  baptismale  Joan- 
nis bapti::abantur,  a  quo  et  ipse  baptizatus  est, 
sed  quodam  prœcursorio  illius  miiiisterio  qui  di^ 
cebat:  Parate  viam  Domino,  huic  uni  in  quo  solo 
renasci  poterat  parabantur.  Hujus  enim  baptis- 
mus est  non  in  aqua  tanlum,  sicut  fuit  Joannis, 
verum  etiam  in  Spiritu  Sancto,  ut  de  illo  Spirilu 
regeneretur  quisquis  in  Christum  crédit,  de  quo 
Christus  generalus  regeneratione  non  eguit...  In 
aqua  ergo  baptizari  voluit  a  Jeanne,  non  ut  ejus 
iniquilas  ulla  dilueretur,  sed  ut  magna  commen- 
daretur  humilitas.  Ita  quippe  nihil  in  eo  baptis- 
mus quod  ablueret,  sicut  mors  nihil  quod  puni- 
ret,  invenit,  ut  diabolus  veritate  justitiœ,  non 
violentia  potestatis  oppressas  et  victus,  quoniam 
ipsum  sine  ullo  peccati  merito  iniquissime  occide- 
rat,  per  ipsum  justissime  amitteret  qiios  peccati 
merito  detinebat.  Utrumque  igiturab  illo  idest  et 
baptismus  et  mors  certœ  dispensationis  causa  non 
miseranda  neccssitate,  sed  miserante  potius  vo- 
luntate  susceptum  est,  ut  unus  peccatum  toUeret 
mtmdi,  sicut  unus  peccatum  misit  in  mundum. 


hoc  est,  in  uniDersitm  genus  humanum.  August., 
Enchir.,  cap.  xux,  pag.  214  et  215. 

^  Illud  enim  ubi  vel  maxime  fides  christiana 
consistit,  quod  per  homiuem  mors  et  per  hominem 
resurrectio  mortuorum:  sicut  enim  in  Adam  omnes 
moriuutur,  ita  et  in  Christo  omnes  vivificabnntur  : 
et  quod,  per  unum  liominem  peccatum  in  hune 
mundum  iutravit  et  per  peccatum  moi'S  :  et  ita 
in  omnes  homines  mors  pertransiit  in  quo  omnes 
peccaverunt,  etc.  Et  si  qua  alia  testimonia  décla- 
rant neminem  nasci  ex  Adam  nisi  vinculo  delicti 
et  damnationis  obstrictum,  neminemque  inde  li- 
berari  nisi  renascendo  per  Christum,  tam  incon- 
cusse  tenere  debemus,  ut  sciamus  eum  qui  hoc 
negaverit  nullo  modo  ad  Christi  fidem  et  ad  eam 
quœ  per  Christum  datur  pusillis  et  magnis  Dei 
gratiam  pertinere.  August.,  Epist.  190,  num.  3, 
pag.  7O0. 

3  Item  qtUsquis  dixerit  quod  in  Christo  vivi/i- 
cabuntur  etiam  parvuli  qui  sine  sacramenti  ejus 
participatione  de  vita  cxeunt,  hic  profecto  et  con- 
tra apostoUcam  prœdicationem  venit,  et  lotam 
condemnat  Ecclesiam,  ubi  propterea  cum  bapti- 
zandis  parvuUs  fesiinalur  et  curritur,  quia  sine 
dubio  creditur  aliter  eos  in  Clirislo  vivificari  om- 
nino  non  posse.  August.,  Epist.  106,  num.  21, 
pag.  o92. 


[IV  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


741 


■  r-r,B. 


enfants  ,  parce  qu'on  est  assuré  qu'ils  ne 
peuvent  être  vivifiés  en  Jésus-Christ  que  par 
le  baptême.  Tous  ceux  ^  néanmoins  qui 
meurent  pour  la  confession  de  son  nom  sans 
avoir  été  baptisés  ,  obtiennent  le  pardon  de 
leurs  péchés,  de  même  que  s'ils  l'avaient 
été.  Car  celui  qui  a  dit  que  personne  n'entre- 
ra dans  le  royaume  des  cieux,  s'il  ne  renaît  de 
l'eau  et  du  Saint-Esprit,  les  a  exceptés  de 
cette  règle  lorsqu'il  a  dit  d'une  manière  aussi 
générale  :  Quiconque  me  confessera  devant  les 
hommes,  je  le  confesserai  aussi  devant  mon 
itih,  .\vi,  Père,  qui  est  dans  les  cieux  :  et  encore  :  Qtci 
perdra  sa  vie  pour  moi  la  trouvera.  Et  ce  n'est 
pas  sans  raison  que  l'Éghse  honore  ^  les 
saints  Innocents  comme  de  véritables  mar- 
tyrs. Non-seulement  le  martyre  que  l'on 
souffre  pour  le  nom  de  Jésus-Christ  peut  sup- 
pléer au  défaut  du  baptême  ',  mais  la  foi  et 
la  conversion  du  cœur  produisent  le  même 
effet ,  lorsque  la  nécessité  du  temps  ne  per- 
met pas  d'administrer  ce  sacrement.  Le  bon 
larron  n'est  pas  mort  pour  le  nom  de  Jésus- 
Christ,  mais  en  punition  de  ses  crimes,  il  n'a 
pas  soutfert  non  plus  parce  qu'il  a  ci'u,  mais 
il  a  cru  en  souffrant.  Son  exemple  fait  voir 
combien  la  foi  peut  servir  sans  le  sacrement 


du  baptême ,  suivant  ce  que  dit  l'Apôtre  : 
On  croit  du  cœur  pour  être  justifié,  et  on  con- 
fesse de  bouche  pour  être  sauvé.  Mais  alors 
Dieu  accomplit  invisiblement  ce  qui  se  ferait 
dans  le  baptême,  lorsque  ce  n'est  que  la  né- 
cessité qui  empêche  qu'on  ne  le  reçoive  ,  et 
non  le  mépris  de  la  rehgion.  » 

131.  «Parla  régénération  spirituelle  *,  con- 
tinue saint  Augustin,  nous  recevons  la  rémis- 
sion non-seulement  du  péché  originel,  mais 
encore  de  ceux  que  nous  avons  commis  vo- 
lontairement, soit  par  pensée,  soit  ^  par  pa- 
role, soit  par  action;  ce  qui  n'empêche  pas  que 
même  depuis  notre  baptême  nous  n'ayons 
besoin  de  dire  :  Pardonnez-nous  nos  offenses, 
tant  que  nous  demeurons  en  cette  vie  qui 
est  une  tentation  continuelle.  Car  quelque 
vertueux  que  l'on  soit,  la  vie  *  ne  se  passe 
point  sans  avoir  besoin  d'obtenir  la  rémis- 
sion des  péchés  ,  les  enfants  de  Dieu  ayant 
toujours  à  combattre  avant  la  mort  durant 
le  cours  de  leur  vie  mortelle.  C'est  néan- 
moins avec  vérité  que  l'on  dit  d'eux ,  que 
tous  ceux  qui  sont  conduits  et  poussés  par  l'Es- 
prit de  Dieu,  sont  enfants  de  Dieu  ;  mais  ils 
sont  excités  de  telle  sorte  par  l'Esprit  de 
Dieu ,  et  ils  s'avancent  tellement  vers  lui 


Ilom.  X,  10. 


EtTol*  c'u 


Bon-,. 
10. 


'  Nam  qwicumque  etiam  nonpercepto  regenera- 
tionis  lavacro  pro  Christi  confessione  moriuntiir, 
tantum  eis  valet  ad  dimittenda  peccata,  quantum 
si  abluerentur  sacra  fonte  bapiismatis.  Qui  eiiim 
dixit  :  Si  qwis  non  reaatus  fuerit  ex  aqua  et  Spi- 
ritu  Sancto,non  intrabit  in  regnum  cœlorum  ;  alia 
sententia  istos  fecit  exceptas,  ubi  non  minus  ge- 
neraliler  dixit  :  Qui  me  confessus  fuerit  coram  ho- 
ininihus,  confitelior  et  ego  eum  oorain  Pâtre  meo 
qui  in  oœlis  est;  et  alto  loco:  Qui  perdiderit  ani- 
mam  suam  propter  me,  inveniet  eam.  August., 
lib.  XIII  De  Civù.  Bei,  cap.  vu,  pag.  329.  Vide  lib. 
De  Anima  et  ejus  orig.,  cap.  xir,  pag.  367. 

2  JVo»J  enim  frustra  etiam  infantes  illas  qui,  cum 
Daminus  Jésus  Christus  necandus  ab  Herode  quœ- 
reretur,occisi  sunt,in  honorem  marttjriim  receptos 
commendat  Ecclesia.  August.,  lib.  111  De  Lib.  arb., 
cap.  XXIII,  num.  68,  pag.  638. 

'  Invenio  non  tantum  passionem  pro  nomine 
Christi  id  quod  ex  baptismo  deerat  passe  supplere, 
sed  etiam  fidem  canversianemque  cardis,  si  farte 
ad  celebrandum  mysterium  baptismi  in  angustiis 
temponnn  succurri  non  patest.  Neque  enim  latra 
ille  pro  nomine  Christi  crucifixus  est,  sed  pra 
meritis  facinorum  suorum  ;  nec  quia  credidit 
passus  est,  sed  dum  patitur  crédit.  Quantumita- 
que  valeat  etiam  sine  visibili  sacramenta  baptismi 
quod  ait  Apostalus:  Corde  creditur  ad  justitiam, 
ore  autem  oonfessio  iît  ad  salutem,  in  illo  latrane 
declaratum  est.  Sed  tune  impletur  invisibiliter 
cum  ministerium  baptismi  non  cantemptus 
jionis ,    sed  articiUus  necessitalis  excludit. 


August.,  lib.  IV  De  Bapt,  cap.  xxii,  num.  29,  pag. 
139. 

'  Régénérante  autem  spiritu  non  solum  origi- 
nalis,  sed  etiam  voluntariorwm  fit  remissia  pec- 
catarum.  August.,  lib.  I  De  Peccat.  merit.  et  rem., 
cap.  XV,  num.  20,  pag.  12. 

5  Propter  quad  nunc  etiam  renati  ex  aqua  et 
Spiritu,  omnibusquepeccatis  sive  originis  ex  Adam, 
in  qua  omnes  peccaverunt,  sive  factarum,  dicta- 
rum  cagitatianumque  nastrarum  in  illius  lavacri 
mundatione  deletis  ;  tamen  quia  manemus  in  hac 
vita  humana  quœ  tentatia  est  super  terrani,  mé- 
rita dicimus:  Dimitte  nobis  débita  nostra.  August., 
Epist.  187,  cap.  viii,  num.  28,  pag.  687.  Baptismus 
igitur  abluit  quidem  peccata  omnia,  prorsus  am- 
nia,  factorum,  dictarum,  cogitatorum,  sive  ari- 
ginalia,  sive  addita,  sive  quœ  ignaranter,  sive  quœ 
scienter  admissa  sunt,  sed  non  aufert  infirmita- 
tem,  cui  regeneratus  resistit  quando  banum  ago- 
nem  luctatur,  consentit  autem,  quando  sicut  homo 
in  aliquo  delicto  prœoccnpatur.  August.,  lib.  III 
Contra  duas  Epist.  Pelag.,  cap.  m,  num.  5,  pag. 
449. 

8  Ipsa  etiam  vita  cœtera  jam  ratione  utentis 
œtatis,  quantalibet  prœpolleat  fœcunditate  justi- 
tiœ  sine  peccatorum  remissione  non  agitur.  Quo- 
niam  filii  Dei  quandiu  martaliter  vivunt ,  cum 
morte  confligunt.  Et  quamvis  de  illis  sit  veraciter 
dictum  :  Quotquot  Spiritu  Dei  aguntur,  hi  filii 
sunt  Dei  ;  sic  tamen  spiritu  Dei  excitantur,  et  tan- 
quam  fiHi  Dei  proficiunt  ad  Deum,  ut  etiam  Spi- 
ritu sioo  maxime  aggravante  corruptibili  corpore, 


742 


HISTOffiE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Sur  la  ma- 
ière  et  la  fnr- 
me    du    bap- 
Cmo. 
Ephes.  v,22. 


comme  ses  enfants,  cpi'ils  ne  laissent  pas 
d'être  emportés  comme  enfants  des  hommes 
par  leur  propre  esprit ,  qui  est  cliargé  de  la 
pesanteur  du  corps ,  d'être  agités  des  mou- 
vements humains  ,  et  de  se  porter  par  cette 
agitation  vers  eux-mêmes  ,  au  heu  de  ne  se 
porter  que  vers  Dieu  seul;  ce  qui  les  engage 
dans  le  péché.  11  reste  dans  '  les  baptisés  le 
mal  delà  concupiscence,  qu'ils  doivent  com- 
battre nécessairement ,  s'ils  veulent  faire 
quelque  progrès  dans  la  vertu  :  les  person- 
nes mariées ,  d'une  nianière  glorieuse  ;  et 
celles  qui  gardent  la  continence  ,  d'une  ma- 
nière encore  plus  glorieuse.  Mais  la  concu- 
piscence ^  n'est  point  un  péché ,  lorsqu'ils 
n'y  consentent  point.  » 

132.  Jésus-Christ  o.  aimé  son  Église  '  et  s'est 
livré  lui-même  à  la  mort  pour  elle,  afin  de  la 
sanctifier,  après  l'avoir  purifiée  dans  le  bap- 
tême de  l'eau  :  c'est  par  la  parole  de  vie  que 
Jésus-Christ  nous  purifie ,  et  c'est  en  cela 
que  consiste  si  essentiellement  le  baptême 
de  Jésus-Christ,  que  si  l'eau  ou  les  paroles 
de  vie  viennent  à  manquer,  il  n'y  a  point  de 
baptême.  C'est  par  l'eau  qui  représente  ex- 
tériem'ement  le  mystère  de  la  grâce,  et  par 
l'esprit'  qui  en  produit  l'effet  intérieurement 
en  brisant  les  hens  du  péché,  que  sont  ré- 
générés en  un  seul  Jésus-Christ  ceux  qui  ne 
tirent  leur  origine  que  du  seul  Adam.  Pour- 


quoi le  Seigneur ° disait-il  à  ses  disciples: 
Vous  êtes  déjà  purs  à  cause  de  la  parole  que  je 
vous  ai  dite,  et  qu'il  ne  leur  disait  pas  :  Vous 
êtes  déjà  purs  à  cause  du  baptême  où  vous 
avez  été  lavés,  sinon  pour  nous  apprendre 
que  c'est  la  parole  qui  donne  à  l'eau  du  bap- 
tême toute  la  vertu  qu'elle  a  de  purifier?  Si 
l'on  sépare  cette  parole,  l'eau  ne  sera  que  de 
l'eau.  Mais  on  joint  la  parole  du  Seigneur  à 
cet  élément  dans  le  baptême;  et  c'est  ce  qui 
fait  le  sacrement  qui  est  comme  une  parole 
visible.  Mais  d'où  vient  que  l'eau  a  tant  de 
vertu,  qu'en  touchant  le  corps,  elle  purifie  le 
cœur,  si  ce  n'est  de  la  parole  :  non  parce 
qu'elle  est  proférée,  mais  parce  qu'elle  est 
ci'ue?  Car  autre  chose  est  dans  la  parole  le 
son  passager  dont  il  faut  se  servir  pour  la 
prononcer,  autre  chose  est  le  sens  perma- 
nent renfermé  sous  les  syllabes  qui  forment 
cette  parole.  Celles  dont  on  se  sert  en  bap- 
tisant, sont  des  paroles  ^  évangéliques  sans 
lesquelles  le  baptême  ne  peut  être  consom- 
mé. Si  Marcion  '  avait  administré  ce  sacre- 
ment en  prononçant  les  paroles  de  l'Évan- 
gile, c'est-à-dire  en  invoquant  les  trois  per- 
sonnes de  la  Trinité,  le  baptême  aurait  été 
validement  conféré,  quoique  cet  hérétique 
fût  dans  des  sentiments  diflërents  de  ceux  de 
l'Église  cathohque.  Quand* les  disciples  de 
Jésus-Chi'ist  reçurent  l'ordre  d'aller  instruire 


4 


tanquam  filii  hominum  quibusdam  humanis  moti- 
bus  deficiant  ad  seipsos,  et  ideo  peccent.  August., 
Enchir.,  cap.  lsiv,  num.  16,  pag.  220. 

>  In  baplismo  remittuntur  quidein  cuncta  pec- 
cata,  sed  rémanent  carnalium  concupiscentiarum 
mala,  cum  quibus  posl  baptismum,  si  tamenpro- 
ficiunt,  exerceanl  sive  conjugati gloriosa ,  sivc  con" 
tinentes  gloriosiora  certamina.  August.,  lib.  VI 
Contra  Jiilian.,  cap.  xv,  num  43,  pag.  686. 

2  Nam  ipsa  quidem  concupiscentia  jam  non  est 
peccatum  in  regeneratis,  quando  illi  ab  illicita 
opéra  non  consentitur.  August.,  lib.  I  De  Nup.  et 
Goncup-,  cap.  xxni,  num.  23,  pag.  293. 

3  Sicut  Christus,  inquit,  dilexit  Ecclesiam  et 
seipsum  tradidit  pro  ea,  mundans  eam  lavacro 
aqua  in  verbo...  Ùnde?  lavacro  aquœ  in  verbo. 
Quid  est  baplismus  Christi  ?  lavacrum  aquœ  in 
verbo.  Toile  aquam  non  est  baptismus  :  toile  ver- 
bumnnn  est  baptismus.  August.,  Tract.  13  in  Joan., 
num.  i,  pag.  408. 

'  Aqua  igitur  exhibens  forinsecus  sacramentrim 
gratiœ  et  Spiritu  opérante  inlrinsecus  benificium, 
gratiœ,  solvcns  vinculum  culpœ,  reconcilians  bo- 
mim  naturœ,  regenerans  hominem.  in  uno  Christo 
ex  uno  Adam  generatum.  August.,  Epist.  98, 
num.  2,  pag.  264. 

s  Jam  vos  muudi  estis  proptcr  verbum  quod  lo- 
cutus  sum  Tobis.  Quare  non  ail  mundi  estis  prop- 


ter  baptismum  quo  loti  estis,  sed  ail  :  Propter 
verbum  quod  locutus  sum  vobis  :  nisi  quia  et  in 
aqua  i^erbti.m  mundat?  Detrahe  verbum  et  quid 
est  aqua  nisi  aqua?  Accedit  verbum  ad  elementum 
et  fit  sacramenlum,  etiamipsum  tanquam visibile 
verbum...  Unde  ista  tanta  virlus  aquœ,  ut  cor- 
pus tanqat  et  cor  abluat,  nisi  faciente  verbo,  non 
quia  dicitur,  sed  quia  creditur,  nam'  et  in  ipso 
verbo  aliud  est  sonus  transiens,  aliudvir tus  ma- 
liens. August.,  Tract.  80  in  Joan.,  num.  3,  pag. 
703. 

^  Deus  adest  evangelicis  verbis  suis  sine  qtiibus 
baptismus  Christi  consecrari  non  potest...  Cœte- 
rum  quis  nesciat  non  esse  baptismum  Christi,  si 
verhu  evangelica,  quibus  Symbolum  constat,  illic 
defuerinl?  Augnst,  lib.  VI  De  Bapt.,  cap.  xxv,  num. 
47,  pag.  176. 

■■  Si  Evangelicis  verbis  :  In  nomine  Patris  et  Filii 
et  Spiritus  Sancti,  Marcion  baptismum  consecra- 
bat,  integrum  erat  sacramentum,  quamvis  (jus 
fides  sub  eis  verbis  aliud  opinantis  quam  calholi- 
ca  reritas  docet,  non  esset  intégra,  sed  fabulosis 
falsitatibtis  inquinata.  August.,  lib.  III  De  Bapt., 
cap.  XV,  num.  20,  pag.  115. 

s  Ibi  enim^  audie.runt  discipuli  :  Ite,  baptizate 
gentes  in  uomine  Patris,  et  Filii,  et  Spiritus  Sancti, 
intenti  facti  suntus,  cumaudiremus:  Ite, baptizate 
gentes.  In  cujus  nomine?  In  uomine  Patris,  et  Fi- 


[IV°  ET  Y°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


743 


,111,  te. 


ml. 
du 


tous  les  peuples  et  de  les  baptiser  au  nom  du 
Pèi'e,  et  du  Fils,  et  du  Saint-Esprit,  il  ne  leur 
fut  pas  dit  au  pluriel  :  Aux  noms  du  Père,  et 
du  Fils,  et  du  Saint-Esprit;  parce  que  ces 
trois  personnes,  n'étant  qu'un  même  Dieu, 
lorsqu'il  est  dit  seulement  au  nom,  cela  mar- 
que l'unité  de  nature;  de  même  que  lorsque 
Dieu  fit  cette  promesse  à  Jtbraham  :  Toutes 
les  nations  seront  bénies  dans  votre  race,  il  ne 
lui  dit  pas  :  Dans  ceux  de  votre  race,  comme  s'il 
eût  voulu  en  marquer  plusieurs;  mais  :  Dans 
votre  race,  c'est-à-dire  dans  un  de  votre  race,  qui 
est  Jésus-Christ.  Comme  donc  l'Écriture,  en  cet 
endroit,  disant  seulement  :  En  votre  race,  a 
voulu  marquer  Jésus-Christ  seul,  ainsi  que 
saint  Paul  nous  l'enseigne  :  de  même  lors- 
qu'elle a  dit  en  se  servant  du  nombre  singu- 
lier :  Au  nom  du  Père,  et  du  Fils,  et  du  Saint- 
Esprit,  elle  a  voulu  marquer  que  le  Père,  le 
Fils  elle  Saint-Esprit  ne  sont  qu'un  seul  Dieu.» 
133.  Il  paraît  qu'en  Afrique  du  temps  de 
saint  Augustin,  les  évêques  et  les  prêtres 
étaient  les  seuls  ministres  du  baptême  *  de 
même  que  de  la  réconciliation,  '■'  et  qu'on  ne 
pensait  point  dans  les  calamités  publiques 
de  le  demander  aux  laïques  en  l'absence  des 
prêtres;  en  sorte  que  ceux  qui  avaient  reçu 
le  baptême,  étaient  dans  ces  occasions,  in- 
consolables de  la  perte  de  leurs  amis  et  de 
leurs  parents  qui  mouraient  sans  le  rece- 
voir. «  Ne  voyons-nous  pas,  dit  ce  Père,  que 
quand  les  malheurs  temporels  sont  extrêmes, 
et  qu'il  n'y  a  plus  moyen  de  les  éviter,  il  y  a 


dans  nos  églises  un  concours  presque  incon- 
cevable de  personnes  de  tout  sexe  et  de  tout 
âge,  dont  les  unes  demandent  avec  empres- 
sement le  baptême,  d'autres  d'être  mises  en 
pénitence,  et  d'autres  d'être  réconciliées 
après  l'avoir  faite?  S'il  arrive  qu'il  ne  se  trou- 
ve point  alors  de  ministre  pour  faire  ces 
fonctions,  combien  est  déplorable  le  malheur 
de  ceux  qui  sortent  de  cette  vie,  sans  avoir 
pu  être  régénérés  ou  absous  !  Combien  est 
grande  l'affliction  des  fidèles  à  qui  ils  appar- 
tiennent, de  voir  qu'ils  ne  les  auront  jamais 
pour  compagnons  dans  la  vie  éternelle,  et 
qu'ils  ne  participeront  point  à  leur  bonheur  !  » 
C'était  donc  une  chose  presque  sans 
exemple  dans  cette  province  que  le  baptême 
donné  par  un  laïque.  Saint  Augustin  ne  croit 
pas  néanmoins  que  '  la  piété  permette  de 
réitérer  le  baptême  conféré  par  un  laïque 
dans  une  pressante  nécessité  :  et  il  soutient 
que  s'il  arrive  à  un  laïque  de  le  donner  sans 
y  être  contraint  par  la  nécessité,  il  usurpe 
à  la  vérité  une  fonction  qui  ne  lui  appartient 
point;  mais  que  si  la  nécessité  l'y  oblige,  ou 
il  ne  pèche  point,  ou  la  faute  n'est  que  vé- 
nielle. «  C'est  une  *  autre  question,  dit-il,  de 
savoir  si  ceux  mêmes  qui  n'ont  jamais  été 
chrétiens  peuvent  donner  le  baptême  ;  et  il 
me  paraît  que  ce  serait  une  témérité  d'en- 
treprendre de  la  décider  avant  le  jugement 
d'un  concile  assez  considérable  pour  termi- 
ner une  question  si  importante.  Il ''penchait 
toutefois  à  dire  que  le  baptême  donné  par  une 


lii,  et  Spiritus  Sancti.  Iste  unus  Deus,  quia  non  in 
nominihus  unum  nomen  audis,  unus  est  Deus,  si- 
cutdesemine  Abraham  dictum  est  et  exponitPaulus, 
apostolus  :  Insémine  tuo  benedicentur  omnesgen- 
tes,  non  dixit  :  In  seminibus  tanquam  in  multis, 
sed  tanquam  in  uno  ;  Ex  semine  tuo  quod  est  Cliris- 
tus.  Sicut  ergo  quia  ibi  non  dicit  :  In  seminibus, 
docere  te  voluit  Apostolus  quia  unus  est  Christus  : 
sic  et  hic  cum  dictum  est  :  In  nomine,  non  in  no- 
minibus,  quomodo  ibi  in  semine,  non  in  semini- 
bus, probatur  unus  Deus  Pater  et  Filius  et  Spiri- 
tus  Sanctus.  August.,  Tract.  6  in  Joan.,  num.  9, 
pag.  334. 

1  Non  nisi  in  Ecclesia  prœpositis  et  evangelica 
lege  ac  dominica  ordinatione  fundatis  licet  bap- 
tizare.  August,  lib.  \\\De  Bapt.,  cap.  xvni,  num.  23, 
pag.  118. 

^  An  non  cogitamus,  cum  ad  istorum  periculo- 
rum  pervenitur  extrema,  nec  est  potestas  ulla  fu- 
giendi,  quantus  in  Ecclesia  fieri  soleat  ab  utroque 
sexu  atque  ab  omni  œtate  concursus,  aliis  bajHis- 
mum  flagitantibus,  aliis  reconciliationem,  aliis 
etiam  pœnitentiœ  ipsiris  actionem,  omnibus  con- 
solationeni  et  sacramentorum  confectionem  et 
erogationem?  Ubi,  si  ministri  desint,  quantum 


exitium  sequitur  eos  qui  de  isto  sœcuîo  vel  non 
regenerati  exeunt  vel  ligati?  Quantus  est  etiam 
luctus  fidelium  suorum  qui  eos  secum  in  vitce 
œterncB  requie  nonhabebunt!  Quantus  denique  g e- 
mitus  omnium,  et  quorumdam  quanta  blasphe- 
mia  de  absentia  ministeriormn  et  ministrorum  ! 
August.,  Epist.  228,  num.  8,  pag.  833. 

3  Quanquam  et  si  laïciis  aliquis  pereunti  dede- 
rit  necessitate  compulsus,  quod  cum  ipse  accipe- 
ret  quomodo  dandum  esset  addidicit,  nescio  an 
pie  quisquam  dixit  esse  repetendum,.  Nulla  enini 
cogente  necessitate  si  fiât  alieni  muneris  usurpa- 
tio  est;  si  autem  nécessitas  urgeat  aut  nullum 
aut  veniale  delictum  est.  August.,  lib.  Il  Contra 
Epist.  Parm.,  cap.  xni,  num.  29,  pag.  44. 

''  Et  hœc  quidem  alia  quœstio  est  utrum  et  ab 
iis  qui  nunquam  fuerunt  christiani  possit  baptis- 
mus  dari,  nec  aliquid  temere  inde  affirmandum  est 
sine  auctoritate  tanti  concilii  quantum  tantœ  rei 
sufjxcit.  August.,  ibid.,  num.  30,  pag.  45. 

'  Verumtamen  si  quis  forte  me  in  eo  concilio 
constitutum  ubi  talium  rerum  quœstio  versare- 
tur  non  prœeedentibus  talibus  quorum  senlentias 
sequi  mallem,  urgeret  ut  dicerem  quidipse  senti- 
rem.,  si  eo  modo  affectus  essem,  quo  eram  cum isla 


lU 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


personne  non  baptisée,  est  valide,  comme  il 
a  été  décidé  depuis.  Quel  que  soit  le  minis- 
tre du  baptême  *  de  Jésus-Christ ,  et  de 
quelque  péché  qu'il  puisse  être  chargé,  ce 
n'est  pas  lui  qui  baptise,  c'est  celui  sur  le- 
quel le  Saint-Esprit  descendit  en  forme  de 
colombe;  en  un  mot  c'est  Jésus-Christ.  Saint 
Jean  ^  apprit  par  l'apparition  de  cette  co- 
lombe que  la  sainteté  qui  est  communiquée 
dans  le  baptême,  est  tellement  le  propre  ef- 
fet de  Jésus-Christ,  qu'encore  que  ce  sacre- 
ment dût  être  conféré  par  plusieurs  minis- 
tres, les  uns  saints  et  les  autres  pécheurs, 
la  sainteté  du  sacrementne  devait  néanmoins 
jamais  être  attribuée  qu'à  celui  sur  qui  la  co- 
lombe apparut,  et  dont  il  a  été  dit  :  C'est 
celui-là  qui  baptise  dans  le  Saint-Esprit.  Ainsi 
que  ce  soit  Pierre  qui  baptise,  c'est  Jésus- 
Christ  qui  baptise;  que  ce  soit  même  Judas 
qui  baptise,  c'est  Jésus-Christ  qui  baptise. 
Que  s'il  en  était  autrement,  et  que  le  bap- 
tême fût  plus  ou  moins  saint  à  propoi'lion 
du  mérite  de  ceux  qui  le  donnent,  comme 
ils  n'en  n'ont  pas  tous  également,  il  y  aurait 
différents  baptêmes,  et  chacun  croirait  ce- 
lui qu'il  a  reçu  meilleur  à  proportion  des 
bonnes  qualités  qu'il  aurait  reconnues  en 
celui  de  qui  il  l'a  reçu.  » 


134.  «  Comme  l'homme  '  ne  naît  qu'une 
fois  selon  la  chair,  il  ne  peut  aussi  renaître 
qu'une  fois  selon  l'esprit  :  et  Nicodème  avait 
raison,  lorsqu'il  disait  à  Jésus-Christ  qu'un 
homme  étant  vieux  ne  pouvait  pas  rentrer 
dans  le  sein  de  sa  mère,  pour  renaître  un* 
seconde  fois.  Mais  il  aurait  pu  faire  la  propo- 
sition plus  générale,  et  l'étendre  jusqu'aux 
enfants  nouveaux-nés ,  qui  ne  peuvent  pas 
plus  que  les  vieillards  rentrer  dans  le  sein  de 
leur  mère,  pour  naître  une  seconde  fois  :  car 
il  est  impossible  qu'ils  y  rentrent  les  uns  et 
les  autres,  et  qu'ils  renaissent  tout  de  nou- 
veau. Comme  le  sein  de  l'Eghse  est  à  l'égard 
de  la  naissance  selon  l'esprit,  ce  que  celui 
de  nos  mères  est  à  l'égard  de  la  naissance 
selon  la  chair  ;  il  en  faut  raisonner  de  même, 
et  conclui'e  que  l'on  ne  peut  naître  qu'une 
fois  selon  l'esprit,  non  plus  que  selon  la  chair; 
qu'ainsi  il  ne  faut  point  rebaptiser  celui  qui  a 
été  baptisé  par  les  hérétiques  ou  par  les  schis- 
matiques.Mais  si  c'est  un  péché  de  rebaptiser'* 
un  hérétique  à  qui  le  sceau  de  la  piété  a  déjà 
été  imprimé  selon  les  règles  du  chiistianisme, 
quel  crime  horrible  n'est-ce  pas  de  rebaptiser 
un  catholique  ?  Les  hommes  mêmes,  par  une 
secrète  inspiration  ^  de  Dieu  ont  une  horreur 
naturelle  de  la  rebaptisation ,  et  les  dona- 


baplisfilic 

Tract. 

Joan,  QUI 


dictarem,  nequaquam  dubitarem  liabere  eos  bap- 
tismum  qui  îMounique  et  a  quibuscuinque  illud 
verbis  evangelicis  consecratum  sine  sua  simitla- 
tione  el  cum  aliqua  fide  accepissent  :  quamquam 
eis  adsalutem  spirilualem  nonprodesset,  si  cari- 
tate  caruissent,  qua  cathoiicœ  insererentur  Eccle- 
siœ.  August.,  lib.  VU  De  Bapt.,  cap.  lui,  num.  102, 
pag,  20i. 

1  De  qtio  {ChristoJ  dictum  est  :  Ipse  est  qui 
baptizat,  proinde  homo  quilibet  minister  baptismi 
ejus  qiialemcujnqiie  sarcinam  portet,  non  iste, 
sed  super  quein  columba  descendit,  ipse  est  qui 
baptisât   August.,  Epist.  89,  uum.  3,  pag.  221. 

^  Quid  ergo  per  eoluinbam  didicit  (Joannes)  ne 
mendax  postea  inveniatur  (quod  averlat  a  nobis 
Deus  opinari)  nisi  qiMmquam  proprietatem  in 
Christo  talem  futurain,  ut  quamvis  rnuiti  miiris- 
tri  baptiiaturi  essent  sive  justi,  sive  injusti  non 
tribuerelur  sanciitas  baptismi,  nisi  illi  super 
queni  descendit  columba  de  que  dictum  est  :  Hic 
est  qui  baptizat  ia  Spiritu  Sancto.  Petrusbaplizet, 
hic  est  quibaptizat:  Paulus  baptizet ,  hic  est  qui 
baptizat;  Judas  baptizet,  hic  est  qui  baptizat. 
Nam  si  pro  di  i-rsitate  meritorum  baptisma  sanc- 
tum  est.  quia  diversa  sunt  mérita,  diversa  eruiiL 
baptismata,  et  lanto  quisque  aliquid  melius  pn- 
tatar  accipere,  quanlo  a  meliore  videtur  acce- 
pisse.  August.,  Tract.  0  in  Joan.,  num.  7  et  8, pag. 
333. 

3  Regeneratio  spiritalis  una  est  sicut  generatio 
carnalis  una  est  ;  et  quod  Nicodemus  Domino  ait. 


verum  dixit  :  Quia  non  potest  homo  cum  sit  senex, 
redire  rursum  in  uterum  matris  suée,  et  nasci.  Ille 
quidem  dixit:  Quia  homo  cum  sit  senex  hoc  non 
potest,  quasi,  et  si  infans  esset,  posset,  omnino 
enimnon  potest,  sive  recens  ab  utero,  sive  annosa 
jam  œtate,  redire  rursum  in  materna  viscera,  et 
nasci;  sed  sicut  ad  nalivitatem  carnalem  valent 
muliebria  viscera  ad  semel  pariendum,  sic  ad  na- 
tivilatem  spiritalem  valent  viscera  Ecctesiœ  ut 
semel  quisque  baptizetur.  August.,  Tract.  12  in 
Joan.,  nua-.  2,  pag.  383  et  384. 

'■  Rebaptisare  igitur  hœreticum  hominem  qui 
hœo  sanctitatis  signa  perceperit  quœ  christiana 
Iradidit  disciplina,  omnino  peccatum  est  :  rebap- 
tizare  aulem  catholicum  immanissimuni  scelus 
est.  August.,  Epist.  23,  uum.  2,  pag.  31. 

^  Quia  sic  homines  occulta  nescio  qua  inspira- 
tione  Dei  detestantur,  si  quis  ilerum  baptismum 
accipiat,  qnem  ubicumquejam  acceperat,  utiidem 
ipsi  hœretici  cum  inde  disputant,  frontem  confri- 
cent,  et  prope  omnes  eorum  làici  qui  apud  eos 
inveleraverunt,  et  animosam  periinaciam  adver- 
sus  catholicam  concepcrunt,  hoc  solum  illic  sibi 
displicere  faleantur  :  et  mulli  quipropter  adipis- 
ceiida  aliqua  commoda  sœcularia,  vel  incommoda 
devitanda  transire  ad  eos  volunt,  occultis  conati- 
bus  ambiant  ut  hoc  eis  quasi  peculiari  et  domes- 
tico  beneficio  prœstetur  ne  rebaptizentur,  etnon- 
nulli  cœleris  eorum  vanis  erroribns  et  fatsis  cri- 
minalionibus  adversus  catholicam  Ecclesiam 
credenles,  hoc  uno  revocentur,  ut  eis  sociari  no- 


[iV  ET  r  SIÈCLES.]  SAMT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


745 


tistes,  qui  en  faisaient  usage,  étaient  obligés 
de  se  faire  violence  pour  ne  pas  rougir  lors- 
qu'on les  attaquait  sur  ce  point.  C'était  aussi 
la  seule  chose  que  la  plupart  de  leurs  laïques, 
quoique  nourris  et  vieillis  dans  le  schisme, 
trouvaient  à  redire  dans  leur  secte.  Aussi 
plusieurs  de  ceux  qui  voulaient  s'y  engager 
par  quelque  motif  d'intérêt  temporel  se  ména- 
geaient en  secret  la  grâce  de  n'être  point 
rebaptisés.  D'autres,  quoique  prévenus  par 
les  calomnies  que  les  donatistes  répandaient 
contre  l'Eglise  catholique,  ne  pouvaient  ce- 
pendant se  résoudre  à  embrasser  leur  com- 
munion, dans  la  crainte  d'y  recevoir  un  se- 
cond baptême.  Cette  répugnance  répandue 
dans  l'esprit  de  tout  le  monde  étonna  les  do- 
natistes, les  porta  à  se  relâcher  de  la  sévérité 
de  leur  discipline,  et  à  recevoir  le  baptême  de 
ceux  qu'ils  avaient  condamnés  auparavant. 
Ils  aimèrent  mieux  recevoir  et  approuver 
le  baptême  des  maximianistes  qu'ils  avaient 
rejetés  pendant  quelque  temps,  que  d'enti-e- 
prendre  de  rebaptiser  un  grand  nombre  de 
personnes  qui  avaient  suivi  Félicien,  Pré- 
textât et  plusiem's  autres  qu'ils  avaient  eux- 
mêmes  condamnés,  » 


135.  «  L'Église  universelle  *  qui  est  très- 
ancienne  a  toujours  employé  le  souffle  et  les 
exorcismes  non-seulement  dans  le  baptême 
des  enfants,  mais  encore  dans  celui  ^  des  adul- 
tes. On  souffle  sur  les  enfants  ',  on  les  exorcise 
afin  d'éloigner  d'eux  la  puissance  du  diable 
qui  a  trompé  les  hommes  pour  s'en  rendre 
le  possesseur.  Ce  n'est  donc  pas  la  créature 
de  Dieu  qu'on  exorcise  et  qu'on  souffle,  mais 
seulement  celui  à  qui  appartiennent  tous  ceux 
qui  naissent  dans  le  péché.  *Ceux  qui  pré- 
sentent les  enfants  au  baptême  répondent 
pour  eux  qu'ils  renoncent  à  la  puissance  du 
démon,  qu'ils  promettent  de  se  convertira 
Dieu,  ^  et  de  croire  la  rémission  des  péchés.  A 
l'égard  des  adultes  ils  donnaient  leurs  noms  ^ 
pour  être  admis  au  baptême,  et  se  mettaient 
au  nombre  des  catéchumènes  qu'on  nommait 
compétents.  On  leur  imposait  les  mains  ' ,  on 
faisait  sur  eux  le  signe  de  la  Croix  ^,  et  on 
leur  donnait  du  sel  '.  » 

Saint  Augustin  appelle  sacrement  "  ce  que 
les  cathécumènes  recevaient,  et  dit  que, 
quoique  ce  ne  soit  pas  le  corps  de  Jésus- 
Christ,  il  est  néanmoins  plus  saint  que  les 
autres  aliments  dont  nous  nous  nourrissons. 


Sur 

exorcismes 
autre?     ci 
nionies 
baiilàino. 


tint  ne  rebaptizari  cogantur.  Quem  sensum,  ho- 
minum  omnia  penitus  corda  occupantcm  isti 
clonaListœ  metuentes  jnaluerimt  recipere  hapiis- 
mwn  qxiiiapud  maximianistas  quos  damnaverant 
dahis  est,  et  eo  modo  sibi  linguas  prœcidere  et 
ora  oppilare,  quam  denuo  baptizare  tôt  homines 
Muslitanœ  et  Assuritanœ  et  aliarwm  plebium  quas 
cum  Feliciano  et  Prœtextato  et  cœteris  a  se  dam- 
natis  et  ad  se  redeuntibus  susceperunt.  August., 
Ub.  V  De  Bapt.,  cap.  v,  num.  6,  pag.  143. 

'  Cur  exsufflentur  baptizandi  parvuli  ostende, 
aut  univevsœ  antiquissimœ  Ecclesiœ  hélium  aper- 
tissiinum  indicens,  exsufflari  eos  non  debcre  con- 
tende.  August.,  lib.  III  Oper.  imperf.,  cap.  cxliii, 
pag.  nos. 

2  Yerumtamen  parate  vos,  in  faciès  vestras 
easdem  exsufflationes  dignissime  excipere,  quœ  in 
Ecclesia  Chrisli  et  majoribus  adhibentur  et  par- 
vulis.  August.,  ibid.,  cap.  clsxxii,  pag.  1121. 

3  Parvuli  exsufflantur  et  exorcizantur,  ut  pel- 
latur  ab  eis  diaboli  potestas  inimica,  quœ  decepit 
hominem,  ut  possideret  homines.  Non  ergo  crea- 
tura  Dei  in  infantibus  exorcizatur  aut  exsufflatur ; 
sed  ille  sub  quo  sunt  omnes  qui  cum  peccato  nas- 
cuntur:  est  enim  deinceps  peccatorum.  August., 
lib.  De  Symb.,  cap.  i,  pag.  548,  tom,  VI.  Videlih.  V 
Oper,  imperf.,  cap.  lxiv,  pag,  1287. 

'  Prius  exorcizatur  in  eis  (parvulis)  et  exsuf- 
flatur potestas  contraria;  cui  etiam  verbis  eorum 
a  quibus  portantur,  se  renuntiare  respondent.  Au- 
gust., lib.  De  Peccat.  orig.,  cap.  xl,  num.  43, 
pag.  273. 

^  Vellem,  aliquis  istormn,  qui  contraria  sapiunt, 


mihi  baptizandwnpanulum  afferret.  Quid  in  illo 
agit  exorcismus  meus,  si  in  familia  diaboli  non 
tenetur?  Ipse  certe  mihi  fuerat  responsurus  pro 
eodem  parvulo  quem  gestaret,  quia  pro  se  illeres- 
pondere  non  posset.  Quomodo  ergo  dicturus  erat 
eum  renuntiare  diabolo,  cujus  in  eo  nihil  esset? 
Quomodo  converti  ad  Deum,  aquonon  esset  aver- 
sus?  Credere  inter  cœtera  remissionem  peccato- 
rum, quœ  illi  nulla  tribueretur?  August.,  lib.  I 
De  Peccat.  merit.  et  remis.,  cap.  xxxiv,  uum.  62, 
pag.  33. 

^  Inde  ubi  tempus  advenit,  quo  me  nomen  dare 
oporteret.  August.,  lib.  IX  Con/.,  cap.  vi,  pag.  162. 
Pascha  jam  appropinquabat,  dédit  nomen  inter 
alios  compétentes.  August.,  lib.  De  Cura  gerenda 
pro  mortuis,  cap.  xii,  pag.  525. 

'  Non  unius  modi  est  sanctificatio  :  nam  et  ca- 
techumenos  secundum  quemdam  modum  suum 
per  signum  Christi  et  orationem  manus  imposi- 
tionis  puto  sanctificari.  August.,  lib.  II  De  Peccat. 
merit.  et  remis.,  cap.  xxvi,  num.  i2,  pag.  62. 

8  Cujus  (Christi)  passionis  et  crucis  signo  in 
fronte  hodie  tanquam  in  poste  signandus  es,  om- 
nesque  christiani  signantur.  August.,  lib.  De  Ca- 
tech.  rud.,  cap.  xx,  num.  34,  pag.  285. 

5  Et  signabar  jam  signo  crucis  ejus  et  signabar 
ejus  sale.  August.,  lib.  I  Conf.  cap.  n,  pag.  75. 

'"  Quod  accipiunt  fcatechumenij  quamvis  non  sit 
corpus  Christi,  sanclum  est  tamen,  et  sanctius 
quam  cibi  quibus  alimur,  quoniam  sacramentum 
est.  August.,  lib.  H  De  Peccat.  merit.  et  rem.,  cap. 
XXVI,  pag.  62.  Vide  lib.  De  Catech.  rud.,  cap.  xxvi, 
num,  30,  pag.  293,  tom.  VI. 


746 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


n  remarque  '  que,  pour  préparer  les  caté- 
chumènes au  sacrement  du  baptême,  on  les 
obligeait  de  s'abstenir  de  l'usage  du  mariage 
et  qu'on  leur  faisait  pratiquer  des  jeûnes  et 
d'autres  exercices  de  mortification  et  de 
piété.  On  n'admettait  point  à  ce  sacrement 
ceux  qui  étaient  engagés  dans  quelque  dé- 
sordre scandaleux  qu'ils  ne  s'en  fussent  reti- 
rés auparavant.  Comment,  en  effet,  pourrait- 
on  admettre  au  baptême  celui  qui  serait  en- 
gagé dans  un  adultère,  et  qui  ferait  dilBculté 
de  s'en  retirer,  puisqu'on  n'y  admettrait  pas 
une  personne  mariée  qui  ne  pourrait  se  ré- 
soudi-e  à  pratiquer  les  choses  qui  lui  seraient 
prescrites.  C'était  l'usage  d'instruire  d'abord 
les  cathécumènes  du  Symbole  ^,  pour  leur 
apprendre  ce  qu'ils  devaient  croire,  et  en- 
suite de  l'Oraison  dominicale  où  ils  appre- 
naient qui  il  fallait  invoquer.  Car  le  Symbole 
regarde  la  foi,  et  l'Oraison  dominicale  la 
prière,  parce  que  ceux  qui  croient  sont  exau- 
cés quand  ils  prient.  On  leur  faisait  aussi 
faire  une  profession  de  foi.  Saint  Augustin, 
parlant  delà  conversion  de  Victorin,  dit  que  ^, 
lorsque  l'heure  fut  venue  de  faire  cette  pro- 
fession que  ceux  qui  devaient  être  baptisés 
avaient  coutume  de  faire  à  Rome  en  certains 


termes  qu'ils  ""apprenaient  par  cœur ,  et  qu'ils 
prononçaient  d'un  lieu  éminent  en  présence 
de  tous  les  fidèles,  les  prêtres  proposèrent  à 
Victorin  de  faire  cette  action  en  secret  ainsi 
que  c'était  la  coutume  de  le  proposer  à  ceux 
que  l'on  jugeait  pouvoir  être  touchés  de 
crainte  par  une  pudeur  et  une  timidité  na- 
turelle ;  mais  il  aima  mieux  faire  cette  action 
en  public  qu'en  particulier.  Lorscpie  l'Église 
accordait  le  baptême  aux  mourants  *,  eUe 
n'omettait  rien  de  nécessaire  ni  dans  l'ins- 
truction ni  dans  les  cérémonies,  mais  elle  les 
abrégeait  si  le  temps  était  trop  court. 

Saint  Augustin  remarque  que  c'est  en  vain 
qu'on  objecte,  contre  cet  usage,  l'exemple  du 
baptême  de  l'eunuque  de  la  reine  d'Ethiopie 
qui  parut  être  sans  aucune  cérémonie,  «par- 
ce que  ^  dit-il,  l'Écriture,  en  nous  appre- 
nant qu'il  fut  baptisé,  nous  apprend  aussi  qu'il 
le  fut  avec  les  cérémonies  que  la  tradition  nous 
a  conservées,  et  qu'elle  nous  apprend  devoir 
être  observées,  quoique  pour  abréger,  l'Écri- 
ture ne  le  marque  point  en  particulier.  Autre- 
ment, ajoute-t-il  ',  nous  pourrions  faire  de 
même  et  retrancher  toutes  les  choses  qu'il 
nous  est  prescrit  d'observer,  lors  même  que 
nous  donnons  le  baptême  dans  une  pressante 


'  Bac  ergo  secundum  sanam  doctrinam  mode- 
ratione  servata,  videamus  unde  agitur,  id  est, 
utrum  ad  percipiendum  baptismum  sic  admit- 
tendi  sunt  homines,  ut  nulla  ibi  vigilet  diligentia, 
ne  sanctum  canibus  detur ;  usque  adeo  ut  nec 
apertissimi  adulterii  perpelratores  et  ejus  perse- 
verantiœ  pi'ofessores  a  sacramenlo  tantœ  sancti- 
tatis  videantur  arcendi  :  quo  sine  dubio  non  ad- 
mitterentur,  siperipsos  dies,  quibus  eamdem  gra- 
tiam  percepturi,  suis  nomimbus  datis  abstinentia 
jej'uniis,  exorcismisque  purgantur,  cMin  suis  le- 
gitimis  et  veris  uxoribus,  se  concubiluros  profite- 
rentur,  atque  hujus  rei,  quamvis  alio  tempore 
licitœ,  paucis  ipsis  solemnibus  diebus  nullam  coii- 
tinentiam  servaturos.  Quomodo  igitur  ad  illa 
sancta  recusans  correctionem  adulter  admittitur, 
quo  recusans  observationen  non  admittitur  conju- 
gatus?  August.,  lib.  DeFide  et  oper.,  cap.  vi,  nuui. 
8,  pag.  169,  tom.  Vf. 

2  Quia  ergo  dixit  (Àpostolus) :  Quomodo  invoca- 
bunt  in  quem  noa  orediderunt?  ideo  non  acce- 
pistis  prius  orationem,  et  postea  Symbolum ;  sed 
prius  Symbolum,  ubi  sciretis  quid  crederetis,  et 
postea  orationem,  ubi  nossetis  quem  invocaretis. 
Symbolum  ergo  pertinet  ad  fidem,  oratio  ad  pre- 
cem  :  quia  qui  crédit,  ipse  exauditur  invocans. 
August.,  Serm.  36  in  Matth.  G,  cap.  i,  pag.  323, 
tom.  V.  Vide  lib.  De  Symbolo,  cap.  i,  pag.  547, 
tom.  VI. 

3  Denique  ut  ventum  est  ad  horam  profitendœ 
fidei,  quœ  verbis  certis  conceplis,  retentisque  me- 
moriter,  de  loco  enmientiore  in  conspectu  populi 


fidelis  Romœ  reddi  solet  ab  eis  qui  accessuri  sunt 
ad  gratiam  tuam,  oblatum  esse  dicebat  fSimpli- 
cianus)  Victorino  a  presbyteris,  ut  secretius  red- 
deret,  sicut  nonmillis  qui  verecundia  trepidaturi 
videbantur,  offerri  mos  erat;illum.  autem  maluisse 
salutem  suam  in  conspectu  sanctœ  multitudinis 
profiteri.  August.,  lib.  LXVIII  Conf.,  cap.  n,  num. 
5,  pag.  146  et  147. 

''  August.,  lib.  De  Symbolo  ad  cathecumenos, 
cap.  I,  mim,  1,  pag.  547,  tom.  VI. 

^  Fit  hoc  ubi  quemquam  forte  dies  urget  extre- 
mus,  ut  ad  verba  paucissima,  quibus  lamen  om- 
nia  continentur,  credat,  sacramenlumque perci- 
piat,ut  siexhacvila  emigraverit,  liberatus  exeat 
a  reatu  prœteritorum.  peccatorum.  August.,  lib. 
De  Fide  et  oper.,  cap.  vi,  num.  9,  pag.  169. 

^  Ineo  quod  ait  (Scriptura)  :  Baptizaviteum  Pbi- 
lippus,  intelligi  voluit  implela  omnia,  quœ  licet 
taceantur  in  Scriptiiris  brevilatis  gratia,  tamen 
série  traditionis  scimus  implenda.  August.,  lib. 
De  Fide  et  oper.,  cap.  ix,  num.  14,  pag.  172. 

'  Curnon  id  sequimur? Ctir  non  imilamur atque 
auferimus  cœtera  quœ  necesse  habemus ,  etiam 
cum  ad  baplizandum  temporis  urget  angustia, 
exprimere  interrogando,  ut  haptizandus  ad  cuncta 
respondeat,  etiamsi  ea  memoriœ  mandare  n  n  va- 
cavit...  Hœc  cum  dicuntur  aliquando  brevius  at- 
que constrictiiis,  aliquando  latiiis  et  uberius, 
Christus  evangelizatur  ;  et  tamen  non  solum  ad 
fidem,  verum  etiatn  quod  ad  mores  fidelium  per- 
tinet, nonprœtermittitur.  August.,  iftid. 


[lye  ET  V=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

nécessité.  Mais  nous  sommes  obligés,  dans 
cette  circonstance,  d'interroger  exactement 
et  de  faire  répondre  à  tout  celui  qui  doit 
être  baptisé,  quoiqu'il  n'ait  pas  pu  appren- 
dre ces  réponses  par  cœur.  En  donnant  donc 
ces  instructions,  tantôt  on  annonçait  Jésus- 
Christ  à  ceux  qui  devaient  être  baptisés  , 
d'une  manière  plus  courte  et  plus  serrée, 
tantôt  on  le  faisait  d'une  manière  plus  dif- 
fuse et  plus  étendue  ;  mais  toujours  néan- 
moins sans  rien  omettre  de  ce  qu'il  était  né- 
cessaire que  les  fidèles  sussent,  non-seule- 
ment par  rapport  k  la  doctrine  de  la  foi, 
mais  encore  par  rapport  à  la  règle  des 
mœurs.  »  Les  nouveaux  baptisés  étaient 
vêtus  de  robes  blanches  '  qu'ils  conservaient 
pendant  la  semaine  de  leur  baptême. 

136.  «Nous  lisons  dans  les  Actes,  dit  saint 
Augustin  ^,  que  les  apôtres  qui  étaient  à 
Jérusalem,  ayant  appris  que  les  habitants 
de  Samarie  avaient  reçu  la  parole  de  Dieu, 
leur  envoyèrent  Pierre  et  Jean  qui,  étant 
venus,  firent  des  prières  pour  eux  afin  qu'ils 
reçussent  le  Saint-Esprit.  Car  il  n'était  point 
encore  descendu  sur  aucun  d'eux,  et  ils 
avaient  seulement  été  baptisés  au  nom  du 
Seigneur  Jésus.  Alors  ils  leur  imposèrent 
les  mains,  et  ils  reçurent  le  Saint-Espi-it. 
Ce  n'était  pas  néanmoins  les  apôtres  qui 
le  leur  donnaient.  Il  n'y  a  que  Dieu  seul 
qui  puisse  donner  Dieu.  Mais  ils  imposaient 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  747 

les  mains  sur  les  baptisés,  et  ils  priaient 
pour  faire  descendre  sur  eux  le  Saint-Esprit. 
C'est  ce  que  l'Éghse  pratique  par  le  minis- 
tère des  évêques.  Elle  fait  '  l'onction  sur  les 
baptisés.  »  Saint  Augustin  l'appelle  le  sacre- 
ment du  chrême  ',  el:  il  la  met  au  nombre  des 
signes  sacrés  et  visibles  comme  le  baptême  ; 
mais  comme  un  sacrement  diii'érent  du  bap- 
tême. «  Il  opère,  dit-il,  dans  ceux  qui  le  re- 
çoivent dignement  les  mêmes  effets  intérieurs 
qu'il  opéra  dans  les  apôtres  au  jour  de  la 
Pentecôte,  le  Saint-Esprit  descendant  d'une 
manière  invisible  ^  sur  ceux  à  qui  on  impose 
les  mains,  comme  il  descendit  d'une  manière 
visible  sur  les  apôtres.  Ainsi  toute  la  diffé- 
rence qu'il  y  a,  consiste  en  ce  que  le  sacre- 
ment de  confirmation  se  donne  sous  d'autres 
signes,  et  qu'il  n'est  plus  accompagné  de  mi- 
racles extérieurs.  » 

137.  «Nous  recevons'  avec  un  cœur  et  une 
bouche  fidèle  le  Médiateur  de  Dieu  et  des 
hommes,  Jésus-Christ  homme,  qui  nous  don- 
ne son  corps  à  manger  et  son  sang  à  boire, 
quoiqu'il  semble  plus  horrible  de  manger  de 
la  chair  d'un  homme  que  de  le  tuer,  et  de 
boire  du  sang  humain  que  de  le  répandre. 
Les  Juifs'  ont  approché  de  Jésus-Christ  pour 
le  crucifier.  Approchons-nous-en,  afin  de  re- 
cevoir son  corps  et  son  sang.  Jésus-Christ 
crucifié  les  a  remplis  de  ténèbres  ;  et  nous , 
en  mangeant  la  chair  du  Crucifié,  et  en  bu- 


la  f^rc- 
rrclo 
Eiiclja- 


*  Infantes  isti,  quos  cernimus  exterius  deal- 
batos,  interiusque  mundatos,  qui  candore  vestUim 
splendurem  mentium  prœjigurant,  cum  peccato- 
rum  suorum  nocte  premiirentur,  tenebrce  fue- 
runt.  Augast.,  Serm.  223,  pag.  966,  tom.  V. 

2  Quomodo  ergo  Deus  non  est  qui  dat  Spiritum 
Sanctum  ?  Iino  quantus  Deus  est  qui  dat  Deum. 
Neque  eniin  aliquis  discipulorum  ejus  (Christij 
dedil  Spiritum  Sanctum.  Orabant  quippe  ut  veni- 
ret  in  eos  quibus  manum  imponebanl,  non  ipsi 
eum  dabant  :  quem  morem  in  suis  prœpositis 
etiam  nunc  servat  Ecclesia...  Nos  autem  accipere 
quideni  hoc  donum  (Spiritus  SanctiJ  possumuspro 
modulo  nostro,  effundere  autem  super  alios  non 
utique  possumus;  sed  ut  hoc  fiât,  Deum  super  eos 
a  quo  hoc  efficitur  invocamus.  August.,  lib.  XV 
De  Trinit.,  num.  46,  pag.  999. 

'  Quoniam  unxit  eum  fChristum)  Deus  Spiritu 
Sancto,  Actor.  x,  38.  Non  utique  oleo  visibili, 
sed  dono  gratiœ,  quod  visibili  significatur  un- 
guento,  quo  baptizatos  unguit  Ecclesia.  August., 
ibid. 

*  Et  in  hoc  unguento  sacramentum  chrismatis 
vultis  inlerpretari  ;  quod  quidem  i)i  génère  visi- 
hilium  signaculorum  sacrosanctum  est  sicut 
ipse  baptismus.  August.,  lib.  H  Contra  Litt.  Pe- 
tiliani,  cap.  civ,  num.  239,  pag.  293. 


^  Neque  enim  temporalibus  et  sensibilibus  mi- 
raculis  ad  te  slantibus  per  manus  impositionem 
modo  datur  Spiritus  Sanctus  sicut  antea  dabatur 
ad  commendationem  rudis  fidei  et  Ecclesiœ  pri- 
mordia  dilatanda.  Quis  enimmmc  hoc  expectatut 
ii  quibus  manus  ad  accipiendum  Spiritum  Sanc- 
tum ^mponit^ir,  repente  incipiant  linguis  loqui? 
Sed  invisibiliter  et  latenter  intelligitur  propler 
vinculum  pacis  eorum  cordibus  divina  charitas 
inspirari,utpossint  dicere  :  Charitas  Dei  diffusa  est 
in  cordibus  nostris  per  Spiritum  Sanctum,  qui  da- 
tus  est  nobis.  August.,  lib.  111  De  Bapt.,  cap.  xvi, 
num.  21,  pag.  116. 

^  Mediatorem  Dei  et  hominum  hominem  Chris- 
tum  Jesum;  carnem  suam  nobis  mandiwandum 
bibendumque  sanguinem  dantem  fideli  corde  at- 
que  ore  suscipimus,  quamvis  horribilius  videa- 
tur  humanam  carnem  manducare  quam  peri- 
mere,  et  humanum  sanguinem  potare  quam  fun- 
dere.  August. ,  lib.  II  Contra  Àdversarium  legis 
et  prophet.,  num.  33,  pag.  599. 

'  Judœi  accesserunt  ad  illum  fChristum,]  ut 
crucifigerent  :  nos  ad  eum.  accedamus  ut  corpus 
et  sanguinem  ejus  accipiamus.  Illi  de  crucijixo 
tenebrati  sunt.  Nos  manducando  crucifixum  et  il- 
luminamur.  August.,  Enarrat.  in  Psal.  xxxiii, 
num.  10,  pag.  22. 


748 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


vant  son  satig ,  nous  sommes  remplis  de 
lumières.  C'est  de  la  Croix  même  du  Sei- 
gneur que  '  nous  recevons  ce  qui  nous  nour- 
rit, parce  que  c'est  son  propre  corps  que 
nous  mangeons.  Dans  tout  l'univers  c'est  le 
prix  même  de  notre  rançon  ^  que  les  fidèles 
reçoivent  dans  l'Eucharistie  :  et  pour  en  té- 
moigner la  réalité  et  la  vérité  ils  répondent: 
Amen,  en  le  recevant.  Ce  sang,  étant  sur  la 
terre',  aune  voix  forte  et  puissante,  lorsque 
toutes  les  nations,  après  l'avoir  reçu,  répon- 
dent :  Amen.  C'est  là  la  voix  de  ce  sang,  que 
ce  sang  forme  lui-même  dans  la  bouclie  des 
fidèles  qui  en  ont  été  rachetés.  L'Eucharistie  ' 
est  le  sacrement  qui  fait  la  liaison  des  mem- 
bres de  l'Église  pendant  qu'ils  boivent  ce  qui 
a  coulé  du  côté  de  Jésus-Christ.  »  Sainte  Mo- 
nique °  ne  recommandait  rien  autre  chose , 
sinon  qu'après  sa  mort  on  se  souvînt  d'elle 
à  l'autel ,  d'où  elle  savait  que  l'on  distribue 
aux  fidèles  la  victime  saiute  dont  le  sang  a 
efiacé  cette  cédule  où  notre  condamnation 
était  écrite.  Ce  sang^  toutefois  répandu  par 
les  Juifs  a  été  dans  la  suite  accordé  même 
aux  meurtriers  et  aux  déicides  qui  l'avaient 
répandu.  Ils  ont  bu  en  devenant  fidèles  par 
la  grâce  et  la  miséricorde  de  Dieu,  ce  même 
sang  que  la  fureur  qui  les  avait  aveuglés , 
leur  avait  fait  répandre.   Plusieurs'   d'en- 


tr'eux  se  sont  convertis  :  ils  ont  cru  en  celui 
qu'ils  avaient  crucifiés.  Ils  ont  reçu  le  bap- 
tême ,  ils  ont  été  admis  à  la  table  du  Sei- 
gneur, et  ils  ont  bu,  étant  pleins  de  foi,  le 
sang  qu'ils  avaient  répandu  lorsqu'ils  étaient 
transportés  de  passion  et  de  fureur.  «  Je 
connais*,  dit  saint  Augustin,  quel  est  le  prix 
de  la  victime  ofierte  pour  ma  rançon  ;  je 
mange  son  corps  et  je  bois  son  sang  :  Je  le 
distribue  aux  autres;  et  étant  moi-même  au 
nombre  des  pauvres ,  je  désire  d'être  rassa- 
sié de  ce  pain  céleste  avec  ceux  qui  le  man- 
gent et  qui  en  sont  rassasiés.  »  Voyez  com- 
ment ce  Père  dit  qu'il  regarde  Jésus-Christ 
comme  le  prix  de  la  rançon  (c'est  la  réfle- 
xion d'un^  auteur  qui  écrivait  contre  Béren- 
ger)  ;  comment  il  dit  qu'il  le  mange ,  parce 
que  la  chair  de  Jésus-Christ  est  sa  nouri'i- 
ture  ;  et  qu'il  le  boit ,  parce  que  le  sang  de 
Jésus-Christ  est  son  breuvage  ;  qu'il  le  dis- 
tribue aux  autres,  parce  qu'il  était  évêque; 
et  enfin  qu'étant  pauvre  il  désire  de  se  ras- 
sasier de  Jésus-Christ,  parce  qu'étant  hum- 
ble il  n'avait  garde  d'avoir  du  dégoût  pom- 
ce  divin  sacrement. 

Saint  Augustin,  en  '"  expliquant  dans  le 
premier  sermon  qu'il  a  fait  sur  le  Psaume 
XXXIII ,  ces  paroles  du  premier  livre  des 
Rois,  suivant  la  version  des  Septante  :  //  était 


1  Nam  et  nos  de  criice  Domini  pascimur,  quia 
corpus  ipsius  manducamus.  August.,  in  Psal.  c, 
nuœ.  9,  pag.  1088. 

^  In  toto  orbe  terrarum  pretium  nostrum  acci- 
pitur  :  Amen  respondetur.  Augnst.,  in  Psal.  csxv, 
nimi.  9,  pag.  i424. 

^  Habet  enim  magnamvocem  Christi  sanguisin 
terra  cum  eo  accepta  ab  omnibus  gentibus  res- 
pondetur :  Ameu.  Hœc  est  clara  vox  sanguinis, 
quam  sanguis  ipse  exprimit  ex  ore  fidelium  eo- 
dem  sanguine  redemptorum.  August.,  lib.  Xll  Con- 
tra Fatist.,  cap.  x,  pag.  231. 

'  In  sacramento  spei,  in  hoc  tempore  conso- 
ciatur  Ecclesia,  quandiu  bibitur  quod  de  Christi 
latere  manavit.  August.,  lib.  ZII  Contra  Faust., 
cap.  X,  pag.  231. 

^  Non  ista  mandavit  nobis,  sed  tantummodo 
memoriam  sui  ad  altare  suum  fieri  victimam 
sanclam,  qua  deletum  est  chirographum  quod  erat 
contrarium  nobis.  August.,  lib.  IX  Contra  Faust., 
cap.  XIII,  nuni.  36,  pag.  176. 

^  Fusus  Domini  sanguis  donatus  est  homicidis, 
et  non  dicani  deicidis  :  quia  si  oognovissent  nun- 
quara  Dominum  gloriœ  crucifixissent.  Modo  homi- 
cidis donatus  est  fusus  sanguis  innocentis  ,  et 
ipsum  sanguinem  quein  per  insaniam  fuderunt, 
per  gratiam  biberunt.  August.,  in  Psal.  lxv, 
num.,  pag.  64S. 

'  Conversi  sunt  ex  ipso  populo  Judœoriim  :  con- 
versi  sunt,   bapiisati  sunt,  ad  mensani  Domini 


accesserunt  ;  et  sanguinem,  quem  sœvientes  fu- 
derunt, credentes  biberunt.  August.,  Serm.  77, 
cap.  III,  pag.  423. 

'  Ille  tuus  unicus  :  in  quo  sunt  omnes  thesauri 
sapientiae  et  scientiœ  absoondili,  redemit  me  san- 
guine suo:  non  calumnientur  mihi  superbi  quo- 
niam  cogito  prelium  meum  et  manduco  et  bibo 
et  erogo  et  pauper  cupio  salurari  ex  eo  inter  illos 
qui  edunt  et  saturantur  et  laudant  Dominum  qui 
requinmt  eum.  August.,  lib.  X  Conf.,  cap.  xlîii, 
num.  70,  pag.  193  et  196. 

^  Ecce  Augustiniis  Christum  cogitât  pretium, 
suum',  cumque  se  manducare  dicit,  quia  cibus  est; 
et  bibere,  quia  potus  est,  utpote  caro  et  sanguis  ; 
et  erogare,  episcopus  enim  eral,  et  pauperem  cu- 
pere  ex  eo  salurari,  quia  humilis  nesciebat  fasli- 
dium  diinni  sacramenti.  Duraudus  abbas ,  De  Cor- 
pore  et  sanguine  Christi,  apud  Lanfranc  in  Àppend. 
pag.  94,  colum.  2,  édil.  Paris.,  1658. 

1°  Et  ferebatur  in  manibus  suis.  Hoc  vero,  fra- 
tres,  quomodo  posset  fieri  in  homine  quis  intelli- 
get  ?  Quis  enim  portatur  in  maliibtis  suis  ?  Mani- 
bus aliorum  potest  portari  homo.  manibus  suis 
nemo  portatur.  Quomodo  intelligalur  in  ipso  Da- 
vid secundum  litteramnon  invenimus,  in  Chrislo 
autem  invenimus.  Ferebatur  enim  Christus  in 
manibus  suis,  quando  commendans  ipsum  corpus 
stmm,  ait:  Hoc  est  corpus  meum.  Ferebat  enim 
ilhid  corpus  in  manibus  suis.  August.,  in  Psal, 
xxxiii,  num.  10,  pag.  214. 


[IV'  ET  v=  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

■porté'dans  ses  propres  mains,  dit  :  «  Qui  poui'- 
ra  comprendre ,  mes  frères  ,  comment  cela 
peut  arriver  à  un  homme  ?  Qui  est-ce  qui  se 
porte  dans  ses  mains  ?  Un  homme  peut  être 
porté  dans  les  mains  des  autres,  mais  per- 
sonne n'est  porté  par  ses  propres  mains. 
Nous  ne  pouvons  comprendre  comment  cela 
se  peut  entendre  de  David  à  la  lettre  ;  mais 
nous  trouvons  comment  cela  s'entend  de 
Jésus-Christ.  Il  se  portait  dans  ses  mains 
lorsque  recommandant  son  corps ,  il  dit  : 
Ceci  est  mon  corps:  car  il  portait  ce  corps  en 
ses  mains,  n  Ce  Père  répète  '  la  même  chose 
dans  le  second  discours  sur  ce  Psaume,  ra- 
tifiant ainsi  ce  qu'il  avait  dit  dans  le  pre- 
mier: «  Comment,  dit-il,  Jésus-Christ  était- 
il  porté  dans  ses  mains?  Il  y  était  porté  en 
quelque  manière  lorsque,  étabhssant  le  mys- 
tère de  son  corps  et  de  son  sang,  il  prit 
dans  ses  mains,  ce  qui  est  connu  des  fidèles, 
et  qu'il  disait  :  Ceci  est  mon  corps,  n 

Guimond  ^,  après  avoir  rapporté  ce  passa- 
ge de  saint  Augustin  dans  ses  livres  contre 
Bérenger,  dit  :  «  Je  supplie  le  lecteur  habile 
de  considérer  attentivement  ces  paroles  qui 
détruisent  sans  ressource  les  vaines  subtili- 
tés des  nouveaux  hérétic[ues  :  et  je  ne  puis 
exprimer  ma  joie  en  lisant  ces  témoignages 
si  précis  de  saint  Augustin.  »  Il  n'y  en  a 
point  en  effet  qu'il  soit  moins  possible  d'élu- 
der par  des  interprétations  détournées.  Mais 
ne  pourrait-on  pas  dire  qu'il  y  a  de  la  con- 
tradiction entre  les  deux  passages  de  ce  Pè- 
re ;  et  qu'après  avoir  dit  dans  le  premier, 
que  Jésus-Christ  se  portait  lui-même  dans  ses 
propres  mains,  il  se  rétracte  dans  le  second 
en  disant  qu'il  se  portait  lui-même  enune  cer- 
taine ma^iière?  Non,  ce  saint  Docteur  ne  dit  ' 
rien  dans  le  second  discours  qui  ruine  la  vé- 
rité qu'il  avait  si  clairement  établie  dans  le 
premier.  Mais  craignant  que  des  catéchu- 
mènes ou  des  païens  ne  fussent  présents  à  ce 
second  discours,  il  marque  cette  vérité  plus 
obscurément ,  afin  qu'ils  ne  l'entendissent 


ÉVÊQUE  D'HIPPTDNE.  749 

pas.  Ce  qu'il  montre  par  ces  mots  :  Ce  que  les 
fidèles  commissent,  qui  sont  les  termes  dont 
les  Pères  se  servent  lorsqu'ils  veulent  cacher 
et  voiler  ce  mystère  à  ceux  qui  ne  sont  pas 
baptisés.  C'est  pourquoi  il  ajoute  que  Jésus- 
Christ  se  portait  lui-même  en  une  certaine  ma- 
nière quand  il  dit  :  Ceci  est  mon  corps  :  car  il 
n'use  pas  de  ce  terme  pour  exclure  la  vérité 
de  la  présence  réelle  de  son  corps,  et  marquer 
qu'il  ne  se  portait  en  ses  mains  qu'en  un 
sens  figuré  et  allégorique,  puisqu'il  dit  for- 
mellement dans  le  premier  sermon  que,  se- 
lon le  sens  littéral,  il  se  portait  en  ses  mains. 
Mais  il  marque  seulement  par  ces  mots  :  £n 
une  certaine  manière,  la  manière  spécificpie 
et  particulière  selon  laquelle  il  se  portait 
réellement,  véritablement  et  littéralement 
en  ses  propres  mains.  Ce  qu'il  fait,  parce 
que  cette  manière  n'est  pas  la  manière  com- 
mune dont  les  hommes  se  portent,  savoir 
en  leur  propre  espèce  et  figure,  et  en  sou- 
tenant leur  propre  poids  par  leur  force  cor- 
porelle. Mais  c'est  une  manière  plus  noble,  _ 
plus  éminente  et  plus  excellente ,  qui  est 
propre  et  particulière  à  cette  seule  action-là, 
savoir  sous  l'espèce  extérieure  et  visible  du 
sacrement  ;  mais  qui  cependant  n'est  pas 
moins  vraie,  réelle  et  actuelle.  Cette  façon 
de  parler  est  ordinaire  à  saint  Augustin, 
comme  quand  il  dit  que  l'âme  de  l'homme  est 
immortelle  selon  une  certaine  manière''.  Il  ne 
laisse  pas  d'entendi-e  qu'elle  l'est  réellement 
et  véritablement;  mais  qu'elle  ne  l'est  pas 
comme  Dieu  ,  que  saint  Paul  dit  posséder 
seul  l'immortalité.  Il  dit  encore  que  Dieu,  en 
s'incarnant,  s'est  uni  à  l'homme  en  quelque  ma- 
nière^, c'est-à-dire  en  une  certaine  manière 
cpii  lui  est  propre ,  et  n'est  pas  commune 
ni  ordinaire,  mais  qui  ne  laisse  pas  d'être 
réelle  et  actuelle.  Ce  qui  montre  que  ce 
Docteur  ne  s'est  point  servi  de  ces  termes  : 
En  une  certaine  manière,  pour  détruire  la  vé- 
rité de  l'être,  mais  poui'  la  spécifier  en  par- 
ticulier. 


'  Quomodo  ferebatur  in  manibus  suis,  quia 
commendaret  ipsum  corpus  suum  et  sangiiinetn 
suum,  accepit  in  manus  suas  quod  norunt  fidè- 
les, et  ipse  seportabat  quodammodo,  cum  diceret  : 
Hoc  est  corpus  meum.  August.,  in  Psal.  xxxni, 
Serm.  2,  nurn.  2,  pag.  215  et  216. 

2  Diligenter,  quœso,  omnis  prudens  leclor  ad- 
vertat  qiiam  efficacissime  hinc  omnia  hœreticorum 
istorum  sophismata  excludantur...  Non  salis  ex- 
primere  possum  quantum  in  his  beati  Auguslini 
verbis  oblector,  quamtumque  super  horum  mise- 
rabili   cœcitate  admiror.    Guitmundus,    Arehiep. 


advers.,  lib.  III  De  Yerit.  Euchar.,  pag.  4S6,  col.  2, 
tom.  XVIII,  Bibl.  Pat. 

8  Voyez  l'auteur  de  l'Office  du  Saint-Sacrement, 
pag.  418  et  419,  édition  de  Paris,  en  1659. 

^  Anima  hominis  immortalis  est  secundum 
quemdam  modum  suum,  non  enim  omni  modo 
sicut  Deus,  de  quo  dictum  est  :  Quia  solus  habet 
imniortalitatem,irmoWt..vi,  16.  August.,  £pisf.  166, 
num.  3,  pag.  584. 

^  August.,  Epist.  137,  cap.  m,  num.  12,  pag.  407, 
ait,  Yerbum  Dei  voluisse  suscipere  hominem,  et 
cum  illo  uniri  quodam  modo. 


7S0 


HISTOIRE.  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


clltnts  cri 
Us     1,.,U; 

f.l.Vt'Lt 


■  i'I.s 


;hr'. 


138.  «  Les  bons  \  dit  saint  Augustin,  se  sé- 
parent des  méchants  dans  cette  vie,  et  par 
le  mouvement  de  leurs  cœurs  et  par  la  pu- 
reté de  leurs  mœurs,  quoiqu'ils  mangent 
avec  eux  le  corps  du  Seigneur  et  boivent 
son  sang  ;  mais  avec  une  grande  différence, 
parce  que  les  bons  sont  revêtus  de  la  robe 
nuptiale  pour  rendre  l'honneur  à  l'époux, 
ne  cherchant  pas  leur  propre  intérêt,  mais 
celui  de  Jésus-Christ  ;  tandis  que  les  mé- 
chants n'ont  pas  la  robe  nuptiale,  c'est-à- 
dire  un  amour  très-fîdèle  pour  l'époux , 
cherchant  leurs  intérêts  propres  et  non  ceux 
de  Jésus-Christ.  Ainsi  quoiqu'assis  à  la  mê- 
me table,  les  ims  y  mangent  la  miséricorde, 
et  les  autres  le  jugement.  Comme  Judas  ^  en 
recevant  des  mains  du  Seigneur  le  morceau, 
donna  lieu  au  diable  d'entrer  en  lui  ;  non 
que  ce  qu'il  reçut,  fût  mauvais,  mais  parce 
qu'il  le  reçut  mal  :  de  même  celui  qui  prend 
indignement  le  sacrement  du  Seigneur,  ne 
fait  pas  ,  parce  qu'il  est  méchant ,  que  ce 
qu'il  prend  soit  mauvais,  et  qu'il  ne  reçoive 
rien  parce  qu'il  ne  le  reçoit  pas  pour  son  sa- 
lut. Car  il  n'est  pas  moins  le  corps  et  le  sang  ' 
de  Notre-Seigneur  à  l'égard  de  ceux  dont 
l'Apôtre  dit  :  Que  celui  qui  le  mange  indigne- 
ment, mange  et  boit  sa  condamnation.  Que  di- 
rons-nous '  du  corps  et  du  sang  de  Jésus- 
Christ,  l'unique  sacrifice  pour  notre  salut  ? 


Le  Seigneur  assure  que  si  quelqu'un  ne 
mange  pas  sa  chair  et  ne  boit  pas  son  sang,  il 
n'aura  pas  la  vie;  mais  l'Apôtre  ne  nous  en- 
seigne-t-il  pas  qu'il  est  pernicieux  à  ceux 
qui  en  usent  mal ,  en  disant  :  Quiconque 
mange  le  pain  et  boit  le  calice  du  Seigneur  in- 
dignement, sera  coupable  du  corps  et  du  sang 
de  Notre-Seigneur?  Saint  Aiigustin,  après 
avoir  joint  les  justes  aux  méchants  dans  la 
manière  commune  de  recevoir  le  corps  de 
Jésus-Christ,  attribue  ensuite  aux  seuls  jus- 
tes une  certaine  manière  de  le  recevoir  qui 
ne  convient  point  aux  méchants.  Comment* 
entendons-nous  aussi  ce  que  dit  Notre-Sei- 
gneur :  Celui  qui  mange  ma  chair  et  boit  mon 
sang  demeure  en  moi  et  moi  en  lui?  Pourrons- 
nous  aussi  étendre  cela  à  ceux  dont  l'Apô- 
tre dit,  qu'ils  mangent  et  qu'ils  boivent  leur 
jugement,  quoiqu'ils  mangent  la  chair  même 
et  boivent  le  sang  même  de  Jésus-Christ? 
Dirons-nous  aussi  que  Judas,  cet  impie,  qui  a 
trahi  et  vendu  son  Maître,  est  demeuré  en 
Jésus-Christ,  et  que  Jésus-Christ  est  demeuré 
en  lui,  parce  qu'il  a  mangé  avec  les  autres 
disciples  le  premier  sacrement  fait  des  mains 
de  Jésus-Christ ,  comme  l'évangéliste  saint 
Luc  le  marque  plus  ouvertement  que  les  au- 
tres ?  Dirons-nous  que  ceux  qui  mangent 
cette  chair  et  boivent  ce  sang  avec  un  cœur 
hypocrite,  ou  qui,  après  avoir  mangé  cette 


*  A  quibus  {malisj  sese  boni  corde  intérim  de 
moribus  séparant,  simul  manducanles  et  bibentes 
corpus  et  sanguinem  Domini,  sed  cum  magna  dw- 
tinclione  :  quia  isti  in  honore  sponsi  induti  sunt 
veste  nuptiali,  non  sua  quœrentes,  se  quœ  Jesu 
Christi ;  illi  autem  non  habent  vestem  nuptialem, 
hoc  est  fidissimam  sponsi  charitatem,  sua  quœ- 
rentes, non  quœ  Jesu  Christi.  Àc  per  hoc,  quamvis 
in  uno  eodemque  convivio,  isti  misericordiam 
manducant  ;  illi  judicium.  August.,  lib.  ad  Do- 
natist.post  collât.,  num.  27,  pag.  S97. 

*  Sicut  enim  Judas  cui  buccellam  tradidit  Domi- 
nus,  non  malum  accipiendo,  sed  maie  accipiendo 
locum  in  se  diabolo  prœbuit,  sic  indigne  quisque 
sumens  Dominicum  sacramentum  non  efficit,  ut 
quia  ipse  malus  est,  malum  sit,  aut  quia  non  ad 
salutem  accipit,  nihil  acceperit,  corpus  enim  Do- 
mini et  sanguis  Domini  nihilominus  erat  etiam 
mis  qiiibus  dicebat  Àpostolus  :  Qui  manducat  in- 
digne, judicium  sibi  manducat  et  bibit.  Augusl., 
lib.  V  De  Bapt.,  cap.  vm,  num.  9,  pag.  146. 

3  Quid  de  ipso  corpore  et  sanguine  Domini 
unico  sacrificio  pro  salute  nostra  quamvis  ipse 
Dominus  dicat  :  Nisi  quis  manducaverit  caruem 
rneam,  et  biberit  sanguinem  meum  non  habebit  in 
se  vitam  ;  nonne  idem  Apostolus  docet  etiam  per- 
niciosum  maie  utentibus  fieri:  ait  enim:  Qui- 
cumque  uiauducaverit  pauem  et  biberit  calicem 


Domini  indigue  reus  erit  corporis  et  sanguinis  Do- 
mini ?  August.,  lib.  Contra  Cresc,  cap.  xxv,  num. 
50,  pag.  403  et  404. 

*  Illud  etiam  quod  ait:_  Qui  manducat  carnem 
meam  et  bibit  sanguinem  meum  in  me  manet  et 
ego  iu  illo,  quomodo  intellecturi  sumus?  Num- 
quid  etiam  illos  hic  poterimus  accipere  de  quibus 
dicit  Apostolus ,  quod  judicium  sibi  manducent 
et  bibant,  cum  ipsam  carnem  manducent  et  ip- 
sum  sanguinem  bibant  ?  Numquid  et  Judas  Ma- 
gistri  vendilor  et  traditor  impius,  quamvis  pri- 
mum  ipsummanibus  ejus  confectum sacramentum 
carnis  et  sanguinis  ejus  cum  cccteris  discipulis,  si- 
cut aperlius  Lucas  evangelista  déclarât,  mandu- 
caret  etbiberet,  mansit  in  Chrislo  aut  Chrislus  in 
eo?Tam  multi  denique  qui  vel  corde  ficto  carnem 
illam  manducant  et  sanguinem  bibunt  ;  vel  cum 
manducaverint,  apostatce  fiunt,  numquid  manent 
in  Chrislo,  aut  Christus  in  eis  ?  Sed  profecto  est 
quidam  modus  mandueandi  illam  carnem  et  bi- 
bendi  illum  sanguinem  quomodo  qui  mandiicave- 
rit  et  biberit,  in  Christo  manet  et  Christus  in  eo. 
Non  ergo  quocumque  modo  quisquam  manduca- 
verit  carnem  Christi  et  biberit  sanguinem  Christi, 
mcinet  in  Chrislo  et  in  illo  Christtis;  sed  certo 
quodam  modo,  quem  modum  utique  ipse  videbat 
quando  ista  dicebat.  August.,  Serm.  71  in  Matth., 
cap.  SI,  num.  17,  pag.  391  et  392. 


[lV=  ET  V°  SliCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


751 


chair  et  bu  ce  sang ,  tombent  dans  l'aposta- 
sie, demeurent  en  Jésus-Christ,  et  que  Jésus- 
Christ  demeure  en  eux  ?  Mais  c'est  qu'il  y  a 
une  certaine  manière  de  manger  cette  chair 
et  de  boire  ce  sang,  dont  il  est  vrai  de  dire 
que  celui  qui  la  mange  et  qui  le  boit,  de- 
meure en  Jésus-Christ ,  et  Jésus-Christ  en 
lui.  Il  n'est  donc  pas  vrai  que  tous  ceux  qui 
mangent  la  chair  de  Jésus-Christ  et  boivent 
son  sang  demeurent  en  lui,  et  lui  en  eux  de 
quelque  manière  qu'ils  le  fassent,  et  ce  n'est 
vrai  qu'à  l'égard  de  ceux  qui  le  font  d'une 
certaine  manière  qu'il  avait  en  vue.  n 

139.  Selon  saint  Augustin  Jésus-Christ'  a 
pris  la  terre  de  la  terre  puisque  la  chair  est 
tirée  de  la  terre,  et  il  a  tiré  sa  propre  chair 
de  la  chair  de  Marie,  et  parce  qu'il  a  vécu 
dans  le  monde  avec  cette  même  chair,  et 
qu'il  nous  l'a  donnée  à  manger  pour  notre 
salut,  personne  ne  la  mange,  sans  l'avoir 
premièrement  adorée.  On  a  trouvé  par  là 
comment  l'escabeau  des  pieds  de  Notre-Sei- 
gneur  doit-être  adoré,  de  sorte  que  non-seu- 
lement on  ne  pèche  point  en  l'adorant,  mais 
qu'au  contraire  on  pèche  en  ne  l'adorant 
pas.  «Mais,  dit-il,  est-ce  la  chair  qui  vivifie? 
Le  Seigneur  même  en  exaltant  cette  terre, 
nous  dit  que  c'est  l'esprit  qui  vivifie  et  que  la 
terre  ne  sert  de  rien.  C'est  pourquoi  en  vous 
abaissant  et  vous  prosternant  devant  quel- 
que terre  que  ce  soit,  ne  la  regardez  pas 
comme  terre,  mais  regardez-y  ce  Saint  dont 
cette  terre  que  vous  adorez  est  l'escabeau. 
Car  c'est  à  cause  de  lui  que  vous  adorez. 
L'adoration  de  la  chair  de  Jésus-Christ  est 
commune  aux  méchants  et  aux   superbes 


marqués  par  ce  verset  du  psaume  :  Tous  Ifs 
riches  de  la  terre  ont  mangé  et  ont  adoré.  Ils 
s'approchent  aussi  de  la  table  de  Jésus- 
Christ^,  on  leur  donne  part  à  son  corps  et  à 
son  sang;  mais  ils  adorent  seulement,  et 
n'en  sont  ni  nourris,  ni  remplis,  parce  cpi'ils 
ne  l'imitent  pas.  Ils  mangent  Jésus-Christ 
pauvre,  et  ils  dédaignent  d'être  pauvres  : 
quoiqu'ils  n'aient  point  été  rassasiés  ^  de  cette 
chair  comme  pauvres,  jusqu'à  l'imiter,  ils 
n'ont  pas  laissé  cependant  de  l'adorer.  Le 
Seigneur  invita*  ses  serviteurs  à  souper,  et  il 
se  prépara  lui-même  pour  être  leur  viande. 
Qui  oserait  manger  son  Seigneur?  Il  dit  néan- 
moins :  Celui  qui  me  mangera  vivra  par  moi  : 
car  en  mangeant  Jésus-Christ  on  mange  la 
vie.  On  ne  le  fait  pas  toutefois  mourir  pour 
le  manger;  mais,  au  contraire,  il  fait  vivre 
les  morts  qui  le  mangent,  parce  qu'il  est 
ressuscité  après  qu'on  l'a  fait  mourir.  En  le 
mangeant  on  ne  le  divise  pas  en  parties, 
quoiqu'on  divise  le  sacrement.  Les  fidèles 
savent  comment  ils  mangent  la  chair  de  Jé- 
sus-Christ :  chacun  en  prend  sa  part  :  il  est 
mangé  par  parties,  néanmoins  il  demeure 
entier  ,  étant  tout  entier  dans  le  ciel,  et  tout 
entier  dans  votre  cœur.  Chaque  fidèle  re- 
çoit ^  le  Seigneur  Jésus ,  qui  est  tout  entier 
en  chaque  partie,  n'étant  point  diminué  par 
cette  division.  Il  se  donne  tout  entier  à  cha- 
cun de  nous.  » 

140.  Pour  combattre  la  réalité  du  corps 
de  Jésus-Christ  dans  le  sacrement,  Béren- 
ger  alléguait  ces  paroles  que  saint  Augus- 
tin met  dans  la  bouche  de  Jésus-Christ  :  En- 
tendez spirituellement  *  ee  que  je  viens  de  vous 


30, 


Objections 
contre  ta  |H'é- 
seace  réollâ. 


1  Suscepit  enim  de  terra  terrain  qxda  caro  de 
terra  est,  et  de  carne  Mariœ  carnem  accepit,  et 
quia  in  ipsa  carne  hic  ambulavit  et  ipsam  car~ 
nem  nobis  manducandam  ad  salutem  dédit,  nemo 
autem  illam  carnem  manducat  nisi  prius  adora- 
verit  :  inventum  est  quemadmodum  adoretur  taie 
scahellum  pedum  Domini  et  solum  non  peccamus 
adorando,  sed  peccamus  non  adorando.  August., 
Enarrat.  in  Psal.  xcvin,  num.  9,  pag.  1063. 

'  Manducaverunt  et  atJoraverunt  omnes  divites 
terrœ.  Et  ipsi  quippe  adducti  sunt  ad  mensam 
Christi,  et  accipiunt  de  corpore  et  sanguine  ejus; 
sed  adorant  tantum,  non  etiam  saturantur,  quo- 
niam  non  imitantur.  Manducantes  enim  paupe- 
rem  dedignantur  esse  pauperes.  August.,  Epist. 
140,  num.  67,  pag.  447, 

'  Manducaverunt  corpus  humilitatis  Domini  sui 
etiam  divites  terrœ,  nec  sicut  pauperes  saturali 
sunt  usque  ad  imitalionem,  sed  tamen  adorave- 
runt.  August.,  Enarrat.  11  m  Psal.  xx,  pag.  93. 

'•  Augustinus, in  Sermone  de  verbis  Domini  :  limi- 


tât Dominus  servos  et  prœparavit  cibum  seipsum. 
Quis  audeat  manducare  Dominum  suum?  Et  ta' 
men  ait  :  Qui  manducat  me  vivet  propter  me  ;  dum 
enim  Cfiristus  manducalur,  vita  manducatur.  Nec 
occiditur  ut  manducetur,  sed  mortuos  vivificat 
quando  manducatur  quia  surrexit  occisus  ?  Née 
quando  manducatur  partes  de  illo  facimus.  Et 
quidem  in  sacramento  sic  fit.  Norunt  fidèles  que- 
madmodum carnem  Christi  manducent.  Unusquis- 
que  partem  suam  accipit,  per  partes  manducatur 
et  integer  manet  ;  totus  in  cœlo,  totus  in  corde 
tuo.  Algerus,  lib.  I  De  Sacram.  corp.  et  sang. 
Dom.  cap.  xv,  pag.  266,  colum.  2.  Yide  Bedam  in 
I  Corinth.,  cap.  x,  pag.  364. 

^  Item  Ambrosius  :  Singuli  accipiunt  Christum 
Dominum,  et  in  singiilis  portionibus  totus  est:  nec 
per  singulos  minuitur,  sed  integrum  se  prœbet  in 
siiigulis.  August.,  ibid.,  pag.  'iiil,  colum.  1. 

^  Spiritualiter  intelligite  quod  locutus  swm:  non 
hoc  corpus  quod  videtis,  m,anducaturi  estis,  et 
bibitu/ri  illum  sanguinem,  quem  fusuri  simt  qui 


752 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


dire  :  car  vous  ne  mangerez  pas  ce  corps  que 
vous  voyez  :  ni  ne  boirez  pas  ce  sang  que  ceux 
qui  me  crucifieront  doivent  répandre.  ((  Vous 
vous  flattez  de  cet  endroit  de  saint  Augustin, 
lui  répond  Lanfranc  %  vous  en  triomphez 
comme  si  vous  étiez  déjA  victorieux,  et  vous 
vous  en  glorifiez  par  vous-même  comme  si 
vous  aviez  trouvé  un  ferme  appui  de  votre 
cause  ;  mais  votre  objection  est  vaine  et  sans 
fondement.  Comment  se  pourrait-il  faire  que 
ce  grand  saint ,  après  avoir  déclaré  que  Jé- 
sus-Christ nous  a  donné  à  manger  cette  mê- 
me chair  qu'il  avait  tirée  delà  sainte  Vierge, 
sa  mère ,  et  dont  il  était  revêtu  lorsqu'il  vi- 
vait sur  la  terre  ;  comment,  dis-je,  se  pour- 
rait-il faire  qu'il  rainât  ces  paroles  si  expres- 
ses par  d'autres  toutes  contraires?  A  Dieu  ne 
plaise  qu'un  lecteur  sage  et  qu'un  écrivain 
catholique  conçoive  des  sentiments  si  in- 
dignes de  cette  colonne  de  l'Église,  de  ce 
puissant  défenseur  de  la  vérité,  duquel  le 
pape  Célestin  assure  que ,  durant  sa  vie  , 
on  n'a  jamais  ouï  dire  qu'il  ait  seulement 
été  soupçonné  de  la  moindre  erreur.  Aussi 
ne  dit-il,  dans  les  paroles  que  vous  rapportez, 
que  ce  que  toute  l'Eglise  cathohque  croit  et 
confesse  par  la  bouche  de  tous  ceux  qui  sont 
ses  membres,  savoir,  que  c'est  le  même  corps, 
et  que  ce  n'est  pas  le  même  corps.  Car  nous  ne 
croyons  pas,  comme  croyaient  autrefois  les 
capharnaïtes ,  que  nous  mangions  le  corps 
visible  de  Jésus-Christ,  ni  que  nous  buvions 
son  sang  que  les  bourreaux  devaient  répan- 


dre, et  qu'ils  devaient  voir  de  leur  propres 
yeux  ;  mais  plutôt  nous  croyons  ce  que  nous 
ne  voyons  pas,  afin  que  notre  foi  subsiste 
toujours,  et  ne  soit  pas  anéantie,  ainsi  qu'elle 
le  serait  sans  doute,  si  les  sens  corporels 
étaient  témoins  de  ce  qu'elle  croit.  D'où  vient 
que  saint  Augustin,  exphquant  ensuite  ce  qu'il 
avait  marqué  moins  clairement,  dit  .•  Encore 
qu'il  soit  nécessaire  de  célébrer  ce  mystère  d'une 
manière  visible,  il  faut  néanmoins  le  concevoir 
d'une  manière  invisible.  Or  les  capharnaïtes 
s'imaginaient  que  le  Seigneur  leur  comman- 
dait de  manger  sa  chair,  comme  des  bêtes 
mangent  celle  des  autres  ;  ou  du  moins  la 
chair  qu'ils  voyaient,  et  le  même  sang  que  les 
persécuteurs  devaient  répandre.  » 

141.  On  objecte  encore  un  passage  de  la 
lettre  de  saint  Augustin  à  Boniface,  où  il 
dit  ^  que  comme  le  sacrement  du  corps,  est 
son  corps  selon  une  certaine  manière,  et  que 
le  sacrement  de  son  sang,  est  son  sang  :  de 
même  le  sacrement  de  la  foi,  est  la  foi.  Mais 
il  est  à  i-emarquer  ^  que  le  mot  de  sacrement 
se  prend  chez  les  anciens  écrivains  ecclésias- 
tiques, aussi  bien  que  parmi  les  théologiens 
modernes,  pour  un  signe  visible  de  quelque 
chose  de  saint  et  d'invisible  ;  en  sorte  que 
quand  saint  Augustin  dit  que  le  sacrement 
du  corps  de  Jésus-Chi-ist,  est  en  quelque  ma- 
nière le  corps  de  Jésus-Christ,  c'est  comme 
s'il  disait,  que  le  signe  visible  du  corps  de  Jé- 
sus-Christ est  en  quelque  manière  le  corps  de 
Jésus-Christ.  Or,  c'est  ce  que  tous  les  catho- 


Anb 

jeclion. 


me  crucifigent.  August.,  in  Psal.  xcvni,  num.  9, 
pag.  1066. 

"  In  his  postremis  beati  Atogustini  verbis  exul- 
tas. In  his  vicisse  te  et  superiorem  esse  gloriaris, 
hic  firmamentum  tuœ  defensionis  teinvenissegralu- 
leris:  Quomodo.inquis,  persuadere  contendis  quod 
veram  carnem  verumque  sanguinem  in  hoc  sacra- 
mento  sumamus,  cum  manifeste  audias  quod  cor- 
pus hoc  videbant  non  essent  discipuli  comesturi, 
neque  bibituri  sanguinem  quem  crucifigentes  erant 
effusiiri?  Calumniosa  quidem  ista  objectio  est. 
Quienim  superius  testatus  est  quod  carnem  quam 
de  matre  Virgine  sumpsit  et  in  qua  in  terris  am - 
bulavit  ad  mamducandum  nobis  salubriter  tribuit, 
quomodo  huic  tam  prœclarœ  sententice  aliqua 
contraria  sententia  potuit  obviare  ?  Absit  a  sobrio 
lectore  et  catholico  expositore  tam  perverse  sen- 
tire  de  Ecclesiœ  columna,  et  firmamenlo  veritatis 
de  quo  CœlesUnus  papa  in  decretis  suis  asserit, 
quod  nec  saltem  sinislrœ  suspicionis  rumor  dum 
viveret  eum  asperserit.  Imo  rêvera  id  dixit 
quod  catholica  Ecclesia  in  omnibiis  membris  suis 
fideliter  fate'.ur  et  crédit  quod  ego  quoque  in  pro- 
fessione  fidei  breviler  posui,  breviter  compreliendi, 
videlicet  ipsum  esse  corpus,  et  7ion  ipsum.  Neque 


enim  eo  quo  ipsi  putaba,nt  modo  credimus  quod 
visibile  Christi  corpus  comedamus  aut  sanguinem 
quem.  fusuri  et  oculis  suis  conspecturi  erant  per- 
sequentes  bibamus.  Sed  potius  id  credimus  quod 
non  videmus  ut  valeat  esse  fides  quœ  non  potest 
esse  si  res  quœ  creduntur  corporalibus  sensibus 
constiterit  subjacere.  Vnde  exponens  quod  obscure 
posuit  ;  ei  ;  Si  necesse  est,  mjMit,  illud  visibiliter 
celebrari ,  oportet  tamen  iuvisibiliter  intelligi. 
Existimabant  namque  quod  prœciperet  eis  Do- 
minais aut  bestiali  more,  aut  humano,  corpus 
comedere  quod  videbant,  aut  bibere  sanguinem 
quem  persequentes  fusuri  erant:  hoc  est  aut  cru- 
dum.  aut  aqua  coctum  aut  sjibtraclis  carbonibus 
in  verubus  assuin.  Lanfranc,  lib.  De  Corp.  et  sang. 
Dnm.,  cap.  xviii,  pag.  246. 

~  Sicut  ergo  secundum  qiiemdam  modum  sa- 
cramentum  corporis  Christi  corpus  Christi  est, 
sacramentum  sanguinis  Christi  sanguis  Christi 
est,  ita  sacramenlum  fidei  fides  est.  August., 
Epist.  98,  num.  9. 

3  Voyez  la  note  de  SI.  Dubois  sur  cette  Lettre, 
pag.  375  et  suiv.  Voyez  encore  l'auteur  de  la  Per- 
pétuité de  la  Foi,  livre  II,  chap.  6,  pag.  99, 
tom.  m. 


j-iv»  ET  V'  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

ligues  diraient  aujourd'hui  comme  lui,  et  il 
n'y  en  a  aucun  qui  ne  reconnaisse  que  le 
sacrement  ou  le  signe  visible  du  corps  de  Jé- 
sus-Christ n'est  pas  le  corps  même  de  Jésus- 
Christ  et  qu'il  ne  l'est  qu'en  quelque  manière. 
Mais  cela  n'empêche  pas  que  le  corps  de  Jé- 
sus-Christ ne  se  trouve  joint  à  ce  qui  en  est  le 
signe  visible.  Car  il  y  a  deux  sortes  de  signes, 
les  uns  qui  sont  joints  aux  choses  mêmes,  et 
les  autres  qui  en  sont  séparés  ;  et  on  dit  éga- 
lement des  uns  et  des  autres,  qu'ils  prennent 
le  nom  des  choses  dont  ils  sont  signes,  et 
qu'ilssont  ces  choses-là  en  quelque  manière, 
sans  qu'on  puisse  conclure  de  cette  façon  de 
parler,  que  la  chose  signifiée  soit  absente  de 
ce  qui  en  est  le  signe.  Mais,  dira-t-on,  il  faut 
bien  que  saint  Augustin  ait  cru  que  le  sacre- 
ment ou  le  signe  visible  du  corps  de  Jésus- 
Christ  soit  de  ceux  à  qui  les  choses  dont  ils 
sont  les  signes  ne  sont  pas  jointes,  puisqu'il 
apporte  en  exemple  un  autre  signe  qui  n'en- 
ferme point  la  chose  dont  il  est  signe.  «  De 
la  manière,  dit-il,  que  le  sacrement  du  corps 
de  Jésus-Christ  est  en  quelque  façon  le  corps 
de  Jésus-Christ,  ainsi  le  sacrement  de  la  foi 
est  la  foi.  Or,  le  sacrement  de  la  foi,  c'est- 
à-dire  le  baptême,  n'est  à  l'égard  des  en- 
fants qu'un  signe  vide ,  c'est-à-dire  un  signe 
auquel  la  chose  dont  il  est  signe  n'est  pas 
jointe  ,  puisqu'il  est  certain  qu'ils  n'ont  pas 
ce  mouvement  de  cœui'  et  de  volonté ,  que 
nous  appelons  la  foi.  »  La  comparaison  que 
saint  Augustin  fait  de  ceci  au  sacrement  du 
corps  de  Jésas-Glirist  fait  donc  voir  qu'il  a 
cru  que  celui-ci ,  non  plus  que  l'autre ,  n'est 
qu'un  signe  vide,  auquel  la  chose  dont  il  est 
le  signe  n'est  pas  jointe. 

Comme  toute  la  force  de  cette  objection 
ne  consiste  qu'en  ce  qu'il  ne  semble  pas  que 
saint  Augustin  ait  pu  comparer  ces  deux  si- 
gnes l'un  à  l'autre,  à  moins  d'avoir  cru  qu'ils 
sont  l'un  et  l'autre  de  ceux  à  qui  les  choses 
signifiées  ne  sont  pas  jointes,  elle  se  détruit 
aisément  par  saint  Augustin  même,  qui ,  en 
d'autres  endroits,  pour  prouver  que  les  si- 
gnes prennent  les  noms  des  choses  dont-ils 
sont  signes  ,    apporte  indifféremment  des 


EVEQUE  D'HIPPONÉ. 


■783 


exemples  de  signes  joints  aux  choses  dont  ils 
sont  signes,  et  de  signes  auxquels  les  choses 
ne  sont  pas  jointes.  «  Le  sang,  dit-il,  dans 
son  livre  contre  Adimante  ',  est  l'âme,  com- 
me la  pierre  est  le  Christ.  Or,  le  sang  est  si- 
gne de  l'âme  présente,  et  la  pierre  était  si- 
gne de  Jésus-Christ  absent.  »  Voilà  donc 
deux  signes  de  différente  espèce  mis  en  pa- 
rallèle par  ce  saint  Docteur,  et  apportés  dif- 
féremment, comme  les  deux  cités  en  preuve 
de  cette  proposition  :  ces  signes  prennent  le 
nom  des  choses  dont  ils  sont  signes.  Comme 
donc  il  a  pu  comparer  le  sang  signe  de  l'âme 
avec  la  pierre  signe  de  Jésus-Christ ,  sans 
qu'on  puisse  présumer  qu'il  ait  cru  que  l'âme 
fût  absente  du  sang ,  comme  Jésus-Christ 
était  absent  de  la  pierre  qui  en  était  le  si- 
gne, on  ne  peut  pas  présumer  non  plus  que 
pour  avoir  comparé  le  sacrement  ou  signe 
visible  du  corps  de  Jésus-Chi^ist  avec  le  sa- 
crement ou  signe  visible  de  la  foi  dans  les 
enfants ,  il  ait  cru  que  comme  ce  que  nous 
appelons  la  foi  ne  se  trouve  pas  joint  à  l'un, 
le  corps  de  Jésus-Christ  ne  se  trouve  pas 
joint  à  l'autre.  On  parlerait  peut-être  pré- 
sentement sur  cette  matière  avec  plus  de 
précaution,  parce  qu'on  sait  qu'il  y  a  des 
gens  qui  pourraient  abuser  de  ce  qu'on  di- 
rait ;  mais  saint  Augustin  n'était  pas  obligé 
de  prévoir  que  dans  le  xi°  siècle  il  viendrait 
un  Bérenger ,  et  dans  le  xvi=  des  prétendus- 
réformés  qui  abuseraient  de  ce  qu'il  dit  ici , 
et  qui  en  tireraient  avantage  contre  la  pré- 
sence réelle.  D'ailleurs  la  suite  de  sa  lettre 
à  Boniface  fait  voir  qu'elle  n'a  pas  été  faite 
avec  autant  de  loisir  que  la  chose  en  aurait 
demandée  ;  et  la  diflBculté  proposée  par  cet 
évêque  est  si  grande  ,  que  l'on  ne  peut  qije 
louer  la  manière  dont  saint  Augustia  l'a 
expliqué. 

142.  Pour  entendre  une  troisième  objec- 
tion qui  est  tirée  d'un  discours  de  saint  Au- 
gustin rapporté  par  saint  Fulgence,  et  qui 
est  adressé  aux  nouveaux  baptisés,  il  est 
comme  nécessaire  de  le  donner  ici  tout  en- 
tier :  «  Vous  avez  déjà  vu  la  nuit  précé- 
«  dente,  leur  dit-il  ^,  les  choses  que  vous 


Aulrc  ûb- 
jeclloa. 


1  August.,  lïh.  Contra  Adimant.,  cap.  xii.  pag.  126, 
tom.  VllI. 

2  Hoc  quod  videtisinaltariDei  etiam  transacta 
nocte  vidistis,  sed  quid  esset,  quid  sibi  vellet, 
quam  magnœ  rei  sacramentum  contineret  non- 
dum  audistis.  Quod  ergo  videtis,  panis  est  et  ca- 
lix,  quod  vobis  etiam  oculi  vestri  renuntiant  ; 
quod  aulem  fides  vestra  postulat  instrueiida,  pa- 

IX. 


nis  est  corpus  Christi,  calix  sanguis  Chrisii.  Bre- 
viter  quidem  hoc  dictum  quod  fidei  forte  sufficiat; 
sed  fides  instructionem  desiderat.  Dicit  enim,  Pro- 
phela  :  Nisi  credideritis,  non  intelligetis.  Potest 
enim  modo  dicere  :  Mihi  prœcepisti  ut  credamus, 
expone  ut  intelligamus.  Potest  enim  in  animo  cu- 
jiisquam  cogitatio  talis  suboriri  :  Dominus  noster 
Jesiis  CImsius,  noiriinus  unde   acceperit  carnem, 


734 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


«  voyez  présentement  ;  mais  on  ne  yous  a 
«  pas  encore  dit  ce  qu'elles  étaient ,  ce 
«  qu'elles  signifiaient,  et  combien  celles  dont 
«  elles  sont  sacrements,  sont  grandes  et  ex- 
«  cellentes.  Ce  que  vous  voyez  donc  est  du 
«  pain  ,  et  c'est  aussi  ce  que  vos  yeux  vous 
«  déclarent.  Mais  l'instruction  que  votre  foi 
(I  demande ,  est  que  le  pain  est  le  corps  de 
«  Jésus-Christ  et  que  le  calice,  ou  ce  qui 
«  est  dans  le  calice ,  est  son  sang.  Ceci  est 
«  dit  en  peu  de  mots,  et  peut-être  que  ce 
((  peu  suffirait  à  la  foi.  Mais  la  foi  demande 
«  d'être  instruite.  Car  le  Prophète  dit  :  Si 
((  vous  ne  croyez  pas,  vous  n'entendrez  point. 
«  Vous  me  pourrez  donc  dire  :  Puisque  vous 
«  nous  avez  commandé  de  croire ,  expli- 
«  quez-nous  ce  que  c'est ,  afin  que  nous  en- 
ce  tendions.  Cette  pensée  peut  naître  dans 
n  l'esprit  de  quelqu'un.  Nous  savons  de  qui 
«  Jésus-Christ  a  pris  sa  chair  ,  savoir ,  de  la 
«  Vierge  Marie  ;  nous  savons  qu'il  fut  allaité 
«  en  son  enfance,  qu'il  fut  nourri,  qu'il  de- 
«  vint  grand  ,  et  parvint  à  l'âge  d'adoles- 
«  cence  ;  qu'il  souffrit  les  persécutions  des 
«  Juifs  ,  qu'il  fut  pendu  au  bois  ,  qu'il  y  fut 
«  mis  à  moi't,  qu'il  ressuscita  le  troisième 
n  jour  ,  qu'il  monta  au  ciel  lorsqu'il  lui  plut 
c(  d'y  monter ,  qu'il  éleva  son  corps ,  d'où  il 
«  viendra  pour  juger  les  vivants  et  les  morts, 
«  et  qu'il  est  maintenant  assis  à  la  droite  du 
i<  Père.  Comment  donc  le  pain  est- il  son 
«  corps,  et  comment  le  calice,  ou  ce  qui  est 
«  dans  le  calice,  est-il  son  sang?  Mes  frères , 
«  ces  choses  sont  appelées  sacrement,  parce 


«  qu'auti-e  chose  est  ce  que  nous  voyons, 
«  et  autre  chose  ce  que  nous  concevons.  Ce 
«  que  l'on  voit  a  une  espèce  corporelle  ;  ce 
«  ce  que  l'on  conçoit  a  un  sens  spirituel.  Si 
«  vous  voulez  donc  concevoir  le  corps  de 
«  Jésus-Christ  (signifié  par  le  sacrement,  et 
«  auquel  les  espèces  ont  rapport)  :  écoutez 
«  l'apôtre  saint  Paul  :  Vous  êtes  le  corps  de 
«  Jésus-Christ  et  ses  membres.  Si  vous  êtes  le 
«  corps  de  Jésus-Christ  et  ses  membres,  vo- 
«  tre  mystère  est  mis  sur  la  table  du  Sei- 
«  gueur.  Vous  avez  reçu  votre  mystère. 
(I  Vous  dites  :  Ainen,  à  ce  que  vous  êtes,  et 
«  vous  y  souscrivez  par  votre  réponse.  On 
«  vous  dit  :  Ce  corps  de  Jésus-Christ ,  et  vous 
«  répondez  :  Amen.  Soyez  membres  du  corps 
«  de  Jésus-Christ  afin  que  voti-e  Amen  soit 
«  véritable.  Pourquoi  donc  ce  mystère  s'ac- 
«  complit-il  dans  le  pain  ?  N'apportons  ici 
«  rien  du  nôtre ,  mais  écoutons  encore  le 
«  même  Apôtre  parlant  de  ce  sacrement  : 
((  Nous  qui  sommes  plusieurs,  dit-il,  nous  som- 
«  mes  un  seul  corps.  Entendez  ceci,  je  vous 
«  en  prie,  et  vous  en  réjouissez.  Car  ce  n'est 
«  ici  qu'unité,  piété,  vérité,  charité  ;  un  seul 
«  pain  et  un  seul  corps,  quoique  nous  soyons 
(1  plusieurs.  Remarquez  que  le  pain  n'est 
«  pas  fait  d'un  seul  grain,  mais  de  plusieurs. 
«  Quand  on  vous  a  exorcisé,  vous  avez  pas- 
«  se  sous  la  meule  ;  quand  vous  avez  été 
(c  baptisés  ,  vous  avez  été  arrosés  d'eau  ;  et 
((  quand  vous  avez  reçu  le  feu  du  Saint-Es- 
«  prit ,  on  peut  dire  que  vous  avez  été  cuits 
«  comme  du  pain.  Soyez  donc  ce  que  vous 


de  Virgine  Maria,  infans  tactatus  est,  nutritus 
est,  crevit,  ad  juvenilem  œtatem  perductus  est;  a 
Judœis  persecutionem passus  est,  ligno  suspensus 
est;  in  ligna  inlerfectus  est,  de  ligno  deposilus  est, 
sepuUus  est,  terlia  die  resurrexit,  qiw  die  voluit, 
in  cœlum  ascendit,  illuc  levavit  corpus  suuin;  in- 
de  est  venturus  ut  judicet  vives  el  mortiws,  ibi 
est  modo  sedens  ad  dexteram  Palris  :  quomodo 
est  panis  corpus  ejus,  et  calix  vel  quod  habet  ca- 
lix  quomodo  est  sanguis  ejus?  Ista,  fratres,  ideo 
dicuntur  sacramenla  quia  in  eis  aliud  videtur, 
aliiid  intelligilur.  Quod  videtur  speciem  habet 
corporalem;  quodintelligitur  fructum  habet  spi~ 
ritalem.  Corpus  ergo  Christi,  si  vis  intelUgere, 
Apostolum  audi  dicentem  fidelibus:  Vos  autem  es- 
tis  corpus  Cliristi  et  inembra,  si  ergo  vos  estis 
corpus  Christi  et  membra,  mysterium  veslrum  in 
mensa  dominica  positum'est;  mysterium  vestrum 
accipitis.  Ad  id  quod  estis  Ainen  respondetis  et 
respondendo  su-bscribitis  ;  audis  enim  corpus 
Christi  et  respondes:  Amen;  eslo  membrum  cor- 
poris  Christi  ut  verum  sit  Amen.  Quare  ergo  in 
paneîNihil  hoc  de  nostro  offeramus,  ipsum  Apos- 
tolum identidem  audiamus,  qui  cu/m  de  islo  sa- 


Crdmento  loquèretur,  ait  :  Uuus  panis,  unum  cor- 
pus multi  sumus,  intelligite  et  gaudele,  unitas, 
Veritas,  pietas,  charitas.  Ifnus  panis,  quisestiste 
V71US  panis  ?  Unum  corpus  multi.  Recolite  quia 
panis  non  lit  de  uno  grano  sed  multis.  Quando 
exorcizabavnni,  quasi  moleb.imini.  Quando  bap- 
tizali  estis,  quasi  conspersi  estis.  Quando  Spiritus 
Sancti  ignem  accepistis,  quasi  cocti  estis.  Eslote 
quod  videtis  et  accipile  quod  estis.  Hoc  .ipostolus 
de  pane  dixit.  Jam  de  calice  quid  inlelligeremus, 
etiam  non  dictum,  satis  ostendit.  Sicut  enim  ut 
species  visibilis  panis,  multa  grana  in  unum 
consperguntur  tanquam  illud  fiai  quod  de  fideli- 
bus ait  Scriptura  sancta:  Erat  illis  anima  uua  et 
cor  uuum  lu  Deum  :  sic  et  de  vino,  fralres,  reco- 
lile  imde  fit  vinum.  Grana  mulla  pendent  ad  bo- 
trum,  sed  liquor  granorum  in  unitate  confun- 
ditur.  lia  et  Dominus  Christus  nos  significavil, 
nos  ad  se  pertinere  voluit  mysterium  pacis  et 
unilalis  nostrœ  in  sua  mensa  consecravit.  Qui 
accipit  mysterium  unilalis,  et  non  tenet  vinculum 
pacis,  non  myslerium  accipit  pro  se,  sed  teslimo- 
nium  contra  se.  August.,  Serm.  272,  pag.  1103 
et  HOi. 


[  V'  ET  y"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPPONE. 


7SS 


n  voyez  ,  et  reesTez  ce  que  vous  êtes.  Voilà 
«  ce  que  l'Apôtre  a  dit  du  pain  :  par  où  il 
(I  nous  montre  assez  ce  que  nous  devons 
«  entendre  à  l'égard  du  calice.  Comme  pour 
«  faire  cette  espèce  visible  du  pain  ,  plu- 
((  sieurs  grains  sont  réduits  en  un   corps 
«  pour  représenter  ce  que  dit  l'Ecriture  :  Ils 
«  ii'avaieni-qu'uneâme  et  qu'un  cœur  en  Dieu, 
(I  il  en  est  de  même  du  vin.  Remarquez 
«  comment  il  est  un.  Plusieurs  grains  pen- 
«  daient  au  raisin  ,  mais  leur  liqueur  a  été 
«  confondue  en  un  corps.  C'est  ainsi  que 
«  Jésus-Christ  nous  a  voulu  représenter  et 
«  nous  faire  siens  ,  consacrant  sur  cette  ta- 
«  Me  le  mystère  de  notre  paix  et  de  notre 
«  unité.  Celui  qui  reçoit  le  mystère  de  l'u- 
«  nité,  et  ne  conserve  pas  le  lien  de  la  pair, 
((  ne  reçoit  pas  un  mystère  pour  son  bien  , 
«  mais  im  témoignage  contre  lui-même.  » 
Claude  soutient  '  que  le  but  de  saint  Au- 
gustin  dans  ce  discours  est  d'instruire  les 
nouveaux  baptisés  de  ce  qu'il  faut  croire  sur 
ce  mystère,  d'où  ce  ministre  infère  que  ce  dis- 
cours étant  dogmatique  ,  il  est  propre  à  éta- 
blir ceux  qui  l'écoutaient  dans  la  foi  de  ceux 
de  sa  secte,  c'est-à-dire  des  calvinistes.  Pour 
en  revenir  là,  c'était  à  lui  à  nous  faire  re- 
marquer dans   ce   discours  les  dogmes  de 
cette  secte,  et  à  montrer  que  saint  Augustin 
y  a  enseigné  d'une  manière  claire  et  précise 
les  quatre  dogmes  essentiels  à  la  créance 
commune  aux  prétendus  réformés  ,  sans  la- 
quelle ils  prétendent  qu'on  ne  peut  partici- 
per dignement  au  sacrement  de  l'Eucliaris- 
tie.  Le  premier  de  ces  dogmes  est  que  le 
pain  et  le  vin  ont  été  établis  par  Jésus-Christ 
signes ,  figures  et  sacrement  de  son  corps 
naturel.  Le  second  que  ces  espèces  le  figu- 
rent comme  mort.  Le  troisième,  qu'il  s'est 
engagé  de  remplir  ce  pain  et  ce  vin  d'une 
efficacité  surnaturelle  ,  c'est-à-dire  de  com- 
muniquer de  nouveaux  rayons  de  lumière  et 
une  augmentation  de   grâce  à  ceux  qui  y 
participent.  Le   quatrième  ,  qu'il  nous   est 
commandé   de    manger   spirituellement    le 
corps  de  Jésus-Christ  dans  la  participation 
de  ce  sacrement ,  et  que  cette  manducation 
spirituelle  consiste  dans  la  méditation  de  la 
mort  de  Jésus-Christ  comme  la  cause  de  no- 
tre  salut.  La  manducation  spirituelle  ,  dit 
Aubertin  ,  autre  ministre  calviniste  ,  est  un 
acte  spécial  de  foi,  qui  a  pour  objet  la  chair 


de  Jésus-Christ  comme  ayant  souffert,  et 
comme  étant  mort ,  et  qui  la  regarde  com- 
me le  soutien  de  notre  vie. 

Or,  il  ne  se  trouve  aucun  de  ces  quatre 
dogmes  formellement  exprimés  dans  ce  dis- 
cours. Il  n'y  est  dit  nulle  part  en  termes 
exprès  que  le  pain  de  l'Eucharistie  soit  fi- 
gure du  corps  naturel  de  Jésus-Christ.  Car 
pour  ces  mots:  Vous  prenez  le  mystère  du  Sei- 
gneur,  que  l'on  y  lit  selon  la  version  de 
M.  Claude  ,  par  où  il  pourrait  peut-être  en- 
tendre que  l'on  reçoit  dans  ce  mystère  la 
figure  du  Seigneur  ;  c'est  ce  ministre  qui  les 
y  a  mis  de  son  chef,  au  lieu  que  le  texte  de 
saint  Augustin  porte  :  Vous  avez  reçu  votre 
mystère.  Il  n'y  est  point  dit  non  plus  que  le 
pain  et  le  vin  représentent  Jésus-Christ  com- 
me immolé  et  comme  mort.  Y  voit-on  que 
Jésus-Christ  se  soit  obligé  de  donner  de  nou- 
veaux rayons  et  une  augmentation  de  grâce 
à  ceux  qui  y  participeront,  ni  qu'il  ait  inon- 
dé ce  pain  d'une  efficacité  spirituelle  dérivée 
méritoirement  de  sa  chair  divine  ?  Y  est-il 
dit  que  la  manducation  spirituelle  de  la  chair 
de  Jésus-Christ  nous  soit  commandée,  et 
que  cette  manducation  consiste  à  méditer 
que  la  mort  de  Jésus -Christ  est  la  cause 
unique  de  notre  salut?  Comme  il  n'y  a  rien 
de  semblable  dans  tout  ce  discours ,  quelle 
apparence  de  le  prendre  pour  un  sermon 
dogmatique,  où  saint  Augustin  ait  eu  des- 
sein d'instruire  les  nouveaux  baptisés  sur  ce 
qu'ils  devaient  croire  touchant  l'Eucharistie? 
Il  paraît,  au  contraire  très-clairement  par 
ce  discours ,  et  par  un  autre  tout  semblable 
que  ce  Père  fit  aux  nouveaux  baptisés  le 
jour  de  Pâques,  et  sur  le  même  sujet,  qu'ils 
avaient  déjà  participé  aux  mystères.  «  Vous 
avez,  leur  dit-il ,  dans  le  premier  de  ces  dis- 
cours fait  le  jour  de  la  Pentecôte,  reçu  votre 
mystère.  Vous  avez,  leur  dit-il  ^  dans  le  se- 
cond ,  prononcé  le  jour  de  Pâques,  déjà  été 
faits  participants  de  la  table  du  Seigneur .  »  S'ils 
avaient  déjà  participé  aux  saints  mystères  , 
on  ne  peut  douter  qu'on  ne  leur  eût  dit  ce 
qu'il  en  fallait  croire ,  n'y  ayant  point  d'ap- 
parence qu'après  leur  avoir  caché  ces  mys- 
tères avec  tant  de  soin  lorsqu'ils  n'étaient 
que  catéchumènes,  on  ne  les  en  eût  pas  ins- 
truits, du  moins  lorsqu'ils  étaient  sur  le 
point  d'y  participer.  C'était  une  précau- 
tion nécessaire  pour  les  préserver  d'une 


1  Voyez    l'auteur  de  la   Perpétuité 
liv.  Jl,  chap.  vni,  pag.  H 2,    tom.  lil. 


la  Foi,         2  August.,  Serm.  227  in  die  Paschœ,  pag. 


973, 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


'786 

communion  sacrilège,  et  les  empêcher  de 
tomber  dans  cette  ignorance  criminelle, 
dont  un  ancien  auteur  dit  '  qu'on  se  rend 
coupable  lorsqu'on  mange  le  corps  de  Jésus- 
Christ,  sans  connaître  sa  vertu  et  sa  dignité , 
c'est-à-dire,  sans  savoir  qu'il  est  en  vérité  le 
corps  de  Jésus-Christ.  Aussi  était-ce  l'usage  de 
l'Église  d'instruire  ceux  qui  devaient  le  re- 
cevoir d'une  manière  à  ne  laisser  rien  igno- 
rer de  la  vertu  et  de  la  vérité  de  ce  sacre- 
ment. C'est  ce  que  l'on  voit  par  un  endroit 
de  la  dix-huitième  catéchèse  de  saint  Cyrille 
de  Jérusalem  ,  où  ce  Père  s'explique  "  en  ces 
termes  sur  ce  que  la  foi  obligeait  les  catéchu- 
mènes d'en  croire,  et  sur  les  dispositions  avec 
lesquelles  ils  devaient  s'en  approcher  après 
leur  baptême.  La  veille  du  grand  jour  de  Pâ- 
ques, et  de  votre  régénération  nous  vous  ensei- 
gnerons ce  qui  sera  convenable,  avec  quelle  révé- 
rence et  avec  quel  ordre  il  faut  entrer  dans  le 
lieu  où  vous  serez  baptisés,  quelles  sont  les  rai- 
sons de  toutes  les  saintes  cérémonies  que  l'on  y 
pratique,  avec  quelle  dévotion  il  faut,  au  sortir 
du  baptême,  s'approcher  de  l'autel  de  Dieu  et 
participer  aux  mystères  spirituels  et  célestes 
que  l'on  y  offre,  afin  que,  votre  âme  étant  illu- 
minée par  nos  instructions  et  nos  discours,  cha- 
cun de  vous  connaisse  la  grandeur  des  pré- 
sents que  Dieu  lui  fait.  Il  est  donc  constant 
par  cette  discipline  de  l'Éghse  que  les  nou- 
veaux baptisés  auxquels  s'adressent  les  deux 
discours  de  saint  Augustin,  avaient  déjà  reçu 
une  instruction  dogmatique  sur  l'Eucha- 
ristie ,  qui  leur  faisait  connaître  la  gran- 
deur du  présent  que  Dieu  leur  y  faisait.  Né- 
anmoins ce  Père  témoigne  dans  tous  ces 
deux  discours  qu'il  voulait  leur  apprendre  ce 


qu'on  ne  leur  avait  point  encore  enseigné  : 
Vous  avez,  dit-il  dans  le  premier  ',  déjà  vu, 
la  nuit  dernière,  sur  l'autel,  les  choses  que  vous 
voyez  présentement  ;  mais  on  ne  vous  a  pas  en- 
core dit  ce  qu'elles  étaient ,  ce  qu'elles  signi- 
fiaient, et  combien  les  choses  dont  elles  sont  sa- 
crement sont  grandes  et  importantes.  Et  dans  le 
second*  :  Vous  voyez  le  sacrement  de  la  table  du 
Seigneur, et  vous  y  avez  déjà  participé  la  nuit 
dernière.  Mais  vous  devez  savoir  ce  que  vous 
avez  reçu,  ce  que  vous  recevrez,  et  ce  que  vous  y 
devez  recevoir  tous  les  jours.  Ces  nouveaux 
baptisés  ayant  donc  été  déjà  instruits  des 
dogpies  essentiels,  il  est  évident  que  ce  n'était 
pas  de  ces  mêmes  dogmes  que  saint  Augus- 
tin les  voulait  instruire  ,  puisqu'il  n'aurait 
pu  dire,  à  l'égard  de  ces  dogmes,  qu'ils  ne 
les  avaient  point  ouïs  ;  et  qu'il  n'a  prétendu 
autre  chose  que  de  faire  connaître  à  ces  nou- 
veaux chrétiens  les  raisons  mystérieuses  du 
choix  de  la  matière  du  pain  et  du  vin ,  qui 
font  que  ces  espèces  représentent  l'unité  de 
tous  les  fidèles  avec  Jésus-Christ.  Car  cette 
raison  était  si  fortement  gi'avée  dans  l'es- 
prit de  ce  Père,  qu'il  ne  perd  point  d'occa- 
sion de  la  marquer  ,  et  qu'on  ne  voit  point 
qu'il  en  rende  d'autre  lorsque  la  matière  le 
porte  à  en  alléguer.  On  en  voit  un  exem- 
ple dans  le  traité  vingt -sixième  sur  saint 
Jean,  où  il  dit  :  «  Notre-Seigneur'^  Jésus-Christ 
nous  a  laissé  son  corps  et  son  sang  en  des 
choses  qui  de  plusieurs  sont  réduites  en  une  ; 
car  le  pain  qui  est  un,  est  formé  de  plusieurs 
grains  de  froment ,  et  le  vin  de  plusieurs 
grains  de  raisin.  » 

On  produit  un  autre  passage  de  saint  Au- 
gustin, tiré  du  cinquante-neuvième  traité  sur 


1  Per  ignorantiam  aiitem  percipit,  qui  virtuteni 
ejus,  et  dignitatem  ignorât,  qui  nescit,  quia  corpus 
hoc  et  sanguis  est  secundum  veritalem,  sed  mys- 
teria  quidem  percipit,  nescit  autem  mysteriorum 
virtulem.  Isychius,  in  Leviticum,  lib.  VI,  pag.  148, 
col.  2,  tom.  Mi,  Bibl.  Patr. 

2  Instante  vero  deinceps  sancto  Paschalis  die, 
dum  veslra  in  Christo  per  lavacrum  regeneratio- 
nis  charitas  illuminabitur ,  iterum  Deo  volente  de 
lis  quœ  consentanea  sunt  erudiemini.  Quanta  nimi- 
rum  cwn  pietate,  quove  ordine  vocatos  ingredi 
oporteat  :  cujus  rei  causa  M«wm  quodque  sancto- 
rum  baptismi  mysteriorumperfxciatur  :  et  quanta 
cum  reuerentia  atque  ordine  oporteat  a  baptismate 
ad  sanctwn  Dei  altare  procedere,  spiritalibusque 
et  cœlestibus  quœ  ibi  dislribuuntur  mysteriis  per- 
frui;  ut  anima  vestra  per  doctrinœ  sermo7iem 
prius  illustrata,  per  singula  cognoscatis  imperti- 
torum  vobis  a  Deo  donorummagniludinem.  Cyril, 
lus,  Calech.  18,num.  32,  pag.  300. 


'  Hoc  quod  videtis  in  altare  Dei  ,  etiam 
transacta  nocte  vidistis  :  sed  quid  esset,  quid 
sibi  vellet,  quam  magnce  rei  sacramentum  con- 
tineret  ,  nondum  audistis.  August.,  Serm.  272, 
ad  infantes  ante  altare  de  Sacramento,  pag. 
1103. 

*  Promiseram  enim  vobis,  qui  baptizati  estis, 
sermonem  quo  exponerem  mensce  dominicœ  sa- 
cramentum, quod  modo  etiam  videtis,  et  cujus 
nocte  prœterita  participes  facti  estis.  Oebetis 
scire  quid  accepistis,  quid  accepturi  estis,  quid 
quotidie  accipere  debealis.  August.,  Serm.  227,  pag. 
973. 

''  Dominns  noster  Jésus  Christus  corpus  et  san- 
guinem  sunm  in  eis  rébus  commendavit,  quœ  ad 
unum  aliquid  rediguntur  ex  multis.  Namque 
aliud  in  unum  ex  multis,  granis  confit  :  aliiid  in 
unum  ex  multis  acinis  confluit.  August.,  Tract. 
26,  num.  17,  pag.  500. 


[IV=  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN, 


saint  Jean,  où  ce  Père,  comparant  '  les  apô- 
tres à  Judas  dit  qu'au  lieu  que  les  apôtres  man- 
gèrent un  pain  qui  était  le  Seigneur,  Judas 
mangea  le  pain  du  Seigneur  contre  le  Sei- 
gneur ;  que  les  uns  reçurent  la  vie,  l'autre  le 
supplice  ;  parce  que  celui  qui  mange  indi- 
gnement, mange  son  jugement  selon  l'Apô- 
Ire.  Mais  ^  on  a  fait  voir  que  saint  Augustin, 
par  ce  pain  qu'il  dit  que  Judas  mangea,  n'en- 
tend point  l'Eucharistie  ,  mais  un  morceau 
de  pain  trempé,  après  lequel  le  diable  s'em- 
para de  lui ,  et  qu'il  le  distingue  expressé- 
ment de  l'Eucharistie  dans  un  autre  endroit  '. 
C'est  ce  qui  a  obligé  Auberlin  de  reconnaître 
que  c'est  le  morceau  trempé  qui  est  marqué 
par  les  mots  de  pain  du  Seigneur  donné  à 
Judas,  et  non  l'Eucharistie. 

143.  Saint  Augustin,  en  expliquant  ces  pa- 
roles de  Jésus-Christ  :  Travaillez  pour  avoir 
non  la  nourinture  qui  périt,  mais  cdle  qui  de- 
meure pour  la  vie  éternelle ,  dit  '  :  «  Pourquoi 
préparez-vous  les  dents  et  le  ventre?  Croyez, 
et  vous  aurez  mangé?  »  D'où  l'on  infère  que 
l'on  ne  mange  le  corps  de  Jésus-Christ  que 
par  la  foi.  Mais  quand  ce  passage  s'enten- 
drait du  corps  de  Jésus-Christ  et  qu'il  y  serait 
question  de  l'Eucharistie,  il  ne  prouverait 
rien  contrôla  présence  réelle  ;  parce  que  l'on 
aurait  sujet  dédire,  à  des  gens  qui  regarde- 
raient ce  sacrement  comme  une  nourriture 
corporelle,  que  ce  n'est  pas  en  cette  ma- 
nière qu'il  le  faut  considérer  ;  qu'il  n'est  pas 
destiné  à  nourrir  le  corps,  mais  à  nourrir 
l'âme  ;  et  que  c'est  pour  cette  raison  qa'on 
en  prend  si  peu.  Il  n'y  aurait  aucun  incon- 
vénient pour  réprimer  ces  pensées,  qui  sont 
d'un  homme  terrestre  et  charnel ,  à  se  ser- 
vir des  termes  de  saint  Augustin  :  «  Pour- 
quoi préparez-vous  les  dents  et  le  ventre  ? 
Croyez,  et  vous  aurez  mangé.  »  On  trouve 
de  semblables  expressions  dans  l'auteur  '  du 
livre  intitulé  :  De  la  Cène  du  Seigneur,  qu'Au- 
bertin  et  les  nouveaux  ministres  reconnais- 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  737 

sent  pour  défenseur  de  la  transsubstantia- 
(1  tion  :  Nous  n'aiguisons  point  ',  dit-il ,  nos 
«  dents  pour  mordre,  mais  nous  rompons  le 
<i  sacré  pain ,  et  nous  le  partageons  avec  une 
«  foi  sincère.  »  Par  où  cet  auteur  ne  veut 
pas  dire  que  l'on  ne  reçoit  point  le  corps  de 
Jésus-Christ  dans  la  bouche,  ni  qu'on  ne  le  re- 
çoit que  par  la  foi,  mais  seulement  qu'on  ne 
songe  point  en  prenant  le  corps  de  Jésus- 
Christ  à  satisfaire  le  goût  du  corps,  et  qu'on 
n'est  attentif  qu'à  le  goûter  par  la  foi.  C'est  ce 
qu'on  leur  dirait  avec  justice,  quand  ce  pas- 
sage s'entendrait  de  l'Eucharistie.  Mais  il  est 
certain  qu'on  ne  doit  pas  l'entendre  ainsi,  et 
que  saint  Augustin  n'adresse  point  ce  dis- 
cours aux  chrétiens,  mais  aux  Joifs  qui  sui- 
vaient Jésus-Christ  pour  en  recevoir  une 
nourriture  corporelle. 

144.  Mais  saint  Augustin  ne  dit-il  pas  dans  ^.ui 
son  Yi\'ve  contre  Adimante^  que  le  Seigneur  ^""°'' 
ne  fit  point  de  difficulté  de  dire  :  Ceci  est  mon 
corps,  lorsqu'il  donnait  le  signe  de  son  corps? 
Cela  est  vrai  ;  mais  il  est  à  remarquer  que 
ce  Père  ',  dans  cet  endroit,  n'avait  dessein 
d'instruire  personne  de  ce  qu'il  fallait  croire 
de  l'Eucharistie.  Ainsi  l'on  ne  doit  point  s'é- 
tonner qu'il  n'en  dise  précisément  que  ce 
qui  était  nécessaire  à  son  sujet.  D'ailleurs  la 
matière  qu'il  traitait  l'engageait  à  chercher 
des  exemples  où  le  signe  extérieur  fût  nom- 
mé du  nom  de  la  chose  signifiée  ;  et  l'on  sait 
combien  ces  sortes  de  vues  sont  capables 
d'engager  les  auteurs  à  des  expressions  et  à 
des  raisonnements  moins  ordinaires.  Voici 
ce  qui  porta  saint  Augustin  à  user  de  celles- 
ci  :  Le  manichéen  Adimante,  pour  montrer* 
que  le  Dieu  de  l'Ancien  Testament  était  con- 
traire à  celui  du  Nouveau,  avait  allégué 
que  le  Dieu  de  l'Ancien  Testament  défendait 
de  manger  du  sang,  par  la  raison  que  le  sang 
est  l'âme  de  la  chair  :  ce  qui  supposait  qu'en 
mangeant  ce  sang  on  pouvait  nuire  à  l'âme, 
au  lieu  que  Jésus-Christ  déclare  dans  l'Évan-    Maith. 


'  un  (apostoli)  manducabantpaneniDominum, 
ille  panem  Domini  contra  Dominum  :  illi  vitam, 
ille  pœnam  :  qui  enim  man3ucat  indigne,  ail  Apos- 
ioJiiS,  judicium  sibi  manducat.  August.,  Tracf.  59 
in  Joan.,  num.  1,  pag.  663. 

^  Voyez  l'auteur  de  la  Perpétuité  de  la  foi, 
dans  la  préface  du  troisième  tome,  pag.  9. 

3  August.,  Tract.  62  in  Joan.,  num.  3,  pag. 
669. 

4  Operamiai  escam,  non  quse  périt;  sed  quaeper- 
manet  in  vitam  eeternam...  Ut  quid  paras  dentés 
elventrem?  Crede  etmanducasti.  ÂTigusi.,  Tract.  23 
in  Joan.,  num.  12,  pag.  489, 


*  Hœc  quolies  agimus,  non  dentés  ad  morden- 
dvm  aciiimus,  sed  fide  sincera  panem  sanctum 
frangimus  et  partimur.  Auctor,  lib.  De  Cœna  Do- 
mini in  Appendice  Oper.  S.  Cypriani,  pag.  118, 
nov.  edit. 

«  Non  enim  Dominus  dubitavit  dicere  :  Hoc  est 
corpus  meum,  cum  signum  daret  corporis  sui. 
August.,  lib.  Contra  Adimant.,  cap.  xii,  num.  3, 
pag.  124. 

7  Voyez  l'auteur  de  la  Perpétuité  de  la  foi, 
liv.  II,  chap.  VI,  pag.  9S  et  suivante,  tom.  Ilf. 

8  August. ,  lib.  Contra  Adimant. ,  cap.  xn , 
num.  1,  pag.  123 


758 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


gile  qu'on  ne  peut  lui  nuire.  Comme  cette 
objection  n'était  fondée  que  sur  ce  que  le 
Deui.    XII,   sang  est  appelé  âme  dans  le  Deutérouome  , 
"''■  saint  Augustin  y  répond  d'abord  qu'il  ne  s'a- 

git dans  cet  endroit  que  de  l'àme  des  bêtes, 
au  lieu  que  Jésus-Christ  parle  de  l'àme  de 
l'homme.  Il  répond  en  second  lieu,  que  le 
sang  est  appelé  âme ,  parce  qu'il  en  est  le 
signe.  Et  parce  qu'il  avait  besoin  d'exemple 
où  le  signe  fût  appelé  du  nom  de  la  chose  si- 
gnifiée, il  allègue  celui  de  l'Eucharistie,  où 
le  sacrement,  selon  lui,  est  appelé  le  corps 
de  Jésus-Christ,  et  celui  de  la  pierre  du  dé- 
sert, qui  est  appelée  Christ  par  l'Apôtre. 
«  Le  Seigneur,  dit  ce  saint  Docteur,  n'a 
point  fait  de  difficulté  de  dire  :  Ceci  est  mon 
corps,  lorsqu'il  donna  le  signe  ou  le  sacre- 
ment de  son  corps.  »  Et  un  peu  plus  bas'  : 
«  Le  sang  est  l'âme ,  comme  la  pierre  était 
Christ.  »  Ceux  qui  font  cette  objection,  au  lieu 
de  conclm'e  des  paroles  de  saint  Augustin 
qu'il  a  cru  que  le  sacrement  était  signe  du 
corps  de  Jésus-Christ  présent,  comme  le  sang 
est  signe  de  l'âme  présente,  en  concluent  en- 
core qu'il  est  signe  de  Jésus-Christ  absent , 
comme  la  pierre  du  désert  était  signe  de  Jé- 
sus-Christ absent.  Mais  ils  tirent  cette  con- 
séquence sans  aucun  fondement.  Car  ces 
deux  exemples,  du  sang  qui  est  appelé  âme, 
et  de  la  pierre  qui  est  appelé  Christ ,  prou- 
vent qu'il  y  a  deux  sortes  de  signes  :  des  si- 
gnes joints  aux  choses ,  comme  le  visage  si- 
gne de  l'esprit ,  est  joint  à  cet  esprit ,  les  si- 
gnes de  maladie ,  aux  maladies;  et  1h  sang 
à  l'âme  des  bêtes,  selon  l'opinion  de  saint 
Augustin.  Mais  il  y  a  aussi  des  signes  sépa- 
rés des  choses ,  comme  la  pierre  du  désert 
qui  était  séparée  de  Jésus-Christ,  selon  son 
humanité ,  quoiqu'eUe  lui  fût  jointe  selon  sa 
divinité,  qui  est  éternelle,  et  qui  remplit 
toute  chose.  Ces  signes  qu'on  joint  et  ces  si- 
gnes séparés  conviennent  dans  cette  qualité 
commune  que  l'on  donne  quelquefois  aux  si- 
gnes de  la  chose  signifiée.  On  dit  que  le  sang 
est  l'âme  :  on  dit  que  la  pierre  était  Christ. 
On  ne  peut  donc  conclure  précisément  de 
ces  expressions  ni  que  la  chose  est  présente, 
ni  qu'elle  est  absente.  Si  l'on  conclut  de  ce 


qu'il  est  dit  que  le  sang  est  l'âme,  que  l'âme 
est  absente,  c'est  mal  conclui-e.  Si  l'on  con- 
clut de  ce  que  la  pierre  était  Christ,  que  Jé- 
sus-Christ était  présent  ou  joint  à  cette  pier- 
re ,  ce  sera  encore  mal  conclure.  Saint  Au- 
gustin dit  que  dans  ces  paroles  :  Ceci  est  mon 
corps ,  la  chose  signifiée  est  affirmée  du  si- 
gne :  il  n'ajoute  rien  davantage.  Que  suit-il 
delà,  que  le  corps  de  Jésus-Christ  s'y  trouve 
présent?  non  :  qu'il  en  est  absent?  non.  Ni 
l'un  ni  l'autre  ne  suit  précisément  de  ses  pa- 
roles; et  le  passage  objecté  ne  prouve  rien 
directement  ni  pour  les  catholiques  ni  pour 
les  calvinistes.  C'est  un  passage  indéterminé 
dont  il  faut  chercher  le  sens  dans  les  autres 
ouvrages  de  ce  Père.  Car,  comme  en  disant 
que  le  sang  est  l'âme  parce  qu'il  en  est  le 
signe ,  il  a  joint  dans  son  esprit  à  cette  ex- 
pression, l'idée  que  ce  sang  était  uni  à  l'âme, 
suivant  le  sentiment  qu'il  avait  de  l'âme  des 
bêtes,  quoique  cette  union  de  l'âme  avec  le 
sang  ne  soit  point  marquée  dans  cette  ex- 
pression :  Le  sang  est  signe  de  l'âme:  de  même 
en  concevant  que  le  sacrement  était  appelé 
le  corps  de  Jésus-Christ  comme  son  signe,  il 
a  pu  joindre  à  ces  idées  celle  de  l'union  de 
ce  sacrement  au  corps  de  Jésus-Christ ,  eu 
la  tiraat  de  la  doctrine  constante  de  l'Église 
de  son  temps. 

145.  On  forme  encore  une  objection  des 
paroles  dites  par  saint  Augustin  sur  le  Psau- 
me troisième^  que  Jésus-Christ  témoigna 
une  patience  admirable  quand  il  admit  Judas 
au  banquet  011  il  recommanda  et  donna  à  ses 
disciples  la  figure  de  son  corps.  Il  est  vrai 
que  ce  Père  appelle  dans  cet  endroit  l'Eu- 
charistie figure  et  signe  du  corps  de  Jésus- 
Christ  ;  mais  il  ne  dit  pas  qu'il  n'y  ait  dans 
l'Eucharistie  que  cette  figure  et  que  ce  signe, 
et  il  ne  prétend  pas  en  exclure  la  présence 
réelle  du  corps  de  Jésus-Christ.  Mais  il  re- 
connaît ailleurs  que  les  disciples  '  reçurent  le 
corps  et  le  sang  de  Jésus-Chi'ist  et  non  la  fi- 
gure de  son  corps  et  de  son  sang.  Car,  comme 
on  l'a  déjà  remarqué,  l'Eucharistie  peut-être 
considérée  et  comme  sacrement,  et  comme  le 
corps  de  Jésus-Christ  réellement  présent  sous 
les  apparences  du  pain  et  du  vin.  Quand  nous 


1  Sic  est  sanguis  anima,  qiwmodo  petra  erat 
Chrislus.  August.,  iib.  Conlra  Àdimant.,  cap.  xii, 
num.  5,  pag.  126. 

2  In  historia  Novi  Teslàmenii  ipsa  Domini  nos- 
tri  tanta  et  admiranda  patientia,  quod  eum  (Ju- 
dam)  tamdiu  pertutit  tanquain  bommi,  cuin  ejus 
cogitationes  non  ignoraret,  cum  adhibuit  nd  con- 


vivinm,  in  qno  corporis  cl  sanguinis  sui  figuram 
discipulis  coinmcndavit  et  tradidil,  etc.  August., 
in  Psal.  iir,  iiuui.  1,  pag.  7. 

^  Liquida  apparet,  quando  primum  accepertint 
discipuli  corpus  et  sanguinem  Domini  non  eos  ac- 
cepisse  jejimos.  August.,  Epist.  34.  luuii.  7,  pag. 
120. 


[IV°  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTES,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


759 


la  considérons  en  cette  dernière  manière , 
nous  ne  prétendons  point  exclure  la  pre- 
mière; et  quoique  nous  disions  que  le  corps 
de  Jésus-Christ  soit  présent  substantielle- 
ment et  réellement  dans  l'Eucharistie ,  nous 
ne  disons  pas  pour  cela  qu'elle  ne  soit  pas 
un  sacrement.  De  même  lorsque  nous  disons 
que  l'Eucharistie  est  un  sacrement ,  nous 
n'en  excluons  pns  la  présence  réelle. 

146.   Les  bérengariens    objectaient    que 


saint  Augustin ,  dans  le  livre  de  la  Docti'ine 
chrétienne^,  dit  que  le  sacrement  de  l'autel 
est  un  signe  qu'il  faut  révérer ,  non  par  une 
servitude  charnelle,  mais  avec  une  liberté 
spirituelle;  et  que  quand  l'Ecriture  semble 
commander  un  crime ,  c'est  une  locution  fi- 
gurée ,  comme  en  ces  paroles  :  Si  vous  ne 
mangez  la  chair  du  F  ils  de  l'homme.  Guimond, 
l'un  des  disciples  de  Lanfi-anc^,  répond  que 
ce  Père  dit  en  cet  endroit  que  la  célébration 


1  Augustinus ,  in  libro  :  De  Doctrina  ehristiana  , 
cibuin  Dominici  altaris  signum  et  figuram,  ut 
ipsi  asser%mt   nominat ,    dicens  :    «  Hoc    vero 

tempore  postea    quam  resurrectione    Domini 
nostri  manifestissimum  indicium  nostrœ  liber- 
tatis  illuxit,  nec  eorum  qii,idam  signorum  quce 
jam  intelligimus  operatione  gravi  onerali  su- 
«  mus,  sed  qumdam  pauoa  pro  multis,   eadem- 
que  factv,  facillima  et  intellectu  augustissima  et 
observatione  castissima  ipse  Dominus  et  apos- 
tolica  tradidit  disciplina  :  simti  est  baptismi  sa- 
cramentum  et  celebratio   corporis  et  sangiii- 
nis  Domini.    Quœ  unusquisque   cum  percipit, 
quo  referantur imbutus  agnoscit,  ut  ea  non  car- 
nali  servitute ,  sed  spiritali  potius  libertate  ve- 
neretur.  Ut  autem  litteram  seqiii  et  signa  pro  ré- 
bus quœ  iis  significantur  accipere  servilis  injlr- 
«  milatis  est,  ita,  inutiliter  signainterpretari,  maie 
vagantis  erroris  est.  »  August.,  lit.  111,  cap.  ix, 
num.l3,pag.  49.   «  Audisti  igitur ,  inquiunt,quod 
sacramenta  altaris,  signa  dicit  ?  Deinde  infert  : 
Quce  unusquisque  cum  percipit,  quo  referantur 
imbutus  agnoscit,  ut  ea  non  carnali  servitute,  » 
sed  spiriruaii  potius  libertate  veneretur.  Audisti 
quia  non  carnali  servitute,  sed  spirituali  potius 
libertate  veneranda  esse  dicit  ?  Et  quasi  quœre- 
res  :  Quid  est  carnali  servitute  signa  venerari  ? 
11  Litteram,  inquit,  sequi  et  signa  pro  rébus  quœ 
Il  his  significantur  accipere,  servilis  infirmilatis 
Il  est.  Item  in  sequentibus  :  Si  aiUem  flagitium  aut 
(I  facinus  jubere,  aut  utilitatem  et  beneficentiam 
(1  videtur  vetare,  figurata  locutio  est.  Nisi  man- 
II  ducaveritis,  inquit,  oarnem  Filii  hominis  et  san- 
II  guinem  biberilis,  non  habebitis  vitam  in  vobis. 
Il  facinus  vel  flagitium  videtur  jubere  :  figura 
Il  ergo  est  prœcipiens  Passioni  Domini  esse  com- 
II  municandum  et  suaviter  atque  utiliter  recon- 
II  dendum  in  memoria  quod  pro  nobis  caro  ejus 
Il  crucifixa  et  vulnerata  sit.  »  Audisti  ergo,  aiunt 
figuram;    quid   amplius  requiris?  Berengariani, 
apud  Guidmundum,  lib.  11  De  Verit.  Euchar.,  pag. 
150,  colum.  2,  tom.  XVIH  Bibl.  Patr. 

2  0  viri  insipienter  sapientes,  nec  Augustinum 
intelligentes,  aut  certe  maie  pervertentes,  prœ- 
clara  diligentia.  Nusquam  etenim  Augustinus  in 
libro  de  Doctrina  ehristiana  cibum  altaris  Domini, 
signum  vel  figuram  vocavit ,  sed  celebrationem 
Dominici  corporis  signum  dixit  quod  idem  et  nos 
credimus.  Nani  quoties  celebratio  corporis  et  san- 
guinis  Domini  agitur,  non  equidem  Christum 
iterum  occidimus,  sed  mortem  ejus  in  ipsa  et  per 
ipsam  celebrationem  memoramus ,  eslque  ipsa  ce- 
lebratio Passionis  Christi  qucedam  commemora- 


tio.  Commemoratio  autem  passionis  Christi  ip- 
sam passionem  signiflcat.  Celebratio  igilur  corpo- 
ris et  sanguinis  Domini  passionis  Christi  est  si- 
gnum. Et  hoc  est  quod  beatus  Augustinus  ait  : 
Il  Hoc  vero  tempore,  postea  quam  per  resurrectio- 
II  nem  Domini  nostri  manifestissimum  indicium 
Il  nostrœ  libertatis  illuxit,  née  eorum  quidem  si- 
(I  gnorum  quce  jam  intelligimus  operatione  gravi 
11  onerati  sumus ,  sed  quœdam  pauca  pro  multis. 
Il  eademque  factu  facillima  et  intellectu  auguslis- 
«  sinia  et  observatione  castissima  ipse  Dominus 
Il  et  apostolica  tradidit  disciplina  :  sicuti  est  bap- 
II  tismi  sacramentum  et  celebratio  corporis  et 
<i  sanguinis  Domini.  »  Quod  vero  addidit  (Augus- 
tinus) :  Il  Quia  sequi  litteram  et  signa  pro  rébus 
Il  quœ  iis  significantur  accipere  servilis  infirmi- 
II  tatis  est ,  »  de  signis  Veteris  Testamenti,  de  qui- 
bus  tune  loquebatur  hoc  dicit.  Rêvera  enim 
servile  erat  et  infirmum  secundum  litteram  twn- 
tum  circumcidi ,  peeudes  immolare  ,  neomenias 
et  sabbata  celebrare,  agnum ,  petram  et  ccetera 
hujusmodi  quœ  Christum  significabant  pro  Christo 
accipere...  Ubi  autem  sequitur  Augustinus  di- 
cens :  11  Si  autem  flagitium  aut  facinus  jubere. 
Il  aut  utilitatem  et  beneficentiam  videtur  vetare , 
Il  figurata  locutio  est  :  Nisi  manducaveritis  car- 
II  nem  filii  hominis  et  sanguinem  biberitis,  non 
Il  habebitis  vitam  iu  vobis,  facinus  vel  flagitium 
Il  videtur  jubere.  Figura  ergo  est,  prœcipiens pas- 
11  sioni  Domini  esse  communicanduni,  et  suaviter 
11  atque  utiliter  in  memoria  recondendum,  quod 
Il  pro  nobis  caro  ejus  crucifixa,  et  vulnerata  sit.  » 
In  qua  re  facinus  vel  flagitium  videatur  prœci- 
pere,  ipse  Augustinus  in  alio  loco  salis  diligenter 
exponit.  Non  nostram,  opinionem  in  verbis  Augus- 
tini  sequamur  :  sed  ipsum  se  diligentissinie  ex- 
ponentem  audiamus.  Exponens  enim  nonagesi- 
mum  octavum  psalmum  sic  dicit:  n  Durum  illis 
Il  visum  est  quod  ait  :  Nisi  quis  manducaverit  car- 
II  nem  meam,  non  habebit  vitam  aeternam.  Accepe- 
II  runt  stulte,  carnaliter  illud  cogitaverunt,  et  pu- 
II  taverwit  quod  prœcisurus  esset  Dominus  parti- 
II  culas  quasdam  de  corpore  suo  et  daturus  illis. 
Il  et  dixerunt  :  Durus  est  hic  sermo.  »  Sed  et  super 
Evangelium  secundum  Joannem  [Tract.  27,  num. 
3,  pag.  502,  et  num.  5,  pag.  .'iOS),  ubi  hœc  eadem 
verba  copiosius  tractavit:  «  Hoc  ipsum  flagitium 
Il  vel  facinus  quod  eum  prœcipere  putabant,  la- 
Il  tissima  expositione  prosecutus  est  dicens  :  Hoc 
Il  vos  scandalizat ,  quia  dixi  carnem  meam  do  vo- 
it bis  manducare  et  sanguinem  meum  bibere  ? 
II  Hoc  vos  nempe  scandalizat.  Si  ergo  videritis  Fi- 
I'  lium  hominis  ascendentem  ubi  erat  prius.  Quid 


760 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Autre    Ob' 
Jcclion. 


du  corps  de  Notre-Seigneur  est  un  signe  ; 
parce  qu'en  cette  action  nous  ne  le  faisons  pas 
mourir  de  nouveau,  et  que  nous  faisons  seule- 
ment la  mémoire  de  sa  mort;  et  que,  ce  qu'il 
ajoute  de  la  servitude  charnelle,  regarde  les 
Juifs  et  les  signes  de  l'ancienne  loi.  Qaant 
au  crime  que  Jésus-Christ  semble  ordonner, 
en  commandant  de  manger  sa  chair ,  saint 
Augustin  s'explique  nettement  ailleurs  ,  en 
montrant  que  ce  crime  n'était  que  dans  l'i- 
magination grossière  des  capharnaïtes ,  qui 
croyaient  qu'il  faudrait  mettre  son  corps  en 
pièces  pour  le  manger ,  comme  la  chair  des 
animaux  ;  et  c'est  en  ce  sens  qu'il  est  dit  que 
la  chair  ne  profite  de  rien.  Au  reste,  dit  Gui- 
mond',  nous  ne  craignons  point  de  dire  que 
l'Eucharistie  est  un  signe  et  une  figure  :  Jé- 
sus-Christ lui-même  est  nommé  signe  dans 
l'Écriture  :  mais  la  figure  n'exclut  pas  la 
réalité. 

147.  Il  est  dit  dans  un  traité  ^  de  saint  Au- 
gustin, sur  saint  Jean,  que  le  corps  du  Sei- 
gneur dans  lequel  il  est  ressuscité,  peut  être 
dans  un  lieu,  potest  esse  in  uno  loco.  M.  Ju- 
rieu  accuse  les  catholiques  d'avoir  falsifié 
cet  endroit  ' ,  parce  qu'il  faisait  contre  la 
présence  réelle,  en  lisant  comme  on  lisait 
autrefois  :  Oportet  esse  in  uno  loco ,  au  lieu  de 
potest,  comme  on  lit  aujourd'hui.  Mais  rien 
n'est  moins  vraisemblable  que  cette  falsifica- 
tion, n  est  vrai  que  le  Maître  des  sentences, 
saint  Thomas  et  quelques  autres  ont  lu  opor- 


tet''; mais  dans  tous  les  imprimés,  comme 
dans  les  manuscrits  on  lit  potest.  Et  si  ces 
deux  auteurs  ont  lu  oportet,  c'a  été  en  suivant 
Yves  de  Chartres  et  Gratien  ^  où  ce  passage 
est  rapporté  en  la  même  manière  que  dans 
saint  Thomas  et  dans  le  Maître  des  senten- 
ces, par  la  faute  du  copiste  qui  a  écrit  ou  lu 
oportet  au  lieu  de  potest.  Soit  que  le  mot^o- 
test  ne  fût  pas  bien  écrit  dans  son  manus- 
crit, soit  qu'il  n'y  fit  pas  grande  réflexion  et 
qu'il  crût  qu'en  cet  endroit  ces  deux  mots 
oportet  et  potest  faisaient  le  même  sens.  En 
elïet,  l'une  et  l'autre  leçon  fait  également  au 
but  de  ces  auteurs  qui  est  de  prouver  que 
l'on  doit  recevoir  le  corps  de  Jésus-Christ 
d'une  manière  spirituelle  et  non  charnelle, 
comme  il  est  dit  dans  la  Rubrique  et  dans  le 
titre  de  Gratien.  H  est  encore  égal  aujour- 
d'hui qu'on  lise  oportet  ou  potest.  Car  ce  pas- 
sage de  saint  Augustin  regarde  le  corps  de 
Jésus-Chi'ist  en  la  manière  qu'il  était  après 
sa  résurrection,  c'est-à-dire  dans  toute  son 
étendue,  avec  toutes  les  apparences  et  ton- 
tes les  dimensions  sensibles  d'un  corps.  Or, 
en  ce  sens,  il  est  aussi  vrai  de  dire  qu'il  faut 
qu'il  soit  dans  un  lieu,  oportet  esse  in  uno  lo- 
co; qu'il  estvrai,  qu'il  peut  être  dans  un  lieu, 
potest  esse  in  uno  loco.  Quelle  raison  auraient 
donc  eue  les  catholiques  d'altérer  cet  endroit, 
et  de  mettre  jooto/  au  lieu  d'oportet? 

148.  On  lit  dans  l'Écclésiaste  que  l'unique 
bien  de  l'homme  consiste  à  boire  et  à  manger. 


ce  est  hoc  ?  Eic  solvit  quod  illos  moverat,  hic  ape- 
Il  ruit  unde  fuerant  scandalizati,  hic  plane  si  in~ 
«  telligerent.  Illi  enim  putabanl  erogatiirum  cor- 
ic  pus  suum,  ille  autem  dixit  se  ascensurum  in 
K  cœlum  utique  integrum.  Cum  videritis  Filium 
«  hominis  ascemieDtem  ubi  erat  prius,  certe  vel 
<i  tune  videbitis  quianoneo  modo  quo putatis,  ero- 
«  gat  corpus  suum,  certe  vel  tune  intelligetis,  qui 
«  gratia  ejus  non  consumitur  morsibus...  Et 
'I  paulo  post,  quid  ergo  7  Non  prodest  quidquam 
<i  caro.  Non  prodest  quidquam  ;  sed  quomodo 
Il  illi  inlellexerunt.  Carnem  quippe  sic  intellcxe- 
II  runt,  quomodo  in  cadavere  dilaniatur ,  aut  in 
Il  maeello  venditur,  non  quomodo  spiritu  vege- 
II  tatur.  Et  iterum  :  Spiritus  est  qui  vivificat  : 
Il  caro  autem  non  prodest  quidquam,  sicut  illi  in- 
II  tellexerunt  carnem ,  non  sicut  ego  do  ad  man- 
II  ducandum  meam  carnem.  »  Guidmundus,  lib.  II 
De  Yerit.  Euchar.,  pag.  451. 

'  Nos  quippe  illam  nonveremur  dicere  figi^ram 
et  sacramentum.  Hic  fortasse  respondebil  uinbra- 
licus  quod  et  dicere  solitus  est  :  Si  /igura  est,  quo- 
modo Veritas  ?  Si  sacramentum,  quoivodo  verilasl 
0  maie  cordati  hominis  insulsissima  ratio.  Non 
legisti  in  Evangelio  ipsum  Chrislum  signum  ap- 
pellari?  Dicente  Simeone  :  Eoce  hic  positus  est  in 


ruinam  et  in  resurrectionem  multorum  in  Israël, 
et  in  signum  cui  contradicetur.  Et  inCantico  Can- 
ticorum  ipse  ad  sponsam  suam  dicit  :  Pone  me  ut 
signaeulum  super  cor  tiium.  In  Isaia  quoque  legi- 
tur  :  Erit  radix  Jesse,  qui  stat  in  signum  populo- 
pum.  Quapropter  si  Christus  est,  et  verus  Christus 
est  et  signum,  nihil  nos  impedit,  si  hoc  quod  de 
altari  Domini  stimimus,  cum  sit  verum  Christi 
corpus  dicatur  et  signum.  Guidmundus,  ibid., 
pag.  452. 

'  Corpus  Domini  in  quo  resurrexit,  uno  loco 
esse  potest.  August.,  Tract.  30  in  Joan.,  num.  1, 
pag.  517. 

3  Voyez  l'auteur  àeVExamen  des  préjugés  de 
M.  Juriev,  contre  l'Église  romaine,  pag.  562  et 
S63. 

*  In  verbis  istis  :  Uno  loco  esse  potest,  Editi  et 
MSS-  quos  considerare  nobis  licuit,  omnes  con- 
veniunt  :  tametsi  Ivo,  Décret.,  part.  2,  cap.  vm; 
Gratianiis,  DeCons.,  dist.  2,  cap.:  Prima  quidem; 
Magister,  IV  Sentent,  dist.  10,  cap.  i.  Postque  illos 
Thomas  Aquinas,  III  part.  Quœ-:l.  Lxxv,  art.  1,  sic 
sententiam  hauc  référant,  uno  loco  esse  potest. 
Pâtre.  Bened.,  i\'o(.  inTract.   30  in  Joan.,  pag.  571. 

i*  Gratianus,  De  Conseernt.,  dist.  2,  cap:  Prima 
qiiidcm,  pag.  2105. 


[IV'  ET  y  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

Sur  quoi  saint  Augustin  dit  '  qu'il  est  très- 
croyable  que  ces  paroles  s'entendent  <(  de 
cette  table  où  le  Prêtre  et  le  Médiateur  du 
Nouveau  Testament  nous  appelle  selon  l'or- 
dre de  Melchisédech,  et  qui  consiste  en  son 
corps  et  en  son  sang  :  car  ce  sacrifice  a  suc- 
cédé à  tous  les  autres  sacrifices  de  l'Ancien 
Testament  qui  étaient  les  figures  du  sacri- 
fice à  venir.  C'est  pour  quoi  nous  reconnais- 
sons que  c'est  par  un  esprit  de  prophétie 
que  ce  même  Médiateur  dit  dans  le  Psau- 
me XXXIX*:  Vous  n'avez  point  voulu  de  sacrifice 
ni  d'oblation,  mais  vous  m'avez  formé  un  corjis; 
puisqu'au  fieu  de  tous  les  sacrifices  et  de 
toutes  les  oblations,  c'est  son  corps  qu'on 
offre  et  qu'on  distribue  à  ceux  qui  se  pré- 
sentent pour  y  participer.  Les  sacrifices  an- 
ciens ont  été  supprimés  comme  n'étant  que 
de  simples  promesses,  et  on  nous  en  donne 
qui  contiennent  l'accomplissement.  Que  nous 
a-t-on  donné  pour  accomplissement?  Le 
corps  que  vous  connaissez,  et  que  vous  ne 
connaissez  pas  tous  ^.  Et  plût  à  Dieu  qu'aucun 
de  ceux  qui  le  connaissent ,  ne  le  connût 
pour  sa  condamnation.  Vous  n'avez  point 
voulu,  dit  Jésus-Clu'ist,  de  sacrifice  ni  d'obla- 
tion. Quoi  donc,  sommes -nous  maintenant 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  761 

sans  sacrifice  ?  A  Dieu  ne  plaise  :  Mais  vous 
m'avez  formé  un  corps.  Vous  avez  rejeté  ces 
sacrifices,  afin  de  former  ce  corps  :  et  avant 
qu'il  fût  formé  vous  vouliez  bien  qu'on  vous 
les  ofirît.  L'accomplissement  des  choses  pro- 
mises a  fait  cesser  les  promesses,  qui  ne  se- 
raient pas  accomplies  si  elles  subsistaient 
encore.  Ce  corps  était  promis  par  quelques 
signes  :  les  signes  qui  mai-quaient  la  pro- 
messe ont  été  ôtés,  parce  que  la  vérité  qui 
était  promise  a  été  donnée.  Nous  sommes 
dans  ce  corps,  nous  en  sommes  participants. 
Les  Hébreux,  dans  les  sacrifices  '  d'animaux 
qu'ils  offraient  à  Dieu  en  grand  nombre  et 
en  tant  de  manières ,  marquaient  prophéti- 
quement la  victime  que  Jésus-Christ  a  de- 
puis offerte  sur  la  croix  :  et  les  chrétiens  cé- 
lèbrent la  mémoire  de  ce  sacrifice  déjà  ac- 
comph,  par  la  sacrée  oblation  et  la  partici- 
pation du  corps  et  du  sang  de  Notre-Sei- 
gneur.  Quel  prêtre  et  quel  pontife  *  pouvait 
être  aussi  juste  et  aussi  saint  que  le  Fils  uni- 
que de  Dieu,  qui  n'avait  aucun  besoin  d'of- 
frir le  sacrifice  pour  lui-même,  étant  exempt 
de  tout  péché?  Quelle  hostie  un  tel  pontife 
pouvait-il  choisir  entre  tout  ce  qui  apparte- 
nait aux  hommes,  pour  l'oÉfrir  pour  eux,  et 


'  rn  alio  libro,  qui  vocatur  Eoclesiastes,  ubi  ait  : 
Non  est  boniim  homini  nisi  quod  manducabit  et 
bibet,  quid  credibilius  dicere  intelligitur  quam 
quod  ad  participationem  mensœ  hujus  pertinet 
quam  sacerdos  ipse  Mediator  Teslamenti  Novi 
exhibet  secundum  ordinem  Melchisédech  de  corpore 
et  sanguine  siio?  Id  enim  sacrificium  successit 
omnibus  illis  sacrificiis  Yeieris  Testamenti  quœ 
immolabantur  in  umbra  futuri  :  propler  quod 
etiam  vocem  illam  in  Psalmo  tricesimo  et  nono 
ejusdem  iledialoris  per  Prophetiam  loquentis 
agnoscimus  :  Sacrificium  et  oblationem  noluisti, 
corpus  autem  perfecisti  tnihi  ;  quia  pro  illis  omni- 
bus sacrificiis  et  oblationibus ,  corpus  ejus  offer- 
tur,  et  partieipantibus  ministratur.  August.,  lib. 
XVII  De  Civit.  Dei,  cap.  xx,  num.  2,  pag.  484. 

2  Sacrificia  erg  ailla,  tanquam  verbapromissiva, 
ablata  sunt.  Quid  est  quod  datum  est  completi- 
vum?  Corpus  quod  noslis,  quod  non  omnes  nos- 
tis;  qiLod  utinam  qui  iiostis  omnes  non  ad  judi- 
cium  noveritis  !  Yidete  quando  dictwn  est,  Chris- 
tus  enimille  est  Dominas  noster,  modo  loquens  ex 
membris  suis,  modo  loquens  ex  persona  sua  : 
Sacrificium,  inquit,  et  oblationem  noluisti.  Quid 
ergo?  Nosjam  hoc  tempore  sine  sacrificia  dimissi 
stimus?  Absit  :  Corpus  autem  perfecisti  mihi.  Ideo 
illa  noluisti  ut  perficeres  :  illa  valuisti  ante- 
quani  hoc  perficeres.  Perfeclio  promissorum 
abstulit  verba  pramittentia  :  nam  si  adhucsunt 
promitientia  nondum  implelum  est  quod promis- 
sum  est.  Hoc  pramittebatur  quibusdam  signis  : 
ablata  sunt   signa  promiitentia,  quia  exhibita 


est  Veritas  promissa.  In  hoc  corpore  sumus,  hu- 
jus corporis  participes  sumus,  quod  accipimus 
«ovimus.  August.,  in  Psal.  xxxix,  num.  12,pag.  334. 

8  Hebrœi  autem  in  victimis  pecorum  quas  offe  - 
rebant  Deo,  multis  et  variis  modis  sicut  re  tanta 
dignum  erat,  prophetiam  celebrabant  futurœ  vic- 
timœ,  quam  Christus  abtulit;  unde  jam  christiani 
peracti  ejusdem  sacrificii  memoriam  celebrabant, 
sacrosancta  ablatione  et  participatione  corporis 
et  sanguinis  Christi.  August.,  lib.  X  Contra  Faust., 
cap.  xviil,  pag.  343. 

*  Qui^  ergo  tam  justus  et  sanctus  sacerdos, 
quam  unicus  FiliusDei,  qui  non  opus  haberet  per 
sacrificium  sua  purgare  peccata,  nec  originalia 
nec  ex  humana  vita  quœ  adduntur?  Et  quid  tam 
cangruenter  ab  hominibus  sumeretur  quod  pro  eis 
offerretur,  quam  humana  car  a?  Et  quid  tam  ap- 
tum  huic  immolationi,  quam  caro  morlalis ?  Et 
quid  tam  mundum  pra  mundandis  vitiis  morta- 
lium,  quam  sine  ulla  contagione  carnalis  concu- 
piscentiœ  cara  natainutero  et  ex  utero  virginali? 
Et  quid  tam  grate  offerri  et  suscipi  passet  quam 
caro  sacrificii  nostri,  corpus  cffectum  secerdatis 
nostri?  Ut  quoniam  quatuor  considerantur  in 
omni  sacrificia  :  Cui  offeratur,  a  giio  offeratur, 
quid  offeratur,  pro  quibus  offeratur,  idem,  ipse 
unus  verusque  Mediator,  per  sacrificium  pacis  re- 
concilians  7ios  Deo,  unum  cum  illa  maneret  cui 
offerebat,  unwni  in  se  faceret  pro  quibus  offere- 
bat,  unus  ipse  esset,  qui  offerebat  et  quod  offere- 
bat. August.,  lib.  IV  De  Trinit.,  cap.  xiv,  num.  19, 
pag.  823. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


702 

qu'il  fût  plus  convenable  de  sacrifier,  que  la 
chair  même  de  l'homme  ?  Qu'y  avait-il  de 
plus  propre  à  une  immolation,  qu'une  chair 
passible  et  mortelle  ?  Quelle  chair  pouvait 
être  plus  pure  et  plus  capable  de  purifier  les 
hommes  de  leurs  péchés,  que  celle  qui  avait 
été  conçue  dans  le  sein  d'une  Vierge  sans 
être  souillée  parla  contagion  d'aucune  con- 
cupiscence charnelle,  et  qui  était  née  sans 
porter  aucun  préjudice  à  sa  virginité  ?  Quelle 
chair  devenue  noire  victime ,  pouvait  êti-e 
plus  digne  d'être  offerte  et  acceptée  en  sa- 
crifice, que  la  chair  devenue  le  corps  même 
de  notre  Souverain  Prêtre,  et  qui  réunissait 
d'une  manière  admirable,  les  quatre  cho- 
ses essentielles  qu'on  doit  considérer  dans 
tous  les  sacrifices.  Ces  quatre  choses  :  à 
qui  le  sacrifice  est  otfert  ;  par  qui  il  est 
offert;  ce  qui  est  offert  ;  et  pour  qui  il  est 
offert ,  se  trouvent  réduites  à  l'unité  dans  le 
sacrifice  de  Jésus-Christ  :  car  en  nous  récon- 
ciliant à  Dieu  par  le  sacrifice  de  paix  qu'il  a 
ofl'ert  pour  nous  comme  seul,  unique  et  vé- 
ritable médiateur,  il  est  demeuré  une  même 
chose  avec  son  Père  auquel  il  s'offrait;  il  a 
rendu  ceux  pour  qui  il  s'offrait ,  une  même 
chose  avec  lui  ;  il  était  le  même  et  l'unique 
prêtre  qui  s'offrait;  et  il  était  la  même  et  l'u- 
nique hostie  qu'il  offrait.  C'est  pourquoi  ce 
véritable  médiateur  '  entre  Dieu  et  les  hom- 
mes. Jésus-Christ  homme  ,  recevant  en  tant 
que  Dieu  le  sacrifice  avec  son  Père,  avec  qui 


il  ne  fait  qu'un  seul  Dieu,  a  mieux  aimé,  en 
tant  qu'homme  ,  être  lui-même  le  sacrifice, 
que  de  le  recevoir,  pour  ne  donner  occasion 
à  personne  de  croire  qu'on  doit  sacrifier  à 
quelque  créature  que  ce  soit.  Ainsi  il  est  le 
prêtre  et  la  victime  tout  ensemble  ;  et  il  a 
voulu  figurer  cela  dans  le  sacrifice  que  l'É- 
glise lui  offre  tous  les  jours.  Car  comme  c'est 
le  corps  de  ce  chef  adorable ,  elle  s'y  offre 
elle-même  par  lui-même.  Jésus-Christ  a  été 
immolé  une  fois  en  lui-même  ^,  et  il  est  im- 
molé en  sacrement  pour  le  peuple,  non-seu- 
lement dans  les  solennités  de  Pâques ,  mais  en- 
core tous  les  jours  :  et  ce  n'est  point  men- 
tir de  dire  qu'il  est  immolé.  » 

Bérenger  ayant  fait  valoir  ce  passage  de 
saint  Augustin  comme  faisant  contre  la  pré- 
sence réelle,  Lanfranclui  répondit  '  qiie  Jé- 
sus-Christ n'a  été  immolé  qu'une  fois  en 
montrant  son  corps  à  découvert  sur  la  croix, 
lorsqu'il  s'offrit  à  son  Père  étant  encore  pas- 
sible et  mortel;  mais  que,  dans  le  sacrement 
que  l'Eglise  célèbre  en  mémoire  de  cette  ac- 
tion, sa  chair  est  tous  les  jours  immolée,  par- 
tagée, mangée,  et  son  sang  passe  du  calice 
dans  la  bouche  des  fidèles,  l'un  et  l'autre 
tirés  de  la  Vierge. 

149.  Comme  le  sacrifice  est  l'acte  le  plus     i-«'«n 

^  D  051  dû  n 

solennel  et  le  plus  considérable  de  la  religion,   B'.m  %>a. 
c'est  pour  cela  qu'on  ne  doit  l'offrir*  qu'à 
Dieu  seul.  «  Le  peuple  ""  chrétien ,  dit  saint 
Augustin,  célèbre  en  commun  la  mémoire  des 


'  Unde  verus  ille  Mediator ,  in  quantum  formam 
servi  accipiens  mediator  effectus  est  Dei,  et  homi- 
num  honio  Christus  Jésus,  cum  in  forma  Dei  sa- 
crificium  cum'  Paire  sumat  cum  quoet  unusDeus, 
est,  tamen  in  forma  servi  sacrificium  maluit  esse 
quam  siimere,  ne  vel  hac  occasione  quisquam 
existimaret  cuilibet  sacrificandwn  esse  creaturœ. 
Per  hoc  etsacerdos  est  ipse  offerens,  ipseet  obla- 
tio.  Cujus  rei  sacramentum  quotidianum  essevo- 
luit  Ecclesiœ  sacrificium  quœ  cum  ipsius  capitis 
corpus  sit,  se  ipsam  per  ipsùm  discit  offerre.  Au- 
gust.,  lib.  Il  De  Civit.  Dei,  cap.  xx,  pag.  256. 

*  Nonne  semel  immolalus  est  Christus  in  seipso, 
et  tamen  in  sacramento  non  solum  per  omnes 
Paschœ  solemnitates,  sed  omni  die  populis  immo- 
latur,  nec  utique  mentitur  qui  interrogatus  eum' 
responderit  immolari.  August.,  Epist.  98,  num.  9, 
pag.  267. 

'  In  seipso  semel  immolatus  est  Christus,  quia 
in  manifestatione  sui  corporis,  in  distinclione 
membrorum  omnium  verus  Deus  et  verus  homo 
semel  tantuyn  in  cruce  pependit,  offerens  seipsum 
Patri  hosliam  vivam,  passibilem,  mortalem,  vi- 
vorum  ac  mortuorum.  redemptionis  efficacem, 
eorum  videlicet  quos  divini  consilii  altitudo  redi- 
tnendos  judicavit,  prœscicit,  prœdestinavit,    vo- 


cavit  inodis  atque  temporibus  quibus  id  fieri 
congruebat  ;  in  sacramento  tamen  quod  in  hujus 
rei  memoriam  fréquentât  Ecclesia,  caro  Domini 
quotidie  immolatur,  dividitur,  comedilur,  et  san- 
guis  ejus  de  calice  fidelium  ore  potatur,  utraque 
vera,  utraque  de  Virgine  sumpta.  Lanfranc,  lib. 
De  Corp.  et  sang.  Domini,  cap.  xv,  pag.  241. 

*  Nam  ut  alianunc  taceam  quœ  pertinent  ad  re- 
ligionis  obsequium,  quo  colitur  Deus,  sacrificium 
certe  nullus  hominum  est  qui  audeat  dicere  deberi 
7iisi  Dec.  August.,  lib.  X  De  Civit.  Dei,  cap.  iv, 
pag.  241. 

^  Populus  autem  christianus  memorias  marty- 
rum-  religiosa  solemnitate  concélébrât  et  ad  exci- 
tandam  imitalionem,  et  ut  meritis  eorum  conso- 
cietur  atque  orationibus  adjuvetur,  ita  tamen  ut 
nulli  martyrum,  sed  ipsi  Deo  martyrum,  quamvis 
in  memoriis martyrum ,  constituamus  altaria.Quis 
enim  antistitum  in  locis  sanctorum  corporum  as- 
sistens  altari,  aUquando  dixil  :  O/ferimus  tibi,Pe- 
tre,  aut  Paule  aut  Cypriane.  Sed  quod  offertur, 
offertur  Deo  qui  martyres  coronavit.  Àpud  me- 
morias eorum  quos  coronavit,  ut  ex  ipsorum.  lo- 
corum  admonitione  major  afj'ecius  exsurgat  ad 
aciiendam  charilalem-,  et  in  illos  quos  imitari 
possumus,   et  in  illum  quo  adjuvante  poss'.tmus. 


[iv=  ET  v^  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 

martyrs  par  de  religieuses  soleunités,  pour 
s'exciter  à  les  imiter,  pour  s'associer  à  leurs 
mérites,  et  pour  être  assisté  de  leurs  prières  : 
ils  ne  sacrifient  pas  pour  cela  à  aucun  mar- 
tyr, mais  seulement  au  Dieu  des  martyrs, 
quoique  nous  dressions  des  autels  dans  les 
mémoires  des  martyrs.  Qui  des  fidèles  ,  dit- 
il,  a  jamais  vu  un  prêtre  debout  devant  un 
autel,  posé  même  sur  le  corps  d'un  martyr, 
dire  dans  ses  prières  :  Je  vous  offre  ce  sacri- 
fice à  voiis  Pierre,  ou  Paul  ouGyprien  ?Nous 
l'offrons  à  Dieu  qui  les  a  fait  hommes  et  mar- 
tyrs, et  qui  les  a  honorés  dans  le  ciel,  de  la 
société  des  saints  anges,  pour  lui  rendre  grâ- 
ces de  leurs  victoires  et  nous  exciter  à  les  imi- 
ter. Ainsi  '  tous  les  actes  de  piété  et  de  re- 
ligion qui  se  font  aux  tombeaux  des  saints 
martyrs,  sont  des  honneurs  qu'on  rend  à  leur 
mémoire,  et  non  pas  des  sacrifices  qu'on  leur 
offre  comme  à  des  dieux.  Suivant  ^  la  dis- 
ciphne  de  l'Église,  on  ne  fait  au  saint  autel 
qu'une  simple  commémoration  des  martyrs 
sans  prier  pour  eux,  au  lieu  qu'on  prié  pour 
les  autres  défunts  dont  on  fait  commémora- 
tion. Car  ce  serait  faire  injure  à  un  martyr  de 
prier  pour  lui ,  puisque  nous  devons  plutôt 
nous  recommander  à'  ses  prières.  En  effet 
ils  prient  pour  nous  afin  que  nous  suivions 
leurs  exemples,  n 


763 


150.  «Nous  lisons  dans  la  Genèse,  dit  saint 
Augustin,  que  Melchisédech,  roi  de  Salem, 
offrit  du  pain  et  du  vin,  parce  qu'il  était  prê- 
tre du  Dieu  ti-ès-haut.  Il  fut  alors  éclairé  ' 
jusqu'au  point  de  désigner  le  sacerdoce  éter- 
nel du  Seigneur  par  l'offrande  des  symbo- 
les mystérieux  qui  figuraient  le  sacrement 
de  la  sainte  table.  Ce  fut  en  cette  occasion^ 
qu'il  bénit  Abraham ,  et  que  l'on  vit  pour 
la  première  fois  le  sacrifice  que  les  chrétiens 
offrent  aujourd'hui  à  Dieu  par  toute  la  terre, 
pour  accomplir  cette  parole  du  Prophète 
adressée  à  Jésus-Christ,  qui  ne  s'était  point 
encore  incarné  :  Vous  êtes  prêtre  pour  jamais 
selon  l'ordre  de  Melchisédech.  Il  ne  dit  pas,  se- 
lon l'ordre  d'Aaron,  qui  devait  être  aboli  par 
la  vérité  figurée  par  ces  ombres.  Ceux  ,  dit 
saint  Augustin ,  qui  lisent  l'Écriture  sainte  " 
savent  ce  qu'offrit  Melchisédech,  quand  il  bé- 
nit Abraham  ;  et  ceux  qui  y  participent  voient 
offrir  maintenant  un  pareil  sacrifice  par  toute 
la  terre.  C'est  de  ce  sacrifice  dont  parle  Ma- 
lachie'  en  la  personne  de  Dieu,  lorsqu'il  dit  : 
Depuis  le  soleil  levant  jusqu'au  couchant ,  mon 
nom  sera  grand  parmi  les  nations  :  on  me  fera 
des  sacrifices  partout,  et  l'on  m'offrira  une  abla- 
tion pure,  parce  que  mon  nom  est  grand  parmi 
les  nations.  Ce  sacrifice  est  celui  du  sacerdoce 
deJésus-ChristjSelonl'ordrede  Melchisédech, 


Sur  losarer- 
doce  dû  la  loi 
criivelln. 

Gen.  xm, 
18, 


August.,  lib.  XX  Contra  Fmisl.,  cap.  xxi,  pag. 
347. 

'  Quœcumque  igitur  adhibentur  religiosorum 
obsequiain  martynim  lacis,  ornamenta  sunt  me- 
moriarum,  non  sacra  vel  sacrificia  mortuorum, 
lanquam  deorum.  August.,  lib.  VUIfle  Civit.  Dei., 
cap.  xxvn. 

■^  Ideoque  habet  ecclesiastica  disciplina,  quod 
fidèles  noverwit  cum  martyres  eo  loco  recilantwr 
ad  altare  Dei  ubi  non  pro  ipsis  orutur  :  pro  cœ- 
teris  autem  commemoratis  defimctis  oratur.  In- 
juria est  enim  pro  martyre  orare,  cujus  nos  de- 
bemus  orationibus  commendari.  August.,  Serm. 
159,  num.  1,  pag.  765. 

3  Idée  quippÉ  ad  ipsam  mensam  non  sic  eos 
commemoramus ,  quemadmodum  alios  qui  in 
pace  requiescunt,  ut  etiam  pro  eis  oremus,  sed 
magis  utipsipro  nobis,  ut  eoruin  vestigiis  adhce- 
reamus.  August.,  Tract.  84  in  Joan.,  num.  1, 
pag.  709. 

*  Inde  Melchisédech  prolato  sacramento  inensce 
dominicœ  novit  œternum  ejus  sacerdotium  figu- 
rare.  August.,  Epist.  177,  num.  12,  pag.  626. 

^  Sed  plane  tune  benedictus  est  (Abraham)  a 
Melchisédech  qui  erat  sacerdos  Dei  excelsi...  Ibi 
qiiippe  primum  apparuit  sacrificium  quod  nuna 
a  chrislianis  offertur  Deu  toto  orbe  terrarum, 
impleturque  illud  quod  longe  post  hoc  factum  per 
Prophetain  dicitur  ad  Christum  qui  fuerat  adhuc 
venturus  in  carne:  Tu  es  sacerdos    in  asteruum 


seeundum  ordinem  Melchisédech.  ISon  scilicet  se- 
cundum  ordinem  Àaron.  qui  ordo  fuerat  aufe- 
rendus  illucescentibus  rébus,  quœ  illis  umbris 
prœnotabantur.  August.,  lib.  XVI  De  Civit.  Dei, 
cap.  xxii,  pag.  455. 

^  Noverunt  qui  legunt  quid  protulerit  Melchisé- 
dech quando  benedixit  Abraham,  et  si  Jam  sunt 
participes  ejus,  vident  taie  sacrificium  nunc-  of- 
ferri  Deo  toto  orbe  terrarum.  August.,  lib.  I  Con- 
tra Advers.  legis  et  proph.,  cap.  xx,  num.  39, 
pag.  570. 

■"  Malachias  prophetans  Ecclesiam  quam  per 
Christum  cernimus  propagatam  Judœis  apertis- 
tissime  dicit  ex  persona  Dei  :  Non  est  mihi  volun- 
tas  in  vobis,  et  munus  non  suscipiam  de  manu 
■vestra.  Ab  ortu  enim  solis  usque  ad  occasum,  ma- 
gnum est  nomen  meum  in  gentibus,  et  in  omnl 
loco  sacrificabitur  et  offeretur  nomini  meo  oblatio 
munda;  quia  magnum  nomen  meum  in  gentibus, 
dicit  Dominus.  Hoc  sacrificium  per  sacerdotium 
Chrisli  seeundum  ordinem  Melchisédech,  cum  in 
omni  loco  a  solis  ortu  usque  ad  occasum  Deo  jam 
videamus  offerri:  sacrificium  autem  Judceorum, 
quibus  dictum  est  :  Non  est  mihi  voluntas  in  vo- 
bis, neo  accipiam  de  manibus  vestris  munus,  ces- 
sasse negare  non  possunt  :  quid  adhuc  expeclant 
alium  Christum  cum  hoc  quod  prophetatum  le- 
gunt, et  impletum  vident,  impleri  non  potuerit, 
nisi  per  ipsum?  August.,  lib.  XVII I  De  Civit.  Dei, 
cap.  XXXV,  num.  3,  pag.  517. 


764 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Malarh  i  II 


Sur  lo 
crifiro    el 

firîèrfs     [.< 
ES  niortF. 


que  nous  voyons  s'offrir  depuis  le  soleil  le- 
vant jusqu'au  couchant,  tandis  qu'on  ne  peut 
nier  que  le  sacrifice  des  Juifs,  à  qui  Dieu  dit 
par  le  même  prophète  :  Vous  ne  m' agréez jooint, 
et  je  ne  veux  foint  de  vos  présents ,  ne  soit  a- 
boli.i) 

Le  saint  évêque,  dans  le  traité  qu"il  a  fait 
contre  les  Juifs  '  ,  les  presse  de  reconnaître 
l'accomplissement  de  cette  prophétie  de  Ma- 
lachie,  puisque  l'on  offre,  non  dans  un  seul 
lieu,  mais  par  toute  la  terre,  le  sacrifice  des 
chrétiens  ;  non  à  toutes  sortes  de  divinités, 
mais  au  seul  Dieu  d'Israël,  qui  a  prédit  ces 
choses.  «  Jésus-Christ,  dit  encore  ce  Père  % 
est  lui-même  notre  prêtre  éternel  selon  l'or- 
dre de  Melchisédech,  qui  s'est  offert  comme 
holocauste  pour  nos  péchés,  et  qui  a  ordonné 
de  célébrer  la  mémoire  de  ce  sacrifice  pour 
nous  faire  souvenir  de  sa  passion  :  en  sorte 
que  par  toute  la  terre  on  offre  dans  l'Eglise 
tout  ce  qu'autrefois  Melchisédech  offrit  à 
Dieu,  n 

151.  L'hérétique  '  Aetius  soutenait  qu'il  ne 
fallait  ni  offrir  le  sacrifice,  ni  prier  pour  les 
morts,  s'opposant  en  cela  à  la  pratique  de 
l'Eglise.  On  en  voit  une  preuve  dans  l'histoire 
de  sainte  Monique  '  qui,  pendant  sa  dernière 
maladie,  ne  se  mit  en  peine  d'autre  chose,  si 


non  que  l'on  fit  mémoire  d'elle  dans  le  saint 
sacrifice  de  l'autel  ;  ce  qui  fut  exécuté  ^  après 
sa  mort,  comme  saint  Augustin  le  témoigne 
dans  ses  Confessions.  Cette  pratique  se  trouve 
aussi  établie  dans  les  livres  desMachabées^ 
où  nous  lisons  que  l'on  offrit  des  sacrifices 
pour  les  morts.  Mais  quand  elle  ne  le  serait 
en  aucun  endroit  des  anciennes  Écritures, 
ce  n'est  pas  une  petite  autorité  que  celle  de 
toute  l'Église,  où  cette  coutume  est  en  usage, 
et  où  la  recommandation  des  morts  a  lieu 
dans  les  prières  que  le  prêtre  fait  à  Dieu  de- 
vant l'autel,  L'Église  fait  '  ces  prières  pour 
tous  ceux  qui  sont  morts  dans  la  société  chré- 
tienne et  catholique,  les  comprenant  sous 
une  recommandation  générale,  sans  nommer 
leurs  noms  ;  afin  que  ceux  à  qui  les  pères  et 
les  enfants,  ou  les  autres  parents  ou  amis  man- 
quent de  rendre  ces  derniers  devoirs,  les  puis- 
sent recevoir  tous  ensemble  de  l'Église,  qui  est 
leur  mère  commune.  «  Les  âmes  des  morts  ', 
dit-il,  sont  donc  soulagées  par  la  piété  des  vi- 
vants, lorsqu'on  offre  pour  elles  lesacrifîce du 
Médiateur,  ou  qu'on  fait  quelques  aumônes 
dans  l'Église  ;  mais  cela  ne  sert  qu'à  ceux  qui, 
durant  leur  vie,  ont  mérité  par  leurs  actions 
que  ces  choses  leur  pussent  être  utiles  après 
leur  mort.  Car  il  y  a  une  certaine  sorte  de 


*  Quia  ab  oriente  sole  usque  in  occidentem  no- 
men  meum  clarum  est  factum  in  gentibus;  et  in 
omni  loco  saorifîcium  offertur  nomini  meo  sacri- 
ficium  muntlum:  quoniam  magnum  nomen  meum 
in  gentibus,  dicit  Dominus  omnipotens.  Quid  ad 
hœcrespondetis?  Aperite  oculos  tandem  a Hquando 
et  videte  ab  oriente  sole  usque  in  occidentem,  non 
in  uno  sicut  vobis  fuerat  constitutum,  sed  in 
omni  loco  olferri  sacrificium  christianonim,  non 
cuilibet  Beo,  sed  ei  qui  ista  prœdixit,  Deo  Israël. 
August.,  Tract.  adversusJudœos,  cap.  ix,  num  13 
pag.  38. 

-  Ipse  est  etiam  sacerdos  noster  in  œiernum  se- 
cundum  ordinem.  Melchisédech,  qui  seipsum  ob- 
tulit  holocaustum  pro  peccatis  iiostris,  et  ejus 
sacri/icii  similitudinem  celebrandam  in  siiœ  pas- 
sionis  meinoriam  commendavit,  ut  illud  quod 
Melchisédech  obtulit  Deo,  jam  per  totum  orbem 
terrarum  in  Christi  Ecclesia  videamus  ojferri. 
August,  lib.  De  Oclog.  trib.  quœst.,  qusest.  6,  num. 
2,  pag.  34,  tom.  \l. 

3  August.,  lib.  De  Hœresibus,  haeresi.  S3,  pag.  18, 
tom.  8. 

*  August.,  lib.  IX,  Gap.  xin,  num.  36,  pag.  170. 
5  Ibid.,  cap.  XII,  pag.  168. 

*  In  Machabœorum  libris  legimus  oblatum  pro 
mortuis  sacrificium.  Sed  et  si  misquam  in  Scrip- 
turis  veteribus  omnino  legeretur,  non  parva  est 
universœ  Ecclesiœ,  quœ  in  hac  consueludine  cla- 
ret,  auctoritas,  ubi  inprecibus  sacerdotis  quœ  Do- 
mino Deo  ad  ejus  altare  funduntur,  locum  sxmm 


habet  etiam  commendatio  mortuorum.  August., 
lib.  De  Cura  gerenda  pro  mortuis,  cap.  i,  num.  3, 
pag.  516. 

'  Non  sunt  prœtermittendœ  supplicationes  pro 
spiritibus  mortuorum  quas  faciendas  pro  omni- 
bus in  christiana  et  catholica  societate  defunctis 
etiam  tacitis  nominibus  eorum  sub  generali  com- 
memoratione  suscepit  Ecclesia,  ut  quibus  ad  ista 
desunt parentes ,  aut  filii  aut  quicmnque  cognati 
vel  amici,  ab  unaeis  exhibeantur  pvi  matrecom- 
muni.  August.,  ibid.,  cap.  iv,  num.  6,  pag.  519. 

'  Neque  negandum  est  defunclorum  animas 
pietate  suorum  viventium  relevari,  cum  pro  illis 
sacrificium  Mediatoris  offertur,  vel  eleemosynœ  in 
Ecclesia  fiunt.  Sed  eis  hœc  prosunt,  qui  cum  vi- 
verent,  ut  hœc  sibi  postea  possetit  prodesse,  me- 
ruerunt.  Est  enim  quidam  vivendi  modus,  nec 
tam  bomts  ut  non  requirat  istapost  mortem,  nec 
tam  malus  ut  non  ei  prosint  ista  post  mortem: 
est  vero  talis  in  bono,  ut  ista  non  requirat,  et  est 
rursus  talis  in  malo,  ut  nec  his  valeat,  cum  ex 
hac  vita  transierit,  adjuvari...  Cum  ergo  sacri- 
ficia  sive  altaris  sive  quarumcumque  eleemosyna- 
rumpro  baptisatis defunctis  omnibus  offerruntur, 
pro  valde  bonis  gratiarum  actiones  sunt  ;  pro  non 
l'aide  malis  propitiationes  sunt  ;  pro  valde  malis 
etiam  si  nulla  sunt  adjumenta  mortuorum,  qua- 
lescumque  vivorum  consolationes  sunt  ;  quibus  au- 
tem  prosunt ,  aut  ad  hoc  prosuunt  ut  sit  plena  re- 
missio,  aut  certe  ut  tolerabilior  fiat  ipsa  damna- 
tio.  August.,  Enchir.,  cap.  ex,  num.  29,  pag.  238. 


[IV'  ET  V  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


vie  qui  n'est  pas  si  bonne  qu'elle  n'ait  besoin 
de  ces  secours  après  la  mort  ;  et  qui  aussi 
n'est  pas  si  mauvaise  que  ces  choses  ne  lui 
puissent  servir  après  la  mort. Mais  il  y  en  a  une 
qui  est  si  abondante  enbonnes  œuvres,  qu'elle 
n'a  pas  besoin  de  ces  assistances  :  comme 
au  contraire,  il  y  en  a  une  si  pleine  de  cor- 
ruption, qu'elle  n'en  peut  être  soulagée  après 
cette  vie.  Lors  donc  que  l'on  offre  ou  le  sa- 
crifice de  l'autel,  ou  des  aumônes  pour  tous 
les  morts  qui  ont  été  baptisés,    ce  sont  des 
actions  de  grâces  pour  ceux  qui  ont  été  ex- 
trêmement bons  ;  ce  sont  des  intercessions 
pour  ceux  qui  n'ont  pas  été  grands  pécheurs  ; 
et  pour  ceux  qui  ont  été  fort  méchants,  quoi- 
que ces  choses  ne  leur  apportent  aucun  sou- 
lagement, elles  donnent  quelque  consolation 
aux  vivants.  Or,  à  l'égard  de  ceux  à  qui  eUes 
peuvent  être  utiles,  elles  leur  servent  ou  pour 
leur  procurer  un  pardon  entier,  ou  du  moins 
pour  rendi-e  leurs  peines  plus  supportables. 
Au  reste  il  ne  faut  pas  s'imaginer  '  que  les 
morts  ressentent  aucun  avantage  de  tous  les 
soins  que  l'on  prend  pour  eux,  sinon  lorsque 
nous  offrons  solennellement  en  leur  faveur 
ou  le  sacrifice  de  l'autel,  ou  des  prières,  ou 
des  aumônes,  quoique  d'ailleurs  il  soit  vrai 
que  ces  choses  mêmes  ne  soient  utiles  qu'à. 
ceux  qui  ont  mérité  durant  leur  vie  qu'elles 
leur  fussent  utiles  ;  mais  comme  nous  ne 
pouvons  savoir  quels  ils  sont,  il  faut  rendre 
ce  devoir  à  tous  ceux  qui  ont  été  régénérés 


763 

par  le  baptême,  afin  de  n'omettre  aucun  de 
ceux  qui  en  peuvent  et  doivent  recevoir  quel- 
que avantage.  Pour  être  cathohque  il  ne  faut 
donc  ni  croire  %  ni  dire,  ni  enseigner   que 
l'on  doit  offrir  le  sacrifice  des  chrétiens  pour 
ceux  qui  sont  morts  sans  avoir  reçu  le  bap- 
tême. Ce  sentiment  est  une  doctrine  nou- 
velle, contraire  à  l'autorité  de  l'Église  et  à 
sa  discipline.  Car  on  ne  doit  offrir  le  corps 
de  Jésus-Christ  '  que  pour  ceux  qui  sont  mem- 
bres de  Jésus-Christ,  et  on  ne  devient  mem- 
bre de  Jésus-Christ  que  par  le  baptême  en 
Jésus-Christ,    ou  par  la  mort  pour  Jésus- 
Christ.  Il  ne  servirait  de  rien  d'alléguer  en 
faveur  de  l'opinion   contraire  le  livre   des 
Machabées  ;  puisqu'on  n'y  trouve  point  que 
les  sacrifices  des  Juifs  aient  été  offerts  pour 
ceux  qui  n'avaient  pas  reçu  la  circoncision. 
Par  une  semblable  raison  '  on  ne  peut  offrir 
le  sacrifice  pour  les  damnés  :  et  si  l'Église 
connaissait,  dès  à  présent,  ceux  qui  sont  pré- 
destinés à  aller  avec  le  diable  dans  le  feu  éter- 
nel, elle  prierait  aussi  peu  pour  eux  que  pour 
lui.  Mais  parce  qu'elle  n'en  est  pas  assurée, 
elle  prie  même  pour  ses  ennemis  qui  sont 
ici-bas,  quoiqu'elle  ne  soit  pas  exaucée  pour 
tous.  Elle  ne  l'est  que  pour  ceux  qui,  quoique 
ses  ennemis,  sont  prédestinés  à  devenir  ses 
enfants,  par  le  moyen  de  ses  prières.  Mais 
prie-1-elle  pour  les  âmes  de  ceux  qui  meurent 
dans  leur  obstination,  et  qui  n'entrent  point 
dans  son  sein  ?  Non.  Pourquoi  cela,  sinon 


1  Quœ  cum  ita  sint,  non  existimemus  ad  mortuos, 
pro  quitus  curam  gerimus,  pervenire  nisi  quod 
pro  eis  sive  altaris,  Hve  orationum,  sive  eleemo- 
synarum  sacrificiis  solemniter  supplicamus; 
quamvis  non  pro  quibus  fiunt  omnibus  prosint, 
sed  iis  tantum  quibus  dum  vivunt  comparatur  ut 
prosint.  Sed  quia  non  discernimus  qui  tint,  opor- 
tet  ea  pro  regeneratis  omnibus  facere  ut  nullus 
eoruni  prœtermittatur,  ad  quos  hœc  bénéficia 
possint  et  debeant  pervenire.  August.,  lib.  De 
Cura  gerenda  pro  mortuis,  num.  22,  pag.  530. 

2  Noli  credere  nec  dicere,  nec  docere:  Sacrifi- 
cium  christiaQorum  pro  eis  qui  non  baptizati  de 
corpore  exierint,  offerendum  ,  si  vis  esse  catholi- 
cus.  Quia  nec  illud  quod  de  Machabœorum  libris 
commemorasti  sacrificium  Judœorum  pro  eis,  qxà 
non  circumcisi  de  corpore  exierunt  ostendit  obla- 
tum.  In  qua  ■  tua  sententia  tam  nova  et  contra 
Ecclesiœ  totius  auctoritatem  disciplinamque  pro- 
lata,  verbo  etiam  insolentissimo  usus  es  dicens: 
Pro  bis  sans  oblationes  assiduas  et  oiîerenda  jugiter 
sanctorum  censeo  sacrificia  sacerdotum.  August., 
lib.  111  De  Anima  et  ejus  orig.,  cap.  xii,  num.  18. 
pag.  382. 

'  Quis  enim  offerat  corpus  Christi,  nisi  pro  eis 
qui  membra  sunt  Christi:  ex  quo  autem  ab  illo 


dictum  est  :  Nisi  quis  renatus  fuerit  ei  aqua  et  Spi- 
ritu,  non  potest  iutrare  in  regnum  Dei;  et  alio 
loco:  Qui  perdiderit  animam  suam  propter  me, 
inveniet  eam,  nemo  fit  membnim  Christi,  nisi 
aut  baptismate  in  Christo  aut  morte  pro  Christo. 
August.,  lib.  1  De  Anima  et  ejus  orig.,  cap.  ix, 
num.  18,  pag.  342. 

">  Denique  si  de  aliquibus  ita  certa  essel  (Ec- 
clesiaj  ut  qui  sint  illi,  etiam  nossel,  qui  licet  ad- 
huc  in  hac  vita  sint  constituti,  tamen  prœdesti- 
nati  sunt  in  œternum  ignem  ire  cum  diabolo,  tam 
pro  eis  non  oraret  quam  nec  pro  ipso.  Sed  qiiia 
de  nullo  certa  est,  orat  pro  omnibus  dumtaxat 
hominibus  inimicis  suis  in  hoc  corpore  constitu- 
as :  nec  tamen  pro  omnibus  exauditur.  Pro  his 
enim  salis  exauditur,  qui  etsi  adversantur  Eccle- 
siœ, ita  tamen  sunt  prcedestinati,  ut  pro  eis  exau- 
diatur  Ecclesia  et  filii  efficiantur  Ecclesiœ.  Si  qui 
autem  usque  ad  mortem  habebunt  cor  impœni- 
tens,  nec  ex  inimicis  convertentur  in  filios,  imm- 
quid  jam  pro  eis,  id  est,  pro  talium  defunctorum 
spiritibus  orat  Ecclesial  Quid  ita,  nisi  quia  jam 
in  parle  diaboli  computatur,  qui  dum  esset  in 
corpore,  non  est  translatus  ad  Christum  ?  August,, 
lib.  XXJ  De  Civit.  Dei,  cap.  xsiv,  num.  1,  pag.  642i 


766 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Sur  les 
remontes 
sacrifice. 


parce  qu'elle  compte  déjà  du  parti  du  démon, 
ceux  qui  pendant  cette  vie  ne  sont  point  pas- 
sés à  celui  de  Jésus-Christ?  » 

152.  Dans  les  églises  d'Afrique  on  avait 
des  instruments  et  des  vases  d'or  et  d'ar- 
gent' pour  l'administration  des  sacrements, 
et  ils  étaient  regardés  comme  saints  et  con- 
sacrés par  l'usage  qu'on  en  faisait.  On  voit 
en  particulier  que  l'église  de  Carthage  avait, 
dès  le  temps  de  la  persécution  de  Dioclétien, 
deux  calices  d'or  et  sis  d'argent^.  On  offrait 
tous  les  jours  le  saint  sacrifice'  et  les  fidèles 
y  assistaient*.  L'évèque,  en  entrant  dans 
l'église^  saluait  le  peuple,  faisait  faire  silen- 
ce, et  lire  les  divines  Écritures.  On  commen- 
çait ordinairement  par  les  Épîtres  de  saint 
PauP,  puis  on  chantait  un  psaume,  qui  était 
suivi  de  la  lecture  de  l'Évangile.  Ensuite  l'é- 
vèque faisait  tm  discours  pour  expliquer  ce 
qu'on  avait  lu.  En  certain  temps  on  chantait 
alléluia''  selon  l'ancienne  tradition  de  l'E- 
glise ;  mais  il  y  avait  des  jours  où  l'on  ne  le 
disait  pas,  et  cela  n'était  pas  sans  mystère. 
On  le  chantait*  tous  les  dimanches  à  l'autel 
pour  marquer  que  notre  occupation  doit  être 


un  jour  de  louer  Dieu  dans  le  ciel  :  mais  on 
ne  le  chantait  pas  avant  Pâques  ^,  parce 
que  le  temps  de  la  Passion  de  Jésus-Christ 
marque  le  temps  des  afflictions  de  cette  vie. 
Les  lectures  et  le  discours  de  l'évèque  ache- 
vés", on  renvoyait  les  catéchumènes  :  et,  les 
fidèles  étant  restés  seuls ,  on  commençait  les 
prières.  On  en  faisait  pour  les  infidèles  "afin 
que  Dieu  les  convertît  à  la  foi,  pour  les  fidè- 
les afin  d'en  obtenir  l'augmentation.  C'est  par 
ces  prières  que  saint  Augustin  pi-ouvait  con- 
tre les  pélagiensla  nécessité  de  la  grâce.  Aux 
prières  et  aux  collectes  que  le  prêtre  faisait, 
le  peuple  répondait  :  Amen^-.  C'était  le  prê- 
tre même  qui  exhortait  les  fidèles  à  s'unir  à 
lui  pour  prier.  Dans  la  célébration  des  saints 
mystères  on  faisait  mémoire  des  martyrs". 
Ce  n'était  pas  néanmoins  pour  eux  que  l'on 
priait  mais  pour  les  autres  morts.  Les  fidè- 
les "*  offraient  à  l'Église  ce  qui  était  néces- 
saire pour  le  sacrifice,  croyant  par  là  se  ren- 
dre Dieu  propice  pour  leurs  péchés.  Du  temps 
de  saint  Augustin ,  l'usage  s'introduisit  à 
Carthage  de  chanter  des  hymnes  tirées  des 
Psaumes,  tant    avant  l'oblation,  que  pen- 


1  Sed  enim  et  nos  pleraque  instrumenta  et  vasa 
ex  hujusmodi  materia  vel  métallo  (id  est  ex  auro 
et  argentoj  habemus  in  usum  celebrandorum  sa- 
cramentorum,  quœ  ipso  ministerio  consecrata 
sancta  dicantur,  in  ejus  honorem  qui  pro  sainte 
nostra  inde  servitur.Augast.,  Serm.  2  in  Psal.  cxiii, 
num.  6,  pag.  1262. 

2  August.,  lib.  III  Cont.  Cres  cap.   siii,  pag.  151. 
s  Par  hoc  et  sacerdos  fChristus)  est,   ipse  offe- 

rens,  ipse  et  oblatio.  Cujus  rei  sacramentum  quo- 
tidianum  esse  voluit  Ecclesiœ  sacrificiwn,  quœ 
cum  ipsius  capitis  corpus  sit,  se  ipsam  per  ipsum 
disait  offerre.  August.,  lib.  X  De  Civit.  Bel,  cap.  xx, 
pag.  256. 

«  August.,  lib.  IX  Confes.,  cap.  i,  pag.  170. 

s  Procedimus  ad  populum,  plena  erat  Ecele- 
sia...,  salulavi  populum...  Facto  tandem  silentio 
Scripturarum  divinarum  sunt  Ucta  solemnia.  Au 
gust.,  lib.  XXIl  Ve  Civit.  Dei,  cap.  vin,  num.  22, 
pag.  fi72. 

6  Primam  lectionem  audivimus  Apostoli-.., 
deinde  cantavimus  Psalmum....  post  hœc  Evange- 
lica  lectio...  lias  lectiones  quantum  pro  tempore 
possumus,  pertractemus.  August.,  Serm.  176  de 
Yerbis  Àpost.,  cayt.  i,  num.  1,  pag.  839. 

■J  Est  enim  Alléluia  et  bis  Alléluia  quod  nobis 
cantare  certo  tempore  solemniter  moris  est,  se- 
cundum  Ecclesiœ  antiquam  traditionem  :  neque 
enim  et  hoc  sine  sacramento  certis  diebus  canta- 
mus.  Alléluia  certis  quidem  diebus  cantamus. 
August.,  in  Psal.  cvi,  num.  1,  pag.  1204. 
.  8  unde  eliam  omnibus  diebus  dominicis  id  ad 
allare  observatur,  et  Alléluia  canitur,  quod  signi- 
ficat   actioncm  nostram  futitram   non  esse   nisi 


laudare  Deum.  August.,  Epist.  55  ad  Januar., 
cap.  XV,  num.  28,  pag.  139. 

^  Illud  (tempus)  quod  est  ante  Pascha,  signifi- 
cat  tribulationem,  in  qua  modo  sumus  :  quod  vero 
nunc  agimus  post  Pascha  significat  beatitudinem, 
inquaposteaerimiis...Proptereailludtempusinje- 
juniis  et  orationibus  exercemus,  hoc  vero  tempus 
relaxatis  jejuniis  in  laudibus  agimtis;  hoc  est  enim 
Alléluia  qiwd  cantamus.  August.,  in  Psal.  cxlviii, 
num.  1,  pag.  1672  et  1673. 

"  Eccepost  sermonem  fit  missa  catechumenis  : 
manebunt  fidèles,  venietur  ad  locum  orationis. 
August,  Serm.  50,  cap.  viii,  num.  8,  pag.  275. 

"  Destruunt  etiam  (pelagianij  orationes,  quas 
facit  Ecclesia  sive  pro  infidelibus  et  doctrinœ  Dei 
resislentibus  ut  convertantur  ad  Deum;  sive  pro 
fidelibus  ut  augeatur  in  eis  fides  et  persévèrent  in 
ea.  August.,  lib.  De  Hœresib.  hœres.  88,  pag.  26. 

'-  Kumquid  ubi  audieris  sacerdotem  Dei  adejus 
altare  populum  hortantem  ad  Deum  orandum  vel 
ipsum  Clara  voce  orantem,  ut  incredulas  gentes 
ad  fidem  suam  venire  compellat,  non  respondebis  : 
Amen?  August.,  Epist.  17,  cap.  vn,  num.  20, 
pag,  808. 

"  Perhibet  prœclarissimum  testimoniv/m  eccle- 
siastica  aucto7'itas,  in  qua  fidelibus  notum  est; 
quo  loco  martyres,  et  quo  defunctœ  sanctimonia- 
les  ad  altaris  sacramenta  recitentur.  August.,  lib. 
De  Sancta  Yirgin.,  cap.  xlv,  num.  46,  pag.  364, 
tom.  VI. 

1*  Accepit  abs  te  quod  offerret  pro  te,  quomodo 
accipit  sacerdos  a  te  quod  pro  te  offerat,  quando 
vis  plaçare  Deum  pro  peccatis  tuis.  August.,  in 
Psal.  cxxis,  num.  7,  pag.  458. 


[IV"  ET  V''  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


767 


dant  qu'on  distribuait  au  peuple  ce  qui  avait 
été  offert.  Un  certain  Hilarus  •,  laïque  ca- 
tholique, se  mit  à  invectiver  partout  contre 
cette  pratique  :  ce  qui  engagea  saint  Augus- 
tin, à  la  prière  des  frères,  de  le  réfuter. 

Le  saint  Docteur  fait  mention  de  la  pré- 
face qui  commence  par  ces  paroles  :  Ayez  vos 
cœurs  élevés.  <(  Lorsqu'on  dit,  dit-li  :  Élevons  7ios 
cœurs  en  haut  ^,  vous  répondez  :  Nous  les  avons 
élevés  vers  le  Seigneur.  El,  afin  que  vous  n'at- 
tribuiez pas  vous-mêmes  à  vos  propres  for- 
ces cette  élévation  de  cœur,  qui  est  en  effet 
un  don  de  Dieu,  l'évêque  ou  le  prêtre,  ayant 
ouï  cette  réponse  du  peuple ,  dit  aussitôt  : 
Rendons  grâces  au  Seigneur  de  ce  que  nous  avons 
le  cœur  élevé  au  ciel  :  et  vous  attestez  cette 
vérité  en  disant  ensuite  :  Qu'il  est  juste  et  rai- 
sonnable de  pendre  grâces  à  celui  qui  nous  a 
fait  élever  notre  cœur  vers  notre  chef.  »  La 
consécration  se  faisait  par  la  parole  de  Dieu 
et  par  une  prière  mystique  dont  saint  Augus- 
tin crut  devoir  supprimer  les  tei-mes.  «  Ce 
pain'  que  vous  voyez  sur  l'autel,  dit  ce  saint 
Docteur  aux  nouveaux  baptisés ,  ayant  été 
sanctifié  par  la  parole  de  Dieu,  est  le  corps 
de  Jésus-Christ  :  et  ce  cahce  ou  plutôt  ce  qui 
est  contenu  dans  le  calice,  ayant  été  sanctifié 


par  la  parole  de  Dieu ,  est  le  sang  de  Jésus- 
Christ.  Il  nous  a  voulu  confier  et  donner  dans 
ces  choses  le  corps  et  le  sang  qu'il  a  versé 
pour  la  rémission  des  péchés ,  pourvu  que 
vous  le  receviez  bien,  c'est-à-dire  digne- 
ment. Nous  n'appelons  *  le  corps  et  le  sang 
de  Jésus-Christ ,  que  ce  qui ,  provenant  des 
fruits  de  la  terre ,  est  consacré  par  la  prière 
mj^stique,  et  que  nous  prenons  pour  le  salut 
de  nos  âmes  en  mémoire  de  la  passion  que  le 
Seigneur  a  soufferte  pour  l'amour  de  nous. 
Or,  ces  fruits  de  la  terre  ayant  reçu  par  la 
main  des  hommes  la  forme  visible  de  pain 
et  devin,  ne  sont  sanctifiés  pour  devenir  un 
si  grand  mystère  que  par  la  vertu  invisible 
de  l'Esprit  de  Dieu  qui  opère  lui-même  invi- 
siblement  tout  ce  que  ses  ministres  font  en 
ce  mystère  par  des  actions  corporelles  et  ex- 
térieures. » 

Ce  Père  dit  ailleurs  ^  que  le  pain  et  le  ca- 
lice sont  rendus  mystiques  par  une  certaine 
consécration;  qu'ils  ne  le  sont  point  de  leur 
naturel.  Le  sacrifice  ne  s'offrait  pas  sans  le 
signe  de  la  croix  ^.  Après  la  sanctification  de 
ce  sacrifice  on  disait '^  l'Oraison  dominicale; 
et  lorsqu'on  venait  à  ces  paroles  :  Pardon- 
nez-nous nos  offenses^,  l'évêque  et  tous  les  as- 


1  Eilaris  quidam  vir  tribunitius  Idicus  catholi- 
cus,  nescio  unde  adversus  Dei  ministros,  ut  fieri 
adsolet,  irritatus,  morem  qui  tune  esse  apud  Car- 
thaginem  cœperat,  ut  hymni  ad  altare  dicerentur 
de  Psalmorum  libro,  sive  ante  oblationem,  sive 
cum  distribuer etur  populo  quod  fuisset  oblatum, 
maledica  repreliensione  ubicumque  poterat  lace- 
rabat,  asserens  fieri  non  oportere.  Huic  respondi 
jubentibus  fratribus.  August.,  lib.  II  Retract., 
cap.  II,  pag.  45. 

2  Cuin  dicitur:  Sursum  cor,  respondelis  :  Habe- 
inus  ad  Dominum.  Et  ne  hocipsum  quod  cor  ha- 
belis  siwsum  ad  Dominum,  tribualis  viribus  ves- 
tris,  meritis  veslris,  laboribus  vestris,  quia  Dei 
donum  est  sursum  habere  cor,  ideo  sequitur 
episcopus  vel  presbyter  qui  offert  et  dicit  cum 
responderit  populus  :  Habemus  ad  Dominum,  sur- 
sum cor  :  gratias  agamns  Domino  Deo  nostro  ; 
quia  sursiim  cor  habemus,  gratias  agamus,  quia 
nisi  donaret,  in  terra  cor  haberemus.  Et  vos  attes- 
tamini:  Dignum  et  justum  est  dicentes,  ut  ci  gra- 
tias agamus  qui  nos  fecit  sursum  adnostrum  ca- 
put  habere  cor.  August.,  Serm.  227,  pag.  974. 

^  Panis  ille  quem  videtis  in  altari,  sanctifica- 
tus  per  verbum  Dei,  corpus  est  Chrisli.  Calix  ille, 
imo  quod  habet  calix,  sanctificatum  per  ver- 
bum Dei,  sanguis  est  Christi.  Per  ista  voluit  Do- 
minus  commendare  et  sanguinem  swum  quem  pro 
nobis  fudit  in  remissionem  peccatorum.  Si  bene 
accepistis,  vos  estis  quod  accepistis.  August., 
Serm,.  227,  pag.  973. 

''  Corpus  Christi  et  sanguinem  dicimus;  sed  il- 


lud  tanlum  quod  ex  fructibus  terrœ  acceptum  et 
prece  mystica  consecratum  rite  sumimus  ad  sa- 
lutem  spiritalem  in  memoriam  pro  nobis  Domi- 
nicœ  passionis  :  quod  cum  per  manus  hominum 
ad  illam  visibilem  speciem  perducatur,  non  sanc- 
tificatur  ut  sit  tam  magnum  sacramentum,  nisi 
opérante  invisibiliter  Spiritu  Dei,  cum  hœc  om- 
nia  quœ  per  corporales  motus  in  illo  opère  fiunt, 
Deus  operetur,  movens  primitus  invisibilia  mi- 
nistrorum.  August.,  lib.  111  De  Trinit.,  eap.  iv, 
num.  10,  pag.  798. 

^  Noster  autem  panis  et  calix  non  quilibet 
{quasi  pr opter  Christum  in  spicis  et  in  sarmentis 
ligatum,  sicut  illi  desipiunt)  sed  certa  consecra- 
iione  mysticus  fit  nobis,  non  nasciiur.  Proinde 
quod  non  ita  fit,  quamvis  sit  panis  et  calix,  ali- 
mentum  estrefectionis,  non  sacramentum  religio- 
nis.  August., lib.  II  Contr.  Faust.,  cap.  xm,  pag.  342. 

^  Quod  signum  [crucis)  nisi  adhibeatur,  sive 
fronlibus  credentium...  sive  sacrificio  quo  aluntur, 
nihil  eorum  rite  perficitur.  August.,  Tract.  118 
in  Joan.  num.  5,  pag.  801. 

'  Deinde  post  sanctificationem  sacrifiai  Dei... 
ecce  ubi  est  peracta  sanctificatio  dicimus  Oratio- 
nem  dominicam,  quam  accepistis  et  reddidistis. 
August.,  Serm.  227,  pag.  974.  In  Ecclesia  enim  ad 
altare  Dei  quotidie  dicitur  ista  Dominica  oratio. 
Idem,  Serm.  58,  num.  12,  pag.  342. 

8  Quod  si  falsum  est,  unde  quotidie  tundimus 
pectora?  Quod  quoque  antistites  ad  altare  assis- 
tentes  cum  omnibus  facimus.  Unde  etiam  orantes 
dicimus  quod  in  tota  ista  vita  oportet  ut  dica- 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


168 

sistants  frappaient  leur  poitrine ,  se  décla- 
rant pécheurs.  Car,  si  n'ayant  aucun  péché, 
nous  ne  laissons  pas  de  frapper  nos  poitrines 
en  disant  :  Pardonnez-nom  nos  offenses ,  il  n'y 
a  pas  de  doute  qu'en  cela  même  nous  nous 
rendrions  très-coupables ,  en  mentant  dans 
la  célébration  des  mystères.  Après  l'Oraison 
dominicale'  l'évêque  disait  :  La  paix  soit  avec 
vous,  et  les  chrétiens  se  donnaient  les  uns 
aux  autres  le  saint  baiser  qui  n'était  qu'un 
signe  de  la  paix  intérieure  qu'ils  devaient 
conserver  entre  eux.  Ils  recevaient  l'Eucha- 
ristie dans  leurs  mains  ^  ;  mais  ils  ne  man- 
geaient point  la  chair  de  Jésus-Christ  sans 
l'avoir  adorée  auparavant'.  En  quoi  non- 
seulement  ils  ne  péchaient  point;  au  con- 
traire ils  auraient  péché  en  ne  l'adorant  pas. 
Ils  communiaient  à  jeun*,  étant  du  respect 


pour  un  si  grand  sacrement,  que  le  corps 
de  Jésus-Christ  entrât  dans  la  bouche  des 
chrétiens  avant  toute  auti-e  viande  :  c'était 
au  diacre  à  distribuer  le  sang  de  Jésus- 
Christ*.  En  donnant  l'Eucharistie  le  minis- 
tre disait  :  C'est  le  corps  de  Jésus-Christ ,  et 
les  fidèles  répondaient  :  Ainen^.  Ils  répon- 
daient de  même  après  avoir  reçu  le  précieux 
sang''.  Pendant  qu'on  en  faisait  la  distribu- 
tion' on  chantait  des  hymnes.  Après  quoi 
venait  l'action  de  grâces'  qui  terminait  l'as- 
semblée. 

133  Saint  Augustin,  consulté  s'il  était  à 
propos  que  les  chrétiens  communiassent  tous 
les  jours,  ou  seulement  en  certains  jours  de 
la  semaine,  propose  en  ces  termes  les  raisons 
pour  et  contre  :  «  Quelqu'un  dira  qu'on  ne 
doit  pas  recevoir  l'Eucharistie  tous  les  jours"; 


t 


Sur  U  , 
qneole   coi  i 

lliUDioSi 


mus  :  Dimitte  nobis  débita  nostra ,  sicut  et  nos 
dimittimus  debitoribus  nostris...  Nam  si  non  ha- 
bemus  peccata  et  tundentes  pectora  diciinus :  Di- 
mitte nobis  débita  nostra,  ex  hoc  ipso  cette  et 
graviter,  nulle  dubitante,  peccamus.  cum  inter 
ipsa  sacramenta  mentimur.  August.,  Serm.  351 , 
num.  6,  pag.  1353  et  1356. 

'  Post  ipsam  forationem)  dicitur:  Pax  vobis- 
cum  ,  et  osculantwr  se  christiani  in  osculo  sancto. 
Pacis  signwm  est,  sicut  ostendunl  labia,  fiât  in 
conscientia.  Id  est  quomodo  labia  tna  ad  labia 
fratris  tui  accedunt,  sic  cor  tuuin  a  corde  ejus 
non  recédât.  August.,  Serm.  227,  pag.  974. 

2  Ego  illum  (Optatum  Gildonianumj  coniine- 
moro...  cui  pacis  osculum  inter  sacramenta  co- 
pulabatis,  in  cujus  manibus  Eiicharistiam  pone- 
batis.  August.,  lib.  H  Contra  Lilt.  Petiliani,  num. 
53,  pag.  233.  Vide,  lib.  Il  Parmenian.  num.  13, 
pag.  33. 

^  Nemo  auteni  illain  carnem  manducat  nisi 
prius  adoraverit  :  inventum  est  quemadmodum 
adoretur  taie  scabellum  pedum  Dominiet  nonso- 
lum  non  peccemus  adorando,  sed  peccemus  non 
adorando.  Augnst.,  m  Psal.  xcxviii,  num.  8,  pag. 
1065. 

*  Ex  hoc  enim  placuit  Spiritui  Sancto,  ut  in  ho- 
norem  tanti  sacramenti  in  os  christiani  prius  do- 
minicum  corpus  intraret,  quant  cœteri  cibi  :  nam 
ideo  per  universum  orbem  mos  iste  servatur. 
August.,  lib.  l  Epist.  54,  cap.  vi,  num.  8,  pag.  126.. 

s  In  ipsa  Ecclcsia  [Laurentius]  diaconii  gerebat 
of/icium,  ibi  sacrum  Christi  sanguinem  ministra- 
vit.  August.,  Serm.  304,  cap.  i,  num.  1,  pag.  1234. 

'  Àudis  enim:  Corpus  Christi, respondes:  Amen, 
August.,  Serm.  272,  pag.  1104. 

'  Habet  enim  magnam  vocem  Christi  sanguis 
in  terra,  cum  eo  accepta  ab  omnibus  gentibus 
respondetur  :  Amen.  August., lib.  XII  Contra  Faust., 
cap.  X,  pag.  231 . 

«  August.,  lib.  Il  Rctract.,  cap.  xr,  pag.  45. 

s  Quibus  peractis  et  participato  tanto  sacra- 
mento,  gratiarum  actio  cuncta  concluait.  August., 
Epist.  149,  num.  16,  pag.  509. 


1»  Dixerit  aliquis  non  quotidie  accipiendam  Eu- 
charistiam.  Quœsieris  quare?  Quoniam,  inquit, 
eligendi  sunt  dies  quibus  purius  homo  continen- 
tiusque  vivit,  quo  ad  tantum  sacramentum  di- 
gnus  accédât.  Qui  enim  manducàVerit   indignus, 
judicium    sibi  manducat  et  bibit.   Alius  contra  : 
Imo,   inquit ,  si  tanta   est    plaga   peccati  atque 
impetus   morbi   ut  medicamenta  talia  differenda 
sint  auctoritate  antistitis,  débet  quisque  ab  alta- 
rio  removeri  ad  agendam  pœnitentiam,  et  eadem 
auctoritate  reconcilia.ri.  Hoc  est  enim  indigne  ac- 
cipere  si  eo  tempôre  accipiat  quo  débet  agere  pœ- 
nitentiam; non  ut  arbitrio  suo,   cum   libet,  vel 
auferat  se  communioni,  vel  reddat.  Cœterumpec- 
caia    si  tanta  non  sunt,    ut  excommunicandus 
quisquam  homo  judicetur,  non  se  débet  a  quoti- 
diana  medicina  Dominici  corporis  separare.  Rec- 
tius  inter  eos  fartasse  quispiam  dirimit  litem,  qui 
monet  ut  prœcipue  in  Christi  pace  permaneant  ; 
faciat  autem  unusquisque  quad  secmdum  fidem 
suam  pie  crédit  esse  faciendum.  Neuter  enim  eo- 
rum  exhonorat  corpus  et  sanguinem  Bomini,  sed 
saluberrimum   sacramentum  cerlatim  honorare 
cantendunt.  Neque  enim  Htigaverunt  inter  se,  aut 
quisquam  eoruni  se  alteri  prœpasuit,  Zachœus  et 
ille  Centurio,  cum  aller  earum gaudens  indomum 
suam  susceperit  Dominum,    aller   dixerit:  Non 
sum  dignns  ut  intres  sub  tectum    meum.    Àmbo 
Salvaiorem  honorificantes  diversa  et  quasi  con- 
traria modo:  ambo  peccatis  miseri,  ambo  miseri- 
cordiam  consecuti.  Valet  etiani  ad  hanc  simililu- 
dinem  quod  in  primo  populo  unicuique  manna 
secundum  propriam  voluntatem-  in  ore  sapiebat, 
sic  uniuscujusque  in  corde  christiani  sacramen- 
tum illud,  quo  siibjugatus  est  mundus.  Nam  ille 
honorando  non  audet  quotidie  sumere,    et  ille 
honorando    non    audet   ullo  die  prœ termitière. 
Cantemptum  sohim.  non  vult  cibus  iste,  sicut  nec 
manna  fastidium.  Inde  enim  et  Àpostolus  indigne 
dicit  acceptum  ab  eis  qui  hoc  non  discernebant  a 
cœteris  cibis  veneralione  singulariter  débita.  Au- 
gust., Epist.    54  ad  Januar.,  cap.  ni,   num.    4, 
pag.   125. 


[iV'  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN, 


et  si  vous  lui  en  demandez  la  raison,  c'est, 
répondra-t-il,  que  le  chrétien,  avant  qiie  de 
communier,  doit  choisir  quelques  jours  pour 
vivre  avec  une  plus  grande  pureté  et  une  plus 
parfaite  continence,  afin  de  se  rendre  digne 
d'approcher  d'un  si  grand  sacrement  puisque 
celui  qui  le  mange  indignement,  mange  et  boit 
sa  propre  condamnation.  Un  autre  soutiendra 
le  contraire,  et  dira  que  si  la  plaie  du  péché 
est  si  grande,  et  la  violence  de  la  maladie  si 
extrême  qu'il  faille  différer  un  tel  remède, 
chacun  doit  se  retirer  de  l'autel  par  l'auto- 
rité de  son  évêque  pour  faire  pénitence  et 
se  réconcilier  ensuite  avec  Dieu  par  l'autorité 
du  même  évêque,  parce  que  c'est  recevoir 
indignement  l'Eucharistie  que  de  la  recevoir 
dans  le  temps  qu'on  doit  faire  pénitence  ; 
qu'on  ne  doit  pas  de  soi-même  et  de  son  pro- 
pre mouvement  se  retirer  de  la  communion, 
ou  s'en  approcher  ;  mais  que  si  les  péchés 
ne  sont  pas  tels  qu'ils  soient  jugés  dignes 
d'excommunication,  ils  ne  doivent  pas  em- 
pêcher qu'on  ne  s'approche  tous  les  jours  du 
corps  du  Seigneur  comme  d'une  médecine 
salutaire.  Peut-être  que  la  meilleure  manière 
d'accorder  le  différend  de  ces  deux  hommes, 
c'est  de  les  avertir  qu'avant  toute  chose,  ils 
aient  soin  de  demeurer  dans  la  paix  de  Jésus- 
Christ  ;  et  que  chacun  suive  en  ceci  les  mou- 
vements de  sa  foi  et  de  sa  piété  :  car  ni  l'un 
ni  l'autre  ne  déshonorent  le  corps  du  Fils  de 
Dieu,  puisqu'au  contraire  ils  s'efforcent  d'ho- 
norer comme  à  l'envi  ce  sacrement  si  avan- 
tageux au  salut  des  hommes.  Et  certes  Za- 
chée  et  le  centenier  de  l'Évangile  ne  dispu- 
tèrent point  ensemble,  et  l'un  ne  se  préféra 
point  à  l'autre,  lorsque  le  premier  reçut  le 
Seigneurdans  sa  maison  avec  joie,  et  que  le  se- 
cond lui  dit  :  Seigneur,  je  ne  suis  pas  digne  que 
vous  entriez  dans  ma  maison.  Tous  deux  hono- 
rèrent le  Sauveur  quoiqu'on  une  manière 
différente  et  comme  contraire.  Tous  deux 
étaient  misérables  par  leurs  péchés,  et  tous 
deuxreçurentmiséricorde.  Corome  donc  c'est 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  169 

par  respect  que  le  premier  de  ces  deux  hom- 
mes n'ose  s'approcher  tous  les  jours  de  la 
communion,  c'est  aussi  par  respect  que  le 
second  n'a  osé  s'en  abstenir  un  seul  jour. 
Ainsi  il  n'y  a  que  le  mépi'is  qui  soit  inju- 
rieux à  cette  viande  céleste,  comme  le  dé- 
goût l'était  à  la  manne.  » 

154.  Selon  saint  Augustin,  dans  l'Eucharis- 
tie '  nous  recevons  une  viande  visible  ;  mais 
autre  chose  est  le  sacrement,  autre  chose  la 
vertu  du  sacrement.  «Plusieurs,  dit-il,  reçoi- 
vent ce  qui  se  donne  à  l'autel,  et  ne  laissent 
pas  de  mourir,  et  ils  meurent  parce  qu'ils  le 
reçoivent.  Ce  sont  ceux  dont  l'Apôtre  dit  :  // 
mange  et  boit  sa  propre  condamnation.  Car  le 
morceau  que  le  Seigneur  donna  à  Judas,  n'é- 
tait pas  de  lui-même  un  poison  ;  cependant 
il  ne  l'eut  pas  plutôt  reçu,  que  le  démon  en- 
tra dans  ce  malheureux,  non  que  ce  qu'il 
avait  reçu  fût  mauvais,  mais  parce  qu'étant 
méchant  il  avait  reçu  une  bonne  chose  dans 
de  mauvaises  dispositions.  Prenez  donc  bien 
garde,  mes  frères,  à  ce  que  vous  faites,  man- 
gez spirituellement  le  pain  céleste,  et  appoi'- 
tez  l'innocence  au  saint  autel.  Si  vous  ne  pou- 
vez éviter  les  péchés  que  les  justes  mêmes 
commettent  tous  les  jours,  du  moins  n'en 
commettez  point  de  mortels.  Avant  de  vous 
approcher  de  la  sainte  table,  faites  une  sé- 
rieuse réflexion  sur  ces  paroles  que  vous 
avez  adressées  à  Dieu  :  Pardonnez-nous  nos 
offenses  comme  nous  pardonnons  à  ceux  qui  nous 
ont  offensés.  Si  vous  pardonnez  aux  autres. 
Dieu  aussi  vous  pardonnera  :  ainsi  vous  pour- 
rez vous  approcher  du  saint  autel  avec  l'assu- 
rance que  ce  que  vous  y  recevrez,  vous  sera 
une  nourriture  et  non  pas  un  poison.  Mais 
examinez-vous  bien  si  vous  pardonnez  véri- 
tablement :  car  si  vous  ne  pardonnez  point, 
vous  mentez  en  disant  cette  prière,  et  vous 
mentez  à  celui  que  vous  ne  pouvez  tromper. 
Les  fidèles  savent  ce  que  c'est  que  le  corps 
de  Jésus-Christ  ^,  s'ils  ne  néghgent  pas  de  se 
rendre  eux-mêmes  le  corps  de  Jésus-Christ. 


Sur  les  diî- 

pO?iIiOnS  [iOLT 

reco\oîr  l'Eu- 
charistie. 


1  Nam  et  nos  hodie  accipimus  visibilem  cibum  : 
sed  aliud  est  sacrainentum,  aliicd  virtus  sacra- 
menti.  Qtiam  multi  de  altari  accipmnt  et  moriun- 
tur  et  accipiendo  moriuntur  !  Unde  dicit  Aposto- 
lus  :  Judicium  sibi  manducat  et  bibit.  Non  enim 
buccella  dominica  venenum  fuit  Judœ.  Et  tamen 
accepit,  et  cum  accepit,  in  eum  inimicus  intravil  : 
non  quia  malum  accepit,  sed  quia  bonum  maie 
malus  accepit.  Yidete  ergo  fratres,  paiiem  cœles- 
tem  spiriiualiter  manducare,  innocentiani  ad  ai- 
tare  apportate,  peccata  et  si  sunt  quotidiana,  vel 
non  sint  mortifera,  antequam  ad  altare  accedatis 

IX. 


attendite  quid  dicatis  :  Dimitte  nobis  débita  nos- 
tra,  sicut  et  nos  dimittimus  debitoribus  nostris. 
Dimittis,  dimitlitur  tibi  :  securus  accède,  panis 
est,  non  venenum.  Sed  vide  si  dimittis:  nam  si 
non  dimittis,  mentiris,  et  ei  mentiris  quem  non 
fallis.  Mehtiri  Deo  potes,  Deum  fallere  non  potes. 
August.,  Tract.  26  in  Joan.,  num.  H,  pag.  498. 

2  Norunt  fidèles  corpus  Christi,  si  corpus  Christi 
esse  non  negligamt;  fiant  corpus  Christi,  si  volunt 
vivere  de  spiritu.De  spiritu  Christi  non  vivit,nisi 
corpus  Christi...  0  sacramentum pietatis,  o  signum 
unitatis,  o  vinculum  charitatisi  Qui  vult  vioere, 

49 


770 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Qu'ils  deviennent  donc  son  corps,  s'ils  veu- 
lent vivre  de  son  esprit.  Car  il  n'y  a  que  le 
corps  de  Jésus-Christ  qui  vive  de  l'esprit  de 
Jésus-Christ.  0  sacrement  de  piété  !  ô  signe 
d'unité  !  ô  lien  de  charité  !  Celui  qui  veut 
vivre  trouve  le  lieu  où  il  doit  vivre,  et  de  quoi 
il  doit  vivre.  Qu'il  s'approche  donc  de  Jésus- 
Christ,  qu'il  croie  en  lui,  et  qu'il  soit  incor- 
poré, afin  qu'il  reçoive  la  vie  ;  qu'il  ne  se  sé- 
pare point  de  l'union  étroite  qui  lie  tous  les 
membres  ensemble.  Qu'il  ne  soit  ni  un  mem- 
bre pourri  qu'on  doive  retrancher,  ni  un 
membre  difforme  dont  on  rougisse  ;  mais  qu'il 
soit  beau,  bien  proportionné  et  sain,  qu'il 
demeure  uni  au  corps,  qu'il  vive  de  Dieu  et 
pour  Dieu,  et  qu'il  travaille  maintenant  sur 
la  terre,  afln  de  régner  un  jour  dans  le  ciel. 
Il  est  certain  '  que  celui  qui  ne  demeure  point 
en  Jésus-Christ,  et  en  qui  Jésus-Christ  ne  de- 
meure pas,  ne  mange  point  spirituellement 
cette  chair,  et  ne  boit  point  ce  sang,  encore 
que  charnellement  et  visiblement  il  presse 
des  dents  le  sacrement  du  corps  et  du  sang 
de  Jésus-Christ  ;  mais  qu'il  reçoit  ce  sacre- 
ment pour  sa  condamnation,  parce  qu'étant 
impur  il  a  eu  la  présomption  d'approcher  des 
mystères  de  Jésus-Christ,  dontpersonne  n'ap- 
proche dignement  que  celui  qui  est  pur,  et 
du  nombre  de  ceux  dont  il  est  dit  :  Bienheu- 
reux ceux  qui  ont  le  cœur  pur,  parce  qu'ils  ver- 
ront Dieic.  n 

Il  paraît  qu'on  doit  prendre  ici  le  terme 


spirituellement,  non  par  opposition  à  celui 
de  réellement,  mais  par  rapport  aux  dispo- 
sitions pures  et  spirituelles  que  l'on  doit 
apporter  à  ce  sacrement.  Le  saint  Docteur 
continue  ainsi  :  «  Celui  qui  mange  ma  chair 
et  qui  boit  mon  sang,  dit  Jésus-Christ,  demeure 
en  moi,  et  je  demeure  en  lui.  C'est  donc  une 
marque  ^  que  nous  avons  mangé  sa  chair  et 
bu  son  sang,  s'il  demeure  en  nous,  et  si  nous 
demeurons  en  lui  si  fidèlement  que  nous  ne 
nous  en  séparions  jamais.  Car  un  chi'étien 
ne  doit  '  rien  tant  appréhender  que  d'être 
séparé  du  corps  de  Jésus-Christ.  S'il  en  est 
séparé,  il  n'est  plus  un  des  membres  de  son 
corps  ;  et  s'il  n'est  plus  un  de  ses  membres, 
il  n'est  plus  animé  et  vivifié  de  sonespx'it.  Ne 
nous  contentons  pas  de  manger  '  seulement 
dans  le  sacrement  le  corps  et  le  sang  de  Jé- 
sus-Christ, ainsi  que  le  mangent  plusieurs 
méchants,  mangeons-le  et  buvons-le  en  telle 
sorte  que  nous  soyons  aussi  participants  de 
son  esprit,  afin  que  demeurant  unis  à  son 
corps  comme  ses  membres,  nous  soyons  ani- 
més et  vivifiés  par  son  Espi'it-Saint.  » 

153.  Saint  Augustin  ne  croyait  "  pas  qu'il 
lui  fût  permis  de  séparer  un  chrétien  de  la 
communion,  quoique  cette  séparation  ne  fût 
que  pour  le  guérir,  s'il  ne  confessait  lui-même 
son  crime,  ou  s'il  n'en  était  accusé  et  con- 
vaincu dans  un  jugement  séculier  ou  ecclé- 
siastique. ((  Car  dit-il,  quel  est  celui  qui  osera  ° 
s'attribuer  la  liberté  d'être  juge  et  accusateur 


hahetuhi  vivat,  habet  unde  vivat.  Accédât,  credat, 
incorporetur  ut  vivijxcetur.  Non  abtiorreal  a  com- 
page  meynbrorum,  non  sit  putre  membrum  quod 
resecari  mereatur,  non  sit  distortum  de  quo  eru- 
bescatur  :  sit  pulchrum,  sit  aptum ,  sit  sannm  : 
hœreat  corpori,  vivat  Deo  de  Deo  :  mine  laboret 
in  terra,  utpostea  regnetin  cœlo,  August.  Tract.  26 
inJoan.,  mim.  13,  pag.  499. 

•  Qui  manducat  carnem  meam  et  bibit  meum 
sanguinem,  in  me  manet,  et  ego  in  illo.  Hoc  est 
ergo  manducare  illam  escam  et  illum  bibere  po- 
tum  in  Christo  manere  et  illum  manentem  in  se 
habere.  At  per  hoc  qui  non  manet  in  Christo,  et 
in  quo  non  manet  Christus,  procul  dnbio  nec  man- 
ducat  fspirilualiterj  carnem.  cjus,  nec  bibit  san- 
guinem [  licet  carnaliter  et  visibiliter  premat  den- 
tibus sacramentuin corporis  etsanguinis  Christi]  : 
sedmagi!<  tantœ  rei  sacramentiim  ad  judicium  sibi 
manducat  et  bibit;  quia  immundus  prœsumpsit 
ad  Christi  accedere  sacrame'  ta,  quœ  aliquis  non 
digne  sumit,  nisi  qui  mundus  est,  de  quibus  di- 
eitur  :  Beati  mundo  corde  quoniam  ipsi  Deum 
videbuut.  August.,  Tract.  2G  in  Joan.,  uum.  18, 
pag.  501. 

*  Qui  manducat  carnem  meam,  et  bibit  sangui- 
nem meum,  in  me  manet  et  ego  in  illo.  Signum 


quia  manducavit  et  bibit,  hoc  est  si  manet  etma- 
netur,  si  habitat  et  inhabilatur,  si  hœret  ut  non 
deseratur.  Hoc  ergo  nos  docuit  et  admoiuit  mys- 
ticis  verbis  ut  simus  in  ejus  corpore  sub  ipso  ca- 
pite  in  membris  ejus,  edentes  carnem  ejus,  non 
relinquentes  unitatem  ejus.  August.,  Tract.  27  in 
Joan  ,  num.  1,  pag.  602.' 

2  Mhil  enim  sic  débet  formidare  christianus, 
quam  separari  a  corpore  Christi;  si  enim  separatur 
a  corpore  Christi.  non  est  membrum  ejus,  si  non 
est mernbrum  ejus,  non  vegetatur  spiritu  ejiis. 
August.,  ibid.,  num.  6,  pag.  504. 

*  Carnem  Christi  et  sanguinem  Christi  non  eda- 
mus  tantum  in  sacramento,  quod  et  multi  mali; 
sed  itsque  ad  spiritus  participationem  manduce- 
mus  et  bibamus  ut  in  Domini  corpore  tanquam 
mcmbra  maiieamus,  ut  ejus  spiritu  vegetemur. 
August.,  ibid. ,  uum.  11,  pog.  506. 

'*  Nos  vero  a  communione  inohibere  quemquam 
non  possitmus  {quamvis  hœc  prohibitio  nondum 
sit  mortaiis,  sed  medicinalis)  nisi  aut  sponte  con- 
fessum,  aut  in  aliquo  sive  sœcula)'i  sive  ecclesias- 
tico  judicio  nominatum  alque  convictum.  August., 
Scrm.  351,  num.  10,  pag.  1359. 

6  Tolérât  ipse  Dominus  Judam,  diabolum,  furem 
et  vendilorem  suum;  sinil  accipere  inter  innocen- 


[rv°  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN, 


Sur  U  Jié- 
ce.<:sîté  do 
l'ËucbaristîD. 


d'un  même  homme  ?  Ne  voyons-nous  pas 
que  Jésus-Christ  a  toléré  Judas,  c'est-à-dire, 
un  démon,  un  voleur,  un  traître  par  qui  il 
savait  qu'il  devait  être  vendu  ;  et  qu'il  l'a 
laissé  participer  avec  la  troupe  innocente 
du  reste  des  apôtres,  à  ce  prix  de  notre 
rédemption  qui  est  connu  des  fidèles.  » 

136.  Quelques  écrivains  ont  reproché  à 
saint  Augustin  d'avoir  ense-igné  que  les  en- 
fants baptisés  ne  peuvent  être  sauvés  sans 
avoir  reçu  le  sacrement  de  l'Eucharistie.  Ils 
se  fondent  particulièrement  sur  un  passage 
du  premier  livre  des  Mérites  et  de  la  rémis- 
sion des  péchés,  où  ce  Père  dit  :  «  Écoutons' 
ce  que  le  Seigneur  dit,  non  du  sacrement  du 
baptême,  mais  de  celui  de  sa  table  sainte, 
dont  il  n'y  a  que  les  baptisés  qui  aient  droit 
d'approcher  :  Si  vous  ne  mangez  ma  chair  et 
ne  buvez  mon  sang,  vous  n'aurez  point  la  vie  en 
vous.:  Que  cherchons-nous  davantage  ?  Et  que 
peuvent  répondre  les  pélagiens  à  une  auto- 
rité si  précise,  à  moins  qu'ils  ne  veuillent 
opposer  une  ojiiniâtreté  inflexible  à  la  lu- 
mière de  la  vérité  ?  Se  trouvera-t-il  quelqu'un 
assez  hardi  pour  dire  que  ce  passage  ne  re- 
garde point  les  enfants,  et  qu'il  est  possible 
d'avoir  la  vie  sans  la  participation  de  ce 
corps  et  de  ce  sang?  »  Mais  plusieurs  habi- 
les théologiens  ont  justifié  saint  Augustin 
sur  ce  point,  entre  autres  ^  le  cardinal  Noris 
dans  un  ouvrage  fait  exprès  pour  la  défense 
de  ce  Père.  Il  y  fait  voir  qu'il  tirait  des  céré- 
monies du  baptême  un  ai'gument  contre  les 
pélagiens,  en  leur  prouvant  que  s'ils  préten- 
daient que  les  enfants  morts  sans  baptême 
étaient  exclus  du  royaume  du  ciel,  on  ne 
pouvait  supposer  que  ces  mêmes  enfants 
eussent  une  autre  sorte  de  vie  éternelle  sur 
la  terre,  puisque  Jésus-Christ  avait  déclaré 
que  si  on  ne  mangeait  sa  chair ,  et  si  on  ne 


ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  -771 

buvait  son  sang,  on  ne  pouvait  avoir  la  vie. 
Or  cela  peut  s'entendre  en  deux  manières  ; 
l'une,  en  ce  qu'on  ne  peut  participer  à  l'Eu- 
charistie sans  avoir  reçu  le  baptême,  qui 
donne  droit  à  la  recevoir.  L'autre  est  que 
parlant  du  baptême,  il  a  entendu  tout  ce  que 
l'Église  pratiquait  en  l'administrant,  et  il  est 
certain  qu'on  ne  baptisait  point  sans  donner 
aussitôt  la  communion  aux  nouveaux  bapti- 
sés. On  ne  divisait  pas  trois  sacrements  qui 
étaient  donnés  en  même  temps,  le  baptême, 
la  confirmation  et  l'Eucharistie ,  quoiqu'ils 
fussent  distingués  en  eux-mêmes  ;  en  sorte 
que  si,  par  quelque  accident  ou  dans  un  pé- 
ril pressant  de  mort,  on  ne  recevait  le  bap- 
tême que  comme  les  cliniques  qui  étaient 
baptisés  dans  lem'  lit,  et  étant  à  l'extrémité, 
on  suppléait  la  confirmation  dans  la  suite. 
C'est  donc  du  baptême  entier  et  complet  par 
la  réception  del'Eucharistie  que  saint  Augus- 
tin a  parlé.  Mais  ce  qui  doit  être  plus  remar- 
qué, c'est  que  cette  pratique  de  donner  la 
communion  aux  enfants  incontinent  après 
le  baptême,  fut  la  pratique  générale  de  toute 
l'Église  jusqu'au  ii.^  siècle,  et  longtemps 
après ,  comme  il  paraît  par  cette  loi  des  Ca- 
pitulaires,  citée  parRég•inon^  que  le  prêtre 
ou  le  curé  ait  toujours  l'Eucharistie  prête, 
afin  que  si  quelqu'un  est  malade,  ou  quel- 
que enfant,  aussitôt  il  le  communie,  de  peur 
qu'ils  ne  meurent  sans  communion.  La  mê- 
me discipline  se  trouve  marquée  dans  les 
chapitres  de  Gautier"^,  évêque  d'Orléans,  et 
dans  plusieurs  autres  anciens.  Mais  on  ne 
peut  guères  mieux  expliquer  le  sentiment 
de  saint  Augustin  que  par  les  paroles  de 
Théodulphe,  évêque  de  la  même  ville,  qui 
ayant  parlé  de  la  vie  éternelle,  dit  ensuite  '  : 
«  Nous  sommes  baptisés  et  nous  sommes 
nourris   de  sa  chair,  et  nous  buvons  son 


tes  discipulos,  quoi  fidèles  noverunt  pretium 
nostrum.  August.,  Epist.  -13,  num.  23,  pag.  99. 

*  Bominum  audiamus  non  quidem  hoc  de  sa- 
cramento  lavacri  dicentem,  sed  de  sacrainento 
sanctœ  mensœ  suœ  ,  quo  nemo  rite  nisi  baptiza- 
tus  accedit  :  Nisi  mandueaveritis  carnem,  et  bibe- 
ritis  sanguinem  meum,  non  babebitis  fitam  in 
vobis.  Quid  ultra  quœrimus  ?  Quid  ad  hœc  res- 
ponderi  potest,  nisi  pertinacia  pugnaces  nervos 
adversus  constantiam  perspicuœ  verilatis  inten- 
dat  ?  An  vero  quisquam  etiam  hoc  dicere  aude- 
bit,  quod  ad  parvulos  hœc  sententia  non  perti- 
neat,  possintque  sine  participatione  corporis  hujus 
et  sanguinis,  in  se  habere  vitam,  etc.  August., 
lib.  I  De  Feccat.  merit.  et  remiss,  cap.  xx,  num. 
26  et  27. 

2  Cardinalia  Norisius,  in  Yindiciis  Àugustinia- 


nis,  parag.  4,  pag.  1041  et  seq.,  tom.  1.  Edit.  Vero- 
nensis.  Voyez  M.  Renaudot  dans  la  Perpétuité  de 
la  Foi,  liv.  Il,  chap.  x,  tom.  V,  pag.  134  et  suiv. 

2  Vt  presbyter  semper  Eucharistiam  habeat 
paratam,  ut  quando  qtiis  infirmaverit,  aut  par- 
vulus  infirwus  fuerit ,  statim  eum  communicet, 
ne  sine  communione  moriatur.  Regino,  lib.  I  De 
Ecoles,  discipl.,  cap.  lxix. 

*  Walterius,  Aurelianensis  episcopus,  in  Capi- 
tulis,  cap.  VII,  pag.  639,  tom.  VIII,  Concil. 

^  Propter  hanc  vitam  adipiscendam  et  baptiza- 
mur,  et  ejus  carne  pascimur,  et  ejus  sanguine 
potamur  ;  quia  nequaquam  possumus  in  ejus  cor- 
pus transire,  nisi  his  sacramentis  imbuamur.  Sic 
enim  ipse  ait  •  Caro  mea  vere  est  cibus,  etc.  Theo- 
dulfus,  Aurelianensis,  lib.  De  Ordine  baptismi, 
cap.  xviii,  pag.  14,  tom.  XIV,  Bibl.  Pat. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


'772 

sang,  parce  que  nous  ne  pouvons  entrer 
dans  son  corps,  si  nous  ne  recevons  ces  sa- 
crements ;  car  il  dit  :  Ma  chair  est  vraiment 
viande,  etc.  »  Par  ce  passage  l'on  voit  que  se- 
lon Théodulphe,  il  est  nécessaire  pour  en- 
trer dans  l'Église,  qui  est  le  corps  de  Jésus- 
Christ,  d'être  baptisés  et  de  recevoir  son 
corps  et  son  sang  qui  nous  sont  donnés  dans 
l'Eucharistie.  Dans  le  temps  de  la  primitive 
Église  et  dans  les  dix  premiers  siècles  où  l'on 
n'administrait  le  baptême  qu'en  donnant 
aussitôt  la  communion  au  néophite,  c'était 
la  même  chose  que  si  l'on  eût  dit  que  l'Eu- 
charistie était  nécessaire  pour  la  vie  éter- 
nelle. Mais  cela  ne  signifiait  pas  que  celui 
qui  mourait  sans  avoir  participé  à  ce  sacre- 
ment ne  fût  pas  en  état  de  salut.  Le  diacre 
Ferrand  ne  laissa  pas  de  consulter  saint  Ful- 
gence  à  l'occasion  d'un  Éthiopien  qui,  ayant 
été  baptisé,  mourut  avant  que  de  recevoir 
l'Eucharistie.  Ce  Père  répondit'  qu'aucun 
fidèle  ne  doit  être  en  inquiétude  touchant 
ceux  qui  étant  baptisés  dans  leur  bon  sens, 
et  étant  ensuite  prévenus  de  la  mort  ne  peu- 
vent manger  la  chair  du  Seigneur,  ni  boire 
son  sang.  ((  Car  si  on  fait  réflexion,  dit-il, 
aux  mystères  de  la  vérité,  aussi  bien  qu'à 
la  vérité  du  mystère,  on  trouvera  que  cela  se 
fait  dans  la  régénération  même.  En  eflet, 
qu'est-ce  qui  se  fait  dans  le  sacrement  du 
saint  baptême ,  sinon  que  les  croyants  de- 
viennent membres  du  corps  de  Jésus-Christ, 
et  que  par  l'unité  ecclésiastique  ils  entrent 
dans  la  composition  de  ce  corps.  C'est  pour- 
quoi parce  que  nous  sommes  un  pain  et  un 


corps,  chacun  commence  alors  à  participer 
à  ce  pain  quand  il  commence  à  être  mem- 
bre de  ce  corps.  »  Le  pape  Innocent  I"  '  a 
cité  les  paroles  :  Si  vous  ne  mangez  ma 
chair,  etc.  dans  le  même  sens  que  saint  Au- 
gustin, pour  prouver  la  nécessité  du  baptê- 
me contre  les  pélagiens.  Mais  ni  l'un  ni  l'au- 
tre n'ont  jamais  cru,  et  on  n'a  jamais  en- 
seigné dans  l'Église  que  la  perception  réelle 
de  l'Eucharistie  fût  nécessaire  au  salut  ;  et 
quand  les  Pères  ont  dit  que  les  catéchumè- 
nes entraient  dans  le  corps  de  Jésus-Christ 
par  l'Eucharistie,  c'est  qu'on  administrait  en 
même  temps  ces  sacrements  par  une  action 
sacrée,  unique  et  non  interrompue.  On  était 
plus  occupé  alors  à  instruire  les  nouveaux 
chrétiens  de  leurs  devoirs,  et  des  dispositions 
qu'ils  devaient  apporter  à  ces  saintes  céré- 
monies, qu'à  former  des  questions  subtiles 
sur  l'effet  des  sacrements  ;  et  moins  encore 
à  résoudi'e  des  difficultés  qu'on  ne  pouvait 
prévoir,  et  qu'on  n'aurait  jamais  dû  faire. 
157.  Selon  saint  Augustin,  le  sacrement 
de  pénitence  est  distingué  du  baptême,  et 
c'est  par  lui  que  nous  sont  remis 'les  péchés 
commis  après  le  baptême.  «  Si  un  catéchu- 
mène *,  dit-il,  est  coupable  d'un  homicide, 
ce  péché  lui  sera  remis  par  le  baptême  ;  s'il 
est  baptisé,  il  lui  sera  remis  par  la  pénitence 
et  la  réconciliation.  Car  l'Église  de  Dieu  a  la 
puissance  de  remettre  *  tous  les  péchés,  et 
c'est  à  cet  effet  que  les  clefs  du  royaume 
des  cieux  lui  ont  été  données.  Ne  pas  croire 
qu'elle  ait  ce  pouvoir,  c'est  mépriser  une  si 
grande  grâce  *  et  un  si  grand  présent  de 


la  !■<• 


'  Nullus  autem  moveri  débet  fidelium  in  illis 
qui  etsi  légitime  sana  mente  haplisantur,  prceve- 
niente  velocius  morte,  carnem  Dominimanducare 
et  sanguine  m  bibere  non  sinuntur:  propter  illam 
videlicet  sententiam  Salvatoris  :  Nisi  manducave- 
ritis  carnem  Filii  hominis,  et  biberitis  ejussangui- 
nem,  non  babebitisvitam  in  vobts.  Quod  quisquis 
non  solum  secundum  veritatis  inysleria,  sed  se- 
cundum  mysterii  veritatem,  considerare  poterit, 
in  ipso  lavacro  sanctœ  regenerationis  hoc  fieri 
providebit.  Quid  eiiim  agilur  sacramenlo  sancto 
baptismatis,  nisi  ut  credentes  membra  Domini 
nostriJesu  Christi  fiant,  el  ad  conipagem  corporis 
ejus  ecclesiastica  unilate  perlineant?...  Quocirca 
quoniam  unus  panis  et  unum  corjms  muUi  sti^ 
mus,  tune  incipit  %inusqii,isque  particeps  esse  il- 
lius  unius  panis,  quando  cœperit  membrum^  esse 
illius  unius  corporis.  Falg..  Epist.  ad  Ferrandum, 
diaconum.  de  Baptismo  ylitliiopis,  cap.  xi,  pag.  m, 
tom.  IX  Bibl.  Pat. 

2  InDocentiiis,  I  Epist.  ad  Patres  Milevitani 
Concilii,  qui  inler  Augustinianas  est  182,  num.  5, 


pag.  640.  Vide  Notas  Patrum  Benedictinorum,  in 
lib.  I  De  Peccat.  merit.  et  rem.,  cap.  xx,  pag.  15. 

3  Peccala  quœ  maie  agendo  poslea  committun' 
tur,  possunt  et  pœnitendo  sanari  sicutetiam  post 
buptismum  fieri  videmus.  August.,  Enchirid., 
cap.  xLvi,  pag.  2U. 

^  Si  a  calechumeno  faclum  est  (homicidium) 
baptismate  abluitur  ;  et  si  a  baptizato,  pœniten- 
tia  et  reconciliatione  sanatur.  August.,  lib.  Il  De 
Adulter.  conjug.,  cap.  xvi,  num.  6,  pag.  414. 

''  Nec  eos  audiamus  qui  negant  Ecclesiam-  Dei 
omnia peccata  passe  dimittere. Itaque  miseri,  dum 
in  Petro  petram  non  intelligunt,  et  nolunt  cre- 
dere  datas  Ecclesiœ  claves  regni  cœlorum,  ipsi 
eas  de  manib%is  amiserunt.  August.,  lib.  DeAgone 
Christian.,  cap.  xxxi,  num.  33,  pag.  260,  tom.  VI. 

^  Qui  vero  in  Ecclesia  remilti  peccata  non  cre- 
dens,  contemnit  tantam  divini  muneris  largita- 
tem,  et  in  hac  obstinatione  mentis  diem  claudit 
extremum,  reus  est  illo  irreinissibili  peccata  in 
Spiritum  Sancliim,  in  quo  Christus  peccata  di- 
miltit.  August.,  Enchirid.,  cap.  Lxxxin,  pag.  228. 


[IV"  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


773 


Dieu  :  et  en  demeurant  opiniâtre  dans  cette 
erreur  jusqu'à  la  fin  de  ses  jours,  c'est  se 
rendre  coupable  du  péché  irrémissible  con- 
tre le  Saint-Esprit,  par  qui  Jésus-Christ  re- 
met les  péchés.  »  Saint  Augustin  dit  qu'il 
avait  fait  un  petit  traité  exprès  pour  expli- 
quer la  nature  de  ce  péché  ;  mais  comme  il 
n'en  dit  rien  dans  ses  Rétractations,  et  que 
Possidius  se  conlente  de  lui  attribuer  lin 
écrit  sur  le  blasphème  contre  le  Saint-Esprit, 
sans  marquer  si  c'est  un  livre  ou  un  sermon, 
on  croit  que  le  traité  dont  ils  parlent  l'un  et 
l'autre  n'est  autre  chose  que  le  soixante-on- 
zième sermon  '  sur  les  paroles  du  Seigneur, 
oii  il  traite  en  effet  du  péché  contre  le  Saint- 
Esprit,  et  où  après  avoir  montré  les  difficul- 
tés qui  se  rencontrent  dans  les  différentes 
explications  qu'on  en  peut  donner,  il  réduit 
son  sentiment'  au  mépris  de  la  pénitence, 
de  la  réconciliation  et  de  l'unité  de  l'Église, 
quand  il  dure  jusqu'à  la  mort. 

158.  Le  saint  Docteur  parle  souvent  de  la 
confession  qu'on  doit  faire  à  Dieu  :  «  Crai- 
gnez-vous, dit-U',  de  lui  confesser  vos  pé- 
chés et  qu'il  ne  vous  condamne  quand  vous 
les  lui  aurez  confessés  ?  Au  contraire  si  vous 
voulez  les  lui  cacher  en  ne  les  confessant 
pas,  vous  serez  condamnés  un  jour,  aussi- 
tôt que  vous  les  confesserez.  Vous  appré- 
hendez de  confesser  vos  péchés  à  Dieu,  vous 
qui  ne  pouvez  les  lui  cacher  quand  rùème 
vous  ne  les  confesseriez  pas.  Votre  silence 
orgueiUeux  vous  fera  condamner,  vous  qui 
pourriez  vous  délivrer  par  une  humble  con- 
fession. Soyez  dans  la  tristesse  '*  avant  que 
de  confesser  vos  offenses  ;  mais  lorsque  vous 
les  aurez  confessées,  soyez  ravis  de  joie, 
parce  que  vous  serez  guéris.  Votre  cons- 


cience ulcérée  s'était  remplie  comme  d'un 
pus  insupportable  ;  l'apostume  s'était  gros- 
sie ;  elle  vous  causait  de  grandes  douleurs  ; 
elle  troublait  votre  repos.  Le  divin  médecin 
se  sert  quelquefois  de  sa  parole  comme  d'un 
remède  doux  ;  mais  quelquefois  il  y  appli- 
que aussi  le  fer  :  il  se  sert  de  l'afEliction  com- 
me d'un  rasoir  tranchant  pour  ouvrir  le  mal 
qui  vous  presse.  Adorez  sa  main,  confessez 
humblement  vos  fautes ,  que  toute  la  pour- 
riture de  vos  ulcères  sorte  de  votre  cœur 
par  cette  confession.  Réjouissez-vous  alors, 
soyez  ravis  de  joie  :  ce  qui  reste  se  guérira. 
Mais  ce  n'est  pas  assez  de  se  confesser  à 
Dieu ,  il  faut  encore  se  confesser  à  ceux  qui 
ont  reçu  de  lui  le  pouvoir  de  lier  et  de  dé- 
lier. » 

Saint  Augustin  compare  le  pécheur  res- 
suscité par  la  pénitence  à  Lazare  soi'tant  du 
tombeau  et  délié  par  l'ordre  de  Jésus-Christ. 
«  Que  lui  aurait  servi  ^  dit-il,  d'être  sorti  du 
tombeau,  si  Jésus-Christ  n'eût  ordonné  de  le 
délier  et  de  le  laisser  aller?  C'est  le  Seigneur 
qui  l'a  tiré  du  sépulcre  par  sa  voix.  La  mê- 
me chose  arrive  dans  le  cœur  d'un  pénitent. 
Lorsque  vous  apprenez  qu'un  homme  fait 
pénitence  de  ses  péchés,  il  a  déjà  repris  une 
nouvelle  vie.  Lorsque  vous  apprenez  qu'il  a 
fait  connaître  l'état  de  sa  conscience  en  se 
confessant,  il  est  déjà  sorti  du  tombeau, 
mais  il  n'est  pas  encore  délié.  Quand  l'est- 
il?  Par  qui  l'est-il?  Écoutez  :  Ce  que  vous  au- 
rez délié  sur  la  terre ,  dit  Jésus-Christ ,  sera 
délié  dans  le  ciel.  C'est  donc  à  bon  droit  que 
l'Église  a  le  pouvoir  d'ôter  les  liens  du  pé- 
ché. Il  faut  néanmoins  que  ce  soit  la  voix  in- 
térieure du  Seigneur  qui  ressuscite  Je  mort. 
Celui  qui  se  confesse  ^  est  sorti  du  tombeau , 


»  August.,  Serm.  71,  pag.  384. 

^  Unum  ergo  suffugium  est,  ne  sit  irremissi- 
bilis  blasphemia,  ut  cor  pœnitens  caveatur,  nec 
aliter  pœnitentiaprodesse  credatur,  nisi  mC  tenea- 
tur  Ecclesia,  ubi  reniissio  peccatorum  datur,  et 
societas  spiritus  in  pacis  vinciilo  custoditur.  Au- 
gust., Serm.  71,  cap.  sxiv,  pag.  403  et  404. 

3  Confiteri  times  Deo,  ne  confessum  damneti  Si 
non  confessus  lates,  confessus damnaberis.  Times 
confiteri,  qui  non  confitendo  esse  non  potes  occul- 
lus  :  damnaberis  tacitus,  qui  passes  liberari  con- 
fessus. August.,  in  Psal.  lxvi,  num.  6,  pag.  660. 

*  Ergo  tristis  esta  antequam  confitearis,  confes- 
sus exsulta,  jam  sanaberis.  Conscienlia  tua  sa- 
viem  collegerat,  apostema  tumuerat,  cruciabat  te, 
requiescere  nonsinebat,  adhibet  medicus  fomenta 
verborum,  et  aliquando  secat.  adhibet  médicinale 
ferrum  in  correptione  tribulalionis  :  tu  agnosce 
wedici  manum ,  confitere,  exeatin  confessione  et 


defluat  omnis  santés  :  jam  exsulta,  jam  Icelare  ; 
quod  reliquum  est,  facile  sanabilur.  August.,  i6id. 
num.  7,  pag.  661. 

^  Quid  enim  prodesset  Lazaro,  quia processit  de 
Vionumento,  nisi  diceretur:  Solvite  eum,  et  sinite 
abire?  Ipse  quidem  voce  de  sepulcro  suscilavit , 
ipse  clamando  animam  reddidit...  fit  hoc  in  corde 
pœnitentis  :  cum  audis  hominem  pœnitere,  jaiit 
revixit  :  cum  audis  hominem  confitendo  proferre 
conscienliam ,  jam  de  sepulcro  eductus  est,  sed 
nondum  solutus  est.  Quando  solvitur  ?  et  a  qui- 
bus  solvitur?  Ouse  solveritis  ,  inquit ,  in  terra, 
erunl  soluta  et  in  cœlo.  Mérita  per  Ecclesiam  dari 
solutio  peccatorum-  potest  :  suscitari  aulem  ipse 
mortuus  non  nisi  intus  clamante  Domino  potest: 
hœc  enim  Beus  interius  agit.  August.,  Serin.  2  in 
Psal.  c:r,  num.  3,  pag.  H03. 

^  Qui  confite tur ,  processit.  Quare  processisse 
diximus  confitentem?  Quia  antequam  confitere- 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


774 

parce  qu'avant  sa  confession  il  était  caché. 
Mais  quand  il  se  confesse ,  il  passe  des  ténè- 
bres à  la  lumière  :  et  après  qu'il  se  sera  con- 
fessé, que  dira  Jésus-Christ  à  ses  ministres?  » 
Saint  Augustin  commente  ici  les  paroles  de 
Notre-Seignem'  à  propos  de  Lazare  :  Déliez-le 
et  laissez-le  aller  '  ;  et  il  ne  pouvait  mieux  mar- 
quer combien  les  pécheurs  reconnaissent 
que  le  ministère  des  prêtres  leur  est  néces- 
saire pour  les  réconcilier  avec  Dieu,  qu'en 
nous  représentant  ce  qui  se  passe  dans  une 
ville  en  danger  d'être  prise  par  les  ennemis 
et  lorsqu'il  n'y  a  plus  moyen  de  fuir  :  «  Alors, 
dit-il ,  un  grand  concours  de  tout  sexe  et  de 
tout  âge  s'assemble  dans  l'Église  :  les  uns 
demandent  le  baptême,  les  autres  la  récon- 
ciliation ,  et  d'autres  la  pénitence  :  s'il  ari-i- 
ve  que  les  ministres  de  l'Église  soient  ab- 
sents ,  quel  malheur  pour  ceux  qui  sortent 
de  la  vie  sans  être  régénérés,  ou  étant  liés! 
Car  c'est  par  la  puissance  des  clefs  que  les 
péchés  mortels^  sont  remis.  Faites  donc  pé- 
nitence^ comme  on  la  fait  dans  l'Église,  afin 
que  l'Église  prie  pour  vous.  Que  personne 
ne  dise  :  Je  fais  pénitence  en  secret  aux  yeux 
de  Dieu ,  c'est  assez  que  celui  qui  doit  m'ac- 
corder  le  pardon  connaisse  la  pénitence  que 
je  fais  au  fond  de  mon  cœur.  S'il  en  était 
ainsi,  ce  serait  sans  raison  que  Jésus-Christ 
aurait  dit  :  Ce  que  vous  délierez  sur  la  terre  , 
sera  délié  dans  le  ciel  ;  et  qu'il  aurait  confié 
les  clefs  à  son  Église.  » 


139.  «Un  véritable  pénitent,  dit  saint  Au- 
gustin, ne  laisse  point  ^  impuni  dans  lui- 
même  le  mal  qu'il  a  fait ,  et  moins  il  s'ac- 
corde de  pardon,  plus  il  a  lieu  d'en  espérer 
de  celui  dont  aucun  de  ceux  qui  le  méprisent 
ne  peut  éviter  les  Justes  et  terribles  ju- 
gements. Ce  n'est  pas  assez  de  corriger  ses 
moeurs'^,  ni  de  ne  plus  commettre  de  mau- 
vaises actions,  il  faut  encore  satisfaire  à 
Dieu  pour  nos  péchés  passés,  par  la  douleur 
de  la  pénitence,  par  les  gémissements  de 
l'humilité ,  par  le  sacrifice  d'un  cœur  con- 
trit, et  par  le  mérite  des  aumônes  dont  nous 
devons  accompagner  tous  les  exercices  de 
la  pénitence,  puisqu'il  est  écrit  :  Bienheu- 
reux sont  les  misér-icordieux ,  parce  que  Dieu 
leur  fera  miséricorde.  Il  ne  nous  est  pas  seu- 
lement ordonné  de  nous  abstenir  du  péché  , 
mais  aussi  de  prier  le  Seigneur  de  nous  par- 
donner nos  fautes  passées.  Saint  Pierre  était 
déjà  fidèle,  et  en  avait  baptisé  d'autres  en 
Jésus-Cln-ist  :  toutefois  il  fut  repris  par  le 
Sauveur ,  et  blessé  dans  sa  crainte ,  et  guéri 
dans  ses  larmes.  Je  crains,  dit  l'Apôtre  aux 
Corinthiens ,  que  Dieu  ne  m'humihe ,  lors- 
que je  vous  reviendi'ai  voir ,  en  m'obligeant 
de  pleurer  plusieurs  personnes  qui  sont  dans 
le  vice  depuis  longtemps ,  et  qui  n'en  ont 
point  fait  pénitence.  Nous  avons  donc  de  tout 
côté  et  des  préceptes  qui  nous  ordonnent  de 
bien  vivre ,  et  les  exemples ,  non-seulement 
de  ceux  qui  vivent  bien,  mais  encore  de 


Sar  la  sa* 


tur,  occultus  erat  :  cum  autem  confitetur,  procedit 
de  tenebris  ad  lucem.  Et  cum  confessus  fuerit, 
quid  dicitur  ministris  ?  Quod  dictitm  est  ad  fu- 
nus  Lazari  :  Solvite  illum,  et  sinite  abire.  Oito- 
modo  ?  Dictum  est  ministris  apostolis  :  Quœ  solve- 
ritis  in  terra,  soluta  erunt  et  in  cœlo.  August., 
Tract.  22  in  Joan,  num.  7,  pag.  468. 

»  August.,  Episl.  228,  num.  8,  pag.  833. 

2  Sunt  quœdam  {peccataj  gràvia  et  mortifera, 
quœ  nisi  per  vehementissimam  molestiam  hiimi- 
lialionis  cordis  et  contritionis  spiritus  et  tribu- 
lationis  pœnitentiœ  non  relaxantur.  Hœc  dimil- 
tuntur  per  claves  Ecclesiœ.  August. ,  Serm.  278, 
cap.  XH,  pag.  1127. 

9  Quipost  uxores  vestras  vos  illicito  concubitu 
maculastis,  si  prœter  uxores  vestras  cum  aliqua 
concubuistis,  agite  pœmtentiam,  qualis  agitur  in 
Ecclesia,  ut  oret  pro  vobis  Ecclesia.  Nemo  sibi 
dicat:  Occulte  ago,  apud  Deum  ago  :  novit  Deus 
qui  mihi  ignoscat ,  qiiia'in  corde  meo  ago.  Ergo 
sine  caxisa  dictum  est  :  Ouœ  solveritis  in  terra,  so- 
luta erunt  et  in  cœlo  1  Ergo  sine  causa  sunt  claves 
datœ  Ecclesiœ  Dei?  August.,  Serm.  392,  num.  3, 
pag.  1304. 

'  Nihilaliud  agit,  quem  veraciter  pœnitet,  nisi 
ut  id  quod  mali  fecerit  impunitum  esse  non  sinat. 


Eo  quippe  modo  sibi  non  parcenti  ille  pareil,  eu- 
jus  altum  justumqtiejudicium  nullus  contempior 
evadit.  August.,  Epist.  153,  num.  6,  pag.  326. 

^  Non  enim  sufflcit  mores  in  melius  commutare 
et  a  factis  malis  recedere,  nisi  eliam  de  his  quœ 
facta  sunt  satisfiat  Deo  per  pœnitentiœ  dolorem, 
per  humilitaiis  gemitum,  per  contriti  cordis  sa- 
crificium  cooperantibus  eleemosynis.  Beati  enim 
miséricordes,  quoniam  ipsorum  miserebitur  Deus. 
Non  enim  dictum  est  ut  tantum  abstineamus  a 
peccatis;  sed  :  Et  de  prîeteritis,  inquit,  deprecare 
Dominum,  ut  tibi  dimittantur.  Et  Peints  jam  erat 
(idelis  jam  in  Christo  et  alios  baptizaverat.  In- 
tuereergo  Petrum  prœsumentem,  accusatum,  ti- 
menlem  vulneratum,  flentem  sanatum.  Jam  etiam 
post  advenlum  de  cœlo  Spiritus  Sancti,  quidam 
Simon  pecunia  voluit  eumdem  Spiritum  Sanctu>m 
emere.  Sceleratissimuin  et  impium  mercimonium 
cogitons,  jam  baptizatus  in  Christo,  et  tamen  pœ- 
nitentiœ consilium  ab  ipso  Petro  correptus  acce- 
pil.  Dicit  etiam'  aposlolus  Paulus,  gui  utiqne  jide- 
libus  mitt'ebat  Epistolas  :  Ne  itcvum  cum  venero 
ad  vos,  humiliet  me  Deus,  et  Uigeam  multos  ex 
bis  qui  aute  pecc-averunt,  et  non  egerunt  pœniten- 
tiam  super  immunditia  et  luxuria,  et  fornicatioue 
quam  gesserunt.  Circumstant  ergo  nos  et  prœcepta 


[IV'  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


77S 


ceux  qui  font  pénitence  pour  recouvrer  le 
salut  qu'ils  avaient  perdu  par  leurs  péchés. 
Le  Sauveur,  en  parlant  des  œuvres  de  justi- 
ce ,  les'  réduit  à  trois,  le  jeûne  ,  l'aumône  , 
la  prière.  Dans  le  jeûne  il  a  voulu  compren- 
dre tout  ce  qui  châtie  et  mortifie  notre  chair  ; 
dans  les  aumônes ,  toute  la  bienveillance 
qu'on  peut  témoigner  envers  le  prochain,  en 
lui  donnant  ou  en  lui  pardonnant  ;  et  dans 
la  prière  toutes  les  règles  des  saints  désirs. 
C'est  en  vain'  que  ceux  qui  mènent  une  vie 
toute  criminelle,  sans  se  mettre  en  peine  de 
se  coi'riger,  et  qui,  parmi  leurs  crimes  et 
leurs  désordres,  font  souvent  des  aumônes, 
se  flattent  sur  ce  que  Notre-Seigneur  a  dit  : 
Donnez  l'aumône  et  toutes  choses  vous  seront  pu- 
res, n  faut  donc  bien'  prendre  garde  que 
pour  ce  qui  est  des  grands  péchés  qui ,  se- 
lon l'Apôtre ,  font  perdre  le  royaume  de 
Dieu ,  il  n'y  ait  autre  chose  à  faire  qu'à  les 
commettre  tous  les  jours,  et  à  les  racheter 
tous  les  jours.  Nous  devons  changer  de  vie  , 
et  nous  servir  de  l'aumône  pour  apaiser  Dieu 
afin  qu'il  noas  pardonne  nos  péchés  passés, 
et  non  pas  pour  acheter  de  lui  en  quelque 
sorte  la  licence  de  les  commettre  toujours 
impunément.  Car  il  n'accorde  à  personne  la 
liberté  de  pécher,  encore  qu'il  efface  par  sa 
miséricorde  les  péchés  qu'on  a  déjà  commis, 
pourvu  qu'on  ne  néglige  pas  de  lui  en  faire 
une  satisfaction  proportionnée.  Quant  aux 
fautes  légères  et  passagères  que  l'on  com- 
met tous  les  jours,  et  dont  on  n'est  point 
exempt  en  cette  vie,  la  prière,  que  les  fidèles 
récitent  chaque  jour,  peut  servir  de  satis- 
faction. » 

160.  D'après  saint  Augustin,  «  il  y  a  trois 
sortes  de  pénitence  *  dans  l'usage  ordinaire 


de  l'Église.  La  première  est  comme  le  tra- 
vail qui  précède  l'enfantement  de  l'homme 
nouveau  jusqu'à  ce  que  tous  les  péchés  pas- 
sés soient  lavés  par  les  eaux  salutaires  du 
baptême,  afin  que  l'enfant  étant  né,  les  dou- 
leurs qui  pressaient  les  entrailles  de  la  mère, 
finissent ,  et  que  la  tristesse  soit  suivie  de  la 
joie.  Car  tous  ceux  qui,  étant  en  âge  de  rai- 
son, se  présentent  aux  sacrements  des  fidè- 
les, ne  peuvent  entrer  dans  la  nouvelle  vie, 
s'ils  ne  se  repentent  de  celle  qu'ils  ont  menée 
dans  le  vieil  homme.  Il  n'y  a  que  les  en- 
fants qui  soient  exempts  de  cette  péni- 
tence lorsqu'ils  reçoivent  le  baptême.  Néan- 
moins la  foi  de  ceux  qui  les  présentent  au 
baptême  leur  sert  pour  les  sanctifier  et 
pour  leur  obtenir  la  rémission  du  péché  ori- 
ginel ;  afin  que,  comme  ils  n'ont  reçu  toutes 
les  taches  des  péchés  qu'ils  peuvent  avoir 
que  par  autrui ,  c'est-à-dire  par  ceux  dont 
ils  sont  nés  selon  la  chair,  ils  en  soient  aussi 
purifiés  par  autrui,  c'est-à-dire  par  ceux  qui 
sont  interrogés  et  qui  répondent  pour  eux 
dans  cette  action.  Car  c'est  avec  grande  vé- 
rité que  le  Psalmiste  dit  en  pleurant  :  i'ai  été 
conçu  dans  l'iniquité,  et  ma  mèi'e  m'a  enfanté 
dans  les  péchés.  Il  se  trouve  aussi  écrit  qu'il 
n'y  a  personne  qui  soit  pur  aux  yeux  de  Dieu, 
pas  même  l'enfanl  qui  est  né  sur  la  terre  de- 
puis un  jour.  Que  si  l'on  excepte  ces  enfants 
(dont  il  ne  faut  pas  se  mettre  en  peine  da- 
vantage pour  savoir  quel  est  leur  rang  et 
leur  mérite  dans  la  vie  bienheureuse  de  l'au- 
tre monde  qui  est  promise  aux  saints;  quoi- 
que la  piété  nous  oblige  de  croire  que  ce 
qui  se  fait  pour  eux  dans  toute  la  terre  par 
l'autorité  inviolable  de  l'Église,  leur  sert 
pour  être  sauvés) ,  il  est  certain  que  nul  des 


recte  faciendi  et  exempta  non  tanttim  recte  fa- 
cientium,  sed  etiam  pœnilentium,  ad  recipiendam 
sahUem,  quœ  fuerat  amissa  peccando.  August., 
Serm.  3S1,  uum.  12,  pag.  1362. 

1  Unde  Vominus  in  Evangelio,  cnm  dixisset  : 
Nolitere  facere  justitiam  vestram  coram  hominibus, 
ut  videamini  ab  eis,  ne  istum  nostrwm  cursum 
fine  humanœ  gloriœ  metiremiir  non  est  m  expo- 
sitione  justiliœ  ipsnis  exseciUus,  nisi  tria  ista, 
jejunium ,  eleemosynas,  orationes;  jejunio  scili- 
cet  wniversam  corporis  castigationem  significans  : 
eleemosynis  omnem  benevolentiam  et  beneficen- 
tiam  vel  dandi,  vel  ignoscendi  :  et  oratione  insi- 
mians  omnes  régulas  sancti  desiderii.  August., 
lib.  De  Perfectione  justitiœ,  cap.  vin ,  num.  18  , 
pag.  274. 

5  Sane  qui  sceleratissime  vivtmt ,  nec  curant 
talem  viiam  moresque  corrigere  et  inter  ipsa  fa- 
çinora  et  flagilia  sua  eleemosynas  frequentare 


non  cessant,  frustra  ideo  sibi  blandiuntur  quo- 
niam  Dominus  ait:  Date  eleemosynam,  et  eoce  om- 
niamundasuntvobis.  Angast.,  Enchirid.,  cap.  lxxv, 
num.  20,  pag.  224. 

2  Sane  cavendum  est  ne  quisquam  existimet  in- 
fanda  illa  crimina,  qualia  qui  agunt,  regnum, 
Dei  non  possidebunt,  quotidie  perpetranda,  et 
eleemosynis  quotidie  redimenda.  In  melius  quippe 
est  vita  muianda  et  per  eleemosynas  de  peccatis 
prœieritis  est  propitiandus  Deus  ;  non  ad  hoc 
emendus  quodammodo  ut  ea  semper  liceat  impune 
committere.  Nemini  enim,  dédit  laxamentum  pec- 
candi  ;  quanivis  miserando  deleat  jam  facta  pec- 
cata,  si  non  satisfactio  congrua  negligatur.  De 
quotidianis  autem  brevibus  levibusque  peccatis, 
sine  quibus  hœc  vita  non  ducitur,  quotidiana  fi- 
delixvm  oralio  satisfacit.  August.,  Enchirid.,  cap. 
Lxx  et  Lxxi,  num.  19,  pag.  223. 

*  August.,  Serm.  351,  num,  2,  pag.  1351  et  1353, 


776 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


autres  hommes  ne  se  convertit  à  Jésus-Christ 
pour  être  ce  qu'il  n'était  pas,  s'il  ne  se  repent 
d'avoir  été  ce  qu'il  était  auparavant.  Cette 
première  pénitence  fut  ordonnée  aux  Juifs, 
lorsque  saint  Pierre  leur  dit  :  Faites  péni- 
tenve  et  recevez  le  baptême  au  nom  de  No- 
tre-Seigneur  Jésus-Christ  ;  c'est  celle-là  que 
le  Sauveur  recommandait  en  disant  :  Faites 
pénitence ,  car  le  royaume  des  deux  approche. 
C'est  encore  cette  pénitence  dont  saint  Jean 
pai'lait  aux  Juifs  en  ces  termes  :  Rcœe  de  vipè- 
res, qui  vous  a  porté  à  fuir  de  devant  la  colère 
qui  doit  arriver?  faites  donc  des  fruits  dignes 
de  pénitence.  » 

n  La  seconde  pénitence  '  est  celle  que  nous 
devons  faire  durant  toute  cette  vie  ,  en  nous 
humiliant  continuellement  devant  Dieu  pour 
implorer  sa  miséricorde  ;  personne,  quoique 
justifié  et  purifié  de  ses  péchés  par  le  bap- 
tême, ne  devant  s'élever  comme  s'il  jouis- 
sait déjà  d'une  entière  assurance  ,  sous  pré- 
texte qu'il  ne  commet  point  de  péché  qui  le 
rende  digne  d'être  séparé  de  la  communion 
de  l'autel.  Chacun  doit  au  contraire  consei- 
ver  l'humilité  qui  est  presque  la  seule  l'ègie 
de  toute  la  vie  chrétienne.  » 


«  La  troisième  sorte  de  pénitence  est  ' 
celle  que  l'on  doit  faire  pour  les  péchés  qui 
sont  contre  le  Décalogue ,  et  dont  l'Apôtre 
dit  que  ceux  qui  les  commettent  ne  possé- 
deront point  le  royaume  de  Dieu.  Dans  cette 
pénitence,  chacun  doit  se  traiter  avec  beau- 
coup plus  de  sévérité  ,  afin  que  s'étant  con- 
damné soi-même,  il  ne  le  soit  point  par  Dieu, 
selon  ce  que  dit  le  même  Apôti-e  :  Si  nous 
nous  jugions  nous-mêmes,  nous  ne  serions  point 
jugés  par  le  Seigneur.  Si  donc  l'homme  craint 
ce  que  dit  l'Écriture,  que  nous  devons  tous 
comparaître  devant  le  tribunal  de  Jésus-Christ, 
afin  que  chacun  reçoive  ce  qu'il  a  fait  étant  en 
ce  monde,  soit  bien,  soit  mal ,  qu'il  monte  com- 
me sur  le  tribunal  de  sa  conscience  pour 
agir  contre  soi-même,  de  peur  que  cela  ne 
lui  arrive  en  une  autre  manière  :  puisque 
Dieu  menace  le  pécheur  en  lui  disant  :  Je 
t'accuserai  et  je  te  représenterai  devant  ta  face. 
Ce  jugement  étant  ainsi  ordonné  dans  le 
cœur  de  l'homme,  il  faut  que  la  pensée  tien- 
ne lieu  d'accusateur ,  la  conscience  de  té- 
moin ,  et  la  crainte  de  bourreau.  Après  quoi 
les  larmes  doivent  faire  voir  comme  une  es- 
pèce de  sang  coulant  de  l'âme  qui  se  con- 


'  August,  Serm.  351,  num.  3,  pag.  1352  et  mim.  4, 
pag.  lo3b. 

2  Tertia  actio  est  pœnitentiœ,  quœ  pro  illis  peo- 
catis  siùbeunda  est,  quœ  legis  Decalogus  continet, 
et  de  quibus  Apostolus  ait  :  Quoniam  qui  talia 
agunt,  reguum  Dei  non  possidebunt.  In  hac  ergo 
pœnitenlia,  majorem  quisque  in  se  severitatem 
débet  exercere,  ut  a  seipso  judicatus  non  judice- 
tur  a  Domino,  sicui  idem  Apostolus  ait  :  Si  euim 
nos  judicaremus,  a  Domino  non  judicaremur.  As- 
cendatitaque  homo  adversum  se  tribunal  mentis 
suce,  si  timet  illud,  quod  oportetuos  exhibere  ante 
trillunal  Christ!,  ut  illic  recipiat  unusquisque  quod 
per  corpus  gessil,  sive  bonum,  sive  nialum.  Cons- 
tituât se  ante  faciem  suam  ne  hoc  et  postea  fiât  : 
nam  niinalur  hoc  Deus  peccatori,  dicens  :  Arguam 
te  et  statuam  te  ante  faciem  tuam.  Atque  ^ita  con- 
stiluto  in  corde  judicio ,  adsit  accusatrix  cogi- 
talio ,  lestis  conscientia,  curnifex  timor.  Inde 
quidam  sanguis  animi  confitentis  per  lacrymas 
profluat.  l'ostremo  ab  ipsa  mente  talis  sententia 
proferatur,  wt  se  indignum  homo  judicet  partici- 
patione  corporis  et  sanguinis  Domini  ,  ut  qui 
separari  a  regno  cœlorum  timet  per  ultimam  sen- 
tentiam  summi  Judkis,  per  ecclesiasticam  disci- 
plinam  a  sacramento  cœlestis  panis  intérim  sepa- 
retur.  Versatur  ante  oculos  imago  futuri  judieli , 
ut  cum  alii  accedunt  ad  altare  Dei  quo  ipse  non 
accedit,  cogitet  quam  sit  contrentiscenda  Ma  pœ- 
na,  qua  percipientibus  aliis  vitam  œternam,  alii 
in  mortem  prœcipilanl'ur  aternam.  Ad  hoc  enim 
altare  quod  nunc in Ecclesia  est  in  terra positiun, 
terrenis  oculis  expositum,  ad  mysteriorum  divi- 


norum  signacula  celebranda,  multi  etictm  scele- 
ratipossunt  accedere,  quoniam  Deus  conimendat 
in  hoc  tempore  patientiam  suam,  ut  in  futuro 
exserat  severitatem  suam-  Accedunt  enim  igno- 
rantes quoniam  patienti a  Dei  ad  pœnitentiam  eos 
adducit.  Illi  autem  secundum  duritiam  cordis  sui 
et  cor  impœniteus,  thesaurizant  sibi  iram  in  die 
irae  et  revelatiouis  justi  judicii  Dei,  qui  reddet  uni- 
cuique  seouadum  opéra  sua.  Ad  illud  autem  altare 
quo  prœcursor  pro  nobis  introivit  Jésus,  quo  ca- 
put Ecclesiœ prœcessit  membris  cœteris  secuturis, 
nullus  eorum  accedere  poterit,  de  quibus,  ut  jam 
commemoravi,  dixit  Apostolus  :  Quoniam  qui  talia 
agunt,  regiium  Dei  non  possidebunt.  Solus  enim 
sacerdos,  sed  plane  ibi  totus  assistet,  adjuncto 
scilicet  corpore  oui  caput  est,  quod  jam  ascendit 
in  cœlmn.  Ipse  est  cui  dixit  apostolus  Petrus  : 
Plebs  saneta,  regale  saeerdotium.  Quomodo  ergo  in 
interiora  veii,  et  in  illa  invisibilia  Saneta  sanc- 
torum  intrare  audebit  aut  poterit  qui  medicinam 
cœlestis  discipiinœ  contemnens  noluit  paulisper  a 
visibilibus  separari?  Qui  enim  noluit  humiliari, 
ut  exaltaretur,  cum  exaltari  voluerit,  dejicietur, 
et  in  œternum  subjungetur  ab  œternis  sanctis, 
quisquis  hoc  tempore  per  mei-ita  obcdientiœ  et  per 
sanctificationem  pœnitentiœ  non  sibi  providit  lo- 
cum  in  corpore  sacerdotis.  Qua  enim  fronte  im- 
pudentiœ  tune  volet  averti  faciem  Dei  a  peccatis 
suis,  quinunc  toto  corde  non  dicit  :  Quoniam  fa- 
ciuus  meum  ego  agnosco,  et  peccatum  meum  ante 
me  est  semper?  Quo  pacto,  quœso,  Deus  dignatur 
ignoscere,  quod  in  se  ipse  homo  dedignatur  agnos- 
cere  ?  August.,  Serm.  351,  cap.  iv,  num.  7,  pag.  1337. 


[iv«  ET  V  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 

fesse  coupable.  II  faut  enfin  gue  l'esprit  pro- 
nonce une  sentence  par  laquelle  l'homme  se 
juge  lui-même  indigne  de  participer  au  corps 
et  au  sang  de  Jésus -Christ;  et  que  celui  qui 
craint  d'être  séparé  du  royaume  des  cieux 
par  le  dernier  arrêt  du  souverain  juge  ,  soit 
cependant  séparé  du  sacrement  du  pain  cé- 
leste par  la  disciphne  de  l'Église.  Qu'il  se 
représente  devant  les  yeux  l'image  du  der- 
nier jugement,  afin  que  voyant  les  autres 
qui  s'approchent  de  l'autel  de  Bien  dont  il 
n'ose  approcher ,  il  considère  avec  quelle 
frayeur  on  doit  appréhender  le  malheur  d'ê- 
tre précipité  dans  la  mort  éternelle,  lorsque 
les  autres  entreront  dans  la  vie  éternelle. 
Car  il  y  a  plusieurs  méchants  qui  peuvent 
se  présenter  à  l'autel  qui  est  maintenant 
établi  dans  l'Éghse  sur  la  terre,  et  exposé 
aux  yeux  des  hommes  terrestres  pour  célé- 
brer les  sacrements  des  mj'stères  divins , 
Dieu  voulant  faire  éclater  sa  patience  en  ce 
monde,  pour  exercer  dans  l'autre  la  rigueur 
de  sa  justice.  Ils  s'en  approchent  sans  con- 
sidérer que  la  patience  de  Dieu  les  attire  à 
la  pénitence  ;  et  par  la  dureté  de  leur  cœur 
et  leur  impénitence  ils  se  préparent  un  tré- 
sor de  colère  pour  le  jour  de  la  vengeance. 
Quant  à  cet  autel  où  Jésus-Christ  est  monté 
pour  nous  en  ouvrir  l'entrée,  nul  de  ceux 
dont  parle  l'Apôtre  n'en  saurait  approcher  , 
puisqu'il  dit  que  ceux  qui  font  ces  choses  ne 
posséderont  point  le  royaume  de  Dieu.  Il 
n'y  a  que  le  seul  prêtre  qui  assiste  à  cet  au- 
tel :  mais  il  y  est  tout  entier ,  c'est-à-dire 
avec  le  corps  dont  il  est  le  chef,  qui  est  déjà 
monté  au  ciel.  C'est  lui-même  que  l'apôtre 
saint  Pierre  a  appelé  le  peuple  saint.  Je  prê- 
tre royal.  Gomment  donc  celui  qui ,  méprisant 


777 


la  discipline  de  l'Eglise,  n'a  pas  voulu  être 
séparé  pour  un  peu  de  temps  du  Saint  des 
saints  visible,  osera-t-il,  ou  pourra-t-il  en- 
trer dans  le  Saint  des  saints  invisible  ?  Car 
celui  qui  n'aura  pas  voulu  être  humilié  pour 
être  élevé,  sera  renversé  quand  il  voudra 
s'élever.  Et  celui  qui,  durant  le  temps  de 
cette  vie,  n'aura  pas  eu  soin  de  se  procurer 
un  lieu  dans  le  corps  de  ce  grand  prêtre,  par 
ces  mérites  de  l'obéissance  qu'il  doit  à  l'E- 
glise ,  et  par  la  satisfaction  de  la  pénitence  , 
sera  séparé  pour  jamais  des  mystères  éter- 
nels. En  effet,  avec  quel  front  osera-t-il  pré- 
tendre alors  que  Dieu  détourne  sa  face  de 
ses  péchés,  puisqu'il  ne  dit  pas  maintenant 
de  tout  son  cœur  :  Je  reconnais  mon  crime , 
et  mon  péché  est  toujours  devant  mes  yeux,  n 
Cette  troisième  espèce  de  pénitence  '  con- 
sistait principalement  dans  la  séparation  de 
l'Eucharistie. 

161.  Les  crimes  les  plus  énormes  comme 
l'idolâtrie  ' ,  l'adultère  et  l'homicide  étaient 
soumis  à  la  pénitence  publique.  Mais  il  ne 
paraît  pas  que  l'on  y  ait  soumis  toute  sorte 
de  péchés  mortels,  du  moins  du  temps  de 
saint  Augustin.  Car  il  divise  les  péchés  en 
trois  classes  ',  et  dit  que  les  uns  sont  si  grands 
qu'ils  méritent  l'excommunication,  et  se  doi- 
vent guérir  par  l'humilité  de  cette  même  pé- 
nitence que  l'Église  impose  à  ceux  qui  sont 
proprement  appelés  pénitents  ;  que  les  au- 
tres n'ont  pas  besoin  de  cette  sévérité ,  mais 
qu'ils  se  guérissent  par  les  remèdes  de  la 
correction  fraternelle  prescrite  dans  l'Évan- 
gile ;  que  ces  derniers  sont  ceux  sans  les- 
quels cette  vie  ne  se  passe  point ,  et  dont  le 
Seigneur  a  institué  le  remède  dans  la  prière 
où  il  nous  enseigne  de  lui  dire  :  Pardonnez- 


s  i  la  ?êni- 
im      [ultll 


•  Restât  pœnitentiœ  terlium  genus,  unde  ali- 
quid  breviter  dicam...  Est  pœnitenlia  gravior  at- 
que  luctuosior,  in  qua  proprie  vocantur  in  Ec- 
clesia  pœnitenles,  remoti  etiam  a  Sacramento 
altaris  participandi,  ne  accipi^'ndo  indigne  judi- 
cium  sibi  manducent  et  bibant.  Illa  ergo  pœniten- 
tia  luctuosa  est.  Grave  vulntis  est,  adulterium 
forte  commissiim  est,  forte  homicidium,  forte  ali- 
quod  sacrilegium  ;  gravis  res,  grave  vulnus, 
lethale,  mortiferiim.  August.,  Serm.  351,  cap.  m, 
mitn.  8,  pag.  1370. 

'  Qui  avtem  opinantur  cœtera  eleemosynis  facile 
compensare,  Iriatamen  mortifera  esse  non  dubi- 
tant  et  excommunicationibus  pxmienda,  donec 
pœnitentia  humiliore  sanentur,  impudicitiam  ido- 
latriam,  homicidium.  Augu?f.,  lib.  De  Fide  et 
oper.,  cap.  xix,  nmii.  34,  pag.  184. 

'  Sed  nisi  essent  quœdam  ita  gravia,  ut  etiam 
excommunicatione  plectenda   sint,   non   diceret 


Aposlolus  :  Congregatis  Tobis  et  meo  spiritu  tra- 
dere  ejusinodi  satanse  in  interitum  carnis,  ut  spi- 
ritus  salvus  sit  iu  die  Domiui  Jesu.  Unde  etiam  di- 
cit:  Ne  liigeam  multos  qui  ante  peccaverunt,  et 
non  egerunt  pœnitentiam  super  immunditiam  et 
fornicationem  quam  gesserunt.  Item  nisi  essent 
quœdam  non  ea  humilitale  pœnitentiœ  sananda, 
qualis  in  Ecclesia  datur  eis  qui  proprie  pœnitentes 
vocantur,  sed  quibusdam  correptionum  medica- 
mentis,  non  diceret  ipse  Dominus  :  Corripe  eum 
inter  te  et  ipsum  solum  :  et  si  te  audierit,  lucra- 
tus  es  fratrem  tuum.  Postremo  nisi  essent  quœ- 
dam sine  quibus  hœc  vita  non  agitur,  non  quoti- 
dianam  medelam  poneret  in  oratione  quam  do- 
cuit,  ut  dicamus  :  Dimitte  nobis  débita  nostra, 
sicut  et  nos  dimittimus  debitoribus  nostris.  Au- 
gust. lib.  De  Fide  et  oper.,  cap.  xxvi,  num.  48, 
pag.  191. 


778 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Galat.  ir,  tl. 


nous  nos  offenses,  etc.  Ce  Père  se  plaint  '  que 
plusieurs  crimes  s'étaient  tournés  en  cou- 
tume publique,  et  que  les  évêques  n'osaient 
pas  excommunier  un  laïque ,  ou  dégrader 
uu  ecclésiastique  qui  les  avait  commis.  «  En 
sorte,  dit-il,  qu'interprétant,  il  y  a  quelques 
années,  l'endroit  de  l'Épître  aux  Galates  où 
l'Apôtre  dit  :  J'ai  peur  que  je  n'aie  travaillé 
en  vain  parmi  vous,  je  fus  obligé  de  m'écrier  : 
Malheur  à  cause  des  péchés  des  hommes  ! 
Nous  n'avons  en  horrem-  que  ceux  qui  sont 
extraordinaires.  Quant  à  ceux  qui  sont  ordi- 
naires et  communs,  pour  l'expiation  desquels 
le  sang  du  Fils  de  Dieu  a  été  répandu,  quoi- 
qu'ils soient  si  grands  qu'ils  ferment  le 
royaume  du  ciel  à  ceux  qui  les  commettent, 
néanmoins,  à  force  de  les  voir,  nous  sommes 
contraints  de  les  tolérer,  et,  en  les  tolérant, 
d'en  commettre  quelques-uns.  »  Ces  grands 
péchés  qui  excluent  du  royaume  des  cieux 
ceux  qui  les  commettent,  n'étaient  donc  point 
tous  soumis  à  la  pénitence  publique ,  puis- 
que, selon  saint  Augustin,  on  était  même 
contraint  d'en  tolérer  quelques-uns.  Il  faut 
dire  la  même  chose  du  vol.  (c  Tous  ceux , 
dit  ce  Père,  qui  ont  ^  pris  le  bien  d'autrui, 
ef  qui  sont  en  pouvoir  de  le  rendre  ,  ne  le 
font  pas.  Lorsque  nous  le  savons ,  nous  les 
reprenons,  nous  les  menaçons,  nous  les  dé- 
testons ,  les  uns  en  particulier,  les  autres  en 
public  selon  la  différence  des  personnes  ;  et 
nous  proportionnons  les  remèdes  à  ce  que 
chacun  paraît  capable  de  porter ,  évitant 
d'en  appliquer  qui  puissent  jeter  les  pé- 
cheurs dans  de  plus  grands  excès  et  de  plus 


dangereuses  conséquences  pour  eux-mêmes 
et  pour  les  autres.  Nous  les  séparons  même 
quelquefois  de  la  communion  du  saint  autel, 
à  moins  que  nous  n'en  soyons  empêchés  par 
quelque  chose  de  pire.  » 

La  pénitence  '  publique  était  imposée  pour 
tous  les  péchés  publics  et  scandaleux,  et  ce- 
lui qui  en  était  coupable  devait  les  expier , 
non-seulement  en  présence  de  plusieurs, 
mais  même  de  tout  le  peuple,  au  cas  que 
l'évêque  le  jugeât  à  propos  pour  le  bien  de 
l'Église.  Dans  ce  cas,  le  pénitent  ne  devait 
point  résister  avec  opiniâtreté  à  son  évêque, 
de  peur  que  sa  plaie,  qui  était  déjà  mortelle, 
ne  s'enflammât  et  ne  s'envenimât  davantage 
par  la  honte.  Il  devait,  au  contraire,  se  sou- 
venir que  Dieu  résiste  aux  superbes  et  qu'il 
donne  sa  grâce  aux  humbles.  «  Y  a-t-il,  en 
effet,  dit  saint  Augustin,  une  plus  grande  mi- 
sère et  un  plus  grand  dérèglement  d'esprit , 
que  de  ne  point  rougir  d'une  plaie  qu'on  ne 
saurait  cacher,  et  de  rougir  du  remède  qui 
doit  la  guérir.  »  Nous  lisons  dans  un  canon 
d'un  concile  de  *  Carthage ,  en  397  ,  auquel 
saint  Augustin  assista,  que  si  le  crime  d'unpé- 
nitent  a  été  si  public  et  si  connu  de  tout  le 
moude,  qu'il  ait  scandahsé  toute  l'Église,  on 
doit  lui  imposer  les  mains  devant  le  sanc- 
tuaire ,  c'est-à-dire  en  présence  de  tout  le 
peuple. 

L'Eglise  avait  ordonné  très-sagement  de  ^ 
n'accorder  qu'une  fois  cette  pénitence  pu- 
blique, de  peur  que  ce  remède,  d'autant  plus 
salutaire  qu'il  est  moins  exposé  au  mépris  , 
ne  fût  moins  utile  en  devenant  plus  commun. 


'  Sic  nostris  temporibus  ita  muUa  mala,  et  si 
non  talia  in  apertam  consuetudinem  jain  vene- 
runt,  ut  pro  lus  non  sohim  excommunicare  ali- 
quem  laicum  non  audeamus ,  sed  nec  clericum 
degradare.  Uiide  cum  exponerern  ante  aliquot 
annos  Epislolam  ad  Galatas  in  eo  ipso  loco  iibi 
ait  Àpostolus  :  Timeo  vos  ne  forte  sine  causa  la- 
Loraverim  in  vobis,  exclamare  compulsus  sum: 
Yœ  peccalis  homimi.m,  quœ  sola  inusitala  exhor- 
rescimus,  iisitala  vero,  pro  qiiibus  abluendis  Filii 
Dei  sanguis  effusus  est,  quamvis  tam  magna  sint 
ut  omnino  claudi  contra  se  faciant  regnnm  Dei, 
sœpe  videndo  omnia  lolerare,  sœpe  tolerando 
nonnulla  etiam  facere  cogimur.  August.,  Enchi- 
rid.,  cap.  Lxsx,  num.  21,  pag.  227. 

'  Nolentes  auiem  reddere,  quos  novimus  et  maie 
abstulisse  et  unde  reddant  habere,  arguimus,  in- 
crepamus,  et  detestamur,  quosdam  clam,  qtiosdam 
palam,  sicut  diversitas  personarum  diversam  vi- 
detur  posse  recipere  medicinam ,  nec  in  aliorum 
perniciem  ad  majorem  insaniam  concilari,  Àli- 
quando  etiam,  si  res  magis  curanda  non  impedit, 


sancti  altaris  communione  privo/inus.  August. , 
Epist.  153,  num.  21,  pag.  532. 

2  Ut  si  peccatum  ejus ,  non  solum  in  gravi  ejus 
malo,  sed  etiam  in  tanto  scandalo  aliorum  est,  at- 
que  hoc  expedire  lUilitali  Ecclesiœ  videtur  antis- 
tili,  in  notilia  multorum  vel  etiam  totius  plebis 
agerc  pœnitentiam  non  recusel,  non  résistai.  no)i 
lethali  et  mortiferœ  plagce  per  pndorem  addat  tu- 
morem.  Memineril  sempcr  qnod  superbis  Deus  re- 
sistit,  liumillbus  autem  dat  gratiam.  Quid  enim  est 
infelkius,  quid  perversius ,  quam  de  ipso  vulnere 
quod  latere  nonpotest,  nonerubescere,  et  de  liga-- 
tura  ejus  erubescere  ?  August.,  Serm.  351,  num.  9, 
pag.  1359. 

*  Cujuseumque  autem-  pœnitentis  publicum  et 
vulgatissimum  crimen  est,  quod  universaEcclesia 
noverit,  ante  absidcm  manus  ei  imponatur.  Con- 
cil.  Carthag.  111,  Can.  32,  pag.  1171. 

^  Quamvis  ergo  caute  salubriterque  proviswn 
sit,  ul  locus  illius  humillimœ pœnitentiœ semel  in 
Ecclesia  concedalur,  ne  medicina  vilis  mi7iu$  uli- 
lis  csset  œgrotis,  quœ  tanto  magis  salubris  est, 


[IV«  ET  V°  SIÈCLES. 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


Elle  ne  soumettait  point  les  clercs  à  cette  pé- 
nitence humiliante,  du  moins  dans  le  siècle 
de  saint  Augustin,  Car  il  remarque  que, 
quoiqu'il  y  eût  des  clercs  donatistes  à  qui  l'on 
ne  permettait  pas  d'exercer  leurs  fonctions, 
on  ne  leur  imposait  pas  néanmoins  les  mains 
devant  le  peuple,  de  peur'  de  faire  injure  au 
sacrement  de  l'ordination  qu'ils  conservaient 
toujours.  «  Mais,  objectaient  les  donatistes^ 
aux  catholiques  ,  s'il  faut  que  nous  fas- 
sions pénitence  d'avoir  été  séparés  et  en- 
nemis de  l'Eghse  ,  et  s'il  n'y  a  point  de  salut 
pour  nous  sans  cela,  comment  est-ce  qu'en 
passant  parmi  vous,  nous  conservons  la  di- 
gnité de  la  cléricature,  et  même  de  l'épisco- 
pat  ?  11  est  vrai,  leur  répond  saint  Augustin, 
c'est  une  plaie  à  la  discipline,  mais  une  plaie 
salutaire,  comme  celle  que  l'on  fait  à  un  ar- 
bre pour  le  gretfer.  Quand  l'Eglise  '  a  or- 
donné que  personne  ne  puisse  entrer  ou  de- 
meurer dans  le  clergé  après  avoir  fait  péni- 
tence, ce  n'est  pas  qu'elle  ait  douté  de  son 


779 

pouvoir  pour  remettre  les  péchés  ;  mais  elle 
a  voulu  s'assurer  de  l'humilité  des  pénitents, 
et  de  la  sincérité  de  leur  conversion  en  leur 
étant  toute  espérance  d'élévation  en  cette 
vie,  sans  préjudice  de  leur  salut.  Dans  des 
rencontres  comme  celle-ci  où  il  s'agit  de  la 
perte  des  peuples  entiers,  la  charité  veut  que 
l'on  relâche  quelque  chose  pour  remédier  à 
de  plus  grands  maux.  »  Les  pénitents  '  qui 
avaient  été  excommuniés,  c'est-à-dire  sépa- 
rés de  l'autel  à  cause  de  leurs  péchés,  étaient 
réconàliés  après  la  pénitence  accomplie.»  Il 
y  a  eu  autrefois  des  "  évéques  en  Afrique  qui 
ne  croyaient  pas  qu'on  dût  donner  la  paix, 
c'est-à-dire  la  réconciliation  aux  adultères , 
et  qui  leur  fermaient  entièrement  l'entrée  de 
la  pénitence  ;  mais  ils  ne  se  séparaient  pas 
pour  cela  des  autres  évêques,  et  ne  rompaient 
pas  l'unité  del'Éghse.  Le  lien  de  la  concorde 
demeurant  toujours  entier  et  indissoluble  , 
chaque  évêque  faisait  ce  qu'il  jugeait  à  pro- 
pos, comme  devant  rendre  compte  à  Dieu  de 


quanto  minus  conlemptibilis  fuerit.  Angust.,  Epist. 
153,  cap.  ni,  num.  7,  pag.  526. 

1  Et  cum  expedire  hoc  judicatu/r  Ecclesiœ,  ut 
prœpositi  eorum  venientes  ad  catholicam  socie- 
tatevi,  honores  suos  ibi  non  administrent  ;  non  eis 
tamen  ipsa  ordinationis  sacramenta  detrahuntur, 
sed  manent  super  eos,  ideoque  non  eis  in  papule 
manus  imponitur,  ne  non  homini,  sed  ipsi  sacra- 
mento  fiât  injuria.  August. ,  lib.  Il  Cont.  Epist: 
Parm.,  cap.  xni,  num.  28,  pag.  44. 

*  Si  ergo,  inquimit,  oportet  ut  nos  extra  Eccle- 
siam  et  adversus  fuisse  pœniteat,  salvi  ut  esse 
possimus,  quomodo  post  istam  pœnitentiam  apud 
vos  clerici ,  vel  etiam  episcopi  permanemtis  ?  Hoc 
non  fieret ,  quoniam  rêvera  (quod  fatendum  est) 
fieri  non  deberet,  nisi  pacis  ipsius  compensatione 
sanaretur  :  sed  sibi  hoc  dicant  et  inulto  maxime 
humililer  doleant,  qui  in  tanta  morte  prœcisionis 
jacent,  ut  isto  quodam  vulnere  matris  catholicœ 
reviviscant.  Cum  enim  prœcisus  ramus  inseritur, 
fit  aliud  vulnus  in  arbore ,  quo  possit  recipi  ut 
vivat  qui  sine  vita  radicis  peribat  :  sed  cum  re- 
ceptus  recipienti  coaluerit ,  et  vigor  consequitur 
et  fructus.  Si  auiem  non  coaluerit ,  ille  quidem 
arescit,  sed  vita  arboris  permanebit.  Est  enim  et 
taie  inserendi  genus,  ut  nullo  prœciso  ramo  qui 
intus  est,  ille  qui  foris  est  inseratur,  non  tamen 
nullo,  sed  vel  levissimo  arboris  vulnere.  Ita  ergo 
et  isti  cum  ad  radicem  catholicam  veniunt,  nec 
eis  quamvis  post  erroris  sui  pœnitentiam  honor 
clericatus  vel  epiicopatus  aufertur,  fit  quidem  ali- 
quid  tanquam  in  cortice  arboris  matris  contra 
integritatem  severitatis.  August,  Epist.  185,  num. 
44,  pag.  660. 

3  Ut  enim  conslituereiur  in  Ecclesia,  ne  guis- 
quam  post  alicujus  criminis  pœnitentiam  cleri- 
catum  accipiat,  vel  ad  clericatum  redeat  vel  in 
clericatu  maneat,  non  dcsperatione  indulgentiœ, 


sed  rigore  factum  est  disciplinœ  :  alioquin  con- 
tra claves  datas  Ecclesiœ  disputabitur,  de  quibus 
dictum  est  :  Quae  solverilis  in  terra,  soluta  erunt 
et  in  cœlo.  Sed  ne  forsitan  etiam  detectis  crimi- 
nibus,  spe honoris  ecelesiasticianimusintuniescens 
superbe  ageret  pœnitentiam,  severissime  placuit, 
ut  post  actamde  crimine  damnabili  pœnitentiam., 
nemo  sit  clericus,  ut  desperatione  temporalis  al- 
titudinis  medicina  major  et  verior  esset  humili- 
tatis...  Cogunt  enim  multas  invenire  medicinas 
multorum  expérimenta  morborum;  verum  in 
hujusmodi  causis,  ubi  per  graves  dissensionum 
scissuras  non  hujus  aut  illins  hominis  est  pericu- 
liim  sed  populorum  strages  jacent,  deirahendum 
est  aliquid  severitati,  ut  majoribus  malis  sanan- 
dis  charilas  sincera subveniat.  Angnsi.,  Epist,  185, 
num.  45,  pag,  660  et  661. 

*  Agunt  etiam  homines  pœnitentiam,  si  post 
baptismum  ita  peccaverint,  ut  excommunicari  et 
postea  reconciliari  mereantur  ;  sicut  in  omnibus 
Ecclesiis  illi  qui  proprie  pœnilentes  appellantur. 
August.,  Epist.  265,  mim.  7,  pag.  898. 

^  Antecessores,  inquit  fCyprianusJ,  nostri  qui- 
dam de  episcopis  isthic  in provincianostra,  dan- 
dam  pacem  mœchis  non  putaverunt,  ut  in  totum 
pœnitentiœ  locum  contra  adulteria  clauserunt  ; 
non  tamen  a  coepiscoporun  suorum  collegio  re- 
cesserunt,  aut  catholicœ  Ecclesiœ  unitatem  vel 
duritiœ  vel  censurœ  suce  obstinatione  ruperunt, 
ut  quia  apud  alios  adulteris  pax  dabatur,  qui 
non  dabat,  de  Ecclesia  separetur.  Manente  con- 
cordiœ  vinculo,  et  persévérante  catholicœ  Eccle- 
siœ individuo  sacramento  actxim  suum  disponit 
et  di/rigil  unusquisque  episcopus  ,  rationem  pro- 
positi  sui  Domino  redditurus.  Cyprian.,  ad  Epist. 
Antonian.,  apud  August.,  Epist.  93,  num  41, 
pag.  247. 


780 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Sur  l'cxconi- 
munlcation. 


Mallh.  jcrtii 
18. 


sa  conduite  ;  mais  il  est  certain  que  ces  évê- 
ques,  qui  refusaient  la  réconciliation  aux 
adultères,  étaient  dans  l'eri'eur  :  car  selon  la 
sainte  doctrine  '  on  doit  les  réconcilier  aussi 
bien  que  les  autres  pécheurs  :  et  telle  est  la 
pratique  de  l'Église.  D'où  il  suit  que  c'était 
une  impiété  à  ces  évèques  de  refuser  de  gué- 
rir les  membres  de  Jésus-Christ  ,  et  de  ne 
leur  point  appliquer  les  clefs  de  l'Eglise , 
quoiqu'ils  y  eussent  recours.  C'était  vouloir 
rendre  inutile  la  patience  toute  miséricor- 
dieuse de  Dieu,  qui  ne  laissait  vivre  ces  pé- 
cheurs qu'afîn  que,  par  l'oblalion  du  sacrifice 
d'un  cœur  contrit  et  humilié  ,  et  par  les  tra- 
vaux de  la  pénitence,  ils  pussent  recouvrer 
la  vie  qu'ils  avaient  perdue.  » 

162.  D'après  saint  Augustin,  «  la  puisigance 
d'excommunier  les  pécheurs  est  fondée  sur 
ces  paroles  de  Jésus-Christ  :  Tout  ce  que 
voies  lierez  sur  la  terre  sera  lié  dans  le  ciel  :  et 
tout  ce  que  vous  délierez  sur  la  terre  sera  délié 
dans  le  ciel.  Lors  donc* que  l'Église  lie  quel- 
qu'un par  les  liens  de  l'excomniunication ,  il 
est  lié  dans  le  ciel,  comme  il  l'est  sur  la  terre  : 
et  lorsqu'elle  délie  l'excommunié  en  le  ré- 
conciliant, il  est  aussi  délié  dans  le  ciel.  L'ex- 
communication ou  condamnation  ordonnée 
par  le  jugement  de  l'évêque,  quoique  la 
plus  grande  de  toutes  les  peines  de  l'Église', 
peut,  si  Dieu  le  veut ,  devenir  une   correc- 


tion très-salutaire.  Car  nous  ne  savons  pas 
ce  qui  arrivera  le  jour  suivant  ;  et  il  ne  faut 
désespérer  de  personne  avanl  la  fin  de  cette 
vie ,  ni  contredire  Dieu  qui  peut  regarder 
un  excommunié,   el  lui  donner  les  mouve- 
ments de  la  pénitence,  accepter  le  sacrifice 
de  son  esprit  afQigé  et  de  son  cœur  plein  de 
regret,  l'absoudre  de  son  crime  quelque  juste 
qu'ait  été  sa  condamnation,  et  ne   pas  con- 
damner lui-même  celui  que  l'évéque  a  con- 
damné. Cependant  la  nécessité  de  la  charge 
de  pasteur  oblige  de  séparer  une  brebis  ma- 
lade d'avec  les  saines,  de  peur  que  la  conta- 
gion ne  se  répande  sur  plusieurs  ;   quoique 
celui  à  qui  rien  n'est  impossible,  la  doive 
guérir  peut-être  même  par  cette  séparation. 
Quand  donc  on  est  assuré  *  que  le  froment 
demeurera  ferme  et  immobile  sur  sa  lige ,  et 
qu'il  n'y  a  rien  à  craindre  ,  c'est-à-dire  lors- 
que le  crime  est  tellement  connu  de  tout  le 
monde,  et  si  visiblement  exécrable  qu'il  ne 
trouve  point  de  défenseur,  ou  du  moins  qu'il 
n'en  trouve  point  qui  porte  la  chose  jusqu'au 
schisme,  la  sévérité  de  la  discipline   ne  doit 
pas  s'endormir,  puisqu'elle  corrige  la  malice 
avec  d'autant  plus  de  succès,  que  l'on  prend 
tout  le  soin  possible  d'affermir  la  charité. 
Voici  quelle  doit  être  celle  d'un  évêque  dans 
l'excommunication  des  plus  grands  pécheurs  : 
son  humilité  doit  obtenir  ',  par  des  gémisse- 


'  Si  aulem,  guodveritas  hahet,  et  quod  Ecclesia 
merilo  tenet,  recte  pœnitentibus  adulleris  pax  da- 
batur,  un  qui  in  totum  locum  pœnitentiœ  contra 
adultéras  claudebant,  impie  ulique  a/jebant  qui 
viembris  Christi  sanitatem  negabant,  et  claves 
Ecclesia:  pulsantibus  subtrahebant,  et  misericor- 
dissimcB  patientiœ  Dei,  quœ  illos  propterea  sine- 
bat  vivere,  ut  pœnitendo  sanarentur  sacrificio 
contriti  spiritus  et  contribulati  cordis  oblato,  dura 
crudelilale  contradicebant.  Angust.,  Epist.  93,  num. 
42,  pag.  248. 

'  Si  aulem  et  in  Ecclesia  fil  ut  quœ  in  terra 
ligantur,  in  cœlo  ligentur,  et  quœ  solvunlur  in 
terra,  solvantur  in  cœlo  :  quia  cum  excommu- 
nicat  Ecclesia,  in  cœlo  ligalur,  excommunicatiis  ; 
cum  reconciliatur  ab  Ecclesia,  in  cœlo  solvilur, 
reconciliatus.  August.,  Tract.  51  in  Joan.,  num. 
12,  pag.  633. 

'  Quia  et  ipsa  quœ.  damnatio  nominatur,  quain 
facit  episcopale  judiciiim,  qua  pœna  in  Ecclesia 
nulla  major  est,  potest  si  Deus  volueril,  in  cor- 
replionem  saluberrimam  cedere  alque  proficere. 
Neque  einni.  scimus  quid  contingat  sequenti  die; 
ouï  anle  finemvitœ  hujus  desperandum  est:  aut 
contrddici  Deo  polest,  ne  rcspicial  et  del  pœni- 
tentiam,  et  accepto  sacrificio  spiritus  contribiir- 
lati  cordisque  contriti  a  reatu  quamvis  justœ 
damnationis  absoloat,  damnalumque  ipse  non 
damnet.  Pastoralis  tamen  nécessitas  habet,  ne 


per  plures  serpant  dira  contagia,  separare  ab 
ovibus  sanis  morbidam  :  ab  illo^  cui  niliil  est  im- 
possibile,  ipsa  forsilan  separatione  sanandam. 
August.,  lib.  De  Corrept.  eiGrfli.,  cap.xv,  num.  46, 
pag.  775. 

*  Et  ipse  Dominus  cum  servis  volentibus  zizor 
nia  colligere  dixit  :  Sinite  utraque  crescere  usque ad 
messem ,  prœmisit  causam  dicens  :  ne  forte  cum 
vultis  colligere  zizania,  eradioetis  simul  et  trlti- 
cum.  Ubi  salis  ostendit,  cum  metus  iste  non  siti- 
best,  sed  omnino  de  frumenlorum  certa  stabilitate 
certa  secimlas  manet,  id  est,  quando  ita  cujusque 
crimen  notum  est,  omnibus  execrabile  apparet, 
ut  vel  nullos  prorsas  vel  non  taies  habeat  defen- 
sores  per  quos  possit  schisma  contingere;  non 
dormiat  severitas  disciplinœ,  in  qua  tanto  est 
efficacior  emendalio  pravilalis,  quanto  diligentior 
conservatio  charilalis.  August..  lib.  III  Contra 
Epist.  Parm,  num.  13,  pag.  I'k 

^  Cum  ergo  ad  lalem  vindictayn  nécessitas  cogit, 
humililas  lugenlium  débet  impelrare  misericor- 
diam,' quam  repellit  superbia  sœvientiiim  :  nec 
ilUus  ipsius  qui  de  medio  fratrum  tollitur,  débet 
negligi  salus;  sed  ita  agendum  est,  ut  el  talis 
vindicla  sit  utilis;  et  age7idum  volo  et  precibus, 
si  corrigi  objurgationibus  non  potest.  August., 
lib.  111  Contra  Epist.  Parmeniani,  cap.  i,  uum.  3, 
pag.  56. 


[lV°  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


ments  et  par  des  larmes,  la  miséricorde  di- 
vine, que  rien  ne  détourne  davantage  que  la 
présomption  et  l'orgueil.  Il  ne  doit  pas  même 
négliger  le  salut  de  celui  qu'il  a  retranché 
de  la  société  des  frères  :  mais  il  doit  au  con- 
traire faire  son  possible  pour  que  cette  pu- 
nition lui  soit  utile,  et  employer  pour  lui  les 
vœux  et  les  prières  auprès  de  Dieu  ,  s'il  ne 
le  peut  corriger  par  ses  réprimandes  et  ses 
remontrances.  » 

163.  «  La  providence  divine,  dit  saint 
Augustin,  permet  *  souvent  que  des  hommes 
même  vertueux  soient  chassés  de  la  commu- 
nion de  l'Église  par  des  troubles  et  des  tu- 
multes que  des  personnes  charnelles  exci- 
tent contre  elles  :  ce  qui  arrive  afin  qu'après 
avoir  souffeii  avec  une  patience  extraordi- 
naire cette  ignominie  et  cette  injure,  pour 
conserver  la  paix  de  l'Église  sans  vouloir  y 
former  de  schisme  ou  quelque  nouvelle  hé- 
résie, ils  apprennent  à  tout  le  monde  par 
leur  exemple  combien  on  doit  servir  Dieu 
avec  une  affection  véritable,  et  une  charité 
sincère.  Le  dessein  de  ces  chrétiens  dans 
ces  rencontres,  est  ou  de  retom'ner  après 
que  la  tempête  sera  passée  :  où  s'ils  ne  le 
peuvent  faire,  voyant  qu'elle  dure  toujours, 
ou  appréhendant  que  leur  retour  n'excite  les 
mêmes  troubles  ou  encore  de  plus  grands, 
ils  gardent  la  volonté  de  faire  du  bien  à  ceux 
mêmes  qui  les  ont  chassés  par  leurs  violen- 
ces et  leurs  cabales  :  et  sans  faire  aucune 
assemblée  particuhère,  ils  soutiennent  jus- 
qu'à la  mort,  et  confirment  toujours  par  la 
profession  de  leur  croyance,  la  foi  qu'ils 
savent  que  l'on  prêche  dans  l'Église  catholi- 


781 

que.  Ces  personnes  sont  couronnées  en  se- 
cret par  le  Père  céleste,  qui  les  voit  en  se 
cret.  Les  exemples  en  paraissent  rares  ;  ce 
pendant  il  y  en  a,  et  même  plus  qu'on  ne 
saurait  croire.  C'est  ainsi  que  Dieu  se  sert  de 
toute  sorte  d'hommes  et  d'exemples  pour  le 
bien  des  âmes  et  pour  l'instruction  de  son 
peuple.  Les  spirituels^  et  ceux  qui,  par  une 
sainte  alïection  tâchent  de  le  devenir,  ne  sor- 
tent jamais  de  l'Église,  lors  même  qu'il  sem- 
blent en  être  bannis  par  la  méchanceté  des 
hommes  :  au  contraire  leur  vertu  devient 
plus  pure  par  cette  épreuve,  que  s'ils  lui 
étaient  toujours  demeurés  extérieurement 
unis.  Ne  s'élevant  point  contre  l'Église,  la 
force  invincible  de  leur  charité  les  affermit 
encore  davantage  sur  la  pierre  solide  de  l'u- 
nité. «  Je  puis  dire  sans  témérité  '  (ce  sont 
les  paroles  de  saint  Augustin),  que  si  quel- 
qu'un des  fidèles  est  frappé  d'anathème  in- 
justement ,  cet  anathème  injuste  fait  plus  de 
tort  à  celui  qui  le  lance,  qu'à  celui  qui  le 
souffre  avec  patience,  puisque  le  Saint-Es- 
prit qui  habite  dans  les  saints,  et  par  qui  on 
est  lié  ou  délié,  ne  fait  souffrir  aucune  peine 
à  personne  qu'il  ne  l'ait  méritée.  » 

Dans  la  cinquième  conférence  du  cinquiè- 
me concile'  général,  on  examina  s'il  était 
permis  de  condamner  les  morts  :  et,  un  évê- 
que  d'Afrique,  nommé  Sextilien,  s'étantlevé, 
dit  :  «  Nous  avons  des  lettres  d'Augustin  de 
sainte  mémoire  qui  portent  que  ceux  qui  ont 
eu  de  mauvais  sentiments,  quoiqu'ils  n'aient 
pas  été  condamnés  pendant  leur  vie,  doivent 
être  anathématisés  après  leur  mort,  quand  on 
découvre  leurs  erreurs.  »  Entre  plusieurs  le t- 


1  Sœpe  etiam  sinit  divina  providentia,  pernon- 
nullas  nimium  turbulentas  carnalium  hominum 
seditiones  expelli  de  congregatione  christiana 
etiam  bonos  viros  :  quam  contuvieliam  vel  inju- 
riam  sitam  cum  palientissime  pro  Ecclesiœ  pace 
tulerint,  neque  ullas  novitates  vel  schismatis  vel 
hœresis  moliti  fuerint,  docebwnt  hommes,  quam 
vero  affectu  et  quanta  sinceritale  charitatis  Deo 
serviendum  sil.  Talium  ergo  virorum  propositum 
est,  aut  sedatis  remeare  turbinibus,  aut  si  id  non 
sinantur,  vel  eadem  tempestate  persévérante;  vel 
ne  suo  reditu  talis  aut  sœvior  oriatur,  tenere  vo- 
hmtatem  consuleiidi ,  etiam  eis  ipsis  quorum 
motibus  perturbationibusque  cesserunt,  sine  ulla 
conventiculorum  segregatione  usque  ad  mortem 
defendentes,  et  testimonio  juvantes  eam  fidem, 
quam  inEeclesia  calholica  prœdicari  sciunt.  Hos 
coronat  in  occulto  Pater,  in  occulto  videns.  Ra- 
rum  hoc  videtur  genus;  sed  tamen  exempta  no»i 
desunt,  imo  plura  sunt  quam  credi  potest.  Ita 
omnibus  generibus  hominum  et  cxemplorum  ad 


animarum  curationem,  et  ad  institutionem  spirv' 
talis  populi  ulitur  divina  providentia.  August., 
lib.  II  De  Vera  relig.,  cap.  vi,  num.  Il,  pag.  752. 

*  Spirituales  autem  sive  ad  hoc  ipsum  pio  stu- 
dio proficientes,  non  eunt  foras  quia  et  cum  ali- 
qua  vel  perversitate  vel  necessitate  hominum 
videntur  expelli,  ibi  magis  probantur  quam  si 
intus  permaneant,  cum  adversus  Ecclesiam  nul- 
latenus  eriguntur,  sed  in  solida  unitatis  petra 
fortissimo  charitatis  robore  radicantur.  August., 
lib.  I  De  Bapt.,  cap.  xvii,  num.  16,  pag.  93. 

5  Ill^td  plane  non  temere  dixerim,  quod  si  quis- 
quam  fidelium  fuerit  anathematus  injuste,  eipo- 
tius  oberit  qui  faciet,  quam  ei  qui  hanc  palielur 
injuriam.  Spiritus  enim  Sanctus  habitans  in 
sanctis,  per  quem  quisque  ligatur  aut  solvitur, 
immeritam  nulli pœnam  ingerit.  August.,  Infrag- 
mento  Epist.  ad  Classiciamim,  pag.  879. 

*  Coucilium  Constaut.  II,  Collât.  5,  pag.  480, 
tom.  V,  Concil. 


782 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


très  de  ce  Père,  on  lut  celle  qui  est  adressée 
au  comte  Boniface,  où  nous  lisons  :  «  Quand 
Gécilien'  autrefois  évêque  de  Carthage,  au- 
rait été  coupable  de  ce  qu'on  lui  imputait , 
et  qu'on  pourrait  nous  le  montrer,  nous  en 
serions  quittes  pour  anathématiser  sa  mé- 
moire, et  nous  nous  garderions  bien  d'aban- 
donner pour  cela  l'Église  de  Jésus-Christ , 
dont  la  vérité,  bien  loin  de  dépendre  de  la 
fantaisie  et  des  disputes  des  hommes,  est 
établie  sur  le  témoignage  de  Dieu.  »  Le  saint 
Docteur  parlant  encore  du  même  ^  Cécilien , 
déclare  que  s'il  se  trouve  coupable,  les  ca- 
tholiques ne  sont  pas  vaincus  pour  cela  , 
parce  qu'ils  demeurent  attachés  à  l'unité  de 
l'Église  qui  est  invincible.  «Est-il  coupable? 
je  l'anathématise.  Mais  je  n'abandonne  pas 
pour  cela  l'Éghse.  Nous  ne  le  nommerons 
plus  à  l'autel  au  rang  des  évêques  que  nous 
croyons  avoir  été  fidèles  à  Dieu  et  innocents 
,  dans  leur  vie.  » 
Sur  l'ordre.  164.  Salut  Augustlu ,  parlant  de  l'ordre 
s'exprime  ainsi  :  «L'ordre  est  un  sacrement' 
aussi  bien  que  le  baptême  ;  l'un*  et  l'autre 
sont  conférées  à  l'homme  par  une  certaine 
consécration  :  le  premier,  lorsqu'on  le  bap- 
tise ;  l'autre,  lorsqu'on  l'ordonne.  C'est  pour- 
quoi il  n'est  pas  permis,  dans  l'Église  catholi- 
que, de  réitérer  ni  l'un  ni  l'autre.  En  effet,  s'il 
arrive  que  ceux  qui  tiennent  le  rang  d'évêque 
parmi  les  schismatiques  et  autres  qui  sont 
séparés  de  l'Église  catholique,  se  présen- 


tent pour  s'y  réunir,  on  ne  fait  pas  difficulté 
de  les  recevoir  pour  le  bien  de  la  paix ,  et 
de  leur  permettre  de  continuer  les  mêmes 
fonctions  qu'ils  exerçaient  auparavant,  sans 
qu'on  les  oblige  à  se  faire  réordonner  :  par- 
ce qu'on  est  persuadé  que  comme  le  baptê- 
me qu'ils  ont  reçu,  est  vafide,  leur  ordina- 
tion l'est  aussi;  et  que  ce  qu'il  y  avait  de 
mauvais  est  réparé  par  leur  réunion,  sans 
qu'il  soit  nécessaire  d'apporter  aucun  chan- 
gement dans  les  sacrements  qui  sont  les  mê- 
mes partout.  Si  l'on  ordonne  "  des  ecclésias- 
tiques pour  gouverner  une  assemblée  des 
fidèles;  quand  même  le  peuple  ne  s'assem- 
blerait point  dans  la  suite ,  le  sacrement  de 
l'ordre  ne  laisserait  pas  de  demeurer  dans 
ces  ministres  ainsi  ordonnés  ;  et  si  quelqu'un 
d'eux  vient  à  être  déposé  de  son  ministère 
pour  quelque  péché,  il  garde  néanmoins 
toujours  le  sacrement  du  Seigneur  qu'il  a 
une  fois  reçu ,  quoique  ce  ne  soit  qu'à  son 
jugement  et  à  sa  condamnation.  Comme  il 
n'y  a  rien^  au  monde ,  de  plus  agréable  et 
surtout  en  ce  temps-ci,  que  les  dignités  d'é- 
vêque ,  de  prêtre  et  de  diacre  :  ni  de  plus 
doux  et  de  plus  aisé  que  d'en  exercer  les 
fonctions,  quand  on  veut  faire  les  choses 
par  manière  d'acquit ,  et  flatter  les  hommes 
dans  leurs  désordres  ;  aussi  n'y  a-t-il  rien 
de  plus  malheureux ,  de  plus  pernicieux  et 
de  plus  damnable  devant  Dieu.  Au  contraire 
il  n'y  a  rien  de  plus  saint  devant  lui ,  ni  de 


•  Quamvis  et  si  vera  essent  quœ  ab  eis  objecta 
sunt  Cœciliano,  et  nobis  passent  aliquando  mon- 
strari,  ipsum  jam  inortuum  anathematizaremus: 
sed  tamen  Ecclesiam  Chrisli,  quœ  non  Utigiosis 
opinionibus  vincitur,  sed  divinis  atteslalionibus 
comprobatur,  propter  q-uemlibet  hominem  relin- 
quere  non  debemus.  August.,  Episl.  185,  cap.  i, 
niim.  4,  pag.  644. 

2  Si  autem  (Cœcilianusj  inventus  fuerit  nocens, 
si  inventus  fuerit  reus,  nec  sic  victi  sumus,  quia 
unilatem  Ecclesiœ,  quœ  invicta  est,  obtinemus. 
«  Inventus  sit  prorsus  reus,  hominem  anathemo, 
Christi  Ecclesiam  non  desero...  Deinceps  eum  ad 
altare  inter  episcopos,  quos  fidèles  et  innocentes 
credimus,  non  recitabimus.  August.,  Serm.  359, 
num.  6,  pag.  1403. 

"  Ut  enim  sit  quisque  verus  sacerdos,  oportet 
ut  non  solo  sacraniento,  sed  justitia  quoque  in- 
duatur.  August.,  lib.  Il  Contra  Litter.  Peliliani, 
cap.  XXX,  num.  69,  pag.  237. 

*  Vtrumque  enim  sacramenlum  est,  et  quadam 
consecratione  utrumque  homini  datur,  illud  cum 
baptizatur,  islud  cum  ordinatur  :  ideoque  in  ca- 
tholica  utrumque  non  licet  iterari.  Nam  si  quando 
ex  ipsa  parte  venientes  etiam  prœpositi  pro  bono 
pacis  correcto  schismatis  errore  suscepti  sunt, 


et  si  visum  est  opus  esse  ut  eadem  officia  gérè- 
rent quœ  gerebant,  non  sunt  rursum  ordinati: 
sed  sicut  baptismus  in  eis,  ita  ordinatio  mansit 
intégra  :  quia  in  prœcisione  fuerat  vitiuni  quod 
iinitatis  pace  correctum  est  :  non  in  sacramentis 
quœ  ubicumque  sunt,  ipsa  sunt.  August.,  lib.  11 
Contra  Epist.  Farm.,  cap.  xiii,  num.  28,  pag.  44. 

^  Si  fiât  ordinatio  cleri  ad  plebem  congregan- 
dam,  etiamsi  plebis  congregatio  non  subsequa- 
tur,  manet  tamen  in  illis  ordinatis  sacramentum 
ordinationis  :  et  si  aliqua  culpa  quisquam  ab 
officio  removeatur,  sacraniento  Domini  semel 
imposito,  non  carebit,  quamvis  ad  judicium  per- 
manente. August.,  lib.  De  Bonoconjugii,  cap.  xxiv, 
num.  32,  pag.  337. 

8  Nihil  est  in  hac  vita  et  maxime  hoc  tempore 
facilius  eb  lœtius  et  hominibus  acceptabilius  epis- 
copi,  aut  presbyteri,  aut  diaconi  officio,  si  per- 
functorie  atque  adulatorie  res  agatur  :  sed  nihil 
apud  Deuni  miserius  et  tristius  et  damnabilius. 
Item  nihil  est  in  hac  vita,  et  maxime  hoc  tem- 
pore difficilius,  laboriosius,  periculosius  episcopi, 
aut  presbyteri,  aut  diaconi  officio,  sed  apud  Deum 
nihil  beatius,  si  eo  modo  militetur  quo  noster 
Imperator  jubet.  August.,  Epist.  21,  num.  i, 
pag.  24. 


[IV"  ET  V°  SIÈCLES.] 

plus  heureux ,  mais  en  même  temps  de  plus 
pénible,  de  plus  difiîcile  et  déplus  orageux, 
principalement  dans  nôtre  siècle,  que  les 
fonctions  de  ces  mêmes  dignités  quand  on 
les  veut  faire  selon  les  règles  de  la  milice 
que  notre  chef  et  notre  général  nous  a  don- 
nées. » 

C'était  sans  doute  cette  idée  de  la  sainte- 
té et  de  l'éminence  du  sacerdoce  qui  faisait 
verser  des  larmes  à  saint  Augustin,  lorsqu'il 
fut  ordonné  prêtre.  11  imputait  la  violence 
qu'on  lui  avait  faite,  à  ses  péchés',  et  il 
croyait  que  c'était  la  punition  de  quelque 
faute  secrète,  qui  lui^tait  inconnue.  «  Dieu 
a  permis,  dit-il,  pour  mes  péchés ,  car  je 
n'en  vois  point  d'autres  causes ,  qu'on  m'ait 
fait  violence  pour  me  placer  au  gouvernail, 
après  le  maître  pilote,  moi  qui  ne  savais  pas 
seulement  manier  un  aviron.  Je  crois  que 
Dieu  a  voulu  châtier  ma  témérité.  Car  avant 
que  d'avoir  essayé  ce  métier-là,  je  censu- 
rais les  fautes  de  la  plupart  des  nautonniers, 
comme  si  j'eusse  été  bien  meilleur  et  plus 
habile  qu'eux  :  et  je  n'ai  commencé  à  sentir 
combien  mes  censures  étaient  téméraires , 
que  lorsque  je  me  suis  vu  engagé  dans  cet 
emploi,  quoiqu'il  m'ait  paru  de  tout  temps 
très-scabreux  et  très-difHcile.  C'est  ce  qui  me 
faisait  répandre,  dans  le  temps  de  mon  ordi- 
nation ,  ces  larmes  que  je  ne  pus  cacher  à 
quelques-uns  de  mes  frères  qui,  ne  sachant 
point  la  cause  de  ma  douleur ,  s'efforçaient 
avec  beaucoup  de  charité  de  me  consoler 
par  tout  ce  qu'ils  me  pouvaient  dire  de  meil- 
leur ,  mais  dont  rien  n'allait  à  la  cause  du 
mal.  » 

Il  remarque  ^  qu'il  y  en  avait  plusieurs  à 
qui  l'on  avait  fait  violence  pour  les  obliger 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


783 

d'accepter  l'épiscopat ,  qu'on  les  avait  pris 
et  emmenés  par  force ,  et  tenus  enfermés 
jusqu'à  ce  qu'ils  l'eussent  accepté;  qu'il  y 
avait  aussi  plusieurs'  saints  évêques  qui  se 
démettaient  de  l'épiscopat  par  esprit  d'humi- 
lité ;  et  qu'un  grand  nombre  d'évêques  ca- 
tholiques offrirent'  aux  donatistes  d'y  renon- 
cer pour  le  bien  de  la  paix.  «Pouvons-nous, 
disaient  -  ils  ,  faire  aucune  difficulté  d'of- 
frir ce  sacrifice  d'humilité  au  Sauveur  qui 
nous  a  rachetés  ?  Il  est  descendu  du  ciel,  et 
a  pris  un  corps  semblable  à  nous,  afin  que 
nous  fussions  ses  membres;  et  nous  ne  vou- 
drions pas  descendre  de  nos  chaires  pour  ne 
pas  laisser  les  membres  se  déchirer  par  un 
cruel  silence?  Il  nous  suffit  pour  nous-mê- 
mes d'être  chrétiens ,  fidèles  et  soumis  à  Jé- 
sus-Christ. C'est  ce  que  nous  devons  être 
aux  dépens  de  toute  chose.  Que  si,  avec  cela, 
nous  sommes  évêques,  c'est  pour  le  service 
du  peuple  chrétien.  Usons  donc  de  notre 
épiscopat  en  la  manière  qui  est  la  plus  utile 
au  peuple ,  pour  y  établir  l'union  et  la  paix 
de  Jésus-Christ.  Si  nous  cherchons  le  profit 
de  notre  maître ,  pouvons-nous  avoir  de  la 
peine  qu'il  fasse  un  gain  éternel  aux  dépens 
de  nos  honneurs  passagers?  La  dignité  épis- 
copale  nous  sera  bien  plus  avantageuse ,  si 
en  la  quittant  nous  réunissons  le  troupeau 
de  Jésus-Christ ,  que  si  nous  le  dissipions  en 
la  conservant.  Et  serions-nous  assez  impu- 
dents pour  prétendre  à  la  gloire  que  Jésus- 
Christ  nous  promet  dans  l'autre  vie,  si  notre 
attacliemerit  à  la  gloire  du  siècle  était  un 
obstacle  à  la  réunion  des  fidèles  pour  qui  il 
a  répandu  son  sang?  » 

163.  L'ordination  des  évêques  se  faisait 
par  l'imposition  des  '  mains ,  en  invoquant 


Sur  le;  M- 

ques. 


'  August.,  Epist,  21;  num.  1  et  2,  pag.  23. 

'  Attende  qwid  Apostohis  dixerit:  Qui  episoopa- 
tum  desiderat,  boniim  opus  concupiscit  ;  et  tamen 
tam  inulti  ut  episcopatum  suscipiant  tenentur  in- 
viti,  perducuntwr,  includuntîir,  custodiuntur,  pa- 
tiuntur  tanta  quœ  noluiit,  donec  ei$  adsit  volun- 
tas  suscipiendi  opei-is  boni.  August.,  Epist.  173.  num. 
2,  pag.  613. 

5  Denique  nonnulli  sancla  humilitate  prœditi 
viri  propter  quœdam  in  se  offendicula,  quibus 
pie  religioseque  movebantur,  episcopatus  officium 
non  solum  sine  culpa,  verum  etiam  cum  laude 
posuerunt.  August.,  lib.  Il  Contra  Cresc,  cap.  xi, 
num.  13,  pag.  415. 

*  Quid  enim  dubitemus  Redemptori  nostro  sa- 
crificium  istius  humilitatis  offerre  ?  An  vero  ille 
de  cœlis  in  membra  humana  descendit,  ut  mem- 
bra  ejns  essemus  ;  et  nos  ne  ipsa  ejus  membra 
crudeli  divisione  lanientur,  de  cathedris  descen- 


dere  formidamus  ?  Propter  nos  nihil  sufficientius, 
quam  christiani  fidèles  et  obedientes  sumus  ;  hoc 
ergo  semper  sinius.  Episcopi  au' em propter  chris- 
tianos  populos  ordinamur.  Quod  ergo  christianis 
populis  ad  christianam  pacem  prodest ,  hoc  de 
nostro  episcopatu  faciamus;  si  servi  utiles  sumus, 
cur  Domini  œternis  lucris  pro  nostris  temporali- 
bus  sublimitatibiis  invidemus  ?  Episcopalis  dig- 
nitas  fructuosior  nabis  erit,  si  gregem  Christi 
magis  deposita  collegerit,  quam  retenta  disperse- 
rit:  nam  qua  fronte  in  futuro  sœculo  promissum 
a  Christo  sperabimus  honorem,  si  christianam 
in  hoc  sœculo  noster  honor  impedit  unitalem  ? 
August.,  Epist.  128.  num.  3,  pag.  378  et  379. 

^  Invocatio  nominis  Dei  super  caput  ipsorum 
quando  ordinantur  episcopi,  invocatio  illa  Dei  est 
non  Donati.  August.,  Serm.  ad  Cœsareensis  Ec- 
clesiœ  plebem,  num.  2,  pag.  GIS,  tom.  IX.  Vide 
lib.  II  Contra  Cresc,  cap.  xi,  uum.  13,  pag.  415. 


784 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


le  nom  de  Dieu  sur  eux.  Ils  sont  supérieurs  ^ 
aux  prêtres,  ce  qui  se  voit  même  par  les  ti- 
tres d'honneur  qu'on  leur  donne  dans  l'É- 
glise. Aérius'  s'avisa  d'enseigner  qu'il  n'y 
avait  aucune  différence  entre  les  évéques  et 
les  prêtres  ;  mais  on  sait  qu'il  ne  donna  dans 
ce  sentiment  que  parce  qu'il  était  fâché  de 
n'avoir  pu  parvenir  à  l'épiscopat.  Le  mot 
d'évêque'  signifie  sentinelle,  d'où  vient  que 
les  évéques  sont  placés  dans  un  lieu  élevé 
afin  qu'ils  aient  comme  une  inspection  sur 
le  peuple,  et  qu'ils  veillent  pour  sa  défense, 
i-egardant  de  loin  tout  ce  qui  se  passe,  com- 
me on  place  un  vigneron  dans  quelque  lieu 
éminent  pour  veiller  sur  toute  la  vigne. 
«  C'est  de  ce  lieu  élevé ,  dit  saint  Augustin , 
que  nous  aurons  un  terrible  compte  à  ren- 
dre ,  si  nous  n'y  sommes  dans  une  telle  dis- 
position, que  par  une  humilité  profonde  nous 
soyons  en  même  temps  abaissés  sous  vos 
pieds,  et  que  nous  répandions  pour  vous  nos 
prières  devant  Dieu ,  afin  que  celui  qui  con- 
naît le  fond  de  vos  cœurs,  veille  lui-même  à 
votre  garde.  Mais  devant  le  tribunal  *  de  Jé- 
sus-Christ, où  chacun  sera  accusé  selon  sa 
propre  conscience,  et  jugé  par  celui  qui  en 
connaît  le  fond,  de  quel  secours  nous  pour- 
ront être  ces  trônes  élevés  de  tant  de  degrés, 
ces  chaires  couvertes  d'un  dais,  et  ces  trou- 
pes de  vierges  consacrées  à  Dieu  qui  vien- 
nent au-devant  de  nous  en  chantant  des 
hymnes  et  des  cantiques  ?  Nos  honneurs  d'à 
présent  deviendront  pour  nous  des  fardeaux 


qui  nous  accableront;  ce  qui  nous  relève 
présentement,  nous  écrasera;  et  quand  ces 
honneurs  qu'il  est  du  bien  de  TÉgiise  qu'on 
rende  à  notre  caractère,  ne  nous  seraient 
point  imputés  à  crime,  comme  en  effet  Dieu 
ne  nous  en  imputera  rien  si  nous  les  rece- 
vons avec  une  intention  pure ,  toujours  ne 
couvriront-ils  pas  les  crimes  dont  nous  nous 
trouverons  chargés  d'ailleurs,  n 

C'était  l'usage  que  les  évéques  fissent  ^ 
l'anniversaire  de  leur  ordination ,  et  saint  Au- 
gustin'ne  manquait  pas  de  renouveler  tous 
les  ans  la  mémoire  de  la  sienne.  Cette  fête 
toutefois  était  pour  lui  plutôt  un  jour  de  tris- 
tesse :  car  elle  le  faisait  penser  plus  attenti- 
vement que  les  autres  jours  au  poids  de  la 
charge  qui  lui  avait  été  imposée,  et  au  compte 
qu'il  était  obligé  d'en  rendre  à  Dieu.  Plus  il 
vieillissait,  plus  cette  pensée  se  fortifiait  en 
lui.  La  même  cérémonie  se  pratiquait  parmi 
les  évéques'  donatistes,  et  ils  se  trouvaient  en 
grand  nombre  chez  Optât  le  Gildonien  au  jour 
anniversaire  de  son  ordination.  11  était  en- 
core d'usage  dans  l'Éghse  '  catholique  que 
l'évêque  de  Carthage  fût  ordonné  non  par  les 
évéques  de  Numidie,  mais  par  ceux  qui  étaient 
les  plus  proches  de  cette  ville,  comme  l'é- 
vêque de  Rome  l'était  par  celui  d'Ostie. 

166.  Outre  les  évéques,  les  prêtres  et  les     suriM 

-^  '  ^  cros  et  le 

diacres',  il  y  avait  d'autres  clercs  inférieurs,   i"'  =ie"-' 
savoir  des  '"  sous-diacres,  des  "  acolytes,  des 
lecteurs  ",  des  portiers  "  et  des  fossaires  'S 
c'est-à-dire  des  gens  qui  avaient  soin  de  la 


'  Quamquam  enin  secundum  honorum  voca- 
bula  quœ  jam  Ecclesiœ  usus  obtinuit,  episcopa- 
tus  presbyterio  major  sit.  August.,  Epist.  82,  num. 
33,  pag.  202. 

*  Àerius  cum  esset  presbyter,  doluisse  fertur 
quod  episcopus  nonpotuit  ordinari...  dictbat  eliam 
presbyterwm  ab  episcopo  nulla  differentia  debere 
discerni.  August.,  lib.  De  Hœresib.  hœres.  53, 
pag.  18. 

2  A'am  ideo  altior  locus  posilus  est  episcopis, 
ut  ipsi  superintendant  et  tanquam  custodiant  po- 
pulum.  Nam  et  grœce  quod  dicitur  episcopus,  hoc 
latine  superintentor  interpretatur  :  quia  superin- 
tendit,  quia  desuper  videt,  quomodo  enim  vinitori 
altior  sit  locus  ad  custodiendam  vineam,  sic  et 
episcopis  altior  locus  factus  est,  et  de  isto  alto 
loco  periculosn  redditur  ratio,  nisi  eo  corde  ste- 
mus  hic,  ut  Immilitate  sub  pedibus  vestris  simus, 
et  pro  vobis  oremus,  ut  qui  novit  mentes  vestras 
ipse  custodiat.  Augusl.,  in  Psal.  cxxvi,  num.  3, 
pag.  1419. 

*  Transit  honor  hujus  sœculi,  transit  ambitio. 
In  futuro  Chrisli  judicio,  nec  absidœ  gradalœ, 
nec  cathedrœ  velatœ,  nec  sanctimonialium  occur- 
santium  atque  cantanlium  grèges  adhibebuntur 


ad  defensionem  ubi  cœperint  accusare  conscien- 
tice,  et  conscienliarum  arbiter  judicare.  Quœ  hic 
honorant,  ibi  onerant;  quœ  hic  relevant,  ibi  gra- 
vant. Ista  quœ  pro  tempore  propter  Ecclesiœ  uti- 
litatem  honori  noslro  exhibentur ,  defendentur 
forte  bona  conscientia ,  defendere  autem  non  po- 
terunt  malani.  August.,  fpwf.  23,uum.  3,  pag.32. 

5  August.,  Serm.  III,  pag.  865. 

6  Idem.,  Serm.  339,  pag.  1308,  et  Serm.  340,  pag. 
1311. 

■J  August.,  Epist.  108,  num.  5,  pag.  307. 

8  Cum  aliud  habeat  Ecclesiœ  catholicœ  consue- 
tudo  ut  non  Numidiœ,  sed  propinquiores  episcopi 
episcopum  Ecclesiœ  Carthaginis  ofdinant,  sicut 
nec  romanœ  Ecclesiœ  ordinal  aliquis  episcopus 
metropolitanus,  sed  de  proximo  Osliensis  episco- 
pus. August.,  in  Brev.  Collât,  diei  ïerfiœ,  pag.  570 
et  571. 

9  August.,  Epist.  43,  num.  1,  pag.  91. 
'»  Idem.,  Serm.  356,  num.  8,  pag.l3S7. 

"  August.,  Epist.  191,  num.  1,  pag.  709. 
la  Idem.,  Epist.  209,  num.  3,  pag.  777. 
13  August.,  lib.  VI  Co)lf.,  cap.  il,  pag.  119. 
1*  August.,   lib.  Contr.  Cresc,  cap.  29,  num.  33, 
pag.  450. 


[jV"  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉYÊQUE  D'HIPPONE. 


sépulture  des  morts.  On  mettait  quelquefois 
des  '  enfants  dans  le  degré  de  lecteur. 

166.  Saint  Augustin,  marquant  les  senti- 
ments où  il  était  avant  sa  conversion,  dit  qu'il 
regardait  ^  saint  Ambroise  comme  un  homme 
heureux  selon  le  monde,  le  voyant  si  fort 
honoré  des  plus  grandes  puissances  de  la 
terre  ;  mais  que  son  célibat  lui  paraissait  fort 
rude.  Il  pensa  depuis  bien  différemment  :  car, 
répondant  à  ceux  qui  après  avoir  répudié 
leurs  premières  femmes,  voulaient  en  épou- 
ser d'autres  sous  prétexte  qu'ils  ne  pouvaient 
garder  la  continence,  il  leur  propose  l'exem- 
ple des  clercs  que  l'on  obligait  à  l'obser- 
ver', en  les  contraignant  par  une  violence 
imprévue  à  accepter  l'honneur  de  la  cléri- 
cature.  Il  ajoute  qu'ils  ne  laissaient  pas  de 
s'acquitter  fidèlement  avec  le  secours  de  Dieu 
d'une  chose  à  laquelle  ils  n'avaient  jamais 
pensé  s'engager.  Il  parait  que  '  les  donatis- 
tes  obligaient  aussi  à  la  continence  leurs  évê- 
ques  et  leurs  prêtres  ,  puisqu'ils  en  déposè- 
rent plusieurs  à  cause  qu'ils  avaient  eu  des 
enfants.  Voici  le  raisonnement  que  ce  Père 
fait  touchant  le  vœu  de  virginité  :  «  Si  la 
soustraction  ^  de  quelque  partie  d'un  argent 
voué  à  Dieu,  mais  qui  n'était  utile  que  pour 
l'usage  ordinaire  de  la  vie ,  a  si  fort  déplu  à 
sa  justice,  quelle  doit  être  sa  colère,  lorsque 
ceux  qui  lui  ont  voué  leur  virginité,  ne  la 
lui  conservent  pas  ?  Au  lieu  que  l'argent 
n'est  qu'une  chose  à  l'usage  des  hommes  , 
celle-ci  est  pour  ainsi  dire  à  l'usage  de  Dieu 
même.  Les  saints  sont  la  maison  et  le  temple 
de  Dieu  :  Dieu  le  consacre  par  sa  présence , 


7gS 

et  il  veut  qu'on  le  lui  conserve  saint.  Ce  que 
saint  Pierre  dit  à  Ananie ,  peut  donc  se  dire 
à  une  vierge  consacrée  à  Dieu,  quand  elle 
se  marie  :  N'étiez-vous  pas  maîtresse  de  vo- 
tre virginité,  n'était-elle  pas  en  votre  pouvoir 
avant  que  vous  en  eussiez  fait  un  sac;:ifice 
par  une  consécration  solennelle  ?  Que  celles 
qui  en  usent  de  la  sorte,  et  qui,  après  avoir 
voué  leur  virginité  à  Dieu,  viennent  à  se  ma- 
rier, s'attendent  donc  non  au  châtiment  pas- 
sager d'une  mort  temporelle,  mais  au  sup- 
phce  du  feu  éternel  (si  eUes  ne  font  péni- 
tence). » 

167.  Les  moines  les  plus  parfaits  sont 
les  anachorètes  qui  \  se  dérobant  à  la  vue 
de  tous  les  hommes,  ne  mangeant  que  du 
pain  qu'on  leur  apporte  de  temps  en  temps , 
et  ne  buvant  que  de  l'eau  toute  pure,  habi- 
tent dans  les  déserts,  y  jouissent  de  la  com- 
pagnie et  de  l'entretien  de  Dieu  auquel  ils 
sont  unis  par  la  pureté  de  leurs  pensées ,  el 
goûtent  les  délices  d'une  souveraine  béati- 
tude dans  la  contemplation  de  cette  beauté 
qui  ne  peut  être  envisagée  que  des  yeux 
d'une  âme  sainte.  Il  y  avait  d'autres  moines 
appelés  cénobites,  qui,  ayant  quitté  les  plai- 
sirs du  monde  après  les  avoir  méprisés  ,  vi- 
vaient en  commun  d'une  vie  toute  chaste  et 
toute  sainte,  employant  le  temps  à  prier,  à 
lire  et  à  conférer  ensemble  ;  jamais  ni  en- 
flés d'orgueil,  ni  agités  de  troubles,  ni  pous- 
sés d'envie,  mais  toujours  modestes,  toujours 
humbles  et  tranquilles ,  ils  vivaient  dans  une 
parfaite  concorde  et  dans  une  perpétuelle  con- 
templation des  grandeurs  divines,  et  offraient 


•  August.,  lib.  1  De  Cons.  evangelist.,  num.  13. 
pag.  8,  tom.  III. 

2  Ipsiimque  Ambrosium  felicem  quemdam  ho- 
minem  secundum  sœculum  opinabar,  quem  sic 
tantœ  po testâtes  honorarent  ;  cœlibatus  tantum 
ejus  mihi  laboriosus  videbattir.  August.,  lib.  VI 
Conf.,  cap.  ni,  pag.  120. 

3  Unde  istos,  qui  virilem  excellentiain  non  pu- 
tant  nisi  peccandi  licentiam,  quando  terremus  ne 
adulterinvs  conjugiis  hœrendo  pereant  in  ceter- 
num,  solemus  eis  proponere  etiam  continentiam 
clericorum,  qui  plerumque  ad  eamdem  sarcinam 
subev/ndam  capiuntur  inviti,  eamque  susceptam 
usque  ad  debitum  finem,  Domino  adjuvante,  per- 
duùunt...  Hœc  atque  hujusmodi  eis  ut  possumus, 
dicimus,  qui  quoquo  modo  a  se  discedentibus,  vel 
propter  adulterium  dimissis  conjugibus  suis,  alias 
volunt  ducere ,  et  cum  prohibentur ,  infirmitatem 
nobis  carnis  opponwU.  August.,  lib.  II  De  Conjug. 
adult.,  cap.  xs,  num.  22,  pag.  418. 

*  Testimonio  gravidatarum  femvnarum  convic- 
tos,  vel  colleyas  vel  presbytères  vestros  ab  ho- 
nore deponitis,  quandoquidem  ista  exempta,  ubi- 

IX. 


que  non  désuni.  August.,  lib.  II  Cont.  Litt.  Peti- 
lian.,  cap.  sxvi,  num.  61,  pag.  236. 

5  Hoc  tanlum  attendat  charitas  vestra,  quia  si 
Deo  displicuit  delrahere  de  pecunia  quam  vove- 
rantDeo,  et  utique  illa  pecunia  usibus  homi- 
num  fuerat  necessaria  :  quomodo  irascitiir  Deus, 
quando  vovetur  castitas ,  et  non  exhibetur  ; 
quando  vovetur virginilas,  et  non  exhibetur?  Vo- 
vetur enim  ad  usus  Dei  et  non  ad  usus  hominvmi; 
quid  est  quod  dixi,  ad  usus  Dei?  Quia  de  sanctis 
Deus  facit  sibi  domum,  facit  sibi  templum  in  quo 
habilare  dignelur  :  et  utique  sanctum  vult  per- 
manere  templum  suum.;  poiest  ergo  virgini  sanc- 
timoniali  nubenti  dici,  quod  ait  Pelrus  de  pecu- 
nia :  Virginilas  tua  numquid  non  manens  tibi 
manebat,  et  antequam  eam  voveres,  in  tua  fuerat 
potestale?  Quicumque  autem  hoc  fecerint,  vove- 
rint  talia  et  non  reddiderint,  non  se  putant  tem- 
poralibus  mortibus  corripi,  sed  feterno  ignedam- 
nari.  August.,  Serm.  148,  cap.  n,  num.  2,  pag.  703 
et  "04. 

"  Lib.  1  De  Moribus  Ecoles,  cathol. ,  num.  66  et  67, 
pag.  710  et  711. 

50 


786 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


à  Dieu,  comme  un  sacrifice  qui  lui  était 
agréable,  tous  les  dons  et  toutes  les  grâces 
qu'ils  avaient  reçus  de  sa  libéralité.  Nul  d'en- 
tre eux  ne  possédait  rien  en  propre  ;  nul 
n'était  à  charge  à  personne,  travaillant  des 
mains  à  ce  qui  pouvait  nourrir  le  corps,  et 
ne  point  détourner  l'esprit  de  penser  à  Dieu. 
Ils  donnaient  tous  leurs  ouvrages  à  ceux 
qu'on  nommait  doyens,  ainsi  appelés  à  cause 
que  chacun  d'eux  avait  dix  moines  sous  sa 
conduite.  Cela  les  déchargeait  du  soin  deleur 
nourritm'e,  de  leurs  vêtements,  et  de  toutes 
les  nécessités  corporelles,  soit  en  santé,  soit 
en  maladie.  Ces  doyens  en  prenaient  le  soin 
et  veillaient  sur  l'économie  et  sur  le  ména- 
ge. C'était  à  eux  à  ordonner  les  choses  dont 
la  faiblesse  de  la  nature  a  besoin,  mais  ils 
rendaient  compte  de  tout  à  celui  qu'ils  appe- 
laient père.  Quant  à  ces  pères,  ils  étaient 
très-saints  dans  la  conduite  de  leur  vie,  et 
très-habiles  dans  la  science  divine.  Ils  n'a- 
vaient rien  que  de  noble  et  de  relevé  dans 
lem-s  actions  et  dans  leurs  mœurs.  Ils  gou- 
vernaient les  autres  qu'ils  appelaient  leurs 
enfants,  sans  orgueil  et  sans  insolence  ;  et 
quoiqu'ils  commandassent  avec  grande  au- 
torité, on  leur  obéissait  avec  beaucoup  d'af- 
fection. Tous  ces  solitaires  sortaient  de  lem's 
cellules  sur  la  fin  du  jour,  et  s'assemblaient 
pour  entendre  leur  père,  n'ayant  point  man- 
gé de  toute  la  journée.  Ils  n'étaient  pas 
moins  de  trois  mille  sous  chaque  père  ;  et  il 
y  en  avait  même  quelquefois  davantage.  Ils 
écoutaient  ses  paroles  avec  un  zèle  incroya- 
ble, dans  un  silence  merveilleux.  Et  selon 
que  ses  discours  les  touchaient ,  ils  mar- 
quaient les  mouvements  et  les  afl'ections  de 
leurs  cœurs  par  des  soupirs,  ou  par  des  lar- 
mes ;  mais  d'une  manière  si  modeste  et  si 
tranquille ,  qu'ils  n'excitaient  aucun  bruit. 
L'exhortation  finie  ils  allaient  prendre  leur 
repas,  ne  mangeant  qu'autant  qu'il  était  né- 
cessaire pour  la  vie  et  pour  la  santé  ,  rete- 
nant la  concupiscence,  de  peur  qu'elle  ne 
commît  quelque  excès,  ne  fusse  que  dans  les 
choses  les  plus  simples  et  les  plus  viles.  De 
sorte  qu'ils  ne  s'abstenaient  pas  seulement 
de  la  chair  et  du  vin  pour  dompter  les  mou- 
vements delà  volupté,  mais  encore  de  plu- 
sieurs espèces  d'aliments  qui  excitent  d'au- 
tant plus  l'appétit  qu'ils  semblent  plus  purs 


à  quelques-uns,  y  en  ayant  qui  veulent  au- 
toriser le  désir  déréglé  des  mets  délicats  par 
la  raison  mauvaise  et  ridicule  qu'il  n'y  arien 
que  de  maigre  dans  cette  sorte  de  nourri- 
ture. S'il  restait  quelque  chose  après  la  ré- 
fection nécessaire,  comme  il  arrivait  sou- 
vent à  cause  de  la  sobriété  de  leur  repas , 
on  le  distribuait  aux  pauvres  avec  soin.  Car 
ils  ne  travaiUaient  pas  pour  avoir  en  abon- 
dance ce  qu'il  leui'  fallait  pour  leur  nourri- 
tm'e :  au  contraue  ils  ne  souffraient  jamais 
qu'il  demeurât  rien  chez  eux  qui  ne  leur  fût 
absolument  nécessaire,  jusqnes-là  çpi'ils  en- 
voyaient des  vaisseaux  chargés  de  vivres 
dans  des  lieux  où  les  habitants  étaient  pau- 
vres. Mais  la  gloire  de  la  vie  monastique 
était  en  même  temps  obscurcie  par  un  grand 
nombre  d'hypocrites  '  dispersés  de  tout  côté, 
qui,  sous  l'habit  de  moine,  parcouraient  les 
provinces,  sans  être  attachés  à  aucune  de- 
meure fixe  et  sans  être  envoyés  de  personne. 
Les  uns  faisaient  valoir  des  reliques  de  mar- 
tyrs, si  toutefois  elles  en  étaient;  d'autres 
vantaient  leurs  habits ,  et  d'autres  feignaient 
divers  prétextes,  tous  demandant  et  exigeant 
de  quoi  soutenir  leur  pauvreté  lucrative,  ou 
de  quoi  récompenser  leur  sainteté  appa- 
rente. Tout  cela  ne  servait  qu'à  décrier  l'é- 
tat dont  ils  faisaient  profession,  surtout  lors- 
qu'on venait  à  découvrir  les  désordres  de 
leur  vie.  Saint  Paulin  condamne^  l'abus 
de  ces  faux  religieux  qui  mettaient  en  com- 
merce une  piété  qui  n'avait  que  des  dehors, 
et  il  loue  Martinien  de  n'avoir  pas  voulu  imi- 
ter ces  gueux  avares,  accoutumés  à  courir 
par  mer  et  par  terre,  et  qui  trafiquaient  du 
nom  qu'ils  portaient. 

On  recevait  dans  les  monastères  toute 
sorte  de  personnes,  riches,  esclaves  ',  affran- 
chis, paysans,  artisans,  et  l'on  était  persua- 
dé qu'il  y  aurait  eu  du  mal  de  ne  pas  rece- 
voir à  la  profession  monastique  des  gens  de 
condition  vile,  parce  que  souvent  il  an  venait 
de  grands  saints.  Il  semble  aussi  qu'on  em- 
ployait ces  artisans  aux  mêmes  métiers  qu'ils 
avaient  exercés  auparavant,  et  que  ceux  qui 
avaient  été  riches  dans  le  monde,  travaiUaient 
de  leurs  mains  étant  moines.  Du  moins  saint 
Augustin  dit  qu'il  n'est  nullement  à  propos 
que  '  les  artisans  deviennent  oisifs  dans  un 
genre  de  vie  où  les  sénateurs  et  les  grands 


*  August.,  lib.  De  Oper.  monach.,  cap.  sivni, 
num.  36,  pag.  498,  toiu  VI. 
s  Paulinus,  Carminé  21,  ad  Cytherium,  pag.  108. 


'  August.,    lib.   De  Oper.    monach.,  cap.  sxn, 
pag.  492. 
'  August.,  ibid-,  cap.  xsv,  pag.  496. 


[iv=  ET  V»  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  É' 

da  monde  deviennent  actifs  et  laborieux  ;  ni 
que  les  villageois  soient  délicats  dans  un  lieu 
où  se  retirent ,  en  renonçant  aux  délices  du 
siècle,  ceux  qui  y  avaient  possédé  de  grands 
hiens.  On  rapporte  aux  moines  ce  que  dit  ce 
Père  ',  que  les  donatistes  se  raillaient  de  ce 
que  les  frères  disaient  :  Deo  gratias,  quand  ils 
rencontraient  quelqu'un  de  leur  profession  ou 
de  leur  connaissance.  Ces  schismatiques  dé- 
chiraient autant  qu'il  était  en  eux  la  vie  mo- 
nastique ,  et  faisaient  un  crime  '  à  saint  Au- 
gustni  de  l'avoir  établie  en  Afrique. 

Sur  le  mn-  \Q^  Saint  Augustiu  ne  doute  point  que  '  le 
mariage  entre  la  Sainte  Vierge  et  saini  Joseph 
n'ait  été  véritable  ,  puisque  l'on  y  trouve  tous 
les  biens  qui  appartiennent  au  vrai  mariage, 
les  enfants,  la  fidélité,  le  sacrement  :  les  en- 
fants en  la  personne  de  Jésus-Christ;  la  fidé- 
lité en  ce  qu'il  n'y  a  point  eu  d'adultère  ;  et 
le  sacrement  en  ce  qu'il  n'y  a  point  eu  de  di- 

iTimoih.iT,  vorce.  Il  donne  pour  principe  que  *,  dans  les 
noces  des  femmes  chrétiennes ,  la  sainteté 
du  sacrement  est  beaucoup  plus  considérable 
que  la  fécondité.  Il  enseigne  encore  '  que  Jé- 
sus-Christ, en  assistant  aux  noces  de  Cana  a 
voulu  nous  apprendre  qu'il  était  l'auteur  du 
mariage  :  «  Car  il  devait,  dit  ce  Père,  y  avoir 
un  jour  selon  la  prédiction  de  l'Apôtre ,  des 
gens  qui  défendraient  de  se  marier,  qui  ensei- 


VÊQUE  D'HIPPONE.  787 

gneraient  que  le  mariage  est  mauvais  et  que 
le  diable  en  est  l'auteur.  Cette  erreur  est  i^"'""  ""^ 
néanmoins  proscrite  dans  l'endroit  de  l'Évan- 
gile où  Jésus-Christ,  consulté  sur  la  dissolu- 
tion du  mariage,  répond  qu'elle  n'a  lieu  que 
dans  le  cas  d'adultère;  et  la  raison  qu'il  en 
donne  ,  est  que  l'homme  ne  doit  point  sépa- 
rer ce  que  Dieu  a  joint.  Ceux  aussi  qui  sont 
bien  instruits  de  la  foi  catholique,  savent  que 
Dieu  est  l'auteur  du  mariage  et  'que  le  dé- 
mon l'est  du  divorce.  S'il  est  donc  permis  à 
l'homme  de  quitter  sg,  femme  ,  c'est  dans  le 
cas  ^  d'adultère,  parce  qu'elle  renonce  la  pre- 
mière à  son  mari ,  en  violant  la  fidélité  con- 
jugale. Mais  cette  disolution  ne  va  pas  jusqu'à 
rompre  le  lien  du  mariage  ;  il  demeure  '  tou- 
jours. D'où  vient  que  celui  qui  se  marie  avec 
une  femme  séparée  de  son  mari,  pour  cause 
de  fornication,  se  rend  coupable  d'adultère. 
iSIais  une  femme  peut  ^  se  marier  légitime- 
ment après  la  mort  de  son  véritable  mari, 
avec  celui  avec  lequel  elle  avait  commis  un 
adultère.  » 

Le  saint  Docteur  prouve  '  que  la  stérilité 
d'une  femme  ,  n'est  point  une  raison  légi- 
time à  un  homme  de  la  quitter  pour  en  épou- 
ser une  autre  qui  lui  donne  des  enfants.  Saint 
Cyprien  condamne  '°  les  mariages  des  fidèles 
avec  des  infidèles  ,  et  dit  que  c'est  prostituer 


i  August.,"*»  Fsal.  cxïxit,  num.  6,  pag.  1487. 
2  August.,  lit).   III  Contra    Litt.   Petil,  cap.  xl, 
num.  48,  pag.  321,  tom.  IX. 

5  Omne  itaque  nuptiarum  bonum  impletum  est 
in  illis  parentiius  Christi,  proies,  fides,  sacra- 
mentum.  Prolem,  cognoscimus  ipsum  Dominum 
Jesum;  fidem,  quia  nullum  adulterium  :  sacra- 
mentuin  quia  nullum  divortium.  August. ,  lib.  I 
De  Nupt.  et  concup.,  cap.  xi,  num.  13,  pag.  287. 

*  In  noslrarum  quippe  nuptiis  plus  valet  sanc- 
titas  sacramenti,  quamfœcunditas  uteri.  August., 
lib.  De  Bono  conju,gii,  cap.  xviii,  num.  21, 
pag.  332. 

'  Quod  Dominus  invitatus  venit  adnuptias...  con- 
firmare  voluit  quod  ipse  fecit  nuptias.  Futuri 
enim  erant,  de  quibus  dixit  Apostolus,  prohiben- 
tes  nubere,  et  dicentes  quod  malum  essent  nup- 
tiœ,  et  quod  diabolus  eas  fecisset  :  cumidem  Do- 
minus dicat  in  Evangelio,  interrogatus  utrum 
liceat  homini  dimittere  uxorem  suam  ex  qualibet 
causa,  non  licere  excepta  causa  fornicatiouis.  In 
qua  responsione,  si  'meministis,  hoc  ait  :  Quod 
Deus  conjunxit,  homo  non  separet.  Et  qui  bene 
eruditi  sui^lin  flde  catholica,  noverunt  quod  Deus 
fecerit  nuptias,  et  sicut  conjtmctio  a  Deo,  ita  di- 
vortium a  diabolo  sit.  Sed  propterea  in  causa 
fornicationis  licet  uxorem  dimittere,  quia  ipsa 
esse  uxor-  prior  noluit,  quœ  fidem  conjugalem 
marito  non  servavit.  August.,  Tract.  9,  num.  2, 
pag.  360  et  361. 


8  Eujus  procul  dubio  sacramenti  res  est,  ùt  max 
et  femina  connubio  copulati  quandiuvivunt  inse- 
parabiliter  persévèrent,  nec  liceat,  excepta  causa 
fornicationis,  a  conjuge  conjugem  dirimi.  Hoc 
enim  custoditur  in  Christo  et  Ecclesia,  ut  vivens 
cum  vivente  in  ceternum  nullo  divortio  separetur. 
August.,  lib.  fle  IVwpi.  ef  concup.,  ca-p.  x,  num.  11, 
pag.- 285. 

'  Licite  itaque  dimittitur  conjux  ob  causam 
fornicationis,  sed  manet  vinculum  prioris,  prop- 
ter  quod  fit  reus  adulterii,  qui  dimissam  duxerit 
etiam  ob  causam  fornicationis,  etc.  August., 
lib.  II.  De  Conjug.  adult.,  num.  4,  pag.  406. 

8  Denique  mortuo  viro  cum  quo  verum  connu- 
hium  fuit,  fieri  verum  connubium  potest  cum  quo 
prius  adulterium  fuit.  August. ,  lib.  De  Nupt.  et 
concup.,  cap.  x,  pag.  28iî. 

3  Cuju.i  sacramenti  (matrimonii)  tanta  observatio 
est  in  cioitate  Dei  nostri,  m  monte  sancto  ejus, 
hoc  est,  in  Ecclesia  Christi,  quibusque  fidelibus 
conjugatis,  qui  sine  dubio  membra  sunt  Christi, 
ut  cum  filiorum  procreandorum  causa,  vel  nu- 
bant  feminœ,  vel  ducantur  uxores,  nec  sterilem 
conjugem.  fas  sit  relinquere,  ut  alia  secunda  du- 
catur.  August.,  lib.  I  De  Nupt.  et  concup.,  cap.  x, 
pag.  285  et  286. 

::,  10  Beatus  Cyprianus  in  Epistola  de    lapsis 

jungere  cum  infldelibus  vinculum  matrimonii  ni- 
hil  aliud  esse  asserit,  quam  prostituere  gentilibus 
membra   Christi  :  quœ  nostris  temporibus  jam 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


788 

aux  nations  les  membres  de  Jésus-Christ.  On 
ne  laissait  pas  d'en  contracter  de  semblables 
du  temps  de  saint  Augustin  :  et  ils  ne  passaient 
pas  même  pour  criminels  ,  soit  parce  qu'ils 
ne  sont  pas  défendus  dans  le  Nouveau  Testa- 
ment, soit  parce  que  la  défense  en  est  expri- 
mée en  des  termes  assez  obscurs ,  et  qui  lais- 
sent du  doute. 
F.it  sin?u-       169.  Saint  Augustin  raconte  ainsi  un  fait 

Ilor  sur  lo  mu.  ^  , 

"•'"sa.  singulier  sur  le  mariage  :  «  Acyndmus  étant 

préfet  d'Orient  fit  mettre  *  un  homme  en  pri- 
son à  Antioche  ,  parce  qu'il  devait  une  livre 
d'or  au  fisc,  et  jura  qu'il  le  ferait  mourir  s'il 
ne  payait  dans  un  certain  jour  :  en  quoi  il 
considéra  moins  ce  qu'il  devait  que  ce  qu'il 
pouvait,  comme  cela  n'est  que  trop  oi'dinaire 
à  ceux  qui  ont  l'autorité  en  main.  Cepen- 
dant le  prisonnier  était  insolvable.  Mais  un 
homme  riche  promit  à  sa  femme  de  lui  don- 
ner la  somme ,  si  elle  voulait  consentir  une 
seule  fois  à  la  passion  qu'il  avait  pour  elle. 
Elle  en  parla  à  son  mari ,  n'osant  ni  rejeter 
xm.  moyen  de  lui  conserver  la  vie  ,  parce 
qu'eUe  l'aimait  beaucoup  ;  ni  rien  faire  sans 
son  aveu  dans  une  chose  dont  il  était  plus 
maître  qu'elle.  La  crainte  de  la  mort  fit  que 
le  mari  reçut  cette  proposition  même  avec 
joie.  Mais  le  riche  (aussi  perfide  et  aussi 
avare  qu'impudique),  après  lui  avoir  donné 
un  sac  plein  d'or ,  le  retira  sans  qu'elle  s'en 
aperçût ,  et  en  mit  à  la  place  un  autre  tout 
semblable  où  il  n'y  avait  que  de  la  terre. 
Quand  la  femme  fut  revenue  chez  elle,  et 
qu'elle  reconnut  cette  fourberie,  la  douleur 
qu'elle  en  eut,  et  le  désir  de  sauver  son  mari, 
la  porta  à  déclarer  publiquement  tout  ce  qui 
s'était  passé,  et  elle  en  fit  ses  plaintes  au 
préfet.  Ce  magistrat  eut  assez  d'équité  pour 
se  reconnaître  coupable  de  ce  malheur  par 
ses  menaces  indisci-ètes.  Il  ne  rougit  point  de 
prononcer  qure  la  livre  d'or  serait  prise  sur 


ses  propres  biens;  mais  il  ajouta  que  la  fem- 
me serait  mise  en  possession  de  la  terre  du 
riche  où  la  chose  était  arrivée,  et  d'où  on 
avait  tiré  la  terre  qu'on  lui  avait  donnée  au 
lieu  d'or.  » 

Quel  jugement  ^  saint  Augustin  porte-t-il 
de  cette  action  ?  L'approuve-t-il  ?  donne-t-il 
quelques  louanges  au  mari  ou  à  la  femme  ? 
Nullement.  Il  déclare  qu'il  n'en  veut  point 
juger,  et  qu'il  laisse  '  à  un  chacun  la  liberté 
d'en  penser  ce  qu'il  voiidra.  La  raison  pour 
laquelle  il  ne  veut  rien  prononcer  là-dessus, 
c'est,  dit-il,  que  cette  histoire  n'est  pas  tirée 
des  Hvres  saints,  et  tout  ce  qu'il  ajoute,  c'est 
que  si  l'on  consulte  les  lumières  de  la  rai- 
son, l'adultère  revêtu  de  toutes  les  circons- 
tances marquées  dans  le  fait  dont  il  s'agit , 
xie  frappe  point  si  fort  et  ne  donne  pas  tant 
d'horreur ,  que  quand  on  considère  le  crime 
de  l'adultère  en  lui-même,  ainsi  qu'il  l'avait 
représenté  plus  haut.  Mais  si  ce  Père  n'a 
pas  voulu  décider  en  cet  endroit  de  la  bonté 
ou  de  la  malice  de  l'action  dont  on  vient  de 
parler ,  il  s'en  est  expliqué  assez  clairement 
ailleurs.  En  écrivant  contre  Juhen  ,  il  dit 
expressément  *  que  l'on  ne  doit  point  com- 
mettre d'adultère  à  cause  du  bien  qui  en 
procède ,  savoir  la  génération  des  enfants 
qui,  par  le  baptême,  doivent  devenir  des  en- 
fants de  Dieu  ;  de  même  qu'il  n'est  pas  per- 
mis de  voler  ,  afin  d'avoir  de  quoi  faire  l'au- 
mône. Il  dit  ailleurs  ^  qu'on  ne  peut  douter 
que  Dieu  ne  nous  impute  avec  justice  les 
péchés  que  nous  avons  commis,  non-seule- 
ment en  nous  abandonnant  au  plaisir  ,  mais 
aussi  ceux  dans  lesquels  nous  sommes  tom- 
bés pour  éviter  quelques  calamités,  quelques 
tourments ,  ou  la  mort  même.  Et  dans  le  li- 
vre de  la  Foi  et  des  bonnes  œuvres,  il  soutient 
que'  dans  l'Église  non-seulement  le  lien,  mais 
le  sacrement  du  mariage  est  si  recomman- 


non  piUantur  esse  peccata,  qiwniam  re  vera  in 
Nova  Tesiamento  nihil  iniie  prceceptwm  est,  et 
ideo  aut  licere  creditum  est,  aiit  velut  dubiuin 
derelictum.  August.,  lib.  De  Fideet  oper.,  cap.  xix. 
num.  33,  pag.  185. 

•  August.,  lib.  1  De  Serin.  Domini  in  monte,  cap. 
XVI,  num.  Sfl,  pag.  186,  tom.  III,  part.  2. 

*  Voyez  VApologie  de  la  morale  des  Pères  de 
l'Eglise,  ehap.  xii,  pag.  327  et  328. 

^  Nihil  hinc  in  aliquam  partem  disputa,  liceat 
cuiqne  œstimare  quod  velit  :  non  enim  de  divinis 
auclorilatibus  deprompla  historia  cxl  ;  sed  lamen, 
narrnto  facto,  non  ita  respuit  hoc  sensus  hnma- 
nus,  quod  in  illa  muliere  viro  jit.benle  commis- 
swn   est,    quemadmodum   antea  cum   sine  wllo 


exemplo,  res  ipsa  poneretur ,  horruimus.  August. 
loco  mox  oitato,  pag.  187. 

''  Kon  sunt  facienda  adulteria  etiam  volunlate 
generandi  regenerandos ,  quemadmodum  nec  furta 
facienda  sunt,  etiam  voluntate  pascendi  pauperes 
sanctos.  August.,  lib.  V  Contra  Julian.,  cap.  x  , 
uum.  41,  pag.  6i9. 

^  Satis  apparuit  etiam.  illa  peccata  juste  impu- 
tari,  quœ  non  delectationis,  causa  devitandœ  mo- 
lesliœ  alicujus,  aui  doloris  aut  mortis.  August., 
lib.  De  Peccal.  mer.  et  rem.,  num.  l.'i,  pag.  'i8. 

'^  lu  civitato  Dei ,  in  monte  sancto  ejus ,  hoc  est 
in  Eccle.'iia...  nuptiarum  non  solwm  vinculum, 
verwn  etiam  sacramentum  ita  commendatur,  ut 
non    liceal    liro  uxorem   suam  alteri  tradere : 


[IV°  ET  V^  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


789 


dable  qu'il  n'est  pas  permis  à  un  homme  de 
donner  sa  femme  à  un  autre.  Il  condamne 
Caton  d'avoir  prostitué  'la  sienne.  «  Le  désir 
d'avoir  un  plus  grand  nombre  d'enfants,  dit- 
il  encore ,  n'a  jamais  été  ^  aux  serviteurs  de 
Dieu  une  raison  pour  faire  ce  que  fit  autre- 
fois ce  romain,  qui  donna  de  son  vivant  sa  fem- 
me à  un  autre ,  afin  qu'elle  lui  peuplât  sa  mai- 
son d'enfants  comme  elle  avait  fait  la  sienne. 
Car  dans  la  mariage  qui  se  contracte  parmi 
nous,  on  a  beaucoup  plus  d'égard  à  la  sain- 
teté du  sacrement  qu'à  la  fécondité.  »  Cette 
doctrine  a  toujours  été  générale  parmi  les 
chrétiens.  «  Nous  n'avons ,  disait  ^  Terlullien 
rien  de  particulier  que  nos  femmes  ;  de  tout 
ce  qui  est  sur  la  terre,  il  n'y  a  qu'elles  dont 
nous  rejetons  la  communauté  ;  et  c'est  d'elles 
seulement  au  contraire  qu'il  y  a  communauté 
entre  les  païens.  »  Mais  pourquoi,  dira-t-on, 
saint  Augustin  n'a-t-il  pas  voulu  décider  de 
la  bonté  ou  de  la  malice  de  l'action  qu'occa- 
sionna Acyndinus,  et  pourquoi  s'en  excuse- 
t-il  sur  ce  que  cette  histoire  n'est  pas  tirée 
des  livres  saints?  A  cela  on  peirt  répondre 
que  c'est  assez  la  manière  d'agir  de  ce  Père 
en  cas  pareil.  Cela  se  voit  dans  son  traité  de 
l'Ame  et  de  son  origine  ;  comme  on  lui  ob- 
jectait l'histoire  de  Dinocrate  pour  prouver 
que  les  enfants  peuvent  être  sauvés  sans  bap- 


tême ,  la  réponse  qu'il  donne ,  c'est  que  'les 
Actes  de  sainte  Perpétue,  où  cette  histoire 
est  rapportée,  ne  sont  pas  une  écriture  ca- 
nonique. 

170.  (I  Jésus-Christ  qui  voulait  ^  honorer 
ses  fidèles  serviteurs  jusqu'à  la  fin  du  monde, 
dit  saint  Augustin,  a  commencé  lui-même 
par  honorer  sa  croix,  en  faisant  que  les  prin- 
ces de  la  terre  qui  croiraient  en  lui ,  défen- 
dissent qu'on  ne  fît  plus  mourir  pei'sonne 
sur  la  croix,  et  que  les  rois  la  portassent  sur 
le  front  avec  confiance.  Si  donc  l'impiété  °, 
voyant  que  le  roi  du  ciel  porte  le  bois  de  son 
supplice  comme  son  sceptre,  s'en  moque ,  la 
piété  lui  voyant  porter  ce  bois  pour  y  être 
attaché,  conçoit  que  c'est  pour  le  mettre  sur 
le  front  même  des  rois.  D'où  l'on  voit  qu'elle 
est  à  présent  la  gloire  de  la  croix  de  Jésus- 
Christ,  puisqu'elle  paraît  '  sur  le  front  mê- 
me des  princes  ,  et  que  ce  n'est  point  par  le 
fer,  mais  par  le  bois  que  le  Sauveur  a  sou- 
mis toute  la  terre.  »  On  voyait  du  temps  de 
saint  Augustin  un  tableau  où  l'on  avait  re- 
présenté le  martyre  de  saint  Etienne.  Cette 
peinture  '  était  très-<igréable  ;  le  saint  mar- 
tyr y  était  représenté  accablé  de  pierres.  On 
y  voyait  aussi  Paul  gardant  les  vêtements  de 
ceux  qui  le  lapidaient.  On  voyait  encore  en  di- 
vers endroits  '  l'image  d'Abraham  offrant  son 


Sur  les  Ima- 
fc'osde  la  croix 
ol  des  saints. 


quod  in  republica  tune  romana,  non  solum  mi- 
nime cutpabililer,  veruin  eliam  laudabililer  Cato 
feeisse  perhibetur,  neque  hine  diutiiis  modo  dis- 
putare  opus  est,  cum  et  Mi  quibus  respondeonon 
audeant  affirmare:  nuUum  hoc  esse  peccatum, 
neque  negent  esse  aduUerium,  ne  ipsi  Domino 
sanctoque  Evangelio  aperte  convincantur  obsis- 
tere.  August.,  lib.  De  Fide  et  oper.,  cap.  vu,  num. 
10,  pag.  170,  tom.  VI. 

1  Vide  Plularchum,  in  Catoiie  minore,  pag.  771, 
et  Strabonem,  lib.  XII  Remm  geographicarum, 
pag.  354. 

^  Nec  causa  ergo  numerosioris  prolis  fecemnt 
sancti  nostri,  quod  Cato  dicilur  feeisse  romanus, 
ut  traderet  vivus  uxorem  etiam  alterius  domum 
filiis  impleturam.  In  nostrarum  quippe  nuptiis 
plus  valet  sanctitas  sacramenti,  qiiam  fœcundilas 
.  uteri.  August.,  lib.  De  Bono  coajiig.,  cap.  xviii, 
num.  21,  pag.  332,  tom.  VI. 

3  Omnia  indiscreta  sunt  apud  nos,  prœter  uxo- 
res.  In  isto  solo  consortium  solvimus,  in  quo  solo 
cœteri  homines  consortium  exercent,  qui  non 
amicorum  solummodo  matrimonia  usurpant,  sed 
et  sua  amicis  patientissime  subminislrant  ;  ex 
illa,  credo,  majorum  et  sapientissimorum  disci- 
plina ,  grœci  Socratis  et  romani  Catonis ,  qu,i 
uxores  suas  amicis  communicaverunt,  quas  in 
matrimonium  duxerant  liberorum  causa  et  alibi 
creandorum.  Nescio  quidem  an  invitas.  Quid 
enim  de  castitate  curarent,  quam  mai  ili  facile 
donaverant ,  0  sapientiœ  atticce,  o  romance  gra- 


vitatis  exemplum  I  Lenones  philosophus  et  censor. 
Tertull.,  in  ipotog'ei.,  cap.  xxxix, pag.  352,  édit.  Ri- 
galtii. 

''  De  fratre  autem  sanctœ  Perpetuœ  Dinocrate 
nec  scriplwa  ipsa  canonica  est,  necillasic  scrip- 
sit,  etc.  August.,  lib.  l  De  Anima  et  ejus  orig., 
cap.  X,  pag.  343,  tom.  X. 

5  Sed  quia  ipse  honoraturus  erat  fidèles  suos  in 
finehujus  sœculi,  prias  honoravit  crucem  in  hoc 
sœculo,  ut  terrarum  principes  credentes  in  eum, 
prohibèrent  aliquem  nocentium  cruciftgi,  et  quod 
cum  magna  insultalione  persecutores  Judœi  Do- 
mino procurarunt,  magna  fiducia  servi  ejus, 
eliam  reges  in  fronte  nunc  portant.  August., 
Serm.  88,  cap.  ix,  num.  8,  pag.  473. 

"  Si  spectet  impietas,  reget  regem  pro  virga  re- 
'gni  lignum  sui  portare  supplicii;  si  pietas,  videt 
regem  bajulantem  lignum  ad  semetipsum  figen- 
dum,  quod  fixurus  fuerat  etiamin  frontibus  re- 
gum.  August.,  Tract.  117,  num.  3,  pag.  797. 

'  Attende  saltem  gloriam  crucis  ipsius.  Jamin 
fronte  regum  crux  illa  fixa  est,  cui  inimici  insul- 
taverimt,  efl'ectu,s  probavit  virtutem  :  domuit  or- 
bem  non  ferro,  sed  ligno.  August.,  in  Psal.  liv, 
num.  12,  pag.  508. 

8  Dulcissima  pictura  est  hœc,  ubi  videtis  sanc- 
lum  Stephanum  lapidari,  videtis  Saulum  lapi- 
dantium  vesLimenta  servantem.  August,,  Servi. 
316,  num.  5,  pag.  1270. 

^  August.,  lib.  XXII  Contra  Faust.,  cap.  lxxui, 
pag.  404. 


790 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


fils  en  sacrifice  :  et  il  était  fort  ordinaire  de 
peindre  l'image  '  de  Notre-Seigneur  sur  les 
murailles,  où  on  le  représentait  entre  saint 
Pierre  et  saint  Paul.  Cela  fut  cause  que  des 
païens,  également  aveugles  et  impies,  attri- 
buèrent à  Jésus-Christ  des  livres  de  magie  , 
qu'ils  disaient  être  adressés  à  saint  Pierre  et 
à  saint  Paul,  comme  à  ses  plus  intimes  amis. 
Saint  Augustin  semble  toutefois  condamner 
les  peintures  dans  son  livre  des  Mœurs  de  l'E- 
glise catholique  :  «  Je  sais,  dit-il  ^,  qu'il  y  en  a 
beaucoup  qui  adorent  des  tombeaux  et  des 
peintures  ;  je  sais  qu'il  y  en  a  plusieurs  qui 
boivent  sur  les  morts  jusqu'à  l'intempérance, 
et  qui,  servant  à  manger  aux  corps  qui  n'ont 
plus  de  vie,  s'ensevelissent  eux-mêmes  sur 
ceux  qui  sont  ensevelis  ,  croyant  faussement 
qu'il  y  a  de  la  piété  dans  ces  actions  hon- 
teuses et  dissolues.  »  Mais  il  est  visible  que 
ce  saint  évêque  n'appelle  ici  adorateurs  des 
sépulcres  et  des  peintures  que  ceux  qui  s'at- 
tachaient trop  grossièrement  aux  tombeaux 
et  aux  images  des  saints  ,  sans  élever  assez 
leur  cœur  aux  saints  mêmes  régnant  dans 
le  ciel.  L'Église  reprenait  ces  abus  et  ins- 
truisait ceux  qui  les  commettaient,  sans  quit- 
ter pour  cela  ses  saintes  pratiques.  L'abus 
consistait  en  ce  que  ces  personnes  qui  se  res- 
sentaient encore  des  superstitions  païennes 
semblaient  rendre  aux  tombeaux  et  aux  pein- 
tures des  saints  l'honneur  de  l'adoration  sou- 
veraine qui  n'est  due  qu'à  Dieu.  C'était  pom- 
abolir  entièrement  toutes  les  superstitions 
païennes  que  les  évêques  permettaient  quel- 
quefois certaines  pratiques  innocentes,  sans 
néanmoins  les  approuver.  Ainsi,  saint  Augus- 
tin permettait  que  quelques-uns  dans  les  maux 
de  tête  y  appliquassent  le  livre  des  Evan- 
giles, plutôt  que  de  se  servir  de  ligatures  '. 
(i  Car  l'infirmité  humaine,  dit-il,  est  venue  à 
un  tel  point ,  que  nous  sommes  contents  si 
nous  voyons  un  homme  au  lit  travaillé  de  la 


fièvre  et  de  grandes  douleurs  ,  lorsqu'il  n'a 
point  d'autre  espérance  que  de  s'appliquer 
l'Évangile  à  la  tête,  non  pas  qu'il  soit  fait 
pour  cela ,  mais  parce  qu'il  l'a  préféré  à  des 
hgatures.  »  Il  rapporte  l'exemple  d'une  fem- 
me *  qui ,  pour  guérir  son  fils  d'un  mal  dé- 
sespéré, fit  un  cataplasme  avec  la  sainte  Eu- 
charistie, mais  sans  approuver  cette  action  , 
qui  n'était  recommandable  que  par  la  foi 
vive  de  cette  femme.  Dans  le  même  temps 
que  l'on  instruisait  les  catéchumènes  des  vé- 
rités du  christianisme,  on  leur  apprenait  à 
faire  sur  eux  le  signe  de  la  croix.  «  Si  nous 
demandons  à  l'un  d'eux ,  dit  saint  Augus- 
tin ^  :  Croyez-vous  en  Jésus-Christ  ?  Il  répond 
d'abord  :  J'y  crois,  et  se  marque  du  signe  de 
la  croix.  Il  la  porte  déjà  sur  son  front,  et 
il  n'en  a  point  de  honte.  «  11  raconte  de  lui- 
même  °  qu'aussitôt  après  sa  naisance  ,  sa 
mère  eut  soin  de  le  faire  marquer  du  signe 
de  la  croix  en  le  mettant  au  nombre  des  ca- 
téchumènes. Il  rapporte  '  un  miracle  fait  sur 
une  dame  de  condition  de  la  ville  de  Car- 
tilage ,  qui  avait  au  sein  un  cancer  que  les 
remèdes  ordinaires  ne  pouvaient  guérir. 
Avertie  en  songe  de  se  présenter  le  jour  de 
Pâques  au  lieu  où  l'on  baptisait  les  femmes, 
afin  que  la  première  qui  en  sortirait  fit  le 
signe  de  la  croix  sur  l'endroit  malade  ,  elle 
obéit  et  fut  guérie  dans  le  moment.  Ce  si- 
gne était  regardé  avec  tant  de  vénération 
dans  l'Éghse  ,  qu'on  '  l'employait  dans  les 
cérémonies  les  plus  saintes  :  «  Si  l'on  ne 
marque  ,  dit  ce  Père  ,  ou  sur  le  front  des  fi- 
dèles ,  ou  sur  l'eau  par  laquelle  ils  sont  ré- 
générés ,  ou  sur  l'huile  lorsqu'on  les  oint  du 
saint  chrême ,  ou  dans  le  sacrifice  dont  ils 
sont  nourris,  rien  de  tout  cela  ne  se  fait  eom- 
me  il  faut.  »  Les  fidèles  avaient  même  de  la 
vénération  pour  la  terre  ou  la  poussière  du 
tombeau  de  Jésus-Christ  ;  on  en  transportait 
jusqu'aux  extrémités  du  monde  ,  et  on  l'op- 


*  August.,  lib.  I  De  Cons.  evang.,  cap.  x  et  sr, 
num.  15,  16  et  17,  pag.  8,  tom.  III. 

'  Novi  muUos  esse  sepulcrorum  et  picturarum 
adoratores:  novi  niultos  esse  qui  luxuriosissime 
supermortuos  bibant,  et  epiilas  cadaveribus  exhi- 
bentes  super  sepultos  seipsos  sepeliant,  et  voraci- 
tales  ebrietatesqiiesuas  deputenlreligioni.  Augiist., 
lib.  I  De  Morib.  Ecoles,  catliol.,  cap.  xxxiv,  num. 
75,  pag.  713. 

'  August.,  Tract.  7  in  Joan.,  num.  12,  pag. 
346. 

'  August.,  lib.  III  Oper.  imperf.,  cap.  CLxn,  pag. 

ni4. 

»  Si  dixerimus  calhecvmeno :  Credis  in  Chris- 


tum?  respondet:  Credo,  et  signai  se  :  jam  crucem 
Christi  portât  in  fronte,  et  non  erubescit  de  cruce 
Domini  sui.  August.,  Tract.  2  in  Joan.,  num.  S, 
pag.  376. 

6  August.,  lib.  I  Conf.,  cap.  xr,  pag.  75. 

'  August.,  lib.  ,\XII  De  Civit.  Dei,  cap.  vni,  num. 
3,  pag.  665  et  666. 

8  Qiiid  est,  quod  omnes  noverunt,  signum 
Christi,  nisi  crux  Christi?  Quod  signum  jiisi  adhi- 
beatur  sire  frontibus  credentium,  sice  ipsi  aquce 
ex  qua  regeneraniur,  sive  oleo  quo  chrismale  un- 
gunlur,  sive  sacrificio  quo  aliintur,  nihil  eorum 
rite  per/icitur.  Tract.  H8,  num.  5,  pag.  801. 


[iV  ET  V"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


791 


posait  aux  infestations  du  démon.  Hespé- 
rius  ',  qui  en  avait  reçu  de  Jérusalem  par  un 
de  ses  amis,  s'en  servit  qtilement  pour  dé- 
livrer sa  maison  de  ces  esprits  malins.  On 
voit  aussi  que,  ayant  reconnu  qu'ils  tourmen- 
taient ses  esclaves  et  ses  bestiaux  qu'il  avait 
dans  une  métairie  située  sur  le  territoire  de 
Fussalle,  il  pria  un  des  prêtres  d'Hippone 
de  se  transporter  sur  les  lieux.  Ce  prêtre  y 
alla  ,  y  offrit  le  sacrifice  du  corps  de  Jésus- 
Christ  ,  fit  d'ardentes  prières,  et  aussiôt  la 
vexation  cessa  par  la  miséricorde  de  Dieu. 
171.  C'était  l'usage  de  l'Église  d'honorer 
les  reliques  des  saints  martyrs  ;  et  les  fidèles 
en  portaient  *  sur  eux  dans  leurs  voyages. 
On  élevait  des  autels  '  sur  leurs  tombeaux 
ou  sur  leurs  reliques,  et  le  jour  de  leur  fête 
était  célébré  partout  le  peuple.  Mais  en  éle- 
vant des  autels  sur  les  restes  précieux  de 
leurs  corps,  ce  n'était  pas  à  eux  qu'on  éle- 
vait ces  autels,  c'était  à  Dieu  qu'on  faisait 
un  autel  des  reliques  des  martyrs.  L'honneur 
qu'on  leur  rendait  faisait  dire  à  Fauste,  le 
manichéen,  que  *  les  fidèles  avaient  mis 
les  martyrs  à  la  place  des  idoles  ;  et  c'est  le 
reproche  que  beaucoup  d'autres  novateurs 
ont  fait  depuis  à  l'Église  romaine.  Mais,  que 


répondit  saint  Augustin  à  "ce  manichéen? 
«  Le  peuple  chrétien  *,  lui  dit-il,  honore  les 
mémoires  ou  les  tombeaux  des  martyrs 
d'une  solennité  religieuse  pour  s'exciter  à 
les  imiter,  pour  être  associé  à  leurs  mérites 
et  pour  être  aidé  de  leurs  prières.  Nous  ne 
sacrifions  à  aucun  martyr,  mais  à  Dieu  seul 
quoique  nous  dressions  des  autels  dans  les 
mémoires  des  martyrs.  Car  lequel  d'entre 
les  prêtres  du  Seigneur,  assistant  à  l'autel 
dans  les  lieux  où  il  y  a  des  corps  saints,  a 
jamais  dit  :  Pierre  ou  Paul,  ou  Cyprien,  nous 
vous  offrons  ce  sacrifice?  Ce  qui  est  offert, 
est  offert  à  Dieu  qui  a  couronné  les  martyrs,  et 
c'est  souvent  même  au  lieu  où  il  les  a  cou- 
ronnés, afin  que  la  vue  de  ces  lieux  sacrés 
excite  dans  nos  cœurs  une  charité  plus  ar- 
dente. Tous  les  auti'es  actes  de  piété  "  et  de 
rehgion  que  l'on  fait  aux  tombeaux  des  mar- 
tyrs sont  des  honneurs  que  l'on  rend  à  leur 
mémoire,  et  non  des  sacrifices  qu'on  leur  of- 
fre comme  à  des  dieux.  Quiconque  connaît 
l'unique  sacrifice  des  chrétiens  qui  s'offre  à 
Dieu  sur  leurs  tombeaux,  sait  aussi  qu'on  ne 
l'offre  point  aux  martyrs.  Nous  les  honorons  '' 
de  ce  culte  d'amour  et  de  société  dont  les 
saints  qui  sont  encore  sur  la  terre  et  qui  sont 


1  August.,  lib.  XXII  De  Civit.  Dei,  cap.  vin,  num. 
C,  pag.  666  et  667. 

2  Honorabiles  Dei  famulas....  Gallam  viduam 
sancti  propositi  et  ejus  filiam  Simpliciolam  vir- 
ginem  sacram...  venerationi  tuce  in  Christi  dilec- 
tione  commendo...  portant  sane  secum  reliquias 
beatissimi  et  gloriosissimi  martyris  Stephani, 
quas  non  ignorât  sanctitas  vestra,  sicut  et  nos 
fecimus,  quani  convenienter  honorare  debeatis. 
August.,  Epist.  212  ad  Quintil,  pag.  788. 

3  Commendaiur  ergo  charitati  vestrœ  et  locus 
et  dies  :  utrumque  celebrandum  in  honorem  Dei 
quem  confessus  est  Stephanus.  Nos  enini  in  isto 
loco  non  aram  fecimus  Stéphane,  sed  de  reliquiis 
Slephani  aram  Deo.  Grata  sunt  Deo  hujusmodi 
altaria.  August.,  Serm.  318,  num.  1,  pag.  1271. 

*  Nobis  calumniatur  Faustus,  quod  martyrum 
memorias  hoiioramus,  in  hoc  dicens  nos  idola 
convertisse.  August.,  lib.  XX  Contra  Faust.,  cap. 
XXI,  pag.  346. 

s  Populus  autem  christianus  memorias  marty- 
rum religiosa  solemnitate  concélébrât,  et  ad  exci- 
tandam  imitationem,  et  ut  meritis  eorum  conso- 
cietur,  atque  orationibus  adjuvetur  ;  ita  tamen  ut 
miiUi  martyrum,  sed  ipsi  Deo  martyrum,  quamois 
in  memoriis  martyrum  constituamus  altaria. 
Quis  enim  antistitum,  w  locis  sanctorum  cor- 
porum  assistens  altari,  aliquando  dixit  :  Offe- 
rimus  tibi,  Petre,  aut  Pauls,  aut  Cypriane?  Sed 
quod  offertur,  offerlur  Deo  qui  martyres  corona- 
vit,  apud  memorias  eorum  quos  coronavit  ut  ex 
ipsorum  locorum  admonitions  major  effectus  ex- 


surgat  ad  acuendam  charitatem,  et  in  illos  quos 
imitari  possumus,  et  in  illum  quo  adjuvante  pos- 
sii/imis.  August.,  lib.  XX  Contra  Faust.,  cap.  xxi, 
pag.  347. 

^  Quœcumque  igitur  adhibentur  religiosorum 
obsequia  in  martyrum  locis,  ornamenta  sunt  me- 
moriarum  ,  non  sacra  velsacrificia  mortuormn 
tanquam  deorum...  Non  autem  esse  ista  sacrificia 
martyrum  novit,  qui  novit  unum  quod  etiam  il- 
lic  offertur  sacrificium  christianorum.  August., 
lib.  VIII  De  Civit.  Dei,  cap.  xxvii,  num.  1,  pag, 
217  et  218. 

'  Colimus  ergo  martyres  eo  cultu  dilectionis  et 
socieiatis,  quo  et  in  hac  vita  colunlur  sancti  ho- 
mines  Dei,  quorum  cor  ad  taleni  pro  evangelica 
veritate  passionem  paratum  esse  sentimus.  Sed 
illos  tanto  devotius  quanto  securius  post  certa- 
mina  superata,  quanto  etiam  fidentiore  laude  prœ- 
dicamus,  jam  in  vita  feliciore  victores,  quam  in 
ista  adhuc  usque  pugnantes.  At  illo  cultu,  quœ 
grœce  Xv.Tpda  dicitur,  latine  vero  uno  verbo  dici 
non  potest,  cum  sit  quœdam  proprie  divinitati 
débita  servitus,  nec  colimus,  nec  colendum  doce- 
mus,  insi  unum  Deum.  Cum  autem  ad  hune  cul- 
tum  pertineat  oblatio  sacrificii,  unde  idololatria 
dicitur  eorum  qui  hoc  etiam  idolis  exhibent,  nul- 
lo  modo  taie  aliquid  offerimus,  aut  offerendum 
prœcipimus  vel  cuiquam  martyri,  vel  cuiquam 
sanctce  animœ,  vel  cuiquam  angelo  :  et  quisquam 
in  hune  errorem  delabitur,  corripitur  per  sanam 
doctrinam,  siée  ut  corrigatur,  sive  ut  caveatur. 
August.,  lib.  XX  Contra  Faust.,  cap.  xxt,  pag,  347, 


792 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Voye 


pag,  S2o. 


cation  et  l'in- 
lerce^sion  des 
saÎDts. 


prêts  à  mourir  pour  la  vérité  de  l'Évangile, 
sont  honorés.  Mais  nous  avons  d'autant  plus 
de  dévotion  pour  les  martyrs  que  leur  salut 
est  plus  en  sûreté,  depuis  qu'ils  sont  sortis 
du  combat,  que  celui  des  fidèles  qui  combat- 
tent encore.  Cependant  nous  n'honorons  et 
n'enseignons  d'honorer  que  Dieu  seul  de  ce 
culte  que  les  Grecs  appellent  latrie,  qui  n'est 
proprement  dû  qu'à  la  divinité.  Et  comme 
l'oblation  du  sacrifice  n'appartient  qu'à  ce 
culte,  nous  ne  l'oûVons,  ni  ne  commandons 
de  l'offrir  à  aucun  martyr,  ni  à  aucune  âme 
sainte,  ni  même  à  aucun  ange.  Celui  qui 
tombe  dans  une  erreur  si  grossière  en  est 
aussitôt  repris  par  la  saine  doctrine  ou  pour 
le  corriger,  ou  pour  le  condamner,  ou  pour 
l'éviter.  Les  miracles  faits  dans  les  lieux  où 
reposent  les  saintes  reliques,  marquent  que 
Dieu  même  approuve  l'honneur  que  leur 
rend  l'Église.  » 

Saint  Augustin  assure  ^  qu'il  faudrait  plu- 
sieurs volumes  si  l'on  voulait  écrire  toutes 
les  merveilles  arrivées  par  les  seules  reliques 
du  premier  martyr  saint  Etienne.  Nous  en 
avons  rapporté  quelques-unes  dans  l'analyse 
du  vingt-deuxième  livre  de  la  Cité  de  Dieu. 
Il  est  bon  de  remarquer  ici  que  ce  Père  fit 
mettre  ^  sur  la  voûte  d'une  chapelle  où  l'on 
avait  élevé  un  autel  à  Dieu,  sur  les  rehques 
de  saint  Etienne,  quatre  vers  pour  appren- 
dre à  tous  ceux  qui  venaient  y  prier  que 
c'est  à  la  vertu  de  Dieu  qu'il  faut  rapporter 
les  miracles  que  font  les  saints,,  et  que  c'est 
de  lui  que  nous  recevons  des  grâces  par 
eux. 

172.  Ils  intercèdent  sans  cesse  pour 
nous  '  depuis  qu'ils  sont  avec  Jésus-Chi^ist, 
et  leurs  intercessions  ne  finiront  point  que 
nos  gémissements  dans  cette  vie  ne  soient 


passés.  Cela  suppose  clairement  qu'ils  ont 
mémoire  de  ceux  qui  vivent  sur  la  terre.  En 
etiet,  saint  Augustin,  parlant  de  Nébridius, 
son  ami,  qu'il  croyait  jouir  dans  le  ciel  de  la 
vraie  félicité  :  «  Je  ne  pense  pas  toutefois, 
dit-il  *,  qu'il  s'enivre  de  telle  sorte,  dans  ce 
torrent  de  délices,  qu'il  m'oublie,  puisque 
vous-même.  Seigneur,  qui  êtes  cette  source 
adorable  dans  laquelle  il  boit,  ne  m'oubhez 
pas.  »  Ailleurs  il  invoque  *  saint  Cyprien 
comme  régnant  dans  le  ciel,  afin  d'être  aidé 
par  ses  prières  pour  imiter  ses  vertus  et  ré- 
sister aux  hérétiques  et  aux  schismatiques 
qui  voulaient  abuser  de  ses  écrits. 

173.  «Nous  n'observons,  dit  saint  Augus- 
tin", ni  les  jours,  ni  les  années,  ni  les  mois , 
ni  les  saisons ,  de  crainte  que  l'Apôtre  ne 
nous  dise  :  J'appréhende  pour  vous  que  je  n'aie 
travaillé  en  vain  parmi  vous.  Car  il  blâme 
ceux  qui  disent  :  Je  ne  partirai  pas  aujour- 
d'hui ,  parce  que  c'est  un  jour  malheureux , 
ou  parce  que  la  lune  est  dans  une  telle  posi- 
tion ;  ou  bien,  je  partirai  afin  de  mieux  réus- 
sir ,  parce  que  les  étoiles  sont  disposées  de 
telle  manière.  Je  ne  ferai  point  de  commerce 
ce  mois,  ou  j'en  ferai  parce  qu'une  telle 
étoile  domine.  Je  ne  planterai  point  de  vi- 
gnes cette  année  ,  parce  qu'elle  est  bissex- 
tile. Mais  jamais  les  personnes  sages  ne  croi- 
ront que  ceux-là  observent  superstitieuse- 
ment les  temps,  qui  disent  :  Je  ne  partirai 
pas  aujourd'hui,  parce  qu'il  s'est  élevé  une 
tempête  ;  je  ne  ferai  pas  voile  ,  parce  qu'il  y 
a  encore  des  restes  de  l'hiver  ;  il  est  temps 
de  semer ,  parce  que  la  terre  est  humectée 
des  pluies  de  l'automne  ;  ou  qui  considére- 
ront les  effets  naturels  qui  sont  causés  par 
la.diversité  des'  saisons,  que  Dieu  a  fait  dé- 
pendre de  la  disposition  des  astres  dont  il  a 


Sur  les 
rer.=  '  lions. 


Galal.  |T,( 


1  August.,  lit).  XXII  De  Civit.  Dei,  cap.  vui,  num. 
20,  pag.  670. 

2  Non  ergo  credamus  superbum  esse  Stepha- 
num,  cum  putamus  quia  virtute  sitct  facit  quod 
facit,  per  conservum  bénéficia  stimamus,  hono- 
rem  et  gloriam  Domino  de  mus.  Quid  v  obis  plus 
dicam,  et  multwm  loquar  ?  Legite  quatuor  versus, 
quos  in  cella  scripsimiis  ;  legite,  tenete,  in  corde 
habete.  August..,  Serm,  319,  num.  7,  pag.  1273. 

3  Omnes  martyres,  qui  cum  illo  (Christo)  sunt, 
interpellant  pro  nobis.  Non  transeunt  interpella- 
tiones  ipsorum,  nisi  cum  transierit  gemitus  nos- 
ter.  August.,  in  Psal.  lxxxv,  inuii.  24,  pag.  317. 

*  Jam  (Nébridius)  nonponit  aurem  ad  os  m.emn, 
sed  spiritale  os  ad  fonlem,  tuum.,  et  bibit,  quantum 
polest,  sapientiam  pro  aoidUate  sua  sine  fuie  fe- 
lix.  Nec  sic  eum  arbilror  inebrlari  ex  ea,  ul  obli- 
viscalur  mei,  cum  tu,  Domine,  quem  potat  ille. 


nostri  sis  memor.  August.,  lib.  IX  Conf.,  cap.  ni, 
num.  6,  pag.  139. 

■>  Adjuvel  itaque  nos  orationibtis  suis  in  istius 
carnis  mortalité  tanquam  in  caliginosa  nube  la- 
borantes,  ut  douante  Domino,  quantum-  possu- 
mus ,  bona  ejus  imitemur...  nos  longe  impares 
meritis  suis,  Ecclesiœ  tamen  catholicœ  uuclori- 
tatem,  cujus  ipse  egregium  et  claiissimwm  mem- 
brum  est,  pro  noslra  infirmitate  sectantes,  adi-er- 
sus  hœreticos  vel  schismaticos  enodemus  quos  prœ- 
cisos  ab  unitate  quamtenuit,  et  arescentes  a  chari- 
tate  qua  viguit ,  et  elapsos  ab  hwnilitatc  qua 
stetit,  tanlo  amplius  improbat  atque  condemnat, 
quàiUo  ni.agis  novit  eos  ad  insidiandum  perscru- 
tari  velle  quod  scripsit,  et  ad  pacificandum  imi- 
lari  nolle  quod  fecit.  August.,  lib.  VU  De  Dapt., 
uum.  1,  pag.  185  et  18G. 

"  August.,  Epist,  33,  uum.  13,  pag.  133. 


[IV°  ET  V»  SIÈCLES.] 

dit  en  les  faisant  :  Qu'ils  soient  des  signes,  et 
qu'ils  marquent  les  temps,  les  jours  et  les  an- 
nées. Qui  croirait',  que  ce  fût  un  si  grand 
péché  d'observer  les  jours  ,  les  mois,  les  an- 
nées et  les  temps,  comme  font  ceux  qui  veu- 
lent ou  ne  veulent  pas  commencer  quelque 
chose  à  certains  jours,  à  certains  mois,  à 
certaines  années,  parce  que,  suivant  la  vaine 
doctrine  de  quelques  hommes,  ils  s'ima- 
ginent qu'il  y  a  des  temps  heureux  et  des 
temps  malheureux ,  si  nous  ne  pesions  et  ne 
considérions  la  grandeur  de  ce  mal  par  la 
crainte  que  l'Apôtre  nous  en  donne ,  lors- 
qu'il dit  :  Je  crains  que  je  n'aie  travaillé  en 
vain  parmi  vous.  Quoique  ces  paroles^  se  li- 
sent dans  nos  églises  avec  beaucoup  de  so- 
lennité et  beaucoup  d'autorité ,  nos  assem- 
blées ne  laissent  pas  d'être  pleines  de  gens 
qui  consultent  les  mathématiciens  sur  ce 
qu'ils  ont  à  faire ,  et  qui  ne  font  pas  diffi- 
culté de  nous  avertir  de  commencer  û  ne  pas 
bâtir  ou  à  faire  quelque  chose  de  semblable 
aux  jours  qu'ils  appellent  égyptiens,  c'est- 
à-dire  ,  aux  jours  malheureux  qu'on  dit  ' 
être  le  1  et  le  23  de  janvier;  le  4  et  le  26  de 
février;  le  1  et  le  2S  de  mars;  le  10  et  le  20 
d'avril  ;  le  3  et  le  dernier  de  mai;  le  10  et  le 
17  de  juin;  le  13  et  le  27  de  juillet;  le  1  et 
le  24  d'aoiit  ;  le  3  et  le  21  de  septembre  ;  le 
3  et  le  22  d'octobre  ;  le  3  et  le  28  de  novem- 
bre; le  7  et  le  22  de  décembre.» 

Saint  Augustin  remarque*  que  le  jour  de 
saint  Jean,  les  chrétiens  allaient  se  plonger 
dans  la  mer  par  une  superstition  qui  venait 
des  païens.  Il  en  marque  encore  ^  beaucoup 
d'autres  qu'il  appelle  des  pratiques  très-vai- 
nes ,  comme  de  tirer  des  présages  lorsque 
quelque  membre  du  coi'ps  vient  à  tressaillir; 
lorsque  deux  amis,  se  promenant  ensemble 
côte  à  côte  ,  il  se  rencontre  une  pierre  ,  un 
chien,  ou  un  enfant  entre  eux  deux,  qu'on 
marche  sur  la  pierre ,  qu'on  donne  des  sou- 
flets  à  l'enfant,  et  qu'on  bat  le  chien,  comme 
si  ces  trois  choses  avaient  rompu  l'amitié 
qui  est  entre  ces  deux  personnes  :  de  mar- 
cher sur  le  seuil  de  sa  porte  lorsqu'on  passe 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE.  793 

devant  son  logis  ;  de  se  remettre  au  lit  lors- 
qu'on éternue  en  se  chaussant ,  de  s'en  re- 
tourner au  logis  lorsqu'on  s'est  heurté  en 
chemin  conti-e  quelque  chose  ;  quand  un  vê- 
tement a  été  rongé  des  souris,  d'être  plus 
touché  par  l'appréhension  du  mal  qu'on  s'i- 


magme  en  devoir  arriver ,  que  de  la  perte 
qu'on  a  faite.  C'est  à  celte  occasion  que  Ca- 
ton  répondit  plaisamment  à  un  homme  qui 
le  consultait  sur  ce  que  les  souris  avaient 
rongé  ses  souliers  :  «  Ce  n'est  pas,  lui  dit-il, 
une  grande  merveille  :  la  chose  serait  bien 
plus  étonnante  si  les  souliers  avaient  rongé 
les  souris.  » 

174.  Les  augures  ont  été  traités  de  ridicu- 
les par  les  plus  sages  d'entre  les  païens  ;  et 
Cicéron,  tout  augure  '  qu'il  était,  s'en  moque 
et  reprend  ceux  qui  règlent  la  conduite  de 
leur  vie  sur  le  cri  des  corbeaux  et  des  cor- 
neilles. Saint  Augustin  met'  les  livres  des 
Aruspices  et  des  augures  au  nombre  des  su- 
perstitions et  des  pactes  que  l'on  fait  avec  le 
démon.  Il  avoue  qu'il  s'était  appliqué  pen- 
dant sa  jeunesse  à^  l'astrologie  judiciaire, 
mais  qu'il  en  fut  détourné  par  un  sage  vieil- 
lard nommé  Vindicien^  médecin  fameux  qui 
avait  reconnu  par  expérience  la  vanité  de 
cette  science.  11  la  condamne  souvent,  et  té- 
moigne" que  c'est  une  pernicieuse  supersti- 
tion ;  de  dire  la  bonne  aventure  par  l'inspec- 
tion des  étoiles  ;  que  c'est  tromper  les  hom- 
mes et  les  réduire  à  une  misérable  servitude , 
de  leur  prédire  ce  qu'ils  doivent  faire  et  ce 
qui  leur  doit  arriver;  que  c'est  une  erreur  et 
une  fohe"  de  prétendre  deviner  les  mceurs, 
les  actions ,  les  divers  événements  de  la  vie 
des  hommes  par  l'observation  des  astres  qui 
président  à  leur  naissance;  et  que  dépareil- 
les choses  qui  ne  sont  appuyées  que  sur  des 
signes  étabhspar  la  présomption'"^  téméraire 
des  hommes,  doivent  être  mises  dans  le  rang 
des  conventions  faites  avec  les  démons.  Il 
en  conclut"  que  tout  chrétien  doit  les  fuir 
comme  des  amusements  extravagants,  qui 
entretiennent  un  commerce  contagieux  entre 
les  hommes  et  Tes  démons ,    qui  ne  les  ont 


bur  ioç  au- 
gures ol  l'as- 
troIogiB  judi- 
ciaire. 


1  August.,  Enchirid.,  cap.  lxxix,  pag.  227. 

5  Angust.,   Exposit.  in  Epist.  ad  Gai.,  cap.   iv, 
num.  35,  pag.  963,  tom.  III,  part.  2. 

3  Voyez  M.  Tliiers,  dans  le  Traité  des  supersti- 
tions, chap.  lU,  pag.  291  et  292,  tom.  I. 
'>  Aiigust,,  Serin.  196,  cap.  iv,  num.  4,  pag.  903. 

6  August.,  lib.  Il  De  Doct.  christ.,  cap.  xx,  num. 
30  et  31 ,  pag.  31  et  32. 

«  August.,  lib.  IV  De  Civit.  Dei,  cap.  xxx,  pag.  MO. 


'  August.,  lib.  H  De  Doct.  christ.,  cap.  xx.num. 
30,  pag.  31. 

8  August  ,  lib.  IV  Conf.,  cap.  in,  pag.  98. 

9  August.,  lib.  VII  Co«/'.,  cap.  vi,  num.  8,  pag.  13S. 
1»  August.,  lib.  Il  De  Doct.  christ,  cap.  xxi,  pag. 

32. 

"  Ibid.,  num.  33,  pag.  32. 

12  Ibid.,  cap.  XXII,  num.  34,  pag.  33. 

13  Ibid.,  num.  36,  pag.  33. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


794 

inventées  que  pour  être  les  conventions  de 
leur  fausse  et  perfide  amitié.  Il  ajoute  que  la 
foi  de  l'Église  rejette  '  la  nécessité  fatale  que 
l'astrologie  impose  aux  hommes  ;  parce  que 
si  cette  nécessité  avait  lieu  ,  il  ne  faudrait 
plus  prier,  et  l'on  pourrait  imputer  à  Dieu, 
auteur  des  astres,  les  plus  méchantes  ac- 
tions :  ce  qui  serait  impie. 

Saint  Augustin  non  content  de  combattre 
par  écrit  les  superstitions  de  l'astrologie  judi- 
ciaire, obligeait  encore  ceux  qui  en  faisaient 
profession  à  la  pénitence  publique  qu'il  ne 
leur  accordait  même  qu'après  beaucoup  de 
demandes  et  de  délais.  C'est  ce  que  l'on  voit 
par  un  de  ses  sermons  sur  le  Psaume  lxi,  où 
il  dit'  en  montrant  à  son  peuple  un  de  ces 
astrologues  pénitents  :  «  Cette  soif  de  l'Égli- 
se lui  fait  désirer  de  faire  entrer  dans  son 
corps  cet  homme  que  vous  voyez.  Apprenez 
par  son  exemple  combien  dans  ce  mélange 
de  chrétiens,  il  y  en  a  qui  bénissent  Dieu 
de  bouche ,  et  qui  le  maudissent  de  cœur. 
Cet  homme  a  fait  autrefois  profession  du 
christianisme  et  reçu  le  baplême  :  le  voici 
néanmoins  qui  revient  à  l'Église  en  état  de 
pénitent.  Pénétré  de  crainte  et  de  frayeur  à 
la  vue  de  la  justice  de  Dieu,  il  a  recours  à 
sa  miséricorde.  L'ennemi  l'a  séduit  après 
son  baptême ,  et  il  a  été  longtemps  aban- 
donné à  l'astrologie  judiciaire.  Il  a  trompé 
les  autres  après  avoir  été  trompé  le  premier  : 
il  les  a  fait  tomber  dans  l'erreur  où  il  s'était 
précipité.  Il  a  été  dans  l'illusion,  et  y  a  en- 
traîné les  autres.  Il  a  débité  beaucoup  de 
mensonges  contre  Dieu  qui  a  donné  aux  hom- 
mes le  pouvoir  de  faire  le  bien,  et  le  pouvoir 
de  ne  pas  faire  le  mal.  Il  publiait  que  ce  n'é- 
tait point  la  propre  volonté  de  l'homme  qui 
lui  faisait  commettre  un  adultère,  mais  Vénus; 
que  c'était  Mars,  et  non  la  volonté  de  l'hom- 
me, qui  lui  faisait  commettre  un  homicide  ; 
que  ce  n'était  pas  Dieu  qui  rendait  l'homme 
juste  ,  mais  Jupiter  ;  et  plusieurs  autres  im- 
piétés de  cette  natui'e.  Combien  pensez-vous 
qu'il  a  tii'é  d'argent  des  chrétiens?  Mainte- 
nant nous  devons  croire  qrf'il  a  horreur  de 
ces  impostures ,  et  qu'après  avoir  causé  la 
perte  de  tant  d'hommes  ,  il  a  reconnu  enfin 
que  le  démon  le  perdait  lui-mêras.  C'est 
pourquoi  il  retourne  à  Dieu  par  la  pénitence. 
Je  pense,  mes  frères,  que  sa  conversion  vient 
d'une  grande  crainte  dont  il  s'est  senti  frap- 


pé à  la  vue  des  jugements  de  Dieu.  Car  à 
quel  autre  motif  pourrions-nous  l'attribuer. 
Si  un  païen  renonçait  à  l'astrologie  judiciaire 
et  se  convertissait ,  ce  serait  à  la  vérité  un 
grand  sujet  de  joie  pour  nous  ;  mais  on  pour- 
rait craindre  qu'il  ne  se  fut  converti  dans  le 
dessein  d'entrer  dans  la  cléricature.  Mais 
celui-ci  se  présente  comme  pénitent.  11  ne 
pense  qu'à  trouver  miséricorde.  Tenez  donc 
vos  cœurs  et  vos  yeux  ouverts  sur  lui.  Que 
vos  cœurs  l'aiment  ;  que  vos  yeux  le  veillent. 
Regardez-le  bien  afin  de  le  reconnaître  ,  et 
en  quelque  endroit  que  vous  le  trouviez,  fai- 
tes-le remarquer  à  ceux  de  nos  frères  qui 
ne  sont  pas  ici  présents.  Ce  soin  et  cette  vi- 
gilance sont  une  œuvre  de  miséricorde  et  une 
charité  que  vous  lui  devez  pour  empêcher 
que  le  démon  ne  l'attaque  encore ,  et  ne  dé- 
tourne son  cœur  de  Dieu.  Soyez  comme  ses 
gardiens  ,  examinez  sa  conduite  ,  informez- 
vous  de  quelle  manière  il  vit ,  afin  que  vous 
rendiez  témoignage  que  sa  conversion  est 
sincère.  Vous  ne  pouvez  ignorer  sa  vie  après 
qu'on  vous  l'a  ainsi  fait  voir,  etrecommandé 
à  votre  charité.  Vous  savez  qu'il  est  rap- 
porté dans  les  Actes  qu'un  grand  nombre  de 
gens  de  la  même  profession  que  cet  homme, 
apportèrent  tous  leurs  livres  aux  pieds  des 
apôtres ,  et  que  l'on  en  brûla  un  si  grand 
nombre  que  l'Ecrivain  sacré  n'a  pas  cru  de- 
voir omettre  d'en  faire  l'estimation ,  et  de 
nous  en  mai-quer  la  somme.  C'est  sans  dou- 
te pour  la  gloire  de  Dieu  qu'il  l'a  fait ,  afin 
que  d'autres  hommes  perdus  comme  ceux-là, 
ne  désespérassent  pas  de  la  miséricorde  de 
celui  qui  veut  bien  chercher  ce  qui  est  perdu. 
Cet  homme  était  une  brebis  égarée  que  le 
souverain  Pasteur  à  cherchée ,  qu'il  a  trou- 
vée et  qu'il  a  ramenée  à  la  bergei'ie  :  il  ap- 
porte avec  lui  ses  livres ,  pour  brûler  en  ce 
monde  ce  qui  l'eût  fait  brûler  en  l'autre,  afin 
que  l'incendie  de  ces  ouvrages  d'iniquité  lui 
mérite  quelque  rafraîcliissement.  Il  est  bon 
néanmoins  que  vous  sachiez  qu'il  y  a  long- 
temps qu'il  frappe  à  la  porte  de  l'Église  ,  et 
qu'il  y  est  venu  chercher  le  remède  à  ses 
maux  dès  avant  Pâques.  Mais  comme  l'art 
dont  il  faisait  profession  le  rendait  un  peu 
suspect  de  mensoni;e  et  de  tromperie  ,  nous 
avons  cru  qu'il  était  bon  de  dilTérer  à  le  re- 
cevoir ,  craignant  qu'il  ne  nous  tentât.  Enfin 
nous  l'avons  reçu  de  pem'  qu'il  ne  fût  plus 


'  August.,  lib.  II  De  Gcnesi  ad  liUeram.,  cap.  xvii , 
pag.  144,  loin.  III,  part.  i. 


August.,  in  Psal.  lu,  pag.  005  et  606. 


[lV«  ET  V"  SIÈCLES.] 

dangereusement  tenté  lui-même.  Priez  donc 
Jésus-Christ  pour  lui  ;  offrez  à  son  intention 
les  prières  que  vous  allez  faire  au  Seigneur 
notre  Dieu.  Nous  savons  et  nous  nous  te- 
nons assurés  que  vos  prières  effaceront  tou- 
tes ses  impiétés.  » 

175.  Il  y  avait  des  personnes  qui  faisaient 
mettre  sur  leur  tête  l'Évangile  selon  saint 
Jean ,  lorsqu'elles  avaient  de  grandes  dou- 
leurs '.  Saint  Augustin  ne  désapprouve  point 
tout  à  fait  cette  pratique,  il  loue  même  ceux 
qui  la  mettaient  en  usage  plutôt  que  d'avoir 
recours  aux  ligatures ,  et  il  se  réjouit  de  ce 
qu'une  personne,  travaillée  dans  son  lit  de 
la  fièvre  ou  de  quelque  autre  douleur,  ne 
met  son  espérance  qu'en  l'Evangile  qu'elle 
met  sur  sa  tête  au  lieu  d'employer  quelque 
remède  superstitieux.  «  Mais,  dit-il,  si  vous 
mettez  l'Évangile  sur  votre  tête  pour  faii'e 
cesser  votre  migraine,  pourquoi  ne  le  met- 
friez-vous  pas  sur  votre  cœur  afin  de  le  gué- 
rir du  péché?  Faites-le  donc,  mettez  l'Evan- 
gile sur  votre  cœur;  qu'il  soit  guéri,  cela  est 
bon.  »  Ce  Père  appelle  ^  mauvaises  et  in- 
fidèles les  mères  qui  ont  recours  aux  liga- 
tures sacrilèges  et  aux  enchantements  lors- 
que leurs  enfants  ont  mal  à  la  tête.  «  Il  y  a 
maintenant,  dit-il,  une  certaine  persécution 
du  diable  qui  est  plus  cachée  et  plus  fine 
que  n'était  celle  de  l'Église  primitive.  Un 
chrétien  est  au  lit  malade  ';  il  est  tourmenté 
de  grandes  douleurs  ;  il  prie  Dieu,  et  Dieu 
n'exauce  pas  ses  prières,  ou,  pour  mieux 
dire,  il  les  exauce,  mais  il  l'éprouve,  il 
l'exerce,  il  le  châtie,  afin  qu'il  fasse  voir  qu'il 
le  traite  comme  son  enfant.  Dans  le  fort  de 
ses  douleurs  une  femme  ou  un  homme  s'ap- 
proche de  son  lit  et  lui  dit  :  Faites  cette  liga- 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


793 

ture  '  et  vous  serez  guéri  :  celui-ci  et  celui-là 
ont  été  guéris,  vous  le  pouvez  savoir  d'eux- 
mêmes.  Le  malade  ne  se  rend  pas  à  ce  dis- 
cours, il  n'y  obéit  pas,  il  demeure  ferme,  il 
résiste  quoiqu'avec  beaucoup  de  peine.  Le 
mal  qu'il  souffre  lui  ôte  les  forces,  mais  cela 
n'empêche  pas  qu'il  ne  vainque  le  démon.  Il 
devient  martyr  dans  son  lit,  et  celui,  qui  a 
été  attaché  pour  lui  à  une  croix,  lui  donne  la 
couronne  du  martyre.  » 

176.  Le  sort  n'est  point  un  sortilège,  ni 
une  chose  mauvaise  \  mais  une  marque  de 
la  volonté  de  Dieu  dans  les  occasions  où  les 
hommes  ne  peuvent  pas  la  connaître.  Les 
apôtres  mêmes  s'en  servirent  pour  élire  un 
successeur  à  Judas  dans  l'apostolat  ;  et  des 
deux  qui  furent  choisis  par  le  jugement  des 
homraes,  il  y  en  eut  un  choisi  par  le  juge- 
ment de  Dieu,  déclaré  par  le  sort.  Saint  Au- 
gustin ne  désapprouve  pas  qu'on  ^  s'en  serve 
lorsque  durant  les  persécutions  il  y  a  contes- 
tation entre  les  prêtres,  savoir  qui  sortira  de 
la  ville  ou  qui  y  demeurera,  lorsqu'on  ne 
saurait  distinguer  lesquels  d'entre  eux  sont 
les  plus  nécessaires  à  l'Église,  ou  .les  plus 
disposés  à  soutfi'ir  le  martyre.  Mais  il  con- 
damne '  l'usage  de  chercher  un  sort  dans  l'É- 
vangile pour  régler  les  affaires  temporelles, 
sur  les  paroles  qui  se  trouvent  à  l'ouverture 
du  livre.  Quoique  cette  pratique  lui  paraisse 
moins  dangereuse  que  celle  de  consulter  les 
démons,  il  prétend  que  cette  coutume  tend 
à  tourner  à  des  usages  profanes  et  qui  ne 
regardent  que  les  affaires  de  cette  vie,  les 
oracles  de  Dieu  même  qui  n'a  parlé  que 
pour  celle  que  nous  attendons. 

177.  Saint  Augustin  avait  dit  dans  un  de 
ses  ouvrages  que  ^  depuis  que  l'Église  ca- 


Sur  l'uface 
des  sorts. 


Sur  las  mi- 
racles. 


'  August.,  Tract.  7  in  Joan.,  nuai.  12,  pag.  346. 

^  August.,  in  l'sal.  lxx,  num.  17,  pag.  730. 

3  August.,  Serm.  286,  num.  1,  pag.  1173.  Vide 
Serm.  318.,  num.  3,  pag.  1213. 

*  Ligature  se  dit  d'une  sorte  de  bande  qu'on  at- 
taclie  au  col,  au  bras,  à  la  jambe,  ou  à  quelque 
autre  partie  du  corps  des  hommes  et  des  bêtes, 
pour  détourner  ou  chasser  quelque  mala^lie  ou  quel- 
que accident. 

^  Àudito  nomine  sortium,  non  debemus  sortile- 
gos  intelligere.  Sors  enim  non  aliquid  mali  est, 
sed  res  est  in  dubitatione  humana  divinam  indi  ■ 
cans  vohmtatcm.  Nam  et  sortes  miserunl  apos- 
toli,  quando  Judas,  tradito  Domino,  periit...  Cœ- 
pit  quœri  qtiis  in  locum  ordinar:ttir  :  electisunt 
dun  judicio  humano,  et  electus  de  duobus  unns 
judiciodivino.  t\ugaRt.,Serm.  3  inPsal.xss,  num. 
13,  pag.  160. 


«  August.,  Epist.  228,  num.  12,  pag.  834. 

'  Hi  vero  qui  de  paginis  evangelicis  sortes  le- 
gunt,  etsi  optandum  est  ut  hoc  potins  faciant, 
quam  ad  dwmonia  consulenda  concurrant  :  ta- 
men  ista  mihi  displicet  consuetudo,  ad  negotia 
sœcularia,  et  ad  vitœ  hujiis  vanitatem,  propter 
aliam  vitam  loquentia  oracula  divina  velle  con- 
vertere.  August.,  Epist.  55,  num.  37.  Vide  Notas 
patmm  Benedictinorum  in  hanc  Augustini  epis- 
tolam,  pag.  143. 

8  Cum  enim  Ecclesia  catholica per  totum  orbem 
diffusa  atque  fundata  sit,  nec  miracula  illa  in 
nostra  tempora  durarepermissa  sunt,  ne  animus 
semper  visibiUa  quœreret,  et  eorum  consuetudine 
frigesceret  genus  humanum  quorum  novitate, 
flagravit.  August.,  lib.  De  Ver  a  relig.,  cap.  xxv, 
num.  47,  pag.  763. 


796 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Sur  r 
des  âmes 
80'iîrd'i  <"i 
fil  dv  leur: 
li6ur. 


tholique  a  été  répandue  et  établie  par  toute 
la  terre,  Dieu  ne  faisait  plus  de  miracles,  de 
peur  que  les  hommes  ne  s'accoutumassent  à 
ces  merveilles  et  n'eu  fussent  plus  toucliés 
comme  ils  l'as'aient  été  lorsqu'elles  étaient 
nouvelles  et  extraordinaires.  Mais,  dans  ses 
Rétractations  ' ,  il  ne  veut  pas  que  cela  se 
prenne  tellement  à  la  lettre  qu'il  ne  se  fasse 
plus  aucun  miracle  au  nom  de  Jésus-Christ. 
«  Car  moi-même,  dit-il,  lorsque  j'éciivaismon 
livre  de  la  Véritable  religion,  je  savais  qu'un 
aveugle  avait  recouvré  la  vue  en  touchant 
les  reliques  d'un  des  martyrs  de  Milan,  et  je 
savais  encore  d'autres  miracles  dont  il  se 
fait  un  si  grand  nombre  en  ce  temps,  qu'il  n'est 
aisé  ni  de  les  reconnaître  tous,  ni  de  raconter 
tous  ceux  qu'on  connaît.  » 

178.  «  Quand  les  âmes  des  fidèles  ^  qui 
appartiennent  à  Jésus-Christ  sont  détachées 
de  leurs  corps,  à  la  fin  de  cette  vie,  les  puis- 
sances malignes  et  envieuses,  c'est-à-dire  les 
démons,  n'ont  aucun  droit  de  s'en  saisir.  Li- 
bres donc  de  leur  servitude  et  de  tous  maux 
par  le  divin  Médiateur,  elles  sont  reçues  par 
les  saints  anges  et  placées,  lorsqu'elles  sont 
épurées  de  toute  corruption,  dans  des  de- 
meures tranquilles  jusqu'à  ce  qu'elles  reçoi- 
vent leur  corps  incorruptible  qui  ne  leur  sera 
plus  un  poids,  mais  un  rehaussement  à 
leur  gloire.  Dans  la  félicité  ^  éternelle,  on 
aura  tout  ce  que  l'on  aime,  et  l'on  ne  dési- 
rera pas  ce  que  l'on  n'aura  point.  Il  n'y  aura 
rien  qui  ne  soit  bon,  Dieu  y  sera  notre  sou- 


verain bien  et  les  amateurs  de  ce  bien  su- 
prême l'auront  toujours  présent  pour  en 
jouir.  Le  comble  de  leur  bonheur  consistera 
en  ce  qu'ils  seront  assurés  qu'il  durera  éter- 
nellement. Dieu  sei-a  la  fin  de  nos  '  désirs, 
on  le  verra  sans  fin,  on  l'aimera  sans  dégoût, 
on  le  louera  sans  lassitude,  et  cette  occupa- 
tion sera  commune  à  tous,  de  même  que  la 
vie  éternelle.  Mais  il  n'est  pas  possible  de 
savoir  quel  sera  le  degré  de  gloire  propor- 
tionné au  mérite  de  chacun.  Néanmoins  on 
ne  peut  douter  qu'il  n'y  ait  en  cela  beaucoup 
de  différence.  Un  autre  avantage  de  cette 
cité  bienheureuse,  est  que  l'on  ne  portera 
point  envie  à  ceux  que  l'on  verra  au-dessus 
de  soi ,  comme  maintenant  les  anges  ne 
sont  point  envieux  de  la  gloire  des  archan- 
ges ;  et  l'on  souhaitera  aussi  peu  de  posséder 
ce  qu'on  n'aura  pas  reçu,  quoiqu'on  soit  par- 
faitement uni  à  celui  qui  le  recevra ,  que  le 
doigt  souhaite  d'être  l'œil,  quoique  l'œil  et  le 
doigt  entrent  dans  la  structure  d'an  même 
corps.  Chacun  y  possédera  tellement  son 
don,  l'un  plus  grand,  l'autre  plu-s  petit,  qu'il 
aura  encore  le  don  de  n'eu  point  désirer  de 
plus  graïad  que  le  sien.  » 

On  ne  trouve  rien  de  bien  assuré  dans  les 
écrits  de  ce  Père  sur  le  lieu  où  les  âmes  des 
saints  sont  reçues  aussitôt  après  leur  mort, 
ni  sur  la  signification  du  sein  d'Abraham.  11 
décide  à  la  vérité  que  ^  les  saiuts,  depuis  la 
venue  de  Jésus-Christ,  ne  vont  point  en  en- 
fer, et  il  dit  ordinairement  qu'ils  reposent 


1  Sed  non  sic  accipiendum  est  quod  dixi ,  ut 
nunc  in  Christi  nomine  fieri  miracula  nulla  cre- 
dantur.  Nain  ego  ipse,  quando  istum  ipsumii- 
brwn  scripsi,  ad  mediolanensium  corpora  mar- 
tyruin  in  eadein  civilate  cœcum  illuminatum  fuisse 
jam  noveram,  et  alia  non  nulla ,  qualia  lam  multa 
etiamislis  temporibus  fiunt,  lU  nec  oninia  cognos- 
cere,  nec  ea  quœ  cognoscimus  enum  rare  possi- 
mus.  August.,  lib.  I  Retract.,  num.  7,  p:xs.  20. 

^  Quando  fine  hujus  vitm  resolvunlvr  a  cor- 
pore,  jus  in  eis  retinendis  non  habent  iiwidce  po- 
teslates...  Proinde  liberi  a  diaboli  poteslate,  sus- 
cipiuntur  ab  angdis  sanclis...  constituuntur  au- 
tem  purgati  ab  omni  contagions  cornqilionis  in 
placidis  scdibus,  donec  recipiant  corpora  sua,  sed 
jam  incorruplibilia ,  quœ  ornent ,  non  onerent. 
Augast.,  lib.  XV  De  Trinit.,  cap.  xxv,  num.  44,  pag. 
997. 

'  Inilla  felicitate...  quidquid  amabitur,  aderit; 
nec  desiderabitur  quod  non  aderit.  Omne  quod  ibi 
erit,  bonum  erit,  et  summus  Deus  summum  bo- 
num  erit,  atque  fruendum  amantibus prwsto  erit, 
et  quod  est  om.nino  beatissimum  ila-seniper  fore 
cerlum  erit.  .\ugust.,  lib.  XIII  De  Trinit.,  cap.  vu, 
num.  10.  pag.  933. 


''Ipse  finis  erit  desideriorumnostrorum,  qui  sine 
fine  videbilur,  sine  fastidio  amabitur,  sine  faliga- 
tione  laudabilur.  Hoc  munus,  hic  affeclus,hic  ac- 
tus  profecto  erit  omnibus,  sicut  ipsa  cita  œlerna 
conimunis.  Cœterum  qui  futuri  sint  pro  meritis 
prœmiorum  etiam  gradus  honorum  alque  gloria- 
rum,  quis  est  idoheus  cogitare,  quanlo  magis  di- 
cere  ?  Quod  tamen  fuluri  sint,  non  est  ambigen- 
dum.  Àlque  id  etiim  beata  civitas  illa  magnum 
in  se  bonum  videbit,  quod  nulii  superiori  ibllus 
inferior  invidebit,  sicut  nunc  non  invident  ar- 
changelis  angeli  cœieri;  tamque  nolet  esse  unus- 
quisque  quod  non  accepit,  quamvis  sit  pacatis- 
simo  concordiœ  vinculo  ei  qui  accepit  obslriclus, 
qurm  nec  fh  corpore  vuU  oculus  esse  qui  est  di- 
gitus  cum  membrum  utrumque  contineal  toiius 
carnis  pacata  compago.  Sicitaque  Ivibebit  donum 
alius  alio  minus,  ut  hoc  quoque  donum  habcat, 
nevelilamplius..\\iiiasl.,hh.\\\l  De  Civil.  Dei, 
cap.  XXX,  num.  2,  pag.  700. 

6  Si  enim  non  absurde  credi  videtur ,  anli- 
quos  etiam  sanctos,  qui  venturi  Christi  tenucrunt 
fidem,  locis  quidcm  a  tormentis  impiorum  remo- 
tissimis,  sed  apud  inferos  fuisse,  donec  eos  inde 
sanguis  Christi  et  ad  ea  loca  descensus  erueret, 


ii7«  ET  V  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


dans  le  sein  d'Abrabam  ;  mais  tantôt  il  le  dis- 
tingue '  du  royaume  des  cieux,  tantôt  il 
confond  ces  deux  lieux  ^,  et  tantôt  il  laisse 
indécis  '  si  le  sein  d'Abraham  et  le  royaume 
du  ciel  ne  sont  pas  un  même  lieu  exprimé 
par  diffère  Qts  noms. 

179.  Ce  saint  Docteur,  expliquant  les  paro- 
les du  Psaume  :  Seigneur,  ne  me  reprenez  pas 
dans  votre  colère,  dit  qu'un  jour*  viendra  au- 
quel il  y  aura  des  personnes  que  Dieu  re- 
prendra dans  son  indignation  et  qu'il  corri- 
gera dans  sa  colère  ;  que  peut  être  tous  ceux 
qui  seront  repris ,  ne  seront  pas  corrigés  ; 
qu'il  y  en  aura  toutefois  quelques-uns  qui 
seront  sauvés  après  avoir  été  repris  et  corri- 
gés, mais  que  ce  sera  en  passant  par  le  feu, 
ainsi  que  le  dit  l'Apôtre  ;  qu'il  y  en  aura 
d'autries  qui  seront  repris  et  non  pas  corri- 
gés, n'y  ayant  point  de  doute  que  Jésus- 
Christ  ne  reprenne  ceux  à  qui  il  dira  :  J'ai 
eu  faim,  et  vous  ne  m'avez  point  donné  à  man- 
ger ;  j'ai  eu  soif  et  vous  ne  m'avez  pjoint  donné 
à  boire;  allez,  maudits,  au  feu  éternel  qui  est 
préparé  au  démon  et  à  ses  anges.  ((  Ce  sont  ces 
maux,  continue  le  saint  Docteur,  maux  en- 
core plus  effroyables  que  tout  ce  que  l'on 
souffre  en  cette  vie,  que  craint  celui  qni  gé- 


797 

mit  ici  dans  les  maux  du  monde,  qui  pi-ie  et 
qui  dit  :  Seigneur ,  ne  me  reprenez  point  dans 
votre  indignation,  et  ne  me  corrigez  point  dans 
votre  colèiX'.  Que  je  ne  sois  point  du  nombre 
de  ceux  à  qui  vous  direz  :  Allez  au  feu  éter- 
nel, etc.  Ne  me  corrigez  point  dans  votre  co- 
lère, afm  de  me  corriger  plutôt  en  cette  vie, 
et  de  me  rendre  tel  qu'il  n'y  ait  plus  rien  en 
moi  qui  doive  être  purifié  par  ce  feu  puri- 
fiant que  souffriront  ceux  qui  ne  laisseront 
pas  d'être  sauves,  quoiqu'on  passant  par  le 
feu.  Pourquoi?  c'est  parce  qu'ils  élèvent  ici 
sur  le  fondement  un  édifice  de  bois,  de  foin 
et  de  paille.  S'ils  eussent  élevé  un  édifice 
d'or,  d'argent  et  de  pierres  précieuses,  ils 
auraient  été  en  assurance  contre  l'un  et  l'au- 
tre feu,  non-seulement  contre  ce  feu  éter- 
nel qui  tourmentera  élernellement  les  im- 
pies, mais  encore  contre  celui  qui  purifiera 
ceux  qui  ne  laisseront  pas  d'être  sauvés, 
quoiqu'on  passant  par  le  feu.  Parce  que  l'on 
dit  de  ces  personnes  qu'elles  seront  sauvées, 
on  méprise  ce  feu  par  lequel  elles  passeront  ; 
cependant  ce  feu  ne  laissera  pas  d'être  plus 
horrible  que  lout  ce  qu'un  homme  peut  souf- 
frir dans  cette  vie.  11  est  donc  '  à  croire  qu'il 
y  a  des  fidèles  qui  sont  sauvés  d'autant  plus 


Cor.  (I[, 


profecto  deinceps  boni  fidèles  effuso  illo  pretio  jam 
redempti,  prorsus  inféras  nesciunt,  donec  etiam 
receptis  corporibus,  bona  recipiant  quœ  meren- 
tur.  August.,  lib.  XX  De  Civit.  Dei,  cap.  xv,  pag. 
593. 

Post  vitam  istam  parvam  nondum  eris  ubi 
erunt  sancti,  qiiibus  dicetur  :  \ enite  ,  benedicti 
Patris  mei:  percipite  regnum  quod  vobis  paratum 
est  ab  initio  mundi  ;  nondum  ibi  eris,  quis  nescif? 
Sed  jam  poleris  ibi  esse  ,  ubi  illxim  quondam  ul- 
cerosum.  pauperem,  dives  ille  superbus  et  steri- 
lis  in  mediis  suis  tormentis  vidit  a  longe  requies- 
centem.  In  illa  requie  positns,  certe  securus  exs- 
pectas  judicii  diem,  quando  recipias  et  corpus, 
quando  immuteris  ut  angelo  œqueris.  August. , 
Serm.  1  in  Psal.  xxxvi,  num.  10,  pag.  263. 

^  Sinus  Abrahœ,  requies  beatorum  pauperum, 
quorum  est  regnum  cœlorum  ,  in  que  post  hanc 
vitam  recijnunlur.  August,  lib.  II  Quœst.  evang. 
quaîst.  38,  num.  1,  pag.  264,  tom.  111.  Jam  sinus 
Abrahœ  intelligitur  secretum  Patris ,  quo  post 
passionem  reswrgens  assumptus  est  Dominus. 
August.,  ibid.,  num.  5,  pag.  266. 

August.,  lib.  IX  Conf.  num.  6,  pag.  159.  De  Ne- 
bridio  amico  suo  mortuo  loquens  ait  :  Nunc  ille 
vivit  in  sinu  Abraham.  Qiiidquid  illud  est  quod 
illo  significatnr  sinu.  Vide  August,  lib.  XII  De 
Genesi  ad  litteram. ,  cap.  xxxiv,  num.  66',  tom.  III, 
pag.  322. 

*  Domine,  ne  in  indignatione  tua  arguas  me, 
neque  in  ira  t^a  amendes  me.  Futurum  est  enim 
ut  quidam  in'  ira  Dei  emendenlur  et  in  indigna- 
tione arguanlur;  et  forte  non  omnes  qui  arguun- 


tur,  emendabuntur  ;  sed  tamen  futuri  sunt  in 
emendatione  quidam  salvi.  Futurum  est  quidem 
quia  emendatio  nominata  est:  Sic  tamen  quasi 
par  jgnem.  Futuri  autem  quidam  qui  arguentur 
et  non  emendabuntur.  Nam  gotique  arguet  eos  qui- 
bus  dicet:  Esurivi,  et  non  dedistis  mihi  mandu- 
care  :  sitivi,  et  non  potastls  me  :  et  cœtera  quœ  ibi 
prosequens,  quamdam  inhumanitatem  et  sterili- 
tatem  increpitat,  malis  ad  sinistram  constitutis, 
quibus  dicitur  :  Ite  in  ignem  EEternum,  qui  para- 
tus  est  diabolo  et  angelis  ejus  :  Hœc  iste  graviora 
forniidans,  excepta  v ita  ista  in  cujus  malis plangit 
et  gémit,  rogat  et  dicit:  Domine,  ne  in  indignatione 
tua  arguas  me.  Non  sim  inter  illos  quibus  diclu- 
rus  est  :  Ite  in  ignem  sternum,  qui  paratus  est 
diabolo  et  angelis  ajus,  neque  in  ira  tua  amendes 
me  ,  ut  in  hac  vita  purges  me,  et  talem  me  reddas 
oui  jam  emendatorio  igné  non  opus  sit.  Propter 
illos  qui  salvi  erunt ,  sic  tamen  quasi  per  ignem. 
Quare  nisi  quia  hic  œdificant  supra  fundamen- 
tum  ligna,  fœnum,  stipulam?  JEdificarent  autem 
auriun,  argentum,  lapides  preiiosos,  et  de  utro- 
que  igné  securi  essent;  non  solum  de  illo  œterno 
qui  in  œternwn  crucialurus  est  impios,  sed  etiam 
de  illo  qui  emendabit  eos  qui  per  ignem  salvi 
erunt.  Dicitur  enim:  Ipse  autem  salvus  erit,  sic 
tamen  quasi  per  ignem.  Et  quia  dicitur:  Salvus 
erit,  contemnilur  ille  ignis.  Ita  plane  quamvis 
salvi  per  ignem  gravior  tamen  erit  ille  ignis, 
quam  quidquid  potesc  liomo  pati  in  hac  vita.  Au- 
gust., in  Psal.  xxxvii,  num.  3,  pag,  295. 

^  Taie  aliquid  etiam  post  hanc  vitam  fieri  in- 
credibile  non  est...  Non  nullos  fidèles  per  ignem 


79&- 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Su  l'éler. 
nllé  (les  pei- 
nes des  dam- 
née. 


lardon  d'autant  plus  tôt  par  un  feu  quiles- 
pu;-go,  qu'ils  ont  plus  ou  moins  aimé  les  biens 
périssables  :  mais  cela  ne  se  doit  pas  enten- 
dre de  ceux  dont  il  est  dit,  qu'ils  ne  posséde- 
ront point  le  royaume  de  Dieu,  si  ce  n'est  que, 
ayant  fait  une  juste  et  convenable  pénitence, 
leurs  crimes  leur  aient  été  remis.  La  peine  du 
feu'  passager,  n'est  point  pour  ceux  qui  vi- 
vent dans  les  saletés  et  dans  les  crimes.  Ce- 
lui qui  n'aura'  pas  cultivé  son  cliamp,  et 
qui  l'aura  laissé  couvrir  d'épines,  aura  dans 
cette  vie  une  malédiction  dans  ses  œuvres, 
et  après  sa  mort  ou  le  feu  de  la  purgation, 
ou  la  peine  éternelle.  » 

180.  D'après  saint  Augustin,  l'Église  a  con- 
damné l'erreur  de  ceux  qui  promettaient  le 
pardon  au  diable^,  après  de  grands  et  de 
longs  supplices.  «  Les  saints,  dit-il,  qui  l'ont 
aussi  condamnée,  ne  l'ont  pas  fait  pour  avoir 
envié  la  béatitude  à  personne,  maisc'estqu'ils 


ont  vu  que  ce  serait  anéantir  l'arrôt  qno  le 
Sauveur  prononcera  au  jour  du  jugement  en 
disant  :  Retirez-vous  de  moi,  maudits ,  et  allez 
dans  le  feu  éternel  qui  est  préparé  pour  le  dia- 
ble et  pour  ses  anges.  Ces  paroles  montrent  en 
effet  très-clairement  que  le  diable  et  ses  an- 
ges brûleront  dans  un  feu  éternel  :  ce  qui 
est  aussi  marqué  dans  cet  endroit  de  l'Apo- 
calypse :  Le  diable  qui  les  séduisait  fut  jeté 
dans  vn  étancj  de  feu  et  de  souffre,  avec  la  bête, 
le  faux  prophète,  ou  ils  seront  tourmentés  jour 
et  nuit  dans  les  siècles  des  siècles,  c'est-à-dire 
éternellement  selon  le  langage  ordinaire  de 
l'Écriture.  C'est  sur  son  autorité  que  la  véi'i-  i  pei 
table  piété  doit  croire  qu'il  n'y  aura  plus  de 
retour  à  la  justice  pour  le  diable  et  pour  ses 
anges  que  Dieu  n'a  point  épargnés,  et  qu'il 
a  condamnés  en  attendant  aux  noirs  cachots 
de  l'enfer,  où  ils  sont  gardés  pour  être  pu- 
nis au  dernier  jugement  ;  qu'on  les  jettera 


quemdam  purgatorium,  quanta  magis  minusve 
bona  pereuntia  dilexerunt,  tanto  tardius  certius- 
gue  salvari;  non  tamen  taies  de  quibus  dictum 
est,  quod  regnum  Dei  non  possidebunt,  nisi  con- 
venienter  pœnitentibus  eadem  crimina  remittan- 
lur.  August.,  Enchirid.,  cap.  lxix,  niun.  18, 
pag.  222. 

'  Non  itaque  promittatur  pœna  ignis  transito- 
ria  turpiter  scelerateque  viventibus.  August.,  lib. 
De  Fide  et   oper.,  cap.  xxv,  num.  47,  pag.  190. 

'  Sed  qui  forte  agrum  non  coluerit.  et  spinis 
eum  opprimi  permiserU,  habet  in  hac  vita  male- 
dictionem  terrœ  suœ  in  omnibtis  operibus  suis, 
et  post  hancvitam  habebit  vel  ignem  piirgationis 
vel  pœnarn,  œternam.  August.,  lib.  Il  Contra  Ma- 
nich.,  cap.  xx,  num.  30,  pag.  67T. 

'  Àc  primum  quœri  oportet  atqxhe  cognosci,  cur 
Ecclesia  ferri'  nequiverit  hominum  disputationem 
diabolo  etiam  post  maximas  et  diuturnissimas 
pœnas  purgationem  vel  indulgeiUiam  pollicentem. 
Neque  enim  tôt  sancli  et  sacri  veteribus  ac  novis 
litteris  eruditi,  mundationem  et  regni  cœlorum 
bealitudinem post  qualiaciimque  et  quantacumque 
supplicia,  qualibuscumque  et  quantiscumque  anr- 
gelis  inviderunt  :  sedpotius  viderunl  divinamva- 
cuari  vel  infirmari  nonposse  sententiam  quam  se 
Dominus  prœnunliavit  in  judicio  prolaturum  at- 
que  dicturum  :  Discedite  a  me,  maledicti,  in  ignem 
œternum,  qui  paratus  est  diabolo  et  angelis  ejus. 
Sic  quippe  ostendit  œterno  igné  diabolum  et  an- 
gelos  ejus  arsuros.  Et  quod  scriptum  est  in  Àpo- 
coAypsi  :  Diabolusqui  seducebat  eos,  missus  est  in 
stagnum  ignis  et  sulphurisquo  et  bestia  et  pseiido- 
propheta  cruciabuntur  dieac  nocte  in  saîcula  sœ- 
culorum.  Quod  ibi  dictum  est  teternum,  hic  dic- 
tum est  in  sœcula  sœculorum  ;  quibus  verbis  nifiil 
Scriptura  divina  signi/icare  consuevil,  niai  quod 
finem  non  habet  temporis.  Quamobrem  prorsus  nec 
alia  causa,  nec  justior  atque  manifestior  inve- 
niri  polest  cur  verissima  pietate  Lenealur  fixmn 
et  immobile,  nullum  regressum  ad  jusliliam  vi- 


iamque  sanctorum  diabolum  et  angelos  ejus  ha- 
bituros  nisi  quia  Scriptura,  quœ  neminem  fallit, 
dicit  cis  Deus  non  pepercisse,  et  sic  ab  illo  esse 
intérim  prœdamnatos  ut  carceribus  caliginis  in- 
feri  retrusi  traderentur  servandi  atque  ultimo 
judicio  puniendi,  quando  eos  œternus  ignis  acci- 
piet,  ubi  cruciabuntur  in  sœcula  sœculorum.  Quod 
si  ita  est,  quomodo  ab  hujus  œternitate  pœnœ  vel 
universi  vel  quidam  homines  post  quantumlibet 
temporis  subtrahentur,  ac  non  siatim  enervabi- 
iur  fides  qua  credilur  sempiternum  dœmonum 
futilrum  esse  supplicium  ?  Si  enim  quibus  dice- 
tur  :  Discedite  a  me,  maledicti,  in  ignem  œternum 
qui  paratus  est  diabolo  et  angelis  ejus,  vel  universi 
velaliqui  eorumnonsemperibierunt,  quid  causœ 
est  cur  diabolus  et  angeli  ejus  semper  ibi  futuri 
esse  credantur  ?  An  forte  Dei  sententia  quœ  in 
malos  et  angelos  et  homines  prof eretur,  in  ange- 
los vera  erit,  in  homines  falsa?  lia  plane  hoc 
erit,  si  non  quod  Deus  dixit,  sed  quod  suspican- 
tu,r  homines,  piusvalebit.  Quod  fier i  quia  non  po- 
test,  argumenlari  adversusDeum,  sed  divino  po- 
tius  dum  tempus  est,  debent parère  prœcepto  qui 
sempiterno  cupiunt  carere  supplicio.  Deinde  quale 
est  œternum'  supplicium  pro  igné  diulurni  tempo- 
ris existimare  etvitam  œternam  credere  sine  fine, 
cum  Christus  eodem  ipso  loco  in  una  eademque 
sententia  dixerit  utrumque  complexus  :  Sic  ibunt 
isti  in  supplicium  seternum,  justi  autem  in  vitam 
octernara?  Si  utrumque  œternum,  profecto  aut 
utrumque  cum  fine  diuturnum,  aut  utrumque 
sine  fine  perpeluiim  débet  inteUigi.  Par  pari  enim 
relata  sunt;  Iiinc  supplicium  œternum,  inde  vila 
œterna.  Dicere  autem  in  lioc  una  eodemque  se/i- 
su:  Vita  œterna  sanctorum  sine  fine  erit,  suppli- 
cium œternum  finern  habebit,  muUum  absurdum 
est;  un  de  quia  vita  œterna  sanctorum  sine  fine 
erit,  supplicium  quoque  œternum  quibus  erit,  fi- 
nem procul  dubio  non  habebit.  August.,  lib.  X.\l 
De  Civil.  Dei,  cap.  xvii.  pag.  637. 


[IV»  EX  yc  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


dans  nn  feu  éternel  où  ils  seront  tourmentés. 
Si  cela  est  ainsi,  comment  pourrait-on  pré- 
tendre que  tous  les  hommes,  ou  même  quel- 
ques-uns seront  délivrés  de  cette  éternité  de 
peines  après  de  longues  souffrances,  à  moins 
de  donner  atteinte  à  la  foi  qiîi  nous  enseigne 
que  le  supplice  des  démons  sera  éternel  ? 
Car  si  ceux  ou  quelques-uns  de  ceux  à  qui 
l'on  dira  :  Retirez-vous  de  moi,  maudits,  allez 
au  feu  éternel  qui  est  préparé  pour  le  diable  et 
pour  ses  anges,  ne  doivent  pas  toujours  de- 
meurer dans  ce  feu ,  pourquoi  croira-t-on 
que  le  diable  et  ses  anges  y  demeureront 
éternellement?  Est-ce  que  la  sentence  que 
Dieu  prononcera  contre  les  anges  et  contre 
les  hommes,  ne  sera  vraie  que  pour  les  an- 
ges? Il  en  sera  ainsi  si  les  conjectures  des 
hommes  l'emportent  sur  la  parole  de  Dieu  : 
mais  comme  cela  est  impossible,  ceux  qui 
désirent  de  se  garantir  du  supphce  éternel, 
au  lieu  de  s'amuser  à  disputer  contre  Dieu, 
doivent  accomplir  ses  commandements  tan- 
dis qu'il  est  encore  temps.  D'ailleurs  quelle 
apparence  y  a-t-il  à' eniendrele  supplice  éter- 
nel d'un  feu  qui  doit  durer  longtemps  ;  et  la 
vie  éternelle,  d'une  vie  qui  doit  durer  tou- 
jours, vu  que  Jésus-Christ  au  même  lieu  et 
dans  une  même  période  comprenant  l'un  et 
l'autre,  a  dit  :  Ceux-ci  iront  au  supplice  éter- 
nel, et  les  justes  dans  la  vie  éternelle.  Si  l'un  et 
l'autre  est  éternel ,  on  doit  entendre  ou  que 
l'un  et  l'autre  durera  longtemps  et  finira, 
ou  que  l'un  et  l'autre  durera  toujours  et  ne 
finira  point.  Car  ces  deux  choses  sont  mises 
en  parallèle  ,  d'un  côté  le  supplice  éternel,  et 
de  l'autre  la  vie  éternelle.  De  sorte  qu'on  ne 
peut  prétendre  sans  absurdité  que  dans  une 
même  expression  la  vie  éternelle  n'ait  point 
de  fin,  et  le  supplice  éternel  en  ait  une.  Puis 


799 

donc  que  la  vie  éternelle  des  saints  ne  finira 
point,  il  en  sera  sans  doute  de  même  du  sup- 
plice des  damnés.  » 

Saint  Augustin  met  *  Origène  au  nombre 
de  ceux  qui  ont  enseigné  que  le  diable  et  ses 
anges  seraient  délivrés  des  peines,  après  en 
avoir  souffert  de  fort  longues,  et  dit  que  l'É- 
glise l'a  justement  condamné  pour  ce  sujet. 
Mais  dans  les  derniers  de  ses  ouvrages^  il  ne 
veut  point  décider  si  Origène  a  effectivement 
enseigné  cette  erreur,  avouant  qu'il  se  trou- 
vait des  écrivains  ecclésiastiques  qui  l'en  dis- 
culpaient. 

181.  «11  y  a  cette  différence  entre  le  schis- 
matique  et  l'hérétique,  dit  le  saint  Docteur ^ 
que  celui-là  n'est  pas  séparé  par  une  foi  dif- 
férente, mais  par  une  simple  rupture  de  so- 
ciété et  de  communion.  »  Cresconius  soute- 
nait *  qu'on  ne  devait  pas  donner  le  nom  d'hé- 
résie à  la  division  qui  était  entre  les  catholi- 
ques et  les  donatistes ,  et  pour  le  prouver  il 
définissait  l'une  et  l'autre  en  cette  manière  : 
«  Les  hérésies  ne  sont  qu'entre  ceux  qui  sui- 
vent des  sentiments  différents ,  et  l'hérétique 
est  celui  qui  a  une  religion  contraii'e,  ou  qui 
explique  la  religion  d'une  façon  différente , 
comme  font  les  manichéens,  les  ariens,  les 
marcionites,  les  novatiens,  et  les  autres  qui 
ont  des  sentiments  contraires  à  la  foi  chrétien- 
ne. Mais  entre  nous,  ajoutait  ce  donatiste,  qui 
reconnaissons  le  même  Christ,  né,  mort  et  res- 
suscité pour  nous,  qui  avons  lamême  religion, 
les  mêmes  sacrements,  et  qui  n'avons  rien  de 
différent  dans  le  culte  des  chrétiens ,  c'est 
un  schisme  et  non  pas  une  hérésie  :  car  l'hé- 
résie est  une  secte  de  gens  qui  suivent  des 
sentiments  différents ,  au  lieu  que  le  schisme 
est  la  séparation  des  personnes  qui  sont  d'une 
même  doctrine.  »  Saint  Augustin  convient  de 


VojPi!  loni. 
U.ttg.  13.'. 


Sur  le 
scliismo  ol 
l'hérésie. 


'  Qua  in  re  misericordior  profecto  fuit  Orige- 
nes,  qui  et  ipsum  diabolum  atque  angelos  ejus 
post  graviora  pro  meritis  et  diuturniora  suppli- 
cia ex  illis  cruciatibiis  eruendos  atque  sociandos 
credidit.  Sed  illum  et  propter  hoc...  non  immerito 
reprobavit  Ecclesia.  August.,  lib.  XXI  De  Civit. 
Dei,  cap.  xvn,  pag.  637. 

"^  Diabolus...  potest  agere  pœnitentiani  et  im- 
petrare  misericordiam  Dei...  quod  quidem  visum 
est  quibusdam,  Origène,  ut  perhibetur,  auctore  ; 
sed  hoc,  ut  nosse  le  existimo,  fides  catholica  et 
sana  non  recepit  ;  wide  nonnulli  Grigenem  quoque 
ipsum  alienum  fuisse  ab  hoc  errore  vel  probant, 
vel  volunt.  August.,  lib.  V  Oper.  imperf.  contra 
Julian.,  cap.  xlvii,  pag.  1268. 

'  Solet  autem  etiam  quœri:  Schismaticiquidab 
hœreclicis  distent?  et  hoc  inveniri  quod  schisma- 
ticos  non  fides  diversa  facial ,  sed  communionis 


disrupta  societas  ?  August.  lib.  De  tiept.  quœst.  in 
Matth.,  num.  2,  pag.  279,  tom.  IIl,  part,  2. 

*  Quamquam  id  quod  inter  nos  accidit  schisma 
potius  quam  heresim  censés  apellari  oportere... 
Quid  sibi  vult,  inquis,  quod  ais  hœreticorum  sa- 
crilegum  errorem  ?  Nam  hcereses  non  nisi  intor 
diversa  sequentes  fieri  soient,  nec  hœreticus  nisi 
contrariée  vel  aliter  inierpretatœ  religionis  est 
cultor,  ut  sunt  manichœi,  ariani,  marcionitœ, 
novatiani,  cœterique  quorum  inler  se  contra  fi- 
dem  christianam  diversa  sententia  stat.  Inter  nos, 
quibus  idem  Chrislus  natus,  mortuus  et  resur- 
gens,  una  religio,  eadem  sacramenta,  nihil  in 
christiana  observaiione  diversum,  schisma  factum 
non  hœresis  dicitur.  Siquidem  hceresis  est  di- 
versa sequenti'um  secta  ;  schisma  vero  eadem  se- 
quentium  separatio.  Quare  et  in  hoc  studio  cri- 
minandi  quem  tu  incurreris  vides  errorem,  cum 


8t0 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


cette  définition  ;  mais  il  soutient  contre  Cres- 
couius  que  les  donatistes  sont  aussi  héréti- 
ques, parce  qu'ils  rejettent  le  baptême  des 
catholiques.  «Quoique  j'approuve  Meur  dit- 
il,  la  distinction  par  laquelle  on  dit  que  le 
schisme  est  une  division  récente  d'une  so- 
ciété, faite  néanmoins  pour  quelque  diû'é- 
rent  (car  il  ne  peut  y  avoir  de  séparation 
ni  de  schisme,  s'il  n'y  a  quelque  pratique 
diflerente),  je  dis  que  l'hérésie  est  un  schis- 
me invétéré.  Vous  êtes  hérétiques  parce  vous 
n'êtes  pas  seulement  séparés ,  mais  parce 
qu'étant  invétérés  dans  un  schisme  vous  sui- 
vez des  maximes  contraires  en  nous  rebapti- 
sant et  parce  que  vous  ne  voulez  pas  reconnaî- 
tre l'Église  qui  est  le  corps  de  Jésus-Christ.  » 
Fauste  le  manichéen  définissait  le  schisme  et 
l'hérésie  de  la  même  manière.  «  Le  schisme, 
disait-iF,  est,  si  je  ne  me  trompe,  d'être  sé- 
paré de  société,  quoiqu'on  ait  les  mêmes  sen- 
timents et  le  même  culte.  L'hérésie  est  une 
secte  de  personnes  d'avis  différents  des  au- 
tres, et  c[ui  honorent  Dieu  d'une  manière 
différente.  » 


Saint  Augustin  ne  laissait  pas  de  trouver 
beaucoup  de  difficultés  à  donner  un  défi- 
nition régulière  de  l'hérésie ,  parce  que 
toute  erreur  n'est  pas  une  hérésie,  quoiqu'il 
n'y  ait  point  d'hérésie  sans  erreur  '.  C'est 
pourquoi  il  ne  s'explique  pas  toujours  avec 
précision  sur  ce  sujet.  Dans  son  li^Te  de  l'U- 
tilité de  la  foi,  il  dit  que  l'hérétique  est  '  ce- 
lui qui  invente  ou  qui  suit  de  nouvelles  opi- 
nions en  vue  de  quelque  intérêt  temporel , 
et  principalement  pour  acquérir  de  la  gloire 
ou  du  pouvoir.  Définition  qui  semble  suppo- 
ser qu'une  personne  ne  peut  être  hérétique 
qu'il  n'y  entre  quelque  vue  temporelle ,  ou 
quelque  mauvaise  volonté.  D'où  vient  que 
ce  Père  ne  veut  pas  ^  qu'on  mette  au  rang 
des  hérétiques  ceux  qui  ont  des  opinions 
fausses  et  erronées,  pourvu  qu'ils  ne  les  dé- 
fendent pas  avec  obstination,  principalement 
quand  ils  ne  les  ont  pas  inventées  par  une 
présomption  téméraire,  mais  qui  les  ont 
reçues  de  leurs  pères  ;  qui  chei'chent  la 
vérité  avec  toute  la  précaution  et  tout  le  soin 
possibles ,  prêts  à  se  corriger  quand  ils  l'au- 


quod  schisma  est  hœresim  vocas?  August. ,  lib  II 
Contra  Cresc,  cap.  m,  nuir.  4,  pag.  41t. 

1  Proinde  quamvis  inler  schisma  et  hœresim 
magis  eam  distinctionem  approbem  qua  dicitur 
schisma  esse  recens  (ongregationis  ex  aliqua  sen- 
Icntiarum  diversitale dissensio  (nequeenim  etschis- 
7na  fieri  potest ,  nisi  diversum  aliquid  sequantur 
qui  fuciuntj  hœresis  autem  schismainveteratum.  : 
tamenquid  hinc  opus  est  ad  laborem  cum  me  tan- 
tum   adjuvent  definitiones  tuœ  ut  si  mihi  et  per 
alios  vestros  concederet,  schismaticos  vos  libentius 
quam  hœreticos  dicerem.  Si  enim  schisma  faciunt, 
quibus  cum  eis  a  quibus  se  dividunt  U7ia  religio 
est,  eadem.  sacramenta,  nihil  in  christiana  obser- 
vatione   diversum,    hinc  est  vcstra  rebaptisatio 
damnabilior,  quia  in  una  religione,  eisdem  sa- 
cramentis  nihilo  in  christiana  obsercalione  di- 
verse, alius  et  dinersus  esse  non  potest  baptismus. 
Sed  quoniam  nec  nullwm  est,  nec  aliquid parvutn 
quod  diversum  sequimini,   cum  ab  unitatis  vin- 
culo  separati,  etiam  de  repelitione  baplismi  dis- 
sentUis  a  nobis,    fit  ut  secundum  istam  ipsam  de- 
finitionem  tiiam  qua  dixisti  :  Hœresis  est  autem 
diversa  sequentium  secta;    et  hœretici  sUis,    et 
victi  appareatis;  hœretici  quidem,  quod  non  tan- 
tum  divisi,  verum  et  in  rebaptizando  diversum 
sequimini;  victi  autem  quia  datum  per  nos  bap- 
lismum  lunquam  non  ipsum  vel  tanquam  nullum 
sit  iteratis,  quodunum  atque  idem,  nec  diversum 
esse    fatemini   August.,    lib.    II    Contra  Cresc.  , 
cap.  vii.iiuuj.  9,  pag.  'i^3.  Nam  et  hœretici  estis  vel 
quod  in  schismate  inveteralo  remansistis ;  vel  ex 
tua  definilione,  quod  de  Ecclesia,  quœ  corpus  est 
Christi,  vol  de  ileratione  christiani  baplismi  di- 
versum sequimini.  Et  sacrilcqus  error  est,  non 
solum  a  christiana   unilale    separatio ,   verum 


etiam.  sacramentorum,  quœ  secundum  tuam  con- 
fessionem  wia  eademque  sunt,  violatio  atque  res- 
cissio.  August.,  lib.  Il  Contra  Cresc,  cap.  vni, 
pag.  4c4. 

^  Schisma,  nisi  fallor,'est  eadem  opinantem  at- 
que eodem  ritu  colentem  quam,  cœteri  solo  con- 
gregationis  delectari  dissidio.  Secta  vero  est  longe 
alla  opinanlem  quam  cœteri  alio  etiam  sibi  ac 
longe  dissimili  ritu  Divinitatis  instituisse  cultu- 
ram.  Faust,  apud  August.,  lib.  XX,  cap.  ni,  pag. 
333,  lom.  VIII. 

3  Non  omnis  error  hœresis  est,  qiiamvis  omnis 
hœresis,  quœ  in  vilio  ponitur  nisi  errore  aliquo 
hœresis  esse  non  possit.  Quid  ergo  faciat  hœreti- 
cum,  regulari  quadam  dejinitione  comprehendi, 
sicut  ego  exislimo.  aut  omnino  non  potest  aut 
difficillime  potest.  August.,  lib.  I  De  Hœres  .pag.  4, 
tom.  VIII. 

*  Hcerelicus  est,  utmeafert  opinio,  qui,  alicujus 
temporaiis  commodi  et  maxime  gloriœ  principa- 
tusque  sui  gratia,  falsas  ac  novas  opiniones  vel 
gignit,  vel  sequitur.  August.,  lib.  I  De  Utilitate 
credendi,  cap.  i,  pag.  43.  tom.  VIII. 

^  Dixit  quidem  apostolus  Paulus  :  Hœreticuiu 
bomiiieni  post  unam  correptioncm  devita,  sciens 
quia  subversus  est  ejusmodi,  et  peccat,  et  est  a  se- 
metipso  damuatus.  Sed  qui  sententiam  suam, 
quamvis  falsam  atque perversam,  nulla  pertinaci 
animositate  defendunt,  prœsertim  quam  non  au- 
dacia  prœsumptionis  suœ  pepererunt,  sed  a  se- 
ductis  atque  in  errorem  lapsis  parentibus  accepe- 
runt,  quœrunt  autem  cauta  soUicitudine  veri- 
tatem,  corrigiparati  cum  invenerint,  nequaquam 
sunt  inler  hœreticos  deputundi.  August.,  E^i'sf.  43, 
num.  I,  pag.  88. 


[iV""  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


ront  trouvée.  C'est  dans  ce  principe  qu'écri- 
vant à  Vincent  Victor  qui  avait  avancé  '  plu- 
sieurs erreurs  dans  son  livre  de  l'Origine  de 
l'ame ,  il  lui  dit  :  «  Ne  croyez  pas  ^  qu'ayant 
ce  sentiment  vous  soyez  décha  de  la  foi  ca- 
tholique, quoiqu'il  soit  opposé  à  la  foi  catho- 
lique, si  vous  croyez  devant  Dieu  qui  connaît 
tous  les  cœurs  ,  que  vous  avez  dit  la  vérité  , 
et  que  vous  ne  vous  arrêtiez  point  trop  à  vo- 
tre sens,  prêt  d'abandonner  votre  sentiment, 
si  l'on  découvre  qu'il  n'est  pas  probable,  et 
dans  la  disposition  de  condamner  votre  pro- 
pre jugement  et  d'embrasser  ce  qui  est  vé- 
ritable et  plus  sûr.  Car  la  disposition  où 
vous  êtes  de  vous  corriger  et  d'embrasser  la 
vérité,  vous  rend  cathohque,  même  à  l'égard 
des  choses  qui  ne  le  sont  pas,  et  que  vous 
avancez  par  ignorance.  » 

Ce  Père  apphque  cette  maxime  à  un  hom- 
me même  qui  serait  dans  l'erreur  la  plus  con- 
damnable, comme  celle  de  Photin  ',  croyant 
être  dans  la  doctrine  catholique.  «  Je  n'ose- 
rais pas ,  dit-il ,  appeler  cet  homme  héréti- 
que ,  si  ce  n'est  que  quand  on  lui  a  décou- 
vert la  doctrine  catholique,  il  n'aime  mieux 
résister  à  la  vraie  foi ,  et  tenir  le  sentiment 
qtfil  avait  choisi.  »  Il  paraît  donc  qu'il  ne 
suffit  pas  qu'un  homme  soit  dans  l'erreur 
pour  être  hérétique  ,  mais  qu'il  faut  de  plus 
qu'il  ait  de  la  présomption  et  de  l'opiniâ- 
treté. C'est  ce  que  dit  assez  clairement  le 
même  Père  dans  un  autre  endroit  *  :  «  Ceux 
qui,  dans  l'Église  de  Jésus-Christ,  ont  des  sen- 
timents corrompus  et  pernicieux,  si,  étant 
repris  et  exhortés  à  rentrer  dans  la  saine  et 
pure  doctrine,  ils  résistent  avec  opiniâtreté, 
et  ne  veulent  ni  se  départir  de  leurs  dogmes 


801 

pernicieux,  ni  quitter  leurs  opinions  empoi- 
sonnées et  mortelles,  mais  continuent  à  les 
défendre,  deviennent  hérétiques ,   et  se  re- 
tirant de  l'Église,  ils  se  rangent  au  nombre 
de  ses  ennemis.  »  On  obligeait  les  hérétiques 
de  dire  anathème  à  leurs  écrits  et  à  leurs 
erreurs ,  comme  on  le  voit  par  la  conduite 
que  le  pape  Innocent  et  les  évêques  d'Afri- 
que tinrent  à  l'égard  de  Pelage  et  de  Céles- 
tius.  Ces  évêques  ^,  persuadés  que  l'autorité 
du  Saint-Siège  serait  en  cette  occasion  d'un 
plus  grand  poids  auprès  de  Pelage  que  la 
leur,  prièrent  le  Pape  par  lettres  de  l'obli- 
ger à  dire  anathème  au  livre  dont  il  était 
auteur,  afin  que  ses  sectateurs ,  étonnés  de 
cette  censure,  n'osassent  plus  à  l'avenir  trou- 
bler les  cœurs  vraiment  fidèles  et  chrétiens, 
par  leurs  disputes  sur  la  grâce.  Innocent  lut 
le  livre  de  Pelage  ",  et  y  trouva  beaucoup 
de  choses  contre  la  grâce  de  Dieu  ,  et  beau- 
coup de  blasphèmes;  ce  qui  lui  fit  juger  que 
cet  hérésiarque  devait  anathématiser  ses  sen- 
timents  erronés,  afin  que    ceux  qu'il  avait 
séduits  revinssent  plus  facilement,  étant  in- 
formés qu'il  avait  lui-même  anathématisé  les 
erreurs  qu'il  leur  avait  enseignées.  Les  évê- 
ques d'Afrique  en  usèrent  de  même  envers  Cé- 
lestius'  :  ils  marquèrent  au  pape  Zosime,  qu'il 
ne  suffisait  pas  que  cet  hérétique  avouât  géné- 
ralement qu'il  se  soumettait  aux  lettres  du  pa- 
pe Innocent,  mais  qu'il  devait  encore  anathé- 
matiser ouvertement  les  mauvais  sentiments 
répandus  dans  l'écrit  qui  contenait  sa  profes- 
sion de  foi.  Zosime  en  conséquence  fit  cher- 
cher Célestius  pour  l'obliger  à  faire  ce  que  de- 
mandaient de  lui  ces  évêques.  Maisil  disparut. 
On  peut  dire  en  un  sens  que  les  héré- 


1  August.,  lib.  III  De  Anima  et  ejus  orig.,  cap. 
XV,  num,  22,  pag.  384. 

2  Àbsit  autem  ut  te  arbitreris,  hœe  opinando,  a 
jide  catholica  recessisse,  quamvis  ea  fideisintad- 
versa  catholicœ,  si  coram  Deo ,  cujus  in  nullius 
corde  oculus  fallitur,  veradter  te  dixisse  respicis, 
non  te  tibi  ipsi  esse  credulum  probari  ea  quœ 
dixeris  passe  ;  ac  studere  te  semper  eliam  pro- 
priam  senlentiam  non  tueri,  si  improbabilis  dete- 
gatur,  eo  quod  sit  tibi  cordiproprio,  damnato  ju- 
dicio,  meliora  magis  et  quœ  sint  veriora  sectari. 
Iste  quippe  animus ,  eliam  in  dictis  per  ignoran- 
tiam,  non  catholicis,  ipsa  est  correctionis  prœnie- 
ditatione  ac  prœparatione  catholicus.  August.,  lib. 
De  Anima  et  ejus  orig.,  cap.  xv,  num.  23,  pag.3  85 
et  386. 

3  Constituamus  ergo  duos  aliquos  isio  modo, 
unum  eorum  verbi  gratia,  id  sentire  de  Christo 
quod  Photinus  opinatus  est  et  in  ejus  hœresi  bap- 
tizari  extra  Ecclesice  catholicœ  communionem  ; 

IX. 


alium  vero  hoc  idem  sentire,  sed  in  catholica  bap- 
tisari,  existimantem  ipsam  esse  catholicam  fidem. 
Istum  nondiun  hœreticum  dico  nisi  manifesta  sibi 
doctrina  catholicœ  fidei  resistere  maluerit,  et  il- 
lud  quod  tenebat  elegerit.  August.,  lib.  IV  DeBapt., 
cap.  xvr,  num.  23,  pag.  133. 

*  Qui  ergo  in  Ecclesia  Christi  morbidum  aliquid 
pravumque  sapiunt,  si  correpli  ut  sanum  rectum- 
que  sapiant,  resistunt  contumaciter  suaque  pesti- 
fera  et  mortifera  dogmata  emendare  nolunt,  sed 
defensare  persistunt^  hœretici  fiunt ,  et  foras 
exeuntes  habentur  in  exercentibus  inimicis.  Au- 
gust., lib.  XVlIt  De  Civit.  Dei,  cap.  li,  num.  1,  ■ 
pag.  533. 

5  August.,  Epist.  177,  num.  6,  pag.  624,  et  num. 
15,  pag.  627. 

^  lunooentius    apud    Augustinum  ,  Epist.    183 , 
niim.  5,  pag.  6i2. 

'  August.,  lib.  Il  Contra  duas  Epist.  Pelag.,  cap. 
Il),  pag.  434. 

31 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


802 

ligues  au  lieu  de  nuire  h  l'Église  catholi- 
que, Font  affermie,  eu  ce  que  pensant  mal, 
ils  ont  fait  connaître  ceux  qui  pensaient 
bien  '.  Avant  qu'il  y  eût  des  hérétiques,  plu- 
sieurs choses  étaient  cachées  dans  les  Écri- 
tures :  ils  les  ont  agitées  par  des  questions , 
et  par  là  ce  qui  était  caché  s'est  découvert,  et 
on  a  mieux  entendu  la  volonté  de  Dieu.  Ceux 
mêmes  qui  pouvaient  les  expliquer  avec  le 
plus  de  succès,  demeuraient  cachés  parmi  le 
peuple  de  Dieu,  et  ils  ne  s'appliquaient  point 
à  résoudre  les  questions  difficiles,  parce  qu'il 
ne  s'élevait  aucun  ennemi  qui  les  pressât. 
C'est  pour  cela  qu'on  n'a  point  traité  parfaite- 
ment du  mystère  de  la  Trinité  avant  les  cla- 
meurs des  ariens  ;  ni  de  la  pénitence  avant 
que  les  novatiens  s'élevassent  contre  ell  e  ;  ni  de 
l'efficacité  du  baptême  avant  ceux  qui  ont  in- 
troduit la  rebaplisation.  On  n'a  pas  même 
traité  avec  la  dernière  exactitude  les  choses 
qui  se  disaient  de  l'unité  du  corps  de  Jésus- 
Christ,  avant  que  le  schisme  qui  mettait  les 
faibles  en  péril,  obligeât  ceux  qui  étaient  ins- 
truits de  ces  vérités,  à  les  traiter  plus  à  fond, 
et  à  éclaircir  entièrement  ce  qu'il  y  a  d'obs- 
cur dans  les  Livres  saints  sur  ce  sujet.  Cha- 
que hérésie  a  apporté  ^  à  l'Église  sa  question 


particulière,  contre  laquelle  on  a  défendu 
plus  exactement  la  sainte  Ecriture  ,  que  s'il 
ne  s'était  jamais  élevé  de  pareilles  clisputes. 
Au  reste  l'énormité  du  schisme  est  si  grande  ' 
que  Dieu  a  puni  plus  sévèrement  ce  crime 
même  dans  la  loi  ancienne  que  celui  de  l'i- 
dolâtrie. Car  l'idolâtrie  ne  fut  punie  que  par 
la  mort  seule  et  par  l'épée ,  au  lieu  que  les 
schismatiques  qui  s'élevèrent  contre  Moïse 
furent  dévorés  et  engloutis  tout  vivants.  Et 
s'il  arrivait  dans  les  persécutions  générales 
dont  l'Éghse  a  été  agitée  de  temps  en  temps, 
que  les  schismatiques  livrassent  avec  nous 
leurs  corps  aux  flammes  pour  la  confession 
de  la  foi  qui  leur  était  commune  avec  nous, 
on  était  persuadé  que  tous  ces  tourments  leur 
étaient  inutiles  pour  le  salut  éternel*,  parce 
qu'étant  séparés  de  nous,  ils  ne  les  soutfraient 
pas  en  esprit  de  dilection,  ne  s'étudiaient  pas 
à  consei'ver  l'unité  dans  le  lien  de  la  paix, 
et  n'avaient  pas  par  conséquent  la  charité.  » 
182.  «  Dieu  seul  "  a  le  pouvoir  de  donner 
la  puissance  légitime  de  régner  et  de  com- 
mander. C'est  lui  qui  donne  les  royaumes  " 
aux  bons  et  aux  méchants  princes ,  et  nous 
devons  leur  obéir.  Car  comme  nous  sommes 
composas''  de  corps  et  d'âme,  tant  que  nous 


1  Etenim  ex  hœreticis  asserta  est  catholica,  et 
ex  his  qui  maie  sentkmt  probati  sunt  qui  bena 
sentiunt.  Multa  enim  lalebant  in  Scripturis  ;  et 
cum  prœcisi  essent  hœretici ,  qnœstionibus  agita- 
verunt  Ecolesiam  Dei  :  aperla  sunt  qiice  latebant, 
et  intellecta  est  voluntas  Dei...  Ergo  multi  qui  op- 
time  passent  Soripturas  dignoscere  et  pertracLare, 
latebant  in  populo  Dei;  nec  affevebant  solutionem 
quœstionum  difficilium,  cum  calumniator  nulius 
inslaret.  Numquid  enim perfecte  de  TrinitaCe  trac- 
tatum  est  antequam  oblalrarem  ariani  ?  num- 
quid perfecte  de  pœnitentia  tractatum  est  ante- 
quam obsisterent  novatiani?  Sic  non  perfecte  de 
baptismale  tractatum  est  antequam  contradice- 
rent  foris  positi  rebaptizatores  ;  nec  de  ipsa  uni- 
tate  Christi  enucleale  dicta  erant  quce  dicta  sunt, 
nisi  postquam  separatio  illa  urgere  cœpit  fratres 
infirmas,  ut  jam  illi  qui  nooerant  hœc  traclare 
atque  dissolvere,  ne  périrent  infirmi,  sallicltati 
quœstionibus  impiorum,  sermonibus  et  disputa- 
tianibus  si„is,  obscura  legis  in  p^iblicum  deduce- 
rent.  August.,  in  PsaUn.  liv,  num.  22,  pag.  513. 

^  Didicimus  enim  singulas  quasque  hœreses  in- 
tulisse  Ecclesiœ  proprias  quœstiones  conlra  quas 
diligentius  defenderelnr  Scriptura  divina,  quam 
si  nulla  talis  necessilas  cogeret.  August.,  De  Dana 
pers.,  cap.  xx,  num.  53,  pag.  831. 

'  lempore  illo  quo  Daminus  priera  dclicta  re- 
cenlibus  pœnarum  exemplis  cavenda  monstravit, 
et  idolum  fabricalum  atque  adoratum  est  ctpro- 
pheticus  liber  ira  régis  cantemptoris  incensus ,  et 
schisma  tentatum  :  idololatria  gladio  pimita  est, 


exusti  libri  bellica  cœde  et  peregrina  captivitale; 
schisma  hialu  terrœ  sepullis  auctoribus  vivis,  et 
cœteris  cœlestiigne  cansumptis.  Quis  jam  dubitor- 
verit  hoc  esse  sceleratius  commissum  quod  est 
gravius  vindicalum  ?  August. ,  lib.  II  De  Bapt. , 
cap.  VI,  num.  9,  pag.  101. 

*  Si  aligna  ingruente  persecutione  tradant  ad 
flammas  nobiscum  corpus  suum  pro  fide  quam 
pariter  confitentur,  tamen,  quia  séparait  hœc 
agunt  non  sufj'erentes  invicem  in  dilectione,  neque 
studentes  servare  unitatem  spiriUis  in  vinculo  pa- 
cis ,  charitdtem  utique  non  habendo  ,  etiam  cum 
illis  omnibus  quœ  nihil  eis  prosunt,  ad  œternam 
salutem  pervenire  non  possunt.  August.,  lib.  I  De 
Bapt.,  cap.  IX ,  num.  12 ,  pag.  86. 

^  Non  tribuamus  dandi  regni  atque  imperii  po- 
testatem  nisi  Deo  vero ,  qui  dat  felicitalem  in  ré- 
gna cœlorum  salis  piis,  regnum  vero  terrenum  et 
piis  ac  impiis,  sicut  ei  placet,  cui  nihil  injuste 
placet.  August.,  lib.  V  De  Civit.  Dei,  cap.  xxi,  pag. 
038. 

'5  Deus  ipse  dat  régna  terrena  bonis  et  malis. 
August.,  lib.  IV,  cap.  xxxiii,  pag.  112. 

''  Cum  enim  constemus  anima  et  carpore,  et 
quamdiu  in  hac  vita  temporali  sumus,  etiam  ré- 
bus temporalibus  ad  subsidium  degendœ  hujus 
vilœ  ulamur;  oportel  nos  ex  ea  parte,  quœ  ad 
hanc  vitam  perlinet,  subditos  esse  potestatlbus, 
hoc  est,  hominibus  res  hu-manas  cum  aliquo  ho- 
nore administrantibus.  Ex  illa  vero  parte  qua 
credimus  Deo,  et  in  regnum  ejus  vocaniur,  n07i 
nos  oportet  esse  srtbditos  cuiquam  homini,  idip- 


IV'  ET  V  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


803 


sommes  ici-bas,  et  que  nous  usons  des  cho- 
ses temporelles  pour  le  soutien  de  cette  vie, 
il  faut  que  nous  soyons  soumis  aux  puissan- 
ces eu  ce  point.  Mais  en  ce  qui  regarde  l'au- 
tre partie  de  nous-mêmes  par  laquelle  nous 
croyons  en  Dieu ,  et  sommes  appelés  pour 
jouir  de  son  royaume  ,  nous  ne  devons  être 
assujettis  à  qui  que  ce  soit ,  au  préjudice  de 
ce  que  Dieu  nous  a  donné  pour  la  vie  éter- 
nelle. Celui-là  donc  se  trompe  fort  qui,  parce 
qu'il  est  devenu  chrétien  ,  s'imagine  n'être 
point  sujet  aux  puissances,  ni  obligé  de  leur 
payer  les  tributs,  et  leur  rendre  l'honneur  qui 
leur  est  dû.  Mais  c'est  se  tromper  encore  da- 
vantage de  croire  que  les  puissances  prépo- 
sées pour  gouverner  les  choses  temporelles, 
aient  di'oit  sur  notre  foi.  Il  faut  garder  en  ce- 
la le  juste  tempérament  que  Jésus-Christ  nous 
a  prescrit  en  ordonnant  de  rendre  à  César  ce 
qui  est  à  César,  et  à  Dieu  ce  qui  est  à  Dieu.  » 
Saint  Augustin  fait  application  de  cette  rè- 
gle ,  par  un  exemple  de  ce  qui  se  passa  au- 
trefois sous  un  prince  païen.  «  Il  y  a  eu,  dit- 
il  ',  un  empereur  infidèle  nommé  Julien.  C'é- 
tait un  idolâtre ,  un  méchant ,  un  apostat.  Il 
avait  des  soldats  chrétiens,  et  ces  soldats  ser- 
vaient un  prince  infidèle.  Lorsqu'il  s'agissait 
de  la  cause  de  Jésus-Christ,  ils  ne  reconnais- 
saient pour  roi  que  celui  qui  est  dans  le  ciel  : 
et  quand  Julien  voulait  qu'ils  adorassent  les 
idoles  et  leur  offrissent  de  l'encens  ,  ils  pré- 
féraient Dieu  à  Julien.  Mais  lorsqu'il  leur  di- 
sait d'aller  combattre  et  de  marcher  contre 
une  telle  nation,  ils  obéissaient  aussitôt,  dis- 
tinguant fort  bien  entre  le  Seigneiu-  qui  est 


éternel  et  le  seigneur  temporel.  Néanmoins 
ils  demeuraient  même  soumis  au  seigneur 
temporel,  à  cause  de  celui  qui  est  éternel.  » 

183.  Ou  lit  que  David,  loiu  d'attenter  à  la 
vie  de  Saiil,  trembla  après  avoir  coupé  le 
bord  de  la  robe  de  ce  prince.  Sm'  quoi  saint 
Augustin  dit  à  Pétihen,  cvêque  donatiste  : 
«  Vous  m'objectez  que  ^  celui  qui  n'est  pas 
innocent  ne  peut  avoir  la  sainteté.  Je  vous 
demande  si  Saiil  n'avait  pas  la  sainteté  de 
son  sacrement  et  de  l'onction  royale,  qu'est- 
ce  qui  causait  en  lui  de  la  vénération  à  Da- 
vid? N'est-ce  pas  à  cause  de  cette  onction 
sainte  et  sacrée  que  David  l'a  honoré  durant 
sa  vie,  et  qu'il  a  vengé  sa  mort  ?  Son  cœur, 
frappé  de  respect  trembla  quand  il  coupa  le 
bord  de  la  robe  de  ce  roi  injuste,  ce  C[ui 
montre  C[ue  quoique  Saiil  n'eût  pas  l'inno- 
cence, il  ne  laissait  pas  d'avoir  la  sainteté, 
non  de  vie  et  de  mœurs,  mais  du  sacrement 
divin  qui  est  saint  même  dans  les  hommes 
mauvais.  »  Saint  Augustin  appelle  ici  sacre- 
ment l'onction  royale  '  ou  parce  qu'avec  tous 
les  Pères  il  donne  ce  nom  à  toutes  les  céré- 
monies sacrées  ,  ou  parce  qu'en  particulier 
l'onction  royale  dans  l'Ancien  Testament 
était  un  signe  sacré  institué  de  Dieu  pour 
rendre  les  rois  capables  de  leurs  charges,  et 
pour  figurer  l'onction  de  Jésus-Christ.  Mais 
ce  qu'il  y  a  de  plus  important  à  remarquer 
en  cet  endroit,  c'est  que  ce  saint  Docteur  re- 
connaît, d'après  l'Écriture,  une  sainteté  in- 
hérente au  caractère  royal  qui  ne  peut  être 
effacé  par  aucun  crime. 

184.  n  Nous  n'appelons  pas*,  dit  saintAu- 


Sur  t 
Sonuo  ; 
dc3  rois. 


siim  in  nobis  evertere  mpienii  quod  Deus  ad  vi- 
tam  œternam  donare  dignatus  est.  Si  quis  ergo 
pulat,  quoniam  christianus  est,  non  sibi  vectigal 
reddendum,  aut  tributum,  aut  non  esse  exhiben- 
dum  honorem  debitum  eis  quœ  liœc  curant potes- 
tatibus,  in  magno  errore  lersatur.  Item  si  qriis 
sic  se  putat  esse  subdendum,  ut  eliam  in  suam  fi- 
dem  liabere  potestatem  eum,  quitemporalibiis  ad- 
minisLrandis  aliqua  sublimitate  prœcellil,  in  ma- 
jorem  errorem  labitur.  Sed  modus  iste  seruandus 
est,  quem  Dominus  ipse  prœscribit,  ut  reddamus 
Cœsari  quœ  Cœsaris  sunt,  et  Deo  quœ  Bel  sunt. 
August.,  in  Expos,  propos,  ex  Epist.  ad  Rom., 
cap.  Lxxn,  pag.  920,  tom.  111,  part.  2. 

*  Julianus  exstitit  infidelis  imperator,  exstitit 
apostata,  iniquus,  idololatra  :  milites  christiani 
seroierunt  imperatori  infideli:  ubi  veniebatur  ad 
causam  Chrisli,  non  agnoscebant  nisi  illum  qui 
in  cœlo  erat.  Si  quando  volebat  ut  idola  calèrent, 
ut  tlmriflcarent,  prœponebant  illi  Deum  :  quondo 
aulem  dicebat  :  Produciteaciem  ;  contra  ite  illam 
genlem,  statim  oblemperabant.  Distinguebant  Do- 


minum  ceternum  a  domino  temporali:  et  tamen 
subditi  erant  propter  Dominum  œlernum,  etiam 
domino  temporali.  August. ,  in  Psal.  cxxiv,  num. 
7,  pag.  -1416. 

-  Si  satis  absolutum  tibi  videtur  quod  dixisti: 
Qui  non  fuerit  innocens,  non  habet  sanctitatem. 
Quœro  si  non  habebat  Saul  sacramenti  sanctita- 
tem, quid  in  eo  David  venerabatur  ?  Si  autem  ha- 
bebat innocentiam,  quare  innocentem  perseque- 
batur  ?  A'am  eum  propter  sacrosanctam  wictio- 
nem  et  honoravit  vivum,  et  vindicavit  occisum  : 
et  quia  vel  panniculum  ex  ejus  veste  prœcidit, 
percusso  corde  Irepidavit.  Ecce  Saul  non  Iiabebat 
innocentiam,  et  tamen  habebat  sanctitatem,  nori 
vitœ  suœ  fnam  hoc  sine  innocentia  nemo  potest) 
sed  sacramenti  Dei,  quod  et  in  malis  hominibus 
sanctiim  est.  August.,  lib.  Il  Contra  Lilt.  Peliliani, 
cap.  XLvni,  num.  112,  pag.  233. 

'  M.  Bossuet,  dans  la  Politique  tirée  de  l'Ecri- 
ture sainte,  pag.  262  et  263,  tom.  I  de  l'édition  de 
Bruxelles,  en  1721. 

'  Neque  enim  nos  christianos  quosdam  impera- 


804 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


consiste     is   o-ustiii ,  Certains  empereurs  chrétiens  heu- 

bonheur     des     D  '  i-     ^ 

"''■  reux,  pour  avoir  règne  longtemps,  ou  pour 

être  morts  en  paix,  laissant  leurs  enfants  suc- 
cesseurs de  leurs  couronnes  ;  ou  pour  avoir 
vaincu  les  ennemis  de  l'Etat ,  ou  pour  avoir 
opprimé  les  séditieux.  Ces  biens  ou  ces  con- 
solations de  cette  vie  malheureuse  sont  des 
choses  dont  ont  Joui  des  gens  qui  adoraient 
les  démons  et  qui  n'appai-tenaient  pas  au 
royaume  de  Dieu.  Cela  s'est  fait  par  une  dis- 
pensation  particulière  de  sa  miséricorde, 
afin  que  ceux  qui  croiraient  en  lui  ne  les 
demandassent  point  comme  y  mettant  leur 
souverain  bonheur.  Mais  nous  appelons  les 
princes,  heureux,  quand  ils  font  régner  la 
justice  ;  quand,  au  milieu  des  louanges  qu'on 
leur  donne  ou  des  respects  qu'on  leur  rend, 
ils  ne  s'en  orgueiUissent  point,  mais  se  sou- 
viennent qu'ils  sont  hommes  ;  quand  ils  sou- 
mettent leur  puissance  à  celle  de  Dieu,  et  la 
font  servir  à  faire  fleurir  son  culte  ;  quand 
ils  craignent  Dieu,  qu'ils  l'aiment  et  qu'ils 
l'adorent  ;  quand  ils  préfèrent  à  leur  royaume 
celui  où  ils  ne  craignent  point  d'avoir  des 
associés;  quand  ils  sont  lents  à  punir,  et 
prompts  à  pardonner  ;  quand  ils  ne  punissent 
que  pour  le  bien  de  l'Etat,  et  non  pour  satis- 
faire leur  vengeance,  et  qu'ils  ne  pardonnent 
que  parce  qu'ils  espèrent  qu'on  se  corrigera, 
et  non  pour  donner  l'impunité  au  crime  ; 
quand ,  étant  obligés  d'user  de  sévérité  ,  ils 
la  tempèrent  par  quelques  actions  de 'dou- 
ceur et  de  clémence  ;  quand  ils  sont  d'autant 
plus  retenus  dans  leurs  plaisii's,  qu'ils  au- 


raient plus  de  liberté  de  s'js  livrer  ;  quand 
ils  aiment  mieux  commander  à  leurs  pas- 
sions qu'à  tous  les  peuples  du  monde  ;  quand 
ils  font  toutes  ces  choses  non  pour  la  vaine 
gloire,  mais  pour  l'amour  de  la  félicité  éter- 
nelle; enfin  quand  ils  ont  soin  d'offrir  à 
Dieu  pour  leurs  péchés  le  sacrifice  de  l'hu- 
milité, de  la  miséricorde  et  de  la  prière. 
Voilà  les  princes  chrétiens  que  nous  appe- 
lons heureux:  heureux  dès  ce  monde  par 
l'espérance;  et  heureux  lorsque  ce  que  nous 
attendons  sera  arrivé.  » 

18o.  Il  était  d'usage  parmi  les  catholi-  sur  iw 
ques  *  de  s'abstenir ,  non-seulement  de  la  j«ûiie. 
■  chair  des  animaux,  mais  même  de  quelques 
fruits  de  la  terre,  uniquement  pour  dompter 
leurs  corps  et  humilier  leurs  âmes  dans  la 
prière,  et  non  pas  qu'ils  crussent  ces  ali- 
ments impurs.  L'abstinence  n'en  était  géné- 
rale que  pour  peu  de  personnes,  mais  ils 
l'observaient  presque  tous  pendant  le  ca- 
rême, les  uns  plus,  les  autres  moins,  selon 
leur  pouvoir  ou  leur  volonté.  Le  jeûne  de 
quarante  jours  ^  que  nous  appelons  Carême, 
et  que  l'on  trouve  pratiqué  par  les  anciens 
prophètes  comme  par  Jésus-Christ,  a  été 
fixé  en  un  temps  qui  aboutit  à  la  passion  de 
Jésus-Christ  ;  et  l'on  ne  pouvait  en  choisir 
un  plus  convenable,  puisqu'elle  nous  repré- 
sente la  vie  laborieuse  que  nous  menons  ici- 
bas,  et  qui  doit  être  accompagnée  d'une 
tempérance  qui  nous  prive  des  fausses  dou- 
ceurs et  des  faux  plaisirs  que  le  monde  étale 
de  toutes  parts.  On  exhortait  les  personnes 


ifores  xàeo  felices  dicinms,  quia  vel  diutms  impe- 
rarunt,  vel  imperantes  filios  morte  placida  reli- 
querunt,  vel  hostes  reipublicœ  domuerunt,  vel 
inimicos  cives  adversus  se  insurgentes  et  cavere 
et  opprimere  potuerunt.  Hœc  et  alia  vitœ  hujus 
œrumnosœ,  vel  munera,  vel  solatia,  quidam 
eliam  cultores  dœmonum  accipere  meruenmt, 
qui  non  pertinent  ad  regnum  Dei,  quo  pertinent 
iisti  :  et  hoc  ipsius  misericordia  fartum  est,  ne  ab 
illo  ista,  qui  in  exim  crederent,  velut  summa  bona 
desiderarent.  Sed  felices  eos  dicimus,  si  juste  im- 
perant,  si  inter  linguas  sublimiler  honorantiwm 
et  ohsequiani'inis  humilicer  salutantium  non  ex- 
tollunlur,  sed  se  homines  esse  meminernnt;  si 
suam  potestatem  ad  Dei  cullum  maxime  dilatan- 
dum,  majestati  ejus  famulam  faciunt:  si  Deum 
timent,  diligunt,  colmit;  si  plus  amant  illud  re- 
gnum, ubi  non  timenl  habere  consortes;  si  tar- 
dius  vindicant,  facile  ignoscunt;  si  eamdem  vin- 
diclam  pro  necessitate  regendœ  tuendwque  rei- 
publicœ, non  pro  salurandis  ininiicitiarum  odiis 
exserunt  ;  si  eamdem  veniam  non  ad  impunita- 
tem  iniquitatis,  sed  ad  spem  correctionis  indul- 
gent; si  quod  aspere  coguntur  plerumque  decer- 


nere,  misericordiœ  lenitate  et  beneficiorum  largi- 
tate  compensant  :  siluxtiria  tanto  eis  est  castiga- 
tior  quanto  posset  esse  liberior  ;  si  malunt 
ciipiditatibus  pravis,  quam  quibuslibet  gentibus 
imperare:  et  si  hœc  omnia  faciunt,  non  propter 
ardoreminanis gloriœ,  sed  propter  charitatem  fe- 
licitalis  œternce  :  si  pro  peccatis  suis,  humilitalis 
et  miserationis  et  orationis  sacrificium  Deo  sua 
vero  immolare  non  negligunt.  Taies  christianos 
imperalores  dicimus  felices  intérim  spe,  postea  re 
ipsa  futuros,  cum  id  quod  expestamus  advene- 
rit.  August.,  lib.  V  De  Civilate  Dei ,  cap.  xxiv  , 
pag.  141. 

'  Christiani  non  hœretici,  sed  calholici ,  edo- 
mandi  corporis  causa  ,  propter  animam  in  ora- 
tionibus  ampliushumiliandam,  non  quod  illa  esse 
immunda  credant,  non  solum  a  carnibus,  verum 
a  quibusdam  etiam  terrœ  fructibus  abstinent; 
vel  semper,  sicut  pauci,  vel  certis  diebus  atque 
temporibus ,  sicut  per  quadragesimam  fere  omnes 
quanto  magis  quisque  vel  oninus  seu  voluerit. 
seu  potuerit.  August.,  lib.  XXX  Contra  Faust., 
cap.  V,  pag.  447. 

2  August.,  Epist.  oS,  cap.  xv,  num.  28,  pag.  139. 


[IV"  ET  v°  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTLN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


805 


Sur  quel- 
nutrcs 

Ls  de  di> 


mariées  à  vivre  '  en  continence  pendant  le 
carême,  et  on  ne  leur  recommandait  pas 
moins  de  s'abstenir  -  des  procès  et  des  dis- 
sensions que  des  aliments  matériels.  Saint 
Augustin  parle  d'un  jeûne  solennel  '  après 
la  Pentecôte.  On  jeûnait  aussi  en  Afrique  la 
veille  de  Noël  :  et  ce  saint  déposa  ''  un  prê- 
tre pour  l'avoir  violé.  Mais  on  ne  jeûnait 
point  depuis  Pâques  ^  jusqu'à  la  Pentecôte  ; 
et  pendant  toute  l'année  c'aurait  été  un 
gTand  scandale  de  jeûner  le  dimanche  ^,  sur- 
tout depuis  l'hérésie  des  manichéens,  qui, 
regardant  ce  jour  comme  particulièrement 
consacré  au  jeûne,  ordonnaient  à  ceux  qu'ils 
appelaient awrfitoM's,  d'yjeûner.  LesaintDoc-" 
teur  croit  néanmoins  qu'il  serait  pardonnable 
de  jeûner  ce  jour-là,  à  ceux  qui  voudraient 
pousser  leur  jeûne  au-delà  d'une  semaine, 
pour  approcher  d'autant  plus  du  jeûne  de 
quarante  jours,  «  comme  nous  savons,  dit-il, 
qu'il  y  en  a  qui  l'ont  fait.  Nous  avons  même 
appris  de  quelques-uns  de  nos  frères  très- 
dignes  de  foi,  qu'il  s'en  est  trouvé  un  qui  a 
poussé  son  jeûne  jusqu'à  quarante  jours.  » 
L'usage  de  l'Eglise  romaine  '  était  de  jeûner 
le  mercredi,  le  vendredi  et  le  samedi  pen- 
dant toute  l'année,  excepté  le  temps  pas- 
cal. 

186.  Le  schisme  des  '  donatistes  empê- 
chait les  catholiques  de  leur  écrire  des  let- 
tres de  communion,  et  on  donnait  le  nom  de 
pacifiques  à  celles  qu'ils  leur  écrivaient,  par 
où  l'on  entendait  des  lettres  privées  sem- 
blables à  celles  qu'on  écrivait  aux  païens. 
On  lisait  tous  les  ans  le  livre  des  Actes  des  ' 


Apôtres  dans  les  assemblées  des  fidèles  :  et 
on  en  commençait  la  lecture  après  la  fête 
de  Pâques.  Il  paraît  qu'en  Afrique  le  prédi- 
cateur était  seul  assis,  et  les  auditeurs  de- 
bout '"  ;  mais  que  dans  les  auti-es  provinces 
le  peuple  même  s'asseyait  :  coutume  que 
saint  Augustin  approuve,  parce  que  l'incom- 
modité d'être  debout  empêche  d'écouter  la 
parole  de  Dieu  avec  attention.  Il  ne  pouvait 
même  "  souffrir  que  dans  les  instructions 
qui  se  faisaient  en  particulier  à  peu  de  per- 
sonnes, on  ne  les  fit  pas  asseoir,  surtout 
quand  il  y  avait  sujet  de  craindre  que,  fati- 
guées de  cette  attitude,  elles  ne  se  retirassent 
sous  d'autres  prétextes.  Cela  lui  était  arrivé 
à  l'égard  d'un  paysan  qu'il  catéchisait  :  mais 
dans  la  suite  il  évita  cet  inconvénient.  C'é- 
tait la  coutume  en  Afrique  de  prier  à  ge- 
noux *^  et  prosterné. 

187.  Les  philosophes,  nommés  académi- 
ciens, croyaient  que  quand  on  fait  "  ce  que 
l'on  croit  probable,  on  ne  pèche  point.  Saint 
Augustin  leur  fait  voir  que  ce  principe  une 
fois  reçu  on  doit  approuver  tous  les  crimes  ; 
et  il  presse  ainsi  ces  philosophes.  «  Un  jeune 
homme  instruit  de  ce  principe  ne  dressera- 
t-il  pas  des  embûches  à  la  chasteté  de  la 
femme  d'autrui  ?  Je  vous  le  demande  à  vous- 
même  (il  s'adresse  à  Cicéron)  puisqu'il  s'a- 
git ici  des  mœurs  et  de  ce  que  peuvent  faire 
les  jeunes  gens  dont  l'instruction  et  l'éduca- 
tion ont  faille  principal  objet  de  vos  études  et 
de  vos  écrits.  "Vous  ne  pouvez  me  répondre 
autre  chose,  sinon  qu'il  ne  vous  parait  pas 
probable  que  ce  jeune  homme  puisse  en  user 


Sentiment 
des  académi- 
ciens sur  h 
proLablIité. 


»  August,  Serm.  203,  num.  2,  pag.  920. 

2  August. ,  ibid.,  num.  3,  pag.  921. 

'  August.,  Serm.  357,  num.  5,  pag.  1394. 

4  August.,  Epist.  65,  pag.  154. 

8  August.,  E-pist.  36,  cap.  viii,  num.  18,  pag.  75. 

6  August.,  ibid.,  nuin.  27,  pag.  78. 

■^  August.,  ibid.,  cap.  iv,  num.  8,  pag.  71. 

'  August.  lib.  1  Contra  litt.  Petilian.,  cap.  i, 
pag.  203. 

s  August.,  Serm.  313,  cap.  i,  num.  1,  pag.  1261. 

1»  August.,  lib.  De  Catech.  rudibus.,  cap.  xni, 
num.  19,  pag.  276. 

1'  August.,  ibid.,  pag.  277. 

"  August.,  lib.  XXII  De  Civit.  Dei,  num.  2,pag.  665. 

13  Cum  agit  qinsque,  quod  ei  videtur  prohabile, 
nec  peccat,  nec  errât...  Id  igitur  audiens  adoles- 
cens,  insidiabitur  pndicitiœ  iixoris  alienœ.  Te  te 
consulo,  M.  TulH,  de  adolescentium  moribus  vi- 
taqtie  tractamus,  cui  educandœ  atqueinstituendœ 
omnes  illœ  litterce  tuœ  vigilaverunt.  Quid  aliud 
didurus  es,  quam  non  tibi  esse  probabile  ut  id 
faciat  adolescens?  At  illi  probabile  est.  Nam  si  ex 
alieno  probabili  vivinius,  nec  tu  debuisti  adminis- 


trare  rempiiblicam,  quia  Epicuro  visum  est  non 
esse  faciendum.  Adulterabit  igitur  ille  juvenis 
conjugem  alienam...  sed  vos  me  jocari  arbitra- 
mini  :  liquet  dejerare  per  omne  divinum,  nescire 
me  prorsus  quomodo  iste  peccaverit,  si  quisquis 
id  egerit  quod  probabile  videtur,  non  peccat... 
Taceo  de  homicidiis,  sacrilegiis,  omnibusque  om- 
nino  quœ  fieri  aut  cogitari  possunt  flagitiis,  aut 
facinoribus,  quœ  paucis  verbis,  et  quod  est  gra- 
vius,  apud  sapientissimos  judices  defenduntur: 
nihil  consensi,  et  ideo  non  erravi.  Quomodo  au~ 
tem  non  facerem  quod  probabile  visum  est.  Qui 
auiem  non  putant  ista  probabiliter  posse  persua- 
deri,  legant  orationem  Catilinœ,  qua  patries  par- 
riciditim,  quo  uno  continentur  omnia  scelera, 
persuasit...  Illud  est  capitale,  illud  formidolo- 
sum,  illud  optimo  cuique  metuendum,  quodnefas 
omne,  sihœc  ratio  probabilis  erit,  cum  probabile 
cuiquam  visum  fuerit  esse  faciendum,  tantum 
nulli  quasi  vero  assentiatur,  non  solum  sine  sce- 
,  leris,  sed  etiam  sine  erroris  vituperatione  com- 
mitlat.  August.,  lib.  III  Contra  Acad.,  cap.  svi, 
num,  35  et  36,  pag.  290  et  291,  tom.  I. 


806 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


ainsi.  Si  cela  ne  vous  paraît  pas  probable, 
il  le  parait  à  ce  jeune  homme.  Et  si  vous 
vouliez  c]u'on  se  conduisît  par  ce  qui  paraît 
probable  aux  autres,  vous  n'auriez  pas  dû 
gouverner  la  république,  parce  qu'Épicure 
a  cm  que  cela  n'était  pas  à  propos.  Il  faut 
donc  que  vous  avouiez  que  ce  jeune  homme 
peut  tromper  la  femme  d'autrui.  Vous  croyez 
peut-être  que  je  raille  :  non.  Je  puis  en  celte 
occasion  jurer  par  tout  ce  c[u'il  y  a  de  plus 
saint,  que  je  ne  vois  pas  comment  il  se  pour- 
rait faire  que  ce  jeune  homme  péchât,  s'il 
est  vrai  qu'on  ne  pèche  pas  quand  on  fait  ce 
qu'on  croit  probable.  Je  ne  parle  point  des 
homicides,  des  parricides,  des  sacrilèges  et 
de  tous  les  autres  crimes  qu'on  peut  com- 
mettre ou  imaginer,  qui,  trouvant  des  défen- 
seurs même  parmi  ceux  qui  passent  pour  les 
plus  sages,  deviennent  permis  par  la  même 
raison.  Car  comment  ces  hommes  ne  fe- 
raient-ils pas  ce  qui  leur  paraît  probable? 
Que  ceux  qui  ne  croient  pas  que  tous  ces 
crimes  puissent  jamais  paraître  probables  à 
personne,  lisent  la  harangue  que  fit  Calilina 
pour  persuader  qu'il  était  pei'mis  de  perdre 
sa  patrie  :  ce  qui  seul  renferme  tous  les  au- 
tres crimes.  Supposez  donc  qa'une  chose 
soit  probaljle,  lorsqu'elle  paraît  probable  à 
quelqu'un,  il  n'y  a  point  d'action  injuste 
qu'un  homme  ne  puisse  faire  sans  craindi'e 
le  reproche  d'avoir  commis  un  crime,  ni 
même  d'être  tombé  dans  l'erreur.  Consé- 
quence qui  fait  sentir  toute  la  malig-nité  du 
principe.  » 
suriacr«init.  188.  «  La  craiutc  '  qui  uo  fait  pas  aimer 
la  justice,  dit  saint  Augustin,  mais  apprélien-- 
der  le  châtiment,  est  une  crainte  servile  qui 
ne  i-egarde  que  les  intérêts  de  la  chair.  Ainsi 
ellenela  crucifie  point.  La  volonté  de  pécher 


demeure  toujours  vivante,  elle  se  fait  con- 
naître par  les  œuvres  dès  qu'elle  peut  es- 
pérer l'impunité.  Lorsqu'on  croit  que  le  châ- 
timent suivia  de  près  le  péché,  la  volonté  de 
le  commettre  demeure  à  la  vérité  cachée, 
mais  elle  est  toujours  vivante.  Elle  désirerait 
que  ce  que  la  loi  defeud  fût  permis,  et  elle 
a  de  la  douleur  de  ce  qui  ne  l'est  pas,  parce 
qu'elle  ne  se  plaît  point  dans  le  bien  qu'elle 
commande,  mais  qu'elle  craint  d'une  ma- 
nière charnelle  le  mal  dont  elle  est  menacée. 
Au  contraire  la  charité  qui  est  accompagnée 
d'une  crainte  chaste,  appiéhende  de  pécher 
quand  même  elle  le  pourrait  faire  impuné- 
ment, ou  plutôt  elle  est  persuadée  que  son 
péché  ne  saurait  jamais  êlre  impuni,  puisque 
l'amour  t[u'elle  a  pour  la  justice  lui  fait  con- 
sidérer le  péché  même  comme  une  peine. 
En  vain  donc  ^  se  croit-on  vainqueur  du  pé- 
ché lorsqu'on  ne  s'en  abstient  que  par  la 
crainte  de  la  peine.  Quoiqu'au  dehors  on 
n'accomplisse  point  l'œuvre  du  péché  et  de 
la  mauvaise  cupidité,  elle  ne  laisse  pas  de 
demeurer  dans  le  cœur  comme  un  ennemi 
intérieur.  Comment  serait-on  innocent  aux 
yeux  de  Dieu  lorsqu'on  voudrait  faire  ce  qui 
est  défendu,  s'il  n'y  avait  point  de  châtiment 
à  craindre?  D'où  il  suit  que  celui  qui  veut 
faire  ce  qui  est  défendu,  et  qui  ne  s'en  abs- 
tient que  parce  qu'il  ne  le  peut  faire  impu- 
nément, est  coupable  dans  son  cœur.  Car 
autant  qu'il  est  en  lui,  il  aimerait  mieux  qu'il 
n'y  eût  point  de  justice  qui  défendît  et  qui 
punît  les  péchés.  Qui  peut  douter  qu'il  ne 
l'anéantît  s'il  le  pouvait  ?  Or  comment  serait 
juste  un  tel  ennemi  de  la  justice  qui  en  abo- 
lixaitles  préceptes  s'il  le  pouvait,  de  peur  d'en 
essuyer  les  menaces  et  les  châtiments?  Ain- 
si celui  qui  s'abstieut  du  péché  par  la  crainte 


'  Timor  namque  isle,  quo  non  amatur  justitia 
sed  limetur  pœna,  servilis  est,  quia  cai-nalis  est; 
et  ideo  non  crucifiqit  carnem.  Vivit  enim  peccandi 
volunla^,  quœ  tune  apparet  in  opère,  quando 
speratur  impunitas.  Cum  vero  pana  creditur  se- 
cuLura,  latenter  vivii  :  vivit  tamen.  Mallet  enim 
licere,  et  dolel  non  licere  quod  Icx  vetat  :  quia 
non  spiritaliter  delectatur  ejws  bono;  sed  carna- 
liler  malum  met^at  quod  minatur.  Timoré  autem 
casto  ipsa,  quœ  hune  timorem  foras  m  Mit,  pec- 
care  timet  charitas,  etiam  sisequalur  impunitas: 
quia  necimpunitatem  judicat  seciUuram,  quando 
amore  juslitiœ  peccatmn  ipsum  '  députât  pœ- 
nam.  August.,  Serm.  25  in  Psal.  cxvni,  nuui.  7, 
pag.  1315. 

2  Inaniter  autem  putat  vielorem  se  esse  pec- 
ciiti,  qui  pœnw  timoré  non  peccat,  quia  et  si  non 


impletur  foris  negolium  malœ  cupiditalis,  ipsa 
tamen  mata  cupiditas  intus  est  hostis.  Etquis  co- 
ram  Dec  innocens  invenitur  qui  vult  fieri  quod 
vetatur ,  si  subtralias  quod  timetur?  ac  per  hoc 
in  ipsa  voluntate  reus  est,  qui  vult  facere  quod 
non  licel  fieri,  sed  ideo  nonfucit,  qiiia  impune  non 
polest  fieri.  Nam  quantum  in  ipso  est,  malet  non 
esse  justitiam  pecca la proliibcnlem  atque  punien- 
tem.  Et  utique  si  mallet  non  esse  justitiam,  quis 
dubitaverit  quod  eam,  si  posset,  auferret  !  Acper 
hoc  quomodo  justus  est,  justitiœ  talis  inimicus, 
ut  eam  si  potestas  delur,  prœcipientem  auferat, 
ne  cnmminantem  i^el  judicantem  ferai.  Inimicus 
ergo  justitiœ  est  qui  pœnœ  timoré  non  peccat  : 
amicus  autem  erit  si  cjus  amore  non  peccet: 
tune  enim  vere  tiinehit  peccare.  August.,  Epist. 
li'j,  uum.  't,  pag.  470  et  471. 


[IV=  ET  V°  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


807 


de  la  peine  est  ennemi  de  la  justice  ,  mais 
il  en  sera  ami  si  c'est  par  son  amour  qu'il 
s'abstient  du  péché.  Celui-là  est  encore  sous 
la  loi  Vqui  sent  qu'il  s'abstient  de  l'œuvre 
du  péché  par  la  crainte  du  supplice  dont  la 
loi  menace,  et  non  par  l'amour  de  la  justice, 
n'étant  ni  libre  ni  éloigné  de  la  volonté  de 
pécher.  Car  il  est  coupable  dans  sa  volonté 
même,  par  laquelle  il  aimerait  mieux,  s'il 
était  possible,  qu'il  n'y  eût  point  de  châti- 
ment à  craindre,  afin  de  faire  ce  qu'il  désire 
dans  son  cœur.  Mais  une  crainte  de  cette 
nature,  qui  ne  craint^ pas  de  perdre  les  em- 
brassements  du  plus  bel  époux  qui  fut  ja- 
mais, mais  seulement  d'être  précipitée  dans 
l'enfer,  ne  laisse  pas  d'être  bonne  et  utile. 
Celui  qui  fait  '  le  bien  parce  qu'il  craint  le 
châtiment,  n'aime  point  encore  Dieu  et  n'est 
pas  au  nombre  des  enfants,  mais  comme  la 
crainte  est  pour  ainsi  dire  l'esclave  de  la 
charité,  afin  que  le  démon  ne  possède  pas 
notre  cœur,  faisons-y  entrer  d'abord  l'es- 
clave, et  qu'elle  garde  la  place  à  la  maîtresse 
qui  doit  venir  après.  Agissons  même  par  la 
crainte  du  châtiment  si  nous  ne  pouvons  en- 
core agir  par  l'amour  de  la  justice,  la  maî- 
tresse viendra  et  fera  retirer  l'esclave,  parce 
que  la  charité  consommée  chasse  la  crainte. 
Si  nous  ne  sommes  pas  embrasés  du  feu  du 
ciel,  craignons  le  feu  de  l'enfer.  Si  nous  ne 
sommes  *  pas  touchés  du  désir  d'être  parmi 


les  anges,  craignons  d'être  dans  une  four- 
naise ardente  dont  les  flammes  ne  s'étein- 
dront jamais,  que  la  crainte  s'empare  d'a- 
bord de  nous,  et  nous  serons  ensuite  possé- 
dés par  la  charité.  Que  la  crainte  soit  en 
nous  comme  un  pédagogue,  qu'elle  n'y  de- 
meure pas,  mais  qu'elle  nous  conduise  à  la 
charité  comme  à  celle  qui  doit  être  la  maî- 
tresse de  notre  cœur.  » 

189.  «  Suivant  cette  règle,  dit-il,  de  la^  cha- 
rité établie  de  Dieu  :  Vous  aimerez  Dieu  de  tout 
votre  cœur,  de  toute  votre  âme  et  de  tout  voire 
esprit,  et  le  prochain  comme  vous-même,  nous 
devons  rapporter  toutes  nos  pensées,  toutes 
les  actions  de  notre  vie  et  tout  notre  enten- 
dement à  celui  de  qui  nous  avons  reçu  les 
choses  mêmes  que  nous  lui  donnons.  C'est 
pourquoi  lorsque  Jésus-Christ  a  dit  :  Vous 
aimerez  Dieu  de  tout  votre  cœur,  il  n'a  laissé 
aucune  partie  de  notre  vie  qui  ne  doive  être 
remplie  de  cet  amour  et  qui  puisse  donner 
place  à  quelque  autre  objet  que  ce  puisse 
être,  pour  en  vouloir  jouir.  Mais  il  faut  que 
toute  autre  chose  qui  pourrait  se  présenter 
à  notre  esprit  pour  se  faire  aimer,  soit  com- 
me enlevée  et  entraînée  par  l'amour  de 
Dieu,  où  doit  se  porter  tout  le  cours  et  toute 
l'impétuosité  de  notre  amour.  Quiconque  ai- 
me donc  son  prochain  comme  il  faut  doit  faire, 
en  sorte  que  celui  qu'il  aime  aime  aussi  Dieu 
de  tout  son  cœur  :  car  en  aimant  ainsi  son 


dn  Dieu, 


iT.our 

XXII  , 


1  Sub  lege  est  enim  qui  timoré  supjilicii  quod 
lex  minatur,  non  amore  justitiœ,  se  sentit  absti- 
nere  ah  opère  peccati,  nondum  liber  nec  alienus 
a  voluntate  peccandi  :  in  ipsa  enim  voluntate  reus 
est,  qua  mollet,  si  fieri  posset,  non  esse  quod  ti- 
meat,  ut  libère  facial  quod  occulte  desiderat.  Au- 
gust.,  lib.  De  Natura  et  grat.,  cap.  lvii,  num.  67, 
pag.  157. 

2  Ille  autem  iimor  nondum  castus  prœsentiam 
et  pœnas  timet.  Timoré  facit  quidquidboni  facit, 
non  timoré  amiltendi  bonum  illud,  sed  timoré pa- 
tiendi  illud  malum.  Non  timet  ne  perdat  ample- 
xus  pulcherrimi  sponsi,  sed  timet  ne  mittatur  in 
gehennam.  Bonus  est  et  iste  timor,  utilis  est,  non 
quidem  permanebit  in  sœculum  sœculi;  sed  non- 
dum est  ille  castus  permanens  in  sœculum  sœculi. 
August.,  in  Psal.  cxxvn,  num.  8,  pag.  1441. 

'  Qui  enim  adhuc  ideo  bene  agit,  quia  pœnam 
timet,  Deum  non  amat,  nondum  est  inler  fllios  : 
utinam  tamen  vel  pœnam  timeat  :  timor  servus 
est,  charitas  libéra  est,  et  ut  sic  dicamus,  timor 
est  servus  charitatis.  Ne  possideat  diabolus  cor 
tuum  prœcedat  sercus  in  corde  tuo,  et  servet  do- 
minœ  venlurœ  locum.Fac,  facvel  UmorepœncB,si 
nondum  potes  amore  justitiœ.  Veniet  domina  ,  et 
servus  abscedet  :  quia  consummata  charitas  foras 
mittit  timorem.  August.,  Serm.  157,  cap.  xni, 
num.  1.1;  pag.  756. 


''  Si  igné  cœli  non  accenderis ,  ignem  timc  gc- 
hennarum  ;  si  non  amas  esse  inter  angelos  Dei, 
time  esse  inter  angelos  diaboli.  Si  non  amas  esse 
in  régna,  time  esse  in  camino  ignis  ardentis,  inex- 
tinguibilis,  sempiterni.  Vincat  in  te  prias  timor,  et 
erit  amor.  Timor  pœdagogus  sit,  non  ipse  in  te 
remaneat,  sed  te  ad  charitatem,  quasi  ad  ma- 
gistrum  perducat.  August.,  Sei-m.  330,  num.  7, 
pag.  1348. 

^  Hœc  enim  régula  dilectionis  divinitus  consli- 
tuta  est  :  Diliges,  inquii,  proximum  tuum  sicut  te 
ipsum  :  Deum  vero  ex  toto  corde  et  ex  tota  anima, 
et  ex  tota  mente,  ut  onmes  cogitationes  tiias,  ut 
omnem  vitam  et  omnem  intellectum  in  illum 
conféras,  a  quo  habes  ea  ipsa  quœ  confers.  Cum 
autem  ait  :  Toto  corde,  tota  anima,  tota  mente, 
nullam  vitœ  nostrœ  parlem  reliquit,  quœ  vacare 
debeat  et  quasi  locum  dare  ut  alla  re  velit  frui: 
sed  quidquid  aliud  diligendum  veneritinanimum, 
illuc  rapiatxcr,  quo  lotus  impetus  dilectionis  cur~ 
rit.  Quisquis  ergo  recte  proximum  diUgit,  hoc 
cum  eo  débet  agere,  «f  etiam  ipse  toto  corde,  tota 
anima,  tota  mente  diligat  Deum..  Sic  enim  eum 
diligens  tanquam  seipsum,  totam  dilectionem 
sui  et  illius  refert  in  illam  dilectionem  Dei,  quœ 
nullum  a  se  rivulum  duci  extra  patitur,  cujus 
derivatione  minuatur.  August.,  lib.  I  De  Doclina 
christ,  cap.  X-tii,  num.  12,  pag.  11, 


808 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Jugomoat 
dns  ouvrages 
de  saint  Au- 
guslin  tou- 
chant la  phi- 
lopophie  et  la 
r'-iigion  chré- 
tienno. 


prochain  comme  soi-même  ,  il  rapporte  tout 
cet  amour  qu'il  a  pom-  soi-même  et  pour 
son  prochain  à  l'amour  de  Dieu.  Afm  que  ' 
l'homme  sût  s'aimer  soi-même,  on  lui  a  pro- 
posé une  fin  à  laquelle  il  pût  rapporter  toutes 
ses  actions  pour  être  heurei'S  Car  tout  hom- 
me qui  s'aime  soi-même  n  a  d'autre  volonté 
que  d'être  heureux.  Or  cette  fin  ne  consiste 
qu'à  s'attacher  à  Dieu.  Quand  donc  on  com- 
mande à  celui  qui  sait  déjà  s'aimer  comme 
il  faut,  d'aimer  son  prochain  comme  soi-mê- 
me, que  lui  commande-t-on  que  de  le  por- 
ter, autant  qu'il  est  en  son  pouvoir,  à  aimer 
Dieu?  Voilà  quel  est  le  culte  de  Dieu,  la  vraie 
religion,  la  solide  piété  et  le  service  qui  n'est 
dû  qu'à  Dieu.  » 

.     ARTICLE  CXVm. 

JUGEMENT  DES  OUVBA.GES  DE  SAINT  AUGUSTIN. 
ÉDITIONS  qu'on  en  A  FAITES. 

1.  Pour  juger  sainement  des  ouvrages  de 
saint  Augustin ,  il  ne  faut  pas  les  envisager 
tous  à  la  fois,  mais  les  diviser  en  diverses 
classes  suivant  les  matières  qui  y  sont  trai- 
tées. Ceux  qu'il  a  composés  contre  les  philo- 
sophes païens  sont  admirables,  soit  par  la 
pureté  et  l'élégance  du  style,  soit  par  la  jus- 
tesse et  la  solidité  des  raisons  et  des  pensées, 
soit  par  la  clarté  des  solutions  qu'il  donne 
aux  difficultés  les  plus  épineuses,  et  cpie  les 
plus  habiles  avaient  inutilement  tenté  d'é- 
claircir  avant  lui.  Quelque  abstraites  que 
soient  les  matières  qu'il  y  traite,  il  les  met 
dans  un  si  grand  jour  qu'elles  deviennent  in- 
telligibles atout  le  monde.  Il  a  encore  cet 
avantage  au-dessus  de  ceux  qui  les  avaient 
déjà  traitées,  qu'il  dégage  insensiblement 
son  lecteur  de  l'amour  des  créatures  ,  pour 
le  porter  à  n'aimer  que  celui  dont  il  a  reçu 
l'être  et  la  vie.  Quelle  pénétration  d'esprit , 
quelle  force  et  quelle  variété  de  i-aisonne- 
ments  dans  ses  livres  contre  les  manichéens! 
Saint  Paulin^  en  respectait  jusqu'aux  pa- 
roles, les  regardant  comme  divinement  ins- 
pirées. On  ne  peut  lire  son  hvre  de  la  Vraie 


religion  sans  en  concevoir  en  même  temps 
une  haute  estime ,  et  sentir  de  l'éloignement 
pour  toutes  les  religions  qu'il  y  combat.  Ses 
Confessions  sont  à  proprement  parler  le  témoi- 
gnage de  son  ardent  amour  pour  Dieu.  Il  y 
est  grand  partout ,  soit  qu'il  déplore  les  dé- 
règlements de  sa  jeunesse  ,  soit  qu'il  rende 
grâces  à  son  Libérateur.  C'est  le  mécon- 
naître de  dire,  comme  ont  fait  quelques  cri- 
tiques, qu'il  y  affecte  de  l'éloquence  et  d'y 
faire  montre  de  son  intelligence  dans  les  di- 
vines Écritures.  Il  n'est  pas  moins  grand  dans 
ses  livres  des  Rétractations,  où,  par  un  exem- 
ple à  imiter  des  plus  savants  hommes ,  il  ne 
rougit  point  d'avouer  et  de  corriger  ce  qui 
lui  paraissait  défectueux  dans  ses  écrits  : 
et  il  le  fait  avec  simplicité  et  avec  bonne  foi, 
pensant  et  parlant  partout  modestement  de 
lui-même. 

2.  On  voit  dans  ses  Lettresxxn  fonds  de  gé- 
nie surprenant,  une  vaste  étendue  de  con- 
naissances ,  une  éloquence  naturelle ,  une 
prudence  consommée ,  un  zèle  vif  pour  les 
intérêts  de  l'Éghse ,  un  amour  constant  de 
la  vérité ,  une  piété  solide ,  une  bonté  qui 
ne  se  refusait  à  personne,  une  modestie  sans 
égale.  Consulté  de  tous  côtés  et  sur  toute 
sorte  de  matières,  il  sait  proportionner  son 
style  à  la  portée  et  à  la  condition  des  person- 
nes, n'abandonnant  aucune  difficulté  sans  la 
résoudre  ou  du  moins  sans  lui  donner  du 
jour;  mais  laissant  toujours  à  ceux  qui  le 
consultaient  une  liberté  entière  de  suivre  ses 
avis ,  du  moins  en  tout  ce  qui  ne  regardait 
point  la  foi  et  la  doctrine  de  l'Église.  Car  il 
ne'  prétendait  point  se  donner  pour  un  doc- 
teur consommé ,  mais  pour  un  homme  qui 
cherchait  à  se  perfectionner  avec  ceux  que 
la  charité  l'obligeait  d'instruire.  La  plupart 
de  ses  lettres  peuvent  être  regardées  comme 
des  traités  achevés.  On  y  trouve  presque  en- 
tière l'histoire  ecclésiastique  de  son  temps  , 
surtout  celle  du  schisme  des  donatistes  et  de 
l'hérésie  pélagienne  avec  quantité  de  points 
très-importants  touchant  le  dogme,  la  disci- 
phne  et  la  morale. 


'  Vt  enimhomo  sese  diligere  nosset,  constitutus 
est  ei  finis,  quo  referret  omnia  qiue  ageret,  ut 
beatus.  esset.  A'on  enini  qui  se  diligit,  aliud  esse 
vult  quam  beatus.  Hic  autem  finis  est  adhœrere 
Dec.  Jam  igitur  scienti  diligere  seipsum,  cum 
mandatur  de  proximo  diligendo  siciit  se  ipsum, 
quid  aliud  mandatur,  nisi  ut  ei  quantum  potest, 
commendel  diligenduin  Deuni  ?  Hic  est  Dei  ciiltxis, 
hmc  vera  religio,  hœc  recta  pietas,  Itœc  tantum 


Deo  débita  servitus.  August.,  lib.  X  De  Civit.  Dei, 
cap.  ni,  num.  2,  pag.  240. 

■■'  Accepimus  insigne  prœcipuum  dilectionis  et 
solliciludinis  luœ,  opus  sancli  et  perfecti  in  Do- 
mino CJiristo  viri  fralris  nostri  Augustini  libris 
quinque  confectum,  quod  ita  miramur  atque  sus- 
picimus,  ut  diclata  divinitus  verba  credamus. 
Pauliu.,  Epist.  24  ad  Alijpium.,  num.  2. 

3  Aiigust.,  Ejjisl.  261  ad  Florent.,  pag.  899. 


[IV"  ET  Y"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


3.  C'est  le  fait  d'un  interprète  de  l'Écriture 
d'en  donner  le  vrai  sens ,  et  d'en  tirer  des 
instructions  qui  portent  le  lecteur  à  la  piété. 
Saint  Augustin  fait  l'un  et  l'autre  dans  ses 
Commentaires ,  où  il  donne  ordinairement 
ses  propres  explications ,  n'ayant  que  rare- 
ment recours  à  celles  des  autres.  Sa  réputa- 
tion en  ce  genre  était  si  bien  établie  que  les 
plus  grands  évèquesde  son  temps,  saint  Sim- 
plicien  de  saint  Milan,  saint  Paulin  de  Noie, 
saint  Évodiusd'Usales  et  beaucoup  d'autres, 
recouraient  à  lui  pour  l'éclaircissement  de  di- 
vers endroits  de  l'Écriture,  où  ils  trouvaient 
de  l'embarras  et  de  l'obscurité.  Il  fut  même 
chargé  par  les  conciles  de  Nujnidie  et  de  Car- 
tbage  de  la  commenter  tout  entière.  Il  est 
vrai  qu'en  expliquant  l'Ancien  Testament  il 
donne  souvent  dans  l'allégorie  ;  maiste  n'est 
ordinairement  qu'après  avoir  expliqué  la  let- 
tre ,  ou  bien  parce  que  le  sens  littéral  est  si 
clair  qu'il  n'a  pas  besoin  d'explication;  ou 
parce  qu'il  l'avait  expliqué  ailleurs  ,  ou  en- 
fin parce  qu'il  ne  pouvait  le  découvrir.  C'est 
toujours  selon  la  version  des  Septante  qu'il 
l'explique ,  la  seule  qui  était  en  autorité  de- 
puis le  siècle  des  apôtres.  Sur  la  fin  de  ses 
jours,  il  eut  recours  à  la  version  latine  faite 
sur  l'hébreu,  c'est-à-dire  à  celle  de  saint  Jé- 
rôme. Pour  ce  qui  est  du  Nouveau  Testa- 
ment ,  il  était  plus  en  état  d'en  donner  par 
lui-même  le  vrai  sens,  ayant'  appris  à  cet 
effet  depuis  son  épiscopat ,  la  langue  grec- 
que dont  il  avait  eu  tant  d'aversion^  étant 
jeune.  Ses  règles  pour  l'intelligence  de  la  let- 
tre de  l'Écriture  sont  excellentes. 

4.  Si  ses  discours  ne  sont  point  précédés 
ordinairement  de  ces  exordes  où  l'orateur 
s'étudie  à  captiver  la  bienveillance  de  ses 
auditeurs ,  et  s'ils  ne  sont  point  divisés  ni 
distribués  avec  art  et  avec  méthode ,  on  ne 
doit  point  en  conclure  qu'il  ignorât  les  règles 
de  rendre  la  vérité  sensible  et  agréable; 
mais  c'est  que  la  plupart  ont  été  faits  sur  le 
champ,  et  ne  sont  que  des  homélies  fami- 
lières ,  où  un  pasteur  instruit  ses  brebis ,  un 
maître  ses  disciples,  un  pèreses  enfants;  c'est 
encore  que  dans  ceux  mêmes  auxquels  il  s'é- 


809 

tait  préparé,  il  cherchait  non  à  se  faire  une  ré- 
putation d'éloquence ,  mais  uniquement  à 
éclairer  les  esprits,  à  enflammer  les  cœurs,  et 
à  déraciner  les  vices  de  l'âme.  Ses  discours 
toutefois,  quoique  vides  de  grands  mouve- 
ments et  peu  travaillés ,  étaient  néanmoins 
applaudis,  et  on  en  était  touché  quelquefois 
jusqu'aux  larmes.  « 

5.  Quant  à  ses  œuvres  morales,  elles  sont 
remplies  de  quantité  de  bonnes  règles,  pour 
la  pratique  de  la  vertu  et  la  faite  du  mal.  On  ne 
peut  lire  trop  souvent  ce  livre  qui  a  pour  titre  : 
Manuel  à  Laurent.  Saint  Augustin  y  montre 
d'une  manière  admirable  que  l'on  sait  toute 
l'économie  de  la  religion  quand  on  fait  ce  que 
l'on  doit  croire,  ce  que  l'on  doit  espérer,  et 
ce  que  l'on  doit  aimer.  Les  livres  De  la  Cité 
de  Dieu  '  méritent  aussi  d'être  lus  sans  cesse. 
On  ne  sait  qu'y  admirer*  davantage  ,  ou  les 
maximes  de  religion  si  parfaites  et  si  dignes 
d'être  enseignées  par  un  pontife  de  Jésus- 
Christ,  ou  la  science  de  la  philosophie,  ou  la 
profonde  connaissance  de  l'histoire,  ou  une 
éloquence  pleine  d'agréments,  qui  charme 
de  telle  sorte  que  quand  on  a  achevé  de  lire 
ces  hvres,  on  voudrait  qu'ils  ne  fussent  pas  en 
core  finis.  La  lecture  des  livres  de  la  Foi 
et  des  bonnes  œuvres,  et  le  Traité  du  symbole 
sont  encore  très-utiles. 

6.  Mais  aucun  des  anciens  n'a  mieux  réussi 
que  lui  à  établir  les  vérités  de  la  religion,  et 
à  les  défendre  contre  les  novateurs.  Il  fait 
l'un  et  l'autre  en  s'appuyant  de  l'autorité  de 
l'Écriture,  de  la  tradition  ,  et  de  toutes  les 
forces  de  la  raison.  Aucune  des  subtihtés  de 
ses  adversaires  ne  lui  échappe.  Il  les  suit 
dans  tous  leurs  détoui's ,  et  ne  laisse  pas  un 
de  leurs  raisonnements  sans  en  faire  sentir 
la  faiblesse.  Ses  travaux  à  cet  égard  le  rendi- 
rent célèbre  dans  toute  la  terre.  Il  y  fut  ré- 
véré comme  le  restaurateur  de  la  foi  an- 
cienne ,  mais  haï  des  hérétiques ,  ce  qui  ne 
concourait  pas  moins  à  sa  gloire.  H  les  traite 
néanmoins  avec  douceur,  avec  bonté ^  avec 
politesse ,  ne  rendant  presque  jamais  injure 
pour  injure  :  et  il  craignait  si  fort  de  s'échap- 
per en  termes  peu  mesurés  envers  eux,  qu'il  " 


Ses  œuvres 
Dioralûs. 


Ses  livres 
j'Our  la  dérea- 
so  de  la  reii- 
Blon. 


'  Sed  jam  episcopus,  jam  senex  a  puera  sibi 
fastiditas  ad   grœcas  litteras  reversus  est.  Eras. 

2  Augusl..  lib.  I  Conf.,  cap.  xiv. 

'  Libros  de  Civitate  Dei  in  fastidibili  sedulitale 
percurramus.  Cassiod.,  lib.  InsHt.,  cap.  xvi. 

*  Anceps  sim  quid  in  illismagis  mirer,  sacerdo- 
lii  perfectionem,  philosophiœ  dogmala,  historiée 
im  noliiiain,  an  facundiœ  jucunditatem,  quœ 


cum  explicaverint,  adhuc  requirant.  Macedonius., 
Epist.  ad  August. 

s  Macte  virtute,  in  orbe  celebraris;  catholici  te 
conditorem  antiquœ  rursus  fidei  vffiierantur  atque 
suspiciunt,  et  quod  signwn  majoris  gloriœ  est, 
omnes  hœretici  detesta7itur.  Hieron.,  Epist.  95  ad 
August. 

6  Deum  rogavi  et  rogo  ut  in  refellenda  et  re- 


810 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Ses  ouvra- 
ges sur  lagrà- 


demandait  à  Dieu  de  lui  donner  dans  les  mo- 
ments cp.i'il  employait  à  réfuter  leurs  erreurs, 
un  esprit  paisible  et  tranquille ,  plus  occupé 
de  leur  salut  et  de  leur  conversion  que  de 
leur  ruine.  Il  est  le  premier  qui  se  soit  appli- 
qué exprès  à  expliquer  l'invisibilité  du  Fils. 
11  raisonne  sur  ce  sujet  et  sur  la  plupart  de 
nos  mystères,  avec  autant  de  sagesse  que  d'é- 
loquence ,  et  résout  par  la  seule  force  de  son 
esprit  plusieurs  questions  qu'il  s'était  propo- 
sées lui-même ,  ou  que  d'autres  avaient  agi- 
tées avant  lui. 

7.  Autant  les  matières  de  la  grâce  sont  épi- 
neuses et  ditiiciles  à  traiter,  autant  s'est-il 
x'endu'  recommandable  par  la  manière  dont 
il  les  a  traitées.  Ce  qu'il  en  a  écrit  contre  les 
pélagiens  surpasse  tout  ce  qu'en  ont  dit  les 
Pères  latins  qui  l'ont  précédé,  et  dont  il  doit 
être  regardé  comme  le  prince,  de  l'aveu'  des 
plus  célèbres  théologiens.  Il  était  mu  de  l'Es- 
prit de  Dieu  pour  écrire ,  comme  l'on  en  est 
convaincu,  quand  on  lit  sa  vie  et  que  l'on 
considère,  dans  ses  ouvrages,  cette  modestie 
et  cette  humilité  extraordinaire  avec  laquelle 
il  parle.  Sa  doctrine  en  ce  point  a  été  confir- 
mée' par  des  mii'acles,  Dieu  ayant  conservé 
miraculeusement  ses  ouvrages  dans  l'incen- 
die delà  ville  d'Hippone.  Les  conciles  géné- 
raux l'ont  approuvée  par  leurs  définitions , 
les  saints  Pères  par  les  témoignages  honora- 
bles qu'ils  lui  ont  rendus,  les  théologiens  par 


leurs  ouvrages,  et  toute  l'Église  par  l'utihté 
qu'elle  en  a  reçue.  «  Après  les  écrits  de  ce 
saint  et  de  cet  éloquent  évêque  ,  disait  saint 
Jérôme',  il  n'est  plus  nécessaire  que  je  tra- 
vaille (contre  les  pélagiens).  Car  ou  je  dirais 
les  mêmes  choses  que  lui,  ce  qui  serait  inu- 
tile; ou,  si  j'en  voulais  chercher  de  nouvel- 
les ,  ce  grand  espiit  a  déjà  dit  ce  qui  se  peut 
dire  de  meilleur  et  de  plus  excellent  sur  ce 
sujet.  »  C'est  aux  écrits  de  ce  Père  sur  la  grâ- 
ce que  saint  Prosper  renvoie  son  cher  ami 
RufBn,  afin'*  d'y  puiser  comme  dans  une  sour- 
ce très-pure  et  très-salutaire  l'intelligence  de 
la  doctrine  évangélique  et  apostolique  tou- 
chant la  gràce..C'estdes  lettres  à  Prosper  et 
à  Hilaire  que  le  pape  Hormisdas  veut**  qu'on 
apprenne  ce  que  l'Église  romaine  et  catholi- 
que croit,  et  tient  de  la  grâce  et  du  libre  ar- 
bitre. C'est  à  ces  mêmes  lettres  que  les  évo- 
ques d'Afrique,  bannis  en  Sardaigne,  ren- 
voieut'  ceux  qui  veulent  être  instruits  dans  la 
matière  de  la  grâce  :  parce  que  ce  saint  évê- 
que, ayant'  été  rempli  d'en  haut  d'une  vertu 
céleste  et  divine,  a  plus  travaillé  que  tous  les 
autres  dans  l'explication  de  ce  mystère,  ou 
plutôt  ce  n'est  pas  lui  qui  a  travaillé,  mais 
la  grâce  de  Dieu  avec  lui ,  puisque  Dieu  s'est 
ser^'^  de  son  esprit  pour  donner  aux  fidèles 
sm-  ce  point  une  lumière  plus  grande  et  une 
instruction  plus  parfaite.  On  reconnaissait 
sous  le  pontificat  de  Jean  II ,  que  c'était  une 


vincenda  hœresi  vestra  det  mihi  mentem  pacatam 
aique  tranqiUUam,  et  magis  de  vestra  correctione 
quam  de  subversione  cogilantem.  August.,  lib. 
Contra  Epist.  Manichœi,  cap.  i. 

'  Nihil  tam  admiranduin  et  suspiciendum  red- 
didit  Augustinum,  quam  doctrina  de  gralia.  Sua- 
rez,  in  Proleg.,  cap.  vi. 

2  Omnium  vero  Latinorumprinceps  est,  consensii 
theologorum,  Augustinus,  cujus  de  gralia  sentent 
tiam,  quotquot  deinde  consecuti  simt  Patres  et 
doctores ,  tum  vero  Ecclesiœ  romanœ  pontifices 
prœsulumque  conventns  aliorwn,  ratamet  calho- 
licam  esse  judicariint,  ut  hoc  satis  magnum  pu- 
larent  veritalis  argumentum,  quod  ab  Auguslino 
posilum  ac  decretum  esse  constaret.  Petavius, 
lib.  IX  De  Dec,  cap.  vi,  num.  1. 

3  Permoium  fuisse  spiritu  Dei  Augiistinum  ad 
scribendii.m,  vita  ipsius  ac  summa  animidemissio 
atque  modestia  planissime  monstrarunt  :  qualis 
vero  ejus  docirina  fuerit,  divinum  signum,  testi- 
monia  Sijnodorum  generalium  et  Palrum,  liicu- 
brationes  theologorum  in  -jus  opéra,  et  utilitas 
quœ  ad  universam  manavit  Ecclesiam,  abunde 
testantur.  Possevin.,  in  Apparatu ,  pag.  193,  verbo 
AHrelius. 

'  ScrijiSit  rir  sanctus  et  cloquens  episcopus  Ati- 
gutinus...  unde  supersedendiun  huic  lubori  cen- 


seo,  ne  dicatur  mihi  illud  Horatii:  In  Sylvam  ne 
ligna  feras.  Aut  enim  eamdem  diceremus  ex  su- 
per fluo,  aut  si  nova  loluerimus  dicere,  a  claris- 
simo  ingenio  occupata  sunt  meliora.  Hieron.,  dial. 
3  advers.  Pelag. 

^  Tu  autem,  dileclissime ,  si  vere  de  his  quœs- 
tionibus  inslrui  desideras ,  sicut  desiderare  te 
convenu ,  ipsis  beati  Aiigustini  disputationibus 
cognoscendis  impende  curam,  ut  in  confitenda 
Dei  gratia  defecatissimam  ac  saluberriinam  evan- 
gelicœ,  apostolicœque  doctrinœ  intelligentiam  con- 
sequaris.  Prosper. ,  Epist.  ad  Rufjîn  ,  cap.  ultimn. 

s  De  arbilrio  libero  et  gratia  Dei,  quid  romana, 
hoc  est  cathoUca  sequatur  et  asseveret  Ecclesia, 
licet  in  variis  libris  beati  Augustini,  et  maxime 
ad  Hilarium  et  Prosperum  possit  agnosci,  tamen 
in  scriniis  ecclesiaslicis  expressa  capitula  conti- 
nent^ir.  Hormisdas  papa,  Epist.  ad  Possessorem. 

'  Prœ  omnibus  studium  gerito ,  libros  sancti 
Augustini  quos  ad  Prosperum  et  Hilarium  scrip- 
sil,  mcmoralis  fratribus  légendes  ingercre.  Epist. 
synod.  concil.  Sardin.,  cap.  xvn. 

8  Indutus  virtute  ex  alto  sanctus  .Augustinus, 
abundantius  illis  omnibus  laboravit  :  ipsius  enim 
ministerio  Dominus  uberiorem  hujus  rei  fideli- 
bus  suis  injtructionem  prœbuit.  Fulg. ,  lib.  Il  De 
Ycril,  prœdest.  cap.  ii. 


[IV=  ET  Y"  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


8U 


loi  dans  l'Église  romaine  '  d'approuvei'  et  de 
suivre  la  doctrine  de  saint  Augustin;  et,  quel- 
que temps  auparavant,  on  avait  condamné 
ceux  qui  en  enseignaient^  une  conlraire.  C'est 
que  la  doctrine  de  ce  Père ,  comme  le  dit 
saint  Prudence,  évêque  de  Troyes,  est  très- 
conforme'  en  tous  ses  points  à  l'autorité  des 
Ecritures  sacrées,  et  que  nul  des  docteurs  de 
l'Église  n'eu  a  étudié  les  mystères  avec  plus 
de  soin,  n'en  a  recherché  le  sens  et  l'intelli- 
gence avec  plus  d'exactitude  ;  ne  les  a  péné- 
trées avec  plus  de  lumières,  ne  les  a  expliquées 
avec  plus  de  vérité,  ne  les  a  éclaircies  avec 
plus  de  grâce,  ne  les  a  établies  avec  plus  de 
justice,  ne  les  a  défendues  avec  plus  de  force, 
ne  les  a  traitées  avec  plus  d'étendue  et  plus 
d'abondance.  U  ajoute  «  que  cette  doctrine  lui 
a  été  donnée  par  une  si  haute ,  et  si  magni- 
fique elfusion  de  la  grâce  du  ciel,  qu'elle  ne 
peut  plus  être  arrachée  du  sein  de  l'Église 
par  les  efforts  de  quelque  personne  que  ce 
soit,  puisque  la  sublimité  du  Siège  apostoli- 
que et  l'unité  de  l'Église  cathohque  l'ont  ap- 
prouvée et  établie  d'un  commun  consente- 
ment par  leur  autorité  et  par  leur  puissance, 
en  sorte  qu'on  ne  doit  point  s'appuyer  sur 
elle  commij  sur  une  doctrine  particulière , 
mais  comme  sur  la  doctrine  universelle  de 
l'Église  catholique.  » 

II  faut  néanmoins  remarquer  que  saint  Au- 
gustin ne  s'est  point  toujours  expliqué  d'une 
manière  uniforme  sur  les  matières  de  la  grâ- 


ce. Avant  son  épiscopat,  il  suivait  l'erreur  des 
semi-pélagiens  ;  il  la  rétracta  depuis*  avouant 
que  ces  paroles  de  l'Apôtre:  Qti'avez-vous que 
vous  n'ayez  reçu,  etc. ,  l'avaient  fait  changer  de 
sentiment  et  tiré  de  l'erreur  où  il  était  au- 
trefois ;  que  ce  n'était  pas  un  don  de  Dieu  de 
commencer  à  croire  en  lui,  que  nous  avions 
cela  de  nous-mêmes,  et  que  par  là  nous  atti- 
rions sur  nous  les  grâces  qui  nous  sont  né- 
cessaires pour  vivre  dans  le  siècle  avec  pié- 
té, justice  et  tempérance.  «Car  je  ne  croyais 
point,  dit-il,  que,  pour  avoir  la  foi,  nous  eus- 
sions besoin  d'être  prévenus  par  la  grâce, 
en  sorte  que  ce  fût  par  elle  qu'il  nous  fût  don- 
né de  prier  utilement,  mais  que  nous  l'étions 
seulement  par  la  prédication  de  la  vérité  sans 
quoi  il  ne  nous  était  pas  possible  de  croire; 
mais  qu'après  que  l'Évangile  nous  avait  été 
prêché,  c'était  à  nous  de  le  recevoir,  et  que 
nous  avions  cela  de  nous-mêmes.  On  peut  voir 
que  j'ai  été  dans  cette  erreur  par  quelques- 
uns  des  ouvrages  que  j'ai  composés  avant  d'ê- 
tre évèqne,  entre  autres  par  l'Exposition  de 
l'Épitre  aux  Romains.  » 

Si  donc  il  se  trouve  quelque  opposition  vraie 
ou  apparente  entre  les  écrits  qu'il  a  faits  sur 
cette  matière,  étant  jeune,  et  ceux  qu'il  a  com- 
posés dansim  âge  plus  avancé,  c'est  à  ceux-ci 
qu'il  faut  s'attacher,  suivant  la  remarque  de 
Sixte  de  Sienne  ^  ou  plutôt  comme  saint 
Augustin  l'exige  lui-même  de  ses  lecteurs. 
Car  en  donnant,  dans  ses  Rétractations,  la  liste 


1  Sanctus  Aiigustiniis  cujus  docirinam  secun- 
dum  prœdecessorum  meorum  statuta  romana  se- 
quitw  et  probat  Ecclesia.  Joan.  papa,  Epist.  3  ad 
quosd.  sénat. 

2  Àdhuc  majus  scelus  accrescit,  ut  sub  cons- 
pectu  et  prœseiitia  sacerdotun  beatce  memoriœ 
nieronynum  atqiie  Augustinum  ecclesiasticonim 
lumina  magislrorum:  Musca  moritura,  sicut  scnp- 
tum  est  Eccle.,  X,  1,  extermiuans  olcum  suavitatis, 
lacerare  coutenderet.  Gelasius ,  Epist.  ad  Episc. , 
per  Picen.,  tom.  [["V  Concil.,  pag.  1176. 

3  Hoc  primum  prœcipueque  inoneo  et  postula, 
ut  docirinam  bealissimi  Patris  Augustini,  om- 
nium absque  ulla  dubielate  undequaque  doclis- 
siiiti  sanclaruin  Scripturarum  axUorllali  in  om- 
nibus concordissimam,  quippe  cum  nullus  docto- 
rum  abstrusa  earum  scrupulosius  rimalus,  dili- 
gentiusexquisioerit,veriusinvenerit,  veraciuspro- 
tiilerit,  luculintius  enodaverit,  vestri  pontificatus 
tempore,  commenta  quolibet  impugnari  non  per- 
mittalis  :  quando  cœlesU  gratiœ  mwnere  donata 
exsislit.  ut  nullo  ciijusquam  conamine  ullatenus 
cvelli  possit,  cum  eam  et  apostolicœ  sedis  subli- 
mitas,  et  totius  Ecclesiœ  catholicœ  unitas  auto- 
rilate  concordissima  approbarint  ac  roborarint, 
adco  ulnullus  ei  siiigiUariter,  verumuniversitali 


Ecclesiœ  catholicœ  cum  ea  et  in  ea  queat  inniti. 
Prudent.,  Epist.  adHincm.  et  Pard. 

">  Non  sic  sapiebal  Cyprianus,  qui  dixit  :  In  nullo 
gloriandum,  quando  nostrum  niliil  sit.  Quodut  os- 
tenderet,  adhibuit  Apostolun  lestem  dicentem: 
Quid  liabes  quod  non  accepisti?  etc.  Quo  prœcipue 
testimonio  etiam  ipse  convictus  sum,  cum  simili- 
ter  errarem,  putans  fidem  qua  in  Deum  credimus, 
non  esse  donum  Dei,  sed  a  nobis  esse  in  vobis,  et  per 
illam.  nos  impetrare  Dei  dona  quibus  temperanler 
et  juste  et  pie  vivam,us  in  hoc  sœculo.  Neque  enim 
fulem  putabam  Dei  gratia  prœveniri  ut  per  illam 
nobis  darelur  qiwd posceremus  uliliter  ;  nisi  quia 
credere  non  possemus ,  si  non  prœcederet  prœco- 
niimn  veritalis  :  ut  autem  prœdioato  nobis  Evan- 
gelio  consentir  émus,  nostrum  esse  proprium,  et 
nobis  ex  nobis  es^e  arbitrahar.  Quem  meum  erra- 
rem nonnulla  opuscula  mea  salis  indicant  ante 
episcopatum  meum,  in  quibus  est  illud  :  Exposi- 
tlo  quorumdam  es  Epistola  quce  est  ad  Roma- 
nos.  August.,  lib.  De  Prœdest.  sancl. ,  cap.  ni. 
Yide  et  cap.  iv;  et  de  Doiio  pers..,  cap.  xi. 

5  Neque  illud  hoc  loco  prœtermittendum  arbi- 
tror  quod  ipse  in  lectione  Opusculorum  suorum 
voluit  a  iectoribus  observari  :  nempe  varietatem, 
et  ordinem  quadrupUcem  lemporum  quibus  ea 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


812 

de  ses  ouvrages,  il  les  place  selon  l'ordre  des 
temps  auxquels  ils  ont  été  composés,  les  dis- 
tribuant en  quatre  classes,  dont  la  première 
comprend  ceux  qu'il  écrivit  avant  son  bap- 
tême ,  la  seconde  ceux  qui  suivirent  son  bap- 
tême ,  la  troisième  ceux  qu'il  écrivit  étant 
prêtre,  et  la  quatrième  ceux  qu'il  composa 
depuis  son  épiscopat,  afin  que  ceux  qui  vou- 
draient les  lire  dans  cet  ordre  pussent  voir  le 
progrès  qu'il  avait  fait  dans  la  science  de 
l'Église  à  mesure  qu'il  écrivait,  et  que  s'ils 
trouvaient  quelques  fautes  dans  ses  premiers 
ouvrages,  ils  recourussent  aux  derniers  com- 
me plus  savants  et  plus  solides.  Nous  finirons 
le  jugement  que  nous  en  avons  porté,  par  l'é- 
loge qui  s'en  trouve  dans  les  vers  de  saint 
Prosper  en  ces  tei^mes  : 

Les  fleuves  découlants  i  en  ses  écrits  divers, 
Par  un  heureux  déluge  inondent  l'univers, 
Et  sortant  de  sa  bouche  épandent  sa  doctrine 
Par  tout  ce  qu'en  son  cours  le  soleil  illumine. 
Les  cœurs  humbles  et  doux  de  la  grâce  altérés 
Vont  étancher  leur  soif  en  ces  ruisseaux  sacrés, 
Et  l'âme  y  vient  goûter  d'un  saint  plaisir  ravie 
Cette  eau  rejaillissante  en  l'éternelle  vie. 

EiiiiioDspar-       8.  Los  viugt-deux  livres  de  la  Cité  de  Dieu 

liculières    doî  ,  ^  .,*.  > 

ueuvres  do  furcut  mis  SOUS  uressc  presquo  aussitot  aores 

?ainl    Aupiis-  A  i.  A 

''°bi''u  "^"^  l'invention  de  l'imprimerie.  Dans  la  première 
édition,  qui  est  de  1467,  il  n'y  a  ni  nom  d'im- 
primeur ni  du  lieu  où  elle  futfaite.  La  seconde 
parut  à  Rome  en  1468,  chez  Conrad  Swein- 
chem  et  Arnold  Pannatz.  On  en  fit  une  troisiè- 
me dans  la  même  ville  en  1474 .  Ces  livres  furent 
aussi  imprimés  à  Venise  en  1470,  in- fol.,  par 
les  frères  Jean  et  Vindelin  de  Spire  et  en  1475 
etl489,  par.Ianson;  àMayenceenl47.^;  àNa- 
ples  en  1477  ;  à  Bâle  en  1479  et  en  1490  avec 
les  Commentaires  de  Thomas  Valois ,  de  Jac- 
ques Passavant  et  de  quelques  autres  ;  à  Fri- 
bourg  en  1494;  à  Lyon  en  1520;  à  Bâle  en 
1542 ,  avec  les  Commentaires  de  Louis  Vi- 
ves ;  à  Paris  en  1586  ;  à  Genève  en  1596;  à 
Cologne  en  1616,  et  à  Hambourg  en  1661, 
in-4.  On  a  ajouté  dans  celle-ci  les  Commen- 
taires de  Goqueus.  [L'édition  de  Vives  a  paru 

scriii  contigit.  Alia  enim  scripsil,  cum  esset  cate- 
chumenus,  sœcularium  litlerariim  inflalus  con- 
suetvdine  :  alia  cum  primum  exset  baptisatus  et 
adliuc  in  sacris  lilleris  rudis  ac  tyro  :  alia  foe- 
tus presby  ter  exaravit  erudila  magis  et  docta; 
alia  dermini  ad  episcopatum  assumptus  longe 
omnium  eruditissima.  Banc  temporum  dislinc- 
"■  lionem  idcirco  Àugusiinus  censuit  observan- 
dam,  ut  ex  ejus  consideratione  adverlerent  lec- 
lores  quomodo  ipse  discentium  morem  paula- 
tim  scribendo  profecerit,  sicque  facilius  ignosce^ 


de  nouveau  avec  des  notes  de  B.  Salder; 
Ingolstadt  1737,  cinq  parties  in-8;  d'autres 
éditeurs  ont  paru  à  Bassano  en  1796,  in-4, 
à  Leipsik  en  1838,  2  vol.  in-4,  mais  sans 
notes  et  sans  commentaires;  à  Paris  en 
1838,  2  vol.  in-4  avec  des  notes;  à  Cologne 
en  1850  par  les  soins  de  Strange.]  Jean  Du- 
pré  et  Pierre  Gérard  imprimèrent  à  Abbe- 
ville  en  1486,  en  2  vol.  in-foL,  une  traduction 
française  de  la  Cité  de  Dieu ,  par  Raoul  de 
Prestes ,  avec  des  expositions  où  l'on  trouve 
beaucoup  de  remarques  curieuses  et  im- 
portantes pour  l'histoire  de  France.  Cette  tra- 
duction fut  réimprimée  à  Paris  en  1531  par 
Galyot  du  Pré ,  aussi  en  2  vol.  in-fol .  Nous 
avons  une  seconde  traduction  du  même  ou- 
vrage par  Gentien  Hervet  à  Paris  en  1570  ; 
cette  traduction  est  avec  les  Commentaires 
de  Jean-Louis  Vives ,  aussi  traduits  en  fran- 
çais, et  les  observations  de  François  de  Bel- 
leforêts.  Il  y  en  a  eu  une  troisième  édition  à 
Paris  chez  Michel  Sonnius  en  1585,  in-fol.  Le 
même  ouvrage  traduit  en  français  par  René 
de  Cerisiers,  jésuite,  qui  a  pris  le  titre  d'au- 
mônier du  roi,  à  Paris  chez  Pierre  le  Petit, 
1655,  in-fol.  Les  dix  premiers  livres  du  même 
ouvrage  traduits  par  Louis  Giry,  .à  Paris  en 
1665  et  1667,  2  vol.  in-8.  Le  même,  tra- 
duction nouvelle  avec  des  remarques,  par 
Pierre  Lomberd,  à  Paris  1675,  2  vol.  in-8  et 
ibid.  1736,  4  vol.  in-12  avec  un  abrégé  de  la 
vie  du  traducteur.  [La  Cité  de  Dieu,  ti'aduite 
en  français,  nouvelle  édition,  Bourges,  Gil- 
les, 1818,  3  vol.  in-8.  La  Cité  de  Dieu,  tra- 
duction nouvelle  avec  une  introduction  et  des 
notes  par  Emile  Saisset,  professeur  à  l'école 
normale  du  collège  de  France ,  Paris ,  Char- 
pentier, 1853,  4  vol.  in-18.  La  Cité  de  Dieu. 
traduction  nouvelle  par  L.  Moreau,  première 
partie,  Poissy,  imprimerie  d'OlivierFulgence, 
Paris,  Charpentier,  1844,  in-12;  deuxième 
partie,  Paris,  Waille,  1845,  in-12.  Deux  au- 
tres éditions  de  cette  traduction  ont  été  don- 
nées depuis  au  public.  La  dernière  est  de 
1859,  chez  Lecoflre  à  Paris,  3  vol.  in-18.]       ,,„^^:  ^'••" 

vent,  si  quid  erratum  in  prioribus  ejus  scriptis 
inveniretit,  et  ad  ultimas  ipsius  lucubrationes 
tanquam  ad  eruditiora  firmioraque  autoris  dé- 
créta confugerent.  Sixtus  Senensis,  lib.  IV  Bi- 
blioth.  sac,  pag.  204. 

1  Fluinina  librorum  lii-undum  effluxere  per 
omnem, 

Quœ  mites  humilesque  bibunt,  campisque  ani- 
morum 

Certant  viUilis  doctrinœ  immiltererivos. 

Prosper.,  Carminé  de  ingratis. 


[IV'  ET  v'  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN 

9.  n  s'est  fait  auss'  ■un  grand  nombre  d'é- 
ditions particulières  des  Confessions  de  saint 
Augustin,  en  latin  et  en  français.  Les  latines 
sont  celles  de  Venise,  1484 ,  avec  divers  opus- 
cules; de  Strasbourg,  1489  et  1491  ;  de  Lyon, 
1606  et  1675;  de  Dilinge,  1631;  d'Anvers, 
1630;  de  Paris,  1686;  de  Cologne,  1646  et 
1649  ;  [de  Florence,  avec  des  commentaires, 
in-fol,  1737  ;  de  Venise  avec  de  courtes  anno- 
tations, 1757,  in-12  ;  de  Venise,  1774  ;  de  Leip- 
sik,  1740.  Ces  deux  dernières  reproduisent 
celle  de  Cologne  de  1631.  D'autres  éditions 
latines  ont  paru  à  Ausbourg,  1763;  à  Paris, 
1776;  à  Berlin,  1822;  cà  Ingolstald,  1824;  à 
Paris,  chez  Mé quignon-Junior  ;  à  Lyon,  Pé- 
risse frères,  1824,  in-32,  à  Paris  et  à  Lyon, 
chez  les  mêmes  libraires,  1836;  à  Leipsik  en 
1837  ;  à  Osfort  en  1838.]  Les  éditions  fran- 
çaises sont;  celles  d'Aimar  Hennequin,  évê- 
que  de  Rennes  en  Bretagne,  à  Paris,  1382  ;  de 
René  Cerisiers  à  Paris,  1662;  d'Arnaud  d'An- 
dilly ,  à  Paris  ,  1656,  et  plusieurs  fois  réim- 
primées depuis;  de  Philippe  Goisbault  Du- 
bois, à  Paris,  1687,  in-8  ;  on  en  a  fait  depuis 
diverses  réimpressions  :  enfin  de  D.Jacques 
Martin,  bénédictin  de  la  Congrégation  de 
Saint-Maur,  à  Paris,  1743,  in-8,  avec  des  re- 
marqpies.  Ity  auue  traduction  en  castillan  par 
un  augustin  nommé  Sébastien  Toscano,  im- 
primée à  Anvers,  1595,  puis  par  Jules  Mazzi- 
ni.  {Les  Confessions,  nouvelle  édition ,  Paris , 
Lyon,  Louis  Janet,  1828,  in-8,  par  M.  Four- 
mont,  Paris,  imprim.  de  Giraudet,  1840, in-8; 
idem ,  par  l'abbé  T.  Boulanger;  Tours,  Mame, 
1845,  in-12,  avec  une  gravure  ;  idem,  texte  la- 
tin et  français,  traduction  de  M.  Léon  de 
Laporte,  nouvelle  édition,  Paris,  Noyer,  1844, 
in-12  ;  idem,  traduction  nouvelle  avec  préface, 
par  l'abbé  F.  de  Lamennais,  Paris,  imprim. 
de  F.  Didot,  l'aîné,  1822,  2  vol.  in-12  ;  idem, 
traduction  nouvelle,  par  l'abbé  Gabriel  A., 
préfet  des  études  au  petit-séminaire  de  L., 
Lyon  et  Paris,  Périsse  frères,  1837,  2  vol. 
in  18,  1838,  1844,  2  vol.  in-18;  idem,  tra- 
duction nouvelle,  par  M.  de  Saint- Victor, 
avec  préface  par  M.  l'abbé  de  Lamennais, 
et  une  notice  historique  sur  les  manichéens, 
Paris,  Charpentier,  1844,  in-12;  Poissy, 
imprim.  de  Fulgence.  Les  Confessions,  tra- 
duites par  M.  Dubois,  Paris,  Belin-Man- 
dar,  1823,  2  vol.  in-12;  traduites  en  français 
surl'édition  latine  des  R.  P.  Bénédictins,  avec 
des  notes,  par  M.  Dubois,  nouvelle  édition, 
Besançon,  imprim.  de  Deis,  1838,  2  vol. 
in-12.] 


ÉVEQUE  D'HIPPONE. 


813 


10.  Les  Commentaires  sur  les  Psaumes  fu- 
rent pubhés  séparément  à  Bâle,  1489  ;  à  An- 
vers, 1662  et  1680.  Nous  avons  une  traduc- 
tion française  de  ceux  qui  sont  sur  la  péni- 
tence, parle  sieur  de  l'Estang,  à  Paris,  1661  ; 
et  une  de  tous,  à  Paris,  1683  et  1739,  7  vol. 
in-8,  par  Antoine  Arnauld.  On  imprima  en 
la  même  ville  en  1683,  en  français  les  Com- 
mentaires  de  ce  Père  sur  le  Sennon  de  Jé- 
sus-Christ sur  la  montagne ,  par  M.  Lom- 
bert  ;  les  Traités  sur  l'Évangile  de  saint  Jean 
et  son  Épitre  aux  Parthes,  1720;  et  ses  Ser- 
mons sur  le  Nouveau  Testament,  1694.  Ces 
deux  dernières  traductions  sont  de  M.  Du- 
bois ,  de  même  que  celle  des  Sermons  sur 
quelques  Épîtres  de  saint  Paul  et  des  autres 
apôtres ,  à  Paris  en  1700.  Les  éditions  latines 
des  Homélies  de  saint  Augustin  ,  de  ses  Dis- 
cours  sur  divers  sujets,  de  ses  Questions  sur 
l'Ancien  et  le  Nouveau  Testament]sont  d'Augs- 
bourg,  1475  ;  de  Bâle,  1494  et  1495  ;  et  de 
Lyon,  1497.  Le  traité  rfe/a  Concorde  des  qua- 
tre évangélistes  fut  imprimé  à  Paris ,  1538  , 
in-8;  de  mêmes  que  ses  Nouveaux  sermons, 
c'est-à-dire  ceux  que  le  Père  Sirmond  avait 
découverts,  et  qu'il  fit  imprimer  en  cette  vil- 
le en  1630.  Pralard  imprima  en  1678  quatre 
autres  traités  de  saint  Augustin  en  français. 

11.  Voici  quelques  autres  éditions  parti- 
culières de  ses  Opuscules  [Les  Opuscules  de 
saint  Augustin  dans  lesquels  on  trouve  toute 
la  théologie  ont  été  imprimés  à  Ratisbonne 
et  à  Vienne,  1762-1767  en  trois  parties  et 
en  9  vol.  in  8.  On  a  donné  à  Vienne  en  Au- 
triche en  1763,  in-4,  un  choix  d'opuscules  de 
saint  Augustin  très -propres  à  former  à  la 
piété,  un  autre  choix  a  paru  à  Ingolstadt, 
1826,  in-8  ;  quelques  opuscules,  concernant 
l'hérésie  de  Pelage,  ont  paru  à  Berlin,  1827, 
in-8.  [Les  livres  de  la  Foi  et  des  œuvres,  de  la 
Perfection  de  la  justice  ,  de  la  Prédestination  , 
et  du  Don  de  la  persévérance,  à  Paris  en  1334. 
Les  deux  premiers  Contre  la  seconde  réponse 
de  Julien  ,  à  Louvain  ,  1642  ;  à  Paris  ,  1617  , 
avec  le  livre  des  Actes  de  Pelage,  et  à  Lyon, 
1673.  Les  ouvrages  Contre  les  Pélagiens,  à 
Paris,  1644,  2  vol.  in-8,  et  à  Louvain,  1647, 
3  vol.  ]  Les  Œuvres  choisies  de  saint  Augus- 
tin sur  la  grâce  de  Dieu,  le  libre  arbitre  de 
l'homme  et  la  prédestination  des  saints  ont 
paru  à  Rome,  par  les  soins  du  P.  Foggini, 
1734  ;  elles  ont  été  réimprimées  à  Augsbourg, 
1764,  2  vol.  in-8.  ]  Les  Homélies  sur  les  calen- 
des de  janvier,  à  Paris  en  161 J,  avec  une  let- 
tre décrétale  de  la  Sorbonne  contre  la  fête 


Les  com- 
mentaires sur 
les  psaumes. 
Les  discours 
surl'Ecriluro, 


Les    Opus- 

CulLS. 


814 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


des  fous.  [h'Enchiridion  à  Laurent  ou  livre  de 
la  foi,  de  l'espérance  et  de  la  charité  a  été  pu- 
blié,en  1573  et  1379,  in-8;  à  Leipsik  en  1703, 
in-4etl838,  in-12  ;  on  le  trouve  encore  dans 
le  deuxième  volume  de  la  Chrestomathie  pa- 
tristique ,  pag.  241  -  336  ,  il  a  paru  aussi  à 
Rome,  1735,  ■in-4;  par  les  soins  du  P.  Faure 
de  la  Société  de  Jésus  avec  des  notes  et  des 
observations  théologiques  ;  cette  édition  a 
paru  de  nouveau  à  Naples,  1847;  à  Tu- 
binge,  1861,  in-8,  par  les  soins  de  Krabin- 
ger  et  de  Ruland.]  Les  livres  de  la  Doctrine 
chrétienne  ont  été  publiés  àHelmstadt,  1629, 
1633,  par  Calixte;  à  Leipsik  1769,  par  Tée- 
gius;  à  Rome,  1733,  selon  l'édition  béné- 
dictine ;  à  Bergame  1737  ;  à  Ingolstadt , 
1826,  in-8;  à  Leipsik  en  1836,  in-16.  Les  So- 
liloques, les  Méditations,  le  Manuel  ont  paru 
à  Paris,  chez  Méquignon-Junior ,  en  1841, 
in-32.  Ces  Soliloques  ont  été  publiés  par 
Pélissier,  professeur  de  phOosophie,  avec 
une  introduction  et  des  notes,  Hachette, 
1853,  in-12.  Les  six  livres  de  la  Musique  ont 
été  imprimés  chez  Beau ,  à  Saint-Germain , 
Paris,  Gaume  frères  ,  1837  ,  in-12.  Les  Opus- 
cules que  l'on  a  imprimés  en  français,  sont 
le  livre  de  la  Sainte  virginité,  à  Paris  en  1638, 
par  le  P.  Claude  Sequenot  de  l'Oratoire,  et  en 
1680,  avec  les  livres  de  la  Manih^e  de  prier 
pour  les  veuves,  du  Bien  de  la  viduité ,  du 
Bien  du  mariage ,  et  du  Mariage  et  de  la 
concupiscence.  Les  traités  de  la  Foi,  de  l'es- 
pérance, et  de  la  charité ,  à  Paris  en  1648  et 
1661,  par  Antoine  Arnauld;  les  Mœurs  de 
l'Église  catholique,  à  Paris  en  1644  et  1647, 
par  le  même  ;  de  la  Correction  et  de  la  grâ- 
ce, à  Paris,  1644,  1666  et  1717,  1723,  par  le 
même;  de  la  Véritable  religion,  à  Paris  en  1636 
et  1723,  par  le  même;  de  la  Manière  d'ensei- 
gner les  principes  ne  la  religion  chrétienne, 
li  Paris  en  1678  ,  par  M.  Dubois;  de  la  Pré- 
destination des  sai7ifs  et  du  Don  de  la  per- 
sévérance ,  à  Paris  en  1676  ,  par  le  même  ; 
de  la  Doctrine  chrétienne ,  avec  le  Manuel  à 
Laurent,  par  Guillaume  Colleté t ,  à  Paris  en 
1736,  in-12,  par  Je  même  ;  traité  de  la  Doc- 
trine chrétienne ,  traduit  par  Joseph  Fran- 
çois Bourgoin  de  Villefore,  à  Paris  en  1701, 
in-8.  Les  livres  de  l'Ordre  et  les  livres  du  LÂ- 
bre  arbitre,  par  le  même,  ibid.  1701,  in-8. 
Les  trois  livres  de  saint  Augustin  Contre  les 
Philosophes  académiciens,  avec  le  traité  du 
même  de  la  Grâce  et  du  libre  arbitre,  tra- 
duits par  le  même,  ibid.  1703,  iu-12.  Le 
traité  de  la  Vie  heureuse,  traduit  par  le  mê- 


me, ibid.  1715,  dans  une  nouvelle  édition  des 
Confessions,  ti-aduites  par  Arnauld  d'Andillj-; 
de  la.  Continence  ,  de  la  patience,  de  la  tem- 
pérance et  contre  le  mensonge,  à  Paris  en  1678, 
par  M.  Dubois  ;  de  l'Esprit  et  de  la  lettre, 
à  Paris  en  1697,  1700  et  1723,  par  le  mê- 
me ;  les  livres  de  la  Grâce  de  Jésus-Christ  et 
du  péché  originel ,  à  Paris  en  1738;  les  six  li- 
vres Contre  Julien,  à  Paris,  1736.  Ces  deux 
traductions  imprimées  in-12,  sont  de  Fran- 
çois de  Villeneuve  de  Vence,  prêtre  de  l'Ora- 
toire. Traduction  du  livre  de  saint  Augustin  de 
la  Grâce  et  du  libre  arbitre  et  des  deux  letti'es  à 
Valentin,  par  M.  de  Belsunce  de  Castelmo- 
ron,  évêque  de  Marseille,  à  Marseille,  1743, 
in-4. 

[Parmi  les  nouvelles  traductions  fran- 
çaises des  œuvres  de  saint  Augustin ,  on 
signale  les  suivantes  :  Les  livres  de  la  Doc- 
trine chrétienne,  avec  le  texte  latin ,  Troyes, 
Candon,  Paris,  Leclerc;  Paris,  Périsse,  frè- 
res, 1823,  iu-12.  Opuscules  des  Pères,  VEn- 
chiridion  de  saint  Augustin  et  le  Manuel,  tra- 
duction (sic)  nouvelle  par  M.  A***  ;  les  Solilo- 
ques ,  traduction  {sic)  nouvelle,  par  M.  V*'''"'', 
Paris,  imprim.  de  Didot  l'aine,  1822;  in-32, 
avec  2  planches.  Les  Soliloques,  le  Manuel 
et  les  Méditations...,  Dôle,  Joly;  Besançon, 
Monlarsolo,  1833,  in-12;  les  Soliloques,  le 
manuel  et  les  méditations ,  traduction  nou- 
velle, Paris,  Belin-Mandar  en  1833  ,  in-12; 
les  Soliloques ,  le  manuel  et  les  méditations , 
traduction  nouvelle,  revue  très-exactement 
sur  le  latin,  nouvelle  édition.  Rennes,  impr. 
de  Grilon  Mo.reau;  Paris,  Belin-Maudar,  1829, 
in-12;  les  Soliloques,  traduction  du  latin, 
nouvelle  édition,  Avignon,  Séguin  aine, 
1822,  in-18;  les  Soliloques,  traduction  nou- 
velle..., àlaquelle  sont  ajoutés  desù-agments 
de  piété  tirés  du  même  saint.  Le  Mans,  impr. 
deBelon;  Paris,  Méquignon-Junior ,  1834, 
in-12  ;  les  Soliloques ,  traduction  uouveUe  , 
avec  des  réflexions  à  la  fin  de  chaque  chapi- 
tre, et  précédées. . . ,  par  M.  l'abbé  L.  G***,  Pa- 
ris, Lagny,  1847,  in-32;  les  Soliloques,  tra- 
duits du  latin,  nouvelle  édition  ,  Avignon  , 
imprim.  deChambeon,  1820,  in-18.  Les  Vives 
flammes  de  l'amour  divin,  traduit  par  F.  Labi- 
che, Limoges,  Barbon,  1846,  in-32.  La  ^/Z/Z/o- 
thèque  choisie  des  Pères  de  l'Eglise,  par  GuiUon , 
contient  des  analyses  et  des  extraits  étendus 
des  ouvrages  de  saint  Augustin,  tome  XXI  et 
XXII.  les  Chefs-d'œuvre  des  Pères  contiennent 
en  latin  et  en  français  les  Confessions  de  saint 
Augustin ,  traduites  par  Saporta,  les  Médita- 


[IV°  ET  V'  SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  EVEQUE  D'HIPI^ONE. 


8J5 


tions,  les  Soliloques,  le  Manuel  et  des  sermons 
choisis  ,  par  l'abbé  Mamert ,  tome  XII  et 
XIII.  [  On  a  imprimé  en  espagnol  les  Solilo- 
ques de  saint  Augustin;  Paris,  Pillet  aîné, 
J846,  in-18.] 

12.  Louis  Giry  fit  imprimer  un  recueil  de 
lettres  choisies  de  saint  Augustin  en  3  vol., 
àParis,  1639;  mais,  en  1684,  elles  furent  tra- 
duites par  M.  Dubois  et  imprimées  en  2  vol. 
in-fol.  et  en  6  in-8.  Les  lettres  à  Sixte,  à  saint 
Paulin ,  à  Vital  ont  été  mises  sous  presse  sé- 
parément, à  Paris  en  1676  et  1713,  avec  les 
livres  de  la  Prédestination  et  du  Don  de  la 
persévérance.  Il  y  en  a  aussi  quelques-unes 
dans  le   Recueil  des  lettres  de  saint  Jérôme 
par  Jean  Lavardin,  à  Paris,  1623,  etpardom 
Guillaume  Roussel,  à  Paris,  1713,  dont  l'é- 
dition ne  devait  pas  nous  échapper  dans  le 
catalogue  des  lettres  de  saint  Jérôme,  puisque 
nous  nous  en  sommes  servis.  Le  traducteur 
des  Lettres  de  saint  Paulin  imprimées  à  Pa- 
ris, 172-4,  en  a  aussi  traduit  trois  ou  quatre 
de  saint  Augustin  ,  qui  sont  les  réponses  à 
celles  qu'il  avait  reçues  du  saint  Évéque  de 
Noie.  Il  y  a  une  édition  latine  des  Lettres  de 
saint  Augustin ,  à  Bâle,  1493.  Celle  qui  porte 
le  nom  de  sa  Règle  a  été  imprimée  séparé- 
ment, à  Rome,  1481,  in-fol.  avec  le  Commen- 
taire de  Coi'iolan.  [En  1838  M.  Poujoulat  a 
fait  paraître  une  nouvelle  traduction  des  Ze?- 
<res  de  saint  Augustin,  Paris,  chez  Lesort , 
de  l'imprimerie  de  Munzel,  à  Sceaux,  4  vol. 
in-8  ;  cette  traduction  est  très-estimée  ,  elle 
est  précédée  d'une  introduction.] 

13.  Jean  Amerbach  fut  le  premier  qui  en- 
-  treprit  une  édition  générale  des  œuvres  de 
ce  Père  avec  le  secours  d'Augustin  Dodon, 
qui  recueillit  à  cet  effet  tout  ce  qu'il  en  put 
trouver  dans  les  bibliothèques  d'Italie,  de 
France  et  d'Allemagne.  Elle  est  distribuée  en 
9  vol.,  dont  les  premiers  parurent  ,  à  Bâle 
en  1504,  et  les  derniers  en  1306  ;  quoique  dé- 
fectueuse, parce  qu'Amerbachn'y  avait  point 
fait  entreries  Sermons,  les  Lettres  et  les  Com- 
mentaires sur  /es  Psawmes  qu'il  avait  imprimés 
en  1489 ,  1494  et  1493.  Cette  édition  fut  réim- 
primée à  Paris  ,  1313.  Érasme  en  donna  une 
plus  complète  en  1329,  h  Bâle,  chez  Frobeu. 
Elle  est  en  10  tomes  à  longues  lignes.  On  la 
remit  sous  presse,  à  Paris  en  1631 ,  avec  un 
ajouté  de  dix-sept  sermons,  dont  six  sont  du 
Temps,  sept  des  Paroles  de  l'Apôtre,  et  six  des 


Saints;  et  ensuite,  à  Bâle,  1341,  1342,  1343, 
1336,  1369,  par  les  soins  de  Martin  Lipsius, 
de  Jean  Costers  et  de  Jean  Ulimmèrius.  L'é- 
dition de  1556  contient  cincj;  sermons  qui  n'a- 
vaient pas  encore  été  donnés;  et  celle  de 
1369,  quarante-trois  sur  divers  sujets,  avec 
des  fragments  de  vingt-sept  autres,  tirés  du 
Trésor  de  l'abbé  Eugippius,  des  Commentai- 
res de  Bède  ou  de  Florus,  diacre  de  l'Église 
de  Lyon;  L'édition  de  Venise  de  l'an  1371  , 
en  10  vol.  in-4  est  de  Valgrisius.  On  y  a  re- 
tranché un  grand  nombre  de  notes  mises  dans 
les  précédentes,  parce  qu'on  les  trouvait  peu 
conformes  à  la  foi  orthodoxe.  La  même  an- 
née 1571  il  en  parut  une  à  Paris  chez  Morel 
et  Nivelle,  et  deux  à  Lyon,  la  première  en 
1563,  in-8  en  10  vol.,  chez  Sébastien  Hono- 
rât; la  seconde  en  1571.  Cependant  les  doc- 
teurs de  Louvain  travaillaient  à  donner  quel- 
que chose  de  plus  correct  et  de  plus  ample 
que  ce  qui  avait  para  jusque-là.  Leur  édition 
est  d'Anvers  1577,  en  10  vol.  in-fol. ,  chez 
Plantin,  imprimeur  du  roi  d'Espagne.  On  en 
fit  un  grand  nombre  de  réimpressions ,  sa- 
voir, -1  Venise,  1384;  à  Paris,  1386;  à  Ge- 
nève, 1596;  à  Paris,  1609  1614,  1626,  1633, 
1652;  à  Cologne,  1616,  fol.  ;  à  Lyon  1686  et 
1664.  L'index  de  cette  dernière  fait  un  onziè- 
me vol.  Quelque  exactitude  c[ueron  ait  ap- 
portée dans  cette  édition,  il  y  en  eut  qui  lui 
préférèrent  celle  d'Érasme.  Jérôme  Vignier 
fut  de  ce  nombre,  et  voyant  que  l'on  avait 
de  temps  en  temps  imprimé  des  traités  de 
saint  Augustin  qui  ne  se  trouvaient  point  dans 
les  éditions  précédentes,  il  les  recueillit  en  un 
seul  corps  pour  servir  de  supplément  à  tou- 
tes les  éditions,  où  on  ne  les  trouvait  pas. 
Il  y  joignit  l'Ouvrage  imparfait  contre  Ju- 
lien, et  cjuelques  sermons  qui  n'avaient  pas 
encore  été  sous  presse.   Ce  Supplément  fut 
imprimé   à  Paris  en  2  vol.  in-fol,    1654  et 
1633. 

14.  Après  tant  de  recherches,  de  soins  et 
de  travaux ,  les  écrits  de  saint  Augustin  ne 
se  trouvaient  pas  encore  dans  l'état  où  ils 
devaient  être  pour  contenter  le  public.  C'est 
ce  qui  engagea  les  bénédictins  de  la  Congré- 
lion  de  Saint-Maur  à  en  donner  mie  nouvelle 
édition,  qui  est  en  effet*  très-correcte,  et 
la  plus  complète  de  toutes.  Les  supérieurs 
jetèrent  les  yeux  sur  D.  François  Delfau,  l'un 
des  plus  beaux  génies  de  son  siècle  ;  mais 


Édition  dos 
bén6dicLinado 
Saint-lVlaur, 


Nec  mysterium  Domini,  sed  mysterium  ves- 
rum  hoc  loco  dixit;  ut  patres  benedictini  in  emen- 


datissima  sua  editione  reprœsentant.  Harduinus, 
e  Soeietate  Jesu,  De  Sacrani.  altaris,  pag.  290. 


816 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


une  mort  prématurée  l'ayant  enlevé  à  l'âge 
de  39  ans,  il  n'eut  que  peu  de  part  à  l'entre- 
prise. On  lui  donna  pour  successeur  D.  Tho- 
mas Blampin ,  alors  professeur  en  théologie 
à  Saint-Gei*main-des-Prés ,  homme  d'un  es- 
prit juste  et  solide ,  de  beaucoup  de  vertu , 
et  d'une  appHcation  infatigable.  H  examina 
lui-même  tous  les  manuscrits  qu'il  put  ras- 
sembler, en  confronta  les  différentes  leçons, 
et  consulta  toutes  les  anciennes  éditions  :  ce 
qu'il  fit  avec  tant  de  diligence  qu'en  moins  de 
13  mois  il  fut  en  état  de  commencer  l'impres- 
sion de  l'édition  dont  il  était  chargé.  EUe  est 
distribuée  en  1 1  vol.  in-fol ,  Les  deux  premiers 
commencés  en  1677,  parurent  en  1679,  à 
Paris,  chez  Fr.  Muguet,  où  ils  furent  réim- 
primés, mais  avec  beaucoup  de  fautes,  1689  ; 
les  autres  dans  le  cours  des  années  suivantes 
Jusqu'en  1690,  que  le  dixième  tome  sortit  de 
dessous  presse.  Le  onzième  ne  fut  rendu  pu- 
blic que  dix  ans  après,  c'est-à-dire  en  1700. 
Il  contient  la  Vie  de  saint  Augustin,  une  ta- 
ble générale  de  tous  ses  ouvrages ,  et  une  des 
matières  contenues  dans  chacun  d'eux.  Cette 
Vie  qui  est  de  D.  Hugues  Vaillant  et  de  D. 
Jacques  de  Friscbe,  n'est  qu'une  traduction 
latine  de  celle  que  M.  de  Tillemont  avait  faite 
en  français,  mais  qui  ne  fut  imprimée  que 
deux  ans  après,  1702.  Us  y  ont  néanmoins 
fait  quelques  changements ,  mais  de  peu 
d'importance.  La  table  générale  des  matiè- 
res est  de  D.  Cl.  Guesnié.  C'est  ce  qu'on  a  de 
mieux  en  ce  genre  ,  soit  pour  le  choix  ,  soit 
pour  l'ordre,  soit  pour  l'arrangement.  La 
Critique  et  les  Tables  des  sermons  fausse- 
ment attribués  à  saint  Augustin  sont  de  D. 
Pierre  Coûtant,  e,l\'E pitre  dédicatoirc,  est  de 
D.  Jean  MabiUon,  qui,  du  soir  au  matin, 
la  mit  dans  l'état  où  elle  est.  On  l'a  toutefois 
regardée  comme  un  chef-d'œuvre. 

15.  Le  premier  tome  à  la  tète  duquel  elle 
se  trouve,  se  débitait  avec  beaucoup  de  ra- 
pidité lorsqu'un  capucin  nomm  é  Père  Joseph 
de  Troyes,  qui  avait  fait  imprimer  le  livre 
de  la  Correction  et  de  la  grâce,  avec  des  notes 
de  sa  façon,  tâcha  d'en  arrêter  le  cours,  en 
représentant  àmonseigneurdeHai-Iai,  arche- 
vêque de  Paris,  que  les  bénédictins  faisaient 
dans  le  Manuel  à  Laurent ,  appelé  ordinaire- 
ment VEnchiridion ,  des  changements  de  la 
dernière  conséquence.  D'autres  disent  que  ce 
fut  le  Père  Esprit  Deaubonne  qui  déféra  la 
nouvelle  édition  à  monseigneur  l'Archevêque, 
Quoiqu'il  en  soit,  le  délateur,  convaincu  de 
faux ,  fut  méprisé.  On  fit  voir  à  monseigneur 


de  Harlai  que  le  Manuel  ne  devant  se  trou- 
ver que  dans  le  sixième  tome,  on  n'avait  en- 
core pris  aucune  résolution  sur  les  endroits 
que  le  capucin  disait  avoir  été  altérés  sans 
les  avoir  vus.  Ainsi  le  second  tome  qui  était 
sous  presse  lors  de  cette  délation  alla  son 
train.  C'est  celui  qui  causa  le  plus  d'embarras 
à  l'éditeur  parce  que,  de  l'avis  des  plus  habiles 
gens,  il  lui  fallut  changer  l'ordre  que  les  let- 
tres avaient  eu  dans  les  anciennes  éditions , 
et  les  placer  selon  le  temps  auquel  elles  a  valent 
été  écrites ,  afin  que  l'on  connût  par  là  les 
progrès  que  saint  Augustin  avait  faits  dans  les 
choses  de  la  religion,  et  quels  avaient  été  ses 
derniers  sentiments  ;  ce  saint  Docteur  ayant 
souhaité  lui-même  pour  cette  raison ,  qu'on 
lût  ses  ouvrages  suivant  l'ordre  qu'il  les  avait 
écrits. 

16.  A  peine  le  dixième  tome  était-il  achevé 
en  1699,  qu'il  parut  sur  la  fin  de  la  même  an- 
née ,  une  lettre  d'un  inconnu  qui  voulait  se 
faire  passer  pour  un  abbé  d'Allemagne.  Per- 
sonne n'en  fut  la  dupe.  On  découvrit  bientôt 
qui  il  était,  et  d'où  il  était;  et  les  passages 
qu'il  avait  allégués  pour  décrier  la  nouvelle 
édition ,  ayant  été  confrontés  en  présence  de 
témoins  non  suspects  ,  il  fut  convenu  que  le 
prétendu  abbé  allemand,  n'était  ni  un  théolo- 
gien, ni  de  bonne  foi.  Sa  lettre  ne  laissa  pas 
de  passer  jusqu'à  Rome,  et  de  se  répandre  en 
beaucoup  d'autres  endroits.  Dom  Bernard  de 
Montfaucou  alors  en  cette  ville,  j' répondit  par 
ime  lettre  latine,  imprimée  avec  la  permission 
du  Maître  du  Sacré-Palais,  sous  ce  titre  :  Vin- 
dicice  editionis  sancti'Augustini  a  Benedictinis 
adornatce,  aduersus  Epistolam  abbatis  Germani, 
auctore  D.  B.  de  Rivière,  1699,  in-12.  En  Fran- 
ce, D.  FrançoisLamy,  D.DenisdeSainte-Mar- 
the,  et  quelques  autres  savants  de  la  Congré- 
gation de  Saint-Maur,  réfutèrent  aussi  la  let- 
tre de  l'abbé  allemand  ;  ce  qui  n'empêcha  pas 
qu'on  ne  semât  de  nouvelles  pièces,  impri- 
mées et  manuscrites  contre  l'édition  de  saint 
Augustin.  La  réfutation  la  plus  complète  de 
cette  lettre,  est  celle  de  dom  René  Massuet, 
imprimée  à  Osnabrug,  ou  plutôt  à  Rouen.  Il 
y  détruit  par  treize  démonstrations  tout  ce  que 
l'abbé  allemand  avait  avancé  pour  donner  at- 
teinte à  la  catholicité  de  l'éditeur  et  de  ses 
confrères. 

17.  Ceux-ci  s'étaient  comme  engagés  de 
mettre  dans  la  Préface  du  tome  de  la  Vie  et 
des  Tables  de  saint  Augustin,  ce  qui  serait  né- 
cessaire pom'  l'éclaircissement  de  ce  qui  en 
aurait  besoin  dans  l'édition.Monseigneur  l'Ar- 


[IV"   ET   V'=   SIÈCLES.] 


SAIDT  AUGUSTIN,  ÉVÉQUE  D'HIPPONE. 


817 


I 


chevêque  de  Paris  en  pressa  l'exécution  et 
dom  Mabillon  fut  chargé  de  l'ouvrage.  Cette 
pièce  qui  était  de  quarante  pages  in-4,  com- 
muniquée à  plusiem"s  personnes  ,  avant  d'ê- 
tre rendue  publique,  fut  approuvée  des  uns 
et  blâmée  des  autres.  L'auteur  y  exposait  les 
motifs  qui  avaient  porté  les  supérieurs  de  la 
Congrégation,  à  travailler  aux  éditions  des  Pè- 
res :  par  quels  degrés  on  était  venu  à  celle  des 
œuvres  de  saint  Augustin  ;  les  soins  qu'on  s'é- 
tait donnés  pour  la  donner  dans  toute  la  pei'- 
fection  que  l'Église  souhaitait.  Il  marquait  en- 
suite la  soumission  de  son  corps  aux  consti- 
tutions émanées  de  Rome,  touchant  les  cinq 
fameuses  propositions,  dans  le  même  sens  que 
le  Pape  et  toute  l'Église  les  avaient  condam- 
nées. Après  quoi  il  expliquait  quel  a  été  le 
but  de  saint  Augustin  dans  les  ouvrages  qu'il 
a  composés  sur  la  grâce,  surtout  depuis  la 
naissance  de  l'hérésie  pélagienne.  Les  évê- 
ques,  à  qui  cette  Préface  fut  communiquée,  y 
firent  divers  changements,  et  dom  Mabillon 
eut  ordre  de  l'imprimer  avec  les  modifications 
qu'ils  y  avaient  faites.  Pendant  qu'on  l'impri- 
mait, on  donna  à  Rome  un  décret  qui  pros- 
crivait les  libelles  pleins  de  calomnies  répan- 
dus contre  la  nouvelle  édition  de  saint  Augus- 
tin, et  le  pape  Clément  XI  adressa  au  supé- 
rieur généi'al  de  la  Congrégation,  un  bref  \ 
daté  du  19  avril  1706,  qui  mettait  cette  édi- 
tion comme  toutes  les  autres  sorties  de  cette 
Congrégation,  à  couvert  de  toute  contradic- 
tion. Le  roi  Louis  XIV,  plusieurs  années  au- 
paravant, avait  déjà  fait  défendre  de  rien  di- 
re, ou  écrire  dans  la  suite  touchant  l'édition 
de  saint  Augustin.  Cela  paraît  par  une  lettre 
de  M.  de  Pontchartrain  du  mois  de  novembrg 
de  l'année  1699.  Dom  MabiUon  avertit  dans 
cette  Préface,  que  l'on  a  corrigé  sur  la  foi  des 


manuscrits,  un  endroit  considérable  du  cha- 
pitre XI  du  livre  de  la  Correction  et  de  la  qrâ- 
ce ,  où  l'on  a  mis  :  Liberum  arbitrium  ad  ma- 
Irnn  suffieit,  ad  bonum  autem  paruin  est,  nisi 
adjuvctur  ab  omnipotenti  bono;  au  lieu  qu'on 
Ut  dans  les  éditions  de  Louvain,  nihil  est.  La 
raison  qu'il  allègue  de  ce  changement,  outre 
les  manuscrits ,  c'est  que  cette  leçon  convient 
mieux  dans  l'endroit  où  est  ce  passage. 

Après  cette  Préface  générale,  il  y  en  a  une 
particuhère  sxxvIgs  Appendices  à.e.  saint  Augus- 
tin, placés  à  la  fin  de  chaque  volume  des  ou- 
A'rages  de  ce  saint  Docteur  ,  et  sur  ce  qui  est 
contenu  dans  le  onzième.  Suit  la  Vie  de  ce  Pè- 
re divisée  en  huit  livres,  dont  le  premier  le 
conduit  depuis  sa  naissance  à  ïagaste  ,  jus- 
qu'à ce  qu'il  passa  d'Afrique  en  Italie.  Le 
second  raconte  son  voyage  dans  cette  provin- 
ce, et  tout  ce  qu'il  y  fit  jusqu'à  son  retour  en 
Afrique.  Le  troisième  comprend  ce  qu'il  fit 
depuis  ce  temps -là,  jusqu'à  son  élévation  à 
l'épiscopat.  Le  quatrième,  ce  quilui arriva  de 
plus  considérable  pendant  les  cinq  premières 
années  qu'il  en  fitles  fonctions.  On  voit  dans  le 
cinquième,  ce  qu'il  fit  depuisl'an  400  jusqu'en 
405.  Dans  le  sixième,  comment  il  se  compor- 
ta envers  les  donatistes,  depuis  les  édits  don- 
nés contre  eux  en  403,  jusqu'à  la  Conférence 
de  Carthage.Le  septième  renferme  l'histoire 
des  disputes  qu'il  eut  avec  les  pélagiens,  pen- 
dant l'espace  de  huit  ans.  On  trouve  dans  le 
huitième  un  récit  de  ses  actions  depuis  l'an 
420,  jusqu'à  430,  auquel  il  mourut.  Il  y  a  la 
suite  de  cette  Vie,  trois  tables  ou  indices.  Le 
premier  est  des  ouvrages  de  ce  saint  évêque, 
tels  qu'ils  sont  distribués  dans  chaque  tome 
de  cette  édition ,  comparés  avec  l'ordre  qu'ils 
tiennent  dans  celle  de  Louvain.  Le  second  est 
de  ces  mêmes  ouvrages,  selon  l'ordre  ancien 


*  Ce  Bref  ne  se  trouve  point  dans  le  Recueil  de 
ceux  de  Clément  XI.  Le  voici  tout  entier.  Dilecto 
filio  superiorî  generali  Congregationis  S.  Uauri, 
ordinis  S.  Benedicti,  Clemens  papa  XI.  Dilecte 
llli,  salutem  et  apostolicam  benedictionem.  Diu- 
tius  prœterire  silentio  non  posswnus  quantopere 
nabis  acceptum  probatumque  sit  shidium,  quod 
Congregatio  tua  sanctorum  Ecclesiœ  Pairum  ope- 
ribus  recensendis,  iisque  nitidiori  quam  antea 
cultu  publicam  in  lucem  proferendis  impendit. 
Quod  quidem  studium  et  professione  virtuteque 
vestra  maxime  dignum  duximus,  et  non  vobis 
duntaxat  gloriosum ,  veriim  etiam  rei  christianœ 
et  orthodoxes  imprimis  religioni  saluberrimun 
fore  confidimus.  Quamobrem  te  monachosqne  tuos 
in  Domino  hortamur,  ut  in  egregio  hoc  instituto 
strenue  dilig enter qit^e  pergatis,  pro  certo  haben- 

IX. 


tes  quiquid  in  honorem  commodumque  vestrum  a 
Poniificia  benignitate  poterit  projicisci,  id  vobis 
nullo  unquam  tempore  defutumm.  Interea  vero 
mittiad  tejussimus  sacra  quœdam  munuscula, 
iis  potissimum  eruditis  viris  arbitralu  tuo  distri- 
b'uenda,  qui  ejusmodi  editionibus  adornandis  in- 
cumbunt,  ut  ipsis  argumenta  sint  palernœ,  qua 
eos  eorumque  studia  complectimur,  charitatis. 
Tibi  autem,  dilecte  fili,  prœcipuœ  benevolentiœ 
pignus  apostolicam  benedictionem  peramanter 
impertimur.  Datum  Romce  apud  sanctum  Petrum 
sub  annulo  piscatoris  die  xix  aprilis  1706,  ponti- 
ficatus  nostri  anno  sexto.  "Voyez  VBistoire  des 
contestations  arrivées  au  sujet  de  l'édition  des 
ouvrages  de  S.  Augustin  domvk  par  les  Bénédic- 
tins. Cette  Histoire  qui  est  du  feu  père  D.  Vincout 
Tlmillier,  a  été  imprimée'  in-'i"  en  1736. 

52 


818 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


mis  en  parallèle  avec  celui  qu'on  a  gardé  dans 
cette  édition.  Le  troisième  marque  les  ouvra- 
ges de  ce  Père  par  ordre  alphabétique.  Ces 
trois  indices  sont  suivis  de  deux  autres,  dont 
le  premier  marque  les  matières  contenues 
dans  les  dix  volumes  de  ses  œuvres,  avec  au- 
tant de  netteté  que  d'exactitude  ;  et  le  second 
tous  les  passages  de  l'Ecinture,  que  ce  saint 
évêque  a  expliqués.  L'éditeur  a  poussé  l'exac- 
titude jusqu'à  donner  encore  une  table  par- 
ticulière des  ouvrages  faussement  attribués 
à  saint  Augustin ,  placés  là  dans  les  Appen- 
dices à  la  fin  de  chaque  volume. 
Édiiion       18.  Aussitôt  que  cette  édition  eût  été  ren- 

d  Anvers,    en  ^ 

i;oo.  due  publique,  on  en  fit  une  réimpression  à 

Anvers,  ou  si  l'on  veut,  à  Amsterdam  chez 
Pierre  Mortier.  Ceux  qui  se  chargèrent  de  ce 
travail  avaient  d'abord  eu  dessein  de  mettre 
au  bas  de  chaque  page,  les  remarques  de 
Jean  le  Clerc  caché  sous  le  nom  de  Phérépo- 
nus  ;  mais  réflexions  faites,  ils  aimèrent  mieux 
suivre  exactement  l'édition  des  Bénédictins 
de  Saint-Maur,  et  renvoyèrent  à  la  fin  et  dans 
un  volume  séparé,  les  notes  de  ce  critique. 
Cette  édition  est  comme  celle  de  Paris ,  dis- 
tribuée en  onze  volumes  :  elle  a  cela  de  dif- 
férent qu'on  trouve  dans  le  dixième ,  l'ana- 
lyse du  livre  de  la  Correction  et  de  la  grâce  ; 
par  M.  Antoine  Arnauld,  supprimée  dans  celle 
de  Paris,  à  la  demande  de  M.  de  Harlai.  Le 
douzième  tome  qui  est  de  Jean  le  Clerc,  por- 
te le  titre  d'Appendice  aux  œuvres  de  saint 
Augustin.  On  y  voit  d'abord  une  préface  où 
cet  auteur  rend  raison  de  ce  qui  est  contenu 
dans  ce  volume  ;  puis  le  poème  de  saint  Pros- 
per,  intitulé  :  Deingratis;  ensuite  les  Disserta- 
tions du  père  Garnier ,  jésuite,  sur  l'histoire 
des  pélagiens.  Suivent  les  Commentaires  de 
Pelage  sur  les  Epîtres  de  saint  Paul;  et  en- 
fin les  préfaces,  les  censures,  les  notes  et  les 
animadversions  sur  toutes  les  œuvres  de  saint 
Augustin,  d'Érasme,  de  Louis  Vives,  du  Père 
Sirmond,  du  cardinal  Noris,  de  Jean  le  Clerc, 
et  de  quelques  autres.  Jean  le  Clerc  n'ou- 
blia rien  pour  décréditer ,  soit  la  personne  , 
soit  les  écrits  de  saint  Augustin.  Injures,  ca- 
lomnies, suppositions,  fausses  conjectures, 
tout  lui  était  bon  pour  contenter  la  passion 
basse,  dont  on  sait  qu'il  était  possédé  de  s'é- 
tablir une  réputation  aux  dépens  du  mérite 
le  plus  sohde  et  le  plus  reconnu.  Robert  Jen- 
kius,  docteur  du  collège  de  Saint-Jean,  a  pris 
contre  lui  la  défense  de  ce  grand  évêque  , 
dans  un  écrit  anonyme  imprimé  à  Cambridge 
en  1707,  in-8,  "de  même  que  Louis-Antoine 


iWuratori  dans  le  troisième  livre  d'un  de  ses 
ouvrages  latins,  intitulé  :  De  la  Modération  des 
esprits  dans  les  affaires  de  religion  ,  Paris  en 
1714,  iu-4,  et  Francfort  en  1716,  in-8. 

Il  est  bon  de  remarquer  qu'il  y  a  eu  deux 
impressions  à  Paris,  des  deux  premiers  vo- 
lumes de  saint  Augustin;  l'une  en  1679  et 
l'autre  en  1689.  On  peut  en  connaître  la  dif- 
férence par  l'Épître  dédicaloire  qui,  dans  la 
première  édition,  n'a  que  cinq  lignes  à  la  pre- 
mièi-e  page ,  au  lieu  que  l'autre  en  a  neuf. 

[  L'édition  des  Bénédictins  a  été  réimpri-  , 
mée  à  Venise  en  1729-33  en  11  tomes  in-fol.,  ' 
et  dans  la  même  ville,  1736-69,  18  vol.  in-4; 
en  1797-1807,  18  vol.  in-4.  Cette  dernière 
édition  porte  le  nom  de  Venise,  mais  elle  est 
plutôt  de  Bassano.  Les  frères  Gaume  ont  pu- 
blié, à  Paris,  en  1836-39,  une  nouvelle  édi- 
tion, in-8,  d'après  les  Bénédictins,  mais  plus 
correcte,  revue  sur  les  manuscrits,  augmen- 
tée de  nouvelles  notes,  de  deuxlettres  et  de 
quelques  sermons  publiés  à  part.  Une  autre 
édition,  corrigée  et  plus  correcte,  c'est  le  ti- 
tre qu'elle  porte,  se  trouve  dans  la  Patrolo- 
gie  Migne  en  16  vol.,  1845.  Le  tome  16  est 
un  supplément  à  toutes  les  éditions  des  œu- 
vres de  saint  Augustin.  Il  comprend  un  grand 
nombre  de  dissei'tations  ayant  rapport  à  ce 
Père  et  réunies  ici  pour  la  première  fois.  En 
voici  la  liste  :  1.  Notice  littéraire  sur  la  vie , 
les  écrits  et  les  éditions  de  saint  Augustin , 
par  Schœneman.  — 2.  Dissertation,  notes  et 
commentaires  d'Érasme  et  de  Phéréponus 
(Jean  le  Clerc)  sur  tous  les  livres  de  saint  Au- 
gustin, volume  par  volume.  —  3.  Commen- 
taire de  Henri  de  Noris  sur  la  cent  soixante- 
guinzième  et  cent  soixante-seizième  lettre , 
contenant  le  nom  de  tous  les  évêques  d'Afri- 
que qui  assistèrent  au  concile  contre  les  do- 
natistes.  —  4.  La  préface  que  le  chanoine 
Ulimmérius  mit  à  la  tête  de  l'édition  des  sei'- 
mons  et  opuscules  de  saint  Augustin,  de  Lou- 
vain,  1364.  —  5.  La  préface  de  Jac.  Sir- 
mond, mise  à  l'édition  des  nouveaux  dis- 
cours publiés  à  Paris  en  1631.  —  6.  Préface 
que  Louis  Vives  mit  en  tête  de  l'édition  de 
La  Cité  de  Dieu,  ainsi  que  ses  commentaires. 

—  7.  Préface  de  H.  de  Noris,  sur  le  livre  de 
la  Grâce  du  Christ.  —  8.  Préface  de  Claude 
Ménard  sur  les  deux  premiers  livres  de  l'ou- 
vrage inachevé  contre  Julien,  en  1616.  — 
9.  Préface  de  Jean  Ulimmérius  sur  la  liste  des 
ouvrages  de  saint  Augustin ,  de  Possidius. 

—  10.  Dissertation  de  H.  de  Noris  contre  les 
attaques  dirigées  récemment  contre  les  livres 


[IV=   ET  V''   SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


819 


de  saint  Augustin  contre  les  pélagiens  et  les 
semi-pélagiens,  et  contre  l'accusation  d'igno- 
rance sur  certaines  questions  spéciales.  — 
11.  Réponse  à  cent  cinquante  censures  faites 
par  quelques  récents  détracteurs,  avec  la  liste 
de  ces  détracteurs.  —  12.  Trois  traités  du 
P.  Merlin,  jésuite,  mort  en  1747  :  1°  Vérita- 
ble clef  des  ouvrages  de  saint  Augustin  con- 
tre les  pélagiens  ;  2°  Examen  des  critiques 
de  Bayle  contre  le  saint  Docteur  ;  3°  Disser- 
tation sur  la  nature  de  la  loi  de  Moïse ,  en 
français.  —  13.  Quatre  opuscules  de  saint 
Augustin  édités  d'abord  par  Fontanus  :  1°  Li- 
vre de  l'Oraison  ;  2°  Des  quatre  Vertus  de  la 
charité;  3°  Homélie  sur  le  deuxième  diman- 
che de  l'Avent;  4°  Discours  sur  la  Circonci- 
sion. —  14,  Dernier  cbapitre  des  Soliloques 


découvert  par  Trombelli.  — 13 .  Quatre  autres 
discours  douteux.  —  16.  Variantes  sur  tous 
les  discours  de  saint  Augustin  recueillies  par 
MM.  Caillau  et  Saint- Yves.  —  17.  Quelques 
fragments. 

L'édition  donnée  par  MM.  Caillau  et  Guil- 
lon  dans  les  Selecti  Patres,  Paris  1829,  et 
suiv.,tome  108-14,  contient  toutes  les  œuvres 
authentiques  de  saint  Augustin  avec  qiiel- 
ques  additions ,  mais  avec  un  nouvel  ordre 
des  matières ,  sans  la  préface  et  les  avertis- 
sements donnés  par  les  Bénédictins.  On  y  a 
joint  plusieurs  sermons  trouvés  après  la  pu- 
blication de  l'édition  bénédictine.  Une  der- 
nière édition,  dédiée  à  Grégoire  XVI,  a  com- 
mencé à  paraître  à  Venise,  1833,  en  6  vol.  in- 
fol.;  elle  n'était  pas  encore  achevée  en  18S1.] 


LETTRE 


AU  TRÈS-RÉVÉREND  PÈRE  DOM  RÉMI  CEILLIER 


BÉNÉDICTIN  DE   LA  CONGRÉGATION   DE   SAINT-VANNES ,  PRIEUR  TITULAIRE  DE  FLA VIGNY   EN  LORRAINE , 


CONTENANT  L'EXPLICATION  D'UN  PASSAGE  DE  SAINT  AUGUSTIN. 


Le  passage,  mon  Très-Révérend  Père,  que 
je  me  propose  d'examiner  ici,  a  été  déjà  si 
savamment  discuté  par  M.  le  président  Cou- 
sin, que  c'est  peut-être  une  trop  grande  déli- 
catesse à  moi  de  n'e  m'en  pas  tenir  à  l'expli- 
cation de  ce  docte  journaliste. 

Mais,  comme  les  plus  habiles  gens  mêmes 
ne  sont  pas  infaillibles,  et  que  les  erreurs  où 
ils  peuvent  tomber  sont  plus  contagieuses 
que  celles  des  hommes  vulgaires,  parce  que 
l'on  s'en  défie  moins,  j'ai  cru  qu'il  me  serait 
permis  de  combattre  son  sentiment.  Voici  ce 
dont  il  s'agit  : 

Un  livi'e  posthume  de  M.  Petit,  médecin  de 
Paris,  ayant  vu  le  jour  à  Utreclit,  en  1689  ', 
M,  le  président  Cousin  en  donna  un  extrait 
avec  son  exactitude  ordinaire  dans  le  journal 
du  lundi  27  juin  de  la  même  année.  Le  savant 
journaliste  n'oubha  pas  d'ohser\ernn  étrange 
paradoxe  de  l'auteur,  qui,  fondé  sur  un  pas- 
sage de  saint  Augustin,  avança  que  le  saint 
Docteur  buvait  quelquefois  une  assez  grande 
quantité  de  vin;  mais  qu'il  avait- la  tête  forte 
pour  le  porter,  et  que  jamais  il  n'en  perdait 
l'usage  de  la  raison  :  Quodea  esset  cerebri  ac 
mentis  firmitate,  ut  posset  in  eadem  vini  quan- 


titate,  qiiœ  rmiltos  ad  insaniam  redigeret ,  ra- 
tionis  usum  conservare.  Homer.  Nepenth.,  pag. 
138. 

Le  passage  de  saint  Augustin,  sur  lequel 
M.  Petit  prétend  établir  son  sentiment,  se 
trouve  dans  le  dixième  livre  des  Confessions  , 
chap.  XXXI,  en  ces  termes  :  Ebrietas  longe  est 
a  me  ;  misereberis  ne  appropinquet  mihi,  Cra- 
pula  autem  nonnitnquam  surrepit  servo  tuo  : 
misereberis  nt  longe  fiât  a  me. 

M.  Cousin  prouve  parfaitement  qu'«7  n'y  a 
rien  d'aussi  mal  fondé  que  cette  imagination  de 
M.  Petit.  On  peut  voir  ses  raisons  dans  le 
journal  que  j'ai  indiqué.  Comment  faut-il  donc 
entendi'e  le  passage  du  saint  Docteur  ?  Je  ne 
sais  si  l'habile  journaliste  est  aussi  heureux 
dans  l'explication  qu'il  en  donne,  que  dans 
celle  qu'il  réfute.  «  Le  terme  crapula,  dit-il,  a 
(i  plusieurs  sens.  Outre  celui  d'Aristote,  au- 
«  quel  il  signifie  la  chaleur  et  la  douleur 
(I  causées  par  le  vin  pris  avec  excès,  il  en 
«  peut  avoir  encore  au  moins  deux  autres, 
«  selon  l'un  desquels  il  est  pris  pour  l'excès 
«  du  manger,  et,  selon  l'auteur,  pour  le  plai- 
«  sir  même  de  manger  et  de  boh-e.  Ce  n'est 
«  pas  axi  premier  que  saint  Augustin  l'a  pris  ; 


*  Pétri  Petiti  philosophi,  et  doctoris  medici, 
HomeriNepenthes,sivede Helenœ  medicamento, elc. 
cliap.  XV  ,  Trajecti  ad  Rhenmn,  1C80,  iu-S.  N'oyez  le 


intitulé  :  Videri  B.  Augustinum  non  invalidum 
potorem  fuisse. 


[IV°  ET  V"  SIÈCLES.] 

«  car  il  était  aussi  éloigné  de  manger  avec  ex- 
«  ces,  que  de  boire  avec  excès.  Il  n'a  donc 
«  pu  le  prendre  qu'au  second  ;  et  avouant, 
«  que  bien  qu'il  s'efforçât  de  résister  conti- 
((  nueUement  à  la  tentation  du  plaisir  qui  se 
«  met  comme  en  embuscade  au  passage  des 
«  aliments  nécessaires  pour  apaiser  la  faim 
«  et  la  soif,  et  pom-  entretenir  la  santé  ;  néan- 
«  moins  il  s'y  laissait  quelquefois  surprendre. 
«  Cette  surprise  arrive  aux  plus  parfaits,  à 
<(  ceux  même  qui  refusent  tout  à  leur  corps, 
(1  et  à  ceux  qui  ne  le  nourrissent  que  de 
«  jeûnes  et  d'abstinences.  » 

M.  Bayle,  qui  est  entré  dans  celte  contes- 
tation littéraire  ',  a  pris  en  main  la  cause  de 
M.  Petit,  quoiqu'il  ait  voulu  faire  entendre 
qu'il  laisse  au  lecteur  la  décision  de  cette  dispute, 
et  qu'il  se  contente  d'indiqué?'  les  raisons  des 
deux  parties.  Vous  connaissez  M.  Bayle  ;  vous 
savez,  sans  doute,  qu'il  ne  témoigne  presque 
jamais  mieux  sa  partialité,  que  quand  il  se 
vante  de  ne  prendre  aucun  parti.  Je  crois,  dit- 
il,  que  M.  Cousin  n'eût  pas  mal  fait  de  donner 
de  bonnes  preuves  des  deux  significations  du  mot 
crapula,  qu'il  a  jointes  à  celle  que  M.  Petit  a 
si  bien  prouvée.  Ce  passage  suffit  pour  faire 
voir,  si  je  ne  me  trompe,  que  M.  Bayle  n'est 
pas  aussi  indécis  qu'il  veut  nous  le  persuader. 
Quoiqu'il  en  soit,  j'espère  que  s'il  vivait  en- 
core, il  aurait  bientôt  satisfaction  sur  l'un 
des  deux  sens  que  M.  Cousin  donne  au  terme 
crapula;  quant  à  l'autre  signification  de  ce 
journaliste,  je  crois  être  en  état  de  pi-ouver 
qu'on  ne  saurait  l'admettre. 

Jacques  Bernard,  rendant  compte  de  la 
seconde  édition  du  Dictionnaire  historique  et 
critique  ^ ,  dit  «  qu'il  faut  avouer  qu'il  y  a 
0  quelque  chose  de  choquant  dans  l'exposi- 
«  tion  de  M.  Petit,  et  qu'elle  ne  parait  pas 
«  couler  naturellement.  Aussi,  ajoute  M.  Ber- 
«  nard,  a-t-eUe  déplu  à  M.  Cousin,  qui  l'a 
«  Té{\iiéeda.T:isleJou)'nal  des  savants.  »  Le  nou- 
velliste de  la  république  des  lettres,  après 
avoir  rapporté  l'expKcation  de  J\I.  Cou- 
sin :  «  Le  lecteur  jugera,  dit-il,  si  cette  expli- 
«  cation  est  meilleure  que  la  précédente.  Ne 
«  pourrait-on  point  soupçonner,  poursuit  le 
«  même  auteur,  qu'il  y  a  une  faute  dans  le 
«  texte  latin,  et  q\i'il  y  manque  la  particule 
«  si  ?  Je  ne  propose  ceci  que  comme  une  con- 
«  jecture,   que  j'abandonnerai  à  la  moindre 


SAINT  AUGUSTIN ,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


821 


«  difSculté  qu'on  me  fera.  Saint  Augustin 
((  voudra  dire  qu'il  ne  se  sent  point  de  pen- 
te chant  à  l'ivrognerie  ;  mais  que  s'il  lui  ar- 
«  rivait  par  malheur  quelque  tentation  de  ce 
«  côté-là,  il  prie  Dieu  de  l'éloigner,  et  de  lui 
«  faire  la  grâce  d'y  pouvoir  résister.  Ebrie- 
((  tas  longe  est  a  me  :  misereberis  ne  appropinquet 
((  mihi.  Si  crapula  autem  nonnunquam  sur- 
it répit  servo  tuo,  misereberisut  longe  fiât  ame. 
«  Pour  donner  même  plus  de  sens  à  cette 
«  pensée,  je  prendrais  le  mot  d'eèrzetes  pour 
«  l'habitude,  et  celui  de  crapula  pour  l'acte  ; 
((  et  je  la  paraphraserais  ainsi  :  Seigneur,  par 
«  un  effet  de  votre  grâce,  je  n'ai  point  le  défaut 
«  de  l'ivrognerie  ;  ayez  la  bonté  de  m'en  garantir 
u  toujours.  Que  si  par  malheur  je  venais  à  être 
«  tenté  ou  surpris  par  le  vin  faites-moi  la  grâce 
«  de  résister  à  la  tentation,  ou  de  me  relever 
«  bientôt  de  cette  chute.  Je  pourrais  appuyer 
«  ma  conjecture  de  plus  d'une  raison,  et  faire 
«  voir  ,  en  la  comparant  aux  deux  précéden- 
«  tes,  qu'elle  est  beaucoup  plus  plausible.  » 
M.  Bernard  ne  raisonne  ainsi,  que  parce 
qu'il  s'imagine  faussement,  d'après  M.  Bayle, 
qu'on  ne  saurait  prouver  aucune  des  deux 
significations  que  M.  Cousin  donne-au  terme 
crapula;  mais  quelque  inutile  que  soit  sa  con- 
jecture, il  la  propose  avec  tant  de  modestie, 
qu'on  ne  peut  lui  en  savoir  mauvais  gré. 

Un  habile  écrivain  de  nos  jours,  qui  a  dé- 
fendu saint  Augustin  contre  plusieurs  atta- 
ques de  M.  Bajde  ',  a  répondu  avec  beaucoup 
de  force  aux  raisons  de  M.  Petit,  secondé  de 
l'auteur  du  Dictionnaire  critique.  ((  La  cra- 
«  pule,  selon  M.  Petit,  dit-il,  est  l'effet  de 
«  l'ivresse  ,  elle  en  est  même  le  dernier  pé- 
«  l'iode.  C'est  la  douleur  de  tête  qui  reste, 
«  lorsque  le  sommeil  a  dissipé  les  vapeurs 
«  du  vin  ;  et  lorsqu'un  homme  ,  qui  s'était 
«  enivré,  recouvre  la  connaissance,  et  n'est 
«  plus  dans  l'aliénation  d'esprit  qui  lui  ôte  le 
«  sentiment.  Cela,  poursuit  le  censeur  de  M. 
«  Bayle,  est  confirmé  par  un  bel  étalage  d'é- 
«  l'udition.  Comment  donc  saint  Augustin  a 
«  t-il  pu  dire  avec  vérité  :  L'ivresse  est  loin 
«  de  moi  ;  mais  la  ci'apule  surprend  quelquefois 
((  votre  serviteur  ?  M.  Petit  prétend  lever  la 
«  contradiction,  en  supposant  que  saint  Au- 
«  gustin  avait  la  tête  assez  bonne  pour  boire 
«  beaucoup  de  vin  sans  perdre  la  raison, 
«  mais  non  pas  sans  en  être  incommodé  le 


1  Diction,  crit... 
'  Nouv.   de   la 
1702,  art.  IV. 


art.  S.  Augustin,  Rem.  I. 
République   des   Lettres , 


'  Réfutation  des  critiques  de  M.  Bayle  sur  S. 
Juin      Augustin,  etc.,  à  Paris,  ohez  Rolin  fils,  1732,  in-4. 
Voyez  le  second  traité,  pag.  8. 


822 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


((  lendemain.  Il  me  semble  pourtant  que  la 
«  contradiction  demeure,  ou  bien  M.  Petit  a 
(I  mal  prouvé  que  le  mot  crapula  exprime 
«  toujours  l'efTet  et  le  dernier  période  de 
«  l'ivresse  ;  et  de  tous  les  témoignages  qu'il 
«  cite,  il  s'ensuit  que  la  crapule  n'estjamais 
«  séparée  de  l'ivresse.  M.  Bayle  ne  se  met 
«  pas  en  peine  de  faire  cette  observation.  Son 
«  but  est  de  plaire  à  tout  le  monde,  et  il  n'a 
«  point  voulu  ici  manqpier  l'occasion  de  flat- 
«  terles  bons  buveurs,  en  leur  associant  saint 
«  Augustin.  » 

L'habile  censeur  appuie  ensuite  les  raisons 
de  M.  Cousin,  et  fait  voir  la  faiblesse  de  la 
critique  de  M.  Bayle.  «  M.  Cousin,  continue- 
ce  t-il,  démontre  par  des  passages  très-clairs, 
«  tant  de  saint  Augustin,  que  de  Possidius, 
«  que  le  saint  Docteur  menait  une  vie, 
«  non-seulement  sobre,  mais  encore  austè- 
<(  re  ;  qu'il  ne  recherchait  les  aliments  que 
«  comme  il  recherchait  les  remèdes  ;  qu'il 
((  était  toujours  en  garde  contre  le  plaisir, 
«  lorsqu'il  satisfaisait  aux  besoins  de  la  na- 
n  ture  ;  qu'il  se  faisait  une  guerre  continuelle 
«  par  lesjeùnes  et  par  l'abstinence,  etqu'ainsi 
«  il  ne  doit  pas  être  soupçonné  d'avoir  bu 
«  quelquefois  avec  excès.  M.  Bayle  n'a  rien 
«  à  dire  sur  cela  ;  mais  il  n'a  point  pour  M. 
«  Cousin  la  même  indulgence  que  pour  M. 
'(  Petit.  Il  passe  à  celui-ci  de  démentir  les 
«  autorités  qu'il  allègue  en  séparant  la  cra- 
«  pule  d'avec  l'ivresse,  et  il  demande  à 
«  l'autre  de  bonnes  preuves  qui  l'autorisent 
«  à  faire  signifier  au  vcioi  crapula,  le  seul  plai- 
«  sir  de  boire  et  de  manger,  qui  se  met  com- 
«  me  en  embuscade  au  passage  des  aliments 
«  nécessaires  pour  apaiser  la  faim  et  la  soif, 
((  et  pour  entretenir  la  santé.  Mais  en  faut-il 
«  d'autres  preuves,  que  le  texte  même  de 
«  saint  Augustin,  qui,  dans  l'endroit  où  il 
«  est  placé,  distingue  autant  de  l'excès  de 
«  boire,  que  de  l'ivresse,  ce  qu'on  apellait 
((  en  ce  temps-là  crapula  ?  J'en  atteste  la  bon- 
«  ne  foi  de  ceux  qui  se  donneront  la  peine 
(I  de  le  lire.  Et  n'est-ce  point  assez  pour  M. 
«  Cousin,  qu'on  ne  puisse  opposer  à  son  sen- 
«  timent  que  des  autorités  qui  confondent 
«  absolument  la  crapule  avec  l'ivresse,  la- 
ce quelle  en  est  entièrement  distinguée  dans 
«  le  passage  de  saint  Augustin  ?  » 

Voilà  donc  deux  sentiments  divers  sur  le 
passage  du  saint  Docteur.  M.  Petit,  et  M. 
Bayle,  d'un  côté,  prétendent  que  crapula  si- 
gnifie ici  l'excès  du  vin.  De  l'autre,  M.  le  pré- 
sident Cousin,  et  l'auteur  des  Critiques  de 


M.  Bayle,  après  avoir  réfuté  cette  opinion, 
soutiennent  que  ce  terme  doit  être  pris  pour  le 
plaisir  qui  accompagne  l'usage  des  aliments. 
Tout  lecteur  équitable  jugera,  ce  me  semble, 
que  la  réfutation  du  premier  sentiment  est 
portéejusqu'àla  démonstration.  Mais  je  doute, 
que  M.  Cousin,  et  le  censeur  de  M.  Bayle,  aient 
prouvé  avec  la  même  évidence,  que  crapula 
doive  être  pris  pour  le  plaisir  de  manger  et 
de  boire. 

M.  Cousin  n'est  pas  le  premier  qui  ait  ex- 
pliqué de  la  sorte  le  passage  du  saint  Doc- 
teur. Avant  lui,  M.  Arnauld  d'Andilly  l'avait 
rendu  par  ces  paroles  :  «  Je  suis  très-éloi- 
«  gné  de  l'ivrognerie,  et  j'espère  qu'avec 
«  votre  assistance  je  ne  serai  jamais  si  mal- 
«  heureux  que  de  m'y  laisser  aller.  Mais  quel- 
ce  quefois  la  gourmandise,  c'est-à-dire  le  plai- 
cc  sir  de  boire  et  de  manger  me  surprend.  » 

Je  demande  à  ces  messieurs  par  quelle  rai- 
son ils  donnent  au  terme  crapula  un  sens  dont 
on  ne  trouve  aucun  exemple.  M.  Bayle,  après 
avoir  dit  que  M.  Cousin  n'eût  pas  mal  fait  d'en 
donner  de  bonnes  preuves,  ajoute  (ju'il  a  con- 
sulté plusieurs  dictionnaires,  sans  y  trouver  la 
moindre  trace  de  cette  signification. 

Pour  moi  j'avoue,  comme  M.  Bayle,  qu'a- 
près plusieurs  recherches  je  n'ai  découvert 
aucun  auteur  qui  ait  employé  crapula  dans 
le  sens  de  M.  Cousin.  Le  censeur  du  M.  Bayle 
n'a  pu  alléguer  une  seule  autorité  en  faveur 
du  docte  journaliste  dont  il  adopte  le  sen- 
timent. «  En  faut-il  d'autres  preuves,  dit-il , 
c(  que  le  texte  même  de  saint  Augustin,  qui, 
c(  dans  l'endroit  où  il  est  placé,  distingue 
c(  autant  de  l'excès  du  boire,  que  de  l'ivresse, 
c(  ce  qu'on  appellait  en  ce  temps-là  crapula  ? 
ce  N'est-ce  point  assez  à  M.  Cousin  qu'on  ne 
ce  puisse  opposer  à  son  sentiment  que  des 
ce  autorités  qui  confondent  absolument  la  cra- 
c(  pule  avec  l'ivresse,  laquelle  en  est  entiè- 
ce  rement  distinguée  dans  le  peissage  de  saint 
ce  Augustin  ?  » 

Cette  raison,  excellente  contre  M.  Petit  et 
M.  Bayle,  serait  très-bonne  d'elle-même,  si 
crapida  ne  pouvait  avoir  d'autre  sens  que 
l'excès  du  vin,  et  le  plaisir  qui  accompagne 
l'usage  des  aliments.  Saint  Augustin,  dirait- 
on,  distingue  crapula  d'avec  l'excès  du  vin. 
Donc  ce  terme  doit  être  pris  pour  le  plaisir 
de  boire  et  de  manger.  Mais  outre  que  cra- 
pula ne  saurait  jamais  signifier  ce  plaisir,  ce 
terme  est  pris  quelcjuefois,  ainsi  que  M.  Cou- 
sin en  est  convenu,  pour  l'excès  dans  le  man- 
ger :  sens  qu'il  ne  veut  cependant  pas  lui 


[rve  ET  ^e  SIÈCLES.]  SAINT  AUGUSTIN, 

donner  ici,  parce  qu'il  prétend  que  saint  Au- 
gustin était  aussi  éloigné  de  manger  avec  excès, 
que  de  boire  avec  excès. 

Comme  ni  M.  Cousin,  ni  son  défenseiu', 
qui  est  un  habile  grammairien,  n'ont  appor- 
té aucun  exemple  de  crapula  pris  pour  le  plai- 
sir de  boire  et  de  manger,  il  doit  passer  pour 
constant  qu'aucun  auteur,  avant  et  après 
saint  Augustin,  n'a  pris  ce  terme  dans  cette 
signification.  Si  l'on  prouve  donc  qu'il  n'y  a 
mil  inconvénient  à  faire  dire  au  saint  Docteur 
qu'il  a  mangé  quelquefois  avec  excès  ;  et  si 
l'on  montre  que  cra/jwfo  peut  signifier  l'excès 
du  manger,  il  s'ensuivra  clairement,  si  je  ne 
me  trompe,  que  c'est  la  seule  signification 
qu'on  puisse,  donner  ici  à  ce  terme.  Or  c'est 
ce  que  je  me  flatle  de  faire  voir,  et  ce  qui 
me  reste  à  examiner. 

Avant  que  de  commencer,  il  parait  à  pro- 
pos de  citer  le  passage  de  saint  Augxistin  avec 
ce  qui  précède  et  ce  qui  suit  :  Audio  vocem 
jubentis  Dei  rnei  :  Non  graventur  corda  vestra 
in,  crapula  et  ebrietate.  Ebrietas  longe  est  a 
me  ,  misereberis  ne  appropinquet  mihi  ;  crapula 
autem  nonnunquam  surrepit  serve  tua ,  misei^e- 
beris  ut  longe  fiât  a  me.  Nemo  enim  potest  esse 
continens,  nisi  tu  des. 

n  est  évident  que  saint  Augustin  a  eu  en 
vue  ce  passage  de  saint  Luc,  xsi,  34.  Atten- 
dite  autem  vobis,  ne  forte  graventur  corda  ves- 
tra in  crapiula  et  ebrietate.  Cela  supposé,  plu- 
sieurs raisons  me  persuadent  que  saint  Au- 
gustin avoue,  qu'il  s'est  laissé  quelquefois 
surprendre  à  l'excès  du  manger  : 

1.  La  première  raison,  c'est  que  le  passage 
de  saint  Augustin  doit  être  expliqué  par  celui 
de  saint  Luc.  Or  tous  les  interprètes  exnli- 
quent  le  crapula  de  saint  Luc,  par  l'excès  du 
manger  :  Prenez  donc  garde  c\  vous,  de  crainte 
que  vos  cœurs  ne  s' appesantissent  par  l'excès  des 
viandes  et  du  vin.  L'allusion  du  saint  Docteur 
à  ce  passage,  est  si  visible,  qu'il  a  conservé 
sans  doute  religieusement  tous  les  termes  de 
la  version  italique  dont  il  se  servait,  et  en- 
tre autres  le  mot  crapula. 

2.  Est-il  naturel  de  supposer  que  saint  Au- 
gustin ait  dit  :  J'entends  la  voix  du  Seigneur, 
qui  me  crie  dans  son  Évangile  :  Ne  vous  laissez 
point  appesantir  par  l'excès  du  manger  et 
du  boire.  Je  suis  très-éloigné  de  l'excès  dans  le 
boire  ;  et  jespère,  ô  mon  Dieu,  cpx'avez  votre  se- 
cours je  n' causai  jamais  le  malheur  d'y  tomber. 


ÉYÊQUE  D'HIPPONE. 


823 


Mais  le  plaisir  du  manger  et  du  boire  me  sur- 
prend quelquefois.  Quel  rapport  entre  la  dé- 
fense de  se  livrer  à  l'excès'  du  boire  ou  du 
manger,  et  l'aveu  que  ferait  saint  Augustin 
d'avoir  pris  quelquefois  du  plaisir  dans  l'u- 
sage des  aliments  ?  N'est-il  pas  clair  qu'il  s'ac- 
cuse ici  d'avoir  A'iolé  une  partie  de  ce  com- 
mandement ?  Et  comment  l'aurait-il  violé  par 
le  seul  plaisir  de  manger  et  de  boire,  dont 
il  n'est  fait  aucune  mention  dans  le  passage 
de  saint  Luc  qu'il  rapporte  ?  !1  faut  donc  con- 
clure des  paroles  du  saint  Docteur,  que  c'est 
par  l'excès  du  manger,  qu'il  confesse  avoir 
enfreint  une  partie  du  commandement  ex- 
primé dans  l'Evangéliste.  En  expliquant  ainsi 
le  passage  de  saint  Augustin,  on  trouve,  ce 
me  semble,  un  sens  naturel  et  raisonnable  : 
ce  qu'on  ne  saurait  dire,  si  je  ne  me  trompe, 
en  prenant  crapula  pour  le  simple  plaisir  qui 
accompagne  l'usage  des  aliments. 

3.  M.  Cousin  avoue  que  crapula  peut  signi- 
fier l'excès  dans  le  manger.  M.  Bayle  aurait 
souhaité  que  ce  journaliste  eût  donné  de  bonnes 
preuves  de  cette  signification.  Comme  c'est  le 
sens  que  j'adopte,  je  crois  être  obligé  d'en- 
trepreadre  ce  que  M.  Cousin,  qui  rejetait  ici 
ce  sens,  n'était  nullement  tenu  de  faire.  Saint 
Isidore  de  Séville  dit  formellement  que  cra- 
pula est  un  excès  dans  le  manger,  qui  sur- 
charge l'estomac,  et  cause  des  indigestions. 
Ses  termes  ne  peuvent  être  ni  plus  précis, 
ni  plus  énergiques  :  Crapula,  dit-il,  est  immo- 
derata  voracitas,  quasi  cruda  epula,  cujus  cru- 
ditate  gravatur  cor,  stomachus  indigestus  effi- 
citur  '.  On  trouve  dans  un  ancien  auteur  cité 
par  du  Cange  :  Crapulatus  cibo  nimio  ^,  pour 
ne  rien  dire  du  passage  de  saint  Luc,  rappor- 
té ci-devant,  ni  de  plusieurs  autres,  qu'il  se- 
rait aussi  facile  que  superflu  d'apporter.  En 
efi'et,  crapula  vient  du  mot  grec  xpamàx-n 
qui  signifie  ces  nausées,  ces  pesanteurs  de 
tête,  ces  indigestions  que  cause  aussi  bien 
l'excès  du  manger,  que  l'excès  du  boire. 

4.  levons  prie,  mon  T.  R.  Père  de  faire  at- 
tention au  raisonnement  qui  suit,  et  qui  pa- 
raît décisif.  Si  saint  Augustin,  après  avoir  rap- 
porté le  passage  de  saint  Luc,  qu'il  ne  faut 
pas  perdre  de  vue,  avait  simplement  entendu 
par  crapula  le  plaisir  de  manger  et  de  boire, 
se  serait-il  contenté  de  dire  qu'il  ne  donne 
pas  dans  l'excès  du  vin  ?  Ebrietas  longe  est  a 
me.  N'aurait-il  pas  ajouté,  qu'il  ne  se  laisse 


1  Origin.  sive  Etymolog.  Leg.  XX,  cap.  i. 

-  In  Vitis  Patrum  Emerit.,  tom.  Il  ConcU.  Hisp., 


pag.  641,  col.  2.  Du  Cauge,  Glossar.  latin. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


824 

jamais  surprendre  à  l'excès  du  manger,  puis- 
que ces  deux  excès  sont  également  défendus 
dans  saint  Luc,  et  que  le  plaisirne  se  trouve  pas 
moins  dans  le  boire  que  dans  le  manger  ?  Et 
mm  salus  sit  causa  edendi  ef  bibendi,  adjungit 
se,  tanquam  pedtssequa,  periculosa  jucunditas, 
ctplerumqve  prœire  conatur,  ut  ejus  causa  fiat 
quod  salutis  causa  me  facere  vel  dico,  vel  volo. 
S'il  n'a  donc  point  dit  qu'il  ne  donne  pas  dans 
l'excès  du  manger,  n'en  doit-on  pas  conclure 
qu'il  avoue  par  ces  paroles  :  Crapula  autem. 
nonnunquam  surrepit  servo  tuo,  qu'il  s'est  lais- 
sé quelquefois  surprendre  à  cet  excès  ?  N'est- 
il  pas  clair  comme  le  jour,  qu'il  oppose  l'ex- 
cès du  boire  à  celui  du  manger,  et  qu'il  a 
voulu  dire  .•  Seigneur,  vous  me  défendez  de  me 
livrer  à  l'excès  du  manger  et  du  boire.  Audio 
vocem  jubentis  Dei  mei  :  Ne  graventur  corda 
vestra  in  crapula  et  ebrietate.  Quand  à  l'ex- 
cès du  boire,  je  ne  m'y  laisse  jamais  emporter  : 
Ebrietas  longe  est  a  me.  Mais  l'excès  du  man- 
ger me  surprend  quelquefois  :  Crapula  autem 
nonnunquam  surrepit  servo  tuo  ?  Comment, 
en  effet,  peut-on  entendi-e  par  crapula,  à 
quoi  saint  Augustin  confesse  qu'il  ne  se  laisse 
emporter  que  rarement  nonnunquam,  le  plai- 
sir de  manger  et  de  boire,  qui,  généralement 
parlant,  accompagne  toujours  ce  besoin  ;  le 
passage  des  aliments  étant  lui-même  un  plai- 
sir, comme  le  dit  saint  Augustin  au  même 
endroit.  Ipse  traksitus  volbptas  est,  et  non 
est  ALius,  qua  transeatur  quo  transire  cogit  né- 
cessitas ?  Si  CG  n'est  pas  Là  se  contredire,  j'a- 
voue que  je  ne  me  connais  pas  en  contra- 
diction. Il  faut  donc  avouer  nécessairement 
que  saint  Augustin  entend  par  crapula,  l'ex- 
cès du  manger,  où  le  plaisir,  qui  accompagne 
l'usage  des  aliments,  l'entraînait  comme 
malgré  lui,  et  sans  qu'il  pût  d'abord  distin- 
guer cet  excès  d'avec  le  pur  besoin  de  la  na- 
ture. 

Mais  quand  même  saint  Aug-ustiu  n'aurait 
pas  dit  d'une  manière  aussi  claire  que  le  plai- 
sir accompagne  toujours,  généralement  par- 
lant, l'usage  du  boire  et  du  manger,  il  ne  se- 
j-aitpas  aisé  de  comprendre  comment  ce  plai- 
sir ne  le  surprenait  que  rarement ,  nownm- 
quam,  puisqu'il  n'est  éteint  que  dans  ceux  qui 
ont  perdu  le  goût  des  aliments.  Or,  certaine- 
ment saint  Augustin  ne  l'avait  pas  perdu  :  car 
tout  le  chapitre  d'où  le  passage  en  question 
est  tiré,  roule  sur  les  regrets  qu'il  a  de  ce  que 
les  aliments  flattent  son  goût.  De  tous  les 
saints,  je  ne  connais  que  saint  Bernard,  qui 
soit  parvenu,  dil-on,  au  point  de  ne  se  plus 


trouver  sensible  au  plaisir  du  boire  et  du 
manger. 

5.  Et  comment,  encore  une  fois,  peut-on 
douter  que  saint  Augustin  ne  s'accuse  ici  d'a- 
voir mangé  avec  excès ,  lui  qui,  après  avoir  dit 
à  la  fin  du  même  chapitre  ,  avec  quelle  pré- 
caution il  faut  user  des  aliments  ,  ajoute  ces 
paroles  décisives?  «  Mais  ,  Seigneur,  qui  est 
«  celui  qui  ne  passe  pas  quelquefois  lesbor- 
«  nés?  S'il  est  quelqu'un  qui  puisse  s'en  flat- 
«  ter,  il  est  bien  parfait,  et  il  a  lieu  de  glorifier 
«  votre  nom.  Pour  moi,  je  ne  suis  pas  tel, 
«  parce  que  je  suis  un  pécheur.»  Etquisest, 
Domine,  qui  non  rapiatur  aliquando  extra  mê- 
las necessitatis?  Quisquis  est,  magnus  est,  ma- 
gnificet  nomen  tuum,.  Ego  autem  nonsdm,  quia 
peccator  homo  sum.  En  vérité  il  y  a  bien  lieu 
d'être  surpris  de  ne  vouloir  pas  trouver  dans 
le  passage  que  je  tâche  d'éclaircir,  ce  que 
saint  Augustin  dit  si  clairement  dans  tout  ce 
chapitre. 

Soit  vérité,  soit  pure  humilité,  saint  Augus- 
tin avoue  par  conséquent  qu'il  se  laisse  quel- 
quefois surprendre  à  l'excès  du  manger. 
Qu'est-ce  qui  a  donc  pu  empêcher  la  plupait 
des  interprètes  d'expliquer  par  cet  excès  le 
crapula  du  saint  Docteur?  Quatre  raisons,  si 
je  ne  me  trompe  : 

1°  Quelques-uns,  comme  M.  Petit  et  M.  Bay- 
le,  ont  paru  ignorer  que  crapula  pouvait  si- 
gnifier l'excès  dans  le  manger.  Je  crois  avoir 
suffisamment  prouvé  que  ce  terme  est  suscep- 
tible de  cette  signification. 

2°  Ceux  qui  expliquent  crapula  par  le  plai- 
sir des  aliments,  ont  vu  que  saint  Augustin, 
dans  le  chapitre  d'où  ce  passage  est  tiré,  se 
plaint  si  souvent  de  ce  plaisir,  qu'ils  ont  cru 
que  ce  terme  ne  pouvait  recevoir  ici  d'autre 
sens.  Le  saint  Docteur  en  gémit,  il  est  vrai , 
mais  pourquoi?  Parce  qu'il  appréhende  que 
ce  plaisir  dangereux,  comme  ill'appelle  , pe- 
riculosa jucunditas  ,  ne  lui  fasse  quelquefois 
passer  les  bornes  de  la  tempérance  :  Reficimus 
enim,  dit-il,  quotidianas ruinas corpioris  edendo 
et  bibendo.  Nunc  autem  suavis  estmihi  nécessi- 
tas, et  adversus  istam  suavitatem  pvgno,  ne  CA- 
piAR.  n  avoue ,  comme  nous  l'avons  vu  plus 
haut,  qu'il  ne   sortait  pas   toujours  de   ce 
combat  à  son  avantage.  Et  quis  est.  Domine, 
qui  non  rapiatur  aliquando  extim  metas  necessi- 
tatis? Quisquis  est,  magnus  est...  ego  autem  non 
SK)H.  Il  sait  que  ce  plaisir,  qui  nous  porte  à 
rechercher  les  aliments,  et  qui  flatte  notre 
goût,  lorsque  la  nécessité  nous  oblige  de  sa- 
tisfaire à  ce  besoin,  a  été  sagement  éta]:)li 


[IV"   ET  V'=    SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


par  l'Auteur  de  la  nature,  afin  de  nous  aver- 
tir de  réparer  nos  forces,  qui  seraient  bien- 
tôt épuisées  sans  ce  secours  :  Reficimus  quo- 
tidianas  ruinas  corporis,  edendo  et  bibendo.  Ce 
plaisir  nécessaire, généralementparlant, n'est 
pas  mauvais  de  lui-même.  Mais  c'est  aux  vé- 
ritables chrétiens  un  sujet  de  gémissement, 
parce  qu'il  est  une  occasion  dépêcher  à  ceux 
qui  s'y  laissent  entraîner.  Et  comment  s'ylais- 
se-t-on  entraîner?  En  mangeant  ou  en  buvant 
plus  que  la  nature  ne  demande  :  Nam  quod 
saluti  satis  est,  delectationi  parum  est,  et  bmve 
INCERTUM  FIT  utruifi  adhuc  necessaria  corporis 
cura  subsidium petat ,  an  voluptaria  cupiditatis 
fallacia  ministerium suppetat.  Ad hocincertum 
hilarescit  infelix  anima,  et  in  eoprœparat  excu- 
sationispatrocinium,Gkm)BNS  non  AFPAViEKEquid 
satis  sit  moderationi  valetudinis,  ut,  obtentu  sa- 
lutis,  obumbi'et  negotium  voluptatis  '  .  Ces  ha- 
biles interprètes  ont  donc  pris  l'occasion  ou  la 
cause  pour  l'effet,  le  plaisir  du  manger  pour 
l'excès  dans  le  manger. 

Saint  Augustin  dit,  à  la  vérité,  que  le  Sei- 
gneur lui  avait  appris  à  user  des  aliments 
comme  des  remèdes.  Mais  d'en  conclure  avec 
M.  Cousin  et  son  défenseur,  que  le  saintDoc- 
teur  ne  recherchait  les  aliments,  que  comme  il 
aurait  recherché  les  remèdes,  et  qu'il  usait  de  la 
même  sorte  des  uns  et  des  autres,  c'est  dire,  si 
je  ne  me  trompe,  qu'il  prenait  les  aliments 
avec  autant  de  répugnance  et  de  dégoût  qu'un 
malade  use  des  remèdes.  C'est  ce  qu'on  ne 
saurait  avancer  avec  la  moindre  apparence 
de  raison,  puisque  le  saint  Docteur  gémissait 
continuellement  du  plaisir  qui  accompagne 
l'usage  du  boire  et  du  manger.  Si  l'on  répond 
que  saint  Augustin,  malgré  ce  plaisir,  ne  lais- 
sait pas  d'user  des  aliments  avec  autant  de 
sobriété  que  des  remèdes,  on  contredit  le 
saint  Docteur,  qui  avoue  positivement  qu'il 
passe  quelquefois  les  bornes  de  la  tempéran- 
ce à  l'égard  du  manger.  Etquis  est.  Domine, 
qui  non  rapiatur  aliquando  extra  metas  necessi- 
tatis?  Quisquis  est,  magnusest...  ego  autemnon 
sum.  Saint  Augustin  dit  dorfc  uniquement 
que  Dieu  lui  avait  appris  qu'i7  devait  user 
des  aliments  avec  autant  de  modération 
qu'un  malade  use  des  remèdes  auxquels  la 
seule  nécessité  l'oblige  de  recourir.  Mais  le 
saint  Docteur  n'osait  se  rendre  le  témoigna- 
ge qu'il  suivait  toujoui'S  exactement  l'ordre 
du  Seigneur  rapporté  dans  saint  Luc.  Il  savait 
que  le  plaisir,  qui,  généralementparlant,  ne 

August.,  ibid. 


825 

manque  jamais  de  se  trouver  comme  en  em- 
buscade au  passage  des  aliments,  nous  fait 
franchir  quelquefois  les  bornes  de  la  tempé- 
rance avec  d'autant  plus  de  facilité,  qu'alors 
même  nous  croyons  souvent  ne  manger  que 
pour  le  besoin.  Etcumsalussit  causa  edendi  et 
bibendi  adjungit  se,  tanquam  pedissequa,  peri- 
culosa  jucunditas,  et  p/erumque  prœire  conafur 
ut  ejus  causa  fiât  quod  salidis  causa  me  facere 
vel  dico,  vel  volo,  Nec  idem  modus  ufriusque 
est.  Nam  quod  saluti  satis  est,  delectationi  parum. 
est,  etc.  Si  saint  Augustin  ne  croyait  pas,  de- 
puis sa  conversion,  avoir  jamais  passé  les 
bornes  de  la  tempérance  dans  l'usage  du  man- 
ger, pourquoi  toutes  ces  réflexions  ?  à  quoi 
bon  toutes  ces  plaintes  ?  Dira-t-on  qu'elles  re- 
gardaient l'avenir,  dont  il  ne  pouvait  pas  ré- 
pondre? Mais  n'est-il  pas  plus  naturel  de 
croire  qu'elles  concernaient  le  passé? 

3°  Ces  interprètes  ne  peuvent  concilier  le 
sentiment  que  j'adopte  avec  la  frugalité  du 
saint  Docteur,  si  louée  par  les  historiens  de 
sa  vie.  Mais  quelle  opposition  y  a-t-il  entre 
ce  sentiment  et  le  récit  de  ces  historiens? 
Saint  Augustin  menait  une  vie  sobre  et  mor- 
tifiée ;  qui  le  nie  ?  Est-il  donc  étonnant  qu'ex- 
ténué par  le  jeûne,  la  faim  lui  ait  fait  de  temps 
en  temps  passer  un  peu  les  bornes  de  la  tem- 
pérance à  l'égard  du  manger? 

i"  Le  respect  dû  à  saint  Augustin  n'a  pas 
permis  aux  adversaires  que  je  réfute  de  croire 
que  le  saint  Docteur  ait  jamais  mangé  avec 
excès.  Mais  j'ose  dire  que  ce  respect  est  ou- 
tré, et  que  c'est  un  scrupule  mal  fondé.  En 
quoi  une  faute  si  légère  peut-elle  diminuer  la 
juste  vénération  qu'on  a  pour  ce  grand  Doc- 
teur? Les  saints  sont-ils  impeccables  sur  la 
terre? 

Enfin  si  l'honneur  dû  à  saint  Augustin  sem- 
ble exiger  absolument  que  nous  croyions 
qu'il  n'a  jamais  passé  les  bornes  de  la  tem- 
pérance dans  l'usage  du  manger ,  cette  pieuse 
opinion  peut  très -bien  se  concilier  avec  le 
sentiment  que  j'embrasse.  L'expérience  nous 
enseigne  qu'une  médiocre  quantité  d'aliments 
peut  incommoder  un  homme  accoutumé  à 
refuser  à  la  nature  une  partie  de  ce  qu'elle 
demande.  On  peut  donc  dire,  sans  déroger  à 
l'honneur  de  saint  Augustin,  qu'après  avoir 
mangé  quelquefois  un  peu  plus  que  de  cou- 
tume, quoiqu'on  observant  toujours  les  lois 
delà  sobriété,  il  a  pu  sentir  quelques  douleurs 
de  tète  ou  quelques  indigestions,  que  son  hu- 
milité et  sa  crainte  d'avoir  passé  les  bornes 
de  la  tempérance  lui  auront  fait  attribuer  à 


826 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


l'excès  du  manger.  Un  tel  aveu,  de  quelque 
manière  qu'on  l'entende,  loin  d'être  contraire 
au  respect  que  saint  Augustin  mérite  si  légi- 
timement, ou  de  combattre  ce  que  les  histo- 
riens nous  apprennent  de  sa  frugalité,  est  ex- 
trêmement glorieux  au  saint  Docteur. 

J'ose  donc  me  llatter  que  cette  explication 
ne  sera  pas  mal  reçue  de  ceux  qui ,  tels  que 
M.  Bernard,  ne  pouvant  se  persuader  que 
saint  Augustin  ait  employé  crapula  pour  le 
simple  plaisir  de  manger  et  de  boire,  seraient 
tentés  de  penser  (à  la  vérité  contre  toute  sor- 
te de  raison)  que  ce  terme  a  été  pris  par  le 
saint  Docteur  dans  la  signification  qiie  M.  Pe- 
tit et  M.  Bayle  y  attachent.  Quoiqu'il  en  soit, 
mon  T.  R.  Père  je  soumets  mon  sentiment  à 
vos  lumières,  et  à  votre  judicieuse  critique. 

Il  me  semble,  au  reste,  que  les  savants 
Bénédictins  qui  ont  donné  au  public  les  ou- 
vrages du  saint  évêque  d'Hippone ,  auraient 
dû  éclaircir  ce  passage ,  qui  a  partagé  jus- 
qu'ici plusieurs  habiles  gens. 

J'ai  l'honneur  d'être  avec  une  parfaite  con- 
sidération , 

Mon  révérend  Père, 
Votre  très-humble  et  très-obéissant 
serviteur, 

*** 

A  ***,  ce  12  décembre  1743. 

P.  S.  Il  y  avait  longtemps  que  cette  disser- 
tation était  finie,  lorsque  je  tombai  derniè- 
rement sur  une  traduction  nouvelle  des  Con- 
fessions,  par  un  Bénédictin  de  la  Congréga- 
tion de  Saint-Maur ,  distingué  dans  la  répu- 
blique des  lettres.  Je  ne  fus  pas  peu  satisfait 
de  m'apercevoir  que  l'habile  traducteur  a 
expliqué  le  crapula  de  saint  Augustin  dans 
le  sens  que  j'y  avais  donné  :  Pour  l'excès  des 
viandes,  fait-il  dire  au  saint  HociQuv,  j'y  don- 
ne quelquefois.  Je  n'ignorais  pas  que  quel- 
ques interprètes  l'avaient  pris  dans  cette  si- 
gnification, comme  M.  Dubois,  qui,  pour  le 
dire  en  passant,  l'a  rendu  en  des  termes  peu 
honorables  à  saint  Augustin,  et  qui  parais- 
sent même  aller  au  delà  de  l'original  :  Pour 
la  gourmandise,  traduit  cet  autem-,  j'avoue 
qu'elle  me  surprend  quelquefois,  etc. 

iSI.  Arnauld  d'Andilly,  qui  a  cru  que  saint 
Augustin  avait  voulu  dire  simplement,  qu'il 
lui  était  quelquefois  arrivé  de  prendre  plai- 
sir à  manger  et  à  boire ,  a  bien  senti  cepen- 


dant, si  je  ne  me  trompe,  que  crapula  ne 
pouvait  recevoir  cette  signification  :  car  il 
traduit  :  «  Mais  quelquefois  la  goui'inandise, 
«  c'est-à-dire  le  plaisir  de  mamjer  et  de  boire, 
«  me  surprend.  » 

Quoiqu'il  en  soit ,  le  nouveau  traducteur 
joint  à  son  explication  de  crapula ,  une  re- 
marque si  curieuse,  qu'il  m'a  pam  d'abord 
que  ma  dissertation  devenait  inutile ,  et  que 
je  devais  la  supprimer.  Mais  comme  le  plan 
de  son  ouvrage  n'exigeait  pas  qu'il  traitât  ce 
sujet  avec  beaucoup  d'étendue,  ni  avec  tou- 
te l'érudition  dont  il  pouvait  l'orner,  et  qu'il 
était  très-capable  d'y  répandre,  j'ai  pensé 
que  cette  exposition  pouvait  être  encore  de 
quelque  utilité.  Le  savant  Bénédictin,  d'ail- 
leui's,  semble  s'être  plus  attaché  à  réfuter  le 
sentiment  de  M.  Petit  et  de  M.  Bayle,  que 
celui  de  M.  Cousin,  et  il  n'a  rien  dit  de  la  dé- 
fense de  ce  dernier  par  l'auteur  des  Critiques 
de  M.  Bayle. 

Après  avoir  rejeté  la  conjecture  de  M.  Ber- 
nard, cjne  j'ai  rapporté  ci-dessus,  il  prouve 
que  le  crapula  de  saint  Augustin  ne  saurait 
avoir  d'autre  sens,  que  celui  qu'il  a  dans  saint 
Luc.  Il  ajoute  que  ce  terme  signifie  dans  l'É- 
vangéliste  l'excès  du  manger.  «  Ce  qui  est  si 
«  vrai ,  dit-il ,  que  la  version  arabique  rend 
«  ce  terme  par  celui  de  satiété  '.  Ajoutez  que 
a  si  ce  mot  n'avait  pas  le  sens  que  je  lui  don- 
ce  ne,  on  mettrait  dans  la  bouche  de  Jésus- 
ce  Christ  et  de  saint  Augustin  une  espèce 
«  de  tautologie,  qui  n'a  pas  ombre  de  fon- 
ce dément.  »  Pour  moi  j'avoue  qu'il  peut  y 
avoir  une  tautologie  assez  bien  m_arquée  dans 
saint  Luc  et  dans  saint  Augustin ,  en  expli- 
quant crapula  dans  le  sens  de  M.  Petit.  Mais 
je  n'en  vois  pas  la  plus  légère  apparence  dans 
la  signification  de  M.  Cousin. 

A  plusieurs  écrivains  qui  ont  employé  cra- 
^j!(/a  pour  l'excès  du  manger,  le  traducteur 
ajoute  un  passage  de  la  Règle  de  saint  Be- 
noît, où  ce  saint  pfend  ce  terme  en  ce  sens, 
de  même  que  le  crapula  de  saint  Luc.  ce  II  est 
ce  donc  démontré,  poursuit-il,  (jue  le  crapula 
le  de  saint  Augustin  ne  signifie ,  et  ne  peut 
ce  signifier  que  l'excès  du  manger...  Veut- 
(c  on  de  nouvelles  et  de  plus  fortes  preuves 
ce  de  la  même  vérité?  on  n'a  qu'à  se  souve- 
ee  nir  que  saint  Augustin,  dès  qu'il  fut  dere- 
ec  tour  de  Milan  à  Tagaste,  embrassa  la  vie 
ce  religieuse ,  et  qu'une  des  premières  obli- 


'  Je  ne  sais,  quoi  qu'eu  pouse    l'habile  traduc- 
teur, si  satiété  distingue   x^arfiiitement  l'excès  du 


manger  d'avec  celui  du  boire,  ni  même  d'avec  l'un 
ei  l'autre  excès  conjointement. 


[IV"   ET  V°   SIÈCLES.] 


SAINT  AUGUSTIN,  ÉVÊQUE  D'HIPPONE. 


«  gâtions  des  religieux  de  ce  temps-là,  était 
«  de  ne  point  boire  de  vin,  ou  de  n'en  boire 
((  que  fort  peu.  »  J'avoue  encore  que  cette 
dernière  raison  combat  le  sentiment  de  M. 
Petit.  Mais  comment  prouve-t-elle  que  le  cra- 
pula  de  saint  Augustin  ne  signifie ,  et  ne  peut 
signifier  que  l'excès  du  manger? 

Le  traducteur  finit  sa  remarque  par  un 
trait  d'érudition,  qui  achève  de  foudroyer  le 
sentiment  du  médecin  de  Paris:  «OùM.  Petit 
H  et  ses  semblables,  dit-il,  avaient-ils  l'es- 
«  prit  d'inférer  du  passage  que  j'éclaircis, 
«  que  saint  Augustin  buvait  quelquefois 
«  beaucoup  de  vin  sans  s'incommoder,  lui 
«  qui  regardait  comme  très-coupables,  ceux 


827 

«  qui  faisaient  gloire  d'avaler  rasades  sur 
«  rasades,  sans  perdre  la  raison?  Ces  sortes 
«  de  gens,  s'écriait-il,  sont  d'autant  plus  mé- 
«  chants  ,  que  leurs  victoires  n'ont  pour  ob- 
«  jet  que  de  vider  les  pintes  et  les  brocs  sans 
«  compter  :  Jam  vero,  si  se  etiam  vino  in- 
«  gurgitet,  si  bibat  mensuras  sine  mensura,  pa- 
«  rum  est,  quia  non  invenit  crimen,  etiam 
«  viri  fortis  accipit  nomen,  tanto  nequior , 
«  quanto  sub  poculo  invictior.  Sei'm.  133  , 
«  num.  6,  tom.  V,  col.  730  {Edit.  Benedict.). 
«  Dira-t-on  que  saint  Augustin  ait  fait  ici  son 
«  portrait?  Mais  c'est  donner  et  perdre  son 
«  temps  à  combattre  des  chimères  et  des 
«  visions.  » 


SUPPLÉMENT 

AU  CHAPITRE  DE  DOM  CEILLIER  SUR  SAINT  AUGUSTIN 

SERMONS  DE  SAINT  Al'Gl'STlN  ÉDITÉS  DEPUIS  DOM  CEILLIER 


Édition  des 
Fermons  T"" 
Ijiiés  par  RU- 
chei  Denis. 


SERMONS  EDITES  PAR  MICHEL  DENIS. 

1.  En  1792,  Michel  Denis  publia  à  Vienne 
i  Yol.  in-fol.,  vingt-cinq  sermons  inédits  de 
saint  Augustin,  qu'il  avait  trouvés  dans  un 
manuscrit  de  Vienne  ;  ils  ont  été  réimprimés 
dans  la  troisième  édition  des  Œuvres  de  saint 
Augustin  donnée  à  Venise,  tome  XMII;  et 
depuis  dans  la  collection  Selecti  Patres  de 
M.  Caillau,  tome  CXXIX;  dans  le  tome  V  de 
l'édition  Gaume,  1836-1839,  où  l'on  se  con- 
tente de  donner  un  choix  de  ces  sei^mons 
avec  la  critique  de  ceux  qu'on  rejette.  Dans 
le  Supplément  aux  ŒuA'res  de  saint  Augus- 
tin publié  par  M.  Caillau,  chez  Parent-Desbar- 
res,  in-fol.  18-42,  et  dans  le  tome  XL VI  de  la 
Patrologie  latine  de  M.  Migne,  Michel  Denis 
a  usé,  à  l'égard  de  ces  sermons,  de  la  plus 
exacte  critique,  aimant  mieux  enlever  des 
ouvi'ages  à  saint  Augustin  que  de  lui  en  at- 
tribuer faussement.  Aussi  a-t-il  rejeté,  com- 
me douteux  ou  comme  interprétés,  trois  de 
ces  sermons  :  le  1",  le  T  et  le  20°.  Voici  l'a- 
nalyse de  tous  ces  sermons. 

p.iro'of.  loi.       2.  Le  1"  sermon  est  sur  lo  cierge  pascal. 

col,'  818  oî  Onnepeut  douter  qu'il  soit  de  saint  Augustin. 

Anaii-so  do  Lgg  comparaisons,  l'allure  et  le  style  ne  per- 
ces scniiona.  ■•■  ./  i. 

mettent  pas  de  méconnaître  l'œuvre  du  saint 

sorm.  1.      Docteur.  Quant  au  cierge  pascal,  il  pouvait 

être  employé  en  Afrique  du  temps  de  l'évè- 

que  d'Hippone,  puisque  les  anciens  liturgis- 

■  tes  attribuent  ce  rit  au  pape  Zosime,  mort 


en  418.  —  Le  cierge  est  l'image  du  juste 
et  de  Jésus-Christ  :  comme  le  cierge  est  la  lu- 
mière qui  éclaire  pendant  la  nuit,  ainsi  le 
juste  est  la  lumière  de  ce  monde  ténébreux. 
L'abeille  est  l'image  du  juste,  et  de  même 
que  l'abeille  s'élève  dans  les  airs  au  moyen 
de  deux  ailes  éclatantes ,  ainsi  le  juste  s'élè- 
ve-t-il ,  jusqu'aux  cieux  au  moyen  de  l'amour 
de  Dieu  et  du  prochain.  Samson  égorgeant 
un  lion  et  trouvant  dans  sa  giieule  un  rayon 
de  miel,  est  l'image  de  Jésus-Christ  renver- 
sant le  paganisme  et  produisant  les  vertus 
chrétiennes  dans  le  cœur  des  barbares. 

3.  Pour  la  veille  de  Pâques,  ce  discours 
est  sublime  et  très-digne  de  son  auteui-,  dit 
l'éditeur.  Saint  Augustin  traite  de  la  création 
du  monde,  des  mystères  de  l'Incarnation  et 
d  e  la  Trinité ,  de  l'existence  et  de  la  nature  de 
Dieu,  de  l'espérance  de  notre  immortalité. 
«  Dieu,  dit  le  saint  Docteur,  a  tout  créé  par 
son  Fils,  sa  parole,  son  verbe;  de  même  que 
notre  pai'ole  intériem-e  n'arrive  aux  autres 
que  par  le  son,  ainsi  le  Verbe  de  Dieu  ne 
nous  est  arrivé  dans  l'humanité  que  par  l'hu- 
manité, »  En  parlant  de  la  sainte  Trinité,  il 
ti'ouve  le  Père  et  le  Fils  dans  ce  verset  :  In 
principio  Deus  fecit  cœliim  et  terram  ;  et  le 
Saint-Esprit  dans  ces  paroles  :  Et  Spiritussu- 
perferebatur  aquas.  Il  dit  que  l'existence  de 
l'âme  démontre  Dieu,  lui  seul  ayant  pu  la 
créer.  Il  développe  admirablement  la  défi- 
nition que  Dieu  a  donnée  de  lui-même  à 
Moïse  :  «  Lui  seul  est,  dit-il,  lui  seul  possède 
l'être  par  excellence.)) 


[iv«  ET  V^  SIÈCLES.]     SUPPLÉMENT  AU  CHAPITRE  SUR  SAINT  AUGUSTIN. 


Voici  comment  saint  Augustin  répond  à 
celui  qui  lui  disait  :  ((Montrez-moi  votre  Dieu  : 
montrez-moi  vous-même  ce  qu'il  y  a  de  meil- 
leur en  vous,  votre  âme ,  et  je  vous  montre- 
rai ce  qu'il  y  a  de  meilleur  en  toutes  choses, 
savoir ,  Dieu.  Vous  dites  (jue  votre  âme  est 
invisible  en  soi,  mais  qu'elle  se  voit  par  ses 
actes  :  ainsi  Dieu  est  invisible  dans  son  es- 
sence ,  mais  il  se  manifeste  par  ses  œuvres , 
qui  sont  le  ciel  et  la  terre,  vous-même,  votre 
âme  et  votre  corps.  Ne  mesurez  pas  Dieu  aux 
choses  (jue  vous  connaissez  :  car  Dieu  est  au- 
dessus  de  toutes  choses.  Considérez  ce  qui  a 
été  dit  à  Moïse,  lorsqu'il  demanda  le  nom  de 
Dieu  :  Je  suis  celui  qui  suis.  Cherchez  cpielle 
autre  chose  est  :  en  comparaison  de  lui  elle 
n'est  même  pas.  Ce  qui  est  vraiment  ne  sau- 
rait changer  d'aucune  manière  :  ce  qui  chan- 
ge et  flotte,  et  ne  cesse  de  changer,  a  été  et 
sera.  Vous  n'y  saisissez  point  le  présent,  il 
est.  A  Dieu  ne  convient  point,  il  fut,  il  sera. 
Ce  qui  fut,  n'est  plus;  ce  qui  sera,  n'est  pas 
encore.  Ce  (jui  arrive,  pour  passer,  sera  pour 
n'être  plus.  Méditez,  donc,  si  vous  pouvez  : 
Je  suis  celui  qui  suis.  » 

4.  Saint  Augustin  adresse  ce  sermon  aux 
nouveaux  convertis.  Il  est  intitulé  •.Sacre- 
ment de  l'autel  aux  enfants.  Le  voici  tout  en- 
tier : 

((  L'obhgation  de  vous  adi-esser  la  parole 
et  la  sollicitude  avec  laquelle  nous  vous  avons 
enfantés  pour  que  le  Christ  soit  formé  en  vous, 
nous  pressé  d'avei'tir  votre  enfance.  Vous  qui, 
régénérés  maintenant  de  l'eau  et  de  l'Esprit, 
apercevez  par  une  nouveUe  lumière  la  nour- 
riture et  le  breuvage  que  voici  sur  cette  ta- 
ble du  Seigneur,  et  qui  les  recevez  avec  une 
piété  neuve  ;  tout  cela  nous  presse  de  vous 
apprendre  ce  que  signifie  ce  grand  et  divin 
sacrement,  cet  admirable  et  illustre  médi- 
cament ,  ce   pur  et  facile  sacrifice,  qui,  non 
dans  la  seule  cité  de  Jérusalem,  uon  dans  le 
tabernacle  de  Moïse ,  ni  dans  le  temple  de 
Salomon ,  ombres  des  choses  futures  ,  mais , 
suivant  les  oracles  des  prophètes,  est  immolé 
depuis  le  lever  du  soleil  jusqu'à  son  couchant, 
et  offert  à  Dieu,  victime  de  louange,  suivant 
la  grâce  de  la  nouvelle  alliance.  Ce  n'est  plus 
une  victime  sanglante  qu'on  cherche  parmi 
des  troupeaux  de  bêtes,  ce  n'est  plus  une 
brebis  ou  un  bouc  qa'on  approche  des  autels, 
mais  le  sacrifice  de  notre  temps;  c'est  le  corps 
et  le  sang  du  prêtre  lui-même.  Car  c'est  de 
lui  qu'il  a  été  prédit  depuis  si  longtemps 
dans  les  Psaumes  :  Tu  es  prêtre  éternellement 


829 

selon  l'ordre  de  Melchisédech.  Or,  que  Melchi- 
sédech  ,  prêtre  du  Dieu  Très-Haut  ait  offert 
du  pain  et  du  vin,  quand  il  bénit  notre  père 
Abraham,  nous  le  lisons  au  livre  de  la  Ge- 
nèse. » 

((  Jésus-Christ,  Notre-Seigneur,  qui  offrit 
souffrant  pour  nous,  ce  que  naissant  il  a  pris 
de  nous,  devenu  à  jamais  prince  des  prêtres, 
a  donné  l'ordre  de  sacrifier  ce  que  vous  voyez, 
savoir  son  corps  et  son  sang.  Car  son  corps 
percé  de  la  lance  a  émis  l'eau  et  le  sang,  par 
où  il  a  remis  nos  péchés.  Vous  souvenant  de 
cette  grâce,  en  opérant  votre  salut,  que  c'est 
Dieu  qui  l'opère  en  vous,  approchez  avec 
crainte  et  tremblement  de  la  participation  de 
cet  autel.  Reconnaissez  dans  le  pain  ce  quia 
pendu  à  la  croix ,  dans  le  calice  ce  (jui  a  coulé 
du  côté  ouvert;  car  tous  les  anciens  sacrifi- 
ces du  peuple  de  Dieu  figuraient,  par  une 
variété  multiple,  ce  sacrifice  unique  qai  de- 
vait venir.  En  effet ,  le  même  Christ  est  bre- 
bis par  la  simiDlicité  de  l'innocence ,  et  bouc 
par  la  ressemblance  de  la  chair  du  péché. 
Enfin,  quoi  que  tout  ce  qui  a  été,  de  tant  et 
diverses  manières,  annoncé  dans  les  sacrifi- 
ces de  l'Ancien  Testament,  appartient  à  ce 
sacrifice  unique,  qui  a  été  révélé  par  le  Nou- 
veau Testament.  » 

((  Recevez  donc  et  mangez  le  corps  du 
Christ,  devenus  vous-mêmes,  dans  le  corps 
du  Christ,  membres  du  Christ.  Recevez  et  bu- 
vez le  sang  du  Christ.  Afin  de  ne  pas  vous 
dissoudre,  mangez  votre  lien.  Afin  de  ne  pas 
paraître  vils  à  vos  propres  yeux,  buvez  vo- 
tre prix.  Comme  ceci  est  changé  en  vous 
quand  vous  le  mangez  et  le  buvez,  ainsi  vous- 
mêmes  êtes  changés  au  corps  du  Christ, 
lorsque  vous  vivez  selon  l'obéissance  et  la 
piété.  Car  lui-même,  à  l'approche  de  sa  pas- 
sion, comme  il  faisait  la  Pâque  avec  ses  dis- 
ciples, prit  du  pain,  le  bénit  et  dit  :  Ceci  est 
mon  corps,  qui  sera  livré  pour  vous.  Sembla- 
blement  il  donna  le  cahce  béni  en  disant  : 
Ceci  est  mon  sang ,  le  sang  du  Nouveau  Tes- 
tament, qui  sera  versé  pour  beaucoup  en  ré- 
mission des  péchés.  Voilà  ce  que  vous  lisiez 
dans  l'ÉvangJle  ou  entendiez  lire;  mais  vous 
ne  saviez  pas  que  cette  Eucharistie  est  le 
Fils.  Maintenant  donc  nettoyés  de  cœur  dans 
une  conscience  pure,  et  lavés  de  corps  dans 
une  eau  purifiante  ,  approchez-vous  de  lui  et 
soyez  illuminés ,  et  vos  visages  ne  rougiront 
pas.  Car  si  vous  prenez  dignement  ceci,  qui 
appartient  au  Nouveau  Testament ,  par  qui 
vous  espérez  l'héritage  éternel,  en  observant 


830 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


le  nouveau  commandement  de  vous  aimer 
les  uns  les  autres,  vous  avez  la  vie  en  vous. 
Car  vous  prenez  cette  chair  de  laquelle  la  vie 
elle-même  a  dit  :  Le  pain  que  je  donnerai , 
c'est  ma  chair  joour  la  vie  du  monde,  et  :  Si 
quelqu'un  ne  mange  ma  chair  et  ne  boit  mon 
sang,  il  n'aura  point  la  vie  en  soi.  Ayant 
donc  la  vie  en  lui,  vous  êtes  avec  lui  dans 
une  même  chair.  Car  ce  sacrement  ne  nous 
donne  pas  le  corps  du  Christ  de  manière  à 
nous  en  séparer.  L'Apôtre  nous  rappelle 
que  cela  est  prédit  dans  l'Ecriture  sainte  : 
Et  les  deux  seront  dans  une  même  chair.  Ce 
sacrement  est  grand,  je  dis,  dans  le  Christ 
et  dans  l'Église.  Et  dans  un  autre  endroit 
il  dit  de  cette  Eucharistie  elle-même  :  Etant 
une  multitude  nous  sommes  cependant  un  mê- 
me pain ,  un  même  corps.  Vous  commencez 
donc  à  recevoir  ce  que  vous  commencez  à 
être,  si  vous  ne  le  recevez  pas  indignement, 
pour  ne  pas  manger  et  boire  votre  jugement. 
Car  ainsi  parle-t-il  :  Quiconque  mangera  le 
pain  ou  boira  le  calice  du  Seigneur  indignement , 
sera  coupable  du  corps  et  du  sang  du  Seigneur. 
Que  l'homme  s'éprouve  donc  lui-même ,  et 
qu'ainsi  il  mange  de  ce  pain  et  boive  de  ce 
calice.  Car  qui  mange  et  boit  indignement, 
mange  et  boit  son  jugement.  » 

«  Or,  vous  le  recevez  dignement,  si  vous 
vous  gardez  du  levain  de  la  mauvaise  doc- 
trine, afin  d'être  des  azymes  de  sincérité  et 
de  vérité;  ou  bien  si  vous  conservez  ce  le- 
vain de  la  charité ,  qu'une  femme  a  caché 
dans  trois  mesures  de  farine  jusqu'à  ce  que 
la  totalité  soit  levée.  Car  cette  femme  est  la 
sagesse  de  Dieu,  qui,  incarnée  d'une  vierge, 
dissémine  son  Evangile  dans  tout  l'univers, 
répare  déjà  par  elle  après  le  déluge  dans  les 
trois  fils  de  Noé ,  comme  en  trois  mesures 
jusqu'à  ce  que  la  totalité  soit  fermentée.  C'est 
ici  cette  totalité ,  que  les  Grecs  appellent 
Holon,  où,  si  vous  gardez  le  lien  de  la  paix, 
vous  serez  conformes  à  la  totalité  ,  ce  que 
les  Grecs  appellent  Catholon,  d'où  l'Éghse  se 
nomme  catholique.  » 

Rorm. «.  3.  Le  quatrième  sermon  est  sur  Pâques; 

il  est  digne  du  génie  de  saint  Augustin,  quoi- 
qu'il paraisse  être  du  nombre  des  sermons 
improvisés.  Jésus-Christy  estreprésenté  com- 
me agneau,  et  comme  lion.  Il  est  agneau, 
puisqu'il  se  laisse  immoler  dans  sa  passion  ; 
il  est  lion  par  la  force  qu'il  déploie  dans  sa 
résurrection. 

sorm.K.  6.  Le  même  sujet  se  trouve  traité  dans  le 

cinquièaie  sermon.  «  La  mort  de  Jésus-Christ 


est  représentée  comme  notre  espérance  ;  cette 
mort  a  été  volontaire.  Jésus-Christ  a  éprouvé 
la  tristesse  dans  sa  partie  extérieure.  Son  in- 
carnation a  été  nécessaire  pour  nousracheter, 
car  un  Dieu  seul  pouvait  satisfaire  à  un  Dieu. 
Le  Verbe  de  Dieu,  le  Fils  unique  de  Dieu  a 
souffert  pour  nous  selon  son  âme  et  sa  chair 
passible;  mais  le  Christ  est  verbe,  âme  et 
chair.  Il  a  souffert,  il  est  mort  comme  nous  di- 
sons qu'Etienne,  Phocas  ou  tout  autre  martyr 
a  souffert  et  est  mort  quant  au  corps.  »  Com- 
me il  y  a  trois  Phocas,  un  d'Antioche,  deux 
de  Sinope,  on  ne  sait  celui  dont  il  est  qpies- 
tion  ici.  L'orateur  s'attache  ensuite  à  ré- 
futer les  ariens  qui  niaient  la  réalité  de  la  di- 
vinité de  Jésus-Christ,  et  les  apollinaristes 
qui  niaient  laréahté  de  son  humanité. 

Dans  le  sixième  sermon  il  est  question  du  sc™.  e. 
sacrement  de  l'autel,  il  est  adressé  comme  le 
troisième  aux  enfants,  c'est-à-dire  aux  nou- 
veaux convertis.  Les  Bénédictins  en  avaient 
donné  un  fragment  au  tome  V,  col.  9,  15, 16; 
il  est  en  entier  par  Denis  : 

«  Ce  que  vous  voyez,  dit-il,  sur  la  table  du  Sei- 
gneur, c'est  du  pain  et  du  vin.  Mais  ce  pain  et 
ce  vin,  lorsque  s'y  joint  le  verbe  oula  parole, 
devient  le  corps  et  le  sang  du  Verbe.  Carie  mê- 
me Seigneur,  qui  dans  le  principe  était  le  Ver- 
be, est  Verbe  en  Dieu  et  Verbe-Dieu,  ce  mê- 
me Verbe,  par  compassion  pour  ce  qu'il  a  créé 
à  son  image,  s'est  fait  chair  et  a  demeuré  parmi 
nous,  comme  vous  savez.  Parce  que  le  Verbe 
lui-même  a  pris  l'iiomme,  c'est-à-dire  l'âme  et 
la  chair  de  l'homme,  et  qu'il  est  devenuhom- 
me  en  demeurant  Dieu  ;  c'est  pourquoi,  com- 
me il  a  aussi  souffert  pour  nous,  il  nous  a  lais- 
sé dans  ce  sacrement  son  corps  et  son  sang, 
et  il  nous  a  faits  nous-mêmes  son  corps.  Car 
nous-mêmes,  nou  savons  été  faits  de  son  corps, 
et  par  sa  miséricorde  ce  que  nous  recevons, 
nous  le  sommes.  »  Saint  Augustin  fait  remar- 
quer par  combien  d'épreuves,  de  transmuta- 
tions doivent  passer  les  graius  de  blé  jetés  en 
terre,  pour  devenir  un  seul  et  même  pain  ; 
ainsi  en  est-il  des  hommes,  pour  devenir  un 
seul  et  même    corps  de  Jésus-Christ. 

Parlant  des  cérémonies  de  la  messe,  il  dit 
aux  nouveaux  communiants  :  «  Après  la  sa- 
lutation que  vous  connaissez  :Le  Seigneur  avec 
vous,  vous  avez  entendu  :  En  haut  le  cœur.  Tou- 
te la  vie  des  véritables  chrétiens  consiste  à 
avoir  le  cœur  en  haut.  Que  veut  dire  :  En  haut 
lecœur  ?  Espérez  en  Dieu,  non  en  vous-mêmgs, 
car  vous  êtes  d'en  bas  :  Dieu  est  d'en  haut. 
Si  vous  espérez  en  vous-mêmes,  votre  cœur 


[iV^  ET  V^  siicLES.]      SUPPLÉMENT  AU  CHAPITRE  SUR  SAL\T  AUGUSTIN. 


831 


est  d'en  bas  non  pas  d'en  haut.  C'est  pour- 
quoi lorsque  vous  entendez  dire  au  prêtre  :  Le 
cœnr  en  haut ,  vous  répondez  :  Nous  l'avons 
au  Seigneur.  Tâchez  que  votre  réponse  soit 
véritable.  Comme  c'est  un  don  de  Dieu  d'a- 
voir le  cœur  en  haut,  le  prêtre  reprend  ;  Ren- 
dons grâces  au  Seigneur  notice  Dieu.  De  quoi 
rendre  grâces  ?  De  ce  que  nous  avons  le  cœur 
en  haut;  car  si  Dieu  ne  l'avait  relevé,  nous 
serions  gisants  par  terre.  Après  cela,  vien- 
nent les  saintes  prières  que  vous  entendrez, 
afin  que  la  parole,  se  joignant  aux  dons  of- 
ferts, il  y  ait  le  corps  et  le  sang  du  Christ.  Car 
ôtez  la  parole,  c'est  du  pain  et  du  vin;  joi- 
gnez-y la  parole,  aussitôt  c'est  autre  chose. 
Et  quelle  autre  chose?  Le  corps  et  le  sang  du 
Christ.  Otez  ainsi  la  parole,  c'est  du  pain  et  du 
vin  :  joignez-y  la  parole,  et  ce  devient  le  sacre- 
ment. A  quoi  vous  dites  :  Amen.  Dire  :  Amen 
c'est  souscrire.  Amen  signifie  c'est  vrai.  On 
dit  ensuite  l'Oraison  dominicale  que  vous  avez 
apprise  et  récitée  par  cœur.  Et  pourquoi  dire 
cette  oraison  avant  de  recevoir  le  corps  et  le 
sang  du  Christ  ?  Afin  de  purifier  le  cœur  des 
moindres  fautes,  en  disant  à  Dieu  :  Pardonnez- 
nous  nos  offenses.  Après  quoi  l'on  dit  :  Lapaix 
soit  avec  vous.  C'est  un  grand  sacrement  que 
le  baiser  de  paix.  Baiser  de  manière  à  aimer. 
Ne  soyez  pas  un  Judas  qui  baisait  le  Seigneur 
delà  bouche,  et  le  trahissait  dans  le  cœur. 
Si  quelqu'un  vous  hait,  aimez-le,  et  vous  don- 
nerez le  baiser  avec  assurance.  » 

7.  Ce  sermon  ne  paraît  pas  être  au  moins 
en  entier  de  saint  Augustin,  il  y  est  parlé  de 
la  Pâque  et  comment  on  doit  la  faire;  de  V  Al- 
léluia, des  riches,  des  pauvres,  des  affligés. 

8.  Le  huitième  sermon  est  pour  l'octave  de 
Pâques,  il  est  adressé  aux  enfants,  c'est-à- 
dire  aux  nouveaux  convertis.  L'orateur  y  trai- 
te la  force  et  de  l'effet  du  baptême,  de  l'es- 
pérance qu'on  doit  mettre  en  lui.  Il  y  montre 
que  le  baptême,  reçu  hors  de  l'unité  de  l'É- 
glise, ne  sert  pas.  Il  y  parle  contre  les  schis- 
matiques  qui  se  glorifiaient  du  baptême,  et 
finit  par  une  exhortation  à  ceux  qui  viennent 
de  recevoir  le  baptême. 

9.  Le  neuvième  sermon  est  sur  le  psaume 
cxvii  Confitemini.  Le  dixième  est'sur  le  psaume 
cxLis  Cantate  Domino.[ll  a  été  prononcé  dans 
le  temps  pascal;  il  respire  l'amour  et  le  désir 
des  biens  éternels. 

iO,  Dans  le  onzième  sermon,  saint  Augus- 
tin expose,  d'une  manière  admirable,  le  mys- 
tère de  la  Sainte  Trinité.  Ce  sermon  a  été  in- 
diqué par  Possidius,  au  chapitre  viii  ;  il  a  été 


prêché  le  jour  de  saint  Jean-Baptiste.  On  y 
voit  que  saint  Jean  a  été  la  véritable  lumière 
qui  venait  éclairer  les  hommes  et  lem'  mon- 
trer le  chemin  cju  ciel.  L'auteur  y  relève  la 
modestie  de  ce  saint  précurseur  qui  se  dit 
baptiser  dans  l'eau  ,  qui  s'appelle  la  voix  du 
Seigneur,  quand  d'après  Jésus-Christ  c'est 
le  plus  grand  d'entre  les  hommes.  En  par- 
lant du  mystère  de  la  Sainte  Trinité,  saint  Au- 
gustin dit  que  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint-Es- 
prit ne  forment  qu'un  seul  Dieu.  «  En  eux  , 
continue-t-il ,  point  d'antériorité  ou  de  supé- 
riorité ;  le  Père  n'a  point  de  principe,  le  Fils 
est  la  splendeur  du  Père,  le  Saint-Esprit  pro- 
cède des  deux.  Dans  le  baptême  de  Jésus- 
Christ  ,  les  trois  personnes  se  montrent  par- 
faitement ;  le  Fils  est  baptisé,  le  Saint-Esprit 
descend  sur  le  Fils,  le  Père  parle  du  haut  des 
cieux.  Les  ennemis  déclarés  du  Cluist  sont 
les  Juifs  qui  Je  renient ,  les  ennemis  cachés 
sont  ceux  qui  lui  préfèrent  leurs  passions.  » 

11.  Ce  sermon  prononcé  pour  la  vigile  de     scrm.12. 
saint  Pierre  et  de  saint  Paul  est  contre  les 
donatistes  ;  il  est  élégant  et  grave. 

12.  Dans  le  treizième  sermon  prononcé  le     so™.  13. 
jour  de  la  fête  de  saint  Laurent,  martyr,  saint 
Augustin  expose  comment  on  doit  célébrer 

la  fête  des  martyrs  ;  il  propose  l'exemple  des 
martyrs  comme  un  stimulant  pour  bien  vi- 
Yïe  et  pour  veiller  contre  le  démon;  il  répri- 
mande ceux  qui  profanent  les  mémoires  des 
martyrs  par  l'intempérance  ;  il  recommande 
l'exemple  de  saint  Paul  aux  affligés,  sa  cha- 
rité maternelle,  les  bonnes  œuvres  qu'on  doit 
pratiquer  :  il  dépeint  les  maux  de  cette  vie  et 
les  biens  de  la  vie  éternelle,  et  exhorte  à  prier 
les  uns  pour  les  autres. 

13.  Le  quatorzième  sermon  fut  prononcé   ^^sorm.  nci 
le  jour  de  saint  Cyprien,  martyr.  L'orateur  y 

fait  l'éloge  du  saint  martj'r  au  commence- 
ment et  à  la  fin.  Dans  le  corps  du  discours,  il 
traite  du  triple  combat  des  chrétiens  et  s'é- 
lève fortement  contre  les  spectacles  des 
païens. 

Le  quinzième  est  encore  sur  saint  Cyprien. 
On  y  voit  la  joie  des  vrais  chrétiens  au  su- 
jet de  la  victoire  des  martyrs  ,  comment  les 
conseils  des  persécuteurs  ont  été  déjoués  par 
les  martyrs  ;  l'Eglise  s'y  montra  victorieuse 
des  persécuteurs  dont  plusieurs  se  conver- 
tirent en  le  voyant  mourir  avec  tant  de  cou- 
rage. Ce  sermon  est  indiqué  par  Possidius  au 
chapitre  viii. 

14.  Saiut  Augustin  prononça  ce  sermon      scrm.ie. 
le  jour  de  la  fête  des  saints  martyrs  Scilli- 


832 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Serm.  17, 


Setm.  10. 


tains. 'Ces  martyrs,  natifs  du  bourg  de  Scilla, 
souffrirent  à  Carthage  vers  l'an  200.  Le  saint 
Docteur  y  prouve  que  nous  ne  devons  pour 
rien  au  monde  renier  Jésus-Christ,  ni  pour  la 
conservation  de  notre  vie,  ni  pour  la  conser- 
vation de  la  vie  de  nos  amis  ;  il  décrit  le  com- 
bat du  martyre  que  l'on  peut  avoir  à  soute- 
nir au  sujet  des  choses'superflues  et  au  sujet 
des  choses  nécessaires  ;  il  dit  les  manières  par 
lesquelles  on  peutnier  Jésus-Christ,  la  récom- 
pense que  la  constance  obtient  dans  le  ciel. 

13.  Ce  sermon  ,  qui  est  remarquable  ,  fut 
prêché  à  Bulle-Royale,  aujourd'hui  Régie  , 
entre  Tunis  et  Constantine,  sur  la  prière  de 
l'évêque  de  cette  ville  ;  car,  selon  la  remarque 
de  Possidius,  saint  Augustin  prêchait  partout 
où  il  était  invité  à  le  faire.  Après  avoir  com- 
menté les  paroles  de  saint  Luc,  chapitre  xiv, 
verset  28,  et  de  saint  Matthieu  chapitre  xix, 
verset  16,  il  exhorte  les  fidèles  à  la  persévé- 
rance, il  compare  le  combat  des  Machabées 
avec  les  spectacles  profanes,  et  engage  for- 
tement les  fidèles  à  les  fuir. 

16.  On  voit  dès  le  commencement  que  ce 
discours  ne  fut  point  prononcé  à'  Hippone, 
en  Afrique.  Ce  fut  en  voyage  dans  un  heu  où 
kl  mémoire  de  saint  Quadrat,  martyr,  était  en 
honneur.  Cette  sentence  :  Triahominum  gêne- 
ra, quœ  odit  Deus  remanentem  rétro  redeuntem 
oherrante,  se  lit  parmi  les  sermons  supposés 
qui  ont  pour  titre  :  Ad  fratres  in  eremo,  dix- 
neuvième  sermon.  Ainsi ,  celui  qui  les  a  com- 
posés connaissaitle  sermon  dont  il  est  ici  ques- 
tion. Saint  Augustin  y  expose  les  trois  ma- 
nières d'aller  à  Dieu,  contenues  dans  la  sen- 
tence rapportée  ci-dessus  ;  il  propose  l'exem- 
ple de  saint  Paul  et  celui  de  saint  Quadrat, 
il  recommande  la  pratique  des  œuvres  de  jus- 
tice ;  il  veut  qu'on  mette  de  côté  le  respect  hu- 
main et  qu'on  ne  craigne  pas  les  insultes  des 
païens.  Possidius  fait  mention  de  ce  sermon 
dans  la  table  des  œuvres  du  saint  Docteur. 

17.  Ce  sermon  est  sur  les  paroles  de  l'A- 
pôtre I  Corinth.  xii,  vers.  31  :  Super  eminentem 
vobis  viam  demonstro.  Dans  le  manuscrit,  il  a 
pour  titre  :  De  la  Charité.  Ce  traité  remar- 
quable est  dirigé  principalement  contre  les 
donatistes  ;  la  dernière  partie  est  historique. 
Saint  Augustin,  après  avoir  exalté  la  charité, 
arrive  aux  donatistes,  qu'il  traite  de  mem- 
bres malades  et  retranches  de  l'unité,  qui  ne 
peuvent,  à  cause  de  cela,  produire  du  fruit. 
Il  montre  que  l'hérétique  Crispin  a  été  juste- 
ment condamné,  ainsi  que  les  donatistes  eux- 
mêmes,  au  jugement  de  l'Empereur,  qui  ren- 


voya la  cause  à  Meltiade,  c'est-à-dire  au  sou- 
verain pontife  Melchiade,  ou  Miltiade,  et  à 
Marc.  (On  ne  sait  que  lest  ce  Marc  dont  parle 
ici  saint  Augustin;  si  c'est  celui  qui  occupa 
le  Saint-Siège  après  le  successeur  immédiat 
de  Melchiade,  ou  si  c'est  un  des  trois  évo- 
ques gaulois  qui  furent  adjoints  comme  ju- 
ges au  pape  Miltiade.)  La  sentence  fut  rendue 
en  faveur  de  Cécilien  ;  mais  les  donatistes  en 
appelèrent  de  nouveau  à  l'Empereur,  qui 
prononça  aussi  en  faveur  de  Cécilien.  Le 
saint  évêque  d'Hippone  exhorte  ensuite  les 
donatistes  à  rentrer  dans  le  sein  de  l'Église 
catholique,  parce  qu'elle  seule  est  la  vérita- 
ble, étant  seule  répandue  dans  toute  la  ter- 
re. Possidius,  au  chapitre  neuvième,  fait 
mention  de  deux  traités  ou  sermons  de  saint 
Augustin  sur  la  charité. 

18.  Le  vingtième  sermon  est  sur  ces  paroles 
du  Psaume  xxxviii,  vers.  1-5  :  Dixi :  Custodiam 
vias  meas.  L'auteur  y  traite  principalement  de 
l'usage  de  la  langue  et  de  la  fin  de  l'homme. 
Denis  le  juge  peu  digne  de  saint  Augustin, 
soit  à  cause  du  peu  de  liaison  qui  semble  ré- 
gner entre  les  idées,  soit  à  cause  des  paroles 
du  Psaume,  qui  semblent  répétées  plusieurs 
fois  à  contre-temps  ;  aussi  peut-on  soupçon- 
ner que  la  main  d'un  faussaire  a  passé  par  là. 

19.  Ce  sermon  a  pour  titre,  dans  le  ma- 
nuscrit :  Sur  le  Riche  et  sur  Lazare;  il  est  sur 
ces  paroles  du  Psaume  xxxii,  vers.  1  :  Exul- 
tatejusti.  L'oi'ateur  établit,  d'après  l'histoire 
du  Riche  et  de  Lazare,  et  d'après  celle  de 
Job,  que  l'homme  droit  et  juste  ne  doit  ces- 
ser de  louer  Dieu,  ni  à  cause  de  la  félicité  des 
impies,  ni  à  cause  des  calamités  des  justes. 

20.  Saint  Augustin  commente  ici  les  pa- 
roles du  Psaume  li,  vers.  10  :  Speravi  in  mi- 
sericordia  Dei.  Il  traite  admirablement  de 
l'espérance  humaine  et  de  l'espérance  divi- 
ne. L'exorde  montre  que  ce  discours  a  été 
prononcé  à  l'ofSce  du  soir.  L'orateur  y  parle 
d'un  évêque  qui  préfère  la  charité  calme  à  la 
charité  inquiète.  On  ignore  quel  est  cet  évê- 
que :  Possidius  fait  mention  de  ce  discours. 

21.  Les  paroles  du  Psaume  cxlv,  vers.  1  : 
Laudabo  Dominum  in  vita  mea  etc,  sont  com- 
mentées dans  ce  sermon.  Saint  Augustin  y 
traite  parfaitement  de  la  brièveté  de  la  vie  et 
de  la  félicité  passagère,  ce  qu'il  prouve  de 
nouveau  par  l'exemple  du  riche  et  de  Lazare. 

22.  Ce  sermon  est  sur  les  paroles  de  saint 
Luc,  chap.  XVI,  vers.  19-31  :  ffotno  quidam 
erat  dives.  R  a  pour  titre  dans  le  manuscrit  : 
Du  Riche  et  de  Lazare.  L'orateur  y  prouve  la 


SUPPLÉMENT  AU  CHAPITRE  SUR  SAINT  AUGUSTIN. 


833 


vérité  de  la  religion  chrétienne  par  l'accom- 
plissement des  prophéties;  il  finit  en  exhor- 
tant à  la  patience.  Possidius  indique  ce  ser- 
mon au  chapitre  viii  de  sa  Table. 

23.  Saint  Augustin  y  commente  ces  pa- 
roles de  l'Évangile  de  saint  Matthieu',  chap. 
XII,  41-SO  :  Ecce  plusquam  Jonas  hic.  Dans  le 
manuscrit,  il  a  pour  titre  :  Férié  quatrième 
de  la  première  semaine  de  Carême  ;  sermon  de 
saint  Augustin  contre  les  manichéens.  Dans  la 
première  partie,  l'orateur  traite  de  l'aveu- 
glement des  Juifs,  de  la  rechute  dans  le  pé- 
ché, des  devoirs  des  parents  et  des  enfants. 
Dans  la  dernière,  il  réfute  les  manichéens, 
qui  prétendaient  que  Notre-Seignem'  n'avait 
pas  eu  de  mère,  d'après  les  paroles  de  Jé- 
sus-Christ, Matth.  XII,  46-50  :  Quœ  mihi  mater 
est,  aut  qui  fratres,  etc.;  et  il  relève  la  dignité 
de  Marie  et  sa  virginité  perpétuelle  ^  Il  mon- 
tre que  les  paroles  de  l'Évangile,  qui  rapporte 
les  paroles  alléguées  par  les  manichéens,  di- 
sent aussi  très-clairement  que  Marie  était  la 
mère  de  Jésus-Christ  :  «  Si ,  dit-il ,  celui  qui 
fait  la  volonté  du  Père  de  Notre-Seigneur 
est  son  frère,  sa  sœur  et  sa  mère,  la  Vierge 
Marie  n'a-t-elle  pas  fait  la  volonté  du  Père, 
eUe  qui  a  cru  par  la  foi,  a  conçu  par  la  foi, 
elle  qui  a  été  choisie  pour  donner  aux  hom- 
mes le  salut,  elle  qui  a  été  créée  par  le 
Christ  avant  la  naissance  du  Christ  en  elle? 
Oui,  elle  a  fait  la  volonté  du  Père,  la  Sainte 
Vierge,  et  c'est  pourquoi  il  y  a  plus  pour 
elle  d'avoir  été  disciple  de  Jésus-Christ  que 
d'avoir  été  sa  mère.  Elle  est  plus  heureuse 
d'avoir  été  disciple  de  Jésus-Christ  que  d'a- 
voir été  sa  mère.  Marie  est  donc  bienheu- 
reuse d'avoir  entendu  et  gardé  la  parole 
de  Dieu.  Elle  a  plus  gardé  la  vérité  dans  l'es- 
prit que  la  chair  dans  le  sein.  La  vérité, 
c'est  Jésus-Christ;  la  chair,  c'est  Jésus- 
Christ.  La  vérité,  Jésus-Christ,  est  dans  l'es- 


prit de  Marie  ;  la  chair,  Jésus-Christ,  est  dans 
le  sein  de  Marie.  Ce  qui  est  dans  l'esprit  est 
plus  que  ce  qui  est  dans  la  chair.  Sainte  est 
Marie,  bienheureuse  est  Marie,  mais  l'Église 
estmeillem-e  que  la  Vierge  Marie.  Pourquoi? 
parce  que  Marie  est  une  portion  de  l'ÉgUse, 
un  membre  saint,  un  excellent  membre,  un 
membre  suréminent,  mais  cependant  un 
membre  de  tout  le  corps  ^.  » 


II. 


SERMONS  PUBLIES  PAR  FONTANI. 

1.  Fontani  puMia  en  1793,  à  Florence, 
dans  l'ouvrage  intitulé  :  Novœ  eruditorum 
Deliciœ  seu  Bibliotheca  veterum  ineditorum 
opusculorum,  tom.  III,  quatre  traités  inédits 
de  saint  Augustin.  Il  y  en  a  un  sur  la  pi'ière, 
un  sur  les  quatre  degrés  de  la  charité  ;  il  y  a 
une  homélie  sur  le  deuxième  dimanche  de 
l'Avent;  un  sermon  sur  la  Circoncision  de 
Notre-Seigneur.  Fesseler,  au  tom.  n  Institut. 
Pati'um,  pag.  415,  n'a  pu  se  prononcer  sur 
l'authenticité  de  ces  traités,  ne  les  ayant 
point  trouvés  dans  les  plus  grandes  biblio- 
thèques d'Allemagne.  Actuellement  on  les 
trouve  dans  le  tom.  XL VII  de  la  Patrologie 
latine  de  M.  Migne,  col.  1113  et  suiv. 

2.  Il  faut  prier  comme  Jésus-Christ  nous 
l'enseigne  ;  il  faut  prier  au  nom  de  Jésus- 
Christ,  en  toute  humihté  d'esprit  et  de  cœur, 
du  fond  du  cœur;  il  n'est  pas  nécessaire  de 
dire  beaucoup  de  paroles.  Nous  devons  de- 
mander ce  que  Jésus-Christ  veut  que  nous 
demandions,  que  le  nom  de  Dieu  soit  glo- 
rifié, que  son  règne  s'étende  de  plus  en  plus, 
que  sa  volonté  s'accomplisse.  On  doit  lui  de- 
mander son  secours  dans  nos  nécessités  spi- 
rituelles et  corporelles,  le  prier  de  pardonner 
nos  fautes,  mais  en  même  temps  nous  de- 
vons pardonner  à  notre  tour;  enfin  il  faut  le 


Édition  des 
sermons  pu- 
bliés par  Fou» 
Usi. 


Premier 
traité  sar  ta 
prière. 


'  Hoc  enim,  quod  modo  proposui,  multos  habet 
simismodos  que  quœstionis,  quomodopie  Dominus 
Christus  contempserit  matrem ,  non  qualemcum- 
que  matrem,  tanto  magis  talem  matrem  oui  sic 
attulit  fecunditatem  ,  ut  non  adimeret  integrita- 
tem ,  matrem  virginem  concipientem .  virginem 
parientem,  virginem  perpetuo  permanenlem.  Pa- 
Irolog.,  tom.  XLVI,  col.  934. 

'  Numquid  non  fecit  voluntatem  Patris  Yirgo 
Maria,  quce  fide  credidit,  fide  concepit,  electa  est  de 
qua  nobis  salus  inter  homines  nasceretur,  creala  a 
Christo,  antequam  in  illa  Christus  nasceretur? 
fecit,  fecit  plane  voluntatem  Patris  Sancta  Maria: 
et  ideo  plus  est  Mariœ  discipulam  fuisse  Christi,} 
quam  matrem  fuisse  Christi.  Plus  est  felicius  dis-  ' 

IX. 


cipulam  fuisse  Christi,  quam  m.atrem  fuisse  Chris- 
ti. Ideo  Maria  beata  erat  mater,  quia  et  antequam 

pareret,  magistrum  in  utero  portavit Inde 

ergo  est  Maria  beata,  quia  audioit  verbum  Dei  et 

custodivit.Pliis  custodivit  mente  veritatem,  quam 

utero   carnem.  Veritas  Christus  in  mente  Mariœ, 

caro  Christus  in  ventre  Mariœ.  Plus  est  quod  est 

in  mente,  quam  quod  portatur  in  ventre.  Sancta 

Maria,  beata  Maria,  sed  m.elior  est  Ecclesia  quam 

■|  ■  Yirgo  Maria.  Quare  ?  quia  Maria  portio  est  Eccle- 

'rtè^siœ,  sanctum  membrum,  excellens  membrum, siù- 

lÊpcreminens  membrum ,  sed  tamen  totius  corpo- 

'û^àris  membrum. Si  totius  corporis,  plus  est  profecto 

'i%corpus  quam  membrum.  Ibid.,  col.  837-839. 


33 


83^ 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


conjurer  de  ne  pas  nons  laisser  vaincre  par 

les  ennemis  de  notre  salut. 

Dsu:<ièine       3.  La  cliarité  a  quatre  degrés  bien  dis- 
traite sur  les    ..       ,        T  .  •   t       '     A       ±    A    1  ' 

quatre  degrés  tmcts.  Le  premier  consiste  a  tout  tolérer 
comme  Dieu ,  qui  souffre  les  bons  et  les 
mauvais,  et  fait  luire  son  soleil  sur  les  bons 
et  lesmécliants.  Le  deuxième  degré  consiste 
à  tout  croire  quand  Dieu  parle,  comme  fit 
Abraham.  Le  troisième  degré  consiste  atout 
espérer  de  la  bonté  de  Dieu,  comme  firent 
les  Hébi'eux  en  Egypte  au  temps  de  Moïse. 
Le  quatrième  enfin  à  tout  soufi'rir  sans  jamais 
tomber,  comme  a  fait  Jésus-Christ. 
Troisième  4.  Cette  homélie  est  très-courte.  L'orateur 
Se  ""r'fe'  j  montrc  que  les  prophéties  dont  il  est  fait 
de  i'A™iu  °  mention  dans  l'Ancien  Testament,  n'ont  eu 
leur  accompUssement  qu'en  Jésus-Christ, 
qu'il  est  vraiment  le  salut  de  Juda,  et  qu'en 
lui  se  repose  l'Esprit  dans  sa  plénitude. 
QDatriSme  5.  Saint  Augustin  commence  par  exalter  la 
'cirronSoi"  bouté  de  Notre-Seigneur  dans  les  différents 
gneur.'™  "'  mystèrcs  de  son  incarnation  et  de  son  enfan- 
ce. «  Dans  sa  Circoncision,  dit-il,  le  Sauveur 
montre  qu'il  a  pris  réellement  notre  chair, 
et  confond  les  manichéens  par  l'accord  de 
l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament.  Il  nous 
enseigne  aussi  la  circoncision  que  nous  de- 
vons nous  imposer  à  nous-mêmes  :  celle  de 
nos  passions.  Il  est  porté  dans  le  temple  pour 
nous  apprendre  à  nous  élever  jusqu'au  ciel 
par  nos  bonnes  œuvres.  On  offre  des  colom- 
bes et  des  tourterelles.  La  tourterelle  est  le 
symbole  de  la  charité  ;  la  colombe  celui  de 
la  chasteté  :  c'est  par  ces  deux  vertus  que 
nous  devons  aller  à  Dieu.  » 


in. 


SERMONS  PUBLIES  PAR  FRANGIPANE. 

des  fem^s  1-  Éu  1819,  Frangipane,  moine  du  Mont- 
KaUgipanS."  Cassiu,  fit  paraître  à  Rome  dix  sermons  de 
saint  Augustin,  1  vol.  in-fol.  Il  avertit  que 
les  quatre  premiers  étaient  déjà  imprimés 
dans  l'édition  des  Bénédictins  ;  mais  il  les 
reproduit  d'une  manière  plus  correcte  et 
plus  complète.  Les  six  derniers  étaient  tout 
à  fait  inédits.  Ils  sont  réimprimés  dans  le 
tom.  XXII  des  Œuvres  de  saint  Augustin, 
données  dans  les  Selecti  Patres  par  M.  Cail- 
lau,  dans  le  tom.  XL VI  de  la  Patrologie  la- 
tine, col.  939  et  suiv. 
Analysa  d«       2.  L'éditeur  dédie  sa  publication  à  Pie  VII. 

la  Prérace.  ' 

et,  dans  une  préface,  il  donne  les  raisons 
qui  lui  font  regarder  comme  authentiques 
les  sermons  qu'il  publie;  il  s'appuie  surtout 


sur  les  manuscrits.  Il  avoue  que  le  style  n'est 
pas  toujours  une  marque  assurée  que  tel  ou- 
vrage n'est  pas  de  saint  Augustin  ;  il  dit  pour- 
quoi les  Bénédictins  ne  se  sont  pas  servis 
des  manuscrits  du  Mont-Cassin.  «  La  princi- 
pale raison,  dit-il,  qu'on  peut  apporter  pour 
expliquer  cette  omission,  c'est  que  leur  édi- 
tion de  saint  Augustin  était  déjà  faite  quand 
Mabillon  et  Montfaucon  firent  leur  voyage  en 
Italie,  et  qu'ils  n'eurent  pas  le  temps  d'exa- 
miner sérieusement  des  manuscrits  qui  dé- 
passent cinq  cents.  » 

3.  Le  premier  sermon,  déjà  édité  en  par-  s6r*°ons!° 
tie  dans  le  tom.  Y  des  Œuvres  de  saint  Au-  ^"'°'  ' 
gustin,  col.  41,  d'après  Eugippe,  est  pubhé 

en  entier.  Il  traite  des  dix  plaies  d'Egypte, 
des  dix  préceptes  donnés  par  Moïse.  Les  ad- 
ditions faites  au  fragment  paraissent  si  lan- 
guissantes, les  sentences  sont  si  vulgaires, 
qu'on  reconnaît  de  suite  un  écrivain  d'une 
époque  bien  plus  récente  qui  a  voulu  le  re- 
faire. C'est  le  jugement  que  portent  les  édi- 
teurs parisiens,  Gaume,  tom.  V,  2°  partie, 
à  la  fin  du  vol.,  dans  les  Lectiones  variantes, 
pag.  VI.  Aussi  n'ont-ils  pas  reproduit  le  ser- 
mon tel  qu'il  est  donné  par  Frangipane.  Le 
cardinal  Maï  l'a  donné  d'une  manière  plus 
correcte,  d'après  un  manuscrit  du  Vatican, 
tom.  I  Patrum  Nova  Bibliotheca,  pag.  15. 

4.  Ce  sermon  fut  prononcé  par  saint  Au-     serm.  2. 
gustin  au  jour  anniversaire  de  sa  consécra- 
tion. Les  parties  ,  éditées  par  les  Bénédic- 
tins, se  trouvent  dans  les  trois  cent  trente- 
neuvième  et  trois  cent  quarantième  sermons. 

Les  additions  données  par  Frangipane  sont 
encore  rejetées  par  les  éditeurs  parisiens, 
ibidem  ac  supra,  pag.  cxv,  comme  indignes 
du  saint  Docteur,  et  parce  que  la  consécra- 
tion de  saint  Augustin  se  trouve  renvoyée 
jusqu'au  mois  de  janvier,  tandis  que  dans  le 
texte  imprimé,  conforme  à  huit  manuscrits, 
on  lit  que  cette  consécration  eut  heu  avant 
Noël.  Frangipane  appuie ,  il  est  vrai ,  son 
sentiment  sur  la  Chronique  de  saint  Prosper, 
mais  cette  Chronique  est  ici  en  opposition 
avec  d'autres  historiens,  tels  que  Socrate. 

5.  La  partie  déjà  éditée  se  trouve  au  trois  sorm.s. 
cent  quarante-cinquième  sermon,  sur  le  mé- 
pris des  choses  temporelles.  Frangipane  re- 
produit ce  sermon  en  des  termes  bien  diffé- 
rents ;  le  manusci'it  paraît  avoir  été  inter- 
polé;  aussi   les   éditeurs  parisiens,   ibid., 

pag.  Lxxxi,  n'ont-ils  pas  publié  ce  texte. 

6.  Ce  sermon,  sur  la  Naissance  du  Sau-  ssrm.t. 
vem",  est  le  cent  quatre-vingt-neuvième  de 


SUPPLÉMENT  AU  CHAPITRE  SUR  SAINT  AUGUSTIN. 


835 


l'édition  bénédictine;  il  est  reproduit  ici  en 
entier  et  d'une  manière  plus  correcte,  d'a- 
près sept  manuscrits. 

7.  D'après  le  manuscrit,  ce  sermon  aurait 
été  prêché  à  Carthage,  sur  le  tombeau  de 
saint  Cyprien,  le  six  des  Ides  de  septembre. 
Les  éditeurs  parisiens  refusent  ce  sermon  au 
saint  Docteur,  à  cause  de  l'abondance  fasti- 
dieuse des  paroles  inutiles  qu'on  y  rencon- 
tre, qui  fait  qu'on  ne  peut  le  rapporter  au 
saint  évêque  ,  dont  le  style  est  d'ordinaire  si 
plein  de  nerf  et  de  vigueur. 

8.  Même  i-aison  pour  rejeter  ce  sermon, 
qui  d'ailleurs  emprunte  plusieurs  choses  aux 
deux  cent  quatre-vingt-sixième  et  trois  cent 
trente-unième  sermons.  Il  est  intitulé  :  De 
plusieurs  Martyrs.  Il  y  est  question  des  mar- 
tyrs qui  souffrirent  à  Carthage,  au  nombre 
de  48,  en  l'an  304. 

9.  Il  est  sur  saint  Jean-Baptiste.  L'exorde 
a  le  même  défaut  que  les  sermons  précé- 
dents. La  péroraison  a  paru  à  Frangipane 
lui-même  indigne  de  saint  Augustin. 

10.  Il  est  encore  sur  saint  Jean-Baptiste. 
L'exorde  emprunté  aux  Lectionnaires  paraît 
suspect  à  Frangipane.  Les  éditeurs  parisiens 
rejettent  ce  sermon  comme  ayant  un  style 
et  un  esprit  contraires  à  l'esprit  et  au  style  de 
saint  Augustin.  Sur  la  fin,  l'auteur  se  dé- 
chaîne contre  les  superstitions  qui  avaient 
lieu  la  veille  de  la  fête  de  saint  Jean,  ce 
qu'on  ne  trouve  point  dans  les  autres  ser- 
mons du  saint  Docteur.  On  trouve  pourtant 
ce  sermon  dans  un  manuscrit  du  Vatican, 
où  il  est  reproduit  d'une  manière  plus  cor- 
recte '. 

11.  Ce  sermon,  est  sur  ces  paroles  de  saint 
Luc,  vii;  4  :  Dimitte  et  dimittetur  tibi.  On  y 
trouve  une  grande  partie  du  cent  quatorziè- 
me sermon,  paraphrasée  longuement.  L'au- 
teur y  ajoute  d'autres  choses  souvent  trai- 
tées par  saint  Augustin ,  et  qui  appartien- 
nent au  même  sujet.  La  fin  est  une  para- 
phrase du  quatre-vingt-deuxième  sermon, 
n"  2.  Au  reste,  partout  se  fait  remarquer  la 
même  profusion  de  paroles. 

12.  Le  dixième  sermon  est  sur  la  dédicace 
d'une  église.  Les  circonlocutions  et  les  argu- 
ties que  l'on  remarque  dans  ce  sermon,  le 
font  rejeter  par  les  éditeurs  parisiens,  tandis 
que  Frangipane  reconnaît  eu  cela  le  style  de 
saint  Augustin. 


IV. 

SERMONS  INÉDITS  DE  SAINT  AUGUSTIN,  ÉDITÉS 
PAR  M.  CAILLAU. 

1.  En  1842,  parurent  chez  Paul  Mellier, 
in-fol.,  des  sermons  inédits  de  saint  Augus- 
tin, publiés  par  M.  Caillau,  Ils  sont  au  nom- 
bre de  cent  soixante.  L'éditeur  les  a  presque 
tous  tirés  de  la  Bibliothèque  du  Mont-Cassin 
et  de  celle  des  Médicis  à  Florence.  Dès  l'an- 
née 1837  ,  il  avait  fait  paraître  soixante-huit 
de  ces  sermons.  L'année  suivante  une  lutte 
très-vive  commença  entre  Monseigneur  Guil- 
lon,  évêque  de  Maroc,  et  M.  Caillau  au  sujet 
de  l'authenticité  de  ces  sermons.  M.  Caillau 
avait  exposé,  dans  la  Préface  du  tome  CXXX 
des  Selecti  Patres,  les  raisons  qu'il  avait  d'at- 
tribuer à  saint  Augustin  les  nouveaux  ser- 
mons.Monseigneur  Guillon, ou  plutôt  M.  Diib- 
ner,  y  répondit  par  une  dissertation  critique 
dans  le  tome  V  de  l'édition  de  saint  Augustin, 
imprimée  à  Paris,  chezGaume.  Cette  disser- 
tation parut  de  nouveau  en  français ,  et  fut 
envoyée  gratuitement  à  tous  les  souscrip- 
teurs de  l'édition  susdite.  Dans  une  réponse 
imprimée  chez  Parent-Desbarres,  en  1838, 
M.  Caillau  chercha  à  réfuter  cette  critique  et 
il  répondit  encore  plus  longuement  à  la  dis- 
sertation latine,  en  1842,  dans  le  tome  CXXXI 
des  Selecti  Patres,  et  dans  le  Supplément 
aux  CEuvres  de  saint  Augustin,  chez  Pa- 
rent-Desbarres. Ce  Supplément  contient  les 
sermons  inédits  du  saint  Docteur  divisés  en 
trois  classes  ;  la  première  embrassant  ses  ser- 
mons inédits  est  divisée  elle-même  en  quatre 
classes  ;  la  deuxième  donne  des  traités  enri- 
chis de  nouvelles  leçons;  la  troisième  ren- 
ferme ceux  qui  ont  été  rejetés  par  les  béné- 
dictins de  Saint-Maur  et  que  l'éditeur  met 
en  forme  d'appendice. 

M.  Caillau  exige  trois  conditions  pour  at- 
tribuer tel  ou  tel  ouvrage  à  saint  Augustin  : 
1°  que  les  anciens  manuscrits  portent  expli- 
citement ou  implicitement  son  nom  ;  2°  que 
rien  ne  soit  contraire  au  style  et  à  la  maniè- 
re d'écrire  de  l'auteur;  3°  que  plusieurs  choses 
soient  en  rapport  avec  sa  manière  de  parler. 
Ces  règles  paraissent  insuffisantes  à  Mon- 
seigneur Guillon  qui  attaque  chaque  sei'mon 
en  particulier.  Cette  critique  paraît  à  Fesse- 
1er  ^  tout  à  fait  fondée,  et  il  dit  que  le  plus 


Publication 
des  seniioas 
inédits  Bltri- 
bués  A  faîDt 
Augustin. Dé- 
bals  à  ce  su- 
jol. 


'  Voyez  Maï,  Patrum  Nova  Bibliotheca,  tom.  I, 
pag.  368. 


"    Fesseler 
pag.  416. 


Institutiones     Patrum ,    tom.    II , 


836 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


souvent  elle  n'est  pas  injuste.  Le  cardinal 
Mai  '  en  juge  autrement  pour  les  soixante- 
huit  sermons  publiés  en  1836,  les  seuls  qu'il 
connût.  La  critique  qu'on  en  fait  lui  paraît 
excessive,  et  il  regarde  la  plupart  de  ces  ser- 
mons comme  authentiques.  Quand  on  a  lu 
sans  passion  les  raisons  pour  et  contre,  on  se 
range  volontiers  à  l'avisdu  savant  Cardinal, 
d'autant  plus  que  quarante-deux  sei'mons  pu- 
Miés  par  M.  Caillau  se  trouvent  aussi  dans 
le  tome  I  de  la  Nouvelle  Bibliothèque  des  Pè- 
res, sous  les  numéros  14,  38,  45,  46,  48-52, 
54-56,  64,  63,  69-72,  77, 81,  89,  93, 111, 117, 
122,  124,  132,  134,  148,  150,  152,  154,  161, 
163,  172,  175,  177,  178,  194-197.  On  doit  ce- 
pendant observer  que  le  texte  de  Maï  pré- 
sente des  variantes  qui  ne  manquent  pas 
d'importance. 
Dwsiondes       2.  Le  Supplément  aux  ouvrages  de  saint 

sermons     ym-  *  ■*  o 

caitiau'""^  "'  A-ugustin  contient  lui-même   deux  supplé- 
ments qui  se  divisent  en  quatre  classes.  La 
première  classe  du  premier  supplément  con- 
tient quatre  sermons  sur  l'Écriture;  la  deuxiè- 
me classe,  comprenant  les  sermons  sur  le 
temps,  en  contient  quarante  :  il  y  en  a  un  sur 
l'Annonciation ,  un  sur  l'Incarnation ,  douze 
sur  la  Naissance  de  Notre-Seigneur,  un  sur 
l'Epiphanie,  un  sur  le  Jeûne,  la  Miséricorde 
et  le  Baptême ,  seize  sur  la  Pâque  ,  trois  sur 
les  jours  de  Pâques,  un  pour  le  deuxième 
dimanche  de  Pâques,  deux  sur  l'Ascension, 
un  pour  l'Octave  de  l'Ascension,  deux  sur  la 
Pentecôte.   La  troisième  classe  qui  renfer- 
me les  sermons  sur  les  saints  en  a  vingt  : 
il  y  en  a  un  sur  la  chasteté  du  patriaixhe 
Joseph,  un  sur  Zachée,  deux  sui*  saint  Vin- 
cent martyr,  cinq  pour  la  conversion    de 
saint   Paul,    un    sur    l'apôtre    saint    Paul, 
deux  sur  la  naissance  de  saint  Jean-Baptiste , 
un  sur  le  même  saint ,  un  pour  la  fête  des 
apôti'es  Pierre  et  Paul,  un  sur  la  pêche  de 
saint  Pierre ,  un  sur  la  chute  de  cet  apôtre , 
trois  pour  la  solennité  des  saints  Machabées, 
un  pour  une  fête  de  Martyrs.  La  quatrième 
classe  renferme  quatre  sermons  sur  divers 
sujets;  il  y  en  a  un  sur  la  Pénitence,  deux 
sur  le  Jeûne,  un  sur  les  faux  amis.  Ce  Supplé- 
ment est  suivi  d'un  appendice  qui  contient 
huit  sermons  inédits,  savoir  deux  sermons 
sur  la  Sexagésime,  deux  pour  Pâques,  deux 
pour  l'Ascension,  deux  pour  la  Pentecôte. 
Le  style  de  ces  sermons  n'étant  pas  celui  de 

'  Biblioth.  Nova  Patrum,  tom.  1,  pag.  xv  de  la 
préface. 


saint  Augustin,  M.  CaiUau  les  regarde  juste" 
ment  comme  supposés. 

Le  deuxième  supplément  se  divise  en  deux 
parties  ;  dans  la  première  sont  contenus  dix- 
huit  sermons  sur  différentes  paroles  de  l'É- 
criture sainte,  ils  forment  la  première  classe , 
quarante-quatre  pour  les  temps,  ils  forment 
la  seconde  classe.  Parmi  ces  derniers  ser- 
mons il  y  en  a  deux  pour  l'Avent,  quatorze 
sur  la  Naissance  de  Notre-Seigneur,  un  sur 
la  Trinité  et  sur  l'Incarnation  du  Seigneur, 
neuf  sur  l'Epiphanie  ,  un  sur  l'Octave  de 
l'Epiphanie,  un  sur  le  baptême  de  Notre- 
Seigneur,  trois  sur  la  Quadragésime,  deux 
pour  les  Rameaux,  un  sur  la  Cène  du  Sei- 
gneur ou  sur  la  Passion  et  les  deux  larrons, 
un  sur  la  Vigile  de  Pâques,  un  sur  la  Pâque , 
cinq  pour  le  jour  de  Pâques,  un  pour  la  se- 
conde férié  de  Pâques,  un  pour  le  temps  pas- 
cal, un  sur  V Alléluia.  L'Appendice  qui  suit 
embrasse  neuf  sermons  sur  l'Écriture  sainte, 
trois  sur  l'Avent,  un  pour  la  nuit  de  Noël,  un 
pour  Noël,  un  pour  l'Octave  de  Noël,  un  pour 
la  Circoncision,  dix  pour  l'Epiphanie,  un  sur 
les  noces  de  Cana,  un  sur  la  Sexagésime, 
un  sur  le  commencement  du  jeûne,  six  pour 
la  Quadragésime,  un  pour  les  Rameaux,  un 
sur  la  tradition  du  Symbole.  Le  style  et  les 
pensées  démontrent  la  supposition  de  ces 
sermons. 

La  seconde  partie  du  deuxième  supplé- 
ment embrasse  vingt-quatre  sermons  sur  les 
saints,  onze  sur  divers  sujets.  Parmi  les  ser- 
mons sur  les  saints  il  y  en  a  un  pour  la  chaire 
de  saint  Pierre,  un  pour  la  fête  de  saint  Vin- 
cent martyr,  un  pour  la  fête;  de  saint  Qua- 
drat  martyr,  quatre  pour  la  fête  de  saint 
Jean-Baptiste,  deux  pour  la  fête  des  saints 
apôtres  Pierre  et  Paul,  un  pour  l'Octave  de 
ces  mêmes  apôtres,  un  sur  la  chute  de  saint 
Pierre,  un  pour  la  solennité  des  Machabées, 
deux  pour  la  fête  de  saint  Laurent,  deux  pour 
la  décollation  de  saint  Jean-Baptiste,  deux 
pour  la  fête  des  saints  martyrs  Félix  et  Adauc- 
te,  un  pour  la  fête  de  saint  Cyprien  martyr, 
un  pour  la  fête  de  saint  André  apôtre,  un  pour 
la  fête  de  saint  Etienne,  deux  pour  la  fête  des 
saints  Innocents,  un  pour  la  fête  des  saints  Cos- 
me  et  Damien.  Les  sei'mons  sur  divers  sujets 
contiennent  un  sermon  surla  Trinité,  une  ex- 
position de  la  foi ,  un  sermon  sur  le  jugement 
dernier,  un  sur  les  tribulations  du  monde, 
un  sur  la  Pénitence  ,  un  sur  la  Confession, 
trois  sur  la  Réconciliation  des  pénitents ,  un 
sur  le  Saint-Esprit. 


SUPPLÉMENT  AU  CHAPITRE  SUR  SAINT  AUGUSTIN. 


837 


On  trouve  à  la  suite  de  ces  sermons  trois 
traités  ou  sermons.  Le  premier  est  un  traité 
du  combat  spirituel,  le  second  est  un  traité 
du  combat  des  vices,  le  troisième  est  un  traité 
des  demandes  du  Pater. 

Ces  traités  sont  suivis  d'un  appendice  qui 
contient  vingt-six  sei'mons  sur  le  temps,  vingt- 
trois  sur  les  saints,  sept  sur  différents  sujets. 
Tous  ces  sermons  sont  rejetés  comme  suppo- 
sés. Il  en  est  de  même  des  trois  autres  traités 
qu'on  trouve  à  la  suite,  savoir  :  le  livre  sur  le 
Nombre,  celui  sur  la  Compassion  de  la  Sain- 
te Vierge,  et  le  livre  sur  Toutes  les  vertus, 
que  le  saint  Docteur  aurait  adressé  à  sa 
mère. 
rasétsdéTe.       3.  Voici  quelques-unes  des  pensées  déve- 

péflï    ddn3  -*■■'■  ^ 

''1™-^"°^'  loppéespar  sainL  Augustin  dans  les  sermons 
édités  par  M.  Caillau  :  Cinquième  sermon. 
La  virginité  et  l'humilité  ont  rendu  Marie 
mère,  Jésus-Christ  se  communique  aussi  aux 
vierges  et  aux  humbles.  Septième  sermon  : 
Le  Père  produit  le  Fils,  le  Saint-Esprit  procè- 
de du  Père  et  du  Fils  ;  cependant  il  n'y  a  qu'un 
Dieu  Père,  Fils  et  Saint-Esprit.  Le  Christ  est 
né  de  Marie,  qui  est  demeurée  toujours  vierge 
et  qui  l'a  produit  comme  le  soleil  produit  ses 
rayons.  Huitième  sermon  :  La  naissance  de 
Jésus -Christ  ne  peut  être  démontrée  par  la 
raison,  Neuvième  sermon  :  Le  saint  Docteur 
y  montre  l'accord  des  prophètes  et  des  apô- 
tres sur  la  naissance  de  Jésus-Clu'ist;  il  y  ex- 
pose la  virginité  de  Marie  dans  son  enfante- 
ment. Dixième  sermon  :  L'encens  représente 
la  divinité,  la  myrrhe  l'humanité,  l'or  la  royau- 
té. Treizième  sermon  :  Nous  devons  naître  par 
nos  bonnes  œuvres.  Dix-septième  sermon  : 
Saint  Augustin  y  prouve  la  virginité  de  Marie 
contre  les  manichéens.  Dix-huitième  sermon  : 
Le  Chrisl  est  Dieu  et  homme,  il  est  né  d'une 
vierge,  il  a  pris  la  forme  de  l'esclave.  Ses  œu- 
vresmontrent  qu'il  est  Dieu  et  homme.  Vingt- 
deuxième  sermon  :  Jésus-Christ  est  sorti  du 
sépulcre  qui  était  muni  d'un  sceau,  comme  il 
était  sorti  de  la  Sainte  Vierge  .Vingt-quatrième 
sermon  :  Jésus-Ghrist,est  né  de  Marie  de  la  mê- 
me manière  qu'il  entra  dans  le  lieu  où  étaient 


les  disciples,  les  portes  étant  fermées.  Vingt" 
cinquième  sermon  :  La  foi  de  Marie-Madeleine 
est  comparée  avec  celle  de  saint  Pierre  :  Marie- 
Madeleine  est  comparée  à  l'Éghse  ;  la  foi  de 
cette  sainte  est  comparée  à  celle  des  apôtres  ; 
Marie-Madeleine'mérita  que  Jésus  se  montrât 
à  elle. Vingt-sixième  sermon  :  Jésus-Christ  est 
le  parfum  communiqué  à  l'Église ,  c'est  le 
parfum  de  la  piété,  de  la  charité,  de  l'obéis- 
sance, de  l'espérance  ;  le  nouvel  Adam  ré- 
pare le  crime  de  l'ancien.  Trentième  ser- 
mon :  Le  Christ  est  mort  pour  satisfaire  pour 
nos  péchés.  Trente-quatrième  sermon  :  Saint 
Augustin  y  explique  les  sacrements  aux  néo- 
phytes; mais  il  y  parle  surtout  du  sacrifice 
et  du  sacrement  de  l'Eucharistie.  Le  nou- 
veau sacrifice  remplace  le  sacrifice  des  vic- 
times d'autrefois,  selon  la  prophétie  de  Ma- 
lachie.  Le  Christ  est  pain  vivant  et  pain  de 
vie,  comme  l'attestent  les  paroles  de  Notre- 
Seigneur  rapportées  au  chapitre  vi  de  saint 
Jean;  on  doit  croire  qu'il  a  donné  son  corps 
en  nourriture  et  son  sang  en  breuvage  pour 
procurer  la  vie  éternelle.  Comme  l'eau  est 
une  matière  convenable  pour  le  baptême, 
ainsi  le  pain  est  très-convenable  pour  être 
la  matière  du  sacrement  de  l'Eucharistie.  Le 
pain  et  le  vin,  éléments  qui  sont  consacrés 
au  corps  et  au  sang  de  Jésus-Christ,  repré- 
sentent l'union  qu'on  doit  trouver  parmi  les 
fidèles.  Jésus-Christ  dans  le  sacrement  donne 
vraiment  son  corps  et  son  sang.  «Pendant que 
nous  goûtons  et  savourons  cette  nourriture , 
dit-il,  notre  âme  en  est  rassasiée.  En  rece- 
vant une  parcelle  de  son  corps,  chacun  de 
nous  le  reçoit  tout  entier.  En  ne  buvant  que 
quelques  gouttes  du  sang  divin,  c'est  à  la  vie 
éternelle  que  le  chrétien  s'abreuve'. Que  per- 
sonne ne  dise  :  C'est  du  pain  que  je  vois  , 
j'afiirme,  moi,  que  c'est  le  corps  du  Christ. 
Que  personne  ne  dise  :  C'est  du  vin  que  je 
bois,  tous  doivent  dire  que  c'est  le  sang  du 
Christ.  Le  Seigneur  nous  a  donné  son  corps 
et  son  sang  sous  de  simples  apparences  ;  il 
nous  a  accordé  cette  faveur  pour  éloigner 
le  dégoût  et  toute  répugnance  ;  et  cependant 


'  Gustu  imhuiinur,  mente  satiamur.  In  exiguo 
sui  corporis  fruste  totus  a  singulis  Christus  ex- 
cipitur.  In  parvo  haustu  sanguinis  sacri  vila 
œterna  potatur.  Nemo  dicat  :  Panem  video,  cor- 
pus audio;  vinum  sumo,  sanguinemdicant.  Vomi- 
nus  nobis  corpus  et  sanguinem  suum  in  simpli- 
cibus  apparatibus  dédit;  ne  fastidium aut  horror 
scandalizaret ,  induisit;  sed  tamen  vere  corpus 
suum prœstitit.  Audi  enimquidipse  dicat  :  Sciens, 


inquit,  quia  murmurarent  de  hoc  discipuli  ejus, 
dixit  eis  :  Hoc  vos  soandalizat ,  si  ergo  videritis 
Filium  hominis  ascendentem  ubi  erat  prius  •;  Erjo 
antequam  ascenderet ,  facilius  scandalizari  hu- 
mana  potuit  infirmilas  ;  nunc  autem,  cum  ascen- 
derit  ubi  erat  prius,  non  est  quisquam  qui  dubi- 
tare  de  verbis  illius  possit,  cui  videt  cœli  régna 
patuisse. 


838 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


c'est  vraiment  son  corps  qu'il  nous  a  donné. 
Écoutez,  en  effet,  ce  qu'il  dit  lui-même  : 
sachant  que  ses  disciples  en  murmuraient, 
il  leur  dit  :  Cela  vous  scandalise  !  Le  scan- 
dale cessera  quand  vous  verrez  le  Fils  de 
l'homme  remontant  aux  cieux  où  il  était  au- 
paravant. Ainsi,  donc  avant  son  ascension, 
la  faiblesse  humaine  a  pu  plus  facilement  se 
scandaliser,  mais  à  présent  qu'il  est  remonté 
dans  les  cieux  où  il  était  auparavant,  il  n'y 
a  personne  qui  puisse  douter  de  la  parole 
de  celui  à  qui,  comme  on  le  voit,  le  royau- 
me des  cieux  est  ouvert.  » 

Les  cinquante  -  deuxième  et  cinquante- 
troisième  sermons  font  ressortir  les  admira- 
bles effets  de  la  grâce  dans  la  conversion  de 
saint  Paul.  Dans  le  cinquante-quatrième  ser- 
mon, qui  est  très-beau,  saint  Paul  est  repré- 
senté comme  modèle  du  zèle  apostolique. 
Cet  apôtre  se  fait  tout  à  tous,  il  ne  vit  que 
pour  ses  frères  et  pour  Jésus-Christ.  Au  soi- 
xante-cinquième sermon,  la  pénitence  nous 
paraît  comme  nécessaire  à  tous ,  aux  pé- 
cheurs et  aux  justes.  L'utilité  du  jeûne  est 
prouvée  au  soixante-sixième ,  par  les  méde- 
cins, les  philosophes,  l'exemple  des  saints  et 
celui  de  Jésus-Christ.  Dans  le  soixante-liui- 
tième,  saint  Augustin  prouve  que  les  faux 
amis  sont  plus  à  craindre  que  les  ennemis 
déclarés,  vérité  que  l'expérience  démontre 
tous  les  jours. 

Les  effets  et  la  malice  du  péché  d'Adam 
sont  décrits  au  soixante-dixième  sermon.  On 
y  montre  aussi  que  le  péché  actuel  est  beau- 
coup plus  grand  que  celui  d'Adam,  parce 
qu'il  renferme  l'abus  de  la  grâce  de  la  Ré- 
demption. Au  cent  trente -neuvième,  on  lit 
que  saint  Pierre  et  saint  Paul  ont  été  cou- 
ronnés le  même  jour,  et  que  leurs  corps  sont 
à  Rome.  Les  sermons  sur  l'Incarnation,  sur 
l'Epiphanie  ,  sur  la  Passion ,  sur  Pâques  font 
ressortir  excellemmentles  richesses  ineffables 
renfermées  dans  ces  mystères.  Les  sermons 
sur  l'Ascension,  après  l'exposition  de  la  so- 
lennité, apprennent  aux  hommes  à  mettre 
leurs  espérances  dans  une  vie  meilleure.  L'o- 
rateur dans  tous  les  sermons  sur  les  saints 
martyrs,  exalte  les  vertus  et  les  mérites  des 
héros  du  christianisme,  compare  souvent  la 
vie  présente  et  ses  ti-ibulations  passagères 
avec  la  vie  future  et  la  gloire  de  la  félicité 
du  ciel;  il  implore  l'intercession  et  le  se- 
cours des  saints,  et  excite  ses  auditeurs  à 
imiter  les  beaux  exemples  qu'ils  nous  ont 
donnés. 


QUATRE  SERMONS  EDITES  TANS  lE  TOME  XLVII  DE 
LA  PATROLOGIE  LATINE  ET  ATTRIBUÉS  A  SAINT 
AUGUSTIN. 

Le  tome  XLVII  de  la  Patrologie  latine, 
col.  1151,  contient  quatre  sermons  inédits 
attribués  à  saint  Augustin.  Les  deux  pre- 
miers ont  été  envoyés  aux  éditeurs  par  le 
bibliothécaire  d'Avranches.  Mabillon  avait 
écrit  sur  le  manuscrit  que  ces  sermons  étaient 
de  saint  Augustin.  Le  premier  est  sur  ces 
paroles  de  saint  Paul  :  Fratres,  si  consur- 
rexistiscum  Christo,  quœ  sursum  sunt  quœrite. 
etc.  Coloss.  m,  1.  Le  deuxième  sermon  est  sur 
ces  paroles  :  Expurgate  vêtus  fermentum  ut 
sitis  nova  conspersio,  etc.  \Cor.  v.  7.  Tous  deux 
paraissent  dignes  de  saint  Augustin.  Les  deux 
derniers  sermons  ont  été  pareillement  trou- 
vés dans  un  manuscrit  d'Avranches,  et  ils  ont 
été  publiés  pour  la  première  fois  par  M.  Fé- 
lix Ravaisson,  dans  l'opuscule  intitulé  :  Rap- 
ports sur  les  bibliothèques  des  départements  de 
l'Ouest,  Paris,  1841.  Ils  sont  sur  la  Résurrec- 
tion de  Notre-Seigneur.  Le  premier  qui  est 
sans  titre,  exprime  la  joie  que  doit  faire  naî- 
tre en  nous  la  Résurrection  du  Sauveur.  Le 
deuxième  qui  a  pour  titre  :  Sermon  du  très- 
illustre  docteur  saint  A  ugustin  sur  la  Résur- 
rection de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  mon- 
tre le  triomphe  de  Jésus-Christ  sur  la  mort, 
l'enfer  et  le  péché.  Rien  n'empêche  de  les 
attribuer  au  saint  Docteur. 

VI. 

SERMONS  DE  SAINT  AUGUSTIN  ÉDITÉS  PAR  LE 
CARDINAL  MAÏ. 

1 .  Le  cardinal  Mai  avait  publié  dans  le  tom. 
VIII  du  Spicilegium  romanum,  pag.  713-725, 
quatre  sermons  inédits,  savoir  :  un  sur  l'or- 
dre donné  par  Jésus-Christ  de  marcher  sur 
la  mer,  un  autre  sur  l'utilité  du  jeûne,  le 
troisième  sur  les  noces  de  Cana,  le  quatriè- 
me sur  la  messe  quotidienne.  L'illustre  édi- 
teur avait  déjà  en  sa  possession  un  plus 
grand  nombre  de  sermons.  Ils  ont  tous  paru 
dans  le  tom.  I"  de  l'ouvrage  intitulé  :  Patrum 
Nova  Bibliotlieca,  au  nombre  de  201.  Dans 
sa  Préface,  le  Cardinal  parle  des  divers  ma- 
nuscrits dont  il  s'est  servi  pour  son  édition, 
il  en  discute  l'âge  et  l'authenticité.  Vient 
ensuite  une  notice  très-intéressante  sur  un 
ouvrage  peu  connu ,  renfermant  un  grand 


SUPPLEMENT  AU  CHAPITRE  SUR  SAINT  AUGUSTIN. 


839 


nombre  d'extraifs  de  discours  inédits  de  saint 
Augustin,  et  que  tous  les  éditeurs  ont  né- 
gligés jusqu'à  ce  jour.  Cet  ouvrage  se  nom- 
me le  Milleloquium  veritatis;  il  forme  deux 
vol.in-fol.,  où  sont  rangées,  par  ordi-e  alpha- 
bétique, toutes  les  matières  qui  ont  été  trai- 
tées par  saint  Augustin.  Il  fut  complété  et 
composé  dans  le  xiv°  siècle  par  Barthélémy, 
de  l'Ordre  des  Ermites  de  saint  Augustin, 
que  Clément  VI  nomma  évéque  d'Urbania , 
et  qui  mourut  l'an  1330.  Triumphus,  maître 
de  Barthélémy,  avait  commencé  le  Millelo- 
quium de  saint  Augustin.  Le  ililleloquium 
Ambrosii  est  l'ouvrage  exclusif  de  Barthélé- 
my. Le  Cardinal  ne  compte  que  trois  éditions 
du  Milleloquium  Augustini  :  l'édition  de  Lyon, 
1555  ;  celle  de  Paris,  1645,  due  à  Colliérus  ; 
et  celle  de  Brescia,  1734.  M.  Bonnetty  dit  en 
avoir  dans  sa  bibliothèque  une  deuxième 
édition  de  Paris,  1672.  Cette  édition  renfer- 
me des  améliorations  et  des  additions  qu'on 
peut  voir  dans  les  Annales  de  philosophie  aux- 
quelles nous  avons  emprunté  ces  détails  *. 

2.  La  Préface  est  suivie  de  trois  ta- 
bles. Dans  la  première,  les  discours  nou- 
veaux sont  divisés  en  cinq  classes.  Première 
classe  :  discours  sur  l'Ancien  Testament. 
Deuxième  classe  :  discours  sur  le  Nouveau 
Testament.  Troisième  classe  :  sermons  pour 
le  temps.  Quatrième  classe  :  sermons  sur 
les  Saints.  Cinquième  classe  :  sermons  sur 
divers  sujets.  La  seconde  table  donne  les 
discours  selon  l'ordre  alphabétique  du  pre- 
mier mot.  La  troisième  contient  le  titre  de 
tous  les  ouvrages  reproduits  dans  le  volu- 
me. Quinze  planches  reproduisent  des  spéci- 
mens des  manuscrits  qui  ont  servi  à  compo- 
ser le  volume.  Viennent  ensuite  les  sermons 
de  saint  Augustin,  avec  notes  au  bas  des 
pages,  et  quelquefois  avec  des  notices  assez 
étendues.  On  trouve  en  particulier  une  no- 
tice sur  Robert  de  Bardis,  chancelier  de  l'É- 
glise de  Paris,  où  le  Cardinal  le  venge  contre 
le  jugement  qu'ont  porté  Vignérius  et  les 
Bénédictins  sur  sa  Collection  des  discours  de 
saint  Augustin,  encore  manuscrits  à  la  Biblio- 


thèque impéi'iale.  L'éditeur  donne  la  liste  et 
le  titre  des  discours  de  cette  Collection,  et  il 
en  reproduit  onze. 

3.  Voici  ce  que  M.  Lefebvre,  professeur 
de  théologie  dogmatique,  a  écrit  sur  cette 
question  dans  la  Bévue  Catholique,  année 
1860,  pag.  264  et  suiv.  : 

«  Les  deux  cents  sermons  édités  par  le 
cardinal  Maï  sont-ils  authentiques  ?  La  ques- 
tion est  grave  et  difficile  ;  pour  la  résoudre, 
il  faut  unir  l'habileté  de  la  critique  à  une 
connaissance  approfondie  des  Œuvres  de 
saint  Augustin,  il  faut  connaître  l'âge  et  le 
caractère  des  manuscrits  dont  les  sermons 
sont  extraits,  et  avoir  compulsé  les  témoi- 
gnages des  anciens.  Sous  ces  divers  rap- 
ports, le  cardinal  Maï  est  un  juge  compétent; 
il  s'est  entouré  de  toutes  les  lumières  néces- 
saires pour  donner  une  édition  soignée.»  Or, 
en  s'appuyant  sur  l'antiquité  et  le  nombre 
des  manuscrits,  sur  le  témoignage  des  an- 
ciens et  sur  l'étude  des  textes,  il  affirme  que 
la  plupart  des  nouveaux  sermons  sont  au- 
thentiques ;  il  considère  comme  douteux  les 
cinquante-septième  ,  cent  trente-troisième  , 
cent  soixante  et  unième,  cent  quati-e-vingt- 
onzième  et  cent  quatre-vingt-dix-huitième 
sermons  ;  il  déclare  apocryphes  les  cent  hui- 
tième, cent  quatre-vingt-quatorzième  et  deux 
cent-unième;  et  il  ajoute  qu'un  examen  ulté- 
rieur en  fera  peut-être  condamner  quelques 
autres^. 

M.  E.  Miller,  dans  un  article  du  Journal 
des  savants,  admet  comme  incontestable  l'au- 
thenticité des  vingt-six  premiers  sermons; 
mais  il  prétend  qu'wwe  lecture,  même  super- 
ficielle, démontre  évidemment  qu'à  partir  du 
trente  -  cinquième  sermon,  ce  n'est  plus  saint 
Augustin  qui  parle  '.  Ce  jugement  est  trop 
sommaire  et  trop  peu  motivé  pour  être  ad- 
mis sans  contestation. 

Voici  comment  M.  Miller  prépare  ses  lec- 
teurs à  partager  son  opinion  :  «  La  der- 
nière édition  de  saint  Augustin,  dit-il,  publiée 
en  1837,  chez  les  frères  Gaume,  n'a  admis 
qu'un  seul  sermon  dessoixante-huit^desMM. 


Anthenficltô 
des  sermons 
édités  par  la 
cardioal  &]al. 


>  Tom.  XL"Vin  de  la  Collection,  pag.  222,  223  et 
suiv. 

2  Les  sermons  douteux  sont  le  cinquante-sep- 
tième sur  Suzanne  et  les  vieillards;  le  quatre-vingt- 
dix-septième  sur  la  pénitence  des  Ninivites  ;  le 
cent  trente-troisième  sur  saint  Jean,  cliap.  x,  22  : 
le  cent  soixante-unième  sur  saint  Thomas,  apôtre  ; 
le  cent  quatre-vingt-onzième  sur  le  martyre  de  saint 
Etienne  ;  le  cent  quatre-vingt-dix-huitième  pour  le 


commun  des  vierges;  le  cent  quatre-vingt-huitième 
sur  la  Naissance  de  Notre-Seigneur.  Les  supposés 
sont  le  cent  soixante-huitième  sur  Marie ,  mère  de 
Dieu  et  non  le  cent  huitième,  comme  le  dit  M.  Lefeb- 
vre; le  cent  quatre-vingt-quatorzième  sur  l'Assomp- 
tion de  la  bienheureuse  Vierge  ;  le  cent  quatre- 
vingt-quinzième  sur  la  consécration  des  églises;  le 
deux  cent-unième  sur  la  prière.  (L'éditeur.) 
'  Journal  des  savants,  année  1853,  pag.  S69  etS70, 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


840 

Caillau  et  Saint- Yves,  et  qu'un  petit  nombre 
de  ceux  de  Denis  et  du  Père  Frangipane, 
placés  pour  la  plupart  dans  l'appendix  des 
Dubia  et  des  Spuria.  Une  exclusion  aussi  con- 
sidérable est  expliquée  dans  une  longue  et 
remarquable  dissertation ,  qu'on  nous  dit 
être  sortie  de  la  plume  de  M.  Diibner,  et  qui 
renferme  d'excellents  principes,  au  moyen 
desquels  il  est  facile  de  reconnaître  le  style 
et  la  doctrine  du  saint  évéque  d'Hippone.  » 
S.  E.  le  cardinal  Maï,  faisant  sans  doute  al- 
lusion à  cette  dissertation,  s'exprime  ainsi, 
page  XV  de  sa  Préface  :  Equidem  contradic- 
tionem  aliquam  adversus  has  novorum  sermo- 
num  editiones  excitatam  in  Gallia  scio,  cui  ta- 
men  satis  strenue  repugnatum  fuit,  ut  jam 
omittam  quidquid  rigidiore  judicio  vel  com- 
motiore  animo  decertantes  docti  dixerunt.  Une 
réplique  ou  une  réfutation  de  la  dissertation 
de  M.  Diibner  nous  est  complètement  incon- 
nue, nous  savons  seulement  que  feu  l'évêque 
de  Maroc,  Monseigneur  Guillon,  dont  le  nom 
se  trouvait  sur  le  titre  du  vol.  de  la  Bibliothe- 
ca  selecta,  a  publié  un  mémoire  en  français, 
pour  désavouer  sa  participation  au  dit  volu- 
me, et  pour  approuver  tous  les  résultats 
consignés  dans  la  dissertation  latine.  Ce  mé- 
moire provoqua  une  réponse  de  M.  l'abbé 
Caillau,  dans  laquelle  on  cherche  cà  prouver 
que  Monseignem-  de  Maroc  était  beaucoup 
moins  étranger  qu'il  ne  l'a  prétendu  à  la  pu- 
blication du  volume  en  question,  mais  où 
l'on  n'entre  nullement  dans  le  fond  du  dé- 
bat :  on  se  borne  à  annoncer  une  réfutation 
du  traité  latin,  réfutation  qui  n'a  jamais  paru. 
Nous  devons  croire  que  S.  E.  le  cardinal  A. 
Mai  n'a  pas  eu  entre  les  mains  les  pièces  du 
procès;  autrement  nous  ne  saurions  com- 
ment expliquer  son  satis  strenue  repugnatum 
fuit  K 

Ce  passage  exige  quelques  observations. 
Et  d'abord,  quand  même  les  sermons  de  M. 
Caillau  seraient  tous  apocryphes,  on  n'en 
pourrait  rien  conclure  contre  la  publication 
du  cardinal  Maï,  qui  s'est  servi  de  manus- 
crits tout  différents,  plus  anciens  et  plus 
nombreux.  Mais  est-il  démontré  que  la  criti- 
que de  M.  Diibner  soit  toujours  fondée  en 
raison?  Si  plusieurs  des  sermons  édités  par 
M.  Caillau,  en  1836,  ne  sauraient  être  attri- 
bués à  saint  Augustin,  il  en  est  d'autres 
dont  l'authenlicité  peut  être  soutenue.  Le 


cardinal  l\Iaï  (pag.  xiv)  affirme  avoir  lu  plu- 
sieurs de  ces  sermons  dans  les  plus  anciens 
manuscrits  du  Vatican.  Quoi  qu'il  en  soit,  M. 
Miller  montre  qu'il  n'a  pas  examiné  les  piè- 
ces du  procès,  car  la  dissertation  latine  dont 
il  nie  l'existence  a  paru  à  Paris  en  1842, 
sous  le  titre  de  Vindiciœ  sermonum  sancti 
Augustini  ineditorum  ^. 

Ce  qui  porte  le  Journal  des  savants  à  révo- 
quer en  doute  l'authenticité  des  nouveaux 
sermons,  c'est  qu'on  y  rencontre  des  pen- 
sées faibles  ou  communes,  un  style  prétentieux, 
un  langage  pâle,  diffus  ou  maniéré,  plein  de 
recherches  sans  esprit,  et  une  série  de  phrases 
qui  font  l'effet  d'un  jeu  et  d'un  exercice  de 
l'esprit,  et  qu'ainsi  l'étude  du  génie  de  saint 
Augustin,  et  souvent  même  le  goût  et  le  bon 
sens  le  plus  ordinaire  suffisent  pour  déclarer 
les  nouveaux  sermons  apocryphes  '. 

Outre  que  ces  griefs  ne  sont  pas  prouvés 
par  un  nombre  suffisant  d'exemples,  l'argu- 
ment tiré  de  la  couleur  du  style  est  souvent 
trop  vague  et  trop  incertain  pour  servir  de 
critérium  unique  dans  le  j  ugement  à  porter 
sur  l'authenticité  d'un  ouvrage.  Tout,  dans 
un  auteur,  n'a  pas  la  même  valeur,  ni  la 
même  perfection  de  style  ;  le  langage  d'un 
orateur  diffère  selon  qu'il  improvise  ou  (ju'il 
prononce  un  discours  préparé  avec  soin  ;  la 
diversité  des  auditoires,  la  différence  d'âge 
et  bien  d'autres  causes,  font  subir  des  chan- 
gements à  la  pensée  et  à  son  expression.  Aus- 
si bien  que  les  critiques  les  plus  judicieux  et 
les  plus  exercés,  en  se  basant  sur  la  confor- 
mité et  la  différence  du  style,  ont  commis 
bien  des  méprises,  et  ont  souvent  attribue 
un  même  ouvrage  à  des  auteurs  bien  diffé- 
rents. 

Le  cardinal  Maï  a  prévu  l'objection  de  M. 
Miller,  et  il  y  répond  en  ces  termes  (pag. 
xxvii)  :  Illud  denique  non  est  reticendum  {mo- 
nentibus  ipsis  Maurinis)  varium  fuisse pro  tem- 
poribus,  locis,  aliisgue  rerumadjunctis,  concio- 
nantis  Augustini  modum  :  aliter  enim  fervens 
.  juvenis ,  ut  credibile  est,  loquebatur;  aliter 
post  ferme  quadraginta  concionatoriœ  profes- 
sionis  annos;  aliter  ex  abrupto,  aliter  ex  medi- 
tato;  aliter  publiée  orans,  aliter  privatim  dic- 
tansaut  scribens.  Quœ  régula  valet,  ut  nepnc- 
cepis  de  sermonibus  singulis  quandoque  inter  se 
di Iferentibus  judicium  feramus.  Qui  totum 
qiiidem  Augustinum  se  legisse  sine  mendacio 


'  Journal  des  savants,  18S3,  pag.  566.  (L'éditeur.) 

•'  En  deux  formats ,  l'un  in-fol.,  et  l'autre  in-8.  '  Ibid.,  pag 


568-570. 


SUPPLÉMENT  AU  CHAPITRE  SUR  SAINT  AUGUSTIN. 


841 


afflrmare  queat,  is  haud  modice  varium  divum 
Patrem  ultro  fatebitur.Son  Éminence  montre 
ensuite  que  le  style  de  saint  Augustin,  dans 
sa  jeunesse,  a  dû.  se  ressentir  de  l'enflure 
de  Symmaque,  qui  lui  servait  de  maître. 

4.  Voici  la  liste  des  sermons  de  saint  Au- 
gustin publiés  par  Maï  : 

I"  CLASSE. 

Sermons  tirés  de  l'Ancien  Testament. 

Trois  sermons  sur  Adam,  Eve  et  la  Sainte 
Vierge  ;  un  sur  le  péché  du  premier  homme  ; 
un  sui"  les  tuniques  de  peau  ;  un  sur  Caïn  et 
Abel;  un  sur  le  sacrifice  d'Abraham;  un  sur 
le  patriarche  Joseph;  un  sur  Pharaon;  un 
sur  les  dix  plaies  d'Egypte  ;  un  sur  Salomon; 
un  sur  la  dédicace  du  temple  ;  un  sur  le  pro- 
phète Élie;  un  sur  Suzanne  et  les  vieillards.  11 
y  en  a  deux  sur  la  pénitence  des  Ninivites  ;  un 
sur  le  psaume  xxxvi;  un  sur  le  psaume  xl; 
un  sur  le  répons  du  psaume  xl  ;  un  sur  le 
répons  du  psaume  lxxtv  ;  un  sur  le  ré- 
pons du  psaume  lsxxiii  ;  un  sur  le  psaume 

CXLK. 

n°  CLASSE. 

Sermons  tirés  du  Nouveau  Testament. 

Un  sermon  sur  la  divinité  et  l'incarnation 
de  Notre-Seigneur  ;  un  sur  l'Incarnation,  la 
Passion  et  la  Résurrection  ;  un  sur  le  baptême 
de  Notre-Seigneur  ;  un  contre  les  Pharisiens  ; 
deux  sur  le  Riche  et  Lazare  ;  un  sur  la  Cha- 
nanéenne;  une  sur  la  femme  qui  souffrait 
d'une  perte  de  sang;  un  sur  les  paroles  de 
l'Évangile  :  Ne  donnez  pas  les  choses  saintes  aux 
chiens;  un  sur  ces  paroles  de  Jésus  :  Simon, 
fils  de  Jean,  m'aimez -vous?  deux  sermons 
sur  S.  Pierre,  sur  le  point  d'être  submer- 
gé dans  la  mer;  un  sur  ces  paroles  :  Je  vous 
envoie  comme  des  agneaux  au  milieu  des  loups  ; 
un  sur  les  vertus  de  J.-C.  ;  un  sur  son  hu- 
milité; un  sur  la  femme  adultère  ;  un  sur  la 
parabole  des  ouvriers  de  la  vigne  ;  un  sur 
les  noces  de  Cana  ;  un  sur  la  résurrection  de 
Lazare;  un  sur  ces  paroles  :  Je  vous  loue, 
à  mon  Père  ;  un  sur  ces  paroles  :  Venez  à  moi, 
vous  qui  souffrez  ;  un  sur  le  paralytique  de  la 
piscine  ;  un  sur  ces  paroles  :  Celui  qui  mange 
ma  chair  et  boit  mon  sang  ;  un  sur  l'Aveugle- 
né  ;  un  sur  Hyménée  et  Alexandre  ;  un  sur 

'  Le  sermon  qni  commence  par  ces  mots  :  Zelus 
que  tendat,  pag.  230. 


le  Semeur;  un  sur  ces  paroles  :  J'ai  compas- 
sion de  cette  foule;  un  sur  les  marchands 
chassés  du  temple;  un  sur  les  dix  plaies; 
un  sur  quelques  traités  de  saint  Jean. 

ni°  CLASSE. 

Sermons  sur  le  Temps. 

Dix  sermons  sur  la  Naissance  du  Sau- 
veur; un  pour  l'Octave  de  la  Nativité;  un 
sur  la  Circoncision;  un  pour  la  veille  de 
l'Epiphanie  ;  quatre  sur  la  fête  de  l'Épipba- 
nie;  huit  sur  le  massacre  des  Innocents'; 
deux  sur  la  Quadi-agésime  ;  un  sur  les  Ra- 
meaux; deux  sur  la  Cène;  treize  sur  la  Pas- 
sion ;  un  sur  la  Croix  et  le  Larron  ;  un  sur  le 
Larron  crucifié  ;  un  sur  le  Samedi-Saint  ; 
vingt-trois  sur  la  fête  de  Pâques;  quatre  sur 
l'Octave;  quatre  sur  l'Ascension  ;  un  sur  le 
temps  qui  tient  le  milieu  entre  l'Ascension 
et  la  Pentecôte  ;  deux  sur  la  Pentecôte  ;  un 
sur  la  Dédicace  des  églises;  un  pour  leur 
consécration. 

rv'  CLASSE. 

Sermons  sur  les  Saints. 

Quatre  sur  saint  Etienne  ;  deux  sur  saint 
Jean  l'évangéliste;  neuf  sur  la  naissance  de 
saint  Jean  -  Baptiste  ;  cinq  sur  la  fête  des 
apôtres  Pierre  et  Paul;  un  sur  celle  de 
saint  Laurent,  martyr;  un  sur  celle  de  sain- 
te Victoire  ;  deux  sur  celle  des  deux  sœurs 
Genès;  deux  sur  celle  des  saints  Félix  et 
Adaucte  ;  un  sur  celle  de  saint  Cyprien  ;  un 
sur  les  saints  Côme  et  Damien  ;  un  sur  saint 
André  ;  un  sur  saint  Thomas,  apôtre;  un  sur 
la  Sainte  Vierge;  un  sur  son  Assomption; 
deux  sur  la  fête  des  Martyrs;  un  sur  le 
Commun  des  martyrs;  un  sur  le  Commun 
des  confesseurs;  un  sur  la  Translation  des 
rehques. 

•V"  CLASSE. 

Sermons  sur  divers  sujets. 

Un  sur  la  haine  des  Juifs  ;  deux  sur  l'amour 
des  ennemis  ;  un  sur  le  pèlerinage  de  cette 
vie;  un  sur  la  charité  et  l'amour  dus  à  Dieu; 
un  sur  l'hospitalité  ;  trois  sur  l'édification  de 
l'âme  ;  un  sur  la  dîme  ;  un  sur  l'aumône  ;  un 
sur  V Alléluia;  un  sur  l'ordination  d'un  évo- 
que ;  un  sur  la  sainteté  de  l'âme  et  de  la  fuite 
des  sortilèges;  un  sur  l'ivrognerie;  un  sur 
la  messe  quotidienne  ;  un  sur  la  crainte  de 


842 


HISTOmE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLESIASTIQUES. 


Choses  rc- 
remarquables 
contenues 
dans  les  ser- 
mons publiés 
par  Mal. 

Présence 
réelle  de  Jé- 
sus -Christ 
dnns  l'Eucha- 
ristie. 


L'Esprit- 
Saint  procède 
du  Père  et  du 
Fils. 

Contra  les 
Grecs. 


Dieu  ;  deux  sur  ceux  qui  s'approclient  de  la 
grâce;  un  sur  les  temps  de  barbarie;  un  sur 
les  maux  du  monde  ;  deux  sur  la  cbarité  ; 
un  sur  l'invocalion  du  Saint-Esprit;  deux 
sur  la  Pénitence;  deux  sur  la  résurrection 
de  la  chair  et  le  jugement;  une  épîti^e  ou 
traité  contre  les  ariens;  un  sur  le  mystère 
de  la  Sainte  Trinité  ;  un  sur  le  Saint-Esprit  et 
sa  procession  du  Fils  ;  un  extrait  du  livre  de 
la  Vraie  religion  ;  une  Exposition  de  la  foi  ; 
un  sermon  sur  la  Prière. 

5.  Nous  allons  donner  des  extraits  de 
textes  nouveaux,  qui  renferment  la  preu- 
ve de  quelques-uns  de  nos  dogmes  : 

«  Le  Christ  est  donc  présent  sur  l'autel  ; 
le  Christ  y  est  mis  à  mort  ;  le  Christ  est  im- 
molé ;  le  Christ  y  est  reçu  dans  son  corps  et 
dans  son  sang.  Celui-là  même  qai,  aujour- 
d'hui, donne  le  pain  et  le  calice  à  ses  disci- 
ples, celui-là  même  aujourd'hui  consacre 
ces  choses.  Car  ce  n'est  point  l'homme  qui 
consacre  le  corps  et  le  sang,  déposés  ici,  mais 
c'est  ce  Chrisl  même  crucifié  pour  vous.  Les 
paroles  sont  proférées  par  la  bouche  du  prê- 
tre, mais  le  corps  même  et  le  sang  sont  con- 
sacrés par  la  vertu  et  la  grâce  de  Dieu  '.  » 

Et  ailleurs  : 

«  Car  si  l'on  appelait  maison  du  Seigneur 
le  lieu  où  les  bêtes  étaient  immolées,  à  plus 
forte  raison  notre  Éghse,  où  l'on  célèbre  les 
sacrements  de  la  chair  et  du  sang  du  Sei- 
gneur ^.  » 

6.  «  Nous  faisons  profession  de  ci'oire  le 
Christ  Dieu  et  homme,  et  aussi  l'Esprit- 
Saint  ni  non-né,  ni  né,  mais  procédant  du 
Père  et  du  Fils,  parce  qu'il  est  l'Esprit  du 
Père  et  du  Fils,  et  lui-même  consubstantiel 
et  coéternel  à  tous  deux  '.  »  «  Notez,  dit  le 


Cardinal,  ce  témoignage  en  faveur  du  dog- 
me catholique  contre  les  Grecs;  le  Saint-Es- 
pi'it  étant  nommé  l'Esprit  du  Fils  ,  on  en 
conclut  à  bon  droit  la  procession  du  Saint- 
Esprit  opérée  par  le  Fils,  et  sa  consubstantia- 
lité.  C'est  ainsi  que  Fauste  de  Riez,  contem- 
porain d'Augustin,  disait  :  L'Esprit -Saint 
procède  des  deux  *  ;  de  même  Otton  de 
Verceil,  dans  son  onzième  discours,  dit  : 
Il  n'a  pas  manqué  d'hérétiques  qui  ont  dit 
que  cet  Esprit  n'était  pas  venu  du  Père  et  du 
Fils,  mais  seulement  du  Père,  auxquels  nous 
pouvons  convenablement  opposer  les  témoi- 
gnages de  la  Vérité  même.  Et  après  avoir 
cité  Jean,  chap.  xv,  26,  et  xvi,  9,  il  conclut  : 
Par  ces  paroles,  on  montre  assez  clairement 
que  l'Esprit  ne  procède  pas  seulement  du 
Père,  mais  encore  également  du  Fils;  et  c'est 
ainsi  qu'on  déjoue  complètement  la  perfidie 
des  hérétiques  ^.  C'est  ainsi  qu'Otton,  qui  a 
vécu  entre  Photius  et  Cérulaire,  et  beaucoup 
plus  ancien  que  le  concile  de  Florence,  ap- 
pelait déjà  hérésie  l'opinion  des  Grecs  ^.  » 

Le  Cardinal  cite  encore  une  preuve  de  ce 
dogme  dans  le  cent  quatre-vingt-troisième 
discours  grec,  qui  n'est  que  la  traduction  du 
quatre-vingt-quatorzième  traité  in  Joan.,  ci 
où  on  lit  :  «  Le  Saint-Esprit  n'est  pas  seu- 
lement l'Espi'it  de  l'une  des  deux  person- 
nes, mais  de  toutes  les  deux''.  On  se  ré- 
jouit, ajoute  le  Cardinal,  d'entendre  sortir 
de  la  bouche  d'un  Grec,  et  surtout  d'un 
schismatique  comme  était  Planude,  traduc- 
teur de  ce  discours,  ce  témoignage  sur  le 
Saint-Esprit.  » 

7,  Le  fameux  passage  de  saint  Jean  :  Qno- 
niam  très  sunt,  qui  testimonium  dant  in  cœlo, 
Pater,  Verbum  et  Spiritus  Sanctus  :  et  hi  très 


contre  I 
einiens. 


>  Christus  ergo  prœsto  est  in  mensa,  Christus 
ibi  ipse  occiditur,  Christus  immolatur,  Christus 
ibi  in  suo  corpore  et  sanguine  sumitur.  Ipse  ille 
qui  discipulis  hodie  panem  dédit  et  calicem ,  iste 
ipse  hodie  consecrat  ista.  Non  est  enim  homo  qui 
apposilum  Chrisli  corpus  et  sanguinem  dedicet, 
sed  ille  ipse  Christus  qui  pro  vobis  est  crucifixus. 
Ore  sacerdotis  verba  proferuntur,  ipsumque  cor- 
pus et  sanguis,  Dei  xnrl^tte  consecrantur  et  gra- 
tia.  Serm.  143  de  Mysteriis  cœnœ  Domini.  tom.  I 
Bibliolh.  Nova  Pair.,  pag.  333. 

2  Si  enim,  domus  Domini  vocala  erat,  ibbi  bes- 
tiœ  immolabanlur,  mullo  mcigis  Ecclesia  nostra 
ubi  carnis  et  snnguitiis  Domini  celebrantiir  sa- 
cramenla.  Serm.  193  de  Consecrat.  eccles.,  ibid., 
pag.  45S. 

3  Christum  Deum  et  hominem  confitemur.  Spi- 
Titum  quoque  Sanctum  non  ingenituni,  neque  ge- 


nilum,  sed  ex  Pâtre  Filioqueprocedentem,  eo  quod 
Patris  et  Filii  sit  spiritus,  et  ipse  consubstanlialis 
et  coœternus  ambobus.  Serm.  174  de  Incarn.  Do- 
mini. Ibid.,  Biblioth.  nova  Patrum,  pag.  393. 

*  Spiritus  Sanctus  de  utroque  procedit.  Spicil. 
Rom.,  tom.  V,  pag.  93. 

^  Nec  defuerunt  hceretici,  gui  dicerent  hune 
Spiriium,  non  a  Pâtre  sirnul  et  Filio,  sed  a  Pâtre 
prodiisse  tantummodo  ;  quibus  ex  ipsius  Veritatis 
congruenter  possumus  occurrere  testimoniis... 
Quibus  verbis  satis  aperle  demonstratur  Spiri- 
tum  non  tantum  a  Pâtre,  sedelia\n  a  Filio  pari- 
ter  processisse.  Hœreticorum  per  hoc  fundiius 
evacuatur  perfidia.  Otto  apud  scrip.  vet,  tom.  VI, 
part.  2,  pag.  27  el  28. 

8  Le  card.  Maï.  ibid.,  tom.  1,  pag.  393. 

"^  Tô  ^£  nvsû/Aa  «yïov  ou  BoL-zipou  toutwv  /j.ovbv  ï^rt 
nvsîJ/i« ,  àXX  à./ifoTe/>àii ,   t.  F ,  pag.  42B. 


SUPPLÉMENT  AU  CHAPITRE  SUR  SAINT  AUGUSTIN. 


843 


unum  sunt.  Et  très  sunt  qui  dant  testimonium 
in  terra,  Spiritus,  et  aqua,  et  sanguis  :  et  M 
très  unum  sunt ,  I  Épist. ,  v.  7  et  8  :  ce 
passage  ne  se  trouve  pas  dans  plusieurs 
manuscrits ,  soit  grecs ,  soit  latins.  Aussi 
le  savant  Cardinal  regarde-t-il  comme  une 
bonne  fortune  de  pouvoir  donner  une  preu- 
ve nouvelle  que  ce  passage  était  dans  les 
plus  anciens  manuscrits  de  la  Bible.  11  trou- 
ve cette  preuve  dans  le  Spéculum  de  saint 
Augustin,  qu'il  édite  et  qui  nous  donne  le 
texte  de  l'ancienne  version  Italique ,  anté- 
rieure à  saint  Jérôme,  et  même  à  l'Italique 
déjà  connue.  Voici  dans  quels  termes  ce 
passage  est  ici  énoncé  :  Quoniam  très  sunt 
qui  testimonium  dicunt  in  terra,  Spiritus,  aqua 
et  sanguis  :  et  hi  très,  unum  sunt  in  Christo 
Jesu.  —  Et  très  sunt  qui  dicunt  testimonium 
in  cœlo,  Pater,  Verbum  et  Spiritus  :  et  hi  très, 
unum  sunt.  Specul.,  tom.  I,  2"=  part.  pag.  6. 

Et  afin  que  ce  texte  ne  se  perde  pas,  le 
Cardinal  a  fait  graver  un  fac-similé  du  ma- 
nuscrit ,  lequel  forme  la  planche  XIV"  , 
comme  nous  l'avons  déjà  dit.  De  plus,  le 
Cardinal  a  ajouté  une  note  où  il  explique  les 
transpositions  qu'on  remarque  dans  les  ver- 
sets ,  et  il  désigne  tous  les  autres  codex , 
soit  grecs,  soit  latins ,  où  se  trouvent  ce  même 
texte  et  les  auteurs  qui  en  ont  traité.  Cette 
note  est  une  vraie  dissertation',  mais,  quoi 
qu'en  dise  M.  Bonnetty,  elle  renferme  bien 
des  inexactitudes. 

«  Nous  frappons,  dit-il,  nos  poitrines,  lors- 
cfue  la  conscience  de  nos  péchés  nous  tour- 
mente. Nous  nous  frappons,  parce  qu'il  y  a 
quelque  chose  d'intérieur,  une  certaine  con- 
ception mauvaise;  qu'elle  soit  manifestée  dans 
la  confession,  et  il  n'y  aura  plus  sujet  d'être 
tourmenté.  Que  tous  les  péchés  se  découvrent 
et  se  produisent  au  dehors  en  confession'.  » 

«  Remarquez,  ajoute  le  savant  Cardinal,  ce 


témoignage  sur  la  nécessité  de  la  confession.» 
C'est  ainsi  que  parle  encore  le  savant  Docteur 
dans  les  sermons  imprimés  :  «  La  conscience, 
dit-il ,  est-elle  oppressée  par  la  crapule  de 
l'impiété ,  que  la  confession  la  punisse  '.  »  La 
preuve  que  saint  Augustin  ne  parle  pas  d'une 
confession  faite  à  Dieu  seul,  se  tire  de  la  ma- 
nière dont  il  s'exprime  sur  les  clefs  donnés  à 
Pierre  et  à  l'Église  par  le  Christ.  «  Ne  sont-ce 
pas  là,  poursuit-il,  les  clefs  qui  sont  dans  l'É- 
glise où  tous  les  jours  on  remet  les  péchés?*» 
et  ailleurs,  contre  ceux  qui  ne  veulent  être  ab- 
sous que  de  Dieu  seul,  comme  nos  modernes 
hérétiques  :  «  Quelqu'un  dira  :  Que  sertl'É- 
glise  à  celui  qui  se  confesse  ?  »  Il  répond  : 
«  Le  Seigneur  dit  :  Ce  que  vous  aurez  délié 
sur  la  terre,  sera  aussi  déhé  dans  le  ciel.  »Et 
peu  après  :  «  Que  fait  donc  l'Égiise  ?  il  lui  a 
été  dit  :  Les  choses  que  vous  avez  déhées  sont 
déliées  ^  » 

Dans  sa  deux  cent  vingt-huitième  lettre, 
numéro  8,  il  parle  du  malheur  de  ceux  qui, 
par  défaut  de  prêtre,  meurent  hés,  c'est-à- 
dire  non  absous.  Ici  il  fait  aussi  mention  de 
la  communion  du  corps  du  Seigneur,  c'est- 
à-dire,  comme  nous  parlons  maintenant,  du 
saint  viatique  qu'on  porte  aux  mourants^. 

8.  «  Mes  chers  frères,  dit-il,  celui-là  est 
coupable  d'erreur  ou  de  péché,  qui  attribue 
quelque  tache  d'inûdéhté  à  l'apôtre  Pierre, 
c'est-à-dire  au  fondement  de  l'Église,  de  mê- 
me qu'il  est  téméraire  d'accuser  d'incrédulité 
celui  auquel,  par  ses  mérites,  a  été  donné  par 
Dieu  le  pouvoir  de  lier  ou  de  délier  les  pé- 
chés'. » 

A  ce  texte,  le  Cardinal  ajoute  les  suivants, 
tirés  d'ouvrages  imprimés  :  «  Dans  Pierre 
seul,  dit-il,  était  figurée  l'unité  de  tous  les 
pasteurs  ' ,  »  et  ailleurs  :  «  Qui  ne  sait  que 
ce  principal  de  l'Apostolat  doit  être  préféré  à 
tout  autre  principat  '  ?  »  —  A  ces  témoignages, 


InfailHWlilê 
de  saint  Picr- 


1  Voir  tom.  I,  S''  part., pag.  6,  et  lefao-simile  p  1. 

2  Tundimus  peciora  quando  nos  pungit  con- 
scientia  peccatorum.  Quum  tundimus,  est  aliquid 
intus,  mala  aliqua  conceptio  :  erumpat  in  con- 
fessionem,  et  non  erit  fortasse  quod  pungat  : 
erumpant  omnia  peccata  in  confessionem.  Serai. , 
3  de  Lazaro,  tom.  I,  pag.  25. 

^  Pectus  premitur  crapula  impietatis?  evomat 
eam  confessio.  Serm.  9,  num.  21  ;  édit.  Migne  : 
tom.  V,  des  OEuvres  de  saint  Augustin,  col.  90. 

'  Àut  non  sunt  istœ  in  Ecclesia  claves ,  ubi 
peccata  quoiidie  dimitiimtur  ?  Serm.  149,  num.  7: 
ibid.,  pag.  802. 

^  Dicet  aliquis  :  Quid  prodest Ecclesia  confltenti? 
respondet  :  Dominus  ait  :  Quce  solveritis  in  terra 


soluta  erunt  et  in  cœlo  :  et  mox  :  Quid  ergo  facit 
Ecclesia?  dictum  est  ei  ;  Qufe  solveritis,  soluta 
erunl.  Serm.  67,  num.  3,  ibid.,  pag.  434. 

«  Le  cardinal  Maï,PaÉrwm.Bi6Wott.  nova,  tom.  l, 
pag.  '55. 

'  Fratres  charissimi,  aut  erroris  freus)  est  aut 
delicti,  qui  Petro  apostolo,  hoc  est  Ecclesiœ  funda- 
mento ,  aliqxiid  infidelitatis  adscribit;  sicut  te- 
merarium  est,  dilectissimi,  eum  incredulitatis  ar- 
guere,  cui  solvendorum  etligandorum  criminum 
potestas  est  pro  meritis  diviniius  attributa.  Serm. 
59  in  Nativ.  Sancti  Pétri,  ibid.,  tom.  I,  pag.103. 

8  In  uno  Petro  figurabatur  unilas  omnium  pas- 
toruni.  Serm.  147,  n.  2  ;  édit.  Migne,  tom.  V,  p.  798. 

9  Quisnescit  illum  apostolatus  principatum  cni- 


8M 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


Tradition 
sur  ios  rol3 
Mages  et  leurs 
costumes. 


Sur  les  par- 
tisans exclu- 
sifs de  la  phi- 
.oEopbJe  et  do 
morale  ua* 
.urelle. 


le  Cardinal  ajoute  encore  celui  d'Hincmar  de 
Reims  :  «  Le  bienheureux  Pierre,  en  place 
de  qui  les  évêques  exercent  leurs  fonctions 
dans  l'Église'.  » 

9.  «  Ainsi,  comme  nous  l'avons  dit,  c'est  en 
ce  jour  que  l'on  croit  que  Jésus-Clirist  a  été 
adoré  par  les  Mages,  qui'  suivant  une  étoile, 
brillant  d'un  éclat  inaccoutumé,  marchèrent 
sur  la  terre  avec  leurs  pieds,  mais  dans  les 
cieux  avec  leurs  yeux''.  » 

La  principale  séduction  qui  se  fait  sentir 
de  nos  jours,  est  dans  ce  qu'on  appelle  le  ra- 
tionalisme. Aussi  le  cardinal  Mai  s'est-il  at- 
taché avec  un  soin  tout  particulier  à  noter, 
dans  les  œuvres  nouvelles  qu'il  édite,  tout  ce 
qui  peut  servir  de  preuve  contre  le  rationa- 
lisme. On  peut  voir  ce  qu'il  dit  à  ce  sujet.dans 
sa  Préface,  pag.  9.  Voici  un  nouveau  texte 
de  saint  Augustin  sur  la  philosophie  natu- 
relle et  la  morale  naturelle.  «  Le  genre  hu- 


main serait  heureux  s'il  comprenait  bien  les 
paroles  de'Dieu,  et  si  les  ayant  reçues,  il  les 
pratiquait  :  car  Dieu  dit  aux  hommes  :  Si 
vous  écoutez  mes  préceptes  et  si  vous  les  ob- 
servez, vous  jouirez  des  biens  de  la  terre, 
mais  si  vous  ne  les  observez  pas,  le  glaive 
vous  consumera,  /saï.  i,  19  et  20.  Mais  parce 
que  le  diable,  corrupteur  de  la  foi,  persuade 
aux  hommes  de  vivre  selon  la  nature,  il  rend 
semblables  aux  bêtes  ceux  que  Dieu  avait 
rendus  semblables  à  lui-même,  et  cependant 
il  les  retient  dans  les  choses  les  plus  infé- 
rieures, lorsqu'il  oppose  la  raison  de  la  na- 
ture à  la  foi  divine'.»  Le  savant  Cardinal  ajou- 
te à  ce  texte  les  paroles  suivantes  :  «  Que  les 
défenseurs  actuels  delà  raison  naturelle  con- 
tre la  foi  divine  réfléchissent  à  cette  sentence 
salutaire  de  saint  Augustin  sur  la  déprava- 
tion de  la  nature  humaine,  sentence  que  le 
saint  Docteur  continue  à  inculquer,  ibid.  *.  » 


libet  principatum  prœferendum.  De  Bap.,  cap.  ii  ; 
étJit.  Migne,  tom.  IX,  pag.  127. 

^Beatus  Petrus  apostolus,  cujus  vice  inEcclesia 
funguntur  episcopi.  Patrol.  de  Migne,  tom.  CXXV, 
pag.  799. 

2  Sur  quoi  le  Cardinal ,  après  avoir  cité  Benoît 
XIV  {DeFesiis.  I,  cap.  n,  Bollandus,  tom.  I,  pag.  8, 
323,  664)  et  fait  remarquer  le  silence  de  Baronius. 
ajoute  :  <c  J'ai  lu  dans  un  ancien  codex  du  Vatican 
qui  appartenait  autrefois  à  la  reine  de  Suède,  le 
discours  d'un  anonyme  sur  l'Epiphanie,  où  le  bon 
auteur  ,  quel  qu'il  soit,  donnait  non-seulement  les 
noms  des  Mages,  mais  encore  décrivaient  leurs  visa- 
ges et  leurs  vêtements.»  Voici  ses  paroles  :  «  En  ce 
jour,  trois  Mages  venant  de  l'Orient  avec  des  pré- 
sents, trouvèrent  Notre-Seigneur  Jésus-Cbrist.  Voici 
l'interprétation  des  noms  de  ces  trois  mages  :  le 
premier,  le  plus  âgé,  nommé  Melcbior,  était  blanc 
avec  une  longue  barbe  et  une  grande  chevelure, 
il  portait  une  tunique  verte  et  une  casaque  cou- 
leur milleum  ,  avec  des  souliers  bordés  f^ert  et 
blanc.  Il  lui  offrit  de  l'or  comme  à  un  roi.  —  Le 
second,  du  nom  de  Caspar,  était  un  jeune  homme 
imberbe,    rubicond,    ayant  une    tunique    couleur 


millenican,  une  casaque  rouge,  et  des  chaussures 
vertes;  il  apportait  de  l'encens  comme  à  un  Dieu, 
et  il  l'adora  comme  tel.  —  Le  troisième  s'appelait 
Patizara,  il  était  basané,  noir,  tout  barbu,  couvert 
d'une  tunique  rouge  et  d'une  veste  blanche,  et 
portait  une  chaussure  millenican  ;  c'est  par  la 
myrrhe  qu'il  rendit  témoignage  à  la  mort  du  Fils 
de  l'homme.  Tous  leurs  habits  étaient  de  soie. 
Patrum  Biblioth.  Nova,  tom.  I,  pag.  123. 

3  Fratres  charissim,i,felix  est  humanum  genus si 
aut  verbaDei  bene  perciperet,  autpercepla  ser- 
varet.  Dixit  enim  hominibus  Deus  :  Si  audieritis 
prcecepta:et  feceritis  ea,  bona  terrae  edelis  :  si  autem 
non  feceritis,  gladius  vos  consumet.  {Levitie,  xxv. 
1,  3.)  Sed  quia  diabolus  fidei  depravator  5«- 
cundum  naturam  vivere  honiines  persuadet,  pe- 
coribus  eos  similes  exhibet,  quos  Deus  suisimiles 
fecit;  et  nihilominus  eos  rébus  deterioribus  deti- 
net,  cum  divinœ  fidei  objicit  naturœ  rationem. 
Sèrm.  71  de  Adam  et  Eva,  ibid.,  pag.  338. 

*  Tous  ces  textes  sont  reproduits  presque  mot 
pour  mot  d'après  la  traduction  des  Annales  de  Phi- 
losophie, Tom.  XLVIIl  de  la  Collect.,  pag.  268  et 
suiv. 


AUTRE   SUPPLÉMENT. 


REMARQUE  IMPORTANTE  POUR  BIEN  SAISIR  LA 
CONTROVERSE  DU  PÉLAGIANISME. 

Pour  bien  saisir  la  controyerse  du  pélagia- 
nisme,  une  remarque  nous  paraît  fort  im- 
portante. Saint  Augustin  distingue  la  nature 
humaine  dans  le  premier  homme  d'avec  la 
nature  humaine  dans  ses  descendants  :  dans 
celui-là  elle  était  saine,  dans  ceux-ci  elle  est 
blessée  et  malade.  Pelage,  au  contraire, 
soutient  que  la  nature  humaine  est  la  même 
dans  les  descendants  que  dans  leur  premier 
ancêtre.  Il  nous  semble  qu'il  y  a  dans  tout 
cela  un  peu  d'équivoque.  La  nature  est  la 
même  quant  à  son  essence;  la  nature  est  la 
même  entant  qu'elle  est  purement  humaine. 
Elle  n'est  pas  la  même  en  tant  que,  dans  le 
premier  homme,  elle  était  en  quelque  sorte 
divinisée  par  la  grâce  ;  car  ce  que  saint  Au- 
gustin dit  des  anges  est  également  vrai  dans 
nos  premiers  parents  :  que  Dieu ,  tout  à  la 
fois,  y  créa  la  nature  et  y  répandit  la  grâce  ; 
tandis  que,  par  suite  du  péché,  la  nature  n'a 
plus  en  nous  que  ce  qui  est  strictement  de 
son  essence.  Elle  est  déchue,  blessée,  viciée, 
corrompue,  par  comparaison  avec  la  nature 
innocente  et  surnaturalisée  du  premier  hom- 
me ;  cependant  elle  n'est  pas  viciée  au  point 
que  Dieu  n'eût  pu  la  créer  dès  l'origine.  Ces 
distinctions  aperçues  et  formulées  par  la 
précision  plus  sévère  de  la  théologie  scho- 
lastique,  et  justifiéps  par  les  décisions  de  l'É- 
glise, nous  paraissent  nécessaires  pour  ne 


pas  s'égarer  dans  ce  que  la  controverse  du 
pélagianisme  présente  quelquefois  de  vague 
et  d'indécis.  (Rorbacher,  Histoire  de  l'É- 
glise catholique,  tom.  VII,  pag.  505.) 

n. 

CE   QUI   EMBROUILLE  LE  PLUS  LA    CONTROVERSE  DE 
LA  PRÉDESTINATION  ;  MOYEN  DE  L'ÉCLAIRCIR. 

Ce  qui  embrouillait  le  plus  cette  contro- 
verse, c'est  qu'on  ne  s'était  point  encore  for- 
mé une  idée  complète  et  bien  précise  de  ce 
qu'est  la  grâce  en  général.  On  ne  l'envisa- 
geait que  dans  l'homme  déchu;  on  ne  la  con- 
sidérait point  dans  son  essence.  Avec  la  défi- 
nition que  nous  donnent  aujourd'hui  les 
catéchismes  et  la  théologie  :  La  grâce  est  un 
don  surnaturel  pour  mériter  la  vie  éternelle, 
qui  consiste  à  voir  Dieu  en  lui-même,  tel 
qu'il  est;  avec  cette  définition,  presque  tou- 
tes les  difficultés  qui  embarrassaient,  du 
temps  de  saint  Augustin ,  disparaissent.  Car 
si  la  grâce  est  le  moyen  pour  mériter  de  voir 
Dieu  en  son  essence,  comme  il  y  a  une  dis- 
tance infinie  entre  la  créature  la  plus  par- 
faite et  Dieu,  la  grâce  est  nécessairement  un 
don  surnaturel,  non-seulement  surnaturel  à 
tout  homme  déchu,  mais  à  l'homme  dans  sa 
nature  entière,  mais  à  la  créature  la  plus 
parfaite  possible.  La  grâce  est  la  même  dans 
l'ange  et  dans  l'homme,  une  élévation  de 
l'un  et  de  l'autre  au-dessus  de  leur  nature. 
Les  mauvais  anges  sont  déchus  de  cet  état 
surnaturel  par  leur  libre  arbitre;  les  bons 
anges  y  ont  persévéré  par  la  grâce,  qui  sou- 


846 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


tenait  leur  libre  arbitre  au-dessus  de  lui- 
même.  Le  premier  homme  est  di'chu  de  cet 
état  surnaturel  par  son  libre  arbitre  :  il  aurait 
également  pu  y  persévérer  par  la  grâce.  A 
l'homme  innocent  il  ne  fallait  pas  moins  la 
grâce  qu'à  l'homme  déchu,  mais  il  la  lui  fal- 
lait pour  moins  de  choses;  à  l'homme  déchu 
il  ne  faut  pas  plus  la  grâce  qu'à  l'homme 
innocent,  mais  il  la  lui  faut  pour  plus  de 
choses  :  savoir  pour  guérir  des  plaies  qu'il  a 
reçues  dans  sa  nature  même,  et  ensuite  pour 
remonter  au-dessus  de  sa  nature  jusqu'à 
Dieu,  tandis  qu'il  ne  fallait  que  la  seconde 
de  ces  choses  au  premier  homme.  La  grâce 
étant  un  don  surnaturel ,  il  s'ensuit  que 
l'homme  ne  peut  s'y  élever  de  lui-même,  ni 
la  mériter  par  ses  seules  forces;  naturelles; 
qu'enfin  elle  dépend  également  de  Dieu  pour 
le  commencement  et  pour  la  persévérance. 
L  s'ensuit  que  si  Dieu  accorde  à  l'un  plus 
qu'à  l'autre,  il  ne  fait  de  tort  à  aucun,  at- 
tendu que  la  grâce  est  un  don,  non-seule- 
ment au-dessus  de  l'individu  ,  mais  au-des- 
sus de  la  nature  même.  Tellement  que,  si 
Dieu  avait  créé  l'homme  originellement  tel 
qu'il  est  maintenant;  si  les  misères,  qui 
sont  la  peine  du  péché,  étaient  les  suites 
primordiales  de  la  nature.  Dieu  ne  serait 
point  à  blâmer,  mais  à  louer.  De  savoir 
pourquoi  Dieu,  en  accordant  des  grâces  suf- 
fisantes à  tous,  en  accorde  de  plus  efficaces 
aux  uns  qu'aux  autres,  c'est  le  secret  de  sa 
miséricorde  et  de  sa  justice. 

La  grâce,  étant  un  don  au-dessus  de  la 
nature ,  suppose  nécessairement  la  nature 
au-dessous.  De  là,  si  l'homme  déchu  de  l'or- 
dre surnaturel  n'y  peut  plus  aucun  bien,  il  ne 
s'ensuit  pas  qu'il  n'en  puisse  plus  avoir  dans 
l'ordre  naturel,  ni  que  ce  bien  soit  un  péché. 
Que  si,  comme  c'est  en  effet,  sa  nature  mê- 
me a  été  lésée,  il  s'ensuivra  qu'il  ne  pourra 
plus  faire  tout  le  bien  qui  est  possible  dans 
cet  ordre  inférieur.  Il  ne  méritera  pas  en- 
core le  bien  de  l'ordre  surnaturel,  la  grâce  ; 
cependant  il  s'y  disposei'a  de  loin,  il  provo- 
quera la  miséricorde  divine  à  la  lui  accorder. 
Voilà  comme  il  nous  semble  qu'on  peut  con- 
cilier ce  qu'il  y  avait  de  vrai,  éclaircir  ce 
qu'il  y  avait  d'obscur  de  part  et  d'autre. 
(Rorbacher ,  ibid.  pag.  580.) 


m. 

JUGEMENT  DE  FÉNELON  SUR  L'ÉDITION  DES  (EUVIIES 
DE  SAINT  AUGUSTIN  PAR  LES  BÉNÉDICTINS. 

Pour  disculper  ses  confrères  accusés  de 
favoriser  le  jansénisme,  dans  l'édition  des 
Œuvres  de  saint  Augustin,  MabiUon  publia, 
dans  le  onzième  et  dernier  volume,  une  pré- 
face générale  sur  toute  l'édition.  Cette  apo- 
logie ne  satisfit  pas,  à  beaucoup  près,  tout 
le  monde.  En  particulier,  Fénelon,  arche- 
vêque de  Cambrai,  la  regarda  comme  très- 
insuffisante.  Voici  comment  il  s'en  explique 
dans  une  lettre  où  il  signale  d'abord  ce 
qu'elle  paraissait  avoir  de  bon,  et  puis  ce 
qu'elle  avait  réellement  de  mauvais  : 

«  Au  premier  aspect,  on  aperçoit  beau- 
coup de  choses  bonnes  qui  naissent  de  cette 
préface  :  1°  Les  Pères  Bénédictins  avouent 
que,  suivant  la  doctrine  de  saint  Augustin, 
il  y  a  des  grâces  suffisantes.  2°  Que  dans  l'é- 
tat de  la  nature  déchue,  il  y  a  une  différence 
active,  soit  pour  mériter  et  démériter,  soit 
que  la  volonté  se  porte  au  bien  par  la  grâce 
victorieuse,  soit  au  mal  par  elle-même  et  son 
propre  défaut.  3°  Ils  avouent  que  saint  Au- 
gustin prend  souvent  l'expression  de  libre 
dans  un  sens  plus  large  et  plus  général,  pour 
volontaire,  même  nécessaire.  D'où  il  suit  in- 
contestablement que  tous  les  passages,  où 
saint  Augustin  semble  enseigner  que  le  libre 
arbitre  s'allie  avec  la  nécessité,  signifient 
seulement  la  liberté  largement  et  impropre- 
ment dite,  mais  non  la  liberté  de  l'arbitre 
nécessaire  pour  mériter  et  démériter.  4°  Ils 
avouent  que  saint  Augustin  emploie  fré- 
quemment lé  mot  de  nécessité  pour  une  vé- 
hémente propension  née  du  vice  de  la  na- 
ture, sens  auquel  il  ne  craint  pas  de  recon- 
naître dans  l'homme,  après  la  chute,  une 
dure  nécessité  de  pécher.  Parla,  ils  prévien- 
nent toutes  les  objections  tirées  des  endroits 
où  saint  Augustin  paraît  enseigner  que  Dieu 
abandonne  les  hommes  dans  une  dure  né- 
cessité de  pécher.  Cette  nécessité,  suivant 
les  éditeurs,  est  seulement  une  grande  diffi- 
culté ou  une  véhémente  propension.  5°  Ils 
avouent  que,  touchant  la  possibilité  de  gar- 
der les  commandements,  il  y  a  dans  saint 
Augustin  tant  et  de  si  clairs  témoignages, 
qu'il  sei-ait  superfiu  de  les  citer.  6°  Ils  avouent 
qu'en  Dieu  il  y  a  une  volonté  sincère  de  sau- 
ver tous  les  hommes.  7°  Ils  insinuent  assez 
clairement  qu'ils  ont  donné  lieu  à  lem-s  ad- 


SUPPLÉMENT  AU  CHAPITRE  SUR  SAINT  AUGUSTIN. 


847 


■versaires  de  réclamer,  et  font  une  confession 
mitigée  et  indirecte  d'avoir  été  trop  loin. 
Voilà  tout  ce  qui,  dans  cette  préface,  me  pa- 
raît tendre  à  l'édification  ou  à  la  réparation 
du  scandale.  » 

«  Mais  il  y  a  beaucoup  plus  de  choses  qui 
me  scandalisent.  Si  vous  voulez  les  exami- 
ner exactement,  il  faut  remonter  à  la  source  : 

<i  1.  Les  Pères  Bénédictins  avaient  beau- 
coup péché,  et  non  véniellement,  dans  leur 
édition.  Ils  y  avaient  fait  des  notes  très-du- 
res et  intolérables.  Celle-ci,  par  exemple, 
qu'ils  excusent  dans  leur  Préface,  est  indi- 
gne de  toute  excuse  :  La  nécessité  ne  répugne 
point  à  l'arbitre  de  la  volonté.  Vous  croi- 
riez entendre  Baïus  ou  Jansénius  ressuscité. 
Il  y  en  a  beaucoup  d'autres  du  même  calibre. 
En  outre,  ces  auteurs  sont  condamnables 
non-seulement  dans  ce  qu'ils  ont  dit,  mais 
encore  dans  ce  qu'ils  n'ont  pas  dit  et  qu'ils 
auraient  dû  dire.  C'est  une  chose  intolérable 
en  eux  que  cette  affectation  perpétuelle  de 
garder  le  silence,  lorsqu'il  faudrait  établir  le 
dogme  catholique  sur  un  texte  de  saint  Au- 
gustin ,  contre  les  novateurs,  qui  abusent  de 
ce  texte  pour  prouver  leurs  erreurs.  Partout 
où  il  apparaît,  ne  fût-ce  qu'une  ombre  de  la 
grâce  efficace,  ils  multiplient  les  notes,  pour 
habituer  les  oreilles  du  lecteur  au  son  de  la 
grâce  très-efficace.  Au  contraire,  dans  tous 
les  lieux  où  saint  Augustin  enseigne  directe- 
ment la  grâce  suffisante  ou  l'étabht  indirec- 
tement par  ses  principes,  ils  s'abstiennent 
artificieusement  de  toute  note.  De  plus,  cha- 
que fois  qu'il  s'agit  de  la  grâce  efficace,  ils 
l'appellent  simplement  et  absolument  la  grâ- 
ce du  Christ,  comme  si  dans  l'état  de  la  na- 
ture tombée  il  n'y  avait  aucune  véritable 
grâce  intérieure  et  proprement  dite ,  hormis 
celle  qu'ils  proclament  à  tout  propos  efficace 
par  elle-même.  Par  ces  artifices,  le  lecteur 
s'accoutume  insensiblement  à  ce  sj^stème 
qu'ils  appellent  augustinien,  en  sorte  que, 
dans  les  livres  d'Augustin,  il  ne  trouve  au- 
cune grâce  du  Christ,  hors  la  grâce  efficace. 
Tel  est  le  venin  que  le  lecteur  sans  défiance 
avale  enlisant  le  texte  avec  ces  notes-là.  Quoi 
qu'ils  puissent  alléguer  de  subtil,  d'artifi- 
cieux pour  se  défendre,  cette  affectation  a 
dû  être  très-odieuse  et  très-suspecte  à  l'É- 
glise. De  là  un  chacun  avait  le  droit  bien  évi- 
dent de  demander  la  réparation  d'un  tel 
scandale.  Dès  le  temps  de  Baïus  et  de  Jan- 
sénius, pendant  tout  un  siècle,  et  même  dès 
le  temps  de  Luther  et  de  Calvin,  l'Église  a 


censuré  fortement  ce  système  hérétique  , 
tant  au  concile  de  Trente  que  dans  de  nom- 
breuses bulles  des  papes.  Était-il  permis  aux 
Bénédictins  d'attacher  à  Augustin  des  notes 
marginales  par  où  l'on  n'insinue  naturelle- 
ment que  ce  système  ?  Était-il  permis  d'in- 
culquer incessamment  la  grâce  efficace,  com- 
me la  seule  véritable  et  proprement  dite  grâ- 
ce de  Jésus-Christ,  et  d'écarter  la  grâce  suffi- 
sante ou  de  la  supprimer  par  le  silence,  com- 
me quelque  chose  de  trop  abject  et  de  trop 
indigne  pour  se  trouver  dans  Augustin  ?  C'est 
ainsi  qu'on  se  rit  des  bulles  pontificales.  » 

«  Écoutez,  s'il  vous  plaît,  ce  que  répon- 
dent les  Bénédictins  :  Personne,  disent-ils, 
ne  doit  avoir  le  moindre  doute  que  nous  ne 
soyons  absolument  éloignés  de  tout  esprit 
de  parti.  Comme  s'ils  avaient  favorisé  l'es- 
prit de  parti,  et  eussent  montré  de  la  partia- 
lité, s'ils  n'avaient  pas  confondu  générale- 
ment toute  grâce  proprement  dite  de  Jésus- 
Christ  avec  la  grâce  efficace,  et  s'ils  n'eus- 
sent supprimé  dans  les  notes  tout  vestige 
quelconque  de  la  grâce  suffisante  !  Comme 
s'il  ne  convenait  pas  à  des  éditeurs  catholi- 
ques de  montrer  de  l'éloignement  pour  la 
doctrine  de  Baïus  et  de  Jansénius  !  Comme 
si  le  zèle  pour  la  conservation  de  la  vérité 
cathohque,  était  quelque  chose  dont  les  Bé- 
nédictins dussent  s'éloigner  comme  de  l'es- 
prit de  parti  !  Comme  si  l'Église  elle-même, 
si  ouvertement  ennemie  des  erreurs  jansé- 
niennes,  était  une  des  sectes  de  l'esprit  de 
parti  desquelles  les  éditeurs  doivent  se  gar- 
der !... 

«  Vous  jugerez  maintenant  sans  peine  quel 
préjudice  portera  cette  édition  à  la  sainte 
doctrine.  Cette  édition  a  été  attaquée  très- 
vivement  et  très-justement  par  tous  les  Jé- 
suites et  par  les  autres  congruistes  modérés. 
On  a  imposé  silence  aux  Jésuites  (de  la  part 
du  roi).  L'édition  demeure  autorisée  et  le 
demeurera  toujours,  comme  devenue  désor- 
mais irrépréhensible.  Tous  les  lecteurs  pen- 
seront qu'ils  trouveront  certainement  dans 
ces  notes  le  pur  et  véritable  sens  d'Augustin. 
La  réfutation  des  contradicteurs  donnera 
une  plus  grande  autorité  à  l'édition,  et  ainsi 
la  dernière  erreur  sera  pire  que  la  première. 
Oh  !  si  jamais  on  n'avait  soulevé  cette  con- 
troverse qui  procure  un  triomphe  visible  aux 
éditeurs  !  Que  Dieu  pardonne  aux  prélats 
qui,  joués  par  cette  sophistique  préface,  ont 
cru  que  cette  édition  ainsi  purgée  pouvait 
être  autorisée  sans  péril  !  » 


848 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  ECCLÉSIASTIQUES. 


2.  «  Les  Bénédictins  disent  que  toute  l'é- 
conomie de  la  grâce  divine  est  exposée  dans 
le  livre  de  la  Correction  et  de  la  grâce.  Ils  ajou- 
tent que,  dans  aucun  autre  ouvrage,  l'évê- 
que  d'Hippone  n'a  expliqué  plus  clairement 
la  diiférence  de  l'homme  debout  et  innocent 
d'avec  l'homme  tombé  et  coupable;  que 
nulle  part  il  n'a  exprimé  plus  exactement  les 
causes  de  persévérer,  ou  de  ne  pas  persévé- 
rer dans  l'un  et  l'autre  état.  Je  loue  non 
moins  qu'eux  le  mérite  de  cet  ouvrage,  mais 
je  soutiens  qu'on  ne  doit  pas  chercher  dans 
cet  ouvrage  seul  toute  l'économie  de  la  grâce 
divine.  Je  crois,  au  contraire,  que  les  locu- 
tions de  ce  traité  doivent  être  nécessaire- 
ment mitigées  et  expliquées  par  les  innom- 
brables expressions  d'autres  œuvres  de  saint 
Augustin,  »  Fénelon  en  cite  plusieurs  exem- 
ples. 

3.  «  Voici  comment  les  éditeurs  parlent  de 
la  Synopse  analytique  d'Arnauld  :  Au  reste , 
quant  à  l'unité,  au  prix  et  à  la  foi  de  ladite 
analyse,  qui  avait  paru  autrefois  avec  auto- 
rité, il  ne  nous  appartient  pas  d'en  parler. 
Par  où  l'on  voit  que,  lors  même  qu'ils  sont 
forcés  par  la  crainte  de  dissimuler  leur  pen- 
sée, ils  ne  peuvent  s'empêcher  de  louer  ou- 
vertement cet  ouvrage.  Or,  cet  ouvrage  sou- 
tient mordicus  le  dogme  jansénien  ;  car  il  fait 
tous  ses  efforts  pour  démontrer,  par  saint 
Augustin,  que  dans  l'état  présent  il  n'y  a 
d'autres  secours  que  celui  qu'il  appelle  quo. 
Conséquemment  les  éditeurs,  même  dans  la 
préface  apologétique,  où  ils  semblent  abju- 
rer le  jansénisme,  louent  le  porte-étendard 
de  la  secte  jansénienne,  établissant  le  sys- 
tème de  son  maître.  »• 

4.  «  C'est  une  dérision  et  une  chicane  que 
leur  déclaration  dans  le  point  essentiel  : 
Voilà  ce  que  nous  disons,  ajouteut-ils,  sans 
préjudice  d'une  autre  grâce  véritable  et  in- 
térieure, mais  privée  de  son  effet,  telle  que 
l'école  des  thomistes  la  soutient,  après  saint 

Augustin Et  plus  loin  :  Nous  admettons 

avec  le  saint  évêque,  dans  les  saints  et  les 
pécheurs ,  des  grâces  moindres  et  suffisantes 
au  sens  des  thomistes.  Ils  avaient  dit  au- 
paravant :  On  en  conclurait  faussement 
qu'il  n'y  a  plus  lieu  à  aucun  autre  secours, 
tels  que  sont  les  secours  inefficaces,  et  suf- 
fisants au  sens  des  thomistes.  Ils  ne  disent 
pas  vraiment  suffisants,  ni  simplement  et  sans 


addition  suffisants;  cette  déclaration  mani- 
feste, candide,  simple  et  pleine,  les  gênerait 
trop.  Ils  ajoutent  quelque  chose  de  relatif  au 
sens  thomistique,  pour  éviter  une  décision 
précise.  »  Fénelon  discute  ensuite  le  point 
essentiel  et  péremptoh'e,  et  signale  le  venin 
des  notes  marginales  ;  par  exemple,  saint 
Augustin,  dans  un  endroit,  enseigne  deux 
sortes  de  grâces,  l'une  qui  discerne  les  bons 
des  méchants,  l'autre  qui  est  commune  aux 
bons  et  aux  méchants.  Les  éditeurs  mettent 
en  marge  :  «  La  grâce  de  Dieu  est  propre- 
ment celle  qui  discerne  les  bons  des  mé- 
chants. ))  Par  où  ils  tronquent  perfidement 
la  doctrine  de  saint  Augustin,  pour  soutenir 
une  erreur  condamnée  par  l'Eglise. 

L'illustre  archevêque  conclut  par  cette  sen- 
tence :  «  Certainement,  si  les  évêques  qui 
jouissent  de  la  faveur  du  prince  étaient  véri- 
tablement théologiens,  vraiment  zélés  pour 
la  vérité  catholique,  vraiment  opposés  au 
jansénisme,  vraiment  attentifs  à  discuter  les 
chicanes,  jamais  ils  n'auraient  admis  cette 
préface  sophistique,  illusoire  et  envenimée, 
laquelle  étant  une  fois  admise,  le  venin  de 
l'édition  exercera  ses  ravages  dans  tous  les 
siècles  futurs,  au  détriment  incalculable  de 
la  saine  doctrine,  à  moins  que  Dieu,  qui  sait 
et  peut  plus  que  les  hommes,  ne  supplée  à 
ce  qui  manque  de  la  part  des  prélats  '.  »  Ce 
jugement  de  Fénelon,  esprit  si  modéré,  mé- 
rite une  attention  sérieuse  de  la  part  de  tous 
les  catholiques.  La  suite  des  événements  a 
justifié  la  prévoyance  de  Fénelon.  Dans  la 
controverse  avec  les  pélagiens  sur  la  nature 
et  la  grâce,  saint  Augustin  a  dit  ces  paroles 
à  jamais  mémorables  :  Rome  a  parlé,  la  cause 
est  finie,  puisse  aussi  finir  l'erreur  !  Dans  la 
controverse  avec  les  jansénistes  sur  la  grâce 
et  la  nature,  les  Bénédictins  français,  édi- 
teurs de  saint  Augustin,  virent  plusieurs  pon- 
tifes romains  prononcer  des  sentences  solen- 
nelles ;  jamais  ils  ne  dirent  avec  saint  Au- 
gustin :  Rome  a  parlé,  la  cause  est  finie;  ils 
prendront  plus  ou  moins  ouvertementle  parti 
de  l'erreur  contre  Rome  ;  les  Bénédictins  Du- 
rand et  Maran  se  laisseront  exiler,  non  pour 
la  justice,  mais  pour  l'hérésie.  (Rorbacber, 
ibid.,  tom.  XXVI,  pag.  121  et  suiv.) 

1  Œuvres  de  Fénelon,  Versailles,  tom.  XV,  pag. 
81-109. 


FIN  DU  TOME  NEUVIÈME. 


TABLE  AMLïTIOm 


DES 


MATIÈRES  CONTENUES  DANS  CE  NEUVIÈME  VOLUME. 


ABBÉ.  Lettre  d'un  prétendu  abbé  d'Allemagne 
contre  l'édition  des  ouvrages  de  saint  Augustin, 
donnée  par  les  Pères  Bénédictins  de  la  congré- 
gation de  Saint-Maur,  p.  816. 

ABÉCÉDAIRE,  psaume  composé  par  saint  Au- 
gustin, p.  374. 

ABÉLONIENS  hérétiques,  p.  16. 

ABGAR,  roi  d'Édesse  :  s'il  a  écrit  à  Jésus- 
Christ,  et  s'il  en  a  reçu  réponse,  p.  575. 

ABIMÉLECH.  Son  péché  puni  dans  les  femmes 
qu'il  avait  dans  sa  maison,  p.  493. 

ABLAVIUS,  vicaire  d'Afrique,  p.  416. 
.  ABONDANTIUS,  prêtre,  convaincu  de  préva- 
rication, p.  16.  —  Déposé,  p.  89. 

ABRAHAM,  patriarche,  n'a  point  menti  en  per- 
suadant à  Sara  de  dire  qu'elle  était  sa  sœur, 
p.  S45. 

ABRAHAM,  moine,  reçoit  une  lettre  de  saint 
Augustin,  sur  les  peines  des  enfants  qui  meurent 
sans  baptême,  p.  192,  193. 

ABSTINENCE  des  viandes  :  quand  elle  doit 
avoir  lieu,  p.  348.  —  Les  catholiques  s'abste- 
naient autrefois  de  la  chair  des  animaux  :  l'abs- 
tinence n'en  était  générale  que  pour  peu  de  per- 
sonnes, p.  804. 

ABUS,  comment  il  faut  les  détruire,  p.  70,  71, 
74,  241. 

AGACE,  aveugle-né,  guéri  par  l'Eucharistie, 
p.  552. 

ACADÉMICIENS,  conférence  contre  eux,  p.  38. 
Saint  iugustin  explique  le  dessein  qu'il  avait  en 
écrivant  contre  les  académiciens,  p.  65.  Livre 
contre  les  Académiciens,  p.  37.  Différence  de  sen- 
timent entre  les  anciens  et  les  nouveaux,  p.  58. 
ACCEPTION  de  personnes.  Les  pélagiens  ac- 
cusaient les  catholiques  d'attribuer  à  Dieu  l'ac- 
ception de  personnes,  p.  478.  Elle  n'a  point  lieu 
IX. 


quand  tous  sont  enveloppés  dans  la  même  masse 
de  condamnation,  p.  707. 

ACTES  des  apôtres.  On  les  lisait  tous  les  ans 
dans  les  assemblées  des  fidèles,  p.  805.  Faux  Ac- 
tes des  apôtres  composés  par  un  certain  Leu- 
tius.  p.  577. 

ACYNDINUS,  préfet  d'Orient.  Jugement  mémo- 
rable qu'il  rend  à  Antioche,  p.  788. 

ADAM,  s'il  est  sauvé,  p.  143.  Pourquoi  tenté. 
p.  206.  Corrompu  par  sa  malice,    p.  309.  Les  pé- 
lagiens prétendaient  qu'Adam  serait  mort,  quand 
même    il  n'aurait   pas  péché,  pag.  418  :  saint 
Augustin  réfute  cette  erreur,  ibid.  Adam  et  Eve 
ont  été  délivrés  des    supplices  éternels  par   la 
vertu  du  sang  de  Jésus-Christ,  p.   614.   Tatien 
combat    la  foi   de  l'Église  touchant    le   salut 
d'Adam,  ibid.  et  615.  Sentiment  de  saint  Augus- 
tin sur  la  grâce  et  le  libre  arbitre  d'Adam,  p. 
675-676.  Si  Adam  avait  reçu  le  don  de  persévé- 
rance, p.  676  et  suiv. 
ADÉODAT,  fils  de  saint  Augustin,  p.  2. 
ADIMANTE,  manichéen.  Saint  Augustin  écrit 
contre  lui,  p.  337,  338. 
AUORER.  Ce  qu'il  faut  adorer,  p.6i,  64,  69. 
ADRUMET,  ville  célèbre  de  la  province  Byza- 
cène,  p.  513.  Dispute  sur  la  grâce  entre  les  moi- 
nes d'Adrumet,  iiid.  Saint  Augustin  les  instruit, 
ibid.  et  suiv. 

ADULTÈRE.  Comment  on  peut  le  commettre. 
p.  272.  L'adultère  est  une  cause  de  séparation  en- 
tre les  époux,  ibid.  L'histoire  de  la  femme  adul- 
tère ne  se  trouvait  pas  anciennement  dans  plu- 
sieurs exemplaires  grecs  et  latins,  p.  571.  Il  y  a 
eu  autrefois  des  évêques  qui  ne  croyaient  pas 
qu'on  dût  donner  la  paix  aux  adultères,  p.  779. 
Mais  ils  étaient  dans  l'erreur,  p  '780. 
ADVERSAIRE.  Livre  de  saint  Augustin  contre 

54 


850 


TABLE  ANALYTIQUE. 


l'Adversaire  de  la  loi  et  des  prophètes,  p.  353  et 

suiv. 
AEI^ÈDE,  abbé  de  Revesby',  en  Angleterre', 

p.  65. 

AÉRIUS  (l'hérétique],  enseignait  qu'il  ne  fal- 
lait ni  offrir  le  sacrifice,  ni  prier  pour  les  morts, 
p.  764:  qu'il  n'y  avait  aucune  différence  entre  les 
évêques  et  les  prêtres,  p.  784. 

AÉTIUS,  capitaine  romain,  p.  18. 

AGAPES.  Saint  Augustin  écrit  à  Aurèle  au  su- 
jet des  agapes,  p.  12. 

AGE.  Différents  âges  du  monde,  p.  266.  Age 
des  liommes,  p.  313. 

ALBINE,  belle-mère  de  Pinien,  écrit  à  saint 
Augustin,  p.  448. 

ALLÉGORIQUE  (sens)  sur  la  Genèse,  p.  15. 

ALLELUIA.  L'usage  où  est  l'Église  de  le  chan- 
ter pendant  le  temps  pascal  vient  d'une  ancienne 
tradition,  p.  619.  On  le  chantait  tous  les  diman- 
ches à  l'autel,  p.  766. 

ALOGES,  hérétiques  qui  rejetaient  l'Apoca- 
lypse, p.  5T3. 

ALYPIUS,  ami  de  saint  Augustin  qui  l'engage 
dans  l'erreur  des  manichéens,  p.  4.  Il  assiste 
aux  conférences  contre  les  académiciens,  p.  38. 
Saint  Augustin  lui  écrit  au  sujet  des  moines, 
p.  92.  Et  sur  la  conversion  de  deux  païens,  p.  181. 
11  va  en  Italie  en  420.  Julien  l'appelle  le  petit 
valst  de  saint  Augustin,  p.  538.  Alypius  lait  co- 
pier les  huit  livres  de  Julien,  ibid. 

AMBROISE  (saint)  reçoit  saint  Augustin  à  Mi- 
lan, p.  5;  il  explique  les  passages  les  plus  diffi- 
ciles de  l'Ancien  Testament,  ibid.  Persécuté  par 
l'impératrice  Justine,  p.  32.  Il  connaît  par  révé- 
lation les  corps  de  saint  Gervais  et  de  saint  Pro- 
tais, p.  33.  Il  reconnaît  la  nécessité  de  la  grâce. 
Saint  Augustin  l'oppose  à  Pelage,  qui  l'avait  cité 
avec  éloge,  p.  452.  Passages  de  saint  Ambroise  ci- 
tés par  saint  Augustin,  p.  483,  489,  430,  492,  545. 

AME.  Sa  nourriture,  p.  40  :  et  son  immortalité, 
p.  44,  45  et  46.  Comment  on  peut  la  connaître, 
p.  41.  Son  origine,  sa  nature,  etc.,  p.  45,  46,  47, 
143,  144  et  160.  Comment  elle  devient  charnelle, 
p.  62:  sa  chute,  p.  321  :  son  premier  vice,  p.  63. 
Comment  les  démons  agissent  sur  notre  âme  et 
lui  impriment  des  pensées,  p.  67.  Si  elle  a  un 
corps  après  la  mort,  p.  140.  Ce  que  c'est  que 
l'âme,  p.  205  et  suiv.  Si  les  âmes  voient  ce  qui 
se  passe  dans  cette  vie,  p.  281.  Pourquoi  Dieu 
a-t-il  donné  une  âme  aux  hommes,  p.  309.  Livre 
des  Deux  dm  es,  p.  336.  Saint  Augustin  écrit  quatre 
livres  de  l'âme  et  de  son  origine,  p.  466  et  suiv. 
La  question  de  l'origine  de  l'âme  peut  bien  être 
une  de  ces  clioses  si  élevées  au-dessus  de  nous, 
qu'il  ne  nous  est  pas  permis  de  les  approfondir, 
p.  472.  Tertullien  croit  que  l'âme  est  un  corps, 
p.  469.  Erreurs  de  Victor  touchant  la  nature  de 
l'âme,  p.  466,  470,  471.  État  des  âmes  au  sortir 
du  corps.  7si6.  Leur  bonheur,  ibid. 

AMBIGUÏTÉ  des  mots.  Comment  l'ôter,  p.  607 
et  suiv. 

AMEN.  Les  fidèles  en  recevant  l'Eucharistie 
répondaient  :  Amen,  p.  748, 766,  768. 


AMITIÉ.  Quelle  est  la  vraie  amitié,  p.  29,255. 

AMOS.  Éloquence  du  prophète  Amos,  p.  595. 

AMOUR  des  biens  du  monde,  quel  mal  il  cause, 
p.  18.  Amour  du  vrai, bien,  p.  70.  Amour  de  Dieu, 
p.  64,  197,  807.  Amour  du  prochain,  ibid  :  son 
effet,  p.  128  :  en  quoi  il  consiste,  p.  138.  Amour 
de  soi-même,  p.  197.  Sans  l'amour  du  Créateur 
personne  n'use  bien  des  créatures,  p.  499,  694. 
L'amour  de  Dieu  et  du  prochain  vient  de  Dieu, 
p.  517.  Nécessité  de  la  grâce  pour  aimer  Dieu, 
p.  692  et  suiv.  Sentiment  de  saint  Augustin  sur 
l'amour  de  Dieu,  p.  807,  808. 

ANASTASE,  ami  de  saint  Augustin  qui  lui 
écrit,  p.  128. 

ANATHÉMATISER.  Comment  on  doit  anathé- 
matiser,  p.  188,  189. 

ANATHÈME.  Lettre  sur  l'anathème,  p.  188 , 
189 .  L'anathème  injuste  fait  plus  de  tort  à  celui 
qui  le  lance,  qu'à  celui  qui  le  souffre  avec  pa- 
tience, p.  781.  On  obligeait  les  hérétiques  de 
dire  anathème  à  leurs  écrits  et  â  leurs  erreurs, 
p.  801.  ^ 

ANGÉLIQUES  hérétiques,  qui  penchaient  beau- 
coup pour  le  culte  des  anges,  p.  786. 

ANGES.  Si  les  mauvais  anges  ont  un  corps,  p. 
204.  Connaissance  des  anges,  p.  205.  Leur  créa- 
tion, p.  204,  205.  Chute  des  mauvais  anges,  p.  260. 
En  quel  état  les  anges  ont  été  créés,  p.  303.  S'ils 
ne  sont  pas  coéternels  à  Dieu,  p.  307.  Occasions  de 
leurs  oppositions ,  p.  307.  Les  bons  anges  n'ont 
jamais  été  sans  l'amour  de  Dieu,  ibid.  Différence 
entre  les  anges  et  les  hommes,  p.  509.  Apparition 
des  anges,  p.  364.  Sentiment  de  saint  Augustin  sur 
les  anges,  p.  734  et  suiv.  Le  nom  d'ange  est  un  nom 
d'office  et  non  de  nature,  p.  735.  Les  bons  anges 
sont  demeurés  dans  la  vérité  par  leur  libre 
arbitre,  p.  522,  678.  Les  mauvais  anges  se  sont 
éloignés  de  Dieu  par  leur  libre  arbitre,  p.  522, 
678. 

ANNE,  la  prophétesse,  reconnut  Jésus-Christ 
pour  Dieu  dans  le  temple,  p.  617. 

ANNIEN,  faux  diacre  de  Célède,  défenseur  de 
l'hérésie  pélagienne,  p.  261. 

ANKONCI.VriON.  Sermon  de  saint  Augustin 
pour  la  fête  de  l'Annonciation,  démontré  authen- 
tique, p.  245. 

ANTIPODES,  ce  qu'en  pense  saint  Augustin, 
p.  314  et  notes  ibid. 

ANTOINE,  évêque  de  Fussale,  p.  19.  Déposé  de 
l'épiscopat,  ibid. 

ANTONIN,  saint  Augustin  lui  écrit  et  fait  son 
éloge,  p.  70. 

APPARITIONS.  Sentiment  de  saint  Augustin 
sur  les  apparitions,  p.  141.  Apparition  de  Samuel, 
p.  252.  Apparition  des  anges,  p.  364. 

APOCALYPSE.  Sentiment  de  saint  Augustin 
sur  l'Apocalypse,  p-  573. 

APOCALYfSE  pleine  de  fables  attribuée  à  saint 
Paul,  p.  576. 

APOLLINARISTES  (hérétiques)  :  leurs  erreurs, 

p.  646. 

ARBRE.  Qu'est-ce  que  le  bon  et  le  mauvais 
arbre  dont  il  est  parlé  dans  saint  Matthieu,  chap. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


831 


vu,  p.  498.  Sentiment  de  saint  Augustin  sur  l'ar- 
bre de  vie.  p.  558. 

ARBITRE  (libre).  Livre  du  libre  arbitre,  p.  49 
et  suiv.  Difûculté  d'Évodius  sur  le  libre  arbitre, 
p.  51.  Tout  bon  mouvement  du  libre  arbitre  est 
un  don  de  Dieu,  p.  50  :  il  ne  cesse  d'être  libre, 
avec  le  secours  de  la  grâce,  p.  157, 163, 174,  175  : 
ce  qu'il  peut,  p.  176, 177,  263,  298. 

ARCHE.  Sentiment  de  saint  Augastiû  sur  Par- 
chedeNoé,  p.  615. 

ARIENS,  leur  croyance,  p.  152.  Ils  sont  com- 
battus, p.  222,  366-  Réfutation  d'un  discours  des 
ariens,  p.  357  et  suiv.  Conférence  avec  Maximin, 
p.  559  et  suiv. 

ARMENTAIRE.  Saint  Augustin  l'exhorte  à  la 
continence,  p.  115. 

ARIVIES.  Comment  on  doit  se  comporter  dans 
la  profession  des  armes,  p.  160. 

ASELLICUS,  évéque.  Saint  .4.ugustin  lui  écrit, 
p.  166. 

ASELLUS,  prêtre  de  Rome,  légat  du  pape  Zo- 
sime  en  Afrique,  en  418. 

ASSOMPTION  de  la  Sainte  Vierge.  Sermon  de 
saint  Augustin  pour  cette  fête.  Son  authenticité, 

p.  244,  245. 

ASTROLOGIE,  qu'il  n'y  faut  point  ajouter  foi, 
p.  188,  248.  Ceux  qui  en  faisaient  profession  n'é- 
taient admis  à  la  communion  qu'après  une  péni- 
tence publique,  p.  15. 

ASTROLOGIE  judiciaire.  Saint  Augustin  l'étu- 
dié dans  sa  jeunesse,  mais  il  en  est  détourné  par 
un  sage  vieillard  nommé  Yindioien,  p.  793.  La 
foi  de  l'Église  rejette  la  nécessité  fatale  que  l'as- 
trologie impose  aux  hommes,  p.  794. 

ASTROLOGUES,  fausseté  de  leurs  sentiments, 
p.  298.  Combattus,  ibid.  Saint  Augustin  met  un 
astrologue  en  pénitence,  p.  794, 795. 

ATHANASE  (saint),  patriarche  d'Alexandrie,  sur 
la  pratique  pour  le  chant  des  psaumes,  p.  33.  De 
son  temps,  d'après  l'hérétique  Julien,  presque 
tout  le  monde  entier  avait  abandonné  la  foi  des 
apôtres,  p.  541. 

ATHANASIENS,  nom  que  les  ariens  donnaient 
aux  catholiques,  p.  628. 

ATTRIBUTS  des  tcois  personnes  divines,  p.  364. 

AUDAX,  évêque,  écrit  à  saint  Augustin  qui  lui 
répond,  p.  190. 

AUGURES  (les)  ont  été  traités  de  ridicules  par 
les  plus  sages  d'entre  les  païens,  p.  793.  Saint  Au- 
gustin met  les  livres  des  Âruspices  et  des  augu- 
res au  nombre  des  superstitions  et  des  pactes  que 
l'on  fait  avec  le  démon,  ibid. 

AUGUSTIN  (SAIKT),  évêque  d'Hippone  et  doc- 
teur de  l'Eglise.  Histoire  de  sa  vie,  p.  1  et  suiv. 
Sa  naissEjnce  en  354,  p.  1.  Son  nom,  ibid.  Son 
éducation,  p.  2,  L'oisiveté  le  fait  tomber  en  370, 
ibid.  Cause  de  sa  chute  dans  l'erreur  des  mani- 
chéens, p.  29.  Il  va  à  Carthage  en  370  et  371, 
ibid.  Il  perd  son  père  en  871,  il  commence  h  ai- 
mer la  Sagesse,  il  entend  sans  maître  les  livres 
des  philosophes,  p.  2  et  3.  Il  embrasse  l'hérésie 
des  m.inichéens,  p.  3  et  4  :  il  se  défie  des  mani- 
cliéens,  p.  4.   11  enseigne  à  Carthage  en  378,  p. 


4.  II  va  à  Rome  et  à  Milan  en  384,  p.  5.  11  pro- 
pose une  conférence  à.  Fauste  le  manichéen,  ibid. 

11  demeure  catéchumène  dans  l'Église  catholique, 
p.  6.  Sa  conversion,  ibid.  et  suiv.  :  ses  occupa- 
tions, p.  8  et  9.  Il  reçoit  le  baptême,  p.  9.  Il  re- 
tourne en  Afrique  en  388,  p.  9  et  10.  11  est  fait 
prêtre  à  Hippone,  p.  10  et  15  :  établit  un  monas- 
tère, p.  11  :  écrit  à  Aurèle  au  sujet  des  agapes,  p. 

12  et  13  :  est  fait  coadjutenr  d'Hippone,  p.  13  et  14  : 
il  bâtit  des  églises  et  un  hôpital,  Ibid.  Ses  soins 

'pour  les  pauvres,  p.  14  et  U.  Quelle  fut  sa  con- 
duite envers  les  pécheurs,  p.  15.  Ses  travaux  con- 
tre les  ennemis  de  l'Église,  p.  16.  Il  dépose  Abun- 
dantius  en  401.  ibid.  Il  est  longtemps  absent  et 
veut  quitter  le   maniement  des  biens  de  l'É- 
glise, p.  17.  Il  exhorte  Démétriade  à  la  virginité, 
ibid.   et  18.  Il  détourne   Boniface  de  quitter  le 
monde,  p.  18.  Il  combat  les  pélagiens  en  412  et 
les  années  suiv.  p.  19.  Il  désigne  Éraclius,  évêque 
d'Hippone,  p.  20.  Il  travaille  à  apaiser  les  trou- 
bles d'Adrumet,  p.  21.  Il  tombe  malade,  ibid.  et 
meurt  en  430,  p,  21  et  22.  Sa  mémoire  honorée 
en  France  dès  le  vi'  siècle,  p.  22.  Cause  de  la 
chute  de  saint  Augustin  dans  l'erreur  des  mani- 
chéens, p.  29.Il,donne  des  règles  de  morale,  p.  42. 
Son  caractère  à  l'égard   de  ses  amis,  pag.  66. 
Règle  pour  un  monastère  de  filles,  p.  172.  Ses 
ouvrages.  —  Livres  des  Rétractations.  Pourquoi 
mis  les  premiers,  p.  23  ;  composés  vers  l'an  428, 
ibid.  En  quel  ordre  ils  sont  écrits,  ibid.  Ce  qu'ils 
contiennent,  iôid.  et  p.  24.  Quel  en  est  le  dessein, 
p.  24.  Estime  qu'on  a  faite  de  ces  livres,  ibid.  — 
Confessions  de  saint  Augustin,  comment  ces  li- 
vres ont  été  reçus,  p.  24  et  25.  Ils  furent  écrits 
vers  l'an  400,  p.  25.  Ces  Confessions  sont  divisées 
en  treize  livres,  ibid.  ;  analyse  du  premier,  ibid. 
etsuiv.;  analyse  du  deuxième, p.  27;  du  troisième, 
p.  27  et  suiv.;  analyse  du  quatrième,  p.  29;ducin- 
quième,  p.  29  et  30  ;  du  sixième,  p.  30  et  31  ;  du 
septième,  p.  31  ;  analyse  du  huitième,  p.  32  ;  du 
neuvième,  ibid.  et  33  ;  du  dixième,  p.  33  et  34  ; 
du  onzième,  p.  34  et  35  ;  du  deuxième,  p.  35  et 
36  ;  du  treizième,  p.  36  et  37.  —  Livres  de  saint 
Augustin  contre  les  Académiciens,  p.  37  et  suiv. 
En  quel  temps  ces  livres  ont  été  composés,  p.  37; 
analyse  du  premier  livre,  p.  38;  du  deuxième, 
ibid.;  du  troisième,  ibid.  et  p.  39.  —  Du  livre  de 
la  Vie  bienheureiise,  p.  40  et  41.  Ce  livre  fut  écrit 
en  386,  p.  40.  ;  analyse  de  cet  ouvrage,  ibid.  et 
pag.  41.  —  Des  deux  livres  de  l'Ordre,  faits  en 
386,  p.  41  ;  analyse  du  premier  livre,  p.  42  ;  et  du 
deuxième,  ibid.  et  pag.  43.  —  De  ses  Soliloques, 
p.  43  et  suiv.  Ils  sont  écrits  en  386  ou  387,  p.  43: 
Analyse  du  premier  livre,  p.  43  et  44  ;  du  deuxiè- 
me, p.  44.  —  Livre  de  l'Immortalité  de  l'âme,  en 
387  ;  p.  45  ;  analyse  de  ce  livre,  ibid.—  Livre  de 
la  Quantité  de  l'âme,  en  388,  ibid.  46  et  47.  —  Livre 
de  la  Musique,  écrit  en  389.  Difficultés  de  ce  livre, 
quel  en  est  le  dessein,  ibid.  et  p  48-,  analyse  des 
livres  de  la  Musique  ,  ibid.  —  Livre  du  Maître, 
écrit  vers  l'an  389,  p.  49;  ce  qu'il  contient.  —  Li- 
vres du  Libre  arbitre.  Augustin  l'écrit  vers  l'an 
p.  49  «1388,  suiv.;  analyse  du  premier  livre,  p.  51  ; 


851 


TABLE  ANALYTIQUE. 


du  deuxième,  ibid.  et  p.  52  ;  du  troisième,  p.  52  et 
siiiv.  —  Deux  livres  sîor  la  Genèse,  vers  l'an  389, 
p.  54  ;  ce  que  contient  le  premier  livre,  p.  55  ;  le 
deuxième,  ibid.  et  p.  56.  Remarques  sur  ces  deux 
livres,  p.  56.  —  Deux  livres  des  Mœurs  de  l'Eglise 
catholique  contre  les  manichéens,  écrits  vers  l'an 
288  et  publiés  en  3S9,  p.  56  et  57  ;  analyse  du  pre- 
mier livre,  p.  57  et  suiv.  ;  analyse  du  deuxième, 
p.  60.  —  Livre  de  la  Vraie  religion,  composé  vers 
l'an  590,  p.  60  et  61  ;  analyse  de  ce  livre,  p.  61  et 
suiv.  —  Livres  faussement  attribués  à  saint  Au- 
gustin. —  Livre  de  la  Grammaire,  p.  64.  —  Livre 
des  Principes  de  dialectique,  p.  65.  —  Livre  des 
Dix  catégories,  ibid.  —  Les  Principes  de  réthori- 
que,  ibid.  —  Règles  aux  clercs,  ibid.  —  Livre  de 
la  Vie  éternelle,  ibid.  —  Lettres  de  la  première 
classe  ;  lettre  à  Hermogénien  en  386,  p.  6b  ;  lettre 
'd  Zénobius,  p.  66  ;  lettres  à  Nébridius,  ibid.  p.  67 
et  68;  lettres  à  Romanien,  à  Maxime,  à  Célestin,  à 
Antonius,  p.  69  et 70;  à  Valère,  p-.  70;  à  Aiirèle,  ibid.; 
à  Maximien,  p.  71  et  72;  à  Licentius,  p.  72  et73  ;  à 
saint  Paulin,  p.  73  ;  à  saint  Jérôme,  ibid.  et  p.  74; 
à.  Alypius,  p.  74  et  75.  —  Lettres  de  la  deuxième 
classe  ;  lettre  à  saint  Paulin,  p.  75  ;  à  Proculien, 
p.  76  ;  à  Euzèbe,  ibid.;  à  Casulan,  p.  77  et  79  ;  à 
Simplicien,  à  Profuturus,  p.  78;  à  saint  Jérôme, 
p,  79  ;  à  Aurèle  et  à  saint  Paulin,  ibid.;  àGlorius, 
ibid.  et  p.  80  ;  aux  deux  Félix,  p.  80  et  81  ;  à  Pu- 
blicola,  p.  81  ;  à  Eudoxe.  p.  82  :  à  Honorât,  ibid.  ; 
aux  habitants  de  Suffecte,  ibid.  ;  h  Crispin,  ibid.; 
à  Séverin,  p.  83  ;  à  Générosus,  ibid.  ;  à  Janvier, 
ibid.  et  suiv.;  à  janvier,  p.  85  et  86  ;  à  Celer, 
p.  86;  à  Pammaque,  pag.  87;  à  Victorin,  ibid.;  à 
Aurèle,  ibid.  ;  à  Théodore,  p.  88  ;  à  Sévère,  ibid.  ; 
à  Quientien,  p.  89;  à  Xantippe,  ibid.;  à  Crispin, 
ibid.  ;  à  saint  Jérôme,  p.  00  ;  à  Casiorius,  ibid.  ; 
à  Nancélion,  ibid.;  à  saint  Jérôme  et  à  saint  Au- 
gustin, ifiirf.;  aux  donatistes,  iftid.  ;  à  Félix,  au 
clergé  d'Hippone,  iftid.  et  p.  suiv.;  à  un  prêtre 
manichéen,  p.  92;  à  saint  Paulin,  ibid.;  à  Aly- 
pius ,  ibid.  et  p.  93;  à  Paul,  ibid.;  à  Cécilien, 
p.  94  ;  à  Émérite,  ibid.  ;  à  Janvier,  ibid.  et  p.  95; 
à.  Festus,  ibid.  et  p.  96  ;  à  Notaire,  p.  96  et  97  ;  à, 
Italique,  p.  97,  98  ;  à  Vincent,  le  rogatiste,  p.  98 
et  suiv.  ;  à  saint  Paulin,  p.  loi  et  102  ;  à  Olym- 
pius,  p.  102  ;  à  Bonirace,  p.  103  et  104;  à  Donat, 
p.  104;  à  Mémor,  ibid.;  à  Déogratias,  ibid.  et 
p.  suiv.;  aux  donatistes,  p.  107;  à  Macrobe,  ibid. 
et  suiv.;  à  Donat,  p.  110  ;  pour  Faventius,  ibid.  ; 
à  Dioscore,  ibid.  et  p.  111;  à  Sévère,  p.  109;  à 
Victorien,  ibid.  et  110  ;  à  Consçntius,  p.  111  et 
suiv.  ;  au  clergé  d'Hippone,  p.  113  et  114.  — 
Troisième  classe  des  lettres  de  saint  Augustin. 
Lettres  à  Albine  et  h  Alypius,  p.  lii  et  115;  à 
Armentaire  et  à  Pauline,  p.  115  et  116  ;  à,  Mar- 
cellin,  p.  116  et  suiv.  ;  à  Proba,  p.  118  et  suiv.  ; 
à  Volusien,  p.  120  ;  à  Marcellin  et  à  Apringius, 
ibid.  et  p.  121;  à  Volusien,  p.  121  et  suiv.  ;  à 
Jlarcellin,  p  124,  125  ;  à  Honorât,  p.  125  et  126  ; 
aux  donatistes,  p,  l'26  ;  à  Saturnin  et  iiEuplirate, 
p.  127  ;  à  Marcellin,  ibid.;  à  ceux  de  Cirthe,  p. 
127  et  128  ;  à  .\nastase,  p.  128  ;  à  Pelage,  ihid.  ;  à 
Pauline,  p.  129,  130;  à  Fortunatien,  p.  130  131  ; 


Paulin,  p.  131  et  suiv.  ;  à  Proba  et  à  Julienne, 

p.  133;  lettres  de  Macédonius  et  à  Macédonius, 
p.  Iô4  et  suiv.  ;  d'Hilaire  et  à  Hilaire,  p.  138  et 
suiv,  ;  d'iîvodius  et  à  Évodius,  p.  140  et  suiv.  ;  de 
saint  Jérôme  et  à  saint  Jérôme,  p.  143  ;  de  Ti- 
masius  et  à  Timasius.  p.  146  et  suiv.  ;  à  Évodius, 
p.  147  ;  à  Maxime,  p.  148,149;  àPérégrin,  p.  i49; 
à  Donat,  p   149  ;  à  Jean  de  Jérusalem,  p.  151  ;  à 
Océanus,  ibid.  et  p   152  ;  à  Boniface,  p.  152  et 
suiv.  ;  à  saint  Paulin,  p.  154  et  suiv.  ;  à  Darda- 
nius,  pag.  158  ;  à  Julienne,  p.  159  et  160  ;  à  Boni- 
face,  pag.  160  ;   à  Optât,  ibid.  et  suiv.  ;  à  Sixte, 
p.  162  ;  a  Célestin,  diacre,  pag.  162  ;  à  Mercator, 
ibid.  et  p.  163  ;  à  Sixte,  p.  163  et  suiv.  ;  lettres  de 
saint  Jérôme  à  saint  Augustin  etde  saint  Augustin 
àAsellicus,  p.  166  ;  à  Hésyohius  et  d'Hésychius, 
p.  167,  168;  à  Valère,  p.  168,  169  ;  à  Donat,  "p.  159; 
à  Largus,  ibid.;  à  Dulcitius,  ifti'd.  et  p.  170;  à 
Consent'us,  p.  170,  171  :  à  Valère  et  à  Claude, 
p.  171  ;  à  Félicie,  p.  171  ;  à  Célestin,  ibid.;  à  Fé- 
licité, ibid.  et  suiv.  ;  à  Quintilien,  p.  174  ;  à  Valen- 
tin,  ibid.  et  suiv.  ;à  Vital,  p.  176  et  suiv.  ;  à  Pala- 
tin, p.  179  ;  à  Proculus,  ibid.  ;  à  Boniface,  ibid.  et  p. 
180  ;  lettres  de  Quodvulldéus  et  à  Quodvultdéus, 
p.  180,  181  ;  de  Prosper  et  d'Hilaire  et  de  saint 
Augustin  à  Alypius,  p.  181  ;  à  Honorât,  p.  isi  et 
suiv.  ;  lettres  de  Darius  et  à  Darius,  p.  183  ;  aux 
habitants  de  Madaure,  p.  183,  184  ;  à  Longinien  et 
deLonginien,  p.  184;  àDeutérius,  p.  l84;àCéré- 
tius,  p.  185;  à  Pascentius  etde  Pascentius,  ibid. 
et  suiv.;  àElpidius,  p.  186,  187;  à  Lœtus,   p.  187; 
à  Chrisime,  ibid.;  à  Possidius,  ibid.  et  p.  188  ;  à 
Lampadius,  p.  188;  à  Romulus,  ibid.;  à  Sébas- 
tien, ibid.;  à  Restituais,  ibid.;  à  Auxilius  et  à 
Classicien,  p.  188,  189  ;  à  Pancarius  ,  p.  189  ;  à 
Félix  à  Bénénatus  et  à  Rusticus,  ibid.  ;  à  Chris- 
tinus  ,  ibid.;    à   Oronce  et  à  Martien,  ibid.;  à 
Corneille,  ifcid.;  àAudax,  p.  190;  àCédicie.iôid.  et 
p.  191;àSapida,  p.  i9i;àMaxima,  ifcid.;  à  Séleu- 
cienne,  i6id.;à  Florentine,  p.  192;  àFabiole,ifcid.; 
au  peuple  d'Hippone,  ibid.  ;  à  Nobilius  et  de  Nobi- 
lins  à  saint  Augustin,  ibid.  ;  à  Pierre  et  à  Abraham 
ibid.  et  19ô;  à  Optât,  pag.  193  et  194;  à  Slaxime, 
p.  194.  —  Lettres  faussement  attribuées  à  saint 
Augustin  :  lettre  à  Boniface,  à,  Démétriade,  à  saint 
Cyrille  de  Jérusalem;  et  de  saint  Cyrille  de  Jé- 
rusalem à  saint  .Augustin,  à  Pascentius,  l'Jid. — 
Quatre  livres  de  la  Doctrine  chrétienne,  p.  194 
et  suiv.  ;  ils  sont  composés  vers  l'an  397,  p.  195. 
Analyse   du  premier  livre,  ibid.  et   suiv.  ;    du 
deuxième  livre,  p.  197,  198;  du  troisième  livre, 
p.  198  et  suiv.  ;  du  quatrième  livre,  p.  200,  201. 
—  Du  livre  Imparfait  sur  la  Genèse  en  593,  p.  201, 
202  ;  analyse  de  ce  livre,  p.  202.  —  Des  douze  li- 
vres sur  la  Genèse, p.203  et  suiv.;  ils  ont  étééjrits 
en  401  et  publiés  en  415,  p.  202;  ce  qu'il  y  a  de 
remarquable  dans  ces  livres,  p.  203.  Livre  pre- 
mier, ifcifi.  ;  livre  deuxième,  ibid.  et  204;  livre 
troisième,  p.  204;   livre  quatrième,  ibid.  \  livre 
cinquième,  ibid.  et 205;  livres  sixième,  septième, 
huitième,  p.  205;  livre  neuvième,  ibid.  et  206  ; 
livre  dixième,  p.  206;  livre  onzième,  ibid.  et  207; 
livre  douzième,  p.  207,  208.  —  Les  Façons  d 


TABLE  ANALYTIQUE. 


853 


parler  de  l'Heptateuque  vers  l'an  419,  p.  208.  — 
Les  Questions  sur  la  Genèse,  ibid.  et  p.  209  ;  les 
Questions  sur  l'Exode,  p.  209  et  sulv.  :  sur  le  Lé- 
vitique,  p.  2U,  212  ;  sur  les  Nombres,  p.  212  ;  sur 
le  Deutéronome,  p.  2i3;  sur  Josué,  ibid.  et -214; 
sur  les  Juges,  p.  214.  —  Des  Notes  sur  Job.  Ce 
qu'on  entend  par  ces  notes,  p.  214.  —Miroir  tiré 
de  l'Écriture  sainte,  p.  214,  215;  autre  Miroir, 
p.  215;  Miroir  publié  par  le  cardinal  Mai,  p.  215, 
216.  —  Livres  de  l'Accord  des  évangélistes,  en  399 
ou  401,  p.  216.  Division  et  dessein  de  cet  ouvrage, 
ibid.  Premier  livre,  ibid.    et   suiv.  ;    deuxième, 
troisième  et  quatrième  livres,  p.  218,  —  Explica- 
tion en  deux  livres  du  Sermon  sw  la  montagne, 
p.  218.  Difficultés  de  ces  deux  livres,  p.  218;  ce 
qu'il  y  ade  remarquable,  ibid.  et  5u\y .— Questions 
sur  l'Evangile,  composées  vers  l'an  400,  p.  2îO. 
Dix-sept  questions  faussement  attribuées  à  saint 
Augustin,  iftid.—  Traités  sur  l'Evangile  et  la  pre- 
mière Epître  de  saint  Jean,  vers  l'an  416  ou  417, 
p.  220,  221;  sa  méthode  dans  ces  explications, 
p   221.  Pourquoi  il  interrompt  ces  explications, 
ibid.  Préface  sur  ces  homélies  ou  traités,  ibid.; 
quel  en  est  le  dessein,  ibid.  Il  y  combat  les  ariens, 
ibid.  et  222  :  les  manicBéens  ,  p.  -222,  223  ;  les  do- 
natistes,  p.  223,  224  ;  les  pélagiens,  p.  224  ;  les  phi- 
losophes, ibid.  —  Les  Questions  sur  l'Épître  aux 
Romains,  p.  22S  ;  Explication  de  l'Épître  aux  Ro- 
mains, vers  l'an  391,  ibid.;  ce  qu'il  y  a  de  remar- 
quable dans  cette  explication,  ibid.;  Explication 
de  l'Epître  aux  Galates,  vers  l'an  394,  —  Ouvrages 
faussement  attribués  à  saint  Augustin:  les  livres 
des  Merveilles  de  l'Ecriture;  le  livre  des  Bénédic- 
tions des  patriarches  ;  les  dix-neuf  homélies  sur 
l'Apocalypse,  p.  '229.  —  Explication  des  Psaumes 
achevée  vers  l'an  416,  p.  229  i230;  en  quelle  ma- 
nière il  a  expliqué  les  Psaumes,  p.  250  ;  en  quel 
lieu  il  les  a  expliqués  ;  division  de  l'ouvrage,  ibid. 
et  231  ;  de  quelle  version  il  s'est  servi,  p.  -'31.  Les 
préfaces  sur  les  Psaumes  ne  sont  point  de  saint 
Augustin,  ibid.;  estimp  qu'on  a  faite  de  ces  Com- 
mentaires, ibid.  Méthode  de  saint  Augustin  dans 
l'Explication  des  Psaumes,  ibid  et  252  ;  réflexions 
remarquables  sur  ces  explications,  ibid.  et  suiv. 
Prière  à  la  fin  des  Commentaires  sur  les  Psaumes, 
p.  234;  explication  du  psaume  xiv^  faussement 
attribuée  à  saint  Augustin,  p.  235.  —  Sermons  de 
saint  Augustin,  p.  2Sô  et  suiv.  :  distribution  des 
sermons  de  saint  Augustin.  Première  classe  :  Ser- 
mons .sïW  l'Écriture  sainte,  p.  235  et  suiv.  Deuxiè- 
me classe  :  Sermons  du  Temps,  p.  239, 240.  —  Troi- 
sième classe  ;  Sermons  sur  les  Fêtes  des  saints. 
Ce  que  ces  sermons  contiennent  de  remarquable, 
p.  240,  241.  Quatrième  classe  :  Sermons  sur  divers 
sujets  :  ce  qu'ils  contiennent  de  remarquable, 
p.  241  et  suiv.  Cinquième  classe  :  Des  sermons 
douteux,  p.  243,  244.    Des  sermons  contenus 
dans  l'Appendice  du  V«  tome.  Sermons  publiés 
depuis  D.    Ceillier.  Voir  à  la  fin  du  volume  le 
Supplément.  —  Solution  de  quntre-vingt-trois 
questions,  p.  245  et  suiv.  —  Les  deux  livres  à 
Simplicien  écrits  vers  l'an  397,  p.  249.  Analyse  du 
premier  livre,  p.  2.50,  251  :  analyse  du  deuxième 


livre,  p.  251,  252.  —  Des  Questions  à  Dulcitius, 
vers  l'an  432,  p.  252  et  255.  Analyse  de  ces  ques- 
tions p.  253,  254.  —  Livre  de  la  Croyance  des 
choses  qu'on  ne  voit  pas;  il  est  de  saint  Augus- 
tin, après  l'an  399,  p.  254;  analyse  de  ce  livre, 
p.  255.  —  Livre  de  la  Foi  et  du  Symbole,  en  393, 
ibid;  analyse  de  ce  livre,  ibid.  et  256.  —  Livre  de 
la  Foi  et  des  œuvres,  écrit  vers  l'an  415,  p.  256  ; 
analyse  de  ce  livre,  p.  251,  258.  —  Manuel  à 
Laurent  ou  Traité  de  la  Foi,  vers  l'an  421  ;  il  est 
adressé  à  Laurent,  p.  258  et  259;  analyse  de  ce 
livre,  p.  259  et  suiv.  —  Livre  du  Combat  chrétien, 
vers  l'an  396,  p.  263,  264;  analyse  de  ce  livre, 
p.  264.  —  Livre  de  la  Manière  d'instruire,  vers 
l'an  400,  p.  264;  analyse  de  ce  traité,  p.  265  et 
266.  Livre  de  la  Continence  :  il  est  de  saint  Au- 
gustin, p.  266;  analyse  de  ce  traiti^,  ibid.  et  267. 

—  Livre  du  Bien  du  mariage,  vers  l'an  401 ,  p.  267  ; 
analyse  de  ce  traité ,  p.  268,  269.  —  Livre  de  la 
Sainte  Vierge;  analyse  de  ce  livre,  p.  2G9  et  suiv. 

—  Lisre  du  Bien  de  laviduité,  écvil  en  414,  p  271; 
analyse  de  ce  traité,  ibid.  et  p.  272.  —  Traité  des 
Mariages  adultères,  p.  272;  analyse  du  premier 
livre,  p.  272,  273;  analyse  du  deuxième  livre, 
p.  273,  274. — Livre  du  Mensonge,  écrit  vers  l'an 
595,  p.  274;  analyse  de  ce  livre,  ifcid.  et  p.  275. 

—  Livre  contre  le  Mensonge,  à  Consentius,  vers 
l'an  420,  p.  275  ;  analyse  de  ce  livre,  p.  277  et 
suiv-  —  Livre  de  l'Ouvrage  des  moines,  écrit  vers 
l'an  400,   p.  277  :  analyse  de  ce  livre,  p.  277  et 
suivantes.  —  Livre  des  Prédictions  des  démons , 
écrit  en  406  et4H,  p.  279;  analyse  de  ce  livre,  i6id. 
et  p.  280.  —Livre  du  Soin  pour  les  morts,  écrit  en 
421,  p.  280  ;  analyse  de  ce  livre,  ibid.  et  suiv.  — 
Livre  de  la  Patience,  écrit  vers  l'an  418,  p.  282. 
Analyse  de  ce  livre,  ibid.  et  283.  —  Sermons  sur 
le  Symbole;  ils  ne  sont  pas  de  saint  Augustin  , 
p.  283,  284.  Voyez  note,  ibid.  Sermon  sur  la  Dis- 
cipline chrétienne, 'p.28i.  Sermon  sur  le  nouveau 
Cantique  et  quelques  autres  supposés,  ibid.  Dis- 
coiws  sur  l'utilité  du  Jeûne,  ibid.  et  285.  Sermon 
sur  la  prise  de  Rome,  p.  285,  286.  — Ouvrages  faus- 
sement attribués  à  saint  Augustin,  p.  286  et  suiv., 
savoir  :  livre  des  Vingt  et  une  questions;  livre  des 
Soixante-cinq  questions;  livre  de  la  Foi  à,  Pierre; 
livre  de  l'Esprit  et  de  l'âme;  livre  de  l'Amitié; 
livre  de  la  Substance  de  l'amour  ;  livre  de  l'A  - 
mour  de  Dieu;  les  Soliloques  de  l'âme;  livre  des 
Méditations  ;  livre  de  la  Contrition  du  cœur,  le 
Manuel;  le  Miroir;  l'autre  livre  du  Miroir;  le 
livre  des  Trois  habitations;  l'Échelle  du  para- 
dis ;  le  livre  de  la  Connaissance;  le  livre  de  la 
Vie  chrétienne;  le  livre  des  Enseignements  salu-   ■ 
tairés;  le  livre  des  Douze  abus;  le  Traité  des 
Sept  vices  et  des  sept  dons  du  Saint-Esprit  ;  le 
traité  du  Combat  des  vices  et  des  vertus  ;  le  livre 
de  la  Sobriété  et  de  la  chasteté;  le  livre  de  la 
Vraie  et  de  la  fausse  pénitence;  le  livre  de  l'An- 
téchrist; le  Psautier  ;  le  cantique  Magnificat  ;  le 
traité  de  l'Assomption  de  la  Vierge;  les  deux  li- 
vres de  la  Visite  des  infirmes;  les  deux  livres  de 
la  Consolation  des  morts;  le  traité  de  la  Con- 
duite chrétienne;  le  discours  sur  le  Symbole;  le 


854 


TABLE  ANALYTIQUE. 


traité  des  Douxe  pierres  ;  les  Sermons  aux  frè- 
res du  désert.  —  Livres  de  la  Cité  de  Dieu,  p.  288 
et  suiv  ;  à  quelleoccasion  écrits,  p.  288,  283.  Saint 
Augustin  les  commença  vers  l'an  -113;  ils  ne  fu- 
rent achevés  qu'en  4-26  ou  427,  p.  289;  estime 
qu'on  a  faite  de  ces  livres,  ibid.  et  290  ;  analyse 
du  premier  livre,  p.  290  et  suiv.  ;  analyse  du  deu- 
xième livre,  p.  292  et  suiv.;  analyse  du  troisième 
livre,  p.  294,  295.  ;  analyse  du  quatrième  livre,  p. 
295  et  suiv.  ;  analyse  du  cinquième  livre,  p.  298  et 
suiv,  ;  analyse  du  sixième  livre,  p.  300.  Analyse 
du  septième  livre,  p.  301  ;  analyse  du  liuitième 
livre,  p.  301  et  suiv.  ;  analyse  du  neuvième,  p.  303  ; 
du  dixième, ibid.  et  suiv.  ;  analyse  du  onzième,  p. 
305  et  suiv.  ;  du  douzième,  p.  307  et  suiv.  ;  du  trei- 
zième, p.  309  et  310;  du  quatorzième,  p.  310  et 
suiv.  ;  du  quinzième,  p.  512  et  suiv.  ;  du  seizième, 
p.  314,  315;  du  dix-septième,  315,  316;  du  dix- 
huitième,  p.  316  et  suiv.;  du  dix  neuvième,  p. 
319,  320;  du  vingtième,  p.  320,  321;  du  vingt- 
unième,  p.  521  et  suiv.  ;  du  vingt-deuxième,  p. 
323  et  suiv.  ;  —  Du  traité  des  Hérésies  fait  à  la 
prière  de  Quodvultdéus  ,  vers  l'an  428  ,  p.  330, 
331.  Dessein  de  cet  ouvrage;  il  devait  être  dis- 
tribué en  plusieurs  livres,  p.  331  ;  l'auteur  y 
parle  des  quatre-vingt-huit  hérésies,  p.  332;  es- 
time qu'on  tait  de  cet  ouvrage  p.  332;  Traité  con- 
tre les  Juifs  ;  il  n'est  peut-être  pas  de  saint  Au- 
gustin, ibid.  —  Livre  de  l'Utilité  de  lafoi,  p.  332, 
333.;  analyse  de  ce  livre  ,  p.  333  et  suiv.  —  Livre 
des  Deux  âmes,  en  391  ;  analyse  de  ce  livre,  p. 
336.  —  Livre  contre  Fortunat,  en  392.  ;  analyse 
de  ce  livre,  i6id.  et  p,  397.— Livre  contre Àdimante, 
en  394.;  analyse  de  ce  livre,  p.  337,  338.—  Livre 
contre  l'Épitre  du  fondement,  en  397;  analyse  de 
ce  livre,  p.  338,  339.  —  Livre  contre  Fauste  le 
manichéen,  vers  l'an  404,  p.  339,  340;  analyse  des 
cinq  premiers  livres,  p.  340,  341  ;  analyse  du  sixiè- 
me livre  et  des  suiv.,  p.  341,  342;  du  douzième, 
treizième,  quatorzième,  p.  342;  du  quinzième, 
seizième,  dix-septième,  dix-huitième  et  dix-neu- 
vième, p.  343  ;  des  vingt  et  vingt-unième,  p.  343, 
344;  du  vingt-deuxième,  p.  344  et  suiv.  ;  des  sept 
livres  suiv.,  p.  3i7,  3<i8;  des  trentième,  trente- 
unième,  trente-deuxième,  trente-troisième,  p. 
348,  349.  —  Des  deux  livres  contre  Félix  le  ma- 
nichéen ;  ils  ont  été  écrits  en  404,  p.  349;  ana- 
lyse du  premier  livre,  p.  349  et  suiv.  ;  du  deu- 
xième livre,  p.  351.  Livre  de  la  Nature  du  bien, 
vers  l'an  404  ;  analyse  de  ce  livre,  p.  351,  352.  — 
Livre  contre  Secondin,  vers  l'an  405;  analyse  de 
ce  livre,  p.  552,  353.  —  Les  livres  contre  l'Ad- 
versaire, vers  l'an  420,  p.  3u3  ;  analyse  du  pre- 
mier livre,  p.  354,  355;  du  deuxième  livre,  p.  353, 
356.  —  Livre  à  Orose  contre  les  Priscillianistes, 
en  415,  p  356;  analyse  de  ce  traité,  ibid.  et  357. 
—  Des  écrits  contre  les  Ariens.  —  Réponse  ,nux 
Sermons  des  ariens,  vers  l'an  418,  p.  357  ;  ana- 
lyse de  ce  discours,  ibid.  et  suiv,  —  Conférence 
avec  Maximin,  vers  l'an  427  ou  428,  p.  359;  analy- 
se de  cette  conférence,  p.  359,  560  ;  analyse  du  pre- 
mier livre  coH-Jre  Ma.rimin,  p,  300;  du  deuxième 
livre,  ibid.  et  p.  301.  —  Livre  sur  la  Trinité,  com- 


mencé vers  l'an  400  et  fini  vers  416,  p.  361,  362. 
Dessein  de  cet  ouvrage,  pag.  362;  analyse  du 
premier  livre,  p.  36-2,  3fî3  ;  du  deuxième  livre, 
p,  363,  364;  du  troisième  livre,  p.  3«4,  365;  du 
quatrième  livre,  p.  365, 366  ;  du  cinquième,  p.  366  ; 
du  sixième  et  septième  livres,  p.  366,  367;  du 
huitième,  p.  367  ;  du  neuvième,  p.  367,  368;  des 
dixième,  onzième,  douzième  et  treizième  livres, 
p.  368;  des  quatorzième  et  quinzième,  ibid.  et  369. 
—  Ouvrages  faussement  attribués  à  saint  .\.ugiis- 
tin,  p.  369  et  suiv.,  savoir  :  Traité  contre  les  Héré- 
sies et  contre  les  Juifs  ;  Dispute  entre  l'Eglise  et  la 
synagogue;  livre  de  /«Foi  contre  les  manichéens; 
de  la  Manière  de  recevoir  les  manichéens;  du 
traité  de  l'Unité  de  la  Trinité;  questions  sur  la 
Trinité  et  sur  la  Genèse;  les  deux  livres  de  l'In- 
carnation; livres  de  la  Trinité  et  de  l'unité  de 
Dieu;  livre  de  l'Essence  de  la  Divinité;  dialogue 
de  l'Unité  de  la  Trinité;  livre  des  Dogmes  ecclé- 
siastiques. —  Ouvrages  de  saint  Augustin  contre 
les  donalistes,  p.  374  et  suiv..  savoir:  Psaume 
de  S.  Augustin  contre  leparti  de  Donat,  p.  374  ;  il 
a  été  écrit  vers  l'an  393,  ibid.  La  réfutation  du 
grand  Donat  est  perdue,  ibid  et  375.  Les  trois  li- 
vres contre  Parménien,  p.  375  et  suiv  ;  analyse 
du  premier  livre,  ibid  ;  analyse  du  deuxième 
livre,  p.  377  et  378  ;  analyse  du  troisième  livre, 
p.  378  et  suiv.  —  Les  sept  livres  du  Baptême  con- 
tre les  donatistes,  pag.  380  et  suiv.  Cet  ouvrage 
est  composé  vers  l'an  400,  p.  380  ;  analyse  du 
premier  livre,  ibid.  ;  du  deuxième,  p.  382,  383  ; 
du  troisième,  p.  383  et 384;  du  quatrième,  p.  384 
et  suiv.  ;  du  cinquième,  p.  386  et  suiv.  ;  des  sixiè- 
me et  septième,  p.  388,  389.  Les  trois  livres  con- 
tre les  Lettres  de  Pétilien,  p. 389  et  suiv;  analyse 
du  premier  livre,  écrit  vers  l'an  400,  p.  390  et 
391  ;  du  deuxième  livre,  p.  391  et  suiv.  ;  du  troi- 
sième livre,  p.  393  et  394.  Livre  de  l'Unité  de 
l'Église;  il  est  de  saint  Augustin  :  il  a  été  écrit  en 
402,  pag,  394,  395;  analyse  de  ce  livre,  p.  395  et 
suiv.  Les  quatre  livres  contre  Cresconius,  p.  399 
et  suiv  ;  ces  livres  ont  été  écrits  vers  l'an  409  ; 
analyse  du  premier  livre,  p.  399,  400  ;  du  deuxiè- 
me, p.  400  et  401  ;  du  troisième,  p.  401  ;  du  qua- 
trième, ibid.  et  p.  402.  —  De  l'Unité  du  baptême 
contre  Pétilien,  p.  402  et  suiv.  ;  il  est  écrit  vers 
l'an  411.  p  402.  Occasion  de  ce  livre,  p.  403;  ana- 
lyse de  ce  livre,  ibid.  et  404,  —.ibrégé  de  la  Con- 
férence faite  avec  les  donatistes,  vers  l'an  411  ou 
412,  p.  404;  analyse  de  cet  Abrégé,  premier  jour 
de  la  Conférence,  p.  405  et  suiv.  ;  deuxième  jour, 
p.  407  ;  troisième  jour,  p.  408,  409.  —  Livre  a«.a; 
Donalistes  depuis  la  conférence,  p.  409  ;  analyse 
de  ce  livre,  p.  410.  —  Discours  ou  de  la  Confé- 
rence en  présence  d'Émérite,  p.  410.  Discours  au 
peuple  de  Césarée,  en  418,  ibid.  et  p.  411.  Confé- 
rence en  préstnce  d'Émérite,  en  418,  p.  411  et 
suiv. —  Deux  livres  contre  Gaudence,  p.  413.  vers 
l'an  420  :_analyse  du  premier  livre,  ibid.  et  414  ;  du 
deuxième,  p. 414, -115.  —  Ouvrages  faussement  at- 
tribués à  saint  Augustin.  —Livre  contre Fulgcn- 
cc  le  donalisle.  —  Ouvi'agos  do  saint  Augustin 
contre  les  pélayiens,  savoir  ;  Livre  des  Mérites 


TABLE  ANALYTIQUE. 


85S 


des  péchés  et  de  leur  rémission  ou  du  Baptême  des 
enfants,  en  412,  p.  417  et  suiv  ;  analyse  du  premier 
livre,  p.  418  et  suiv.  ;  du  deuxième,  p.  422  et  suiv.-, 
du  troisième,  p.  425  et  suiv.  —  Livre  de  l'Esprit  et 
de  la  lettre,  écrit  vers  l'an  412,  p.  427  ;  analyse  de 
ce  traité,  ibid.  et  suiv.  — Livre  de  la  Nature  et  de 
la  grâce,  en  l'an  415,  p.  433;  quelle  a  été  l'occa- 
sion de  ce  livre,  p.  434  :  analyse  de  cet  ouvrage, 
ibid.  et  suiv.  —Livre  de  la  Perfection  de  la  jus- 
tice de  l'homme,  vers  l'an  415,  p.  410;  à  quelle 
occasion  ce  livre  a  été  écrit,  ibid.  ;  analyse  de  ce 
livre,  ibid.  et  suiv.  —  Livre  des  Actes  de  Pelage, 
vers  l'an  -417,  p.  442  ;  analyse  de  ce  livre,  p.  4i3  et 
suiy.  _  Livres  de  la  Grâce  de  Jésus-Christ  et  du 
péché  originel,  en  418,  p.  448  ;  analyse  du  livre 
de  la  Grâce  de  JesttS-C/insÉ,p.4i9et  suiv.;analyse 
du  livre  du  Péché  originel,  p.  -iSS.  Le  livre  du  Ma- 
riage et  de  la  concupiscence, yers  l'an  419,  p. 457; 
analyse  du  premier  livre,  ibid.  et  suiv.  Second  li- 
vre des  A'ocês  et  de  la  concupiscence, \eTSÏàni20, 
p.  451  ;  analyse  de  ce  livre,  ibid.  et  suiv.  Les  qua- 
tre livres  de  l'Ame  et  de  son  origine,  en  419  ou  420 
p.  466;  analyse  du  premier  livre,  p.  467  et  suiv.; 
du  deuxième,  p.  469  et  470;  du  troisième,  p.  470 
et  suiv.  ;  du  quatrième,  p.  472  et  suiv.  —  Des  qua- 
tre  livres  à  Boniface  contre  les  Pélagiens,  vers 
l'an  420,  p.  474;  analyse  du  premier  livre,  ibid.  et 
suiv.  ;  du  deuxième,  p,  477  et  suiv.  ;  du  troisième, 
p.  479  et  suiv.  ;  du  quatrième,  p.  481  et  suiv.  — 
Des  six  livres  contre  Julien,  vers  l'an  421,  p.  434; 
analyse  du  premier  livre,  p.  484  et  suiv.  ;  du 
deuxième,  p.  488  et  suiv.  ;  du  troisième,  p.  491  et 
suiv.;   du  quatrième,  p.  495  et  suiv.;  du  cin- 
quième, p.   503  et  suiv.  ;  du  sixième,  p.  507  et 
suiv.  —  Livre  de   la  Grâce   et  du,  libre  arbitre, 
écrit -vers  l'an  426  ou  427,  p.  512;  analyse  de  ce 
livre,  p.  513  et  suiv.  —  Livre  de  la,  Correction  et 
de  la  grâce;  à  quelle  occasion  il  a  été   écrit, 
p.  518  ;  analyse  de  ce  livre,  p.  519  et  suiv.  —  Li- 
vre de  la  Prédestination  des  saints,  p.  524  et  suiv.; 
analyse  de  ce  livre,  p.  527  et  suiv.  —  Livre  du 
Don  de  la  persévérance;  analyse  de  ce  livre,  p.  552 
et  suiv.  —  Ouvrage  imparfait  contre  Julien  :  en 
quelle  année  et  à  quelle  occasion  il  a  été  écrit, 
p.  538,  539;  analyse  du  premier  livre,  p.  539  et 
suiv.  :  du  deuxième  livre,  p.   546  et  suiv.  ;  du 
troisième,  p.  550  et  suiv.  ;  du  quatrième,  p.  553, 
554  ;  du  cinquième,  p.  354,  555;  du  sixième,  p.  555 
et  suiv.  —  Ouvrages  faussement  attribués  à  saint 
Augustin,  savoir  :  VHypomnesticon.  Le  livre  de  la 
Prédestination  et  de  la  grâce.  Le  livre  de  la  Pré- 
destination de  Dieu.  La  Réponse  aux  objections 
de  Vincent,  p.  558,  f.59.  Autres  pièces  supposées, 
p.  f59.  —   Ouvrages  perdus  de  saint  Augustin, 
p.  559  et  suiv.  —  Doctrine  de  saint  Augustin, 
p.  564  et  suiv.  :  sur  l'Écriture  sainte,  ibid.  ;  son 
inspiration,  p.  S64  ;  son  infaillibilité,  ibid.  et  p. 
565  ;  sa  vérité  et  son  autorité,  p.  565  et  suiv. — 
Règles  pour   distinguer   les  livres  canoniques, 
p.  567,  568;  canon  des  Écritures,  p.  568,  569.  — 
Livres  contestés  par  les  catholiques  ou  rejetés 
par  les  hérétiques,  p.  569  et  suiv.  —  Livres  per- 
dus cités  dans  l'Écriture,  et  de  ceux  qui  sont  sup- 


posés, p.  575  et  suiv.  ;  sur  l'antiquité  des  pro- 
phètes, comment  on  les  distingue  des  faux  pro- 
phètes, p.  ,577,  578;  sur  l'obscurité  des  prophé- 
ties, p.  578  et  579.  —  Prophéties,  preuves  de  la 
religion  chrétienne,  p.  579  et  suiv.  ;  sur  les  Évan- 
giles, p.  585,  586.  Mystères  et  figures  des  évan- 
gélistes,  p.  586.  Dessein  des  évangélistes,  p.  587, 
588.  Objections  des  païens  contre  les  Évangiles, 
p.  589  et  suiv.  Les  omissions  des  évangélistes 
n'empêchent  pas  qu'ils  n'aient  dit  ce  qu'ils  vou- 
laient dire,  p.  591,  592.  Il  n'y  a  point  de  contra- 
diction parmi  les  évangélistes,  p.  592.  Quoique  les 
évangélistes  diffèrent  dans  l'ordre  de  rapporter 
les  faits,    ils  s'accordent  pour  le  fond  des  cho- 
ses, p.  595,   594.    Sur  l'éloquence  de  l'Écriture 
sainte,  p.  594  et  suiv.  ;  sur  l'obscurité  de  l'Écri- 
ture et  le  respect  qu'on  doit  lui  porter,  p.  596, 
597  ;  sur  les  divers  sens  de  l'Écriture,  p.  597  et 
suiv.  ;  comment  il  faut  s'appliquer  k  l'étude  de 
l'Écriture  sainte,  p.  599.  Règles  pour  l'intelli- 
gence de  l'Écriture,  p.  600.  Utilité  des  traduc- 
tions, ibid.  et  suiv.  Comment  il  faut  corriger  un 
défaut  de  traduction,  p.  602,  605.  D'où  l'on  doit 
tirer  la  connaissance  des  locutions  inconnues, 
p.  605.  Quelles  sont    les    meilleures  versions, 
p  604.  Utilité  de  la  connaissance  des  langues  pour 
l'intelligence  de  l'Écriture,  p.  605.  Utilité  de  la 
connaissance  de  la  nature  et  delà  propriété  des 
choses,  ibid.  et  606.  Utilité  de  la  connaissance  de 
l'histoire,  p.  eOs  607.  Comment  ôter  l'ambiguïté 
des  mots,  p.  607  et  suiv.  Comment   il  faut   en- 
tendre les  expressions  qui  renferment  un  pré- 
cepte, p.  609,  610.  L'histoire  de  la  version  des 
Septante;   autorité  de    cette  version,  p.  610  et 
suiv.  ;  sur  le  texte  du  Nouveau   Testament,  p.  612  ; 
sur  la  lecture  de  l'Écriture  sainte,  ibid.  et  suiv.  ; 
sur  divers  points  d'histoire  de  l'Ancien  Testa- 
ment, p.  614  et  suiv. ;  sur  divers  points  d'his- 
toire du  Nouveau  Testament,  p.  616  et  suiv.  —  Sur 
latradition,p.  618,  619.— Sur  l'autorité  des  Pères 
de  l'Église,  p.  619etsuiv.— Sur  les  conciles,  p  621 
et  suiv. —  Sur  l'Église  et  sa  catholicité,  p  625  et 
suiv.  ;  sa  visibilité,  p.  620  et  627;  son  indéfecti- 
bilité,  p.  627,  628.  Objection  contre  l'indéfecti- 
bilitéde  l'Église,  p.  628.  —  Sur  les  membres  de 
l'Église,  p.  629  et  suiv.  Objection  contre  le  mé- 
lange des  bons  et  des  méchants,  p.  651  et  suiv. 
Qu'il  n'y  a  point  de  salut  hors  l'Église,  p.  653.— 
Sur  la  primauté  de  saint  Pierre,  ibid.  et  suiv.  — 
Sur  l'Église  romaine.  Respec*.  pour  la  chaire  de 
saint  Pierre,  p.  635,  6  56.  —  Sur  l'existence  et  la 
connaissance  de  Dieu;  ses  perfections ,  sa  nature,  p. 
636  et  suiv.  —  Sur  la  Trinité,  p .  658  et  suiv.  —  Sur 
les  missions  divines  et  sur  la  procession  du  Saint- 
Esprit, p.  640.  Règles  pour  l'explication  de  certai- 
nes difacultés  touchant  la  Trinité,  ibid.  et  suiv.  — 
Incarnation  :  conduite  de  Dieu  dans  ce  mystère,  p. 
642  et  suiv.  Divinité  et  humanité  de  Jésus-Christ, 
p.  644.  Deux  natures  en  Jésus-Christ  en  une  même 
personne,  p.  645  et  suiv.  Nécessité  de  la  foi  enJé- 
sus-Christ  pour  le  salut,  p.  647  et  suiv.  — Volonté 
en  Dieu  de  sauver  tous  les  hommes,  p.  650.  Dif- 
férentes explications  de  ces  paroles  :  Dieu  veut 


856 


TABLE  AN 


sauver  tous  les  hommes,  p.  651  et  suiv.  Autre 
explication,  p.  652.  Péché  originel,  p.  654.  Autres 
preuves  du  péché  originel,  p.  655  et  suiv.  Mort 
de  Jésus-Christ  pour  tous  les  hommes,  p.  653, 
654.  Jésus- Christ  n'est  point  né  avec  le  péché 
originel,  p.  657,  658.  Les  enfants  des  fidèles 
contractent  le  péché  originel,  p.  658.  Comment 
le  péché  originel  se  transmet  des  pères  aux  en- 
fants, p.  658,  659.  État  des  enfants  qui  meurent 
sans  Baptême,  p,  659  et  suiv.  Objection  des  semi- 
pélagiens,  p.  «61,  662.—  Prédestination,  p.  662, 
663.  Jésus-Christ  est  le  modèle  de  la  prédestina- 
tion des  élus,  p.  663,  664.  Prédestination  gratui- 
te dans  les  enfants,  p.  664,  665:  dans  les  adultes, 
p.  665.  La  prédestination  est  un  secret  même 
pour  les  élus,  p.  666  et  suiv.  Certitude  du  salut 
des  prédestinés,  p.  668,  669.  Moyens  par  lesquels 
Dieu  accoicplJt  le  décret  de  la  prédestination, 
p.  669.  —  Les  réprouvés  vivent  pour  l'utilité  des 
prédestinés,  p.  670.  Réprobation ,  ibid.  et  suiv. 
Manière  de  prêcher  la  prédestination,  p.  672  et 
suiv.—  Grâce  et  libre  arbitre  du  premier  homme, 
p.  675,  676.  Si  Adam  avait  reçu  le  don  de  la  per- 
sévérance, p.  676  et  suiv.  Grâce  des  deux  états, 
p.  681  et  suiv.  Nos  bonnes  pensées  viennent  de 
Dieu,  p.  686.  Dieu  nous  inspire  le  désir  du  bien. 
p.  687.  Réponse  aux  objections  des  pélagiens, 
p.  687.  Nécessité  de  la  grâce  pour  les  actions  de 
Viété  et  la  fuite  du  mal,  p.  689.  Nécessité  de  la 
grâce  contre  les  tentations,  p.  689  et  suiv.  Né- 
cessité de  la  grâce  pour  la  pénitence  et  la  con- 
version du  pécheur,  p.  691,692:  pour  aimer  Dieu, 
p.  692  et  suiv.  Possibilité  des  commandements  de 
Dieu,  p.  694  Nécessité  de  la  grâce  pour  les  ac- 
complir, ibid.  et  suiv.  Demander  à  Dieu  ce  qu'il 
nous  commande,  p.  696  et  697.  La  foi  est  un  don 
de  Dieu,  p.  697  et  suiv.  La  foi  n'est  pas  accordée 
à  tous,  p.  700.  La  prière  est  un  don  de  Dieu,  ibid. 
La  persévérance  est  un  don  de  Dieu,  p.  701  et 
suiv.  La  nature  est  commune  à  tous  et  non  la 
grâce,  p.  704,  705.  La  grâce  est  donnée  gratuite- 
ment, p.  705,706.  Nos  mérites  sont  des  dons  de 
Dieu,"ifcid.  et  7(i7.  Réponse  aux  objections  des 
pélagiens  contre  la  grâce  gratuite,  p.  707  et  708. 
La  grâce  ne  suit  pas,  mais  précèdii  la  volonté, 
p.  708,  709.  En  quoi  consiste  la  grâce,  p.  709,  710. 
Comment  elle  agit,  p.  710  et  suiv.  Force  de  la 
grâce,  p.  714,  715.  Pouvoir  de  Dieu  sur  la  volonté 
des  hommes,  p.  715,  7i6.  Réponse  aux  objec- 
tions, p.  716,  717.  Suite  des  objections  touchant 
le  pouvoir  de  Dieu  sur  la  volonté  des  hommes, 
p.  717  et  suiv.  Comment  Dieu  prépare  la  volonté 
de  l'homme,  et  comment  l'homme  se  prépare, 
p  720  Comment  Dieuopère  et  coopère  avec  nous, 
ibid.  Accord  du  libre  arbitre  avec  la  grâce,  p.  720 
et  suiv.  La  grâce  ne  détruit  pas  le  libre  arbitre, 
et  n'introduit  pas  le  destin,  p.  723,  724.  Explica- 
tion de  ces  paroles  :  Cela  ne  dépend  pas  de  celui 
qui  veut,  ni  gui  court,  mais  de  Dieu  qui  fait  mi- 
séricorde, p.  724,  725.  —  Vocation,  p.  725  et  726. 
Pourquoi  les  Tyriens  et  les  Sidoniens  n'ont  pas 
cru  en  Jésus-Christ,  p.  ■;26,  727.  —  Libre  arbitre, 
p.  727  et  suiv.  Il  est  libre  àl'homme  de  consentir 


ALYTIQUE. 

ou  de  ne  pas  consentir  aux  suggestions  du  dé- 
mon, p.  729,730.  Sentiment  des  pélagiens  sur  le 
libre  arbitre,  p.  730,  731.  Quelle  liberté  avons- 
nous  perdue  par  le  péché  du  premier  homme,  p. 
731  et  suiv.  La  nature  humaine  est  rétablie  dans 
le  bien  qu'ellea  abandonné,  p.  733,  734.  Liberté 
des  bienheureux,  p.  7^4.  Sur  les  anges,  p.  7ô4  et 
suiv.  Sainte-Vierge,  p.  737,  738.  —  Sacrements. 
Différence  entre  les  sacrements  de  laloi  ancienne 
et  delà  loi  nouvelle,  p.  738.  Circoncision,  ibid.  et 
759.  Baptême  de  saint  Jean,  p.  739  et  suiv.  Né- 
cessité du  baptême,  740,  741.  Effets  du  baptême, 
p.  741,742.  Matière  et  forme  du  baptême,  p.  742, 
743.  Ministre  du  baptême,  p.  743,  744.  Rebaptisa- 
tion.  p.  744,  745.  Exorcismes  et  autres  cérémo- 
nies du  baptême,  p.  745  et  suiv.  Confirmation, 
p.  747.  Présence  réelle  dans  l'Eucharistie,  p.  747 
et  suiv.  Les  méchants  comme  les  bons  reçoivent 
le  corps  de  Jésus-Christ,  p.  750,  751.  La  chair 
de  Jésus-Christ  dans  l'Eucharistie  est  adorable. 
Comment  les  fidèles  la  mangent,  p.  752.  Objec- 
tions contre  la  présence  réelle,  ibid.  et  suiv.  Sa- 
crifice de  la  nouvelle  loi,  p.  760  et  suiv.  Le  sacri- 
fice n'est  dû  qu'à  Dieu,  p.  762,  763.  Sacerdoce  de 
la  loi  nouvelle,  p.  763,  764.  Sacrifices  et  prières 
pour  les  morts,  p.  764  et  suiv.  Cérémonies  du  sa- 
crifice, p.  766  et  suiv.  Fréquente  communion, 
p.  768  et  suiv.  Disposition  pour  recevoir  l'Eu- 
charistie, p.  669,  670.  Si  l'on  doit  donner  l'Eu- 
charistie aux  pécheurs  occultes,  p.  770.  Nécessité 
de  l'Eucharistie,  p.  771,  772.  Pénitence,  p.  772, 
773.  Confession  faite  à  Dieu  et  à  ses  ministres, 
p.  773,  774.  Satisfaction,  p.  774.  Trois  sortes  de 
pénitences,  p.  775  et  suiv.  Péchés  soumis  à  la  pé- 
nitence publique,  p.  777  et  suiv.  Excommunica- 
tion, p.  780  et  suiv.  Ordre,  p.  782,  7S3  :évêqiies, 
p.  783. 784  :  diacres  et  autres  clercs,  p.  784  :  céli- 
bat des  clercs  :  vœu  de  virginité,  p.  785.  Moines, 
ibid.  et  suiv.  Mariage,  p.  787.  Fait  singulier  sur 
le  mariage,  p.  788,  789.  Images  de  la  croix  et  des 
saints,  p.  789  et  suiv.  Sur  les  reliques,  p.  791, 
792.  Superstitions,  p.  792,  793.  Augures  et  astro- 
logie judiciaire,  p.  793  et  suiv.  Autres  supersti- 
tions, p.  795.  Usage  des  sorts,  p.  795.  Miracles,  ibid. 
et  796  État  des  âmes  au  sortir  du  corps,  p.  796. 
Leur  bonheur,  ibid.  et  797.  Purgatoire,  797,  798. 
Éternité  des  peines  des  damnés,  p.  798  et  799. 
Schisme  et  hérésie,  p.  799  et  suiv.  Puissance 
temporelle,  p.  802,  803.  Personne  sacrée  des  rois, 
p.  803.  En  quoi  consiste  le  bonheur  des  rois, 
ibid.  et  804.  Abstinence  et  jeûne,  p.  804,  805. 
Quelques  points  de  discipline,  p.  805.  Sentiments 
des  académiciens  sur  la  probabilité,  ibid.  et  806. 
Crainte,  p.  808,  807.  Amour  de  Dieu,  p.  807,808. 
Jugement  des  ouvrages  de  saint  Augustin  tou- 
chant la  philosophie  et  la  religion  chrétienne, 
p.  808.  Ses  lettres,  ibid.  Ses  commentaires,  p.  809. 
Ses  discours,  ses  œuvres  morales,  ibid.  Ses  livres 
pour  la  défense  de  la  religion,  ibid.  et  810.  Ses 
ouvrages  sur  la  grâce,  p.8]0etsuiv.  Editions  par- 
ticulières des  Œuvres  de  saint  Augustin.  Sa  Cité 
de  Dieu,  p.  812.  Ses  Confessions,  p.  832,  813.  Ses 
Commentaires  sur  les  Psaumes,  p.  813.  Ses  Dis- 


TABLE  ANALYTIQUE. 


857 


cours  sur  l'Ecriture,  p.  813.  Les  Opuscules,  ibid. 
et  814.  Les  Lettres,  p.  815.  Editions  générales 
d'Amerbacti,  d'Erasme  et  de  Louvain,  ibid.  Édi- 
tions des  Bénédictins  de  saint  Maur,  ibid.  et  suiv. 
Édition  d'Anvers  en  1700,  p.  818.  Autres  éditions 
générales,  ibid  et  819.  Supplément  à  Saint  Au- 
gustin, p.  328  et  suiv. 

AUIWONE  des  gens  mariés,  p.  190.  Aumône  re- 
commandée, p.  192.  Instruction  sur  l'aumône, 
p.  19,  234.  Comment  elle  efface  les  péohés,p.  338. 

AURÈLE,  évêque  de  Carthage.  Saint  Augustin 
lui  écrit,  p.  12.  Saint  Augustin  lui  fait  des  repro- 
ches d'avoir  élevé  un  moine  à  la  cléricature. 


p.  87.  Saint  Augustin  lui  adresse  le  livre  des  Actes 
de  Pelage, 'p.  443. 

AUTORITÉ  de  l'Écriture  établie  parmi  tous  les 
peuples  de  la  terre,  p.  31.  Autorité  de  l'Église, 
p.  m  et  334. 

AVIS.  Il  ne  faut  pas  tant  compter  les  avis  que 
les  peser.  Parole  de  Julien  approuvée  par  saint 
Augustin,  p.  491. 

AVITE,^  prêtre  espagnol,  obtient  des  reliques 
de  saint  Etienne,  p.  327. 

AUXILIUS,  évêque  d'Afrique,  excommunie  le 
magistrat  Classicien,  p.  15.  Saint  Augustin  lui 
écrit,  p.  188. 


B. 


BAISER.  Les  chrétiens  se  donnaient  les  uns 
aux  autres  le  saint  baiser  qui  n'était  qu'une  fi- 
gure de  la  paix  intérieure  qu'ils  devaient  conser- 
ver entre  eux,  p.  768. 

BAPTEME  des  apôtres,  p.  191.  Baptême  des  do- 
natistes,  p.  72  et    82;  des  maximianistes,  p.  82-, 
des  hérétiques,  p.  313;  des  schismatiques,  p.  38. 
Ministre  du  baptême,  p.  95.  La  nécessité  du  bap- 
tême, p.  189.  La  vertu  du  baptême,  p.  103.  Dispo- 
sitions pour  le  baptême,  p.  257.  Quand  le  bap- 
tême est  valide,  p.  884,  385.  Il  est  inutile  aux 
hérétiques,   p.  586.  Unité   du  baptême,   p.    402 
et  suiv.  Baptême  de  saint  Jean,  différent  de  celui 
de  Jésus-Christ,  p.  386,  387,   739  et  740.  Nécessité 
du  baptême,  p.    740,  741.   Effets   du   baptême, 
p.  476,  480.  Matière  et  forme  du  baptême,  p.  742, 
743.  Ministre  du  baptême,  743,  744.  Keba|.tisaiion, 
p.  744,  745.  Exorcismes  et  autres  cérémonies  du 
baptême,  p.  745  et  suiv.  Les  parrains  faisaient 
le  renoncement  au  péché  au  nom  de  l'enfant, 
p.  550.   Baptême  des   enfants,  p.  103,  139,  206. 
L'usage  de  baptiser  les  enfants  est  fondée  sur  la 
tradition    des    apôtres,   p.  618,   619.  Les    péla- 
giens  soutenaient  que  l'on  baptisait  les  enfants 
afin  d'effacer  les  péchés  qu'ils  auraient  commis 
dans  cette  vie,  p.  419.  La  validité  du  baptême 
_  donné  par  les  hérétiques  tire  son  origine  de  la 
tradition,  p.  618.  En  quoi  consiste  la  sanctiflca- 
tion  du  corps  par  le  baptême,  p.  511.  Les  péla- 
giens  reprochaient  aux  catholiques  de  dire  que 
le  baptême  ne  remet  pas  tous  les  péchés,  p.  476. 
BASILE  (saint)  cité  par  saint  Augustin  contre 
Julien,  p.  486. 


BEATITUDE  parfaite,  p.  306.  Béatitude  éter- 
nelle, p.  323  et  sui7. 

BÉISÉDICTINS  (les  Pères),  de  la  Congrégation 
deSaint-Maur,  donnent  une  édition  très-correcte 
des  ouvrages  de  saint  A'igustin,  p  815.  Ce  qu'en 
pense  Fénélon,  p.  836  et  suiv. 

BÉNÉiVATUS.  Saint  Augustin  lui  écrit  au  sujet 
d'une  orpheline,  p.  189. 

BÉRANGER  combat  la  réalité  du  corps  de 
Jésus-Christ  dans  le  sacrement  de  l'Eucharistie, 
p.  751  et  suiv. 

BÊTES.  Comment  transformées  dans  les  îles, 
p.  3H. 

BIEN.  Quel  est  le  souverain  bien,  p.  111 ,  357. 
L'opinion  des  philosophes  sur  le  souverain  bien 
réfutée,  p.  319.  Dieu  fait  dans  l'homme  beaucoup 
de  bien,  que  ne  fait  pas  l'homme  ;mais  l'homme 
n'en  fait  ai.cun  que  Dieu  ne  le  lui  fasse  faire, 
p,  479.  Comme  personne  ne  peut  achever  le  bieu 
sans  le  Seigneur,  de  même  personne  ne  peut  le 
commencer  sans  le  Seigneur,  ibid.  Biens  des 
moines,  p.  9-2. 

,  BLAMPIN  (dom  Thomas),  bénédictin  de  Saint- 
Maur,  célèbre  par  l'édition  des  ouvrages  de  saint 
Augustin,  p.  816. 

BONIFACE,  un  des  plus  grands  hommes  de 
l'Empire  romain  ,  p.  18,  179  :  il  veut  se  retirer 
pour  vivre  en  moine,  iftid.:  saint  Augustin  répond 
à  ses  difficultés,  p.  103. 

BONIFACE  (saint),  pape.  Saint  Augustin  lui 
adresse  quatre  livres  contre  les  pélagiens,  p. 
474. 


G. 


CABARSUSSE,  ville  de  la  Blzacène,  p.  373.  As- 
semblée qui  s'y  tint,  ibid. 

CAINISTES  (liérétiques)  ils  composent  un 
livre  infâme  qu'ils  attribuent  à  saint  Paul , 
p.  577. 

CALAME.  Les  païens  y  persécutent  les  chré- 
tiens, p.  96.  Cette  ville  d'Afrique  est  prise  par  les 
Vandales  en  403,  p.  563. 

IX. 


CANTIQUE.  Sermon  sur  le  nov/veau  Cantique. 
p.  284. 

CAPTIVITÉ  de  Babylone,  son  époque,  p.  317. 

CARÊME.  Conduite  qu'on  doit  y  tenir,- p.  239. 
Jeûne  des  chrétiens  fixé  en  un  temps  qui  aboutit 
à  la  Passion  de  Jésus-Christ.  Pourquoi,  p.  804. 

CARNÉADES,  philosophe  académicien,  p.  38. 

CARTHAGE,  saint  Augustin  y  étudie  la  rhéto- 

S3 


858 


TABLE  ANALTTIQUE. 


rique,  p,  2:  y  enseigne,  p.  4.  Concile  de  Cartilage, 
en  349,  p.  11.  Cette  ville  est  prise  par  les  Van- 
dales, p.  564. 

CASSIODORE,  estime  qu'il  fait  des  livres  des 
Rétractations,  p.  24.  Des  deux  livres  sur  la  Ge- 
nèse contre  les  manichéens,  p.  55. 

CASTORIUS.  Saint  Augustin  l'exhorte  à  ac- 
cepter l'épiscopat,  p.  90.  Il  devient  évêque  de 
Vagine,  ibid. 

CASULAN,  prêtre,  ami  de  saint  Augustin,  con- 
sulte sur  le  jeûne  du  samedi,  p.  77. 

CATÉCHUMÈNES.  Instructions  qu'on  leur  adres- 
se, p.  257.  Comment  on  les  préparait  au  baptême, 
p.  745  ,  746.  Les  lectures  et  le  discours  de  l'évêque 
achevés,  on  renvoyait  les  catéchumènes,  p.  766* 

CATHOLIQUE.  Le  terme  de  catholique  est 
moins  un  nom  de  doctrine  et  de  croyance  qu'un 
nom  de  communion,  p.  624. 

CATOiy,  son  éloge,  p.  505.  Ce  qu'il  répondit  à 
un  homme  qui  l'avait  consulté  sur  ce  que  les 
souris  avaient  rongé  ses  souliers,  p.  793. 

CÉCILIEN,  gouverneur  de  Numidie,  p.  9. 

CÉCILIEN,  vicaire  d'Afrique,  p.  16.  Condamné 
par  le  concile  de  Carthage,  p.  19.  Nullité  de  la 
procédure,  ibid.  Déclaré  innocent,  p.  80. 

CÉCILIEN ,  évêque  de  Carthage  est  déclaré 
absous  dans  un  concile  de  Rome,  p.  485. 

CÉDICIE.  Saint  Augustin  lui  donne  des  ins- 
tructions sur  les  devoirs  des  femmes  envers 
leurs  maris,  p.  190  191. 

CEILLIER,  (dom),  lettre  au  R.  P.  D.  Celllier, 
sur  un  passage  de  Saint  Augustin,  p.  820. 

CELER,  instruit  par  saint  Augustin,  p.  86. 

CÉLESTIN,  saint  Augustin  lui  écrit,  p.  69,  162, 
171. 

CÉLESTIUS,  pélagien,  est  condamné  dans  un 
concile  de  Carthage,  p.  417  et  455,  Il  présente  une 
profession  de  foi  au  pape  Zozime,  p.  553.  Erreurs 
de  Célestius  sur  le  péché  originel,  sur  la  grâce, 
p.  446,  447,  453.  Ses  écrits  réfutés  par  saint  Au- 
gustin, p.  440  et  suiv.  « 

CÉLIBAT.  Sentiment  de  saint  Augustin  sur  le 
célibat  des  clercs,  p.  785. 

CÉLICOLES,  ce  que  c'est,  p.  81.  Loi  contre 
eux,  ibid. 

CELSE,  vicaire  d'Afrique,  p.  416. 

CÉRÉTIUS,  lettre  contre  les  priscillianistes, 
p.  185. 

CHAIR.  Comment  Jésus-Christ  est  connu  se- 
lon la  chair,  p.  342.  La  chair  de  tous  les  hom- 
mes à  l'exception  de  celle  de  Jésus-Christ  est 
une  chair  de  péché,  p.  508,  507. 

CHAIRE  de  saint  Pierre,  p.  635,  636. 

CH.ARITÉ.  Exhortation  à  faire  la  charité, 
p.  113.  Inspirée  de  Dieu,  p.  159.  Bien  qu'elle  opère, 
p.  160.  Devoirs  de  la  charité,  p.  162.  Cliarité  faite 
avec  le  bien  de  l'Église,  p.  192.  Excellence  de  la 
charité,  p.  227,  263.  La  charité  commencée  est 
une  justice  commencée;  la  justice  avancée  est 
une  charité  avancée,  etc.,  p.  440.  La  charité  des 
plus  justes  n'est  point  entièrement  parfaite  du- 
rant cette  vie,  p.  437.  Julien  le  pélagien  ne 
comptait  jamais  parmi  le  secours  de  la  grâce  1 


charité,  p.  552.  Sans  la  charité  personne  ne  vit 
dans  la  piété,  et  avec  elle  personne  ne  vit  sans 
la  piété,  p.  S52. 

CHASTETÉ,  don  de  Dieu,  p.  127,  128,  457.  La 
chasteté  des  personnes  mariées,  des  veuves  et  des 
vierges,  n'est  pas  une  véritable  chasteté,  à  moins 
qu'elle  ne  soit  accompagnée  de  la  véritable  foi, 
p.  458. 

CHOSES.  La  connaissance  de  la  nature  et  de 
la  propriété  des  choses  est  très-utile  pour  l'in- 
telligence de  l'Écriture  sainte,  p.  605,  606. 

CHRISIÎÏE  (dame),  saint  Augustin  la  console, 
p.  187. 

CHRISTINUS  Saint  Augustin  lui  écrit,  p.  189. 

CHRYSOSTOME  (saint),  allégué  mal  à  propos 
par  Julien,  p.  485.  En  quel  sens  il  a  dit  que  les 
enfants  n'ont  pas  de  péché,  ibid.  Ce  qu'il  ensei- 
gne sur  le  péché  originel,  ibid.  Sa  lettre  à  Olym- 
piade citée  par  saint  Augustin,  ibid. 

CHUTE  de  saint  Augustin,  p.  2,  28.  Cause  de 
la  chute  des  anges,  p.  62  et  260. 

CICÉRON  a  vu  le  joug  qui  accable  les  enfants 
d'Adam,  mais  il  n'en  a  pas  connu  la  cause,  p.  501. 
Saint  Augustin  dans  sa  jeunesse  ne  trouvait  rien 
dans  l'Écriture  qui  fut  comparable  à  l'éloquence 
de  Cicéron,  p.  596.  Cicéron  se  moque  des  augures, 
p.  793. 

CIEL.  Les  ignorants  ravissent  le  ciel,  p.  7.  Ce 
que  saint  Augustin  entend  par  la  création  du 
ciel,  p.  85. 

CIRCONCELLIONS.  Leur  irruption  dans  l'É- 
glise d'Hippone,  p.  75.  Leur  cruauté,  p,  95, 120. 

CIRCONCISION,  ce  que  c'est,  p.  313.  Peine  du 
péché  originel,  p.  655.  Elle  l'effaçait  dans  les 
enfants,  p.  739.  La  circoncision  était  la  figure 
du  baptême,  p.  470  et  739. 

CIRTHE,  ville  d'Afrique  prise  par  les  Vanda- 
les, p.  564. 

CITÉ.  Livre  de  la  Cité  de  Dieu,  p.  288.  Occa- 
sion de  ce  livre,  ibid.  et  p.  289.  Les  deux  cités, 
p.  803.  En  quoi  consiste  leur  différence,  p.  312. 

CLASSICIEN,  magistrat  excommunié  par  l'é- 
vêque Auxilius,  p.  l.'='. 

CLAUDE,  évêque  à  qui  saint  Augustin  adresse 
ses  livres  contre  Julien,  p.  484. 

CLAUDE  (le  minisire),  réfuté,  p.  755  et  suiv. 

CLÉMENT  XI.  Bref  de  ce  pape,  qui  met  l'édi- 
tion de  saint  Augustin,  comme  toutes  les  autres 
qui  sont  sorties  de  la  Congrégation  de  Saint- 
Maur,  à  couvert  de  toute  contradiction,  p.  817. 

CLERC  (Je:in  \e),  ses  animad versions  sur  les 
ouvrages  de  saint  Augustin,  où  il  n'oublie  rien 
pour  décréditer,  soit  les  écrits,  soit  la  personne 
de  ce  saint  docteur,  p. 817. 

CLERCS.  Ils  ne  peuvent  passer  d'une  Église  à 
une  autre,  p.  89.  Mœurs  des  clercs,  p.  212,243.  S'ils 
étaient  soumis  â  la  pénitence  publique,  p.  779. 
Clercs  inférieurs,  p.  784,  785. 

COLÈRE,  p.  219,  220. 
■     COMBAT  chrétien,  p.  2G3. 

COMBAT  de  l'esprit  et  de  la  chair  :  ce  combat 
n'aurait  pas  eu  lieu  dans  le  paradis  terrestre, 
si  personne  n'eût  péché,  p,  541.  Il  n'y  aura  plus 


TABLE  ANALYTIQUE. 


859 


de  combat,  quand  il  ue  restera  plus  de  faiblesse 
dans  l'homme,  p.  499.  Combat  des  vierges  contre 
la  concupiscence,  p.  493.  Combat  dans  l'état  du 
mariage,  ibid.  et  494. 

COMMANDEMENTS  (les)  de  Dieu  ne  sont  pas 
impossibles,  p.  438,  694.  Sur  l'observation  des 
commandements  de  Dieu,  p.  227.  Nécessité  de  la 
grâce  pour  les  accomplir,  p.  694  et  sulv.  Il  y  a, 
selon  Pelage,  trois  choses  à  distinguer  par  rap- 
port à  l'accomplissement  des  commandements 
de  Dieu,  savoir  :  la  possibilité,  la  volonté  et 
l'action,  p.  449.  Il  faut  demander  à  Dieu  ce  qu'il 
nous  commande,  p.  696  et  suiv.  Saint  Augustin 
dit  souvent  à  Dieu  :  Seigneur,  donnez-moi  ce 
que  vous  commandez  ,  et  commandez  ce  que 
vous  voudrez,  p,  696.  Cette  prière  déplaît  à  Pe- 
lage, ibid.  Celui  qui  veut  accomplir  les  comman- 
dements de  Dieu,  et  qui  ne  le  peut,  a  déjà,  à  la 
vérité,  une  bonne  volonté,  mais  petite  et  faible, 
il  le  pourra  néanmoins  -quand  il  l'aura  grande 
et  forte,  p.  517,  696. 

COMMEJNTAIRES  de   saint  Augustin  sur    les 
Psaumes,  p.  229  et  suiv. 
COMMUNION  avec  les  méchants,  p.  377. 
COMMUNION.  Sentiment    de    saint  Augustin 
sur  la  fréquente   communion,  p,   768,  769.  Les 
fidèles  communiaient  à  jeun,  p.  768. 

CONCILE  de  Carthage,  défauts  de  ce  concile, 
p.  79.  Concile  de  Rome,  ibid.  L'autorité  des  con- 
ciles généraux  ou  pléniers  est  très-grande  et 
très-salutaire  dans  l'Église,  p.  621.  En  quel  sens 
saint  Augustin  dit  que  les  conciles  pléniers  sont 
corrigés  par  d'autres  conciles,  ibid.  Cause  des 
pélagiens  finie  sans  concile  universel,  ibid.  et 
p.  622.  La  dispute  du  baptême  des  bérétiques 
entre  saint  Etienne  et  saint  Cyprien  ne  put  être 
terminée  que  par  un  concile  plénier,  p.  622, 
c'est-à-dire  par  le  concile  d'Arles,  p.  623.  Après 
le  jugement  rendu  contre  les  donatistcs,  il  leur 
restait  encore  le  concile  plénier  de  l'Église  uni- 
verselle, p.  623. 

CONCUPISCENCE,  suite  du  péché  de  nos  pre- 
miers parents,  p.  311.  Combien  de  sortes  de 
concupiscence,  p.  33.  On  appelle  concupiscence 
les  désirs  de  la  chair  qui  combattent  ceux  de 
l'esprit,  p.  553.  La  concupiscence  de  la  chair  est 
mauvaise,  et  elle  n'a  point  été  donnée  à  l'hom- 
me par  lé  Créateur,  ibid.  Elle  n'était  point  avant 
le  péché  du  premier  homme,  p.  558.  Elle  n'aurait 
pas  eu  lieu  dans  le  paradis  terrestre,  p.  466. 
Tous  les  hommes  naissent  avec  la  concupiscence, 
et  le  crime  n'en  est  remis  qu'à  ceux  qui  renais- 
sent par  le  baptême,  p.  558.  Elle  reste  dans  les 
baptisés,  p.  422  ;  mais  elle  n'est  plus  péché, 
pourvu  qu'ils  ne  consentent  point  à  ses  mouve- 
ments, quand  elle  porte  à  des  actions  mauvaises, 
p.  4G0.  Comment  la  concupiscence  peut-elle  de- 
meurer dans  celui  qui  est  régénéré  ?  Ibid.  D'où 
vient  que  le  mal  de  la  concupiscence  n'est 
pas  entièrement  déraciné  de  la  chair  des  saints 
qui  vivent  dans  la  continence?  p.  495.  Le  désor- 
dre de  la  concupiscence,  qui  est  le  principe  de 
la  transmission  du  péché  originel  ne  doit  pas 


être  imputé  au  mariage,  p.  457.  La  concupis- 
cence est  d'autant  plus  difilcile  à  vaincre  qu'elle 
est  plus  fortifiée  par  l'habitude,  p.  511. 

CONFÉRENCES  avec  les  manichéens,  p.  349  et 
suiv.;  avec  les  ariens,  p.  359;  avec  Émérite,  sur 
l'unité  de  l'Église,  p.  410  et  suiv.  ;  entre  les  ca- 
tholiques et  les  donatistes.  On  en  publie  les 
actes,  p.  492. 

CONFESSER.  Dieu  est  dans  le  cœur  de  ceux 
qui  confessent  leur  misère,  p.  80. 

CONFESSION  faite  à  Dieu  et  à  ses  ministres, 
p.  773,  774.  La  confession  des  péchés  est  une 
marque  que  l'on  est  déjà  ressuscité,  p.  238. 

CONFESSIONS.  Le  but  de  ces  livres,  p.  24. 
Quand  ils  furent  écrits,  p.  205.  Leur  division,  ibid. 
De  la  grandeur  de  Dieu  dans  le  premier  livre, 
p.  25  et  suiv.  Dans  le  second  livre  Saint  Augustin 
déplore  les  dérèglements  de  sa  jeunesse,  p.  27. 
Dans  le  troisième  il  dit  ses  inclinations,  p.  27  et 
suiv.Dans  le  quatrième,  le  temps  qu'il  a  passé  dans 
l'erreur  des  manichéens,  p.  29.  Le  cinquième 
comprend  l'histoire  de  ce  qui  lui  arriva  la  vingt- 
neuvième  année  de  son  âge,  p.  29,  30.  Dans  le 
sixième  il  traite  des  oblations  qu'on  faisait  sur 
les  tombeaux  des  saints,  p.  30,  31.  Dans  le  sep- 
tième, on  connaît  la  situation  de  saint  Augustin 
à  la  trentième  année  de  son  âge,  p.  81,  32.  Dans 
le  huitième,  se  trouve  l'histoire  de  sa  conver- 
sion, p  32.  Dans  le  neuvième,  il  rend  grâces  à 
Dieu  de  sa  conversion,  p.  32,  53.  Dans  le  dixiè- 
me, il  dit  ce  qu'il  était  en  écrivant  ses  Confes- 
sions, son  motif,  p.  33,  34.  Dans  le  onzième,  il 
demande  l'intelligence  de  l'Écriture  sainte, 
p.  34, 35  Dans  le  douzième,  il  explique  la  Genèse, 
p.  35,  36.  Dans  le  treizième,  il  fait  voir  que  l'on 
trouve  les  trois  personnes  de  la  Trinité  dans 
les  premiers  versets  de  la  Genèse,  p.  38,  39. 

CONFIRMATION.  Sentiment  de  saint  Augustin 
sur  la  conflrmation,  p.  747. 

CONNAISSANCE.  Défaut  de  nos  connaissances  , 
p.  550.  Connaissance  des  anges,  p.  204  et  205. 

CONSCIENCE.  Liberté  de  conscience  accordée 
par  Honorius,  p.  107. 

CONSENTIUS,  homme  d'étude,  adresse  ses 
ouvrages  à  saint  Augustin,  p.  iil.  Il  demande 
d'être  instruit,  p.  112  et  170.  Saint  Augustin  lui 
écrit,  p.  170,  et  lui  adresse  les  deux  livres  du 
Mensonge,  p.  274. 

CONSOLATION.  Lettre  de  consolation,  p.  97  et 
98. 

CONSTANTINOPLE,  menacée  du  feu  du  ciel, 
p.  285,  286. 

CONSTANTIN,  ami  de  saint  Augustin,  p.  403. 

CONSTANTIUS,  évêque  à  qui  Pelage  écrit.p. 452. 

CONSUBSTANTIALITÉ  du  Père  et  du  Fils,  p.  558 
et  559. 

CONTINENCE  entre  gens  mariés,  p.  Ii5  et  184. 
La  continence  est  un  don  de  Dieu,  p.  159.  Livre  de 
la  Continence,  p.  266  et  suiv.  Quand  la  continence 
est  une  vertu,  p.  314.  Elle  est  un  don  de  Dieu,  en 
même  temps  qu'elle  est  l'effet  du  libre  arbitre, 
p .  514.  On  exhortait  les  personnes  mariées  à  vivre 
en  continence  pendant  le  carême,  p.  804,  805. 


860 


TABLE  ANALYTIQUE. 


CO?}VERS[ON.  Notre  conversion  à  Dieu  est  un 
don  de  Dieu,  p. 314. 

CORNEILLE.  Saint  Augustin  lui  écrit  sur  ses 
débauclies,  p.  189,  190. 

CORNEILLE  {le  centenier),  avait  déjà  un  com- 
mencement de  foi,  quand  il  priait  et  qu'il  faisait 
des  aumônes,  p.  529. 

CORRECTION.  Livre  de  saint  Augustin  de  la 
Correction  et  de  la  grâce.  On  l'a  regardé  comme 
la  clé  de  toute  sa  doctrine  sur  la  grâce,  p.  519. 

CORRECTION  fraternelle,  p.  171, 172.  Comment 
elle  se  doit  faire,  p.  226.  Correction  des  pé- 
cheurs, p.  228.  Elle  doit  se  faire  suivant  la  qua- 
lité des  fautes,  p.  238. 

CORRUPTION.  Peine  du  pécbé,  p.  310. 

CRAINTE,  celle  qui  est  salutaire,  p.  144.  Son 
utilité,  p.  227.  Sentiment  de  saint  Augustin  sur 
la  crainte,  p.  439,  476,  806,  807,  On  n'observe  point 
véritablement  les  préceptes  par  la  seule  crainte, 
p.  428. 

COUTANT  (dora)  fait  la  critique  et  les  tables 
des  sermons  faussement  attribués  à  saint  Augus- 
tin, p.  816. 

CRÉATION.  Quelle  était  la  vue  de  Dieu  dans 
la  création,  p.  68. 

CRÉDIBILITÉ.  Motifs  de  crédibilité,  p.  255, 
334,  335. 

CRESCENT,  évêque  de  Syracuse,  p.  416. 

CRESCONIUS,  à  qui  saint  Augustin  écrit,  p.  110. 

CRESCONIUS,  donatiste,  p.  399  et  suiv.  ;  propose 
des  difficultés  sur  le  baptême,  ibid. 

CRESCONIUS,  moine  d'Adrumet,  va   trouver 


saint  Augustin  à  Hippone,  qui  l'instruit  sur  la 
matière  de  la  grâce,  p.  513. 

CRIME.  Plusieurs  d'entre  les  fidèles  sont 
exempts  de  crime,  mais  on  n'est  pas  exempt  du 
péché  durant  cette  vie,  p.  476, 

CRIMINELS.  Si  les  évoques  peuvent  intercéder 
pour  eus,  p.  134,  135. 

CRISPIN,  évêque  donatiste,  contraint  les  ca- 
tholiques à  se  laisser  rebaptiser,  p.  89.  Possidius 
entre  avec  lui  en  conférence  publique,  p.  563. 

CROIX.  Le  signe  de  la  croix,  p.  790  :  il  opère  des 
miracles,  ibid.  On  l'employait  dans  les  cérémo- 
nies les  plus  saintes,  ibid.  Le  saint  sacriflce  ne 
s'offrait  pas  sans  le  signe  de  la  croix,  p.  767.  L'eau 
du  baptême  est  sanctifiée  par  le  signe  de  la  croix, 
p.  511. 

CRUAUTÉ  des  habitants  de  Suffecte,  p.  82. 

CULTE  des  reliques,  p.  59,  324  et  suiv.;  des  ido- 
les, p.  184,  220;  culte  des  saints,  p. 240;  à  qui  le 
culte  de  latrie  est  dû,  p.  303;  culte  des  martyrs 
justifiés,  ibid. 

CUPIDITÉ  (la)  est  seule  la  racine  des  mauvai- 
ses œuvres,  comme  Ja  charité  est  la  racine  des 
bonnes,  p.  451. 

CYPRIEN  (saint).  Ce  qu'en  pense  saint  Augustin, 
p.  587;  saint  Augustin  excuse  son  erreur  sur  la 
rebaptisation,  p.  634.  Il  le  cite  contre  les  sérai- 
pélàgiens,  p.  532,  et  contre  Julien,  p.  486,  489. 
490.  Il  l'invoque  comme  régnant  dans  le  ciel, 
p.  792. 

CYR  (saint),  évêque  de  Carthage,  p.  561. 


D. 


DAMNÉS.  De  l'éternité  des  peines  des  damnés, 
p.  321,  322, 798, 799.  On  ne  peut  offrir  le  saint  sa- 
criflce pour  eux,  p.  765. 

DaRDANUS,  saint  Augustin  répond  à  ses  diffi- 
cultés, p.  158,  159. 

DARIUS  (le  comte),  écrit  à  saint  Augustin, 
p.  183,  575.  Saint  Augustin  lui  répond,  p.  183. 

DÉBAUCHES,  p.  189,  190. 

DÉCALOGUE.  Tous  les  commandements  dudé- 
calogue,  hors  l'observation  du  sabbat,  regardent 
également  les  chrétiens  et  les  juifs,  p.  428. 

DÉLECTATION.  Dieu  répand  dans  notre  cœur 
une  délectation  céleste  qui  nous  fait  surmonter 
toutes  les  délectations  terrestres,  p.  711.  Délecta- 
tion victorieuse,  ibid. 

DELFAU  (dom  François)  de  la  Congrégation  de 
Saint-Maur,  p.  815. 

DÉLUGE.  Son  temps,  p.  313. 

DÉIIÉTRIADE  (fille  d'Olybrius),  consul,  re- 
çoit le  voile  de  l'évêque  Aurèle,  p.  17.  Pelage  lui 
écrit,  p.  159. 

DEMI-PÉLAGIENS.  Ils  abusent  d'une  expres- 
sion de  saint  Augustin,  p.  106  :  leurs  erreurs,  p.  176. 

DÉMOCRATE,  maître  de  rhétorique  de  saint 
Augustin,  p.  2. 

DÉMON  (le) ou  le  diable  n'a  eu  d'autre  part  dans 
le  péché  du  premier  homme  que  la  persuasion. 


p.  466  ;  il  est  libre  à  l'homme  de  consentir  ou  de 
ne  pas  consentir  aux  suggestions  du  démon , 
p. 729.  Le  diable  ne  peut  faireàl'égardde  l'homme 
que  ce  que  Dieu  lui  permet,  etc.,  p.  499;  en  quel 
sens  le  diable  est  cause  de  la  mort,  et  en  quel 
sens  Dieu  en  est  l'auteur,  p.  505.  Le  diable  n'a 
plus  le  pouvoir  de  ne  point  pécher;  il  jouissait 
de  ce  pouvoir  avant  sa  chute,  p.  554;  enfants  du 
diable  :  tous  les  hommes  qui  sont  enfants  du  dia- 
ble sont  aussi  enfants  du  siècle,  mais  tous  les 
enfants  du  siècle  ne  sont  pas  enfants  du  dia- 
ble, p.  480.  Supplice  des  diables,  p.  321,  522. 
Comment  les  démons  peuvent  agir  sur  notre 
âme,  p.  67.  Avant  leur  chute  ils  avaient  des  corps 
célestes,  mais  depuis  leur  révolution  il  sont  revê- 
tus de  corps  aériens,  p.  737.  La  foi  nous  enseigne 
que  le  supplice  des  démons  sera  éternel,  p.  321, 
799. 

DÉOGRATIAS,  prêtre,  saint  Augustin  lui  écrit, 
p.  104. 

DÉOGRATIAS.  Quand  les  moines  rencontraient 
quelqu'un  de  leur  profession  ou  de  leur  con- 
naissance, ils  disaient  :  Deo  grattas ,  p.  787. 

DÉSIR.  Le  premier  désir  du  bien  vient  de 
Dieu,  p.  478,  687.  Différence  qu'il  y  a  entre  sentir 
de  mauvais  désirs,  et  suivre  les  mauvais  désirs , 
p.  504. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


861 


DESTIN.  Les  pélaglens  accusaient  les  catholi- 
ques d'introduire  sous  le  nom  de  grâce  une  es- 
pèce de  destin,  p.  478,724;  ce  n'est  pas  la  force 
du  destin  qui  fait  que  Dieu  procure  aux  uns  le 
baptême  el  non  aux  autres,  p.  534. 

DEUTÉRIUS,  métropolitain  de  Césarée,  p.  184, 
saint  Augustin  lui  écrit,  ibid. 

DIACRES  (les)  distribuaient  aux  fidèles  le  sang 
de  Jésus-Christ,  p.  768. 

DIEU.  Comment  est-il  partout,  p.  25  :  il  faut  faire 
tout  ce  qu'il  ordonne,  p.  28  :  difïérence  entre  l'ou- 
vrage de  Dieu  et  celui  des  hommes,  p.  34. De  la  vi- 
sion de  Dieu,  p. 129, 130;  comment  lessaints  de  l'An- 
cien Testament  ont  vu  Dieu,  p.  130;  conduite  de 
Dieu  dans  l'Ancien  Testament,  justifiée,  p.  345  et 
suiv.;  volonté  de  Dieu,  p.  262;  comment  Dieu  se 
reposa  après  avoir  créé,  p.  308.  Dieu  en  trois  per- 
sonnes, p.  359.  Sentiment  de  saint  Augustin  sur 
l'existence  et  la  connaissance  de  Dieu;  ses  per- 
fections et  sa  nature,  p.  636  et  suiv.  ;  on  ne  doit 
s'attacher  qu'à  Dieu,  p.  226. 

DIEUX.  Mépris  qu'on  doit  avoir  des  faux  dieux 
p.  294;  ils  sont  choisis,  p.  300. 

DIGNITÉS  ecclésiastiques.  Comment  on  doit 
les  regarder,  p.  782, 783. 

DIMANCHE.  Jeûne  du  dimanche  défendu  à 
cause  de  l'hérésie  des  manichéens  qui  jeûnaient 
ce  jour-là,  p.  805. 

DINOCRATE,  frère  de  sainte  Perpétue  délivré 
des  peines,  et  transféré  dans  un  lieu  de  repos  par 
les  prières  de  cette  sainte.  Ce  que  saint  Augustin 
pense  de  cette  histoire,  p.  468. 

DIOSCORE,  païen  converti,  p.  181.  Saint  Augus- 
tin lui  reproche  sa  vanité,  p.  111. 

DIOSPOLIS  ou  Lydda,  ville  de  Palestine.  Il 


s'y  tint  un  concile  oti  Pelage  fut  absous,  p.  448. 

DISCIPLINE  chrétienne.  Sermon  sur  la  disci- 
pline chrétienne,  p.  284. 

DIVINITÉ  du  Fils  et  du  Saint-Esprit,  p.  148. 
Sermon  sur  la  divinité  de  Jésus-Christ,  p.  241  et 
suiv.,  et  363;  divinité  des  personnes  de  la  Sainte- 
Trinité,  p.  359. 

DOCTRINE  de  Jésus-Christ,  p.  124.  Comment 
elle  profite,  p.  177  :  expliquée  aux  païens,  p.  184. 
Livres  de  la  Doctrine  chrétienne  par  saint  Augus- 
tin, p.  194  et  suiv. 

DONAT,  proconsul  d'Afrique,  p.  17,  104,  quitte 
sa  charge,  p.  110. 

DONAT,  prêtre  donatiste,  se  précipite  dans  un 
puits,  p.  U9. 

DONAT,  premier  auteur  du  schisme  des  dona- 
tistes,  condamné  dans  un  concile  de  Rome, 
p.  485. 

DONATISTSS,  leur  histoire,  p.  371  et  suiv.  ;  ils 
attentent  à  la  vie  de  saint  Augustin,  p.  16;  persé- 
cutent les  catholiques,  ibid;  rebaptisent,  p.  80; 
.  ils  sont  convaincus  du  schisme,  p.  127.  Saint  Au- 
gustin les  combat,  p.  225  et  224;  plusieurs  sont 
convertis,  p.  127.  Les  donatistes  abusent  d'un  pas- 
sagede  saint  CyprJen,  p.386;  proposent  des  difû- 
culté3,p.  397,405  et  suiv.;  ils  font  un  crime  à  saint 
Augustin  d'avoir  établi  lavie  monastique  dans  l'A- 
frique, p.  787;  livres  de  saint  Augustin  contre  les 
Donatistes  perdus,  p.  389;  monuments  touchant 
l'histoire  des  donatistes,  p.  415  et  suiv. 

DOYENS  des  monastères;  leur  emploi,  p.  786. 

DULCITlUS,  tribun  et  notaire.  Dulcitius  pro- 
pose à  saint  Augustin  diverses  questions,  p.  252 
et  suiv.  ;  saint  Augustin  lui  écrit,  p.  169,  170. 


E. 


ECLANE,  ville  dans  la  Campanie,  à  quelques 
lieues  de  Bénévent,  p.  483. 

ÉCRITURE  (sainte).  Sa  lecture  recommandée 
p.  64;  traduction  sur  l'hébreu,  p.  74;  utilité 
des  traductions  ,  p.  600  et  suiv.  Exhortation  à 
étudier  l'Écriture  sainte,  p.  120, 197,  1 98  ;  ce  qu'on 
y  apprend,  p. 198;  les  moyens  de  l'entendre,  p.  195 
et  suiv.;  ses  divers  sens  p.  202,  597  et  suiv. 
Comment  on  expliquait  les  saintes  Écritures 
dans  l'Église,  p.  2-21  ;  règles  pour  l'intelligence 
de  l'Écriture  sainte,  p.  599  et  600;  son  auto- 
rité, p. 382;  son  inspiration,  p.  564;  son  infailli- 
bilité, ibid.,  p.  565;  sa  vérité  el  son  autorité,  p. 
565  et  suiv.;  rùgles  pour  distinguer  les  livres 
canoniques  de  l'Écriture  sainte,  p.  567,  568;  ca- 
non des  Écritures,  p.  568  569;  livres  contestés 
par  les  catholiques  ou  rejetés  par  les  hérétiques, 
p.  569  et  suiv.  ;  livres  perdus  cités  dans  l'Écri- 
ture; livres  supposés,  p.  573  et  suiv.;  éloquence 
de  l'Écriture  sainte,  p.  594  et  suiv.  ;  obscurité  de 
l'Écriture  et  respect  qu'on  doit  lui  porter,  p.  596, 
597;  lecture  de  l'Écriture  sainte  ;  p.  612  et  suiv. 

ÉDESSE  (la   ville   d')  est    forcée    et  brûlée 


par  Lucius  Quiétus,  général    de  Trajan,  p.  575. 

ÉDUCATION  de  saint  Augustin,  p.  2,  et  26;  des 
enfants,  p.  26. 

ÉGALITÉ  du  Père  et  du  Fils,  p.  222. 

ÉGLISE,  ce  qu'elle  enseigne,  p.  58  ;  son  pouvoir, 
p.  196  ;  sa  conduite  envers  les  hérétiques,  p.  225  ; 
ce  qu'est  l'Église,  p.  225;  hors  de  l'Église  point 
de  rémission,  p.  238;  motifs  qui  engagent  à  la 
reconnaître,  p.  335,  338;  et  à  s'y  attacher,  p.  623, 
624.  Son  autorité,  p.  334  ;  son  unité,  p.  396  et  suiv.; 
sa  catholicité,  ibid.  el  625;  sa  visibilité,  p.  620  et 
suiv.  ;  son  indéfectibilité,  p.  627,  628  ;  membres 
de  l'Église,  p.  628  et  suiv.;  objection  contre  le 
mélange  des  bons  et  des  méchants  dans  l'Église, 
p.  628  et  suiv.  11  n'y  a  point  de  salut  hors  l'É- 
glise, p  638;  il  faut  (î'-'Oire  ce  que  l'Église  a  tou- 
jours cru  quoiqu'on  ne  puisse  pas  en  rendre  rai- 
son, p.  507;  on  doit  la  chercher  dans  les  saintes 
Écritures,  p.  625. 

ÉGLISE  romaine,  p.  653;  respect  qu'on  doit 
à  la  Chaire  de  saint  Pierre,  p.  635. 

ÉLECTION  d'Héraclius  pour  succéder  à  saint 
Augustin,  p.  174. 


862 

ÉLEUSIUS,  évêque  catholique,  p.  628. 

ÉLIE  (le  prophète),  paraîtra  dans  le  monde 
avant  le  jugement,  etc.,  p.  615;  il  y  a  eu  des  hé- 
rétiques qui  ont  enseigné  queson  Ame  avait  pas- 
sée dans  le  corps  de  saint  Jean- Baptiste,  p.  C17. 

ELPIDIUS,  arien,  p.  186.  187. 

ÉMÉRITE,  èvêque  donatiste,  homme  d'un  bel 
esprit,  p.  94;  saint  Augustin  va  à  Césarée  en  Mau- 
ritanie conférer  avec  lui,  p.  448. 

EMPIRE  de  l'Orient,  p.  316. 

ENFANTS.  On  ne  doit  pas  retarder  leur  bap- 
tême, p.  126;  leur  jalousie,  ièid.;  défauts  ordinai- 
res des  entants,  p.  27  ;  quel  est  le  mérite  des  en- 
fants, p.  54;  en  quoi  consiste  leur  foi,  ibid.;  s'ils 
pèchent  par  la  superstition  de  leurs  pères  et  mè- 
res, p.  103.  Enfants  morts  sans  baptême  ,  p.  157; 
ils  sont  damnés  sans  injustice,  p.  548,  659  et  suiv.  ; 
mais  ils  seront  traités  avec  moins  de  rigueur  que 
les  autres  damnés,  p.  419,  5o6,  662;  sentiments  de 
Pelage  et  despélagiens  sur  l'état  des  enfants  qui 
meurent  sans  baptême,  p. 454,  659  et  suiv.  Selon 
Victor,  les  enfants  jouiront  du  royaume  des  deux 
après  la  résurrection.  Saint  Augustin  réfute  cette 
erreur,  p.  470.  Les  enfants  sont  quelquefois  tour- 
mentés des  démous  même  après  avoir  reçu  le 
baptême,  p.  510. 

ENFANTEMENT.  Les  douleurs  de  l'enfantement 
sont  une  peine  du  péché,  p.  557. 

ENFERS.  L'âme  de  Jésus-Christ  descendit  aux 
enfers,  c'est-à-dire  dans  les  lieux  oii  les  pé- 
cheurs sont  tourmentés,  p.  617;  Jésus-Christ  en 
descendant  aux  enfers,  délivra  le  premier  hom- 
me, p.  555,  557;  et  les  autres  saints  patriarches 
et  prophètes  de  l'Ancien  Testament,  p.  614. 

ENOCH,  enlevé,  p.  314,  s'il  a  écrit,  ibid.  Enoch 
et  Elle  sont  encore  vivants,  p.  558,  614;  senti- 
ment de  saint  Augustin  sur  les  livres  attribués  à 
Enoch,  p.  574,  575. 

ENSEIGNER.  D'où  vient  que  le  Père  n'enseigne 
pas  tous  les  hommes  pour  les  faire  venir  à  son 
Fils,  p.  529. 

ÉPTSCOPAT.  Violence  qu'on  faisait  autrefois  i 
ceux  que  l'on  choisissait  pour  l'épiscopat,  p.  783. 

ÉPITRES  catholiques.  Saint  Augustin  les  met 
toutes  au  rang  des  Écritures  divines,  p.  572,  573. 
Il  leur  donne  un  ra-,g  différent  de  celui  qu'elles 
tiennent  dans  nos  Bibles,  p.  573. 

ÉQUILIBRE  de  Julien,  p.  552. 

ÉRACLl  US,  prêtre  désigné  pour  succéder  à  saint 
Augustin,  p.  20,  174. 

ESDRAS.  Le  troisième  livre  d'Esdras,  cité, 
p.  569. 

ESPÉRANCE.  Ce  qu'en  dit  saint  Augustin, 
p.  263. 

ESPRIT.  Deux  sortes  de  mauvais  esprits,  p.  41 

ESPRIT.  Livre  de  saint  Augustin  De  l'Esprit  et 
de  la  lettre,  p.  427  et  suiv. 

ESPRIT  (le  Saint)  procédé  du  Père  et  du  Fils. 
p.  640. 11  est  difficile  de  distinguer  la  génération 
de  la  procession,  ibid.  Le  Saint-Esprit  n'est  pas 
créature,  mais  vrai  Dieu,  égal  au  Père  et  au  Fils, 
ibid.  Le  Saint-Esprit  est  nommé  le  doigt  de  Dieu, 
p.  429. 


TABLE  ANALYTIQUE. 

ESPRIT  d'Eaubonne  (le  Père)  capucin  défère  la 
nouvelle  édition  de  saint  Augustin  à  M.  d'Harlai, 
archevêque  de  Paris,  p.  816. 

ESTHER.  Saint  Augustin  cite  le  xiv'  et  le  xv« 
chapitre  du  livre  d'Esther,  p.  569. 

ÉTERNITÉ.  Idée  de  ce  qu'elle  est,  p.  35;  éter- 
nité des  peines,  p.  106  ;  éternité  de  félicité,  p.  508, 
3-23. 

ETIENNE  (saintl,  ses  reliques  à  Hippone,  p.  19. 

ÊTRE  :  Ce  que  c'est,  il  y  en  a  de  trois  sortes, 
p.  169  ;  Étre-Souverain,  ibid.  et  195. 

ÉTUDE,  ce  qu'on  doit  faire  étudier  aux  enfants, 
p.  26,  27. 

EUCHARISTIE.  Les  paroles  de  Notre-Seigneur  : 
Si  vous  ne  mangez  la  chair  du  Fils  de  l'homme,  quel 
en  est  le  sens,  p.  1 99.  Comment  et  quand  il  faut  re- 
cevoir l'Eucharistie,  p.  84,  85;  présence  réelle  , 
p.  240,  747  et  suiv.  ;  les  jnéchants  comme  les  bons 
reçoivent  le  corps  de  Jésus-Christ,  p.  750,  751.  La 
chair  de  Jésus-Christ  dans  l'Eucharistie  est 
adorable;  comment  les  fidèles  la  mangent,  p. 752. 
Objections  contre  la  présence  réelle,  p.  752  et 
suiv.  Les  fidèles  recevaient  l'Eucharistie  dans  leurs 
mains,  p.  708.  La  consécration  se  faisait  par  la  pa- 
role do  Dieu  et  par  une  prière  mystique,  p.  767. 
Sur  les  dispositions  pour  recevoir  l'Eucharistie 
p.  769,770;  si  l'on  doit  donner  l'Eucharistie  aux 
pécheurs  occultes,  p.  770;  sur  la  nécessité  de  la 
recevoir,  p.771  et  suiv.,  l'Eucharistie, p.771  etsuiv. 

EUDOXE,  abbé  d'un  monastère  de  Caprarie, 
p.  82. 

EULOGE,  que  l'on  croit  avoir  été  archevêque 
de  Césarée,  préside  au  concile  de  Diospolis  en 
415,  p.  444. 

EUTÉRIUS,  évêque  de  Césarée,  p.  411. 

EUTROPE,  évêque  à  qui  saint  Augustin  adresse 
le  livre  de  la  Perfection  et  de  la  justice  ,  p.  440. 

ÉVANGÉLISTES.  Mystères  et  figures  des  évan- 
gélistes,  p.  586,  587;  ordre  et  dignité  des  évan, 
gélistes,  p.  5S7;  dessein  des  évangélistes,  p.  588, 
589.  Jésus-Christ  ayant  conduit  la  main  des  évan- 
gélistes, on  peut  dire  que  c'est  lui-môme  qui  a 
écrit  l'Évangile,  p.  591;  les  omissions  des  évan- 
gélistes n'empêchent  pas  qu'ils  n'aient  dit  ce 
qu'ils  devaient  dire,  ibid.  Il  n'y  a  point  de  con- 
tradiclions  entre  les  évangélistes,  p.  592  etsuiv.; 
quoique  les  évangélistes  diffèrent  dans  l'ordre  de 
rapporter  les  faits,  ils  s'accordent  pour  le  fonds 
des  choses,  p.  593,  594. 

EVANGILES,  accord  des  Évangiles,  p.  216  et 
suiv.jordre,  p. 217;  autorité,  iftid.;  en  quelle  lan- 
gue ils  sont  écrits,  ibid.  Entre  tous  les  livres  di- 
vins celui  de  l'Évangile  tient  le  premier  rang', 
p  585,586;  les  Évangiles  sont  une  image  de  la  vie 
active  et  contemplaiive,  p.  589;  objections  des 
païens  contre  les  Évangiles,  p.  589,590. 

ÉVÉOUES  caiholiques  consentant  à  quitter  l'é- 
piscopat pour  le  bien  de  la  jiaix,  p.  417.  Les  évê- 
quessontsupérieu  s  aux  prêtres;  p.  7St;  pourquoi 
ils  sontplacés  dans  les  lieux  élevés,  ibid.;  ils  doi- 
vent préférer  le  profit  du  Seigneur  h  leurs  dignités 
temporelles,  p.  784;  honneur  qu'on  rendait  aux 
évêques,  ibid.  Un  évêque  ne  doit  point  juger  seul; 


TABLE  ANALYTIQUE. 


863 


les  évoques  faisaient  l'anniversaire  de  leur  ordi- 
nation, p.  184. 

ÉVODIUS,  jeune  liomme  de  Tagasle,  retourna 
en  Afrique  avec  saint  Augustin,  p.  9  ;  propose  des 
difficultés  sur  le  libre  arbitre,  p.  51;  il  demande 
si  l'âme  a  un  corps  après  la  mort,  p.  140,  141. 

EXCOMMUNICATION,  son  effet, p.  188,  189;  son 
usage,  p.  257;  elle  est  la  plus  grande  de  toutes  les 
peines  de  l'Église,  p.  524  ;  sentiment  de  saint  Au- 


gustin sur  l'excommunication,   p.   780  et  suiv. 

EXORCISMES.  L'existence  du  péclié  originel 
prouvée  par  les  exorcismes  dont  on  se  servait  au 
baptême,  p.  421,  465,  655;  l'Église  universelle  a 
toujours  employé  le  souffle  et  les  exorcismes, 
p.  753. 

EZÉCHIEL.  Explication  de  l'endroit  de  ce  pro- 
phète que  Julien  regardait  comme  son  plus  fort 
argument,  p.  5i2. 


F. 


FABIOLE.  Saint  Augustin  lui  écrit,  p.  192. 
FABLES.  Saint  Augustin  blâme  l'usage  où  l'on 
est  d'apprendre  les  fables  aux  enfants,  p.  26. 

FAÇONS  (des)  de  parler  des  sept  premiers  li- 
vres de  la  Bible,  p.  20s. 
FACULTÉS  intellectuelles.  Leur  détail,   p.  35. 
FAINÉANTS,  leur  portrait,  p.  279. 
FARD,  défendu,  p.  187. 

FASCIUS  emprunte  à  saint  Augustin  dix-sept 
livres  d'or,  p.  192. 

FAUSTE,  le  manichéen,  p.  25  338;  comment  il 
définissait  le  schisme  et  l'hérésie,  p.  800;  saint 
Augustin  écrit  contre  lui,  p,  339  et  suiv. 
FAUSTE,  évoque  de  Riez,  p.  484. 
FAUTE.  La  faute  est  différente  du  péché,  p.  211. 
Exemple  de  quelque  fautes  légères  dans  les  justes, 
p.  437. 

FAVENTIUS  se  réfugie  dans  l'Église  d'Hip- 
pone,  p.  110.  Il  est  arrêté  pour  dettes,  ibid. 

FÉLICIE,  vierge.  Saint  Augustin  la  console, 
p.  ni. 
FÉLICIEN  deMeustis  :  sa  condamnation,  p.  90. 
FÉLICITÉ.  Saint  Augustin  lui  écrit,  p.  171. 
FÉLICITÉS.   Les    pélagiens   avaient  imaginé 
deux  félicités  éternelles,  p.  548.  lis  accordaient 
aux  enfants  morts  sans  baptême  un  lieu  mitoyen 
de  repos  et  de  félicité  entre  la  damnation  et  la 
vie  éternelle,  p.  660.  Dans  la  vie  éternelle  on 
aura  tout  ce  que  l'on  aime,  et  l'on  ne  désirera 
pas  ce  que  l'on  aura  point,  p.  795. 

FÉLIX.  Saint  Augustin  lui  écrit  au  sujet  d'une 
difficulté  entre  le  prêtre  Boniface  et  le  moine 
Spés,  p.  90  et  91. 

FÉLIX  le  manichéen  a  deux  conférences  avec 
saint  Augustin,  p.  349  et  suiv. 

FÉLIX  d'Aptonge,  ordinateur  de  Cécilien, 
p,  409.  • 

FÉLIX,  moine  d'Adrumet.y  apporte  d'Usales  la 
lettre  de  saint  Augustin  au  prêtre  Sixte,  p.  513. 
FÉLIX.  Saint  Augustin  lui  écrit  au  sujet  d'une 
orpheline,  p.  189. 

FEMME.  Possidius  consulte  saint  Augustin 
sur  les  ornements  des  femmes  mariées,  p.  565. 

FEMME  pécheresse.  Si  elle  est  la  mêm.e  que  la 
sœur  du  l,azare,  p.  617.  La  pluralité  des  femmes 
était  permise  aux  patriarches,  mais  elle  ne  l'est 
plus  maintenant,  p.  459. 

FERRAND  (le  diacre)  consulte  saint  Fulgence, 
p.  772. 


FESTUS,  officier  de  l'Empire.  Saint  Augustin 
lui  écrit,  p.  95. 

FIDÈLES.  On  donne  aux  enfants  le  nom  de 
fidèles,  quoiqu'ils  ne  puissent  faire  aucun  acte 
de  foi,  p.  419. 
FLORENT,  évêque,  député  à  la  cour,  p.  117. 
FLORENTINE.  Saint  Augustin  lui  écrit,  p.  J92. 
FLORUS,    moine    d'Adrumet ,  transcrit  l'Épî- 
tre  194  de  saint  Augustin  au  prêtre  Sixte,  p.  513, 
518. 

FLORUS,  célèbre  entre  les  évoques  pélagiens, 
est  chassé  d'Italie  sous  le  pontificat  de  saint 
Léon,  p.  538. 

FOI  des  enfants,  p.  .54.  De  qui  elle  vient, 
p.  16).  Si  elle  justifie,  p.  161.  Si  les  œuvres  sans 
la  foi  sont  bonnes,  p.  164.  Exposition  de  la 
foi,  p,  185 et  suiv.  Elle  est  un  don  de  Dieu,  p,249, 
259,  697  et  suiv.  Son  utilité,  p.  533.  Livre  de 
l'Utilité  de  la  foi,  p.  33-2  et  suiv.  Sentiment  de 
saint  Augustin  sur  la  nécessité  de  la  foi  en  Jé- 
sus-Christ, p.  647  et  suiv.  Les  anciens  justes 
n'ont  été  sauvés  que  par  la  foi  du  Médiateur, 
p.  477.  La  foi  nous  est  donnée  la  première,  et 
c'est  par  son  moyen  que  nous  obtenons  les  au- 
tres choses  en  quoi  consistent  les  bonnes  œuvres, 
p.  529.  Non-seulement  la  foi  est  un  don  de  Dieu, 
mais  aussi  son  premier  commencement,  p.  528, 
532,  687.  Saint  Augustin  avait  été  dans  l'erreur 
à  l'égard  du  commencement  de  la  foi,  qu'il 
croyait  être  de  nous-mêmes,  etc.,  p.  528,  699.  La 
foi  n'est  pas  accordée  à  tous,  p.  700  et  701. 

FOI  (la  bonne),  doit  Être  observée  à  l'égard  de 
tout  le  monde,  p.  160. 

FONDEMENT.  Livre  de  saint  Augustin  contre 
YÉpître  du  fondement,  p.  338. 

FORCE.  Ce  que  c'est,  p.  49.  Quand    elle  est 
vertu,  p.  57.  La  force  que  les  païens  ont  fait 
paraître  venait  de  la  cupidité,  au  lieu  que  celle 
des  chrétiens  vient  de  la  charité,  p.   541.  La 
force  des  mots,  p.  49. 
FORTUNAT,  évêque  de  Cirthe,  p.  iio. 
FORTUNAT,  prêtre  manichéen.  Saint  Augustin 
écrit  contre  lui,  p.  336,  337. 
FORTUNATIEN,  p.  130. 

FORTUNE.  Si  elle  peut  aider  l'homme  dans  la 
recherche  de  la  vérité,  p.  38. 

FRÉNÉTIQUES.  Histoire  de  plusieurs  .frénéti- 
ques, p.  207,  208. 
FfiISCHE  (dom  Jacques)  traduit  en  latin,  ave 


864 


TABLE  ANALYTIQUE. 


D.  Vaillant,  la  vie  de  saint  Augustin,  composée 
en  Français  par  Tillemont,  p.  816, 
FUGILINE,   lieu  du  diocèse  de  Calame  p.  563 
FUIR.  S'il  est  permis  de  fuir  pendant  la  per- 
sécution, p-  181. 

FULGENCE  (saint) 'cite  le  livre  de  saint  Au- 
gustin (le  la  Correction  et  de  la  g  race,  touchant, 
la  distinction  des  deux  grâces,  de  celle  d'Adam 


avant  son  péché,  et  de  celle  par  laquelle  nous 
sommes  rachetés  de  la  masse  du  péché,  p.  519. 

FUNÉRAILLES.  Traité  des  Funérailles,  par 
saint  Augustin,  cité  par  Possidius,  p.  560. 

FUNDANIUS,  rhéteur  de  Carthage,  après  avoir 
perdu  un  œil,  engendra  un  flls  qui  n'avait  qu'un 
œil  en  venant  au  monde,  p.  508. 


G. 


GABINIEN,  païen  converti,  p.  181. 

GABIISUS,  donatiste  converti,  p.  413. 

GAIUS.  Saint  Augustin  lui  envoie  ses  ouvra- 
ges, p.  69. 

GAUDENCE,  évêque  de  Tamugade.  Saint  Au- 
gustin écrit  deux  livres  contre  lui,  p.  413  et  suiv. 

GAUDEJNCE,  évêque  donatiste,  p.  560. 

GAUTIER,  évêque  d  Orléans,  p.  771. 

GÉNÉRATIOiS  de  Jésus- Christ,  p.  237. 

GÉNÉROSUS,  gouverneur  de  Numidie,  p.  110. 

GENÈSE  (la),  expliquée  selon  la  lettre,  p.  £01, 
202.  Les  douze  livres  sur  la  Genèse,  p.  202  et 
suiv.  La  Trinité  dans  la  Genèse,  p  203. 

GENSÉRIC,roidesVandaiesassiègeHippone.p.21. 

GÉNÉTHLIUS,  évêque  de  Carthage,  p.  12. 

GERYAIS  (saint)  et  saint  Protais.  Le  lieu  où 
reposaient  leurs  corps  est  révélé  à  saint  Am- 
broise,  p.  33.  Miracle  à  cette  occasion,  p.  340,  341. 

GLOIRE.  Nous  ne  devons  nous  donner  la 
gloire  d'aucune  chose,  parce  qu'il  n'y  en  a  au- 
cune qui  vienne  de  nous,  p,  .528,  701. 

GRACE  de  la  nouvelle  alliance,  p.  125.  Sa 
nécessité,  p.  155.  Grâce  gratuite,  ibid.  et  157. 
Grâce  des  sacrements,  p.  212.  Ce  qu'on  doit 
croire  sur  la  grâce,  p.  177.  Sentiments  de 
saint  Augustin  sur  la  grâce  et  le  libre  arbi- 
tre du  premier  homme,  p.  675,  676.  Il  change 
de  sentiment  sur  la  grâce,  p.  249.  De  la  grâce 
des  deux  états,  p.  681  et  suiv.  La  différence  de 
la  grâce  des  deux  états  était  insupportable  aux 
semi-pélagiens,  p. 585  et  suiv.  En  quoi  Pelage  et 
S.Augustin  faisaient  consister  la  grâce,  p.  449  et 
700.  Sentiment  de  Julien  sur  la  grâce,  p.  476  :  des 
pélagiens,  p.  515,  516:  ces  hérétiques  ne  recon- 
naissent d'autres  grâces  purement  gratuites  que 
celle  qui  remet  à  l'homme  ses  péchés,  p.  515. 
L'inspii'ation  de  dilection  par  laquelle  nous  fai- 
sons, par  un  saint  amour,  ce  que  nous  connais- 
sons, c'est  là  proprement  la  grâce,  p.  711.  La 
grâce  proprement  dite  est  le  don  de  la  charité 
ou  du  saint  amour,  p.4&l  :  elle  est  donnée  gra- 
tuitement, p. 705,  706.  Nous  voyons  tous  les  jours 
qu'elle  est  donnée  non-seulement  avant  aucune 
bonne  œuvre,mais  même  après  beaucoup  de  mau- 
vaises œuvres,  p.  514.  Elle  est  donnée  sans  aucun 
mé'.ite,  p.  167,  249  et  suiv.  L'exemple  des  enfants 
fait  voir  que  la  grâce  n'est  pas  donnée  selon  les 
mérites,  p.  499,  500.  Enseigner  qu'elle  est  donnée 
selon  nos  mérites,  n'est  autre  chose  que  de  dé- 

Iruiie  cette  même  grâce,  p.  475.  Pourquoi  la  grâce 

de  Dieu  ne  nous  est-elle  pas  donnée  selon  nos 


mérites,  p.  533.  Le  désir  du  secours  de  la  grâce, 
est  le  commencement  de  la  grâce,  p.  519.  C'est 
par  elle  seule  que  les  hommes  sont  délivrés  du 
mal.  Sans  elle  ils  ne  font  aucun  bien,  ni  par  la 
pensée,  ni  par  la  volonté,  ni  par  l'amour,  ni  par 
l'action,  ibid.  La  grâce  nous  délivre  du  péché  en 
deux  manières  :  l'une,  en  nous  accordant  le  par- 
don de  nos  péchés  passés,  l'autre  en  nous  empê- 
chant d'en  commettre  de  nouveaux,  p.  544.  La 
grâce  renouvelle  parfaitement  l'homme,  p.  510. 
La  grâce  ne  nous  donne  pas  seulement  de  pou- 
voir ce  que  nous  voulons,  mais  encore  de  vou- 
loir ce  que  nous  pouvons,  p.  681.  La  grâce  par 
laquelle  la  vertu  se  perfectionne  dans  l'infir- 
mité, ne  se  borne  pas  à  nous  donner  la  connais- 
sance de  nos  devoirs,  mais  elle  s'étend  jusqu'à 
nous  faire  pratiquer  ce  que  nous  connaissons, 
p.  450.  La  grâce  est  donnée  aux  uns  par  misé- 
ricorde, et  refusée  aux  autres  par  justice, 
p.  424.  Celui  qui  est  instruit  par  la  grâce  vient 
à  Jésus-Christ,  et  celui  qui  n'y  vient  pas  n'a 
pas  été  instruit  par  la  grâce,  p.4.  Nécessité 
de  la  grâce,  p.  153,  224.  Si  on  peut  avec  la  grâce 
faire  quelque  bien  ,  p.  175, 177.  Nécassité  de  la 
grâce  pour  les  actions  de  piété  et  la  fuite  du 
mal,  p.  688,  689.  Grâce  contre  les  tentations 
p.  689  et  suiv.  Nécessité  de  la  grâce  pour  la  péni- 
tence et  la  conversion  du  pécheur,  p.  691,  692  : 
pour  aimer  Dieu  ,  p.  692  et  suiv.  pour  accomplir 
ses  commandements,  p.  694  et  suiv.  La  nature 
est  commune  à  tous  les  hommes,  et  non  la 
grâce,  p.  703  et  suiv.  La  grâce  ne  suit  pas,  mais 
précède  la  volonté,  p.  708,  709.  Comment  la 
grâce  agit,  p.  710  et  suiv.  Force  de  la  grâce, 
p.  151,  714,  715.  Abus  que  Pelage  fait  de  la  grâce, 
p.  151.  Accord  du  libre  arbitre  avec  la  grâce,  p.  139. 
720  et  suiv.  La  grâce  ne  détruit  pas  le  libre  arbi- 
tre, et  n'introduit  pas  le  destin,  p.  159,  723,  725, 
La  volonté  humaine  n'est  pas  détruite  par  la 
grâce  divine,  mais  de  mauvaise  quelle  était,  elle 
s'est  rendu  bonne,  et  aidée  après  qu'elle  l'est 
devenue,  p.  518.  La  grâce  n'a  jamais  paru  d'une 
manière  plus  éclatante  que  dans  saint  Paul,p.433. 

GRANDEUR  de  Dieu,  p.  25. 

GRÉGOIRE  (saint),  évêque  de  Nazianze,  cité  par 
saint  Augustin,  p.  486. 

GRÉGOIRE  (saint),  évêque  de  Néocésarée,  fait 
changer  de  place  à  une  montagne  pour  bâtir  une 
église,  p.  433. 

GUIMOND,  disciple  de  Lanfranc,  explique  un 
passage  d  e  saint  Augustin,  p.  759,  760, 


TABLE  ANALYTIQUE. 


863 


H. 


HARDOUIN  (le  Père),  jésuite.  Son  jugement 
sur  la  nouvelle  édition  des  ouvrages  de  saint 
Augustin,  note  1,  p.  815. 

HÉBREUX.  Si  l'Épître  aux  Hébreux  est  de 
saint  Paul,  p.  572.  Saint  Augustin  la  lui  attribue, 
ibid.  Pourquoi  saint  Paul  n'y  a  point  mis  son 
nom,  ibid. 

HÉRACLIUS.  Voyez  ÉRACLIUS. 

HERCULE,  sa  statue  brisée  par  les  chrétiens, 
p.  82. 

HÉRÉSIE  (1').  Elle  est  un«  secte  de  gens  qui 
suivent  des  sentiments  différents,  p.  800. 

HÉRÉSIES  (les)  ne  sont  nées  que  de  ce  que 
les  Écritures  ont  été  interprétées  en  mauvais 
sens,  etc.,  p.  596,597.  Plusieurs  hérésies  ont  été 
condamnées  sans  concile,  p.  483,  622.  Quel  bien 
les  hérésies  apportent  à  l'Église,  p.  537.  Toutes 
les  hérésies  sont  sorties  de  l'Église,  comme 
des  sarments  inutiles  coupés  de  la  vigne,  etc., 
p.  626.  Traité  des  Hérésies,  par  saint  Augustin, 
p.  330  et  suiv.  Il  y  en  a  eu  quatre-vingt-huit 
d'après  saint  Augustin,  p.  332. 

HÉRÉTIQUES.  Conduite  de  l'Église  envers  les 
hérétiques,  p.  225.  Quand  on  doit  les  regarder 
comme  tels,  p.  318,  331,  385  Les  puissances  de 
la  terre  ont  droit  de  réprimer  leur  audace,  p.  539. 
Les  hérétiques  n'appartiennent  point  à  l'Église^ 
p.  6-29,  638.  Comment  on  les  définit,  p.  799.  800. 

HERMOGENIEN,  ami  de  saint  Augusiin,  p.  39. 

HÉROS,  évêque  d'Arles,  chassé  de  son  siège, 
présente  un  libelle  contre  Pelage,  p.  445. 

HÉSYCHl  US,  évêque  de  Salone,  saint  Augustin 
lui  écrit,  p.  167  et  suiv. 

HEUREUX.  Pour  être  heureux  il  faut  connaître 
la  vérité,  p.  38, 40, 41 .  Dieu  seul  peut  rendre  heu- 
reux, p.  307. 

HIÉRIUS,  orateur,  p.  29. 

HILAIRE,  demande  à  saint  Augustin  ses  livres 
des  Rétractations,  p.  24.  Saint  Augustin  lui  écrit, 
p.  638. 

HILAIRE  (saint),  évêque  de  Poitiers.  Son  élo- 
ge, p.  485.  Saint  Augustin  le  cite  contre  Julien, 
p.  486,  490.  Passage  de  saint  Hilaire  expliqué, 
p.  628. 

HILAIRE,  laïque;  sa  lettre  à  saint  Augustin, 
p.  138,  526  et  suiv. 

HILARIUS,  tribun.  Saint  Augustin  écrit  contre 
lui,  p.  559  et  767. 


HINCMAR  cite  l'Hypomnesticon,  sous  le  nom 
de  saint  Augustin,  p.  558. 

HIPPONE,  ville  maritime  d'Afrique,  p.  10. 
Saint  Augustin  écrit  au  peuple  d'Hippone,  p. 
192.  Elle  est  assiégée  par  les  Vandales,  p.  21;  et 
incendiée,  p.  22. 

HISTOIRE.  La  connaissance  de  l'histoire  est 
d'un  grand  secours  dans  l'étude  des  saintes  let- 
tres, p.  606,  607.  Divers  point  de  l'histoire 
de  l'Ancien  Testament,  p.  614  et  suiv.  Divers 
points  de  l'histoire  du  Nouveau  Testament, 
p.  616  et  suiv. 

HOMÉLIES  sur  saint  Jean,  p.  220  et  suiv. 

HOMICIDE.  Il  n'est  pas  permis,  p.  169.  Ho- 
micide de  soi-même  défendu,  p.  291.  L'homicide 
était  soumis  à  la  pénitence  publique,  p.  777. 

HOMME,  son  origine,  p  307.  Différence  entre 
les  hommes  et  les  anges,  p.  309. 

HONORAT,  engagé  dans  l'erreur  par  saint  Au- 
gustin, p.  4  ; 

HONORAT,  évêque  donatiste.  p.  82,  125;  saint 
Augustin  lui  écrit  sur  la  fuite  dans  les  persécu- 
tions, p.  181  et  suiv. 

HONORIUS,  empereur,  donne  des  lois  contre 
les  donatistes,  p.  16;  contre  les  hérétiques,  p.  95; 
ordonne  aux  évêques  de  souscrire  k  la  condam- 
nation de  Pelage  et  Célestius,  p.  169  ;  accorde  la 
liberté  de  conscience,  p.  107;  défend  les  solen- 
nités sacrilèges  du  paganisme,  p.  563. 

HOPITAL  bâti  par  saint  Augustin  pour  les 
étrangers,  p.  14. 

HORTENCE,  livre  de  Cicéron;  ce  qu'il  contient 
change  le  cœur  de  saint  Augustin,  p.  28. 

HUMILITÉ  de  saint  Augustin,  p. 192;  de  Jésus- 
Christ,  p.  224;  sa  nécessité,  p.  269. 

HYDROMANCIE  exercée  par  Numa,  p.  301. 

HYMNE.  Saint  Augustin  cite  l'hymne  des  trois 
jeunes  hébreux  dans  la  fournaise,  p.  571.  H  rap- 
porte une  hymne  que  les  priscillianistes  disaient 
avoir  été  récitée  par  Jésus-Christ  après  la  der- 
nière Cène,  p.  576.  On  chantait  des  hymnes  tirées 
des  Psaumes  avant  l'oblation  et  pendant  qu'on 
distribuait  aupeuple  ce  qui  avait  été  offert,p.766, 
767. 

HYPOMNESTICON,  ouvrage  attribué  à  saint  Au- 
gustin par  divers  auteurs  du  neuvième  siècle, 
p.  558;  il  est  plutôt  de  Marius-Mercator,  p.  559. 

HYPOSTASE,  ce  que  C'est,  p.  366. 


I. 


IDOLATRIE  (1')  était  soumise  à  la  pénitence  pu- 
blique, p.  777. 

IGNORANCE.  Ceux  qui  connaissent  les  com- 
mandements de  Dieu  ne  pourront  s'excuser  sur 
leur  i^^norance,  p.  513.  L'ignorance  dans  celui  qui 
n'a  point  eu  connaissance  de  l'Évangile  pourra 
peut-être  lui  servir  à  n'être  pas  si  violemment 
IX. 


tourmenté  dans  les  flammes,  que  s'il  l'avait  ouï 
prêcher,  p.  514. 

IMAGE  (r)de  Dieu  n'est  pas  entièrement  éteinte 
dans  les  infidèles  mêmes,  p.  430;  ouviages  de  Jé- 
sus-Christ, de -saint  Pierre,  de  saint  Paul,  pein- 
tes sur  les  murailles,  p.  790;  autres  images  des 
saints,  p.  789,  790, 

56 


866 


IMAGINATION.  Plusieurs  choses  qui  ne  <lépen- 
dent  point  de  l'imagluation,  p.  06. 

L\CARNaT10N,  ce  que  c'est,  p.  62;  ce  qu'elle  a 
produit,  ibid.elpdô;  difiQcultés  proposées,  p. 121, 
122,  143,  184;  livre  de  l'Incariialion,  p.  365;  con- 
duite de  Dieu  dans  ce  mystère,  p.  642  et  suiv. 

INNOCENT,  avocat ,  guéri  de  sa  fistule  par  un 
miracle,  p.  lo. 

INNOCENT  I,  pape,  ordonne  évêque  Julien  le 
pélagien,  p.  483  ;  jugement  qu'il  porte  des  actes  du 
concile  de  Palestine,  p.433;  Possidius  écrit  au 
pape  Innocent  contre  les  pélagiens,  p.  563. 

INNOCENT,  ou  iiommc  slupide,  sensible  seu- 
lement à  ce  qui  regardait  Jésus-Clirist,  p.  420. 

INQUIÉTUDES  (les),  sont  inséparables  du  cœur 
livré  à  l'iniquité,  p.  20  et  30. 
■     INTERDIT,  Lettre  de  saint  Augustin  à  Célestin 
sur  l'interdit,  p.  171. 


TABLE  ANALYTIQUE. 

INTERPRÈTES  latins  de  l'Écriture  sainte.  Le 
nombre  en  est  infini,  p.  6oO. 

IONIQUE  (secte)  p.50i. 

IRÉNÉE,  évêijue  de  Lyon,  presque  contempo- 
rain des  apôtres,  p.  485;  il  est  cité  par  saint  Au- 
gustin, p.  486. 

ISIS,  fille  d'Inaque:  elle  donne  aux  Égyptiens 
l'invention  .des  lettres  et  des  caractères,  p. 
577. 

ITALIQUE,  dame  romaine,  saint  Augustin  la 
console  de  la  mort  de  son  mari,  p.  97,  98. 

ITALIQUE.  De  toutes  les  versions  latines  de  l'É- 
criture, la  meilleure  est  celle  qu'on  nomme  Itali- 
que, p.  604.  L'auteur  de  cette  version  est  incon- 
nu, p.  605. 

ITALIQUE  (secte),  p.  301. 

I"VROGNERIE.  Quel  crime  c'est,  p.  74. 


I 


J. 


JA,  femme  de  Julien  le  pélagien,  p.  483. 

JACQUES  (saint).  I'éla,,e  corrompt  un  passage 
de  l'Épître  de  saint  Jacques,  p.  435. 

JACQUES,  disciple  de  Pelage,  p.  433;  il  ensuit 
les  erreurs;  saint  Augustin  l'en  retire,  p.  434. 

JANVIER,  prêtre,  fait  un  legs  en  faveur  de  l'É- 
glise d'Hippone,  p.  19. 

JEAN-BAPTISTE  (saint).  Le  jour  de  Saint-Jean- 
Baptiste  on  allaita  Hippone  se  baigner  dans  la 
mer,  p.  793. 

JEAN  lévaugéliste  (saint).  Il  y  en  a  qui  croient 
qu'il  n'est  pas  mort,  p.  618  ;  saint  Augustin  com- 
bat cette  opinion,  ibid. 

JEAN,  évêque  de  Jérusalem,  p.  151.  Il  assiste 
au  concile  de  Diospolis,  p.  443  ;  saint  Augustin  lui 
envoie  son  livre  de  la  Nature  et  de  la  grâce, 
p.  433. 

JENKIUS  (Robert),  docteur  du  collège  de  Saint- 
Jean  à  Cambridge,  prend  la  défense  de  saint  Au- 
gustin contre  Jean  Le  Clerc,  p.  818. 

JEPHTÉ,  il  immola  véritablement  sa  fille, 
p.  616. 

JÉRÔME  (saint).  Son  éloge.  Saint  Augustin  le  cite 
en  faveur  du  péché  originel,  p.  487;Julien  repro- 
che àsaint  Jérôme  d'avoir  admis  des  péchés  volon. 
tairesen  Jésus-Christ,  p.  -'53,  Saint  Augustin  fuit 
des  reproches  à  suint  Jérôme  sur  les  sentiments 
qu'il  avait  au  sujet  do  la  dispute  de  saint  Pierre  et 
de  saint  Paul,  p.  9o  ;  il  lui  écrit  pour  le  détourner 
de  traduirede  nouveau  les  livres  de  l'Écriture  sur 
l'hébreu,  p.  90. 

JÉSUS-CIIRIST,  vrai  médiateur,  p.  34;  sa  divi- 
nité, p,  239;  couiiu  selon  la  chair,  p.  342;  annoncé 
par  les  prophètes,  ibid.;  temps  de  sa  conception, 
de  sa  naissance  et  de  sa  mort,  p.  616;  il  est  monté 
au  ciel  à  midi,  p.  617  ;  l'on  allait  en  Judée  adorer 
ses  vestiges  sacrés  au  lieu  où  il  était  monté  au 
ciel,  ibid.;  sentiments  de  saint  Augustin  sur  la 
divinité  et  l'humanité  de  Jésus-Christ,  p.  341, 
644,  et  045;  sur  les  deux  natures  eu  une  même 
personne,  p.  645  et  suiv.  ;  sur  les  deux  volontés. 


p.  647;  sur  la  mort  de  Jésus- Christ  pour  tous  les 
hommes,  p.  053,  654,  la  nature  humaine  de  Jésus- 
Christ  n'est  difl'érente  de  la  nôtre,  qu'en  ce  qu'elle 
n'a  pas  les  défauts  de  la  nôtre,  p.  506,  507  ;  Jésus- 
Christ  n'est  point  né  avec  le  péché  originel,  p.  657, 
6D8;il  est  le  modèle  le  plus  illustre  de  la  prédes- 
tination p.  663,  664:  il  n'a  point  mérité  par  des 
actes  de  vertu  son  union  avec  le  Verbe,  p.  553;  il 
n'est  pas  mort  comme  nous  par  néce.ssité,  mais 
parce  qu'il  l'a  bien  voulu,  p.  436. 

JEUNE  du  samedi  et  du  dimanche,  p.  77;  diffé- 
rents usages  sur  lejeiine,  p.  84,  83;  le  jeûne  est 
autorisé  par  l'Écriture  sainte,  p.  85;  en  quoi  il 
consiste,  p.  22o;  utilité  du  jeûne,  p.  284;  défendu 
dans  le  temps  [lascal,  p.  805;  les  Romains  jeû- 
naient le  mercredi,  le  vendredi  et  le  samedi, 
excepté  le  temps  pascal, iiid. 

JEUNESSE  ;  désordres  de  la  jeunesse,  p.  27. 

JOB.  Son  origine;  temps  auquel  il  a  vécu 
p.C16. 

JOSEPH  (saint).  Il  y  a  eu  un  véritable  ma- 
riage, entresaint  Joseph  et  la  Sainte  Vierge, 
p.  506,  787. 

JOSEPH  de  Troyes  (le  Père  capucin),  fait  im- 
primer le  livre  de  la  Correction  et  de  la  grâce, 
avec  des  notes  de  sa  façon,  p.  816.  Il  défère  à 
M.  de  Harlay,  archevêque  de  Paris,  la  nouvelle 
édition  de  saint  Augustin,  ibid. 

JOUIR.  Ce  dont  on  doit  jouir,  p.  195. 

JOURS  égyptiens,  p.  793. 

JOVINIEN.  Saint  Augustin  écrit  contre  lui  le 
livre  du  Bien  du  mariage,  p.  267.  Réponse  aux 
objections  de  Jovinien  sur  la  continence,  p.  269. 
li  traitait  les  catholiques  de  manichéens,  p.  484; 
et  enseignait  qu'un  homme  baptisé  ne  pouvait 
pécher,  p.  542. 

JUDAS  (le  traître).  Tout  ce  qui  est  dit  dans  le 
psaume  cviu  s'est  accompli  à  la  lettre  dans  Judas, 
etc.,  p.  617. 

JUGE.  Dispositions  où  doit  être  un  juge  pour 
juger  selon  l'équité,  p.  490. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


867 


JUGEMENT  de  Dieu.  Sur  quoi  nous  serons  ju- 
gés, p.  233;  l'heure  dujugement  est  incertaine,  p. 
234.  La  foi  de  l'Église  sur  le  jugement  dernier, 
p,520,  321  ;  exemples  des  jugements  de  Dieu,  qui 
sont  iaipénétrableS;  p.  533. 

JUIFS,  application  aux  Juifs  des  paroles  du 
psaume  xvi,  p.  131  ;  témoins  de  la  vérité, .iftid.  ; 
Sénèque  condamne  leurs  cérémonies,  p.  3u0; 
traité  contre  les  Juifs,  p.  .332;  leur  réprobation, 
ibid.;  ils  portent  eux-mêmes  les  livres  dont  nous 
nous  servons  pour  confondre  les  païens,  p.  582, 

JULIEN  l'Apostat,  p.  297. 

JULIEN,  évêqued'Éelane,pélagien;sonliistoire, 
p.  483,  484;  ses  écrits,  p.  484  ;  saint  Augustin  le 
réfute, i6id.  et  suiv.  etp.538  et  suiv.;  Julien  accuse 
saint  Augustin  de  soulever  contre  lui  les  artisans 
de  la  lie  du  penpie,  p.  508;  il  l'accuse  d'incons- 
tance dans  sa  doctrine,  p.  510. 

JULIENNE,  mère  de  Démétriade,  p.  18. 

JULIENNE,  mère  de  Julien  le  pélagien ,  p. 
483. 

JURIEU  (M.)  ,  accuse  les  catholiques  d'a- 
voir falsifié  un  passage  de  saint  Augustin  , 
p.  760. 

JUSTE.  Si  Dieu  n'est  point  abandonné  du 
juste,  il  ne  l'abandonne  point,  p.  436.  i'('l;ige  et 
Célestius  niaient  que  les  justes  qui  ont  précédé 


la  venue  de  Jésus-Christ  aient  été  sauvés  par  sa 
grftce,  p  155. Tous  les  anciens  justes  n'ont  été 
délivrés  et  justifiés  que  par  la  foi  à  l'Incarna- 
tion de  Jésus-Christ,  p.  647.  Les  justes  de  l'An- 
cien Testament  défendus  contre  Fauste,  p.  345 
et  suiv. 

JUSTICE  (la)  de  Dieu  ne  consiste  pas  dans 
les  préceptes  de  la  loi,  qui  nous  inspire  de 
la  crainte,  mais  dans  le  secours  de  la  grâce  de 
Jésus-Christ,  p.  434. 

JUSTICE  (la)  des  saints,  soit  de  l'Ancien,  soit 
du  Nouveau  Testament,  a  été  véritable,  mais 
non  parfaite,  p.  482.  Quoique  la  parfaite  justice 
n'ait  point  d'exemple  parmi  les  hommes,  néan- 
moins elle  n'est  pas  absolument  impossible, 
p.  432.  Les  œuvres  de  justice  sont  le  jetlne,  l'au- 
mône et  la  prière,  p.  442. 

JUSTICE,  ce  que  c'est,  p.  49,  57.  En  quoi  elle 
consiste,  p  220.  La  vraie  justice,  p.  228.  Ce  qui 
arrive  quand  elle  est  bannie  d'un  royaume, 
p.  296. 

JUSTIFICATION.  Jésus-Christ  mort  pour  la 
justification  des  impies,  p.  163,  164.  Dieu  justifie 
l'impie  non-seulement  en  lui  remettant  ses  pé- 
chés, mais  encore  en  lui  donnant  la  charité,  afin 
qu'il  s'éloigne  du  mal  et  qu'il  fasse  le  bien, 
p.  549. 


L. 


LACTANCE.  Passages  de  ce  Père  objectés  par 
Pelage,  p.  439. 

L/ETUS,  jeunehomme.  Saint  Augustin  lui  écrit, 
p.  187. 

LAMY  (0.  François)  réfute  la  lettre  d'un  pré- 
tendu abbé  d'Allemagne  contre  la  dernière  édi- 
tion des  ouvrages  de  saint  Augustin,  donnée 
par  les  Pères  Bénédictins  de  la  Congrégation  de 
Saint- Maur,  p.  816. 

LANDULÉUS,  évêque  de  Capoue,  p.  328.  Anas- 
tase  le  bibliothécaire,  lui  écrivit  au  sujet  des 
reliques  de  saint  Etienne.  Ibid. 

LANFRANC  répond  aux  objections  de  Béranger 
contre  la  présence  réelle,  p.  762  et  suiv. 

LANGUE.  Sentiment  de  saint  Augustin  sur  la 
langue  hébraïque,  p.  616.  Il  y  a  beaucoup  de 
conformité  entre  la  langue  punique  et  l'hébraï- 
que, ibid.  La  connaissance  des  langues  est  très- 
utile  pour  l'intelligence  de  l'Écriture  sainte, 
p   605. 

LARGUS,  proconsul  d'Afrique.  Saint  Augustin 
lui  écrit,  p.  169. 

LARRON  (le  bon)  n'a  point  blasphémé  contre 
Jésus-Christ,  p.  617.  Le  sang  et  l'eau  qui  sor- 
tirent du  côté  de  Jésus-Christ  ont  pu  rejaillir 
sur  le  bon  larron  et  lui  servir  de  baptême,  ibid. 
Saint  Hilaire  croit  qu'il  fut  crucifié  à  la  droite 
du  Sauveur,  ibid.  On  peut  mettre  le  bon  larron 
au  nombre  des  martyrs,  p.  468. 

LATRIE:  à  qui  on  doit  rendre  le  culte  de  latrie, 
p.  303-  Le  culte  de  latrie  n'est  proprement  dCl 
qu'k  la  Divinité,  p.  792. 


LAURENT,  ce  qu'il  était,  p.  258.  Il  demande 
à  être  instruit,  ibid.  Saint  Augustin  lui  adresse 
son  Manuel,  ibid. 

LAZARE,  évêque  d'Aix,  chassé  de  son  diocèse, 
présente  un  libelle  contre  Pelage,  p.  443. 

LECTEURS ,  clercs  inférieurs.  On  mettait 
quelquefois  des  enfants  dans  le  degré  des  lec- 
teurs, p.  785. 

LECTURE  des  divines  Écritures.  On  commen- 
çait ordinairement  le  sacrifice  par  les  Épîtres  de 
saint  Paul,  p,  766. 
LEGS.  Comment  il  faut  les  recevoir,  p.  19. 
LÉON  (saint),  pape,  chasse  Julien  le  pélagien 
d'Italie,  p.  484. 

LÉPORIUS.  Saint  Augustin  justifie  sa  conduite, 
p.  19.  Léporius  rétracte  ses  erreurs,  p.  179. 

LÉRINS,  Julien  se  retire  au  monastère  de 
Lérins,  p.  484. 

LETTRES  de  saint  Augustin.  Lettre  à  Hermo- 
génien;  saint  Augustin  explique  le  dessein  qu'il 
avait  en  écrivant  les  trois  livres  contre  les  Aca- 
démiciens,p.  65,  66.  A  Zénohius  il  fait  connaître 
son  caractère  à  l'égard  de  ses  amis,  p.  66;  à  Né- 
bridius,  il  fait  voir  que  l'ignorance  est  un  obstacle 
à  la  vie  heureuse,  ibid.;  au  même,  qu'il  y  a  des 
choses  qui  ne  dépendent  pas  de  l'imagination, 
ibid.  et  67:  comment  les  démons  peuvent  agir 
sur  nos  âmes,  p.  67:  qu'elle  était  la  vue  de  Dieu 
dans  la  création  et  dans  l'incarnation,  p.  68. 
A  Romanien,  il  l'exhorte  â  profiler  du  loisir  que 
Dieu  lui  procurait,  p.  69;  à  Maxime,  il  lui  montre 
combien  le  paganisme  .est  ridicule,  p.  69  ;  à  Ce- 


868 


TABLE  ANALYTIQUE. 


lestin,Gaïus  et  Anlonin,  sur  les  êtres;  il  y  établit 
cette  maxime  que  c'est  un  grand  bien  d'aimer 
le  bien,  p.  69  et  70  ;  à  Valère,  il  lui  demande 
permission  de  se  retirer  quelque  temps,  p.  70; 
à  Aurèle,  il  l'exhorte  à  corriger  l'abus  qui  s'était 
introduit  en  Afrique  dans  les  festins  des  martyrs, 
p.  70,  71  ;  à  Maximin,  au  sujet  du  diacre  re- 
baptisé, p.  71,  72  ;  à  Licentius,  il  l'exhorte  à  se 
donner  à  Dieu  et  à  rompre  les  chaînes  qui  l'at- 
tachaient au  monde,  p,  72,  73  ;  à  saint  Paulin, 
c'est  un  éloge  de  ses  vertus,  p.  73  ;  à  saint  Jé- 
rôme, il  le  prie  de  traduire  en  latin  les  meilleurs 
interprètes  grecs  de  l'Écriture  sainte,  p.  73,  74; 
à  Alypius,  il  lui  marque  que  l'usage  des  festins 
sur  le  tombeau  des  martyrs  était  aboli,  p.  74  , 
75;  à  saint  Paulin,  il  l'Invite  à  venir  en  Afri- 
que, p.  751  ;  à  Proculien,  il  lui  offre  la  conférence 
qu'il  souhaitait,  p.  761  ;  à  Eusèbe,  au  sujet  d'un 
jeune  homme  qui  battait  sa  mère,  ibid.  et  p.  77  ; 
à  Casulan,  où  il  parle  du  jeûne  du  samedi,  p.  77, 
78  ;  à  Simplicien,  c'est  une  exhortation  à  ne  point 
préférer  le  repos  au  besoin  de  l'Église,  p.  78  ;  à 
Profuturus,  il  y  est  question  de  la  patience  que 
l'on  doit  garder  dans  la  maladie,  p.  78,  79  ;  à 
saint  Jérôme,  il  lui  demande  quel  est  le  vrai 
titre  du  livre  des  Ecrivains  ecclésiastiques,  p.  79  ; 
il  lui  témoigne  sa  douleur  par  rapport  à  son 
Explication  de  l'Épître  aux  Galates,  p.  "9  ;  à 
Aurèle,  il  le  congratule  d'avoir  permis  aux 
prêtres  de  prêcher  en  sa  présence,  ibid.;  à  saint 
Paulin,  il  lui  demande  une  seconde  fois  son  ou- 
vrage contre  les  païens,  ibid.  ;  à  Glorius,  Éleu- 
sius,  Félix  et  Grammaticus,  donatistes,  contre 
leur  schisme,  p.  79,  80  ;  aux  mêmes  et  aux  deux 
Félix,  aussi  contre  le  schisme,  p.  80,  82  ;  à  Pu- 
blicola,  sur  dix-huit  difficultés  que  celui-ci  lui 
avait  proposées,  p.  81,  82;  à  Eudoxe  et  à  ses  re- 
ligieux, pour  les  exhorter  à  bien  profiter  du 
repos,  p.  82;  à  Honorât,  il  accepte  de  traiter  par 
lettres  l'affaire  du  schisme,  p.  82;  aux  habitants 
de  Suflecte,  saint  Augustin  leur  reproche  leur 
cruauté,  ihid.\  à  Crispin  de  Calame,  touchant  les 
donatistes,  ibid.  et  83  ;  à  Séverin,  pour  l'engager 
à  quitter  l'hérésie;  p.  83;  à  Générosus,  ofi  il 
prouve  la  succession  des  évêques  depuis  les 
apôtres,  ibid.;  à  Janvier,  il  fait  voir  que  ce  qui 
s'observe  uniformément  dans  toutes  les  églises, 
diffère  de  ce  qui  est  en  usage,  p.  83  et  suiv.  ;  à 
Celer,  il  l'exhorte  à  cesser  tout  commerce  avec 
les  donatistes.  p.  86, 86  ;  à  Pammaque,  il  loue  son 
zèle  pour  l'Église  catholique,  p.  87;  à  Victorin.à 
qui  appartenait  la  primatie  de  Numidie,  ibid.;  à 
Aurèle,  il  lui  fait  des  reproches  d'avoir  élevé  un 
moine  à  lacléricature,  ibid.  et  p.  88;  à  Théodore, 
il  explique  l'indulgence  avec  laquelle  il  recevait 
les  donatistes,  p.  88.  A  Sévère,  au  sujet  du 
changement  d'un  lecteur  d'une  église  à  une  autre, 
ibid.  ;  à  Justinien,  prêtre  qui  lui  avait  fait  quel- 
ques plaintes,  p.  89;  à  Xantippe,  il  lui  rend 
compte  de  la  disposition  d'Abondantius,  p.  89  ;  à 
Crispin,  il  lui  reproche  d'avoir  forcé  des  person- 
nes à  se  laisser  rebaptiser,  ibid.  et  p.  90  ;  à  saint 
Jérôme,  il  lui  fait  des  reproches  sur  les  senti- 


ments qu'il  avait  sur  la  dispute  de  saint  Pierre  et 
de  saint  Paul,  p.  80;  à  Castorius,  il  l'exhorte  à 
accepter  l'épiscopat.  ibid.  ;  à  Nancélion,  au  sujet 
de  la  condamnation  de  Félicien,  ibid.  ;  aux  do- 
natistes, il  leur  fait  voir  que  la  vérité  et  le  salut 
ne  se  trouvent  que  dans  l'Église  catholique, 
ibid.  ;  à  Félix  et  au  clergé  d'Hippone,  au  sujet 
d'une  difficulté  entre  le  prêtre  Boniface  et  le 
moine  Spès,  qui  s'accusaient  réciproquement 
d'nn  crime  infâme,  p.  90,  91,  92;  à  un  prêtre 
manichéen,  qui  se  vantait  de  ne  point  craindre 
la  mort,  p.  92;  à  saint  Paulin,  comment  il  faut 
quitter  sa  volonté  quoique  bonne,  pour  faire 
celle  de  Dieu,  p.  92  ;  à  Alypius,  au  sujet  du  bien 
des  moines,  ibid.  et  p,  93:  à  Novat,  pour  l'enga- 
ger à  laisser  Lucille  diacre,  p.  93  ;  à,  Paul  évo- 
que de  la  Numidie,  il  lui  reproche  ses  mœurs  dé- 
réglées, i6id.  et  94;  à  Cécilien,  gouverneur  de 
Numidie,  il  le  prie  de  réprimer  l'orgueil  des 
donatistes,  p.  94;  à  Émérite,  il  tâche  de  le  tirer 
du  schisme  des  donatistes,  demande  si  l'Église 
de  Jésus-Christ  est  celle  des  donatistes  ou  celle 
des  catholiques,  ibid.  ;  à  Janvier,  plainte  des  ca- 
tholiques contre  les  donatistes,  p.  94,  95;  à 
Festus,  du  ministre  du  baptême,  p.  95,  96;  à 
Nectaire,  il  se  plaint  de  la  persécution  des 
païens,  p.  96,  97  ;  à  Italique,  sur  la  mort  de  son 
mari,  p.  97,  98;  à  Vincent  le  rogatiste,  c'est  une 
réponse  aux  difficultés  de  ce  schismatique,  p.  98 
et  suiv.;  à  saint  Paulin,  sur  ce  que  les  bienheu- 
reux seront  après  cette  vie,  p.  101,  102  ;  à  Olym- 
pius  pour  l'engager  à  obtenir  à  Boniface  la  grâce 
qu'il  demandait  à  l'Empereur,  et  il  l'exhorte  à 
soutenir  la  rigueur  des  lois,  p.  lOQ,  103  ;  à  Boni- 
ace,  réponse  à  ses  difficuliés,  p.  103,  104;  à 
Donat,  proconsul  d'.-ifrique,  il  le  priait;  faire 
exécuter  les  lois  des  empereurs  contre  les 
schismaliques,  p.  104  :  à  Mémor  qui  lui  avait  de- 
mandé ses  livres  sur  la  Musique,  p.  104;  à  Déogra- 
tias,  sur  différentes  malières,  ibid.  et  suiv.;  aux 
donatistes,  il  prouve  que  les  lois  des  empereurs 
sont  justes,  p.  107;  à  Macrobe,  il  lui  reproche 
d'avoir  rebaptisé  un  sous-diacre,  p.  107,  108  ;  à 
Sévère,  preuve  de  son  humilité,  p.  109  i  à  Victo- 
rien, sur  la  cruautés  des  barbares,  ibid.  et  110  ;  à 
Donat,  contre  la  vanité,  p.  110;  à  Dioscore,  il  lui 
reproche  sa  vanité,  ibid.  et  111  ;  à  Consentius,  sur 
la  foi,  etc.,  p.  111  et  suiv.  :  à  son  clergé  d  Hippone, 
il  l'exhorte  à  reprendre  la  piété  qu'il  avait  eue, 
p.  113.  Lettre  à  Albine  sur  le  serment,  p.  114, 
115  ;  à  Armentaire  et  à  Pauline,  exhortation  à 
la  continence,  ibid.  ;  à  Marcellin,  règlement  d'une 
conférence  entre  les  catholiques  et  les  donatistes, 
p.  116  et  suiv.  ;  à  Proba,  instructions  pour  les 
veuves,  p.  118,  120;  à  Volusien,  il  l'exhorte  à 
étudier  l'Écriture  sainte,  p.  120,  121  ;  à  Marcellin, 
il  le  prie  de  ne  point  punir  les  donatistes  selon 
la  sévérité  des  lois,  p.  121  ;  à  Marcellin,  sur  l'a- 
bolilion  de  l'ancienne  loi,  p.  121  et  suiv.;  à  Hono- 
rât,sur  la  grâce  delà  nouvelle  alliance,  p.  125, 126," 
aux  donatistes.  il  dit  ce  qui  se  passa  dans  la 
conférence  de  Carthage,  p.  126,  127  ;  à  Saturnin 
et  à  Euphrale,  prêtres  qui  avaient  quitté  le  schis- 


I 

1 


TABLE  ANALYTIQUE. 


869 


me  des  donatistes,  p.  Ii7  ;  à  Marcellin,  du  mira- 
cle d'eau  changée  en  sang,  p.  127;  àceuxdeCirlhe, 
il  témoigne  la  joie  qu'il  a  de  la  conversion  des  do- 
natistes, i&id.;  à  Anasthase.il  lui  dit  que  les  peines 
sont  préférables  aux  caresses  du  monde,  p,ia3:à 
Pelage,  lettre  de  civilité  où  il  est  pourtant  ques- 
tion de  la  grâce,  p.  128,  129;  à  Pauline,  de  la 
vision  de  Dieu,  p.  129, 130  :  à  Fortunatien  sur  la 
même  matière,  p.  130;  à  saint  Paulin  sur  quel- 
ques passages  des  Psaumes,  p.  131  ;  à  Proba  et 
à  Julienne,  au  sujet  de  Démétriade  qui  fait  pro- 
fession de  virginité,  p.  133  ;  àCécilien,  en  faveur 
de  Marcellin  arrêté  par  les  donatistes,  p.  133,  134; 
àMacédonius,  il  intercède  pour  les  criminels, 
p. 134  et  suiv.;leur  grâce  est  accordée,  p,  137,  138; 
à  Hilaire  contre  lespélagiens,  p.  138  et  suiv.  ;  à 
Évodius,  si  l'âme  a  un  corps  après  la  mort,  p. 
liO  et  suiv.  ;  sur  la  Trinité,  p.  142  et  143;  â  saint 
Jérôme,  sur  l'origine  de  l'âme,  p.  143  et  suiv.  ; 
à  Évodius,  sur  la  Trinité,  p.  147  el  suiv.;  h  Maxi- 
me, sur  la  divinité  du  Fils  et  du  Saint-Espnt, 
p.  148.  Lettres  à  Pérégrin  au   sujet  de  Maxime, 
p.  149,  150;  à  Aurèle  de  Carthage,  il  lui  envoie 
les  livres  de  la  Trinité,  p.  150.  Lettres  à  Innocent 
et  à  Zosime  sur  les  pélagiens,  p.  150,  151;  à  Jean 
de  Jérusalem  contre  les  pélagiens,  p.  151;à  Océa- 
nus,  pourquoi  saint  Paul  résiste  à  saint  Pierre, 
p.  151, 152  ;  à  Boniface,  en  quoi  diffèrent  les  do- 
natistes des  ariens,  p.  152  et  suiv.  ;   à  Paulin, 
de  la  prédestination  et  de   la  grâce,  p.  154  et 
suiv.  ;  à  Dardanius,  réponse  à  ses   difficultés 
p.  158,  159  ;  à  Julienne,  sur  la  grâce  contre  un 
livre  que  Pelage  avait  adressé  à   Démétriade, 
p.  159,  160  ;  à  Boniface,  instruction  pour  la  pro- 
fession des  armes,  fp.  160  ;  à  Optât,  de  l'origine 
de  l'âme,  p.  160,  161  ;  à  Sixte,  il  le  félicite  de  ne 
point  favoriser  l'erreur  des  pélagiens,  p.  162;  à 
Célestin,  diacre  et  depuis  pape,  sur  les  devoirs 
de  la  charité,  p.  162;  à  Mercator,  contre  les  pé- 
lagiens, p.  162,  163;  à  Sixte,  sur  la  grâce,  p.  163 
et  suiv.;  à  A-sellicus,  qu'il  est  défendu  aux  chré- 
tiens de   judaïser,  p.  166  et  167  ;  à  Hésychius, 
sur  la  fin  du  monde,  p.  167  et  suiv.  ;  à  Valère, 
sur  le  mariage,  p    168,  169;àLargus,  du  mépris 
des  richesses,  p.  169  ;  à  Dulcitius,  tribun,  il  le 
:  loue  de  sa  douceur  à  l'égard  des  donatistes,  p. 
169,  170;  à  Consentius,  du  corps  de  Jésus  Christ, 
p:  170  ;  à  Valère  et  à  Claude,  p.  171  ;  à  Félicie, 
sur  le  scandale,  p.  171  ;  à  Célestin,  sur  l'inter- 
dit, p.  171  ;  à  Félicité,  de  la  manière  de  suppor- 
ter les  maux  de  la  vie  et  de  la  correction  frater- 
nelle, p.  171  et  suiv.  ;  à  Quintilien,  p.  174;  élec- 
tion d'Héraclius  pour  succéder  ^  saint  Augustin, 
p.  174  ;  à  Valentin,  explication  de  la  lettre  au 
prêtre  Sixte,  p.  114  et  suiv.  ;  à  Vital,  il  y  combat 
l'erreur  des  semi-pélagiens,  p.  176  et  suiv.  ;   à 
Palatin,  il  établit  la  doctrine  de  la  grâce,  p.  179  ; 
à  Proculus,  sur  la  conversion  de  Léporius,  ibid.; 
à  Boniface,  exhortation  à  la  persévérance,  ibid. 
et  p.  180  ;  à  Quodvultdéus,  qui  le  prie  de  faire 
un  traité  contre  les  hérésies,  p.  180,  181  ;  à  Aly- 
pius,  sur  la  conversionde  deux  païens,  p.  181, 
à  Honorât,  s'il  est  permis  de  fuir  dans  les  per- 


sécutions, p.  181  et  suiv.  ;  au  comte  Darius,  pour 
y  traiter  de  la  paix  avec  le  comte  Boniface,  p.  183  ; 
.lux  habitants  de  Madaurc,  il  les  exiiorte  à  em- 
brasser la  véritable  religion,  p.  183, 184;  à  Longi- 
nien,  pour  l'engager  à  quitter  le  culte  des  idoles, 
p.l84;àDeutérius,  évêque  deCésarée  ou  d'Alger, 
contre  un  manichéen,  p.  184,185;  à  Cérétius,  contre 
les  priscillianistes,  p.  185;  à  Pascentius,  contre  les 
ariens,  p.  183,  186;  à  Elpidius,  il  combat  les  er- 
reurs des   ariens,  p.  186,   187;    à  Laetus,  pour 
l'engager  à  quitter  le  monde,  p.  186  ;  à  Chrisime 
pour  la  consoler,  p.  i87;  à  Possidius,  contre  le 
luxe,  p.  187, 188  ;  à  Lampadius,  contre  la  supers- 
tition de  l'astrologie,  p.   188  ;  â  Romulus  ,  sur 
une  injustice,  p.  188  ;  à  Sébastien,  sur  les  scan- 
dales du  monde,  ibid.;  à  Restitutus,  sur  la  même 
matière,  ibid.  ;  à  Pancarius,  sur  les  biens   de 
l'Église,  p.  189  ;   â  Félix,  Bénénatus,    Rusticus, 
à  l'occasion   d'une  jeune  orpheline,  p.  189;   à 
Christinus,  qui  le  pressait    de  lui  écrire  pour 
l'engager  â  se  donner  à  Dieu,  p.  189  ;  à  Oronce, 
réponse  de   civilité,  ibid.  ;  à  Martien,  il  se  ré- 
jouit de  ce  qu'il  est  au  rang  des  catéchumènes, 
ibid.;  à  Auxilius  et  àClassicien,  surl'anathèrae, 
p.  188,  189  ;  à  Corneille,  sur  les  débauches,  ibid. 
et  190;  à  l'évêque  Audax  qui  lui  avait  demandé 
une  longue  lettre,  p  190;  à  Cédicie,  sur  la  con- 
tinence, p.  100,  191  ;  â  Sapida,  pour  la  consoler, 
p.  191  ;  à  Maxime,  il  approuve  sa  croyance,  p.  190  ; 
à  Séleucit'nne,  contre  un  novatien,  iiid.  et  192; 
à  Florentine,  grande  humilité  de  la  part  de  saint 
Augustin,  p.  192;  à  Fabiole,  lettre  de  piété,  ibid.; 
au  peuple  d'IIippone,  au  sujet  d'une  somme  d'ar- 
gent engagée,  ibid.  ;  à  Nobilius  qui  le  priait  d'al- 
ler à  la  dédicace  de  son  église ,  ibid.  ;  à  Pierre  et 
à  Abraham,  sur  le  baptême  des  enfants,  192,193; 
à  Optât,  de  l'origine  de  l'âme,  p.  193  ;  à  Maxime, 
comment  on  peut  se  sanctifier,  p,   194  ;  lettres 
faussement    attribuées    à  saint  Augustin,  ibid. 
LEUTIUS,  auteur  des  Actes  apocryphes   des 
apôtres,  p.  577  . 

LIBERTÉ.  Quelle  liberté  nous  avons  perdue 
par  le  péché  du  premier  homme,  p.  475,  541,  542. 
Liberté  de  Dieu,  p.  543,  734  ;  des  anges,  p.  543, 
ibid.;  et  des  bienheureux,  p.  734. 

LIBRE  ARBITRE,  sentiment  de  saint  Augustin, 
p.  263,  513,  519,  727  et  suiv.  les  pélagiens  sur  le 
libre  arbitre,  p.  543  ,  730,  731.  Comment  Julien 
définissait  le  libre  arbitre,  p.  541  ;  en  quoi  il  le 
faisait  consister,  p.  551.  Dieu  a  le  libre  arbitre, 
p.  734.  Nul  ne  peut  bien  user  du  libre  arbitre  que 
par  la  grâce,  p.  477.  Le  libre  arbitre  n'a  de  for- 
ce que  pour  pécher  dans  ceux  qui  sont  assujet- 
tis au  démon,  p.  478.  Nous  avons  le  libre  arbitre 
pour  faire  le  bien  et  le  mal,  etc.,  p.  519.  Le  li- 
bre arbitre  suffit  pour  le  mal,  et  il  est  peu  de 
chose  pour  le  bien ,  s'il  n'est  aidé  par  le  bien 
tout-puissant,  p.  680.  Le  libre  arbitre  n'est  point 
détruit  par  la  grâce,  p.  431,  723,  724.  Accord  du 
libre  arbitre  avec  la  grâce,  p.  720  et  suiv. 

LICENTIUS,  disciple  de  saint  Augustin,  p.  8, 
37. 
LIGATURE,  ce  que  c'était,  p.  795,  noie  4. 


870 


TABLE  ANALYTIQUE. 


LINUS,  poëte  théologien  ,  et  plus  ancien  que 
les  prophètes,  mais  il  n'a  point  devancé  Moïse, 
p.  577. 

tlTTÉRlL,  sens  littéral  de  la  Genèse,  p.  55. 

LIVET,  lieu  du  diocèse  de  Calame,  p.  563. 

LIVRE,  le  livre  des  Guerres  du  Seigneur,  p. 
573  ;  quel  était  ce  livre,  p.  574. 

LOCUTIONS.  D'où  l'on  doit  tirer  la  connais- 
sance des  locutions  inconnues,  p.  603,  604. 

LOI,  abolition  de  la  loi  ancienne,  p.  124.  Si 
l'hommepeut  accomplir  la  loi,  p.  139;  les  œuvres 
de  la  loi  ne  justifiaient  personne  p.  105  ;  ce  que  la 
loi  de  la  grâce  opère,  p.  199  ;  contre  les  en- 
nemis de  la  loi,  p. 355.  Quel  est  le  dessein  de  Dieu 
en  donnant  la  loi ,  p.  550.  La  loi  de  Moïse  a 
été  donnée  pour  nous  faire  recourir  à  la  grâce, 
et  la  grâce  pour  nous  faire  accomplir  la  loi,  p. 
429;  utilité  de  la  loi,  p.  550;  la  grâce  nous  fait 
amateurs  de  la  loi,  mais  la  loi  sans  la  grâce  n'en 
fait  que  des  prévaricateurs,  p.  5i7.  Celui-là  est 


encore  sous  la  loi  qui  sent  qu'il  s'abstient  de 
péché  par  la  crainte  du  supplice  dont  la  loi  le 
menace,  et  non  par  l'amour  de  la  justice,  etc., 
p.  807  ;  Pelage  n'admettait  d'autre  grâce  que  celle 
de  la  loi  et  de  la  doctrine,  p.  449. 

LOIS  contre  les  hérétiques,  p.  16,  95,  103,  104. 
Les  lois  ne  défendent  pas  d'en.brasser  la  foi  ca- 
tholique, p.  334. 

LONGINIEN,  pontife  du  paganisme,  p.  16.  Let- 
tre de  saint  Augustin  à  Longinien,  p.  184. 

LUCIEN  fait  la  relation  sur  l'invention  des  re- 
liques de  saint  Etienne,  p.  327. 

LUCILLE,  femme  espagnole,  p.  625. 

LUCULLUS  bâtit  un  temple  à  la  Félicité ,  p. 
297. 

LUSIUS  (Quiétus),  général  de  Trajan,  prend  de 
force  et  briile  la  ville  d'Édesse,  575. 

LUXE  défendu,  p.  187. 

LYDDA-,  autrement  dit  Diospolis,  ville  de  Pa- 
lestine. On  y  assemble  un  concile,  p.  448. 


M. 


MA.B1LL0N  (D.  Jean)  de  la  Congrégation  de 
Saint'Maur.  L'Épître  dédicatoire  des  ouvrages 
de  saint  .iugustin  est  de  sa  composition,  p.  816; 
aussi  bien  que  la  préface  du  dernier  tome,  p. 
817. 

MACÉDONIUS,  vicaire  d'.Vfrique.  Saint  Augus- 
tin lui  demande  grâce  pour  les  criminels,  p.  154 
et  suiv. 

MACHABÉES.  Saint  Augustin  cite  les  livres 
des  Machabées,  p.  764. 

MACROBE,  donatiste,  p.  107. 

MADAURE,  lettre  aux  habitants  de  Madaure, 
exhortation  à  embrasser  la  véritable  religion,  p. 
183, 184. 

MAGES.  Sentiments  de  saint  Augustin  sur  les 
mages  qui  vinrent  adorer  Jésus-Christ,  p.  616, 
617. 

MAGIE,  livres  de  Magie  attribués  à  Jésus-Christ, 
p.  217. 

MAGICIENS,  leur  pouvoir,  p.  365. 

MAITRE,  livre  du  Maître,  p.  49  50. 

MAL,  son  origine,  p.  51,  52,  60.  Qu'est-ce  que 
le  mal,  sinon  la  privation  du  bien'?  p.  -188;  Ju- 
lien soutenait  que  personne  ne  faisait  le  mal 
par  nécessité,  p.  554.  Il  est  possible  à  la  volonté 
de  l'homme  d'éviter  le  mal  et  de  faire  le  bien,  ce 
qu'il  faut  entendre  d'une  volonté  que  Dieu  as- 
siste gratuitement,  p.  552. 

MALHEUREUX.  Sous  un  Dieu  juste,  personne 
ne  peut  être  malheureux,  à  moins  qu'il  ne  le  mé- 
rite, p.  539. 

MALICE,  Dieu  fait  usage  de  la  malice  des  pé- 
cheurs, p.  28. 

MANES  ou  Manichée,  p.  337,  note  1.  Lettre  de 
Manès  trouvée  â  Constantinople,  p.  553, 

MANICHÉENS,  leur  génie,  p.  28,  57  ;  leurs  er- 
reurs, p.  462, 487,  565.  Objections  sur  le  péché  ori- 
ginel, p.  53,  55.  Livres  contre  les  manichéens, 
p.  54  et  suiv.;  leurs  erreurs  touchant  -la  diviité 


p.  56  ;  sur  l'origine  du  mal,  p.  54,  60.  Ce 
qu'ils  adoraient,  p.  185.  Difficultés  résolues, 
p.  202;  elles  sont  combattues,  p.  222,  2-23,  255, 
336,  337,  338,  340  et  suiv.;  leurs  abominations,  p. 
352.  Parallèle  de  la  doctrine  chrétienne  et  de 
celle  des  manichéens,  p.  348.  Les  pélagiens  ap- 
pelaient les  catholiques  manichéens,  p.  474.  Ju- 
lien, en  niant  le  péché  originel,  fournissait  des 
armes  à  l'hérésie  des  manichéens,  p.  488,  555  ;  ils 
avaient  les  Psaumes  en  horreur,  p.  584. 

MANSURIUS,  évêque  de  Carthage,  successeur 
de  Cécilien,  p.  409. 

MANNE,  ce  qu'elle  représente,  p.  211. 

MARC  (saint).  Saint  Augustin  cite  le  dernier 
chapitre  de  saint  Marc,  p.  571. 

MARCEL,  prêtre  du  pape  Marcellin,  p.  402  et 
404. 

M.4.RCELLIN,  pape,  justifié,  p.  404. 

MARCELLIN,  tribun,  sa  prison,  p.  133;  il  pré- 
side à  la  conférence  de  Carthage  entre  les  ca'.ho- 
liques  et  les  donatistes,  p.  405  et  417  ;  saint  Au- 
gustin lui  adresse  les  livres  des  Mérites  des  péchés 
et  de  leur  rémission,  p.  418  ;  le  livre  de  l'Esprit 
et  de  la  lettre,  p.  427. 

MARIAGE,  ce  que  l'on  y  doit  observer,  p.  18a 
et  190  ;  sa  Un,  p.  257  ;  bien  du  mariage,  p.  207, 
268;  livre  de  saint  Augusiin  sur  ce  sujet,  ibid; 
mariage  indissoluble ,  p.  268  ;  d'une  vierge,  s'il 
est  valide,  p.  272;  des  mariages  adultères,  p.  272 
et  suiv.  ;  des  infidèles,  p.  273  ;  mariage  entre  pa- 
rents défendu,  p.  313;  il  aurait  existé  dans  l'état 
d'innocence,  p.  456.  Si  l'homme  n'eut  point  pé- 
ché, le  mariage  se  fût  trouvé  sans  concupiscence, 
c'est-â-dire  sans  trouble,  etc.,  p.  465.  Le  mariage 
est  un  sacrement  de  la  nouvelle  loi,  p.  458,  787. 
Dieu  est  l'auteur  du  mariage,  p.  787  ;  les  péla- 
giens accusaient  les  catholiques  de  dire  que 
Dieu  n'a  pas  institué  le  mariage,  p.  475  ;  aucun 
catholique  ne  dit  que  le  mariage  soit  mauvais, 


TABLE  ANALYTIQUE. 


p.  455  ;  trois  biens  cfui  se  rencontrent  dans  le  ma- 
riage, p.  ibid.  493  ;  il  est  plus  du  lien  du  mariage 
que  riiomme  soit  joint  à  une  seule  femme  qu'i 
plusieurs,  p.  458;  le  lien  du  mariage  est  indis- 
soluble, p.  787;  la  stérilité  de  la  femme  n'est 
point  une   raison  légitime  pour  l'homme  de  la 
quitter  pour  en  épouser  une  autre  qui  lui  donne 
des    enfants,  p,  458,  78"  ;    saint   Cyprien  con- 
damne   les  mariages  des  fidèles    avec   les  infi- 
dèles, p.  788.  L'usage  du   mariage  dans  d'autres 
vues  que  pour  engendrer  des  enfants,  n'est  point 
exempt  de  péché  véniel,  p.   459.   Fait  singulier 
sur  le  mariage,  p.  788. 
MARTIEN.  Saint  Augustin  lui  écrit,  p.  189. 
MARTINIEN,  évéque,  assiste  à  l'élection  d'Hé- 
raclius,  p.  20. 
MARTYRE  (le)  tient  lieu  du  baptême,  p.  468. 
MARTYRS.  Désordres  sur  les  tombeaux  des 
martyrs,  p.  71,  241  ;  abolis  à  Hippone,  p.  74.  Com- 
ment il  faut  honorer  les  martyrs,  p  241  ;  culte  des 
martyrs,  p.  344;  lorsque  les  martyrs  ont  accompli 
les  grands  préceptes,  ils  l'ont  fait  avec  une  grande 
volonté,  c'est-à-dire  avec  une  grande  charité, 
p.  695.  Dans  la  célébration  des  saints  mystères, 
on  faisait  mémoire  des  martyrs,  etc.,  p.  765;  on 
élevait  des  autels  sur  leurs  tombeaux,  p.  791; 
honneurs  qu'on  leur  rendait,  ibid. 

MASSUET  (D.  René)  réfute  la  lettre  d'un  pré- 
tendu abbé  d'Allemagne  contre  l'édition  des  ou- 
vrages de  saint  Augustin  donnée  par  les  Pères 
bénédictins  de  Saint-Maur,  p.  816. 
MATIÈRE,  divisilile  à  l'infini,  p.  66,  203. 
MAUX  (les)  de  l'Empire  romain  ne  venaient 
pas  des  chétiens,  p.  292  et  suiv, 

MAURENCE,  évêque  de  Tubursique  dans  la  Nu- 
midie,  p.  563. 

MAXIMA  (dame)  :  Saint  Augustin  lui  écrit  une 
lettre  p.  191. 
MAXIME,  grammairien,  p.  69. 
MAXIME,  médecin ,  p.  148  ;  saint  Augustin  lui 
écrit,  ibid.  et  p.  194. 

MAXIMIANISTES.  Les  donatistes  approuvent 
le  baptême  donné  par  les  maximianistes,  p.  745. 
MAXIMIEN  renonce  à  l'épiscopat,  p.  90. 
MAXIMIN,   évêque  arien,   a  une  conférence 
avec  saint  Augustin,  p.  359  et  suiv. 
MAXIMIN,  le  sinaïte,p.  71. 
MÉCHANTS.  Dieu  fait  dans  les  coîurs  rtiêmes 
des  méchants  tout  ce  qu'il  lui  plaît,  en  leur  ren- 
dant néanmoins  ce  qu'ils  méritent  pour  leurs 
péchés,  p.  719. 

MÉGALE,  évêque  de  Calame,  mort  en  937,  p. 
562,  563. 

MÉLANIE,  femme  de  Pinien,  écrit  à  saint  Au- 
gustin, p.  448. 
MELCHIADE.  prêtre  du  pape  Marcellin,  p.  404. 
MELCHISÉDECH.  Quelques-uns  ont  douté  s'il 
était  un  homme  ou  un  ange,  p.  616. 

3IÉLANGE  des  bons  et  des  méchants  dans  l'É- 
glise, p.  630,  631;  objection  contre  ce  mélange, 
p.  631  et  suiv. 

MÉMOIRE  :  si  la  mémoire  dépend  de  l'imagi- 
nation, p.  66. 


871 

MEMOIRE.  Mémoire   des  apôtres,  livre    apo- 
cryphe des  priscillianistes,  p.  577. 

MEMOR,  père  Je  Julien.  Saint  Augustin  lui  écrit 
une  lettre  pleine  d'amitié,  p.  483. 
MÉMORIUS,  évêque,  p.  48. 
MENSONGE.  Combien  il  est  pernicieux  de  croi- 
re^ qu'il  y  a  des  mensonges  même  officieux,  dans 
l'Ecriture  sainte,  p.  565;  distinction  du  men- 
songe, p.  259.  Les  deux  livres  du  Mensonge  et  le 
livre  contre  le  Mensonge,  p.  274. 

MENTIR,  il  n'est  jamais  permis  de  mentir, 
p.  74, 79,  103,  151, 132;  les  priscilllanlstes  permet- 
tent de  mentir,  p.  185. 

MERCATOR,  saint  Augustin  lui  écrit  contre  les 
délagiens.  p.  162,  163. 

MÉRITES.  Dieu  couronne  en  nous  ses  propres 
dons  et  non  pas  nos  mérites,  p.  515;  nos  méri- 
tes sont  des  dons  de  Dieu,  p.  706,  707. 

MILAN,  établissement  de  la  psalmodie  dans 
rÉglise  de  Milan,  p.  32. 

MILÈVE.  ville  de  Numidie.  On  y  tint  un  con- 
cile en  402. 
MINISTRE  du  baptême,  p.  95. 
MIRACLES,  à  qui  on  doit  les  rapporter,  p.  19. 
Sentiment  de  saint  Augustin,  p.  61.  Miracle  d'une 
esclave  chez  les  barbares,  p.  110;  miracle  sur  un 
païen.  p.l81;  miracles  des  martyrs,  p.  241;  miracle 
de  l'arche  d'alliance,p.304;  miracles  attribués  aux 
faux  dieux,  p.  297  ;  pourquoi  les  miracles  ne  sont 
plus  si  fréquents,  p  324:  miracles  faits  à  l'ouver- 
ture du  tombeau  de  saint  Etienne,  p.  3-28.  Divers 
miracles  rapportés  par  saint  Augustin,  p.  324  et 
suiv.,  et  p.  795,  796. 

MIROIR  tiré  de  l'Écriture,  p.  214,  215.  Miroir 
publié  parle  cardinal  Mal,  p.  215,  216. 

MISÈRES,  source  de  nos  misères,  p.  3i0;  elles 
sont  des  peines  du  péché,  p.  326. 

MISÉRICORDE,  elle  est  le  remède  aux  maux  de 
cette  vie,  p.  218;  elle  mérite  la  gloire,  p.  238- 
miséricorde  de  Dieu,  p.  251,252;  comment  Dieu 
fait  sentir  sa  miséricorde,  p.  27;  efïets  de  sa 
miséricorde,  p.  251,  252,  290. 
MISSIONS  divines  en  Dieu,  p.  640. 
MŒURS,  saint  Augustin  donne  des  règles  à 
ses  disciples  pour  les  mœurs,  p.  42  ;  mœurs  des 
vrais  fidèles,  p.  57  ;  mœurs  des  manichéens,  ibid. 
Pureté  des  mœurs  de  l'Église,  p.  335  ;  corruption 
des  mœurs  chez  les  Romains,  p.  292. 

MOINES.  Description  des  moines  par  saint  Au- 
gustin, p.  785,786;  moines  élevés  à  la  cléricature, 
p.  87.  Si  leurs  biens  appartiennent  au  monastère, 
p.  92,  93.  Contre  l'oisiveté  des  moines,  p.  277 
et  suiv.  Portrait  des  moines  fainéants,  p.  279. 

MOÏSE.  Il  est  auteur  du  Pentateuque,  p.  569; 
quelques-uns  ont  cru  qu'il  n'était  pas  mort, 
p.  616.  Ses  écrits  tiennent  le  premier  rang  parmi 
les  livres  canoniques,  p  577. 

MOiXASTÈUES,  on  y  reçoit  toutes  sortes  de 
personnes,  p.  786;  on  y  employait  les  artisans 
aux  mêmes  métiers  qu'ils  avaient  exercés  aupa- 
ravant, ibid. 

MONDE,  sa  fin,  p.  167  et  suiv.  :  sa  création, 
p.  203  :  ses  différents  âges,  p.  266. 


872 


TABLE  ANALYTIQUE. 


MONIQUE  (sainte),  mère  de  saint  Augustin, 
p.  1  ;  sa  mort,  p.  9.  Elle  recommande  à  saint 
Augustin  de  faire  mémoire  d'elle  dans  le  saint 
sacrifice  de  l'autel,  p.  764. 

MORALE,  préceptes  de  morale,  p.  82.  83. 

MONTFAUCON  (D.  Bernard  de)  réfute  la  lettre 
d'un  prétendu  abbé  d'Allemagne,  contre  l'é- 
dition des  ouvrages  de  saint  Augustin  donnée 
par  les  Pères  Bénédictins  de  la  Congrégation  de 
Saint-Maur,  p.  816. 

MONTAGNARDS.  Les  donatistes  étaient  ap- 
pelés montagnards  à  Rome,  p.  625. 

MORT,  peine  du  péché,  p.  163,  549. 


MORTS,  prier  pour  les  morts,  p.  239;  com- 
ment la  prière  profite  aux  morts,  p.  253.  Du  soin 
qu'on  doit  avoir  des  morts,  p.  280  :  livre  de 
saint  Augustin  sur  ce  sujet,  ibid  et  suiv. 

MORTIFICATIONS  (les)  corporelles  pratiquées 
par  les  justes  et  par  les  pénitents  font  voir  que 
l'ennemi  qu'ils  ont  à  vaincre  est  au  dedans  d'eux- 
mêmes,  p.  511. 

MURATORI  (Louis-Antoine)  prend  la  défense  de 
salut  Augustin  contre  Jean  Le  Clerc  ;  p.  8i8. 

MUSÉE  n'est  pas  si  ancien  que  Moïse,  p.  557. 

MUSIQUE  :  livre  de  la  Musique,  p.  Al  et  suiv. 


N. 


NANCÉLION,  saint  Augustin  lui  écrit  au  su- 
jet de  la  condamnation  de  Félicien,  p.  90,  91'. 

NATURE.  Livre  de  la  Nature  du  bien,  351.  352. 
Toutes  les  natures,  à  l'exception  de  celle  de 
Dieu,  sont  créées,  p.  352,  358 et  suiv.;  l'état  de 
notre  nature  a  été  changé  par  le  péché  du  pre- 
mier homme,  p.  542.  rélage  niait  que  la  nature 
humaine  ait  été  dépravée  ou  corrompue  par  le 
péché,  p.  435  ;  la  nature,  ayant  été  vaincue  par 
le  péché  qu'elle  a  commis  par  sa  pure  volonté, 
a  mérité  de  perdre  la  liberté  dont  elle  jouissait, 
p. 441. 

NAVIGE  ou  Navigius,  frère  de  saint  Augustin, 
p.l,  9,  37. 

NÉBRIDIUS,  son  assentiment  sur  les  lettres 
de  saint  Augustin,  p.  66.  Sa  conversion,  p,  33. 
Ami  de  saint  Augustin,  p.  79-2. 

NÉCESSITÉ  de  pécher,  p.  543  et  note  1.  C'est 
Dieu  qui  nous  délivre  de  la  nécessité  de  pécher, 
non  par  le  seul  secours  de  la  loi  qui  nous  fait 
connaître  ses  commandements,  mais  par  celui  de 
la  charité,  p.  544.  La  nécessité  de  pécher  ne  peuj 


être  autrement  guérie  que  par  la  miséricorde  de 
Dieu,  p.  555  Julien  le  pélagien  soutenait  que 
personne  ne  faisait  le  mal  par  nécessité,  p. 
554. 

NECTAIRE,  païen,  ce  qu'il  pense  d'unévêque, 
p.  96. 

NEMROD  (le  géant)  fut  le  premier  qui  conçut 
le  dessein  de  la  tour  de  Babel,  p.  626. 

NÉRON,  les  apôtres  saint  Pierre  et  saint  Paul 
ont  souffert  sous  le  règne  de  Néron,  p.  618. 

NOBILIUS,  évêque.  Saint  Augustin  lui  écrit, 
p.  192. 

NOCES,  secondes  noces  permises,  p.  271. 

NOËL.  On  jeûnait  en  Afrique  la  veille  de  Noël 
p.  S05. 

NONDINAIRE,  traditeur,  p.  416. 

NORIS  (le  cardinal)  fait  un  ouvrage  pour  la 
défense  de  saint  Augustin,  p.  771. 

NOVATIEN,  ses  erreurs,  p.  191. 

NOYAT,  lettre  de  saint  Augustin  pour  l'enga- 
ger à  lui  laisser  Lucille,  diacre,  p.  93. 


0. 


OCÉANUS,  ami  de  saint  Jérôme.  Saint  Augus- 
tin lui  écrit,  p.  151. 

ŒUVRES.  Lorsque  l'homme  commence  à  faire 
de  bonnes  oeuvres,  il  ne  doit  pas  se  les  attribuer, 
mais  à  Dieu,  p.  514.  Ce  n'est  point  par  les 
œuvres ,  mais  par  la  grâce  que  ceux  qui  accom- 
plissent la  loi  sont  justifiés  ,  p.  430.  En  quel  es- 
prit on  doit  faire  les  bonnes  œuvres,  p  227. 

OFFRANDE.  Les  fidèles  offraient  à  l'Eglise  ce 
qui  était  nécessaire  pour  le  sacrifice,  p.  766. 

OISIVETÉ  des  moines,  p.  277  et  suiv. 

OLYBRIUS,  consul,  p.  17. 

OLYMPIUS  succède  à  Stilicon,  p.  17,  10-2. 

OLYMPIUS,  évéque  d'Espagne,  p.  485  ;  il  est 
cité  par  saint  Augustin,  p.  486. 

OPÉRER.  Comment  Dieu  opère  et  coopère 
avec  nous,  p.  720.  Nous  opérons  l'œuvre  de 
notre  justification  en  coopérant  avec  Dieu,  parce 
que  sa  miséricorde  nous  prévient,  p.  437. 

OPINION.  Quand  on  ne  connaît  pas  la  dispo- 


sition d'un  homme,  il  vaut  mieux  en  avoir  bon- 
ne opinion  que  de  le  blâmer  témérairement,  p. 
407. 

OPTAT  ,  Augustin  lui  écrit  sur  l'origine  de 
l'âme,  p.  193. 194. 

ORAISON  dominicale ,  après  la  sanctification 
du  sacrifice,  on  disaitl'Oraison  dominicale,  p.  767. 

ORATEUR,  qualités  d'un  orateur,  p.  200 ,  201. 

ORDINATION.  Possidius  consulte  saint  Augus- 
tin sur  l'ordination  d'un  jeune  homme  baptisé 
par  les  donatistes,  p.  563.  Les  évêques  faisaient 
l'anniversaire  de  leur  ordination,  p.  784.  L'ordi- 
nation des  évêques  se  faisait  par  l'imposition 
des  mains  en  invoquant  le  nom  de  Dieu  sur 
eux,  p.  783. 

ORDRE.  Les  deux  livres  de  l'Ordre,  p.  41 ,  42. 
Sentiment  de  saint  Augustin  sur  l'ordre,  p.782, 
783. 

ORGUEIL ,  moyen  de  le  détruire,  p.  37  ,  218, 
219;  orgueil  des  philosophes,  p.  224.  L'orgueil 


TABLE  ANALYTIQUE. 

est  la  cause  de  tous  les  vices ,  p.  423.  Il  le  faut 
craindre  dans  les  bonnes  actions,  p.  437. 

ORIGÈNE.  Son  sentiment  sur  l'âme,  p.  144. 
S'il  a  enseigné  que  le  diable  et  les  anges  seront 
délivrés  des  peines  de  l'enfer  après  un  certain 
temps,  p.  199. 

ORIGÉNISTES.  Livre  contre  eux,  p.  356. 

ORIGINE  de  l'âme  de  Jésus-Christ,  p.  143. 

ORIGINEL.  Le  pécbé   originel   renferme  tous 
les  autres,  p.  260. 


87 

ORONGE.  Saint  Augustin  lui  écrit,  p.  189. 

OROSE.  Il  passe  d'Afrique  en  Palestine ,  p. 
433;  et  assiste  au  concile  de  Jérusalem  en  415. 
Saint  Augustin  lui  adresse  son  livre  contre  les 
priscillianistes  et  les  origénistes  ,  p-  356  et  357. 

ORPHÉE,  poëte  théologien,  n'est  pas  si  ancien 
que  Moïse,  p.  577. 

OUVRAGE  (De  1')  des  moines,  titre  d'un  livre 
de  saint  Augustin,  p.  277. 


P. 


PAGANISME,  combien  il  est  ridicule,  p.  69. 

païen.  Païen  converti,  p.  16.  Sentiment  d'un 
païen pourun  évêque,  p.  96  Païen  baptisé,  p.  181. 

PAIX.  Les  évêques  catholiques  d'Afrique  con- 
sentent à  quitter  l'épiscopat  pour  le  bien  de  la 
paix,  p.  116. 

PALATINE.  Saint  Augustin  lui  écrit  S':r  la 
grâce,  p.  179. 

PALLADE,  évêque  de  Sigabite,  p.  411. 

PAMMAQUE.  Saint  Augustin  loue  son  zèle 
pour  l'Église  catholique,  p.  87. 

PANCARIUS  laïque.  Saint  Augustin  lui  écrit. 
p.  189. 

PARADIS  (séjour  des  bienheureux).  Victor  Vin- 
cent promettait  le  paradis  aux  enfants  morts  sans 
baptême,  etc.,  p.  470. 

PARADIS  (terrestre).  La  foi  chrétienne  ne  dou- 
te point  qu'il  ne  subsiste  encore  ,  mais  dans  un 
lieu  caché,  p.  614. 

PARDON.  On  ne  doit  pas  désespérer  du  par- 
don de  ses  péchés,  p.  226. 

PASCENTIUS,  arien,  demande  une  conférence 
à  saint  Augustin,  p.  185,  186, 195. 

PASSIONS.  Ce  qui  les  rend  bonnes  ou  mau- 
vaises, p.  310  ;  comment  on  les  attribue  à  Dieu, 
p.  354  ;  punition  des  péchés,  ibid. 

PATERNIEN S,  hérétiques;  en  quoi  consistait 
leur  hérésie,  p.  505. 

PATIEl^JCE.  Livre  de  la  Patience,  p.  282;  la  pa- 
tience est  un  don  de  Dieu,  ibid.  et  283  ;  celle  de 
Dieu  est  différente  de  celle  des  hommes,  ibid.; 
abus  que  les  pélagiens  en  faisaient,  ibid. 

PATRICE,  père  de  saint  Augustin,  p.  1  ;'il  meurt, 
p.  3. 

PATRIPASSIENS,  leurs  erreurs,  p.  237. 

PAUL  (saint)  a  souffert  le  martyre  sous  le 
règne  de  Néron,  p.  618;  ses  Épîtres  on  ttsujours 
été  plus  célèbres  dans  l'Église,  que  celles  des 
autres  apôtres,  p.  572  ;  quand  on  cite  l'Apôtre, 
c'est  toujours  saint  Paul  que  l'on  entend,  iJid. 
Les  pélagiens  accusaient  les  catholiques  de  dire 
que  saint  Paul  avait  été  souillé  d'impuretés,  p. 
475. 

PAUL,  jeune  homme  de  Césarée,  guéri  par  l'in 
tercession  de  saint  Etienne,  p.  19. 

PAUL,  évêque  de  Numidie,  est  séparé  de  la 
communion,  p.  93. 

PAUL,  évêque,  à  qui  saint  Augustin  adresse  le 
livre  de  la  Perfection  de  la  justice,  p.  440. 

IX. 


PAULIN  (saint),  évêque  de  Noie.  Son  senti- 
ment sur  les  ouvrages  de  saint  Augustin,  p. 
809  ;  ses  lettres  à  saint  Augustin,  p.  72,  78,  101  ; 
il  fait  l'épithalame  des  paredts  de  Julien  le  Pé- 
lagien,  p.  483  ;  lettre  de  Pelage  à  saint  Paulin, 
p.  452. 

PAULIN,  diacre,  p.  453. 

PÉCHÉ.  Définition  du  péché,  p.  539,  556;  ce  qui 
rend  une  action  péché,  p.  61,  62,  276;  péché 
d'Adam,  p.  139.  Si  tous  les  péchés  sont  égaux, 
p.  145,  146;  le  péché  est  différent  de  la  faute,  p. 
211  ;  ne  pas  négliger  les  petits  péchés,  p.  227; 
comment  on  les  rachète,  p.  2^6;  péchés  de  fai- 
blesse, d'ignorance,  de  malice,  p.  247  ;  péchés  de 
pensées,  p.  267.  S'il  est  permis  de  faire  un  petit 
péché  pour  en  éviter  un  plus  grand,  p.  277. 
Toute  action  mal  faite  est  un  péché,  p.  498.  La 
même  chose  peut  être  péché,  peine  du  péché  et 
cause  du  péché,  p.  504,  505,  540.  L'homme  peut 
éviter  le  péché,  si  la  nature  viciée  par  le  péché 
est  guérie  par  la  grâce  de  Dieu  par  Notre-Sei- 
gneur  Jésus-Christ,  p.  440.  Le  premier  péché  a 
commencé  par  l'esprit,  p.  504;  saint  Augustin 
appelle  le  péché  du  premier  homme  un  péché 
ineffable  dans  sa  grandeur,  p.  543.  En  punition 
du  péché  l'homme  a  perdu  la  liberté  qu'il  avait 
de  ne  pas  pécher,  p.  543.  Le  livre  des  Mérites  et 
de  la  rémission  des  péchés  de  saint  Augustin, 
p.  666. 

PÉCHÉ  originel.  Objection  des  manichéens  con- 
tre le  péché  originel,  p.  55.  Pelage  a  enseigné 
la  même  doctrine  que  Célestius  touchant  le  pé- 
ché originel,  même  après  qu'il  eût  été  absous 
à  Diospolis,  p.  453.  Les  semi-pélagiens  recon- 
naissaient avec  les  catholiques  la  vérité  du  pé- 
ché originel,  p.  528,  534.  Les  catholiques,  en 
croyant  le  péché  originel,  n'avaient  rien  de  com- 
mun avec  les  manichéens,  p.  463.  Le  péché  ori- 
ginel renferme  tous  les  autres,  p.  260.  Preuves 
du  péché  originel  tirées  de  l'Écriture,  p.  420, 
54,  655;  autres  preuves,  p.  421,  655  et  suiy.  Les 
maux  que  souffrent  les  enfants  sont  une  preuve 
du  péché  originel,  p.  B03,  505.  Ojectiondes  péla- 
giens contre  le  péché  originel,  p.456.  En  quoi  con- 
siste la  naturedu  péché  originel,  p.  421.  Le  péché 
originel  a  été  comme  semé  dans  la  volonté  du 
premier  homme,  afin  qu'il  fût  en  lui,  et  qu'il  pas- 
sât de  lui  à  tous  ses  descendants  ,  p.  465.  Jésus- 
Christ  n'est  point  né  avec  le  péché  originel,  p. 

57 


èu 


TABLE  ANALYTIQUE. 


657  et  658.  Comment  le  péché  originel  se  trans- 
met des  pères  aux  enfants,  p.  658,  659.  Saint  Au- 
gustin se  sert  de  la  comparaison  d'un  olivier 
franc,  dont  les  noyaux  ne  peuvent  produire  que 
des  oliviers  sauvages,  pour  rendre  croyable  la 
transmission  du  péché  originel  par  des  parents 
même  baptisés,  p.  5o7.  Le  péché  originel  nous  est 
étranger  en  un  certain  sens,  p.  509,  540. 

PÉCHÉS  véniels  (les)  dont  la  vie  du  juëte  ne 
peut  être  exempte,  ne  l'empêchent  pas  d'arriver 
à  la  vie  éternelle,  p.  430. 

PÉCHEURS.  En  vain  ils  fuient  Dieu,  p.  30.  Cor- 
rection des  pécheurs,  p.  228.  Si  l'on  doit  donner 
l'Eucharistie  aux  pécheurs  occultes,  p.  770. 

PEINES.  Elles  sont  utiles,  p.  128;  comment  les 
supporter,  p.  171,  172. 

PEINTURES.  Leur  usage  approuvé,  p.  789,  790. 
Saint  Augustin  semble  les  condamner,  p.790;  mais 
en  quel  sens,  ibid. 

PELAGE,  hérésiarque,  combattu,  p.  19,  151  ;  il 
donne  un  mauvais  sens  aux  expressions  de  saint 
Augustin,  p.  50;  ses  erreurs,  p.  56,  138,  154, 155, 
156,  160, 161,  163  ;  il  adresse  un  livre  à  Démétria- 
de,p.l59;  11  est  chassé  de  la  communion  catholi- 
que, p.  166  ;  son  esprit.  11  fait  un  long  séjour  à 
Rome  ;  il  compose  divers  ouvrages,  où  il  jette  les 
semences  de  son  erreur,  p.  417  ;  il  écrit  à  saint 
Paulin,  à  l'évêque  Constantius  et  à  la  vierge  Dé- 
métriade,  p.  452;  il  adresse  une  profession  de 
foi  au  pape  Innocent  I,  ibid.  ;  il  assiste  au  con- 
cile de  Diospolis,  p.  443;  il  y  est  absous,  p. 
448.  Saint  Augustin  excuse  les  évêqiics  de  ce 
concile  d'avoir  absous  Pelage,  p.  704.  Pelage, 
qui  avait  trompé  ces  évoques,  ne  peut  trom- 
per l'Église  romaine,  p.  454.  Saint  Augustin  écrit 
contre  lui  le  livre  de  la  Nature  et  de  la  grâce , 
p.  433;  il  réfute  ses  erreurs,  p.  448  et  suiv.  En  quoi 
Pelage  faisait  consister  la  grâce,  p.  433. 

PÉLAGIENS.  Leur  histoir,e,  p.  417;  écrits  tou- 
chant les  pélagiens,  p.  559  ;  leur  hérésie,  p.  138  ; 
ils  sont  combattus,  p.  19, 151.  Différence  entre  les 
pélagiens  et  les  ariens,  p.  152;  lears  objections, 
p.  154,  163,  707  et  suiv.  A  quoi  les  pélagiens  ré- 
duisent la  grâce,  p.  160.  Ils  étaient  appelés 
de  ce  nom  non-seulement  par  les  catholiques, 
mais  encore  par  tous  les  hérétiques,  p.  541.  Dif- 
férence entre  les  pélagiens  et  les  semi-péla- 
,giens,  p.  528.  Calomnies  des  pélagiens  contre  les 
catholiques,  p.  474  et  suiv.,  479  et  suiv.  Saint  Au- 
gustin adresse  quatre  livres  au  pape  Boniface 
contre  les  pélagiens,  p.  474.  11  fait  consister  l'hé- 
résie pélagienne  en  trois  chefs  principaux:  à  nier 
le  péché  originel,  à  soutenir  que  la  grâce  se  don- 
ne selon  les  mérites,  et  que  l'on  peut  devenir 
parfaitement  juste  en  cette  vie,  p.  481.  Les  pé- 
lagiens enseignaient  que  le  libre  arbitre  suffit  à 
l'homme  pour  accomplir  les  commandements  de 
Dieu,  quoiqu'il  ne  soit  ni  aidé  de  la  grâce,  ni  du 
don  du  Saint-Esprit,  p.  694. 

PÉNITENCE.  La  pénitence  est  un  don  de  Dieu, 
p.  157,  554,  691.  Nécessité  de  la  grâce  pour  la  pé- 
nitence et  la  conversion  du  pécheur,  p.  691,  692. 
II  y  a  des  hommes  que  Dieu  appelle  à  la  pénitence 


par  une  miséricorde  toute  gratuite;  'il  y  en  a  qu'il 
laisse  dans  l'impénitence  par  un  jugement  très- 
juste,  p.  504.  Dieu  accorde  aux  enfants  de  colère 
le  temps,  le  lieu  de  la  pénitence,  quoiqu'ils  ne 
doivent  point  en  profiter,  p.  554.  Sentiment  de 
saint  Augustin  sur  le  sacrement  de  pénitence, 
772,  773.  Sur  la  confession  faite  à  Dieu  et  à  ses 
ministres,  p.  773,  774;  sur  la  satisfaction,  p.  774, 
775.  Il  reconnaît  trois  sortes  de  pénitence,  p.  775, 
et  suiv.  Quels  sont  les  péchés  qu'il  soumet  à  la 
pénitence  publique,  p.  777  et  suiv. 

PÉNITENT.  Un  véritable  pénitent  ne  laisse 
point  impuni  dans  lui-même  le  mal  qu'il  a  fait, 
etc.,  p.  774.  Les  pénitents  qui  étaient  excom- 
muniés, c'est-à-dire  séparés  de  l'autel,  étaient 
réconciliés  après  la  pénitence  accomplie,  p. 
779. 

PENSÉES.  Nos  bonnes  pensées  viennent  de 
Dieu,  p.  686. 

PÉRÉGRIN.  Saint  Augustin  lui  écrit  au  sujet 
de  Maxime,  p.  1-19. 

PÈRES  (de  l'Église).  Leur  autorité,  p.  619  et 
suivants. 

PERFECTION.  La  perfection  de  celte  vie  con- 
siste à  y  reconnaître  son  imperfection,  p.  480 
Livre  de  la  Perfection  de  la  justice  de  saint  Au- 
gustin, p.  442. 

PÉRIZOMATA  (Genèse  m,  7).  Ce  qu'il  faut  en- 
tendre par  ce  mot,  p.  504. 

PERPÉTUE  (sainte).  Les  Actes  du  martyre  de 
cette  sainte  ne  sont  pas  du  nombre  des  Écritu- 
res canoniques,  p.  468.  Visions  de  sainte  Per- 
pétue, p.  474. 

PERSÉCUTION  dès  âônatistes,  p.  16,  17,  152, 
153;  des  circoncellioris,  p.  75.  95;  des  Bâ'rbài-ës, 
p.  110.  S'il  est  permis  de  fuir  durant  la 
persécution,  p.  18!,  182.  Dieu  permet  les  persécu- 
tions pour  l'avantage  des  élus,  p.  499. 

PERSÉVÉRANCE.  Livre  de  saint  Augustin  du 
Don  de  la  persévérance,  p.  535.  La  persévérance 
est  un  don  de  Dieu,  p.  521,  532,  7oi  et  suiv.  Si 
Adam  avait  reçu  le  don  de  la  persévérance,  p. 
676  et  suiv.  Dieu  ne  doit  à  personne  la  grâce  delà 
persévérance,  p.  521.  Nous  ne  demandons  pres- 
que autre  chose  par  l'Oraison  dominicale  que  la 
grâce  de  la  persévérance,  p.  532,  702.  Nous  pou- 
vons bien  obtenir  le  don  de  la  persévérance  par 
nos  prières,  mais  nous  ne  pouvons  plus  le 
perdre  par  la  résistance  de  notre  volonté,  quand 
nous  l'avons  une  fois  reçu,  ibid.  Pourquoi  Dieu 
ne  donne-t-il  pas  la  persévérance  à  ceux  à  qui  il 
avait  donné  l'amour  et  la  charité  par  laquelle 
ils  vivaient  chrétiennement,  p.  521,  702,  703. 

PERSONNES.  Un  seul  Dieu  en  trois  person- 
nes, p.  360  ;  égalité,  p.  363  et  suiv. 

PÉTILIEN,  donaiiste:  qui  il  était,  p.  389.  Trois 
livres  de  saint  Augustin  contre  lui ,  p.  389  et 
suiv.  Sa  lettre,  p.  390.  Saint  Augustin  y  répond, 
p.  59. 

PHILON  (le  juif),  donne  un  sens  allégorique  à 
ce  que  Moïse  raconte  du  paradis  terrestre, 
p.  614. 

PHILOSOPHES,  combattus,  p.  37,  224  et   319. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


875 


Plusieurs  ne  se  sont  pas  si  fort  écartés  de  la  foi 
chrétienne  que  les  pélagiens,  du  moins  à  l'égard 
du  péché  originel,  p.  503. 

PIERRE  (saint),  apôtre.  Comment  et  par  quels 
yeux  Jésus-Christ  regarde  Pierre  après  son 
péché,  p.  452.  Saint  Pierre  a  occupé  le  siège  de 
Rome,  et  y  a  fait  mourir  Simon  le  magicien, 
p.  617.  Saint  Augustin  dit  que  l'ombre  de  saint 
Pierre  avait  ressuscité  un  mort,  p.  618.  Calomnies 
des  païens  contre  saint  Pierre,  p.  617.  Saint  Pierre 
pasteur  de  l'Église,  p.  240.  Sa  primauté,  p.  633  et 
suiv. 

PIERRE,  prêtre  espagnol,  p.  466.  Victor  lui 
adresse  deux  livres  contre  saint  Augustin,  ibid. 
PIERRE,  moine.   Saint    Augustin    lui    écïit, 
p.  192. 

PIÉTÉ,  incompatible  avec  le  mensonge,  p.  30. 
Comment  elle  commence,  p.  62. 
PLAISIRS,  ceux  qui  sont  permis,  p.  284. 
PLATON.  Son  sentiment   sur   l'existence   de 
Dieu,  p.  302. 

PLATONICIENS.  Ce  que  contiennent  leurs  li- 
vres, p.  31  ;  ce  qu'ils  pensent  de  l'âme,  p.  144; 
ils  sont  préférables  aux  autres  philosophes, 
p.  303,  304  ;  ils  ont  eu  quelque  notion  de 
la  Trinité,  p.  304,  305  ;  ils  sont  combattus, 
p.  310. 

POÈTES.  Saint  Augustin  condamne  l'usage  de 
donner  les  poètes  aux  jeunes  gens,  p.  26. 

POLLENTIUS.  Saint  Augustin  lui  adresse  ses 
deux  livres  des  Mariages  adultères,  p.  274. 

PONCTUATION. .Saint  Jérôme  veut  qu'on  ob- 
serve exactement  la  ponctuation  et  la  distinction 
des  termes  pour  trouver  le  vrai  sens  de  l'Écri- 
ture, p.  608. 

PONTICIEN,  africain,  officier  de  l'Empereur, 
p.  6  et  76. 

POSSIDIUS,  disciple  de  saint  Augustin,  p.  562 
et  suiv.  Qui  était  Possidius,  ses  écrits,  ibid. 
Témoin  oculaire  des  actions  de  saint  Au- 
gustin, p,  22.  Augustin  lui  écrit  contre  le  luxe, 
p.  187. 

PRÉCEPTES.  Différence  des  préceptes  de  l'An- 
cien Testament  et  de  ceux  du  Nouveau,  p.  341. 
Comment  11  faut  entendre  les  expressions  de 
l'Écriture  qui  renferment  un  précepte,  p.  609, 
610. 

PRÉDESTINATION.  Définition  de  la  prédesti- 
nation, 525,  662.  Différence  qu'il  y  a  entre  la 
grâce  et  la  prédestination,  p.  tSO,  538,  663. 
Saint  Augustin  reconnaît  une  double  prédesti- 
nation, l'une  à  la  vie  par  la  miséricorde  de  Dieu, 
l'autre  à  la  mort,  non- seulement  à  cause  des 
péchés  actuels,  mais  même  pour  le  seul  péché 
originel,  p.  i73.  Jésus-Christ  est  le  modèle  de  la 
prédestination  des  élus,  p.  530,  663  et  suiv.  Pré- 
destination gratuite  dans  les  enfants,  p,  664,  665: 
dans  les  adultes,  p.  665,  666.  Objections  des 
semi- pélagiens  contre  la  doctrine  de  la  prédes- 
tination réfutées  par  saint  Augustin,  p.  534  et 
suiv.  La  prédestination  est  un  secret  même  pour 
les  élus,  p.  666  et  suiv.  Manière  de  prêcher  la 
prédestination,  p.  537,  538,  672,  673.  Moyens  par 


lesquels  Dieu  accomplit  le  décret  de  la  prédes- 
tination, p.  i:69,  670.  - 

PRÉDESTINÉS.  Certitude  du  salut  des  prédes- 
tinés, p.  668,  669.  Leur  nombre  est  certain  et 
arrêté,  p.  .523,  668.  Leur  nombre  sera  aussi 
grand,  ou  même  plus  grand  que  celui  des  anges 
tombés,  p.  669. 

PRÉDICATEUR.  En  Afrique,  le  prédicateur  était 
seul  assis,  et  les  autres  étaient  debout,  805. 

PRÉDICTIONS  des  démons  ,  p.  279.  Livre  de 
saint  Augustin  sur  ce  sujet,  ibid.  et  suiv.  La  dif- 
férence des  prédictions  des.  démons  d'avec  celles 
des  prophètes,  p.  280. 

PRÊCHER.  Saint  Augustin  n'étant  que  prêtre, 
prêche,  en  présence  de  l'évêque  Valère ,  contre 
la  coutume  d'Afrique,  p.  11. 

PRÉFACE  de  la  messe ,  saint  Augustin  fait 
mention  de  la  préface  qui  commence  par  ces 
mots  :  Ayez  vos  cœurs  élevés,  etc.,  p.  767. 

PRÉPARER  son  cœur  ;  l'homme  prépare  son 
cœur,  mais  non  sans  le  secours  de  Dieu,  qui 
touche  tellement  ce  cœur,  que  l'homme  le  pré- 
pare, p.  479. 

PRESCIENCE.  Comment  la  liberté  s'accorde 
avec  la  prescience  divine  ,  p.  52,  298  ;  Dieu  voit 
le  nombre  des  saints,  p.  157.  Accord  de  la  pres- 
cience avec  le  repentir,  p.  251,  252.  Accord  de 
la  prescience  avec  le  libre  arbitre,  p.  298.  Les  ob- 
jections que  les  semi-pélagiens  faisaient  contre 
la  prédestination  pouvaient  aussi  se  faire  contre 
la  prescience  ,  p.  535..  Le  mot  de  prescience  si- 
gnifie quelquefois  prédestination,  p.  537. 

PRÉSENCE  réelle.  Voyez  Eucharistie. 

PRÊTRE,  quelles  sont  ses  fonctions,  p.70  :  ses 
dispositions,  iôid. 

PRIÈRE.  Instructions  pour  la  prière,  p.  118;  ce 
que  c'est,  p.  194.  Prières  pour  les  morts,  p.  280 
et  774,  765.  La  prière  est  un  don  de  Dieu,  p.  700, 
701. L'église  faisait  des  prières  pour  les  infidèles 
et  pour  les  fidèles,  p.  766.  On  priait  à  genoux  et 
prosterné,  p.  805. 

PRIMAT.  Comment  cette  dignité  se  réglait  en 
Afrique,  p.  87. 

PRIMAUTÉ  de  saint  Pierre,  p.  633  et  suiv. 

PRIMIEN,  déposé,  p.  373.  Origine  du  schisme 
de  Primien,  ibid. 

PRISCILLIAKISTES.Leurs  erreurs  combattues, 
p.  185,  356  et  suiv. 

PRORA,  aïeule  de  Démétriade,  p.  18  ;  saint  Au- 
gustin lui  écrit,  p.  133. 

PRORABILITÉ,  sentiment  des  académiciens 
sur  la  probabilité,  p.  805,  806. 

PROBIEN,  proconsul  d'Afrique,  p.  416 

PROCÈS.  On  recommandait  aux  fidèles  de 
s'abstenir  des  procès  pendant  le  Carêm  ,  p.  805. 

PROCESSION  du  Saint-Esprit,  p.  640 

PROCULIEN,  évêque  donatiste,  p.  16  ;  saint  Au- 
gustin lui  écrit,  p.  76. 

PROCULUS.  Lettre  à  Proculus  sur  la  conver- 
sion de  Léporius,  p.  179. 

PROFONDEDR  de  la  miséricorde  et  de  la  jus- 
tice de  Dieudansle  discernement  qu'il  fait  entre 
les  enfants,  p.  510. 


876 


TABLE  ANALYTIQUE. 


^  PROMESSES  faites  aux  patriarches,  accomplies 

'"  PROPHÈTES.  Ils  annoncent  Jésus-Clirist,  p.  342 
vi^t  suiv.  Antiquité  des  vrais  prophètes  :  comment 
Qn  les  distingue  des  faux  prophètes,  p.  577,  578. 
,  tes  prophètes  parlent  souvent  des  choses  qu'ils 
*Minoncent,  comme  si  elles  étaient  déjà  arrivées, 

'^.  582. 

PROPHÉTIES.  Leur  obscurité  ,  p.  578  et  suiv. 

Iles  soni  une  preuve  de  la  religion  chrétienne, 
579  et  suiv. 

.  PROSPER  (saint)  écrit  à  saint  Augustin  au  su- 
jet des  semi-pélagiens,  p.  180,  181  ;  il  demande  à 
saint  Augustin  les  livres  des  Rétractations  ,  p. 
2-1.  Sa  lettre  à  saint  Augustin,  p.  521  et  suiv.  Saint 
Augustin  lui  adresse  les  livres  de  la  Prédestina- 
tion et  du  don  de  la  persévérance,  p.  537.  Saint 
Prosper  fait  l'éloge  des  ouvrages  de  saint  Au- 
gustin, p.  810. 

PROVIDENCE  de  Dieu,  p.  298. 

PRUDENCE  (saint)  évêque  de  Troyes,  fait  l'é- 
loge des  ouvrages  de  saint  Augustin,  p.  811. 

PRUDENCE,  ce  que  c'est,  p.  49,  58, 138, 

PSALMODIE.  Son  établissement  dans  l'Église 
de  Milan,  p.  32;  pratique  d'Alexandrie  pour  la 
psalmodie,  p. 33.  Sentiments  qu'on  doit  avoir  dans 
la  psalmodie,  p.  852. 

PSAUMES  propres  à  guérir  l'orgueil ,  p.  32  ; 
pratique  de  saint  Athanase  pour  le  chant  des 


psaumes,  p.  33.  Explication  des  Psaumes  par 
saint  Augustin,  p.  229  et  suiv;  sa  méthode,  p. 
231.  Les  Psaumes  que  nous  chantons,  ont  été 
chantés  autrefois  et  écrits  par  l'Esprit  de  Dieu, 
p.  582.  David  e.n  l'auteur  des  Psaumes,  iôid.  et 
583  ;  ces  divins  cantiques  ont  dans  tous  les  temps 
fait  les  délices  des  âmes  pieuses,  et  la  consola- 
tion des  cœurs  pénitents,  p.  584;  les  impréca- 
tions contenues  dans  les  Psaumes  sont  des  pro- 
phéties, p.  585.  Saint  Augustin  croit  que  les 
Psaumes  ont  été  écrits  en  vers ,  p.  583 ,  584  -,  que 
leurs  titres  sont  canoniques,  p.  583.  Psaume  abé- 
cédaire composé  par  saint  Augustin,  p.  374. 

PUBLICOLA,  propose  à  saint  Augustin  dix-huit 
difhcultés,  p.  81. 

PUDICITÉ.  La  pudicité  conjugale  est  un  don 
de  Dieu,  aussi  bien  que  la  continence,  p.  457. 

PUISSANCE  temporelle.  Dieu  seul  aie  pouvoir 
de  donner  la  puissance  légitime  de  régner  et  de 
commander,  p.  802,  803. 

PURGATOIRE.  Sentiment  de  saint  Augustin 
sur  le  purgatoire,  p.  797,  798. 

PYTHAGORE  et  Platon.  Saint  Augustin  désap- 
prouve les  louanges  qu'il  leur  a  données,  p.  IU9, 
650.  Pythagore  a  porté  le  premier  le  nom  de  phi- 
losophe, p.  577. 

PYTHAGORICIENS.  Ce  qu'ils  pensent  de  l'à- 
me,  p.  144. 


Q. 


QUESTIONS.  Quelles  sont  les  questions  qui 
n'appartiennent  pas  à  la  foi.  Divers  exemples, 
p. 454.  Quatre-vingt-trois  questions  sur  diverses 
matières,  p.  2i5  et  suiv. 

QUINTILIEN,  évêque.  Saint  Augustin  lui  écrit, 
p.  174. 


QUODVULTDEUS,  évêque  de  Sessite  en  Mauri- 
tanie, donatiste,  p.  407. 

QUODVUFTDÉUS,  diacre  de  Carthage,  deman- 
de à  saint  Augustin  un  traité  des  hérésies,  p. 
180,  181. 


R. 


RAISON,  action  de  lesprit,  p.  43  ;  la  raison  dis- 
tingue l'homme  des  bêtes,  p.  51. 

REBAPTISATION.  Sentiment  de  saint  Augus- 
tin sur  la  rebaptisation,  p.  744,  745. 

REBAPTISÉ,  diacre  rebaptisé,  p.  71. 

RÉCOMi'ENSE  éternelle,  promise  à  ceux  de  la 
nouvelle  alliance;  en  quoi  elle  consiste,  p. 
429. 

RÉGINON  cite  une  loi  des  Capitulaires  sur  la 
communion  des  enfants  après  le  baptême,  p. 

771. 

RÈGLE  de  saint  Augustin,  p.  6-5,  172;  de  Tar- 
nate,  de  saint  Césaire,  ibid. 

RÈGLES  des  manichéens,  p.  60. 

RELIGIEN,  évêque ,  assiste  à  l'élection  d'Hé- 
raclius,  p.  20. 

RELIGION.  La  vraie  religion,  p.  61  et  suiv.;  ce 
qu'il  faut  éviter  en  religion,  ibid.;  différence 
de  la  religion  chrétienne  d'avec  la  païenne,  p. 


105;  parallèle  entre  'la  religion  chrétienne  et  la 
religion  païenne,  p.  292;  les  grands  biens  qu'a 
procurés  la  religion  chrétienne,  p.  290  et  suiv. 
Aucun  des  anciens  n'a  mieux  réussi  que  saint 
Augustin  à  établir  les  vérités  de  la  religion,  etc. 
p.  809.  De  la  manière  d'enseigner  les  principes 
de  la  religion,  p.  204  et  suiv. 

RELIQUES.  Culte  des  reliques,  p.  59,791  et  suiv. 
Usage  des  reliques,  p.  241.  Possidius  procure àson 
Église  des  reliques  de  saint  Etienne,  p.  563.  Moi- 
nes hypocrites  qui  vendaient  des  prétendues  re- 
liques des  martyrs,  p.  786.  Honneurs  rendus  aux 
reliques  des  martyrs,  p.  790,  791. 

RE.\10NTRANCES.  Leur  milité,  p.  520,  521,  523, 
524. 

RÉ\É,  moine,  envoie  à  saint  Augustin  les  livres 
de  Victor,  p   466, 

RÉPRIMANDE.  Comment  on  doit  la  faire,  p. 
219. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


877.. 


RÉPROBATION.  Sentiment  de  saint  Augustin 
sur  la  réprobation,  p.  670  et  suiv. 

RÉPROUVÉS.  Saint  Augustin  en  distingue  de 
différentes  sortes,  p.  523.  Les  réprouvés  vivent 
pour  l'utilité  des  prédestinés,  p.  670.  Pourquoi 
Dieu  crée-t-il  les  réprouvés?  p.  671,  672. 

RESSEiMBLANCE  de  Dieu  avec  l'iiomme,   p. 
204. 
RESTITUT,  prêtre  de  Calame,  p.  311. 
RESTITUTE,  évêque  député  à  la  cour,  p.  17. 
RESTITUTUS,  diacre:  saint  Augustin  lui  écrit, 
p.  188. 

RÉSURRECTION.  Comment  elle  se  fera,  p,  105, 
106.  Qualités  du  corps  après  la  résurrection,  p. 
130, 170,  310,  326.  Résurrection  des  enfants  p.  326. 
La  résurrection  se  trouve  dans  les  écrits  des  phi- 
losophes, p.  326.  Deux  résurrections,  p.  820. 

RÉTHICIUS  ou  Rétice,  évêque  d'AutuB,  cité 
par  saint  Augustin,  p.  485,  486,  540. 

RÉTRACTATIONS  (livres des).  Ce  que  les  livres 
des  Rétractations  contiennent,  p.  23;  ils  ont  été 
intitulés  par  Possidius,  p.  24.  Erreurs  des  semi- 
pélagiens  rétractées,  ibid. 

RICHESSES.  Comment  il  en  faut  user,  p.  140; 
richesses  spirituelles,  p.  159-,  le  mépris  qu'on 
doit  faire  des  richesses  ,  p.  169  ;  pourquoi  elles 
sont  données,  p.  233. 
ROGAT,  chef  des  rogatistes,  p.  466. 


ROIS.  Saint  Augustin  appelle  sacrement  l'onc-. 
tion  royale,  p.  803.  En  quoi  consiste  le  bonheur 
des  rois,  p.  803,  804. 

ROMANIEN,  habitant  de  Tagaste ,  fournit  aux 
études  de  saint  Augustin,  p.  3;  il  est  engagé  dans 
l'erreur,  p.  4. 

ROME.  Prise  de  Rome,  p.  17.  Sermon  sur  la 
Prise  de  Rome.  p.  283.  Le  siège  épiscopal  de  Ro- 
me a  la  prééminence  sur  tous  les  autres,  p.  474; 
vains  efforts  de  Pelage  pour  tromper  le  Siège 
apostolique  de  Rome,  p.  454.  Saint  Augustin  jus- 
tifie le  clergé  de  Rome  de  la  prévarication  dont 
les  pélagiens  le  chargeaient ,  p.  477,  478-  Suc- 
cession des  évêques  de  Rome  depuis  saint  Pierre 
jusqu'à  Anastase,  p.  624. 

ROMULUS.  Saint  Augustin  lui  écrit,  p.  188. 

ROY.AUMES.  C'est  Dieu  qui  donne  les  royau- 
mes aux  bons  et  aux  méchants  princes,  et  nous 
devons  leur  obéir,  p.  802. 

RUSTICUS.  Saint  Augustin  lui  écrit  au  sujet 
d'une  orpheline,  p.  189. 

RUSTIQUE,  évêque  de  Carlenne,  p.  411. 

RUSTIQUE,  prêtre,  supérieur  des  religieuses 
d'Hippone,  p.  20  ;  saint  Augustin  lui  écrit,  p.  171 
et  suiv. 

RUFUS,  évêque  de  Tessalonique  :  dix-huit  évê- 
ques pélagiens  iui  écrivent,  p.  474,  477. 


i.y 


SABELLIENS,  leurs  erreurs,  p.  2-22. 

SABELLIUS,  erreurs  de  Sabellius  sur  la  Tri- 
nité, p  638. 

SACERDOCE.  De  la  loi  nouvelle,  p.  763,  764. 

SACREMENTS.  D'où  dépendent  leurs  eSfets,p.378. 
Différence  entre  les  sacrements  de  la  loi  ancienne 
et  de  la  nouvelle,  p.  738.  C'est  de  la  plaie  que 
le  Sauveur  reçut  dans  son  côté,  étant  attaché 
à  la  croix,  qu'ont  coulé  les  sacrements  de  l'É- 
glise, ibid.  Les  hérétiques  et  les  mauvais  chré- 
tiens ne  seront  pas  délivrés  des  supplices  de 
l'enfer  par  la  vertu  des  sacrements,  p.  323. 

SACRIFICE  de  l'ancienne  loi,  p.  2l(  :  de  la 
nouvelle  loi.  p.  2"i9.  A  qui  on  doit  l'offrir,  p  365. 
En  quoi  il  consiste,  ibid.,  366,  760  et  suiv.  Le  sa- 
crifice n'est  dû  qu'à  Dieu  seul,  p.  303  et  763,  7iï3. 
Sacrifice  pour  les  morts,  p.  303  et  764,  765.  L'É- 
glise ne  l'offre  ni  ne  commande  de  l'offrir  à 
aucun  marlyr,  ni  à  aucune  âme  sainte,  ni  même 
à  aucun  ange,  p.  792.  On  offrait  tous  les  jours 
le  sacrifice,  p.  766.  L'on  ne  doit  point  offrir  pour 
les  enfants  morts  sans  baptême  le  sactiflce  du 
corps  et  du  sang  de  Jésus-Christ,  p.  467,  470.  Cé- 
réihonies  du  sacrifice,  p.  766  et  suiv. 

SAGES.  Les  sept  sages  de  la  Grèce  n'ont  pas 
vécu  avant  les  prophètes,  p.  577. 

SAGESSE.  Ce  que  c'est,  p.  38,  39.  La  véritable 
s.igesse,  p.  4i.  L'étude  de  la  sigesse  ne  doit  point 
être  interdite  aux  femmes,  p.  42.  Les  degrés  de 
la  sagesse,  p.  197.  Sentiment  de  saint  Augustin 
tir  le  livre  de  la  Sagesse,  [p.  530,  569,  570.  De 


Julien  le  pélagien,  553.  Saint  Cyprien  cite  le  livre 
de  la  Sagesse,  p.  -530.  570.  Les  serai -pélagien* 
le  rejettent,  p.  530.  On  le  lisait  dans  les  assem- 
blées publiques,  ibid. 

SAINTE-MARTHE  (dom  Denys  de)  réfute  la 
lettre  d'un  prétendu  abbé  d'Allemagne  contre 
l'édition  des  ouvrages  de  saint  Augustin,  donnée 
par  les  Pères  Bénédictins  de  la  Congrégation  de 
Saint-Maur,  p.  816. 
SAINTETÉ.  En  quoi  elle  consiste,  p.  220. 
SAINTS.  Les  saints  qui  ont  vécu,  soit  avant  la 
loi,  soit  sous  la  loi,  ont  été  délivrés  d'e  leurs  pé- 
chés par  le  sang  de  Jésus-Christ,  p.  475.  Senti- 
ment de  saint  Augustin  sur  l'invocation  et  l'in- 
tercession des  saints,  p.  792. 

SALO.MON.  Saint  Augustin  en  parle  comme 
d'un  prince  réprouvé,  p.  616. 

SALUER.  L'évêque  en  entrant  dans  l'église  sa- 
luait le  peuple,  p.  766. 

SAMEDI.  Jeûne  du  samedi  à  Rome;  ce  qu'on 
dit  de  son  origine,  p.  617. 

SAMSON.  Ce  fut  par  un  mouvement  du  Saint- 
Esprit  qu'il  se  tua  lui-même  en  faisant  périr  ses 
ennemis,  p.  616. 

SAMUEL.  Sentiment  de  saint  Augustin  sur 
l'appariiion  de  Samuel  à  Saûl,  p.  616. 

SANCTIFIER.  Comment  on  peut  se  sanctifier, 
p.  194.  212. 
SAPIDA,  consolée  par  saint  Augustin,  p.  191. 
SATISFACTION.  Voyez  Pénitence. 
SAUVÉS.  Si   tous  seront  sauvés,  p.  262. 


878 


TABLE  ANALYTIQUE. 


SAVANT.   Quand  on    en  mérite    le   nom,  ;p. 
43. 
SCANDALE  dans  l'Église,  p.  171,  188. 
SCHISMATIQUES.  En  quoi   ils   diffèrent  des 
catholiques,  p.  381.  Quelle  différence  il  y  a  entre 
le  schismatique  et  l'hérétique,  p.  799,  800. 

SCHISME.  Schisme  de  Primien,  p.  373.  Défini- 
tion du  schisme,  p.  799,  800.  L'énormité  du  schis- 
me est  si  grande,  que  Dieu]a  puni  plus  sévèrement 
ce  crime  même  dans  la  loi  ancienne  que  l'idolâ- 
trie, p.  802. 

SCIENCE.  Utilité  de  la  science  humaine,  p.  42: 
de  l'Écriture  sainte,  p.  120, 197  et  suiv. 

SÉBASTIEN,  moine,  saint  Augustin  lui  écrit, 
p.  188. 

SECONDIN,  manichéen,  p.  49.  Saint  Augustin 
écrit  un  livre  contre  lui,  p.  352. 

SECONDIN,  curé  de  Germanicie,  dans  le  dio- 
cèse d'Hippone,  p.  189. 

SECOURS,  sans  lequel  une  chose  ne  se  fait 
point,  différent  de  celui  par  lequel  une  chose 
se  fait,  p.  681.  Julien  admettait  des  secours  tou- 
jours présents  à  la  volonté  pour  l'aider  dans  le 
besoin:  quels  étaient  ces  secours,  p.  552.  L'hom- 
me ne  peut  point  vouloir  le  bien  sans  le  secours 
de  Dieu,  p.  542. 

SEL.  On  donnait  du  sel  aux  catéchumènes, 
d.  7i5. 

SELEUCIENNE  donne  des  instructions  à  saint 
Augustin  pour  convertir  un  novatien,   p.  191. 
SEM,  figure  de  Jésus  Chrit,  p,  314. 
SEMI-PÉLÂGIENS,  leurs  erreurs,  p.  524  et  suiv. 
et  7pl. 

SÉNÈQUE.  Ses  lettres  à  saint  Paul  :  saint  Au- 
gustin paraît  les  avoir  crues  véritables ,  p. 
577. 

SENS  allégorique,  p.  55  :  sens  littéral  sur  la 
Genèse,  ibid. 

SEPTANTE.  Histoire  de  la  version  des  Sep- 
tante :  son  autorité,  p.  610  et  suiv.  Les  Septante 
ont  été  assistés  du  secours  du  Saint-Esprit,  p. 
604.  Les  Juifs  les  ont  accusés  de  s'être  trompés 
en  beaucoup  de  choses,  p.  610. 

SERMENT.  Comment  on  peut  l'exiger,  p.  81. 
Les  interprètes  du  serment,  p.  114. 

SERMONS  de  saint  Augustin.  Les  fruits  de  ses 
sermons,  p.  235.  Sermons  sur  l'Écriture,  p.  235  et 
suiv.  Les  sermons  de  ce  Père  sont  divisés  en 
cinq  classes  ;  la  première  comprend  ses  ser- 
mons sur  l'Écriture  ;  ils  sont  au  nombre  de 
quatre  cent  vingt-six  ,  p.  -235  et  suiv.  Seconde 
classe  :  elle  comprend  ses  sermons  sur  les  gran- 
des fêtes  de  l'année  ;  il  y  en  a  88,  p.  239  et  240. 
Sur  les  fêtes  des  saints,  p.  240,  241.  Sur  divers 
sujets,  p.  241,  242.  Sermons  douteux,  p.  243. 
Sermons  faussement  attribués  à  saint  .\ugustin, 
contenus  dans  l'Appendice  du  tome  Y,  p.  244, 
245  :  voyez  ci-dessous  Supplément. 

SÉVÈRE,  évêque  de  Milève,  p.  20,  88.  Ce  qu'il 
pense  des  écrits  de  saint  Augustin,  p.  809. 

SÉVÈRE,  évêque  de  Minorque,  écrit  à  toute 
l'Église  sur  les  miracles  opérés  dans  son  île  par 
les  reliques  de  saint  Etienne,  p.  329. 


SÉVERIN,  saint  Augustin  l'engage  à  quitter 
l'hérésie,  p.  83. 

SEXTILIEN,  évêque  d'Afrique,  assiste  au  cin- 
quième concile  général  ;  il  y  cite  les  lettres  de 
saint  Augustin,  p.  781. 

SIDONIENS.  Pourquoi  ils  n'ont  pas  cru  en  Jé- 
sus-Christ, p.  726  et  727. 

SIÈCLE.  Vanité  du  siècle,  p.  73. 

SIGNES  naturels  et  d'institution,  p.  197. 

SILVAIN  de  Cirthe,  traditeur,  p.  416. 

SILVESTRE,  prêtre  du  pape  Marcellin,  p.  402, 
405. 

SIMÉON  (le  vieillard),  reconnut  Jésus-Christ 
pour  Fils  de  Dieu,  p.  617. 

SIMON  (le  magicien).  Saint  Pierre  le  fait  mou- 
rir il  Rome  par  la  vertu  de  Dieu  tout-puissant, 
p.  617. 

SIMPLICIEN,  prêtre  Id'une  grande  vertu,  p. 
g.  Saint  Augustin  lui  adresse  deux  livres,   p. 

249. 

SIMPLICIUS,  ami  de  saint  Augustin  avait  une 
mémoire  tout  à  fait  extraordinaire,  p.  472. 

SIXTE,  prêtre,  et  depuis  pape.  Saint  Augustin 
lui  écrit,  p.  162,  I63  et  suiv. 

SIXTE  (le  philosophe).  Saint  Augustin  cite 
ses  sentences  sous  le  nom  du  pape  Sixte,  p. 
434. 

SOCRATE.  Démon  de  Socrate,  p.  302.  Ce  que 
pense  ce  philosophe  des  fausses  divinités,  p. 
61. 

SOLDATS.  Comment  ils  doivent  obéir  à  Dieu 
et  aux  princes,  p.  803. 

SOLILOQUES.  Quand  ils  furent  composés , 
p.  43.  Méthode  de  l'ouvrage,  ibid.  Analyse  de 
l'ouvrage,  ibid.  et  suiv. 

SOLITAIRES.  Leur  manière  de   vivre,    p.  58 
et  59. 
•-    SORT.  Sentiment  de  saint  Augustin  sur  l'usa- 
ge des  sorts,  p.  795,  796. 

SOUFFLE.  On  soufQait  sur  les  enfants  avant 
de  les  admettre  au  baptême,  p.  745. 

STILICON,  maître  des  Offices  de  l'Empereur:  il 
est  tué,  p.  17. 

SUBSTANCE,  égalité  et  unité  de  substance,  p. 
363,  366.  Si  le  mot  de  substanceconvient  à  Dieu, 
p.  367. 

SUCCESSION  des  évêques  depuis  les  apôtres, 
p.  83. 

SUPERSTITIONS  ,  condamnées,  p.  59,  70,  71- 
Abolies,  p.  74. 

SUPPLICE  des  diables,  p.  321.  Supplice  des 
damnés,  p-  322. 

SUSANNE.  Son  histoire  fait  partie  du  livre  de 
Daniel,  p.  570,  571. 

SYBILLE.  Sentiment  de  saint  Augustin  sur  la 
sybille  d'Erithrée,  p.649. 

SYMBOLE,  explication  du  symbole,  p.  255 
et  suiv.  C'était  l'usage  d'instruire  les  catéchu- 
mènes sur  le  symbole,  p.  255,  259,  746.  Ser- 
mons sur  le  symbole.  Le  premier  seulement  est 
de  saint  Augustin,  p.  283  :  cependant  .voir,  ibid. 
note  1. 


TABLE  ANALYTIQUE. 


879 


TABLES  de  la  loi,  ce  qu'elles  signifient,  p. 
211. 

TAGASTE,  ville  d'Afrique,  de  la  province  de 
Numidie,  lieu  de  la  naissance  de  saint  Augustin, 
p.  1. 

TATIEN  combat  la  foi  de  l'Église  touchant  le 
salut  d'Adam,  p.  614,  615. 

TEMPÉRANCE.  Ce  que  c'est,  p.  49,  58.  Elle  est 
nécessaire  pour  diminuer  les  forces  de  la  concu- 
piscence, p.  493. 

TEMPS.  Ce  que  c'est  que  le  temps,  p.  35. 

TENTATION,  Différentes  tentations  auxquelles 
les  hommes  sont  exposés,  quand  ils  sont  sortis 
de  l'enfance,  p.  503.  Nécessité  de  la  grâce  pour 
surmonter  les  tentations,  p.  68g  et  suiv. 

TERTULIANISTES  à  Carthage,  p.  16. 

TESTAMENT.  Différence  des  deux  Testaments, 
p.  310,  429,  430.  Ancien  Testament  justifié,  p.  353 
etsûiv.  Sur  le  texte  du  Nouveau  Testament,  p.  612. 

THÉODORE  Manlius,  préfet  des  Gaules  d'Italie, 
p,  40. 

THÉODORE,  homme  de  considération,  deman- 
de à  saint  Augustin  comment  il  recevrait  les 
clercs  donatistes,  p.  88. 

THÉODORE  de  Mopsueste  :  Julien  le  pélagien 
se  retire  chez  lui,  p.  484. 

THÉODOSE-le-Jeune  empereur,  convoque  un 
concile  à  Ephèse,  p.  22.  Il  chasse  Julien  le  pé- 
lagien deConstantinople,  p.  484. 

THÉODULPHE,  évêque  d'Orléans  :  son  senti- 
ment sur  la  nécessité  de  l'Eucharistie,  p.TTl. 

THÉOLOGIE  naturelle  des  païens  :  saint  Au- 
gustin la  combat,  ibid.  Théologie  civile,  il  la  com- 
bat aussi,  ibid. 

THOMAS  (saint).  S'il  toucha  véritablement  les 
plaies  du  Sauveur,  p.  618. 


TIMASE,  disciple  de  Pelage,  p.  433.  Il  en  suit 
les  erreurs  ;  saint  Augustin   l'en  retire,  p.  484. 

TOBIE.  Son  livre  n'est  point  dans  le  canon  des 
Juifs;  mais  l'Église  de  Jésus-Christ  le  reçoit, 
p.  569. 

TRADITEURS,  p.  S71.  Trois  traités  de  saint 
Augustin  touchant  les  traditeurs  pendant  Ie,s 
persécutions,  cités  par  Possidius,  p.  560. 

TRADITIONS.  Ce  qui  est  de  tradition  ou  d'usa- 
ge seulement,  p.  8i.  Comment  elle  se  connaît, 
p.  349.  Sentiment  de  saint  Augustin  sur  la  tradi- 
tion, p.  618  et  619. 

TRADUCÉENS,  nom  donné  aux  catholiques  par 
les  pélagiens,  p.  539,  541. 

TRADUCTIONS  de  l'Écriture.  Les  différentes 
traductions  contribuent  à  l'intelligence  de  l'E- 
criture, p.  600  et  suiv.  Comment  il  faut  corriger 
un  défaut  de  traduction,  p.  602,  603. 

TRINITÉ.  DifScultées  proposées  sur  la  Trinité, 
p.  142.  La  foi  de  l'Église  sur  la  Trinité,  p.  147, 184. 
Erreurs  des  arieus.combattues,p.  185,  186. Trinité 
marquée  dans  la  Genèse,  p.  203.  Comparée  à  trois 
verres  d'eau,p.256.Les  platoniciens  en  ont  eu  quel- 
ques notions,  p.  303,  304.1mage  de  la  Trinité,  p. 
sentiment  de  saint  Augustin  sur  la  Trinité,  p. 
638  :  sur  les  missions  divines  et  la  procession  du 
Saint-Esprit,  p.  640.  Les  trois  personnes  divines 
sont  inséparables  dans  leurs  opérations,  p.  529. 
Règles  pour  l'explication  de  certaines  difficultés 
touchant  la  Trinité,  p.  640  et  suiv.  Livres  sur  la 
Trinité,  par  saint  Augustin,  p.  361  et  suiv. 

TRIGESTIUS,  disciple  de  saint  Augustin,  p.  8 
et  57. 

TYRIENS.  Pourquoi  les  Tyriens  et  les  Sido- 
niens  n'ont  pas  cru  en  Jésus-Christ,  p.  726,  727. 


u. 


UNION  de  la  nature  divine  et  de  la  nature  hu- 
maine, p.  68. 

UNITÉ  de  l'Église,  p.  285.  Livre  de  l'Unité,  p. 
■  594  et  suiv. 


URBAIN,  évêque  de  Sicque,  dispute  contre  un 
pélagien,  p.  690  et  691. 
USER,  ce  dont  on  doit  user,  p.  195. 
USURE  défendue,  p.  233. 
USURIERS,  obligés  à  la  restitution,  p.  136. 


V. 


"VAILLANT  (dom Hugues),  avec  D.  Friche,  tra- 
duit en  latin  la  Vie  de  saint  Augustin,  composée 
par  TiUemont,  p.  816. 

YALENTIN,  abbé  d'Adrumet,  à  qui  saint  Au- 
gustin écrit,  au  sujet  de  la  lettre  au  prêtre  Sixte, 
p.  174  et  suiv.;  il  lui  adresse  le  livre  de  la  Grâce 
et  du  libre  arbitre,  p.  512. 

VALÈRE,  évêque  d'Hippone ,  ordonne  prêtre 
saint  Augustin,  p.  175. 

VALÈRE  (le  comte).  Saint  Augustin  lui  écrit, 
p.  168,  169,  171 ,  il  lui  adresse  les  deux  livres 


du,  Mariage  et  de  la  concupiscence,  p.  165.  Saint 
Alypius  porte  au  comte  Yalère  le  second  livre 
du  Mariage  et  de  la  concupiscence,  p.  538. 

VANDALES.  Ils  ravagent  l'Afrique,  p.  18,  21  ; 
assiègent  la  ville  d'Hippone,  p.  31. 

VANITÉ.  Lettre  contre  la  vanité,  p.  12  ;  qu'il 
faut  s'en  dépouiller,  p.  110.  Il  ne  nous  est  pas 
permis  de  tirer  vanité  de  nos  souffrances  et  de 
nos  tribulations,  parce  que  c'est  un  don  de  Dieu, 
p.  549. 

VARRON.  Son  système  sur  les  dieux,  p.  300. 


880 


TABLE  ANALYTIQUE. 


VASES.  Les  églises  d'Afrique  avaient  des  vases 
d'or  et  d'argent  pour  l'administration  des  sacre- 
ments, etc.,  p.  766. 
VEAU  d'or  :  ce  qu'il  signifie,  p.  347. 
VÉRÉCUNDUS.  Sa  conversion,  p.  32. 
VERGE  de  miséricorde,  p.  27;  verge  d'Aaron  : 
ce  qu'elle  signifie,  p.  211. 

VÉRITÉ.  Comment  on  peut  la  connaître,  p.  37 
et  38  ;  manière  de  la  chercher,  p.  45.  On  doit 
s'instruire  et  prier  pour  arriver  à  la  vérité,  p. 
335,  336  ;  quand  il  faut  la  taire  et  quand  il  faut 
la  publier,  p.  536. 

VERSION.  De  quelle  version  saint  Augustin 
s'est  servi  dans  l'Explication  des  Psaumes,  p. 
231.  A'ersion  des  Septante,  p.  318;  versions  de 
l'Écriture,  etc.,  p.  604  ;  quelles  sont  les  meilleures 
versions,  ibid. 

VERTU.  Il  n'y  a  de  véritable  vertu  que  dans 
ceux  qui  sont  justes,  p.  496.  Ce  n'est  point  le 
devoir  extérieur,  mais  îa  fin  qui  distingue  la 
vertu  du  vice,  p.  497;  ce  qu^l  faut  penser  des 
vertus  des  païens,  p.  496. 

VEUVES.  Instructions  sur  le  devoir  des  veuves, 
p.  118,  271  et  suiv. 

VICE.  Ce  qui  séduit  dans  le  vice,  p.  28  :  com- 
ment il  passe  des  parents  aux  enfants,  p.  506. 
Si  Dieu  n'aide  l'homme,  nul  n'est  capable  de 
combattre  contre  ses  vices,  p.  556. 

VICTOR  Vincent  écrit  deux  livres  contre  saint 
Augustin,  qui  les  réfute,  p.  466  et  suiv.  Quelles 
étaient  les  erreurs  de  Victor,  p.  468  et  suiv.  ;  il  les 
révoque,  p.  471. 

VICTORIEN,  prêtre.  Saint  Augustin  lui  écrit, 
p.  109. 

VICTORIN  prend  le  titre  de  primat  de  Numi- 
ilie,  p.  87;  convoque  un  concile,  ibid.;  sa  con- 
version. Il  fait  sa  profession  de  foi  en  public, 
p.  746. 

VIDUITÉ.  Du  bien  de  la  viduité,  p.  27i  et  suiv. 
Viduité  préférable  au  mariage,  ibid. 

VIE  heureuse  :  livre  de  la  Vie  heureuse,  p.  40. 
A  qui  adressé,  ibid.  En  quoi  consiste  la  vie  heu- 
reuse, p.  119.  La  vie  active,  p.  341. 

VIE  éternelle,  comment  elle  est  tout  ensemble 
une  récompense  et  une  grâce,  p.  515. 

V^IERGE  (Sainte  la) ,  ne  cessa  de  l'être,  p.  127.  Jé- 
sus-Christ est  né  d'une  vierge,  p.  237.  La  Sainte- 
Vierge  conçue  par  la  concupiscence  de  ses  pa- 
rents, p.  506  ;  elle  est  demeurée  toute  pure  et 
toute  vierge  avant  et  après  l'enfantement,  p.  2S4, 
484,  737.  On  ne  peut  savoir  la  mesure  de  la  grâce 
qui  lui  a  été  donnée  pour  surmonter  en  toute 
manière  le  péché,  p.  437.  La  Sainte-Vierfie  a  été 
plus  heureuse  en  recevant  la  foi  de  J.-C  dans  son 
cœur,  qu'en  concevant  sa  chair  dans  son  corps, 
p.  739.  Ce  n'est  point  l'action  de  l'homme  qui  a 
ouvert  le  sein  de  la  Sainte-Vierge,  c'est  le  Saint- 
Esprit  qui  a  répandu  dans  ce  sein  inviolable  une 
semence  parfaitement  pure,  p.  456. 
VIERGES  sages,  et  vierges  folles,  p.  126. 
VIERGES  chrétiennes  ;  elles  soutiennent  la  sain- 


teté de  leur  profession  par  la  pureté  de  leur  âme 
et  de  leur  corps,  p.  505.  Le  mérite  des  vierges, 
p.  133,  159.  Quel  crime  commet  une  vierge  en  se 
mariant,  p.  239,  272. 

VINC1£NT,  rogatiste,  p.  98;  il  est  le  chef  des 
rogatistes,  p.  466,  470. 

VINDICIEN,  médecin.  Dieu  se  sert  de  lui  pour 
détromper  saint  Augustin,  p.  4. 

VIRGINITÉ.  Livre  rfe  la  Virginité,  p.  269  et  suiv. 
Mérite  de  la  virginité,  p.  269;  elle  est  préférable 
au  mariage,  ibid.  et  suiv.  La  virginité  est  un  don 
de  Dieu,  p.  269. 

VITAL.  Saint  Augustin  lui  écrit  au  sujet  des 
semi-pélagiens,  p.  176,  177. 

VITAL  :  de  Carthage,  son  sentiment  sur  la  foi, 
p.  697. 

VOCATION.  Sentiment  de  saint  Augustin  sur  la 
vocation,  p.725,726.Ce  Père  distinguedeux  sortes 
de  vocation,  l'une  commune  et  l'autre  particu- 
lière, p.  531. 

VŒUX.  Comment  on  doit  les  accomplir,  p.  234, 
272  ;  quel  péché  de  les  transgresser,  p.  272.  Vœux 
de  virginité,  p.  785. 

VOL.  Jugement  de  saint  Augustin  sur  le  Tol 
qu'il  avait  commis,  p.  27. 

VOLONTÉ.  Pourquoi  elle  s'éloigne  de  Dieu,  p. 
52.  Comment  il  faut  renoncer  à  sa  volonté  pour 
faire  celle  de  Dieu,  p.  92.  Dieu  prépare  la  volon- 
té, p.  178.  Dieu  a  la  volonté  de  sauver  tous  les 
hommes,  p.  262,  650  et  suiv  Volonté  des  hommes 
dans  l'ordre  des  choses,  p.  298;  volonté, cause  de 
la  chute  des  anges,  p.  807  ;  cause  des  mauvaises 
actions,  iftid.  La  volonté  de  Dieu  prévient  l'hom- 
me par  le  bien,  p.  310.  Sentiment  de  saint  Au- 
gustin sur  la  volonté  en  Dieu  de  sauver  tous  les 
hommes,  p.  499.  Pouvoir  de  Dieu  sur  la  volonté 
des  hommes,  p.  715  et  suiv.  Dieu  par  une  puis- 
sance intérieure  secrète,  merveilleuse  et  ineffa- 
ble opère  dans  les  cœurs  des  hommes  les  bon- 
nes volontés,  p. 451  et  718.  Le  Dieu  tout-puis- 
sant peut  convertir  à  la  foi  les  volontés  perver- 
ses et  contraires  à  la  foi,  p.  516.  Il  y  a  toujours 
en  nous  une  volonté  libre;  mais  elle  n'est  pas 
toujours  bonne,  ibid.  La  volonté  humaine  n'ob- 
tient pas  la  grâce  par  la  liberté,  mais  elle  ob- 
tient la  liberté  par  la  grâce,  p.  521.  Comment 
Dieu  prépare  la  volonté  de  l'homme  et  comment 
l'homme  se  prépare,  p.  720.  Saint  Augustin  ad- 
met deux  volontés  en  J.-C,  p  647.  La  volonté 
est  toujours  ou  bonne  quand  elle  aime  la  justice, 
ou  mauvaise  quand  elle  ne  l'aime  pas,  p.  424. 

VOLUPTÉ.  Cicéron  regardait  la  volupté  du  corps 
comme  contraire  à  la  liberté  de  l'esprit,  p.  503. 
Platon  dit  que  les  voluptés  du  corps  sont  des 
amorces  et  des  appâts  qui  engagent  les  hommes 
dans  toutes  sortes  de  crimes,  ibid.  Les  auteurs 
païens  out  reconnu  que  la  volupté  est  ennemie 
de  la  philosophie,  p  506. 

VOLUSIEN,  oncle  de  la  jeune  Mélanie,  saint 
Augustin  lui  écrit  et  l'exhorte  à  étudier  l'Écri- 
ture sainte,  p.  120. 


TABLE  ANALYTIQUE.  881 

,  -  ■-"'^'>- 

X. 

XANTIPPE,  primat  de  Numidie,  p.  89. 

z. 

ZACHARIE,  père  de  saint  Jean-Baptiste,  était  les  matières  de  la  grâce,  p.  484  ;  il  l'accuse   de 

{jrand- pontife,  p.  617.  prévarication,  p.  635;  saint  Augustin  l'en  justi- 

ZÉNOBIUS,  homme  d'esprit  et  ami  de  saint  Au-  fle,  p.  510.  Le  même  saint  excuse  bénignement  la 

gustin,  p.  41.  conduite  de  Zosime  à  l'égard  de  Célestius,  p.  453 

ZOSIME  (pape).  Julien  lepélagien  lui  écrit  sur  et  477,  478. 


FIN  DE  LA  TABLE  ANALYTIQUE. 


TABLE 


DES  ADDITIONS  PRINCIPALES  FAITES  PAR  L'ÉDITEUR. 


E. 

ÉDITIONS  et  traductions  nouvelles  de  saint  Augustin,  p.  8)2  et  suiv. 

M. 

MIROIR  de  saint  Augustin  publié  parle  cardinal         MUSIQUE.  Abrégé  des  six  livres  de  la  Musique, 
Mai,  p.  215,  216.  p.  48. 


SERMONS.  Les  sermons  sur  l'Annonciation  et  sur 
l'Assomption  sont  authentiques,  p.  244,  245. 

SUPPLÉMENTS.  Premier  supplément  aux  sermons 
de  saint  Augustin.  joVingt-cinq  s';rmons  publiés  par 
Uenys,  p.  882  et  suiv.  2»  Sermon  publié  par  Fontani. 
p.  833,  834;  premier  sermon  sur  la  prière,  p.  833  ; 
deuxième  sur  les  quatre  degrés  de  la  charité,  p.  834  j 
troisième  sur  le  IP  dimanche  de  l'Avent,i6id.;  qua- 
trième sur  la  Circoncision  de  Notre-Seigneur.  3° 
Analyse  des  sermons  publiés  par  Frangipane.  Édi- 
tions de  ces  sermons,  p.  834.  Analyse  de  la  préface 
de  l'éditeur,  ibid.  Analyse  des  dix  sermons,  ibid  et 
p.  835. 4»  Sermons  publiés  par  M.  Caillau,  p.  835  et 
Buiv.  Publication  de  ces  sermons;  débats  à  ce  su- 
jet, p.  835  et  836.  Division  des  sermons  publiés 
par  M.  Caillau  ,  p.  836  ,  837.  Pensées  développées 
dans  quelques-uns  de  ces  sermons,  p.  837,  838. 
5°  Sermons  édités  dans  le  tome  XLVII  de  la 
Patrologie  latine,  Analyse  de  ces  sermons ,  p. 


838.  6°  Sermons  édités  par  le  cardinal  Mai.  Pré- 
face du  cardinal  Mai,  p.  838.  839.  Tables  du 
premier  volume  de  la  Pratrum  nova  bibl.,  p.  839. 
Authenticité  des  sermons  édités  par  le  cardinal 
Mai,  ibid.  et  suiv.  Division  des  sermons  de  saint 
Augustin,  p.  841  et  suiv.  Choses  remarquables  con- 
tenues dans  les  sermons  publiés  par  Maï ,  p.  842  et 
suiv.  Présence  réelle  de  Jésus-Christ,  p.  812.  Pro- 
cession du  Saint-Esprit.  Trinité  prouvée  par  le  té- 
moignage de  saint  Augustin ,  ibid.  Sur  la  confes- 
sion, p.  843.  Infaillibilité  de  saint  Pierre,  ibid.  Sur 
les  rois  mages,  p.  844.  Sur  les  partisans  exclusifs 
de  la  raison  naturelle,  ibid. 

Deuxième  supplément  ou  notes  additionnelles 
pour  expliquer  la  doctrine  de  saint  Augustin  sur  la 
grâce,  p. 845, 846. 

Troisième  supplément.  Sentiment  de  Fénélon 
sur  l'édition  des  œuvres  de  saint  Augustin,  par  les 
Bénédictins,  p.  846  et  suiv. 


TABLE 


DES  NOTES  PRINCIPALES  AJOUTÉES  PAR  L'ÉDITEUR. 


p. 

25,  not.  4  et  5 

31       -         1 

33       —         1 

36       —         1 

42       -         1 

61—3 

Pag.  1,  not.  1.  Ouvrages  à  consulter   sur  saint 
Augustin. 
P.  22,  not.  2.  Reliques  de  saint  Augustin. 


D.  Geilliei  repris. 


P.  64,  not.  1.  Grammaire  latine  de  saint  Augus- 
tin. 

P.  82,  not.  1.  Sentiment  sur  l'homicide  en  cas 
d'injuste  aggression. 

P.  203.  not.  1.  Sommaires  ou  chapitres  sur  la  Ge- 
nèse publiés  par  le  cardinal  Mai. 

P.  283,  not.  2.  Les  trois  derniers  discours  sur  le 
symbole  sont  de  saint  Augustin. 

P.  314,  not.  1.  Sur  le  sentiment  de  saint  Augus- 
tin par  rapport  aux  antipodes. 


P.  333,  not.  1.  Sommaires  ou  prologue  du  livre 
de  l'Utilité  de  la  foi,  donnés  par  le  cardinal  Mai. 

P.  337,  not.  1.  Sur  Manichée  ou  Manès. 

362,  not.  7.  Sommaires  des  quinze  livres  sur  la 
Trinité  publiés  par  le  cardinal  Mai. 

243,  not.  1.  Le  sermon  239  sur  la  naissance  de 
J.-C.  est  authentique. 

P.  244,  not.  1.  Plusieurs  autres  sermons  regardés 
comme  supposés,  sont  authentiques. 

P.  417,  not.  1.  Sur  les  pélagiens  et  le  pélagia- 
nisme  ouvrages  à  consulter. 

P.  543,  not.  1.  Ce  que  saint  Augustin  entend  par 
nécessité  de  pécher. 

Ibid.,  not   2.  Ce  qu'il  entend  par  liberté. 

P.  564,  not.  Fragments  nouveaux  de  la  Vie  de 
saint  Augustin,  par  Possidius. 

Ibid.  not.  2.  Edition  de  la  Vie  de  saint  Augus- 
tin, par  Possidius. 

P.  814,  not.  2.  Sur  le    costume  des  roiç  mages, 


ERRATA. 


Page  16,  ligne  12,  colonne  2,  Proculien,  lisez  :  Proculien. 

—   25,  à  la  marge,  après:  Elles  sont  divisées  en  13  livres,  ajoutez  :  analyse  du  1"  livre- 


—  31,  —    analyse  du  V  livre, 

—  57,        —  —    publiés, 

—  00,        —  voyez  tome  IX,  X, 

—  65,  ligne  45,  colonne  de  gauche,  Revesby, 

—  66,  à  la  marge, 

—  101,  ligne  20,  —  Tichorius, 

—  112.  colonne  1,  manchette  :  Constantionple, 

—  138,  à  la  marge,  lettre  155, 

—  157,  ligne  17,  colonne  de  droite,  Thimothée, 

—  191,  à  la  marge,  lettre  295, 

—  314,  note  1,  tome  GCXIII, 

—  559,  article  XV, 

—  564,  article  XVI, 

—  764,  hgne  23,  Aétius, 

—  721,  ligne  34,  colonne  1  :  faite  dires, 

—  727,  ligne  22,  colonne  2  :  en  et, 

—  781,  ligne  16,  colonne  1  :  contre  elles, 

—  808,  article  CXVIII, 


lisez  :  du  VU'  livre. 

—  en  389. 

—  tom.  Vni,  pag.  127ets. 

—  Reverbi. 

—  lettre  à  Zénobius. 

—  Tichonius 

—  Constantinople. 

—  lettre  156. 

—  Timothée. 

—  266. 

—  tom.  IL 

—  xn. 

—  xm. 

—  Aérius. 

—  faites  dire. 

—  et. 

—  contr'eux. 


—      XV. 

—  817,  au  titre  :  SAIDÏ,  —       SAINT. 

—  832,  ligne  28  et  29,  colonne  2  :    Quœ  odit  Deits  rémanente  rétro  redeuntem  aberrante, 
lisez:  quœ  odit  Deus  :  remanentem,  rétro  redeuntem,  aberrantem. 

Pag.  832,  ligne  54,  colonne  1  :  super  eminentem,  lisez  :  super eminentem. 


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